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Full text of "L'état de Paris en 1789"

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L'ÉTAT  DE  PARIS       £  |gg 


COLLECTION  DE  DOCUMENTS  RELATIFS  A  L'HISTOIRE  DE  PARIS 

PENDANT  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Publiée  sous  le  patronage  du  Conseil  municipal 


L'ÉTAT  DE  PARIS 


EN   1789 


ÉTUDES   ET  DOCUMENTS 


SUR  L'ANCIEN  REGIME  A  PARIS 


l'A  H 


H.    MONIN 


PARIS 


D.  JOUAUST   EDITEUR 

7,     Rl'E'DE     LILLE 


CHARLES  NORLET 

13,     RUE    C  U  J  A  S 


MAISON    QUANTIN 

7,    RUE    SAINT-BENOIT 

1889 


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LISTE  DES   MEMBRES 


l)K    LA 


COMMISSION  DES   RECHERCHES 


SUR    L'HISTOIRE    HE    PARIS 


PENDANT  LA  RÉVOLUTION 


MM. 

Hovelacque,  conseiller  municipal,  pré- 
sident. 

Dépasse,  conseiller  municipal,  secré- 
taire. 

Faucou,  sous-conservateur  de  la  Bi- 
bliothèque et  des  Collections  histo- 
riques, secrétaire  adjoint. 

Aulard,  professeur  à  la  Faculté  des 
lettres. 

BONNEMÈRE. 

Cernesson,  député. 

Challamel,  conservateur  adjoint  à  la 
Bibliothèque  Sainte-Geneviève, 

Charavay  (Etienne),  archiviste-paléo- 
graphe. 

Chassaing,  conseiller  municipal. 
Chassin  (Ch.-L.),  publiciste. 

Cousin,  conservateur  de  la  Bibliothèque 
et  des  Collections  historiques  de  la 
Ville. 

Deroisin,  conseiller  général  du  dépar- 
tement de  Seine-et-Oise. 

Dreyfus  (Ferdinand),  ancien  député. 

Guiffrey,  archiviste  aux  Archives  na- 
tionales. 

Hamel  (Ernest),  publiciste. 

Hennet,  sous-chef  aux  archives  de  la 
Guerre. 


MM. 

Isambert,  publiciste. 

Labat,  secrétaire  de  l'Ordre  des  Avo- 
cats. 

Lacroix  (Sigismond),  député. 

Lamouroux,  conseiller  municipal. 

Laurent,  bibliothécaire  de  la  Chambre 
des  Députés. 

Lefebvre- Roncier,  conseiller  munici- 
pal. 

Longuet,  conseiller  municipal. 

Ménorval  (de),  conseiller  municipal. 

Mesureur,  député. 

Monin,  professeur  au  collège  Rollin. 

Pelletais  (Camille),  député. 

Rambaud,  professeur  à  la  Faculté  des 
lettres. 

Renaud  (Armand),  inspecteur  en  chef 
des  Reaux-Arts  et  Travaux  histori- 
ques. 

Richard  (Emile),  conseiller  municipal. 

RoBinuF.T,  avocat  au  Conseil  d'État. 

Saint-Joanny,  archiviste  de  la  Seine. 

Stupuy,  conseiller  municipal. 

Thierry-Poux,  conservateur  des  impri- 
més à  la  Bibliothèque  nationale. 

Tourneux  (Maurice),  publiciste. 

Tuetey,  sous-chef  de  section  aux  Ar- 
chives nationales. 


LISTE  DES   MEMBRES 


DE    LA 


COMMISSION  DE  CONTROLE 


MM. 

Dépasse,  conseiller  municipal. 

De  Ménorval,  conseiller  municipal. 

Hovelacque,  conseiller  municipal. 

A.  Lamouroux,  conseiller   municipal. 

Ch.  Longuet,  conseiller  municipal. 

E.  Richard,  conseiller  municipal. 

A.  Humbert,  conseiller  municipal. 

Stupuy,  conseiller  municipal. 

Cbassawg,  conseiller  municipal. 

Mesureur,  députe. 

Cernesson,  député. 

Sigismond  Lacroix,  député. 

Cousin,  conservateurde  la  Bibliothèque 
et  des  Collections  historiques  de  la 
Ville. 


MM. 

Saint-Joantsy,  archiviste  de  la  Préfec- 
ture de  la  Seine. 

Tiiierrv-Poux,  conservateur  des  im- 
primés de  la  Bibliothèque  nationale. 

Tuetey,  sous-chef  de  section  aux  Ar- 
chives nationales. 

Guiffrey,  archiviste  aux  Archives  na- 
tionales. 

Faucou,  conservateur  adjoint  de  la 
Bibliothèque  et  des  Collections  his- 
toriques de  la  Ville  de  Paris. 

Armand  Renaud,  inspecteur  en  chef 
des  Beaux-Arts  et  Travaux  histori- 
ques, secrétaire. 

Le  Vayer  ,  inspecteur  des  Travauv 
historiques,  secrétaire  adjoint. 


AVANT-PROPOS 


J'ai  eu  l'honneur,  il  y  a  trois  ans,  de  présenter  au  Ministère  de 
l'instruction  publique  et  de  soumettre  aux  sociétés  savantes, 
en  leur  séance  solennelle,  un  projet  d'enquête  sur  l'état  de  la 
France  en  1789 1.  Voici  les  termes  les  plus  généraux  dans  les- 
quels se  posait  alors  à  mes  yeux  le  problème  historique  des 
rapports  de  Paris  avec  la  France  :  «  La  France  de  1781)  avail 
environ  25  millions  d'habitants.  Actuellement,  compensation 
faite  des  pertes  et  des  acquisitions  territoriales,  elle  en  a  plus 
de  37.  Paris,  en  1789, avait  à  peu  près  640, 000 habitants;  il  en  a 
2,240,000.  Comparez  ces  quatre  termes.  Si  la  France  s'étail 
accrue  comme  Paris,  elle  aurait  100  millions  d'âmes;  si  Paris 
n'avait  augmenté  que  dans  la  proportion  générale,  il  dépasserait 
à  peine  le  million.  Quelles  sont  les  causes  politiques,  sociales, 
économiques  d'une  augmentation  aussi  inégale?  Est-ce  un  acci- 
dent de  notre  histoire?  Est-ce  une  loi  dont  l'action,  déjà  sécu- 


!.  Pièce  in- 4"  de  11  pages  ^Imprimerie  nationale).  Yoy.  aussi  :  Discours  pro- 
nonce  par  M.  René  Goblet,  Minisire,  de  l'instruction  publique,  des  beaux-arts  et 
des  cultes,  à  la  séance  solennelle  des  Sociétés  savantes,  le  lor  mai  1886  (Paris, 
imprimerie  dos  journaux  officiels,  in-8°  de  20  p.i;  —  Circulaire  adressée  par  le 
Ministère  de  l'instruction  publique  aux  Sociétés  savantes,  ci)  date  du  li  fév.  1887, 
signée  Bbhthelot,  et  pour  copie  conforme,  Chaumes.  A  celle  circulaire  est  joinl 
un  Projet  de  plan  pour  l'état  descriptif  d'une  généralité  ou  d'une  région  de  la 
France  en  1789.  —  Dans  le  même  ordre  d'idées,  que  l'on  nie  permette  de 
renvoyer  :  1"  à  la  Leçon  d'ouverture  de  mon  cours  libra,  professé  en  Sorbonue. 
sur  l'État  politique,  administratif  et  social  des  généralités  composant  le  ressort 
du  Parlement  de  Paris  (dans  la  Révolution  française  du  14  déc.  1886,  et  dans  la 
Revue  de  géographie  de  janvier  et  février  1887):  2°  au  Bulletin  de  la  Société  lan- 
guedocienne de  géographie,  où  je  poursuis,  depuis  188i>, l'étude  de  VÈIul  du  Lan- 
guedoc en  1780. 


il  AVANT-PROPOS 

laire,  doive  se  perpétuer?  L'accroissement  de  Paris  est-il  une 
fonction  organique  et  normale  de  la  France  ?  » 

Appelé  à  faire  partie  de  la  Commission  municipale  des  recher- 
ches sur  l'histoire  de  Paris  pendant  la  Révolution  française,  je 
ne  me  suis  donc  pas  dissimulé  ce  qu'il  y  avait  souvent,  et  même 
presque  toujours ,  d'artificiel,  à  séparer  l'histoire  de  Paris  de 
celle  de  la  France.  Mais  il  ne  s'agit  ici  que  de  documents  à 
réunir,  à  rapprocher,  à  dégrossir  :  et  cette  division  du  travail 
préparatoire  est  nécessaire  à  toutes  les  constructions  scienti- 
fiques. Je  me  suis  bien  gardé,  toutefois,  de  restreindre  mon  sujet 
à  YHotel-de-Ville  :  Paris  capitale  du  royaume,  Paris  bonne 
ville  du  roi  m'ont  Beaucoup  plus  retenu,  et,  je  pense,  à  de  plus 
justes  titres.  Sans  insister  ici  sur  des  détails  de  discussion  pour 
lesquels  je  renvoie  le  lecteur  à  nos  procès-verbaux1,  je  rappel- 
lerai simplement  que  le  premier  projet  de  cet  ouvrage  a  été 
adopté  en  commission  le  21  mars  1887;  que  l'exécution  en  a  été 
autorisée  le  29  avril  suivant  parle  Conseil  municipal  et  décidée 
par  l'arrêté  préfectoral  du  26  mai.  Le  manuscrit  a  été  soumis  à 
la  commission  de  contrôle  instituée  par  le  précédent  arrêté, 
réduit,  pour  certaines  parties,  d'après  ses  indications,  et  approuvé 
conformément  au  rapport  de  M.  J.  Cousin,  conservateur  de  la 
Bibliothèque  et  du  Musée  Carnavalet. 

J'ai  rencontré  dès  le  début  l'objection  suivante  :  c'est  que,  la 
commission  ayant  été  instituée  pour  s'occuper  de  l'Histoire  de 
Paris  pendant  la  Révolution  française,  l'ancien  régime  ne  la 
concernait  pas.  Cette  interprétation  a  été  trouvée,  en  définitive, 
trop  littérale.  Connaître  les  dernières  années  de  l'ancien  ré- 
gime, n'est-ce  pas  se  rendre  compte  des  causes  immédiates  de 
la  Révolution,  laquelle,  pour  beaucoup  d'historiens,  commence 
dès  1787?  Connaître  l'état  dernier  des  institutions  monarchi- 
ques, les  conditions  sociales  des  ordres  et  des  classes,  ne  serait- 
ce  point  pénétrer  jusqu'aux  racines  les  plus  profondes  de  notre 
évolution  contemporaine?  Voir  enfin  Paris  tel  qu'il  était,  et  non 

1.  Premier  fascicule  (janvier  à  juillet  1887),  in-8°  de  155  p.  (Imprimerie  muni- 
cipale, 1887.) 


AVANT-PROPOS  m 

de  surface,  ce  serait  expliquer  et  sa  prépondérance  intellec- 
tuelle, et  ses  journées,  et  l'immense  lassitude  qui  au  bout  de 
dix  ans  l'a  jeté  avec  toute  la  France  sous  la  main,  mais  non  pas 
aux  pieds  d'un  maître. 

Qu'était  l'ancien  régime  à  Paris?  Gomment  se  conduisaient 
les  affaires  politiques,  judiciaires,  administratives?  A  quels 
signes  voyait-on  l'usure  et  l'affaissement  des  institutions?  Dans 
quelle  situation  se  trouvaient  les  classes  vis-à-vis  les  unes  des 
autres?  Quelle  était  la  condition  des  dernières  couches  de  la 
société?  D'où  venait  à  leur  égard  l'impuissance  et  de  la  charité 
chrétienne,  et  de  la  philanthropie  déiste?  Pourquoi  un  Rivarol 
pouvait-il  écrire  :  II  n'est  point  de  siècle  de  lumières  pour  la 
populace,  sans  se  demander  s'il  y  en  avait  jamais  eu  un  pour 
les  gouvernements  en  décadence?  Quels  étaient  à  l'égard  de 
Paris  les  sentiments,  les  idées,  la  tradition  politique  de  la 
royauté?  Quels  ressorts,  quels  instruments  employait-elle,  et 
contre  quelles  forces  rivales?  De  quel  œil  voyait-elle  l'inéluc- 
table agrandissement  de  la  capitale  du  royaume?  D'autre  part, 
quels  moyens  de  résistance,  quels  souvenirs  ou  quelles  illusions 
de  liberté  antique  Paris  pouvait-il  opposer  à  ce  despotisme  sen- 
sible, larmoyant  et  hypocrite  qui,  Turgot  et  Malesherbes 
exceptés,  caractérise  le  règne  paternel  de  Louis  XVI?  Com- 
ment enfin,  au  milieu  des  débris  accumulés  des  anciens  privi- 
lèges, le  droit  national  moderne  a-t-il  trouvé  l'appui  nécessaire 
du  droit  municipal?  Comment  le  jour  de  la  révolte  décisive  de 
Paris  est-il  devenu  à  bon  droit  la  fête  de  la  Nation?  Telles  sont 
les  principales  questions  que  j'ai  eues  présentes  à  l'esprit,  dans  la 
suite  de  ces  études  et  dans  le  choix  de  ces  documents.  J'aurais 
voulu  prendre  moins  souvent  la  parole  ;  mais  la  nature  de  mon 
sujet  et  les  bornes  d'un  seul  volume  ne  me  l'ont  pas  permis. 
J'ai  du  moins  cherché  à  rendre  toute  confusion  impossible  entre 
mon  opinion  et  les  textes,  et  j'ai  cherché  aussi,  chose  plus  dif- 
ficile, à  ne  fonder  mon  opinion  que  sur  les  textes. 

C'est  un  devoir  pour  moi  de  remercier  publiquement  toutes 
les  personnes  auxquelles  je  dois  d'utiles  renseignements,  de 


iv  AVANT-PROPOS 

bons  conseils,  des  moyens  d'exécution.  Si  je  ne  me  permets  pas 
de  citer  ici  des  noms,  ce  n'est  point  crainte  d'en  oublier.  Mais, 
ayant  eu  plus  môme  que  je  ne  l'aurais  désiré,  à  exprimer  des 
idées  personnelles,  je  dois  en  assumer  l'entière  responsabilité. 
Je  respecte  trop  l'amitié  et  la  confraternité  scientifique  pour 
m'en  faire  une  sorte  d'abri  contre1  la  critique,  à  laquelle  appar- 
tient le  dernier  mot. 

H.  Monin. 


INTRODUCTION  HISTORIQUE 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS 


Depuis  le  milieu  du  XIVe  siècle  jusqu'au  milieu  du  XVIIe,  Paris  est 
entré  à  cinq  reprises  en  lutte  ouverte  et  réglée  avec  la  monarchie  : 
cinq  fois  il  succomba.  Avec  Etienne  Marcel  fut  vaincue  la  commune 
bourgeoise;  avec  les  Maillotins,  l'insurrection  populaire  ;  avec  les 
Bourguignons  et  les  Anglais,  l'Université,  les  corporations;  avec  la 
Sainte-Ligue  et  les  Espagnols,  la  théocratie  démagogique.  Enfin,  sous 
la  régence  d'Anne  d'Autricbe  et  sous  le  gouvernement  de  Mazarin,  le 
Parlement,  trahi  par  ses  alliés  d'église  et  d'épée,  indigné  de  l'inter- 
vention espagnole,  s'était  rendu  sans  condition,  et  la  barrière  du  Trône 
avait  vu  l'entrée  pacifique  et  triomphale  du  jeune  Louis  XIV. 

Deux  des  victoires  de  la  royauté  sur  Paris,  celle  de  1436  et  celle  de 
1.594,  étaient  malheureusement  aussi  des  victoires  de  la  nation  sur 
l'étranger  :  les  corps  de  l'Etat,  la  Ville,  l'Eglise,  en  célébraient  tous  les 
ans  le  souvenir  ;  et  ce  n'étaient  point  de  simples  fêtes  publiques  aux- 
quelles les  sujets  du  roi  étaient  conviés,  c'étaient  des  vœux  sacrés 
qu'ils  étaient  tenus  d'accomplir1. 

Quant  à  la  dernière  révolte  de  Paris,  elle  était  contemporaine  du 
glorieux  traité  de  Westphalie;  elle  ne  fît  que  retarder  celui  des  Pvré- 
nées.  On  la  méprisa,  on  lui  donna  le  nom  d'un  jeu  d'enfants.  Elle  avait 
été  confuse,  mal  concertée  :  on  affecta  de  la  considérer  comme  frivole 
et  mal  fondée.  Elle  avait  eu  tant  de  causes,  de  motifs  et  de  prétextes 
divergents,  qu'elle  parut  manquer  de  raison.  Aussi  l'on  oublia,  l'on 

1»  La  fête  de  l'expulsion  des  Anglais  et  celle  de  la  réduction  de  Paris  sous 
l'obéissance  du  roi  Henri  IV  furent  réunies  en  une  seule  en  1733.  (Lettre  de  Da- 
guesseau,  du  29  mars,  à  Michel-Ét.  Turgot.  Arch.  nat,,  K.  100o.  —  Du  même  au 
même,  ibid.,  lettre  du  19  mars  1785.) 

1 


2  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

feignit  d'oublier  le  carnage  du  faubourg  Saint-Antoine  et  l'abominable 
massacre  de  l'Hôtel  de  Ville  pour  ne  plus  citer  que  les  mazarinades, 
«  la  première  aux  Corinthiens  »,  et  «  le  régiment  des  portes-cochères  ». 
Fidèle  aux  leçons  et  aux  exemples  de  Mazarin,  Louis  XIV  se  con- 
tenta de  mettre  les  chefs  vaincus  de  la  Fronde  au  nombre  des  courti- 
sans les  plus  empressés  el  les  plus  comblés.  Condé,  rentré  en  grâce  de 
par  l'Espagne,  ne  fut  plus  que  le  héros  de  Rocroy,  et  ne  rivalisa  plus 
avec  Turenne  que  pour  la  gloire  du  roi.  Retz  rendit  des  services  à 
Rome,  et  mourut,  sinon  archevêque  de  Paris,  du  moins  abbé  de  Saint- 
Denis  et  cardinal.  Mais  Louis  XIV  n'amnistia  point  Paris.  Les  scènes 
de  son  enfance,  plus  inquiétée  cependant  que  menacée,  restèrent  pro- 
fondément empreintes  dans  sa  mémoire  :  c'était  l'invasion  du  palais, 
le  jour  où  il  dut  faire  semblant  de  dormir;  c'étaient  la  fuite  à  Saint- 
Germain,  et  celte  triste   fête   des  rois  de  1649.   De  terribles  coïnci- 
dences, l'exécution  de  Charles  Ier  d'Angleterre,  l'exil  misérable  de  Hen- 
riette de  France  et  de  ses  enfants,  avivèrent  encore  dans  le  cœur  du 
roi,  à  l'endroit  de  sa  «  bonne  ville  »,  des  sentiments  de  crainte  et  de 
défiance  auxquels  sou  orgueil  sut  donner  une  apparence  de  majesté. 
Dès  les  premières  aimées  de  son  règne  personnel,  en  dépit  des  signes 
les  plus  manifestes  d'une  entière  pacification,  son  parti  fut  pris  de 
séparer  la  cour  et  la  ville,  et  de  mettre  le  trône  à  l'abri  des  insultes 
de  la  Capitale.  Comment  la  monarchie  absolue  aurait-elle  pu  compatir 
avec  des  traditions  insurrectionnelles  ?  le  droit  divin  avec  des  aspira- 
tions  communales?  les   lois   rigoureuses   du   cérémonial,    la  stricte 
hiérarchie  des  rangs,  avec  l'esprit  satirique,  la  chanson  joyeuse  ou 
mordante,  l'instinct  de  franchise  et  d'égalité  ?  La  querelle  de  Paris 
et  de  la  royauté  s'était  renouvelée  si  souvent  et  sous  tant  de  formes, 
qu'une  politique  clairvoyante  ne  pouvait  la  considérer  comme  vidée. 
D'ailleurs  il  y  avait  encore,  à  l'intérieur  même  de  Paris,  de  hautes 
justices,   des  enclos  privilégiés,    des  abbayes  puissantes,    de  riches 
paroisses,  un  hôtel  de  ville,  un  chàtelet,  un  parlement  :  toutes  insti- 
tutions revêtues  sans  doute  d'un  caractère  monarchique,  assujetties 
au  conseil,  tributaires  du  fisc,  mais  dont  cependant  les  principes  et  les 
titres  anciens,  ou  les  prétentions  récentes,  se  trouvaient  en  opposition 
avec  le  «  système  de  la  seule  volonté  ».  Lorsque  Louis  XIV  fonda  le 
château  royal  de  Versailles,  il  rêvait  une  ville  où  tout  dépendît  abso- 
lument du  roi,  comme  dans  maint  village  tout  dépendait  alors  du  sei- 
gneur. L'idée  que  le  plus  grand  des  commis  (Colbert  mérite  ce  nom 
du  moins  en  cette  circonstance)  avait  prise  pour  un  caprice  aussi  coû- 
teux qu'éphémère  fut  au  contraire  la  pensée  dominante  et  le  symbole 
historique  du  règne.  L'antique  prévôté  et  vicomte  de  Paris  fut  dé- 


LA  ROYAUTE  ET  PARIS  3 

membrée  au  profit  du  nouveau  bailliage  de  Versailles.  Paris  lui-même 
dépendit  de  la  maison  du  roi;  et,  pendant  que  le  vandalisme  classique 
s'attaquait  à  ses  plus  vieux  monuments1,  un  nouvel  instrument  de 
règne,  la  lieutenance  générale  de  police,  minait  et  sapait  par  la  base 
ses  plus  vieilles  institutions  2. 

Le  Régent,  pour  s'établir  et  pour  se  maintenir,  fut  obligé  à  des  con- 
cessions qu'un  roi  majeur  n'aurait  pas  eu  à  faire.  Gouvernant  au  nom 
du  roi,  il  ne  quitta  point  le  palais  qui  était  son  fief;  il  rendit  au  Par- 
lement le  droit  de  remontrance,  mais  il  n'en  écouta  aucune;  il  sé- 
duisit, puis  bafoua  tout  le  monde;  il  fut  plus  populaire  qu'il  ne  le 
méritait,  jusqu'au  jour  où  la  déconfiture  de  Law,  banqueroute  royale 
dissimulée,  faillit  causer  une  insurrection. 

Quant  à  Louis  XV,  il  s'efforça  de  regagner  le  terrain  qu'avait  perdu 
le  despotisme.  Le  'premier,  il  osa  tenir  un  lit  de  justice  à  Versailles, 
le  3  septembre  1732.  Si  l'ennui,  si  le  goût  du  mystère  et  de  l'intimité 
le  chassaient  à  tout  moment  du  palais  de  Louis  XIV,  la  politique  l'y 
ramena  toujours.  Paris  eut  beau  fêter  comme  un  miracle  sa  guérison 
en  1744  :  il  ne  fit  qu'une  courte  apparition  à  Notre-Dame  et  à  l'Hôtel 
de  Ville.  Six  ans  après,  les  enlèvements  d'enfants  par  la  police,  exé- 
cutés en  plein  jour  et  pour  la  seconde  fois  dans  Paris,  excitèrent  une 
sédition  telle  que  l'on  n'en  avait  pas  vu  «  même  dans  les  années  du 
pain  cher  3  ».  Elle  fut  durement  réprimée  par  le  secrétaire  d'Etat  de 
Paris,  comte  d'Argenson,  et  par  le  lieutenant  général  de  police 
Berryer.  Mais  le  8  juin  1750  Louis  XV,  se  rendant  de  la  Muette  à  Com- 
piègne,  au  lieu  de  prendre  par  les  boulevards  pour  gagner  la  porte 
Saint-Denis,  sortit  du  bois  de  Boulogne  par  la  porte  Maillot,  et  gagna 
Saint-Denis  à  travers  champs.  «  Gela,  dit  un  bon  bourgeois  4,  a  fait 
tenir  des  discours.  Les  uns  ont  dit  qu'il  n'avait  pas  passé  par  Paris 
par  crainte,  à  cause  des  dernières  émotions  populaires  ;  les  autres, 
qu'il  avait  voulu  marquer  du  mépris  au  peuple  à  cause  de  la  sédition. 
Le  premier  motif  est  plus  vraisemblable.  »  C'est  peut-être  afin  d'effacer 
une  impression  peu  honorable  pour  la  majesté  royale,  que  l'on  répan- 
dit peu  de  temps  après  dans  le  public  la  nouvelle  que  le  roi  voulait 


1.  Voyez,  P.  Clément,  Ilist.  de  Colbert,  t.  II,  p.  220. 

2.  Du  même,  la  Police  sous  Louis  XIV. 

'3.  Journal  de  Barbier  (édition  de  la  Soc.  de  l'Histoire  de  France),  t.  III, p.  133. 
Voyez  aussi  p.  109,  124-127,  et  Duclos,  Mémoires  secrets,  II,  p.  106  (année  1720). 

4.  Barbier.  —  Michelet  traduit  ainsi  :  «  Le  roi  disait  aigrement  :  «  Qu'ai- 
de besoin  de  voir  un  peuple  qui  m'appelle  Hérode?» —  A  Paris,  on  disait  :  «  Est- 
«  ce  mépris?  C'est  peur.  »  Ce  nocturne  passage  du  roi  le  long  des  murs,  on  en  assura 
la  mémoire  par  un  large  chemin.  Beau  monument  du  règne.  C'est  le  ehemiiï 
de  la  Révolte.  » 


4  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

revenir  demeurer  à  Paris,  avec  la  Cour  et  les  ministres  '.  En  fait,  les 
affaires  soutiraient  beaucoup  des  perpétuels  déplacements  du  sou- 
verain, et  de  ceux  qui  avaient  la  signature.  On  ne  savait  jamais  où  les 
rencontrer.  Malgré  ces  excellentes  raisons,  les  choses  restèrent  en 
l'état,  et  Ton  ne  vit  guère  le  roi,  du  moins  en  public,  qu'aux  céré- 
monies de  circonstance ,  à  Notre-Dame,  aux  fêtes  de  l'Hôtel  de  Ville 
et  aux  lits  de  justice  en  Parlement. 

On  sait  quelle  horrible  catastrophe  fit  un  véritable  deuil  public  des 
fêtes  célébrées  à  l'Hôtel  de  Ville  en  1770,  à  l'occasion  du  mariage  du 
dauphin  avec  Marie-Antoinette  d'Autriche.  La  police  rejeta  la  faute 
sur  la  prévôté  des  marchands  et  le  Corps  de  ville  :  quoi  qu'il  en  fût, 
Louis  XVI  paraît  avoir  eu  de  Paris  une  crainte  superstitieuse.  Lors- 
qu'il y  fit  sa  première  entrée  royale  le  25  juillet  1774,  il  fut  frappé  de 
l'accueil  glacial  de  la  foule.  Ce  fut  cette  impression  qui  détermina  la 
disgrâce  de  Maupeou,  d'Aiguillon  et  Terray,  et  le  quatrième  et  avant- 
dernier  rétablissement  du  Parlement,  depuis  quarante-deux  ans  2.  11 
eut  lieu  la  veille  de  la  Saint-Louis,  le  24  août.  Maupeou  resté  chancelier 
(car  cette  dignité  était  à  vie)  fut  insulté  par  les  femmes  de  la  Halle,  et 
Louis  XVI  commença  son  règne  au  milieu  des  bénédictions  3.  Mais  une 
fois  qu'il  eut  accompli  ce  sacrifice  nécessaire,  il  ne  songea  qu'à  faire 
oublier  Louis  XV  et  à  rappeler  Louis  XIV  sans  négliger  le  nom  tou- 
jours populaire  de  Henri  IV  4.  Fidèle  à  Versailles,  au  temple  de  la 
royauté  absolue,  dévot  à  lui-même  avec  d'autant  plus  de  conviction 
que  sa  conduite  privée  était  irréprochable,  il  ne  revint  à  Paris  que 
vaincu,  ne  s'enfuit  que  pour  se  déshonorer,  et  n'y  fut  ramené  que 
pour  périr  victime  de  cette  fatale  dévotion. 

Les  conséquences  de  ce  long  divorce  du  roi  et  de  la  Capitale  n'ont 


1.  Mém.  du  marquis  d'Argenson  (éd.  Rathery),  t.  VII,  p.  1.31  (mars  1752)  :  «  11 
y  a  un  projet  pour  que  le  Roi  lixe  sa  demeure  à  Paris  avec  la  cour  et  les  minis- 
tres; et  chaque  semaine  Sa  Majesté  ferait  un  voyage  de  quelques  jours  à  quel- 
ques-unes de  ses  campagnes,  soit  avec  la  reine  et  la  famille  royale,  soit  seul 
avec  quelques  courtisans.  Voici  quel  serait  l'état  de  ces  maisons  royales  de 
campagne  :  1°  pour  la  reine  et  la  famille  royale,  Meudon  qu'on  rebâtirait  sans 
nouveaux  bâtiments;  2°  le  reste  pour  le  roi  seul,  Rellcvue,  la  Muette,  Versailles, 
Trianon,  Marly,  Choisy,  Compiégne,  Fontainebleau.  » 

2.  Rappelé  en  1732,  1754,  1757;  rétabli  en  1774;  rappelé  de  Troyes  en  1787;  ré- 
tabli en  1788. 

3.  Flammermont,  le  Parlement  Maupeou,  p.  563  et  566.  Rib.  nat.,  Lb>9,nos  H3, 
114,  116,  etc.;  et,  à  l'occasion  du  sacre,  nos  181  à  190. 

4.  «  Un  inconvénient  des  longs  régnes  tout  à  fait  déplorables  et  scandaleux^ 
comme  l'était  celui  de  Louis  XV,  c'est  de  faire  croire  que  le  remède  est  trop 
facile  et  qu'il  suffit  de  supprimer  la  cause  du  mal  pour  entrer  et  marcher  dans 
le  bien.  »  Sainte-Beuve,  Causeries  du  Lundi,  t.  XV,  p.  340.  (Sur  le  Louis  XVI  de 
M.  Amédée  Renée.) 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS  5 

éclaté  que  le  14  juillet,  et  dans  les  journées  des  5  et  6  octobre  1789.  11 
importe  d'étudier  leur  lente  évolution,  pendant  les  trois  règnes  qui  les 
ont  préparées  ;  de  montrer  pourquoi  la  force  politique  de  Paris  ne  fit 
que  s'accroître,  par  les  mesures  mêmes  qui  étaient  destinées  à 
l'énerver. 

Notons  tout  d'abord  que.  Louis  XIV  n'avait  point  osé  donner  à  son 
royaume  une  nouvelle  capitale.  Sa  conduite  n'est  comparable  ni  à  celle 
de  Constantin,  ni  à  celle  de  Pierre  le  Grand,  ni  même  à  celle  de 
Charles-Quint  et  de  Philippe  IL 

La  fondation  de  Constantinople,  dans  la  moitié  grecque  de  l'empire 
romain,  fut  le  résultat  dernier  de  la  division  déjà  opérée  par  Diocté- 
tien, des  menaces  des  barbares  sur  la  frontière  danubienne,  enfin  et 
surtout  de  la  révolution  chrétienne.  La  fondation  de  Pétersbourg  dé- 
gageait définitivement  l'empire  moscovite  de  l'Asie,  lui  donnait  une 
marine,  et  des  rapports  nouveaux  soit  de  paix  soit  de  guerre  avec  les 
puissances  du  nord  de  l'Europe.  Les  souverains  qui  firent  de  Madrid 
la  capitale  de  toutes  les  Espagnes  étaient  en  même  temps  rois  d'Aragon 
et  de  Gastille  ;  ils  avaient  pu  traiter  Tolède  en  ville  rebelle,  agir  en 
Aragonais  à  l'endroit  des  Castillans,  afin  de  réduire  à  l'obéissance  un 
archevêque  longtemps  souverain,  et  des  communcros  toujours  prêts  à 
défendre  leurs  libertés.  —  Mais  en  France,  au  milieu  du  XVIIe  siècle, 
la  prépondérance  à  la  fois  numérique  et  intellectuelle  de  Paris  défiait 
les  plus  orgueilleuses  théories,  comme  la  pins  vive  antipathie.  La  fai- 
blesse des  frontières  septentrionales  du  royaume  et  le  souvenir  peu 
glorieux  du  «  roi  de  Bourges  »  ne  permettaient  même  pas  de  songer  à 
la  rivière  de  Loire.   Une  considération  encore  plus   forte  empêcha 
Louis  XIV,  comme  ses  successeurs,  de  priver  Paris  de  son  titre  et  de 
ses  privilèges  de  capitale  :  c'est  que  le  titre  et  les  prérogatives  du  roi 
de  France  en  dépendaient  étroitement,  et  ne  pouvaient  en  être  séparés 
que  par  une  révolution;  et  cela,  non  seulement  depuis  Hugues  Capet, 
qui  avait  donné  son  nom  à  la  dynastie,  mais  depuis  Eudes,  comte  de 
Paris  et  duc  de  France,  «  soldat  heureux  »,  roi  de  la  défense  parisienne 
contre  les  Normands.  Le  comté  de  Paris,  puis  le  duché  de  France, 
tel  est  le  domaine  primitif,  authentique,  incontestable,  le  patrimoine 
originaire,  la  glèbe  dominante  du  roi  de  France.  Là,  il  est  seigneur; 
là,  il  est  chez  lui.  Les  provinces  du  royaume,  qu'elles  aient  été  réunies 
par  conquête,  par  héritage,  ou  par  convention,  ne  sont  que  des  mou- 
vances de  plus  en  plus  étendues.  Admettez  le  droit  divin,  le  principe 
surnaturel  du  pouvoir  royal  :  il  n'est  pas  moins  vrai  que  ce  droit  divin 
s'exerce  dans  des  limites  terrestres  aussi  variables  que  les  effets  des 
guerres,  des  successions  et  des  négociations.  Il  faut  à  une  force  un 


6  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

point  d'appui  :  ce  point  d'appui,  c'est  le  territoire  parisien,  c'est  le  fief 
transformé  en  alleu  souverain  par  la  dépossession  et  par  l'extinction 
des  derniers  descendants  de  Charlemagne.  Aussi,  depuis  le  XIe  siècle, 
où  disparut  la  charge  éphémère  de  vicomte  de  Paris,  les  rois  déclarent 
à  maintes  reprises  qu'ils  sont  et  entendent  demeurer  comtes  de  Paris. 
C'est  pourquoi  ils  ont  dans  cette  ville,  non  pas  un  bailli  comme  dans 
les  provinces,  mais  un  prévôt  comme  il  en  existe  dans  les  villes  :  seu- 
lement c"est  un  prévôt   d'une  espèce  particulière,  qui  n'a  point  de 
bailli  au-dessus  de  lui,  qui  est  en  quelque  sorte  son  propre  bailli  :  car 
le  roi  n'est  pas  un  seigneur  comme  un  autre,  c'est  le  seigneur-roi, 
suivant  la  qualité  que  le  Parlement,  gardien  des  vieux  usages,   ne 
cessa  jamais  de  lui  donner.  Gomme  Paris  fut  la  principale  ressource, 
le  véritable  instrumer^tum  regui  des  Capétiens  directs,  par  une  néces- 
saire réciprocité,  ils  rapportèrent  à  leur  capitale  les  fruits  de  leurs 
victoires,  et  en  firent  le  siège  d'institutions  qui  durèrent  autant  que 
l'ancien  régime.  Or,  selon  le  principe  du  droit  féodal,  qui  confondait 
souveraineté  et  propriété,  ce  siège  une  fois  établi  devenait  immuable. 
Pendant  la  captivité  de  Jean  le  Bon,  le  sceau   du  Châtelet  tient  lieu 
du  sceau  royal  :  la  Capitale  supplée  le  roi.  Avec  Etienne  Marcel,  elle 
s'essaye  à  un  nouveau  rôle,  suppléer  la  nation,  la  devancer  du  moins. 
Son  devoir  de  fidélité  féodale  n'est  plus  aussi  étroit,  aussi  strict  à 
l'égard  des   Valois   qu'à    celui  des   Capétiens   directs.  Elle  multiplie 
les  actes  d'indépendance.  Mais  le  joug,  deux  fois  subi  et  accepté,  de 
l'étranger,  lui  fait  connaître  les  funestes  conséquences  d'un  patrio- 
tisme purement  communal,  et  celles  d'une  intolérance  fanatique.  Au 
XVIP  siècle,  elle  n'émet  guère  plus  d'autre  grief  contre  la  royauté  que 
celui  des  impôts  arbitraires  et  excessifs,  et  ce  grief  lui  est  commun 
avec  toute  la  nation.  D'autre  part,  le  sentiment  des  intérêts  généraux 
a  effacé  peu  à  peu,  chez  les  nouveaux  sujets,  le  souvenir  des  haines 
et  des  rivalités  locales.  Les  provinces  le   plus  récemment  acquises 
sont  toujours  les  mieux  traitées;  comme  les  dernières  acquisitions  ont 
lieu  principalement  au  nord  (Artois,  Flandre)  et  au  nord-est  (Trois- 
Evèchés,  Luxembourg  français,  Alsace,  Lorraine),  la  ville  de  Paris, 
avec  qui  ces  pays  ont  eu  de  tout  temps  mille  rapports  de  commerce, 
est  facilement  acceptée  par  eux  comme  leur  capitale  naturelle.   Elle 
devient,    selon  le  mot  de  Yauban,    «   le  vrai  cœur  du  royaume,  la 
mère  commune  des  Français,  et  l'abrégé  de  la  France  '  ». 

Ces  paroles  sont  admirables.  A  la  forme  près  du  gouvernement, 


1.  Oisivetés,  t.  I,  p.  45.  Michelet  a  magnifiquement  développé  ce   mol  au  t.  Jl 
de  sou  Histoire  de  France. 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS  7 

elles  demeurent  vraies;  elles  le  deviennent  même  de  plus  en  plus.  Je 
veux  dire  que  Vauban  exprimait  une  vérité  idéale,  une  fin  désirable 
et  prochaine,  plutôt  qu'un,  fait  accompli.  Montesquieu,  qui  ne  con- 
fondait pas  le  royaume  avec  la  nation,  le  patriotisme  avec  le  service 
du  roi,  ni  la  vertu  politique  avec  V honneur  monarchique,  a  vu  les  choses 
autrement.  Il  affirme  sans  pouvoir  le  démontrer,  mais  non  toutefois 
sans  vraisemblance,  que  la  centralisation  politique;  «  les  perpétuelles 
réunions  de  plusieurs  petits  Etats  »,  ont  ralenti  le  peuplement  : 
«  Autrefois  chaque  village  de  France  était  une  capitale  :  il  n'y  en  a 
aujourd'hui  qu'une  grande;  chaque  partie  de  l'État  était  un  centre  de 
puissance:  aujourd'hui  tout  se  rapporte  à  un  centre,  et  ce  centre  est, 
pour  ainsi  dire,  l'Etat  même  '.  »  —  «  La  monarchie  se  perd,  lorsque 
le  prince,  rapportant  tout  uniquement  à  lui,  appelle  l'Etat  à  sa  capi- 
tale, la  capitale  à  sa  cour,  et  la  cour  à  sa  seule  personne2.  »  — 
«  Dans  une  monarchie  qui  a  travaillé  longtemps  à  conquérir,  les  pro- 
vinces de  son  ancien  domaine  seront  ordinairement  très  foulées.  Elles 
ont  à  souffrir  les  nouveaux  abus  et  les  anciens;  et  souvent  une  vaste 
capitale  qui  engloutit  tout,  les  dépeuple  5.  » 

Les  grandes  idées,  qui  viennent  du  cœur,  ne  sont  pas  en  contradic- 
tion avec  les  idées  justes  qui  viennent  de  la  raison  et  de  la  science. 
Vauban  voit  ce  qui  devait  être  :  Montesquieu  dit  ce  qui  était. 

«  L'agrandissement  des  villes,  avait  déclaré  Louis  XIV  à  sa  Capitale, 
dépend  entièrement  de  la  protection  et  des  grâces  des  souverains 4.  » 
Toute  l'histoire  de  Paris  dément  ce  sophisme  de  l'orgueil.  L'agrandis- 
sèment  de  Paris  tient  avant  tout  à  sa  situation  topographique  :  c'est 
parce  que  Paris  est  un  centre  de  rivières  navigables,  que  successivement 
les  routes,  les  canaux,  les  voies  ferrées,  sont  venus  y  converger  de 
toute  nécessité,  et  qu'une  population  toujours  croissante  n'y  a  jamais 
manqué  de  ressources.  Il  est  visible  aussi,  en  second  lieu,  que  l'exten- 
sion de  Paris  a  suivi,  à  certaines  époques,  celle  du  territoire  national; 
l'enceinte  de  Philippe-Auguste,  celle  qui  fut  achevée  sous  Charles  VI, 
celle  de  Louis  XIII,  celle  de  Louis  XIV,  témoignent  plus  ou  moins  de 
cette  relation  historique.  Mais,  comme  on  l'a  vu  par  les  passages  de 
ïFsprlt  des  lois  cités  plus  haut,  la  cause  principale  de  i'agrandisse- 


1.  Esprit  des  lois,  XXIII,  21. 

2.  Esprit  des  lois,  VIII,  7. 

3.  Esprit  des  lois,  X,  9. 

4.  Lettres  patentes  de  mars  1GG0,  portant  confirmation  des  privilèges  de  mo- 
tel de  Ville.  —  C'est  dans  le  même  esprit  qu'en  1817  (ord.  du  20  décembre) 
Louis  XVIII  ajouta  aux  armoiries  de  la  Ville  de  Paris  deux  tiges  de  lis  tonnant 
supports. 


8  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

ment  de  Paris  semblait  résider,  vers  la  fin  de  l'ancien  régime,  dans 
l'accroissement  du  pouvoir  monarchique,  dans  la  centralisation  poli- 
tique et  administrative.  Cette  dernière  cause,  l'absolutisme  la  rendit 
de  plus  en  plus  puissante,  et  cependant  il  prétendit  en  annihiler  les 
effets  à  coups  d'ordonnances  restrictives. 

Vers  la  fin  du  XIVe  siècle,  des  ministres  populaires  faisaient  encore 
dire  à  Charles  VI  :  «  Tant  comme  nostre  bonne  ville  de  Paris  sera 
mieux  peuplée  et  habitée  de  plus  de  gens  et  que  nostre  dict  peuple 
sera  mieux  pourveu  de  ce  qui  est  nécessaire  pour  leur  sustentation, 
la  renommée  d'icelle  sera  plus  grant  :  laquelle  renommée  redonde 
à  l'augmentation  de  nostre  gloire  et  exaltation  de  nostre  hautesse 
et  seigneurie1.»  Les  derniers  Valois  sont  déjà  bien  loin  de  ces 
sentiments.  On  connaît  la  parole  cynique  de  Henri  III  :  «  0  chief 
trop  gros  et 'trop  capricieux,  tu  as  besoin  d'une  saignée!  »  Dès 
Henri  II,  avait  commencé,  à  l'égard  de  l'extension  de  Paris,  la 
série  des  précautions  inutiles,  puisqu'elles  étaient  en  contradiction  non 
seulement  avec  la  nature,  mais  aussi  avec  les  conséquences  inévitables 
d'une  politique  conquérante  et  centralisatrice.  L'édit  de  1549  défend  à 
toutes  personnes,  de  quelque  qualité  que  ce  soit,  «  de  faire  bâtir  de 
neuf  dans  les  faubourgs  de  Paris,  à  peine  de  confiscation  du  fonds  et 
du  bâtiment  ».  Une  s'agit  aucunement,  comme  on  pourrait  le  supposer, 
d'une  zone  stratégique.  Les  motifs  de  cette  interdiction  étaient  d'un 
tout  autre  ordre,  et  ils  sont  exposés  très  nettement  dans  le  préambule. 
Le  roi  craint  que  les  tavernes,,  les  maisons  de  jeux  et  de  débauches,  et 
par  conséquent  les  crimes  et  les  larcins,  ne  se  multiplient  aux  alentours 
de  la  Capitale;  que,  si  la  population  s'accroît  trop,  elle  ne  souffre  de 
la  disette.  En  outre,  les  franchises,  exemptions  et  avantages  dont 
jouissent  les  habitants  des  faubourgs  attirent  les  gens  des  campagnes 
et  diminuent  le  nombre  des  taillables.  Les  apprentis  de  la  ville  quittent 
leurs  maîtres  avant  la  fin  de  leur  apprentissage,  et  se  retirent  dans  les 
faubourgs  pour  travailler  à  leur  compte,  sans  être  sujets  «  à  aucuns 
chefs-d'œuvre,  ni  visites  »  ;  par  suite,  les  bourgeois  et  habitants  de 
Paris  sont  obligés  de  payer  plus  cher  les  ouvrages  des  maîtres2. 
Parmi  toutes  ces  raisons,  la  plus  forte  aux  yeux  de  la  royauté  fut 
toujours  la  difficulté  de  maintenir  l'ordre  et  la  discipline  politiques 


1.  Ordonnance  du  9  octobre  1302. 

2.  Desnos  fait  la  remarque  suivante  dans  son  Atlas  chorographique  (p.  .30)  : 
«  Henri  II  el  Henri  III  s'empressèrent  d'arrêter  par  des  édits  la  fureur  de  Lâtir; 
mais,  dans  le  temps  même  que  l'on  se  conformait  aux  ordres  du  souverain  en 
se  renfermant  dans  les  bornes  du  terrain  prescrit,  on  les  éluda  en  imaginant 
d'exhausser  les  maisons.  » 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS  y 

dans  une  population  trop  dense  et  trop  nombreuse  ;  et  la  Capitale  de- 
vint suspecte  en  raison  directe  de  toutes  les  circonstances  et  de  toutes 
les  causes  qui  augmentaient  l'étendue  du  royaume  et  le  pouvoir  per- 
sonnel du  roi. 

Après  la  Ligue,  Paris  ne  put,  sous  le  gouvernement  de  Henri  IV,  que 
réparer  les  plaies  horribles  que  lui  avait  faites  la  discorde  civile  et 
religieuse,  et  combler  lentement  les  vides  d'une  population  décimée 
par  la  famine  et  par  la  guerre.  Mais,  après  l'attentat  de  Ravaillac,  et 
dès  que  Louis  XIII  eut  avec  Richelieu  ce  que  l'on  peut  appeler  une 
politique,  la  tradition  de  Henri  II  fut  reprise  à  L'égard  des  nouveaux 
accroissements  de  Paris;  et,  quelques  concessions  de  fait  auxquelles 
ait  été  forcé  l'ancien  régime,  les  principes  de  l'ordonnance  de  1549 
ne  furent  jamais  abandonnés1.  Richelieu  en  reproduisit  presque  litté- 
ralement le  préambule2,  en  1638  :  cependant,  dès  1642,  le  dix-septième 
quartier,  celui  de  Saint-Germain-des-Prés,  était  détaché  du  quartier 
Saint-André  à  cause  de  sa  récente  importance.  Mazarin  reconnaît  le 
premier  qu'il  est  absolument  impossible  d'empêcher,  et  très  difficile 
de  ralentir  le  développement  de  Paris.  Les  restrictions  prennent  dès 
lors  un  caractère  fiscal.  Tel  est  le  célèbre  édit  du  toisé  (1644),  enre- 
gistré de  force  l'année  suivante?.  Dès  lors,  les  défenses  générales  de 
bâtir  dans  les  faubourgs  (qu'annulaient  en  détail  une  foule  d'autorisa- 
tions exceptionnelles  obtenues  par  grâce  ou  à  prix  d'argent)  alternent 
périodiquement  avec  les  ordonnances  qui  établissent  de  nouvelles 
clôtures4,  toutes  très  mobiles,  regardées  comme  telles,  et  nu  pied  des- 
quelles l'agglomération  se  continue  d'autant  mieux  que  les  habitants 
des  faubourgs  participent  aux  avantages  de  la  Capitale,  sans  en  payer 
toutes  les  charges. 

La  royauté  ne  se  contenta  point  de  faire  de  nécessité  vertu  et  profit  : 
elle  en  fit  gloire.  Après  avoir  délaissé  ou  dégradé  le  Paris  du  moyen 
âge,  elle  embellit  le  nouveau  Paris,  le  sien,  sur  le  modèle  préféré  de 
Versailles.  Elle  n'a  plus  pour  cela  les  motifs  qu'exprimait  François  Ier  : 


1.  Renouvelée  sous  peine  de  démolition  et  d'amende  en  1557,  à  l'occasion  de 
la  défaite  de  Saint-Quentin. 

2.  Voyez  l'arrêt  du  Conseil  du  15  janvier  1638.  Aux  motifs  énumérés  dans  l'or- 
donnance de  1540,  s'ajoutent  :  la  santé  des  habitants  et  la  propreté  des  rues. 

3.  11  ordonnait  d'abattre  les  constructions  nouvelles,  ou  de  payer  tant  par 
toise  carrée.  Plusieurs  conseillers  du  Parlement,  qui  s'étaient  opposés  à  cette 
exaction,  furent  enfermés  à  Pignerol;  Barillon,  l'un  d'entre  eux,  y  mourut. 

4.  Nouvelle  clôture  en  1654;  ordonnance  restrictive  en  1672 .-plan  des  remparts 
(boulevards)  en  1676:  quartiers  de  Saint-Benoît,  Luxembourg,  Montmartre  en 
1702;  ordonnances  restrictives  en  1719,  1725,  1726  (19  janv.),  1728  (23  mars),  1766 
(28  juillet);  ord.  bureau  finances  (1er  fév.  1784). 


10  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

«  l'intention,  vouloir  qu'avons,  de  faire  la  plupart  de  nostre  vie  nostre 
demeure  et  résidence  en  nostre  dicte  ville1  ».  Louis  XIV,  Louis  XV  et 
Louis  XVI,  qui  ont  définitivement  abandonné  le  séjour  de  leur  capitale, 
semblent  d'autant  plus  tenir  à  y  laisser  des  marques  de  leur  grandeur 
et  de  leur  puissance,  palais,  statues,  ou  même  églises  :  d'ailleurs  c'est 
presque  toujours  la  ville  qui  en  fait  les  frais,  soit  par  les  emprunts 
qu'elle  contracte,  soit  par  les  droits  qui  lui  sont  octroyés,  c'est-à-dire, 
en  bon  français,  qui  restreignent  ou  renchérissent  la  consommation 
de  ses  habitants.  Les  embellissements  de  Paris  deviennent  donc  comme 
de  nouveaux  témoignages  de  sa  subordination2. 

A  l'exemple  du  roi  (et  principalement  à  partir  de  l'époque  où 
Louis  XV  se  mit  à  déserter  Versailles  pendant  la  plus  grande  partie 
de  l'année  5),  les  grands  seigneurs,  les  magistrats,  les  riches  bourgeois, 
embellissent  la  capitale,  surtout  les  faubourgs,  par  de  nombreux 
hôtels  entre  cour  et  jardin. 

En  résumé,  depuis  la  fondation  de  Versailles,  Paris  et  les  faubourgs 
ont  augmenté  d'un  tiers  pend  an  I  le  règne  de  Louis  XIV,  et  au  moins 
doublé  jusqu'en  1789  4.  En  1672,  Louis  XIV  disait:  «  Il  est  à  craindre 
que  la  ville  de  Paris,  parvenue  à  cette  extrême  grandeur,  n'ait  le 
même  sort  qne  les  plus  florissantes  villes  de  l'antiquité,  qui  ont  trouvé 
en  elles-mêmes  le  principe  de  leur  ruine,  étant  très  difficile  que  l'ordre 
et  la  police  se  distribuent  commodément  dans  toutes  les  parties  d'un 
si  grand  corps  s.  »  Vers  la  fin  de  l'ancien  régime,  le  point  de  vue  fiscal 
l'emporte  sur  la  prévision  politique.  La  royauté  s'habitue  peu  à  peu  à 
ne  plus   voir  qu'une  chose  :    ce  que  rapporte   Paris6;   et  la  dernière 


I.  Déclaration  du  <i  août  1534  (Arch.  nat.,K.  984), citée  par  Le  Roux  de  Lincy, 
llisl.  de  l'Hôtel  de  Ville,  pages  13  el  14. 

î.  Le  marquis  d'Argenson  Journal.  VII,  131)  fait  allusion  à  un  vague  projet 
de  Louis  XV  de  revenir  à  Paris.  —  Turgol  conseille  vainement  à  Louis  XV]  de  se 
faire  sacrer  à  Paris. 

'S.  Barbier,  Journal,  t.  111,  p.  216. 

4.  En  1750,  on  ne  comptait  encore  que  52  maisons  de  la  Madeleine  à  la  Bas- 
tille. 

5.  Arrêt  du  Conseil  du  2t>  avril  lb72. 

6.  «  On  voit  les  droits  et  les  impôts  à  la  charge  de  cette  grande  ville  s'élever 
aujourd'hui  (1784)  de  77  à  7S  millions  et  former  ainsi  entre  la  septième  et  la 
huitième  partie  des  contributions  du  royaume.  Tant  de  ressources  sont  l'effet 
des  grandes  richesses  concentrées  dans  la  capitale  :  séjour,  à  la  fois,  de  la  plus 
grande  partie  des  rentiers,  des  hommes  de  finance,  des  ambassadeurs,  des  riches 
voyageurs,  des  grands  propriétaires  de  terres,  et  des  persones  les  plus  favorisées 
des  grâces  de  la  cour...  Le  roi  tire  plus  de  revenus  de  sa  capitale  que  les  trois 
royaumes  ensemble  de  Sardaigne,  de  Suède  e1  de  Danemark,  ue  payent  de  tri- 
buts à  leurs  souverains.  ..  (Necker,  De  l'Administration  des  finances  delà  France, 
I.  I,  p.  275.) 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS  11 

enceinte,  celle  que  la  Révolution  renversa,  fut  celle  de  la  Ferme  géné- 
rale. 

D'un  autre  côté,  beaucoup  de  grandes  familles  ruinées,  ou  qui  sen- 
taient approcher  «  le  déluge  »,  de  riches  communautés  religieuses, 
encore  plus  inquiétées  par  le  lise  et  par  la  Commission  des  Réguliers 
que  par  les  écrits  des  philosophes  et  des  économistes,  liquident  les 
biens-fonds  qu'elles  possèdent  aux  environs  de  la  Capitale,  obtiennent, 
sur  les  avis  presque  toujours  favorables  de  la  police  et  du  bureau  de 
la  Ville,  des  lettres  patentes  autorisant  l'ouverture  de  nouvelles  rues, 
droites  et  larges,  et  spéculent  sur  la  vente  des  terrains  qui  les  bordent 
ou  les  avoisinent.  C'est  ainsi  qu'autour  du  vieux  Paris,  mais  principa- 
lement au  nord  et  à  l'ouest,  dans  la  direction  de  Versailles  et  des  mai- 
sons royales  ou  princières,  surgit  un  Paris  aristocratique,  soustrait  à 
la  taille  par  la  qualité  des  propriétaires,  exempt  des  droits  d'octroi 
presque  jusqu'à  la  Révolution  ',  parsemé  de  guinguettes  populaires  et 
de  cabarets  à  la  mode,  et  qui,  par  ses  jardins',  ses  grandes  places,  ses 
longues  avenues,  ses  palais  et  ses  hôtels  monumentaux,  faisait  à  la 
fois  oublier  et  mépriser  ce  que  la  Capitale  renfermait  encore  de  misé- 
rable et  de  gothique. 

D'après  les  tables  du  plan  de  Verniquet 2,  Paris  avait  à  la  fin  de 
l'ancien  régime  «  une  superficie  de  9,858  arpents  3  perches  8  toises,  et 
l'on  y  comptait  1,065  rues,  104  culs-de-sac,  27  passages,  56  places, 
34  quais,  14  ponts,  15  boulevards,  13  chemins,  5  routes,  12  avenues, 
15  jardins  publics,  54  barrières,  8  halles  ?,  22  marchés,  8  ports,  8  sémi- 
naires, 16  collèges,  5  écoles  publiques,  9  prisons,  8  palais,  52  édifices 
publics,  48  paroisses,  29  hôpitaux  4  ». 

La  Révolution  a  changé  la  destination  de  beaucoup  d'édifices  privés, 
ecclésiastiques  ou  publics.  Elle  n'a  détruit  que  la  Bastille.  Elle  n'a  pas, 
ainsi  que  Mercier  en  fait  la  remarque  s,  «  endommagé  la  masse  phy- 

1.  11  était  astreint  aux  aides  (impôts  de  consommation),  aux  logements  mili- 
taires abonnés,  et  résistait  par  tous  les  moyens  aux  vingtièmes,  qui  lui  sem- 
blaient une  taille  dissimulée.  —  Il  payait  la  capitation. 

2.  Plan  de  la  ville  de  Paris,  avec  sa  nouvelle  enceinte,  levé  géométriquement 
sur  la  méridienne  de  l'Observatoire  par  Le  citoyen  Verniquet,  parachevé  en  1191, 
dessiné  et  gravé  par  1rs  citoyens  P. -T.  Bartholomé  et  A.-J.  Mathieu,  écrit  par 
Bellanger  1 1  vol.  in-folio  de  12  feuilles). 

3.  Entre  autres  la  nouvelle  halle  à  la  marée  et  aux  salines,  arrêtée  en  projet 
le  21  août  1784  à  la  place  de  la  Cour  des  Miracles,  et  qui  n'a  jamais  été  ('(in- 
struite. 

4.  Alf.  Franklin,  les  Anciens  Plans  de  Paris,  I.  11.  p.  L40-141. 

5.  A  propos  d'un  plan  en  relief  exposé  au  Palais-Égalité  par  le  citoyen  Arnaud: 
Mercier,  après  la  Terreur,  y  retrouve  la  ville  a  telle  qu'elle  était  en  1189,  sans 
aucune  dégradation  et  dans  ses  accroissements  successifs  ».  (Le  Nouveau  Paris. 
éd.  Fucb.s,  s.  <!.,  I.  IV.  p.  33.)  «  Le  nid  demeure,  ajoute-t-il,  et   l'oiseau  passe.  » 


12  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

sique  de  Paris  ».  Le  fait  est  d'autant  plus  frappant  que  les  deux  der- 
niers règnes  avaient  vu  bien  des  sinistres  et  bien  des  ruines. 

Sous  le  règne  de  Louis  XV,  l'Hôtel-Dieu  avait  brûlé  en  partie,  le 
2  août  1737  '  ;  un  second  incendie,  qui  ne  fut  entièrement  éteint  qu'au 
bout  de  11  jours,  le  détruisit  presque  en  1772.  La  reconstruction  fut 
lente  et  imparfaite.  Le  projet  de  Poyet,  pour  établir  un  nouvel  Hôtel- 
Dieu  à  l'île  des  Cygnes,  ne  fut  pas  adopté;  mais  de  nouveaux  établis- 
sements hospitaliers  furent  dus  au  ministre  Necker  (1776),  à  Cochin, 
curé  de  Saint-Jacques  du  Haut-Pas  (1780-1782),  et  au  financier  Beau- 
jon  (1784),  toutefois  avec  le  concours  du  trésor  public.  —  Comme 
l'Hôtel-Dieu,  l'Opéra  brûla  deux  fois  au  XVIIIe  siècle,  en  1763  et  en 
1781  ;  il  ne  fut  remplacé  alors  que  par  la  bâtisse  de  la  Porte-Saint- 
Martin,  sur  le  boulevard  Saint-Martin.  —  L'incendie  qui  éclata  au 
Palais  de  la  Cour  des  Aides,  le  10  janvier  1776,  demanda  des  répa- 
rations et  des  remaniements  assez  considérables,  pour  donner  lieu  à 
une  crue  de  6  deniers  pa*r  livre  sur  la  capitation,  dans  tout  le  ressort 
du  Parlement  de  Paris  2. 

La  nouvelle  église  Sainte-Geneviève,  dont  la  Constituante  fit  le  Pan- 
théon, avait  été  commencée  en  1758,  sous  la  direction  de  Soufflot;  elle 
était  presque  entièrement  achevée,  lorsque  son  npm  et  sa  destination 
furent  changés  (4  avril  1791).  — Les  hôtels  d'Épernon  et  de  la  Sablière, 
affectés  au  service  des  postes,  en  1737,  furent  agrandis  et  appropriés 
en  1786;  la  nouvelle  Halle-aux-Blés,  arrêtée  le  25  novembre  1762,  fut 
surmontée  de  sa  coupole  en  1783;  l'emplacement  de  l'hôtel  Conti,  d'a- 
bord destiné  à  un  nouvel  Hôtel,  de  Ville  J,  vit  s'élever  (30  avril  1771- 
1778)  le  nouvel  hôtel  de  la  Monnaie,  construit  par  Antoine.  —  La 
place  Louis  XV 4  avait  été  achevée  par  Gabriel,  en  1772;  en  1787, 
fut  commencé  le  pont  qui  devait  la  joindre  à  la  rive  gauche  s,  et  dont 
la  construction  fut  activée  par  suite  de  la  démolition  de  la  Bastille  6. 


1.  Barbier,  Mémoires  (édition  do  la  Soc.  de  l'Hist.  de  France),  t.  II,  p.  100.  — 
La  même  année  (26  octobre)  fut  incendié  l'Hôtel  de  la  Cour  des  Comptes;  elle 
fut  réinstallée  dans  son  nouvel  hôtel  en  1740.  (Id.,  ibid.,  p.  170.) 

2.  L'année  suivante,  1777  (22  au  23  septembre),  l'incendie  de  la  foire  Saint- 
Ovide  occasionne  300,000  livres  de  perte  de  marchandises,  et  d'importantes  répa- 
rations à  la  place  Louis  XV.  (Arch.  nat.,  H.  1952.)  Voyez  Maxime  du  Camp,  Paris 
et  ses  organes,  t.  III,  p.  137. 

3.  Arrêt  du  Conseil  du  22  août  1750. 

4.  Place  de  la  Révolution,  puis  de  la  Concorde,  puis  Louis  XVI,  et  de  nouveau 
de  la  Concorde. 

5.  L'arrêt  du  Conseil  enregistré  le  7  septembre  1780  ordonnait  la  construction 
d'un  pont  place  bonis  XV,  et  celle  de  la  nouvelle  salle  d'Opéra.  Ane.  lois  fran- 
çaises, collection  Isambert,  t.  XXVIII,  p.  238. 

G.  Les  autres  ponts  de  Paris  étaient  alors  :  le  Pont-au-Change,  dont  les  mai- 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS  13 

—  Le  charnier  des  Saints-Innocents,  condamné  par  l'arrêt  du  Parle- 
ment du  25  mai  1765,  ne  fut  fermé  que  le  1er  décembre  1780,  et  sup- 
primé, avec  la  paroisse  du  même  nom,  qu'en  1786.  Le  lieutenant  géné- 
ral de  police  fut  chargé  d'acquérir  au  nom  du  roi  les  maisons  et  bou- 
tiques adjacentes,  pour  agrandir  et  dégager  les  Halles,  et  y  ajouter  un 
Marché-aux-légumes. 

Dans  le  vieux  Paris,  les  rués  Saint-Denis  et  Saint-Martin,  sur  la  rive 
droite,  de  la  Harpe  et  Saint-Jacques,  sur  la  rive  gauche,  avec  les 
ponts  intermédiaires  de  la  Cité,  constituaient  une  double  voie,  sinon 
commode,  au  moins  praticable  du  nord  au  sud.  De  l'est  à  l'ouest,  la 
circulation  était  beaucoup  plus  difficile,  entravée  à  chaque  pas  par  des 
ruelles  tortueuses,  par  les  murs  des  enclos  où  ne  s'ouvraient  que 
d'étroits  passages,  par  les  ruisseaux  et  par  les  cloaques.  Ni  l'état  des 
finances,  ni  celui  des  esprits,  ni  surtout  la  nature  des  institutions  ecclé- 
siastiques et  féodales  '  fixées  au  sol  même,  ne  permettaient  d'entre- 
prendre de  grandes  démolitions.  Aussi  les  améliorations  vraiment  im- 
portantes pour  la  viabilité  ne  purent  concerner  que  les  abords  de  la 
Seine,  d'une  part;  d'autre  part,  la  ligne  circulaire  des  remparts,  dont 
la  destination  fut  changée  par  la  force  des  choses,  et  qui  devinrent 
les  boulevards. 

Au  premier  ordre  de  travaux  se  rapportent  :  le  comblement  du  petit 
bras  qui  séparait  File  des  Cygnes  du  Gros-Caillou2  ;  les  constructions 
projetées  ou  commencées  du  quai  de  Gesvres  3,  les  améliorations  et 
redressements  des  quais  Saint-Paul,  Malaquais,  Pelletier  4,  la  formation 

sous  furent  démolies  en  1786;  le  Petit-Pont,  rebâti  en  1718  pour  la  neuvième 
fois;  le  Pont-Saint-Michel,  dont  les  maisons  subsistèrent  jusqu'en  1808;  le  Pont- 
Notre-Dame  avec  la  pompe  hydraulique  ;  le  Pont-Neuf,  avec  la  pompe  de  la  Sa- 
maritaine qui  fut  reconstruite  en  1772;  le  Pont-Marie;  le  Pont-de-la-Touruellc ; 
le  Pont-au-Double ;  le  Pont-Royal;  le  Pont-Rouge  (aujourd'hui  pont  Saint-Louis). 

—  Au  nombre  des  ponts,  le  plan  de  Verniquet  comple  de  simples  ponceaux, 
comme  le  Pont-aux-Choux,  le  Pout-aux-Tripes,  le  ponceau  de  l'Arsenal.  —  Voy. 
Max.  du  Camp,  loc.  cit.,  I,  p.  296. 

1.  Par  l'affaire  du  charnier  des  Innocents,  et  par  celle  des  Quinze-Vingts,  on 
peut  se  rendre  compte  de  ce  genre  de  difficultés. 

2.  Ordonnance  du  bureau  de  la  Ville  concernant  la  décharge  tant  sur  l'Ile  des 
Cygnes  que  dans  le  canal,  ou  petit  bras  de  rivière  qui  est  entre  cette  île  et  le 
Gros-Caillou,  des  terres,  gravois  et  décombres,  provenant  des  fouilles  et  démo- 
litions faites  et  à  faire  dans  le  quartier  de  Sain(-Germain-des-Prés  et  celui  du 
Gros-Caillou  (7  octobre  1773).  —  (Vise  l'ordonnance  du  bureau  du  3  juillet  1764.) 

—  L'île  des  Cygnes  (ancienne  île  Maquerclle)  avait  été  donnée  à  la  Ville  par  le 
roi,  par  lettres  patentes  du  mois  de  mars  1721. 

3.  Ordonnance  du  Chàtelet  concernant  la  police  particulière  du  quai  de  Gesvres, 
du  27  juin  1782.  (Arch.  nat.,  H.  1954.) 

4.  Lettre  d'Ainelot,  ministre  de  Paris,  au  prévôt  des  marchands,  du  31  déc.  1777. 
(Arch.  nat.,  H.  19:32.) 


U  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

du  quai  Bignon  sur  l'emplacement  du  Petit-Ghâtelet  démoli1,  le  déga- 
gement du  Jardin  Royal  des  plantes2,  l'achèvement  du  quai  d'Orsay  3, 
l'exhaussement  de  la  place  de  Grève  4.  —  A  la  Seine  ou  à  ses  abords 
se  rattachent  encore,  sous  le  règne  de  Louis  XVI,  la  réparation  des 
crèches  du  Pont-Notre-Dame  et  du  Pont-au-Change  f,  la  démolition 
commencée  des  maisons  ou  échoppes  situées  sur  les  ponts,  les  affaires 
intéressantes  du  ponceau  de  l'Arsenal  (sur  une  rigole  qui  déversait  les 
fossés  de  la  Bastille)6,  et  du  pont  Louis  XVI,  à  l'autre  extrémité  du 
Paris  d'alors7;  enfin  le  projet  à  peine  ébauché  de  substituer  un  pont 
de  pierre  au  Pont-Rouge8. 

Le  plan  général  de  ces  travaux  ne  datait  que  de  1769.  Ceux  qui 
étaient  relatifs  aux  remparts  ou  boulevards  remontaient  aux  lettres 
patentes  de  juillet  1670,  enregistrées  le  5  août  suivant.  Elles  furent 
renouvelées  sous  Louis  XVI  par  celles  du  mois  d'avril  1778,  enre- 
gistrées le  23  février  17819  :  il  s'agissait  alors  de   la  section  située 


1.  I  juillet  1782  :  Lettre  de  La  Millière,  pressant  les  travaux  de  la  prison  du 
Grand-Châtelet. La  Ville  demande  la  portion  de  l'emplacement  du  Petit-Châlelet, 
nécessaire  à  la  formation  du  quai  Bignon  (du  côté  de  la  rue  de  la  Huchettc)  et  à 
L'agrandissement  de  la  rue  Saint-Jacques.  —  Accordé.  (Arch.  pat.,  H.  1954.)  — 
|cr  avril  1783  :  Translation  des  9  étaux  (sur  12)  détruits  par  suite  de  la  démoli- 
tion du  Petit-Châtelet  et  de  la  formation  du  quai  depuis  le  Petit-Chàtelct  jus- 
qu'au pont  Saint-Michel.  (Let.  pat.  du  31  juillet  1767.)  Arch.  nat.,  H.  1955. 

2.  Let.  pat.  d'avril  1782,  enregistrées  le  28  juin  1782,  sur  l'agrandissement  du 
Jardin  Royal  des  plantes.  Arch.  nat.,  X  1b  8977. 

3.  Mémoire  des  sieurs  Mulart  et  Picard  (mai  1781),  chargés  en  1770  de  faire 
deux  copies  du  grand  plan  des  bords  de  rivière  et  embellissements  de  Paris. 
(Arch.  nat.,  H.  1954.)  —  Édit  de  sept.  1786,  enregistré  le  7,  ordonnant...  le  para- 
chèvement du  quai  d'Orsay. 

4.  H.  1953  (année  1780). 

5.  H.  1953,  passim. 

(i.  Délib.  du  bureau  de  la  Ville,  du  6  mars  178C  (H.  1957). 

7.  Lettre  d'Amelot,  du  1"'  mars  1777,  marquant  l'intérêt  du  prince  de  Condé  à 
cette  construction  (H.  1952). 

8.  Lettre  du  baron  de  Breteuil  à  la  Ville,  1"  mars  1788  (H.  1960). 

9.  H.  1954.  —  Ce  retard  tient  à  ce  que  l'enregistrement  ne  fut  demandé  que 
pour  mettre  fin  à  l'opposition  du  sieur  Grandin  et  de  la  veuve  du  président 
Portail,  qui  refusaient  toute  indemnité  pour  les  terrains  leur  appartenant.  On  lit 
dans  les  lettres  patentes  (page  2)  :  «  Les  remparts  sont  devenus  de  plus  en  plus 
fréquentés,  ce  qui  a  déterminé  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  à  ne  rien 
négliger  pour  rendre  cette  promenade  des  plus  agréables;  à  cet  effet,  ils  y  ont 
établi,  pendant  le  cours  de  l'été,  un  arrosement  très  dispendieux.  »  Voyez  aussi 
(H.  1951)  la  lettre  du  sieur  Picard,  inspecteur  des  bâtiments  de  la  Ville,  sur  la 
partie  du  rempart  de  la  rue  de  Richelieu  à  la  Chaussée-d'Antin  (fév.  1770),  de  la 
rue  Montmartre  à  Richelieu  (mars  1771),  de  la  porte  du  Temple  à  la  rue  Chariot 
et  à  la  porte  Saint-Honoré  (oct.  1771  —  mai  1773.)  —  Plans  levés  des  maisons 
riveraines.  —  États  recommencés  quatre  fois.  —  Difficultés  avec  les  propriétaires. 
Cette  lettre,  qui  résume  les  travaux  accomplis  en  1775,  est  du  20  mai  1775. 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS  15 

entre  la  rue  Poissonnière  et  la  rue  du  Temple  (boulevard  de  Notre- 
Dame  de  Bonne-Nouvelle).  Quant  aux  boulevards  du  midi,  ils  étaient 
presque  entièrement  achevés,  et  déjà  l'hôtel  des  Invalides  obtenait 
l'autorisation  de  vendre  une  portion  de  ses  terrains. 

Cependant  les  arrêts  du  Conseil,  et  en  particulier  celui  du 
19  mai  1767,  affectaient  toujours  de  considérer  les  boulevards  comme 
une  enceinte  défensive,  et  'interdisaient  en  général  d'y  ouvrir  des 
portes  cochères.  Les  exceptions  de  faveur  s'étaient  tellement  multi- 
pliées que  la  Ville  demanda,  le  27  novembre  1787  ',  la  révocation  d'une 
défense  aussi  illusoire  que  surannée.  Mais  elle  ne  l'obtint  pas,  proba- 
blement parce  que  les  remparts  proprement  dits  étant  seuls  sous  sa 
juridiction,  et  l'extérieur  sous  celle  du  Chàtelet,  la  question  ne  pouvait 
être  résolue  qu'après  l'entente  toujours  difficile  de  ces  deux  adminis- 
trations rivales.  Toutefois  la  Ville  sut  maintenir  énergiquement  et 
poliment  ses  droits  vis-à-vis  des  propriétaires  auxquels  elle  avait  con- 
cédé une  partie  de  ses  terrains  à  l'époque  où  les  boulevards  n'étaient 
encore  qu'une  promenade  d'agrément;  elle  fît  tomber  pour  y  construire 
des  trottoirs  les  barrières,  palissades,  et  petits  murs  de  clôture  qui 
longeaient  la  rue  Sainte-Apolline. 

On  sait  que,  depuis  deux  siècles  environ,  Paris  s'est  surtout  déve- 
loppé sur  la  rive  droite.  Cela  tiéntà  l'éloignement  relatif  des  hauteurs, 
et  par  conséquent  des  lieux  de  sources  situés  au  nord,  et  dont  le  relief 
modèle  la  convexité  du  fleuve.  Mais  longtemps  le  grand  égout  (ancien 
ruisseau  de  Ménilmontant)  avait  fait  reculer  les  habitations.  C'est  seu- 
lement après  que  Michel-Etienne  Turgot,  prévôt  des  marchands,  l'eut 
recouvert  de  voûtes  maçonnées  et  en  eut  assuré  le  curage  régulier  par 
l'établissement  d'un  réservoir  supérieur  (17-10) 2,  que  commencèrent  à 
se  transformer  les  terrains  de  la  Grange-Batelière,  des  Porcherons,  de 
Ville-l'Evèque  et  du  Boule.  Les  anciens  marais  devinrent  des  jardins 
d'agrément,  par  le  moyen  de  terres  rapportées.  La  Chaussée-d'Antin  se 
peupla;  après  les  rues  de  Provence  et  d'Artois  (aujourd'hui  rue  Laffitte)  5, 
furent  ouvertes  la  rue  Neuve-des-Mathurins  (1778),  la  rue  Neuve-des- 
Capucines  (aujourd'hui  rue  Joubert,  1780),  la  rue  Saint-Nicolas  (1781)  4. 
Signalons  encore  sur  la  rive  droite,  à  l'ouest,  la  rue  d'Astorg"(1775),  la 
rue  du  Colisée  (1779),  la  rue  Matignon  (1787),  d'abord  nommée  rue 


1.  Arch.  uat*  11.  1955  (28  mai  1784);  H.  1958  (27  uov.  1787). 

2.  Voyez  :  Méni.  de  M.  Girard,  lu  à  l'Académie  des  sciences,  le   15  juin  1818 
(imp.  Firmin-Didot),  p.  5. 

3.  Lettres  patentes  du  l'i  mai  4 770,  enregistrées  le  G  septembre  1771. 
':■.  Max.  du  Camp,  ouv.  cit.,  eh.  XXX,  à  la  fin. 


16  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

Millet,  du  nom  du  premier  particulier  qui  y  fit  construire  '  ;  au  centre 
et  au  nord,  la  rue  de  Ghabanais,  en  vertu  des  lettres  patentes  impétrées 
et  obtenues  par  Claude-Théophile-Gilbert  Colbert,  marquis  de  Chaba- 
nais  (1773) 2  ;  la  rue  de  Louvois,  en  vertu  des  lettres  patentes  accordées 
au  marquis  de  Louvois  (1784)3;  la  rue  de  Tracy  (1783)4;  les  rues 
de  Hauteville,  de  l'Echiquier,  d'Enghien,  sur  les  terrains  des  Filles-Dieu 
(1784)  s  ;  la  rue  Martel,  la  rue  Buffault  (1777)  6;  la  rue  Richer,  élargis- 
sement de  la  rue  de  l'Egout  (1782  et  1784)7  ;  les  rues  Montholon,  Pa- 
pillon, Riboutté  (1780) 8.  La  vente  au  domaine  royal  et  au  domaine  de 
la  Ville  des  terrains  qui  dépendaient  de  l'hôtel  Ghoiseul  permit,  et 
d'établir  la  Comédie-Italienne,  et  de  tracer  les  rues  Neuve-Saint-Marc, 
de  la  Terrasse,  Tournante,  d'Amboise?.  Au  nord-est,  après  la  rue  de 
Luucry  (1777) I0,  les  rues  de  Breteuil,  de  Boynes  et  de  Crosne,  furent 
prises  sur  le  terrain  de  l'hôtel  de  Boynes  (1787)  "  ;  le  duc  d'Angoulème, 
grand  prieur  de  France,  obtint  de  percer  de  nouvelles  rues  dans  les 
terrains  des  Marais-du-Temple,  entre  autres  celle  d'Angoulème  l2.  En- 
fin, à  l'est  de  la  Bastille,  les  abbesse,  prieure  et  religieuses  de  l'ab- 
baye royale  de  Saint-Anluine-des-Champs  obtenaient  d'ouvrir  sur  leurs 
terres  de  nouvelles  rues,  d'établir  un  marché  et  des  fontaines  (1777- 
1789)i3. 

Le  développement  de  la  rive  gauche  était  beaucoup  moins  sensible, 
et  ce  contraste  s'est  accusé  de  plus  en  plus  pour  les  raisons  de  topo- 
graphie générale  indiquées  plus  haut,  et  profondément  analysées  par 
Belgrand.  Les  inconvénients  qui  frappaient  tout  le  monde,  il  y  a  un 
siècle,  étaient  l'obstruction  et  l'infection  de  la  Bièvre,  l'insuffisance  et 


1.  Avis  de  la  Ville  du  19  août  1775  (H.  1951);  lettres  patentes  du  10  avril  1779, 
enregistrées  le  19  mai  (X  1b  8972j;  lettre  du  baron  de  Breteuil  (H.  1958). 

2.  Sur  les  terrains  de  l'hôtel  Saint-Pouange.  Avis  de  la  Ville  (sur  ces  lettres) 
du  5  juillet  1773  (H.  1951). 

3.  A  la  place  du  magnifique  hôtel  de  Louvois,  que  son  propriétaire  ruiné  ne 
pouvait  plus  ni  louer  avantageusement,  ni  habiter  (Y.  9500). 

4.  Avis  de  police  (Y.  9500). 

5.  Id.,  ibid. 

6.  II.  1952. 

7.  H.  1934,  1955. 

8.  Avis  de  la  Ville  au  Conseil,  du  11  août  1780  (H.  1954). 

9.  Avis  de  la  Ville  au  Conseil,  du  28  janvier  1780  (H.  1934).  —  Let.  pat.  du 
13  sept.  1781,  enregistrées  le  14  décembre  (X  1b  8976);  le  contrat  est  du  28  août. 

10.  H.  1932. 

11.  Y.  9300  (avis  de  police  du  13  février  1787). 

12.  Y.  9500  finis  de  police  du  31  déc.  1781). 

13.  Avis  de  la  Ville  au  Parlement,  du  27  juin  1777  (H.  1952).—  Lettres  patentes 
du  28  i'év.  1789,  concernant  le  pavé  et  la  fontaine  du  marché  du  faubourg  Saint- 
Antoine,  enregistrées  le  28  avril  (X  1b  8990). 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS  17 

le  délabrement  de  l'aqueduc  d'Ar'ctieil,  l'insécurité  du  sous-sol  miné 
par  de  nombreuses  carrières  '.  Cependant  Monsieur,  frère  du  roi, 
après  avoir  reçu  Je  Luxembourg  en  apanage  (1778),  obtint  l'année  sui- 
vante, à  titre  d'inféodation,  des  terrains  qui  en  dépendaient2,  avec  la 
faculté  «  de  se  jouer  de  la  totalité  dudit  fief  par  toutes  les  aliénations 
et  accensements  »  qu'il  lui  conviendrait  de  faire  3.  Ce  jeu  de  fief  donna 
lieu  à  de  nouvelles  constructions.  Il  en  fut  de  même  de  la  translation 
des  capucins  du  faubourg  Saint-Jacques  à  leur  nouveau  couvent  de 
la  Chaussée-d'Antin,  laquelle  livra  de  vastes  emplacements  à  la  circu- 
lation publique 4.  Les  opérations  de  simples  particuliers  sont  bien  plus 
rares  que  sur  la  rive  droite  :  toutefois  le  faubourg  Saint-Germain 
s'allonge  de  plus  en  plus;  dans  la  direction  du  sud,  «  Antoine  Roussel, 
curé  de  Saint-Lambert,  et  Jacques-Léonard  Morel,  ancien  contrôleur  des 
rentes  de  l'Hôtel  de  Ville,  sont  autorisés  à  ouvrir,  par  convention  et 
échange  de  biens  entre  eux,  la  rue  du  Mont-Parnasse  entre  la  rue 
Notre-Dame-des-Champs  et  le  nouveau  rempart  5  ».  A  l'extrémité  sud- 
ouest,  l'Ecole  militaire,  les  Invalides,  le  Palais-Bourbon,  restent  encore 
dans  leur  isolement,  et  sans  communication  directe  avec  la  rive 
droite. 

L'énuméralion  qui  précède,  sans  prétendre  être  complète6,  donne 
suffisamment  le  sens  du  développement  de  Paris  sous  Louis  XVI.  Il 
importe  de  faire  observer  que,  s'il  y  eut  un  dessein  suivi  en  ce  qui 
concerne  les  boulevards  et  les  quais,  il  n'y  en  eut  aucun  en  ce  qui  con- 
cerne les  nouvelles  rues.  On  se  contenta  de  leur  imposer  un  aligne- 
ment régulier  et  une  largeur  minima,  non  sans  une  résistance  marquée 
et  parfois  victorieuse  des  spéculateurs  qui  voulaient  perdre  le  moins 
de  terrain  possible.  La  plupart  de  ces  rues  s'allongent  parallèlement 


1.  Surnommées  catacombes  lorsque  l'on  y  eut  transporté  les  ossements  enlevés 
du  cimetière  des  Innocents. 

2.  Lettres  patentes  de  déc.  1778  (enregistrées  le  b  février  1779).  —  Lettres  pa- 
tentes du  25  mars  1779  (enregistrées  le  23  avril). 

3.  Par  dérogation  à  l'article  51  de  la  Coutume  de  Paris,  qui  n'autorisait  le  jeu 
de  fief  que  jusqu'à  concurrence  des  deux  tiers  de  la  propriété  foncière  dudit  fief. 
La  redevance  de  Monsieur  au  roi  consistait  en  deux  paires  d'éperons  d'or,  d'une 
valeur  de  5,726  livres  11  sous. 

4.  Lettres  patentes  de  décembre  1782,  enregistrées  le  31  janvier  1783.  —  L.  p. 
du  7  déc.  1783,  enregistrées  le  9  janvier  1784.  —  L.  p.  du  23  octobre  1784,  enre- 
gistrées le  24  janv.  178G  (X  1b  8978,  8980,  8984). 

5.  Avis  de  la  Ville  au  Parlement,  19  mai  1775  (H.  1951). 

6.  Les  dates  indiquées  sont  les  dates  légales,  et  non  les  dates  réelles  de  l'ou- 
verture des  rues.  Plusieurs  de  celles  qui  avaient  été  autorisées  en  dernier  lieu 
(exemple  :  la  rue  de  Tracy)  ne  furent  exécutées  qu'après  la  période  révolution- 
naire. 


18  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

aux  boulevards,  soit  en  deçà,  soit  au  delà  entre  les  grandes  voies  des 
faubourgs;  les  îlots  de  maisons  ont  la  forme  ordinaire  des  parcelles 
rurales;  ils  contrastent,  par  leur  petitesse  et  leur  régularité,  avec  la 
configuration  en  même  temps  massive  et  enchevêtrée  des  anciens 
quartiers. 

A  l'abri  du  Louvre,  obstruant  la  rue  Saint-Honoré,  les  abords  du 
Palais-Royal  et  le  débouché  de  la  rue  de  Richelieu,  l'antique  fonda- 
tion des  Quinze-Vingts  était  le  centre  d'un  enclos  privilégié,  qui  ne 
renfermait  pas  moins  de  cinq  à  six  mille  habitants,  de  condition  très 
humble,  et  pour  lesquels  la  mendicité  était  non  seulement  autorisée, 
mais  obligatoire.  Au  centre  même  de  Paris,  c'était  une  tache  que  bien 
des  intérêts  devaient  contribuer  à  faire  disparaître.  La  Ville  ne  pouvait 
être  consultée  sur  la  suppression  de  l'enclos,  puisqu'il  s'agissait  d'une 
portion  du  domaine  royal;  mais  à  coup  sûr  elle  ne  pouvait  qu'applau- 
dir à  une  mesure  favorable  à  la  fois  à  la  circulation  et  à  l'unité  légale 
de  la  commune.  La  maison  d'Orléans  y  voyait  l'agrandissement  et  le 
dégagement  de  son  palais  ;  le  roi,  l'entière  réunion  du  Louvre  avec  les 
Tuileries,  mais  surtout  le  bénéfice  que  produirait  pour  son  trésor  la 
vente  de  terrains  aussi  étendus  et  aussi  bien  situés.  Toutefois,  la  fon- 
dation de  saint  Louis  avait  un  caractère  vénérable;  les  droits  acquis 
des  privilégiés  ne  pouvaient  guère  être  méprisés  sans  injustice  et  sans 
inhumanité.  Etablir  pour  eux  un  régime  transitoire,  respecter  toutes 
les  formes  légales  dans  leur  expropriation  et  y  apporter  tous  les  adou- 
cissements désirables,  telle  était  la  marche  à  suivre.  Au  contraire, 
rien  ne  fut  plus  brutal  que  la  dépossession  des  Quinze-Vingts  ',  rien 
ne  fut  plus  scandaleux  que  les  concussions  et  les  rapines  dont  leur 
supérieur  immédiat,  le  cardinal  de  Rohan,  grand  aumônier  de  France, 
se  rendit  coupable,  avant,  pendant  et  après  la  translation  de  l'hôpital 
au  faubourg  Saint-Antoine.  Les  enquêtes  du  Parlement,  les  déposi- 
tions des  témoins  les  plus  honorables  firent  la  lumière  la  plus  com- 
plète dans  ces  honteux  agissements;  quatre  fois  des  remontrances,  de 
plus  en  plus  précises,  furent  apportées  «  au  pied  du  trône  ».  Louis  XVI, 
qui  ne  voulait  rien  voir,  rien  entendre ,  répondit  constamment  que 
son  grand-aumônier  n'avait  rien  fait  que  par  ses  ordres.  Un  tel  aveu- 
glement mérite  le  nom  de  complicité  :  surtout  si  l'on  se  rappelle  que 


1.  Lettres  patentes  du  roi,  de  déc.  1779,  concernant  la  translation  do  l'hôpital 
royal  des  Quinze-Vingts  pauvres  aveugles,  fondé  par  saint  Louis  en  12G0,  dans 
l'hôtel  anciennement  occupé  par  la  seconde  compagnie  des  mousquetaires,  rue 
de  Charenton,  faubourg  Saint-Antoine.  —  Cette  seconde  compagnie  était  surnom- 
mée Mousquetaires  noirs. 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS  49 

l'affaire  du  collier  (qui  suivit  immédiatement  celle  des  Quinze-Vingts 
et  fit  diversion)  ne  valut  au  cardinal  que  la  Bastille,  et  se  termina, 
après  acquittement,  par  une  simple  disgrâce. 

Les  cinq  à  six  millions  que  devait  rapporter  au  Trésor  la  vente  de 
l'enclos  des  Quinze-Vingts  étaient  peu  de  chose  en  comparaison  de 
toutes  les  espérances  que  fondaient  les  financiers  sur  la  nouvelle  en- 
ceinte de  la  Ferme  générale.  Il  était  devenu  impossible  de  surcharger 
les  taillables  du  royaume  ;  les  nobles  et  les  anoblis  repoussaient  toute 
imposition  foncière  comme  une  taille  dissimulée,  et  avaient  rejeté  sur 
les  classes  inférieures  le  fardeau  de  la  capitation  et  des  vingtièmes  ;  le 
clergé  avait  su  profiter  des  embarras  du  Trésor  pour  racheter  à  bon 
compte  la  capitation  et  le  dixième,  et  il  empruntait  pour  acquitter  ses 
dons  gratuits.  Si  le  Parlement,  pendant  la  guerre  contre  l'Angleterre 
(1778-1783),  avait  enregistré  sans  remontrances  de  nombreux  em- 
prunts, depuis  la  paix  de  Versailles  il  ne  parlait  plus  que  d'économies. 
11  protestait  contre  les  vingtièmes,  contre  la  solidarité  des  seigneurs 
et  des  paysans.  Il  se  fondait  sur  la  parole  royale  pour  repousser  tout 
accroissement  de  la  taille  '.A  tant  de  difficultés,  il  n'y  avait  qu'une  issue 
honorable  :  reconnaître  à  temps  le  droit  que  n'avait  jamais  pu  perdre 
la  nation  de  consentir  l'impôt,  d'en  régler  et  d'en  contrôler  l'emploi. 
C'est  pour  éviter  ou  pour  éloigner  le  plus  possible  cette  dure  nécessité 
que  la  royauté,  après  avoir  abusé  du  crédit  de  la  Ville,  voulut  aug- 
menter l'hypothèque  de  ce  crédit  par  une  perception  plus  étendue  et 
plus  rigoureuse  des  droits  d'octroi.  Déplacer,  reculer  des  barrières,  ce 
n'était  là  qu'un  acte  ordinaire  d'administration,  suivant  la  théorie  mi- 
nistérielle; le  Parlement  n'avait  pas  à  s'en  occuper,  la  Ville  ne  pouvait 
voir  qu'avec  reconnaissance  l'accroissement  naturel  et  légitime  de  ses 
ressources. 

La  Ville  (c'est-à-dire  les  officiers  qui  parlaient  en  son  nom  sans  au- 
cun droit),  la  Ville  témoigna  sa  docilité  ordinaire.  Mais  le  Parlement 
s'émut;  il  osa  déclarer  que,  pour  changer  d'une  aussi  notable  façon  la 
constitution  territoriale  et  contributive  de  la  capitale,  une  loi  enre- 
gistrée était  nécessaire.  Bien  que  les  délibérations  et  les  remontrances 
du  Parlement  fussent  secrètes,  le  public  n'ignorait  jamais  l'opinion  du 
Palais,  et  l'instinct  populaire  s'essayait  à  en  tirer  les  conséquences 


1.  La  fixité  du  principal  de  la  taille,  établie  en  1768,  était  illusoire,  puisque  les 
accessoires  pouvaient  toujours  être  augmentés  par  le  Conseil.  En  1780,  le  roi 
avait  ordonné  que  désormais,  «  sous  aucune  dénomination,  cet  impôt  ne  pourrait 
éprouver  d'augmentation  que  par  une  loi  enregistrée  en  ses  Cours  ».  (Mém.  du 
comte  de  Crillon,  dans  le  procès-verbal  de  l'assemblée  provinciale  de  la  géné- 
ralité de  Paris  en  1787,  page  102.) 


20  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

pratiques.  Les  modérés  dictaient  :  les  violents  agirent.  Puisque  les 
hommes  de  la  loi  considéraient  rétablissement  des  nouvelles  barrières 
comme  illégal,  la  fraude  n'était  plus  un  délit,  mais  une  résistance 
légale  à  l'oppression  des  financiers  et  aux  prodigalités  croissantes  de 
la  Cour  '.  Aussi  elle  s'organisa  partout  avec  une  audace  inouïe  et  un 
concert  irrésistible.  Il  ne  s'agissait  plus  seulement  de  boire  du  vin  à 
quatre  sous,  mais  pour  beaucoup  de  ne  pas  mourir  de  faim,  et,  au 
sens  de  l'opinion  publique,  de  couper  les  vivres  à  la  tyrannie.  Aussi 
bien,  les  barrières  furent  renversées  par  le  même  élan  que  la  Bastille; 
et  la  Constituante  fut  tellement  entraînée  dans  ce  mouvement  qu'elle 
dut  abolir  et  les  droits  d'octroi  de  Paris  et  la  plupart  des  impôts  indi- 
rects. 

Avant  les  grandes  journées  qui  opérèrent  de  force  l'union  de  la  Ville 
et  de  ses  faubourgs,  il  était  impossible,  de  la  meilleure  foi  du  monde, 
de  dire  quelles  limites  légales  les  séparaient.  Étaient-ce  les  dernières 
qu'avait  enregistrées  librement  le  Parlement,  en  1654?  ou  celles  du 
plan  de  1676?  ou  celles  des  déclarations  qui  les  avaient  modifiées  en 
1719,  1726,  1766?  ou  enfin  celles  que  commencèrent  à  jalonner  en 
1784  les  grotesques  monuments  symboliques  de  l'architecte  Ledoux? 
Nul  ne  le  savait  ni  ne  pouvait  le  savoir.  Cela  dépendait  des  théories 
politiques  ou  financières.  Le  bourgeois  qui  n'avait  pas  le  droit  d'avoir 
une  porte  cochère  sur  les  boulevards  (sous  prétexte  que  les  boulevards 
étaient  des  remparts)  rencontrait,  à  un  quart  d'heure  ou  une  demi- 
heure  plus  loin,  les  jaugeurs  de  la  Ferme  générale.  —  Quant  aux  fau- 
bourgs, comme  en  principe  leurs  impôts  ou  leurs  taxes  étaient  dis- 
tincts et  de  ceux  de  la  Ville  et  de  ceux  de  la  campagne,  un  arrêt  du 
Conseil  avait  tout  simplement  fixé  leur  ceinture  commune  aux  der- 
nières maisons  après  lesquelles  la  campagne  commençait  :  ce  qui  ne 
laissait  pas  de   donner  lieu  aux  interprétations  les  plus  arbitraires. 
Voilà,  semble-t-il,  un  régime  bien  absurde,  des  bizarreries  bien  dérai- 
sonnables. Ne  nous  arrêtons  jamais  à  cette  impression  superficielle, 
lorsqu'il  s'agit  de  comprendre  et  de  juger  un  gouvernement  aussi  es- 
clave de  ses  principes  et  de  ses  traditions  que  l'absolutisme.  Si  les 
limites  de  Paris,  si  celles  de  ses  faubourgs  étaient  flottantes,  celles  de 
la  prévôté  et  vicomte  étaient  exactement  définies2.  En  d'autres  termes, 
le  ressort  du  Cbàtelet,  et  par  conséquent  celui  de  la  lieutenance  géné- 
rale de  police  englobait  tout  Paris,  de  quelque  manière  que  l'on  entendit 


1.  Voyez  sur  cette  résistance,  qui  n'est  pas  particulière  [àParis,  les  Origines 
de  la  France  contemporaine,  par  M.  Taine,  t.  Il,  p.  21. 

2.  Voyez  YAlmanach  royal  de  1789,  p.  417,  Banlieue  de  Paris. 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS  21 

le  nom  de  la  capitale  :  pour  la  royauté,  c'était  l'essentiel;  elle  avait 
intérêt  à  effacer  ainsi  les  vestiges  subsistants  des  anciennes  juridictions 
communales  ou  féodales  ',  à  tout  confondre,  Paris  et  banlieue,  sous  la 
même  administration  supérieure.  Aussi,  lorsqu'il  s'agit  en  1789  de 
déterminer  le  mode  de  convocation  de  Paris  et  de  la  prévôté,  le  Châ- 
telet  l'emporta  nécessairement  sur  l'Hôtel  de  Ville,  et  si  le  règlement 
de  Necker  accorda  quelque  ebose  aux  privilèges  delà  Capitale,  on  peut 
dire  qu'il  refusa  tout  aux  revendications  de  la  Commune  2. 

Quelle  était,  à  la  fin  de  l'ancien  régime,  la  population  de  Paris? 
Aucun  recensement  proprement  dit  ne  permet  de  répondre  à  cette 
question  par  un  chiffre  officiel  ?.  Aussi  les  hypothèses  et  les  calculs  ne 
manquent  pas,  et  le  problème  a  exercé  la  sagacité  des  politiques  et  des 
économistes.  Les  réflexions  d'Arthur  Young,  de  Lavoisier,  ont  pour 
principale  base  ce  que  l'on  pouvait  connaître  (par  l'octroi)  de  la  con- 
sommation de  Paris.  Necker  raisonne  sur  le  nombre  moyen  des  nais- 
sances annuelles  4  et  leur  rapport,  plus  ou  moins  bien  connu  d'après 
quelques  recensements  partiels,  avec  la  population  ;  d'ailleurs  il  n'est 
rien  moins  qu'affirmatif  :  «  La  population  de  la  capitale  est  difficile  à 
déterminer  par  les  calculs  ordinaires,  vu  que,  sur  un  nombre  annuel 
de  20,500  ou  "20,000  naissances,  le  quart  environ  est  composé  d'en- 
fants trouvés  nés  à  Paris  :  et  une  semblable  génération,  moissonnée 
dès  les  premières  années  dans  une  proportion  effrayante,  n'offre  pas 
une  base  exacte  aux  recherches  sur  la  population;  mais  aussi,  un 
nombre  considérable  s  d'étrangers  et  de  gens  de  province  viennent  con- 

1.  C'est  en  vertu  des  mêmes  principes  (ou,  si  l'on  veut,  par  suite  de  la  même 
évolution  historique)  que  les  généralités  financières  avaient  dans  le  royaume 
démembré,  dépecé,  réuni  ou  séparé  malgré  elles  les  anciennes  provinces.  Les 
pays  d'Étals  ont  résisté.  De  là,  immédiatement  avant  1789,  l'analogie  saisissante 
de  leurs  sentiments  et  de  leur  conduite  avec  les  sentiments  et  la  conduite  des 
Parisiens. 

2.  Voyez  «  les  Élections  de  Paris  »,  de  M.  Chassm. 

3.  Dans  le  tome  1er  (et  unique  jusqu'ici)  des  Mémoires  des  intendants  (géné- 
ralité de  Paris)  publiés  dans  la  Collection  des  documents  inédits  de  l'Histoire  de 
France,  M.  Arthur  de  Boislisle  (introduction,  p.  xxi)  a  réuni  un  certain  nombre 
de  chiffres  donnés  au  XVIIIe  siècle  sur  la  population  de  Paris  :  ils  varient 
entre  500,000  habitants,  d'après  Busching,  et  000,000,  d'après  Lubersac.  Je  lis 
un  million,  p.  31  du  Mémoire  de  Lemaire,  en  1170  (donné  par  M.  Gazier  à  la 
Soc.  de  l'Histoire  de  Paris  et  de  l'Ile-de-France,  t.  V).  Je  lis  «  plus  d'un  million», 
p.  29  de  l'Atlas  chorographique ,  de  Desnos,  avec  uue  note  singulière  qui  réduit 
ce  chiffre,  d'après  une  gazette  anglaise,  à  750,000.  —  Le  même  Lemaire,  en  1789, 
dit  800,000,  probablement  pour  ne  pas  trop  contredire  Necker. 

4.  11  est  assez  curieux  qu'il  n'ait  pas  demandé  aux  registres  de  la  capitation 
et  des  vingtièmes  le  nombre  des  feux.  (Adm.  des  finances,  I,  p.  277.) 

5.  Les  registres  de  police  que  les  loueurs  de  garnis  étaient  obligés  de  tenir 
auraient  pu  renseigner  assez  exactement  sur  ce  point. 


22  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

tinuellement  à  Paris,  ou  pour  leurs  plaisirs  ou  pour  leurs  affaires.  Il 
faut  donc  rassembler  diverses  notions,  afin  de  se  former  une  idée  du 
nombre  ordinaire  des  habitants  de  Paris;  et  je  crois,  d'après  plusieurs 
indices,  qu'on  ne  s'écarterait  guère  de  la  vérité  en  évaluant  ce  nom- 
bre de  640,000  à  080,000,  selon  les  saisons  de  l'année  où  la  ville  est 
plus  ou  moins  [peuplée1.  »  Selon  l'ordonnance  du  17  août  1737  2,  les 
curés  des  paroisses  dépendantes  du  Chàtelet  de  Paris  devaient  faire 
parapher  leurs  registres  de  naissances,  mariages  et  décès  par  le  lieu- 
tenant civil;  c'est  par  la  compilation  annuelle  de  ces  registres  que  le 
gouvernement  pouvait  réunir  les  documents  statistiques  sur  lesquels  spé- 
cule Necker  ?,  et  dans  lesquels  sont  certainement  comprises  les  douze 
paroisses  des  faubourgs.  —  Il  ressort  de  tous  les  témoignages  que  les 
trois  ou  quatre  années  qui  précédèrent  la  Révolution  amenèrent  à 
Paris  un  surcroit  inusité  de  population.  Bien  des  causes  contribuaient 
à  l'attirer  :  la  liberté  relative  d'un  certain  nombre  de  métiers,  vestige 
de  la  grande  réforme  de  Turgot;  la  multitude  des  travaux  de  terras- 
sement et  de  maçonnerie  ;  la  misère  croissante,  ou  plus  douloureuse- 
ment ressentie  dans  les  campagnes;  l'accumulation  des  richesses  dans 
la  capitale  ;  enfin  cet  instinct  politique  indéfinissable  qui  conduisait 
Jacques  Bonhomme  du  coté  de  Paris,  comme  il  poussait  l'habitant  de 
Paris  vers  l'Hôtel  de  Ville.  C'est  pourquoi  la  Commune  de  1789  n'eut 
plus  rien  de  bourgeois  ni  de  particulariste  :  elle  fut  éminemment  pa- 
triote et  nationale;  elle  ne  fit  pas  une  révolte,  elle  fit  une  révolution. 

Cependant  la  constitution  juridique  et  administrative  du  Paris  mo- 
narchique semblait  faite  non  seulement  pour  étouffer  à  jamais  la 
liberté  communale,  mais  aussi  pour  éterniser  les  divisions,  et  donner 
au  roi  seul  l'arbitrage  suprême  des  conflits  de  juridiction  et  des  riva- 
lités de  corps.  Nulle  part  sans  doute  dans  le  royaume  les  classes  so- 
ciales n'étaient  plus  mêlées  qu'à  Paris;  on  pouvait  nommer  des  curés, 
des  magistrats,  de  grands  seigneurs,  et  même  un  prince  du  sang  très 
populaires  ;  n'oublions  pas  non  plus  que  les  principales  impositions  ou 
contributions  à  l'intérieur  des  barrières  (capitation,  vingtièmes,  droits 
domaniaux,  droits  d'octroi)  tombaient  sur  tous  les  habitants,  et  qu'il 
n'y  avait  point  d'exception  de  principe,  s'il  y  en  avait  beaucoup  de 
faveur.  En  dépit  de  ces  symptômes  remarquables  d'unité  morale,  et 


1.  Necker  attribue  à  toute  la  France,  y  compris  la  Corse,  environ  25  millions 
d'habitants.  Par  conséquent,  si  la  France,  depuis  un  siècle,  s'était  accrue  comme 
Paris,  elle  aurait  100  millions  d'âmes;  si  Paris  n'avait  augmeuté  cpie  dans  la 
proportion  générale,  il  dépasserait  à  peine  le  million. 

2.  Isambert,  t.  XXII,  p.  30. 

3.  Ni  les  juifs  ni  les  protestants  n'y  étaient  donc  comptés. 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS  23 

de  cette  égalité  devant  le  fisc,  non  seulement  Paris  n'était  pas  une 
commune,  mais  il  n'était  même  pas  une  ville  :  si  du  moins  par  ce  mot 
il  faut  entendre  un  tout  cohérent,  un  mécanisme  politique,  même 
sans  autre  moteur  que  la  volonté  du  souverain. 

Le  Paris  de  Philippe-Auguste  avait  son  harmonie;  au  centre,  dans 
la  Cité,  le  Palais  et  l'Eglise;  à  gauche  l'Université;  à  droite  la  Ville, 
organisée  en  corps  de  marchands  et  en  corporations  '.  L'usage  main- 
tint ces  dénominations,  et  on  les  retrouve  encore  dans  l'almanach  de 
1789 2  ;   mais  le  temps  leur  avait  enlevé  une  grande  partie  de  leur 
valeur.  Le  Palais,  depuis  longtemps  abandonné  aux  «  gens  du  roi  », 
était  devenu  l'asile,   souvent  violé,  de  la  résistance  légale.  L'arche- 
vêque nommé  par  le  roi,   investi  par  le  pape,  accordait  ou  brouillait 
tour  à  tour  «  les  deux  puissances  »  ;  il  avait  beaucoup  moins  de  pou- 
voir que  les  évèques  ses  prédécesseurs  ?;  privé  de  sa  justice  seigneu- 
riale en  16G6,  il  ne  l'avait  recouvrée  que  bien  diminuée  en  avril  1674  : 
d'ailleurs,  même  suppression  et  même  restitution  avaient  eu  lieu  en 
laveur  de  son  chapitre.  —  L'Université,  même  après  la  suppression 
de  la  Société  de  Jésus,  n'était  pas  redevenue  le  concile  permanent  des 
Gaules.    Elle   défendait  toujours  les   maximes  gallicanes,    mais    ces 
maximes  n'étaient  plus,  depuis  1082,  que  celles  de  l'assujettissement  de 
l'Eglise  au  pouvoir  royal  :  et  les  rois,  satisfaits  de  leurs  conséquences 
politiques,  se  souciaient  fort  peu  d'en  maintenir  la  doctrine  théolo- 
gique. On  ne  parlait  plus  guère  de  la  bulle  Unigenitus,  mais  on  y  pen- 
sait toujours  :  toutefois  les  curés  jansénistes  avaient  peu  à  peu  été 
remplacés,  et  les  instructions  ultramontaines  de  l'archevêque  de  Jui- 
gné  n'excitaient  pas,  comme  celles  de  ses  prédécesseurs,  de  troubles 
religieux.  Malgré  cette  docilité  du  troupeau,  l'Église  de  Paris  était 
profondément   désorganisée.  Les  curés  étaient  tiraillés,  au  point  de 
vue  de  la  discipline,  entre  les  deux  officialités  :  celle  de  l'archevêque 
et  celle  du  chapitre;  ils  suivaient  en  général  les  inspirations  de  leurs 
patrons  ou  collateurs.  Six  lieux  étaient  exceptés  de  l'ordinaire  4.  Les 
vingt-quatre  religieux  et  maisons  régulières  établis  à  Paris  échap- 
paient également  à  l'autorité  diocésaine  ;  neuf  avaient  leurs  généraux 


1.  Les  statuts  rédigés  par  Etienne  Boileau ,  prévôt  de  Paris,  sous  le  règne  de 
saint  Louis,  n'ont  fait  évidemment  que  régulariser  un  état  de  choses  antérieur. 

2.  Page  103:  à  propos,  il  est  vrai,  de  la  distribution  des  paroisses. 

3.  Le  titre  d'archevêché  ne  date  que  de  1622. 

4.  Saint-Jean-Baptisto  (et  Saint-Denis)  ;  la  Sainte-Chapelle  du  Palais  ;  le  Temple  ; 
Saint-Jean-de-Latran ;  les  Quinze- Vingts  ;  Saint-Symphorien.  —  Sur  le  Temple, 
voyez  les  Commande  ries  du  grand-prieuré  de  France,  par  E.  Mannier  (Paris, 
1872). 


24  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

ou  abbés  à  Paris  ',  dix  à  Rome  2,  un  à  Madrid  3,  les  autres  à  Feuillant4 
(diocèse  de  Rieux,  Languedoc),  à  la  Chartreuse  de  Grenoble  s,  à  Ci- 
teaux6,  à  Prémontré  (près  Soissons)7.  Dans  la  lutte  du  clergé  séculier 
et  du  clergé  régulier,  le  premier  avait  les  sympathies  publiques,  parc'e 
qu'il  était  le  plus  utile,  et  l'appui  du  pouvoir  laïque,  intéressé  aux  sup- 
pressions et  aux  unions  de  monastères.  Le  Parlement,  qui  avait  pris 
parti  dans  les  discussions  théologiques,  ne  pouvait  plus  être  l'arbitre 
de  ces  discussions  d'intérêt  :  le  Conseil  connaissait  souvent  des  appels 
comme  d'abus,  qui  étaient  évoqués  par  le  roi8,  quand  celui-ci  vou- 
lait «  des  services,  et  non  des  arrêts  ». 

Quant  à  la  Ville,  le  troisième  élément  territorial  de  Paris,  elle  s'était 
vu  peu  à  peu  déposséder  de  ses  attributions  naturelles,  même  purement 
municipales,  par  le  Châtelet;  elle  n'avait  gardé  de  juridiction  que  sur 
son  domaine  (les  bords  de  la  Seine,  les  îles  Louvier  et  des  Cygnes,  les 
ponts,  même  royaux,  les  remparts)  et  dans  un  cercle  d'attributions  de 
police  restreint  aux  démolitions,  aux  égouts  et  aux  fontaines  publi- 
ques. Il  est  vrai  que  si  à  Paris  elle  était  placée  en  sous-ordre,  en 
revanche  elle  jouissait  d'une  autorité  démesurée  en  ce  qui  concernait 
les  rivières  et  canaux  navigables  desquels  dépendait  l'approvisionne- 
ment de  la  Ville,  Le  vaisseau  restait  son  exact  symbole.  Elle  n'avait 
d'autorité  que  sur  les  corporations  dites  de  rivière.  Toutes  les  autres 
prêtaient  serment  au  Châtelet  :  celles-là  prêtaient  double  serment,  au 
Châtelet  et  à  la  Ville. 

L'unité  du  Paris  primitif  s'était  faite  autour  de  l'Eglise;  elle  s'était 
maintenue  autour  des  premiers  Capétiens.  Rompue  sous  les  Valois, 
elle  ne  put  se  reformer  ni  autour  du  pouvoir  municipal,  ni  autour  du 
pouvoir  royal.  Paris  s'accrut  d'éléments  hétérogènes,  qu'il  n'eut  point 
la  force  d'absorber  et  de  s'assimiler  9.  Il  ne  donna  pas  de  loi  commune , 

1.  L'ordre  de  Cluny,  à  Saint-Martin-des-Chainps  ;  les  Chanoines  réguliers  de 
la  Congrégation  de  Fiance,  place  Sainte-Geneviève;  les  Frères  de  la  Charité;  les 
Frères  de  la  Doctrine  chrétienne;  les  Pénitents  du  tiers-ordre  de  Saint-François, 
au  couvent  de  Nazareth,  près  du  Temple;  les  Oratoriens;  les  Bénédictins  de  Saint- 
Maur;  les  prêtres  de  la  Mission;  les  Bénédictins  anglais. 

2.  Les  Cordeliers,  les  Jacobins,  les  Cannes,  les  Augustins,  les  Minimes,  les 
Récollets,  les  Théatins ,  les  Capucins,  les  Barnabites,  les  Carnies-déchaux. 

:i.  Religieux  de  Noire-Daine  de  la  Mercy. 
4.  Feuillants. 
î).  Chartreux, 
(i.  Bernardins. 

7.  Prémontrés. 

8.  Plus  exactement,  le  Conseil  arrêtait  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  à  un  appel 
comme  d'abus  au  Parlement,  évoquait  le  fond  de  l'a/faire,  et  décidait  sans 
appel,  sauf  à  exposer  le  roi  à  des  Remontrances. 

9.  Les   édits  de    1GGG  idée.)  et   de   1674   (fév.)   avaient  incorporé   au   Châtelet 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS  25 

de  constitution,  aux.  seigneuries  féodales  soit  laïques,  soit  ecclésias- 
tiques qu'il  engloba  dans  ses  enceintes  successives.  Jusqu'en  4789  des 
bourgs  anciens,  sous  le  nom  d'enclos,  des  bailliages  privés,  des  terri- 
toires privilégiés,  gardèrent  les  traditions  du  moyen  âge,  qui  semblaient 
aussi  sacrées  que  la  propriété  du  sol  :  la  juridiction  même  de  l'Hôtel 
de  Ville  (en  dehors   d'attributions   modernes  comme  le  service   des 
rentes)  reste  essentiellement  féodale',   c'est-à-dire  confinée  dans  des 
limites   topographiques,  plutôt  que  déterminée   par    des    définitions 
législatives.  On  le  lui  rappelle  durement,  lorsqu'en  1789  elle  prétend 
convoquer  les  électeurs  des  trois  ordres  en  corps  de  commune.  J'a- 
jouterai qu'on  le  lui  rappelle  injustement,  car  toutes  les  autres  institu- 
tions d'Eglise  ou  d'État  étaient  alors  féodales  par  quelque  côté.  C'est 
comme  duc  de  Saint-Gloud,  et  non  comme  chef  de  l'Eglise  de  Paris, 
que  l'archevêque  tenait  le  bailliage  de  sa  duché-pairie  ;  c'est  comme 
seigneur  temporel  qu'il  recevait  l'hommage  et  les  redevances  de  neuf 
fiefs  situés  dans  Paris  ou  aux  environs  2.  Le  Parlement  de  Paris,  cour 
souveraine  par  excellence,  agissait  comme  seigneur  dans  l'enclos  du 
Palais,  habité  non  seulement  par  un  grand  nombre  de  ses  suppôts,  et 
par  des  prisonniers,  mais  encore  par  de  riches  corporations.  L'Uni- 
versité avait  son  tribunal,  et  pendant  longtemps  reçut,  dans  la  per- 
sonne de  son  recteur  élu,  le  serment  du  prévôt  de  Paris,  conservateur 
de  ses  privilèges.  Le  Luxembourg,  le  Palais-Royal,  avaient  leurs  bail- 
liages princiers.  Enfin  le  roi  lui-même  était  moins  souverain  que  sei- 
gneur au  Louvre  et  à  la  Bastille-Saint-Antoine  3.  On  le  voit  :  la  féoda- 
lité était  encore  partout;  ce  n'était  plus  sans  doute  celle  des  guerres 
et  des  déprédations  locales  :  c'était  celle  des  procédures  abusives  et 
contradictoires,  du  grimoire  canonique  et  coutumier,  des  droits  de 


19  justices  seigneuriales;  mais  Louis  XIV  rétablit  lui-même  celles  de  L'arche- 
vêché et  (lu  chapitre  (1674),  de  Saint-Germain-des-Prés  (1675,  1691,  ltiit.'î;,  du 
Temple  (1G78),  de  Saint-Jean-de-Latran  (1676).  Les  juridictions  abbatiales  furent 
restreintes  inter  claustra.  Les  abbés  de  Sainte-Geneviève  et  de  Saint-Martin-des- 
Champs  gardèrent  leurs  justices  jusqu'à  la  Révolution.  —  Le  bailliage  (laïque) 
de  l'Arsenal  fut  supprimé  en  avril  17S8. 

1.  Son  titre  officiel,  dans  VAlmanaeh  rouai  (p.  ï36),  est  :  Corps  de  la  maison 
de  l'Hôtel  de  Ville. 

2.  La  Trémoille  (rue  des  Bourdonnais),  le  Roule,  la  Grange -Batelière,  les 
Francs-Rosiers,  Outre-petit-pont,  Tirechappe,  Thibaud-aux-des,  les  Tombes, 
Passy  (et  non  Poissy,  comme  il  est  imprimé  dans  la  Description  de  Piganiol  de 
la  Force,  t.  I,  p.  63). 

3.  Prévôté  de  l'hôtel  du  roi;  —bailliage  et  capitainerie  des  chasses  de  la  Varenne 
du  Louvre;  —  id.,  des  Tuileries ;  —  gouvernement  du  château  royal  de  la  Bastille. 
Les  abus  de  pouvoir,  les  empiétements  parfois  extravagants  de  ces  institutions, 
commis  au  nom  du  roi,  accusent  encore  leur  caractère  féodal. 


26  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

cens,  de  lods  et  de  ventes  ',  des  hommages  et  des  dénombrements,  des 
Chartres  privées  et  des  emprisonnements  arbitraires. 

A  Paris  comme  dans  l'ensemble  du  royaume,  le  seul  principe  d'unité 
qui  se  développe  avec  force  et  en  toute  liberté  vers  la  fin  de  l'ancien 
régime,  c'est  la  volonté  royale  servie  par  l'arbitraire  ministériel  et 
par  l'action  administrative.  Lorsque  Delamare  émet  cet  aphorisme  : 
«  II  ne  doit  y  avoir  qu'un  magistrat  pour  une  ville,  comme  il  n'y  a 
qu'un  évoque  »,  c'est  du  lieutenant  général  de  police  qu'il  entend 
parler2.  L'échec  final  de  celte  tentative  d'unification  s'explique  fort 
bien.  L'unité  communale  ne  peut  pas  plus  être  le  résultat  d'une  vo- 
lonté étrangère  à  la  commune,  que  l'unité  organique,  celui  d'une  force 
extérieure  au  corps  animé.  Mais  la  royauté  n'a  même  pu  produire 
l'uniformité,  imposer  des  cadres  fixes  à  la  mobilité, des  privilèges  et  à 
la  diversité  des  litres  originels.  Contentons-nous  pour  plus  de  clarté 
d'examiner  ces  trois  termes,  l'Eglise  séculière,  le  Ghàtelet  et  l'Hôtel 
de  Ville,  et  ne  les  comparons  qu'à  un  seul  point  de  vue,  les  divisions 
du  sol  parisien.  Pour  l'Eglise  séculière,  il  y  a  47  paroisses  ?,  8  en  la 
Cité,  16  en  la  Ville,  9  en  l'Université,  12  dans  les  faubourgs  4.  Pour  le 
Ghàtelet  et  au  point  de  vue  spécial  mais  dominant  de  la  police,  il  y  a 
vingt  quartiers  s,  ayant  chacun  son  inspecteur,  et  subdivisés  en  dépar- 


1.  Eu  voici  un  exemple  bizarre,  qui  se  rapporte  directement  à  notre  sujet  : 
La  Ville,  comme  propriétaire  de  l'île  Louvier,  doit  à  la  terre  de  la  Tour  de 
Chaumont,  dite  au  Bègue,  uni'  redevance  annuelle  de  deux  chapons  et  une  mine 
de  blé,  à  titre  de  cens,  payable  le  jour  de  Noël.  Déclaration  en  a  été  passée 
devant  Mes  Guérin  et  Talouet,  le  24  janvier  1704;  renouvelée  devant  Mc  Mar- 
chand, le  Ler  août  1733.  Le  23  août  1788,  le  bureau  accorde  un  nouveau  titre,  et 
des  arrérages  ('•chus  depuis  L763,  à  «  très  haute  et  très  illustre  dame  Mme  Louise 
Elisabeth  de  la  Rochefoucauld,  duchesse  d'Envillç,  veuve  de  très  haut  et  très 
illustre  seigneur,  monseigneur  Jean-Baptiste-Louis-Frédéric  de  la  Rochefoucauld, 
duc  d'Envillç,  lieutenant  général  des  armées  navales  et  des  galères  de  France  ». 
(Arch.  nat.,  11.  L959.)  —  Dans  sa  directe  et  censive,  le  roi  a  G  deniers  de  cens 
par  chaque  toise  de  terrain  produisant  lods  et  vente,  saisine  et  amende.  {Cou- 
tume de  Paris.)  « 

2.  Unius  urlii.s  c/  unus  episcopus,  ci  unus  magistratus  (Traité  de  la  Police, 
t.  I,  p.  140)  :  tout  le  titre  IX  de  l'ouvrage  vient  à  l'appui.  Voyez  aussi,  même 
tome,  page  113. 

3.  48,  avant  la  suppression  des  Saints-Innocents. 

4.  Sans  compter  les  13  paroisses  de  la  banlieue  ecclésiastique,  qui  est  loin  de 
concorder  avec  les  limites  de  la  prévôt/'. 

5.  La  Cité,  Saint-Jacques-de-la-Boucheric ,  Sainte- Avoye ,  la  Grève,  Sainte- 
Opportune,  le  Louvre,  Saint-André,  place  Maubert,  Saint-Antoine,  Saint-Paul, 
le  Temple  (ou  le  Marais),  Saint-Martin,  Saint-Denis,  les  Halles,  Saint-Eustache, 
Saint-Honoré,  Saint-Germain-des-Prés,  Saint-Benoît,  Luxembourg,  Muni  martre. 
C'est  (autant  que  possible)  l'ordre  chronologique;  l'ordre  administratif  com- 
mence par  la  Cité',  continue  par  les  14  quartiers  de  la  rive  droite  et  se  termine 
par  les  :;  de  la  rive  gauche. 


LA  ROYAUTÉ  ET  PARIS  27 

tements  de  commissariats,  tantôt  2,  tantôt  3,  en  tout  48  '.  La  division 
en  vingt  quartiers  ne  date  que  de  Ledit  de  décembre  1701.  Jamais 
l'Hôtel  de  Ville  ne  s'y  est  résigné  :  pour  lui,  le  nombre  des  seize  quar- 
tiers du  XIVe  siècle  est  immuable;  les  dénominations  dont  il  se  sert  ne 
sont  pas  les  mêmes  que  celles  du  Ghâtelet,  l'ordre  est  différent,  et  part 
non  de  la  Cité,  mais  de  la  maison  de  ville  2.  Lorsque  en  1042  Louis  XIII 
créa  un  office  supplémentaire  de  quartenier,  lorsque -Louis  XIV  en 
créa  quatre  en  1702,  les  seize  quarteniers  en  exercice  s'empressèrent 
de  les  racheter. 

Imaginez  maintenant  une  carte  du  Paris  de  1781)  où  soient  figurées 
tout  ensemble  les  limites  des  paroisses,  celles  des  quartiers  de  la  police 
et  celles  des  quartiers  de  l'Ilôtel-de-Ville  ;  où  soient  distribués  çà  et 
là  les  enclos  privilégiés,  les  juridictions  particulières.  A  côté  de  cette 
carte,  placez  celle  de  la  France,  avec  les  limites  des  provinces  ecclé- 
siastiques, des  diocèses,  des  provinces,  des  bailliages  et  sénéchaussées, 
des  apanages,  des  généralités  financières,  des  élections.  Vous  recon- 
naîtrez de  part  et  d'autre  la  même  incohérence,  les  mêmes  bigarru- 
res, très  intéressantes  pour  l'érudit,  très  instructives  pour  l'historien, 
mais  infiniment  décourageantes  pour  le  politique,  qu'il  eût  en  vue  l'ordre 
ou  la  liberté.  En  ce  sens,  Paris,  la  patrie  commune,  ne  ressemblait 
que  trop  à  la  grande  patrie.  On  conçoit  dès  lors  pourquoi  les  prin- 
cipes, les  systèmes,  les  théories,  et  même  les  utopies,  furent  tant  à  la 
mode  au  XVIIIe  siècle  ;  loin  d'être  opposé  à  la  méthode  d'observation 
et  loin  d'exclure  la  connaissance  des  faits,  ce  genre  de  philosophie' en 
était  le  résultat  naturel.  Lorsque  tout  était  complication ,  obscurité, 
droits  acquis  ou  injustices  consacrées,  conflits  judiciaires,  ecclésiasti- 
ques ou  administratifs  dans  la  société,  l'esprit  français  réagit  par 
l'ordre,  la  clarté,  la  déduction  serrée  et  logique.  Perdu  dans  la  forêt 
dont  parle  Descartes,  il  va  droit  devant  lui,  frayant  sa  route.  C'est  que 
la  méthode  de  la  vie  n'est  pas  celle  de  la  science.  Si  la  science  divise 
patiemment  les  difficultés  pour  les  mieux  résoudre,  la  vie  les  ignore, 
les  méprise  ou  les  écarte,  afin  d'en  triompher. 

Le  4  août  est  né  du  14  juillet  :  la  Révolution  a  fait  de  Paris  une 
Commune,  avant  de  faire  de  la  France  une  Nation.  Il  est  impossible  de 

1.  Nombre  des  quartiers,  d'après  la  loi  du  8  pluviôse  an  VIII  (17  fév.  1SU0). 
C'est  un  hasard  si  le  nombre  des  commissariats  est  le  même  que  celui  des 
paroisses.  Ils  sont  à  peu  près  d'égales  dimensions,  tandis  que  celles-ci  les  ont 
toutes. 

2.  Hôtel-de- Ville ,  place  Royale,  Marais,  Saint-Martin,  Saint-Denis,  Saints- 
Innocents,  Halles,  Saint-Eustache ,  Palais-Royal,  Louvre,  Saint-Gennain-des- 
Prés,  Luxembourg,  Sorbonne,  Sainte-Geneviève,  Ile-Notre-Dame  (Saint-Louis), 
Cité. 


28  INTRODUCTION  HISTORIQUE 

dire,  il  serait  puéril  de  rechercher  laquelle  doit  le  plus  à  l'autre,  de 
cette  Commune-Capitale,  ou  de  la  Nation  elle-même,  tant  leurs  causes 
sont  devenues  inséparables.  L'unité  de  Paris  fut  une  conquête  pré- 
cieuse en  1789,  une  force  inappréciable  dans  les  années  qui  suivirent. 
Elle  fît  la  fédération,  terrassa  le  fédéralisme,  et  maintint,  contre  les 
ennemis  du  dehors  et  du  dedans,  l'unité  et  l'indivisibilité  de  la 
République. 


INSTITUTIONS  DE  PARIS 


LE  PARLEMENT 

Les  institutions  de  Paris  sous  l'ancien  régime  peuvent  se  répartir, 
suivant  leurs  objets  ou  leurs  caractères  essentiels,  entre  trois  caté- 
gories, non  pas  absolument  séparées,  mais  suffisamment  distinctes. 

Les  unes  font  de  Paris  une  capitale,  c'est-à-dire  une  ville  maîtresse, 
pourvue  des  organes  nécessaires  pour  exercer  une  action  prépondé- 
rante dans  tout  l'État  ou  dans  la  plus  grande  partie  et  la  plus  impor- 
tante de  l'État. 

Les  autres  tendent  à  réduire  Paris  à  n'être  plus  que  la  •première  des 
«bonnes  villes»  royales,  gouvernée,  surveillée,  administrée  avec 
plus  de  difficulté  sans  doute  que  le  reste  du  territoire,  mais  par  les 
mêmes  procédés  ou  par  des  procédés  analogues. 

Les  institutions  de  la  troisième  catégorie  sont  essentiellement  mu- 
nicipales, sinon  par  leur  origine,  au  moins  par  leur  nature  et  leur 
objet  :  ce  sont  comme  les  fragments  d'une  Commune  idéale  que  l'on 
se  figure  avoir  existé  naguère,  et  qui  tendent  à  se  réunir. 

C'est  à  cause  des  droits,  des  privilèges,  de  la  force  de  la  Capitale, 
que  le  roi  déteste  tout  ce  qui  peut  rendre  ou  donner  l'unité  à  la  Com- 
mune. 

Le  Parlement  de  Paris  est  l'institution  qui  caractérise  le  mieux  la 
Capitale  ;  il  faut  y  ajouter  les  trois  autres  Cours  souveraines  (Grand- 
Conseil,  Cour  des  Comptes,  Cour  des  Aides),  véritables  démembre- 
ments du  Parlement  primitif;  et,  en  seconde  ligne,  les  Cours  supé- 
rieures des  monnaies,  de  la  connétablie,  de  l'amirauté,  des  eaux  et 
forêts.  Le  Châtelet,  le  premier  des  sièges  secondaires,  caractérise 
aussi  la  Capitale,  mais  plutôt  par  ses  titres  historiques  antérieurs  au 


30  INSTITUTIONS  DE  PARIS 

Parlement  que  par  le  pouvoir  dont  il  jouit  réellement.  Il  en  est  de 
même  de  l'Université.  Fille  aînée  des  rois,  c'est-à-dire  la  première  qui 
ait  reçu  des  statuts  consacrés  par  L'autorité  royale  ,  nom  historique 
d'une  des  trois  parties  de  Paris,  elle  a  plus  de  droit,  au  XVIIIe  siècle, 
à  s'enorgueillir  de  ses  parchemins  '  (pie  des  intelligences  qu'elle  forme 
ou  des  ouvrages  qu'elle  produit.  —  Quant  à  l'Archevêché,  son  titre  ne 
date  que  de  1622.  L'Evèché  antérieur,  en  dépit  de  ses  hagiographes,  est 
un  des  derniers  qui  ait  été  fondé  pendant  la  période  militante  de 
l'Eglise.  Il  n'assigne  donc  à  Paris  qu'un  rang  très  modeste  dans  la 
hiérarchie  ecclésiastique;  il  n'en  fait  qu'une  capitale  de  diocèse,  et, 
depuis  1622,  de  province.  A  ce  point  de  vue,  on  peut  dire  qu'il  doit 
tout  à  la  prépondérance  de  Paris,  et  que  la  prépondérance  de  Paris  ne 
lui  doit  rien. 

Les  institutions  de  la  seconde  catégorie  appartiennent  en  propre  à 
la  monarchie  de  l'époque  moderne,  absolue,  ou  s'efforcant  de  le  deve- 
nir. Deux  ont  fait  leur  temps,  et  sont  par  suite  devenues  honorifiques  ; 
ce  sont  les  offices  de  Gouverneur  de  Paris  et  de  Prévôt  de  Paris  ;  ceux 
qui  les  acquièrent  doivent  être  de  grande  ou  du  moins  de  bonne 
naissance,  ils  suivent  la  Cour;  ils  ne  sont  que  des  personnages 
de  cérémonie.  L'action  de  la  royauté,  de  féodale  ou  semi-féodale, 
est  devenue  administrative.  Elle  est  concentrée  dans  le  Conseil 
du  roi  2.  La  préparation  et  l'exécution  des  arrêts  appartiennent 
principalement  aux  quatre  ministres  secrétaires  d'État,  au  contrôleur 
général  des  finances  et  au  chancelier,  qui  est  le  premier  en  dignité 
après  le  roi.  —  Le  chancelier  morigène,  discipline,  souvent  exile  ou 
suspend  le  Parlement.  Le  secrétaire  d'Etat  de  la  maison  du  roi  a  Paris 
clans  son  département,  c'est-à-dire  qu'il  transmet  à  la  Ville  (prévôté 
des  marchands  et  échevinage)  les  arrêts  du  Conseil  qui  la  concernent 
en  particulier,  voit  et  autorise  ses  délibérations,  contrôle  son  adminis- 
tration courante  :  tout  en  laissant  aux  soins  du  contrôle  général  les 
grandes  affaires  financières  qui  intéressent  le  trésor  royal  (emprunts, 
loteries,  rentes  sur  l'Hôtel  de  Ville)  et  la  vérification  des  comptes  de 
prévôté.  Le  secrétaire  d'État  de  la  maison  du  roi  3  est  aussi  (au  point  de 
vue  delà  hiérarchie  administrative  seulement)  le  supérieur  du  lieute- 

1.  En  1728  (1S  mars),  le  recteur  mourut  en  place  :  ce  qui  n'était  pas  arrivé 
depuis  128  ans.  Il  devait,  d'après  les  privilèges  de  l'Université,  être  enterré  avec 
les  honneurs  des  princes  du  sang  :  «  Cette  fois, rien  de  tout  cela...  Voilà  comme 
les  anciens  droits  se  perdent  !  »  (Barbier,  Journal,  t.  I,  p.  270.) 

2.  Sans  siège  fixe,  attaché  au  roi,  ordinairement  à  Versailles,  souvent  à  Fon- 
tainebleau, à  Coinpiègne,  etc.  —  Il  en  est  de  même  (au  point  de  vue  judiciaire) 
des  requêtes  de  l'Hôtel. 

3.  Comme  «  ministre  de  Paris  ». 


LE  PARLEMENT  31 

nant  général  de  police  :  mais,  en  fait,  celui-ci  a  un  département  où  il 
règne  en  maître  ;  dès  Louis  XIV,  la  tradition  est  établie  de  le  traiter  en 
ministre.  Sa  position  est  d'ailleurs  très  bizarre,  très  équivoque  : 
comme  officier  du  Ghâtelet,  il  ne  vient  qu'après  le  prévôt  de  Paris 
et  les  deux  lieutenants  civil  et  criminel.  C'est  le  cadet  de  la  famille, 
mais  moralement  il  ne  fait  pas  corps  avec  elle.  Lorsque  le  Cbàtelet, 
premier  bailliage  du  royaume,  suit  le  mot  d'ordre  du  Parlement  dans 
ses  luttes  fréquemment  renouvelées  contre  le  pouvoir  personnel,  le 
lieutenant  général  de  police  demeure  dans  une  apparente  neutralité 
qui  d'ailleurs  ne  trompe  personne.  Il  est  souvent  obligé,  comme  juge 
inférieur,  de  venir  rendre  compte  devant,  le  Parlement  ;  il  essuie  ses 
blâmes,  et,  couvert  par  les  ordres  du  roi,  ne  se  retire  que  pour  les  mé- 
riter de  nouveau.  L'hybridité  d'une  pareille  charge  inspire  une  sorte 
de  suspicion  involontaire  même  à  l'égard  de  ceux  qui  l'ont  remplie 
avec  le  plus  de  qualités  personnelles  et  de  bonnes  intentions.  —  Entre 
le  lieutenant  général  de  police  et  la  prévôté  des  marchands,  il  ne  peut 
pas  y  avoir  de  rapports  directs,  car  il  y  a  analogie  et  rivalité  d'attribu- 
tions. Les  conflits  peuvent  se  produire  au  Parlement,  mais  c'est  au 
Conseil  qu'ils  se  dénouent  :  généralement  le  secrétaire  d'Etat  de  Paris 
soutient  la  Ville,  le  lieutenant  général  de  police  étant  de  taille  à  se  dé- 
fendre seul. 

La  troisième  catégorie  d'institutions,  dont  le  morcellement  s'oppo- 
sait à  la  naissance  de  la  Commune,  mais  qui,  toutes  ensemble,  sont 
de  nature  municipale,  étaient  en  premier  lieu  et  encore  :  la  lieute- 
nance  générale  de  police,  abstraction  faite  de  ses  bautes  attributions 
de  sûreté  politique  et  de  justice  sommaire,  c'est-a-dire  définie  seule- 
ment par  sa  devise  essentielle  et  trop  oubliée  :  splendor,  nitor,  et  se- 
curitas;  deuxièmement,  la  prévôté  des  marchands  et  échevinage;  troi- 
sièmement, le  bureau  des  finances  en  ce  qui  concerne  ses  attributions 
de  voirie  ;  quatrièmement,  les  Six-Corps  et  les  Corporations  d'arts  et 
métiers,  petites  sociétés  marchandes  ou  ouvrières,  petites  confréries 
trop  faibles  séparément,  jalouses  les  unes  des  autres,  tyranniques  pour 
le  travail  libre,  tyrannisées  par  la  police,  éléments  réfractaires,  et 
cependant  nécessaires  à  la  constitution  de  la  Commune. 

Cette  courte  énumération  est  nécessairement  plus  claire  que  ne  le 
sont  les  choses  elles-mêmes.  La  confusion  des  pouvoirs  dans  la  per- 
sonne du  roi  engendre  celle  des  attributions  juridictionnelles,  admi- 
nistratives et  executives.  Il  est  difficile  de  parler  d'empiétements, 
d'usurpations,  sur  un  terrain  où  la  loi  n'a  point  tracé  de  limites.  C'est 
un  étrange  spectacle  que  celui  d'un  lieutenant  général  de  police  qui 
s'incline  devant  le  Parlement,  traite  et  négocie  avec  la  juridiction  de 


32  INSTITUTIONS  DE  PARIS 

la  Ville,  et  qui  en  même  temps  détient,  par  commission  ou  attribu- 
tion du  roi,  toute  la  force  executive  '. 

Avant  de  passer  en  revue,  dans  les  limites  de  notre  sujet,  ces 
diverses  institutions,  il  est  nécessaire  de  dire  un  mot  des  assemblées 
d'ordres,  par  rapport  à  Paris.  —  L'assemblée  du  Clergé  de  France2 
était  toujours  convoquée  à  Paris,  ordinairement  aux  Grands-Augus- 
tins;  elle  était  quinquennale;  composée  exclusivement  de  membres  du 
haut  clergé,  elle  votait  le  don  gratuit,  répartissait  les  charges  du 
clergé  entre  les  provinces  ecclésiastiques,  s'occupait  des  dîmes,  des 
suppressions  ou  réunions  de  monastères,  des  dissidents,  etc.  —  L'as- 
semblée des  bénéficiers  nobles,  qui  formaient  autrefois  l'armée  féodale 
sous  le  nom  de  ban  et  d'arrière-ban,  n'était  plus,  depuis  longtemps, 
convoquée  par  le  prévôt  de  Paris.  —  Le  tiers  état  n'avait  jamais  été 
convoqué  à  part  des  deux  autres  ordres. 

Quant  aux  Etats  généraux,  c'est-à-dire  à  l'assemblée  des  trois  ordres?, 
le  roi  les  convoquait  où  il  voulait.  En  général,  ils  s'étaient  tenus  à  Paris, 
soit  en  vertu  des  lettres  de  convocation,  soit  d'eux-mèmes4.  Le  choix 
de  Versailles,  en  mai  1789,  fut  le  motif  qui  ne  permit  pas  aux  Cours 
souveraines,  attachées  au  sol  parisien,  de  prendre  part  à  l'ouverture 
et  à  la  procession  des  Etats  :  en  tout  cas,  ce  fut  celui  que  mit  en  avant, 
pour  les  tenir  à  l'écart,  le  garde  des  sceaux  barentin.  Jusqu'au  dernier 
moment,  la  monarchie  resta  fidèle  à  la  vieille  maxime  :  diviser  pour 
régner. 

Le  Parlement,  le  Chàtelet,  le  Ministre  de  Paris,  le  Lieutenant  général 
de  police,  l'Hôtel  de  Ville,  telles  sont  les  cinq  institutions  fondamen- 
tales que  nous  étudierons  spécialement  et  autour  desquelles  nous 
grouperons  celles  moins  importantes  qui  peuvent  intéresser  notre 
sujet  par  quelque  côté. 


1.  L'Église  même  n'est  pas  respectée  :  «  Tout  se  fait  de  travers,  puisque  le 
lieutenant  de  police  l'ait  fermer  le  cimetière  d'une  église  (Saint-Médard)  et  que 
l'archevêque  ordonne  la  suppression  des  gazettes  »  (les  Nouvelles  ecclésiastiques): 
Barbier,  Journal.  I,  p.  410  (3  mai  1732). 

2.  Elle  ne  comprenait  pas  le  clergé  des  provinces  frontières  les  plus  récem- 
ment acquises  (clergé  étranger). 

3.  C'est  le  sens  du  mot  généraux;  il  n'implique  pas  des  députations  de  tout  le 
royaume.  En  principe,  et  jusqu'en  1789,  les  États  de  Languedoc  portent  le  même 
surnom,  qui  ne  leur  est  jamais  contesté. 

4.  En  1302  (à  Notre-Dame),  1303  (au  Louvre),  1317,  1328,  1351,  1355,  1356,1357, 
1358,  1359,  1369,  1413,  1420,  1558  (au  Palais  de  justice),  1593  et  1614.  —  En  1789, 
la  Cour  avait  d'abord  pensé  à  Soissons  :  des  motifs  d'économie  firent  préférer 
Versailles. 


LE  PARLEMENT  33 


COMPOSITION  DU  PARLEMENT 

La  Cour  de  Parlement  comprenait  :  la  grand'cbambre,  trois  cham- 
bres des  enquêtes  et  une  chambre  des  requêtes  '. 

La  grand'cbambre  était  composée  :  du  premier  président  (désigné 
par  ces  mots  :  chevalier,  -premier),  de  neuf  présidents  à  mortier,  de 
vingt-cinq  conseillers  lais  et  de  douze  conseillers  clercs. 

Le  premier  président  et  les  quatre  anciens  présidents à  mortier  étaient 
toujours  de  service  à  la  grand'cbambre  ;  les  cinq  autres  présidents  à 
mortier  servaient  à  la  tournelle  criminelle.  «Messieurs»,  c'est-à-dire  les 
conseillers  lais,  servaient  chacun  six  mois  à  la  grand'cbambre  et  six 
mois  à  la  tournelle  pendant  l'année;  ils  ne  laissaient  pas  cependant  que 
d'avoir  leur  entrée  en  l'une  et  en  l'autre  toute  l'année,  pour  les  procès 
dont  ils  étaient  rapporteurs.  Les  conseillers  clercs  pouvaient  être  de 
service  lorsque  la  grand'cbambre  et  la  tournelle  étaient  assemblées 
pour  matière  criminelle;  mais  s'il  était  ouvert  un  avis  tendant  à  peine 
alïlictive,  ils  se  retiraient. 

La  grand'cbambre  avait  aussi  deux  présidents  honoraires,  deux 
conseillers  d'honneur  nés,  des  présidents  honoraires  des  enquêtes  et 
des  requêtes,  et  des  conseillers  honoraires  qui  avaient  séance  parmi 
ses  membres  actifs2. 

Les  gens  du  Roi  (ou  parquet)  étaient  :  l'avocat  général  et  le  pro- 
cureur général.  La  charge  de  procureur  général  était  unique;  mais  il  y 
avait  trois  avocats  généraux  :  le  premier  reçu  prenait  le  plus  ordinai- 
rement la  parole  dans  les  grandes  circonstances. 

Le  procureur  général  avait  douze  substituts  en  Parlement  (sans 
compter  celui  du  Chàtelet  et  des  bailliages  ou  sénéchaussées). 

A  la  grand'cbambre  et  au  parquet  se  rattachent  les  greffiers,  les 
notaires,  les  secrétaires,  etc.,  etc. 

Chacune  des  trois  chambres  des  enquête?  avait  deux  présidents  et 
vingt-trois  conseillers,  et  de  plus  un  greffier  et  un  receveur  des  épices- 

Tous  les  trois  mois,  trois  des  conseillers  de  chaque  chambre  des 
enquêtes  et  trois  des  conseillers  des  requêtes  du  Palais  étaient  de  ser- 
vice à  la  tournelle  avec  douze  des  conseillers  lais  de  la  grand '- 
chambre. 


1.  Alm.  royal  de  1780,  p.  294  à  312.  —  La  tournelle, ou  chambre  criminelle, la 
chambre  de  la  marée  sont  des  commissions,  et  non  des  divisions  du  Parlement; 
de   îm'uic  les   chambres   de  vacations,  durant,  les  vacances. 

2.  Ces  personnages  étaient  au  nombre  de  G2  en  1789. 

3 


34  INSTITUTIONS  DE  PARIS 

La  Chambre  des  requêtes  avait  deux  présidents  et  treize  membres, 
deux  greffiers,  des  huissiers,  etc. 

RÉCEPTION  D'UN  PREMIER  PRÉSIDENT  (12  nov.  1788) 

TOUTES   CHAMBRES    ASSEMBLÉES,    LES    PAIRS   Y    SÉANT 
MONSIEUR   LE    PRÉSIDENT   DE    GOURGUE  l 

Ce  jour,  la  Cour,  toutes  les  chambres  assemblées,  les  pairs  y  séant,  après 
avoir  vu  l'information  faite  d'ofïice  à  la  requête  du  procureur  général  du  roi, 
le  12  novembre  présent  mois,  de  l'ordonnance  de  la  Cour  par  le  conseiller 
d'icelle  à  ce  commis,  des  vie,  mœurs,  conversation,  religion  catholique,  apos- 
tolique et  romaine,  et  fidélité  au  service  du  roi  de  Mcssirc  Louis-François-de- 
Paule  Lefebvrc  d'Ormesson  de  Noyseau,  président  de  la  Cour,  pourvu  de  l'état 
et  office  de  Conseiller  du  roi  en  ses  conseils,  premier  président  de  ladite 
Cour,  vacant  par  la  démission  de  Mcssire  Etienne-François  d'Aligre;  les  lettres 
de  provision  dudit  office  données  à  Versailles  le  12  octobre  1788,  signées  Louis 
et  plus  bas  par  le  roi  Laurent  de  Villedeuil,  et  scellées  du  grand  sceau  de  cire 
jaune;  l'extrait  baptistaire  dudit  sieur  Lefebvre  d'Ormesson  de  Noyseau,  du 
27  juillet  1718,  délivré  par  le  vicaire  de  la  paroisse  Saint-Jean-en-()rève  de 
cette  ville  de  Paris  ;  les  lettres  de  provision  de  l'état  et  office  de  président  de 
la  Cour  accordées  audit  sieur  Lefebvre  d'Ormesson  de  Noyseau  le  5  mai  1755, 
l'arrêt  de  sa  réception  en  icelui  du  10  des  mêmes  mois  et  an,  et  la  requête 
présentée  à  la  Cour  par  ledit  sieur  Lefebvre  d'Ormesson  de  Noyseau  afin  d'être 
reçu  audit  office,  conclusions  du  procureur  général  du  roi,  ouï  le  rapport  de 
Me  Antoine-François  boula,  de  Me  Codefroy  conseiller,  la  matière  mise  en 
délibération, 

A  arrêté  et  ordonné  que  ledit  Messire  L.-F.-dc-Paule  Lefebvre  d'Ormesson 
sera  reçu  audit  état  et  office  2. 

LE  PARLEMENT  ET  PARIS  CAPITALE 

D'après  la  doctrine  à  la  fois  historique  et  juridique  du  Parlement, 
le  titre  et  les  droits  de  capitale  appartiennent  en  propre  à  Paris.  Ils 
ne  dépendent  pas  de  la  présence  habituelle  du  roi.  Ils  sont  antérieurs 
à  la  dynastie  capétienne  ;  ils  ont  été  non  établis,  mais  confirmés  par 
les  rois.  Paris  est  la  capitale  du  royaume,  1°  parce  qu'il  est  le  siège 
historique  et  légal  des  juridictions  souveraines;  2°  parce  que  les  pri- 
vilèges de  cette  ville  et  de  ses  habitants  lui  font  une  place  distincte  et 
lui  assignent  le  premier  rang. 

Voici  un  extrait  des  supplications  du  Parlement  de  Paris  (transféré 
à  Troyes)  pour  obtenir  que  le  Parlement  de  Rordeaux  (transféré  à  Li- 
bourne)  soit  réintégré 2  : 

1.  Arch.  mil.,  X  lu  8989,  à  la  date. 

2.  Cet  arrêté  du  4  novembre  1787  fut  préparé  par  Goislard  (24  octobre,  en  vaca- 


LE  PARLEMENT  35 

Les  cours  souveraines  sont  fixées  aux  lieux  [de  leurs  séances  par  des  lois 
positives  que  l'intérêt  du  roi,  le  vœu  des  peuples,  une  longue  expérience,  ont 
fait  ranger  au  nombre  des  lois  les  plus  importantes.  Ainsi  la  Cour,  autrefois 
ambulatoire  à  la  suite  des  rois,  fut  rendue  sédentaire  à  Paris  par  l'ordonnance 
mémorable  de  Philippe  le  Bel,  pour  la  commodité  de  ses  sujets  et  l'expédition 
des  affaires.  Il  est  vrai  que  ces  lois  peuvent  souffrir  des  exceptions,  mais  ces 
exceptions,  pour  rentrer  dans  la  règle,  doivent  être  justifiées  par  des  circon- 
stances qui  frappent  tous  les  yeux  de  manière  qu'il  soit  impossible  à  la  nation 
de  s'y  tromper. 

Telles  sont  les  circonstances  qui  déterminèrent  la  translation  de  la  Cour  à 
Poitiers  sous  Charles  Vil,  lorsque  Paris  était  occupé  par  des  étrangers,  à 
Châlons  et  à  Tours,  lorsque  cette  ville  était  occupée  par  des  factieux.  A  ces  deux 
époques  la  Cour,  sans  lettres  patentes  et  par  l'effort  de  son  propre  zèle,  sut 
employer  une  ressource  qui  lui  laissa  les  moyens  de  concourir  avec  la  nation 
à  délivrer  le  roi  des  Anglais  et  des  Ligueurs.  Il  est  triste  et  dangereux  qu'un 
moyen  consacré  par  d'aussi  grands  et  précieux  succès  devienne  aujourd'hui  le 
signal  d'une  disgrâce. 

Le  Parlement  de  Paris  avait  longtemps  embrassé  tout  le  royaume. 
Le  second  Parlement,  celui  de  Toulouse,  lui  fut  d'abord  subordonné 
(1302),  puis  réuni,  et  n'eut  d'existence  tout  à  fait  distincte  qu'en  1443. 
A  la  fin  de  l'ancien  régime,  il  y  avait  en  France  douze  parlements  de 
provinces,  trois  conseils  supérieurs  et  un  conseil  provincial.  Ces  créa- 
tions avaient  suivi  l'extension  du  territoire.  Le  Parlement  de  Paris  fis 
regarda  d'abord  comme  une  atteinte  à  ses  droits.  Puis,  lorsqu'il  cessa 
d'être  un  instrument  de  règne,  et  se  mit  à  jouer  le  rôle  d'États  géné- 
raux au  petit  pied,  il  s'efforça  de  s'attacber  et  de  s'associer  les  autres 
Cours,  et  il  y  réussit  presque  entièrement.  Son  ressort  était,  d'ailleurs, 
le  plus  anciennement  français,  et,  de  beaucoup,  le  plus  étendu  et  le 
plus  peuplé  '.  Toulouse,  comme  siège  du  second  Parlement,  aimait  à 
se  dire  la  seconde  ville  de  France,  «  la  Rome  de  la  Garonne  » 2.  Il 

lions)  pendant  l'exil  du  Parlement  de  Paris  à  Troyes.  Il  ne  fut  présenté  qu'après 
son  retour  à  Paris.  (Arch.  nat.,  X  1b  8987,  minute  du  (i  novembre  1787.)  Boucher 
d'Argis,  dans  son  article  de  l'Encylopédie  sur  les  Parlementa  (1786),  parait  atta- 
cher la  plus  grande  importance  à  démontrer  que  le  Parlement  (sans  autre  dési- 
gnation) a  résidé  régulièrement  à  Paris  avant  l'ordonnance  de  1302.  Il  croit  que 
le  surnom  de  Parlement  de  Paris  est  dû  seulement  à  la  nécessité'  de  le  distinguer 
du  Parlement  de  Languedoc  établi  à  Toulouse.  (Enc.  méth.,  tome  CYIII,  p.  388, 
2e  colonne.) 

1.  C'étaient  Paris  et  l'Ile-de-France,  la  Picardie,  le  pays  conquis,  le  vicomte 
de  Dunkerque,  la  Champagne,  l'Auxerrois,  le  Maçonnais,  la  Brie,  le  Perche,  la 
Beauce,  l'Anjou,  la  Touraine,  l'Orléanais,  le  Berry,  la  Sologne,  le  Nivernais,  le 
Poitou,  l'Aunis  avec  le  Rochelois,  l'Angoumois,  la  Marche,  le  Bourbonnais,  l'Au- 
vergne, le  Forez,  le  Beaujolais  et  le  Lyonnais  :  soit  environ  le  tiers  du  territoire, 
avec  10  millions  d'habitants. 

2.  «Roma  Garumnse.  »  —  Le  ressort  de  Toulouse  était  le  second  en  importance. 
En  général,  plus  la  possession  monarchique  est  ancienne  et  assurée,  plus  le  res- 


36  INSTITUTIONS  DE  PARIS 

n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  ville  la  plus  peuplée  après  Paris,  la 
capitale  gallo-romaine,  Lyon,  faisait  partie  du  ressort  du  Parlement 
de  Paris  depuis  son  annexion  au  domaine  capétien  (4312).  Les  princes 
du  sang,  les  pairs  ecclésiastiques  et  laïques  ne  prenaient  séance  que 
clans  le  seul  Parlement  de  Paris.  Si  les  Parlements  de  province  pou- 
vaient adresser  au  roi  des  représentations,  ils  n'avaient  le  moyen  de 
les  faire  valoir  que  par  l'intermédiaire  du  Parlement  de  Paris.  Ils 
luttaient,  eux  aussi,  contre  l'arbitraire  :  mais  dans  la  personne  des 
commissaires-départis,  comme  ils  appelaient  les  intendants  de  justice, 
police  et  finance.  Quand  même  ils  auraient  eu  le  droit  de  remontrances, 
leur  éloignement  même  ne  leur  eût  guère  permis  d'en  user.  Seul  le 
Parlement  de  Paris  pouvait  voir  le  despotisme  face  à  face,  le  saisir 
corps  à  corps,  dans  le  roi  et  dans  ses  ministres.  Si  le  roi  nomme  le 
premier  président,  sa  réception  par  le  Parlement  n'est  pas  une  vaine 
formalité.  Non  seulement  la  commission  royale  n'est  enregistrée 
qu'après  délibération,  mais  encore  le  Parlement  repousse  constam- 
ment le  «  tant  qu'il  nous  plaira  »  que  le  roi  y  insère,  et  maintient  le 
caractère  viager  de  cette  place  '.  Le  premier  président,  à  moins  de  se 
déconsidérer,  ne  peut  que  diriger  et  exécuter  les  délibérations.  En 
général,  il  louvoie  plus  ou  moins  adroitement  entre  les  ministres  et 
les  magistrats.  Il  ne  peut  trahir  les  intérêts  du  corps  auquel  il  appar- 
tient qu'en  en  sortant,  soit  comme  chancelier,  soit  comme  garde  des 
sceaux.  L'assemblée  de  toutes  les  chambres,  indispensable  pour  tout 
acte  politique,  pour  toutes  représentations  ou  remontrances,  ne  dépend 
pas  de  lui,  ni  même  de  la  grand'chambre  seulement.  Il  suffit  pour 
l'obtenir  qu'  «  un  de  Messieurs  »  (rarement  désigné  par  son  nom  dans 
les  procès-verbaux),  président  ou  conseiller  de  grand'chambre  ou  des 


sort  de  chaque  parlement  est  étendu;  et  réciproquement,  plus  la  possession  est 
ancienne  et  précaire,  plus  le  ressort  est  restreint.  —  J'ai  étudié  ailleurs,  dans 
ses  causes  et  dans  ses  effets,  cette  loi  de  l'histoire  de  France.  (Voyez  le  n°  du 
14  décembre  1880  de  la  Révolution  françaises) 

1.  Lorsque  le  successeur  de  d'AIigre,  comme  premier  président,  Lefèvre  d'Or- 
messoiK,  fut  reçu  en  la  Cour  le  12  nov.  1788,  «  Un  de  Messieurs  »  protesta  contre 
la  formule  tant  qu'il  nous  plaira  introduite  dans  ses  provisions  :  «  L'auteur 
même  des  projets  du  8  mai  dernier  (le  garde,  des  sceaux  Lamoiguon)  n'a  pas  cru 
devoir  se  prévaloir  de  cette  expression  furtive  »,  regardée,  par  Loyscau  comme 
le  vestige  «le  l'ancienne  amovibilité,  des  offices,  et  d'autant  plus  pénible  en  la  cir- 
constance, «  qu'elle  se  trouve  placée  à  côté  d'un  nom  en  faveur  duquel  nous 
eussions  prévenu  le  choix  du  roi  et  fait  entendre  l'appel  de  tous  nos  suffrages, 
si  le  droit  d'élection  eût  encore  appartenu  à  la  Compagnie.  »  —  11  fut  arrêté 
qu'il  ne  pourrait  être  induit  de.  la  clause  tant  qu'il  ?ious  plaira...  rien  de  con- 
traire  aux  principes  sur  l'inamovibilité  dudit  office  et  de  tous  autres.  (Arch.nat., 
X  1b  81)81). )  Mêmes  protestations  le  6  fév.  1181),  lors  de  la  réception  de  J.-B.  Gas- 
pard Bochart  de  Saron  comme  premier  président  (X  1b  801)0). 


LE  PARLEMENT  37 

enquêtes,  prévienne  à  l'avance  le  premier  président,  ou  «celui  qui  le 
remplace,  de  l'intention  qu'il  a  de  faire  un  «  récit»,  c'est-à-dire  une 
communication,  aux  Chambres  assemblées.  Lorsque  l'assemblée  des 
chambres  a  entendu  le  récit,  si  elle  déclare  qu'il  y  a  lieu  à  délibérer, 
elle  prend,  séance  tenante,  un  arrêté,  soit  ordinaire,  soit  de  remon- 
trances. Si  elle  n'est  pas  suffisamment  éclairée,  elle  demande  aux 
gens  du  roi  (procureur  général,  avocat  général,  et  leurs  substituts)  un 
nouveau  rapport  qui,  cette  fois,  est  un  réquisitoire;  et  c'est  elle  qui 
fixe  la  date  à  laquelle  il  doit  être  prêt.  Toute  cette  organisation  déli- 
bérative  était  particulière  au  Parlement  de  Paris;  elle  ne  disparut 
qu'avec  lui.  La  royauté  n'en  ignorait  pas  la  force  :  le  18  février  1737, 
se  posa,  sous  la  présidence  de  Le  Peletier,  la  question  de  savoir  si 
le  premier  président  avait  seul  le  droit  de  permettre  ou  d'empêcher 
les  délibérations,  et  de  convoquer,  comme  il  le  prétendait,  l'assemblée 
des  Chambres.  «Question,  dit  l'avocat  Barbier',  capitale  pour  les 
enquêtes  :  car,  s'ils  perdent  le  droit  de  convoquer  les  assemblées,  pour 
délibérer  ensuite  sur  les  matières  proposées,  ils  ne  jouiront  plus  de 
ce  vieux  reste  des  privilèges  du  Parlement  de  Paris  qui  le  placent 
au-dessus  des  autres  parlements.  Si,  au  contraire,  ce  droit  d'assem- 
blée du  Parlement  et  de  la  Cour  des  pairs  allait  être  réservé  à  la 
grand'chambre  exclusivement,  cela  rendrait  les  places  de  conseillers 
à  cette  chambre  une  place  d'Etat.  Mais,  en  même  temps,  le  premier 
président  deviendrait  le  maître  absolu...  »  —  Le  Parlement  maintint 
ses  droits,  «  usages,  maximes  et  disciplines  ». 

Le  lit  de  justice  n'était  pas  autre  chose,  en  principe,  que  la  tenue 
du  Parlement  par  le  roi  en  personne:  pas  plus  que  le  premier  pré- 
sident, le  roi  n'avait  les  moyens  directs  d'imposer  son  opinion  ou  sa 
volonté  à  l'Assemblée.  Mais  lorsque  le  Parlement  eut  réussi  à  par- 
tager, ou  du  moins  à  enrayer  l'action  législative  du  roi,  les  lits  de 
justice  apparurent  comme  de  véritables  coups  d'État: même  lorsque 
l'on  pouvait  les  surnommer,  comme  celui  de  1770,  lits  de  bienfaisance, 
ils  n'en  demeuraient  pas  moins,  pour  l'opinion  publique,  des  actes  de 
despotisme  :  car,  en  matière  politique  surtout,  il  ne  suffit  pas  de  faire 
le  bien,  il  faut  le  bien  faire.  En  tout  cas,  la  plupart  des  lits  de  justice 
tenus  au  XVIIIe  siècle  le  furent  à  Paris  même.  Une  fois  (en  1718), 
le  Parlement  accepta  de  quitter  son  Palais  pour  se  rendre  au  Louvre, 
mais  du  moins  il  ne  quittait  point  la  Capitale.  Une  autre  fois  (en  1732), 
il  sévit  obligé,  à  sa  grande  humiliation,  de  venir  à  Versailles:  deux 
jours  après  (5  septembre)  il  protestait  contre  la  violence  qui  lui  avait 

1.  Journal,  p.  133,  14G,  du  tome  II. 


38  INSTITUTIONS  DE  PARIS 

été  faite,  déclarant  qu'il  n'avait  pu  ni  dû  donner  son  avis,  attendu  le 
lieu  ou  le  lit  de  justice  avait  été  tenu.  Si  le  roi  pouvait  dire  ou  penser 
«l'État,  c'est  moi», le  Parlement  de  Paris  n'a  jamais  séparé  ni  ses 
droits,  ni  ses  prétentions,  des  prérogatives  de  la  Capitale  :  partout 
ailleurs,  il  se  regardait  comme  exilé  et  impuissant r. 

ESPRIT  DU  PARLEMENT 

A  l'autorité  monarchique  le  Parlement  ne  peut  opposer  que  deux 
choses  :  les  lois  ou  traditions  anciennes,  et  l'équité. 

Pour  citer  quelques  exemples  du  premier  cas,  il  représente  au  roi, 
en  1786,  l'abus  clés  lettres  de  noblesse,  accordées  même  à  ceux  qui 
«professent  des  états  non  susceptibles  de  la  considération  publique2  ». 
L'année  suivante,  quand  aux  applaudissements  du  public  il  proteste 
contre  Féclit  relatif  à  la  subvention  territoriale,  c'est  par  les  arguments 
les  moins  conformes  à  l'égalité  devant  la  loi. 

Il  est  contraire  aux  constitutions  primitives  de  la  nation  et  aux  principes 
qui  seraient  adoptés  par  les  Etals  généraux,  de  voir  le  Clergé  et  la  Noblesse 
soumis  à  une  contribution  solidaire  pour  la  subvention  territoriale.  Faut-il 
que  le  seigneur  soit  responsable  avec  tous  ses  vassaux  non  seulement  de  la 
contribution  des  pauvres  ou  autres  que  les  vices  communs  dans  la  campagne 
empêchent  de  cultiver  leur  propriété,  mais  encore  à  raison  de  toutes  les  terres 
vaines  et  vagues  ou  non  susceptibles  de  culture  s! 

Imposer  «le  château  ou  la  chaumière  »  du  gentilhomme  campagnard, 
c'est  le  chasser  de  «cette  retraite  qui  lui  fait  aimer  la  France». 

Il  serait  aisé  de  multiplier  les  exemples  de  ce  genre,  de  montrer 
quelle  part  l'esprit  de  corps  a  eue  aux.  actes  les  plus  honorables  et 
les  plus  populaires  du  Parlement,  de  critiquer  ses  prétentions  législa- 
tives, etc. 

Ce  qu'il  ne  faut  pas  oublier,  c'est  qu'en  l'absence  des  libertés  pu- 
bliques, la  résistance  légale  ne  peut  guère  venir  que  des  privilégiés 
assez  forts  pour  se  défendre  4. 

1.  La  royauté  avait  oublié  pour  elle-même  ce  formalisme  gênant.  Au  XVIIIe  siè- 
cle, un  chancelier  scelle  des  édits  dans  sa  maison  de  campagne;  on  ne  croit  plus 
à  la  maxime:  «  Le  sceau  ne  peul  se  tenir  qu'où  le  roi  est.  »  Barbier,  III,  p.  265. 
—  C'est  à  Versailles  que,  conformément  au  précédenl  créé  par  Louis  XV,  Louis  XVI 
tint  les  lits  de  justice  du  S  mai  1775  et  du  12  mars  1776,  en  faveur  des  réformes 
économiques  et  sociales  tic  Turgot,  compromises  par  la  violence  avant  d'être 
abandonnées  par  la  faiblesse. 

2.  A'reh.  nat.,  X  1b  8981,  21  mars  1181). 

3.  Ibid.,  8987,  13  août  1787. 

\.  Tout  ce  que  l'on  désire,  avanl    la    Révolution,  c'est  que  le  Parlement  soit 


LE  PARLEMENT  39 

D'ailleurs,  quels  que  soient  les  mobiles  secrets  des  ambitions  par- 
ticulières, il  arrive  souvent  à  ses  membres  les  plus  actifs  et  les  plus 
éloquents  de  défendre  la  propriété  privée  aux  prises  avec  l'impôt  ou 
l'agiotage,  et  la  liberté  individuelle  violée  par  les  lettres  de  cachet. 
Deux  fois  dispersé,  trop  faible  pour  continuer  la  lutte,  incapable  du 
reste  de  gouverner,  le  Parlement  reconnaît  enfin  la  nécessité  des  Etats 
généraux  et  les  appelle  de  ses  vœux  les  plus  sincères.  Si  plusieurs 
parlements  de  provinces  ont  essayé,  par  attachement  aux  privilèges 
locaux  et  à  leur  propre  autorité,  d'enrayer  soit  la  convocation  des 
États  généraux,  soit  la  Révolution,  le  Parlement  de  Paris  a  plutôt  pré- 
paré l'une  et  l'autre.  Il  est  clair  qu'il  ne  pouvait  plus  coexister  avec  une 
Assemblée  législative,  et  qu'il  n'était  pas  moins  contraire  que  la  royauté 
elle-même  au  principe  de  la  division  des  pouvoirs  :  aussi  a-t-il  dis- 
paru ;  ses  faiblesses,  ses  compromissions,  ses  incertitudes,  en  un  mot  ses 
torts  récents  firent  alors  oublier  ses  services  antérieurs.  Sans  les  exa- 
gérer, il  est  bon  de  les  rappeler.  Si  les  pbilosophes  ont  fait  triompher 
dans  les  esprits  l'idée  de  justice,  le  Parlement  a  essayé  en  plus  d'une 
circonstance  de  la  faire  pénétrer  dans  les  faits;  par  ses  démarcbes, 
ses  remontrances,  ses  exils,  les  emprisonnements  de  plusieurs  de  ses 
membres,  il  a  puissamment  contribué  à  former  les  mœurs  publiques 
de  la  capitale  et  de  la  nation. 

POPULARITÉ  DU  PARLEMENT 

Ce  jour1,  toutes  les  Chambres  assemblées,  les  pairs  y  séant,  les  gens  du  roi 
sont  entrés;  et  Me  Antoine-Louis  Séguier,  avocat  dudit  seigneur  roi,  prenant  la 
parole,  a  dit  : 

Messieurs, 

Les  acclamations  publiques  ont  précédé  les  magistrats  au  moment  où  ils  ont 
repris  leurs  fonctions  trop  longtemps  interrompues.  Mais  n'est-il  pas  à  crain- 
dre que,  dans  les  transports  d'une  joie  tumultueuse,  ces  témoignages  de  la 
satisfaction  générale  ne  deviennent  une  occasion  de  troubles  et  de  désordres? 
C'est  à  la  sagesse  de  la  Cour  de  prévenir,  par  son  autorité,  les  malheurs  que 
l'oubli  des  règlements  n'a  que  trop  souvent  produits.  Nous  vous  proposons 
d'en  renouveler  les  sages  dispositions  qui,  sans  gêner  en  rien  la  liberté  natu- 
relle des  citoyens,  doivent  suffire  pour  réprimer  les  excès  auxquels  la  licence 

asspz  fort.  En  août  1788,  «  Lien  des  gens  semblaient  craindre  que  le  Parlement 
de  Paris,  toujours  faible  et  malheureusement  trop  disposé,  par  intérêt  à  entrer 
dans  les  vues  de  la  Cour,  ne  vînt  à  se  laisser  subjuguer  entièrement,  et  ne  con- 
sentit à  souscrire,  comme  il  avait  fait  à  Troyes  le  19  septembre  1787,  quelques 
propositions.  »  (Hardy,  Mes  Loisirs,  t.  VIII,  p.  .'(7  :  Bib.  nat.,  man.  G687.) 

1.  Mercredi  2i  septembre  1788,  séance  plénière.  (Arch.  nat.,  X  1b  8989,  à  la 
date.) 


40  INSTITUTIONS  DE  PARIS 

ne  craindrait  pas  de  s'abandonner.  A  ces  causes  nous  requérons  qu'il  plaise  à 
la  Cour  ordonner  que  les  Édits,  Ordonnances,  Arrêts  et  Règlements  seront 
exécutés  selon  leur  forme  et  teneur;  faire  défenses  à  toutes  personnes,  de 
quelques  qualité  et  condition  qu'elles  soient,  de  s'attrouper,  comme  aussi  de 
lancer  aucuns  pétards  et  fusées,  tirer  des  boîtes,  allumer  et  porter  aucuns  feux, 
et  de  porter  aucunes  armes  ou  instruments  nuisibles,  pouvant  servira  troubler 
l'ordre  et  la  tranquillité  publique  dans  aucune  des  rues,  carrefours  et  places 
de  la  Ville  et  faubourgs  de  Paris  ;  faire  pareillement  très  expresses  inhibi- 
tions et  défenses  à  toutes  personnes,  de  quelque  condition  qu'elles  soient, 
d'insulter  en  aucune  manière  les  officiers  et  soldats  du  guet,  et  autres  préposés 
à  la  sûreté  publique,  comme  aussi  enjoindre  auxdits  ofticiers,  soldats  du  guet 
et  autres  préposés  à  la  sûreté  publique,  de  se  conduire  dans  l'exercice  de  leurs 
fonctions  avec  les  habitants  de  la  Ville  et  faubourgs  de  Paris  avec  humanité, 
prudence  et  modération,  le  tout  sous  telles  peines  qu'il  appartiendra... 

Un  arrêté  conforme  à  ce  réquisitoire  fut  publié  le  jour  même  par  le 
Parlement.  La  minute  est  signée  : 

Vu  :  D'Aligre  (premier  président)1. 


l.Dans  ce  recueil  consacré  avant  tout  à  Paris  et  à  ses  institutions,  nous  jugeons 
superflu  de  donner  les  renseignements  biographiques  qu'il  est  aisé  de  rechercher 
dans  les  dictionnaires,  encyclopédies,  biographies  universelles,  etc.  —  Mention- 
nons à  propos  de  d'Aligre  une  pièce  qui  montre  le  Parlement  en  quelque  sorte 
juge  et  partie,  et  qui  explique  l'attachement  de  ses  membres  au  droit  féodal  : 
s  Arrêt  (du  12  mars  1  "78 1  j  qui  maintient  M.  d'Aligre,  premier  président  du  Parle- 
ment, dans  le  droit  de  directe  seigneurie  censuelle  sur  les  marais  de  Saint-Mi- 
chel et  de  Cosse,  situés  dans  retendue  du  marquisat  d'Aligre,  [ci-devant  seigneu- 
rie de  Marans];  fait  défenses  à  Monsieur  l'évêque  de  La  Rochelle  [de  Crussol 
d'L'zès]  de  se  qualifier  seigneur  de  (lusse  ;  ordonne  que  les  droits  à  la  charge 
desquels  il  a  l'ait  adjuger  les  marais,  ne  seront  réputés  que  rentes  foncières  et 
secondes;  condamne  les  intéressés  au  dessèchement  des  marais  à  passer  décla- 
ration au  terrier,  exhiber  leurs  titres,  et  payer  les  droits  seigneuriaux  :  [un  sol 
par  arpent  de  cens  noble  et  seigneurial,  emportant  fief  et  juridiction,  lods  et 
ventes,  et  amendes,  payable  annuellement  à  la  Saint-Michel].  »  Cet  arrêt  im- 
primé (23  pages  in-4°)  appartient  à  la  collection  de  la  Bibliothèque  nat.(à  la  date). 
Les  mots  entre  crochets  n'appartiennent  pas  au  titre  :  ils  sont  explicatifs. 


II 


LE  PARLEMENT 

DÉFENSEUR  DE  LA  PROPRIÉTÉ 
ET  DE  LA  LIBERTÉ 


LÀ  REFONTE  DES  MONNAIES 

Parmi  les  opérations  les  plus  scandaleuses  du  ministère  de  Galonné 
esl  la  refonte  des  monnaies  d'or  ordonnée  par  la  déclaration  du 
30  octobre  1785  et  les  lettres  patentes  du  18  janvier  1780.  Ce  fut  non 
seulement  un  emprunt  dissimulé,  mais  un  véritable  guet-apens 
financier.  Dès  le  23  février,  «  un  de  Messieurs  »  dénonça1  au  Parle- 
ment le  caractère  et  les  conséquences  déjà  sensibles  de  cette  refonte. 

Le  public  est  alarmé  des  suites  d'une  opération  de  finances  qui  paraît 
avoir  été  enregistrée  en  la  Chambre  des  monnaies  le  27  du  mois  de  janvier 
dernier;  les  expressions  de  son  enregistrement  nous  montrent  jusqu'à  quel 
point  elle  s'y  est  refusée,  et  nous  devons  avoir  assez  de  confiance  dans  le 
zèle  et  les  lumières  des  magistrats  qui  la  composent,  pour  croire  que  leur 
résistance  a  été  principalement  fondée  sur  l'opinion  démontrée  de  leur  incom- 
pétence dans  une  maiière  d'une  aussi  grande  importance.  Il  résulte  en  effet 
des  lettres  patentes  dont  il  est  question  un  véritable  emprunt,  quoique  déguisé, 
dont  l'exécution  peut  attirer  le  crédit  public  en  diminuant  la  fortune  des  par- 
ticuliers. L'obligation  de  recevoir  aux  hôtels  des  monnaies  des  reconnaissances 
payables  à  un  mois  de  date  en  échange  des  anciennes  espèces,  l'obligation 
d'apporter  les  anciennes  reconnaissances  délivrées  par  les  directeurs  des  mon- 

1.  Depuis  l'édit  do  nov.  1774,  lo  procureur  général  avait  soûl  lo  droit  de  dénon- 
ciation. Lorque  dos  membres  du  Parlement  étaient  instruits  de  faits  qui  leur 
paraissaient  devoir  être  dénoncés,  ils  devaient  en  informer  le  premier  président  ou 
celui  qui  tenait  sa  place,  pour,  sur  le  compte  rendu  fait  en  la  grand'chambre, 
être  enjoint  au  procureur  général  do  faire  la  dénonciation  :  ce  qu'il  no  pouvait 
refuser.  «  Mais,  dit  Boucher  d'Argis,  cette  loi  ne  s'exécute  pas.  » 


42  LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LA  PROPRIÉTÉ, 

naies  pour  recevoir,  au  lieu  d'espèces  nouvelles,  des  reconnaissances  nouvelles 
dont  le  payement  est  retardé  d'un  mois,  les  formalités  qui  seules  peuvent  aux 
termes  de  ces  lettres  patentes  assurer  leur  authenticité,  ainsi  que  celles  du 
dépôt  fait  aux  hôiels  des  monnaies,  étaient  faites  pour  justifier  les  inquiétudes 
du  public.  Les  engagements  qui  résultent  pour  les  finances  du  roi  de  l'intérêt 
d'un  tiers  pour  cent  par  mois  accordé  à  ses  reconnaissances  suffisent  aujour- 
d'hui pour  fixer  l'attention  du  Parlement,  et  prouvent  en  même  temps  que  ces 
lettres  patentes  ne  peuvent  devenir  loi  de  l'État  sans  y  être  délibérées.  La 
stagnation  des  anciennes  espèces  qui  résulte  de  la  précipitation  avec  laquelle 
cette  refonte  des  espèces  d'or  a  été  ordonnée,  le  défaut  de  précaution  dont 
elle  a  été  accompagnée  dès  le  principe,  les  engorgements  qui  en  seront  la  suite, 
les  non-valeurs  considérables  qu'auront  à  souffrir  les  particuliers,  annoncent 
qu'à  l'expiration  de  ces  engagements  ils  seront  nécessairement  renouvelés,  et 
qu'ainsi  l'Administration  pourrait  s'approprier  pour  un  temps  une  partie  du 
revenu  du  royaume...  Principiis  obsta. 

A  la  suite  de  ce  récit,  le  Parlement  rédigea  le  16  mars  des  Remon- 
trances qu'il  vint  apporter  à  Versailles  le  27.  La  minute,  insérée  dans 
le  procès-verbal  du  28,  a  neuf  pages.  En  somme,  le  Parlement  fait 
ressortir  que  le  marc  d'or  des  anciennes  espèces  est  sur  le  pied  de 
750  livres,  celui  des  nouvelles  sur  celui  de  708  livres.  Par  conséquent, 
ajoute-t-il,  c'est  moins  une  refonte  qu'une  altération  des  monnaies; 
elle  est  dangereuse  pour  le  commerce,  elle  ne  favorise  que  l'agiotage, 
elle  est  attentatoire  à  la  propriété  légitimée  : 

C'est  un  véritable  impôt  de  18  livres  par  marc  d'or  que  Votre  Majesté 
prélève  sur  tout  l'or  du  royaume,  un  impôt  de  18  millions  sur  1  million  de 
marcs  d'or  de  refonte.  Ressource  illusoire  pour  vos  finances,  Sire,  si  l'on 
considère  que  Votre  Majesté  dépensant  seule  presque  autant  que  tous  ses 
sujets  ensemble,  elle  porte  seule  près  de  la  moitié  du  préjudice  que  l'État  en 
souffre1. 

Le  roi  soutint  les  actes  de  son  ministre.  A  partir  de  ce  moment  on 
voit  se  perpétuer  à  Paris  les  spéculations  malhonnêtes  des  particuliers 
et  des  compagnies  privilégiés.  L'Etat,  ayant  donné  l'exemple,  tolère 
tout,  pourvu  qu'il  ait  sa  part  des  bénéfices,  ou  qu'il  l'espère. 

LES  ACTIONS  DE  LA  COMPAGNIE  PÉRIER 

RÉCIT   D'UN   DE  MESSIEURS  DE  LA  PREMIÈRE  CHAMBRE  DES  ENQUÊTES 
SUR   L'AGIOTAGE2  (28  JUILLET  1787) 

Si  la  Cour  a  cru  devoir  proscrire  les  assemblées  de  jeux,  si  tout  le  monde 
a  applaudi  à  la  sagesse  de  son  arrêt,  combien  l'objet  qui  va  faire  la  matière 

1.  Arch.  nal.,  X  1b    8984  (aux  dates  indiquées  dans  le  texte). 

2.  Le  Parlement  avait  été  prévenu,  dans  cette  grave  question,  par  Mirabeau.  Ost 


ET  DE  LA  LIBERTE  43 

de  notre  délibération  doit-il  lui  paraître  important,  et  combien  doit-elle 
compter  sur  la  reconnaissance  publique  !  Il  ne  s'agit  pas  seulement  de  veiller 
à  quelques  intérêts  particuliers,  de  défendre  la  fortune  de  quelques  familles, 
de  venir  au  secours  de  quelques  imprudents  :  il  faut  apporter  un  remède 
instant  à  un  mal  extrême  qui  fait  la  calamité  de  cette  capitale,  et  dont  le  poi- 
son circule  déjà  dans  tout  le  royaume.  Ce  poison  mortel,  c'est  l'agiotage. 
Prononcer  ce  mot  suffit  pour  réveiller  l'indignation  publique»:  c'est  le  fléau 
le  plus  cruel  qu'eût  jamais  enfanté  le  délire  de  l'égoïsmc. 

Je  voudrais  pouvoir  détourner  vos  regards  de  dessus  le  spectacle  impur  des 
associations  criminelles,  des  opérations  tortueuses,  des  monopoles  monstrueux 
des  agioteurs.  Mais  il  importe  que  vous  connaissiez  les  conséquences  funestes 
des  artifices  incendiaires  de  ces  gens  avides  dont  la  coupable  ligue  menace  la 
société  d'une  dissolution  prochaine. 

Si  l'on  porte  un  coup  d'œil  sur  l'état  général  des  choses,  on  voit  que  cinq 
années  sont  bientôt  révolues  depuis  le  retour  de  la  paix,  et  qu'elles  se  sont 
écoulées  infructueusement  pour  la  félicité  publique.  Des  Ilots  de  numéraire 
circulent  à  Paris,  il  est  vrai,  et  l'or  y  afflue  de  toutes  paris  :  mais  les  biens- 
fonds  n'ont  jamais  été  plus  décrédités,  et  ils  sont  une  ressource  inutile  entre 
les  mains  des  propriétaires.  Les  négociants  sont  obligés  de  faire  des  emprunts 
ruineux;  les  manufactures  languissent  dans  les  provinces;  le  commerce  s'éteint. 
Toute  espèce  de  travail  productif  et  d'industrie  honnête  est  devenue  impos- 
sible, et  les  temps  de  la  disette  la  plus  grande,  des  guerres  les  plus  malheu- 
reuses laissaient  plus  d'argent  aux  besoins  du  citoyen.  Comment  donc  les 
effets  de  l'extrême  indigence  se  font-ils  ressentir  au  sein  de  l'opulence  ?  C'est 
parce  que  les  sacrifices  les  plus  insensés  ne  coûtent  rien  aux  agioteurs,  pourvu 
qu'ils  puissent  exécuter  leurs  opérations.  Les  capitalistes,  qui  rougiraient 
d'exiger  ouvertement  au  delà  de  l'intérêt  que  la  loi  les  autorise  à  prendre, 
croient  pouvoir  partager  obscurément  avec  eux  les  profits  illicites  de  leurs  né- 
gociations. Leur  cupidité  augmente  en  raison  de  la  prodigalité  de  ceux  qui  leur 
empruntent.  C'est  ainsi  que  l'agiotage  vient  à  bout  d'absorber  plus  de  valeurs 
que  le  commerce  le  plus  florissant  n'en  peut  produire  ou  faire  circuler.  Quel 
triste  échange  !  Il  ne  résulte  de  l'agiotage  qu'un  mouvement  inutile  de  millions 
d'un  portefeuille  dans  l'autre.  Peut-on  regarder  de  telles  manœuvres  comme 
une  compensation  des  avantages  qui  naîtraient  d'un  commerce  légitime?  Peut- 
on  calculer  la  perte  que  cause  à  l'État  la  distraction  des  fonds  que  l'usure 
arrache  aux  avances  des  travaux  utiles  pour  être  employés  à  un  jeu  stérile  et 
corrupteur  ? 

Si  l'on  veut  considérer  les  malheurs  particuliers  qu'entraînent  les  coupables 

en  1787  que  parut  la  Dénonciation  de  l'agiotage  au  roi  et  à  l'Assemblée  des 
Notables,  par  le  comte  de  Mirabeau,  suivie  du  plan  des  opérations  de  l'abbé 
d'Espagnac  pour  soutenir  et  continuer  le  monopole  des  actions  de  la  Compagnie 
des  Indes  (in-8°  de  14FJ  p.,  1787).  Mirabeau  désigne  par  leurs  noms  les  principaux 
fauteurs  et  agents  des  opérations  d'agiotage,  Necker,  Barroult,  d'Espagnac,  le 
comte  de  Senef,  le  sieur  Pyron,  Lalanne,  déjà  célèbre  par  la  banque  de  Saint- 
Charles,  Saint-Didier,  Dupleix  de  Sainte-Albine,  etc.  Il  termine  par  une  véhé- 
mente apostrophe,  et,  par  une  saisissante  description  du  caractère  malhonnête 
et  cauteleux  du  ministre  de  Galonné,  que  toutefois  il  ne  nomme  pas.  —  Le  roi 
ordonna  d'enfermer  Mirabeau  à  la  tour  de  Ilam  :  mais  il  fut  averti  et  s'enfuit  en 
Prusse. 


44  LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LA  PROPRIÉTÉ 

manœuvres  des  agioteurs,  ils  sont  si  grands  en  eux-mêmes  et  si  multipliés 
qu'on  doit  les  regarder  comme  une  calamité  publique.  Les  agioteurs  se  font 
entre  eux  une  guerre  cruelle;  mais  ils  se  réunissent  tous  pour  surprendre 
les  gens  honnêtes  et  s'enrichissent  de  leurs  dépouilles  qui  doivent  servir  d'ali- 
ments à  leurs  combats  scandaleux.  Leurs  succès  sont  toujours  certains.  Car 
qui  peut-être  aussi  actif  qu'ils  sont  avides  ?  aussi  clairvoyant  qu'ils  sont  arti- 
ficieux? 11  faudrait  avoir  leur  àme  pour  démêler  les  pièges  et  toutes  les  per- 
fides illusions  que  leur  cupidité  sait  multiplier  selon  le  besoin.  Le  bon  sens, 
la  bonne  foi,  les  notions  les  plus  justes,  les  combinaisons  les  plus  raisonnables, 
se  trouvent  infailliblement  déçus;  ceux  mêmes  que  leur  prudence  tient  éloignés 
de  toute  espèce  de  spéculation  deviennent  encore  malgré  eux  les  victimes  de 
l'agiotage.  Tantôt  des  avis  faux  sont  semés  à  propos  pour  donner  de  l'in- 
quiétude sur  la  solvabilité  de  ceux  dont  la  fortune  est  la  plus  assurée,  et  l'on 
pousse  la  fraude  jusqu'à  faire  escompter  leurs  effets  à  perte.  Tantôt  on  inspire 
des  doutes  sur  la  sûreté  des  effets  royaux  :  et  toutes  ces  menées  n'ont  d'autre 
but  que  de  fixer  le  désir  du  public  sur  ceux  qu'ils  ont  en  plus  grand  nombre 
pour  s'en  débarrasser  au  prix  le  plus  haut.  La  Cour  voit  déjà  la  chaîne  de  ces 
renversements  de  fortune  qui  nous  ont  autant  surpris  que  scandalisés,  et  il 
importe  sans  doute  essentiellement  au  bon  ordre  que  nous  apportions  une 
attention  sérieuse  à  ces  manoeuvres  qui  sont  un  délit  véritable.  Il  est  temps 
de  proscrire  ces  marchés  honteux  où  les  uns  vendent  ce  qu'ils  n'ont  pas,  ce 
qui  n'existe  même  pas,  et  les  autres  achètent  ce  qu'ils  ne  peuvent  payer.  Un 
exemple  achèvera  de  démontrer  la  nécessité  de  penser  efficacement  à  réprimer 
tant  d'abus. 

La  Compagnie  des  Eaux  de  Paris  a  obtenu,  le  20  août  178G,  un  arrêt  du 
Conseil  par  lequel  le  roi  lui  permet  d'établir  une  chambre  d'assurance  conlrc 
les  incendies,  à  la  charge  d'avoir  un  fonds  de  4  millions  en  bonne  et  réelle 
valeur,  restant  toujours  intégralement  existant  pour  servir  de  sûreté  et  de  gage 
aux  propriétaires  qui  feraient  assurer  leurs  maisons.  Le  sieur  Sainte-James  fut 
dépositaire  de  ces  4  millions  lors  de  sa  faillite.  Les  administrateurs  de  la  com- 
pagnie demandèrent  celte  somme  à  la  commission  qui  leur  a  provisoirement 
adjugé  ce  qui  restait,  consistant  en  2,1 45,000  livres  de  billets  d'emprunts, 
41-2,000  livres  de  lettres  de  change  bonnes  ou  mauvaises,  255,000  livres  en 
argent.  :  total  2,842,000  livres.  Ainsi,  il  y  avait  déjà  un  déficit  de  1,158, 000  livres. 
Les  administrateurs  actuels  ont  vendu  des  bordereaux  d'emprunts,  et  ont 
acheté  avec  leur  produit  des  actions  des  Eaux  pour  les  faire  remonter,  et  leur 
donner  de  la  faveur.  11  y  aurait  certainement  une  prévarication  répréhensible 
de  vendre  les  effets  destinés  à  offrir  aux  propriétaires  une  sûreté  des  maisons 
qu'ils  font  assurer.  Ce  serait  une  preuve  nouvelle  de  l'excès  auquel  peut  en- 
traîner la  fureur  de  l'agiotage.  Le  roi,  par  un  arrêt  du  Conseil  du  '14  de  ce 
mois,  après  avoir  rétabli  le  cours  de  la  justice  sur  cette  matière,  a  défendu 
qu'à  l'exception  de  la  Caisse  d'escompte,  aucun  papier  ou  effet  de  compagnie 
particulière  fût  crié  ou  coté  à  la  Rourse,  y  jouît  d'aucuns  avantages  apparte- 
nants aux  effets  royaux,  et  que  leur  cours  fût  inséré  dans  les  papiers  publics. 
Mais  la  sagesse  de  ces  mesures  n'empêche  pas  l'agiotage  de  se  perpétuer, 
même  à  la  Rourse,  par  des  opérations  clandestines  qui  trompent  les  intentions 
bienfaisantes  du  roi.  Il  est  réservé  à  la  justice  souveraine  que  la  Cour  exerce 
de  consommer  ce  grand  projet,  en  arrêtant  les  agioteurs  par  la  crainte  des 
peines,  en  même  temps  qu'elle  obtiendra  par  leur  information  juridique  une 


ET  DE  LA  LIBERTÉ  45 

foule  de  détails  que  la  cupidité  dérobe  à  l'administration  la  plus  vigilante  et 
la  mieux  intentionnée. 

Vu  :  D'Aligre. 

Le  18  octobre  1787,  le  matin,  la  question  fut  reprise  par  un  des 
membres  de  la  Chambre  des  vacations  : 

A  la  tête  de  l'association  [qui  joue  à  la  hausse  sur  les  actions  Péricr]  est 
une  maison  de  banque  genevoise  qui  a  fourni  presque  tous  les  fonds.  La  plus 
grande  partie  des  engagements  que  les  joueurs  de  Paris  ont  contractés  avec 
elle  de  lui  fournir  des  actions  échoit  au  31  de  ce  mois.  Nous  sommes  aujour- 
d'hui au  18.  Ainsi,  si  la  Chambre  n'interpose  point  son  autorité,  l'on  court 
risque  de  voir  sortir  du  royaume,  sous  quinze  jours,  des  sommes  énormes  qui 
tourneront  en  entier  au  profit  de  l'étranger. 

Sur  ce  récit,  Me  Mathieu-Louis  de  Mauperché,  doyen  des  substituts 
du  procureur  général  du  roi,  fit  le  21  octobre  un  réquisitoire  que  l'on 
peut  résumer  en  quelques  mots  :  les  actions  de  la  Compagnie  Périer 
ont  été  accaparées  au  moyen  de  fonds  fournis  principalement  par  une 
maison  de  banque  étrangère  ;  et  ceux  qui  se  sont  engagés  à  en  délivrer 
à  date  fixe  n'ont  pu  ou  ne  peuvent  le  faire  qu'en  les  payant  eux-mêmes 
à  un  taux  immodéré.  De  tels  engagements  doivent  cire  tenus  pour 
nuls  '. 

LA  CAISSE  D'ESCOMPTE 

SÉANCE  PLÉNIÈRE  DU  30  JANVIER  1789 

Un  de  Messieurs  de  la  grand' chambre  signala  au  Parlement  deux 
actes  importants  du  Conseil  du  roi,  du  29  décembre  1788  et  du  17  jan- 
vier 17892. 

La  première  loi  du  commerce  et  de  la  banque  est  l'obligation  qui  astreint 
tout  débiteur  à  payer  ses  lettres  de  change  à  vue,  en  espèces  au  cours  de  la 
place.  Par  un  arrêt  du  Conseil  du  29  décembre  1788,  la  Caisse  d'escompte  est 
dispensée  de  celle  obligation.  Dès  le  18  août  précédent,  elle  avait  obtenu,  pour 
quatre  mois,  cette  surséance  que  l'arrêt  du  29  décembre  a  prorogée  jusqu'au 
1er  juillet  prochain.  Au  lieu  d'argent,  elle  est  autorisée  de  nouveau  à  donner, 
en  payement  de  ses  billets,  de  bons  effets  sur  particuliers  ;  et,  à  leur  tour,  les 
débiteurs  de  ces  effets  sont  autorisés  à  les  solder  en  billets  de  la  Caisse  d'es- 
compte. Ainsi  tout  le  système  de  l'arrêt  du  29  décembre  est  de  forcer  le  por- 
teur des  billets  de  la  Caisse  à  accepter  d'elle  pour  valeurs  des  effets  payables 


1.  Arch.  nal.,  X  In  8981  (aux  dates). 

2.  Le  récit  fut  vendu  imprimé,  pour  4  sols(pièce  in-8°  de  15  pages;.  -    La  mi- 
nute est  aux  Arch.  uat.,  X  1b  81)89 ,  30  janvier  1789. 


46        LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LA  PROPRIÉTÉ 

en  argent,  et  d'obliger  le  porteur  de  ces  derniers  effets  à  prendre  pour  argent 
des  billets  de  caisse.  En  un  mot,  le  billet  noir,  depuis  l'arrêt  du  Conseil,  n'est 
plus  un  papier  à  vue  avec  lequel  on  puisse  sur-le-champ  réaliser  des  espèces. 
C'est  un  papier-monnaie  avec  lequel,  sans  argent,  on  paye  valablement  tous 
les  effets  de  commerce  échus,  et  l'on  en  est  payé  malgré  soi.  11  est,  en  outre, 
fait  défenses  à  tout  huissier  de  dresser  aucun  protêt  pour  raison  des  lettres  de 
change  qu'on  offrirait  de  payer  en  billets  noirs;  à  tout  officier  de  se  prêtera 
aucune  poursuite,  à  tous  juges,  même  aux  Cours  souveraines,  d'en  connaître  : 
toute  contestation  à  cet  égard  est  évoquée. 

Un  autre  arrêt  du  Conseil  du  17  du  présent  mois  n'est  pas  moins  important 
à  connaître  et  n'a  que  trop  de  rapports  avec  celui  du  29  décembre.  Le  Roi  y 
accepte  pour  quinze  mois  un  prêt  de  25  millions  à  lui  offert  par  les  action- 
naires de  la  Caisse  d'escompte.  Par  un  article  du  dispositif  le  roi  solde  d'avance 
aux  prêteurs  leur  capital  et  leurs  intérêts,  par  la  délivrance  qui  leur  est  faite 
sur-le-champ  d'assignations  sur  les  aides  et  gabelles,  postes,  fermes  et  tous 
autres  revenus  publics,  le  tout  payable  en  avril  1790,  et  remis  dès  lors  aux 
administrateurs  de  la  Caisse,  qui  les  viseront,  les  signeront,  et  les  coteront 
comme  chose  à  eux  appartenante. 

De  plus,  l'arrêt  admet  le  partage  des  dividendes  présents  et  à  venir  entre 
les  actionnaires  de  la  Caisse  d'escompte,  et  portion  de  ce  dividende  est  ré- 
partie entre  eux  par  l'arrêt  du  Conseil  de  manière  à  former  pour  les  prêteurs 
des  25  millions  un  nouvel  intérêt  de  plus  de  5  pour  cent,  additionnel  à  celui 
de  5  pour  cent  que  le  roi  se  charge  de  payer.  11  suit  de  là  que,  sans  payer  ses 
billets  à  vue,  la  Caisse  est  autorisée  à  s'approprier  comme  légitime  le  béné- 
fice accoutumé  qu'elle  tire  de  ses  escomptes,  et  que  ses  créanciers,  qui  perdent 
tout  droit  au  recouvrement  de  leurs  espèces  pendant  six  mois,  ne  peuvent  plus 
saisir  et  arrêter  ce  bénéfice  obtenu  par  la  Caisse  avec  leur  propre  argent. 

Cette  double  opération,  qui  dans  les  tribunaux  serait  déclarée  frauduleuse  de 
la  part  de  toute  maison  de  commerce  ayant  failli,  devient,  par  l'arrêt  du  Con- 
seil, licite  et  permise  à  une  société  assez  riche  et  assez  inconséquente  pour 
d'une  main  recevoir  cette  surséance  comme  si  elle  ne  l'avait  pas  sollicitée,  et 
de  l'autre  offrir  un  prêt  de  25  millions  comme  si  on  ne  l'avait  pas  exigé  d'elle; 
à  une  société  qui  a  des  millions  pour  les  prêter  et  pour  partagera  ses  associés 
des  bénéfices,  et  qui  ne  trouve  aucun  numéraire  pour  payer  ses  dettes,  ou 
plutôt  qui,  ayant  (dit-elle)  beaucoup  de  numéraire,  est  dispensée,  de  l'employer 
à  restituer  ce  qu'elle  a  pris  en  dépôt  et  à  solder  ses  billets  à  vue. 

Il  s'offre  ici  deux  réflexions  bien  affligeantes,  relativement  à  la  date  des 
arrêts  du  Conseil.  Le  18  août  1788,  le  crédit  venait  d'être  ébranlé  d'une  façon 
convulsive,  et  la  confiance  était  entièrement  détruite  par  l'annonce  faite  la 
surveille  d'une  faillite  universelle  :  situation  déplorable  qui  autoriserait  à 
penser  que  le  ministre  n'en  était  venu  à  cette  extrémité  qu'après  avoir  disposé 
pour  lui-même  d'une  partie  du  numéraire  de  la  Caisse.  Le  29  décembre,  au 
contraire,  le  ministère  ne  donne  six  mois  d'un  nouveau  délai  qu'après  avoir 
annoncé  que  le  numéraire  est  revenu  dans  la  Caisse,  que  ses  administrateurs 
ne  méritent  aucun  reproche  d'indiscrétion  ;  que  la  Caisse  pourrait  raisonnable- 
ment reprendre  ses  payements;  mais  qu'on  a  cru  devoir  se  mettre  en  garde 
contre  les  orages  éventuels  produits  par  l'opinion. 

La  seconde  réflexion,  non  moins  douloureuse,  se  rapporte  encore  à  la  date 
même  de  la  décision  du   Conseil.   C'est  à  partir  du  1er  janvier  1789  que  la 


ET  DE  LA  LIBERTÉ  47 

surséance  accordée  à  la  Caisse  va  commencer  ;  c'est-à-dire  de  ce  même  mois 
où  l'Assemblée  de  la  Nation  devait  se  tenir  suivant  la  déclaration  du  23  sep- 
tembre 1788;  Assemblée  qui,  composée  des  représentants  du  peuple  français, 
c'est-à-dire  de  la  nation  la  plus  loyale,  n'eût  jamais  avoué  ni  soufferl  une  telle 
infidélité  :  en  sorte  que  c'est  par  suite  de  l'inexécution  de  cet  engagement 
solennel,  annoncé  légalement  au  nom  du  Roi,  et  accepté  par  la  France  entière, 
qu'ont  été  staluées  des  dispositions  fatales  à  une  foule  de  citoyens  et  effraijantes 
pour  tous. 

Quoi  de  plus  cruel  en  effet  que  cette  surséance?  La  société  de  banque  la 
plus  considérable  du  royaume  par  l'étendue  de  ses  spéculations  est  autorisée  à 
manquer  a  ses  engagements,  et  cela  pour  six  mois.  Ce  qu'elle  a  touché  libre- 
ment et  avec  un  profit  évident  d'escompte,  en  argent  comptant,  à  la  charge  de 
le  rétablir  en  même  monnaie,  elle  peut  le  rendre  en  papier  mort,  ou  en  billets 
actifs  pour  lesquels  on  n'obtiendra  qu'un  papier  mort,  en  retenant  tout  son 
numéraire  dont  elle  retirera  pour  elle  seule  de  nouveaux  profits... 

Si  la  Nation  assemblée  demandait  au  roi  une  telle  loi,  il  est  douteux  qu'aux 
yeux  d'un  homme  de  probité  cette  décision  fût  valable;  il  est  probable  que  les 
nations  étrangères  en  appelleraient  au  droit  des  gens;  il  est  certain  que,  pour 
que  la  loi  fût  juste,  il  faudrait  qu'elle  fût  portée  pour  tous  les  négociants,  pour 
tous  les  banquiers  sans  exception,  puisque  le  propre  de  la  Loi,  comme  résultat 
du  vœu  général,  est  de  lier  tous  les  citoyens.  Enfin  la  conscience  prononce 
qu'il  serait  inique  à  la  Nation  de  donner  à  celte  loi  subversive,  de  l'ancien 
ordre  des  choses  un  effet  rétroactif. 

Ici,  l'exception  à  la  loi,  un  privilège  inouï  est  établi  par  un  pouvoir  qui 
n'est  pas  celui  de  la  Loi,  qui  ne  s'appuie  pas  sur  elle,  qui  est  impuissant  pour 
la  changer,  et  qui  ne  prétend  pas  même  l'altérer.  Car  l'arrêt  du  Conseil  recon- 
naît et  conserve  le  droit  des  créanciers  porteurs  d'effets  de  commerce  sur 
d'autres  places,  et  même  sur  celle  de  Paris,  vis-à-vis  des  débiteurs  qui 
n'offriraient  point  en  payement  des  billets  noirs.  11  admet,  il  trouve  bon  que  des 
juges  et  consuls  leur  délivrent  des  sentences;  que  des  notaires  déposent  dans 
leurs  études  les  titres  dont  ils  sont  munis;  que  des  huissiers  dressent  pour 
eux  des  protêts  et  les  signifient  à  leurs  débiteurs.  La  seule  Caisse  d'escompte 
obtient  une  surséance  ;  ses  créanciers  seuls  sont  lésés  en  ce  point  :  et  quant 
au  remboursement  forcé  en  billets  noirs  des  effets  de  commerce  à  vue,  cette 
classe  unique  de  négociants  en  est  grevée,  dont  les  débiteurs  se  trouveront 
nantis  des  billets  de  la  Caisse.  Ainsi  l'efficacité  ou  l'impuissance  de  deux 
titres  parfaitement  semblables  entre  eux  devient  un  jeu  de  hasard.  Le  pouvoir 
de  la  Loi  n'est  plus  qu'une  chance  de  la  fortune.  Une  Compagnie  riche  et 
puissante,  chez  qui  l'or  abonde,  au  moment  même  où  ses  profits  s'accroissent, 
échappe  à  la  contrainte  par  corps  décernée  par  la  loi,  et  si  souvent  prononcée 
à  regret  parles  tribunaux  contre  le  négociant  pauvre,  abattu  par  des  revers, 
ruiné  par  des  malheurs  auxquels  sa  probité  ni  sa  prudence  n'ont  pu  le  sous- 
traire. Enfin  le  dernier  état  des  choses  qui  aura  précédé  immédiatement  en 
France  l'époque  du  rétablissement  d'un  ordre  fixe  et  invariable  si  souvent 
promis,  sera  la  confusion  de  tous  les  droits  violés  et  anéantis  sans  nécessité, 
sans  excuse,  et  au  nom  de  ce  Prince  juste  qui  a  dit  qu'il  voulait  affermir  tous 
les  principes  et  revivifier  tous  les  organes  du  Corps  politique... 

Dans  des  jours   plus  sereins,  le  Monarque  et  la  Nation  ont  défendu  aux 
magistrats  d'obtempérer  à  des  commandements  injustes  et  surpris.  Le  soutien 


48        LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LÀ  PROPRIÉTÉ 

des  droils  de  tous  contre  la  fraude  et  l'abus  de  la  puissance  est  la  plus  sacrée 
de  leurs  obligations.  Us  prévariquent  s'ils  se  taisent,  et  c'est  de  leur  part 
s'associer  au  délit  que  de  partager  le  silence  du  faible  à  qui  l'effroi  ferme  la 
bouche...  La  grande  police  de  l'État,  le  soin  d'assurer  sa  tranquillité  par  l'exé- 
cution des  lois  leur  est  dévolu.  Or,  en  ce  moment  le  péril  nous  menace  et  déjà 
le  mal  est  extrême.  11  est  notoire  qu'au  trésor  royal  l'on  paye  en  billets  noirs 
ce  que  l'on  acquitte  de  débets.  On  assure  que  les  payeurs  des  rentes  les  offrent 
aux  créanciers  de  l'État,  et  les  pressent  vivement  de  les  accepter,  au  lieu 
d'espèces.  Ces  billets  circulent  en  foule.  La  fabrication  en  appartient  à  une 
Caisse  en  faillite,  protégée  par  le  pouvoir,  et  par  lui  soustraite  à  l'action  des 
lois  :  la  fabrication  du  papier  appartient  donc  au  pouvoir.  Il  est  donc  maître 
d'une  monnaie  nouvelle  dont  le  coin  est  dans  sa  main.  L'affluence  de  cette 
monnaie  fait  craindre  qu'il  n'en  use  à  volonté.  Il  est  certain  qu'il  retient  et 
concentre  les  espèces.  Il  a  sursis  le  remboursement  des  capitaux  à  terme  fixe; 
il*  a  reculé  de  quatre  mois  les  arrérages  courants  à  la  Ville;  ceux  dus  parle 
Trésor  en  petites  parties  ne  s'acquittent  plus,  ou  ne  se  payent  qu'avec  une  len- 
teur extrême.  Qui  peut  empêcher  qu'il  n'accapare  un  immense  numéraire?  Qui 
peut  dire  que  l'emprunt  de  25  millions  ne  soit  pas  destiné  à  solder  de  précédents 
emprunts  inaperçus;  et  que  son  remboursement  réalisé  par  les  assignations 
données  d'avance  aux  actionnaires  n'ait  pas  pour  objet  de  rendre  praticable,  vis- 
à-vis  des  mêmes  prêteurs,  la  continuation  indéfinie  des  mêmes  ressources? 

Sans  doute  la  volonté  du  Roi  est  contraire  :  car  il  veut  que  la  Nation  «  exerce 
tous  ses  droits  »,  qu'elle  soit  l'arbitre  des  emprunts,  comme  des  impôts,  de 
leur  forme  de  perception,  de  l'immutabilité  des  assignats,  de  la  sanction  et  de 
l'hypothèque  des  nouvelles  dettes.  Mais  le  roi  a  voulu  aussi  (et  depuis  l'arrêt 
du  17  janvier,  il  veut  en  vain)  que  les  lois,  même  bursales,  soient  exécutées 
jusqu'aux  États  généraux,  que  les  assignats  promis  à  ses  peuples  et  aux  étran- 
gers ne  soient  point  abolis  ;  qu'on  ne  rembourse  point  des  emprunts  illégaux 
avec  l'argent  pris  aux  anciens  créanciers  délégués  sur  les  aides  et  gabelles, 
les  fermes,  les  postes  et  autres  revenus  publics. 

Il  veut  que  la  bonne  foi  règne,  que  la  justice  se  rende  :  et  par  les  deux 
arrêts  la  bonne  foi  est  détruite,  la  justice  est  sans  force,  les  droits  sont  en- 
freints; du  papier  est  donné  pour  de  l'argent.  Un  prêt  ou  illusoire  ou  fraudu- 
leux à  plus  de  10  pour  cent,  et  déjà  remboursé,  est  déclaré  une  offre  patrio- 
tique. Les  créanciers  légitimes  de  l'État  sont  spoliés  ;  la  fortune  publique  est 
compromise.  Mais  la  Loi  parle  encore  :  on  ne  surprendra  point  sa  vigilance, 
on  n'éludera  point  la  fermeté  de  ceux  qui  ont  juré  de  lui  rester  à  jamais  fidèles. 
Ils  se  sont  dévoués  au  Prince,  qui  les  a  chargés  de  son  exécution,  et  à  la  Nation, 
à  qui  le  dépôt  des  commandements  sacrés  de  la  justice  appartient  comme 
celui  de  sa  morale  publique.  Ils  continueront  de  voir  la  Nation  où  elle  est,  c'est- 
à-dire  dans  la  réunion  des  citoyens  de  tous  les  ordres,  et  non  pas  seulement  dans 
un  petit  nombre  de  capitalistes  dont  beaucoup  sont  étrangers  à  la  Patrie  par 
leur  naissance,  animés  par  leur  intérêt  personnel,  et  prétendent  s'identifier 
avec  la  France,  en  se  livrant  à  des  spéculations  qui  sapent  la  foi  publique  et 
la  loi,  et  qui  ébranlent  la  Constitution  '. 

Le  Parlement  arrêta  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  de  délibérer. 

1.  «  Le  sieur  abbé  Lecoigneux  de  Belabrc,  conseiller  de  grand'chambre,  ayant 
entrepris  de  dénoncer  la  Caisse  d'escompte  et  les  opérations  de  M.  Necker  rcla- 


ET  DE  LA  LIBERTÉ  49 

LES  CHARTRES  PRIVÉES 

RÉCIT    D'UN    DE   MESSIEURS   DE   LA   PREMIÈRE    CHAMBRE   DES   ENQUETES 
SÉANCE  PLÉNIÈRE  DU  PARLEMENT,  LE   14  FÉVRIER   1783,  DU  MATIN  I 

Monsieur, un  fait  particulier  venu  à  la  connaissance  de  [MM.  de]  la  première 
chambre  des  enquêtes  les  a  mis  à  même  de  constater  qu'il  existe  en  cette  Ville 
plusieurs  maisons  de  force  qui  deviennent  pour  des  citoyens,  peut-être  inconnus, 
de  véritables  cachots  où  ils  languissent  des  années  entières  prives  de  tout 
secours,  même  de  ceux  que  la  sévérité  des  lois  et  la  vigilance  de  leurs 
ministres  ne  refusent  pas  aux  scélérats  convaincus  des  plus  grands  crimes. 
Messieurs  vont  entendre  les  circonstances  du  fait  particulier  avec  les  preuves 
qui  l'établissent.  Ils  en  induiront  la  certitude  malheureusement  trop  frappante 
de  l'existence  de  plusieurs  chartes  2  privées,  et  du  traitement  qu'y  éprouvent 
ceux  qu'on  y  enferme. 

Un  officier  du  siège  de  l'amirauté  qui  exerce  en  même  temps  la  profession 
d'avocat  fut  informé,  vers  le  commencement  de  décembre  1779,  de  la  disparition 
soudaine  d'un  de  ses  clients,  et  bientôt  après  de  sa  détention  qui  avait  eu  lieu 
le  20  octobre  de  la  même  année.  Des  notes  informes  écrites  par  le  prisonnier 
sur  des  cartes  à  jouer  qu'il  avait  attachées  l'une  à  l'autre,  et  ensuite  une  lettre 
datée  du  17  décembre  de  la  même  année,  et  qui  contenait  le  détail  de  ses 
malheurs,  échappèrent  à  la  vigilance  des  geôliers  de  la  prison,  et  instruisirent 
l'avocat  du  lieu  où  était  resserré  le  sieur  de  Rodouan  de  Morlaincourt  :  c'est  le 
nom  de  ce  particulier  que  l'on  dit  noble  et  ci-devant  propriétaire  de  terres 
dans  le  Barrois.  Elles  lui  apprirent  aussi  qu'il  était  à  un  secret  impénétrable  en 
vertu  d'ordres  du  roi,  dont  il  ignorait  les  motifs,  «  n'étant  ni  criminel,  ni  fou, 
ni,  grâces  au  ciel,  en  disposition  de  le  devenir  (ce  sont  ses  termes);  au  surplus, 
privé  de  la  liberté  d'écrire,  ne  devant  qu'à  la  charité  d'une  personne  compa- 
tissante le  papier  et  l'encre  dont  il  se  servait  dans  le  plus  grand  mystère; 
réduit  au  pain  et  à  l'eau,  sans  peigne,  et  absolument  dans  la  pourriture  ». 

Le  surplus  de  sa  lettre  indique  les  précautions  de  prudence  qu'il  croit 
nécessaires  pour  ne  point  compromettre  la  personne  de  qui  il  tient  la  facilité 
d'écrire  malgré  ses  surveillants,  et  les  mesures  à  prendre  pour  obtenir  de  la 


tives  à  cette  caisse,  celte  dénonciation  donne  lieu  ù  de  très  longues  discussions" 
et  à  un  combat  d'opinions  dont  tout  le  résultat  est  d'arrêter  en  définitive  qu'il  n'y 
avait  lieu  à  délibérer.  »  (30  janvier  1789.)  Dans  la  même  séance,  les  dénoncia- 
tions du  chevalier  de  Guer  contre  Necker  furent  très  mal  reçues.  Le  Parlement 
se  tenait  sur  ses  gardes.  Le  bruit  courait  qu'un  comité  secret  tenu  à  Versailles 
avait  décidé,  à  la  première  occasion  où  il  donnerait  prise  sur  lui,  sa  translation 
à  lliom  jusqu'après  la  tenue  des  États  généraux,  «  dans  lesquels  il  y  avait  tout 
lieu  de  prévoir  que  l'on  se  proposait  d'eu  restreindre  les  membres  à  la  seule 
fonction  de  jugeurs,  parti  qui  serait  pris  également  à  l'égard  de  tous  les  autres 
parlements  du  royaume  ».  Ainsi  le  plan  de  Maupeou,  repris  par  Lamoignon, 
n'était  que  «  suspendu  dans  son  exécution  ».  (Hardy,  t.  VIII,  p.  218-219.) 

1.  Arch.  nat.,  X  1b  8978,  à  la  date.  —  Le  récit  est  de  d'Espréménil.  11  s'adresse, 
suivant  l'usage,  au  premier  président  (d'Aligre). 

2.  Chartres. 

i 


50  LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LA  PROPRIÉTÉ 

police  la  liberté  de  le  voir.  Il  règne  dans  les  pensées  et  la  diction  de  la  lettre 
autant  d'humanité  que  de  méthode. 

Cette  lettre  parvenue  à  l'avocat,  celui-ci  lia  avec  le  magistrat  chargé  de  la 
police  *  une  correspondance,  et  lui  fit  de  vive  voix  les  instances  les  plus  vives 
pour  obtenir  la  liberté  de  voir  le  sieur  de  Morlaincourt.  Il  fut  refusé  :  on  ne  lui 
parla  point  de  folie,  mais  de  pauvreté  et  d'un  fait  de  mendicité  qu'il  crut 
pouvoir  dénier,  en  représentant  que  personne  ne  connaissait  mieux  que  lui  la 
situation  du  sieur  de  Morlaincourt,  qu'il  était  son  conseil,  qu'il  suivait  au 
moment  même  des  instances  pour  lui  au  Parlement;  qu'il  venait  d'obtenir  un 
arrêt  provisoire  très  favorable,  au  rapport  de  M.  de  Chavanne  *;  que,  quoiqu'il 
eût  éprouvé  des  revers  considérables,  il  lui  restait  des  ressources,  des  parents, 
des  amis;  qu'enfin  le  cachot,  ou  un  secret  aussi  impénétrable  que  le  cachot, 
excluait-jusqu'à  l'idée  de  cette  prétendue  mendicité  qui  n'avait  nulle  propor- 
tion avec  un  traitement  si  rigoureux  :  tout  fut  inutile,  et  l'avocat  refusé  se 
contenta  d'écrire,  sous  le  couvert  du  magistrat  de  police,  une  lettre  purement 
d'affaires  à  son  client,  que  celui-ci  n'a  jamais  reçue. 

Vers  le  mois  de  mai  1780,  le  prisonnier  fit  passer  une  nouvelle  note  par 
laquelle  il  annonça  qu'il  avait  écrit  cinq  lettres  au  magistrat  de  police  en  date 
des  19  février,  5  et  7  mars,  1G  et  19  avril,  avec  trois  autres  au  moins,  incluses 
dans  les  paquets  et  adressées  à  son  défenseur.  Il  priait  celui-ci  de  renouveler 
ses  supplications  vis-à-vis  de  M.  Le  Noir  ou  de  M.  Amelot  '.  Il  demandait  qu'on 
veillât  sur  ses  effets,  sur  son  linge  et  ses  papiers,  formant  le  volume  de  deux 
malles,  le  tout  resté  chez  lui,  disait-il,  depuis  sept  mois  à  l'abandon,  et  tout 
ouvert.  Rien  n'a  changé  depuis  cette  époque,  et  le  prisonnier  aurait  peut-être 
été  oublié  pour  toujours,  si  le  23  janvier  dernier  une  nouvelle  lettre  ne  fût 
parvenue  à  l'avocat.  Elle  lui  a  été  adressée  et  envoyée  par  un  homme  qui 
paraît  l'avoir  ramassée  le  long  des  murs  de  la  prison,  et  qui,  par  compassion 
pour  l'être  malheureux  qui  y  faisait  la  peinture  de  son  affreuse  détresse  et  des 
rigueurs  de  sa  captivité,  l'a  mise  à  la  poste  en  l'enfermant  dans  une  autre  par 
lui  écrite  et  non  signée,  mais  accompagnée  d'indications  si  précises  qu'il 
serait  facile  de  remonter  jusqu'à  la  main  qui  a  rendu  au  prisonnier  cet  impor- 
tant service. 

Au  surplus  de  telles  recherches,  propres  à  éclairer  et  convaincre  Messieurs, 
semblent  désormais  inutiles,  depuis  que,  cédant  moi-même  au  sentiment  de  la 
pitié,  je  me  suis  moi-même,  avec  l'autorisation  de  Messieurs  de  la  première, 
transporté  au  lieu  de  détention  du  sieur  de  Morlaincourt.  Son  existence  actuelle 
m'a  été  attestée  par  le  geôlier  et  l'hôtesse  de  ce  triste  séjour  (le  maître  étant 
absent  pour  l'heure)  :  son  bon  sens,  sa  misère  profonde,  la  durée  de  sa  capti- 
vité, m'ont  été  confirmés  par  leur  récit,  auquel  s'est  trouvé  parfaitement  con- 
forme le  registre,  ou  plutôt  la  suite  des  registres  du  commissaire  du  Châtelet, 
qu'ils  m'ont  indiqué  comme  visitant  de  loin  en  loin  leur  maison.  Il  m'a  paru 
naturel  de  me  procurer  ce  nouveau  degré  de  certitude.  Je  me  suis  rendu  chez 
le  commissaire,  qui  m'a  satisfait  sur  l'heure,  et  j'ai  reconnu  l'exactitude  de 
tous  les  faits  allégués  par  le  prisonnier,  ou  avoués  par  ses  geôliers,  en  ouvrant 
son  registre  de  l'année  1779.  C'est  dans  cette  pièce  importante,  et  trop  digne 

1.  Lenoir. 

2.  Conseiller  de  la  grand'chambre. 

:S.  A  kirs  ministre  du  département  de  Paris. 


ET  DE  LA  LIBERTÉ  SI 

de  fixer  les  regards  du  ministère  public,  que  j'ai  voulu  lire  moi-même.  C'est 
là  que  j'ai  vu,  au  milieu  du  nombre  infini  d'articles  qui  remplissent  ce  volume 
immense,  l'article  du  sieur  de  Morlaincourt.  11  s'y  trouve,  à  la  vérité,  émargé 
du  mot  «  fou  »,  mais  à  peine  ce  mot  avait-il  frappé  mes  yeux,  que  le  commis- 
saire m'a  prié  de  lire  l'article  entier  :  et  j'ai  vu  le  démenti  de  cette  assertion 
de  folie  écrit  de  sa  propre  main,  par  l'addition  de  ces  mots  placés  immédiate- 
ment au-dessous  :  «  ne  le  paraît  point  être  »,  ce  qu'il  m'a  confirmé  de  vive 
voix  à  plusieurs  fois.  Il  était  impossible  que  je  ne  fusse  pas  frappé  de  cette 
circonstance  si  décisive  de  l'opinion  que  le  commissaire  lui-même,  inspecteur 
de  la  prison,  s'était  formée  de  l'état  de  son  prisonnier,  surtout  en  le  rappro- 
chant du  ton  de  ses  lettres,  où  il  parle  de  son  affaire  avec  prévoyance  et  avec 
netteté,  du  témoignage  de  l'hôtesse  et  de  son  geôlier  qui,  après  un  séjour  de 
quarante  mois  et  plus  qu'il  a  fait  chez  eux,  m'ont  déclaré  qu'il  jouissait  de  son 
bon  sens,  et  enfin  du  silence  du  magistrat  de  police  sur  cette  inculpation  de 
folie,  dans  ses  relations  avec  un  avocat,  son  conseil  et  son  défenseur.  Il  m'a 
paru  évident  que  ce  titre  de  «  fou  »,  donné  au  sieur  de  Morlaincourt  au  moment 
de  sa  détention  et  désavoué  par  les  faits  et  même  par  les  écrits  de  l'ordonna- 
teur de  la  maison,  n'avait  été  placé  que  comme  une  excuse  préparée  de  loin 
pour  légitimer  en  apparence  une  démarche  dont  on  espérait  peut-être  que  les 
motifs    ne    seraient  jamais    sérieusement   recherchés.   J'oubliais   de  dire   à 
Messieurs  que  le  style  de  la  dernière  lettre  est  aussi  touchant,  aussi  mesuré, 
et  indique  une  tête  et  une  raison  aussi  calmes  que  les  trois  autres  ■  :  et  com- 
ment aurais-je  pu  me  méprendre  sur  la  situation  réelle  de  l'esprit  de  cet 
homme,  lorsque  je  venais  d'entendre,  de  la  bouche  du  geôlier  et  de  la  maî- 
tresse, que  le[ur]  seul  grief  contre  le  prisonnier  était  qu'un  jour,  il  y  a  dix-huit 
mois  environ,  le  sieur  de  Morlaincourt  et  un  compagnon  d'infortune  logé  dans  sa 
chambre  (j'ignore  depuis  quel  temps)  s'étaient  sauvés,  et  leur  avaient  fait  faire 
bien  du  chemin  pour  les  rejoindre,  ne  les  ayant  rattrapés  qu'à  Charenton  à 
l'aide  de  la  maréchaussée. 

A  compter  de  cette  époque,  le  prisonnier  est  resté  couché  nuit  et  jour, 
n'ayant  (à  ce  qu'il  dit)  ni  culotte,  ni  bas,  ni  souliers,  privé  de  feu  depuis  deux 
hivers,  manquant  d'air,  de  vin,  de  nourriture  suffisante,  étroitement  renfermé 
sous  des  barres  de  fer  et  des  cadenas,  à  plus  de  cent  degrés  de  haut,  exposé 
au  plus  grand  froid,  n'ayant  pu  obtenir,  en  santé  ni  même  en  maladie,  de  se 
confesser  depuis  trois  ans»,  et  privé  même  d'entendre  la  messe  depuis  dix-huit 
mois,  quoiqu'on  la  dise  dans  la  maison. 

Je  n'ai  pu  faire  parvenir  jusqu'à  lui  même  aucun  mot  de  consolation,  les 
geôliers  ayant  défense  absolue  de  le  laisser  voir  à  qui  que  ce  soit.  Le  com- 
missaire me  l'a  confirmé,  tant  à  son  égard  qu'à  celui  de  beaucoup  d'autres 
déposés  dans  les  différentes  retraites  que  l'autorité  a  choisies.  Car  Messieurs 
sauront  qu'il  en  existe  plusieurs,  et  que  le  commissaire  au  Châtelet  m'a  nommé 
entre  autres  un  de  ces  receleurs  qui,  portant  à  ses  fonctions  toute  la  dureté 

1.  Cette  insistance  à  démontrer  que  Morlaincourt  n'était  pas  fou  montre  bien 
que,  dans  l'opinion  de  l'orateur  et  de  ses  auditeurs,  il  ne  pouvait  être  question 
de  justice  lorsqu'il  s'agissait  d'uu  fou  avéré.  Morlaincourt  avait  été  {Je  crois) 
compromis  dans  l'affaire  des  chansons  obscènes  contre  le  roi  et  la  reine. 

2.  Le  prétexte  de  folie,  eu  écartant  le  prêtre,  ôtait  au  prisonnier  son  dernier 
espoir,  et  le  privait  d'un  puissant  moyen  d'intervention. 


52  LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LA  PROPRIÉTÉ 

qu'elles  supposent,  lui  a  juré  une  haine  implacable  et  l'a  outragé  publique- 
ment sans  qu'il  en  ait  pu  avoir  justice,  et  ce,  sur  l'unique  motif  .qu'il  avait 
fait,  à  force  de  soins  et  de  mouvements,  tomber  les  fers  de  dix  ou  onze  de  ces 
infortunés,  et  soustrait  ces  victimes  à  son  avidité. 

Le  nom  de  cet  officier  est  M°  Joron,  commissaire  au  Chàtelet,  Vieille-rue- 
du-Temple;  le  nom  de  l'avocat  est  M0  Martel,  lieutenant  du  siège  de  l'Ami- 
rauté, rue  du  Foin-Saint-Jacques,  qui  a  fait  excuse  à  la  Cour  de  n'avoir  pas 
réclamé  plus  tôt  sa  protection  souveraine  pour  son  client  sexagénaire,  dont 
l'existence  prolongée  et  la  raison  encore  saine  après  de  tels  malheurs  semblent 
garantir  une  fermeté  rare,  et  une  résignation  appuyée  sur  des  principes  de 
religion  qui  se  produisent  effectivement  dans  ses  lettres. 

Enfin  le  nom  du  préposé  à  la  maison  de  force,  dont  la  femme  et  le  geôlier 
(qu'on  m'a  dit  être  son  neveu)  m'ont  parlé  avec  tant  de  sincérité,  est  Esquiros, 
logé  au  Throsne,  la  seconde  porte  à  droite,  près  la  barrière.  Sans  que  je  me 
fusse  fait  connaître  à  l'un  ni  à  l'autre,  ils  m'ont  déclaré  détenir  chez  eux  (outre 
des  fous)  des  personnes  contre  lesquelles  l'administration  donnait  d'elle-même 
ou  accordait  des  ordres,  tels  que  ceux  qui  retiennent  le  sieur  de  Morlaincourt  : 
ils  m'ont  aussi  indiqué  le  nom  et  la  demeure  du  commissaire  Joron,  dans  les 
yeux  et  sur  le  visage  duquel  j'ai  aperçu  tout  le  regret  qu'il  éprouve  de  ne 
s'être  pas  entremis  plus  tôt  pour  essayer  d'abréger  du  moins  l'infortune  de 
celui  dont  il  trouvait  le  nom  apostille  lui-même,  d'une  façon  très  touchante, 
sur  son  registre  de  1779,  avec  l'indication  de  son  entière  détresse,  sans  qu'il 
paraisse,  sur  ses  registres  subséquents,  qu'il  ait  continué  de  s'occuper  des 
demandes  et  des  besoins  du  sieur  de  Morlaincourt. 

Messieurs  de  la  première  des  enquêtes  ont  cru,  Monsieur,  qu'il  appartenait 
à  la  Compagnie  entière  de  pourvoir,  si  elle  le  jugeait  à  propos,  à  la  conserva- 
tion d'un  individu  privé,  depuis  près  de  quatre  ans,  de  toute  espèce  de  rela- 
tion, à  la  sûreté  de  ses  pareils,  qui  sont  probablement  en  grand  nombre,  et  à 
la  tranquillité  des  citoyens  et  de  l'État,  essentiellement  liée  à  l'opinion  de  la 
sûreté  personnelle,  enfin  à  la  proscription  de  ces  prisons  ministérielles,  d'où 
parlent  sans  cesse  des  gémissements  et  des  plaintes  arrachés  par  la  seule  vio- 
lence, et  qui,  sous  un  règne  tout  entier  de  justice,  de  raison  et  d'humanité, 
semblent  accuser  à  la  fois  la  vigilance  du  Parlement,  la  fidélité  des  Peuples,  la 
clémence  du  Souverain  et  la  sagesse  de  l'Ordre  public. 

Ensuite,  un  autre  de  Messieurs  delà  première  chambre  des  enquêtes  a  dit: 

Monsieur,  je  me  crois  obligé  d'informer  la  Cour  d'un  fait  qui  paraît  inté- 
resser l'ordre  public  et  la  vie  d'un  citoyen. 

Edmée  Guillot,  femme  de  Jean-François  Minguet,  cavalier  surnuméraire  de 
robe -courte,  ci -devant  logée  avec  son  mari,  rue  Saint- Martin,  près  la  pri- 
son, seule  maintenant,  rue  Boucherat,  près  la  rue  Xaintonge,  au  Grand-Cerf, 
s'est  transportée  chez  moi  avant  la  fin  du  mois  dernier,  et  m'a  déclaré  qu'à  la 
fin  de  février  1782,  son  mari,  étant  en  fonctions,  fut  arrêté  par  deux  escouades 
de  la  garde  de  Paris,  lié  et  conduit  chez  le  commissaire  Le  Relie,  rue  des  Bil- 
lettes,  malgré  les  observations  du  sieur  de  Bochemur,  son  officier,  qui  répon- 
dait de  lui  sur  sa  tête,  et  l'accompagna  chez  le  commissaire  pour  se  plaindre 
d'un  éclat  aussi  indécent;  qu'il  n'eut  d'autre  réponse  de  la  part  du  commis- 
saire, sinon  que  depuis  longtemps  les  ordres  étaient  donnés  d'arrêter  ledit 
Minguet  partout  où  on  pourrait  le  trouver,  ajoutant  qu'il  était  reconnu  pour 
un  contrebandier  à  hautes  armes;  qu'il  avait  maltraité  les  employés,  notam- 


ET  DE  LA  LIBERTÉ  53 

ment  le  dimanche  précédant  sa  capture,  sur  les'huit  heures  du  soir,  et  qu'il 
avait  été  reconnu  par  les  employés  qui  n'avaient  pu  l'arrêter;  que  ledit  Min- 
guet,  son  mari,  ignorant  absolument  ce  dont  on  l'accusait,  répondit  par  des 
offres  constantes  de  prouver  le  contraire,  puisque,  à  pareils  heure  et  jour,  il 
était  sous  les  ordres  d'un  de  ses  officiers,  qu'il  n'avait  quitté  qu'à  onze  heures 
du  soir;  que  sa  défense  fut  vaine  et  ses  justifications  rejetées;  qu'il  fut  con- 
duit d'abord  à  l'hôtel  de  la  Force,  et  trois  semaines  après  transféré  d'ordre 
du  roi,  sans  confrontations,  sans  informations,  en  un  mot,  sans  forme  de  pro- 
cès, à  Bicêtre,  où  ce  malheureux,  détenu  depuis  un  an,  sans  avoir  cessé  de  de- 
mander, mais  inutilement,  qu'on  le  jugeât,  se  meurt  du  scorbut;  que,  dans  cette 
position,  elle  suppliait  les  magistrats  supérieurs  de  lui  prêter  leur  secours,  et 
d'employer  leur  autorité  pour  lui  faire  rendre  son  mari  dont  l'innocence  était 
certaine  et  la  vie  en  danger.  Voilà,  Messieurs,  ce  que  la  femme  Minguet  m'a 
déclaré. 

J'ai  pris  des  informations,  d'abord,  du  lieutenant-criminel  de  robe-courte, 
ensuite  à  Bicêtre,  puis  à  l'hôtel  de  la  Force.  Il  résulte  d'un  certificat  du  lieu- 
tenant-criminel de  robe-courte  que  Minguet  a  tenu  dans  cette  compagnie  une 
conduite  irréprochable.  Le  même  certificat  annonce  que  l'année  dernière, 
dans  une  assemblée  de  police,  le  commandant  de  la  garde  de  Paris  dit  que 
Minguet  en  avait  été  chassé  ;  mais  sa  femme  m'a  remis  le  congé  en  bonne 
forme  de  cette  compagnie  donné  audit  Minguet,  et  visé  par  le  commandant 
lui-même  :  elle  y  a  joint  un  autre  congé  en  bonne  forme  de  Roy  al- étranger, 
cavalerie,  où  Minguet  a  servi.  Il  résulte  de  l'écrou  de  Bicêtre  que  Minguet  y 
est  entré  le  8  mars  1782,  et  que  l'ordre  du  roi  en  forme  n'a  été  envoyé  que 
le  29  avril  suivant.  On  lit  au  bas  de  cet  écrou  les  mots  que  voici  :  Transféré 
de  l'hôtel  de  la  Force;  on  ignore  les  motifs.  Enfin,  il  résulte  de  mes  recherches, 
à  l'hôtel  de  la  Force,  que  Minguet  n'y  a  point  été  écroué,  lui  non  plus  que 
beaucoup  d'autres,  dans  le  temps  dont  il  s'agit,  et  qu'il  a  été  mis  dans  cette 
prison  comme  en  dépôt,  sans  autre  mention  que  sur  un  livre  informe  intitulé 
Calpin,  remplacé  aujourd'hui  par  un  registre  appelé  de  police,  mais  qui  n'est 
point  un  registre  d'écrou,  et  dont  il  paraît  qu'on  ne  donne  ni  ne  laisse  prendre 
d'extrait  aux  simples  citoyens  sans  un  ordre  du  lieutenant  de  police. 

Ces  faits,  Monsieur,  ont  paru  à  Messieurs  de  la  première  des  enquêles 
mériter  l'attention  de  la  Cour.  Minguet  réclame  les  droits  de  l'innocence,  le 
secours  des  lois,  et,  peut-être,  les  réclame  trop  tard.  Je  vous  supplie,  Mon- 
sieur, de  mettre  en  délibération  ce  qu'il  convient  de  faire  à  ce  sujet.  La  Cour 
peut  se  convaincre,  dès  à  présent,  des  trois  faits  exposés  dans  mon  récit,  par 
trois  pièces  que  je  mets  sur  le  bureau,  savoir  :  le  congé  de  Boyal-étranger, 
le  congé  de  la  garde  de  Paris  et  copie  littérale  de  l'écrou  de  Bicêtre. 

Le  premier  président  d'Aligre  est  chargé  par  arrêté  du  même  jour, 
11  février  1783,  d'employer  ses  bons  offices  auprès  du  roi,  en  faveur 
de  Rodouan  de  Morlaincourt  et  de  Minguet. 

Le  roi  lui  fit  l'honneur  de  lui  répondre  :  «  Que  les  maisons  de  sûreté  et  de 
police,  les  unes  étaient  sous  l'inspection  du  lieutenant  civil,  les  autres  sous 
celle  du  lieutenant  de  police,  qui  chargeaient  aussi  des  commissaires  d'y  sur- 
veiller; qu'il  n'appartenait  à  aucun  magistrat  d'aller  d'office  privé  visiter  les 


54  LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LA  PROPRIÉTÉ 

Hospices  établis  par  la  police,  que  ce  droit  appartient  au  premier  président 
et  au  procureur  général  seuls,  pour  en  rendre  compte  au  Parlement  lorsqu'il 
[le]  leur  demande. 

«  A  l'égard  de  Mainguet1,  cela  regarde  la  Cour  des  Aides. 

«  Pour  ce  qui  est  de  Morlaincourt  :  «  Je  jsuis  surpris  que  mon  Parlement 
«  vous  ait  chargé  de  m'en  parler;  que  cela  n'arrive  plus.  » 

Cette  réponse  du  Roi,  dont  la  date  n'est  pas  mentionnée,  fut  enre- 
gistrée à  la  séance  du  26  février  1783.  «  Un  de  Messieurs  »  obtint 
jour  pour  demander  au  premier  président  le  compte  des  Hospices 
existants  et  des  individus  qui  y  étaient  enfermés. 

EXTRAIT    DE   LA    MINUTE 
SÉANCE  PLÉNIÈRE  DU  14  MARS  1783  2 

Il  a  été  arrêté  qu'en  tout  temps  et  toute  occasion  il  sera  représenté  au 
roi  : 

4°  Que  son  Parlement  n'a  jamais  entendu  protéger  des  coupables  ni  mettre 
des  bornes  à  l'indulgence  dudit  seigneur-roi  ;  que  son  Parlement  respectera 
toujours  dans  sa  main  les  effets  d'une  autorité  bienfaisante  et  paternelle  ; 

2°  Que  son  Parlement,  chargé  par  état  et  par  devoir  de  veiller  à  la  décharge 
dudit  seigneur-roi  sur  tout  ce  qui  peut  concerner  la  sûreté  et  la  tranquillité 
publiques,  ne  peut  voir  avec  indifférence  les  atteintes  portées  à  la  liberté  des 
citoyens  et  dont  la  connaissance  lui  parvient  soit  dans  les  procès  soumis  à  sa 
décision,  soit  par  les  pièces  qui  sont  mises  sous  ses  yeux,  soit  par  la  noto- 
riété publique; 

3°  Que  si  la  dépravation  des  mœurs  et  le  dérangement  des  hommes  ont 
multiplié  ces  maisons  qui  sont  aujourd'hui  des  prisons  soustraites  à  l'inspec- 
tion journalière  des  tribunaux  ordinaires,  jamais  le  Parlement,  dépositaire  de 
la  grande  police,  ne  fut  plus  tenu  de  veiller  à  ce  que  ces  maisons  ne  puissent 
pas  servir  à  satisfaire  les  passions  particulières  ; 

4°  Que  le  Parlement  ne  peut  voir  qu'avec  satisfaction  le  droit  du  Corps  en- 
tier reconnu  et  assuré  dans  la  personne  de  deux  principaux  Magistrats  dignes 
de  sa  confiance,  mais  que  restreindre  l'exercice  de  ce  pouvoir  aux  deux  Magis- 
trats auxquels  leurs  occupations  journalières  ne  permettent  pas  de  s'occuper 
des  objets  de  détail,  ce  serait  vouloir  faire  retomber  cette  administration  dans 
les  mains  des  officiers  inférieurs; 

5°  Que  l'officier  chargé  de  la  police  sous  l'autorité  du  Parlement  est  lui-même 
tellement  surchargé  par  ies  fonctions  de  sa  place  à  laquelle  se  trouvent  jointes 
plusieurs  commissions  auxquelles  tout  le  temps  d'un  Magistrat  aurait  peine  à 
suffire,  qu'il  faut  nécessairement  que  le  détail  des  ordres  les  plus  importants 
pour  la  liberté  des  citoyens  soit  confié  à  des  subalternes  de  différentes  classes 
qui  en  usent  au  gré  de  ceux  qui  les  font  agir; 

0°  Que  le  Parlement  ne  cessera  de  représenter  au  roi  le  danger  de  ces  prisons 

1.  Ainsi  orthographié. 

2.  Arch.  nal.,  X  1b  8979,  à  la  date. 


ET  DE  LA  LIBERTÉ  55 

obscures  où  l'on  est  traduit  sans  ferme  légale,  sans  instruction  préalable,  et 
sans  que  le  prisonnier  puisse  avoir  aucun  moyen  de  se  défendre  ;  que  ces  dé- 
cisions arbitraires  sont  inconciliables  avec  l'équité  d'un  prince  qui  a  donné  à 
ses  peuples  des  monuments  éternels  de  la  douceur  de  son  caractère  et  de  la 
bonté  de  son  cœur1. 

Arrêté  en  conséquence  que  la  Cour  veillera  avec  exactitude  sur  les  maisons 
de  sûreté  établies  dans  le  ressort  de  la  police,  et  se  fera  rendre  compte  de 
tout  ce  qui  pourra  être  fait,  au  préjudice  des  lois,  contre  la  sûreté  publique  et 
la  liberté  des  citoyens. 

L'arrêté  du  1er  avril  1783,  passant  outre  à  l'objection  mentionnée  au 
4e  article  de  l'arrêté  du  14  mars,  donna  au  premier  président  et  au 
procureur  général  la  mission  de  visiter  les  maisons  de  sûreté  et  leurs 
habitants.  Il  l'ut  rendu  compte  de  cette  inspection  le  11  avril  par  le 
premier  président  : 

A  l'égard  des  maisons,  il  y  en  a  trente-quatre,  savoir  :  onze  situées  fau- 
bourgs Saint-Antoine,  Charonne  et  Petit-Iîercy  ;  vingt,  faubourgs  Saint-Jacques 
et  Saint-Martin  ;  trois  situées  à  la  Nouvelle-France,  faubourg  Montmartre,  et  à 
La  Villette. 

Ces  maisons  ne  sont  pas  d'institution  nouvelle. 

Il  y  en  a  même  dont  l'établissement  remonte  à  l'année  1696. 

Toutes  les  autres  ont  été  successivement  établie  ssuivant  les  circonstances, 
et  le  nombre  s'en  est  augmenté  à  mesure  que  les  communautés  religieuses  se 
sont  refusées  à  recevoir  des  pensionnaires  infirmes  de  corps  ou  d'esprit,  et  du 
genre  de  ceux  auxquels  ces  hospices  de  sûreté  sont  destinés. 

Il  n'y  en  a  qu'une  seule  établie  récemment,  à  La  Villette,  à  défaut  d'autres 
dont  l'établissement  a  cessé. 

Dans  l'état  actuel  des  choses,  il  y  a  dix-neuf  maisons  dans  lesquelles  il  n'y 
a  que  des  pensionnaires  sous  le  régime  du  lieutenant  civil,  et  quinze  maisons 
dans  lesquelles  il  y  a  concurremment  des  pensionnaires  sous  le  régime  du 
lieutenant  civil  et  du  lieutenant  de  police. 

Des  médecins  et  chirurgiens  sont  affectés  à  chacune  de  ces  maisons  pour 
y  veiller  à  la  santé  et  au  traitement  des  pensionnaires  :  et  ces  maisons  sont  de 
tout  temps  ouvertes  aux  curés  des  paroisses  qui  s'y  transportent  ou  y  envoient 
des  ecclésiastiques  pour  y  remplir  les  fonctions  de  leur  ministère. 

Les  pensionnaires  sont  bien  nourris  et  traités  avec  douceur  et  humanité. 

Ces  maisons  sont  surveillées  par  des  commissaires,  et  d'ailleurs  ceux  qui 
reçoivent  ces  pensionnaires  sont  obligés  de  rendre  compte  de  leur  état  très  exac- 
tement au  lieutenant  civil  et  au  lieutenant  de  police  selon  la  qualité  de  chacun 
desdits  prisonniers. 


1.  C'est  le  refrain  des  remontrances  en  général,  comme  c'est  le  passeport 
indispensable  à  tous  les  mémoires  de  politique  ou  d'administration.  Le  Parle- 
ment, comme  on  le  voit,  connaît,  lui  aussi,  l'eau  bénite  de  cour.  La  servilité  des 
formules  finit  par  énerver  les  principes  les  plus  droits  et  les  actes  les  plus  hono- 
rables. C'est  là  une  partie  de  la  politesse  française  que  nous  n'avons  pas  à  re- 
gretter. 


5G  LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LA  PROPRIÉTÉ 

Il  y  a  365  femmes  pensionnaires  et  196  hommes. 

Le  lieutenant  civil  et  le  lieutenant  de  police  ne  manqueront  pas  de  m'in- 
former[moi]etM.  le  procureur  général  tant  des  entrées  que  des  sorties  des  pen- 
sionnaires. 

Je  continuerai  avec  M.  le  procureur  général  à  veiller  avec  exactitude  sur 
toutes  les  maisons  de  sûreté  situées  dans  la  ville  et  faubourgs. 

Le  Parlement  n'accepta  point  entièrement  des  conclusions  aussi 
optimistes,  et  précisa  ses  arrêtés  antérieurs  par  le  suivant  : 

Monsieur  le  premier  président  et  Monsieur  le  procureur  général  se  feront 
rendre  compte,  par  le  lieutenant  civil  et  le  lieutenant  général  de  police,  de  la 
forme  par  laquelle  les  personnes  sont  détenues  dans  lesdites  maisons,  de  la 
manière  dont  lesdites  personnes  ont  communication  avec  les  gens  de  dehors, 
et  principalement  s'il  leur  est  permis  de  communiquer  avec  des  conseils,  et 
se  feront  aussi  rendre  compte  par  telles  personnes  quils  jugeront  à  propos  de 
commettre  du  traitement  fait  aux  personnes  détenues,  relativement  au  loge- 
ment, nourriture  et  entretien,  et  des  plaintes  desdites  personnes.  » 

COMPTE    RENDU   DU    PREMIER   PRÉSIDENT 
29  juillet  1783  « 

D'Aligre  fit  un  nouveau  compte  rendu ,  encore  plus  adouci ,  des 
règlements  et  de  l'état  des  maisons  de  sûreté.  La  plupart  des  pension- 
naires «  sont  attaqués  de  folie,  démence,  épilepsie;  très  peu  y  sont 
renfermés  pour  inconduite;  bien  des  familles  cherchent  à  éviter 
l'espèce  de  tache  résultante  de  la  détention  à  Saint-Lazare,  à  Sainte- 
Pélagie  ».  En  ce  qui  concerne  les  fous  «  retenus  pour  recevoir  les  trai- 
tements convenables,  et  être  rendus  libres  après  guérison,  on  prend 
toutes  les  précautions  possibles  pour...  ne  pas  compromettre  les 
familles  intéressées  au  secret  ». 

En  somme,  les  pensionnaires  sont  reçus  : 

1°  En  vertu  d'ordres  du  roi  ; 

2°  En  vertu  d'ordonnances  de  police  sujettes  à  l'appel; 

3°  En  vertu  de  sentences  d'interdiction,  ou  d'autorisations  particu- 
lières accordées  seulement  en  cas  de  démence  ou  de  folie. 

Les  traitements  varient  suivant  le  prix  des  pensions,  la  qualité  et  la 
fortune  des  pensionnaires.  —  Quand  «ils  sont  en  (Hat  de  communiquer 
avec  des  conseils,  cela  ne  leur  est  pas  refusé  ». 

EXPOSÉ   DU   PREMIER   PRÉSIDENT 
SÉANCE  DO  5  AOUT  1783  » 

...  Le  lieutenant  général  de  police  rend  les  ordonnances  usitées  en  cas 

i    Arch.  nat.,  X  U  8979,  à  la  date. 
2.  Ibid.,  à  la  date. 


ET  DE  LA  LIBERTE  57 

de  démence,  folie,  fureur  et  aliénation  d'esprit.  En  voici  les  espèces  les  plus 
communes. 

Un  particulier  donne  des  marques  de  folie,  de  fureur  ou  d'extravagance.  On 
le  conduit  devant  un  commissaire.  Cet  officier  peut  l'envoyer  à  l'Hôtel-Dieu.  Mais 
ses  parents  préfèrent  qu'il  soit  conduit  dans  une  maison  de  sûreté  pour  y  être 
veillé,  soigné,  traité  :  le  commissaire  alors  en  réfère  au  lieutenant  général  de 
police  qui  rend  son  ordonnance  à  cet  effet. 

Assez  souvent  les  parents  conduisent  eux-mêmes  dans  une  des  maisons  de 
sûreté  celui  ou  celle  dont  la  situation  leur  paraît  exiger  qu'il  soit  détenu, 
traité  et  médicamenté.  Alors  les  maîtres  de  pension  doivent  en  donner  avis  au 
commissaire  chargé  de  l'inspection  de  leur  maison;  ij  s'y  transporte  sans  délai 
pour  voir  et  entendre  le  malade.  Il  dresse  procès-verbal  de  sa  situation,  il  la 
constate  et  la  fait  certifier  par  le  médecin  :  sur  le  procès-verbal  le  lieutenant 
de  police  rend  son  ordonnance.  En  voici  la  formule  ordinaire  : 

Vu  le  procès-verbal  qui  constate  l'aliénation  d'esprit  de..., ensemble  le  rap- 
port de...,  médecin  ou  docteur  en  médecine,  nous  ordonnons  que  le  sieur ...  res- 
tera dans  la  maison  du  sieur  ...  que  nous  autorisons  à  le  garder  pour  le  faire 
traiter  et  médicament er  jusqu'à  parfaite  guérison,  au  moyen  de  la  pension  qui 
sera  payée  par... 

Cette  ordonnance  est  sujette  à  appel.  Toute  personne  intéressée  peut  en 
lever  chez  le  commissaire  une  expédition,  et  user  de  cette  voie  de  droit.  Mais 
rarement  on  en  fait  usage,  parce  que  ces  ordonnances  n'interviennent  que  lors- 
que les  causes  en  sont  bien  constantes  et  bien  prouvées. 

La  plupart  des  malades  étant  dans  les  maisons  de  sûreté  sous  l'inspection 
du  lieutenant  de  police  y  sont  ainsi  admis.  Les  ordonnances  ci-dessus  inter- 
viennent sans  aucun  frais.  S'agit-il  de  dispositions  concernant  les  biens  ou 
revenus  de  la  personne  malade  ou  en  démence,  c'est  à  M.  le  lieutenant  civil 
seul  qu'il  appartient  d'en  connaître.  Mais  comme  il  s'était  introduit  il  y  a  quel- 
ques années  de  la  part  de  certains  maîtres  de  pension  l'abus  d'y  recevoir  ou 
retenir  de  force  des  gens  amenés  et  contraints  par  leurs  parents,  —  et  souvent 
par  des  vues  intéressées  et  sans  qu'aucun  juge  en  eût  connaissance,  —  le  lieute- 
nant de  police  astreint  les  maîtres  et  maîtresses  de  pension  à  en  rendre 
compte  :  d'après  quoi  il  n'est  plus  aucune  personne  dans  ces  maisons  de  sû- 
reté qui  ne  soit  vue  et  entendue,  et  qui  ne  puisse  obtenir  justice  contre  la 
la  violence  ou  l'obsession. 

Pour  éviter  même  tous  les  moyens  d'abus,  les  maîtres  et  maîtresses  de 
pension  sont  tenus  d'avertir  lorsqu'ils  y  reçoivent  des  pensionnaires  pour  y 
vivre  librement  et  volontairement  :  et,  comme  sur  de  pareils  motifs  (s'ils 
n'étaient  vérifiés)  on  pourrait  commettre  bien  des  excès,  les  commissaires 
vont  visiter  ces  sortes  de  pensionnaires,  leur  demandent  si  c'est  bien  volon- 
tairement qu'ils  sont  venus  se  retirer  dans  la  maison  et  ils  leur  expliquent 
qu'ils  sont  libres  d'en  sortir  quand  il  leur  plaira. 

Sur  l'avis  que  les  commissaires  en  donnent  au  lieutenant  de  police,  il  écrit 
aux  maîtres  de  pension  la  lettre  suivante:  Vous  pouvez,  Monsieur,  recevoir 
dans  votre  maison  le  sieur  ....  et  Vy  garder  tant  qu'il  voudra  bien  y  rester 
librement.  Je  suis ,  etc. . 

Mais  il  arrive  quelquefois,  et  ces  cas  sont  très  rares,  que  des  citoyens  tenant 
à  des  familles  distinguées  ont  des  accès  de  démence  et  de  folie,  qu'on  espère 
pouvoir  guérir,  ou  qui  n'arrivent  que  dans  certains  temps  de  l'année.   Les 


58        LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LÀ  PROPRIÉTÉ 

familles  qui  ont  intérêt  à  cacher  l'état  du  malade,  qui  peut  n'avoir  qu'un 
accès  ou  des  accès  passagers,  demandent  qu'il  ne  reste  aucune  trace  judi- 
ciaire des  précautions  prises  et  des  remèdes  administrés  dans  les  maisons  de 
sûreté. 

C'est  pour  rentrer  dans  les  vues  des  familles  dont  l'honnêteté  est  bien 
reconnue  que  le  lieutenant  de  police,  après  avoir  pris  les  précautions  et  ren- 
seignements capables  d'assurer  sa  religion  et  d'éviter  toutes  surprises,  donne 
l'autorisation  en  la  forme  suivante  : 

Vous  voudrez  bien,  Monsieur,  recevoir  dans  votre  maison  le  sieur  ... 
et  Vy  retenir  jusqu'à  nouvel  ordre  de  ma  part,  pour  lui  faire  administrer  les 
remèdes  convenables  à  sa  situation,  au  moyen  de  la  pension  qui  vous  sera 
payée  par...  Je  suis,  etc. 

Après  bien  des  recherches,  on  n'a  trouvé  que  trois  exemples  actuels  dont 
voici  les  espèces  :  dans  l'une,  c'est  une  famille  respectable  ayant  à  sa  tête  un 
magistrat  du  Parlement,  dont  la  sœur  est  presque  continuellement  en  démence  ; 
dans  l'autre,  il  s'agit  d'un  ecclésiastique  qui  a  joui  dans  le  monde  de  quelque 
réputation,  et  dont  l'esprit  est  aliéné;  dans  la  troisième  espèce,  c'est  une 
femme  mariée  à  une  personne  connue,  ayant  une  charge  à  la  cour,  dont  la 
tête  a  été  dérangée. 

En  pareil  cas,  le  lieutenant  de  police  prend  la  précaution  d'avoir  un  Mémoire 
signé  des  principaux  parents,  et  de  se  faire  rendre  un  compte  verbal  par  le 
commissaire  et  le  médecin  de  la  maison. 

En  dépit  de  ces  nouvelles  explications,  il  se  trouva  encore,  dans  le 
cours  des  opinions,  un  de  Messieurs  qui  se  réserva  de  demander  que  la 
Cour  s'occupât  des  moyens  «  de  concilier  la  liberté  publique  avec  la 
tranquillité  et  l'honneur  des  familles  ». 


LES  ARRESTATIONS  DE  MAGISTRATS 

LES  EXILS  PAR  LETTRES  DE  CACUET 

En  1787  et  1788,  c'est  la  liberté  de  ses  propres  membres,  c'est  son 
indépendance  et  sa  dignité  que  le  Parlement  eut  à  défendre  conliv 
l'arbitraire  monarchique  et  ministériel.  Insensiblement,  le  ton  des 
remontrances  s'élève,  leur  portée  s'accroît,  et  de  la  protection  des 
libertés  privées,  le  Parlement  tire  une  conception  de  plus  en  plus  nette 
des  conditions  nécessaires  à  la  liberté  publique. 

EXTRAIT    DE   LA    SÉANCE 
DU  21  NOVEMBRE   1787 

Tous  Messieurs  ont  dit  qu'ils  venaient  d'apprendre  que  M.  le  duc  d'Orléans 
était  exilé  à  Villers-Cotterels,  et  que  MM.  Freteau  et  Sabatier,  conseillers  de 
grand'chambre,  avaient  été  enlevés  cette  nuit.  Alors  M.  le  premier  président, 
ayant  pris  la  parole,  a  dit  qu'il  avait  reçu  une  lettre  de  M.  Freteau,  datée  de 


ET  DE  LÀ  LIBERTÉ  59 

ce  jour  d'hui  par  laquelle  il  lui  mandait  que  le  sieur  Quidor,  inspecteur  de 
police,  venait  de  l'enlever  pour  le  conduire  à  Dourlens,  d'après  un  ordre  du 
Roi  qu'il  lui  avait  exhibé,  daté  de  Versailles  le  20  novembre,  et  que  si  Mes- 
sieurs le  désiraient,  il  leur  en  ferait  lecture;  ce  que  Monsieur  le  premier  prési- 
dent a  l'ait  à  l'instant. 

Après  quoi  Monsieur  le  premier  président  a  fait  lecture  d'une  autre  lettre 
écrite  par  M.  Sabatier,  conseiller  de  grand'chambre,  à  M.  Duport  le  fils,  con- 
seiller en  la  Cour,  qui  venait  de  la  lui  remettre  :  par  laquelle  M.  Sabatier  faisait 
part  à  M.  Duport  de  l'avertissement  que  Monsieur  le  premier  président  avait 
envoyé  cette  nuit  chez  Messieurs,  pour  les  prévenir  qu'il  y  avait  assemblée 
des  Chambres  ce  matin  à  sept  heures,  le  priant  de  faire  agréer  à  tous  Messieurs 
l'exoine  x  supérieur  qui  le  retenait  chez  lui,  y  étant  arrêté  comme  prisonnier 
d'État  par  ordre  du  Roi,  et  M.  Sabatier  y  transcrit  l'ordre  conçu  en  ces  termes  : 
«  Il  est  ordonné  au  sieur  Sommelier  d'arrêter  le  sieur  abbé  Sabatier,  et  de  le 
conduire  à  l'abbaye  du  mont  Saint-Michel.  Signé  :  Louis,  —  le  baron  de 
Brcteuil.  »  Après  quoi  il  ajoute  que  l'exempt  de  police  avait  amené  des  gardes 
de  police  et  un  carrosse  attelé  pour  l'emmener  sur-le-champ;  qu'il  était  rentré 
avec  la  fièvre;  que  son  médecin,  qui  était  arrivé  peu  de  temps  après,  avait 
déclaré  au  procès-verbal  du  commissaire  Guyot,  et  signé,  que  la  fièvre  qu'il 
lui  avait  trouvée  dès  le  matin  ne  permettait  pas  qu'il  montât  en  voiture  avant 
un  délai  raisonnable...  ;  que  le  commissaire  Guyot  avait  porté  ce  procès-verbal 
à  M.  de  Crosne  qui  n'avait  pas  daigné  répondre  à  la  lettre  qu'il  lui  avait  écrite, 
et  où  il  lui  en  faisait  l'observation  fort  doucement;  qu'il  lui  avait  seulement 
fait  dire  par  son  secrétaire  qu'il  ne  pouvait  pas  prendre  sur  lui  de  suspendre 
un  instant  son  départ  ;  qu'enfin  par  déférence  pour  l'observation  du  commis- 
saire Guyot,  il  avait  envoyé  un  courrier  au  ministre,  auquel  lui  M.  Sabatier  en 
avait  envoyé  un  avec  sa  prière  d'obtenir  de  l'humanité  du  Roi  la  permission  d'être 
vingt-quatre  heures  dans  son  lit,  et  qu'on  lui  avait  fait  ajouter  au  procès-verbal 
sa  parole  d'honneur  et  de  fidèle  sujet  de'  rester  chez  lui  sous  la  garde  du  por- 
teur d'ordre.  Et  il  ajoute  à  M.  Duport  qu'il  croit  bien  que  ces  deux  premières 
gardes  sont  plus  sûres  que  toutes  les  gardes  du  monde.  Ensuite  il  forme  des 
vœux  pour  voir  le  calme  se  rétablir,  ambitionnant  surtout  de  savoir  épuisée 
sur  lui  une  rigueur  qu'il  serait  désolé  d'apprendre  s'appesantir  sur  aucun 
autre  magistrat;  que  le  Roi  est  juste,  que  sa  religion  a  été  trompée...,  et  il 
finit  par  demander  à  M.  Duport  son  amitié  et  les  bontés  de  Messieurs  qu'il 
mérite  par  le  prix  qu'il  y  met  et  par  son  dévouement  pour  la  gloire  du  Roi  et 
pour  la  leur. 

Le  Parlement  donna  mission  à  la  députation  mandée  par  le  roi  à 
Versailles  de  réclamer  la  liberté  de  ses  membres  et  le  retour  du  prince 
exilé.  Elle  fut  très  mal  reçue 2. 


1.  Excuse  de  ne  pas  se  présenter  soit  comme  partie,  soit  comme  juge,  au  com- 
bat judicaire.  La  forme  la  plus  usitée  du  mot  est  essoine.  (Godefroy,  Glossaire 
de  l'ancien  langage  français.) 

2.  Le  27  décembre  1787,  le  premier  président  Etienne-François  d'Aligre  en- 
tendit la  réponse  suivante  aux  représentations  dont  le  Parlement  Pavait  chargé  : 
«  Vous  ne  devez  pas  solliciter  de  îua  justice  ce  que  l'on  ne  doit  attendre  que  de 
lua  bonté.  »  (Séance  plénière  du  vendredi  28  décembre  1787,  X  1b  8987.)  Le  texte 


60  LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LÀ  PROPRIÉTÉ 

Les  nouvelles  remontrances  du  9  janvier  1788,  celles,  plus  impor- 
tantes à  cause  de  leur  caractère  de  généralité,  des  11  mars  et  3  mai 
1788,  n'aboutirent  qu'aux  arrestations  arbitraires  de  d'Espréménil  et 
de  Goislard,  et  donnèrent  un  prétexte  de  plus  aux  édits  du  8  mai. 

Les  édits  ne  purent  être  exécutés.  Le  Parlement  rentra  triomphale- 
ment, et,  dès  le  jour  de  sa  réinstallation,  fit  en  quelque  sorte  son 
testament  politique  par  la  voix  de  Séguier,  premier  avocat  général 
(24  septembre  1788). 


REMONTRANCES   DU    11    MARS    1788 

Sire,  le  devoir  de  votre  Parlement  est  de  veiller  sans  cesse  sur  les  besoins 
des  Peuples  et  les  droits  du  Souverain.  Les  Peuples  peuvent  être  égarés  par 
des  factieux  :  les  Rois  ne  sont  que  trop  exposés  à  des  surprises.  Il  parle  aux 
Rois  de  liberté,  il  parle  aux  Peuples  de  soumission  :  il  rend  cette  soumission 
honorable  par  ses  exemples;  il  rend  l'autorité  solide  par  ses  principes.  Rallier, 
en  un  mot,  la  puissance  royale  à  la  justice,  la  liberté  publique  à  la  fidélité, 
telle  est,  Sire,  la  fonction  essentielle  de  votre  Parlement,  tel  fut  toujours  dans 
les  temps  difficiles  le  but  et  le  prix  de  son  zèle. 

Toujours  pénétrés  des  mêmes  sentiments,  toujours  jaloux  de  mériter  la 
bienveillance  de  nos  Rois  et  d'assurer  la  liberté  de  nos  concitoyens,  nous 
venons  au  pied  du  trône  déférer  à  Votre  Majesté  l'erreur  la  plus  funeste  qui 
pût  séduire  des  souverains;  nous  venons,  Sire,  invoquer  votre  justice,  votre 
sagesse  et  votre  humanité  contre  l'usage  des  lettres  de  cachet. 

A  ce  terrible  mot,  tous  les  cœurs  se  resserrent,  toutes  les  idées  se  troublent  ; 
saisi  d'effroi  on  hésite,  on  se  regarde,'  on  craint  de  s'expliquer  :  et  le  Peuple 
en  silence  ose  à  peine  élever  sa  pensée  vers  ce  pouvoir  inconcevable  qui  dis- 
pose des  hommes  sans  les  juger,  sans  les  entendre,  qui  les  plonge  et  les 
retient  à  son  gré  dans  d'épaisses  ténèbres  où  trop  souvent  ne  pénètre  pas 
plus  la  lumière  du  jour  que  le  regard  des  lois,  le  cri  de  la  nature  et  la  voix 
de  l'amitié;  vers  ce  pouvoir  dont  le  mystère  est  l'âme,  et  dont  la  force  est  le 
seul  titre;  vers  ce  pouvoir  qu'exercent  impunément  des  ministres,  des  commis, 
des  agents  de  la  police;  vers  ce  pouvoir  enfin  qui  depuis  les  ministres  jusqu'au 
dernier  instrument  de  la  police  établit  sur  nos  têtes  une  longue  chaîne  d'op- 


des  remontrances  est  inséré  dans  la  minute  do  la  séance  pléniêre  du  10  décem- 
bre (même  carton).  Le  Parlemenl  rappelle  au  roi  ces  lois  éternelles  auxquelles  on 
ne  peut  toucher  «  sans  ébranler  les  fondements  de  la  terre  el  préparer  la  chute 
des  empires  »,  suivanl  les  magnifiques  expressions  de  Bossuet.  «  Henri  IV,  re- 
montre-t-il  encore,  reconnaissait  qu'il  avail  deux  souverains,  Dieu  et  la  loi.  » 
11  se  plaint  amèrement  qu'un  magistrat  ait  été  livré  «  à  des  suppôts  de  police, 
comme  un  malfaiteur  »,  qu'il  ait  eu  à  subir  «  les  interpellations  d'un  commis- 
saire sur  sa  soumission  aux  ordres  »  du  roi.  D'après  la  tradition,  le  Parlement 
assemblé  pouvait  seul  juger  un  de  ses  membres.  Dès  qu'un  conseiller  était 
nommé  ou  impliqué  dans  une  procédure,  la  plume,  suivanl  un  adage,  devait 
tomber  des  mains  :  le  juge  devait  tout  interrompre. 


ET  DE  LA  LIBERTÉ  61 

presseurs  formidables  devant  lesquels  toute  les  lois  de  la  nature  et  de  l'État 
doivent  rester  muettes. 

Non,  Sire,  les  lois  de  la  nature  et  les  lois  de  l'État  ne  reprocheront  pas 
à  votre  Parlement,  Loi  vivante  au  pied  du  Trône,  un  coupable  silence. 

L'homme  est  né  libre  et  son  bonheur  dépend  de  la  justice.  La  liberté  est  un 
droit  imprescriptible. 

Elle  consiste  à  pouvoir  vivre  suivant  les  lois;  la  justice  est  un  devoir  uni- 
versel, et  ce  devoir  est  antérieur  aux  lois  elles-mêmes  qui  le  supposent  et 
doivent  le  diriger,  mais  ne  peuvent  jamais  en  dispenser  ni  les  rois,  ni  les 
sujets. 

Justice  et  liberté!  voilà,  Sire,  le  principe  et  le  but  de  toute  société;  voilà 
les  fondements  inébranlables  de  toute  puissance;  et  tel  est  pour  la  félicité  du 
genre  humain  l'admirable  rapport  de  ces  deux  biens,  qu'il  n'est  point  sans 
eux  de  raisonnable  autorité,  ni  de  solide  obéissance. 

L'usage  des  Lettres  de  cachet  renverse  toutes  ces  idées  :  par  lui  la  justice 
n'est  plus  qu'une  chimère,  par  lui  la  liberté  n'est  plus  qu'un  mot. 

Il  blesse  la  raison,  il  est  contraire  aux  ordonnances,  et  les  motifs  dont  on 
voudrait  l'autoriser  ne  sont  que  des  prétextes  démentis  par  les  exemples. 

Il  blesse  la  raison,  s'il  répugne  évidemment  à  la  nature  de  l'homme,  à  celle 
de  la  Royauté,  aux  premières  notions  de  la  morale. 

Or,  tels  sont  les  caractères  essentiels  des  Lettres  de  cachet.  —  La  nature  de 
l'homme  n'est  pas  d'être  indépendant  :  pour  lui  l'indépendance  est  un  état  de 
guerre;  la  ruse  ou  la  force  y  dominent  tour  à  tour,  et  la  justice  dénuée  de 
sanction  y  manque  de  pouvoir.  La  nature  de  l'homme  est  donc  de  s'unir  à  ses 
semblables  et  de  vivre  en  société,  assujetti  à  des  conventions  générales,  c'est- 
à-dire  à  des  lois  :  mais  des  conventions  qui  l'assujettiraient  sans  le  protéger, 
ne  seraient  plus  des  lois,  ce  seraient  des  fers.  La  force  peut  les  imposer,  la 
faiblesse  ou  la  folie  peuvent  les  porter;  mais  la  force  n'oblige  pas,  et  la 
faiblesse  ou  la  folie  ne  peuvent  s'engager  :  toute  soumission  légitime  est 
volontaire  dans  son  principe.  Un  ciloyen  coupable  a  consenti  d'avance  à  l'arrêt 
qui  le  condamne.  Des  hommes  qui  diraient  à  d'autres  hommes  :  «  Exercez  sur 
nous  un  [pouvoir]  arbitraire,  nous  consentons  que  les  tribunaux  soient 
impuissants,  et  que  les  lois  soient  inutiles  :  sur  un  mot  de  votre  bouche,  sur 
un  écrit  de  votre  main,  nous  consentons  à  perdre  nos  biens,  la  liberté,  nos 
femmes,  nos  enfants,  jusqu'au  droit  de  nous  défendre  »  ;  —  des  hommes, 
disons-nous,  qui  tiendraient  ce  langage,  seraient  sans  doute  des  insensés  :  le 
consentement  du  peuple  à  l'usage  des  Lettres  de  cachet  serait  donc  incompa- 
tible avec  l'usage  de  la  raison.  Mais  la  raison  est  l'état  naturel  de  l'homme, 
comme  la  société  :  l'usage  des  Lettres  de  cachet  répugne  donc  à  la  nature  de 
l'homme,  et  comme  raisonnable,  et  comme  sociable. 

Dira-t-on  que  cet  usage  est  fondé  sur  la  nature  du  pouvoir  monarchique? 
La  réponse  ne  serait  pas  bien  difficile. 

Les  Rois  régnent  par  l'effet  de  la  conquête,  ou  par  la  Loi:  si  le  vainqueur 
abuse  de  la  conquête,  s'il  attente  aux  droits  de  l'homme,  si  la  conquête  n'est 
pas  changée  en  capitulation,  la  force  qui  dispose  des  fruits  de  la  victoire  ne 
relient  pas  aux  pieds  du  conquérant  des  sujets,  mais  des  esclaves.  Si  les  Rois 
régnent  par  la  Loi,  il  faut  revenir  aux  principes  :  ce  que  la  raison  ne  permet- 
trait pas  aux  peuples  de  consentir,  elle  ne  permet  pas  aux  Rois  de  l'ordonner. 

Et  comment  soufïrirait-ellc  un  pareil  renversement  de  la  morale? 


62  LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LA  PROPRIÉTÉ 

Heureusement,  Sire,  les  maximes  tutélaires  du  genre  humain  n'ont  pas 
besoin  de  preuves,  elles  se  défendent  par  leur  propre  évidence. 

Il  est  évident  que  la  Justice  doit  protéger  la  faiblesse  contre  la  force. 

Il  est  évident  que  sa  balance  doit  être  égale  entre  les  pauvres  et  les  riches. 

Il  est  évident  que  la  honte  et  la  peine  sont  dues  au  crime  jugé,  et  ne  sont 
dues  qu'à  lui. 

S'il  existait  un  pouvoir  qui  pût  arrêter  à  son  gré  les  recherches  de  la  Loi, 
choisir  sur  les  coupables,  préserver  les  uns,  abandonner  les  autres,  il  est 
évident  que  ce  pouvoir,  compromettant  la  justice  des  peines  prononcées,  mêle- 
rait à  l'idée  de  l'exemple  celle  de  l'exception. 

Et  si  les  préférences  de  ce  pouvoir  étaient  constamment  réservées  pour  une 
certaine  classe  de  citoyens,  et  refusées  à  toutes  les  autres,  il  est  évident  que  la 
Loi  n'étant  plus  destinée  à  punir  tel  ou  tel  crime,  mais  à  punir  telle  ou  telle 
classe  de  la  société,  retiendrait  à  jamais  ces  classes  proscrites,  sans  égard 
pour  la  justice,  sans  égard  pour  l'innocence,  dans  la  terreur  et  l'avilisse- 
ment. 

L'application  de  ces  vérités  incontestables  est  directe  à  l'usage  des  Lettres 
de  cachet.  Deux  hommes  se  rencontrent  :  l'un  est  faible,  l'autre  est  puissant; 
l'un  est  pauvre,  l'autre  est  riche.  Le  pauvre  peut  se  dire  :  si  cet  homme 
m'offense,  s'il  attaque  mon  honneur,  ma  liberté,  ma  vie,  les  lois  m'assurent 
qu'elles  viendront  à  mon  secours.  Les  lois  me  trompent.  L'autorité  peut  vou- 
loir le  contraire,  ce  sera  l'autorité  qui  prévaudra  :  et  moi,  si  je  l'offense,  je  serai 
recherché,  emprisonné,  abandonné,  déshonoré,  puni;  cette  même  autorité  sera 
muette,  ces  lois  seront  inexorables.  Ouest  donc  la  justice?  La  misère  est-elle 
un  crime?  La  simple  humanité  n'est-elle  plus  un  titre?  Un  homme  sans  crédit, 
un  pauvre  n'est-il  plus  un  citoyen? 

Les  Ordonnances  ne  sont  pas  moins  contraires  aux  Lettres  de  cachet  que 
les  principes.  Dans  tous  les  temps,  l'ambition,  la  vengeance,  la  flatterie  et  la 
cupidité,  en  un  mot  les  passions  les  plus  violentes,  les  passions  les  plus 
abjectes,  ont  assiégé  le  trône  :  mais  aussi  dans  tous  les  temps  les  lois  ont 
averti  les  Souverains  et  défendu  les  Peuples,  sinon  avec  un  égal  succès,  du 
moins  avec  une  égale  énergie.  Et  cette  lutte  continuelle  du  pouvoir  arbitraire 
contre  la  liberté  n'a  pas  empêché  la  liberté  de  prévaloir  dans  l'esprit  des 
Peuples  et  dans  celui  des  Rois.  Les  derniers  Élats  de  Rlois  ont  supplié  le  Roi 
de  borner  l'usage  des  Lettres  de  cachet  à  ses  commensaux,  non  pour  les 
éloigner  de  leurs  affaires,  de  leurs  foyers,  de  leurs  familles,  mais  seulement 
pour  les  écarter  du  seuil  de  son  Palais,  et  les  priver  de  sa  présence  sans  les 
priver  de  sa  justice.  C'est  une  maxime  de  notre  monarchie  que  nul  citoyen  ne 
peut  être  constitué  prisonnier  sans  un  décret  de  juge.  Tous  les  Rois  des  deux 
premières  races  l'ont  reconnue  :  Hugues  Capet  l'a  trouvée  en  montant  sur  le 
trône;  toutes  les  Ordonnances  du  royaume  sous  la  troisième  race  l'ont  confir- 
mée, elle  a  fondé  la  seule  distinction  qui  se  trouve  dans  nos  lois  entre  les 
prisonniers,  les  uns  pour  crime,  les  autres  pour  dettes.  Enfin  l'Ordonnance  de 
HJ70,  conforme  sur  ce  point  à  toutes  les  précédentes,  a  mis  le  sceau  à  celte 
maxime,  en  exigeant  que  les  prisonniers  pour  crimes  soient  interrogés  dans 
les  vingt-quatre  heures  après  l'emprisonnement  :  disposition  impuissante,  pré- 
caution dérisoire,  tant  que  l'usage  des  Lettres  de  cachet  subsiste. 

Ainsi  les  droits  du  genre  humain,  les  principes  fondamentaux  de  la  société, 
les  plus  vives  lumières  de  la  raison,  les  plus  chers  intérêts  du  pouvoir  légitime, 


ET  DE  LA  LIBERTÉ  63 

les  maximes  élémentaires  de  la  morale  et  les  lois  du  royaume  s'élèvent  contre 
l'usage  des  Lettres  de  cachet. 

Par  quelle  fatalité  s'est-il  introduit  dans  vos  Étals?  Que  des  hommes  jaloux 
d'un  pouvoir  passager  mais  personnel,  que  d'avides  courtisans,  fermant  les 
yeux  sur  l'avenir,  colorent  cet  usage  des  spécieux  motifs  delà  sûreté  publique, 
ou  do.  l'honneur  des  familles  :  votre  Parlement,  Sire,  n'en  est  point  étonné. 
L'esprit  de  servitude  marche  à  la  suite  de  l'ambition  et  de  la  cupidité.  Mais 
qu'il  se  trouve  quelques  citoyens  assez  aveugles  pour  ne  pas  voir  dans  chaque 
Lettre  de  cachet,  qu'ils  demandent  ou  qu'ils  sollicitent,  l'effroyable  danger  qui 
les  menace  eux-mêmes,  voilà  ce  qui  nous  étonne,  voilà  ce  qui  nous  afflige;  il 
est  temps  de  combattre  une  erreur  parée  des  dehors  du  désintéressement,  elle 
pourrait  faire  impression  sur  l'esprit  et  le  cœur  de  Votre  Majesté. 

Peu  de  mots  suffisent  toujours  à  l'évidence. 

L'intérêt  de  la  paresse,  de  l'humeur  ou  du  ressentiment  des  personnes  en 
place  ne  fait  pas  la  sûreté  publique.  La  sûreté  publique  a  deux  bases  cerlaines, 
la  terreur  des  méchants  et  le  repos  de  l'innocence  :  la  terreur  des  méchants, 
plus  ils  ont  de  crédit,  et  le  repos  de  l'innocence,  plus  elle  a  de  faiblesse.  Or 
nous  avons  prouvé  à  Votre  Majesté  que  l'usage  des  Lettres  de  cachet  a  préci- 
sément pour  but  et  pour  effet  de  rassurer  le  crime  puissant,  et  d'intimider  la 
faible  innocence. 

Où  ne  règne  pas  la  sécurité  individuelle,  la  sûreté  publique  est  un  bien 
imaginaire;  où  subsiste  l'usage  des  Lettres  de  cachet,  la  sécurité  individuelle 
ne  règne  pas:  la  sûreté  publique  est  donc  un  bien  imaginaire  là  où  subsiste 
l'usage  des  Lettres  de  cachet. 

S'il  est  des  circonstances  qui  rendent  nécessaire  l'exercice  subit  de  votre 
autorité,  il  n'en  est  point  qui  puissent  autoriser  la  détention  secrète  d'un 
prisonnier  qui  demande  des  juges;  il  n'en  est  point  qui  doivent  arrêter  son 
renvoi  à  la  justice,  non  pas  même  son  propre  silence,  pas  même  son  propre 
consentement  à  sa  détention. 

La  réponse  de  Votre  Majesté  du  14  mai  1777  a  consacré  ces  maximes 
nationales;  elle  y  déclare  ne  vouloir  jamais  souffrir  qu'on  attente  à  la  liberté 
de  ses  sujets,  mais  qu'il  est  des  circonstances  où  la  sûreté  publique  exige  que 
son  autorité  vienne  au  secours  de  la  Justice  pour  empêcher  l'évasion  des  cou- 
pables; paroles  mémorables,  consolantes  en  effet  pour  la  Justice  :  elles  conci- 
lient la  liberté  avec  la  puissance;  c'est  ainsi  que  Votre  Majesté  a  fixé  sur  ce 
point,  et  de  sa  propre-  bouche,  le  principe,  l'objet  et  le  terme  de  son  pouvoir. 

Mais  l'honneur  des  familles!  c'est  la  dernière  objection.  Et  l'on  ne  pense 
pas  que  cette  objection  dans  laquelle  se  retranchent  les  partisans  du  pouvoir 
arbitraire  doit  elle-même  sa  force  prétendue  aux  Lettres  de  cachet  dont  l'usage 
une  fois  admis  trompe  l'honneur,  et  l'arme  contre  la  liberté. 

Votre  Parlement,  Sire,  conviendra  de  l'existence  du  préjugé,  mais  il  ne 
conviendra  pas  qu'un  préjugé  du  faux  honneur  doive  l'emporter,  pour  l'intérêt 
de  quelques  citoyens,  sur  l'intérêt  public,  sur  la  raison,  la  morale  et  la  Loi. 

Et  s'il  plaisait  à  Votre  Majesté,  après  avoir  abandonné  aux  lois  tous  les 
coupables,  sans  distinction  de  rang  ni  de  naissance,  d'appeler  leurs  parents 
auprès  d'Elle  dans  ses  cours,  ses  conseils  et  ses  armées,  oserait-on  lui  dire 
qu'un  préjugé  nourri  par  ses  seuls  succès  résisterait  à  cet  exemple  auguste? 

Plusieurs  faits  assez  connus  prouvent  que  la  Nation  plus  éclairée  sur  ses 
vrais  intérêts,  dans  les  classes  même  les  plus  élevées,  est  disposée  à  recevoir 


64  LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LA  PROPRIÉTÉ 

des  mains  de  Votre  Majesté  le  plus  grand  bien  qu'un  roi  puisse  rendre  à  ses 
sujets,  la  liberté. 

C'est  ce  bien  qui  rend  l'autorité  plus  sûre  et  les  lois  plus  chères  :  ce  bien 
qui  donne  un  prix  à  la  vertu,  des  moyens  au  génie,  un  frein  à  la  licence,  que 
votre  Parlement  vient  vous  redemander,  Sire,  au  nom  d'un  peuple  généreux  et 

fidèle. 
Il  vous  supplie  très  respectueusement  d'abolir  à  jamais  l'usage  des  Lettres 

de  cachet. 

Il  vous  supplie  de  rejeter  pour  toujours  ces  conseils  ambitieux,  ces  frivoles 
motifs,  ces  perfides  rapports  également  désavoués  par  la  raison  et  démentis 
par  les  faits. 

Que  n'cst-il  possible  à  Votre  Majesté  d'entrer  dans  les  détails  de  ces  rapports 
fabriqués  par  des  commis,  sur  des  mémoires  toujours  secrets,  sur  des  infor- 
mations toujours  clandestines?  Que  ne  peut-elle  interroger  toutes  ces  victimes 
du  pouvoir  arbitraire,  confinées,  oubliées  dans  les  prisons  impénétrables  où 
régnent  l'injustice  et  le  silence?  Combien  n"cn  verrait-elle  pas  de  ces  victimes 
infortunées  qui  jamais  n'ont  menacé  ni  la  paix  de  l'État,  ni  l'honneur  de  leurs 
familles?  bientôt,  Sire,  vous  seriez  convaincu  que  l'intrigue,  l'avidité,  la 
jalousie  du  pouvoir,  la  soif  de  la  vengeance,  la  crainte  ou  la  haine  de  la  justice, 
l'humeur,  la  simple  convenance  d'un  homme  en  crédit,  président  tour  à  tour  à 
la  distribution  des  Lettres  de  cachet;  vous  sauriez  à  quels  tourments  sont 
condamnés  des  malheureux  pour  qui  le  jour  se  lève  sans  espérance,  pour  qui 
la  nuit  revient  sans  le  repos.  Horrible  incertitude!  Abandon  pire  que  la  mort! 
Et  c'est  au  nom  du  Roi!  Vous  le  sauriez ,  Sire  :  vous  seriez  effrayé  du  sort  de 
vos  sujets,  vous  gémiriez  sur  la  condition  des  meilleurs  princes,  et  Votre 
Majesté  se  hâterait  d'éteindre  ces  foudres  invisibles  qui  frappent  la  justice  en 
tombant  sur  l'innocence,  et  la  frappent  encore  en  tombant  sur  des  coupables. 

Animé  de  cet  espoir,  fondé  sur  ces  principes,  après  avoir  demandé  à  Votre 
Majesté  la  liberté  de  la  Nation,  votre  Parlement,  Sire,  ne  peut  se  dispenser  de 
lui  redemander  celle  de  trois  citoyens. 

Nous  sommes  autorisés  à  croire  que  M.  le  duc  d'Orléans,  MM.  Freleau  et 
Sabatier  ne  sont  point  coupables. 

S'ils  étaient  coupables,  le  droit  de  les  juger  est  réservé  à  votre  Parlement, 
celui  de  faire  grâce  est  l'heureuse  prérogative  de  Votre  Majesté. 

La  liberté  n'est  point  un  privilège,  c'est  un  droit  :  et  respecter  ce  droit  est 
le  devoir  de  tous  les  gouvernements. 

La  même  force  qui  prive  de  ses  membres  un  corps  délibérant,  pèse  sur  le 
corps  tout  entier.  Les  uns  sont  arrêtés,  tous  les  autres  sont  menacés,  aucun 
n'est  libre  :  un  corps  délibérant  qui  n'est  pas  libre,  que  la  force  menace,  s'il 
délibère  encore,  s'il  s'élève  au-dessus  de  la  crainte,  son  courage  n'est  soutenu 
que  par  sa  fidélité. 

Cette  vertu,  Sire,  n'a  point  abandonné  votre  Parlement.  Il  ne  cessera  point 
de  demander  très  respectueusement  à  Votre  Majesté,  par  l'abolition  des  Lettres 
de  cachet,  la  liberté  publique,  et,  par  une  conséquence  digne  du  Prince  et  des 
deux  Magistrats  dont  nous  sommes  privés,  la  liberté  personnelle  de  cet  auguste 
Prince  et  de  ces  deux  Magistrats. 

Ce  n'est  plus  un  Prince  de  votre  sang,  ce  ne  sont  plus  deux  Magistrats  que 
votre  Parlement  redemande  au  nom  des  lois  et  de  la  raison,  ce  sont  trois 
Français,  ce  sont  trois  hommes. 


ET  DE  LA  LIBERTÉ  65 

Ce  sont  là,  Sire,  les  très  humbles  et  très  respectueuses  remontrances  qu'ont 
cru  devoir  présenter  à  Voire  Majesté 

Vos  très  humbles,  très  obéissants,  très  fidèles  et  très  affectionnés  sujets  et 
serviteurs. 

Les  Gens  tenant  votre  Cour  de  Parlement. 

Fait  en  Parlement,  toutes  les  Chambres  assemblées,  le  onze  mars  mil  sept 
cent  quatre-vingt-huit. 

Vu  :  D'Aligre. 

Voici  quelle  fut  la  réponse  du  Roi  à  la  députation  du  Parlement, 
venue  le  16  mars  réclamer  l'élargissement  de  deux  de  ses  membres  '  : 

Je  vous  avais  défendu  de  donner  aucune  suite  à  vos  représentations  du 
9  janvier,  et  ce  n'est  pas  en  contrevenant  à  mes  ordres  que  vous  obtiendrez  le 
retour  des  Magistrats  que  j'ai  cru  devoir  punir. 

D'ailleurs  je  n'ai  rien  à  ajouter  à  ma  dernière  réponse.  Je  vous  ai  dit  que 
la  liberté  de  mes  sujets  m'est  aussi  chère  qu'à  eux-mêmes  ;  mais  je  ne  souf- 
frirai pas  que  mon  Parlement  s'élève  contre  l'exercice  d'un  pouvoir  auquel  les 
familles  ont  souvent  dû  la  conservation  de  leur  honneur,  et  l'État  sa  tran- 
quillité. 

Mon  Parlement  doit  se  reposer  avec  respect,  et  dans  le  silence,  sur  ma  sa- 
gesse. 

Je  vous  défends  de  nouveau  de  donner  aucune  suite  à  vos  délibérations  sur 
cet  objet. 


REMONTRANCES   DU    PARLEMENT    DE    PARIS 
.  uu  3  mai  1788  2 

Sire,  la  réponse  de  Votre  Majesté  du  17  J  du  mois  dernier  est  affligeante, 
mais  le  courage  de  votre  Parlement  n'en  est  pas  abattu.  L'excès  du  despotisme 
était  l'unique  ressource  des  ennemis  de  la  vérité  et  de  la  Nation  :  ils  n'ont  pas 
craint  de  l'employer.  Leur  succès  est  le  présage  des  plus  grands  maux:  les 
prévenir,  s'il  est  possible,  sera  jusqu'au  dernier  moment  l'objet  du  zèle  de 
votre  Parlement.  11  trahirait  par  son  silence  les  plus  chers  intérêts  de  Votre 
Majesté  en  livrant  le  Royaume  à  toutes  les  invasions  du  pouvoir  arbitraire. 
Telle  en  effet  serait  la  conséquence  des  maximes  surprises  à  Votre  Majesté  : 
si  vos  Ministres  les  faisaient  prévaloir,  nos  rois  ne  seraient  plus  des  Monar- 
ques, mais  des  Despotes  :  ils  ne  régneraient  plus  par  la  loi,  mais  par  la  force, 
sur  des  esclaves  substitués  à  des  sujets. 

La  marche  des  Ministres  ambitieux  est  toujours  la  même.  Étendre  leur  pou- 

1.  Arch.  nat.,  X  1b  8988  (minute  du  17  mars  1788). 

2.  Ces  remontrances,  qui  amenèrent  le  5  mai  l'arrestation  de  leur  principal 
rédacteur,  Duval  d'Espréménil,  et  celle  de  Goislard  de  Montsabert,  circulèrent 
en  copies  manuscrites  (Voyez  Hardy,  t.  VII,  p.  444,  à  la  date  du  10  mai);  puis 
furent  imprimées  (Bib.  nat.,  Lb39  547). 

3.  Date  légale,  à  cause  de  l'enregistrement. 

S 


GG  LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LA  PROPRIÉTÉ 

voir  sous  le  nom  du  Roi,  voilà  leur  but  ;  calomnier  la  magistrature,  voilà  leur 
moyen.  Fidèles  à  cette  ancienne  et  funeste  méthode,  ils  nous  imputent  le  projet 
insensé  d'établir  dans  le  Royaume  une  Aristocratie  de  Magistrats.  Mais  quel 
moment  ont-ils  choisi  pour  cette  imputation  ?  Celui  où  votre  Parlement,  éclairé 
par  les  faits  et  revenant  sur  ses  pas,  prouve  qu'il  est  plus  attaché  aux  droits 
de  la  Nation  qu'à  ses  propres  intérêts. 

La  Constitution  française   paraissait  être  oubliée.  On  traitait  de  chimère 
FAssemblée  des  États  généraux.   Richelieu  et  ses  cruautés,  Louis  XIV  et  sa 
gloire,  la  Régence  et  ses  désordres,  les  Ministres  du  feu  Roi  et  leur  insensibi- 
lité, semblaient  avoir  effacé  pour  jamais  des  esprits  et  des  cœurs  jusqu'au  nom 
de  la  Nation.  Tous  les  états  par  lesquels  passent  les  peuples  pour  arriver  à 
l'abandon   d'eux-mêmes,  terreur,  enthousiasme,  corruption,  indifférence,   les 
Ministres  n'avaient  rien  négligé  pour  y  faire  tomber  la  Nation  française.  Mais  il 
restait  le  Parlement.  On  le  croyait  frappé  d'une  léthargie  en  apparence  univer- 
selle, on  se   trompait.  Averti  tout  à  coup  de  l'état   des  finances,  forcé  de 
s'expliquer  sur  deux  édits  désastreux,  il  s'inquiète,  il  cesse  de  se  faire  illu- 
sion, il  juge  de  l'avenir  par  le  passé  :  il  ne  voit  plus  pour  la  Nation  qu'une 
ressource,  la  Nation  elle-même.  Bientôt,  après  de  mûres  réflexions  ,  il  donne 
à  l'univers  l'exemple  inouï  d'un  Corps  antique,   d'un  Corps  accrédité,  tenant 
aux  racines  de  l'État,  qui  remet  lui-même  à  ses  concitoyens  un  grand  pouvoir 
dont  il  usait  pour  eux  depuis  un  siècle,  mais  sans  leur  consentement  exprès. 
Un  prompt  succès  répond  à  son  courage.  Le  6  juillet  1787  il  exprime  le  vœu 
des  Etats  généraux,  le  19  septembre  il  déclare  formellement  sa  propre  incom- 
pétence ;  le  19  novembre,  Votre  Majesté  annonce  elle-même  les  États  généraux, 
le  surlendemain  elle  les  promet,  elle  en  fixe  le  terme,  sa  parole  est  sacrée.  Qu'on 
trouve  sur  la  terre,  qu'on  cherche  dans  l'histoire  un  seul  Empire  où  le  Roi  et 
la  Nation  aient  fait  pareillement  de  si  grands  pas,  le  Roi  vers  la  justice,  la  Na- 
tion vers  la  liberté. 

Les  États  généraux  seront  donc  assemblés.  Les  États  généraux  rentreront 
dans  leurs  droits.  Nous  pouvons  le  demander  à  vos  Ministres  :  A  qui  le  Roi 
doit-il  un  si  grand  dessein?  A  qui  la  nation  doit-elle  ce  grand  bienfait?  Et  vos 
Ministres  osent  nous  accuser  auprès  des  peuples,  auprès  du  Roi,  d'aspirer  au 
pouvoir  aristocratique!  On  n'avait  pas  songé  à  faire  ce  reproche  en  1697, 
quand  Votre  Parlement  enregistrait  la  Capitation,  en  1710,  quand  il  enregis- 
trait le  Dixième,  depuis  1710  jusqu'en  1782,  quand  il  en  consentait  la  prolon- 
gation, ou  même  l'accroissement  par  le  moyen  du  troisième  vingtième. 

Quel  est  donc  ce  nouveau  zèle  ?  Les  Ministres  ne  doutent  pas  de  nos  pou- 
voirs, les  Ministres  rendent  justice  à  nos  bonnes  intentions,  tant  qu'ils  espè- 
rent abuser  de  nos  suffrages,  pour  accabler  la  Nation  d'emprunts1  et  d'impôts. 


1.  Le  Parlement  s'était  loujours  montré  fort  accommodant  pour  l'enregistre- 
ment des  emprunts.  En  effet,  il  n'eût  pu  se  dire  en  pareil  cas  défenseur  de  la 
propriété  des  sujets  du  roi,  car  les  emprunts  n'étaient  pas  forcés.  11  est  même 
permis  de  supposer  (sans  le  taxer  de  machiavélisme)  qu'il  voyait  sans  trop  de 
regret  l'augmentation  de.  la  dette  publique;  le  discrédit  du  trésor  royal  ue  tour- 
nait-il  pas  au  profit  de  l'autorité  parlementaire,  et  tous  les  emprunts,  même  les 
plus  avantageux,  ne  se  termineraient-ils  point  par  des  impôts?  —  Quoi  qu'il  en 
soit,  lorsque  le  roi  (il  demander  à  l'Assemblée  extraordinaire  du  clergé  des  sub- 
sides qui  obligeaient  cet  ordre  à  emprunter  80  millions,  45  voix  contre  15  décla- 


ET  DE  LA  LIBERTÉ  ,         67 

Ils  ne  voient  plus  en  nous  que  des  ambitieux,  des  aristocrates,  quand  nous 
refusons  de  favoriser  ou  de  partager  leur  despotisme. 

Non,  Sire,  point  d'aristocratie  en  France,  mais  point  de  despotisme,  telle 
est  la  Constitution.  Tel  est  aussi  le  vœu  de  votre  Parlement  et  l'intérêt  de  Voire 
Majesté.  Qu'on  admette  un  moment  les  maximes  surprises  à  Votre  Majesté, 
que  sa  volonté  seule  fasse  l'arrêt  en  matière  d'administration  et  de  législation, 
et  que  les  conséquences  éclairent  enfin  sur  le  principe.  L'héritier  de  la  Cou- 
ronne est  nommé  par  la  loi  ;  la  Nation  a  ses  droits;  la  Pairie  a  les  siens  ;  la 
Magistrature  est  inamovible  ;  chaque  Province  a  ses  coutumes,  ses  capitula- 
tions; chaque  sujet  a  ses  juges  naturels;  tout  citoyen  a  ses  propriétés;  s'il  est 
pauvre,  il  a  du  moins  sa  liberté. 

Or.  nous  osons  le  demander  :  quels  sont  les  droits,  quelles  sont  les  lois 
qui  pourraient  résister  à  la  prétention  annoncée  par  vos  Ministres,  sous  le  nom 
de  Votre  Majesté?  Sa  seule  volonté  fera  V Arrêt  en  matière  d'administration. 
Elle  pourra  donc  par  une  loi  disposer  de  la  Couronne,  choisir  son  héritier, 
céder  ses  provinces,  priver  les  États  généraux  du  droit  d'accorder  les  subsides, 
dénaturer  la  Pairie,  rendre  la  Magistrature  amovible,  changer  les  coutumes, 
s'investir  elle-même  du  droit  de  juger  seule  ou  de  choisir  les  juges  en  matière 
civile  et  criminelle,  se  déclarer  enfin  copropriétaire  des  biens  de  ses  sujets  et 
maîtresse  de  leur  liberté? 

L'administration  embrasse  les  emprunts  et  les  impôts.  S'il  plaisait  au  Roi 
trompé  de  supprimer  et  sur-le-champ  de  recréer  toutes  les  Cours  souveraines 
de  son  Royaume  pour  les  borner  à  rendre  la  justice  ;  s'il  lui  plaisait  de  trans- 
planter d'une  province  à  l'autre  des  citoyens,  des  Magistrats,  des  familles,  des 
compagnies  entières;  s'il  lui  plaisait  d'élever  sur  les  ruines  de  l'ancienne  ma- 
gistrature un  corps  unique,  qui  fût  un  simulacre  de  liberté,  un  instrument  de 
servitude  ;  s'il  lui  plaisait,  par  l'effet  d'une  surprise  encore  plus  funeste,  de 
laisser  les  Ministres  semer  la  division  entre  les  Magistrats,  nous  opposer  les 
uns  aux  autres,  nous  placer  entre  l'opprobre  et  la  disgrâce;  choisir  dans  le 
Parlement  ceux  qui  perdraient,  ceux  qui  conserveraient  le  droit  de  vérification, 
il  faudrait  donc  quitter  le  lieu  de  son  domicile,  renoncer  à  son  pays,  se  dé- 
pouiller de  ses  affections,  s'arracher  à  ses  confrères,  violer  son  serment,  tra- 
hir l'État,  s'exposer  au  déshonneur,  ou  se  livrer  aux  coups  du  Despotisme,  et 
cela  sur  un  seul  mot  de  la  bouche  du  Roi  !  Dira-l-on  que  le  roi  n'abusera  ja- 
mais du  droit  qu'on  lui  suppose?  qu'il  sera  toujours  juste?  que  ses  lois,  ses 
arrêts,  respecteront  toujours  les  droits  de  tous,  depuis  son  fils  aîné  jusqu'au 
dernier  de  ses  sujets?  Votre  Parlement,  Sire,  sera  forcé  de  répondre  que  la 
supposition  est  impossible,  que  les  Rois  sont  hommes,  qu'il  n'est  point 
d'homme  infaillible.  Et  c'est  précisément  parce  qu'il  n'est  pas  donné  aux  Rois 
d'être  sans  cesse  en  garde  contre  l'erreur  ou  la  séduction,  c'est  pour  ne  pas 
abandonner  la  Nation  aux  funestes  effets  des  volontés  surprises,  que  la  Consti- 
tution exige  en  matière  de  lois,  la  vérification  des  Cours,  en  matière  de  subsi- 
des, l'octroi  préalable  des  États  généraux,  pour  être  sûr  que  la  volonté  du 
Roi  sera  conforme  à  la  justice  et  ses  demandes  aux  besoins  de  l'État.  Le  droit 


rèrent  que  cette  opération  était  impossible  sans  enregistrement  préalable  de 
l'emprunt;  car  les  prêteurs  n'avaient  pas  (l'autre  garantie.  Or,  à  la  date  de  cette 
réponse  (21  mai  1788),  le  Parlement  se  trouvait  de  fait  anéanti.  La  royauté  s'était 
coupé  les  vivres. 


68  LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LÀ  PROPRIÉTÉ 

d'accorder  des  subsides  ne  fait  pas  des  États  généraux  une  aristocratie  de 
citoyens.  Le  droit  de  vérifier  ne  fait  pas  des  Parlements  une  aristocratie  de 
magistrats. 

On  est  gouverné  par  des  aristocrates  !  Mais  votre  Parlement,  Sire,  n'aspire 
point  à  gouverner.  Dans  ses  jugements,  il  est  soumis  aux  lois  :  sa  volonté  n'est 
rien;  il  prononce,  mais  la  loi  a  décidé.  Nous  faisons  gloire  d'en  convenir,  et 
nous  aimons  à  retrouver  dans  les  mémoires  de  nos  concitoyens  cette  phrase  : 
la  Cour  ne  peut  se  dispenser  de  rendre  tel  Arrêt.  Ils  ont  raison  :  cette  phrase 
qui  rend  hommage  à  la  justice  de  votre  Parlement  rappelle  ses  devoirs.  La 
Cour  ne  peut  se  dispenser  déjuger  suivant  la  loi;  la  Cour  ne  peut  se  dispenser 
de  remontrer  suivant  la  loi;  la  Cour  ne  peut  se  dispenser  de  résister  suivant  la 
loi. 

S'ensuit- il  cependant  que  votre  Parlement  prétende  réduire  la  volonté  du 
Roi  à  la  valeur  de  l'opinion  de  ses  officiers?  Non,  Sire,  il  est  aux  pieds  du 
Trône  pour  l'appuyer  et  l'éclairer  :  cette  place  suffit  à  son  ambition.  Ses  droits 
même  les  plus  certains,  il  ne  sait  les  exprimer  qu'en  termes  respectueux  : 
mais  le  respect  n'est  point  incompatible  avec  la  liberté. 

S'agit-il  d'un  procès  ?  Le  Roi  n'a  pas  de  volonté,  la  loi  est  faite,  elle  doit 
décider.  Il  est  le  premier  juge,  votre  auguste  aïeul  l'a  reconnu  dans  l'affaire 
de  Bretagne  '  ;  la  plupart  des  témoins  de  son  avis  siègent  encore  au  Parlement  et 
dans  votre  Conseil.  On  affecte,  il  est  vrai,  de  répandre  la  maxime  contraire. 
On  prétend  que  les  biens,  la  liberté,  l'honneur  des  citoyens,  sont  dans  la  main 
du  roi.  Présent,  dit-on,  il  fait  l'Arrêt  :  absent,  il  peut  le  changer.  La  servitude 
elle-même  ne  tiendrait  pas  un  langage  plus  vil  :  mais  du  moins  vos  ministres 
n'ont  pas  encore  poussé  la  chose  jusque-là. 

S'agit-il  d'un  subside?  C'est  à  la  Nation  à  l'accorder.  La  liberté  des  États 
généraux  n'a  pas  encore  fait  la  matière  d'un  doute. 

S'agit-il  d'une  loi?  C'est  aux  Cours  à  la  vérifier  librement.  Mais  le  droit  de 
vérifier  librement  les  lois  n'étant  pas  celui  de  les  faire,  les  Cours  ne  peuvent  ni 
forcer  ni  suppléer  la  volonté  du  Roi.  Votre  Parlement,  Sire,  l'a  déjà  protesté  et 
le  répétera  aussi  souvent  que  vos  Ministres  tâcheront  d'obscurcir  cette  vé- 
rité. 

Au  reste,  dans  leur  propre  système,  la  pluralité  n'a  pas  été  connue  de  Votre 
Majesté  le  jour  même  de  la  séance.  Il  est  inconcevable  que  les  Ministres  dis- 
tinguent le  résultat  des  opinions  de  la  pluralité,  comme  si  la  pluralité  n'était 
pas  ce  résultat,  et  qu'ils  veuillent  persuader  à  Votre  Majesté  que,  pour  avoir 
entendu  des  opinions  isolées,  elle  a  pu  juger  par  elle-même  du  résultat  qu'au- 
raient donné  les  avis  résumés  ;  comme  s'ils  ignoraient  que  les  premiers 
opinants  sont  quelquefois  ramenés  par  les  derniers2.  S'il  était  arrivé  que  votre 
Parlement  eût  refusé  des  lois  utiles,  il  faudrait  plaindre  l'humanité,  sans 
rendre  le  Roi  despote,  sans  détruire  la  Constitution,  sans  établir  la  servitude 
par  le  système  de  la  seule  volonté.  Mais  est-il  vrai  que  votre  Parlement  ait  à 
se  reprocher  des  refus  de  cette  espèce?  Il  ose  demander  quelles  sont  les  Lois 

1.  C'est-à-dire,  dans  l'affaire  du  duc  d'Aiguillon  et  de  La  Chalotais. 

2.  Telle  n'était  point  la  théorie  ministérielle.  Aux  États  de  Languedoc,  les  pre- 
miers opinants  des  trois  ordres,  afiidés  à  la  Cour,  touchaient  un  traitement 
particulier,  et  nullement  secret,  parce  qu'ils  déterminaient  l'un  le  banc  des 
évêques,  l'autre  celui  de  la  noblesse,  le  troisième  celui  du  tiers. 


ET  DE  LA  LIBERTÉ  69 

utiles  qui  font  la  règle  de  ses  jugements,  et  dont  la  France  est  redevable  à 
l'autorité  absolue  du  Roi. 

Ce  n'est  pas  le  Concordat.  Le  Parlement  en  a  différé,  il  est  vrai,  la  publica- 
tion. Mais  toute  la  France  pensait  comme  lui.  Votre  Majesté  n'ignore  pas  que 
cette  loi  gênait  également  et  l'Église  et  l'État. 

Ce  n'est  pas  X Ordonnance  de  Moulins.  Le  Parlement  a  combattu  non  pas  la 
loi,  mais  l'article  deuxième  de  cette  loi,  lequel  portait  atteinte  aux  droits 
sacrés  de  l'enregistrement  :  article  déplorable,  le  premier  de  son  genre,  et  le 
sujet  du  repentir  de  L'Hôpital  mourant. 

Ce  n'est  pas  l'Ordonnance  de  1029,  vulgairement  appelée  le  Code  Michau; 
l'article  53  offrait  le  même  vice  que  le  deuxième  de  celle  de  Moulins.  Le  Code 
Michau  avait  d'ailleurs  d'autres  inconvénients  :  il  fut  enregistré  au  lit  de 
justice,  mais  il  n'a  pas  eu  d'exécution. 

Ce  n'est  pas  l'Ordonnance  de  1667.  On  peut  dire  qu'elle  fut  en  partie  l'ou- 
vrage du  Parlement.  Les  députés  l'ont  consentie  avec  les  Commissaires  du 
Conseil  :  ceux-ci  soumettaient  les  articles  au  Roi;  les  députés  du  Parlement 
en  rendaient  compte  à  leurs  chambres  respectives  ;  on  reportait  aux  confé- 
rences les  intentions  du  Roi  et  les  réflexions  des  chambres  :  l'ordonnance  fut 
enfin  rédigée;  cette  loi  était  utile,  mais  le  titre  premier,  qui  détruisait  le  droit 
de  vérification,  était  inadmissible.  Louis  XIV  crut  avoir  besoin  d'un  lit  de  justice  : 
c'était  sans  doute  le  moyen  de  compromettre  l'exécution  de  l'Ordonnance. 
Quel  fut  l'événement  ?  Le  Parlement  eut  le  courage  de  ne  pas  reconnaître  le 
premier  titre,  et  la  sagesse  de  consacrer  par  ses  Arrêts  le  surplus  de  l'Or- 
donnance. 

Lui  serait-il  permis  d'opposer  à  son  tour,  aux  ennemis  du  droit  de  vérifi- 
cation, la  suite  des  Lois  fâcheuses  dues  aux  lits  de  justice? 

Sans  remonter  plus  haut  que  la  Régence,  si,  depuis  cette  époque,  nos 
lois,  nos  mœurs,  la  fortune  publique,  tous  les  états,  toutes  les  compagnies,  la 
plupart  des  familles,  ont  éprouvé  tant  de  secousses,  ne  sont-ce  pas  les  fruits  du 
pouvoir  arbitraire  manifesté  par  des  lits  de  justice?  Si  les  impôts  n'ont  fait 
qu'augmenter  les  dépenses,  n'est-ce  pas  un  effet  de  la  sécurité  que  les  lits  de 
justice  inspirent  aux  Minisires?  Si  l'économie  a  pris  sérieusement  la  place  de 
l'autorité,  n'est-ce  pas  au  moment  où  les  Ministres  ont  cessé  de  compter  sur 
la  même  facilité?  Le  règne  du  feu  Roi,  pourquoi  le  tairions-nous?  (au  défaut 
du  Parlement  l'histoire  l'observerait),  ce  règne  marqué  par  tant  de  lits  de  jus- 
tice l'est  aussi  par  l'excès  des  impôts,  des  emprunts  et  des  profusions. 

En  vain,  pour  justifier  le  despotisme,  on  affecte  de  craindre  pour  le  légis- 
lateur. //  aurait  donc  autant  de  volontés  que  de  Cours  dans  son  royaume  :  telle 
est  l'objection  de  vos  Ministres.  La  réponse  est  dans  les  lois.  Un  serment 
général,  celui  du  sacre,  lie  à  toute  la  France  son  souverain  ;  mais  le  roi  ne 
règne  pas  sur  toutes  les  provinces  aux  mêmes  titres.  En  Normandie,  en  Bre- 
tagne, en  Guyenne,  en  Languedoc,  en  Provence,  en  Dauphiné,  en  Alsace,  en 
Bourgogne,  en  Franche-Comté,  dans  les  Pays-conquis,  dans  les  Pays-réunis, 
différentes  conditions  règlent  l'obéissance.  En  lîéarn,  le  premier  article  de  la 
Coutume  est  un  serment  du  Roi  d'en  respecter  les  privilèges  :  ce  serment  est 
renouvelé  à  chaque  règne  par  le  Roi  en  personne,  aux  députés  des  États  de 
cette  province,  après  quoi  la  province  prête  le  sien;  vous  avez  vous-même, 
Sire,  renouvelé  le  vôtre  :  la  volonté  du  Roi,  pour  être  juste,  doit  varier  suivant 
les  provinces.  Ce  ne  sont  point  les  Cours  qui  l'enchaînent,  mais  les  principes  : 


70  LE  PARLEMENT  DÉFENSEUR  DE  LA  PROPRIÉTÉ 

chaînes  heureuses  qui  rendent  plus  solide  le  pouvoir  légitime.  Chaque  pro- 
vince a  demandé  un  Parlement  pour  la  défense  de  ses  droits  particuliers.  Ces 
droits  ne  sont  pas  des  chimères  :  les  Parlements  ne  sont  pas  de  vaines  insti- 
tutions, autrement  le  Roi  pourrait  dire  à  la  Bretagne  :  Je  vous  ôte  vos  États  ; 
à  la  Guyenne  :  J'abroge  vos  capitulations  ;  aux  peuples  de  Béarn  :  Je  n'entends 
plus  vous  prêter  de  serment;  à  la  Nation  môme  :  Je  veux  changer  celui  du  sacre; 
à  toutes  les  provinces  :  Vos  libertés  sont  des  chaînes  pour  le  législateur,  vos 
Parlements  l'obligent  à  varier  ses  volontés.  J'abolis  vos  libertés,  je  détruis  vos 
Parlements. 

Il  est  certain  qu'alors  la' volonté  du  Roi  pourrait  ôtre^  uniforme;  mais,  Sire, 
qu'il  soit  permis  à  votre  Parlement  d'en  concevoir  quelque  alarme.  Serait-elle 
juste?  Serait-elle  prudente?  Serait-il  enfin  possible  que  vos  Ministres  eussent 
formé  de  tels  projets?  Ce  n'est  certainement  ni  l'intention  ni  l'intérêt  de 
Votre  Majesté. 

Pour  votre  Parlement,  Sire,  ses  principes,  ou  plutôt  ceux  de  l'État  qui  lui 
sont  confiés,  sont  immuables  :  il  n'est  point  en  son  pouvoir  de  changer  sa 
conduite.  Quelquefois  les  Magistrats  sont  appelés  à  s'immoler  avec  les  lois  : 
mais  telle  est  leur  honorable  et  périlleuse  condition,  qu'ils  doivent  cesser 
d'être  avant  que  la  Nation  cesse  d'être  libre1. 

ORDRE  DU  1101,  DU  5  MAI  1788 

II  est  ordonné  au  sieur  Dagoust-,  capitaine  de  mes  gardes  françaises,  de 
se  rendre  au  Palais  à  la  tête  de  six  compagnies,  de  s'emparer  de  toutes  les 
issues,  et  d'arrêter  dans  la  grand'chambrc,  ou  partout  ailleurs,  Messieurs  Du- 
val  et  Goislard   pour  les  mettre  entre  les  mains  de  la  prévôté  de  l'Hôtel. 
Signé  de  la  main  même  du  roi  '. 

1.  La  précision  avec  laquelle  le  Parlement  analysait  d'avance  les  édits  du  8  mai 
1788,  et  en  décrivait  les  conséquences,  s'expliquerait  à  la  rigueur  sans  que  l'on 
fût  obligé  de  rappeler  que  d'Espréménil  avait  réussi  à  s'en  procurer  les  épreuves. 
Les  chroniqueurs  qui  écrivaient  au  jour  le  jour,  les  publicistes  opposés  ou  favo- 
rables au  Parlement, faisaient  pressentir  depuis  plus  d'un  an  la  reprise  du  grand 
projet  de  Maupeou;  jamais  secret  d'État  n'avait  clé  plus  mal  gardé. 

2.  Sic,  pour  d'Agoult. 

3.  Arch.  nat.,  X  1b  8!)88,  f°  7.  —  Un  imprimé  de  l'époque  a  raconté  d'après 
cette  minute,  presque  intégralement  copiée,  le  coup  d'État  du  "j  mai  1788,  et  la 
séance  de  nuit  du  ï>  au  G.  11  y  a  toutefois  dans  la  minute  des  passages  raturés 
mais  lisibles,  qui  contiennent  des  détails  intéressants  et  inédits  sur  le  courage 
du  duc  de  Luynes,  etc.  —  Duval  et  Goislard,  amenés  de  force  chez  Thiroux  de 
Crosne,  lieutenant  général  de  police,  se  refusèrent  énergiquement  et  formelle- 
ment à  le  voir,  <•  attendu  que,  ('faut  en  robe,  et  ne  cessant  pas  d'être  conseillers 
au  Parlement,  c'était  à  lui  à  venir  les  trouver.  » 


III 

HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 


JUSTICE  CIVILE 


Dans  ses  rapports  avec  Paris,  nous  avons  à  considérer  le  Parlement 
sous  deux  points  de  vue  :  la  haute  justice,  et  la  grande  police. 

La  haute  justice,  c'est-à-dire  la  justice  en  dernier  ressort,  appartient 
en  principe  au  Parlement.  Toutefois,  en  matière  civile,  les  juridictions 
du  second  degré  prononcent  des  sentences  définitives  soit  lorsqu'il 
n'est  point  formulé  d'appel,  soit  lorsque  les  litiges  ont  peu  d'impor- 
tance, soit  enfin  (quels  que  soient  les  litiges)  lorsque  les  ayants  cause 
n'ont  pas  le  droit  de  commit timus,  ou  n'en  usent  pas. 

Les  simples  délits,  les  contraventions  aux  règlements  de  police  ne 
dépassent  pas  non  plus,  en  général,  le  Chàtelet  ou  les  juridictions  soit 
locales,  soit  spéciales. 

Au  criminel,  c'est-à-dire  pour  les  cas  entraînant  l'infamie,  le  ban- 
nissement, les  galères  à  temps  ou  à  perpétuité,  la  potence,  la  mue,  le 
bûcher,  le  Parlement  (au  nom  de  la  Chambre  criminelle  de  la  tour- 
nelle)  prononce  l'immense  majorité  des  jugements  exécutoires  :  car 
en  fait  il  y  a  presque  toujours  appel,  soit  des  condamnés  en  première 
instance,  soit  du  Procureur  général.  Notons  toutefois  que  le  Grand- 
Conseil  juge  souverainement  les  crimes  et  délits  commis  dans  l'étendue 
de  son  ressort,  la  Cour  des  monnaies  les  crimes  de  fausse-mon- 
naie, etc. 

D'autre  part, le  Roi  demeurant  le  Juge  suprême  peut  toujours  :  1°  en 
matière  civile,  évoquer  une  affaire  à  son  Conseil,  et  quelquefois  la 
renvoyer  à  une  commission  exceptionnelle;  2°  en  matière  pénale, 
faire  grâce,  ordonner  de  surseoir  à  l'exécution,  accorder  des  lettres 
d'abolition  ou  de  rémission,  ou  inversement  ordonner  aux  juges  infé- 


72  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 

rieurs  (au  Châtelet  par  exemple)  de  juger  prévôtalcment,  c'est-à-dire 
sans  appel  au  Parlement  ' . 

Dans  cet  immense  domaine  de  la  juridiction  civile  et  criminelle  du 
Parlement,  nous  ne  pouvons  nous  arrêter  qu'aux  questions  qui  se 
rapportent  directement  à  notre  sujet. 

En  ce  qui  concerne  la  justice  civile,  nous  avons  à  noter  :  les  mesures 
prises  par  le  Parlement  à  l'égard  des  agents  secondaires  ou  inférieurs 
de  la  justice  civile  qui  exerçaient  à  Paris  (Notaires,  Procureurs,  Huis- 
siers), à  l'effet  de  rendre  les  jugements  moins  onéreux  et  plus  expédi- 
tifs;  les  tentatives  qu'il  fit  pour  maintenir  son  indépendance,  sinon  sa 
souveraineté,  à  l'égard  des  exceptions  que  le  despotisme  ministériel,  le 
favoritisme  ou  la  chicane,  lui  opposaient  dans  l'enceinte  même  de  la 
Capitale  ;  le  règlement  relatif  à  la  prison  de  la  Force,  spécialement 
destiné  aux  prisonniers  arrêtés  pour  dettes  civiles. 

ARRÊTS  DE  RÈGLEMENT 

CONCERNANT  LES  NOTAIRES  DE  TARIS 

Arrêt  du  Parlement,  du  20  janvier  1779,  rendu  entre  les  substituts  du 
substitut  de  M.  le  Procureur  général  au  Châtelet  de  Paris,  et  les  Doyen,  Délé- 
gués et  syndics  des  notaires  audit  Châtelet,  qui,  entre  autres  dispositions, 
fait  défenses  à  tous  Officiers  de  procéder  ou  faire  procéder  aux  levées  de 
scellés,  inventaires  et  ventes  de  meubles,  autrement  qu'en  y  dénommant  géné- 
ralement tous  les  présomptifs  héritiers  connus,  quoique  absents,  et  en  y  appe- 
lant un  substitut  pour  les  absents;  et  aussi  d'assister  pour  un  cohéritier  ou 
autre  partie  intéressée,  sans  procuration  spéciale,  postérieure  au  décès,  et 
passée  devant  Notaire;  le  lout  à  peine  de  nullité.  —  Et  à  l'égard  des  comptes 
et  partages  autorise  les  substituts  à  y  assister  pour  les  absents,  lorsque  leur 
présence  aura  été  jugée  nécessaire,  ou  lorsqu'ils  y  seront  volontairement 
appelés  par  les  parties  2. 

EXTRAIT  DU  REGISTRE 

DES  DÉLIBÉRATIONS  DES  NOTAIRES  DE  PARIS 

28  AVRIL  1779 

Me  P>egiiault,  syndic  [de  la  Communauté  des  notaires  de  Paris],  après  avoir 
rappelé  différents  points  de  discipline  qu'il  est  très  essentiel  de  ne  point  per- 
dre de  vue,  a  annoncé  de  la  manière  suivante  la  nécessité  de  fixer,  par  une 


1.  Cola  n'avait  guère  lieu  qu'on  cas  d'émeute  .ou  de  révolte  (exemple  :  l'affaire 
Réveillon. 

2.  Bib.  nat.  Collection  des  arrêts,  à  la  date. 


JUSTICE  CIVILE  73 

explication  précise,  le  sens  et  le  véritable  esprit  de  celui  qui  est  ordonné  par 
l'article  9  des  Règlements. 

L'article  9  des  Règlements  arrêtés  en  1679,  homologués  par  Arrêt  de  la 
Cour  du  13  mai  1681 ,  porte  qu'aucun  ne  pourra  être  admis  à  l'office  de 
notaire  qu'il  n'ait  été  clerc  de  notaire  à  Paris  pendant  cinq  ans. 

On  sent  aujourd'hui,  plus  que  jamais,  que  le  temps  a  rendu  nécessaire  une 
interprétation  de  cet  article. 

Effectivement,  dans  le  temps  du  Règlement  qui  remonte  à  un  siècle,  les 
Notaires  n'avaient  communément  qu'un  seul  clerc  sédentaire. 

Ils  n'employaient  d'autres  sujets  que  lorsque  la  célérité  des  expéditions 
l'exigeait.  Ces  sujets  n'étaient  point  résidents,  et  ne  faisaient  d'autre  office 
que  celui  de  copistes. 

Le  clerc  sédentaire,  au  contraire,  était  un  praticien  déjà  formé  par  la  pra- 
tique du  Chàtelet.  Il  participait  au  travail  du  Notaire,  et  parvenait  par  degrés 
à  partager  avec  lui  les  opérations  les  plus  importantes  à  mesure  qu'il  se  ren- 
dait digne  de  sa  confiance. 

Les  auteurs  des  Règlements  ont  jugé  avec  raison  que  cinq  années  étaient 
pour  ce  clerc  un  temps  suffisant  d'épreuve  ettd'étude;  et  que  lorsque  l'on 
reconnaissait  d'ailleurs  en  lui  la  droiture  du  cœur,  la  régularité  des  mœurs  et 
la  fermeté  des  sentiments  d'honneur,  il  était  juste  de  l'admettre  à  remplir  un 
état  de  toute  l'importance  et  de  toute  la  délicatesse  duquel  il  était  instruit  et 
pénétré. 

L'art'.cle  9  alors  ne  souffrait  point  d'équivoque.  Ces  copistes  externes,  qui 
n'avaient  pas  même  le  titre  de  clercs,  élaient  bien  éloignés  de  s'appliquer  sa 
disposition,  et  de  se  mettre  ainsi  presque  au  niveau  de  ce  clerc  sédentaire,  de 
ce  véritable  et  seul  clerc  aux  yeux  du  Règlement,  aux  ordres  duquel  ils  étaient 
à  peu  près  autant  qu'à  ceux  du  Notaire. 

Avec  le  temps  les  affaires  publiques  et  particulières  se  sont  multipliées  à 
l'infini.  Leurs  variétés,  leur  complication,  ont  demandé  le  concours  de  plu- 
sieurs agents.  Les  Notaires  se  sont  déterminés  à  admettre  avec  ce  clerc 
sédentaire  d'autres  résidents  qu'ils  ont  choisis,  autant  qu'il  a  été  possible, 
dans  les  familles  de  la  bourgeoisie  aisée  et  honnête,  persuadés  que  les  prin- 
cipes d'une  éducation  soignée  seraient  garants  de  leurs  sentiments  et  de  leur 
discrétion,  en  sorte  que  depuis  longtemps  il  s'en  trouve  en  chaque  étude 
depuis  trois  jusqu'à  cinq,  six  et  plus. 

Dès  lors  l'on  a  connu  les  grades  de  premier,  second,  troisième,  etc.,  ignorés 
jusqu'alors;  la  dénomination  de  clerc  qui,  dans  le  principe,  appartenait  au 
premier  seul,  est  par  l'usage  devenue  commune  à  tous;  de  sorte  que,  quoique 
l'esprit  du  Règlement  subsiste  toujours  et  ne  puisse  s'entendre  que  du  pre- 
mier clerc,  quoique  même  actuellement  aucun  ne  crût  pouvoir  se  présenter 
s'il  n'avait  rempli  cette  place  de  premier,  au  moins  pendant  quelque  temps  ; 
cependant  tous  sont  et  peuvent  se  dire  clercs,  et  peuvent,  d'après  la  lettre 
du  Règlement,  se  persuader  qu'après  cinq  années  de  travail  en  cette  qualité, 
en  quelque  grade  que  ce  soit,  on  ne  doit  faire  aucune  difficulté  de  les  admettre, 
encore  qu'ils  n'eussent  rempli  la  place  de  premier  que  pendant  l'une  de  ces 
cinq  années  ou  peut-être  moins. 

Dès  là,  tel  qui,  parvenu  à  la  place  de  principal  ou  premier  clerc  à  l'âge  de 
vingt-quatre  ans,  n'écoutera  que  la  témérité  trop  ordinaire  à  la  jeunesse, 
s'imaginera  pouvoir  cumuler  quatre  années  de  travail  dans  les  places  infé- 


U  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 

rieures,  dont  il  n'aura,  comme  de  raison,  recueilli  que  des  notions  très  impar- 
faites et  fort  éloignées  de  la  connaissance  profonde  et  nécessaire  des  principes 
de  son  état  et  de  l'étendue  de  ses  devoirs.  Il  attendra  avec  impatience  la 
majorité  nécessaire  pour  traiter,  il  en  saisira  avec  avidité  la  première  occasion 
qui  lui  paraîtra  toujours  la  meilleure,  et  parviendra  peut-être-,  par  des  ressour- 
ces que  le  manège  et  l'intrigue  ne  suggèrent  que  trop  fréquemment,  à  trouver 
des  appuis,  des  protecteurs,  à  leur  en  imposer  par  les  termes  du  Règlement 
et  même  par  quelques  exemples  rares  et  dus  à  des  circonstances  particulières, 
et  à  priver  le  Corps  de  la  liberté  très  essentielle  du  choix  de  ses  membres; 
enfin  à  en  obtenir  un  consentement  forcé,  qui  livrera  à  son  inexpérience  le 
sort  de  ses  clients,  avant  qu'il  soit  en  état  de  se  conduire  lui-même,  et  de  plus 
son  propre  honneur,  dont  les  atteintes  se  feront  vivement  sentir  au  Corps 
entier.  Le  succès,  s'il  était  possible,  multiplierait  les  entreprises  audacieuses 
de  ces  sujets  frivoles,  et  découragerait  nécessairement  ces  hommes  utiles  et 
précieux  qui,  mûris  pendant  six,  huit  ou  dix  années,  dans  les  travaux-  et  les 
confidences  nécessaires  de  la  première  place  qu'ils  remplissent  avec  distinction, 
sont  véritablement  destinés  à  exercer  les  offices  de  notaires,  et  à  perpétuer  la 
confiance  et  la  considération  dont  leurs  citoyens  les  honorent. 

Il  est  donc  très  intéressant  de  prévenir  un  abus  aussi  pernicieux,  avant 
qu'il  puisse  prendre  aucune  consistance;  et  c'est  de  la  part  des  Notaires  un 
dexoir  de  reconnaissance  et  de  justice  envers  le  public,  de  prudence  et  de 
précaution  pour  la  sûreté  et  la  tranquillité  des  familles,  et  pour  la  conserva- 
tion de  l'honneur  du  Corps,  dont  ils  ne  peuvent  s'acquitter  avec  trop  d'em- 
pressement. 

La  communauté  des  notaires  propose  de  présenter  à  l'homologation  du 
Parlement  une  interprétation  de  l'article  9,  d'après  laquelle  nul  ne  pourrait  à 
l'avenir  être  admis  et  reçu  en  l'office  de  notaire  à  Paris,  qu'il  n'eût  exercé, 
pendant  cinq  années  de  résidence  continue  et  non  interrompue  chez  les  Notaires 
de  Paris,  la  place  de  principal  clerc,...  et  ne  fût  actuellement  travaillant  en 
cette  qualité  en  l'étude  d'un  notaire  de  Paris  :  seraient  exceptés...  les  fils  et 
gendres  des  notaires,  qui  seraient  admissibles  par  la  communauté  après  cinq 
ans  de  travail  comme  simples  clercs,  pourvu  qu'ils  fussent  capables. 

Le  lieutenant  civil  du  Châtelet,  Denis-François  Angran  d'Alleray r,  et  le 
procureur  du  roi  au  Châtelet,  Claude-Bernard-Franeois  Moreau2,  appelés  à 
donner  leur  avis  au  Parlement,  proposent  d'étendre  l'exception  : 

1°  Aux  frères  et  neveux  de  notaires  en  exercice; 

2°  A  ceux  qui,  ayant  dix  années  d'étude  chez  les  notaires,  y  auraient  été  em- 
ployés pendant  deux  années  et  demie  au  moins  en  qualité  de  principaux  clercs. 
(Avis  du  Châtelet,  du  17  mai  1779.) 

C'est  en  ce  sens  que  le  Parlement  rendit  l'arrêt  du  16  juillet  1779, 
quilixe  le  temps  d'étude  nécessaire  pour  parvenir  à  être  reçu  notaire  >. 

1.  Chevalier,  comte  des  Maillis,  seigneur  de  Basoches,  Condé-Sainte-Libière  et 
autres  lieux, conseiller  du  roi  en  ses  conseils, honoraire  en  sa  Gourde  Parlement, 
ancien  procureur  général  de  S.  M.  en  son  Grand-Conseil. 

2.  Chevalier,  conseiller  du  roi  en  ses  conseils  d'État  et  privé. 

3.  Pièce  m-4°  (10  pages),  de  l'imprimerie  de  Glousier,  rue  Saint-Jacques.  Bib. 
nat.,  F,  à  la  date. 


JUSTICE  CIVILE  75 

PROCUREURS 

La  déclaration  du  15  mars  1673  (registrée  le  24)  établissait  la  divi- 
sion du  travail  parlementaire.  Elle  ordonnait  de  faire  des  rôles  où 
seraient  mises  toutes  les  Appellations  verbales,  tant  simples  que 
comme  d'abus,  Requêtes  civiles,  Demandes  en  exécution  d'arrêts,  et 
autres  demandes  principales,  pour  être  plaidées  les  lundis,  mardis  et 
jeudis  matin,  et  les  mardis  et  vendredis  de  relevée  de  chaque  semaine. 
Dans  les  rôles  des  mardis  et  vendredis  de  relevée,  ne  devaient  pas  être 
portées  les  Requêtes  civiles,  les  causes  de  Régale,  les  Appellations 
comme  d'abus  en  matière  de  bénéfices,  ni  celles  qui  concernaient  l'état 
des  personnes,  la  police,  et  le  domaine  dn  Roi.  Après  le  temps  de 
chaque  rôle  fini,  les  causes  qui  restaient  à  plaider  (sauf  les  Appellations 
comme  d'abus,  Régales,  Requêtes  civiles,  Appellations  de  simples 
appointements  endroit,  et  les  causes  à  terminer  par  expédient), toutes 
les  autres  causes  donc  demeuraient  appointées  au  Conseil  et  endroit 
en  vertu  d'un  Règlement  général  auquel  un  Arrêt  seul  pouvait  déroger. 
Cependant,  les  défendeurs  pouvaient,  en  matière  de  requêtes  civiles, 
requérir  qu'elles  fussent  appointées,  mais  ils  devaient  le  faire  dans  le 
mois  :  autrement,  elles  étaient  renvoyées  au  rôle  suivant,  sans  qu'il 
pût  être  fait,  [tour  raison  de  ce,  aucunes  sommations  ni  interpella- 
tions. L'Arrêt  du  .'50  avril  1782  enjoint  aux  Procureurs  en  la  Cour  de 
se  conformera  l'esprit  et  à  la  lettre  de  ces  règlements,  et  de  requérir 
pour  les  défendeurs  l'appointement  des  Requêtes  civiles  :  à  la  charge 
toutefois  que  les  Requêtes  civiles  ainsi  appointées  seront  renvoyées 
aux  Chambres  où  les  Arrêts  contre  lesquels  elles  auront  été  obtenues, 
auront  été  rendus,  afin  d'y  être  jugées  et  terminées. 

CLERCS  DE  PROCUREURS 

«  Arrêt  du  22  janvier  1777  qui  renouvelle  les  anciens  règlements  sur  le  fait 
de  la  Postulation.  » 

Il  homologue  la  délibération  des  Procureurs  de  Communauté  en 
charge  et  anciens,  du  20  janvier  1777.  —  Condamne  les  Procureurs 
qui  logent  chez  eux  des  clercs  postulants  à  6  mois  de  suspension,  et 
en  cas  de  récidive  à  la  privation  de  leur  charge  (art.  1);  et  tout  clerc 
convaincu  de  postulation  en  200  livres  de  dommages-intérêts,  sans' 
rémission,  et  le  cas  échéant  à  la  prison  par  contrainte  de  corps  ;  être 
déclaré  de  plus  incapable  de  remplir  la  charge  de  procureur,  confor- 
mément aux  lettres  patentes  du  20  juin  1740  (art.  2).  Lesdits  clercs 


Livres 

Sols   Den. 

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76  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 

sont  tenus,  avant  de  devenir  procureurs,  de  travailler  10  ans  en  études 
de  procureurs  et  non  en  chambres  particulières  (art.  3  et  dernier). 

Signé  :  Dufranc.  Lu  et  publié  à  la  Communauté,  le  3  février  1777; 
signé  :  Le  Senesciial,  procureur, 

TARIF  DES  HUISSIERS 
DES  REQUÊTES  DU  PALAIS  ET  DES  REQUÊTES  DE  L'HOTEL 

ARRÊT   DU   PARLEMENT,    14   AOUT    1178 


1.  Signification  simple,  au  Palais,  de  procureur  à  procureur. 

2.  Signification  de  procureur  à  procureur,  à  leurs  domiciles. 

3.  Chacune  desdites  significations,  à  heure  datée I 

4.  Appel  de  causes 

5.  Exploit  simple  (au  domicile  des  parties) » 

6.  Exploit  hors  barrières 3        »        » 

7.  Transport  de  l'huissier  hors  Paris,  par  lieue  soit  aller,  soit 

retour 1       10        » 

8.  Un  jour  de  voyage  de  10  lieues,  ou  un  jour  de  séjour  hors 

Paris 15        »        » 

9.  Vacations  aux  compulsoires,   scellés,  ou  autres  opérations 

en  vertu  des  sentences  et  ordonnances  des  Requêtes  du 

Palais  ou  de  l'Hôtel,  par  heure 2        »        » 

Par  rôle  de  20  lignes  à  la  page  et  8  syllabes  à  la  ligne.  .       »       10        » 

10.  Procès-verbal   de   réception   ou  remise  de    deniers,   jus- 

qu'à 1000  livres 8         »         » 

Jusqu'à  10,000  livres 15         »         » 

Au-dessus  de  10,000  livres 30        »        » 

11.  Procès-verbal  d'opposition  d'affiche  pour  vente  de  biens 

immeubles,  dans  Paris  et  aux  barrières »      12        » 

Dans  la  banlieue 1         >•        » 

A  distance  plus  éloignée,  par  lieue 1       10        » 

12.  Publications  aux  paroisses  de  Paris,  pour  chacune 4      10        » 

Hors  barrières  et  dans  la  banlieue G        »         » 

A  distance  plus  éloignée,  par  lieue- ...      1      10        » 

HUISSIERS 

«  Arrêt  de  la  Cour  de  Parlement,  portant  règlement  entre  les  Six-Corps  des 
Marchands  de  la  Ville  de  Paris,  et  les  huissiers-commissaires-priscurs  au  Chà- 


1.  Non  compris  1rs  (i  deniers  appartenant  à  la  Communauté  «les  procureurs. 

2.  L'article  Kl  ri  dernier  dit  que  dans  1rs  articles  ci-dessus  ne  soûl  compris  les 
déboursés  (papier  timbré,  contrôle,  assistants,  afficheur).  —  Cet  Arrêt  est  con- 
forme  à  la  Requête  de  la  Communauté  des  huissiers. 


JUSTICE  CIVILE  77 

telet  de  Paris,  au  sujet  des  ventes  de  fonds  de  bouliques,  marchandises  et 
meubles  neufs  (17  juin  1777)  '.  » 

Il  défend  aux  Huissiers  de  faire  aucune  vente  de  ce  genre  dans  les 
lieux  prohibés  ou  maisons  particulières  empruntées  ou  prises  à  loyer; 
leur  permet  de  vendre,  par  autorité  de  justice  seulement,  dans  les 
salles  des  couvents  des  Grands-Augustins,  de  la  Mercy,  et  de  Sainte- 
Croix  de  la  Bretonnerie  :  en  ce  cas,  ils  en  donneront  avis  aux  bureaux 
des  Six-Gorps.  Us  ne  peuvent  en  aucun  cas  vendre  les  effets  non  com- 
pris dans  les  inventaires  après  décès,  ou  dans  les  procès-verbaux  de 
saisies.  Ils  ne  peuvent  vendre  aucun  fonds  de  boutique  en  tout  ou  en 
partie,  meubles  meublants  neufs,  ou  étoffes  en  pièces,  sans  autorisa- 
tion des  gardes  des  Six-Gorps.  Lesdits  gardes  ont  le  droit  d'envoyer 
l'un  d'entre  eux  au  Chàtelet  pour  prendre  des  notes  à  toute  vente 
publique,  et,  sans  interrompre  les  vacations,  agir  comme  de  droit 
après  récolement  de  leurs  notes  et  des  inventaires  ou  procès-verbaux. 
—  (Signé  :  Dufranc,  collalionné  :  Bertiielot;  scellé  le  22  juin  1777, 
signé  /Vacher;  pour  copie  signé  :  Niverd;  signifié  à  la  Communauté 
des  huissiers  le  25  juin  1777.) 

Arrêt  du  Parlement,  du  5  mai  1778,  contre  les  ventes  de  marchandises  à 
perte  de  finance. 

...  La  Cour  ordonne  que  les  négociants  qui  seront  prévenus  de  négocia- 
tions frauduleuses,  d'avoir  vendu  des  marchandises  à  un  prix  beaucoup  au- 
dessus  de  leur  valeur,  et  de  les  avoir  ensuite  fait  acheter  par  des  personnes 
interposées  à  un  prix  inférieur  à  celui  de  la  vente,  ne  pourront  être  admis 
dans  les  Corps  et  Communautés  dont  ils  sont  membres,  aux  places  de  gardes, 
syndics  et  adjoints  desdits  Corps  et  Communauté,  ni  à  aucune  place  dans  la 
juridiction  consulaire,  soit  comme  consul,  soit  comme  conseiller,  sauf  à  être 
procédé,  par  les  voies  de  droit,  contre  lesdits  marchands  et  négociants  qui 
seront  prévenus  de  négociations  frauduleuses,  conformément  aux  Ordonnances 
et  Arrêts  de  règlement  de  la  Cour  :  Ordonne  que  le  présent  arrêt  sera  lu  et 
publié,  l'audience  tenante  de  la  juridiction  des  consuls,  imprimé  et  affiché,  et 
signifié,  à  la  requête  du  substitut  du  procureur  général  du  roi  au  Chàtelet 
de  Paris,  aux  gardes,  adjoints  des  Six-Corps  des  marchands,  et  de  la  librairie 
et  imprimerie.  Fait  en  Parlement,  le  5  mai  1778.  Collationné,  Lutton. 

Signé  :  Dufranc. 

HUISSÏEBS  ET  JUGE-CONSULS  * 

«  Arrêt  du  16  janvier  1781,  qui  fait  défenses  à  tous  huissiers...  de  recevoir 
les  cautions  qui  auront  été  ordonnées  par  les  jugements  des  juge-consuls,  ni 
de  recevoir  les  soumissions  et  engagements  des  cautions.  » 

1.  Pièce  in-4°  de  4  p.  (Paris,  Knapcn,  1777). 

2.  C'est-à-dire  :  juge  et  consuls. 


78  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 

A  peine  d'interdiction  et  de  nullité.  Vise  le  titre  XXVIII  de  l'Ord.  de 

1667  (art.   1,  2,  4).  ■ —  Concerne  spécialement  la  Juridiction  consu- 
laire de  Paris,  au  greffe  de  laquelle  les  cautions  devaient  être  reçues. 

ARTICLES  DE  RÈGLEMENT  ' 

«  Faire  défenses  aux  procureurs  de  la  Cour,  sous  telle  peine  qu'il  appar- 
tiendra, de  présenter  des  requêtes  cl  d'obtenir  des  arrêts  de  défenses  ou  sur- 
séances contre  l'exécution  des  sentences  et  jugements  intervenus  en  matière 
civile  dans  les  cas  ci-après  »  : 

Trois  cas  concernent  les  appels  comme  d'abus,  trente-deux  les  juri- 
dictions ordinaires,  vingt  les  juridictions  extraordinaires  (juge-con- 
suls, eaux,  et  fonds,  amirauté).  Signé  :  Joly  de  Fleury.  Homologué  le 
23  août  1 783.  —  (L'Arrêt  fut  imprimé  et  publié.) 

Un  autre  arrêt  de  règlement  (18  mai  178i)  -  défend  «  aux  procureurs  de  la 
Cour  d'introduire,  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit,  aucuns  référés  sur  les 
oppositions  aux  arrêts  de  défenses  ou  surséances,  et  demande  en  main  levée 
d'icelles,  comme  aussi  sur  les  oppositions  formées  aux  arrêts  sur  requêtes 
qui  ordonnent  l'exécution  des  sentences  el  la  continuation  ». 

FRAIS  DE  JUSTICE 

Arrêt  du  7  mai  1782,  qui  fixe  la  manière  de  procéder  sur  les  appels  in- 
terjetés de  la  liquidation  dos  dépens,  faite  par  les  sentences  rendues  dans 
les  sièges  et.  justices  subalternes  '.  (Ces  appels  donnaient  lieu  à  des  procé- 
dures dont  les  frais  excédaient  ceux  de  la  cause  principale.) 

Le  7  mai  17814,  sur  l'ordre  du  Roi,  le  Parlement  présente  un  Mé- 
moire concernant  la  réduction  des  frais  de  justice.  Il  fait  ressortir  que 
dans  ces  frais  le  lise  a  plus  d^  part  que  les  magistrats.  11  conclut  à  la 
suppression  des  épices  et  des  vacations  comme  d'un  impôt  sur  la 
justice;  il  reconnaît  que  dans  les  saisies  réelles  l'énormité  des  frais  de 
procédure  est  aussi  ruineuse  pour  les  créanciers  que  pour  les  débi- 
teurs. 

LETTRE  DE  CACHET 
du  9  janvier  1789,  sur  lettres  patentes  du  6 

«  De  par  le  Roy  , 

«  Nosamésct  féaux,  nous  vous  envoyons  nos  lettres  patentes  de  ce  jour,  qui 

1.  Arch.  mil.,  X  1b  8979,  23  août  1783. 

2.  Ibid.,  18981. 

:î.  Collection  de  ta  Bib.  nat.,  à  la  date. 
4.  Arch.  nat.,  X  1b  8981,  à  la  date. 


JUSTICE  CIVILE  79 

nomment  des  magistrats  à  l'effet  de  s'occuper  des  moyens  d'abréger  les  lon- 
gueurs et  diminuer  les  frais  des  procédures  civiles  et  criminelles,  et  réunir 
en  un  même  code  les  diverses  loix  pénales  établies  par  les  anciennes  ordon- 
nances. 

«  A  l'enregistrement  desquelles  nous  vous  mandons  et  ordonnons  de  pro- 
céder. Si  n'y  faites  faute.  Car  tel  est  notre  plaisir.  Donné  à  Versailles,  le  6  jan- 
vier 1789. 

«  Signé  :  Louis. 
«  Laurent  de  Villedeuil1.  » 

ARRET  DU  PARLEMENT 

DU    19   FÉVRIER    1782,    PORTANT   RÈGLEMENT   POUR    LA    PRISON 
DE   LTIOTEL   DE   LA   FORCE2 

Vu  par  la  Cour  la  requête  présentée  par  le  Procureur  général  du  Roi, 
contenant  que,  par  la  Déclaration  du  30  août  1780,  registréc  en  la  Cour 
le  5  septembre  audit  an,  portant  établissement  de  nouvelles  prisons,  il  est 
ordonné  que  l'hôtel  de  la  Force  et  ses  dépendances  demeureront  destinés  à 
servir  de  prison  pour  renfermer  spécialement  les  prisonniers  arrêtés  pour 
dettes  civiles;  et  comme  il  paraît  convenable  de  renouveler  pour  cette  prison 
les  dispositions  des  Ordonnances,  et  de  l'arrêt  du  18  juin  1777,  pour  ce  qui 
concerne  les  prisonniers  détenus  pour  dettes  civiles;  a  ces  causes,  requérait 
le  Procureur  général  du  Roi,  à  ce  qu'il  plût  à  la  Cour  ordonner  que  les  articles 
de  Règlements,  joints  à  la  présente  requête  au  nombre  de  29  articles,  seront 
exécutés  pour  la  prison  de  l'hôtel  de  la  Force;  ordonner,  au  surplus,  que  les 
articles  du  litre  XIII  de  l'Ordonnance  du  mois  d'août  1070,  touchant  les  pri- 
sons, greffiers  des  geôles,  geôliers  et  guichetiers,  la  Déclaration  du  mois 
d'août  1780,  regislrée  en  la  Cour  le  19  du  même  mois,  concernant  les  aliments 
des  prisonniers,  et  l'arrêt  du  17  juin  1717,  le  tout  en  ce  qui  concerne  les 
prisonniers  pour  dettes  civiles,  seront  exécutés;  ordonner  que  l'arrêt  qui 
interviendra,  et  les  articles  de  règlements  y  annexés ,  seront  imprimés,  lus 
dans  les  chapelles  de  l'hôtel  de  la  Force,  tous  les  premiers  dimanches  de 
chaque  mois,  en  présence  de  tous  les  prisonniers,  et  affichés  aux  [portes  des 
chapelles,  à  celles  de  la  prison,  dans  le  greffe,  sur  le  préau,  et  dans  les  lieux 
les  plus  apparents  de  la  prison,  et  les  affiches  renouvelées  tous  les  ans,  à  la 
Saint-Martin  et  à  Pâques,  même  plus  souvent,  s'il  est  nécessaire,  à  la  diligence 
du  substitut  du  procureur  général  du  Roi,  qui  aura  été  par  lui  commis  pour 
la  visite  de  ladite  prison.  Faire  défenses  aux  prisonniers,  et  à  toutes  autres 
personnes,  d'enlever  ou  déchirer  lesdites  affiches,  sous  telles  peines  qu'il 

1.  Arch.  liât.,  X  1B  8989,  à  la  date. 

2.  Pièce  in-4°,  12  pages  (Bib.  nat.,  F,  à  la  date).—  Voyez  aussi  VArrêl  du  Par- 
lement, du  1«  février  1785,  «  qui  ordonne  qu'à  partir  du  1er  mars  1785,  les 
créanciers  écrouant  et  recommandant  seront  tenus  de  consigner  entre  les  mains 
des  greffiers  ou  geôliers  des  prisons  de  la  Ville  de  Paris, et  paravance,la  somme 
de  12  livres  10  sols  par  meis,  ponr  la  nourriture  des  prisonniers  qu'ils  feront 
arrêter  ou  recommander,  à  moins  que  les  prisonniers  ne  déclarent  sur  le  registre 
tenu  par  les  greffiers  ou  geôliers,  qu'ils  n'entendent  recevoir  de  leurs  créanciers 
aucuns  deniers  pour  leurs  aliments  ».  (Pièce  de  3  p.  in-4°.) 


80  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 

appartiendra,  et  aux  greffiers,  concierge  et  guichetiers  de  le  souffrir,  aussi 
sous  telles  peines  qu'il  appartiendra. 
Ladite  requête  signée  du  procureur  général  du  Roi. 

Suit  la  teneur  desdits  articles  de  Règlement  : 

Article  premier 

On  dira  tous  les  jours  la  messe  dans  les  chapelles]  de  la  prison,  depuis  la 
Saint-Remi  jusqu'à  Pâques,  à  neuf  heures,  et  la  prière  du  soir  à  quatre  heures; 
et  depuis  Pâques  jusqu'à  la  Saiel-Remi,  la  messe  à  huit  heures,  et  la  prière 
du  soir  à  cinq  heures;  les  prisonniers,  tant  hommes  que  femmes  indistincte- 
ment, et  de  quelque  condition  qu'ils  soient,  seront  tenus  d'y  assister  tous  les 
jours,  à  peine,  contre  ceux  qui  n'iront  point  à  la  messe,  d'être  privés,  pendant 
trois  jours,  de  parler  aux  personnes  qui  les  viendront  visiter,  pour  la  première 
contravention;  et  du  cachot,  pour  la  seconde,  pendant  trois  jours  au  moins,  et 
plus,  en  cas  de  récidive.  Enjoint  au  concierge  de  les  y  faire  assister,  et  d'em- 
pêcher qu'ils  vaguent  ou  se  promènent  pendant  le  service  divin.  Fait  défenses 
audit  concierge  de  laisser  entrer  qui  que  ce  soit,  ni  boissons  quelconques, 
pendant  ce  temps,  à  peine  de  dix  livres  d'amende,  à  laquelle  il  sera  condamné 
par  les  commissaires  de  la  prison,  et  ce,  sur  un  simple  procès-verbal  conte- 
nant la  déclaration  de  deux  témoins  au  moins. 

II 

Les  dimanches  et  fêtes*,  durant  la  messe,  le  sermon  et  les  vêpres,  le  con- 
cierge fera  fermer  toutes  les  chambres;  lui  fait  pareillement  défenses  de  lais- 
ser délivrer  ou  fournir  aucuns  vivres  ou  boissons  aux  prisonniers  avant  la 
messe,  et  durant  tout  le  service  divin  desdi's  jours,  sous  pareille  peine. 

III 

Les  chambres  et  les  dortoirs  seront  ouverts  à  sept  heures  du  matin,  depuis 
la  Toussaint  jusqu'à  Pâques,  et  à  six  heures,  depuis  Pâques  jusqu'à  la  Tous- 
saint; et  les  prisonniers  seront  renfermés  à  six  heures  du  soir,  depuis  la 
Toussaint  jusqu'à  Pâques,  et  à  sept  heures,  depuis  Pâques  jusqu'à  la  Tous- 
saint, à  l'exception  néanmoins  des  prisonniers  payant  le  loyer  de  leurs  chambres, 
lesquels  ne  seront  renfermés  qu'à  sept  heures  du  soir,  depuis  la  Toussaint 
jusqu'à  Pâques,  et  à  huit  heures,  depuis  Pâques  jusqu'à  la  Toussaint;  ce  que 
le  concierge  fera  observer,  sous  pareille  peine  :  après  la  messe,  les  lits  des 
dortoirs  seront  faits,  et  les  lieux  nettoyés  par  les  prisonniers,  ensuite  lesdits 
dortoirs  seront  refermés  jusqu'au  soir,  un  peu  avant  l'heure  de  la  retraite,  à 
l'exception  des  chambres  dont  les  prisonniers  payeront  le  loyer. 

IV 

Lorsqu'un  prisonnier  arrivera  dans  la  prison  entre  les  deux  premiers  gui- 
chets, il  ne  pourra  être  gardé  pendant  plus  de  deux  heures;  fait  défenses  au 
concierge  ou  aux  guichetiers  de  les  y  garder  plus  longtemps,  sous  prétexte  de 
droits  d'entrée,  gîtes  et  geôlages  ou  autrement,  à  peine  de  dix  livres  d'amende. 

V 

Le  concierge  aura  soin  de  mettre  ensemble  les  prisonniers  de  même  espèce, 


JUSTICE  CIVILE  81 

et  d'observer  que  chacun  de  ceux  qui  sont  en  commun,  suivant  son  ancien- 
neté, ait  la  place  la  plus  commode  ;  défenses  audit  concierge  de  laisser  dans 
les  dortoirs  aucun  malade,  ni  de  recevoir  de  l'argent  des  prisonniers  pour  les 
mettre  dans  un  lieu  plutôt  que  dans  un  autre,  le  tout  à  peine  de  restitution 
du  quadruple  et  de  destitution  s'il  y  échet;  et,  après  qu'un  prisonnier  aura 
été  mis  dans  une  des  chambres  ou  dortoirs,  il  sera  tenu  de  la  balayer  et 
tenir  propre,  jusqu'à  ce  qu'il  y  survienne  un  autre  prisonnier. 

VI 

Les  femmes  et  filles  prisonnières  seront  mises  dans  des  lieux  séparés  et 
éloignés  de  ceux  des  hommes  prisonniers  ;  les  uns  et  les  autres  auront  la 
liberté  du  préau  aux  heures  qui  ne  seront  pas  employées  au  service  divin; 
seront  visitées  par  les  guichetiers  les  personnes  suspectes  qui  viendront  voir 
les  prisonniers,  à  l'effet  de  s'assurer  qu'elles  n'apportent  ni  instruments  ni 
armes  nuisibles  à  la  sûreté. 

VII 

Fait  défenses  au  concierge  et  aux  guichetiers, à  peine  de  destitution,  de  lais- 
ser entrer  au  dedans  de  la  prison  des  hommes  aucunes  femmes  ou  filles, 
autres  que  les  mères,  femmes,  filles  ou  sœurs  des  prisonniers;  et,  à  l'égard 
des  autres  femmes  et  filles,  elles  ne  pourront  parler  aux  prisonniers  qu'au 
parloir,  et  en  présence  d'un  guichetier  ;  défenses  pareillement  faites  aux  hommes 
pour  l'entrée  au  dedans  de  la  prison  des  femmes. 

VIII 

Fait  défenses  aux  anciens  prisonniers  d'exiger  ou  de  prendre  aucune  chose 
des  nouveaux  venus,  en  argent,  vivres  ou  autrement,  sous  prétexte  de  bien- 
venue, chandelles,  balai,  et  généralement  sous  quelque  prétexte  que  ce  puisse 
être,  quand  même  il  leur  serait  volontairement  offert,  ni  de  cacher  leurs 
bardes,  ou  de  les  maltraiter,  à  peine  d'être  enfermé[s]  dans  un  cachot  pendant 
quinze  jours,  et  d'être  mis  ensuite  dans  une  autre  chambre  ou  cabinet  moins 
commode  que  celui  où  ils  étaient,  et  même  à  peine  d'être  poursuivis  extraor- 
dinairement  s'il  y  échet. 

IX 

Enjoint  auxdits  anciens  et  autres  prisonniers  de  dénoncer  ceux  de  leur 
chambre  ou  dortoir  qui  auront  juré  le  saint  nom  de  Dieu,  ou  fait  des  exac- 
tions ou  violences,  à  peine  d'être  punis  comme  complices,  et  aux  concierge 
et  guichetiers  de  s'en  enquérir  soigneusement,  et  en  donner  avis  à  l'instant 
au  procureur  général  du  Roi  ou  à  son  substitut,  à  peine  de  destitution. 


Les  guichetiers  conduiront  les  personnes  qui  viendront  faire  des  charités 
dans  les  lieux  de  la  prison  où  elles  désireront  les  distribuer,  ce  qu'elles  pour- 
ront faire  elles-mêmes  sur  le  préau,  ou  dans  la  cour,  en  présence  desdits 
guichetiers. 

XI 

« 

Les  prisonniers  ne  payeront  à  l'avenir  aucun  droit  d'entrée  ni  de  sortie  de 
la  prison. 

6 


82  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 

XII      . 

Ceux  qui  voudront  coucher  dans  les  chambres  particulières  à  un  seul  lit,  à 
deux,  à  trois  et  à  quatre,  avec  cheminée  ou  sans  cheminée,  et  dans  les  cabi- 
nets, en  payeront  le  loyer  à  un  prix  lixc  par  jour,  suivant  la  commodité  des- 
dites chambres  et  cabinets,  au-dessus  de  la  porte  desquels  ledit  prix  sera 
énoncé.  Le  geôlier  recevra  les  sommes  provenant  de  ces  loyers,  et  il  les  dépo- 
sera entre  les  mains  du  greffier,  qui  lui  en  donnera  son  reçu. 

XIII 

Les  prisonniers  seront  libres  de  faire  venir  leur  nourriture  du  dehors,  sauf 
au  geôlier  à  régler  les  heures  des  repas,  et  la  quantité  des  boissons,  confor- 
mément à  la  discipline  de  la  prison. 

XIV 

Les  prisonniers  qui  seront  nourris  du  dehors  seront  pareillement  libres  de 
se  faire  servir  par  les  domestiques  autres  que  les  guichetiers  sous  l'inspection 
du  concierge,  qui  sera  tenu  de  prendre  à  cet  égard  les  mesures  nécessaires 
pour  la  sûreté,  et  conformes  à  la  discipline  de  la  prison.  Ceux  qui  occuperont 
des  chambres  à  feu  se  feront  apporter  du  bois,  qu'ils  achèteront  du  dehors, 
après  en  avoir  prévenu  le  concierge,  et  il  sera  défendu  dans  lesdites  cham- 
bres, et  autres,  d'avoir  de  la  lumière  après  dix  heures  du  soir,  à  peine  contre 
les  prisonniers  d'être  privés  pendant  huit  jours  de  chandelles  ou  autres  lu- 
mières à  la  première  contravention,  cl  d'être  remis  dans  les  dortoirs  à  la 
seconde;  le  concierge  aura  la  faculté  de  faire,  soit  par  lui,  soit  par  les  gui- 
chetiers, à  toutes  heures,  soit  la  nuit,  soit  le  jour,  la  visite  de  toutes  les 
chambres  et  lieux  dépendants  de  la  prison. 

XV 

Fait  défenses  audit  concierge  de  faire  aucune  convention  avec  les  prison- 
niers pour  des  fournitures  quelconques,  de  retenir  à  ceux  qui  auront  obtenu 
leur  élargissement  plus  que  ce  qui  sera  légitimement  dû  pour  le  loyer  des 
chambres,  à  proportion  des  jours  qu'ils  les  auront  occupées,  et  de  prendre  de 
plus  grandes  sommes  que  celles  fixées  pour  le  prix  desdites  chambres,  dont 
le  mois  sera  néanmoins  payé  d'avance,  et  ce  sous  quelque  prétexte  que  ce 
soit,  et  à  peine  de  concussion. 

XVI 

Enjoint  audit  concierge  d'avoir  un  registre  particulier  relié,  coté  et  pa- 
raphé par  les  conseillers-commissaires  de  la  prison,  dans  lequel  il  écrira  de 
sa  main,  sans  y  laisser  aucun  blanc,  Tes  jours  d'entrées  et  sorties  des  pri- 
sonniers, et  tout  ce  qu'il  recevra  chaque  jour  de  chacun,  pour  gîtes  et  geô- 
lages,  dont  il  donnera  sa  quittance  ;  le  tout  à  peine  de  dix  livres  d'amende 
par  chacune  contravention. 

XVII 

Permet  audit  concierge  de  faire  passer  dans  les  dortoirs  communs  les  pri- 
sonniers des  chambres  huit  jours  après  qu'ils  seront  en  demeure  de  payer 
leur  gîte. 

XVIII 

Défenses  faites  aux  guichetiers,  à  peine  de  restitution  du  double  et  d'être 


JUSTICE  CIVILE  83 

privés  pour  toujours  de  leur  emploi,  même  de  punition  corporelle  s'il  y 
échet,  d'exiger,  demander  ou  accepter  aucune  chose,  en  quelque  manière  et 
sous  quelque  prétexte  que  ce  soit,  tant  des  prisonniers,  lorsqu'ils  entrent  en 
la  prison,  que  de  ceux  qui  les  amènent,  écrouent,  recommandent  ou  déchar- 
gent, les  viennent  visiter,  leur  font  des  aumônes,  ou  les  délivrent  par  charité. 

XIX 

Fait  défenses  au  concierge  et  aux  guichetiers  de  la  prison  d'injurier,  baltre 
ou  maltraiter  les  prisonniers,  de  leur  laisser  prendre  du  vin  ou  de  l'eau-de- 
vie  par  excès,  à  peine  de  répondre  en  leur  propre  et  privé  nom,  et  de  leur 
laisser  délivrer  aucune  marchandise  ou  denrée  qu'elle  ne  soit  des  poids,  me- 
sure et  qualité  requises  par  les  ordonnances  de  police. 

XX 

Le  greffier  de  la  prison  se  tiendra  dans  son  greffe,  entre  la  Saint-Rcmi  et 
Pâques,  depuis  sept  heures  du  matin  jusqu'à  midi,  et  depuis  deux  heures  de 
relevée  jusqu'à  cinq;  et  entre  Pâques  et  la  Saint-Picmi,  depuis  six  heures  du 
matin  jusqu'à  midi,  et  depuis  deux  heures  jusqu'à  six  heures  du  soir. 

XXI 

Ledit  greffier  sera  tenu  d'avoir  un  registre  relié,  coté  et  paraphé  par  pre- 
mière et  dernière,  dans  tous  ses  feuillets,  par  les  conseillers-commissaires  de 
la  prison  ;  tous  les  feuillets  dudit  registre  seront  séparés  en  deux  colonnes, 
l'une  pour  les  écrous  et  recommandations,  et  l'autre  pour  les  élargissements 
et  décharges,  et  il  ne  pourra  laisser  aucun  blanc  dans  ledit  registre. 

XXII 

Les  écrous,  recommandations  et  décharges  feront  mention  des  arrêts,  juge- 
ments et  actes  en  vertu  desquels  ils  seront  faits,  et  de  leurs  dates,  de  la  juri- 
diction dont  ils  seront  émanés,  ou  des  notaires  qui  les  auront  reçus;  comme 
aussi  du  nom,  surnom  et  qualité  du  prisonnier,  de  ceux  de  la  partie  qui  fera 
faire  les  écrous  et  recommandations,  et  du  domicile  qui  sera  par  elle  élu,  à 
peine  de  nullité;  et  ne  pourra  être  fait  qu'un  écrou,  encore  qu'il  y  ait  plu- 
sieurs causes  de  l'emprisonnement. 

XXIII 

Les  huissiers  donneront  eux-mêmes,  en  main  propre,  à  ceux  qu'ils  consti- 
tueront prisonniers,  ou  qu'ils  recommanderont,  des  copies,  lisibles  et  en  bonne 
forme,  de  leurs  écrous  et  recommandations;  à  l'effet  de  quoi  lesdits  prison- 
niers seront  amenés  entre  les  deux  guichets,  en  présence  du  greffier,  qui  sera 
tenu  de  mettre  son  certificat  sur  son  registre  à  la  fin  de  chacun  desdits 
écrous  et  recommandations,  à  peine  d'interdiction  contre  les  huissiers,  pour 
la  première  fois,  et  de  privation  de  leurs  charges  pour  la  seconde;  et  contre 
ledit  greffier  de  vingt  livres  d'amende  pour  chacune  contravention,  et  de  tous 
dépens,  dommages  et  intérêts,  même  de  plus  grande  peine  s'il  y  échet. 

XXIV 

Fait  défenses  aux  greffier  et  concierge  de  faire  passer  aucun  prisonnier 
dans  les  chambres  et  dortoirs  de  la  prison,  qu'ils  n'aient  été  premièrement 


84  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 

écroucs  en  la  manière  portée  par  les  deux  articles  précédents,  et  que  la  date 
des  écrous,  le  nom,  qualité  et  demeure  de  l'officier  qui  les  aura  faits,  n'aient 
été  écrits  sur  le  registre  du  greffe,  et  copie  du  tout  laissée  au  prisonnier. 

XXV 

Le  registre  du  greffier  et  celui  du  concierge  contenant  ce  qu'il  a  reçu  des 
prisonniers  pour  gîles  et  geôlages,  seront  par  eux  représentés  lors  de  chacune 
visite  et  séance  qui  sera  faite  dans  les  prisons. 

XXVI 

Fait  défenses  à  tous  huissiers  de  rieti  exiger  de  ceux  qu'ils  conduiront  à  la 
prison,  sous  prétexte  d'avoir  fourni  un  carrosse  à  cet  effet,  à  peine  de  resti- 
tution du  quadruple  de  ce  qu'ils  auront  reçu,  et  de  vingt  livres  d'amende  et 
de  plus  grande  peine  s'il  échet  ;  sauf  à  eux  de  s'en  faire  payer  par  la  partie 
à  la  requête  de  laquelle  l'emprisonnement  aura  été  fait. 

XXVII 

Fait  pareillement  défenses,  sous  les  mêmes  peines,  auxdits  huissiers,  même 
aux  exempts  du  lieutenant  criminel  de  robe  courte  et  autres  officiers  de  jus- 
tice, et  aux  guichetiers,  sous  la  même  peine,  de  rien  exiger  des  prisonniers, 
qu'ils  pourraient  être  dans  le  cas  de  transférer  dans  une  autre  prison,  pour 
l'instruction  de  procès  ou  autre  cause,  sauf  à  se  faire  payer  par  les  parties 
à  la  requête  desquelles  ils  les  transféreront. 

XXVIII 

Lorsqu'un  prisonnier  sera  obligé  de  faire  des  significations  ou  d'obtenir  des 
jugements  ou  arrêts  contre  ses  créanciers,  pour  être  payé  de  ses  aliments,  le 
greffier  ne  recevra  les  créanciers  à  consigner  les  aliments  pour  l'avenir,  qu'en 
consignant  en  même  temps  ceux  qui  n'ont  point  été  payés,  et  en  remboursant 
le  prisonnier  des  frais  desdites  significations  et  jugements  qui  seront  liquidés, 
sans  procédures,  par  les  conseillers  de  la  Cour  commis  pour  la  visite  des 
prisons,  à  peine  contre  ledit  greffier  de  payer  de  ses  deniers  ce  qui  pourra 
être  dû  au  prisonnier,  tant  pour  ses  aliments  que  pour  les  frais  qu'il  aura  faits 
pour  en  être  pavé. 

XXIX 

Les  visites  et  séances  seront  faites  par  les  conseillers  commis  par  la  Cour, 
avec  le  substitut  du  procureur  général  du  Roi,  par  lui  nommé,  avant  les  fêles 
de  Noël,  Pâques  et  Pentecôte,  et  de  saint  Simon  et  saint  Jude,  et,  en  outre, 
avant  la  Notre-Dame  d'août,  sans  préjudice  des  visites  particulières  qui  se- 
ront faites  dans  ladite  prison  par  le  procureur  général  du  Roi,  ou  celui  des 
substituts  qu'il  commettra. 

Signé  :  Joly  de  Fleury. 

Ouï  le  rapport  de  M0  Adrien-Louis  Lefèvre,  conseiller  :  Tout  considéré. 

La  Cour  ordonne  que  les  articles  de  règlement  joints  à  la  requête  du  procu- 
reur général  du  Roi,  au  nombre  de  vingt-neuf  articles,  seront  exécutés  pour 
la  prison  de  l'hôtel  de  la  Force  ;  ordonne,  au  surplus,  que  les  articles  du 
titre  XIII  de  l'ordonnance  du  mois  d'août  1770,  touchant  les  prisons,  greffiers 
des  geôles,  geôliers  et  guichetiers;  la  déclaration  du  mois  d'août  1780,  régis- 


JUSTICE  CIVILE  85 

trée  en  la  Cour  le  19  du  même  mois,  concernant  les  aliments  des  prisonniers, 
et  l'arrêt  du  18  juin  1717;  le  tout,  en  ce  qui  concerne  les  prisonniers  pour 
dettes  civiles,  seront  exécutés  ;  ordonne  que  le  présent  arrêt,  et  les  articles 
de  règlement  y  annexés,  seront  imprimés,  lus  dans  les  chapelles  de  l'hôtel  de 
la  Force,  tous  les  premiers  dimanches  de  chaque  mois,  en  présence  de  tous 
les  prisonniers,  et  affichés  aux  portes  des  chapelles,  à  celles  de  la  prison, 
dans  le  greffe,  sur  le  préau  et  dans  les  lieux  les  plus  apparents  de  la  prison, 
et  les  affiches  renouvelées  tous  les  ans  à  la  Saint-Martin  et  à  Pâques,  même 
plus  souvent  s'il  est  nécessaire,  à  la  diligence  du  substitut  du  procureur 
général  du  Roi  qui  aura  été  par  lui  commis  à  la  visite  de  ladite  prison.  Fait 
défenses  aux  prisonniers,  et  à  toutes  autres  personnes,  d'enlever  ou  déchirer 
lesdites  affiches,  sous  telles  peines  qu'il  appartiendra,  et  aux  greffier,  con- 
cierge et  guichetiers,  de  le  souffrir,  aussi  sous  telles  peines  qu'il  appartiendra. 
Fait  en  Parlement,  le  19  février  1782.  Collationné,  Lutton. 

Signé  :  Dufranc. 


IV 

LE  PARLEMENT 
ET  LA  JUSTICE  CRIMINELLE  A  PARIS 

ESSAI   DE   STATISTIQUE 


C'est  la  Chambre  delà  tournelle  qui  prononce  (sauf  de  rares  excep- 
tions) les  Arrêts  criminels  définitifs  et  exécutoires  relatifs  au  territoire 
de  la  Ville,  prévôté  et  vicomte  de  Paris  ' . 

Il  ne  nous  appartient  pas  d'étudier  ici  la  procédure  criminelle  et  les 
pénalités  de  l'ancien  régime.  Mais  il  importe  à  notre  sujet  de  donner 
une  idée  nette  de  la  criminalité  parisienne,  depuis  le  rétablissement  du 
Parlement  par  Louis  XVI  jusqu'à  la  Révolution.  Le  nombre  et  la  nature 
des  crimes,  les  peines  prononcées,  la  publicité  du  carcan,  du  fouet, 
de  la  marque,  des  exécutions,  sont  autant  d'éléments  indispensables 
pour  apprécier  l'état  moral  et  social  de  Paris  à  la  fin  du  XVIIIe  siècle. 
La  brillante  littérature  des  philosophes  et  des  poètes,  le  raffinement 
des  arts,  l'éclat  de  la  haute  société  noble,  financière  ou  bourgeoise,  ne 
nous  éblouissent  que  trop  sur  cette  époque;  et,  par  un  effet  naturel  de 
contraste,  les  masses  populaires  nous  effrayent  lorsque  tout  à  coup 
elles  font  irruption  sur  cette  scène  si  brillamment  décorée. 

Aussi  est-il  utile  de  rappeler  que  la  honte,  la  souffrance  et  la  mort 
humaines  formaient  comme  le  spectacle  ordinaire  des  Parisiens.  Les 
Arrêts  criminels  étaient  partout  affichés,  criés  et  colportés2;  les  lieux 
d'exécution  étaient  nombreux  et  même  en  quelque  sorte  arbitraires, 
car  il  s'agissait  de  multiplier  les  exemples,  que  prolongeait  la  lenteur 
des  supplices  5.  Quoi  d'étonnant  si  une  telle  éducation  a  rendu  cruelles 
les  foules  qui  la  subissaient? 

1.  La  tournelle  ne  juge  qu'avec  la  grand1  chambre,  et  même  avec  les  pairs, 
certains  personnages  qualifiés. 

2.  Même  ceux  relatifs  au  ressort  du  Parlement,  et  non  point  seulement  au 
territoire  <le  Paris. 

3.  La  question  préparatoire  avait  été  abolie  en  1780  (24  août,  ltég.  5  sept.) 


JUSTICE  CRIMINELLE  87 

Les  237  Arrêts  criminels,  imprimés,  dont  nous  donnons  les  dates  ', 
exigent,  pour  en  bien  interpréter  le  sens  statistique,  quelques  remar- 
ques préliminaires. 

Ils  forment  une  série  régulière  et  ininterrompue  de  1774  jusqu'en 
1787. 

L'exil  du  Parlement  à  Troyes,  en  1787,  et  surtout  sa  suspension  de 
fait  après  le  lit  de  justice  du  8  mai  1788,  expliquent  la  rareté  des 
arrêts  criminels  qui  se  rapportent  à  ces  deux  années.  Bien  que  les 
Grands-Bailliages  n'eussent  pu  fonctionner,  le  garde  des  sceaux  n'en- 
leva pas  moins  à  la  Conciergerie  du  Palais  un  grand  nombre  des 
justiciables  qui  attendaient  du  Parlement  leur  sort  définitif  : 

Il  a  été  enlevé  d'autorité  à  la  Conciergerie  du  Palais  environ  une  trentaine 
de  prisonniers  qui  ont  été  transférés  les  uns  dans  les  prisons  de  Sens,  les 
autres  dans  les  prisons  de  Beauvais,  d'autres  enfin  dans  celles  de  Poitiers, 
pour  être  jugés  souverainement  par  les  Grands-Bailliages  nouvellement  établis 
dans  ces  trois  villes,  en  exécution  des  nouvelles  lois.  Les  sieurs  Fremijn  et 
Lebreton,  greffiers  de  la  tournellc  du  Parlement,  ont  été  contraints  d'ouvrir 
leur  greffe  et  de  remettre  toutes  les  pièces  des  procès  desdits  prisonniers  dont 
il  avait  été  délivré  récépissé  pour  leur  décharge  et  leur  justification  person- 
nelle5. 

Après  avoir  pensé  à  établir  un  Grand-Bailliage  à  Paris  ou  à  Ver- 

après  être  tombée  en  désuétude;  mais  la  question  préalable  à.  l'exécution  dura 
autant  que  l'ancien  régime. 

1.  Bib.  nat.,  collection  en  feuilles  (in-4°)  des  Arrêts  du  l'a  rie  me  ni.  Arrêts  des 
3,  12,  13  déc.  mi,  --  4,  7,  11,  17,  21  janvier,  2(1,  27  mars,  10  avril,  12,  27  juin, 
11  août  (deux  à  cette,  date),  17,  28  août,  1,  13,  14,20,27  sept,  (deux),  4, 27  octobre, 
7,  18,  20,  24  déc.  1775;—  30  janv.,  11  mars,  2,  25  avril,  9,  11,  14,  17  mai,  28  juin, 
23  juil.,  8,  29  août  (deux),  2  sept.,  2,  12,  17,  19  oct.  (deux),  2!)  nov.,  7,  10,  13,  10, 
23  déc.  1776;  —  4,  16,  21,  30  janv.,  19,  28  fév.,  6,  11,  11,  l!l  mars,  5,  7,  12  mai, 
3,  19  juil.,  1,  30  août,  19,  23,  24  sept.,  .ri,  9,  16,  30  déc.  1777;  —  15,  23  janv.,  12, 
14  fév.,  12,  30  mars,  7  avril,  11,  18,  22,  27,  30  mai,  3  juin,  8,  12,  13,  22,  31  août, 
1,  10,  29  sept.,  1,  8,  17,  20  oct.,  5,  15,  22  dée.  1778;  —  9,  19,  211,  21  fév.;  9,  12,  17 
mars,  7,  17  mai,  8  juin,  6,  13,  20  juil.,  13,  20  août,  14,  30  sept.,  5,  8,  li,  2(1,  21  oct. 
(deux),  26  oct.,  27  nov.  (six),  2,  3,  9,  10  dée.  1779;  --  4,  19,  25  janv.,  11  fév.,  4, 
20  mars,  7,  9,  22  juin  (deux),  28,30  juin,  4,  15,  29  juil.,  12,  28,  30  août,  9,  12  sept. 
(trois),  14,  19,  22  sept.,  14  oct.,  1,  7  déc.  (deux),  14,  15,  19,  29  déc.  1780;  —  3,14, 
17  fév.,  13,  24  mars,  18  mai  (deux),  25  mai,  7,  21,  26  juil.  (deux),   27  juil.,    12,  13, 

27  oct.  1781;  —  1,  22  fév.,  6,  9  mars,  30  avril,  6  juil.,  14  août,  4  sept.,  1,  3  oct. 
(deux),  14  déc.  1782;  —  31  janv.,- 8  fév.,  8  mars,  16,  30  mai,  11  août,  6  sept., 
10  oct.  1783;  —  6  fév.,  27  mars,  3  avril,  13  juil.,  3  août,  15  sept.,  4,  5,  27  oct., 
17  déc.  1784;  —  1,  18,  27,  janv.,  11,  16  fév.,  12,  27  avril,  2,  31  août  1785;  — 
17  janv.,  31  luai,  30  juin,  11  août,  5  sept.  1786;—  17  janv.,  5  déc.  1787;  —  25  av. 

28  oct.,  1788;—  17  janv.,  18  fév.  1789.  En  1788  pour  la  première  fois,  note  Hardy 
(nuis.  6687  de  la  Bib.  nat.,  p.  190),  il  n'y  avait  eu  ni  à  Paris  ni  dans  ses  environs 
«  aucun  jugement  quelconque  portant  condamnation  de  mort  ». 

2.  Hardy,  16  juillet  1788,  t.  VIII,  page  19. 


88  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 

sailles,  le  garde  des  sceaux  Lamoignon  sollicita  le  Châtelet  de  juger 
en  cette  qualité,  c'est-à-dire  sans  réserver  l'appel  '.  Mais  le  Châtelet  s'y 
refusa  constamment,  et  ceux  de  ses  membres  ou  anciens  membres  qui 
avaient  accepté  d'abord  de  faire  partie  du  Grand-Bailliage  revinrent 
tous  sur  leur  détermination. 

Cependant,  si  la  justice  chômait,  le  crime  ne  chômait  pas.  A  mesure 
qu'augmente  le  prix  du  pain  2,  en  1788,  les  crimes  et  délits  d'attaques 
à  main  armée,  de  charité  impéralive,  de  vols  simples  ou  avec  effrac- 
tion, se  multiplient.  Les  gens  de  police,  abhorrés  à  cause  de  leur  rôle 
politique,  et  rendus  responsables  des  sanglantes  journées  de  septem- 
bre 1788,  affectent  à  l'égard  des  délits  de  droit  commun  une  certaine 
indifférence.  Les  citoyens  sentent  de  plus  en  plus  vivement  la  néces- 
sité d'organiser  par  eux-mêmes  le  service  de  la  sûreté  urbaine. 

En  dépit  des  constantes  évacuations  de  prisonniers  de  Paris  dans 
les  prisons  de  province,  les  longs  retards  apportés  à  la  reddition  de  la 
justice,  et  les  circonstances  politiques  et  économiques,  remplirent  la 
plupart  des  prisons  de  la  Capitale,  au  point  qu'une  des  tâches  les  plus 
urgentes  de  la  Constituante  fut,  aussitôt  après  le  14  juillet,  de  liquider 
ce  terrible  passé  de  l'ancien  régime,  c'est-à-dire  de  délivrer  les  con- 
damnés ou  prévenus  politiques,  et  de  donner  des  juges  aux  autres  le 
plus  promptcment  possible. 

Cette  époque  troublée  et  anormale  de  1787  à  1789  doit  donc  être 
laissée  en  dehors  de  la  statistique  criminelle  de  Paris  sous  Louis  XVI; 
mais  l'on  peut  essayer  de  donner  le  tableau  synthétique  des  deux 
périodes  quinquennales  :  1er  janvier  1775  au  31  décembre  1780,  et 
1er  janvier  1781  au  31  décembre  1780  3. 


1.  Hardy,  t.  VIII,  p.  21  et  33. 

2.  Le  3  octobre  1788,  quatre  voleurs  de  plomb  sont  surpris  sur  un  toit.  L'un 
(1rs  quatre  déclare  qu'il  est  père  de  famille,  qu'il  est  sans  travail,  et  qu'il  ne  peut 
vivre  et  nourrir  les  siens  que  par  ses  rapines.  Puis  il  se  jette  du  haut  du  toit  et 
se  fracasse  la  tête  sur  le  pavé  «  après  avoir,  dit  le  minutieux  Hardy,  brisé  un 
réverbère  ».  (Hardy,  1.  VIII,  p.  105.) 

3.  11  est  clair  que  certains  arrêts  ont  pu  nous  échapper;  d'autre  part,  il  n'y 
avait  pas  toujours  appel,  soit  du  condamné,  soit  du  procureur  général.  Mais 
c'était,  dans  les  cas  graves,  une  exception  négligeable.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous 
raisonnons  d'après  les  documents  à  nous  connus,  et  nous  ne  donnons  nos  con- 
clusions que  comme  approchantes  de  la  vérité. 


JUSTICE  CRIMINELLE  89 

PREMIÈRE    PÉRIODE,  1"   JANVIER   1775    AU    31    DÉCEMBRE    1780 

Sur  137  arrêts  criminels  rendus,  soit  .par  la  tournelle,  soit  par  la 
grand'chambre  et  la  tournelle  assemblées ,  et  concernant  le  ressort 
de  la  Ville,  prévôté  et  vicomte  de  Paris  ainsi  que  ses  enclaves  judi- 
ciaires, il  y  a  41  arrêts  entraînant  la  mort  par  la  roue,  le  bûcher  ou 
la  pendaison.  Ils  concernent  55  individus,  soit  une  moyenne  de  11  par 
an  pour  une  population  qui  ne  dépassait  certainement  pas  1  million 
d'habitants.  Sur  ce  nombre  il  y  a  53  hommes,  et  2  femmes  seulement. 

Les  juges  du  premier  degré  (Châtelet,etc.)  avaient,  pour  six  des  con- 
damnés, prononcé  un  plus  ample  informé  ou  une  peine  n'entraînant 
pas  la  mort.  Un  seul  individu  condamné  à  la  roue  par  le  Ghâtelet  voit 
son  cas  réservé  par  le  Parlement,  jusqu'après  l'exécution  de  ses  com- 
plices :  il  est  d'ailleurs  condamné  ensuite  à  la  potence. 

Les  crimes  capitaux  se  répartissent  ainsi  : 

Assassinats  prémédités,  violences  graves,  meurtres,  attaques  noc- 
turnes à  main  armée 21 

Viol  de  mineurs 1 

Vols  avec  effraction  ou  fausses  clefs 30 

Vofs  domestiques 3 

Total 55 

Un  de  ces  55  arrêts  porte  de  plus  une  condamnation  aux  galères  à 
perpétuité,  un  autre  une  détention  correctionnelle  à  Bieêtre. 

Sur  les  96  autres  arrêts  : 

18  portent  condamn.  1°  aux  galères  à  perpétuité  de  33  individus 

—  2°  —         à  temps         de  10 

—  3°  au  bannissement  de    1 
51  portent  condamn.  1°  aux  galères  à  temps        de  66 

2°  au  bannissement  de    9        — 

15  portent  condamnation  de  bannissement  de  20 

9  —  au  carcan  de  14        — 

3  —  au  blâme,  à  l'admones- 

tation, à  l'amende,     de    3  ' 

Total  96  portent  condamnation  de 156  individus 


I.  Ces  trois  arrêts  sont  trop  compliqués  et  trop  entachés  de  faveur,  jusque 
dans  la  forme,  pour  être  susceptibles  d'une  analyse  rigoureuse.  C'est  pourquoi  je 
n'ai  compté  que  les  3  principaux  condamnés. 


90  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 


RECAPITULATION 

A  mort.      Galères      A  temps.     Bannissement.     Carcan.    Détention.     Blâme,  etc. 
à  pertuité. 

55  34  76  30  14  1  3 

Total  :  213  condamnés  à  diverses  peines  par  différents  arrêts. 

DEUXIÈME    PÉRIODE,    1er    JANVIER    1781    AU    31    DÉCEMBRE   1786. 

Sur  93  arrêts  criminels,  42  entraînent  la  peine  capitale  pour  53  indi- 
vidus, dont  1  femme  :  la  moyenne  reste  la  même  que  dans  la  période 
précédente.  Le  Parlement  n'a  réduit  aucune  des  peines  prononcées  par 
les  juges  du  premier  degré;  ceux-ci  avaient  prononcé,  dans  un  cas,  le 
plus  ample  informé  à  un  an,  avec  réserve  des  preuves;  dans  deux  cas, 
une  peine  n'entraînant  point  la  mort. 


Les  crimes  capitaux  de  cette  deuxième  période  se  répartissent  ainsi  : 

Assassinats  prémédités    (surtout  par   empoisonnement),   meurtres, 

attaques  nocturnes  à  main  armée ' 16 

Sodomie  et  violences  capables  d'entraîner  la  mort 1 

Vols  avec  effraction 28 

Vols  domestiques 7 

Vols  de  deniers  publics,  avec  abus  de  confiance 1 

Total 53 


Sur  les  51  autres  arrêts  : 

6  portent  condamn.  1°  aux  galères  à  perpétuité  de  8  individus 
—                2°  au  bannissement  perpétuel 

hors  du  royaume,  de  1        — 

37  portent  condamnation  aux  galères  à  temps,     de  42       — 
5             —                        au    bannissement    de  la 

Ville,  etc.  de  6        — 

1  porte  condamnation  au  carcan  de  1 

2  portent  condamnation  au  blâme  et  à  l'amende  de  3        — 

Total  51  portent  condamnation  de 61  individus 


JUSTICE  CRIMINELLE 


91 


RECAPITULATION 


A  mort.        Galères       A  temps.     Bannissement     Bannissement    Carcan.     Blâme, 
à  perpétuité.  du  royaume,    de  la  Ville,  etc.  etc. 


53 


8 


42 


6 


! 


3 


COMPARAISON    DES   DEUX    PERIODES 


Nombre  d'Arrêts  criminel?.   .  . 

De  condamnés 

Dont  :  à  mort 

Aux  galères  à  perpétuité  .... 

—  à  temps 

Au    bannissement   hors    de    la 

Ville,  etc 

Au  carcan 

Au  blâme 

A  la  détention  correctionnelle.  . 
Au      bannissement      hors     du 

royaume 


1775-1780 

1781-1786 

TOTAU 

137 

93 

-230 

213 

114 

327 

55 

53 

108 

34 

8 

42 

70 

42 

118 

30 

6 

36 

14 

1 

15 

3 

3 

0 

1 

0 

1 

0 


CONDAMNATIONS    CAPITALES 


Pour  assassinats,  etc 21 

Viol 1 

Sodomie 0 

Vols  avec  effraction 30 

Vols  domestiques 3 

Vols    de    deniers    publics    par 

abus  de  confiance 0 


10 

37 

0 

1 

1 

1 

28 

58 

7 

10 

108 


Quant  au  nombre  des  exhibitions  ou  exécutions  publiques  dont  les 
emplacements  sont  signalés  dans  les  237  Arrêts,  voici  comme  il  se 
répartit  : 


Place  de  Grève  (dont  2  en 
effigie) 109 

Devant  la  porte  des  prisons 
du  Grand-Chàtelet  ....       16 


Carrefours  et  lieux  accoutu- 
més   15 

Parvis  de  Notre-Dame  ...  9 

Place  Maubert 7 


92 


HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 


6 

Cour  de  la  prison  du  Grand- 

Halles 

5 

Chàtelet 

1 

Devant  la  porte  des  prisons 

Barrière  des  Gobelins.  .   .   . 

1 

de  la  Conciergerie  .... 

4 

1 

A  l'entrée  de  la  foire  Saint- 

Devant  Saint-Eustache  .  .  . 

1 

A 

A  la  Petite-Pologne 

1 

4 

1 

Place  du  Palais-Roval  .  .   . 

3 

Demi-lune  de  la  barrière  du 

En  la  grand'chambre ,  l'au- 

.3 

Trône    

1 

• 

1 

Préau  de  la  Conciergerie  .   . 

3 

Cour  du  Mai  (au  Palais).  .   . 

1 

3 

1 

A  la  porte  de  la  Comédie- 

Place    du    Cimetière  Saint- 

Française 

3 

Jean  

1 

A  la  porte   de  la  Comédie- 

1 

Italienne  

3 

2 

Porte  de  l'hôpital  de  la  Sal- 

\ 

A  la  porte  de  l'Opéra.  .  .   . 

Près   la  porte  Saint-Martin 
Près  la  porte  Saint-Antoine. 

2 

1 

•± 

Préau  de  For-l'Évêque  .  .  . 

1 

Port  Saint-Nicolas 

2 

Porte  de  l'hôpital  Saint-Ger- 

Nouvelle-Halle 

1 

vais 

\ 

Carrefour  Greneta 

1 

Devant  Sainte-Geneviève  .   . 

1 

Chambre  du  Conseil  (du  Par- 

Place  de  Birague 

1 

1 

Place  Saint-Michel 

1 

Extrémité  du  faubourg  Saint- 

Porte  Saint-Honoré 

1 

1 

17  Villages  divers  de  la  pré- 

1 

vôté  et  vicomte  de  Paris. 

20' 

Parc  civil  du  Châtelet    .  .   . 
Carré    de  la    Porte   Saint- 

1 

Total.  .  . 

232  2 

\ 

1.  Quatre  à  Montfort-l'Aïnaury ;  une  dans  chacun  des  villages  de:  Saint-Cloud, 
Fresne-lès-Rungis,  Marly-le-Roi,  Andresy,  Sèvres,  Courbevoic,la  Queue,  Auteuil, 
Sceaux,  Nanterre,  Montmartre,  Viroflay,  Vaugirard,  Bondy,  Belleville,  Neuilly. 

2.  Il  n'y  a  pas  de  rapport  entre  ce  nombre  et  les  précédents,  car  le  même 
condamné  est  souvent  sujet  à  plusieurs  expositions  :  2  arrêts  ne  portent  pas  le 
lieu  d'exécution. 


JUSTICE  CRIMINELLE  93 

EXEMPLE   D'ARRÊT   (  IN   EXTENSO ) 

ARRÊT  DE  LA  COUR  DU  PARLEMENT 

DU    12   DÉCEMBRE   1774  : 

Vu,  par  la  Cour,  le  procès  criminel  fait  par  le  bailli  du  Palais  ou  son  lieute- 
nant général  audit  siège,  à  la  requête  du  substitut  du  procureur  général  du 
Roi  au  même  siège,  demandeur  et  accusateur,  contre  Charles-Mathias  Cellier  et 
Louis-Antoine  Chabert,  défendeurs  et  accusés,  prisonniers  es  prisons  de  la 
conciergerie  du  Palais,  et  appelants  de  la  sentence  contre  eux  rendue  par 
ledit  juge,  sur  ledit  procès,  le  12  décembre  1774,  par  laquelle  ledit  Charles- 
Mathias  Cellier  a  été  déclaré  duement  atteint  et  convaincu  d'avoir  le  2  décembre 
présent  mois,  sur  les  huit  heures  et  demie  du  soir,  assassiné,  de  guet-à-pens 
et  de  dessein  prémédité,  Antoine  Chabert  père,  de  deux  coups  de  couteau, 
dont  il  est  mort  dans  la  nuit;  et  Louis-Antoine  Chabert  fils,  duement  atteint 
et  convaincu  de  complicité  avec  ledit  Cellier;  de  l'avoir  engagé,  pressé  et  sol- 
licité à  différentes  fois  d'assassiner  sondit  père;  d'avoir,  en  dernier  lieu,  con- 
certé avec  lui  le  jour  et  l'heure  de  l'assassinat,  et  la  manière  dont  il  serait 
fait;  d'avoir  lui-même  essayé  la  veille,  en  présence  de  Cellier,  le  couteau  des- 
tiné à  cet  effet,  et  conseillé  audit  Cellier  de  l'aiguiser  et  affiler  pour  plus  de 
sûreté,  afin  de  ne  point  manquer  son  coup;  et  d'avoir,  immédiatement  après 
l'assassinat  commis,  débarrassé  l'assassin  des  mains  de  son  père,  et  procuré 
son  évasion;  en  conséquence,  ledit  Chabert  fils  a  été  déclaré  parricide;  pour 
réparation  de  quoi  lesdits  accusés  ont  été  condamnés,  seavoir  :  ledit  Chabert  fils 
à  faire  amende  honorable,  nud  en  chemise,  la  corde  au  col,  tenant  en  ses  mains 
une  torche  de  cire  ardente  du  poids  de  deux  livres,  au-devant  de  la  principale 
porte  et  entrée  de  l'église  métropolitaine  de  Notre-Dame  de  cette  ville,  où  il 
serait  mené  et  conduit,  par  l'exécuteur  de  la  haute-justice,  dans  un  tombereau, 
ayant  écrileau,  devant  et  derrière,  portant  ces  mots  :  «  Parricide  et  coupable 
de  l 'assassinat  de  son  père  »  ;  et  là,  étant  nue  tête  et  à  genoux,  en  présence 
dudit  Cellier,  dire  et  déclarer  à  haute  et  intelligible  voix  qu'il  a  méchamment 
et  indignement  fait  assassiner  son  père  par  ledit  Cellier,  dont  il  se  repent  et 
demande  pardon  à  Dieu,  au  Roi  et  à  Justice;  ce  fait,  à  avoir  le  poing  coupé 
sur  un  poteau  qui  serait  planté  au-devant  de  ladite  église,  et  à  être  ensuite 
mené,  avec  ledit  Cellier,  dans  le  même  tombereau,  en  la  place  Dauphinc  de 
cette  ville,  pour  y  être  rompu  vif  et  mis  ensuite  sur  une  roue,  la  face  tournée 
vers  le  ciel,  pour  y  demeurer  tant  et  si  long-temps  qu'il  plairait  à  Dieu  lui 
conserver  la  vie,  après  quoi  serait  son  corps  mort  brûlé  à  un  bûcher  préparé 
à'cet  effet  dans  ladite  place,  et  ses  cendres  jetées  au  vent;  et  en  ce  qui  con- 
cernait ledit  Cellier,  il  a  été  condamné  à  avoir  les  bras,  jambes,  cuisses  et  reins 
rompus  vif  sur  un  échafaud  qui,  pour  cet  effet,  serait  dressé  en  ladite  place, 
et  à  être  mis  ensuite  sur  une  roue,  la  face  tournée  vers  le  ciel,  pour  y  demeu- 
rer tant  et  si  longuement  qu'il  plairait  à  Dieu  lui  conserver  la  vie;  les  biens 
desdils  Chabert  et  Cellier,  situés  en  pays  de  confiscation,  ont  été  déclarés 
acquis  et  confisqués  au  Roi,  ou  à  qui  il  appartiendrait,  sur  iceux  ou  autres 

t.  Paris,  P.  G-  Simon,  imprimeur  du  Parlement,  rue  Mignon-Saint- André-des- 
Arcs,  1774  (pièce  in-4<>,  13ib.  nat.,  F,  Paris-Parlement,  à  la  date). 


94  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 

non  sujets  à  confiscation;  préalablement  pris  la  somme  de  deux  cents  livres 
d'amende  envers  le  Roi,  au  cas  que  confiscation  n'ait  lieu;  il  a  été  ordonné 
en  outre  que  la  somme  de  deux  cent  vingt  livres  dont  ledit  Chabert  fils  a  été 
trouvé  saisi  lors  de  sa  capture,  et  qui  a  été  depuis  déposée  au  greffe  dudit 
bailliage,  serait  remise  au  curé  de  la  basse  Sainte-Chapelle,  pour  être  employée 
à  faire  prier  Dieu  pour  le  repos  de  l'âme  dudit  Chabert  père;  à  remettre  ladite 
somme  le  greffier  du  bailliage  contraint,  quoi  faisant  déchargé.  Il  a  été  dit, 
en  outre,  que  ladite  sentence  serait  imprimée,  publiée  et  affichée  partout  où 
besoin  serait.  Ouïs  et  interrogés  en  la  Cour  lesdits  Charles-Mathias  Cellier  et 
Louis-Antoine  Chabert,  sur  leurs  causes  d'appel  et  cas  à  eux  imposés  :  Tout 
considéré. 

La  Cour  dit  qu'il  a  été  bien  jugé  par  le  lieutenant  général  du  bailliage  du 
Palais,  mal  et  sans  griefs  appelé  par  lesdits  Charles-Mathias  Cellier  et  Louis- 
Antoine  Chabert,  et  l'amenderont;  ordonne  que  le  présent  arrêt  sera  imprimé, 
publié  et  affiché  dans  la  ville,  fauxbourgs  et  banlieue  de  Paris,  et  partout  où 
besoin  sera;  et,  pour  le  faire  mettre  à  exécution,  renvoyé  lesdits  Cellier  et 
Chabert  prisonniers  pardevant  le  lieutenant  général  dudit  bailliage  du  Palais. 
Fait  en  Parlement  le  douze  décembre  mil  sept  cent  soixante-quatorze.  Colla- 
tionné  :  Massieu. 

Signé  :  Richard. 


TITRES  D'ARRÊTS 

Arrêt  de  la  Cour  du  Parlement,  qui  condamne  Pierre-Joseph  Lavallée  à  être 
pendu  et  étranglé,  par  l'exécuteur  de  la  haute-justice,  à  une  potence  qui  sera 
plantée  sur  la  place  du  tertre  de  Montmartre,  pour  viol  par  lui  commis  envers 
deux  petites  filles  dénommées  au  procès,  l'une  âgée  de  sept  ans,  et  l'autre  de 
sept  ans  et  demi  ou  environ;  condamne  aussi  Cézard-Jean-Claude  Lavallée  à 
assister  à  l'exécution  dudit  Pierre-Joseph  Lavallée,  son  père,  et  à  être  fouetté 
sous  la  custode  par  le  questionnaire,  dans  la  chambre  de  la  question,  ensuite 
mené  et  conduit  au  château  de  Bicêtre,  pour  y  être  détenu  et  renfermé  pendant 
six  mois,  par  forme  de  correction.  (Du  27  juin  1775.) 

Arrêt  de  la  Cour  du  Parlement,  qui  condamne  [sur  appel  des  susdits  con- 
damnés par  sentence  du  Châtelet,  et  sur  appel  a  minima  du  procureur  géné- 
ral], Jacques  Meirano,  J.-B.  Zegri,  Phil.  Laval  dit  Bonhomme,  et  Jean-Esprit 
Desmarres  dit  Saint-Martin,  à  être  attachés  au  carcan  en  place  de  Grève,  ayant 
chacun  écriteaux,  devant  et  derrière,  portant  ces  mots  :  «  Cocangeur,  escroc 
public  et  frippon  au  jeu  »;  et  aux  galères,  pour  filouteries  et  escroqueries  par 
eux  pratiquées  dans  Paris,  es  environs,  même  en  province,  soit  au  jeu  avec 
des  cartes  préparées,  soit  par  des  tours  d'adresse  et  de  subtilité,  soit  enfin 
par  des  paris  envers  différents  marchands  et  autres  particuliers;  et  Joseph 
Fayeux  dit  Fayolle,  Joseph  Renaud,  Jean-François  Paternotte  et  François 
Bôrard,  à  assister  au  carcan  des  quatre  particuliers  ci-dessus  nommés,  et 
bannis  de  la  ville,  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  pour  avoir  concerté  avec  les 
quatre  particuliers  ci-dessus  nommés,  secondé  et  favorisé  lesdites  escroque- 
ries et  filouteries,  d'y  avoir  même  participé  et  en  avoir  tiré  du  profit.  (Extrait 
des  Reg.  du  Parlement,  du  13  décembre  1774.) 

Arrêt  de  la  Cour  du  Parlement,  qui  condamne  François  Maillard,  manœuvre 


JUSTICE  CRIMINELLE  95 

à  maçon,  à  être  pendu  et  étranglé,  par  l'exécuteur  de  la  haute-justice,  à  une 
potence  qui  sera  dressée  à  cet  effet  dans  la  place  de  Grève,  pour  avoir  volé 
avec  effraction  une  multitude  considérable  de  linge,  bardes  et  autres  effets  de 
différentes  natures  mentionnés  au  procès.  (Du  4  janvier  1775.) 

Arrêt  de  la  Cour  du  Parlement,  qui  condamne  Laurence  Lairle,  domestique, 
et  Etienne  Vaublotacq,  praticien,  à  être  attachés  au  carcan,  à  des  poteaux  qui 
seront  plantés  dans  la  place  de  Grève,  et  y  demeurer  depuis  midi  jusqu'à  deux 
heures,  ayant  chacun  écriteau,  devant  et  derrière,  portant  ces  mots,  sçavoir  : 
ledit  Laurence  Lairle  :  «  Fabricateur  d'un  faux  billet  à  ordre  »,  et  ledit 
Etienne  Vaublotacq  :  «  Complice  de  fabrication  d'un  faux  billet  à  ordre  »  ; 
ensuite  au  fouet,  à  la  marque  et  aux  galères,  sçavoir  :  ledit  Laurence  Lairle, 
pendant  neuf  ans,  et  ledit  Etienne  Vaublotacq,  pendant  trois  ans.  (Du  7  jan- 
vier 1775.) 

Arrêt  de  la  Cour  du  Parlement,  qui  condamne  Jean-Benoist  Manoury,  coëf- 
feur  pour  femme,  à  être  attaché  au  carcan  sur  le  préau  de  la  conciergerie  du 
Palais,  et  y  rester  depuis  midi  jusqu'à  deux  heures,  ayant  écriteau,  devant  et 
derrière,  portant  ces  mots  :  «  Prisonnier  violent  et  frappant  de  son  couteau  », 
ensuite  au  fouet,  à  la  marque  et  aux  galères,  pendant  le  temps  et  espace  de 
neuf  ans.  (Du  H  janvier  1775.)  —  [Le  présent  arrêt  sera  imprimé  et  affiché 
dans  les  prisons  de  la  conciergerie  du  Palais,  dans  celles  des  Grand  et  Petit 
Chatelet,  du  For-1'Evêque,  de  l'abbaye  Saint-Germain,  Saint-Martin,  le  Temple, 
Saint-Eloy,  du  Bureau  de  la  Ville,  de  l'Officialité,  de  la  Barre  du  Chapitre,  et 
partout  où  besoin  sera...] 

Arrêt  de  la  Cour  du  Parlement,  qui  condamne  une  quidane,  connue  sous  le 
nom  de  la  femme  Des  Ormes,  à  être  attachée  au  carcan  à  la  place  Saint-Michel, 
et  au  bannissement  pendant  neuf  ans,  pour  avoir  escroqué  différentes  mar- 
chandises chez  une  lingère.  (Du  2i  janv.  1775.) 

EXÉCUTION   EN    1789 

Le  nommé  Jean-Félix,  etc.1,  rompu  en  place  de  Grève  pour  assassinat 
prémédité  (21  février  1789). 

Vers  l'heure  de  midi,  les  représentations  du  Parlement2  ayant  produit  leur 
effet,  et  en  vertu  de  l'arrêt  du  Parlement  rendu  par  la  chambre  de  tournellc 
criminelle  le  mercredi  précédent,  18  du  présent  mois  de  février,  collationné 
Lutton,  signé  Lecousturier...  confirmatif  de  la  sentence  rendue,  par  le  lieute- 
nant criminel  du  Chatelet  de  Paris,  le  17  du  même  mois,  qui  avait  condamné 
le  nommé  Jean-Félix,  sans  état  (ici,  on  avait  supprimé  les  noms  de  famille, 
insérés  d'abord  dans  la  première  édition  de  l'arrêt),  à  être  rompu  vif  en  place 
de  Grève,  comme  déclaré  dûment  atteint  et  convaincu  «  d'avoir,  le  13  du 
présent  mois,  assassiné,  de  dessein  prémédité  et  dans  l'intention  de  le  voler, 
un  particulier  qu'il  connaissait  depuis  quelque  temps,  et  qui,  à  ce  titre, 
l'avait  reçu  chez  lui  ledit  jour,  en  lui  portant  sur  la  tête  des  coups  d'un 
marteau  qu'il  avait  acheté  le  matin  à  cet  effet,  ainsi  qu'il  était  mentionné  au 

1.  Duperey,  ci-devant  abbé,  neveu  d'Hébert,  prêtre  supérieur  des  Eudistes. 

2.  Contre  le  retard  apporté  à  l'exécution,  et  contre  l'intervention  de  l'Arche- 
vêché. 


96  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 

procès...  »  Ledit  Jean-Félix  est  conduit,  assisté,  suivant  l'usage  ordinaire, 
d'un  docteur  de  la  maison  et  société  de  Sorbonne,  des  prisons  du  Châtelet 
en  place  de  Grève,  où  il  ne  s'était  pas  rendu  une  aussi  grande  multitude  que 
si  c'eût  été  plus  tard,  et  où,  étant  arrivé,  il  demande  à  monter  à  l'Hôtel 
de  Ville.  Bientôt  après,  on  l'en  voit  redescendre,  monter  sur  l'échafaud,  y 
donner  les  signes  les  moins  équivoques  et  les  plus  frappants  du  repentir  de 
son  crime,  se  déshabiller  enfin  lui-même,  et  s'étendre  avec  résignation  sur  la 
croix  qui  devait  servir  d'instrument  à  son  supplice.  11  reçoit  vivant  les  onze 
coups  de  barre,  dont  le  premier,  par  la  maladresse  de  l'exécuteur,  le  frappe  à 
la  tête  de  manière  à  faire  rejaillir  son  sang  au  bas  de  l'échafaud.  Il  est  mis 
ensuite  sur  la  roue,  à  moitié  rompu,  les  deux  cuisses  ayant  été  manquées,  et 
étranglé  à  l'instant  même.  Son  corps  y  demeure  exposé  pendant  l'espace  de 
deux  heures,  au  bout  duquel  temps  il  est  transporté  dans  le  cabinet  de  la 
morgue  du  Châtelet,  destiné  à  mettre  les  cadavres  reconnus,  d'où  l'on  assurait 
qu'il  avait  été  ultérieurement  inhumé  dans  un  cimetière,  son  extrait  mortuaire 
ayant  été  rédigé  dans  toutes  les  formes  sur  la  paroisse  de  Saint-Germain- 
l'Auxerrois...  Le  public,  tout  en  déplorant  le  sort  de  la  famille  de  ce  criminel, 
approuvait  hautement...  qu'il  en  eût  été  fait  un  exemple,  malgré  l'espèce  de 
conjuration  qui  semblait  se  former  aujourd'hui  pour  arrêter  tous  les  coups  du 
glaive  de  la  justice,  lier  les  mains  à  ses  ministres,  et  les  réduire  à  une  inac- 
tion qui  laisserait  à  l'avenir  tout  impuni  '. 


RECIT  D'UN  DE  MESSIEURS 

SUK    LA    JURISPRUDENCE    DE   LA    TOURNELLE 

11)  JUILLET    1779» 

«  Il  s'est  élevé  à  la  tournelle  une  question  d'autant  plus  importante  qu'elle 
se  renouvelle  tous  les  jours  et  qu'elle  intéresse  le  sort  des  citoyens  qui  ont  le 
malheur  d'être  enveloppés  dans  les  liens  d'une  procédure  criminelle.  Jeudi 
dernier  8  de  ce  mois,  MM.  de  la  tournelle  se  sont  trouvés  à  égalité  de  voix 
entre  deux  avis,  celui  de  condamner  un  particulier  accusé  d'un  vol  avec  effrac- 
tion au  fouet,  à  la  marque  et  aux  galères  à  perpétuité,  et  celui  de  prononcer 
contre  cet  accusé  un  plus  amplement  informé  d'un  an,  pendant  lequel  temps 
il  garderait  prison.  M.  le  président  de  tournelle  a  pensé  que  l'arrêt  était  fait 
aux  galères  à  perpétuité  comme  étant  le  plus  doux  des  deux.  Un  de  Messieurs... 
a  réclamé,  et  a  dit  qu  il  regardait  le  plus  amplement  informé  comme  l'avis  le 
plus  doux,  qu'il  était  persuadé  que  ce  serait  celui  que  choisirait  l'accusé  si  on 
l'en  laissait  le  maître,  et  que,  dans  le  cas  d'égalité  de  voix  sur  deux  avis  à  la 
tournelle,  la  loi  ordonnant  que  le  plus  doux  passerait,  il  était  clair  qu'elle  avait 
voulu  favoriser  l'accusé  h  En  conséquence,  celui  de  Messieurs  qui  avait  élevé  ce 

1.  Hardy,  t.  VIII,  à  la  date. 

2.  Arch.  nat.,  X  13  8972. 

3.  L'article  13  du  titre  25  de  l'Ordonnance  du  mois  d'août  1G70  détermine  ainsi 
l'ordre  des  peines  :  Après  la  peine  de  mort  naturelle,  par  divers  supplices:  1°  la 
question,  avec  la  réserve  des  preuves  eu  leur  entier;  2°  les  galères  à  perpétuité 
ou  à  temps;  3°  le  bannissement  perpétuel;  4°  la  question,  sans  réserve  des 
preuves. 


JUSTICE  CRIMINELLE  97 

doulc  a  prié  M. je  président  de  la  lournclle  de  mettre  en  délibération  la  ques- 
tion de  savoir  ce  que  devait  prononcer  la  lournelle  sur  le  sort  de  l'accusé... 
M.  le  président  de  la  tournelle  a  refusé  de  mettre  la  question  en  délibéra- 
tion. » 

Cette  question  n'était  décidée  par  aucune  loi  ou  arrêt;  les  lois  qui 
parlaient  du  plus  ample  informé  le  mettaient  au  rang  des  instruc- 
tions et  non  dans  la  classe  des  peines.  Dans  l'espèce,  c'était  d'autant 
moins  une  peine  que  les  six  voix  l'avaient  prononcé  purement  et 
simplement,  «  sans  retenir  les  indices1  ». 

Les  chambres  assemblées  déclarèrent  qu'il  n'y  avait  pas  à  délibé- 
rer; la  jurisprudence  constante  de  la  tournelle  regardait  en  effet  le 
plus  ample  informé  comme  moins  doux  que  les  galères  à  perpétuité. 

Ne  convenait-il  pas  de  changer  cette  jurisprudence?  Ce  point  fut 
renvoyé  au  lendemain  de  la  Saint-Martin  :  l'ancien  usage  l'emporta. 

LETTRES  D'ABOLITION 

REPRÉSENTATIONS    DU    PARLEMENT 

Une  lettre  de  cachet  du  17  février  178i  avait  envoyé  à  l'enregistre- 
ment parlementaire  des  lettres  royales  d'abolition,  qui  ordonnaient 
l'extinction  du  procès  extraordinaire  intenté  aux  sieurs  Radix  de 
Sainte-Foix  et  Pyron,  pour  banqueroute  frauduleuse. 

Le  Parlement  délibéra,  Je  3  mars,  des  représentations.  Sans  attaquer 
ouvertement  le  droit  de  grâce,  il  demande  du  moins  que  l'ordonnance 
criminelle  d'août  1070  soit  appliquée.  Or,  d'après  cette  ordonnance  et 
(Tiques  une  jurisprudence  constante,  les  lettres  d'abolition  ne  peuvent 
être  adressées  au  Parlement  en  commandement.  Elles  ne  peuvent  être 
utiles  au  bien  de  l'État  :  donc,  ce  n'est  [tus  au  procureur  général  à  en 
requérir  l'enregistrement.  Les  accusés  eux-mêmes  doivent  présenter 
requête  pour  V entérinement  de  lettres  qui  toujours  impliquent  et  con- 
tiennent l'aveu  d'un  crime  ou  d'un  délit2. 

LA  DÉLIVRANCE  DES  PRISONNIERS 

Après  avoir  enregistré  s  la  déclaration  du  Roi  concernant  la  déli- 
vrance des  prisonniers  auxquels  grâce  avait  été  faite  à  l'occasion  de 
la  naissance  du  Dauphin,  le  président  fut  chargé  d'interposer  ses  bons 

1.  Non  manentibus  indiciis. 

2.  Arch.  nat.,  X  1b  8980.  —  Le  roi  n'insista  point  pour  l'enregistrement. 

3.  En  vacations  (De  Lanioignon,  président)  :  le  28  septembre  1182  (X  1b  8078). 

7 


98  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 

offices  auprès  du  Roi,  à  l'effet  que  la  déclaration  registrée,  et  à  la- 
cruelle  était  annexé  le  rôle  des  prisonniers  auxquels  le  Roi  entendait 
faire.grâce,  ne  pût,  en  aucune  manière,  préjudicier  à  la  sûreté  et  à  la 
tranquillité  publiques,  particulièrement  confiées  à  son  Parlement.  Le 
Parlement  ne  s'opposera  jamais  aux  effets  delà  clémence  et  de  la  bonté 
du  Roi  ;  mais  le  public  peut  être  justement  alarmé  de  voir  rentrer  dans 
la  société  plusieurs  sujets  qui  en  avaient  été  exclus  juridiquement;  et 
il  en  est  même  quelques-uns  qui  ont  déjà  été  dans  le  cas  d'être  repris 
par  justice  depuis  les  grâces  accordées  récemment  par  le  Roi  :  il  serait 
du  bien  de  la  justice  que  la  commission  mentionnée  en  la  déclara- 
tion eût  un  terme  fixé,  qu'elle  n'étendît  pas  les  grâces  du  Roi  sur  des 
délits  qui,  par  leur  nature,  n'en  sont  point  susceptibles,  et  que  les  par- 
ticuliers auxquels  il  plaît  au  Roi  de  faire  grâce  des  peines  qu'ils  ont 
méritées  fussent  exclus  pour  toujours  du  séjour  de  la  ville  de  Paris 
et  des  lieux  où  réside  la  famille  royale. 

CRIME  DE  FAUX 

Le  9  février  1781,  le  lieutenant  civil  au  Cbâtelet,  mandé  par  le  Par- 
lement, rend  compte  de  ce  qu'il  a  fait  «  relativement  aux  banqueroutes 
qui  ont  éclaté  dans  la  capitale  depuis  quelque  temps,  telles  que  celles 
de  Roby  et  de  Le  Bœuf  d'Elbret,  notaires;  Bouffé,  banquier,  et  Hau- 
dry,  fermier  général  ».  La  Cour  ordonna,  le  3  avril,  la  continuation 
des  poursuites  criminelles  commencées  au  Cbâtelet. 

Le  30  mars  1781,  après  avoir  enregistré  les  lettres  royales  de  com- 
mutation de  peines  accordées  au  sieur  Dargent,  condamné  à  mort 
comme  faussaire,  le  Parlement  charge  son  premier  président  de  repré- 
senter au  Roi  les  inconvénients  de  semblables  lettres,  et  de  lui  rappeler 
les  lois  de  1531,  1680,  1099,  1710  et  1720,  concernant  les  crimes  de 
faux.  Il  est  d'autant  plus  nécessaire  de  maintenir  la  rigueur  des  ordon- 
nances «  qu'il  est  plus  difficile  aux  ministres  de  la  justice  d'acquérir, 
en  ce  genre  de  crime,  le  degré  de  conviction  contre  les  coupables  ». 

Ces  représentations  furent  faites  le  7  avril  1781  ». 

AFFAIRE  DES  LETTRES  DE  CHANGE  FALSIFIÉES 
ATTRIBUÉE    EN    TREMIÈRE    INSTANCE    AU    PARLEMENT 


«  Ce  jour  %  à  l'issue  de  la  première  audience,  le  procureur  général   du   roi 
est  entré  et  a  dit  qu'ayant  reçu  des  ordres  du  roi  pour  retirer  du  greffe  de  la 

1.  Arch.  nat.,  aux  dates  ci-dessus  dos  minutes  du  Parlement  civil,  X  1b  807.%. 

2.  11  janvier  1781  (X  1b  8986). 


JUSTICE  CRIMINELLE  99 

Cour  les  lettres  patentes  du  23  décembre  dernier  portant  attribution  au  Par- 
lement de  la  connaissance  de  l'affaire  relative  aux  lettres  de  change  falsifiées 
et  altérées1,  —  par  lui  apportées  le  30  décembre  dernier,  —  il  priait  la  Cour 
de  vouloir  bien  lui  faire  remettre  lesdites  lettres  patentes,  et  la  lettre  de  cachet 
du  roi  envoyée  sur  icelles.  » 

Conformément  à  cet  ordre,  les  lettres  patentes  du  23  décembre  fu- 
rent retirées  du  greffe.  C'est  le  Parlement  qui  avait  sollicité  l'attri- 
bution de  cette  affaire  délicate,  d'abord  instruite  par  le  Cbàtelet. 
Mais  les  lettres  patentes  du  23  décembre  lui  parurent  irrégulières 
dans  la  forme  :  la  lettre  de  cachet  d'envoi  ne  portait  pas  d'adresse. 
Les  lettres  étaient  adressées  à  la  grand'chambre  seulement,  et  non  : 
«  A  nos  amés  et  féaux  conseillers,  les  gens  tenant  notre  Cour  de  Par- 
lement à  Paris.  » 

Le  12  janvier,  «  un  de  Messieurs  »  s'étonna  que  le  roi  n'eût  pas 
annoncé  d'autres  lettres  patentes,  en  bonne  et  due  forme,  contenant 
la  même  attribution.  Il  y  avait  lieu  de  croire,  disait-il  en  termes 
adoucis,  que  la  Commission  première  envoyée  au  Cbàtelet  subsistait 
toujours.  Or  ce  tribunal  était  «  sans  aucune  jurisprudence,  sans  au- 
cune pratique,  d'une  des  questions  les  plus  délicates  de  la  matière 
consulaire  ».  Les  parties  ne  peuvent  que  souffrir  de  cette  «  fluctua- 
tion d'attribution,  d'envoi  et  de  reprise  ».  Que  du  moins  l'appel  au 
Parlement  soit  réservé,  si  le  Châtelet  juge  en  première  instance  2. 

COMMISSION 

POUR   LA    REFONTE   DE   L'ORDONNANCE   CRIMINELLE 

Maîtres  Target  (l'un  des  quarante),  Martineau,  Ferey,  Henry,  Homme 
et  Commeyras,  tous  six  avocats  au  Parlement  de  Paris,  avaient  été 
chargés  de  travailler  à  une  refonte  du  Code  criminel.  Aussitôt  après 
les  éclits  du  8  mai,  ils  renvoyèrent  à  Lamoignon,  garde  des  sceaux, 
tout  leur  travail.  A  leur  démission  ils  joignirent  une  lettre  sur  les 
inconvénients  de  la  nouvelle  déclaration  enregistrée  au  lit  de  justice 
concernant  les  jugements  criminels.  Ils  critiquaient  le  renvoi  de  l'exé- 
cution à  un  mois  après  l'arrêt,  comme  ouvrant  à  la  cupidité  des  subal- 
ternes des  ministres  un  moyen  de  vendre  les  grâces  à  ceux  qui  seraient 
en  état  de  les  payer  h 

1.  Acceptées  par  les  sieurs  Tourton  et  Ravel. 

2.  Voyez  séance  du  6  mars  1787. 

3.  Hardy,  t.  VII,  p.  438  (14  mai  1788).  Voyez  (X  1b  8988)  la  déclaration  du  7  fé- 
vrier 1788  :  exception  était  faite  des  cas  d'émeute  et  de  rébellion  pour  lesquels 
l'exécution  immédiate  était  ordonnée. 


100  HAUTE  JUSTICE  DU  PARLEMENT 

Parmi  les  idées  les  plus  justes  de  l'époque,  il  faut  citer  celle  de 
Boucher  d'Argis  de  fournît;  des  défenseurs  gratuits  pour  soutenir  les 
bonnes  causes  jugées  telles  par  l'avis  d'un  conseil  d'avocats,  et  surtout 
«  d'indemniser  ceux  qui  auraient  perdu  la  liberté  par  des  accusations 
mal  fondées  ».  Le  baron  de  Breteuil,  ministre  de  Paris,  autorisa,  pour 
ce  double  objet,  une  souscription  de  bienfaisance,  et  une  société  qui 
devait  s'assembler  au  Chàtelet1. 


APPENDICE 


1°  EXEMPLE 

De  jugement  souverain,  au  criminel,  rendu  en  la  prévôté  de  l'IIôtcl-du-Roi 
et  grande  prévôté  de  France,  prononcé  par  Jean-Honoré  de  Laborde,  écuyer, 
ancien  avocat  au  Parlement,  lieutenant  général  civil,  criminel  et  de  police, 
de  la  prévôté  de  l'Hôtel-du-Roi,  au  Grand  Conseil,  le  2-i  mars  1789. 

Signé  :  Pantin,  commis-greffier. 

11  condamne  le  nommé  Roman  (Alexis),  garçon  pâtissier,  à  être 
pendu  à  une  potence  élevée  à  la  Croix-du-Trahoir,  pour  vol  avec 
effraction  dans  le  palais  des  Tuileries2. 


1.  Lettre  à  Boucher  d'Argis,  9  janvier  1788  (Arch.  uat.,  O1  499,  p.  10). 

■2.  Hardy  raconte  son  exécution  à  la  date  du  2  avril  :  il  montra  en  chemin  du 
courage,  de  la  gaieté,  et  une  parfaite  indifférence  aux  discours  du  docteur  de 
Sorbomie  qui  l'exhortait.  (Hardy,  Mes  Loisirs,  etc.,  t.  VIII,  Bib.  nat.,mns.  6687.) 

La  juridiction  de  la  prévôté  de  l'Hôtel  connaissait  en  première  instance  des 
causes  civiles  qui  lui  étaient  attribuées  par  les  édils,  déclarations  et  règlements 
concernant  ladite  juridiction,  dont  l'appel  se  relevait  au  Grand  Conseil  :  et,  sans 
appel,  de  toutes  causes  criminelles  et  de  police  ;i  la  suite  de  la  Cour.  Les  offi- 
ciers de  la  prévôté  de  l'Hôtel  avaient  aussi  la  manutention  de  la  police  dans  les 
lieux  où  se  trouvait  la  Cour.  Ils  y  faisaient  porter  les  vivres  et  denrées  et  y 
mettaient  le  taux.  Ils  connaissaient  des  malversations  dans  les  logements  mar- 
qués à  la  craie,  et  de  tout  ce  qui  concernait  les  voitures  publiques  de  la  Cour. 
Seuls  ils  avaient  le  droit  d'instrumenter,  chacun  d'après  ses  attributions,  dans 
les  maisons  royales  et  dépendances  ;  les  commis  des  bureaux  des  ministres,  leurs 
secrétaires, les  officiers  de  la  maison  du  roi,  étaient  soumis  à  leur  juridiction  en 
quelque  sorte  domestique.  —  La  prévôté  de  l'Hôtel  comptait  principalement,  en 
1789  :  un  grand  prévôt  (le  marquis  de  Tourzel  en  même  temps  capitaine-colonel 
de  la  compagnie  militaire  de  l'Hôtel);  trois  lieutenants  généraux  de  robe-longue, 
civils,  criminels  et  de  police,  par  commission  du  roi,  siégeant  à  tour  de  rôle, 
d'année  en  année,  à  Paris  ou  à  Versailles;  \\n  greffier  en  chef,  receveur  des 
consignations  et  scelleur  des  sentences;  des  secrétaires,  des  commis,  des  notaires 


JUSTICE  CRIMINELLE  101 

2°  ATTRIBUTION  DE  L'AFFAIRE  RÉVEILLON  AU  CIIATELET 

SÉANCE    Dl     PARLEMENT 

DU    MERCREDI   29    AVRIL    1789    DU    MATIN1 

Avant  l'ouverture  de  la  petite  audience,  M.  le  premier  président 
dit  que  le  procureur  général  du  roi  demandait  à  entrer  en  la  Cour. 

A  l'instant  le  procureur  général  du  roi,  mandé  et  entré,  dit  qu'il 
apporte  à  la  Cour  une  déclaration  du  roi  de  la  veille  portant  attribu- 
tion au  prévôt  de  la  maréchaussée  de  l'Isle-de-France,  de  la  cou- 
naissance  et  jugement  en  dernier  ressort  des  délits  commis  dans  cette 
ville  de  Paris,  hier  et  aujourd'hui;  qu'il  laissait  à  la  Cour  ladite  dé- 
claration, ensemble  les  conclusions  par  lui  prises  par  écrit  sur  ieelle, 
avec  la  lettre  de  cachet  envoyée  sur  ladite  déclaration. 

Le  procureur  général  se  retire. 

Lecture  est  faite  de  ladite  lettre  de  cachet  dont  la  teneur  suit  :  De 
par  le  Roy,  Nos  amés  et  féaux,  etc.; 

La  matière  mise  en  délibération,  il  est,  arrêté  que  ladite  déclaration 
sera  portée  à  la  grand'chambre  assemblée  pour  y  délibérer. 

La  grand'chambre  assemblée  délibère  immédiatement,  et  prend  un 
arrêt,  qui  ordonne  l'enregistrement 

3°  ARRET  CAPITAL  DE  LA  COUR  DES  MONNAIES 

ARRÊT  de  la  Cour  des  Monnaies,  du  3  mai  1787,  qui  condamne  Jean-Pierre 
Rrouillot  :  1°  à  la  question  ordinaire  et  extraordinaire;  2°  à  l'amende  hono- 
rable au-devant  de  la  principale  porte  de  l'hôtel  des  Monnaies,  quai  Conti, 
avec  la  corde  au  col,  et  deux  écritcaux  portant  ces  mots  :  faux-monnayeur ; 
3°  à  être  pendu  place  Conti. 

Il  avait  été  pris  dans  l'enclos  du  Temple,  le  0  décembre  1786,  et  con- 
vaincu d'avoir  fabriqué  des  écus  de  (5  livres  faux.  Un  de  ses  complices, 
condamné  aux  mêmes  peines,  était  mort  à  la  Conciergerie  ;  le  cas  d'un 
troisième  est  réservé  jusqu'après  l'exécution.  —  L'exécution  eut  lieu  le 
13  juillet,  vers  G  heures  du  soir  2. 

et  procureurs  en  litre,  des  médecins  et  chirurgiens  suivant  la  Cour.  —  Quatre 
des  08  gai', les  de  la  compagnie  militaire  étaient  préposés  à  la  police  des  maisons 
royales  à  Paris.  [Alm.  royal  de  1189,  p.  289  ù  293.) 

1.  Arch,  nat.,  X  1b  8990.  —  Au  cours  du  procès,  comme  un  mois  nouveau 
commençait,  la  colonne  changea  (voyez  plus  lias,  au  chapitre  sur  le  Chàtelet). 
Mais  le  garde  des  sceaux  passa  outre  au  règlement,  sur  une  lettre  du  ministre 
de  Paris,  de  Villedeuil  (G  mai  1789).  Arch.  nat.,  <)'  500,  p.  261. 

2.  Hardy,  t.  Vit,  p.  139. 


LA  GRANDE  POLICE 
SES  OBJETS 


LE  PARLEMENT  ET  L'ÉGLISE  DE  PARTS 

Dans  Paris,  le  Parlement  a  la  grande  police,  c'est-à-dire  la  haute 
surveillance  de  l'administration,  qui,  sous  l'ancien  régime,  n'était  pas 
séparée  de  la  justice  '.  Gela  ne  veut  nullement  dire  que  le  Parlement 
ait  une  action  administrative  prépondérante,  car  les  détails  d'exécu- 
tion lui  échappent,  et  son  initiative  est  d'un  caractère  très  vague.  Les 
juridictions  du  second  degré  (Ghàtelet  y  compris  la  police,  Rureaude 
la  Yille,  Bureau  des  finances,  etc.)  ont  recours  à  son  autorité,  afin 
d'obtenir  Y  homologation  de  leurs  ordonnances  ou  règlements  particu- 
liers :  formalité  nécessaire  pour  que  les  actions  civiles  ou  criminelles 
qui  en  résultent  puissent  se  dénouer  au  Parlement.  Si  le  Parlement  est 
d'ordinaire  obligé  d'enregistrer  les  arrêts  du  Conseil  revêtus  de  let- 
tres patentes  que  le  roi  lui  adresse,  en  revanche  il  est  parfaitement 
libre  de  refuser  l'homologation  ou  d'ajouter  certaines  charges,  d'intro- 
duire certaines  modifications  dans  les  dispositions  qui  lui  sont  présen- 
tées :  c'est  ce  qu'il  fait  très  souvent  du  reste.  La  grande  police  con- 
siste surtout  dans  la  critique  des  actes  d'administration  courante  :  à 
ce  point  de  vue,  elle  se  confond  presque  avec  le  droit  de  représenta- 
tions et  de  remontrances.  En  effet,  par  une  fiction  qui  est  devenue  une 
maxime  d'État,  et  que  la  Constitution  de  1790-1791  devait  consacrer, 
la  personne  et  les  actes  du  roi  sont  inattaquables.  «  Ah  !  si  le  roi  sa- 
vait! »  disait  autrefois  le  peuple.  C'est  le  devoir  du  Parlement  de  l'in- 

1.  La  grande  police  n'est  donc  que  la  conséquence  historique  des  appels  en 
Parlement. 


LA  GRANDE  POLICE  103 

former,  comme  s'il  était  étranger  aux  actes  qu'il  signe.  Il  ne  cesse  de 
lui  remontrer  qu'il  est  trompé  par  ses  conseillers,  mal  servi  par  ses 
ministres  :  c'est  là  le  ton  et  la  conclusion  de  tous  ses  discours.  Le  roi 
répond  très  brièvement,  et  ces  réponses  ont  été  préparées  par  les  con- 
seillers et  ministres  eux-mêmes  :  car  les  remontrances  sont  envoyées 
au  roi,  avant  d'être  lues  par-devant  lui.  Bref  le  roi,  personne  sacrée, 
choisie  de  Dieu,  irresponsable  de  ses  actes  à  l'égard  des  hommes,  dé- 
fend ses  ministres  d'un  jour,  qu'il  choisit  et  renvoie  à  son  gré,  contre 
le  Corps  conservateur  des  lois  organiques,  et  des  droits  de  la  Cou- 
ronne. Il  les  défend  en  disant  à  son  tour  :  «  Mon  Parlement  a  été 
trompé  »;  ou  encore  :  «  Mon  Parlement  ne  doit  pas  s'occuper  d'une 
affaire  qui  ne  le  concerne  pas  »  ;  ou  encore  :  «  Je  m'occupe  moi-même 
de  telle  affaire,  et  j'entends  qu'on  no  m'en  parle  plus.  »  Au  fond, 
toutes  les  formules  reviennent  à  l'adage  [:  «  Si  veut  le  roi,  si  veut  la 
la  loi  »  que  Louis  XVI  traduisit  en  balbutiant,  au  lit  de  justice  impro- 
visé de  1787,  par  ces  mots  :  «  C'est  légal  parce  que  je  le  veux.  » 

La  grande  police  du  Parlement  n'était  donc  pas  de  nature  à  défendre 
efficacement  Paris  contre  les  procéclés  de  l'arbitraire.  Mais,  à  défaut 
des  solides  barrières  que  son  origine,  sa  composition,  ses  préjugés  de 
classe  et  de  corps,  ne  lui  permettaient  pas  de  construire,  il  élevait  du 
moins  quelques  légères  et  fragiles  barricades.  Le  texte  de  ses  procès- 
verbaux,  de  ses  représentations,  de  ses  remontrances,  devait  être  tenu 
rigoureusement  secret.  En  réalité,  le  public  en  connaissait  toujours 
l'essentiel  :  il  n*en  constatait  que  trop  l'inutilité.  Calomnié  de  toutes 
façons  dans  des  feuilles  stipendiées  ou  dans  des  brochures  comman- 
dées, le  Parlement  laissa  plusieurs  fois  imprimer  ses  délibérations,  ou, 
du  moins,  fermâtes  yeux  sur  des  indiscrétions  devenues  nécessaires 
pour  son  honneur,  et  trop  souvent  aussi  utiles  à  la  défense  de  ses 
idées  les  plus  arriérées  '. 

Moins  le  Parlement  avait  de  puissance  effective,  plus  il  accumulait 
les  enquêtes  et  multipliait  les  raisonnements.  ^Conservateur  des  prin- 
cipes de  la  monarchie  tempérée,  attaché  à  la  distinction  des  ordres, 
des  classes  et  des  rangs,  il  ne  fit  et  ne  voulut  jamais  rien  faire  en  fa- 
veur de  l'égalité  sociale;  mais,  par  cela  même  qu'il  tenait  aux  privi- 
lèges, il  était  le  défenseur  des  libertés,  sinon  de  la  liberté;  quant  à  la 
fraternité,  il  connaissait  et  exprimait  ce  sentiment  dans  ses  rapports 
avec  les  parlements  de  province;  à  l'égard  des  peuples,  il  en  était 
demeuré  à  la  charité.  Toutefois,  il  renfermait  des  hommes  qui,  comme 


1.  Exemple  :  Remontrances...  contre  les  édits  portant  l'abolition  des  corvées, 
etc.  (Bib.  nat.,  Lb",  n°  204.) 


JOi  LA  GRANDE  POLICE 

citoyens,  comme  écrivains,  comme  orateurs,  ne  partageaient  pas 
les  préjugés  parlementaires.  Il  leur  donnait  l'autorité,  il  en  recevait 
la  vie. 

Les  principaux  objets  de  la  grande  police  sont  :  la  religion  et  les 
mœurs,  l'instruction,  les  Idées,  la  santé  publique,  l'approvisionnement 
de  Paris.  Ils  nous  fournissent  donc  l'occasion  de  passer  en  revue,  dans 
leurs  rapports  ordinaires  avec  le  Parlement,  l'Eglise  de  Paris,  l'Uni- 
versité, la  librairie  et  les  écrivains,  les  administrations  hospitalières  et 
économiques;  telle  sera  la  matière  de  ce  chapitre  et  des  suivants. 

Le  Parlement  est  catholique  comme  le  roi,  comme  l'Etat.  Parmi  ses 
membres  sont  douze  conseillers-clercs  :.  Les  jours  de  séances  impor- 
tantes, après  les  princes  du  sang  et  avant  les  ducs  et  pairs  laïques, 
viennent  siéger  au  Palais  les  six  pairs  ecclésiastiques  :  l'archevêque- 
duc  de  Reims,  les  évêques-ducs  de  Laon  et  de  L'angres,  les  évêques- 
comtes  de  Beauvais,  de  Noyon  et  de  Châlons.  Le  Parlement  regarde 
l'hérésie  comme  un  péril  pour  l'Etat;  obligé  de  céder  au  vœu  public  et 
à  la  force  des  choses,  il  n'enregistre  l'édit  qui  rendait  un  état  civil  aux 
protestants  qu'après  avoir  pris  toutes  les  précautions  et  exprimé  toutes 
les  restrictions  qui  semblaient  intéresser  la  religion  nationale. 

C'est  seulement  en  se  montrant  aussi  catholique  que  le  pape  qu'il 
pouvait,  dans  les  rapports  et  conflits  de  l'Etat  et  de  l'Eglise,  être  plus 
royaliste  que  le  roi.  Si  son  orthodoxie  avait  pu  être  soupçonnée,  il 
n'eût  pas  obtenu  la  dissolution  de  la  Société  de  Jésus.  Cette  défense  i\u 
pouvoir  temporel  (quel  qu'il  soit  d'ailleurs)  contre  les  tentatives  de  la 
puissance  spirituelle  n'empêche  pas  le  Parlement  de  protéger  le  tem- 
porel de  l'Eglise, surtout  des  vieux  ordres  monastiques  français,  contre 
l'avidité  croissante  du  haut  clergé  séculier  et  du  fisc  royal. 

Sa  conduite  repose  sur  un  fondement  légal.  Lorsque  les  statuts  d'un 
ordre,  lorsque  les  droits  ou  les  propriétés  d'une  société  de  religieux 
quelle  qu'elle  suit  ont  été  approuvés,  homologués,  enregistrés  par 
lui,  il  considère  un  tel  titre  comme  inviolable,  et  tout  ce  qui  est 
contraire  comme  attentatoire  à  la  justice  2. 


1.  Le  plus  célèbre  et  le  plus  éloquent  fut  l'abbé  Pucelle  qui  siégea  au  Parle- 
ment de  1084  à  1745.  11  défendit  avec  constance  le  gallicanisme,  et  ne  cessa  d'eu 
appeler  îles  décisions  du  pape  à  un  concile  universel,  relativement  à.  la  bulle 
Unigenitus.  Or,  dit  le  marquis  d'Argenson,  les  jansénistes  étaient  suspects  par- 
er que,  'i  si  l'église  en  concile  universel  est  au-dessus  du  pape  »,  il  faut  conclure 
(pie  c.  la  nation  assemblée  esl  au-drssus  du  roi  ».  {Journal,  VIII,  p.  153.) 

2.  En  matière  de  biens  ecclésiastiques,  le  Parlement  est  pour  le  statu  quo. 
«  Ces  acquisitions  sans  Qn, avail  écril  Montesquieu, paraissenl  aux  peuples  si  dé- 
raisonnables que  celui  qui  voudrait  parler  pour  elles  serait  regardé  comme  un 
imbécile.  »  {Esprit  dès  luis.  XXV,  5.)  Toutefois, l'histoire  tout   entière  démontre 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  105 

Sans  doute  le  Parlement  ne  partage  pas  toutes  les  superstitions  d'o- 
rigine païenne,  ou  simplement  humaine,  que  le  néo-catholicisme  entre- 
lient ou  tolère  parmi  les  ignorants.  Mais  il  y  voit  un  moyen  d'action 
morale,  une  source  corrompue,  il  est  vrai,  mais  puissante,  d'impres- 
sions salutaires  et  consolatrices.  Quand  le  peuple  meurt  de  faim, 
quand  sévissent  les  fléaux  naturels,  épidémie,  sécheresse,  inondation, 
le  Parlement  permet  encore,  non  sans  quelque  circonspection,  que  l'on 
découvre  ou  que  l'on  promène  la  châsse  de  sainte  Geneviève,  avec  ses 
deux  millions  de  pierreries.  Mieux  vaut  une  procession  qu'une  sédi- 
tion :  telle  est  la  politique  du  Parlement  à  l'égard  des  classes  popu- 
laires ;  mais  il  partage  plutôt  qu'il  n'exalte  les  sentiments  religieux. 
11  est  partisan  d'une  religion,  comme  d'une  monarchie,  tempérée.  Ses 
ennemis  l'accusent  d'une  hérésie  qui  est  restée  indéfinissable,  le  jansé- 
nisme '.  11  est  gallican,  mais  pas  de  la  même  façon  que  peuvent  l'être 
les  rois  ou  leurs  ministres.  11  voudrait  pouvoir  être  catholique-ro- 
main-francais  2  :  religion  à  laquelle  la  Constitution  civile  du  clergé 
essaya  vainement  de  faire  prendre  corps. 

Les  documents  eux-ineines  donneront  une  idée  de  l'esprit  du  Par- 
lement en  matière  religieuse,  de  ses  rapports  avec  l'Église  de  Paris, 
et  de  la  juridiction  temporelle  qu'il  exerçait  ou  prétendait  exercer  sur 
le  tdei'gé  tant  régulier  que  séculier  de  cette  ville. 

Ses  actes  les  plus  ordinaires  sont  :  1"  l'enregistrement  t\o.<  délibéra-] 
tions  de  l'Assemblée  générale  du  Clergé  de  France  qui  ont  un  caractère 
politique  ou  financier.  Ces  délibérations  ne  lui  sont  pas  directement 
apportées  :  elles  passent  d'abord  par  le  Conseil.  Le  Parlement  reçoit 
des  lettres  patentes  du  roi  sur  arrêts  conlirmatil's  du  Conseil,  et  ce 
sont  ces  lettres  qu'il  enregistre.  Ainsi,  le  22  août  1780,  il  enregistre 
les  lettres  patentes  du  30  juillet  qui  autorisaient  les  «  délibérations 
de  l'Assemblée  générale  du  Clergé  de  France,  des  12  et  20  juin  1780, 
au  sujet  de  la  somme  de  30  millions  de  livres  de  don  gratuit  accordé 
à  Sa  Majesté  par  ladite  assemblée».  Le  clergé  emprunte  cette  somme; 
et  le  roi  l'aide  à  en  payer  les  intérêts  par  l'Arrêt  du  conseil  du  17  août, 
enregistré  le  22,  qui  aliénait  à  son  profit,  pendant  quatorze  ans,  un  mil- 
lion sur  le  produit  annuel  i\u  bail  des  fermes  5. —  Le  25novembre  1782, 

que  les  corps  politiques  ou  religieux  ne  peuvent  rester  longtemps  stationnaires  : 
il  Tant  qu'ils  s'accroissent  eu  qu'ils  déclinent. 

1.  Voyez  :  Aubertin,  l'Eloquence  politique  et  parlementaire  en  France  avant 
1789,  lit1'  partie,  ch.  m,  p.  248. 

2.  En  1735,  sur  la  dénonciation  du  l\  Boyer,  oratorien,  le  Parlement  avait  ar- 
rêté dos  poursuites  contre  les  trois  sectes  de  l'Agneau  sans  tache,  du  Prophète 
Élie  et  des  Multipliants,  que  l'eu  rattachait  au  jansénisme. 

:{.  Isambert,  nos  1362  et  1384.  Arch.  nat.,  X  IbSDII. 


106  LA  GRANDE  POLICE 

le  Parlement  enregistre  les  lettres  patentes  du  roi  sur  arrêt  du 
conseil  qui  confirment  et  autorisent  les  «délibérations  de  l'Assemblée 
générale  du  Clergé  de  France  des  18  et  28  octobre  1782,  au  sujet  de 
la  somme  de  15  millions  de  don  gratuit  qui  nous  est  offert  par  ladite 
assemblée,  et  de  celle  d'un  million  accordée  en  faveur  des  pauvres 
familles  de  matelots  qui  ont  le  plus  souffert  dans  la  présente  guerre  », 

—  et  VEdlt  de  novembre  1782  concernant  les  secours  annuels  accordés 
au  Clergé  jusqu'en  1802  pour  sa  libération  '. 

2°  L'enregistrement  des  ordonnances,  déclarations,  arrêts  qui  règlent, 
limitent,  modifient  par  échanges,  unions  ou  suppressions,  la  propriété 
ecclésiastique,  soit  régulière, soit  séculière,  tout  en  laissant  au  clergé 
lui-même  le  détail  de  son  administration.  Par  exemple,  le  5  septembre 
1780  est  enregistrée  la  déclaration  du  3  septembre  qui  étendait  aux 
abbayes  et  prieurés  sécularisés  les  dispositions  de  celle  du  30  août 
1780 2.  Notons  toutefois  l'action  directe  que  le  Roi  exerce  contre  la 
propriété  monastique  par  le  moyen  de  la  Commission  dite  des  Ré- 
guliers, dont  le  Parlement  ne  cesse  d'attaquer  les  décisions,  d'in- 
criminer les  intentions  et  de  contester  la  légalité. 

3°  L'enregistrement  des  Lettres  ou  Arrêts  sur  brefs  pontificaux, 
mandements  ou  décrets  ecclésiastiques.  Ainsi,  le  1er  décembre  1786, 
le  Parlement  enregistre  les  lettres  patentes  du  19  novembre  précédent 
«confirmant  le  décret  de  l'Archevêque  de  Paris  qui  supprime  et 
éteint  la  Cure  des  Saints-Innocents  et  réunit  les  habitants  de  cette 
paroisse  à  celle  de  Saint-Jacques-la-Boucherie  3».  Même  procédure 
pour    la    police     des     cimetières  (ouverture,  fermeture,  translation) . 

—  Le  21  février  1789,  pour  la  dernière  fois,  le  Parlement  enregistre 
un  Arrêt  sur  mandement  de  l'Archevêque  de  Paris,  autorisant  l'usage 
des  œufs  pendant  le  Carême  4. 

4°  C'est  en  vertu  de  son  droit  général  de  grande  police  que  le 
Parlement  donne  des  règlements  d'administration  à  certaines  insti- 
tutions mixtes ,  hôpitaux  publics,  fabriques  des  paroisses,  bureaux 
de  charité,  etc.,  ou  qu'il  homologue  les  règlements  qui  lui  sont 
présentés. 

Depuis  IGoG,  le  Parlement  a  la  haute  main  sur  l'hôpital  général 
et   les  maisons  unies  ;  le  premier   président   et   le    procureur  général 


1.  Arch,  nal.,  X  1b  8978.  On  sait  que  le  Parlement  avait  prétendu  aussi  sou- 
mettre à  l'enregistrement,  et  par  conséquent  aux  Représentations  et  Remon- 
trances, les  décisions  des  Etats  généraux. 

2.  Isambert,  n°  1390. 

3.  Arch.  ual.,  X  1b  8985. 

4.  Arch.  nat.,  X  1b  8989. 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  107 

sont,  avec  l'archevêque,  les  chefs-nés  fie  cet,  établissement  :  son  annexe 
purement  temporelle,  lé  Mont-de-piété  (1777),  ne  dépend  que  des  deux 
premiers.  Le  procureur  général  est  le  chef  unique  du  grand  bureau 
des  pauvres  '. 

Sous  le  règne  de  Louis  XVI,  la  plupart  des  paroisses  de  Paris 
et  de  la  banlieue  ont  déjà  depuis  longtemps  leurs  règlements  tem- 
porels soit  de  fabrique,  soit  de  charité.  Cependant  c'est  seulement 
en  1781  que  le  procureur  général  Joly  de  Pleury  prépara  le  «projet 
de  règlement  pour  l'administration  de  la  paroisse  Saint-Roch,à 
Paris  »,  et  qu'il  présenta  requête  à  la  Cour  pour  en  obtenir  l'homolo- 
gation. Le  règlement  comprend  (>.'{  articles.  L'arrêt  d'homologation 
du  31  juillet  1781  est  signé  du  premier  président  d'Aligre  et  du  con- 
seiller-clerc Pommyer 2. 

Les  articles  de  Règlement,  au  nombre  de  52,  proposés  «pour  l'ad- 
ministration des  biens  et  revenus  de  la  fabrique  de  la  paroisse  Saint- 
Jacques-Saint-Christophe  de  la  Villette-lès-Paris,  et  des  revenus  et 
deniers  qui  peuvent  appartenir  aux  pauvres  de  ladite  paroisse», furent 
homologués  le  2  décembre  1788  3. 

Enfin,  c'est  seulement  au  mois  de  juin  1789  que  le.  Parlement 
homologua  le  Règlement  pour  la  fabrique  et  le  bureau  de  charité  de  la 
paroisse  de  Romainville  4. 

1.  Voyez  Almanach  royal  de  L789,  p.  112  et  115.  Sur  34  membres,  Le  bureau 
dos  pauvres  n'a  que  .">  ecclésiastiques.  Il  y  a  (i  conseillers  au  Parlement,  (i  avo- 
cats, 1  conseiller  de  la  Coin-  des  Comptes,  i  procureurs  au  Châtelet,  lti  bour- 
geois désignés  par  1rs  marguilliers.  Pour  l'historique,  je  renvoie  à  Max.  du  Camp, 
ouv.  cité,  chap.  xix,  (t.  IV,  p.  74)  et  xx. 

2.  Arch.  nat.,  X  1b  «976. 

3.  Arch.  nat.,  X  1b  8989  :  pièce  in-i"  de  17  pages.  Eu  voici  2  articles  : 

«  Article  17. —  Défenses  aux  marguilliers  d'employer  les  deniers  de  la  fabrique 
soit  aux  réparations  usufruitières  du  presbytère,  soit  à  l'entretien  du  vicaire  et 
autres  charges  dont  ladite  fabrique  n'est  tenue,  à  peine  de  radiation  dans  Leur 
chapitre  de  dépenses. 

«  Article  40. —  Les  marguilliers  seront  tenus  de  l'aire  faire  ou  de  faire  exacte- 
ment par  eux-mêmes  Les  quêtes  accoutumées  dans  La  paroisse;  le  produit  des- 
dites quêtes,  ensemble  celui  des  offrandes  qui  peuvent  appartenir  à  la  fabrique, 
seront  inscrits  chaque  jour  en  présence  du  curé-  et  des  marguilliers,  sur  un  re- 
gistre destiné  à  cet  effet  et  tenu  par  le  marguillier-comptable,  pour  en  rendre 
compte  à  l'assemblée  du  bureau  ordinaire,  lequel  registre  servira  au  marguil- 
lier-comptable de  pièce  justificative  de  son  compte  concernant  le  revenu  des- 
dites quêtes  et  offrandes,  si  ce  n'est  qu'il  fût  d'usage  dans  la  paroisse,  ou  que 
les  habitants  préférassent  de  mettre  chaque  jour  le  produit  desdites  quêtes  et 
offrandes  dans  un  tronc  à  ce  destiné,  auquel  cas  ledit  tronc  sera  fermé  à  trois 
serrures  et  clefs  différentes,  dont  une  sera  remise  au  curé,  la  seconde  au  mar- 
guillier-comptable, et  la  troisième  entre  les  mains  du  procureur  fiscal,  s'il  ré- 
side en  la  paroisse,  sinon  en  celles  d'un  notable  habitant  choisi  à  cet  effet  dans 
une  assemblée  générale.  » 

4.  X  1b  8990. 


108  LA  GRANDE  POLICE 

D'après  ce?  documents,  et  d'après  beaucoup  d'autres  relatifs  à 
d'autres  paroisses  du  diocèse  de  Paris,  on  est  en  droit  de  conclure 
que  le  Parlement  n'a  jamais  procédé  en  cette  matière  par  voie  de 
réglementation  générale,  exécutoire  dans  tout  son  ressort.  J'ai  ren- 
contré un  Règlement  en  97  articles  «pour  l'administration  des  biens 
et  revenus  des  Fabriques  des  paroisses  situées  dans  l'étendue  du 
diocèse  d'Angers  '»;  il  n'en  existe  point  d'analogue  ni  pour  le  dio- 
c''se,ui  même  pour  l'Eglise  de  Paris.  Voici  un  tableau  des  matières 
ou  dispositions  communes  à  tous  les  règlements  particuliers. 

Faisrique. — Composition  de  l'assemblée  particulière,  ou  bureau 
ordinaire  :  le  curé,  les  deux  marguilliers 2  en  charge,  les  quatre 
marguilliers  sortis  en  dernier  lieu  d'exercice.  — Tenue  du  bureau:  le 
premier  dimanche  de  chaque  mois,  au  banc  de  l'œuvre. 

Assemblée  générale,  composée  :  1°  des  membres  de  l'assemblée 
particulière;  2"  <\e^  anciens  marguilliers  et  syndics  de  la  paroisse, 
et  autres  notables  habitants  majeurs  et  de  sexe  mâle,  payant  au 
moins  G  livres  d'imposition  directe  (taille  ou  capitation)  5.  —  Tenue 
de  l'assemblée  générale,  deux  fois  l'an  :  P  pour  l'élection  du  premier 
marguillier  (comptable)  4;  2°  pour  arrêter  le  compte  du  susdit  à  sa  sortie 
de  charge. 

Le  marguillier  comptable  préside  les  assemblées  de  fabrique. 

Cinq  membres  présents  à  l'assemblée  particulière,  quinze  à  l'assem- 
blée générale,  rendent  les  délibérations  valables. 
i  Les  délibérations  doivent  être  enregistrées. 

Sont  éligibles  comme  marguilliers  les  habitants  honorables,  aisés 
et  instruits.  Les  marguilliers  sont  élus  pour  deux  ans  ;  l'ancien  est 
comptable.  On  remet  au  marguillier-comptable  tous  états  de  recettes 
et  de  dépenses,  notes  de  fournisseurs,  frais  de  culte,  y  compris  ceux 
de  la  cire,  dont  il  est  interdit  au  curé  de  se  charger.  Aux  fonctions 
du  marguillier  se  rapportent  l'état  des  fondations,  les  baux  des  biens 
de  fabrique,  les  réparations  à  la  charge  des  gros  décimateurs  ou 
à  celle  de  la  fabrique,  les  inventaires  annuels,  la  location  ou 
concession  des  bancs,  l'organisation  des  quêtes,  le  service  du  pain 
bénit. 


1.  X  lu  8983  (juillel  1786). 

2.  Eu  latin  :  matricularius. 

'.\.  Les  6  livres  de  capitation  furenl  imposées  aussi  connue  cens  électoral,  pour 
les  élections  aux  États  généraux  de  1789,  aux  membres  des  assemblées  prélimi- 
naires du  tiers  état,  tenues  pour  la  plupart  dans  les  églises  paroissiales. 

'.  Les  repas  d'élection  sont  interdits. 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  109 

L'assemblée  ordinaire  choisit  et  congédie  les  chantres,  hedeaux, 
enfants  de  chœur,  en  un  mot  le  personnel  laïque  du  service 
paroissial. 

«  Vacance  arrivant  de  la  place  de  maître  d'école,  par  mort,  démis- 
sion ou  par  destitution,  sera  l'ait  choix,  dans  une  Assemblée  générale, 
d'une  personne  majeure  de  vingt-cinq  ans,  de  bonne  vie  et  mœurs, 
et  qui  ait  la  capacité  requise  pour  pouvoir  instruire  les  enfants  :  et 
sera  tenu  celui  qui  sera  nommé  de  se  faire  approuver  conformé- 
ment à  ce  qui  est  prescrit  par  l'article  25  de  l'Édit  du  mois  «l'avril 
1695.  » 

—  Sont  rappelés  les  articles  23,  2i  et  25  de  l'ordonnance  d'Orléans, 
38  de  celle  de  Blois,  la  déclaration  du  l(i  décembre  1(>98  :  Interdiction 
des  foires,  marchés,  fêtes  baladoires,  etc.,  les  fêtes  et  dimanches; 
fermeture  des  cabarets  pendant  les  oflices,  etc. 

Bureau  de  charité.  —  Revenus  de  la  Charité;  biens  des  pauvres; 
Trésorier  des  pauvres  nommé  en  assemblée  générale  ;  comptes, 
mandements  de  secours  signés  du  curé  et  d'une  autre  personne, 
choisie  mensuellement;  secours  en  nature  et  fournisseurs  ad  hoc; 
actions  en  justice  concernant  les  biens  des  pauvres,  et  qui  doivent 
être  faites  au  nom  du  Curé  et  des  Marguilliers  ;  titres,  papiers,  ar- 
chives de  la  Charité,  dont  les  liasses  ne  doivent  pas  être  confondues 
avec  celles  de  la  Fabrique. 

On  voit  combien  le  Parlement  s'efforçait  de  limiter  les  pouvoirs 
temporels  des  curés,  et  de  leur  épargner  du  même  coup  presque 
toute  responsabilité  personnelle  dans  l'administration  de  leur  paroisse 
et  dans  la  distribution  de  leurs  aumônes.  En  revanche,  les  llèglements 
insistent  toujours  sur  ce  point,  que  le  spirituel  et  le  service  divin  ap- 
partiennent exclusivement  aux  curés  :  on  les  engage  seulement  à  se 
conformer  aux  usages, comme  par  exemple  à  l'heure  habituelle  des 
oflices,  etc.  Au  plus  fort  des  querelles  relatives  à  la  bulle  Lfnigenitus, 
on  sait  que  le  Parlement  de  Paris  obligea  mainte  fois  les  curés 
constitutionnaires  à  remplir  les  devoirs  de  leur  ministère  au  chevet 
des  malades  jansénistes,  ou  pré-tendus  tels.  Ces  scandales  risibles 
pour  les  philosophes,  très  douloureux  toutefois  pour  la  conscience 
populaire,  n'avaient  pris  fin  que  par  un  accord  péniblement  obtenu 
entre  le  Roi  et  le  pape.  Lorsque  Louis  XVI  appela  de  Chàlons  à  Paris, 
avec  le  titre  d'archevêque,  Alexandre-Eléonore-Léon  Le  Clerc  de  Juigné 
(23  décembre  1781),  il  lui  recommanda  sur  toutes  choses  de  maintenir 
la  paix  dans  son  Église  :  cette  recommandation  ne  fut  pas  longtemps 


410  LA  GRANDE  POLICE 

observée.  Mais  déjà  les  jansénistes  ou  appelants  '  étaient  comme 
perdus  dans  l'immense  armée  des  mécontents  :  et  l'opinion  publique 
ne  se  préoccupa  beaucoup  ni  des  mandements  ultramontains  de  l'Ar- 
chevêque, ni  des  réponses  gallicanes  du  Parlement. 

Il  n'est  pas  vrai  que  le  Parlement  se  soit  opposé  à  rendre  l'état  civil 
aux  protestants.  Comment  de*  magistrats  n'auraient-ils  pas  déploré  les 
procès  scandaleux  ou  insolubles,  qui  tiraient  leur  origine  et  leur  ali- 
ment de  l'incertitude  légale  des  naissances,  des  mariages  et  des  décès? 
En  l'ait,  le  9  février  1787,  «  un  de  Messieurs  »,  Robert  de  Saint-Vincent, 
plaida  éloquemment,  devant  les  chambres  assemblées,  une  cause  dont 
la  justice  paraissait  depuis  longtemps  évidente2.  C'est  à  la  même  épo- 
que que  Rulhière  écrivait  ses  Eclaircissements  historiques,  destinés  à 
justifier  la  demi-tolérance  de  Louis  XVI  sans  trop  nuire  à  la  mémoire 
de  Louis  XIV.  Lorsque  le  projet  préparé  par  Malesherbes  eut  été 
adressé  au  Parlement,  les  observations  de  celui-ci  ne  portèrent 
nullement  sur  le  fond,  mais  sur  quelques  détails.  Le  baptême  étant 
commun  au  protestantisme  et  au  catbolicisme,  les  conseillers-clercs 
insistèrent  pour  que  l'extrait  baptistaire  fut  toujours  regardé  comme 
le  seul  extrait  de  naissance  bon  et  valable.  Le  Parlement  demanda 
aussi  que  les  fonctions  de  judicature  restassent  interdites  aux  dissi- 
dents, que  leur  culte  demeurât  secret  pour  éviter  tout  prosélytisme, 
qu'en  un  mot  il  n'y  eût  pour  la  France  qu'une  foi  reconnue;  toutes 
restrictions  relatives  à  l'avenir,  et  non  à  ce  que  voulait  alors  le  gou- 
vernement ?. 

Le  protestantisme  est  la  libre-pensée  chrétienne,  c'est-à-dire  resser- 
rée dans  les  bornes  du  spiritualisme  et  des  livres  saints,  fidèle  à  des 
traditions  de  parti,  soumise  à  des  pasteurs,  à  un  culte.  La  libre-pensée 
scientifique  et  philosophique,  dans  la  variété  de  ses  conclusions,  de  ses 
négations  et  de  ses  doctrines,  avait  su  braver  la  religion  d'Etat  avec 
plus  de  souplesse  et  de  vigueur.  Qu'étaient  quelques  dissentiments  sur 
le  dogme,  à  côté  du  voltairianisme,  du  déisme,  du  sensualisme,  du 
matérialisme?  Si  les  membres  (incrédules  d'ailleurs  pour  la  plupart) 
du  haut-clergé  de  cette  époque  accueillirent  favorablement  l'édit  de 
1787,  s'ils  y  applaudirent  même,  ce  fut  sans  doute  pour  ne  point 
paraître  ridicules  aux  yeux  d'un  public  édifié  sur  leurs  moeurs  et  sur 
leur  foi  ;  mais  ils  sentirent  aussi  qu'en  présence  de  la  Religion  sociale 
qui  surgissait,  les  haines  entre  chrétiens  devaient  s'apaiser  :  cette  sen- 

\.  A  un  futur  concile  :  comme  les  citoyens  patriotes,  aux  futurs  Etats  géné- 
raux. C'est  le  marquis  d'Argenson  qui  fait  ce  rapprochement. 

2.  X  1b  S!)8ii,  Minute  du  procès-verbal  île  celle  séance. 

3.  X  1b  8988,  18  janv.  1788. 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  111 

sibililé  toute  nouvelle  pour  les  dissidents  persécutés  depuis  plus  d'un 
siècle  venait  surtout  de  l'instinct  de  conservation. 

Paris  (pris  dans  son  ensemble)  avait  toujours  montré  peu  de  goût, 
et  souvent  la  haine  la  plus  féroce,  à  l'endroit  du  protestantisme.  Les 
protestants  avaient  contre  eux  la  dévotion  passionnée  et  imaginative,  et 
l'indifférence  ou  la  négation  scientifiques.  Ils  déplaisaient  surtout  par 
leur  caractère  aristocratique,  dédaigneux  des  pratiques  extérieures, 
des  cérémonies,  de  l'apparat  théâtral.  Chassés  même  des  corporations 
d'arts  et  métiers  (qui  étaient  pour  la  plupart  des  confréries  catho- 
liques) ',  ils  s'étaient  réfugiés,  les  riches  dans  les  professions  cosmopo- 
lites, banque,  grand  commerce,  les  pauvres  dans  les  métiers  demeurés 
libres,  soit  par  leur  nature,  soit  par  privilège  local.  Le  quartier  général 
des  huguenots  était  de  l'autre  coté  de  la  Bastille,  dans  le  faubourg 
Saint-Antoine,  sur  la  route  de  leur  temple  démoli  de  Cbarenton.  Ils  ne 
paraissent  pas  avoir  été  beaucoup  émus  de  la  restitution  de  leur  état 
civil.  N'était-ce  pas,  pensaient  les  plus  défiants,  un  moyen  indirect  de 
les  connaître  et  de  les  recenser?  Avec  de  la  bonne  foi  entre  eux  (et 
leur  position  les  y  obligeait),  ils  pouvaient  résoudre  la  plupart  de  leurs 
discussions  d'intérêt.  Pour  remplacer  les  registres  curiaux,  ils  avaient 
leurs  archives  de  famille,  et  au  besoin  eelles  des  ambassadeurs  de 
Suède,  de  Danemark  et  de  Hollande,  qui  traitaient  en  compatriotes  ceux 
dont  leur  propre  patrie  prétendait  faire  des  parias.  En  somme,  après 
la  haute  fortune  et  les  services  du  ministre  Necker,  ils  pouvaient  espé- 
rer pour  eux,  Français,  la  liberté  de  conscience  et  de  culte  que  le  Roi 
n'avait  jamais  contestée  à  ses  gardes  suisses  :  ils  ne  l'obtinrent  que 
de  l'Assemblée  constituante2. 

PROVISIONS  DE  CARÊME 

Tous  les  ans,  quelque  temps  avant  le  carême,  le  Parlement  se  fait 
rendre  compte  des  provisions  de  Paris  et  de  celles  des  hôpitaux  3  en 
aliments  maigres  autorisés  uniquement  par  les  lois  de  l'Église  et  de 
l'Etat.  Le  lieutenant  général  de  police  au  nom  du  Chàtelet,  le  prévôt 
des  marchands  au  nom  de  la  ville,   présentent  des  rapports  et  des 


1.  C'est  le  Parlement  qui  demanda,  le  1S  janv.  1788,  la  suppression  des  certi- 
ficats  de  catholicité  dans  les  corporations  d'arts  et  métiers  où  l'usage  les  avait 
établis. 

2.  Voyez,  plus  bas,  leurs  inutiles  instances  à  ce  sujet,  auprès  du  lieutenant  gé- 
néral de  police,  de  Crosne,  et  du  ministre  de  Paris,  Laurent  de  Villedeuil. 

3.  Nommément  :  l'Hôtel-Dieu,  l'Hôpital-Général,  les  Invalides,  les  Incurables 
les  Dames  Sainte-Catherine. 


112  LÀ  GRANDE  POLICE 

tableaux  toujours  conformes  du  reste,  et  dont  les  éléments  échappent 
nécessairement  à  la  critique.  C'est  à  cette  occasion  que  tous  les  ans  la 
Ville  supplie  le  Parlement  d'intercéder  pour  elle  auprès  de  l'Arche- 
vêque, afin  (Lavoir  la  permission  de  faire  usage  des  œufs,  «  vu  la 
misère  des  temps  ». 

L'Hôtel-Dieu  avait  pendant  le  carême  le  monopole  de  la  viande,  (pic 
les  particuliers  ne  pouvaient  du  reste  acheter  que  munis  des  autorisa- 
tions ecclésiastiques  '.  L'usage  des  œufs  faisait  tort  à  ce  monopole,  et 
diminuait  les  revenus  considérables  qui  en  résultaient.  Aussi  la  taxe 
de  la  viande  était-elle  alors  augmentée,  par  la  raison  singulière  que 
l'Hôtel-Dieu  n'avait  pas  le  droit  de  vendre  des  œufs. 

Turgot  avait  eu  l'excellente  intention  de  racheter  le  privilège  de 
l'Hôtel-Dieu  moyennant  une  subvention  annuelle2;  mais  le  Trésor 
n'avait  pu  longtemps  faire  honneur  à  l'engagement  de  ce  ministre,  et 
le  privilège  avait  été  rétabli. 

Le  côté  religieux  de  l'approvisionnement  de  Paris  est  le  seul  qui 
nous  occupe  pour  le  moment  :  les  vieux  usages  ne  le  séparaient  point 
du  côté  purement  matériel  et  administratif  :  «  Veiller  à  la  subsistance 
îles  peuples,  c'est  en  quelque  sorte  participera  l'une  des  plus  sublimes 
fondions  dont  le  ciel  charge  les  souverains  en  les  établissant  sur  la 
terre  les  Ministres  visibles  de  sa  Providence  ?.  » 

ARRÊT  de  la  Cour  du  Parlement,  portant  permission  d'exposer  et  vendre 
des  œufs  dans  les  marchés  et  places  publiques  de  celte  ville  et  fauxbourgs  de 
Paris,  pendant  le  Carême  de  cette  année  1776 4. 

Extrait  des  registres  du  Parlement,  du  dix-sept  février  mil  sept  cent  soixante- 
seize. 

Ce  jour,  le  procureur  général  du  roi  est  entré,  et  a  dit  :  Que  depuis  l'arrêté 
du  15  du  présent  mois,  par  lequel  la  Cour  a  jugé  qu'il  y  avait  lieu  de  recourir 
à  l'indulgence  de  l'Église,  pour  obtenir  la  permission  de  faire  usage  des  œufs 
pendant  le  Carême  prochain,  l'Archevêque  de  Paris  a  donné  un  Mandement, 
par  lequel  cette  permission  est  accordée  pendant  le  Carême  prochain,  depuis 
le  Mercredi  des  Cendres  inclusivement  jusqu'au  Vendredi  de  la  Semaine  de  la 
Passion  exclusivement  :  Uue,  pour  mettre  les  Peuples  en  état  de  profiter  de 
cette  dispense,  ii  s'agit  de  rendre  un  arrêt  conforme  à  ce  qui  s'est  pratiqué 
en  pareilles   occasions;  et  qu'à  cet  effet    il  requiert  qu'il  plaise  à  la  Cour, 


1.  Du  curé  de  leur  paroisse,  ou  du  grand  pénitencier  de  la  Métropole,  sur  le 
vu  des  certificats  de  médecins.  (Barbier,  111,  p.  ÏM,  année  1751.) 

i.  Air.  du  Gonseil  du  -1  déc.  177!,  registre  eu  Parlement  le  10  janvier  1775. 
Isanibert,  n°  107. 

:i.  Compte  rendu  du  Prévôt  des  marchands  Caumartin  au  Parlement,  le  il  fé- 
vrier 177.1.  Arch.  nat..  II.  VX.Vi. 

4.  A  Paris,  chez  P. -il.  Simon,  imprimeur  du  Parlement,  rue  Mignon-Saint-An- 
dré-des-Arcs,  1  776  (pièce  in-i",  3  pages). 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  113 

« 

arrêter  et,  ordonner  que  le  Mandement  de  l'Archevêque  de  Paris  sera  exécuté, 
et  que,  conformément  à  icclui,  il  sera  permis  d'exposer  et  vendre  des  œufs 
dans  les  marchés  et  places  publiques  de  celte  ville  et  fauxbourgs  de  Paris,  et 
d'y  en  faire  apporter  des  provinces;  à  cette  fin,  que  l'arrêt  sera  publié  à  son 
de  trompe  en  cette  ville  et  envoyé  dans  les  provinces,  à  la  diligence  du  pro- 
cureur général  du  Roi,  pour  y  être  pareillement  publié,  afin  qu'il  puisse  être 
connu  des  marchands  :  Enjoint  h  ses  substituts  d'y  tenir  la  main. 

Lui  retiré, 

La  matière  mise  en  délibération, 

La  Cour  a  arrêté  et  ordonné  que  le  Mandement  de  l'Archevêque  de  Paris 
sera  exécuté ,  et,  conformément  à  icelui,  permet  d'exposer  et  vendre  des  œufs 
dans  les  marchés  et  places  publiques  de  celte  ville  et  fauxbourgs  de  Paris,  et 
d'y  en  faire  apporter  des  provinces  ;  et,  à  cette  fin,  le  présent  arrêt  sera  pu- 
blié à  son  de  trompe,  dans  cette  ville  de  Paris,  et  envoyé  clans  les  provinces, 
à  la  diligence  du  procureur  général  du  Roi,  pour  y  être  pareillement  publié, 
afin  qu'il  puisse  être  connu  aux  marchands;  enjoint  aux  substituts  du  procu- 
reur général  du  Roi  d'y  tenir  la  main.  Fait  en  Parlement,  le  dix-sept  février 
mil  sept  cent  soixante-seize. 

Signé  :  Dufranc. 


LA  CHASSE  DE  SAINTE  GENEVIÈVE 

L'abbaye  de  Sainte-Geneviève",  dont  l'enclos  s'étendait  autour  de  la 
basilique  mérovingienne  '  des  apôtres  Pierre  et  Paul,  possédait  les 
reliques  de  la  patronne  de  Paris,  renfermées  dans  une  châsse  d'une 
merveilleuse  richesse.  Aux  jours  de  grandes  calamités,  on  la  décou- 
vrait pour  l'exposer  à  la  vénération  du  peuple;  et  lorsque  cette  céré- 
monie n'était  pas  suivie  des  résultats  espérés,  on  la  promenait  dans 
les  rues.  Toutes  les  églises  de  Paris  qui  avaient  des  reliques  de  saints 
se  joignaient  à  la  procession  principale,  ou  faisaient  leurs  processions 
particulières.  Les  abbés  de  Saint-Germain-des-Prés  et  de  Saint-Martin- 
des-Champs  usaient  de  leur  droit  d'aspersion,  dans  Paris.  Il  venait  des 
pèlerins  ou  des  curieux  de  vingt  lieues  à  la  ronde. 

En  1709,  en  1745,  la  châsse  fut  promenée.  En  1710  (29  mai),  1742 
(16,  17  et  25  avril),  elle  fut  seulement  découverte  2,  et  jusqu'en  1789 
les  religieux  de  l'abbaye,  la  Ville  et  les  Cours  souveraines  s'entendi- 
rent pour  éviter  de  nouvelles  processions.  Celles  de  1725  (30  juin  et 
5  juillet)  avaient  été  suivies  (14  juillet)  du  pillage  des  boulangeries  du 
faubourg  Saint-Antoine  par  un  peuple  affamé  et  déçu  dans  ses 
superstitieuses  espérances.  Pendant  tout  l'été,  le  pain  fut  à  8  sous  la 
livre.  —  Du  reste,  quoique  ignorant,  le  Parisien  du  XVIIIe  siècle  n'était 

1.  La  tour  subsiste  seule  en  partie  (lycée  Henri  IV). 
-•  Arch.  nat.,  K,  1004,  pièce  3. 


114  LA  GRANDE  POLICE 

plus  celui  du  moyen  âge.    «  Depuis  deux  mois,  remarque  Barbier,  il 
pleut  presque  nuit  et  jour  avec  une  obstination  incroyable,  et  on  ne 
parle  non  plus  de  la  sainte  que  s'il  n'y  en  avait  pas1.  »  11  est  vrai  qu'à 
cette  époque  (1725)  les  miracles  du  cimetière  Saint-Médard  lui  faisaient 
quelque   tort.   La  Ville  et  le  Parlement  ne  tardèrent  pas  à   donner 
satisfaction  à  Barbier  et  aux  amateurs  de  cérémonies  comme  ce  brave 
bourgeois.  Quinze  ans  après,  il  écrit  :  «  Heureusement  il  n'a  pas  été 
nécessaire  de  faire  la  grande  procession  de  la  châsse  de  sainte  Gene- 
viève 2  »,  qui  cause  tant  d'embarras  à  la  police  de  Paris  :  il  avait  suffi 
d'exposer  les  reliques  pour  mettre  fin  à  un  hiver  rigoureux!...  Il  est 
très  difficile  d'analyser  la  close  de  foi  véritable,  celle  de  badauderie  et 
celle  de  scepticisme  qui  s'amalgamaient  dans  la  plupart  des  cerveaux 
de  cette  époque  '.   Les    documents  qui  suivent  montreront  toutefois 
combien  les  réflexions  ou  les  descriptions  des   Mémoires,  à  ce  sujet, 
étaient  en  avance  sur  les  actes  officiels,  dont  le  ton  serait  profondé- 
ment religieux,  s'il  n'était  pas  quelque  peu  hypocrite.  Les  gens  éclairés 
s'excusaient  déjà  en  disant  qu'il  faut  de  la  religion  pour  le  peuple. 
Mais  les  politiques  ne  manient  pas  à  leur  gré  le  sentiment  religieux  : 
jamais   sainte  Geneviève  ne  fut  bénie  comme   après   la  prise  de  la 
Bastille  4. 


AHRÊT  de  la  Cour  de  Parlement,  qui  ordonne  que  la  châsse  de  sainte  Gene- 
viève sera  descendue  et  portée  en  procession  solemnelle.  — ■  Du  27  juin  1725. 
(Extrait  des  registres  du  Parlements.) 

Ce  jour,  les  Grand'  Chambre  et  Tournelle  assemblées,  les  gens  du  roi  sont 
entrés,  et  maître  Pierre  Gilbert  de  Voisins  portant  la  parole,  ils  ont  dit  à  la 
Cour,  que  les  échevins  et  autres  officiers  de  la  ville  étaient  au  parquet  des 
huissiers  et  demandaient  à  parler  à  la  Cour  ;  et,  ayant  été  mandés,  l'an- 
cien des  échevins  portant  la  parole,  ils  ont  dit,  que  les  ordres  qu'il  a  .plu  à  la 
Cour  de  donner  pour  la  découverte  de  la  châsse  de  sainte  Geneviève  ont  été 
suivis  de  tout  le  zèle  qu'on  pouvait  attendre  de  la  dévotion  des  peuples,  et 
de  l'ancienne  confiance  qu'ils  ont  en  la  protection  de  leur  grande  patronne; 
mais  que  leur  piété  semble  n'être  pas  encore  satisfaite;  qu'ils  marquent  tous 


1.  Barbier,  t.  I,  219  à  222.  ' 

2.  Id.,  I.  II,  p.  256. 

:{.  Sans  sortir  du  premier  volume  du  Journal  de  Barbier,  voyez  aux  pages  230, 
249,  257,  287,  307,  314,  352,  393,  412,  464,  470.  La  préoccupation  superstitieuse 
est  constante.  Cela  expliqué  les  violences  et  les  sarcasmes  nécessaires  des  philo- 
sophes. 

4.  Le  3  janvier  1789,  la  Ville,  suivant  la  tradition,  avait  assisté  encore  ù  la 
messe  de  sainte  Geneviève,  et  reçu  les  boîtes  de  pain  bénit.  (Arch.  nat.,  K  1005, 
pièce '106.) 

ri.  Arch.  nal.,  K.  1003.  A  Paris,  chez  Pierre  Simon,  imprimeur  du  Parlement, 
rue  de  la  Harpe,  MDCCXXV. 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  113 

unanimement  qu'ils  souhaitent  avec  ardeur  l'honorer  par  une  cérémonie  plus 
auguste,  et  faire  leurs  vœux  comme  désirait  le  Roy-prophète,  en  présence  de 
tout  le  peuple  au  milieu  de  Jérusalem;  que,  persuadés  que  le  Père  des  misé- 
ricordes veut  être  glorifié  dans  la  personne  de  ses  saints,  et  fléchi  par  leur 
intercession,  ils  espèrent  trouver,  par  le  secours  de  cette  sainte,  une  ressource 
à  tous  leurs  malheurs  ;  qu'ils  croiraient  manquer  au  plus  essentiel  de   leurs 
devoirs  s'ils  ne  concouraient  à  ces  sentiments  qu'il  plaît  à  Dieu  de  leur  in- 
spirer; que  c'est  dans  cette  vue   qu'ils  supplient  très  humblement  la  Cour 
d'ordonner  que  la  procession  sera  faite  en  la  manière  accoutumée  :  Sur  quoi 
les  gens  du  roi,  maître  Pierre-Gilbert  de  Voisins  portant  la  parole,  ont  dit  : 
que  de  trop  justes  raisons  excitent  le  désir  des  citoyens  de  cette  grande  ville, 
pour  qu'on  puisse  différer  plus  longtemps  de  les  satisfaire;  que  la  Cour  a  déjà 
donné  d'elle-même  des  marques  de  son  attenlion  pour  l'avantage  public,  en 
ordonnant  que  la  châsse  de  sainte  Geneviève  serait  découverte,  et  qu'elle  n'a 
fait  en  cela  que  se  conformer  aux  intentions  du  roi,  dont  la  bonté  paternelle 
s'intéresse  pour  ses  peuples;  qu'il   faut  redoubler  ses  efforts  et  ses  prières, 
pour  déterminer  la  clémence  de  Dieu  en  notre  faveur  et  concevoir  d'beureuses 
espérances  du  concours  des  vœux  de  l'Église  et  de  ceux  du  prince,  des  ma- 
gistrats et  du  peuple  réunis  ensemble  ;  que  la   procession  générale,  pratiquée 
avec  succès  depuis  tant  de  siècles,  est  un  acte  de  religion  solennel,  en  quel- 
que sorte  réservé  pour  de  semblables  occasions;  qu'ainsi  ils  croient  devoir 
requérir  qu'il  plaise  à  la  Cour  ordonner  que  la  chasse  de  sainte  Geneviève 
sera  descendue  et  portée  en  procession,  où  la  Cour  assistera  en  robes  rouges 
en   la  manière   accoutumée;   qu'il  en  sera  donné  avis  à  Monsieur  l'Arche- 
vêque de  Paris,  pour  ensuite  être  pris  jour  pour  la  procession;  qu'il  en  sera 
pareillement  donné  avis  aux  compagnies  souveraines,  et  à  l'abbé  de  Sainte- 
Geneviève,  le  tout  en  la  manière  accoutumée  ;  et  que  le  lieutenant  civil  et  leur 
substitut  au  Chàtelet  seront  mandés  pour  leur  enjoindre  de  veiller  à  la  garde 
de  la  chasse,  et  de  s'en  charger  envers  les  religieux  de  Sainte-Geneviève,  ainsi 
qu'il  se  pratique  en  ces  occasions.  Eux  retirés1,  ainsi  que  les  échevins  et  au- 
tres officiers  de  la  ville,  la  matière  mise  en  délibération  :  La  Cour  a  arrêté  et 
ordonné...  Suit  le  dispositif  de  l'arrêté. 

L'arrêté  est  ensuite  communiqué  aux  gens  du  roi  et  au  bureau  de 
la  ville,  et  porté  aux  enquêtes  et  aux  requêtes  du  Palais. 

Le  même  jour  (27  juin),  mandement  de  l'archevêque  de  Paris 
(Louis-Antoine  de  Noailles,  cardinal).  Déjà  des  prières  de  quarante 
heures  avaient  été  ordonnées,  L'archevêque  règle  les  jours  et  heures 
des  processions  particulières  '  qui  doivent  avoir  lieu  les  samedi,  di- 
manche, lundi,  mardi  et  mercredi  avant  la  procession  générale  fixée 
au  jeudi  o  juillet  : 

Nous  ordonnons  que  le  jeudi,  cinquième  du  mois  de  juillet,  tous  les  cha- 
pitres et  couvents  de  cette  ville,  qui'dc  droit  ou  de  coutume  sont  mandés 

1.  Au  nombre  de  44. 


H6  LA  GRANDE  POLICE 

aux  processions  générales,  se  rendront  à  six  heures  précises  du  malin  dans 
notre  église,  où  ils  apporteront  processionncllemcnt  avec  respect  et  piété  les 
châsses  et  les  reliques  qui  sont  conservées  dans  leurs  églises,  pour  faire  en- 
suite, conjointement  avec  nous,  la  procession  à  l'église  Sainte-Geneviève  du 
Mont,  et  de  là  revenir  à  la  nôtre,  où  les  châsses  de  saint  Marcel  et  de  sainte 
Geneviève  seront  portées  avec  les  cérémonies  accoutumées  r. 


DELIBERATION  DU  BUREAU  DE  LA  VILLE 
m-  25  mai  Î740 

Monsieur  le  Prévôt  des  marchands  ayant  représenté  au  bureau  que  depuis  le 
samedi  21  du  présent  mois  que  la  châsse  de  sainte  Geneviève  avait  été  décou- 
verte, le  temps  avait  absolument  changé,  et  qu'il  faisait  beaucoup  plus  chaud, 
et  que,  quoique  ce  ne  fût  pas  l'usage  de  retourner  à  Sainte-Geneviève  pour 
lui  rendre  des  actions  de  grâces,  il  estimait  que,  comme  sa  protection  s'était 
manifestée  si  ouvertement,  le  bureau  devait  y  retourner  lui  en  rendre  des 
actions  de  grâces,  en  y  entendant  la  messe  et  vêpres,  et  le  Te  Deum  :  le  bureau 
goûta  infiniment  la  pensée  de  Monsieur  le  Prévôt  des  marchands,  ce  qui  fit 
que  Monsieur  le  Prévôt  des  marchands  écrivit  à  M.  le  cardinal  de  Fleury  ses 
idées,  lesquelles  Monsieur  le  cardinal  approuva  beaucoup,  en  ajoutant  que 
l'on  ne  pouvait  trop  remercier  sainte  Geneviève  d'une  protection  si  mani- 
feste 2. 

Entre  messe  et  vêpres,  Messieurs  de  la  Ville  dînent  au  réfectoire 
de  Sainte-Geneviève.  —  Le  tout  dure  de  8  heures  du  matin  à  5  heu- 
res du  soir  (dimanche  29  mai)  ?. 

LE  PASTORAL  DE  1786 

RÉCIT    D'UN    HE    MESSIEURS    A    LA   SÉANCE   PLÉNIÈRE   DU    19   DÉCEMBRE    1786  + 

Monsieur,  dès  avant  la  fin  du  Parlement,  au  mois  de  septembre  dernier, 
j'ai  pris  la  liberté  de  faire  observer  à  la  Compagnie  que    Monsieur  l'Arche- 


1 .  La  Vierge  et  saint  Denys  sont  aussi  regardés  comme  les  patrons  de  la 
ville.  Voyez  la  pièce  intitulée  :  ((Ordre  des  cérémonies  etprières  qui  s'observent 
avant  la  dessente  {sic)  de  la  châsse  de  sainte  Geneviève,  et  après  la  descente 
d'ycelle  »  (Paris,  P.  Morisset,  1725). 

2.  Arch.  nat.,  K  1004.  Dans  le  même  carton,  voyez  le  don  d'un  riche  lampa- 
daire, de  20, SCI  liv.  13  sous  9  den.,  l'ait  par  la  Ville  à  l'église  Sainte-Geneviève; 
dans  le  carton  K  1005  (pièces  1  et  2),  le  cérémonial  (non  enregistré)  de  la  béné- 
diction  des  quatre  cloches  de  L'abbaye  royale  de  Sainte-Geneviève  (27  nov.  1732). 

3.  o  Les  Cours  ni  la  Ville  ne  reconduisent  point  la  châsse  de  la  sainte;  il  n'y 
a  que  le  Châtelet  qui  raccompagne  à  Sainte-Geneviève,  où  il  dîne.  »  (Barbier,  1. 1, 
p.  223,  année  1725.) 

4.  Arch.  nat.,  X  1b  8985. 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  417 

vêque  de  Paris  venait,  par  une  affectation  singulière,  de  choisir  les  derniers 
jours  des  séances  du  Parlement  pour  faire  afficher  dans  les  rues  de  Paris  la 
distribution  d'un  nouveau  Pastoral  dont  la  Compagnie  n'avait  aucune  con- 
naissance. Je  n'ai  fait  cette  remarque  publiquement,  et  à  l'Assemblée  des 
Chambres,  que  pour  réveiller  l'attention  de  la  Compagnie  sur  les  ohjets  qui 
intéressent  l'ordre  et  la  police  publique,  dans  les  matières  qui  sont  l'objet  d'un 
pareil  ouvrage.  Les  prélats  qui  désirent  que  l'autorité  du  roi  appuie  les  efforts 
de  leur  ministère,  ont  soin  de  mettre  sous  les  yeux  du  ministère  public  et  de 
la  Cour  le  résultat  de  leurs  travaux  dans  l'enseignement  public  pour  tout  ce 
qui  concerne  la  discipline  ecclésiastique  :  et  ce  concours  de  l'autorité  du  Par- 
lement avec  le  zèle  des  pasteurs  donne  une  plus  grande  stabilité  aux  fruits  de 
la  vigilance  épiscopale.  La  Compagnie,  animée  sans  doute  d'une  trop  grande 
confiance,  n'a  pas  cru  devoir  concevoir  aucun  soupçon  contre  un  prélat  qui 
s'est  annoncé  dans  le  Diocèse  comme  venant  apaiser  tous  les  troubles  que  le 
zèle  trop  amer  de  son  prédécesseur  avait  allumés. 

Choisi  par  un  prince  ami  de  la  paix,  M.  de  Juigné  avait  suivi  en  entrant 
dans  ce  diocèse  les  premières  impressions  de  sagesse  et  de  modération  dont 
le  roi  a  désiré  que  Monsieur  l'Archevêque  de  Paris  ne  s'écartât  jamais. 
Nous  l'avons  vu,  dès  les  premiers  jours  de  son  épiscopat,  ouvrir  la  porte  du 
sanctuaire  à  des  religieuses  que  le  préjugé  de  M.  de  Pcaumont  en  avait  écar- 
tées depuis  longues  années.  M.  de  Juigné  a  rendu  la  vie  à  des  hôpitaux 
publics  qui  sont  le  refuge  de  l'humanité  souffrante.  Nous  avons  vu  avec  con- 
solation renaître  ces  établissements  utiles  que  le  Parlement  a  toujours  pro- 
tégés, que  la  charité  seule  peut  conserver;  et  nous  avons  cru  toucher  au 
moment  où  un  prélat  pacifique  allait  rendre  à  l'Église  de  Paris  son  lustre 
ancien  par  l'appui  que  donnerait  sa  vertu  à  la  doctrine  de  nos  pères,  et  son 
activité  vigoureuse  pour  rétablir  la  discipline  qui  est  presque  totalement 
effacée  dans  tous  les  Corps  ecclésiastiques  de  ce  diocèse. 

C'est  sans  doute  le  plan  que  M.  de  Juigné  s'est  proposé,  en  concevant  l'idée 
de  donner  un  nouveau  rituel  à  son  diocèse;  pourquoi  faut-il  qu'un  projet  aussi 
noble  et  aussi  digne  du  premier  pasteur  de  la  première  Église  de  France  '  ait 
été  aussi  mal  exécuté?  Tâchons  d'excuser  autant  qu'il  nous  sera  possible  un 
prélat  à  la  sollicitude  duquel  la  Providence  nous  a  confiés,  à  qui  personne  ne 
refuse  une  régularité  de  mœurs  très  exemplaire2,  et  qui  édifie  tous  les  ans  les 
différentes  portions  de  son  diocèse  par  des  visites  qui  semblaient  oubliées 
avant  lui. 

Nous  voudrions  n'avoir  qu'à  rendre  hommage  aux  vertus  de  Monsieur  l'Arche- 
vêque, et  faire  des  vœux  ardents  pour  que  son  zèle  ne  soit  jamais  séparé  de 
cette  lumière  vive  et  pure  sans  laquelle  la  pratique  des  œuvres  extérieures  de 
la  Religion  procure  les  ténèbres  et  l'ignorance  de  la  part  des  pasteurs,  et  la 
superstition  de  la  part  des  peuples. 

Le  Magistrat  est  obligé  de  discerner  toutes  ces  différentes  nuances;  et  c'est 
avec  peine  qu'il  trouve  dans  un  livre  destiné  à  la  pratique  journalière  de  tous 
les  ecclésiastiques  employés  dans  ce  diocèse  aux  fonctions  du  saint  ministère, 
des  principes  contraires  à  la  tranquillité  publique,  capables  de  porter  l'inquié- 

1.  Non  pas  au  point  do  vue  ecclésiastique,  mais  uniquement  parce  que  Paris 
est  la  capitale  du  royaume. 

2.  Critique  indirecte  des  Rohan,  des  Dillon,  des  Brienne,  etc. 


118  LA  GRANDE  POLICE 

tiule  dans  les  mariages  qui  sont  la  base  de  toute  la  société  civile,  et  tendant  à 
renouveler  les  troubles  que  la  sagesse  du  roi  a  voulu  éteindre1... 

M.  de  Juigné  ne  pouvait  pas  manquer  de  s'égarer  relativement  à  la  compo- 
sition de  ce  rituel,  lorsqu'il  nous  annonce  lui-même...  qu'il  n'a  consulté  aucun 
de  ceux  dans  les  lumières  desquels  il  devait  mettre  principalement  sa  con- 
fiance. Qui  dit  pastoral,  ou  rituel,  dit  :  ce  qui  a  coutume  d'être  observé,  pra- 
tiqué dans  l'Église  universelle,  ou  dans  un  diocèse  qui  ne  compose  qu'une 
seule  et  même  famille  :  c'est  l'expression  de  la  Doctrine  constante  et  unanime 
dont  doivent  déposer  ceux  qui  tiennent  le  premier  rang  dans  la  hiérarchie  de 
l'Église.  Dès  le  mandement  qui  est  à  la  tête  du  Pastoral,  M.  de  Juigné  nous 
annonce  qu'il  n'a  consulté  ni  son  chapitre  ni  ses  curés  :  quel  que  soit  le  talent 
de  ceux  qu'il  nomme  dans  son  mandement  pour  avoir  été  les  conseils  de  la 
rédaction  de  son  Pastoral,  nous  louerons  volontiers  l'élégance  de  leurs  expres- 
sions et  la  délicatesse  de  leur  style,  mais  nous  ne.  pouvons  nous  dispenser  de 
réprimer  leurs  écarts.  Sans  nous  expliquer  directement  sur  le  droit  du  chapitre 
de  Paris  que  nous  aurons  peut-être  à  discuter  comme  juges,  nous  ne  pouvons 
nous  dissimuler  que  l'Église  de  Paris  a  tous  les  caractères  nécessaires  pour 
être  consultée  en  pareille  matière  :  elle  a  juridiction  quasi  épiscopale,  elle  a 
territoire,  justice,  i'or  extérieur,  supériorité  sur  plusieurs  églises  paroissiales 
du  diocèse2  :  et  si  Monsieur  l'Évèquc  est  obligé  de  consulter  son  chapitre 
pour  permettre  l'usage  des  œufs  pendant  le  Carême3,  il  est  difficile  de  croire 
qu'il  puisse  changer  les  rits,  les  prières  et  les  cérémonies  de  son  Église  sans 
consulter  son  Chapitre,  qui  est  son  premier  Conseil. 

Qne    pouvons-nous    penser   de   ces   juriconsultcs   que   Monsieur   l'Archc- 


1.  Ces  troubles, dont  la  bullr  Unigenitus  (''tait  la  raison  ou  le  prétexte, avaient 
rempli  Je  règne  précédent.  C'étail  une  lutte  d'influence  entre  le  haut  clergé,  do- 
miné par  les  jésuites,  et  le  Parlement.  Louis  XV  laissa  les  deux  adversaires  s'user 
entre  eux.  Alternativement,  tes  actes  de  rigueur  tombèrent  d'un  côté  ou  de 
l'autre.  Après  avoir  servi  d'instrument  contre  les  jésuites  en  17(>3,  le  Parlement 
eut  son  tour  en  1771.  Barbier  indique  très  bien  tout,  cela  (t.  IV,  p.  405)  :  «  La 
destruction  de  la  société  îles  jésuites,  dont  il  ni'  sera,  plus  question  dans  peu 
d'années,  ôte  à  .Monsieur  le  dauphin  un  corps  de  conseil  de  gens  d'esprit  et 
instruits  pour  les  affaires  de  gouvernement  et  les  suites  qui  en  dépendent.  H  ne 
reste  plus  que  les  parlements  pour  y  pourvoir.  Si  on  parvient  à  présent,  à  dimi- 
nuer leur  autorité'  et  leurs  prétendus  droits,  il  n'y  aura  plus  d'obstacles  à  un 
despotisme  assuré'.  Si,  au  contraire,  les  parlements  s'unissent  pour  s'y  opposer 
par  de  tories  démarches,  cela  ne  peut  être  suivi  que  d'une  révolution  générale 
dans  L'État.  » 

2.  A  Paris  même,  trois  paroisses  étaient  à  la  collation  du  chapitre  de  Notre- 
Dame  :  deux  dans  la  Cité,  une  dans  le  quartier  Saint-Martin.  Il  avait,  l'alternat 
avec  l'archevêque  pour  la  paroisse  de  Saint-Benoît.  Le  droit  de  collation  sans 
partage  n'appartenait  à  l'archevêque  que  dans  dix-huit,  paroisses. Le  fief  du  Cens 
commun,  rétabli  en  1768  en  faveur  du  chapitre,  avait  son  siège  près  les  Récol- 
lets, faubourg  Saint-Laurent.  Arch.  nat.,  K  1050. 

•'S.  Il  'lait  d'usage  que.  tous  les  ans,  sur  la  prière  de  la  Ville,  le  Parlement  de- 
mandât à  l'archevêque  un  mandement  pour  autoriser  l'usage  des  œufs  pendant 
le  carême,  lui  général,  le  mandement,  était,  publié,  mais  pas  toujours  sans  lutte 
et  sans  négociations.  (Voyez,  par  exemple,  Barbier,  t.  III,  p.  232,  année  17.'I2.)  Il 
arrivai!  parfois  à  l'archevêque  de  couvrir  son  refus  par  le  moyen  d'une  délibé- 
ration capitulaire. 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  119 

vêque  prétend  avoir  consultés  et  qu'il  qualifie,  «  laborum  meritis  et  morum 
gravitate  spectabiles  *  »  ?  Ce  que  le  mandement  de  Monsieur  l'Archevêque 
dit  de  quelques  Magistrats  nous  étonne  encore  davantage  :  «  Magistratuum 
etiam  non  religione  minus  quant  eruditione  et  sapientia  venerabilium  cunsilia 
et  suftragia  consulere  studuimus-.  »Nous  reprocherions  sans  doute  avec  raison 
à  ces  Magistrats  d'avoir  trompé  Monsieur  l'Archevêque  dans  ses  maximes 
politiques  sur  la  discipline  ecclésiastique. 

Les  Curés  de  Paris  étaient  sans  doute  dans  le  cas  d'être  consultés  sur  les 
rits,  usages  et  pratiques  qui  s'observent  dans  les  cérémonies  ecclésiastiques. 
Ce  sont  eux  qui,  avant  que  M.  de  Juigné  ne  fût  archevêque  de  Paris,  étaient 
les  témoins  de  la  tradition  et  de  la  pratique  journalière  dans  les  exercices  saints 
de  la  religion.  Ils  ne  sont  point  étonnés  qu'il  ait  méprisé  leurs  conseils,  quand 
nous  voyons  le  ton  de  supériorité  avec  lequel  il  parle  de  l'autorité  des 
Évoques  et  de  la  subjection  dans  laquelle  il  place  les  Curés  dans  l'ordre  de  la 
hiérarchie  : 

«  Episcopus  hoc  sublimi  ordine  insignitus,  eo  in  loco  habendus  est  ut  emi- 
nentem  cujus-libet  ordinis  functionis  hierarchiœ  et  sacerdotalis  totiusque 
ecclesiastici  regiminis  auctontatem  in  se  complecti  estimetur.  Presbyteri 
autem,  et  si  cum  Episcopo  sacerdotii  participes,  sacramentel  non  célébrant  nisi 
jussu  Episcopi  tanquam  sibi  pro  domino  prœsidentis,  neque  Evangelium  an- 
nuntiant  yiisi  prœeunte  ejus  consensu  vel  nisipastores  ab  ipso  fuerint  canonice 
instituti  >.  » 

Et  pour  que  les  Curés  ne  croient  pas  qu'ils  ont  une  autorité  propre  dans  le 
chapitre  sur  le  sacrement  de  pénitence,  il  attribue  à  l'évêque  la  qualité  de 
Proprlus  sacerdos  du  Concile  de  Latran  :  «  Neque  vero  existimandi  sunt  primi 
Pastores  parochias  suce  ditioni  subjeclas  ideo  abdicare  vel  amittere,  quod  suce 
jurisdictionis  partent  secundi  ordinis  pastoribus  per  institulionem,seu  missio- 
nem  canonicam  largiantur4.  » 

Ainsi,  suivant  le  Rituel  nouveau,  l'autorité  des  Curés  n'est  qu'une  émana- 
tion du  pouvoir  des  Evêques.  Les  Curés,  s'ils  avaient  été  consultés,  auraient 
représenté  avec  raison  à  Monsieur  l'Archevêque  de  Paris  qu'en  traitant 
avec  aussi  peu  d'égards  ses  coopérateurs  dans  le  Saint  Ministère,  il  s'écartait 
des  principes  les  plus  connus  sur  la  matière  de  la  juridiction  des  Pasteurs  du 
second  ordre  :  «  Secundus  ordo,  dit  M.  Bossuet,  dans  sa  défense  de  la  Décla- 
ration du  Clergé  de  1682,  est  in  Ecclesia  necessarius,  et  secundo  loco  sub 
Episcopis  Ecclesiasticam  jurisdiclionem  exercet,  non  ab  alio,  quam  a  Christo, 
secundum  canones  et  Episcoporum  justa  preecepta,  exercendam  accipit.  » 

Van  Espen  explique  de  même  la  juridiction  des  Curés  :  «  De  ordinatione 
essentiali  et  slabili  sanctee  Ecclesice  ceque  bene  est  status  Curatorum,  sicut  ille 
prœlatorum,  archiepiscoporum.  » 


1.  Mand.,  p.  7. 

2.  Mand.,  p.  7. 

3.  Tome  11,  p.  453.  —  Les  cahiers  dos  curés  ont  suffisamment  répondu  aux 
théologiens  do  M.  de  Juigné  qui,  d'ailleurs,  n'avait  pas  lu  son  Rituel,  si  l'on  en 
croit  la  Correspond  mire  sea-'ele  publiée  par  M.  de  Lescure  en  18G6  (t.  II,  p.  93). 

4.  Tome,  11,  p.  22S.  A  ces  idées  se  rattacha  cette  dénomination  purement  poli- 
tique, et  non  canonique,  do  clergé  de  second  ordre,  appliquée  aux  curés;  d'avance 
le  haut-clergé  les  rejetait  dans  le  tiers  état  d'où  ils  étaient  sortis. 


120  LA  GRANDE  POLICE 

La  juridiction  des  Curés  vient  immédiatement  de  Dieu,  aussi  bien  que  celle 
des  évoques.  Un  évoque  de  France,  ajoutc-t-il,  n'aurait  pas  dû  ignorer  les 
décrets  de  la  faculté  de  Théologie  à  cet  égard. 

Heureusement  que  ces  principes  anciens  sur  le  droit  des  curés  ne  sont  pas 
ignorés  dans  toutes  les  parties  du  monde  chrétien.  Un  évêque  digne  des  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise,  soutenu  par  un  prince  religieux,  qui  se  rend  égale- 
ment recommandable  dans  toutes  les  parties  de  son  administration,  assemble 
dans  ces  derniers  moments-ci  tous  ses  Curés,  et,  voulant  les  intéresser  à  la 
réforme  des  abus  dans  l'état  ecclésiastique,  il  les  assure  qu'il  en  a  conféré 
avec  les  personnes  les  plus  vertueuses  et  les  plus  éclairées  parmi  les  Diocé- 
sains, et  il  ajoute  :  «  Nonobstant  tout  cela,  vous  êtes,  Vénérables  Pasteurs, 
plus  à  portée  que  qui  que  ce  soit  de  connaître  les  besoins  de  notre  Église, 
quant  aux  portions  respectives  qu'en  vertu  de  l'autorité  divine  vous  gouver- 
nez avec  l'Évèque,  et  c'est  de  vous  comme  de  moi  que  dépend  la  réforme,  à 
laquelle  nous  devons  travailler,  de  tant  d'abus  qui  défigurent  l'ancienne  beauté 
de  la  discipline  ecclésiastique.  » 

Pourquoi  les  principes  de  Monsieur  l'Archevêque  de  Paris  sont-ils  si 
éloignés  de  ceux  de  la  discipline  ancienne  et  moderne  de  l'Eglise? 

Le  principe  de  ce  despotisme  dans  le  gouvernement  ecclésiastique  se  trouve 
développé  de  la  manière  la  plus  claire  dans  sa  dissertation  sur  le  sacrement 
de  la  Pénitence.  «  Nulli  enim  nisi  summo  œlernoque  Pastorum  Principi  tenetw 
Episcopus  de  gratiosce  et  voluntariœ  jurisdictionis  suce  usu  rationem  reddere.  » 
M.  de  Beaumont  avait  bien  osé  le  dire  au  roi  Louis  XV  et  à  son  Parlement  : 
cet  archevêque  a  eu  plus  d'une  fois  l'occasion  de  s'en  repentir1.  Nous  ne  con- 
naissons cependant  point  d'ordonnance  épïscopale  où  M.  de  Beaumont  ait  osé 
l'avancer  en  principe.  M.  de  Juigné  en  fait  une  portion  de  son  enseignement 
public,  et  celte  indépendance  contredit  en  un  mot  toutes  les  lois  du  royaume. 
S'agit-il  dans  la  juridiction  volontaire  ou  gracieuse  de  conférer  des  bénéfices 
ou  des  visa?  Vous  recevez  tous  les  jours  des  appels  comme  d'abus  interjetés 
des  ordonnances  de  tous  les  prélats  du  royaume.  S'agil-il  de  l'article  2  des 
lettres  patentes  de  lG9o,  si  favorables  au  Clergé  relativement  à  l'interdit  des 
ecclésiastiques  du  second  ordre?  Ce  même  article  contient  la  mention  la  plus 
expresse  de  l'appel  simple  et  de  l'appel  comme  d'abus  réservé  par  la  loi  à 
celui  qui  se  croit  lésé  par  l'injustice  de  son  supérieur-. 

1.  Trois  l'ois  Christophe  de  Beaumont,  archevêque  de  Paris  de  174G  à  1781,  fut 
exilé  par  lettres  de  cachet,  à  l'occasion  des  refus  de  sacrement  aux  non-con- 
stitutionnaires.  L'opinion  publique  était  avec  le  Parlement.  Los  contemporains 
noient  que  le  roi  redevenait  populaire,  à  chaque  exil  de  l'archevêque.  «  Une 
pratique  immémoriale,  dit  M.  Champion  (Esprit  de  la  Révolution,  p.  174),  avait  si 
bien  embrouillé  le  spirituel  et  le  temporel,  que  très  peu  de  gens  étaient  capables 
de  les  démêler.  Je  lis  dans  la  Feuille  villageoise  du  i!l  octobre  1790  :  «  Vidée 
qu'un  prêtre  puisse  à  son  gré  refuser  d'administrer  les  sacrements  est  une  idée 
qui  commence  à  pénétrer  un  peu  partout  :  en  89,  elle  ne  venait  presque  à  per- 
sonne. »  Distinguer  dans  le  mariage  l'acte  civil  de  l'acte  religieux  paraissait  une 
opération  si  délicate  que  Camus  craignait  que  la  Constituante  ne  le  regardât 
comme  téméraire  (24  juillet  1790,  Arch.  parlementaires,  xvi,  p.  317).  »  —  Je 
l'envoie  à  tout  le  chapitre  (p.  166  à  188)  le  lecteur  curieux  de  voir  combien  l'es- 
prit de  la  Constituante  était  encore  voisin  des  traditions  du  Parlement. 

2.  L'appel  ad  apostolos  (au  Saint-Siège)  était  même  autorisé  en  certains  cas 
déterminés. 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  121 

M.  de  Juigné,  privé  des  lumières  de  ses  curés  dont  le  conseil  lui  aurait  été 
si  utile,  s'est  laissé  entraîner  dans  toutes  les  distinctions  scolastiques  qui  lui 
ont  été  proposées  par  ses  théologiens  sur  la  division,  subdivision,  et  l'indé- 
cente répartition  des  mérites  de  Jésus-Christ  dans  le  sacrifice  de  la  messe. 
Gardons-nous  bien  d'entrer  dans  aucun  détail  sur  une  matière  qui  pourrait 
n'être  pas  regardée  comme  étant  de  notre  ressort  et  faisons  seulement  des  vœux 
pour  que  des  prélats  plus  instruits  travaillent  à  dissiper  toutes  les  illusions 
grossières  qui  pourraient  exposer  la  foi  catholique  à  la  censure  des  protes- 
tants, et  à  la  dérision  de  tous  les  mécréants  que  des  systèmes  puérils  et  ridi- 
cules ne  peuvent  que  multiplier  dans  le  royaume. 

Nous  ne  parlerons  pas  plus  de  toutes  les  dissertations  qu'ont  entraînées  et 
qu'entraîneront  encore  les  principes  de  M.  l'Archevêque  sur  la  fréquentation 
des  sacrements.  Le  zèle  public  qu'a  toujours  témoigné  le  clergé  de  France 
contre  le  pyrrhonisme1  nous  rassure  contre  les  erreurs  des  maximes  relâchées 
sur  cet  objet. 

Fixons  au  plus  tôt  l'attention  de  la  Cour  sur  la  matière  du  mariage,  et  re- 
levons les  erreurs  des  théologiens  qui  ont  égaré  M.  l'Archevêque  de  Paris  dans 
cette  portion  de  son  Rituel. 

Nous  n'avons  garde  d'entrer  dans  la  discussion  de  chacun  des  chapitres  où 
la  matière  du  mariage  se  trouve  traitée. 

Je  me  borne  à  deux  ou  trois  points  que  je  dénonce  à  la  Cour  comme  con- 
traires aux  principes  fixes  sur  l'autorité  du  roi,  qu'aucun  magistrat  instruit  ne 
doit  désavouer. 

1°  Tout  le  chapitre  De  matrimoniis  filiorum  familias  semble  n'avoir  pour  but 
que  de  contredire  les  lois  du  royaume,  l'ordonnance  de  Rlois,  la  déclaration 
du  roi  de  1G39,  celle  de  1697,  et  la  jurisprudence  constante  des  arrêts. 

L'ordonnance  de  Blois  exige,  pour  le  mariage  des  enfants  de  famille  mi- 
neurs, le  consentement  des  pères,  mères,  tuteurs  ou  curateurs.  M.  l'Arche- 
vêque de  Paris  prétend  prouver  que  le  consentement  des  mères  n'est  point 
nécessaire.  S'il  avait  consulté  les  curés  de  Paris,  ils  lui  auraient  tous  déposé 
que  c'est  un  usage  très  constant  dans  toutes  les  paroisses  de  Paris  que  toutes 
les  fois  qu'une  des  parties  contractant  mariage  a  père  et  mère,  le  consente- 
ment de  la  mère  est  rigoureusement  exigé.  M.  l'Archevêque  de  Paris  renverse 
cet  usage  constant  et  l'ordonnance  de  P-lois  qui  exige  nommément  le  con- 
sentement des  mères.  Il  n'est  pas  plus  exact  d'établir  en  principe  constant 
que  la  mère  survivante  et  tutrice  ne  peut  pas  marier  ses  enfants.  Sans  doute 
qu'il  peut  se  trouver  des  circonstances  où  les  parents  paternels  peuvent  avoir 
des  raisons  pour  s'opposer  à  la  volonté  de  la  mère.  Mais  établir  en  principe 
comme  nécessaires  et  attribuer  à  toutes  les  mères  les  effets  funestes  de  l'in- 
firmité de  leur  sexe!  «  Prœjudicata  opinio,  ideoque  sœpvus  imminens  ratione 
minus  quam  libidine  agendi  periculum.  »  Le  traducteur  de  M.  l'/Vrchevêque 
dit  que  le  mot  libidine  doit  s'entendre  par  le  terme  de  caprice2.  Je  dis  avec 
assurance  que  toute  cette  dissertation  tend  à  diminuer  la  révérence  et  l'obéis- 

1.  Doctrine  du  philosophe  grec  Pyrrhon  (scepticisme  pratique,  doutes  sur 
l'existence  de  la  matière,  et  par  suite  indifférence  morale).  C'est  le  nom  adouci 
du  jésuitisme,  te]  que  Pascal  l'a  démasqué  (restrictions  mentales,  système  de  l'in- 
tention, casuistique,  etc.). 

2.  L'autre  sens  est  celui  de  passion  déraisonnable. 


122  LA  GRANDE  POLICE 

sance  que  les  fils  de  famille  doivent  à  ceux  de  qui  ils  tiennent  le  jour;  que 
tout  père  de  famille  doit  être  indigné  de  cette  dissertation,  dans  un  siècle  où 
les  égards  de  ce  genre  sont  totalement  oubliés.  Je  dis  que  l'autorité  du  roi, 
qui  est  le  père  de  tous  ses  sujets,  est  grièvement  attaquée  cl  doit  être  vengée 
de  l'injure  que  lui  fait  le  violement  de  tout  principe  sur  la  puissance  pater- 
nelle. 

Revenons  à  des  autorités  plus  sages,  je  veux  dire  celle  de  M.  d'Aguesseau 
dans  son  plaidoyer  de  IGOi,  dans  la  cause  de  la  dame  de  Razac  et  de  sa  fille. 
Ces  mêmes  principes  sont  établis  par  M.  Joly  de  Fleury  dans  un  plaidoyer  du 
12  avril  17041... 

«  Porro  impedimenta  cum  prohibentia  lum  dirimentia  potuisse  ab  Ecclesia 
constitui  sententia  est  apud  Catfiolicos  unanimis,  atque  ad  (idem  pertinens.  » 
Ce  mot,  ad  /idem  pertinens,  est  une  erreur  des  plus  grossières  et  attaque  di- 
rectement le  pouvoir  du  roi...  Le  vrai  principe  en  matière  de  mariage  est  que 
l'Eglise  ne  peut  statuer  que  sur  le  sacrement,  sur  la  forme  extérieure  de  le  con- 
férer, et  sur  les  dispositions  intérieures  de  ceux  qui  le  reçoivent.  Or,  en  fait 
de  mariage,  il  n'y  a  pas  de  sacrement  s'il  n'y  a  point  de  contrat  civil  qui  en 
est  la  base;  or  la  puissance  séculière  peut  seule  connaître  du  contrat  civil.  Les 
empêchements  dirimants  attaquent  le  contrat  civil  dans  son.  essence  :  donc 
l'autorité  séculière,  qui  seule  peut  tout  sur  le  contrat  civil,  peut  seule  essen- 
tiellement, jure  suo,  prononcer  sur  les  empêchements  dirimants...  C'est  ce 
qu'a  démontré  jusqu'à  l'évidence  dans  le  siècle  dernier  le  célèbre  Launoy, 
docteur  de  la  faculté  de  Paris,  dans  son  traité  intitulé  Regia  in  matrimonium 
potestas.  C'est  ce  que  vient  de  discuter  dans  ce  moment  le  sieur  Le  Rat,  doc- 
teur de  l'Université  de  Louvain,  pour  établir  les  droits  de  l'empereur  dans  ses 
fctats  de  la  Flandre  autrichienne.  Tout  le  monde  sait  que  l'empêchement  diri- 
mant  le  mariage  des  princes,  faute  de  consentement  du  roi,  a  été  ordonné  par 
la  puissance  seule  du  roi.  Nier  le  pouvoir  du  souverain  sur  les  empêchements 
dirimant  le  mariage  dans  ses  Étals,  c'est...  exercer  sur  son  État  le  pouvoir  in- 
direct que  les  papes  ont  usurpé  si  longtemps,  et  dont  on  a  eu  tant  de  peine  à 
se  débarrasser. 

Qu'importe  qu'il  ait  plu  à  quelques  théologiens,  armés  de  toute  la  subtilité 
scolastique,  de  mettre  le  sacrement  tellement  à  côté  du  contrat  que  l'Église 
statuât  sur  le  sacrement  par  des  empêchements  dirimants,  en  même  temps  que 
la  puissance  séculière  prononcerait  sur  le  contrat  civil  ?  c'est  une  erreur  fondée 
sur  une  transposition  des  choses. 

Si  le  concile  de  Trente  a  prononcé  que  l'Eglise  pouvait  établir  des 
empêchements  dirimants,  il  s'est  gardé  d'ajouter  qu'elle  pût  le  faire 
jure  suo.  D'ailleurs  le  chapitre  Du  mariage  et  celui  sur  la  Réformalion 
des  princes  ont  toujours  empêché  la  réception  des  décrets  du  concile 


1.  Suit  une  page  do  citations,  tirées  îles  Œuvres  de  d'Aguesseau  (I.  III,  p.  69) 
et  (lu  Journal  des  Audiences  (t.  V,  fui.  Ï49).  —  Le  traité  de  Le  Vayer  (imprimé 
d'abord  sous  le  nom  de  Talon),  De  l'Autorité  îles  rois  dans  l'Administration  de 
l'Église,  résume  les  principes  du  Parlement  (Voir  la  première  instruction  de 
Henri-François  d'Aguesseau  ;i  son  fils,  V  partie  :  Étude  du  droit  canonique.) 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  423 

de  Trente  en  France,  et  Louis  XYI  rejettera  comme  ses  prédécesseurs 
des  maximes  attentatoires  à  la  couronne. 

Dans  le  tome  III,  p.  3,  du  Rituel,  se  trouve  la  note  suivante  sur 
l'ordonnance  de  Blois  :  Les  mariages  des  mineurs  sans  le  consentement 
de  leurs  pères,  mères,  tuteurs  el  curateurs  sont  déclarés  nuls  ordi- 
nairement, mais  toujours  sur  la  présomption  et  sur  le  motif  de  séduc- 
tion ou  subornation,  la  séduction  déclarer  par  sentences  du  juge.  C'est 
un  nouvel  outrage  à  l'autorité  paternelle  que  de  présenter  cette  sen- 
tence comme  nécessaire  pour  dirimer  le  mariage. 

Le  Rituel  fourmille  d'abus  en  ce  qui  concerne  les  censures  et  les 
cas  réservés.  M.  de  Juigné  prodigue  les  excommunications  ipso  facto, 
supprimées  sagement  par  M.  de  Noailles1.  En  ce  qui  touche  l'admi- 
nistration de  l'eucharistie,  il  veut  que  le  curé  consulte  l'évèque,  et 
qu'il  s'assure  avec  soin  de  l'orthodoxie  de  son  ouaille,  s'il  ne  se  croit 
pas  en  état  d'en  décider  par  lui-même.  M.  de  Juigné  a  cependant  ré- 
tabli, en  entrant  dans  son  diocèse,  l'usage  des  sacrements  en  faveur 
de  plusieurs  communautés  qui  en  avaient  été  injustement  privées. 

«  Mais  on  lui  a  fait  adopter  dans  la  pratique  toutes  les  formes,  les 
tournures,  les  adresses  qui  avaient  été  imaginées  de  la  part  des  au- 
teurs et  fauteurs  du  schisme;...  les  billets  de  confession,  dont  l'exac- 
tion2 a  produit  des  effets  si  funestes  sous  le  gouvernement  de  M.  de 
Beaumont,  sont  renouvelés  par  ordonnance  du  Rituel  lors  de  la  célé- 
bration du  mariage  >.  »  Le  billet  de  confession  est  aussi  exigé  pour  la 
communion  pascale,  «  nisi  sint  ejusmodi  personx  quae  ex  honestate  ser- 
monis  et  morum  gravitate  fidèles  appareant  :  d'où  il  résulte  qu'un 
homme  qu'un  ministre  de  l'Eglise  refuserait  faute  de  billet  de  con- 
fession pourrait  intenter  à  son  curé  un  procès  en  réparation  d'hon- 
neur pour  avoir  douté  de  ses  mœurs  et  de  sa  probité.  »  —  Le  colloque 
secret  est  ordonné  pour  l'administration  des  derniers  sacrements4, 
même  dans  ce  moment  «  où  un  malade  n'a  qu'à  édifier  sa  famille  et 
à  profiter  des  secours  que  des  parents  réunis  lui  donnent.  » 


1.  Louis-Antoine  de  Noailles,  cardinal  en  1700,  archevêque  do  Paris  de  1695  à 
1729.  —  11  n'avait,  signé  la  bulle  Unigenitus  qu'en  1728,  à  l'âge  de  soixante-dix- 
sept  ans.  Cet  acquiescement  presque  in  extremis  fut  célébré  par  les  jésuites 
comme  une  victoire  de  la  foi.  LàLettre  des  trente  Curés  l'ut  condamnée  par  arrêt 
du  Conseil,  14  juin  1748. 

2.  Acte  d'exiger. 

3.  Tome  11,  p.  560. 

4.  Tome  1,  p.  207,  II,  p.  .'397,  III,  p.  136.  Le  colloque  secret  était  regardé 
comme  facilitant  les  captations,  exhérédations,  etc.  —  Sur  toutes  ces  questions 
litigieuses  entre  l'État  et  l'Église,  voyez  l'Esprit  des  lois,  livre  XXV,  ch.  v,  li- 
vre XXVI,  ch.  vin,  ix,  x,  xi,  xn,  xiii. 


124  LA  GRANDE  POLICE 

A  la  tèle  du  Rituel  se  trouve  l'éloge  des  évoques  el  archevêques 
qui  ont  été  à  la  tète  de  ce  diocèse.  M.  de  Juigné  le  distribue  à  son 
gré.  Mais  «  il  relève  avec  affectation  une  anecdote  de  la  vie  de  M.  le 
cardinal  de  Noailles,  —  qui  n*est  point  nécessaire  à  son  éloge,  —  et 
qui  est  susceptible  do  différentes  interprétations».  Quant  au  Parle- 
ment,  il  sait  combien  de  peines,  de  soins  et  de  temps  il  a  dû  lui-même 
employer  à  corriger  les  buis,  les  faiblesses,  les  fautes  et  les  erreurs 
des  successeurs  de  M.  de  Noailles,  et  il  rend  à  M.  de  Noailles  «  l'hom- 
mage de  regrets  et  de  vénération  que  son  diocèse  lui  a  constamment 
décernés  ». 

L'injonction  de  faire  usage  du  Rituel  est  publique  et  patente.  Ce- 
pendant, tous  les  curés  de  Paris  en  sont  mécontents.  On  assure  que 
M.  de  Juigné  a  permis  à  ceux  qui  l'ont  consulté  de  n'en  point  faire 
usage.  Que  signifie  celte  réticence  cachée  après  une  injonction  aussi 
impérieuse?  Lorsque  M.  l'archevêque  écrit  :  «  Opus  magna  recognovi- 
mus  unirai  attentione,  singula  coram  Deo  ver ba  pondérantes,  ne  quid.., 
minus  aceuratum  acciderel,  —  le  plus  grand  honneur  que  nous 
puissions  faire  à  M.  l'archevêque  de  Paris  est  de  ne  pas  ajouter  une 
foi  entière  à  l'exactitude  de  cette  énonciation...  »  Mais,  pour  éviter 
(pie  les  troubles  ne  renaissent  dans  l'Eglise,  «  le  Parlement  doit 
('gaiement  son  secours  et  sa  protection  aux  curés  faibles,  et  à  ceux 
qui  montrent  plus  de  courage;...  il  vaut  mieux  couper  la  racine  du 
mal  que  d'avoir  à  le  guérir  lorsqu'il  aura  fait  des  progrès'  ». 

L'ABBAYE  DE  SAINT-GERMAIN 

L'abbaye  de  Saint-Germain  était  fondée  en  titres  pour  le  droit  de 
pêche  sur  une  certaine  étendue  de  la  Seine,  le  droit  de  bac  vis-à-vis 


1.  Le  Clerc  de  Juigné  fini  quelque  compte  des  reproches  mesurés  du  Parlement, 
ctaussi  du  roi.  D'ailleurs  le  parti  jésuitique  ne  travaillait  encore  que  dans  l'om- 
bre.—L'archevêque  de  Paris, populaire  par  sa  charité  et  par  la  dignité  de  sa  vie, 
m-  l'ut  pas  désigné  par  le  mi,  eu  178"/,  pour  faire  partie  de  l'assemblée  provin- 
ciale de  l'Ile-de-France;  mais  l'archevêque  de  Sens  et  les  autres  évêques  de  la 
généralité  ne  furent  pas  davantage  appelés  à  Melun.  Est-ce  «  parce  qu'on  avait 
voulu  éviter  de  faire  présider  par  des  prêtres  les  assemblées  provinciales  les 
plus  voisines  de  Paris?  »  (Léonce  de'  Lavergne,  Assemblées  provinciales  sous 
Louis  XVI,  p.  146,  note.)  (l'est  plutôt,  je  pense,  parce  que  le  haut  clergé  séculier 
('•laid  Unit  ,ï  fail  dans  la  main  du  roi,  le  Trésor  ne  pouvail  plus  rien  espérer  que 
(\r>  Réguliers,  si  nombreux  et  si  riches  à  Paris  et  dans  L'Ile-de-France.  Quoi  qu'il 
en  soit,  de  Juigné  fut  nommé  député  de  son  ordre  aux  États  généraux.  Il  ac- 
cueillit à  Notre-Dame  les  vainqueurs  de  la  Bastille,  qui  le  couronnèrent  de  fleurs. 
Puis  il  refusa  le  serment,  émigra,  ne  revint  qu'en  1802,  et  mourut  dans  la  re- 
traite  eu  1811.  C'était  un  honnête  homme,  assez  humé,  digne  en  toul  du  choix 
personnel  dont  l'avait  honoré  Louis  XVI. 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  125 

les  Invalides,  et  pour  des  moulins.  L'arrêt  du  Parlement  du  7  sep- 
tembre 1770  ne  lui  conteste  pas  ces  titres,  mais  il  porte  : 

Défenses  aux  abbés  de  Saint-Germain-dcs-Prés  de  se  dire  et  qualifier 
seigneurs  propriétaires  de  la  rivière...  de  donner  aucunes  permissions,  con- 
cessions ou  baux  pour  placer  sur  ladite  étendue  de  la  rivière  aucuns  bateaux 
et  selles  à  laver  lessive,  bateaux  pour  bains,  trains  ou  bateaux  pour  bois  et 
autres  marchandises,  ni  pour  placer  sur  les  ports,  berges  et  bords  de  la 
rivière  aucunes  marchandises,  pieux,  perches  et  percheltcs,  ni  autres  choses, 
ni  d'exiger  pourlesdites  places  de  la  rivière  et  de  ses  berges  et  bords  aucunes 
rétributions  ni  émoluments,  fermages,  loyers,  redevances,  ou  autrement,  à 
quelque  titre  et  en  quelque  manière  que  ce  soit. 

(Mémoire  pour  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  follement  intimés,  contre 
les  sieurs  Saffrov  et  Rainville  et  encore  contre  les  chanoines  réguliers  de 
Saint-Victor.  Paris,  Lottin,  avril  1783,  pièce  in-i°  de  39  pages  :  p.  38  et  39.) 

RÉUNION  DES  CORDELIERS  ET  DES  CÉLESTINS 

Mémoire  à  consulter  et  consultations  sur  la  translation  des  Cor- 
deliers  aux  Gélestins.  Signé:  Camus,  Rouhette,  Douet  d'Arcq,  Rat 
de  Mondon,  Treilhard,  Debonnières.  —  Important  pour  l'étude  des 
rapports  de  l'Eglise  et  de  l'État.  —  Vise  Ledit  de  décembre  10G6,  la 
déclaration  du  7  juin  1659  (reg.  le  12  juillet).  —  Cite  Hallier,  Baluze, 
Talon,  le  Gallia  christiana,  et  une  consultation  de  maître  Cochin 
{Œuvres,  t.  IV,  p.  717). 

Conclut  :  1°  que  le  couvent  des  Cordeliers  ne  peut  être  transféré 
dans  quelque  autre  lieu  même  de  la  ville,  sans  le  concours,  la  coopé- 
ration et  l'autorité  de  M.  l'Arcbevèque  ; 

2°  Que  lors  même  que  la  maison  des  Célestins  serait  vacante,  la 
suppression  de  cette  maison  exige  le  concours  de  l'État  et  de  l'Église 
qui  l'ont  établie  et  autorisée  '. 

L'ABBAYE  DE  SAINT-VICTOR 

DOSSIER    RELATIF   A   LA    TRANSLATION   DES   COCHES   D'EAU   DU    PORT 
SAINT-PAUL  AU    PORT   DE   LA   TOURNELLE  2 

La  translation  provisoire  avait  été  ordonnée,  pour  des  raisons  de 


1.  Pièce  in-4°  de  20  pages  (Paris,  G.  Simon,  imprimeur  du  Parlement).  Ce  mé- 
moire est  daté  du  5  janvier  1780  (Arch.  nat.,  II.  1933).  —  Comparez  :  lettres  pa- 
tentes de  déc.  1782  (enreg.  le  31  janv.  1783),  concernant  rétablissement  des  capu- 
cins de  la  rue  Saint-Jacques  dans  leur  nouveau  couvent  du  quartier  de  laChaussée- 
d'Antin  (X  1b  8978). 

2.  Arch.  nat.,  H.  1957. 


126  LA  GRANDE  POLICE 

sécurité,  par  arrêt  du  Conseil  du  15  janvier  1786.  Depuis  la  con- 
struction de  l'estacade  de  l'île  Saint-Louis,  le  passage  entre  cette  île 
et  File  Louvier  était  impraticable. 

Dès  le  18  janvier,  Turlin,  fermier  des  coches  d'eau,  sollicite  la 
publication  de  l'arrêt  du  15  janvier,  afin  de  prévenir  la  «  cabale  » 
des  marchands  de  bois  du  port  Saint-Paul,  entre  autres  Saffroy  et 
Rainville,  qui  s'étaient  déjà  opposés  à  cette  translation  en  1784 
(ordonnance  du  bureau  de  la  ville  du 14  mars  1783).  —  Le  31  janvier, 
de  Galonné  envoie  au  bureau  de  la  ville  plusieurs  exemplaires  de 
l'arrêt  du  15  janvier. 

Le  bureau  de  la  ville  demande  (lettre  d'Ethis  de  Corny  à  de  Ca- 
lonne,  du  30  mars)  que  la  ferme  des  cocbes  contribue  avec  la  ville  à 
l'aménagement  du  nouveau  port. 

L'arrêt  du  Conseil  avait  été  nécessité  par  les  oppositions  qu'a- 
vaient antérieurement  rencontrées  les  simples  ordonnances  du  bu- 
reau. 

Les  chanoines  de  Saint-Victor  s'étaient  joints  aux  marchands  de 
bois  du  port  Saint-Paul  pour  s'opposer  à  l'exécution  de  l'ordon- 
nance du  bureau  de  la  ville  <Ki  14  mars  1783.  Voici  quels  étaient 
leurs  moyens  : 

Art.  1.  —  L'ordonnance  du  bureau  de  la  ville  n'est  pas  un  juge- 
ment de  police.  Car  «  il  n'est  pas  du  ressort  de  la  police  d'attaquer 
les  propriétés  par  des  établissements  de  nouvelle  date  ». 

Art.  2.  —  Le  roi  seul  peut  autoriser  de  nouvelles  dispositions  ou 
constructions  sur  les  ports  ou  les  quais. 

Art.  3.  —  L'exécution  de  l'ordonnance  de  la  ville  causerait  un 
dommage  irréparable  et  définitif.  Les  locataires  actuels  des  cha- 
noines de  Saint-Victor  quitteront  leurs  chantiers  '  ;  et  le  tort  qui  leur 
sera  fait,  dégénère  en  violation  de  la  propriété.  Les  chanoines  dé- 
clarent qu'ils  produiront  des  titres  prouvant  «  qu'ils  sont  proprié- 
taires du  terrain  qui  borde  la  rivière  de  Seine  (usque  ad  Sequanam), 
dans  toute  l'étendue  du  fief  Saint-Victor2  ».  —  «  Nous  leur  répon- 
drons, réplique  la  ville,  que  quand  ils  auraient  des  titres  qui  leur 
accorderaient  la  propriété  de  la  rivière  même,  elle  n'en  fait  pas  moins 
partie  du  domaine  de  la  couronne,  nonobstant  tous  (lires  et  posses- 
sions contraires  (ordonnance  de  1669)»  ;  et  de  même  les  ports,  berges 
et  bords,  particulièrement  les  vingt-quatre  pieds  qui,  à  compter  des 
bords,  sont  le  chemin  de  la  navigation. 


\.  Au  nombre  de  trois. 

■2.  Saut'  la  servitude  du  chemin. 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  127 

Le  Parlement,  qui  avait  enregistré  l'arrêt  de  translation,  donna 
gain  de  cause  à  la  ville,  malgré  le  mémoire  ci-après  : 

Mémoire  pour  les  grand-prieur,  chambricr  et  chanoines  réguliers  de  l'ab- 
baye royale  de  Saint-Victor; 

Contre  M.  le  procureur  général,  prenant  le  l'ait  et  cause  de  son  substitut 
au  bureau  de  la  ville  (imprimerie  de  Quillau,  imprimeur  de  Son  Altesse  Mon- 
seigneur le  prince  de  Conti,  rue  du  Fouarrc,  n°  3.  Année  178-4.  Pièce  in-4°  de 
39  pages,  et  un  plan  gravé  du  quai  Saint-Bernard  et  du  port  Saint-Paul). 

...Les  fossés  et  remparts  de  la  ville,  entre  la  porte  Saint-Victor  et  la 
porte  Saint-Bernard...,  avaient  été  pris  sur  le  fief  de  l'abbaye  de  Saint-Victor. 
L'emplacement  de  ces  fossés  ayant  été  concédé  au  marquis  de  Bellefond  et  au 
chevalier  de  Pcrthuis  pour  99  ans,  à  la  charge  de  faire  certains  ouvrages  pu- 
blics, par  des  lettres  patentes  de  16G2,  l'abbaye  de  Saint-Victor  y  forma  op- 
position, comme  étant  ledit  emplacement  pris  sur  son  fief,  dont  elle  n'avait 
reçu  aucune  récompense  :  et,  par  transaction  du  23  octobre  16G4,  elle  con- 
sentit l'exécution  de  cette  concession,  moyennant  l'abandon  qui  lui  fut  fait  par 
les  concessionnaires  d'une  place  considérable  faisant  partie  desdits  fossés  ;  et 
les  concessionnaires  se  soumirent  en  outre  de  payer  à  l'abbaye  un  denier  de 
cens  par  toise  de  la  totalité  desdits  fossés  ;  comme  étant  dans  le  fief  de 
l'abbaye.  Les  fortifications  ayant  été  détruites,  l'abbaye  est  rentrée  dans  la 
jouissance  de  sa  propriété,  qu'elle  n'avait  du  reste  abandonnée  que  condition- 
nellement  et  pendant  la  durée  du  bail  emphytéotique  1. 

L'affectation  de  violer  la  propriété  de  l'abbaye  de  Saint-Victor  se  remar- 
que surtout  dans  l'ordonnance  dont  est  appel,  en  ce  qu'elle  fait  commencer  le 
nouveau  port  des  coches  précisément  à  60  toises  au-dessus  du  pavé  du  port  de 
la  Halle-aux-vins,  qui  est  le  commencement  des  chantiers  de  Saint-Victor, 
tandis  que  le  chantier  de  l'Aigle  d'or,  nouvellement  acquis  par  le  sieur  Turlin, 
l'un  des  entrepreneurs  des  coches,  qui  joint  immédiatement  celui  du  sieur 
Saffroy,  l'un  des  locataires  de  Saint-Victor,  est  parfaitement  libre,  et  jouit  de 
la  berge  sans  obstacle.  Il  eût  été  bien  plus  naturel  et  bien  plus  juste  de  placer 
le  port  des  coches  devant  le  chantier  de  l'Aigle  d'or  auquel  les  coches  sont 
attachés,  au  lieu  de  faire  commencer  la  privation  de  la  berge  après  ce  chan- 
tier. C'était  au  sieur  Turlin,  qui  aura  le  profit  des  coches,  à  en  souffrir  le 
désavantage,  et  non  à  l'abbaye  de  Saint-Victor...  Cette  opération  est  l'ouvrage 
des  officiers  subalternes  de  la  ville,  qui  n'en  a  sûrement  pas  connu  l'in- 
justice-. 

L'ORDRE  DES  BÉNÉDICTINS  ET  LA  COMMISSION  DES  RÉGULIERS 

REPRÉSENTATIONS    DU   PARLEMENT,   EN    DATE   DU    14    AOUT    1783 
PRÉSENTÉES    AU   ROI   LE    l'J    AOUT  5 

Sire,  une  congrégation  nombreuse,  toujours  estimée  et  souvent  utile,  a  vu 

1.  P.  14  et  15. 

2.  P.  16.  Ce  mémoire  est  signé  Joly  de  Fleury,  avocat  général,  Delaune,  avo- 
cat, Desroches,  procureur. 

3.  Arch.  mit.,  X1B8979. 


128  LA  GRANDE  POLICE 

naître  dans  son  sein  quelques  dissensions.  Ceux  qui  croyaient  avoir  des  sujets 
de  plaintes  avaient  pris  la  voie  de  l'appel  comme  d'abus  ;  les  contestations 
portées  devant  les  juges  naturels  allaient  être  pesées  dans  la  balance  de  la 
justice  et  décidées  par  la  loi,  lorsque  un  arrêt  du  Conseil,  en  déclarant  qu'il 
n'y  avait  lieu  à  l'appel,  a  imposé  silence  sur  cette  affaire. 

Ce  moyen  illégal  n'a  fait  que  calmer  momentanément  les  troubles.  L'ap- 
proche d'un  chapitre  général  a  réveillé  les  mécontents,  ils  ont  eu  recours  à  la 
même  autorité  qui  les  avait  privés  il  y  a  deux  ans  d'une  défense  légitime  :  et, 
plus  heureux  cette  fois,  ils  ont  obtenu  un  arrêt  du  Conseil,  contre  les  suites 
et  les  dispositions  duquel  votre  Parlement  vient  réclamer  la  justice  de  Votre 
Majesté. 

Cet  arrêt,  en  date  du  21  juin  1783,  est  celui  qui  ordonne  la  tenue  d'un 
chapitre  général  de  la  congrégation  de  Saint-Maur  pour  le  9  septembre  pro- 
chain. Votre  Parlement,  Sire,  a  celte  confiance,  et  c'est  la  vérité  qui  la  lui 
donne,  que  lorsque  Votre  Majesté  verra  les  conséquences  funestes  de  cet 
arrêt,  les  atteintes  qu'il  porte  aux  lois  de  l'État  et  de  l'Église,  elle  sera  alarmée 
des  entreprises  qu'on  a  voulu  couvrir  d'un  nom  sacré. 

Occupé  dans  ce  moment  à  défendre  des  maximes  précieuses,  à  les  défendre 
devant  un  souverain  protecteur  des  lois,  votre  Parlement  n'ira  point  chercher 
quelle  peut  être  la  source  de  tous  les  maux  qui  affligent  la  congrégation  de 
Saint-Maur  :  peut-être  la  trouverait-il  dans  la  commission  établie  en  1766,  et 
connue  sous  le  nom  de  commission  des  Réguliers.  Votre  Parlement  se  bornera, 
Sire,  à  observer  à  Votre  Majesté  que  le  clergé  a  réclamé  contre  cette  com- 
mission dès  le  moment  de  son  établissement;  qu'il  en  a  obtenu  la  suppression 
par  arrêt  du  Conseil  du  19  mai  1780,  mais  que  cette  commission  a  été  réta- 
blie le  même  jour  sous  un  autre  nom;  que  depuis  elle  a  continué  à  s'occuper 
des  affaires  des  Réguliers,  et  que  les  mêmes  commissaires  qui  avaient  obtenu 
des  ordres  particuliers  en  1778,  se  trouvant  aujourd'hui  à  la  tête  du  chapitre, 
inspirent  à  la  congrégation  les  plus  vives  alarmes.  Que  Votre  Majesté  daigne 
rapprocher  ces  réflexions  de  celles  que  nous  allons  lui  présenter,  et  elle  verra 
jusqu'à  quel  point  on  a  surpris  sa  religion. 

Tous  les  religieux  de  votre  royaume,  Sire,  sont  vos  sujets  :  comme  tels 
vous  avez  droit  à  leur  obéissance,  ils  ont  droit  à  votre  justice.  Comme  citoyens 
ils  vivent  sous  les  lois  du  royaume  ;  comme  religieux,  ils  vivent  sous  les  lois 
de  l'ordre. 

La  congrégation  de  Saint-Maur  renouvela  ses  constitutions  en  1769  ;  elles 
furent  présentées  à  votre  auguste  prédécesseur.  11  les  approuva  :  pour  leur 
donner  le  sceau  de  l'autorité,  il  les  revêtit  de  lettres  patentes;  pour  leur  don- 
ner celui  de  la  loi,  il  fit  enregistrer  ces  lettres  dans  tous  les  parlements.  Ces 
constitutions  sont  devenues  dès  ce  moment  inattaquables  :  les  lettres  patentes 
dont  elles  sont  revêtues  ont  tous  les  caractères  qui  font  une  loi,  elles  ne  peuvent 
donc  être  changées  que  par  une  autre  loi  et  avec  les  mêmes  formes.  Ce  prin- 
cipe tient  aux  maximes  fondamentales  de  l'État.  Votre  Majesté  sait  que  jamais 
un  arrêt  du  Conseil  ne  peut  détruire  une  loi  donnée,  reçue  et  proclamée  avec 
les  formalités  ordinaires. 

La  loi,  Sire,  est  la  première  propriété  de  vos  sujets  :  c'est  celle  ^qui  leur 
garantit  toutes  les  autres,  c'est  le  bouclier  qui  les  met  à  l'abri  de  lous  les  dan- 
gers du  pouvoir  arbitraire.  Tranquilles  à  l'ombre  de  leurs  constitutions,  les 
religieux  de  Saint-Maur  y  voyaient  une  propriété  assurée  :  c'était  la  sauvegarde 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  129 

de  leur  liberté,  le  garant  sous  la  foi  duquel  ils  avaient  embrassé  la  vie  reli- 
gieuse. L'arrêt  du  Conseil  ne  contient  pas  une  seule  disposition  qui  n'y  soit 
manifestement  contraire.  Il  en  suspend  pour  le  moment  l'exécution,  mais  il 
donne  de  plus  au  prochain  chapitre  le  pouvoir  de  faire  tous  les  changements 
qu'il  jugera  à  propos;  il  annonce  donc  la  possibilité  d'une  subversion  totale 
des  constitutions  ;  il  menace  une  propriété  que  le  consentement  des  religieux, 
l'enregistrement  de  vos  Cours  et  l'autorité  légalement  manifestée  du  roi  votre 
auguste  aïeul  avaient  assurée  à  la  congrégation. 

Les  statuts  de  l'ordre  établissaient  dans  ses  élections  des  formalités  dont 
l'effet  inévitable  était  d'y  maintenir  une  égalité  parfaite  et  de  les  rendre  indé- 
pendantes de  toute  autorité  intérieure  ou  étrangère.  Ils  voulaient  qu'avant  le 
chapitre  général  il  se  tînt  dans  chaque  province  une  assemblée  nommée  diète 
provinciale;  que  dans  cette  dicte  fussent  choisis  les  députés  qui  devaient 
entrer  au  chapitre.  Les  membres  nécessaires  et  essentiels  du  chapitre  étaient  le 
général,  les  deux  assistants,  les  six  visiteurs;  parmi  les  députés  de  chaque 
province  trois  devaient  être  prieurs  et  trois  simples  religieux.  La  nomination 
de  ces  derniers  surtout  était  sujette  à  des  formes  en  apparence  minutieuses, 
mais  qui  maintenaient  la  liberté  des  suffrages. 

Telles  étaient,  Sire,  les  sages  précautions  que  la  Congrégation  trouvait  dans 
ses  lois.  L'arrêt  du  Conseil  n'en  a  conservé  aucunes  ;  ni  assistants  ni  visi- 
teurs, aucun  d'entre  eux  n'aura  droit  d'être  présent  au  chapitre  en  vertu  de  sa 
place  :  point  de  prieur,  s'il  n'est  élu;  point  de  diète  provinciale,  qui  seule 
cependant  peut  nommer  les  députés.  La  forme  des  élections  est  entièrement 
différente.  Elle  ouvre  la  porte  à  tous  les  abus  que  les  constitutions  avaient 
voulu  prévenir  ou  réprimer.  Les  pouvoirs  sont  excessifs.  Le  général,  les  as- 
sistants, les  visiteurs,  demeureront  à  l'instant  suspendus  de  leurs  pouvoirs  ; 
tous  les  prieurs,  vrais  titulaires  suivant  les  lois  canoniques,  pourront  être 
déposés. 

Pour  obtenir  de  Votre  Majesté  la  tenue  de  ce  chapitre,  on  l'a  présenté  dans 
le  préambule  de  l'arrêt  du  Conseil  comme  destiné  simplement  à  prévenir  les 
difficultés  qui  pourraient  s'élevgr  à  l'avenir  lors  fies  diètes  ou  des  chapitres; 
mais  dans  les  dispositions  rien  n'est  épargné,  le  chapitre  pourra  tout,  et  ce 
tribunal  (qu'on  nomme  le  plus  compétentet  le  plus  imparlial)agira  sous  l'auto- 
rité des  deux  prélats  que  Votre  Majesté  commet  à  cet  effet.  Mais  leur  autorité 
sera  contraire  aux  décisions  de  l'Eglise,  qui  veut  qu'un  évoque  n'en  ait  aucune 
hors  de  son  diocèse,  et  leur  présence  sera  une  nouvelle  atteinte  aux  constitu- 
tions :  quand  ils  ne  viendraient  au  chapitre  que  pour  délibérer,  ils  n'en  ont 
pas  le  droit,  et  c'est  une  contravention  manifeste  aux  statuts  ;  mais,  s'ils  y 
viennent  pour  dominer,  il  n'y  a  plus  de  liberté  dans  les  suffrages  et  l'oppres- 
sion est  entière. 

...Si  la  tenue  du  chapitre  est  irrégulière  dans  sa  forme,  les  pouvoirs  qu'on 
lui  donne  sont  contraires  aux  lois  de  l'Etat  et  de  l'És;lise. 

Sans  doute,  Sire,  Votre  Majesté  peut  quand  il  lui  plaît  convoquer  une  assem- 
blée de  religieux,  mais,  à  moins  que  celte  assemblée  de  religieux  ne  soit  tenue 
suivant  les  formes  prescrites  par  les  constitutions,  jamais  elle  ne  peut  être 
réputée  canonique  :  en  effet,  Sire,  pour  que  des  religieux  assemblés  par  votre 
ordre  eussent  un  pouvoir  canonique  et  spirituel,  il  faudrait  ou  qu'ils  le  tins- 
sent de  Votre  Majesté,  ou  qu'ils  l'eussent  en  eux-mêmes. 
Votre  Majesté  a  toujours  respecté  la  puissance  spirituelle  :  elle  s'est  fait, 

9 


130  LÀ  GRANDE  POLICE 

ainsi  que  les  rois  vos  prédécesseurs,  un  devoir  sacré  de  la  maintenir.  Votre 
Majesté  n'a  donc  pas  pu  donner  à  d'autres  une  autorité  qu'elle  n'avait  point 
elle-même.  La  tranquillité  du  clergé,  la  majesté  de  la  religion,  consacrent  et 
défendent  ce  principe  conservateur  :  son  renversement  serait  l'époque  de  la 
confusion  la  plus  dangereuse. 

Permettez,  Sire,  à  votre  Parlement  de  n'en  pas  détailler  les  conséquences, 
mais  de  supplier  Votre  Majesté  de  vouloir  bien  les  approfondir. 

Dès  que  les  religieux  ne  peuvent  tenir  de  Votre  Majesté  les  pouvoirs  cano- 
niques et  spirituels  nécessaires  pour  un  chapitre,  il  faudrait  qu'ils  les  trou- 
vassent en  eux-mêmes.  Or  aucun  d'eux  ne  les  a  en  particulier  :  c'est  une  pré- 
tention qu'on  n'a  jamais  osé  élever;  iis  ne  peuvent  donc  les  avoir  en  corps 
qu'autant  qu'ils  se  réunissent  légalement,  qu'autant  que  l'on  exécute  les  lois 
qui  leur  donnent  ces  pouvoirs  :  et  les  lois  sont  violées,  et  toutes  les  règles 
sont  anéanties.  On  avait  bien  senti  cette  vérité,  lorsqu'on  a  eu  recours  à  .l'au- 
torité du  pape  pour  dispenser  le  chapitre  des  formalités  ordinaires;  mais  l'ex- 
posé sur  lequel  le  bref  était  accordé,  les  pouvoirs  exorbitants  qu'il  donnait 
aux  deux  prélats  commissaires,  la  suspension  qu'il  prononçait  ipso  fado  contre 
les  religieux  qui  se  permettraient  la  moindre  réclamation,  en  un  mot,  les 
vices  dont  il  était  rempli  ne  purent  se  pallier  aux  yeux  de  ceux  mêmes  qui 
l'avaient  obtenu.  Ils  n'osèrent  employer  une  arme  aussi  facile  à  repousser, 
mais  leurs  tentatives  prouvent  au  moins  contre  eux  le  besoin  qu'ils  en  avaient; 
ils  crurent  qu'un  arrêt  du  Conseil  pourrait  produire  le  même  effet,  et  cachè- 
rent à  Votre  Majesté  les  bornes  qui  séparent  les  deux  puissances... 

...Sire,  voyez  quelle  suite  peuvent  avoir  des  dissensions  peu  intéressantes 
dans  leur  naissance;  mais  qu'on  veut  assoupir  ou  fomenter  par  des  coups 
d'autorité.  Si  en  '1781  on  n'avait  pas  étouffé  la  plainte  de  quelques  religieux, 
si  on  leur  avait  laissé  suivre  la  voie  légale  qu'ils  avaient  prise,  tout  serait 
tranquille  :  il  n'eût  pas  été  besoin  de  recourir  à  des  moyens  aussi  dangereux. 
L'arrêt  du  Conseil  de  1781  est  donc  la  source  du  mal,  et  celui  de  1783  en  est 
le  complément.  Et  tel  est  le  sort  de  tout  ce  qui  s'écarte  de  la  règle.  Les  lois 
étant  un  tout  précieux  dont  tes  parties  se  correspondent,  un  seul  anneau  brisé 
interrompt  toute  la  chaîne.  De  là  ces  troubles  dont  jamais  le  gouvernement 
n'eût  dû  être  importuné,  qui  eussent  fini  sans  bruit  en  laissant  à  la  justice  son 
cours  ordinaire;  mais  ceux  qui  la  craignent  cherchent  à  l'éviter;  et,  comme  un 
coup  d'autorité  en  entraîne  toujours  un  autre,  ils  font  évoquer  jusqu'aux  con- 
testations à  naître,  c'est-à-dire,  qu'après  avoir  détruit  les  lois,  les  principes, 
les  ordonnances  %  ils  veulent  se  soustraire  à  leur  lumière,  hommage  involon- 
taire mais  malheureusement  inutile  qu'ils  rendent  encore  à  ce  qu'ils  ne  res- 
pectent plus... 

Le  roi  répondit  : 

La  congrégation  de  Saint-Maur  est  un  institut  édifiant,  utile  à  la  religion  et 

1.  Entre  autres  celle  de  mars  1768,  confirmée  par  les  lellres  patentes  de  1769 
mi  illest  dit  :  «  Voulons  que  lesdites  constitutions  soient  exécutées  sans  qu'il 
puisse  y  être  l'ail  aucun  changement  que  conformément  à  ce  qui  est  porté  dans 
Lesdites  constitutions  et  à  ce  qui  est  prescril  par  l'article  5  de  notre  édit  de 
mais  I  7(18.  » 


ET  L'EGLISE  DE  PARIS  131 

au  progrès  des  lettres.  Mon  intention  est  d'y  maintenir  l'ordre  et  la  paix,  et  de 
veiller  à  sa  conservation. 

Mon  Parlement  doit  s'en  rapporter  à  la  sagesse  des  mesures  que  j'ai  prises 
à  cet  effet. 

Le  22  août,  le  Parlement  résolut  de  faire  des  remontrances,  dont  le 
texte  fut  arrêté  le  29.  Il  rappela  les  termes  mêmes  dans  lesquels  les 
lettres  de  1709  lui  donnaient  la  garde  des  constitutions  : 

Si  donnons  en  mandement  à  nos  amés  et  féaux  conseillers  les  gens  tenant 
notre  cour  de  Parlement  à  Paris,  que  lesdites  constitutions  ils  aient  à  faire  re- 
gistres garder  et  observer  de  point  en  point,  selon  leur  forme  et  teneur, 
nonobstant  toutes  ordonnances  et  déclarations,  arrêts  et  règlements  à  ce  con- 
traires. 

Le  but  poursuivi  par  l'intrigue  n'est  point  la  réforme  et  la  pacifica- 
tion de  la  congrégation  de  Saint-Maur  :  e'est  sa  destruction  et  son 
anéantissement.  Le  Parlement  prévoit  qu'on  fatiguera  les  religieux 
fidèles  à  leurs  statuts  par  des  vexations  multipliées,  qu'on  attirera 
les  autres  par  le  relâchement  des  règles;  et  qu'enfin,  on  présentera  un 
jour  au  roi  la  congrégation  entière  comme  demandant  elle-même  sa 
dissolution,  et  la  méritant  même  par  l'inobservation  de  ses  devoirs  et 
son  anarchie  intérieure.  Déjà  en  1766  cette  entreprise  a  été  tentée, 
elle  n'a  échoué  que  devant  la  sagesse  du  roi  alors  régnant,  «  qui  re- 
connut le  piège  qui  lui  était  tendu  ».  Depuis  un  mois,  la  forme  dou- 
teuse des  scrutins,  leur  suppression  subite,  le  refus  de  recevoir  les 
protestations  qui  en  accompagnaient  l'envoi,  les  coups  d'autorité 
contre  les  religieux,  «  les  perquisitions  répétées  dans  une  maison 
exemplaire  »,  montrent  assez  de  quel  esprit  d'hostilité  sont  animés 
les  instigateurs  des  évocations,  et  les  inspirateurs  d'un  chapitre  illé- 
galement et  frauduleusement  composé. 

RÉCIT  D'UN  DE  MESSIEURS 

SÉANCE  DU  9  JANVIER    1784' 

Monsieur,  Messieurs  se  rappellent  quel  était  le  dernier  état  des  choses  rela- 
tivement à  la  congrégation  de  Saint-Maur  :  le  chapitre  devait  commencer  le 
9  septembre  dernier  ;  le  6  a  été  écrite  une  lettre  par  les  supérieurs  majeurs 
à  tous  les  religieux  pour  leur  défendre  de  regarder  comme  canonique  le  cha- 
pitre qui  allait  se  tenir,  et  leur  enjoindre  de  conserver  toujours  l'obéissance 
aux  supérieurs  élus  en  1781  :  cette  lettre  fut  signifiée  le  9  au  matin.  Le  9  dé 
relevée,  l'assemblée  se  déclara  canonique   à  la  pluralité  de  3i  contre  1.    Le 

1.  Arch.  nat.,  X  lu  8980. 


132  LÀ  GRANDE  POLICE 

seul  qui  s'y  opposa  fut  do  m  Lieblc,  députe  de  la  province  de  France.  Après 
avoir  démontré  toutes  les  irrégularités  et  les  vices  dont  cette  assemblée  était 
infectée,  il  dit  qu'il  était  porteur  d'environ  deux  cents  protestations  dont  il 
offrait  de  faire  la  lecture,  et  dont  il  demandait  qu'il  fût  fait  mention  dans  le 
procès-verbal.  Ces  protestations  pouvaient  être  intéressantes  à  lire,  puisqu'il 
s'agissait  de  savoir  quels  étaient  les  pouvoirs  des  députés,  et  si  ceux  qui  les 
avaient  nommés  n'avaient  pas  limité  leur  autorité  :  on  refusa  cependant  de 
les  transcrire  dans  le  procès-verbal.  Cette  méthode  est  celle  qu'on  a  suivie 
pendant  tout  le  cours  du  chapitre.  Le  procès-verbal  offre  partout  des  décisions 
unanimes,  et  pas  la  moindre  apparence  d'une  force  passive  ou  coaclive.  Dom 
Mousso,  supérieur  général,  et  dom  Lieble,  croyant  leur  présence  inutile  dans 
un  chapitre  où  tout  passait  contre  leur  avis,  et  où  on  ne  voulait  pas  même 
leur  donner  acte  de  leurs  protestations,  prirent  le  parti  de  se  retirer  du  cha- 
pitre. Lettres  de  cachet  pour  leur  enjoindre  d'y  retourner.  Dom  Mousso  se 
présente  muni  d'une  de  ces  lettres  et  en  demande  la  transcription  sur  le 
procès-verbal  :  on  lui  dit  qu'on  [en]  délibérera  après  qu'il  sera  sorti  ;  il  sort, 
et  le  procès-verbal  de  ce  jour  ne  porte  aucun  de  ces  faits. 

Cependant  le  11  septembre  dernier,  dom  Mousso,  ses  deux  assistants,  et 
dom  Lieblc  tant  en  son  nom  que  comme  fondé  de  plus  de  deux  cents  procu- 
rations, interjettent  un  appel  ad  apostolos.  Cette  voie  leur  était  ouverte  : 
l'appel  pouvait  être  mauvais  au  fond,  mais  ils  avaient  au  moins  le  droit  de  le 
former.  N'étant  pas  soumis  à  la  juridiction  de  l'ordinaire,  ils  ne  peuvent 
avoir  d'autre  supérieur  immédiat  que  le  chef  de  l'Église;  d'ailleurs  cette 
forme  est  autorisée  par  les  lois  du  royaume,  et  littéralement  écrite  dans  le 
Concordat.  Cet  appel  fut  signifié  le  lendemain  12.  Sa  signification  devait  le 
rendre  suspensif;  cependant  on  a  passé  outre,  et  le  chapitre  a  tenu  ses 
séances  comme  auparavant.  A  cet  appel  s'en  est  joint  un  autre,  présenté  et 
reçu  à  la  chambre  des  vacations  :  c'était  un  appel  comme  d'abus  formé  par 
les  mûmes  personnes  et  sur  les  mêmes  objets.  Ce  second  appel  était  suspensif 
comme  le  premier.  A  la  vérité  il  a  été  évoqué  par  un  arrêt  du  Conseil1,  mais 
l'évocation,  ne  faisant  que  dépouiller  les  juges  naturels  pour  saisir  un  tribunal 
illégal,  laisse  toujours  subsister  l'appel  dans  toute  sa  force.  Cet  arrêt  du  Con- 
seil est  du  1  i  septembre.  Il  en  a  été  rendu  un  autre  pour  annuler  l'appel  ad 
apostolos.  La  date  de  celui-ci  n'est  pas  aussi  constante  :  dans  l'imprimé  il  est 
daté  du  27  septembre  et  dans  les  significations  du  23.  Cette  signification  n'a 
été  faite  que  le  1er  octobre  après  midi.  Ainsi,  en  supposant  l'appel  justement 
annihilé,  il  était  toujours  suspensif  jusqu'au  moment  où  l'annihilation  a  été 
signifiée. 

Je  ne  rendrai  pas  compte  à  Messieurs  de  ce  qui  s'est  passé  dans  les  diffé- 
rentes séances.  11  suffira  simplement  de  savoir  qu'on  a  déposé  les  supérieurs 
élus  en  1781  sans  prononcer  contre  la  canonicité  de  ce  chapitre  :  chose  qui 
paraissait  cependant  indiquée  par  l'arrêt  du  Conseil  du  21  juin  1783.  Cet  arrêt 
ne  permettait  de  procéder  à  de  nouvelles  élections  que  dans  le  cas  où  il  y 
auraitlieu.  Mais  les  supérieurs  nommés  en  1781  devant  l'être  pendant  trois  ans 


).  L'évocation  au  Conseil  dos  appels  comme  d'abus,  attribués  spécialement  à 
la  grand'chambre,  taisait  le  roi  eu  personne  juge  de  ses  contestations  avec 
l'Église,  «i xrinplc  îles  préjugés  contraires  au  droit,  de  la  couronne  ».  (Séance 

du   16  janvier  1784.) 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  133 

si  leur  élection  était  bonne,  il  n'y  avait  lieu  de  les  destituer  qu'autant  qu'elle 
eût  été  mauvaise;  elle  ne  pouvait  être  mauvaise  qu'autant  que  le  chapitre  qui 
y  avait  procédé  n'eût  pas  été  canonique  ;  et  l'assemblée  de  Saint-Denis  n'a  pas 
même  élevé  de  doute  sur  sa  canonicité.  Le  1  i  octobre,  appel  comme  d'abus 
des  élections  qui  venaient  d'être  faites  au  nouveau  chapitre.  Nombre  de  reli- 
gieux ont  demandé  d'y  être  reçus  intervenants  et  ont  déposé  au  greffe  de  la 
Cour  leurs  protestations,  ou  les  pouvoirs  par  eux  donnés  à  leurs  députés,  le 
tout  au  nombre  de  deux  cent  quatre. 

Voilà,  Monsieur,  les  faits  les  plus  essentiels  que  j'ai  cru  intéressant  de 
mettre  sous  vos  yeux. 

REMONTRANCES  DU  PARLEMENT 

DÉLIBÉRÉES    LE    II)    FÉVRIER    1784 
PRÉSENTÉES   LE  28   PAU   d'ALIGRE,    BOCHART   DE   SAROU   ET  GILBERT1 

Siurc,  une  congrégation  célèbre,  livrée  au  trouble  et  à  l'anarchie;  toutes  les 
formes  violées  pour  couvrir  l'irrégularité  d'une  de  ses  assemblées;  l'ordre  de 
la  justice  interverti  par  des  évocations  répétées;  la  loi  sacrée  de  la  propriété, 
attaquée  dans  un  de  ses  points  et  menacée  dans  tous  par  une  commission  dont 
les  entreprises  s'étendent  et  se  multiplient  tous  les  jours:  tels  sont  les  objets 
importants  qui  amènent  aujourd'hui  votre  Parlement  aux  pieds  du  trône. 
Effrayé  des  dispositions  et  des  conséquences  de  l'arrêt  du  conseil  du  21  juin 
dernier,  il  n'a  pu  déguiser  à  Votre  Majesté  ses  justes  alarmes;  il  n'a  pu  lui 
cacher  les  atteintes  que  cet  arrêt  portait  aux  maximes  les  plus  sacrées  de 
l'ordre  public,  l'irrégularité  du  chapitre  dont  Votre  Majesté  avait  ordonné 
la  convocation,  et  l'impossibilité  qu'il  lût  jamais  déclaré  canonique;  l'événe- 
ment n'a  que  trop  prouvé  combien  ces  craintes  étaient  fondées. 

Non,  Sire,  jamais  une  assemblée  de  religieux  n'a  réuni  à  un  pareil  degré 
tous  les  caractères  qui  pouvaient  la  condamner  :  la  violation  des  principes, 
l'inconséquence  des  décisions,  la  rédaction  au  moins  incomplète  des  procès- 
verbaux,  la  multiplicité  des  coups  d'autorité,  toujours,  quoique  sous  des  déno- 
minations différentes,  revêtus  du  nom  de  Votre  Majesté  :  en  un  mot,  les  se- 
cousses violentes  du  despotisme  et  de  l'intrigue  substituées  à  la  marche  simple 
et  uniforme  de  la  loi,  tels  ont  été,  Sire,  les  moyens  et  les  fruits  d'une  assem- 
blée où  devaient  présider  la  religion  et  l'esprit  de  paix  qui  en  est  inséparable. 

Avant  de  mettre  sous  les  yeux  de  Votre  Majesté  ces  détails  affligeants,  votre 
Parlement  doit  la  supplier  de  fixer  un  moment  son  attention  sur  l'état  où  était 
la  congrégation  de  Saint-Maur  en  1781. 

Le  chapitre  devait  se  tenir  au  mois  de  mai.  Des  difficultés  s'élèvent  dans  une 
des  diètes  qui  devaient  le  précéder.  Des  députés  s'y  présentent  avec  des  titres 
d'élection  qui  paraissaient  douteux  :  ils  n'en  avaient  d'autres  que  la  nomination 
de  leurs  prieurs.  On  ouvre  les  Constitutions  de  1769,  on  y  voit  qu'il  faut  dé- 
libérer sur  leurs  lettres;  on  veut  que  les  députés  et  les  prieurs  s'abstiennent 


1.  Le  9  janvier  1784,  M.  Lefebvre  avait  l'ail  lecture  de  divers  passages  d'un 
Mémoire  (imprimé)  et  Consultation  pour  le  régime  actuel  de  la  Congrégation 
de  Sainl-Maur,  sur  laquelle  lecture  le  Parlenienl  déclara  qu'il  n'y  avait  pas  à 
délibérer.  Arch.  nat.,X  lu  Sihso,  aux  dates. 


m  LA  GRANDE  POLICE 

de  la  délibération,  parce  qu'ils  ne  peuvent  être  juges  les  uns  dans  leur  propre 
cause,  les  autres  de  leur  propre  fait.  Leur  retraite  en  pareil  cas  était  conforme 
àlajustice,  prononcée  par  la  raison  et  écrite  dans  les  statuts.  L'esprit  de  trouble 
que  dès  lors  on  fomentait  avec  soin  produisit  le  refus  le  plus  opiniâtre.  Plu- 
sieurs membres  de  l'assemblée  se  retirèrent  avec  les  mécontents.  Les  statuts 
avaient  prévu  la  scission,  ils  ordonnaient  de  passer  outre  après  les  sommations 
nécessaires,  et  c'est  ce  qu'on  fit. 

Voilà,  Sire,  ce  qui  s'est  passé.  Voilà  l'étincelle  qui  embrase  aujourd'hui  un 
ordre  nombreux. 

Sans  doute  Votre  Majesté  reconnaît  déjà  que  cette  diète  n'eut  rien  d'irré- 
gulier;  dès  lors  les  députés  qu'elle  envoya  au  chapitre  général  étaient  nommés 
légalement,  et,  par  une  suite  nécessaire,  ce  chapitre  était  canonique,  car  on  n'a 
jamais  pu  lui  faire  d'autres  reproches. 

L'assemblée  de  J 783  a  reconnu  tacitement  sa  régularité,  puisque 
celui  qui  a  présidé  au  mois  de  septembre  comme  visiteur  ne  tenait 
ce  titre  que  du  chapitre  de  1781.  Ainsi  l'assemblée  de  1783  s'esl  cou- 
damnée  elle-même  :  «  Les  ordres  de  Votre  Majesté  n'en  ont  jamais 
pu  l'aire  qu'une  assemblée  purement  politique.  » 

Tous  ses  actes  sont  illégaux,  «  chaque  pas  est  une  nullité  ».  L'ordre 
donné  par  les  supérieurs  aux  religieux  de  n'y  procéder  à  aucun  acte 
spirituel  a  été  intercepté.  — Les  remontrances  insistent  ensuite  sur 
la  légalité  et  les  effets  de  l'appefarf  apostolos,  dont  la  seule  signifi- 
cation  produit  le  même  effet  «  que  les  lettres  de  relief  pour  l'appel 
aux  tribunaux  »,  et  qui  ne  peut  anéantir  un  arrêt  du  conseil,  surtout 
aussi  évidemment  surpris  que  celui  du ?  dont  la  date  est  incer- 
taine! 

('/est  en  outrepassant  les  termes  de  l'arrêt  du  21  juin  1783  que  l'as- 
semblée a  procédé  à  de  nouvelles  élections.  Déjà  même  des  prieurs 
qui  ont  eu  le  tort  d'y  prendre  part,  «  livrés  à  leurs  réflexions  loin  de 
l'intrigue  et  de  ses  fauteurs  »,  s'en  repentent  et  protestent  contre  les 
irrégularités  mêmes  dont  ils  ont  pris  leur  part. 

Les  lacunes  des  procès-verbaux  sont  un  véritable  délit  contre  le 
roi,  puisque,  aux  termes  de  l'arrêt  du  21  juin,  le  roi  doit  avoir  con- 
naissance de  tout  ce  qui  se  passe  aux  assemblées. 

Ainsi  le  trouble  «  qui  ne  se  faisait  sentir  que  dans  une  partie  d'une 
seule  province1  est  devenu  général».  Les  liens  d'obéissance  sont 
rompus,  les  religieux  s'isolent  les  uns  des  autres.  «Un  corps  qui  trou- 
vait son  éclat  dans  son  union  ne  sera  plus  bientôt  qu'un  assemblage 
incohérent  d'individus  étrangers  les  uns  aux  autres  et  qu'on  pré- 
sentera ensuite  comme  inutiles  et  importuns.  »  C'est  ainsi  (pie  l'in- 

],  Normandie, 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  13o 

trigue,  ne  pouvant  détruire  violemment  l'ordre  des  Bénédictins, 
poursuit  sa  dissolution.  Le  moteur  de  tous  ces  troubles,  c'est  la 
commission  dite  des  Réguliers,  «tribunal  illégal  n-éé  sous  un  titre, 
supprimé  et  recréé  à  l'instant  sous  un  autre  »,  et  dont  l'assemblée  du 
clergé  de  1780  a  bien  défini  le  caractère.  N'a-t-elle  pas  exprimé  ses 
craintes  que  les  mots  «  de  suppression  et  de  translation  insérés  dans 
le  deuxième  arrêt  du  19  mars  ne  préparassent  aux  corps  réguliers  de 
nouveaux  orages?  on  voyait,  avec  peine  cinq  prélats  dispensés  de  la 
loi  sacrée  de  la  résidence  par  des  travaux  qui  semblaient  n'avoir  ni 
terme  ni  mesure;  mais  (a  frayeur  la  plus  universellement  répandue 
était  que  la  commission  ne  prolongeât  et  ne  perpétuât  sa  durée,  et  ne 
multipliât  insensiblement  ses  attributions  ».  Telles  sont  les  craintes 
du  clergé. 

Composée  originairement  par  moitié  d'ecclésiastiques  et  de  laï- 
ques, elle  ne  renferme  plus  aujourd'hui  qu'un  seul  laïque.  Les  autres 
commissaires  ont  le  champ  libre  pour  attenter  aux  propriétés  des 
ordres,  et  menacer  par  conséquent  toutes  les  autres. 

Chaque  individu,  chaque  corps  a  une  propriété,  c'est  elle  qui  l'attache  à  la 
société;  par  elle  et  pour  elle  seule  il  travaille  ou  contribue  à  la  chose  publique 
qui,  en  échange,  lui  en  garantit  la  conservation.  De  là  tous  les  intérêts  parti- 
culiers, dont  le  faisceau  réuni  produit  l'intérêt  public.  Donc,  toute  propriété 
quelle  qu'elle  soit,  d'un  citoyen,  d'une  communauté,  d'un  ordre  religieux,  a 
droit  à  la  justice  de  la  société  ou  du  souverain  qui  en  est  le  chef.  Chacun  peut 
la  réclamer  parce  qu'elle  lui  est  due.  Oui,  Sire,  la  justice,  le  plus  bel  attribut 
de  la  majesté  royale,  celui  qui  la  rapproche  le  plus  de  la  divinité  même,  la 
justice  n'appartient  pas  aux  monarques,  ils  en  sont  les  dépositaires  et  non  les 
maîtres;  dispensateurs  de  ce  trésor  sacré,  ils  doivent  l'ouvrir  à  tous  ceux  qui 
le  demandent;  s'il  peut  être  fermé  pour  un,  il  peut  l'être  pour  tous.  Le  dernier 
de  vos  sujets  y  a  autant  de  droit  que  les  grands  de  votre  royaume  :  et  si  dans 
l'usage  de  ce  bien  précieux  il  pouvait  y  avoir  quelque  préférence,  la  raison,  la 
nature,  et  le  cœur  de  Votre  Majesté  voudraient  qu'elle  fût  en  faveur  de  celui 
qui  a  le  plus  d'obstacles  à  vaincre  pour  l'obtenir. 

Le  roi  répondit  : 

J'ai  examiné  les  remontrances  de  mon  Parlement  concernant  la  congrégation 
de  Saint-Maur,  je  n'y  ai  rien  trouvé  qui  puisse  m'engager  à  changer  la  forme 
dans  laquelle  j'ai  prescrit  aux  parties  intéressées  de  recourir  à  ma  justice  :  cette 
forme  est  régulière  et  conforme  aux  ordonnances. 

Quant  à  la  commission  des  Unions,  cet  objet  ne  concerne  en  rien  mon  Par- 
lement. Je  suis  maître  de  faire  examiner  par  ceux  que  je  juge  à  propos  d'ho- 
norer de  ma  confiance  tes  objets  qui  intéressent  l'administration  de  mon 
royaume. 

Le  Parlement  accueillit,  néanmoins  la  requête  des  frères  Mousso, 


136  LÀ  GRANDE  POLICE 

Bourdon,  Brunel  et  consorts,  «appelants  tant  comme  d'abus  qu'au- 
trement des  décrets  et  élections  faits  dans  l'assemblée  non  canonique 
tenue  dans  l'abbaye  de  Saint-Denis  au  mois  de  septembre  1783»  et 
demandant  la  sauvegarde  de  la  Cour  contre  les  entreprises  possibles 
dont  la  liberté  de  leurs  personnes  pourrait  souffrir. 
Le  Parlemenl  fît  d'itératives  remontrances,  dont  j'extrais  une  noie. 

NOTE   EXTRAITE 

DES    ITÉRATIVES    REMONTRANCES   ARRÊTÉES   LE   1er    FÉVRIER    1J85, 

SUR  L'AFFAIRE  CONCERNANT  LA  CONGRÉGATION  DE  SAINT-MATH1 

Les  chanoines  réguliers  de  Sainte-Croix  de  la  Bretonnerie  avaient  en  France 
onze  maisons;  celle  de  Paris  a  été  fondée  par  saint  Louis,  dans  le  temps  des 
croisades. 

D'après  l'édit  de  17G8  concernant  les  réguliers,  il  se  tint  un  chapitre  national 
présidé  par  M.  l'archevêque  de  Toulouse  en  qualité  de  commissaire  du  roi. 

Par  les  délibérations  de  ce  chapitre,  les  maisons  des  provinces  devaient  être 
éteintes  après  la  mort  de  leurs  membres;  on  ne  statuaitrien  sur  celle  de  Paris, 
mais  on  défendit  de  recevoir  des  sujets.  Ces  délibérations  furent  revêlues  de 
lettres  patentes  homologuées  au  Parlement  :  celles-ci  accordaient  aux  chanoines 
réguliers  de  vivre  et  de  mourir  dans  la  jouissance  de  leur  état  et  de  leurs 
biens,  sous  l'autorité  de  leurs  supérieurs. 

Cette  loi  fixait?  en  dernier  lieu  l'état  de  la  maison  de  Paris  et  semblait  lui 
assurer  la  tranquillité,  lorsqu'elle  fut  troublée  par  deux  visites  que  vint  faire 
sans  ordre  un  des  membres  de  la  commission,  aujourd'hui  archevêque  de 
Bordeaux. 

La  première  ne  fut  pas  annoncée;  le  prélat  arriva  accompagné  du  secrétaire 
de  la  commission,  il  demanda  les  registres,  on  les  lui  ouvrit,  et  on  lui  fit  voir 
la  fausseté  des  bruits  qui  semblaient  avoir  motivé  sa  visite. 

Peu  de  temps  après,  le  prieur  fut  averti,  par  une  lettre,  que  le  prélat  devait 
revenir  le  lendemain.  Le  chapitre,  à  qui  il  communiqua  la  lettre,  forma  une  dé- 
libération par  laquelle  il  déclara  ne  pouvoir  se  désister  de  l'exécution  des  lettres 
patentes  enregistrées  au  Parlement,  qui  confirmaient  le  régime  de  la  commu- 
nauté, quant  à  l'autorité  des  supérieurs  et  à  l'administration  du  temporel;  que 
ce  serait  au  préjudice  de  ces  lettres  patentes  qu'un  prélat  viendrait  présider  le 
chapitre  pour  entendre  les  comptes;  que  cependant  le  chapitre  y  consentirait 
si  on  pouvait  sur  le  procès-verbal  lui  donner  acte  de  sa  protestation. 

Cette  déclaration,  signée  de  tous,  excepté  d'un,  fat  envoyée  au  prélat  qui  vint 
le  lendemain  sans  ardre,  comme  la  première  fois,  mais  toujours  accompagné 
du  secrétaire  de  la  commission. 

Malgré  les  plaintes  et  les  protestations  de  la  communauté,  il  voulut  procéder 
au  compte,  il  le  reçut  sans  aucune  vérification  des  pièces  justificatives,  il  le 
signa  avec  son  secrétaire  et  le  rendant-compte,  il  pressa  vivement  la  commu- 
nauté de  le  signer,  ainsi  que  le  procès-verbal. 

I.  Arch.  iial..  X  Lb JB982.  —  Los  itératives  remontrances  ne  font  au  reste  que 
ressasser  Les  précédentes* 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  137 

Ces  visites  irrégulières,  où  la  force  faisait  taire  tout  devant  elle,  où  l'on 
voulait  qu'une  communauté  entière  approuvât  des  comptes  sur  lesquels  on  ne 
donnait  ni  ne  prenait  même  aucune  vérification,  annonçaient  un  orage  qui  ne 
tarda  pas  à  éclater.  Le  20  juin  de  la  même  année,  signification  d'un  jugement 
du  conseil  du  10,  mettant  en  régie  les  biens  de  la  maison  et  accordant  à  chaque 
membre  une  somme  annuelle  de  1,200  livres. 

Le  prieur  et  la  communauté  refusèrent  alors,  et  depuis  constam- 
ment, de  signer  le  compte  définitif  après  inventaire  et  sur  pièces. 

Ce  compte  que  deux  personnes  suspectes  avaient  dressé  en  secret...,  portait 
le  total  des  dettes  de  la  maison  à  une  somme  de  52,000  livres,  et  cependant, 
six  mois  auparavant,  d'après  un  procès-verbal  de  M.  l'Archevêque  de  Dordeaux, 
elles  n'allaient  pas  à  20,000  livres. 

Mêmes  procédés  à.  l'égard  de  la  congrégation  de  Saint-Maur,  conclu! 
le  Parlement  :  même  but  secrètement  et  perfidement  poursuivi.  La 
résistance  du  Parlement  retarda  le  dénouement1.  Ce  fut  seulement 
parle  décret  du  19  juin  1790  que  fut  supprimé  (en  France)  l'ordre  des 
Bénédictins2.  L'histoire  hérita  des  trésors  de  leur  érudition  et  de 
l'exactitude  consciencieuse  de  leur  méthode. 


APPENDICE 


EXTRAITS  DU  CHRONIQUEUR  HARDY  SUR  L'ÉGLISE  DE  PARIS 

1787-1789 


LES  BIENS  D'ÉGLISE,  LES  SAINTES  CHAPELLES 

En  1787,  Je  gouvernement,  par  mesure  d'économie,  résolut  de 
supprimer  la  plupart  des  Saintes  Chapelles,  entre  autres  celles  de 
Paris  et  de  Vincennes,  auxquelles  les  scellés  furent  apposés.  Aussitôt, 
le  bruit  courut  faussement  : 

Que  les  scellés  avaient  été  également  apposés  à  l'abbaye  de  Saint-Denis  en 


1.  Voyez  lettres  patentes  du  lo  février  1788  ordonnant  la  tenue  do  diètes  dans 
chacune  clos  provinces  do  la  congrégation  de  Saint-Maur  'X  1b  8988^. 
-2.  Reconstitué  à  Solesmes,  par  Dom  Guéranger. 


138  LA  GRANDE  POLICE 

France,  à  celle  de  Saint-Germain-des-Prés  de  Paris,  à  la  Grande  Chartreuse  de 
Grenoble,  etc.,  etc.;  et  l'on  ne  parlait  que  de  changements  et  de  destructions, 
telles  que  :  1°  de  supprimer  tous  les  chapitres  de  la  capitale,  même  celui  de 
Saint-Honoré  qui  serait  incorporé  à  l'église  de  Paris  avec  le  chapitre  de  Sainte- 
Opportune  ;  2°  de  renvoyer  les  religieux  de  l'abbaye  de  Saint-Denis  pour 
mettre  à  leur  place  les  aumôniers  et  chapelains  du  roi;  3°  de  séculariser  les 
Barnabites,  les  religieux  de  la  Merci ,  et  de  s'emparer  de  leurs  biens  ;  4°  d'éta- 
blir dans  l'ancienne  église  des  Religieuses  Annonciades  de  Popincourt  encore 
subsistante  une  succursale  pour  la  paroisse  de  Sainte-Marguerite,  qui  devenait 
de  jour  en  jour  plus  considérable;  en  un  mot,  de  frapper  sur  les  plus  riches 
Congrégations  religieuses,  pour  y  puiser  les  secours  pécuniaires  que  la  dé- 
tresse de  l'État  et  l'affreux  dérangement  de  nos  finances  rendaient  si  néces- 
saires'. 


RÉSIGNATION  DÉS  CURÉS,  DROIT  DÉ  DÉPORT 

La  cure  de  Saint-Roch  étant  tombée  ce  qu'on  a  coutume  d'appeler  en  dé' 
port,  comme  devenue  vacante  entre  le  mercredi  des  Cendres  et  le  dimanche  de 
la  Trinité,  le  revenu  de  cette  cure  pendant  la  première  année  se  trouvait  dé- 
volu par  moitié  â  l'archidiacre  et  à  Monsieur  l'archevêque  de  Paris;  mais  ce- 
lui-ci en  perdait  la  nomination  à  cause  de  la  résignation  faite...  à  temps  et 
en  bonne  forme  par  le  défunt  à  son  neveu  et  vicaire  2. 

LÉS  RIENS  D'ÉOLÏSE  :  SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS 

Ce  jour  on  est  assuré  par  la  Gazette  de  France  en  y  lisant  l'article  de  Naples. 
daté  du  3  du  présent  mois,  que  l'abbé  Louis-Ame  de  Bourbon,  prêtre-cha- 
noine honoraire  de  l'Église  de  Paris,  grand  vicaire  de  Monsieur  l'archevêque, 
fils  naturel  du  feu  roi  Louis  XV  et  de  la  demoiselle  Romans,  était  mort  en 
cette  ville,  le  28  février  dernier...  Monsieur  l'abbé  de  Bourbon,  qui  avait  donné 
la  démission  d'une  abbaye  cômmendataire  à  laquelle  le  roi  l'avait  nommé  d'a- 
bord, jouissait  actuellement  de  100,000  livres  de  revenu  annuel  sur  l'abbaye 
de  Saint-Germain-des-Prés  mise  en  économats,  et  qu'on  assurait  lui  être  des- 
tinée en  totalité  à  son  retour  en  France  >. 

PRÉTENDU  PROJET 

CONCERNANT   LE   REVENU    DES   ÉVÊCHÉS   ET    DES   ABBAYES 

Ce  jour  on  ne  parlait  partout  que  du  prétendu  projet  soi-disant  adopté  tout 
nouvellement  par   l'administration,  consistant  dans  un  parti  pris  d'unir  aux 


4.  Hardy,  t.  VII,  p.  28  (10  mars  1787).  Bib.  uat.,  mus.  6886. 

2.  Hardy,  t.  Vil,  p.  31  (21   mars  1787). 

:i.  Il  fut  enlevé  par  la  petite  vérole,  à  l'âge  de  vingt-quatre  ans;  il  fat  inhumé 
à  Santa-Maria-Nova  (Hardy,  I.  VII,  p.  '■'<■'<.  ;i  la  date  du  27  mars  1187,  —  Coït, 
secrète,  1,  17,105;  II,  122'. 


ET  L'ÉGLISE  DE  PARIS  139 

économats  tous  les  revenus  généralement  quelconques  attribués  aux  différents 
archevêchés  ou  évêchés,  comme  aux  différentes  abbayes  commcndataires  ou 
régulières  du  royaume  qui  viendraient  à  vaquer  à  l'avenir,  en  faisant  la  part 
de  chacun  des  futurs  titulaires  de  ces  bénéfices  consistoriaux  d'une  manière 
convenable  et  telle  qu'elle  pourrait  être  arbitrée,  en  séquestrant  le  surplus 
pour  être  employé  à  la  liquidation  des  dettes  de  l'Etat,  jusqu'à  ce  que  cette 
liquidation  fût  entièrement  achevée,  bien  des  gens  applaudissaient  à  ce  projet 
qu'on  disait  avoir  été  proposé  par  un  meunier  à  M.  Nccker...  mais  dont  j'avais 
vu  l'esquisse  entière  dans  les  mains  d'un  avocat  au  Parlement  aussi  rempli  de 
zèle  que  d'intelligence,  qui  s'en  était  longtemps  occupé  '. 

INÉGALITÉ  DES  CURES 

A  l'assemblée  de  l'Hôte]  de  Ville  du  9  janvier  1789,  la  plupart  des 
curés  de  Paris  se  bornèrent  à  demander  que  l'on  multipliât  les  ate- 
liers de  charité,  et  que  l'on  remplaçât  les  chauffoirs  établis  en  salles 
fermées  par  des  chauffoirs  en  plein  air.  Le  curé  de  Saint-André- 
des-Arcs,  Éléonore-Marie  Desbois  de  Rochefort,  propose  d'autres  re-' 
modes  : 

Il  dit  en  présence  de  ses  confrères,  avec  une  franchise  à  la  vérité  un  peu 
rustique  :  que  l'un  des  plus  grands  maux  pour  la  religion,  les  mœurs  publiques 
et  particulières,  et  les  secours,  c'étaient  les  trop  grandes  paroisses  qui  n'avaient 
d'utilité  que  pour  les  curés2. 

Sans  repousser  les  secours  des  diverses  compagnies  de  Paris,  il 
proposait  une  levée  sur  les  spectacles,  bals  et  autres  assemblées  de 
plaisir.  II  voulait  enfin  : 

Qu'il  fût  pris  pendant  le  courant  de  cette  malheureuse  année,  au  protit  des 
pauvres,  une  moitié  de  tous  les  bénéfices  simples,  le  tiers  de  tous  les  bénéfices 
au-dessus  de  i,000  livres,  le  quart  de  ceux  au-dessous  de  1,200  livres,  et  la 
moitié  du  revenu  de  toutes  les  communautés  monastiques  et  ecclésiastiques. 
Il  voulait  que  Monsieur  l'Archevêque  de  Paris  fût  nommé  dépositaire  des 
sommes  provenantes  de  cette  contribution  momentanée. 

Il  organisait  ensuite  à  sa  manière  la  répartition  des  secours  5. 


1.  Hardy,  t.  VIII,  p.  117  (16  octobre  1788).  Bib.  mil.,  nuis  6887. 

2.  Hardy,  t.  VIII,  p.  208-200  (20  janvier  1789). 

.'S.  Voir  son  Mémoire  sur  les  calamités  de  l'hiver  1788-1789  lu  dans  une  assem- 
blée tenue  à  l'Hôtel  de  \~ille  de  Paris  le  vendredi  9  janvier  1789,  pièce  in-8°, 
31  p.,  vendue  12  sols  nu  profil  des  pauvres,  au  presbytère  de  Saint- And ré-d es- 
Arcs,  —  Desbois  de  Rocheforl  fut  élu  évêque  d'Amiens. 


VI 

LE  PARLEMENT 
ET  L'UNIVERSITÉ  D  I*   PARIS 


La  suppression  de  l'ordre  dos  Jésuites  en  France  et  son  abolition 
par  le  pape  Clément  XIV  eurent  sur  l'enseignement  moyen  de  grandes 
et  durables  conséquences.  Sans  doute  les  méthodes  et  les  programmes 
restèrent  à  peu  près  les  mêmes,  et  l'Université  n'accomplit  même 
poinl  les  modestes  réformes  indiquées  par  Rollin.  Mais  pour  la  pre- 
mière fois  put  être  posé  le  principe  d'une  éducation  nationale  :  c'est 
Le  titre  même  de  l'ouvrage  de  la  Ghalotais,  le  courageux  procureur 
général  du  Parlement  de  Bretagne  '.  On  ne  songeait  pas  à  séparer 
l'Eglise  de  l'École,  puisqu'elle  ne  l'était  point  de  l'État;  mais  nul 
Fiançais  digne  de  ce  nom  ne  pouvait  regretter  une  propagande  toute 
romaine,  qui  pervertissait  par  une  confusion  voulue  les  dogmes  de  la 
religion,  les  notions  ordinaires  de  la  logique  et  de  la  morale,  et  les 
principes  de  la  monarchie  traditionnelle.  En  se  défendant,  la  royauté 
avait  donc  défendu  la  Nation. 

Cependant  elle  n'avait  pas  émancipé  l'Université  :  elle  l'avait  sim- 
plement tranquillisée  sur  l'avenir;  elle  avait  mis  fin  aux  stériles  dis- 
putes, aux  haines  et  aux  rivalités  dissolvantes  qui  retentissaient  dans 
le  cœur  des  enfants  et  leur  enlevaient  cette  confiance  et  cette  sécurité 
d'esprit  nécessaires  à  l'éducation.  Comme,  par  ses  propres  forces, 
l'Université  n'avait  pu  protéger  l'enseignement  contre  l'invasion  ultra- 
montaine;  comme  personne  n'avait  oublié  la  Sorbonne  du  XVIe  siècle, 
restée  fidèle  à  la  Ligue  même  après  la  conversion  de  Henri  IV,  c'est 
avec  prudence  et  dans  une  vue  très  juste  ^  la  situation  que  l'Univer- 


1.  Essai  d'éducation  nationale,  ou  Plan  d'études  'pour  lu  jeunesse  illi;:],  iri-12). 
-  Voyez  dans  le  même  sons  :  Guyfou  de  Morveau,  avocal  général  au  Parlement 
de  Bourgogne,  Mém.  sur  l'éducation  publique,  etc.  (1764,  Ln-12);  il   insislc  sur 
l'euseignemenl  il<'  l'histoire. 


LE  PARLEMENT  ET  L'UNIVERSITÉ  DE  PARIS  lil 

site  fui  placée  sous  l'étroite  et  rigoureuse  tutelle  du  Parlement,  dont 
elle  était  d'ailleurs  justiciable  depuis  le  XIVe  siècle.  Au  collège  Louis- 
le-Grand,  aussitôt  que  les  jésuites  l'eurent  évacué,  furent  unis  beau- 
coup des  collèges  obérés  ou  presque  déserts  de  la  rive  gauche;  le 
principal  établissement  de  la  Société  devint,  et  resta  jusqu'en  1789,  le 
chef-lieu  de  l'Université;  la  'théologie  ne  trôna  plus  qu'à  la  Sorbonne. 
Les  Ecoles  de  droit  et  de  médecine  reçurent  des  locaux  plus  spacieux 
et  mieux  disposés;  la  chirurgie  fut  mise  à  son  véritable  rang,  malgré 
la  persistance  des  privilèges  des  barbiers-chirurgiens.  Enfin,  le  Collège 
de  France,  l'admirable  fondation  de  François  Ier,  fut  agrégé  à  l'Uni- 
versité '.  En  dépit  de  protestations  intéressées,  les  concours  de  profes- 
seurs furent  institués  et  maintenus2  :  principe  de  justice  sociale  (pic 
la  Révolution  devait  consacrer  et  étendre. 

L'Université  publia  plus  d'un  mémoire  contre  les  réformes  qui  lui 
étaient  imposées.  L'ingérence  perpétuelle  de  l'Etat  (représenté  par 
quatre  membres  du  Parlement,  un  archevêque,  un  évêque,  deux  con- 
seillers d'État  et  un  maître  des  requêtes)  troublait  visiblement  sa 
sérénité.  Elle  ne  se  sentait  plus  une  puissance,  comme  aux  temps  de 
ses  luttes  ouvertes  avec  les  jésuites  :  elle  devenait  insensiblement  un 
service  public.  Mais  à  une  vie  extérieure  et  factice  avait,  heureusement 
pour  les  jeunes  générations,  succédé  un  labeur  mieux  soutenu;  pour 
trouver  des  professeurs  capables,  il  avait  suffi  d'imposer  des  condi- 
tions de  capacité.  Qu'aurait-ce  été,  si  l'on  eût  osé  sortir  du  cercle 
étroit  des  littératures  anciennes  et  de  la  scolastique,  où  presque  (oui 
l'enseignement  était  enfermé!  Ce  pas  décisif,  le  Parlement,  éclairé  par 
le  président  Rolland,  l'aurait  peut-être  tenté  :  la  Révolution  lui  en- 
leva cet  honneur.  Mais  il  a  reconnu  l'insuffisance  de  l'enseignement 
scientifique,  et  de  celui  du  français  :  il  a  dressé  un  plan  d'enseigne- 
ment historique  inspiré,  il  est  vrai,  par  l'esprit  de  Rossuet,  mais  que 
V Essai  sur  les  mœurs  était  toujours  là  pour  corriger. 

En  dehors  de  cette  influence  générale,  le  Parlement,  par  l'homolo- 
gation, donne  une  valeur  légale  aux  règlements  et  aux  décisions  de 
l'Université  en  général,  et  à  celles  des  bureaux  d'administration  en 
particulier.  11  veille  (chose  capitale  dans  l'état  des  finances)  à  la  dis- 
tribution régulière  des  revenus  universitaires  3,  à    la  proportion   du 


1.  Lettres  patentes  du  1G  mai  1712. 

2.  Déjà  depuis  longtemps  (1746,'legs  de  l'abbé  Lcgendre),  le  concours  général 
des  élèves  était  en  vigueur.  Après  avoir  été  un  moyen  d'émulation,  le  concours 
est  devenu  un  procédé  de  classement,  non  définitif  sans  doute  et  indiscutable, 
mais  préférable  en  somme  à  tous  les  autres  pour  les  débuts  dans  une  carrière. 

3.  L'arrêt  du  Conseil  du  29  mai  1766  avait  affecté  à  l'Université  253,273  livres 


142  LE  PARLEMENT 

nombre  des  ('lèves  payants  et  des  boursiers.  11  exerce,  en  un  mol, 
sur  la  plus  importante  des  corporations,  le  contrôle  supérieur,  Fac- 
tion régulière  et  légale  qu'il  aurait  voulu,  au  défaut  des  Etats  géné- 
raux, exercer  sur  le  gouvernement  lui-même.  Il  maintient,  du  reste, 
autant  qu'il  est  en  lui,  la  vieille  et  inutile  juridiction  de  l'Université  sur 
la  librairie,  sur  les  écrivains  publics,  sur  les  maîtres  de  pensions1. 
Pour  les  procès  d'opinions,  les  condamnations  d'ouvrages,  le  Parle- 
ment et  l'Université  sont  d'accord  :  monarchie  tempérée,  gallicanisme, 
privilèges  de  classes  ou  de  corps,  telle  est  leur  commune  doctrine. 
Ils  sont,  d'ailleurs,  opposés  l'un  et  l'autre  à  la  liberté  philosophique 
de  la  pensée  :  l'Université  s'appuie  sur  les  textes  sacrés  et  profanes; 
le  Parlement, sur  les  lois  qu'il  a  enregistrées,  ou,  à  la  longue,  approu- 
vées et  appliquées. 

Le  livre  IV  de  Y  Histoire  de  l'Université  au  XVIIe  et  au  XVIIIe  siè- 
cles2, par  Gh.  Jourdain,  et  surtout  la  première  partie  de  l'Enseigne- 
ment supérieur  en  France,  par  M.  L.  Liard  5,  nous  dispensent  de  "plus 
longs  développements  sur  l'état  de  l'Université  de  Paris  avant  1780, 
et  sur  ses  rapports  avec  les  pouvoirs  publics  et  avec  l'Eglise.  On 
n'a  peut-être  pas  assez  insisté  sur  la  recrudescence  «les  intrigues  ultra- 
montaines,  dans  la  seconde  moitié  du  règne  de  Louis  XVI.  A  mesure 
que  le  Parlement,  rappelé  en  1771,  se  montra  plus  agressif  pour 
les  ministres  et  pour  les  courtisans,  ses  adversaires  reprirent  cou- 
rage et  faveur.  De  sourdes  accusations  se  répandirent,  contre  l'ensei- 
gnement et  l'orthodoxie  universitaires 4.  En  1784,  l'éloge  de  Rollin 
ayant  été  donné  comme  sujet  au  concours  général,  il  y  eut  à  ce  propos 
une  véritable  émeute  d'écoliers  :  que  les  élèves  (ou  plutôt  les  maîtres) 
du  collège  du  Cardinal-Lemoine  en  eussent  été  ou  non  les  instigateurs, 
il  n'en  était  pas  moins  clair  pour  tout  le  monde  que  le  jésuitisme  com- 
mençait à  miner  l'édifice  consolidé  depuis  vingt  ans  par  le  Parlement 
et  l'Université  :  ou  plus  simplement,  que  le  vent  avait  tourné,  et  que 
du  même  côté  tournait  aussi  la  jeunesse  ambitieuse  des  fonctions  pu- 
bliques et  des  bénéfices  d'église. 

Les  documents  qui  suivent  ont  pour  objet  d'indiquer,  d'une  pari, 


sur  le  produit  des  postes  :  ce  n'était  là  du   reste  que  le  rachat  par  le  roi  d'un 
vieux  privilège  universitaire  datant  de  Louis  XI. 

1.  Arrêté  du  Parlement  sur  les  pensionnais  (2  avril  17S-i). 

2.  Pages  399-49!);  et  pièces  justificatives,  ccj  à  ccxxxvi. 

:i.  L'Enseignement  supérieur  ni  France  (1789-1889),  par  M.  L.  Liard  (Colin.  1888, 
in-8°). 

4.  Voyez  L'arrêt  imprimé  (16  p.  in-4°,  P. -G.  Simon),  du  25  janvier  1776  :  Bib. 
nat.,F,à  la  date  (6  exemplaires).  Cet  arrêt,  relatif  au  collège  d'Auxerre,  mais  étran- 
ger à  notre  sujet,  suffirait  à  démontrer  notre  affirmation. 


ET  L'UNIVERSITÉ  DE  PARIS  143 

l'action  ordinaire  du  Parlement  sur  l'Université;  d'autre  part,  de  faire 
voir  ses  inquiétudes  et  sa  légitime  préoccupation  de  l'avenir.  C'est  sur 
ce  dernier  point  surtout  qu'après  les  investigations  de  Ch.  Jourdain, 
nous  avons  trouvé  des  témoignages  de  quelque  importance.  Trop  faible 
pour  se  défendre  par  elle-même,  l'Université  accepte  avec  reconnais- 
sauce  la  protection  et  la  direction  du  Parlement  :  c'est  par  lui  qu'elle 
se  rattache  à  la  Nation,  et  qu'elle  semble  par  moments  sur  le  point 
de  se  transformer  en  Université  de  France.  Les  exils  ou  les  rappels 
du  Parlement  ne  la  laissent  jamais  insensible;  elle  est  toujours  fort 
empressée  à  lui  présenter  ses  hommages  dans  l'un  ou  dans  l'autre 
cas;  elle  abuse  même  un  peu  du  latin  pour  donner  aux  magistrats  des 
titres  qui  impliquaient  une  véritable  souveraineté  '. 

LE  BUREAU  DE  LOUIS-LE-GRAND 

Les  lettres  patentes  du  Roi,  concernant  le  collège  de  Louis-le-Grand, 
données  à  Versailles  le  30  août  1777,  registrées  en  Parlement  le  2  sep- 
tembre 1777  ',  rappellent  dans  l'administration  du  collège  les  officiers  du 
Parlement  «  que  les  circonstances  en  avaient  éloignés  »,  et  réunit  en 
un  corps  les  règlements  qui  ont  eu  lieu  depuis  les  lettres  patentes  du 
21  novembre  1763.  Le  bureau  est  composé  :  du  grand-aumônier,  pré- 
sident; de  deux  officiers  de  la  grand'  ehambre,  l'un  clerc,  l'autre  laï- 
que; de  deux  des  Enquêtes  et  Requêtes,  qui  ne  pourront  conserver  leur 
place  s'ils  montent  à  la  grand'  chambre2;  d'un  substitut  du  procureur 
général,  de  quatre  notables  de  Paris  adjoints  par  les  précédents  mem- 
bres, et  du  grand-maître  temporel'  des  Boursiers.  Le  hureau  s'occu- 
pera d'arrêter  les  comptes  de  la  régie  du  collège ,  et  des  collèges 
réunis  3. 

CONGÉS  DANS  L'UNIVERSITÉ  DE  PARIS 

L'arrêt  du  24  novembre  1777  homologue  la  conclusion  faite  en 
l'assemblée  universitaire  du  27  octobre  1777;  il  règle  les  congés  heb- 


1.  Ad  suprernum  Senatum  gratulatio  post  redilum  habita  Universitatis  noinine, 
die  mensis  decembris  secundâ,  mmo  1 774  [auctore  Franc.-Nicol.-Guérin),  Parisiis, 
ex  typis  viduœ  Thiboust  (s.  d.).  In-4°,  pièce  (Bib.  nat.,  Lb><->,  L46).  Voici  If  début 
d'un  autre  de  ces  discours,  qui  ne  parait  pas  avoir  été  imprimé  :  «  Illustrissime 
Supremi  Senatus  princeps,  prœsides  infulati,  senalores  integerritni,  dolet  ipsum 
dolorem  veslrum  Academia  parisiensis,  »  etc.  (Discours  du  recteur  au  Parlement 
exilé  à  Troyes,  en  date  du  29  août  1787.  Arch.  nat.,  X  lu  8986.) 

2.  Dérogation  aux  articles  1  et  2  des  lettres  patentes,  du  20  août  1767. 

3.  Pièce  in-4°,  4  pages  (Simon,  1777;.  Bib.  nat.,  K,  à  la  date. 


1  ii  LE  PARLEMENT 

domacUires  dans  leurs  rapports  avec  les  fêtes,  y  compris  celles  des 
patrons  des  collèges,  des  paroisses  où  ils  sont  situés,  la  Saint-Charie- 
magne,  les  deux  Saint-Nicolas,  la  Sainte-Catherine,  et  les  jours  de 
processions  de  l'Université.  Les  principaux  pourront  donner  congé  un 
jour  entier  pour  leurs  têtes.  —  La  durée  <\r<  classes  soit  du  matin, 
soit  du  soir,  est  fixée  à  deux  heures  un  quart.  — .Les  vacances  sont 
également  réglées  d'une  façon  uniforme  pour  tous  les  collèges  '. 

RADIATION  i)'LTN  DOCTEUR-MÉDECIN 

Arrêt  de  la  Cour  du  Parlement2  qui  confirme  les  décrets  de  la  Faculté  de 
médecine  de  Paris5,  par  lesquels  il  est  ordonné  que  le  nom  du  sieur  Claude- 
Tiiomas-Guillaume  Guilbert  de  Préval  sera  rayé  du  Catalogue  des  Docteurs- 
Régents  de  ladite  Faculté;  fait  défenses  audit  de  Préval  de  vendre  aucuns  re- 
mèdes par  lui-même.  Ordonne  la  suppression  des  termes  injurieux  répandus 
dans  ses  Requêtes  et  Mémoires,  etc.  (En  date  du  13  août  1777.) 

HONORAIRES  DES  PROFESSEURS  INSAISISSARLES 

EXTRAIT    DE   L'ARRÊT    DU   7    MARS   1780  4 

Les  honoraires  des  professeurs  de  l'Université  de  Paris  qui  se  consacrent 
à  l'éducation  de  la  jeunesse  dans  les  collèges  de  cette  ville  ne  sont  pas  sujets 
à  être  saisis  par  leurs  créanciers,  parce  que  ces  honoraires  sont  le  prix  d'un 
travail  journalier,  qui  n'a  pour  objet  que  l'utilité  publique,  et  que  la  plupart 
des  professeurs,  si  leurs  honoraires  étaient  saisissables,  se  trouveraient  forcés 
de  discontinuer  leurs  fonctions  par  défaut  de  subsistance  et  d'entretien. 

Toutefois,  la  saisie  pouvait  avoir  lieu  :  1°  pour  les  causes  où  les 
pensions  alimentaires  étaient  saisissantes  ;  2°  pour  le  payement  des 
livres,  instruments  ou  autres  objets  nécessaires  aux  professeurs  et 
maîtres  pour  leur  enseignement. 


1.  Pièce  in-4°,  6  pages  (veuve  Thiboust,  imprimeur  du  roi  et  de  l'Université), 
liih.  nat.,  F,  ;ï  la  date. 

2.  Pièce  in-4°  rognée;  de  23  p.  (Quillau, imprimeur  de  la  Faculté  de  Médecine). 

3.  Du  8  et,  du  12  août  1772.  La  Faculté  l'accusai I  de  charlatanisme  et  d'infamie. 
De  Préval  avait,  inventé  et  il  vendait  une  eaa.  fondante  guérissant,  selon  lui,  du 
jual  vénérien,  etc.  Des  libelles  ajoutaient  qu'il  s'était  offert  lui-même  en  expé- 
rience publique  {expérimente  publico  scorto  prostituere  se  non  erubuerit,  p.  15  de 
l'arrêt).  De  Préval  s'était  défendu,  entre  autres  arguments,  par  la  production  de 
si's  registres  qui  portaient  les  noms  de  2,700  soldats  et  6,200  bourgeois  de  Paris 
guéris  par  ses  soins  (p.  17).  Comp.  l'Observa  leur  anglais,  t.  I,  p.  26S. 

4.  Collection  citée  de  la  1 5 i  1  > .  nat.,  à  la  date.  —  Cet  arrêt,  étendait  à  tous  les 
collèges  du  ressort  un  privilège  spécial  jusque-là  aux  maîtres  de  l'Université  de 
Paris. 


ET  L'UNIVERSITÉ  DE  PARIS  143 

BOURSIERS 

EXTRAIT    DES    REGISTRES   DES   DÉLIBÉRATIONS 

DU    BUREAU   D'ADMINISTRATION    DU    COLLÈGU   DE   LOUIS-LE-GRAND 

DU   JEUDI   QUATRE   JANVIER    MIL    SEPT    CENT   QUATRE- VINGT- UN  ' 

Sur  ce  qui  a  clé  observé  au  bureau  qu'il  serait  très  important  que  tous  les 
boursiers  du  collège  fussent  sévèrement  examinés  pendant  les  deux  années 
d'épreuve,  et  que  ceux  d'entre  eux  qui  seraient  trouvés  négligents,  paresseux, 
incapables  d'instruction  et  de  progrès,  incorrigibles,  fussent  renvoyés  sur-le- 
champ,  afin  de  ne  conserver  dans  le  collège  que  des  jeunes  gens  qui,  par  leur 
application  et  leurs  progrès,  deviennent  capables  d'être  un  jour  utiles  à  l'Église 
et  à  l'État.  Que  telle  est  l'inleniion  formelle  ou  présumée  des  différents  fon- 
dateurs des  bourses.  Qu'en  outre,  plusieurs  desdils  boursiers  se  persuadent 
que,  quand  ils  ont  été  définitivement  admis,  après  les  deux  années  d'épreuve, 
il  n'est  presque  plus  possible  de  les  destituer  de  leurs  bourses;  qu'à  la  faveur 
de  cette  opinion  ils  négligent  étonnamment  leurs  devoirs  et  deviennent  des 
mauvais  sujets.  Qu'à  la  vérité  le  Règlement  du  22  novembre  1769,  homologué 
au  Parlement  le  4  décembre  de  la  même  année,  autorise  M.  le  Principal  et 
les  quatre  examinateurs  à  renvoyer  les  boursiers  pour  des  causes  graves  et 
lorsqu'ils  sont  incorrigibles  ;  mais  qu'il  paraîtrait  nécessaire  d'expliquer  ces 
causes  graves  et  de  développer  les  cas  où  les  boursiers  pourraient  ou  devraient 
être  déclarés  incorrigibles  et  destitués  de  leurs  bourses,  suivant  l'esprit  des 
règlements  déjà  intervenus  à  ce  sujet.  Qu'il  conviendrait  sans  doute  de  prendre 
une  délibération  précise  sur  une  matière  aussi  intéressante  et  de  remettre 
ensuite  cette  délibération  à  monsieur  le  Procureur  général,  pour  qu'il  veuille 
bien  en  requérir  l'homologation  en  la  Cour.  Sur  quoi  la  matière  mise  en  déli- 
bération : 

Le  Dureau  a  nommé  MM.  le  président  Rolland,  de  Villiers  de  La  Noue,  Rat 
de  Mondon  et  Fourneau,  commissaires,  à  l'effet  de  dresser  un  projet  de  règle- 
ment à  ce  sujet,  pour  ledit  projet  rapporté  au  premier  bureau  du  mois  de 
février  prochain,  y  être  arrête  et  l'exécution  d'icelui  ordonnée. 

Signé  au  registre:  Le  cardinal  de  Rohan ,  Rolland,  Tandcau  de  Marsac, 
Sainfray,  de  Villiers  de  La  Noue,  Estienne,  Rat  de  Mondon,  Fourneau,  Bérar- 
dicr  et  Reboul. 

DU   JEUDI   QUINZE   FÉVRIER    MIL    SEPT   CENT   QUATRE-VINGT-UN 

MM.  les  commissaires  nommés  par  délibération  du  4  janvier  dernier  ont 
fait,  cl  le  Rureau  a  unanimement  arrêté  le  Règlement  dont  la  teneur  suit  : 

I.  —  Les  boursiers  seront  examinés  avec  la  plus  grande-  exactitude  pen- 
dant les  deux  années  d'épreuve  portées  par  les  lettres  patentes  du  19  mars  1780. 
Ceux  desdils  boursiers  qui,  pendant  la  durée  desdiles  deux  années,  seront 
déclarés  ineples  ou  incapables  d'instruclion  et  de  progrès,  négligents,  indo- 
ciles, incorrigibles,  par  le  principal  et  les  quatre  examinateurs,  à  la  pluralité 

1.  X  1b  8973. 

lu 


146  LE  PARLEMENT 

des  voix,  seront  renvoyés  du  collège,  sans  délai,  après  en  avoir  averti  les 
correspondants  ou  proches  parents,  et  ils  seront  déclarés  tels,  d'après  les 
témoignages  des  principal ,  professeurs  ou  régents  et  sous-maîtres,  sans  qu'il 
soit  besoin  d'aucune  autre  formalité.  Il  en  sera  usé  de  même  à  l'égard  de  ceux 
desdits  boursiers  qui,  pendant  lesdites  deux  années  d'épreuve,  ou  d'après  les 
témoignages  des  médecins  et  chirurgiens  du  collège,  seraient  reconnus  d'une 
constitution  trop  faible  ou  d'une  santé  trop  mauvaise  pour  pouvoir  soutenir 
les  exercices  du  collège  et  l'application  des  études. 

IL  —  Ceux  des  boursiers  qui  auront  été  définitivement  admis  par  le  prin- 
cipal et  les  examinateurs,  seront  renvoyés  pour  des  causes  graves  et  lorsqu'ils 
seront  trouvés  incorrigibles,  suivant  l'article  12  du  litre  VI  du  règlement  du 
22  novembre  1769,  homologué  par  arrêt  du  4  décembre  de  la  même  année,  et 
tout  délit  commis  contre  les  mœurs,  contre  la  religion,  et  contre  le  bon  ordre  et 
la  discipline  du  collège,  l'introduction  de  mauvais  livres  dans  le  collège,  le  refus 
opiniâtre  de  se  soumettre  à  la  punition  ou  à  la  correction,  l'insulte  caractérisée 
faite  aux  maîtres  ou  sous-maîtres,  l'abandon  qu'aucun  desdits  boursiers  ferait  de 
son  maître  ou  sous-maître  aux  promenades,  la  fabrication  ou  supposition  de 
fausses  lettres  de  leurs  correspondants  ou  proches  parents,  les  mauvais  traite- 
ments envers  leurs  condisciples,  la  déprédation  ou  destruction  des  cifets  mo- 
biliers du  collège,  etc.,  seront  réputés  autant  de  causes  graves  pour  lesquelles 
les  boursiers  pourront  être  renvoyés  du  collège  par  les  principal  et  examinateurs, 
à  la  pluralité  des  deux  tiers  des  voix  :  comme  aussi  seront  réputés  incorri- 
gibles ceux  desdits  boursiers  qui  après  trois  monitions  faites  au  moins  de 
huitaine  en  huitaine  par-devant  les  principal  et  examinateurs  et  écrites  sur  un 
registre  à  ce  uniquement  destiné,  de  se  conformer  au  règlement1  et  à  la  po- 
lice du  collège,  et  de  s'acquitter  de  leurs  devoirs  de  religion  et  d'étude,  ne  se 
seraient  pas  corrigés;  et  les  dispositions  du  présent  article  auront  lieu  contre 
tous  les  boursiers  du  collège  indistinctement,  soit  qu'ils  étudient  en  la  Faculté 
des  arts,  ou  dans  les  Facultés  supérieures.  Il  sera  dressé  procès-verbal  du 
renvoi  et  de  la  destitution  desdits  boursiers  dans  les  cas  ci-dessus  énoncés, 
lequel  procès-verbal  sera  inscrit  sur  ledit  registre  et  signé  par  le  principal  et 
examinateurs. 

III.  —  Les  correspondants  seront  avertis  de  venir  ou  envoyer  retirer  in- 
cessamment ceux  desdits  boursiers  dont  le  renvoi  aurait  été  prononcé,  en 
exécution  des  articles  premier  et  deuxième  ci-dessus,  et,  faute  par  les  corres- 
pondants de  venir  ou  envoyer  retirer  lesdits  boursiers  dans  les  vingt-quatre 
heures  après  l'avertissement,  le  principal  sera  et  demeurera  autorisé  à  les 
faire  conduire  par  telle  personne  qu'il  jugera  convenable,  chez  chacun  desdits 
correspondants. 

IV.  —  Les  boursiers  dont  les  correspondants  viendraient  à  décéder  ou  à 
quitter  Paris  seront  tenus  d'en  fournir  un  nouveau,  dans  le  délai  de  trois  mois 
après  l'avertissement  qui  leur  en  aura  été  donné  par  M.  le  grand-maître  tem- 
porel, et  ceux  desdits  boursiers  qui,  ledit  délai  expiré,  n'auront  pas  fourni  un 
nouveau  correspondant,  seront  renvoyés  du  collège. 

1.  L'arrêt  d'homologation,  signé  Ponnnyer  (conseiller-clerc)  et  d'AIigre  (pre- 
mier piï'sidi'ni  du  Parlement),  en  dafr  <lu  (i  mars  1781,  ordonne  en  outre  que  le 
règlement  sera  imprimé,  et  affiché  annuellement  deux  fois,  à  la  rentrée  d'octo- 
bre el  après  Pâques,  dans  le  collège  de  Lojuis-le-Grand.  (Arch.  nat.,  X  1b  8975.) 


ET  L'UNIVERSITÉ  DE  PARIS  147 

V.  —  Expédition  de  la  présente  délibération,  ensemble  de  celle  du  quatre 
janvier  dernier,  sera  délivrée  à  M.  Sainfray,  pour  être  par  lui  remise  à  M.  le 
procureur  général ,  lequel  est  instamment  prié  d'en  requérir  l'homologation 
en  la  Cour. 

Signés  au  registre  :  Le  cardinal  de  Rohan,  de  Sahuguet  d'Espagnac,  Rol- 
land, Le  Febvre  d'Amécourt,  Sainfray,  de  Villiers  de  La  Noue,  Esliennc,  Chup- 
pin,  Rat  de  Mondon,  Fourneau,  Bérardier  et  Reboul. 

Délivré  par  moi,  secrétaire-archiviste  dudit  bureau  d'administration,  soussi- 
gné, les  jour  et  an  que  dessus. 

Reboul. 


EMPRUNTS  UNIVERSITAIRES 

ARRÊT  du  Parlement,  du  11  juillet  1782,  qui  entre  autres  dispositions  or- 
donne que  les  universités  situées  dans  le  ressort  du  Parlement,  ainsi  que  les 
facultés,  nations  ou  corps  qui  en  font  partie,  ne  pourront  faire  aucun  emprunt 
au-dessus  de  la  somme  de  2,000  livres,  sans  auparavant  y  avoir  été  autorisés 
par  des  lettres  registrées  au  Parlement,  et  pour  les  sommes  au-dessous  de 
2,000  livres,  sans  auparavant  y  avoir  été  autorisés  par  le  Parlement,  sur  le  vu 
des  délibérations  qui  y  auront  été  homologuées  sur  les  conclusions  du  pro- 
cureur général  du  roi.  (Pièce  in-i°,  4  p.) 

RAPPEL  A  L'EXÉCUTION  D'UN  RÈGLEMENT 

ARRÊT  du  14  mars  1783,  qui  ordonne  que  les  secrétaires  des  bureaux  d'ad- 
ministration des  collèges  établis  en  exécution  de  l'édit  du  mois  de  février 
1763,  seront  tenus  d'envoyer,  tous  les  trois  mois,  au  procureur  général  du  roi, 
des  expéditions  des  délibérations  desdits  bureaux  ;  et  d'envoyer  pareillement  au 
procureur  général  du  roi,  dans  le  délai  d'un  mois,  les  expéditions  de  toutes 
les  délibérations  prises  par  lcsdits  bureaux  depuis  le  1er  janvier  1775  jusqu'au 
1"  janvier  1783. 

Cet  arrêt  vise  l'article  10  de  l'arrêt  de  règlement  du  29janvier  17(>3, 
négligemment  exécuté,  paraît-il. 

COLLÈGES 

ESPRIT  ET  PROGRAMMES  DE  L'ENSEIGNEMENT 

RÉCIT   D'UN   DE   MESSIEURS   LES   PRÉSIDENTS 

SÉANCE    PLÉXIÈHK    DU    1er    AVRIL    1783  ' 

...  L'éducation  doit  être  sous  l'inspection  de  la  puissance  publique,  parce1 
qu'elle  doit  être  toute  dirigée  pour  l'utilité  générale  et  pour  le  bien  de  l'État. 
Elle  ne  doit  point  éprouver  les  variations  successives  des  vues  d'une  adminis- 

1.  Arch.  nat.,  X  1B  8979. 


118  LE  PARLEMENT 

tration  particulière,  et  si,  sur  certaines  matières,  elle  doit  suivre  le  progrès 
des  connaissances  humaines  et  varier  comme  elles  pour  ne  pas  rester  au- 
dessous  de  son  siècle,  elle  ne  doit  point  éprouver  de  changement  ni  d'incerti- 
tude dans  les  principes  immuables  de  la  religion  et  de  la  constitution  de 
l'État. 

Ces  vues,  Monsieur,  ont  animé  la  compagnie,  lorsque,  il  y  a  plus  de  vingt  ans, 
elle  a  employé  l'autorité  que  le  roi  lui  a  confiée  pour  enlever  en  un  même  mo- 
ment toute  la  jeunesse  du  ressort  aux  dangers  de  l'éducation  qu'elle  recevait1  :  la 
doctrine  des  hommes  qui  s'étaient  depuis  longtemps  emparés  de  l'éducation 
presque  générale  du  royaume  était  infectée  d'erreurs  dans  la  religion  et  d'er- 
reurs dans  la  politique;  il  était  à  craindre,  s'ils  eussent  inspiré  à  leurs  élèves 
les  principes  par  lesquels  ils  étaient  gouvernés,  ou  que  la  nation  n'eût  perdu 
l'usage  d'une  liberté  qui  honore  le  roi,  sans  la  rendre  moins  soumise,  ou  ne  se 
fût  accoutumée  à  croire  que  l'on  pouvait  vivre  dans  l'État  sans  être  soumis  à 
ses  lois. 

Ce  service  rendu  à  l'État  par  le  Parlement  a  exigé  de  lui  de  nouveaux  soins 
pour  remplacer  les  anciens  instituteurs  ;  il  fallait  garnir  les  collèges  vacants, 
il  fallait  ordonner  de  leurs  administrations  particulières.  Ces  détails  pouvaient 
difficilement  se  régler  par  les  résultats  du  corps  entier  qui  devait  néanmoins 
inspecter  les  progrès  des  nouveaux  établissements  :  la  compagnie  partagea 
pour  lors  entre  quatre  de  ses  membres2  pris  dans  différents  bureaux  les  col- 
lèges, du  ressort  pour  être  par  chacun  d'eux  surveillés  plus  particulièrement 
dans  les  détails.  Par  lettres  patentes  du  20  août  1767,  sous  le  contre-scel  des- 
quelles est  attaché  un  règlement  arrêté  au  conseil  concernant  le  collège  de 
Louis-le-Grand,  le  roi  a  pour  ainsi  dire  confirmé  l'administration  établie  par 
le  Parlement  pour  les  autres  collèges  du  ressort,  en  nommant  par  l'article  2 
quatre  officiers  du  Parlement  déjà  nommés  pour  les  autres  collèges,  pour  faire 
partie  du  bureau  d'administration  des  collèges  de  Paris  et  rendre  par  là  le 
même  bureau  le  centre  de  l'administration  de  tous  les  collèges  du  ressort. 

Rien  de  mieux,  sans  doute,  que  ce  plan  général...  Personne  plus  que  moi 
ne  rend  hommage  et  justice  au  zèle  et  aux  lumières  des  quatre  commissaires 
du  Parlement 5...  Mais  la  longueur  de  leur  mission  particulière  fait  croire  au 
public  qu'elle  est  pour  ainsi  dire  détachée  du  Parlement,  et  leur  donne  des 
rivaux  dangereux  dans  l'administration  qu'ils  exercent.  Le  clergé  se  plaint  de 
l'instruction  des  collèges  relativement  à  la  religion  *  (d'où  l'on  peut  inférer  la 
nécessité  de  son  admission  prépondérante  dans  cette  administration),  les  corps 
municipaux  se  plaignent  de  l'instruction  relativement  aux  sciences,  et  un  grand 


d.  Voyez  Ch.  Jourdain, Hist.  de  l'Université  de  Paris  au  XVII"  et  au  XVIIIe  siè" 
ble,  p.  396-398,  et  livre  IV,  chap.  1er.  Le  Parlement  réunit  un  grand  nombre  de 
petits  collèges  à  celui  de  Louis-le-Grand,  institua  l'agrégation,  réforma  les  plans 
d'études  (voir  p.  440),  unifia  les  règlements. 

2.  De  L'Averdy,  Roussel  de  La  Tour,  l'abbé  Terray  et  le  président  Rolland.  Ils 
devaient  se  concerter  avec  cinq  commissaires  du  roi,  l'archevêque  de  Reims  (de 
La  Roche- Aymon),  l'évèque  d'Orléans  (de  Jarente),  deux  conseillers  d'État,  et  un 
maître  des  requêtes. 

3.  Celaient  alors  (1783)  Lcfèvre  d'Ainéeourt,  Tandeau,  Rolland  et  Le  Rebours. 
\.  Voyez  article  63  de  l'arrêt  de  règlement  général  du  Parlement,  du  29  jan- 
vier 1165  (complété  le  12  février  1T7U). 


ET  L'UNIVERSITÉ  DE  PARIS  149 

nombre  de  citoyens  s'inquiètent  du  relâchement  des  mœurs  dans  ces  nouveaux 
établissements.  Le  Parlement  en  corps  réunit  tous  ces  intérêts  différents  :  son 
objet  unique  dans  toutes  les  délibérations  sur  les  matières  de  police  générale 
est  le  bien  de  l'État... 

La  conclusion  de  ce  récit  était  <le  demander  un  compte-rendu 
général  aux  quatre  Commissaire*.  La  date  en  fut  fixée  au  9  mai. 

Les  quatre  Commissaires  firent  dans  l'intervalle  adresser,  parle  pro- 
cureur général,  une  lettre  circulaire  '  à  tous  les  supérieurs  des  col- 
lèges, leur  demandant  à  chacun  sept  mémoires  sur  un  questionnaire 
développé  :  1°  état  des  revenus;  2°  état  deît  dettes  et  moyens  de  les 
payer;  3°  copie  du  dernier  compte-rendu  par  le  principal  et  autres 
agents  comptables;  4°  charges  relatives  à  l'instruction,  honoraires  des 
maîtres  ;  5°  titres  du  collège,  dates  des  lettres  patentes  qui  l'ont  établi 
ou  confirmé  ;  qualités  universitaires,  ecclésiastiques  (séculières  ou  régu- 
lières, avec  indication  de  la  communauté)  des  membres  du  personnel; 
état  civil  des  laïques  (mariés  ou  célibataires);  6°  régime  intérieur  du 
collège;  7°  forme  des  distributions  des  prix.  —  Un  huitième  mémoire 
était  destiné  aux  observations  qui  ne  pourraient  pas  trouver  place 
dans  les  sept  précédents. 

Le  9  mai,  les  Commissaires  n'avaient  encore  reçu  que  trop  peu  de 
réponses  pour  faire  leur  compte-rendu,  et  demandèrent  qu'on  s'en 
rapportât  à  leur  zèle2.  —  Les  choses,  semble-t-il,  en  restèrent  là. 

Signalons  encore,  à  la  date  du  19  janvier  1787,  l'exposé  très  dé- 
veloppé d'un  programme  d'enseignement  historique  en  six  années,  à 
chacune  desquelles  correspondrait  un  volume  manuel3.  L'histoire  y 
est  envisagée  surtout  au  point  de  vue  de  la  morale  et  de  la  philosophie 
chrétiennes  :  elle  doit  attacher  les  enfants  à  l'État  et  à  l'Église.  Il  est 
question  aussi  de  la  géographie,  mais  seulement  comme  devant  servir 
à  éclairer  les  événements  historiques  et  à  interpréter  les  textes  clas- 
siques. Les  idées  parlementaires  furent  reprises  par  le  gouvernement 
de  la  Restauration,  lorsqu'elle  prétendit  renouer  la  chaîne  des  temps. 
Depuis,  la  pédagogie,  la  politique  et  la  science  pure  se  sont  disputé 
ou  partagé  tour  à  tour  le  domaine  de  l'enseignement  historique  élé- 
mentaire. 


1.  Insérée  in  erlenso  dans  la  minute  de  la  délibération  du  9  mai  1783. 

2.  Voyez  Recueil  de  plusieurs  ouvrages  de  M.  le  président  Rolland  (Paris,  1783, 
in-  4°). 

3.  Arch.  nat.,  X  1b  8986. 


m  LE  PARLEMENT 


ADMINISTRATION  ECONOMIQUE  DE  LOUIS-LE-GRAND 

Le  31  décembre  1787,  le  Parlement  de  Paris  homologue  les  deux 
délibérations  du  bureau  d'administration  du  collège  de  Louis-le- 
Grand,  dont  suit  la  teneur  '  : 

I.  —  Extrait  des  registres  du  bureau  d'administration  du  collège  de  Louis- 
le-Grand.  Du  jeudi  20  décembre  1787. 

M.  Bérardier,  ancien  principal  et  grand-maitre  temporel  en  exercice,  a  dit  : 
qu'il  était  chargé  par  messieurs  les  professeurs  de  représenter  au  bureau  que 
la  somme  de  300  livres  fixée  par  les  lettres  patentes  de  1707,  pour  le  cas  où 
ils  opteraient  de  ne  point  manger  au  réfectoire,  était  devenue  bien  insuffisante, 
vu  la  cherté  des  vivres,  qui  même  avait  nécessité  le  bureau  d'augmenter  les 
pensions  ;  que  dans  cette  circonstance  il  suppliait  le  bureau,  au  nom  de  mes- 
sieurs les  professeurs,  d'augmenter  la  somme  qui  leur  serait  payée,  au  lieu  de 
leur  nourriture  en  nature. 

Sur  quoi  la  matière  mise  en  délibération  : 

Le  bureau  a  arrêté  qu'il  sera  payé  à  ceux  de  messieurs  les  professeurs  qui 
ne  prendront  pas  leur  nourriture  en  nature  la  somme  de  500  livres,  qui  leur 
sera  payée  annuellement  et  par  quartier;  et  qu'expédition  de  la  présente  dé- 
libération sera  délivrée  à  M.  Sainfray  pour  être  par  lui  remise  à  monsieur  le 
procureur  général,  lequel  est  instamment  prié  d'en  requérir  l'homologation  en 
la  Cour. 

Signés  au  registre  :  Rolland,  Tandeau;  Sainfray.  Ciiuppin,  Dupuy,  Rouhette, 

BÉRARDIER,  GiRAILT  DE  KOUDON   et  ReHOUL. 

Délivré  par  moi,  secrétaire  du  bureau  d'administration  du  collège  Louisde- 
Grand,  soussigné,  les  jour  et  an  que  dessus. 

Rkiîoul. 

II.  —  Du  jeudi  20  décembre  1787. 

Messieurs  les  administrateurs  particulièrement  chargés  du  collège  de  Dain- 
ville  ont  dit  que,  suivant  le  compte  de  ce  collège  arrêté  le  3  mai  dernier,  pour 
Tannée  classique  échue  le  1er  octobre  1786,  les  revenus  de  ce  collège  excé- 
daient ses  charges  de  5,578  livres,  et  qu'il  avait  un  reliquat  de  plus  de 
36,000  livres;  que  l'augmentation  de  la  pension  des  boursiers  arrêtée  par  dé- 
libération du  17  août  dernier,  homologuée  par  arrêt  du  13  du  présent  mois,  ne 
diminuerait  cet  excédent  de  revenus  que  de  320  livres,  et  que  cette  diminution 
serait  couverte  et  au  delà  par  les  placements  que  le  bureau  a  ordonnés  au 
profit  de  ce  collège;  que  dans  ces  circonstances  ils  croient  devoir  proposer  au 
bureau  d'établir  deux  nouvelles  bourses  dans  ce  collège,  conformément  à  la 
demande  qui  en  a  été  faite  par  messieurs  des  chapitres  de  Noyon  et  d'Arras, 
supérieurs  majeurs  de  ce  collège. 

Sur  quoi,  la  matière  mise  en  délibération  : 

Le  bureau  a  unanimement  arrêté  qu'il  sera  établi  deux  nouvelles  bourses 
dans  le  collège  de  Dainville,  pour  Pâques  prochaines  :  l'une  affectée  au  diocèse 


1.  Arch,  nat.,  X  Ib  8987,  à  la  date 


ET  L'UNIVERSITE  DE  PARIS  151 

d'Arras  et  l'autre  au  diocèse  de  Noyon  ;  et  qu'expédition  de  la  présente  délibé- 
ration sera  délivrée  à  M.  Sainfray. 
[Mômes  formules  et  signatures  au  registre  et  pour  extrait.] 

PRIX   DES    PENSIONS  ' 

Le  13  décembre  1788,  le  Parlement  homologue  là  délibération  du 
17  août  1787,  par  laquelle  le  bureau  d'administration  du  collège 
Louis-le-Grând  élève  de  150  à  500  livres  la  pension  des  boursiers,  de 

550  à  580  livres  celle  des  pensionnaires2. 

FORMULE 

d'une  présentation  de  boursier  au  parlement 
signée  de  l'évèque  de  soissons 

Nobilibus  Viris,  magnee  auctoritatis  et  prudent  iœDominis,  Domino  [d'Ormes- 
son]  in  Senatu  parisiensi  primo  Prœsidi,  Domino  [Le  Noir]  antiquiori  Consilia- 
vio  Clerico,  et  Domino  [Boula]  antiquiori,  Consiliario  Laïco,  Nos  Henricus- 
Josephi;s-Cl.\.it>h;s  i>e  Bourdeilles,  Miseratione  Divina,  et  sanctœ  sedis  Apostolicce 
gratin,  Suessionensis  Episcopus,  Remensis  Provincial  Decanus,  et  Primas  Suf- 
fraganeus,  nec  non  Abbas  Regalis  Abbafiœ Sancti  Joannis.  inVineis,  Suessione, 
Commendaiariiis,  etc.  Samjtem  in  Domino  cum  honore  et  reverentia. 

Cum  secundum  statuta  Collegii  de  Dormans,  alias  de  Bellovaco,  nunc  in 
Collegium  Ludovici  Magni  Acadcmicum  translati,  prœsentatio  singulorum 
Bursoriorum  dicii  Collegii,  seu  jus  illos  prœsentandi,  ad  Nos,  ratione  dicta- 
Abbatialis  Dignitalis,  collatio  vero,  provisio,  et  quœvis  alla  dispositio  ad  Vos, 
ratione Dignitatum  vestrarum,  spectare  et  pertinere  dignoscantur  prout  spectant 
et  pertinent,  Dilecturn  noslrum  [Joannem-Ludovicum  Collignon  ex  oppido  de 
Dormano  ortum,  ad  bursam  vacantem  per  récession  e!  dimissionem  puram  et 
simplicem  Magistri  Georgii  Armandi  Eliodori  Desquenet-Duâlos,  illius  ultimi  et 
immediati  possessoris  legitimi  etpacifici]  Vestris  Dominationibus  harum  série 

1.  D'après  Jèze  {État  de  Paris  en  L760,  p.  134),  la  pension  6tai1  eu  moyenne  de 
450  à  500  livres  dans  les  collèges  universitaires  de  plein  exercice.  Elle  était 
moins  chère  à  Sainte-Barbe,  collège  de  moyen  exercice  (300  livres),  et  à  Mon- 
taigu  (250  livres).  —  A  Louis-le-Grand,  alors  dirigé  par  les  jésuites,  la  pension 
était  de  ISO  livres  en  chambre  commune,  3G  livres  de  plus  en  chambre  particu- 
lière :  les  précepteurs,  gouverneurs,  domestiques  attachés  à  la  personne  de  cer- 
tains pensionnaires  payaient  .'i.'ili  livres.  Toutes  fournitures  (jil ,  meuble,  etc.) 
étaient  aux  frais  des  pensionnaires. 

2.  Cette  l'acuité  lui  était  accordée  par  l'article  1er  aes  lettres  patentes  du 
19  mars  1180  (registrées  en  Parlement,  le  28  avril  suivant).  Par  délibération  du 
2  septembre  1779,  aucun  pensionnaire  n'était  admis  dans  le  collège  qu'en  vertu 
d'une  délibération  du  bureau. 

Les  bourses  étaient  données  ou  retirées,  suivant  l'état  des  revenus  de  chacpie 
collège.  (Exemples  :  Délibérations  relatives  aux  collèges  d'Autun,  de  Beauvais, 
de  Me  Gcrvais-Chrestien,  même  car/on.)  Chaque  collège  devait  avoir  son  revenu 
normal  d'une  année  en  caisse. .  —  Arch.  mit.,  X  Ib  8987. 


152  LE  PARLEMENT 

litterarum  prœsentamus,  Vos  obnixe  rogantes  et  requirentes  quatenus  prœfato 
Dilecto  nostro  [Joanni-Ludovico  Collignon]  dictam  bursam  cum  suis  juribus  et 
■pertinentiis  conferre,  aliaque  prœmissa  necessaria  facere  velitis  ac  dignemini. 

Dafum  Suessione,  in  Palatio  nostro  Episcopali,  subsigno  sigilloque nostris  ac 
secretarii  nostri  Chirog^apho,  anno  Domini  millesimo  septingentesimo  octoge- 
simo  [octavo],  die  vero  mensis  [novembris  décima  octava]. 

f  Hen.  Jos.  Clau.  Epus  Suessionensis  nec  non  abbas  regalis  abbaliœ  Sancti 
Joannis  in  Vineis  Suessionensi. 

(Signature  de  Mgr  de  Bourdeilles.) 

De  mandata  illustrissimi  et  reverendissim'i  D.  D.  Suessionensis  episcopi,  nec 

non  abbatis  Sancti  Joannis,  in  Vineis,  Suessione,  Commendatarii,  etc. 

(Sceau  de  l'évêcfié,  exergue  de  l'évêque  de  Bourdeilles.) 

Houcnu. 

Le  Parlement  rend,  le  29  décembre  1788,  un  Arrêté  de  Bourse  con- 
forme à  cette  présentation  de  l'évêque  de  Soissons.  Le  collège  de 
Dormans  avait  été  uni  à  Louis-le-Grand  par  les  lettres  patentes  du 
7  avril  1704.  L'évêque  de  Soissons  y  présenta  en  1788,  suivant  son 
droit,  cinq  boursiers,  tous  acceptés  par  le  Parlement.  Outre  toutes  les 
bourses,  le  Parlement  conférait  dans  ce  collège  les  places  de  maître 
ou  principal,  sous-maître  ou  procureur,  et  de  chapelain  '. 

Entre  l'Eglise  de  Paris  et  l'Université  il  y  avait  parfois  de  singuliers 
litiges.  En  voici  un  exemple.  L'abbaye  de  Saint-Martin-aux-Bois  avait 
été  unie  à  Louis-le-Grand  ;  or  elle  avait  le  droit  de  conférer  le  prieuré- 
cure  de  Pomponne  :  le  bureau  d'administration  du  collège  se  considéra 
comme  ayant  acquis  ce  même  droit;  l'archevêque  de  Paris  le  lui  con- 
testa. En  1769,  Pomponne  avait  par  suite  deux  curés  :  le  frère  Homo, 
nommé  par  le  bureau,  et  le  frère  Papin,  nommé  par  l'archevêque.  Le 
Parlement  décida  en  faveur  du  bureau  2. 

ABUS  RELATIFS  AUX  BOURSES 

DÉLIBÉRATION    DU    BUREAU    D 'ADMINISTRATION 

DU  COLLÈGE    DE   LOUIS-LE-GRAND,    22    FÉVRIER    1788,  HOMOLOGUÉE 
LE    7    MARS    SUIVANT    PAR    ARRET    DU    PARLEMENT    3 

Il  a  été  observé  que  le  bureau,  par  des  raisons  particulières  toutes  relatives 
a  l'avantage  et  à  l'avancement  des  boursiers,  aurait  permis,  mais  toujours  du 

1.  Arch.  nul..  X  1b  8989. 

.2.  Arch.  nal.,  II.  1229  :  Mémoire  signé  de  Séguier  (avocat  général),  Rouhette, 
avocat,  Brousse,  procureur,  pour  le  grand-maître  temporel  du  collège  de  Louis- 
le-Grand,  intervenant  contre  le  frère  Papin  et  contre  l'archevêque  de  Paris,  en 
présence  du  frère  Homo. 

:j.  Bib.  nat.  :  Arrêt  de  la  Cour  du  Parlement...  du   1  mars   11SS,  p.  2  et  sui- 


ET  L'UNIVERSITÉ  DE  PARIS  153 

consentement  des  supérieurs  majeurs  ou  nominaleurs  des  bourses,  à  quelques- 
uns  des  boursiers,  de  jouir  de  leurs  bourses  hors  du  collège;  qu'il  s'était  in- 
troduit quelques  abus,  notamment  en  ce  que  ces  boursiers,  auxquels  il  avait  été 
imposé  la  condition  de  travailler  assidûment  chez  les  notaires,  ou  chez  les 
procureurs  au  Parlement  ou  au  Châtelet,  ne  s'y  sont  pas  exactement  conformés. 
Que  le  bureau  s'est  déjà  occupé  de  cet  objet  le  17  janvier  dernier,  et  a  or- 
donné que  ces  boursiers  ne  seront  payés  de  leurs  pensions  qu'après  que  les 
certificats  qu'ils  rapporteront  auront  été  visés  par  un  des  administrateurs  spé- 
cialement chargés  des  collèges  dont  sont  lesdits  boursiers;  mais  qu'il  paraît 
convenable  de  taire  un  règlement  à  ce  sujet;  et,  en  y  procédant,  il  a  été  una- 
nimement arrêté  : 

I.  —  Qu'à  l'exception  des  boursiers  théologiens  et  médecins  sur  lesquels, 
quant  à  leur  absence  du  collège  de  Louis-le-Grand ,  il  a  été  statué  par  le 
règlement  attaché  sous  le  conlrc-scel  des  lettres  patentes  du  20  août  17G7,  et 
par  les  lettres  patentes  des  1er  juillet  17C9  et  19  mars  1780,  il  ne  sera  accordé 
par  le  bureau  à  aucuns  autres  boursiers  la  permission  de  jouir  de  leurs  bour- 
ses, hors  du  collège,  qu'après  qu'il  sera  apparu  au  bureau  du  consentement, 
par  écrit,  des  supérieurs  majeurs  ou  nominaleurs  des  bourses,  et  du  consen- 
tement de  Monsieur  le  principal  du  collège. 

II.  —  Qu'il  sera  tenu  un  registre  dont  toutes  les  pages  seront  paraphées  par 
Monsieur  le  substitut,  sur  lequel  on  inscrira  les  noms  desdits  boursiers,  de 
manière  que  chaque  boursier  sera  inscrit  sur  une  page  séparée;  et  à  la  suite 
de  son  nom,  on  fera  mention  du  consentement  qui  lui  aura  été  donné  par  le 
supérieur  m;ijcur  du  collège  dont  il  est  boursier,  ou  par  le  nominatcur  de  sa 
bourse;  de  la  permission  qui  lui  aura  été  accordée  par  le  bureau  de  jouir 
de  sa  bourse  hors  du  collège;  des  conditions  sous  lesquelles  cette  permission 
lui  aura  été  accordée,  et  du  payement  qui  lui  sera  fait,  tous  les  trois  mois,  de 
la  somme  fixée  pour  la  pension,  d'après  le  visa  des  pièces  justificatives  que 
produira  ledit  boursier,  lequel  visa,  en  exécution  de  la  délibération  du  17  jan- 
vier dernier,  sera  mis  par  un  des  administrateurs  spécialement  chargés  du  col- 
lège dont  sera  ledit  boursier. 

III.  —  Qu'il  ne  sera  permis  aux  boursiers  qui  voudront  étudier  en  droit, 
d'après  la  faculté  qui  leuren  a  été  accordée  parles  lettres  palentesdu  19  mars 
1780,  de  s'absenter  du  collège,  qu'après  avoir  pris  le  litre  de  maître  es  arts, 
conformément  à  ce  qui  est  prescrit  par  lesdites  lettres  patentes,  et  qu'à  la  charge 
par  eux  de  demeurer  chez  leurs  père  et  mère,  tuteurs  ou  curateurs  et  corres- 
pondants, ou  chez  des  notaires  ou  des  procureurs  au  Parlement  ou  au  Châtelet, 
lesquels  notaires  ou  procureurs  seront  agréés  par  les  père,  mère,  tuteurs  ou 
curateurs  et  correspondants  desdits  boursiers;  et  il  sera  fait  mention  de  leur 
domicile,  tant  sur  le  registre  mentionné  en  l'article  précédent,  que  dans  les 
certificats  que  les  boursiers  rapporteront,  tous  les  trois  mois,  pour  loucher  le 
produit  de  leurs  bourses. 

IV.  —  Le  bureau,  plein  de  confiance  dans  le  zèle  et  la  vigilance  des  procureurs 
de  communauté,  en  la  Cour  et  au  Châtelet,  a  arrêté  qu'ils  seront  invités  de 
vouloir  bien  veiller  à  ce  que  les  boursiers  soient  exacts  à  travailler  chez  un 
procureur  au  Parlement  ou  au  Châtelet;  et  lesdits  boursiers  seront  tenus  de 

vantes.  —  Sur  l'origine  et  les  conditions  dos  bourses,  voyez  Jèze,  État  de  Paris, 
[>.  l'iT  à  161,  et  le  célèbre  rapport  de  L'Averdy  (176:S). 


154  LE  PARLEMENT 

justifier  de  leur  exactitude,  par  un  certificat  du  procureur,  chez  lequel  ils  de- 
meureront ou  travailleront,  lequel  certificat  sera  visé  par  un  des  procureurs 
de  communauté,  et  contiendra,  en  même  temps,  l'assurance  de  la  bonne  con- 
duite, vie  et  mœurs  des  boursiers. 

V.  —  Le  présent  règlement  sera  homologué,  auquel  effet  expédition  d'icelui 
sera  délivrée  à  M.  Sainfray,  pour  être  par  lui  remise  à  Monsieur  le  procureur 
général,  lequel  est  instamment  prié  d'en  requérir  l'homologation  en  la  Cour. 

VI.  —  Après  ladite  homologation,  le  présent  règlement  sera  imprimé  et  il 
en  sera  adressé  des  exemplaires,  par  le  secrétaire  du  bureau,  aux  syndics  de 
la  communauté  des  notaires,  qui  seront  priés  de  le  faire  connaître  à  tous  les 
notaires;  et  il  en  sera  adressé  aussi  des  exemplaires  aux  procureurs  de  com- 
munauté, du  Parlement  et  du  Chàtelet. 

VIL  —  Il  sera  aussi  remis,  au  mois  d'avril  prochain,  des  exemplaires  du 
présent  règlement  aux  boursiers  résidant  hors  du  collège,  pour  qu'ils  aient  à 
s'y  conformer  et  à  justifier,  à  commencer  du  1er  juillet  prochain,  de  leur  de- 
meure et  bonne  conduite  dans  la  forme  prescrite  par  le  présent  règlement. 

Signés  au  registre  :  Rolland,  Tandeau,  Le  Rebours,  Sainfray,   Deyiluers, 

ClIUPPIN,   DlPUY,  RoiHETTE,  BÉRARD1ER  Ct  ReisOI'L. 

DISTRIBUTION  DES  PRIX  EN  1788 

LK    7    AOUT 

Vers  cinq  heures  du  soir,  on  procède  dans  les  écoles  extérieures  de  Sor- 
bonne  à  la  distribution  solennelle  et  annuelle  des  prix  de  l'Université,  à 
laquelle  le  Parlement  n'assiste  point  à  cause  des  circonstances  désastreuses 
dans  lesquelles  se  trouvaient  tous  les  corps  de  la  magistrature  du  royaume. 
Le  Chàtelet  de  Paris,  quoique  invité,  ne  paraît  pas  non  plus  à  cette  cérémonie, 
d'après  la  prétention  élevée  par  Monsieur  le  lieutenant  civil  de  délivrer  le  prix 
d'honneur  en  l'absence  de  Monsieur  le  premier  président,  prétention  com- 
battue par  le  recteur  de  l'Université.  Le  sieur  Àubry,  professeur  de  seconde  au 
collège  de  Lisieux,  de  la  nation  de  Normandie,  prononce  le  discours  latin 
d'usage,  dans  lequel  on  lui  sait  gré  d'avoir  fait  entrer  adroitement  une  phrase 
sur  le  vide  et  l'espèce  de  deuil  qu'occasionnait  l'absence  des  magistrats... 
phrase  qui  est  applaudie  à  toute  outrance  par  des  cris  redoublés  de  Bravo! 
Bravo! 

On  remarqua  aussi  l'absence  d'un  des  lauréats,  fils  d'un  conseiller 
au  Parlement  '. 


4.  Hardy,  t.  VIII,  p.  36. 


ET  L'UNIVERSITÉ  DE  PARIS  455 


APPENDICE 


ÉDUCATION   POPULAIRE 

Les  petites  écoles  enseignaient  à  lire  et  à  écrire  à  une  minime  partie 
des  enfants  de  Paris.  Elles  avaient  des  maîtres  et  des  maîtresses.  Elles 
dépendaient  de  la  nomination  et  de  la  juridiction  du  Grand-Chantre 
de  Notre-Dame.  La  réception  des  maîtres  et  maîtresses  coûtait  dans 
les  derniers  temps  une  soixantaine  de  livres,  dont  moitié  pour  la  com- 
munauté, et  le  reste  pour  le  pain  bénit,  l'expédition  des  lettres  par  le 
greffier,  etc.  Le  Grand-Chantre  désignait  à  chaque  maître  ou  maîtresse 
le  quartier  dans  lequel  ils  devaient  s'établir,  et  hors  duquel  ils  n'avaient 
point  de  titre;  leurs  lettres  de  commission  n'avaient  non  plus  de  valeur 
que  pour  un  an.  La  position  des  maîtres  et  maîtresses  était  donc 
extrêmement  précaire.  Aussi  à  toute  mutation  de  quartier,  le  nouveau 
ou  la  nouvelle  reçue  prenait  d'ordinaire  les  effets  de  celui  ou  de  celle 
qui  quittait  la  place,  sur  le  pied  de  l'estimation  faite  par  le  greffier  de 
la. communauté. 

Les  écoles  dites  de  charité  annexées  aux  paroisses  s'occupaient 
spécialement  de  former  des  enfants  de  chœur  '  ;  aussi,  dans  ce  système, 
les  filles  étaient-elles  presque  entièrement  négligées2. 


1.  En  1760,  il  y  avait  ou  tout  178  places  de  ce  genre  (Jèze,  ouvrage  cité, p.  126) 
dans  50  établissements. 

2.  Seulement  une  quinzaine  d'établissements  (ouvroirs,  etc.).  —  Voyez  Allain, 
l'Instruction  primaire  en  France  avant  lu  Révolution;  Sicard,  les  Éludes  classi- 
ques avant  la  Révolution, 


VII 
LE  PARLEMENT  ET  LA  LIBRAIRIE 


Au  moyen  âge,  les  écrivains  stationnaires,  les  parcheminiers,  les 
relieurs,  les  enlumineurs,  les  libraires,  étaient  des  corporations  pla- 
cées sous  la  juridiction  et  dans  la  dépendance  étroite  de  l'Université. 
L'imprimerie  ne  modifia  point  cette  situation  légale;  et,  depuis 
Charles  YllI  jusqu'à  Louis  XVI,  tous  les  rois  consacrèrent  les  privi- 
lèges des  imprimeurs,  des  libraires  ou  des  libraires-imprimeurs,  dans 
les  mêmes  ordonnances  où  ils  confirmaient  ceux  de  l'Université  de 
Paris  ' . 

Lyon  fut,  à  la  lin  du  XVe'  et  au  commencement  du  XVI0  siècle,  la 
première  capitale  de  l'imprimerie  française  :  comme  cette  ville  ne  se 
laissa  pas  entamer  par  la  réforme  calviniste,  elle  n'eut  pas  à  craindre 
les  suspicions  et  les  persécutions  auxquelles  les  imprimeurs  parisiens 
étaient  en  butte  pour  des  motifs  de  religion  2. 

L'éclit  de  janvier  1626,  rédigé  par  Antoine  d'Aligre,  chancelier  de 
France,  restreignit  aux  villes  de  Paris  et  de  Lyon  les  imprimeries  vrai- 
ment dignes  de  ce  nom,  c'est-à-dire  ayant  le  droit  de  publier  des 
ouvrages  de  toute  nature,  pourvu  qu'ils  fussent  légalement  approuvés, 
et  accompagnés  d'un  privilège  du  grand-sceau  :  dans  les  autres  villes 
d'universités,  les  imprimeurs  étaient  tenus  de  se  borner  (en  fait  d'ou- 
vrages nouveaux)  aux.  thèses,  livres  d'heures,  calendriers  sans  pro- 
nostics, rudiments  scolaires,  catéchismes  diocésains.  Les  anciennes 
défenses,  prononcées  contre  les  imprimeries  furtives  ou  privées,  sont 
renouvelées.   Les  lettres   de  privilège  du  grand-scel  restent  obliga- 


1.  En  1494,  1513,  1541,  1566,  etc.,  comme  (avant  l'imprimerie)  en  1340,  1345, 
1366,  1383. 

1.  Lettres  pat.  iln  28  déc.  1541;  édil  «lu  11  déc.  1547;  édit  de  Châteaubriant 
(1551);  déclaration  do  .Mantes  MO  sept.  I."i62),  enre°;istrre  le 29  novembre  1563, 
interdisant  aux  libraires  les  impressions  et  ventes  non  autorisées,  «  sous  peine 
d'être  pendus  et  étranglés  ». 


LE  PARLEMENT  ET  LA  LIBRAIRIE  157 

toires  pour  tous  ouvrages  nouveaux1.  Depuis  1562,  déjà,  les  li- 
braires qui  contrevenaient  à  cette  obligation,  considérés  comme  enne- 
mis de  TÉtat  et  de  l'Église,  étaient  passibles  de  la  peine  de  mort.  En 
1626,  le  Parlement  spécifia,  dans  l'enregistrement  de  l'édit  d'Antoine 
d'Aligre,  que  cette  peine  n'a*urait  lieu  que  si  la  rébellion  politique  ou 
religieuse  était  démontrée;  en  outre,  les  lettres  de  privilège  devaient 
être  vérifiées  en  la  Cour,  et  l'arrêt  de  vérification  imprimé  à  la  fin  et 
au  commencement  des  livres.  Les  auteurs  anciens  non  condamnés 
étaient  communs,  sans  privilège,  à  tous  les  imprimeurs.  Cependant 
les  préfaces,  commentaires,  corrections  ou  additions  importantes,  etc., 
permirent  aux  libraires  d'obtenir,  même  pour  ces  auteurs,  des  privi- 
lèges fort  légitimes,  et  qu'ils  s'ell'orçaient  de  faire  renouveler.  Tous  les 
privilèges,  toutes  les  permissions,  étaient  du  reste,  en  principe,  essen- 
tiellement temporaires. 

La  facilité  avec  laquelle  les  libraires  de  Paris  obtenaient  le  renou- 
vellement de  leurs  privilèges  relatifs  aux  auteurs  anciens  coupait  en 
quelque  sorte  les  vivres  aux  imprimeurs  des  provinces,  dont  les  récla- 
mations, dont  les  procès  avec  leurs  confrères  de  la  capitale,  ne  discon- 
tinuaient pas.  L'édit  en  trente-sept  articles,  de  décembre  1619,  s'efforça, 
entre  autres  eboses,  d'améliorer  leur  position  ;  mais  l'Université  de 
Paris  dressa  contre  eux  des  mémoires,  et  empècba  l'enregistrement 
de  plusieurs  articles.  Aussi,  dit  Séguier  en  1779,  «  le  règlement  concer- 
nant la  liberté  des  privilèges  sur  les  livres  anciens  n'a  reçu  son  exécu- 
tion que  par  l'usage,  et  non  en  vertu  de  la  loi2  ».  L'édit  de  1686,  enre- 
gistré le  21  août  et  le  7  septembre,  reste  très  avantageux  pour  la 
librairie  parisienne;  celui  de  1695,  enregistré  le  7  février  1696,  et 
relatif  aux  imprimeurs-libraires  de  Lyon,  provoqua  de  leur  part  des 
plaintes  très  vives  au  ministre  Pontcbartrain  ;  niais  elles  n'eurent  point 
de  succès. 

Enfui,  l'illustre  Daguesseau  codifia,  en  -cent  vingt-trois  articles, 
toute  la  législation  de  la  librairie;  Ledit  de  1723,  publié  sous  le  sceau 
d'Armenonville,  est,  en  effet,  l'œuvre  du  ebancelier  alors  disgracié  3. 
Le  titre  XV,  en  douze  articles,  concerne  les  privilèges  et  continuations 
d'iceux  ;  l'article  102  interdit  d'imprimer  aucune  feuille  volante  ou 

1.  Dans  les  lettres  patentes  datées  du  camp  devant  la  Rochelle  (27  déc.  1627), 
sont  déclarés  insuffisants  les  privilèges  obtenus  trop  facilement  par  les  auteurs 
ou  libraires,  dans  les  petites  chancelleries. 

2.  Compte-vendu  :  minute  du  31  août  1779  (X  1b  8973).  —  Laboulaye  et  Guiffrey: 
La  Propriété  littéraire  au  XVIIIe  siècle  (p.  481  sq.). 

3.  Reproduit  dans  YEnajelopédie  méthodique  (art.  Imprimerie)  et  dans  le  livre 
de  MM.  Laboulaye  et  Guiflïey  sur  la  Propriété  littéraire  au  XVIIIe  siècle,  .p.  1 
à  13. 


158  LE  PARLEMENT 

fugitive,  sans  permission  du  lieutenant  général  de  police,  ou  sans 
approbation;  l'article  108  ordonne  aux  libraires  de  fournir  9  exem- 
plaires, dont  5  à  la  communauté  des  libraires,  2  au  garde  de  la  biblio- 
thèque du  Roi  (depuis  le  mois  d'août  1G77,  c'était  la  loi),  1  au  garde 
du  cabinet  du  château  du  Louvre,  1  à  la  bibliothèque  du  chancelier 
(ou  garde  des  sceaux),  et  1  au  censeur  chargé  de  l'examen  du  livre. 
L'article  110  dispense  du  privilège  pour  l'impression  des  faclums, 
mémoires,  requêtes,  billets  d'enterrement,  pardons,  indulgences,  mo- 
nitoires.  Mais,  pour  les  pièces  judiciaires,  est  exigée  la  signature  d'un 
avocat  ou  d'un  procureur1. 

Du  droit  de  l'auteur  sur  son  manuscrit,  il  n'est  nulle  part  question. 
Ce  droit  est  évidemment  considéré  comme  entier,  incontestable;  de 
même  que  toute  autre  propriété,  celle-là  est  transmissible,  héréditaire, 
aliénable.  Le  privilège  accordé  à  l'auteur  et  au  libraire  n'est  qu'un 
titre  de  propriété,  une  sauvegarde;  il  n'est  pas  un  don,  une  grâce,  une 
faveur.  Cependant  il  est  temporaire,  bien  que  renouvelable.  C'est  que, 
par  l'impression,  la  propriété  se  multiplie;  il  semble  bien  que  tout 
acquéreur  d'un  exemplaire  ait  le  droit  d'en  faire  une  copie  et  de  la 
vendre;  il  semble,  par  voie  de  conséquence,  qu'il  puisse  en  faire  un 
nombre  quelconque  de  copies,  c'est-à-dire,  pour  parler  comme  la  loi, 
contrefaire  la  première  édition.  En  fait,  le  succès  des  ouvrages  nou- 
veaux s'est  presque  toujours  mesuré  au  nombre  et  à  l'importance  des 
contrefaçons.  Les  libraires  se  nuisent  entre  eux  par  les  contrefaçons  ; 
mais  toutefois,  si  la  déprédation  est  réciproque,  on  peut  supposer 
qu'en  définitive,  les  vols  se  compensent2.  Ce  qui  est  sans  compensation 
aucune,  c'est  le  préjudice  porté  à  l'auteur,  dans  le  cas  où  celui-ci 
cherche  à  vivre  de  sa  plume  3.  En  efl'et,  ou  il  vend  son  manuscrit  à 


1.  Aussi  beaucoup  d'ouvrages  d'un  caractère  général  prennent  la  forme  de 
mémoires  ou  de  requêtes.  Si  par  exemple  Dupaty  veut  poursuivre  la  réforme 
des  lois  pénales,  il  écrit  un  mémoire  pour  trois  hummes  condamnés  à  la  roue,  et 
le  fait  signer  par  un  jeune  avocat,  et  par  un  procureur. 

2.  Petimusque  damusque  vicissim,  disait  l'un  d'eux.  —  Lorsque  Louis  XVI 
amnistia  les  contrefaçons,  moyennant  l'apposition  de  l'estampille,  ce  fut  une  fête 
pour  les  libraires  de  province:  à  Rouen,  leurs  femmes  et  filles  se  faisaient  estam- 
piller les  bras  nus. 

3.  Par  une  vanité  mal  entendue,  beaucoup  d'auteurs  préféraient  à  un  gain  légi- 
time la  protection  des  grands  ou  les  pensions  royales.  Au  début,  le  public  des 
lecteurs  était  trop  restreint  pour  que  les  écrivains  eussent  grand  souci  de  leurs 
propriétés,  ('/est  même  ce  qui  permil  d'attaquer  celles  qu'ils  avaient  transmises 
aux  libraires.  «  Le  manuscrit  de  ['Art  de  vérifier  les  dates,  dont  chaque  exem- 
plaire se  vend  Gl)  livres,  n'a  été  payé'  aux  Religieux  qui  y  ont  travaille  plus  de 
20  ans,  qu'une  modique  somme  de  (i()i)  livres  »  (Séguin-,  Comple-rendu).  —  On 
sait  que  Voltaire  s'est  enrichi  autrement  que  par  ses  ouvrages,  et  (pie  J.-J.  Rous- 
seau' n'a  jamais  pu  vivre  des  siens. 


ET  LA  LIBRAIRIE  159 

perte,  puisque  le  libraire  acquéreur  sait  qu'il  n'acquiert  qu'une  pro- 
priété précaire;  ou  bien,  si  les  bénéfices  de  l'auteur' sont  au  prorata 
des  exemplaires  vendus,  le  contrôle  des  exemplaires  contrefaits  lui 
échappe  nécessairement.  Les  contrefaçons  étrangères,  insaisissables 
à  leur  lieu  d'origine,  et  qui,  malgré  toutes  les  précautions,  finissent 
toujours  par  passer  la  frontière,  viennent  encore  compliquer  la  ques- 
tion de  la  propriété  littéraire.  Aussi  ne  suffit-il  pas,  pour  la  résoudre, 
de  faire  appel  à  la  bonne  foi,  à  l'équité  :  il  faut  et  des  lois  habilement 
rédigées,  et  des  traités  internationaux,  et  des  contrats  entre  les  par- 
ticuliers, soit  auteurs,  soit  libraires,  qui  ne  donnent  point  de  prise  à 
l'équivoque  ou  à  la  fraude. 

Pour  imprimer,  on  devait  se  pourvoir,  suivant  la  nature  des  manu- 
scrits, ou  d'un  privilège  de  chancellerie,  ou  d'une  approbation  ecclé- 
siastique, OU  d'une  permission  signée  du  lieutenant  de  police,  ou 
'd'une  permission  tacite,  non  enregistrée1.  Par  conséquent ,  l'usage 
de  la  propriété  littéraire  était  absolument  subordonné  à  la  police  de 
l'État  et  aux  lois  de  l'Église.  Mais,  au  XVIII0  siècle,  la  plupart  des 
écrits  susceptibles  de  rapporter  quelque  argent  ù  leurs  auteurs  ou 
aux  libraires  se  trouvent  précisément  en  opposition  avec  l'Etat  et 
avec  l'Eglise.  La  liberté  de  penser  n'aurait  pas  vécu  sans  la  fraude, 
sans  la  contrefaçon,  sans  l'illégalité,  en  un  mot.  C'est  ainsi  que,  dans 
un  autre  ordre  d'idées,  le  libre-échange  est  né  de  la  contrebande,  les 
faux  saulniers  (que  l'on  condamnait  aux  galères)  ont  tué  la  gabelle, 
et  les  faux  réformateurs2  ont  enrayé  les  spéculations  du  lise  sur  le 
poids  et  le  titre  des  monnaies.  Ainsi,  les  libraires  qui  se  jouaient  de 
la  loi  ne  portaient  pas  toujours  préjudice  aux  auteurs;  ils  leur  ren- 
daient aussi  service  contre  les  ennemis  communs  :  l'inquisition  de 
l'Etat  et  l'intolérance  de  l'Eglise.  Que  d'ouvrages  importants,  ou  qui 
ont  eu  leur  moment  de  vogue  et  d'influence,  ont  paru  sans  indication 
de  nom  d'auteur,  de  lieu  ni  de  date  d'impression,  ou  avec  des  indica- 
tions mensongères,  conventionnelles,  frauduleuses!  Les  écrivains,  il 
est  vrai,  ne  cessent  pas  de  récriminer  contre  les  plagiaires,  les  con- 
trefacteurs, les  pirates  d'idées,  etc.  Tantôt  c'est  un  manuscrit  qu'on 
leur  vole,  tantôt  l'imprimé  que  l'on  démarque  ou  que  l'on  travestit, 
tantôt  un  ouvrage  qu'on  leur  attribue  faussement.  La  vanité,  l'amour 


1.  Elle  était  spéciale  aux  ouvrages  libres  ou  même  licencieux,  que  Ton  tolérait 
en  les  réprouvant  (île  même  que  les  prostituées). 

2.  Ce  n'étaient  pas  tout  à  fait  des  l'aux-monnayeurs  :  ils  se  livraient,  dans  des 
ateliers  clandestins,  aux  mêmes  opérations  de  diminution  ou  augmentation  des 
monnaies  que  le  roi  dans  ses  hôtels  des  monnaies:  ils  faisaient  en  détail  le  com- 
merce que  l'État  faisait  en  grand. 


160  LE  PARLEMENT 

de  la  gloire  ou  de  la  gloriole,  bien  plus  que  l'intérêt,  dictent  toutes 
ces  protestations.  C'est  à  froid  que  Marmontel  se  fâche  contre  le 
libraire  de  Liège  qui  l'imprime  sans  son  aveu,  et  qui  le  remercie  tout 
naïvement  des  bénéfices  de  l'opération  :  le  volé  finit  par  accepter  à 
dîner  chez  son  voleur,  lequel  lui  fait  cadeau  d'un  livre  rare.  — Autre 
considération  :  lorsque  l'auteur  a  des  raisons  de  croire  que  son  ou- 
vrage ne  sera  point  approuvé,  pu  même  qu'il  sera  poursuivi,  lorsque, 
par  suite,  il  garde  l'anonyme,  c'est  le  libraire -imprimeur  qui  est 
exposé  et  aux  descentes  de  police,  et  à  la  confiscation,  et  à  la  perte 
de  sa  maîtrise,  et  à  la  prison.  L'auteur  garde  son  esprit,  son  franc 
parler  et  sa  liberté  individuelle  ;  même  connu,  il  n'est  et  ne  peut  guère 
être  inquiété.  Plus  on  brûle  un  ouvrage  d'un  côté,  plus  on  le  réim- 
prime, on  le  contrefait,  on  l'imite,  on  le  lit  de  l'autre.  En  définitive, 
malgré  quelques  criailleriès,  quelques  luttes  d'intérêts  inévitables, 
auteurs  et  éditeurs  étaient  forcément  d'accord  au  XVIIIe  siècle,  car 
ils  soutenaient  le  même  combat-. 

N'oublions  pas  cependant  les  auteurs  bien  pensants  (et  en  même 
temps  bien  pensionnés)  qui,  sans  avoir  les  mêmes  succès  auprès 
du  public,  défendaient  le  trône  et  l'autel  avec  plus  ou  moins  de  sin- 
cérité. Ceux-là  n'avaient  pas  besoin  des  libraires;  à  peine  avaient-ils 
besoin  de  lecteurs.  Ils  vivaient  des  faveurs  royales  '.  Ils  avaient  par- 
tout le  pas  sur  les  auteurs  indépendants;  les  feuilles  publiques,  les 
gazelles,  leur  étaient  ouvertes  exclusivement,  et  c'est  pour  eux,  tout 
spécialement,  que  fut  créé  le  mot  de  folliculaire,  orné  de  tant  d'épi- 
thètes  désagréables. 

Tout  ce  préambule  était  nécessaire  pour  concevoir  non  seulement 
le  sens  littéral,  mais  le  but  politique  des  célèbres  édits  du  30  août  1777. 
Il  ne  me  semble  pas  que  MM.  Laboulaye  et  Guiffrey5,  préoccupés 
d'ailleurs  de  la  question  théorique  du  droit  des  auteurs,  aient  suffisant-  . 
ment  dégagé  le  machiavélisme  policier  qui  caractérise  cette  époque 
de  réaction  contre  le  ministère  de  Turgot.  «  L'administration,  disent- 
ils,  avec  sa  manie  de  tout  réglementer  et  de  tout  brouiller,  prétendit 
organiser  le  droit  des  auteurs,  et,  en  réalité,  le  confisqua.  »  Sans  le 
vouloir?  La  chose  est  au  moins  douteuse,  et  vaut  que  l'on  y  regarde 
à  deux  fois.  Le  gouvernement  de  Louis  XVI  est  également  blâmé 
d'avoir  confondu  le  principe  du  droit  de  propriété  littéraire  avec  le 
privilège,  qui  n'en  est  que  la  sauvegarde.  Enfin,  ajoute-t-on,  les 
auteurs  auraient  voulu,  par  jalousie,  abaisser  les  libraires  qui  fai- 


1.  Entre  autres  des  pensions  sur  le  MercUrè,  vie. 

2.  La  Propriété  littéraire  au  XVIIIe  sièele  (Paris,  1889,  in-8" 


ET  LA  LIBRAIRIE  1GI 

salent  fortune  trop  vite:  et  pour  satisfaire,  ou  gagner  ceux-là,  on 
aurait  agi  contre  les  usages,  les  traditions,  les  droits  de  propriété  de 
ceux-ci.  Toutes  ces  explications  sont  insuffisantes,  si  l'on  n'ajoute  pas 
que  l'objet  constant  du  gouvernement  était  de  subordonner  auteurs 
et  libraires,  et,  pour  cela,  de  les  diviser  d'intérêts;  d'imaginer  deux 
droits,  celui  de  l'auteur  et  celui  du  libraire,  là  où  il  n'y  en  a  qu'un, 
celui  du  propriétaire  légal  du  manuscrit,  quel  qu'il  soit.  Sans  doute, 
la  monarchie  du  XVIIIe  siècle  ne  pouvait  se  proposer  de  ruiner  la  lit- 
térature et  la  librairie,  indépendantes  l'une  par  l'autre;  mais  il  ne 
paraît  pas  contestable  que,  toutes  les  condamnations  ou  lacérations 
d'ouvrages  étant  devenues  plus  utiles  que  nuisibles  à  la  propagation 
des  idées  réformatrices  et  révolutionnaires,  les  conseillers  du  Roi 
n'aient  dû  nécessairement  songer  à  d'autres  voies  et  moyens  '.  Puisque 
le  plus  important  des  édits  de  1777  autorisait,  moyennant  l'estam- 
pille, la  vente  des  ouvrages  contrefaits,  puisque  tous  tendaient  à  cen- 
traliser entre  peu  de  mains  toute  la  librairie  parisienne  et  provinciale, 
soit  en  violant  ou  éludant  les  droits  acquis  des  libraires,  soit  en  faci- 
litant les  ventes  et  reventes  de  fonds;  puisque,  en  un  mot,  des  arrêts 
du  Conseil  pouvaient  détruire  des  propriétés  incontestées  jusque-là, 
quelle  garantie  restait-il,  dans  l'avenir,  aux  libraires  acquéreurs,  aux 
écrivains  vendeurs  de  manuscrits?  Une  seule,  et  la  voici  exprimée  en 
toutes  lettres  à  la  fin  du  compte-rendu  de  Séguier.  L'avocat  général 
ne  s'est  pas  fait  faute  d'adopter  une  bonne  partie  des  idées  de  Duval 
d'Espréménil,  et  de  donner  plus  d'une  fois  raison  aux  plaintes  des 
libraires  dépossédés.  D'après  lui,  voici  le  remède  universel,  voici 
l'avenir  des  auteurs  et  des  libraires  : 

Nous  sera-t-il  permis  de  proposer  un  genre  d'établissement  national  qui 
préviendrait  toutes  les  fraudes  et  lèverait  toutes  les  difficultés?  Est-il  impos- 
sible que  l'administration  se  charge  elle-même  de  l'acquisition  des  manuscrits, 
qu'elle  traite  avec  les  auteurs  du  prix  de  leurs  ouvrages,  sauf  à  se  faire  rem- 
bourser d'une  portion  ou  de  la  totalité  de  ce  prix  par  l'imprimeur  qui  se  présen- 
terait pour  entreprendre  l'édition? On  lui  accorderait  un  privilège  exclusif  plus 
ou  moins  étendu  suivant  l'importance  de  la  somme  et  la  difficulté  du  débit.  A 
l'expiration  de  ce  privilège,  et  lorsque  la  somme  avancée  serait  rentrée  dans 
la  caisse  destinée  à  cet  effet,  le  livre  deviendrait  commun,  et  tout  imprimeur 
pourrait  obtenir  la  permission  de  le  réimprimer  sans  donner  matière  à  aucune 
contestation. 

1.  Voyez,  ou  ce  sens  :  l'arrêt  du  Conseil  du  16  avril  1785  (lsambert,  n°  20o8) 
qui...  prévient  l'annonce  par  les  papiers  publics  des  ouvrages  prohibés  ou  non 
permis;  celui  du  12  août  U83  (Isainbert,  n°  2098),  sur  les  droits  des  auteurs  et 
de  leurs  hoirs;  et  surtout  celui  du  3  sept.  178.'i  (lsambert,  n°  2109),  sur  les  pen- 
sions et  récompenses  des  auteurs,  les  écrits  commandés,  etc. 

11 


162  LE  PARLEMENT 

Si,  par  bonheur  pour  l'esprit  français  et  pour  la  dignité  humaine, 
un  tel  plan  ne  put  s'accomplir,  il  n'est  pas  moins  vrai  qu'il  fut  conçu, 
et  qu'il  y  eut  commencement  d'exécution  '.  Le  chancelier  de  France 
resta  le  protecteur-né  de  la  librairie;  il  en  garda  la  haute  surveillance, 
il  continua  d'en  nommer  les  directeurs  ;  mais  parmi  ces  derniers  Maies- 
herbes  ne  rencontra  point  d'imitateurs2.  C'est  en  vain  que  les  librai- 
res, après  avoir  échoué  devant  le  Parlement  en  1779,  s'adressèrent  en 
1787  au  nouveau  garde  des  sceaux  M.  de  Miromesnil  :  leur  situation 
resta  la  même  3.  Ainsi,  à  la  fin  de  l'ancien  régime,  Duval  d'Espré- 
ménil  aurait  pu  encore  refaire  son  Récit  de  1779,  pièce  principale, 
et  vraiment  historique,  de  tout  ce  procès. 

RÉCIT  D'UN  DE  MESSIEURS  (DUVAL  D'ESPRÉMÉNIL) 

23   AVRIL   17*94 

Monsieur,  la  littérature  et  la  librairie  fleurissaient  à  l'abri  des  lois  dont  la 
juste  sévérité  réprimait  le  brigandage  des  contrefaçons. 

Les  auteurs  se  croyaient  propriétaires  des  ouvrages  qu'ils  avaient  créés,  et 
les  libraires  de  ceux  qu'ils  avaient  acquis  :  un  principe  aussi  simple  avait  pour 
lui  le  droit  naturel,  le  sentiment  intérieur,  l'opinion  générale,  des  édits  enre- 
gistrés, les  arrêts  de  la  Cour,  un  règlement,  fameux  ouvrage  de  M.  Daguesscau*, 
non  revêtu,  il  est  vrai,  de  lettres  patentes,  mais  destiné  à  l'être,  l'expérience 
enlin  et  le  succès.  On  ne  perdait  plus  son  temps  à  le  prouver,  ce  principe  si 
précieux  aux  lettres  :  c'était  une  vérité  élémentaire  qui  reposait  au  nombre 
des  maximes  de  l'État.  Mais  il  n'est  point  de  maxime  qui,  dans  un  siècle  ami 

1.  Voici  deux  autres  passages,  non  moins  caractéristiques,  du  Compte  rendu  : 
«  La  concurrence  est  un  principe  destructif  en  matière  de  "librairie;  elle  exista 

dans  l'origine,  lors  de  l'invention  de  l'imprimerie;  celle  concurrence  a,  été  la 
source  de  la  ruine  des  plus  fumeux  imprimeurs  :  on  se  hâta  de  la  limiter.  »  — 
«  Quoiqu'il  ait  été  défendu  de  faire  circuler  aucune  Encyclopédie,  personne  n'i- 
gnore qu'on  fait  publiquement  à  Lyon  une  nouvelle  édition  de  ce  livre  proscrit 
dans  tout  le  royaume.  » 

2.  Choisi  comme  directeur  de  la  librairie  (1750)  par  son  père  le  chancelier 
Guill.  de  Lamoignon,Malesherbes  rendit  pendant  vingt  ans  d'immenses  services 
à  la  littérature  et  à  la  librairie  :  «  En  peu  d'années,  et  presque  à  la  fois  l'on  vit 
éclore  et  se  consommer  les  entreprises  les  plus  considérables...  l'Histoire  des 
Voyages,  l'Histoire  naturelle,  les  Transactions  philosophiques,  le  Catalogue  de  la 
bibliothèque  du  roi,  la  Diplomatique,  les  Historiens  de  France,  le  Recueil  des 
Ordonnances,  la  Collection  des  auteurs  latins,  le  Sophocle  en  grec,  le  Slrabon  en 
grec,  le  Recueil  des  planclies  de  l'Encyclopédie,  l'Encyclopédie  elle-même,  etc. 
(Enc.  méthodique,  arts  et  métiers  :  article  Imprimerie.) 

3.  Ajoutons  que  le  lieutenant  de  police  Lenoir,  jjour  prix  de  ses  services  et  des 
édits  de  1777  qu'il  avait  inspirés,  devint  en  1784  maître  de  la  librairie,  c'est-à- 
dire  chef  de  la  bibliothèque  du  roi  :  il  garda  ces  fonctions  jusqu'en  1790.  (Voyez 
Almanach  royal.) 

4.  Arch.  nat.,  X  1b  8972.  —  Ed.  Laboulaye  et  G.  Guiffrey:  La  Propriété  littéraire 
au.  XVIIfr  .siècle  (Paris  1859,  in-8«),  p.  403  à  481. 

5.  Id.  ibid.}  p.  1  à  13. 


ET  LA  LIBRAIRIE  163 

des  nouveautés,  tienne  contre  l'abus  de  l'esprit  et  les  erreurs  du  pouvoir.  La 
littérature  et  la  librairie  l'éprouvent.  La  propriété  des  auteurs  n'est  plus  qu'une 
grâce,  celle  des  libraires  n'est  plus  qu'un  fantôme  dans  le  département  de  la 
justice.  L'esprit  s'est  appliqué  à  les  combattre,  le  pouvoir  à  les  détruire,  et, 
le  nom  chéri  du  roi  prêtant  à  leurs  efforts  son  autorité  respectable,  ils  ont 
réussi  au  moins  pour  un  temps.  Ce  sera,  même  après  un  retour  aux  principes, 
une  triste  époque  pour  les  libraires;  mais  ils  n'ont  pas  désespéré  des  lois,  et 
je  viens,  animé  du  même  sentiment,  déférer  à  la  Cour  six  imprimés  concernant 
la  librairie,  ayant  tous  pour  titre  :  Arrêts  du  Conseil.  Us  sont  tous  six  sous  la 
date  du  30  août  1777\ 

I.  —  Le  premier  de  ces  arrêts  était  un  règlement  de  discipline  pour  les 
compagnons  imprimeurs. 

Il  rappelait  et  confirmait  les  dispositions  du  titre  V  du  règlement  de  1723, 
assujettissait  les  compagnons  à  plusieurs  formalités  dispendieuses  tombées  en 
désuétude,  et  de  plus  leur  imposait  de  porter  toujours,  au  lieu  d'un  billet  de 
leur  maître  exigé  par  le  règlement,  un  cartouche  sur  parebemin,  timbré  du 
sceau  de  la  communauté,  signé  des  syndics  et  adjoints,  expédié  au  bureau  de 
la  chambre  syndicale  moyennant  30  sols,  rétabli,  s'il  s'égarait,  moyennant 
15  sols,  sujet  au  visa  des  syndics  et  adjoints,  à  chaque  mutation  de  maître 
moyennant  24  sols. 

Cet  impôt  a  paru  onéreux  aux  compagnons  imprimeurs;  l'idée  de  ce  car- 
touche les  a  blessés2  :  ils  ont  refusé  de  se  conformer  au  règlement,  on  n'a  pas 
insisté,  et  ce  premier  arrêt  est  demeuré  sans  exécution'. 

II.  —  Le  second  portait  établissement  de  deux  ventes  publiques,  l'une  du 
15  au  30  novembre,  l'autre  du  15  au  31  mai  de  chaque  année,  au  plus  offrant 
et  dernier  enchérisseur  des  fonds  de  librairie,  parties  de  fonds,  privilèges  ou 
portions  d'iceux1,  soit  de  Paris  ou  des  provinces  :  les  libraires  de  province  et 
même  les  étrangers  étaient  admis  concurremment  aux  achats  avec  ceux  de  Paris. 

Le  préambule  de  cet  arrêt  en  expliquait  les  principes. 

On  y  disait  que  l'état  actuel  du  commerce  de  la  librairie  exigeait  des  en- 
couragements; que  deux  ventes  publiques  rendraient  les  échanges  plus  faciles 
et  les  négociations  plus  actives,  donneraient  aux  fonds  de  la  librairie  la  juste 
valeur  que  produit  toujours  la  concurrence,  assureraient  aux  acheteurs  un 
bénéfice  plus  considérable  que  celui  des  remises  accordées  dans  les  traités 
particuliers;  ne  laisseraient  pas  craindre  aux  vendeurs  la  perte  considérable 
éprouvée  jusqu'à  présent  dans  la  vente  des  fonds;  diviseraient  naturellement 
les  privilèges  par  toutes  les  provinces  ;  feraient  des  acquéreurs  autant  de  sur- 
veillants intéressés  à  s'opposer  aux  contrefaçons  ;  feraient  cesser  la  rivalité  de 
la  librairie  de  Paris  et  des  provinces,  la  tourneraient  même  au  profit  de  cette 
branche  importante  du  commerce,  et  formeraient  de  tous  les  libraires  une 
seule  famille,  unie  par  l'intérêt,  appelée  aux  mêmes  négociations,  participant 
aux  mêmes  grâces. 


1.  Voyez  Isambert,  tome  XXV,  aux  numéros  7SB,  7d6,  757,  758,  759,  760  (et  Réfé- 
rences, annotations,  comparaisons  avec  les  législations  étrangères). 

2.  On  donnait  un  cartouche  aux  soldats  qui  avaient  obtenu  leur  congé-. 

3.  Chaque  maître  était  invité  à  consigner  ses  sujets  de  plainte  contré  ses 
ouvriers  dans  les  registres  de  la  chambre  syndicale.  Tous  s'abstinrent  d'user  de 
ce  droit,  qui  les  transformait  indirectement  en  agents  de  la  police. 


1H4  LE  PARLEMENT 

Tels  étaient  les  principes  de  V Arrêt  du  Conseil.  Je  ne  m'attacherai  point  à 
les  discuter.  Un  seul  fait  y  répondait  d'avance  :  ce  fait  est  que  les  ventes  des 
fonds  de  librairie  ne  se  font  qu'à  crédit'.  Or  un  homme  libre  qui  vend  ne  fait 
crédit  qu'aux  personnes  qu'il  aime  ou  qu'il  connaît.  Aussi,  Monsieur,  ce 
deuxième  arrêt  est-il  resté  sans  exécution,  comme  le  premier. 

III.  —  Le  troisième  a  pour  objet  de  régler  les  formalités  à  observer  pour  la 
réception  des  libraires  et  imprimeurs. 

Il  est  composé  de  onze  articles.  Les  neuf  premiers  et  le  onzième  reprennent, 
avec  des  changements  peu  remarquables,  les.formalités  prescrites,  les  épreuves 
exigées  par  le  titre  VI  du  règlement  de  1723;  le  dixième  annonce  un  nouveau 
tarif  des  droits  de  réception  arrêté  par  Monsieur  le  garde  des  sceaux  pour  être 
envoyé  dans  chaque  chambre  syndicale. 

Cet  article,  Monsieur,  mérite  attention.  En  1723  il  s'agissait  également  de 
fixer  les  droits  de  réception  des  libraires  et  imprimeurs.  Mais  le  tarif  n'en  fut 
pas  réservé  à  M.  d'Armenonville  qui  tenait  les  sceaux  :  il  fut  fixé  en  présence 
du  roi  par  les  articles  45  et  46  du  règlement.  Encore  moins  a-t-on  pensé  en 
1723  que  le  premier  magistrat  du  royaume  pût  disposer  arbitrairement  d'une 
partie  de  ces  droits  de  réception.  En  1777  on  n'a  plus  pensé  de  même  :  je  ne 
veux  offenser  personne,  mais  mon  devoir  est  d'exposer  les  faits. 

Le  tarif  a  paru  le  8  août  1778,  c'est-à-dire  au  bout  d'un  an.  Il  ne  paraît  pas 
avoir  été  délibéré  au  Conseil;  les  droits  ont  été  augmentés,  et  l'excédent  des 
nouveaux  sur  les  anciens  doit  être  versé  dans  la  caisse  établie  par  l'article  9 
de  l'arrêt  du  Conseil  portant  règlement  sur  la  durée  des  privilèges  :  c'est  ainsi 
que  s'en  est  expliqué  le  directeur  de  la  librairie  dans  sa  lettre  d'envoi  du  tarif 
en  question  aux  officiers  de  la  communauté;  or,  cette  caisse,  suivant  l'article 
cité  par  cette  lettre,  doit  demeurer  sous  la  garde  des  syndics  et  adjoints,  à  la 
disposition  de  Monsieur  le  garde  des  sceaux,  pour  les  émoluments,  est-il  dit 
dans  l'arrêt,  des  inspecteurs  et  autres  personnes  préposées  à  la  manutention  de 
la  librairie:  sur  quoi  j'observerai  que  ces  émoluments  ne  sont  encore  fixés 
par  aucune  loi  ou  règlement  ou  tarif  connu,  et  j'ose  dire  que  je  l'observe  par 
nécessité,  sans  haine,  sans  passion,  et  dans  l'espérance  que  ma  remarque  (si 
la  Cour  en  fait  usage)  en  imposera  à  l'avidité  licencieuse  des  subalternes  :  non 
odio  adductus  alicujus,  sed  spe  resecandœ  libidinis. 

Je  me  suis  procuré  une  copie  tant  de  la  lettre  d'envoi  du  nouveau  tarif  que 
du  bordereau  envoyé  par  le  directeur  de  la  librairie  à  la  chambre  syndicale, 
pour  savoir  quelle  somme  de  chaque  réception  doit  entrer  dans  la  caisse  laissée 
aux  ordres  de  Monsieur  le  garde  des  sceaux.  Je  laisserai  ces  deux  copies  sur 
le  bureau.  Il  est  au  pouvoir  de  la  Cour  d'en  constater  la  sincérité.  Elle  y  verra 
que  ces  sommes  provenant  de  la  différence  des  nouveaux  droits  aux  anciens2 
sont  en  librairie,  pour  les  fils  de  maîtres,  de  153  livres  1G  sols,  pour  les  gen- 


1.  Séguier  ajoute,  à  cette  observation,  que  lorsque  les  fonds  appartiennent  à 
des  mineurs,  la  sûreté  de  leur  patrimoine  pourra  être  compromise. 

2.  L'apprentissage  durait  quatre  ans;  le  brevet  coûtait  10  livres.  La  maîtrise 
roulait  1,000  livres  pour  les  libraires  et  700  pour  les  imprimeurs.  En  1723,  le 
nombre  dos  maîtres  fut  fixé  à  36  dans  Paris.  Pour  être  déclaré  tel,  il  fallait  un 
avis  du  lieutenant  de  police,  l'agrément  de  la  chancellerie  et  un  arrêt  du  Con- 
seil. —  Une  des  36  maîtrises  fut,  jusqu'en  1789,  à  la  désignation  de  l'Hôtel  de 
Ville  :  elle  resta  dans  la  même  famille  pendant  un  siècle  et  demi. 


ET  LA  LIBRAIRIE  '  165 

dres  de  214  livres  12  sols,  pour  les  apprentifs  de  504  livres  12  sols,  en  im- 
primerie pour  les  fils  de  maîtres  de  127  livres,  pour  les  gendres  de  177  livres 
16  sols,  pour  les  apprentifs  de  578  livres  8  sols.  Je  ne  parle  à  Messieurs  que 
de  la  Capitale,  la  différence  des  anciens  et  nouveaux  droits  pour  les  provinces 
ne  m'est  pas  connue. 

IV.  —  Le  quatrième  arrêt  porte  suppression  et  création  de  différentes  cham- 
bres syndicales  dans  le  royaume;  on  y  fixe  le  nombre  des  chambres  syndicales 
du  royaume  à  vingt,  et  l'on  y  règle  les  formalités  à  observer  pour  les  élections 
des  syndics,  les  visites  des  inspecteurs,  la  vente  des  livres  après  décès,  l'ou- 
verture des  ballots. 

Les  principes  de  cet  arrêt  sont  qu'il  est  dangereux  de  laisser  subsister  les 
imprimeries  isolées  dans  un  état  d'indépendance  propre  à  faciliter  les  abus,  et 
qu'il  est  nécessaire  d'établir  l'uniformité  dans  les  opérations  qu'exige  la  manu- 
tention de  la  librairie  et  de  l'imprimerie, 

Les  libraires  observent  que  cet  arrêt  assujettit  dans  l'intérieur  du  royaume 
les  envois  de  Paris  à  des  visites  dispendieuses  pour  les  libraires,  fatigantes 
pour  les  livres,  inutiles  pour  le  bon  ordre,  étant  notoire  que  les  livres  prohibés 
ne  s'impriment  point  dans  la  capitale,  ou  ne  s'y  impriment  qu'en  très  petit 
nombre,  n'y  parviennent  que  difficilement,  y  sont  plus  chers  que  dans  les 
provinces,  où  l'on  n'a  point  à  craindre  qu'ils  ne  retournent  :  tellement  que  le 
commerce  souffrira  de  ce  règlement  sans  aucun  bien  pour  la  police. 

Ces  observations  des  libraires  sont-elles  bien  fondées  en  justice,  en  politique? 
Je  m'abstiendrai  de  prévenir  à  cet  égard,  comme  sur  tout  le  reste,  les  délibé- 
rations de  la  Cour  :  au  surplus  je  ne  vois  pas  que  l'abus,  s'il  existe,  intéresse 
les  passions  humaines;  le  remède  sera  moins  difficile. 

Me  voici  parvenu  aux  deux  derniers  arrêts  concernant  la  librairie,  à  ceux 
qui  paraissent  combattre  le  plus  ouvertement  les  droits  des  libraires,  des  au- 
teurs, du  public,  la  loi,  le  sens  intime  :  l'un  porte  règlement  sur  la  durée  des 
privilèges  en  librairie  ;  l'autre  sur  les  contrefaçons  faites  ou  à  faire;  tous  deux 
sont  remarquables  par  leur  préambule. 

V.  —  Le  préambule  du  premier,  de  celui  des  prisilèges,  pose  en  principe 
que  le  privilège  en  librairie  est  une  grâce  fondée  en  justice;  qu'il  est  la  ré- 
compense du  travail  de  l'auteur,  ou  l'indemnité  des  frais  du  libraire; 

Que  ces  privilèges  différents  par  leurs  motifs  doivent  l'être  par  leur  durée; 

Que  l'auteur  a  des  droits  plus  étendus,  et  que  ceux  du  libraire  sont  propor- 
tionnés au  montant  de  ses  avances  et  à  l'importance  de  son  entreprise; 

Que  la  perfection  de  l'ouvrage  exige  que  le  privilège  du  libraire  dure  autant 
que  la  vie  de  l'auteur; 

Qu'accorder  un  plus  long  temps,  ce  serait  convertir  une  jouissance  de  grâce 
en  une  propriété  de  droit,  rendre  un  libraire  le  seul  arbitre  du  prix  d'un  livre, 
et  refuser  aux  libraires  des  provinces  un  moyen  légitime  d'employer  leurs 
presses  ; 

Que  pour  les  libraires  une  jouissance  limitée,  mais  certaine,  est  préférable 
à  une  jouissance  indéfinie,  mais  illusoire:  pour  le  public,  les  livres  tomberont 
à  une  valeur  proportionnée  à  ses  facultés;  pour  les  gens  de  lettres,  ils  pourront, 
après  un  temps  donné,  acquérir,  par  des  notes  et  des  commentaires  sur  un 
auteur,  le  droit  incontestable  de  faire  imprimer  le  texte; 

Et  qu'enfin  le  commerce  en  aura  plus  d'activité  et  les  imprimeurs  plus 
d'émulation. 


166  LE  PARLEMENT 

Fondé  sur  ces  principes,  l'arrêt  que  je  défère  à  la  Cour,  après  avoir  établi 
dans  l'article  premier  la  nécessité  d'un  privilège  pour  imprimer  ou  faire  im- 
primer les  livres  nouveaux,  défend  par  le  second  de  solliciter  la  continuation 
du  privilège,  à  moins  que  le  livre  ne  soit  augmenté  d'un  quart,  et,  dans  ce  cas 
même,  réserve  la  faculté  d'accorder  à  d'autres  la  permission  d'imprimer  l'an- 
cienne édition  non  augmentée. 

Par  le  troisième  article  on  déclare  que  les  privilèges  à  l'avenir  ne  pourront 
être  d'une  moindre  durée  que  de  dix  ans;  par  le  quatrième,  que  le  privilège 
aura  lieu  non  seulement  pour  le  temps  exprimé,  mais  encore  pendant  la  vie  de 
l'auteur,  s'il  survit  à  l'expiration;  par  le  cinquième,  que  tout  auteur  muni  d'un 
privilège  pourra  vendre  son  ouvrage  chez  lui;  qu'il  jouira,  lui  et  ses  hoirs,  à 
perpétuité,  du  privilège  qu'il  n'aura  pas  rétrocédé  à  un  libraire,  mais  que  tout 
privilège  ainsi  rétrocédé  sera  réduit  à  la  vie  de  l'auteur,  par  le  seul  fait  de  la 
cession.  Le  sixième  article  établit  la  concurrence  illimitée  des  libraires  et  im- 
primeurs pour  obtenir  une  permission,  à  l'expiration  du  privilège  ou  à  la 
mort  de  l'auteur.  Le  septième  ordonne  que  les  permissions  seront  expédiées 
sur  la  simple  signature  du  directeur  de  la  librairie,  et  qu'il  sera  donné  con- 
naissance de  ces  permissions  à  tous  ceux  qui  en  solliciteront  du  même  genre. 
Le  huitième,  dans  la  crainte  positivement  exprimée  que  l'obtention  de  ces  per- 
missions ne  soit  illusoire,  et  qu'on  n'en  obtienne  sans  intention  de  les  réaliser, 
veut  qu'elles  ne  soient  accordées  qu'à  ceux  qui  auront  payé  le  montant  du 
droit  porté  au  tarif  qui  sera  arrêté  par  M.  le  garde  des  sceaux.  Le  neuvième 
décide  que  le  montant  de  ces  droits  sera  payé  entre  les  mains  des  syndics  et 
adjoints  ou  de  leurs  commis  à  cette  recette,  lesquels  ne  pourront  s'en  dessaisir 
que  sur  les  ordres  de  M.  le  chancelier  ou  garde  des  sceaux  pour  les  émolu- 
ments des  inspecteurs  et  autres  personnes  préposées  à  la  manutention  de  la 
librairie.  Le  dixième  article  prescrit  l'enregistrement  des  permissions  dans 
deux  mois  sur  les  registres  de  la  chambre  syndicale  de  l'arrondissement.  Le 
onzième  prescrit  dans  le  même  délai  pour  Paris,  dans  trois  mois  pour  les 
provinces,  la  remise  par  les  libraires  et  imprimeurs  de  leurs  titres  de  pro- 
priété, entre  les  mains  de  M.  de  Néville1,  maître  des  requêtes  commis  à  cet 
effet,  pour,  sur  le  compte  de  ce  magistrat,  leur  être  accordé  par  M.  le  chan- 
celier ou  garde  des  sceaux,  s'il  y  échet,  un  privilège  dernier  et  définitif.  Le 
douzième  article  ôle  l'espoir  d'aucune  continuation  de  privilège  aux  libraires 
et  imprimeurs  qui  n'auront  pas  représenté  leurs  titres  dans  les  délais  donnés. 
Enfin  le  treizième  et  dernier  excepte  des  dispositions  de  l'arrêt  les  privilèges 
d'usage  des  diocèses  et  autres  de  cette  espèce2. 

La  Cour  voit  aisément  que  cet  arrêt  a  dû  exciter  une  grande  commotion  dans 

1.  Le  Camus  do  Néville,  directeur  de  la  librairie. 

2.  Déjà  eu  1773,  les  droits  du  sceau  et  ceux  des  permissions  avaient  été 
augmentés  :  «  Il  était  réservé  à  M.  le  chancelier  de  Maupeou  de  mettre  les  fruits 
de  l'esprit  humain  à  contribution.  Les  droits  du  sceau  avaient  été  jusque-là  très 
modiques.  D'après  l'article  5  des  lettres  patentes  de  1702,  il  ne  devait  être  payé 
pour  les  privilèges  que  les  droits  du  sceau  :  de  même  pour  une  simple  permission, 
il  n'était  dû  «pie  .'i  livres  pour  tous  droits,  y  conquis  le  parchemin  et  l'écriture. 
Cependant, par  un  arrêt  du  Conseil  du  lli  mai  171.'},  il  a  été  fixé  différents  droits 
nouveaux  sur  la  difficulté  d'imprimer.  Cet  arrêt  impose  40  livres  de  marc  d'or 
sur  les  privilèges  et  12  livres  sur  les  permissions  :  ce  qui  fait  une  augmentation 
de  plus  du  double  sur  ce  dernier  objet.  »  (Séguier,  Compte-rendu.) 


ET  LA  LIBRAIRIE  167 

la  librairie;  mais,  avant  d'exposer  les  griefs  des  libraires,  qu'il  me  soit  permis 
de  passer  tout  d'un  coup  à  l'arrêt  sur  les  contrefaçons,  après  quoi  je  réunirai 
sous  un  seul  point  de  vue  les  plaintes  inutiles  que  tous  les  deux  ont  excitées. 
VI.  —  Cet  arrêt,  le  sixième  de  la  même  date,  défend  de  contrefaire  pendant 
la  durée  des  privilèges,  ou  même  d'imprimer  sans  permission  après  leur  ex- 
piration et  le  décès  de  l'auteur,  à  peine  de  6,000  livres  d'amende,  pour  la  pre- 
mière fois,  de  pareille  amende  et  déchéance  d'état,  en  cas  de  récidive. 

II  déclare  l'édition  contrefaite  saisissable  sur  le  libraire  comme  sur  l'impri- 
meur, et  soumet  le  libraire  aux  mêmes  peines. 

Il  déclare  en  même  temps  que  les  possesseurs  du  privilège  n'en  pourront 
pas  moins  former  leur  demande  en  dommages  et  intérêts. 

Le  quatrième  article  est  remarquable.  Il  autorise  la  visite  du  possesseur  ou 
concessionnaire  d'un  privilège  assisté  d'un  inspecteur  de  librairie,  à  son  défaut 
d'un  juge  ou  commissaire  de  police,  chez  tout  imprimeur,  libraire  ou  colpor- 
teur, en  boutique  ou  en  magasin,  aux  risques,  périls  et  fortune  de  ce  posses- 
seur ou  cessionnaire,  sans  autre  permission  que  le  présent  arrêt,  à  la  charge 
pourtant  d'exhiber  préalablement  à  l'inspecteur,  juge  ou  commissaire,  l'origi- 
nal du  privilège  ou  son  duplicata  collationné;  ensuite,  par  une  disposition 
que  j'avoue  ne  pouvoir  comprendre,  autorise  «  ceux  chez  qui  on  fera  de  sem- 
blables visites  à  se  pourvoir  en  dommages  et  intérêts  contre  ceux  qui  les 
feront,  s'ils  ne  trouvent  pas  des  contrefaçons  des  ouvrages  dont  ils  auront 
exhibé  le  privilège,  encore  qu'ils  en  eussent  trouvé  d'autres  »  :  d'où  il  paraît 
(ce  que  j'ai  peine  à  croire)  que  ces  autres  contrefaçons  ne  pourront  être  saisies 
ni  dénoncées,  sous  les  yeux  mêmes  de  celui  qu'elles  dépouillent,  lequel  pour 
une  indication  imprudente,  —  quesais-je?  confiée  à  l'inspecteur  et  peut-être 
trahie,  —  sera  tenu  au  contraire  d'indemniser  à  la  vue  de  son  propre  bien  le 
contrefacteur  qui  s'en  est  emparé,  pris  en  flagrant  délit1  ! 

L'article  5  n'a  rien  d'intéressant  :  il  condamne  au  pilon  les  éditions  juste- 
ment saisies. 

L'article  6  est  l'essentiel.  Voici  comme  il  s'exprime  :  «  Quant  aux  contrefa- 
çons antérieures  au  présent  arrêt,  Sa  Majesté,  voulant  user  d'indulgence,  relève 
ceux  qui  s'en  trouveront  saisis  des  peines  portées  par  les  règlements,  en  remplis- 
sant par  eux  les  formalités  prescrites  par  l'article  suivant;»  et  ces  formalités 
sont  de  représenter  les  contrefaçons  dans  deux  mois  à  l'inspecteur  et  à  l'un 
des  adjoints  de  la  chambre  syndicale  de  l'arrondissement  pour  être  la  pre- 
mière page  de  chaque  exemplaire  estampillée  par  l'adjoint  et  signée  par 
l'inspecteur. 

Les  articles  8  et  9  sont  purement  de  forme  :  le  huitième  fait  commencer  le 
délai  de  ces  deux  mois  de  grâce  du  jour  de  l'enregistrement  du  présent  arrêt 
dans  chaque  chambre  syndicale;  le  neuvième  et  dernier  ordonne  le  renvoi  à 


1.  Relativement  à  ces  inspecteurs  (do  police),  Séguier  ajoute,  dans  son  Compte- 
rendu  :  «  Les  inspecteurs  et  employés,  autrefois  absolument  inconnus,  n'ont 
aucun  caractère  en  eux-mêmes,  et  les  procès-verbaux  qu'ils  pourront  dresser  ne 
pourront  pas  Caire  foi  en  justice,  parce  qu'ils  n'y  auront  pas  prêté  serment.  » 
Leurs  fonctions  sont-elles  des  offices?  de  simples  commissions?  Qui  les  nomme? 
Quels  sont  leurs  signes  distinctifs?  Leurs  émoluments?  Toutes  ces  questions 
bien  légitimes  demeurent  sans  réponse.  La  police  ne  livre  pas  ses  secrets  à  la 
justice. 


•168  LE  PARLEMENT 

Monsieur  le  garde  des  sceaux,  par  l'inspecteur,  de  l'estampille  et  du  procès- 
verbal  de  ses  opérations,  à  l'expiration  dudit  délai  :  passé  lequel,  tous  les 
livres  contrefaits  et  dénués  de  la  signature  de  l'inspecteur  et  de  la  marque  de 
l'estampille  seront  censés  nouvelles  contrefaçons  et  soumis  aux  peines  portées 
par  l'article  premier. 

Telle  est,  Monsieur,  l'économie  de  ces  deux  arrêts  devenus  si  célèbres  sur  la 
durée  des  privilèges  en  librairie,  et  sur  les  contrefaçons. 

11  était  naturel  que  des  citoyens  dépossédés  demandassent  justice.  Les 
libraires  l'ont  fait  d'une  manière  d'autant  plus  toucbante  qu'elle  était  moins 
régulière.  Au  lieu  de  recourir  au  Parlement,  organe  légitime  des  opprimés, 
dépositaire  et  défenseur  des  lois  du  royaume,  et  des  droits  de  tous  les  ordres, 
de  tous  les  corps,  de  tous  les  citoyens,  juge  naturel  de  leur  état,  ils  ont  cru 
devoir  verser  leur  douleur  dans  le  sein  de  Monsieur  le  garde  des  sceaux.  Les 
veuves  de  la  communauté  ont  donné  l'exemple  en  octobre  1777  :  elles  ont 
adressé  à  ce  magistrat  «  de  très  bumbles  et  très  respectueuses  représenla- 
tions;  »  en  novembre  suivant,  la  communauté  entière  lui  a  présenté  un  mé- 
moire très  détaillé,  et  le  recteur  de  l'Université  a  joint  le  sien  au  nom  de 
l'Université  en  corps  *.  Ces  premières  tentatives  n'ont  produit  aucun  effet. 

Alors  les  libraires  et  imprimeurs  ont  recouru  directement  au  roi  par  une 
requête  J  soutenue  de  deux  consultations  des  23  décembre  1777  et  9  jan- 
vier 1778.  Après  quoi  les  veuves  de  la  librairie  ont  imploré  de  leur  côté  la 
justice  royale  par  une  requête  particulière.  On  ignore  si  ces  requêtes  sont 
parvenues  au  roi.  Elles  n'ont  pas  eu  plus  de  succès  que  les  mémoires  adressés 
à  Monsieur  le  garde  des  sceaux. 

Les  libraires  étonnés,  non  abattus,  ont  gardé  le  silence.  Ils  se  sont  con- 
tentés d'opposer  à  l'exécution  des  arrêts  du  Conseil  cette  résistance  passive  et 
respectueuse  qui  convient  si  bien  à  des  sujets  fidèles,  mais  libres'.  Enfin  les 
tarifs  des  droits  de  réception  et  de  permission  ont  paru.  Les  libraires,  profitant 
de  cette  circonstance  quoique  fâcbeuse  puisqu'elle  était  le  premier  effet  des 
arrêts  du  Conseil,  ont  adressé  à  Monsieur  le  garde  des  sceaux  de  très  humbles 
représentations  contre  les  tarifs  en  particulier  et  contre  les  arrêts  en  général. 
Leurs  nouvelles  instances  n'ayant  pas  été  plus  heureuses,  ils  ont  pris  le  parti 
de  s'en  tenir  aux  sollicitations  indirectes;  des  gens  de  lettres  ont  donné  des 
mémoires  4;  des  magistrats  ont  invoqué  les  formes  à  l'appui  des  principes, 


1.  L'avocat  général  Séguier,  dans  son  Comple-rendu ,  donne  le  sens  de  ce  Mé- 
moire :«  L'Université  représenta  que  les  éditions  de  littérature  solide,  les  ouvra- 
ges des  anciens  auteurs  grecs  et  latins,  de  nos  maîtres  dans  l'art  d'écrire  et  de 
penser,  seraient  abandonnés;  que  les  chefs-d'œuvre  de  l'antiquité  tomberaient 
bientôt  dans  l'oubli.  Le  débit  en  sera  trop  lent  pour  oser  entreprendre  de  les 
mettre  de  nouveau  en  lumière;  on  n'imprimera  plus  que  des  brochures  éphé- 
mères, des  frivolités  faites  pour  amuser  plutôt  que  pour  instruire  :  le  goût  des 
sciences,  l'amour  des  lettres,  l'éclat  de  la  typographie  se  perdra  peu  à  peu,  et  la 
France  verra  s'évanouir  cette  prééminence  que  ses  éditions  avaient  obtenue  sur 
les  nations  étrangères.  » 

2.  Une  au  célèbre  avocat  Cochut. 

:i.  Ces  mots  ont  une  portée  générale,  et  dépeignent  fort  bien  L'attitude  politique 

de  la  nation,  sous  les  coups   répétés   du  despotisme  et  des  exactions  financières. 

4.  Le   plus  remarquable  est  celui  de  Linguet,    Ahnales    politiques,   civiles  el 


ET  LA  LIBRAIRIE  469 

proposé  des  conférences,  annoncé  une  réclamation  :  ils  n'ont  pas  eu  le  bon- 
heur d'être  entendus.  On  a  pressé  l'exécution  des  arrêts,  du  Conseil,  et  le 
temps  qui  s'écoulait  voyait  toujours  de  nouvelles  atteintes  portées  aux  lois  de 
l'État  ainsi  qu'aux  propriétés  littéraires. 

Enfin,  Monsieur,  les  libraires  et  imprimeurs,  désespérant  d'obtenir  justice 
du  département  où  les  arrêts  du  Conseil  avaient  été  rendus,  ont  tenté  néan- 
moins un  dernier  effort  :  ils  ont,  dans  un  mémoire  approuvé  par  la  commua 
nauté  assemblée,  résumé  leurs  représentations  sur  les  six  arrêts,  et  ce  résultat 
a  été  présenté  à  Monsieur  le  garde  des  sceaux  au  commencement  de  février, 
en  vertu  d'une  délibération  prise  par  la  communauté  le  23  janvier  précédent. 
Cette  preuve  nouvelle  de  leur  soumission  et  de  leur  confiance  n'a  rien  pro- 
duit :  et  deux  mois  écoulés  sans  réponse  m'ont  fait  penser  qu'il  était  temps 
de  ne  plus  abandonner  sans  examen  aux  efforts  d'un  système  élevé  contre  les 
lois,  une  communauté  rccommandable  qui  les  implore. 

En  effet,  Monsieur,  la  propriété  littéraire  a  été  maintenue  par  toutes  les 
lois  .dans  la  personne  de  l'auteur  et  du  libraire.  On  a  toujours  pensé  que  la 
permission  d'imprimer  un  ouvrage  nouveau  ne  créait  pas  la  propriété,  mais  la 
supposait,  et  que  le  privilège  uni  à  la  permission  n'était  qu'une  sauvegarde 
de  la  propriété  '.  Ce  principe,  il  est  vrai,  a  éprouvé  quelques  atteintes,  du 
moins  sur  la  continuation  des  privilèges,  au  commencement  du  XVIIe  siècle; 
mais  il  eut  bientôt  triomphé  d'une  opinion  passagère  qui  n'a  jamais  pu 
s'élever  au  rang  des  maximes  de  l'État.  On  en  revint  aux  anciens  principes  : 
les  désordres  de  la  concurrence  sont  fortement  exprimés  dans  une  déclaration 
de  1649,  ouvrage  du  chancelier  Séguier:  et  depuis  comme  avant,  disent  les 
libraires  dans  leurs  mémoires,  les  continuations  de  privilèges  ont  été  au- 
torisées par  tous  les  règlements,  qui  tous  ont  maintenu'les  auteurs  dans  la 
propriété  de.  leurs  ouvrages,  et  les  libraires  dans  la  propriété  de  leurs  cessions. 
Aussi,  poursuivaient-ils,  la  librairie  cultivant  son  propre  champ,  avait-elle 
prospéré.  Mais  ne  parlons  que  de  justice.  Nous  avions,  ajoutaient  les  libraires, 
vendu,  échangé,  partagé,  donné  en  dot  nos  fonds  de  librairie  qui  faisaient 
toute  notre  fortune.  Aujourd'hui  nous  sommes  dépouillés.  Les  arrêts  du  Con- 
seil ayant  détruit  la  propriété  littéraire,  nos  traités  sont  incertains,  nos  par- 
tages sont  illusoires,  les  biens  de  nos  femmes  sont  privés  d'bypotlièque,  nous 
sommes  sans  commerce,  nous  sommes  sans  état.  Par  une  disposition  difficile 
à  comprendre,  la  propriété  des  auteurs  traitée  de  grâce  est  restreinte  au  point 
de  ne  pouvoir  en  disposer  sans  la  perdre;  et  par  une  seconde,  non  moins 
inouïe,  c'est  une  force  rétroactive  imprimée  aux  arrêts  du  Conseil  qui  nous 
exproprie,  disent  les  libraires,  des  héritages  de  nos  pères,  des  fruits  de  nos 
acquisitions,  de  nos  travaux. 

L'impôt  sur  les  permissions  d'imprimer,  continuent  les  libraires,  est  un  des 
plus  ruineux  qu'on  pût  imaginer  ;  il  faudra  donc  payer,  pour  réimprimer  les 
Donations  de  Ricard,  480  livres,  pour  les  OEuvrcs  de  Henrys,  900  livres,  pour 


littéraires,  t.  III  (1777),  p.  12.  Il  est  reproduit  dans  l'ouvrage  cité  de  Laboulaye 
et  Guiffrey  (p.  221  à  265). 

t.  La  transmission  de  la  propriété  de  l'auteur  dans  celle  de  l'imprimeur  ou  du 
libraire  était  reconnue  depuis  le  milieu  du  XVIIe  siècle.  Les  manuscrits  sont  des 
effets  commerçâmes  comme  une  rente,  une  terre,  une  maison.  On  les  lègue,  on 
les  donne  en  dot,  on  les  hypothèque,  etc. 


170  LE  PARLEMENT 

le  Journal  des  Audiences,  1,680  livres;  pour  l'Histoire  ecclésiastique  de  Fleurrj, 
in-4°,  4440  livres.  Sont-ce  là  des  motifs  d'encouragement?  —  On  dira  de 
n'imprimer  que  des  livres  d'un  débit  sûr.  En  est-il  de  cette  espèce?  En  est-il 
du  moins  beaucoup  '  ? 

L'objet  de  cette  imposition  énorme  est  d'obliger  à  faire  usage  de  ces  per- 
missions demandées2.  Quel  si  grand  intérêt  le  public  peut-il  avoir  à  cette  cer- 
titude? L'emploi  de  l'impôt?  C'est  pour  gratifier  les  inspecteurs  et  autres 
personnes  préposées  à  la  manutention  de  la  librairie.  Mais  l'expérience  prouve 
que  jamais  les  contrefaçons  n'ont  été  plus  multipliées  que-  depuis  l'établisse- 
ment des  inspecteurs  :  quand  on  sait  d'où  l'orage  doit  partir,  il  est  facile  de 
le  conjurer;  et  quant  aux  préposés,  on  a  vu  la  librairie  très  bien  régie  dans 
tout  le  royaume  par  le  ministère  d'un  seul  secrétaire  qui  travaillait  quatre 
heures  par  semaine.  A  quoi  sert  la  multiplication  des  bureaux,  des  subal- 
ternes? Les  affaires  en  vont-elles  plus  vite?  L'expérience  prouve  encore  le 
contraire. 

Les  libraires,  Monsieur,  n'ont  pas  été  plus  loin.  Mais  la  liberté  de  mon 
ministère  m'autorise  à  demander  pourquoi  les  fonctions,  les  appointements, 
les  noms  même  des  préposés  à  la  librairie  ne  sont  pas  rendus  publics? 
Pourquoi  le  produit  des  droits  destinés  à  la  caisse  établie  par  l'article  9  de 
l'arrêt  du  Conseil  sur  la  durée  des  privilèges  n'est  pas  connu?  En  un  mot, 
pourquoi  le  rapport  de  la  recette  à  l'emploi  n'est  pas  hautement,  nettement, 
solennellement  déterminé?  J'irai  plus  loin  :  j'oserai  demander  pourquoi  cette 
imposition  considérable  sur  les  permissions  n'a  pas  été  créée  par  une  loi, 
pourquoi  du  moins  l'augmentation  des  droits  de  réception  n'a-t-elle  pas  été 
arrêtée  au  Conseil,  en  présence  du  roi,  les  libraires  entendus? 

Sur  l'arrêt  des  contrefaçons,  les  libraires  ont  représenté  que  les  contrefa- 
çons, déclarées  destructives  du  commerce  et  contraires  à  la  bonne  foi,  se  trou- 
vaient néanmoins  légitimées  au  détriment  des  vrais  propriétaires  de  manuscrits 
achetés  sous  les  auspices  de  la  loi  ;  —  que  le  contrefacteur,  en  réimprimant 
les  feuilles  estampillées,  vendrait  la  contrefaçon  elle-même  pour  l'édition 
originale  au  public  abusé  par  le  défaut  d'estampille  ;  —  que  les  saisies  auto- 
risées par  le  quatrième  article  de  cet  arrêt  ne  seraient  pas  seulement  illu- 
soires, mais  imprudentes  :  qu'on  pourrait  croire  que  la  contrefaçon  spécifiée 
se  trouverait  bien  rarement;  que  la  crainte  de  se  voir  bravés  par  l'étalage 

1.  Les  libraires,  forcés  pour  vivre  de  flatter  les  goûts  et  les  idées  du  public, 
multiplièrent  les  publications  volantes,  pamphlets,  brochures,  etc.;  sous  les  yeux 
mêmes  de  la  police,  ils  devinrent,  de  gré  ou  de  force,  les  agents  les  plus  actifs 
des  idées  nouvelles,  et  les  premiers  serviteurs  de  la  Révolution. 

2.  Tarif  des  droits  de  chaque  permission  nouvelle  (en  exécution  de  l'art.  9  de 
Pédit  sur  la  durée  des  privilèges). 

Une  édition  in-32  tirée  ù  1500  exemplaires,  par  volume 
in-24  —  — 

in-18 
in- 16 
in- 12 
in-8° 

in-i"  —  — 

in-!'nl"  —  —  — 

(Minute  de  la  séance  du  31  août  1779,  Arch.  nat.,  X  1b  8973.) 


1 

livre 

10 

sols 

:i  livres 

13 

— 

7 

— 

10 

— 

13 

— 

30 

— 

60 

— 

120 

— 

240 

— 

ET  LA  LIBRAIRIE  171 

d'autres  contrefaçons,  et  d'être  condamnés,  à  leur  vue,  envers  le  coupable, 
arrêterait  les  propriétaires  un  peu  raisonnables,  et  qu'ainsi  cet  article  assurait 
l'impunité  des  contrefacteurs;  —  qu'ils  osaient  dire  que  l'indulgence  du  roi 
excédait  son  pouvoir,  le  roi  pouvant  faire  grâce  de  ses  droits,  mais  non  des 
droits  d'autrui;  et  qu'enfin  cette  indulgence,  loin  d'être  pour  l'avenir  un  gage 
de  la  circonspection  des  contrefacteurs, 'les  encouragerait  par  l'espérance 
d'obtenir  encore  un  traitement  pareil;  qu'il  ne  s'agira  que  de  multiplier  le 
nombre  des  contrefaçons  au  degré  suffisant  pour  exposer  qu'il  y  va  de  toute 
leur  fortune. 

Tels  sont,  Messieurs,  les  griefs  de  la  librairie.  Si  la  Cour  veut  connaître  plus 
particulièrement  les  effets  immédiats  des  arrêts  du  Conseil  sur  l'état  des 
libraires  de  cette  capitale,  elle  en  pourra  juger  par  le  mémoire  du  sieur  Le 
Clerc,  l'un  d'entre  eux.  Voici  comme  il  s'exprime  en  commençant  :  «  Comme 
tous  les  libraires  de  Paris,  je  ne  possède  le  droit  d'imprimer  aucun  livre  et 
partie  d'icelui  que  par  acquisition.  La  source  de  la  plus  grande  partie  de  mes 
propriétés  est  l'acquisition  que  j'ai  faite  du  fonds  de  mon  père  par  acte  passé 
chez  Me  Dulion,  notaire,  le  27  janvier  1758,  acquisition  dont  j'ai  payé  la  moitié 
à  ma  sœur.  »  Ensuite  l'auteur  expose  les  différenls  articles  dont  il  est  pro- 
priétaire, soit  comme  héritier  de  son  père,  soit  comme  auteur,  soit  comme 
acquéreur.  Ils  sont  au  nombre  de  cinquante-six  :  après  quoi,  résumant  sa  dé- 
plorable position  : 

«  Il  ne  me  reste  plus,  dit-il,  qu'à  faire  connaître  l'état  del'autcur  de  ce  mémoire, 
que  l'exécution  des  arrêts  du  30  août  dernier  ruinerait  sans  ressource,  s'ils 
détruisaient  ses  propriétés...  J'ai  cinquante-quatre  ans,  je  fais  vivre  ma  femme, 
cinq  enfants,  reste  de  quatorze,  et  mon  beau-frère;  la  dépense  nécessaire  à 
ma  maison  m'empêche  d'augmenter  mon  patrimoine,  quoique  je  ne  donne 
aucun  temps  à  l'amusement;  malgré  mon  peu  de  fortune,  l'estime  de  mes 
confrères  m'a  fait  remplir  toutes  les  places  où  un  homme  de  mon  état  peut 
parvenir  :  j'ose  même  dire  que  je  m'y  suis  rendu  utile.  S'il  fallait  que  je  per- 
disse mon  fonds  de  librairie,  la  seule  chose  que  je  possède  en  ce  monde,  je 
regarderais  comme  un  bienfait  la  mort  d'un  sixième  enfant  que  j'ai  perdu 
depuis  la  publication  des  arrêts  du  30  août  dernier,  je  ne  désirerais  pas  la 
mort  des  autres,  mais  je  verrais  venir  la  mienne  avec  indifférence,  pour  n'être 
pas  témoin  de  la  misère  qui  les  attend.  La  justice  et  la  bonté  du  roi  me  rassu- 
rent. Il  ne  me  privera  pas  d'une  propriété  que  ju  lui  fais  connaître,  et  que  j'ai 
acquise  sur  la  foi  des  lois  qui  ont  été  en  vigueur  jusqu'ici  :  il  me  la  conservera 
au  contraire  à  perpétuité,  comme  il  conserve  celle  des  auteurs  qu'il  connaît, 
sauf  à  me  conformer  dans  mes  acquisitions  futures  aux  nouveaux  arrêts,  s'ils 
ne  sont  pas  révoqués.  » 

Ce  mémoire,  Monsieur,  a  été  présenté  par  le  sieur  Le  Clerc  à  MM.  Le  Noir 
et  deNéville;  l'auteur  en  a  remis  une  copie  certifiée  véritable  au  syndic  de  la 
librairie,  le  12  janvier  1777  (sic  .-lire  1778);  et  cet  infortuné  père  de  famille, 
qui  n'a  pas  même  obtenu  quelques  paroles  de  consolation ,  m'a  adressé  ce 
triste  monument  de  sa  ruine,  avec  une  lettre  qui  me  donne  ce  mémoire,  «  en 
ce  qui  touche  les  propriétés  de  son  fonds  de  librairie,  comme  un  tableau  du 
commerce  de  la  librairie  en  général,  et  de  l'état  de  chaque  libraire  en  parti- 
culier ».  Il  m'a  autorisé  à  le  mettre  sous  les  yeux  de  la  Cour  :  je  le  laisserai 
sur  le  bureau.  Au  surplus,  Monsieur,  mes  informations  particulières  m'ont  fait 


172  LE  PARLEMENT 

connaître  que  le  sieur  Le  Clerc  n'est  pas  le  seul  libraire  que  les  arrêts  du 
Conseil  aient  écrasé;  la  Cour  peut  s'en  convaincre. 

Ce  qui  met  le  comble  au  malheur  des  libraires,  c'est  que,  dépouillés  des 
objets  de  leurs  traités  par  les  arrêts  du  Conseil,  ils  sont  astreints  à  l'exécution 
de  ces  traités  par  les  jugements  des  tribunaux. 

Le  sieur  Paucton,  auteur  d'un  ouvrage  intitulé  :  Métrologie,  ou  Traité  des 
mesures,  poids  et  monnaies  de  l'antiquité  et  d'aujourd'hui,  avait  vendu  son 
manuscrit  à  la  veuve  Desaint  par  un  acte  antérieur  de  près  d'un  mois  à  la 
publication  de  l'arrêt  du  Conseil  du  30  août  1777.  L'arrêt  est  publié  :  la  veuve 
Desaint  y  voit  que  sa  propriété  acquise  pour  toujours  est  réduite  aux  termes 
de  l'arrêt,  par  le  seul  fait  de  la  cession,  à  la  vie  de  l'auteur.  Elle  fait  difficulté 
d'imprimer.  Son  vendeur  l'assigne  au  Cbàlelct  :  elle  conclut  au  rapport  d'une 
permission  d'imprimer.  Une  sentence  interlocutoire  y  condamne  le  sieur  Paucton. 
Celui-ci  se  conforme  à  la  sentence,  il  rapporte  une  permission,  mais  une  per- 
mission conçue  dans  les  termes  du  nouvel  arrêt  du  Conseil,  à  savoir  que  «  si 
le  sieur  Paucton  cédait  cette  permission,  alors,  par  le  seul  fait  de  la  cession, 
la  durée  de  ce  privilège  serait  réduite  à  celle  de  la  vie  de  l'auteur,  ou  de  dix 
ans  à  compter  du  jour  de  la  date  de  ce  privilège,  si  l'auteur  décédait  avant 
l'expiration  des  dix  ans  ». 

La  veuve  Desaint  ne  s'est  pas  contentée  de  celte  permission  :  elle  a  persisté 
dans  son  refus,  et,  sur  la  clause  nouvelle  du  privilège,  s'en  est  rapportée  à  la 
prudence  des  premiers  juges.  Le  Chàtelet  a  ordonné  par  une  sentence  défini- 
tive que  le  traité  serait  exécuté  ;  en  conséquence,  sans  s'arrêter  aux  clauses 
et  conditions  insérées  aux  lettres  des  'privilèges  obtenus  par  le  sieur  Paucton, 
a  maintenu  la  veuve  Desaint  dans  la  propriété  pleine  et  incommutablc  de  l'ou- 
vrage en  question,  et  du  droit  exclusif  de  le  faire  imprimer  et  de  le  vendre 
par  elle,  ses  hoirs  et  ayants  cause,  conformément  au  traité  double  fait  entre 
les  parties.  Appel  de  cette  sentence  par  le  sieur  Paucton  :  l'audience  est  ac- 
cordée, et,  par  arrêt  contradictoire,  la  Cour  met  l'appellation  au  néant:  la  sen- 
tence était  du  11  août  1778;  l'arrêt  est  du  10  février  1779.  J'en  défère  à  la 
Cour  la  copie  collationnée. 

Cette  instance,  Monsieur,  n'est  pas  la  seule  de  cette  espèce.  Le  sieur  Pillot, 
libraire,  plaide  contre  le  sieur  Leboucher,  autre  libraire,  et  beau-frère  de  la 
dame  Pillot,  lequel,  sous  prétexte  des  nouveaux  arrêts  du  Conseil,  refuse  au 
sieur  Pillot  le  payement  de  3,000  livres,  prix  convenu  de  la  cession  faite  au 
sieur  Leboucher  par  le  sieur  Pillot  de  plusieurs  livres  et  parts  de  privilèges  dé- 
pendants de  la  dot  de  la  dame  Pillot.  Je  sais  aussi  que  le  sieur  de  Bure  ■  fait 
quelques  difficultés  de  payer  des  rentes  qu'il  a  constituées  en  payement  de 
privilèges  à  lui  cédés  par  des  auteurs  ou  des  libraires.  Scra-t-il  condamné? 
Le  sieur  Leboucher  le  sera-t-il  aussi?  On  peut  le  présumer  :  l'arrêt  du  sieur 
Paucton  l'annonce  assez;  et  ces  condamnations  seront  très  justes  :  la  Cour 
prononce  suivant  les  lois;  ce  n'est  pas  une  loi  qu'un  arrêt  du  Conseil  ;  les  tri- 


1.  «  Gabriel  de  Bure,  disent  MM.  Laboulaye  et  Guiffrey  (p.  XV),  l'un  des  adjoints 
en  charge  de  la  librairie,  un  des  officiers  les  plus  considérés  de  la  corporation, 
ayant  refusé  de  se  rendre  à  Versailles  pour  estampiller  les  livres  contrefaits,  fut 
enlevé  et  jeté  à  la  lïastille  le  23  janvier  1778.  »  Ajoutons  qu'il  en  sortit  le  29,  sur 
une  lettre  du  garde  des  sceaux  à  Lenoir;  un  inspecteur  de  la  librairie  fut  chargé 
de  l'estampillage. 


ET  LA  LIBRAIRIE  173 

bunaux  heureusement  sont  fidèles  à  cette  maxime  ;  l'exécution  des  traités  de 
librairie  sera  donc  ordonnée  par  les  arrêts  des  Cours;  et  cependant  cette  exé- 
cution est  rendue  impossible  par  la  seule  existence  des  arrêts  du  Conseil  qui 
t'ont  loi  dans  le  département  de  la  librairie  où  les  nouvelles  permissions  s'ex- 
pédient tous  les  jours  au  préjudice  des  ordonnances,  et  privent,  par  le  fait,  les 
libraires  de  la  chose  vendue,  tandis  que  nos  arrêts  leur  en  font  payer  le  prix, 
suivant  la  loi. 

Un  état  aussi  pénible  me  paraît  mériter  les  regards  de  la  Cour.  On  voit, 
Monsieur,  dans  tous  les  actes  que  je  défère  à  la  justice,  des  arrêts  du  Conseil 
élevés  au-dessus  des  édits  enregistrés,  des  propriétés  détruites  par  l'effet 
rétroactif  de  ces  actes  irréguliers;  un  impôt  créé  sans  lettres  patentes;  des 
tarifs  dépendant  de  la  simple  volonté  d'un  sujet  du  roi;  une  caisse  publique 
établie  sans  comptabilité  ;  et  le  concours  inouï  de  la  justice  et  du  pouvoir, 
pour  obliger  des  citoyens  à  payer  ce  que  le  pouvoir  leur  enlève,  à  perdre  ce 
que  la  justice  leur  fait  payer  r.  Je  vous  prie,  Monsieur,  de  mettre  en  délibéra- 
tion ce  qu'il  convient  de  faire  à  ce  sujet. 

Outre  les  pièces  imprimées  ou  manuscrites  auxquelles  il  est  fait 
allusion  dans  ce  récit,  fut  déposé  sur  le  bureau  du  Parlement  un 

Tableau  imprimé  des  ouvrages  jugés  communs,  ou  qui  le  deviendront  à 
l'expiration  des  privilèges  dont  ils  sont  revêtus,  en  exécution  de  l'article  11 
de  l'arrêt  du  Conseil  du  30  août  1777  portant  règlement  sur  la  durée  des  pri- 
vilèges en  librairie. 

Les  gens  du  roi,  chargés  de  rendre  compte  de  l'affaire  de  la  librai- 
rie, pour  le  2  juillet  suivant,  s'excusèrent  à  cette  date  de  ne  pouvoir 
le  faire;  même  excuse  le 27  juillet,  fondée  sur  l'importance  du  débat 
et  l'ampleur  croissante  du  dossier.  Le  rapport  de  Séguier  fut  remis  au 
mardi  10  août2.  Il  ne  concluait  ni  pour, ni  contre;  il  annonçait  seule- 
ment les  intentions  du  roi  de  prendre  à  la  solde  de  l'administration 
auteurs  et  libraires.  En  définitive,  le  Parlement  ne  lit  point  les  repré- 
sentations ou  remontrances  qu'aurait  voulu  provoquer  d'Espréménil. 
Pour  défendre  la  librairie,  il  condamnait,  lacérait  et  brûlait  trop 
d'ouvrages. 

Cependant,  le  Parlement  maintint  en  général  les  droits  acquis  des 
libraires,  mais  non  sans  hésiter.  En  1787,  la  veuve  Desaint  se  vit 
contester  par  les  héritiers  Denisart,  que  défendit  Target,  la  moitié  du 
privilège  et  des  exemplaires  de  la  collection  de  jurisprudence  de  feu 
maître  Denisart,  appartenant  à  ses  enfants  mineurs.  La  grand'cham- 
bre  se  partagea  à  ce  propos,  le  10  août  1787  ;  il  en  fut  de  même  de  la 
troisième  chambre  des  enquêtes,  le  30  janvier  1788.  La  première  des 


1.  C'est-à-dire  :  rerevoir  en  payement. 

2.  MM.  Guiffrey  et  Laboulaye  l'ont  reproduit  in  extenso  (p.  481  à  596). 


174  LE  PARLEMENT  ET  LA  LIBRAIRIE 

enquêtes  prononça  enfin  pour  la  veuve   Desaint  (9  février  1788)  : 

La  communauté  des  libraires  et  imprimeurs  était  d'autant  plus  satisfaite  de 
ce  succès  de  la  dame  Desaint  que...  son  affaire  devenait  commune  avec  plu- 
sieurs familles  de  la  librairie  qui  eussent  pu  voir  leur  repos  et  leur  tranquil- 
lité troublés  par  des  contestations  aussi  désagréables  que  dispendieuses,  si 
cette  dame  eût  échoué  par  malheur  dans  ses  justes  demandes  \ 

COLPORTEUR  JUGÉ  AVEC  MODÉRATION  PAR  LE  PARLEMENT 

0   DÉCEMBRE    1788. 

On  apprend  que  le  colporteur  arrêté  le  25  septembre  dernier  (1788),  dans  la 
grande  salle  du  Palais,  débitant  différents  libelles  contre  les  Parlements,  et 
trouvé  saisi  d'autres  écrits  également  prohibés,  après  avoir  été  condamné  par 
sentence  du  bailliage  du  Palais  soi-disant2  au  fouet,  à  la  marque  et  aux 
galères,  venait,  sur  l'appel  a  minima  interjeté  par  le  procureur  général  de 
cette  sentence,  [d'être]  condamné  par  le  Parlement  dont  on  louait  la  sage  mo- 
dération dans  cette  circonstance,  à  une  simple  aumône  '. 


1.  Hardy,  VII,  p.  3li8.  Bib.  mit.,  ms.  6886. 

2.  Expression  fréquente  dans  le  Journal  de  Hardy,  et  qu'il  emploie  toutes  les 
fois  qu'il  ne  peut  pas  citer  une  preuve  écrite  ou  formelle. 

3.  Hardy,  t.  VIII,  p.  166  (9  décembre  1788).  —  Vingt  ans  avant  (1768),  il  y  eut 
des  gens  condamnés  à  la  marque  et  aux  galères  pour  avoir  colporté  l'Homme 
aux  quarante  écus  et  le  drame  iVÉricie,  ou  la  Vestale.  Voyez  Jos.  Droz,  Hist.  de 
Louis  XVI,  etc.  (1839),  tome  I,  p.  84,  et,  sur  toute  cette  question  de  la  librairie 
sous  Louis  XV,  p.  70  à  87. 


VIII 

LE  PARLEMENT  JUGE  DES  ÉCRITS 
ET  DES  HOMMES  DE  LETTRES 

(1773-1789) 


LA  PROCEDURE 

Le  Parlement  considère  comme  une  partie  essentielle  de  la  grande 
police  la  condamnation  des  écrits  qu'il  juge  contraires  aux  lois  de 
l'État,  au  catholicisme  gallican  ',  à  la  moralité  publique,  enfin  et  sur- 
tout à  ses  prérogatives  et  à  ses  prétentions  judiciaires  ou  législatives 2. 
Il  serait  intéressant  pour  l'histoire  des  idées  de  posséder  la  collection 
entière  de  ces  Arrêts  de  condamnation  :  car  la  justice  du  Parlement, 
quelle  qu'elle  soit  pour  le  fond,  n'est  jamais  une  justice  sommaire 
pour  la  forme?. 

La  procédure  débute,  toutes  chambres  assemblées,  par  un  Récit 
ou  rapport  «  d'un  de  Messieurs  »  :  il  faut  avoir  préalablement  averti 

1.  Le  clergé  essaya  de  disputer  au  pouvoir  laïque  la  haute  censure  des  écrits. 
«  Il  serait  juste  et  sage,  disent  les  prélats  en  1765,  que  la  librairie  fût  soumise 
à  notre  inspection.  » 

2.  Outre  la  Congrégation  de  l'Index,  qui  siégeait  à  Rome  et  qui  était  représentée 
à  Paris  par  le  nonce,  les  écrivains  et  les  ouvrages  pouvaient  encore  avoir  comme 
juges  les  Cours  souveraines,  le  Conseil  du  roi,  le  Châtelet,  très  zélé  en  cette  ma- 
tière. Les  sentences  ecclésiastiques  n'étaient  exécutoires  que  par  la  sanction  de 
la  justice  séculière.  Les  jugements  de  police  s'attachaient  surtout  à  l'observation 
des  règlements  sur  la  librairie  (privilèges,  permissions,  indications  des  noms  de 
l'auteur,  de  l'imprimeur,  du  lieu  et  de  la  date  de  l'impression). 

3.  Voyez  le  tableau  dressé  par  M.  Félix  Rocquain,  à  la  fin  du  tome  II  de 
l'Esprit  révolutionnaire  avant  la  Révolution,  et  qui  comprend  aussi  quelques 
condamnations  prononcées  par  le  Conseil,  le  Grand-Conseil,  le  Châtelet  (1715- 
1789). 


170  LE  PARLEMENT 

le  premier  président  afin  d'obtenir  la  réunion  plénière.  L'ouvrage 
incriminé  est  déposé  sur  le  bureau  et  remis  entre  les  mains  des  gens 
du  roi.  Ceux-ci  nomment  un  rapporteur,  dont  le  nom  est  générale- 
ment mentionné  au  procès-verbal.  Le  procureur  général  formule  des 
conclusions.  L'avocat  général  prononce  enfin  le  réquisitoire  clans  une 
nouvelle  assemblée  plénière,  qui,  après  en  avoir  délibéré,  rend  un 
arrêté  immédiatement  exécutoire.  Si  l'auteur,  le  libraire,  l'imprimeur, 
ou  toute  autre  personne  ayant  contribué  à  publier  ou  à  répandre  un 
ouvrage  condamné,  sont  connus  soit  par  le  titre  même  de  cet  ouvrage, 
soit  par  les  résultats  d'une  enquête,  ils  sont  cités  à  comparoir  et  inter- 
rogés. Dans  le  cas  de  contumace,  le  Parlement  déclare  saisis  et  sé- 
questrés les  biens  du  condamné,  jusqu'à  ce  qu'il  se  présente  pour 
purger  sa  contumace.  Les  pseudonymes  ne  sont  pas  toujours 
épargnés. 

Si  le  Parlement  avait  poursuivi  indifféremment  tous  les  ouvrages 
qui  d'une  façon  ou  de  l'autre  pouvaient  lui  paraître  dangereux,  d'a- 
bord il  se  serait  ridiculisé,  et  ensuite  il  aurait  perdu  tout  le  temps  qu'il 
devait  à  l'État  et  aux  justiciables.  Aussi  réserve-t-il  la  censure  qu'il 
exerce  aux  imprimés  vraiment  importants,  soit  par  le  mérite  intellec- 
tuel des  auteurs  (qu'il  se  plaît  souvent  à  reconnaître),  soit  par  l'activité 
de  la  propagande,  soit  enfin  par  des  motifs  qui  intéressent  directement 
la  législation.  Il  laisse  l'Eglise  fulminer  contre  les  bérésies  ;  il  s'associe 
avec  elle  pour  combattre  l'athéisme  et  la  philosophie;  il  défend  contre 
elle  le  gallicanisme  qu'il  ne  lui  permet  pas  de  confondre  avec  le  jan- 
sénisme. Il  s'occupe  peu  des  questions  spéciales  qui  ont  rapport  à  la 
juridiction  de  la  Cour  des  Comptes,  de  celle  des  Aides,  de  celle  des 
Monnaies,  du  Grand-Conseil.  Enfin  il  abandonne  à  la  police  la  besogne 
quotidienne  et  courante,  la  suppression  des  ouvrages  obscènes,  des 
feuilles  volantes,  la  répression  des  contraventions  ordinaires  aux 
règlements  de  la  librairie,  les  affichages  illicites,  les  placards  sédi- 
tieux, etc. 

Lors  même  que  Paris  n'est  pas  ou  ne  paraît  pas  être  le  lieu  d'im- 
pression des  ouvrages,  il  en  est  l'objectif.  Aussi  le  Parlement  ne  consi- 
dère-t-il  pas,  en  cette  matière,  les  limites  de  son  ressort  :  du  moment 
qu'un  écrit  est  en  langue  française  (ou  latine)  et  qu'il  circule  en  France, 
il  peut  être  déféré  à  la  Cour.  Le  moment  choisi  pour  censurer  et  con- 
damner tel  ou  tel  ouvrage  est  d'ailleurs  fort  arbitraire  :  c'est  une 
affaire  de  circonstances,  d'opportunité.  Quelquefois,  cette  capricieuse 
justice  attend  la  seconde,  la  troisième  édition  :  ou  bien,  après  avoir 
épargné  l'ouvrage  anonyme,  elle  le  poursuit  dès  qu'apparaît  la  signa- 
ture de  l'auteur.  Le  jugement  de  condamnation  porte  l'ordre  d'appor- 


JUGE  DES  ÉCRITS  177 

ter  au  greffe  de  la  Cour  tous  les  exemplaires  de  l'ouvragé  :  eu  atten- 
dant, les  exemplaires  saisis  sont  lacérés  et  brûlés  au  pied  du  grand 
escalier  du  Palais,  quelquefois  le  jour  même  de  l'Arrêté,  presque  tou- 
jours le  lendemain  ou  le  surlendemain.  A  la  minute  de  la  délibération 
est  ajouté  le  procès-verbal  de  l'exécution,  signé  de  celui  des  greffiers 
qui  y  a  l'ait  procéder  par  l'exécuteur  de  la  haute  justice. 

Ces  auto-da-fé  avaient  fini  par  être  ridicules,  parce  que  l'opinion 
publique  n'y  attachait  aucune  idée  d'infamie  ni  de  flétrissure,  et  que 
chacun  voulait,  pour  juger  on  condamner  un  écrit,  l'avoir  lu.  Aussi, 
en  beaucoup  de  cas,  le  Parlement  se  contente,  comme  le  Conseil  ou 
comme  la  police  ordinaire,  de  supprimer  un  ouvrage,  c'est-à-dire 
d'en  proscrire  la  vente  ou  la  distribution  :  dés  lors  l'auteur,  même 
lorsqu'il  a  signé,  n'est  point  mis  en  cause. 

De  1775  à  1789,  le  Parlement  de  Paris  a  condamné  ou  supprimé 
63  écrits  désignés.  Tels  sont  du  moins  les  résultats  numériques  aux- 
quels nous  ont  conduit  nos  recherches  aux.  Archives  nationales  '  et 
à  la  Bibliothèque  nationale  2. 

Année  1775  ; 

ARRÊT  du  4  février  1775,  supprimant  l'imprimé  intitulé  :  Supplément  aux 
Héflexions  pour  Me  Linguet,  avocat  de  la  comtesse  de  Béthune,  comme  inju- 
rieux à  l'ordre  des  avocats,  et  tendant  à  soulever  les  esprits;  ordonnant  que 
M0  Simon-Nicolas-Henri  I. inguet  sera  et  demeurera  rayé  du  tableau  des  avo- 
cats étant  au  greffe  de  la  Cour  en  date  du  9  mai  1770,  et  que  le  présent  arrêt 
sera  imprimé. 

Cet  arrêt  fut  rendu  sur  la  dénonciation  de  Me  Nicolas  de  Lambon, 
bâtonnier  des  avocats,  et  sur  les  réquisitions  de  Séguier,  avocat  du 
roi.  Voici  le  discours  du  bâtonnier  : 

Lui  mandé  et  entré  avec  plusieurs  avocats,  ayant  passé  au  banc  du  barreau, 
du  côté  du  greffe,  a  dit  :  Messieurs,  les  écarts  multipliés  du  sieur  Linguet 
ont  nécessité  son  exclusion  de  noire  ordre;  elle  a  été  arrêtée  bier  dans  une 
assemblée  générale,  par  une  délibération  qu'on  peut  dire  unanime.  Il- s'est  fait 
un  principe  de  n'en  reconnaître  aucun  ;  il  a  attaqué  dans  ses  écrits  le  droit 

1.  Minute  des  procès-verbaux  des  séances  du  Parlement.  (X  lu  s i > "7 1 ;  ;ï  8990.) 

2.  F,  Paris-Parlement,  pièces  in-4°  en  feuilles,  classées  chronologiquement. 
Notons  que  les  condamnations  ou  suppressions  ont  lieu,  en  général,  chambres 
assemblées,  et  n'appartiennent  pas  à  la  tournelle  seule  :  ou  conçoit  aisément 
que  les  auteurs  étant  ou  fugitifs,  ou  inconnus,  les  cas  d'appel  au  Parlement,  en 
pareille  matière,  soient  fort  rares. 

3.  Pour  la  lin  de  1771 ,  pas  de  condamnation  depuis  le  rétablissement  du  Parle- 
ment. 

12 


178  LE  PARLEMENT 

nalurcl,  celui  des  gouvernements,  le  droit  public  du  royaume,  le  droit  ecclé- 
siastique et  les  lois  civiles.  Dans  les  défenses  des  parties,  il  a  violé  les  règles 
de  la  modération,  de  la  décence  et  de  l'honnêteté.  Non  content  d'attaquer  la 
loi  fondamentale  du  royaume,  il  en  a  calomnié  les  gardiens  et  les  dépositaires. 
Dans  un  écrit  qu'il  vient  de  répandre  à  profusion,  il  calomnie  et  déchire  avec 
fureur  les  Anciens  et  les  députés  de  notre  Ordre  ;  il  en  insulte  même  nommé- 
ment plusieurs  de  la  manière  la  plus  outrageante,  quoiqu'il  ne  dût  pas  ignorer 
qu'ils  jouissent  parmi  nous  et  dans  le  public  de  la  considération  la  plus  mé- 
ritée; il  n'a  même  pas  respecté  l'Ordre  entier  dont  il  a  fait  le  portrait  le  plus 
affreux;  il  a  mis  le  comble  à  ses  excès,  en  s'emparant  d'abord,  avec  les  per- 
sonnes qu'il  avait  rassemblées  en  grand  nombre,  du  lieu  indiqué  pour  notre 
assemblée  générale,  et  ensuite  en  violant  l'asile  sacré  de  ce  sanctuaire  au- 
guste, où  M.   le  premier  président  nous  avait   accordé  une  retraite  pour  y 
prendre  notre  délibération  ;  il  a  porté  le  délire  jusqu'à  vouloir  nous  forcer  à 
le  conserver  parmi  nous,  dans  le  temps  même  où  il  insultait  notre  police, 
notre  discipline  et  nos  usages.  Si  l'écrit  que  nous  allons  remettre  entre  les 
mains  de  MM.  les  gens  du  roi  n'était  pas  llétri  ;  si  la  Cour  dans  cette  occasion 
ne  nous  donnait  pas  une  preuve  éclatante  de  la  bienveillance  dont  elle  a  tou- 
jours honoré  notre  ordre,   pourrions-nous  conserver  la  confiance  des  magis- 
trats et  du  public?  Nous  serait-il  possible  de  continuer  l'exercice  de  nos  fonc- 
tions avec  la  liberté  qui  en  est  l'àme,  l'honneur  qui  en  est  le  principe?  Que  ne 
doivent  pas  espérer  de  la  Cour  des  jurisconsultes  et  des  orateurs  qui  consa- 
crent leurs  veilles  au  public  et  à  la  défense  de  leurs  concitoyens  ! 

L'avocat  du  Roi,  Séguier,  requit  dans  le  même  sens,  après  avoir, 
comme  il  le  <lil  lui-même,  concerté  à  la  hâte  ses  conclusions  avec  les 
gens  du  roi.  Aucun  passage  du  Mémoire  de  Linguet  n'est  reproduit, 
car  c'est  probablement  tout  ce  que  le  public  aurait  retenu  de  l'Arrêt. 
Séguier  se  contente  de  signaler  spécialement  à  la  vindicte  de  la  Cour 
les  pages  4  et  S,  14  et  19,  29  et  30,  30  et  37,  comme  aussi  extraordi- 
naires qu'indécentes. 

Linguet  protesta  contre  rassemblée  d'ordre  devant  laquelle  il  avait 
comparu,  et  releva  les  irrégularités  de  ses  délibérations.  Le  23  février 
et  le  3  mars,  il  signifia  ses  dires  au  procureur  général  comme  il  l'eût 
fait  à  un  simple  particulier;  le  2i  mars,  il  présenta  requête  à  la  Cour 
pour  être  réintégré  dans  son  ordre.  Le  29  mars,  la  radiation  fut  con- 
firmée,  et  le  greffier  eut  ordre  de  rayer  et  biffer  les  originaux,  copies 
et  actes  de  signification  :  le  même  Arrêt  interdit  à  Linguet  et  à  tous 
autres  d'user  d'une  telle  procédure  '. 

ARRET  de  la  Cour  du  Parlement  qui  condamne  deux  libelles,  intitulés,  le 
premier  :  Catéchisme  du  citoyen,  ou  Élément  du  Droit  public  français,  par 


1.  Bib.  liai.,  F,  Parlement  de  Paris,  Arrêts,  à  la  date.  —  Isarnbert  (nos  145  el 
163).  La  parenthèse  indique  que  1rs  arrêts  du  4  février  et  du  29  mars  1775  sonl 
simplemenl  indiqués  par  leur  titre,  <•(  non  analysés  ou  reproduits. 


JUGE  DES  ÉCRITS  179 

demandes  et  par  réponses  ;  le  second  :  l'Ami  des  Loix,  etc.,k  être  lacérés  et 
brûlés,  au  pied  du  grand  escalier  du  Palais,  par  l'exécuteur  de  la  haute 
justice1. 


EXTRAIT    DES    REGISTRES    DU    PARLEMENT 

D  i:    T  H  ENTE   .1  U  I  S    M  IL    SE  P  T    C  E  N  T    S  0  I  X  A  NTE-  Q  V  I  N  Z  E 

Ce  jour,  toutes  les  Chambres  assemblées,  les  gens  du  roi  sont  entrés;  cl, 
Me  Antoine-Louis  Séguicr,  avocat  dudit  seigneur  Roi,  portant  la  parole, 
ont  dit  : 

Messieurs, 

Nous  apportons  à  la  Cour  deux  libelles  qui  se  répandent  depuis  quelques 
jours  dans  le  public. 

Le  premier  a  pour  titre  :  Catéchisme  du  citoyen,  ou  Êlémens  du  Droit  public 
français,  par  demandes  et  par  réponses,  à  Genève,  aux  dépens  de  la  Com- 
pagnie,  et  contient  112  pages  d'impression. 

Le  second  est  intitulé  :  L'Ami  des  Loix,  avec  celle  épigraphe  :  Omne  ma- 
lum  nascens  facile  opprimitur ;  inveteratum  fit  plerumque  robustius.  Cic. 
Il  contient  32  pages  d'impression;  mais  il  est  sans  nom  d'auteur  ni  d'im- 
primeur, et  l'on  ne  dit  pas  en  quel  lieu  il  a  été  imprimé. 

Notre  ministère  ne  peut  se  dispenser  d'exciter  toute  la  sévérité  de  la  justice 
contre  ces  deux  libelles,  et  de  requérir  une  [flétrissure  d'autant  plus  éclatante 
que  l'auteur  de  l'Ami  des  Loix  en  particulier  semble,  en  quelque  sorte,  l'avoir 
provoquée,  puisqu'il  n'a  pas  craint  de  faire  remettre  à  chacun  de  vous  un 
exemplaire  de  cet  ouvrage. 

Le  système  de  ces  deux  imprimés  est  parfaitement  semblable;  leurs  prin- 
cipes sont  les  mêmes,  et  l'un  et  l'autre  tendent  au  même  but. 

Nous  ne  nous  permettrons  point  de  mettre  ici  sous  vos  yeux  les  questions 
hardies  que  ces  auteurs  téméraires  se  sont  permis  de  traiter,  et  les  solutions 
encore  plus  effrayantes  que  l'on  trouve  dans  ces  écrits  séditieux.  Heureuse 
la  France,  si  ces  problèmes  politiques  fussent  toujours  demeurés  sous  le 
voile  dont  la  prudence  de  nos  pères  avait  enveloppé  tout  ce  qui  concerne  le 
Gouvernement  et  l'administration,  pour  ne  point  exciter  de  fermentation  dans 
les  esprits,  peut-être  encore  agités  des  derniers  orages  que  nous  avons 
éprouvés  !  Nous  nous  contenterons  de  vous  dire  que  les  auteurs  de  ces  deux 
ouvrages  ne  cherchent  qu'à  détruire  toute  subordination  dans  le  corps  poli- 
tique de  l'État,  et  qu'ils  se  sont  promis  d'ébranler,  s'il  était  possible,  la 
Monarchie  française  jusque  dans  ses  londoniens.  L'un  et  l'autre,  comme  de 
concert,  affectent  de  méconnaître  le  véritable  caractère  de  la  puissance  sou- 
veraine ;  ils  font  les  plus  grands  efforts  pour  affaiblir  les  liens  qui  unissent  le 
peuple  et  le  monarque;  et,  divisant  les  intérêts  indivisibles  du  prince  et  de 

i.  A  Paris,  chez  P.  G.  Simon,  imprimeur  du  Parlement,  rue  Mignon-Saint- 
André-des-Arcs,  1715  (6  p.).  Bib.  nat.,  F  (Paris-Parlement),  à  la  date.  —  Nous 
avons  reproduit  cet  arrêt  in  extenso.  Gomme  les  mêmes  formules  se  retrouvent 
dans  tous  les  arrêts  de  condamnation,  nous  renvoyons  à  celui-ci  une  fois  pour 
toutes.  —  Le  Catéchisme  du  citoyen  est  attribué  à  Saige,  VAmi  des  loix  à  Martin! 
de  Marivaux. 


180  LE  PARLEMENT 

l'État  par  une  distinction  aussi  contraire  aux  véritables  maximes  de  notre 
Gouvernement  qu'elle  est  injurieuse  à  nos  Rois,  ils  ont  espéré  soulever  la  Nation 
contre  le  souverain,  et  balancer  la  puissance  royale  par  les  délibérations  prises 
dans  les  Ilots  tumultueux  des  assemblées  populaires1. 

Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  ces  principes  ont  été  mis  en  avant,  comme 
pour  s'assurer  de  l'impression  qu'ils  pourraient  faire  sur  les  esprits.  On  les 
retrouve  en  entier  dans  le  Judicium  Franconnn,  contre  lequel  M.  Gilbert  de 
Voisins  s'éleva  en  1732,  et  nous  dirons  en  ce  moment  comme  il  disait  alors  : 

Vous  ne  pouvez  voir  sans  indignation  les  fausses  et  les  pernicieuses  couleurs 
par  lesquelles  on  essaye  de  confondre  et  d'effacer  les  véritables  principes  de 
l'ordre  public  parmi  nous,  d'ébranler  jusqu'aux  Loix  fondamentales  du 
Royaume,  et  d'altérer,  s'il  se  pouvait,  celte  autorité  souveraine  qui,  résidant 
en  la  personne  de  nos  Rois,  est  l'unique  source  de  tout  pouvoir  légitime  et  de 
toute  puissance  dans  l'État. 

Nous  ne  vous  avons  encore  retracé  qu'une  partie  des  excès  multipliés 
dans  les  deux  écrits  qui  nous  occupent  en  ce  moment.  11  en  est  un  plus  cri- 
minel encore  :  c'était  trop  peu  pour  leurs  auteurs  de  répandre  dans  le  public 
ces  semences  de  divisions,  ce  germe  de  fureurs  intestines,  et  de  vouloir  en 
quelque  sorte  arracher  du  cœur  des  Français  l'amour  de  leurs  rois,  qui  est  le 
caractère  dislinctif  de  la  Nation  2  ;  ces  audacieux  osent  encore  appeler  les 
peuples  a  la  révolte  ;  ils  lèvent  l'étendard  de  la  sédition;  et  l'un  d'eux  a  porté 
la  témérité  jusqu'à  vouloir  faire  envisager  la  rébellion  comme  l'effort  de  la 
plus  sublime  vertu. 

Nous  ne  répétons  qu'en  frémissant  les  propres  termes  de  cet  insensé.  Quoi! 
la  rébellion,  aux  yeux  de  la  sagesse,  deviendrait  une  vertu  !  A  quel  aveugle- 
ment ne  porte  point  le  délire  de  l'amour  de  la  liberté  ?  Laissons  vanter  à 
l'histoire  ce  fanatisme  usé  des  anciennes  républiques,  ensevelies  sous  les  dé- 
bris de  la  Grèce  et  de  l'Italie.  Cette  liberté  qui  les  rendit  si  vaines,  et  sou- 
vent si  malheureuses,  vaut-elle  une  dépendance  telle  que  la  nôtre,  insensible 
par  sa  douceur,  précieuse  par  ses  effets  ?  Sénat  de  Rome,  Aréopage  d'Athènes, 
Éphores  de  Lacédémone,  nos  magistrats  n'ont  rien  à  vous  envier  ;  vous  fûtes 
citoyens  dans  des  républiques,  ils  savent  l'être  dans  une  monarchie,  ils 
servent  également  et  leur  prince  et  l'Etat  entier. 

Nous  laissons  à  la  Cour  les  conclusions  par  écrit  que  nous  avons  prises  sur 
les  deux  imprimés  que  nous  venons  d'avoir  l'honneur  de  lui  dénoncer. 

Et  se  sont  lesdits  gens  du  roi  retirés. 

t.  Ces  deux  écrits  réfutaient  cependant  les  théories  absolutistes  de  Maupcou. 
«  La  conformité  de  leurs  principes  avec  ceux  que  le  Parlement  avait  professés 
aurait  pu  embarrasser  les  juges;  mais  l'avocat  général,  dans  son  réquisitoire, 
dit  que  certaines  questions  politiques  ne  doivent  pas  èlre  traitées  par  les  écri- 
vains. »  (Jos.  Droz,  Eist.  de  Louis  XVI,  t.  I,  p.  171.)  Celle  appréciation  du  réqui- 
sitoire est  peu  fidèle,  quoique  matériellement  exacte. 

2.  Sur  ce  point  délicat,  il  est  clair  qu'il  convient  de  distinguer  les  rois,  les 
époques,  les  diverses  classes  ou  fractions  territoriales  du  Royaume.  En  ce  qui 
concerne  Louis  XV,  il  suffit  de  parcourir  les  Mémoires  du  marquis  d'Argenson 
cl,  le  Journal  de  /Sorbier  pour  y  recueillir  à  pleines  mains  les  preuves  de  son 
impopularité  ordinaire.  D'ailleurs  le  peuple  passe  subitement  de  l'amour  le  plus 
inexplicable  ,i  la  haine  la.  plus  violente,  mais  celle-ci  finit  par  dominer.  —  Voyez, 
pour  la  lin  de  l'ancien  régime,  lu  dernière  partie  de  cet  ouvrage. 


JUGE  DES  ÉCRITS  181 

Eux  retirés  : 

Vu  les  deux  libelles  imprimés  ayant  pour  titre  :  le  premier,  Catéchisme  du 
Citoyen,  ou  Ëlémens  du  Droit  public  françois,  par  demandes  et  par  réponses,  à 
Genève,  aux  dépens  de  la  Compagnie,  1775,  sans  nom  d'auteur,  contenant 
112  pages  d'impression  ;  et  le  second,  l'Ami  des  Loix,  avec  celle  épigraphe  : 
Omne  malum  nascens  facile  opprimilur  ;  inveteratum  fit  plerumque  robustius. 
Cic,  sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur,  ni  du  lieu  de  l'impression,  contenant 
32  pages.  Conclusions  du  procureur  général  du  roi.  Ouï  le  rapport  de  Me  Léo- 
nard de  Sahuguct,  conseiller.  La  matière  sur  ce  mise  en  délibération. 

La  Cour,  toutes  les  Chambres  assemblées,  a  ordonné  et  ordonne  quelesdils 
deux  libelles  seront  lacérés  et  brûlés,  au  pied  du  grand  escalier  du  Palais,  par 
l'exécuteur  de  la  haute  justice,  comme  séditieux,  attentatoires  à  la  sou- 
veraineté du  roi,  et  contraires  aux  loix  fondamentales  du  royaume;  fait  dé- 
fenses à  tous  imprimeurs,  libraires,  et  autres,  de  les  imprimer,  vendre, 
débiter  ou  autrement  distribuer,  à  peine  d'être  poursuivis  extraordinairement  ; 
enjoint  à  tous  ceux  qui  en  auraient  des  exemplaires  de  les  remettre  inces- 
samment au  greffe  de  la  Cour,  pour  y  être  supprimés  ;  ordonne  qu'à  la  re- 
quête du  procureur  général  du  roi,  et  par-devant  le  conseiller-rapporteur,  il 
sera  informé  contre  ceux  qui  auraient  composé,  imprimé,  vendu,  débité  ou 
autrement  distribué  lesdits  deux  libelles,  même  par-devant  les  lieutenants 
généraux  des  bailliages,  sénéchaussées,  et  autres  juges  des  cas  royaux,  pour 
l'impression,  vente,  débit  et  distribution  desdits  libelles  qui  auraient  été 
faits  dans  l'étendue  desdites  juridictions,  et  pour  les  témoins  qui  pourraient 
être  entendus  dans  lesdits  lieux;  et  ce  à  la  requête  du  procureur  général  du 
roi,  poursuite  et  diligence  de  ses  substituts  èsdits  sièges  ;  permet  audit  pro- 
cureur général  du  roi  d'obtenir  et  faire  publier  des  monitoires  en  forme  de 
droit  ;  pour,  ce  fait,  rapporté  et  communiqué  au  procureur  général  du  roi, 
être  par  lui  requis  et  par  la  Cour  ordonné  ce  qu'il  appartiendra  :  ordonne  en 
outre  que  copies  collationnées  du  présent  arrêt  seront  envoyées  aux  bailliages 
et  sénéchaussées  du  ressort,  pour  y  être  lu,  publié  et  registre;  enjoint  aux 
substituts  du  procureur  général  du  roi  d'y  tenir  la  main,  et  d'en  certifier  la 
Cour  dans  le  mois.  Fait  en  Parlement,  toutes  les  Chambres  assemblées,  le 
trente  juin  mil  sept  cent  soixante-quinze.   Collationné  :  Lutton. 

Signé  :  Le  Bret. 

Et  le  samedi,  {"juillet  1775,  à  la  levée  de  la  Cour,  lesdits  deux  libelles  im- 
primés, énoncés  en  l'arrêt  ci-dessus,  ayant  pour  titre  :  le  premier  :  Catéchisme 
du  Citoyen,  ou  Élémens  du  Droit  puclic  François,  par  demandes  et  par  réponses  ; 
à  Genève,  aux  dépens  de  la  Compagnie,  sans  nom  d'auteur,  contenant 
112  pages  d'impression;  et  le  second,  l'Ami  des  loix,  avec  cette  épigraphe: 
Omne  malum  nascens  facile  opprimitur,  inveleratum  fit  plerumque  robustius. 
Cic.,  sans  nom  d'auteur  ni  imprimeur  ni  du  lieu  de  l'impression,  contenant 
32 pages;  ont  été  lacérés  et  brûlés,  au  pied  du  grand  escalier  du  Palais,  par 
l'exécuteur  de  la  haute  justice,  en  présence  de  nous  François  Louis  Du  franc, 
l'un  des  trois  premiers  et  principaux  commis  pour  la  grand'  chambre,  assisté 
de  deux  huissiers  de  la  Cour. 

Signé  :  Dufranc. 

Collationné  par  nous  écuyer,  conseiller-secrétaire  du  roi,  maison,  couronne 
de  France,  l'un  des  quatre  anciens  servants  près  sa  Cour  de  Parlement.  " 


182  LE  PARLEMENT 

ARRÊT  de  la  Cour  du  Parlement,  extrait  des  registres  du  Parlement,  du 
6  septembre  1775. 

Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  roi  de  France  et  de  Navarre  :  Au  premier 
huissier  de  notre  Cour  de  Parlement,  ou  autre  huissier  ou  sergent  sur  ce 
requis.  Sçavoir  faisons  :  Que,  vu  par  la  Cour  les  deux  requêtes  présentées  par 
Rom  René  Gillot,  supérieur  général  de  la  Congrégation  de  Saint-Maur;  la 
première  tendante  à  ce  que,  pour  les  causes  y  contenues,  il  plût  à  ladite  Cour 
donner  acte  au  suppliant,  de  ce  qu'il  dénonce  au  procureur  général  du  roi  les 
écrits  imprimés  et  autres  non  imprimés,  faits  et  signés  par  Dom  de  Vienne,  et 
par  lui  répandus  avec  la  plus  grande  affectation  jusqu'à  les  faire  vendre  dans 
les  endroits  publics  ;  notamment  un  imprimé  intitulé  :  Précis  des  contesta- 
tions portées  au  Parlement  de  Paris  par  Dom  de  Vienne,  commençant  par  ces 
mots  :  Victimes  des  plus  noires  calomnies,  et  finissant  par  ceux-ci  :  deviendra 
l'opprobre  de  mes  adversaires,  de  l'imprimerie  de  Stoupe  ;  un  deuxième  imprimé, 
intitulé  :  Instruction  sur  le  provisoire,  pour  Dom  de  Vienne,  commençant  par 
ces  mots  :  Que  les  corps  religieux  sont  imprudens,  et  finissant  par  ceux-ci, 
avec  lesquels  il  a  essayé  de  les  peindre,  de  l'imprimerie  de  Grange;  un  troi- 
sième intitulé  Addition,  commençant  par  ces  mots  :  Dom  de  Vienne  a  envoyé, 
et  finissant  par  ceux-ci  :  ou  que  la  Cour  ne  lui  accorderait  pas  sa  demande, 
de  l'imprimerie  de  Grange  ;  un  quatrième,  intitulé  :  Mémoire  pour  Dom  de 
Vienne  contre  Dom  de  la  Vaissière,  Prieur  de  Sainte-Croix  de  Bordeaux,  com- 
mençant par  ces  mots  :  Chargé  depuis  vingt  ans,  et  finissant  par  ceux-ci,  j'ai 
l'honneur  d'être,  de  l'imprimerie  de  Grange;  un  cinquième,  intitulé  :  Mémoire 
pour  Dom  de  Vienne  contre  Dom  de  la  Vaissière.  commençant  par  ces  mots  : 
L'affaire  qui  m'a  été  suscitée,  et  finissant  par  ceux-ci  :  qui  puissent,  m'etre 
communiqués,  et  un  acte  exlrajudiciaire  du....  août  1775,  sans  énoncialion  de 
jour,  de  mois  r,  signifié  par  le  nommé  Michel,  huissier,  signé  pour  pouvoir 
Dom  de  Vienne;  pour  être  lesdits  écrits  imprimés  et  autres  à  la  main,  en- 
voyés par  ledit  Dom  de  Vienne  au  suppliant,  et  joints  à  ladite  requête,  sup- 
primés comme  séditieux,  calomnieux  et  injurieux,  tant  au  corps  de  la  con- 
grégation, aux  supérieurs  et  membres  d'icellc,  qu'à  plusieurs  autres  per- 
sonnes respectables  qu'il  y  a  compromis,  et  tendant  à  exciter  la  révolte  et 
d'opérer2  la  subversion  totale  de  ladite  congrégation;  et  pour  injonction  lui 
être  faite  de  plus  à  l'avenir  composer,  faire  imprimer  et  distribuer  de  pareils 
écrits,  sous  telles  peines  qu'il  plaira  au  procureur  général  du  roi  de  requérir, 
et  à  la  Cour  de  statuer;  comme  aussi,  à  ce  que  défenses  soient  faites  à  tous 
imprimeurs  de  plus  à  l'avenir  imprimer  aucuns  écrits  de  Dom  de  Vienne;  et 
à  tous  procureurs  et  autres  de  favoriser  et  autoriser  ladite  impression  par 
leur  signature,  sous  telles  peines  qu'il  appartiendra  ;  et  soit  ordonné  que 
l'arrêt  à  intervenir  sera  imprimé,  publié  et  affiché  partout  où  besoin  sera  ;  et 
la  seconde  requête  tendante  à  ce  qu'il  plût  à  la  Cour  donner  acte  au  sup- 
pliant, de  ce  que,  par  addition,  il  dénonce  au  procureur  général  du  roi  un 
nouvel  imprimé  de  Dom  de  Vienne,  intitulé  :  Observations  importantes,  com- 
mençant par  ces  mots  :  Dom  de  Vienne,  et  finissant  par  ceux-ci  :  à  la  Cour  son 
autorité  suprême,  signé  :-Dom  de  Vienne,  Alloneau,  procureur,  de  l'imprimerie 


1.  Lire  :  du  jour  du  mois. 

2.  Pour  :  à  opérer, 


JUGE  DES  ÉCRITS  183 

de  Grange,  comme  contenant  les  allégations  les  plus  fausses,  le  cri  de  la 
révolte  la  plus  marquée,  et  tendant  à  la  subversion  totale  de  la  discipline 
monastique;  faisant  droit  sur  ladite  nouvelle  dénonciation,  adjuger  au  sup- 
pliant les  fins  et  conclusions  par  lui  prises  dans  sa  précédente  requête  :  Vu 
aussi  les  imprimés  attachés  auxditcs  deux  requêtes  :  Ouï  le  rapport  de 
M0  Etienne  Berthelot  de  Saint-Alban,  conseiller  :  Tout  considéré. 

Notre  dite  Cour,  faisant  droit  sur  les  conclusions  du  procureur  général  du 
roi,  ordonne  que  les  écrits  énoncés  et  joints  aux  requêtes  du  suppliant 
seront  et  demeureront  supprimés,  comme  séditieux,  calomnieux  et  injurieux 
et  comme  contraires  à  l'obéissance  et  à  la  subordination  des  inférieurs  envers 
leurs  supérieurs  ;  fait  défenses  audit  de  Vienne,  sous  telles  peines  qu'il 
appartiendra,  d'en  composer,  faire  imprimer  et  distribuer  de  semblables 
à  l'avenir  ;  à  tous  procureurs,  de  l'aider  de  leur  ministère  pour  en  favoriser 
ou  autoriser  l'impression  ;  et  à  tous  imprimeurs,  de  les  imprimer  ;  ordonne 
que  le  présent  arrêt  sera  imprimé  et  affiché  partout  où  besoin  sera.  Si  man- 
dons mettre  le  présent  arrêt  à  exécution.  Donné  en  notredite  Cour  de  Parle- 
ment, le  sixième  jour  de  septembre  1775,  et  de  notre  règne  le  deuxième. 
Collationné,  signé:  Marré.  Par  la  Chambre,  signé  :  Le  Pot  u'Auteuil1. 

ARRÊT  de  la  Cour  du  Parlement,  extrait  des  registres  du  Parlement  du 
7  septembre  4775,  relatif  à  l'article  du  Mercure  de  France,  intitulé  :  Diatribe  à 
l'auteur  des  Êpbémérides  (août  1775,  de  la  page  59  à  la  page  71). 

...La  Cour  enjoint  à  la  Harpe,  auteur  de  Tarticle  susmentionné,  à  Louvel, 
censeur,  et  à  La  Combe,  imprimeur,  d'être  plus  circonspects  à  l'avenir  ;  leur 
fait  défenses  de  plus  à  l'avenir  insérer  dans  ledit  Mercure,  approuver  ni  im- 
primer aucunes  réflexions  et  aucuns  extraits  d'ouvrages  qui  pourraient  attaquer 
la  religion,  le  gouvernement  et  la  mémoire  de  nos  rois.  Ordonne  que  le  pré- 
sent arrêt  sera  imprimé  et  affiché... 

Me  Léonard  de  Sahuguet  avait  été  chargé  du  rapport.  Voici  les  ré- 
quisitions de  l'avocat  du  roi,  M8  Anloine-Louis  Séguier,  au  nom  dos 
gens  du  roi. 

Messieurs, 

La  Cour,  par  son  arrêté  du  18  du  mois  d'août,  nous  a  remis  le  Mercure  de 
France  du  même  mois,  et  nous  a  chargé  de  lui  rendre  compte  des  pages  59 
et  suivantes,  jusques  et  compris  la  page  71. 

11  y  est  question  d'une  brochure  intitulée:  Diatribe  à  l'auteur  des  Èphèmè- 
rides ,  et  on  dit  qu'e//e  se  trouve  chez  tous  les  libraires  qui  vendent  des  nou- 
veautés. 


\.  Cet  arrêt,  rendu  par  la  grand'  chambre  jugeant  au  civil,  n'est  pas  une  sup- 
pression ordinaire  d'ouvrages,  mais  do  mémoires  rendus  publics.  La  forme  en 
est  très  différente  de  celle  des  condamnations  ou  suppressions  proprement  dites; 
et  nous  ne  l'avons  inséré  à  sa  date  que  parce  qu'il  intéresse  l'État  et  l'Église, 
et  donne  une  idée  des  divisions  devenues  fatales  aux  Bénédictins.  Voyez  plus 
haut,  p.  127. 


184  LE  PARLEMENT 

L'auteur  de  cet  article,  le  sieur  de  la  Harpe  (car  il  a  pris  la  précaution 
d'annoncer  que  cet  article  est  son  ouvrage),  l'auteur,  disons-nous,  comme 
pour  prévenir  le  lecteur  sur  l'extrait  qu'il  va  présenter  d'une  satire  aussi 
méprisable  que  fanatique,  ne  craint  pas  de  l'attribuer  à  un  homme  célèbre, 
qu'il  n'a  pas  jugé  à  propos  de  nommer;  et  c'est,  dit-il,  à  de  tels  écrivains 
qu'il  appartient,  surtout,  de  diriger  l'opinion  publique  sur  des  matières  impor- 
tantes '. 

Quels  sont  cependant  les  points  sur  lesquels  on  veut  diriger  l'opinion 
générale?  C'est  la  misère  dont  la  nation  a  été  accablée  depuis  Jules  César  jus- 
qu'au grand  Julien  le  philosophe.  Ce  prince,  d'abord  chrétien,  ensuite  apostat, 
nous  traita  avec  clémence  ;  il  fit  tout  ce  qu'a  voulu  faire  depuis  notre  grand 
Henri  IV ;  et  bientôt,  dans  une  comparaison  odieuse  pour  un  roi  qui  fera  tou- 
jours les  délices  de  la  France,  feignant  d'oublier  que  Henri  le  Grand,  élevé 
dans  la  religion  prétendue  réformée,  en  avait  abjuré  les  erreurs  pour  rentrer 
dans  le  sein  de  la  religion  catholique,  l'auteur  cherche  à  rendre  le  contraste 
plus  frappant,  en  opposant  Julien,  après  son  apostasie,  à  Henri,  avant  sa  con- 
version, et  s'écrie  :  C'est  à  un  payen  et  à  un  huguenot  que  nous  devons  les  plus 
beaux  jours  dont  nous  ayons  jamais  joui  jusqu'au  siècle  de  Louis  XV2. 

Nous  ne  relevons  ici  cette  citation  que  pour  vous  faire  mieux  sentir  et  la 
mauvaise  foi  de  l'homme  célèbre  à  qui  on  attribue  cette  diatribe,  et  la  partia- 
lité de  l'éditeur  qui  en  a  rendu  compte  dans  le  Mercure.  Quoi  donc!  sans  faire 
ici  l'énumération  de  tous  les  rois  qui  se  sont  succédé  sur  le  trône  de  la 
France,  les  règnes  de  Louis  XII,  le  Père  du  peuple,  et  de  Charles  V,  sur- 
nommé le  Sage,  ont  été  des  règnes  malheureux  ;  et  la  nation  a  gémi  sous  les 
lois  de  tous  les  souverains  qui  ont  précédé  ce  Henri,  devenu  la  tige  du  mo- 
narque bienfaisant  qui  nous  gouverne  ! 

C'était  peu  pour  l'auteur  de  cet  ouvrage  licencieux  d'attaquer  l'adminis- 
tration et  la  forme  du  Gouvernement  de  tous  nos  rois  \  il  s'est  fait  un  plaisir 
de  tourner  en  ridicule  notre  religion  sainte  elle-même.   Il  semble  imputer  aux 

1.  La  Diatribe  ost  un  dos  meilleurs  écrits  politiques  de  Voltaire,  défendant  les 
lois  économiques  de  Turbot,  et  particulièrement  celle  qui  permettait  la  libre 
circulation  et  le  libre  achat  des  blés.  Celte  lettre,  adressée  à  l'abbé  Baudeau, 
partisan  1res  zélé  de  Turgot,  est  datée  du  10  mai  1775,  cinq  jours  après  la  fin  de 
la  guerre  des  farines,  dont  elle  énonce  les  vraies  causes. 

2.  L'édition  Houssiaux  porte  à  tort  :  Louis  XIV. 

3.  «  On  eût  dit  que  c'était  à  son  peuple  que  Louis  XIV  fesait  la  guerre.  11  fut 
réduit  à  opprimer  la  nation  pour  la  défendre  :  il  n'y  a  point  de  situation  plus 
douloureuse.  »  —  Le  cultivateur  (Voltaire)  qui  est  supposé  écrire  à  l'abbé  Ban- 
deau lui  demande  surtout  des  éclaircissements  sur  deux  points  :  «  l'un  est  la 
perte  étonnante  de  neuf  cent  soixante  et  quatorze  millions  que  trois  impôts  trop 
forts  et  mal  repartis  »,  ceux  du  vin,  du  sel  et  du  tabac,  «  coulent,  selon  vous, 
tous  les  ans  au  roi  et  à  la  nation;  l'autre  est  l'article  des  blés  ».  Voltaire  prèle 
ensuite  an  contrôleur  général,  homme  d'église  et  jurisconsulte,  versé  dans  les  lois 
divines  et  humaines,  c'est-à-dire  à  l'abbé  Terray,  les  raisonnements  les  plus 
ridicules  pour  expliquer  les  lois  restrictives  de  la  vente  et  de  l'achat  des  blés; 
puis  il  arrive  à  ledit  libérateur  du  13  septembre  1 771  :  «  Gomment  donc,  disait 
un  vieillard  plein  de  sens,  il  y  a  soixante  ans  que  je  lis  les  édits  :  ils  nous 
dépouillaient  presque  tous  de  la  liberté  naturelle  en  style  inintelligible,  et  en 
voici  un  qui  nous  rend  nuire  liberté,  et  j'en  entends  tous  les  mots  sans  peine!... 
L 'humanité  tenail  la  plume,  et  le  Roi  a  signé!  » 


JUGE  DES  ÉCRITS  183 

ministres  de  l'Évangile  '  des  troubles  dont  il  ne  faut  peut-être  chercher  la 
source  que  dans  cet  esprit  d'indépendance  répandu  dans  tous  les  États. 

N'en  doutez  pas,  Messieurs,  la  division  qu'on  voudrait  élever, et  qui  ne  sub- 
sistera jamais,  entre  les  ministres  des  autels  et  les  dépositaires  do  l'autorité 
royale;  ce  système  de  rivalité  que  les  ennemis  des  uns  et  des  autres  ont  pré- 
tendu leur  faire  adopter  ;  celte  diversité  d'opinions  qu'on  a  vue  quelquefois, 
mais  qui  n'intéresse  que  le  corps  politique  de  l'État,  doit  être  envisagée 
comme  la  cause  cachée  de  tous  les  malheurs  que  la  France  a  éprouvés.  La 
religion  est  un  des  principaux  liens  de  la  société  ;  on  ne  peut  l'avilir  sans  ôter 
le  premier  motif  de  l'obéissance  des  peuples;  et,  du  moment  que  la  religion 
est  exposée  au  mépris,  on  oublie  aisément  le  respect  que  l'on  doit  à  ceux  qui 
sont  chargés  par  état  de  l'annoncer  et  de  la  défendre. 

Le  moment  est  arrivé  où  le  clergé  et  la  magistrature  doivent  se  réunir,  et, 
par  un  heureux  accord,  écarter  les  atteintes  que  des  mains  impies  vomi  raient 
porter  au  trône  et  à  l'autel.  Les  magistrats,  en  veillant  à  la  tranquillité  pu- 
blique et  en  rendant  là  justice  aux  citoyens,  feront  en  même  temps  respecter 
nos  saintes  Écritures,  nos  dogmes  sacrés,  nos  divins  mystères;  et  les  succes- 
seurs des  apôtres,  qui  sont  dépositaires  de  la  doctrine  et  juges  de  la  foi,  les 
ministres  de  l'Eglise  à  leur  tour,  en  annonçant  la  parole  de  Dieu  et  en  in- 
struisant les  fidèles,  feront  respecter  l'autorité  des  lois,  entretiendront  les 
peuples  dans  la  soumission  qu'ils  doivent  à  leur  souverain,  et  leur  appren- 
dront à  regarder  les  oracles  de  la  justice  comme  une  portion  de  la  justice 
divine  elle-même,  qui  veut  qu'on  obéisse  aux  puissances  que  le  ciel  a  établies 
sur  la  terre. 

Celte  précieuse  harmonie  bannira  bientôt,  du  milieu  d'un  peuple  religieux  et 
soumis,  cette  foule  d'écrits  licencieux,  de  brochures  scandaleuses,  de  libelles 
impics, . qui  attaquent  également  et  la  majesté  divine  et  la  majesté  royale.  Les 
écrivains  du  siècle,  que  rien  n'a  pu  contenir  jusqu'à  ce  jour,  redouteront 
cette  union  tant  désirée  du  sacerdoce  et  de  l'empire  ;  ils  craindront  également 
et  les  censures  ecclésiastiques  et  les  regards  vengeurs  des  ministres  de  la 
loi.  On  ne  les  verra  plus  tourner  en  dérision  les  allégories'  sacrées  em- 
ployées dans  les  saintes  Écritures  ;  ils  ne  se  feront  plus  un  jeu  de  répandre 
à  pleines  mains  ce  ridicule  que  la  gaieté  française  saisit  avec  avidité  ',  qu'ils 


1.  «  Henri  IV  se  souvenait  qu'il  avait  manqué  de  chemise  et  de  dîner  quand  il 
disputait  son  royaume  au  curé  Guincestre  el  au  curé  Aubri.  »  11  était  l'arbitre 
de  l'Europe,  «  lorsqu'un  maître  d'école,  qui  avait  été  feuillant  et  qui  venait  de  se 
confesser  à  un  jésuite,  l'assassina  à  coups  de  rouleau  dans  son  carrosse,  au 
milieu  de  six  de  ses  amis,  pour  l'empêcher,  disait-il,  de  faire  la  guerre  à  Dieu, 
C'est-à-dire  au  pape  ».Et,à  propos  de  la  guerre  des  farines  :  «J'entendis  un  petit 
prêtre  qui,  avec  une  voix  de  stentor,  disait  (aux  paysans)  :  Saccageons  tout,  mes 
amis,  Dieu  le  veut.  Détruisons  Imites  les  farines  pour  avoir  de  quoi  manger.  » 

2.  Voltaire  prête  au  roi  cette  réflexion  :  «  Le  bon  Dieu  m'a  fait  roi  de  France, 
et  ne  m'a  pas  fait  grand  panetier...  Je  pense  que  quand  les  sept  vaches  maigres 
eurent  dévoré  les  sept,  vaches  grasses,  et  que  l'Egypte  éprouva  la  disette,  si 
Pharaon,  ou  le  pharaon,  avait  eu  le  sens  commun,  il  aurait  permis  à  son  peuple 
d'aller  acheter  du  blé  à  Babylone  et  à  Damas.  » 

3.  «  Qu'on  songe  à  cette  suite  de  misère,  dit  la  Diatribe,ei  on  pourra  s'étonner 
de  la  gaieté  dont  la  nation  se  pique.  »  Voltaire  savait  à  quoi  s'en  tenir  sur  la 
gaieté  française. 


186  LE  PARLEMENT 

prodiguent  au  défaut  de  raisons,  et  qui  finirait  par  détruire  l'antique  croyance 
de  nos  pères,  dont  la  simplicité  était  préférable  à  la  légèreté  de  nos  principes 
et  de  nos  mœurs. 

L'ouvrage  dont  nous  avons  l'honneur  de  vous  rendre  compte  en  ce  moment 
est  tout  entier  de  ce  genre  ;  il  ne  présente  qu'une  ironie,  aussi  affectée  que 
criminelle,  contre  la  magistrature  et  le  clergé  ;  c'est  un  tissu  de  propositions 
aussi  déplacées  que  scandaleuses,  qui  n'ont  peut-être  d'autre  but  que  d'exciter 
dans  les  esprits  une  nouvelle  fermentation.  Pour  prévenir  de  pareils  excès, 
nous  croyons  devoir  proposer  à  la  Cour  d'enjoindre  au  sieur  de  la  Harpe, 
auteur  de  l'extrait  qu'on  lit  dans  le  Mercure,  d'être  plus  circonspect  à  l'avenir, 
et  requérir  que  défenses  soient  faites  de  plus  à  l'avenir  insérer  clansle Mercure 
aucunes  réflexions  et  aucuns  extraits  d'ouvrages  qui  puissent  attaquer  la 
religion,  le  gouvernement  et  la  mémoire  de  nos  rois. 

C'est  l'objet  des  conclusions  par  écrit  que  nous  laissons  à  la  Cour,  avec 
l'exemplaire  du  Mercure  qu'elle  nous  a  fait  remettre1. 

Année  177(> 

EXTRAIT  des  registres  du  Parlement,  du  30  janvier  1776 2. 

Ce  jour,  toutes  les  chambres  assemblées,  les  princes  et  pairs  y  séant,  les 
gens  du  roi  sont  entrés;  et  M0  Antoine-Louis  Séguier,  avocat  dudit  seigneur 
roi,  portant  la  parole,  ont  dit  : 

Messieurs, 

Nous  avons  pris  communication  du  récit  et  de  l'imprimé  que  la  Cour  vient 
de  nous  faire  remettre,  il  était  déjà  parvenu  à  notre  connaissance,  et  nous 
l'avions  jugé  plus  digne  de  mépris  que  de  censure.  Les  réflexions  que  cet  au- 
teur anonyme  présente  au  public,  les  objections  qu'il  se  fait  à  lui-même  pour 
les  combattre,  les  différentes  classes  de  citoyens  qu'il  semble  vouloir  attaquer, 
l'espèce  de  cri  séditieux  avec  lequel,  en  finissant,  il  cherche  à  soulever  les 
peuples,  tout  y  annonce  le  fanatisme  plutôt  que  la  raison.  Nous  ne  nous  arrê- 
terons pas  à  détruire  le  peju  d'impression  que  cet  écrit  a  pu  faire  sur  les  esprits  ; 
c'est  en  démontrer  la  futilité  que  de  le  condamner  à  l'oubli  dont  il  ne  devait 
jamais  sortir. 

C'est  l'objet  des  conclusions  par  écrit  que  nous  laissons  à  la  Cour,  avec  ledit 
mprimé  qu'elle  nous  a  fait  remettre. 

Et  se  sont  lesdits  gens  du  roi  retirés  ; 

Eux  relirés  : 

Vu  ledit  imprimé  commençant  par  ces  mots  :  Bénissons  le  Ministre,  et  finis- 
sant par  ceux-ci  :  Que  ce  soit  jamais  pour  les  vôtres*.  Conclusions  du  procureur 
général  du  roi. 

1.  Paris,  Simon  (1775).  Bib.  nal.,  F,  Paris-Parlement,  à  la  date.  —  La  même 
année  (!)  sept.)  le  Châtelet  condamna  la  Philosophie  de  la  nature,  par  Delislo  do 
Sales  (6  vol.  in-12, 1770-74).  —  Le  Consoil  supprima  la  Diatribe  (19  août)  et  quatre 
autres  écrits  (F.  Rocquain,  toc.  cit.). 

2.  A  Paris,  chez  P.  G.  Simon,  imprimeur  du  Parlejnent,  rue  Mignon-Saint- 
André-des-Arcs,  1776.  Pièce  in-ï»,  3  p.  (Bib.  nat.,  F). 

3.  Cette  brochure  (de  Condorcet) demandait  l'abolition  de  la  corvée.  C'est  d'Es- 


JUGE  DES  ÉCRITS  187 

Ouï  le  rapport  de  M°  Léonard  de  Sahuguet  d'Espagnac,  conseiller, 

La  matière  mise  en  délibération  : 

La  Cour  ordonne  que  ledit  imprimé  sera  et  demeurera  supprimé;  enjoint  à 
tous  ceux  qui  en  ont  des  exemplaires  de  les  apporter  au  greffe  de  la  Cour  pour 
y  être  pareillement  supprimés;  fait  défenses  à  tous  imprimeurs,  libraires,  col- 
porteurs et  autres,  de  l'imprimer,  vendre,  colporter,  ou  autrement  distribuer, 
sous  telles  peines  qu'il  appartiendra,  comme  aussi  ordonne  que  le  présent 
arrêt  sera  imprimé,  lu,  publié  et  affiché  partout  où  besoin  sera. 

Fait  en  Parlement,  toutes  les  chambres  assemblées,  les  princes  et  pairs  y 
séant,  le  trente  janvier  mil  sept  cent  soixante-seize. 

Signé  :  Lebret. 

ARRÊT  du  16  février  1776,  qui  condamne  une  brochure  intitulée  :  Théologie 
portative,  ou  Dictionnaire  abrégé  de  ta  religion  chrétienne1. 

Le  rapport  fut  fait  par  Mc  Léonard  de  Sahuguet  d'Espagnac.  Voici 
les  réquisitions  de  l'avocat  du  roi,  Séguier,  devant  l'assemblée  plé- 
nière,  les  princes  et  les  pairs  y  séant. 

Messieurs, 

L'impiété  fait  tous  les  jours  de  nouveaux  progrès;  ce  n'est  point  assez  d'at- 
taquer dans  des  écrits  raisonnes  les  vérités  fondamentales  de  notre  religion 
sainte,  d'en  altérer  les  principes,  d'en  combattre  les  dogmes,  et  de  nier  jus- 
qu'à l'existence  même  de  la  Divinité,  qui  en  est  l'auteur  et  le  soutien.  Comme 
cette  espèce  de  discussion  demande  des  lumières  et  ne  peut  être  à  la  portée 
de  tous  les  lecteurs,  l'irréligion,  toujours  fertile  en  expédients,  l'incrédulité 
qui  se  permet  tout  pour  parvenir  à  ses  fins,  prennent  aujourd'hui  une  route 
plus  courte  et  plus  facile;  la  fausse  philosophie  qui  ne  cherche  qu'à  détruire, 
sous  prétexte  d'enseigner,  ce  corps  caché  et  toujours  agissant  qui  semblait 
n'être  occupé  qu'à  préparer  dans  les  ténèbres  et  à  opérer  tout  à  coup  une  ré- 


préménil  qui  l'avait  dénoncée;  il  avait  accusé  les  économistes  de  former  une 
secte  dans  l'État;  Turgot  était  clairement  désigné  à  la  vindicte  parlementaire, 
Le  22  février,  il  répondit  par  un  Arrêt  du  Conseil  qui  supprimait  divers  imprimés 
relatifs  à  la  suppression  des  jurandes.  En  1777,  le  Conseil  intervint  aussi  fini. 
heureusement  pour  protéger  contre  la  censure  de  la  Sorbonne  VHistoire  de 
l'Astronomie,  de  Bailly,  et  les  Époques  de  lu  nature,  de  Buffon. 

1.  Deux  volumes,  par  l'abbé  Bernier,  licencié  eu  théologie;  nouvelle  édition, 
revue,  corrigée  et  augmentée  pur  un  disciple  de  l'auteur,  avec  cette  épigraphe  : 
Audite  hoc  Sacerdotes,  et  attendue  Domus  Israël  et  Domus  llei/is  auscultate,  quia 
vobis  judicium  est,  quoniam  laqueus  facti  estis  speculationi,  et  sicut  rete  expansum 
super  Thabor.  Osée,  caput  v,  vers.  1  ;  imprimé  à  Rome  avec  permission  et  privi- 
lège du  Conclave.  MDCCLXXVI.  Le  premier  volume  est  précédé  d'un  avertisse- 
ment, d'un  avis  et  d'un  discours  préliminaire;  il  contient  196  p.  d'impression 
in-12.  Le  second  contient  198  p.  in-12.  —  L'abbé  Bernier  est  un  des  nombreux 
déguisements  de  Voltaire.  —  La  Théologie  portât iee  fut  brûlée  le  17  février.  — 
L'arrêt  ordonnait  la  prise  de  corps  et  la  comparution  de  l'abbé  Bernier  et  du 
quidam  se  disant  son  disciple. 


188  LE  PARLEMENT 

volution  dans  la  croyance,  dans  le  gouvernement  et  dans  les  mœurs,  cette 
secte  impie  vient  enfin  de  lever  le  masque  à  un  de  ses  disciples;  il  se  montre 
à  découvert;  le  système  d'iniquité  qu'elle  a  enfanté,  il  le  présente  combiné  et 
réuni  sur  tous  les  points  dans  une  brochure  en  deux  volumes  que  nous  venons 
dénoncer  à  la  Cour1... 

L'auteur,  quel  qu'il  puisse  être,  s'est  proposé,  comme  il  le  dit  lui-même  dans 
son  avertissement,  de  donner  au  public  une  espèce  de  manuel,  et,  si  l'on  veut, 
une  Théologie  de  poche  (ce  sont  ses  propres  expressions),  dans  laquelle  chacun 
trouvera  1res  promptement  la  solution  de  toutes  les  difficultés  qui  pourraient 
s'clcver  sur  cette  importante  matière. 

La  forme  d'un  dictionnaire  a  sans  doute  paru  préférable  pour  répandre  dans 
les  différents  articles  qui  le  composent,  et  reproduire  en  abrégé  tout  ce  qui  a 
été  dit  dans  tous  les  siècles  contre  la  divinité  de  Jésus-Christ,  contre  la  morale 
de  l'Évangile,  contre  l'authenticité  des  livres  saints;  enfin  contre  la  réalité  de 
la  mission  et  la  sainteté  du  caractère  des  ministres  de  l'Église.  Ce  n'est  point 
par  la  force  du  raisonnement  que  ce  prétendu  Licencié  en  théologie  s'est  promis 
d'affaiblir  ou  d'anéantir  la  preuve  des  vérités  augustes  qu'il  entreprend  de 
détruire;  c'est  avec  les  armes  du  ridicule  qu'il  combat;  il  travestit  les  faits;  il 
métamorphose  les  actes;  il  dénature  toutes  les  idées;  la  fable  prend  la  place 
de  l'histoire;  et  le  sarcasme  règne  partout  dans  ce  libelle  avec  l'effronterie  de 
l'indécence  assaisonnée  du  sel  de  la  méchanceté,  sans  qu'on  ait  même  pris  la 
peine  de  jeter  un  voile  sur  les  obscénités  les  plus  infâmes. 

Il  vous  suffira,  Messieurs,  de  parcourir,  à  l'ouverture  même  du  livre,  les 
premiers  articles  qui  tomberont  sous  vos  yeux,  pour  vous  convaincre  du  projet 
criminel  que  cet  auteur  impie  ne  craint  pas  d'avouer.  Nous  nous  garderons 
bien  de  vous  faire  l'analyse  d'un  ouvrage  que  nous  désespérons  de  caracté- 
riser, faute  de  trouver  des  expressions  assez  fortes  pour  vous  peindre  le  sen- 
timent qu'il  a  excité  dans  nos  âmes  et  qu'il  doit  exciter  dans  les  vôtres;  mais 
vous  y  trouverez  tout  ce  que  la  haine  de  notre  religion  sainte  a  pu  inventer  de 
plus  odieux  pour  la  renverser;  tout  ce  que  l'impiété  la  plus  méthodique  a  pu 
inventer  pour  en  saper  les  fondements;  en  un  mot,  tout  ce  que  le  paganisme, 
l'athéisme  et  l'hérésie  elle-même-  ont  pu  imaginer  de  plus  faux,  déplus  révol- 
tant, de  plus  affreux  :  et  c'est  un  livre  de  cette  nature  qu'on  affecte  de  répandre 
dans  le  public.  Nous  ne  pouvons  trop  nous  hâter  d'en  demander  la  flétrissure. 
Les  magistrats  seront  les  premiers  à  donner  l'exemple  du  respect  dont  ils 
6eront  toujours  pénétrés  pour  les  dogmes  précieux,  et  les  mystères  sacrés  d'une 
religion  instituée  par  un  Dieu  et  qui  se  perpétuera,  malgré  les  efforts  de  l'in- 
crédulité, jusqu'à  la  consommation  des  siècles.  Les  ministres  des  autels  eux- 
mêmes  applaudiront  au  zèle  ardent  que  nous  cherchons  à  vous  inspirer;  et  ils 
trouveront  dans  la  sévérité  dont  vous  allez  user  contre  un  ouvrage  aussi  scan- 
daleux, un  nouveau  motif  de  prémunir  les  fidèles  contre  les  prestiges  de  la 
mauvaise  foi  et  les  blasphèmes  de  l'irréligion. 


1.  Suit  le  signalement  matériel  de  l'ouvrage,  —  La  première  partie  avait  paru 
en  1775. 

2.  Gradation  assez  curieuse.  L'orateur  dirait  sans  doute  aujourd'hui  :  le  paga- 
nisme, l'hérésie  et  l'athéisme  lui-même.  Lorsqu'on  s'étonna  plus  tard  queNeckcr 
fût  si  bien  avec  le  clergé  :  «  H  n'est  pas  janséniste,  répliqua  un  tin  observateur, 
il  n'est  que  protestant.  - 


JUGE  DES  ÉCRITS  189 

Nous  laissons  à  la  Cour  ledit  imprimé,  avec  les  conclusions  par  écrit  que 
nous  avons  prises  à  ce  sujet. 

ARRÊT  du  26  février  1116,  qui  condamne  une  brochure  intitulée  :  Les  In- 
convénients des  droits  féodaux1.  (Assemblée  plénière,  les  princes  et  pairs  y 
séant.) 

Le  rapport  fut  fait  par  Mc  Léonard  Sahuguet  d'Espagnac.  Voici  les 
réquisitions  de  Séguier  : 

Messieurs, 

Nous  venons  de  prendre  communication  du  récit  et  de  l'imprimé  que  la  Cour 
nous  a  fait  remettre,  et  sur  lesquels  elle  nous  demande  des  conclusions  sur-le- 
champ. 

11  nous  est  bien  difficile  dans  un  si  court  espace  de  temps  de  rassembler 
toutes  les  réflexions  que  doit  faire  naître  un  ouvrage  de  cette  nature;  nous  ne 
pouvons  que  gémir  ici  publiquement  sur  l'espèce  de  frénésie  qui  semble 
agiter  ces  esprits  turbulents  que  l'amour  de  la  liberté  et  de  l'indépendance 
portent  aux  plus  grands  excès,  et  qui  leur  fait  envisager  le  bonheur  dans  la 
subversion  de  toutes  les  règles,  de  tous  les  principes,  et  dans  l'anéantissement 
même  des  lois  qui  ont  assuré  jusqu'à  présent  les  propriétés  non  seulement 
dans  les  familles,  mais  encore  dans  la  personne  même  du  souverain". 

A  la  lecture  des  nouveaux  écrits  en  tout  genre  dont  le  public  est  inondé,  et 
surtout  à  la  vue  de  cette  brochure  sur  les  Inconvénients  des  droits  féodaux,  on 

1.  Avec  cette  épigraphç  :  Ili/ic...  mali  labes.  Virg.;  imprimé  à  Londres,  et  se 
trouve  à  Paris,  chez  Valade,  libraire,  rue  Saint-Jacques;  70  p.  d'impression, 
précédées  d'un  avertissement  de  l'auteur  d'une  page  et  demie.  —  Celte  brochure 
fut  brûlée  le  24  février.  Elle  est  de  Pierre  Franc.  Boncerf.  Le  22  février  1776, 
un  arrêt  du  Conseil  avait  supprimé  divers  imprimés  relatifs  à  la  suppression 
des  jurandes  :  il  était  fondé  «  sur  ce  qu'il  n'est  pas  permis  aux  avocats  d'im- 
primer des  mémoires  que  dans  les  affaires  contentieuses,  et  sur  ce  que  le  droit 
de  remontrances  n'apparlienl  qu'aux  cours  ».  (Isambert,  \v<  387.)  La  condamna- 
tion de  l'écrit  de  Boncerf,  inspiré  par  Turgot,  est  la  riposte  du  Parlement. 
Boncerf  avait  pris  le  pseudonyme  significatif  de  Francaleu  (franc  alleu).  Son 
livre  a  servi  de  base  aux  décrets  du  4  août  178!).  11  en  donna  une  nouvelle 
édilion,  augmentée  d'une  préface  et  de  lettres  de  Voltaire,  en  1791.  Boncerf  était 
de  Chazaux,  et  voisin  d'un  autre  avocat  célèbre  par  son  dévouement  à  la  cause  des 
serfs  du  mont  Jura,  Christirf,  de  Saint-Claude.  Christin  défendit  Boncerf  par  la 
publication  de  la  Lettre  (tu  Père  Polycarpek  1'av.ocal  général  Séguier,  sur  le  livre 
des  Inconvénients  féodaux  :  (oui  le  monde  attribua  cette  Lettre  à  Voltaire,  comme 
d'ailleurs  la  Dissertation  sur  l'établissement  de  l'abbaye  de  Saint-Claude  et  la 
Collection  des  mémoires  présentés  au  conseil  du  roi  par  les  habitants  du  mont 
Jura  (1772).  La  Révolution  réunit  ces  deux  hommes  aussi  grands  et  aussi  désin- 
téressés eme  modestes  :  Christin  fut  député  du  bailliage  d'Aval  aux  Etats  géné- 
raux; Boncerf,  secrétaire  du  duc  d'Orléans,  devint  officier  municipal  de  la  Com- 
mune de  Paris  et  fut  chargé  en  1790  d'installer  le  Tribunal  civil  dans  le  palais 
même  où  son  livre  avait  été  condamné.  —  Des  hommes  comme  Christin  et 
Boncerf  expliquent  assez  la  place  éminente  et  légitime  que  les  avocats  prirent 
dans  la  société  contemporaine.  Les  deux  Franc-Comtois  se  distinguent  d'ailleurs, 
au  XVIIIe  siècle,  par  une  absence  remarquable  de  vanité  littéraire. 

2.  En  effet,  la  monarchie   n'a  point  détruit  la  féodalité.   Elle   se   l'est  plutôt 


190  LE  PARLEMENT 

est  tenté  de  croire  qu'il  existe  dans  l'État  un  parti  secret,  un  agent  caché,  qui, 
par  des  secousses  intérieures,  cherche  à  en  ébranler  les  fondements;  semblable 
à  ces  volcans  qui,  après  s'être  annoncés  par  des  bruits  souterrains  et  des 
tremblements  successifs,  finissent  par  une  éruption  subite  et  couvrent  tout  ce 
qui  les  environne  d'un  torrent  enflammé  de  ruines,  de  cendres  et  de  laves, 
qui  s'élancent  du  foyer  renfermé  dans  les  entrailles  de  la  terre. 

Chaque  peuple  a  ses  mœurs,  ses  lois,  ses  coutumes,  ses  usages;  ces  insti- 
tutions politiques  forment  l'ordre  public;  intervertir  cet  ordre,  c'est  souvent 
toucher  à  la  constitution  même  du  gouvernement1  que  les  nations  ont  adopté; 
il  est  reconnu  que  chez  tous  les  peuples  les  lois  tiennent  à  la  nature  de  leurs 
esprits,  à  leurs  caractères,  à  leurs  opinions;  tout  législateur  doit  donc  con- 
sulter le  génie  des  hommes  qu'il  veut  rendre  ou  plus  sages  ou  plus  heureux  : 
c'est  d'après  ce  principe  que  nous  avons  vu  différentes  lois  se  succéder  en 
France;  et  la  sagesse  de  nos  souverains  a  toujours  cherché,  dans  chaque  cir- 
constance qui  exigeait  une  loi  nouvelle,  à  la  rendre,  s'il  est  permis  de  parler 
ainsi,  analogue  à  l'esprit  des  Français.  Par  quelle  fatalité  arrivc-t-il  au- 
jourd'hui que  les  écrivains  se  font  une  étude  de  tout  combattre,  de  tout  dé- 
truire, de  tout  renverser;  et  cet  édifice  des  ordonnances,  ouvrage  de  tant  de 
siècles,  le  fruit  de  la  prudence  des  souverains,  le  résultat  des  veilles  des  mi- 
nistres les  plus  éclairés,  des  magistrats  les  plus  consommés,  il  est  traité  par 
ces  nouveaux  précepteurs  du  genre  humain  avec  ce  mépris  insultant  dont  les 
rêveries  de  leur  imagination,  exallée  par  l'enthousiasme  d'un  faux  système, 
sont  seules  susceptibles  2. 

Ce  serait  trop  peu  néanmoins  de  nous  contenter  de  couvrir  d'un  mépris  plus 
juste  l'ouvrage  qui  vous  occupe  en  ce  moment;  il  en  est  peu  qui  soit  en  effet 
plus  digne  de  votre  attention  et  de  votre  sévérité.  L'adresse  avec  laquelle 
l'auteur  a  combiné  toutes  les  parties  de  son  système  destructeur,  l'art  qu'il 
emploie,  est  capable  d'en  imposer  aux  lecteurs  qui  ne  sont  pas  versés  dans  la 
connaissance  des  Lois  et  de  l'Histoire,  ou  à  ceux  qui  n'en  ont  qu'une  teinture 
superficielle.  Le  système  qu'on  veut  accréditer  est  encore  plus  dangereux  par 
les  conséquences  qui  peuvent  en  résulter  de  la  part  des  habitants  de  la  cam- 
pagne, que  l'auteur  semble  vouloir  ameuter  contre  les  seigneurs  particuliers 
dont  ils  relèvent.  Il  est  vrai  que  ce  projet  ne  se  montre  point  à  découvert;  on 
insinue  qu'ils  ne  peuvent  que  s'adresser  à  leurs  Seigneurs  pour  demander  la 
suppression  et  le  rachat  des  droits  seigneuriaux,  qui  ne  pourra  leuKêtrc  refusé, 

incorporée.  Si  l'origine  théorique  du  pouvoir  royal  est  le  droit  divin,  l'origine 
positive,  c'est  la  propriété;  qu'il  y  ait  eu  conquête,  donation,  échange,  héritage 
ou  confiscation,  roux  qui  ont  de  gré  ou  de  force  abandonné  au  roi  la  fraction  de 
terre  et  de  pouvoir  politique  qu'ils  détenaient,  n'ont  pu  lui  céder  autre  chose 
que  ce  qu'ils  possédaient  réellement,  ni  perdre  plus  qu'ils  n'avaient.  Si  la  succession 
au  domaine  direct  était  entière,  la  succession  au  domaine  éminent  était  à  charge 
d'accepter  implicitement  ou  explicitement  les  contrats  antérieurs,  c'est-à-dire  les 
droits  particuliers  aux  vassaux,  aux  provinces,  aux  pays,  aux  villes,  etc.  Mais 
lorsque  l'absolutisme  prétendit  tirer  de  la  plénitude  de  la  souveraineté  politique 
celle  de  la  propriété  territoriale,    il  perdit  en  quelque    sorte  ses  litres  véritables. 

1.  Necker  critique  quelque  part  les  conceptions  républicaines  appliquées  à 
l'institution  des  assemblées  provinciales. 

2.  On  voit  que  l'épithète  de  théoricien  appliquée  à  Turgot  ne  date  pas  d'au- 
jourd'hui. 


JUGE  DES  ÉCRITS  191 

si  tous  les  vassaux  se  réunissent  et  sont  d'accord  pour  faire  les  mêmes  offres. 
Mais  n'cst-il  pas  sensible  que  cette  multitude  assemblée  dans  les  différents 
châteaux  de  chaque  seigneur  particulier,  après  avoir  demandé  cette  suppression 
et  offert  le  rachat,  échauffée  alors  par  les  maximes  qu'on  leur  aura  débitées, 
voudra  peut-être  exiger  ce  qu'on  ne  voudra  pas  leur  accorder;  et,  en  cas  de 
refus,  on  les  autorise  à  faire  parvenir  leur  demande  au  Ministre,  parce  que  le 
Roi  peut  les  affranchir,  même  sans  le  consentement  des  Seigneurs  dans  leurs 
Fiefs  ;  et  d'après  cet  acte  d'autorité,  l'auteur  s'écrie  que  la  liberté  adorerait, ~<on  au- 
teur, et  l'indépendance  serait  l'hommage  perpétuel  et  le  premier  litre  de  vassalité. 

Que  d'idées  inconciliables  dans  ce  peu  de  mots!  et  c'est  cependant  avec  ces 
idées  gigantesques  et  vides  de  sens  que  l'on  se  promet  de  séduire  les  faibles 
et  les  ignorants,  qui  sont  le  grand  nombre;  mais  en  même  temps  quel  danger 
de  laisser  germer  des  principes  aussi  contraires  à  la  constitution  ancienne  de 
l'empire  français1!  Que  deviendra  la  propriété,  ce  bien  si  sacré,  que  nos  Rois 
ont  déclaré  eux-mêmes  qu'ils  sont  dans  l'heureuse  impuissance  d'y  donner 
atteinte?  Non  seulement  on  veut  détruire  la  propriété  de  tous  les  Seigneurs, 
car  les  droits  féodaux,  les  corvées,  les  banalités,  les  cens,  et  autres  de  celle 
nature,  sont  une  portion  intégrante  de  la  propriété;  mais  on  ne  craint  point 
de  renouveler  les  attaques  qu'on  a  voulu  porter  dans  tous  les  temps  au  Domaine 
de  nos  Rois,  à  l'inaliénabilité  des  droits  de  la  Couronne  2.  L'inaliénabilité,  ce 
droit  si  précieux,  pour  lequel  nos  pères  ont  combattu  avec  un  courage  si 
héroïque',  on  le  traite  de  phantôme,  on  le  dénature,  on  l'anéantit,  on  voudrait 
le  faire  envisager  comme  une  barbarie  inventée  dans  les  premiers  siècles  de 
la  monarchie. 

Les  coutumes  elles-mêmes,  les  statuts  locaux  qui  régissent  les  différentes 
provinces  du  Royaume,  aux  yeux  prévenus  de  cet  auteur  téméraire,  ce  ne  sont 
plus,  ainsi  que  les  droits  qu'elles4  établissent,  que  des  usages  commandés  par 
la  tyrannie  et  multipliés  par  la  violence;  ils  sont  tous  le  fruit  de  l'ignorance  et 
de  l'usurpation  5;  et  cependant  personne  n'ignore  que  les  Coutumes,  rédigées 
sous  les  yeux  des  Magistrats,  et  en  vertu  de  l'autorité  du  Roi,,  ne  sont,  pour  la 
plupart,  que  l'effet  de  la  convention  et  du  concert  des  trois  Ordres  rassem- 


1.  Cette  expression  a  un  sons  précis  :  elle  indique  la  coexistence  d'un  certain 
nombre  de  provinces  ayant  chacune  leur  statut. 

2.  Les  rois  firent  de  nombreuses  ordonnances  pour  la  conservation  ou  la 
revendication  de  leur  domaine,  qui  fut  d'abord  la  seule  et  longtemps  la  princi- 
pale source  de  leurs  revenus  (ex.:  ord.  de  Charles  VI,  2S  fév.  1401).  Mais  ce  fut 
seulement  François  Ier  qui  dans  la  déclaration  de  Pau  (30  juin  1539)  déclara 
inaliénable  e1  imprescriptible  le  domaine  fixe  (réuni  par  édit,  ou  par  une  jouis- 
sance décennale  constatée  en  Cour  des  Comptes).  Depuis,  telle  lui  la  doctrine 
d'Etat,  consacrée  en  1566  par  l'ordonnance  de  Moulins.  Mais,  eu  fait,  d'innombra- 
bles aliénations  ou  engagements  empêchèrent  toujours  la  conservation  ou  la 
restitution  intégrales  du  domaine,  rendues  d'ailleurs  inutiles  par  le  développe- 
ment des  autres  sources  de  revenus  publics,  et  par  la  confusion  progressive  des 
revenus  du  roi  et  de  ceux  du  royaume. 

3.  Allusion  à  ce  que  nous  nommons  l'intégrité  du  territoire  national,  chose  fort 
distincte  du  domaine. 

.4.  Sic,  pour  /7.5. 

5.  Comparez  le  préambule  de  la  Déclaration  des  Droits  de  l'homme  et  du 
citoyen. 


192  LE  PARLEMENT 

blés,  qui  y  ont  donné  leur  consentement,  et  s'y  sont  librement  et  volontaire- 
ment soumis. 

Si  l'esprit  systématique,  qui  a  conduit  la  plume  de  cet  écrivain,  pouvait 
malheureusement  s'emparer  de  la  multitude,  on  verrait  bientôt  la  constitution 
de  la  Monarchie  entièrement  ébranlée;  les  vassaux  ne  tarderaient  pas  à  se 
soulever  contre  les  Seigneurs,  et  le  peuple  contre  son  souverain.  L'anarchie  la 
plus  cruelle  deviendrait  la  suite  nécessaire  d'une  indépendance  d'autant  plus 
redoutable  que  rien  ne  pourrait  en  prévenir  ou  en  arrêter  les  effets. 

Ces  considérations  nous  ont  déterminé  à  vous  proposer  de  faire  lacérer  et 
brûler  une  brochure  aussi  séditieuse,  après  lui  avoir  donné  les  qualifications 
les  plus  fortes1;  puisse  cet  exemple  de  sévérité  prévenir  de  pareils  excès  de  la 
part  de  ceux  qui,  cachés  sous  le  voile  du  mystère,  se  font  un  plaisir  de  semer 
dans  le  public  des  idées  capables  de  troubler  la  tranquillité  et  de  renverser  la 
propriété  de  tous  les  citoyens! 

C'est  l'objet  des  conclusions  par  écrit  que  nous  avons  prises,  et  que  nous 
laissons  à  la  Cour,  avec  l'imprimé  et  le  récit  qu'elle  nous  a  fait  remettre. 


EXTRAIT    DES    REGISTRES    DU    PARLEMENT 
DU   SAMEDI   30   MARS  177G 

Ce  jour,  toutes  les  chambres  assemblées,  la  Cour,  considérant  qu'il  importe 
à  la  tranquillité  publique  de  maintenir  de  plus  en  plus  les  principes  anciens 
et  immuables  qui  doivent  servir  de  règle  à  la  conduite  des  peuples,  et  que 
quelques  esprits  inquiets  ont  paru  vouloir  altérer,  en  essayant  de  répandre  des 
opinions  systématiques  et  des  spéculations  dangereuses  ; 

Considérant  en  outre  que,  de  la  licence  à  laquelle  se  sont  livrés  ces  esprits 
inquiets,  il  est  déjà  résulté  en  divers  lieux  des  commencements  de  trouble 
également  contraires  à  l'autorité  du  Roi,  aux  droits  de  propriété  des  seigneurs 
et  aux  véritables  intérêts  du  peuple  ; 

Considérant  enfin  qu'il  est  de  son  devoir,  et  conforme  aux  intentions  du 
Roi  de  maintenir  l'ordre  public,  fondé  sur  la  justice  et  sur  les  lois,  et  auquel 
la  Monarchie  doit,  depuis  tant  de  siècles,  sa  prospérité,  sa  gloire  et  sa  tran- 
quillité :  Ouïs  les  gens  du  Roi; 

Ladite  Cour  a  ordonné  et  ordonne  à  tous  les  sujets  du  Roi,  censitaires,  vas- 
saux et  justiciables  des  seigneurs  particuliers,  de  continuer,  comme  par  le 
passé,  à  s'acquitter  soit  envers  ledit  seigneur  Roi,  soit  envers  leurs  seigneurs 
particuliers,  des  droits  et  devoirs  dont  ils  sont  tenus  à  leur  égard,  selon  les 
ordonnances  du  royaume,    déclarations  et  lettres  patentes   du  roi,    dûment 

1.  «  Injurieuse,  dit  l'arrêt,  aux  loix  et  coutumes  de  la  France,  aux  droits  sacrés 
et  inaliénables  de  la  Couronne,  et  au  droit  des  propriétés  des  particuliers,  et 
comme  tendant  à  ébranler  toute  Ja  constitution  de  la  Monarchie,  en  soulevant 
tous  les  vassaux  contre  leurs  Seigneurs  et  contre  le  Roi  même,  en  leur  présen- 
tant tous  les  droits  féodaux  et  domaniaux  connue  autant  d'usurpations,  de  vexa- 
tions et  de  violences  également  odieuses  et  ridicules,  et  en  leur  suggérant  les 
prétendus  moyens  de  les  abolir,  qui  sont  aussi  contraires  au  respect  dû  au  Roi  et 
à  ses  Ministres  qu'à  la  tranquillité  du  royaume.  »  Amas  d'epilhètes,  mauvaise... 
critique!  Le  respect  dû  aux  Ministres  est  piquant.  Tout  l'auditoire  savait  que  le 
ministre  Turgot  avait  inspiré  et  autorisé  Doncerf,  auteur  des  Inconvénients. 


JUGE  DES  ÉCRITS  193 

vérifiées,  regislrées  et  publiées  en  la  Cour,  coutumes  générales  et  locales, 
reçues  et  autorisées,  litres  particuliers  et  possessions  valables  des  seigneurs. 
Fait  très  expresses  inhibitions  et  défenses  d'exciter  soit  par  des  propos,  soit 
par  des  écrits  indiscrets,  à  aucune  innovation  contraire  auxdits  droits  et 
usages  légitimes  et  approuvés,  sous  peine,  contre  les  contrevenants,  d'être 
poursuivis  extraordinairement  comme  réfractaires  aux  lois,  perturbateurs  du 
repos  public,  et  de  punition  exemplaire  :  Enjoint  à  tous  les  juges  du  ressort 
d'y  tenir  la  main  chacun  en  droit  soi  ;  ordonne  qu'à  cet  effet  le  présent  arrêt 
sera,  à  la  poursuite  et  diligence  du  procureur  général  du  roi,  incessamment 
envoyé  à  tous  les  bailliages  et  sénéchaussées  du  ressort,  même  aux  justices 
seigneuriales  ressortissantes  immédiatement  en  la  Cour,  à  l'effet  d'y  être  lu, 
public,  registre  et  exécuté  selon  sa  l'orme  et  teneur;  enjoint  aux  substituts  du 
procureur  général  du  roi,  et  aux  procureurs  liscaux,  d'y  faire  procéder  sans 
délai,  et  d'en  certitier  la  Cour  au  mois  :  Ordonne,  en  outre,  que  le  présent 
arrêt  sera  imprimé,  publié  et  affiché  en  cette  Ville  de  Paris,  et  partout  où 
besoin  sera. 

Fait  en  Parlement,  toutes  les  Chambres  assemblées,  le  trente  mars  mil  sept 
cent  soixante-seize.  • 

Signé  :  Lebret. 

ARRÊT  de  la  Cour  du  Parlement,  qui  condamne  un  écrit  intitulé  le  Monar- 
que accompli,  etc.,  par  Mc  Lanjuinais  r,  principal  du  collège  de  Moudon,  avec 
cette  épigraphe  latine  :  Narrando  laudare  et  laudando  monere,  novum  scribendi 
tjenus  haçtenus  intactum2  (3  mai  1776). 


ANALYSE   DES   REQUISITIONS   DE   SEGUIER 

L'objet  apparent  de  cet  écrit  était  l'éloge  d'un  prince  parfait,  que 
l'auteur  pensait  reconnaître  dans  l'empereur  Joseph  II.  11  rapproche, 
pour  composer  ce  modèle  idéal,  les  prodiges  de  honte,  de  savoir  et  de 
sagesse  qui  distinguent  ce  nouveau  Trajan;  il  ne  donne  que  des  faits, 
discutés  au  Tribunal  de  la  raison  et  de  l'équité.  Tout  en  se  deman- 
dant de  quel  droit  un  particulier  «  se  permet  d'interroger  les  actions 
^\'nn  souverain  »,  et  de  le  citer  à  ce  prétendu  tribunal,  l'avocat 
général  Séguier  ne  peut  que  s'associer  à  l'éloge  enthousiaste  du  beau- 
frère  du  roi  de  France.  Mais  ce  n'est  là  qu'un  voile  trompeur  dont 
l'auteur  s'est  servi  [tour  en  imposer  à  la  multitude  et  écarter  le  bras 
de  la  Justice.  Il  est  semblable  «  à  certains  incrédules,  qui  n'affectent 
jamais  plus  de  respect  pour  la  Divinité  que  lorsqu'ils  veulent  saper 
les  fondements  de  la  Religion  ».  Le  tableau  qu'il  trace  de  la  misère 
des  peuples  est  exagéré  en  lui-même.  Les  réflexions  dont  il  l'accom- 

1.  Joseph,  réellement  principal  du  collège  de  Moudon  (canton  de  Vaud),  et  non 
Jean-Denis. 

2.  3  vol.  Lausanne,  chez  Pierre  Hcubach,  MDCCLXX1V.  (Le  rapport  fut  fait  par 
M.  Léonard  de  Saûuguet  d'Espaguac,  conseiller.) 

13 


194  LE  PARLEMENT 

pagne  sont  séditieuses.  Il  brise  les  liens  qui  rattachent  les  sujets  au 
Roi,  «  oubliant  que  le  monarque  ne  peut  exister  sans  sujets  ».  11  les 
excite  à  égorger  les  monstres  qui  décorent  leur  substance,  ou,  si  la 
fortune  vient  à  les  tromper,  à  ne  pas  mourir  sans  être  cengés  de  leurs 
maux.  Les  Rois  trembleront  devant  vous,  ajoute-t-il,  et  vous  ne  trem- 
blerez devant  personne...  Il  est  une  époque  qui  devient  nécessaire  dans 
certains  gouvernemens,  époque  terrible,  sanglante,  mais  le  signal  de 
la  liberté  :  c'est  la  guerre  civile  dont  je  veux  parler.  Dans  la  bouche 
même  de  l'empereur  d'Allemagne  sont  placés  les  discours  sangui- 
naires que  «  ce  prétendu  principal  du  collège  de  Moudon  »  a  com- 
posés «  de  sang-froid,  dans  le  silence  du  cabinet  ».  L'ouvrage  est 
d'un  prédicant  insensé  et  fanatique,  d'un  novateur  systématique  et 
dangereux,  à  la  condamnation  duquel  tous  les  souverains,  et  l'em- 
pereur lui-même,  applaudiront. 

Année  1777 

ARRÊT  du  18  janvier  1777,  qui  supprime  un  recueil  intitulé:  Suite  de  la 
justification  du  sieur  de  Beaumarchais1. 

Au  nombre  des  différentes  pièces  que  ce  recueil  renferme  (dit  Séguier  dans 
ses  réquisitions),  nous  avons  trouvé,  dans  une  requête  également  imprimée 
du  sieur  de  Reaumarchais,  un  discours  qu'il  s'était  proposé  de  prononcer  à 
votre  audience.  La  sagesse,  qui  accompagne  toujours  vos  démarches,  ne  vous 
permit  point  alors  de  lui  accorder  la  faculté  qu'il  demandait  d'être  entendu 
dans  sa  propre  défense.  Les  mêmes  motifs  de  prudence  qui  avaient  déterminé 
la  Cour  à  ne  point  permettre  au  sieur  de  Reaumarchais  de  prononcer  ce 
discours  lors  de  la  plaidoirie  de  la  cause,  auraient  dû  lui  faire  comprendre 
qu'il  était  également  dans  l'intention  de  la  Cour  qu'il  ne  fût  point  rendu 
public  par  la  voie  de  l'impression.  C'est  l'objet  des  conclusions  par  écrit  que 
nous  avons  cru  devoir  prendre,  et  que  nous  laissons  à  la  Cour  avec  l'imprimé 
en  question. 

ARRÊT  de  la  Cour  du  Parlement2,  qui  ordonne  qu'un  libelle  intitulé  '.Motifs 
de  ne  point  admettre  la  nouvelle  Liturgie  de  M.  V Archevêque  de  Lyon>,  sera 
lacéré  et  brûlé  par  l'exécuteur  de  la  haute  justice.  —  Du  7  février  1777. 

...Cet  écrit  anonyme,  dit  Séguier,  paraît  avoir  été  destiné  à  empêcher  le 

\.  Rapporteur  :  Mc Léonard  de  Sahuguet  d'Espagnac.  —  Fait  en  Parlement,  les 
grand'chambre  et  tournelle  assemblées.  —  Collalionné  Lutton,  signé  Dufranc.  — 
Pièce  iu-4°,  2  pages  (P.  G.  Simon). 

2.  Pièce  in-i°  de  8  pages. 

:i.  1  vol.  in-12  de  13G  p.,  non  compris  la  table  (s.  n.  d'âUteur  ni  de  lieu).  11 
commence  par  ces  mots  :  «  Le  chapitre  primatial  île  LyOn  refuse  depuis  huit  ans 
une  liturgie  nouvelle»,  et  finit  par  ce  texte  de  saint  Augustin  î  Quod  invenerunt  in 
Ecclesia,  tenuerunt;  quod  didisceriint,  tenuerunt;  quod  a  patribus  aeceperunt  hoc 
filiis  tradiderunt. 


JUGE  DES  ÉCRITS  195 

chapitre  de  Lyon  de  recevoir  le  nouveau  bréviaire  rédigé  par  les  soins  et  sous 
les  ordres  du  Prélat  placé  à  la  tête  de  ce  diocèse,  et  il  a  été  répandu  dans  le 
public  peu  de  jours  avant  la  tenue  du  chapitre  général,  où  il  devait  être 
question  de  délibérer  sur  l'acceptation  du  nouveau  bréviaire. 

Le  chapitre  a  cependant  accepté  le  nouveau  bréviaire  (13  nov. 
1776).  L'ouvrage  poursuivi  n'est  donc  pas  l'œuvre  du  chapitre,  mais 
d'un  particulier  téméraire,  anonyme,  qui  affecte  de  parler  au  nom 
du  chapitre. 

Rien  de  plus  indécent  que  le  ton  de  cet  auteur.  Il  reproche  à  l'ar- 
chevêque des  innovations,  il  l'accuse  de  vouloir  opérer  une  subversion 
totale  du  rit  et  des  prières  de  son  Église.  Ailleurs,  il  incrimine  V aus- 
térité pharisaïque  du  syndic  diocésain.  Il  ose  avancer  que  ce  qu'il 
nomme  les  révolutions  liturgiques  ne  sont  pas  sans  danger  pour  la 
Foi...  Les  sectaires,  ajoute-t-il,  avaient  le  goût  de  la  réformation  des 
anciennes  liturgies;  voilà  le  piège  oii  ils  ont  pris  tant  de  simples 
fidèles.  Le  culte  ancien  attachait  le  peuple  à  la  foi  de  Rome;  et  les  nova- 
teurs, jaloux  de  rompre  ce  lien,  s'attachèrent  d'abord  à  persuader  qu'on 
pouvoil  loucher  aux  rils  extérieurs.  Mais,  du  moins,  les  anciens  sec- 
taires se  séparaient  avec  éclat;  les  novateurs  modernes  ont  un  autre 
système,  celui  de  corrompre  la  liturgie,  pour  y  faire  entrer  peu  à  peu 
leu?'s  erreurs  favorites.  L'auteur  injurie  l'Église  gallicane;  toutes  les 
nations  catholiques,  dit-il,  récitent  sans  défiance  leurs  anciennes 
prières  :  et  ce  n'est  qu'en  France,  ou  les  nouvelles  erreurs  ont  fait  des 
progrès,  que  les  nouveaux  bréviaires  sont  accueillis.  Ailleurs,  oubliant 
son  principal  objet,  il  compare  le  Bréviaire  de  Paris  au  Veau  d'or  '  : 
son  auteur,  dit-il,  s'appelle  Légion.  Si  Paris  donne  des  modèles  de 
littérature,  il  n'est  pas  le  centre  de  l'unité  catholique  ni  l'asyle  de  la 
piété,  il  a  été  au  contraire  le  siège  des  nouvelles  erreurs. 

De  telles  paroles  sont  d'autant  plus  condamnables  que  le  Bréviaire, 
de  Paris  a  été  adopté,  dans  la  province  même  de  Lyon,  par  les  diocèses 
de  Ghâlons  et  de  Dijon. 

D'ailleurs,  le  Libelle  ne  fait  que  reproduire  ou  développer,  ou 
appliquer  à  la  nouvelle  circonstance  des  Écrits  condamnés  déjà  en 
Parlement,  les  8  et  20  juin  1736  :  ce  sont  la  Lettre  sur  le  Nouveau 
Bréviaire  de  Paris,  et  la  Remontrance,  ou  seconde  Lettre  à  M.  l'arche- 
vêque de  Paris2.   Aussi  Séguier  emprunte-l-il  ses  conclusions  aux 

1.  Ailleurs,  à  un  ruisseau  infect,  dans  lequel  l'église  de  Lyon  doit  se  garder  de 
puiser,  quoique  M.  de  Yintimille,  archevêque  de  Paris,  dont  la  religion  avait  été 
surprise,  se  fût  efforcé  de  l'épurer  à  deux  reprises.  —  C'est  à  l'édition  de  1736 
que  se  rapportent  les  injures  du  Libelle. 

2.  Celte  année  même  1717  l'archevêque  de  Paris,  Christophe  de  Beaumont,  avait 


196  LE  PARLEMENT 

réquisitoires  mêmes  que  son  prédécesseur  Gilbert  de  Voisin  prononça 
contre  ces  deux  libelles. 

Ne  doit-on  pas  craindre,  ajoule-t-il,  qu'on  n'ait  eu  pour  but  de  renouveler 
des  disputes  sur  des  matières  que  l'autorité  réunie  de  l'Eglise  et  de  l'État  ont 
voulu  ensevelir  dans  le  silence  le  plus  profond?  Mais  l'homme  de  parti  ne  res- 
pecte aucun  frein... 

Suivent  les  conclusions  et  l'arrêt  de  condamnation,  lequel  fut  exécuté 
le  8  février  1777'. 

ARRÊT  du  13  mars  1777,  qui  supprime  un  imprimé  qui  se  débile  publi- 
quement, contenant  le  récit  fait  par  un  de  Messieurs,  lors  de  l'Assemblée  des 
Chambres  du  28  février  dernier*,  comme  contraire  aux  règlements  concernant 
la  librairie. 

ARRÊT  du  11  avril  1777  ',  qui  condamne  une  brochure  intitulée  :  Plan  de 
l'Apocalypse*. 

...  A  juger  de  cet  ouvrage  par  le  titre  (dit  Séguier  dans  ses  réquisitions),  on 
se  persuade  d'abord  que  l'auteur  s'est  proposé  de  tracer  la  .marche  de  l'esprit 
divin  dans  un  de  ces  livres  sacrés  qu'il  a  inspirés,  et  où  la  raison  humaine  se 
confond  et  se  perd  lorsqu'elle  s'efforce  d'en  interpréter  les  mystères  s  ;  mais, 
en  parcourant  cet  imprimé,  on  reconnaît  bientôt  qu'il  n'a  été  composé  que 
pour  annoncer  le  rappel  d'une  société  qui  ne  subsiste  plus  ni  dans  l'Église  ni 
dans  l'État;  détruite  en  France,  ainsi  que  dans  plusieurs  autres  royaumes  voi- 
sins, par  l'autorité  de  la  puissance  royale,  sa  dissolution  a  été  de  même  pro- 
noncée, son  extinction  a  été  entièrement  exécutée  par  le  concours  de  l'autorité 
ecclésiastique.  Comment  pourrait-elle  se  promettre  de  renaître  aujourd'hui  de 
ses  cendres  ? 


laissé  passer  la  fêté  «lu  Sacré-Cœur  dans  une  nouvelle  édition  du  Missel  de  Paris  : 
le  garde  des  sceaux  séquestra  l'édition.  On  sait  que  les  Cordicoles  et  les  Jésuites 
étaient  exactement  la  même  société. 

i.  Les  passages  en  italiques,  extraits  des  Motifs,  etc.,  se  trouvent  aux  pages  : 
4,  30,  51,  54,  58,  59,  60,  85,  86.  —  P.  95,  l'auteur  reproche  à  l'archevêque  de  Lyon 
d'avoir  ajouté  au  Bréviaire  des  offices  pour  saint  Fulgence  et  saint  Prosper 
(auteurs  favoris  des  gallicans  et  des  jansénistes). 

2.  ln-8°  de  8  pages  (s.  n.  il.  1.  ni  d'à.)  commençant  par  :  Vendredi  28  février, 
et  finissant  par  :  Que  le  tout  serait  communiqué  aux  yens  du  Roi.  —  C'est  un 
récit  de  d'Lspréniénil  contre  le  premier  emprunt  de  Necker,  avec  lequel  il  avait 
eu  des  discussions  violentes  aux  assemblées  de  la  Compagnie  des  Indes. 

.'!.  Pièce  in-i°,  6  pages  (Bib.  nat.,  F). 

î.  In-12  de  93  pages,  M  DCC  LXXIll  (s.  n.  d'auteur  ni  de  lieu).  — La  brochure 
fut  remise  aux  gens  du  Roi  le  28  février  1777.  D'Espagnac  fit  le  rapport. 

•').  Témoin  Newton.  —  De  nos  jours,  l'Apocalypse  a  été  interprétée  historique- 
ment par  M.  Renan,  dans  l' Antéchrist,  et  le  sens  général  en  est  devenu  incontes- 
table. 


JUGE  DES  ÉCRITS  197 

Que  les  nouvelles  étrangères  répandent  dans  le  public  que  quelques  parti- 
culiers fugitifs  et  isolés  ont  été  recueillis  dans  des  États  lointains  et  qu'ils  y 
ont  trouvé  un  asile  qui  ne  leur  était  pas  refusé  dans  leur  patrie,  en  se  plaçant 
dans  la  classe  des  autres  citoyens,  et  en  se  soumettant  aux  mêmes  obligations; 
que  les  feuilles  périodiques  dont  l'Europe  est  inondée  annoncent  que  la  souve- 
raine d'un  vaste  empire  les  a  appelés  dans  ses  possessions,  et  qu'elle  ne  craint 
pas  de  leur  confier  une  maison  destinée  à  l'éducation  de  la  jeunesse  :  on  peut 
sans  doute  ne  pas  ajouter  foi  à  des  récils  dont  rien  ne  garantit  la  sincérité  ; 
nous  serions  en  droit  de  regarder  ces  événements  comme  des  fables  inventées 
à  plaisir  pour  favoriser  la  prétention  de  la  société  et  de  ses  partisans;  nous 
traiterons  de  même  de  ebimère  la  prétendue  élection  d'un  général  des  ci-devant 
soi-disant  jésuites.  Quel  est  l'homme  sensé  qui  peut  croire  à  une  élection 
obscure  et  clandestine,  faite  dans  une  assemblée  inconnue,  par  des  gens  sans 
titre  et  sans  caractère,  par  des  religieux  sans  pouvoir  comme  sans  mission? 
Cette  élection  serait  bientôt  désavouée  par  toutes  les  puissances  catholiques  ; 
et  s'alarmer  d'un  bruit  aussi  inecriain,  ce  serait  donner  de  la  réalité  à  ce  fan- 
tôme. 

Si,  parmi  les  membres  de  cette  société  anéantie,  il  existait  des  esprits  assez 
crédules  pour  se  flatter  de  former  encore  une  congrégation  réelle,  de  même 
que  ce  peuple  errant  et  répandu  dans  le  monde  entier,  partout  proscrit,  par- 
tout rejeté,  se  tlatte  toujours  de  former  un  corps  de  nation,  il  est  impossible 
de  dissiper  un  aveuglement  involontaire,  mais  qui  sert  à  entretenir  des  espé- 
rances chimériques  dans  des  esprits  intéressés  à  en  perpétuer  l'illusion;  nous 
n'entreprendrons  point  de  les  convaincre;  nous  nous  contenterons  d'assurer 
la  Cour  qu'il  n'y  a  rien  à  craindre  sur  le  rétablissement  de  la  société;  notre 
ministère  veille  sur  ses  démarches,  et  si  quelques-uns  des  membres  qui  l'ont 
anciennement  composée  se  sont  trouvés  ensemble  chez  leurs  anciens  partisans, 
c'était  tout  au  plus  pour  y  confondre  leurs  regrets,  et  jouir  du  commerce  de 
ceux  qui  leur  avaient  été  attachés. 

L'ouvrage  qui  nous  occupe  en  ce  moment,  ce  Plan  de  l'Apocalypse,  destiné 
à  annoncer  au  public  l'époque  prélendue  de  leur  rappel,  est  un  des  chefs- 
d'œuvre  de  l'extravagance  de  l'esprit  humain  ;  c'est  le  fruit  d'une  imagination 
exaltée  qui  ne  voit,  qui  n'est  occupée  que  du  retour  de  la  société  ;  et  l'auteur, 
pénétré  de  cet  unique  objet,  après  avoir  vérifié  que  les  livres  saints  avaient 
annoncé  la  dispersion  des  Juifs  et  leur  rappel  à  Jérusalem,  veut  également 
trouver  dans  les  saintes  Ecritures  l'anéantissement  de  la  société  et  son  réta- 
blissement annoncés  par  les  Prophètes  :  et  ce  rétablissement  est  fixé  pour  la 
présente  année  1777  \ 

Cette  brochure  va  plus  loin  : 

Elle  annonce  un  nouvel  Empire,  un  Empire  purement  chrétien,  un  Empire 
qui  proscrit  l'infidélité;  et  l'auleur,  prenant  le  ton  d'un  inspiré,  prédit  que 
l'Empire  sera  désormais  dans  l'Eglise,  ou  plutôt  sera  l'Eglise  même,  qu'il 
n'admettra  que  des  sujets  chrétiens,  parce  qu'alors  l'Emvire  et  l'Église  ne  seront 
qu'une  même  chose. 


l.^Page  22. 


198  LE  PARLEMENT 

Cet  espoir  fanatique  d'une  domination  universelle  est  contraire 
aux  principes  sur  lesquels  repose  la  stabilité  des  empires.  Ces  pré- 
tendues prédictions  sont  contraires  à  l'esprit  et  aux  dogmes  du  chris- 
tianisme. Deux  raisons,  dit  Séguier,  de  condamner  un  imprimé  plus 
digne  d'ailleurs  de  mépris  que  de  censure. 

Le  Plan  de  l'Apocalypse  fut  lacéré  et  brûlé  le  12  avril  1777  (procès- 
verbal  signé  Ysabeau,  faisant  suite  à  l'arrêt). 

ARRÊT  du  20  septembre  1777,  qui  supprime  l'imprimé  ayant  pour  titre  : 
Extrait  du  Registre  des  délibérations  des  officiers  du  baitliage  et  siège  présidial 
de  Sens,  daté  du  i  septembre  1777  l. 

Cette  délibération  contenait  des  Remontrances  relatives  à  Ledit 
d'août  1777,  portant  règlement  en  matière  de  présidialité.  Or,  un  pré- 
sidial n'avait  que  le  droit  d'envoyer  des  Représentations  au  garde  des 
sceaux.  Cet  imprimé  avait  été  adressé  à  tous  les  présidiaux  du 
royaume. 

Année  1778 

ARRÊT  du  7  janvier  1778,  supprimant  l'imprimé  ayant  pour  titre  :  Consul- 
tation pour  le  baron  et  le  baronne  de  Bagges,  par  l'avocat  Dassy2. 

Il  s'agissait  d'une  substitution  faite  sur  des  biens  fonciers  situés  en 
Hollande,  et  à  laquelle  la  testatrice  n'avait  appelé  que  ceux  de  ses  héri- 
tiers qui  feraient  profession  de  la  religion  réformée.  Un  de  ceux-ci, 
catholique,  plaida  devant  les  tribunaux  français  la  nullité  de  la  clause, 
et  gagna  un  procès  qu'il  aurait  sans  doute  perdu  en  Hollande.  La  Con- 
sultation de  l'avocat  Dassy  (qui  fut  exclu  de  son  ordre  pour  cet  écrit) 
attaquait  la  procédure  suivie  par  l'héritier  catholique,  défendait  la 
liberté  de  tester  et  la  liberté  de  conscience.  11  renfermait  des  expres- 
sions violentes  contre  l'archevêque  de  Paris. 

ARRÊT  du  16  décembre  1778,  qui  supprime  le  mémoire  intitulé  :  Réfutation 


1.  Cet  Extrait  portait  le  nom  de  Tarbé,  imprimeur  du  roi,  à  Sens.  Le  réquisi- 
toire fut  fait  (en  vacations)  par  Mc  Mathieu-Louis  de  Mauperché,  substitut  du 
procureur  général.  Il  tient  en  une  demi-page. 

2.  Arch.  nai;.,  X  1b  8970.  —  C'est  la  même  année  que  M.  de  Bretignières  devait 
demander,  inutilement,  la  constitution  de  l'état  civil  des  protestants  (minute  du 
15  déc.  1778,  X  1b  8972).  Comp.  Merlin,  l\ép.  de  Jurisprudence,  Religionnair,es, 
par.  6,  —  Dufey,  Hist.  des  Parlements,  1.  11,  p.  £21, 


JUGE  DES  ÉCRITS  199 

pour  l'abbé  Carbonncl,  chanoine  de  Savit-Louis-du-iouvre,  grand-vicaire  de 
M.  l'évoque  de  Grasse,  comme  calomnieux...,  condamne  ledit  abbé  Carbonnel 
en  300  livres  de  dommages-intérêts  envers  messirc  Louis-Henri  de  Villeneuve, 
des  comtes  de  Barcelone,  marquis  de  Trans,  premier  marquis deFrance,  colonel 
d'infanterie...,  applicables  de  son  consentement  en  œuvres  pies1... 


Année  1779 

ARRÊT  du  13  juillet  1779  %  portant  suppression  de  trois  Mémoires  intitulés  : 

Mémoire  pour  les  nourrisseurs  et  herbagers  et  pour  les  marchands  fo- 
rains de  bestiaux  approvisionnant  les  marchés  de  Sceaux  et  de  Poissy  (pièce 
in-4°  de  52  pages). 

Second  Mémoire  pour  [les  mêmes],  servant  de  réponse  aux  différentes  ob- 
jections proposées  contre  le  premier,  et  d'éclaircissement  sur  d'autres  points 
intéressants  (pièce  in-i°  de  18  pages). 

Mémoire  pour  les  marchands  bouchers  de  Versailles,  de  Corbeil,  de  Saint- 
Germain,  de  Montmorency,  de  Saint-Denis  et  des  environs  de  Paris  sur  la 
nouvelle  Caisse  de  Poissy  (pièce  in-4°  de  6  pages)  5. 

La  minute  ne  contient  pas  le  rapport  de  M''  Léonard  Sahuguel 
d'Espagnac,  conseiller  de  grand'chambre.  Les  trois  écrits  sont  con- 
damnés comme  clandestins,  et  parce  qu'ils  contenaient  «  des  décla- 
mations indécentes  contre  un  établissement  émané  de  l'autorité 
royale  et  formé  en  vertu  d'un  édit  enregistré  à  la  Cour  »4, 

Année  1780 
ARRET  DE  LA  COUR  DU  PARLEMENT 

QUI    SUPPRIME    UN    IMPRIMÉ    COMME   SCANDALEUX,    TÉMÉRAIRE   ET   INJURIEUX 

POUR   LA   MAGISTRATURE 

EXTRAIT    DES    REGISTRES    DU    PARLEMENT 
DU   SEPT   SEPTEMBRE  MIL   SEPT  CENT  QUATRE-VINGT 

Ce  jour,  à  l'issue  de  l'audience  de  sept  heures,  les  gens  du  Roi  sont  entrés, 

t.  Rendu  on  la  Tournelle  criminelle. 

2.  Arch.  nat.,  X  1b  8972. 

3.  Sur  le  fond  de  la  question  voyez  :  Isambert,  n°  3J3;  Œuvres  de  Turgot  (éd. 
Daire),  t.  II,  p.  317;  Necker,  Administra  lin»  des  finances  de  la  France,  t.  I,  p.  17 
et  80  (édition  de  1784);  Décret  de  l'Assemblée  constituante  supprimant  la  caisse 
de  Sceaux  et  de  Poissy  (13  mai  1791).  —  Encyclopédie  méthodique  (Finances),  au 
mot  Caisse. 

4.  La  même  année  1779  (19  déc),  le  Conseil  supprime  les  Observations  sur  le 
mémoire,  justificatif  de  la  Cour  de  Londres  (par  Beaumarchais)  :  Isambert, 
(no  1235). 


200  LE  PARLEMENT 

et,  Mc  Antoine-Louis  Séguier,  avocat  dudit  Seigneur  roi,  portant  la  parole, 
ont  dit  : 

Messieurs, 

Nous  apportons  à  la  Cour  un  imprimé  ayant  pour  titre  :  Observations  pour 
la  dame  Leferon-Dubreuil'.  Nous  voyons  avec  douleur  qu'on  s'est  servi  de 
cet  imprime  pour  répandre  une  sorte  de  diffamation  contre  un  des  membres 
de  la  Cour  ;  et,  non  content  des  injures  consignées  dans  cet  imprimé,  on  n'a  pas 
craint  d'y  joindre  la  copie  d'une  lettre  signée  de  la  dame  Leferon-Dubreuil, 
qu'elle  avait  écrite  à  ce  magistrat,  dans  l'idée  sans  doute  de  justifier  aux  yeux 
du  public  les  observations  qu'elle  se  permettrait,  et  d'en  constater  de  plus 
en  plus  la  vérité  par  la  gravité  des  outrages  renfermés  dans  cette  même 
lettre. 

C'est  un  mal  qui  commence  à  se  répandre;  on  se  permet  d'injurier  des 
magistrats  dans  des  écrits  rendus  publics,  et,  lorsqu'on  n'a  aucun  motif  pour 
les  récuser,  on  vent  en  quelque  sorte  les  forcer  à  se  récuser  eux-mêmes,  par 
les  imputations,  secrètes  ou  publiques,  qu'on  ne  craint  pas  de  hasarder  contre 
leur  honneur  et  leur  intégrité.  Notre  ministère  nous  oblige  de  nous  élever 
contre  un  abus  aussi  dangereux;  il  semble  que,  jusque  dans  le  temple  de  la 
justice,  ou  oublie  le  respect  dû  à  la  magistrature;  et  ceux  mêmes  qui  de- 
vraient en  être  le  plus  pénétrés,  parce  qu'ils  approchent  de  plus  près  des  mi- 
nistres de  la  loi,  sont  souvent  les  premiers  à  oublier  ce  qu'ils  doivent  aux 
magistrats  que  le  Souverain  a  rendus  les  dépositaires  de  son  autorité,  ou  les 
organes  de  sa  volonté  et  de  ses  droits. 

L'honneur  d'un  magistrat  appartient  tout  entier  au  corps  auquel  il  a  le  bon- 
heur d'être  attaché;  c'est  à  nous  à  le  défendre  lorsqu'il  est  attaqué  :  cette 
fonction  est  trop  précieuse  à  notre  ministère,  pour  ne  pas  en  faire  usage  en 
ce  moment,  et  contre  la  distribution  d'un  imprimé  aussi  téméraire  qu'il  est 
scandaleux,  et  contre  la  distribution  de  la  copie  d'une  lettre  qui  serait  de- 
meurée dans  les  ténèbres,  si  la  personne  qui  l'a  écrite  ne  s'était  pas  permis 
de  la  distribuer  a\cc  une  sorte  d'affectation  dans  tout  le  public.  Celte  lettre  est 
un  vrai  libelle  ;  elle  présente  une  diffamation  :  et  nous  osons  espérer  que  la 
Cour  voudra  bien  entrer  dans  nos  vues,  et,  par  un  exemple  de  sévérité,  pré- 
venir un  pareil  scandale  à  l'avenir. 

C'est  l'objet  des  conclusions  que  nous  avons  prises  par  écrit,  et  que  nous 
laissons  à  la  Cour  avec  ledit  imprimé,  la  copie  de  ladite  lettre,  et  l'original 
qui  nous  a  été  remis  à  cet  effet. 

Et  se  sont  lesdils  gens  du  Roi  retirés,  après  avoir  laissé  le  tout  sur  le  bu- 
reau. 

Eux  retirés  : 

Vu  un  imprimé  intitulé  :  Observations  pour  la  dame  Leferon-Dubreuil,  com- 
mençant par  ces  mots  :  Ce  serait  ajouter  à  ses  malheurs,  et  finissant  par 
ceux-ci  :  Signé  :  De  Sourdeval,  Leferon,  ladite  lettre  enfermée  dans  une  enve- 
loppe. Conclusions  du  procureur  général  du  Roi  :  Ouï  le  rapport  de  Mc  Etienne 
Berthclot  de  Saint-Alban,  conseiller.  Tout  considéré. 

La  Cour  ordonne  que  ledit  imprimé  sera  supprimé,  comme  scandaleux,  tc- 

1.  Dans  le  Recueil  d'Isambert  (n°  1392),  le  titre  de  l'ouvrage  est  inexactement 
transcrit  :  Observations  pour  la  dame  Le  front. 


JUGE  DES  ÉCRITS  201 

méraire  et  injurieux  à  la  magistrature  ;  enjoint  à  tous  ceux  qui  en  ont  des 
exemplaires,  de  les  apporter  au  greffe  de  la  Cour  pour  y  être 'supprimes; 
donne  acte  au  procureur  général  du  Roi  de  la  plainte  qu'il  rend  contre  les  au- 
teurs et  distributeurs  tant  dudit  imprimé  que  de  la  copie  de  la  lettre  y 
jointe;  ordonne  qu'à  la  requête  du  procureur  général  du  Roi,  et  par-devant  le 
conseiller  rapporteur,  que  la  Cour  commet  à  cet  effet,  il  en  sera  informé, 
môme  en  temps  de  vacations  ;  pour,  l'information  faite,  rapportée  et  commu- 
niquée au  procureur  général  du  Roi,  être  par  lui  requis  ce  qu'il  appartiendra, 
et  par  la  Cour  ordonné  ce  que  de  raison;  ordonne  que  ledit  imprimé,  la  copie 
de  ladite  lettre,  ensemble  l'original  de  ladite  lettre  seront  et  demeureront  dé- 
posés au  greffe  de  la  Cour,  pour  être  joints  à  la  procédure,  et  servir  à  l'in- 
struction et  au  jugement  du  procès  ce  qu'il  appartiendra  ;  ordonne  que  le  présent 
Arrêt  sera  imprimé,  lu,  publié  et  affiché  partout  où  besoin  sera.  Fait  en  Par- 
lement le  sept  septembre  mil  sept  cent  quatre-vingt.  Collalionné  :  Lrrrox. 

Signé  :  Ysabeau. 
OBSERVATIONS 

POUR    LA    DAME    LEFERON    DU    BREUIL 

Ce  serait  ajouter  à  ses  malheurs  que  d'exiger  qu'elle  donnât  sa  requête  en 
récusation  contre  M.  l'abbé  Pommyer  ;  l'aveu  qu'il  a  fait  des  faits  qu'elle  a  ar- 
ticulés dans  sa  lettre  à  M.  le  garde  des  sceaux  est  plus  que  suffisant 
pour  qu'il  ne  doive  plus  connaître  de  ce  qui  la  concerne;  mais  il  est  un  moyen 
bien  plus  simple,  plus  propre  au  bien  de  la  justice,  et  qui,  en  écartant 
M.  l'abbé  Pommyer,  lui  évitera  les  désagréments  d'une  récusation  publique. 

Toutes  les  procédures  faites  sous  le  nom  du  sieur  Leferon,  notoirement  fol, 
furieux,  et  dans  des  liens  équivalents  à  ceux  d'une  interdiction,  sont  nulles; 
parce  qu'un  Arrêt  contradictoire,  du  1G  juillet  1762,  l'avait  remis  sous  l'au- 
torité de  la  sentence  du  10  mai  1758,  qui  lui  avait,  d'après  l'avis  de  ses  parents, 
nommé  la  demoiselle  de  Sourdcval  pour  épouse  et  conseil;  et  que,  malgré  cet 
arrêt,  il  a  procédé  sans  être  autorisé,  ni  par  son  épouse,  son  conseil,  ni 
par  la  justice. 

Un  autre  arrêt  contradictoire  du  7  mai  1767,  en  conservant  à  Mmc  Leferon 
sa  qualité  de  conseil,  recevait  M.  le  procureur  général  appelant  de  la 
sentence  du  10  mai  1758,  et  ajoutait  :  «  toutes  choses  demeurante*  en  état,  far 
rapport  à  la  coupe  des  bois  de  futaies  et  à  l'aliénation  du  fonds.  » 

M.  le  procureur  général  était,  comme  l'on  voit,  non  seulement  partie  néces- 
saire, mais  partie  principale  dans  les  contestations. 

Le  jugement  définitif  du  1  i  mai  1772  est  nul,  parce  qu'il  n'a  statué  que  sur 
l'appel  interjeté  par  la  dame  Leferon  des  deux  sentences  des  i  mai  1759 
et  4  février  1762,  et  qu'il  ne  porte  ni  directement  ni  indirectement  sur 
l'appel  interjeté,  par  M.  le  procureur  général,  de  celle  autre  sentence  du 
10  mai  1758;  que  l'arrêt  même  du  7  mai  1767  n'est  pas  visé  dans  ce  juge- 
ment. 

Les  choses  étant  donc  ainsi  restées  entières  par  rapport  à  l'appel  interjeté 
par  M.  le  procureur  général,  et  cet  appel  devant  être  fondé  sur  des  mo- 
tifs absolutnent  étrangers  à  ceux  qu'avaient  réciproquement  les  parties, 
M.    le   procureur    général,  pour  l'honneur  de  son    ministère,    est  nécessité 


202  LE  PARLEMENT 

à  faire  prononcer  sur  son  appel,  et  il  ne  le  peut  qu'en  s'opposant  au  jugement 
du  14  mai  1772,  et  à  tout  ce  qui  s'en  est  ensuivi. 

La  séparation  de  Mme  Leferon  est  nulle  aussi,  et  elle  n'a  pas  ignoré  le  vice 
de  sa  procédure  ;  mais,  en  ne  donnant  aucun  acquiescement  aux  jugements  de  la 
Commission,  elle  n'en  était  pas  moins  forcée  de  recourir  à  une  voie  quelconque 
pour  se  soustraire  à  la  tyrannie  de  ses  persécuteurs,  qui,  en  la  contraignant  do 
fuir  de  la  maison  de  son  mari,  voulaient  la  faire  enfermer  dans  une  maison 
d'où,  était-il  dit,  elle  ne  pourrait  sortir  sans  la  permission  expresse  et  par 
écrit  de  son  mari,  fol,  furieux,  interdit  :  le  sieur  Leferon  n'a  point  été  assisté 
par  ses  nouveaux  conseils,  ni  autorisé  par  la  justice  à  la  défense  de  celte  de- 
mande en  séparation,  et  son  épouse  n'a  pas  demandé  qu'il  le  fût;  c'est  donc 
encore  le  cas  de  demander,  de  la  part  de  M.  le  procureur  général,  la 
nullité  de  cette  séparation,  qui  tient  à  l'ordre  public. 

Il  y  a  plus  :  on  a,  sous  le  nom  du  sieur  Leferon,  assisté  de  l'un  de  ses  con- 
seils, provoqué,  devant  le  nouveau  lieutenant  général  de  Tours,  l'autorisation 
du  projet  de  vente  de  la  terre  du  Breuil  avec  le  concours  du  minislère  public; 
et  l'ordonnance  qui  autorisait  ce  projet,  au  mépris  des  protestations  faites  par 
les  parents  maternels,  présomptifs  héritiers  qu'on  avait  appelés,  et  par  la  dame 
Leferon,  jusqu'à  ce  qu'on  leur  eût  communiqué  les  titres  et  pièces  qui  con- 
stataient l'actif  et  passif  du  sieur  Leferon,  étant  par  cela  seul  contradictoire 
avec  M.  le  procureur  général,  l'on  ne  pouvait  plus  rien  faire,  sans  lui  en  com- 
muniquer. 

Cependant,  sur  l'appel  que  les  parents  maternels  et  la  dame  Leferon  ont  in- 
terjeté de  cette  ordonnance,  l'arrêt  de  la  Cour,  du  10  juillet  1778,  qui  a  or- 
donné une  nouvelle  convocation  de  parents,  et  la  communication  que  le  premier 
juge  avait  refusée,  est  intervenu  sans  le  concours  du  ministère  public. 

Ce  serait  une  illusion  de  s'imaginer  qu'il  n'en  résulte  pas  un  mal  réel, 
parce  que,  si  M.  le  procureur  général  avait  été  appelé,  il  n'aurait,  certes, 
pas  permis  que  l'on  eût  été  en  avant,  sur  un  projet  qui  ne  peut  soutenir  les 
regards  de  la  justice. 

Un  autre  arrêt  du  25  juin  1779,  qui  a  désigné  les  pièces  qui  seraient  don- 
nées en  communication,  est  également  intervenu  sans  le  concours  du  ministère 
public.  Ce  n'est  pas  tout. 

L'arrêt  du  22  octobre  1779,  intervenu  sur  le  réquisitoire  de  M.  le  procu- 
reur général,  a  ordonné  «  qu'il  serait  incessamment  remis,  de  la  part  du 
sieur  Leferon  et  de  ses  conseils,  à  M.  le  procureur  général,  un  état  dé- 
taillé, circonstancié,  et  par  eux  certifié  véritable,  de  l'actif  et  passif  du  sieur 
Leferon,  pour,  sur  le  vu  dudit  état,  être  par  M.  le  procureur  général  requis, 
et  par  la  Cour  ordonné  ce  qu'il  appartiendra  ». 

L'on  n'a  pas  exécuté  cet  arrêt  :  on  ne  veut  pas  l'exécuter;  mais,  l'eût-on 
exécuté,  on  ne  peut  aller  en  avant,  qu'au  préalable  M.  le  procureur  gé- 
néral ait  requis,  et  que  la  Cour  ait  ordonné  ce  qu'il  appartiendra.  Tout, 
jusqu'à  ce,  doit  être  suspendu;  et  c'est  nécessairement  le  cas  où  M.  le  pro- 
cureur général  doit  s'opposer  à  l'exécution  des  arrêts  des  10  juillet  1778  et 
25  juin  1779,  parce  que  M.  le  procureur  général  est  encore,  non  seulement 
partie  nécessaire,  mais  partie  principale. 

C'est  d'ailleurs  une  illusion  que  de  croire  que  les  vices  de  ces  procédures 
ont  été  couverts  par  de  nouveaux  arrêts,  puisque  M.  le  procureur  général 
n'a  pas  été  appelé  dans  les  circonstances  les  plus  urgentes  et  que  la  dame 


JUGE  DES  ÉCRITS  203 

Leferon  n'a  donné  aucun  acquiescement;  au  surplus,  n'est-elle  pas  elle- 
même  dans  la  classe  des  mineurs  émancipés? 

L'acharnement  qu'on  met  contre  l'infortunée  Mme  Leferon  est  un  motif  de 
plus  pour  que  la  justice  voie  clair  dans  cette  affaire,  puisqu'il  s'agit  de  l'état 
et  de  la  fortune  de  citoyens  qui  ont  un  droit  particulier  à  la  protection  de 
cette  même  justice;  et  plus  les  oppresseurs  sont  puissants  et  obstinés,  plus 
on  doit  espérer  que  des  magistrats  s'empresseront  de  venir  au  secours  des  op- 
primés. Signé  :  De  Sourdeval,  Leferon. 

Le  Conseil,  soussigné,  qui  a  vu  les  observations  ci-dessus,  est  d'avis  qu'elles 
sont  très  solides,  conformes  aux  règles  de  l'ordre  judiciaire  et  d'une  équité 
évidente. 

Délibéré  à  Paris,  le  31  août  1780;  signé  :  Estienne. 

A  Paris,  chez  P.  G.  Simon,  imprimeur  du  Parlement,  rue  Mignon-Saint- 
André-des-Arcs.  1780 x. 


Année  1781 

ARRÊT  du  25  janvier  1781,  qui  ordonne  la  suppression  de  l'imprimé  ayant 
pour  titre  :  Lettre  de  M.  le  Chevalier  ***  à  M.  Treilhard,  avocat,  commençant 
par  ces  mots  :  Je  suis  d'un  métier,  et  finissant  par  ceux-ci  :  à  votre  avantage, 
daté  du  15  janvier  1781,  signé  le  Chevalier  ***;  ledit  imprimé  suivi  d'un 
Post'Scriptum  commençant  par  ces  mots  :  //  entre  fort  à  propos,  et  finissant 
par  ceux-ci  :  ainsi  que  M.  le  chevalier  mon  ami. 

Cet  écrit,  considéré  comme  insultant  pour  la  profession  d'avocat, 
avait  été  distribué  dans  les  Chambres  mêmes  de  la  Cour,  et  non  pas 
seulement,  comme  d'autres  du  même  genre,  dans  la  galerie  du 
Palais. 

ARRÊT  du  23  mars  1781,  pour  le  sieur  Pierre-Joseph  Papineau,  négociant 
à  La  Rochelle,  et  les  sieurs  Desgault  et  Marcellat,  intimés  ; 

Contre  Charles  Moussiaud,  négociant,  commissionnaire  à  Saint-Denis  en  l'île 
d'Oléron,  appelant; 

El  Etienne-Louis  Quevremont  de  La  Mothe,  banquier,  à  Paris,  aussi  appe- 
lant ; 


1.  Pièce  de  4  pages  in-4°.  Pliées  dans  l'arrêt  do  suppression,  lequel  l'est  égale- 
mont. 

Les  11,  14  et  18  juillet  1780.  le  Parlement  entendit  un  compte-rendu  critique 
des  journaux  do  Linguet,  dont  lo  texte  est  au  procès-verbal  du  18  juillet  1780 
(X  1b  8974).  Le  rapporteur  ne  conclut  pas  à  une  nouvelle  condamnation  contre  le 
célèbre  et  remuant  publiciste,  mis  à  contribution  l'année  précédente  par 
d'Espréménil  et  par  Séguier,  dans  L'affaire  de  la  librairie.  Par  certaines  allusions 
du  rapport,  on  voit  que  Linguet  passait  pour  être  secrètement  encouragé,  averti 
et  soutenu  par  un  homme  en  place,  ministre  ou  autre,  ennemi  du  Parlement.  La 
même  année  1780,  un  arrêt  du  Conseil  supprime,  le  22  juillet,  l'Essai  sur  le 
jugement  qu'on  ]>eut  porter  de  ro//f//re(Isambort,  n°  1356);  trois  autres,  du  2  mars, 
du  12  mai,  du  fi  août,  concernent  des  requêtes  particulières. 


204  LE  PARLEMENT 

Qui  ordonne  que  les  termes  injurieux  et  calomnieux  répandus  dans  la  re- 
quête du  sieur  Qucvremont  de  La  Mothe,  du  G  septembre  1779,  et  dans  celles 
du  sieur  Moussiaud,  des  3  mai  et  3  août  précédents,  seront  et  demeureront 
supprimés,  et  les  condamne  chacun  en  100  livres  de  dommages  et  intérêts  en- 
vers le  sieur  Poupineau,  et  en  tous  les  dépens1. 

ARRÊT  du  i  avril  1781,  qui  fait  défenses  à  Pierre  Meurine  de  récidiver,  le 
condamne  aux  dommages-intérêts  envers  le  comte  de  Ralincourt,  à  dire  d'ex- 
perts convenus,  sinon  nommés  d'office2  ;  ordonne  que  le  Mémoire  imprimé, 
signé  Meurine  et  Vinchon,  procureur,  sera  et  demeurera  supprimé,  comme 
injurieux  au  comte  de  I5alincourt>. 

Fait  défenses  à  Vinchon,  procureur,  et  à  tous  autres,  d'autoriser  par  leurs 
signatures  l'impression  de  Mémoires,  même  signés  de  leurs  parties,  contenant 
des  faits  injurieux  et  étrangers  à  la  cause,  sous  toute  peine  qu'il  appartiendra, 
même  d'interdiction. 

Col  arrèl  (4  p.  in-4°)  lui  imprimé  à  500  exemplaires,  pour  être  affi- 
ché aux  frais  de  Meurine,  à  Paris,  Versailles,  Pontoise,  Seuîis,  Beau- 
vais,  Beaumont,  Balincourt,  Hedonville,  Nesle,  Menouville,  et  par- 
tout ailleurs. 

ARRÊT  du  2o  mai  1781,  qui  condamne  l'ouvrage  imprimé  en  dix  volumes 
in-8°  intitulé  :  Histoire  philosophique  et  politique  des  établissemens  et  ducôtti- 
merce  des  Européens  dans  tes  deux  Indes,  par  (iuillaumc-Thomas  Raynal,cliez 
Jean-Léonard  Pcllet,  imprimeur  de  la  ville  et  de  l'Académie  (Genève,  1780)+. 

Le  rapport  fui  fait  par  Je  conseiller-clerc  Sahuguel  d'Espagnac,  et 
le  réquisitoire  prononcé  par  Antoine-Louis  Séguier,  avocat  général. 
Il  est  dirigé  en  grande  partie  contre  les  opinions  philosophiques  et 
antichrétiennes  de  l'abbé  Raynal,  «d'un  homme  qui  a  fait  profes- 
sion dans  un  ordre  religieux,  d'un  homme  revêtu  du  caractère  et 
de  la  dignité  sacerdotale  >'  ». 

II  est  plus  intéressant  de  montrer,  par  quelques  extraits,  l'indi- 
gnation du  Parlement  contre  ses  opinions  politiques  : 

1.  Outre  une  condamnation  civile,  non  mentionnée  en  L'intitulé.  Pièce  de  22  p. 
hv4°  (Bib.  nat.,  F,  à  la  date). 

2.  Pierre  Meurine,  fermier  de  la  terre  de  Menouville,  avait,  contrairement  à  son 
bail  du  16  fév.  1773,  «  coupé,  abattu,  arraché  et  déraciné  les  petrons  et  geniè- 
vres étant  sur  la  terre  du  comte  de  Balincourt  énoncés  audit  bail  ». 

::.  Intitulé  :  Précis  pour  ledit  Meurine,  12  pages,  commençant  par  ces  mots  : 
Un  fer  m  ici-  doit-il  jouir,  et  finissant  par  ceux-ci  :  en  vertu  (te  ces  ancêtres.  Le 
comte  de  Balincourl  (Ch.-Louis  Testu)  était  maréchal  des  camps  et  années  du 
Roi. 

4.  Arch.  nat.,  X  1b  897(>.  Voir  aussi  :  Corr.  secrète,  1,  106. 

5.  Comme  l'auteur,  par  une  hardiesse  rare,  s'était  nommé,  l'arrêt  ordonne 
qu'il  soit  appréhendé  au  corps,  et,  en  cas  de  contumace,  ses  biens  saisis  et 
séquestrés,  jusqu'à  ce-  qu'il  se  présente  devant  la  Cour  pour  être  interrogé. 


JUGE  DES  ÉCRITS  205 

La  philosophie  taire  des  lois  !  Voyons  donc  quelle  est  l'espèce  de  législa- 
tion qu'elle  osera  proposer...  Nous  nous  contenterons  de  citer  un  fait.  L'auteur 
rapporte  une  loi  antique  de  l'île  de  Ccylan  qui  assujettissait  le  souverain  à 
l'observation  de  la  loi,  et  qui  le  condamnait  à  mort  s'il  osait  la  violer  :  et  il 
ajoute  que,  si  les  peuples  connaissaient  leurs  prérogatives,  cet  ancien  usage 
subsisterait  dans  toutes  les  parties  de  la  terre...  Vous  ne  serez  plus  étonnés 
de  voir  cet  auteur  criminel  oublier  tout  le  respect  qu'il  devait  à  la  mémoire 
de  Louis  XV.  La  pudeur  nous  retient,  cl  nous  rougirions  de  remettre  sous  vos 
yeux  les  infamies  qu'il  accumule  sur  un  prince  qui  a  toujours  été  chéri  de  la 
nation,  et  dont  il  cherche  à  étouffer  le  souvenir  dans  le  cœur  de  ses  anciens 
sujets.  Vous  serez  encore  moins  surpris  de  la  témérité  avec  laquelle  il  ose 
soulever  le  voile  impénétrable  qui  doit  dérober  aux  regards  curieux  des  su- 
jets le  secret  des  opérations  et  la  politique  du  gouvernement  :  et,  comme  si  ce 
n'était  point  assez  des  injures  des  ennemis  de  la  France,  il  semble  adopter 
leur  opinion,  s'identifier  avec  leurs  propres  sentiments,  et,  par  un  esprit  de 
critique  aussi  déplacé  qu'il  est  injuste,  il  a  la  témérité  de  rejeter  sur  la  nation 
française,  sur  les  ministres  du  roi,  sur  le  roi  lui-même,  tous  les  malheurs 
d'une  guerre  qui  aftlige  l'humanité  dans  toutes  les  parties  du  monde,  mais  qui 
n'a  été  entreprise  que  pour  venger  les  nations  de  l'asservissement  honteux  où 
le  peuple  anglais  veut  les  retenir,  pour  assurer  la  liberté  des  mers,  pour  réta- 
blir la  sûreté  du  commerce  :  et  lorsque  la  France  prodigue  ses  trésors  pour 
apprendre  à  l'univers  entier  que  tous  les  peuples  sont  frères,  que  le  commerce 
est  le  lien  qui  les  rapproche  et  les  réunit,  qu'ils  y  ont  tous  le  même  droit 
parce  qu'ils  sont  tous  indépendants,  qu'il  ne  peut  subsister  sans  cet  équilibre 
général  qui  en  est  lame  et  la  sauvegarde;  lorsque,  par  un  esprit  de  modéra- 
lion  dont  la  France  s'est  toujours  fait  un  principe,  elle  n'a  d'autre  prétention 
que  de  rompre  les  obstacles  qui  gênent  ou  retardent  la  navigation  ;  en  un  mot, 
lorsqu'elle  embrasse  la  cause  commune  et  se  sacrifie  pour  détruire  le  despo- 
tisme qu'un  peuple  commerçant  veut  s'arroger  sur  l'étendue  des  mers  qu'il 
met  au  nombre  de  ses  propriétés,  un  homme  qui  veut  être  citoyen,  un  Fran- 
çais, aura  l'impudence  de  blâmer  hautement  la  conduite  du  ministère,  il  se 
permettra  d'opposer  à  la  sagesse  de  ses  vues  la  fureur  des  invectives  les  plus 
criantes,  et  sa  bouche  ne  s'ouvrira  que  pour  exhaler  des  reproches  d'autant 
moins  mérités  qu'ils  n'ont  d'existence  que  dans  le  délire  de  l'imagination  qui 
les  a  créés!  0  Philosophie!  voilà  tes  leçons,  voilà  tes  conseils,  voilà  tes  pré- 
ceptes :  et  tu  prétends  être  adorée  comme  une  divinité  bienfaisante!... 

Voici  en  quels  termes  Séguier  flétrit  l'impudence  et  les  ruses  des 
écrivains  exilés  par  l'intolérance  politique  : 

Transfuges  de  la  France,  ils  se  naturalisent,  pour  ainsi  dire,  sur  le  terri- 
toire d'une  autre  puissance.  Placés  alors  sous  la  sauvegarde  d'une  souverai- 
neté dont  la  faiblesse  assure  l'indépendance,  devenus  citoyens  d'un  pays 
qu'ils  adoptent,  pour  abuser  de  la  liberté  que  cette  patrie  momentanée  leur 
procure,  ils  ne  craignent  plus  de  se  montrer  au  grand  jour,  ils  se  nomment 
dans  l'espérance  de  l'impunité,  et  se  promettent  une  célébrité  fondée  sur  la 
hardiesse  de  leurs  principes,  la  fierté  de  leurs  préceptes  et  l'insolence  de  leurs 
assertions  l. 

1.   Guillauiue-Thomas-Frauçois    Raynal    (1713-1196),    élevé    par    les    Jésuites, 


206  LE  PARLEMENT 

ARRÊT  du  7  août  1781,  qui  supprime  les  réponses  du  comte  de  Lally-Tol- 
lendal  au  dernier  libelle  du  sieur  Duval  d'Espréménil,  conseiller  en  la  pre- 
mière chambre  des  enquêtes  du  Parlement  de  Paris1,  etc.,  etc.  (1781)  : 

Commençant  par  ces  mots  :  Hier,  comme  je  rentrais  che%  moi,  et  finissant 
par  ceux-ci:  le  jugement  que  la  nation  en  a  déjà  porté,  signé  le  comte  de 
Lally-Tollendal,  ledit  imprimé  suivi  d'un  post-scriptum  commençant  par  ces 
mots  :  Dans  l'instant  où  je  rais  faire  partir,  et  finissant  par  ceux-ci  :  je  le  dirai 
en  une  fois. 

Il  est,  dit  le  réquisitoire,  une  sage  modération,  il  est  une  décence  indis- 
pensable jusque  dans  la  réclamation  la  plus  naturelle...  Il  n'est  même  pas  pos- 
sible d'attribuer  cet  écrit  clandestin  à  la  personne  dont  il  porte  la  signa- 
ture2. 

ARRÊT  du  8  août  1781,  qui  déclare  les  causes  et  moyens  de  récusation  de  la 
veuve  Eromagct  contre  le  sieur  Lcgrand,  lieutenant  général  de  Richelieu,  non 
pertinents  et  inadmissibles,  la  condamne  en  3o  livres  d'amende,  en  10  livres  de 
dommages-intérêts,  et  en  tous  les  dépens;  ordonne  la  suppression  du  Mémoire 
qu'elle  a  fait  imprimer,  permet  l'impression  du  présent  arrêt,  jusqu'à  concur- 
rence de  cent  exemplaires,  et  d'en  faire  afficher  cinq  aux  frais  et  dépens  de 
ladite  veuve  Eromaget  ; 

Faisant  droit  sur  les  conclusions  du  procureur  du  roi  : 

Ordonne  que  Ragonneau'  sera  tenu  de  s'abstenir  d'occuper  pour  aucunes 
parties  dans  les  causes  et  procès  qui  intéressent  le  ministère  public. 

ordonné  prêtre,  professeur  de  théologie  et  prédicateur  attaché  à  Saiut-Sulpice 
(1747),  s'attacha  au  parti  des  philosophes,  obtint  le  privilège  du  M ercure,  et  publia 
de  nombreux  cl  médiocres  ouvrages  historiques,  jusqu'en  1770,  date  de  la 
lre  édition,  non  située  (4  vol.  in-8°j,  île  sou  Histoire  philosophique,  etc.  La  Harpe 
dit  qu'en  1774,  on  en  avait  fait  eu  Europe  plus  de  quarante  contrefaçons.  Les 
idées  et  même  la  collaboration  de  Diderot  paraissent  avoir  été  pour  beaucoup 
dans  un  tel  succès,  dû  principalement  aux  digressions  philosophiques,  aux 
morceaux  de  bravoure  qui  éclatent  tout  à  coup  entre  deux  pages  de  narration 
confuse  ou  de  statistique  mal  digérée.  —  L'auféur  put.  revenir  en  France  en 
1788,  fut  nommé  député  du  tiers  à  Marseille,  refusa  Te  mandat  à  cause  de  sou 
âge,  et  fut  remplacé  par  Malouet.  Dans  la  séance  du  1">  août  171)0,  Malouet  fit 
annuler  par  la  Constituante  la  procédure  du  Parlement  contre  l'abbé  Raynal.  — 
Le  31  mai  1791,  Raynal  écrivit  sa  Lettre  au  président  de  l'Assemblée  nationale, 
fuit  mal  reçue  par  l'opinion  de  plus  en  plus  révolutionnaire.  11  n'émigra  point, 
fut  nommé  en  1796  de  l'Institut  (classe  d'histoire),  où  la  mort  ne  lui  permit  pas 
de  siéger. 

1.  «Comme  contraire  aux  règlements  de  la  librairie»,  dit  le  litre  de  l'arrêt.  — 
Arch.  nat,  X  1b  8076. 

2.  Voltaire  et  l'opinion  publique  avaient  obtenu  eu  1778  la  réhabilitation  de 
Thomas-Arthur,  comte  de  Lally-Tollendal,  supplicié,  un  bâillon  sur  la  bouche,  en 
1761.  D'Espréménil,  qui  s'était  opposé  à  celte  réhabilitation,  continuait  contre  le 
fils  (Trophimc-Gérard)  l'odieuse  campagne  poursuivie  contre  le  père.  —  L'arrêt 
obtenu  par  d'Espréménil  l'ut  crié  dans  les  rues  et  non  pas  seulement  affiché 
suivant  l'usage  ordinaire  [Corr.  secrète,  1,  427j. 

3.  Le  procureur  qui  avait  signé  le  Mémoire  supprimé,  où.  le  sieur  Legrand  était 
accusé  de  s'être  laissé  corrompre  par  la  partie  adverse  secrète  de  la  veuve  Fro- 
inagef  (dîners  et  réceptions,  parties  de  campagne,  etc.).  —  Le  factura  n'est  pas 
décrit  dans  l'arrêt. 


JUGE  DES  ÉCRITS  207 

Année  1783' 

ARRÊT  du  7  mars  1783,  qui  condamne  Michel  Giraudcau,  notaire  à  Salles 
(Landes  de  Rayonne),  au  bannissement  pour  neuf  ans  de  l'étendue  du  ressort 
de  la  sénéchaussée  de  Guyenne;  ordonne  que  les  Mémoires  dudit  Michel  Girau- 
deau  seront  et  demeureront  supprimés,  comme  faux  et  calomnieux,  et  que  le 
présent  arrêt 'sera  imprimé  et  affiché  partout  où  besoin  sera,  à  la  requête  du 
procureur  général  du  roi. 

Ces  Mémoires  imprimés,  au  nombre  de  quatre,  ne  sont  pas  décrits 
dans  l'arrêt.  Ils  étaient  outrageants  et  diffamatoires  à  l'égard  d'un 
sieur  Pichard,  président  A  mortier  du  Parlement  de  Bordeaux,  de  la 
correspondance  duquel  Giraudeau  avait  abusé  en  tronquant  et  alté- 
rant les  lettres  qu'il  avait  reçues,  au  nombre  de  quarante-deux. 

Le  procès  criminel  jugé  au  Parlement  de  Bordeaux,  le  16  juin  1780, 
avait,  après  cassation  du  Conseil  d'État  privé  du  roi  (25  juin  1782), 
été  renvoyé  en  la  grand'chambre  du  Parlement  de  Paris. 

Année  1781 

ARRÊT  du  20  juillet  1784,  qui  supprime  l'écrit  intitulé:  Rècil  de  la  conduite 
des  maréchaux  de  France  à  regard  du  vicomte  de  Noé,  maire  de  Bordeaux, 
fait  en  Parlement,  les  chambres  assemblées,  le  mardi  six  juillet  mil  sept  cent 
quatre-vingt-quatre  (in-12  de  20  pages)2. 

ARRÊT  du  10  septembre  1784  (en  vacations),  qui  supprime  l'écrit  ayant  pour 
litre  :  Très  humble*  et  1res  respectueuses  Remontrances  du  Parlement  au 
Roi,  à  l'occasion  de  la  procédure  suivie  et  des  jugements  rendus  pur  les 
maréchaux  de  France  contre  le  vicomte  de  Noé,  maire  de  Bordeaux  (in-8°  de 
15  pages)  5. 

Année  1783.  —  aucun  arrêt  du  parlement 

C'est  l'année  où  Lenoir  réunit  à  sa  charge  de  lieutenant  général  de 
police,  dont  il  se  démit  bientôt,  celle  de  maître  delà  librairie, ou  chef 


1.  Année  1182  :  néant. 

2.  Ce  récit  fut  trouvé  exactement  conforme  à  la  minute  du  procès-verbal.  La 
Cour  était  (railleurs  très  favorable  à  la  cause  du  maire  de  Bordeaux,  cité  devant 
le  tribunal  des  maréchaux  (tribunal  militaire  et  nobiliaire)  pour  un  fait  d'admi- 
nistration municipale. 

3.  Suite  de  la  même  affaire.  Voici  le  début  des  remontrances  :  «  Les  États  ne 
subsistent  que  par  les  lois  et  périssent  avec  elles  :  l'établissement  du  pouvoir 
militaire  est  le  présage  le  plus  certain  de  leur  commune  subversion...»  Il  s'agis- 
sait, dans  l'espèce,  d'une  consigne  contradictoire  donnée  au  Suisse  du  théâtre  de 
Bordeaux  par  le  duc  de  Richelieu  et  par  le  maire,  et,  au  fond,  d'une  affaire  de 
coulisses. 


208  LE  PARLEMENT 

de  la  Bibliothèque  royale  L'influence  de  col  administrateur  était  deve- 
nue prépondérante  en  matière  de  presse  et  de  librairie  :  peut-être  est-ce 
une  des  raisons  pour  lesquelles  cette  année  ne,  présente  pas  d'arrêt  du 
Parlement  condamnant  ou  supprimant  des  ouvrages.  Le  conseil  du  roi 
aborde  en  effet  une  série  de  mesures  générales  qui  semblaient  devoir 
être  plus  efficaces  à  l'égard  de  la  littérature  indépendante  ou  hostile  : 
pensions  et  commandes  d'ouvrages  aux  auteurs  bien  intentionnés  ' , 
confirmation  du  droit  des  auteurs  et  de 'leurs  hoirs  2,  défenses  aux 
auteurs,  rédacteurs  et  directeurs  des  papiers  publics  d'y  insérer  au- 
cunes dissertations  ou  lettres  de  qui  que  ce  soit  sur  les  matières  de 
législation  ou  de  jurisprudence,  d'interpréter  les  lois,  et  d'émettre 
aucunes  assertions  contraires  auxdites  lois  et  arrêts?  ;  règlementpour 
assurer  la  fourniture  qui  doit  être  faite  à  la  chambre  syndicale  de 
Paris  de  neuf  exemplaires  de  tous  les  ouvrages  imprimés  ou  gravés, 
et  pour  prévenir  l'annonce  par  l'avis  >\c>  papiers  publics  des  ouvrages 
prohibés  ou  non  permis  4.  — Entre  temps,  le  19  juin,  le  conseil  or- 
donna la  suppression  des  trente  premiers  volumes  t\v^  œuvres  com- 
plètes de  Voltaire  imprimées  à  Kehl  s. 

Le  Parlement  semble  laisser  le  champ  libre  à  une  telle  activité  de 
la  police  ordinaire,  laquelle  se  mettait  en  devoir  d'ajouter  à  l'abso- 
lutisme un  nouvel  attribut  :  l'infaillibilité. 

Année  4  780 

ARRÊT  contradictoire  en  la  Tournelle  criminelle,  du  1  i  janvier  1786.  Rendu 
contre  Lemaître  (Pierre-Jacques),  écuyer,  conseiller  du  roi,  et  secrétaire  des 
finances;  Augeard  (Jacques-Mathieu),  chevalier,  conseiller  d'Etat,  secrétaire 
des  commandements  de  la  reine,  et  fermier  général,  tous  deux  appelants  de 
décrets  de  prise  de  corps  du  Chàtelet;  Castillon  (Marguerite-Olympiade),  dite 
Gothon,  domestique  majeure  de  Lemaître  ;  Lefrancois  (Marguerite),  veuve  Le- 
maitre,  et  mère  de  Lemaître  (Pierre-Jacques)  ;  Dclavignc  (Félicité),  épouse  du- 
dit  Lemaître  (P.-J.),  appelante  de  décrets  du  Chàtelet.  —  Le  procureur  général, 
intimé.  —  Ouïs  les  avocats  des  parties  et  Séguicr,  avocat  du  roi. 

La  Cour  fait  défenses    à    Pierre-Jacques    Lemaître...    de  plus  à 


1.  Isambert,  2098  (12  août). 

2.  Id.,  210!)  (3  septembre). 

3.  Id.,  2o:;o  (3  mars). 

4.  W.,  20"i8  (16  avril).  —  Le  1er  dos  .'Ji  articles  do  ce  règlement  astreint  au 
dépôt  même  les  archevêques  et  évêques,  d'ailleurs  les  plus  zélés  à  demander  la 
répression  des  ouvrages  irréligieux  et  licencieux  (voyez  :  Assemblée  du  clergé  de 
1775,  Mém.  de  Pareil,  de  Vienne),  mais  qui  ne  purent  obtenir  la  suppression  des 
permissions  tacites,  dont  la  police  se  faisait  des  revenus. 

5.  Ici.,  207'J. 


JUGE  DES  ÉCRITS  209 

l'avenir  récidiver  à  peine  d'être  poursuivi  extraordiuairement  suivant 
la  rigueur  des  ordonnances  ;  décharge  les  autres  inculpés.  Ordonne 
que  les  caractères  et  autres  ustensiles  d'imprimerie,  ensemble  les 
manuscrits  et  imprimés  clandestins,  déposés  au  greffe  criminel  de 
notre  dite  Cour,  seront  et  demeureront  supprimés  r. 

ARRÊT  du  7  février  1786-,  qui  condamne  l'ouvrage  intitulé  :  le  Voyage  de 
Figaro  en  Espagne  (pour  les  deux  premières  éditions)  >,  et  le  Voyage  du  mar- 
quis de  Langle  en  Espagne  (pour  la  troisième  édition)4. 

Dans  le  réquisitoire  de  Séguier,  qui  est  fort  développé,  les  opinions 
de  Jean-Jacques  Rousseau  sur  la  religion  et  sur  le  suicide  sont  oppo- 
sées à  celles  du  marquis  de  Langle.  L'éloge  du  «  philosophe  de 
Genève  »,  par  l'avocat  général  (malgré  quelques  réserves),  est  assez 
inattendu,  et  parfaitement  inutile  au  procès.  Ce  hors- d'oeuvre  ne 
marque  que  mieux  l'immense  popularité  de  Rousseau.  Quant  à  l'ou- 
vrage du  marquis  de  Langle,  il  fut  lacéré  et  brûlé  le  15  février  1780, 
comme  «  impie,  sacrilège,  blasphématoire,  destructeur  des  mœurs  et 
de  la  religion,  injurieux  et  calomnieux  envers  la  nation  espagnole  et 
son  gouvernement,  séditieux  s  »,  etc. 

ARRÊT  de  la  Cour  du  Parlement,  rendu  la  grand'chambre  assemblée,  31  mai 
1786  6. 

Cet  arrêt,  qui  conclut  l'affaire  du  Collier,  supprima,  entre  autres 
dispositions,  «  les  mémoires  imprimés  pour  Jeanne  de  Saint-Remy  de 
Valois  de  La  Motte,  comme  contenant  Aç*  faits  faux,  injurieux  et 
calomnieux,  tant  au  cardinal  de  Rohan  qu'à  de  Cagliostro  ». 

Ils  sont  ainsi  désignés  dans  le  corps  de  l'arrêt  :  1°  Mémoire  imprimé 


1.  Cet  arrêt  (4  p.  in-4°),  qui  commence  par  les  mots  :  r  Louis,  pur  lu  (/race  de 
Dieu,  etc.  »,  ne  fait  pas  d'allusion  à  la  nature  des  crimes  visés  par  le  Ghâtelet, 
saut'  dans  la  dernière  phrase.  —  Voyez:  Augeard  (J.-M.),  Mémoires  secret,  publiés 
par  Ev.  l3avoux  en  1866  (11.  Pion),  p.  lit  à  148,  et  passim,  sur  Lemaitre,  qui  pré- 
sidait à  l'imprimerie  janséniste;  Corr.  secrète,  t.  II,  p.  1. 

2.  X  1b  8984  :  procès-verbal  signé  :  Vu  :  D'Augre. 

3.  La  première  est  en  un  volume  in-18  de  280  pages  (s.  n.  d'auteur  ni  de  lieu), 
avec  cette  épigraphe  :  Currente  rola  ;  la  seconde  forme  un  volume  in-8°  de 
88  pages  (à  Séville,  1785). 

4.  2  volumes  in-12  de  223  et  209  pages  (Neuchâtel,  1785). 

5.  Procès-verbal  d'exécution  signé  du  greffier  Ysabeau. 

6.  Bib.  uat.,  F,  à  la  date  (pièce  in-4°,  32  p.).  —  Le  même  arrêt  (pièce  in-4" 
20  p.)  avec  la  mention  :  «  scellé  extraordinairement  le  quatre  juillet  1786,  sir/né  : 
Tisset,  syndic,  avec  paraphe.  Le  cinq  juillet   1786,  signifié  à  M.   le  Procureur 
général  »,  etc.,  signé':  Regnault.  —  Voir  :  Marie-Antoinette  et  le  procès  du  Collier, 
par  É.  Campardon  (Paris,  in-8'J,  1863). 

14 


210  LE  PARLEMENT 

chez  Cellot,  en  4785,  en  45  pages,  pour  dame  Jeanne  de  Saint-Remy 
de  Valois,  épouse,  etc.,  commençant  par  ces  mois  :  Si  la  majesté  du 
(rêne,  et  finissant  par  ceux-ei  :  par  des  élèves  et  dans  les  écoles; 
2°  Réponse  pour  la  comtesse  de  Valois  au  mémoire  du  comte  de 
Cagliostro  (Cellot,  1780,  47  pages),  commençant  par  :  Le  Mémoire 
auquel,  et  finissant  par  :  par  la  comtesse  de  La  Motte,  ensemble  le 
Post-scripturn. 

Furent  aussi  supprimés  les  mémoires  imprimés  pour  le  sieur  Bette 
d'Étienville,  l'un  de  27  pages  [Attaqué  de  la  manière  —  est  bien 
fondée);  et  l'autre  de  20  pages  (Assez  malheureux  —  de  mon 
innocence). 

Enfin,  pour  suivre  Tordre  de  ces  publications  et  de  l'arrêt  lui-même, 
fut  encore  supprimé  le  Sommaire  imprimé  pour  la  dame  de  La  Motte, 
en  5!)  pages,  chez  Cellot  (Le  litre  que  nous  donnons  —  que  la  vérité 
seule  peut  leur  assig?ier). 

ARRÊT  du  11  août  1786',  qui  supprime  1°  un  imprimé  intitulé  :  Mémoire 
justifiaati)  pour  trois  hommes  condamnés  à  la  roue,  se  terminant  par  une  con- 
sultation signée  de  l'avocat  Legrand  Delaleu  (à  Paris,  chez  Philippe-Denis 
Pierres,  premier  imprimeur  ordinaire  du  roi,  1786);  2°  les  Réflexions  d'un 
citoyen  non  gradué,  publiées  à  l'appui  de  ce  mémoire  2. 

Les  nommés  Lajdoire,  J.-R.  Simarre  et  Ch.  Bradier  avaient  été 
arrêtés  le  31  janvier  1783,  sous  l'inculpation  de  vols  nocturnes  avec 
effraction  et  tentative  de  meurtre  commis  à  Vinet  en  Champagne.  Le 
12  août,  ils  furent  condamnés  par  le  bailliage  de  Chaumont  aux 
galères  perpétuelles.  Sur  appel  a  minima,  le  Parlement  de  Paris,  par 
un  arrêt  définitif  rendu  en  vacations  le  20  octobre  1785,  les  con- 
damna, «  pour  les  cas  résultants  du  procès  »,  à  la  peine  de  la  roue. 

Le  président  de  grand'chambre  au  Parlement  de  Bordeaux,  Dupaty, 
soit  de  son  propre  mouvement,  soit  plutôt  sur  l'invitation  du  gouver- 
nement désireux  de  compromettre  la  Cour  dans  l'exercice  même  des 
fonctions  judiciaires  dont  elle  paraissait  s'écarter  trop  souvent,  publia 
chez  le  premier  imprimeur  ordinaire  du  roi  le  Mémoire  justificatif 
dont  il  ne  tarda  pas  à  se  reconnaître  l'auteur  ;  toutefois  il  avait 
d'abord  fait  signer  le  manuscrit  par  un  jeune  avocat  nommé  Legrand 
Delaleu,  estimé  de  tous  ses  confrères  (dit  Séguier  lui-même)  pour 

1.  Arch.  nat.,  X  1b  8985. 

2.  L'affaire  des  trois  condamnés  fut  évoquée  au  conseil,  et  renvoyée  devant  le 
Parlement  de  Rouen,  qui  les  acquitta  (19  janvier  1788).  Legrand  Delaleu  fut 
réhabilité  le  14  février  1788.  Voir  à  cette  date,  dans  le  unis.  6886  de  la  Uib.  nat. 
(p.  370-372),  son  discours  à  ses  collègues,  —  très  modéré  d'ailleurs  à  l'égard  du 
Parlement. 


JUGE  DES  ÉCRITS  211 

son  désintéressement,  sa  probité  et  ses  sentiments  généreux,  mais 
qui  ne  fut  pas  moins  interdit  provisoirement  par  son  ordre l. 

En  matière  criminelle,  un  arrêt  du  Parlement  était  sans  appel.  Il  ne 
restait  plus  aux  condamnés  que  le  recours  en  grâce  auprès  du  roi. 
Ainsi,  le  seul  titre  de  Mémoire  justificatif  constituait  une  insulte  à 
l'adresse  de  la  Cour  souveraine  :  car  il-  n'est  pas  admissible  que  des 
coupables,  reconnus  tels  par  arrêt   définitif,  soient  reçus  à  se  justi- 
fier. Aussi  bien,  le  Parlement  (c'est-à-dire  la  Tournelle)  n'avait  pas 
eu  à   refaire  le   procès  de   Lardoire,   Simarre  et  Bradier  ;   il  avait, 
d'après  l'interrogatoire  du  bailliage  de  Gbaumont,  considéré  les  faits 
comme  constants 2,  puis  réformé  la  sentence  comme  non  conforme  à 
la  loi;  enfin  (par  un  droit  que  n'a  plus  la  Cour  de  cassation),  il  avait 
appliqué  la  loi  à  l'espèce. 

Si  le  Mémoire  justificatif  avait  eu  pour  but  de  démontrer  l'innocence 
des  trois  condamnés,  c'eût  été,  juridiquement,  une  œuvre  superflue 
et  même  ridicule.  D'ailleurs,  le  point  de  fait  ne  pouvait  être  établi  que 
par  le  jugement  clés  premiers  magistrats. 

Toute  l'éloquence  que  prodigue  le  Mémoire  en  faveur  de  trois 
assassins  bien  et  dûment  convaincus  n'est  destinée  qu'à  faire  lire  à  un 
public  sensible  les  très  justes  et  déjà  trop  anciennes  critiques  que  les 
bommes  éclairés  adressaient  à  notre  procédure  criminelle  et  à  nos 
lois  pénales.  Sur  ce  point,  Y  anglomanie  avait  du  bon.  L'abolition  de 
la  question  et  des  tortures,  l'institution,  ou,  pour  mieux  dire,  la 
restauration  du  jury,  donnèrent  raison  à  Dupaty  :  en  attendant,  le 
roi  fit  grâce  de  la  vie  à  ses  trois  clients,  malgré  l'anecdote  historique 
qui  lui  fut  rappelée  par  Séguier  3.  C'était  une  assez  adroite  façon  de 
lutter  de  popularité  avec  le  Parlement,  qui,  au  lieu  de  trois  hommes  à 
rouer,  n'eut  que  du  papier  à  brûler. 

Me  Gabriel  Tandeau  fit  le  rapport  contre  le  mémoire  de  Dupaty 
(non  encore  dénommé,  mais  évidemment  soupçonné).  Les  conclusions 
par  écrit  du  procureur  général  tinrent  trois  séances  (7,8  et  11  août); 
elles  forment  un  manuscrit  de  sept  cahiers  numérotés,  non  paginés; 
elles  font  ressortir  le  caractère  général,  public,  des  prétendus  Mé^ 
moires  qui  prenaient  pour  prétexte  des  faits  particuliers  : 

1.  C'est  Fréteau,  beau-frère  de  Dupaty,  qui  avait  engagé  l'affaire. 

2.  lis  le  sont  d'ailleurs  pour  tout  lecteur  impartial  :  les  coupables,  d'après  nos 
lois  actuelles,  auraient  mérité  la  peiuc  de  mort,  et  (en  supposant  des  circon- 
stances atténuantes)  les  travaux  forcés  à  perpétuité  ou  à. temps. 

3.  Louis  XIV  disait  à  M.  de  Montausier,  qu'il  venait  enfin  d'abandonner  à  là 
justice  un  assassin  auquel  il  avait  fait  grâce  après  son  premier  crime,  et  qui 
avait  tué  vingt  hommes  :  «  Non,  Sire,  répondit  M.  de  Montausier,  il  n'en  a  tué 
qu'un;  et  Votre  Majesté  en  a  tué  dix-neuf.  » 


212  LE  PARLEMENT 

Les  mémoires,  qui  dans  l'origine  n'ont  été  admis  que  pour  l'instruction  des 
juges  et  du  barreau,  sont  aujourd'hui  plus  que  jamais  un  objet  d'amusement 
et  de  curiosité  pour  le  public,  nous  pouvons  même  dire  une  affaire  de  com- 
merce dans  la  librairie,  et  une  spéculation  d'intérêt  pour  les  parties.  On  les 
colporte  dans  les  places  et  les  promenades  publiques  ;  on  les  vend  à  la  porte 
des  jardins  et  des  spectacles;  ils  sont  étalés  sur  les  quais,  sur  les  boutiques 
des  libraires;  on  a  soin  de  les  orner  d'épigraphes  et  de  sentences  qui  en 
annoncent  l'esprit;  et  l'on  a  porté  l'extravagance  jusqu'à  les  l'aire  accompagner 
du  portrait  des  malheureux  pour  lesquels  ils  sont  rédigés.  Faut-il  donc 
s'étonner  si  le  ton  grave  du  barreau  se  perd  insensiblement,  si  la  plaisanterie 
prend  la  place  de  la  décence,  et  si  le  fiel  et  l'amertume  succèdent  à  l'honnê- 
teté et  à  la  modération? 

Maintenant  les  juges  sont  soupçonnés  de  partialité,  leur  autorité 
et  leur  honnêteté  sont  mises  en  cause;  la  loi  et  la  jurisprudence  sont 
l'objet  des  attaques  les  plus  violentes. 

Dans  la  première  partie,  Séguier  examine  la  l'orme  dans  laquelle 
le  mémoire  a  été  distribué;  dans  la  seconde,  les  prétendues  nullités 
dont  la  procédure  du  Parlement  serait  infectée;  dans  la  troisième, 
les  reproches  honteux  faits  à  notre  législation.  Voici  l'analyse  très 
brève  de  ce  réquisitoire'  suivi  d'un  arrêt. 

Depuis  quand  est-il  permis  de  dénoncer  les  premiers  magistrats 
du  royaume  au  tribunal  du  public?  Quel  sera  le  juge  en  état  de  pro- 
noncer sur  une  dénonciation  aussi  extraordinaire?  Est-ce  le  roi?  En 
pareil  cas,  l'appel  au  souverain  n'est  qu'un  recours  en  grâce  :  il  doit 
être  précédé  d'une  surséance  à  l'exécution  du  jugement;  et  c'est  au 
roi  que  doit  être  adressée  la  supplique  du  condamné,  non  devant  le 
public  que  doit  être  portée  sa  prétendue  justification.  S'il  s'était  agi 
vraiment  de  laits  justificatifs,  il  fallait  donc  les  proposer  avant  le 
jugement;  il  fallait  une  requête  spéciale  à  cette  fin;  il  fallait  qu'elle 
fût  signée  d'un  procureur,  répondue  d'une  ordonnance,  et  admise 
après  la  visite  du  procès.  Mais  M°Delaleu,  inscrit  depuis  trois  ans  seu- 
lement au  tableau,  n'a  vu  ni  les  dossiers,  ni  l'interrogatoire.  Il  est 
assez  ignorant  pour  parler  de  dépens,  lorsque  la  partie  publique  est 
seule  en  cause!  Qu'a-t-il  voulu?  Incriminer  l'arrêt,  les  formes  suivies, 
les  lois  appliquées?  Son  langage  hardi  et  indécent  ne  saurait  que 
desservir  des  criminels  qui  ne  peuvent  qu'implorer  la  grâce  du  sou- 
verain. 

Que  reproche-t-il  donc  à  l'arrêt  du  Parlement  du  20  octobre  1785? 
C'est  de  contenir  cette  formule,  légale  depuis  les  règlements  de  1640 

4.  11  a  été  imprimé  comme  tous  les  arrêts  importants  du  Parlement;  la  collec- 
tion  de  la  Bib,  nationale  en  possède  plusieurs  exemplaires  (arrêts  du  Parlement 
de  Paris,  à  la  date). 


JUGE  DES  ÉCRITS  213 

et  de  1640,  consacrée  par  l'ordonnance  criminelle  de  1G701  :  «  poul- 
ies cas  résultants  du  procès  ».  Il  est  vrai  que,  du  temps  où  les  pre- 
miers juges  étaient  cités  par-devant  la  Cour,  pour  défendre  le  juge- 
ment qu'ils  avaient  prononcé,  la  Cour  elle-même  prononçait  l'arrêt 
suprême,  par  les  mots  «  atteint  et  convaincu  ».  Mais  l'usage  a  changé. 
La  Cour  ne  cite  plus  les  premiers  juges;  elle  voit  les  pièces,  la  procé- 
dure, l'interrogatoire;  elle  infirme  ou  confirme  sans  juger  à  nouveau 
du  fait;  elle  rappelle  à  la  rigoureuse  application  de  l'ordonnance; 
elle  n'a  point  à  recommencer  l'instruction. — Alors,  pourquoi  les 
trois  condamnés,  depuis  l'arrêt  des  premiers  juges  (12  août  1783), 
attendent-ils  encore  leur  sort  au  boni  de  trois  ans?  Sans  doute  la  ré- 
vision de  leur  procès  a  été  lente  :  niais  cette  lenteur  inséparable  de 
la  justice  ne  leur  a  point  préjudicié. 

Quant  aux  reproches  honteux  faits  à  la  législation  française,  ils 
viennent  de  ce  que  l'on  ne  veut  pas  remonter  au  principe  même  de 
la  loi,  ou  qu'on  le  conteste.  Quod  principi  placuit,  legis  habet  vi- 
gorem  : 

Le  roi  seul  est  législateur  en  France.  Rendre  la  justice  est  le  premier  devoir 
d'un  souverain,  et  les  édits  de  nos  rois  règlent  la  façon  dont  elle  doit  être  ad- 
ministrée. Les  ordonnances  rendues,  soit  du  propre  mouvement  du  prince, 
soit  sur  les  demandes  des  États  assemblés,  sont  les  lois  générales  du  royaume; 
elles  reçoivent  leur  exécution  aussitôt  après  qu'elles  ont  été  vérifiées  et  pu- 
bliées; elles  subsistent  tant  qu'elles  ne  sont  pas  révoquées;  elles  ne  peuvent 
l'être  que  de  la  même  manière  qu'elles  ont  été  établies,  et  la  source  dont  elles 
sont  émanées  leur  assure  la  prééminence  sur  toutes  les  lois,  même  du  peuple 
romain,  si  ce  n'est  en  pays  de  droit  écrit  pour  la  portion  qui  en  a  été  admise 
comme  loi  territoriale. 

La  double  instruction,  l'instruction  publique  et  contradictoire 
usitée  dans  la  Rome  républicaine,  le  jury  de  l'aristocratique  Angle- 
terre, ce  peuple  «esclave  de  son  amour  pour  la  liberté  »,  sont  des 
institutions  judiciaires  en  opposition  avec  les  lois  constitutives  et 
fondamentales  de  la  monarchie  française.  Non,  la  procédure  secrète 
en  matière  criminelle  n'est  pas  «  l'équivalent  de  la  loi  anciennement 
établie  en  Corse,  où  le  gouverneur  génois  faisait  tuer  un  homme  ex 
informata  eonscientia  ».  Cet  odieux  rapprochement  imaginé  par  le 
citoyen  non  gradué,  par  le  citoyen  obscur  auteur  des  Réflexions2,  té- 
moigne son  ignorance.  Le  chancelier  Poyet,  de  trop  fameuse  mé- 
moire, n'est  pas  davantage  l'auteur  de  la  procédure  secrète  en  ma- 


1.  Titre  XXIV,  art.  3. 

2.  Condorcet,  Corr.  seccète,  t.  TT,  p.  110. 


214  LE  PARLEMENT 

tière  criminelle.  La  cause  du  secret,  c'est  que  le  procureur  général 
du  roi  est  chargé  de  l'instruction  (ordonnance  de  Philippe  VI,  1334). 

Sauf  Le  flagrant  délit,  le  décret  seul  constitue  l'accusé.  L'ordon- 
nance de  Blois  (1498)  impose  le  secret  au  magistrat  instructeur,  afin 
de  prévenir  toute  subornation  de  témoins  à  charge.  Il  est  vrai  qu'en 
1539  l'accusé  fut  astreint  à  nommer  de  suite  ses  témoins  à  décharge. 
Obligation  impie!  s'écrie  Dumoulin  dans  une  note  célèbre  où  il  flétrit 
en  même  temps  le  chancelier  Poyet,  première  victime  de  sa  propre 
loi.  Mais  cette  loi  n'est  plus  appliquée;  tout  le  monde  sait  qu'elle  est 
tombée  en  désuétude.  L'ordonnance  criminelle  de  1070  forme  le  vrai 
code  français.  Cette  ordonnance  n'accorde  pas  à  l'accusé  de  conseil, 
d'avocat  d'office,  comme  la  loi  romaine?  Si  fait,  dans  les  matières 
compliquées  (titre  XIV,  art.  8).  Mais  lorsqu'il  s'agit  d'un  simple  fait 
de  grand  criminel,  à  quoi  bon?  «  L'expérience  nous  apprend  que  la 
preuve  du  crime  s'évanouit  au  milieu  des  formalités  »,  par  lesquelles 
une  adroite  chicane  sait  retarder  les  jugements.  Les  procès  civils, 
grâce  aux  avocats,  ne  durent-ils  pas  quelquefois  cent  ans  et  plus? 
Un  criminel  immortaliserait  son  procès;  il  mourrait  avant  la  preuve 
faite,  il  échapperait  à  la  justice. 

La  procédure  secrète,  l'interrogatoire  secret,  le  jugement  sans 
contradiction,  ne  font  pas  que  le  magistrat  français  soit  juge  et 
partie.  Il  représente  le  roi,  la  loi.  S'il  est  vrai  qu'en  Angleterre  (et 
nous  n'y  sommes  pas)  le  jury  siège  pour  les  crimes  ordinaires,  dans 
les  crimes  d'État,  la  Chambre  des  communes,  composée  des  repré- 
sentants de  la  nation,  est  en  même  temps  accusatrice  et  juge,  parce 
que  les  droits  de  la  nation  sont  attaqués  :  c'est  la  nation  qui  pro- 
nonce par  la  bouche  de  ses  représentants,  parce  qu'elle  seule  peut  se 
plaindre,  et  elle  seule  peut  venger  son  injure. 

C'est  qu'en  Angleterre  les  représentants  de  la  nation  font  la  loi. 
Eh  bien!  en  France,  si  veut  le  roi,  si  veut  la  loi.  Tout  crime  est  un 
crime  contre  le  roi  '-,  en  qui  se  personnifie  la  nation;  les  gens^  de  la 
loi,  ce  sont  les  gens  du  roi,  et  le  roi  ne  peut  avoir  d'intérêt  contraire 
à  la  justice  et  à  la  vérité.  C'est  parler  un  langage  de  forcené  et  de 
séditieux  qu'accuser  les  rois  «  d'avoir  été  trop  accoutumés  à  prodi- 
guer le  sang  de  leurs  peuples  sur  les  champs  de  bataille,  sous  le 
glaive  de  la  victoire,  pour  le  ménager  dans  les  tribunaux  sous  le 
glaive    de    la  justice...   Malheur    à  la  nation   qui    osera  placer  le 


1.  Marat,  dans  son  Plan  de  législation  criminelle  (Paris,  1790),  s'occupe  (II«  par- 
tie, sert.  I.  ch.  n  des  faux  crimes  d'État,  et  (ch.nj  des  vrais  crinïes  d'État;  Voyez 
Desjardins,  ouv,  cité,  p.  loi. 


JUGE  DES  ÉCRITS  213 

Mémoire  prétendu  justificatif  au  rang  des  sources  où  la  jeunesse 
pourra  puiser  des  instructions!  » 

Cet  anathème  enveloppait,  sans  les  citer,  le  Traité  des  délits  et  des 
peines  de  Beccaria,  le  Code  de  Léopold,  le  Discours  sur  l'administra- 
tion de  Injustice  de  Servan,  avocat  général  au  Parlement  de  Gre- 
noble ',  les  Observations  de  Bouclier  d'Argis  sur  les  lois  criminel  les  de 
France2. 

Séguier  s'est  donné  la  peine  de  dresser  une  liste  de  dix-sept  cri- 
minalistes,  qu'il  regarde  comme  fidèles  aux  vrais  principes.  Elle  se 
termine  par  le  nom  de  Jousse,  conseiller  au  présidial  d'Orléans, 
auteur  du  Traite  de  la  justice  criminelle  (1771);  on  peut  y  ajouter 
celui  de  Muyart  de  Vouglans  >,  qui  avait  publié  en  1780  :  Les  lois 
criminelles  en  France.  Mais  le  public  regardait  ces  juristes  commen- 
tateurs comme  intéressés  au  maintien  des  abus  et  n'écoutait  que 
les  philosophes 4.  Séguier  n'avait  pas  tort  de  dire  que  le  mot  d'hu- 
manité était  un  mot  de  ralliement.  La  société  française  était  assez 
forte,  assez  éclairée,  pour  ne  plus  considérer  tout  prévenu  comme 
un  coupable  et  pour  lui  laisser  tous  les  moyens  de  démontrer  son 
innocence. 

Mais  si  les  mœurs,  les  idées,  devaient  reformer  heureusement 
les  pi'océdés  inquisitoriaux  et,  barbares  du  moyen  âge,  n'oublions 
pas  qu'elles  s'en  étaient  longtemps  ressenties,  qu'elles  s'en  res- 
sentent même  encore.  N'est-ce  pas  un  cas  d'atavisme  moral  que 
cette  fureur  encore  régnante  d'assister  aux  exécutions  capitales  : 
fureur  qui  n'est  pas  seulement  celle  d'êtres  pervertis,  qui  sévit 
également  sur  les  classes  riches  et  sur  les  classes  pauvres,  qui 
fait  oublier  à  Y  honnête  homme  sa  distinction,  à  la  femme  sa  pudeur 
et  sa  sensibilité  naturelles?  Dans  le  Paris  de  l'ancien  régime,  on 
suppliciait  un  peu  partout.  La  populace  couvrait  d'injures  le  malheu- 
reux Lally-Tollendal.  Lorsqu'un  bourreau  était  adroit,'  il  était 
applaudi  comme  un  acteur.  Quelles  horreurs  n'a  point  fait  dévorer 
des  yeux,  quelles  choses  épouvantables  n'a  point  t'ait  écrire  le  coup 
de  canif  du  fou-régicide  Damiens  !  Les  publicistes  qui  s'efforçaient 

1.  Public-  on  1766.  Voyez  :  Œuvres  choisies  de  Servait  (182">),  l.  II. 

2.  Amsterdam,  1782.  Boucher  d'Argis  reste,  encore  aujourd'hui,  le  meilleur 
historien  «les  Parlements.  (Voir  sou  travail  dans  \'Enc!/clo)><:die  méthodique.) 

.'!.  Muyart  de  Vouglans  est  actuellement  le  sujet  d'une  excellente  monographie 
publiée  dans  la  Revue  Franc-Comtoise  (nov.  1887),  par  M.  Besson  :  Un  crimina- 
liste  franc-comtois  nu  XVIIIe  siècle. 

\.  Voyez  :  Le/Ires  sur  la  procédure  criminelle  de  la  France,  dans  lesquelles  ou 
montre  sa  conformité  avec  celle  de  l'Inquisition  et  les  abus  qui  en  résultent,  — 
(En  France  1788.1 


21 G  LE  PARLEMENT 

d'inspirer  au  peuple  des  sentiments  de  justice  pour  les  accusés,  des 
sentiments  de  pitié  pour  les  condamnés  les  plus  criminels,  n'eurent 
malheureusement  assez  d'action,  ni  sur  le  gouvernement,  ni  sur  la 
magistrature  :  après  et  malgré  les  décrets  de  la  Constituante,  la 
Terreur  put  appliquer  la  procédure  criminelle  de  l'ancien  régime  à 
plusieurs  de  ceux  qui  l'avaient  trouvée  parfaite  '. 

Année  1787 

APPLICATION  DE  LA  POLICE  DES  IMPRIMÉS 
AUX  ACTES  DU  CONSEIL 

Le  Parlement  ne  prononça  aucune  condamnation  ou  suppression 
d'ouvrage  en  1787.  Il  est  tout  entier  à  sa  lutte  contre  le  ministère  ;il  suit 
atlentiveinenl  les  délibérations  de  la  première  assemblée  desnotables. 
Il  applaudi!  à  la  destitution  de  Calonne2  ;  il  demande  inutilement  sa 
mise  en  accusa  lion.  Ce  n'est  pas  seulement  au  ministre  malhonnête 
et  dissipateur  qu'il  en  voulait;  c'est  aussi  à  l'impudent  plagiaire  de 
Turgoi  el  de  Necker,  aux  idées  réformatrices  desquels  il  avait  de- 
mandé son  propre  salut. 

Loménie  de  Brienne  lut  un  autre  Calonne,  encore  plus  odieux  à 
cause  de  son  caractère  ecclésiastique  et  de  son  avarice,  encore  plus 
maladroit  puisque  la  disgrâce  et  l'infamie  de  son  prédécesseur  ne 
l'avaient  point  averti.  Il  n'était  pas  depuis  quatre  mois  aux  affaires, 
qu'il  lui  fallut  un  lit  de  justice  (6  août)  pour  faire  enregistrer  les  édits 
du  timbre  et  de  la  subvention  territoriale.  Le  7  août,  puis  le  13,  le 
Parlement  protesta  contre  l'enregistrement  forcé.  Par  lettres  patentes 
du  15  août,  revêtues  d'une  lettre  de  cachet,  ei  registrées  le  22,  il  fut 
transféré  de  Paris  à  Troves  :  il  était  bon  de  l'arracher  à  «  la  fermenta- 


1.  Les  imitations  burlesques  des  supplices  se  présentent  à  chaque  instant  dans 
vr  qu'on  pourrai!  appeler  l'histoire  de  la  rue  :  en  1174,  on  pend  des  mannequins 
figurant  Maupeou  et  Terray;  des  écoliers,  au  Cours-la-Reine,  font  tirer  et  dé- 
membrer par  quatre  ânes  un  mannequin  eu  simarre  de  chancelier;  mêmes 
scènes  en  1788,  lors  du  renvoi  de  Brienne  ri  de  Lauioignon.  En  1789,  voici  un  l'ait 
plus  grave,  et  vraiment  horrible  :  la  police  arrête  huit  ridants  qui  procédaient  à 
la  pendaison  d'un  de  leurs  camarades  (arch.  de  la  préfecture  de  police).  —  Sur  le 
goûl  du  peuple  de  Paris  pour  ces  spectacles  horribles,  voyez  Albert  Desjardins, 
lu  Législation  criminelle  cl  1rs  Cahiers  de  1789  (Paris,  188.'!).  p.  il.  Tout  cet  ou- 
vrage esl  d'ailleurs  à  lire  sur  celle  question.  Je  n'y  ai  trouvé  toutefois  qu'une 
courte  allusion  fp.  XVII)  aux  réquisitions  de  Séguier.  Voyez  aussi  :  A.  Esniein, 
Histoire  delà  procédure  criminelle  eu  France  (Paris,  188:2:;  A.  Maury,  article  de 
la  Revue  'les  Deux-Mondes  (15  sept.  1877);  Chassin,  le  Génie  de  la  Révolution, 
t.  Il,  livre  III,  cli.  v. 

•2.  8  avril. 


JUGE  DES  ÉCRITS  217 

tion  qu'il  excitait  et  recevait  de  la  capitale  »  :  pour  assurer  son  obéis- 
sance, des  lettres  individuelles  avaient  d'ailleurs  été  envoyées  à  tous 
les  magistrats  et  officiers  du  Palais  dans  la  nuit  du  15.  Cet  acte  de 
rigueur  fut  inutile;  les  bailliages  se  refusèrent  généralement  à  enre- 
gistrer les  édits  du  timbre  et  fie  la  subvention,  parce  qu'ils  leur  arri- 
vaient par  ordre  direct  du  roi,  et  non  par  l'intermédiaire  légal  du 
Parlement.  Le  ministère  négocia,  <lr  force,  avec  le  premier  présidenl 
d'Aligre.  Le  19  septembre,  à  Troyes,  le  Parlement  enregistra  l'édit 
qui  prorogeait  la  perception  du  second  vingtième,  faible  compen- 
sation, au  point  de  vue  financier,  des  deux  édits  précédents  qui 
furent  retirés.  Le  20,  des  lettres  patentes  ramenèrent  le  Parlement 
de  Troyes  à  Paris;  elles  furent  enregistrées  le  24.  Accueilli  triom- 
phalement, le  Parlement  n'attendit  pas  la  rentrée  solennelle  pour 
reprendre  la  lutte  au  point  même  où  il  l'avait  laissée.  Il  affecta  (et 
c'est  par  là  que  cette  courte  digression  se  rattache  à  notre  présent 
chapitre)  de  traiter  les  Arrêts  du  Conseil  non  enregistrés  comme  des 
écrits  prohibés.  Sans  doute,  il  ne  les  condamne  pas,  mais  il  emploie 
à  leur  égard  la  même  procédure  d'accusation  qu'à  celui  des  livres  ou 
brochures  de  simples  particuliers. 

Le  23  octobre  1787,  le  matin,  sous  la  présidence  de  Le  Peletier, 
«  un  de  Messieurs  »  (probablement  Goislard  présent  à  cette  séance) 
<(  défère  »  à  la  chambre  de  vacations  un  «  Imprimé  ayant  pour  titre  : 
Arrêt  du  Conseil  qui  autorise  la  Ville  de  Paris  à  ouvrir  un  emprunt 
de  12  millions  remboursables  en  un  an  par  voie  de  loterie  au  profit  des 
hôpitaux  ».  I!  n'en  donne  la  date  qu'incidemment,  comme  d'un  acte 
surpris  et  non  exécutoire. 

Après  la  rentrée,  sans  les  formalités  traditionnelles  et  légales  des 
lits  de  justice,  et  après  avoir  commencé  à  recueillir  des  suffrages 
pour  la  plupart  hostiles,  le  garde  des  sceaux  Lamoignon,  sur  l'ordre 
du  roi,  prononça  l'enregistrement  '  d'un  édit  qui  créait  des  emprunts 
successifs  pendant  cinq  ans  pour  la  somme  de  420  millions,  et  qui  en 
même  temps  annonçait  la  convocation  des  États  généraux  comme 
prochaine.  La  protestation  du  duc  d'Orléans  le  lit  exiler  à  Villers- 


1.  Le  roi  avait  expliqué  ainsi  l'enregistrement  extraordinaire  (Arch.  nat.,  22  nov. 
1187,  compte-rendu  tic  l'entrevue  du  21,  X  !b  8987;  :  <  Je  nie  suis  rapproché  de 
vous  par  confiance,  et  clans  cette  forme  antique  si  souvent  réclamée  par  mon 
Parlement  auprès  des  rois  mes  prédécesseurs;  et,  dans  le  moment  où  j'ai  bien 
voulu  tenir  mon  Conseil  au  milieu  de  vous  sur  un  objet  de  mon  administration, 
vous  essayez  de  le  transformer  en  un  tribunal  ordinaire,  et  de  présenter  de 
l'illégalité  dans  son  résultat  en  invoquant  les  ordonnances  pour  le  soumettre  et 
moi-même  à  des  règles  qui  ne  regardent  que  les  tribunaux  clans  l'exercice  habi- 
tuel de  leurs  fonctions.  » 


218  LE  PARLEMENT 

Cotterets;  et  dans  la  nuit  du  20  au  21  novembre  les  conseillers  de 
grand'  chambre  Fréteau  et  l'abbé  Sabathier  furent  enlevés  par  les 
soins  du  lieutenant  de  police  Thiroux  de  Crosne:  l'un  fut  conduit  à 
Doullens  par  l'inspecteur  de  police  Quidor,  l'antre  au  Mont-Saint- 
Michel  par  l'inspecteur  de  police  Sommelier.  Les  lettres  de  cachet, 
signées  du  roi,  portaient  pins  bas  la  signature  du  ministre  de  Paris, 
le  baron  de  Breteuil. 

Fréteau  et  Sabathier  avaient  t'ait  de  vives  remontrances  dans  la 
séance  du  lï)  novembre.  De  pins,  ils  avaient  t'ait  voter  par  le  Parle- 
ment une  délibération  immédiate,  qui  protestait  contre  l'enregistre- 
ment forcé.  Le  roi  s'en  lit  apporter  la  minute  (21  novembre),  la 
regarda,  la  ploya,  et  la  garda.  Il  défendit  de  la  remplacer  d'aucune 
manière. 

Dès,  le  surlendemain,  le  Parlement  éluda  cette  défense. 

Il  a  été  mis  sur  le  bureau  un  imprime  ayant  pour  titre  Édit  du  roi  portant 
création,  etc.,  registre  en  parlement,  etc.,  au  bas  duquel  est  une  mention  conçue 
en  ces  termes  :  Registre  en  la  Courx  etc.,  signé  Ysabeau.  Sur  quoi  ayant  été 
observé  que  cette  mention  contenait  la  fausse  énonciation  d'un  arrêt  d'enre- 
gistrement qui  n'existe  pas, 

La  matière  mise  en  délibération, 

La  Cour  a  continué  la  délibération  à  la  huitaine,  à  dix  heures  du  matin1. 

La  délibération  ne  fut  pas  reprise;  et  le  Parlement  se  borna,  par  la 
suite,  à  protester  contre  les  lettres  de  cachet  et  à  demander  justice 
pour  le  duc  d'Orléans,  Fréteau  et  Sabathier.  Mais  il  avait  réussi  à 
enlever  à  Y  Edit  des  emprunts  successifs  la  légalité  dont  il  avait  été, 
selon  lui,  frauduleusement  revêtu. 

Dans  la  même  séance,  du  23  novembre,  et  par  une  application 
analogue  de  la  police  des  imprimés  et  des  règlements  parlementaires 
qui  imposaient  de  tenir  les  délibérations  closes  et  secrètes,  le  défen- 
seur affidé  et  presque  unique  des  projets  de  Loménie  et  de  Lamoi- 
gnon,  le  conseiller-clerc  Tandeau,  fut  incriminé  par  ses  confrères  : 

Après  quoi  un  de  Messieurs  a  pareillement  mis  sur  le  bureau  un  imprime 
ayant  pour  titre  Discours  de  M.  l'abbé  Tandeau,  etc. 2,  de  l'imprimerie  de  P.  D. 
Pierres',  et  ayant  observé  que  c'était  une  contravention  aux  ordonnances  du 
royaume  et  aux  serments  des  magistrats,  de  tenir  les  délibérations  de  la 
Cour  closes  et  secrètes,  qu'il  pouvait  en  résulter  les  plus  grands  inconvénients, 


1.  Arch.  nal.,  X  U  8987. 

2.  Rapport  de  M.   l'abbé  Tandeau,  de  l'Édit  d'emprunt  enregistré  à  la  séance 
du  roi  au  Parlement  le  19  nov.  1787  (piëSe  de  22  pages  in-4°). 

3.  Premier  imprimeur  ordinaire  du  Hoi. 


JUGE  DES  ÉCRITS  219 

il  a  prié  M.  le  premier  président  de  mettre  en  délibération  ce  qui  convenait  de 
faire. 

L'abbé  Tandeau,  membre  du  Parlement,  protesta  qu'il  était  étran- 
ger à  cette  impression,  et  qu'il  n'avait  communiqué  son  rapport 
qu'au  garde  des  sceaux,  sur  l'ordre  du  Roi.  Ce  rapport  avait  été  con- 
certé d'avance  avec  le  ministère.  Il  était  habilement  conçu  pour 
tromper  l'opinion  publique.  Il  ne  cachait  pas  le  mauvais  état  des 
finances,  le  danger  des  emprunts,  facilités  par  la  haute  opinion  que 
les  Français  et  les  étrangers  avaient  de  la  sagesse  et  de  la  probité 
royales1.  Mais  il  finissait  par  déclarer  que  des  emprunts  se  gageant 
les  uns  les  autres  étaient  préférables  à  de  nouveaux  impôts,  aux  abus 
de  la  fiscalité,  à  la  vente  des  privilèges,  aux  affaires  extraordinaires. 
Leur  hypothèque  réelle  consistait  dans  les  futures  économies,  dans 
les  futures  extinctions  de  charges.  Bref,  avec  un  déficit  annuel  «  de 
115  à  140  millions  »,  les  Etats  généraux  ne  pourraient  guère  eux- 
mêmes  trouver  «  d'autres  moyens  prompts...  qu'une  diminution  dans 
la  masse  des  engagements,  et  jamais  en  France  cette  pensée  honteuse 
ne  trouvera  de  partisans  dans  une  Assemblée  nationale  ». 

Le  Parlement  n'osa  pas  supprimer  ni  condamner  un  mémoire 
publié  à  l'imprimerie  royale.  D'ailleurs,  le  secret  des  délibérations 
n'était  qu'un  prétexte  :  les  membres  du  Parlement  ne  se  faisaient 
faute  de  le  violer,  soit  par  vanité  d'auteur,  soit  pour  porter  leurs 
récits,  leurs  remontrances  devant  le  tribunal  de  l'opinion  publique. 
Le  Parlement,  comme  le  gouvernement,  avait  deux  poids  et  deux 
mesures.  Il  s'agissait  moins  d'appliquer  également  des  lois  que  de 
se  défendre  ou  d'attaquer.  L'innocence  ou  la  culpabilité  d'un  écrit, 
toujours  difficiles  à  peser,  dépendaient  de  la  fluctuation  des  partis  : 
quant  à  la  gravité  des  poursuites  ou  des  peines,  elle  ne  se  mesurait 


1.  «  11  faut  l'avouer,  Sire,  au  nom  d'Emprunt  tout  bon  Français  doit  être 
consterné. 

«  Ils  ont  été  la  source  de  tous  nos  malheurs,  le  germe  de  toutes  les  impositions 
qui  écrasent  vos  Peuples. 

«  Us  l'ont  été  non  seulement  par  l'abus  prodigieux  qui  en  a  été  fait,  par  les 
conditions  onéreuses  auxquelles  ils  ont  été  constitués,  mais  encore  par  les  dé- 
penses inutiles  et  ruineuses  qu'ils  ont  favorisées. 

«  Oserai-je  le  dire  même,  Sire?  Peut-être  n'ont-ils  jamais  été  plus  funestes 
que  depuis  que  Votre  Majesté  a  pris  les  rênes  du  gouvernement,  parce  que  la 
haute  opinion  que  les  étrangers  et  vos  peuples  ont  conçue  de  votre  sagesse, 
pourquoi  ne  \<~  dirais-je  pas?  t\r  voire  probité,  a  l'ait  affluer  avec  abondance 
les  capitaux  <]<■  Imite  l'Europe  dans  votre  trésor  royal.  Les  richesses  premières 
de  l'homme,  les  fonds  de  terre  eux-mêmes,  ont  paru  des  biens  moins  solides 
que  votre  parole  :  et  c'est  ainsi  que  votre  propre  vertu  a  tourné  contre  vous- 
même.  » 


220  LE  PARLEMENT 

pas  seulement  à  celle  d'un  délit  vrai  ou  supposé,  mais  à  l'influence  et 
à  la  qualité  des  personnes  '. 

Année  1788 

ARRÊT  du  7  janvier  1788,  condamnant  VA Im anachdes  Honnêtes  Gens. 

Le  rapport  fut  l'ail  par  l'abbé  Tandeau  qui  fulmina  contre  l'éclec- 
tisme idolâtrique  de  cet  almanach  (fêtes  de  l'Amour  profane,  de  l'IIy- 
ménée,de  la  Reconnaissance,  de  l'Amitié)  cl  contre  la  criminelle  asso- 
ciation de  noms  tels  que  ceux  de  Jésus-Christ,  Mahomet,  Brutus,  etc. 
L'auteur,  Sylvain  Maréchal,  demeurant  rue  des  Prêcheurs,  n°  29, 
devait  être  appréhendé  au  corps,  ou  en  tout  cas  assigné  à  quinzaine, 
ses  biens  saisis  et  confisqués.  Son  œuvre  bizarre,  mélange  de  nomi- 
nalisme  scolastique  2,  de  voltairianisme  >,  et  de  souvenirs  gréco- 
romains ,  n'a  inspiré  le  Calendrier  républicain  que  de  loin.  Elle 
fourmille  d'inexactitudes  et  d'erreurs  de  noms  et  de  dates2». 

LETTRE 

d'un  avocat  a  un  conseiller  au  parlement 
sur  l'  «  almanach  des  honnetes  gens  »  s 

MONSIFA'R, 

Vous  m'avez  paru  si  indigné  contre  Y  Almanach  des  Honnêtes  Gens  que  j'ai 
cherché  à  me  le  procurer,  pour  savoir  jusqu'à  quel  point  l'auteur  pouvait  mé- 
riter votre  indignation,  et  celle  de  tous  ceux  qui  ont  quelque  respect  pour  la 
religion. 

1.  C'est  la  conclusion  de  M.  F.  Bnmetièrc,  même  sur  la  Direction  de  la  librairie 
sous  M.  de  Malesherbes  (Revue  des  Deux-Mondes,  1"  fév.  1882). 

2.  Les  personnifications  de  l'Amour,  de  l'Amitié,  des  Vertus  et  des  Vices  rem- 
plissent les  romans  les  plus  lus  du  moyen  âge. 

3.  Voir  les  Dialogues  philosophiques,  où  Confucius,  Zoroastre,  etc.,  parlent  la 
langue  de  Voltaire,  et  lui  servent  de  truchement. 

4.  Le  sieur  Thiroux  de  Crosne,  lieutenant  général  de  police,  s'était  hâté  de 
faire  renfermer  Sylvain  Maréchal  à  Saint-Lazare,  par  lettre  de  cachet;  en  même 
temps  le  sieur  de  Sauvigny,  censeur  de  VAlmanach  des  Honnêtes  Gens,  avait  été 
exilé  à  30  lieues  de  Paris  (Hardy,  t.  Vit,  p.  340,  9  janvier  1788).  —  Il  ne  fut  saisi 
chez  l'auteur  que  600  exemplaires;  aussi  l'empressement  était  tel  de  se  le  pro- 
curer, qu'il  n'avait  plus  de  prix  fixe.  L'imprimeur,  Cailleau  (André-Charles), 
demeurant  rue  Galande,  se  déroba  dernière  L'approbation  du  censeur. 

5.  Cet  almanach  est  imprimé  dans  la  forme  de  VAlmanach  de  cabinet.  Au  lieu 
des  saints  qui  sont  indiqués  pour  chaque  jour  du  mois  dans  le  calendrier,  on  y  a 
placé  tous  ceux  qui  ont  eu  quelque  célébrité,  même  à  raison  de  leur  impiété  et 
de  leurs  écrits  licencieux,  comme  Spinosa,  Saint-Evremout,  Voltaire...;  et  dans 
cette  liste  se  trouve  placé  Jésus-Christ,  le  2.">  décembre  et  le  3  avril.  L'auteur 
donne  pour  l'époque  de  son  almanach  ou  de  son  calcul,  la  première  année  du 
règne  de  la  Raison.  (Cette  note  est  de  l'auteur  de  la  lettre.) 


JUGE  DES  ÉCRITS  221 

J'ai  éprouvé  le  môme  sentiment  que  vous.  Jésus-Christ  placé  sur  la  môme 
ligne  que  ses  plus  grands  ennemis,  avec  les  Paracelse,  les  Spinosa,  les  Saint- 
Èvremont;  avec  Voltaire,  Piron,  Boulanger,  Collins  ;  en  un  mot,  avec  des  noms 
qui  ne  peuvent  rappeler  que  la  licence  la  plus  effrénée  et  dans  la  conduite  et 
dans  les  principes!  Quoi  de  plus  révoltant? 

Mais  le  moment  de  réflexion  m'a  fait  naître  une  idée  que  je  ne  crois  pas 
indigne  de  vous  être  communiquée;  c'est  que  cet  almanach  n'est  qu'une  con- 
séquence de  l'opinion  de  ceux  qui  proposent  d'étendre  à  toutes  les  sectes  et  à 
toutes  les  opinions  la  tolérance  civile  que  le  roi  veut  et  doit  accorder  aux 
protestants. 

Dans  le  fait,  si  l'adorateur  de  Foé,  le  Mahométan,  le  Socinien,  le  Spinosiste, 
l'Anabaptiste,  le  Quakir,  doivent  partager  avec  les  protestants  le  bienfait  de 
l'état  civil,  il  est  évident  que  ce  sera  une  permission  expresse  accordée  à  cha- 
cun de  vénérer  ce  qu'il  croit  devoir  regarder  comme  l'objet  de  ses  hommages 
et  de  son  admiration. 

Alors,  rien  de  plus  naturel  et  de  plus  conséquent  que  de  placer  sur  une  co- 
lonne les  noms  des  différents  personnages  qui  peuvent  être  l'objet  des  hom- 
mages de  tous  les  individus  qui  composent  la  grande  société  formée  de  toutes 
les  sectes  et  de  toutes  les  nations,  quelles  que  soient  leurs  opinions  en  fait  de 
religion. 

Y  a-t-il  plus  de  mal  à  mettre  sur  un  môme  tableau  ces  différents  person- 
nages pour  en  rappeler  le  souvenir  à  ceux  qui  croient  leur  devoir  des  hom- 
mages, que  de  mettre  sur  la  môme  ligne,  et  laisser  jouir  des  mêmes  avantages 
civils,  tous  ceux  qui  ont  une  figure  humaine,  quelque  dangereuses,  ridicules, 
extravagantes  et  licencieuses  que  soient  leurs  opinions  religieuses,  même  sur 
l'existence  de  la  Divinité? 

Le  souverain  et  les  magistrats,  qui  ne  trouveraient  aucun  inconvénient  à  ce 
mélange  de  toutes  les  sectes  et  de  toute  espèce  d'opinions,  ne  peuvent  pas 
blâmer  un  écrit  qui  ne  fait  qu'énoncer,  d'une  manière  différente,  que  tout  do- 
rénavant, en  France,  sera  toléré,  et  qu'il  sera  permis  à  chacun  de  penser 
comme  il  veut, et  même  de  regarder  comme  un  grand  homme  Saint-Évremont, 
qui  est  le  chef  des  athées. 

Cet  almanach  pourrait  bien  paraître  à  beaucoup  de  personnes  n'être  que  le 
tableau  de  ce  qui  arriverait  en  France,  si,  contre  toute  vraisemblance,  on  y 
appelait  tous  les  non -catholiques;  car  le  polythéiste,  l'athée,  le  matérialiste,  ne 
sont  certainement  pas  catholiques. 

Ainsi,  Monsieur,  l'auteur  de  l'Almanach  n'aurait-il  pas  fait,  sans  le  vouloir, 
la  critique  la  mieux  fondée  du  projet  des  ennemis  de  la  religion,  de  miner 
sourdement  la  religion  catholique  en  France,  en  y  introduisant  toutes  les 
sectes  et  toutes  les  opinions? 

Ce  qui  est  certain,  c'est  que  l'auteur  n'eût  jamais  pensé  à  intituler  son  al- 
manach l'an  premier  du  règne  de  la  Raison,  s'il  n'eût  eu  l'espérance  de  voir 
étendre  à  toutes  les  sectes  ce  que  les  magistrats  n'ont  demandé  et  n'ont  pu 
demander  que  pour  les  protestants. 

Je  suis  avec  respect,  Monsieur,  etc. 

A  Paris,  ce  6  janvier  1788. 


222 


LE  PARLEMENT 


ALMANACH  DES 


Lan  premier  du  règne  de  la  liaison. 


Dis-moi  qui  tu  hantes , 


I 

MARS 

m 

PR1NCEPS 


1  Moïse m 

2  Martial,  po n 

3  Se  Dupleix m 

4  Saladin m 

5  Kleist,  P.  AU    .  .   .  .  m 
fi  Michel-Ange n 

7  Antonin m 

8  Fréret  ........  m 

9  Vanièrc n 

(lOj  Léon,  de  Vinci.  .  .  m 

11  Tasse n 

12  Boileau m 

13  L'Hôpital,  clianc.    .  .  m 

14  Thémistocle m 

lu  Brulus  tue  César. 

lfi  Euripide n 

17  Marc-Aurèle m 

18  Turgot n 

19  Pliocion. m 

(20) Le  Couvreur  .  .   .  .  m 

21  Toland m 

22  Catinat m 

23  Aristote n 

24  Ruyter n 

25  Newton m 

26  Wollaston n 

27  Chamousset m 

28  Calot m 

29  P.  Seguier n 

(30) T.  Pomponius  Alt.  .  m 
31  Descartes n 


II 
AVRIL 

ou 
ALTER 


1  Bavard 

2  Harwey,  Vinslow.  .  . 

3  Jésus-Christ m 

4  Jouvcnct m 

5  Hobbes n 

(i  Sacrale n 

7  Platon n 

8  Cheviller m 

9  Bacon,  Wolf m 

(lO)Grotius.  m.  Tindall  .  n 

11  Deslandes m 

12  Bossuct,  Young  ...  m 

13  Mécène n 

14  Handel m 

15  Pindarc,  Tasse.  ...  m 
1(5  J.  Cassini m 

17  Procrus,  Ozanam.  .  .  m 

18  Lainez m 

19  Christine m 

(20)  M.  Cervantes  ....  m 

21  Numa  Pompilius.  .  .  n 

22  J.  Racine m 

23  Peyronie m 

24  Vincent  de  Paule.  .  .  n 

25  Louis  IX n 

26  Marc-Aurèlc m 

27  Le  Prince  Eugène  .  .  m 

28  Shakespéar m 

29  Abbé  de  S. -Pierre  .  .  m 
(30)  Lucain,  Seneque  .   .  m 


III 
MAI 

TER 


1  Adisson n 

2  Lcmaître m 

3  Benoît  XIV  P m 

4  Aldrovandus m 

5  Astruc m 

6  Papire  Masson  .   .   .   .  n 

7  C.  de  Thou m 

8  C.  Colomb m 

9  Winckclmann  ....  m 
(10)  Labruyere,  Turgot  .  m 

11  Fagon n 

12  Santeuil n 

13  Barneveldt m 

14  Henri  IV m 

15  Marulle m 

16  Mar.  Fabert m 

17  Héloïse m 

18  Montausier m 

19  Yves m 

(20)  Albert  Durer  .  .   .  .  n 

21  T.  Campanella  ....  m 

22  Cl.  Bembo n 

23  Linné n 

24  Timoléon m 

25  G.  d'Amboise m 

26  Letrosne m 

27  Dante  n.  Pibrac  ...  m 

28  Titus h 

29  Boindin n 

(30)  Voltaire m 

31  Pope m 


N.  B.  —  Dans  ce  calendrier  tout  prophane,  on  n'a  pas  prétendu  faire  loi.  Mais 
comme  malheureusement  les  habitans  de  la  terre  sont  divisés  de  culte,  on  a  tenté  de 
les  rapprocher  par  un  lien  commun  de  fraternité.  Le  proverbe  dit  :  Ily  a  des  hon- 
nêtes gens  par  tout.  C'est  d'eux  et  pour  eux  qu'on  s'est  occupé  ici.  L'Almanach  des 
Honnêtes  Gens  pourra  être  consulté  également  par  le  catholique  et  le  protestant,  le. 
luthérien  et  l'anglican,  le  chrétien  et  le  mahométan,  l'idolâtre  et  l'iiébraïsan.  On  ne 
doit  cependant  regarder  ceci  que  comme  le  germe  informe  d'un  ouvrage  plus  impor- 
tant; comme  le  portique  ébauché  d'un  édifice  de  paix,  où  les  hommes  se  trouveront 
un  jour  plus  à  leur  aise  que  partout  ailleurs. 


JUGE  DES  ÉCRITS 


223 


HONNETES  GENS 


je  dirai  qui  tu  es.  (Prov.) 


Pour  la  présente  année. 


IV 
JUIN 


oo 


QUARTILE 


1  Brutus  chasse  Tarq. 

2  Fléchier n 

3  Harvey m 

4  Laure n 

5  Tournefort n 

6  La  Vallièrc m 

7  Mahomet m 

8  Médard,  év m 

9  Mère  d'Henri  IV  .  .   .  m 
(10)  Guaylrouin n 

11  Dumarsais n 

12  Montalembert  ....  m 

13  Agricola n 

14  Pannard m 

15  Rembrant n 

16  Ch.  Oxenstiern.  .  .  .  n 

17  Adisson.  Crébillon  P.  m 

18  Vanswiéten m 

19  Pascal m 

(20)  Azpilcucra m 

21  Collins n 

22  Bougainville n 

23  Léibnitz n 

24  Péiresc n 

25  Titus  règne 

26  Julien,  emp m 

27  Chaulieu 

28  J.-J.Rousseaun.  Diog.  m 

29  Rubens n 

(30)  Charles  VIII,  R.  F.  .  n 


V 
JUILLET 

ou 
QUINTILE 


1  Duc  de  Vendôme  .  .  n 

2  J.-J;  Rousseau  ....  m 

3  D'Aubusson,  g.  m.  .  m 

4  Vadé,  Richardson  .  .  m 

5  Destouclics m 

6  Thom.  Morus m 

7  Trissino n 

8  Lafontaine  n.  Arioste  m 

9  Piron. n 

(lO)Mézeray m 

11  Isocrate* m 

12  J.  César  

13  Duguesclin m 

14  Cla.  Fleury m 

15  Drantôme,  Vanloo  .  .  m 

16  J.  Hus m 

17  Talbot,  Dumarsais.   .  n 

18  Pétrarque,  Wattcau.  .  m 

19  Vincent  de  Paule.  .  . 
(20)  Pétrarque n 

21  Imp.  Eudocie,  Athén.  m 

22  T.  Chatel  de  Bell.  .  . 

23  Ach.  de  Harlav   .  .  .  m 

24  U.  de  Salis.  ......  n 

25  Thomas  à  Kempis  .  .  m 

26  Bouchardon  m 

27  Turcnne m 

28  Sannazar n 

29  Cicéron m 

(30)Guill.  Peiin m 

31  L'Ab.  Chappe  ....  m 


VI 

AOUST 

ou 

SEXTILE 


1  Ph.  d'Orléans,  rég.  .  n 

2  Condillac m 

3  Dolet m 

4  Moh.Mahadi,  Cal.  .  .  m 

5  Tullia,  la  Vallière  .  .  m 

6  Fénélon n 

7  Mallebranche n 

8  Le  gr.  Arnaud'.  ...  m 

9  Drvden n 

(10)  G.  d'Estrée m 

11  Trajan m 

12  Barclay m 

13  Fra  Paolo n 

14  Devic m 

15 

16  Jac.  Bernouilli.   .  .  .  m 

17  Mad.  Dacier m 

18  Laboëtie m 

19  Pascal  m 

(20)  Bourdaloue n 

22  Villiers,  Valette,  g.  m.  m 

23  Agricola m 

24  L'airi.  Coligny  .  ...  in 

25  Hume m 

27  Charles  V,  R.  Sixte  V.  m 

28  Alexandre  Severe  .  .  m 

29  Trajan m 

30  Soliman  II m 

31  Colbert,  n.  Souftlot.  .  m 
21  Boëce m 

26  Thompson.  L.  Véga.  m 


Qu'on  ne  fasse  pas  l'injure  à  l'espèce  humaine  de  croire  qu'elle  n'a  produit  de 
grands  hommes  que  ceux  dont  les  noms  se  trouvent  ici;  on  n'a  inscrit  que  ceux  dont 
on  a  pu  découvrir  la  date  un  peu  certaine  de  la  naissance  et  de  la  mort,  indiquées 
par  une  n  ou  par  une  m. 

Les  changemens  qu'on  s'est  permis  s'expliqueront  assez  d'eux-mêmes. 

On  a  divisé  chaque  mois  de  cet  Almaiiach  des  Honnêtes  Gens  par  décades,  c'est-à- 
dire  de  10  en  10  jours  :  en  sorte  qu'il  y  a  dans  l'année  36  décades  ;  les  5  à  6  jours 
excédant  les  360  jours  serviront  d'épagomènes  et  peuvent  être  consacrés  si  l'on 
veut  à  des  solennités  purement  morales  :  Par  exemple  : 


224 


LE  PARLEMENT 


VII 


SEPTEMBRE 


1  Câlinât m 

2  Rcgnard,  Parcicux.  .  m 

3  Le  grand  Condé  ...  m 

4  Caylus m 

5  Louis  le  Grand.  .  .  .  m 
G  Colbert n 

7  Bu  if  on n 

8  Elisabeth  R.  d'Angl.  m 

9  Saint-Évremont  .  .  .  m 
(10)  Guillaume  1  le  C  .  .  m 

11  Turenne m 

12  François  I,  R.  de  F.  .  m 

13  Titus,  Cromwel  .  .  .  m 

14  J.  D.  Cassini,  Rollin.  m 

15  Montaigne m 

16  Boulanger n 

17  Mauportuis. m 

18  Roger  Bacon m 

19  Antonin n 

(20)  LL  Crassus  OS...  m 

21  Cardan n 

22  Virgile n 

23  Boërhaavc m 

24  Paracelse,  J.  Second,  m 

25  Lamote  Levayer .  .  .  n 

26  Vespasien n 

27  Guai-Trouin n 

28  Lesdiguere.Massillon  m 

29  Gustave  Vasa n 

(30)  G.  Tell,  H.  Languet.  m 


VIII 


OCTOBRE 


1  Le  gr.  Pompée.  .  .  .  m 

2  Alexandre  Severc  .  .  n 

3  Annibal  .......  m 

4  Albanc,  Cujas  .  .  .   .  m 

5  Ph.  Desportes  .  ....  m 
■6  Malherbe m 

7  Froissard,  hist.  .  .   .  m 

8  J.  Douza,  Holl .  .  .  .  m 

9  Fallope,  Cl.  Perrault,  m 
(10)  Corneille,  P m 

11  Ziska m 

12  Clarcke.  C  :  Polignac.  n 

13  Malbranche.  Vesale.  .  m 

14  Guill.  Penn n 

15  Virgile n 

16  Socrate.  Démosthèn  .  m 

17  Ninon  de  Lenclos  .  .  m 

18  Réaumur m 

19  Démocrite,  Swift.  .  .  m 
(20)  Lamoignon n 

21  Le  Père  du  Rédacl.  .  n 

22  Régnier,  Saty  .  .  .  .  m 

23  C.  Boulainvillicrs  .   .  n 

24  Gassendi. Tichobrahc.  m 

25  Ach.  Harlay,  l'anc.  .  m 

26  Galissonnière  .  .  .  .  m 

27  Alfred  le  Gr m 

28  Locke m 

29  M.  le  Tellier m 

(30)  Boindin m 

31  Prés.  Jeannin  .   .  .  .  m 


IX 


NOVEMBRE 


1 

2 
3 
4 


P.  Pi  thon m 

Pline,  l'Ane m 

Lucain. m 

Coock n 

5  Plessis  Mornai.  .   .  .  n 

6  N.  Trajan.  Julien    .   .  n 

7  Locke m 

8  Charron m 

9  Milton m 

(10)  Boulanger n 

1  Mahomet n 

An.  Montmorenci.  .  .  m 
Jean  II  P.  Hol .  .   .   .  n 

Leibnitz m 

Kepler m 

16  Gustave  Adolphe.  .  .  m 

17  Faërne.  Le  Sage.   .  .  m 

18  Bayle \  .   .  .  n 

19  Poussin m 

(20)  C.  Polignac m 

21  J.  B.  Sanlerre  P.   .  .  m 

22  L'ab.  Prévôt m 

23  Perse m 

24  Spinosa n 

25  Bolingbroke m 

26  Quinaull m 

27  Horace m 

28  D'Aguesscau n 

29  Tournefort m 

30  Mar:  de  Saxe m 


12 
13 
14 
15 


Une  fêle  de  l'Amour,  au  commencement  du  Printemps,  le  31  Mars  ou  Princeps; 

Une  fête  de  l'Hyménée,  au  commencement  de  l'Été,  le  31  Mai  ou  Ter; 

Une  fête  de  la  Reconnoissance,  en  Automne,  le  31  Août  ou  Sextile; 

Une  fête  de  l'Amitié,  en  Hiver,  le  31  Décembre. 

La  fête  de  tous  les  grands  hommes  aëmeres,  c'est-à-dire,  dont  on  ne  sait  point  la 
date  de  la  mort  et  de  la  naissance,  le  31  janvier,  ou  un-décembre. 

Quant  au  choix  des  personnages,  à  l'exemple  du  rédacteur,  on  sera  libre  d'y  sub- 
stituer tous  ceux  qui  paroîtront  mériter  la  préférence;  ou  bien  imiter  chacun  dans  sa 
famille,  ce  que  le  rédacteur  a  fait  pour  la  sienne,  au  21  d'Octobre.  Un  Almanach  com- 
posé en  entier  dans  cet  esprit  ne  pourroit  tourner  qu'au  profit  des  mœurs. 


JUGE  DES  ÉCRITS 


225 


X 


DECEMBRE 


1  Germanicus m 

2  Crillon m 

3  Perse n 

4  Hobbcs m 

5  Machiavel m 

fi  Cicéron m 

7  Alg.  Sidney m 

8  Horace.  . n 

9  Milton n 

(10)  Lamo-ignon m 

11  Sully.  G.  Condé .  .  .  m 

12  Collins m 

13  Henri  IV.  Sully  .  .   .  n 

14  Gellert.  .  .  .\  .  .  .  n 

15  Tychobracbé n 

16  Quesnay m 

17  Wood m 

18  Prior m 

19  Gav m 

(20)  Amb.  Parc m 

21  Racine n 

22  Baron,  Coin m 

23  Scneque m 

24  Gama m 

25  Jésus-Christ, Newton,  n 

26  Helvetius m 

27  Kepler n 

28  Caton,  cens.  Bayle.  .  m 

29  Wiclef "...  m 

(30)  Mar.  de  Brissac.  .  .  m 
31  Swift,  Boerhaave.  .  .  n 


XI 
JANVIER 

ou 
UNDÉCEMBRE 


1  Demonax,  Ovide.  .   .  m 

2  Ciceron n 

3  M.  Mole m 

4  H.  Montmorency  L.  .  m 

5  El.  Petrowna,  fmp.  .  m 

6  C.  Quirini n 

7  Fénélon m 

8  G.  Galilci m 

9  Fontcnellc m 

(10)  Prés.  Durany.  .  .   .  m 

11  Spartacus m 

12  Lebrun,  P m 

13  Sugcr m 

14  Frapaolo m 

15  Crebillon,  ïrag.     .  .  n 

16  Patru,  av.     .....  m 

17  Skanderberg m 

18  Montesquieu n 

19  Périclès m 

(20)  Pythagore m 

21  Piron m 

22  Bacon n 

23  Epicure n 

2i  Wolf n 

25  Bayle n 

26  Helvetius n 

27  Nerva.  Tamerlan.  .  .  m 

28  Cliarlcmagnc m 

29  Ch.  Seguier m 

(30)  Rollin n 

31  Epicure m 


XII 
FÉVRIER 


<n 


UIODECEAIBRE 


1  Duqucsne m 

2  Mq.  de  l'Hôpital .   .   .  m 

3  Ulysse  Salis m 

4  Condamine m 

5  Sévigné n 

6  Arnaud  le  Gr n 

7  Polisson m 

8  Huet,  év.  Proclus  .   .  n 

9  Jord.  Brunus m 

(10)  Montesquieu  ....  m 

11  Descartes m 

12  Fontenelle n 

13  Baudoin  R.  de  Je.  .  .  m 

14  Cook,  voyag m 

15  Fréret n 

16  Plutarquc m 

17  Molière m 

18  Michel-Ange m 

19  Copernic.  G.  Galilci.  n 
(20)  Voltaire n 

21  Spinosa m 

22  Gésalpin n 

23  Catinat m 

21-  Sheffield m 

25  Edit  de  Nantes.  .   .   . 

26  Shaftesbury m 

27  M.  Boucicaut n 

28  Raphaël.  Montaigne. .  m 

29  Agnes  Sorel ..'...  m 


Le  défaut  de  place  n'a  pas  permis  de  citer  l'année  de  la  naissance  et  de  la  mort  des 
Grands  hommes  de  ce  Calendrier.  On  désireroit  aussi  que  chacun  d'eux  eût  été  peint 
d'un  trait.  On  tâchera  d'y  suppléer  dans  un  petit  livret  portatif  qui  paroîtra  dans  le 
cours  de  l'année,  sous  le  titre  de  Dictionnaire  des  Honnêtes  Gens. 

On  prévient  encore  que  chaque  mois  découpé  peut  s'adapter  à  chacune  des  douze 
colonnes  d'une  petite  rotonde  formant  un  almanach  en  relief.  On  peut  en  voir  le  mo- 
dèle chez  l'éditeur,  M.  P.  Sylvain  Maréchal,  rue  des  Prêcheurs,  n°  29,  où  se  distribue 
l' Almanach  des  Honnêtes  Gens,  soit  en  feuilles,  soit  collé  sur  carton,  soit  ployé  dans 
un  étui. 


13 


22G  LE  PARLEMENT 

ARRÊT  du  5  mai  1788,  qui  supprime  un  écrit  ayant  pour  titre  Arrêté,  com- 
mençant par  ces  mots  :  la  Cour,  toutes  chambres  assemblées,  et  finissant  par 
ceux-ci  :  dont  il  rendra  compte  lundi  5  mai  (sans  nom  de  lieu  ni  d'imprimeur). 

Le  3  mai,  le  Parlement,  prévenu  d'une  façon  certaine  du  coup 
d'État  que  préparait  Lamoighon  et  qui  éclata  par  les  édits  du  8  mai, 
avait  protesté  par  avance  dans  un  arrêté  inscrit  au  procès-verbal, 
mais  non  publié.  L'arrêté  apocryphe  qu'il  supprima  deux  jours  après 
ne  diffère  pas  pour  le  fond,  mais  seulement  par  quelques  expressions 
plus  énergiques.  En  voici,  avec  le  texte  authentique  entre  paren- 
thèses, le  principal  considérant  : 

Considérant  que  les  entreprises  de  S.  M.  (des  ministres  de  sa  Majesté)  sur  la 
magistrature  ont  évidemment  pour  cause  le  parti  qu'a  pris  la  Cour  de  résister 
aux  impôts  (à  deux  impôts)  désastreux,  de  se  reconnaître  incompétente  en 
matière  de  subsides,  de  convoquer  (solliciter  la  convocation  de)  l'assemblée 
des  États  généraux  et  de  réclamer  la  liberté  individuelle  des  citoyens. 

Quel  était  l'auteur  de  cet  arrêté  insurrectionnel?  Si  l'on  applique  ici 
la  maxime  is  f'ccil  cui  prodest,  il  semble  qu'on  doive  l'attribuer  aux 
ennemis  du  Parlement,  à  la  police  désireuse  de  le  compromettre  au- 
près du  roi  d'une  façon  irrémédiable.  En  fait,  dans  cette  même  séance 
du  3  mai,  Thiroux  de  Crosne  avait  été  cité  pour  rendre  compte  de 
l'enlèvement  du  gazetier  Fouilloux  à  l'hôtel  delà  Force,  par  ce  même 
inspecteur  Quidor  qui  avait  procédé  à  l'arrestation  de  Fréteau.  L'ar- 
rêté apocryphe  ne  paraît  pas  avoir  été  distribué  dans  Paris  :  c'est  le 
lieutenant  général  du  bailliage  du  Palais  qui  en  saisit  des  exemplaires 
entre  les  mains  d'un  certain  Tissot,  qui  essayait  de  les  placer  chez 
divers  libraires  du  Palais.  Le  Parlement  déjoua  cette  perfidie  de  gens 
qui  voulaient  le  faire  passer  pour  rebelle,  tandis  qu'il  n'était  qu'oppo- 
sanl;  malgré  le  lit  de*  justice  du  8  mai,  la  Cour  plénière  ne  put 
être  établie ,  les  nouveaux  ressorts  parlementaires  et  ceux  des 
quarante-sept  grands  bailliages  ne  purent  être  formés,  l'insurrection 
légale  ou  violente  éclata  sur  tout  le  territoire.  Le  Conseil  crut  faire 
une  diversion  par  l'arrêt  du  5  juillet  1788,  qui  invitait  tous  les  corps 
et  tous  les  citoyens  à  donner  leur  avis  sur  la  forme  de  convocation 
des  Etats  généraux,  et  par  conséquent  sur  toutes  les  questions  poli- 
tiques, financières  et  sociales  du  moment.  Cette  liberté  inouïe,  vrai 
présent  des  Grecs  aux  Troyens,  devait  sans  doute,  dans  la  pensée  des 
Brienne  et  des  Lamoignon,  relarder  ou  rendre  impossible  la  convoca- 
tion tant  redoutée  et  tant  promise  par  le  roi,  et  égarer  l'opinion  pu- 
blique dans  le  dédale  des  traditions,  des  privilèges  et  des  doctrines 
contradictoires.  Peut-être  aussi,  au  mot  deMazarin  :  «  Qu'ils  chantent, 
pourvu  qu'ils  payent!  »  les  ministres  habiles  ajoutaient-ils:  «  Qu'ils  se 


JUGE  DES  ÉCRITS  227 

querellent,  pourvu  qu'ils  se  soumettent!  »  Quoi  qu'il  en  soit,  cette 
sorte  d'anarchie  ne  fut  point  spontanée,  mais  savamment  préparée 
et  impudemment  entretenue,  même  après  la  chute  de  Brienne 
(25  août),  le  rappel  de  Necker  et  le  rétablissement  du  Parlement 
(déclaration  du  23  septembre,  enregistrée  le  25). 

Deux  jours  après  cet  enregistrement,  le  Parlement  montra  son 
opinion  sur  l'arrêt  (non  enregistré)  du  5  juillet,  en  s'empressant  de 
condamner  un  écrit  politique.  Il  n'avait  que  l'embarras  du  choix.  Il 
s'arrêta  au  nom  de  Linguet,  que  la  Bastille  et  l'exil  n'avaient  pas 
adouci,  mais  qui  était  rentré  en  grâce  auprès  des  ministres,  soit 
à  cause  des  services  équivoques  qu'il  avait  pu  rendre  dans  les  Pays- 
Bas,  soit  tout  simplement  comme  ennemi  irréconciliable  du  parti 
parlementaire.  Les  Annales  politiques,  civiles  cl  littéraires,  qu'il  avait 
commencées  à  l'étranger  en  1777,  paraissaient  librement  en  France  : 
on  souscrivait  chez  A.  Sauzai,  ancien  négociant,  hôtel  de  Bullion, 
rue  Plâtrière,  à  Paris;  c'est  le  numéro  110  qui  lut  supprimé  par 
l'arrêt  suivant  : 

ARRÊT  du  27  septembre  1788,  qui  supprime  une  des  feuilles  de  l'ouvrage 
périodique  intitulé:  Annales  politiques,  civiles  et  littéraires,  tome  XV,  n°  116  '. 

Les  réquisitions  de  Séguier  visaient  spécialement  les  pages  211, 
212  et  22(1,  dans  lesquelles  Linguet  (encore  exilé  lors  de  la  publi- 
cation), tournait  en  ridicule  les  récentes  opérations  financières, 
blâmait  la  confiance  des  Français  et  des  étrangers  en  matière  d'em- 
prunts publics,  et  donnait  au  roi  le  conseil,  une  fois  les  États  géné- 
raux assemblés,  de  ne  point  reconnaître  les  dettes  contractées  par 
ses  prédécesseurs. 

ARRÊT  du  1 7  décembre  1788,  condamnant  la  Délibération  à  prendre  par  toutes 
les  municipalités  du  royaume,  avec  l'inscription  :  Vive  le  Roil 

Cette  brochure  fut  dénoncée,  le  16  décembre  au  matin,  par  l'évê- 
que  de  Chàlons. 

Un  des  pairs2  prenant  la  parole  a  dit  : 

Monsieur,  un  de  Messieurs  a  présenté,  il  y  a  quelques  jours,  à  la  Cour,  un 
imprimé  ayant  pour  titre  :  Délibération  à  prendre  par  toutes  les  municipalités 
du  royaume,  avec  l'inscription  :  Vive  le  Roi!  —  La  Cour  n'a  pas  cru  devoir 

1.  X  1b  8989.  —  La  minute  porte  par  erreur  tome  V.—  L'arrêt  imprimé  porte 
XV. 

2.  Onze  pairs  de  France  assistaient  à  cette  séance,  parmi  lesquels  Vévêque 
comte  de  Chatons,  que  les  termes  de  sa  dénonciation  désignent  évidemment 
(16  déc;  1788). 


228  LE  PARLEMENT 

donner  une  attention  bien  suivie  à  cet  imprimé,  parce  qu'il  paraissait  être  une 
pièce  isolée,  et  n'avoir  aucune  publicité;  mais  je  suis  informé  d'une  manière 
très  positive  qu'il  a  été  répandu  avec  la  plus  grande  profusion.  Je  déclare  à  la 
Cour  qu'il  a  été  adressé  aux  différentes  municipalités  de  mon  diocèse,  notam- 
ment à  celle  de  Joinville,  et  je  remets  à  la  Cour  le  paquet  tel  qu'il  a  été  envoyé 
aux  officiers  municipaux  de  cette  ville.  L'adresse  est  :  A  MM.  les  officiers  muni- 
cipaux de  Joinville,  et  le  timbre  est  de  Nimes.  La  teneur  de  cet  imprimé  ne 
peut  laisser  à  douter  que  cet  envoi  n'ait  eu  pour  objet  de  mettre  le  trouble 
dans  le  royaume  en  excitant  le  tiers  état  contre  le  clergé  et  la  noblesse.  En 
conséquence,  je  prie  la  Cour  de  s'occuper  de  cet  imprimé  comme  séditieux, 
attaquant  le  clergé,  la  noblesse  et  la  magistrature;  contraire  aux  véritables 
intérêts  du  tiers  état,  et  tendant  à  détruire  l'autorité  même  du  roi1. 

Le  lendemain  malin  17  décembre,  Séguier  prononça  ses  réquisi- 
tions et  déclara  que  ce  que  la  Cour  devait  poursuivre  avant  tout, 
c'était  la  publicité  extraordinaire  donnée  à  la  Délibération  à  prendre. 

Nous  envisageons  cet  imprimé  comme  le  premier  effet  d'une  anarchie  prèle 
à  éclater,...  comme  le  germe  de  désordre  que  le  système  d'égalité  se  llatlc 
d'introduire  dans  les  rangs  et  dans  les  conditions. 

L'auteur  propose  d'anéantir  les  prérogatives  du  clergé  et  de  la  no- 
blesse; i!  déchire  que  les  offices  de  la  magistrature  doivent  être 
«  retirables  à  volonté  ». 

Ses  projets  sont  contraires  aux  intérêts  du  peuple  lui-même,  qui  deviendrait 
le  plus  terme  appui  d'un  despotisme  jusqu'à  présent  inconnu. 

On  ne  s'en  lient  plus  à  proposer  des  doutes  sur  l'incertitude  des  premiers 
temps  de  la  Monarchie,  sur  les  limites  de  la  souveraineté,  sur  la  séparation 
réelle  des  ordres,  sur  l'étendue  des  privilèges,  en  un  mot,  sur  les  droits  de  la 
nation  réunie;  toutes  ces  questions  autrefois  problématiques  sont  décidées 
suivant  le  trénic  et  le  caractère  des  écrivains.  Les  sacres  institutions  sur  les- 
quelles  reposent  les  fondements  de  la  Monarchie  sont  abolies;  les  lois  deman- 
dées par  la  nation,  consenties  par  le  souverain,  exécutées  pendant  des  siècles 
entiers,  ne  sont  plus  que  de  vaincs  chimères  enfantées  par  l'ignorance  et 
avouées  parla  faiblesse;  nos  principes  eux-mêmes,  la  séparation  des  trois 
ordres  de  l'Etat  qui  chacun  en  particulier  ne  peuvent  rien,  et  qui  peuvent  tout 
pour  le  bien  public  quand  un  même  esprit  et  un  même  sentiment  les  réunit; 
ces  bases  inaltérables  de  la  prospérité  de  l'empire  doivent  être  envisagées 
comme  le  fruit  des  erreurs  du  premier  âge,  ou  le  produit  d'une  injustice  que 
la  force  seule  pouvait  ériger  en  loi.  Enfin  il  est  peu  d'écrivains,  de  quelque 
rang  et  de  quelque  condition  qu'ils  puissent  être,  qui,  dans  l'enthousiasme  de 
leurs  idées,  ne  traitent  nos  ancêtres  d'hommes  simples  et  crédules,  courageux 
mais  ignorants,  propres  à  soumettre  leurs  ennemis,  les  armes  à  la  main,  mais 
qui  n'ont  jamais  respecté  les  droits  particuliers  du  peuple,  ni  connu  le  droit 
public  des  nations. 

1.  Arch.  uat.,  X  1b  8989.  La  minute  est  signée  par  le  présidenl  Bochart  de 
Saron,  loco  domini  prœsidentist 


JUGE  DES  ÉCRITS  229 

Détruire  l'égalité  de  suffrage  de  chacun  des  trois  ordres,  c'est 
«  bannir  de  la  société  l'esprit  de  concorde  dont  tous  les  cœurs 
doivent  être  pénétrés»,  c'est  donner  au  tiers  état  une  «prépondé- 
rance inconstitutionnelle  ». 

La  Délibération  fut  lacérée  et  brûlée  le  jour  même  (17  décembre 
1788),  comme  il  appert  du  procès-verbal  d'exécution  !.  Les  Pari- 
siens purent  croire  (mais  il  n'en  était  rien)  que  l'exécuteur  brûlait  la 
Pétition  des  domiciliés,  déférée  dans  la  même  journée.  Averti  par 
des  sifflets  et  des  cris  auxquels  il  n'était  pas  habitué,  le  Parlement 
fit  traîner  cette  affaire  en  longueur  pendant  trois  jours,  interrogea 
l'imprimeur,  le  notaire  où  la  pétition  avait  été  déposée,  les  gardes  et 
adjoints  des  Six-Gorps  qui  l'avaient  approuvée  solennellement,  enfin 
l'auteur  lui-même,  le  docteur  Guillotin.  Celui-ci,  qui  avait  eu  tout  le 
temps  de  préparer  et  de  modérer  sa  défense,  se  prévalut  des  inten- 
tions du  roi,  c'est-à-dire  de  l'arrêt  du  Conseil  du  5  juillet,  et  de  celles 
mêmes  du  Parlement,  qui,  dans  un  arrêté  du  5  décembre,  indiquait 
«  le  vœu  général  comme  pouvant  déterminer  la  sagesse  du  roi  »  2. 
C'est  seulement  le  troisième  jour,  19  décembre,  que  la  Cour  rendit 
l'arrêt  suivant  : 

La  Cour,  considérant  que  le  droit  légitime  qu'ont  les  différents  Corps  et 
Communautés,  ainsi  que  chaque  citoyen  ou  particulier,  de  faire  parvenir  au 
roi  leurs  demandes  par  la  voie  des  requêtes  et  des  supplications,  ne  les  auto- 
rise pas  à  remettre  ces  requêtes  chez  les  officiers  publics,  à  l'effet  d'y  recevoir 
les  signatures  des  citoyens  de  tous  les  ordres,  moins  encore  à  solliciter  ces 
signatures  par  des  lettres  ou  avertissements  imprimés  et  répandus  dans  le 
public,  ce  qui  tendrait  à  former   des  associations  contraires  à  l'ordre  public, 

1.  L'arrêt  de  condamnation  du  17  décembre  1788  fui  adressé  au  bureau  de  la 
ville  de  Paris,  qui  avait  reçu  par  la  poste,  comme  diverses  municipalités,  la 
«  Délibération  à  prendre,  ete.  »  On  lit  en  effet  cette  mention  manuscrite,  à  la 
suite  d'un  des  exemplaires  imprimés  conservés  à  la  Bibliothèque  nationale  :  «  lu 
et  publié,  l'audience  tenante,  et  registre  au  bureau  de  la  ville  de  Paris,  ce  re- 
quérant le  procureur  du  roi  et  de  la  Ville,  pour  être  exécuté  selon  sa  forme  et 
teneur.  Fait  audit  bureau  ce  neuf  janvier  mil  sept  cent  quatre-vingt-neuf,  Vey- 
tard  »  (secrétaire  du  bureau  de  la  Ville). 

1.  <■  on  entendait  dire  qu'il  était  plus  que  probable  que  Monsieur,  frère  du  roi, 
et  le  sieur  Necker,  directeur  général  des  finances,  avaient  du  consentement  de  Sa 
.Majesté'  provoqué  la  pétition  si  fort  en  faveur  du  liées  état,  el  que,  dans  ce  cas,  il 
était  à  craindre  que  toul  ce  que  le  Parlement  entreprenait  contre  cette  pétition 
ne  vint  à  tourner  contre  lui-même,  et  à  être  considéré  comme  une  fausse  dé- 
marche contre  laquelle  même  il  se  répandait  déjà  bien  des  murmures.))  La  Cour 
de  Parlement  se  tint  pour  avertie;  Guillotin  fut  presque  complimenté  quant  au 
fond  de  l'ouvrage,  et  il  lui  fut  donné  acte,  verbalement,  que  les  magistrats  n'y 
trouvaient  rien  de_répréhensible.  (Hardy,  t.  VIII,  p.  175  et  178,  18  et  19  décem- 
bre; voyez  aussi  p.  188  et  1 8 G . )  —  M.  Chassin  ayant  donué  les  textes  qui  con- 
cernent cette  affaire,  nous  renvoyons  à  «  la  Convocation  de  Paris  »,  p.  5G-72. 


230  LE  PARLEMENT 

réprouvées  par  les  ordonnances  du  royaume,  et  dont  les  personnes  malinten- 
tionnées pourraient  abuser.  Fait  défenses  aux  gardes  des  Six-Corps  et  à  tous 
autres  de  répandre  à  l'avenir  dans  !c  public  de  semblables  lettres  ou  avertisse- 
ments, et  aux  notaires  de  recevoir  pareils  écrits  qui  compromettraient  la  pureté 
de  leur  étude  et  la  confiance  due  à  leur  état;  leur  enjoint  de  remettre,  dans  le 
jour,  au  greffe  de  la  Cour  les  exemplaires  que  chacun  d'eux  peut  avoir,  en 
l'état  où  ils  sont. 

Le  mouvement  des  brochures  et  des  ouvrages  est  tel  qu'il  devient 
matériellement  impossible  de  les  poursuivre.  De  plus,  depuis  l'affaire 
de  la  pétition,  l'opinion  publique  s'est  tournée  contre  le  Parlement. 
Son  rôle  de  conciliateur  entre  le  roi  et  la  nation  est  terminé  :  ce  n'est 
plus  lui  que  le  pouvoir  redoute,  ce  n'est  plus  en  lui  que  la  nation  met 
son  espérance.  Pendant  deux  mois,  au  milieu  des  problèmes  qui  sont 
agités,  des  passions  et  des  intérêts  qui  se  mesurent  avant  le  combat, 
il  garde  une  altitude  expectante  :  pour  qu'il  reprenne  sa  police  des 
imprimés,  il  faut  «  l'ordre  même  du  souverain  ». 

Année  1789 

ARRÊT  du  10  février  1789,  qui  condamne  Y  Histoire  secrète  de  la  Cour  de  Ber- 
lin, ou  Correspondance  d'un  voyageur  français  depuis  le  mois  de  juillet  178G 
jusqu'au  19  janvier  1787;  ouvrage  posthume  (1789) r, 

L'auteur  était  bien  connu.  C'est  au  grand  tribun  révolutionnaire,  à 
Mirabeau,  que  le  Parlement  s'attaquait  :  «  Il  est  malheureux,  dit 
Séguier  dans  son  réquisitoire,  d'avoir  un  grand  talent  quand  on  n'a 
pas  une  trempe  de  caractère  assez  forte  pour  le  diriger  vers  le  bien.  » 
VJJisloire  seerhte  constituait  une  «  violation  du  droit  des  gens  » 2. 

L'auteur  avait  foulé  aux  pieds  la  bienséance,  «  le  respect  que  tout 
Français  doit  aux  puissances  amies  ou  ennemies  de  la  France  ». 
Pourquoi  donc  la  Cour  avait-elle  attendu  l'ordre  du  roi  pour  pour- 
suivre et  condamner?  C'est  que,  dans  un  moment  de  fanatisme  uni- 
versel, elle  s'est  sentie  débordée  et  impuissante;  c'est,  elle  l'avoue  un 
peu  tard,  que  «  les  flétrissures  sont  un  attrait  de  plus  pour  rechercher 
un  libelle  ». 

Cependant,  après  avoir  laissé  subir  au  gouvernement  l'avalancbe 
de  libelles  qu'il  s'était  attirée,  le  Parlement  fut  bientôt  forcé  de  sortir 


1.  X  1b  S9S9.  L'ouvrage  est  en  2  vol.  de  318  et  :S7G  pages.  Le  G  juin  17S7.  un 
arrêt  du  Conseil  avait  supprimé  la  lettre  de  Mirabeau  sur  l'administration  de 
M.  Necker  (Isambcrt,  n°  2!U4). 

2.  Dans  ses  lettres  à  Mauvillon,  Mirabeau  désavoue  {'Histoire  secrète,  mais  il 
en  dit  du  bien. 


JUGE  DES  ÉCRITS  231 

de  son  inaction  voulue  pour  défendre  ce  qui  pouvait  lui  rester  de 
popularité,  et  pour  soutenir  le  Parlement  de  Bretagne  dans  la  lutte 
engagée,  au  nom  des  privilèges  de  cette  province,  contre  le  règle- 
ment général  des  élections  et  le  droit  naturel  du  tiers  état. 

Douze  imprimés  furent  condamnés  dans  la  seule  journée  du  G  mars, 
dont  voici  le  procès-verbal  '. 

DU    VENDREDI   6   MARS    1789,    DU   MATIN 

TOUTES    CHAMBRES   ASSEMBLÉES,    LES    PAIRS    Y   SÉANT 

MONSIEUR   LE   PREMIER    PRÉSIDENT 

Ce  jour,  toutes  les  Chambres  assemblées,  les  pairs  y  séant,  les  gens  du  roi 
sont  entrés,  et  Maître  Antoine-Louis  Séguier,  avocat  dudit  seigneur  roi,  portant 
la  parole,  ont  dit  : 

Messieurs, 

Nous  avons  pris  communication  des  différents  imprimés  que  la  Cour  nous  a 
remis,  et  nous  venons  lui  rendre  compte  de  nos  observations  sur  la  nature 
et  le  but  de  tant  de  brochures  également  dignes  d'animadversion  et  de  mé- 
pris. 

Elles  sont  au  nombre  de  douze,  toutes,  à  l'exception  d'une  seule,  sans 
nom  d'auteur,  toutes  sans  nom  d'imprimeur  ni  du  lieu  de  l'impression. 

Nous  partagerons  ces  écrits  en  trois  classes  :  la  première  renfermera  ce  qui 
concerne  les  Parlements  et  la  Capitale;  la  seconde  contiendra  ce  qui  est  énoncé 
de  la  Bretagne  et  a  un  rapport  direct  aux  troubles  de  cette  province.  Nous 
réunissons  dans  la  troisième  un  imprimé  signé  de  l'auteur,  et  cinq  nu- 
méros d'un  ouvrage  destiné  à  former  une  feuille  périodique  sur  les  affaires 
actuelles. 

Commençons  par  ce  qui  intéressé  les  Parlements  et  la  ville  de  Paris. 

Le  premier  imprimé  a  pour  titre  :  Catéchisme  des  Parlements2.  C'est  une 
espèce  de  conversation  entre  deux  interlocuteurs  qui,  dans  les  demandes  et 
dans  les  réponses,  prêtent  à  tous  les  Parlements  du  royaume  des  vues,  des 
projets,  un  plan,  si  éloignés  de  leurs  devoirs,  de  leurs  fonctions  et  de  leurs 
sentiments,  qui  supposent  même  une  intelligence  si  combinée  entre  le  clergé, 
la  noblesse  et  la  magistrature,  une  confédération  si  absurde  contre  la  consti- 
tution de  la  monarchie  et  les  droits  inaltérables  du  monarque  dont  les  uns 
et  les  autres  ont  toujours  été  et  seront  toujours  les  plus  fermes  appuis,  que 
la  lecture  seule  de  cette  brochure  calomnieuse  suffit  pour  faire  connaître 
l'aveuglement,  la  haine  et  la  méchanceté  de  l'écrivain. 

Le  second  imprimé  est  intitulé  :  Avis  aux  Parisiens,  et  appel  de  toutes  con- 


1.  Arch.  nat.,  X  1b  89!)0,  ù  la  date.  Les  passages  non  reproduits,  et  signalés  par 
des  points,  sont  de  pure  déclamation. 

2.  Bibl.  nat.,  Lb59,  n°  936.  Pièce  de  16  pages,  commençant  par  :  Qu'êfes-voits 
de  votre  nature,  et  Unissant  par  :  -point  de  réponse. 


232  LE  PARLEMENT 

vocations  d'Étals  généraux  où  les  députés  du  troisième  ordre  ne  seraient  pas 
supérieurs  aux  deux  autres1. 

C'est  à  regret  que  notre  ministère  se  voit  dans  la  nécessité  de  faire  l'analyse 
d'un  écrit  dicté  par  la  fureur  encore  plus  que  par  la  folie.  L'auteur  débute  par 
se  plaindre  de  «  l'inaction  stupide  des  habitants  de  la  Capitale,  quand  on  veut 
les  rendre  esclaves,  quand  ils  devraient  songer  à  se  défendre,  quand  des  écri- 
vains, enflammés  de  l'amour  de  la  patrie,  soutiennent  leur  liberté  ».  Il  les  in- 
vite «  à  sortir  de  celte  honteuse  apathie,  à  s'élever  contre  le  clergé,  la  nohlesse 
et  la  magistrature  ligués  ensemble  »,  et  à  ne  pas  souffrir  que  «  six  cent  mille 
hommes  fassent  la  loi  à  vingt-quatre  millions  ».  Bientôt,  n'écoutant  plus  que 
le  délire  d'une  imagination  ardente,  il  s'écrie  :  «  Unissons-nous  de  cœur  et  de 
sentiments...  Rompons  toute  communication  avec  eux...  Rappelez  tous  vos  en- 
fants qui  sont  à  leur  service  ;  s'ils  refusent  d'obéir,  lancez  la  foudre  de  l'cxhé- 
rédation,  déclarez-les  traîtres  à  la  Patrie  »  ;  et  dans  une  note  que  nous  ne 
pouvons  passer  sous  silence,  on  lit  à  ce  sujet  :  a  Pour  l'accomplissemcnl  de 
cetlc  mâle  résolution,  je  voudrais  que  cet  écrit  fût  publié  aux  prônes  de  toutes 
les  paroisses.  » 

Ce  cri  de  sédition,  ce  viru  fanatique  n'est  pas  encore  suffisant.  L'auteur 
pose  en  fait,  que  «  la  noblesse,  le  clergé  et  la  magistrature  ne  supportent  pas 
le  demi-quart  des  charges  publiques;  que  le  corps  du  peuple  en  paye  les  sept 
huitièmes  »  ;  et  il  en  conclut  que  «  les  représentants  du  peuple  doivent  être  au 
moins  sept  fois  supérieurs  en  nomhrc  aux  représentants  des  deux  autres 
ordres  »  ;  il  veut  que  «  les  notables  du  tiers  état  déclarent  que  si  ses  députés 
n'ont  pas  la  prépondérance  »  (il  ne  se  contente  même  pas  de  l'égalité)  «  ils 
n'enverront  point  auxÉlats  généraux  ». 

Enfin  l'auteur  termine  par  se  charger  lui-même  du  poids  de  la  défense  com- 
mune; il  déclare  qu'il  «  se  rend  appelant  de  toute  décision  quelconque  qui  ne 
serait  pas  conforme  à  ce  principe  immuable,  que  les  représentants  doivent  être 
en  raison  des  représentés...  parce  qu'elle  serait  souverainement  injuste  et  par 
cela  seul  frappée  d'une  illégalité  radicale  ». 

Les  passages  que  nous  venons  d'avoir  l'honneur  de  vous  rapporter  suffisent 
pour  caractériser  un  écrit  de  cette  nature.  Nous  ne  nous  permettrons  en  ce 
moment  aucunes  réflexions  sur  les  deux  imprimés  de  la  première  classe. 

Le  seconde  doit  conlenir,  entre  tous  les  imprimés  qui  nous  ont  été  remis 
par  le  greffier  de  la  Cour,  ceux  qui  ont  un  rapport  direct  aux  troubles  de  la 
Bretagne.  Nous  avons  réuni  sous  cette  indication  huit  brochures  qui  ont  le 
même  caractère  et  respirent  le  même  esprit.  Vous  y  verrez  le  commencement, 
les  progrès  et  les  suites  d'une  sorte  de  conspiration  qui,  sous  le  voile  du  bien 
public  et  de  la  liberté,  a  presque  occasionné  les  plus  grands  désordres. 

La  première  de  ces  brochures  est  un  Discours,  vrai  ou  supposé,  des  Com- 
missaires des  Étudiants  en  droit  et  jeunes  citoyens  de  Bretagne,  en  préscnta)it 
leurs  arrêtés  au  Commandant  de  la  province2.  On  est  tout  étonné  de  voir  les 


1.  Pièce  de  11  pages  commençant  par  :  Frivoles  Parisiens,  et  finissant  par  : 
et  qui  s'engraissent  de  vos  travaux.  Voyez  Chassin,  ouvrage  cité,  p.  15G  el  157. 
Cette  brochure  l'ut  aussi  condamnée  à  Rennes,  parmi  échange  de  bons  procédés 
entre  les  deux  parlements. 

2.  Pièce  de  1-!  pages  {Monsieur  le  Comte...  —  Le  Marchand  de  l'Épinay,  gref- 
fier). 


JUGE  DES  ÉCRITS  233 

élèves  de  l'une  des  Facultés  de  l'Université  de  Rennes,  et  le  reste  des  jeunes 
gens  de  la  ville,  réunis  tout  à  coup  en  corporation,  s'ériger  en  corps  légal, 
former  une  assemblée  et  prendre  des  délibéralions.  Nous  ne  devons  pas  pré- 
sumer qu'ils  aient  encore  reçu  beaucoup  d'instruction  sur  les  matières  de 
droit  public.  Cette  harangue  adressée  au  commandant  de  la  province  semble- 
rait néanmoins  annoncer  une  sorte  de  subordination,  un  recours  à  l'autorité 
royale;  mais  dans  le  fait  elle  n'est  que  le  passe-port  de  la  délibération  la  plus 
étrange  et  la  plus  inconstitutionnelle. 

Les  étudiants  en  droit  et  les  autres  jeunes  citoyens  de  la  ville  s'étaient  as- 
semblés «  dans  la  salle  des  écoles  de  droit  le  20  janvier  1789  »  ;  ils  avaient 
pris  «une  délibération,  tant  en  leurs  noms  personnels  que  par  procuration  et 
adhésion  desjeunes  citoyens  des  villes  de  Nantes,  Lorient,  Saint-Malo,  etautres 
villes  de  la  province»;  et  c'est  dans  cette  espèce  de  coalition  (pour  nous 
servir  d'un  terme  emprunté  de  nos  voisins  et  qui  exprime  une  chose  étrangère 
à  nos  mœurs)  qu'il  faut  chercher  le  germe  des  troubles  qui  depuis  ont  ensan- 
glanté la  Bretagne. 

Cette  jeunesse  ardente,  inconsidérée,  et  d'autant  plus  prompte  à  décider 
qu'elle  connaît  moins  les  vrais  principes,  se  hâte  de  prendre  parti  dans  l'es- 
pèce de  schisme  qui  a  paru  diviser  les  trois  ordres;  et,  pour  faire  connaître 
son  vœu  particulier,  elle  emprunte  le  langage  et  la  forme  usités  dans  les  arrêtés 
des  Cours  souveraines  ;  en  conséquence,  l'arrêté  qu'elle  fait  commence  ainsi  : 

«  Vu  en  ladite  assemblée  l'arrêt  du  Conseil  d'État  du  roi,  du  3  janvier,  qui  en- 
joint aux  députés  du  tiers  état  de  Bretagne  de  retourner  à  leurs  communes 
pour  y  prendre  de  nouvelles  charges  ; 

«  Les  arrêts  de  la  Cour  [du  Parlement  de  Bretagne]  des  8  et  10  du  présent 
portant  défenses  aux  corps,  communes  et  communautés,  de  se  réunir  ni  de 
prendre  des  délibéralions  autres  que  celles  autorisées  par  les  ordonnances... 
sous  peine  d'être  punis  et  poursuivis  suivant  la  rigueur  des  ordonnances  por- 
tées contre  les  assemblées  illicites,  etc.,  etc.  ; 

«  Les  déclarations  de  l'Ordre  de  la  noblesse,  etc.  ; 

«  La  lettre  du  chevalier  de  Guer  ',  etc.  ; 

«  Les  différents  arrêtés  des  paroisses  de  Rennes  assemblées; 

«  Vu  et  examiné  de  nouveau  le  cahier  des  charges  arrêté  parles  membres  des 
villes  et  communes  de  la  province  en  la  salle  de  l'Hôtel  de  Ville  du  mois  de 
déeembre  dernier.  » 

Ces  différents  «  vu  »  sont  suivis  de  plusieurs  considérations  : 

«  Considérant  ladite  assemblée  qu'elle  n'est  pas  sous  le  coup  des  ar- 
rêfés  de  la  Cour  qui  défend  les  assemblées  illicites  et  contraires  aux  lois  du 
royaume,  etc..  ; 

<(  Considérant  que  la  déclaration  de  l'Ordre  de  la  noblesse  tend  à  soulever  le 
peuple  contre  ses  légitimes  représentants,  etc.  ; 

«  Considérant  que  la  lettre  du  chevalier  de  Guer  est  insidieuse,  etc.  ; 

«  Considérant  que  les  arrêtés  pris  par  les  différentes  paroisses  expriment  le 
vœu  général  et  réfléchi  des  peuples; 

«  Considérant  enfin  que  le  cahier  des  charges  du  tiers  état  ne  contient  que  les 
réclamations  les  plus  équitables,  etc.; 

«  Déterminée  par  toutes  ces  considérations,  l'assemblée  arrête  qu'elle  se  réu- 

1.  Bib.  nat.,  Ll>59,  no  973, 


234  LE  PARLEMENT 

nira  toutes  les  fois  que  le  besoin  et  les  affaires  publiques  l'exigeront, 
sauf  à  se  pourvoir  contre  les  défenses  qui  pourraient  lui  être  faites.» 

Après  avoir  «  nié  »,  critiqué,  désavoué  la  déclaration  de  l'Ordre  de  la  no- 
blesse, après  avoir  conlirmé  «  l'arrêté  pris  par  les  jeunes  citoyens  de  Nantes 
le  6  janvier  précédent,  celui  de  Lorient  du  12,  et  généralement  tous  les  arrêtés 
pris  par  les  jeunes  citoyens  des  autres  villes  de  la  province,  elle  ordonne  que 
sa  délibération  sera  imprimée  au  nombre  de  G00  exemplaires  ». 

Celte  délibération  est  revêtue  d'un  grand  nombre  de  signatures,  et  en  outre 
signée  «  Raoul,  lieutenant  de  prévôt,  et  greffier  des  étudiants  en  droit,  pour 
les  jeunes  citoyens  de  Nantes,  Lorient,  Saint-Malo,  et  tous  les  jeunes  gens  de 
la  province  non  présents,  mais  qui  ont  envoyé  leur  procuration,  accompagnée 
de  huit  cents  jeunes  citoyens  ». 

Ce  coup  d'éclat,  fait  en  la  salle  des  écoles  de  droit,  a  été  suivi  d'une  dé- 
marche plus  éclatante  encore.  Ces  mêmes  étudiants  se  sont  transportés  le 
même  jour  à  l'Hôtel  de  Ville,  où  se  tenait  l'Assemblée  municipale.  Ils  ont  de- 
mandé à  entrer,  et  ayant  été  admis,  «  ce  même  Raoul,  faisant  les  fonctions  de 
prévôt,  a  donné  lecture  de  la  délibération  prise  aux  écoles,  a  mis  les  arrêtés 
sur  le  bureau,  a  demandé  acte  du  dépôt  desdites  pièces,  et  l'Assemblée  mu- 
nicipale a  décerné  acte  de  la  représentation  et  lecture  desdites  pièces,  et 
arrêté  qu'elles  seraient  déposées  au  greffe  de  la  ville  ». 

Cette  première  brochure  était  comme  le  preparatif  des  faits  qui  n'ont  pas 
tardé  à  se  succéder. 

La  seconde  a  pour  titre  :  Détail  de  ce  qui  s'est  passé  à  Rouies  le  26  jan- 
vier 1789 r.  —  Cette  feuille,  où  l'on  accuse  la  noblesse  d'un  «  complot  odieux  », 
où  elle  est  traitée  d'  «  abominable  race  »,  semble  contenir  la  relation  incroyable 
d'une  émotion  populaire  dont  il  y  a  peu  d'exemples.  Cette  relation  a  été  démentie 
par  un  récit  tout  à  fait  opposé  de  la  part  de  la  noblesse  de  la  province.  L'une 
et  l'autre  n'ont  aucune  authenticité.  Mais  la  première  a  été  distribuée  avec  un 
tel  empressement  qu'on  forçait  ceux  mêmes  qui  ne  voulaient  pas  l'acheter  à 
en  recevoir  un  exemplaire  sans  en  payer  la  valeur;  et  cette  circonstance  peut 
faire  soupçonner  l'esprit  dans  lequel  cette  brochure  a  été  composée,  envoyée 
et  distribuée.  Nous  nous  ferions  un  juste  reproche  de  reproduire  les  assertions 
que  ce  Détail  présente.  Il  serait  trop  douloureux  à  notre  ministère  de  retracer 
des  événements  si  tragiques  que  nous  désirerions  d'en  effacer  même  jusqu'au 
souvenir. 

La  troisième  brochure  de  cette  seconde  classe  est  en  quelque  sorte  le  pre- 
mier fruit  du  Détail  que  nous  venons  de  faire  connaître. 

Elle  est  intitulée  :  Discours  prononcé  à  l'hôtel  de  la  Bourse  dans  l'assemblée 
des  jeunes  gens  de  Nantes,  par  M.  Omncs  Omnibus,  député  des  jeunes  gens  de 
Rennes,  le  28  janvier  1789-.  —  L'auteur  annonce  qu'il  est  «  député  »  et  qu'il 
a  vient  au  nom  des  jeunes  citoyens  de  Rennes  chercher  les  secours  qu'ils 


1.  Pièce  (If  (i  pages  (Noire  ville  a  eu  le  spectacle  —  tels  qu'ils  se  soûl  passés). 
Cet  écrit  avait  déjà  été  supprimé  par  le  Conseil,  de  l'avis  du  garde  des  sceaux 
Barerïtin,  le  14  février,  comme  contraire  au  bon  ordre  et  attentatoire  à  la  con- 
sidération due  à  la  noblesse  [Réimpression  de  l'uuc  Moniteur,  tome  I,  p.  5b6). 

2.  Pièce  de  s  pages  (Messieurs,  —  Lupé,  Mesnard,  etc.)  Bib.  nat.,  Lb39,  1032. 
Un  Breton,  nommé  François  Omnès,  compagnon  graveur,  à  Paris,  s'était  distin- 
gué par  de   nombreux   sauvetages;  en    1784  en  particulier,  à   dix-huit  ans,  lors 


JUGE  DES  ÉCRITS  235 

attendent  de  ceux  qui  se  sont  si  bien  montrés  pour  la  cause  commune...  Je 
me  sacrifierai,  ajoute-t-il,  s'il  le  faut,  pour  mes  compatriotes;  la  patrie  est  en 
danger,  marchons  pour  la  défendre  ».  Cette  vive  apostrophe  est  suivie  d'une 
protestation  des  jeunes  gens  de  Nantes.  On  y  lit  :  «Que  le  cri  de  la  vengeance 
retentisse  jusqu'au  pied  du  Trône!  Que  le  monarque  voie  couler  le  sang  de 
nos  frères,  etc.  Jurons  tous,  au  nom  de  l'humanité  et  de  la  liberté,  d'élever  un 
rempart  aux  efforts  de  nos  ennemis...  »  Ils  arrêtent  en  conséquence  «départir 
en  nombre  suffisant  pour  en  imposer...,  de  regarder  comme  infâmes  et  désho- 
norés ceux  qui  auront  la  bassesse  de  postuler  et  môme  d'accepter  les  places 
des  absents...  de  se  soumettre  aux  commissaires  nommés  par  acclamation 
pour  la  police  et  l'ordre  qu'il  conviendra  observer  pendant  la  route  et  le  sé- 
jour à  Rennes  ».  Enfin,  «  ils  protestent  d'avance  contre  tous  les  arrêts  qui 
pourraient  les  déclarer  séditieux,  et  jurent  au  nom  de  l'honneur  et  de  la  patrie 
qu'au  cas  qu'un  tribunal  injuste  parvînt  à  s'emparer  de  quelqu'un  d'eux,  et 
qu'il  osât,  par  un  de  ces  actes  que  la  politique  appelle  actes  de  vigueur  et  qui 
ne  sont  en  effet  que  des  actes  de  despotisme,  le  sacrifier  sans  observer  les 
formes  et  les  délais  prescrits  par  les  lois,  ils  jurent,  disons-nous,  de  faire  ce 
que  la  nature,  le  courage  elle  désespoir  inspirent  pour  sa  propre  conservation  ». 
Cet  arrêté  paraît  revêtu  de  seize  signatures,  et  ceux  dont  on  lit  les  noms 
prennent  la  qualité  de  commissaires.  Ensuite  on  trouve  les  noms  de  six  autres 
particuliers  qui  s'annoncent  pour  chefs  de  correspondance  ;  et,  comme  si  tous 
les  assistants  n'avaient  pu  signer,  on  voit  un  grand  nombre  de  signatures  sui- 
vies de  plusieurs,  etc.,  etc.,  etc. 

Vous  venez  de  voir  que  la  jeunesse  de  Nantes  a  arrêté  de,  partir  et  d'aller 
au  secours  de  ses  frères  de  Rennes.  Ce  plan  a  été  aussitôt  exécuté  que  conçu. 
L'arrêté  est  du  28  janvier.  Nous  voyons,  par  la  quatrième  brochure  intitulée 
Journal  de  route1,  que  ce  même  jour,  28  janvier,  les  jeunes  gens  de.  Nantes  se 
sont  en  effet  mis  en  marche,  qu'ils  se  sont  approchés  de  la  ville  de  Rennes 
avec  armes  et  bagages,  mais  en  observant  une  discipline  presque  militaire 
d'après  un  arrêté  fait  par  les  commissaires  nommés  avant  le  départ. 

Ce  même  Journal  nous  apprend  que  cette  jeunesse  a  été  trois  jours  en  mar- 
che, que  la  jeunesse  de  Rennes  est  venue  en  partie  la  rejoindre  à  Nozay  ;  que 
le  31  janvier  les  deux  corps  réunis  se  sont  mis  en  route  pour  arriver  à 
Rennes;  que  l'entrée  de  la  ville  a  été  interdite  au  plus  grand  nombre;  que 
leurs  instances  réitérées  leur  ont  fait  obtenir  la  permission  d'entrer;  que  les 
jeunes  gens  de  Nantes  ont  été  logés  chez  les  bourgeois,  et  qu'  «  ils  on!  dépose 
leurs  armes  sous  la  garde  de  cinquante  d'entre  eux  ». 

des  grandes  inondations  de  la  Seine,  il  sauva  deux  enfants  à  six  jours  d'inter- 
valle, l'un  le  4  avril,  l'autre  le  10,  et  chaque  fois  au  péril  de  sa  vie  et  aux  yeux 
d'une  foule  stupéfaite  de  sa  hardiesse.  La  maîtrise  lui  fut  accordée  à  titre  de 
récompense  et,  sans  frais,  lui  outre,  sur  le  rapport  de  M.  Pia  ill  mai  HSi,  Arch. 
nat.,11.  1955),  la  Ville  lui  avait  décerné  une  de  ses  médailles,  avec  cette  épigraphe 
ingénieuse, qui  faisait  allusion  à  son  nom  et  à  son  dévouement:  Omnes  omnibus. 
Des  lettres  de  félicitation  furent  envoyées  à  son  péri',  qui  avait  sept  autres  en- 
fants, et  qui  était  maître  ferblantier  de  la  marine  de  Brest.  Il  est  curieux  de 
retrouver  l'épigraphe  Omnes  omnibus  comme  signature  d'un  des  libelles  bretons 
de  1789,  et  comme  nom  de  guerre. 

1.  Pièce  de  \2  pages  (Le  mercredi  malin  susdit  jour.  —  serait  imprimé).  Bib. 
nat.,  LbJ?  1033, 


236  LE  PARLEMENT 

Cependant  l'émeute  du  26  avait  excité  la  vigilance  du  Parlement  de  Rennes, 
et,  ayant  voulu  prendre  connaissance  de  «  l'affaire  survenue  entre  MM.  de  la 
noblesse  et  du  tiers  état  »,  il  avait  rendu  un  arrêt  qui  évoquait  les  procédures 
commencées  soit  au  siège  de  la  police,  soit  au  présidial,  avec  défenses  d'en 
connaître.  Le  même  Journal  nous  apprend  encore  que  «  le  présidial  n'avait 
pas  voulu  déférer  à  cet  arrêt,  qu'il  continuait  ses  informations»  et  que  l'ordre 
des  avocats  crut  alors  devoir  agir  en  son  nom.  «  11  demanda  l'entrée  de  la 
cour,  le  rapport  de  l'arrêt  de  convocation  »  (c'est  évocation  qu'on  a  voulu 
dire);  il  demanda  que  «  la  connaissance  de  l'affaire  restât  au  présidial  comme 
tribunal  d'instruction,  et  le  seul  qui  pût  en  connaître  ».  Nous  ne  pouvons 
nous  persuader  qu'un  barreau  aussi  éclairé  que  celui  de  Rennes  ait  pu  ignorer 
que  les  cours  souveraines  ont  dans  toute  l'étendue  de  leur  ressort,  et  princi- 
palement dans  le  lieu  de  leur  fixation,  l'exercice  incontestable  de  ia  grande 
police.  Le  Parlement  de  Rennes  devait  se  placer  entre  le  corps  de  la  noblesse 
et  celui  du  tiers  état  pour  pacifier  les  esprits  et  arrêter  le  désordre,  quels  qu'en 
fussent  les  auteurs.  Mais  ce  qui  nous  étonne  encore  davantage,  c'est  qu'on  fasse 
dire  à  l'avocat  qui  portait  la  parole,  qu'  «  il  tenait  d'une  main  l'ordonnance  et 
de  l'autre  le  cri  public  »  :  comme  si  cette  menace  déguisée  pouvait  en  impo- 
ser aux  magistrats  dépositaires  de  l'autorité!  comme  si  la  cour  devait  le  motif 
de  ses  résolutions  à  un  ordre  fait  pour  défendre  les  intérêts  des  particuliers, 
sans  interroger  la  justice  dans  le  sanctuaire  de  la  loi  !  Aussi  le  Parlement  de 
Rennes  a-t-il  répondu  à  cette  insurrection  inouïe,  qu'  «  il  ne  devait  aucun 
compte  à  l'ordre  des  avocats,  et  qu'il  voulait  bien  lui  dire  qu'il  avait  puisé 
dans  sa  sagesse  l'arrêté  qu'il  avait  pris  ».  Nous  lisons  dans  le  même  Journal 
que,  «  mécontent  de  cette  réponse,  l'ordre  a  député  quatre  de  ses  membres 
pour  Paris  »,  sans  doute  pour  se  plaindre  de  ce  que  la  cour  n'avait  pas  fait 
droit  sur  sa  réclamation. 

La  cinquième  brochure  est  un  recueil  de  Pièces  tant  imprimées  que  manu- 
scrites1. Mais  ce  recueil  se  réduit  à  deux  seulement.  La  première  est  un  Écrit  des 
jeunes  yens  de  la  ville  de  Brest,  dans  lequel  ils  «  certifient,  promettent  et 
jurent  d'adhérer  aux  délibérations  de  la  ville  de  Rennes,  de  se  soumettre  à 
tout  ce  qu'il  plaira...  à  la  jeunesse  assemblée  de  la  ville  de  Rennes,  de  décider, 
pour  soutenir  les  droits  injustement  méconnus  du  tiers,  de  s'opposer  aux  in- 
sultes et  vexations  d'une  noblesse  orgueilleuse;...  et  enfin  de  se  soumettre 
aveuglément  à  tout  ce  qui  sera  décidé  par  le  Conseil  de  la  jeunesse  assemblée, 
et  de  se  consacrer  avec  le  plus  parfait  dévouement  à  la  cause  publique  ».  Cet 
arrêté  est  du  1er  février  1789  ;  il  est  revêtu  de  soixante  signatures,  et,  à  la  fin, 
il  est  signé  Frémont,  commissaire  pour  la  correspondance  de  Nantes  et  de 
lie  unes. 

La  seconde  pièce  de  ce  recueil  est  une  homélie  hislorico-politico- morale, 
où  l'auteur  s'est  efforcé  de  faire  voir  ce  que,  d'après  ses  idées  et  les  faits  qu'il 
raconte,  «  on  doit  penser  de  la  conduite  des  ordres  de  l'Eglise  et  de  la  no- 
blesse, et  de  celle  du  Parlement  depuis  l'ouverture  des  Etats  de  Bretagne  ». 
Dans  ce  discours,  l'auteur,  vraiment  fanatique,  s'est  oublié  au  point  d'affecter 
d'imiter  en  tout  la  forme  pratiquée  dans  les  instructions  que  les  ministres  de 
l'Eglise  donnent  aux  fidèles  assemblés  sur  les  mystères,   les  dogmes  et  les 

1.  Pièce  de  28  pages  {Nous  soussignés.  —  par  un  curé  de  Bretagne).  Bib.  nat., 
'Lb39,  1115. 


JUGE  DES  ÉCRITS  237 

préceptes  de  notre  religion  sainte.  Cette  homélie  ne  présente  qu'un  narré  infi- 
dèle de  faits  hasardés  ou  dénaturés,  qu'un  assemblage  d'assertions  injurieuses 
au  clergé,  à  la  noblesse  et  à  la  magistrature  ;  la  dénonciation  d'un  système 
d'asservissement  médité  contre  le  tiers  état,  système  qui  n'a  jamais  existé 
et  n'existera  jamais  dans  le  cœur  ou  dans  l'esprit  des  deux  premiers  ordres 
de  la  province;  enfin  l'apologie  des  prétentions  de  toute  nature  du  troi- 
sième ordre,  et  un  encouragement  pour  saisir  l'occasion  de  rompre  le  joug, 
et  de  rentrer  dans  tous  les  droits  dont  il  a  injustement  été  privé.  0  souvenir 
malheureux!  c'est  avec  de  pareils  moyens,  c'est  par  de  semblables  déclama- 
tions que  les  prédicateurs  du  temps  odieux  de  la  Ligue  cherchaient  à  soule- 
ver le  peuple,  et  l'animaient  contre  ce  qu'il  y  avait  de  plus  respectable  dans 
l'État. 

Il  nous  reste  encore  à  vous  rendre  compte,  dans  cette  classe,  de  trois  impri- 
més qui  sont  une  suite  de  tout  ce  que  nous  venons  d'avoir  l'honneur  de  vous 
exposer.  L'une  est  une  Protestation  des  étudiants  en  droit  de  la  ville  d'Angers, 
du  3  février  1789'  ;  —  la  seconde,  un  Arrêté  des  membres  de  la  Dazocke  de  la 
ville  d'Angers,  du  même  jour2  ;  —  la  troisième,  un  Arrêté  des  jeunes  citoyens 
de  la  même  ville,  du  4  février* . 

La  protestation  des  étudiants  en  droit  a  été  faite  «  dans  la  salle  des  grandes 
écoles  »  ;  elle  a  été  faite  sur  la  «lecture  d'une  lettre  des  jeunes  gens  de  la  ville 
de  Rennes  ».  On  rappelle  dans  cette  protestation  les  considérations  qui  ont 
déterminé  les  étudiants  en  droit  de  l'Université  de  Rennes  ;  on  «  arrête  des 
remerciements  à  tous  les  jeunes  gens  de  Nantes,  aux  étudiants  en  droit  de 
Rennes,  et  à  tous  les  jeunes  citoyens  de  Bretagne  »  ;  qu'il  leur  «  sera  sur-le- 
champ  donné  assurance  du  zèle  de  l'assemblée  à  concourir  avec  eux  à  la  juste 
vengeance  des  assassinats  commis  par  quelques  nobles  de  Rretagne  »,  que 
«  chacun  se  préparera  sans  délai  à  partir  pour  se  rendre  à  Rennes  >-  ;  qu'  «  on 
communiquera  à  la  jeunesse  d'Angers  les  pièces  même  de  Nantes  »,  et  que 
«  la  délibération  sera  rendue  publique  ». 

V Arrêté  de  la  Bawche  est  dirigé  d'après  le  même  plan  de  conduite.  On  ex- 
pose d'abord  que  «  déjà  les  étudiants  en  droit  et  en  médecine  ont  envoyé  des 
députés  à  Nantes  et  à  Rennes  pour  prendre  des  informations,  et  offrir  aux 
Rrelons  la  vie  et  les  bras  de  la  jeunesse  angevine  disposée  à  partir  au  premier 
signal  »  ;  et  d'après  cet  exposé  la  bazoche  prend  une  délibération  semblable  à 
celle  des  étudiants  de  la  ville  de  Rennes  et  arrête  «  de  s'y  transporter  au  pre- 
mier avertissement,  et  que  ceux  qui  obtiendront  ou  solliciteront  les  places  des 
absents  seront  voués  à  l'infamie,  et  déclarés  incapables  de  posséder  aucune 
charge  dans  la  judicature  ». 

Enfin  la  Jeunesse  de  la  ville  d'Angers  arrête  qu'  «  en  qualité  d'hommes  et  de 
citoyens  ils  sont  et  seront  toujours  prêts  à  voler  au  secours  de  leurs  frères 
injustement  opprimés...  et  en  conséquence  ils  adhèrent  aux  arrêtés  des  étu- 
diants en  droit,  des  étudiants  en  médecine  et  des  membres  de  la  bazoche  de  la 


1.  Pièce  de  ".]  pages  (Nous  soussignés,  —  pour  MM.  les  étudiants  non  présents  à 
l'assemblée).  Bib.  nat.,  Lb39,  1113. 

2.  Pièce  de  7  pages  (MM.   les  membres  de  la  bazoche  [d'Angers,  —  Dubois,  se- 
crétaire). 

3.  Pièce  do  5  pages  (Nous  jeunes  citoyens,  —   Versé,   Yvon,  etc.  etc.).  Bib.  nat., 
Lb39,  1117. 


238  LE  PARLEMENT 

dite  ville  ».  Ces  trois  dernières  pièces  sont  accompagnées  d'une  grande  multi- 
tude de  signatures. 

L'analyse  que  nous  venons  de  présenter  des  huit  brochures  comprises  dans 
cette  seconde  classe  démontre  avec  évidence  à  quel  degré  de  fermentation  les 
esprits  se  sont  portés  dans  la  province  de  Bretagne.  Non  seulement  les  muni- 
cipalités, les  communautés,  les  paroisses  se  sont  assemblées  et  ont  pris  des 
délibérations  :  elles  en  avaient  la  faculté;  elles  forment  un  corps  dans  l'Étal; 
tout  corps  a  droit  de  délibérer  sur  ses  inlérêls.  Nous  n'avons  point  à  nous 
occuper  de  ces  délibérations  particulières.  Mais  par  quelle  instigation  est-il 
arrivé  que  la  jeunesse  de  Rennes,  Nantes,  Lorient,  Brest  et  Saint-Malo,  se  soit 
assemblée  dans  chacune  de  ces  villes,  et  se  soit  ensuite  réunie  pour  agir  de 
concert  et  se  porter  aux  mêmes  extrémités?  Pourquoi  les  étudiants  en  droit  et 
en  médecine  ont-ils  suivi  le  même  exemple?  Qui  a  pu  leur  persuader  de  for- 
mer une  association  publique?  Comment  ont-ils  pu  se  promettre  de  «  faire 
couler  le  sang  de  leurs  frères  jusque  sous  les  yeux  du  monarque  »?  Et  com- 
ment n'ont-ils  pas  frémi  de  «  jurer  »,  s'ils  étaient  poursuivis  «  par  un  tribu- 
nal» qu'ils  appellent  «  injuste»,  de  faire  tout  ce  que  la  nature,  le  courage  et 
le  désespoir  inspirent  pour  sa  propre  conservation  ?  Comment  ce  cri  de  ven- 
geance a-t-il  retenti  jusque  dans  les  villes  voisines  ?  Par  quelle  fatalité,  en  un 
mot,  cette  traînée  de  poudre  a-t-clle  pris  feu  au  même  instant  dans  presque 
toute  l'étendue  de  la  Bretagne?  Vous  en  avez  l'aveu  dans  le  Journal  de  route 
des  jeunes  gens  de  Nantes.  Déterminés  par  le  discours  prononcé  à  la  Bourse 
par  un  député  de  Rennes,  ils  se  sont  transportés  en  grand  nombre  dans  le 
sein  de  la  capitale  où  les  États  devaient  être  et  étaient  censés  assemblés.  Ils  y 
sont  entrés  armés  et  ont,  en  quelque  sorte,  forcé  le  commandant  de  les  admettre 
pour  éviter  de  plus  grands  désordres.  Ils  accusent  la  noblesse,  le  clergé,  le 
Parlement;  mais  n'ont-ils  rien  à  se  reprocher  à  eux-mêmes?  Ne  pourrions-nous 
pas  leur  dire,  comme  Horace  au  peuple  romain,  dans  les  troubles  de  la  répu- 
blique expirante  : 

Furorne  cœcus,  an  rapit  vis  acrior? 
An  culjm?  Responsum  date. 

(Epoô.  lib.,  VIL) 

Est-ce  par  l'effet  d'une  combinaison  fortuite  que  cette  jeunesse,  non  con- 
tente de  solliciter  ses  compatriotes,  a  fait  circuler  son  effervescence  jusque 
dans  les  provinces  limitrophes  ?  Par  l'impulsion  de  quelle  force  inconnue  les 
étudiants  en  droit,  les  étudiants  en  médecine  de  l'Université  d'Angers,  la  jeu- 
nesse de  cette  même  ville,  et  la  bazoche  attachée  à  la  sénéchaussée  d'Anjou, 
ont-ils  adopté  la  même  résolution?  Pourquoi  cette  foule,  absolument  étrangère 
aux  États  de  Bretagne ,  a-t-elle  embrassé  la  querelle  du  tiers  état  de  cette 
province?  Pourquoi  s'est-elle  réunie,  autant  qu'il  a  été  possible,  à  la  jeunesse 
bretonne?  Pourquoi  a-t-elle  juré  de  voler  à  son  secours  au  premier  signal, 
l'a-t-elle  remerciée  de  sa  confiance?  et,  enfin,  de  quel  droit  a-t-elle  fait  impri- 
mer des  arrêtés  pris  dans  la  chaleur  du  premier  moment?  Serait-ce  pour  faire 
parade,  aux  yeux  de  toute  la  France,  d'une  intrépidité  coupable,  et  qu'on  doit 
envisager  comme  le  fruit  de  l'aveuglement  plutôt  que  comme  l'effet  d'un  zèle 
pur  et  d'un  vrai  patriotisme  ? 

Il  serait,  sans  doute,  dangereux  d'approfondir  des  questions  que  l'homme 
sensé  se  fait  malgré  lui-même,  mais  auxquelles  il  lui  est  impossible  de  ré- 


JUGE  DES  ÉCRITS  239 

pondre.  Détournons  nos  regards  de  ce  tableau  trop  affligeant,  et  achevons  de 
parcourir  les  imprimes  dont  notre  ministère  a  été  chargé  de  rendre  compte  à 
la  Cour. 

Le  nombre  n'en  est  pas  considérable  dans  la  troisième  classe  :  ils  se  ré- 
duisent à   deux.    En   voici   le    résumé.   Le  premier   est  intitule  :  Lettre  de 

M.  C.  F.  de  Volney  à  M.  le  comte  de  S t l.  Il  paraît  que  cette  brochure 

est  une  réponse  à  la  réfutation  d'un  des  ouvrages  de  l'auteur.  Le  commence- 
ment de  cette'  lettre  est  une  suite  de  sarcasmes  contre  celui  à  qui  elle  est 
adressée,  un  long  tissu  d'invectives  contre  la  noblesse  française,  un  assem- 
blage de  reproches  contre  la  magistrature,  et  un  recueil  apologétique  des  lu- 
mières, des  forces  et  des  prétentions  du  tiers  état.  L'auteur  veut  repousser 
des  États  généraux  tous  ceux  qui  sont  attachés  à  la  noblesse  de  quelque  ma- 
nière que  ce  soit,  et  pour  cet  effet  il  divise  son  ordre  (le  tiers  état)  en  deux 
classes:  «  l'une  réellement  indépendante  de  la  noblesse  par  sa  fortune  et  son 
caractère;  l'autre  encore  dans  le  servage  par  ses  intérêts  et  ses  places  »  :  ces 
derniers  sont,  dit-il,  «  des  esclaves  d'Alger  que  nous  voulons  délivrer,  mais 
que  nous  sommes  forcés  de  canonner  afin  de  détruire  le  corsaire  ». 

Quant  aux  principes  que  l'auteur  établit,  nous  n'en  citerons  qu'un  seul  ;  il 
renferme  tous  les  autres.  Il  distingue  dans  le  tiers  état  «  la  force  neutre  et  la 
force  vivante  »,  et  voici  comme  il  s'exprime  :  «  Pour  vous  expliquer  la  force 
morte,  je  vous  dirai  que  c'est  celle  d'un  paysan  qui,  persécuté  par  un  haut 
justicier,  se  défend  par  des  mémoires  ;  et  que  la  force  vive  est  celle  d'un  autre 
paysan  qui,  poussé  à  bout,  prend  son  fusil  et  se  fait  justice.  »  On  peut  juger 
de  la  trempe  d'esprit  de  cet  écrivain,  de  la  profondeur  de  ses  raisonnements, 
de  la  sagesse  de  ses  vues,  par  cette  seule  explication. 

Le  second  imprimé  est  divisé  en  cinq  numéros  qui  forment  chacun  une  bro- 
chure séparée.  Elles  ont  pour  titre  :  La  Sentinelle  du  peuple,  et  sont  adressées 
aux  gens  de  toute  les  professions,  sciences,  arts,  commerce  et  métiers,  qui 
composent  le  tiers  état  de  la  province  de  Bretagne  2. 

Cet  ouvrage,  comme  nous  l'avons  déjà  annoncé,  était  destiné  à  devenir  pé- 
riodique, et  le  plan  que  le  journaliste  paraît  avoir  adopté  est  de  recueillir  les 
projets,  les  propos,  les  conversations,  les  entretiens  furtifs,  et  généralement 
tout  ce  qui  peut  avoir  trait  aux  affaires  de  la  province,  et  d'accompagner  le 
tout  de  ses  remarques  et  de  ses  réflexions. 

L'auteur  avertit  que  tout  citoyen  doit  avoir  un  emploi  dans  la  société;  et  il 
suppose  qu'il  «  a  pris  pour  son  lot  le  métier  de  sentinelle  »  ;  en  conséquence 
il  va  rôdant  les  soirs  par  les  rues,  il  se  tient  en  embuscade  aux  coins  des  car- 
refours, il  parcourt  les  places  publiques,  épie  tous  les  passants,  les  suit,  les 
écoute,  et  fait  son  profit  de  toutes  les  conversations  qu'il  peut  entendre.  Ce 
cadre  est  rempli  de  nouvelles  apocryphes,  de  fables  inventées  à  plaisir,  de 
contes  propres  à  échauffer  le  peuple,  d'événements  ajustés  aux  affaires  du 
jour,  d'allégories  injurieuses  et  de  conjurations  qui  n'existent  que  dans  l'ima- 

1.  Pièce  de  23  pages  (.1/.  le  Comte  —  C.-F.  de  Volney).  Bib.  nat.,  Lb39  1370. 

2.  1er  numéro,  12  pages  {Amis  cl  citoyens, —  pire  encore  que  le  despotisme); 
2e  numéro,  18  pages  (Amis  et  citoyens, —  de  peur  d'accident);  3e  numéro,  20  pa- 
ges (Amis  et  citoyens,—  la  logique  de  l'auteur);  4e  numéro,  19  pages  (Amis  et 
citoyens,  —  vingt  fois  )>lus  fort  qu'eux);  5e  numéro..  18  pages  (Amis  et  citoyens, 
—  à  la  perle  de  leur  tirannie). 


240  LE  PARLEMENT 

gination  de  cet  espion  nocturne.  Son  but  principal  est  d'exaspérer  le  tiers  état 
contre  la  noblesse.  Il  accuse,  sans  cesse,  les   deux  premiers  ordres  d'avoir 
formé  un  complot  pour  opprimer,  pour  dépouiller  le  troisième,  pour  le  réduire 
à  un  esclavage  honteux;  et  la  magistrature  est  d'intelligence  pour  faire  réussir 
la  conspiration...  «  Frères  et  citoyens,  s'écrie-t-il,  faites  seulement  ce  que  je 
vous  dirai...  Je  veux  avant  dix  jours  mettre  à  vos  pieds  tous  les  conjurés  »  ; 
cl  ce  secret  est  d'obliger  tous  les  membres  du  tiers  état,  dans  quelques  rangs 
qu'ils  se  trouvent  placés,  à  rompre  toute  communication,  à  refuser  tout  service, 
en  un  mot  à  ne  rien  faire  de  ce  qui  concerne  leurs  professions  pour  le  clergé, 
pour  la  noblesse  et  la  magistrature.  Cet  expédient  est  heureusement  imaginé, 
et  le  tiers  état  s'applaudirait  sans  doute  d"unc  résolution  si  analogue  à  ses  in- 
térêts !  Au  reste  l'auteur  est  d'accord  avec  lui-même  :  car  son  projet  est  de  dé- 
truire dans  le  royaume  tout  ce  qui  n'est  pas  du  tiers  état.  Dans  un  autre  de 
ses  numéros,  il  introduit  un  médiateur  qui  offre  d'apaiser  tous  les  débats,  et 
cet  esprit  pacificateur  trouve  extraordinaire  «  qu'un  ordre  se  sépare  des  deux 
autres  ».  Voici  la  réponse  de  l'auteur  :  «  Qu'appclez-vous  un  ordre?  Changez 
vos  termes,  monsieur.  Le   tiers  état  n'est  point  un  ordre  :  il  est  la  nation. 
C'est  un   corps  entier  et  complet  dont  la  noblesse  et  le  clergé  ne  sont  pas 
même  les  membres  utiles,,  car  ils  ne  le  font   ni  vivre  ni  agir.  Ce  sont  deux 
loupes...  qu'il  faut  refouler  dans  la  masse.  »  A-t-on  jamais  rien  lu  de  plus  ex- 
travagant? Le  délire  est  porté  jusqu'à  la  frénésie. 

Avant  de  terminer  celte  discussion,  nous  allons  vous  faire  connaître  le  génie 
de  ce  folliculaire  anonyme  :  nous  ne  citerons  plus  qu'un  passage  du  dernier 
de  ses  numéros;  mais  on  doit  frémir  en  le  lisant.  Après  s'être  livré  à  la  vio- 
lence de  ses  déclamations,  l'auteur  dit  qu'il  veut  quitter  les  personnalités  pour 
songer  à  la  chose  publique.  Il  s'adresse  à  l'un  des  membres  de  l'ordre  de  la 
noblesse,  et  l'invite  «  à  jeter  un  regard  sur  la  France  et  sur  la  Bretagne,  et, 
à  l'aspect  des  nuages  immenses  de  l'horizon,  à  juger  quelle  tempête  se  pré- 
pare». Il  ajoute  :  «  Le  feu  de  la  sédition  est  prêt  à  éclater.  Voyez  les  liens  de 
l'État  dissous,  le  frein  des  passions  brisé,  le  champ  ouvert  à  la  licence;  voyez 
le  peuple  mutiné,  la  justice  civile  suspendue,  les  impôts  partout  refusés...; 
voyez  la  sédition  dans  les  villes,  le  pillage  dans  les  campagnes,  les  alarmes 
dans  les  familles.  Dans  ce  danger  des  citoyens,  voyez  le  danger  de  votre  ordre. 
En  vain  il  veut  se  rassembler  pour  opposer  plus  de  résistance  :  la  jeunesse 
roturière  se  ligue  et  forme  des  corps  volontaires  redoutables  :  on  suscite  vos 
paysans  contre  vous,  et,  leur  donnant  en  propriété  ce  qu'ils  n'ont  qu'en  fermes, 
ils  deviennent  vos  plus  ardents  ennemis...  Tremblez  de  livrer  un  combat  où  le 
peuple  n'a  rien  à  perdre  et  tout  à  gagner.  » 

Quel  pinceau  a  pu  tracer  celte  image  horrible  des  calamités  que  les  dissen- 
sions publiques  pourraient  accumuler?  Les  écrits  multipliés  qui  contiennent 
ces  indices  d'une  rébellion  méditée  seraient-ils  les  avant-coureurs  du  plus 
terrible  des  iléaux?  Ce  ne  sont  encore  que  des  manifestes,  mais  les  bruits  sou- 
terrains présagent  l'explosion  des  volcans.  Le  calme  qui  paraît  succéder  au- 
jourd'hui aux  premiers  coups  de  l'orage  n'est  peut-être  qu'un  calme  apparent. 
Les  trois  ordres  sont  toujours  partagés  :  ils  sont  en  présence,  ils  s'attendent. 
Lequel  deviendra  l'agresseur?  Nous  ne  pouvons  le  dissimuler  :  vous  venez  de 
l'entendre.  Ce  n'est  pas  la  noblesse  qui  veut  anéantir  le  tiers  état.  C'est  un 
membre  du  tiers  état  qui  cherche  à  le  soulever.  C'est  lui  qui  annonce  toutes 
les  horreurs  de  la  guerre  civile.  Il  dit  à  la  noblesse  :  «  Nous  sommes  tout, 


JUGE  DES  ECRITS  241 

vous  n'êtes  rien  :  cédez  à  la  force.  Autrement  vos  châteaux  sont  incendiés, 
vos  richesses  sont  dissipées,  vos  droits  féodaux  vous  sont  arrachés,  vos  femmes 
et  vos  enfants  se  trouvent  exposés  aux  insultes  de  la  populace  et  aux  besoins 
de  la  pauvreté  :  et,  dans  ce  combat  terrible  de  la  nation  contre  vous...,  si 
vous  remportiez  la  victoire...,  vous  régneriez  sur  des  tombeaux  et  sur  des 
ruines.  » 

Nous  ne  faisons  que  copier  littéralement  le  texte  de  l'écrivain.  Comment 
caractériser  de  pareils  ouvrages?  Le  fanatisme  n'a  jamais  enfanté  de  produc- 
tions plus  séditieuses.  Comment  a-t-on  pu  en  tolérer  la  distribution?... 

L'usage  légitime  de  la  presse,  ce  moyen  si  rapide  d'étendre  les  lumières  et 
les  connaissances  utiles  au  genre  humain ,  cette  liberté  représentative  du  don 
naturel  de  la  pensée,  dégénère,  comme  la  parole  elle-même,  en  licence  into- 
lérable, toutes  les  fois  qu'elle  facilite  le  moyen  de  répandre  le  poison  de  l'er- 
reur, d'attaquer  les  dogmes  et  les  mystères  de  la  religion,  de  corrompre  la 
pureté  de  la  morale,  de  blesser  l'honnêteté  publique  et  de  diffamer  le  dernier 
des  citoyens.  Tous  ces  grands  objets  doivent  être  couverts  de  l'égide  de  la 
loi,  et  quiconque  leur  porte  atteinte  est  un  perturbateur  du  repos  public... 
Quand  le  roi  a  autorisé  tous  ses  sujets  h  lui  faire  parvenir  leurs  sentiments 
particuliers  sur  l'objet  important  qui  semble  partager  la  Nation,  le  roi  n'a  eu 
d'autre  but  que  d'éclairer  sa  religion,  et  il  donnait  une  grande  preuve  de 
bonté  en  consultant  ses  sujets  sur  leurs  propres  intérêts.  Pouvait-il  prévoir 
que  cette  bonté  paternelle  deviendrait  la  source  d'une  multitude  d'écrits  plus 
propres  à  diviser  les  esprits  qu'à  les  rapprocher,  plus  capables  de  confondre 
les  idées  que  de  réunir  les  opinions,  plus  favorables  aux  factieux  que  conso- 
lants pour  les  véritables  patriotes?  Il  est  peut-être  temps  encore  de  réprimer 
un  désordre  qui  pourrait  causer  les  plus  grands  malheurs  par  la  rapidité  avec 
laquelle  l'art  de  l'imprimerie  communique  la  contagion.  Pour  arrêter  ces  fu- 
nestes effets,  le  roi  a  déclaré  qu'il  allait  prendre  des  mesures  propres  à  pré- 
venir la  licence  à  laquelle  on  se  livre  en  imprimant  toutes  sortes  d'ouvrages 
sans  aucune  sanction.  Puisse  cette  intention  manifestée  être  désormais  une 
digue  assez  puissante  pour  arrêter  l'impression  furtive  et  la  distribution  pu- 
blique de  ces  ouvrages  licencieux  dont  une  tolérance  funeste  semble  autoriser 
la  publicité!... 

La  situation  actuelle  de  la  France  est  semblable  à  la  position  critique  d'une 
tlotte  nombreuse  battue  de  la  tempête,  et  dans  l'impossibilité  de  faire  usage 
des  signaux  convenus;  les  vaisseaux,  poussés  par  les  vents  contraires,  obéis- 
sent à  la  vague  écumante,  se  heurtent,  s'entrechoquent,  se  séparent  malgré 
l'habileté  de  la  manœuvre;  mais,  aussitôt  que  l'orage  est  dissipé,  ils  se  rap- 
prochent, se  secourent,  se  réunissent  sous  le  pavillon  amiral,  se  mettent  en 
ligne  et  voguent  avec  confiance  pour  arriver  au  port  qui  les  attend  :  les  Étals 
généraux  du  royaume  seront  ce  point  de  réunion... 

...  En  espérant  que  le  flambeau  de  la  discorde  sera  étouffé,  il  est  de  notre 
devoir,  comme  de  la  sagesse  de  la  Cour,  de  condamner  publiquement  les  im- 
primés  dont  nous  venons  de  lui  rendre  compte.  Les  fanatiques  plaisantent 
sur  un  genre  de  tlétrissurc  depuis  longtemps  en  usage  dans  les  tribunaux  ; 
mais  l'homme  circonspect  y  voit  une  improbation  légale  prononcée  par  les 
dépositaires  de  l'autorité  souveraine... 

(Suit  l'arrêt  de  condamnation,  signé  :  Bochart,  et  le  procès-verbal  de 
l'exécution  du  7  mars  1789,  signé  :  Dufranc) 

lfi 


242  LE  PARLEMENT 

Les  troubles  de  Rennes,  en  particulier  l'émeute  du  champ  de  Mont- 
marin  (26-27  janvier  1789),  avaient  été  attribués  avec  quelque  vrai- 
semblance aux  valets  et  aux  domestiques  des  nobles  et  des  parlemen- 
taires. Contrairement  aux  droits  du  présidial  et  des  juges  de  police, 
le  Parlement  de  Bretagne  évoqua  les  procès  criminels  déjà  com- 
mencés. Les  avocats  de  Rennes  protestèrent  en  corps.  Le  roi  évoqua 
lui-même  l'affaire,  l'impartialité  du  Parlement  de  Rennes  étant  sus- 
pectée, et  il  la  renvoya  au  Parlement  de  Bordeaux.  Quatre  avocats 
avaient  présenté  au  roi,  sur  cette  question,  un  mémoire  dont  les  con- 
clusions, sinon  les  expressions,  avaient  été  approuvées.  Le  Parlement 
de  Paris  se  mit  en  tête  de  justifier  le  Catéchisme  des  Parlements,  qu'il 
venait  de  condamner,  en  prenant  fait  et  cause  pour  celui  de  Rennes. 
Il  rendit  «  l'Arrêt  du  6  avril  1789,  qui  condamne  le  mémoire  au 
Roi  des  députés  de  l'Ordre  des  avocats  au  Parlement  de  Bretagne, 
commençant  par  ces  mots  :  Consacrés  à  la  défense  de  leurs  conci- 
toyens, et  finissant  par  ceux-ci  :  Ce  ne  sont  pas  les  grands,  signé  : 
Glezen,  Lanjuinais,  Le  Chapelier,  Varin  ».  Ce  mémoire  fut  lacéré  et 
brûlé  le  mardi  7  avril  1789'. 

Cet  arrêt  est  l'épilogue  des  condamnations  relatives  à  la  Bretagne. 
Entre  temps,  les  13,  17,  20  et  24  mars,  le  Parlement  avait  poursuivi 
un  mémoire  présenté  au  Roi  le  19  février,  au  nom  de  la  communauté 
des  maîtres  boulangers,  par  le  chevalier  de  Rutledge.  Si  ce  mémoire 
ne  fut  pas  condamné,  c'est  évidemment  que  le  Roi  empêcha  la  conti- 
nuation d'une  enquête  qui  ne  pouvait  qu'augmenter  la  panique.  Voici 
le  dernier  discours  de  Séguier  à  ce  sujet. 

SÉANCE  DU  PARLEMENT 

nu  24  mars  1789,  nu  matin,  toutes  chambres  assemblées  2 

MONSIEUR   LE   PREMIER    PRÉSIDENT 

Les  gens  du  roi  mandés,  entrés  et  placés,  debout  et  couverts,  maître  An- 
toine-Louis Séguier,  avocat  dudit  seigneur-roi  portant  la  parole ,  ont  dit  : 

Monsieur,  nous  avons  pris  communication  des  déclarations  faites  en  la 
Cour,  toutes  les  chambres  assemblées,  par  les  syndics  et  adjoints  de  la  com- 
munauté des  maîtres  boulangers  de  la  Ville  de  Paris,  et  par  François  Garin, 
prenant  la  qualité  de  député  de  cette  même  communauté.  Il  résulte  de  ces 
déclarations  que  le  mémoire  présenté  au  roi5  n'est  pas  l'ouvrage  de  la  commu- 

1.  Arch.  nat.,  X  lu  8990.  Les  quatre  signataires  furent  députés  par  la  Sén.  de 
Rennes  (1789); 

2.  Arch.  nat.,  X  la  8990. 

3.  Le  1!»  février.  —  V.  interrogatoire  de  Garîn,  du  20  mars;  interrogatoire  des 
syndics,  du  il  mars;  des  syndics  de  l'imprimerie  et  de  la  librairie,  13  mars. 


JUGE  DES  ÉCRITS  2i3 

nauté,  qu'elle  n'a  donné  aucune  mission  au  syndic,  à  l'adjoint  et  au  député 
du  nom  desquels  il  paraît  signé,  de  le  présenter,  de  le  faire  imprimer,  de  le 
distribuer;  qu'il  n'y  a  pas  même  eu  de  délibération  légale  à  ce  sujet;  que  la 
minute  n'est  revêtue  d'aucune  signature,  et  que  c'est  le  rédacteur  ou  l'impri- 
meur qui  ont  pris  sur  eux  de  l'imprimer,  comme  étant  l'ouvrage  de  toute  la 
communauté. 

Nous  voyons  encore,  dans  les  différentes  réponses  faites  par  les  syndics  et 
adjoints  aux  interrogatoires  que  la  Cour  a  cru  devoir  leur  faire  par  l'organe 
de  M.  le  premier  président,  qu'ils  ne  sont  pas  même  d'accord  entre  eux  sur  les 
faits  dont  ils  ont  rendu  compte.  Nous  voyons,  au  contraire,  que,  par  une 
ignorance  simulée ,  ils  sont  d'accord  pour  déclarer  :  qu'ils  ne  connaissent 
point  l'imprimeur  auquel  il  a  été  confié  pour  en  faire  l'impression;  que  cet 
imprimeur  a  encore  la  minute  entre  ses  mains,  à  moins  qu'elle  n'ait  été  re- 
mise au  rédacteur  du  mémoire.  Nous  voyons  que  ce  rédacteur,  sans  pouvoir 
et  sans  mission,  a  remis  son  travail  à  des  particuliers  qui  ont  pris  sur  eux, 
avec  le  consentement  de  quelques  maîtres,  d'aller  à  Versailles  le  présenter 
aux  ministres  du  roi;  que  ce  rédacteur  a  pris  sur  lui  d'insérer  dans  ce  mé- 
moire des  déclamations  contre  des  particuliers  qu'il  accuse  d'exercer  le  mono- 
pole, quand  il  est  certain  qu'ils  ont  tiré  des  provinces  éloignées,  ou  même  de 
l'étranger,  les  grains  qu'ils  ont  fait  convertir  en  farine  pour  la  consommation 
de  la  capitale;  qu'il  a  osé  reproeber  à  la  Cour  sa  partialité  et  sa  prévention, 
lorsqu'elle  met  toute  son  attention  à  prévenir  les  malbeurs  que  la  disette  ou 
la  cberté  pouvaient  occasionner.  Nous  ne  relevons  même  cette  infâme  ca- 
lomnie que  parce  qu'elle  est  l'ouvrage  d'un  rédacteur  qui  n'a  pas  rougi  de 
compromettre  aussi  indécemment  la  communauté  dont  il  voulait  défendre  les 
intérêts. 

A  l'égard  de  François-Etienne  Garin,  député,  ses  réponses  sont  un  tissu 
d'artifices  pour  éviter  de  dire  la  vérité. 

Il  convient  que  c'est  lui  qui  a  remis  le  mémoire  à  l'imprimeur,  qu'un  par- 
ticulier s'est  présenté  chez  lui  pour  lui  demander  de  l'ouvrage,  et  qu'il  lui  a 
remis  la  minute  de  l'ouvrage  ;  et  lorsqu'on  lui  demande  par  qui  il  a  été  au- 
torisé à  faire  imprimer,  il  répond  que  c'est  par  le  vœu  général  du  corps, 
quoiqu'il  n'y  ait  pas  eu  de  délibération  à  ce  sujet,  et  que  le  corps  n'ait  jamais 
eu  connaissance  du  mémoire. 

Il  y  a  plus  :  il  convient  que  c'est  lui,  Garin,  qui  a  remis  le  mémoire  à 
l'imprimeur,  et  le  syndic  Saulgeot  a  déclaré  que  les  exemplaires  imprimés 
avaient  été  distribués  par  la  personne  qui  l'avait  fait  imprimer.  Garin  connaît 
donc  l'imprimeur  qui  lui  a  remis  les  exemplaires,  et  au  moins  il  est  le  distri- 
buteur d'un  mémoire  qui  n'est  point  reconnu  par  sa  communauté.  Il  paraît 
constant  encore  que  c'est  lui,  François  Garin,  qui  a  chargé  le  sieur  Rutdlège  (sic) 
de  composer  le  mémoire,  puisque  c'est  lui  et  le  nommé  Thomas,  syndic,  qui 
ont  présenté  le  rédacteur,  non  pas  à  la  communauté  entière,  mais  à  des  parti- 
culiers réunis  chez  le  nommé  Saulgeot,  autre  syndic. 

Il  y  a  dans  toutes  ces  circonstances  une  tergiversation  si  inconcevable, 
qu'il  est  intéressant  d'approfondir  le  complot  qui  parait  avoir  été  formé  par 
quelques  particuliers  de  soulever,  en  quelque  sorte,  toute  la  communauté,  et 
contre  les  officiers  de  la  police,  et  contre  les  magistrats  eux-mêmes  chargés 
de  veiller  aux  fraudes  et  aux  contraventions;  en  vain  cherchent-ils  à  s'excuser 
en  disant  qu'ils  craignaient  le  pillage  de  leurs  boutiques.  La  démarche  incon-' 


244  LE  PARLEMENT 

sidérée  qu'ils  se  sont  permise  n'était  pas  faite  pour  calmer  les  inquiétudes  du 
public.  Notre  vigilance  ne  nous  permet  pas  de  garder  le  silence  sur  une  ma- 
tière aussi  délicate.  C'est  l'objet  des  conclusions  par  écrit  que  nous  avons 
prises,  et  que  nous  laissons  à  la  Cour  avec  lesdites  déclarations. 

Un  arrêt  décréta  les  sieurs  Garin  et  Saulgeot  pour  être  ouïs. 

Dans  la  même  séance,  le  procureur  général  fit  part  à  la  Cour  des 
inquiétudes  que  lui  inspiraient  les  rapports  de  ses  substituts,  tant 
sur  l'état  des  récoltes  que  sur  les  accaparements. 

Les  prix  ne  baissent  point;  dans  plusieurs  cantons  les  blés  ont  souffert; 
dans  beaucoup  il  y  a  eu  des  émeutes,  et  il  en  arrive  tous  les  jours  successive- 
ment. Les  habitants  de  la  campagne  paraissent  ne  plus  pouvoir  supporter  le 
prix  excessif  des  grains.  11  existe  des  manœuvres  pour  soutenir  les  prix,  et 
une  résistance  considérable,  de  la  part  de  ceux  qui  ont  des  grains  dans  leurs 
greniers,  à  porter  lesdits  grains  aux  marchés.  Les  maréchaussées  prêtent  en 
vain  leur  secours  aux  officiers  de  police. 

Le  Mémoire  pour  la  communauté  des  maîtres  boulangers  de  la  Ville 
et  faubourgs  de  Paris,  présenté  au  Roi  le  19  février  1789,  forme 
16  pages  in-4°,  sans  nom  d'imprimeur,  sans  signature  de  procureur 
ou  d'avocat.  Il  est  signé  des  nommés  Thomas,  syndic,  Saulgeot, 
adjoint,  et  Garin  jeune,  député  de  la  communauté  des  boulangers. 
En  tête  est  un  avertissement  daté  du  il  février,  signé  :  J.  Rutledge, 
Bl,  lequel  s'avoue  le  véritable  rédacteur  du  Mémoire.  Dirigé  plus 
encore  peut-être  contre  lé  Parlement  que  contre  les  monopoleurs  de 
grains,  ce  libelle  rappelle  d'abord  1res  méchamment  une  décision 
parlementaire  de  1779,  peu  favorable  aux  maîtres  chandeliers  dans 
une  action  qu'ils  avaient  intentée  à  une  puissante  compagnie,  mono- 
poleuse  de  fait,  sous  les  auspices  du  lieutenant  général  de  police. 
La  requête  des  maîtres  boulangers,  présentée  au  Parlement  le  9  fé- 
vrier dernier,  n'avait  pas  eu  plus  de  succès.  Les  commissaires  de  police 
Hugot  et  Serrcau,  associés  à  la  compagnie  Leleu,  avaient  contribué 
par  leurs  manœuvres  à  renchérissement  des  grains.  Sept  moulins  ne 
travaillaient  que  pour  eux.  Les  bonnes  farines  étaient  exportées.  La 
Halle  et  la  maison  de  l'Enfant-Jésus  (faubourg  Saint-Germain),  récem- 
ment convertie  en  dépôt  par  autorité  de  police,  n'étaient  remplies 
que  de  farines  échauffées  et  malsaines.  Rutledge  reproche  au  Parle- 
ment d'avoir  deux  fois  remis  à  huitaine  le  jugement  d'une  affaire 
aussi  importante,  et  surtout  de  n'avoir  pas  fait  constater  illico,  par 
une  enquête  subite  et  immédiate,  les  faits  dénoncés  par  les  boulan- 
gers et  par  le  cri  public.  La  police  fit  tous  ses  efforts  pour  arrêter  la 
propagation  du  mémoire;  mais  les  boulangers  le  communiquaient  à 


JUGE  DES  ÉCRITS  245 

leurs  clients.  Le  peuple  s'attroupa  rue  Saint-Denis,  devant  le  domicile 
des  sieurs  Leleu,  et  fit  entendre  des  cris  de  mort  >. 

Le  13  mars,  c'est-à-dire  le  jour  même  où  avaient  commencé  les 
poursuites  contre  le  Mémoire  de  Rutledge,  est  condamnée  la  bro- 
chure intitulée  :  la  Passion,  la  Mort  et  la  Résurrection  du  peuple... 
(imprimé  à  Jérusalem,  1780) 2. 

Le  dernier  arrêt  du  Parlement  en  matière  de  presse  fut  rendu  le 
23  juin  1789,  à  l'occasion  d'une  affaire  d'intérêt  privé,  mais  où  l'orga- 
nisation de  la  police  parisienne  fut  amèrement  critiquée,  et  l'impar- 
tialité du  Parlement  suspectée  ?. 

En  supprimant  une  des  brochures  bretonnes,  le  Conseil  avait 
annoncé  «  des  mesures  propres  à  prévenir  la  licence  à  laquelle  on  se 
livrait  en  imprimant  toutes  sortes  d'ouvrages  sans  aucune  sanction  » 
(14  février).  Le  gouvernement  faisait  d'inutiles  efforts  pour  créer  un 
contre-courant.  C'est  ainsi  que,  le  10  octobre,  avait  été  décidée  la 
formation  d'une  bibliothèque  de  législation,  etc.,  attachée  à  la 
chancellerie  de  France.  Il  s'agissait,  dit  le  préambule  de  l'édit, 
«  d'appeler  sans  cesse  au  secours  du  gouvernement,  et  l'autorité  des 
lois  et  le  flambeau  de  l'histoire  »,  et  ainsi  ■<  de  perfectionner  suc- 
cessivement toute  espèce  de  bien,  et  de  réformer  peu  à  peu  toute  es- 
pèce d'abus  i  ».  Le  7  février  1780,  Barentin  adressait  au  prévôt  des 
marchands  Le  Peletier  un  exemplaire  de  l'arrêt  du  10  octobre,  avec 
cette  lettre,  sans  doute  circulaire  : 

J'espère  que  vous  voudrez  bien,  conformément  à  l'article  4  de  cet  arrêt,  faire 
passer  à  M.  Moreau,  historiographe  de  France,  un  exemplaire  de  tous  les 
règlements,  sentences  et  mémoires  qui  seront  imprimes  par  votre  ordre,  et 
que  ces  dépôts  que  vous  contribuerez  à  enrichir,  vous  les  regarderez  comme 
destinés  à  rendre  à  votre  administration  tous  les  éclaircissements  et  rensei- 
gnements que  vous  croirez  pouvoir  puiser  dans  nos  collections  5. 

Les  ouvrages  favorables  aux  traditions  monarchiques  ou  seule- 
ment susceptibles  de  produire  une  diversion,  un  apaisement  dans  les 
esprits,  étaient  hautement  encouragés.  C'est  ainsi  que  MUo  de  la 
Lézardière  obtenait  un  rapport  des  plus  élogieux  signé  Malesherbes, 


1.  Voyez  Hardy,  Mes   loisirs,  etc.,  t.    VIII,  p.   2".2.  —  Bib.  nat.,  Vp,  3194. 

2.  Chassm,  ouv.  cité,  p.  174-175. 

3.  C'est  l'affaire  Kornmann. 

4.  Isambcrt,  n°  2.'J20. 

5.  Arch.  nat.,  II.  1960.  —  Sur  Moreau,  v.  X.  Charmes,  le  Comité   des  travaux 
historiques...  (Coll.  doc.  inédits),  t.  I,  passim. 


2i6  LE  PARLEMENT  JUGE  DES  ECRITS 

de  Bréquigny  et  Poirier,  pour  un  ouvrage  que  Nessond  devait  faire 
paraître  :  Tableau  des  droits  réels  et  respectifs  du  monarque  et  des 
sujets  depuis  la  fondation  de  la  monarchie  française  jusqu'à  nos  jours, 
ou  Théorie  des  lois  politiques  de  la  monarchie  française.  C'était  un 
«  phénomène  littéraire  surprenant  au  milieu  de  tant  de  productions 
frivoles  et  de  livres  superficiels  »  ;  et  il  devait  le  paraître  encore  plus 
«  lorsque  l'auteur  aurait  jugé  à  propos  de  se  faire  connaître1  ».  Mais 
le  temps  n'était  pas  à  l'érudition,  même  sagace  et  intelligente.  Une 
grande  illusion,  commune,  à  ce  qu'il  semble,  à  bien  des  esprits,  était 
que  les  ouvrages,  jugés  bons  ou  mauvais  suivant  les  partis,  pussent 
avoir  une  action  directe  et  prépondérante  sur  les  événements  :  et 
cela,  au  moment  même  où  les  lois  et  les  institutions  n'en  avaient 
plus.  Comme  la  loi  révolutionnaire,  les  ouvrages  ([iris  en  masse)  ne 
sont  que  la  résultante  de  l'opinion  et  de  la  volonté  générales  :  et 
bientôt  les  hommes  eux-mêmes,  ces  hommes  du  XVIIIe  siècle  si 
justement  fiers  de  leurs  spéculations,  entraînés  par  une  foi  héroïque, 
voudront  que  tout  discours  soit  un  acte,  que  toute  idée  devienne  un 
fait.  C'est  avec  la  brochure  de  l'abbé  Sieyès  que  commence  le  succès 
littéraire  et  politique  des  brèves  formules  que  l'on  juge  mal  si  on  les 
prend  pour  l'emjression  de  vérités  scientifiques,  ou  de  panacées 
sociales,  et  qui  sont  avant  tout  des  mots  de  ralliement  pour  ceux  qui 
les  comprennent  et  pour  ceux  qui  les  suivent. 


1.  Lettre  à  la  Ville,  de  Nessond.  demandant  une  souscription  aux  12  volumes 
que  devait  former  cet  ouvrage.  Arcli.  nat.,  II.  1960, 


IX 

LE  PARLEMENT 
ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX 


HOPITAUX  OU  MAISONS  DE  CHARITÉ  DE  PARIS  EN  1788' 

I.  —  Hôpitaux  de  mat  «tins  [hommes). 

La  Charité,  rue  des  Saints-Pères  (faubourg  Saint-Germain).  Fondée 
en  1616  par  les  Frères  de  la  Charité  ou  de  Saint-Jean  de  Dieu,  sous 
la  protection  de  Marie  de  Médicis.  —  Elle  comprenait,  en  1788,  six 
salles  avec  258  petits  lits  (c'est-à-dire  d'une  personne).  Il  y  avait 
50  frères  et  52  serviteurs  attachés  aux.  malades. 

L'hôpital  des  Convalescents,  rue  du  Bac,  près  la  rue  de  Varennes. 
Fondé,  en  1(128,  par  Angélique  Faure,  daine  de  Bullion,  veuve  d'un 
président  à  mortier  du  Parlement,  Claude  de  Bullion.  Donné  en  1050 
aux  Frères  de  la  Charité.  Destiné  aux  compagnons  et  ouvriers  conva- 
lescents. —  Vingt-deux  petits  lits.  —  Assistance  sous  forme  de  distri- 
bution de  viande,  de  pain  et  de  vin. 

La  maison  royale  de  Santé,  hors  la  barrière  d'Enfer.  — Desservie 
par  des  Sœurs  de  la  Charité.  —  1(1  petits  lits  au  rez-de-chaussée,  pour 
des  prêtres  et  militaires  pauvres.  —  Au  premier,  sept  appartements 
pour  pensionnaires. 

L'hôpital  de  Charenton,  fondé  en  1642,  desservi  par  des  Frères  de 

1.  Voyez  Rapport  de  Tenon,  Bai  11  y  et  Larochefoucauld-Liancourt  à  l'Académie 
des  sciences,  suc  l'Hôtel-Dieu  (  1785).  —  Enc.  méthodique,  article  Hôpital.  — 
Maxime  du  Camp,  Paris  et  ses  Organes,  chap.  xx,  xxi,  xxn.  —  Collection  de  docu- 
ments pour  servir  à  l'histoire  des  hôpitaux  de  l'/tris,  imp.  nationale,  i  vol.  in-4° 
(en  cours  de  publication). 


248  LE  PARLEMENT 

la  Charité,  reçoit  12  fous  gratuitement  et  a  82  places  de  fous  pen- 
sionnaires, payant  de  600  à  6,000  livres. 

L'itopital  Militaire  des  gardes-françaises  et  des  gardes-suisses, 
rue  Saint-Dominique,  au  Gros-Caillou.  Fondé  en  1759.  264  petits  lits. 
La  journée  y  coûte  20  sous. 

L'hôpital  dit  des  Protestants,  rue  de  Sève.  Sous  la  protection  de 
l'ambassadeur  de  Suède.  —  Huit  petits  lits. 

Ces  six  hôpitaux,  ensemble,  fournissaient  de  quoi  soigner  012  ma- 
lades par  jour,  couchés  séparément. 

II.  —  Hôpitaux  de  malades  (femmes). 

Les  Hospitalières  de  la  rue  Mouffetard,  ou  hôpital  Saint-Julien- 
Sainte-Basi lisse  Fondé  en  1055  par  Prévôt,  maître  des  requêtes.  — 
43  petits  lits.  —  Pensionnaires  payant  100  et  500  livres  en  chambres 
particulières. 

Les  Hospitalières  de  la  place  Royale,  maison  fondée  en  1621  par 
la  mère  Françoise  de  la  Croix  et  en  1629  par  Madeleine  Brûlart.  — 
22  petits  lits. 

Les  Hospitalières  de  la  Roquette;  20  petits  lits. 

Les  Hospitalières  de  Saint-Mandé  ;  16  petits  lits. 

Le  service  de  ces  quatre  maisons  s'étendait  à  101  femmes  malades, 
mais  il  n'était  gratuit  qu'à  la  place  Royale.  Partout  ailleurs,  les 
malades  payaient  d'une  livre  à  une  livre  et  demie  par  jour.  Les 
femmes  grosses,  atteintes  de  maladies  contagieuses,  ou  gravement 
blessées,  étaient  exclues. 

III.  —  Hôpitaux  de  malades  [hommes  et  femmes). 

L'hospice  du  Collège  de  chirurgie,  rue  des  Cordeliers.  —  Établi  en 
1731,  confirmé  par  lettres  patentes  de  1718.  12  lits  pour  hommes; 
10  pour  femmes  fondés  par  M.  de  laMartinière,  premier  chirurgien  du 
roi  (1783). 

L'hospice  de  la  paroisse  Saint-Sulpice  et  du  Gros-Caillou,  rue  de 
Sève.  Fondé  en  1779,  par  Louis  XVI,  placé  sous  les  ordres  de 
M.  Necker  et  confié  aux  soins  de  M1U0  Necker.  — 68  lits  pour  les  hom- 
mes et  60  pour  les  femmes. 

L'hospice  de  la  paroisse  de  Saint-Jacques  du  Haut-Pas,  établi  par 
le  curé  Cochin  :  16  lits  d'hommes,  18  de  femmes,  24  lits  pour  pen- 
sionnaires infirmes. 

L'hospice  de  la  paroisse  Saint-Merry,  fondé   en  1683  par  le  curé 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  2i9 

Viennet,  situé  au  cloître  Saint-Merry,  près  les  Consuls,  —  8  lits 
d'hommes,  6  de  femmes.  —  De  plus,  asile  pour  les  pauvres  hon- 
teux. 

L'hospice  de  la  paroisse  Saint-André-des-Arcs,  fondé  en  1770,  rue 
des  Poitevins.  —  3  lits  d'hommes,  3  de  femmes.  (Deshois  de  Roche- 
fort,  le  fondateur  de  cette  maison,  était  curé  de  Saint-André-des- 
Arcs;  il  fut  le  premier,  en  1780,  à  demander  officiellement,  en  pleine 
réunion  de  l'Hôtel  de  Ville,  «  la  restitution  des  biens  d'église  aux 
pauvres  et  au  public  ».) 

Ces  cinq  maisons  mixtes  excluaient  les  maladies  contagieuses  à 
l'entrée,  mais  les  soignaient  si  elles  survenaient  après  l'admission. 

«  L'Hotel-Dieu  de  Paris,  dans  la  Cité,  desservi  par  les  Religieuses 
Augustines.  H  y  a  021  desservants,  ce  qui  fait  un  pour  trois  malades. 
On  croit  qu'il  fut  fondé  par  saint  Landry,  évêque  de  Paris,  vers  l'an 
660.  Renaud  de  Vendôme,  évêque  de  Paris  en  1005,  donna  une  moitié 
de  l'Hôtel-Dieu  Saint-Christophe.  La  salle  dite  du  Lér/al  fut  fondée 
par  Antoine  Duprat,  chancelier  de  France  et  cardinal.  >»  Il  était  com- 
posé, en  1788,  de  vingt  salles  (rez-de-chaussée  et  3  étages),  contenant 
480  petits  lits  et  733  grands  (de  quatre  personnes).  Douze  salles 
étaient  destinées  aux  hommes,  treize  aux  femmes.  A  supposer  toutes 
les  places  prises,  il  aurait  donc  pu  contenir  3,418  malades.  Mais  le 
rapport  des  commissaires  de  l'Académie  des  sciences  établit  que  la 
moyenne  des  journées  était  de  2,500  malades  (y  compris  Saint-Louis, 
rattaché  administrativement  à  l'Hôtel-Dieu). 

IV.  —  Hôpitaux  pour  maladies  spéciales. 

L'hôpital  Saint-Louis,  entre  les  faubourgs  du  Temple  et  Saint-Lau- 
rent. Fondé  en  1007  pour  les  maladies  contagieuses.  Il  aurait  pu 
contenir  en  1788,  1,008  personnes  (254  grands  lits,  45  petits,  7  berce- 
lonnettes).  Les  entrées  étaient  comptées  en  même  temps  que  celles 
de  l'Hôtel-Dieu.  (Voir  ci-dessus.) 

L'hôpital  Sainte-Anne  ou  de  la  Santé,  fondé  en  1052,  pour  les 
temps  de  contagion,  par  Anne  d'Autriche.  Situé  «  dans  la  campagne, 
au  delà  du  boulevard,  près  la  rivière  des  Gobelins  ».  En  partie 
démoli,  et  hors  d'usage  en  1780. 

L'hôpital  de  Sainte-Reine  ou  des  Teigneux,  rue  de  la  Chaise,  fau- 
bourg Saint-Germain  :  enfants  pensionnaires,  depuis  l'âge  de  deux 
ans. 

L'hôpital  des  Quinze-Vingts,  rue  de  Charenton,  faubourg  Saint- 
Antoine.  —  Destiné  à  300  aveugles  des  deux  sexes.  —  Cinq   cents 


250  LE  PARLEMENT 

autres  pauvres,  atteints  de  maladies  des  yeux,  pouvaient  quêter  en 
son  nom  :  ils  portaient  une  fleur  de  lys  de  cuivre  jaune. 

L'hôpital  des  Incukables,  fondé  en  1637.  Entretenu  en  partie  par 
l'Hôtel-Dieu,  qui  lui  donnait  00,000  livres  par  an.  En  1788,  il  renfer- 
mait 480  incurables. 

L'hospice  de  Vaugirard,  pour  les  petits  vénériens  et  les  femmes  et 
nourrices  affectées  du  même  mal;  128  lits;  devait  être  transféré  aux: 
Capucins  (faubourg-  Saint-Jacques)  en  vertu  des  lettres  patentes  de 
1785. 


Outre  ces  22 hôpitaux  de  malades,  il  y  eu  avait 6  destinés  en  même 
temps  à  des  pauvres  malades  et  à  des  pauvres  valides  :  les  Petites- 
Maisons  (rue  de  Sève)  '  ;  la  Pitié  (rue  Saint-Victor),  fondée  en  1657, 
et  chef-lieu  de  l'Hôpital-Général;  la  Salpêtrière,  qui  était  aussi,  et 
même  surtout,  maison  de  force  pour  les  femmes2;  Bicêtre,  à  une 
petite  lieue  au  sud  de  Paris,  qui  avait  les  mêmes  destinations  variées 
que  la  Salpêtrière,  mais  pour  les  hommes. 

11  faut  faire  une  place  à  part  à  l'Hôtel  royal  des  Invalides,  qui 
comptait  3,000  hommes  en  1788,  et  à  l'infirmerie  de  l'École  royale 
militaire  i  ïo  petits  lits),  établissement  fondé  en  1751,  supprimé,  puis 
rétabli,  et  qu'il  était  question  de  transformer  en  un  grand  hôpital  de 
1,67  îlits. 

VI 

Enfin,  Paris  ne  comptait  pas  moins  de  20  hôpitaux  pour  les  pauvres 
valides,  dont  onze  pour  les  orphelins  :  la  Trinité  *,  les  Gent-Filles,  la 
maison  des  Orphelins,  la  filature  de  Saint-Sulpice,  l'Enfant-Jésus  (près 
l'Estrapade),  l'hospice   Beaujon   (1781),    l'hôpital    du   Saint-Esprit 4, 


1.  Elles  recevaient  400  vieilles  gens,  les  insensés,  les  teigneux,  et  pansaient  les 
vénériens.  —  Sève,  pour  Sèvres. 

2.  Divisée  en  :  1°  commun,  pour  les  filles  dissolues  ;  2°  correction;  3°  prison  par 
ordre;  i"  grande  force  pour  les  femmes  flétries. 

:J.  La  Trinité  (ru.e  Saint-Denis;  était  destinée  aux  petits  enfants,  garçons  et 
filles,  nés  de  Paris,  orphelins  de  père  ou  de  mère  seulement,  valides  et  non  in- 
commodés, et  du  nombre  de  ceux  qui  étaient  à  l'aumône,  savoir  :  100  garçons  et 
36  filles.  Ils  étaient  admis  à  partir  de  neuf  ans,  par  ordre  d'âge.  On  leur  appre- 
nait des  métiers.  «  Les  ouvriers  de  tous  arts  et  métiers,  sans  exception,  qui  en- 
seignent ces  enfants,  sonf,  pour  leur  récompense,  reçus  maîtres  à  Paris,  et  leurs 
enfants  et  ceux  de  l'hôpital  jouissent  de  la  qualité  de  lils  de  maîtres.  »  (Alm.  de 
1789.) 

4.  Fondé  en  1362  «  pour  y  élever  des  enfants,  garçons  et  fdles,  nés  dans  la 
ville  ou  faubourgs  de  l'aris.  orphelins  de  père  ou  de  mère,  bourgeois  ou  ar- 
tistes ». 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  231 

l'hôpital  des  Enfants-Trouvés  ou  de  la  Couche  (1638),  l'Enfant-Jésus 
(rue  de  Sève),  l'hôpital  des  Enfants-Trouvés  (faubourg  Saint-Antoine), 
l'École  d'orphelins,  fils  d'officiers  ou  de  soldats  invalides  (aux  Céles- 
tins);  deux  pour  les  vieillards  :  communauté  des  prêtres  de  Saint- 
François  de  Sales,  fondée  en  1702  derrière  la  Pitié,  et  depuis  trans- 
férée à  Issy,  pour  22  prêtres;  et  l'hôpital  du  Saint-Nom  de  Jésus, 
fondé  pour  36  vieilles  gens  de  campagne,  hommes  ou  femmes,  en 
1059  '  ;  deux  hôpitaux  pour  les  passants  :  Sainte-Catherine  et  Sainte- 
Anastasie-Saint-Gervais  ;  trois  pour  les  veuves,  rue  Saint-Sauveur, 
rue  du  Sentier  et  rue  du  Jour;  enfin  deux  maisons  d'asile  de  la 
jeunesse  pendant  le  jour,  la  maison  de  la  Dentelle  noire  (rue  Saint- 
Placide)  et  les  tilles  séculières  de  Sainte-Agnès  (rue  Plntrière). 

Telles  étaient  les  48  maisons  hospitalières  de  Paris;  leur  service 
total  est  évalué,  à  l'époque  de  la  Révolution,  à  20, Mil  hommes  ou 
femmes  secourus,  plus  15,000  enfants  trouvés  entretenus  en  nourrice, 
sevrage  ou  pension.  Pour  une  population  de  000,000  habitants,  la 
proportion  des  assistés,  hommes,  femmes  ou  enfants,  était  donc  de 
1  à  18  2/11  à  peu  près.  Les  entrées  journalières  (en  m1  comptant  que 
les  malades)  étaient  de  (5,230,  donc  la  proportion  de  1  à  10o4/oCB2. 

ADMINISTRATION  DES  HOPITAUX 

Le  décret  de  l'Assemblée  constituante,  du  22  décembre  1789,  plaça 
tous  les  hôpitaux  sous  l'autorité  des  administrations  départemen- 
tales, et,  en  attendant  (pie  celles-ci  fussent  constituées,  sous  la 
surveillance  et  la  direction  provisoires  des  administrations  munici- 
pales. Cette  réforme  capitale  n'avait  rien  de  précipité  :  si  à  la  tin  de 
l'ancien  régime  la  plupart  des  maisons  de  malades  ou  de  pauvres 
avaient    leurs    règlements    particuliers?,    si   toutes  4,    au   spirituel, 

1.  Première  création  de  saint  Vincent  de  Paul  (1659),  duo  à  la  libéralité  d'un 
anonyme. 

2.  D'après,  l'état  des  citoyens  actifs,  publié  en  juin  1791,  il  y  eut  à  Paris,  ru 
1789,  H),:is:}  baptêmes,  20,391  décès,  4,781  mariages;  en  1790,  2(),(io:i  baptêmes, 
19,447  morts  et  *J,S(i(i  mariages.  Les  enfants  trouvés  reçus  dans  les  hôpitaux 
furent  au  nombre  de  :i,~l!)  en  178!)  et  de  5,842  en  1790  :  soit  plus  du  quart  des 
enfants  baptisés.  —  En  1790,  il  mourut  dans  les  hôpitaux  6,019  personnes,  dont 
:j,:J72  hommes  et  2,iii7  femmes  (1,370  morts  de  moins  qu'en  1789).  —  En  1790 
également,  1,600  femmes  accouchèrent  dans  les  hôpitaux  (13  accouchements  hos- 
pitaliers de  plus  qu'en  1789). 

3.  La  Charité,  Necker,  Gochin,  Sainte-Catherine,  Saint-Gervais,  la  Trinité,  les 
Cent-Filles  ion  la  Providence),  les  Hospitalières,  les  Orphelines  de  Saiut-Sulpice, 
l'hôpital  de  l'Enfant-Jésus,  etc.  —  Les  bureaux  paroissiaux  dos  pauvres  dépen- 
daient des  curés,  marguilliers  et  conseils  de  fabriques. 

4.  Sauf  le  petit  hôpital  dit  des  Protestants,  rue  de  Sève. 


25i>  LE  PARLEMENT 

dépendaient  de  L'autorité  diocésaine,  le  pouvoir  civil  régissait  déjà 
depuis  longtemps  les  plus  considérables  et  les  plus  peuplées  d'entre 
elles. 

«  En  178!),  dit  M.  Tournier1,  la  direction  des  établissements  do 
bienfaisance  les  plus  importants  de  la  capitale  appartenait  à  deux 
administrations  principales  :  le  bureau  de  l'llôlol-Dieu  et  le  bureau 
de  l'Hôpital-Général.  » 

A  la  première  se  rattachaient  :  l'Hôtel-Dieu  avec  la  maison  de 
convalescence,  l'hôpital  Saint-Louis,  les  Incurables  et  la  Santé  (ou 
Sainte-Anne).  Le  2  mai  1505,  un  arrêt  du  Parlement  imposa  au  cha- 
pitre de  Notre-Dame,  jusque-là  maître  absolu  de  l'Hôtel-Dieu,  une 
commission  de  huit  notables.  Par  Ledit  du  16  novembre  1544,  cette 
commission  devint  le  Bureau  des  Pauvres  et  l'ut  pourvue  d'attribu- 
tions générales.  En  1789,  l'Hôtel-Dieu,  toujours  gouverné  pour  le 
spirituel  par  le  doyen  et  deux  membres  du  chapitre,  était  sous  la 
haute  surveillance  temporelle  d'un  conseil  ainsi  composé  :  l'arche- 
vêque de  Pai'is,  le  premier  président  du  Parlement,  le  premier  pré- 
sident de  la  Chambre  des  comptes,  le  premier  président  de  la  Cour 
des  aides,  le  procureur  général  du  Parlement,  le  lieutenant  général 
de  police  et  le  prévôt  des  marchands.  Il  y  avait  en  outre  i()  adminis- 
trateurs laïques,  un  receveur  général  charitable,  également  laïque, 
des  officiers  (un  greffier,  un  notaire,  un  procureur  au  Parlement,  un 
procureur  au  Ghâtelet).  Les  administrateurs  s'assemblaient  deux  fois 
la  semaine,  le  mercredi  à  'A  heures  du  soir,  le  vendredi  à  11  heures 
du  matin,  au  Bureau.  Ils  se  rendaient  au  Palais  archiépiscopal  les 
jours  indiqués  par  l'archevêque.  Le  domicile  légal  de  l'Hôtel-Dieu 
était  au  Bureau,-  parvis  Notre-Dame.  Là  devaient  se  faire  les  signi- 
fications, et  seulement  dans  le  temps  d'assemblée  des  administra- 
teurs, et  non  à  d'autres  jours,  à  peine  de  nullité.  La  maison  de 
convalescence,  Saint-Louis,  les  Incurables  et  la  Santé,  avaient  la 
même  administration. 

Au  bureau  de  l'Hôpital-Général  se  rattachaient  :  Notre-Dame  de  la 
Pitié  (ou  la  Pitié),  la  Salpêtriêre,  Bicêtre,  les  Enfants-Trouvés  (y  com- 
pris la  Couche  et  la  maison  du  faubourg  Saint-Antoine),  l'hôpital  du 
Saint-Esprit  (avec  les  maisons  unies  en  1680  de  Vaugirard  et  de 
Scipion).  Le  haut  conseil  de  surveillance  et  de  direction  était  composé 
des  mêmes  personnages,  au  nombre  de  sept,  placés  à  la  tète  de  l'Hôtel- 
■  Dieu.  L'administration,  proprement  dite,  était  distincte,  et  presque 


1.  «  Les  Archives  de  l'Assistance  publique  »  dans  les  Mém.  de  la  Snc.    de  l'hist. 
de  Paris,  etc.,  t.  III,  page  2. 


ET  LÀ  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  253 

entièrement  laïque.  La  gestion  économique  est  attribuée  à  des  hommes 
d'affaires,  avocats  ou  greffiers  au  Parlement  ou  au  Chàtelet,  payeurs 
des  rentes,  anciens  échevins,  fermiers  généraux,  etc.  Le  bureau  de 
l'administration  était  à  la  Pitié  (rue  Copeau,  carrefour  Saint-Antoine), 
chef-lieu  de  l'Hôpital-Général,  et  en  même  temps  son  domicile  légal; 
le  bureau  de  la  caisse  était  place  de  Grève,  dans  la  maison  du  Saint- 
Esprit. 

Le  Mont-de-piété,  établi  par  lettres  patentes  du  0  décembre  1777, 
n'était  pas  une  institution  autonome;  légalement,  il  dépendait  de 
l'Hôpital-Général,  aux  pauvres  duquel  ses  bénéfices  sur  les  emprun- 
teurs étaient  destinés. 

L'Hôpital-Général  (à  la  différence  de  l'Hôtel-Dieu)  comprenait  deux 
maisons  qui  n'étaient  pas  seulement  des  hôpitaux,  mais  aussi  et  sur- 
tout des  prisons,  Bicêtre  pour  les  hommes,  la  Salpêtrière  pour  les 
femmes.  Une  telle  confusion  ne  se  prêtait  que  trop  aux  détentions 
arbitraires,  d'autant  plus»que  les  transitions  étaient  ménagées,  comme 
le  note  Bailly  :  «  11  existe  encore  une  maison  sous  la  direction  de 
l'Hôpital-Général,  qui  n'est  ni  hôpital,  ni  prison  proprement  dite  :  c'est 
une  espèce  de  maison  de  refuge,  et,  si  l'on  veut,  de  correction  :  on  la 
nomme  Sainte-Pélagie.  Elle  est  située  dans  le  faubourg  Saint-Mar- 
ceau, près  de  la  Pitié.  —  La  police,  qui  disposait  ci-devant  de  la 
liberté  des  individus,  sous  le  prétexte  de  l'honneur  des  familles  et 
de  la  conservation  des  mœurs,  avait,  dans  Paris  et  ailleurs,  une 
foule  de  maisons-prisons,  où  l'on  envoyait  par  lettre  de  cachet,  ou 
par  un  simple  ordre  de  police  donné  sur  la  plainte  des  parents,  les 
enfants  qu'il  plaisait  à  ceux-ci  de  faire  renfermer.  Sainte-Pélagie 
était  et  est  encore  une  maison  de  cette  espèce.  On  y  détient  assez 
arbitrairement  des  personnes  qui  n'ont  contre  elles  que  quelques 
défauts  de  conduite  assez  légers.  Il  faut  convenir  cependant  que  le 
nombre  en  est  infiniment  diminué,  et  que  la  suppression  des  lettres 
de  cachet  a  ruiné  la  maison  '.  » 

C'est  par  l'ordonnance  du  i  mai  165(5  que  l'Hôpital-Général  avait 
reçu  de  Louis  XIV  sa  première  organisation  :  elle  visait  non  la  ma- 
ladie, mais  la  misère,  le  vagabondage,  les  délits,  les  abandons  d'en- 
fants qui  en  résultent 2.  C'était  néanmoins  un  des  plus  graves  abus 
de  l'ancien  régime  que  cette  promiscuité  des  criminels  condamnés 
par  la  justice  et  des  misérables  secourus  par  la  charité  publique. 

1.  Bailly,  rapport  à  l'Assemblée  nationale,  inséré  dans  YEnojcl.  méthodique, 
Jurisprudence,  t.  X,  p.  267. 

2.  Vers  1649,  il  y  avait  40,000  mendiants  à  Paris.—  Voyez,  sur  cette  époque, 
A.  de  Boislisle,  Mém.  des  intendants,  t.  I,  p.  28  sq. 


254  LE  PARLEMENT 

La  troisième  administration  de  bienfaisance,  après  l'Hôtel-Dieu  et 
l'Hôpital-Général,  se  nommait  le  Grand-Bureau,  ou  Bureau  général 
des  pauvres.  La  Trinité  et  les  Petites-Maisons  en  dépendaient  dans 
une  certaine  mesure.  Mais  son  principal  office  consistait  à  perce- 
voir une  «  taxe  d'aumône  »,  vrai  droit  des  pauvres,  sur  les  princes, 
seigneurs,  bourgeois,  artisans  et  autres  habitants,  gens  d'église, 
communautés  ecclésiastiques  ou  laïques,  bureaux,  compagnies,  «  n'y 
ayant  d'exempts  que  les  pauvres  seulement  ».  Aussi  formait-il  une 
juridiction,  avait-il  des  huissiers  pour  contraindre  «  les  refusants  de 
payer  »,  et  pour  obliger  les  commissaires  des  pauvres  nommés,  d'en 
faire  les  fonctions.  Le  Grand-Bureau  siégeait  place  de  Grève  ,  en 
véritable  institution  municipale  qu'il  était. 

Le  procureur  général  du  Parlement  était  le  chef  unique  du  Grand- 
Bureau  des  pauvres;  il  avait  la  haute  main  sur  la  direction  de  la 
Trinité,  près  laquelle  son  suppléant  ou  lieutenant  était  le  procu- 
reur du  Roi  au  Ghàtelet.  Il  exerçait  la  même  présidence  sur  les  Pe- 
tites-Maisons, dont  le  conseil  était  dirigé,  à  son  défaut,  par  un  de  ses 
substituts  en  Parlement  ' . 

Le  Bureau  des  pauvres  comprenait  en  1789  trente-quatre  mem- 
bres, fi  conseillers  au  Parlement,  6  avocats,  1  conseiller  à  la  Cour 
(.les  comptes,  2  chanoines,  3  curés,  ï  procureurs,  16  bourgeois  dési- 
gnés par  les  marguilliers  de  leur  paroisse.  L'archevêque  de  Paris  y 
avait  séance  depuis  1(590.  Mais  l'institution  était  essentiellement  laïque 
et  parlementaire  :  les  Arrêts  du  Parlement  des  15  et  19  mars  1002 
avaient  formellement  astreint  à  la  taxe  d'aumône  même  les  commu- 
nautés religieuses  vouées  à  la  charité2 . 

A  la  fin  de  l'ancien  régime,  les  ministres,  et  surtout  Necker,  essayè- 
rent de  s'emparer  de  l'administration  des  hôpitaux  comme  de  tout  le 
reste.  Les  larges  emprunts,  pour  ne  pas  dire  l'indigne  spoliation  dont 
les  établissements  hospitaliers  avaient  été  les  victimes  sous  le  minis- 
tère de  Loménie  de  Brienne,  avaient  ému  l'opinion  publique;  les 


1.  En  ns«J,  M.  de  Mauperché. 

1.  Outre  ces  attributions  de  droit  [public,  le  Parlement  avait  aussi  des  droits 
particuliers  sur  L'Hôpital  des  Cent-Filles  de  Notre-Dame  de  la  Miséricorde  fondé 
iiar  Antoine  Séguier,  président  à  mortier  au  Parlement  de  Paris,  pour  l'éducation 
de  cent  orphelines  (rue  Censier,  faubourg  Saint-Marcel).  Le  premier  président,  le 
procureur  général,  et  M.  Séguier,  comte  de  Brisson,  étaient  les  chefs  administra- 
tifs de  cet  hôpital,  ha  fondation  dm'  à  la  maison  de  Lamoignon  (1597)  était  des- 
tinée aux  prisonniers  pour  dettes,  soit  à  leur  entretien,  soit  à  leur  délivrance. 
C'étaient  encore  des  magistrats  du  Parlement  qui  s'occupaient  de  donner  des 
secours  charitables  aux  pauvres  galériens,  emprisonnés  dans  la  Tour  Sainl- 
Bernard  (fondation  de  1739). 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  255 

fondations  nouvelles  que  Ton  projetait,  et  dont  on  vantait  à  l'avance 
les  bienfaits,  ne  dispensaient  pas  de  respecter  et  de  maintenir  les 
anciennes.  VAlmanach  royal  de  1789  annonçait  «  les  quatre  nou- 
veaux hôpitaux  dont  le  Roi  a  ordonné  l'établissement  '  »  :  le  cahier 
particulier  du  corps  municipal,  signé  de  Flesselles.,  etc.,  et  daté 
du  14  juin  1789,  réclame  (malgré  son  caractère  très  officieux)  les 
1,200,000  livres  qui  leur  étaient  attribuées  sur  la  loterie' des  12  mil- 
lions2. VAlmanach  royal  de  1790  supprime  la  mention  de  celui  de 
l'année  précédente  5,  mais  en  même  temps  renferme  un  chapitre  nou- 
veau, la  direction  civile  des  hôpitaux  du  royaume  :  témoignage  évi- 
dent et  ultime  de  l'objet  poursuivi  par  le  Roi  de  s'emparer  de  ce 
grand  service  public,  et  de  le  confier  à  la  gestion  ministérielle. 

Le  grand  banquier  Necker  avait  dès  1784  exprimé  ses  vues  sur  la 
gestion  des  hôpitaux,  et  sur  l'emploi  le  plus  convenable  de  leurs  res- 
sources. «  J'avais  adopté,  je  crois,  un  moyen  convenable  pour  aug- 
menter le  revenu  des  hôpitaux,  en  engageant  Sa  Majesté  à  autoriser 
la  vente  de  leurs  immeubles,  à  la  charge,  par  eux,  d'en  placer  le  pro- 
duit en  rentes  sur  le  Roi,  les  Etats  ou  le  clergé  :  ces  maisons  auraient 
ainsi  converti  un  faible  intérêt  contre  un  plus  grand,  et  une  adminis- 
tration très  compliquée  contre  une  très  simple...  Mais  comme  le  Roi, 
pour  ménager  les  droits  de  la  propriété  et  pour  ne  point  exciter  la 
défiance,  n'avait  pas  voulu  adopter  des  voies  coercitives,  il  s'en  faut 
bien  que  ses  intentions  aient  été  remplies  avec  le  zèle  et  l'activité 
qu'il  avait  désiré  d'inspirer  4.  » 

Au  milieu  de  tous  ces  projets  mal  concertés,  mal  suivis,  et  dont  les 
motifs  apparents  cachaient  la  vraie  raison  (c'est-à-dire  la  baisse  du 
crédit  et  la  pénurie  du  Trésor),  le  Parlement  garda  jusqu'à  la  fin  son 
autorité  prépondérante  sur  le  régime  hospitalier.  Toutefois,  deux 
grands  établissements  lui  échappaient  par  leur  titre  même  de  fonda- 
tion :  l'Hôtel  royal  des  Invalides,  qui  datait  de  Louis  XIV,  et  l'hospice 


1.  Almanach  royal  de  1789,  page  122.  Le  plan  présenté  par  le  baron  de  Bre- 
teuil  et  approuvé  par  le  Roi  concernait  quatre  emplacements  ;  l'École  militaire, 
la  Roquette-Saint-Antoine,  l'hôpital  Saint-Louis,  et  Sainte-Anne  (faubourg  Saint- 
Jacques).  Il  s'agissait  donc  plutôt  d'aménagements  ou  d'agrandissements  que  de 
constructions  vraiment  nouvelles.  On  faisait  ressortir  qu'il  y  aurait  ainsi  deux 
grands  hôpitaux  sur  chaque  rive,  l'Hôtel-Dieu  servanl  de  dépôt  central.  —  Voyez, 
plus  bas,  diverses  lettres  du  baron  de  Breteuil  à  Bailly,  etc.  (au  chapitre  intitulé 
le  Ministre  de  Paris). 

2.  Arrêt  du  Conseil,  du  13  oct.  1787. 

3.  P.  122.—  Cf.,  dans  le  même  ordre  d'idées,  le  chap.  xvi  du  tome  III  de  l'Adm. 
des  finances  par  Necker  (p.  17(i  à  201  de  la  lrc  édition). 

4.  Loménie  de  Brienne  se  chargea,  quatre  ans  après  la  date  de  ce  reproche,  de 
justifier  la  prudente  conduite  des  hôpitaux  et  leur  légitime  défiance. 


256  LE  PARLEMENT 

royal  des  Quinze-Vingts,  fondation  de  saint  Louis.  Le  second  avait 
pour  supérieur  général  le  grand  aumônier  de  France;  mais  le  Parle- 
ment avait  enregistré  les  statuts  des  Quinze-Vingts  au  XVIe  siècle. 
Il  s'efforça  de  les  maintenir  contre  Louis  XVI  et  contre  le  cardinal 
de  Rohan,  lorsque  V enclos  de  la  rue  Saint-Honoré  fut  transféré  au 
faubourg  Saint-Antoine,  rue  de  Charenton.  Malgré  les  évidentes 
malversations  du  cardinal,  et  malgré  sa  disgrâce  après  l'affaire  du 
Collier,  le  Roi  entendit  bien  rester  le  maître  absolu  de  so?i  hospice, 
et  l'évèque  de  Metz,  successeur  de  Rohan  à  la  grande  aumùnerie,  le 
remplaça  également  à  la  tète  des  Quinze-Vingts  :  c'était  Louis-Joseph 
de  Montmorency-Laval. 

DROITS 

PERÇUS   AU    PROFIT    DE   l'iIOTEL-DIEU    ET   DE   l'rOPITAL-GÉNÉRAL 
DEPUIS    1090,    1702    ET    1711,    JUSQU'AU    DÉCRET    DE   LA    CONSTITUANTE 

DU    19    FÉVRIER    1791 

I.  —  Compiègne,  19  août  1774.  Reg.  6  septembre. 

Déclaration  du  roi,  qui  ordonne  la  continuation  de  la  perception  de  30  sous 
par  muid  de  vin  entrant  dans  la  ville  et  faubourgs  de  Paris  pendant  six 
années,  h  commencer  du  1er  octobre  1774,  en  laveur  de  l'Hôtcl-Dicu  et  de 
l'Hôpital-Général. 

Vise  :  la  déclaration   du  28  janvier  1090,  celle  du  20  décembre 
1707. 

lî.  —  Compiègne,  19  août  1775.  Reg.  G  septembre. 

Déclaration  qui  ordonne  la  continuation  de  la  perception  de  10  sous  d'aug- 
mentation sur  chaque  muid  de  vin  entrant  dans  la  ville  et  faubourgs  de 
Paris,  pendant  six  années,  à  compter  du  1er  octobre  1774,  en  faveur  de  l'Hôpi- 
tal-Général. 

Vise:  les  déclarations  des  3  décembre  1702,  22  septembre  1711  et 
14  septembre  1711,  3  octobre  1710,  2  septembre  1718,  30  sep- 
tembre 1720,  28  septembre  1728,  5  mars  1732,  20  août  1738, 
24  septembre  1744,24  août  1730,  30  juillet  1702,  20  décembre  1707. 
Vu  la  destination  charitable  des  deniers,  il  n'y  a  aucune  exemption 
de  ce  droit,  dont  l'adjudicataire  de  la  ferme  générale  remet  le  pro- 
duit, sans  frais  ni  remises,  au  receveur  général  de  l'hôpital. 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  237 

111.  —  Compiègne,  19  août  1774.  Reg.  6  septembre. 

Déclaration  portant  prorogation  de  la  perception  du  vingtième  aux  entrées 
de  Paris,  pendant  six  années,  à  commencer  du  1er  janvier  1775,  au  profit  de 
l'Hôpital-Général  et  de  celui  des  Enfants-Trouvés. 

Vise  :  les  déclarations  des  3  janvier  et  lo  décembre  1711,  et  en 
dernier  lieu  celles  du  30  juillet  1702  et  du  22  mars  1768  '. 

L'Hôpital-Général  jouissait  aussi  d'un  droit  de  2  sous  6  deniers 
sur  les  carrosses  de  remise2,  renouvelé  de  même  de  six  années  en 
six  années.  Ces  privilèges  temporaires,  et  qui  dépendaient  de  la  vo- 
lonté royale,  contribuaient  à  préparer  l'assujettissement  des  admi- 
nistrations hospitalières,  Notons  bien,  cependant,  le  caractère  essen- 
tiellement municipal  de  ces  impôts  indirects  perçus,  aux  barrières 
ou  à  l'intérieur  de  Paris,  au  profit  des  malades  et  des  pauvres.  La 
déclaration  du  13  juillet  1780,  enregistrée  le  1er  août,  énumère  les 
droits  d'octroi  accordés  en  dernier  lieu  à  l'Hôpital-Général  et  maisons 
unies  : 

1°  «  Le  vingtième  sur  les  entrées  et  doublement  d'icelui  »,  c'est-à- 
dire  le  dixième  ; 

2°  20  sous  par  muid  de  vin  ou  liqueurs  ; 

3°  0  sous  par  voie  de  bois  3  ; 

■1°  10  sous  d'augmentation  sur  chaque  muid  de  vin  entrant  dans 
la  ville,  faubourgs  et  banlieue  de  Paris. 

C'est  également  le  13  juillet  1780  4  que  furent  renouvelées  pour  la 
dernière  fois  les  deux  autres  déclarations  citées  plus  haut,  à  la  date 
du  19  août  1771. 

ABUS  DU  PATRONAGE  A  L'HOTEL-DIEU 

ARRÊT  du  18  février  1777,  qui  homologue  la  délibération  en  date  du  27  no- 
vembre 1776,  extraite  des  registres  des  délibérations  du  bureau  de  lTlôtel- 
Dieu  de  Paris  : 

IJU    MERCREDI  27   NOVEMBRE   177G 

En  l'assemblée  générale  tenue  à  l'archevêché,  assistants  :  Monseigneur  l'ar- 
chevêque;  Monseigneur    d'Aligre,    premier   président;  Monseigneur  Nicolaï, 

1.  Les  trois  déclarations  qui  précèdent  ont  été  vues  au  conseil  par  Tcrray. 
Jusqu'à  la  Révolution,  elles  ont  été  renouvelées  de  six  en  six  années  (Arch.  mit., 
11.  1876). 

2.  Lettres  patentes  du  21  déc.  1778,  qui  le  prorogent  pour  G  ans  à  partir  du 
I"  janvier  1779  (enregistrées  le  22  janvier  1779,  Arch.  nai,  X  1b  8972). 

3.  Voyez  :  déclaration  du  22  juin  178.L  sur  lettres  patentes  du  22  juillet  1781). 
1.  Arch.  nat.,  X  Ib  898.'i. 

17 


238  LE  PARLEMENT 

premier  président  de  la  Chambre  des  comptes;  Monseigneur  Barenlin,  premier 
président  de  la  Cour  des  aides  ;  Monseigneur  Joly  de  Fleury,  procureur  général  ; 
M.  le  Noir,  conseiller  d'État,  lieutenant  général  de  police;  M.  de  la  Micho- 
dière,  conseiller  d'État,  prévôt  des  marchands. 

MM.  Durant,  de  Lambon,  le  Couteulx  de  Vcrtron,  Dupont,  de  Neuville, 
Marchais  de  Migncaux,  Marrier  de  Vosscry,  de  Tillicre  fils,  Boullenois,  et 
M.  Brochant,  receveur. 

M.  Dupont  a  dit  qu'il  lui  a  été  remis  un  mémoire  dans  lequel  une  per- 
sonne, également  respectable  par  la  place  qu'elle  occupe  et  par  son  mérite 
personnel,  ayant  droit  à  la  nomination  de  trois  lits  sur  la  présentation  des 
parents  de  la  fondatrice,  se  plaint  d'un  abus  que  la  compagnie  soupçonnait 
depuis  longtemps  avoir  lieu  dans  les  nominations  et  présentations  aux  lits  des 
incurables. 

Que  cet  abus  consiste  : 

1°  En  ce  que  quelques-uns  de  ceux  qui  ont  droit  à  ces  nominations,  ou  à 
une  simple  présentation,  regardant  ces  lits  comme  portion  du  patrimoine  de 
leurs  ancêtres  qui  les  ont  fondés,  ou  par  d'autres  motifs,  qu'aucun  prétexte 
même  de  prétendue  charité  pour  d'autres  pauvres  ne  peut  excuser,  font  payer 
aux  présentés  ou  aux  nommés  le  prix  de  leurs  présentations  ou  de  leurs  no- 
minations ; 

2°  En  ce  que  ces  nominations  ou  présentations  se  trouvent  quelquefois 
négociées  par  personnes  interposées,  à  l'insu  même  des  nominateurs  ou  pré- 
sentateurs ; 

Que,  dans  le  premier  cas,  c'est  faire  commerce  de  la  charité  des  fondateurs, 
et  faire,  en  quelque  manière,  rentrer  dans  le  patrimoine  de  leurs  héritiers,  ou 
de  ceux  qu'ils  ont  désignés  pour  nominateurs  ou  présentateurs,  un  fonds  dont 
tout  le  produit  utile  est  destiné  à  la  subsistance  d'un  pauvre,  et  dont  ils  n'ont 
réservé  que  l'honneur  de  déterminer  le  sujet  auquel  il  serait  appliqué;  que  ce 
choix  est  de  sa  nature  purement  gratuit,  et  ne  peut  être  vendu  licitement 
même  au  profit  d'autres  pauvres  qui  n'étaient  point  dans  l'intention  des  fon- 
dateurs, et  qui  n'ont  point  droit  de  partager  indirectement  le  bénéfice  de  ces 
fondations  ; 

Que  le  trafic  illicite  et  sordide,  qui  résulte  du  second  cas,  met  à  prix  d'ar- 
gent, au  profit  des  intrigants  de  la  plus  basse  classe  des  citoyens,  un  bien 
consacré  à  la  religion  et  à  l'humanité  ;  que  les  conséquences  en  sont  préjudi- 
ciables au  bon  ordre  et  à  la  discipline  de  la  maison,  la  plupart  de  ceux  qui  y 
sont  entrés  par  cette  voie  s'y  regardant  comme  propriétaires  de  leur  lit  à  litre 
d'achat,  et  conséquemment  affranchis  de  toute  règle  et  de  toute  subordination  ; 
et  que  dans  ces  circonstances  il  lui  paraît  intéressant  de  prendre  les  pré- 
cautions les  plus  promptes  et  les  plus  sages  pour  réprimer  un  pareil  abus. 

Sur  quoi  la  matière  mise  en  délibération, 

La  compagnie  a  arrêté:  1°  Qu'à  l'avenir  toutes  nominations  ou  présentations 
aux  lits  de  l'hôpital  des  Incurables  seront  purement  gratuites,  sans  que,  sous 
aucun  prétexte,  il  puisse  être  rien  reçu  ni  payé  par  qui  que  ce  soit  pour  raison 
et  à  l'occasion  desdilcs  nominations  et  présentations  antérieurement  ou  posté- 
rieurement à  icelles  ; 

2°  Que  dans  le  cas  où  les  nominateurs  ou  '  présentateurs  auraient  reçu 
quelque  chose  que  ce  soit  antérieurement  ou  postérieurement,  ils  demeureront 
privés  du  droit  de  présentation  ou  nomination,  qui  passera  à  celui  ou  ceux  à 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  259 

qui  lesdiles  présentations  ou  nominations  appartiennent  à  leur  défaut  ;  et  le 
malade  par  eux  présenté  ou  nommé  sera  congédié  dudit  hôpital; 

3°  Que  lorsque,  à  l'insu  des  présentateurs  ou  nominateurs,  il  aura  été  payé 
quelque  chose  à  personnes  interposées,  avant  ou  après  lesdites  présentations 
ou  nominations,  et  à  raison  d'icelles,  le  malade  sera  pareillement  congédié 
dudit  hôpital,  sauf  auxdits  malades  ainsi  congédiés  à  se  pourvoir  dans  tous 
les  cas  contre  ceux  qui  auront  indûment  perçu  quelque  chose  à  raison  de  leur 
présentation  ou  nomination1. 

PRIVILÈGE  DE  L'HOTEL-DIEU 

RELATIF   AUX    ENTRÉES 

La  quantité  de  vin  privilégié  de  l'Hôtel-Dieu  avait  été  fixée  à 
800  muids  par  arrêts  du  conseil  des  8  novembre  1051,  20  mars  et 
17  décembre  1654,  27  octobre  16oo,  10  novembre  1057,  27  mars  et 
15  novembre  1658,  23  février  1002,  28  avril  1663,  lo  janvier  1671, 
17  novembre  1074  et  3  septembre  1709.  Ces  arrêts  furent  confirmés 
par  lettres  patentes  enregistrées  des  1er  mars  1704,  25  septembre 
1709,  mai  1720.  Le  conseil  a  porté  àl, 200  muids  la  quantité  de  vin 
privilégié,  depuis  1721. 

L'Hôtel-Dieu  obtient  assez  facilement  soit  de  la  ferme,  soit  du 
bureau,  que  les  droits  payés  par  lui  pour  les  quantités  excédant 
1,200  muids  lui  soient  remboursés  par  compensation  avec  les  années 
où  il  n'atteint  pas  les  1,200  muids2. 

POLIΠ RELATIVE  AUX  MENDIAiNTS  A  PARIS 

EXTRAIT  d'un  compte-rendu  au  Parlement  de  M0  Séguier  '. 

Depuis  la  dernière  ordonnance  du  roi  concernant  la  mendicité  il  est  vrai 
qu'on  a  arrêté  beaucoup  de  gens  qui  faisaient  profession  de  cet  état  honteux. 
Mais  les  ordres  sont  donnés  pour  qu'ils  ne  soient  arrêtés  que  pendant  le  jour; 
les  officiers  de  police  requièrent  toujours  le  ministère  de  la  garde;  ceux  qui 
sont  arrêtés  sont  conduits  chez  les  commissaires;  ils  ont  l'attention  de 
n'ordonner  l'emprisonnement  que  lorsqu'ils  sont  reconnus  pour  mendiants, 
ou  parleur  aveu,  ou  par  déclaration  de  témoins,  ou  lorsque,  étant  pris  sur  le 
fait,  ils  sont  trouvés  porteurs  de  liards  et  de  morceaux  de  pain,  preuves  indi- 
catives des  charités  qu'ils  ont  reçues.  Nous  avons  entre  les  mains  différents 
rapports  qui  constatent  ces  faits  de  la  manière  la  plus  évidente. 

Ces  particuliers  ainsi  emprisonnés  de  l'ordonnance  du  commissaire  restent 

1.  L'expédition  est  signée  Varia,  greffier  du  bureau  de  l'Hôtel-Dieu<  Sur  le 
rapport  de  Poimuyor,  conseiller,  la  Cour  homologue  la  délibération  :  l'arrêt  est 
collationné  Lutton,  et  signé  Du  franc. 

2.  Arch.  nat.,  H.  1933  et  suivants. 

3.  Arch.  nat.,  X  !b  8911  (31  juillet  1778). 


260  LE  PARLEMENT 

vingt-quatre  ou  quarante-huit  heures  en  prison;  s'ils  sont  réclamés  par 
personnes  connues,  ils  sont  relaxés;  si  personne  ne  les  réclame,  ils  sont 
conduits  au  dépôt  de  Saint-Denis,  et  alors  ils  ne  sont  plus  sous  l'inspection 
du  lieutenant  général  de  police.  L'administration  de  cette  maison  est  contiée 
au  commissairc-départi  en  la  province. 

Lorsque  les  mendiants  sont  arrivés  au  dépôt,  s'ils  sont  réclamés,  le  com- 
missairc-départi en  informe  le  lieutenant  général  de  police,  et  celui-ci  a 
attention  de  vérifier  si  l'on  peut  avoir  égard  à  la  réclamation.  Communément, 
sur  la  réclamation  faite  par  un  domicilié,  le  mendiant  est  rendu  libre;  mais  il 
arrive  presque  toujours  qu'il  abuse  de  cette  liberté,  et  il  est  bientôt  repris, 
faisant  toujours  le  même  métier. 

Vous  n'ignore/,  pas,  Messieurs,  que  la  mendicité  a  toujours  été  un  des  plus 
terribles  fléaux  dont  les  villes  et  les  campagnes  puissent  être  affligées.  Les 
sages  mesures  du  gouvernement  ont  diminué  le  nombre  de  ces  vampires  du 
peuple  et  de  la  société.  On  a  pourvu  à  tout  ce  que  ces  fainéants  par  état  et  par 
profession  peuvent  demander.  On  offre  à  ceux  qui  sont  valides  de  l'ouvrage 
suffisant  pour  assurer  leur  subsistance;  les  infirmes  trouvent  un  asile  dans  les 
hôpitaux;  on  a  ouvert  des  ateliers  de  charité  dans  les  campagnes;  les  curés 
de  Paris  ont  des  secours  pour  faire  travailler  les  pauvres  de  leurs  paroisses. 
D'après  ces  précautions,  qu'il  nous  soit  permis  de  représenter  à  la  Cour  qu'il 
est  possible  que  l'amour  de  l'humanité,  et  même  qu'un  excès  de  charité  fassent 
souvent  envisager  les  maux  comme  plus  fâcheux  qu'ils  ne  sont  en  eux-mêmes. 
Une  juste  sévérité  contre  les  mendiants  qui  trouvent  une  subsistance  assurée 
dans  la  piété  (sic)  du  peuple  peut  seule  arrêter  le  désordre;  et  le  moindre 
relâchement  ramènerait  dans  les  villes  et  dans  les  campagnes  une  multitude 
de  vagabonds  contre  lesquels  on  a  employé  jusqu'ici  des  remèdes  insuffisants  : 
et  à  cet  égard  il  n'est  personne  qui  ne  se  rappelle  les  inconvénients  qui  sont 
résultés  de  la  facilité  qu'on  a  eue  de  relâcher  les  mendiants  il  y  a  quelques 
années... 

MONT-DE-PIÉTÉ  ' 

LETTRES    PATENTES    PORTANT    ÉTABLISSEMENT    d'un    MONT-DE-PIÉTÉ 

9    DÉCEMBRE    1777.    ]{.    P.,    LE    12 

Signées  :  LOI'JS,  et  plus  bas  :  A  ME  LOT 

Le  préambule  mentionne  l'exemple  de  l'Italie,  et  des  provinces  de 
Flandre,  Uainaut,  Cambrésis  et  Artois.  Le  roi  repousse  toute  spécu- 
lation de  finance,  et  n'a  en  vue  que  'a  bienfaisance  et  la  suppression 
de  l'usure. 

L'article  1er  met  le  Mont-de-piété  sous  l'inspection  et  adminis- 
tration du  lieutenant  général  de  police,  assisté  de  quatre  admi- 
nistrateurs de  l'Hôpital-GénéraJ,  élus  parleurs  collègues  et  dont  les 
fonctions  seront  gratuites.  —  Les  prêts  seront  des  4/5  de  la  valeur  au 

1.  Ou  bureau  général  de  caisse  d'emprunt  ■sur  nantissement.  —  VAhn.  royal 
cite  li'  Mont-de-piété  parmi  les  institutions  hospitalières,  après  la  Charitéi 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  261 

poids  pour  l'or  et  l'argent,  des  2/3  de  la  valeur  estimée  pour  les 
autres  objets.  Les  appréciateurs  seront  choisis  dans  la  communauté 
des  lluissiers-commissaires-priseurs  du  Châtelet  de  Paris,  laquelle 
sera  garante  des  évaluations  moyennant  un  droit  de  prisée  de 
1  denier  pour  livre  (art.  2).  —  Prêts  auxiliaires  (succursales)  pouvant 
prêter  de  3  à  50  livres  (art.  3).  —  La  reconnaissance  est  valable  pen- 
dant un  an,  après  quoi  les  objets  déposés  sont  vendus  aux  enchères 
(art.  5  a  7).  — ■  Objets  volés  et  déposés  fart.  8  et  9).  — Juridiction 
attribuée  au  lieutenant  général  de  police,  sauf  appel  à  la  grand'- 
chambre  du  Parlement  (art.  15).  —  Bénéfices  attribués  à  l'Hôpital- 
Général.  —  Intérêt  fixé  à  10  p.  100. 

ANALYSE    DU    RÈGLEMENT    DU    MONT-DE-PIÉTÉ 

HOMOLOGUÉ    LE   26    FÉVRIER    l"î~8  » 

(Extrait  du  registre  des  délibérations  du  bureau  d'administration 
du  Mont-de-piété,  séance  du  .">  janvier  1778  après  midi,  tenue  en 
l'hôtel  de  M.  le  lieutenant  général  de  police,  où  étaient  présents 
M.  le  lieutenant  général  de  police,  et  MM.  Josson,  Basly,  Viellard  et 
Henry.) 

Ce  règlement  établit  (art.  1er)  quatre  bureaux  : 

1°  Le  bureau  d'administration,    présidé  par    le    lieutenant 

général  de  police. 
2°  de  direction  (directeur  général). 

3°        —        tle  magasin  (garde-magasin). 
4°         —         de  la  caisse  (caissier). 
Les  articles  10  à  12  concernent  le  greffier  et  les  archives  ; 
Les  articles  13  à  23,  le  directeur  général; 
Les  articles  24  à  31,  le  garde-magasin  : 
Les  articles  32  à  36,  le  caissier; 
Les  articles  37  à  39,  les  employés  et  préposés; 
Les  articles  40  à  45,  les  cautionnements  et  registres  y  relatifs; 
Les  articles  46  à  58,  la  communauté  des  Iluissiers-commissaires- 
priseurs  dans  ses  rapports  avec  te  Mont-de-piété  ; 
Les  articles  5!)  à  (12,  les  emprunteurs; 

L'article  64  et  dernier,  l'ordre  d'expédition  du  projet  de  règlement 
au  procureur  général. 

Cette  expédition  est  signée  :  Martin  (greffier  du  bureau). 


1.  Arch.  nat.,»X  1b  8970.  —  Dib.  nat.,  arrêts  du  Parlement,  à  la  date  (piècein-4° 

de  8  pages). 


262  LE  PARLEMENT 

EMPRUNT   DE   4   MILLIONS 

Le  bureau  de  l'Hôpital-fjénéral,  qui  avait  fourni  les  premiers  fonds 
de  l'établissement  du  Mont-de-piété,  ne  put  suffire  à  son  rapide 
développement;  les  lettres  royales  du  7  août  1778  autorisèrent  le 
Mont-de-piété  à  emprunter  4,000,000  de  livres.  —  Au  31  décembre 
1778,  voici  quelle  était  sa  situation  : 

Engagements  :         128,508  objets  valant  8,509,384  livres. 
Dégagements  :  60,551  3,179,523     — 

Stock  en  magasin  :    07,957  5,129,801     — 

VENTE    DES    EFFETS 

ARRÊT  du  Parlement  du  3  mars  1779,  qui  homologue  une  délibération  des 
administrateurs  du  Mont-de-piété,  concernant  la  vente  des  effets  mis  en  nan- 
tissement, qui  n'auront  pas  été  retirés  dans  l'année  du  prêt,  et  autres  objets 
y  relatifs;  et  ordonne  qu'il  sera  affiché,  dans  la  salle  de  vente,  un  tarif  des 
droits  à  payer  aux  huissiers-priseurs  pour  chaque  article  de  vente. 

La  délibération,  homologuée,  est  datée  du  20  février  1779;  elle 
comprend  31  articles;  l'expédition  adressée  au  Parlement  est  si- 
gnée :  Martin,  et  datée  du  21  février  1779  ». 

BUREAUX   AUXILIAIRES 

Les  bureaux  auxiliaires  ne  purent  être  établis,  par  suite  de  frais  de 
régie  trop  élevés,  et  les  courtiers  de  prêteurs  sur  gages  servirent 
d'intermédiaires,  la  plupart  du  temps  peu  scrupuleux,  aux  personnes 
trop  éloignées,  ou  malades. 

Le  Parlement,  par  l'Arrêt  du  10  août  1779,  fait  défenses  à  toutes 
personnes  de  faire  le  courtage  sans  y  être  autorisées  par  le  bureau 
d'administration  du  Mont-de-piété,  à  peine  de  3,000  livres  d'amende2. 

Cet  arrêt  s'appliquait  non  seulement  à  Paris,  mais  aux  localités 
voisines,  déjà  clientes  du  Mont-de-piété  comme  elles  l'étaient  depuis 
longtemps  des  hôpitaux  parisiens  :  notamment  à  Versailles,  Fontai- 
nebleau, Gompiègne,  Saint-Germain-en-Laye  et  Saint-Denis. 

RÈGLEMENT  EN  TRENTE  ARTICLES  DU  6  SEPTEMBRE  1779 

L'Arrêt  du  Parlement  du  G  septembre  1779  homologua  la  délibé- 

1.  Coll.  de  la  l!ih.  nul.,  à  la  (lato, 

2.  Arch,  nat.,  K.  1050, 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  203 

ration  du  conseil  d'administration  du  26  août  précédent,  qui  fixait  le 
droit  acquis  aux  commissionnaires  pour  prix  de  leur  intervention  '. 

ARRÊT  du  Parlement  du  7  mars  1 780. 

Il  homologue  52  articles  de  règlement,  concernant  les  commis- 
sionnaires au  Mont-de-piété  et  leur  inspecteur2. 

ARRET  du  Parlement  du  25  mars  1780. 

Il  homologue  une  délibération  des  administrateurs  du  Mont-de- 
piété,  au  sujet  des  effets  portés  en  nantissement  au  Mont-de-piété, 
et  qui  peuvent  être  suspectés  d'avoir  été  volés  k 

HOSPICE  AU  PETIT-MONTROUGE 

Mémoire  concernant  un  nouvel  établissement,  où  seront  reçus  et  traités  gra- 
tuitement, dans  leurs  maladies,  les  anciens  militaires  et  les  ecclésiastiques 
indigents4. 

Ce  mémoire,  non  signé,  est  du  Et.  P.  Gérard,  ex-provincial  de 
l'Ordre  de  la  Charité.  Il  l'adressa  au  roi,  et  recul  une  réponse  d'A- 
melot  (2  février  1780),  insérée  à  la  suite  i\ii  mémoire  (p.  7  et  8), 
par  laquelle  le  Roi  s'engageait  à  fournira  l'entretien  de  vingt-six  lits, 
une  fois  le  nouvel  hôpital  construit  :  «  Sa  Majesté  m'a  ordonné  de 
vous  témoigner  qu'Elle  vous  sait  gré,  ainsi  qu'à  votre  congrégation, 
d'un  pareil  projet,  et  que  vous  pouvez  être  assurés  de  sa  protection, 
non  seulement  dans  cette  affaire,  mais  dans  toutes  celles  où  vous 
lui  présenterez  des  objets  d'une  aussi  réelle  utilité.  » 

BUREAUX  DE  NOURRICES  s 

La  déclaration  du  2!)  janvier  1715,  enregistrée  en  Parlement  le 
14  février  de  la  même  année,  ordonne  que  dans  chaque  bureau  des 
recommandaresses,  il  y  ait  un  registre  pour  y  inscrire  le  nom,  l'âge, 
le  pays  et  la  paroisse  de  la  nourrice,  la  profession  de  son  mari,  l'âge 
de  l'enfant  dont  elle  était  accouchée,  et  s'il  était  vivant  ou  mort.  Le 

t.  Arch.  nat.,  X  1b  8973. —  lab.  nat., arrêts  du  Parlement,  à  la  date  (pièce hi-4° 
de  s  pages). 
2.  Bib.  nat.,  ibid.,  pièce  in-4°  de  17  pages. 
;j.  lab.  nat.,  ibid.,  pièce  in-4°  de  8  pages. 

4.  Pièce  in-i"  de  8  pages  (M  DUC  LXXX,  imprimerie  royale).  —  Arch.  nat.,  H. 
ira. 

îj.  Voyez  :  arrêt  du  22  mars  1182  (concernant  le  ressort  de  la  Sénéchaussée  de 
Cluitelleraultj. 


2Gi  LE  PARLEMENT 

tout  devait  être  attesté  par  certificat  du  curé  de  la  paroisse  de  la 
nourrice,  lequel  devait  aussi  donner  témoignage  de  ses  mœurs  et  de 
sa  religion,  dire  si  elle  était  veuve  ou  mariée,  si  elle  avait  ou  n'avait 
point  d'autre  nourrisson.  La  déclaration  du  1"  mars  1747,  enregis- 
trée en  la  Cour  le  19  <lu  même  mois,  ordonna,  d'autre  part,  aux  re- 
commandaresses  de  fournir  aux  itères  et  mères  un  certificat  de  l'en- 
registrement de  celui  que  le  curé  aurait  fourni,  afin  de  mettre  les 
Itères  et  mères  en  état  de  connaître  les  nourrices  auxquelles  ils  au- 
raient confié  leurs  enfants.  Enfin  la  déclaration  du  il  juillet  1769, 
enregistrée  le  28,  codifia  et  renouvela  les  deux  précédentes.  C'étaient 
aussi  les  curés  qui,  chaque  mois,  étaient  tenus  de  donner  aux  nour- 
rices des  certificats  d'existence  de  leurs  nourrissons,  afin  qu'elles 
pussent  être  payées  par  les  pères  et  mères  :  le  Parlement  menace 
d  amende  ceux  qui  se  refuseront  à  délivrer  sans  frais  ces  attestations 
diverses,  le  cas  échéant,  et  même  quand  il  s'agit  d'enfants  (fuu- 
vés  '. 

AFFAIRE  DES  QUINZE-VINGTS  ^ 

Le  25  juillet  1780,  par  un  acte  devant  notaires,  les  administrateurs 
des  Quinze-Vingts  donnèrent  leur  démission  motivée.  Elle  fut  dé- 
posée aux  greffes  du  Parlement,  de  la  Chambre  des  comptes,  du 
Cliàtelct,  et  notifiée  au  grand  aumônier,  cardinal  de  Rohan  ?. 

Voici  quels  étaient  les  motifs  énumérés  dans  l'acte  de  démission  : 
1°  Le  régime  statutaire  de  l'hôpital,  te!  qu'il  était  observé  depuis  sa 
fondation,  est  interverti  au  mépris  des  Arrêts  registres  en  Parle- 
ment; 2°  les  lettres  patentes  de  translation  de  l'hôpital  ont  été  sur- 
prises4;  elles  exposenl  faussemoiii  que  les  gouverneur  et  administra- 
teurs aient  supplié  le  Roi  «  de  faire  connaître  ses  intentions  »  ;  aucun 
projet  ne  leur  a  été  communiqué;  les  enquêtes  de  commodo  cl  incoiu- 


\.  C'est-à-dire  non  reconnus,  bâtards,  adultérins.  Comme  parmi  les  curés,  les 
uns  faisaient  des  difficultés,  et  d'autres  étâienl  plus  accommodants,  les  paroisses 
de  ceux-ci  devenaient  de  vraies  nourrisseries. 

2.  Sue  cette  fondation,  voyez  :  Archives  des  Quinze- Vingts,  inventaire  et  intro- 
duction, p.  J.-B.  Marot;  Ad.  Berty,  Topographie  historique  du  Vieux  Paris,  t.  I, 
]>.  61-70;  ri  surtout  L.  Le  Grand,  les  Quinze-Vingts,  In  Mém.  de  la  Soc.  de  l'his- 
toire de  Paris,  tomes  XIII  et  XIV  (1887-1888),  plus  spécialement  p.  18'J  à  205  du 
tome  XIII. 

3.  Séance  plénière  du  1!  mars  1183,  récit  d'un  de  Messieurs  de  la  première 
des  enquêtes    X  lu  8979  . 

i.  [legistrées  eu  la  Cour  le  31  dèc.  1779,  Elles  transféraient  les  Quinze- Vingts, 
de  la  rue  Saint-Honoré,  au  local  du  faubourg  Saint-Antoine,  où  ils  sont  demeurés 
depuis  lues. 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  265 

modo,  nécessaires  pour  l'aliénation  des  biens  de  mainmorte,  n'ont 
pas  eu  lieu;  3°  le  chapitre  des  Quinze-Vingts  n'a  pas  été  consulté 
sur  la  vente  des  biens  de  l'hôpital,  consommée  sans  leur  avis;  4°  le. 
contrat  de  vente  a  été  passé  si  précipitamment  qu'il  a  été  signé  dans 
la  même  matinée  où  les  lettres  patentes  ont  été  enregistrées;  ils  ne 
l'ont  connu,  malgré  leurs  instances,  qu'un  mois  après;  il  renferme 
«  la  vente  de  deux  maisons  non  comprises  dans  la  permission  d'a- 
liéner accordée  par  le  Roi  »,  et,  de  plus,  des  clauses  contraires  à 
«  leur  conscience  et  au  bien  des  pauvres  »  ;  5°  de  même,  ils  n'ont 
pas  eu  départ  à  l'acquisition  de  l'hôtel  de  la  seconde  compagnie  des 
Mousquetaires,  ni  aux  marchés  de  réparations  conclus  en  bloc  contre 
les  dispositions  du  règlement,  ni  à  la  translation  des  pauvres  et  du 
matériel,  ni  à  la  prise  de  possession  des  titres  de  propriété,  ni  à 
tous  les  règlements  faits  dans  les  assemblées  particulières  tenues 
chez  le  grand  aumônier,  sans  avoir  égard  aux  statuts  '. 

Le  14  mars  1783  (sans  prendre  parti  entre  le  grand  aumônier  et  l'ad- 
ministration démissionnaire)  le  Parlement  délégua  deux  conseillers  de 
grand'  chambre,  Ghavannes  et  Lefebvre,  pour  faire  une  enquête  aux 
Quinze-Vingts,  de  midi  à  trois  heures,  le  lendemain  15.  Mais,  à  sept 
heures  du  matin,  Ghavannes  reçut  une  lettre  de  cachet  du  Roi,  datée 
du  14,  et  contresignée  par  Amelot ,  ministre  de  Paris,  qui  lui  inter- 
disait, «  nonobstant  l'Arrêt  de  la  Cour,  de  se  transporter  aux  (juinze- 
Vingts  jusqu'à  nouvel  ordre  dudit  seigneur-roi  ».  I!  n'eut  pas  le 
temps  de  conférer  de  cet  ordre  avec  son  collègue  Lefebvre,  et  le 
matin  du  15  mars,  exposa  le  fait  à  la  Cour.  Le  Parlement  arrêta  sur- 
le-champ  des  représentations  au  Roi,  non  pas  contre  les  disposi- 
tions des  lettres  patentes  qu'il  avait  lui-même  enregistrées,  mais 
«  attendu  la  notoriété  des  abus  de  la  gestion  actuelle  des  Quinze- 
Vingts  ».  Or,  ces  abus  (il  n'est  pas  inutile  de  le  remarquer)  résul- 
taient de  l'esprit  même  des  lettres  patentes,  qui  avaient  donné  au 
léger  et  prodigue  cardinal  de  Rohan  un  pouvoir  sans  contrôle  effectif, 
puisqu'il  ne  dépendait  que  du  roi  lui-même. 

Le  premier  président,  le  soir  même  à  six  heures,  parla  au  Roi, 
environné  du  garde  des  sceaux,  du  ministre  des  finances2  et  du 
secrétaire  d'État  de  Paris.  Le  roi  répondit  :  «  Mon  hôpital  des  Quinze- 
Vingts  est  sous  ma  seule  autorité  depuis  sa  fondation  par  saint  Louis  ; 
mon  Parlement  n'aurait  pas  dû  s'en  occuper  avant  de  connaître  mes 

1.  Cependant  les  démissionnaires  avaient  eux-mêmes,  le  20  janvier  1780, 
transcrit  sur  le  registre  (1rs  délibérations  du  chapitre  les  lettres  patentes  du 
31  décembre  1779,  et  avaient  signé  cette  transcription, 

2.  Jolv  de  Kleurv. 


2G6  LE  PARLEMENT 

intentions.  J'ai  cassé  son  arrêt  d'hier,  et  je  lui  défends  d'y  donner 
aucune  suite.  » 

Le  Parlement  arrêta,  sur  cette  réponse,  qu'il  serait  t'ait  au  roi  des 
remontrances.  Aux  griefs  déjà  nombreux  accumulés  contre  l'adminis- 
tration des  Quinze  -  Vingts,  «  un  de  Messieurs  »  en  ajouta  un  qui 
concernait  «  la  qualité  d'Altesse  énimentissime  donnée  au  cardinal 
de  ftohan  dans  l'acte  de  démission  des  administrateurs,  et  par  lui 
prise  tant  dans  VAlmçmach  royal  que  dans  d'autres  actes  publics  et 
particuliers  ». 

Les  remontrances  furent  délibérées  le  21  mai  et  présentées  le.  29. 

Le  Parlement  se  plaint  que  le  roi  ait  mis  en- doute  le  principe  du 
pouvoir  qu'il  exerce  en  son  nom  : 

II  n'existe  en  France  qu'une  autorité  souveraine,  Sire,  et  c'est  la  vôtre. 
Elle  s'étend  sur  tous  les  hôpitaux  du  royaume  :  l'hôpital  des  Quinze- Vingts 
n'est  pas  le  seul  qui  lui  soit  exclusivement  subordonné.  Que  cette  autorité 
agisse  par  elle-même  ou  par  vos  Cours,  sa  nature  ne  change  pas.  Elle  est  la 
source  de  tous  nos  jugements  et  le  principe  de  ses  propres  décrets.  C'est  elle 
que  votre  Parlement  est  tenu  par  les  lois  d'exercer  ou  d'éclairer.  La  réponse 
de  Votre  Majesté  ne  permet  plus  aux  magistrats  de  votre  Parlement  de  se  dis- 
simuler qu'on  cherche  à  leur  attribuer  des  prétentions  sur  une  autorité  dis- 
tincte de  la  vôtre.  Nous  protestons  tous  contre  une  tentative  aussi  dangereuse 
qu'injuste.  Nos  droits,  Sire,  viennent  des  vôtres.  Nous  rendons  à  vos  sujets  la 
justice  que  vous  leur  devez  ;  nous  exerçons  une  autorité  qui  n'appartient  qu'à 
vous.  Si  la  séparation  du  pouvoir  législatif  d'avec  le  pouvoir  judiciaire  est 
dictée  par  l'intérêt  des  peuples;  si  le  même  intérêt,  inséparable  de  celui  des 
souverains  eux-mêmes,  a  consacré  l'inamovibilité  des  magistrats,  dont  la  sé- 
curité garantit  le  zèle  et  la  perpétuité  les  lumières,  il  n'en  est  pas  moins  vrai 
que  leur  puissance  dérive  de  la  vôtre  et  s'y  doit  tout  entière... 

Sire,  nous  parlons  pour  les  sujets,  nous  jugeons  pour  les  rois... 

Les  deux  magistrats  chargés  de  l'enquête  par  le  Parlement  ont 
obéi  aux  lettres  de  cachet  qu'ils  ont  reçues;  mais  le  Parlement, 
«  obligé  de  rappeler  à  Votre  Majesté  que  les  ordonnances  du  royaume 
défendent  à  tous  juges  d'obtempérer  aux  lettres  closes  en  matière  de 
justice,  la  supplie  très  humblement  de  ne  jamais  permettre  que  des 
magistrats  soient  obligés  de  balancer  un  seul  instant  entre  le  respect 
qu'ils  doivent  aux  ordres  particuliers  de  leur  souverain  et  l'obéis- 
sance qu'ils  ont  jurée  aux  lois  ». 

Les  remontrances  insistent  ensuite  sur  les  statuts  légaux,  enregistrés 
en  Parlement  ',  des  Quinze-Vingts,  en  particulier  sur  l'article  19  qui 

1.  Au  début  du  XVIe  siècle  /sans  autre  date).  Il  s'agît  îles  statuts  donnés  eu 
1521  par  François  de  Moulins  (Inv.  somni,  des  Arch,  des  Quinze-Vingts,  par  J.-li, 
Marot,  u"  856). 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  267 

veut  que  «  toutes  choses  importantes  soient  faites  eti  plein  chapitre, 
signées  du  greffier  et  scellées  du  scel  de  l'hôpital  »,  et  sur  l'article  i8, 
qui  porte  que  le  grand  aumônier,  «  en  cas  de  mort  d'un  ou  plusieurs 
des  gouverneurs  de  l'hôpital,  sera  tenu  de  leur  nommer  pour  suc- 
cesseurs ceux  qui  lui  seront  présentés  parles  autres  »  :  mission  con- 
fiée au  Parlement,  en  cas  d'absence  du  grand  aumônier.  L'édit  de 
François  Ier,  du  Vi  mai  1546,,  maintient  et  confirme  les  droits  du  cha- 
pitre, et  la  juridiction  en  dernier  ressort  du  Parlement. 

Depuis  près  de  deux  siècles  fonctionnait  donc  une  administration 
composée  du  grand  aumônier,  d'un  magistrat  du  Parlement,  de  deux 
de  la  Chambre  des  comptes,  d'un  officier  du  Châtelet  et  d'wn  secré- 
taire du  roi  ;  à  cette  administration  se  réunissaient  les  officiers  infé- 
rieurs, le  maître,  le  ministre,  le  receveur,  des  frères  aveugles  et  des 
frères  voyants  délégués  par  tous  les  autres  :  toute  cette  assemblée 
formait  le  chapitre.  Il  se  tenait  tons  les  mois,  recevait  les  comptes, 
réglait  les  dépenses  et  répondait  aux  requêtes,  à  la  pluralité  des 
voix;  les  reliquats  de  fonds  étaieid  déposés  au  trésor,  qui  «  reposait 
sous  trois,  clefs,  dont  l'une  restait  à  l'administration,  la  seconde 
entre  les  mains  du  maître  et  la  troisième  en  celles  d'un  des  frères». 

A  l'intérieur  de  l'hôpital,  le  maître  avait  la  police  générale;  le 
ministre,  la  recelte  et  la  dépense  économiques;  le  receveur,  les  re- 
couvrements et  payements  du  dehors.  —  En  1780,  au  moment  de  la 
démission  des  administrateurs,  il  y  avait  00,000  livres  dans  le  trésor, 
outre  la  somme  nécessaire  pour  les  dépenses  courantes  dans  la  caisse 
du  receveur. 

Tout  parait  changé  depuis  cette  époque.  Le  pouvoir  du  grand  au- 
mônier fût-il  légitime  en  principe,  il  est  arbitraire  et  irrégulier  dans 
son  exercice.  De  là,  la  démission  motivée  des  administrateurs. 
De  là  aussi  les  plaintes  du  maître  de  l'hôpital  contre  le  grand  au- 
mônier. 

Le  sieur  Maynier,  maître  de  l'hôpital,  est  officier  i\n  roi,  pourvu  au 
Châtelet,  installé  par  un  des  officiers  de  ce  tribunal;  son  office  est 
perpétuel.  Le  grand  aumônier,  ne  le  trouvant  pas  docile  à  ses  vues  et 
ne  pouvant  le  dépouiller,  a  créé,  après  avoir  annoncé  sans  les  pro- 
duire des  ordres  royaux,  une  place  de  gouverneur-administrateur 
onéraire  et  intendant  de  l'hôpital,  en  faveur  d'un  certain  Prieur, 
«  lequel,  pourvu  par  nn  sujet,  est  devenu  de  fait  le  supérieur  d'un 
officier  pourvu  par  le  souverain  '  ».  Ce  personnage  équivoque,  d'abord 
caissier  et  débiteur  suspect  d'un  receveur  général,  ensuite  bomme 

i.  Ses  provisions  datenl  du  Ier  mars  1781, 


2G8  LE  PARLEMENT 

d'affaires  du  cardinal,  s'est  rendu  coupable  de  tous  les  abus  d'admi- 
nistration et  de  conduite  que  la  notoriété  publique  et  les  actes  judi- 
ciaires du  sieur  Maynier  lui  reprochent  :  entre  autres  faits,  «  il  esl 
intéressé  comme  acquéreur  dans  la  vente  de  l'ancien  enclos  des 
Quinze-Vingts,  manœuvre  défendue  par  la  raison  et  par  les  lois  ». 

Le  sieur  Maynier  a  d'abord  poursuivi  son  inhibition,  puis,  croyant 
à  une  conciliation  possible,  s'est  contenté  d'introduire  au  Chàlelet 
une  requête  eu  information  :  le  lieutenant  civil,  «  sur  une  lettre  par- 
ticulière »,  non  émanée  du  roi,  s'est  refusé  à  y  donner  suite.  Ainsi  le 
cours  de  la  justice  se  trouve  interrompu,  «  dans  les  cours  souve- 
raines, par  des  lettres  de  cachet,  et  dans  les  tribunaux  inférieurs, 
par  des  lettres  particulières  ». 

Le  roi  ne  répondit  pas  autre  chose'  à  ces  remontances,  présentées 
le  20  mai,  sinon  qu'il  les  examinerait. 

Le  15  juillet,  sur  la  question  d'un  de  Messieurs  de  la  première  des 
enquêtes,  le  premier  président  d'Aligre  déclara  «  qu'il  al  tendait  tou- 
jours les  ordres  du  roi  »  relativement  aux  Quinze-Vingts.  Il  rendit 
compte  de  plusieurs  faits  publics,  «  nouvellement  survenus  à  l'occa- 
sion de  celle  affaire,  et  notamment  de  deux  lettres  de  cachet  qui  en- 
joignaient à  MM.  de  Menk  et  Royer,  maîtres  des  requêtes,  d'accepter 
la  nomination  faite  de  leur  personne  par  le  grand  aumônier  pour 
gouverneurs  des  Quinze-Vingts,  et  ce,  sous  peine  de  désobéissance  ». 

Le  20  juillet,  le  roi  ht  appeler  à  Versailles  le  premier  président,  et 
les  présidents  Bochart  et  Le  Peletier  de  Rozambô;  il  leur  déclara 
qu'il  entendait  «  voir  par  lui-même  l'état  de  l'administration  »  dis 
Quinze-Vingts.  Il  ajouta  :  «  Mon  Parlement  doit  se  reposer  sur  mon 
attention  à  maintenir  l'ordre  dans  toutes  les  parties  de  mon  gouver- 
nement. »  Deux  jours  auparavant  (18  juillet)  un  arrêt  du  Conseil,  du 
propre  mouvement,  avait  évoqué  un  appel  comme  d'abus  porté  en 
Parlement  par  le  sieur  Herpelle,  vicaire  de  l'église  de  l'hôpital  des 
Quinze-Vingts,  que  le  grand  aumônier  avait  sommé  verbalement  et 
par  écrit  de  quitter  sa  place,  afin  de  lui  substituer  une  de  ses  créa- 
tures, l'abbé  Georgel,  dont  les  mémoires  mensongers  et  les  impu- 
dentes apologies  ne  tiennent  pas  devant  les  pièces  authentiques  el 
les  témoignages  incontestables  produits  en  Parlement. 

Le  9  janvier  1784',  d'Ëprémesnil  donna  lecture  à  la  Cour  d'un  écrit 
non  signé,  intitulé  :  «  Exposé  des  motifs  de  la  démission  des  admi- 
nistrateurs de  l'hôpital  des  Quinze-vingts,  du  25  juillet  1780.  »  Cet 
écrit  n'était  destiné  ni  au  public,  ni  au  Parlement.  Il  avait  pour   bu! 

1.  Arch.  nat.,  X  le  8980. 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  269 

d'éclairer  les  commissaires  du  Conseil  auxquels  le  roi  avait  jugé  bon 
de  confier  l'affaire  des  Quinze-Vingts. 

Beaucoup  plus  précis  que  le  texte  authentique  de  la  démission,  il 
ne  laisse  aucun  doute  sur  les  concussions  habilement  préparées  et 
audacieusement  perpétrées  par  le  cardinal  de  Rohan.  En  voici  les 
passages  les  plus  caractéristiques  : 

Les  administrateurs  ont  d'abord  été  étonnés  que  la  translation  occasionnât 
la  vente  des  maisons  non  comprises  dans  l'enclos,  et  encore  plus  que,  malgré 
celte  extension,  la  soumission  se  trouvai  réduite  à  0,100,000  livres1.  Us  en 
tirent  l'observation  à  M.  le  Cardinal,  qui  répondit  que  lesdites  maisons  ne 
seraient  pas  comprises  dans  la  vente.  Malgré  cette  parole,  des  sept  maisons  en 
question,  deux  ont  été  vendues,  et  le  prix  de  la  vente  s'est  trouvé  définitive- 
ment réduit  à  six  millions. 

Les  administrateurs  espéraient  qu'une  information  préalable  à  l'enregistre- 
ment des  lettres  patentes  et  à  leur  exécution  aurait  lieu  par  les  soins  du  Par- 
lement :  dans  cette  confiance,  ils  n'ont  point  conféré  ensemble  sur  les  obser- 
vations qu'ils  avaient  pu  faire  ebacun  en  particulier  lors  de  la  lecture  rapide 
qu'ils  avaient  prise  d'une  copie  des  lettres  patentes  que  M.  le  Cardinal  leur 
avait  fait  passer  par  le  sieur  Dicn,  qui  l'avait  remportée  sur-lc-cbamp...  D'ail- 
leurs ces  observations  auraient  pu  être  regardées  comme  peu  régulières, 
comme  n'étant  pas  le  fruit  d'une  délibération  capitulaire. 

Quel  ne  fut  pas  l'étonnement  des  administrateurs  lorsqu'ils  apprirent  le 
1er  janvier  1780  que  la  veille  les  lettres  patentes  avaient  été  enregistrées  sans 
information,  que  la  vente  de  l'enclos  des  Quinze-Vingts  était  effectuée! 

Aux  motifs  exprimés  dans  leur  acte  de  démission,  ils  ajoutent  celui 
résultant  d'un  bruit  général  de  pot-de-vin  donné  par  les  acquéreurs 
de  l'ancien  enclos  qui,  ne  le  contredisant  pas,  le  rendent  au  moins 
vraisemblable  : 

Bruit  quia  occasionné  dans  le  public  des  reproches  de  tout  genre  aux  admi- 
nistrateurs, qui  se  trouvent  soupçonnés  et  même  accusés  d'avoir  copartagé  ce 
pot-de-vin,  quoiqu'ils  l'aient  parfaitement  ignoré  par  une  suite  des  pratiques 
mystérieuses  employées  dans  toutes  les  opérations,  et  qui,  jaloux  de  la  répu- 
tation si  désirable  et  si  méritée  d'un  parfait  désintéressement  dont  ils  avaient 
joui  jusqu'alors,  ont  cru  que  le  seul  moyen  de  se  purger  de  ces  inculpations 
était  de  se  retirer  et  d'abdiquer  des  fonctions  qu'ils  ne  pouvaient  plus  remplir 
avec  fruit. 

Duval  ajouta  que  ces  faits  intéressaient  un  de  Messieurs,  membre 
de  l'ancienne  administration  des  Quinze-Vingts.  «  Il  est  présent,  dit- 
il,  il  ne  doit  compte  qu'à  la  Cour  de  sa  conduite,  et  peut  mieux  que 
personne  éclaircir  la  vérité.  » 

li  De  6,600,000  livres  d'abord  annoncées  en  forme  de  conversation,  ou  en  petit? 
comités,  par  le  grand  aumônier. 


270  LE  PARLEMENT 

Le  conseiller  Farjonel,  auquel  il  étail  fait  allusion,  reconnut 
comme  véritables  tous  les  faits  relevés  dans  l'exposé.  MM.  les  conseil- 
lers d'Etat  n'ayant  pas  juué  bon  de  s'adresser  à  ses  collègues  et  à  lui 
pour  avoir  ces  éclaircissements,  ils  avaient  dû  concerter  et  mettre 
par  écril  leur  commune  réponse,  dont  chacun  avait  une  copie. 

11  avait  eu  tout  lieu  de  penser  que  cet  écrit...  était  demeure  dans  l'oubli  et 
resté  enfermé  dans  l'intérieur  de  leur  cabinet;  à  son  égard  il  ne  l'avait  com- 
muniqué à  personne,  et  il  ignorait  par  quelle  voie  celui  de  Messieurs  qui 
venait  de  rendre  ce  compte  en  avait  eu  communication. 

Le  20  janvier,  il  fut  arrèté^qu'il  serait  remis  entre  les  mains  du  roi 
une  expédition  de  la  séance  du  9,  comprenant  le  récit  de  Duval  et  la 
réponse  de  Farjonel. 

Le  6  février,  le  Parlement1  procéda  à  l'interrogatoire  du  sieur  May- 
nier,  qui  rédigea  ensuite  et  signa  ses  réponses  au  greffe  de  la  Cour2. 
En  voici  l'analyse  : 

Maître  et  administrateur  en  titre  des  Quinze-Vingts,  il  n'est  plus 
rien  depuis  la  nomination  du  sieur  Prieur  comme  gouverneur.  Il 
assiste  encore  aux  chapitres,  mais  les  chapitres,  au  lieu  d'avoir  lieu 
tous  les  mois,  ne  se  tiennent  plus  que  très  rarement  :  le  dernier  est 
d\\  2  août  1783.  —  L'ancien  enclos,  habité  par  cinq  ou  six  mille  âmes, 
n'avait  donné  lieu  à  aucune  plainte  de  la  police  ni  du  public.  Le  sieur 
Prieur  fait  du  nouvel  hôpital  un  lieu  de  corruption.  «  Il  y  donne  des 
bals,  fait,  danser  à  ces  hais  les  filles  des  frères,  en  interdit  l'entrée 
aux  mères  et  va  jusqu'à  payer  à  ces  filles  des  maîtres  de  danse.  —  La 
fille  d'un  des  frères  de  l'hôpital,  nommé  Lemoine,  est  accouchée  au 
su  de  tout  l'hôpital  chez  une  sage-femme  rue  Saint -Antoine  en  face 
de  la  maison,  et  c'est  le  sieur  Prieur  qui  a  payé  les  frais  de  l'accou- 
chement. —  Le  sieur  Prieur  cherche  à  séduire  les  filles  des  frères, 
ainsi  qu'il  résulte  d'une  lettre  écrite  par  ledit  sieur  Prieur  à  l'une 
d'entre  elles  ;  cette  lettre  est  tombée  entre  les  mains  de  la  mère.  »  — 
Maynier  raconte  comment  il  en  a  eu  copie  3  et  a  fait  opposition  à  la 


1.  Vendredi,  6  février,  assemblée  île  commissaires  :  le  premier  président,  quatre 
présidents,  ouzo  conseillers  de  grand'chàmbre,  sept  des  enquêtes  (Duval,  Gré- 
goire, —  Le  Rebours,  Dudoycr,  —  Ferrand,  Le  Coigneux,  Constance);  trois  dis 
requêtes  du  palais  (Roland,  Oursin,  Dupont). 

2.  Déclaration  annexée  à  la  minute. 

:i.  Pièce  annexée  à  la  déclaration  et  paraphée  :  «  Il  y  a  deux  grands  jours  que 
je  n'ai  vu  ma  précieuse  amie,  j'en  soupire...  Je  me  plais  tant  à  vous  répéter  que 
je  vous  aime,  et.  vous,  au  contraire,  ce  terme  vous  coûte  à  prononcer...  traitez- 
moi  avec  plus  de  1 lé...  Je  tâcherai  de  vous  remettre  une  lettre  demain,  je  vous 

parlerai  de  votre  petite  fortune  dont  je  m'Occupe, car  je  dois  assurer  le  bonheur 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  271 

remise  de  l'original  toujours  existant.  Il  a  été  aussi  forcé  de  faire 
opposition  (en  vertu  des  droits  du  chapitre)  au  mariage  d'un  frère  qui 
voulait  épouser  une  fille  enceinte,  dénoncée  par  tous  comme  vivant 
publiquement  avec  le  sieur  Prieur.  Le  mariage  n'a  pas  eu  lieu,  mal- 
gré l'information  signée  par  l'abbé  George!  qui  avait  constaté  l'hon- 
nêteté et  la  bonne  conduite  de  la  future  :  peu  de  temps  après  ce  cer- 
tificat elle  a  accouché.  «  D'après  ces  détails,  la  Cour  ne  sera  point 
étonnée  qu'il  se  soit  commis  dans  l'intérieur  de  l'hôpital,  depuis  la 
translation,  des  crimes  encore  plus  graves...  Je  ne  crains  pas-d'invo- 
quer  le  témoignagne  de  MM.  les  lieutenants  de  police.  » 

Maynierrend  ensuite  compte  à  la  Cour  de  la  manière  dont  les  reve- 
nus de  l'hôpital  sont  présentement  administrés;  de  la  somme  déposée 
au  Trésor  lors  de  la  translation  ;  du  déplacement  des  registres,  qui 
sont,  les  uns  chez  Prieur',  les  autres  chez  le  grand  aumônier;  de  la 
manière  dont  les  revenus  de  l'hôpital  sont  touchés  et  administrés. 
Pour  la  rétribution  des  frères,  elle  est  exactement,  payée,  mais  ils  sont 
néanmoins  dans  une  misère  qu'ils  n'ont  jamais  éprouvée,  sauf  ceux 
qui  ont  un  métier  ou  qui  sont  favorisés  par  Prieur.  Gela  tient  «  aux 
nouveaux  arrangements  de  M.  le  grand  aumônier,  qui  dispose  en 
faveur  d'étrangers  en  province  d'une  partie  des  Liens  de  l'hôpital  », 
en  vertu  de  l'arrêt  du  Conseil,  manifestement  surpris,  du  H  mars 
1783.  On  l'ait  attendre  leurs  salaires  aux  ouvriers  et  aux  fournis- 
seurs, chose  inouïe  jusqu'à  l'époque  de  la  translation.  «  Le  sieur 
Dumas,  serrurier,  rue  Saint-Sauveur,  s'est  vu  conduire  à  l'hôtel  de  la 
Force  pour  environ  3,000  livres,  tandis  qu'il  était  en  avance  pour 
l'hôpital  de  plus  de  20,000  livres.  »  L'hôpital  a  été  traduit  devant 
les  tribunaux,  et  la  saisie  de  ses  revenus  a  duré  plus  de  quinze  mois. 
Lorsqu'il  a  fallu  rendre  au  roi  des  comptes  de  gestion,  Prieur  a 
obtenu  les  quittances  nécessaires  contre  des  billets  à  ordre.  —  Les 
versements  des  acquéreurs  de  l'ancien  enclos  au  Trésor  royal  n'ont 


de  ma  bonne  amie...  Dimanche,  je  ne  manquerai  ni  vêpres  ni  messe,  et  je,  sou- 
haite  qu'il  y  ait  un  long  sermon,  le  (ont  pour  voir  ma  bien-aimée;  je  n'oserai  la 
regarder,  mais  je  la  sentirai  près  de  moi,  et  mou  cœur  sera  content.  »  Os  ex- 
traits suffisent. 

1.  «  Je  demande  à  la  Cour  la  permission  d'ajouter  qu'il  m'est  arrivé  d'obliger 
le  sieur  Prieur,  en  présence  des  officiers  et  du  greffier  de  la  maison,  qui  m'en  a 
donné  son  certificat  que  j'ai  produit  au  Conseil,  à  tirer  de  sa  poche  un  titre  de 
l'hôpital  qu'il  emportait,  et  que  le  greffier  prit  de  ses  mains  pour  le  remettre  dans 
une  liasse.  Le  sieur  Prieur  donnait  pour  excuse  qu'il  emportait  ce  titre  pour  le 
joindre  à  d'autres.  .le  lui  répondis  qu'il  fallait  qu'il  rapportât  les  autres  pour  les 
joindre  ;'i  celui-là...  Je  le  menaçai  de  faire  venir  la  garde,  et  il  se  rendit.» —  Du 
reste  Prieur  s'était,  comme  caissier,  reconnu  débiteur  à  feu  Véron,  receveur  gé- 
néral, de  95,624  livres  l!l  sols  11  deniers  (en  date  du  1.'!  février  1170;. 


272  LE  PARLEMENT 

pu  être  commencés  par  eux  que  moyennant  un  emprunt  de 
3,160,000  livres  l'ait  à  Gènes;  ils  n'ont  pas  eu  lieu  régulièrement,  et 
sont  en  retard. 

Voici  la  réponse  de  May  nier  à  la  question  :  Si  avant  la  passation 
du  contrat  de  vente  de  l'ancien  enclos,  il  avait  été  payé  quelques 
sommes;  à  qui?  par  qui?  et  dans  quel  temps? 

La  Cour  se  rappelle  que  la  vente  a  été  faite  le  dernier  décembre  1779.  Le 
sieur  Baccarit1  m'a  dit  longtemps  avant  cette  époque  que  l'architecte  qui  a 
l'ait  bâtir  les  écuries  de  M.  le  duc  de  Chartres,  rue  Saint-Thomas-du-Lou\rc, 
l'avait  assuré  que  la  vente  des  Quinze-Vingts  était  faite,  et  qu'il  avait  vu  entre 
les  mains  du  sieur  Seguin,  trésorier  de  Mgr  le  duc  de  Chartres,  une  quittance 
de  M.  le  grand  aumônier  pour  partie  du  prix  de  cette  vente,  de  cinquante 
mille  écus  ou  cent,  je  ne  me  rappelle  pas  bien  précisément  la  somme  :  quel- 
ques mois  après  et  toujours  avant  la  vente,  ce  même  architecte  de  M.  le  duc 
de  Chartres,  nouvellement  arrivé  de  Saverne,  aborda  une  personne  avec  laquelle 
je  me  promenais  au  Palais-Royal,  el  apprenant  que  j'étais  maître  aux  Quinze- 
Vingts  me  dit  :  Eh  bien!  Monsieur,  votre  enclos  est  vendu!  M.  Seguin  m'a 
montré  il  y  a  plusieurs  mois  une  quittance  de  M.  le  cardinal,  sans  me  dire  la 
somme;  et  il  m'ajouta  que  M.  le  cardinal  lui  avait  confirmé  à  Saverne  que  la 
vente  était  convenue  et  arrêtée. 

Il  m'a  encore  été  dit  par  le  sieur  Carra,  ancien  secrétaire  de  M.  le  grand  au- 
mônier, qu'à  cette  époque  ce  prélat  avait  placé,  sous  le  nom  du  sieur  Caron,  an- 
cien payeur  des  rentes,  300,000  livres  sur  la  caisse  de  Poissy2,  et  que  quel- 
que temps  après,  M.  le  grand  aumônier  avait  retiré  des  mains  du  sieur  Caron 
141,667  livres  en  cinq  récépissés  sur  la  même  caisse,  qu'il  avait  placés  sous 
le  nom  du  sieur  Cornet,  un  autre  de  ses  secrétaires. 

Le  sieur  Cornet  étant  parti  pour  Londres,  laissa  ses  papiers  au  sieur  Carra. 
M.  le  grand  aumônier  fit  demander  à  celui-ci  si  le  sieur  Cornet  ne  lui  avait  pas 
laissé  les  cinq  récépissés  :  le  sieur  Carra  lui  répondit  qu'en  effet  il  les  avait  ; 
alors  M.  le  grand  aumônier  les  fit  réclamer.  Le  sieur  Carra  ayant  répondu 
qu'il  ne  pouvait  pas  s'en  dessaisir  sans  un  ordre  du  sieur  Cornet,  M.  le  grand 
aumônier  insista,  et  le  sieur  Carra,  craignant  un  acte  d'autorité,  prit  le  parti  de 
faire  le  dépôt  des  cinq  récépissés  chez  Me  Coupry,  notaire.  J'ai  l'honneur  de 
remettre  à  la  Cour  la  copie  d'une  lettre  écrite  par  le  sieur  Carra  à  M.  le  grand 
aumônier,  relative  à  ce  détail  '  ». 

1.  Architecte  en  titre  des  Quinze-Vingts. 

2.  Banque  (!<•  prêts  forcés  aux  bouchers  approvisionnant  Paris,  un  des  établis- 
sements fiscaux  les  plus  hypocrites  et  les  plus  ineptes  de  l'ancien  régime.  Elle 
datait  de  janvier  1690,  fut  flétrie  et  supprimée  (février  1776)  par  Turgot,  puis  re- 
constituée. Voyez  {'Encyclopédie  méthodique,  finances,  aux  mots  Caisse  de  Poissy 
et  île  Sceaux. 

3.  Sixième  pièce  annexée  (la  copie  est  delà  main  de  Baccarit)  : 

u  Monseigneur,  j'ai  trouvé  dans  les  papiers  que  M.  Cornet  m'a  laissés  cinq  ré- 
(i  pissés  ou  bordereaux  de  la  Caisse  de  Poissy,  formant  ensemble  la  somme  de 
141,667  livres.  J'ignorais  que  cette  somme  vous  appartint,  et  j'ai  eu  de  la  peine 
à  croire  qu'un  prince  de  l'Église,  le  premier  gentilhomme  de  l'Etal,  doté  par  les 
bontés  du  roi  (l'un  revenu  de  1,200,000  livres,  ait  pu,  sous  Pappâl  d'un  bénéfice 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  273 

Maynier  raconte  ensuite  les  tentatives  de  corruption  dont  il  a  été 
l'objet  de  la  part  de  l'abbé  Digne,  ancien  chanoine  de  Barjols  et  agent 
du  cardinal,  et  de  la  part  du  cardinal  lui-même. 

Parmi  les  pièces  annexées  à  cette  déclaration,  la  septième  montre 
l'intérêt  déjà  ancidi  que  la  maison  d'Orléans  avait  à  la  vente  de 
l'ancien  enclos,  et  les  procédés  indirects  par  lesquels  elle  y  avait 
poussé  : 

Copie  de  la  réponse  de  M.  Berlin  à  Mdr  le  dur  de  Chartres. 

Versailles,  20  novembre  1777. 

Monseigneur,  j'ai  reçu  le  mémoire  que  Votre  Altesse  sérénissime  m'a  fait 
l'honneur  de  m'adresser,  par  lequel  l'administration  des  Quinze-Vingts  de- 
mande qu'il  lui  soit  prêté  des  fonds  pour  faire  achever  la  façade  de  la  place  du 
Palais-Royal,  sur  les  400,000  livres  destinées  par  le  roi  à  la  reconstruction  de 
l'église  des  Quinze-Vingts  '.  J'aurai  l'honneur  d'observer  à  Votre  Altesse  séré- 
nissime, à  cet  égard,  que  l'administration  des  Quinze-Vingts  a  donné  au  roi  un 
état  de  ses  revenus  et  de  ses  charges,  d'où  il  résultait  qu'elle  était  hors  d'état 
de  fournir  à  la  reconstruction  de  son  église;  et  qu'ainsi  il  est  constant  que, 
d'après  ses  propres  déclarations,  elle  serait  hors  d'état  de  rembourser,  comme 
elle  paraît  le  promettre  par  son  mémoire,  les  fonds  qui  lui  seraient  avancés 
sur  ceux  que  Sa  Majesté  a  fait  mettre  en  séquestre  pour  la  reconstruction  de 
l'église,  et  dont  la  destination  paraîtra  sans  doute  à  Votre  Altesse  sérénissime 
trop  sacrée  pour  qu'il  soit  possible  de  les  détourner  et  appliquer  à  tout  autre 
objet,  du  moins  sans  être  assuré  d'un  remboursement  certain. 


de  sept  à  huit  mille  livres,  se  compromettre  avec  les  fermiers  des  boucheries  de 
Paris.  Je  n'en  serais  point  surpris  cependant  si,  en  profitant  d'une  occasion  tou- 
jours saisie  adroitement  par  les  âmes  vraiment  grandes,  Votre  Altesse  eût  des- 
tiné le  bénéfice  de  cette  somme  à  récompenser  ceux  qui  se  sont  trouvés  dans 
ce  moment  attachés  à  sa  personne.  Le  motif  alors  eût  ennobli  la  chose.  J'étais 
près  de  vous, Monseigneur,  au  moment  où  la  compagnie  de  Poissy  obtint  sous 
vos  auspices  le  privilège  dont  elle  jouit.  Tous  cmx  qui  vous  étaient  attachés 
ont  eu  des  intérêts  sans  fonds.  Moi  seul  je  n'eus  rien,  pas  même  une  obole  !  Ce- 
pendant je  vous  avais  sacrifié  une  liberté  et  un  temps  que  j'aurais  pu  employer 
avantageusement  pour  ma  fortune  par  des  ouvrages  qui  m'ont  mérité  depuis 
l'estime  publique  et  l'amitié  d'une  foule  de  gens  de  bien.  Ma  santé  même  s'est  alté- 
rée de  dix  ans  pendant  les  trois  rpie  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  être  attaché.  L'ar- 
gent ne  pouvait  point  être  un  équivalent  de  toutes  les  secousses  que  j'ai  éprou- 
vées en  cherchant  sans  cesse  à  vous  plaire;  mais  il  était  un  palliatif,  et,  si  vous 
m'avez  rendu  justice  eu  disant  que  j'étais  un  honnête  homme,  vous  deviez  me 
laisser  croire  aussi  que  vous  étiez  vraiment  un  grand  seigneur.  »  Jean-Louis 
Carra  (111:3,-31  octobre  1793)  publia  les  Annales  patriotiques  (1789), prit  part  à 
la  fondation  de  la  Commune,  au  10  août,  représenta  le  département  de  Saône-et- 
Loire  à  la  Convention,  fut  proscrit  le  31  mai  et  exécuté  avec  les  Girondins. 

1.  Maynier  ignore  «  ce  qu'est  devenue  cette  somme  ».  11  a  ouï  dire  «  qu'une 
partie,  dont  il  ignore  le  montant,  a  été  remise  il  ne  sait  en  quelles  mains  ».  Sur 
ce  point,  il  renvoie  à  M.  Bertin  et  à  M.  Lenoir. 

18 


274  LE  PARLEMENT 

Je  suis  avec  le  plus  profond  respect,  Monseigneur,  de  Votre  Altesse  sérénis- 
sime,  etc. 

Il  y  a  une  somme  de  51,000  livres  que  cette  administration  doit  aux  lote- 
ries "  et  qu'elle  pourrait  employer  à  la  place,  sauf  à  la  remplacer  par  la  suite. 

Le  10  février',  furent  entendus  Laugier,  ministre  de  l'hôpital  (31 
questions  et  réponses,  H  pièces  annexées)  ;  —  Bresse,  greffier  (10  <jues- 
Lions  et  réponses,  2  pièces  annexées);  — Bacearil,  architecte  en  titre 
de  l'hôpital  (14  questions  et  réponses,  8  pièces  annexées). 

Laugier  confirma  et  précisa  la  déposition  de  Maynier  en  ce  qui 
concernait  les  scandales  des  Quinze-Vingts  et  la  conduite  déréglée 
et  licencieuse  de  Prieur2,  imitée  d'ailleurs  autour  de  lui.  Il  eut  le 
courage  d'ajouter  que  le  grand  aumônier  voyait  avec  plaisir  la  gaieté 
régner  dans  la  maison.  Prieur  «  a  fait  apprendre,  à  nombre  de  jeunes 
filles  de  frères,  des  chansons  3  à  la  louange  de  M.  le  grand  aumônier, 
auquel  il  a  donné  des  fêtes  avec  illumination  et  feux  d'artifice  dans 
l'intérieur  du  nouvel  enclos.  Les  filles  y  étaient  habillées  en  bergères 
pour  recevoir  iVl.  le  grand  aumônier  ». 

Il  attribue  la  misère  des  frères  à  l'interdiction  absolue  des  quêtes 
décrétée  par  le  Cardinal,  et  au  changement  de  quartier  :  rue  Saint- 
Honoré,  les  femmes  des  frères  trouvaient  occasion  de  travailler  à  la 
dentelle,  de  faire  des  ménages.  Le  défaut  de  tenue  des  chapitres  ne 
permet  pas  de  secourir  à  temps  les  frères  nécessiteux. 

Parmi  les  pièces  annexées,  la  première  (signée  le  cardinal  de 
Rohan)  recommande  à  Laugier  de  ne  point  presser  les  rentrées  de 
fonds  dus  par  les  acquéreurs. 

Le  sieur  Bresse,  entre  autres  faits  édifiants,  déclare  que  quelque- 
fois Prieur  venait  chez  lui,  et  lui  faisait  enregistrer  les  délibérations 
avant  la  tenue  des  chapitres,  notamment  dans  les  affaires  qui  le 
concernaient  personnellement.  Il  ajoute  : 

Le  scandale  est  si  grand  dans  l'enclos  qu'on  appelle  certaines  femmes  du 
nom  de  certains  prêtres...  Il  est  aussi  public  dans  l'enclos  que  le  sieur  Prieur 
a  poursuivi  des  filles  de  frères  dans  les  corridors,  qu'il  a  même  déchiré  la 
chemise  de  l'une  d'elles  pour  lui  prendre  la  gorge.  On  l'a  rencontré  plusieurs 

1.  D'abord  à  celle  de  Salnt-Sulpice  ;  puis,  après  la  réunion  de  toutes  les  loteries 
particulières  à  la  loterie  royale  de  l'École  militaire,  la  part  des  Quinze- Vingts  fut 
réduite  à  40,000  livres,  séquestrées  elles-mêmes  pour  la  reconstruction  de  l'église. 
—  La  translation  arrangea  tout.  —  (Voyez  :  Édit  de  janvier  1784,  concernant 
l'échange,  passé  entre  le,  roi  et  le  due,  de  Chartres,  de  terrains  dépendant  du- 
Palais-royal  :  X  1b  8981.) 

i.  Violence  l'aile  par  Prieur  à  la  fille  Testu,  etc.,  etc. 

;$.  Voir  une  de  ces  chansons  sur  les  Vertus  du  cardinal  de  Rohan,  dans  le 
"Chansonnier  historique,  publié  par  M.  Raunié,  t.  IX.  p.  254. 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  273 

fois  dans  les  corridors  en  robe  de  chambre  et  sans  culotte;  on  ne  parle  que  du 
scandale  qu'il  cause  même  à  l'église. 

Baccarit  témoigne  avoir  fait  un  premier  devis  estimatif  de  répara- 
Lions  et  de  reconstructions,  dont  la  somme  se  montait  à  100,800  livres 
7  sols  "2  deniers.  Le  grand  aumônier  le  trouva  trop  cher,  et  dit  que 
les  mêmes  ouvrages  seraient  faits  pour  110,000  Livres  par  un  nommé 
Bricard,  auquel,  il  est  vrai,  on  abandonnait  les  matériaux  de  démoli- 
tions (février  1780). 

Au  mois  d'avril,  M.  l'abbé  Georgcl  (dépose  Baccarit)  me  fit  prier  de  passer 
chez  lui  et  m'engagea  de  dresser  un  nouveau  devis  estimatif  des  travaux  à 
faire  dans  le  nouvel  enclos,  qui  se  montât  à  un  million  ou  environ.  Je  lui  dis  : 
Mais,  Monsieur,  vous  me  compromettez  vis-à-vis  de  M.  le  grand  aumônier.  IL 
a  déjà  trouvé  mon  premier  devis  de  160,000  livres  trop  cher,  quedira-t-il?  — 
il/,  l'abbé  Georgel  me  répondit  :  Soyez  tranquille,  c'est  par  les  ordres  de  M.  le 
Cardinal.  Ce  devis  sera  pour  M.  Berlin  et  pour  M.  Lenoir  :  mettez-y  beaucoup 
d'objets  pieux,  travaillez-y  et  apportez-le-moi  le  plus  tôt  que  vous  pourrez,  car 
c'est  très  pressé. 

Baccarit  fit,  sans  lui  donner  de  litre  de  sa  main,  un  devis  de 
923,000  livres.  L'abbé  Georgel  l'intitula,  et  en  fit  faire  deux  copies, 
l'une  pour  M.  Berlin,  et  l'autre  pour  M.  Lenoir.  — Vers  le  mois  de 
juillet  1780,  Prieur  dit  à  Baccarit  :  «  Il  faudrait  tâcher  d'arranger 
un  mémoire  dans  lequel  on  ferait  passer  une  somme  de  50,000  écus 
qui  seraient  pour  payer  vous,  moi,  et  quelques  autres  de  nos  soins.  » 
Baccarit  sortit  indigné,  et  comprit  ce  que  signifiait  le  second  devis 
qu'on  lui  avait  demandé. 

La  commission  du  Parlement  demanda  à  Baccarit  commenl  il  avait 
pu  faire  un  devis  d'un  million  pour  le  même  objet  qui,  d'après  lui, 
n'en  demandait  un  que  de  100,000  livres;  et  d'où  provenait  la  diffé- 
rence du  devis  présenté  par  lui  au  grand  aumônier  avec  celui  qu'il 
avait  envoyé  à  l'abbé  Georgel. 

Réponse.  La  Cour  me  demande  le  secret  du  sieur  abbé  Georgel.  Les  objets 
spécifiés  au  devis  que  je  lui  ai  envoyé  ne  sont  pas  les  mêmes  que  ceux  du 
devis  que  j'ai  présenté  à  M.  le  grand  aumônier.  Dans  celui-ci  il  n'était  question 
que  de  réparations,  à  l'exception  du  bâtiment  des  cabaretiers  et  boulangers; 
dans  le  devis  du  sieur  abbé  Georgel,  dont  je  n'ai  fait  que  copier  les  idées,  la 
Cour  verra  un  très  grand  nombre  de  constructions  nouvelles;  la  seule  dont 
j'eusse  parlé  dans  mon  devis  estimatif  est  rayée  dans  le  second  pour  faire 
place  à  deux  salles  pour  les  écoles  chrétiennes,  d'après  une  note  écrite  en 
marge  de  la  main  même  du  sieur  abbé  Georgel  \  J'ai  eu  l'honneur  d'exposer 

1.  Écriture  heurtée, hâtive;  caractères  inclinés  tantôt  ù  gauche,  tantôt  à  droite; 
négligence  peut-être  voulue.  L'abbé  George!  écrit  15/20: 


276  LE  PARLEMENT 

précédemment  à  la  Cour  toutes  les  précautions  que  j'ai  cru  devoir  prendre 
sur  le  titre,  le  contenu  et  l'existence  de  ce  devis  :  j'ai  lieu  aujourd'hui  de 
m'en  féliciter.  J'ignore  les  vues  et  les  démarches  ultérieures  du  sieur  abbé 
Gcorgel. 

i  Les  réparations  du  nouvel  enclos  étaient-elles  déjà  laites,  quand  le 
sieur  abbé  Georgel  a  demandé  le  second  devis  ?  —  «  J'ai  l'honneur  de 
répondre  que  quand  le  sieur  abbé  Georgel  m'a  demandé  ce  second 
devis,  les  réparations  étaient  plus  d'à  moitié  faites  »  ;  et  il  le  prouve 
par  sa  correspondance  avec  l'abbé,  cl  avec  l'entrepreneur  des  répa- 
rations. 

En  réunissant  toutes  ces  dépositions  aussi  accablantes  que  concor- 
dantes, le  Parlement  délibéra,  le  21  avril,  d'itératives  remontrances, 
divisées  en  trois  parties  :  la  vente,  la  translation,  et  les  temps  écoulés 
depuis  la  translation.  Sur  ce  dernier  point,  sur  les  scandales  donnés 
par  Prieur,  les  remontrances  sont  très  générales  :  «  Le  respect  nous 
oblige  de  supprimer  les  détails;  ils  font  gémir  également  la  pudeur 
et  la  justice.  » 

Le  Parlement  s'indigne  que  l'on  s'efforce  de  persuader  au  Roi  que 
l'hôpital  des  Quinze-Vingts,  comme  étant  de  fondation  royale,  n'est 
pas  soumis  à  l'inspection  parlementaire  :  «  comme  s'il  suffisait  d'ima- 
giner, de  répéter  la  chimérique  et  criminelle  distinction  de  l'auto- 
rité du  Parlement  et  celle  du  roi  ',  pour  alarmer  votre  justice  et 
fatiguer  notre  courage.  » 

«  Cet  hôpital  présente  à  nos  regards  des  finances  dissipées  et  des 
mœurs  dépravées,  fruit  naturel  d'un  gouvernement  arbitraire2.  » 

Aux  remontrances  présentées  le  23  mai,  le  Roi  répondit  qu'il  les 
examinerait  et  qu'il  ferait  connaître  ses  intentions. 

Ce  fut  seulement  le  S  septembre  que  le  Roi  répondit  : 

J'ai  examiné  avec  attention  les  remontrances  de  mon  Parlement  au  sujet  des 
Quinze-Vingts.  Je  suis  assuré  de  la  pureté  de  son  zèle,  et  je  prendrai  toujours 
ses  représentations  en  bonne  part.  Mais  j'ai  reconnu  qu'on  l'a  trompé  dans 
les  faits  avancés  dans  ses  remontrances  ;  mon  grand  aumônier  n'a  rien  fait 
que  d'après  mes  ordres  ;  mon  Parlement  aurait  dû  rechercher  ceux  qui  avaient 
rendu  ces  remontrances  publiques  par  l'impression',  afin  de  les  punir  suivant 
la  rigueur  des  Ordonnances.  Au  surplus,  je  m'occupe  des  moyens  de  rendre 
mon  hôpital  des  Quinze-Vingts  de  plus  en  plus  utile. 


1.  11  est  vrai  que  le  Parlement  ne  cessait  de  distinguer  lui-même  entre  le  roi 
et  son  Conseil,  le  roi  et  ses  ministres,  etc. 

2.  L'intention    politique    de    ce   passage    est    évidente.   Le    gouvernement  du 
royaume  ne  ressemblait  que  trop  à  celui  des  Quinze- Vingts. 

S.  Affaire  des  Quinze-Vingts,  in-8°  sans  date,  63  pages. 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  277 

SÉANCE   DU   PARLEMENT    DU    11    JANVIER    1783  ' 

D'après  un  long  récit  à  cette  date,  dans  lequel  les  faits  qui  pré- 
cèdent sont  rappelés,  l'abbé  Georgel  fit,  h>  17  septembre  1784,  un 
beau  discours  au  Chapitre;  il  y  exposait  el  y  commentait  à  sa  façon 
la  Réponse  du  Roi  aux  remontrances  du  Parlement. 

Ce  même  récit  signalait  à  l'attention  des  magistrats,  dans  la 
deuxième  quinzaine  d'octobre  du  Journal  politique  de  Bouillon,  l'ar- 
ticle Paris  : 

«  Le  Parlement  ayant  présenté  des  remontrances  itératives  au  sujet  de  l'ad- 
«  ministration  des  Quinze-Vingts,  le  Roi  a  déclaré  formellement  l'irréprocha- 
«  bilité  du  cardinal  de  Rohan,  et  Sa  Majesté  a  dit  :  Je  suis  content  du  zèle  de 
«  mon  Parlement,  et  je  prendrai  toujours  en  bonne  part  ses  remontrances.  Mon 
«  grand  aumônier  n'a  rien  fait  qu'à  ma  connaissance  et  d'après  les  ordres  que 
u  je  lui  ai  fait  donner.  Mon  Parlement  a  été  mal  instruit,  etc..  » 

C'est  ainsi,  Monsieur,  que  legazetier  de  Rouillon  s'est  exprimé...  Ce  récit  infi- 
dèle n'aurait  pas  compromis  son  journal  dans  un  temps  où  l'autorité  qui  dis- 
pose des  papiers  étrangers  aurait  su  le  respect  qu'elle  doit  à  la  Cour.  Ce  n'est 
pas  d'aujourd'hui  que  cette  autorité  fait  décrier  les  Parlements  dans  les  jour- 
naux ou  les  gazettes  qui  lui  sont  soumises...  A  présent  il  est  tout  simple  et 
d'usage,  pour  ainsi  dire,  que  les  papiers  publics  et  les  requêtes  en  cassation 
soient  au  gré  des  auteurs  ou  des  parties  intéressées  des  libelles  diffamatoire» 
contre  les  Parlements. 

SÉANCE    PLÉNIÈRE   DU    "25    FÉVRIER    1785 
TROISIÈMES   REMONTRANCES   DU   PARLEMENT   SUR   L'ADMINISTRATION   I>KS   oriXZE-VIXGTS» 

La  réponse  de  Votre  Majesté  aux  itératives  remontrances  de  son  Parlement 
sur  l'état  déplorable  des  Quinze-Vingts  ne  l'a  point  découragé.  Si  l'intrigue 
a  surpris  cette  réponse,  l'intrigue  n'a  pas  empêché  du  moins  la  bonté  person- 
nelle de  Votre  Majesté  de  s'y  faire  sentir. 

Votre  Majesté  annonce  qu'  «  assurée  de  la  pureté  du  zèle  de  son  Parlement  elle 
prendra  toujours,  ses  représentations  en  bonne  part  ».  C'est  nous  rendre  moins 
diflicilcs  des  obligations  à  l'accomplissement  desquelles  sont  attachées  la 
tranquillité  de  l'État  et  la  stabilité  du  Trône. 

Mais  Votre  Majesté  déclare  en  même  temps  qu'  «  on  a  trompé  son  Parle- 
ment sur  les  faits  contenus  dans  ses  remontrances,  et  que  son  grand  aumônier 
n'a  rien  fait  que  par  ses  ordres  ».  Ici,  le  respect  même  nous  oblige  à  élever  la 
voix  pour  oser  dire  qu'on  a  dissimulé  à  Votre  Majesté  l'état  de  la  question, 
puisqu'elle  a  permis  que  cette  déclaration  fût  insérée  dans  sa  réponse. 

En  effet,  Sire,  les  faits  exposés  à  votre  Parlement  sont  vrais,  ou  calomnieux. 
S'ils  sont  calomnieux,  votre  Parlement  doit  en  faire  justice  à  toutes  les  per- 


1.  X  1b  8982. 

2.  Ibidem. 


278  LE  PARLEMENT 

sonnes  que  ces  faits  ont  inculpées;  mais,  s'ils  sont  vrais,  l'hôpital  des  Quinze- 
Vingts  touche  à  sa  ruine  ;  s'ils  sont  vrais,  Votre  Majesté  ne  les  approuve 
sûrement  point,  encore  moins  les  a-t-clle  ordonnés. 

Six  déclarations  circonstanciées  et  soutenues  de  pièces  reposent  au  greffe 
de  votre  Parlement.  En  voici  le  résultat  : 

Vente  de  deux  maisons  qui  n'étaient  pas  comprises  dans  les  lettres  patentes 
de  1779,  50,000  écus,  touchés  par  le  grand  aumônier  auparavant  la  vente  de 
l'enclos  ; 

Réduction  du  prix  de  cette  vente  au  préjudice  d'une  soumission  avouée  de 
0,000,000  livres,  clandestinité  du  marché,  précipitation  de  la  même  vente  qui 
donnent  lieu  à  des  soupçons  de  pots-de-vin  considérahles; 

Argent  offert,  menaces  faites  au  maître  des  Quinze-Vingts  pour  s'assurer 
de  son  silence;  dépossession  arbitraire  de  cet  officier  nommé  par  Votre  Ma- 
jesté, nomination  faite  à  sa  place,  par  le  grand  aumônier,  d'un  caissier  infidèle 
intéressé  dans  l'acquisition  de  l'ancien  enclos  ;  négligences  répréhcnsibles 
dans  la  translation;  dissipation  des  économies  de  l'ancienne  administration; 
faux  devis  de  l'abbé  Georgel  pour  les  réparations; 

Despotisme  du  grand  aumônier,  asservissement  volontaire  du  même  abbé 
Georgel,  vicaire  général,  et  de  Prieur,  ce  caissier  intidèle,  aujourd'hui  gou- 
verneur onéraire  des  Quinze-Vingts,  suppression  des  Chapitres,  mélange  des 
caisses  du  grand  aumônier  et  de  l'hôpital;  défenses  du  grand  aumônier  au 
ministre  des  Quinze-Vingts  de  presser  les  acquéreurs;  recouvrements  attirés 
par  le  grand  aumônier  à  sa  personne  au  lieu  du  ministre,  malgré  les  statuts; 
défaut  de  comptes,  défaut  de  versement  de  810,000  livres  au  Trésor  royal, 
arrérages  de  cette  somme  payés  malgré  le  déficit;  déplacement  des  registres 
par  Prieur,  leur  incomplet  rétablissement;  propositions  faites  par  le  même 
homme  à  l'architecte  de  l'hôpital  d'enfler  l'estimation  des  réparations  de 
50,000  écus;  désordre  évident  des  dépenses  extérieures;  délais  imposés  par 
Prieur  aux  ouvriers,  délais  demandés  par  Prieur  aux  tribunaux;  billets  à 
longs  termes  du  trésorier  du  grand  aumônier  donnés  par  Prieur,  soit  aux  en- 
trepreneurs, soit  aux  ouvriers,  pour  se  procurer  leurs  quittances;  compte 
insidieux  fondé  sur  ces  quittances  et  présenté  à  Votre  Majesté;  remplacement 
fait  par  Prieur  en  un  billet  semblable  du  salaire  d'un  ferblantier,  que  lui, 
Prieur,  avait  pourtant  touché  du  ministre  des  Quinze-Vingts  sur  la  quittance 
de  cet  ouvrier; 

Conduite  oppressive  et  licencieuse  de  Prieur,  qui  défend  aux  frères  de  s'as- 
sembler à  l'église,  et  blâme  leur  piété  dans  le  choix  des  lectures  qui  leur  sont 
faites;  se  livre  à  des  dépenses  désordonnées  pour  son  logement,  y  donne  des 
bals,  des  comédies,  en  éloigne  les  mères,  séduit  les  filles;  chasse  ou  menace 
leurs  parents  quand  ils  se  plaignent;  protège  la  débauche;  arrange  des  ma- 
riages pour  couvrir  ses  excès  personnels;  ménage  des  informations  fausses 
pour  effectuer  ces  mariages  ;  scandalise  ouvertement  jusque  dans  l'église  et 
pendant  le  service  divin;  enfin,  conduite  peu  retenue  de  plusieurs  prêtres  : 
toi  est  le  résumé  de  ces  déclarations. 

Or,  tous  ces  faits,  toutes  ces  manœuvres,  ces  entreprises  sur  votre  pou- 
voir, ces  malversations,  ces  abus  d'autorité,  ces  scandales  publics,  certaine- 
ment l'intention  de  Votre  Majesté  ne  serait  pas  qu'on  osât  les  couvrir  de  son 
nom  et  de  son  autorité. 
Maintenant  il  s'agit  de  porter  un  jugement  sur  ces  déclarations,  Sont-elles 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  279 

vraies  légalement?  Des  magistrats  ne  sauraient  le  prétendre.  Sont-elles  vraies 
en  elles-mêmes?  La  réponse  de  Votre  Majesté  nous  impose  à  cet  égard  un 
doute  respectueux. 

Mais,  s'il  était  possible  que  votre  Parlement  fût  trompé  sur  des  faits  aussi 
nombreux,  aussi  notoires,  si  nettement  articulés,  si  cohérents  entre  eux,  et 
soutenus  de  tant  de  pièces,  celte  erreur  serait  le  crime  de  ceux  qui  font 
naître  ou  qui  saisissent  toutes  les  occasions  d'opposer  aux  lois  la  force  ou  la 
ruse. 

Le  maître  des  Quinze-Vingts  arbitrairement  dépossédé  par  un  de  vos  sujets 
de  la  place  qu'il  tenait  de  Votre  Majesté,  en  faveur  d'un  homme  qui  s'est 
reconnu  lui-même,  par  acte  devant  notaire,  infidèle  caissier  d'un  receveur 
général  de  vos  finances,  forme  au  Châtelet  sa  demande  en  maintenue,  et 
rend  une  plainte.  Son  adversaire  ne  se  présente  pas,  il  demande  défaut  sur 
l'action  en  maintenue;  une  simple  lettre  non  émanée  de  Votre  Majesté  pres- 
crit de  surseoir. 

Cette  action  et  cette  plainte,  et  surtout  la  démission  des  administrateurs  de 
l'hôpital,  avertissent  votre  Parlement  que  le  gouvernement  légal  de  cette 
maison,  transformé  en  régie  domestique  du  grand  aumônier,  ouvrait  la  porte 
à  des  abus  intolérables,  d'où  naissent  la  dissipation  des  deniers  et  la  perte 
des  bonnes  mœurs;  une  information  était  le  seul  moyen  de  vérifier  les  faits. 
Votre  Parlement  l'ordonne  après  trois  ans  de  silence  ;  mais  on  surprend  à 
Votre  Majesté  deux  lettres  closes  qui  défendent  l'exécution  de  cet  arrêt. 

Votre  Parlement  vous  adresse  des  remontrances;  il  vous  supplie  de  laisser 
à  la  justice  un  libre  cours.  La  réponse  de  Votre  Majesté  ne  s'explique  pas  sur 
ce  point  capital. 

Votre  Parlement  arrête  de  secondes  remontrances,  en  renvoie  la  confection 
aux  commissaires,  les  autorise  a  mander  ceux  qu'ils  jugeront  à  propos  d'in- 
terroger. Les  commissaires  s'assemblent;  ils  mandent  six  personnes;  elles 
comparaissent  et  satisfont  aux  questions  des  commissaires  par  des  réponses 
qu'elles  détaillent,  par  des  pièces  qu'elles  déposent;  sur  ces  réponses,  et  sur 
ces  pièces  conformes  à  tous  les  faits  énoncés  dans  la  démission  des  adminis- 
trateurs, ou  dans  la  plainte  du  ministre,  votre  Parlement  fonde  ses  nouvelles 
remontrances;  et  l'on  veut  persuader  à  Votre  Majesté  qu'il  est  trompé! 

Votre  Parlement,  Sire,  ne  serait  pas  responsable  de  cette  erreur.  D'abord  il 
a  voulu  prendre  les  précautions  que  la  loi  lui  prescrivait;  ensuite  il  a  recouru 
aux  mesures  que  la  prudence  lui  suggérait.  Mais  que  l'intrigue  est  féconde  en 
moyens  propres  à  déconcerter,  s'il  était  possible,  et  la  justice  et  la  sagesse  des 
magistrats!  Quel  exemple  pour  l'avenir!  Si  votre  Parlement  ordonne  une  in- 
formation, on  surprendra  des  défenses  à  Votre  Majesté.  S'il  a  recours  aux 
déclarations,  on  vous  parlera  d'erreur.  On  opposera  une  dénégation  sourde  à 
des  réponses  publiques,  des  pièces  clandestines  à  des  pièces  communiquées. 
On  est  bien  sûr  que  l'œil  des  magistrats  ne  verra  point  ces  pièces  clandes- 
tines; on  est  bien  sûr  que  ces  dénégations  sourdes  ne  retentiront  pas  jusque 
dans  le  sanctuaire  de  la  justice  :  et  néanmoins  ce  sera  par  leur  moyen  qu'on 
étouffera  les  plaintes  des  parties,  la  voix  des  Cours,  le  cri  public,  en  se  faisant 
un  titre  de  l'impuissance  à  laquelle  on  aura  su  réduire  votre  Parlement. 
Quelle  sera  donc  enfin  la  ressource  des  lois  ?  Quel  sera  l'asile  de  l'innocence 
et  de  la  vérité? 

Au  reste  le  grand  aumônier  lui-même  et  ses  nouveaux  coopérateurs  doivent 


280  LE  PARLEMENT 

désirer  l'éclat  du  plus  grand  jour.  Leur  administration,  accusée  hautement 
et  décriée  dans  le  public,  est  au  moins  suspecte.  Mais  si  la  haine  ou  la  ven- 
geance ont  semé  ces  soupçons  violents,  si  les  mains  du  grand  aumônier  sont 
pures,  si  la  conduite  de  l'abbé  George!  est  digne  d'un  homme  de  son  caractère, 
si  l'administration  de  Prieur  est  irrépréhensible,  un  grand  crime  est  commis 
en  face  de  la  justice,  et  ce  crime  est  le  concert  de  six  personnes  assez  témé- 
raires pour  attester  aux  commissaires  de  votre  Parlement  des  calomnies  com- 
binées, et  pour  déposer  des  pièces  falsifiées  ou  fabriquées  à  l'appui  de  ces 
calomnies. 

Dans  cette  incertitude  alarmante  pour  la  justice,  fâcheuse  pour  l'honneur  du 
grand  aumônier  et  de  ses  coopérateurs,  une  seule  voie  leur  est  ouverte,  ils 
doivent  s'y  porter  avec  empressement  si  leur  conscience  est  sans  reproche  : 
c'est  la  voie  de  l'information. 

Votre  Parlement  osera  donc,  par  tous  les  intérêts  compromis  dans  cette 
affaire,  supplier  une  troisième  fois  Votre  Majesté  de  laisser  à  la  justice  un 
libre  cours,  et  de  se  rappeler  qu'en  obéissant  aux  ordonnances  qui  sont  les 
vrais  commandements  des  rois,  son  Parlement  ferait  bientôt  rentrer  aux 
Quinze- Vingts  les  choses  dans  l'ordre  et  ses  sujets  dans  le  devoir. 

Ce  sont  là,  Sire,  les  très  humbles,  très  respectueuses  et  itératives  remon- 
trances qu'ont  cru  devoir  présenter  à  Votre  Majesté,  vos  très  humbles,  très 
obéissants,  très  fidèles  et  très  affectionnés  sujets  et  serviteurs,  les  gens  tenant 
votre  Cour  de  Parlement.  Fait  en  Parlement,  le  25  février  4785. 

D'Aligre. 


ARRESTATION  DU  CARDINAL  DE  ROUAN 

A   LA    SUITE   DE   L'AFFAIRE   DU    COLLIER 
séance  du  2:î  AOUT   1785  l 

Un  de  Messieurs  a  dit  : 

Monsieur,  le  lundi  15  de  ce  mois,  jour  de  l'Assomption,  M.  le  cardinal  de 
Rohan  a  été  arrêté  dans  la  galerie  de  Versailles,  au  sortir  du  cabinet  du  roi, 
en  habits  pontificaux. 

Il  paraît  que  M.  le  baron  de  Breteuil  l'a  d'abord  consigné  au  sieur  de  Jouf- 
froi,  exempt  des  gardes  du  corps  :  de  Versailles  on  a  le  même  jour  transféré 
M.  le  cardinal  de  Rohan  à  Paris  dans  son  hôtel,  où  le  comte  d'Agoust,  aide- 
major  des  gardes  du  corps,  l'a  retenu  prisonnier  jusqu'au  lendemain  mardi 
onze  heures  du  soir,  qu'on  l'a  conduit  à  la  Bastille.  Les  scellés  avaient  été  mis 
sur  ses  papiers  tant  à  Paris  qu'à  Versailles,  par  M.  le  baron  de  Breteuil.  Ils 
ont  été  levés  tant  par  ce  ministre  que  par  MM.  le  maréchal  de  Castries  et 
comte  de  Vergennes. 

Depuis,  Monsieur,  on  a  arrête  et  conduit  à  la  Bastille  plusieurs  personnes, 
voir  la  dame  de  Lamotte,  le  baron   de  Planta  :  on  ajoute"  que  le  sieur  Bé- 
er, joaillier  de  cette  ville,  a  éprouvé  le  même  sort. 
Enfin,  Monsieur,  ce  malin  à  huit  heures  et  demie,  le  lieutenant  de   police 


sav 
m 


1.  X  1n  8983. 


ET  LÀ  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  281 

s'est  transporté  chez  le  comte  de  Cagliostro  r,  étranger,  résidant  en  cette  ville, 
et  l'a  fait  comme  les  autres  conduire  à  la  Bastille. 

Ces  détentions  multipliées,  Monsieur,  jettent  l'alarme  parmi  les  citoyens,  et 
Messieurs  de  la  première  Chambre  des  enquêtes  vous  prient  de  mettre  en  dé- 
libération ce  qu'il  convient  de  faire  cà  ce  sujet. 

Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  de  Y  Affaire  du  collier,  qui  appar- 
tient à  l'histoire  générale.  Elle  se  rattache,  de  plus  d'une  façon,  ù 
celle  des  Quinze-Vingts2.  Les  scandales  de  ce  procès,  l'acquittement, 
lui-même  scandaleux,  du  cardinal,  sa  disgrâce  arrôgamment  ac- 
ceptée, la  dignité  de  grand  aumônier  transférée  à  un  autre  prélat, ne 
modifièrent  pas  la  situation  légale  du  nouvel  enclos.  L'arrêt  du  Con- 
seil du  23  octobre  178o  déclara  nul  un  acte  contenant  des  réserves 
et  protestations  du  sieur  Maynier,  maître  de  l'hôpital  des  Quinze- 
Vingts,  et  par  lui  signifié  au  gouverneur  et  administrateur  dudit  hô- 
pital. —  Quanl  à  l'arrêt  du  Conseil  du  22  avril  17.SG: 

Il  détruit  entièrement  l'ancienne  organisation  des  Quinze-Vingts,  établie  par 
les  statuts  enregistrés  et  confirmés  par  d'autres  lois,  pour  y  substituer  une 
administration  indépendante  de  la  Cour,  dont  la  surveillance  naturelle  sur  cet 
hôpital  avait  toujours  été  maintenue  de  siècle  en  siècle  par  les  ordonnances, 
et  regardée  comme  un  avantage  très  précieux  pour  les  pauvres. 

Aux  quatrièmes  remontrances  du  Parlement,  le  roi  persiste  à  ré- 
pondre qu'on  a  trompé  la  Cour  sur  les  faits,  et  il  ajoute  avec  impa- 
tience :  «  Je  prétends  que  l'on  ne  m'en  parle  plus  »  (26  août  1786)  3. 

A  Paris  comme  dans  toute  la  France,  les  biens  et  les  privilèges  de 
mainmorte  étaient  un  obstacle  évidenl  au  développement  social  4. 
On  voit  toutefois  combien  il  était  difficile  au  pouvoir  absolu  de  dis- 
poser des  uns  et  de  supprimer  les  autres,  quels  détours  il  devait 
prendre,  quels  instruments  il  élail  obligé  d'employer.  La  sécularisa- 
tion honnête,  avouée  d'une  pari,  acceptée  de  l'autre,  ne  pouvait  être 

1.  Voyez  X  lu  8984  (séance  du  24  février  1786  . 

■1.  Peut-être  mêtrie  d'une  façon  toute  matérielle.  Voyez  Arch.  des  Quinze- 
Vingts,^  6504(années  1785-1786)  :  établissement  d'une  manufacture  de  diamants, 
par  ordre  du  gouvernement,  dans  l'hôpital  des  Quinze-Vingts.  —  Voir  VHistoire 
de  la  Révolution  française,  par  Louis  Diane,  et  L'ouvrage  de  M.  E.  Campardon, 
Marie-Antoinette  cl  le  Procès  du  Collier...  (Paris,  L863,  in-Sn).  Il  suffira  de  rap- 
porter la  première  impression  de  Louis  XVI  au  sujet  de  cette  nouvelle  affaire  du 
cardinal  :  «  (Test  un  besogneux  qui  l'ail  de  la  terre  te  fossé;  il  aura  pris  ce  col- 
lier pour  le  vendre,  sauf  à  le  payer  ensuite,  s'il  peut.  »  Louis  X\'l  répéta  plu- 
sieurs fois  celle  appréciation,  avant  les  dénonciations  précises  apportées  par  le 
père  minime  Lolh  au  procureur  général  du  Parlement. 

3.  Arch.  nal.,  X  |b  8986. 

i.  Le  17  avril  L789,  les  administrateurs  des  Quinze-Vingts  sont  assignés  par  le 
prévôt  de  Paris  pour  comparaître  à  l'assemblée  de  la  noblesse,  comme  proprié- 
taires d'un  fief,  vue  de  Charenton  (Arch.  des  Quinze-Vingts,  n°  6498). 


282  LE  PARLEMENT 

que  l'œuvre  de  la  nation.  Ne  laissons  pas  oublier  que  le  liant  clergé 
séculier,  les  grands  seigneurs  d'église,  ont  montré  beaucoup  de  zèle 
contrôla  propriété  monastique,  tant  qu'ils  oui  pu  en  partager  la  dé- 
pouille avec  le  domaine  royal. 

Nous  avons  cru  devoir  donner  un  certain  développement  à  l'affaire 
des  Quinze-Vingts,  d'abord  parce  qu'elle  intéresse  au  plus  haut  point 
le  contre  vital  du  Paris  d'alors,  par  le  déplacement  de  toute  une  po- 
pulation; mais  aussi,  parce,  que  les  archives  des  Quinze-Vingts  ont 
souffert,  et  de  la  translation  de  l'hôpital  et  des  agissements  du  grand 
aumônier.  Voici  en  effet  tout  ce  ([n'en  a  pu  tirer,  sur  cette  dernière 
période,  le  savant  qui  en  a  dressé  l'inventaire  :  c'est  presque  une 
apologie  du  cardinal  de  Rohan.  Comme  le  lecteur  sait  maintenant  à 
quoi  s'en  tenir,  j'imagine  quelle  n'influera  pas  beaucoup  sur  son 
opinion. 

De  dispendieuses  réparations  étaient  devenues  indispensables  dans  les 
vasles  bâtiments  de  l'enclos  des  Quinze-Vingts,  situé,  à  cette  époque,  rue  Saint- 
Honoré,  et  elles  ne  pouvaient  être  entreprises  qu'en  prélevant  sur  l'entretien 
des  frères  et  sœurs  les  sommes  nécessaires,  alors  que  les  ressources  affectées 
à  cette  deslination  suffisaient  à  peine  à  en  secourir  deux  cents. 

Cette  extrême  pénurie  inspira  au  grand  aumônier,  le  cardinal  de  Rohan,  le 
projet  d'aliéner  tous  ces  bâtiments.  Situés  dans  un  riche  quartier,  ils  devaient 
produire  une  somme  considérable  qui  lui  procurerait  le  moyen  d'acquérir, 
dans  un  quartier  moins  recherché  et  par  conséquent  à  des  conditions  très  avan- 
tageuses, un  autre  hôtel  pour  les  aveugles.  Des  lettres  patentes  de  décembre 
1779  autorisèrent  cette  vente  qui  fut  conclue  au  profit  des  sieurs  Séguin, 
Douillerot  et  compagnie,  moyennant  le  prix  de  0,000,000,  et  312,000  livres,  à 
titre  de  compensation  des  loyers  que  l'hôpital  devait  cesser  immédiatement 
de  percevoir.  Cinq  millions  devaient  être  versés  au  Trésor  contre  une  rente 
annuelle  de  2^0,000  livres,  rente  que  les  Quinze-Vingts  reçoivent  encore  au- 
jourd'hui, mais  à  titre  de  subvention.  Le  cardinal  fut  en  même  temps  autorisé 
à  acquérir  l'ancien  hôtel  des  Mousquetaires  noirs,  situé  rue  de  Charenton,  pour 
y  installer  les  aveugles.  Le  prix  d'achat  ne  s'est  élevé  qu'à  4^0,000  francs.  Cet 
hôtel  n'a  pas  changé  depuis  de  destination. 

La  vente  de  l'ancien  enclos,  à  laquelle  n'avaient  pas  participé  la  plupart  des 
membres  du  chapitre,  excita  contre  le  cardinal  de  vives  récriminations,  qui 
curent  alors  un  grand  retentissement.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'accroissement  des 
revenus  de  l'hôpital,  qui  en  fut  la  conséquence,  fut  consacré  en  partie  aux 
améliorations  projetées  par  le  grand  aumônier1. 

L'histoire  ne  peut  pas  admettre  ce  «  quoi  qu'il  en  soit»;  car  ce  qui 
en  est  ne  présente  aucun  doute.  Chose  étrange!  l'impopularité  de  la 
reine  tourna  l'opinion  en  faveur  du  cardinal  de  Rohan.  Pendant  qu'il 
était  à  la  Bastille  pour  YAffaire  du  collier,  l'abbé  Georgel  osa  le  com- 

1.  J.-U.  Marot,  Inventaire  des  Archives  des  Quinze-Vingts,  Introduction, page  V( 


ET  LA  GRANDE  POLICE  DES  HOPITAUX  283 

parer  à  saint  Paul  dans  les  liens.  Lorsqu'il  eut  été  acquitté,  les  daines 
portèrent  des  chapeaux  au  cardinal.  Tant  la  punition  de  certains  cou- 
pables est  difficile!  Tant  l'impunité  des  grands  paraissait  au  public 
chose  admise  et  naturelle  '  ! 

Pendant  ce  temps,  l'admirable  institution  fondée  par  un  pauvre 
grand  homme,  Valentin  Haiïy,  pour  l'enseignemenl  des  jeunes 
aveugles,  n'avait  d'autre  soutien  que  la  bonne  opinion  de  l'Académie 
des  sciences  et  une  maigre  subvention  de  12  livres  par  tête  el  par 
mois,  accordée  par  la  Société  philanthropique.  Après  une  séance 
publique  du  lor  mars  1785,  une  visite  à  Versailles  eu  décembre  17SG, 
Ilaiiy  ,  plein  d'illusion  et  d'espérances,  transféra  son  école  de  la  rue 
Coquillière  à  la  rue  Notre-Dame-des-Victoires,  el  y  adjoignit]  une  im- 
primerie qui  échoua.  En  1788,  il  écrit  vainement  au  ministre  de 
Paris  pour  faire  autoriser  en  faveur  de  ses  enfants  une  souscription 
publique;  les  enfants  aveugles  demandent  eux-mêmes  pour  leur  in- 
stituteur une  place  appointée  d'interprète  de  la  ville.  —  Les  seuls 
frais  que  coûta  la  détention  de  Itolian  à  la  Bastille  (120  livres  par 
jour)  auraient  suffi  à  faire  vivre  et  prospérer  l'institution  d'Hauy,  qui 
ne  fut  déclarée  d'utilité  publique  (pie  par  la  loi  du  21  juillet  1701  2. 

1.  Exilé  à  laChaise1Dieu,  puis,  sur  sa  demande,  Iran  s  IV'  ré  à  Marinoutiers  près  de 
Tours,  le  cardinal  de  Rohan  continue  à  se  poser  eu  victime  aux  yeux  du  public. 
Voici  un  extrait  do  son  mandement  donné  pour  le  carême  (Tours,  17S7,  in-4°  de 
4  pages)  et  destiné  aux  Parisiens  plutôt  sans  doute  qu'aux  Alsaciens  :  «  Souvent  les 
biens,  les  faveurs, les  places  et  les  rangs  les  [dus  élevés  sont  accordés  aux  moins 
dignes,  parce  que  ces  biens  périssables  ne.  sont  pas,  mes  1res  chers  frères,  les 
récompenses  de  la  vertu.  De  nul  prix  aux  yeux  de  Dieu,  ils  se  perdent  avec  ceux 
qui  les  chérissenl  dans  la  nuit  du  tombeau.  Mais  il  est  d'autres  richesses  et  les 
seules  qui  soient  précieuses:  ce  sont  les  consolations  que  le  Père  des  Miséricordes 
verse  sur  ceux  qu'il  livre  aux  plus  rudes  épreuves.  «Suit  un  autre  passage  relatif 
aux  malheurs  «  auxquels  Dieu  n'avait  pas  permis  qu'il  eût  succombé  ».  Cette  plate 
et  hypocrite  apologie  l'ut  prise  à  Paris  pour  un  persiflage  dirigé  contre  le  cardinal  ; 
le  mandement  est  toutefois  parfaitemenl  authentique.  (Voyez  Hardy,  t.  VII,  p.  111.) 
—  En  juin  1787,  Rohan  se  rapproche  encore  de  la  Cour,  et  obtient  pour  rési- 
dence Saint-Waast-d'Arras,  abbaye  qu'il  avait  en  commende.  --  On  le  voit  dés 
lors  recommencer  ses  intrigues  et  demander  au  ministre  de  Paris  des  arrêts  de 
surséance  pour  ses  amis  et  complices.  —  En  178'.),  le  bailliage  de  Haguenau  dé- 
puta Rohan  aux  Etats  généraux.  Mais  il  donna  bientôt  sa  démission,  souleva  ses 
diocésains  contre  la  constitution  civile  du  clergé,  et  alla  grossir  de  recrues  alle- 
mandes l'armée  de  Coudé.  —  11  se  démit  «le  son  évéché  en  1801,  et  mourut  à 
Ettenheim  en  1803. 

2.  Voyez  Max.  du  Camp,  ouvrage  cité,  t.  Y  (ch.  xxvn).  —  Quant  à  l'institution 
de  l'abbé  de  l'Épée,  c'est  Joseph  II  d'abord  qui  la  protégea  lorsqu'il  vint  à  Paris 
sous  le  nom  de  comte  de  Falkenstein. Le  25  mars  1785, elle  obtint  une  place  dans 
l'ancien  couvent  des  Gélestins  et  3,400  livres  par  an.  L'abbé  de  l'Épée  mourut  le 
23  décembre  1789.  —  La  loi  du  21  juillet  1791  confirma  son  successeur,  l'abbé  Si- 
card,dans  la  possession  des  Célestins  et  (ce  qui  était  une  faute)  réunit  les  sourds- 
muets  aux  jeunes  aveugles  (Max.  du  Camp,  ibid.,  ch.  xxvi). 


LA  GRANDE  POLICE 
DE    L'APPROVISIONNEMENT 


Dans  le  célèbre  lit  de  justice  du  12  mars  177G,  surnommé  par 
Voltaire  lit  de  bienfaisance,  Louis  XVI  avait  forcé  le  Parlement  à  en- 
registrer la  déclaration  datée  du  5  février  précédent,  vue  au  Conseil 
par  Turgot,  portant  suppression  «  de  tous  les  droits  établis  à  Paris 
sur  les  blés,  méleils,  seigles,  farines,  pois,  fèves,  lentilles  et  riz  », 
et  modération  «  des  droits  qui  subsistaient  sur  les  autres  grains  et 
grenailles  »,  c'est-à-dire  la  vesce,  l'orge  et  l'avoine. 

Le  préambule  de  celte.déclaration  exposait  les  principes  de  l'école 
économiste  sur  la  liberté  du  commerce,  et  en  particulier  du  commerce 
des  blés.  Une  récolte  abondante  permettait  d'aborder  la  réforme,  ou 
plutôt  la  destruction  de  tout  le  système  législatif  et  administratif 
appliqué  à  l'approvisionnement  de  Paris1.  Il  est  impossible  de  le 
décrire  plus  clairement  (malgré  sa  complication  et  son  obscurité)  que 
ne  le  l'ait  Turgot  dans  l'acte  même  par  lequel  il  espérait  l'anéantira 
jamais  : 

Les  grandes  villes,  fait-il  dire  à  Louis  XVI,  et  surtout  les  capitales,  appel- 
lent naturellement  l'abondance  par  la  richesse  et  le  nombre  des  consomma- 
teurs. Notre  bonne  ville  de  Paris  semble  Cire  en  particulier  destinée,  par  sa 
position,  à  devenir  l'entrepôt  du  commerce  le  plus  étendu.  Les  rivières  do 
Seine,  d'Yonne,  de  Marne,  d'Oise;  la  Loire,  par  les  canaux  de  Briarc  et  d'Or- 


1.  Dans  la  déclaration  de  1763  et  dans  l'édil  de  L764,  note  Turgot,  on  avail  ré- 
servé les  règlements  particuliers  à  Paris.  «  Ce  ménagement  est  précisément  ce 
qui  a  l'ail  manquer  l'opération:  car  il  en  est  résulté  que  le  commerce  n'a  jamais 
pu  approvisionner  Paris  d'un  grain  de  blé.  »  Effectivement,  c'esl  le  roi  qui  se 
réserva  le  bénéfice  de  ce  commerce  (Pacte  de  famine,  12  juillel  1765  :  Mirlavaud, 
trésorier  des  grains  pour  le  compte  du  roi,  eut  comme  successeur  Pinet;  foulon 
et  Bertier  prirent  une  grande  part  à  ces  scandaleuses  opérations  en  1788-811  et 
les  payèrent  de  leurs  tètes. 


LA  GRANDE  POLICE  DE  L'APPROVISIONNEMENT  285 

9 

léans,  établissent  des  communications  faciles  entre  cette  ville  et  les  provinces 
les  plus  fertiles  de  notre  royaume  ;  elle  offre  le  passage  naturel  par  lequel  les 
richesses  de  toutes  ces  provinces  devraient  circuler  librement  et  se  distribuer 
entre  elles  ;  l'immensité  de  ses  consommations  fixerait  nécessairement  dans  son 
enceinte  la  plus  grande  partie  des  denrées  de  toute  nature,  si  rien  ne  les 
arrêtait  dans  leur  cours  ;  elle  aurait  même  à  sa  disposition  toutes  celles  "que 
le  commerce  libre  s'empresserait  d*y  rassembler,  pour  les  verser  sur  toutes  les 
provinces  voisines... 

Or  quelques  ordonnances  royales  1res  anciennes  (1115,  1505,  etc.) 
et  d'innombrables  et  contradictoires  ordonnances  de  police  abouti- 
raient, si  elles  étaient  exactement  observées,  à  réduire  à  onze  jours 
l'approvisionnement  de  Paris. 

La  même  police  force  de  vendre  et  défend  d'acheter;  les  négociants  sont 
traités  comme  des  ennemis  ;  on  paraît  même  conspirer  contre  les  moissons 
futures,  en  exigeant  que  le  laboureur  quitte  son  travail  pour  suivre  ses  grains 
et  les  vendre  par  lui-même. 

De  là  les  chertés  ou  disettes  de  1660,  1661,  1662,  1663,  1692,1693, 
1694,  1698,  1699,  1709,  1740,  1741;  puis,  après  une  trop  courte  expé- 
rience de  la  liberté  (1764-1770),  les  énormes  inégalités  du  prix  des 
grains  qui  ont  suivi  le  rétablissement  du  régime  prohibitif  (lettres 
patentes  du  16  janvier  1771  '). 

DISPOSITIF   DE  L'ÉDIT   DU    5   FÉVRIER   1776 

I.  —  Voulons  qu'il  soit  libre  à  toutes  personnes,  de  quelques  qualité  et 
condition  qu'elles  soient,  de  faire  apporter  et  de  tenir  en  grenier  ou  en  ma- 
gasin tant  dans  notre  bonne  ville  de  Paris  que  dans  l'arrondissement  des  dix 
lieues  et  ailleurs2,  des  grains  et  des  farines,  et  de  les  vendre  en  tels  lieux  que 
bon  leur  semblera,  même  hors  des  bateaux  ou  de  la  halle. 

IL  —  11  sera  pareillement  libre  à  toutes  personnes,  même  aux  boulangers 
de  notre  bonne  ville  de  Paris,  d'acheter  des  grains  et  farines  à  telles  heures, 
en  telles  quantités,  et  en  tels  lieux,  tant  de  ladite  ville  que  d'iilleurs,  qu'ils 
jugeront  à  propos  K 

III.  —  Ceux  qui  auront  des  grains  et  farines,  soit  à  la  halle  et  aux  ports, 
soit  en  greniers  ou  magasins  dans  ladite  ville  de  Paris,  ne  pourront  être 
contraints  de  les  vendre  dans  le  troisième  marché,  ni  dans  tout  autre  délai*. 


1.  Les  années  1167,  1768,  1775,1770,  et  après  Turgot  1784  et  1788-89,  sont  aussi 
comptées  comme  années  de  disette  ou  de  haut  prix  des  grains. 

2.  Contrairement  aux  ordonnances  de  police  de  1(122  et  de  1632. 

3.  Contrairement  à  l'ordonnance  de  police  du  30  mars  1635,  qui  interdisait  a 
tout  boulanger  d'acheter  plus  de  2  muids  de  blé  par  marché. 

4.  Contrairement  à  l'ordonnance   de  février   1415   et   ù  l'arrêt   du  Conseil  du 
19  août  1661. 


286  LA  GRANDE  POLICE 

IV.  —  Pourront  aussi  ceux  qui  auront  des  grains  à  vendre  dans  notre  dite 
ville,  augmenter,  ainsi  que  de  diminuer  le  prix,  conformément  au  cours. du 
commerce,  sans  que  sous  prétexte  de  l'ouverture  d'une  pile  ou  d'un  bateau, 
et  du  commencement  de  la  vente  de  l'une  ou  de  l'autre,  ils  puissent  être  con- 
traints à  la  continuer  au  même  prix'. 

V.  —  Il  sera  pareillement  libre  à  tous  ceux  qui  auront  des  grains  et  farines 
dans  ladite  ville  de  Paris,  de  les  vendre  en  personne  ou  par  des  commission- 
naires ou  facteurs. 

VI.  —  Ceux  qui  feront  le  commerce  des  grains  dans  notre  ville  de  Paris,  ou 
pour  elle,  ne  pourront  en  aucun  cas  être  contraints  à  rapporter  aucunes  décla- 
rations, lettres  de  voiture  ou  factures  passées  par-devant  notaires,  ni  à  les 
faire  enregistrer  sur  aucuns  registres  publics. 

VII.  —  Il  sera  libre  à  toutes  personnes  de  faire  ressortir,  tant  de  la  ville  de 
Paris  que  de  l'étendue  des  dix  lieues,  les  grains  et  farines  qu'elles  y  auront  fait 
entrer,  ou  qu'elles  y  auront  achetés  :  sans  avoir  besoin  pour  raison  de  ce 
d'aucune  permission. 

Dans  le  mémo  lit  de  justice,  le  Parlement  enregistra  un  autre  édit, 
portant  suppression  des  offices  sur  les  ports,  quais,  halles,  marchés 
et  chantiers  de  Paris,  lesquels  constituaient  presque  tous  (surtout 
ceux  de  porteurs  et  mesureurs  de  grains)  de  véritables  impôts  sur 
l'alimentation. 

Créés  en  1G88,  les  offices  sur  les  ports,  etc., 'avaient  été  supprimés 
par  les  édits  de  mai  1715  et  de  septembre  1719;  ils  turent  rétablis 
en  1727  et  1730.  Nouvel  édit  de  suppression  en  1730.  Mais  l'État  ne 
pouvant  les  rembourser  de  suite,  ledit  de  mars  17G0  échelonna  les 
remboursements  du  1er  janvier  1771  à  l'année  1782,  et  les  maintint 
provisoirement.  Turgot  obtint  que  Védit  de  1750  fût  appliqué.  Tou- 
tefois l'article  2  de  l'édit  de  lévrier  177G  excepte  du  rembourse- 
ment «  les  offices  de  routeurs,  chargeurs  et  déchargeurs,  jurés-ven- 
deurs et  contrôleurs  des  vins  et  liqueurs,  courtiers-commissionnaires 
de  vins  et  autres  »,  lesquels  avaient  été  réunis  au  domaine  de  Paris 
par  la  déclaration  du  1G  août  1733  et  par  les  édits  de  juin  1741  et 
août  1744,  et  dont  les  droits  étaient  et  continuèrent  d'être  perçus  au 
profit  de  la  ville.  Le  ministre,  soucieux  de  dégrever  l'alimentation 
parisienne,  ne  voulait  pas  encourir  le  reproche  de  diminuer  sans 
compensation  les  revenus  acquis  de  l'Hôtel  de  Ville2. 

Personne  (si  ce  n'est  tout  le  monde)  n'était  intéressé  aux  réformes 
de  Turgot.  Elles  étaient  absolument  contraires  à  la  vieille  conception 


1.  Contrairement  à  l'ordonnance  de  1635  et  à  l'édit  de  1672. 

2.  Les  aulcurs  qui  ont  accusé  Turgot  d'avoir  agi  en  théoricien  entêté  n'ont 
pas  assez  remarqué  les  ménagements  et  les  exceptions  de  cette  nature,  qui  abou- 
di'iil  dans  1rs  ordonnances  réformatrices  de  ce  grand  homme. 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  287 

d'un  gouvernement  paternel,  protecteur,  providentiel.  Le  roi,  «  ce 
bon  père  »,  devait-il  abandonner  au  hasard  Le  pain  quotidien  de  ses 
enfants?  Quand  même  il  serait  vrai  (pie  les  choses  iraient  mieux 
toutes  seules,  était-il  prudent,  était-il  politique  de  le  l'aire  compren- 
dre au  peuple,  et  surtout  de  le  lui  faire  voir?  Certaines  charges 
allaient  s'en  trouver  fort  amoindries,  et  comme  déconsidérées.  Na- 
guère, le  prévôt  de  Paris,  et,  depuis  10(57,  le  lieutenant  général  de 
police  avaient  le  soin  d'approvisionner  Paris  par  voie  de  terre  :  dès 
l'origine  même  de  la  marchandise  de  Veau  et  àu'parloir  aux  bourgeois, 
l'approvisionnement  par  la  Seine  et  par  les  affluents  ou  canaux 
était  du  domaine  incontesté  du  prévôt  des  marchands  et  des  éche- 
vins.  Le  ministre  de  Paris  avait  la  liante  surveillance  (plus  nominale 
qu'effective)  de  ces  services.  Enfin  et  principalement,  le  Parlement 
de  Paris  avait  toujours  eu  la  grande  police  des  approvisionnements  '. 
La  loi  religieuse  du  maigre  avait  imprimé  à  son  autorité  un  caractère 
sacré.  L'intime  union  de  l'Église  et  de  l'Etat  exigeait  que  les  pouvoirs 
publics,  que  le  Parlement  gardien  de  la  loi  religieuse  ci  un  me  de  la 
loi  civile,  procurassent  eux-mêmes  aux  habitants  de  la  capitale 
les  moyens  assurés  d'observer  les  cent  cinquante-huit  jours  maigres 
de  l'année  catholique.  De  là  l'établissement  de  la  commission  per- 
manente du  Parlement  nommée  Chambre  de  la  Marre,  qui  depuis 
saint  Louis  jugeait  el  légiférait  sur  le  l'ait  du  poisson  de  mer  etd'eau 
douce.  De  là,  le  constant  usage  observé  par  les  deux  prévôts,  celui 
des  marchands  et  celui  de  Paris  (ce  dernier  remplacé  en  l'ait  par  le 
lieutenant  général  de  police),  de  venir  rendre  compte,  annuellement, 
devant  les  Chambres  assemblées,  de  l'état  des  provisions  de  carême, 
tant  pour  la  masse  des  habitants  que  pour  les  hôpitaux.  Cette  for- 
malité était  d'ailleurs  suivie  d'un  compte -rendu  plus  général  qui 
embrassait  tous  les  objets  d'approvisionnement,  vivres,  bois  et  char- 
bons. 

Ces  diverses  institutions  avaient  eu  leur  raison  d'être  aux  époques 
de  guerres  et  de  troubles.  Paris  pouvait  alors,  trop  souvent,  être 
assimilé  à  une  ville  bloquée,  même  quand  les  armées  ne  l'envelop- 
paient qu'à  distance.  Au  temps  des  jacqueries,  des  Anglais,  des 
Espagnols,  des  huguenots  et  des  ligueurs,  les  économistes  auraient 
eu  beau  dire  :  «  Laissez  faire,  laissez  passer.  »  Pour  l'application 
de  cette  belle  devise,  bien  des  conditions  préalables   sont   néces- 

1.  Le  Parlement  ne  manquait  jamais  de  montrer  à  ses  visiteurs  illustres  le 
portrait  du  premier  président  Jean  de  Montigny,  surnommé  le  Boulanger  (exem- 
ple :  Réception  du  grand-duc  de  Russie,  Paul  Petrowitch,  le  17  juin  1782;  Arch. 
nal.,  X  1b  8977). 


288  LA  GRANDE  POLICE 

saires  :  la  paix  extérieure  et  intérieure,  la  libre  concurrence  soit  des 
producteurs  soit  des  consommateurs,  sous  une  loi  égale  pour  tous, 
la  confiance  du  commerce  dans  le  lendemain,  et  même  la  disparition 
des  sentiments  de  haine,  de  rancunes  locales,  d'égoïsme,  que  les 
maux  et  les  injustices  du  passé  laissent  après  eux.  Tel  n'était  pas 
l'état  de  la  France  lorsque  Turgot  tenta  une  réforme  qui  ne  devait 
s'affermir  qu'après  la  régénération  politique  et  sociale  du  pays.  En 
1776,  propriétaires,  fermiers,  ouvriers  ruraux,  sentaient  de  plus  en 
plus  vivement  l'opposition  de  leurs  intérêts  respectifs.  Le  paysan 
voulait  la  terre  en  pleine  propriété,  c'est-à-dire  sans  dime  ni  droits 
féodaux  :  en  attendant,  il  arrêtait  le  Lié,  son  Ole,  produit  de  son 
labeur.  Les  campagnes  regardent  les  villes  comme  des  gouffres  dans 
lesquels  se  perdent  et  l'argent  et  les  vivres.  Paris  et  Versailles  sont 
des  gouffres  plus  profonds  que  les  autres.  Il  faut  bien  avouer  que  la 
plupart  des  hommes  de  tradition  el  de  gouvernement,  et  surtout  les 
espj'its  qui  se  disaient  et  se  croyaient  pratiques,  pensaient  à  peu  prés 
comme  la  masse.  Si  les  réformes  de  Turgot  ne  tirent  qu'amener  sa 
chute,  la  faute  n'en  est  pas  seulement  à  la  cynique  avidité  des  cour- 
tisans, ni  à  l'entêtement  des  préjugés  populaires.  Le  Parlement  à 
peine  rétabli  crut  réellement  la  monarchie  perdue,  parce  que  son 
propre  pouvoir  se  trouvait  amoindri.  Pour  ne  traiter  ici  que  du  sujet 
particulier  et  si  important  de  l'approvisionnement  parisien,  le  Parle- 
ment était  persuadé  qu'il  lui  appartenait  d'ordonner  ou  d'interdire, 
en  tel  pays,  telle  culture;  de  maintenir  tous  les  points  du  droit  coulu- 
mier  qui  par  exemple  attribuaient  aux  contribuables  de  la  dîme  le 
droit  d'en  racheter  sur  place  les  produits,  qui  faisaient  aux  pauvres 
leur  part  de  chaume,  leur  assuraient  la  libre  pâture  ou  le  glanage,  etc. 
Lorsque  en  revanche  les  magistrats  reportaient  leurs  regards  sur 
la  capitale,  ils  pensaient  que,  sans  leurs  soins  et  leur  direction,  elle 
serait  prise  au  dépourvu  :  surtout  avec  toutes  les  difficultés  de  trans- 
port, tous  les  droits  péagers  ou  d'octroi  auxquels  étaient  astreintes 
les  denrées,  même  de  première  nécessité. 

Mais  ce  qui  domine  tout,  intérêts,  ambitions,  préjugés  populaires, 
craintes  plus  ou  moins  fondées,  c'est  la  superstition  monarchique  : 
c'est  la  foi  en  une  providence  d'Etat,  et  la  terreur  que  cette  providence 
ne  vienne  à  s'endormir. 

Cette  question  présente  encore  une  autre  face.  La  spéculation  libre, 
privée,  étant  interdite  par  les  lois  ou  impossible  vu  l'état  du  crédit 
et  la  rareté  du  numéraire,  la  spéculation  d'Etat  se  donne  carrière. 
Le  pacte  de  famine  est  toujours  en  vigueur.  On  dirait  même  que  la 
liberté  momentanée  du  trafic  et  de  la  circulation  intérieure,  et  sur- 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  289 

tout  celle  de  l'exportation,  sont  destinées  à  ouvrir  de  plus  faciles 
débouchés  aux  agioteurs  en  grains.  Raison  de  plus,  pour  les  honnêtes 
gens  et  pour  le  peuple,  de  se  défier  d'une  liberté  de  transaction  dont 
les  effets  ne  se  manifestent  que  par  d'énormes  soubresauts  dans  le 
pj'ix  du  pain,  par  des  tarifs  arbitraires,  et,  d'un  autre  côté,  par  les 
fortunes  scandaleuses  de  gens  qui  jouent  â  coup  sûr.  Le  procédé 
n'était  pas  compliqué  :  faire  de  grands  achats  avec  les  deniers  pu- 
blics, répandre,  par  la  publicité  même  de  ces  approvisionnements  et 
par  tous  les  moyens  possibles,  la  crainte  d'une  disette  menaçante, 
forcer  ainsi  la  demande,  ménager  l'offre  sous  prétexte  de  réserves, 
et  arriver  enfin  au  prix  le  plus  élevé  des  grains  cl  farines.  Mais  si  le 
public  s'indignait,  se  récriait?  Se  rejeter,  à  l'aide  des  tarifs  du  pain, 
sur  la  boulangerie;  forcer  les  boulangers  à  vendre  sans  gain  ou 
même  à  perte  et  les  exposer  soit  à  la  faillite,  soit  au  pillage.  Le 
peuple  est  aveugle.  Il  est  rare  qu'il  remonte  jusqu'à  la  cause  initiale, 
jusqu'à  l'acteur  responsable  :  l'exempt  de  police  payera  pour  le  lieu- 
tenant général,  et  le  boulanger  pour  les  spéculateurs  en  grains  et  en 
farines. 

Tel  est  le  triste  spectacle  que  présente  l'hiver  de  1788-1780.  Nec- 
ker,  avec  ses  approvisionnements  faits  à  l'étranger  sans  que  néan- 
moins l'exportation  fût  interdite,  a-t-il  simplement,  comme  le  veut 
Arthur  Young,  péché  par  ignorance  du  véritable  état  de  la  récolle 
(qui  était  moyenne),  et  par  imprévoyance  des  résultats  inévitables  de 
la  panique?  N'a-t-il  pas,  lui  aussi,  dans  la  pénurie  où  se  trouvait  le 
trésor,  spéculé  sur  les  blés?  J'entends,  spéculé  honnêtement,  pour  le 
compte  du  roi,  lequel  pouvait  bien  se  considérer  comme  le  copro- 
priétaire de  ses  sujets,  puisqu'il  tirait  d'eux  (U'>  millions  d'impôts 
non  consentis.  La  question  (pie  je  pose  est  délicate,  et  peu  suscep- 
tible d'une  réponse  positive.  Tout  ce  qui  est  certain,  c'est  (pie  Mirla- 
vaud,  le  trésorier  du  pacte  de  famine,  avait  eu  des  successeurs  ;  c'est 
que  la  voix  publique  accusait  les  scandaleuses  opérations  de  Foulon 
et  de  Bertier,  c'est  qu'enfin,  plus  la  royauté  élait  obérée,  plus  ses 
derniers  rabatteurs  d'argent  se  montraient  fertiles  en  ressources  et 
dénués  de  scrupules1. 

Ce  même  Parlement,  qui  n'avait  point  permis  à  l'œuvre  de  Turgot 
de  s'affermir2,  eut  du  moins  le  mérite,  malgré  la  popularité  de  Necker, 


1.  N'oublions  pas  que  Galonné  avait  proposé  aux  notables  de  1781  de  percevoir 
la  subvention  territoriale  en  nature,  comme  était  perçue  la  dîme  du  clergé,  et 
suivant  le  projet  de  la  dîme  royale  de  Vauban. 

2.  Elle  fut  reprise,  non  sans  hésitation,  par  la  Constituante.  Voyez  ses  décrets 
des  29  août,  18  septembre,  5  octobre  1789,  2  juin  et  15  septembre  1790,  et  enfin  le 

19 


290  LA  GRANDE  POLICE 

d'attaquer  vigoureusement  le  monopole  des  subsistances,  dont  Paris 
était  la  victime.  A  l'enquête  ministérielle  sur  l'état  général  delà  ré- 
colte, il  opposa  sa  propre  enquête,  faite,  il  est  vrai,  dans  les  limites 
de  son  ressort,  mais  dont  les  résultats  ne  sont  ni  plus  ni  moins  con- 
testables.  En  ce  qui  concernait  les  intermédiaires  entre  le  producteur 
et  le  consommateur,  il  ne  s'arrêta  point  aux  boulangers;  mais  il  ne 
put,  il  est  vrai,  atteindre  les  hautes  responsabilités  qu'il  visait,  ni 
distinguer  l'accaparement  de  l'approvisionnement. 

Les  textes  qui  suivent  sont  destinés  à  donner  une  idée,  les  uns,  de 
la  police  ordinaire  du  Parlement  en  matière  d'approvisionnement, 
les  autres,  des  mesures  extraordinaires  qu'il  prit  pendant  l'hiver  de 
1788-1789. 

CHAMBRE  DE  LA  MARÉE 

La  Chambre  de  la  marée  avait  la  police  générale  sur  le  l'ait  de  la 
marchandise  de  poisson  de  mer  et  d'eau  douce,  frais,  sec,  et  salé, 
dans  les  ville,  faubourgs  et  banlieue  de  Paris,  et  de  tout  ce  qui  s'y 
rapportait.  En  ce  qui  concerne  les  mêmes  marchandises  destinées  à  la 
provision  de  la  capitale,  sa  juridiction  s'étendait  à  tout  Je  royaume. 
Ledit  du  mois  de  février  1776  avait  mis  des  droits  sur  le  poisson:  pour 
ces  droits,  l'adjudicataire  général  des  fermes  avait  ses  causes  com- 
mises en  la  Chambre  de  la  marée. 

La  Chambre  de  la  marée  était  présidée  par  le  premier  des  prési- 
dents à  mortier  '  ;  elle  comprenait  en  outre  deux  conseillers  degrand'- 
chambre  comme  conseillers-commissaires,  un  procureur  général,  trois 
greffiers,  et  deux  huissiers  «  commis  pour  l'exécution  de  ses  arrèls, 
ordonnances  et  règlements  de  police2  ». 

ARRÊT  DE  LA  COUR  DU  PARLEMENT 

DU    ."il    DÉCEMBRE   1776  3 
EXTRAIT    DU    PRÉAMBULE 

...  C'est  sous  le  règne  de  saint  Louis  que  les  marchands  chasse-marée  ont 
commencé  à  fréquenter  les  halles  de  cette  ville,  et  aussitôt  l'on  établit  des 

décret  vraiment  libérateur  du  10  février  1791,  suivis  de  ceux  des  15  juin  etiG  sep- 
tembre de  la  même  année;  ces  trois  derniers  absolument  coui'ormes  aux  principes 
que  Turgot  avait  voulu  faire  prévaloir. 

1.  Donc,  le  second  personnage  du  Parlement  après  le  premier  président. 

2.  Alm.  royal  de  1789,  p.  310. 

:(.  Pièce  in-4°,  17  p.  (Bib.  Hat.,  F,  à  la  dalc)  :  signée  Ddfranc. 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  291 

vendeurs  de  marée,  qui  vendaient  le  poisson  de  mer  pour  le  compte  des  mar- 
chands, auxquels  ils  en  remettaient  le  prix,  sous  la  déduction  de  ce  qui  leur 
était  alloué  pour  leurs  peines  et  salaires  ;  et,  comme  il  aurait  été  dangereux 
d'abandonner  la  décharge  et  compte  de  cette  marchandise,  laquelle  arrive 
presque  toujours  de  nuit,  à  des  crocheteurs  ou  autres  gens  de  bas  peuple, 
dont  les  halles  sont  toujours  remplies,  l'on  y  établit  des  personnes  de  con- 
fiance sous  le  nom  de  compteurs  et  déchargeurs;  nos  rois  prirent,  suivant 
plusieurs  ordonnances,  sous  leur  protection  et  sauvegarde  spéciale  les  chasse- 
marée,  leurs  domestiques,  serviteurs,  et  marchandises,  et  attribuèrent  la 
connaissance  de  toutes  leurs  causes,  privativement  à  tous  autres  juges,  à  des 
commissaires  choisis  entre  les  présidents  et  conseillers  du  Parlement  de  Paris, 
Les  lettres  patentes  du  r  23  mai  1351,  7  février  1358,  16  janvier  et  10  février 
1362,  et  20  juin  1369,  adressées  auxdits  commissaires,  leur  mandent  à  sept, 
six,  cinq,  quatre,  trois  ou  deux  d'eux,  de  prendre  lesdiles  ordonnances  et  les 
articles  d'icelles  avec  les  privilèges  desdils  marchands,  qu'ils  aient  à  les  faire 
tenir  et  garder  formellement,  selon  leur  forme  et  teneur,  sans  enfreindre,  et 
qu'ils  punissent  tous  ceux  qu'ils  trouveront  avoir  fait  le  contraire,  si  et  par 
telle  manière  que  ce  soit  exemple  à  tous  autres;  mande  à  son  procureur  ou  à 
son  substitut  sur  le  fait  de  ladite  marchandise,  qu'il  poursuive  toutes  les  per- 
sonnes  de  quelque  état  qu'elles  soient,  tant  par  information  qu'autrement,  qui 
auront  fait  contre  la  teneur  desdites  ordonnances  et  privilèges  de  ladite  mar* 
chandise,  circonstances  et  dépendances.  En  conséquence  de  ces  lettres  pa- 
tentes, les  commissaires  s'assemblèrent  et  rendirent,  le  4  octobre  1370,  une 
ordonnance  portant  règlement  général  pour  tout  ce  qui  concerne  la  police, 
vente  et  débit  du  poisson  de  mer;  et,  depuis  celte  époque,  tous  les  arrêts 
de  règlement  concernant  la  vente  et  la  police  de  ce  comestible,  ont  toujours 
été  rendus  par  les  commissaires  composant  la  chambre  de  la  marée,  devant 
lesquels  doivent  être  portées  en  première  instance  toutes  les  causes  tant  ci- 
viles que  criminelles,  de  marchands  chasse-marée,  détaillcurs,  détailleresses, 
officiers,  travailleurs;  enfin,  de  tout  ce  qui  a  rapport  à  ladite  marchandise  de 
poisson,  et  ce  depuis  l'ordonnance  du  roi  Jean,  du  mois  de  décembre  1360, 
confirmée  par  celle  d'Henri  IV,  du  mois  d'août  1602;  les  lettres  patentes  du 
25  janvier  1690,  la  déclaration  du  Roi  du  9  février  1706,  l'édit  du  mois  de  dé* 
cembre  de  la  même  année,  et  celui  du  mois  de  mai  1708,  celui  du  mois  de 
mars  1709,  renouvelant  l'attribution  à  la  chambre  de  la  marée  de  toutes  les 
contestations  qui  pourraient  survenir  relativement  à  ladite  marchandise  et 
police  d'icelle,  font  défenses  à  tous  autres  juges  d'en  connaître,  et  enjoignent 
aux  commissaires  composant  la  chambre  de  la  marée,  et  à  son  procureur  gé- 
néral sur  le  fait  de  la  police  et  marchandise  de  poisson  de  mer  frais,  sec,  salé 
et  d'eau  douce,  d'y  tenir  la  main,  aussi  bien  qu'à  l'exécution  des  édits  et 
arrêts  sur  ce  intervenus.  Des  douze  deniers  qui  étaient  alloués  aux  ven- 
deurs pour  leurs  peines,  salaires  et  avances  d'argent,  il  en  fut  distrait  deux 
au  profit  de  la  marchandise,  tant  pour  les  honoraires  que  remboursement  des 
frais  indispensables  de  police,  que  pour  récompenser  les  marchands  chasse- 
marée  des  pertes  de  leurs  chevaux  et  marchandises,  qu'un  dégel  ou  un  orage 


1.  Ainsi  porte  l'arrêt  imprimé  (P. -G.  Simon,  1777).  —  L'usage  et  la  correction 
voudraient  «  dea  ». 


292  LA  GRANDE  POLICE 

peuvent  faire  corrompre  en  chemin  ;  ensuite,  le  Roi  créa  en  titre  d'office  un 
receveur  des  deux  deniers,  qui  en  rendait  compte  tous  les  ans  en  la  chambre 
de  la  marée;  ce  droit  au  profit  des  «marchands  chasse-marée  a  subsisté  jus- 
qu'en 1719,  qu'il  fut  supprimé  aussi  bien  que  le  receveur.  Suivant  l'édit  de 
1350,  les  vendeurs  étaient  élus  par  lesdits  commissaires,  appelés  à  ce  les  plus 
suffisants  et  convenables  du  métier  des  harengiers  et  poissonniers;  cela  s'est 
pratiqué  jusqu'en  1543,  que  les  vendeurs  furent  créés   en  titre  d'office,  avec 
injonction  de  vendre  et  adjuger  en  personne  ledit  poisson  de  mer  après  l'avoir 
vu  et  visité,  et  en  cas  qu'il  se  trouvât  gâté,  corrompu  ou  vicié,  d'en  avertir 
les  juges  pour  y  être  pourvu.  Les  compteurs  et  déchargeurs,  lesquels,  suivant 
l'article  24  de  l'ordonnance  de  1258,  étaient  choisis  par  les  prud'hommes,  fu- 
rent aussi  créés  en  titre  d'office  en  1543,  et,  en  cette  même  année,  le  Roi  créa 
un  contrôleur  de  la  marée  en  titre  d'office.  Tous  ces  différents  offices  de  ven- 
deurs, compteurs,  déchargeurs  et  contrôleurs  furent  supprimés  par  l'édit  du 
mois  de  septembre  1719;  et  par  l'édit  du  moi?  de  juin  1730,  tous  ces  offices 
furent  rétablis  sous  le  titre  de  jurés-vendeurs,  compteurs  et  contrôleurs  de 
poisson  de^mer  trais,"scc,salé  et  d'eau  douce,  le  tout  au  nombre  de  cent  quatre- 
vingt-cinq  officiers,  lesquels,  suivant  l'arrêt  du   conseil  du  31  octobre  1730, 
revêtu  de  lettres  -patentes  registrées  où  besoin  a  été,  furent  réunis  au  nombre 
de  dix  offices,  sous  le  titre  de  dix  anciens  officiers  jurés-vendeurs  de  poisson 
de  mer  frais,  sec,  salé  et  d'eau  douce  :  ces  dix  officiers  ont  exercé,  ou  fait 
exercer  tous  ces  différents  offices  par  les  commis  qu'ils  commettaient,  lesquels 
ont  toujours  prêté  serment  par-devant  un   des  commissaires  composant   la 
chambre  de  la  marée.  En  conséquence  et  en  exécution  de  tous  les  arrêts  de 
règlements  de  la  Cour,  tous  les  deux  ans  lesdits  officiers  vendeurs  étaient 
mandés  en  la  chambre  et  en  présence  du  procureur  général  du  roi,  sur  le  fait 
et  police  de  ladite  marchandise  de  poisson,  et  sur  ses  conclusions  y  prêtaient 
serment  pour  différentes  fonctions  de  police,  concernant  l'ordre  et  la  disci- 
pline qui  doit  s'exercer,  tant  dans  les  halles  que  dans  les  autres  marchés  de 
celte  ville,   que  la  Cour  leur  confiait,  et  qu'ils  exerçaient  accompagnés  de 
l'huissier,  garde  de  la  marchandise,  nommé  par  la  Cour  ;  ladite  Cour  a  tou- 
jours permis  auxdits  officiers  de  nommer  les  différents  travailleurs  pour  aider 
à  la  vente  du  poisson,  qui   s'est  toujours  faite  conformément  à  l'article  28  de 
l'ordonnance  du  mois  de  juin  1680,   des  droits  du  poisson  de  mer,  comme 
crieurs,  verseurs,  et  gardeuses  de  panier,  dont  les  salaires  sont  à  la  charge 
des  marchands  chasse-marée,  pour  lesquels  salaires  était  prélevée  sur  le  mon- 
tant de  la  vente  de  chaque  voiture  une  somme  de  7  livres,  et  pour  les  mannes 
que  fournissent  les  compteurs,  un  sol  par  chaque  panier  ou  article  de  vente, 
et  les  dix  officiers  vendeurs,  sur  les  sommes  qu'ils  percevaient  sur  ce  comes- 
tible en  vertu  du  tarif  annexé  audit  édit  du  mois  de  juin   1730,  payaient  les 
honoraires  et  remboursaient  tous  les  frais  de  police  ;  lesdits  officiers  vendeurs 
nommaient  aussi  les   femmes  vulgairement  appelées  donneuses  par  acquêt, 
établies  dans  les  Halles  vers  le  commencement  de  ce  siècle  et  dont  les  fonc- 
tions consistent  à  être  garantes  envers  lesdits  vendeurs  de  tous  les  paniers  ou 
articles  de  vente  qui  sont  adjugés  aux  détailleresscs  qui  n'ont  point  de  crédit 
à  la  caisse.  Le  Roi,  par  son  édit  du  mois  de  février  de  la  présente  année, 
ayant  supprimé  tous  les  offices  créés  et   rétablis  par  l'édit  du  mois  de  juin 
1730,  du  nombre  desquels  se  trouvent  les  jurés-vendeurs,  auxquels  le  Roi  avait 
depuis  réuni  les  offices  de  compteurs  et  de  contrôleurs,  et  lesquels,  sous  l'au- 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  293 

torité  de  la  Cour,  nommaient  tous  les  travailleurs  qui  aident  à  la  vente,  et  sur 
lesquels  ledit  procureur  général  avait  la  police  et  discipline.  Le  Roi,  par  l'ar- 
ticle premier  de  cet  édit,  défend  aux  commis  et  préposés  desdits  officiers  sup- 
primés, de  continuer  d'en  exercera  l'avenir  les  fonctions  ;  et,  suivant  l'article  3 
dudit  édit,  le  Roi  ordonne  seulement  que  les  droits  qui  appartenaient  auxdits 
officiers  supprimés  soient  réunis  à  ses  fermes  et  perçus  à  son  profit  par  l'adjudi- 
cataire général  des  fermes  ;  il  s'ensuit  de  ces  deux  articles  :  1°  que  c'est  à  l'adju- 
dicataire général  des  fermes  à  percevoir  les  droits  qui  sont  imposés  sur  le  pois- 
son...; 2°  que,  n'ayant  plus  d'officiers  jurés-vendeurs,  auxquels  étaient  réunis 
les  offices  de  compteurs  et  de  contrôleurs,  lesquels  jurés-vendeurs  nommaient 
aussi  les  différents  travailleurs  nécessaires  pour  la  vente;  et  comme,  suivant 
les  ordonnances  et  édits,  c'était  la  Cour  qui  nommait,  choisissait  et  élisait  les 
jurés-vendeurs  avant  qu'ils  fussent  créés  en  titre  d'office,  et  statuait  sur  leurs 
salaires  aussi  bien  que  sur  ceux  des  compteurs,  étant  privativement  à  tous 
autres  juges  spécialement  chargée  de  veiller  à  la  conservation  des  privilèges 
des  marchands  chasse-marée,  aussi  bien  que  de  leur  marchandise,  et  de  fixer 
tous  les  salaires  et  frais  des  Halles  qui  sont  à  leur  charge,  afin  que  l'abon- 
dance de  ce  comestible  que  l'on  peut  regarder  comme  de  première  nécessité 
règne  en  cette  ville,  et  que  la  police,  qui  a  toujours  été  très  exactement 
observée,  tant  dans  les  Halles  que  dans  les  différents  marchés  de  cette  ville, 
ne  soit  altérée  en  rien  :  police  qui  est  d'autant  plus  nécessaire  que  la  santé 
des  citoyens  peut  en  dépendre... 

A  ces  causes,  la  Cour  ordonne  l'exécution  des  ordonnances  pré- 
citées, et  de  ses  arrêts  de  règlement  des  4  octobre  1370,  20  février 
1090,  27  août  1711,  24  avril  et  9  mai  1760.  —  Suit  un  règlement  en 
12  articles,  dont  voici  l'analyse  succincte. 

La  marée,  amenée  en  droiture  aux  Halles,  sans  qu'il  soit  permis 
d'en  débiter  en  chemin,  sera  vendue  à  la  criée  à  partir  de  3  heures 
du  matin  sonnées  à  Saint-Eustache  (art.  1er,  conforme  aux  art.  27 
et  29  de  l'ordon.  de  juin  1G80).  Elle  sera  vue  et  visitée  par  l'huis- 
sier-garde  de  la  marchandise;  et  les  commis-crieurs,  préposés  par 
l'adjudicataire  général  des  fermes,  tiendront  un  livre  des  ventes 
(art.  2).  Les  fonctions  de  contrôleurs  seront  faites  par  les  facteurs- 
commissionnaires  (art.  3).  Les  verseurs  prêteront  serment  par-devant 
un  des  commissaires  de  la  chambre  (art.  4).  L'huissier-garde  assis- 
tera exactement  aux  ventes  (art.  5).  Les  donneuses  par  acquêt,  à  la 
nomination  de  l'adjudicataire,  seront  caution  de  toutes  les  détail- 
leresses  auxquelles  le  poisson  sera  adjugé  (art.  G)  :  elles  s'abstien- 
dront d'attirer  d'aucune  façon  les  conducteurs  des  voitures  à  la  place 
à  laquelle  elles  sont  attachées  (art.  7).  Les  articles  suivants  concer- 
nent les  retenues  faites  sur  le  prix  de  vente  pour  le  payement  des 
employés  de  police,  fonctionnaires  et  manœuvres  des  Halles;  les 
contestations  qui  peuvent  survenir,  et  la  procédure  qu'elles  compor- 
tent; la  tenue  des  registres.  Défenses  sont  faites  à  tous  juges,  qu'à 


294  LA  GRANDE  POLICE 

la  chambre  de  la  marée,  de  connaître  en  première  instance  des 
procès  mus  ou  à  mouvoir,  et  de  tous  actes  civils  ou  criminels  rela- 
tifs à  la  marchandise  de  marée,  poissons  de  mer  et  d'eau  douce, 
destinés  à  l'approvisionnement  de  Paris  '. 

DERNIER  COMPTE-RENDU 
DES  PROVISIONS  DE  CARÊME,  ETC.,  AU  PARLEMENT 

PAR    LE    PRÉVÔT    DES    MARCHANDS  2 
20   FÉVRIER    1789 

MM.  les  ofticicrs  du  Chàtelet' ayant  eul'honnour  de  rendre  compte  à  la  Cour 
des  ressources  de  cette  capitale  relativement  aux  approvisionnements  nécessaires 
pour  le  carême,  et  les  états  que  nous  avons  remis  à  M.  l'avocat  général  étant 
conformes  à  ceux  de  ces  magistrats,  je  n'entrerai  dans  aucun  détail  sur  cet 
objet.  Nous  vous  supplions  seulement  de  vouloir  bien  obtenir  du  pontife  aussi 
sage  qu'éclairé  qui  gouverne  l'église  de  Paris,  l'usage  des  œufs  depuis  le  mer- 
credi des  Cendres  jusqu'au  dimancbe  de  la  Passion  inclusivement,  et  d'en  per- 
mettre par  arrêt  la  vente  pendant  le  même  temps  :  la  nécessité  de  cet  acte  de 
tolérance  est  démontrée  par  une  longue  expérience  et  par  les  circonstances''. 

Nous  emploierons,  Messieurs,  les  instants  précieux  que  voulez  bien  nous 
donner  à  des  détails  plus  particuliers  sur  l'approvisionnement  de  cette  capi- 
tale en  bois  et  en  charbons,  dont  la  suite  nous  est  plus  spécialement  confiée. 
Je  ne  puis,  Messieurs,  me  dispenser  de  vous  rappeler  ce  que  j'ai  eu  l'honneur 
de  vous  dire  l'année  dernière  relativement  aux  charbons.  En  entrant  en  place, 
cette  partie  de  l'approvisionnement  avait  été  tellement  négligée  que  sans  des 
secours  extraordinaires  l'année  1785  commençait  par  une  disette  absolue. 
Vous  ne  l'avez  sûrement  point  oublié  :  cette  position  était  si  fâcheuse  qu'elle 
excita  l'attention  des  ministres  et  de  tous  les  magistrats  qui  composent  la 
grande  police  ;  les  secours  qui  furent  accordés  alors,  quoique  fort  inférieurs  à 


1.  Voir  aussi,  dans  la  collection  de  la  Bib.  nationale,  l'arrêt  du  5  septembre 
1777  sur  le  règlement  des  comptes  entre  les  donneuses  cl  les  détailler  esses,  qui 
abusaient  du  crédit  (pièce  in-':"  de  (i  pages,  cinq  articles  de  règlement),  et  celui 
du  22  juin  1781,  relatif  aux  donneuses  j>ar  acquêt,  signé  Dufranc  (i-  pages  in-.4°). 

2.  Arch.  nal.,  11.  i960. 

:s.  Le  lieutenant  général  de  police  portail  la  parole  pour  celle  formalité. Il  élail 
assisté  du  lieutenant  criminel,  du  lieutenant  de  robe  courte,  du  procureur  du  roi 
au  Châtelet  el  de  quelques  commissaires.  —  C'est  seulement  lorsqu'ils  s'étaient 
retirés  que  les  membres  du  bureau  de  la  Ville,  suivis  des  huissiers  de  la  Ville, 
étaient  introduits  du  parquet  dans  la  grand'chambre. 

':.  Au  sujet  du  carême,  voyez  (collection  de  la  Bib.  nationale),  ]'  «Arrêt  du  Par- 
lement du  21  février  1784  qui  homologue  une  ordonnance  de  police  du  IN  février 
concernant  ce  qui  doit  être  observé  par  les  bouchers,  rôtisseurs,  cabaretiers, 
hôteliers,  aubergistes,  traiteurs  et  logeurs  en  chambres  garnies,  pour  la  vente 
et  le  débil  di'  la  viande  pendant  le  carême  ■>.  Cet  arrêt,  et  celui  (lu  27  février  1783, 
relatif  au  gras  pendant  le  carême,  restreignaient  singulièrement  la  liberté  relative 
accordée,  suus  Turgot,  par  la  déclaration  du  2:!  décembre  1771. 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  295 

ceux  que  j'avais  sollicités,  avaient,  jusqu'en  1787,  soutenu  la  vente  et  procuré 
tous  les  avantages  qu'on  avait  dû  en  espérer;  les  arrivages  par  allèges  qui  coû- 
taient chaque  année  des  sommes  considérables  avaient  cessé,  et  vous  avez  vu, 
Messieurs,  par  le  compte  que  nous  avons  eu  l'honneur  de  vous  rendre  l'année 
dernière,  que  l'on  avait  déjà  regagné  trois  mois  sur  les  anticipations,  puisqu'il 
était  justifié,  par  le  tableau  que  nous  avons  eu  celui  de  vous  présenter,  que  les 
charbons  de  1787  soutiendraient  la  vente  jusqu'au  mois  d'août  1788,  tandis  que 
ceux  cuits  en  1784  avaient  été  absolument  consommés  au  20  mai  178o.  Dai- 
gnez vous  rappeler,  Messieurs,  qu'en  vous  présentant  ce  tableau  nous  ne  vous 
cachâmes  point  nos  inquiétudes.  Nous  étions  déjà  informés  et  nous  eûmes 
l'honneur  de  vous  rendre  compte  des  perles  énormes  que  les  pluies  conti- 
nuelles avaient  occasionnées  au  commerce;  nous  ne  vous  dissimulâmes  point 
que  ces  pluies  seraient  cause  qu'il  manquerait  à  l'approvisionnement  ordinaire 
plus  de  cent  mille  voies  de  charbons,  soit  parce  qu'on  n'avait  pas  pu  les  cuire, 
soit  à  cause  de  la  difficulté  des  chemins  tellement  rompus,  qu'il  n'avait  pas  été 
possible  de  les  amener  sur  les  ports  des  rivières  navigables.  Nous  ne  nous 
sommes  pas  bornés,  Messieurs,  à  rendre  compte  à  la  Cour  de  cette  circon- 
stance fâcheuse.  Dès  le  16  novembre  de  la  même  année,  nous  en  avions  instruit 
tous  les  ministres  du  roi.  Ncfri  seulement  nous  les  avons  prévenus  de  la  disette 
qui  résulterait  nécessairement  à  la  fin  d'août  de  ce  déficit,  mais  en  leur  en  indi- 
quant les  causes  nous  leur  avons  fait  connaître  les  moyens  d'en  éviter  les  suites 
fâcheuses  :  nous  avons  demandé  à  M.  le  contrôleur  général  rétablissement 
d'un  canal  d'environ  50  toises  à  Anglure,  et  la  restauration  de  la  Vanne  pour 
procurer  à  la  capitale  un  approvisionnement  annuel  de  cent  mille  voies  de 
charbon,  que  la  difficulté  et  les  dangers  du  transport  empêchaient  d'y  faire 
arriver.  Nous  avons  insisté  pour  que  l'on  encourageât  par  des  primes  l'arrivage 
des  charbons  de  la  Loire,  en  observant  que  ces  primes  ne  coûteraient  rien  au 
gouvernement,  puisque  l'avance  en  serait  couverte  et  au  delà  par  les  droits 
d'entrée  auxquels  ils  seraient  assujettis;  cl,  malgré  les  plaintes  aussi  multi- 
pliées que  peu  fondées  de  quelques  marchands  de  celte  rivière,  le  bureau  de 
la  Ville  leur  a  toujours  accordé  tous  les  encouragements  qui  dépendaient  de 
lui. 

Nous  avons  sollicité  pour  que  l'on  accordât  un  fonds  uniquement  destiné 
aux  réparations  des  rivières  qui,  pour  avoir  été  trop  longtemps  négligées,  n'of- 
fraient plus  qu'une  navigation  difficile  et  des  embarras  décourageants.  Enfin 
nous  avons  fait  toutes  les  démarches  nécessaires  pour  être  autorisés  à  re- 
prendre le  projet  de  gare  demandée  par  le  commerce  dans  les  îles  de  Cha- 
renton,  après  avoir  démontré  jusqu'à  l'évidence  que  sans  cet  établissement  il 
devenait  impossible  d'approvisionner  Paris  pour  un  hiver  long,  parce  que 
jamais  les  marchands  ne  s'exposeraient  aux  désastres  que  n'avaient  que  trop 
souvent  occasionnés  les  grosses  eaux  et  les  débâcles.  Ce  qui  est  arrivé  au 
mois  de  décembre  dernier,  Messieurs,  ne  justifie  que  trop  et  ces  craintes  des 
marchands,  et  la  vérité  des  observations  que  nous  n'avons  cessé  de  faire. 

Le  contrôleur  général,  par  sa  réponse  du  11  janvier  de  l'année 
dernière,  promettait  satisfaction  à  la  Ville.  Depuis,  par  «  l'absence  » 
du  Parlement,  elle  a  été  privée  de  son  plus  ferme  appui.  Le  mémoire 
du  substitut  du  procureur  général  adressé  avec  les  pièces  et  les  plans, 


296  LA  GRANDE  POLICE 

le  28  mars  et  le  11  avril  1788,  la  correspondance  du  prévôt  des  mar- 
chands et  du  bureau,  en  un  mot  les  démarches  les  plus  pressantes 
n'ont  eu  aucun  résultat.  ' 

Aussi,  l'état  de  choses  est  inquiétant.  Au  10  de  ce  mois  (février 
1789),  il  n'existait  plus  sur  les  ports  de  la  capitale  et  dans  les  diffé- 
rentes gares  des  rivières  que  256,500  voies  «  qui  soutiendront  à  peine 
la  vente  jusqu'au  15  juin  prochain,  temps  auquel  on  sera  forcé  de 
consommer  les  charbons  que  l'on  va  cuire  et  qu'il  faudra  faire  arriver 
par  allèges  si  les  eaux  sont  basses  cet  été  ». 

Quant  aux  bois,  la  consommation  de  1788  excède  celle  de  1787  de 
47,201  voies.  Au  1er  février,  il  n'y  avait  plus  en  chantiers  que 
190,948  voies.  La  provision  est  suffisante,  mais  à  condition  qu'il  n'y 
ait  ni  crue  violente,  ni  sécheresse'.  Le  bureau  propose  de  diminuer 
la  consommation  «  en  ordonnant  à  tous  les  manufacturiers  ou  chefs 
d'ateliers  qui  peuvent  se  passer  de  bois,  de  se  servir  de  tourbe  ou 
de  charbon  de  terre  ».  Il  y  a  un  projet  de  règlement  dont  les  entre- 
preneurs pour  la  tourbe  et  la  houille  attendent  l'homologation.  Paris 
a  consommé  en  1788,  67,203  voies  de  tourbe  (au  lieu  de  40,188  en 
1787);  il  n'en  reste  que  fort  peu.  Si  l'on  ne  protège  pas  la  compagnie 
chargée  de  ce  service,  elle  annonce  qu'elle  se  dissoudra  le  15  mars. 

Le  bureau  de  la  Ville  se  déclare  «  aussi  éloigné  de  vouloir  exciter 
des  plaintes  déplacées  que  de  chercher  à  inspirer  une  sécurité  qui 
le  serait  encore  davantage  ». 

La  Cour  se  déclare  «  satisfaite  des  soins  que  le  bureau  s'est 
donnés1  ». 

BOUCHERIE  (CAISSE  DE  SCEAUX  ET  DE  POISSY)* 

Louis  XIV  avait  déclaré  que  la  nation  ne  faisait  pas  corps  en 
France.  Elle  n'avait  en  effet  aucun  moyen  de  consentir  ou  de  résister 
légalement  aux  volontés  du  roi,  et  en  particulier  aux  nouvelles  im- 
positions. Mais  les  corps,  les  individus,  s'efforçaient  d'échapper  aux 
mains  avides  du  fisc,  non  pas  toujours  par  impuissance  ou  par 
égoïsmê,  mais  pour  une  cause  plus  nohle  et  plus  obscure,  le  senti- 
ment de  l'oppression.  Le  droit  national  de  l'impôt  consenti  était  plus 
méconnu  qu'oublié.  C'est  pourquoi  la  royauté  a  souvent  recours  à 
des  voies  souterraines,  à  des  armes  discourtoises,  pour  assurer  les 


1.  Il  est  aussi  question,  dans  ce  compte-rendu,  de  l'assainissement  de  divers 
cloaques  infects  et  des  difficultés  qu'il  éprouve,  malgré  l'autorisation  de  la  Cour. 
C'est  le  seul  détail  étranger  à  la  matière  de  l'approvisionnement. 

2.  Voyez,  plus  haut,  l'arrêt  du  13  juillet  1779,  et  les  notes  (p.  199). 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  297 

ressources  indispensables  au  trésor;  elle  préfère  traiter  avec  la  tourbe 
des  fermiers  et  des  commis  plutôt  que  de  s'adresser  directement  à 
un  peuple  cependant  soumis  et  fidèle.  L'histoire  de  la  Caisse  de  la 
boucherie  parisienne,  dite  Caisse  de  Sceaux  et  de  Poissy,  montre  à 
merveille  l'hypocrisie  des  impôts  indirects  sous  l'ancien  régime. 

En  janvier  1690,  presque  au  début  de  la  guerre  de  la  ligue  d'Augs- 
bourg,  furent  créés  00  offices  de  jurés-vendeurs  de  bestiaux,  qui 
devaient  percevoir  le  droit  d'un  sou  par  livre  sur  le  prix  de  tous 
ceux  qui  se  consommeraient  à  Paris  :  leur  fonction  consistait  à  payer 
argent  comptant  les  marchands  forains,  sauf  à  se  récupérer  sur  les 
bouchers.  Les  bouchers  protestèrent  contre  un  système  d'avances 
qu'ils  ne  demandaient  pas,  soit  qu'ils  achetassent  comptant,  soit  que 
les  vendeurs  leur  fissent  d'eux-mêmes  crédit.  Les  protestations  de  la 
boucherie  furent  écoutées,  car  les  bouchers  financèrent,  sous  prétexte 
qu'il  fallait  bien  que  le  roi  remboursât  les  offices  ;  et  les  60  jurés- 
vendeurs  furent  supprimés. 

En  1707,  ils  furent  rétablis  sous  le  titre  plus  sonore  de  conseillers- 
trésoriers  à  la  Bourse  des  marchés  de  Sceaux  et  de  Poissy,  lesquels 
étaient  désignés  pour  la  vente  exclusive  des  bestiaux;  ils  furent  rem- 
boursés une  seconde  fois  à  la  paix  (1715). 

Un  troisième  rétablissement  de  la  même  machine  fiscale  eut  lieu 
en  1743.  Le  crédit  extrême  accordé  par  la  caisse  de  boucherie  n'était 
pas  long  :  deux  semaines;  il  était  obligatoire  pour  les  bouchers, mais 
la  caisse  avait  le  droit  de  s'informer  de  leur  solvabilité  et  de  prendre 
ses  précautions  en  conséquence.  Somme  toute,  sous  couleur  d'approvi- 
sionner Paris  et  de  fournir  des  avances  aux  bouchers,  la  viande  se 
trouvait  imposée  de  6  pour  100  '. 

Turgot  fit  encore  supprimer  la  Caisse  de  Poissy.  C'était  la  troisième 
suppression,  et  ses  ennemis  ne  pouvaient  guère  lui  en  faire  uncrime. 
Mais  il  fit  autre  chose  de  plus  grave  :  il  en  dénonça  les  abus,  il  en  fit 
voir  le  véritable  objet  en  de  tels  termes  qu'il  n'était  plus  possible 
après  lui  de  la  revêtir  du  caractère  d'utilité  publique.  L'édit  même 
qui  la  supprimait,  convertissait  et  modérait  les  droits  sur  la  viande, 
dont  la  perception  faite  au  nom  de  l'État,  et  au  grand  jour,  devait, 
paraître  à  la  fois  plus  honnête  et  plus  avantageuse.  D'autre  part,  le 
commerce,  délivré  de  ses  entraves  légales  et  devenu  plus  actif,  aug- 
menterait la  consommation  ;  une  taxe  modérée  arriverait  ainsi  à  pro- 
duire pour  le  roi  plus  de  bénéfices  qu'un  impôt  vexatoire,  épuisant 
la  source  même  où  il  s'alimentait. 

1.  Le  prix  de  chaque  bœuf  était  augmenté  de  13  livres. 


298  LA  GRANDE  POLICE 

Aussitôt  après  la  retraite  de  Turgot  (12  mai  1776),  tous  les  inté- 
ressés aux  opérations  de  Sceaux  et  de  Poissy  se  liguèrent  pour  faire 
rétablir  la  Caisse.  D'ailleurs,  les  habitudes  imposées  au  commerce  la 
faisaient  regarder  comme  utile  par  certaines  personnes.  On  faisait 
valoir  que  la  concentration  des  animaux  de  boucherie  dans  ces  deux 
marchés  facilitait  l'inspection  sanitaire,  et  l'application  des  règlements 
de  police  nécessaires  à  la  capitale.  Le  2  juin  1790,  la  Constituante  ac- 
cordait encore  une  prime  de  2  pour  100  du  prix  de  la  vente  des  bes- 
tiaux amenés  à  Sceaux  et  à  Poissy,  du  5  au  22  juillet,  afin  de  répondre 
aux  besoins  extraordinaires  que  la  fête  de  la  Fédération  et  l'af- 
fïuence  des  députations  et  des  visiteurs  allaient  nécessairement  occa- 
sionner. 

En  fait,  la  liberté  du  commerce  ne  suffit  pas  à  assurer  les  approvi- 
sionnements, si  l'habitude  de  se  servir  de  cette  liberté  fait  défaut,  si 
l'initiative  commerciale,  si  la  recherche  rapide  dés  renseignements  sur 
les  demandes  probables  de  la  consommation,  ne  sont  pas  entrées  dans 
les  mœurs.  La  transition  est  un  passage  dangereux,  mais  nécessaire. 

La  suppression  définitive  de  la  Caisse  de  Sceaux  et  de  Poissy  n'eut 
lieu  que  par  le  décret  du  13  mai  1791. 

ARRÊT  du  Parlement,  du  26  février  1778  '. 

...  La  Cour  fait  défenses  à  tous  marchands  forains,  fermiers,  laboureurs, 
herbagers  et  à  tous  autres  particuliers  d'amener  dans  les  marchés  de  Sceaux 
et  de  Poissy,  ni  dans  le  marché  aux  veaux,  et  d'y  exposer  en  vente  aucunes 
vaches  laitières  et  autres  vaches  en  état  de  porter  au-dessous  de  l'âge  de  huit 
ans,  et  des  veaux  au-dessus  de  l'âge  de  huit  à  dix  semaines,  à  peine  de  confisca- 
tion des  marchandises  saisies  et  de  300  livres  d'amende  pour  chaque  contraven- 
'  tion;  ordonne  que  les  marchands  forains  et  autres  propriétaires  desdites  vaches 
laitières  et  veaux  au-dessus  de  l'âge  de  dix  semaines  ne  pourront  les  exposer  en 
vente  qu'au  marché  des  vaches  laitières,  qui  continuera  de  se  tenir  le  mardi  de 
chaque  semaine  dans  la  plaine  des  Sablons  au  bout  du  faubourg  du  Roule,  et 
qui  sera  ouvert  depuis  9  heures  du  matin  jusqu'à  2  heures  après  midi;  fait  dé- 
fenses d'exposer  en  vente  lesdites  vaches  laitières  et  veaux  ailleurs  qu'audit  mar- 
ché, à  peine  de  300  livres  d'amende  tant  contre  les  vendeurs  que  contre  les 
acheteurs,  et  aux  bouchers  de  Paris  et  à  ceux  de  la  campagne  d'acheter  dans  ledit 
marché  aucunes  desdites  vaches  et  veaux  pour  les  tuer,  sous  la  même  peine 
d'amende  ;  fait  aussi  défenses  à  tous  particuliers  d'acheter  lesdites  vaches  et 
veaux  pour  les  tuer,  et  à  tous  cabaretiers  et  aubergistes  tant  de  la  ville,  fau- 
bourgs et  des  environs  de  Paris,  et  des  paroisses  circonvoisines,  de  vendre  et 
débiter  en  aucun  temps  de  la  viande  desdites  vaches  et  de  veaux,  sous 
quelque  prétexte  que  ce  puisse  être,  ni  de  la  viande  de  veau  mort-né,  sous 
pareille  peine  de  300  livres  d'amende,  même  d'être  poursuivis  extraordinaire- 

1.  Collection  do  la  Bibliothèque  nationale,  à  la  date. 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  290 

ment,  suivant  l'exigence  des  cas  ;  comme  aussi  ordonne  que  les  veaux  de  l'âge 
prescrit  par  les  règlements,  et  qui  seront  amenés  pour  la  consommation  des 
habitants  de  la  ville,  faubourgs,  banlieue  et  environs  de  Paris,  ne  pourront 
être  conduits  qu'aux  marchés  aux  veaux  pour  y  être  exposés  en  vente;  fait 
défenses  à  tous  cabaretiers  et  aubergistes,  et  notamment  à  tous  ceux  de  la 
ville,  faubourgs,  banlieue  et  des  environs  de  cette  ville,  de  donner  à  manger 
en  gras  pendant  le  Carême,  à  moins  qu'ils  n'y  aient  été  autorisés  par  ordon- 
nance de  justice  pour  les  personnes  seulement  qui  auront  été  dispensées  de 
l'observance  du  maigre  par  les  curés  de  leurs  paroisses  et  par  les  médecins  et 
chirurgiens,  et  lorsque  les  certificats  de  dispense  auront  été  visés  par  les 
juges  des  lieux.  Enjoint  au  lieutenant  général  de  police  de  la  ville  de  Paris,  et 
aux  juges  des  lieux,  chacun  dans  leur  ressort,  de  tenir  la  main  à  l'exécution 
du  présent  arrêt,  lequel  sera  imprimé,  publié,  et  affiché  partout  où  besoin 
sera. 

ARRÊT  du  12  janvier  1779  r,  qui  fait  défenses  aux  bouchers,  etc.,  de  Paris, 
d'acheter  des  vaches  laitières  au-dessous  de  huit  ans,  ou  des  veaux  au-dessous 
de  dix  semaines,  pour  les  tuer. 

A  ce  sujet,  il  étend  les  pouvoirs  du  lieutenant  général  de  police  au 
delà  des  faubourgs  et  banlieue  de  Paris,  sauf  l'appel  au  Parle- 
ment. 

ARRÊT  du  Parlement,  du  17  juillet  1779,  qui  déclare  nul  un  contrat  d'ater- 
moiement fait  par  un  marchand  boucher  de  la  ville  de  Paris,  quant  à  ce  qui 
concerne  des  marchands  forains  qui  y  avaient  été  compris,  et  qui  ne  l'avaient 
pas  signé2. 

Les  édits  du  11  mars  1690,  de  janvier  1707,  du  3  décembre  1743,  et  les 
arrêts  des  7  septembre  1751, 17  septembre  1755,  16  avril  1768,  avaient 
ordonné  ou  jugé  que  les  marchands  forains  seraient  payés  par  privi- 
lège et  préférence  à  tous  créanciers,  pour  raison  des  bestiaux  par  eux 
vendus  aux  bouchers  de  Paris,  dans  les  marchés  de  Sceaux  et  de 
Poissy. 


CHARBONS   DESTINES    A    LA    VILLE    DE   PARIS 

ARRÊT  du  Parlement,  du  16  juillet  177G,  qui  ordonne  l'exécution  de  l'ordon- 
nance du  bureau  de  la  ville  du  19  juin  1755,  et  fait  règlement  pour  la  vente 
des  charbons  pour  l'approvisionnement  de  Paris.  —  Collationné  :  de  Hansy.  Par 
la  Chambre  Dufranc,  scellé,  (i  p.  in-4°,  Simon.  177G.) 


\.  Collection  do  la  Bib.  nationale,  à  la  date. 

2,  Pièce  h)-}«  de  H  pages    Simon,  1779).  —  Bib.  nat.,  à  la  date. 


300  LA  GRANDE  POLICE 


ME  SU RAGE    DES    BOIS 

ARRÊT  du  Parlement,  du  26  septembre  1783,  qui  confirme  une  sentence 
rendue  au  bureau  de  l'Hôtel  de  Ville  de  Paris,  qui^condamne  un  marchand  de 
bois  en  30  livres  d'amende,  pour  avoir  refusé  d'ajouter,  dans  sa  membrure,  le 
nombre  de  bûches  nécessaires  pour  la  remplir  et  compléter  la  voie,  et  lui  fait 
défenses  de  récidiver.  (3  p.  in-i°,  Simon,  1783.) 


LE   PRIX   DU    BOIS 

En  juillet  1784,  le  bureau  de  la  ville,  spécialement  chargé  d'appro- 
visionner Paris  en  bois  et  en  charbons,  obtint  du  Conseil  une  déclara- 
tion qui  augmentait  d'un  écu  par  voie  le  prix  du  bois  neuf.  Le  Parle- 
ment fit  à  ce  sujet  des  représentations  au  Roi.  L'interruption  de  la 
navigation,  la  sécheresse,  étaient,  selon  lui,  de  mauvais  prétextes,  et 
il  y  avait  500,000  voies  de  bois  aux  portes  de  Paris.  En  fait,  rien  n'em- 
pêchait les  marchands  de  mêler  du  bois  flotté  au  bois  neuf.  Le  Parle- 
ment soupçonnait,  avec  toute  vraisemblance,  quelque  opération  fiscale, 
accompagnée,  comme  la  plupart  du  temps,  de  bénéfices  illicites.  Voici 
la  réponse  du  Roi  : 

Dans  le  cours  de  vos  représentations,  vous  m'avez  dit  que  tout  le  gain  de 
l'augmentation  n'était  pas  pour  les  marchands  seuls.  Expliquez-moi  ce  que  cela 
veut  dire.  Dans  huit  jours,  vous  reviendrez  pour  cela,  et  je  vous  ferai  savoir 
mes  intentions1. 

Non  seulement  les  choses  restèrent  en  l'état,  mais  pendant  les  vaca- 
tions, le  14  octobre,  un  de  Messieurs  signala  au  président-premier  de 
nouveaux  abus  : 

Monsieur,  je  suis  instruit  d'une  surtaxe  survenue  sur  le  prix  du  bois  venu 
en  trains  par  la  rivière,  lequel  se  paye  27  livres  la  voie,  comme  le  bois  neuf; 
d'après  les  éclaircissements  que  j'ai  cherché  à  prendre  sur  le  motif  de  cette 
contravention  à  l'édit  du  mois  de  juillet  dernier,  j'ai  reconnu  que  l'on  justifiait 
cette  surtaxe  comme  étant  autorisée  par  un  jugement  du  Conseil  non  revêtu  de 
lettres  patentes.  Cet  acte  n'ayant  pas  eu  de  publicité,  je  n'ai  pu  m'en  procurer 
un  exemplaire  pour  le  remettre  à  la  Chambre.  Mais  je  donne  le  fait  comme 
certain. 

Le  prévôt  des  marchands  était  entièrement  couvert  par  les  arrêts 
I.  2G  juillet  1785  (Arch.  nat.,  X  1b  8983). 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  301 

du  Conseil.  C'est  pour  la  forme  que,  le  9  décembre  suivant,  il  apporta 
au  Parlement  quelques  explications  : 

Le  public  se  plaint  de  ce  qu'on  attache  au  bois  neuf  flotté  le  môme  prix 
qu'au  bois  neuf  transporté  par  bateaux.  Mais,  sans  cet  encouragement,  le  bois 
dont  il  s'agit  serait  encore  à  30  ou  40  lieues  de  la  capitale z,  et  les  chantiers 
seraient  aujourd'hui  totalement  dégarnis. 

D'après  des  états,  il  estime  à  800,000  ou  850,000  voies,  pour  la  ville 
et  la  banlieue,  la  consommation  du  bois. 

Il  propose  deux  ordonnances,  qui  furent  adoptées  à  peu  près  par  le 
Parlement  et  par  le  Conseil.  L'une,  très  rigoureuse,  concerne  le  mesu- 
rage.  Elle  vise  les  prétendues  infidélités  des  marchands,  et  augmente 
la  voie  d'un  cinquième  ou  d'un  quart,  ce  qui  n'était  pas  un  moyen  de 
faire  baisser  le  bois  ni  d'en  accroître  la  provision.  L'autre,  qui  ne  pou- 
vait aussi  qu'accélérer  la  hausse,  interdisait  aux  chaufourniers,  tui- 
liers, plâtriers,  porcelainiers,  faïenciers,  de  se  servir  du  bois2;  ils 
pouvaient,  «  comme  nos  voisins,  employer  la  tourbe  ou  le  charbon  de 
terre  ». 

Il  n'est  guère  douteux  que  le  trésor  royal  n'ait  à  cette  époque  établi 
des  monopoles  de  fait,  sur  les  bois  et  charbons,  par  l'intermédiaire  de 
l'Hôtel  de  Ville.  Le  service  municipal  d'approvisionnement  devenait 
ainsi,  entre  les  mains  de  financiers  aux  abois,  le  louche  équivalent 
d'un  impôt  sur  le  bois  et  le  charbon.  Le  sel  et  le  tabac  appartenaient 
alors  seuls  entièrement  au  Roi  ;  on  cherchait  et  on  trouvait  des  pro- 
cédés pour  lui  faire  avoir  sa  part  dans  tout  le  reste;  mais  les  intermé- 
diaires, les  hommes  à  idées,  ne  s'oubliaient  pas,  et  c'était  surtout  à 
eux  que  le  public  en  voulait. 

REPRÉSENTATIONS  DU  PARLEMENT 

SUR  LA  DÉCLARATION  DU  8  JUILLET  1784,  PRÉSENTÉES  LE  31  JUILLET  ? 

Sire,  si  votre  Parlement  n'eût  écouté  que  sa  reconnaissance,  il  aurait  ordonné 


1.  Toutefois,  il  résultait  de  cette  assimilation  que  les  propriétaires  de  Dois 
haussaient  leurs  prix  pour  partager  le  bénéfice  des  marchands. 

2.  Ainsi,  l'administration  publique  feint  toujours  de  s'en  prendre  aux  commer- 
çants ou  industriels  qui  occupent  le  dernier  échelon,  et  qui  touchent  directe- 
ment au  consommateur  :  si  le  pain  est  cher,  au  boulanger;  le  bois,  aux  mar- 
chands de  bois  en  détail;  la  viande,  au  boucher,  etc.  Fiction  grossière,  à  laquelle 
le  peuple  même  finit  par  ne  plus  croire;  car,  le  6  octobre  1789,  il  ramena  le 
roi  au  cri  de  :  «  Voilà  le  boulanger  !  » 

3.  Arch.  nat.,  X  1b  8984. 


302  LA  GRANDE  POLICE 

sans  délai  l'enregistrement  de  la  déclaration  sur  l'approvisionnement  des  bois 
de  la  ville  capitale. 

Cette  déclaration  est  un  nouveau  monument  de  la  bienfaisance  de  Votre  Ma- 
jesté. Bannir  des  mesures  incertaines,  difficiles,  bizarres,  réformer  des  abus 
trop  longtemps  tolérés,  préposer  des  surveillants  à  la  vente  des  bois,  c'est 
prendre  les  moyens  de  rétablir  dans  le  commerce  la  clarté,  la  bonne  foi,  la 
police  et  la  confiance. 

L'abolition  presque  totale  des  droits  sur  le  charbon  de  terre  en  étendra  la 
consommation,  et  portera  les  manufactures,  les  ouvriers,  les  pauvres,  à  préfé- 
rer ce  combustible  :  pourvu  qu'une  administration  juste,  éclairée  par  l'expé- 
rience, tienne  avec  fermeté  la  balance  entre  les  fournisseurs,  sans  accorder  à 
quelques-uns  d'entre  eux  des  faveurs  particulières  qui,  les  rendant  maîtres  de 
ce  commerce,  rendraient  aussi  la  nouvelle  réduction  illusoire  pour  les  consom- 
mateurs, comme  on  l'a  toujours  éprouvé  de  la  première. 

Avec  la  même  sincérité  qui  porte  aux  pieds  du  trône  le  vœu  public,  votre 
Parlement  exposera  l'insuffisance  et  les  inconvénients  des  moyens  présentés  à 
Votre  Majesté  pour  l'approvisionnement  des  bois  de  sa  capitale. 

Un  premier  inconvénient  est  dans  l'uniformité  du  prix  pour  des  bois  de  dif- 
férents diamètres.  Présenter  aux  propriétaires  un  avantage  égal  pour  la  vente 
du  bois,  de  6,  12  ou  15  pouces  de  grosseur,  c'est  les  inviter  à  des  coupes  anti- 
cipées, donner  l'exclusion  aux  réserves,  aux  futaies,  appeler  tous  les  bois  à  la 
destination  du  chauffage,  en  priver  la  construction,  et  sacrifier  évidemment, 
dans  cet  objet  essentiel,  l'avenir  au  présent,  un  intérêt  permanent  à  des  besoins 
momentanés. 

Toutes  les  apparences  donnent  lieu  de  croire  que  l'augmentation  des  taxes 
sur  les  bois  et  charbons  manquera  le  but  qu'on  se  propose. 

En  premier  lieu,  il  n'est  pas  démontré  que  le  cercle  ordinaire  de  l'approvi- 
sionnement de  Paris  soit  épuisé.  Mais,  si  les  marchands  sont  obligés  d'étendre 
ce  cercle  trop  resserré,  l'augmentation  sera  évidemment  insuffisante  pour  les 
dédommager  des  frais  de  transport;  et  ainsi  cette  augmentation,  sans  procurer 
aux  sujets  de  la  capitale  une  plus  grande  abondance,  n'aura  d'autre  effet  que 
d'autoriser  les  propriétaires  à  hausser  le  prix  des  ventes,  et,  par  là,  de  retom- 
ber sur  les  consommateurs. 

En  supposant  cette  augmentation  nécessaire,  Votre  Majesté  serait  encore 
suppliée  de  fixer  un  moment  son  attention  sur  les  droits  qui  se  perçoivent  à 
l'entrée  du  bois  et  du  charbon. 

Ces  droits  ont  éprouvé,  depuis  1726,  un  accroissement  excessif  et  rapide. 
De  16  sols  par  voie,  dans  l'origine,  ils  sont  aujourd'hui  montés  à  HO  sols.  Le 
prix  et  la  rareté  des  combustibles  qui  les  supportent  rendent  le  fardeau  de 
ces  droits  encore  plus  sensible. 

Au  moins  semblerait-il  essentiellement  juste  de  ne  pas  taxer  la  voie  de 
bois  blanc  au  même  prix  que  la  meilleure  voie  de  bois  flotté.  La  différence 
réelle  de  leur  valeur  est  énorme,  et  l'uniformité  de  leur  tarif  peut  devenir 
accablante  pour  le  pauvre. 

Par  des  événements  imprévus,  tels  qu'une  baisse  d'eaux,  ou  l'amoncelle- 
ment des  glaces,  la  disette  des  autres  bois  peut  faire  du  bois  blanc,  qui  vrai- 
semblablement abonderait  encore  dans  les  chantiers,  un  combustible  précieux 
pour  les  pauvres.  Les  pauvres  ne  font  pas  de  provision.  Les  pauvres  sont  le 
grand  nombre.  Les  pauvres,  enfin,  quand  il  s'agit  des  consommations  néces- 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  303 

saires,  doivent  être  l'objet  particulier,  pour  ne  pas  dire  unique,  de  la  solli- 
citude éclairée  du  souverain  qui  peut  se  reposer,  en  pareil  cas,  du  sort  des 
riches  sur  eux-mêmes. 

Cependant,  par  l'effet  de  la  déclaration,  le  bois  blanc  ctani  aussi  cher  que 
le  bois  tlotlé,  qui  manquera  aux  pauvres,  et  presque  aussi  cher  que  le  bois  neuf 
qui  ne  peut  pas  d'ailleurs  entrer  dans  leur  consommation,  ne  sera  pour  eux 
d'aucune  ressource  dans  un  temps  de  disette  :  en  un  mot,  le  bois  blanc  qui, 
malgré  l'augmentation  de  la  taxe,  ne  paraît  pas  valoir  plus  de  17  livres  14  sols 
9  deniers  sera  pourtant  vendu  22  livres  10  sols  comme  le  bois  tlotté,  en  sorte 
que  l'augmentation  portée  par  la  déclaration  finit  en  dernière  analyse  par 
tomber  plus  sensiblement  sur  le  bois  le  plus  vil  et  sur  le  consommateur  le 
plus  pauvre. 

Il  semblerait  aussi  plus  conforme  aux  intentions  bienfaisantes  de  Votre 
Majesté  de  distinguer  dans  le  bois  flotté  les  échantillons  du  bois  destiné  aux 
membrures,  et  de  proportionner  la  taxe  aux  grosseurs,  aux  qualités,  afin  de 
rapprocher  du  moins  le  prix  de  l'espèce  inférieure  des  facultés  de  la  classe 
indigente. 

Toujours  par  l'intérêt  de  cette  classe  si  précieuse,  Votre  Majesté  est  suppliée 
de  ne  pas  charger  le  prix  du  charbon  d'une  augmentation  dont  le  principe  est 
inconnu. 

Et,  enfin,  votre  Parlement  estime  qu'il  serait  d'autres  moyens  de  pourvoir 
aux  besoins  du  moment,  aux  intérêts  de  l'avenir  :  pour  le  moment,  des 
coupes  extraordinaires;  pour  l'avenir,  la  diminution  des  droits  d'entrée,  la 
réparation  des  anciens  canaux,  l'ouverture  de  nouveaux,  leur  entretien,  la 
diminution  des  droits  de  péage,  un  régime  plus  exact  dans  la  manutention 
des  forêts,  un  nouvel  ordre  dans  leur  aménagement.  Ces  moyens  seraient  peut- 
être  et  plus  sûrs  et  plus  dignes  de  la  sagesse  et  de  la  justice  de  Votre  Majesté 
qu'une  augmentation  de  taxe. 

Au  reste,  votre  Parlement,  content  de  les  indiquer  à  Votre  Majesté,  ne  peut 
que  s'en  référer  à  sa  bonté,  comme  à  sa  prévoyance,  pour  le  choix  et  l'appli- 
cation '. 


COMMERCE  DES  GRAINS 

•   ET  PRIX  DU  PAIN 


LE  TRANSPORT  DES  BLÉS  (1778) 

ARRÊT  de  la  Cour  du  Parlement,  qui  condamne  Julien  Mabille,  dit  le 
Manceau,  à  être  attaché  au  carcan  par  l'exécuteur  de  la  haute  justice,  pendant 
trois  jours  consécutifs,  k  un  poteau  qui,  pour  cet,  effet,  sera  planté  dans  la 
place  publique  de  la  ville  de  Tours,  et  y  demeurer  chacun  desdits  jours  de- 

1.  Le  Parlement  enregistra  toutefois  la  déclaration,  le  .3  août  suivant. 


30-i  LA  GRANDE  POLICE 

puis  midi  jusqu'à  deux  heures,  ayant  écritcau  devant  et  derrière,  portant  ces 
mots  :  pour  violences,  pour  avoir  été  à  la  tête  d'un  attroupement  armé  de 
haches,  [avoir]  coupé  plusieurs  poches  ou  sacs  de  blés  dans  des  charrettes,  et 
contraint  les  charretiers  à  décharger  leurs  charrettes  dans  le  chemin,  desquels 
blés  il  en  a  été  perdu  une  partie,  et  Claude  Viollard  à  assister  ledit  Julien 
Mabille,  dit  le  Manceau ,  au  carcan  lesdits  trois  jours,  pour  avoir  participé 
audit  attroupement. 

La  sentence  du  lieutenant  criminel  du  bailliage  et  siège  présidial 
de  Tours  (15  mai  1778)  avait  condamné  Julien  Mabille  au  carcan,  à 
la  marque  et  à  neuf  ans  de  galères;  Claude  Viollard,  aux  mêmes 
peines;  de  plus,  Alexandre  Bonsens  et  Jacques  Piedgut,  accusés  et 
présents,  à  l'assistance  au  carcan  ;  Pierre  Pinet,  à  l'assistance  au 
carcan  et  à  un  plus  ample  informé.  —  Enfin  la  même  sentence  prési- 
diale  avait  condamné,  par  contumace,  les  chefs  de  l'attroupement  et 
du  pillage  :  Brunet  père  et  fils,  à  la  pendaison  et  à  l'exposition  aux 
fourches  patibulaires  de  Tours  pendant  vingt-quatre  heures;  Fran- 
çoise Sacré,  femme  Pekdereau,  qui  avait  excité  les  hommes  en  les 
traitant  de  lâches  et  de  poltrons,  au  carcan,  à  la  fleur  de  lys,  et  au 
bannissement  perpétuel  des  duché  et  grand  bailliage  de  Touraine. 

L'arrêt  du  Parlement  est  muet  sur  les  contumaces;  il  met  hors  de 
cour  Bonsens,  Piedgut  et  Pinet,  el  réduit  de  beaucoup  les  peines  de 
Mabille  et  de  Viollard. 

Il  s'agissait  des  blés  du  château  de  Moran,  appartenant  aux  repré- 
sentants du  feu  duc  de  Sully,  et  vendu  à  Martin  Pimon.  Brunet  le 
père  avait  battu  la  douille  pour  ameuter  les  paysans  et  empêcher 
l'enlèvement  de  ce  qu'ils  considéraient  comme  leur  blé  (24  mars  1778)  ; 
quarante  ouvriers  armés  de  haches,  serpes  et  bâtons,  et  plusieurs 
femmes  étaient  accourus  de  la  coupe  de  la  forêt  de  Baudry,  où  ils 
travaillaient.  Les  blés  furent  arrêtés  et  pillés  près  le  lieu  des  Cartes, 
et  il  y  en  eut  pour  300  livres  de  répandu  ou  de  pillé  '. 

L'arrêt  du  Parlement,  tout  à  fait  extraordinaire  par  sa  modéra- 
tion, ne  s'explique  que  [taries  souvenirs  de  la«  guerre  des  farines  »,â 
laquelle  il  avait  secrètement  applaudi,  parce  qu'elle  était  conforme 
aux  principes  restrictifs  du  libre  commerce  des  blés. 

ARRÊT  de  la  Cour  du  Parlement,  du  19  juin  1779,  portant  règlement  pour 
les  facteurs  de  la  halle  aux  farines  de  la  Ville  de  Paris,  conformément  à  l'or- 
donnance de  police  du  3  avril  1779,  et  à  l'arrêt  du  i  juin  1761  -. 

Cet  arrêt,  en  neuf  articles,  enjoint  aux  facteurs  attaqués  par  les 


1.  C'est  par  centaines  que  l'on  compte  les  faits  du  même  genre  en  1788-89. 

2.  Pièce  iu-4°  de  13  pages.  Règlement  sur  procès  entre  marchands  de  farines, 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  305 

marchands  de  remettre  leur  état  de  situations  commerciales  et  de 
fortunes  personnelles  entre  les  mains  du  lieutenant  général  de  po- 
lice (art.  Ie1');  fixe  pour  l'avenir  à  50,000  livres  d'immeubles  ou  de 
caution  la  garantie  de  solvabilité  des  facteurs  (art.  2);  ordonne  le 
payement  comptant,  le  jour  même  de  la  livraison  (art.  3);  la  tenue 
des  registres  sous  l'inspection  de  la  police  (art.  4);  interdit  aux  fac- 
teurs de  faire  le  commerce  de  blé  ou  de  s'associer  aux  marchands 
de  blés  (art.  5) ,  et  de  faire  un  autre  commerce  outre  leur  commission 
(art.  G);  leur  interdit  de  vendre  des  farines  au  petit  poids  et  de  de- 
mander aux  marchands  ou  d'en  accepter  plus  de  21  sols  G  deniers 
de  commission  par  sac  (art.  7)  ;  leur  enjoint  de  vendre  par  eux-mêmes 
ou  par  leurs  femmes  ou  enfants  (art.  8);  ordonne  aux  boulangers  de 
tenir  registre  de  leurs  achats  aux  Halles,  quantités  de  farines,  noms 
des  vendeurs  (art.  9). 

LIBRE  EXPORTATION  ET  CIRCULATION  DES  GRAINS  (1787) 

Ledit  du  17  juin  1787  (signé  Louis,  et  plus  bas,  par  le  /loi,  le 
baron  de  Breteuil,  vu  au  Conseil ,  Laurent  de  1  illcdeud)  pour  la 
liberté  de  commerce  des  grains  fut  enregistré  au  Parlement  le  24  juin, 
à  la  pluralité  de  95  voix  contre  81. 

Nonobstant,  dit  Hardy,  le  brillant  exposé  et  toutes  les  belles  promesses  que 
renfermait  cette  déclaration,  qui  donnait  ouverture  à  l'exportation  des  grains 
hors  du  royaume,  en  même  temps  qu'elle  en  facilitait  la  circulation  libre  de 
province  en  province,  comme  on  n'avait  point  encore  oublie  les  scènes  popu- 
laires occasionnées  en  1770  par  la  cherté  du  pain,  malheureux  résultat  de 
dispositions  à  peu  près  semblables  :  on  avait  peine  à  se  défendre  de  quelques 
craintes  pour  la  suite,  par  le  funeste  abus  que  pouvaient  en  faire  les  personnes 
puissantes  et  riches.  Car  quel  était  le  bien  en  Erancc  qu'on  ne  vît  pas  le  plus 
souvent  se  métamorphoser  en  mal1? 

SEANCES  DU  PARLEMENT 

DU  13  DÉCEMBRE  ET  DU  10  DÉCEMBRE  1788  2 

Le  13  décembre  1788, 

facteurs,  vendeurs  de  farines,  et  autres  parties  intervenantes  (3  audiences,  5  plai- 
doiries). —  Collection  de  la  Bib.  nat.,  ;i  la  date. 

1.  Réflexion  juste,  surtout  lorsque  la  distance  est  trop  grande  entre  les  mœurs 
et  les  lois,  entre  les  progrès  sociaux  et  les  institutions  politiques.  —  Hardy, 
t.  VII,  p.  123. 

2.  Hardy,  tome  VIII,  p.  171. 

20 


306  LA  GRANDE  POLICE 

Vers  l'heure  de  midi,  les  chambres  du  Parlement  s'assemblent  avec  plu- 
sieurs pairs  de  France  pour  traiter  l'affaire  des  blés  accaparés  selon  toutes  les 
apparences,  et  s'occuper  de  la  cherté  du  pain.  Mais,  quoique  la  séance  ne  finisse 
qu'à  près  de  quatre  heures  de  relevée,  il  ne  transpire  rien  de  ce  qui  s'y  était 
passé,  si  ce  n'est  qu'il  y  avait  tout  lieu  de  conjecturer  que  le  Parlement  n'était 
pas  content  de  la  conduite  du  procureur  général  par  rapport  aux  informations 
dont  il  avait  été  chargé  sur  cet  objet  :  puisque  l'on  rapportait  que  ce  ma- 
gistrat n'avait  point  été  mandé  par  l'Assemblée,  qui  non  seulement  ne  lui  avait 
rien  fait  dire,  mais  qui  avait  au  contraire  pris  le  parti  de  nommer  des  com- 
missaires, lesquels  devaient  s'assembler  le  surlendemain,  lundi  15  du  présent 
mois  de  relevée  au  Palais,  cl  rendre  compte  de  leur  travail  à  l'assemblée  des 
Chambres  renvoyée  au  mardi  10  à  neuf  heures  du  matin. 

Cette  assemblée  du  16  fut  aussi  tenue  secrète  par  «  la  sage  pru- 
dence »  du  Parlement,  qui  ne  voulait  pas  «  échauffer  l'esprit  du 
peuple  ».  D'après  les  nouvellistes  : 

On  avait  dénoncé  plusieurs  caves  dans  des  faubourgs  de  la  capitale  remplies 
de  grains  qui  y  pourrissaient  :  crime  horrible  de  lèse-humanité  dont  les  cou- 
pables auteurs  ne  pouvaient  être  trop  sévèrement  punis.  Quoi  qu'il  en  fût,  on 
voyait  arriver  en  ce  moment  à  la  Halle  aux  grains  une  très  grande  quantité 
de  blés  et  farines.  Mais  le  prix  du  pain  ne  diminuait  pas  et  restait  toujours 
au  même  taux1.  Il  paraît  que  le  Parlement  s'occupait  furieusement  de  cette 
affaire  2. 

A  la  grande  surprise  des  «  clabaudeurs  »,  le  Parlement  ne  pour- 
suivit pas  les  accapareurs  vrais  ou  présumés. 

Ce  plan,  dit  Hardy,  venait  de  trop  haut  dans  les  circonstances  pour  que  les 
magistrats  pussent  prudemment  et  raisonnablement  y  atteindre  3. 

Le  texte  même  des  minutes  du  Parlement  confirme  à  peu  près  ces 
appréciations. 

RAPPORT  DE  L'AVOCAT  GÉNÉRAL  SÉGUIER 

SÉANCE    DU   SAMEDI   13    DÉCEMBRE    1788  4 

Un  arrêté  du  20  novembre,  pris  par  le  Parlement  toutes  chambres 
assemblées,  les  pairs  y  séant,  avait  chargé  les  gens  du  Roi  d'une  en- 


1.  Quatorze  sols  tes  quatre  livres. 

2.  Hardy,  t.  VIII,  p.  172. 

:i.  Id.,ibid.,  p.  182  (22  décembre  L788);  Il  no  fallait  pas,  dit-il  ailleurs  (16  déc), 
que  le  peuple  lût  instruit  de  «  tout  ce  qui  concernait  et  pouvait  occasionner  la 
cherté  du  pain  ». 

4;  Arch.  nat,  X  1b  8989. 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  307 

quèic  relative  à  l'augmentation  du  prix  des  grains.  Le  13  décembre, 
Séguier  en  fit  connaître  les  résultats. 

M.  le  procureur  général  a  écrit  le  27  novembre  à  tous  ses  substituts  dans 
les  différents  sièges  pour  qu'ils  eussent  à  se  conformer  sans  délai  aux  dispo- 
sitions de  cet  arrêté.  De  226  sièges  ou  environ  dont  est  composé  le  ressort, 
142  ont  répondu;  nous  recevrons  successivement  la  réponse  des  84  autres', 
et  nous  venons,  en  attendant,  présenter  à  la  Cour  le  résultat  des  différentes 
lettres  que  nous  avons  déjà  reçues. 

Vous  n'attendez  pas  sans  doute  de  notre  ministère  qu'il  entre  dans  le  dé- 
tail de  ebacune  de  ces  réponses.  Ce  serait  le  moyen  de  rendre  inintelligible  le 
compte  que  nous  nous  proposons  de  rendre  en  ce  moment.  Nous  avons  préféré 
de  séparer  les  différentes  causes  qui  nous  ont  été  indiquées,  et  de  les  présenter 
l'une  après  l'autre,  en  y  ajoutant  le  nombre  des  substituts  qui  se  sont  spécia- 
lement attachés  à  chacun  de  ces  objets... 

La  première  cause  est  le  peu  de  produit  de  la  récolte  faite  cette  année. 
Elle  a  été  si  mauvaise  que  dans  quelques  cantons  on  n'a  pas  recueilli  la 
moitié  d'une  année  ordinaire  en  gerbes  et  en  grains;  dans  d'autres  on  n'en  a 
recueilli  que  très  peu  ou  point  du  tout. 

Deuxième  cause.  —  Les  pluies  et  les  inondations  de  1787,  la  grêle  et  la 
sécheresse  de  1788.  Les  pluies  en  1787  ont  empêché  d'ensemencer  une  partie 
des  terres;  la  sécheresse  en  1788.  n'a  pas  permis  la  pleine  croissance  des 
blés  ;  et  dans  les  terres  qui  ont  été  déjà  semées  depuis  la  dernière  récolte  le 
grain  se  gâte,  ne  germe  pas,  et  n'est  pas  encore  levé. 

Troisième  cause.  —  Les  accaparements,  magasins,  arrhes,  et  fermetures  de 
greniers  chez  les  gros  propriétaires  ou  chez  les  fermiers. 

Quatrième  cause.  —  Les  ventes  particulières  qui  se  font  dans  les  greniers 
des  propriétaires  ou  chez  les  laboureurs. 

Cinquième  cause.  —  Le  défaut  d'approvisionnement  dans  les  marchés,  dont 
la  plupart  sont  dégarnis. 

Sixième  cause.  —  Les  laboureurs  ne  battent  point  leurs  grains  et  n'en 
amènent  point  aux  marchés. 

Septième  cause.  —  L'exportation  excessive  chez  l'étranger. 

Huitième  cause.  —  Les  enlèvements  faits  pour  les  différentes  provinces  et 
grandes  villes  du  royaume. 

Ces  huit  causes  ne  concourent  pas  dans  tous  les  lieux.  Nous  allons  réunir 
sur  chacun  de  ces  objets  l'ensemble  de  l'opinion  des  différents  sièges. 

Sur  la  première  cause,  mauvaise  récolte  des  années  1787  et  1788,  128  let- 
tres s'expliquent  d'une  façon  positive. 

Sur  la  seconde  cause,  pluie,  grêle  et  sécheresse,  112  de  nos  substituts 
pensent  de  même. 

Sur  la  troisième  cause  ,  accaparements,  magasins,  arrhes  et  fermetures  de 
greniers,  34. 

Sur  la  quatrième ,  vente  dans  les  greniers,  nous  en  trouvons  8. 

Sur  la  cinquième  ,  défaut  d'approvisionnement  dans  les  marchés,  33. 


1.  Trente-quatre  autres,  arrivées  la  veille,  n'avaient  pu  être  que  rapidement 
parcourues.  Elles  concordaient  avec  les  précédentes. 


308  LA  GRANDE  POLICE 

Sur  la  sixième,  refus  des  fermiers  de  battre  et  de  conduire  au  marché,  13. 

Sur  la  septième ,  exportation  à  l'étranger,  il  y  en  a  20.  Un  ou  deux  ajou- 
tent que  ces  enlèvements  se  font  la  nuit  frauduleusement  dans  des  tonneaux 
qu'on  remplit  aux  trois  quarts  de  blé  et  qu'on  recouvre  d'avoine,  pour  les 
envoyer  au  dehors  par  la  rivière  d'Aisne  et  la  Meuse. 

Enfin  sur  la  huitième  cause,  enlèvements  pour  les  provinces  et  les  grandes 
villes,  30  entrent  dans  des  détails  à  ce  sujet... 

Autres  causes  particulières  :  Trois  de  nos  substituts  assignent  pour  neu- 
vième cause  le  dégAt  que  fait  le  gibier;  mais  ce  motif  se  renouvellerait  tous 
les  ans.  —  Deux  substituts  présentent  comme  une  dixième  cause  l'inexécution 
des  règlements  qui  veulent  que  les  communautés  ecclésiastiques  aient  tou- 
jours dans  leurs  greniers  deux  ans  de  leur  consommation.  —  Enfin,  deux 
autres  substituts  donnent  pour  onzième  cause  les  glaces  qui  arrêtent  le  cours 
des  rivières,  et  la  cessation  du  travail  des  moulins. 

Indépendamment  de  ces  motifs,  la  plupart  réels,  nous  avons  trouvé  dans 
ces  142  lettres  des  avis  particuliers  peut-être  aussi  certains  qu'affligeants. 

A  Abbevillc,  douze  ou  quinze  mille  ouvriers,  qui  ne  sont  plus  employés  dans 
les  manufactures  depuis  le  traité  de  commerce,  sont  réduits  à  la  plus  affreuse 
misère.  —  Dans  plusieurs  cantons,  les  campagnes  offrent  le  spectacle  d'une 
multitude  de  meules,  la  plupart  mangées  par  les  insectes  ou  par  les  rats.  Une 
meule  de  trente  milliers,  paille,  fourrage  et  menus  grains,  a  été  brûlée  près 
Corbeil;  et  depuis  le  Bourgcl  jusqu'à  la  montagne  de  Vauderlan1  (espace  de 
3  lieues),  on  en  compte  plus  de  70  dont  on  ne  fait  aucun  usage.  —  La 
génevrerie  de  Dunkcrque  consomme  une  immense  quantité  de  grains  que  les 
intéressés  doivent  tirer  de  l'étranger,  d'après  la  loi  de  cet  établissement,  [et] 
qu'ils  ne  font  importer  en  France  que  lorsqu'ils  y  trouvent  leur  avantage.  — 
A  Saint-Quentin,  il  devrait  y  avoir  50,000  setiers  de  blé  dans  les  greniers  ;  il 
n'y  en  a  pas  cent.  Les  fermiers  payent  les  redevances  en  argent,  parce  qu'ils 
craignent  la  disette,  et  que  les  gens  de  campagne  ne  les  brûlent,  s'ils  se  dé- 
garnissent... A  la  Fère,  ainsi  qu'à  Réthel-Mazarin,  il  y  a  eu  des  émeutes,  et 
le  monopole  des  différents  meuniers  qui  ne  sont  pas  fidèles  sur  leur  mouture, 
ajoute  un  nouveau  degré  aux  murmures  des  habitants 

...Quant  aux  précautions  indiquées  par  les  substituts,  tous  ces  officiers 
chargés  de  veiller  dans  les  lieux  de  leur  arrondissement  sur  la  police  publique, 
demandent  le  rétablissement  des  anciens  règlements,  et  les  malheurs  actuels 
en  montrent  la  nécessité.  C'est  en  vain  que  le  fanatisme  d'une  indépendance 
absolue  dans  le  commerce  des  grains  se  ilatte  de  procurer  l'abondance  par  la 
liberté  indéfinie  de  l'exportation.  Toutes  les  combinaisons  de  la  politique  dis- 
paraissent à  la  clarté  de  l'évidence.  L'expérience  nous  apprend  que  l'intérêt 
personnel  l'emporte  sur  l'intérêt  général  :  et  quelque  sacré  que  puisse  être  le 
droit  de  disposer  de  sa  chose,  ce  droit,  qui  semble  se  confondre  avec  la 
propriété  même,  ne  peut  jamais  devenir  un  prétexte  légitime  pour  autoriser 
le  propriétaire  à  mettre  à  contribution  la  société  entière.  Le  blé,  quelque  soit 
celui  qui  le  recueille,  doit  avant  tout  servir  à  la  subsistance  des  habitants  du 
sol  qui  l'a  produit.  Et  que  deviendraient  les  citoyens  des  villes,  si  les  pro- 
priétaires des  campagnes  et  les  laboureurs  cessaient  de  fournir  à  leurs  be- 
soins, ou,  ce  qui  est  la  même  chose,  par  une  intelligence  criminelle,  refusaient 

1.  Vaudherland  (Seine-et-Oise). 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  309 

d'approvisionner  les  marchés?  Est-il  possible  qu'il  y  ait  des  hommes  assez 
barbares  pour  calculer  la  misère  publique,  la  graduer  insensiblement,  et 
fonder  sur  son  augmentation  progressive  l'édifice  d'une  fortune  honteuse? 

Les  famines  artificielles  sont  infiniment  plus  à  redouter  que  celles  qui  sont 
l'effet  de  l'intempérie  des  saisons.  La  nature  annonce  d'avance  les  fléaux  de 
cette  espèce,  et  donne  pour  ainsi  dire  le  temps  de  se  prémunir  contre  la  sté- 
rilité de  la  terre.  Mais  quand  la  disette  est  le  fruit  des  combinaisons  d'une 
cupidité  ardente  à  profiler  d'un  malheur  subit  et  imprévu,  le  besoin  se  fait 
sentir  au  milieu  de  l'abondance,  et  l'appât  d'un  gain  excessif  éteint  tous  les 
sentiments  de  l'humanité. 

Laissez  la  liberté  tout  entière.  Fiez-vous,  dira-t-on,  aux  calculs  des  spécu- 
lateurs. Laissez  agir  l'intérêt,  et  vous  verrez  le  blé  se  porter  de  lui-même 
partout  où  il  y  aura  un  bénéfice  certain.  C'est  cependant  à  ce  système  impru- 
dent et  dangereux,  bien  plus  qu'aux  refus  de  la  terre  et  à  l'inclémence  des 
saisons,  que  nous  devons  l'état  déplorable  dont  la  prudence  des  magistrats 
doit  écarter  les  suiics  funestes.  Ce  n'est  pas  le  blé  qui  manque  en  France.  La 
soif  immodérée  du  gain  le  fait  receler,  l'avidité  insatiable  l'accapare  ;  le  spé- 
culateur opulent  veut  s'enrichir  encore  aux  dépens  de  la  substance  du  pauvre 
et  de  l'indigent.  Si  la  cherté  ne  tombait  que  sur  les  riches  de  la  capitale  et 
des  provinces,  ce  serait  un  malheur  facile  à  supporter,  et  qui  ne  serait  que 
passager.  Mais  le  peuple!  mais  cet  artisan  qui  ne  vit  que  du  travail  de  ses 
mains,  mais  cette  famille  que  le  labeur  d'un  seul  homme  peut  à  peine  entre- 
tenir et  alimenter!  Dans  quels  asiles  tant  d'infortunés  pourront-ils  subsister? 
Ce  patriotisme  si  précieux,  ce  nom  sacré  de  l'humanité  qu'on  réclame  sans 
cesse,  ne  sont-ils  plus  que  de  vains  sons?  Seraient-ils  entièrement  bannis  du 
cœur  des  citoyens?  Us  ne  sont  pas  effacés  du  cœur  des  magistrats.  La  sa- 
gesse du  gouvernement  s'est  empressée  d'accueillir  leurs  vives  supplications. 
Elles  ont  retenti  jusque  dans  l'âme  du  souverain.  Il  s'est  hâté  de  répondre 
à  leur  empressement.  Il  a  défendu  l'exportation  des  grains  dans  les  pays 
étrangers,  et  ne  veut  mettre  aucun  obstacle  à  leur  circulation  dans  l'intérieur 
du  royaume.  Tous  ses  habitants  sont  également  ses  sujets,  tous  ont  un  droit 
égal  aux  productions  de  la  terre,  et  aux  bontés  du  Monarque  qui  les  gou- 
verne. Mais,  après  la  longue  expérience  d'une  facilité  sans  bornes  accordée  au 
commerce  des  grains,  il  est  temps  de  connaître  le  danger  d'une  confiance 
trop  aveugle,  de  rétablir  une  surveillance  légale,  d'ordonner  une  inspection 
toujours  favorable  dans  les  moments  de  crise,  et  de  prévenir  par  une  sage  et 
rigoureuse  police  les  inconvénients  et  les  abus  d'une  liberté  inhumaine  toutes 
les  fois  que  le  peuple  en  doit  être  la  victime.  Le  salut  des  peuples  est  la  loi 
suprême.  Qu'opposc-t-on  à  cet  axiome  que  la  nature,  la  religion,  la  politique 
ont  également  consacré?  On  pourra  dire  que  les  recherches,  les  prohibitions, 
les  contraintes,  ne  font  qu'accroître  le  mal,  et  qu'il  en  coûtera  des  sommes 
immenses  au  gouvernement.  Nous  répondrons  qu'un  sacrifice  pécuniaire  est 
indispensable  quand  il  s'agit  de  sauver  des  millions  d'hommes  à  l'État.  Nous 
rappellerons  les  propres  paroles  du  chancelier  L'Hospital  :  «  Il  faut  prendre 
des  précautions  dans  les  temps  de  disette,  ou  doute  d'icclle.  » 

Séguier  ajoute,  en  résumé,  que  les  ateliers  de  charité  établis  à 
Paris  ne  produiraient  pas  leur  effet,  Ri  le  gouvernement  ne  prenait 
des   mesures  pour  abaisser    le   prix:   des  grains  en  faveur  des  pau- 


310  LÀ  GRANDE  POLICE 

vres.   Ce  sont  là  des  dépenses  indispensables,  et  le  déficit  qu'elles 
entraîneront  ne  sera  certainement  pas  blâmé  par  les  Etats  généraux. 

Par  ces  considérations,  nous  requérons  qu'il  plaise  à  la  Cour  ordonner,  sous 
le  bon  plaisir  du  roi  : 

Que  ceux  qui  dans  l'étendue  des  bailliages  et  sénéchaussées  du  ressort  de 
la  Cour  feront  le  commerce  des  grains  et  farines  seront  tenus  de  porter  des 
grains  et  farines  aux  halles  et  marchés  des  lieux  où  seront  lesdits  grains  et 
farines,  suivant  les  avertissements  qui  leur  seront  donnés  par  les  officiers  de 
police  desdits  lieux  auxquels  ils  seront  tenus  de  faire  connaître  leurs  noms, 
leurs  domiciles,  la  nature  et  la  quantité  de  grains  renfermés  dans  leurs  gre- 
niers, —  et  ce  dans  les  quantités  et  aux  époques  qui  seront  amiablcment 
réglées  entre  eux  et  lesdits  officiers,  eu  égard  soit  aux  besoins  et  quantités 
générales  des  lieux,  soit  aux  quantités  particulières  de  chacun  desdits  com- 
merçants, en  sorte  que  les  marchés  puissent  être  suffisamment  approvisionnés. 
Sinon  seront  lesdits  commerçants  contraints  à  notre  requête,  poursuite  et 
diligence  de  nos  substituts,  par  toutes  voies  ducs  et  raisonnables,  le  tout 
sans  pouvoir  distraire  leurs  grains  et  farines ,  ni  les  vendre  ailleurs  qu'aux- 
dites  halles  et  marchés,  sous  telles  peines  qu'il  appartiendra. 

Ordonner  que  les  fermiers  et  laboureurs,  ou  autres  ayant  des  grains  pro- 
venus  de  leur  récolte  ou  recette,  seront  pareillement  tenus  de  porter  leurs 
grains  aux  halles  et  marchés  des  lieux  où  lesdits  grains  seraient  resserrés, 
selon  les  avertissements  qui  leur  seront  donnés  par  les  officiers  de  police  des- 
dits lieux,  auxquels  ils  seront  tenus  de  se  faire  connaître  :  et  ce  dans  les 
quantités  qui  seront  amiablcment  réglées  entre  eux  et  lesdits  officiers,  afin 
que  les  marchés  soient  suffisamment  approvisionnés  ;  sinon  contraints  à  notre 
requête,  poursuite  et  diligence  de  nos  substituts,  et  par  toutes  voies  dues  et 
raisonnables,  sans  qu'il  leur  soit  permis  de  distraire  ou  receler  leurs  grains  ni 
les  vendre  ailleurs  qu'auxdits  marchés,  sous  telles  peines  qu'il  appartiendra. 

Excepter  néanmoins  des  précédentes  dispositions  ceux  qui  se  trouveront 
chargés  de  la  subsistance  des  troupes,  hôpitaux  ou  maisons  de  charité,  en 
justifiant  par  eux,  auxdits  officiers  de  police,  du  titre  et  de  l'objet  de  leur 
commission,  et  de  la  quantité  de  grains  et  farines  nécessaire  pour  la  remplir... 

Enjoindre  aux  officiers  de  police  de  tenir  chacun  en  droit  soi  la  main  à 
l'exécution  des  précédentes  dispositions,  et  à  ce  que  lesdites  halles  et  [lesdits] 
marchés  soient  suffisamment  approvisionnés. 

Ordonner  l'exécution  des  ordonnances  et  arrêts  de  règlement  sur  le  fait  des 
accaparements  ;  en  conséquence  faire  défenses  à  toutes  personnes,  de  quelque 
état,  condition  et  qualités  qu'elles  soient,  de  faire  aucun  accaparement  ni  de 
pratiquer  aucune  manœuvre  capable  de  faire  renchérir  le  prix  des  grains, 
d'arrher  les  grains  dans  les  greniers  ou  sur  les  routes  en  allant  au-devant  de 
ceux  qui  les  amèneraient  aux  marchés  ou  autrement,  de  faire  avec  eux  aucune 
convention  particulière,  soit  dans  lesdits  greniers,  soit  sur  lesdites  routes, 
déclarer  nulles  toutes  conventions  ou  marchés  de  ce  genre  qui  auraient  pu 
être  faits  ou  verbalement  ou  par  écrit;  faire  défenses  de  nouveau  d'en  faire 
aucuns  à  l'avenir;  le  tout  à  peine  d'être  poursuivis  extraordinairement  sui- 
vant l'exigence  des  cas. 

Déclarer  néanmoins  que  la  Cour  n'entend  qu'il  puisse  être  apporté  aucun 
obstacle  à  la  libre  circulation  des  grains  de  province  en  province,  et  ce  sans 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  311 

fraude  :  s'en  référant  à  la  sagesse  du  seigneur-roi  de  prendre  les  mesures  con- 
venables pour  que  les  versements  de  province  à  province  ne  se  fassent  au 
détriment  d'aucune  d'entre  elles. 

Ordonner,  au  surplus,  qu'il  ne  sera  rien  innove  aux  règlements  de  police 
pour  l'approvisionnement  de  la  Ville  de  Paris,  lesquels  continueront  d'être 
exécutés  selon  leur  forme  et  teneur,  sans  qu'il  puisse  y  être  apporté  aucun 
trouble  ni  empêchement  quelconque. 

Ordonner  que  l'arrêt  à  intervenir  sera  à  notre  diligence  lu,  publié,  im- 
primé et  affiché  partout  où  besoin  sera  dans  la  Ville  de  Paris,  et  envoyé  aux 
bailliages  et  sénéchaussées  du  ressort  pour  y  être  pareillement  lu,  publié,  enre- 
gistré et  affiché  à  la  diligence  de  nos  substituts.  A  eux  enjoignons  d'y  tenir 
la  main  et  d'en  certitier  la  Cour  incessamment1. 


ARRÊTÉ  DU  PARLEMENT 

DU   18   DÉCEMBRE    1788,    DU   MATIN,    TOUTES    CHAMBRES   ASSEMBLÉES 

LES    PAIRS   Y    SÉANT  2 

La  Cour...  reprenant  la  surveillance  que  les  lois  lui  donnent  sur  le  fait  des 
grains  et  qui  avait  été  suspendue  pendant  son  éloignement,  ordonne  que  les 
arrêts,  ordonnances  et  règlements  concernant  l'approvisionnement  des  marchés 
seront  exécutés  suivant  leur  forme  et  teneur;  en  conséquence  défend  à  toutes 
personnes  de  quelque  condition  et  qualité  qu'elles  soient  de  faire  aucune 
manœuvre  frauduleuse  tendant  à  empêcher  l'approvisionnement  des  marchés, 
et  ce  sous  les  peines  portées  par  lesdites  ordonnances,  arrêts  et  règlements; 
ordonne  que  tout  propriétaire,  cultivateur,  ou  marchand  apportant  son  blé  au 
marché  sera  tenu  de  suivre  les  arrêts  et  règlements  de  police  rendus  à  ce  sujet, 
de  sorte  que  la  première  heure  du  marché  soit  pour  les  consommateurs  et  à  la 
petite  mesure;  la  seconde,  pour  les  boulangers;  la  troisième,  pour  les  mar- 
chands... Vu  :  Lefebvre. 

SÉANCE  DU  PARLEMENT 

DU  SAMEDI  7  FÉVRIER  1789,  DU  MATIN,  TOUTES  CHAMBRES  ASSEMBLÉES 

LUS   PAIRS   Y    SÉANT  > 

...  M°  Marie-Jean  Hérault  [de  Séchclles],  avocat  du  Seigneur  Roi,  a  dit  que 
lessieurs  Leleu  frères  et  Doumer[c],  ainsi  que  les  syndics  des  maîtres  boulangers 
de  Paris,  s'étaient  rendus  en  la  Cour, en  exécution  de  l'arrêté  du  jour  d'hier, 
et  étaient  au  parquet  des  huissiers. 

Les  sieurs  Leleu  frères  mandés,  entrés  et  placés  à  la  barre  de  la  Cour, 
ayant  remis  leurs  épéesàun  des  huissiers,  debout  et  découverts,  M.  le  premier 
président  leur  a  dit  :  a  La  Cour  vous  a  mandés  à  l'effet  que  vous  lui  rendiez 
compte  des  connaissances  que  vous  avez  relativement  à  l'approvisionnement 

1.  La  minute  est  signée,  Vu  :  Bochart  (loco  domini  prœsidentis). 

2.  Arch.  nat,  X  1b  8989,  à  la  date. 

3.  Arch.  nat.,  X  1b  8989,  à  la  date. 


312  LA  GRANDE  POLICE 

des  farines  de  la  halle  de  Paris,  et  des  causes  de  la  hausse  subite  et  progres- 
sive du  prix  desdites  farines.  » 

Sur  le  premier  objet  de  la  demande,  ils  ont  répondu  qu'ils  avaient  un  traité 
avec  l'administration  de  31,000  sacs  de  farine,  pour  l'approvisionnement  de 
Paris,  dont  7,000  pour  le  quartier  de  janvier.  6,000  pour  chacun  des  trois 
autres,  et  les  autres  6,000  sacs  disponibles  dans  tout  le  courant  de  l'année 
pour  les  moments  du  besoin  ; 

Et  sur  le  second  objet,  ont  répondu  qu'ils  ne  savaient  pas  quels  étaient  les 
prix  dans  les  marchés  qui  avoisinaient  la  capitale  de  vingt  lieues  à  la  ronde; 
que  dans  tous  les  temps  ils  effectuaient  leurs  achats  à  Arcis,  Provins,  Vitry,  La 
Fèrc  et  Beaulicu  ;  que,  dans  le  premier  endroit,  le  blé  valait  pendant  la  der- 
nière semaine  de  janvier  30  livres  le  setier  pesant  250  ;  dans  le  second, 
36  livres  le  setier  pesant  250;  dans  le  troisième,  26  livres  10  sols  le  selier 
pesant  250;  dans  le  quatrième,  28  livres  le  setier  pesant  240;  et  dans  le 
cinquième,  31  livres  le  setier  pesant  240;  qu'ils  étaient  informés  que  le 
blé  valait  li  livres  10  sols  la  razière  du.  poids  de  130,  en  Flandre;  qu'il 
valait  aussi  à  Amiens  39  livres  la  somme  pesant  300.  Ont  observé  qu'at- 
tendu la  cherté  des  blés  en  France,  ils  avaient  fait  arrivpr  huit  cargaisons, 
dont  cinq  ont  été  vendues  en  Normandie,  comme  précaution  sage  pour 
empocher  que  cette  province  n'allât  s'approvisionner  dans  la  Picardie  et 
le  Soissonnais  où  elle  est  habituée  de  chercher  ses  besoins;  que  les  trois 
autres  ont  été  expédiées  pour  les  moulins  de  Corbeil;  qu'ils  ont  traité  dans  la 
Flandre  autrichienne  de  10,000  setiers  de  blé  dès  le  mois  de  novembre  dernier, 
qui  leur  seraient  déjà  parvenus  sans  les  glaces  prématurées;  que  la  Cour  de 
Bruxelles  avait  depuis  un  mois  défendu  l'exportation  des  blés,  ce  qui  arrêtait 
ces  10,000  setiers;  mais  que  sur  leur  réclamation  appuyée  des  démarches  du 
résident  à  Bruxelles  qui  avait  ordre  de  M.  le  directeur  général  des  finances  et 
du  ministre  des  affaires  étrangères  de  faire  toutes  celles  convenables,  ils 
avaient  lieu  d'espérer  qu'ils  obtiendraient  incessamment  une  permission  parti- 
culière pour  extraire  ces  10,000  sacs;  qu'ils  avaient  encore  une  cargaison  de 
•  blé  dans  les  canaux  d[e]  Hollande,  qu'ils  avaient  6,000  setiers  prêts  à  partir 
d[e]  Hambourg,  dès  que  la  navigation  serait  ouverte,  et  qu'ils  avaient  enfin 
pris  d'autres  précautions  pour  faire  leur  service  sans  le  secours  des  blés  natio- 
naux jusqu'à  la  récolte  prochaine. 

M.  le  premier  président  leur  a  ensuite  demandé  quel  était  leur  approvision- 
nement actuel. 

Ils  ont  répondu  que  de  28,445  sacs  qu'ils  avaient  fait  arriver  depuis  le 
1er  juillet,  il  leur  en  restait  4,300  en  halle;  que  leur  usage  était  de  ne  fournir 
que  des  sacs  de  217;  qu'ils  avaient  3,000  sacs  de  ce  même  poids,  prêts  sur 
les  planchers  de  Corbeil;  qu'au  moyen  d'une  bluterie  établie  à  l'Enfant-Jésus, 
d'une  autre  qu'ils  avaient  également  montée  à  Corbeil,  ils  pouvaient  fabriquer 
jusqu'en  fin  de  mars  6,000  sacs;  que  pour  d'autant  augmenter  leur  service, 
ils  avaient  tiré  d'Angleterre  1,800  sacs  maintenant  arrivés  à  Rouen,  et  qu'ils 
avaient  3,000  autres  sacs  qui  s'y  rendraient  du  moment  que  les  vents  violents 
qui  soufflaient  depuis  quelques  jours  cesseraient;  qu'ils  avaient  encore  un  traité 
de  800  sacs  à  Amiens,  lequel  se  renouvelait  à  mesure  que  l'engagement  était 
fini;  qu'en  même  temps  qu'ils  obtenaient  des  propriétaires  des  établissements 
qui  entouraient  la  susdite  ville,  ils  leur  rendaient  service,  parce  que,  habitués 
à  vendre  leurs  farines  pour  l'Espagne,  ils  avaient  souvent  laissé  leurs  moulins 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  313 

en  chômage  lorsque  l'exportation  était,  comme  elle  l'est  présentement,  déten- 
due, et  qu'au  moyen  de  ces  traités  ils  donnent  à  leurs  moulins  toute  l'acti- 
vité dont  ils  sont  sasceptihlcs;  qu'ils  avaient  encore  dans  la  Flandre  4,000 
sacs  de  farine  moulue  en  grosse,  lesquels,  réunis  aux  approvisionnements  qui 
étaient  déjà  en  leur  pouvoir,  leur  donnaient  les  moyens  d'alimenter  leurs 
moulins  pendant  deux  mois  :  en  sorte  que  les  achats  qu'ils  faisaient  présente- 
ment avec  prudence  deviendraient  une  précaution  inutile,  s'ils  n'étaient  pas 
contrariés  dans  la  traversée  des  blés  qu'ils  attendent  de  l'étranger. 

Ensuite  un  de  Messieurs  a  prié  M.  le  premier  président  de  vouloir  bien  leur 
demander  ce  qui  pouvait  occasionner  la  cherté  actuelle  de  la  farine  et  du  pain, 
et  si  on  devait  craindre  qu'elle  eût  encore  des  suites,  et  M.  le  premier  prési- 
dent leur  ayant  dit  de  s'expliquer  sur  la  question: 

Ils  ont  répondu  qu'ils  croyaient  que  la  facilité  avec  laquelle  les  boulangers 
augmentaient  le  prix  du  pain  pouvait  contribuer  à  ce  fâcheux  événement;  que 
l'exemple  du  moment  en  était  la  preuve,  puisque  depuis  plusieurs  semaines  le 
pain  [étant]  contenu  à  11  sols,  les  prix  de  la  farine  l'avaient  été  également 
depuis  65  jusqu'à  09  livres  ;  mais  que  sur  l'annonce  que  les  boulangers  avaient 
faite  dans  le  public  qu'ils  étaient  autorisés  à  vendre  le  pain  1  i  sols  0  deniers, 
et  qu'il  serait  bientôt  à  15  sols,  la  farine  était  sur-le-champ  montée  à  70 livres; 
que  plusieurs  fariniers  prétendaient  même,  les  uns  72,  les  autres  Ti-  livres  ; 

Qu'ils  suppliaient  la  Cour  de  se  rappeler  l'époque  de  décembre  1783  à  jan- 
vier 1784;  que  l'hiver  alors  avait  été  rigoureux  et  avait  duré  longtemps;  que 
les  moulins  avaient  cessé  de  travailler,  et  que  les  chemins  avaient  été  impra- 
ticables. Cependant,  par  la  fermeté  avec  laquelle  on  avait  contenu  le  prix  du 
pain,  il  n'avait  pas  passé  11  sols,  et  la  farine  n'avait  pas  été  au  delà  de 
55  livres;  que  les  froids  avaient  cessé,  que  les  choses  avaient  [sic)  rentré  dans 
l'ordre  ordinaire;  que  d'après  le  prix  actuel  des  blés,  la  farine  vendue  70  livres 
laissait  un  bénéfice  honnête  au  fabricant,  puisque,  en  partant  de  36  livres,  le 
plus  haut  prix  du  blé,  la  farine  ne  revenait  qu'à  65  livres;  qu'ils  ont  observé 
que  vers' le  mois  d'août  la  farine  ayant  monté  de  48  à  50  livres,  ils  avaient 
vendu  environ  3,000  sacs  de  43  à  47  livres,  afin  d'empêcher  une  hausse  plus 
forte;  mais  que  le  renchérissement  ayant  continué,  ils  avaient  obéi  à  la  pro- 
gression; que  cependant  [comme  elle  était]  devenue  telle  que  le  prix  était 
monté  à  56  et  58  livres,  en  novembre  ils  avaient  renouvelé  leur  sacrifice  en 
donnant  4,000  sacs  de  farine  de  52  à  55  livres;  que,  plus  attentifs  à  ce  qui  se 
passait,  ils  avaient  reconnu  qu'ils  ne  remplissaient  pas  leur  vœu,  puisque  le 
bon  marché  qu'ils  faisaient  ne  tournait  point  au  bien  public,  mais  que  les  bou- 
langers, qui  achetaient  des  farines,  les  ajoutaient  à  l'approvisionnement  qu'ils 
avaient  déjà,  les  uns  pour  les  revendre  sur  le  carreau  de  la  halle  sans  les 
déplacer,  avec  profit,  les  autres  pour  en  traiter  avec  leurs  confrères,  également 
avec  bénéfice;  que,  craignant  qu'en  continuant  ainsi  on  ne  parvînt  à  épuiser 
leur  approvisionnement,  ils  avaient  cru  préférable  de  suivre  le  cours  du  com- 
merce toujours  à  un  écu  ou  quarante  sols  près,  et  conserver  quantité  suffisante 
pour  maintenir  à  la  halle  celle  convenable  pour  assurer  la  tranquillité. 

Et  ils  ont  au  surplus  soumis  plusieurs  réflexions  à  la  Cour  pour  lui  prouver 
qu'ils  employaient  toute  leur  industrie  pour  venir  au  secours  des  malheureux 
boulangers. 

Et  se  sont  lesdits  Lelcu  retirés. 

Eux  retirés...  lesieur  Doumer[c]... mandé...  adit  que  les  meuniers  ayant  vidé 


311  LA  GRANDE  POLICE 

tous  leurs  greniers  dans  le  temps  des  glaces,  sans  rien  acheter,  ont  paru  en 
foule  dans  les  marchés,  et  ont  occasionné  l'augmentation  qu'on  éprouve. 

M.  le  premier  président  lui  ayant  demandé  s'il  avait  connaissance  des 
mesures  prises  par  l'administration  :  —  11  a  répondu  que  dès  le  mois  de 
novembre  dernier,  M.  le  directeur  général  des  finances  manda  le  directoire  des 
subsistances  militaires  pour  conférer  avec  les  membres  qui  le  composent  sur 
l'état  des  récoltes,  et  qu'après  avoir  reconnu  que  les  renseignements  fournis  à 
l'administration  étaient  d'accord  avec  ceux  du  directoire,  le  ministre  des  finan- 
ces leur  écrivit  pour  les  charger  d'acheter  des  grains,  des  farines  et  des  riz  en 
Hollande,  en  Angleterre  et  en  Irlande,  dont  la  majeure  partie  est  destinée  pour 
l'approvisionnement  de  Paris;  qu'à  peine  les  ordres  furent-ils  donnés  à  l'étran- 
ger que  les  glaces  survinrent  en  Hollande,  ce  que  l'exploitation  '  des  grains  et 
des  farines  fut  fermée  à  Londres;  que  le  froid  s'étant  également  fait  sentir  à 
Paris,  on  imagina  de  faire  faire  quelques  achats  de  farine  dans  des  lieux  éloi- 
gnés de  la  Capitale  ;  qu'il  en  arriva  par  terre  du  Havre,  de  Rouen,  de  Vernon, 
d'Êtampes  et  quelques  autres  endroits;  que  comme  ces  transports  se  faisaient 
dans  le  temps  des  glaces  les  frais  de  transport  furent  considérables;  qu'on  fit 
en  même  temps  rompre  les  glaces  auprès  des  moulins,  qu'on  donna  des  grains 
à  moudre  aux  meuniers  qui  n'en  avaient  pas,  qu'on  facilita  par  des  primes  le 
transport  des  grains  de  ceux  des  meuniers  qui  en  avaient  au  loin;  qu'on  leur 
facilita  également  par  des  primes  le  transport  des  farines  à  la  halle,  en  un  mot 
qu'on  acheta  des  farines  de  ceux  qui  ne  voulaient  les  apporter  à  aucun  prix, 
et  que,  pour  rendre  les  communications  plus  faciles,  les  montagnes  furent 
sablées  ; 

Que,  comme  les  farines  achetées  par  l'administration  ne  devaient  servir 
qu'au  besoin,  on  les  entreposa  aux  Invalides  et  à  l'École  militaire  d'où,  depuis 
quelques  jours,  on  commence  à  les  envoyer  à  la  halle;  que  les  ports  de  l'An- 
gleterre étant  redevenus  libres,  les  opérations  s'y  font;  qu'il  y  a  déjà  des 
navires  arrivés  dans  la  Seine,  et  que  les  opérations  se  succéderont  longtemps 
et  sans  interruption. 

Ensuite  M.  le  président  lui  a  demandé  comment  devait  se  régler  le  prix  du 
pain. 

Il  a  répondu  qu'il  croyait  qu'il  devait  être  proportionné  à  celui  de  la  farine, 
et  que  si  par  exemple  le  sac  de  farine  vaut  70  livres,  il  faut  y  ajouter  les  frais 
de  manutention  et  le  bénéfice  naturel  du  boulanger  qui  sont  estimés  entre  7 
et  8  livres  ;  que  ces  deux  prix  composés,  divisés  par  le  produit  d'un  sac  de 
farine  qui  cette  année  rend  de  105  à  107  pains  de  quatre  livres,  donnent  le 
prix  du  pain. 

Après  quoi  un  de  Messieurs  a  prié  M.  le  premier  président  de  vouloir  bien 
lui  demander  si  l'on  pouvait  espérer  quelque  diminution  sur  le  prix  des  grains, 
et  M.  le  premier  président  lui  ayant  fait  cette  demande,  il  a  répondu  que  l'état 
du  produit  des  récoltes  lui  faisait  craindre  que  le  prix  des  grains  ne  se  soutînt, 
car...  tous  ses  renseignements  le  portaient  à  croire  que  le  produit  des  récoltes 
avait  été  d'un  tiers  moindre  que  les  années  ordinaires,  et  il  craignait  que  les 
blés  vieux  qui  restaient  des  anciennes  récoltes  ne  pussent  remplacer  ce  vide. 

Ensuite  M.  le  premier  président  lui  a  demandé  si  l'on  pouvait  tenir  le  prix 


1.  Lire  :  exportation. 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  315 

du  pain  au  taux  où  il  était.  Il  a  répondu  qu'il  croyait  que  le  prix  du  pain 
devait  toujours  être  réglé  sur  celui  de  la  farine. 

Après  quoi  un  de  Messieurs  ayant  prié  M.  le  premier  président  de  lui  de- 
mander quels  renseignements  il  avait  sur  les  blés  sortis  par  le  port  de  Dun- 
kerque,  et  M.  le  premier  président  lui  ayant  dit  de  répondre  à  cette  question, 
il  a  répondu  que  sa  place  dans  le  département  des  vivres  de  la  marine  ne  le 
mettait  à  portée  de  connaître  que  ce  qui  avait  rapport  à  ce  département,  qu'il 
n'avait  aucun  rapport  avec  les  douanes,  et  que  c'était  par  elles  seules  qu'on 
pouvait  connaître  ce  qui  sort. 

Ensuite,  M.  le  premier  président  lui  a  demandé  s'il  savait  ce  qu'étaient  deve- 
venus  les  blés  sortis  par  l'Alsace.  —  Il  a  répondu  que  sa  place  dans  le  dépar- 
tement de  la  guerre  ne  le  mettait  pas  à  portée  de  savoir,  mieux  en  Alsace 
qu'ailleurs,  ce  qui  sort  par  les  douanes.  Après  quoi  M.  le  premier  président  lui  a 
demandé  ce  qu'étaient  devenus  les  blés  qu'avait  le  département  des  vivres  de 
la  guerre.  —  Il  a  répondu  que  tous  ces  blés  étaient  destinés  à  la  subsistance 
des  troupes,  et  qu'il  ne  s'en  vendait  pas  un  seul  grain  au  public;  que  la  géné- 
ralité d'Auch  ayant  eu  des  besoins,  le  ministre  des  finances  en  avait  demandé 
10,000  quintaux;  que  le  ministre  de  la  guerre  y  avait  consenti;  que  le  secours 
s'accorde,  et  les  blés  se  remplacent  par  des  achats  que  l'on  fait  à  Marseille,  et 
qui  seront  portés  à  Toulouse,  lieu  où  l'on  livre  ceux  pour  Auch. 

M.  le  premier  président  lui  ayant  demandé  le  nombre  des  sacs  de  farine 
qui  sont  à  l'Ecole  militaire,  ii  a  répondu  qu'il  y  en  avait  environ  10,000 
sacs. 

Après  quoi  M.  le  premier  président  lui  a  demandé  quelle  était  la  qualité  de 
ces  farines.  Il  a  répondu  qu'il  les  croyait  toutes  bonnes. 

Ensuite,  M.  le  premier  président  lui  a  demandé  le  rapport  du  prix  du  blé 
avec  celui  des  farines.  —  Il  a  répondu  que  deux  sacs  de  blé  sont  estimés  ne 
produire  qu'un  sac  de  farine,  mais  qu'il  faut  observer  qu'il  y  a  des  farines 
bises  et  des  issues  qui  doivent  être  portées  en  déduction  ;  qu'ainsi,  en  suppo- 
sant le  sac  de  blé  à  35  livres,  on  doit  porter  le  sac  de  farine  de  G6  à  67  livres. 
Enfin,  M.  le  premier  président  lui  a  demandé  quelle  connaissance  il  avait  des 
mesures  prises  par  l'Administration. 

Il  a  répondu  qu'il  avait  eu  l'honneur  de  dire  qu'il  tenait  également  au  dépar- 
tement de  la  guerre  et  à  celui  de  la  marine,  qu'il  avait  été  appelé  avec  les 
membres  du  département  de  la  guerre,  et  qu'en  conservant  à  tous  les  membres 
la  suite  générale  des  opérations,  on  lui  en  avait  confié  les  détails,  et  qu'il  avait 
l'honneur  de  les  traiter  directement  avec  les  ministres;  que  feu  M.  le  pre- 
mier président1  et  M.  le  procureur  général  en  avaient  connaissance;  que 
M.  le  procureur  général  avait  eu  la  bonté  de  lui  communiquer  des  détails  sur 
les  renseignements  qu'il  se  procure  par  rapport  aux  ressources  du  ressort,  qui 
lui  ont  infiniment  servi,  et  dont  il  croit  qu'on  tirera  le  plus  grand  parti  pour 
savoir  à  quoi  s'en  tenir  sur  le  produit  positif  de  la  dernière  récolte. 

Qu'au  reste,  depuis  que  le  dégel  a  eu  lieu,  tous  les  achats  qui  se  faisaient 
dans  l'intérieur  ont  cessé;  qu'on  n'en  avait  fait  que  pour  le  moment,  et  pour 
parer  aux  plus  grands  besoins;  que  l'Administration  sait  que  c'est  uniquement 
en  important  des  grains  et  des  farines  de  l'étranger  que  les  provinces  peuvent 
être  efficacement  secourues. 


1,  Lefèvro  <]'<  Irmessou, 


316  LA  GRANDE  POLICE 

Doumerc  retiré,  fut  entendue  la  déposition  des  syndics  et  adjoints 
des  maîtres  boulangers,  Joseph  Bernard,  J.-B.  Thomas,  Ant. -Etienne 
Plicque  et  Vincent  Saulgeot.  D'après  eux,  si  le  pain  a  renchéri,  c'est 
parce  que,  depuis  le  28  janvier,  le  sac  de  farine  a  augmenté  de  2  livres  ; 
cette  augmentation  est  le  fait  des  exigences  du  facteur  du  sieur  Leleu. 
Au  prix  actuel  de  79  livres,  ils  ne  peuvent  livrer  le  pain  à  moins  de 
15  sous;  à  14  sous,  ils  n'ont  aucun  bénéfice.  Ils  ont  vu  le  lieiftenant 
de  police  le  1er  février,  et  ils  ont  demandé  que  le  prix  de  la  farine 
baissât;  comme  au  contraire  ce  prix  a  été  soutenu,  ce  magistrat  a 
été  forcé  de  consentir  à  l'augmentation  du  prix  du  pain,  portée  à 
11  sous  G  deniers,  et  devenue  insuffisante. 

Ils  sont  du  l'esté  persuadés  que  «  tant  que  le  pain  augmentera,  on 
augmentera  toujours  le  prix  de  la  farine  ».  Us  ne  connaissent  pas  le 
dépôt  de  farine  de  l'Ecole  militaire,  et  n'ont  pas  appris  qu'il  y  en 
ait  en  vente.  La  consommation  de  Paris  est  évaluée  par  eux  à 
1,600  sacs  de  farine  par  jour  :  y  compris  les  achats  dont  ils  atten- 
dent livraison,  les  boulangers  peuvent,  «  les  uns  dans  les  autres,  four- 
ner  pendant  un  mois  ».  Mais  les  frères  Leleu  sont  les  maîtres  du 
cours;  aussitôt  que  leurs  farines  augmentent,  celles  des  autres  fari- 
niers  augmentent  aussi  dans  la  même  proportion.  D'ailleurs,  si  les 
frères  Leleu  livrent  le  sac  à  2  livres  de  moins,  c'est  parce  que  la  qua- 
lité de  leur  farine  est  inférieure.  Plusieurs  personnes,  et  notamment 
une  dame  veuve  Bonvallot,  et  le  sieur  Halle,  meunier  à  Essonne, 
témoignent  que,  depuis  le  mois  de  septembre,  beaucoup  de  gens 
inconnus  prenaient  le  blé  des  environs  de  Paris  au  premier  prix  pro- 
posé, et  faisaient  fermer  et  cacheter  les  sacs. 

Rappelés,  les  sieurs  Leleu  s'obstinent  à  soutenir  «  que,  dans  les  cir- 
constances actuelles,  c'est  toujours  à  l'augmentation  du  pain  qu'il 
faut  attribuer  celle  de  la  farine,  et  que  cette  première  provient  de  la 
facilité  avec  laquelle  les  boulangers  ont  pu  se  croire  autorisés  à  annon- 
cer au  public  h1  renchérissement  du  pain  ».  Même  dans  ce  moment, 
affirment-ils,  le  prix  de  la  farine  est  de  beaucoup  supérieur,  relative- 
ment, à  celui  du  blé.  Le  blé  valant  36  livres  le  setier  de  250  livres, 
le  sac  de  farine  pesant  235  ne  revenait  aux  fabricants  qu'à  63  li- 
vres. 

Le  Parlement  se  contenta  d'interdire  aux  boulangers  de  vendre  le 
pain  au-dessus  de  la  taxe. 

En  vertu  de  cet  arrêté  du  7  lévrier,  le  lieuienanl  général  de  police 
rendit  aussitôt  diverses  sentences,  pour  condamner  à  l'amende  les 
boulangers  qui  vendaient  plus  de  14  sols  6  deniers  les  quatre  livres 
de  pain.  D'autres  furent  poursuivis  pour  pesées  frauduleuses. 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  '317 

D'après  le  procès-verbal  du  Parlement  du  11  lévrier,  l'abondance 
revint  à  la  halle. 

La  plus  grande  partie  des  farines  qui  s'y  trouvaient  provenaient  de  celles 
des  sieurs  Leleu  elDoumerjc],  mais  il  yen  avait  aussi  appartenant  au  commerce. 

Le  même  jour,  le  Parlement  interrogea  un  meunier  d'Essonne,  le 
sieur  Halle,  et  une  marchande  de  grains,  la  veuve  Bonvallot.  Les 
«  accaparements  »  lurent  confirmés,  en  ce  qui  concernait  la  compa- 
gnie Leleu  de  Corbeil.  Voici  un  fragment  de  la  déposition  de  la  veuve 
Bonvallot  : 

D.  —  Qui  est-ce  qui  délivrait  les  lettres  de  marchands? 
/î.  —  Le  bureau  de  ville,  à  la  charge  de  fournir  le  port  au  blé. 
D.  —  Quels  droits  donnent  ces  lettres? 

fi.  —  D'acheter  dans  les  granges  et  greniers  et  dans  les  marchés,  le  tout  au 
delà  de  10  lieues  des  environs  de  Paris  l. 

Quant  au  sieur  Halle,  il  se  déclare  pour  la  liberté  du  commerce  des 
grains  et  farines,  mais  à  l'exclusion  des  grandes  compagnies,  et  des 
monopoles  de  l'ail. 

Ce  ne  fut  point  l'avis  du  Parlement,  dont  voici  le  dernier  acte  en 
cette  matière. 


SÉANCE  DU  PARLEMENT 

DU   SAMEDI    \  AVRIL    1789,    MATIN,    TOUTES  CHAMBRES   ASSEMBLÉES 

LES    l'A  1RS    V    SÉANT  2 

M.  le  premier  président  a  dit  que  MM.  les  commissaires  nommés  le  13  dé- 
cembre dernier,  concernant  les  grains,  avaient  fini  leur  travail,  et  qu'ils  étaient 
en  étal  d'en  rendre  compte.  La  matière  mise  en  délibération,  et  les  voix  prises..., 
il  a  été  arrêté  que  M.  le  premier  président  se  retirera  par-devers  le  Roi,  à  l'ef- 
fet de  lui  remettre  les  différents  renseignements  survenus  à  M.  le  procureur 
général  par  ses  substituts;  et,  en  outre,  supplier  le  Roi  d'examiner  dans  sa 
sagesse  si,  dans  les  circonstances  actuelles,  il  ne  serait  pas  utile  d'apporter 
quelques  modifications  à  la  loi  de  1787  sur  la  liberté  indéfinie  du  commerce 
des  grains  K 


1.  Voir  L.  Biollay,  le  Pacte  de  famine,  p.  46,  et  chap.  IX;  J.  Necker,  Essai  sut 
la  législation  el  le  commerce  des  grains  (t.  I  des  Œuvres  complètes,  éd.  Staël)  et 
De  l'administration  de  M.  Necker.  par  lui-même  (t.  VI). 

2.  Arch.  nat.,  N  1b  8990. 

3.  Voir  plus  haut,  p.  -212. 


318  LA  GRANDE  POLICE 


APPENDICE 


EXTRAITS   DE   HARDY 


I.  —  Bienfaisance  et  Charité  universelles. 

Nonobstant  la  certitude  du  dégel,  la  charité  bienfaisante  et  ingénieuse  des 
Parisiens  continuait  de  se  manifester  envers  les  pauvres  et  les  malheureux  ou- 
vriers d'une  manière  aussi  efficace  qu'elle  était  édifiante.  Les  directeurs  et  les 
intéressés  à  la  Caisse  d'escompte  venaient  de  donner  une  somme  de  50,000  livres 
qui  avait  été  répartie  avec  une  juste  proportion  sur  les  différentes  paroisses  de 
la  ville  et  des  faubourgs.  Il  venait  d'être  donné  au  Théàtre-Franeaisune  repré- 
sentation de  la  comédie  de  l'Optimisme,  du  sieur  Colin,  dont  la  recette  au  profit 
des  pauvres  avait  été  de  7,000  livres.  L'Opéra  et  tous  les  autres  spectacles 
allaient  suivre  le  même  exemple.  Les  dons  au  curé  de  la  paroisse  Sainte-Mar- 
guerite, l'une  des  plus  chargées  de  misérables  et  de  gens  sans  ouvrage,  se 
multipliaient  journellement  pour  l'entretien  d'un  certain  nombre  de  marmites 
destinées  à  leur  procurer  une  nourriture  solide,  etc.,  etc.  Et  l'on  devait  à  la 
multitude  d'actes  d'humanité  la  tranquillité  dont  on  avait  joui  pendant  la  plus 
grande  rigueur  du  froid,  et  dont  on  jouissait  encore  nonobstant  l'inaction  forcée 
de  plus  de  quatre-vingt  mille  bras.  On  ne  pouvait  trop  bénir  Dieu  des  senti- 
ments de  générosité  et  de  commisération  qu'il  avait  inspirés  aux  citoyens  de 
tous  les  états  comme  de  toutes  les  religions  dans  la  capitale,  en  faveur  de  leurs 
frères  souffrants1. 

U.  —  Fureur  du  peuple. 

Ce  jour  (25  novembre  1788)  on  me  fait  payer  chez  le  nommé  Édéc,  boulan- 
ger, rue  Gallande,  vis-à-vis  la  rue  des  Rats,  le  pain  de  quatre  livres  12  sols 
et  demi,  au  lieu  de  12  sols  que  je  la  payais  depuis  près  d'un  mois,  avec  annonce 
d'une  augmentation  plus  considérable  encore  et  protestation  de  sa  part  qu'il  ne 
pouvait  rien  gagner  à  ce  prix  vu  le  taux  actuel  du  blé  et  de  la  farine,  assurant 
en  outre  que  plus  de  quarante  de  ses  confrères,  ne  se  sentant  pas  les  reins  assez 
forts  pour  supporter  le  surhaussement  des  grains,  venaient  de  fermer  boutique 
et  ne  pouvaient  manquer  d'être  imités  en  cela  par  un  plus  grand  nombre,  si 
les  choses  continuaient  de  demeurer  sur  le  même  pied  ;  et  ma  domestique 
entend  chez  le  même  boulanger  une  femme  du  peuple  s'échapper,  dans  la 
fureur  qui  l'animait  à  l'occasion  de  cette  nouvelle  augmentation,  au  point  de 


1.  Hardy,  t.  VIII,  p.  204  (17  janvier  1789).  —  Cp.  le  Journal  de  Paris,  passim, 
de  novembre  1788  à  février  1789. 


DE  L'APPROVISIONNEMENT  319 

dire  hautement  qu'il  était  indigne  de  faire  mourir  ainsi  de  faim  le  pauvre 
peuple,  et  qu'on  devrait  aller  mettre  le  feu  aux  quatre  coins  du  château  de 
Versailles,  propos  sur  lequel  on  essaye  vainement  de  lui  faire  des  représenta- 
tions I. 


III.  —  Opinion  des  bourgeois  sur  l'accaparement. 

Mon  boulanger  me  fait  payer  le  pain  de  quatre  livres  14  sols  et  demi  au  lieu 
de  14  sols  :  on  l'avait  mis  dès  la  veille  au  même  taux  dans  les  marchés,  et  il 
semblait  que  les  ennemis  de  l'humanité  comme  du  repos  public  profilassent 
de  l'adoucissement  dans  la  température  pour  reprendre  le  système  abominable 
de  l'augmentation  graduelle  de  cette  denrée  de  première  nécessité,  que 
l'extrême  rigueur  de  la  saison  les  avait  forcés  de  suspendre  bien  malgré  eux  : 
car  ils  n'avaient  d'autre  but  que  de  continuer,  par  une  telle  conduite,  en 
gagnant  beaucoup  d'argent,  d'indisposer  le  peuple  contre  la  magistrature 
qu'ils  voulaient  perdre  et  qu'ils  savaient  mettre  dans  l'impossibilité  absolue  de 
militer  contre  leur  cupide  et  odieuse  entreprise2... 

On  entendait  dire  à  quelques  personnes  que  les  princes  avaient  accaparé  les 
grains  tout  exprès  pour  mieux  réussir  à  culbuter  le  sieur  Necker,  qu'ils  avaient 
un  si  grand  intérêt  de  renverser  :  tandis  que  d'autres  voulaient  absolument  au 
contraire  que  le  Directeur  général  des  finances  fût  lui-même  le  chef  et  le  pre- 
mier de  tous  les  accapareurs,  du  consentement  du  roi,  et  qu'il  ne  favorisât  et 
ne  soutînt  de  tous  ses  efforts  une  telle  entreprise  que  pour  procurer  de  l'argent 
à  Sa  Majesté  plus  promptement  et  en  plus  grande  quantité,  afin  d'assurer  ainsi 
le  payement  des  rentes  de  l'Hôtel  de  Ville  de  Paris  *. 


1.  Hardy,  t.  VIII,  p.  154-155. 

2.  Hardy,  t.  VIII,  p.  221  (1"  février  1789).  —  Le  4  février,  le  pain  monte  à 
15  sols,  d'après  Hardy.  Cependant  le  tarif  de  la  police  portait  toujours  14  sols  et 
demi.  Le  7  janvier,  27  boulangers  avaient  été  condamnés  par  sentence  de  pofice 
pour  avoir  vendu  au  prix  de  15  sols. 

3.  Hardy,  t.  VIII,  p.  233  (13  février  1789). 


XI 
LE  GHATELET  DE  PARIS 


Le  Grand  Châtelet1,  château  fort  des  comtes  de  Paris,  sur  la  rive 
droite,  et  siège  de  leur  juridiction  ordinaire,  premier  tribunal  du 
royaume  de  France  jusqu'au  règne  de  saint  Louis,  qui,  par  l'établisse- 
ment des  appels  judiciaires,  le  subordonna  au  Parlement,  a  conservé 
pendant  tout  l'ancien  régime  des  restes  de  son  ancienne  prérogative, 
et  tout  l'orgueil  de  sa  liante  antiquité2. 

Le  scel  du  Châtelet  attirait  les  affaires  de  toute  l'étendue  du 
royaume  dans  celte  juridiction.  Les  notaires,  huissiers,  sergents  du 
Châtelet,  exerçaient  leurs  fonctions  dans  tous  les  pays  soumis  à 
l'obéissance  du  roi  avec  le  même  pouvoir  et  la  même  liberté  qu'à 
Paris.  Les  bourgeois  de  Paris,  d'après  l'article  112  de  la  Coutume, 
ne  pouvaient  être  contraints  de  plaider  ailleurs  en  défendant.  Cer- 
tains corps  ayant  le  privilège  de  garde-gardienne,  l'Université  avec 
ses  divers  droits  de  scolarité,  étaient  sous  la  protection  du  Cbàtelet. 
Les  six  corps  des  marchands  et  la  plupart  des  communautés  d'arts 
et  métiers  dépendaient  de  lui  pour  la  légalisation  de  leurs  statuts, 
pour  leurs  comptes  financiers,  pour  les  procès  où  l'organisation  cor- 
porative était  enjeu  :  et,  bien  que  l'appel  au  Parlement  fût  réservé, 
celui-ci  ne  faisait  le  plus  souvent  que  donner  la  forme  d'un  arrêt  à  la 
sentence  qui  lui  était  déférée. 

Le  droit  primitif  du  Châtelet  était  exorbitant;  mais  il  faut  avouer 
qu'aux  siècles  de  l'anarchie  féodale,  cette  juridiction  n'était  souvent 
que  théorique,  de  même  que  le  pouvoir  royal  dont  elle  émanait.  A 


1.  Trois  autrcs'justices  royales,  pourvues  d'uii  ressort  et  d'attributions  éten- 
dues, portaient  ce  nom  tout  féodal  de  Châtelet  :  ù  Melun,  Orléans  et  Montpel- 
lier. 

2.  Voyez,  dans  le  Traité  fie  ht  police,  de  Delaïuare,  et  dans  V Encyclopédie  mé- 
thodique (Jurisprudence,  l.  11,  p.  564),  les  traditions  relatives  au  Châtelet  de 
Jules  César,  de  Julien,  d'Aurélien,  ainsi  qu'au  prœfectus  urbi. 


LE  CHATELET  DE  PARIS  321 

Paris  même,  les  seigneurs  laïques  et  surtout  ecclésiastiques  des 
bourgs  et  des  terres  successivement  annexés  à  la  capitale  ne  se  dé- 
partissaient point  aisément  de  la  hautejustice.  L'appel  au  Parlement 
ne  présentait-il  point  à  leur  encontre  des  garanties  suffisantes?  La 
royauté  ne  le  pensa  point.  François  Ier  eut  le  dessein  (non  couronné 
de  succès)  de  réunir  toutes  les  juridictions  seigneuriales  de  la  prévôté 
et  vicomte  de  Paris,  comme  autant  de  démembrements  commis  aux 
dépens  de  sa  propre  justice  (1G  février  1539).  Trente  ans  après,  sous 
Charles  IX,  le  Ghâtelet  obtint  le  droit  de  prévention  sur  les  autres  jus- 
tices qui,  surtout  en  matière  de  crimes  ou  de  délits,  se  laissaient  en 
effet  très  souvent  prévenir.  Enfin  les  édits  de  décembre  L666  et  de  fé- 
vrier 1674  incorporèrent  au  Châtelet  dix-neuf  justices  seigneuriales; 
mais  plusieurs  furent  rétablies  sous  le  règne  même  de  Louis  XIV  :  ce 
lurent  celles  de  l'archevêché1,  du  chapitre  de  Notre-Dame,  de  l'abbaye 
de  Sainl-Germain-des-Prés,  du  Temple  et  de  Saint-Jean-de-Latran. 
L'Eglise,  au  profit  de  qui  eurent  lieu  ces  restaurations  (d'avril  1671  à 
février  1693),  dépendait  assez  étroitement  du  roi  pour  qu'il  n'eût  rien 
à  en  redouter.  D'ailleurs,  les  justices  réfractaires  à  l'unité  du  ressort 
parisien  furent  strictement  renfermées  dans  les  limites  de  leurs  ter- 
ritoires respectifs,  enclos,  cours  et  cloîtres.  Il  en  fut  de  même  du 
bailliage  du  palais,  du  bureau  de  la  ville,  des  capitaineries  de  chasse 
du  Louvre  et  des  Tuileries,  des  deux  justices  abbatiales  de  Saint- 
Martin-des-Ghamps  et  de  Sainte-Geneviève,  de  l'enclos  des  Quinze- 
Vingts,  et  enfin  de  l'Arsenal,  ce  dernier  supprimé  sous  Louis  XVI. 
—  Il  n'est  question  ici  que  de  Paris  intra-muros.  Aux  portes  mêmes 
de  la  ville,  on  trouvait  bien  des  juridictions  non  incorporées,  comme 
la  capitainerie  de  Vineennes,  justice  seigneuriale  du  roi  pour  les  dé- 
lits de  chasse,  l'abbaye  de  Montmartre,  etc. 

Si  le  souverain  n'avait  pas  voulu  lui-même  rester  seigneur,  les  incor- 
porations eussent  sans  doute  été  plus  rapides  et  plus  faciles.  Mais  la 
monarchie  absolue  est  d'essence  féodale;  le  roi,  qui  multiplie  au  pro- 
fit de  son  pouvoir  personnel  les  tribunaux  d'exception,  sent  qu'il  manque 
d'autorité  pour  effacer  des  exceptions  plus  gênantes  pour  ses  sujets 


1.  «  En  1222,  Philippe-Auguste  assigna  à  l'archevêché  de  Paris  des  rentes  sur 
la  prévôté  de  Paris,  en  dédommagement  de  ce  que  les  Halles,  le  Petit  Châtelet 
et  la  plus  grande  partie  du  Louvre  avaient  été  bâtis  dans  la- seigneurie  de 
l'évêque;  ce  prince,  hv  même  année,  ordonna  que  l'on  délivrât,  de  trois  semaines 
Tune,  du  blé  aux  officiers  de  l'évêque;  c'est  ce  qu'on  appela  la  tierce  semaine. 
En  1664,  M.  Hardouin  de  Péréfixe  l'échangea  avec  Louis  XIV  pour  une  rente  «h- 
8,000  livres;  dix  ans  après,  ce  monarque  créa  en  laveur  de  M.  François  de. 
Ilarlay  la  Duché-pairie  de  Saint-Cloud.  »  Desnos,  Allas  ehoivgmphique,  édit.  de 
1763  :  élection  de  Paris,  p.  II. 

21 


322  LE  CHATELET  DE  PARIS 

que  pour  lui.  Autre  considération  :  au  XVIIIe  siècle,  le  Ghâtelct  se 
pénètre  de  plus  en  plus  de  l'esprit  parlementaire.  Dans  toutes  les  occa- 
sions politiques,  il  suit  le  mot  d'ordre  du  Palais.  Dès  lors,  réunir  au 
Chàtelet  de  nouvelles  justices,  ce  serait  fortifier  un  tribunal  déjà  fort 
enclin  à  l'opposition.  La  royauté  s'arrête  d'elle-même  dans  son 
œuvre  d'unification  judiciaire,  que  la  Révolution  seule  devait  reprendre 
et  achever.  Le  ressort  du  Chàtelet  garde  donc,  intra-muros,  bien  des 
enclaves.  Extra-muros,  il  est  diminué  par  l'érection  du  bailliage  de 
Versailles,  et  de  diverses  pairies. 

Mais  ses  attributions  juridictionnelles  (sauf  toujours  l'appel  au  Par- 
lement) embrassent  les  causes  civiles,  commerciales,  criminelles,  cor- 
rectionnelles ou  de  simple  police.  Ses  sentences  sont  toujours  formu- 
lées au  nom  du  Prévôt  de  Paris.  Mais  depuis  l'édit  de  mars  1498, 
commun  à  toutes  les  juridictions  royales  du  premier  degré,  le  Prévôt 
n'a  plus  qu'un  titre  honorifique,  et  le  droit  de  convoquer  le  ban  et 
l'arrière-ban  de  la  noblesse  '.  La  justice  est  rendue  parles  lieutenants 
du  Prévôt,  lesquels  doivent  être  gradués.  Le  lieutenant  civil  prononce 
au  civil;  le  lieutenant  criminel  et  le  lieutenant  criminel  de  robe  courte 
jugent  concurremment  au  criminel;  les  lieutenants  particuliers  re- 
çoivent les  appels  des  sentences  des  juges  inférieurs  ressortissant  au 
Chàtelet2.  Quant  à  la  police,  elle  fut  longtemps  disputée  entre  le  cri- 
minel et  le  civil.  Le  Parlement  arrêta,  le  12  mars  1G30,  que  le  lieute- 
nant civil  tiendrait  la  police  deux  fois  la  semaine;  et,  en  cas  de 
légitime  empêchement,  qu'il  serait  suppléé  par  le  lieutenant  crimi- 
nel ou  par  un  des  lieutenants  particuliers.  L'édit  de  mars  1667,  qui 
créa  l'office  de  lieutenant  général  de  police,  ne  fut  autre  chose,  au 
fond,  que  l'application  à  la  capitale  de  l'institution  des  intendants  de 
justice,  police  et  finances.  La  constitution  ancienne  du  Chàtelet  fut 
profondément  altérée  par  cet  élément  nouveau,  tout  arbitraire  et 
tout  administratif,  qu'il  ne  put  jamais  s'assimiler.  En  effet,  le  lieute- 
nant général  de  police,  le  dernier  venu  des  lieutenants  du  Prévôt,  ne 


1.  L'établissement  ilu  gouverneur  de  Paris  par  François  I"  fil  perdre  au  pré- 
vôt de  Paris  le  commandement  militaire.  Le  gouverneur  lui-même,  au  XVIIIe 
siècle,  n'est  plus  qu'un  personnage  de  parade  :  le  roi  nomme  des  commandants 
pour  Paris. 

2.  C'étaient  les  bailliages,  prévôtés  ou  châtellenies  ordinaires  de  Monllliéry, 
Montlignon,  Saint-Germain-en-Laye,  Corbeil,  Gournay,  Torcy,  Bric-Goiute-Ho- 
bert,  l'nissy,  Triel,  Levis,  Ghaillot  et  le  faubourg  de  la  Conférence  :  Versailles, 
démembrement  de  la  prévôté-vicomte,  était  grand  bailliage  ël  ressortissait  nue- 
nienl  à  la  dur  du  Parlement;  L'article  de  l'Encyclopédie  méthodique (1783)  omel 
Montlignon,  Gournay,  Torcy,  Triel,  Poissy,  Levis,  et  indique  Gonesse,  La  Ferté- 
Alais  et  Tournan.  Je  suis  VAlmanach  royal,  de  1781  à  1789  inclusivement. 


LE  CHATELET  DE  PARIS  323 

rendit  pas  seulement  des  sentences  sur  les  personnes,  il  rendit  aussi 
des  ordonnances  sur  les  rapports  des  choses  et  des  personnes;  il  fut, 
sous  le  couvert  du  roi  et  du  ministre  de  Paris,  un  législateur  au  petit 
pied;  les  attributions  spéciales,  les  commissions  de  circonstance  qu'il 
reçut,  tirent  disparaître  presque  entièrement  le  caractère  de  magis- 
trat dont  il  était  plutôt  affublé  que  revêtu.  Gomme  osa  le  dire  le  duc 
de  Nivernais  à  Lenoir  en  pleine  Assemblée  des  Notables,  il  fut  «  le 
premier  esclave  du  royaume  ». 

En  1789,  le  prévôt  de  la  ville,  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  était, 
depuis  1776,  Anne-Gabriel-Henri  Bernard,  chevalier,  marquis  de  Bou- 
lainvilliers,  conseiller  du  roi.  —  Le  lieutenant  civil  était,  depuis  1774, 
Denis-François  Angran  d'Alleray,  conseiller  du  roi,  ancien  procureur 
général  du  Grand  Conseil.  —  Le  lieutenant  criminel  était,  depuis 
1774,  Charles-Simon  Bachois  de  Villefort.  —  Le  lieutenant  général 
de  police  était  Louis  Thiroux  de  Crosne,  depuis  1785  '. 

Les  deux  lieutenants  particuliers  en  loue  lions  (car  il  y  en  avait  deux 
honoraires)  se  nommaient  :  l'un,  Un  Pont  (Llienne-Glaude),  l'autre 
Bellanger  (Angélique-Charles);  le  premier  était  en  fonctions  depuis 
1701  et  jouissait  d'une  grande  autorité  sur  ses  collègues;  l'autre, 
installé  en  1785,  était  l'agent  dévoué  du  lieutenant  général  de 
police. 

Les  cinquante-neuf  conseillers  au  Ghàtelet  (sans  compter  dix  conseil- 
lers honoraires)  étaient  répartis  en  quatre  colonnes,  dont  chacune 
remplissait,  de  trois  mois  en  trois  mois,  les  quatre  services  nommés  : 
parj  civil,  audience  du  présidial2,  chambre  du  conseil,  chambre  cri- 
minelle ?.  Cinq  charges  de  conseillers,  sur  les  soixante-quatre  de  l'édit 
de  1774,  étaient  tombées,  en  1789,  aux  parties  casuelles. 

Le  ministère  public  était  exercé  par  le  procureur  du  roi  au  Chàtelet, 
substitut  du  procureur  général  au  Parlement.  Lui-même  avait  huit 


1.  Je  nio  conforme  à  l'ordre  logique  et  chronologique.  .Mais,  au  poiul  de  vue 
des  préséances,  le  lieutenant  général  de  police  vient  entre  le  lieutenant  civil  et 
le  lieutenant  criminel. 

2.  Le  présidial  de  Paris,  créé  en  même  temps  que  les  aulres,  en  janvier  1551 
et  formé  de  vingt-quatre  conseillers,  fut  aussitôt  uni  au  Chàtelet  par   Henri  II. 
En  1674,  même  création  et  même  incorporation;   mais  l'ancien  Chàtelet  eut   la 
rive  droite,  le  nouveau  eut  les  îles  et  la  rive  gauche  jusqu'en  septembre  1684,  où 
l'unité  fut  entièrement  rétablie. 

3.  Les  colonnes  étaient  très  mobiles,  car  le  doyen  était  le  premier  sur  la  pre- 
mière colonne,  le  sous-dpyen  h'  premier  sur  la  seconde,  et  ainsi  de  suite.  Comme 
l'ordre  des  réceptions  était  rigoureusement  suivi,  chaque  décès  ou  vente  de  charge 
faisait  avancer  d'un  rang,  et  changer  de  colonne,  les  conseillers  antérieurement 
reçus. 


324  LE  CHATELET  DE  PARIS 

substituts  et  un  secrétaire.  L'office  d'avocat  du  roi  avait  quatre  titu- 
laires '. 

Au  Châtelet  se  rattachaient  les  offices  de  notaires,  de  procureurs, 
d'huissiers  audienciers,  d'huissiers  certificateurs  des  criées,  de  gref- 
fiers, etc. 

La  police  proprement  dite,  Lien  distincte  de  la  police  judiciaire,  et 
que  l'on  nommait,  au  XVIIIe  siècle,  police  d'inspection,  ou  exercice 
général  de  la  police,  n'était  reliée  au  tribunal  du  Châtelet  que  par 
l'intermédiaire  du  lieutenant  général  de  police,  à  la  fois  magistrat  et 
chef  de  service  administratif.  Mlle  comprenait  vingt  inspecteurs,  un 
par  quartier,  quarante-huit  commissaires,  des  exempts,  des  observa- 
teurs :  sans  compter  les  basses-moue  lies  et  les  dénonciateurs  secrète- 
ment employés  et  payés  selon  leurs  œuvres. 

La  vérité  historique  et  la  clarté  exigent  de  ne  pas  admettre  la  con- 
fusion voulue  et  créée  par  l'absolutisme  entre  le  Châtelet  proprement 
dit  et  la  Police  :  d'autant  plus  que  le  Châtelet,  en  tant  que  tribunal, 
n'a  de  comptes  à  rendre  qu'au  Parlement,  qui  confirme  ou  réforme 
ses  sentences,  tandis  que  le  lieutenant  général  de  police  de  Paris  est 
placé,  dans  la  hiérarchie  administrative,  à  côté  de  l'intendant  de  la 
généralité,  sous  la  dépendance  du  Conseil,  et  (d'une  façon  nominale 
la  plupart  du  temps)  sous  la  direction  du  ministre  de  Paris. 


CHAMBRES  DU  CHATELET 

1.  —  Chambre  de^Prévôté  au  parc  civil,   ou  Parc  civil 

du  Châtelet. 

Le  parc  civil  est  formé  d'une  des  quatre  colonnes  de  conseillers;  il 
est  présidé  par  le  lieutenant  civil.  Il  siège  tous  les  jours  de  semaine, 
sauf  le  lundi  et  les  jours  de  vacances  ordinaires.  On  y  publie  les  ordon- 
nances, édits,  déclarations  et  règlements.  On  y  lit  les  actes  destinés  à 
être  connus  du  public,  comme  les  substitutions;  on  y  fait  les  certifica- 
tions des  criées;  on  y  requiert  ou  accepte  les  gardes  nobles  et  les 
gardes  bourgeoises.  On  y  plaide  les  causes  bénéficiales  et  ecclésias- 
tiques de  compétence  laïque,  celles  où  il  s'agit  de  l'état  des  personnes, 
des  qualités  d'héritiers,  des  séparations  entre  époux,  des  lettres  de 
répit,  des  cessions  de  biens,  de  l'interdiction  des  personnes,  des  ser- 


1.  Gomme  la  prévôté  de  Paris,  en  cas  de  vacance,  était  mise  sous  la  garde  du 
Procureur  général  du  roi  au  Parlement,  celui-ci  est  employé  sur  les  états  du 
payeur  des  gages  du  Châtelet. 


LE  CHATELET  DE  PARIS  32S 

vitudes,  des  inventaires,  des  scellés.  On  y  porte  aussi  les  questions 
de  poursuites,  de  décrets,  de  ventes  par  licitations,  de  testaments,  de 
partages  successoraux,  de  tutelles,  de  communautés;  enfin,  certaines 
contestations  de  préséances  ou  attributions  d'offices,  spécialement 
confiées  au  Chàtelet.  Les  audiences  étaient  très  chargées.  L'appel  des 
causes  se  faisait  sur  placets  présentés  au  lieutenant  civil.  —  A  l'issue 
de  chaque  audience  du  parc  civil,  était  tenue,  soit  par  un  des  lieute- 
nants particuliers,  soit  par  un  conseiller,  l'audience  ordinaire,  où 
étaient  jugées  les  questions  de  procédure  civile  et  d'instruction,  les 
remises  ou  communications  de  pièces,  etc.    , 

IL  —  Chambre  du  Présidial  du  Chàtelet. 

La  chambre  du  présidial  est  formée  d'une  des  quatre  colonnes,  et 
présidée  par  un  des  lieutenants  particuliers  '.  Elle  siégeait  les  jeudis, 
pour  les  appellations  verbales,  à  tour  de  rôle;  les  mardis,  vendredis 
et  samedis,  pour  les  appellations  sur  placets  présentés  au  lieutenant 
particulier2.  En  matière  personnelle,  réelle  ou  mixte,  la  plupart  des 
appellations  dont  les  demandes  principales  ou  incidentes  dépassaient 
1,200  livres  avaient  été  attribuées  au  parc  civil  lui-même. 

111.  —  Chambre  du  Conseil. 

La  chambre  du  Conseil  était  formée  d'une  des  quatre  colonnes,  et 
présidée,  de  mois  en  mois,  par  l'un  des  deux  lieutenants  particuliers. 
On  y  portait  les  affaires  mises  en  délibéré  tant  au  parc  civil  qu'au 
présidial,  les  appointements  à  mettre,  et  les  appointements  en  droit 
prononcés  dans  ces  deux  chambres,  les  jugements  de  compétence  au 
criminel.  C'est  aussi  à  la  chambre  du  Conseil  qu'étaient  reçus,  après 
examen  et  explication  de  la  loi,  les  conseillers,  les  avocats,  les  no- 
taires, les  procureurs  et  les  commissaires. 

IV.  —  Chambre  criminelle. 

La  chambre  criminelle  était  formée  d'une  des  quatre  colonnes,  et 
présidée,  toute  l'année,  par  le  lieutenant  criminel.   Elle  jugeait,  à 


1.  Alternativement,  de  mois  en  mois;  ù  leur  défaut,  par  le  plus  ancien  conseil- 
ler de  la  colonne. 

2.  Le  rôle  prescrit  par  l'art,  'i  de  l'édît  de  janvier  1685,  — pour  les  appellations 
où  la  somme  en  litige  ne  dépassait  pas  1,200  livres,  et  qui  devaient  être  placées 
le  mardi,  —  ce  rôle  ne  s'exécutait  pas. 


326  LE  CHATELET  DE  PARIS 

huis  clos,  les  affaires  de  grand  criminel,  qui  devaient  être  décidées  à 
l'extraordinaire.  L'appel  au  Parlement  était  de  droit,  sauf  les  cas  pré- 
yôtaux.  (Exemple  :  affaire  Réveillon,  28  avril  1789,) 

V.  —  Autres  Chambres  du  Châtelet, 

Au  civil,  le  lieutenant  civil,  cl,  à  son  défaut,  un  des  lieutenants  par- 
ticuliers, tenait  seul,  sans  l'assistance  d'aucun  conseiller,  l'audience  do 
la  chambre  civile,  les  mercredis  et  samedis,  et  les  jours  de  séance 
après  midi.  Il  jugeait  les  matières  sommaires  ou  provisoires  n'excé- 
dant pas  1,000  livres,  le  payement  des  loyers  sur  location  verbale,  la 
validité  des  congés  des  lieux  loués  sans  bail,  etc.,  les  causes  des  forains, 
qui  se  vidaient  les  premières,  et  sans  placet  préalable.  —  Deux  fois  par 
semaine,  un  des  lieutenants  particuliers  louait  I'audience  des  criées 
(adjudications  par  décrets,  baux  judiciaires,  adjudications  des  biens 
des  mineurs,  adjudications  par  licitation),  mais  ù  l'exclusion  de  tout 
litige  incident.  —  Le  Juge-auditeur  du  Châtelet  jugeait  on  première 
instance  les  causes  personnelles  dont  la  valeur  n'excédait  pas  50  livres, 
et  dont"  te  présidial  recevait  les  appellations.  — Le  procureur  du  roi 
recevait,  à  l'audience  do  la  chambre  qui  portait  son  nom,  les  maîtres 
gagnant  la  maîtrise  à  l'hôpital  de  la  Trinité,  et  y  décidait  les  cas  rela- 
tifs à  ces  réceptions;  il  donnait  aussi  ses  avis  sur  les  demandes  et  con- 
testations qui  étaient  de  nature  à  être  portées  A  la  police. 

Au  petit  criminel  (injures,  etc.),  le  lieutenant  criminel  tenait  seul 
l'audience. 

Le  lieutenant  criminel  de  robe  courte  connaissait  concurremment, 
et  par  prévention  avec  le  lieutenant  criminel,  des  cas  prévôtaux  dans 
la  ville  et  faubourgs  de  Paris  (déclaration  du  o  fév.  1771,  art.  5).  — 
Le  prévôt  de  l'Ile  connaissait  des  crimes  dont  la  connaissance  était 
attribuée  aux  prévôts  des  maréchaux  de  France. 

Le  lieutenant  général  de  police  lient  seul  l'audience  de  police  les  vendredis 
de  chaque  semaine,  et  même  quelquefois  les  mardis,  depuis  3  heures  jusqu'à 
6  de  relevée.  On  porte  à  cette  audience  toutes  les  causes  concernant  les  droits 
des  corps  et  communautés  des  marchands  et  artisans  de  Paris,  le  péril  des  bâti- 
ments, la  police  et  la  propreté  des  rues,  et  le  payement  des  nourrices.  A  l'au- 
dience de  police  étaient  déposés  les  rapports  des  quarante-huit  commissaires 
sur  les  contraventions  aux  ordonnances  et  règlements  de  police.  Divers  règle- 
ments attribuent  aussi  à  M.  le  lieutenant  général  de  police  la  connaissance  de 
quelques  crimes  particuliers,  tels  que  les  enrôlements  forcés,  la  proslilulion,  etc. 
Quand  les  procédures  sont  réglées  à  l'extraordinaire,  elles  se  jugent  en  lacham- 
bre  du  Conseil,  et  alors  c'est  M.  le  lieutenant  général  de  police  qui  préside1. 

1.  Enc.  uii'lli..  Jurispr.,  II.  p.  567, 


LE  CHATELET  DE  PARIS  327 

La  police  judicaire  embrassait  non  seulement  les  contraventions, 
mais  des  crimes  et  délits  de  certaine  nature  :  attroupements  illicites, 
cabales  politiques,  enlèvements  dans  les  marchés,  destruction  d'objets 
d'utilité  publique,  maquerellage  et  prostitution.  De  plus,  le  lieutenant 
général  de  police  jugeait  au  civil  les  causes  et  procès  qui  regardaient 
les  corps  des  marchands,  artisans,  et  autres  gens  de  métier.  Le  mi- 
nistère des  procureurs  et  avocats  était  de  rigueur  en  pareil  cas,  mais 
la  procédure  était  limitée  par  des  règlements  et  des  jugement  som- 
maires, exécutoires  par  provision.  «  A  Paris,  le  magistrat  qui  exerce 
la  police  rend  ses  jugements  seul,  c'est-à-dire  sans  conseil,  lorsqu'il 
ne  s'agit  que  des  matières  qui  concernent  seulement  la  police  ordinaire 
et  la  police  contentieuse  :  au  lieu  que  dans  les  autres  villes  ceux  qui 
remplissent  les  mêmes  fonctions  sont  obligés,  suivant  les  règlements, 
d'être  assistés  d'un  ou  de  deux  conseillers  de  leur  siège.  Mais  à  l'égard 
de  la  police  criminelle,  dont  les  cas  donnent  lieu  à  des  peines  capi- 
tales, afflictives  et  infamantes,  le  magistrat  de  police  ne  peut  rendre 
de  jugements  définitifs  qu'assisté  du  nombre  de  juges  ou  gradués 
marqué  clans  les  ordonnances  qui  ont  pour  objet  la  punition  des 
crimes.  »  Les  48  commissaires,  qui  portaient  la  robe  déjuge  et  étaient 
assistés  d'biiissiers,  étaient  les  premiers  juges  en  matière  de  contra- 
vention; en  matière  criminelle,  ils  faisaient  les  premières  procédures 
et  les  premiers  interrogatoires  '. 

LE  PREVOT  DE  PARIS 

Sous  Louis  XV,  un  prévôt  de  Paris,  de  Bullion  d'Esclimont,  essaya 
de  remplir  réellement  les  fonctions  dont  ses  prédécesseurs  n'avaient 
gardé  que  l'honneur  et  les  émoluments.  Cette  tentative  n'était  pas 
sans  portée  politique,  car,  si  elle  eût  réussi,  elle  aurait  eu  peut-être 
comme  résultat  de  remettre  à  son  rang  le  lieutenant  général  de  police, 
de  même  que  les  autres  lieutenants.  Il  était  bien  singulier  que  la 
formule  :  «  Le  prévôt  de  la  ville,  vicomte  et  prévôté  de  Paris,  ou  son 
lieutenant...,  »  par  laquelle  les  sentences  ou  ordonnances  débu- 
taient, ne  supposât  en  aucun  cas  l'avis  personnel,  l'opinion  exprimée 
du  prévôt  de  Paris.  Mais  la  force  de  l'habitude  est  si  grande  que 
Bullion  d'Esclimont  passa  tout  simplement  pour  un  original.  «Une 
se  contente  pas,  raconte  Barbier,  d'être  bailli  d'épée  :  il  veut  aussi  se 


1.  La  Police  de  Paris  en  1770,  Mémoire  de  Charles  le  Maire,  commissaire  au 
Châtelet,  publié  par  A.  Gazier  {Mém.  Soc' de  l'Histoire  de  Paris  et  de  t'Ile-dc- 
France,  t.  V,  p.  25,  42,  58). 


328  LE  CHATELET  DE  PARIS 

mêler  de  justice.  Il  étudie  depuis  deux  ans  avec  des  avocats  et  il  s'est 
fait  recevoir  dans  cet  ordre.  Samedi,  30  janvier  (1723),  il  a  été  reçu 
prévôt  de  Paris  au  Parlement,  et  M.  le  président  de  Lamoignon,  avec 
quatre  conseillers  de  grand'chambre ,  sont  venus  l'installer  au 
Chàtelet.  »  Lors  de  cette  installation,  le  Chàtelet  rendait  un  arrêt,  et 
non,  comme  d'ordinaire,  une  sentence.  Bullion  d'Esclimont  opina  : 
«  sur  quoi  M.  le  lieutenant  civil  a  fait  des  protestations  "...  »  Les 
choses  rentrèrent  dans  l'ordre  accoutumé,  mais  de  Bullion  d'Escli- 
mont accabla  le  Conseil  de  mémoires  imprimés  ou  manuscrits.  Le 
comte  de  Maurepas  (lettre  du  12  février  1723)  lui  avait  objecté  l'or- 
donnance de  Blois,  laquelle  réservait  aux  seuls  lieutenants  des  baillis 
et  sénéchaux  le  droit  de  présider  aux  jugements.  Mais  le  savant  pré- 
vôt invoque  ses  titres  du  X°  siècle  : 

«  La  charge  de  Prévost  de  Paris  est  très  ancienne,  honorable,  ornée  de  dis- 
tinctions particulières,  et  a  toujours  été  possédée  par  des  gens  de  condition, 
et  même  par  les  plus  grands  seigneurs  du  Royaume. 

«  Après  la  réunion  du  comté  de  Paris  à  la  Couronne  sous  Hugues  Capet,  et 
la  suppression  des  vicomtes,  le  Prévost  de  Paris  fut  institué  pour  rendre  la 
justice  aux  sujets  du  roi,  au  lieu  du  vicomte,  le  nom  de  vicomte  étant  toujours 
cependant  demeuré  joint  avec  celui  de  la  Prévosté2.  Sa  première  institution 
est  donc  de  rendre  la  justice.  Hugues  Capet  vint  à  la  couronne  en  987,  et  l'on 
trouve  en  l'an  J  000  et  en  l'an  1007  deux  Chartres  de  fondation  de  Saint-Martin- 
des-Champs  faites  par  les  rois  Henry  Ier  et  Philippes  Ie1'  qui  sont  souscrites  par 
Eslienne,  prévost  de  Paris  :  Slephanus  prœpositus  Parisiensis.  Voilà  une 
grande  antiquité. 

«  L'Ordonnance  de  Blois  (conclut-il),  qui  n'est  que  pour  les  Baillifs  et 
Sénéchaux,  ne  le  regarde  point  et  ne  peut  le  regarder  ;  il  est  distingué  des 
baillis  et  sénéchaux  par  une  infinité  de  caractères  honorables  et  différents; 
il  a  toujours  eu  le  droit  de  présider  et  d'opiner,  qui  lui  est  encore  communi- 
qué par  son  installation,  lors  de  laquelle  il  préside  et  opine;...»  pour  faire 
valoir  ce  droit  «  s'il  en  est  besoin,  il  a  pris  des  degrés  et  s'est  fait  recevoir 
avocat  5.  » 

Les  revendications  personnelles  de  Bullion  d'Esclimont  l'ont  ridi- 
culisé auprès  de  ses  contemporains.  Un  homme  d'épée,  le  chef  de  la 


1.  Journal  de  Barbier  (Soc.  de  l'hisl.  de  France),  t.  1,  p.  103.  Barbier  décrit 
tout  au  long  la  cérémonie  de  l'installation  du  prévôt. 

2.  Le  comté  de  Paris,  inféodé  en  884  par  Charles  le  Simple  à.  Hugues  le  Grand, 
réuni  à  la  couronne  en  987,  inféodé  de  nouveau  par  Hugues  Capet  à  son  frère 
Odon  à  charge  de  réversion  au  défaut  d'hoirs  mâles,  fut  réuni  définitivement  en 
1032  :  il  s'appelait  alors  vicomte,  ri  ce  nom  subsista. 

3.  Recueil  de  pièces  et  mémoires  touchant  la  charge  de  prevost  de  Paris  (à 
Paris,  de  l'imprimerie  d'Antoine-Urbain  Consteller,  m  dcc  xxiii).  —  Petit  in-folio 
de  :ii)  jiages,  faux-titre  el  table,  signé  Bullion  d'Esclimont. 


LE  CHATELET  DE  PARIS  320 

noblesse  parisienne,  prendre  ses  degrés  et  se  faire  recevoir  avocat, 
n'était-ce  point  là  déroger?  Il  n'est  pas  moins  vrai  qu'il  souleva  une 
question  de  droit  public  fort  intéressante,  et  dont  il  nous  est  permis, 
mieux  qu'à  lui-même,  de  préciser  les  fermes. 

Le  droit  revendiqué  par  le  prévôt  de  Paris  dérivait-il  de  la  volonté 
royale,  pouvait-il  être  supprimé  par  un  acte  de  cette  volonté,  par  un 
édit  (même  enregistré),  ou  bien  n'était-il  pas  antérieur  à  la  monarchie, 
ne  faisait-il  point  partie  intégrante  de  la  constitution  de  Paris  consi- 
déré soit  comme  bonne  ville,  soit  comme  capitale  du  royaume?  C'est 
naturellement  vers  la  deuxième  alternative  que  Bullion  d'Esclimont 
incline,  sans  négliger  toutefois,  à  titre  confirmatif,  la  sanction  royale. 
Cette  doctrine  empruntait  trop  à  l'érudition  pour  paraître  suspecte  ou 
révolutionnaire.  Delamare  l'avait  librement  et  longuement  exprimée  : 
de  même  que  Home  dans  le  monde  romain,  «  ainsi  en  France  la  ville 
de  Paris  est  la  commune  patrie,  communis  patria  »  :  de  là,  d'après 
l'auteur  du  Traité  de  la  police,  les  droits  extraordinaires  accordés  aux 
officiers  du  Chàtelet  hors  des  limites  de  leur  ressort,  etc.  De  là,  d'après 
Bullion  d'Esclimont,  la  distinction  fondamentale  à  faire  entre  les  bail- 
liages ordinaires  et  le  Chàtelet,  qui  est  sans  doute  le  premier  bailliage, 
mais  qui  est  plus  et  mieux  encore,  —  et  par  suite  entre  les  baillis  et  le 
prévôt  de  Paris. 

L'autre  doctrine,  la  plus  vraisemblable  en  somme,  rattache  la  si- 
tuation exceptionnelle  du  Chàtelet  à  ce  fait,  que,  le  comte  de  Paris 
étant  devenu  roi,  le  siège  propre  du  comte  resta  le  siège  propre  du 
roi.  . 

En  tout  cas,  la  création  du  Parlement,  la  réunion  (temporaire,  il  est 
vrai)  de  la  prévôté  des  marchands  à  celle  de  Paris,  n'avaient  pu  qu'ac- 
centuer le  caractère  communal  de  la  juridiction  du  Chàtelet;  son  res- 
sort extérieur  aux  murs  avait,  été  réduit;  son  ressort  intérieur  aux 
murs,  successivement  complété  par  la  réunion  de  juridictions  encla- 
vées. Aussi,  après  de  longues  contestations  avec  la  prévôté  des  mar- 
chands, le  Chàtelet,  regardé  en  lui-même  comme  le  centre  légal  de  Paris, 
et  comme  son  centre  administratif  par  la  lieutenance  de  police  qu'il 
renfermait,  l'emporta  auprès  des  ministres  et  de  Necker  en  particu- 
lier, lorsqu'il  s'agit  de  décider  qui,  .du  prévôt  de  Paris  ou  du  prévôt 
des  marchands,  convoquerait  les  habitants  de  tous  ordres  appelés  à 
rédiger  les  cahiers  et  à  élire  les  députés  de  la  ville  d  prévoie  de  Paris 
en  \  781)  ' . 


I.  Voyez  les  chapitres  IV  à  XI   de  «    Los  élections  cl   les  cahiers  de  Paris  en 
1789  »,  |.  i,  par  M.  Ch.-L.  Chassin  (  J 888). 


330  LE  CHATELET  DE  PARIS 

ANALYSE    D'UN    MÉMOIRE   MANUSCRIT    DU    XVIII0    SIÈCLE    SUR   LE    PRÉVÔT 
DE   PARIS    ET    LE   CHATELET  ' 

La  ville  de  Paris  fut  faite  capitale  par  Clovis. 

Eudes,  Robert  et  Hugues  le  Grand,  comme  comtes  de  Paris,  y  ont 
rendu  la  justice,  et  ont  depuis  été  rois  de  France. 

Hugues  Gapet  étant  duc  des  Français  avait  le  premier  commande- 
ment des  armées  comme  maire  du  Palais...  et,  étant  comte  de  Paris,  il 
avait  la  principale  créance  des  peuples  qui  ont  le  rendez-vous  de  leurs 
affaires  en  la  ville  capitale  du  royaume,  au  lieu  que  les  ducs  et  comtes 
n'étaient  que  de  simples  officiers.  Il  leur  laissa  leurs  duchés  et  comtés 
en  propriété,  en  sorte  (pie,  au  lieu  que  le  fief  était  sujet  à  la  charge, 
la  charge  devint  sujette  au  fief,  à  condition  de  le  reconnaître  pour  roi, 
lui  faire  foi  et  hommage,  relever  de  lui  et  le  maintenir. 

Il  réunit  le  comté  de  Paris  à  la  couronne. 

Il  y  a  un  dais  au  présidial  du  Ghâtelet  pour  faire  connaître  que  les 
rois  y  ont  présidé,  y  ont  tenu  leurs  lits  de  justice,  et  fait  registrer  leurs 
édits  comme  au  premier  siège  et  juridiction  du  royaume,  les  parlements 
ôtanl  lors  ambulatoires  2. 

Le  scellé  et  jugé  du  Ghâtelet,  et  les  contrats  de  ses  notaires,  sont 
exécutoires  dans  toute  la  France. 

Toutes  les  ordonnances  distinguent  le  prévôt  de  Paris  d'avec  les 
baillis  et  sénéchaux,  le  nomment  toujours  le  premier,  ou  parlent  de 
lui  particulièrement.  Les  baillis  et  sénéchaux  représentent  les  ducs  et 
comtes  des  provinces,  mais  le  prévôt  de  Paris  représente  le  roi  «  qui 
est  toujours  comte  de  Paris  ».  C'est  pourquoi,  lors  de  la  vacance  de 
cette  charge,  c'est  le  procureur  général  du  Parlement  qui  l'exerce  et 
en  fait  les  fonctions  au  nom  du  roi. 

A  l'époque  où  le  chancelier  nommait  aux  charges  de  baillis  et  séné- 
chaux, le  prévôl  de  Paris  était  élu  en  la  Chambre  des  comptes  '. 

Le  prévôt  de  Paris  a  séance  et  rang  lorsque  le  roi  va  tenir  son  lit 
de  justice  en  Parlement.  Il  a  en  main  un  bâton  de  commandement 


1.  Ai*ch.  nat.,  K.  "Ï1G,  n°  I,  chap.  IV.  Ci'  mémoire  fut  composé  par  ou  pour 
d'Esclimont. 

2.  Pondant  la  captivité  de  Jean  le  lion,  on  no  se  servit  que  du  sceau  du  Chà- 
telet,  tant  pour  les  arrêts  du  Parlement  que  pour  tous  los  actes  publics. 

:î.  Ordonnances  do  1498, art.  il;  1449, art.  .'ii;  mai  1552;  Ordonnance  de  Mou- 
lins, art.  27.  Annotations  do  Joly  au  troisième  livre  des  Officier*  de  France. 
folio  1820  à  1830.  L'art.  2GU  de  l'Ordonnance  des  États  de  Blois  ne  concerne 
pas  le  prévôl  de  Paris, 


LE  CHATELET  DE  PARIS  331 

couvert  de  velours  blanc.  Il  a  eu  plusieurs  fois  séance  et  voix  délibé- 
rative  au  Parlement '.  Il  a  douze  gardes  (sergents)  qui  sont  pourvus 
par  le  roi  sur  sa  nomination.  Seul  en  France,  il  est  installé  par  le  pre- 
mier président,  ou  par  un  des  présidents  à  mortier,  assistés  de  deux 
conseillers  de  grand 'chambre.  Il  est  toujours  d'une  naissance  illustre, 
comme  chef  du  ban  et  de  l'arrière-ban  de  la  noblesse  de  la  prévôté 
de  Paris,  qui  tient  le  premier  rang.  Il  est  conseiller-né  du  roi,  gentil- 
homme ordinaire  de  la  Chambre.  Lorsqu'on  lit  rebâtir  le  Ghàtelet 
(fin  du  XY°  siècle),  la  juridiction  du  prévôt  de  Paris  fut  transférée  au 
Louvre. 

Magistrat  en  chef  de  toutes  les  justices  de  la  prévôté,  il  est  juge 
conservateur  des  privilèges  de  l'Université  de  Paris.  Il  a  réuni  en 
1526  la  charge  créée  en  1522  de  bailli  pour  la  conservation  de  ces 
privilèges  2,  d'où  la  qualité  de  bailli  et  prévôt  de  Paris  qui  lui  est 
donnée  parfois;  mais  tout  a  été  confondu  depuis  sous  le  nom  de 
prévôt. 
■  Ses  premiers  lieutenants  ont  été  de  robe  courte. 

A  la  différence  des  baillis  ordinaires,  il  a,  outre  le  lieutenant  de  robe 
courte  toujours  subsistant,  un  lieutenant  général,  un  particulier  et  un 
criminel. 

Le  chevalier  du  guet  est  son  officier,  obligé  de  prendre  ses  ordres 
et  de  lui  en  rendre  compte?.  —  11  reçoit  aussi  les  colonel,  capitaine, 
lieutenants,  sergents,  et  les  trois  cents  archers  de  la  ville.  —  Le  prévôt 
de  l'Ile-de-France  4  et  le  prévôt  de  la  monnaie  sont  obligés  de  lui  prêter 
main-forte  lorsqu'ils  en  sont  par  lui  requis.  —  Les  compagnies  d'or- 
donnance des  huissiers  et  sergents  à  cheval  et  à  verge  du  Ghàtelet  lui 
doivent  obéissance. 

Il  instituait  autrefois  les  notaires,  procureurs  et  huissiers-sergents, 
jusqu'à  ce  que  les  rois  se  soient  réservé  les  provisions.  Les  réceptions 
lui  sont  restées.  Il  reçoit  aussi  les  jurés  des  arts  et  métiers,  et  «  les 
chirurgiens  ayant  été  examinés  à  Saint-Gosme  doivent  faire  le  serment 
devant  lui  ». 

Le  prévôt  est  à  la  tète  des  quatre  juridictions  qui  siègent  au  Ghàte- 
let (prévôté,  bailliage,  conservation  et  présidial). 

1.  Registres  du  Parlement,  24  mars  1117,  10  décembre  1418,  10  mai  1437. 
C'étaient  des  assemblées  de  finances. 

2.  Édit  de  mai  1526,  confirmé  en  décembre  1610. 

3.  Cependant,  quoique  cet  officier  fût  essentiellement  chargé  de  la  «  capture  », 
il  a  voix  délibérative  dans  tout  procès  de  sa  capture  :  «  ce  qui  montre  que  les 
officiers  du  Châtelet  ont  toujours  été  distingués  des  autres  des  provinces,  de 
même  que  la  Ville  Capitale  l'est  des  autres  villes.  » 

4.  Même  observation  pour  le  prévôt  de  l'Ile  que  pour  le  chevalier  du  euet. 


332  LE  CHATELET  DE  PARIS 

Momentanément  modifié  (février  1674),  l'office  de  prévôt  de  Paris  a 
été  entièrement  rétabli  par  l'édit  de  janvier  1083,  dans  lequel  le  roi 
se  réserve  d'être  toujours  «  le  comte  et  chef  de  la  justice  du  Chàte- 
let  ».  De  plus,  le  prévôt  s'est  trouvé  juge  de  tous  les  sujets  des  sei- 
gneurs hauts  justiciers  qui  étaient  encore  dans  Paris. 

Les  usurpations  des  lieutenants  tant  civil.que  criminel  sur  les  droits 
de  juridiction  personnelle  et  de  réceptions  du  prévôt  tiennent  à  ce 
que  la  prévôté  de  Paris  a  toujours  été  remplie  «  par  des  personnes  de 
mérite,  et  qui  avaient  de  très  grands  emplois  proche  les  personnes 
de  nos  rois  »,  qui  par  suite  ont  laissé  leurs  lieutenants  se  partager 
leurs  fonctions  comme  «  un  héritage  »  vacant. 

S'il  n'était  pas  le  seul  et  vrai  chef  de  la  justice  du  Châtelet,  s'il 
n'avait  pas  le  droit  d'opiner,  comment  l'arrêt  de  1571  lui  aurait-il 
fait  défense  de  faire  aucuns  actes  de  justice  en  sa  maison  particulière, 
sans  l'avis  de  ses  officiers  ? 

Ce  n'est  pas  l'Université,  dont  le  recteur  lui  fait  plusieurs  harangues 
par  an,  qui  aurait  voulu  lui  interdira  la  voix;  ni  la  noblesse,  dont  il 
est  le  chef;  ni  le  tiers  état,  qui  «  à  l'exemple  des  anciens  Gaulois  est 
trop  jaloux  de  ses  lois  et  de  l'honneur  de  ses  magistrats  pour  souffrir 
que  le  plus  ancien  juge  du  royaume  soit  exclu  de  rendre  la  justice 
comme  ont  fait  les  rois  qu'il  représente  ». 

L'article  65  de  l'édit  de  1192  n'est  applicable  qu'aux  baillis  et  séné- 
chaux des  provinces  auxquels  il  a  imposé  des  conditions  de  grade 
pour  avoir  voix  délibérative.  Au  reste,  pour  ôter  toute  contestation, 
le  prévôt  de  Paris  qui  a  fait  rédiger  ce  mémoire  est  gradué,  et  a  eu 
voix  délibérative  comme  conseiller  de  cour  souveraine. 

LE  CHEVALIER  DU  GUET  ' 

Le  guet  en  général  fut  établi  dans  toutes  les  villes  considérables 
par  Louis  XII  (1504). 

Le  guet  de  Paris  existait  de  toute  ancienneté,  pour  la  garde  de  la 
ville  «  et  des  saintes  reliques  ».  François  Ier  le  régla,  en  janvier  J539, 
par  l'édit  de  Saint-Quentin. 

Le  guet  royal,  à  cheval  et  à  pied,  est  commandé  par  le  chevalier 
du  guet  ;  le  guet  assis  est  formé  par  les  gens  de  métier  commandés 
par  deux  sergents.  —  Le  prévôt  de  Paris  a  la  discipline  du  chevalier 
du  guet  et  de  ses  officiers;  il  fait,  par  lui  ou  un  de  ses  examinateurs, 
l'assiette  du  guet. 

1.  Areh.  nat.,  K.  710,  n°  1,  eh.  vu.  (Même  mémoire,  suite.) 


LE  CHATELET  DE  PARIS  333 

L'ordonnance  de  Charles  IX  (1561)  répartit  le  payement  des  officiers 
du  guet  entre  le  domaine  de  Paris  (2,400  livres),  les  seigneurs  hauts 
justiciers  (1,500  livres;,  et  chacun  des  habitants  (20  sols). 

LES  ARCHERS  DE  LA  VILLE  DE  PARIS  ET  LE  CHATELET  ' 

Les  colonel,  capitaine,  lieutenants,  enseignes  et  archers  de.  la  ville 
de  Paris  sont  plus  soumis  au  prévôt  de  Paris  qu'au  prévôt  des  mar- 
chands, puisque  c'est  le  prévôt  de  Paris  «  qui  leur  donne  la  faculté 
de  porter  des  armes  et  qui  doit  examiner  s'ils  en  ont  en  état  de  ser- 
vice ».  (Edit  de  création  d'un  colonel,  etc.  Août  1410. —  Lettres  de  con- 
firmation du  23  septembre  1437,  de  septembre  1461,  novembre  1483, 
juillet  1498,  mars  1523,  janvier  1547,  juillet  1563,  novembre  1594, 
février  1615.) 

LE  PRÉVÔT  DE  L'ILE  ET  LE   CHATELET* 

Le  Prévôt  de  l'Ile  est  «  prévôt  de  MM.  les  connétable  et  maré- 
chaux de  France»,  et  par  conséquent  juge  extraordinaire.  Il  n'est  pas 
olïicier  du  prévôt  de  Paris  3,  mais  comme  il  a  sa  résidence  en  cette 
ville,  et  que  ses  officiers  y  résident  en  partie,  et  y  portent  des  armes, 
il  est  obligé  de  prêter  main-forte  au'prévôt  de  Paris  lorsqu'il  en  est  re- 
quis par  lui  (Ordonnance  criminelle  du  mois  d'août  1670,  titre  H, 
art.  3). 

LE  PRÉVÔT  DE  LA  MONNAIE  ET  LE  CHATELET  4 

Le  prévôt  de  la  monnaie,  officier  particulier  de  la  Cour  des  mon- 
naies, peut,  pour  le  fait  de  fausse  monnaie  seulement,  informer,  arrê- 
ter, et  instruire  le  procès  de  ceux  qui  en  sont  prévenus,  avec  un 
assesseur,  à  la  charge  de  le  porter  en  ladite  Cour  pour  être  par  elle 
jugé.  Il  n'est  en  somme  qu'un  juge  référendaire,  et  a  toujours  été  dé- 
bouté de  ses  prétentions  de  connaître  des  «cas  prévôtaux».  Il  doit 
main-forte  au  prévôt  de  Paris  (Ordonnance  criminelle  d'août  1670, 
titre  II,  art.  3). 

1.  Arch.  nat.,  K.  116,  u°  1,  ch.  vin. 

2.  Arch.  nat.,  K.  716,  n"J,  ch.  ix. 

3.  L'opinion  contraire  est  inexactement  exprimée  par  M.  Ch.  Desmazes,  qui 
met  le  prévôt  de  l'Ile  sur  la  même  ligne  que  le  lieutenant  criminel  de  robe 
courte  [le  Chdtelet  de  Paris,  2e  éd.,  1872,  ch.  iv). 

i.  Arch.  nat.,  K.  716,  n°  1,  ch.  x. 


33-i  LE  CHATELET  DE  PARIS 


LES  HUISSIERS  A  CHEVAL  ET  A  VERGE 

Les  huissiers-sergents  à  cheval  et  à  verge  du  Châtelet  de  Paris 
étaient  deux  compagnies  d'ordonnance  qui  avaient  été  créées,  Fune 
pour  la  campagne,  l'autre  pour  la  Ville  de  Paris.  Dans  les  cérémonies, 
ils  étaient  en  armes,  avec  guidons,  enseignes,  trompettes,  tambours, 
et  autres  marques  de  leur  ancienne  création  '.  Les  officiers  étaient 
nommés  par  le  commandant  et  chef  de  ces  compagnies,  c'est-à-dire 
par  le  prévôt  de  Paris.  Mais  «depuis  que  les  prévôts  de  Paris  ont  né- 
gligé de  faire  leurs  charges,  à  l'exemple  des  principaux  officiers  [de 
la  Couronne],  comme  s'ils  en  étaient  indépendants»,  les  huissiers-ser- 
gents élisent  tous  les  ans  leurs  olliciers,  sergents  comme  eux,  et  pour 
lesquels  ils  n'ont  par  suite  «  ni  respect  ni  obéissance»  .Aussi  les  juges 
ne  sachant  à  qui  s'adresser,  beaucoup  de  crimes  demeurent  impunis; 
au  lieu  qu'autrefois  les  huissiers  étaient  «départis  dans  les  barrières 
ou  corps  de  garde  de  Paris,  où  ils  devaient  avoir  des  armes  pour  être 
prêts  à  tous  mandements». 

SUPPLICATION 

DES    OFFICIERS   DU   CHATELET    AU    ROI    A    LEFFET    d'ûBTENIR 
LA    NOBLESSE,    AOUT    17C8  - 

Les  officiers  du  Châtelet  de  Paris 

Supplient  le  roi  de  décorer  leurs  offices  du  titre  et  des  privilèges  de  la  no- 
blesse. 

Ils  représentent: 

Que  le  Châtelet  de  Paris  est  le  premier  des  tribunaux  ordinaires  du 
royaume  et  le  propre  siège  des  rois  qui  ont  rendu  la  justice  en  personne; 

Que  son  scel  est  attributif  de  juridiction  par  tout  le  royaume,  et  a  souvent 
servi  à  sceller  les  ordonnances  et  lettres  patentes  en  l'absence  du  garde  des 
sceaux  de  France; 

Que  ces  prérogatives  ont  été  qualifiées  par  plusieurs  de  nos  rois  de  droit 
royal  de  leur  Cour  du  Châtelet  ; 

Que  l'importance  des  fonctions  des  officiers  qui  composent  ce  tribunal  semble 
leur  mériter  la  grâce  qu'ils  sollicitent  à  aussi  juste  litre  que  les  substituts  de 
M.  le  Procureur  général  du  Parlement,  le  doyen  de  ceux  de  M.  le  Procureur  gé- 
néral du  Grand-Conseil,  et  les  Échcvins  de  Paris  qui  tous  ont  obtenu  cette 
marque  de  distinction  depuis  le  commencement  de  ce  siècle; 

Qu'un  motif  qui  milite  également  en  leur  faveur  est  la  diminution  que  le 


1.  Godefroy,  le  Cérémonial  de  France. 
-1.  Arch.  nal.,K.  716. 


LE  CHATELET  DE  PARIS  335 

Chàtelet  a  souft'erle  dans  son  ressort,  par  les  distractions  qui  en  ont  été  faites 
en  différents  temps,  surtout  du  bailliage  de  Versailles,  résidence  ordinaire  de 
Sa  Majesté,  et  pour  raison  desquelles  il  ne  lui  a  été  accordé  aucun  dédom- 
magement; 

Qu'en  un  mot  il  n'y  a  qu'une  décoration  aussi  flatteuse  que  l'est  celle  de  la 
noblesse  qui  soit  capable  de  soutenir  ce  siège  dont  l'utilité  et  la  nécessité  ne 
sont  que  trop  reconnues,  et  qui  cependant  voit  aujourd'hui  près  de  la  moitié 
de  ses  offices  vacants,  faute  d'émoluments  ou  de  prérogatives  propres  à  y  atti- 
rer des  sujets  convenables  '. 


LE  CHATELET  ET  LES  ÉDITS  DU  8  MAI  1788 

A  propos  des  éclits  du  8  mai  1788,  le  Ghâtelet  paraissait  divisé  en 
trois  partis  : 

Celui  du  sieur  Bellangcr,  l'un  des  deux  lieutenants  particuliers;  celui  du 
sieur  Bachois  de  Villefort,  lieutenant  criminel  qu'on  avait  vu  se  comporter  si 
mal  en  1771  ;  enfin  le  parti  de  ceux  qui  tiendraient  ferme,  qu'on  ne  regardait 
pas  à  beaucoup  près  comme  le  plus  fort.  Quant  à  M.  le  lieutenant  civil  (Angran 
d'Alleray),  frère  d'un  président  au  Parlement,  on  ne  pouvait  guère  compter  sur 
lui,  étant  proche  parent  de  M.  de  La  Luzerne,  secrétaire  d'État  ayant  le  dépar- 
tement de  la  marine,  et  ne  manquant  pas  d'ailleurs  personnellement  d'am- 
bition z. 

Bertier  de  Sauvigny,  intendant  de  Paris  et  maître  des  requêtes,  avait 
d'abord  été  désigné  comme  devant  apporter  au  Chàtelct  les  édits  du 
8  mai;  puis  le  sieur  de  Fourqueux  lui  fut  préféré. 

Le  15  mai,  les  magistrats  de  service  au  parc  civil  et  au  présidial 
étant  montés  sur  leurs  sièges  à  l'heure  ordinaire  et  ayant  fait  appeler 
les  causes,  en  descendirent  presque  aussitôt,  aucun  avocat  ni  procureur 
ne  s'étant  présenté  pour  plaider. 

L'enregistrement  forcé  eut  lieu  le  21  mai,  par  le  moyen  du  sieur  de 
Fourqueux. 

Angran  d'Alleray,  septuagénaire,  refusa  au  garde  des  sceaux  la  dé- 
mission de  sa  place,  que  l'ex-lieutenant  général  de  police  Albert  se 
disposait  à  prendre. 

Le  Châtelet  fut  vainement  sollicité  de  juger  comme  grand  bailliage, 

1.  Les  lettres  patentes  d'août  1768  accordèrent  la  noblesse  aux  officiers  du  Châ- 
telet après  un  certain  temps  d'exercice. 

2.  Hardy,  t.  VII,  p.  437  (13  mai  1788).  —  En  fait,  Bnchois  de  Villefort  n'assista 
point  à  la  séance.  Bellanger  échoua  et  se  retira  en  accusant  les  jeunes  conseil- 
lers :  «  Voilà  ce  que  c'est  que  les  jeunes  gens!  »  L'arrêté  rédigé  par  Du  Pont, 
premier  dos  deux  lieutenants  particuliers,  passa  malgré  l'opposition  de  Thiroux 
de  Crosne,  qui,  se  voyant  presque  seul,  finit  par  s'y  ranger,  d'autant  plus  que  le 
ton  de  l'arrêté  était  faible  et  conciliant. 


33G  LE  CHATELEÏ  DE  PARIS 

c'est-à-dire  sans  appel,  une  cause  criminelle  (assassinat  et  vol  rue  de 
Bourbon-Villeneuve,1  quartier  de  la  Porte  Saint-Denis).  11  persista  à 
ne  vouloir  condamner  le  coupable  que  sauf  appel. 

On  ne  parla  plus  «  d'une  prochaine  suppression  du  Chàtelet,  ni  de  la  ré- 
création d'un  nouveau  Chàtelet  érigé  en  grand  bailliage,  mais  bien  de  l'instal- 
lation soi-disant  provisoire  d'un  grand  bailliage  qui  ne  sérail  établi  au  Palais 
dans  la  capitale,  ou  bien  à  Versailles,  que  par  simple  commission,  ce  qui 
n'annonçait  pas  qu'il  dût  subsister  bien  longtemps,  son  existence  ne  devant 
peut-être  avoir  lieu  que  jusqu'après  la  clôture  des  Étals  généraux,  dont  la 
convocation  allait  être  incessamment  arrêtée,  s'il  fallait  en  croire  le  bruit  pu- 
blic, pour  le  10  mai  1789,  et  qui  se  tiendraient  dans  la  ville  de  Soissons,  à 
vingt-lrois  lieues  de  Paris.  Le  Chàtelet  de  Paris  devait,  selon  toutes  les  appa- 
rences, d'après  un  tel  arrangement,  demeurer  subordonné  au  futur  grand 
bailliage  qui  jugerait  toutes  les  affaires  civiles  et  criminelles  en  dernier  res- 
sort. Car  le  parti  paraissait  bien  pris  en  Cour,  au  moins  pour  l'instant,  d'é- 
teindre et  d'anéantir  entièrement  jusqu'au  nom  même  du  Parlement,  et  de 
faire  adopter  et  confirmer,  s'il  était  possible,  cette  résolution  par  les  futurs 
États  généraux  »  l. 

Le  22  juillet,  les  commissaires  du  Chàtelet,  convoqués  relative- 
ment au  projet  d'augmenter  le  prix  du  pain,  furent  sollicités  de 
devenir  membres  du  futur  grand  bailliage  et  refusèrent  unanime- 
ment. 

Le  Grand-Bailliage  de  Paris  devait  être  installé  au  Louvre  le 
28  juillet  1788;  on  avait  commandé  1,600  hommes  pour  cette  opé- 
ration. Mais  tout  manqua  par  la  démission  de  cinq  membres  de  la 
nouvelle  Cour,  quatre  anciens  du  Chàtelet,  et  le  sieur  Albert,  maître 
des  requêtes  et  ancien  lieutenant  général  de  police.  Le  sieur  Albert 
aurait  eu  «  une  crise  violente  avec  M.  de  Làmoignon,  qui  ne  devait 
pas  à  la  vérité  être  fort  content  de  l'aventure  ».  Le  faux  bruit  courut 
(8  août)  que  Lenoir  consentait  à  remplacer  Albert  à  la  tête  de  ce 
grand  bailliage  :  il  s'en  garda  bien2. 

Enfin  le  rétablissement?  du  Parlement (23  septembre) fut  en  même 
temps  une  victoire  pour  le  Chàtelet.  Le  23  juillet  1789,  l'Assemblée 
nationale  félicita  le  Chàtelet  «  d'avoir  opposé  une  fermeté  salutaire 
aux  attentats  portés,  l'année  précédente,  aux  droits  de  la  nation  ». 
—  11  n'en  disparut  pas  moins,  par  le  décret  du  11  septembre  1790. 


1.  Hardy,  t.  VlII,  p.  2.'i  et  27  (juillet  1788). 

2.  Hardy,  t.  VIII,  p.  27  et  33. 

3.  Le  Parlement  n'admettait  pas  ce  moi  de  rétablissement  ;  il  regardait  son  in- 
terruption comme  un  fait,  comme  une  violence. 


LE  CHATELET  DE  PARIS  337 

Lettre  signée  de  Crosne,  à  M.  le  baron  de  Breteuil 
du  17  mai  1788  ' 

Monsieur,  la  séance  du  Châtelet  n'a  fini  que  ce  malin  à  quatre  heures  et  un 
quart;  je  ne  perds  pas  un  moment  pour  avoir  l'honneur  de  vous  adresser  une 
copie  de  l'arrêté  qui  a  été  pris. 

La  Compagnie  s'est  divisée,  comme  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  le  marquer 
hier  au  soir,  en  trois  bureaux,  et  dans  chaque  bureau  il  y  avait  des  commis- 
saires nommés  pour  aviser  au  parti  à  prendre  et  rédiger  des  projets  d'arrêtés. 
Ces  trois  bureaux  se  sont  réunis  entre  dix  et  onze  heures,  et  il  paraît  qu'ils  se 
sont  tous  trouvés  de  l'avis  du  parti  adopté  par  l'arrêté,  mais  qu'aucun  des  pro- 
jets qu'ils  avaient  rédigés  n'a  été  accepté,  puisqu'il  une  heure  du  matin  on 
s'est  occupé  d'en  rédiger  un  nouveau. 

Lorsque  la  Compagnie  s'est  séparée,  il  s'est  trouvé  sur  son  passage  environ 
soixante  personnes  qui  avaient  passé  la  nuit  sur  l'escalier  du  Châtelet  et  qui 
ont  applaudi  et  crié  bravo  :  il  n'avait  cependant  pu  dans  ce  moment  rien 
transpirer  de  ce  qui  s'était  passé. 

Tout,  au  surplus,  a  été  l'ort  tranquille  pendant  la  nuit  et  il  y  a  eu  très  peu 
de  monde. 

Je  suis  avec  respect,  Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  ser- 
viteur, 

De  Crosne. 


COPIE   DE   LARRÈTÉ   DU   CflATELET    DU    1(>    MAI    1788 

La  Compagnie,  voyant  avec  douleur  les  actes  d'autorité  multipliés  contre  les 
différentes  cours  du  royaume,  le  temple  de  la  Justice  investi  par  des  gardes 
armés,  la  liberté  des  suffrages  violée  par  l'enlèvement  des  magistrats  qui  ne 
peuvent  être  personnellement  responsables  des  délibérations  essentiellement 
secrètes,  le  cours  de  la  justice  interrompu,  la  magistrature  avilie,  l'ordre  an- 
cien interverti  sous  un  monarque  qui  a  déclaré  ne  vouloir  régner  que  par  les 
lois  et  dont  les  intentions  bienfaisantes  sont  le  gage  du  bonheur  de  ses 
sujets; 

Considérant,  que  les  ordonnances,  édits  et  déclarations  apportés  par  le  pro- 
cureur du  roi,  n'ont  point  été  délibérés  par  le  Parlement  auquel  il  reste  le 
droit  certain  et  reconnu  par  Sa  Majesté  même  de  lui  adresser  ses  remon- 
trances, droit  dont  il  ne  peut  en  ce  moment  user,  par  la  suspension  forcée  de 
ses  fonctions  ; 

A  arrêté  unanimement  qu'elle  ne  peut  ni  ne  doit  faire  procéder  à  la  lecture, 
publication  et  enregistrement  desdits  édils,  ordonnances  et  déclarations  ; 

Et  à  l'instant  les  gens  du  roi  mandés,  et  eux  entrés,  M.  le  lieutenant  civil 
leur  ayant  donné  connaissance  dudit  arrêté,  ils  ont  déclaré  unanimement 
qu'ils  y  adhéraient. 


1.  Arch.  nat.,  K.  716. 


±1 


338  LE  CHATELET  DE  PARIS 

AI.  de  Pourqueux  reçut  la  mission  de  réduire  le  Ghâtelet  à  l'obéis- 
sance: Le  lieutenant  de  police  informait  la  Cour,  et  particulièrement 
le  garde  des  sceaux,  au  fur  et  à  mesure  des  événements. 

Lettre  autographe,  signée  de  Crosne,  à  M.  de  Lamoignon 

Monseigneur,  je  me  proposois  d'avoir  l'honneur  de  vous  donner  des  nou- 
velles de  ce  qui  se  seroit  passé  au  Chatelet,  mais  la  compagnie  est  toujour 
assemblée,  depuis  midi,  M1'  le  prevost  de  paris,  sy  est  rendu  sur  linvitation 
quil  a  receu  ainsi  que  tous  les  membres  qui  sont  au  nombre  de  soixante.  Je 
nai  pu  rien  scavoir  encor  de  ce  qui  se  passe  dans  Rassemblée,  tout  ce  que  j'ai 
pu  découvrir  cest  que  la  compagnie  s'est  divisée  en  trois  bureaux  et  qu'il  pa- 
roit  qu'on  soccuppe  de  la  rédaction  d'un  arrêté.  Il  y  a  lieu  de  croire  que  la 
séance  pourra  avoir  encor  quelque  longueur,  et  si  elle  finissoit  trop  tard,  je 
n'aurai  lhonneur  de  vous  faire  part  que  demain  a  sept  heures  du  matin  de  ce 
que  je  pourai  scavoir,  a  moins  que  vous  ne  désiriez  en  estre  instruit  même 
au, milieu  de  la  nuit. 

Tout  sest  passé  avec  la  plus  grande  tranquillité,  il  n'y  a  même  pas  eu  beau- 
coup de  monde,  au  Chatelet,  dans  le  courant  de  la  journée,  il  y  en  a  eu  da- 
vantage dans  la  soirée,  mais  il  n'y  a  pas  une  très  grande  aftluence. 

Je  suis  avec  respect,  Monseigneur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  ser- 
viteur, 

De  Crosne. 
A  Paris,  ce  vendredi  soir  dix  heures  trois  quart. 

Lettre  signée  de  Crosne,  à  M.  de  Lamoignon, 

SUR  LA  SÉANCE  DU  21  MAI  1788,  AU  CUATELET 


■> 


Je  viens  d'avoir  des  détails  plus  circonstanciés  sur  ce  qui  s'est  passé  au 
Chatelet,  et  je  m'empresse  d'avoir  l'honneur  de  vous  en  faire  part. 

11  y  a  eu  d'abord  quelques  observations  sur  la  manière  dont  M.  de  Four- 
queux  serait  introduit  dans  l'assemblée  et  la  place  qu'il  y  occuperait.  11  a 
resté  pendant  cette  discussion  dans  le  cabinet  de  M.  le  lieutenant  civil.  Il  a 
été  convenu  que  M.  le  procureur  du  roi  annoncerait  à  la  Compagnie  que  M.  de 
Fourqueux,  commissaire  du  roi  et  chargé  de  ses  ordres,  demandait  à  entrer  : 
M.  le  procureur  du  roi  l'a  en  conséquence  introduit  dans  l'assemblée. 

Lorsqu'il  a  eu  pris  séance,  M.  le  lieutenant  civil  a  fait  au  nom  de  la  Com- 
pagnie les  protestations  qui  avaient  été  arrêtées  contre  tout  ce  qui  se  ferait  et 
la  déclaration  que  la  Compagnie  persistait  dans  son  arrêté  du  16  de  ce  mois1. 

M.  de  Fourqueux  a  ensuite  fait  lire  sa  lettre  de  créance  et  a  fait  enregistrer 
les  lettres  patentes  qui  annonçaient  sa  mission.  Il  a  fait  un  discours,  a  remis 


1.  Voici  le  texte  de  cette  déclaration  :  «  Monsieur,  la  Compagnie  m'a  chargé 
de  vous  déclarer  qu'elle  proteste  unanimement  contre  tout  ce  qui  pourrait  être 
l'ait  eu  cette  séance  de  contraire  aux  droits,  usages  et  arrêtés  de  la  Uunpagnie, 
"I  notamment  ;ï  celui  du  10  du  présent  mois  dans  lequel  elle  persiste.  » 


LE  CHATELET  DE  PARIS  33'J 

à  la  Compagnie  les  ordres  du  roi  et  à  M.  le  procureur  du  roi  une  lettre  de 
cachet  particulière. 

On  est  ensuite  descendu  à  l'audience  du  Parc  civil.  Il  était  alors  dix  heures. 
M.  le  Prévôt  de  Paris  avait  donné  des  ordres  une  demi-heure  auparavant  de 
faire  ouvrir  la  grille  du  Châtelet.  Il  n'y  a  eu  d'abord  que  très  peu  de  monde, 
ainsi  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  le  marquer  ;  mais  le  nombre  s'est  accru  suc- 
cessivement, de  manière  que  la  Chambre  du  Parc  civil  était  remplie  lorsque 
l'on  est  descendu  à  l'audience,  et  il  y  avait  une  grande  affluence  dans  les 
salles. 

M.  le  lieutenant  civil  en  entrant  à  l'audience  a  renouvelé  au  nom  de  la 
Compagnie  les  protestations  qu'il  avait  déjà  été  chargé  de  faire.  On  a  procédé 
ensuite  à  la  lecture  des  différentes  lois  et  l'enregistrement  en  a  été  requis  par 
M.  le  procureur  du  roi  par  ordre  et  de  l'exprès  commandement  de  Sa  Ma- 
jesté. La  lecture  a  été  faite  assez  rapidement  et  n'a  guère  duré  plus  d'une 
heure. 

Quand  M.  de  Fourqueux  s'est  levé  et  s'est  retiré,  il  y  a  eu  quelques  sifflets  : 
mais  on  en  a  imposé  sur-le-champ  au  public,  et  ils  ont  cessé.  MM.  du  Châtelet 
ont  quelques  moments  après  levé  l'audience.  Il  y  a  eu  alors  des  applaudisse- 
ments :  mais  M.  le  lieutenant  civil  a  imposé  silence,  ces  applaudissements  ont 
cessé,  et  il  n'y  a  eu  aucune  rumeur. 

M.  de  Fourqueux,  en  sortant  de  l'audience,  est  monté  dans  le  cabinet  de 
M.  le  lieutenant  civil,  pour  faire  rédiger  par  les  greffiers  les  procès-verbaux 
dont  il  doit  emporter  des  expéditions,  et  il  n'est  point  encore  sorti  dans  ce 
moment-ci. 

Quant  à  MM.  du  Châtelet,  ils  se  sont  tous  réunis  à  la  chambre  du  Conseil  où 
ils  sont  actuellement  assemblés.  J'aurai  l'honneur  de  vous  faire  part  de  ce 
qui  se  sera  passé  aussitôt  que  j'en  aurai  connaissance. 

Il  était  fort  important  que  l'audience  des  criées  et  adjudications  tînt  aujour- 
d'hui suivant  l'usage  ;  on  vient  de  m'assurer  qu'on  se  préparait  pour  cette 
audience  et  qu'il  y  avait  des  procureurs  en  robe  disposés  à  y  assister. 

L'audience  des  criées  n'est  tenue  que  par  un  des  juges,  et  c'est  ordinaire- 
ment un  de  MM.  les  lieutenants  particuliers.  Je  crois  pouvoir  vous  assurer  que, 
dans  le  cas  où  l'assemblée  durerait  trop  longtemps,  un  des  juges  se  détache- 
rait pour  tenir  l'audience. 

Il  y  a  toujours  beaucoup  de  monde  au  Châtelet,  et  il  y  a  des  groupes  dans 
la  Cour  et  sur  les  quais  :  mais  il  n'y  a  aucune  apparence  de  rumeur. 

Je  suis  avec  respect,  Monseigneur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  ser- 
viteur, 

Dk  Crosne. 

M.  de  Fourqueux  est  sorti  du  Châtelet  à  une  heure,  après  'avoir  vérifié  sur 
les  registres  la  mention  des  enregistrements. 

La  Compagnie  est  restée  assemblée  jusqu'à  une  heure  et  demie  et  a  fait 
l'arrêté  que  j'ai  l'honneur  de  vous  adresser1.  J'ai  l'honneur  de  vous  envoyer 
aussi  la  déclaration  faite  par  M.  le  lieutenant  civil  au  nom  de  sa  compagnie. 

1.  Arrêté  du  21  mai  1788  :  «  La  Compagnie,  persévérant  dans  les  protestations 
de  ce  jourd'hui  par  elle  faites  et  notifiées  au  commissaire  du  roi,  tant  en  la 
chambre  du  Conseil  qu'en  l'audience  du  Parc  civil,  proteste  de  nouveau  contre  la' 


3i0  LE  CHATELET  DE  PAlilS 

Il  y  a  eu  des  battements  de  mains  lorsque  la  compagnie  s'est  séparée. 

L'audience  des  criées  a  commencé  immédiatement  après  et  se  tient  par 
M.  lîellanger.  Les  procureurs  y  assistent.  11  y  a  toujours  grande  aflluence,  mais 
beaucoup  de  tranquillité. 

De  Crosne. 


Lettre  autographe  du  garde  des  sceaux  de  Lamolgnon  au  Roi  ' 

Sire,  j'ay  l'honneur  d'envoyer  à  Votre  Majesté,  le  résultat  de  la  séance  de 
M.  de  Fourqueux  au  Chàtelet.  Les  ordres  de  Votre  Majesté  ont  été  exécutés  et 
le  service  du  Chàtelet  à  repris  après  la  sceance.  Les  Protestations  paroitrOnt  je 
pense  à  Votre  Majesté  fort  généralles,  je  n'ai  encore  vu  personne  qui  ait  pu 
me  parler  des  dispositions  ultérieures. 
Je  suis  avec  le  respect  le  plus  profond  et  la  soumission  la  plus  parfaite, 
Sire, 
De  Votre  Majesté,  le  très  humble  très  obéissant  et  très  fidèle  sujet  et 
serviteur, 

Delamoignon. 
Paris,  ce  21  may  1788. 

EXTRAIT  DES  REGISTRES  DE  LA  COMMUNAUTÉ  DES  PROCUREURS 
AU  CHATELET  DE  PARIS,  DU  MERCREDI  30  MAI  1788 2 

En  l'assemblée  extraordinairement  convoquée  par  billets  au  bureau  de  la 
compagnie,  4  heures  de  relevée,  où  étaient  MM.  les  procureurs  de  communauté, 
MM.  les  anciens  et  MM.  les  officiers  en  charge,  M.  Magny,  syndic,  a  dit  qu'il 
a  reçu  le  27  de  ce  mois  un  billet  de  Monseigneur  le  garde  des  sceaux  à  lui 
adressé  en  sa  qualité  de  syndic,  conçu  en  ses  termes  : 

«  Monsieur  le  garde  des  sceaux  prie  Monsieur  Magny  de  venir  lui  parler 
après  demain  jeudi  à  9  heures  du  malin  à  Paris...  Ce  mardi  27  mai  1789. 

«A  M.  Magny,  syndic  des  procureurs  au  Chàtelet,  rue,  etc.  » 

Qu'en  conséquence,  il  s'est  rendu  en  l'hôtel  de  Monseigneur  le  garde  des 
sceaux;  que  ce  magistrat,  ayant  annoncé  qu'il  était  instruit  que  les  procureurs 
ne  se  rendaient  pas  aux  audiences  pour  plaider,  lui  a  dit  qu'il  fallait  que  lui 
M.  Magny  et  ses  confrères  se  présentassent  aux  audiences,  et  cela  dès  lundi 
prochain,  et  qu'il  l'en  certifiât  dans  la  journée.  Et  Monseigneur  le  garde  des 
sceaux  a  ajouté  que  c'était  un  ordre  qu'il  donnait,  et  qu'il  donnait  de  la  part 
du  roi,  qui  le  voulait  ainsi,  et  qu'il  souhaitait  pouvoir  en  rendre  compte  à  Sa 
Majesté  dimanche  prochain  à  Saint-Cloud. 


transcription  faite  du  très  exprès  commandement  de  Sa  Majesté  sur  les  registres 
de  la  chambre  du  Conseil,  et  pareillement  contre  les  lecture  et  publication 
laites  à  l'audience  et  transcription  ès-registres  des  Bannières,  ne  se  croyant  liée 
par  aucun  desdits  actes,  s'en  référant  à  son  arrêté  du  1G  du  présent  mois,  et 
y  persistant  unanimement.  » 

1.  Arch.  nul.,  K.  11(i.  —  Le  garde  des  sceaux  avait  fixé  sa  résidence  à  Paris, 
dans  son  hôtel,  afin  de  suivre,  et  s'il  était  possible,  de  diriger  les  événements. 

■1.  Hardy,  t.   VII,  p,   466  (1"  juin  1788). 


LE  CHATELET  DE  PARIS  341 

Sur  quoi  la  compagnie  a  unanimement  arrêté  que  le  récit  ci-dessus  sera  in- 
cessamment envoyé  à  chacun  des  confrères,  et  qu'au  surplus  le  billet  de  Mon- 
seigneur le  garde  des  sceaux  ainsi  que  l'enveloppe  demeureraient  ci-annexés, 
ce  qui  a  été  fait...  Ainsi  arrêté,  etc. 

Magny  adressa  l'extrait  qui  précède,  sans  aucun  commentaire,  à 
chacun  de  ses  collègues.  Les  procureurs,  assemblés  seulement  le  di- 
manche lor  juin  à  l'issue  de  la  messe  qu'ils  entendaient  au  Châtelet, 
décidèrent  de  reprendre  leur  service  le  mardi  suivant  3  juin.  Bon 
nombre  d'entre  eux  paraissaient  disposés  à  ne  se  charger  d'aucune  af- 
faire nouvelle  comme  partie  demanderesse. 

ASSEMBLÉE  DES  NOTAIRES  DU  CHATELET 

13    OCTOBRE    1788 

Ce  jour,  vers  G  heures  du  soir,  il  se  tient  dans  une  des  salles  du  Châtelet  de 
Paris  une  assemblée  générale  de  tous  les  notaires  qui  y  avaient  été  convoqués 
par  une  circulaire,  en  vertu  d'une  lettre  ministérielle,  et  d'après  une  confé- 
rence qu'avaient  eue  préalablement  avec  le  sieur  Necker,  ministre  d'État  et 
directeur  général  des  finances,  les  officiers  en  charge  de  la  compagnie.  On  rap- 
porte pour  résultat  de  cette  assemblée  qu'il  y  avait  été  arrêté  et  convenu  que 
les  notaires  prêteraient  à  l'État,  dans  ce  moment  de  crise  ',  une  somme  de 
6  millions  remboursable  soi-disant  dans  l'espace  de  30  années  et  dont  ils  lou- 
cheraient l'intérêt  sur  le  pied  de  6  pour  100  par  an  qui  leur  seraient  délivrés 
par  les  receveurs  du  domaine  en  les  imputant  sur  leur  consommation  jour- 
nalière des  papiers  et  parchemins  timbrés. 

1.  Malgré  le  crédit  et  l'habileté  dp  Necker,  les  effets  royaux  ne  ressaient  de 
baisser.  A  cette  date  du  13  octobre,  les  quittances  de  finances  de  l'emprunt  de 
1782  perdaient  24  pour  cent;  l'emprunt  de  novembre  1787  (reconnaissances  de 
1,000  livres)  oscillait  entre  61G  et  C>22  livres;  le  viager  du  même  emprunt  perdait. 
G8  pour  cent.  Necker  négociait  alors  avec  les  banquiers  genevois  «  pour  sauver 
la  nation  française  ».  Hardy,  VIII,  p.  lia. 


XII 
LE  MINISTRE  DE  PARIS 


On  appelait  ministre  de  Paris,  sous  l'ancien  régime,  celui  des  quatre 
secrétaires  d'Etat  qui  avait  Paris  dans  son  département  :  car  il  n'y 
avait  pas  de  ministre  de  l'intérieur,  et  le  territoire,  au  point  de  vue 
de  la  correspondance  administrative,  était  distribué  entre  les  per- 
sonnages que  le  roi  désignait. 

Après  la  courte  expérience  des  conseils  supérieurs  d'administration 
préconisés  sous  le  nom  de  polysynodie,  le  régent  rétablit  le  système 
ministériel.  Le  comte  de  Maurepas,  ministre  de  la  maison  du  roi  et 
secrétaire  d'Etat  de  la  marine,  eut  aussi  le  département  de  Paris,  et 
garda  le  tout  depuis  1  719  jusqu'à  sa  disgrâce,  survenue  le  23  avril  1719. 
Après  avoir  pendant  trente  ans  contresigné  les  lettres  de  cachet,  il  en 
recul  une  à  son  tour.  Si  l'on  pouvait  à  la  Cour  lui  reproeber  «  son  peu 
de  respect  pour  les  maîtresses  du  roi  »,  l'opinion  publique  le  blâmait 
à  plus  juste  titre  d'une  grande  légèreté  dans  le  maniement  des  affaires 
et  d'une  confiance  exagérée  dans  ses  commis.  La  vaste  étendue  de  ses 
fonctions  ne  lui  permettait  guère,  d'ailleurs,  de  les  remplir  conscien- 
cieusement. Au  point  de  vue  administratif,  il  était  le  supérieur  hiérar- 
chique du  lieutenant  général  de  police;  à  ce  poste  il  vit  se  succéder  de 
Macbault  (1718-1720);  le  comte  d'Argenson  (Marc-Pierre),  du  26  jan- 
vier 1720  au  1er  juillet  1720;  Teschereau  de  Baudry  (1720-1722);  le 
comte  d'Argenson  de  nouveau  (26  avril  1722-28  janvier  4724);  Ravot 
d'Ombreval  (28  janvier  1724-28  août  1725);  Hérault  (28  août  1725- 
21  décembre  1739)  ;  Feydeau  de  Marville  (21  décembre  1739-27  mai 
1747);  enfin  Berryer  (27  mai  1747-29  octobre  1749),  pendant  un  peu 
moins  de  deux  ans  '. 

Cette   rapide   succession  de  lieutenants  généraux  de  police  nuisit 

1.  Journal  de  Barbier,  l.  I.  p.  198. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  343 

sans  doute  à  la  considération  de  cette  charge  ;  mais  le  ministre  de 
Paris  se  garda  bien  d'en  attirer  à  lui  les  difficiles,  minutieuses  et  impo- 
pulaires fonctions:  il  s'opposa  aussi,  comme  on  l'a  vu,  aux  revendica- 
tions du  prévôt  de  Paris  contre  ses  lieutenants. 

Dès  le  lendemain  de  la  mort  du  duc  d'Orléans  le  comte  d'Argenson 
était  allé  visiter  le  <luc  de  Bourbon;  «  il  le  supplia  de  faire  trouver 
bon  au  roi  qu'il  lui  remit  sa  commission  de  lieutenant  général  de 
police;  il  dit  que  son  père  et  lui,  tant  sous  Louis  XIV  que  sous  le 
régent,  avaient  été  accoutumés  à  l'aire  cette  charge  avec  distinction 
(voulant  dire  qu'ils  rendaient  compte  directement  au  prince,  et  qu'ils 
étaient  sur  le  pied  de  ministres);  qu'il  ne  lui  convenait  pas  d'être  ré- 
duit à  la  simple  fonction  de  lieutenant  de  police  ;  que  d'ailleurs  il  était 
si  fort  attaché  à  la  personne  de  M.  le  duc  de  Chartres1  qu'il  aurait 
peine  à  vaquer  à  sa  charge.  »  —  Ravot  d'Ombreval,  cousin  germain 
de  la  marquise  de  Prie,  maîtresse  du  duc  de  Bourbon,  fut  nommé 
lieutenant  général  de  police. 

Lui  et  ses  successeurs  continuèrent  à  être  traités  en  ministres,  et  il 
fallut  même  que  le  Parlement  rappelât  à  Maurepas  qu'il  n'avait  pas 
le  droit  de  postdater  les  lettres  de  cachet  expédiées  par  Hérault:  ou 
plutôt,  qu'Hérault  n'avait  pas  le  droit  de  se  servir  des  lettres  de  ca- 
chet non  revêtues  préalablement  de  la  signature  ministérielle. 

M.  Porlail  le  fils%  qui  préside  à  la  tournelle,  quoique  jeune,  soutient  bien 
sa  place.  Le  lieutenant  de  police  avait  introduit  un  abus  :  il  faisait  arrêter  un 
homme  de  l'ordre  du  roi,  et  ne  faisait  signer  l'ordre  par  le  secrétaire  d'État 
que  trois  ou  quatre  jours  après.  M.  Portail  a  fait  sortir,  ces  jours  passés,  les 
prisonniers  pour  lesquels  il  n'y  avait  point  d'ordre  du  roi  transcrit  sur  les  re- 
gistres des  prisons.  Il  a  fail  venir  M.  Hérault,  lui  a  défendu  d'en  user  de  la 
sorte,  et  a  ordonné  qu'on  informerait  la  cour,  toutes  les  semaines,  de  ceux  qui 
étaient  dans  les  prisons  par  ordre  du  roi. 

Ce  passage  est  remarquable  à  plus  d'un  titre.  Barbier  loue  Porlail, 
non  de  défendre  la  liberté  individuelle  des  citoyens,  mais  de  bien 
soutenir  sa  place;  d'autre  part,  on  voit  que  le  secrétaire  d'État  mi- 
nistre de  Paris  n'est  cité  qu'incidemment  et  qu'il  ne  semble  pas  être 
invité,  lui,  à  bien  soutenir  sa  place. 

Lorsque  la  marquise  de  Pompadour  eut  à  se  plaindre!  du  comte  de 
Maurepas  et  de  ses  chansons,  c'est  au  lieutenant  général  de  police 
Berryer  qu'elle  crut  devoir  s'adresser:  il  répondit  prudemment  qu'il 


1.  Sic  :  le  duc  do  Chartres  riait  alors  devenu  duc  d'Orléans.  D'Argenson  riait 
son  chanceuer,  ce  qui  valait  40,000  ou  50,000  livres. 

2.  Du  premier  président  du  Parlement  {■Journal  de  Barbier,  1.  I,  p.  446. 


314  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

n'avait  que  la  police  de  Paris,  et  non  celle  de  la  cour.  Le  roi  lui  même 
trancha  la  question  en  renvoyant  Maurepas  (23  avril  1749). 

L'ex-lieutenant  général  de  police,  comte  d'Argenson,  qui  en  oc- 
tobre 1740  avait  été  nommé  intendant  de  Paris  (c'est-à-dire  de  la  gé- 
néralité, moins  Paris),  et  qui  était  conseiller  d'État,  reçut  avec  le 
ministère  de  la  guerre  le  département  de  Paris  '.  Mais  le  comte  de 
Saint-Florentin,  ministre  de  la  maison  du  roi,  eut  une  partie,  des  dé- 
pouilles du  comte  de  Maurepas  :  «  la  généralité  de  Paris  à  l'exception 
de  la  ville2  ».  Depuis  celle  époque  jusqu'en  1757,  Paris  et  la  généralité 
restèrent  séparés,  dans  la  répartition  des  départements  ministériels. 
Par  conséquent,  le  ministre  de  Paris  ne  lit  plus,  à  ce  titre,  qu'approu- 
ver et  doubler  le  lieutenant  général  de  police  :  ce  ministère  fictif, 
inutile  à  la  police  courante,  était  indispensable  pour  la  forme  lorsqu'il 
s'agissait  des  corps  d'Etat  siégeant  à  Paris. 

En  1753,  un  conflit  s'éleva  entre  Saint-Florentin  et  d'Argenson  : 
ce  fut  à  propos  de  la  translation  du  Parlement  à  Pontoise.  Le 
comte  d'Argenson,  dit  Barbier,  «  a  Paris  et  le  Parlement  dans  son 
département,  mais  il  n'a  rien  hors  la  ville.  M.  le  comte  de  Saint-Flo- 
rentin a  dans  son  département  la  banlieue  de  "Paris.  Or,  comme  le 
Parlement  n'est  plus  à  Paris,  mais  à  Pontoise  qui  est  dans  son  district, 
il  a  prétendu  que,  tant  qu'il  y  serait,  c'était  à  lui  que  le  Parlement 
devait  s'adresser,  el  qu'il  (Hait  devenu  de  son  département.  Cela  ne 
laisse  pas  que  d'avoir  sa  difficulté.  On  dit  que  le  roi  a  décidé  la  chose 
en  faveur  de  M.  le  comte  de  Saint-Florentin 3  ». 

Berryer  ne  peut  être  rendu  seul  responsable  des  enlèvements  d'en- 
fants qui  eurent  lieu  en  mai  1750;  l'ordre  partit  de  haut  et  les  hommes 
bien  informés  accusèrent  le  secrétaire  d'Etat  de  Paris  d'avoir  prêté 
les  mains  à  un  étrange  et  barbare  système  de  colonisation  forcée  4. 

D'Argenson  fut,  comme  Maurepas,  disgracié  par  lettre  de  cachet 
(1er  février  1757).  Le  comte  de  Saint-Florentin,  dans  le  département 

1.  C'était  «  le  poste  d'honneur  à  cause  de  la  grande  police  de  Paris  qu'il  fera 
eri  se  jouant,  ayanl  été  élevé  par  M.  d'Argenson,  son  père,  et  deux  fois  lieute- 
nant de  police.  Ce  département  embrasse  toutes  les  cours  souveraines,  les  aca- 
démies, les  jardins  du  roi,  l'Opéra,  etc.  »  (Barbier,  p.  73.  Cp.  18-71).) 

2.  Alm.  royal  de  1730,  p.  123. 

3.  Barbier,  l.  111.  p.  is.'i.  On  sait  que  Barbier  n'est  pas  un  témoin  banal  lors- 
qu'il s'agit  du  comte  d'Argenson,  auquel  il  était  attaché.  Le  Journal  du  marquis 
d'Argenson  confirme  d'ailleurs  (eus  ces  renseignements,  mais  toujours  avec  une 
note  défavorable  au  comte. 

•4.  En  1720,  comme  lieutenant  général  de  police,  d'Argenson  avait  eu  recours 
à  ces  odieux  enlèvements  pour  débarrasser  Paris  des  mendiants,  et  soutenir  le 
système  de  La"w  expirant.  Voyez  les  ordonnances  des  lo  mars  et  •'>  mai  1720.  (Le 
Poix  de  l'Yémiiiville,  Dictionnaire  de  lapolice  générale,   1775,  p.  174-478.) 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  345 

duquel  était  déjà  la  généralité  de  Paris,  obtint  en  outre  la  ville  de 
Paris  elle-même  et  la  grande  police.  Il  avait  fait  plusieurs  intérim 
pendant  des  absences  soit  du  comte  de  Maurepas,  soit  du  comte  d'Àr- 
genson;  il  se  trouvait  donc  plus  au  fait  que  personne.  Cette  simplifi- 
cation des  rouages  administratifs,  par  la  réunion  de  la  ville  et  de  la 
généralité  sous  la  même  main,  faisait  espérer  au  public  une  plus 
prompte  expédition  des  affaires. 

Depuis  1757  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime  Paris  ne  fut  plus,  mi- 
nistériellemenl,  séparé  de  la  généralité;  et,  d'autre  part,  Paris  et  la 
généralité  restèrent  invariablement  rattachés  à  la  maison  du  roi.  A 
Saint-Florentin,  devenu  le  duc  de  La  Vrillière,  succédèrent  sous 
Louis  XVI,  Lamoignon  de  Malesherbes  (1775-1776),  Amelot  (1776- 
1783),  le  baron  de  Breteuil  (1783-1788)',  et  Laurent  de  Villedeuil 
(25  juillet  1788-21  juillet  1789)  *  ;  mais  ce  dernier  ministre  de  Paris 
n'eut  ni  le  clergé  ni  les  lettres  de  cachet,  que  le  principal  ministre, 
Loménie  de  Briennc,  s'était  réservés?;  ce  fut seulemenl  après  le  rap- 
pel de  Necker  que  l'ancien  département  de  1757  l'ut  reconstitué  dans 
son  intégralité. 

Ce  département  comprenait  en  1789  les  attributions  les  plus 
variées  4;  la  ville  et  généralité  de  Paris  n'y  figuraient  pour  ainsi  dire 
qu'en  passant  et  pour  la  forme,  et  ne  donnaient  en  temps  ordinaire 
que  fort  peu  d'occupation  au  ministre:  «C'est,  disait  Malesherbes  à 


t.  La  nomination  est  du  8  octobre.  H  obtint  cette  fonction  par  la  faveur  de  la 
reine,  qui  avait  été  satisfaite  de  son  ambassade  à.  Vienne. 

2.  Arch.  nat.,  G'499,  p.  -429;  O'iSG,  p.  516. 

3.  Hardy,  à.  la  date  du  2.".  juillet  1788  (tome  VIII). 

4.  Maison  du  roi  ;  clergé;  affaires  générales  de  la  religion  prétendue  réformée; 
expédition  de  la  feuille  des  bénéfices;  économats;  dons  et  brevets,  autres  que  des 
officiers  de  guerre  ou  des  étrangers,  pour  les  provinces  de  son  département. 
Provinces  ou  généralités,  S  1-  La  ville  et  la  généralité  de  Paris;  le  Languedoc 
haut  et  bas  et  la  généralité  de  Montauban;  Provence,  Bourgogne,  Bresse,  Bugey, 
Valromey  et  Gex;  Bretagne;  comté  de  Foix,  Navarre,  Béarn,  Bigorre  et  Nébou- 
zan.  Picardie  el  Boulonnais.  Généralité  île  Tours;  l'Auvergne,  qui  comprend  la 
généralité  de  Riom.  Généralité  de  Moulins,  qui  comprend  le  Bourbonnais,  le  Ni- 
vernais et  la  Haute-Marche;  Limoges,  qui  comprend  l'Angoumois  et  la  Casse- 
Marche;  Soissons;  Orléans  avec  la  partir  du  Perche  qui  en  dépend.  Le  Poitou, 
La  Rochelle,  qui  comprend  la  Saintonge,  le  pays  d'Aunis,  Brouage,  l«'s  îles  de  Rhé 
et  d'Oléron.  S  2.  La  Guyenne  haute  ri  basse,  ce  qjy  comprend  les  intendances 
de  Bordeaux,  Àuch  et  Bayonne.  La  Normandie,  qui  comprend  les  généralités  de 
Rouen.  Caen  ri  Alençon,  et  la  partie  de  la  province  du  Perche  qui  dépend  de  la 
généralité  d'Alençon.  La  Champagne  et  la  partie  de  la  Brie  qui  dépend  <!•■  la  gé- 
néralité de  Châlons.  La  principauté  de  Dombés.  Le  Berri  (Alm.  royal  de  1789, 
p.  2:10).  —  Les  deux  sériions  concernanl  la  subdivision  entre  les  bureaux.  La 
ville  île  Paris  était  dans  lf  troisième  bureau  'M.  Jurien)  avec  les  affaires  géné- 
rales du  clergé,  etc.,  etc. 


346  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

Augeard  ',  le  département  le  plus  ennuyeux  et  le  plus  plat,  et  d'ail- 
leurs sujet  à  toutes  sortes  de  querelles  avec  toutes  les  femmelettes  de 
la  Cour.  »  Lorsque,  après  la  retraite  de  Malesherbes,  Augeard  vient 
recommander  au  comte  de  Maurepas  (que  Louis  XVI  avait  rappelé) 
la  candidature  &' Amelot,  lequel  passait  pour  peu  capable  :  «  Ce  dé- 
partement-là n'est  pas  la  mer  à  boire  (fait-il  observer  au  principal 
ministre)  :  "donnez -lui  un  bon  premier  commis2.  »  Maurepas  lit 
mieux  :  il  rappela  Lenoir,  justement  éliminé  par  Turgot,  à  la  lieute- 
nance  générale  de  police,  et,  comme  Amelot  et  Lenoir  étaient  parents, 
nul  ne  douta  de  la  parfaite  intelligence  qui  devait  régner  entre  les 
deux  administrateurs  :  en  effet,  Lenoir  devint  le  maître  à  Paris,  et 
Amelot  se  résigna  aisément  à  une  sinécure  qui  faisait  le  dégoût  de 
Malesherbes. 

Le  baron  deBreteuil  et  Laurent  de  Yilledeuil  eurent  plus  d'occupa- 
tion, d'abord  parce  que  Lenoir  fut  remplacé  en  1785  par  un  lieute- 
nant général  moins  actif  quoique  plus  considéré,  Tbiroux  de  Crosne, 
et  ensuite  à  cause  des  circonstances  politiques,  de  la  lutte  contre  le 
Parlement,  de  la  guerre  aux  pamphlétaires,  de  toutes  les  mesures  à 
prendre  d'abord  pour  éviter,  puis  pour  préparer  les  États  généraux  5. 
Dans  la  question  de  la  convocation  de  Paris,  Laurent  de  Villedeuil 
tint  pour  la  prévôté  des  marchands  contre  le  Cbâtelet,  c'est-à-dire, 
au  fond,  contre  la  police;  mais  son  avis  ne  prévalut  point. 

Les  documents  qui  suivent  sont  tirés,  les  uns  des  papiers  de  la  ville 
(minutes)  ou  de  ses  registres,  —  la  majeure  partie  des  registres  de  la 
correspondance  (active)  de  la  Maison  du  roi.  La  grande  masse  de  la 
correspondance  passive  a  été  détruite  dans  des  circonstances  parfai- 
tement connues. 

Le  décret  du  7  messidor  an  II  institua  une  agence,  plus  tard  bureau 
de  triage,  des  papiers  publics  de  l'ancien  régime.  Dans  l'impossibilité 
où  la  Convention  se  trouvait  de  réglementer  ce  travail,  elle  laissa  aux 
agents  qui  en  étaient  chargés  la  plus  dangereuse  latitude  :  «  l'équili- 
bre légal  s'établira  de  lui-même  entre  le  vandalisme  barbare  qui 
voudrait  tout  anéantir,  même  au  détriment  des  intérêts  de  la  Répu- 
blique, et  la  manie  minutieuse  de  tout  conserver,  qui  contrarierait 
l'intention  visible  de  la  loi  ».  Après  une  descente  dans  le  dépôt  de  la 


1.  Mémoires  secrets,  (''il.  Bavoux  (1866),  p.  88.  Il  est  vrai  que  Malesherbes  avait 
répudié  les  lettres  de  cachet,  ne  pouvant  en  obtenir  l'abolition  formelle. 

2.  (>  lui  Robinet. 

'.i.  Ajoutons,  pour  le  baron  de  Breteuil,  son  énorme  et  abusive  influence  auprès 
de  la  reine. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  347 

Maison  du  roi,  rue  des  Petits-Pères,  les  commissaires  résumèrent  ainsi 
leur  impression  :  «  Matières  hétérogènes,  superfluités,  drogues,  amas 
monstrueux  et  rebutants  !  »  Cependant  les  registres  de  la  correspon- 
dance du  secrétariat  furent  épargnés,  mais  on  livra  au  pilon  plus  de 
200  milliers  de  papiers  et  parchemins  de  rebut  '. 

Les  registres  de  la  correspondance  de  la  Maison  du  roi  sont  précédés 
d'une  table  analytique  en  deux  parties. 

La  première  comprend  15  articles  :  les  uns  sont  généraux  (ex.: 
cardinaux,  archevêques,  évèques;  — abbés,  abbesses...;  — princes, 
princesses...; —  gouverneurs,  commandants...);  les  autres  se  rap- 
portent plus  spécialement,  ou  même  entièrement  à  Paris  (ex.:  Bastille, 
—  Maréchaussée  de  l'Ile-de-France,  garde  de  Paris,  et  Robe-courte. — 
Opéra,  comédies  et  spectacles). 

La  seconde  partie  en  30  articles  commence  par  une  liste  de  17  inten- 
dants de  provinces,  y  compris  celui  de  Paris.  Le  18°  article  est  inti- 
tulé :  M.  le  lieutenant  général  de  police.  Les  autres  articles  intéres- 
sants pour  Paris  sont  :  le  20°  (Cours  supérieures,  ainsi  nommées 
malgré  le  titre  de  Cours  souveraines  qu'elles  avaient  recouvré  en 
1775);  le  26e  (Ville  de  Paris,  c'est-à-dire,  Hôtel  de  Ville);  le  27e  (Aca- 
démies, etc.);  le  28°  (Université  et  collège  Royal);  le  29e  (Bibliothèque 
du  roi  et  imprimerie  royale). 

Les  pièces  ci-dessous  reproduites  se  rapportent  principalement  aux 
années  très  occupées  de  1787  2,  1788  et  1789,  c'est-à-dire  à  la  fin  du 
ministère  du  baron  de  Breteuil,  et  à  tout  celui  de  Laurent  de  Ville- 
deuil. 

Les  lettres  du  ministre  de  Paris  sont  réparties  dans  notre  travail  en 
trois  sections  :  1°  au  lieutenant  général  de  police  et  au  chevalier  du 
guet  commandant  la  garde  de  Paris;  2°  au  bureau  de  la  Ville  (prévôt 
des  marchands,  procureur  du  roi  et  de  la  Ville);  3°  à  divers  person- 
nages,concernant  diverses  institutions  ou  intérêts  de  Paris. 


1.  De  Boislisle,  Corr.  des  contrôleurs  généraux,  etc.  Paris  (1874),  pages  xxxvm 
et  xxxix. 

2.  En  1787,  par  exemple,  nous  avons  compté  dans  le  registre  0498,  338  lettres 
ou  billets  au  lieutenant  gênerai  de' police;  le  chiffre  se  maintient  à  peu  près 
l'année  suivante.  Il  est  vrai  qu'il  ne  s'agit  la  plupart  du  temps  que  d'affaires 
particulières  (saufs-conduits,  arrêts  de  surséances,  places  de  bons  pauvres,  etc.). 


348  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

LETTRES  AU  LIEUTENANT  GÉNÉRAL  DE  POLICE 

ET  AU  CHEVALIER  DU  fiUET 


Lettre  rin  binon  de  Breteuil  <)  M .  de  CroSne 

(i   JANVIER    1787 
CONCERNANT    L'ACQUISITION    D'UN    HOSPICE    POUR    LA    GARDE   DE   PARIS  ' 

Vous  trouverez  ci-joint,  Monsieur,  l'expédition  de  l'arrêt  que  vous  m'avez 
proposé  pour  l'acquisition  d'une  partie  des  bâtiments  et  terrains  situés  rue  de 
Popincourt,  faubourg  Saint-Antoine,  destinés  à  former  un  hospice  pour  la 
garde  de  Paris.  J'y  joins  le  projet  de  contrat,  le  devis  et  la  soumission  concer- 
nant les  ouvrages  à  faire.  Les  conditions  contenues  dans  ces  actes  m'ont  paru 
conformes  à  ce  qui  a  été  convenu,  et  rien  ne  s'oppose  désormais  à  la  conclu- 
sion définitive  de  cette  affaire.  Je  vous  prie  de  vouloir  bien  y  donner  vos  soins, 
et,  lorsqu'elle  sera  terminée, 'je  vous  serai  obligé  de  m'envoyer  les  expéditions 
en  règle  de  tout  ce  qui  aura  été  fait,  pour  rester  dans  mes  bureaux2. 

Du  même  au  même 

(>   JANVIER    17.S7 
CONCERNANT   LA    SUCCESSION    DE    BOYNES 

J'ai,  Monsieur,  l'honneur  de  vous  envoyer  l'expédition  d'un  arrêt  que  MM.  de 
la  Commission  du  tabac',  que  vous  présidez,  ont  proposé  de  rendre  pour  pré- 
venir les  suites  de  la  mésintelligence  qui  règne  entre  les  mandataires  des 
créanciers  de  feu  M.  de  Royncs.  Cet  arrêt  étant  du  propre  mouvement,  vous 
voudrez  bien  en  faire  faire  les  significations  nécessaires. 

l)u  même  au  même 

13   JANVIER    1787 
SUR    UNE    QUESTION    D'ALIGNEMENT 

Vous  trouverez,  ci-joint,  Monsieur,  une  lettre  qui  m'a  été  écrite  par  M.  Gui- 

1.  Arch.  nat.,  0*498,  p.  6.  --  Lorsque  les  lettres  se  trouvent  placées  à  leur 
date,  dans  le  mois,  nous  jugeons  superflu  d'indiquer  la  paye  du  registre. 

2.  Autre  lettre  (15  sept.  1787)  annonçant  une  ordonnance  de  payement  de 
i>2,.j(ll)  livres  pour  les  travaux  de  ecl  hospice. 

:j.  Commission  extraordinaire  instituée  par  Turgot  pour  réprimer  la  contre- 
bande du  tabac,  et  utilisée  par  l'arbitraire  ministériel  pour  enlever  certaines 
causes  et  certaines  personnes  à  leurs  juges  naturels.  Voyez  à  ce  sujet  un  long 
Récit  au  Parlement,  le  31  janvier  178.'!,  séance  du  matin  (Arch.  nat..  X  lu  8978). 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  349 

chard,  procureur  du  roi  du  bureau  des  finances,  un  plan,  cl  plusieurs  pièces 
relatives  à  une  maison  existante  en  saillie  sur  la  rue  de  la  Huclicttc.  Il  me 
semble  qu'il  serait  important  pour  la  sûreté  et  la  commodité  publique  de  faire 
supprimer  celte  saillie.  Je  vous  prie  de  vouloir  bien  vérifier,  et  me  marquer 
les  moyens  les  plus  propres  à  opérer  cette  suppression. 

Du  même  au  vie  me 

21    JANVIER    1787 
SUR   LES    HOPITAUX 

Le  sieur  Poyet,  Monsieur,  s'occupe  de  l'exécution  du  projet  de  quatre  hôpi- 
taux proposé  par  l'Académie  des  sciences.  J'ai  écrit  à  cette  compagnie  de  per- 
mettre que  cet  architecte  lui  soumette  ses  idées  et  concerte  ses  plans  avec  elle. 
Biais  M.  Bailly,  l'un  des  commissaires  de  l'Académie,  vient  de  m'écrire  une 
lettre. ..  par  laquelle  vous  verrez  sur  quels  motifs  ces  commissaires  pensent 
qu'il  est  indispensable  qu'eux  et  le  sieur  Poyet  puissent  visiter,  soit  ensemble, 
soit  séparément,  et  toutes  les  fois  qu'ils  le  jugeront  nécessaire,  les  hôpitaux 
de  Saint-Louis  et  de  Sainte-Anne  et  l'emplacement  des  Célcstins  pour  en  lever 
les  plans  et  prendre  tous  les  renseignements  dont  on  aura  besoin.  Je  vous  prie 
de  vouloir  bien  prendre  les  mesures  nécessaires  pour  que  ces  visites  n'éprou- 
vent pas  d'obstacle  et  de  m'informer  de  celles  que  vous  aurez  prises  afin  que 
je  puisse  en  donner  avis  aux  commissaires  de  l'Académie  et  au  sieur  Poyet. 

Autres  sur  le  même  sujet 

26  JANVIER   1787 

M.  Tenon,  de  l'Académie  des  sciences,  Monsieur,  s'occupe  d'un  ouvrage  inté- 
ressant sur  les  hôpitaux,  pour  lequel  il  aurait  besoin  de  savoir  le  nombre  des 
fous  mâles  et  celui  des  folles  qui  sont  soit  dans  les  hôpitaux  de  Paris  et  des 
environs,  soit  dans  les  pensions  particulières  soumises  à  votre  inspection.  . 

10    FÉVRIER   1787 

Vous  trouverez  ci-joint,  Monsieur,  une  lettre  du  sieur  Alix  et  une  chanson 
concernant  la  souscription  pour  les  hôpitaux.  Je  verrais  peu  d'inconvénients  à 
permettre  que  celte  chanson  fût  chantée  dans  les  rues.  Je  m'en  rapporte  ce- 
pendant à  ce  que  vous  jugerez  le  plus  convenable,  et  j'en  préviens  le  sieur 
Alix. 


Du  même  au  même 

Il    FÉVRIER    1787 
SUR    LES    CIMETIÈRES 

J'ai  reçu,  Monsieur,  avec  votre  lettre  du  7  de  ce  mois,  l'exemplaire  de  la  dé- 
claration du  roi  du  10  mars  1776  concernant  la  translation  des  cimetières 


i 

350  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

hors  de  l'enceinte  des  villes.  Je  vois  qu'en  effet  le  roi  s'est  réservé,  par  cette 
loi,  de  pourvoir  sur  ce  qui  concerne  cette  opération  pour  la  ville  de  Paris,  et 
que  depuis  on  n'a  pris  à  cet  égard  aucune  mesure.  Je  crois  convenable  de 
s'en  occuper  et  d'en  parler,  comme  vous  me  le  proposez,  à  quelques-uns  de 
MM.  les  curés.  Mais  je  vous  prie  de  vous  adresser  d'abord  à  ceux  dont  les  pa- 
roisses sont  situées  dans  les  faubourgs  et  dans  les  extrémités  de  l'enceinte  de 
Paris.  Ces  curés  auront  plus  de  facilités  à  se  procurer  des  terrains  qui  les  avoi- 
sinent,  et  où  ils  puissent  établir  des  cimetières  :  et,  si  on  parvient  une  fois  à 
les  déterminer,  on  doit  espérer  que  leur  exemple  entraînera  les  autres.  Je  vous 
prie  aussi  d'en  conférer  avec  M.  l'archevêque,  et  d'exciter  son  zèle  dans  une 
occasion  aussi  intéressante  pour  les  habitants  de  Paris.  Je  vous  serai  obligé  de 
me  faire  part  du  succès  de  ces  démarches. 


Du  même  au  même 

7    .MARS    1787 

SUR   LE    REPOS    DU   DIMANCHE   ET    LES   OUVRIERS   DU    PONT    LOUIS    XVI 

Les  entrepreneurs  du  pont  Louis  XVI  demandent  d'y  faire  travailler  les 
fêtes  et  dimanches.  Quelque  important  que  soit  cet  ouvrage,  je  ne  crois  point 
nécessaire  de  déroger  aux  règles.  Je  pense  au  contraire  que  ce  serait  dans 
cette  occasion  un  exemple  dangereux,  et  vous  pouvez  refuser  la  permission 
dont  il  s'agit  '. 

Du  même  au  même 
15  maks  1787 

sur  un   remède  secret 

Le  roi,  Monsieur,  a  acquis  au  mois  de  février  1778  la  composition  et  pré- 
paration d'une  eau  antivénérienne  sous  la  réserve  du  secret  pendant  l'espace 
de  quinze  années  au  profit  des  sieurs  Querton  et  Eaudoucet,  qui  en  étaient 
propriétaires  ;  il  leur  a  en  conséquence  été  expédié  un  brevet  pour  la  vente 
de  cette  composition  :  l'un  et  l'autre  étant  décédés  avant  l'expiration  des 
quinze  années,  leurs  veuves  demandent  qu'on  leur  accorde  la  continuation  du 
privilège  pendant  le  terme  de  six  années  qui  reste  encore  à  courir. 

Le  ministre  demande  un  avis  motivé. 


1.  Autres  lettres  relatives  au  pont  Louis  XVI  :  celle  du  18  janvier  1788  (0*499, 
p.  24),  adressée  au  prévôt  des  marchands,  fixe  le  devis  à  1,031,000  livres  à  ré- 
partir sur  3  ans; —  lettre  du  27  mai  1788  (ibid.,p.  295),  à  Éthis  de  Corny, recom- 
mandant d'avertir  avec  ménagement  l'architecte  Perronet  de  certaines  critiques 
(l'arche  marinière  n'aurait  pas  assez  de  23  pieds  en  temps  'de  crues  :  celle  du 
pont  de  Sèvres  en  avait  28,  celle  du  Pont-Royal,  30).  —  Leltre  du  10  août  1788, 
qui  écarte  la  demande  du  cordon  de  Saint-Michel  présentée  par  les  deux  pre- 
miers échevins  Guillot  et  Dorival,  à  l'occasion  de  la  pose  de  la  première  pierre 
(ibid.,  p.  402). 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  351 

Du  même  au  même 
15  aviiii.  1787 

SUR    UNE   DEMANDE   DE   LA    COUR   DE   NAPLES 

Cette  lettre,  Monsieur,  vous  sera  remise  par  M.  le  chevalier  de  Bressac,  que 
la  cour  de  Naples,  désirant  d'établir  une  meilleure  police  que  celle  qui  existe, 
a  chargé  de  rassembler  des  éclaircissements  et  des  détails  sur  la  manière 
dont  celle  de  Paris  est  montée.  Je  vous  prie  de  donner  et  de  faire  donner  à 
M.  le  chevalier  de  Bressac  toutes  les  connaissances  relatives  à  cet  objet,  qui 
peuvent  être  données  sans  compromettre  l'administration  sur  les  choses  qui 
doivent  rester  secrètes. 

Du  même  au  même 
25  avbil  1787 

sur  l'embauchage  d'ouvriers  pour  l'espagne 

Vous  trouverez  ci-joint,  Monsieur,  un  mémoire  anonyme  par  lequel  on  accuse 
un  abbé  Ximenes  de  débaucher  nos  ouvriers  et  nos  artistes  pour  l'Espagne. 
Quoique  je  sache  combien  en  général  les  mémoires  anonymes  méritent  peu 
de  confiance,  cependant,  comme  celui-ci  contient  des  indications  assez  pré- 
cises, je  pense  qu'elles  ne  sont  pas  à  négliger.  Je  vous  prie  de  vous  assurer  si 
l'abbé  Ximenes  est  en  effet  à  Paris,  et  demeure  à  l'adresse  que  l'on  marque  ; 
il  sera  dans  ce  cas  convenable  de  faire  suivre  sa  conduite,  et  je  vous  serai  obligé 
de  me  proposer  ensuite  ce  que  les  circonstances  exigeront. 

Du  même  au  même 
13  mai  1787 

SUR   UN    PRIVILÈGE   EXCLUSIF    DE    VENTE    POUR   PARIS 

Vous  trouverez  ci-joint,  Monsieur,  un  Mémoire  par  lequel  le  sieur  Ballu, 
négociant  à  Lyon,  demande  un  privilège  exclusif  pour  vendre  et  débiter  à 
Paris  des  morues,  dites  merluches,  préparées  suivant  une  pratique  qu'il  a 
imaginée,  et  qu'il  prétend  avoir  eu  beaucoup  de  succès  à  Lyon.  Je  vous  prie 
de  prendre  sur  cette  demande  les  éclaircissements  qu'elle  peut  exiger  et  de 
m'en  faire  part  ainsi  que  de  vos  observations  et  de  votre  avis. 

Du  même  au  même 
18  mai  1787 

SUR    LA   PROPRIÉTÉ   DE   LA   PLACE    SAINT-BERNARD 

Je  viens  de  recevoir  un  nouveau  Mémoire  au  nom  des  propriétaires  habi- 
tants de  la  grande  rue  du  faubourg  Saint-Antoine,  relativement  à  la  contesta- 
tion qui  subsiste  entre  eux  et  les  religieuses  de  l'abbaye  Saint-Antoine  pour 


352  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

la  propriété  et  jouissance  de  la  place  dite  Saint-Bernard.  Je  vous  prie  de  faire 
prévenir  ces  habitants  que  Sa  Majesté  n'a  pas  jugé  à  propos  de  prendre  con- 
naissance de  cette  contestation  et  qu'elle  a  décidé  qu'ils  devaient  se  pourvoir 
devant  les  juges  ordinaires  '. 

Du  même  un  même 
l(i  juin  1787 

SUR   DEUX    COMPAGNIES    DE    VIDANGE 

On  m'a  rendu  compte,  Monsieur,  du  rapport  que  vous  m'avez  adressé  sur 
les  demandes  respectives  de  la  Compagnie  du  Ventilateur,  de  celle  des  Pompes 
antiméphitiques,  et  du  sieur  Thillaye.  J'ai  vu  d'après  ces  observations  que  la 
Compagnie  du  Ventilateur  serait  celle  qui  pourrait  mériter  le  plus  de  faveur, 
en  l'assujettissant'néanmoins,  conformément  à  l'avis  de  l'Académie  des  sciences, 
à  se  servir,  suivant  les  circonstances,  des  moyens  dont  la  découverte  est  duc 
au  sieur  Thillaye  et  en  obligeant  en  outre  cette  compagnie  à  donner  à  ce  par- 
ticulier une  indemnité  raisonnable.  Vous  ajoutez  que  vous  vous  chargerez 
volontiers  d'amener  les  parties  à  un  arrangement.  Je  consens  à  ce  que  vous 
les  entendiez  contradictoirement.  Mais  il  paraît  aujourd'hui  que  le  sieur  Thil- 
laye s'est  rapproché  de  la  Compagnie  du  Ventilateur  et  qu'une  grande  partie 
des  intéressés  serait  disposée  à  accepter  ses  propositions  dont  la  principale 
serait  que  le  privilège  fût  accordé  en  son  nom  seul.  Peut-être  serait-il  plus 
avantageux  pour  la  chose  que  cet  arrangemeut  eût  lieu  ;  au  surplus  je  vous 
envoie  les  propositions  qui  ont  été  remises  dans  mes  bureaux  par  le  sieur 
Thillaye  :  je  vous  prie  de  les  examiner  et  de  les  communiquer  à  la  Compagnie 
du  Ventilateur.  Je  vous  observe  que  si  les  parties  viennent  à  s'entendre  ou  à 
s'accorder  entre  elles  d'une  manière  ou  d'autre,  il  sera  nécessaire  qu'elles 
signent  un  projet  d'acte  que  je  mettrais  alors  sous  les  yeux  du  Conseil  en  fai- 
sant le  rapport  de  l'affaire. 

P. -S.  —  Repuis  ma  lettre  écrite  je  reçois  un  mémoire  que  vous  trouverez  ci- 
joint  et  par  lequel  la  Compagnie  des  Pompes  anti  [méphitiques]  fait  des  repré- 
sentations contre  le  privilège  que  demande  le  sieur  Thillaye...  Je  vous  prie 
de  l'examiner  et  de  voir  si  ce  serait  le  cas  de  le  communiquer  au  sieur 
Thillaye  avant  de  mettre  l'affaire  en  état  d'être  portée  au  Conseil-. 


1.  Autre  lettre,  du  6  juin  1787,  à  Réveillon  (rue  de  Montreuil,  faubourg  Saint- 
Antoine)  :  de  Breteuil  le  renvoie  aux  tribunaux  ordinaires  pour  ses  différends 
avec  l'abbaye. 

2.  O'-i'JS,  p.  399.  Autre  lettre  du  1S  août,  p.  553.  —  Voyez  l'arrêt  de  la  Cour  de 
Parlement,  du  18  mars  1788,  «  qui  l'ait  main  levée  des  oppositions  formées  par  la 
Compagnie  du  Ventilateur  et  le  nommé  Thillaye,  pompier,  à  l'enregistrement  des 
lettres  patentes  du  3  novembre  1787,  lesquelles  accordent  ;ï  la  Compagnie  des 
Pompes  antiméphitiques  le  privilège  exclusif,  en  concurrence  avec  la  Compagnie 
du  Ventilateur,  île  faire  la  vuidange  îles  fosses  d'aisances,  puits  et  puisards,  tant 
dans  la  ville  de  Paris  qui'  par  tout  le  royaume,  soit  par  le  procédé  des  Pompes 
antiméphitiques,  soit  par  celui  du  Ventilateur;  condamne  la  Compagnie  du  Ven- 
tilateur  et,   Thillaye   en   (i,(J()0    livres    de    dommages-intérêts.    —   Au   surplus   fait 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  353 

Du  même  au  même 

■2'.)  JUIN   1787 
SUR    UNE    FÊTE    BALADOIRE 

Vous  trouverez  ci-joint,  Monsieur,  une  lettre  qui  m'a  été  écrite  au  sujet  d'une 
figure  gigantesque  en  osier  que  l'on  promène  tous  les  ans  dans  Paris  et  qu'on 
brûle  dans  la  rue  aux  Ours,  le  2  juillet '.11  me  semble  qu'il  serait  assez  à  pro- 
pos de  supprimer  celte  cérémonie,  comme  on  en  a  déjà  supprimé  beaucoup 
d'autres  pareilles.  Je  ne  puis  cependant  que  me  référer  à  ce  que  vous  en  pen- 
serez vous-même,  et  aux  mesures  à  prendre  pour  la  suppression,  si  vous  la 
'jugez  convenable.* 

Du  même  au  même 

2  AOUT   1787 
SUR  LA    VENTE    PUBLIQUE    DE    REMONTRANCES    DU    PARLEMENT 

On  m'assure,  Monsieur,  que  les  dernières  remontrances  du  Parlement  non 
seulement  se  vendent  publiquement  à  Paris,  mais  encore  qu'on  les  crie  dans 
les  rues.  Cela  ne  doit  pas  être  toléré.  Vous  voudrez  bien  prendre  les  mesures 
nécessaires  pour  empêcber  surtout  qu'elles  ne  soient  criées;  il  convient  même 
de  faire  arrêter  ceux  qui  se  le  permettront. 

P.-S.  —  Il  serait  aussi  nécessaire  de  mander  le  sieur  Simon  et  lui  défendre 
de  les  imprimer,  ainsi  que  les  suivantes,  s'il  y  en  avait. 

Du  baron  de  Breteuil  à  M.  Dubois,  commandant  de  la  garde  de  Paris 

27  AOUT  1787 
SUR    UN    PLACARD 

Vous  m'avez  envoyé,  Monsieur,  le  22  de  ce  mois,  un  placard  qui  avait  été 


mainlevée  des  saisies  laites  sur  la  Compagnie  des  Pompes  parcelle  du  Ventila- 
teur, avec  restitution  des  frais  de  fourrière,  le  tout  avec  dépens.»  —  La  Compa- 
gnie du  Ventilateur  s'appuyait  sur  les  lettres  patentes  qu'elle  avait  obtenues  en 
date  du  10  avril  1779  (enregistrées  le  11  mai  suivant),  avec  lesquelles  celles  du 
3  novembre  1787,  accordées  à  la  Compagnie  des  Pompes,  lui  paraissaient  incon- 
ciliables. (ISib.  nul.,  F,  Arrêts  du  Parlement  de  Paris,  à  la  date.) 

1.  Eu  réalité,  le  3.  C'est  l'anniversaire  du  prétendu  miracle  du  3  juillet  1418, 
jour  où  une  statue  de  la  Vierge,  mutilée  par  un  soldai,  aurait  répandu  du  sang. 
Cette  statue  l'ut  remplacée  par  une  autre,  au  coin  de  la  rue  aux  Ours  et  de  la 
rue  Salle-le-Comle.  La  ligure  d'osier  que  l'on  brûlait  après  l'avoir  promenée, 
trois  jours  durant,  dans  les  carrefours,  représentait  le  sacrilège.  Le  clergé  de 
Saint-Leu  se  prêtait  à  cette  cérémonie  «  parce  qu'il  était  payé  par  une  confrérie 
pour  faire  les  frais  de  cette  fête.  »  (Jacquemart,  Remarques  historiques  et  critiques 
sur  les  33  paroisses  de  Paris.  17!) I,  pages  38  et  39.) 

23 


334  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

trouvé  par  la  garde.  Il  est  nécessaire  que  ces  placards  soient  remis  sur-le- 
champ  à  M.  le  lieutenant  général  de  police  afin  qu'il  puisse  faire  usage  des 
moyens  qui  sont  à  sa  disposition  pour  en  découvrir  les  auteurs.  Vous  voudrez 
bien  en  conséquence  donner  à  la  garde  les  ordres  de  lui  porter  les'  placards 
aussitôt  qu'elle  les  aura  détachés. 

Lettre  du  baron  de  Breteuil  à  M.  de  Crosne 
19  AOUT  1787 

SUK   LUS    CLUBS 

L'intention  du  roi,  Monsieur,  est  de  faire  cesser  tous  les  clubs,  salons,  ly- 
cées et  autres  sociétés  ou  assemblées  par  souscription.  Je  vous  prie  de  vouloir 
bien  prendre  sur-le-champ  les  mesures  nécessaires  pour  cette  suppression.  Si 
vous  avez  besoin  à  cet  égard  d'ordres  du  roi,  j'expédierai  tous  ceux  que  vous 
me  proposerez  r. 

Lettre  du  Roi, 
expédiée  par  te  Ministre  de  Paris,  au  chevalier  Dubois 

21  août  1787 

Monsieur  le  chevalier  Dubois,  je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  autoriser 
attendu  les  circonstances  à  faire  entrer  dans  les  cours  du  Palais  à  Paris,  toutes 
les  fois  que  vous  le  jugerez  à  propos,  des  détachements  de  la  compagnie  que 
vous  commandez,  pour  y  maintenir  la  tranquillité  et  le  bon  ordre,  et  sur  ce  je 
prie  Dieu  qu'il  vous  ait  en  sa  sainte  garde.  Écrit  à  Versailles  le  21  août  1787. 

A  Mons  le  Cher  Dubois,  commandant  de  la  garde  de  ma  bonne  ville  de  Paris, 
à  Paris  *. 


1.  Quanil  le  duc  de  Chartres  fit  abattre  les  arbres  du  Palais-Royal,  afin  de 
construire  les  galeries  marchandes,  un  certain  nombre  d'oisifs  qui  avaient  l'ha- 
bitude de  se  réunir  chaque  jour  sous  ces  beaux  arbres,  pour  s'entretenir  de  nou- 
velles, se  trouvèrent  fort  embarrassés  de  leur  temps  et  de  leurs  personnes.  Un 
spéculateur  leur  offrit  de  les  recevoir  dans  un  appartement  où  ils  trouveraient 
les  journaux.  Le  lieutenant  de  police  (Lenoir)  autorisa  l'ouverture  du  Club  poli- 
tique, sous  la  condition  que  les  abonnés  ne  parleraient  ni  de  gouvernement  ni 
de  religion  (1782).  —  En  même  temps  se  multiplièrent  les  Musées  (entre  autres 
1 'Athénée),  où  l'on  faisait  des  lectures  et  des  cours,  plus  suivis  que  ceux  du  Col- 
lège de  Fiance.  —  Le  28  janvier  1788,  de  Breteuil  recommande  à  de  Crosne 
d'empêcher  l'établissement  au  Palais-Royal  d'une  assemblée  de  <>  Conversation 
anglaise  »,  simple  prétexte  d'un  club  politique.  Voyez  aussi  lettre  du  4  fév.  1788 
(0*499,  p.  28  et  p.  67). 

2.  En  envoyant  cette  lettre  du  roi  au  chevalier  Dubois,  le  baron  de  Breteuil 
ajoute  :  «  M.  le  maréchal  de  Birou  et  M.  le  comte  d'Affry  sont  également  auto- 
risés à  y  faire  entrer  des  détachements  des  gardes  françaises  et  suisses,  et  M.  le 
maréchal  de  Birou  l'est  même  à  y  établir  des  postes,  s'il  le  juge  nécessaire.  » 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  3oo 

Lettre  du  baron  de  Breteuil  au  chevalier  Dubois 

21  août  1787 

M.  le  duc  de  Drissac,  gouverneur  de  Paris,  Monsieur,  se  proposant  pendant 
les  circonstances  actuelles  d'être  plus  à  Paris  qu'à  la  Cour,  il  conviendra  que 
vous  ayez  l'attention  de  le  faire  instruire  de  ce  qui  pourra  se  passer  d'intéres- 
sant relativement  à  ces  circonstances. 

Lettre  du  baron  de  Breteuil  à  M.  de  Crosne 

6   OCTOBRE   1787 

sur  l'embauchage  militaire 

Vous  trouverez  ci-joint,  Monsieur,  un  mémoire  qui  m'a  été  remis  par  M.  le 
prince  de  Poix  au  sujet  d'abus  très  graves  que  l'on  prétend  être  commis  par 
quelques  particuliers  qui  se  chargent  d'embaucher  des  sujets  propres  à  faire 
des  soldats...  Je  vous  prie  de  les  vérifier. 

Du  même  au  même 

li    OCTOBRE    1787 
SUR    LE    TRAITEMENT    DES    FOLS 

Vous  trouverez  ci-joint,  Monsieur,  une  lettre  que  le  sieur  Robin,  chapelain 
du  roi,  m'a  écrite,  en  m'adressant  un  ouvrage  qu'il  a  traduit  de  l'anglais  sur 
le  traitement  des  insensés  dans  l'hôpital  de  Rcthlécm  de  Londres.  Les  dé- 
tails que  contient  sa  lettre  sur  la  manière  dont  les  insensés  sont  traités  dans 
les  hôpitaux  de  Paris  paraissent  mériter  beaucoup  d'attention;  je  vous  prie  de 
voir  quelles  mesures  on  pourrait  prendre  pour  introduire  un  ordre  de  choses 
plus  conforme  à  l'humanité,  et  de  me  faire  part  de  ce  que  vous  penserez 
à  ce  sujet.  J'ai  l'honneur  d'être  avec  un  sincère  attachement,  Monsieur, 
votre...,  etc.  *. 

Du  même  au  même 

20    FÉVRIER    1788 

SUR   UN    SPECTACLE   LIBRE 

Vous  m'avez  remis,  Monsieur,  à  notre  dernier  travail,  une  feuille  concernant 
une  salle  de  spectacle  que  le  sieur  Douillet  a  établie  rue  du  Renard-Saint- 
Merri,  et  qu'il  loue  à  plusieurs  sociétés  pour  jouer  la  comédie.  Vous  avez  très 
bien  fait  de  faire  défendre  à  ce  particulier  de  faire  jouer  la  comédie  dans  cette 
salle,  et  je  vous  prie  de  faire  veiller  très  exactement  à  l'exécution  de  cette  dé- 
fense, et  de  n'entendre  à  cet  égard  aucunes  représentations.  Des  spéculations 

1.  Arch.  nat.,  0*498,  p.  G7S. 


356  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

semblables  à  celle  du  sieur  Douillet  doivent  être  absolument  proscrites  comme 
contraires  aux  droits  de  l'Opéra  et  des  deux  Comédies,  et  l'on  doit  considérer 
non  comme  de  simples  spectacles  de  société,  mais  comme  de  véritables  spec- 
tacles payants,  tous  ceux  qui  se  donnent  dans  une  salle  louée  par  un  cer- 
tain nombre  de  personnes  associées  pour  le  payement  du  loyer  et  des  autres 
irais  '. 


Du  même  au  même 

'.\   MARS    1788 
SUR   LES   FRAIS    DE    I'OLICE 

Je  vous  préviens,  Monsieur,  que  je  viens  de  faire  expédier  et  adresser  en 
finance  une  ordonnance  de  36,641  livres  10  sols  3  deniers  au  nom  du  sieur 
Spire,  premier  commis  des  bureaux  de  la  police,  dont  30,570  livres  10  sols 
3  deniers  pour  le  payement  des  vacations  et  déboursés  d'officiers  de  police 
conformément  à  la  feuille  que  j'ai  arrêtée  le  24  février  dernier,  et  6,071  livres 
suivant  l'état  que  vous  m'avez  remis  à  notre  dernier  travail,  des  dépenses 
faites  pour  la  recherche  des  domestiques,  chasseurs  et  eiducsJ  portant  armes. 

Du  même  au  même 

,'î    JUILLET    1788 

sur  l'œuvre  des  jeunes  savoyards 

Vous  connaissez,  Monsieur,  les  soins  charitables  que  prend  M.  l'abbé  de  Fé- 
nclon  pour  l'instruction  des  jeunes  Savoyards.  11  voudrait  aussi  garantir  ces 
enfants  des  désordres  auxquels  ils  se  livrent  et  pour  lesquels  on  est  obligé 
journellement  de  les  conduire  à  la  correction  de  Dicêtre,  d'où  ils  sortent  très 
souvent  plus  mauvais  sujets  qu'ils  n'y  sont  entrés,  Il  m'a  remis  un  mémoire 
que  je  joins  ici,  par  lequel  il  propose  un  moyen  propre  à  faire  surveiller  ces 
enfants.  Je  vous  prie  d'en  prendre  lecture  et  de  me  marquer  ce  que  vous  en 
pensez. 

Lettre  du  baron  de  Breteuil  à  M.  le  chevalier  Dubois 

4   JUILLET    1788 

SUR   LAMBASSADE   DU   ROI    DE   MYSORE 

J'ai  pris,  Monsieur,  les  ordres  de  Sa  Majesté  pour  le  cérémonial  et  les  hon- 
neurs qui  doivent  être  rendus  aux  ambassadeurs  de  Tippo-Saïb  :  l'intention 
de  Sa  Majesté  est  que  vous  alliez  leur  rendre  votre  visite  aussitôt  leur  arrivée 
à  Paris.  Elle  vous  charge  aussi  de  veiller  spécialement  à  leur  sûreté,  de  les 
accompagner  en  public,  et  de  prendre  vos  mesures  pour  qu'il  y  ait  constam- 

1.  Arch.  nat,  0*499,  p.  92. 

2.  Heidur|uc9.  —  Os  équipements  militaires  avaient  été  interdits  (en  dernier 
lieu)  par  des  ordonnances  des  années  1779,  1782  et  1785. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  357 

ment  un  aide-major  du  guet  à  leur  hôtel  pendant  tout  le  temps  que  ces  am- 
bassadeurs y  feront  leur  résidence.  Vous  voudrez  bien  vous  conformer  aux 
ordres  de  Sa  Majesté  et  m'en  accuser  la  réception. 


Lettre  de  Laurent  de  Villedeuil  à  .)/.  de  Crosne 

7   AOUT    1788 
SUR    LES    VARIÉTÉS   AMUSANTES 

Vous  trouverez  ci-jointe,  Monsieur,  une  note  qui  m'a  été  remise  par  les  en- 
trepreneurs du  spectacle  des  Variétés  amusantes.  Ils  se  plaignent  de  ce  que  le 
sieur  Suard  communique  aux  acteurs  du  Théâtre-Français  et  du  Théâtre-Italien 
les  pièces  qu'ils  soumettent  à  sa  censure,  et  demandent  en  conséquence  qu'il 
leur  soit  nommé  un  censeur  particulier.  Je  vous  prie  de  me  faire  part  de  vos 
observations  et  de  votre  avis  sur  cette  demande  \ 

Du  7u cm e  au  même 

2-i  AOUT  1788 
SUR    UNE    IDYLLE    EN    MUSIQUE 

Je  joins  ici,  Monsieur,  une  Idylle  aux  cultivateurs  malheureux2;  l'auteur 
demande  la  permission  de  la  faire  chanter  au  Concert  spirituel.  Je  n'y  vois  au- 
cun inconvénient,  et,  si  vous  pensez  de  même,  je  vous  prie  de  donner  cette 
permission. 

Du  même  au  même 

27  NOVEMBRE    1788 
SUR    UN    VOL    DE    MÈRE   A    FILLE 

Je  vous  envoie,  Monsieur,  un  mémoire  par  lequel  la  demoiselle  Rose,  de 
l'Opéra,  se  plaint  de  la  dame  Delfèvre  sa  mère,  et  demande  que  l'autorité  in- 
tervienne pour  lui  faire  restituer  différents  bijoux,  bardes  et  sommes  d'argent 
énoncés  en  un  étal  également  ci-joint  et  dont  elle  prétend  que  sa  mère  s'est 
emparée.  Je  vous  prie,  lorsque  vous  vous  serez  assuré  de  la  vérité  de  l'exposé 
de  la  demoiselle  Rose,  de  mander  la  dame  Delfèvre  et  de  faire  le  possible  pour 


1.  Arch.  nat.,  ()i499,  p.  451.  —  Par  une  autre  lettre  de  Laurent  de  Villedeuil  à 
De  Crosne  (21  août),  on  voit  que  la  Comédie  italienne  se  plaint  de  ses  diminu- 
tions de  recette,  qu'elle  attribue  aux  petits  spectacles.  Elle  demande  que  les 
petits  spectacles  soient  astreints  à  communiquer  leurs  pièces,  sans  exception, 
aux  deux  théâtres  Français  et  Italien.  (Id.,  ibid.,  p.  486.) 

2.  Par  le  sieur  Moline.  —  Un  orage  de  grêle  venait  de  désoler  (13  juillet)  la 
région  parisienne  et  une  grande  partie  de  la  France.  L'arrêt  du  26  juillet  1788 
autorisa  une  loterie  de  12  millions  au  profit  des  pauvres  prèles,  mais  le  Trésor 
ne  s'oublia  pas  ;ï  cette  occasion  :  «  on  ne  devinait  pas  le  bénéfice  résultant  de 
cette  loterie  pour  le  roi  »,  dit  Hardy  à  la  date  du  2  août,  en  faisant  allusion  aux 
conditions  entortillées  de  cette  loterie. 


3S8  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

la  déterminer  à  rendre  justice  à  sa  fille.  Si  elle  s'y  refuse,  celle-ci,  comme 
vous  le  pensez  sans  doute,  ne  pourra  avoir  d'autre  recours  que  devant  les 
juges  ordinaires. 

Du  même  au  même 

30   NOVEMBRE   1788 
SUR    UNE    PROPOSITION    DU    BRASSEUR    SANTERRE 

Vous  trouverez  ci-jointe,  Monsieur,  une  lettre  du  sieur  Santerrc,  brasseur  à 
Paris,  qui  propose  au  gouvernement  son  moulin  à  chevaux  de  Sèves  et  celui 
de  sa  brasserie  de  Paris,  pour  y  moudre  le  blé.  Je  vous  prie  en  me  la  renvoyant 
de  vouloir  bien  me  faire  part  de  ce  que  vous  pensez  de  cette  proposition,  afin 
que  je  lui  fasse  une  réponse  définitive. 

Du  même  au  même 

7    FÉVRIER    1789 

SUR    UNE   DEMANDE    d'ÉTAUX 

Je  vous  envoie  un  mémoire  par  lequel  le  sieur  Legois,  marchand  boucher, 
demande  qu'il  lui  soit  accordé  un  privilège  de  30  années  pour  établir  à  Paris 
six  nouveaux  étaux.  Il  offre  en  même  temps  de  donner  la  viande  à  un  sol  au- 
dessous  de  la  taxe  pendant  la  durée  de  ce  privilège.  Je  vous  prie  de  me  mar- 
quer ce  que  vous  pensez  de  cette  demande. 


CORRESPONDANCE  DU  MINISTRE  DE  PARIS 

ET  DE  LA  VILLE 


Lettre  du  baron  de  Breteuil  au  Prévôt  des  marchands 

25  avril  1784 

SUR   UN    PROJET   DE   MONUMENT   EN   L'HONNEUR   DU   ROI   ET   DE  LA   REINE  » 

J'ai  reçu,  Monsieur,  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  le 
22  de  ce  mois  au  sujet  du  désir  qu'aurait  le  bureau  de  la  Ville  de  consacrer 
par  un  monument  la  bienfaisance  de  Leurs  Majestés  pendant  les  dernières 
calamités.  Il  eût  été  sans  doute  très  convenable  d'autoriser  ce  projet  si,  sans 
souscription  ouverte  chez  un  homme  public  et  annoncée  dans  les  journaux, 
un  certain  nombre  de  citoyens  se  fût  réuni  volontairement  pour  le  faire  exé- 

1.  Arcli.  nat.,  II.  1955. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  359 

cutcr.  C'eût  été  un  mouvement  de  zèle  trop  louable  pour  ne  s'y  pas  prêter. 
Mais  on  ne  peut  se  dissimuler  que,  si  le  monument  s'exécutait  par  la  Ville  et 
sur  la  caisse  municipale,  on  persuaderait  difficilement  au  public  que  le  bureau 
n'a  pas  été  excité  par  le  gouvernement,  et  n'a  pas  agi  par  son  impulsion. 
D'ailleurs  ce  que  les  particuliers  auraient  fait  n'eût  exigé  aucun  faste.  On  se 
fût  plus  occupé  de  l'intention  que  du  monument  lui-même,  et  la  dépense  au- 
rait pu  être  peu  considérable.  Mais  il  n'en  serait  pas  de  même  d'un  monu- 
ment érigé  par  la  Ville.  Ce  ne  serait  qu'à  grands  frais  qu'on  pourrait  le  rendre 
digne  tout  à  la  fois  des  personnes  augustes  auxquelles  il  serait  consacré,  et 
de  l'administration  qui  l'érigerait  :  et  le  roi,  qui  a  trouvé  dans  son  cœur  la 
récompense  de  ses  bienfaits  et  qui  connaît  d'ailleurs  la  situation  de  la  Ville, 
en  rendant  justice  au  zèle  et  aux  intcnlions  du  bureau,  n'approuverait  sûre- 
ment pas  qu'elle  se  livrât  à  une  pareille  dépense.  J'ai  l'honneur  d'être,  etc. 

Signé  :  Le  Baron  de  Breteuil. 

Du  même  au  Prévôt  des  marchands  et  Ëchevins 
8  mai  1784 

sur  l'école  de  dessin  ' 

J'ai  mis,  Monsieur,  sous  les  yeux  du  roi  la  délibération  qui  a  été  prise  par 
le  bureau  de  la  Ville,  le  30  avril  dernier,  pour  fonder  à  perpétuité  sept  places 
d'élèves2  en  trois  genres  à  l'école  gratuite  de  dessin'  moyennant  la  somme  de 
630  livres.  Sa  Majesté  m'a  chargé  de  vous  marquer  qu'elle  autorise  cette  déli- 
bération et  qu'elle  est  très  satisfaite  de  cette  preuve  du  zèle  du  bureau  de 
la  Ville  pour  un  établissement  aussi  utile.  J'ai  l'honneur  d'être,  etc. 

Signé  :  Le  Baron  de  Breteuil. 

» 

Copie  [non  signée)  d'une  lettre  de  Le  Peletier  au  baron  de  Breteuil 

DU    1C    FÉVRIER    1786 

SUR   LE   PROJET    DU    CANAL   DE   L'YVETTE  4 

Monsieur,  j'ai  reçu,  avec  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire 
le  12  de  ce  mois  5,  la  requête  par  laquelle  le  sieur  Defer  de  Nouërre  demande 
d'être  autorisé  à  construire  un  canal  pour  amener  à  Paris  les  eaux  de  la  rivière 
d'Yvette. 


1.  Arch.  nat.,  H.  L955. 

2.  Nombre  porté  à  huit,  le  18  mai  suivant,  sur  la  réclamation  de  M.  Buffault,. 
receveur  général  du  domaine,  etc.  Chaque  place  était  de  90  livres  ;  il  y  était 
pourvu  par  chacun  des  huit  membres  du  bureau  individuellement. 

3.  Fondée  par  lettres  patentes  datées  de  Fontainebleau  le  20  octobre  1767,  en- 
registrées le  1er  décembre;  dirigée  par  Bachelier,  peintre  ordinaire  du  roi.  Plu- 
sieurs corps  d'administration  avaient  déjà  contribué  à  la  dotation  de  cette  école. 

4.  Arch.  nat.,  H.  19S7,  n°  120. 

•rJ.  Pièce  110.  Le  même  dossier  renferme  en  tout  six  pièces  relatives  au  projet 
Defer;  elles  sont  numérotées  de  117  à  122. 


360  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

Vous  me  marquez,  Monsieur,  de  communiquer  cetlc  requête  au  bureau  de 
la  Ville;  et  cependant,  comme  les  propositions  qu'elle  contient  vous  ont  paru 
susceptibles  de  beaucoup  d'examen,  vous  ajoutez  que  vous  seriez  fort  éloigné 
d'approuver  qu'on  y  mît  de  la  précipitation.  En  effet,  s'il  ne  s'agissait  que 
d'amener  sans  obstacle  et  sans  inconvénient  500  pouces  d'eau  excellente  à 
l'Estrapade  pour  augmenter  l'abondance  à  Paris,  la  multiplier  clans  les  quar- 
tiers qui  sont  le  moins  à  portée  de  la  rivière  et  des  établissements  qui  la  dis- 
tribuent, cette  proposition  serait  de  nature,  sans  doute,  à  être  adoptée  au  pre- 
mier aperçu;  mais  on  ne  peut  séparer  de  la  demande  dont  il  s'agit  les 
réflexions  qu'elle  fait  naître.  Il  est  de  mon  devoir  de  les  soumettre  sans  retard 
à  vos  lumières,  parce  que  les  résultats  de  cette  affaire  seront  tellement  la 
conséquence  des  premières  propositions  qu'on  admettra  qu'il  me  paraît  indis- 
pensable de  porter  toute  son  attention  sur  la  demande  provisoire  du  sieur 
Defer. 

J'ai  remarqué  que  l'économie  et  la  réduction  des  dépenses  qu'offre  le  projet 
du  sieur  Defer  comparé  avec  celui  de  MM.  Depar[c]ieux  et  Perronet  porte  prin- 
cipalement sur  ce  que  le  sieur  Defer  se  propose  de  substituer  pour  la  conduite 
des  eaux  un  simple  canal  en  terre,  à  l'exemple  de  celui  de  New-Rivei*,  près 
de  Londres,  [à]  un  canal  revêtu  de  cette  maçonnerie  qui  fait  partie  du  plan  de 
M.  Perronet  :  cet  article  seul  présente  au  moins  une  différence  de  4  millions 
228,000  livres,  suivant  l'évaluation  de  ce  temps-là  '.  Cela  serait  plus  considé- 
rable aujourd'hui,  car  les  prix  des  matériaux  et  celui  de  la  main-d'œuvre  tels 
qu'ils  sont  à  présent  ont  augmenté  la  dépense  des  constructions  de  plus  d'un 
cinquième. 

11  ne  faut  pas  syncoper  cette  observation  ni  l'isoler  des  motifs  qui  ont  fait 
juger  que  le  revêtement  du  canal  en  maçonnerie  était  nécessaire  au  succès  de 
la  chose  même.  L'eau  de  New-River  flue  sur  un  fond  de  sable  fin,  léger  et 
absolument  nul  pour  toute  espèce  de  végétation.  Ainsi  point  de  comparaison  à 
faire  avec  les  lits  qu'occupe  la  rivière  de  l'IIyvette2,  et  ceux  de  la  nouvelle 
direction  qu'on  leur  destinerait. 

Il  a  été  reconnu  et  constaté  que  l'eau  de  l'IIyvette  avait  le  goût  de  marais. 
Les  causes  en  sont  détaillées  dans  le  supplément  au  premier  Mémoire  du 
13  novembre  1762  5.  Le  rapport  fait  par  les  chimistes  et  par  les  commissaires 
de  la  Eaculté  de  médecine  contient*  que  ces  eaux  perdraient  facilement  et  sûre- 
ment ce  goût  de  marais  dans  un  canal  de  sept  lieues,  construit  de  grès  et  de 
pierres  de  meulière  après  avoir  coulé  à  l'air  libre  pendant  deux  jours  et  avoir 
été  filtrée  par  plusieurs  encaissements  de  cailloulage  pratiqués  dans  le  canal... 
que  de  cette  manière  les  eaux  ne  seraient  pas  infectées  par  la  pourriture  des 
plantes  et  des  feuilles  qu'elles  reçoivent  dans  leur  lit  actuel 5. 

...  Il  est  évident  que  M.  Defer  ne  peut  dénaturer  l'exécution  du  plan,  en 
distraire  la  partie  spécialement  exprimée  par  la  Faculté  de  médecine  et  par  les 
gens  de  l'art  comme  une  condition  sine  qua  non,  sans  compromettre  le  pre- 


1.  17G2. 

2.  Plus  liant  le  nom  esl  écrit  comme  aujourd'hui  :  Yvette. 

3.  En  noie  marginale  :  «  Édit.  in-4°,  pages  \'K  50,  51,  52,  -'i.'î.  » 

4.  Id.,  ibid.,  t>  p.  83.  » 

5.  Le  baron  de  Breteuil  répond  (mars   178G)  que  l'eau  non   potable  trouverait 
encore  largement  sou  emploi. 


LE  MINISTRE  DE  PAKIS  361 

mier  succès  de  son  entreprise,  c'est-à-dire  la  pureté  et  la  salubrité  de  l'eau... 
...  Il  est  essentiel  de  communiquer  le  [projet]  aux  propriétaires  des  héritages 
riverains  et  à  ceux  dont  les  propriétés  doivent  fournir  le  nouveau  canal.  La 
concurrence  doit  être  admise  pour  le  bien  de  la  capitale,  mais  il  ne  faut  pas  que 
respectivement  elle  soit  destructive  et  meurtrière,  ni  qu'elle  puisse  de  part  et 
d'autre  donner  lieu  à  des  spéculations  de  jeux  d'actionnaires  mutuellement  inté- 
ressés à  faire  ou  tomber  ou  monter  les  effets  dont  leurs  différentes  entreprises 
sont  susceptibles  '. 

Extrait  d'une  lettre  du  baron  de  Breteuil  au  Bureau  de  la  Ville 

VERSAILLES,   29    AVRIL    1786 

L'hôpital  général  jouit  de  toute  ancienneté  de  la  partie  de  terrain  qui  s'é- 
tend depuis  le  grand  bureau  des  pauvres  jusqu'à  la  barrière  de  l'Hôtcl-de- 
Ville,  et  il  en  relire  un  revenu  de  4,000  livres.  —  Au  même  endroit  se  tient  la 
foire  ou  marché  du  Saint-Esprit,  depuis  trente  ou  quarante  ans. 

Du  même  au  Prévôt  des  marchands 
8  AOUT  H86 

SUR    DES   MALVERSATIONS 

M.  le  procureur  du  roi,  Monsieur,  m'a  remis  la  copie  de  son  réquisitoire  et 
de  la  décision  du  bureau  de  la  Ville  du  25  du.  mois  dernier2  concernant  les 
sieurs  Picard  et  Corbct,  inspecteurs  des  bâtiments  de  la  Ville.  J'ai  depuis  réflé- 
chi sur  ce  qui  a  été  fait  à  l'égard  du  sieur  Picard  sous  la  conduite  duquel  la 
plantation  de  300  arbres  a  coûté  4,700  livres,  ce  qui  fait  plus  de  13  livres 
pour  la  plantation  de  chaque  arbre.  Je  me  suis  assuré  que  quand  il  s'agit  de 
planter  des  arbres  pour  le  compte  du  roi,  chaque  trou  où  un  arbre  doit  être 
déposé  ne  coûte  que  11  sols.  Il  me  semble  d'après  cela  qu'on  est  raisonnable- 
ment fondé  à  soupçonner  plus  que  de  la  négligence  dans  le  sieur  Picard,  et 
qu'il  n'est  pas  suffisamment  puni  par  la  suspension  de  ses  fonctions  et  la  pri- 
vation de  ses  appointements  pendant  trois  mois.  Je  crois  qu'il  est  indispen- 
sable de  le  renvoyer,  et  je  vous  prie  de  vouloir  bien  en  prévenir  le  bureau  de 
la  Ville.  On  me  recommande  le  sieur  Madin'... 

Signé  :  Le  Baron  de  Breteuil4. 


1.  Dan?  la  délibération  du  20  mars  1786  (pièce  117), les  uièmes  objections  tech- 
niques se  retrouvent.  Au  point  de  vue  financier,  la  Ville  ne  croit  pas  devoir  ac- 
cepter le  dépôt  dans  sa  caisse  de  250,000  livres,  offert  par  le  sieur  Defer,  non 
plus  que  l'éventualité  de  la  cession  du  canal  à  la  Ville.  Elle  remet  toute  l'affaire 
«  à  la  justice  e|  à  la  bonté  paternelles  »  du  roi. 

2.  Celle  séance  avait  été  tenue  en  présence  du  baron  de  Breteuil  (H.  1957,  56). 

3.  Le  10  août  fui  prise  par  le  bureau  une  délibération  conforment  Madin  rem- 
plaça Picard.  Quant  à  Corbet,  il  avait  été  révoqué  dés  le  25  juillet,  pour  avoir 
sciemment  laissé  l'adjudicataire  du  Port-des-Coches  employer  du  vieux  pavé  au 
lieu  de  pavé  neuf,  malversation  donl  s'était  aperçu  un  des  échevins. 

4.  H.  1957,  pièce  60. 


362  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

Extraits  d'une  lettre  du  baron  de  Breteuil  aux  Echevins 

2  mars  1787 

SUR   UNE   NOMINATION    DE    CONCIERGE 

J'ai  chargé,  Messieurs,  le  procureur  du  roi  et  de  la  Ville  de  vous  informer 
de  ma  part  que  je  désirais  que  la  place  de  concierge  des  magasins  du  Roule  l 
fût  donnée  au  sieur  Lacombe  :  cette  place  n'est  pas  dans  les  proportions  de 
celles  qui  peuvent  convenir  aux  personnes  de  la  classe  du  sieur  Lemoine. 

Le  ministre  exprime  ensuite  le  désir  que  le  traitement  du  con- 
cierge soit  porté  de  300  livres  à  000  livres. 

...  Puisque  vous  rappelez  dans  le  préambule  de  la  délibération  du  23  février 
dernier  la  lettre  que  j'ai  écrite  à  M.  de  Corny  et  dont  il  vous  a  fait  part,  il  me 
semble  qu'il  eût  fallu  la  transcrire  telle  qu'elle  est.  J'ai  témoigné  à  M.  de 
Corny  ma  surprise  de  ce  que  le  dire  ou  réquisitoire  inséré  en  son  nom  dans 
cette  délibération  annonçait  des  dispositions  contraires  à  celles  dont  il  savait 
que  je  me  proposais  de  vous  donner  connaissance  :  il  m'a  répondu  qu'il  n'avait 
eu  aucune  part  à  ce  dire,  et  qu'en  conséquence  il  n'avait  pas  voulu  le  signer. 

Le  ministre  rappelle  le  bureau  à  l'ordre,  et  lui  demande  de  sup- 
primer la  première  délibération  quant  à  la  forme,  qui  est  irrégulière, 
et  d'en  prendre  une  autre. 

En  applaudissant  au  zèle  qui  vous  anime  et  vous  assure  de  mes  dispositions 
invariables  pour  faire  accorder  à  votre  travail  des  distinctions  dont  il  peut 
être  susceptible,  je  dois  vous  faire  remarquer  ce  qui  s'éloignerait  de  la  conve- 
nance et  des  égards  que  vous  devez  être  jaloux  de  conserver.  Par  votre  lettre 
d'envoi  de  la  délibération  dont  il  s'agit,  vous  m'annoncez  que  vous  trouvez 
mes  réflexions  parfaitement  justes.  Vous  ne  pensez  pas  sans  doute  que  lors- 
qu'on vous  communiquant  mes  observations  je  mous  demande  les  vôtres,  ce 
soit  mettre  les  miennes  à  votre  jugement.  Cependant  l'expression  dont  vous 
vous  êtes  servis  semblerait  le  faire  croire.  Vous  me  rappelez  aussi  votre  atten- 
tion à  me  faire  part  des  objets  mêmes  qui  ne  sont  pas  susceptibles  d'approba- 
tion :  il  n'en  est  aucuns  qui  ne  doivent  être  soumis  à  celle  du  roi.  Plus  l'ad- 
ministration ancienne  rappelle  le  relâchement  qui  s'y  était  introduit,  les 
affaires  désastreuses  qui  en  ont  été  le  résultat,  plus  vous  devez  mettre  de 
soin  à  faire  intervenir  la  sanction  de  Sa  Majesté  à  tous  les  détails  de  vos  opé- 
rations... -. 


1.  Des  ordres  donnés  au  concierge  le  15  janvier  1787  (Areh.  n;il.,  II.  1958)  font 
connaître  le  triste  état  de  ces  magasins,  envahis  par  des  objets  el  approvision- 
nements étrangers  à  la  Ville,  tandis  que  les  tonneaux  cl  le  matériel  d'arrosc- 
ment  avaient  été  détruits,  faute  d'avoir  été  mis  à  couvert. 

2.  Suit  une  lettre  sur  le  même  sujet  à  Éthis  de  Corny.  —  Le  19  mars,  le  mi- 
nistre envoie  à  Éthis  de  Corny  copie  de  sa  lettre  aux  echevins,  parce  qu'il  pré- 
sume "  qu'on  ne  la  déposera  pas  au  greffe  de  la  Ville  »  (0*498,  p.  179). 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  363 

Extrait  d'une  lettre  du  baron  de  Breteuil  au  Prévôt  des  marchands 

2'j  MARS  1787 
SUR    LE   MÊME    SUJET  l 

Il  presse  la  Yilli'  de  faire  expédier  la  commission  du  sieur  La- 
combe2,  afin  que  son  installation  puisse  se  faire  aussitôt  que  le  sieur 
Houdon  aura  évacué  le  logement  qu'il  occupe. 

Cet  artiste  a  demandé  un  délai  de  six  mois.  J'ai  marqué  à  M.  le  procureur 
du  roi  qu'on  pouvait  l'accorder  en  ce  qui  concerne  les  magasins  où  sont 
déposés  les  différents  objets  qui  composent  son  atelier,  mais  que,  quant  au 
logement,  il  était  indispensable  qu'il  fut  évacué  '... 

Du  même  an  Prévôt  des  marchands 
20  .mai  1787 

SUR   UNE    QUESTION    D'ÉTIQUETTE 

J'ignore,  Monsieur,  si  M.  le  premier  président  et  le  clergé  parleront  à  la 
dernière  séance  de  l'Assemblée  des  notables;  mais, dans  quelque  cas  que  ce 
soit,  je  pense  que  le  prévôt  des  marchands  ne  doit  point  y  parler. 

Dn  même  an  même 
29  .mai  1787 

SUR  l'abus  DES  SURVIVANCES 

On  regarde  avec  raison,  Monsieur,  comme  une  source  d'abus,  comme  un 
prétexte  de  demandes  et  un  obstacle  à  l'économie,  la  facilité  avec  laquelle  on 


1.  Arch.  nat.,  11.  1958,  1. 

2.  Elle  fut  envoyée  avec  des  instructions  le  30  mars. 

3.  A  partir  île  cette  affaire,  où  sa  vanité  était  engagée,  on  constate  que  le  baron 
de  Breteuil  affecte  de  s'occuper  de  détails  insignifiants,  toutes  les  fois  qu'il  s'a- 
dresse au  prévôt  des  marchands.  Le  20  mai  1787,  il  recommande  des  poêles 
dont  il  a  lui-même  reconnu  l'utilité,  et  exprime  le  désir,  une  fois  ces  poêles 
installés,  qu'un  domestique  soit  exclusivement  attaché  au  service  du  chauffage 
de  l'Hôtel  de  Ville,  «  pour  faire  perdre  l'habitude  et  le  goût  de  la  déprédation 
aux  subalternes,  et  pour  augmenter  la  masse  des  distributions  au  peuple  ».  Le 
même  jour,  dans  la  conviction  que  les  économies  de  détail  mènent  aux  grandes, 
il  s'occupe  de  l'habillement  des  gardes  sédentaires,  des  compagnies  des  gardes  et 
des  valets,  il  demande  qu'on  lui  fasse  connaître  «  la  composition  de  cet  habille- 
ment, la  qualité  des  étoffes  et  la  dénomination  des  manufactures  où  on  se  sert, 
les  qualités  employées  pour  chaque  espèce  de  vêtements,  le  prix  de  chaque 
chose,  celui  des  façons,  la  durée  qu'on  exige...  »  Le  9  juillet,  il  recommande 
d'arroser  les  boulevards  trois  fois  par  jour  au  lieu  de  deux.  (Voyez  Arch.  nat., 
Q'498,  p.  317.  32.",,  454.) 


364  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

accorde  des  survivances.  Après  avoir  pris  souvent  le  parti  de  les  défendre,  le 
relâchement  qui  s'introduit,  lorsque  l'attention  cesse  de  veiller,  a  loujours  dé- 
truit l'effet  de  ces  mesures  salutaires.  On  peut  même  ajouter  à  tous  les 
inconvénients  que  les  survivances  occasionnent,  une  considération  qui  seule 
suffirait  pour  les  faire  proscrire.  C'est  que  le  sujet  que  l'on  destine  à  exercer 
éventuellement  une  place  qui  est  remplie,  peut  cesser  d'y  être  propre,  lorsque 
le  moment  de  le  mettre  en  activité  arrive,  et  l'on  s'interdit  ainsi  la  faculté  de 
faire  un  bon  choix. 

...  Je  vous  prie  de  me  procurer  un  état  de  tous  les  employés  et  stipendiés 
aux  gages  de  la  Ville,  et  d'y  faire  mention  de  ceux  auxquels  on  aurait  dé- 
signé des  survivanciers,  ainsi  que  des  motifs  qui  ont  pu  donner  lieu  à  cette 
faveur.  Je  vous  prie  de  prévenir  le  bureau  que  l'inlenlion  de  Sa  Majesté  est 
qu'il  ne  soit  point  fait,  ni  à  titre  de  survivance  ni  à  titre  d'adjonction,  de  ces 
sortes  de  nominations  anticipées,  et  que  l'on  ne  doit  désigner  et  choisir  des 
sujets  que  pour  remplir  les  emplois  vacants  par  mort,  par  retraite  ou  au- 
trement '. 

l)u  même  au  même 

20   mai  H87 
SUR    LE   PROJET    DE   LA    RUE   DE   TRACY 2 

J'ai  reçu,  Monsieur,  avec  la  lettre  que  vous  avez  pris  la  peine  de  m'écrire  le 
M  de  ce  mois,  la  délibération  du  bureau  de  la  ville  sur  la  demande  de  M.  le 
comte  de  Tracy.  Je  ferai  statuer  sur  celte  demande  au  premier  conseil.  Mais  je 
crois  devoir  vous  prévenir  dès  à  présent  que  j'approuve  les  observations 
contenues  dans  l'avis  du  procureur  du  roi  sur  celle  affaire.  Je  pense  comme 
lui  que  des  rues  larges  de  30  pieds  seulement  sont  insuffisantes  pour  la  faci- 
lité et  la  sûreté  des  communications  dans  une  ville  où  l'affluence  des  voitures 
et  le  nombre  des  habitants  sont  aussi  considérables.  11  me  paraît  convenable 
qu'à  l'avenir  les  nouvelles  rues  soient  ouvertes  sur  une  largeur  de  36  pieds 
dont  6  en  trottoirs  de  chaque  côlé  pour  les  gens  de  pied.  La  déclaration  du 
10  avril  1783,  en  ordonnant  que  toutes  les  nouvelles  rues  auront  au  moins  30 
pieds  de  largeur,  n'empêche  pas  qu'on  ne  leur  en  donne  une  plus  considérable, 
et  je  pense  qu'il  ne  faut  s'y  réduire  que  lorsqu'on  ne  peut  pas  faire  mieux. 
M:  de  Corny  a  raison  d'insister  pour  que,  dans  une  ville  qui  rassemble  tout  à 
la  fois  et  les  inconvénients  et  les  difficultés  d'y  remédier  lorsqu'on  les  a  laissé 
établir,  la  vigilance  publique  mette  toujours  en  équilibre  les  besoins  et  les 
moyens...  En  conséquence,  Monsieur,  je  vous  prie  de  faire  prendre  une  déli- 
bération au  bureau  de  la  ville  par  laquelle  il  sera  arrêté  de  ne  donner  de  con- 
sentement à  l'avenir  pour  l'ouverture  d'aucune  rue,  à  moins  qu'elle  ne  doive 
avoir  trente-six  pieds,  dont  vingl-quatrc  pour  la  chaussée,  et  six  pour  chaque 

1.  Dans  une  lettre  du  inème  jour,  sur  le  même  sujet,  à  Éthis  de  Corny,  Je 
baron  de  Breteuil  invite  le  procureur  du  roi  et  de  la  Ville  à  ne  pas  donner  ses 
conclusions  sur  des  nominations  à  des  emplois  de  confiance,  avant  de  lui  en 
avoir  rendu  compte,  pour  qu'à  l'occasion  il  puisse  prendre  »  les  ordres  du  roi». 
Arch.  nat.,  0'4!)8,  p.  320  sq. 

2.  Arch.  nat.,  II.  1959. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  365 

troltoir,  soit  élevé,  soit  au  niveau  de  la  rue  avec  des  bornes  de  distance  en  dis- 
tance placées  et  prises  sur  la  portion  de  surface  des  trottoirs...  Ce  premier 
point  réglé  invariablement,  il  sera  b>ien  aussi  de  tenir  la  main  à  ce  que  l'élé- 
vation des  bâtiments  ne  dépasse  pas  non  seulement  les  règlements,  mais 
même  les  convenances  qui  doivent  avoir  pour  règles  la  sûreté  et  la  salubrité 
des  habitations... 

Cette  lettre  est  annexée  à  la  minute  d'une  délibération  du  bureau 
sur  le  même  sujet,  en  date  du  18  juillet  1788.  Le  bureau  demande: 
1°  une  largeur  minima  de  36  pieds  pour  les  rues  nouvelles;  2°  une 
hauteur  maxima  de  4  étages  pour  les  maisons  nouvelles  ;  3°  l'attribu- 
tion à  la  Ville  de  la  grande  et  de  la  petite  voirie,  car  les  meilleurs 
règlements  sont  inutiles,  «dès  qu'ils  sont  soumis  à  une  surveillance 
partagée». 

Du  même  au  même 

13  JUIN  1187 
SUR    UN    DÉGRÈVEMENT    DE   CAPITATION    BOURGEOISE 

Je  vous  ai  écrit,  Monsieur,  le  26  octobre  dernier,  au  sujet  de  la  dame  Young 
qui  se  plaignait  d'avoir  été  imposée  en  1786  pour  la  capitalion  à  une  somme 
de  130  livres,  quoiqu'elle  ne  payât  que  75  livres  l'année  précédente.  Vous 
m'avez  marqué,  le  9  décembre  suivant,  que  vous  vous  occuperiez  défaire  mo- 
dérer cette  dame  à  l'ancien  taux.  Je  suis  informé  que  celle  modération  n'a 
point  encore  été  accordée.  Je  vous  prie  de  vouloir  bien  vous  faire  rendre 
compte  de  l'affaire,  et  de  la  terminer  définitivement  le  plus  tôt  qu'il  vous  sera 
possible  '. 

Du  même  au  même 

20   JUILLET    1787 
SUR    UN    PROJET    DE    LA    GARE    AUX    BATEAUX 

Vous  trouverez  ci-joint,  Monsieur,  une  lettre  et  plusieurs  pièces  que  M.  de 
la  Millière,  intendant  des  finances,  vient  de  m'adresser  au  sujet  de  l'établisse- 
ment d'une  gare.  Il  me  semble,  d'après  des  détails  dans  lesquels  ce  magistrat 
est  entré,  qu'il  faut  renoncer  à  l'idée  de  former  cet  établissement  aux  îles  de 
Charenton,  et  tâcher  de  persuader  au  commerce  que  ce  serait  lui  causer  à  lui- 
même  un  préjudice  considérable  que  de  s'obstiner  à  l'exécution  d'un  projet 
que  tous  les  gens  instruits  regardent  comme  susceptible  des  plus  grands  in- 
convénients, mais  qu'il  est  de  son  intérêt  que  les  secours  offerts  pour  cette 
exécution  soient  conservés  pour  celle  d'un  projet  plus  convenable 


1.  Recommandation  analogue,  le  7  juillet  1787,  pour  la  dame  de  Capelle,  belle- 
mère  du  sieur  Coiuin,  secrétaire  du  baron  de  Breteuil  (Q'498,  p.  450). 


366  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

Du  même  à  M.  de  Corny 

20    JUILLET    1787 

sur  l'affaire  le  peletièr  et  précorbin 

J'ai  lu,  Monsieur,  la  copie  de  la  lettre  écrite  à  M.  le  prévôt  des  marchands 
par  le  sieur  de  Précorbin.  Cette  lettre  est  sans  doute  très  répréhensible  ;  mais, 
toute  réilexion  faite,  je  crois  que  le  meilleur  parti  est  de  la  mépriser.  On 
pourrait  sans  doute  punir  le  sieur  de  Précorbin  par  voie  d'autorité,  et  le  faire 
mettre  en  prison  pendant  quelques  jours.  Mais  l'expérience  apprend  qu'au  lieu 
de  corriger  les  gens  de  celte  espèce,  cela  ne  fait  en  général  que  leur  fournir 
un  prétexte  de  se  présenter  comme  les  victimes  de  la  persécution.  Si  d'ailleurs 
il  imprime  des  mémoires  et  qu'il  les  répande  clandestinement1,  ce  qu'il  est  bien 
difficile  d'empêcher,  M.  le  prévôt  des  marchands  n'a  point  à  craindre  que  cela 
puisse  altérer  la  considération  qu'il  mérite,  ni  retarder  la  grâce  qu'il  attend2.  t 
Les  personnes  en  place  n'ont  besoin  que  de  leur  propre  réputation  pour  se 
défendre  contre  des  calomnies  et  des  imputations  que  les  mauvais  sujets 
hasardent  touj.ours  d'autant  plus  facilement  qu'ils  ont  moins  à  perdre. 

Du  même  au  même 
22  juillet  1787 

SUR   LE   DÉPLACEMENT    DE   LA    FONTAINE    DES    INNOCENTS 

Je  vous  adresse,  Monsieur,  avec  la  copie  d'un  mémoire  rédigé  par  les  sieurs 
Perronct,  Antoine,  Roullée  et  Pierre,  celle  de  la  lettre  que  j'écris  à  M.  le 
prévôt  des  marchands  sur  la  nécessité  de  déplacer  la  fontaine  des  Inno- 
cents...' . 


1.  De  Précorbin  ayant  porté  ses  plaintes  au  Chùtelet,  le  procureur  du  roi  prévint 
le  ministre  qui  en  conféra  avec  le  garde  des  sceaux.  Il  fut  convenu  que  le  lieu- 
tenant criminel,  sur  le  réquisitoire  du  procureur,  conclurait  «  que  la  plainte  fût 
rendue  à  la  partie  ».  Cela  inarquait  assez  que  l'on  tenait  à  étouffer  l'affaire.  En 
cas  d'appel  du  sieur  de  Précorbin  au  Parlement,  on  aviserait  (lettre  du  baron  de 
Breteuil,  29  juillet).  11  faut  surtout  «  empêcher  l'éclat  »  (lettre  du  4  août).  Arch. 
nat.,  0'4!)8,  p.  475  et  509.  —  Voir  aussi  p.  521,  522,  530;  Le  Peleticr  était  accusé 
de  recevoir  des  pots-de-vin. 

2.  Le  renouvellement  de  sa  nomination  de  prévôt  des  marchands. 

3.  Elle  était  au  coin  de  la  rue  Saint-Denis  et  de  la  rue  aux  Fers,  dont  l'élar- 
tassement  était  indispensable  pour  l'accès  des  nouvelles  halles.  Les  artistes  con- 
sultés déclarèrent  que  les  bas-reliefs  étant  sur  dalles  séparées,  on  pouvait  les 
enlever  et  les  rétablir  sans  rien  dégrader.  L'emplacement  choisi  fut  le  milieu 
même  des  halles.  Quant  à  la  quatrième  face  (primitivement  adossée),  le  ministre 
de  Paris  recommanda  de  n'y  faire  aucune  sculpture,  afin  de  ne  pas  mêler  «  le 
style  moderne  avec  celui  de  Jean  Goujon  »;  elle  fut  réservée  à  une  inscription 
commémorative  de  la  translation  elle-même.  Comme  la  fontaine  était  du  domaine 
de  la  Ville,  il  fallut  que  toute  cet  le  affaire,  déjà  conclue  en  haut  lieu,  repassât 
par  la  prévôté  des  marchands  et  échevinage. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  367 

Du  même  au  Prévôt  des  marchant/s 

15    SEPTEMBRE    1787 
SUR   LES    TRAVAUX'    DE    VIABILITÉ 

J'ai,  Monsieur,  l'honneur  de  vous  adresser  un  mémoire  au  nom  des  pro- 
priétaires des  maisons  de  la  rue  Bassc-Porle-Saint-Dcnis,  par  lequel  ils  de- 
mandent :  1°  que  les  dames  Filles-Dieu  soient  tenues,  conformément  aux 
lettres  patentes  du  14  octobre  1772  et  autres  subséquentes,  de  prolonger  la 
rue  de  Paradis  jusqu'à  la  rue  Basse-Saint-Denis;  2°  qu'il  soit  pourvu  à  ce  que 
les  eaux  qui  séjournent  dans  les  puisards  que  plusieurs  propriétaires  ont  été 
obligés  de  faire,  aient  leur  écoulement  dans  le  grand  égoût;  3°  que  la  Ville 
fasse  continuer  le  parapet  en  pierre  commencé  dans  la  rue  Basse  pour  le  sou- 
tien des  terres  dont  l'éboulcment  continuel  leur  est  très  incommode.  Je  vous 
prie  de  communiquer  ce  mémoire  au  bureau  de  la  Ville  et  de  me  faire  part 
ensuite  de  la  délibération  qui  sera  prise  en  y  joignant  votre  avis. 

Du  même  au  même 

VERSAILLES,    1!)    SEPTEMBRE    1787 

SUR   LA    RUE    DE   LA    CONTRESCARPE  ' 

Je  me  suis  rappelé,  Monsieur,  qu'on  s'est  quelquefois  adressé  au  bureau 
de  la  Ville,  au  sujet  des  trottoirs  et  des  bornes  à  établir  le  long  de  la  rue  de  la 
Contrescarpe,  pour  éviter  aux  voitures  et  aux  passants  le  danger  de  tomber 
dans  les  fossés  de  la  Bastille  et  de  l'Arsenal.  Il  vient  d'être  réglé  qu'au  moyen 
d'une  somme  de  8,000  livres,  qui  sera  payée  par  le  département  de  la  guerre  à 
celui  du  pavé  de  Paris,  cette  dépense  restera  pour  toujours  à  la  charge  de  ce 
dernier  département.  J'ai  cru  devoir  vous  en  prévenir... 

Est  jointe  (pièce  79)  la  copie  de  la  lettre  écrite  par  le  baron  de 
Breteuil  (bureau  des  fortifications)  à  M.  de  la  Millière,  intendant  des 
ponts  et  chaussées,  le  16  septembre  1787.  —  Le  département  du  pavé 
de  Paris  se  chargea  également  de  la  plantation  d'arbres  qui  devait  être 
faite  le  long  de  la  rue  de  la  Contrescarpe. 

Du  même  au  même 

18    OCTOBRE   1787 
SUR   LES   ATTRIBUTIONS   DE   CHAQUE    MEMBRE   DU    BUREAU  2 

Vous  vous  rappelez,  Monsieur,  qu'à  l'une  des  séances  de  l'Hôtel  de  Ville,  à 
laquelle  j'ai  assisté  avec  vous,  il  fut  question  (à  l'occasion  de  quelques  incer- 


1.  Arch.  nat.,  H.  1958,  I,  pièce  78. 

2.  0*498,  p.  705.  Voyez  plus  bas,  au  chapitre  de  l'Hôtel  de  Ville. 


368  LE  MINISTRE  DE  1>AR1S 

titudcs  proposées  sur  les  limites  des  fonctions  de  MM.  les  échevins  lorsqu'ils 
agissent  seuls)  d'une  délibération  prise  il  y  a  deux  ans  pour  distribuer,  entre 
les  officiers  du  bureau,  les  détails  de  l'administration,  et  former  des  départe- 
ments. Je  demandai  alors  qu'on  m'en  adressât  une  expédition.  Je  présume 
qu'on  a  eu  soin  d'en  conformer  les  dispositions  à  l'ordonnance  de  1672,  no- 
tamment au  chapitre  33  el  aux  divers  règlements  qui  s'observent  dans  les 
municipalités  du  royaume;  mais,  quand  cela  serait,  cette  délibération  était  de 
nature  à  m'ètre  envoyée  avant  d'être  exécutée,  pour  être  mise  sous  les  yeux 
du  roi  et  pour  être  approuvée  par  Sa  Majesté,  s'il  y  a  lieu.  Je  vous  prie,  Mon- 
sieur, de  faire  réparer  celte  omission  et  d'y  joindre  les  éclaircissements  dont 
cet  objet  pourra  vous  paraître  susceptible. 

Du  même  au  même 

24   OCTOBRE    1787 
CONTRE   UN    PRIVILÈGE    RÉCLAMÉ    PAR    LES    PAYEURS    DES    RENTES  ' 

Vous  trouverez  ci-joint,  Monsieur,  l'expédition  d'un  arrêt,  du  propre  mou- 
vement de  Sa  Majesté,  du  20  de  ce  mois,  qui  proscrit  définitivement  la  préten- 
tion des  payeurs  des  rentes  à  l'exemption  de  la  contribution  au  logement  des 
gardes  françaises  et  suisses.  Je  vous  prie  de  le  faire  signifier,  de  l'ordre  et 
exprès  commandement  du  roi,  aux  doyens  et  syndics  des  payeurs  des  rentes 
de  le  faire  enregistrer  au  bureau  de  la  Ville  et  de  veiller  à  son  exécution. 

Du  même  au  même 

10   NOVEMBRE   1787 
SUR    U  N    F  AIT    DE    V 0 1  R  I  E  2 

J'ai  eu  l'occasion,  Monsieur,  en  dînant  il  y  a  quelques  jours  chez  M.  l'ar- 
chevêque, de  remarquer  qu'au  bout  de  la  rue  de  l'Abreuvoir  de  la  place  Mau- 
bert,  il  y  a  un  tas  énorme  de  fumier  et  d'ordures  adossé  à  une  maison.  Je  me 
suis  assuré  que  l'emplacement  où  sont  ces  immondices  faisant  partie  de  la 
berge  de  la  rivière,  n'étant  point  pavé,  et  se  trouvant  absolument  hors  du 
pavé  des  rues,  ne  fait  [point]  partie  du  bail  de  l'enlèvement  des  boues,  et  que 
c'est  le  bureau  de  la  Ville  que  doit  regarder  l'enlèvement  des  immondices  qui 
y  sont  déposées...  Je  suis  persuadé  qu'il  serait  possible  de  trouver  des  gens 
qui  enlèveraient  sans  frais  ce  tas  d'ordures,  vu  la  proximité  de  la  rivière,  pour 
les  répandre  sur  leurs  terres  ou  jardins. 

Du  même  au  même 

20    DKCEJIBUE   1787 

SUR   L'EXPROPRIATION    DES   TEINTURIERS   DE   LA    RUE    DE   LA    PELLETERIE  > 

Vous  trouverez  ci-joint,  Monsieur,  un  nouveau  mémoire  des  teinturiers  de 


1.  Arch.  nat.,  0*498,  p.  713. 

2.  Ibid.,  p.  713. 

3.  Ibid.,  p.  8IH). 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  369 

la  rue  de  la  Pelleterie.  Ils  témoignent  la  plus  grande  répugnance  à  aller  s'éta- 
blir dans  l'île  des  Cygnes.  Ils  demandent  que  le  congé  qui  leur  a  été  donné 
pour  Pâques  prochaines  soit  prorogé,  et  qu'il  leur  soit  accordé  une  indemnité 
proportionnée  aux  dépenses  que  leur  occasionnera  leur  déplacement.  Je  ne 
pense  pas  qu'il  convienne  d'accorder  ces  deux  dernières  demandes.  Il  y  a  déjà 
longtemps  qu'ils  sont  prévenus  de  la  nécessité  de  déménager  à  Pâques,  et  un 
délai  plus  long  ne  ferait  que  servir  de  prétexte  à  la  demande  d'un  autre  dé- 
lai... Une  indemnité  serait  de  la  plus  grande  conséquence,  et  il  faut  s'en  tenir 
généralement  à  n'en  pas  donner  d'autres  que  le  payement  des  maisons  à  dé- 
molir. A  l'égard  de  la  translation  de  ces  artisans  dans  l'île  des  Cygnes,  on 
peut  essayer  d'en  engager  quelques-uns  à  s'y  établir,  et  leur  donner  à  cet 
égard  quelques  facilités.  Mais,  s'ils  s'y  refusent  absolument,  il  convient  de  leur 
laisser  la  même  liberté  qu'à  tout  citoyen  de  s'établir  où  il  juge  à  propos.  Je 
vous  prie  de  prévenir  le  bureau  de  la  ville  de  ce  que  je  vous  marque. 


Du  même  au  même 

I"'    MARS    1788 

SUR    LE   PONT-ROUGE ' 

L'état  et  l'insuffisance  du  Pont-Rouge2,  Monsieur,  font  tous  les  jours  mieux 
sentir  la  nécessité  de  substituer  au  pont  de  bois  un  pont  en  pierre.  On  pour- 
rait alors  ouvrir  sur  la  même  ligne  le  long  de  la  Cité,  à  travers  l'hôtel  des 
Ursins  et  le  monastère  de  Saint-Denis  de  la  Chartre,  un  quai  aboutissant  au 
pont  Notre-Dame,  faisant  suite  à  celui  de  la  Pelleterie,  pour  communiquer 
librement,  et  avec  toutes  sortes  de  voitures,  du  quartier  de  la  Cité  à  l'île  Saint- 
Louis  et  de  l'île  Saint-Louis  au  centre  et  à  tous  les  quartiers  de  Paris. 

Le  sacrifice  volontaire  et  gratuit  offert  par  les  religieux  de  Saint-Denis  de 
la  Chartre',  de  tout  leur  terrain  régnant  le  long  de  la  rivière,  donnerait  à  peu 
près  la  quatrième  partie  du  quai,  en  sorte  qu'au  moyen  de  la  soumission 
signée  par  le  sieur  Duhamel,  faïencier,  de  céder  au  bureau  moyennant  une 
somme  convenue  sa  maison  faisant  l'encoignure  du  pont  Notre-Dame,  des 
offres  du  chapitre  de  l'église  de  Paris  d'abandonner  dès  à  présent  les  maisons 
dont  il  est  propriétaire  situées  dans  cet  alignement,  en  déduction  de  sa  por- 
tion contributoire,  pour  la  fixation  de  laquelle  il  demandera  quelque  compen- 
sation au  roi,  enfin  de  la  contribution  proposée  en  1770  par  les  propriétaires 
des  maisons  de  l'île  :  tout  semble  se  réunir  pour  favoriser  l'exécution  de  ce 
projet.  Bien  entendu,  toutefois,  s'il  est  possible  de  réunir  tous  ces  moyens, 
qu'on  ne  démolira  les  maisons  qu'à  mesure  de  la  progression  des  ouvrages, 
pour  n'avoir  à  payer  annuellement  qu'une  somme  modique. 

L'avantage  de  donner  un  quai  à  la  Cité,  de  procurer  à  ses  rues  étroites  des 


t.  Arch.  nat.,  H.  1960. 

2.  Voir  les  divers  rapports  de  l'architecte  de  la  Ville,  résumés  dans  celui  de 
Poyet,  du  9  sept.  1789. 

3.  Le  prospectus  manuscrit  des  Bénédictins  de  Saint-Denis,  joint  à  cette  lettre, 
montre  au  contraire  qu'ils  comptaient  obtenir  une  large  compensation  sous 
forme  de  réunion  de  bénéfices. 

24 


370  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

dégagements  propres  à  faciliter  les  communications,  ajoute  un  nouvel  intérêt 
à  ce  projet. 

Il  paraît  cependant  que  les  propriétaires  des  maisons  de  l'île  les  plus  inté- 
ressés à  son  exécution,  qui  dès  1770  avaient  offert  de  contribuer  à  la  con- 
struction d'un  pont  de  pierre  à  la  place  du  Pont-Rouge,  cherchent  aujourd'hui 
à  se  soustraire  à  l'espèce  d'engagement  qu'ils  ont  contracté  volontairement 
alors1. 

Pour  fixer  avec  précision  ce  que  l'on  peut  attendre  d'eux  à  ce  sujet,  et 
puisque  l'assemblée  générale  qui  devait  se  tenir  chez  le  sieur  Liénard,  no- 
taire, n'a  point  eu  lieu  ou  n'a  été  que  partielle,  sous  différents  prétextes,  je 
vous  prie,  Monsieur,  de  convoquer  de  la  part  du  roi  celte  assemblée  générale 
à  l'Hôtel  de  Ville,  et  d'y  inviter  tous  les  propriétaires  des  maisons  de  l'île 
Saint-Louis  ainsi  que  le  chapitre  de  l'église  de  Paris  et  même  MM.  de  Saint- 
Denis  de  la  Chartre,  pour  y  délibérer  sur  cet  objet,  en  dresser  procès-verbal, 
et  m'en  faire  parvenir  une  expédition  que  je  mettrai  sous  les  yeux  de  Sa  Ma- 
jesté. 

Est  annexée  la  convocation  imprimée,  datée  du  9  mars  1788,  que 
le  prévôt  des  marchands  adresse  aux  propriétaires  de  l'île  Saint- 
Louis  pour  le  18  mars.  Cette  assemblée  n'eut  pas  un  meilleur  succès 
que  celle  de  1770.  Il  fallut,  le  27  juin  1789,  sur  le  rapport  de  l'archi- 
tecte (1er  mai),  que  le  bureau  de  la  Ville  décidât  la  suppression  du 
Pout-Rouge,  qui  menaçait  ruine.  Dès  le  15  janvier  1789,  un  avis  au 
public,  signé  Veytard,  avertissait  qu'une  barrière  serait  placée  à  cha- 
que extrémité  du  Pont-Rouge  pour  intercepter  le  passage.  Le  zélé 
procureur  du  roi  et  de  la  Ville  avait  multiplié  les  réquisitoires  sur  cet 
objet. 

Lettre  du  baron  de  Breteu'd  à  M.  Le  Peleticr  et  à  M.  de  Cortnj 

1"    .MARS    1788 

sur  l'entreprise  de  la  tourbe 

Je  viens  d'écrire  à  M.  le  premier  président 2  pour  appuyer  les  représentations 
que  vous  lui  avez  faites  au  sujet  de  l'ordonnance  du  Bureau  de  la  Ville  du 
7  septembre  dernier  dont  les  actionnaires  de  l'entreprise  de  la  tourbe  sollici- 
tent l'homologation,  et  je  le  prie  de  donner  tous  ses  soins  pour  faire  interve- 
nir le  plus  tôt  possible  une  décision  sur  cette  demande. 


1.  En  date  du  25  mars  1770.  —  Est  jointe  la  liste  des  297  maisons  de  l'île 
Saint-Denis,  avec  les  noms  des  propriétaires  et  le  revenu  de  chacune.  Celle  qui 
rapportait  le  moins  (200  livres)  (■tait  située  Pont-Marie;  celle  qui  rapportait  le 
plus  (13,500  livres)  était  l'Hôtel  de  Bretonvilliers,  occupé  par  la  Ferme  générale 
et  appartenant  à  la  marquise  de  Montmirail. 

2.  Dans  cette  lettre  (même  date),  de  Breteuil  fait  ressortir  l'intérêt  qu'il  y  a 
«  de  ménager  la  consommation  du  Bois  dans  la  capitale  ».  (Arcli.  nat.,  0*499, 
p.  124-125.) 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  371 

Du  même  au  Prévôt  des  marchands 

1]    AVRIL    1788 

SUR   LA    SURINTENDANCE   DES   EAUX 

Je  ne  suis  point  surpris,  Monsieur,  de  la  démarche  que  MM.  les  commis- 
saires des  eaux  ont  faite  auprès  de  vous1.  Leur  vœu  serait  sans  doute  le  mien 
si  l'amovibilité  de  la  place  que  vous  exercez  n'était  un  obstacle  insurmontable 
à  l'arrangement  particulier  qui  vous  a  été  proposé.  La  nouvelle  administration 
des  eaux  va  passer  sous  la  juridiction  du  bureau  de  la  Ville,  et  la  surinten- 
dance générale  doit  être  perpétuellement  attachée  non  à  la  personne  du  chef 
de  cette  juridiction,  mais  à  la  place,  qui  ne  meurt  point.  Le  bon  ordre 
l'exige,  et  vous  concevrez  mieux  que  personne,  Monsieur,  en  considérant  la 
place  que  vous  occupez,  que,  s'il  en  était  autrement,  il  pourrait  naître  entre 
vous  et  vos  successeurs  des  difficultés  excitées  par  un  esprit  de  rivalité  très 
naturel  à  prévoir,  et  qui  apporterait  nécessairement  des  entraves  nuisibles  au 
bien  de  l'administration.  C'est  à  ce  motif  unique  que  je  fais  dans  cette  cir- 
constance le  sacrifice  de  mon  sentiment  ainsi  que  de  mon  opinion  pour  vous. 
Je  connais  trop  l'élévation  de  vos  principes,  lorsqu'il  s'agit  de  l'intérêt  public, 
pour  n'être  pas  sûr  de  votre  désintéressement  personnel2. 

Lettre  du  baron  de  Breteuil  à  M .  de  Cornu 
4  mai  1788 

SUR    LE   CHOIX    DES    CONSEILLERS    DE   VILLE 

J'ai  cru  m'apercevoir,  Monsieur,  que  la  plupart  des  échevins  pris  dans  le 
nombre  des  quarliniers  et  conseillers  de  Ville  mettent  un  grand  empressement 
à  se  défaire  de  leurs  charges  après  leur  échevinage,  en  faveur  de  particuliers 
que  l'on  admet  peut-être  ensuite  bien  légèrement  sans  trop  d'examen  dans  le 
corps  municipal.  Cela  est  probable,  puisque  dans  moins  d'un  an  il  y  a  eu 
parmi  ces  officiers  deux  s  événements  de  commerce  qui  ont  été  peu  agréables 
aux  deux  compagnies.  11  semble  que  toutes  les  conditions  soient  remplies 
lorsque  l'aspirant  est  au  gré  du  vendeur;  on  n"exige  de  lui  alors  que  d'être  né 
à  Paris.  On  a  observé  que  le  bureau  de  la  Ville  dans  quelques  circonstances 
mettait  infiniment  trop  de  facilité  à  l'admission  des  sujets  proposés,  qu'il 
n'apportait  pas  assez  d'attention  et  ne  faisait  pas  un  examen  suffisant  des 
candidats  présentés  pour  remplir  des  charges  qui  mènent  à  l'échevinage,  et 
qu'il  pouvait  en  résulter  les  conséquences  les  plus  graves.  11  est  de  l'honneur 

1.  Passage  raturé  :  «  et  ils  vous  devaient  à  toutes  sortes  de  litres  cette  marque 
d'honnêteté  et  de  reconnaissance.  » 

2.  La  première  formule,  surchargée,  était  moius  polie  :  «  Je  connais  trop  votre 
désintéressement  personnel...  pour  croire  que  vous  m'en  sachiez  mauvais  gré.  » 
0'499,  p.  195.  —  Étliis  de  Corny  fut  nommé  commissaire  spécial  du  roi  à  l'effet  de 
surveiller  les  opérations  de  la  Compagnie  (L.  du  25  avril,  p.  234). 

3.  Après  ce  mot,  le  texte  primitif,  surchargé,  porte  plus  crûment  les  mois  : 
«  banqueroutes  frauduleuses  »  (Arch.  nat.,  0'499,  p.  253). 


372  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

et  de  la  dignité  du  premier  corps  de  ville  du  royaume  de  n'agréer  que  des 
citoyens  connus  par  de  bonnes  mœurs,  de  la  capacité,  une  extraction  hon- 
nête et  une  probité  intacte,  afin  de  prévenir  les  inconvénients  des  mauvais 
choix.  Vous  voudrez  bien  faire  connaître  au  bureau  de  la  Ville  la  nécessité 
indispensable  de  m'informer  à  l'avance  (toutes  les  fois  qu'il  s'agira  des  muta- 
tions de  ces  offices)  des  noms  des  sujets  proposés,  de  leur  fortune,  de  l'état 
qu'ils  exercent  dans  la  société,  du  degré  de  considération  dont  ils  jouissent, 
en  un  mot  de  tout  ce  qui  pourra  me  mettre  à  portée  d'en  rendre  compte  au 
roi,  et  de  demander,  s'il  y  a  lieu,  l'agrément  de  Sa  Majesté,  sans  lequel  ils  ne 
pourront  dorénavant  être  pourvus1... 


Lettre  du  baron  de  Breteuil  au  Bureau  de  la   Ville 

28  mai  1788 
POUR   APPUYER    UN    PROJET    RELATIF    AU    FLOTTAGE  - 

Le  baron  de  Breteuil  adresse,  avec  sa  recommanda  lion,  une  requête 
de  M.  de  Cellier,  entrepreneur  des  barrages  du  Morvan,  au  bureau 
de  la  Ville. 

Le  sieur  de  Cellier  prend  la  liberté  de  vous  rappeler  qu'en  1784,  lors  de  la 
disette  de  bois  dans  la  capitale...,  vous  reconnûtes  que  ce  fléau  passager  ne 
pouvait  être  attribué  qu'au  retard  des  flottages  du  Morvan,  et  ce  retard  aux 
manœuvres  des  marchands  dont  l'intérêt  personnel  n'est  jamais  d'accord  avec 
l'intérêt  général.  Sur  vos  instructions  et  conformément  à  vos  désirs,  le  gou- 
vernement chargea  le  sieur  de  Cellier  de  la  construction  de  neuf  étangs  nou- 
veaux dans  les  montagnes  du  Morvan  et  de  l'exhaussement  de  sept  étangs 
déjà  construits,  en  assignant  pour  le  prix  de  ces  ouvrages  une  somme  de 
200,000  livres.  D'un  autre  côté,  pour  mettre  le  sieur  de  Cellier  en  état  de  con- 
sommer sans  trouble  cet  ouvrage  important,  le  Parlement  lui  conféra...  l'entre- 
prise générale  du  flottage  jusqu'au  pont  d'Aringclte,  et  pendant  quatre 
années. 

Vous  savez,  Messieurs,  comment  le  sieur  de  Cellier  a  rempli  sa  double  mis- 
sion. L'abondance  des  bois  dans  la  capitale  depuis  1785  est  une  preuve  du  zèle 
qu'il  a  mis  dans  l'accélération  des  flottages.  Et  quant  aux  étangs  dont  l'exhaus- 
sement ou  la  construction  lui  étaient  confiés,  M.  le  procureur  du  roi  a  daigné 
lui-même  faire  une  visite  exacte  de  ces  ouvrages  ;  il  n'est  pas  un  seul  rocher 
des  montagnes  du  Morvan  qui  soit  échappé  à  son  infatigable  attention,  et  vous 


1.  Le  procureur  du  roi  et  de  la  Ville  eut  à  requérir  le  dépôt  de  celte  lettre  au 
greffe  et  son  expédition  aux  deux  Compagnies  de  Ville.  A  la  même  date,  avis 
en  est  donné  par  de  Breteuilà  Le  Peletier(p.  255).  Dans  une  autre  lettre  du  12  sep- 
tembre 1787  (0'49S,  p.  G33),  de  Breteuil  avait  dû  recommander  aux  membres  du 
bureau,  pour  éviter  toute  suspicion  et.  maintenir  la  pureté  des  principes,  de  ne 
prendre  aucune  part  directe  ni  indirecte  aux  adjudications  des  bâtiments  du  do- 
maine de  la  Ville. 

2.  Arch.  nat.,  IL  19o9.  —  Sur  l'histoire  du  flottage  depuis  Ch.  Lecointe  et  Jean 
Rouvet  (4549),  voyez  Max.  du  Camp  (ouvrage  cité),  t.  I,  p.  310  et  suivantes. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  373 

savez,  Messieurs,  quel  rapport  favorable  il  a  bien  voulu  faire  des  ouvrages  du 
sieur  de  Cellier  alors  presque  achevés. 

Mais  les  marchands,  menacés  dans  leur  «  complot  »,  traitèrent  de 
Cellier  en  ennemi.  Leurs  violences  et  leurs  ruses  «  forment  la  ma- 
tière de  vingt  procès  réunis  en  un  seul,  sur  lequel,  après  plusieurs 
audiences,  le  Parlement  a  prononcé  un  délibéré  qui  n'est  pas  encore 
jugé».  Tantôt  les  marchands  déposaient  les  bois  à  de  grandes  dis- 
tances des  ruisseaux  flottables,  afin  de  disputer  à  l'entrepreneur  les 
avances  nécessaires  pour  les  rapproche!-;  tantôt  ils  refusaient  le  prix 
du  flottage  :  de  ce  double  chef,  de  Cellier  leur  réclame  50,000  livres. 
Le  gouvernement  lui  en  doit  encore  22,000.  Des  arrêts  provisoires  et 
par  défaut  contre  les  marchands  lui  auraient  permis  de  rentrer  dans 
une  somme  de  15,000  livres,  sans  «  la  vacance  imprévue  et  illimitée 
du  Parlement  ».  Comme  l'exercice  de  la  «  justice  publique  »  est  sus- 
pendu, de  Cellier  a  recours  «  à  la  justice  particulière  »  du  bureau  (h; 
la  Ville,  et  lui  demande  l'avance  de  ces  15,000  livres,  pour  lesquelles 
il  offre  d'ailleurs  des  garanties,  et  une  hypothèque  générale  sur  ses 
biens  immeubles  qui  valent  plus  de  300,000  livres.  Il  offre  en  consé- 
quence d'achever  rapidement  les  quelques  travaux  qui  restent  à  l'aire 
dans  le  Morvan  ' . 

Sur  l'avis  favorable  du  sieur  Magin,  inspecteur  général  du  flottage, 
le  bureau  de  la  Ville  accorda  cette  avance,  par  délibération  du 
6  juin  1788. 

Lettre  du  baron  de  Breteuil  au  Procureur  du  Roi  et  de  la  Ville  de  Pans 

29  juin  1788 

SUR    LES    PENSIONS    DE    LA    VILLE  2 

J'ai  examiné  avec  attention,  Monsieur,  l'état  des  pensions  qui  se  payent 
annuellement  par  la  Ville  de  Paris.  Je  n'ai  pu  remarquer  sans  surprise  l'irré- 
gularité et  la  facilité  avec  laquelle  une  partie  de  ces  pensions  a  été  accordée. 
Je  mets  cette  portion.de  dépense  dans  la  classe  des  abus  nombreux  qui  con- 
couraient autrefois  à  obérer  le  domaine  de  la  Ville.  Je  suis  très  décidé  à  réta- 
blir également  l'ordre  à  cet  égard. 

Au  premier  aperçu  je  dois  croire  que  les  quarante  articles  compris  dans  la 
première  classe  de  cet  état  et  les  deux  premiers  de  la  seconde  sont  autant  de 
pensions  accordées  en  vertu  de  simples  délibérations  ou  arrêtés  du  bureau 
qui  n'ont  pas  été  homologués  parle  conseil  du  roi,  ou  au  moins  autorisés  de 
la  part  de  Sa  Majesté  par  une  lettre  du  ministre  du  département. 

1.  Un  arrêt  du  Parlement,  du  30  duc  1783,  fixait  comme  dernier  délai  te  mois 
d'octobre  1788. 

2.  Arch.  nat.,0'499,p.  372  à  377. 


371  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

Les  villes  et  communautés,  considérées  comme  mineures,  ne  doivent  se  per- 
mettre aucune  dépense  de  ce  genre,  aucun  emploi  des  deniers  hors  de  l'ordre 
ordinaire  et  des  besoins  du  service  journalier,  sans  en  avoir  préalablement  fait 
approuver  l'objet  par  l'autorité  du  roi.  La.  négligence  de  ce  devoir  pourrait 
conduire  l'administration  à  des  déprédations  et  les  administrateurs  à  de  justes 
regrets. 

En  examinant  l'état  des  pensions,  on  remarque  que  le  domaine  de  la  Ville  a 
contracté  une  surcharge  d'engagements  que  les  principes  et  les  dispositions  de 
l'administration  supérieure  auraient  empêchée,  si  le  corps  municipal  avait 
soumis  ces  divers  résultats  à  l'autorité  du  roi. 

Ce  que  vous  m'avez  adressé,  Monsieur,  est  insuffisant  pour  mon  instruction. 
Vous  ne  m'expliquez  pas  pourquoi  la  veuve  Blanchard  Durcstc,  portée  sous  le 
n°  1er  de  la  première  classe  de  l'état  pour  une  pension  de  3,600  livres,  en 
vertu  de  deux  décisions  des  12  mars  1761  et  12  avril  17G8,  se  trouve  encore 
en  tète  de  la  seconde  classe  pour  une  pension  de  2,000  livres  accordée  le 
20  août  178i.  CclLc  décision  ultérieure  a  pour  objet,  suivant  l'état,  de  tenir 
lieu  à  la  veuve  Blanchard  de  la  pension  de  2,000  livres  que  lui  devait  le  sieur 
Buffault  en  sa  qualité  de  receveur  général  de'  la  Ville.  Je  désire  que  vous  me 
lassiez  connaître  les  motifs  pour  lesquels  le  Domaine  a  été  chargé  de  ce  rem- 
placement. 

Le  sieur  Campourcy,  porté  au  n°  10  de  la  première  classe  pour  une  pension 
de  400  livres  à  dater  du  30  juillet  1776,  se  retrouve  aussi  pour  pareille  somme 
au  n°  2  de  la  seconde  classe,  à  dater  du  22  septembre  1781  ;  on  ne  dit  pas  ce 
qui  a  pu  donner  lieu  à  ce  double  emploi. 

Parce  que  le  sieur  Sircbeau  (n°  3  de  la  première  classe)  a  été  inspecteur 
des  fontaines,  je  ne  vois  pas  qu'il  y  ait  eu  lieu  de  donner  une  pension  de 
400  livres  à  son  fils,  devenu  par  son  état  absolument  étranger  au  service  de 
l'administration. 

Je  ne  puis  concevoir  que  le  sieur  Boizot  (n°  4  de  la  première  classe),  inspec- 
teur des  ports  retiré,  ait  obtenu  que  sa  pension  ait  été  portée  à  2,600  livres 
par  trois  décisions  des  22  déc.  1768,  6  nov.  1777  et  20  fév.  1778,  en  considé- 
rant que  le  traitement  de  ces  places  en  activité  n'est  que  de  3,000  livres  et 
que  leur  suppression,  devant  avoir  lieu  successivement  à  l'époque  de  la  mort 
des  titulaires,  était  un  obstacle  à  ce  qu'on  admit  aucune  retraite  avec  pension. 
11  eût  été  préférable  de  continuer  à  tirer  parti  de  cet  employé  puisqu'on  vou- 
lait lui  continuer  un  traitement  incompatible  avec  l'inaction  à  laquelle  il  s'est 
dévoué. 

Les  nos  6  et  7  ont  chacun  pour  objet  une  pension  de  200  livres  accordée  à 
deux  filles  du  chef  de  cuisine  ou  maître  d'hôtel  de  ta  Ville  \  Il  est  ridicule  que 
l'administration  ait  perpétué  par  là  le  souvenir  d'un  chef  de  cuisine  attaché 
spécialement  à  l'Hôtel  de  Ville  de  Paris2,  et  qu'elle  ait  exposé  à  la  censure  la 

1.  Souligné  dans  le  texte. 

1.  Kappelons,  à  ce  propos,  du  moins  pour  les  deux  derniers  vers,  l'apostrophe 
burlesque  de  Claude  Le  Petit  à  l'Hôtel  de  Ville  : 

'•  Ridicule  et  franche  copie  Sans  art  et  sans  enchanterie, 

D'une  coque  de  limaçon,  Les  rats  tiennent  chez  lui  h 

Chef-d'œuvre  d'un  aide  à  maçon  Et  tu  sens  plus  l'hostellerie 

Piloté  sur  de  l'eau  croupie!  Que  tu  ne  parois  un  Hostel.  » 
Pile  de  moellons  tous  rangés  [Paris  ridicule,  strophe  74.) 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  375 

distribution  de  ses  libéralités  et  de  ses  pensions  en  associant  à  ses  pension- 
naires jusqu'aux  enfants  d'un  cuisinier. 

Le  commis  chargé  de  la  rédaction  de  l'état  a  négligé  de  faire  mention  de  la 
date  de  l'origine  des  pensions  énoncées  sous  les  numéros  12,  13,  14  et  15. 
Celle  de  600  livres  (numéro  12)  accordée  à  la  veuve  d'un  procureur  au  bureau 
de  la  ville  paraît  bien  extraordinaire.  En  effet,  citc-t-on  quelque  juridiction 
qui  soit  dans  l'usage  de  pensionner  ses  procureurs  ou  leurs  veuves? 

Quelles  étaient  les  fonctions  du  sieur  Tripart  (numéro  15)  et  par  quels 
services  a-t-il  mérité  que  le  bureau  de  la  ville  fît  à  sa  veuve  une  pension  de 
500  livres? 

On  s'est  borné  à  indiquer  pour  motif  des  grâces  accordées  à  la  plupart  des 
pensionnaires  inscrits  sur  l'état  qui  m'a  été  adressé,  leurs  anciens  services. 
Cette  indication  est  trop  vague,  et  j'aurais  désiré  qu'on  énonçât  leur  âge,  la 
nature  et  la  durée  de  leurs  services,  afin  d'être  à  portée  d'apprécier  les  droits 
qu'ils  ont  pu  acquérir  à  la  faveur  et  à  la  bienveillance  de  l'administration,  et 
à  l'approbation  à  laquelle  il  faut  enfin  recourir  pour  y  donner  le  caractère  de 
régularité  et  de  légalité  qui  leur  manque. 

L'ordre  et  l'économie  que  le  bureau  doit  établir  dans  toutes  les  parties  de 
son  administration,  et  dont  il  s'est  déjà  occupé  avec  zèle  et  succès,  exigent 
qu'à  l'avenir  on  soit  plus  réservé  que  par  le  passé  sur  les  grâces  pécuniaires. 
Je  vous  répète,  Monsieur,  que  l'intention  expresse  du  roi  est  que  toutes  les 
décisions  de  ce  genre  soient  soumises  à  l'examen  de  son  Conseil  pour  y  être 
homologuées,  s'il  y  a  lieu. 

Vous  voudrez  bien  revoir  cet  état  dans  le  premier  comité  du  bureau  de  la 
ville,  faire  part  de  mes  observations  et  me  procurer  le  plus  tôt  possible  le 
supplément  d'éclaircissements  que  l'insuffisance  des  premiers  m'oblige  à  de- 
mander. Je  suis  certain  que  vous  ne  perdez  pas  un  seul  instant  de  vue  qu'une 
des  fonctions  les  plus  importantes  de  la  place  que  vous  occupez  est  de  veiller 
sans  relâche  à  la  conservation  des  intérêts  de  la  commune,  de  faire  rejeter 
constamment  toute  espèce  de  dépense  dont  l'utilité  et  la  convenance  ne  sont 
pas  évidentes,  et  de  maintenir  autant  qu'il  sera  en  vous  les  règles  et  les  prin- 
cipes d'après  lesquels  une  administration  sage  doit  toujours  [procéder].  En 
faisant  de  nouveau  cet  état  des  pensions,  vous  aurez  soin  de  réunir  sous  le 
même  numéro  les  pensionnaires  qui  auraient  eu  successivement  des  aug- 
mentations de  pensions  et  de  ne  pas  les  laisser  subsister  dans  des  articles 
séparés. 

Cette  forme  devra  être  également  suivie  lorsque  vous  rassemblerez  les  états 
de  divers  employés  pour  n'en  former  qu'un  seul,  et  pour  réunir  dans  un 
même  article,  en  les  distinguant  toutefois,  les  différents  traitements  qui  leur 
sont  attribués  pour  différentes  fonctions.  Mon  intention  est  de  voir  en  totalité, 
sans  parcourir  différentes  feuilles,  ce  que  chaque  individu  reçoit  de  l'Hôtel  de 
Ville,  et  à  quel  titre  l.  » 

Je  désire  aussi  que  vous  annonciez  de  ma  part  au  bureau  de  la  Ville  que  do- 
rénavant les  pensions  ne  se  donneront  plus  qu'une  fois  l'année  et  seulement 


1.  Voir  ci-dessous,  au  chapitre  do  l'Hôtel  do  Ville,  les  derniers  budgets  de  la 
Ville  de  l'avis;  on  s'apercevra  que   les  recommandations  du  ministre  restèrent 

lettre  morte. 


37G  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

dans  [les]  huit  ou  quinze  derniers  jours  qui  précéderont  la  révolution  de  l'an- 
née municipale1.  Par  ce  moyen,  le  bureau  sera  toujours  en  état  de  tenir  la 
main  à  la  mesure  juste  des  bienfaits  de  la  Ville  et  à  atteindre  celle  fixée  par 
le  règlement  de  1783,  parce  que,  en  même  temps  qu'on  arrêtera  les  frais  à 
faire,  on  se  fera  représenter  les  extinctions  qui  auront  eu  lieu  pendant  le  cours 
de  l'année. 


Lettre  du  baron  de  Breteuil  à  Le  Peletier 

30  juin  1788 

SUR  LE  RENOUVELLEMENT  DE  SA  CHARGE 
DE  PRÉVÔT  DES  MARCHANDS 

J'ai  mis,  Monsieur,  sous  les  yeux  du  roi,  le  mémoire  qui  était  joint  à  votre 
lettre  du  22  du  mois  dernier2.  Sur  le  compte  que  je  lui  ai  rendu  de  voire  zèle 
et  des  soins  que  vous  apportez  à  tout  ce  qui  est  relatif  à  l'administration' de  la 
ville  de  Paris,  Sa  Majesté  m'a  autorisé  expressément  à  vous  en  marquer  sa 
satisfaction.  Elle  vous  accorde  son  agrément  pour  que  vous  soyez  continué 
dans  la  place  de  prévôt  des  marchands  pendant  deux  années.  J'ai  l'honneur 
de  vous  adresser  la  lettre  que  Sa  Majesté  écrit  au  Corps  de  ville  à  cet  effet, 
afin  que  vous  la  lui  remettiez  à  la  prochaine  assemblée. 

Du  même  au  même 

10   JUILLET    1788 
SUR    LE   MARCHÉ   AUX    FLEURS 

On  propose,  Monsieur,  par  le  mémoire  que  j'ai  l'honneur  de  vous  adresser, 
de  transporter  sur  le  nouveau  quai  de  Gcsvres  le  marché  aux  tleurs  et  arbustes 
qui  se  tient  deux  jours  delà  semaine  sur  le  quai  de  la  Mégisserie.  Peut-être 
ce  projet  serait-il  avantageux  3  ?... 


1.  Elle  se  terminait  le  15  juillet,  veille  de  Saint-Roch. 

2.  Le  Peletier  demandait  d'être  continué  pendant  deux  prévôtés  consécutives 
(1788-1792);  il  citait  les  précédents  de  Turgot  et  de  Bernage;  il  invoquait  un  bon 
du  feu  roi,  en  vertu  duquel  il  était  assuré  de  la  conservation  de  l'intendance  de 
Soissons.  —  De  Breteuil  (30  juin)  lui  demande  diverses  pièces  relatives  à  l'objet 
de  son  mémoire  et  lui  fait  observer  que,  si  plusieurs  de  ses  prédécesseurs  ont 
obtenu  quatre  prévôtés,  il  n'est  pas  démontré  que  la  quatrième  ait  jamais  été 
accordée  avant  le  commencement  de  la  troisième  ;  or  «  le  roi  a  de  l'éloigne- 
ment  pour  ce  qui  change  les  usages  de  ce  genre  »  (Arch.  nat.,  O1  499,  p.  378 
et  379). 

3.  Un  jugement  du  bureau  (11  décembre  1737),  confirmé  par  arrêt  du  Parle- 
ment (7  janvier  1738),  avait  prononcé1  la  résiliation  du  bail  emphytéotique  des 
places  à  étalages  du  quai  de  la  Mégisserie;,  mais  les  tleurs  et  arbustes  pouvaient 
toujours  y  être  exposés  en  vend'  les  mercredis  et  samedis  (Ord.  du  bureau  du 
7  mai  1760).  Les  abus  des  échoppes  et  étalages  sur  les  quais  et  pouls  tenaient  : 
1°  au  favoritisme  municipal;  2°  aux  faibles  moyens  de  répression  donl  disposait 
la  Ville  en  comparaison  de  la  police,  à  laquelle  néanmoins  elle  ne  voulait  rien 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  377 


Lettre  de  Laurent  de  Villedeuil  à  M.  de  Comy 

27    SEPTEMBRE    1788  I 

SUR   LE    GRAVEUR    MOREAU,    ETC. 

J'ai  examiné,  Monsieur,  l'expédition  du  marche  fait  le  22  août  1782  avec  le 
sieur  Morcau,  pour  la  gravure  des  l'êtes  données  au  roi  et  à  la  reine,  à  l'Hôtel 
de  Ville,  à  l'occasion  de  la  naissance  de  Monseigneur  le  Dauphin-.  Les  con- 
ventions réglées  par  cet  acte  sont  aussi  précises  que  contraires  à  la  demande 
du  sieur  Moreau.  Les  engagements  d'un  marché  de  ce  genre  ne  peuvent  jamais 
être  réputés  comminatoires,  parce  que,  s'il  y  avait  une  impossibilité  évidente 
de  les  remplir  avant  de  s'y  soumettre,  il  y  aurait  eu  de  la  mauvaise  loi  à  les 
contracter.  Il  est  évident  parce  marché  du  22  août  1782,  signé  par  le  sieur 
Morcau  lui-même  :  1°  que  le  prix  de  ce  travail  a  été  réglé  à  40,000  livres; 
2°  qu-'on  lui  a  promis  en  outre  la  somme  de  5,000  livres  par  l'orme  de  gratifi- 
cation, en  cas  qu'il  livrât  et  remît  les  quatre  planches  gravées,  en  leur  état  de 
perfection,  vingt  mois  après  la  date  du  marché;  3°  que,  faute  de  les  remettre  à 
cette  époque,  le  sieur  Moreau  demeurerait  déchu  de  cette  gratification,  et  qu'il 
ne  lui  serait  payé  que  la  somme  de  40,000  livres. 

Je  ne  suis  point  étonné  que  votre  attention  et  votre  vigilance  vous  aient  dé- 
terminera soumettre  littéralement  vos  conclusions  aux  termes  du  marché  dont 
il  s'agit.  J'estime  infiniment  les  talents  de  cet  artiste;  mais  il  me  paraît  que, 
dans  cette  circonstance,  on  ne  peut  accueillir  ses  représentations.  La  dépense 
énorme  de  ces  fêtes  excita  la  censure  dans  le  temps;  c'eût  été  peut-être  bien 
fait  de  ne  pas  réveiller  ce  souvenir  en  les  faisant  graver;  on  aurait  évité  d'ail- 
leurs des  frais  énormes  et  sans  utilité.   Au   surplus,  il  ne  peut  imputer  qu'à 


céder  de  son  domaine.  —  Dans  l'après-midi,  le  Pont-au-Change  était  presque 
obstrué  par  des  échoppes,  des  étalages,  des  curiosités,  des  baladins;  les  voitures 
ne  pouvaient  y  passer  qu'avec  peine,  notamment  du  côté  du  Châtelet.  Le  devant 
du  trottoir  du  pont  de  Gesvres  menaçait  de  devenir  un  dépôt  de  voilures,  char- 
rettes, baquets,  tombereaux,  etc.  Les  entrepreneurs  des  démolitions  ajoutaient 
encore  à  L'encombrement.  «C'est  dans  le  principe  qu'il  faut  empêcher  ces  abus», 
conclut  nue  note  du  \  avril  1787  signée  Éthis  de  Corny  (Arch.  nat.,  IL  1958,  II, 
pièce  82j. 

L.  Arch.  nat.,  O1  499,  p.  380. 

2.  Né  le  22  octobre  1781,  mort  le  S  juin  1789.  —  «  Les  fêtes  de  Paris  eurent 
peu  d'éclat  et  de  gaieté;  mais  ce  fut  par  une  cause  alors  bien  connue.  Le  prévôt 
des  marchands  et  les  éçhevins  étaienl  poursuivis  par  le  souvenir  de  la  sinistre 
fête  du  mariage  de  Louis  XVI  et  tremblaient  de  voir  se  renouveler  une  affreuse 
catastrophe.  Pour  garantir  de  la  foule  l'Hôtel  de  Ville  où  se  rendrai!  la  famille 
royale,  il  fut  décidé  que  L'entrée  de  la  place  serait  interdite  au  peuple.  Les  or- 
donnances de  police  semblaient  moins  annoncer  l'espoir  de  prévenir  Les  événe- 
ments funestes  que  le  désir  île  mettre  à  couvert  la  responsabilité  des  magistrats. 
Tout  Paris  savait  que  des  salles  étaienl  préparées  pour  recevoir  les  blessés.  Les 
plus  tristes  idées  résultèrent  de  préparatifs  sages  en  eux-mêmes,  mais  qui  re- 
çurent une  publicité  maladroite.  Les  plaisants  tirent  une  chanson  maligne  sur 
ces  apprêts  lugubres  et  sur  les  ordres  donnés  pour  éloigner  de  la  fête  le  peuple 
qui  la  payait.  »  (Jos.  Droz,  Histoire  de  Louis  Aï 7,  tome  I,  p.  383.) 


378  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

lui-même  ce  retard  de  plus  de  quatre  ans,  et  les  circonstances  présentes  exi- 
gent plus  que  jamais  une  économie  exacte.  Je  ne  puis  que  vous  approuver, 
Monsieur,  de  ne  pas  vous  écarter  dans  vos  conclusions  des  conditions  de  l'acte 
du  22  août  1782. 

Du  même  à  M.  de  Corny,  Procureur  du  Roi  et  de  la  Ville 

25    DÉCEMBRE    1788 
SUR    UN    ÉTAT    DES    BLÉS 

Je  vous  prie,  Monsieur,  de  faire  parvenir  tous  les  jours  à  M.  Doumer  [c],  un 
état  qui  indiquera  :  les  quantités  de  blés  et  de  farines  restants  la  veille  sur  les 
ports;  2°  les  quantités  arrivées  dans  le  jour;  3°  et  les  quantités  vendues  avec 
les  prix. 

Du  même  au  Prévôt  des  marchands 
29  janvier   178!) 

sir  l'état  des  boulevards 

Je  comptais,  Monsieur,  voir  M.  de  Crosne  mardi  dernier  et  lui  parler  des  ré- 
clamations de  la  ville,  relativement  aux  ordres  que  ce  magistrat  a  donnés  de 
répandre  sur  le  pavé  des  boulevards  les  immondices  et  glaces  qui  y  étaient 
amoncelées  et  de  faire  jeter  dans  la  rivière  celles  qui  étaient  entassées  sur  les 
places  et  quais  de  la  ville.  Le  temps  m'ayant  manqué,  je  viens  d'écrire  à 
M.  de  Crosne,  et  le  prie  de  se  concerter  avec  vous  sur  cet  objet  de  police  et  de 
faire  cesser  les  réclamations  du  bureau1. 


Lettre  signée  de  Laurent  de  Villedeuil  au  Prévôt  des  marchands 

18    FÉVRIER    1180 

SUR    UN    NOM    DE    RIE2 

J'ai,  Monsieur,  l'honneur  de  vous  envoyer  l'expédition  de  l'arrêt  du  Conseil 
du  li  de  ce  mois  qui  ordonne  que  la  rue  d'Enfer,  près  celle  Poissonnière,  quit- 
tera ce  nom  pour  prendre  celui  de  rue  Rleue.  Je  vous  prie  de  vouloir  bien  le 
faire  exécuter... 

Du  même  à  M.  le  Prévôt  des  marchands  Le  Peletier 

8    AVRIL    1789 
SUR    SA    DÉMISSION 

J'ai  mis,  Monsieur,  sous  les  yeux  du  roi  la  démission  de  votre  place  de  pré- 

• 

1.  Arch.  nat.,  0»  rïOO,  p.  6-i.  —  A  la  même  date,  lettre  a  dé  Crosne,  p.  74.  - 
Réponse  dilatoire  de  M.  de  Crosne,  indiquée  dans  la   lettre  au  prévôt  des  mar- 
chands du  2  février  (p.  7'J). 

2.  Arch.  nat.,  11.  i960. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  379 

vôt  des  marchands  de  la  ville  de  Paris,  que  vous  m'aviez  chargé  de  présenter 
à  Sa  Majesté.  Le  roi,  Monsieur,  n'a  pas  jugé  à  propos  de  la  recevoir,  et  l'in- 
tention de  Sa  Majesté  est  que  vous  continuiez  les  fonctions  d'une  place  que 
vous  avez  remplie  jusqu'à  présent  à  la  satisfaction  de  Sa  Majesté  et  dans  la- 
quelle vous  avez  donné  des  preuves  du  zèle  qui  vous  anime  pour  le  bien  de 
son  service  \ 


LETTRES  DIVERSES  RELATIVES  A  PARIS 

JANVIER  1787  -  AVRIL  1789 


Lettre  du  baron  de  Breteuil 

à  M.  h1  marquis  de  Launay,  gouverneur  de  la  Bastille 

■21  JANVIER    1787 

Vous  retrouverez  ci-joint,  Monsieur,  le  billet  qui  était  joint  à  votre  lettre 
le  26  de  ce  mois.  Le  roi  n'accorde  point  la  permission  de  voir  l'intérieur  de 
la  Bastille,  et  vous  devez  sentir  mieux  que  personne  combien  il  serait  d'une 
dangereuse  conséquence  de  s'écarter  de  la  sévérité  des  règles  qu'on  s'est  pres- 
crites a  cet  égard-. 


1.  Le  Peletier  insista  de  nouveau  pour  sa  démission  et  chargea  le  comte  de 
Puységur  don  présenter  au  roi  les  motifs  (Arch.nat.,01  500,  p.  247;  voyez  aussi 
p.  259)*  —  Jacques  de  Flesselles,  nommé  le  21  avril,  fit  enregistrer  ses  lettres  au 
bureau  de  la  Ville  le  25,  et  prêta  serment  au  roi  le  3  mai,  deux  jours  avant  la 
première  séance  des  États  généraux.  Je  renvoie  au  tome  Ier  des  Élections  et 
Cahiers  de  Paris  en  1189,  par  Ch.-L.  Chassin,  pages  317  à  397.  Outre  le  dénoue- 
ment de  la  querelle  entre  la  Ville  et  le  Châtelet,  Le  Peletier  fut  sans  doute  fort 
humilié  de  la  conduite  du  tiers  état  envers  la  Ville,  dont  les  officiers  désignés 
comme  présidents  des  sections  électorales  (Mirent  à  se  retirer  devant  d'autres 
présidents  élus,  ou  ne  durent  leur  maintien  qu'à  l'élection. 

2.  Sur  le  gouvernement  de  la  Bastille,  composé  à  la  fin  de  l'ancien  régime  de 
11  membres,  voyez  VAlm.  royal  de  1789,  p.  207.  —  Le  gouverneur  était  payé  à 
for/ail.  11  touchait  10  livres  par  tête  et  par  jourpour  les  douze  premières  places 
de  prisonniers,  que  ce  nombre  fût  complet  ou  non,  et  pour  les  places  subsé- 
quentes, 3  livres.  11  était  donc  en  quelque  sorte  engagé  à  faire  des  bénéfices  sur 
leur  entretien.  Il  bénéficiait  des  cas  extraordinaires,  tels  que,  en  1788,  celui  des 
gentilshommes  bretons,  eiuprisonnés  à  raison  de  15  livres  par  tête  et  par  jour 
(Lettre  du  baron  de  Breteuil  à  de  Crosne,  21  juillet  178S,  Arch.  nat.,  O1  499, 
p.  421).  —  Le  10  août  1788,  il  est  question  d'augmenter  le  traitement  du  gou- 
verneur en  portant  les  12  premières  places  de  10  livres  à  12  livres  et  les  autres 
de  3  livres  à  6  livres,  vu  l'augmentation  du  prix  des  vivres  [Ibid.,  lettre  à  de 
Crosne,  p.  467).  —  Le  11  janvier  1789,  Laurent  de  Villedeuil  demande  au  maré- 
chal de  Puységur,  minisire  de  la  guerre,  la  croix  de  Saint-Louis  pour  l'aide- 
major  de  Mirey,  le  seul   des    lieutenants   du    gouverneur  qui   ne   l'ait  pas  :  «  La 


380  LE  MINISTRE  DE  PARIS  ' 

Mention  d'une  expédition  d'Arrêt  du  Conseil 
à  M.   Vidaud  de  La  Tour,  directeur  de  la  Librairie 

15    FÉVRIER    1787 

Envoyé  l'expédition  de  l'arrêt  qui  supprime  plusieurs  brochures  concernant 
les  assemblées  nationales  et  interdit  les  sieurs  Hoffman,  Rover  cl  Petit,  pour 
les  avoir  imprimées  et  vendues  r. 

Lettre  du  baron,  de  Breteuil  au  Contrôleur  général 
10  a  vu  îi.  1787 

J'ai,  Monsieur,  l'honneur  de  vous  envoyer  un  mémoire  de  plusieurs  jardi- 
niers, demeurant  proche  la  barrière  de  Charonne,  au  sujet  de  la  direction  que 
l'on  donne  aux  murs  qui  doivent  enecindre  la  ville  de  Paris.  Comme  cet  objet 
concerne  votre  départcmenl,  je  ne  puis  que  me  référer  aux  égards  que  les  re- 
présentations de  ces  particuliers  vous  paraîtront  mériter. 

Du  même  à  M.  Boin,  garde  des  archives  de  la  Bastille 

27    AVRIL    1787 

Vous  trouverez  ci-jointe,  Monsieur,  une  noie  qui  m'a  été  remise  concernant 
plusieurs  malles  de  papiers  de  feu  AI.  le  duc  de  Vendôme,  qu'on  dit  être  dé- 
posés à  la  Bastille2.  Vous  voudrez  bien  vérifier  si  en  effet  ce  dépôt  existe,  et 
en  ce  cas  dans  quel  éiat  il  est,  et  quel  parti  on  peut  en  tirer.  Vous  aurez  at- 
tention, en  me  répondant  le  plus  lot  qu'il  vous  sera  possible,  de  me  renvoyer 
la  noie  ci-jointe. 

Du  même  à  M.  d'Auvergne,  directeur  gênerai  de  l'Opéra 

12   mai   1787 

Vous  trouverez  ci-joint  un  état  des  personnes  auxquelles  on  a  écrit  au  sujet 
des  petites  loges  qu'elles  ont  à  l'Opéra,  et  qui  n'ont  point  encore  fait  de  ré- 
ponses. Vous  voudrez  bien  les  prévenir  que  si  elles  ne  se  sont  pas  mis[es]  en 
règle  avant  la  lin  du  présent  quartier,  elles  seront,  aux  termes  des  règlements, 
privées  de  leurs  loges  qui  seront  données  aux  personnes  qui  en  demanderont. 
Vous  leur  ajouterez  que  c'est  moi  qui  vous  ai  chargé  de  le  leur  annoncer. 


place  de  confiance  qu'il  occupe  exige  qu'il  suit  décoré  pour  en  imposer  davan- 
tage aux  prisonniers  qui  sont  dans  le  château  de  la.  Bastille  »  (Arch.  nul.,  <>■  500, 
p.  31). 

1.  Le  lit  mars,  ils  furent  rétablis  dans  leur  maîtrise  (O1  198,  aux  dates), 

2.  Cette  existence  fut  constatée  et  le  garde  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
du  roi  fut  chargé  d'en  dresser  l'étal  (Voyez  O1  498,  p.  288  et  289). 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  3S1 

Du  même  à  M.  Le  Noir,  garde  de  la  Bibliothèque  royale 

13  MAI   1787 

Je  crois,  Monsieur,  devoir  vous  prévenir  que  j'adresse  à  M.  Bcjot,  garde  des 
manuscrits  de  la  Bibliothèque,  différentes  pièces  copiées  sur  des  manuscrits  de 
la  Bibliothèque  du  Vatican.  Trois  de  ces  pièces  contiennent  sur  la  Puccllc  d'Or- 
léans des  choses  qui  ne  sont  pas  à  la  Bibliothèque,  et  m'ont  paru  en  consé- 
quence devoir  y  ëlrc  déposées,  et  être  reliées  en  un  seul  volume', 
comme  supplément  à  ce  que  la  Bibliothèque  royale  possède  déjà  concernant 
la  Pucellc... 

Du  même  à  M.  de  La  Férié,  commissaire  général  de  la  maison  du  lioi, 
à  l'hôtel  des  Menus,  rue  Bergère 
30  mai  1787= 

J'ai  reçu,  Monsieur,  votre  lettre  du  19  de  ce  mois,  et  celle  de  M.  de  Beau- 
marchais. Je  ne  puis  me  persuader  que  les  circonstances  si  imprévues  dans 
lesquelles  il  se  trouve  s,  deviennent  un  obstacle  à  ce  qu'on  donne  l'Opéra  de  Ta- 
rare. Le  public  l'attend  avec  impatience,  et  son  succès,  que  nous  sommes  fon- 
dés à  regarder  comme  certain,  ne  peut  qu'ajouter  à  l'éclat  de  sa  réputation  lit- 
téraire. Ce  sera  un  premier  triomphe  sur  ses  adversaires.  D'ailleurs  le  roi 
voulant  bien  suppléer  aux  dépenses  de  l'Opéra  lorsque  les  recettes  sont  insuf- 
fisantes, on  ne  pourrait  sans  compromettre  les  intérêts  de  Sa  Majesté  différer 
de  jouer  un  ouvrage  dont  on  s'occupe  depuis  longtemps,  et  pour  lequel  on  a 
l'ait  des  frais  très  considérables,  qui  seraient  en  pure  perte.  Ce  qui  ajouterait 
encore  au  préjudice  que  l'Opéra  en  souffrirait,  c'est  qu'il  ne  se  trouve  aucun 
autre  opéra  de  prêt,  et  qu'il  serait  impossible  de  servir  le  public.  J'ai  fait  ce 
matin  ces  observations  à  M.  de  Beaumarchais.  Je  vous  prie  de  le  voir,  de  les 
lui  faire  de  nouveau,  et  même  de  lui  communiquer  ma  lettre.  Je  ne  doute  point 
qu'après  toutes  ces  réflexions  et  ce  que  vous  pourrez  y  ajouter,  il  ne  se  déter- 
mine à  penser  lui-même  qu'il  est  indispensable  de  laisser  aller  son  ouvrage, 
et  dans  cette  opinion  vous  voudrez  bien  continuer  toutes  les  mesures  pour 
qu'il  soit  donné  le  4  juin,  ainsi  que  le  public  s'y  attend. 


1.  Coté  5970  bis.  —  Ces  recherches  occupaient  tout  spécialement  l'ancien  con- 
trôleur général  de  l'Averdy,  qui,  par  ses  relations  avec  les  ministres,  put  diriger 
des  découvertes  du  même  genre  dans  les  principales  bibliothèques  de  l'Europe 
et  à  Orléans. 

2.  Arch.  nal.,  O1  498,  p.  327.  Voir  l'Administration  des  Mentis,  joui  uni  de  Pa- 
pillon de  la  Ferlé,  par  Ern.  Boysse,  et  le  tome  11  des  Mélanges  historiques  de  la 
Coll.  des  Documents  inédits. 

3.  Le  procès  Kornmann.  —  L'arlicle  Beaumarchais  de  la  Grande  Encyclopédie, 
par  M.  Maurice  Tourneux,  est  au  courant  des  derniers  résultats  de  la  critique 
au  sujet  de  ce  personnage  si  discuté.  Voir,  pour  le  détail  de  ce  curieux  procès 
d'adultère  et  de  chantage  à  la  fois,  la  série  des  factums  de  la  Bib.  nat.  cotés 
4°Fj,  aux  noms  Beaumarchais  et  Kornmann,  et  surtout  le  premier  mémoire  de 
Bergasse,  4°F;726,  n°  16510. 


382  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

Du  même  à  M.  Denis,  président  du  Bureau  des  finances 

15  juin  1787 

Je  suis  informé,  Monsieur,  que  le  sieur  Thury,  maître  fondeur,  fait  bâtir  sur 
un  terrain  faisant  l'encoignure  des  rues  Taranne  et  du  Sabot  et  que,  quoiqu'il 
n'y  eût  pas  de  bâtiments  sur  le  terrain,  on  n'a  pas  profité  de  la  circonstance 
pour  donner  plus  de  largeur  à  ces  deux  rues  qui  n'ont  que  douze  pieds.  Je 
vous  prie  de  voir,  Monsieur,  s'il  ne  serait  pas  possible  de  donner  au  sieur 
Thury  un  nouvel  alignement  et  de  le  forcer  à  se  retirer  de  six  pieds,  sur  chaque 
rue,  de  manière  qu'en  forçant  par  la  suite  les  propriétaires  des  maisons  en 
face  à  reculer  également  de  six  pieds,  ces  deux  rues  puissent  arriver  à  la  lar- 
geur de  vingt-quatre  pieds.  Il  serait  bien  essentiel  de  forcer  à  des  retran- 
chements tous  les  propriétaires  de  maisons  [des  rues]  qui  n'ont  pas  au  moins 
cette  largeur.  Cela  est  encore  plus  nécessaire  pour  la  libre  circulation  de  l'air 
et  la  foule  des  habitants  que  pour  la  décoration  '. 

Du  même  à  MM.  les  Administrateurs 

de  la.  Compagnie  des  assurances  contre  l'incendie 

20  juin  1787 

Depuis  plus  de  six  mois,  Messieurs,  que  votre  établissement  est  commencé, 
on  ne  m'a  encore  rendu  aucun  compte  du  dépôt  complet  de  8  millions,  dépôt  au- 
quel vous  êtes  obligés2  et  par  votre  soumission  et  par  l'arrêt  qui  a  autorisé  votre 
entreprise.  Comme  je  désire  de  mettre  incessamment  sous  les  yeux  de  Sa  Ma- 
jesté l'état  de  sa  situation,  ce  dépôt  est  le  premier  objet  sur  lequel  je  vous 
demande  des  éclaircissements  exacts  et  certains.  Vous  voudrez  bien  m'informer 
en  même  temps  du  détail  des  opérations  et  des  améliorations  de  la  compagnie 
relativement  à  ses  fonds  '. 

Du  même  au  sieur  de  Launay 

13    JUILLET    1787 

Le  sieur  Verniquet,  Monsieur,  m'a  écrit  au  sujet  du  plan  en  masse  qu'il 
désire  de  lever  des  bâtiments,  cours  et  dépendances  du  château  de  la  Bastille. 

1.  Arch.  nat.,  O1  i'J8,  p.  392.— L'affaire  n'eut  pas  desuitè  (lettre  du  29  juin  17S7 
p.  428). 

2.  11  devait  èlro  déposé  le  Let  juillet  1787,  à  la  caisse  de  l'Hôtel  de  Ville,  à  titre 
de  fonds  de  garantir;  il  ne  le  l'ut  qu'au  mois  d'août  (lettre  du  8  août  1787  . 

.'5.  De  nouveaux  délais  provoquèrent  une  nouvelle  lettre  (20  juillet).  Me  Breteuil 
approuve  la  vente  de  (>()()  actions  à  930  livres,  mais  ajoute  que  «  le  roi  doil  rester 
propriétaire  du  quart  du  bénéfice  provenant  de  cette  vente,  comme  s'il  étail  pro- 
venu des  assurances  ".  Il  réclame  les  comptes, pour  que  le  roi  puisse  savoir  eu 
quoi  consiste  son  (//uni.  Ailleurs  (lettre  au  contrôleur  général,  •'!  aoûl  l~.S7i.  il 
soutient  cette  même  compagnie  contre  la  Compagnie  des  eaux  (Perier)  qui  sou- 
tenait faussement  avoir  le  privilège  exclusif  des  assurances  contre  l'incendie. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  383 

Je  pense  comme  vous  qu'il  serait  plus  simple  de  lui  communiquer1  le  plan 
exact  qui  est  entre  les  mains  de  M.  Larché  d'Aubencour,  ingénieur  chargé  des 
fortifications  de  ce  château'. 


Du  même  à  M.  GuichanI, 
procureur  du  Roi  du  Bureau  /les  finances,  rue  Sainte-Apolline 

14  JUILLET    1787 

J'ai  reçu,  Monsieur,  la  lettre  que  vous  avez  pris  la  peine  de  m'écrirc  le  10  de 
ce  mois  au  sujet  de  l'orme  Saint-Gervais.  Je  sais  que  cet  arbre  est  regardé 
dans  tout  le  quartier  comme  une  espèce  de  monument  :  sa  destruction  ne  pro- 
duirait que  des  avantages  peu  importants,  et  ne  manquerait  pas  d'exciter  de 
vives  réclamations.  Je  suis  d'ailleurs  assez  porté  à  la  conservation  de  tout  ce  qui, 
sans  occasionner  des  inconvénients  graves,  porte  un  certain  caractère  d'anti- 
quité, et  semble  consacré  dans  l'opinion  du  peuple  par  un  préjugé  presque 
immémorial.  Je  crois,  d'après  ces  réflexions,  qu'il  est  convenable  de  laisser 
subsister  l'orme  dont  il  s'agit.  Je  vous  prie  cependant  d'être  persuadé  que,  si 
dans  cette  occasion  mon  sentiment  diffère  du  vôtre,  je  n'en  rends  pas  moins 
justice  à  votre  zélé,  et  aux  soins  que  vous  vous  donnez  pour  tout  ce  qui  inté- 
resse le  public. 

Du  même  au  Contrôleur  général 
li  août  L787 

Vous  vous  rappelez  sans  doute,  Monsieur,  que  j'ai  fait  au  dernier  conseil  le 
rapport  de  la  permission  demandée  par  une  compagnie  de  former  un  établis- 
sement pour  assurer  la  vie  des  hommes.  Le  Conseil  a  paru  persuadé  de  l'utilité 
de  cet  établissement.  Mais  on  a  pensé  qu'au  lieu  de  le  confier  à  une  compagnie 
particulière,  il  vaudrait  mieux  l'affecter  à  un  établissement  ou  à  un  corps  qui 
en  consacrerait  les  bénéfices  à  des  objets  d'utilité  publique.  Je  crois,  Monsieur, 
que  le  bureau  de  la  ville  est  le  corps  auquel  il  conviendrait  le  mieux.  La  con- 
fiance qu'il  inspirerait  le  mettrait  à  portée  de  faire  valoir  la  chose  en  grand, 
et  d'en  tirer  de  grands  avantages,  en  même  temps  qu'il  en  procurerait  d'aussi 
grands  à  la  classe  très  nombreuse  des  citoyens  qui,  n'ayant  que  des  revenus 
viagers,  ou  les  appointements  'de  leurs  places,  ou  les  émoluments  de  leurs 
professions,  n'ont  pas  l'espérance  de  rien  laisser  à  leurs  héritiers...  ?. 


1.  Le  même  jour,  de  Breleuil  écrit  dans  le  même  sens  à  Verniquet,  architecte 
an  bureau  général  des  plans  de  Paris,  aux  Grands-Augustins,  à  Paris,  el  insiste 
sur  l'embarras  d'avoir,  dans  l'intérieur  de  la  Bastille,  des  personnes  qui  y  sont 
étrangères.  —  Lo  11  nov.  1187.  le  ministre  de  Paris  déclare  n'avoir  accordé  au- 
cune permission  au  bureau  des  finances  de  décharger  des  terres  et  gravats  dans 
les  fossés  de  la  Bastille,  el  de  les  exposer  ainsi  à  être  comblés,  «  ce  qui  ne  me 
parait  pas  être  quant  à  présent  dans  l'intention  du  gouvernement  »  [Ibid .,  p.  744). 

2.  Depuis  1765,  les  Ahn.  nivaux  portent  :  Larcher  d'Aubancourl. 

3.  Après  entente  à  ce  sujet  avec  le  contrôleur  général,  le  ministre  de  Paris 
écrit  dans  le  même  sens  au  bureau  de  la  Ville  (16  septembre  1787). 


38i  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

* 

Lettre  signée  par  le  Roi  : 

1"  à  Monsieur,  pour  le  Luxembourg; 

2°  à  Monseigneur  comte  (V Artois,  pour  le  Temple; 

3°  à  Monsieur  le  duc  d'Orléans,  pour  le  Palais-Royal  ' . 

19  AOUT   17S7 

La  multiplicité  des  faiseurs  tant  de  fausses  lettres  de  change  et  autres  effets 
commcrçables  que  de  libelles  exige  qu'on  emploie  toutes  les  précautions 
propres  à  arrêter  ce  désordre.  C'est  surtout  dans  les  lieux  privilégiés  que  la 
surveillance  est  nécessaire,  et  on  ne  peut  se  flatter  de  l'y  établir  d'une  manière 
efficace  qu'autant  que  leurs  privilèges  seront  suspendus  et  que  les  officiers  de 
police  auront  la  faculté  d'y  exercer  librement  leur  ministère.  J'attends  de  votre 
zèle  pour  le  maintien  du  bon  ordre  et  de  votre  attachement  au  bien  de  l'État 
que  vous  donnerez  au  gouverneur  du...  les  ordres  les  plus  précis  pour  que, 
aussi  longtemps  que  les  circonstances  l'exigeront,  les  officiers  de  police 
puissent  librement  faire  leurs  recherches  dans  ce  lieu  comme  partout  ailleurs. 

Lettre  du  baron  de    Breteuil  à  M.  le   bailli  de  Crussol, 

.  capitaine  des  gardes  de  Min'  le  comte  d'Artois 

19  août  ns7 

...Sa  Majesté  ayant  observé  que  Mgr  le  comte  d'Artois  n'habite  qu'acciden- 
tellement le  Temple,  que  Mgr  le  duc  d'Angoulême  n'en  est  réellement  qu'usu- 
fruitier, que  la  propriété  du  local  et  des  privilèges  appartient  essentiellement,! 
l'Ordre  de  Malte,  et  que  l'ancienneté  et  la  constitution  particulière  de  ces  pri- 
vilèges devaient  y  apporter  quelques  changements,  Sa  Majesté,  après  qu'il  lui 
a  été  rendu  compte  du  mémoire  que  vous  m'avez  remis,  m'a  ordonné  de  vous 
mander...  que  son  intention  est  qu'il  soit  donné  dans  l'enclos  du  Temple  toute 
facilité  aux  recherches  que  les  officiers  de  police  seront  chargés  d'y  faire...  ce- 
pendant qu'ils  soient  tenus  d'instruire  les  officiers  du  bailliage  ou  le  commis- 
saire des  recherches  qui  leur  seront  ordonnées  et  auxquelles  il  ne  pourra 
jamais  être  apporté  d'obstacles2... 


1.  Le  ministre  remit  lui-même  les  deux  lettres  aux  frères  du  Roi.  11  envoya  la 
troisième  au  duc  d'Orléans,  en  s'excusant  de  n'avoir  pu  la  porter  lui-même 
(Arch.  nat.,  0'498,  p.  574).  —  Mêmes  mesures  mentionnées  (p.  578)  relativement 
aux  Tuileries,  au  Louvre,  aux  grandes  et  aux  petites  Écuries. 

2.  C'est  aussi  le  baron  do  Breteuil  qui ,  sur  un  état  des  autres  lieux  privilégiés 
dressé  par  de  Crosne,  s'occupa  des  enclos  de  Saint-Germain-des-Prés,  de  Saint- 
Martin-des-Champs,  de  l'abbaye  Sainte-Geneviève,  de  Notre-Dame,  de  Sainl-Joan- 
di'-bairan,  du  fiel' de  l'Oursine  (ces  deux  derniers  dépendant  de  l'ordre  de  .Malte). 
—  Il  prévint  de  nièiue  le  maréchal  de  Ségur,  gouverneur  de  l'Arsenal  (Lettre  du 
29  août,  Arch.  nat.,  0*498,  p.  598).  —  Le  28  août,  des  prisonniers  pour  dettes 
évadés  de  la  Force  se  retirèrent  au  Temple.  Le  ministre  crut  devoir  attendre  les 
plaintes  des  créanciers. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  385 

Du  même  à  M.  Bailly,  de  V Académie  des  sciences,  etc. 

i  30    NOVEMBRE    1787 

J'ai  examiné,  Monsieur,  avec  beaucoup  d'attention  les  observations  que  vous 
m'avez  envoyées  sur  le  mémoire  des  religieuses  de  Sainte-Périne  de  Chaillot. 
Elles  m'ont  paru  très  judicieuses.  Elles  présentent  clairement  l'affaire  sur  (sic) 
toutes  ses  différentes  faces,  et  je  ne  puis  trop  vous  remercier  des  soins  que 
vous  vous  êtes  donnés  pour  l'éclaircir. 

Je  pense  comme  vous  sur  les  propositions  des  religieuses.  L'intention  du 
roi,  en  cherchant  des  maisons  religieuses  pour  y  placer  des  hôpitaux,  a  été 
d'acquérir  les  terrains  ou  emplacements  à  bon  marché,  et,  si  l'on  adoptait  ce 
que  propose  la  maison  de  Sainte-Périne,  on  acquerrait  leurs  terrains  au  moins 
ce  qu'ils  valent. 

La  suppression  pure  et  simple  en  affectant  aux  hôpitaux  non  seulement  les 
biens  de  Sainte-Périne,  mais  encore  ceux  de  l'abbaye  de  Gif,  présenterait  des 
avantages.  Mais  je  préférerais  à  tous  égards  le  parti  de  se  borner  quant  à  pré- 
sent à  déclarer  les  biens  de  ces  deux  abbayes  affectés  aux  quatre  hôpitaux,  et 
à  défendre  aux  religieuses  de  Sainte-Périne  de  recevoir  désormais  des  novices. 
Je  vous  prie  d'en  conférer  avec  M.  l'archevêque  et  avec  M.  le  promoteur1... 

Du  même  à  Mme  la  comtesse  de  Polignac,  rue  du  Parc-Royal 

23    DÉCEMBRE    1787 2 

Je  ne  puis  me  dispenser,  Madame,  de  vous  informer  de  l'opposition  formée  à 
votre  surséance  par  le  sieur  Droz  et  sa  femme.  Ces  particuliers  sont  depuis  cinq 
ans  créanciers  d'une  somme  de  12,000  livres  sur  laquelle  ils  n'ont  reçu  aucun 
acompte.  Ils  sont  eux-mêmes  poursuivis  par  leurs  créanciers  au  point  qu'ils 
ont  été  obligés  de  se  retirer  au  Temple,  et  qu'ils  y  languissent  dans  la  plus 
grande  misère.  Ces  considérations  sont  faites  pour  intéresser,  et  je  crois  de- 
voir vous  prévenir  que,  si  vous  ne  prenez  pas  des  mesures  promptes  pour  faire 
cesser  les  plaintes  du  sieur  Droz,  il  ne  me  sera  pas  possible  de  proposer  au 
roi  de  vous  accorder  une  nouvelle  surséance  à  l'expiration  de  celle  dont 
vous  jouissez. 

Du  même  à  M.  d'Ormesson,  président  au  Parlement 

27   JANVIER    1788  3 

Vous  savez,  Monsieur,  combien  il  est  instant  de  supprimer  l'ancienne  halle 

1.  Suivent  des  détails  sur  le  règlement  des  dettes  de  l'Abbaye,  et  la  nécessité 
de  nommer  par  la  suite  un  curateur  liquidateur  qui  l'empêchât  d'en  contracter 
de  nouvelles.  —  Vers  la  même  époque  commence  la  procédure  de  l'union  des 
Hospitalières  de  la  Roquette  aux  quatre  nouveaux  hôpitaux  (Lettre  du  10  février 
1788,  0499,  p.  73).  — Le  séquestre  des  biens  de  Sainte-Périne  est  annoncé  par  la 
lettre  du  27  février  1788  (Ibid.,  p.  103). 

2.  Arch.  nat.,  0498,  p.  815. 

3.  Arch.  nat.,  0'499,  à  la  date. 

25 


386  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

à  la  saline  et  à  la  marée  qui  tombe  en  ruines  et  cause  le  plus  grand  embarras 
dans  les  halles.  Elle  aurait  dû  être  démolie,  aux  termes  des  lettres  patentes 
du  21  août  1784  enregistrées  au  Parlement,  aussitôt  que  les  constructions  de 
la  nouvelle  halle,  cour  des  Miracles,  ont  été  achevées.  On  a  cru  devoir  sus- 
pendre cette  démolition  pour  faire,  au  désir  de  la  Chambre  de  la  marée,  plu- 
sieurs additions  à  la  nouvelle  halle  et  y  établir  un  marché  au  détail.  Ces  addi- 
tions ont  coûté  beaucoup  plus  que  si  l'on  se  fût  borné  à  exécuter  le  plan 
annexé  aux  lettres  patentes.  Je  suis  instruit  qu'il  s'est  élevé  quelques  difficultés 
relativement  à  l'ouverture  de  cette  halle,  lors  de  la  demande  qu'en  a  faite  la 
Ferme  générale  à  la  Chambre  des  vacations.  Mais  aujourd'hui  c'est  à  la  Chambre 
de  la  marée  qu'il  appartient  de  l'ordonner.  Je  ne  vous  laisserai  point  ignorer, 
Monsieur,  que  le  roi,  particulièrement  occupé  de  tous  les  arrangements  néces- 
saires à  la  salubrité  encore  plus  qu'à  l'embellissement  de  Paris,  a  vu  le  plan 
de  cette  halle,  l'a  approuvé  et  môme  signé,  qu'il  m'en  a  parlé  souvent,  et  qu'il 
vient  de  m'en  parler  encore...  S'il  était  démontré  par  l'expérience  qu'il  lût 
besoin  par  la  suite  de  faire  ériger  de  nouvelles  additions  à  cette  halle,  ou  au 
marché,  je  le  proposerais  bien  volontiers  au  roi  et  je  suis  persuadé  qu'il  sera 
facile  de  l'y  déterminer. 

Du  même  au  même 
12  mars  1788 ' 

...  La  vente  en  gros  de  la  marée  n'a  absolument  rien  de  commun  avec  celle 
des  autres  comestibles;  l'une  se  fait  depuis  trois  heures  du  matin  jusqu'à  sept, 
tandis  que  la  vente  des  œufs,  beurres,  légumes,  et  autres  denrées,  ne  commence 
qu'à  huit  heures.  Il  n'y  a  pour  ainsi  dire  que  les  détailleresses  de  marée  qui 
se  présentent  à  la  vente  et  qui  y  achètent.  La  consommation  de  marée  ne  sera 
en  conséquence  pas  moins  considérable  lorsque  la  vente  en  gros  se  fera  à  la 
cour  des  Miracles.  On  peut  en  juger  par  la  consommation  immense  qui  se  fait 
à  Paris  de  volaille,  de  gibier  et  de  poissons  d'eau  douce,  quoique  la  vente  de 
ces  objets  se  fasse  dans  des  endroits  bien  plus  éloignés  des  halles  que  la  cour 
des  Miracles... 


Du  même  au  Contrôleur  général 
21  mars  1788 2 

J'ai  reçu,  Monsieur,  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  sur 
la  proposition  que  fait  M.  Bertier  d'employer  les  gens  attachés  au  service  des 
impositions  pour  faire  cesser  les  excès  que  commettent  les  fraudeurs  dans  les 
environs  de  Paris,  et  sur  le  besoin  qu'auraient  les  garnisaires  d'être  munis 
d'ordres  du  roi  pour  emprisonner  les  coupables. 

Je  crois  devoir  vous  observer,  Monsieur,  que  ce  projet,  s'il  était  adopté,  allri- 


1.  Arch.  nat. ,  0"499,  p.  13a.  —  Voyez  :  Autre  lettre  à  d'Ormesson,  7  avril 
(p.  190);  Lettres  au  Contrôleur  général,  7  avril  (p.  191);  à  MM.  Duport,  d'Aïa- 
rnécourt  et  Lecoigneux  (Id.,  ibid.). 

2.  Arch.  nat.,  0'499,  p.  147. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  387 

buerait  à  M.  Bertier  des  fonctions  qui  tiennent  à  la  charge  du  lieutenant  gé- 
néral de  police  de  la  ville  de  Paris.  En  effet,  la  destruction  des  fraudeurs  est 
essentiellement  liée  avec  la  sûreté  de  la  capitale;  M.  l'intendant  n'ayant  aucune 
espèce  de  fonctions  ni  d'autorité  pour  le  maintien  de  la  sûreté  soit  dans 
Paris,  soit  dans  la  banlieue,  il  ne  peut  pas  être  chargé  de  faire  arrêter  les  frau- 
deurs. M.  le  lieutenant  général  de  police  a  des  moyens  que  ses  relations  lui 
donnent  pour,  sous  le  point  de  vue  de  sûreté,  arrêter  les  fraudeurs  ;  ce  sont 
presque  tous  des  gens  suspects  ou  qui  ont  commis  d'autres  délits;  ils  sont 
connus  des  inspecteurs  de  police;  l'ensemble  de  l'administration  fournit  des 
moyens  pour  les  découvrir,  et  ils  sont  dans  le  cas  d'être  arrêtés  à  différents  titres. 

M.  l'intendant  n'a  sûrement  pas  les  mêmes  ressources  ;  il  lui  a  été  sans  doute 
offert  des  fonds  par  la  Ferme  générale  pour  faire  faire  ce  travail  par  ses  gar- 
nisaires  :  que  la  Ferme  générale  verse  les  mêmes  fonds  dans  la  caisse  de  la 
police,  et  il  en  résultera  trois  fois  plus  d'effet  qu'on  ne  peut  en  attendre  de  la 
part  des  garnisaires. 

Les  inspecteurs  de  police  font  des  patrouilles  pour  la  sûreté  deux  fois  par 
semaine  en  hiver,  une  fois  aussi  par  semaine  en  été.  Il  se  fait  aussi  des  pa- 
trouilles militaires  trois  fois  par  semaine.  Ces  patrouilles  seraient  doublées, 
s'il  le  faut,  au  moyen  des  fonds  qui  seraient  faits  par  la  Ferme,  et  ce  supplé- 
ment de  patrouilles  serait  employé  à  arrêter  les  fraudeurs  dans  leurs  maisons. 
Ces  patrouilles  se  font  par  des  inspecteurs  de  police  revêtus  d'un  oflice  et 
ayant  serment  en  justice.  Ils  sont  toujours  accompagnés  d'un  commissaire  au 
Chàtelet  ayant  le  droit,  inhérent  aux  fonctions  de  sa  charge,  d'interroger  les 
personnes  qui  sont  arrêtées,  de  les  faire  relever  ou  de  les  envoyer  en  prison. 
Ce  sont  au  surplus  ceux  qui  ont  le  plus  d'expérience  qui  sont  chargés  de  ces 
fonctions. 

M.  l'intendant  de  la  généralité  ne  peut  pas  avoir  à  sa  disposition  des  per- 
sonnes aussi  faites  que  les  commissaires  au  Chàtelet  pour  inspirer  de  la  con- 
fiance, et  aussi  en  état  de  diriger  avec  sagesse  des  opérations  qui  demandent 
tant  de  mesure. 

On  ne  verrait  pas  sans  inquiétude  un  nouvel  ordre  des  choses  établi  à  cet 
égard  et  un  pouvoir  relatif  à  la  sûreté,  qui  est  exercé  avec  tant  de  prudence 
par  des  officiers  publics,  remis  à  des  personnes  sans  qualité  et  qui,  rela- 
tivement à  leurs  fonctions  ordinaires,  ne  sont  pas  vues  favorablement  du  public. 

Il  importe  d'ailleurs  à  une  administration  sage  que  les  fonctions  de  la  po- 
lice soient  toujours  dirigées  par  le  même  esprit  et  que  l'autorité  attribuée  à 
cette  espèce  de  dictature  réside  dans  la  même  main,  dans  celle  du  magistrat 
qui  en  est  revêtu,  sous  les  ordres  immédiats  du  ministre  auquel  il  rond 
compte  à  tous  les  instants.  Vous  sentirez,  Monsieur,  facilement,  que  la  rivalité, 
la  mésintelligence,  l'insubordination,  les  négligences  nuisibles  au  service 
public,  sont  le  moindre  inconvénient  qui  naîtrait  du  partage  de  celte  au- 
torité. 

Enfin,  quelle  sensation  ne  produirait  pas  dans  le  public,  surtout  dans  ce 
moment  actuel,  la  remise  qui  serait  faite  à  ces  garnisaires  d'ordres  du  roi! 

Ces  considérations  ne  me  permettent  pas,  Monsieur,  d'accueillir  comme  je 
le  désirerais  la  proposition  que  vous  faites  de  faire  expédier  les  ordres  du  roi 
que  demande  M.  Bertier  pour  les  remettre  aux  garnisaires  *. 

1.  Bertier  passa  outre,  et,  sous  prétexte  d'exécuter  les  intentions  du  Roi,  fit 


388  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

Du  même  au  Contrôleur  général 

29  MARS  1788 

Je  ne  puis  qu'applaudir1  au  projet  d'arrêt  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'adresser  et  que  j'ai  celui  de  vous  renvoyer,  par  lequel  il  sera  ordonné 
que  certaines  rentes  constituées  pour  le  compte  du  roi  par  la  Ville  de  Paris  et 
qui  étaient  payées  par  son  trésorier  seront  à  l'avenir  acquittées  par  les 
payeurs  des  rentes.  Cette  opération  est  une  nouvelle  preuve  que  vous  vous 
occupez  sans  cesse  du  soin  de  maintenir2  le  bon  ordre  et  l'économie  dans 
l'administration  dont  vous  êtes  chargé. 

Du  même  au  Garde  des  sceaux 

21  juin  1788  5 

La  suppression  des  bureaux  des  finances  ordonnée  par  l'édit  du  roi  du 
8  mai  dernier  a  suspendu  le  rapport  que  je  me  proposais  de  faire  au  Conseil 
d'un  projet  d'arrêt  relatif  à  la  formation  d'une  commission  destinée  à  être 
chargée  de  la  partie  administrative  de  la  voirie,  de  la  vérification  des  plans 
généraux,  des  alignements,  redressements  et  embellissements  de  la  capitale. 
L'expérience  m'a  mis  à  portée  de  remarquer  que  l'exécution  des  différentes 
lois  sur  cette  matière  pouvait  être  susceptible  de  plus  de  perfection.  D'ailleurs 
l'exercice  de  la  juridiction  qu'elles  donnent  ayant  été  attribué  suivant  les  cir- 
constances au  bureau  des  finances,  ou  aux  prévôt  des  marchands  et  échevins, 
ou  au  lieutenant  général  de  police,  soit  concurremment  et  par  prévention  des 


arrêter  cinq  fraudeurs  rue  Coquenard,  aux  Porcherons,  par  un  «  particulier  sans 
caractère  ».  De  Breteuil  écrit  à  leur  propos  à  Bertier,  le  11  avril  :  «  Ils  ont  de- 
mandé à  être  conduits  chez  un  commissaire,  on  le  leur  a  refusé.  On  les  a  trans- 
férés aux  cachots  du  Dépôt  de  Saint-Denis;  là  ils  ont  été  interrogés  par  le  sieur 
Aubert,  qui  n'est  également  revêtu  d'aucun  caractère  légal  pour  remplir  un  mi- 
nistère aussi  important.  Cette  opération  me  paraît  irrégulière  et  contraire  aux 
droits  de  la  place  de  M.  le  lieutenant  général  de  police  et  aux  lois  et  ordonnances 
du  Royaume.  11  serait  à  craindre  que,  si  le  Parlement  en  avait  connaissance,  il 
ne  sévit  contre  le  garnisaire  et  le  sieur  Aubert ,  que  vous  avez  chargés  de  vos 
ordres.  Il  est  à  croire  même  que  c'est  par  pur  égard  pour  vous  que  M.  le  Procu- 
reur du  Roi  du  Cliàtelet  n'a  pas  rendu  plainte  pour  faire  informer  et  décréter.  Je 
pense  donc,  Monsieur,  que  vous  ne  devez  pas  ordonner  de  pareilles  opérations 
dont  mon  intérêt  pour  vous  me  fait  redouter  les  suites»  (Arch.  nat. ,  0'499, 
p.  196).  —  De  Breteuil  fut  peu  de  temps  après  informé  de  nouveaux  empiéte- 
ments. Les  garnisaires  de  l'intendant  arrêtèrent  deux  ouvriers  jardiniers  dans  le 
.quartier  Montmartre,  les  excédèrent  de  coups,  leur  demandèrent  deux  louis  poul- 
ies laisser  en  liberté,  et  les  iirent  enfermer  dans  les  prisons  de  Bellevillc  (Id., 
ibid.,  lettre  du  4  mai,  p.  257).  —  En  dehors  de  Paris  (ville  et  vicomte)  Bertier 
demande  à  tout  moment,  et  se  fait  souvent  refuser,  des  «  ordres  du  Roi  ». 

1.  Le  texte  portait  d'abord  «approuver  »,  etc. 

2.  Le  texte  portait  d'abord  :  «  prouve  que  vous  ne  cherchez  qu'à  l'établir  le 
bon  ordre»,  etc.  Arch.  nat.,  0'499,  p.  180. 

3.  0*499,  p.  341. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  389 

uns  aux  autres,  soit  partiellement  à  chacun  de  ces  tribunaux,  on  a  reconnu 
dans  les  différentes  occasions  qu'il  résultait  de  cette  division  de  compétence 
et  d'attribution  un  défaut  d'uniformité  dans  l'application  des  principes,  et  des 
disparités  dans  l'exécution;  que  ces  inconvénients  occasionnés  peut-être  par 
le  manque  de  précision  avec  laquelle  la  limite  de  chaque  juridiction  était  tra- 
cée, ou  par  la  manière  d'entendre  les  règlements,  étaient  contraires  aux  vues 
de  bien  public  ;  en  sorte  que,  pour  prévenir  les  conflits,  assurer  invariable- 
ment les  mesures  générales  qui  seraient  prises  pour  l'embellissement  de  la 
capitale  et  l'exécution  uniforme  des  règlements  de  la  voirie,  je  pensai  qu'il  y 
avait  lieu  de  proposer  une  espèce  de  réunion  des  trois  administrations  char- 
gées d'y  concourir  :  de  former  à  cet  effet  une  commission  dont  les  membres 
auraient  été  tirés  de  chacune  de  ces  juridictions,  et  qui  en  seraient  devenus 
en  quelque  sorte  le  centre  et  le  point  de  ralliement. 

Mais  à  présent  le  nouvel  ordre  des  arrangements  établis  et  le  très  grand 
nombre  d'affaires  dont  le  Châtelet  se  trouvera  chargé,  semblent  exiger  d'autres 
dispositions.  Je  pense  qu'il  serait  nécessaire  pour  le  bien  général,  et  pour  par- 
venir plus  efficacement  à  l'unité  de  méthode  et  d'application  de  principes,  de 
rendre  au  bureau  de  la  Ville  de  Paris  la  voirie,  qu'il  exerce  déjà  seul  sur  les  rem- 
parts, sur  le  terrain  de  son  domaine  et  de  sa  juridiction.  C'était  pour  remédier 
à  l'inconvénient  de  la  multiplicité  des  tribunaux  sur  cette  partie  que  j'avais 
conçu  le  projet  de  la  Commission  dont  il  s'agit  :  et  l'édit  du  roi  donne  une 
sanction  précise  aux  vues  qui  m'avaient  déterminé.  Dans  le  nombre  des  divers 
exercices  de  juridiction,  nul  ne  paraît  mieux  convenir  à  l'administration  mu- 
nicipale. En  effet,  dès  l'origine  de  la  formation  des  villes,  les  magistrats  muni- 
cipaux étaient  nécessairement  chargés  de  la  voirie,  de  la  distribution  des  rues, 
des  communications  et  des  places.  Ils  l'étaient  aussi  de  la  police,  et  ils  le  sont 
encore  presque  dans  tout  le  royaume.  Mais,  dans  une  aussi  grande  ville  que 
Paris,  il  est  nécessaire  de  soumettre  la  police  à  une  administration  particu- 
lière. 

Quant  à  la  voirie,  les  établissements  des  bureaux  des  finances  furent  égale- 
ment des  démembrements  de  l'ordre  primitif,  et  rien  ne  semble  plus  convena- 
ble que  de  remettre  la  ville  de  Paris  dans  son  premier  état  à  cet  égard. 

J'ai  l'honneur  de  vous  adresser  une  copie  du  réquisitoire  du  procureur  du 
roi  et  de  la  Ville  et  de  l'arrêté  du  bureau  de  la  Ville  du  même  jour,  pour 
revendiquer  cette  partie  de  sa  juridiction...  Il  est  d'autant  plus  important  d'y 
statuer  sans  délai  que  plusieurs  particuliers  proiitent  de  l'incertitude  de 
juridiction  sur  cet  objet  pour  faire  des  constructions,  des  anticipations  sans 
y  être  autorisés,  et  qu'il  sera  très  difficile  d'arrêter  ces  entreprises  lorsqu'elles 
seront  plus  avancées. 


Du  même  au  Contrôleur  générai 
26  juin  1788  * 

J'ai  reçu,  Monsieur,  avec  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'é- 
crire,  le  prospectus  d'une  Société  de  rentiers  viagers  et  la  copie  du  rapport 

1.  Arch.  nat.,  0'499,  p.  336.  —  Le  même  jour,  avis  du  projet  est  donné  à 
Bailly. 


390  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

qui  vous  en  a  été  fait.  Je  vous  en  fais  tous  mes  remerciements,  et  de  l'idée 
que  vous  avez  eue  que  ce  projet  pourrait  être  un  moyen  d'accélérer  l'établis- 
sement des  nouveaux  hôpitaux.  Je  vais  communiquer  le  tout  aux  membres  du 
Comité  établi  pour  ces  hôpitaux  en  les  priant  d'examiner  le  projet  avec  la 
plus  grande  attention  et  de  me  faire  part  de  leurs  observations  et  de  leur  avis. 
Vous  me  permettrez  ensuite  de  vous  soumettre  le  rapport  du  comité  et  de  me 
concerter  avec  vous  pour  l'exécution  du  projet  dans  le  cas  où  il  présenterait 
réellement  de  grands  avantages. 


Du  même  à  MM.  les  Administrateurs  des  eaux  de  Paris 

3    JUILLET    1788 

J'ai  reçu,  Messieurs,  votre  lettre  du  25  juin  dernier,  et  le  précis  qui  y  était 
joint  relatif  à  l'établissement  de  l'administration  royale  des  eaux  de  Paris.  Il 
m'a  paru  que  la  seule  chose  convenable  à  faire  est  de  bien  administrer  votre 
entreprise,  et  de  ne  point  distribuer  de  précis  :  seul  moyen  de  faire  cesser  les 
pamphlets. 

Du  même  à  V Intendant  de  Paris 

6    JUILLET    1788 

J'ai  été  comme  vous,  Monsieur,  indigné  de  la  conduite  très  répréhensible 
que  le  sieur  de  Fer  s'est  permis  de  tenir  dans  votre  hôtel  le  2  du  courant  et 
de  la  rixe  qui  en  a  été  la  suite.  Je  viens  de  lui  en  marquer  tout  mon  mécon- 
tentement et  de  lui  signifier  (ainsi  que  vous  le  verrez  par  la  copie  que  je  vous 
envoie  de  la  lettre  que  je  lui  ai  écrite)  *  que,  si  à  l'avenir  la  plainte  la  plus 
légère  me  parvient  sur  son  compte,  son  privilège  sera  révoqué. 

Lettre  de  Laurent  de  Villedeuil 

à  M.  le  comte  de  la  Luzerne,  ministre  de  la  marine 

6  octobre  1788 

Vous  savez,  Monsieur,  qu'il  se  forme  à  Paris  une  Société  sous  le  nom  des 
Amis  des  noirs  et  un  club  des  Américains;  suivant  ce  qui  m'a  été  dit,  on  agite 
principalement  dans  ces  assemblées  la  question  de  l'affranchissement  des 
nègres,  question  déjà  discutée  dans  plusieurs  ouvrages  qui  ont  paru  jusqu'ici. 
Mais  les  circonstances  actuelles  peuvent  conduire  à  d'autres  questions  qu'il 
serait  du  bon  ordre  de  prévenir.  J'ai  cru  devoir  rendre  compte  au  roi  de  la  for- 


1.  De  Fer  avait  apostrophé  injurieusement,  à  l'issue  de  l'audience  de  l'inten- 
dant, un  des  premiers  secrétaires  qui  était  défavorable  au  futur  canal  de  l'Yvette 
(Ai'ch.  nat.,  0'499,  p.  396).  Peu  de  temps  après,  il  proposa  de  céder  sou  affaire, 
qui  avait  réuni  4,800  actionnaires,  à  la  ville  de  Paris;  le  ministre  le  renvoya  à 
l'Administration  royale  des  Eaux  (Lettre  du  19  juillet  1788).  De  Fer  appréciait 
ce  qui  lui  restait  de  droit  sur  son  privilège  à  300,000  livres  d'argent  comptant  et 
30,000  livres  de  rentes  viagères. 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  391 

mation  de  ces  deux  assemblées  ;  Sa  Majesté  m'a  témoigné  qu'elle  ne  trouvait 
aucun  inconvénient  à  ce  que  chacun  puisse  écrire  pour  ou  contre  l'affranchis- 
sement des  noirs,  mais  elle  désapprouve  absolument  les  assemblées,  et  son 
intention  est  qu'elles  n'aient  plus  lieu  :  il  m'a  paru1  que  je  ne  devais  pas  vous 
laisser  ignorer  la  décision  de  Sa  Majesté. 

Du  même  à  M.  de  Maissemi,  directeur  de  la  Librairie 

30    NOVEMBRE    1788 

Je  me  suis  fait  rendre  compte,  Monsieur,  de  l'imprimé  que  vous  m'avez  fait 
l'honneur  de  m'envoyer,  ayant  pour  titre  Lettre  ou  Mémoire  historique  sur  les 
troubles  populaires  de  Paris  en  août  et  septembre  1788,  avec  des  notes  par 
M.  Charon.  Je  ne  puis  que  vous  remercier  de  votre  attention  et  vous  prier  de 
vouloir  bien  ne  point  permettre  la  distribution  d'un  pareil  ouvrage.  Sa  publi- 
cité ne  servirait  qu'à  rappeler  un  événement  désastreux  et  à  exciter  une  nou- 
velle fermentation. 

Du  même  à  M.  de  Condorcct,  secrétaire  de  V Académie  des  sciences 

11  FÉVRIER   1789 

L'embarras,  Monsieur,  où  le  gouvernement  s'est  trouvé  cet  hiver  relative- 
ment à  l'approvisionnement  des  farines  de  la  ville  de  Paris,  a  fait  penser  aux 
différents  moyens  de  suppléer  aux  moulins  à  eau  et  à  vent,  lorsque  les  cir- 
constances empêchent  d'en  faire  usage,  ou  lorsqu'ils  sont  insuffisants.  On  a 
eu  recours  aux  moulins  à  bras,  dont  la  construction  était  plus  prompte  et  plus 
facile;  mais  il  a  été  aussi  proposé  d'adapter  la  machine  à  feu  à  des  moulins, 
et  d'en  faire  tourner  les  meules  par  l'action  de  l'eau  réduite  en  vapeur.  Sur 
le  compte  que  j'en  ai  rendu  au  roi,  l'intention  de  Sa  Majesté  est  que  son  Aca- 
démie des  sciences  examine  s'il  y  aurait  de  l'avantage  à  appliquer  la  machine 
à  feu  à  des  moulins,  et  qu'elle  établisse  la  dépense  et  le  produit  de  cette  ma- 
chine pour  la  mouture  des  grains,  comparativement  avec  le  produit  et  la  dé- 
pense des  moulins  à  eau  et  à  vent  et  à  bras.  Vous  voudrez  bien,  Monsieur, 
communiquer  cette  lettre  à  l'Académie,  afin  qu'elle  nomme  des  commissaires 
pour  cet  examen  et  cette  comparaison,  et  m'adresse  leur  rapport,  et  l'avis  de 
l'Académie2. 

Du  même  à  M.  Rulhière,  lieutenant  à  Saint-Denis  3. 

12  FÉVRIER    1789 

J'ai  reçu  le  rapport  que  vous  avez  adressé  de  ce  qui  s'est  passé  au  dernier 

1.  «Par  rapport  aux  individus  »,  dit  un  autre  projet  de  lettre  au  comte  de  la 
Luzerne,  lequel  a  été  raturé  et  remplacé  par  la  minute  ci-dessus  (Arch.  nat., 
0'499,  p.  597). 

2.  Arch.  nat.,  0*500,  p.  112.  —  Autre  consultation  sur  le  projet  d'une  machine 
à  casser  les  glaces  auprès  des  ponts  (15  février,  p.  143). 

3.  Fils  (et  successeur  à  Saint-Denis)  du  nouveau  commandant  de  la  garde  de 
Paris. 


392  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

marché  de  Gonessc.  Je  vois  que  malheureusement  les  esprits  sont  dans  la  plus 
grande  fermentation  et  que  l'on  peut  craindre  une  émeute  au  marché  de  lundi 
prochain.  J'écris  en  conséquence  à  l'inspecteur  des  brigades  '  d'ordonner  un 
détachement  de  30  hommes  qui  se  rendront  ce  même  jour  à  Gonesse  avec  deux 
officiers  de  votre  lieutenance.  Vous  vous  y  rendrez  également  pour  en  prendre 
le  commandement.  Je  ne  puis  trop  vous  recommander  d'user  de  toute  la  mo- 
dération possible  :  à  l'égard  de  l'observation  que  vous  me  faites  qu'il  serait 
peut-être  prudent  de  faire  délivrer  le  blé  à  2-i  livres  pour  calmer  l'efferves- 
cence de  la  populace,  si  elle  venait  à  se  mutiner,  je  suis  fort  loin  d'adopter 
un  pareil  tempérament,  qui  produirait  nécessairement  le  mal  que  vous  cherchez 
à  éviter,  en  donnant  lieu  à  une  émeute,  à  la  désertion  des  marchés,  et  au  dé- 
couragement des  laboureurs  et  fermiers  qui  se  refuseraient  à  les  approvi- 
sionner 2. 

Du  même  à  M.  l'archevêque  de  Paris 

16    AVRIL    1789  3 

J'ai  pris  les  ordres  du  roi  sur  ce  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  me  dire 
qu'il  vous  paraîtrait  convenable  que  Sa  Majesté  voulût  bien  écrire  aux  évêques 
du  royaume  ou  au  moins  à  vous,  Monsieur,  pour  ordonner  des  prières  à  l'oc- 
casion des  États  généraux.  Sa  Majesté,  pleine  de  confiance  dans  tout  ce  que 
la  religion  peut  lui  dicter  pour  le  plus  grand  avantage  de  ses  sujets ,  m'a  ob- 
servé qu'elle  ne  pouvait  que  louer  et  approuver  vos  pieuses  intentions;  mais 
que  les  prières  ne  se  faisant  ordinairement  qu'à  l'occasion  de  réjouissances 
ou  de  calamités  publiques,  et  l'Assemblée  des  États  généraux  ne  pouvant  être 
considérée  sous  aucun  de  ces  aspects,  elle  ne  pensait  pas  que  ce  fût  le  cas  de 
les  ordonner. 

Du  même  au  sieur  James  Iiamsay 

19  avril  1789 

Je  vous  préviens  que  j'envoie  à  M.  le  marquis  de  Condorcet  le  mémoire  que 
vous  m'avez  adressé,  en  le  priant  d'engager  l'Académie  à  nommer  des  com- 
missaires pour  l'examen  du  moyen  que  vous  proposez  de  faire  remonter  les 
bateaux  par  le  secours  des  pompes  à  feu.  Lorsque  vous  serez  instruit  de  la 
nomination  des  commissaires,  il  sera  à  propos  que  vous  leur  remettiez  toutes 
les  pièces  dont  ils  pourront  avoir  besoin  *. 

FORMULE  DE  LETTRE  DE  CACHET  PERSONNELLE 

CONTRESIGNÉE   PAR   LE    MINISTRE   DE   PARIS 

Mons  Duval  de  BeauvaisJ,  je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  dire  que  mon 

1.  Le  sieur  Marchais. 

2.  Avis  est  donné  de  ces  mesures  à  Bertier  (14  février,  O'SOO,  p.  114). 

3.  Arch.  liât.,  O'500,  p.  240. 

4.  Ibidem,  p.  244.  —  Lettre  conforme";  même  date,  au  marquis  de  Condorcet. 
o.  Conseiller  au  Châtelet.  —  Un  exemplaire  de  Ledit  du  Roi  portant  rétablisse- 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  393 

intention  est  que  vous  sortiez  de  la  ville  de  Paris  dans  le  jour,  sans  voir  ni 
parler  à  personne,  vous  détendant  d'approcher  de  ladite  ville  plus  près  que  de 
deux  lieues,  à  peine  de  désobéissance.  Sur  ce,  je  prie  Dieu  qu'il  vous  ait, 
Mons  Duval  de  Reauvais,  en  sa  sainte  garde.  Ecrit  à  Versailles,  le  24  may 
1771. 

Louis. 

Phélypeaux  (nom  de  famille  du  marquis  de  La  Vrillière). 

LETTRES  DE  CACHET  DU  U  AOUT  1787  ' 

Mons  N*",  je  vous  fais  assavoir  que  vous  aiez  à  rester  chez  vous,  à  quitter 
Paris  dans  vingt-quatre  heures  et  à  vous  rendre  dans  quatre  jours  à  Troyes, 
où  je  vous  ferai  connaître  mes  intentions.  Sur  ce,  je  prie  Dieu,  Mons  N***, 
qu'il  vous  ait  en  sa  sainte  et  digne  garde.  A  Versailles,  ce  14  août  1787. 

Louis.  Et  plus  bas,  par  le  Roi  : 

Le  baron  de  Breteuil. 

ORDRE  DU  ROI 

De  par  le  Roy, 

Il  est  ordonné  au  sieur  Gomot,  commis  à  l'exploitation  des  mines  de  char- 
bons de  Decizc  et  à  leur  transport  sur  le  port  de  chargement,  de  charger  les 
mariniers  avec  lesquels  le  sieur  Lamy  a  des  marchés  pour  conduire  ces  char- 
bons à  Paris,  et  ce  à  l'instant  qu'il  en  sera  requis  par  ledit  sieur  Lamy,  et 
toutes  les  fois  que  lesdits  mariniers  lui  présenteront  un  mandat  signé  de  lui; 
le  tout  à  peine  de  désobéissance.  Fait  à  Versailles,  le  30  septembre  1787. 

Cet  ordre  du  roi  avait  été  réclamé,  par  le  prévôt  des  marchands, 
comme  indispensable  à  l'approvisionnement  de  Paris.  Tout  en  l'adres- 
sant au  Bureau,  le  ministre  de  Paris,  dans  une  lettre  à  Ethis  de  Corny 
(30  septembre  1787  2),  déclare  avoir  eu  quelque  répugnance  à  faire  in- 
tervenir l'autorité  dans  une  affaire  de  cette  nature,  c'est-à-dire  dans 


ment  d'offices  dans  le  Châtelet  de  Paris  (reg.  le  30  déc.  1174)  porte,  à  côté  du 
nom  de  Duval  de  Beau  vais  (alors  rétabli  dans  son  office),  la  mention  manuscrite 
suivante  :  "S'est  pendu».  Arch.  nat.,  K  716. 

i.  Hardy,  t.  VII,  à  la  date  du  15  août  1787.  Les  lettres  furent  expédiées  très 
précipitamment.  Ou  en  adressa  une  au  sieur  abbé  Pommyer,  conseiller  -  clerc , 
mort  depuis  plusieurs  années.  Quelques  lettres  portèrent  Sens  au  heu  de  Troyes. 
11  paraît  que  les  harengères  avaient  formé  le  projet  de  couronner  les  magistrats, 
à  la  procession  du  15  août.  —  Leur  place  y  resta  réservée,  occupée  par  une 
soixantaine  de  gardes  de  la  ville. 

2.  Arch.  nat.,  0'498,  p.  670-671.  —  Éthis  de  Corny  arrangea  l'affaire  sans  se 
servir.de  l'ordre  ci-dessus  (Ibid.,  p.  685). 


394  LE  MINISTRE  DE  PARIS 

un  litige  qui  pouvait  être  réglé  plus  judiciairement    entre  le  sieur 
Lamy  et  le  sieur  Perier,  qui  donnaient  des  ordres  contradictoires  '. 

ORDRE  DU  ROI 

TROUVÉ  DANS  UNE  CAVE  RUE  HAUTEFEUILLE 

Hardy  raconte  qu'il  lui  passe  sous  les  yeux  «  un  ordre  du  roi,  tel 
qu'on  va  le  trouver  ci-dessous  transcrit  avec  ses  dépendances ,  trouvé 
depuis  peu  dans  la  cave  du  sieur  Albert,  président  de  la  Chambre 
des  comptes,  demeurant  rue  Hautefeuille  : 

De  par  le  Roy, 

Il  est  ordonné  à  Jean-Louis-Éticnne  Rertrand  de  s'éloigner  de  trente  lieues 
de  Paris,  aussitôt  que  le  présent  ordre  lui  aura  été  certifié  ;  Sa  Majesté  lui 
faisant  défenses  d'approcher  plus  près  de  ladite  ville,  sous  quelque  prétexte 
que  ce  puisse  être,  à  peine  de  désobéissance.  Fait  à  Versailles,  le  15  juin 
1788.  Signé  Louis  (vraie  signature  de  Sa  Majesté)  2.  Et  plus  bas  :  Le  baron  de 
Breteuil. 

Au  bas  dudit  ordre,  on  lisait  ce  qui  suit  :  «  Nous,  conseiller  pensionnaire 
du  Roy,  inspecteur  de  police,  chargé  de  la  partie  de  la  sûreté,  soussigné, 
certifions  avoir  ce  jourd'hui  certifié  et  remis  le  présent  ordre  à  Jean-Louis- 
Étiennc  Bertrand,  y  dénommé,  auquel  il  a  promis  d'obéir  suivant  sa  soumis- 
sion au  bas  de  la  copie,  à  Bicètre,  le  26  juin  1788.  Signé  Dutronchet  ». 

Au  bas  était  écrit  :  «  Jean-Louis-Etienne  Bertrand  ». 

A  l'ordre  sus-énoncé  se  trouvait  encore  annexé  un  petit  carré  de  papier 
contenant  tout  ce  qu'on  va  lire  :  «Tu  descendras  d'ici  à  Gentilly,  de  là  à  Sève, 


1.  Dès  le  début  de  son  ministère,  le  baron  de  Breteuil  avait  essayé  de  donner 
quelque  satisfaction  de  forme  à  l'opinion  publique ,  ennemie  de  l'arbitraire  et 
des  détentions  clandestines.  «  Ce  ministre,  dit  finement  Jos.  Droz  (Hist.  de 
Louis  XVI,  t.  I,  p.  416),  avec  des  idées  très  convenables  au  despotisme,  n'en 
désirait  pas  moins  se  faire  applaudir,  en  annonçant  des  vues  bienfaisantes.  »  11 
se  garde  de  demander,  comme  un  de  ses  prédécesseurs,  Malesherbes,  la  sup- 
pression des  lettres  de  cachet;  il  envoie  aux  intendants  de  son  département,  et 
publie,  de  l'aveu  du  Roi ,  une  instruction  sur  la  manière  de  s'en  servir  avec 
modération.  Lorsque  Mirabeau  eut  publié  son  livre  sur  les  Lettres  de  cachet,  et 
décrit  de  visu  le  donjon  de  Vincennes,  le  baron  de  Breteuil  joua  la  surprise  et 
l'indignation,  déclara  que  cette  prison  d'État  serait  transformée  en  grenier  d'a- 
bondance, et,  par  charlatanisme,  permit  au  public  de  la  visiter:  «Et  la  Bastille?» 
se  deinandait-on  au  retour  de  Vincennes.  On  voit,  par  une  lettre  reproduite  ci- 
dessus,  que  le  ministre  de  Paris  avait  reconnu  sa  faute  :  Verniquet  lui-même 
n'obtint  pas  la  permission  de  visiter  ce  château  pour  compléter  son  plan  de 
Paris.  —  En  1784,  de  Breteuil  laissa  jouer  publiquement  le  Mariage  de  Figaro, 
et  contresigna  l'ordre  du  roi  de  conduire  Beaumarchais  à  Saint-Lazare,  pour  une 
réponse  trop  vive  à  un  article  de  critique  (anonyme)  dont  l'auteur  était  Monsieur. 

2.  Les  ministres  soutenaient  d'ailleurs  «que  l'on  manquait  à  la  Majesté  royale, 
si  on  révoquait  en  doute  qu'un  ordre  signé  du  roi  fût  réellement  donné  par  lui- 
même  »  (Rem,  de  la  Cour  des  aides,  inspirées  par  Malesherbes,  6  mai  1775). 


LE  MINISTRE  DE  PARIS  395 

de  là  à  Neuilly,  et  tu  prendras  la  route  de  Paris  jusqu'à  la  plaine  des  Sablons, 
la  roule  de  Saint-Denys,  et  à  gauche  de  Saint-Dcnys  à  Pierrefitte,  delà  à 
Sarcelles,  de  là  à  Écouen,  de  là  au  Mesnil-Aubry,  de  là  à  Luzarches,  de  là  à 
Chantilly,  de  là  à  Creil,  de  là  à  Nogent-les-Vierges,  et  de  là  à  Liancourt.  Tu 
demanderas  le  chemin  de  Sennécourt,  qui  est  à  une  portée  de  fusil  de  là; 
c'est  où  demeure  la  personne.  » 

Plus  bas  étaient  encore  ces  mots  :  «  Don  voyage  \  » 


1.  Hardy,  t.  VIII,  p.  52  (21  août  1788). 


XIII 

LE  LIEUTENANT  GÉNÉRAL   DE  POLICE 
ET  LES  ORDONNANCES  DU  CHATELET 


Montesquieu,  clans  un  passage  célèbre  de  Y  Esprit  des  lois1,  a 
nettement  séparé  la  police  de  la  justice  criminelle  :  «  Il  y  a  des  cri- 
minels que  le  magistrat  punit,  il  y  en  a  d'autres  qu'il  corrige.  Les 
premiers  sont  soumis  à  la  puissance  de  la  loi,  les  autres  à  son  auto- 
rité; ceux-là  sont  retranchés  de  la  société,  on  oblige  ceux-ci  à  vivre 
selon  les  règles  de  la  société.  Dans  l'exercice  de  la  police,  c'est  plutôt 
le  magistrat  qui  punit  que  la  loi;  dans  les  jugements  de  crimes,  c'est 
plutôt  la  loi  qui  punit  que  le  magistrat.  Les  matières  de  police  sont 
des  choses  de  chaque  instant,  où  il  ne  s'agit  ordinairement  que  de 
peu  :  il  n'y  faut  donc  guère  de  formalités.  Les  actions  de  la  police 
sont  promptes,  et  elle  s'exerce  sur  des  choses  qui  reviennent  tous  les 
jours  :  les  grandes  punitions  n'y  sont  donc  pas  propres.  Elle  s'occupe 
perpétuellement  de  détails  :  les  grands  exemples  ne  sont  donc  point 
faits  pour  elle.  Elle  a  plutôt  des  règlements  que  des  lois.  Les  gens 
qui  relèvent  d'elle  sont  sans  cesse  sous  les  yeux  du  magistrat  :  c'est 
donc  la  faute  du  magistrat  s'ils  tombent  dans  des  excès.  Ainsi  il  ne 
faut  pas  confondre  les  grandes  violations  des  lois  avec  la  violation 
de  la  simple  police  :  ces  choses  sont  d'un  ordre  différent...  L'action 
tant  louée  de  cet  empereur  qui  fit  empaler  un  boulanger  qu'il  avait 
surpris  en  fraude,  est  une  action  de  sultan,  qui  ne  sait  être  juste 
qu'en  outrant  la  justice  même.  » 

C'était  donc  un  des  abus  les  plus  manifestes  de  l'ancien  régime  que 
d'avoir  accordé  au  lieutenant  général  de  police  le  droit  de  prononcer 
des  sentences  capitales2,  même  pour  des  faits  qui,  dans  les  idées  du 


1.  Chap.  xxiv  du  livre  XXVI. 

2.  En  voici  un  exeïnple.  Par  jugement  souverain  et  en  dernier  ressort,  le  ;î  ma^ 
1741,  le  lieutenant  général  de  police  condamne  à  être  pendu  un  commis  de  la 


LES  ORDOiNNANCES  DE  POLICE  397 

temps  ou  même  dans  nos  idées,  en  étaient  dignes.  Une  telle  autorité 
devait  nécessairement  produire,  chez  qui  en  était  revêtu,  une  ten- 
dance à  exagérer  les  petites  choses,  et  à  recourir,  pour  de  simples 
contraventions,  aux  sanctions  les  plus  rigoureuses.  Les  ordonnances 
royales,  les  arrêts  du  Parlement,  n'empêchaient  guère  ces  excès  lors- 
que l'intérêt  de  la  religion  ou  le  prétexte  de  l'utilité  publique  parais- 
saient les  justifier. 

En  dehors  des  actes  de  pure  administration,  les  ordonnances  de 
police  peuvent  être  rendues  en  exécution  des  ordonnances  royales 
enregistrées  ou  en  vertu  des  arrêts  du  Parlement.  Réciproquement, 
l'homologation  du  Conseil  royal  ou  du  Parlement  donne  aux  ordon- 
nances de  police  un  caractère  plus  général  et  une  autorité  plus  im- 
posante. 

Les  ordonnances  de  police  embrassent  les  rapports  les  plus  divers 
des  personnes  et  des  choses  en  ce  qui  concerne  la  religion,  la  discipline 
des  mœurs,  l'hygiène  publique,  les  vivres,  la  voirie,  la  sûreté  et  tran- 
quillité des  rues  et  endroits  publics,  l'exercice  des  professions  libé- 
rales, commerciales  et  industrielles,  les  domestiques  et  manœuvres, 
les  pauvres,  vagabonds,  mendiants  et  gens  sans  aveu. 

Le  Traité  de  la  police  de  Delamare,  le  Répertoire  de  jurisprudence 
de  Guyot,  Y  Encyclopédie  méthodique  [police  et  municipalité),  les  Re- 
cueils modernes  de  Mars,  deDupin  et  d'Isambert,  contiennent  presque 
toutes  les  matières  de  l'ancienne  police.  Beaucoup  de  règlements  de 
pure  utilité  ou  commodité  publiques  ont  survécu  ',  et  la  police  des 
grandes  villes  a  été  calquée  sur  celle  de  Paris.  Sans  méconnaître  tout 
ce  que  les  compilations  citées  plus  haut  ont  d'intéressant  et  même 
d'indispensable  pour  l'administrateur,  nous  devons  nous  borner  à  ce 
qui  est  vraiment  utile  pour  l'histoire,  c'est-à-dire  aux  textes  qui  éta- 
blissent des  différences  marquées  entre  la  police  ancienne  et  la  police 
moderne,  ou  qui  touchent  à  des  usages  disparus.  C'est  ce  qui  nous  a 
dirigé  dans  notre  choix.  Comme  la  police  de  Paris  avait  ses  traditions, 
et  que  souvent  les  mêmes  ordonnances  reviennent  périodiquement, 
tout  le  XVIIIe  siècle  peut  être  mis  indifféremment  à  contribution, 
pour  déterminer  l'esprit  de  la  police  en  1789. 


Poste  de  Paris  «pour  avoir  prcvariqué  dans  ses  fonctions,  intercepté,  décacheté 
et  ouvert  deux  lettres  venant  de  Caen  »  (Le  Poix  de  Fréminville ,  Dictionnaire... 
de  la  Police,  p.  395). 

1.  Voir  la  Collection  officielle  des  Ordonnances  de  police  publiée  par  ordre  du 
préfet  de  police  (1880-82),  I.  III. 


398  LES  ORDONNANCES  DE  POLICE 

OPINION  DE   DELAMARE  ' 

COMMISSAIRE   AU    CHATELET 
SUR   L'ÉPOQUE    D'ETIENNE   MARCEL» 

L'absence  du  roi  pendant  quatre  ans  qu'il  fut  hors  du  royaume  jeta  encore 
une  fois  la  police  de  Paris  dans  le  désordre  et  la  confusion.  Chacun  en  ce  temps 
y  voulut  être  le  maîlre.  Il  y  eut  des  factions  et  des  soulèvements;  et  ce  fut, 
selon  le  témoignage  des  auteurs,  une  véritable  anarchie'. 

Ce  compilateur  consciencieux,  mais  à  coup  sûr  très  partial  en  fa- 
veur du  Châtelet  et  de  la  lieutenance  générale  de  police,  a  donné  le 
ton  à  presque  tous  les  mémoires  et  ouvrages  officiels  publiés  sur  la 
police  avec  approbation,  privilège,  et  la  plupart  du  temps  subvention. 
L'attirail  encyclopédique  du  Traité  de  la  police  ne  doit  pas  tromper 
sur  son  caractère  apologétique.  Le  monument  que  cet  érudit  fonc- 
tionnaire avait  reçu  la  mission  d'élever  à  ses  chefs  les  plus  influents 
est  resté  inachevé  :  six  des  livres  annoncés  n'ont  point  paru.  Mais  le 
Mémoire  de  Lemaire,  cité  plus  haut,  les  Détails  sur  quelques  établisse- 
ments de  la  ville  de  Pains,  de  Lenoir  (Paris,  1780,  in-8°),  le  Traité  des 
fonctions,  droits  et  privilèges  des  commissaires,  etc.,  de  Jousse  (Paris, 
1759,  in-12),  complètent,  dans  le  même  esprit,  le  Traité  de  la  police  4. 

LES  LIEUTENANTS  GÉNÉRAUX  DE  POLICE 

La  charge  de  lieutenant  général  de  police  a  duré  cent  vingt-deux 
ans  s  ;  elle  a  changé  seize  fois  de  titulaires;  mais  deux  d'entre  eux,  le 

1.  Voyez  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  l'Histoire  de  Paris...  t.  III,  p.  79-85, 
la  notice  de  M.  A.  de  Boislille. 

2.  «  Un  homme  dont  la  figure  a,  de  nos  jours,  graudi  pour  l'histoire,  parce 
qu'on  a  pu  mieux  le  comprendre  »  (Aug.  Thierry,  Hist.  du  Tiers-État,  p.  39).  — 
Voyez  :  Dacier,  Question  historique  :  «  A  qui  doit-on  attribuer  la  gloire  de  la 
révolution  qui  sauva  Paris  pendant  la  prison  du  roi  Jean?  »  (Mém.de  l'Acad.des 
Inscriptions,  t.  XLIII).  —  F. -T.  Perrons  :  Etienne  Marcel,  prévôt  des  marchands 
(1354-1358),  avec  introduction  historique  par  L.-M.  Tisserand,  1874,  1  vol.  (le 
huitième  de  VHist.  génér.  de  Paris,  publiée  sous  les  auspices  de  l'édilité  pari- 
sienne. Paris,  impr.  linp.  et  Nat.,  gr.  in-4°). 

3.  Traité  de  la  police,  4  volumes  in-folio,  Paris,  1722-1735,  t.  I,  p.  114. 

4.  Cet  enthousiasme  de  commande  ne  fut  jamais  partagé  par  le  Parlement.  Les 
vrais  sentiments  du  public  prirent  corps  avec  les  Lettres  de  cachet,  de  Mira- 
beau. Les  attaques  efficaces  commencèrent  avec  les  Cahiers.  Enfin  des  documents 
authentiques  forment  déjà  le  fonds  de  la  Police  dévoilée,  par  P.  Manuel,  un 
des  administrateurs  de  1789  (2  vol.  in-8°,  Paris,  an  II).  —  Voyez  :  Chassin,  le 
Génie  de  la  Révolution,  t.  II,  p.  49  à  57. 

5.  Pendant  les  129  ans  qui  précèdent  (mars  1498-mars  1667),  la  police  de  Paris 


LES  ORDONNANCES  DE  POLICE  399 

comte  cTArgenson  et  Lenoir,  l'ont  remplie  à  deux  reprises,  de  sorte 
qu'il  n'y  a  eu,  du  29  mars  1G67  au  14  juillet  1789,  que  quatorze  lieu- 
tenants de  police  '  : 

De  la  Reynie  (Gabriel-Nicolas),  du  29  mars  1G67  au  29  janvier 
1697; 

De  Voyer  de  Paulmy,  marquis  d'Argenson  (Marc-René),  du  29  jan- 
vier 1097  au  28  janvier  1718  ; 

De  Maciiault  (Louis-Charles),  du  28  janvier  1718  au  26  janvier 
1720; 

De  Voyer  de  Paulmy,  comte  d'Argenson  (Marc-Pierre),  du  26  janvier 
1720  au  1er  juillet  1720; 

Tesciiereau,  seigneur  de  Baudry  (Gabriel),   du  [1er  juillet  1720  au 

26  avril  1722; 

Le  comte  d'Argenson,  de  nouveau,  du  26  avril  1722  au  28  janvier 

1724; 
Ravot,  seigneur  d'Ombreval  (Nicolas-Jean-Baptiste),  du  28  janvier 

1724  au  28  août  1725; 
Hérault  (René),  du  28  août  1725  au  21  décembre  1739; 
Feydeau  de   Marville  (Claude -Henri),   du  21   décembre   1739  au 

27  mai  1747; 

De  Berryer  (Nicolas-René),  du  27  mai  1747  au  29  octobre  1757; 
Bertin  (Henri-Léonard),  du  29  octobre  1757  au  21  novembre  1759; 
De   Sartine    (Jean -Gualbert- Gabriel),   du  21   novembre    1759   au 

30  août  1774; 
Le  Noir  (Jean-Charles-Pierre),  du  30  août  1774  au  14  mai  1775  ; 
Albert  (Joseph-François-lldefonse-Rémond),  du  14  mai  1775  au 

19  juin  1776; 
Le  Noir,  de  nouveau,  du  19  juin  1776  au  11  août  1785; 
Tuiroux  de  Crosne,  du  11  août  1785  au  14  juillet  1789. 

BUREAUX  DE  M.  DE  CROSNE  * 

MM.  Cauchy,  rue  Saint-Honoré,  près  les  Jacobins; 
Foury-Loiseau,  rue  Neuve-des-Petits-Champs. 


fut  disputée,  et  ensuite  partagée  entre  les  deux  lieutenants  du  prévôt,  le  civil  et 
le  criminel  (Arrêt  du  Parlement,  18  février  1515). 

1.  Voyez  :  Enc.  méthodique,  Jurisprudence,  t.  X,  au  mot  Lieutenant  (p.  389).  — 
Almanachs  royaux,  aux  années  indiquées  (et  à  l'article  Châtelet).  —  Arch.  nat., 
ADIbI,  26:  Commissions  (imprimées)  de  Hérault,  Feydeau,  Berryer,  Sartine,  Le 
Noir,  Albert. 

2.  Alm.  royal  de  1789,  p.  422  et  suivantes. 


400  LES  ORDONNANCES  DE  POLICE 

Tout  ce  qui  concerne  la  Bastille  et  autres  châteaux  où  sont  renfermés  les 
prisonniers  d'État,  la  librairie  prohibée,  les  visites  à  la  chambre  syndicale1, 
l'expédition  des  affaires  particulières  et  extraordinaires,  les  pièces  de  théâtre, 
les  demandes  de  places  et  emplois,  le  dépôt  du  secrétariat. 

MM.  Nicolas,  boulevard  Montmartre; 
Basselin,  hôtel  de  la  police. 

L'ouverture  des  lettres,  l'extrait  tics  mémoires  et  placets,  les  renvois  aux 
départements,  l'expédition  des  affaires  instantes,  la  suite  des  maisons  de  santé 
et  des  remèdes  administrés  par  charité,  les  affaires  qui  n'ont  point  de  départe- 
ment fixe. 


Bureaux  de  M.  Puissan 

MM.  Puissan,  rue  de  la  Michodière; 

Puissan  des  Landes,  adjoint,  rue  de  la  Michodière; 
Boussaton,  place  du  Théâtre-Italien; 
Coquereau,  rue  de  l'Éperon,  vis-à-vis  celle  du  Battoir; 
Delafest,  rue  Saint-Honoré,  près  le  Palais-Royal; 
Puissan-Ducluceau,  rue  de  la  Michodière. 

L'approvisionnement  de  Paris.  L'illumination  et  le  nettoiement.  Les  permis- 
sions d'imprimer,  les  affiches  et  placards,  les  colporteurs,  les  spectacles,  les 
foires,  les  bureaux  de  nourrices,  les  permissions  aux  aubergistes  de  donner  à 
manger  en  gras  les  jours  maigres.  Les  hôpitaux.  Les  périls  imminents.  Les 
pompes  et  incendies.  Les  rapports  de  la  garde  de  Paris.  Les  prisonniers  de 
police.  Les  objets  relatifs  à  la  Ferme  générale.  Le  renvoi  des  placets  et  mé- 
moires concernant  ce  département. 


Bureaux  de  M.  Le  Chauve 

MM.  Le  Chauve,  rue  de  Grammont,  près  le  boulevard  ; 
Le  Chauve  fils,  adjoint,  même  demeure; 
Daumet,  rue  du  Petit-Reposoir; 
Laurent,  rue  Neuve-Saint-Laurent; 
Henry,  rue  Neuve-des-Malhurins. 

Les  ordres  du  roi,  les  placets  et  mémoires  qui  y  sont  relatifs,  et  les  infor- 
mations sur  toutes  les  demandes  tendantes  à  les  obtenir.  Les  maisons  de 
force. 


}.  De  librairie  (rue  du  Foin-Saint-Jacques).  Elle  visitait  les  livres  introduits  à 
Paris  de  l'étranger  et  de  la  province,  enregistrait  les  privilèges  et  permissions 
d'imprimer,  inspectait  les  bibliothèques  et  cabinets  privés.  Le  syndic  de  cette 
chambre,  en  1789,  était  Knapen;  les  quatre  adjoints  :  Nyon  aîné,  Cailleau,  Dela- 
lain  aîné,  Mérigot  jeune. 


LES  ORDONNANCES  DE  POLICE  401 


Bureaux  de  M.  Mascrey 

MM.  Mascrey,  rue  de  Montmartre,  près  celle  Joquelet; 
Pierlot,  rue  de  Grammont,  près  celle  de  Ménars; 
Hanne,  rue  de  la  Sourdière,  près  le  cul-de-sac  des  Jacobins; 
Baron,  rue  des  Saints-Pères,  vis-à-vis  celle  de  Verneuil; 
Bourgeois,  rue  Neuve-Saint-Eustache; 
Bochart,  rue  de  Cléry; 
Faure,  rue  des  Orties,  butte  Saint-Rocb. 

Le  bureau  des  arts  et  métiers;  la  revision  des  comptes  des  corps  et  com- 
munautés; les  affaires  concernant  leurs  statuts  et  règlements,  et  l'administra- 
tion de  leurs  revenus;  la  capitation  et  industrie;  la  milice  desdits  corps  et 
communautés;  l'exécution  des  édits  des  mois  de  février  et  août  177G,  et  la 
liquidation  des  dettes  des  communautés  de  province;  le  rachat  des  boues  et 
lanternes. 

Bureaux  de  M.  Spire 

MM.  Spire,  rue  Baillette; 

Collart  du  Tilleul,  rue  Chabanais,  près  la  rue  Sainte-Anne; 
Basselin,  hôtel  de  la  police; 

Tripet,  rue  Neuve-des-Capucins,  chaussée  d'Antin; 
Cauchois,  rue  de  la  Madcleine-la-Ville-rÉvêque. 

Le  bureau  du  commerce;  les  manufactures;  les  saufs-conduits  et  arrêts  de 
surséance;  les  étoffes  prohibées;  les  nouveaux  convertis:  les  religionnaires; 
les  agents  de  change;  les  permissions,  ordonnances  et  jugements  sur  l'ouver- 
ture et  l'exploitation  des  carrières;  la  loterie  royale  de  France  et  autres  y 
réunies;  le  détail  des  fonds  assignés  aux  dépenses  de  la  police;  la  taxe  des 
mémoires  des  officiers  de  police. 

Bureaux  de  M.  Garon 

MM.  Garon,  au  Palais-Royal,  cour  des  Fontaines; 
Bertin,  rue  des  Moulins,  butte  Saint-Roch  ; 
Rochier,  rue  l'Évêque,  butte  Saint-Roch. 

Les  juifs;  les  chambres  garnies;  les  déclarations  qui  intéressent  la  sûreté 
publique  ;  la  correspondance  y  relative  et  celle  avec  les  maréchaussées,  les 
cours  et  juridictions  du  royaume.  Quatre  inspecteurs,  chargés  de  cette  partie, 
se  rendent  tous  les  jours  à  ce  bureau,  depuis  midi  jusqu'à  deux  heures. 

Bureaux  du  Contentieux 

■   MM.  de  Bellefoy,  rue  de  la  Jussienne  ; 
de  Vadancourt,  rue  du  Ponceau. 

26 


402  LES  ORDONNANCES  DE  POLICE 

Toutes  les  commissions  et  le  greffe  d'icelles,  et  partie  du  contentieux  du 
Chàtelet. 

M.  Regnard,  rue  Neuve-des-Petits-Champs. 

Les  audiences  du  Chàtelet  et  les  affaires  contenticuses  des  communautés  et 
autres. 

Bureaux  de  M.  Barbaud 

MM.  Rarraud,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin  ; 
Receveur,  rue  Thiroux. 

Le  détail  des  fonds  destinés  aux  établissements  de  charité;  ce  qui  concerne 
le  militaire  et  le  régiment  de  Paris. 

Bureaux  des  Nourrices 

MM.  Framroisier  de  Beaunay,  chevalier  de  l'ordre  du  roi,  inspecteur  général, 
rue  d'Anjou,  au  Marais; 
l'Allemand,  chef,  rue  Neuve-Saint-Augustin; 
Framroisier  du  Parquet,  caissier,  rue  de  la  Vieille-Harengerie; 
Billard,  receveur,  rue  Perpignan. 

(Et  sept  autres  membres  des  bureaux,  plus  deux  préposés  aux  recouvre- 
ments.) 

Tout  ce  qui  concerne  les  nourrices,  les  enfants  qui  leur  sont  confiés,  et  les 
meneurs  et  meneuses1. 


I.  -  RELIGION 

LOIS   DE   L'ÉGLISE 

ORDONNANCE  du  roi  touchant  les  observations  des  fêtes  et  dimanches,  du 
12  mars  1718. 

Elle  concerne  particulièrement  les  colporteurs,  les  artisans  des  fau- 
bourgs, entre  autres  ceux  du  faubourg  Saint-Antoine,  qui  pensent 
«  que,  leur  pauvreté  ne  leur  permettant  pas  de  payer  les  amendes  », 
ils  resteront  impunis.  L'ordonnance  du  12  mars  1718  oblige  les  con- 
trevenants de  ce  genre  «  à  vuider  la  ville  jusqu'à  nouvel  ordre  ». 


1.  Le  bureau  des  Recoininandaresses,  pour  la  location  des  nourrices,  leur  visite 
sanitaire  et  celle  des  enfants,  est  comme  une  annexe  île  ce  service.  Jl  compre- 
nait une  recommandaresse,  Mmc  d'Haméeourt ,  sa  fille  (adjointe),  une  pension- 
naire, un  commis,  deux  médecins,  un  chirurgien  [Alm.  de  1789,  p.  420). 


POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS  403 

SENTENCE  de  police  du  Chàtelet  de  Paris  (signée  :  Hérault),  qui  condamne  le 
nommé  Gradou  en  l'amende,  pour  avoir  travaillé  à  boutique  ouverte,  lui  et 
ses  trois  garçons,  le  dimanche  21  septembre  1736,  pendant  le  service  divin. 

La  sentence  fut  prononcée,  par  défaut,  le  lendemain  22  septembre. 

SENTENCE  de  police  du  21  août  1739,  qui  fait  défenses  à  toutes  personnes 
de  quelque  qualité  et  condition  qu'elles  soient  de  travailler  ou  faire  travailler 
les  dimanches  etjours  de  fêtes  prescrits  par  l'Église. 

Il  s'agissait  de  treize  ouvriers  en  maçonnerie  qui  furent  surpris 
travaillant  en  dehors  ou  en  dedans  d'une  maison,  «  au  grand  scan- 
dale du  public  ».  Ils  s'excusèrent  en  disant  qu'ils  ne  pouvaient  se  dis- 
penser d'obéir  à  l'architecte  et  à  l'entrepreneur,  lesquels  furent  con- 
damnés l'un  en  100  livres,  l'autre  en  50  livres  d'aumônes  applicables 
au  pain  des  prisonniers  du  Chàtelet'. 

ORDONNANCE  de  police  du  Chàtelet,  concernant  l'observation  des  diman- 
ches et  fêtes,  du  18  novembre  1782  ». 

Sur  ce  qui  nous  a  été  remontré  par  le  procureur  du  roi,  qu'il  a  reconnu  par 
les  rapports  qui  nous  ont  été  faits  depuis  quelque  temps,  à  notre  audience  de 
la  Chambre  de  police,  contre  plusieurs  particuliers  de  différentes  professions 
qui  travaillaient,  étalaient  et  exposaient  en  vente  des  marchandises  les  jours 
de  dimanches  et  de  fêtes,  et  contre  des  cabaretiers  et  maîtres  de  jeux  de 
paume,  qui  recevaient  du  monde  chez  eux  pendant  les  heures  du  service  divin, 
que  le  précepte  de  la  sanctification  des  dimanches  et  des  fêtes,  et  de  la  cessa- 
tion du  travail  n'est  point  observé;  qu'il  est  du  devoir  de  son  ministère  de 
nous  faire  connaître  les  progrès  d'un  abus  qui  n'est  pas  moins  contraire  aux 
lois  de  l'État  qu'à  celles  de  l'Église;  que  le  désordre  et  le  scandale  qui  en  ré- 
sultent ont  excité  une  juste  réclamation,  et  qu'ils  méritent  d'autant  plus  d'être 
réprimés  que,  dans  la  vue  de  pourvoir  au  soulagement  des  personnes  dont  la 
subsistance  dépend  d'un  travail  journalier,  il  a  été  supprimé,  depuis  quelques 
années,  un  grand  nombre  de  fêtes  :  pour  quoi  il  requiert  qu'il  y  soit  par  nous 
pourvu. 

Nous,  faisant  droit  sur  le  réquisitoire  du  procureur  du  roi,  ordonnons  que 
les  ordonnances,  lettres  patentes  du  roi,  arrêts  du  Parlementât  règlements  de 
police  concernant  l'observation  des  dimanches  et  fêtes,  seront  exécutés  selon 
leur  forme  et  teneur,  en  conséquence  : 

I.  —  Faisons  défenses  à  tous  maçons,  charpentiers  et  autres  ouvriers  et  ar- 
tisans de  la  ville,  faubourgs,  banlieue,  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  de  travail- 


1.  Le  Poix  de  Fréminville,  Diet.  de  la  police,  p.  519  à  523.  —  En  1790,  Bailly, 
maire  de  Paris,  se  plaint  que  les  ouvriers  employés  à  la  démolition  de  la  Bastille 
«  aient  imaginé  de  travailler  »  un  dimanche  :  le  bureau  de  ville  décide  que  cette 
journée  ne  sera  pas  payée  (Bibl.  nat.,  Mns.  f.  11,697,  f°  96  v°). 

2.  Arch.  nat.,  H. 1954  :  Pièce  in-4°  (4  pages),  registrée  par  mention  fo  52  r°,  du 
registre  des  Délibérations  du  bureau  de  la  Ville  (1782). 


40i  POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS 

1er  à  aucuns  ouvrages  de  leur  profession,  et  à  tous  marchands  et  négociants 
de  faire  aucun  commerce  et  débit  de  marchandises,  les  dimanches  et  les  jours 
de  fête;  leur  enjoignons  de  tenir  leurs  boutiques  et  magasins  exactement  fer- 
més, à  peine'  de  200  livres  d'amende  pour  chaque  contravention,  dont  les 
maîtres  seront  responsables  pour  leurs  garçons,  ouvriers  et  domestiques. 

II.  —  Faisons  pareillement  défenses  à  tous  portefaix  et  gens  de  journée  de 
travailler  de  leurs  vacations,  et  à  tous  charretiers  et  voiluriers  de  faire  aucunes 
voitures  et  charrois  les  jours  de  dimanches  et  fêtes,  à  peine  de  100  livres 
d'amende,  de  confiscation  tant  des  marchandises  qui  seraient  portées  ou  voi- 
turécs,  que  des  chevaux,  charrettes,  harnais  et  traîneaux  qui  serviraient  à 
transporter  lesdites  marchandises. 

III.  —  Ne  pourront  les  particuliers,  bourgeois  et  habitants  de  cette  ville  em- 
ployer leurs  domestiques  ni  aucuns  artisans,  ouvriers,  gens  de  journée  et  voi- 
turiers,  à  des  œuvres  servilcs,  les  jours  de  dimanches  et  fêtes,  à  peine  de 
répondre  en  leur  propre  et  privé  nom  des  amendes  qu'ils  auraient  encourues, 
et  sous  telle  peine  qu'il  appartiendra. 

IV.  —  Défendons  à  tous  marchands  merciers,  quincailliers,  revendeurs  et 
revendeuses,  à  tous  marchands  de  livres  et  d'images  et  aux  colporteurs,  d'éta- 
ler et  exposer  en  vente  aucuns  livres,  images  et  estampes,  ni  aucunes  sortes 
de  marchandise  de  mercerie  et  quincaillerie,  au  coin  des  rues,  dans  les  places 
publiques  et  sur  les  quais,  à  peine  de  saisie,  confiscation  des  marchandises 
exposées  en  vente  un  dimanche  ou  un  jour  de  fête,  et  de  100  livres  d'amende. 
Pourront  même  les  contrevenants  être  arrêtés  et  emprisonnés  en  cas  de  ré- 
cidive. 

V.  —  Ne  pourront  les  marchands  de  vin,  limonadiers,  vendeurs  de  bière  et 
d'eau-de-vie,  ouvrir  leurs  cabarets  et  boutiques  les  jours  de  dimanches  et  fêtes 
pendant  les  heures  du  service  divin;  leurs  enjoignons,  et  à  tous  maîtres  de 
paume  et  de  billard,  de  refuser  l'entrée  chez  eux  à  ceux  qui  se  présenteraient 
pour  y  boire  ou  pour  y  jouer,  à  peine  de  300  livres  d'amende  pour  la  première 
contravention,  et  de  fermeture  des  boutiques,  jeux  de  paume  et  billards,  en 
cas  de  récidive. 

VI.  —  Défendons  à  tous  maîtres  à  danser,  cabaretiers,  traiteurs  et  autres, 
de  tenir  chez  eux  des  assemblées  et  salles  de  danse,  les  jours  de  dimanches  et 
fêtes,  et  à  tous  joueurs  de  violons  et  instruments  de  s'y  trouver,  à  peine  de 
500  livres  d'amende  contre  chacun  des  contrevenants,  et  en  outre  de  confisca- 
tion des  instruments  de  musique. 

VII.  —  Mandons  aux  commissaires  au  Chàtelet  et  enjoignons  aux  officiers  de 
police,  de  tenir  la  main  à  l'exécution  de  notre  présente  ordonnance  :  enjoi- 
gnons pareillement  aux  huissiers  du  Chàtelet  qui  auront  été  nommés  dans  les 
distributions  qui  sont  faites  en  leur  communauté  chaque  semaine,  de  se  rendre 
chez  les  commissaires  auprès  desquels  ils  auront  été  distribués,  pour  les  ac- 
compagner dans  leurs  polices;  et  sera  notre  présente  ordonnance  lue,  publiée 
et  affichée  partout  où  besoin  sera,  à  ce  que  personne  n'en  prétende  cause 
d'ignorance. 

Ce  fut  fait  et  donné,  etc..  le  10  novembre  1782. 

Lenoir.  Deflandre  de  Brunville. 

Morisset,  greffier. 


POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS  405 

SENTENCE  de  police  du  31  août  1742. 

Sur  le  rapport  fait  en  jugement  devant  nous  à  l'audience  de  la  Chambre  de 
police  du  Châtelet  de  Paris,  par  M0  Abraham  Desnoyers,  avocat  en  Parle- 
ment, conseiller  du  roi,  commissaire  enquesteur  et  examinateur  en  celte  cour, 
préposé  pour  la  police  au  quartier  Montmartre  :  que,  le  samedi  23  du  présent 
mois  d'août,  fête  de  Saint-Louis,  sur  les  neuf  heures  du  matin,  lui  commissaire 
ayant  remarqué  que,  contre  la  révérence  de  la  fête  dudit  jour,  les  lois  de 
l'Église,  arrêts  du  Parlement,  ordonnances,  sentences  et  règlements  de  police 
concernant  l'observation  des  dimanches  et  fêtes,  des  ouvriers  peintres  travail- 
laient à  atelier  ouvert,  au  grand  scandale  du  public,  à  des  ouvrages  de  pein- 
ture dans  le  premier  appartement  d'une  maison,  16,  rue  du  Mail,  dont  sont  pro- 
priétaires les  sieurs  Chopart,  de  façon  même  que  des  habits  desdits  ouvriers 
étaient  posés  sur  les  balcons  des  croisées  dudit  appartement;  pour  constater 
et  établir  plus  amplement  ladite  contravention,  il  se  serait  à  l'instant  transporté 
en  ladite  maison  et  premier  appartement  d'icelle,  ouvert,  non  meublé;  et  y 
aurait  trouvé  cinq  ouvriers  travaillant  à  peindre  des  volets  de  croisées  sur 
ladite  rue  et  des  lambris;  et  lui  commissaire  ayant  fait  des  remontrances  aux- 
dits  ouvriers  sur  leur  contravention  et  s'étant  informé  d'eux  qui  était  entre- 
preneur desdits  ouvrages,  l'un  d'eux  lui  aurait  dit  se  nommer  Charles  Grand- 
cerf,  mailre  peintre-doreur  à  Paris,  y  demeurant  rue  Saint-Denis,  près  les 
Filles-Dieu,  chez  un  charcutier,  être  l'entrepreneur  desdits  ouvrages  de  peinture 
pour  le  sieur  Dumas,  locataire  dudit  premier  appartement...  ;  que  lui,  commis- 
saire, ayant  observé  audit  Grandcerf  qu'il  lui  était  revenu  que  dès  la  veille, 
jour  et  fête  de  Saint-Barthélémy,  il  avait  de  même  travaillé  auxdils  ouvrages 
dans  ledit  appartement,  ledit  Grandcerf  en  serait  convenu... 

Assigné  le  29  août  à  la  requête  du  procureur  du  roi,  Grandcerf  est 
condamné  «  pour  cette  fois,  par  grâce,  et  sans  tirer  à  conséquence, 
en  30  livres  d'amende  »  ;  la  sentence  «  imprimée,  lue,  publiée  et  affi- 
chée ès-lieux  ordinaires  et  accoutumés,  même  à  la  porte  de  ladite 
maison  rue  du  Mail,  et  de  celle  dudit  Grandcerf,  rue  Saint-Denis...1.  » 

ORDONNANCE  de  police  sur  l'usage  du  gras  dans  les  auberges  pendant  le 
carême2,  29  janvier  1768. 

Sur  ce  qui  nous  a  été  remontré  par  le  procureur  du  roi,  que  pour  éviter  les 
fraudes  qui  s'étaient  introduites  au  préjudice  du  privilège  de  l'Hôtel-Dieu  dans 
la  vente  et  la  distribution  de  la  viande,  et  empêcher  la  transgression  de  la  loi 
de  l'Église  sur  l'observation  du  Carême,  Sa  Majesté  aurait  rendu  une  déclaration 
le  lor  avril  1726,  qui  a  été  enregistrée  au  Parlement;  mais  qu'au  préjudice  de 
cette  loi  et  de  la  prohibition  de  donner  du  gras  dans  les  auberges  et  chambres 
garnies,  il  s'est  néanmoins  glissé   un  abus  auquel  les  précautions  que  nous 


1.  Arch.  nat,  Y. 9190.  —  Signé  :  Feydeau  —  Moreau. 

2.  Arch.  nat.,  Y. 9499.  Ordonnance  renouvelée  annuellement.  —  L'exemplaire 
imprimé,  que  nous  reproduisons  est  de  1768  (L.-F.  Delatour,  imprimeur  de  la 
police;.  —  Exemplaire  manuscrit  du  20  février  1775.  —  Voyez  :  Sentence  du 
26  mars  1745,  condamnant  le  traiteur  Duhau  en  100  livres  d'amende. 


406  POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS 

avons  prises  jusqu'ici  n'ont  pu  encore  remédier;  et  comme  il  e^t  nécessaire, 
non  seulement  de  les  prévenir  pour  la  suite,  mais  même  de  punir  ceux 
qui  se  trouveraient  en  contravention,  il  requiert  qu'il  nous  plaise  y  pourvoir. 
Sur  quoi,  Nous,  faisant  droit  sur  le  réquisitoire  du  procureur  du  roi,  ordon- 
nons que  la  déclaration  de  Sa  Majesté  du  1er  avril  1726  sera  exécutée  selon  sa 
forme  et  teneur,  et  en  conséquence  : 

I.  —  Faisons  défenses  à  tous  particuliers,  rôtisseurs,  cabarctiers,  hôteliers, 
aubergistes,  traiteurs  et  logeurs  en  chambres  garnies,  de  donner  à  manger  du 
gras  chez  eux  pendant  le  Carême  à  ceux  qui  y  seront  logés,  sans  une  permis- 
sion expresse  du  curé  de  leur  paroisse  de  nous  visée,  à  peine  de  300  livres 
d'amende  et  de  plus  grande  en  cas  de  récidive. 

II.  —  Leur  enjoignons  de  prendre  à  l'Hôtel-Dicu,  ou  dans  les  boucheries 
établies  dans  Paris  par  les  administrateurs  dudit  Hôtel,  toutes  les  viandes  dont 
ils  auront  besoin,  sous  les  peines  prévues  par  l'article  7  de  ladite  déclara- 
tion. • 

III.  —  Ordonnons  que  le  gras  sera  apprêté  dans  les  cuisines  séparées  de 
celles  où  s'apprêtera  le  maigre,  et  que  ceux  qui  feront  gras  chez  lesdils  au- 
bergistes, traiteurs  et  autres,  seront  tenus  de  manger  séparément  dans  leurs 
chambres  sans  scandale,  à  peine  de  300  livres  d'amende  pour  chaque  contra- 
vention contre  lesdits  cabaretiers,  traiteurs  et  autres. 

IV.  —  Leur  faisons  très  expresses  inhibitions  et  défenses,  sous  les  mêmes 
peines,  de  donner  du  gras  à  autres  qu'à  ceux  qui  seront  logés  chez  eux  et  dé- 
nommés dans  les  permissions  qu'ils  auront  obtenues  de  nous,  et  d'en  porter  en 
ville  dans  les  maisons  particulières. 

Mandons  aux  commissaires  du  Châtelet,  et  enjoignons  aux  autres  officiers  de 
police,  de  tenir  exactement  la  main  à  l'exécution  de  notre  présente  ordonnance, 
qui  sera  exécutée  nonobstant  oppositions  ou  autres  empêchements  quel- 
conques, imprimée,  lue,  publiée  et  affichée  partout  où  besoin  sera,  à  ce  que 
personne  n'en  ignore. 

Ce  fut  fait  et  donné  par  nous  Antoine-Raymond-Jean-Gualrert-Garriee  de 
Sartine,  chevalier,  conseiller  d'État,  lieutenant  général  de  police  de  la  ville, 
prévôté  et  vicomte  de  Paris,  le  29  janvier  1768. 

De  Sartine.  Moreau. 

Le  Gras,  greffier. 

L'ordonnance  ci-dessus  a  été  lue  et  publiée  à  haute  et  intelligible  voix,  à 
son  de  trompe  et  cri  public,  en  tous  les  lieux  et  endroits  ordinaires  et  accou- 
tumés, par  moi  Philippe  Rouvcau,  huissier  à  verge  et  de  police  au  Châtelet  de 
Paris,  et  seul  juré  crieur  ordinaire  du  roi  et  des  cours  et  juridictions  de  la 
ville,  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  y  demeurant  rue  des  Écrivains,  place  de 
l'Église  Saint-Jacques-de-la-Boucherie,  au  bureau  du  corps  de  la  bonneterie, 
soussigné,  accompagné  de  Louis- François  Ambezar,  Claude-Louis  Ambezar.  et 
Jea?i-Louis  Ambezar,  jurés-trompettes,  le  3  février  1768,  et  affichée  ledit  jour 
èsdits  lieux  et  autres  où  besoin  a  été,  à  ce  que  personne  n'en  prétende  cause 

d'ignorance- 

Signé  :  Rouveau. 


POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS  407 

Lorsque  la  fête  de  la  Nativité  de  la  Vierge  '  ou  l'Epiphanie  (jour 
des  Rois)  tombent  un  jour  de  marché,  le  marché  est  avancé  d'un  jour 
par  ordonnance  de  police.  —  Dans  les  étés  très  chauds,  et  peu  à  peu, 
tous  les  ans  à  période  fixée,  les  bouchers  obtiennent  de  la  police  l'au- 
torisation d'ouvrir  leurs  étaux  les  jours  de  dimanche  et  de  fêtes  2. 

ORDONNANCE  de  police  du  Châtelet  de  Paris,  du  18  mai  1720  (signée:  Marc- 
Pierre  de  Voyer  de  Paulmy,  comte  d'Argcnson),  qui  défend  de  tirer  des  armes 
à  feu,  fusées  et  autres  artifices  dans  la  ville  et  faubourgs  de  Paris,  et  nommé- 
ment le  jour  de  la  Fête-Dieu  pendant  que  les  processions  passent,  et  enjoint 
de  faire  tendre  le  devant  des  maisons  dans  les  rues  par  lesquelles  les  proces- 
sions du  Très-Saint-Sacrement  passent. 

SENTENCE  de  police  du  Châtelet  de  Paris,  du  12  juin  1739,  qui  condamne  le 
nommé  Ménestrier,  en  l'amende,  pour  avoir  négligé  de  balayer  et  faire 
tendre,  le  jour  de  la  Fête-Dieu,  le  devant  d'une  maison  qu'il  occupe. 

Sur  les  13  livres  d'amende  infligées,  quatre  sont  données  au  tapis- 
sier qui  a  fourni  d'office  la  tenture,  et  six  à  l'huissier  «  qui  a  assisté 
le  commissaire  en  sa  police  ». 

ORDONNANCE  (annuelle)  du  Châtelet  de  Paris,  pour  tapisseries  rues  par  où 
la  procession  doit  passer  le  jour  de  l'Assomption  de  Notre-Dame  (vœu  de 
Louis  XIII,  déclaration  du  10  février  1638)  >. 

SENTENCE  de  police  du  20  octobre  1735  (rendue  par  Hérault),  concernant 
l'inhumation  des  corps  auxquels  la  sépulture  ecclésiastique  n'aura  pas  été 
accordée. 

SENTENCE  de  police  du  22  décembre  1736  (rendue  par  Hérault),  portant  rè- 
glement pour  ce  qui  doit  être  observé  à  l'occasion  des  personnes  qui  vien- 
dront à  décéder,  et  auxquelles  la   sépulture  ecclésiastique  ne  sera  pas  accor-  ' 
dée4. 

Le  commissaire  se  transporte  dans  la  maison  mortuaire,  dresse 
procès-verbaux,  les  communique  aussitôt  au  procureur  du  roi  du 
Châtelet,  pour  être  par  lui  requis  ce  qu'il  appartiendra,  et  pour  être 
ordonné,  par  le  lieutenant  général  de  police,  ce  que  de  raison. 

Cette  intervention  du  Châtelet  avait  lieu  principalement  lorsqu'il 


1.  Ord.  du  31  août  1745,  signée  de  Marville  (Arch.  nat.,  Y. 9499). 

2.  Exemple  ,  par  ordonnance  de  Sartine  du  6  mai  1769,  depuis  le,  premier 
dimanche  de  la  Trinité  jusqu'au  premier  samedi  d'après  la  Notre-Dame  de  sep- 
tembre (Arch.  nat.,  Y.9499). 

3.  Le  Poix  de  Fréminville,  Die/,  de  la  police,  p.  607  à  617. 

4.  Le  Poix  de  Fréminville,  Dict.  de  la  police,  p.  672  et  673. 


408  POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS 

s'agissait  de  religionnaires,  et  même  de  jansénistes  ou  prétendus  tels 
(anticonstitutionnaires),  de  comédiens  ou  d'actrices,  de  suicidés,  etc. 
Les  mémoires  de  Barbier,  de  Hardy,  fourmillent  d'exemples. 


IL  —  MŒURS  PUBLIQUES 

JEUX  DE  HASARD 

ORDONNANCE  concernant  ce  qui  doit  être  observé  par  les  marchands  de  la 
foire  Saint-Germain-des-Prés,  et  qui  renouvelle  la  défense  des  jeux  (15  janvier 
1769)  '. 

Vise  :  Ordonnance  du  30  juin  1740  : 

Défense  de  tenir  les  boutiques  ouvertes,  de  vendre  ni  étaler  les  di- 
manches et  fêtes  de  commandement;  défense  de  colporter  les  mar- 
chandises hors  de  l'enclos  de  la  foire  ;  défense  aux  limonadiers  de 
donner  à  souper;  ordre  de  fermer  à  dix  heures  du  soir;  interdiction 
des  jeux  de  hasard,  sous  peine  de  500  livres  d'amende;  défense  aux 
bateleurs  et  danseurs  de  corde  de  s'établir  aux  environs  de  la  foire  ; 
interdiction  absolue  de  vendre  des  armes  quelconques,  sous  peine  de 
500  livres  d'amende,  telles  sont  les  principales  dispositions  de  cette 
ordonnance.  Les  propriétaires  des  loges  de  la  foire  nommaient  un 
syndic  propriétaire,  les  locataires  un  syndic  locataire,  l'un  et  l'autre 
chargés  de  la  surveillance  des  forains,  sous  l'autorité  du  commis- 
saire du  Chàtelet  délégué,  et  nommé  en  la  circonstance  commissaire 
de  la  foire.  —  La  foire  s'ouvrait  le  1er  février. 

COMPTE-RENDU   FAIT  AU   PARLEMENT 

PAR  LE  LIEUTENANT  GÉNÉRAL  DE  POLICE 

DE    LA    QUANTITÉ    DES   JEUX,  TANT    PUBLICS    QUE    PARTICULIERS, 

DES   NOMS    ET    QUALITÉS   DE   CEUX    QUI   DONNENT   A   JOUER 

ET   DES   BANQUIERS   DES   JEUX 

13   FÉVRIER    1781 2 

Messieurs,  j'avais  prévenu  le  compte  que  vous  m'avez  ordonné  de  vous 
rendre,  par  celui  que  j'avais  rendu  plusieurs  Ibis,  lant  aux  ministres  du  roi 
qu'aux  premiers  magistrats  du  Parlement,  au  sujet  des  jeux  qui  existent  à 
Paris,  et  qui  y  causent  du  désordre  et  du  scandale  '. 

1.  Arch.  nat.,  Y. 9499. 

2.  Arch.  nat.,  X  1b  8975. 

3.  Sur  les  académies  de  jeux  et  sur  les  banquiers  affidés  à  la  police  (de  son 
propre  aveu),  voyez  la  Police  de  Paris  en  1T70  (mémoire  cité,  de  Lemaire),p.  94. 


POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS  409 

Les  détails  que  je  vais  mettre  sous  les  yeux  de  la  Cour  ne  seront  qu'une  ré- 
pétition, mais  beaucoup  plus  étendue,  de  ceux  dont  j'ai  déjà  rendu  un  compte 
particulier.  Je  dois  vous  informer  en  même  temps  des  démarches  que  j'ai  faites, 
par  les  ordres  des  ministres  et  des  magistrats,  pour  réprimer  les  excès  qui 
ont  justement  excité  votre  attention.  Le  récit  fidèle  que  je  vais  exposer  vous 
convaincra  de  nos  soins,  et  de  nos  mesures  très  fréquemment  traversées  par 
ces  moyens  que  la  passion  du  jeu  et  l'esprit  de  cupidité,  l'intrigue  enfin  et 
tout  ce  qui  la  favorise,  savent  si  bien  mettre  en  usage.  Vous  y  verrez  la  preuve 
de  cette  vérité  reconnue  en  matière  de  police,  plus  qu'en  toute  autre,  que  les 
abus  qui  dérivent  d'une  frénésie  indomptable  sont  difficiles  à  détruire,  que 
très  souvent  les  remèdes  qu'on  y  a  portés  n'ont  fait  que  pallier  le  mal  ou  le 
faire  cesser  pour  un  temps. 

L'expérience  a  démontré  que  le  meilleur  état  possible  était  le  moins  d'abus, 
lorsque,  par  l'abus  même,  des  juges  et  administrateurs  intègres  pouvaient  ar- 
rêter le  progrès  du  désordre.  Je  dirai  la  vérité,  Messieurs,  sans  acception  de 
personnes.  Je  dois  craindre  d'en  trop  dire,  ou  d'en  dire  trop  peu  ;  mais  quelque 
délicat  que  puisse  être  mon  devoir,  je  veux  le  remplir  avec  fidélité  et  circon- 
spection. 

Vous  vous  rappellerez,  Messieurs,  qu'en  1777  vous  avez  rendu  un  arrêt  qui 
a  défendu  le  jeu  communément  appelé  le  «Jeu  de  la  Relie».  Il  ne  subsistait 
plus  alors  que  cinq  maisons  où  l'on  tolérait  encore  ce  jeu.  J'avais  trouvé  en  re- 
prenant les  fonctions  de  la  police  un  plus  grand  nombre  de  maisons  où  il  avait 
été  toléré.  Le  magistrat  qui  m'a  précédé  estimait  sans  doute  que  la  passion  du 
jeu  a  sur  une  certaine  classe  de  joueurs  un  empire  absolu;  il  avait  cru  qu'il 
serait  possible  de  faire  naître  un  bien  d'un  mal  contre  lequel  beaucoup  d'ef- 
forts ont  été  précédemment  impuissants;  il  avait  cru  devoir  en  faire  sortir  des 
moyens  à  la  faveur  desquels  il  a  formé  dans  cette  capitale  quelques  établis- 
sements utiles  et  charitables  dont  je  n'ai  pu  maintenir  qu'une  partie.  On  m'a 
toujours  entendu  rendre  justice  aux  vues  de  ce  magistrat:  et  je  me  fais  un 
devoir  de  donner  à  son  intégrité  et  à  ses  lumières  un  témoignage  véritable  et 
sincère.  Il  prévoyait  sans  doute  ce  qui  pourrait  arriver  par  la  suppression  de 
ces  jeux  sur  lesquels  la  police  avait  les  yeux  ouverts,  et  par  l'introduction  de 
ceux  sur  lesquels  sa  vigilance  ne  peut  s'étendre. 

En  effet,  Messieurs,  quoique  depuis  l'arrêt  de  1777  aucun  jeu  de  belle,  au- 
cun jeu  de  hasard  n'ait  été  permis  en  cette  ville,  ni  par  les  ministres,  ni  par 
la  police,  la  passion  du  jeu  qui  ne  peut  s'éteindre  dans  le  cœur  de  ceux  qu'elle 
a  surpris,  et  pour  qui  elle  est  devenue  une  habitude,  une  occupation,  a  trouvé 
d'autres  ressources.  Les  joueurs  se  sont  retirés  dans  des  endroits  cachés,  où 
ils  ont  cru  pouvoir  se  livrer  impunément  à  leur  funeste  penchant.  Poursuivis 
par  les  officiers  de  police,  ils  ont  cherché  des  lieux  où  ils  pussent  être  à  l'abri 
des  recherches  de  la  justice  et  de  l'administration.  Peu  de  temps  après  l'on  a 
vu  établir  un  jeu  de  Riribi  dans  une  maison  rue  d'Enfer,  dépendante  du  Luxem- 
bourg. Rientôt  après  M.  le  chevalier  Zeno,  ci-devant  ambassadeur  de  Venise, 
a  aussi  établi  toutes  sortes  de  jeux  de  hasard  dans  son  hôtel.  Là,  toutes  per- 
sonnes de  tous  états,  connues  ou  inconnues,  étaient  admises.  Les  joueurs  s'y 
portant  en  foule,  on  y  a  multiplié  les  salles  où  les  joueurs  avaient  un  libre  ac- 
cès. Une  de  ces  salles,  plus  particulièrement  ouverte  aux  personnes  d'un  état 
vil  et  obscur,  était  appelée  l'Enfer.  Cette  maison  où  le  désordre  et  le  scandale 
ont  subsisté  pendant  longtemps  et  dont  j'ai  été  instruit  plutôt  par  la  notoriété 


410  POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS 

publique  que  par  les  agents  de  la  police,  auxquels  la  porte  en  était  interdite, 
n'a  été  fermée  qu'au  départ  de  cet  ambassadeur,  envers  qui  toutes  les  repré- 
sentations ont  été  vaines.  Mais  depuis  et  successivement  on  a  ouvert  des  jeux 
de  hasard  chez  trois  autres  ministres  étrangers: 

Le  premier,  place  du  Louvre,  dans  un  hôtel  ayant  pour  inscription  :  Écuries 
de  M.  l'ambassadeur  de  Suède;  un  autre,  rue  de  Choiseul,  sous  le  nom  de 
M.  l'envoyé  de  Prusse;  et  le  troisième,  rue  Poissonnière,  chez  M.  l'envoyé  de 
Hesse-Cassei. 

Sur  l'avis  qui  m'en  a  été  donné,  avant  même  que  les  jeux  y  fussent  établis, 
j'ai  eu  l'honneur  d'écrire  ou  de  prévenir  ces  ministres  étrangers  que  je  ne 
pourrais  me  dispenser  d'instruire  le  gouvernement.  Mes  lettres  étant  demeu- 
rées sans  réponse,  j'ai  rendu  compte  aux  ministres  du  roi,  lesquels  ont  fait 
auprès  des  ministres  étrangers  les  démarches  que  leur  zèle  et  leur  prudence 
leur  ont  suggérées.  Us  ont  été  avertis  des  conséquences  que  peut  entraîner  la 
licence  des  jeux  dans  leurs  hôtels,  que  le  public  en  était  scandalisé,  et  la  po- 
lice alarmée. 

Il  existe  donc  aujourd'hui  quatre  jeux  publics  ouverts  à  toutes  sortes  de  per- 
sonnes. Ces  quatres  maisons  doivent  être  rangées  dans  une  classe  séparée  et 
distinguée  des  autres  par  leur  publicité.  Dans  deux  de  ces  maisons,  c'est-à- 
dire  dans  celle  située  rue  d'Enfer  et  dans  l'hôtel  de  M.  l'ambassadeur,  on  n'a 
joué  que  le  jeu  de  Biribi  et  non  le  jeu  de  Trente-un,  qu'on  dit  être  plus  dan- 
gereux, et  qui  paraît  avoir  plus  d'attraits  pour  les  joueurs:  et  déjà,  Messieurs, 
on  m'a  fait  entendre  que  le  bruit  de  la  connaissance  que  vous  devez  prendre 
des  jeux  défendus  devait  faire  fermer  celui  établi  rue  d'Enfer,  qui  d'ailleurs 
est  devenu  moins  fréquenté  par  l'établissement  des  autres  jeux  ouverts  dans 
des  quartiers  plus  habités. 

On  a  aussi  donné  depuis  1777  toutes  sortes  de  jeux  de  hasard  dans  plu- 
sieurs maisons  particulières.  Voici  celles  qui  me  sont  plus  connues  : 

MM.  les  marquis  et  comte  de  Genlis  rassemblent  très  fréquemment  dans  une 
maison  située  place  Vendôme,  et  dans  une  autre  sise  rue  Bergère,  une  société 
nombreuse  de  gros  joueurs;  l'on  prétend  qu'il  s'y  est  fait  des  pertes  énormes. 

Une  autre  société  se  réunit  chez  la  dame -de  Selle,  rue  Montmartre;  une 
autre  se  rassemble  également  chez  la  dame  de  Champeiron,  rue  de  Cléry;chez 
la  dame  de  la  Sarre,  place  des  Victoires;  chez  la  dame  de  Fontenille,  cour  de 
l'Arsenal. 

Je  les  ai  avertis  et  fait  avertir.  On  m'a  donné  partout  cette  réponse  com- 
mune, que  ce  n'était  que  des  plaisirs  de  société,  qui  avaient  été  tolérés  de  tout 
temps,  et  qu'il  ne  se  passait  rien  dans  l'intérieur  de  leurs  maisons  que  ce  qui 
pouvait  avoir  lieu  partout  ailleurs. 

J'observerai  à  la  Cour  qu'ayant  eu  connaissance  que  des  personnes  d'un  rang 
élevé  s'étaient  trouvées  quelquefois  dans  plusieurs  de  ces  sociétés,  je  n'ai  pu 
porter  mes  soins  au  delà  des  instances  et  des  prières  que  j'ai  faites  aux  maîtres 
et  maîtresses  de  ces  maisons,  et  au  delà  des  comptes  que  j'en  ai  rendus.  Ces 
moyens,  ou  plutôt  ces  procédés,  s'ils  n'ont  pas  réussi  auprès  des  maîtres  et 
maîtresses  que  je  viens  de  nommer,  ont  eu  succès  auprès  d'autres  personnes 
qui  ont  renoncé  aux  jeux  de  hasard  dès  l'instant  qu'elles  en  ont  été  averties. 
Je  pourrais  citer  à  la  Cour  une  multitude  de  projets  de  donner  à  jouer  dont  il 
m'a  été  fait  rapport,  que  j'ai  combattus  avec  le  plus  de  fermeté  qu'il  m'a  été 
possible,  et  qui  ont  été  abandonnés. 


POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS  411 

Ici  vient  naturellement  le  compte  que  je  dois  à  la  Cour  d'une  maison  de  jeux 
dont  on  a  débité  mal  à  propos,  et  trop  légèrement,  rétablissement  prochain 
sous  la  protection  d'un  prince  auguste.  J'ai  la  satisfaction  d'annoncer  que  ce 
prince  juste  et  grand  a  cédé  dès  la  première  connaissance  qui  lui  a  été  donnée 
des  conséquences  qui  pourraient  résulter  des  jeux  de  hasard,  s'ils  étaient  tolé- 
rés dans  une  maison  qui  vient  d'être  construite  rue  de  Vendôme  pour  un  jeu 
de  paume  où  quelquefois  il  vient  prendre  cet  amusement.  J'ai  des  preuves  de 
la  bonté,  de  la  sagesse,  de  la  droiture,  de  la  grandeur  d'âme  du  prince,  et  ses 
intentions,  qui  m'ont  été  encore  plus  particulièrement  transmises  par  une  per- 
sonne respectable  qui  a  l'honneur  de  l'approcher,  m'ont  confirmé  qu'il  m'avait 
su  gré  de  l'avoir  fait  avertir.  Les  jeux  de  hasard  n'ont  pas  été  ouverts  dans  ce 
jeu  de  paume,  et  n'y  auront  pas  lieu. 

Je  ne  présume  pas  que  l'intention  de  la  Cour  ait  été  que  je  lui  rendisse 
compte  des  jeux  de  hasard  qui  ont  lieu  dans  beaucoup  de  maisons  particu- 
lières, en  cas  de  noces,  de  festins,  de  grands  repas.  Plus  communément,  les 
jeux  de  hasard  ont  lieu  en  carnaval  qu'en  tout  autre  temps:  l'usage  étant  au- 
jourd'hui, soit  que  le  jeu  l'ait  introduit  ou  non,  de  réunir  une  nombreuse  so- 
ciété, il  est  devenu  plus  commun  de  donner  un  jeu  de  hasard  où  toutes  les 
personnes  invitées  peuvent  se  rassembler;  mais  il  convient  de  distinguer  entre 
les  sociétés  de  jeux  et  les  jeux  de  société.  Si  j'avais  à  comprendre  dans  le 
compte  que  vous  exigez  de  moi  toutes  les  maisons  dans  lesquelles  par  occasion, 
sans  dessein  et  sans  intérêt,  on  a  cru  quelquefois  pouvoir  donner  des  jeux  de 
hasard,  je  devrais  citer  une  infinité  de  personnes  de  tout  état.  Mais  j'ai  pensé 
que  je  ne  devais  nommer  que  les  maisons  où  les  jeux  de  hasard  se  donnent 
fréquemment,  habituellement ,  sans  permission,  et  dans  lesquelles  ils  sont 
pour  les  maîtres  et  maîtresses  plutôt  une  affaire  d'intérêt  qu'un  objet  d'amu- 
sement. 

La  Cour  n'ayant  compris  dans  son  arrêté  que  les  jeux  défendus,  je  n'entre- 
rai pas  dans  le  détail  des  académies  et  maisons  où  l'on  ne  joue  que  les  jeux 
de  commerce;  le  compte-rendu  à  la  Cour  en  1777  en  a  présenté  des  détails 
exacts.  Je  dirai  seulement  que  ces  maisons  sont  en  moindre  nombre  et  moins 
fréquentées  que  par  le  passé,  les  joueurs  étant  plus  attirés  par  les  jeux  de 
hasard. 

Il  me  reste  à  déclarer  à.  la  Cour  les  banquiers.  Voici  leurs  noms  et  leurs 
demeures  : 

Dufour,  rue  Neuvc-dcs-Mathurins; 
Amyot  et  Fontaine,  rue  de  Richelieu  ; 
Deschamps,  faubourg  Saint-Germain  ; 
Nollet,  rue  de  Richelieu  ; 
Andrieu,  au  Pont-aux-Choux  ; 
Ciiavigny,  rue  Montmartre; 
Delzène,  ruePlâtrière  ; 
Pierry,  rue  de  Cléry; 
Rarbaroux,  rue  des  Petits-Pères; 
Herbert,  au  café  de  la  Régence  ; 
David  et  Dufresnoy? 
Odelin,  rue  Neuve-des-Petits-Champs  ; 
Latour,  rue  Feydeau. 


412  POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS 

Bouillerot,  à  PArche-Marion  ; 
Boyer  et  Remv,  rue  de  Richelieu. 

Quant  à  leur  origine,  ils  sont  presque  tous  nés  dans  l'obscurité,  ayant 
exercé  ci-devant  une  profession  commune.  11  est  du  bon  esprit  de  la  nation  d'avi- 
lir cette  condition.  Cependant  ce  métier  était  devenu  celui  de  personnes  nées 
et  élevées  pour  tout  autre  état.  J'ai  voulu  il  y  a  quelques  années  défendre  aux 
banquiers  ordinaires  d'aller  dans  aucun  jeu  public,  et  d'y  tailler  à  aucun  jeu 
défendu:  ils  ont  obéi.  Mais,  bientôt  après,  ces  jeux  ont  été  tenus  tantôt  par 
les  valets  de  chambre  des  maîtres,  tantôt  par  des  personnes  de  leur  société. 
Quelques  chevaliers  de  Saint-Louis  n'ont  pas  rougi  de  se  prêter  à  cette  basse 
profession.  J'ai  porté  mes  plaintes  aux  ministres  du  roi  contre  ces  officiers; 
des  ordres  sévères  ont  été  donnés:  ils  se  sont  retirés. 

On  a  employé  successivement  les  secrétaires  des  ministres  étrangers,  leurs 
officiers  ;  et  les  banquiers  de  jeux,  qui  par  état  sont  joueurs  d'habitude,  allaient 
dans  les  maisons  non  comme  banquiers,  mais  comme  joueurs.  Là,  sans  aucune 
mission,  confondus  avec  le  public,  je  n'avais  plus  de  compte  à  exiger  d'eux  : 
je  n'étais  plus  instruit;  néanmoins  ces  banquiers  étaient  vraisemblablement 
de  connivence  avec  ceux  qui  tenaient  les  cartes,  les  boules  ou  les  dés.  Ils  pro- 
curaient des  fonds  fournis  par  des  personnes  non  connues  :  semblables  à  ces 
courtiers  de  prêteurs  sur  gages  qui  faisaient  en  apparence  un  commerce  usu- 
raire,  et  dont  le  plus  grand  profit  retombait,  parleurs  mains  mercenaires,  dans 
des  mains  qu'ils  avaient  soin  de  cacher. 

Qu'est-il  résulté  de  cette  espèce  d'interdiction  illusoire  des  banquiers  ordi- 
naires? Ils  n'ont  pas  moins  continué  clandestinement  leur  métier,  et  j'ai  été 
privé  des  rapports  et  connaissances  au  moyen  desquels  j'ai  été  souvent  à 
portée  de  prévenir  la  ruine  de  plusieurs  pères  et  enfants  de  famille;  et,  puisque 
aux  jeux  de  hasard  il  faut  des  banquiers,  il  a  paru  convenable  que  ce  métier 
fût  plutôt  le  partage  de  gens  souples,  dociles,  et  tenus  par  leur  emploi  de 
rendre  des  comptes  aux  officiers  de  police. 

On  est  donc  revenu  aux  banquiers  ordinaires  ;  sans  ce  moyen,  Messieurs, 
j'eusse  été  instruit  trop  tard  d'une  perte  considérable  que  vient  de  faire  un 
jeune  homme.  J'en  ai  informé  ses  parents,  qui  ont  pris  les  mesures  que  les 
circonstances  ont  exigées. 

Sans  ces  moyens  je  ne  serais  pas  en  état  de  savoir  et  de  déclarer  les  noms 
et  les  qualités  d'une  infinité  de  personnes  qui  fréquentent  ces  maisons  de 
jeux,  de  tous  ces  escrocs,  de  tous  ces  intrigants,  gens  d'industrie  qui  redou- 
tent la  sévérité  de  la  police  et  des  notes  qu'elle  renferme  sur  leur  conduite  et 
leurs  manœuvres.  Ce  sont  là  ces  hommes  dangereux,  sans  mœurs,  sans  délica- 
tesse, qui,  pour  couvrir  leur  honte  et  leur  turpitude,  ont  intérêt  de  compro- 
mettre des  personnes  honnêtes,  attachées  à  une  administration  pure,  et  sans 
doute  pour  eux  trop  sévère.  Ce  sont  ceux-là  qui  par  leurs  conseils  perfides 
entraînent  dans  leurs  pièges  des  personnes  de  considération,  mal  éclairées  ou 
trop  indulgentes.  Ce  sont  ceux-là  qui  veulent  établir  des  maisons  de  jeux 
dans  les  lieux  privilégiés,  et,  sans  une  ferme  résistance  concertée  avec  les 
ministres  du  roi  et  la  plupart  des  personnes  qui  commandent  dans  ces  lieux, 
le  scandale  et  le  mal  seraient  encore  bien  plus  grands... 

Je  sais  que,  dans  le  temple  de  la  justice...  la  loi  est  impérative  à  l'égard  des 
grands  comme  à  l'égard  des  petits.  Mais  détournez  votre  attention  un  instant, 


POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEUKS  413 

et  portez-la  dans  les  cercles,  dans  les  sociétés,  sur  tout  ce  qui  se  passe  dans  le 
monde,  dans  les  provinces,  dans  les  garnisons,  à  l'étranger.  Daignez  jeter 
vos  regards  sur  tant  de  personnes  élevées  en  dignités,  ou  revêtues  d'un  carac- 
tère respectable  que  l'œil  de  la  politique  doit  considérer;  enfin  sur  les  temps 
où  nous  sommes;  que  peut  et  doit  faire  celui  qui  est  chargé  de  l'exécution  de 
la  loi?  Ici  je  dois  m'arrêtcr  :  c'est  à  votre  prudence  et  à  votre  sagesse  que  je 
dois  m'en  référer.  Je  suis  bien  éloigné  de  retenir  votre  sévérité  contre  l'abus 
des  jeux,  mais  je  n'ai  pas  dû  vous  taire  les  circonstances  qui  peuvent  vous 
déterminer  sur  le  choix  des  mesures  à  prendre.  Je  ne  peux  en  même  temps  me 
dispenser  de  vous  exposer  l'embarras  et  la  sollicitude  de  celui  à  qui  le  roi  a 
confié  le  fardeau  pesant  et  difficile  de  l'administration  de  la  police.  Vous  ne 
pouvez  vous  figurer  à  combien  d'égards  il  est  asservi,  et  combien  il  faut  qu'il 
se  plie  à  des  prétentions  qu'il  doit  écouter,  encore  qu'il  ne  puisse  les  avouer. 
Le  moindre  serviteur  attaché  à  une  personne  puissante  se  croit  dégagé  des 
règlements  de  police.  Veut-on  lui  opposer  les  dispositions  de  la  loi,  on 
réclame  contre  des  privilèges  violés. 

En  d'autres  parties  de  la  police,  quelle  est  ma  position,  Messieurs?  C'est 
dans  les  plus  grandes  villes  qu'il  se  rencontre  [le]  plus  d'abus.  Que  ne  pour- 
rais-je  pas  dire  sur  ceux  que  présentent  les  grands  et  petits  spectacles,  les 
lieux  de  débauches?  Il  est  quelquefois  plus  à  propos  de  fermer  les  yeux  que 
de  les  ouvrir  sur  des  abus,  lorsqu'ils  sont  légers,  et  qu'il  n'y  a  ni  scandale,  ni 
excès,  ni  préjudice  pour  la  sûreté  publique. 

L'administration  de  la  police  renferme  une  infinité  de  détails  de  tous  genres. 
Elle  répond  à  toute  autre  administration.  Mais  pourquoi  faut-il  que  dans  une 
partie  du  public  qu'elle  doit  (malgré  son  injustice)  servir  et  défendre,  le 
désordre,  de  quelque  part  qu'il  vienne,  lui  soit  imputé? 

...  Je  m'abstiens  de  m'expliquer  sur  des  moyens  qu'il  n'appartient  qu'à  des 
vues  de  sagesse  et  de  prudence  d'employer  eificacement  :  mais  j'ose  me  flatter 
que  vous  ne  me  jugerez  pas  moins  digne  de  votre  bonté  indulgente  que  de 
votre  appui  nécessaire,  surtout  lorsque  je  viens  réclamer  votre  autorité  contre 
l'excès  de  l'abus,  le  scandale  et  le  désordre. 

DÉLIBÉRATION  DU  PARLEMENT  A  CE  SUJET 

La  délibération  du  Parlement  sur  ce  compte-rendu  fut  renvoyée  au 
20  février.  La  question  intéressait  au  plus  haut  point  la  haute  société. 
Aussi,  sans  avoir  été  appelés  par  les  Chambres,  cinq  des  princes  du 
sang  ' ,  l'archevêque  de  Paris  et  vingt-deux  pairs  laïques 2  vinrent  écouter 
le  brillant  et  pompeux  discours  de  l'avocat  du  roi  Séguier.  Il  traita 
naturellement  un  tel  sujet  avec  moins  de  détails  topiques  que  le  lieu- 
tenant général  de  police.  Il  est  inutile  de  reproduire  ici  les  banalités 
que  l'on  se  figure  aisément  sur  la  fureur  du  jeu,  et  toutes  ses  immo- 
rales et  funestes  conséquences.  Mais  quelques  passages  sont  à  signaler. 

1.  Le  duc  d'Orléans,  le  duc  de  Chartres,  le  priuce  de  Condé,  le  duc  de  Bour- 
bon et  le  prince  de  Conti. 

2.  Entre  autres  le  duc  de  Gesvres, 


414  POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS 

Séguier  s'indigne  que  «  le  prétexte  du  bien  public  ait  pu  faire  établir 
des  hospices  dont  les  fonds  étaient  assignés  sur  les  produits  des  jeux 
de  hasard.  N'est-ce  pas,  ajoute-t-il,  la  plus  cruelle  des  erreurs  dans 
l'économie  politique  de  vouloir  combattre  un  vice  par  un  autre  vice, 
de  former  entre  eux  une  espèce  d'équilibre  et  de  balancer  l'un  par 
l'autre?  » 

Peu  sévère  pour  l'auditoire  exceptionnel  qui  l'honorait  ce  jour-là,  il 
lui  rappelle  néanmoins  qu'un  des  inconvénients  du  jeu,  c'est  «  de  ré- 
duire les  citoyens  de  toutes  les  classes  à  une  honteuse  égalité,  de 
confondre  tous  le*  rangs  et  de  les  corrompre  l'un  par  l'autre  ». 

Il  cherche  (sans  les  trouver)  des  moyens  légaux  d'atteindre  les 
plus  grands  coupables,  les  bailleurs  de  fonds  dont  la  connivence  per- 
met seule  aux  banquiers  d'exercer  leur  ignoble  métier. 

Il  ne  regarde  pas  comme  indifférent  à  l'État  de  voir  la  richesse  dans 
une  main  plutôt  que  dans  l'autre  : 

Il  est  des  noms  auxquels  le  soldat  est  accoutumé  d'obéir,  que  les  officiers 
respectent,  que  les  princes  entendent  avec  plaisir.  11  est  des  noms  que  l'Église 
appelle  à  ses  dignités,  que  la  Justice  s'honore  de  posséder  dans  la  magistra- 
ture; des  noms  que  la  nation  entière  chérit,  qu'elle  admire  et  qu'elle  ne  pro- 
nonce jamais  qu'avec  un  sentiment  mêlé  d'amour  et  de  vénération.  Voilà  ceux 
que  les  rois  surtout  sont  intéressés  à  protéger,  à  défendre,  à  multiplier.  Bou- 
cliers de  l'État,  lumières  de  l'Église,  organes  des  lois...,  ils  veillent  pour  le 
souverain,  ils  combattent  ses  ennemis,  ils  défendent  ses  droits.  Il  y  aurait  une 
sorte  d'ingratitude  de  voir  avec  indifférence  disparaître  ces  noms  consacrés 
dans  les  fastes  de  la  nation,  dans  les  archives  de  l'Église  et  dans  le  temple  de 
la  Justice.  Un  moment  d'erreur,  quelquefois  un  moment  d'oubli,  réduira  le 
rejeton  de  tant  de  grands  hommes  à  la  cruelle  ressource  de  se  dérober  au 
grand  jour  et  de  s'éteindre  dans  l'obscurité.  La  fortune  des  plus  grandes 
maisons  passera  dans  la  main  d'un  banquier,  et  l'on  osera  avancer  que  cette 
transmission -de  propriété  est  indifférente  à  l'État!... 

Le  Parlement  ne  put  d'ailleurs  faire  autre  chose  que  renouveler  les 
dispositions  des  nombreuses  ordonnances  rendues  contre  le  jeu  et 
déclarer  qu'elles  seraient  exécutées  '. 

Voici  l'Arrêt  que  le  Parlement  aurait  publié.  Le  projet,  manuscrit, 
fait  suite  aux  réquisitions  imprimées  de  Séguier  et  au  Vu  par  la 
Cour. 

La  matière  mise  en  délibération2, 

t.  Ordonnances  de  Charles  V  (1639),  de  Henri  H  (Arrêt  de  la  Cour  du  27  mars  1547), 
de  Charles  IX  (1560,  art.  101  de  lord.  d'Orléans),  de  Henri  III  (ord.  de  Blois),  de 
Louis  XIII  (1611),  de  Louis  XIV  (1666)  et  de  nombreux  règlements  de  la  Cour 
jusqu'à  celui  du   12  décembre  1777. 

2.  Derniers  mots  imprimés,  p.  19  de  l'arrêt,  et  les  3  pages  suivantes  (sans  nu- 
méros de  pagination).  Bib.  nat.,  Collection  citée. 


POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS  415 

La  Cour  fait  très  expresses  inhibitions  et  défenses  à  toutes  personnes  de 
quelque  état  et  condition  qu'elles  soient  de  tenir  et  de  jouer  aucun  des  jeux 
dont  les  chances  sont  inégales  et  qui  présentent  des  avantages  certains  à  l'une 
des  parties  au  préjudice  des  autres,  sous   quelque  dénomination  que  lesdits 
jeux  puissent  être  connus,  et  tels  que  le  Pharaon,  Biribi,  Trente-un,  et  autres. 
Enjoint  ladite  Cour  au  lieutenant  général  de  police  de  veiller  exactement  à 
l'entière  exécution  desdites  défenses,  et  d'instruire  directement  la  Cour  des 
infractions  qui  pourraient  y  être    faites,    pour  par  elle  y  être    statué,   ainsi 
qu'elle  avisera;    lui  enjoint  pareillement  de  ne  laisser  introduire  aucun  jeu 
nouveau  du  même  genre  que  ceux  prohibés   par  le  présent  arrêt,    sans  en 
rendre  compte  sur-le-champ  à  ladite    Cour  :  fait   pareillement   ladite   Cour 
inhibitions    et   défenses  à  toutes  personnes  de    quelque  qualité  et  condition 
qu'elles  soient  se  disant  banquiers,  ou  ce  qui  est  la  même  chose  en  faisant 
le  métier  sans  en    avoir   la  dénomination  ni    l'état,  de  tenir  aucun    desdils 
jeux,  sous  peine  par  les  contrevenants,  aux  termes  de  l'arrêt  du  28  novembre 
lG6i,  d'être  condamnés  au  fouet  et  au  carcan;  enjoint  à  cet  égard  aux  substi- 
tuts   du    Procureur   général    du   roi    sur    les    lieux    chacun  en    droit-soi   et 
notamment  au  substitut  du  Procureur  général  du   roi  au  Chatelet  de  Paris 
de  poursuivre  sans  délai  les  contrevenants  et  d'instruire  directement  la  Cour 
des  diligences  qu'ils  feront  pour  cet  effet  et  à  chaque  occasion  ;  fait  en  outre 
ladite    Cour   très    expresses    inhibitions  et  défenses   à    toutes    personnes    de 
quelques  rang  et  qualité  qu'elles  soient  de  prêter  leurs  maisons  pour  la  tenue 
d'aucuns  jeux  sous  peine  pour  la  première  contravention  d'une  amende  qui  ne 
pourra  être  moindre  qu'une  année  de  loyer  de  la  maison  où  le  jeu  aura  été 
tenu,  à  dire  d'experts,  si  la  maison  est  occupée  par  le  propriétaire  ou  sans 
bail;  et  en  cas  de   récidive  d'être  déclarés  fauteurs  de  banquiers  et  de  jeux 
défendus  et  comme  tels  condamnés  aux  mêmes  peines  que  lesdits  banquiers 
ou  teneurs  de  jeux.  Enjoint  au  lieutenant  général  de  police  de  la  ville  de  Paris 
de  ne  plus  à  l'avenir  permettre  à  aucun  des  banquiers  qui  d'après  le  compte 
par  lui  rendu  ont  correspondu  à  la  police  par  le  passé,  et  à  tous  autres  d'aller 
dans  aucune  maison  particulière  tenir  aucun  desdits  jeux  ;  lui  enjoint  en  outre, 
dans  le  cas  où  de  pareilles  demandes  lui  seraient  faites  par  des  personnes  de 
crédit  et  d'autorité,  d'en  référer  aussitôt  et  directement  à  la  Cour  pour  par 
ladite  Cour  y  être  pourvu   ainsi   qu'elle  avisera.   Ordonne  au  surplus  ladite 
Cour  que  les  ordonnances,  arrêts  et  règlements  concernant  les  jeux  de  hasard 
seront  exécutés;  en  conséquence  fait  très  expresses  inhibitions  et  défenses  à 
tous  les  sujets  du  roi  de  tous  états  et  conditions  de  jouer  lesdits  jeux  et 
notamment  les  jeux  de  dés  et  le  jeu  appelé  Trente-et-quarante,  sous  les  peines 
portées  par  lesdites   ordonnances  et  arrêts;  enjoint  aux  substituts  du  Procu- 
reur général  du  roi  sur  les  lieux,  chacun  en  droit-soi,  d'y  tenir  la  main,  et  au 
lieutenant  général  de  police  de  la  ville  de  Paris  de  s'informer  exactement  de 
ce  qui  pourra  se  passer  relativement  auxdits  jeux,  pour  sur  le  compte  qu'il 
sera  toujours  prêt  d'en   rendre  à  la  Cour  être  par  elle  statué  ce  qu'il  appar- 
tiendra; ordonne  que  le  présent  arrêt  sera  imprimé,  publié  et  affiché,  savoir 
dans  huitaine  à  compter  de  ce  jour1  dans  la  ville  de  Paris,  dans  le  mois  dans 
toutes  les  villes  du  ressort  de  la  Cour  et  envoyé  à  tous  les  bailliages  et  séné- 
chaussées du  ressort  pour  y  être  lu,  publié  et  registre;  enjoint  aux  substituts 

1.  20  février. 


416  POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS 

du  Procureur  général  du  roi  d'y  tenir  la  main  et  d'en  certifier  la  Cour  dans  le 
mois. 

Sans  pouvoir  désapprouver  «  le  zèle  de  son  Parlement  pour  le  main- 
tien du  bon  ordre  »,  le  roi  craignit  sans  doute  le  scandale  de  certaines 
révélations  et  l'effet  de  certaines  allusions.  Le  2  mars,  toutes  chambres 
assemblées,  les  princes  et  les  pairs  y  séant  ',  le  comte  d'Artois  reçut  la 
mission  d'apporter  une  déclaration  en  date  du  1er  mafs,  concernant  les 
jeux  défendus.  Le  premier  président  en  avait  été  averti  dès  le  22  fé- 
vrier. Appelé  à  Versailles,  le  roi  lui  avait  dit  que  le  Parlement  aurait 
dû  s'en  rapporter  à  lui  :  «  Mon  intention,  avait-il  ajouté,  est  que  son 
arrêt  ne  soit  ni  publié,  ni  affiché;  je  compte  incessamment  lui  envoyer 
une  loi  sur  cet  objet  qui  mérite  mon  attention.  » 

La  déclaration  du  1er  mars  fut  enregistrée  dès  le  2  mars,  sans  repré- 
sentations ni  remontrances  2.  Toutes  les  anciennes  défenses  étaient 
renouvelées  (art.  2  et  3),  la  police  des  jeux  confiée  aux  commissaires 
du  Châtelet  (art.  4),  de  lourdes  amendes,  doublées  en  cas  de  récidive 
et  payables  par  corps,  prononcées  contre  les  banquiers  ou  autres 
tenant  des  jeux  de  hasard  et  contre  les  joueurs  (art.  5, 6,  7);  des  peines 
afflictives  et  infamantes  sont  prononcées  pour  la  seconde  récidive 
(art.  8);  l*art.  9  condamne  en  10,000  livres  d'amende  les  propriétaires 
ayant  loué  sciemment  leurs  maisons  pour  des  jeux  :  l'art.  10  renou- 
velle en  matière  de  dette  l'exception  de  jeu. 

ANALYSE   DE   LA    SÉANCE   DU    14   JANVIER    1789 

Par  arrêt  du  9  janvier,  la  Cour  ordonna  l'exécution  rigoureuse  de 
la  déclaration  du  1er  mars  1781  concernant  les  maisons  de  jeux  prohi- 
bés. Elle  enjoignit  en  outre  au  lieutenant  général  de  police  de  donner 
au  procureur  général  la  liste  de  toutes  les  maisons  de  jeux  qui 
étaient  à  sa  connaissance  sans  aucune  espèce  de  distinction,  parnoms, 
surnoms,  qualités  et  demeures  des  contrevenants.  Cet  état  fut  apporté 
à  la  séance  plénière  du  16  janvier.  11  comprenait  cinquante-trois  mai- 
sons; il  fut  déposé  au  greffe  pour,  en  cas  de  récidive,  en  être  publié 
des  extraits  capables  de  «  faire  rougir  »  des  personnes  d'un  certain 
rang.  Thiroux  de  Crosne  affirmait  que,  depuis  l'arrêté  du  9  janvier, 


1.  Cette  fois,  les  pairs  ecclésiastiques  sont  en  nombre.  Outre  l'archevêque  de 
Paris  (qui  assistait  comme  duc  de  Saint-Cloud),  sont  présents  l'archevêque-duc  de 
Reims,  les  évêques-ducs  de  Laon  et  de  Langres,  les  évêques-comtes  de  Beauvais, 
de  Châlons  et  de  Noyon; 

2.  Isambert,  1453. 


POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MŒURS  417 

toutes  les  maisons  de  Trente-et-quarante  étaient  fermées.  A  cette 
assertion,  un  des  membres  répliqua  immédiatement  que  le  lieutenant 
général  de  police  était  trompé,  et  dénonça  avec  preuves  à  l'appui  deux 
maisons  de  jeux  encore  ouvertes  la  veille  :  celle  du  sieur  Herbert,,  au 
coin  de  la  rue  des  Fossés-Monsieur-Ie-Prince  et  de  celle  du  Théâtre- 
Français,  et  celle  de  la  fille  Benoit  (rue  de  Gléry),  soutenue  obstiné- 
ment par  le  sieur  Piquenon,  son  propriétaire  '. 

Il  était  difficile  d'être  bien  sévère  contre  le  jeu  au  gouvernement  de 
Louis  XVI.  On  sait  combien  le  jeu  de  la  reine  et  des  princes  était 
excessif.  Le  comte  d'Artois  perdit  une  nuit  800,000  livres  et  osa  le 
lendemain  demander  un  million  à  son  frère  pour  faire  la  somme 
ronde  :  cela  en  1787,  au  moment  où  le  trésor  était  aux  abois.  D'autre 
part,  la  loterie  royale  ou  plutôt  les  loteries  royales,  sous  prétexte  de 
constructions  utiles,  de  charité  publique,  etc.,  ne  rapportaient  pas 
moins  de  11,500,000  livres,  d'après  le  ministre  Necker.  Dès  le  début 
du  règne  (24  juillet  1775),  une  ordonnance  de  police,  visant  l'arrêt 
du  conseil  du  9  avril  175:2,  prohibait  la  vente  et  distribution  d'au- 
cuns billets  des  loteries  étrangères  (Bruxelles,  Cologne,  Manheim), 
pour  faire  droit  aux  plaintes  des  administrateurs  de  la  loterie  de 
l'École  militaire  2.  Cette  prohibition  fut  maintenue  à  l'avantage  de  la 
loterie  royale. 

MAITRES,  ÉCOLIERS  ET  PARENTS 

ORDONNANCE  de  police  du  5  fiévricr  1734. 

Sur  ce  qui  nous  a  été  remontré  par  le  procureur  du  roi,  qu'il  est  informé 
qu'au  préjudice  du  bon  ordre  et  de  la  discipline  publique,  quelques  pères  et 
mères  dont  les  enfants  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  sont  admis  aux  écoles  de 
charité  établies  dans  la  plupart  des  paroisses  de  cette  ville  et  des  faubourgs 
de  Paris,  se  portent  à  un  tel  excès  d'ingratitude  envers  les  maîtres  et  les  maî- 
tresses préposés  à  leur  instruction,  que  non  seulement  ils  osent  proférer 
contre  eux  journellement  des  injures  et  des  menaces,  mais  qu'aucuns  de  ces 
pères  et  mères  ont  eu  la  témérité  de  leur  faire  insulte,  souvent  même  dans 
leurs  classes,  et  pendant  le  temps  de  leurs  exercices.  Et  quoique  la  modéra- 
tion de  ces  maîtres  et  maîtresses  les  retienne  toujours  de  nous  en  porter  leurs 
plaintes,  il  n'est  pas  moins  juste  de  prévenir  les  mêmes  inconvénients  à  leur 
égard  et  de  les  mettre  en  état  de  continuer  leurs  instructions  avec  toute  la 
décence  et  la  tranquillité  convenables... 

Le  lieutenant  général  de  police  ordonne  en  conséquence  l'exécution 

1.  Le  6  mars,  note  Hardy  (t.  VIII,  p.  253),  trois  filles  du  monde  furent  arrêtées 
pour  tenir  des  jeux. 

2.  Arch.  nat.,  Y.  9499. 

■21 


418  POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS 

de  l'ordonnance  du  11  juillet  1731,  condamnant  les  contrevenants  à 
50  livres  d'amende  en  cas  d'insulte,  et  à  des  poursuites  extraordi- 
naires en  cas  de  voies  de  fait1. 

CAFÉS 

L'arrêt  du  Parlement  du  10  février  1724  fait  «  défenses  à  toutes  per- 
sonnes de  fréquenter  les  cabarets  et  cafés  pendant  la  nuit  et  autres 
heures  indues,  et  pendant  le  service  divin2»,  sous  peine  à  l'égard 
des  cabaretiers,  limonadiers  et  autres,  d'une  première  amende  d'au 
moins  50  livres  dans  les  villes  et  de  20  livres  dans  les  campagnes,  et 
à  l'égard  des  clients,  de  20 livres  et  de  5  livres.  La  récidive  ou  l'ha- 
bitude entraînaient,  pour  les  uns  et  pour  les  autres,  des  amendes 
plus  fortes,  et  même  la  prison  et  des  punitions  corporelles  non  spéci- 
fiées. Quant  aux  heures  prohibées,  elles  ne  sont  pas  expressément 
marquées;  le  Parlement  s'en  rapportait  sans  doute  aux  officiers 
de  police  et  à  l'usage  des  lieux. 

La  police  appliquait  à  cbaque  instant  cet  arrêt  s.  Les  maîtres  dis- 
tillateurs, marchands  d'eau-de-vie,  etc.,  reçurent  en  outre  la  défense 
expresse  de  louer  leur  maîtrise,  sous  peine  de  la  perdre,  et  de  prêter 
leur  nom  aux  débitants  limonadiers  ou  cafetiers  en  quelque  manière 
que  ce  fût  (27  octobre  1742).  Ainsi  le  débit  des  liqueurs  fut  rigoureu- 
sement subordonné  à  la  police.  Comme  les  cafés  étaient  devenus  des 
lieux  de  réunion  politique,  et  que  l'on  y  débitait  les  nouvelles,  les 
lieutenants  de  police  eurent  soin  d'y  entretenir  des  espions  ou  obser- 
vateurs; ceux-ci,  pour  30  à  150  livres  par  mois,  rendaient  compte 
des  conversations.  Mais  les  plus  utiles  et  les  moins  chers  étaient  les 
espions  sans  le  savoir,  auteurs,  avocats,  grands  parleurs  d'esprit  ou 
d'allure  indépendants  4.  La  police  se  servait  aussi  des  cafés  pour 
détruire  de  fausses  impressions  (ou  censées  telles),  dans  le  public, 


4.  Cette  ordonnance,  signée  Hérault,  est  dans  le  Dictionnaire  de  la  police,  de 
Le  Poix  de  Fréminville  (p.  283).  Cet  auteur  la  donne  comme  un  modèle  à  suivre 
dans  les  villages  :  «  car  il  y  a  des  pères  et  des  mères  idolâtres  dp  Leurs  enfants, 
qui  n'aiment  pas  qu'on  les  châtie.  »  Ainsi,  les  pères  et  mères  avaient  en  1734, 
comme  en  1731,  protesté  contre  les  mauvais  traitements  dont  leurs  enfants  étaient 
victimes  dans  les  écoles  de  charité. 

2.  Le  Poix  de  Fréminville,  Dictionnaire...  de  la  police,  p.  150.  —  Sont  visés 
dans  l'arrêt,  l'art.  4  de  l'ordonnance  de  1458,  l'ordonnance  de  Moulins  (art.  2  et 
82)...,  ledit  de  déc.  1566,  les  arrêts  du  Parlement  des  22  janv.  1672  et  15  décem- 
bre 171 1. 

3.  Exemple  :  Sentences  des  6  nov.  1725,  20  juillet  1742,  27  oct.  1742,  6  sep- 
tembre 1743,  etc. 

4.  La  Police  de  l'aria  en  1770  (mémoire  cité,  de  Leinaire),  p.  65. 


POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS  419 

pour  démentir  de  fausses  nouvelles  ou  des  nouvelles  qu'elle  voulait 
que  Ton  crût  fausses,  pour  en  donner  d'officielles  '.  Voici,  lorsque  les 
choses  avaient  lieu  ouvertement,  comment  elles  se  passaient  : 
«  M.  le  comte  de  Maurepas,  secrétaire,  d'Etat,  raconte  Barbier,  a 
écrit  à  M.  Hérault,  [lieutenant  général  de  police],  que  le  roi 
était  informé  qu'il  se  répandait  dans  Paris  qu'on  voulait  ôter  au 
Parlement  les  appellations  comme  d'abus,  créer  une  cbambre 
ecclésiastique  qui  en  aurait  la  connaissance,  laquelle  cbambre 
dégénérerait  ensuite  en  inquisition;  que  ce  n'était  point  là  l'in- 
tention du  roi,  et  que  M.  Hérault  eût  à  assembler  les  commis- 
saires de  Paris  pour  leur  donner  lecture  de  cette  lettre.  Cela  a  été 
fait  mardi  matin  (20  mai  1732),  et  M.  Hérault  leur  a  ordonné 
d'aller  dans  les  endroits  publics  où  l'on  s'assemble,  comme  les  cafés, 
pour  défendre  de  tenir  de  pareils  discours,  sous  peine  de  désobéis- 
sance. Les  maîtres  de  cafés  ont  été  chargés  d'en  avertir  ceux  qui  y 
entrent.  Ceci  est  une  espèce  de  manifeste  et  de  justification  de  la 
part  de  la  cour 2.  » 

Les  cafés  recevaient  trop  bonne  compagnie,  et  étaient  trop  utiles 
à  la  police,  pour  être  persécutés  par  elle.  Gbose  singulière  !  c'est  sur- 
tout aux  jeux  de  billard  qu'elle  en  veut  :  ces  jeux,  notons-le,  n'é- 
taient alors  que  l'amusement  du  peuple  ;  ils  n'étaient  fréquentés  que 
par  «  des  domestiques  ou  gens  de  bas  étage  ?  ». 

Le  monopole  des  jeux  de  billard  appartenait  aux  maîtres  paul- 
miers  (maîtres  des  jeux  de  paume),  sur  les  droits  corporatifs  desquels 
la  police  empècbait  les  cafetiers  et  limonadiers  de  rien  entreprendre. 

LOGEMENTS  GARNIS,  CABARETS,  DÉBAUCHE 

SENTENCE  de  police  qui  condamne  en  100  livres  d'amende  le  nommé  Etienne 
Friley,  logeur  et  tenant  chambres  garnies,  rue  du  Petit-Bourbon,  pour  avoir 
retiré  chez  lui  des  femmes  de  débauche  et  gens  sans  aveu,  et  n'avoir  point 
inscrit  sur  son  registre  différentes  personnes  logées  chez  lui'. 

SENTENCE  qui  défend  de  donner  retraite  à  des  filles  et  femmes  de  mauvaise 


1.  En  février  1723,  le  cardinal  Dubois  envoie  au  lieutenant  de  police  d'Argen- 
son  une  lettre  sur  la  santé  du  roi,  dont  copie  est  adressée  aux  commissaires 
«  avec  ordre  de  la  distribuer  dans  les  lieux  d'assemblée,  c'est-à-dire  les  cafés,  ce 
qui  a  été  fait  aussitôt  ».  (Barbier,  Journal,  t.  I,  p.  104.) 

2.  Barbier,  Journal,  t.  I,  p.  419. 

3.  [Jèze],  État  de  Paris  en  1760,  p.  183. 

4.  Signée  de  Marville.  (2  déc.  174G.)  —  L'arrêt  du  Conseil  du  22  déc.  1708  or- 
donnait la  tenue  des  registres  pour  les  garnis. 


4U20  POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS 

vie  et  ù  gens  sans  aveu;  condamne  le  nommé  Malteste,  cabaretier  aux 
Porcherons,  en  50  livres  d'amende,  et  à  tenir  son  cabaret  fermé  pendant  six 
mois1. 

Le  texte  décrit  la  descente  de  police  faite  de  nuit,  par  le  commis- 
saire Cadot,  chez  Malteste.  Hérault  a  de  sa  main  ajouté  en  marge 
de  la  sentence,  après  «  son  cabaret  fermé  »  les  mots  :  «  et  muré  ». 


SENTENCES    ANALOGUES    CONFIRMEES    PAR   LE    PARLEMENT 

Un  arrêt  du  Parlement  du  19  septembre  1783  «  confirme  les  sen- 
tences rendues  en  la  chambre  de  police  du  Châtelet  de  Paris,  qui 
condamnent  un  marchand  de  vin  en  différentes  amendes  pour  avoir 
donné  à  boire  à  des  heures  indues  et  être  contrevenu  aux  règlements 
concernant  les  logeurs,  et  lui  ont  fait  défenses  de  récidiver  sous 
plus  grande  peine2  ». 

SPECTACLES  ET  POIRES 

Une  ordonnance  de  police,  du  26  janvier  1743,  fait  défenses,  même 
aux  pages  du  roi  et  de  lareine,  d'entrer  dans  les  spectacles  sans  payer. 
—  Ils  ne  pourront  se  placer,  même  en  payant,  qu'au  parterre  ou  aux 
troisièmes  loges'. 

Une  ordonnance  de  police  du  5  juin  1733,  souvent  renouvelée, 
réprime,  à  la  foire  Saint-Laurent,  la  débauche  et  le  maquerellage 
des  prétendues  vendeuses  de  café  et  de  limonade 4. 

Les  propriétaires  des  maisons  mal  habitées  sont  tenus  comme  res- 
ponsables des  faits  et  gestes  de  leurs  locataires,  et  comme  punissa- 
bles 5,  parce  qu'ils  n'ont  loué  ainsi  que  pour  tirer  de  plus  forts  loyers. 
C'est  ainsi  qu'à  la  date  du  17  juin  1735,  est  affichée  une  «  ordon- 
nance portant  défenses  aux  propriétaires  et  locataires  des  maisons 
voisines  de  la  foire  Saint-Laurent  d'en  louer  aucunes  parties  pen- 
dant la  tenue  de  ladite  foire,  sans  la  participation  de  maître  Aubert, 


1.  Signée  Hérault,  21  juin  1732.  (Arch.  nat.,  Y.  9499.)  —  11  y  a  une  multitude  de 
sentences  analogues  à  toutes  les  époques,  sauf  toutefois  l'ordre  de  murer. 

2.  Collection  des  Arrêts  du  Parlement  (en  feuilles),  de  la  Bib.  mit.,  à  la  date. 

3.  Arch.  nat.,  Y.  9499. 

4.  Id.,  ibid. 

!i.  L'ordonnance  du  14  septembre  1420  faisait  défenses  à  tous  propriétaires  de 
louer  des  maisons  aux  femmes  dissolues,  à  peine  de  confiscation  des  maisons  et 
des  loyers.  L'usage  modifia  celte  ordonnance  draconienne,  et  la  police  se  con- 
tentait d'imposer  de  fortes  amendes  aux  contrevenants  (sentences  des  28  juin 
1731,  10  juin  1735,  23  mai  1740,  31  août  1742.  etc.). 


POLICE  DE  LA  RELIGION  ET  DES  MOEURS  421 

commissaire  préposé  à  cet  effet'  ».  —  Cette  ordonnance  reproche  à 
plusieurs  propriétaires  et  locataires  de  louer  à  des  hommes  et  à  des 
femmes  dîme  conduite  suspecte,  dont  le  commerce  de  bière  et  de 
café  ne  fait  qu'autoriser  une  débauche  publique. 

DANSES  ET  FÊTES  BALADOIRES 

«  Les  dimanches  et  les  fêtes,  soit  de  patrons  ou  autres,  sont  des 
jours  qu'il  convient  de  sanctifier  par  des  œuvres  pieuses,  et  l'on  ne 
doit  pas  les  passer  en  danses  et  en  baladineries,  qui  ne  peuvent  que 
distraire  les  fidèles  de  ce  qu'ils  doivent  à  Dieu,  à  la  religion  et  au 
prochain  par  le  bon  exemple.  Ces  sortes  de  divertissements  sont 
expressément  défendus  par  un  nombre  très  considérable  de  conciles 
et  par  une  foule  d'ordonnances  de  nos  rois  et  d'arrêts  et  règlements 
de  la  cour2.  » 

Cependant  l'Académie  royale  de  danse  avait  été  créée  par  lettres 
patentes  enregistrées  en  1664.  Mais  il  ne  pouvait  s'agir  que  de  la 
danse  noble,  artistique.  Les  académies  populaires  de  danse,  les  mai- 
sons ou  cabarets  où  l'on  donnait  à  danser  dans  la  journée,  le  diman- 
che, sont  fréquemment  visitées  et  fermées  par  la  police  :  ou  bien  les 
inspecteurs  et  les  exempts  font  payer  leur  tolérance. L'article  Danse, 
de  Y  Encyclopédie  méthodique  (Police  et  municipalité,  t.  I),  montre 
combien  les  mœurs  et  les  idées  différaient  des  lois  et  règlements  sur 
cette  matière. 

Les  rigoristes,  les  juristes,  citaient  saint  Thomas  :  «  Deliciarum 
cornes  atque  luxurix  saltatio.  »  Les  philosophes  voyaient  dans  la 
danse  un  amusement  inoffensif,  hygiénique,  utile  aux  mœurs  qu'il 
adoucissait,  propice  aux  unions  el  à  la  population. 

Pour  ne  rien  embellir,  il  faut  reconnaître  que  certains  maîtres  à 
danser  vivaient  de  la  prostitution  5. 

1.  Arch.  nat.,  Y.  9599.  —  Autres  ordonnances  analogues  pour  la  foire  Saint- 
Germain,  etc. 

2.  Eu  pareille  matière,  les  arrêts  du  Parlement  ne  se  référaient  plus  qu'à  l'ar- 
rêt de  règlement  des  Grands-Jours  de  Clermont,  du  14  déc.  1665,  et  à  celui  du  Par- 
lement lui-même,  du  •">  septembre  1667.  Cette  police,  d'abord  tout  ecclésiastique, 
fut  confirmée  par  le  roi  dés  le  début  du  XVIe, siècle  (Lettres  patentes  du  7  jan- 
vier 1720).  —  Le  Poix  de  Fréminville,  Dictionnaire...  de  la  police,  p.  313. 

3.  Sentence  de  police  du  20  mai  1740,  qui  condamne  le  nommé  Dubut  et  sa 
femme  en  cent  livres  d'amende...  Dubut,  maître  à  danser,  tenait,  depuis  plus  de 
vingt  ans,  une  maison  sise  rue  du  Petit-Lion,  rendez-vous  ordinaire  »  d'hommes, 
femmes  et  filles  de  mauvaise  vie,  soldats  aux  gardes  françaises  et  suisses;...  il 
paraît  dans  le  jour,  aux  fenêtres  de  cette  maison  sur  la  rue,  plusieurs  femmes 
et  filles  prostituées,  qui  s'y  donnent  comme  en  spectacle,  qui  font  des  signes  aux 


422  POLICE  DE  L'HYGIÈNE  PUBLIQUE 


III.  —  HYGIENE  PUBLIQUE 

Les  médecins  sont  régis  par  les  décrets  de  la  Faculté  qui,  elle-même, 
fait  partie  de  l'Université.  La  police  ne  tolère  les  entreprises  des  char- 
latans, ou  de  tous  ceux  qui,  sans  titre,  s'occupent  de  guérir,  que  par 
rapport  aux  malades  abandonnés  par  les  gens  de  l'art  ' .  Contre  les  pré- 
tendus devins,  magiciens,  sorciers,  distributeurs  de  remèdes  secrets 
et  de  drogues  dangereuses,  elle  applique  l'édit  de  juillet  1682,  registre 
au  Parlement  le  31  août  suivant.  Les  Arrêts  du  Conseil  du  25  octobre 
1728  et  du  17  mars  1732  mentionnent  l'avis  préalable,  et  stipulent  l'ac- 
tion particulière  du  lieutenant  général  de  police. 

L'Arrêt  du  Conseil  du  2o  octobre  1728  détendit  «  à  toutes  sortes  de 
personnes  de  distribuer  des  remèdes  sans  en  avoir  obtenu  de  nou- 
velles permissions  ».  Les  brevets,  permissions  et  privilèges  ci-devant 
obtenus  durent  être  rapportés  ou  envoyés  au  lieutenant  général  de  police 
Hérault,  pour,  après  examen,  «  être,  par  Sa  Majesté,  statué  ce  qu'il 
appartiendra,  tant  pour  la  confirmation  que  pour  la  révocation  desdits 
brevets,  permissions  et  privilèges  ».  Une  commission  de  médecins,  de 
chirurgiens  et  d'apothicaires,  fut  chargée  d'examiner  chaque  remède 
spécifique,  afin  d'éclairer  l'Administration  sur  ce  qu'elle  avait  à  faire. 

L'Arrêt  du  17  mars  1732,  concernant  la  discipline  des  trois  corps 
de  la  médecine  (médecins,  chirurgiens  et  apothicaires),  fut  rendu  sur 
le  vu  de  «  l'avis  du  sieur  Hérault,  conseiller  d'État,  lieutenant  général 
de  police  ».  Le  premier  médecin  du  roi  ne  put,  à  l'avenir,  expédier  ni 
délivrer  aucun  brevet  pour  la  distribution  de  remèdes  particuliers, 
qu'en  conséquence  d'une  délibération  signée  par  les  membres  de  la 
Commission  précédemment  instituée;  les  brevets  durent  spécifier  les 
cas  auxquels  les  remèdes  étaient  applicables,  et  ne  furent  valables 
que  pour  trois  ans;  ils  furent  enregistrés,  adressés  en  copie  aux  facul- 
tés. La  Commission  devait  également  être  consultée  en  cas  de  mala- 
die nouvelle  ou  d'épidémie.  Le  lieutenant  général  de  police  était  tenu 


passants;  »  il  on  sort.  «  qui  raccrochent  1rs  passants   dans  la  rue  ».  (Le  Poix  de 
Frérninville,  Dictionnaire  de  lapolice,  p.  :il2.) 

-1.  La  Police  en  1774  (mém.  de  Lemaire),  p.  90.  —  Quant  aux  chirurgiens,  l'or- 
donnance de  déc.  1666,  enregistrée  le  13, leur  enjoignaitde  déclarerdans  le  jour, 
au  commissaire  de  leur  quartier,  les  blessés  qu'ils  avaient  pansés  chez  eux  ou 
ailleurs  (sanction  :  200  livres  d'amende  la  première  l'ois;  interdiction  de  la 
maîtrise  pendant  un  an  pour  la  seconde  ;  et  privation  île  la  maîtrise  pour  la 
troisième).  Diverses  ordonnances  de  police  renouvellent  et  appliquent  ce  règle- 
ment (exemples:  5  nov.  171(1,  17  mai  1743).  Voy.  l'art.  130  des  statuts  des  chirur- 


POLICE  DE  L'HYGIÈNE  PUBLIQUE  423 

de  poursuivre  sévèrement  les  vendeurs  de  remèdes  en  contravention 
avec  les  ordonnances. 

Les  altérations  des  substances  alimentaires  regardent  aussi  la  police. 
Mais,  en  général,  ce  sont  les  corporations  intéressées  qui  interviennent 
en  pareil  cas  '.  Ainsi  le  corps  des  marchands  épiciers  se  plaint  de  la 
substitution  frauduleuse  de  Y  huile  d'œillet  {sic)  à  Yhuile  d'olive,  et,  sur 
leur  requête,  ceux  qui  débitent  la  première  sont  tenus  d'inscrire  sur  les 
cruches  les  mots  :  huile  de  pavot  dite  d'oeillet.  Cette  substance  étant 
considérée  comme  nuisible  à  la  santé,  ils  obtiennent  morne  qu'il  soit 
versé,  à  leurs  frais,  une  livre  d'essence  de  térébenthine  dans  chaque 
baril  d'huile  d'œillettc2.  Une  ordonnance  plus  raisonnable  était  celle 
qui  interdisait  aux  confiseurs,  officiers  de  maisons,  traiteurs,  etc., 
d'employer  des  couleurs  nuisibles  ou  dangereuses  dans  leurs  sucreries 
décoratives,  par  exemple  :  «  la  gomme-gutte,  les  cendres  bleues  et 
toutes  les  préparations  de  cuivre,  le  bleu  d'azur,  les  cendres  ou  chaux 
de  plomb,  le  minium,  le  vermillon  ou  plomb  rouge,  le  massicot,  l'or- 
piment »,  au  lieu  de  la  cochenille,  du  safran,  de  la  garnie,  du  curcuma, 
du  tournesol,  de  l'indigo,  et  autres  ingrédients  inoffensifs  ;. 

C'est  à  la  suite  et  à  l'occasion  de  sentences  et  d'ordonnances  de 
police  que  le  Parlement  ou  le  roi,  par  des  Arrêts  ou  des  déclarations, 
interviennent,  dans  certaines  circonstances,  pour  protéger  plus  effica- 
cement la  santé  publique.  Tels  sont  les  Arrêts  du  Parlement  du  21  juil- 
let 17844  et  du  23  avril  1783  5,  rendus  l'un  et  l'autre  sur  appels  de 

1.  Très  souvent,  la  police  interdit,  pour  raison  d'hygiène,  la  vente  des  melons 
(exemple  :  18  sept.  1144), celle  des  huîtres, etc.  En  17.il,  la  permission  de  vendre 
des  huîtres  ne  fut  donnée  que  le  13  décembre.  Aussi  en  arriva-t-il  qui  avaient  trop 
séjourné  dans  les  parcs,  et  de  nouvelles  interdictions  eurent  lieu.  —  Le  l'i  fé- 
vrier 173G,  la  police  interdit  de  vendre  de  la  glace  avant  le  1er  juin,  à  peine  de 
200  livres  d'amende  (pour  ménager  là  provision  qui  semblait  insuffisante.  (Arch. 
nat.,  Y.  9499.)  Cette  sollicitude  (est-il  besoin  de  le  noter  ?)  a  dû  servir  de  prétexte 
à  plus  d'une  spéculation;  et  ces  défenses  ont  pu  entraîner,  de  la  part  des  agents 
immédiats  de  surveillance,  plus  d'une  tolérance  intéressée.  —  Lorsque  la  police 
désigne  des  substances  alimentaires  altérées,  elle  emploie  la  formule  suivante  : 
indignes  d'entrer  dans  le  corps  humain. 

2.  Règlement  du  10  juillet  1742. 

3.  Ord.  de  Feydeau  de  Marville  (10  octobre  1742). 

4.  Arrêt  de  la  Cour  de  Parlement  du  21  juillet  1784,  qui  l'ait  défenses  à  André- 
Chavles-Claude  Legrand,  marchand  épicier,  à  Paris  [rue  Mouffetard,  vis-à-vis  les 
Gobelins],  de  récidiver  sous  peine  de  punition  exemplaire,  et  le  condamne  en 
500  livres  d'amende,  pour  être  par  lui  contrevenu  aux  lois  qui  défendent  aux 
épiciers  la  préparation,  manipulation  et  mixtion  des  drogues,  et  avoir  vendu  et 
débité  une  médecine  dans  laquelle  il  a  fait  entrer  du  basilicum  au  lieu  de  catho- 
licum.  [Sur  appel  de  la  sentence  du  lieutenant  général  de  police  du  26  mars  1784, 
visant  notamment  l'art.  G  de  la  déclaration  du  23  avril  1777,  registrée  en  la  Cour 
le  13  mai  suivant.] 

5.  Arrêt  du  Parlement  du  23  avril  1785,  qui  fait  défenses  à  François  Dacher  de 


424  POLICE  DE  L'HYGIÈNE  PUBLIQUE 

sentences  du  Ghâlelet;  telle  est,  d'un  autre  côté,  la  déclaration  du 
o  février  1787  '  «  portant  défenses  d'introduire  dans  les  vins,  cidres 
et  autres  boissons  quelconques,  la  céruse,  la  litharge  ou  toutes  autres 
préparations  de  plomb  ou  de  cuivre  ». 

NETTOIEMENT  DE  PARIS 

Le  morcellement  de  la  police  entre  la  Ville  et  le  Cbàtelet,  et  leurs 
prétentions  respectives,  donnaient  lieu  à  des  ordres  contradictoires  et 
à  des  conflits,  tout  administratifs  du  reste.  C'est  ce  que  témoignent, 
par  exemple,  les  lettres  suivantes  adressées  parLenoir  au  prévôt  des 
marchands2. 

nu  21  novembre  177G 

Le  nettoiement  de  Paris  est  un  des  objets,  Monsieur,  auxquels  je  donne  l'at- 
tention la  plus  particulière.  L'on  doit  s'en  être  aperçu  dans  ces  derniers  temps, 
où,  malgré  le  défaut  de  pluie  et  les  brouillards  qu'il  a  fait  ensuite,  et  qui  l'ont 
rendu  très  difficile,  ce  service  s'est  fait  avec  beaucoup  d'exactitude.  J'ai  môme 
rendu  et  fait  publier  une  ordonnance  de  police  que  les  circonstances  rendaient 
nécessaire.  En  général,  on  oblige  les  balayeurs  à  mettre  les  boucs  en  tas  au 
coin  des  bornes;  mais  cette  méthode  n'est  pas  possible  en  certaines  rues;  elle 
causerait  même  de  la  malpropreté  dans  d'autres,  principalement  à  la  proximité 
des  égoiils,  où  les  boucs  sont  toujours  liquides,  et  ne  feraient  que  s'étendre, 
si  on  les  mettait  sur  le  haut  du  pavé,  jusqu'à  ce  que  les  boueurs  passent  et  les 
enlèvent.  Il  leur  est  défendu  de  les  pousser  dans  les  égouts,  et  j'ai  soin  de  les 
punir  lorsqu'ils  contreviennent  et  que  j'en  suis  instruit.  C'est  tout  ce  que  doit 
désirer  le  bureau  de  la  Ville.  Il  ne  peut  prendre  connaissance  ni  du  service 
dont  les  boueurs  sont  chargés,  ni  de  celui  des  balayeurs.  Ce  serait  une  entre- 
prise sur  les  fonctions  de  ma  charge,  et  m'y  troubler  légèrement,  dans  un 
instant  où  tous  mes  soins  se  réunissent  pour  que  le  service  soit  mieux  fait. 
Les  assignations  données  aux  prétendus  contrevenants,  sur  le  procès-verbal 
dressé  par  les  huissiers  de  la  Ville,  ne  doivent  donc  avoir  aucune  suite,  sans 

vendre  et  distribuer  une  liqueur  qualifiée  Eau  stomachique  fondante  et  anti-dar- 
Ireuse  (Entre  François  Dacher,  appelant  d'une  sentence  criminelle  du  Chàtelet, 
du  29  oct.  1784,  et  le  sieur  Cadet,  membre  du  Collège  de  pharmacie  de  Paris,  de 
l'Académie  des  sciences,  chimiste  du  roi,  etc.,  auteur  d'un  article  du  Journal  de 
Paris,  1783,  n°  219,  où  il  signalait  dans  VEau  stomachique,  etc.,  la  présence,  de 
sublimé  corrosif).  —  Collection  de  la  15ib.  nat.,  aux  dates. 

1.  Isambert,  n°  2319. 

2.  En  tête  de  cette  minute,  on  lit  la  réflexion  suivante  du  bureau  de  la  Ville  : 
«  M.  le  lieutenant  de  police  prétendait  que  le  bureau  n'avait  pas  le  droit  d'em- 
pêcher les  balayeurs  et  autres  de  pousser  les  immondices  dans  les  égouts.  <>n 
lui  a  fait  voir  que  la  Ville  ayant  la  police  de  conservation,  elle  était  en  droit  de 
faire  ces  défenses,  ainsi  qu'elle  avait  toujours  fait;  et  il  s'est  rendu.  »  Celle  note 
n'est  pas  insérée,  cela  va  sans  dire,  au  registre  II.  1877,  des  délibérations  du 
bureau. 


POLICE  DE  L'HYGIÈNE  PUBLIQUE  42b 

guoi  il  s'élèverait  nécessairement  un  combat  d'autorité,  que  nous  chercherons 
toujours  à  éviter  l'un  et  l'autre.  D'ailleurs,  les  habitants  de  Paris  ne  peuvent 
être  traduits  en  deux  tribunaux  pour  le  même  fait,  et  il  est  possible  que  ceux 
assignés  au  bureau  de  la  Ville  l'aient  été  à  mon  audience,  et  même  condamnés; 
car  j'ai  prononcé  récemment  beaucoup  d'amendes  pour  contraventions  aux 
ordonnances  et  règlements  de  police  dont  l'exécution  m'est  spécialement  con- 
fiée. Je  vous  prie,  Monsieur,  de  me  faire  connaître  si  le  bureau  de  la  Ville  est 
ou  n'est  pas  dans  l'intention  de  suivre  les  procédures  commencées  sur  la  dénon- 
ciation de  ses  huissiers.  Je  me  verrais  obligé  de  maintenir  les  droits  de  juri- 
diction du  Châtelet  ;  mais  enfin,  Monsieur,  pourquoi,  au  lieu  d'agir,  de  combattre, 
d'introduire  des  conflits,  ne  pas  s'entendre,  ne  pas  s'avertir  réciproquement? 
Ce  sont  là  vos  vues,  vos  désirs  :  les  miens  y  sont  conformes.  Inspirez-les,  je 
vous  prie  encore,  à  tout  ce  qui  concourt  avec  vous  à  l'administration  de  la 
Ville.  J'ai  donné  des  ordres  pour  empêcher  que  les  boucs  ne  fussent  portées 
dans  les  égouls. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  un  respectueux  attachement,  Monsieur,  voire  très 
humble  et  très  obéissant  serviteur.  Signé  :  Lenoir1. 


Dt;  21  mars  1785 

Je  suis  instruit,  Monsieur,  que  des  gravalicrs,  nonobstant  les  permissions  de 
la  Ville  qui  leur  indiquent  des  lieux  pour  décharger  des  gravois,  vont  les  dépo- 
ser dans  diverses  rues  non  fréquentées  de  la  ville  et  des  faubourgs.  Je  vous 
prie  d'en  faire  insérer  des  défenses  expresses  dans  les  permissions  qui  seront 
délivrées.  De  mon  côté,  j'ai  fait  avertir  les  maîtres  que  je  les  rendrais  respon- 
sables des  contraventions  et  que  j'avais  donné  des  ordres  pour  emprisonner 
les  charretiers.  J'ai  l'honneur,  etc.  Signé  :  Lenoir2. 

Parmi  les  ordonnances  d'hygiène  publique  souvent  renouvelées, 
citons  celle  qui  interdisait  de  nourrir  «  aucuns  porcs,  lièvres,  lapins, 
pigeons  et  volailles,  dans  la  ville  et  faubourgs  de  Paris  5  ».  —  Quoique 
l'aménagement  des  fontaines  publiques  et  des  égouts  appartienne  à 
l'Hôtel  de  Ville,  ce  sont  principalement  les  commissaires  du  Châtelet 
et  leurs  exempts  qui  en  ont  la  surveillance;  mais  l'arrosage,  en  été, 
n'a  guère  lieu  que  sur  les  remparts  (boulevards)  qui  font  partie  du 
domaine  de  la  Ville,  et  sont  entièrement  de  son  ressort.  —  Les  gravats 
provenant  des  démolitions,  étant  jetés  à  la  Seine,  concernaient  la 
Ville;  mais  l'enlèvement  des  boues  et  immondices  dans  les  rues  était 
une  des  attributions  du  Châtelet;  il  avait  lieu  à  l'entreprise,  les  sous- 
entrepreneurs  étaient  des  jardiniers  et  cultivateurs  des  environs  de  la 
ville.  «  Un  homme  gagé,  dans  chaque  quartier,  part  tous  les  matins, 


1.  Arch.  nat.,  H.  1932. 

2.  Arch.  nat.,  H.  1956,  pièce  26. 

3.  Exemple  :  Ord.  du  22  mai  1733  (Hérault). 


426  POLICE  DE  L'HYGIÈNE  PUBLIQUE 

de  chez  le  commissaire  ancien,  une  demi-heure  avant  que  l'on  com- 
mence l'enlèvement  (sept  ou  huit  heures)  ;  il  avertit  avec  une  sonnette, 
dans  les  principales  rues,  de  faire  le  balayage,  qui,  de  cette  manière, 
se  fait  partout  en  même  temps  '.  »  Mais  c'était  aux  bourgeois,  etc.,  à 
faire  balayer  devant  leurs  maisons. 

ORDONNANCE  do  police  du  12  novembre  1776  2. 

Sur  ce  qui  nous  a  été  représenté,  parle  procureur  du  roi,  que  le  défaut  de  pluie 
et  les  brouillards  ont  rendu  plus  difficiles  depuis  quelques  jours  le  balayage  et 
le  nettoiement  des  rues;  que,  le  pavé  se  trouvant  couvert  d'un  amas  de 
poussière  qui  depuis  s'est  convertie  en  une  boue  épaisse,  les  habitants  sont 
exposés,  en  marchant,  à  des  chutes  qui  peuvent  être  dangereuses;  et  comme 
il  est  du  devoir  de  son  ministère  de  veiller  à  tout  ce  qui  peut  concourir  à  la 
salubrité  de  l'air  et  à  la  sûreté  des  habitants  de  cette  capitale...  En  conséquence, 
enjoignons  à  tous  bourgeois  et  habitants  de  la  ville  et  faubourgs  de  Paris 
de  faire  balayer  régulièrement,  aux  heures  prescrites,  devant  leurs  maisons, 
cours,  jardins  et  autres  emplacements  dépendants  des  lieux  qu'ils  occupent,  jus- 
qu'au ruisseau,  même  la  moitié  des  chaussées;  et,  attendu  les  circonstances,  de 
réitérer  le  balayage  s'ils  en  sont  requis  par  le  commissaire  du  quartier;  comme 
aussi  de  se  servir  d'outils  et  d'instruments  de  fer  pour  détacher  de  dessus  le 
pavé  les  boues  et  immondices,  et  ensuite  de  balayer  pour  les  mettre  en  tas; 
leur  enjoignons  aussi  de  jeter  ou  faire  jeter  de  l'eau  propre  sur  le  pavé,  à  l'ef- 
fet de  laver  les  rues  et  ruisseaux,  et  enfin  de  procurer  les  facilités  nécessaires 
pour  que  l'entrepreneur  du  nettoiement  puisse  enlever  les  ordures  et  immon- 
dices. Mandons,  etc. 

Signé  :  Lenoir. 

L'article  193  de  la  Coutume  de  Paris  enjoignait  à  tout  propriétaire 
d'avoir  dans  sa  maison  des  latrines  privées  ou  fosses  d'aisances. 
Divers  arrêts,  sentences  et  règlements  de  police  du  XVIe  siècle  confir- 
mèrent cet  article,  et  lui  donnèrent  comme  sanction  la  saisie  des 
loyers,  et  même  l'emprisonnement.  A  l'égard  des  gens  de  main-morte, 
les  loyers  pouvaient  être  confisqués  pendant  dix  ans.  Au  XVIIe  siècle, 
l'Arrêt  de  règlement  du  Parlement  du  30  avril  1063  (art.  23),  l'édit  de 
décembre  1666,  renouvellent  les  anciennes  prescriptions.  La  plupart 
des  sentences  de  police,  au  XVIIIe  siècle,  concernent  les  réparations  à 
faire  à  d'anciennes  latrines,  ou  les  maisons  des  nouveaux  quartiers, 
comme  le  faubourg  Montmartre  3. 

L'hygiène  publique  se  trouve  souvent  aux  prises  avec  de  vieilles 


1.  La  Police  de  Paris  en  1770,  p.  102. 

2.  Arch.  nat.,  Y.  94'99.  —  Le  30  avril  1663,  quatre  ans  avant  la  création  de  la 
lieutenance  de  police,  le  Parlemenl  avait  rendu  un  arrêt  concernant  le  balayage 
du  devant  îles  maisons. 

:i.  Sentence  de  police,  signée  Hérault,  du  4  juin  1734. 


POLICE  DE  L'HYGIENE  PUBLIQUE  i27 

habitudes  populaires  ou  religieuses,  et  aussi  avec  les  droits  de  la  pro- 
priété privée  (car  l'ancien  régime  n'avait  pas  de  loi  sur  l'expropria- 
tion pour  cause  d'utilité  publique).  A  ces  divers  points  de  vue,  la  fer- 
meture du  cimetière  des  Saints-Innocents  est  un  des  épisodes  les  plus 
significatifs  de  l'histoire  de  la  police. 

RAPPORT 
DU  LIEUTENANT  GÉNÉRAL  DE  POLICE  AU  PARLEMENT 

SUR   LE    CIMETIÈRE   DES    INNOCENTS  ' 

Messieurs,  L'état  du  cimetière  des  Innocents  ayant  excité,  au  mois  de  mai 
dernier,  les  plaintes  des  habitants  des  maisons  voisines,  il  fut  lors  constaté, 
par  des  procès-verbaux  et  par  des  informations,  que  les  caves  de  ces  maisons 
étaient  infectées  d'une  vapeur  méphitique,  que  plusieurs  ouvriers  qui  y  avaient 
travaillé  étaient  en  danger  de  mort,  qu'enfin  on  ne  pouvait  pénétrer  dans  ces 
caves  pour  en  retirer  les  marchandises,  parce  que  la  lumière  des  flambeaux  ne 
pouvait  résister  à  la  force  de  la  vapeur  qui  y  était  répandue.  Des  commissaires 
au  Châtelet  tentèrent  en  vain  d'y  pénétrer;  il  fallut  employer  les  moyens  récem- 
ment imagines  par  les  chimistes,  c'est-à-dire  le  secours  du  feu,  pour  s'in- 
troduire dans  ces  souterrains.  Les  informations  ont  confirmé  ce  que  les  procès- 
verbaux  avaient  annoncé,  et  elles  contiennent  le  vœu  des  habitants  entendus 
pour  la  suppression  de  ce  cimetière. 

La  Faculté  de  médecine,  appelée,  ayant  nommé  quinze  commissaires,  ils  se 
sont  transportés  sur  les  lieux,  et,  après  avoir  fait  les  expériences  qu'ils  ont 
jugées  nécessaires,  ils  ont  donné  leur  rapport  qui,  depuis,  a  été  unanimement 
approuvé  par  une  délibération  de  la  Faculté  de  médecine.  Il  en  résulte  : 

1°  Que  l'air  du  cimetière  des  Innocents  est  absolument  infect  et  malsain; 

2°  Que  cette  infection,  cette  insalubrité,  reconnaissent  pour  cause  principale 
la  nature  même  du  sol  qui  n'est  qu'un  monceau  de  substances  animales  pétri- 
fiées 2  ; 

3°  Que  toutes  les  causes  accessoires  ne  font  qu'aggraver  celle-ci; 

4°  Que  toutes  ces  causes  subsisteront,  s'accroîtront  même  nécessairement, 
tant  que  ce  terrain  sera  cimetière  ; 

5°  Que  le  seul  moyen  d'en  arrêter  les  progrès  serait  de  l'interdire. 

Les  commissaires  ajoutent  que  les  vues  de  leur  Compagnie  se  sont,  même 
de  tout  temps,  portées  beaucoup  plus  loin,  qu'elle  n'a  cessé  de  former  des 
vœux  pour  que  tous  les  cimetières  soient  bannis  de  l'enceinte  des  villes,  et 
qu'elle  en  donna  plusieurs  fois  le  conseil  au  Parlement  dans  les  XVe  et  XVIe 
siècles. 

Sur  la  connaissance  que  la  Cour  a  prise  des  procès-verbaux,  rapports  et 
informations,  elle  a,  sur  la  requête  de  M.  le  procureur  général,  par  arrêt  du 
4  septembre  de  cette  année,  entre  autres  choses,  «  fait  défense  de  faire  aucune 
inhumation  dans  le  cimetière  de  la  paroisse  des  Innocents  après  le  1er  novembre 


1.  Arch.  nat.,  X  1b  8975  :  mardi,  S  déc.  1780. 

2.  Lire  :  putréfiées. 


428  POLICE  DE  L'HYGIÈNE  PUBLIQUE 

de  la  présente  année  »,  et  ordonné  que  «  les  curé,  marguilliers  et  habitants  de 
ladite  paroisse  et  des  autres  paroisses  de  cette  ville  qui  étaient  dans  la  posses- 
sion de  se  servir  dudit  cimetière,  seraient  tenus  de  se  pourvoir  pour  faire  dans 
d'autres  terrains,  qui  seraient  choisis  et  destinés  à  cet  effet,  les  inhumations 
qui  surviendraient  à  faire  dans  lesdites  paroisses,  et  que,  par  le  lieutenant 
général  de  police,  il  serait  continué  d'être  pourvu  pour  prévenir  tous  les  incon- 
vénients qui  pourraient  résulter  dudit  cimetière  pour  la  salubrité  de  l'air, 
ensemble  pour  la  clôture  d'icelui  après  ledit  premier  jour  de  novembre. 

Mais,  à  l'expiration  du  délai  porté  par  cet  arrêt,  quelques-unes  des 
paroisses  auxquelles  il  avait  été  signifié,  n'ayant  pu  être  pourvues 
d'autres  cimetières,  la  Cour  a  bien  voulu,  par  son  arrêt  du  27  octobre  : 

Proroger  jusqu'au  premier  du  présent  mois  le  délai  porté  par  l'arrêt  du  4  sep- 
tembre, à  l'égard  seulement  des  curés  et  marguilliers  des  paroisses  qui,  soit 
par  des  acquisitions  de  nouveaux  terrains,  soit  par  des  accommodements  ou 
emprunts  de  territoires  en  d'autres  cimetières  voisins,  n'auraient  pas  encore 
pu  se  conformer  audit  arrêt  du  4  septembre,  et  néanmoins  leur  aurait  enjoint 
de  se  conformer  audit  arrêt  audit  jour  1er  décembre,  et  ordonné  que  le  lieu- 
tenant général  de  police  serait  tenu  de  veiller  à  l'exécution  tant  de  l'arrêt  du 
4  septembre  que  de  celui  dudit  jour  27  octobre,  et  d'en  rendre  compte  cà  la 
Cour  à  ce  jour  d'hui. 

Nous  avons  la  satisfaction  de  l'informer  que  ses  arrêts  ont  reçu  leur  exécu- 
tion, que  toutes  les  paroisses  qui  étaient  en  possession  de  se  servir  du  cime- 
tière des  Innocents  sont  maintenant  pourvues,  par  emprunt,  de  territoires  et 
d'autres  cimetières  ou  autrement  de  lieux  et  terrains  où  elles  pourront  faire 
les  inhumations  qui  surviendront  à  l'avenir. 

Voici  l'état  de  ces  paroisses  et  les  nouveaux  cimetières  où  dorénavant  se 
feront  les  inhumations  qui  se  faisaient  au  cimetière  des  Innocents  : 

Saint-Eustache.  —  Cimetière  de  Saint-Joseph  et  du  faubourg  Montmartre. 

Saint-Leu.  —  Cimetière  de  l'Hôpital  de  la  Trinité. 

Saint-Jacques-de-la-Bouckerie.  —  Saint-Sauveur. 

Les  Suivis-Innocents.  —  Saint-Sauveur. 

Saint-Pierre-aux-Bœufs.  —  Caveau  cul-dc-sac  de  Sainte-Marine. 

Sainte-Marine.  —  Même  caveau. 

Hôpital  du  Saint-Esprit.  —  Même  caveau. 

Saint-Josse.  —  Cimetière  de  Saint-Jean  en  Grève. 

Hôtel-Dieu.  —  Clamart. 

Hôpital  de  Sainte-Catherine.  —  Clamart. 

Sainte-Madeleine  en  la  Cité.  —  L'église. 

Saint-Louis-du-Louvre.  —  L'église. 

Saint-Sépulcre.  —  L'église. 

Saint-Barthéle.my.  —  Chapelle  basse  de  Saint-Luc, 

Saint-Cermain-le-V  ieux.  Id. 

Saint-Pierre-des-Areis.  Id. 

Sainte-Croix  en  la  Cité.  Id. 

Saint-Méry.  —  Cimetière  Saint-Nicolas-des-Champs. 


POLICE  DE  L'HYGIÈiNE  PUBLIQUE  429 

Saint-Germain-l'A  uxerrois 1 

Sainte- Opportune.  —  Cimetière  de  Saint-Jean  en  Grève. 

Par  le  relevé  qui  en  a  été  fait,  on  a  supputé  qu'année  commune  on  inhumait 
environ  2,-iOO  corps. 

Il  faut  observer  à  la  Cour  que  plusieurs  paroisses  qui  ont  des  cimetières 
particuliers  appartenant  aux  églises  et  fabriques  n'ont  consenti  à  prêter  leur 
territoire  que  pour  un  temps  limité.  Mais  les  religieuses  de  Sainte-Catherine, 
propriétaires  du  terrain  faubourg  Saint-Martin,  le  destinent,  du  consentement 
de  monsieur  l'archevêque,  à  un  cimetière  :  et  les  paroisses  de  Saint-Nicolas  et 
de  Saint-Méry  pourront,  à  ce  que  nous  espérons,  avant  le  temps  porté  par  les 
délibérations  de  la  paroisse  Saint-Nicolas,  user  de  ce  cimetière  que  l'on  va 
clore  incessamment. 

Ainsi,  nous  pouvons  donner  cette  assurance  à  la  Cour  que  le  cimetière  des 
Innocents  est  présentement  fermé,  et  qu'il  n'y  sera  plus  fait  aucune  inhumation. 
Mais  il  est  des  précautions  à  prendre  pour  que  ce  terrain,  dont  l'état  se  trouve 
décrit  dans  le  rapport  des  commissaires,  ne  cause  une  infection  continuelle 
et  préjudiciable  aux  maisons  qui  en  sont  voisines.  Nous  y  étant  transportés  der- 
nièrement, nous  avons  remarqué  que  plusieurs  maisons  de  la  rue  de  la  Fer- 
ronnerie ont  des  vues  sur  ce  cimetière,  et  que  les  habitants,  par  les  ordures 
et  immondices  qu'ils  jettent  de  leurs  fenêtres,  n'ont  pas  peu  contribué  aux 
exhalaisons  fétides  qui  en  sortent.  Les  précautions  prises  par  les  propriétaires 
de  ces  maisons  étant  insuffisantes,  nous  nous  proposons  de  défendre  aux  ha- 
bitants de  jeter  leurs  ordures  par  les  fenêtres  et  leur  enjoindre  de  se  servir  des 
plombs  adossés  aux  murs  de  leurs  maisons  sous  telles  peines  qu'il  appartiendra 
contrôles  contrevenants. 

Nous  prenons  la  liberté  de  représenter  à  la  Cour  que  plusieurs  paroisses  se 
trouvant  très  éloignées  des  cimetières  dont  elles  pourront  faire  usage,  seront 
gênées  et  fatiguées,  si  elles  ne  peuvent  transporter  les  corps  par  des  moyens 
plus  faciles  que  ceux  accoutumés,  c'est-à-dire  la  voie  des  porteurs.  On  nous  a 
indiqué  la  voie  des  carrioles  ou  corbillards  comme  un  moyen  plus  facile,  plus 
décent,  sans  être  plus  dispendieux.  Il  serait  indispensable  d'avoir  recours  à 
ce  moyen,  si  le  vœu  que  nous  formons  avec  la  Faculté  et  avec  le  plus  grand 
nombre  des  citoyens  de  cette  capitale,  de  voir  les  cimetières  éloignés  de  l'en- 
ceinte des  villes,  peut  un  jour  se  réaliser. 

Nous  attendons  avec  respect  ce  qu'il  plaira  à  la  Cour  d'ordonner  ultérieu- 
rement. 

Le  Parlement  se  montra  satisfait  des  premiers  résultats  obtenus. 
Mais  il  reconnut  «  avec  douleur  »  que  les  inhumations  ne  pouvaient 
se  faire  que  par  emprunt  de  territoires.  11  prit  un  arrêt,  séance  tenante, 
pour  que  toutes  les  pièces  auxquelles  le  compte-rendu  du  lieutenant 
général  faisait  allusion,  fussent  remises  aux  gens  du  roi. 

1.  Ici,  une  lacune.  Probablement  «  l'église  ». 


430  POLICE  DE  LA  VOIRIE 


IV.  —  VOIRIE 


Les  alignements,  les  ouvrages  saillants  des  maisons ,  le  pavé  des 
rues  et  places  publiques,  étaient  sous  la  direction  de  l'intendant  des 
finances  préposé  au  département  du  domaine  royal,  et  sous  l'inspection 
du  tribunal  des  trésoriers  de  France  appelé  aussi  Bureau  des  finances, 
et  dont  le  ressort  comprenait  toute  la  généralité. 

Mais  la  déclaration  du  18  juillet  1729,  registrée  en  Parlement,  le 
5  septembre  173(5,  donna  au  lieutenant  général  de  police  et  aux  48  com- 
missaires de  quartier  les  droits  les  plus  étendus,  en  ce  qui  concernait 
«  les  maisons  et  bâtiments  de  la  ville  de  Paris  étant  en  péril  immi- 
nent ».  Les  commissaires  font  assigner  les  propriétaires  sur  la 
requête  du  procureur  au  Cbàtelet  ;  en  cas  de  non-comparution  et  après 
expertise,  les  réparations  sont  commencées  et  poursuivies  d'office; 
enfin  les  commissaires  sont  juges  des  cas  tout  à  fait  urgents,  qui  ne 
comportent  aucune  formalité.  —  Souvent  de  Cbàtelet  dispute  aux  tré- 
soriers de  France  leur  juridiction,  comme  dans  la  sentence  du  20  juillet 
17  40  «  concernant  la  construction,  réédification  et  réparation  des  mai- 
sons et  bâtiments  faisant  encoignure  de  quelques  places,  carrefours, 
rues,  ruelles  et  culs-de-sac  ».  Le  Parlement  eut  maintes  fois  à  décider 
entre  le  Châtelet  et  le  Bureau  des  finances.  Le  dernier  arrêt  de  ce 
genre  est  de  1780. 

ARRÊT  de  la  Cour  de  Parlement  rendu  entre  les  officiers  du  Châtelet  de  Paris 
et  les  officiers  du  Bureau  des  finances,  qui  maintient  les  officiers  du  Châtelet, 
exclusivement  à  tous  autres  juges,  dans  l'exercice  de  la  police,  dans  les 
rues,  places  publiques  et  carrefours  de  la  ville  et  faubourgs  de  Paris,  notam- 
ment en  ce  qui  concerne  le  nettoiement,  l'enlèvement  des  immondices,  le 
rangement  des  matériaux,  tonnes,  tonneaux  et  autres  marchandises  d'épicerie 
et  denrées  de  toutes  espèces,  ensemble  les  échoppes,  étalages,  et  la  liberté 
de  la  voie  publique  ; 

Ordonne  que  les  officiers  du  Bureau  des  finances  connaîtront  de  ce  qui 
concerne  les  alignements  et  constructions  des  bâtiments  et  autres  ouvrages 
saillants  des  maisons; 

Ordonne  en  outre  que  le  lieutenant  général  de  police  et  les  officiers  du 
Bureau  des  finances  connaîtront  concurremment,  et  par  prévention,  des  périls 
imminents  des  maisons  et  bâtiments  de  la  ville  et  faubourgs  de  Paris,  en  ce 
qui  regarde  les  murs  ayant  face  sur  rue,  et  tout  ce  qui  pourrait ,  par  la  chute 
desdites  maisons  et  murs,  nuire  à  la  sûreté  ou  à  la  voie  publique. 

(Extrait  des  registres  du  Parlement  du  8  avril  1780  '.) 

Les  maîtres  maçons  et  entrepreneurs  ne  peuvent  commencer  aucun 
i.  Pièce  in-4°  de  15  pages,  Simon. 


POLICE  DE  LA  VOIRIE  431 

bâtiment  sans  au  préalable  s'être  retirés  par  devers  le  commissaire 
ancien  de  quartier,  pour  avoir  de  lui  un  emplacement  convenable 
pour  leurs  matériaux  et  décombres  '. 

Enfin,  l'enregistrement  des  lettres  patentes  pour  l'ouverture  de 
nouvelles  rues  ne  se  fait  jamais  au  Parlement  sans  un  Avis  préalable 
du  lieutenant  général  de  police  2.  En  voici  un,  du  15  février  1787  3  : 

Vu  par  nous,  Louis  Thiroux  de  Crosne,  lieutenant  général  de  police  de  la 
ville,  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  et  Erançois-Antoine  de  Flandre  de  Brun- 
ville,  procureur  du  roi  au  Chàtelet ,  les  lettres  patentes  accordées  par  Sa 
Majesté,  données  à  Versailles  le  2  septembre  dernier  signées  Louis,  et  plus 
bas  par  le  roy,  le  baron  de  Breteuil,  avec  griffe  et  paraphe,  et  scellées  du 
grand  sceau  de  cire  jaune,  par  lesquelles  la  dame  veuve  de  M.  de  Boynes , 
ministre  d'État,  tant  en  son  nom  que  comme  tutrice  de  ses  enfants  mineurs, 
est  autorisée  à  faire  ouvrir  trois  nouvelles  rues  sous  les  noms  de  rue  de  Bre- 
teuil, rue  de  Boynes  et  rue  de  Crosne,  sur  le  terrain  de  l'hôtel  de  Boynes,  sis 
rue  du  Faubourg-Saint-Martin ,  et  ce  conformément  au  plan  attaché  sous  le 
conlre-sccl  desdites  lettres  patentes  ;  ledit  plan,  l'arrêt  du  Parlement  du  2  dé- 
cembre dernier  portant  que  lesdites  lettres  patentes  et  ledit  plan  seront  com- 
muniqués à  Nous,  à  MM.  les  trésoriers  de  France  et  procureur  du  roi  au 
bureau  des  finances  et  chambre  du  domaine  y  réunie  de  la  ville  de  Paris,  et  à 
MM.  les  prévôt  des  marchands,  échevins  et  procureur  du  roi  au  bureau  de  la 
Ville,  pour  donner  respectivement  son  avis  sur  l'ouverture  des  trois  nouvelles 
rues  dont  il  s'agit;  pour  le  tout  l'ait,  rapporté  et  communiqué  à  Monsieur  le 
procureur  général,  être  par  lui  pris  telles  conclusions,  et  par  la  Cour  ordonné 
ce  qu'il  appartiendra;  l'avis  desdits  sieurs  officiers  du  bureau  des  finances  du 
2  janvier  de  la  présente  année,  et  celui  de  MM.  les  officiers  du  bureau  de  la 
Ville  du  23  du  même  mois. 

Pour  satisfaire  audit  arrêt  du  2  décembre  dernier,  qui  nous  ordonne  de 
donner  notre  avis  : 

Nous  avons  l'honneur  d'observer  à  la  Cour  que  la  formation  et  l'ouverture 
des  trois  nouvelles  rues  désignées  par  les  lettres  patentes  du  2  septembre 
dernier  et  tracées  sur  le  plan  y  annexé ,  paraissent  très  propres  à  faciliter  et 
multiplier  les  communications  du  faubourg  Saint-Martin  avec  le  faubourg  du 
Temple,  et  qu'il  n'en  peut  résulter  que  des  avantages  certains  pour  la  circula- 
tion et  la  commodité  publiques.  Pour  quoi,  notre  avis  est,  sous  le  bon  plaisir 
de  la  Cour,  que  lesdites  lettres  patentes  peuvent  être  enregistrées  pour  être 
exécutées  selon  leur  forme  et  teneur.  Fait  ce  15  février  1787. 

De  Crosne.  De  Flandre  de  Brunville. 

ORDONNANCE   de  police  du  6  mai  1769  portant  défense  de  laisser  sur  le 


t.  Sentence  signée  Hérault,  du  28  juin  1734. 

2.  Et  aussi  du  prévôt  des  marchands  (en  général). 

3.  Arch.  nat.,  Y.  9500.  —  Voyez,  dans  la  même  liasse,  lavis  pour  l'ouverture 
de  la  rue  «  Neuve -de -Montmorency  »,  entre  les  rues  Feydeau  et  Saint-Marc 
(8  mai  1789). 


432  POLICE  UE  LA  VOIRIE 

carreau  et  dans  les  rues  des  cosses  de  pois  et  de  fèves,  et  des  pieds  et  feuilles 
d'artichauts  (sous  peine  de  50  livres  d'amende). 

Elle  vise  les  ordonnances,  arrêts  et  règlements  antérieurs  des  2  août 
1739,  25  juin  1641,  24  juillet  1642,  30  avril  1663,  4  juin  1007,  12  juin 
1071,  15  juin  1078,  et  plusieurs  autres.  La  jurisprudence  policière 
semblera  sans  doute  suffisamment  établie  sur  un  pareil  objet r. 

ORDONNANCE  de  police  du  28  novembre  1771  sur  la  liberté  et  la  commodité 
de  la  voie  publique  (18  articles). 

Elle  vise  les  règlements  des  30  janvier  1356,  novembre  1539,  dé- 
cembre 1007,  19  novembre  1006,  22  mars  1720  2. 

ORDONNANCE  de  police  de  Lcnoir  du  31  juillet  1779,  qui  interdit  les  éta- 
lages dans  les  rues  et  places  publiques,  à  peine  de  100  livres  d'amende,  défend 
aux  propriétaires,  fermiers  et  placiers  des  marches,  d'en  souffrir  aux  environs 
de  leurs  marchés,  et  de  recevoir  aucuns  droits  de  qui  que  ce  soit,  autres  que 
de  ceux  qui  seront  dans  l'intérieur  des  marches'. 

ORDONNANCE  de  police  du  14  septembre  1745,  qui  défend  de  jouer  dans 
les  rues  ou  places  publiques  au  volant,  au  bâtonnet,  aux  quilles,  ni  même 
d'élever  des  cerfs-volants  et  autres  jeux,  dont  les  passants  puissent  être  incom- 
modés ou  blessés,  ou  les  lanternes  publiques  cassées,  à  peine  de  200  livres 
d'amende*. 

C'est  en  général  le  lieutenant  de  police  qui  est  commis  pour  acquérir 
au  nom  du  roi  les  immeubles  ou  emplacements  nécessaires  aux  tra- 
vaux de  voirie.  Par  exemple,  le  7  septembre  1780  s,  par  convention 
entre  le  propriétaire  et  M.  Thiroux  de  Crosne ,  est  achetée  pour 
43,000  livres  une  maison  sise  à  Paris,  adossée  au  mur  des  ebarniers 
du  cimetière  des  Innocents,  ayant  pour  enseigne  :  les  Quatre-Vents... 

Mouvance.  —  Ladite  maison  est  en  la  censive  et  mouvance  de  Sa  Majesté,  et 
vers  le  domaine  de  Paris  chargée  de  13  livres  1  denier  de  cens  et  rente;  plus 
chargée  envers  le  chapitre  de  l'église  métropolitaine  de  Paris,  à  cause  du  cha- 
pitre de  Saint-Cermain-l'Auxerrois  qui  y  est  uni,  de  1  sol  3  deniers  de  cens  et 
d'une  rente  de  20  livres  par  an,  moyennant  lesquels,  par  acte  passé  devant 
Plastrier  et  son  confrère,  notaires  à  Paris,  le  10  mai  1641,  ledit  chapitre  de 
Saint-Germain-l'Auxcrrois  a  délaissé  à  Jacques  de  Beaugé,  lors  propriétaire 
de  ladite  maison,  la  propriété  du  dessus  du   charnier  des  Saints-Innocents  à 

1.  Arch.  nat.,  Y.  9499. 

2.  Ibid. 

3.  K.  1052. 

4.  Arch.  nat,,  Y.  9499. 

5.  Arch.  nat.,  X  1b  8985. 


POLICE  DE  LA  VOIRIE  433 

l'endroit  de  ladite  maison  ;  et  enfin  chargée  de  20  livres  de  rente  envers 
l'Hôtel-Dieu,  moyennant  laquelle,  par  acte  passé  devant  Lemoine  et  son  con- 
frère, notaires  à  Paris,  le  19  juin  1643,  les  sieurs  administrateurs  de  l'Hôtel- 
Dieu  ont  accordé  audit  Jacques  de  Bcaugé  la  permission  de  construire  un 
plancher  de  4  pieds  d'avance  sur  19  pieds  de  long  sur  le  terrain  dudit  char- 
nier des  Saints-Innocents. 

Les  translations  des  marchés  se  font  par  lettres  patentes,  mais  celles- 
ci  mentionnent  Lavis  et  la  demande  des  «  officiers  chargés  de  la 
police  dans  la  ville  de  Paris'  ». 

EXTRAIT  de  l'ordonnance  de  police  du  5  octobre  1770. 

...  Depuis  quelques  années,  les  lundis  de  chaque  semaine,  des  fripiers  et 
autres  gens  vendant  du  vieux  s'attroupent  en  si  grand  nombre  dans  la  place  de 
Grève  et  rues  adjacentes  que  la  voie  publique,  et  notamment  l'endroit  destiné 
aux  carrosses  de  place,  se  trouvent  embarrassés  au  point  qu'eux  et  le  public 
sont  exposés  à  être  blessés  par  les  voilures.  Indépendamment  de  l'embarras 
que  causent  ces  gens  les  lundis,  ils  se  rendent  sur  la  place  de  Grève  dès  le 
dimanche,  pour  y  retenir  des  places  pour  le  lendemain,  et  y  passent  le  restant 
de  la  journée  et  la  nuit  du  dimanche  au  lundi  ;  celte  retenue  de  prétendues  places 
occasionne  entre  eux  et  avec  les  cochers  pendant  une  partie  de  la  nuit,  et  dès 
le  matin  avec  les  manœuvres  et  compagnons  maçons  qui  sont  dans  l'usage  de 
se  rendre  sur  cette  place  pour  se  louer,  des  querelles  et  des  disputes  qui 
troublent  le  repos  et  la  tranquillité  des  habitants  du  quartier  ;  pour  mettre  eux 
et  leurs  marchandises  à  l'abri  de  l'humidité  du  pavé,  ils  apportent  avec  eux 
quantité  de  paille  sur  laquelle  ils  se  mettent  et  étalent  leurs  marchandises,  et 
laissent  ces  pailles  sur  la  place,  lorsqu'ils  la  quittent  le  lundi  au  soir. 

L'ordonnance  leur  fixe  des  heures,  sept  heures  du  matin  du 
1er  avril  au  1er  octobre,  et  huit  heures  du  1er  octobre  au  1er  avril2. 

ORDONNANCE  de  (?)  février  1776,  qui  enjoint  à  tous  ceux  qui  occupent  des 
maisons  tant  sur  les  ponts  de  cette  ville  que  sur  les  quais  sur  pilotis,  d'en 
déloger  au  moment  de  la  publication  de  la  présente  ordonnance,  et  d'en  faire 
enlever  leurs  meubles  et  autres  effets  à  peine  de  300  livres  d'amende  et  même 
de  prison. 

Ordonnance  provisionnelle,  en  cas  de  danger  d'inondation.  C'est 
pourquoi  la  date  est  en  blanc  3. 


1.  Exemple  :  Lettres  patentes  du  24  mars  1779,  registrées  le  27,  transférant  le 
marché  Maubert  sur  le  terrain  qui  formait  le  pourtour  dp  la  nouvelle  Place  aux 
Veaux. 

2.  Arch.  nat.,  Y.  9499. 

3.  Id.,  ibid. 


28 


434  POLICE  DE  LA  VOIRIE 

ARRÊTS  DU  PARLEMENT 

HOMOLOGUANT    OU   AUTORISANT    DES   ACTES    DE    POLICE  : 

ARRÊT  de  la  Cour  de  Parlement  du  4  août  1778. 

Vu  par  la  Cour  la  requête  présentée  par  le  procureur  général  du  roi,  conte- 
nant qu'il  a  eu  avis  que  depuis  l'événement  arrivé  le  27  juillet  de  la  présente 
année  1778,  proche  le  chemin  de  Mesnil-Montant,  à  la  carrière  exploitée  ci- 
devant  parle  nommé  Jean  Cauchois,  dit  le  Boiteux,  et  à  présent  par  le  nommé 
Cauvin,  les  travaux  pour  l'exploitation  de  ladite  carrière  n'avaient  pas  été 
entièrement  suspendus,  ainsi  qu'il  est  constaté  par  le  procès-verbal  fait  par 
les  officiers  de  la  justice  de  Mesnil-Montant,  le  3  août  dudit  an,  et  nonobstant 
les  précautions  prises  à  cet  effet  par  le  lieutenant  général  de  police;  et  comme 
pour  prévenir  tous  les  autres  événements  fâcheux  qui  pourraient  arriver;  et 
que,  d'ailleurs,  sous  prétexte  d'exploiter  la  carrière,  on  pourrait  avoir  en  vue 
d'ôter  aux  experts  nommés  les  connaissances  nécessaires  pour  remplir  leurs 
missions  et  faire  un  rapport  exact  et  détaillé  de  l'état  des  lieux,  en  exécution 
de  l'arrêt  du  3  dudit  mois  de  juillet,  il  est  important  d'empêcher,  par  provi- 
sion, qu'on  ne  continue  aucun  travail  dans  ladite  carrière  et  dans  les  cavages 
qui  y  ont  été  pratiqués  :  A  ces  causes...  [suit  la  requête  du  procureur  général). 
Ouï  le  rapport  de  Me  Adrien  Lefebvre,  conseiller.  Tout  considéré. 

La  Cour  fait  défenses,  par  provision,  à  tous  propriétaires  et  prétendant  droit 
dans  ladite  carrière,  et  à  tous  ouvriers,  de  continuer  ni  faire  aucun  travail  en 
façon  quelconque  dans  ladite  carrière,  jusqu'à  ce  qu'autrement  par  la  Cour  il 
en  ait  été  ordonné,  sous  telles  peines  qu'il  appartiendra,  même  d'être  pour- 
suivis extraordinairement  :  Ordonne  que  le  présent  arrêt  sera  imprimé,  publié 
et  affiché  partout  où  besoin  sera,  notamment  à  Belleville,  Charonne  et  Mesnil- 
Montant.  Fait  en  Parlement  le  4  août  1778.  Collationné  Massieu.  Signé  : 
Ledret. 

ARRÊT  du  29  septembre  1778. 

La  Chambre2  ordonne  que  les  propriétaires  et  fermiers  des  moulins  à  vent 
situés  sur  des  territoires  dont  le  sol  est  entièrement  fouillé  ou  près  d'endroits  où 
il  y  a  des  fontis,  seront  tenus  de  faire  abattre  et  démolir  lesdits  moulins  à  vent, 
même  les  maisons,  si  aucunes  y  a  sur  lesdits  terrains  ou  proche  les  fontis,  à  la 
première  signification  qui  leur  sera  faite  du  présent  arrêt,  sinon  et  à  faute  de  ce 
faire,  qu'il  y  sera  mis  des  ouvriers  à  leurs  frais  et  dépens,  sauf  leur  recours 
et  indemnité  contre  les  auteurs  des  excavations  qui  régnent  sous  le  sol  de 
leurs  emplacements;  ordonne  que  les  propriétaires  des  carrières  seront  tenus 
de  faire  garder  et  garantir  à  leurs  frais  les  fontis  actuellement  en  évidence  ou 
qui  sont  sur  le  point  de  se  former  dans  lesdites  carriers,  à  peine  de  répondre 
des  accidents  qui  pourraient  en  arriver,  et  de  faire  entourer  lesdits  terrains 
par  des  palissades,  pieux  et  poteaux,  de  manière  qu'on  n'y  puisse  pas  passer; 


1.  Cet  arrêt  et  les  deux  suivants  sont,  à  leurs  dates,  dans  la  Collection  de  la  Bi- 
bliothèque nationale. 

2.  De  vacations. 


POLICE  DES  VIVRES  435 

ordonne  que  le  lieutenant  général  de  police  du  Châtelet  de  Paris  sera  tenu  de 
veiller  à  l'exécution  du  présent  arrêt"  et  l'autorise  à  rendre  toutes  les  ordon- 
nances requises  et  nécessaires  à  cet  effet,  lesquelles,  en  cas  d'appel,  seront 
exécutées  par  provision;  ordonne  en  outre  que  le  présent  arrêt  sera  imprimé, 
publié  et  affiché  partout  où  besoin  sera.  Fait  en  Parlement  en  vacations,  le 
29  septembre  1778.  Collationné  Lutton.  Signé  :  Le  Pot  d'Auteuil. 

ARRÊT  du  2  septembre  1785,  qui  ordonne  l'exécution  de  l'ordonnance 
rendue  par  le  lieutenant  général  de  police  du  Châtelet  de  Paris  concernant  les 
précautions  à  prendre  tant  pour  la  conduite  que  pour  la  tuerie  des  bœufs  dans 
Paris. 


V.  —  POLICE  DES  VIVRES 

BOULANGERIE 

On  a  vu  plus  haut2  la  grande  police  du  Parlement,  relative  à  l'appro- 
visionnement de  Paris.  Dans  la  pratique,  le  lieutenant  général  de 
police,  qui  doit  rendre  compte  aux  Chambres  assemblées  des  achats 
publics  de  grains  et  légumes  secs,  et  de  poisson  salé,  et  qui  doit 
veiller  à  l'exécution  des  règlements  concernant  le  trafic  des  grains,  la 
boulangerie,  etc.,  se  trouve  souvent  placé  entre  les  Arrêts  parlemen- 
taires et  les  instructions  ministérielles  :  c'est  toujours  à  celles-ci  qu'il 
obéit. 

Les  marchands  de  blé  ne  pouvaient  acheter  qu'au  delà  d'un  rayon 
de  10  lieues  autour  de  Paris.  Il  en  était  de  même  des  boulangers,  sauf 
cinq  marchés  désignés  (Gonesse  entre  autres).  Les  communautés  reli- 
gieuses étaient  tenues  d'avoir  en  grenier  trois  années  de  leur  récolte. 
Le  trafic  des  grains  était  interdit  aux  fermiers  et  laboureurs,  aux  meu- 
niers, aux  officiers  du  roi.  Les  grains  ne  devaient  être  vendus  que  dans 
les  halles  et  marchés  publics.  —  Toutefois,  les  marchands  de  blé  par 
eau  étaient  enregistrés  à  l'Hôtel  de  Ville,  et  dépendaient  de  la  prévôté 
des  marchands,  en  tant  que  leurs  bateaux  étaient  à  destination  de 
Paris.  On  conçoit  aisément  combien  toutes  ces  prescriptions,  et  bien 
d'autres,  entraînaient  de  contraventions,  de  conflits  de  compétence, 
et  aussi  d'exceptions  de  faveur. 

L'antique  corporation  des  «  Marchands-Talmeliers,  Maîtres-Bou- 


1.  Une  déclaration  du  b  septembre,  registrée  le  29,  avait  attribué  au  lieutenant 
général  de  police  la  connaissance  du  fait  des  carrières  à  la  distance  d'une  lieue 
de  la  banlieue  de  Paris. 

2.  Page  284. 


436  POLICE  DES  VIVRES 

langers  »,  eut  longtemps  une  juridiction  particulière,  dont  le  grand 
panetier  de  France  était  le  chef  et  le  protecteur  :  elle  se  composait 
d'un  lieutenant  général,  d'un  procureur  du  roi,  d'un  greffier  et  d'huis- 
siers; c'est  au  grand  panetier  qu'appartenaient  les  droits  de  récep- 
tion des  maîtres,  qui  prêtaient  serment  entre  ses  mains.  L'édit  du  mois 
d'août  1711  supprima  cette  juridiction,  et  les  boulangers  rentrèrent 
dans  le  droit  commun  des  corporations  d'arts  et  métiers,  c'est-à-dire 
sous  la  dépendance  du  Châtelet  et  du  lieutenant  général  de  police. 
C'est  le  lieutenant  général  de  police  qui  veille  à  l'exécution  des  statuts 
corporatifs  concernant  la  composition  et  la  cuisson  du  pain  ;  c'est  lui 
qui,  lorsqu'il  y  a  lieu,  taxe  le  prix  du  pain;  à  moins  de  disette  (réelle 
ou  factice),  les  prix  courants  étaient  suivis.  Il  reçoit  les  plaintes  rela- 
tives aux  pesées  frauduleuses,  ou  à  la  suspension  de  vente.  Voici 
quelques  extraits,  ou  intitulés  de  sentence,  à  l'appui  de  ce  qui  précède. 

SENTENCE  du  16  novembre  1731,  qui  renouvelle  les  défenses  à  tous  boulan- 
gers ayant  des  places  dans  les  halles  et  marchés  de  la  ville  de  Paris,  de  cesser 
cl  discontinuer  de  les  fournir  abondamment  de  pain,  à  peine  de  3,000  livres 
d'amende,  et  d'être  pour  toujours  déchus  de  l'occupation  desdites  places;  et 
qui  condamne,  en  outre,  le  nommé  Bourdon,  boulanger,  en  1,000  livres  d'a- 
mende, pour  avoir  contrevenu  aux  précédentes  défenses. 

SENTENCE  de  police  du  Châtelet  de  Paris,  du  11  janvier  1737,  qui  renou- 
velle les  défenses  à  tous  boulangers,  meuniers,  brasseurs  et  autres,  d'acheter 
aucuns  grains  et  farines,  et  à  tous  fermiers,  laboureurs  et  autres,  d'en  vendre, 
par  montre,  dans  l'étendue  de  huit  lieues  aux  environs  de  Paris. 

Cette  étendue  a  varié;  elle  était  de  10  lieues  à  la  fin  de  l'ancien 
régime1.  —  Lorsque  des  grains  sont  saisis  en  contrebande,  ils  sont 
quelquefois  vendus,  par  grâce,  aux  frais  et  au  profit  des  contreve- 
nants, moyennant  amende;  mais,  en  cas  de  récidive,  le  prix  en  est 
confisqué,  après  vente  sur  le  carreau  des  halles,  soit  au  profit  des 
pauvres  ou  établissements  de  charité,  soit  au  profit  des  officiers  mesu- 
reurs de  grains,  etc.,  suivant  le  prononcé  du  jugement  de  police  2. 

SENTENCE  de  police,  du  22  juillet  1740  (signée  Feydeau  de  Marville),  qui 
condamne  le  nommé  Fieffé,  laboureur,  en  2,000  livres  d'amende,  pour  avoir 
tenu,  dans  le  marché  de  Gonesse,  des  discours  tendant  à  alarmer  le  public,  et 
à  faire  augmenter  le  prix  des  grains. 

SENTENCE  de  police  du  Châtelet,  du  27  juin  1742  (signée  Feydeau  de  Mar- 

1.  Déclaration  du  8  septembre  1737,  registroe  en  Parlement.  Voyez  aussi  Ord. 
de  déc.  1672. 

2.  Sentences  des  3)  janvier  1738,  3  août  1742. 


POLICE  DES  VIVRES  437 

ville),  qui  condamne  le  nommé  Boulanger,  maître  boulanger,  en  1,300  livres 
d'amende,  pour  avoir  contrevenu  aux  ordonnances  de  police  concernant  le 
poids  et  la  marque  du  pain. 

SENTENCE  de  police  du  Châtelet,  du  16  novembre  1742  (signée  Feydeau  de 
Marville),  qui  condamne  plusieurs  boulangers  en  l'amende,  pour  avoir  exposé 
en  vente,  à  leurs  places,  du  pain  d'un  poids  léger. 

SENTENCE  de  police  du  Châtelet,  du  29  mai  1739,  qui  condamne  le  nommé 
Amand,  juré  en  charge  de  la  communauté  des  maîtres  boulangers  de  Paris, 
en  300  livres  d'amende,  et  le  déclare  déchu  de  la  jurande,  pour  avoir  vendu 
son  pain  au  delà  du  prix  commun  du  marché. 


SENTENCE  de  police  du  17  janvier  1711  '  : 


• 


Le  nommé  Regnault,  marchand  farinier  pour  la  provision  de  Paris, 
est  assigné  pour  avoir  fait  arriver  chez  lui,  le  7  décembre  1743,  une 
voiture  chargée  de  16  sacs  de  grosse  farine  d'un  setier  chacun  ou  envi- 
ron, provenant  du  blé  qu'il  avait  acheté  dans  le  marché  de  Gonesse  : 
«  ce  qui  est  une  contravention  manifeste  aux  déclarations  du  roi2... 
n'étant  permis  aux  boulangers  et  marcbamls  d'acheter  leurs  blés  que 
dans  les  marchés  au  delà  de  10  lieues  de  cette  ville.  »  La  contravention 
est  dénoncée  par  les  officiers  mesureurs  et  porteurs  de  grains.  La 
farine  est  vendue  aux  halles,  et  le  prix  de  vente  partagé,  par  grâce, 
entre  Regnault  et  la  Communauté  des  officiers  mesureurs. 

ORDONNANCE  de  police  signée  Lenoir  (3  mai  1775),  et  relative  à  la  «  guerre 
des  farines  ». 

Nous  ordonnons,  ce  requérant  le  procureur  du  roi,  que  les  boulangers  auront 
la  faculté  de  vendre  le  pain  au  prix  courant  '.  Faisons  très  expresses  inhibitions 
et  défenses,  à  toutes  personnes,  de  les  vendre  à  moindre  prix.  Enjoignons  aux 
officiers  du  guet  et  de  la  garde  de  Paris  de  saisir  et  arrêter  ceux  qui  contre- 
viendront à  la  présente  ordonnance,  pour  être  punis  suivant  la  rigueur  des 
lois;  requérons  tous  officiers  commandants  de  prêter  main-forte  à  son  exécu- 
tion. Défendons  à  toutes  personnes  de  s'introduire  de  force  chez  les  boulangers, 
même  sous  prétexte  d'y  acheter  du  pain,  qui  ne  leur  sera  fourni  qu'à  la  charge 
de  le  payer  au  prix  ordinaire.  Mandons  aux  commissaires  du  Châtelet,  etc. 
Signé  :  Lenoir,  Moreau. 

BOUCHERIE,  GIBIER,  etc. 
Les  jurés  de  la  boucherie  étaient  tenus,  en  leur  propre  et  privé  nom, 

1.  Arch.  nat.,  Y.  9499. 

2.  Est  visée  rorilonnance  de  1577. 

3.  La  minute  portait  d'abord  :  au  même  prix  qu'ils  l'ont  vendu  les  mercredi  26 


438  POLICE  DES  VIVRES 

de  vérifier  les  botes  qui  devaient  être  tuées.  Les  derniers  statuts  de  la 
boucherie  avaient  été  enregistrés  en  Parlement  le  22  décembre  1589, 
et,  au  Chàtelet,  le  12  janvier  1590.  —  On  a  vu,  à  propos  de  la  caisse 
de  Poissy,  le  régime  général  de  la  boucherie.  Voici  quelques  exemples 
de  sentences  du  Chàtelet  qui  le  sanctionnent. 

SENTENCE  du  Chàtelet,  du  10  mars  1780,  homologuée  par  Arrêt  du  Parle- 
ment du  15  mars  1780  '. 

A  tous  ceux  qui  ces  présentes  lettres  verront  :  Anne-Gabriel-Henri  Bernard, 
chevalier,  marquis  de  Boulainvilliers,  seigneur  de  Passy  et  autres  lieux,  pré- 
vôt de  Paris,  Salut  :  Savoir  faisons  que,  vu  par  nous,  Jean-Charles-Pierre  Lenoir, 
chevalier,  conseiller  d'État,  lieutenant  général  de  police  de  la  ville,  prévôté  et  vi- 
comte de  Paris,  la  délibération  de  la  Communauté  des  marchands  bouchers  de  ïn 
ville  ctfauxbourgs  de  Paris,  prise  en  leur  bureau,  le  lundi  14  février  dernier,  en 
présence  des  syndics  et  adjoints  en  charge,  et  des  députés  en  exercice  de  ladite 
Communauté,  dont  copie  a  été  certifiée  véritable  par  lesdits  syndics  et  adjoints, 
et  dont  l'original,  a  été  contrôlé  par  Caillet  le  1G  dudit  mois  de  février;  la 
requête  à  nous  présentée  par  lesdits  syndics  et  adjoints,  tendante  à  fin  d'ho- 
mologation de  ladite  délibération,  ladite  requête  signée  Denis,  procureur;  notre 
ordonnance  de  soit-montrée  au  procureur  du  roi,  et  communiquée  au  sieur  Mille, 
fermier  de  la  caisse  des  marchés  de  Sceaux  et  de  Poissy  ;  conclusions  du  pro- 
cureur du  roi,  du  1er  mars  présent  mois,  la  réponse  du  sieur  Mille  du  16  lévrier; 
tout  considéré  : 

Nous,  du  consentement  du  procureur  du  roi,  avons  homologué  ladite  déli- 
bération, pour  être  exécutée  selon  sa  forme  et  teneur;  en  conséquence,  ordon- 
nons que  la  conduite  des  bœufs  et  vaches,  achetés  dans  les  marchés  de  Sceaux 
et  de  Poissy,  ne  pourra  être  faite  à  l'avenir  que  par  Jacques-François  Maugé, 
que  nous  autorisons  à  cet  effet,  auquel  il  sera  payé  9  sols  3  deniers  pour  chaque 
bœuf  et  vache,  pour  tous  frais  de  conduite,  droits  de  sortie  des  marchés,  et 
indemnité  dès  avances  qu'il  sera  tenu  de  faire  des  droits  d'entrée  aux  rece- 
veurs des  barrières  de  Paris,  desquelles  avances  il  sera  remboursé,  dans  la 
huitaine,  par  les  bouchers  auxquels  les  bestiaux  appartiendront,  et  qui  ne  pour- 
ront lui  donner  qu'un  quarantième  en  sols,  à  condition  qu'il  fera  recevoir  chez 
eux;  et,  faute  par  lesdits  bouchers  de  payer  dans  la  huitaine,  ledit  Maugé  sera 
autorisé  à  retenir  une  partie  de  leurs  bestiaux,  la  semaine  suivante,  pour  être 
vendus  en  la  manière  ordinaire,  et  le  prix  en  provenant  lui  rester  jusqu'à  due 
concurrence;  lequel  dit  Maugé  pourra  faire  l'avance,  aux  marchands  forains, 
du  prix  des  bœufs  et  vaches,  vendus  aux  marchands  bouchers,  non  admis  au 
crédit  de  la  caisse,  et  auxquels  les  marchands  forains  ne  voudront  vendre  qu'au 


et  samedi  29  avril  dernier.  Ces  mots  ont  été  rayés.  En  tête  on  lit  :  imprimé  pen- 
dant la  nuit  du  'i  au  4  (Arch.  nat.,  Y.  9499).  Le  texte  primitif,  si  opposé  aux 
principes  de  Turgot,  et  de  nature  à  prolonger  les  désordres,  expliquerait  à  lui 
seul  pourquoi  le  ministre  dut  faire  remplacer,  le  14  mai  suivant,  un  lieutenant 
général  de  police  qui  le  trahissait  peut-être,  et  qui  en  tout  cas  ne  le  comprenait 
point. 

1.  Pièce  in-4°  de  5  pages  (Gueilicr,  au  bas  de  la  rue  de  la  Harpe,  1180). 


POLICE  DES  VIVRES  439 

comptant;  l'autorisons  à  retenir  lesdits  bœufs  et  vaches  dans  ses  bouverics, 
usqu'au  partait  remboursement  des  sommes  qu'il  aura  avancées  pour  le  prix 
et  frais  de  nourriture,  tels  qu'ils  se  payent  dans  les  auberges,  et  de  2  sols  par 
jour  par  bœuf,  et  un  sol  par  vache,  qui  lui  seront  attribues  à  titre  d'indemnité 
et  pour  frais  de  garde  desdits  bestiaux,  lesquels  seront  retirés  dans  la  huitaine 
par  les  bouchers  qui  les  auront  achetés,  sinon,  vendus  en  la  manière  accoutu- 
mée, dans  la  huitaine  suivante,  à  leurs  risques,  périls  et  fortunes.  Disons,  en 
outre,  que  les  marchands  forains  qui  ne  seront  pas  connus  pour  fréquenter 
habituellement  les  marchés  de  Sceaux  et  de  Poissy,  seront  tenus  de  déposer, 
es  mains  du  caissier  du  fermier  des  droits  établis  dans  les  marchés,  le  prix 
d'un  ou  deux  bœufs  ou  vaches,  à  proportion  des  quantités  qu'ils  auront  ven- 
dues, pour  raison  de  la  garantie  à  laquelle  ils  sont  assujettis  pendant  neut 
jours,  si  mieux  ils  n'aiment  donner  caution  suffisante  et  solvable;  et,  après 
ledit  délai  de  9  jours,  les  sommes  déposées  seront  rendues  auxdits  marchands 
forains,  s'il  n'est  mort  aucun  des  bestiaux  par  eux  vendus;  et  en  cas  de  mort 
subite  d'un  desdits  bestiaux,  elle  sera  constatée  en  la  manière  accoutumée,  et, 
en  outre,  en  la  présence  dudit  Maugé  que  nous  commettons  à  cet  effet,  ou  lui 
dûment  appelé;  au  surplus,  disons  que  ledit  Maugé  sera  tenu  de  se  confor- 
mer aux  arrêts,  ordonnances  et  règlements  concernant  les  marchés  de  Sceaux 
et  de  Poissy,  et  enfin  disons  que  notre  présente  sentence  sera  imprimée  et  affi- 
chée dans  tous  les  lieux  et  carrefours  accoutumés  de  celte  ville,  et  notamment 
aux  marchés  de  Sceaux  et  de  Poissy,  dont  les  frais  seront  alloués  en  dépense 
dans  le  compte  à  rendre  par  les  syndics  de  ladite  communauté  :  ce  qui  sera 
exécuté  nonobstant  et  sans  préjudice  de  l'appel.... 

ARRÊT  du  Parlement,  du  27  avril  1785,  qui  confirme  les  Sentences  rendues 
par  le  lieutenant  général  de  police  au  Châtelet  de  Paris,  par  lesquelles  des 
marchands  forains  et  des  bouchers  de  la  ville  de  Versailles  ont  été  condamnés 
en  des  amendes  pour  contraventions  aux  règlements  concernant  l'approvision- 
nement des  marches  de  Sceaux  et  de  Poissy  r. 

Bien  que  la  volaille  et  le  gibier  pussent  être  considérés  comme 
denrées  de  luxe,  la  police  en  réglementait  la  vente  avec  la  même  sé- 
vérité. Aussitôt  après  le  ministère  libéral  de  Turgot,  Lenoir,  redevenu 
lieutenant  général,  renouvela  sur  cette  matière  les  anciennes  pres- 
criptions. 

ORDONNANCE  signée  Lenoir,  du  5  novembre  1776 2.  — Sur  ce  qui  nous  a  été 
remontré  par  le  procureur  du  roi,  qu'il  est  informé  d'abus  qui  se  commettent 
journellement  sur  le  carreau  de  la  Vallée,  auxquels  il  est  important,  pour  le 
bien  public,  de  remédier,  sans  délai  et  par  provision,  jusqu'à  ce  qu'aux  termes 
de  l'édit  du  mois  d'août  dernier,  il  ait  été  procédé  à  la  confection  de  nouveaux 
statuts  et  règlements;  que  les  anciennes  ordonnances  concernant  le  commerce 


1.  Pièce  in-4°,  16  pages,  renfermant  deux  extraits  des  registres  du  Châtelet, 
des  11  juin  et  23  juillet  1784,  et  sanctionnant  le  monopole  des  marchés  de  Sceaux 
et  de  Poissy. 

2.  Aich.  nat.,  Y.  9499. 


440  POLICE  DES  VIVRES 

de  volailles  et  de  gibier  ont  eu  pour  objet  d'en  procurer  l'abondance,  de  faci- 
liter, soit  aux  bourgeois,  soit  aux  maîtres  traiteurs,  rôtisseurs  et  pâtissiers, 
les  moyens  de  s'approvisionner  à  un  prix  raisonnable,  et  surtout  d'empêcher 
qu'il  ne  se  débite  dans  ce  marché  des  marchandises  défectueuses  et  capables 
d'altérer  la  santé  des  habitants  de  cette  ville  ;  que  c'est  à  maintenir  dans  tous 
les  temps,  et  surtout  dans  les  circonstances  actuelles,  aux  approches  de  l'hiver, 
une  discipline  aussi  intéressante,  que  le  ministère  dudit  procureur  du  roi  lui 
impose  de  donner  tous  ses  soins.  Pour  quoi  il  requiert  qu'il  y  soit  par  nous 
pourvu.  Nous,  faisant  droit  sur  le  réquisitoire  du  procureur  du  roi: 

I.  —  Ordonnons  que  les  ordonnances  et  règlements  de  police  concernant  la 
vente  des  marchandises  de  volaille  et  gibier  sur  le  carreau  de  la  Vallée,  con- 
firmés par  les  arrêts  de  la  Cour,'  seront  exécutés  selon  leur  forme  et  teneur. 
En  conséquence,  faisons  défenses  aux  maîtres  rôtisseurs,  pâtissiers  et  trai- 
teurs d'acheter  ailleurs  que  sur  ledit  carreau  de  la  Vallée,  et  d'enlever  aucune 
marchandise  qui  s'y  débite,  savoir  :  les  mercredis  et  samedis  en  hiver  avant 
huit  heures  du  matin,  en  été  avant  sept,  et  les  autres  jours  de  la  semaine  avant 
cinq  heures  du  matin. 

II.  —  Seront  tenus  les  maîtres  traiteurs,  rôtisseurs  et  pâtissiers,  de  lotir 
entre  eux  lesdiles  marchandises  ;  leur  défendons,  ainsi  qu'aux  marchands  forains, 
de  s'associer  les  uns  avec  les  autres,  et  d'enlever  ou  faire  enlever  lesdites  mar- 
chandises, avant  les  heures  ci-dessus  prescrites,  à  peine  d'amende. 

III.  —  Faisons  défenses  d'exposer  ni  vendre  aucunes  marchandises  de 
volaille  et  gibier  défectueuses,  à  peine  de  saisie,  enlèvement  d'icelles,  et  de 
cinquante  livres  d'amende. 

IV.  —  Ne  pourront,  sous  les  mêmes  peines,  les  marchands  forains  vendre 
dans  les  marchés  qui  se  tiennent  dans  l'étendue  des  anciennes  limites  de  Paris, 
ni  faire  aucun  entrepôt,  et  continuer  leurs  ventes  les  jours  de  marché,  passé 
deux  heures  après  midi,  et,  les  autres  jours,  passé  dix  heures  du  matin. 

V.  —  Défendons  pareillement,  et  sous  les  mêmes  peines,  auxdits  marchands 
forains,  d'exposer  en  vente  aucunes  pièces  déguisées,  de  les  écréter,  écourter 
(à  l'exception  néanmoins  des  oies  dont  ils  pourront  couper  les  ailerons  à  la 
seconde  jointure),  dégraisser  ni  vider.  Leur  faisons  également  défenses  de 
remporter  leurs  marchandises,  faute  de  les  avoir  vendues,  comme  aussi  de 
colporter  ou  faire  colporter  lesdites  marchandises,  à  peine  d'amende. 

VI1.  —  Enjoignons  aux  syndics  et  adjoints  des  communautés  des  traiteurs, 
rôtisseurs  et  pâtissiers,  de  veiller  exactement  à  l'exécution  de  notre  présente 
ordonnance,  qui  sera  imprimée,  lue  et  affichée  partout  où  besoin  sera,  à 
ce  que  personne  n'en  ignore. 

ORDONNANCE  du  6  août  1757,  qui  enjoint  aux  maîtres  et  veuves  de  maîtres 
de  la  communauté  des  charcutiers  tenant  boutique,  de  se  conformer  aux  ar- 
ticles 21  et  40  de  leurs  statuts,  qui  les  obligent  de  garnir  les  mercredi  et  samedi 
de  chaque  semaine,  pendant  trois  mois,  à  6  heures  du  matin  en  été,  et  à 
9  heures  en  hiver,  les  quarante  places  qui  leur  seront  échues,  par  la  voie  du 
tirage,  au  marché  aux  porcs  ;  défendant  aux  charcutiers  de  service  de  quitter 
leur  place  sans  avoir  tout  vendu,  avant  6  heures    du    soir  en  été,  et  4   en 


I.  La  minute  porte  (par  erreur  Article  Vil). 


POLICE  DES  VIVRES  441 

hiver,  le  tout  à  peine  d'amendes  arbitraires  au  profit  de  la  confrérie  des  char- 
cutiers \ 

ORDONNANCE  du  5  octobre  1770  :.  —  Sur  ce  qui  nous  a  été  remontré  par  le 
procureur  du  roi,  que  les  abatis  de  bœufs  et  de  moulons  ayant  toujours  été 
regardés  par  les  magistrats  comme  la  nourriture  de  la  partie  du  peuple  la  plus 
pauvre,  nous  nous  sommes  sans  cesse  occupé  du  soin  de  lui  conserver  inté- 
gralement cet  aliment;  que  par  ce  motif  la  préparation,  la  cuisson  et  le  prix 
des  issus  et  abatis  ont  fait  de  tout  temps  l'objet  principal  de  sa  vigilance  et  de 
notre  attention;  qu'il  est  instruit  qu'il  se  commet  journellement  des  contra- 
ventions aux  sentences  et  règlements  que  nous  avons  rendus  sur  cette  matière  ; 
que  les  tripières  enlèvent  de  chez  leurs  bouchers  la  plus  grande  partie  des 
tètes  de  moutons  pour  les  vendre,  crues  et  sans  être  préparées,  aux  gens 
riches;  que  les  garçons  bouchers  énervent  les  pieds  de  bœufs  de  manière 
qu'ils  ne  sont  plus  en  état  de  supporter  la  cuisson;  que  la  contravention  de 
ces  derniers  fait  un  tort  considérable  aux  bouchers  qui  nous  en  ont  porté  leurs 
plaintes;  que  celle  des  tripières  est  très  préjudiciable  aux  pauvres,  puisque 
cette  manœuvre  leur  enlève  une  partie  de  la  nourriture  qui  leur  appartient,  et 
les  nécessite  à  payer  plus  cher  celle  préparée  qui  en  reste... 

Sur  quoi,  nous,  faisant  droit  sur  le  réquisitoire  du  procureur  du  roi,  disons 
que  les  arrêts,  sentences  et  règlements  de  police  concernant  les  préparation, 
cuisson  et  enlèvement  des  abatis  de  bœufs  et  de  moutons,  et  singulièrement 
celles  du  12  avril  1741,  1C  avril  1762  et  14  avril  17Gi,  seront  exécutés  selon 
leur  forme  et  teneur.  En  conséquence,  ordonnons  que  les  entrepreneurs  de  la 
cuisson  des  abatis  seront  tenus  d'enlever  de  chez  les  bouchers  tous  les  issus 
et  abatis  de  bœufs  et  de  moutons,  pour  les  porter  à  l'île  des  Cygnes,  à  l'effet 
de  les  y  préparer  et  cuire,  et  les  porter  ensuite,  préparés  et  cuits,  dans  la 
place  de  l'ancienne  halle  au  blé;  défendons  aux  tripiers  et  tripières,  sous  peine 
de  100  livres  d'amende  et  de  plus  grande  peine  en  cas  de  récidive,  d'enlever 
de  chez  leurs  bouchers  les  têtes  de  moutons  sous  tel  prétexte  que  ce  soit. 
Ordonnons  que  toutes  lesdites  têtes  de  moutons  seront  enlevées  de  chez  les 
bouchers  par  les  entrepreneurs  de  la  cuisson,  et  par  eux  portées  dans  la  place 
de  l'ancienne  halle  au  blé,  préparées  et  cuites,  afin  que  le  peuple  et  es  pauvres 
en  puissent  faire  leur  subsistance.  Permettons  seulement  aux  tripiers  et  tri- 
pières d'enlever  de  chez  leurs  bouchers,  ainsi  qu'ils  l'ont  fait  par  le  passé,  les 
foies  et  les  cœurs  de  bœufs  pour  les  pouvoir  vendre  crus,  et  non  préparés,  à 
leurs  places.  Enjoignons  aux  bouchers  de  livrer  et  faire  livrer  parleurs  garçons 
aux  entrepreneurs  de  la  cuisson  les  pieds  de  bœuf  dans  leur  entier;  faisons 
défenses,  sous  peine  de  prison,  aux  garçons  bouchers  de  les  détériorer,  et 
d'en  enlever  le  nerf  ou  l'ergot,  sous  tel  prétexte  que  ce  soit.  Mandons  au  com- 
missaire Guyot,  etc.. 

SENTENCE  de  police  du  18  janvier  1788  ?  : 

Elle   condamne    un    marchand    boucher    de    Paris   en   50   livres 

1.  Signé  Berryer  (Y  <)499j. 

2.  Arch.  nat.,  Y.  9499.  —  Signée  :  De  Sartine. 

3.  Journal  de  Paris.  n°  27,  p.  123  (article  Administration). 


442  POLICE  DES  VIVRES 

d'amende,  pour  avoir  vendu  de  la  viande  au-dessus  du  prix  fixé  et  à 
faux  poids,  etc.  ;  lui  enjoint  et  à  tous  autres  bouchers  ou  étaliers, 
«  d'être  fidèles  dans  leurs  pesées  de  la  viande,  leur  faisant  défenses 
de  vendre  la  viande  plus  de  17  sols  G  deniers  la  livre,  sans  basse 
viande  vulgairement  appelée  réjouissance,  ou  9  sols  6  deniers  avec 
un  septième  de  basse  viande,  et  de  ne  comprendre  dans  leurs  pesées 
à  titre  de  basse  viande  ou  réjouissance  aucune  partie  de  la  tète  de 
bœuf  ni  aucuns  os  décharnés  et  détacbés  de  la  viande,  mais  seule- 
ment les  crosses  des  jambes,  le  haut  bout  du  collier  ou  ses  longes, 
les  basses  charbonnées,  les  langues  de  bœuf,  la  tète  et  les  pieds  de 
veau  :  le  tout  à  peine  de  200  livres  d'amende,  même  de  prison  contre 
les  étaliers  et  autres  garçons  bouchers...  » 

Le  public,  note  Hardy,  ne  gagnait  absolument  rien  à  ce  nouveau  règlement; 
et  les  bouchers  se  montraient  d'autant  plus  récalcitrants  à  son  exécution, 
qu'ils  soutenaient  ne  pouvoir  donner  la  viande  au  prix  et  aux  conditions  ci- 
dessus  énoncés,  tant  que  des  accapareurs  puissants  et  accrédités  continueraient 
de  s'emparer  des  bestiaux  et  de  les  survendre,  comme  il  se  pratiquait  depuis 
plus  de  deux  ans.  On  croyait  apercevoir  dans  ces  nouveaux  arrangements 
l'effet  de  quelque  sourde  manœuvre  assez  approchante  de  celle  employée  lors 
de  l'accroissement  si  considérable  du  prix  du  bois  neuf  et  du  bois  flotté,  pour 
préparer  une  révolution  semblable  sur  la  viande,  en  favorisant  une  compagnie 
de  maltôtiers  guidés  par  le  génie  fiscal  et  qui,  se  chargeant  de  faire  exploiter  et 
préparer  les  bestiaux,  confieraient  ensuite  le  débit  de  la  viande  à  des  bouchers 
qui  ne  seraient  plus  que  des  regratliers,  et  ne  pourraient  que  chercher  à  vexer 
encore  le  public  ,  par  une  augmentation  de  prix  arbitraire,  pour  parvenir  à 
accroître  leur  bénéfice  et  à  se  dédommager  de  tout  ce  qu'on  leur  aurait 
ôté1. 

Au  mois  de  novembre  1788,  Hardy  rapporte  un  mouvement  popu- 
laire à  ce  sujet  : 

Il  venait  d'y  avoir  depuis  peu  une  espèce  d'insurrection  populaire  dans  le 
quartier  de  la  Ville  neuve,  du  côté  de  Notre-Dame- de- Bomie-Nouvelle,  occa- 
sionnée par  la  saisie  qu'avaient  entrepris  de  faire  des  marchands  bouchers  ac- 
compagnés d'un  commissaire  et  de  soldats  du  guet  de  la  garde  de  Paris,  d'un 
dépôt  de  viande  de  moulons  que  certains  particuliers  disiribuaient  à  G  sols  [la 
livre  dans  la  capitale,  au  lieu  de  11,  12,  13  et  14  sols  que  les  bouchers  la  fai- 
saient payer  impunément  au  public,  comme  le  bœuf,  le  veau,  et  même  la 
vache  :  les  insurgenls  s'étant  armés  dans  celte  circonstance  de  manches  h 
balai  et  de  tout  ce  qu'ils  avaient  pu  rencontrer  sous  leurs  mains,  et  ayant 
d'abord  mis  le  commissaire  et  le  guet  dans  le  cas  de  se  retirer,  avaient  ulté- 
rieurement maltraité  et  mis  également  en  déroute  les  bouchers  qui  avaient 
entrepris  de  se  réunir  pour  leur  tenir  tête2. 


1.  Bib.  nat.,  mns  6687  (27  janv.  1788). 

2.  Ibid.,  p.  157-158. 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS  443 

VI.  —  RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS 
D'ARTS  ET  MÉTIERS 

La  suppression  des  jurandes  et  communautés  d'arts  et  métiers 
n'avait  pu  être  enregistrée  en  Parlement  que  par  le  moyen  d'un  lit 
de  justice  (12  mars  1776).  Aussitôt  après  la  retraite  de  Turgot  et  de 
son  lieutenant  de  police  Albert,  Lenoir  fut  réinstallé  au  Châtclet,  et 
les  anciennes  traditions  reprirent  le  dessus.  Le  Parlement  et  la  police 
reçurent  une  première  satisfaction  par  l'édit  du  mois  d'août  1776, 
enregistré  en  Parlement  le  28  août,  «  portant  modification  de  l'édit 
de  février  1776  ».  Cette  prétendue  modification  équivalait  à  une  vé- 
ritable abrogation.  Il  est  vrai  que  21  professions  étaient  rendues 
libres,  sans  préjudice  de  celles  qui  l'avaient  toujours  été.  Mais  qua- 
rante-quatre communautés  furent  rétablies  à  Paris,  et  les  six  corps 
des  marchands  furent  reconstitués  avec  une  composition  en  partie 
nouvelle  :  1°  drapiers,  merciers;  2°  épiciers;  3°  bonnetiers,  pelletiers, 
chapeliers;  4°  orfèvres,  batteurs  d'or,  tireurs  d'or;  5°  fabricants 
d'étoffes  et  de  gazes,  tissutiers,  rubaniers  ;  6°  marchands  de  vin  '. 

L'article  40  de  l'édit  du  mois  d'août  1776  vise  les  lettres  patentes 
du  2  janvier  1710  sur  la  police  des  corporations.  Les  articles  15,  17, 
18,  19,  concernent  spécialement  les  fonctions  du  lieutenant  général 
de  police  dans  ses  rapports  avec  les  corporations,  soit  pour  juger 
leurs  procès,  soit  pour  vérifier  leurs  comptes  et  leurs  dettes,  soit  pour 
veiller  à  l'exécution  de  leurs  règlements  et  statuts;  l'article  20  divise 
en  quatre  quartiers,  à  Paris,  les  assemblées  de  communautés  trop 
nombreuses;  l'article  21  institue  dans  chacun  des  six  corps  trois 
gardes  et  trois  adjoints;  dans  chacune  des  quarante-quatre  commu- 

* 

nautés  deux  syndics  et  deux  adjoints,  lesquels  seront  nommés,  pour 
la  première  fois  seulement,  par  le  lieutenant  général  de  police;  l'ar- 
ticle 22  rétablit  les  bureaux  des  six  corps.  —  En  définitive,  les  corps 
et  communautés  eurent  bien  plus  qu'avant  Turgot  à  subir  le  joug  et 
l'ingérence  de  la  police  ;  les  ordonnances  ou  arrêts  du  19  décembre 

1.  Les  Six-Corps  étaient  l'aristocratie  industrielle  et  commerciale.  Jèze  (ouv. 
cité,  p.  236)  marque  très  bien  la  différence  des  Six-Corps  et  des  communautés  : 
«  Dans  les  arts  et  métiers  il  ne  faut  que  de  l'industrie,  et  dans  le  commerce  il 
faut  des  fonds.  »  Les  Six-Corps  anciens  étaient  les  suivants  :  1°  drapiers;  2°  épi- 
ciers; 3°  merciers,  terme  très  vague  qui  comprenait  20  classes  de  marchands; 
4°  pelletiers;  5°  bonnetiers;  6°  orfèvres.  —  Les  marchands  de  vin  et  les  impri- 
meurs-libraires concouraient  avec  les  Six-Corps  à  l'élection  des  juge  et  consuls 
(tribunal  de  commerce  institué  en  1563). 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS 

1776',  des  27  février,  15  mars,  25  avril,  18  août  1777,  26  janvier, 
29  mars,  juillet  1778  »,  31  octobre  1782,  4  août  1783,  5  août  1784, 
11  juillet  1785,  rendirent  de  plus  en  plus  étroit  leur  assujettisse- 
ment. 

Le  Poix  de  Fréminville  a  exprimé  en  quelques  mots  toute  l'étendue 
des  prétentions  de  l'Etat  et  de  la  police  à  l'égard  des  arts  et  métiers  : 
«  Il  n'y  a  aucun  art  ni  métier  qui  ne  soit  sujet  à  la  police  du  royaume, 
parce  qu'il  est  important  que  chaque  art  et  chaque  métier  soit  porté 
à  la  plus  grande  perfection  ;  c'est  pourquoi  il  est  intéressant  que  la 
police  ait  l'inspection  sur  ceux  qui  les  exercent,  afin  devoir  s'ils  sont 
suffisamment  instruits,  si  leurs  ouvrages  sont  dans  les  règles  de  l'art 
ou  du  métier  que  ces  ouvriers  professent,  et  afin  que  le  public  ne  soit 
point  abusé.  L'on  ne  permet  cet  exercice  publiquement  qu'à  ceux  qui 
ont  employé  un  temps  suffisant  chez  les  maîtres,  pour  acquérir  les 
connaissances  nécessaires  pour  les  pratiquer.  Ces  différents  arts  et 
métiers  ont  fait  des  communautés  entre  eux  et  forment  des  corps 
qui  ont  des  statuts  particuliers  qui  sont  homologués  s,  et  ce  sont  des 
statuts  qui  assujettissent  chaque  particulier  à  l'observation  :  ceux  qui 
s'en  écartent  sont  punissables  par  les  officiers  de  police  4.  » 

Plus  ces  droits  tyranniques,  contraires  à  la  liberté  du  travail  et  à 
tout  progrès,  avaient  été  battus  en  brèche  par  les  économistes,  plus 
le  ministre  Turgot  avait  montré  d'énergie  à  les  abolir,  plus  aussi  la 
réaction  fut  rapide  après  mai  1776,  plus  on  les  vanta  et  on  les  mul- 
tiplia sous  toutes  les  formes. 

Aussi  les  compagnons  et  apprentis  qui  avaient  goûté  à  la  liberté 
industrielle  et  commerciale  devinrent-ils  très  difficiles  à  gouverner. 
Lenoir  ne  cesse  de  rendre  des  ordonnances  et  des  sentences  contre 
les  assemblées  illicites  d'ouvriers,  contre  les  grèves,  comme  disait  le 
peuple  par  allusion  à  la  Grève,  lieu  ordinaire  de  ces  réunions.  Tout 
le  mal,  tout  le  désordre,  sont  naturellement  imputés  aux  réformes  que 
les  hommes  de  tradition  et  d'autorité  n'avaient  pu  empêcher  de  se 
produire.  Aussi  le  Ghâtelet  et  le  Parlement  unissent  leurs  efforts  :  ce 
qui  est  visible  par  le  grand  nombre  d'ordonnances  de  police  soumises 
à  l'homologation  parlementaire. 

Il  serait  sans  doute  intéressant  de  suivre,  à  propos  de  chaque  pro- 


1.  Établissant  un  syndic  et  un  adjoint  dans  chaque  profession  libre. 

2.  Enregistrement,  le  7  août;  cet  édit  supprimait  les  gardes  du  commerce,  et 
créait,  en  titre  d'offices,  12  commissions  «  d'officiers -gardes  du  commerce  » 
(Arch.  uat.,  X  1b  8971).  Voyez  le  recueil  dTsambert,  aux  dates  énoncées. 

3.  Par  le  Conseil  et  par  le  Parlement. 

4.  Dictionnaire...  de  la  police,  p.  11  et  12. 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTES  D'ARTS  ET  MÉTIERS  445 

fession  industrielle  et  commerciale,  cette  lutte  entre  l'esprit  de  liberté 
et  l'antique  réglementation.  Mais  nous  devons  nous  contenter  de 
donner  les  textes  qui  nous  ont  paru  les  plus  significatifs.  On  connaît  le 
dénouement  :  c'est  la  loi  du  17  mars  1791,  supprimant  les  corpora- 
tions d'arts  et  métiers. 

ARRÊT  de  la  cour  de  Parlement  (21  juin  1776),  rendu  en  faveur  de  la  com- 
munauté des  maîtres  perruquiers,  baigneurs,  étuvistes,  des  ville,  faubourgs 
et  banlieue  de  Paris,  contre  plusieurs  particuliers  se  disant  coiffeurs  de  dames. 
Portant  défenses  auxdits  particuliers  de  s'occuper  de  la  frisure  et  coiffure  de 
femmes,  sous  les  peines  portées  par  les  règlements1. 

Est  visée  l'ordonnance  du  1^2  juillet  1771.  —  Vingt-trois  prétendus 
coiffeurs  de  daines  sont  déboutés  de  leur  requête  et  condamnés  à 
l'amende.  L'un  d'entre  eux,  Joseph  Ghaudesol,  avait  été  écroué  au 
Petit  Ghàtelet  par  le  commissaire  Thierion,  sur  la  dénonciation  des 
prévôts  et  syndics  de  la  communauté  des  perruquiers.  On  avait  trouvé 
dans  ses  poches,  c'était  là  son  crime,  «  un  écheveau  de  fil  de  perru- 
quier violet  et  dévidé,  un  étui  plein  d'aiguilles  à  monter  les  perruques, 
un  démêloir,  deux  peignes  à  deux  fins  de  corne  et  une  grande  paire 
de  ciseaux  à  couper  les  cheveux2  ».  Ces  pièces  à  conviction  furent  dé- 
posées dans  le  bureau  des  syndics.  Ghaudesol  demanda  vainement 
que  son  écrou  fût  rayé  et  sa  prison  déclarée  nulle,  tortionnaire,  in- 
jurieuse et  vexatoire.  Le  Parlement  mit  son  appellation  à  néant. 

ORDONNANCE  du  7  octobre  177G.  — Sur  ce  qui  nous  a  été  remontré  par  le 
procureur  du  roi  que  par  ordonnances  de  Sa  Majesté  des  mois  de  juillet  1C01 
et  janvier  1613,  enregistrées  au  Parlement,  par  arrêts  du  conseil  d'État  du  roi 
des  13  octobre  1667  et  12  octobre  1741,  publiés  et  affichés,  il  a  été  ordonné 
que  les  marchands  forains  qui  fréquentent  les  foires  du  Landy  et  de  Saint-Denis, 
qui  se  tiennent  en  la  ville  de  Saint- Denis-en-France,  ne  pourront  faire  ouver- 
ture de  leurs  ballots  ni  vendre  aucune  partie  des  marchandises  destinées  pour 
lesdites  foires  qu'après  la  visite  d'icelles  par  les  gardes  des  drapiers  et  des 
merciers,  accompagnés  des  commissaires  et  huissiers  du  Chàtelet,  pour  em- 
pêcher les  abus  et  fraudes  énoncées  auxdites  ordonnances  et  arrêts,  il  a  été 
enjoint  auxdits  drapiers  et  merciers  de  visiter  les  poids,  mesures  et  aunes  des 
marchands,  et  de  faire  saisir  ce  qui  se  trouverait  eu  contravention;  qu'il  a  été 
défendu  à  tous  baillis,  leurs  lieutenants,  de  s'opposer  à  l'exécution  du  tout 
sous  les  peines  y  portées;  que  par  différents  arrêts  du  Parlement,  et  notam- 
ment par  celui  du  12  juin  1662,  il  a  été  ordonné  que  l'ouverture  desdites  foires 
du  Landy  et  de  Saint-Denis  serait  laite  par  les  officiers  du  Chàtelet,  et  il  a  été 
fait  défenses  aux  officiers  du  bailliage  de  Saint-Denis  d'y  faire  aucune  fonction 
qu'après  l'ouverture  d'icelles,  sous  peine  de  3,000  livres  d'amende.  Et  comme 


i.  Paris,  N.-Fr.  Valleyre-le-Jeune,  1775.  Pièce  in-4°  de  25  pages. 
2.  P.  18  de  l'arrêt. 


446  REGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS 

ladite  foire  de  Saint-Denis  doit  se  tenir  incessamment  et  qu'il  convient  que  la 
même  police  soit  toujours  observée  à  ladite  foire,  requiert  que  pour  la  sûreté 
publique,  il  y  soit  par  nous  pourvu  : 

Nous,  faisant  droit  sur  le  réquisitoire  du  procureur  du  roi,  ordonnons  que 
les  ordonnances  du  roi  de  juillet  1601  et  janvier  1613,  les  arrêts  du  conseil 
d'État  des  13  octobre  1667  et  12  octobre  1741,  ensemble  l'arrêt  du  Parlement 
du  12  juin  1662,  seront  exécutés  selon  leur  forme  et  teneur;  en  conséquence 
avons  autorisé  et  autorisons  les  gardes  du  corps  de  la  draperie-mercerie  à 
faire  en  la  manière  accoutumée  la  visite  des  marchandises  destinées  à  être 
exposées  en  vente  aux  foires  de  Saint-Denis  et  du  Landy,  et  celle  des  poids  et 
mesures  des  marchands,  en  présence  de  MM.  Laumonier  et  Bourgeois,  com- 
missaires au  Chàtclet,  que  nous  commettons  à  cet  effet,  lesquels  dresseront 
procès-verbal  des  contraventions  aux  règlements  si  aucunes  y  a,  pour  lesdits 
procès-verbaux  communiqués  au  procureur  du  roi  et  à  nous  rapportés,  être 
par  nous  ordonné  ce  qu'il  appartiendra.  Seront  tenus  les  marchands  et  autres 
fréquentant  lesdites  foires,  de  faire  ouverture  de  leurs  boutiques  et  échoppes, 
balles  et  ballots,  à  la  première  réquisition;  leur  défendons  de  vendre  aucunes 
marchandises  avant  que  ladite  visite  en  ait  été  faite.  Enjoignons  aux  huissiers 
au  Chàtclet  et  à  tous  autres  qu'il  appartiendra,  de  prêter  main-forte  auxdits 
commissaires  à  la  première  réquisition;  pourront  même  lesdits  commissaires, 
en  cas  de  refus  d'ouverture  des  portes,  les  faire  ouvrir  par  le  premier  serrurier 
en  présence  de  deux  voisins.  Et  sera  notre  présente  ordonnance  exécutée 
nonobstant  oppositions  ou  appellations  quelconques,  imprimée,  lue,  publiée 
et  affichée  partout  où  besoin  sera,  à  ce  que  personne  n'en  ignore. 

Ce  fut  fait  et  donné... 

Lenoir.  More.vu  '. 

EXTRAIT  de  l'ordonnance  du  8  novembre  1776-.  —  Sur  ce  qui  nous  a  été  re- 
montré par  le  procureur  du  roi  qu'il  nous  a  été  porté  des  plaintes  par  les  syndics 
et  les  maîtres  de  la  communauté  des  boulangers,  contre  l'insubordination  des 
garçons  qui  prétendent  pouvoir  se  soustraire  aux  dispositions  prescrites  par 
les  anciens  règlements...  Enjoignons  auxdits  garçons  boulangers  qui  voudront 
quitter  les  maîtres  chez  lesquels  ils  travaillent  de  les  prévenir  quinze  jours 
auparavant.  Leur  défendons  de  sortir  de  chez  eux  avant  l'expiration  de  la 
quinzaine  et  sans  être  munis  d'un  certificat  du  .maître  qu'ils  quitteront,  con- 
tenant leurs  nom  et  surnoms  et  le  lieu  de  leur  naissance.  Défendons  pareille- 
ment à  leurs  maîtres  ou  maîtresses  de  les  recevoir  chez  eux  ni  de  leur  donner 
du  travail,  et  à  tous  cabarctiers,  aubergistes,  logeurs  et  autres  de  les  loger  ou 
de  leur  donner  retraite  sans  s'être  fait  représenter  lesdits  certificats,  le  tout  à 
peine  de  prison  contre  les  garçons  boulangers  et  de  20  livres  d'amende  contre 
les  maîtres  et  maîtresses,  cabaretiers,  aubergistes  et  logeurs.  Et  sera  notre 
présente  ordonnance  imprimée,  etc. 

Lenoir. 
EXTRAIT  de  l'ordonnance  du  3  décembre  1776.  —  Sur  ce  qui  nous  a  été  re- 


1.  Arch.  nat.,  Y.  9499. 

2.  Arch.  nat.,  ihid. 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS  Ul 

présente  par  le  procureur  du  roi  que,  malgré  les  règlements  de  police,  qui  font 
défenses  très  expresses  à  tous  les  marchands  de  courir  les  uns  sur  les  autres 
pour  le  débit  de  leurs  marchandises,  ni  d'user  d'aucun  artifice  pour  surprendre 
les  acheteurs  et  se  les  ménager  au  préjudice  de  la  liberté  du  commerce;  cepen- 
dant quelques  marchands  de  cette  ville  ont  affecté  depuis  quelque  temps  de 
faire  répandre  dans  le  public  des  billets  de  leur  nom  pour  annoncer  la  vente 
de  leurs  étoffes  et  autres  marchandises,  à  un  prix  qu'ils  exposent  être  inférieur 
à  celui  que  lesdites  marchandises  ont  coutume  d'être  vendues  par  les  autres 
marchands;  qu'une  pareille  contravention,  qui  est  presque  toujours  la  dernière 
ressource  d'un  négociant  infidèle  pour  mettre  promptement  ses  effets  à  cou- 
vert, ne  peut  être  trop  sévèrement  réprimée;  qu'autrement  ce  serait  donner 
lieu  à  toutes  les  fraudes  que  l'intérêt  et  la  cupidité  peuvent  inspirer  :  d'où  il 
résulterait  même  pour  le  public  un  grand  préjudice,  en  ce  que,  sous  le  pré- 
texte de  donner  des  marchandises  à  un  vil  prix,  on  ne  lui  en  vendrait  souvent 
que  de  défectueuses... 

Sur  quoi,  ordonnons  que  les  anciens  règlements,  et  notamment  les  ordon- 
nances de  police  des  1er  juillet  1734  et  10  avril  1761,  seront  exécutés  selon 
leur  forme  et  teneur;  faisons...  défenses  à  tous  marchands  de  courir  les  uns 
sur  les  autres...  à  peine  de  300  livres  d'amende  pour  la  première  contraven- 
tion, et  de  fermeture  de  leurs  boutiques  en  cas  de  récidive.  Disons  que  notre 
présente  ordonnance  sera  inscrite  sur  les  registres  des  corps  et  communautés 
de  cette  ville.  Enjoignons  particulièrement  aux  gardes  de  la  draperie-mercerie 
de  veiller  à  l'exécution  d'icelles  pour  ce  qui  concerne  les  six  corps  des  mar- 
chands. 

Signé  :  Lenoir.  Moreau  '. 

ARRÊT  du  Parlement  du  1G  décembre  1779,  portant  homologation  de  l'or- 
donnance du  lieutenant  général  de  police,  du  31  juillet  1779,  concernant  la 
défense  des  étalages  dans  les  rues  et  places  publiques  de  la  ville  et  faubourgs 
de  Paris2. 


Vise  :  les  arrêts  du  15  juin  1554,  du  29  mars  1563.  —  Maintient 
l'exception  de  l'article  24  de  l'édit  du  mois  d'août  1770,  en  faveur  des 
«  pauvres  maîtres  et  veuves  de  maîtres  »,  mais  moyennant  l'autori- 
sation préalable  de  la  police,  et  aux  emplacements  par  elle  désignés. 
Yoici  un  extrait  des  réquisitions  : 

Nonobstant  le  grand  nombre  d'ordonnances  et  règlements  de  police  rendus 
tant  par  nos  prédécesseurs  que  par  nous,  pour  assurer  la  liberté  et  la  commo- 
dité de  la  voie  publique,  une  multitude  de  colporteurs,  revendeurs  et  reven- 
deuses, fruitiers,  regrattiers,  jardiniers  et  habitants  de  la  campagne  étalent, 
vendent  et  débitent  leurs  marchandises,  denrées,  fruits,  légumes  et  herbages 
dans  les  places  publiques,  sur  les  remparts  et  dans  les  rues,  où  ils  forment 
embarras,  exposent  les  passants,  s'exposent  eux-mêmes,   au  danger  d'être 

i.  Arch.  nat.,  9409. 

2.  Bib.  nat.,  Collection  des  arrêts  du  Parlement,  à  la  date. 


US  RÉGIME  DES  COMMUNAUTES  D'ARTS  ET  MÉTIERS 

blessés  par  les  voitures,  el  il  en  est  résulté  plusieurs  accidents.  Plusieurs 
habitants  ajoutent  à  cet  abus  celui  de  se  faire  payer  pour  souffrir  des  étalages 
devant  leurs  portes;  les  placiers  exigent  de  ceux  qui  étalent  dans  les  environs 
des  marchés  les  mêmes  droits  que  s'ils  vendaient  dans  leur  enceinte. 

ARRÊT  de  la  Cour  de  Parlement  concernant  les  étalages.  Extrait  des  registres 
du  Parlement  du  26  février  1780  ». 

Entre  Jacques-Louis  Rruère,  marchand  mercier  à  Paris,  appelant  de  l'empri- 
sonnement fait  de  sa  personne  dans  les  prisons  du  Grand  Chàlelet,le  16  novem- 
bre 1779,  ainsi  que  de  l'ordonnance  du  lieutenant  général  de  police,  mentionnée 
dans  l'écrou  fait  de  la  personne  dudit  Rruère,  d'une  part;  et  le  procureur  général 
du  roi,  d'autre  part. 

Et  entre  ledit  Rruère,  demandeur  en  requête  du  19  janvier  dernier,  ten- 
dante à  ce  que  l'appellation  et  la  sentence  dont  était  appel  fussent  mises  au 
néant;  émendant,  que  l'emprisonnement  fait  de  sa  personne  ès-prisons  du 
Grand  Chàteict,  le  16  novembre  dernier,  fut  déclaré  nul  et  vexafoire;  qu'il 
fût  ordonné  que  l'écrou  serait  rayé  des  registres  de  ladite  prison,  et  qu'il  con- 
tinuerait de  jouir  de  la  permission  accordée  par  l'article  34  de  l'édit  du  mois 
d'août  1770,  enregistré  en  la  Cour  le  23  du  même  mois,  à  tous  les  pauvres 
marchands,  ou  leurs  veuves,  de  vendre  dans  Paris  par  étalage,  à  la  charge  par 
ledit  Druère  de  se  conformer  à  ce  qui  est  prescrit  par  ledit  article;  en  consé- 
quence, que  ledit  Rruère  fût  autorisé  à  continuer  d'étaler  dans  l'endroit  où 
il  ne  gênait  point  la  voie  publique,  et  dont  le  voisin  ne  se  plaignait  point;  que 
défenses  fussent  faites  à  qui  que  ce  soit  de  l'y  troubler,  sous  telles  peines  qu'il 
appartiendrait;  et  attendu  que  l'emprisonnement  l'ait  de  la  personne  dudit 
Rruère  peut  lui  faire  un  tort  considérable  dans  son  commerce,  et  lui  faire 
perdre  le  crédit  de  ses  fournisseurs,  il  fût  permis  audit  Rruère  de  faire  im- 
primer et  afficher  l'arrêt  à  intervenir,  jusqu'à  concurrence  de  cent  exemplaires; 
comme  aussi  à  ce  qu'il  lui  fût  permis  de  prendre  à  partie  le  sieur  Dubois, 
commandant  le  guet,  et  le  commissaire  Saint-Père,  aux  fins  de  ses  dommages- 
intérêts,  d'une  part;  et  le  procureur  général  du  roi,  défendeur,  d'autre  part  : 
Et  entre  ...  Marchand,  marchand  mercier  à  Patis,  demeurant  rue  de  la  Licorne 
en  la  cité;  Fouquet,  marchand  mercier,  rue  Saint-Germain-l'Auxerrois;  Jean- 
Jacques  Darnault,  marchand  mercier,  demeurant  même  rue;  Michel  Moulins, 
marchand  mercier,  rue  Montmartre;  Nicolas  Lefevre,  marchand  mercier,  rue 
Guérin-Roisseau  ;  Pierre-François  de  Gamaches,  marchand  mercier,  rue  Hya- 
cinthe, place  Mauherl;  Vincent  Tiphaine,  marchand,  rue  Saint-Jean-de-Rcau- 
vais  ;  Louis-Paul  Lizerct,  marchand  mercier,  rue  Saint-Honoré;  ...  Onfray, 
marchand  mercier,  sur  le  Pont-au-Change;  Philippe-Claude  Videgoulet,  mar- 
chand mercier,  rue  de  la  Verrerie;  Jean-Louis  Cheron^  marchand  mercier, 
place  et  porte  Saint-Denis;  Jean-Toussaint  Lemoine,  marchand  mercier,  à  Paris; 
Jean  Rrousse,  marchand  mercier,  à  Paris,  rue  Saint-Honoré;  Noël  Debien, 
marchand  mercier,  rue  Gcrvais-Laurent;  Louis-Coquille  Dubois,  marchand 
mercier,  rue  Jcan-de-Lépine;  Antoine  Magu,  marchand  mercier,  rue  du  Fau- 
bourg-Montmartre ;  René  Raron,  marchand  mercier,  rue  Gallande;  Pierre 
Roupnel,    marchand  mercier,   rue    Jean-Pain-Mollct;    ...  Quignon,  marchand 

1.  Pièce  iii-4°,  1  pages. 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS  449 

mercier,  rue  de  la  Tixcranderie;  ...  Bourchenelle,  marchand  mercier,  rue  des 
Francs-Bourgeois;  ...  Legay,  marchand  mercier;  Alexandre  Bouchery,  mar- 
chand mercier;  ...  Isselot,  marchand  mercier;  François  Manson,  marchand 
mercier;  et  ...Lefèvre,  aussi  marchand  mercier,  tous  pauvres  marchands 
merciers  étalant  dans  les  rues,  demandeurs  en  requête  du  27  janvier  1780, 
tendante  à  ce  qu'ils  fussent  reçus  parties  intervenantes  dans  la  contestation 
pendante  en  la  Cour,  entre  le  procureur  général  du  roi  et  le  nommé  Bruère, 
marchand  mercier,  sur  l'appel  par  lui  interjeté  de  l'emprisonnement  fait  de  sa 
personne  ès-prisons  du  Châtelet,  pour  avoir  étalé  clans  les  rues;  ce  faisant,  à 
ce  qu'ils  fussent  reçus  opposants  à  l'exécution  de  l'arrêt  de  la  Cour,  du  16  dé- 
cembre dernier,  homologatif  d'une  ordonnance  du  sieur  lieutenant  général  de 
police,  du  31  juillet  dernier,  en  ce  que,  par  ledit  arrêt,  les  pauvres  maîtres  et 
marchands,  ou  leurs  veuves,  à  qui  il  était  permis  de  tenir  une  échoppe  ou 
étalage  couvert  et  en  lieux  fixés  dans  les  rues,  places  et  marchés,  ne  pourraient 
tenir  lesdites  échoppes  ou  étalages  que  dans  les  lieux  et  endroits  qui  leur  se- 
raient indiqués  par  le  lieutenant  général  de  police,  ou  les  officiers  qui  seraient 
par  lui  préposés  à  cet  effet,  après  avoir  obtenu  la  permission  dudit  lieutenant 
général  de  police,  sans  pouvoir  par  lesdits  maîtres  et  marchands  ou  veuves, 
embarrasser  la  voie  publique,  ni  tenir  échoppe  ou  étalage  couvert  en  d'autres 
lieux  et  endroits  que  ceux  qui  leur  auraient  été  indiqués  par  le  lieutenant  gé- 
néral de  police,  sous  peine  d'amende,  de  confiscation  de  leurs  marchandises, 
même  d'être  poursuivis  extraordinairement  ;  faisant  droit  sur  ladite  opposition, 
que  l'article  34-  de  l'édit  du  mois  d'août  177G,  dûment  enregistré  en  la  Cour, 
serait  purement  et  simplement  exécuté  selon  sa  forme  et  teneur;  en  consé- 
quence qu'ils  seraient  maintenus  et  gardés  en  la  possession  et  jouissance  où 
ils  étaient  depuis  et  suivant  le  vœu  dudit  édit,  de  choisir  dans  les  places,  rues, 
marchés  et  remparts  les  places  qu'ils  jugeraient  être  convenables,  pourvu 
qu'ils  ne  gênent  point  la  voie  publique,  d'y  étaler,  été  comme  hiver,  jusqu'à 
dix  heures  du  soir,  heure  portée  par  le  règlement  pour  la  fermeture  des  bou- 
tiques, et  d'illuminer  leur  étalage  de  tel  nombre  de  lumières  qu'ils  jugeraient 
convenable,  aux  offres  que  faisaient  les  intervenants  de  se  conformer  à  toutes 
les  dispositions  dudit  article  34  de  l'édit  ;  en  conséquence,  que  défenses  fussent 
faites  audit  sieur  Dubois.,  commandant  du  guet  de  Paris,  à  tous  commissaires, 
inspecteurs,  même  aux  gardes  et  adjoints  des  marchands  drapiers  et  merciers, 
de  plus  à  l'avenir  troubler  ni  inquiéter  les  intervenants  dans  leurs  droits;  qu'il 
fût  ordonné  que  ledit  sieur  Dubois  serait  tenu  de  révoquer,  dans  le  jour  de 
l'arrêt  à  intervenir,  les  deux  consignes  qu'il  a  données  les  22  mars  et  20  oc- 
tobre derniers,  et  inscrites  sur  les  registres  des  cinquante-trois  corps  de  garde 
établis  dans  Paris,  sinon  que  l'arrêt  à  intervenir,  dûment  signifié  audit  sieur 
Dubois,  vaudrait  ladite  révocation,  et  qu'il  serait  transcrit,  aux  frais  dudit  sieur 
Dubois,  sur  les  registres  des  corps  de  garde  ;  qu'acte  leur  fût  donné  de  la 
plainte  qu'ils  rendaient  à  la  Cour  des  excès  et  vexations  contre  eux  commises, 
tant  par  ledit  sieur  Dubois  et  ses  subordonnés  que  par  les  gardes  et  adjoints 
des  drapiers  et  merciers;  et  attendu  l'impuissance  notoire  des  intervenants, 
résultante  de  leur  pauvreté,  de  suivre  une  pareille  plainte,  il  fût  ordonné  qu'à 
la  requête  du  procureur  général  du  roi,  et  par-devant  tel  de  messieurs  qu'il 
plaira  à  la  Cour  commettre,  il  serait  informé  des  excès  et  vexations,  pour,  l'in- 
formation faite  et  rapportée,  être  par  le  procureur  général  du  roi  pour  la  vin- 
dicte publique,  et  par  les  intervenants  pour  leur  intérêt  particulier,  pris  telles 

29 


450  RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS 

conclusions  qu'il  appartiendrait  contre  qui  et  ainsi  qu'ils  aviseraient  bon  être, 
et  par  la  Cour  statué  ce  que  de  raison,  et  à  ce  qu'acte  leur  fût  donné  de  ce 
qu'ils  se  soumettaient  de  ne  jamais  s'emparer  des  encoignures  des  rues,  ni 
d'avoir  des  mannes  ou  étalages  de  plus  de  deux  pieds  de  largeur  sur  cinq  ou 
six  de  longueur,  cl  de  les  tenir  couvertes  et  non  appuyées  contre  les  murailles; 
comme  aussi  qu'acte  leur  fût  donné  de  ce  que,  déclaration  préalablement  faite 
à  leurs  corps  ou  communautés,  qu'attendu  leur  indigence,  ils  entendaient 
étaler  dans  les  rues,  ils  se  soumettaient  rie  rapporter  le  consentement  des  pro- 
priétaires ou  principaux  locataires  des  maisons  près  lesquelles  ils  étaleraient, 
et  leurs  certificats  qu'ils  n'y  gênaient  pas  la  voie  publique  et  n'y  avaient  occa- 
sionné aucun  inconvénient,  et  ce  dans  le  mois,  à  compter  du  jour  qu'ils  au- 
raient commencé  à  y  étaler,  pour,  sur  lesdits  consentements  et  certificats,  être 
délivré  aux  intervenants  gratis,  savoir,  pour  les  remparts  et  autres  lieux  dé- 
pendants de  la  juridiction  de  la  ville,  par  les  magistrats  de  l'Hôtel  de  Ville, 
ainsi  qu'il  avait  été  pratiqué  jusqu'à  présent,  et  pour  l'intérieur  de  la  ville,  par 
le  sieur  lieutenant  général  de  police,  ou  les  commissaires  de  la  voirie,  ou  tel 
autre  magistrat  qu'il  plairait  à  la  Cour  indiquer,  la  permission  requise  par 
l'article  34  de  l'édit  de  177G,  pour,  sur  ladite  permission,  être  ledit  emplace- 
ment définitivement  conservé  à  celui  qui  en  aurait  fait  le  choix  sans  pouvoir 
en  être  expulsé  par  qui  que  ce  soit;  à  ce  qu'il  fût  ordonné  qu'à  la  requête  du 
procureur  général  du  roi,  l'arrêt  à  intervenir  serait  lu,  publié  et  affiché  par- 
tout où  besoin  serait,  d'une  part;  et  le  procureur  général  du  roi  et  ledit  sieur 
Bruere,  d'autre  part  :  Et  entre  Louis-Victor  Bruère,  marchand  mercier  à  Paris, 
demandeur  en  requête  du  10  février  présent  mois,  tendante  à  ce  qu'il  fût  reçu 
partie  intervenante  dans  la  cause  pendante  en  la  Cour,  entre  Jacques-Louis 
Bruère,  son  frère,  non  reçu  marchand  mercier,  et  emprisonné  le  16  no- 
vembre dernier,  et  le  procureur  général  du  roi  et  vingt-cinq  autres  marchands 
merciers,  intervenants  dans  ladite  cause,  qu'acte  lui  fût  donné,  pour  moyens 
d'intervention,  de  ce  qu'il  employait  le  contenu  en  ladite  requête,  et  y  faisant 
droit,  qu'acte  lui  fût  donné  de  ce  que,  tant  en  son  nom  personnel  comme 
marchand  mercier  que  comme  prenant  le  fait  et  cause  de  son  frère,  empri- 
sonné le  10  novembre  dernier,  pendant  qu'il  gardait  l'étalage  dudit  sieur 
Louis-Victor  Bruère,  il  adoptait  et  adhérait  aux  conclusions  prises  tant  par  son 
frère  que  par  les  intervenants,  d'une  part;  le  procureur  général  du  roi,  le 
sieur  Jacques-Louis  Bruère,  et  les  sieurs  Marchand,  Fouquet,  Durnault1,  Mou- 
lins et  consorts,  tous  marchands  merciers,  d'autre  part;  sans  que  les  qualités 
puissent  nuire  ni  préjudicier.  Après  que  Larguèze,  avocat  de  Jacques-Louis 
Bruère,  Victor  Bruère,  Marchand,  Fouquet  et  consorts,  elJoly  de  Fleury  pour 
le  procureur  général  du  roi,  ont  été  ouïs  : 

La  Cour  reçoit  les  intervenants  parties  intervenantes;  donne  acte  aux  nom- 
més Marchand,  Fouquet  et  consorts,  de  ce  qu'ils  se  joignent  et  adhèrent  aux 
conclusions  de  Jacques-Louis  Bruère;  donne  pareillement  acte  à  Louis-Victor 
Bruère  de  ce  qu'il  adhère  aux  conclusions  desdits  Marchand.  Fouquet  et  con- 
sorts, et  à  celles  dudit  Jacques-Louis  Bruère;  comme  aussi  lui  donne  acte  des 
déclarations  portées  par  sa  requête;  au  principal,  faisant  droit  sur  le  tout,  et 
sur  les  conclusions  dû  procureur  général  du  roi,  en  tant  que  touche  l'appel 
de  l'emprisonnement  fait  de  la  personne  dudit  Jacques-Louis  Bruère,  ensemble 

1.  Sic;  plus  liant  on  lit  :  DarnauK. 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS  431 

les  conclusions  prises  par  aucunes  des  parties  relativement  audit  appel,  sans 
s'arrêter  à  leurs  requêtes  à  cet  égard,  dans  lesquelles  elles  sont  déclarées  non 
recevables  et  mal  fondées,  met  l'appellation  au  néant,  ordonne  que  ce  dont 
est  appel  sortira  son  plein  et  entier  effet  ;  condamne  l'appelant  en  l'amende  de 
12  livres.  En  tant  que  touche  les  demandes  d'aucunes  des  parties  à  fin  d'être 
reçues  opposantes  à  l'exécution  de  l'arrêt  de  la  Cour  du  16  décembre  dernier, 
portant  homologation  de  l'ordonnance  de  police  du  31  juillet  dernier,  les  dé- 
clare pareillement  non  recevables  et  mal  fondées  dans  leurs  susdites  demandes, 
ensemble  dans  celles  en  prise  à  partie,  dénonciation,  plainte  et  information  ; 
en  conséquence,  ordonne  que  l'arrêt  de  la  Cour  du  16  décembre  dernier  sera 
exécuté  selon  sa  forme  et  teneur;  enjoint  à  toutes  les  parties  de  s'y  conformer 
sur  les  peines  y  portées  ;  déclare  pareillement  toutes  les  parties  non  recevables 
et  mal  fondées  dans  le  surplus  de  leurs  autres  demandes,  fins  et  conclusions; 
ordonne  que  les  mémoires,  l'un  à  consulter,  pour  le  nommé  Rruère,  commen- 
çant par  ces  mots  :  Un  édit  portant,  et  finissant  par  ces  mots  :  sa  liberté  et  son 
état;  l'autre  pour  les  nommés  Marchand  et  Fouquet  et  consorts,  commençant 
par  ces  mots  :  Le  sieur  Bruère  est  jeté  en  prison,  et  finissant  par  ceux-ci  :  pour 
parvenir  aux  fins  de  leur  mémoire,  seront  et  demeureront  supprimés,  comme 
contraires  à  l'autorité  et  au  respect  dus  aux  arrêts  de  la  Cour;  ordonne  que  le 
présent  arrêt  sera  imprimé,  publié  et  affiché  partout  où  besoin  sera,  et  inscrit 
sur  le  registre  du  corps  des  marchands  merciers,  le  tout  à  la  requête  et  dili- 
gence du  substitut  du  procureur  général  du  roi  au  Chàtelet  de  Paris.  Fait  en 
Parlement  le  vingt-six  février  mil  sept  cent  quatre-vingt.  Collationné  Lutton. 

Signé  :  Leiiret. 

ORDONNANCE  de  police  du  10  juillet  17701. 

Sur  ce  qui  nous  a  été  représenté  par  le  procureur  du  roi,  qu'il  a  remarqué 
que  la  plus  grande  partie  des  vols  que  son  devoir  l'a  mis  dans  la  nécessité  de 
poursuivre  ont  été  commis  depuis  plusieurs  mois  dans  cette  ville,  faubourgs 
de  Paris  et  environs ,  à  la  faveur  de  clefs  dont  la  vente  s'est  faite  par  un  abus 
préjudiciable  à  la  sûreté  publique;...  il  croit  du  devoir  du  ministère  de  re- 
quérir l'exécution  des  ordonnances  et  règlements  de  police  ,  qu'on  pourrait 
prétexter  d'ignorer,  soit  par  leur  ancienneté,  soit  parce  qu'ils  se  trouvent 


1.  Arch.  nat.,  Y.  9499.  Comparez  (ibidem),  à  la  date  du  18  nov.  1746,1a  sentence 
de  police  signée  de  Marville,  qui  renouvelle  les  injonctions  faites  à  tous  mer- 
ciers, quincailliers,  libraires,  joailliers,  bijoutiers,  horlogers,  tapissiers,  fripiers, 
fournisseurs,  potiers  d'étain,  plombiers,  fondeurs,  chaudronniers,  vendeurs  de 
vieux  fers,  et  autres  marchands  et  artisans  qui  achètent  et  revendent,  changent 
et  trafiquent  des  effets  et  marchandises  de  hasard,  d'avoir  deux  registres  pour 
représenter  l'un  au  commissaire  ancien  et  l'autre  à  l'inspecteur  de  police  de  leur 
quartier,  et  condamne  le  nommé  Goyon,  maître  chaudronuier,  porte  Saint-Jac- 
ques, en  500  livres  d'amende  pour  avoir  refusé  avec  violence  de  s'y  conformer. 
(Extrait  des  registres  du  greffe,  de  l'audience  de  police  du  Chàtelet  de  Paris,  du 
18  novembre  1746.)  —  Sont  visés  :  les  ordonnances  de  police  des  15  janv.  1369, 
13  février  1385,  25  novembre  1396,  12  avril  1548  et  18  juin  1698,  et  l'édit  du  mois 
de  mars  1740,  registre  en  Parlement  le  3  mai  suivant.  —  Les  registres  devaient 
porter  les  noms,  qualités,  demeures  des  vendeurs;  les  jour,  nature  et  prix  des 
achats. 


452  RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS 

dispersés  dans  un  grand  nombre  d'ordonnances  particulières,  rendues  en  dif- 
férents temps  et  à  différentes  occasions.... 

En  conséquence,  l'article  1er  interdit  aux  serruriers,  taillandiers,  etc., 
de  vendre  aucune  clef,  vieille  ou  neuve,  sans  la  serrure  pour  laquelle 
cette  clef  aura  été  faite,  sous  peine  de  100  livres  d'amende  la  pre- 
mière fois,  et  de  prison  en  cas  de  récidive  ;  l'article  4  leur  prescrit  de 
ne  travailler  et  faire  travailler  qu'en  lieux  apparents.  L'article  2  dé- 
fend aux  compagnons  ou  apprentis  serruriers  de  forger  et  limer  des 
clefs  hors  les  boutiques  de  leurs  maîtres,  et  d'apporter  des  outils 
dans  leurs  logements  particuliers.  Les  propriétaires,  principaux  loca- 
taires, logeurs,  sont  tenus  de  dénoncer  les  contrevenants  au  bureau 
de  police.  Par  l'article  3,  défense  aux  ferrailleurs  de  réparer  de  vieilles 
clefs.  Par  l'article  5,  ordre  d'apporter  dans  la  quinzaine  toutes  les 
clefs  vieilles  ou  neuves  dépourvues  de  leur  serrure ,  —  sous  peine 
d'amende  (art.  6). 

OUVRIERS  ET  ARTISANS  DU  FAUBOURG  SAINT-ANTOINE 

Au  premier  abord,  on  pourrait  croire  que  les  ouvriers  et  artisans 
du  faubourg  Saint-Antoine,  protégés  par  l'Abbaye,  ont  gardé  leurs 
libertés  exceptionnelles  plusieurs  fois  confirmées,  entre  autres  par  les 
lettres  patentes  de  1657.  En  effet,  la  déclaration  du  19  décembre  1776, 
registrée  en  Parlement  le  30,  s'exprime  ainsi  à  leur  égard  : 

Les  franchises  dont  ont  joui  jusqu'à  présent  les  artisans  et  ouvriers  habi-# 
tant  le  faubourg  Saint-Antoine  ont  été  resserrées  par  des  gènes  non  moins 
préjudiciables  à  la  liberté  et  au  progrès  du  commerce  qu'à  leurs  intérêts.  Les 
marchandises  fabriquées  dans  l'étendue  dudit  faubourg  ne  pouvaient  être 
transportées  dans  l'intérieur  de  ladite  ville,  sans  être  exposées  à  des  saisies 
que  les  droits  attribués  aux  corps  et  communautés  d'arts  et  métiers  les  auto- 
risaient à  faire. 

Le  roi  déclare  avoir  reçu  favorablement  les  représentations  des 
abbesse,  prieure  et  religieuses  de  l'abbaye  Saint-Antoine,  ainsi  que 
les  instances  et  supplications  des  principaux  d'entre  les  habitants 
dudit  faubourg.  Mais,  en  réalité  ,  le  régime  industriel  du  faubourg  se 
rapproche  singulièrement  de  celui  de  la  ville.  Les  droits  de  réception 
clans  les  communautés  sont  simplement  modérés  pour  ceux  qui  veu- 
lent se  faire  admettre  à  la  maîtrise  (en  application  de  l'article  27  de 
l'éditd'aoùt  1776);  en  cas  d'établissement  à  Paris,  le  complément  des 
droits  est  dû.  Enfin,  il  reste  libre  aux  ouvriers  et  artisans  du  faubourg 
d'être  simplement  agrégés  aux  communautés;  mais  ils  doivent  se  faire 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS  453 

inscrire  sur  les  registres  de  la  police  et  payer  annuellement  le  dixième 
des  droits  royaux  fixés  par  le  tarif  d'août  17G0  '.  Au  bout  de  10  ans, 
ils  sont  libérés  à  l'égard  du  roi  ;  s'ils  veulent  devenir  maîtres ,  ils 
n'ont  qu'à  régler  les  droits  attribués  aux  communautés  2. 

CHARCUTIERS  DU  FAUBOURG  SAINT-ANTOINE 

ARRÊT  du  Parlement  du  13  mars  1781,  rendu  en  faveur  des  dames  abbôsse, 
prieure  et  religieuses  de  l'abbaye  de  Saint-Anloine-dcs-Champs-lès-Paris  ;  — 
et  des  nommés  Bérard  ,  Guesnot  et  Roy,  charcutiers  au  faubourg  Saint-An- 
toine; —  contre  la  communauté  des  charcutiers  de  Paris  :  —  Par  lequel  la 
Cour,  en  confirmant  le  privilège  de  l'abbaye  de  Saint-Antoine  ',  annule  des 
saisies  faites  à  la  requête  de  ladite  communauté,  condamne  ladite  communauté 
en  100  livres  de  dommages  et  intérêts;  maintient  les  charcutiers  du  faubourg 
dans  le  droit  de  s'approvisionner  de  marchandises  dans  les  marchés  et  autres 
endroits  où  les  maîtres  ont  coutume  et  sont  en  droit  de  s'approvisionner,  et 
de  faire  transporter  leurs  marchandises  au  faubourg,  sauf  à  la  communauté  à 
les  faire  suivre,  et  à  les  saisir,  si  elle  les  trouvait  vendant  dans  l'intérieur  de 
la  ville,  dans  l'intervalle  du  transport  ». 

COMMERÇANTS  EN  GROS 

ARRÊT  de  règlement  du  Parlement  (5  juillet  1780  5). 

Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  roi  de  France  et  de  Navarre  ,  à  tous  ceux  qui 
ces  présentes  verront,  salut. 

Au  premier  huissier  de  notre  Cour  de  Parlement,  ou  autre,  notre  huissier 
ou  sergent  sur  ce  requis ,  savoir  faisons  qu'entre  Pierre  Renard ,  se  disant 
négociant  à  Paris,  appelant  du  procès-verbal  de  saisie  sur  lui  faite  le  15  mars 
1779,  à  la  requête  des  intimés  ci-après  nommés,  d'une  part,  et  les  gardes  et 
adjoints  du  corps  des  marchands  épiciers  de  Paris,  intimés,  d'autre  part;  et 
entre  ledit  Renard ,  demandeur  en  deux  requêtes  du  même  jour  2-i  février 
dernier,  la  première  à  fin  d'opposition  à  l'arrêt  par  défaut  du  12  dudit  mois, 
la  deuxième  à  ce  que  le  procès-verbal  dont  il  s'agit  fût  déclaré  vexatoire, 
injurieux,  tortionnaire  et  déraisonnable,  qu'il  fût  ordonné  que  la  remise  des 
eaux -de -vie  faite  en  exécution  de  l'arrêt  sur  appoinlement  à  mettre,  du 
21  juin  1779,  serait  et  demeurerait  définitive,  qu'il  fût  fait  défense  aux  syndics 
et  adjoints  des  marchands  épiciers  de  Paris  de  plus  à  l'avenir  exercer  aucunes 
poursuites  ni  perquisitions  sur  les  commerçants  en  gros,  et  notamment  sur 
ledit  Renard,  et  que,  pour  l'avoir  fait  sans  qualité,  ils  fussent  condamnés  à  son 
égard  en  2,000  livres  de  dommages-intérêts  ou  en  telle  autre  somme  qu'il 

1.  Ce  tarif  est  reproduit  par  Jèze  (ouvrage  cité). 

2.  Arch.  nat.,  K.  1052. 

3.  Notamment  (p.  9  de  l'arrêt)  «  les  lettres  patentes  de  1Gj7,  et  la  déclaration 
du  19  décembre  1776  ». 

4.  Bib.  nat.,  F.,  à  la  date.  Pièce  in-4°  de  10  pages,  dont  1  impression  fut  ordon- 
née à  100  exemplaires  et  l'affichage  à  10. 

'■'y.  Pièce  in-4°,  4  pages. 


454  RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS 

plairait  à  notredite  Cour  fixer,  résultant  du  retard  et  de  la  perte  que  la  saisie 
en  question  avait  occasionnée  à  la  vente  desdites  caux-dc-vie,  comme  aussi, 
attendu  que  celte  saisie  avait  nécessairement  occasionné  la  perte  du  crédit 
dudit  Renard ,  qu'il  lut  ordonné  que  l'arrêt  à  intervenir  serait  imprimé  et 
affiché  au  nombre  de  500  exemplaires,  aux  frais  desdits  syndics  et  adjoints  du 
corps  des  marchands  épiciers  de  la  ville  de  Paris,  et  qu'ils  fussent  en  outre 
condamnés  en  tous  les  dépens  des  causes  d'appel'et  demandes,  même  en  ceux 
réservés  par  arrêt  sur  appointement  à  mettre,  du  21  juin  1779,  et  à  lui  rendre 
et  payer  la  somme  par  lui  avancée  pour  le  coût  dudit  arrêt,  et  défendeur,  d'une 
part;  et  lesdits  gardes  et  adjoints  du  corps  des  marchands  épiciers  de  ladite 
ville  de  Paris,  défendeurs  et  demandeurs  en  requête  du  29  mai  dernier,  à  ce 
que,  sans  s'arrêter  aux  requêtes  et  demandes  dudit  Renard,  dans  lesquelles  il 
serait  déclaré  non  recevable,  ou  dont  en  tout  cas  il  serait  débouté,  il  fût  pa- 
reillement déclaré  non  recevable  dans  son  appel  du  procès -verbal'de  saisie 
dont  il  s'agit,  ou  qu'en  tout  cas  et  subsidiairement  l'appellation  fût  mise  au 
néant,  que  la  saisie  faite  des  eaux-de-vic  en  question  fût  déclarée  bonne  et 
valable,  qu'il  fût  ordonné  qu'elles  seraient  et  demeureraient  acquises  et  con- 
fisquées au  profit  du  corps  de  l'épicerie;  en  conséquence,  que  ledit  Renard  et 
les  sieurs  Hatry  père  et  fils,  ses  cautions,  fussent  condamnés  solidairement  et 
par  corps  à  remettre  audit  corps  de  l'épicerie  la  somme  de  1,800  livres,  re- 
présentative desdites  pièces  d'eau-de-vie,  aux  termes  de  l'arrêt  sur  appointe- 
ment à  mettre,  rendu  au  rapport  de  feu  M.  l'abbé  de  Malezieu,  le  21  juin  1779, 
qu'il  fût  fait  défense  audit  Renard  de  plus  à  l'avenir  entreprendre  sur  le  com- 
merce de  l'épicerie,  et  que,  pour  l'avoir  l'ail,  il  fût  condamné  en  2,000  livres 
de  dommages  et  intérêts  au  profit  dudit  corps,  qu'il  fût  en  outre  condamné 
en  l'amende  ordinaire  de  12  livres  et  en  tous  les  dépens  des  causes  d'appel  et 
demandes,  même  en  ceux  réservés  par  l'arrêt  sur  appointement  à  mettre,  du 
21  juin  1779,  d'autre  part. 

Après  que  Coquebert,  avocat  de  Renard,  et  Hardouin,  avocat  des  épiciers, 
ont  été  ouïs,  ensemble  Séguier  pour  notre  procureur  général  : 

Notredite  Cour  reçoit  la  partie  de  Coquebert,  appelante,. tient  l'appel  pour 
bien  relevé;  au  principal,  faisant  droit  sur  ledit  appel,  ensemble  sur  les 
demandes  des  parlies  d'Hardouin,  a  mis  et  met  l'appellation  au  néant;  or- 
donne que  ce  dont  est  appel  sortira  son  plein  et  entier  effet;  condamne  les 
parties  de  Coquebert  en  l'amende  de  12  livres;  en  conséquence,  déclare  la 
saisie  faite  à  la  requêic  desdites  parties  d'Hardouin  bonne  et  valable,  et  cepen- 
dant, par  grâce  et  sans  tirer  à  conséquence,  ordonne  que  la  mainlevée  provi- 
soire faite  par  l'arrêt  de  notredite  Cour,  du  2  juin  1779,  demeurera  définitive, 
en  payant 'la  somme  de  200  livres  auxdites  parties  d'Hardouin;  ce  faisant, 
décharge  ladite  partie  de  Coquebert,  ainsi  que  ses  cautions,  du  payement  du 
surplus  des  1 ,800  livres  auquel  il  s'était  soumis  en  vertu  dudit  arrêt  ;  condamne 
la  partie  de  Coquebert  aux  dépens  des  causes  d'appel  et  demandes,  dont  les 
parties  d'Hardouin  seront  payées  sur  le  prix  de  la  vente  des  eaux-de-vic  sai- 
sies; faisant  droit  sur  les  conclusions  de  notre  procureur  général,  ordonne 
(|uc  nos  édits  et  déclarations  concernant  le  commerce  en  gros,  spécialement 
nos  édits  de  décembre  1701  et  août  1769,  seront  exécutés  suivant  leur  forme 
et  teneur;  en  conséquence,  ordonne  que  toutes  personnes,  de  quelque  qualité 
et  condition  qu'elles  soient,  qui  désireront  faire  le  commerce  en  gros,  seront 
tenues  de  se  faire  inscrire  sur  les  registres  de  la  juridiction  consulaire  des 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS  45o 

villes  où  elles  voudront  exercer  ledit  commerce,  à  peine  d'être  déclarées  non 
recevables  à  exciper  de  la  qualité  de  négociant  en  gros  contre  les  saisies  qui 
pourraient  être  faites  de  leurs  marchandises;  ordonne  que  le  présent  arrêt 
sera  imprimé  et  affiché  partout  où  besoin  sera ,  à  la  requête  de  notre  procu- 
reur général.  Si  mandons  mettre  le  présent  arrêt  à  exécution.  Donné  en  Parle- 
ment, le  S  juillet,  l'an  de  grâce  mil  sept  cent  quatre-vingt,  et  de  notre  règne 
le  septième.  Collationné  :  Berthelot.  Par  la  Chambre, 

Signé  :  Ysabeau. 


CHANDELIERS 

ARRÊT  du  7  septembre  1780,  qui  homologue  une  ordonnance  du  lieutenant 
général  de  police  de  la  ville  de  Paris,  du  6  septembre  1780,  concernant  la 
vente  et  l'achat  des  suifs  (4  p.  in-4°) T. 

Cet  arrêt  rappelle  les  ordonnances  antérieures.  Celle  du  4  mai  1742 
défendait  aux  maîtres-chandeliers  d'avoir  chez  eux  plus  de  trois  mil- 
liers de  suif,  soit  en  nature,  soit  en  chandelles,  ni  d'en  acheter 
d'autres  sur  la  place,  qu'ils  n'en  eussent  vendu  les  deux  tiers,  à 
peine  de  saisie,  confiscation,  et  de  1,000  livres  d'amende.  Les  hou- 
chers  étaient  tenus  de  vendre  le  jeudi,  au  marché  au  suif,  tout  le  suif 
par  eux  fondu  (ord.  du  20  déc.  17  43). 

CENDRES  DE  VARECH 

ORDONNANCE  de  police  du  9  août  1782,  homologuée  par  arrêt  du  Parle- 
ment du  2  septembre,  concernant  les  cendres  de  varech  -\ 

...Sur  ce  qui  nous  a  été  représenté  par  le  procureur  du  roi  que  les  herbes 
connues  sous  le  nom  de  varech,  vraicq,  sar  ou  gouesmon,  ont  toujours  été 


1.  Lp  sieur  Hébert,  maître-chandelier  à  Paris,  au  coin  des  rues  de  Bourbon  et 
de  Beaune  (faubourg  Saint-Germain),  s'était  refusé  à  vendre  à  deux  particuliers 
plus  d'une  livre  de  chandelle  à  la  fois,  sous  prétexte  de  la  rareté  du  suif.  Un 
commissaire  et  un  inspecteur  de  police,  envoyés  chez  Hébert,  trouvent  dans  sa 
boutique  60  livres  de  chandelles  et  dans  sa  cave  645  livres  de  chandelle  et  86  me- 
sures de  suif.  Comme  le  refus  d'Hébert  n'était  fondé  que  sur  le  dessein  d'an- 
noncer la  disette  et  de  faire  augmenter  le  prix  de  la  chandelle,  il  est  condamné 
à  300  livres  d'amende,  et,  en  cas  de  récidive,  à  la  fermeture  de  sa  boutique 
(sentence  signée  Feydeau  de  Marville,  8  mai  1744,  Arch.  nat.,  Y.  9499).  —  La 
forme  de  la  perception  des  droits  sur  le  suif  était  la  principale  cause  de  ces  tra- 
casseries, auxquelles  Turgot  essaya  seul  de  remédier.  (Voyez  Œuvres  de  Turgot, 
éd.  Daire,t.  II,  p.  250  et  321.)  «  Il  n'entrait  pas  une  livre  de  suif  à  Paris  »;  aussi 
la  police  luttait  vainement  contre  le  monopole  des  chandeliers,  qu'elle  avait  elle- 
même  créé. 

2.  Bib.  nat.,  F.,  à  la  date,  pièce  in-4°  de  4  pages.  —  Nous  n'avons  pas  repro- 
duit la  formule  d'homologation. 


436  RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS 

destinées  à  la  fabrication  des  soudes  nécessaires  aux  verreries;  qu'il  a  aussi 
été  permis  aux  riverains  des  côtes  de  la  Normandie  et  autres  provinces  du 
royaume,  de  les  cueillir  et  ramasser  seulement  dans  les  mois  de  janvier, 
février  et  mars,  pour  l'engrais  de  leurs  terres  ;  que  cependant  l'industrie  en  a 
fait  une  branche  de  commerce,  en  l'employant  à  la  fabrication  du  savon,  à  la 
pharmacie,  même  à  dégraisser  et  blanchir  le  linge  par  son  mélange  avec  la 
soude  d'alicant;  que  cet  usage,  reconnu  nuisible  à  certains  égards,  en  a  fait 
successivement  augmenta  le  prix,  en  sorte  que  les  maîtres  de  verreries, 
ayant  trouvé  des  difficultés  à  s'en  procurer  suffisamment  dans  le  royaume 
pour  leur  consommation,  n'ont  pu  se  dispenser,  depuis  plusieurs  années,  d'en 
tirer  de  l'étranger;  que,  d'après  des  expériences  faites  par  des  personnes  à  ce 
connaissant  et  leur  avis,  il  est  constant  que  le  prix  de  la  cendre  de  Varech  est 
beaucoup  inférieur  à  celui  de  la  soude  d'alicant;  qu'on  ne  peut  en  faire  la 
distinction  lorsqu'elles  sont  broyées  et  mélangées;  que  cette  cendre  est  nui- 
sible dans  l'emploi  qui  s'en  fait  pour  dégraisser  et  blanchir  le  linge;  qu'elle 
ne  peut  servir  à  faire  du  savon  ;  qu'elle  est  dangereuse  dans  les  remèdes,  et 
ne  peut  être  utile  qu'à  l'engrais  des  terres  et  aux  verreries;  qu'il  est  parvenu 
différentes  plaintes  à  celte  occasion,  tant  de  la  part  des  habitants  de  la  capi- 
tale que  des  blanchisseuses  et  de  plusieurs  épiciers;  que  les  gardes  du  corps 
de  l'épicerie  ont  même,  par  leur  avis  du  28  juin  1781,  consenti  à  la  suspension 
provisoire,  et  à  temps  limité,  de  la  vente  des  cendres  de  varech  ;  pourquoi 
ledit  procureur  du  roi  aurait  requis  qu'il  y  fût  par  nous  pourvu  : 

Nous,  faisant  droit  sur  le  réquisitoire  du  procureur  du  roi,  faisons  défenses 
aux  marchands  épiciers  et  à  tous  autres  de  la  ville,  faubourgs  et  banlieue  de 
Paris,  qui  font  le  commerce  des  cendres  de  varech  en  pains,  masses,  bittes  ou 
pulvérisées,  d'en  vendre  ni  débiter,  de  telle  manière  que  ce  soit,  après  le 
délai  de  trois  mois,  à  compter  du  jour  de  la  publication  de  notre  présente 
ordonnance,  et  ce  jusqu'à  ce  qu'il  en  ait  été  autrement  ordonné,  à  peine 
contre  chaque  contrevenant  de  saisie-confiscation  desdites  marchandises,  et  de 
500  livres  d'amende,  même  d'interdiction  de  leur  commerce  en  cas  de  réci- 
dive. Mandons  aux  commissaires  au  Chàtelet,  et  enjoignons  aux  officiers  de 
police,  même  aux  commis  des  fermes,  de  tenir  la  main  à  l'exécution  de  notre 
présente  ordonnance,  laquelle  sera  exécutée,  après  néanmoins  qu'elle  aura  été 
homologuée  en  la  Cour  (à  l'effet  de  quoi  le  procureur  du  roi  se  pourvoira), 
imprimée,  lue,  publiée  et  affichée  partout  où  besoin  sera. 

Ce  fut  fait  et  donné  par  Messire  Jean-Charles- Pierre  Lenoir,  chevalier, 
conseiller  d'État,  lieutenant  général  de  police  de  la  ville,  prévôté  et  vicomte 
de  Paris,  les  jour  et  an  que  dessus.  Signé  Colin,  avec  paraphe. 

(Suit  L'homologation.  Collationné  Durand.  Signé  Ysabeau.) 

DROITS  DE  RÉCEPTION  AUGMENTÉS 

(1782) 

ED1T  nu  roi,  qui  autorise  les  six  corps  des  marchands  et  les  autres  commu- 
nautés d'arts  et  métiers  de  Paris  à  percevoir  une  augmentation  de  droits  sur 
les  réceptions  (août  1782  ;  reg.  P.  le  30)  \ 

1.  Arch.  nat.,  K.    1050.  —  X  1b  sins.   Le  :i  septembre,  le  Parlement  enregistre 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS  457 

Les  six  corps  des  marchands  et  trente-neuf  des  communautés  d'arts 
et  métiers  rétablies  par  l'édit  du  mois  d'août  1776,  offrirent  au  roi 
une  somme  de  1,500,000  livres  pour  la  construction  d'un  vaisseau  du 
premier  rang.  Si  le  patriotisme  était  pour  quelque  chose  dans  cette 
offre,  il  faut  reconnaître  que  l'esprit  et  l'intérêt  dé  corps  n'y  perdi- 
rent rien.  Les  corps  et  communautés,  ne  pouvant  se  procurer  cette 
somme  que  par  un  emprunt,  se  firent  autoriser  à  percevoir,  tant 
pour  les  intérêts  que  pour  l'amortissement  du  capital,  une  augmen- 
tation de  droits  sur  les  réceptions  de  maîtres,  laquelle  était  de 
200  livres  pour  les  six  corps  et  pour  sept  des  communautés,  de 
50  livres  pour  cinq  des  communautés,  et  de  100  livres  pour  les  vingt- 
sept  autres.  C'étaient  de  nouvelles  restrictions  apportées  à  l'exercice 
des  professions  utiles,  et  de  nouvelles  précautions  contre  la  concur- 
rence. Les  marchands  offraient  au  roi  un  million  et  demi,  mais  c'est 
le  public  qui  payait. 

POLICE  D'ORDRE 

ORDONNANCE  du  8  mai  1786  ». 

Sur  ce  qui  nous  a  été  remontré  par  le  procureur  du  roi  que  l'inexécution 
de  noire  ordonnance  du  2  septembre  1777,  concernant  la  discipline  des  gar- 
çons cordonniers,  rendait  illusoires  les  précautions  que  nous  avions  cru  devoir 
prendre  pour  assurer  le  maintien  du  bon  ordre  et  de  la  police  parmi  les  com- 
pagnons de  cette  communauté;  que  nombre  de  maîtres,  au  mépris  de  l'ar- 
ticle 7  de  ladite  ordonnance,  prenaient  chez  eux  lesdits  compagnons  sans  se 
faire  représenter  leurs  livrets  d'enregistrement;  que  plusieurs  même  se  per- 
métlaient  de  débaucher  de  chez  un  autre  maître  les  compagnons  dont  ils 
pouvaient  avoir  besoin,  en  sorte  que  les  maîtres  qui  sont  jaloux  de  se  con- 
former exactement  aux  règles  établies  pour  le  maintien  du  bon  ordre,  se 
trouvent  les  premiers  privés  des  compagnons  qui  leur  sont  nécessaires,  ce  qui 
nuit  infiniment  au  service  du  public;  que  le  plus  sûr  moyen  do  contraindre 
les  maîtres  et  compagnons  à  se  conformer  aux  règlements,  serait  de  faire  de 
fréquentes  visites  chez  les  maîtres  à  l'effet  de  constater  les  contraventions  et 
de  faire  punir  les  contrevenants;  mais  que  les  syndics  et  adjoints  auxquels 
cette  inspection  est  confiée,  ne  pouvant  abandonner  continuellement  leurs 
propres  affaires  pour  s'occuper  des  visites  qu'il  serait  nécessaire  de  faire 
journellement,  chez  un  aussi  grand  nombre  de  maîtres  que  celui  dont  cette 
communauté  est  composée,  il  serait  nécessaire  d'y  suppléer  en  autorisant  le 
commis  par  nous  proposé  à  l'enregistrement  des  compagnons,  de  faire  en  cas 
de  besoin,  au  défaut  des  syndics,  les  visites  prescrites  par  notre  ordonnance 


des  lettres  patentes   du  29  août  autorisant  les  six  corps,   etc.,  à  emprunter  les 
1,300,000  livres. 

1.  Arch.  nat.,  Y.  9499. 


458  RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS 

du  2  septembre  1777,  à  l'effet  de  faire  constater  lesdites   contraventions... 

Nous  faisant  droit,  ordonnons  qu'il  sera  fait  par  les  syndics  et  adjoints 

de  ladite  communauté,  et  à  leur  défaut  par  le  sieur  Hardivilliers,  par  nous 
préposé  à  l'enregistrement  desdils  compagnons  et  que  nous  commettons  à 
cet  effet,  de  fréquentes  visites,  tant  chez  les  maîtres  de  ladite  communauté 
que  dans  les  chambres  et  domiciles  des  compagnons,  à  l'effet  de  faire  con- 
stater les  contraventions  qui  peuvent  avoir  été  commises  ou  qui  pourront  se 
commettre  par  lesdits  maîtres  et  compagnons  ..  dans  lesquelles  visites  ledit 
Hardivilliers  sera  tenu  de  se  faire  assister  d'un  commissaire  du  Châtelet  qui 
dressera  procès-verbal;...  les  frais  seront  avancés  par  ledit  sieur  Hardivilliers 
qui  en  sera  remboursé  sur  notre  autorisation  par  les  syndics  de  ladite 
communauté  des  cordonniers,  à  qui  ils  seront  alloués  en  dépense.  Fait  ce 
3  mai  1786. 

De  Flandre  de  Brunville.  De  Crosne. 

ORDONNANCE  du  30  mars  1787  concernant  les  carrosses  et  cochers  de  place 
(en  seize  articles)  '. 

Elle  établit,  rue  du  Faubourg-Saint-Denis,  dans  le  bâtiment  de  la 
régie  des  propriétaires  du  privilège  du  droit  sur  les  carrosses  de 
place,  un  bureau  de  classement  où  les  cochers  sont  tenus  de  se  faire 
enregistrer,  et  où  il  leur  sera  donné  un  livret  coté  et  paraphé  par  le 
commissaire  délégué.  —  Défense  au  cocher  de  quitter  le  loueur  de 
carrosses  sans  l'avoir  averti  trois  jours  d'avance,  et  à  tout  loueur  de 
prendre  un  cocher  à  son  service  sans  se  faire  présenter  le  livret,  et  le 
certificat  de  congé  du  précédent  loueur.  —  Défense  aux  cochers  de 
laisser  monter  sur  le  siège  personne  que  leurs  apprentis.  —  Ordre  de 
visiter  les  voitures  et  de  restituer  les  objets  égarés. 

Le  préambule,  outre  ces  divers  délits  ou  contraventions,  repro- 
chait aux  cochers  de  «  se  porter  à  des  excès  envers  le  public,  surtout 
envers  les  femmes  qui  se  trouvent  seules  dans  leurs  voitures  ». 

ORDONNANCE  de  police,  contenant  règlement  pour  maintenir  le  bon  ordre 
dans  les  ventes  qui  se  font  par  autorilé  de  justice  (du  4  mai  1787;  homolo- 
guée en  Parlement  le  24  mai) J. 

Sur  ce  qui  nous  a  été  remontré  par  le  procureur  du  roi  que  les  règlements 
et  ordonnances  de  police  qui  ont  eu  pour  objet  d'assurer  la  tranquillité  et  le 
bon  ordre  qui  doivent  régner  dans  les  ventes  publiques  d'effets  mobiliers, 
d'en  bannir  les  fraudes  qui' s'y  pratiquent,  et  de  maintenir  dans  les  bornes  de 
la  décence  ceux  qui  les  fréquentent  par  état,  notamment  les  brocanteurs  et 
revendeuses,  étant  négligés  par  les   uns  et   peut-être   inconnus  aux  autres  : 

1.  Signée  :  De  Crosne;  De  Flandre  de  Brunville.—  Homologuée  en  Parlement, 
le  17  juillet  (Isambert,  n°  2359). 

2.  Arch.  nat.,  X  1b  8986  (Isambert,  n°  2359). 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS  459 

il  serait  nécessaire  d'en  renouveler  les  dispositions  et  de  les  réunir  sous  un 
seul  point  de  vue,  et  même  d'en  expliquer  quelques-unes  d'une  manière  plus 
étendue,  afin  d'arrêter  le  cours  d'une  foule  d'abus  également  contraires  à 
l'ordre  public  et  préjudiciables  à  l'intérêt  des  propriétaires. 

Qu'en  effet  il  est  venu  à  la  connaissance  dudit  procureur  du  roi  que  nombre 
de  brocanteurs  et  autres  marchands  sans  crédit  fréquentent  les  ventes,  n'y 
viennent  que  dans  le  dessein  d'être  nuisibles  ;  qu'ils  s'associent  entre  eux  pour 
se  faire  adjuger  à  vil  prix  les  meubles  et  effets  exposés  en  vente;  qu'à  cet 
effet  ils  s'emparent  du  devant  des  tables  destinées  à  exposer  les  effets;  qu'ils 
en  éloignent  les  bourgeois  et  les  injurient;  et  qu'ensuite  ils  partagent  à  titre 
de  révision  le  bénéfice  qui  doit  résulter  de  leur  connivence  et  de  leur  fraude; 
que  ceux  qui  ne  sont  point  de  leur  association  ou  qui  s'opposent  à  leurs  mau- 
vaises intentions,  sont  exposés  à  leurs  injures  et  à  leurs  emportements;  qu'ils 
ne  distinguent  ni  marchands  ni  bourgeois,  cherchant  toujours  à  écarter  ceux 
qui  leur  font  obstacle;  que  si  cependant  ils  se  trouvent  contrebalancés  par 
un  nombre  de  personnes  bien  intentionnées,  ils  menacent  de  quitter  la  vente 
où  ils  se  trouvent,  provoquent  les  autres  marchands  à  la  quitter,  et  se  retirent 
en  effet  sans  aucun   égard  pour  les  représentations  de  l'huissier-priseur  qui 
procède  à  la  vente;  que  lorsqu'il  s'agit  de  recevoir  les  enchères,  des  particu- 
liers.  insolvables  s'empressent  de  couvrir   lesdites  enchères  pour  acheter  à 
crédit;  et  si  l'huissier-priseur  fait  quelques  observations  à  ce  sujet,  une  mul- 
titude de  voix  s'élèvent  pour  assurer  que  celui  qui  se  présente  est  solvable, 
sans  que  personne  veuille  répondre  de  sa  solvabilité  ;  que  si  l'huissier-priseur 
se  permet  de  retenir   les  effets  qu'il  vient  d'adjuger  à  un  particulier  qui  ne 
paye  pas  comptant  et  dont  la  solvabilité  ne  lui  est  pas  connne,  alors  ces  mar- 
chands et  brocanteurs   malintentionnés  prennent   le   fait  et  cause  de  l'adju- 
dicataire,   se    répandent   en    propos    indécents  contre    l'huissier-priseur,    et 
veulent  en  quelque  sorte  lui  faire  violence  par  leurs  emportements  et  leurs 
clameurs;  que  souvent  môme,  sans  avoir  aucun  droit  à  un  effet  qui  vient  d'être 
adjugé  à  une  personne  qui  leur  est  étrangère,  ils  le  lui  arrachent  des  mains 
avec  violence  sous  le  prétexte  qu'ils  ont  mis  la  dernière  enchère;  et,  quoique 
ce  prétexte  soit  faux,  ils  ne  manquent  jamais  d'être  soutenus  dans  leurs  pré- 
tentions par   leurs  complices  ;  qu'indépendamment  de  toutes  ces  fraudes  et 
manœuvres,  les  brocanteurs  et  marchands  sans  crédit  se  comportent  avec  la 
plus  grande  indécence  dans  les  ventes,  qu'ils  se  répandent  en  invectives  les 
uns  contre  les  autres,  et  souvent  même  contre  les  intéressés  à  la  chose; 
qu'ils  jettent  sans  aucune  précaution  les  habits,  linges,  hardes  ou  effets  pré- 
cieux, en  affectant  si  c'est  nuit  de  les  faire  tomber  sur  les  lumières  pour  les 
éteindre  ;  et  si  ce  sont  des  bijoux  de  chercher  à  les  détériorer,  soit  pour  les 
avoir  à  meilleur  compte,  soit  pour  porter  un  préjudice  notable  à  ceux  qui 
pourraient  en  être  les  derniers  enchérisseurs;  que  de  là  il  résulte  beaucoup 
de  confusion  et  de  désordre  dans  les  ventes,  ce  qui  donne  lieu  à  des  rixes  et 
même  à  des  vols  fréquents... 

A   ces  causes,  vu  les  sentences  et  ordonnances  de  police  des  13  juin  1721, 

15  décembre  1727,  21  mai  1751,  21   novembre  1761,  12  septembre  1767,  et 

17  mars  1769,  et  l'arrêt  du  Parlement  du  18  décembre  1764,  qui  homologue 

l'ordonnance  de  police  dudit  jour  21  novembre  1761,  et  tout  considéré  : 

Nous,  faisant  droit  sur  le  réquisitoire  du  procureur  du  roi,  ordonnons  : 

I.  —  Que  les  arrêts  et  règlements  du  Parlement,  sentences  et  ordonnances 


460  RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS 

de  police,  seront  exécutés  selon  leur  forme  et  teneur  ;  et  en  conséquence 
faisons  défenses  à  tous  marchands  tapissiers,  fripiers,  brocanteurs  et  brocan- 
teuses, revendeurs  et  revendeuses,  et  chaudronniers,  de  former  dorénavant 
entre  eux,  sous  le  titre  de  lotissement,  revendage  ou  révision  ou  sous  tel  autre 
titre  ou  dénomination  que  ce  soit  ou  puisse  être,  aucune  association  qui  ait 
pour  objet  de  se  procurer  un  gain  illicite  sur  les  marchandises,  meubles  et 
effets  mobiliers  exposés  dans  les  ventes  publiques  et  qui  leur  seront  adjugés, 
à  peine  de  500  livres  d'amende  contre  chacun  des  contrevenants,  dont  la 
moitié  appartiendra  au  dénonciateur,  de  déchéance  de  la  maîtrise  à  l'égard  de 
ceux  qni  seront  maîtres,  et,  à  l'égard  des  privilégiés,  de  destitution  de  leurs 
privilèges. 

II.  —  Leur  faisons  pareillement  défenses  de  lotir,  revinder  ou  revendre 
enlre  eux  les  marchandises,  meubles  et  effets  dont  ils  se  sont  rendus  adjudi- 
cataires, soit  dans  les  cabarets  et  maisons  particulières,  soit  dans  tout  autre 
lieu  que  ce  puisse  être  :  et  ce,  sous  les  mômes  peines  que  dessus,  et  en 
outre  à  peine  de  saisie  et  confiscation  desdites  marchandises,  meubles  et 
effets. 

III.  —  Leur  défendons  en  outre  de  s'emparer  du  devant  des  tables  où  se 
font  les  ventes  et  de  pratiquer  aucunes  manœuvres  pour  en  accaparer  les  effets 
et  se  les  faire  adjuger  à  vil  prix;  leur  enjoignons  de  laisser  l'approche  des 
tables  libre  aux  bourgeois  et  autres  personnes  qui  se  présenteront,  et  de  ne 
point  mépriser  '  et  détériorer  les  meubles  et  effets  qui  seront  exposés  en  vente, 
ni  injurier  ceux  qui  enchériront  sur  eux,  à  peine  de  cent  livres  d'amende  et 
de  toutes  pertes,  dépens,  dommages  et  intérêts  envers  qui  il  appartiendra. 

IV.  —  Enjoignons  auxdits  marchands2...  de  se  comporter  avec  décence  et 
tranquillité;  leur  faisons  défenses  d'injurier  et  insulter  les  officiers  qui  procè- 
dent auxdites  ventes  et  d'exciter  aucuns  troubles  ni  aucunes  rixes  et  émeutes, 
à  peine  de  deux  cents  livres  d'amende  contre  chacun  des  contrevenants,  même 
de  plus  grande  peine,  si  le  cas  y  échet. 

V.  —  En  cas  de  contravention  aux  articles  1  et  2  de  la  présente  ordon- 
nance, enjoignons  aux  huissiers-priseurs  qui  auront  procédé  aux  ventes 
de  dresser  procès-verbaux  des  noms  et  demeures  des  contrevenants,  et 
des  infractions  et  contraventions  qui  auront  été  par  eux  commises,  et  qui 
viendront  à  la  connaissance  desdits  huissiers-priseurs,  lesquels  procès- 
verbaux  ils  feront  signer  parles  parties  qui  auront  requis  la  vente,  ou  autres 
personnes  présentes,  pour,  iceux  communiqués  au  procureur  du  roi,  être  par 
lui  requis  et  par  nous  statué  et  ordonné  ce  qu'il  appartiendra  ;  et  lors  desdits 
procès-verbaux,  autorisons  lesdits  huissiers-priseurs  à  saisir  les  effets  qui 
pourraient  se  trouver  au  revindage,  lotissement,  révision  ou  revente,  à  y 
établir  séquestre  aux  frais  de  la  chose,  même  de  les  faire  enlever  pour  les 
séquestrer,  à  l'effet  de  quoi  leur  permettons  de  requérir,  si  besoin  est,  aide  et 
main-forte  de  la  garde. 

VI.  —  Comme  aussi,  en  cas  de  contravention  aux  articles  3  et  4,  autorisons 
les  huissiers-priseurs  qui  procéderont  aux  ventes,  à  faire  arrêter  sur-le-champ 
les  délinquants  s'il  y  a  lieu  :  à  l'effet  de  quoi,  tous  officiers  du  guet  et  de  po- 
lice   prêteront   main-forte   et  assisteront  lesdits  huissiers-priseurs  lorsqu'ils 

1.  C'est-à-dire  :  déprécier,  dépriser. 

2.  Suit  l'énumération  de  l'article  1. 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS  461 

en  seront  par  eux  requis,  lesquels  officiers  du  guet  et  de  police  pourront  dans 
lesdits  cas  s'introduire  avec  main-forte  dans  les  maisons  et  endroits  où  l'on 
procédera  aux  ventes  sur  la  première  réquisition  des  huissiers-priseursetsans 
qu'il  soit  besoin  de  l'assistance  d'un  commissaire,  à  la  charge  néanmoins  par 
lesdits  huissiers-priseurs  de  dresser  procès-verbal  des  contraventions  dans 
la  forme  prescrite  par  l'article  ci-dessus,  et  de  faire  conduire  les  contrevenants 
et  délinquants  chez  le  premier  commissaire  pour  être  par  lui  pareillement 
dressé  procès-verbal  et  statué  provisoirement  ce  qu'il  appartiendra. 

VIL  —  Mandons  aux  commissaires  au  Chàtelct  et  enjoignons  aux  officiers 
de  police  de  tenir  la  main  à  l'exécution  de  la  présente  ordonnance,  qui  sera 
lue,  publiée  et  affichée  dans  tous  les  lieux  ordinaires  et  accoutumés  de  la  ville, 
faubourgs  et  banlieue  de  Paris  et  partout  ailleurs  où  besoin  sera,  et  notam- 
ment dans  les  lieux  où  se  feront  les  ventes,  à  l'effet  de  quoi  il  sera  posé  un 
tableau  sur  lequel  sera  attaché  un  exemplaire  de  la  présente  ordonnance, 
après  néanmoins  qu'elle  aura  été  homologuée  en  la  Cour.  Pour  quoi  le  pro- 
cureur du  roi  se  pourvoira. 

Ce  fut  fait  et  donné  par  nous,  Louis  Thiroux  de  Crosne,  chevalier,  conseiller 
du  roi  en  ses  conseils,  maître  des  requêtes  honoraire  en  son  hôtel,  lieutenant 
général  de  police  de  la  Ville,  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  le  4  mai  1787. 
Signé  de  Crosne  et  de  Flandre  de  Brunville  en  la  minute  des  présentes. 

Délivre  par  nous,  Alexandre  Moreau,  avocat  en  Parlement,  greffier  des 
chambres  civile  et  de  police  au  Châtelet  de  Paris  et  soussigné.  Pour  expédition 
collationnée  et  conforme  à  la  minute  demeurée  en  notre  possession  ;  ce  jour- 
d'hui,  14  mai  1787. 

Moreau. 

ORDONNANCE  de  police  du  Châtelet,  du  S  avril  4788,  concernant  l'admi- 
nistration des  deniers  des  communautés  d'arts  et  métiers  de  la  ville  de 
Paris1. 

Sur  ce  qui  nous  a  été  remontré  par  le  procureur  du  roi  que  par  les  statuts 
donnés  par  Sa  Majesté  à  plusieurs  des  nouvelles  communautés  créées  par 
l'édit  d'août  mil  sept  cent  soixante-seize,  dûment  enregistré,  il  a  été  ordonné 
que  les  syndics  et  adjoints  choisiraient  entre  eux  chaque  année  celui  des 
deux  syndics  qui  serait  chargé  de  la  recette  des  deniers  communs  et  des  im- 
positions royales,  dont  ils  seraient  solidairement  garants  et  responsables;  que 
le  receveur  qui  serait  choisi  serait  tenu  de  rendre  compte  à  ses  commettants, 
chaque  jour  de  bureau;  que  les  deniers  de  sa  recette,  ainsi  que  les  pièces  jus- 
tificative de  la  dépense,  seraient  déposés  sur-le-champ  dans  la  caisse  particu- 
lière des  syndics  et  adjoints,  sous  deux  clefs  différentes,  dont  une  resterait  au 
syndic  receveur  et  l'autre  au  plus  ancien  en  maîtrise  des  deux  adjoints,  à  la 
déduction  néanmoins  de  la  somme  qui  serait  jugée  nécessaire  pour  les  dé- 
penses courantes;  que,  quant  aux  deniers  provenant  des  reliquats  des  comptes, 
ils  seraient  déposés  dans  une  aulrc  caisse  sous  trois  clefs  différentes,  qui 


{.  Homologuée  par  le  Parlement,  le  5  mai  U88.  Arr.  Pari.,  à  cette  dernière 
date.  —  Les  comptes  religieux  ou  de  confrérie  étaient  distincts  de  ceux  de  ju- 
rande et  communauté.  (Voyez  Réquisitoire  au  lieutenant  général,  5  sept.  1766; 
Arch.  nat,  Y.  9499.) 


4G2  RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS 

seraient  remises,  l'une  au  plus  ancien  en  maîtrise  des  syndics  et  adjoints  en 
exercice,  une  autre  au  plus  ancien  des  députés,  et  la  troisième  au  syndic- 
receveur;  que  ces  règlements  n'ayant  point  été  observés  exactement  dans  la 
plupart  des  communautés,  il  s'en  est  ensuivi  des  abus  très  préjudiciables  qui 
ont  donné  lieu  à  des  plaintes  multiples  de  la  part  tant  des  députés  que  des 
membres  des  communautés;  qu'il  s'est  aussi  introduit  un  autre  désordre,  les 
syndics  s'étant  ingérés  de  recevoir  des  acomptes  à  la  maîtrise,  sans  autorisa- 
tion de  nous,  et  sans  en  rendre  compte,  en  sorte  que  les  récipiendaires  sont 
souvent  exposés  à  perdre  leurs  avances,  et  le  roi  sa  portion  dans  le  prix  des 
réceptions  ;  que  ces  inconvénients  étant  de  la  plus  grande  conséquence,  le 
procureur  du  roi  estimait  qu'il  était  nécessaire  d'y  remédier,  et  requérait  à  ce 
qu'il  y  fût  par  nous  pourvu. 

Nous,  faisant  droit  sur  le  réquisitoire  du  procureur  général  du  roi,  ordon- 
nons que  les  statuts  et  règlements  concernant  l'administration  des  deniers  des 
communautés  d'arts  et  métiers  seront  exécutés;  en  conséquence  : 

I.  —  Dans  la  huitaine  de  la  publication  de  notre  présente  ordonnance,  les  syndics 
et  adjoints  de  chacune  des  communautés  d'arts  et  métiers  de  la  ville  de  Paris 
seront  tenus  de  s'assembler  chacun  dans  leurs  bureaux,  pour,  en  présence  d'un 
commissaire  du  Châtelet  qui  sera  par  nous  nommé,  convenir  entre  eux  de  celui" 
des  deux  syndics  qui  sera  chargé  de  faire  en  leurs  noms  la  recette  des  revenus 
de  la  communauté  et  des  impositions  royales,  duquel  receveur  ils  seront  soli- 
dairement garants  et  responsables,  sans  que  de  ladite  qualité  de  receveur  il 
puisse  résulter,  en  faveur  de  celui  qui  en  sera  revêtu,  aucune  prééminence  ni 
préséance  sur  ses  collègues.  Au  cas  de  partage  sur  le  choix  dudit  receveur,  le 
plus  ancien  en  maîtrise  des  deux  syndics  sera  préféré. 

II.  —  Ceux  des  syndics  qui  sont  actuellement  en  possession  de  la  recette  ne 
pourront  en  être  dépossédés,  si  ce  n'est  dans  les  communautés  où  il  y  aurait 
plusieurs  receveurs  établis,  et  à  l'effet  d'en  nommer  un  seul  dont  le  choix  sera 
fait  dans  la  forme  ci-dessus  prescrite,  ou  pour  de  valables  raisons  dont  il  nous 
sera  référé. 

III.  —  Au  commencement  de  chaque  année  de  comptabilité,  et  aussitôt 
après  l'élection  des  adjoints,  il  sera  procédé,  dans  la  même  forme  et  en 
présence  d'un  commissaire  par  nous  nommé,  au  choix  d'un  receveur  pour 
chacune  des  communautés. 

IV.  —  Il  sera  tenu  par  ledit  receveur  un  registre  journal,  coté  et  paraphé 
de  nous,  dans  lequel  il  écrira  jour  par  jour,  de  suite  et  sans  aucun  blanc  ni 
interligne,  les  recettes  et  dépenses  qn'il  fera  ;  ledit  registre  sera  visé  chaque 
jour  du  bureau,  ou  au  plus  tard  à  la  fin  de  chaque  mois,  par  les  syndics  et 
adjoints,  et  à  nous  représenté  à  toute  réquisition  ;  et  sera  ledit  registre  pro- 
duit à  l'appui  des  comptes. 

V. — 11  sera,  dans  un  pareil  délai  de  huitaine,  établi  un  coffre  dans  chacune  des 
communautés  d'arts  et  métiers,  et  qui  sera  particulier  aux  syndics  et  adjoints, 
dans  lequel  le  receveur,  après  avoir  rendu  compte  de  sa  recette  en  présence 
d'un  commissaire  au  Châtelet  par  nous  nommé,  sera  tenu  de  déposer  sur-le- 
champ  les  deniers  qui  se  trouveront  lui  rester,  ainsi  que  les  pièces  justifica- 
tives de  la  dépense;  ledit  coffre  aura  deux  clefs  différentes,  dont  l'une  restera 
au  syndic-receveur  et  l'autre  au  plus  ancien  en  maîtrise  des  deux  adjoints.  11 
sera  néanmoins  laissé  audit  receveur  deniers  suffisants  pour  les  dépenses  cou- 
rantes, et  les  deniers  provenant  de  la  recette  des  impositions  seront  déposés 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS  4G3 

dans  le  même  coffre,  mais  séparément.  Les  quittances  seront  toujours  signées 
des  deux  syndics  ou  d'un  syndic  et  d'un  adjoint. 

VI.  —  Ledit  receveur  tiendra  compte  tous  les  mois  dans  la  même  forme,  et 
déposera  de  même  ses  deniers  au  coffre,  et  cela  en  présence  d'un  commissaire, 
toutes  les  fois  que  nous  le  jugerons  nécessaire;  et  dans  le  cas  où  ledit  rece- 
veur aurait  besoin  de  fonds,  il  sera  tiré  dudit  coffre  somme  suffisante  pour 
ses  dépenses;  et  les  rentrées  et  sorties  des  sommes  seront  inscrites  sur  un 
registre  qui  sera  déposé  dans  ledit  coffre. 

VII.  —  Les  deniers  provenant  des  reliquats  des  comptes  seront  déposés  à 
l'instant  de  l'arrêté  d'iceux,  dans  une  autre  caisse,  sous  trois  clefs  différentes, 
qui  seront  remises  l'une  au  plus  ancien  en  maîtrise  des  syndics  et  adjoints  en 
exercice,  une  autre  au  plus  ancien  des  députés,  et  la  troisième  au  syndic-rece- 
veur; et  les  fonds  ne  pourront  être  tirés  de  celte  dernière  caisse  pour  être 
remis  aux  syndics  et  adjoints  en  exercice,  qu'en  vertu  d'une  délibération  visée 
et  approuvée  de  nous. 

VIII.  —  Faisons  défenses  aux  syndics  et  adjoints  des  communautés  d'arts  et 
métiers  de  recevoir  des  acomptes  sur  le  prix  de  la  maîtrise,  sans  y  avoir  par 
nous  été  autorisés,  et  ce  sous  telle  peine  qu'il  appartiendra. 

IX.  —  Lesdits  acomptes  ne  pourront  être  payés,  en  vertu  de  nos  autorisa- 
tions, qu'au  bureau,  au  syndic-receveur,  en  présence  de  ses  collègues,  qui  en 
demeureront  solidairement  garants  avec  lui,  et  lesdits  acomptes  seront  à 
l'instant  portés  sur  le  registre  coté  et  paraphé  de  nous  et  déposé  dans  la 
caisse  particulière  des  syndics  et  adjoints  ;  et  dans  une  caisse  séparée  qui  sera 
aussi  à  deux  clefs  différentes,  dont  l'une  restera  au  syndic-receveur  et  l'autre 
au  plus  ancien  en  maîtrise  des  deux  adjoints. 

X.  —  Les  acomptes  qui  ont  été  ci-devant  reçus  par  les  syndics  et  adjoints 
en  exercice  ou  sortis  d'exercice,  seront  rapportés  et  déposés  sous  huitaine  de 
la  publication  de  notre  présente  ordonnance,  en  présence  d'un  commissaire 
au  Chàtelct  par  nous  nommé,  dans  ladite  caisse,  et  de  la  manière  ci- dessus 
prescrite;  le  tout  à  peine  d'être  poursuivis  extraordinairement. 

XI.  —  Faisons  défenses  aux  syndics  et  adjoints  en  exercice  de  divertir  lesdits 
acomptes  et  de  les  employer  à  d'autres  usages  que  celui  auquel  ils  sont  des- 
tinés, à  peine  d'en  répondre  solidairement  en  leur  nom  personnel  :  et  sera 
notre  présente  ordonnance  exécutée  nonobstant  opposition  en  appellation, 
sans  y  préjudicier,  et  imprimée  et  affichée  partout  où  besoin  sera,  notamment 
dans  le  lieu  le  plus  apparent  de  chacun  des  bureaux  des  communautés  d'arts 
et  métiers. 

Ce  qui  fut  ordonné  par  nous,  Louis  Thiroux  de  Crosne,  chevalier,  conseiller 
du  roi  en  ses  conseils,  lieutenant  général  de  police  de  la  ville,  prévôté  et 
vicomte  de  Paris,  le  cinq  avril  mil  sept  quatre-vingt-huit.  Signé  : 

Thiroux  de  Crosne.  De  Flandre  de  Brunville. 

ARRÊT  de  la  Cour  de  Parlement,  concernant  les  visites  des  syndics-adjoints 
des  communautés  d'arts  et  métiers  de  la  Ville  de  Paris,  du  26  mars  1783  r. 

"Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  roi  de  France  et  de  Navarre  :  au  premier  huissier 
de  notre  Cour  de  Parlement,  ou  autre  notre  huissier  ou  sergent  sur  ce  requis  ; 

1.  Pièce  in-4°,  7  pages.  Arr.  Pari.,  à  la  date. 


464  RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS 

savoir  faisons  :  qu'entre  Jean-André  Rouin  ,  peintre  artiste,  appelant  de  l'or- 
donnance du  sieur  lieutenant  de  police  au  Chàtelcl  de  Paris,  rendue  sur  référé 
en  son  hôtel  entre  lui  et  la  communauté  des  soi-disant  peintres-sculpteurs  et 
marbrier[s]  de  la  ville  de  Paris,  le  26  novembre  1782, qui,  en  ordonnant  la  re- 
mise d'un  tableau  à  son  choix,  a  renvoyé  à  l'audience  sur  le  surplus  de  la  de- 
mande provisoire  formée  par  ledit  sieur  Roiiin  en  rapport  des  objets  désignés 
au  procès-verbal  de  la  prétendue  jurande  du  23  dudit  mois  de  novembre,  aux 
chefs  qui  lui  faisaient  préjudice;  et  encore   appelant  tant   de  nullité  qu'au- 
trement du  procès-verbal  de  saisie-jurande  dudit  jour  23  dudit  mois  de  no- 
vembre, ensemble  de  tout  ce  qui  a  précédé  et  suivi,  aux  fins  de  l'arrêt  de  notre 
dite  Cour,  du  30  dudit  mois  de  novembre,  et  exploit  fait  en  conséquence  le  3 
décembre  suivant,  d'une  part;  et  la  communauté  des  soi-disant  peintres-sculp- 
teurs et  marbriers  de  la  ville  de  Paris,  intimée  d'autre  part:  et  entre  ledit  Jean- 
André  Boiïin,  demandeur  en  requête  du  18  décembre  1782,  tendante  [à  ce  que], 
en  tant  que  touchait  l'appel  par  lui  interjeté  de  l'ordonnance  du  sieur  lieutenant 
de  police  du  26  novembre  précédent,  il  fût  donné  acte  audit  sieur  Roiiin  de  ce 
qu'en  expliquant  les  chefs  dont  il  était  appelant,  il  déclarait  que  c'était  en  ce 
que  ladite  ordonnance  renvoyait  à  l'audience  sur  le  surplus  de  la  demande 
provisoire  par  lui  formée  à  fin  de  remise  des  objets  énoncés  au  procès-verbal 
de  saisie-jurande  du  23  novembre  lors  dernier,  et  qu'elle  n'ordonnait  que  la 
remise  d'un  tableau;  faisant  droit  sur  ledit  appel,  il  fût  ordonné  que  l'appella- 
tion et  ce  dont  était  appel  seraient  mis  au  néant;  en  tant  que  touchait  l'appel 
interjeté  par  ledit  sieur  Roiiin  du  procès-verbal  de  prétendue  saisie-jurande 
du  23  novembre  lors  dernier,  il  fût  ordonné  que  l'édit  de  1776  qui  déclare  la 
peinture  et  sculpture  arts  libres,  ensemble  notre  déclaration  du  mois  de  février 
1777,  seraient  exécutés  selon  leur  forme  et  teneur;  en  conséquence  il  fût  fait 
défenses  à  ladite  communauté  de  troubler  ledit  fioûin  dans  l'art  de  peinture  et 
dépendances  d'icelui;  la  saisie-jurande  faite  sur  ledit  sieur  Roiiin  fût  déclarée 
nulle,  injurieuse,  tortionnaire,  déraisonnable  et  vexatoirc;  il  en  fût  fait  pleine 
et  entière  mainlevée  audit  sieur  Roiiin;  il  fût  ordonné  que  dans  trois  jours  de 
la  signification  de  l'arrêt  à  intervenir,  les  syndics  et  adjoints  de  ladite  commu- 
nauté seraient  tenus  de  remettre  audit  sieur  Boiiin  les  pinceaux,  couleurs,  che- 
valets,   tableaux,    châssis    et    autres    objets    désignés   au    procès-verbal    de 
saisie-jurande   du    23  novembre    précédent,  les  tableaux  n'ayant   point   été 
décrits,  et  d'après  la  désignation  qui  en  serait  faite  par  ledit  sieur  Roiiin  des- 
sus ledit  procès-verbal;  lesquels  tableaux  et  autres  objets  seraient  rendus  au- 
dit sieur  Roiiin,  à  quoi  faire  tous  dépositaire[s]  contraints  par  toutes  voies 
dues  et  raisonnables  même  par  corps,  quoi  faisant  déchargé,  l'huissier  porteur 
de  l'arrêt  à  intervenir  dressera  procès-verbal  à  l'effet  de  constater  la  détériora- 
tion arrivée  auxdits  tableaux  pour  après  fixer  la  somme  à  laquelle  la  restaura- 
tion se  trouvera  monter,  et  à  cet  effet  ledit  sieur  Boiiin  fût  autorisé  à  faire 
toutes  ouvertures  nécessaires  en  la  manière  accoutumée  ;  ladite  communauté  des 
peintres  sculpteurs  et  marbriers  fût  condamnée  en  40,000  livres  de  dommages- 
intérêts  et  en  tous  les  dépens  des  causes  principales,  d'appel  et  demandes;  et 
attendu  que  ledit  sieur  Boiiin  éprouve,  par  ladite  saisie  faite  chez   lui  avec 
scandale,  un  tort  considérable,  il  fût  ordonné  que  l'arrêt  à  intervenir  serait 
imprimé,  lu,  publié  et  affiché  partout  où  besoin  sera  au  nombre  de  trois  mille 
exemplaires,  ou  en  tel  autre  nombre  qu'il  plairait  à  notredite  Cour  fixer,  aux 
frais  de  ladite  communauté,  et  ladite  communauté  fût  condamnée  aux  dépens 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS  465 

des  causes  principales,  d'appel  et  demandes,  même  en  ceux  du  provisoire, 
d'une  part;  et  ladite  communauté  des  peintres-sculpteurs  et  marbriers  de  Pa- 
ris, défenderesse,  d'autre  part:  Entre  ladite  communauté  des  peintres-sculp- 
teurs et  marbriers  de  Paris,  demandeurs  en  requête  du  14  janvier  1783,  employée 
pour  réponse  à  celle  du  sieur  Boùin,  du  15  dudit  mois  de  décembre,  ensemble 
pour  fins  de  non-recevoir,  et  subsidiairement  seulement  pour  défenses  contre 
les  demandes  y  portées;  ce  faisant,  sans  s'arrêter  ni  avoir  égard  aux  requêtes 
et  demandes  et  conclusions  dudit  sieur  Boùin  du  18  dudit  mois  dans  lesquelles 
ledit  sieur  Boiiin  serait  déclaré  purement  et  simplement  non  rccevable,oudont 
en  tous  cas  il  serait  débouté,  ledit  sieur  Roùin  fût  déclaré  purement  et  sim- 
plement non-recevable  dans  ses  deux  appels  de  l'ordonnance  de  référé  du  20  no- 
vembre précédent  et  du  procès-verbal  de  saisie  de  contravention  du  23  du  même 
mois  ;  ledit  sieur  Boiiin  fût  condamné  en  la  grosse  amende  de  75  livres  sur  chacun 
de  ses  appels,  et  où  notredite  Cour  ferait  difficulté  d'adjuger  ainsi,  ce  que  ladite 
communauté  n'estimait  pas,  audit  cas  seulement  et  non  autrement,  les  appella- 
tions fussent  mis[es]  au  néant; il  fût  ordonné  que  ce  dont  était  appel  sortirait 
son  plein  et  entier  effet,  et  ledit  sieur  Boùin  fût  condamné  en  l'amende  ordinaire 
de  12  livres  sur  chacun  de  ses  appels,  et  comme  en  Cour  souveraine  il  faut  con- 
clure en  toutes  fins,  si  notredite  Cour,  pour  sortir  les  parties  d'affaires,  voudrait 
évoquer  le  principal,  en  ce  cas,  subsidiairement  seulement  et  non  autrement, 
évoquant  le  principal  et  y  faisant  droit,  il  fût  ordonné  que  notre  édit  de  1770 
ensemble  notre  déclaration  du  mois  de  mars  1777  registrée  en  notredite  Cour 
le  21  décembre  suivant,  seraient  exécutés  selon  leur  forme  et  teneur;  ce  fai- 
sant, déclarer  bons  et  valables  tant  le  procès-verbal  de  saisie  fait  à  la  requête 
de  ladite  communauté  des  peintres-sculpteurs  et  marbriers  le  23  novembre  1782, 
ensemble  la  saisie  en  contravention  y  portée,  d'u»  chevalet,  de  cent  soixante- 
douze  tableaux,  deux  toiles  su?'  châssis,  quinze  autres  tableaux,  douze  bor- 
dures dorées  et  autres  objets  compris  et  détaillés  dans  le  procès-verbal;  en 
conséquence  il  fût  déclaré  acquis  et  confisqué  au  profit  tant  des  syndics  et  ad- 
joints que  de  leur  communauté,  conformément  à  l'article  36  de  notre  édit  de 
1776,  tous  les  tableaux  et  marchandises  saisis  par  ledit  procès-verbal  dudit 
jour  23  novembre  lors  dernier  avec  amende,  il  fût  fait  défenses  audit  sieur 
Boùin  de  ne  {sic)  plus  à  l'avenir  récidiver,  et  notamment  d'entreprendre  en  au- 
cune manière  quelconque  sur  les  droits  de  ladite  communauté  sous  plus  grande 
peine,  et  pour  l'avoir  fait,  ledit  sieur  Boùin  fût  condamné  en  500  livres  de 
dommages-intérêts  envers  la  communauté  des  peintres;  il  fût  ordonné  que 
l'arrêt  à  intervenir  serait  imprimé,  publié  et  affiché  partout  où  besoin  serait 
jusqu'à  la  concurrence  de  200  exemplaires  aux  frais  et  dépens  dudit  sieur 
Boûin,  et  ledit  sieur  Boùin  fût  en  outre  condamné  en  tous  les  dépens  des 
causes  principales,  d'appel  et  demandes,  même  en  ceux  du  référé  devant  le 
lieutenant  général  de  police,  d'une  part,  et  ledit  sieur  Boùin,  défendeur,  d'autre 
part:  Entre  ladite  communauté  des  peintres-sculpteurs  et  marbriers,  deman- 
deurs en  requête  du  15  janvier  1783,  tendante  à  être  reçus  opposants  à  l'exé- 
cution de  l'arrêt  par  défaut  obtenu  contre  eux  par  ledit  sieur  Boûin  le  21 
décembre  précédent  et  signifié  à  procureur  le  8  du  mois  de  janvier;  faisant 
droit  sur  l'opposition,  ledit  arrêt  et  la  procédure  sur  laquelle  il  était  intervenu 
fussent  déclarés  nuls  et  de  nul  effet,  au  principal  il  fût  ordonné  que  les  par- 
ties en  viendraient  à  l'audience  au  premier  jour,  et  ledit  sieur  Boùin,  défen- 
deur, d'autre  part:  Entre  ledit  sieur  Boùin,  demandeur  en  requête  du  15  fé- 

30 


4G6  RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D  ARTS  ET  MÉTIERS 

vrier  1783,  employée  pour  réponse,  [lins  de  non-recevoir  et  subsidiairement 
pour  défenses  contre  les  requêtes  et  demandes  de  la  communauté  des  peintres- 
sculpteurs  et  marbriers  de  Paris,  du  4  janvier  précédent;  ce  faisant,  il  ïûtdonné 
acte  audit  sieur  Boùin  de  ce  que  ladite  communauté  des  peintres-sculpteurs 
et  marbriers,  dans  un  acte  signifié  de  procureur  à  procureur  le  21  janvier 
précédent,  signé  de  M0  Chaumette  des  Fossés,  leur  procureur,  reconnaissaient 
et  qualifiaient  eux-mêmes  ledit  sieur  Boiiin  peintre  artiste;  en  conséquence  et 
attendu  qu'il  résultait  de  cette  reconnaissance  qu'il  ne  pouvait  plus  y  avoir  de 
doute  que  le  sieur  Boiiin  était  peintre-artiste,  et  que,  indépendamment  de  cet 
aveu,  ils  l'avaient  qualifié  peintre  dans  leur  procès-verbal  de  saisie  fait  par 
Ileurtin,  huissier,  et  en  celui  qui  paraît  avoir  été  fait  par  le  commissaire 
Hugues;  que  ledit  sieur  Boiiin  rapportait  des   preuves  géminées  qu'il  était 
peintre-artiste  et  restaurait  les  tableaux;  que  la  peinture  est  un  Art  lirre;  que 
la  saisie  fourmillait  de  nullités;  qu'il  n'y  avait  aucune  contravention  de  con- 
statée; ladite  communauté  des  peintres-sculpteurs  et  marbriers  fût  déclarée 
purement  et  simplement  non  reccvable  dans  lesdites  demandes  ou  en  tout  cas 
déboutés  '  ;  au  surplus  les  conclusions  prises  par  ledit  sieur  Boiiin,  par  sa  re- 
quête du  18  décembre  précédent,  lui  fussent  adjugées  avec  dépens,  d'une  part; 
et  ladite  communauté  des  peintres-sculpteurs  et  marbriers  de  Paris,  d'autre 
part  :  Entre  les  syndic-adjoints  de  la  communauté  des  peintres-sculpteurs  et 
marbriers  de  Paris,  demandeurs  en  requête  du  20  février  1783,  employée 
pour  réponse  à  celle  du  sieur  Boiiin  du  15  dudit  mois,  ensemble  pour  fins  de 
non-recevoir,  et  subsidiairement  seulement,  pour  défenses  contrôles  demandes 
et  conclusions  y  portées;  ce  faisant,  il  fût  donné  acte  aux  syndic  et  adjoints  de 
ladite  communauté  de  l'aveu  fait  par  ledit  sieur  Boiiin  dans  sa  requête  dudit 
jour  15  février,  qu'il  n'était  point  de  leur  corps;  d'un  aveu  par  lui  fait  dans 
ladite  requête,  que  la  nullité  par  lui  proposée  contre  le  procès-verbal  de  saisie 
en  contravention  dont  est  question  est  idéale;  en  conséquence,  sans  s'arrêter 
ni  '  avoir  égard  aux  requêtes,  demandes  et  conclusions  dudit  sieur  Boùin, dans 
lesquelles  il  serait  déclaré  purement  et  simplement  non  recevable,  ou  dont  en 
tous  cas,  et  subsidiairement  seulement,  déboutés  3;  les  conclusions  par  eux 
ci-devant  prises  leur  fussent  adjugées  avec  dépens,  d'une  part;  et  ledit  sieur 
Boiiin,  défendeur,  d'autre  part:  Entre  ledit  sieur  Boùin,  demandeur  en  requête 
du  26  dudit  mois  de  février,  employée  pour  fins  de  non-recevoir,  et  subsidiai- 
rement   seulement    pour    défenses   contre    la    requête    et   demande    de    la 
communauté  des  peintres-sculpteurs  et  marbriers  de  Paris,  du  20  dudit  mois; 
ce  faisant,  ladite  communauté  fût  déclarée  purement  et  simplement  non  rece- 
vable dans  ses  requête  et  demandes,  ou  en  tous  cas  déboutée;  au  surplus  les 
conclusions  que  ledit  sieur  Boùin  avait  ci-devant  prises  lui  fussent  adjugées 
avec  dépens,  d'une  part;  et  ladite  communauté  des  peintres-sculpteurs  et 
marbriers  de  Paris,  défendeurs,  d'autre  part;  sans  que  les  qualités  puissent 
nuire  ni  préjudicier. 

Après  que  Rimbcrt,  avocat  de  Boùin,  et  Delavigne,  avocat  des  peintres  de 
Paris  ont  été  ouïs,  ensemble  Séguier  pour  notre  procureur  général  : 

Notredite  Cour  reçoit  les  parties  respectivement  opposantefs]  à  l'exécution 

1.  SiC)  pour  déboutée. 

2.  <c  N'y  »  dans  le  texte. 

3.  Sic,  pour  dùbouté. 


RÉGIME  DES  COMMUNAUTÉS  D'ARTS  ET  MÉTIERS  467 

des  arrêts  par  défaut;  faisant  droit  sur  l'appel,  ayant  égard  aux  requêtes  de 
la  partie  de  Rimbert,  sans  s'arrêter  à  celles  de  la  partie  de  Delavigne,  a  mis 
et  met  l'appellation  et  ce  dont  est  appel  au  néant;  émendant,  évoquant  le  prin- 
cipal et  y  faisant  droit,  déclare  la  saisie  dont  est  question,  nulle  et  de  nul  effet, 
en  fait  pleine  et  entière  mainlevée  à  la  partie  de  Rimbert;  ordonne  que  les  ef- 
fets saisis  lui  seront  rendus  et  restitués  ;  à  ce  faire  tous  dépositaires  d'iceux 
contraints,  même  par  corps,  quoi  faisant  déchargés;  sauf  à  la  partie  de  Rim- 
bert à  se  pourvoir  ainsi  qu'elle  avisera  dans  le  cas  où  il  y  aurait  détérioration 
aux  tableaux  dont  il  s'agit  ;  condamne  lesdites  parties  de  Lavigne  *  en 
■1000  livres  de  dommages-intérêts  envers  celle  de  Rimbert,  et  tous  les  dépens 
des  causes  principales,  d'appel  et  demandes,  même  en  ceux  faits  sur  le  provi- 
soire; faisant  droit  sur  les  conclusions  de  notre  procureur  général,  fait  défenses 
à  tous  syndics-adjoints  de  communautés  de  se  transporter  dans  la  maison  d'au- 
cun particulier  qui  ne  sera  pas  de  leur  communauté,  et  à  tous  officiers  de  jus- 
lice  de  les  y  accompagner  s'ils  ne  sont  autorisés  à  cet  effet  par  une  permission 
expresse  et  nominative  du  lieutenant  général  de  police,  à  peine  de  répondre,  en 
leur  propre  et  privé  nom,  de  toutes  pertes,  dépens,  dommages-intérêts,  et  autres 
peines  qu'il  appartiendra.  Ordonne  que  le  présent  arrêt  sera  imprimé  et  affiché 
à  la  requête  de  notre  procureur  général.  Si  mandons  mettre  le  présent  arrêt  à 
exécution.  Fait  en  Parlement  le  26  mars,  l'an  de  grâce  i 783, et  de  notre  règne 
le  neuvième.  Collationné,  signé  Jolivet  avec  paraphe  :  Par  la  Chambre,  signé  Du- 
franc.  Le  premier  avril  mil  sept  cent  quatre-vingt-trois,  signifié  à  Me  Chau- 
mette  des  Fossés,  procureur,  en  son  domicile,  parlant  à  son  clerc,  par  nous 
huissier  au  Parlement,  soussigné,  signe  Russeau  avec  paraphe. 

Charbonnier,  procureur. 

ARRÊT  du  Parlement,  du  23  février  1786,  qui  fait  défenses  aux  garçons  ma- 
réchaux ,  et  à  tous  autres,  de  s'attrouper  ni  faire  aucune  association,  sous 
quelque  prétexte  que  ce  puisse  être,  à  peine  d'être  poursuivis  exlraordinai- 
rement. 

On  voit  par  le  texte  de  l'arrêt,  très  court,  qu'il  s'agit  spécialement 
de  «la  ville  et  faubourgs  de  Paris»,  et  des  environs.  L'Arrêt  fut  rendu 
sur  la  demande  de  Thiroux  de  Crosne 2. 

VII.  —  LA  POLICE  ET  LA  PRESSE 

Gomme  le  Parlement  et  les  autres  Cours  souveraines,  le  Châtelet, 
bien  que  tribunal  de  justice  ordinaire,  a  le  droit  de  condamner  au  feu 

t.  Sic,  pour  Delavigne. 

2.  Pièce  in-4°,  3  pages.  —  Les  interdictions  de  ce  genre  sont  fréquentes  à  cette 
époque;  mais  elles  concernent  surtout  la  province  (sociétés  du  Devoir,  etc.).  Le 
23  août  1736,  Hérault  avait  défendu  aux  maîtres  fabricants  de  bas  unis  au  corps 
des  bonnetiers,  de  se  débaucher  entre  eux  des  ouvriers  «  lesquels,  se  voyant  re- 
cherchés, l'ont  la  loi,  et  vivent  dans  la  licence  et  l'indiscipline  »  (Arch.  nat., 
Y. 9499).  En  1724,  la  police  avait  réprimé,  par  la  prison,  une  grève  de  4,000  ou- 
vriers en  bas  (Barbier,  t.  I,  p.  200-207). 


468  LA  POLICE  ET  LA  PRESSE 

les  écrits  contraires  à  la  religion,  aux  mœurs,  a  l'État  :  en  pareil  cas, 
c'est  en  place  de  Grève  que  l'exécution  a  lieu.  Tel  fut  le  cas,  le  14  dé- 
cembre 1775,  de  la  Philosophie  de  la  nature,  condamnée  le  9  septembre 
précédent  '.  Mais,  par  suite  même  des  délais  de  procédure  que  pouvait 
entraîner  l'appel,  le  Châtelet  est  ordinairement  prévenu,  suit  par  le 
Parlement,  soit  par  le  Conseil  du  roi 2.  L'arrestation  des  auteurs,  im- 
primeurs, colporteurs,  etc.,  et  la  suppression  effective  des  exemplaires 
appartiennent  en  tous  les  cas  à  la  police.  D'un  autre  côté,  comme  la 
clandestinité  des  publications  rend  les  sentences  presque  toujours  déri- 
soires, la  police  finit  parue  plus  guère  agir  que  sur  de  simples  ordres 
ministériels,  transmis  également,  par  le  directeur  de  la  librairie,  aux 
syndics  delà  communauté  des  imprimeurs-libraires. 

La  police  judiciaire,  publique,  avouée,  veille  à  l'exécution  des 
statuts  de  la  librairie.  De  plus,  elle  rend  des  ordonnances  et  des 
sentences  qui  lui  appartiennent  en  propre. 

Par  exemple,  l'ordonnance  de  police  du  2  juin  1735  fait  défense  à 
toutes  personnes,  sous  peine  d'emprisonnement  et  de  procédure  extraor- 
dinaire, de  vendre  ni  distribuer  aucuns  libelles  dans  les  promenades 
publiques,  dans  les  cafés,  aux  portes  des  spectacles  ou  des  églises. 
Diverses  sentences  condamnent  à  l'amende  les  colporteurs  et  étaleurs 
de  livres,  conformément  à  l'ordonnance  du  25  septembre  1742,  qui 
avait  défendu  toute  importation  subreptice  de  livres  ou  libelles  dans 
la  ville  de  Paris,  et  toutes  boutiques  portatives  de  librairie  sur  les 
ponts  et  sur  les  quais.  Un  des  soins  ordinaires  de  la  police  est 
encore  la  recherche  et  la  poursuite  des  gazettes  ou  nouvelles  à  la 
main,  dont  les  auteurs  ou  distributeurs  étaient  passibles  du  fouet  et 
du  bannissement  la  première  fois,  et  des  galères  la  seconde,  d'après 
l'arrêt  du  Parlement  du  18  mai  1745.  —  Dans  un  autre  ordre  d'idées, 
l'ordonnance  de  police  du  28  septembre  1734  défendait  à  tous  libraires 
et  autres  d'acheter  aucuns  livres  et  papiers  des  enfants,  écoliers,  ser- 
viteurs, etc.,  sans  le  consentement  par  écrit  de  personnes  capables 
d'en  répondre.  Les  libraires  étaient  tenus  d'enregistrer  les  livres  et 
papiers  par  eux  achetés,  et  de  faire  parapher  leur  registre  par  le 
commissaire  de  quartier;  ils  devaient  retenir  les  livres  à  eux  présentés 
par  des  personnes  inconnues  et  suspectes,  et  les  remettre  entre  les 
mains  des  syndics.  S'ils  étaient  appelés  ù  un  inventaire,  ils  avaient  à 

1.  6  volumes  in-12  (1770-1774),  par  Dclisle  de  Sales. 

2.  Daus  la  liste  des  livres  condamnés  ou  supprimés  dressée  par  M.  Rocquaiil 
{L'esprit  révolutionnaire  avant  lu  Révolu/ion,  p.  IJ'i  1-595),  28  arrêts  du  Conseil  se 
rapportent  au  régne  de  Louis  XVI;  quelques-uns  seulement  font  double  emploi 
avec  les  arrêts  du  Parlement;  d'autres  les  contredisent  formellement. 


LA  POLICE  ET  LA  PRESSE  469 

séquestrer  les  ouvrages  contraires  aux  règlements  et  surtout  à  la  reli- 
gion catholique,  de  laquelle  ils  devaient,  d'ailleurs,  faire  profession, 
pour  être  reçus  à  exercer  leur  état. 

Après  s'être  exercé  contre  les  jansénistes  et  surtout  contre  les  insai- 
sissables Nouvelles  ecclésiastiques ,  la  police  executive  eut  aussi  af- 
faire, pendant  le  règne  de  Louis  XVI,  aux  pamphlets  dirigés  contre 
le  roi  et  la  reine,  aux  écrits  politiques  et  économiques  de  toute  sorte, 
menue  monnaie  de  Y  Encyclopédie,  et  première  forme  du  journalisme; 
aux  chansons  satiriques,  aux  mille  formes  de  la  polémique  la  plus 
ardente  et  la  plus  adroite.  Prenant  l'effet  pour  la  cause,  la  police 
attribuait  volontiers  aux  écrits  une  dissolution  politique  et  sociale 
dont  ils  n'étaient  que  le  symptôme  et  le  ferment. 

Depuis  la  mort  de  Bignon  ',  le  troisième  de  ce  nom  qui  eût  été  à  la 
tête  de  la  Bibliothèque  du  roi,  la  charge  de  maître  de  la  librairie 
avait  été  accordée  au  lieutenant  général  de  police  Lenoir,  conseiller 
d'État  (avril  1781).  La  partie  de  V Encyclopédie  méthodique  qui  traite 
des  arts  et  métiers  lui  fut  dédiée  cette  année  même,  et  à  l'article  Im- 
primerie-Librairie on  peut  lire  l'éloge  de  cet  étrange  héritier  des 
Guillaume  Budé  et  des  Aug.  de  Thou.  «  Ses  services  importants,  ses 
longs  travaux  et  ses  lumières  le  rendent  digne  de  l'honneur  de  veiller 
à  ce  feu  sacré  du  génie,  qui  languit  s'il  n'est  sans  cesse  entretenu, 
animé,  augmenté.  Heureusement2,  M.  le  baron  de  Breteuil,  ministre 
et  secrétaire  d'Etat,  en  secondant  les  vues  bienfaisantes  de  Sa  Majesté, 
et  satisfaisant  lui-même  son  goût  pour  la  gloire  des  lettres  et  l'hon- 
neur de  la  France,  regarde  comme  un  des  plus  beaux  apanages  de 
son  administration  de  pouvoir  répondre  à  la  vigilance  active  et 
éclairée  du  nouveau  bibliothécaire  du  roi.  »  D'ailleurs,  cinq  gardes 
étaient  attachés  k  la  bibliothèque  :  un  pour  les  médailles  et  antiques, 
un  pour  les  manuscrits,  un  pour  les  imprimés,  un  pour  les  planches 
gravées  et  estampes,  un  pour  les  titres  et  généalogies.  Elle  était  ou- 
verte les  mardi  et  vendredi  matin,  sauf  les  jours  de  fêtes,  et  deux 
mois  de  vacances. 

Pendant  un  an  encore,  jusqu'au  11  août  1785,  Lenoir  put  agir  sur 
la  littérature,  par  la  corruption  comme  directeur  de  la  librairie,  par 
les  poursuites  et   les  saisies   comme   lieutenant  général   de  police. 


1.  Maître  de  la  librairie  de  1772  à  1784.  Il  avait  succédé  ;ï  son  père,  lequel  lui- 
même  avait  eu  la  place  de  son  frère,  le  célèbre  abbé  Bignon,  nommé  en  1718. 

2.  Cet  «  heureusement  »  répond  sans  doute  à  la  réflexion  du  lecteur,  qu'un  lieu- 
tenant de  police  est  un  homme  bien  occupé  pour  songer  aux  intérêts  des  lettres. 
Lenoir  fut  d'ailleurs  bientôt  remplacé  par  de  Crosne,  et  non  par  Albert,  comme 
on  l'a  imprimé  récemment.  (Le  Correspondant,  10  mars  1887.) 


470  LA  POLICE  ET  LA  PRESSE 

Lorsque  Thiroux  de  Crosne  lui  succéda  dans  cette  dernière  place,  il 
conserva  la  première.  Conseiller  d'État,  notable,  autant  et  plus  maître 
des  gens  de  police  que  son  successeur,  il  fut  à  même  de  maintenir 
jusqu'à  la  Révolution  les  traditions  et  les  procédés  qu'il  avait  grande- 
ment contribué  à  établir.  Les  hommes  de  lettres,  les  avocats,  les 
politiques,  ne  s'y  trompèrent  pas,  et  son  nom  fut  continuellement 
attaqué,  tandis  qu'on  parlait  assez  peu  de  Thiroux  de  Crosne.  L'af- 
faire Kornmann  lui  porta  un  coup  terrible,  en  dépit  de  l'acquittement 
final  dont  il  bénéficia.  Car  elle  donna  l'occasion  à  Bergasse,  à  Mira- 
beau, de  dénoncer  au  public  tous  les  abus  de  la  police  parisienne,  soit 
sous  la  forme  de  factums  et  de  consultations  juridiques,  soit  dans  des 
écrits  d'un  caractère  plus  hardi  et  plus  général.  Ce  fut,  avant  la  Révo- 
lution, une  première  revanche  de  la  libre  littérature ■'. 

Les  documents  qui  suivent  se  rapportent  tous  aux  deux  années 
qui  ont  précédé  immédiatement  la  convocation  des  États  généraux. 
Indépendamment  des  libelles  et  des  placards  publiés  ou  affichés 
contre  le  roi  et  surtout  contre  la  reine  et  ses  favorites,  la  police  eut 
successivement  à  défendre  Calonne  contre  le  parti  du  Parlement  et 
celui  de  l'Église  confondus  dans  la  première  assemblée  des  notables; 
puis  Loménie  de  Brienne  contre  Calonne,  et  Lamoignon  contre  les 
parlementaires.  Bien  que  l'arrêt  du  Conseil  du  5  juillet  1788  eût  en 
apparence  affranchi  la  littérature  politique,  en  vue  de  la  préparation 
des  États  généraux,  le  zèle  de  la  police  ne  fut  ralenti  que  par  les  cir- 
constances; ou,  pour  mieux  dire,  elle  fut  débordée  par  la  multitude 
des  écrits,  en  même  temps  qu'elle  était  écrasée  par  l'audace  imprévue 
des  attaques  et  des  révélations. 

LE  COMTE  DE  KERSALAUN 

ET  LA  POLICE  * 

Du  lundi  H  juin  (1787).  —  Ce  jour  il  me  passe  sous  les  yeux  un  exem- 
plaire du  Mémoire  à  consulter  et  consultation  pour  le  comte  de  Kersalaun... 
contre  le  commissaire  Chesnon  père,  défendeur,  sur  une  question  qui  intéres- 
sait la  sûreté  publique  :  Ce  mémoire,   signé  du  comte  de  Kersalaun  lui-même 


1.  Lenoir  resta  néanmoins  directeur  de  la  librairie  jusqu'en  1790.  11  transmit 
cette  charge  à  son  gendre  d'Ormesson  de  Noyseau  (1790-1791).  Enfin,  en  1792,  la 
Bibliothèque,  devenue  nationale,  eut  pour  directeurs  Chamfort,  et  Carra,  député 
à  la  Convention. 

2.  Hardy,  t.  VII,  p.  105  (Bibl.  nat.,  mns.  f.  6686).  Le  comte  de  Kersalaun  était 
neveu  de  Caradeuc  de  la  Chalotais,  dans  la  personne  duquel  Louis  XVI,  peu  après 
son  avènement,  avait  réhabilité  toute  la  magistrature. 


LA  POLICE  ET  LA  PRESSE  471 

et  de  Gastebris,  procureur  au  Châlelet,  et  la  consultation  délibérée  à  Paris  le 
27  avril  dernier  signée  de  Me  Thilorier,  avocat,  le  tout  formant  16  pages 
d'impression  in  4°,  mais  non  distribué  quoique  mis  sous  presse  chez  Lottin 
l'aîné  et  Lottin  de  Saint-Germain,  rue  Saint-André-des-Arcs,  n°  27,  chez  les- 
quels toute  l'édition  de  2,000  exemplaires  avait  été  saisie  à  propos,  ministé- 
riellement,  par  le  sieur  Leprince,  inspecteur  de  la  librairie,  assisté  du  sieur 
Henry,  inspecteur  de  police,  puis  transportée  à  l'intérieur  du  [château  de  la 
Bastille,  pour  y  demeurer  supprimée,  d'après  une  conversation  qu'avait  eue  le 
comte  de  Kersalaun  avec  M.  de  Lamoignon,  garde  des  sceaux,  qui  l'avait  dé- 
terminé à  abandonner  son  action  contre  le  commissaire,  vu  qu'il  n'avait 
d'autre  témoin  de  ses  procédés  qu'une  seule  femme  de  chambre,  et  qu'il  don- 
nerait par  là  lieu  à  une  évocation  au  conseil,  ce  que  le  nouveau  chef  de  la 
justice  annonçait  être  dans  la  disposition  d'éviter  autant  qu'il  serait  en  lui. 

11  s'agissait  dans  ce  mémoire,  très  bien  fait  ainsi  que  la  consultation,  de  l'ex- 
pédition violente  ignorée  du  public,  faite  à  deux  heures  du  matin  dans  la  nuit 
du  vendredi  5  au  samedi  6  avril,  rue  de  la  Feuillade,  par  le  commissaire  Ches- 
non  père,  assisté  du  sieur  Quidor,  inspecteur  de  police,  de  deux  sbires  et  d'une 
escouade  de  guet,  dans  l'hôtel  où  logeait  le  sieur  comte  de  Kersalaun,  fils  d'un 
conseiller  au  parlement  de  Bretagne,  depuis  un  mois  qu'il  était  à  Paris,  lui 
étant  alors  à  Versailles,  —  et  dans  son  appartement  où  l'on  s'était  permis 
d'enfoncer  les  armoires,  de  prendre  ses  papiers,  etc.,  etc.,  sans  exhiber  con- 
venablement les  ordres  du  roi,  sans  en  laisser  de  copie  et  sans  dresser  de 
procès-verbal  :  le  tout,  dans  le  dessein  de  s'emparer  d'un  manuscrit  de  sa 
composition  intitulé  :  Observations  sur  le  discours  prononcé  par  M.  de  Calonne 
dans  l'Assemblée  des  notables  le  27  février  1787,  ayant  pour  épigraphe  ces 
mots  latins  :  Quis  talia  fando...  Dont  il  me  passe  en  même  temps  que  le 
mémoire  ci-dessus  énoncé,  un  exemplaire  des  deux  cents  que  l'auteur  avait 
fait  imprimer  en  taille-douce  sur  des  planches  gravées  à  grands  frais,  puis- 
qu'elles lui  avaient  coûté  2,000  livres,  et  absolument  calquées  sur  son  véri- 
table caractère  d'écriture,  au  point  qu'il  était  difficile  de  ne  s'y  pas  mé- 
prendre. Cet  exemplaire  contenait  :  1°  un  avis  de  l'éditeur;  2°  une  lettre  au 
roi  ;  3°  les  réflexions  numérotées  de  manière  qu'on  pouvait  en  séparer  les 
feuilles  et  les  intercaler  dans  les  pages  correspondantes  du  discours  du  sieur 
de  Calonne,  ce  qui  était  absolument  nécessaire  pour  mieux  sentir  l'objet  de 
chaque  réflexion,  qu'on  pouvait  bien  dire  être  toutes  à  bout  portant  et  sans 
réplique  ;  4°  un  extrait  en  forme  de  tableau  des  différents  préambules  des 
édits  d'emprunt  depuis  le  ministère  de  M.  de  Calonne,  savoir  :  de  l'édit  de 
décembre  1783,  emprunt  de  100  millions;  de  l'arrêt  du  Conseil  du  14  mars 
1784;  de  l'édit  d'août  1784,  caisse  des  amortissements  ;  de  l'édit  du  30  dé- 
cembre 1784,  emprunt  de  125  millions;  de  l'édit  de  décembre.  1785,  emprunt 
de  80  millions  ;  5°  enfin  la  lettre  écrite  par  M.  le  comte  de  Kersalaun  à  M.  de 
Calonne  le  6  avril  1787... 

N.  B.  Quoique  le  sieur  comte  de  Kersalaun,  par  exploit  du  25  avril  dernier, 
eût  fait  assigner  au  Chàtelet  de  Paris  le  commissaire  Chesnon  père,  tant  par  rap- 
port à  l'irrégularité  révoltante  de  toute  son  opération  que  par  rapport  à  l'ex- 
tension très  répréhensible  par  lui  donnée  aux  prétendus  ordres  qu'il  pouvait 
avoir  reçus,  et  aux  vexations  odieuses  qui  s'en  étaient  suivies,  il  se  trouvait 
les  bras  absolument  liés  par  l'Administration,  qui  avait,  en  obviant  à  la  pu- 
blicité de  son  mémoire,  usé   de  tous  les  autres  moyens  ordinaires  pour  em- 


472  LA  POLICE  ET  LA  PRESSE 

pêcher  qu'il  ne  pût  se  faire  rendre  justice,  autrement  qu'en  obtenant  de 
M.  le  Garde  des  sceaux  promesse  que  le  commissaire  et  l'inspecteur  de 
police  seraient  l'un  et  l'autre  vivement  réprimandés,  promesse  qui  avait  eu 
toute  son  exécution1. 


LIEUX  PRIVILÉGIES 

L'arrêt  du  Conseil  du  4  septembre  1787  ordonna  l'exécution,  dans 
les  lieux  privilégiés  aussi  bien  qu'ailleurs,  des  règlements  concer- 
nant le  commerce  de  la  librairie.  Quelque  temps  après,  la  police  fait 
arrêter  «  dans  le  Palais-Royal  quatre  débitantes  de  livres  dont  la 
femme  Morin,  pour  avoir  soi-disant  fourni  à  quelques  personnes  des 
exemplaires  imprimés  du  mémoire  justificatif  du  sieur  de  Galonné, 
et  de  celui  du  lord  Gordon  en  faveur  des  sieur  et  dame  de  Lamotte, 
actuellement  à  Londres2  ».  A  la  même  époque  le  marquis  Ducrest, 
chancelier  du  duc  d'Orléans,  fut  mis  à  la  Bastille  comme  auteur  avoué 
de  mémoires  publics,  qui  défendaient  la  conduite  du  duc  d'Orléans 
dans  l'affaire  du  Parlement  ;  du  même  coup  l'imprimerie  Hoffmann 
(dite  polylype)  fut  fermée. 

LECTURE  PUBLIQUE 

Vers  une  heure  après  midi,  un  officier  du  régiment  des  gardes  suisses  de 
service  au  palais,  ayant  voulu  imposer  du  silence  à  un  particulier  qui  y  lisait 
tout  haut  différentes  pièces  de  Bretagne,  et  qui  se  trouvait  environné  d'une 
trentaine  d'autres  particuliers  ;  le  lecteur  ayant  voulu  le  prendre  sur  le  haut 
ton  avec  l'officier,  et  celui-ci  après  quelques  menaces  ayant  jugé  devoir  ap- 
peler près  de  lui  un  certain  nombre  de  ses  fusiliers,  éprouve  à  leur  arrivée 
une  huée  des  plus  complètes  de  la  part  du  public,  qu'il  ne  parvient  à  calmer 
qu'en  se  réduisant  au  silence  et  faisant  retirer  insensiblement  ses  fusiliers, 
par  le  conseil' de  quelques  officiers   du   régiment  des  gardes  françaises  plus 


1.  De  Kersalaun  publia  peu  après,  la  môme  année,  son  Mémoire  aux  notables, 
sous  le  titre  :  Ni  emprunts,  ni  impôts  (Londres  1787,  31  p.  in-8°).  Lorsque  le 
Parlement  fut  exilé  à  Troyes,  il  y  alla  plusieurs  fois.  Le  3  septembre  1787,  il  fut 
arrêté  par  l'inspecteur  Henri  à  l'hôtel  d'Aligre  (rue  Bailleul),  et,  après  perquisi- 
tion et  saisie  nouvelles  de  ses  papiers,  enfermé  à  la  Bastille.  C'est  malgré  lui 
qu'il  en  sortit,  au  bout  de  quinze  jours,  à  la  sollicitation  des  députés  de  la  pro- 
vince de  Bretagne.  «11  avait  opposé  la  plus  vigoureuse  résistance  en  refusant  de 
répondre  au  sieur  baron  de  Breteuil...  qui  avait  voulu  l'interroger,  étant  d'abord 
résolu  d'y  demeurer  et  de  demander  des  juges  pour  que  son  procès  lui  lut  fait 
et  parfait,  s'il  était  vraiment  coupable.  » 

2.  La  dame  de  Lamotte  était  partie,  ouvertement  de  la  Salpêtrièrc  le  (i  juin 
1787.  Le  bruit  courut  qu'elle  et  son  mari  avaient  reçu  300,000  livres  d'indemnité, 
que  la  princesse  de  Polignac  était  allée  négocier  à  Londres  la  remise  de  papiers 
et  de  mémoires  compromettants,  etc. 


LA  POLICE  ET  LA  PRESSE  473 

prudents  que  lui,  qu'il  avait  cru  enfin  devoir  consulter.  On  craignait  beau- 
coup, si  les  choses  ne  se  pacifiaient  point,  de  voir  dans  la  capitale,  au  moment 
peut-être  qu'on  s'y  attendrait  le  moins,  quelque  explosion  populaire  et  tumul- 
tueuse à  laquelle  il  ne  paraissait  manquer  qu'une  occasion  ou  un  prétexte  '. 

PAMPHLETS  ET  PLACARDS  SAISIS  * 

La  police  de  la  capitale  fait  chercher  très  soigneusement  l'édition  d'un 
nouvel  écrit  composé  tout  exprès  pour  contrarier  les  opérations  destructives 
des  ministres,  soi-disant  intitulé  :  Avis  du  peuple  au  roi  et  au  Parlement,  en 
réponse  à  un  autre  écrit  distribué  par  l'Administration,  portant  pour  titre  : 
Avis  au  peuple.  On  assurait  que  l'archevêque  de  Sens,  principal  ministre 
d'État,  avait  osé  déclarer  qu'il  ne  pouvait  échouer  dans  son  projet,  étant  dé- 
terminé à  employer  deux  moyens  puissants  et  immanquables  selon  lui,  la 
séduction  et  la  force  (27  juin  1788). 

Tout  le  monde  parlait  lias  d'un  affreux  placard  trouvé,  disait-on,  le  dimanche 
précédent,  sur  le  soir,  affiché  au-devant  de  la  loge  de  la  reine  dans  la  salle  du 
Théâtre-Italien,  dont  on  remarquait  encore  l'empreinte  sur  cette  loge.  Ce  pla- 
card écrit  en  lettres  majuscules,  et  qui  avait  pu  être  lu  d'un  grand  nombre  de 
personnes  lorsque  tout  avait  été  allumé,  contenait  ces  mots  adressés  à  Leurs 
Majestés,  le  roi  et  la  reine  :  Tremblez-,  tyrans,  voire  règne  va  finir.  Il  donnait 
lieu  à  de  soigneuses  recherches,  à  de  grandes  perquisitions  (1er  juillet  1788). 

Vers  deux  heures  après  midi  ',  le  sieur  Lcmaître,  ancien  avocat  de  Rouen, 
l'un  des  quatre  secrétaires  des  finances  et  secrétaire  du  roi  du  grand  Collège, 
a  été  arrêté  avec  le  plus  grand  éclat  chez  lui,  dînant  avec  son  épouse,  rue 
Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie,  par  un  commissaire  accompagné  d'un  inspec- 
teur et  d'observateurs  de  police,  et  conduit  de  l'ordre  du  roi  dans  les  prisons 
du  château  de  la  Bastille,  après  examen  t'ait  de  tous  ses  papiers  et  scellé  ap- 
posé sur  iceux  en  sa  présence...  C'était  un  homme  de  beaucoup  d'esprit  qui 
avait  de  grandes  protections  et  dont  M.  le  garde  des  sceaux,  qui  ne  l'aimait 
pas,  redoutait  aujourd'hui  la  plume.  C'était  la  troisième  fois  qu'on  l'emprison- 
nait ministéricllement  :  car  il  l'avait  été  en  1771  pour  la  Requête  des  Nobles 
de  Normandie*  (2  juillet  1788). 

On  apprend  que  la  veille  5,  vers  six  heures  du  matin,  un  préposé  de  la  police, 
accompagné  de  plusieurs  soldats  du  guet  de  la  garde  de  Paris,  avait  levé  de 
dessus  la  porte  de  l'église  paroissiale  de  Sainte-Croix  en  la  Cité,  rue  de  la 
Vieille-Draperie,  vis-à-vis  la  rue  aux  Fèves,  un  grand  placard  qu'on  y  avait 
affiché  pendant  la  nuit,  portant  ces  mots  6  :  Le  roi  est  averti  qu'il  y  a  une 
révolte  d'arrêtée  pour  le  30  juillet  ;  nous  sommes  déjà  15,000  hommes,  et  peut- 


1.  Hardy,  t.  V11I,  p.  10  \±  juillet  1788). 

2.  Ibidem,  aux  dates. 

3.  Le  1er  juillet. 

4.  Sur  Lemaitre,  voir  :  Hardy,  t.  VI,  14  décembre.  1785  et  15  janvier   1786.  Et 
plus  haut,  p.  2(11). 

5.  2  juillet  1788. 

6.  Ici,  daus  le  manuscrit,  quelques  poiuts,  indiquant  que  la  citation  n'est  pas 
intégrale. 


474  LA  POLICE  ET  LA  PRESSE 

être  à  la  fin  du  mois  serons-nous  30,000.  Le  roi  fera  bien  d'augmenter  le 
nombre  de  ses  troupes.  On  prétendait  qu'il  en  avait  été  encore  levé  d'autres 
près  de  l'église  Notre-Dame  qui  étaient  soi-disant  écrits  avec  de  l'encre  rouge 
(3  juillet). 

L'arrêt  du  S  juillet  1788,  publié  le  8  à  Paris,  concernant  la  convocation 
prochaine  des  États  généraux,  est  regardé  comme  une  espèce  de  somnitère 
administré  finement  au  peuple  français  par  M.  de  Loménic  de  Briennc... 
L'administration  semblait  demander  de  bonne  foi,  et  avec  une  sorte  d'em- 
pressement de  se  les  procurer  le  plus  promptement  possible,  aux  officiers 
municipaux  des  villes,  aux  différentes  assemblées  provinciales  du  royaume, 
enfin  aux  membres  des  académies  des  sciences,  des  mémoires  ou  renseigne- 
ments sur  toutes  les  dispositions  à  faire  par  rapport  aux  arrangements  prati- 
cables pour  préparer  les  voies  à  la  convocation,  composition  et  tenue  des 
États  généraux  du  royaume,  annoncée  comme  proebaine,  sans  qu'on  en  dé- 
terminât l'époque  plus  prompte  ou  plus  précise  que  celle  déjà  précédemment 
annoncée  par  le  roi  pour  l'année  1791,  et  quoique  des  gens  qui  se  disaient 
bien  instruits  assurassent  que  les  ministres,  loin  de  décider  sincèrement  que 
cette  convocation  eût  jamais  lieu,  étaient  fermement  résolus  de  travailler 
sourdement  à  l'éloigner  le  plus  qu'ils  pourraient  ou  même  à  en  empêcher 
totalement  le  succès  (8  juillet  1788). 

Ce  jour  on  apprend  que  le  nommé  Lacloyc,  libraire  établi  rue  du  Monccau- 
Saint-Gervais,  venait  d'être  arrêté  et  mis  à  l'hôtel  de  la  Force  pour  l'Apologie 
de  la  cour  plénière  dont  il  était  convenu  d'avoir  débité  une  douzaine  d'exem- 
plaires, et  dont  les  ministres  paraissaient  désirer  vivement  d'empêcher  la  cir- 
culation (12  juillet  1788). 

A  la  date  du  18  juillet,  Hardy  signale  la  «  multitude  de  méprisables  brochures 
dont  les  ministres  ne  cessaient  d'infecter  la  société,  en  les  répandant  avec 
profusion,  pour  tâcher  de  faire  prévaloir  sur  tous  les  anciens  principes  leur 
système  destructeur  de  la  constitution  nationale...  Je  parviens  enfin  à  lire, 
dans  une  maison  où  je  me  trouve,  non  sans  beaucoup  d'impatience  et  bien  du 
dégoût,  le  libelle  diffamatoire  lancé  depuis  du  temps  par  l'administration 
contre  la  magistrature,  et  distribué  avec  une  coupable  profusion  non  seule- 
ment dans  l'enceinte  de  la  capitale,  les  faubourgs  et  ses  environs,  mais  encore 
dans  les  différentes  provinces  du  royaume,  et  mis  avec  une  criminelle  affec- 
tation dans  les  mains  du  plus  bas  peuple  :  n'ayant  d'autre  litre  que  celui-ci 
placé  en  lettres  majuscules  tout  au  commencement  du  discours  :  Au  peuple 
français  sur  ses  vrais  intérêts  (in  8°,  15  p.),  avec  ces  mots  pour  épigraphe 
en  caractères  italiques  :  J'adore  Dieu,  j'aime  mon  roi,  je  sers  ma  patrie, 
Épigraphe  démentie  d'un  bout  à  l'autre  de  cette  production  infâme...  que  l'on 
vendait  6  sols  aux  amateurs  comme  aux  contempteurs,  et  qui  commençait 
ainsi  :  Peuple,  on  vous  trompe,  etc...'  11  n'était  guère  possible  de  réunir  dans 
un  seul  écrit  plus  d'horreurs  et  plus  d'atrocités  contre  la  magistrature...  » 

Le  20  juillet,  il  est  question  d'un  pamphlet,  peu  répandu  et  très 
recherché,  contre  le  garde  des  sceaux  :  «  Les  mânes  de  la  présidente 
Lemairat  à  Chrétien  de  Lamoignon,  ci-devant  président  à  mortier  du 
parlement  de  Paris...  »  On  y  opposait  «  le  représentant  du  sieur  de 
Maupeou,  chancelier  de  France  »,  promoteur  des  nouveaux,  édits,  au 


LA  POLICE  ET  LA  PRESSE  473 

courageux  magistrat  qui  en  1771  avait  si  bien  défendu  les  préroga- 
tives parlementaires  '. 

Le  25  juillet,  il  circule  des  copies  d'une  prétendue  prophétie  du 
XVe  siècle,  trouvée  soi-disant  en  Hongrie  dans  le  tombeau  de  Jean 
Regio-Montanus,  et  annonçant  pour  1788  que  «  tous  les  royaumes  du 
monde  iraient  sens  dessus  dessous  ». 

Le  29  juillet,  cinq  libraires  sont  mis  à  la  Force,  et  la  veuve  Poilly, 
libraire  du  Palais,  est  mise  à  Sainte-Pélagie  pour  la  distribution 
d'un  ouvrage  intitulé  :  le  Prince  bien-né. 

Le  30  juillet,  la  Gazette  de  Lerjde  est  interdite  en  France,  vraisem- 
blablement pour  avoir  publié  le  récit  de  «  la  fameuse  rixe  élevée 
entre  le  roi  de  Naples  et  son  épouse  archiduchesse  d'Autriche  »,  sœur 
de  Marie-Antoinette. 

Dans  la  nuit  du  3  au  4  août,  un  des  libraires  arrêtés  ayant  essayé 
de  se  couper  la  gorge,  ils  sont  tous  transférés  à  Charenton.  Les  ar- 
restations de  colporteurs,  etc.,  se  multiplient,  et  l'on  surveille  étroite- 
ment les  presses  de  la  capitale,  de  peur  qu'il  n'en  sorte,  comme  en 
1771,  quelque  victorieux  pamphlet  propre  à  contrarier  ou  à  dérouter 
même  tout  à  fait  les  ministres  dans  leur  inconcevable  opération. 

Il  me  passe  sous  les  yeux  un  avis  imprimé  que  les  syndic  et  adjoints  de  la 
communauté  des  libraires  et  imprimeurs  de  Paris  avaient  fait  porter  dans 
toutes  les  imprimeries,  le  16  du  présent  mois,  d'après  une  lettre  qui  leur  avait 
été  adressée  par  M.  de  Lamoignon,  garde  des  sceaux  de  France,  portant  dé- 
fenses d'imprimer  un  mémoire  apologétique  de  M.  de  Messine  dans  le  cas  où 
ce  mémoire  viendrait  à  leur  être  présenté,  avec  ordre  d'en  avertir  aussitôt 
M.  le  lieutenant  de  police.  Ce  sieur  de  Messine,  qu'on  assurait  être  fort  instruit 
surtout  ce  qui  pouvait  concerner  la  fameuse  révolution  de  1771,  possédait, 
disait-on  d'ailleurs,  au  suprême  degré  le  talent  d'écrire  avec  force,  avec 
énergie,  et  sa  plume  infiniment  plus  redoutable  encore  que  celle  du  sieur  Ber- 
gasse,  devait  assez  naturellement  être  enchaînée  et  réduite  à  l'inaction  par 
M.  le  garde  des  sceaux  dans  les  circonstances  actuelles.  On  n'avait  guère  vu  les 
ministres  réussir  aussi  bien  que  dans  la  circonstance  présente  à  empêcher  la 
publication  des  ouvrages  qui  pouvaient  leur  nuire  en  les  démasquant 
(22  août)2.... 

Ce  jour  (lundi  22  septembre  1788),  dès  5  heures  du  matin,  un  commissaire 
et  un  inspecteur  de  police  font  par  ordre  de  l'administration  une  descente  et 
une  perquisition  chez  la  demoiselle  Dubuisson,  brocheuse  de  livres,  demeurante 
rue  Saint-Jacques  vis-à-vis  la  rue  du  Plâtre  dans  la  maison  dite  de  la  Vieille- 
Poste,  relativement  à  la  charmante  comédie  intitulée  la  Cour  plénièrc  >,  dont 


1.  Vendu  de  36  sous  à  3  livres  (pièce  in-8°,  23  p.)  —  Hardy  en  fait  un  extrait 
assez  long  au  t.  VIII,  p.  23  (date  du  22  juillet). 

2.  Hardy,  t.  VIII,  p.  53. 

3.  Attribuée  au  chevalier  de  Rulhière  :  cette  seconde  édition  forme  1  vol.  in-8° 


476  LA  POLICE  ET  LA  PRESSE 

on  avait  commencé,  le  vendredi  précédent  (19  septembre),  à  distribuer  au 
prix  de  3  livres  l'exemplaire  une  nouvelle  édition,  tandis  que  la  précédente 
s'était  vendue  jusqu'à  un  louis  d'or  et  plus.  On  en  trouva  malheureusement 
chez  cette  demoiselle  six  à  sept  cents  exemplaires.  Après  la  saisie  et  la  rédac- 
tion du  procès-verbal,  elle  est  conduite  chez  le  sieur  Thiroux  de  Crosne,  lieu- 
tenant général  de  police.  Elle  y  demeure  jusque  vers  5  heures  du  soir,  qu'elle 
est  conduite  à  l'hôtel  de  la  Force,  n'ayant  déclaré  autre  chose,  si  ce  n'est 
qu'un  gagne-deniers  qu'elle  ne  connaissait  point  lui  avait  apporté  les 
feuilles  encore  toutes  mouillées  de  cet  ouvrage,  dont  il  l'avait  prévenue  qu'il 
viendrait  chercher  les  exemplaires  brochés  un  jour  qu'il  lui  avait  indiqué.  On 
avait,  disait-on,  donné  à  entendre  à  la  demoiselle  Dubuisson  qu'elle  ne  serait 
pas  longtemps  prisonnière.  Elle  sortit  de  prison  le  mercredi  suivant  (24  sep- 
tembre) à  9  heures  du  soir,  sans  interrogatoire  et  sans  frais. 

C'est  le  jour  même  où  le  Parlement  de  Paris  avait  solennellement 
repris  ses  fonctions  interrompues.  Les  colporteurs  précédemment 
arrêtés  recouvrèrent  également  la  liberté. 

Ce  jour  (27  octobre  1788),  on  apprend  que,  dans  la  nuit  précédente,  les 
commis  des  fermes  générales,  préposés  à  la  garde  des  barrières  Saint-Jacques 
et  Saint-Michel,  avaient  saisi  dans  une  espèce  de  souterrain,  près  de  l'aqueduc 
du  village  d'Arcueil,  000  exemplaires  d'un  imprimé  tout  nouveau,  portant 
soi-disant  pour  titre  :  Lettre  d'un  Parisien  à  un  Français;  mais  que  le  con- 
ducteur dépositaire  de  cet  écrit  prohibé  s'était  fort  adroitement  esquivé  par 
une  espèce  de  trou,  à  travers  lequel  il  paraissait  des  plus  surprenants  qu'il  eût 
pu  se  faire  un  passage  '. 

Le  29  octobre,  vers  cinq  heures,  on  déposa  dans  une  salle  inté- 
rieure de  la  Bastille  «  une  charretée  de  paquets  d'exemplaires  d'un 
ouvrage  nouveau,  dont  on  ne  disait  point  le  titre,  soi-disant  imprimé  à 
Versailles,  et  saisi  chez  la  demoiselle  Champion,  brocheuse  de  livres, 
rue  Saint-Jacques  ».  C'étaient  les  Observations  de  l'abbé  de  Mably 
(6  vol.  in-122)- 

Le  2  novembre  Hardy  reçoit  copie  3  d'une  lettre  du  nouveau  direc- 
teur de  la  librairie,  Poitevin  de  Maissemi4,  portant  : 

Oue  l'intention  de  M.  le  garde  des  sceaux  (de  Barentin)  était  que,  jusqu'à 
nouvel  ordre,  on  empêchât  toute  circulation  dans  le  royaume,  et,  à  plus  forte 
raison,  toute  impression  de  la  collection  des  œuvres  de  feu  le  roi  de  Prusse, 
quelle  qu'en  fût  l'édition.  —  Et  recommandation  de  ne  négliger  aucunes  pré- 


de  110  pages  (à  Baville,  et  se  trouve  à  Paris,  chez  la  veuve  Liberté,  etc.,  1188). 

1.  Hardy,  l.  VIII,  p.  127. 

2.  Hardy,  t.  VIII,  p.  130  <M  octobre  1788), 

'.i.  Par  l'entremise  des  syndic  et  adjoints  de  la  Librairie, 
i.  Il  avait  succédé  à  Vidaud  de  Latour  le  :S1  octobre  1788. 


LA  POLICE  ET  LA  PRESSE  477 

cautions  pour  l'exécution  exacte  et  rigoureuse  de  cet  ordre,  dont  on  ne  pou- 
vait pénétrer  le  motif. 

A  l'époque 'de  la  rentrée  solennelle  du  Parlement  (12  novembre), 
on  vendit  le  portrait  de  d'Eprémesnil;  mais  la  vente  de  celui  de  Ber- 
nasse fut  interdite,  à  cause  du  quatrain  : 

Fidèle  à  l'amitié,  fidèle  à  la  Patrie, 
Il  apprit  aux  Français  à  rougir  de  leurs  fers; 
Et,  fort  de  sa  vertu,  puissant  par  son  génie, 
Il  fut  l'appui  du  juste  et  l'effroi  des  pervers  r. 

Le  15  novembre,  Hardy  mentionne  la  Dénonciation  au  public,  à  ï occa- 
sion de  quelques  écrits  anonymes,  particulièrement  d'une  comédie  ayant  pour 
litre  :  la  Cour  plénière,  calomnieusement  attribuée  à  M.  Bergasse,  avec  des 
détails  sur  sa  retraite  en  Suisse,  l'époque  et  les  motifs  de  cette  retraite,  des 
réflexions  sur  le  danger  de  ce  qu'on  appelle  les  Bulletins  a  la  main,  etc.,  et  les 
moyens  sourds  qu'emploie  une  cabale  pour  favoriser  et  faire  renaître  les  anciens 
abu$  de  la  police:  suivie  de  la  Lettre  missive  aux  Notables,  datée  de  Paris  le 
12  novembre  1788,  signée  :  Patriophile.  —  A  Paris,  novembre  1788,  ayant, 
pour  épigraphe  ces  vers  tirés  de  la  fable  de  La  Fontaine,  intitulée  le  Serpent 
qui  veut  mordre  la  Lime  : 

Plutôt  que  d'emporter  de  lui 
Seulement  le.  quart  d'une  obole, 
Ils  se  rompraient  toutes  les  dents... 
Il  est  pour  eux  d'airain,  d'acier,  de  diamant. 

...Le  tout  formant  cinquante-huit  pages  d'impression  in-8°,jy  compris  un  aver- 
tissement très  essentiel  placé  avant  la  dénonciation.  Sans  prix  fixe  :  lant  les 
personnes  intéressées  faisaient  d'efforts  pour  en  arrêter  la  circulation,  qui  avait 
eu  lieu  néanmoins  en  partie,  surtout  à  la  Cour,  et  dans  l'Assemblée  des  Notables... 
L'auteur  de  cet  écrit  en  style  de  diatribe,  que  l'on  croyait  être  le  sieur  Ber- 
gasse lui-même,  actuellement  à  Lyon  dans  sa  famille,  où  il  faisait  des  remèdes 
pour  sa  santé,  en  rendant  compte  au  public  de  toutes  les  persécutions  qui  lui 
étaient  suscitées,  et  des  motifs  de  son  évasion  en  août  dernier,  lorsqu'il  avait 
été  averti  du  dessein  formé  de  l'arrêter  et  de  l'emprisonner  le  14  du  même 
mois  d'août,  s'appliquait  à  faire  connaître  de  plus  en  plus  et  à  démasquer,  par 
exposé  de  faits  avérés,  les  sieurs  Lenoir,  conseiller  d'État,  ci-devant  lieutenant 
général  de  police,  et  de  Flandre  de  Brunville,  procureur  du  roi  au  Châtelet, 
aspirant  à  cette  dernière  place  qu'occupait  actuellement  le  sieur  Thiroux  de 
Crosne,  ainsi  que  le  sieur  Caron  de  Beaumarchais,  l'ami  de  ces  deux  magistrats. 
On  s'était  appliqué  soi-disant  à  faire  pénétrer  cet  écrit  chez  les  grands,  parce 
qu'on  savait  bien  qu'il  devait  infailliblement  produire  sur  leurs  esprits  la  plus 
grande  sensation  :  et  il  fallait  convenir  qu'à  la  vérité  il  devenait  intéressant, 
précieux  même  dans  les  circonstances,  attendu  les  singulières  anecdotes  qu'il 
contenait. 


1.  Hardy,  t.  VIII,  p.  145. 


478  LA  POLICE  ET  LA  PRESSE 

Une  sentence  du  Ghàtelet,  du  21  novembre  1788,  condamna  cet 
écrit,  et  ordonna  une  information  contre  ceux  qui  l'avaient  composé, 
vendu  ou  distribué. 

Lettre  de  M.  Maissemi  aux  Officiers  de  la  Librairie 
27  janvier  1789  j 

Elle  portait  en  substance,  dit  Hardy,  qu'ils  eussent  à  donner  tous  leurs  soins 
pour  qu'aucun  imprimeur,  et  même  aucun  imprimeur  du  Roi,  ne  réimprimât 
un  Règlement  pour  les  États  généraux,  et  des  lettres  de  convocation  qui  allaient 
incessamment  sortir  des  presses  de  l'imprimerie  royale,  ni  même  aucun  autre 
objet  sorti  des  mêmes  presses  et  publié  par  ordre  du  Gouvernement,  à  moins 
que  celui  qui  les  réimprimerait  ne  justifiât  d'une  autorisation  expresse  et  par- 
ticulière signée  de  M.  Anisson-Duperron,  directeur  de  l'imprimerie  royale; 
l'intention  très  sévère  de  M.  le  garde  des  sceaux  étant  de  ne  tolérer  aucune 
contravention  à  cet  égard. 

Le  10  avril  1789,  la  police  interdit,  par  lettre  circulaire  adressée 
aux  libraires,  l'impression,  réimpression,  ou  vente  des  écrits  suivants  : 

1°  Procédure  criminelle  suivie  au  présidial  de  Rennes,  à  l'occasion 
des  émeutes  des  20  et  27  janvier  dernier; 

2°  Discours  de  M.  le  comte  de  Guibert  (à  l'assemblée  du  Berry), 
intitulé  :  Projet  de  discours  d'un  citoyen  à  l'assemblée  des  trois  ordres 
du  Berry  ; 

3°  Première  leçon  du  fils  aîné  d'un  roi,  etc.  (Bruxelles,  1789.) 

Le  16  avril,  est  interdite  la  publication  du  Patriote  français,  ou 
Journal  libre,  impartial  et  national,  dont  le  prospectus  seul  avait  paru, 
et  pour  lequel  il  n'avait  pas  été  obtenu  de  permission. 

VIII.  —  LA  SÛRETÉ 

Parmi  les  vingt  inspecteurs  en  charge,  pourvus  de  provisions 
royales,  et  qui  prêtaient  serment  en  justice,  il  y  en  avait  trois  plus 
spécialement  commis  à  la  sûreté  de  la  capitale.  Ce  service  cen- 
tralisait les  renseignements  sur  les  suspects,  sans  distinction  aucune 
entre  les  crimes  ou  délits  de  droit  commun,  et  ce  que  l'on  nommait  les 
crimes  d'État.  Organisé  par  Berryer,  en  1740,  il  fut  accueilli  d'abord 
avec  la  plus  grande  faveur  ;  en  fait  il  contribua  beaucoup  à  débarras- 
ser la  capitale  des  bandes  de  scélérats  et  de  voleurs  qui  l'infestaient. 
En  1770,  les  trois  inspecteurs  de  sûreté  n'avaient  encore  à  eux  que 
trente  hommes;  mais  il  va  sans  dire  que  toute  la  police,  le  guet,  la 

1.  Hardy,  t.  VIII,  p.  154. 


LA  SÛRETÉ  479 

garde,  leur  devaient  main-forte  '.  Comme  la  moindre  condamnation 
des  voleurs  ou  de  ceux  qui  étaient  véhémentement  suspects  de  vol 
était  l'interdiction  de  séjourner  dans  Paris  ou  à  la  suite  de  la  cour, 
il  était  essentiel  de  reconnaître  les  condamnés  en  rupture  de  ban,  et 
de  surveiller  leur  conduite  ultérieure  :  d'un  autre  côté,  Paris  devint 
comme  un  grand  filet  pour  les  malfaiteurs  des  provinces,  et  c'est  ce 
qui  explique  la  proportion  considérable  des  condamnations  ca- 
pitales prononcées  par  le  Chàtelet  dans  la  seconde  moitié  du 
XVIIIe  siècle2. 

Des  assassins,  des  voleurs,  des  vagabonds  et  des  mendiants,  l'in- 
spection de  police  ne  tarda  pas  à  se  porter  aussi  sur  certains  métiers 
regardés  comme  suspects  en  principe,  comme  les  revendeurs  et  bro- 
canteurs ambulants,  distincts  des  fripiers  :  pour  prévenir  les  recels, 
ils  devaient,  après  avoir  obtenu  une  autorisation  de  circuler  signée  d'un 
commissaire,  tenir  des  livres  réguliers,  avec'  mention  du  nom  des 
personnes  qui  leur  vendaient  des  effets.  Les  logeurs  étaient  aussi  obli- 
gés de  tenir  des  registres,  et  de  les  mettre  à  la  disposition  des  in- 
specteurs ou  de  leurs  agents.  «  Les  inspecteurs  de  police,  pour  se  faci- 
liter l'entrée  des  maisons  pendant  la  nuit,  ont  la  permission  de  se  servir 
de  crochets  et  autres  instruments  pour  en  ouvrir  sans  bruit  les  portes 
extérieures  et  intérieures,  pourvu  que  ce  soit  en  présence  d'un  commis- 
saire, qui  autrement,  et  en  cas  de  résistance  de  la  part  de  ceux  qui  les 
habitent,  a  l'autorité  de  les  faire  enfoncer  5.  »  Des  dénonciations  régu- 
lières, des  suspicions  légitimes,  en  un  mot  tout  ce  qui  détermine 
aujourd'hui  le  mandat  d'amener,  n'étaient  aucunement  nécessaires 
pour  procéder  à  des  arrestations  et  à  des  emprisonnements  :  dans 
les  maisons  de  force  on  retient  «  ceux  qui  ont  essuyé  des  procès  pour 


1.  Le  guet  comprenait  139  archers,  dont  39  à  cheval,  et  faisait  le  service  de  la 
juridiction  ordinaire.  —  La  garde  de  Paris  était  composée  de  3  compagnies  d'or- 
donnance, dont  une  de  cavalerie  (un  millier  d'hommes  en  tout).  —  Les  environs 
de  Paris  étaient  gardés  par  la  compagnie  du  prévôt  général  de  l'Ile-de-France 
(8  brigades  de  4  ou  6  hommes  chacune,  dont  une,  avec  un  inspecteur,  restait  à 
Paris). 

2.  Le  bureau  de  la  sûreté,  fondé  par  M.  Berryer,  est  destiné  «à  procurer  à 
tous  les  particuliers  qui  peuvent  avoir  été  volés  la  faculté  de  faire,  sans  frais, 
parvenir  leurs  plaintes  et  leurs  observations...  Les  commissaires  distribués  dans 
chaque  quartier  sont  (depuis  cet  établissement)  obligés  de  recevoir  gratis  les  dé- 
clarations des  particuliers  sur  les  vols  qui  peuvent  leur  avoir  été  faits,  et  de  les 
faire  passer  à  ce  bureau  ».  Les  affaires  sont  suivies  partes  inspecteurs  de  police. 
La  Ville  est  divisée  pour  ces  recherches  en  trois  départements,  Nord,  Sud  et  Centre. 
Le  bureau  est  rue  Saiut-Honoré,  prés  la  rue  Tirechape.  (Voyez  Jèze,  État  de  Paris 
en  1760,  I,  p.  1 15.) 

3.  La  Police  en  1770,  p.  79. 


480  LA  SUR ETE 

crimes,  mais  contre  lesquels  il  ne  s'est  point  trouvé  de  preuves  suf- 
fisantes pour  les  condamner  ».  Dans  les  maisons  de  correction  ou  de 
prévention,  dans  les  «  retraites  forcées  '  »,  la  police  détient  aussi  des 
prisonniers,  à  la  sollicitation  des  familles  ordinaires  2  (c'est-à-dire 
bourgeoises),  où  du  peuple.  Bicètre  et  Gharenton  sont  pour  les 
hommes;  Sainte-Pélagie,  la  Salpêtrière,  les  Madelonnettes,  sont  pour 
les  femmes.  «  Pour  les  personnes  des  deux  sexes,  mais  seulement 
dans  certaines  circonstances  qui  intéressent  le  gouvernement  »,  il  y 
a  «  le  château  de  la  Bastille  et  celui  de  Yincennes  près  Paris  î  ».  La 
Bastille  ne  fait  donc  pas  seulement  partie  du  gouvernement  absolu  : 
elle  est  aussi  une  institution  paternelle  4.  C'est  parce  qu'il  est  le  père 
de  tous  ses  sujets  (Louis  XVI  l'a  souvent  entendu  dire  et  répété)  que  le 
roi  en  personne  exerce  à  leur  égard  le  droit  de  correction,  qu'il  pré- 
vient et  modère  les  coups  flétrissants  de  la  justice.  La  Bastille  n'a 
rien  d'infamant.  Comme  on  y  entre  et  qu'on  en  sort  sans  jugement, 
elle  sert  aussi  bien  à  mettre  à  l'abri  de  grands  coupables,  comme  le 
cardinal  de  Roban,  qu'à  séquestrer  des  intrigants,  comme  Latude. 

Gardons-nous  d'attribuer  à  la  police  elle-même  les  injustes  et 
odieuses  conséquences  du  pouvoir  arbitraire  et  absolu.  La  police  est  un 
instrument,  et  c'est  à  la  main  qui  le  dirige  que  remonte  la  responsa- 
bilité historique  de  ses  actes  particuliers.  Mais  tel  n'était  pas,  tel  ne  pou- 
vait être  le  sentiment  populaire.  La  police  de  Paris  sombra  dès  le  début 
de  la  révolution,  parce  qu'elle  avait  été  employée  à  trop  de  besognes 
politiques  pour  n'avoir  pas  compromis  de*  toutes  façons  l'autorité 
qu'elle  pouvait  tirer  de  sa  fonction  sociale.  Il  fallut  pour  la  remettre 
non  sans  doute  en  honneur,  mais  à  sa  place,  la  subordonner  entière- 
ment à  la  municipalité,  et  faire  de  l'ancien  lieutenant  général  de  po- 
lice un  lieutenant  du  maire  de  Paris. 

REGISTRE  D'INSPECTEUR  DE  POLICE 

Nous,  conseiller  d'État,  lieutenant  général  de  police  de  la  ville,  prévôté  et 
vicomte  de  Paris,  avons  le  présent  registre,  contenant  deux  cent  quinze  feuil- 


1.  Expression  de  Jèze  (ouv.  cité,  p.  379)  qui  en  donne  la  liste  après  les  maisons 
de  retraites  religieuses. 

2.  La  Police  en  1770,  p.  84. 

3.  Jèze,  ibid. 

4.  Le  fds  du  maréchal  de  Ségur,  ministre  de  la  guerre,  questionné  à  l'Opéra 
sur  le  bruit  qui  courait  de  la  démission  de  son  père  (1787),  répondit  inconsidé- 
rément «  qu'il  ne  serait  pas  étonnant  que  son  père  donnât  sa  démission,  puisque 
le  roi  donnait  bien  la  sienne  ».  Ce  propos  fut  entendu  et  le  jeune  homme  mis  à 
la  Bastille,  où  il  ne  demeura,  il  est  vrai,  que  trois  jours.  (Hardy,  t.  VII,  p.  85.) 


LÀ  SÛRETÉ  481 

lets,  colé  et  paraphé  par  premier  et  dernier  pour  servir  au  sieur  Santerrc, 
inspecteur  de  police,  à  inscrire  jour  par  jour,  et  sans  aucuns  blancs,  les  rap- 
ports qu'il  nous  fera  sur  les  mémoires  et  autres  affaires  que  nous  lui  renver- 
rons concernant  le  quartier  Saint-Denis  dont  nous  l'avons  chargé. 

Fait  à  Paris  en  notre  hôtel  le  vingt-huit  jours  [sic)  mil  sept  cent  soixanlc- 
dix-neuf. 

Lenoir  '. 

HAUTE  POLICE  DE  SÛRETÉ  POLITIQUE 

L'on  rapportait  que  M.  Thiroux  de  Crosne,  lieutenant  général  de  police, 
s'était  transporté  chez  le  sieur  Lcchantcur,  conseiller  au  Parlement  de  la 
deuxième  chambre  des  enquêtes,  gendre  du  sieur  Robert  de  Saint-Vincent, 
conseiller  de  grand'chambre,  pour  lui  faire  une  espèce  de  remontrance  sur  ce 
qu'il  recevait  chez  lui  d'autres  conseillers  au  Parlement  ses  confrères,  cher- 
chant à  lui  faire  envisager  sa  conduite  comme  une  sorte  de  crime;  mais  que 
ce  jeune  magistrat  avait  répondu  avec  fermeté  à  ses  représentations  déplacées, 
et  d'une  manière  que  le  sieur  Thiroux  de  Crosne  ne  pouvait  guère  s'applaudir 
d'avoir  rempli  une  semblable  mission  *. 

MOUVEMENT  POPULAIRE  RUE  DES  LOMBARDS 

10  JUIN   1788 

Ce  jour,  vers  3  heures  après  midi,  il  se  fait  un  léger  mouvement  populaire  dans 
le  quartier  de  la  rue  des  Lombards,  à  l'occasion  de  quelques  moissonneuses  pas- 
sagères dans  la  capitale,  que  des  observateurs  de  police  avaient  entrepris  d'ar- 
rêter, probablement  comme  pauvres  mendiantes.  Trois  forts  de  la  halle  ayant 
commencé  par  prendre  leur  défense  et  la  populace  s'étant  de  suite  unie  à  eux, 
ces  observateurs  avaient  été  obligés  de  les  lâcher,  puis  avaient  été  conduits 
eux-mêmes  dans  une  voiture  de  place  chez  le  commissaire  Ferrand,  de  ladite 
rue  des  Lombards,  par  trois  brigades  du  guet  à  cheval,  et  deux  escouades  du 
guet  à  pied  :  d'où  l'on  avait  fait  semblant,  pour  calmer  le  peuple,  de  les  con- 
duire en  prison,  où  l'on  était  bien  persuadé  qu'ils  ne  feraient  pas  un  long  sé- 
jour \ 

Le  '15  juillet  1788  «on  apprend  que  dans  la  nuit  précédente,  de  2  heures 
après  minuit  à  5  heures  du  matin,  les  douze  députés  de  la  Noblesse  de  Bretagne 
qui  sollicitaient  vainement  depuis  près  de  quinze  jours  une  audience  du  roi  et 
n'avaient  pu  l'obtenir,  avaient  été  arrêtés  chacun  chez  eux  de  l'ordre  du  roi  et 
conduits  dans  les  prisons  du  château  de  la  Pastille  par  trois  inspecteurs  de 
police  dont  on  ne  connaît  que  deux,  les  sieurs  Quidor  et  Vaugicn,  soutenus  de 
leurs  émissaires,  ainsi  que  du  chevalier  Dubois,  commandant  du  guet  de  la 
garde  de  Paris,  et  de  ses  cavaliers». 

Ils  avaient  réuni  secrètement,  le  dimanche  précédent  (13  juillet),  dans  une 

t.  Arch.  de  la  préfecture  de  police. 

2.  Hardy,  1.  VII,  p.  137  (13  mai  1788). 

3.  Hardy,  t.  VII,  p.  481.  —  Voir  même  tomo,  p.  i7l)  (à  la  date  du  (i  juin},  l'ar- 
restation et  la  délivrance  «d'un  grand  jeune  homme  »,  près  la  grille  du  Palais. 

•      31 


482  LA  SURETE 

maison  tierce  «plusieurs  autres  seigneurs  bretons  qui  se  trouvaient  clans  la 
capitale,  auxquels  s'étaient  joints  encore  quelques  grands  de  la  Cour,  pour  se 
concerter,  et  aviser  aux  moyens  de  rendre  leurs  démarches  et  leurs  sollicita- 
tions efficaces  ». 

On  n'avait  pas  manqué  de  présenter  la  chose  sous  les  couleurs  les 
plus  noires  à  un  souverain  qui  ne  voyait  déjà  autour  de  lui  que 
complots. 

Les  seigneurs  présents  à  celte  réunion  lurent  disgraciés,  et  le  bruit 
courut  même  que  le  marquis  de  Lafayette  n'avait  échappé  à  la  Bastille 
que  par  la  fuite.  Enfin  dix-huit  députés  de  la  commission  intermédiaire 
de  Bretagne,  arrivés  pour  soutenir  leurs  concitoyens,  reçoivent  le 
23  juillet  l'ordre  de  ne  pas  dépasser  Saint-Denis  et  de  ne  pas  entrer  dans 
la  capitale.  Ils  fureni  cependant,  Je  30,  reçus  à  Versailles,  et  le  roi 
leur  lit  une  réponse  publique,  peu  rassurante  pour  la  Bretagne,  le  31 
juillet  ;  elle  fut  distribuée  à  Paris  le  5  août. 

PRÉVISION  DE  RÉVOLTES 

On  parlait  avec  inquiétude  et  mécontentement  de  l'approche  de  plusieurs  ré- 
giments de  cavalerie  près  de  la  capitale,  dont  un,  celui  du  Royal-Picdmont, 
était  déjà  arrivé  à  Charcnton,  et  un  autre  à  Villejuif,  pour  être  distribués  dans 
les  villages  circonvoisins,  grêlés  ou  non  grêlés,  à  l'effet  de  contenir,  soi-disant, 
par  la  crainte,  les  habitants  du  faubourg  Saint-Antoine,  ainsi  que  ceux  du  fau- 
bourg Saint-Marcel,  et  d'empêcher  les  mouvements  qu'on  prévoyait  pouvoir 
être  excités,  d'après  le  taux  forcé  auquel  l'administration  se  proposait  de  faire 
monter  le  prix  du  pain,  qu'on  voyait  augmenter  graduellement  de  jour  en 
jour. 

Le  7  septembre  1788,  le  pain  de  4  livres  est  à  11  sols,  toujours  avec  an- 
nonce de  plus  forte  augmentation...  On  n'entendait  parler  dans  les  marchés  et 
parmi  le  petit  peuple  que  de  révoltes  futures,  soi-disant  concertées  pour  le 
commencement  de  l'hiver. 

Les  habitants  de  la  campagne  parisienne,  déjà  molestés  par  la 
grêlé  du  13  juillet,  se  voyaient  ruinés  par  l'occupation  militaire  '. 

EXTRAITS  de  la  séance  plénière  du  Parlement  du  24  septembre  1788  2. 

I.  —  Exposé  lu  au  Parlement,  par  le  major  du  guet,  de  ce  qui  s'est  passé  à 
Paris  depuis  qu'on  y  a  reçu  la  nouvelle  de  la  nomination  de  M.  Necker  au 
ministère. 

Dans  l'après-midi  du  26  août,  la  garde  de  Paris  ayant  eu  connaissance  que 
l'on  tirait  beaucoup  de  pétards  et  de  fusées  dans  la  place  Dauphine  en  donna 

t.   Hardy,  t.  VIII,  p.  'ri  et  73. 

2.  Aivli.  nal.,  X  1b  8989. 


LA  SÛRETÉ  483 

sur-le-champ  avis  à  son  commandant,  lequel  donna  ordre  à  M.  Seigneur, 
premier  aide-major  de  ladite  garde,  de  s'y  transporter  avec  de  petits  déta- 
chements de  sa  troupe  pour  maintenir  l'ordre  et. prévenir  les  suites  que  pour- 
rait avoir  une  gaieté  à  la  faveur  de  laquelle  se  commettaient  beaucoup  de  dés- 
ordres. M.  Seigneur  arriva  vers  sept  heures  du  soir,  et  trouva  une  grande 
quantité  de  jeunes  gens  de  tous  états  occupés  à  forcer  les  habitants  à  illuminer 
la  façade  de  leurs  maisons.  Ils  criaient  :  Vive  le  Roi!  et  n'annonçaient  que  vou- 
loir se  réjouir. 

Pour  ne  point  paraître  contrarier  leurs  intentions,  ni  surveiller  de  trop  près 
leurs  actions,  l'officier  se  retira  avec  sa  troupeau  poste  voisin  du  Marché-Neuf, 
d'où  il  envoya  informer  le  commandant  de  ce  qui  se  passait.  11  en  reçut  la  ré- 
ponse «de  ne  les  point  troubler  tant  qu'ils  ne  commettraient  pas  de  désordre», 
et  dans  cette  journée  tout  se  réduisit  à  cette  sorte  de  réjouissance. 

Le  mercredi  27,  le  même  ordre  subsista  de  les  laisser  se  réjouir  tant  que 
personne  ne  s'en  plaindrait.  Mais  à  minuit  et  demi,  la  garde  ayant  été  requise 
par  des  habitants  de  la  place  Dauphine  de  se  rendre  à  ladite  place,  afin,  disaient- 
ils,  de  les  délivrer  d'une  populace  plus  considérable  que  la  veille,  et  de  la 
dernière  classe  du  peuple,  qui,  effrénée,  cassait  portes  et  fenêircs  à  ceux  des 
citoyens  qui  se  refusaient  à  renouveler  l'illumination  de  la  façade  de  leurs 
maisons,  —  elle  s'y  rendit  et  parvint,  non  sans  peine,  à  dissiper  cette  canaille 
dont  elle  fut  insultée  au  point  d'en  recevoir  des  coups  de  pierres  dont  plusieurs 
soldats  furent  blessés,  et  même  M.  le  chevalier  des  Sorbonnes,  aide-major  qui 
commandait  le  détachement,  reçut  un  morceau  de  planche  sur  la  tête,  dont 
il  ressent  encore  actuellement  beaucoup  de  douleur. 

Le  jeudi,  il  y  eut  chez  M.  le  maréchal  de  Biron  une  assemblée  composée  du 
ministre  de  Paris,  de  M.  le  comte  d'Affry,  de  M.  de  Crosne,  de  M.  le  procureur 
du  roi,  de  M.  Dubois  et  de  deux  commissaires  au  Châlclet.  Il  y  fut  représenté 
combien  le  désordre  de  la  veille  méritait  attention;  il  y  fut  déterminé  enfin 
que  l'on  devait  faire  cesser  cet  attroupement,  et  qu'en  conséquence  on  pren- 
drait poste  à  la  place  Dauphine  avant  cinq  heures  du  soir.  Les  dispositions 
furent  concertées  dans  celte  même  assemblée  ;  et  il  y  fut  arrêté  qu'un 
détachement  de  la  garde  de  Paris  s'emparerait  de  la  place  Dauphine  et 
n'y  souffrirait  point  d'attroupements,  et  que  des  détachements  des  gardes 
françaises  et  suisses  y  seraient  rendus  à  la  même  heure  pour  lui  prêter  main- 
forte. 

A  cinq  heures  du  soir,  M.  Seigneur,  et  M.  Delisle,  chevalier  de  Saint-Louis, 
se  rendirent  avec  un  détachement  de  80  hommes  d'infanterie  et  10  cavaliers  à 
la  place  Dauphine,  qu'ils  trouvèrent  remplie  du.  même  monde  que  la  veille,  et 
qu'ils  parvinrent  à  expulser  de  la  place,  et  à  en  conserver  les  entrées  et  issues 
libres  pour  les  personnes  que  leurs  affaires  y  amenaient. 

Jusqu'à  la  nuit  tombante,  la  garde  ne  fut  occupée  qu'à  répéter  sans  cesse  : 
Passez,  filez,  personne  ne  peut  s'arrêter  dans  la  place;  cela  se  passait  jusqu'à 
ce  moment  sans  grande  résistance.  Mais,  au  moment  de  la  nuit  tombante, 
MM.  Seigneur  et  Delisle  ne  furent  jamais  plus  surpris  que  de  voir  pleuvoir  sur 
eux  une  grêle  de  pierres  lancées  des  trottoirs  par-dessus  des  gens,  qui,  se  te- 
nant devant  la  place,  tentaient  de  s'en  rendre  maîtres.  Ces  jeteurs  de  pierres 
enhardis,  ou  se  croyant  à  couvert  parce  qu'ils  avaient  devant  eux  des  per- 
sonnes que  leur  rang,  leur  état  et  leur  sûreté  même  auraient  dû  éloigner  d'un 
lieu  aussi  dangereux;  ces  jeteurs  de  pierres,  dis-je,  se  sont  portés  à  toute 


484  LA  SIRETfi 

sorte  d'insultes  et  d'excès  parce  qu'ils  croyaient  que  ces  dispositions  émanaient 
du  seul  chef  du  commandant  de  la  garde  de  Paris. 

11  était  cependant  instant  de  faire  circuler  sur  le  pont;  et  c'est  aussi  ce  que 
la  garde  a  essayé  de  faire,  malgré  son  petit  nombre.  Deux  patrouilles  de  ca- 
valerie prirent  l'une  à  droite  et  l'autre  à  gauche  du  pont,  pour  faire  passer  les 
voitures  et  les  gens  de  pied  qui  y  étaient  arrêtés  ;  mais  une  grêle  de  pierres 
qu'ils  reçurent  des  gens  qui  étaient  sur  les  trottoirs  les  a  presque  tous  bles- 
sés :  on  a  été  contraint  de  les  faire  protéger  par  des  patrouilles  d'infan- 
terie qui  ont  tenté,  sur  les  trottoirs,  de  dissiper  et  arrêter,  s'il  était  possible, 
ces  jeteurs  de  pierres  :  néanmoins,  afin  de  ménager  les  esprits  qui  étaient 
fort  indisposés,  il  fut  recommandé  à  l'infanterie  de  ne  point  mettre  la 
baïonnette  au  bout  du  fusil,  et  de  se  comporter  avec  beaucoup  de  patience  et 
de  modération;  ils  ont,  malgré  cette  conduite,  éprouvé  la  plus  grande  résis- 
tance. 

C'est  dans  ces  moments  où  la  garde  avait  à  se  défendre  contre  ces  jeteurs 
de  pierres,  qu'un  chevalier  de  Saint-Louis,qui  s'est  annoncé  pour  être  M.  le 
marquis  de  Néelle,  s'est  présenté,  vers  huit  heures  du  soir,  à  M.  le  chevalier  Dc- 
lisle,  se  plaignant  qu'un  soldat  de  la  garde  venait  de  le  frapper  cala  tête  avec 
son  fusil  :  il  avait  effectivement  une  plaie  de  laquelle  sortait  beaucoup  de  sang; 
cet  officier  s'est  empressé  de  procurer  les  secours  qu'exigeait  sa  situation  ; 
mais  M.  le  marquis  de  Néelle  avait  d'autant  plus  de  tort  de  demander  justice 
contre  cette  garde,  qu'il  s'y  était  imprudemment  exposé,  puisque  beaucoup  de 
personnes  honnêtes  ont  assuré  dès  lors,  comme  il  a  été  prouvé  depuis,  qu'il 
était  sur  le  pont  depuis  six  heures  du  soir. 

Ce  n'est  qu'avec  les  plus  grandes  difficultés  que  la  garde  a  pu  conserver  son 
poste  à  la  place  Dauphine,  puisque  jusqu'à  minuit  à  peu  près  la  grêle  de  pierres 
n'a  point  discontinué,  et  que  sur  le  détachement  de  96  hommes,  tant  infanterie 
que  cavalerie,  il  y  en  a  28  qui  sont  si  moulus  qu'ils  ne  peuvent  faire  de  service 
de  fort  longtemps.  Vers  une  heure  du  matin,  la  foule  s'étant  dissipée,  la  garde 
s'est  retirée. 

Le  lendemain  29,  il  ne  fut  décidé  d'autre  disposition  que  celle  d'avoir  un 
très  gros  détachement  des  gardes  françaises  et  suisses  au  palais.  Ces  têtes 
chaudes,  pour  ne  pas  être  prévenues,  se  sont  emparées  de  la  place  Dauphine, 
vers  les  neuf  heures  du  matin,  et  la  pelote  a  grossi  au  point  qu'à  trois  heures 
la  place  était  remplie  de  ces  boute-feux,  qui  avaient  déjà  un  brasier  à  la  main, 
et  tiraient  considérablement  de  fusées  et  de  pétards. 

Le  ministre  de  Paris,  ayant  été  à  Versailles  prendre  les  ordres  du  roi,  en  re- 
vint à  cinq  heures,  et  remit  à  M.  le  maréchal  de  Biron,  de  la  part  de  Sa  Ma- 
jesté, le  commandement  des  troupes.  Au  déclin  du  jour  on  apprit  que  les  têtes 
s'échauffaient  tellement  qu'ils  [sic)  venaient  chercher  toutes  les  baraques  des 
femmes  qui  vendent  des  oranges  devant  la  statue  de  Henri  IV,  les  portaient 
dans  le  brasier  de  la  place,  et  successivement  les  lattes  du  quai  de  la  Vallée. 
On  apprit  qu'enfin  cette  populace  s'étant  rassemblée  sur  le  pont  en  plus  grand 
nombre,  et,  s'il  est  possible  de  dire,  plus  mal  composé  que  les  jours  précédents, 
se  portait  aux  excès  les  plus  rares  et  dont  il  n'y  a  pas  encore  eu  d'exemple  à 
Paris,  tel  que  de  faire  descendre  les  gens  qui  passaient  en  voiture,  et  les  con- 
traindre à  dire  tout  ce  que  son  délire  lui  inspirait,  tandis  que  d'autres  exécu- 
taient le  projet  inouï  d'attaquer  la  garde  à  ses  différents  postes.  Ils  commencèrent 
par  celui  du  Pont-Neuf,  sur  lequel  ils  fondirent  en  si  grand  nombre  et  avec 


LA  SÛRETÉ  483 

tant  d'impétuosité  que,  tandis  que  les  uns  en  arrachaient  la  couverture,  les 
autres  s'étaient  déjà  emparés  de  l'intérieur  et  des  armes. 

La  petitesse  de  ce  corps  de  garde  n'ayant  pas  permis  aux  soldats  trop  res- 
serrés d'opposer  la  défense  qu'ils  auraient  faite,  si  le  local  eût  été  plus  étendu, 
les  réduisit  à  la  fâcheuse  nécessité  de  se  trouver  ainsi  à  la  discrétion  de  ces 
séditieux  qui  ne  leur  ont  laissé  la  liberté  et  la  vie  qu'après  leur  avoir  fait 
essuyer  les  outrages  les  plus  ignominieux.  Devenus  entièrement  maîtres  de  ce 
poste,  ces  furieux  ont  volé  et  pillé  les  armoires  et  ont  emporté  les  habits  uni- 
formes qu'ils  ont  brûlés  ainsi  que  les  fusils  dans  la  place  Dauphine,  et  pour 
mettre  enfin  le  comble  à  leur  furie  ils  ont  entièrement  incendié  ce  poste.  En- 
couragés par  ce  premier  exploit,  ces  scélérats  se  sont  portés  aux  postes  du 
marché  de  l'Abbaye-Saint-Germain,  du  Marché-Neuf  et  de  la  barrière  des  Ser- 
gents, qu'ils  ont  entièrement  dévastés. 

M.  le  maréchal  de  Biron,  informé  de  tous  ces  désordres,  se  détermina,  en 
présence  du  ministre,  de  M.  le  comte  d'Affry  et  de  M.  le  lieutenant  de  police, 
de  repousser  la  force  par  la  force,  et  de  faire  tirer  sur  tous  ceux  qui  feraient 
effort  pour  désarmer  le  corps  de  garde,  ou  les  sentinelles.  Le  commandant  de 
la  garde  de  Paris  étant  chez  M.  le  maréchal  de  Biron,  dans  le  moment  qu'il 
prit  celte  résolution,  et  se  trouvant  sous  ses  ordres  depuis  l'instant  qu'il  avait 
reçu  le  commandement  des  troupes,  lui  demanda  son  autorisation  par  écrit 
pour  pouvoir  donner  pareil  ordre  à  la  garde  de  Paris. 

Il  ne  l'eut  pas  plus  lot  reçu1  qu'il  mit  toute  la  diligence  possible  pour  le  faire 
exécuter;  il  envoya  promptement  avertir  tous  les  postes  qu'ils  eussent  à  tirer 
sur  ceux  qui  tenteraient  de  les  désarmer;  les  cinq  postes  ci-dessus  désignés, 
qui  n'avaient  pas  encore  reçu  ce  dernier  ordre,  s'étaient  repliés  à  l'arrivée  de 
ces  brigands,  et  ces  malheureux  exerçaient  sur  ces  cinq  corps  de  garde  l'excès 
de  leur  fureur,  en  brisant  portes  et  fenêtres,  el  brûlant  les  paillasses  et  les 
lits  de  camp. 

Le  sergent  du  poste  du  Marché-Neuf,  qui  s'était  replié  sur  celui  de  la  place 
Maubert,  eut  le  temps  de  faire  avertir  six  postes  de  venir  l'y  joindre  pour  for- 
mer une  masse  à  opposer  à  ces  brigands.  Heureusement  l'ordre  lui  parvint 
qu'il  pouvait  faire  feu.  Ce  sergent  commanda  sur-le-champ  à  son  détachement 
de  70  bommes  de  charger  ses  armes,  et  se  disposait  à  recevoir  ces  brigands, 
quand  on  vint  lui  donner  avis  qu'ils  avaient  dirigé  leur  marche  vers  la  Grève 
et  le  Port-au-blé.  Ce  sergent  ne  balança  pas  une  minute,  prit  son  chemin  par 
le  quai  des  Miramionncs  et  le  Pont-Marie  pour  aller  au-devant  de  ces  brigands, 
qui  étaient  au  nombre  de  plus  de  G00. 

Ces  derniers  étaient  occupés  à  briser  portes  ci  fenêtres,  tables  et  lits  de 
camp  du  poste  de  la  Crève,  et  une  partie  prêle  à  en  faire  autant  au  poste  du 
Port-au-blé  parce  qu'ils  avaient  été  enhardis  par  la  retraite  du  sergent  du  poste 
de   la  Grève,  qui,  après  avoir  fait  quatre  décharges  sur  eux  et  n'ayant  plus  de 

1.  «  En  vertu  du  commandement,  que  le  roi  m'a  donne,  j'autorise  M.  Dubois, 
commandant  de  la  garde  de  Paris,  de  donner  ordre  à  sa  troupe  de  tirer  sur  les 
gens  qui  feraient  effort  pour  désarmer  les  corps  de  garde  et  les  sentinelles  de 
la  garde  de  Paris.  Le  2!)  août  1788.  (Signé  :)  le  maréchal  duc  de  Biron.  »  Copie 
certifiée  conforme  par  le  chevalier  Dubois.  Dufranc,  greffier  de  la  Cour,  a  para- 
phé l'original.  —  Cp.  plus  haut,  p.  :i.'ii,  la  lettre  directe  adressée  l'année  pré- 
cédente par  le  roi  au  commandant  de  la  gante  de  Paris. 


486  LA  SURETE 

munitions,  avait  été  obligé  de  se  replier,  mais  en  bon   ordre  et  en  bonne 
contenance. 

Ces  bandits  voyant  arriver  à  eux  un  détachement  de  la  garde  de  Paris  plus 
fort,  un  d'eux  se  détache  et  grimpe  pour  sonner  la  cloche,  qui  sert  à  l'ouver- 
ture et  à  la  fermeture  du  port,  et  pour  donner  à  ses  camarades  le  signal  de  la 
sédition.  Le  sergent  qui  cummandait  le  délachement  donne  ordre  à  un  soldat 
dé  tirer  sur  lui,  marche  droit  aux  brigands,  et  est  reçu  à  coups  de  pierres; 
mais  il  fait  tirer  sur  eux,  en  tue  sept  à  huit,  en  blesse  beaucoup,  et  met  en 
fuite  le  reste  aussi  étonné  qu'intimidé,  les  poursuit  jusqu'au  pont  Notre-Dame, 
et  depuis  ce  moment,  qui  s'est  passé  entre  deux  et  trois  heures  du  matin,  le 
calme  règne  dans  la  capitale.  On  peut  ajouter  que  c'est  au  courage  et  à  la  fer-  , 
meté  de  ces  deux  sergents  que  les  citoyens  de  la  capitale  doivent  leurs  for- 
tunes et  leurs  vies,  parce  qu'il  est  impossible  de  calculer  où  ces  excès 
auraient  pu  se  porter,  s'ils  n'avaient  point  été  arrêtés  dans  le  premier  mo- 
menl. 

Depuis  le  30  du  mois  dernier,  Paris  a  été  fort  tranquille  jusqu'au  dimanche 
14,  que  la  retraite  de  M',  de  Lamoignon  a  excité  de  nouveau  l'effervescence  de 
cette  même  classe  ci-dessus.  Les  fusées  et  les  pétards  ont  recommencé  dans 
la  place  Dauphine,  le  dimanche  soir,  le  lundi  et  le  mardi.  S'ils  s'en  étaient  te- 
nus là,  le  ma!  n'aurait  pas  été  fort  grand,  mais  ils  se  sont  permis  d'arrêter  sur 
le  Pont-Neuf  toutes  les  personnes  qui  passaient  en  voiture,  de  les  obliger  de 
dire  :  Vive  Henri  IV!  au  diable  Lamoignon  !  et  différents  propos  que  la  dé- 
cence ne  permet  pas  de  répéter,  et  de  faire  contribuer  tous  les  passants.  Le 
mardi,  ils  brûlèrent  M.  de  Lamoignon  avec  les  mêmes  formalités  qu'ils  avaient 
faites  pour  M.  l'Archevêque  de  Sens  :  après  quoi  ils  se  partagèrent  en  deux 
bandes  de  six  à  sept  cents  chacune,  dont  la  plupart,  ayant  des  torches  allumées, 
se  disposaient  l'une  à  mettre  le  feu  aux  hôtels  de  Brienne  et  de  Lamoignon, 
et  l'aulre  à  brûler  un  mannequin  devant  l'hôtel  du  commandant  de  la  garde 
de  Paris. 

Ces  trois  projets  furent  heureusement  éventés  ;  les  gardes  françaises,  vers 
les  une  heure  du  malin,  chargèrent  vigoureusement  la  bande,  qui  exécutait 
déjà  le  projet  des  deux  hôtels  du  faubourg  Saint-Germain,  et  un  détachement 
delà  garde  de  Paris  en  lit  autant  à  la  bande  qui  était  en  chemin  pour  former 
le  dernier  projet,  et  arracha  des  mains  de  ces  bandits  le  mannequin  qu'ils  se 
proposaient  de  brûler.  Ces  deux  charges  vigoureuses  se  tirent  sans  tirer  un 
coup  de  fusil,  mais  non  sans  que  les  plus  opiniâtres  n'aient  été  blessés  de 
l'arme  blanche,  et  ]e  reste  obligé  de  se  disperser.  Les  jours  et  les  nuits  du 
mercredi  et  du  jeudi  ont  été  très  calmes. 

IL  —  Déposition  de  M.  Tkiroux  de  Crosne/1 

Le  lieutenant  général  de  police  mandé  (les  gens  du  roi  présents),  entré  et 
placé  dans  le  second  bureau  du  côté  du  greffe  derrière  le  banc  formant  l'en- 
ceinte du  parquet  de  la  cour,  debout  et  découvert,  Monsieur  le  premier  prési- 
dent lui  a  dit  : 

La  Cour  vous  mande  pour  que  vous  lui  rendiez  compte  des  événements 
arrivés  dans  cette  ville  par  les  attroupements. 

Sur  quoi,  le  lieutenant  général  de  police,  prenant  la  parole,  a  dit  : 

«  Monsieur,  il  me  serait  bien  difficile  de  donner  dans  le  moment  des  détails 


LA  SÛRETÉ  487 

cxacls  et  circonstanciés,  mais  je  rassemblerai  tout  ce  que  j'ai  pu  recueillir, 
et  j'aurai  l'honneur  de  vous  les  remettre  incessamment  sous  les  yeux;  je  me 
rappelle  dans  le  moment  qu'il  y  a  eu  à  la  place  de  Grève  une  personne  tuée, 
dont  la  mort  a  été  constatée  par  un  commissaire.  Je  n'ai  pas  connaissance  que 
d'autres  personnes  aient  péri.  Dans  la  nuit  du  mardi  JO  de  ce  mois,  quatorze 
personnes  blessées  dans  le  faubourg  Saint-Germain,  et  dans  la  rue  Saint-Mar- 
tin, se  sont  rendues  ou  ont  été  iransportées  à  l'Hôtel-Dieu.  Dix-huit  autres  ont 
été  arrêtées  par  la  garde  française  dans  le  faubourg  Saint-Germain,  et  ont  été 
conduites  à  l'hôtel  de  la  Force;  huit  environ  d'entre  elles  ont  été  blessées.  Je 
regarde  comme  certain  que  dans  cette  malheureuse  journée  il  n'y  a  eu  per- 
sonne de  tué,  et  je  fonde  cette  certitude  sur  ce  qu'il  ne  m'est  pas  revenu  que 
qui  que  ce  soit  ait  réclamé  son  parent,  son  ami.  Tous  les  blessés  qui  ont  été 
conduits  à  l'hôtel  de  la  Force  sont  en  convalescence,  et  il  y  a  tout  lieu 
d'espérer  qu'aucun  de  ceux  qui  sont  à  l'IIôtel-Dieu  ne  mourra  de  ses  blessures. 
«  Le  19,  plusieurs  particuliers  qui  avaient  insulté  la  garde  dans  la  rue  Saint- 
Honoré  ont  été  poursuivis  jusque  dans  la  rue  Saint-Nicaise  ;  un  d'entre  eux 
a  reçu  un  coup  de  plat  de  sabre  sur  la  tête  et  un  coup  de  crosse  de  fusil  sur 
les  reins  ;  un  particulier  étranger  à  la  garde  lui  a  porté  un  coup  de  dard  dans 
la  poitrine  ;  il  a  été  découvert,  et  arrêté  dans  le  jour  :  il  y  a  une  instruction 
criminelle  à  cet  égard  ;  le  blessé  est  à  l'Hôtel-Dieu,  et  on  espère  qu'il  guérira 
de  sa  blessure.  —  Depuis  le  25  août  jusqu'à  ce  jour,  j'ai  donné  tous  mes  soins 
pour  prévenir  les  désordres,  et,  dans  les  différents  comités  qui  ont  été  tenus, 
j'ai  toujours  recommandé  qu'on  usât  de  tous  les  ménagements  possibles;  on 
ne  peut  avoir  été  plus  affligé  que  je  !c  suis  de  tous  les  malheurs  qui  sont 
arrivés.  » 

Les  gens  du  roi,  dans  l'incertitude  des  faits  ci-dessus  exposés,  ne 
pouvaient  que  s'en  rapportera  la  sagesse  de  la  Cour.  Elle  reçut  «  le 
procureur  général  du  roi  plaignant  des  faits  de  meurtres,  violences 
et  vexations  commis  depuis  le  25  août  dernier  dans  la  ville  et  fau- 
bourgs de  Paris  ». 

TROUBLES  DE  SEPTEMBRE  1788 

A  la  suite  du  titre  de  l'arrêt  imprimé  du  24  septembre  1788 ', 
«  qui  fait  défenses  à  toutes  personnes  de  s'attrouper,  de  lancer 
aucuns  pétards  et  fusées,  tirer  des  boîtes...  dans  aucune  des  rues, 
carrefours  et  places  de  la  ville  et  faubourgs  de  Paris,  etc.  »,  on  lit  la 
note  manuscrite  suivante  : 

Ces  réjouissances  et  ces  feux  eurent  lieu  à  l'occasion  de  la  rentrée  des  Cours. 
Ou  brûla  sur  le  Pont-Neuf  l'effigie  du  cardinal  de  Brienne  et  du  G.  D.  S.  de 
Lamoignon.  La  nuit,  le  régiment  des  gardes  françaises  ayant  eu  ordre  de  dis- 
perser la  foule,  il  y  eut  sur  le  Pont-Neuf  et  dans  quelques  rues  beaucoup  de 
monde  tué. 

1.  Bib.  nat.,  à  la  date. 


488  LA  SÛRETÉ 

AFFAIRE  TRAGIQUE  DE  LA  RUE  DE  LA  HARPE 

DIMANCHE   28    SEPTEMBRE    1788  < 

Ce  jour,  entre  huit  et  neuf  heures  du  soir,  comme  on   continuait  encore  de 
se  réjouir  et  de  tirer  des  fusées,  des  pétards,  dans  différents  quartiers,  des 
jeunes  gens,  attroupés  au  nombre  d'environ  deux   cents  au  plus, — qu'on 
venait  de  voir  passer  place  du  Ponl-Saint-Michcl,  où  ils  s'étaient  divisés  en 
deux  bandes  dont  une  avait  gagné  la  rue  Saint-Martin,  et  l'autre  avait  enfilé 
la   rue  de  la  Vieille-Boucherie,  puis  la  rue  de  la  Harpe;  —  ces  jeunes  gens 
portant  des  flambeaux,  des  branches  de  lauriers,  tout  en  chantant  et  paraissant 
n'avoir  d'autre  but  que  de  se  réjouir,  sont  assaillis  inopinément  un  peu  au- 
dessus  de  la  rue  des  Mathurins  par  plusieurs  patrouilles  des  soldats  du  régi- 
ment des   gardes  françaises,  la   baïonnette  au  bout  du   fusil,  qui   s'étaient 
réunies  au  nombre  de  quatre  formant  cinquante-quatre  hommes,  qui  non  seu- 
lement les  repoussent  à  coups  d'armes  blanches,  mais  font  feu  sur  eux  ,  de 
manière  que  plusieurs  personnes  qui  n'étaient  pour  rien  dans  l'affaire  sont 
grièvement  blessées.   Environ    une    soixantaine  de    ces   jeunes  gens   s'élant 
reployés  de  frayeur  et  réfugiés  dans  la  boutique  du  sieur  Bardin ,  marchand 
épicier,  placée  à  l'encoignure  de  la  rue"  des  Mathurins  et  de  la  rue  de  la  Harp", 
les  soldats  continuent  de  les  y  poursuivre  et  de  les  maltraiter,  quoiqu'ils  de- 
mandas -ent  grâce,  au  point  que  la  dame  Bardin,  si  elle  ne  se  fût  sauvée  très 
promptement   de  son  comptoir,  y   eût  clé   atteinte  et  frappée  d'un  coup  de 
baïonnette  dans  le  bras.  Un  pauvre  malheureux  qui  avait  reçu  des  balles  dans 
le  bras,  s'élant  reposé...,  perdait  tout  son  sang  et  demandait  à  mourir  sans 
changer  de  place;  tandis  qu'un  autre,  qui  avait  également  reçu  des  balles 
dans  le  ventre,  implorait  du  soulagement.  On  a  toules  les  peines  du  monde  à 
faire  sortir  cette  foule  de  la  boutique.  Trois  des  blessés  sont  transportes  à 
l'École   de  chirurgie,   entre  autres  celui  qui  avait  des  balles  dans  le  ventre 
(qu'on  disait  être  le  fils  d'un  cordonnier  de  Saint-Jean-de-Latran),  qui  meurt 
peu  de  temps  après  son  arrivée.  Le  commissaire  Boin,  de  la  rue  de  la  Vieille- 
Boucherie,  appelé  chez  le  sieur  Bardin,  y  dresse  un  procès-verbal  dans  lequel 
il  reçoit  les  déclarations  des  plus  proches  voisins,  qui  n'étaient  pas  à  l'avantage 
des  solda's...  Quelques  personnes  soutenaient  que  les  soldats  s'étaient  même 
cachés  sous  des  portes  ou  dans  des  allées  pour  tirer  plus  sûrement. 

Pour  soustraire  le  chevalier  Dubois  à  la  vengeance  du  peuple,  on 
fit  courir  le  bruit  qu'il  était  parti  pour  Londres. 

Le  A  octobre,  sont  affichées  deux  sentences  rendues  la  veille  par  le 
lieutenant  généra!  de  police  Thiroux  de  Crosne,  qui  condamnaient, 
l'une  en  100  livres  d'amende  vingt  et  un  particuliers  pour  avoir  tiré 

1.  Hardy,  t.  VIII,  p.  100.  —  Sur  les  réjouissances  tumultueuses,  et  sur  la 
journée  sanglante  du  17  septembre  (rue  Meslé),  voir  aux  pages  80  et  85.  Autres 
scènes  du  même  genre  le  :>!»  septembre  (p.  101);  allusion  (p.  112)  «  aux  sottises 
populaires  dont  on  avait  ridiculement  exagéré  la  nature  dans  les  gazettes  étran- 
gères ». 


LA  SURETE  489 

des  fusées  et  des  pétards  par  leur  croisée,  et  l'autre  «  un  nommé 
Massy,  marchand  fripier,  et  une  veuve  Vallin,  oiselière,  en  leur 
qualité  de  locataires  principaux,  et  sauf  leur  recours  sur  les  autres 
locataires,  à  une  amende  de  200  livres,  parce  qu'il  avait  été  jeté  par 
les  fenêtres  de  leurs  maisons  du  verre  de  bouteille  et  des  tessons 
de  poteries  sur  les  patrouilles  des  soldats  du  régiment  des  gardes 
françaises  ». 

Le  Parlement  ne  confirma  point  ces  sentences,  et  enjoignit  aux 
incriminés  d'être  plus  circonspects.  Quant  aux  poursuites  dont  il 
menaça  (le  24  septembre)  le  duc  de  Biron  et  le  chevalier  Dubois,  un 
arrêt  du  Conseil  du  28,  signé  Laurent  de  Yilledeuil,  enjoignit  au 
procureur  général  de  les  arrêter,  et  lui  imposa  <*  le  silence  le  plus 
absolu  '  ».  La  chambre  des  vacations,  installée  le  27  septembre,  ne 
tint  pas  compte  de  cette  défense. 

La  Cour  récompensa  les  agents  qui  l'avaient  servie  contre  le  Parle- 
ment et  contre  ceux  que  l'on  commençait  à  appeler  «  la  canaille  ».  Le 
sieur  d'Agoult  reçut  la  charge  de  major  du  régiment  des  gardes  fran- 
çaises, après  la  démission  du  marquis  de  Sanzay.  Le  chevalier  Dubois 
eut  10,000  livres  de  deniers  comptants,  et  fut  gratifié  de  la  place  île 
lieutenant  du  roi  de  la  ville  de  Péronne. 

SÉANCE  DU  PARLEMENT 

29    DÉCEMBRE    1788  2 

Compte-rendu  de  }[e  Antoine-Louis  Séguier,  sur  les  mesures 
de  sûreté  prises  par  la  police 

La  Cour  nous  a  chargés  '  de  nous  informer  des  faits  qui  peuvent  intéresser 
la  sûreté  des  citoyens,  et  de  rendre  compte  de  nos  recherches  à  l'Assemblée  de 
ce  jour. 

11  est  bien  difficile  d'ajouter  foi  aux  différents  propos  qui  se  répandent  dans 
les  cercles  de  la  capitale,  de  regarder  comme  vrais  les  événements  funestes 
qu'on  répète  partout,  qui  se  multiplient  dans  les  conversations  et  se  renouvellent 
tous  les  jours.  Ces  bruits  s'accréditent  insensiblement  par  l'assurance  de  ceux 
qui  n'en  sont  que  les  échos.  Ils  se  réalisent  dans  l'imagination  par  le  nombre 
des  circonstances  dont  ils  sont  appuyés,  par  les  alarmes  que  le  malheur  des 
temps  fait  concevoir  et  par  la  multitude  des  témoins  qui  en  attestent  la  cer- 
titude. 

1.  Quelques  personnes  teignirent  de  croire  que  cette  intervention  de  la  Cour 
protégeait  également  Lamoignon  et  Briehne  ;  mais  l'arrêt  du  Conseil  du  28  ne 
visait  que  la  séance  du  Parlement  du  2i;  et  la  dénonciation  de  Fitzgerald,  ainsi 
que  l'arrêt  sur  les  ministres,  sont  du  2.'i. 

2.  Arch.  nat.,  X  Ib  8989. 

3.  A  chargé  les  gens  du  roi,  au  nom  desquels  parle  Séguier. 


490  LA  SÛRETÉ 

Ce  n'est  point  dans  ces  sources  incertaines  que  nous  avons  dû  puiser  les 
instructions  que  la  Cour  attend  de  notre  ministère.  Nous  nous  sommes  adressés 
au  lieutenant  général  de  police.  Il  nous  a  remis  le  détail  des  faits  qui  sont 
parvenus  à  sa  connaissance,  soit  par  le  rapport  des  officiers  de  la  garde  de 
Paris,  soit  par  les  déclarations  faites  aux  commissaires  du  Châtelet,  soit  par 
les  procédures  commencées  à  la  requête  de  notre  substitut. 

Le  tableau  n'en  est  pas  aussi  effrayant  qu'on  a  voulu  le  faire  envisager  à 
tout  le  public.  Il  est  triste  sans  doute;  mais  dans  une  saison  aussi  rigoureuse, 
dans  une  misère  aussi  grande,  au  milieu  de  tant  de  malheureux  réduits  au 
désespoir  faute  d'ouvrage  et  de  moyens  de  subsister,  il  était  à  craindre  qu'il 
n'y  eût  un  plus  grand  nombre  de  malfaiteurs  :  et  ce  qui  doit  diminuer  les 
inquiétudes,  c'est  que  la  pluparL  des  vols  commis  au  commencement  de  la 
nuit  n'ont  été  faits  que  par  des  jeunes  gens  entraînés  par  le  libertinage,  et  le 
plus  souvent  sans  ressource.  Nous  nous  dispenserons  de  faire  le  détail  de  tous 
ces  faits  particuliers,  pour  ne  point  abuser  des  moments  de  la  Cour;  et  nous 
nous  contenterons  de  mettre  sous  ses  yeux  les  instructions  que  le  lieutenant 
de  police  nous  a  remises.  La  Cour  jugera  par  elle-même  de  la  manière  dont  la 
police  est  exercée. 

La  délibération  sur  cette  matière  est  renvoyée  au  lundi  5  janvier 
1789.  • 

DISCOURS  DE  D'ÉPRËMESNIL 

a  l'occasion  d'une  arrestation  arritraire 

29   DÉCEMBRE    1788 r 

Monsieur  , 

Après  avoir  épuisé  les  voies  de  la  patience,  je  crois  devoir  déférer  à  la  Cour 
le  commissaire  Pierre,  qui  paraît  joindre  dans  sa  conduite  au  mépris  des  lois 
le  respect  des  magistrats,  préférer  la  tranquillité  des  suppôts  de  la  police  à 
celle  des  citoyens.  La  Cour  va  se  convaincre  de  celte  vérité. 

Le  sieur  Desgranges,  maître  tapissier,  rue  Babille,  prétend  que,  le  6  août 
dernier,  une  de  ses  filles  causait  près  de  sa  porte  et  sous  ses  yeux  avec  un 
voisin  qui  l'avait  appelée.  Quidor,  inspecteur  de  police,  la  remarque,  et  la  fait 
saisir  par  deux  quidams.  La  demoiselle  Desgranges  se  débat,  crie  à  son  père. 
Le  père  accourt,  il  réclame  sa  fille,  Quidor  lui  commande  avec  jurement  de  se 
retirer  et  le  menace  de  le  faire  ganter  lui-même.  Le  faire  ganter,  c'est  une  des 
manières  habituelles  et  des  expressions  familières  des  gens  de  la  police.  La 
demoiselle  Desgranges,  jeune  personne  âgée  de  dix-sept  ans,  continuait  à  ré- 
sister ;  on  en  vint  aux  mauvais  traitements.  Il  fallut  se  rendre  :  Quidor  et  ses 
gens  la  conduisirent  de  la  manière  la  plus  humiliante  au  corps  de  garde.  Son 
père  l'y  suit,  revient  à  la  charge,  redemande  son  enfant!  Quidor  fait  enfin  des 
réflexions,  et  lui  rend  sa  tille.  Mais  quelle  fut  la  nouvelle  douleur  de  ce  mal- 
heureux père,  lorsqu'on  rentrant  chez  lui,  il  vit  sa  fille  cadette  tomber  sans 
connaissance,  pour  l'effet  du  saisissement  que  la  capture  de  sa  sœur  lui  avait 

1.  Arch.nat.,  X  1b  8989. 


LA  SÛRETÉ  491 

occasionné.  À  ce  premier  effet  succèdent  bientôt  des  convulsions,  des  sueurs 
froides,  des  étouffements,  des  pertes  de  connaissance  qui  furent  enfin  termi- 
nées par  la  mort  au  bout  de  dix-sept  jours,  malgré  tous  les  remèdes,  ainsi 
qu'il  est  attesté  par  un  certificat,  que  je  tiens  à  la  main,  du  docteur  Petit,  mé- 
decin de  feu  Monsieur  le  duc  d'Orléans. 

Cependant  le  sieur  Desgranges  s'était  transporté  dès  le  7  août,  à  l'effet  de 
rendre  plainte,  chez  plusieurs  commissaires,  sans  les  avoir  trouvés.  Il  trouve 
enfin  le  commissaire  Pierre;  mais  celui-ci  refuse  de  recevoir  sa  plainte,  et  lui 
déclare  qu'il  persistera  dans  ce  refus  à  moins  d'un  ordre  supérieur.  Le  sieur 
Desgranges  s'adresse  à  Monsieur  le  garde  des  sceaux;  le  mémoire  est  renvoyé 
au  lieutenant  de  police.  Ce  dernier  magistrat  le  fait  apostiller  de  la  note  sui- 
vante, que  le  sieur  Desgranges  en  a  impose,  que  ce  ri  était  point  sa  fille  qu'on 
avait  arrêtée,  mais  une  de  ses  ouvrières  qui  causait  avec  une  des  filles  prostituées 
de  ce  quartier.  Cette  réponse  est  communiquée  au  sieur  Desgranges.  Celui-ci  la 
réfute  par  un  second  mémoire  adressé  à  Monsieur  le  garde  des  sceaux  et  signé 
de  vingt  témoins.  Plus  de  réponse.  Le  sieur  Desgranges  prend  le  parti  d'at- 
tendre l'éloigncment  de  Monsieur  de  Lamoignon  et  le  retour  des  lois! 

Elles  sont  rétablies.  Le  sieur  Desgranges  est  venu'me  trouver.  11  m'a  exposé 
les  faits  :  nous  étions  au  7  de  ce  mois.  J'ai  pris  la  plume  sur-le-champ,  pour 
écrire  au  commissaire  Pierre,  et  l'engager  à  recevoir  la  plainte.  Voici  ma  lettre; 
il  est  intéressant  que  la  Cour  daigne  l'entendre  : 

Le  sieur  Desgranges,  Monsieur,  qui  vous  remettra  ma  lettre,  m'assure  qu'une 
de  ses  filles  ayant  été  enlevée  le  6  août  dans  la  rue  par  Quidor,  inspecteur  de 
police,  comme  fille  prostituée,  malgré  ses  cris  et  ses  appels  à  son  père,  dont 
le  même  inspecteur  a  méprisé  les  réclamations  au  point  de  le  menacer 
lui-même  de  le  (aire  arrêter;  une  autre  de  ses  filles  étant  morte  trois 
semaines  après  du  saisissement  occasionné  par  l'enlèvement  de  sa  sœur,  il  a 
voulu  rendre  plainte  de  ces  faits  le  lendemain  par-devant  vous,  et  que  vous 
l'avez  refusée.  Je  crois,  Monsieur,  vous  rendre  un  vrai  service  en  vous  exhor- 
tant à  ne  pas  persister  dans  ce  refus.  On  dit  que  MM.  les  commissaires  ne 
se  croient  pas  permis  de  recevoir  des  plaintes  de  ce  genre  sans  un  ordre  de 
Monsieur  le  lieutenant  de  police.  Ce  serait  un  abus  aussi  contraire  à  la  loi  qu'à 
la  raison;  je  suis  persuadé,  Monsieur,  que  de  nouvelles  réflexions  vous  porte- 
ront à  recevoir  sur-le-champ  la  plainte  du  sieur  Desgranges. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  un  sincère  attachement,  Monsieur,  votre,  etc. 

A  Paris,  7  décembre  1788. 

Celle  lettre,  Monsieur,  présentée  au  commissaire  Pierre  par  le  sieur  Des- 
granges lui-même  accompagné  d'un  témoin,  paraît  avoir  troublé  le  commis- 
saire; et  dans  le  premier  trouble,  exprimé  par  ses  mouvements  et  ses  paroles, 
il  a  reçu  la  plainte  du  sieur  Desgranges.  Mais  cette  plainte,  suivant  l'usage  des 
commissaires,  fut  écrite  d'abord  sur  du  papier  ordinaire  pour  être  ensuite  co- 
piée sur  du  papier  timbré,  et  signée. 

Le  lendemain,  le  commissaire  Pierre  s'est  rendu  chez  moi.  Je  n'ai  point  eu 
de  peine  à  m'apercevoir  que  son  trouble  n'était  point  encore  tout  à  fait  passé.  11 
commença  par  me  dire  du  mal  du  sieur  Desgranges.  Je  lui  répondis  que  l'ad- 
ministration en  faisait  dire  aussi  des  magistrats,  quand  son  intérêt  l'exigeait; 
qu'au  reste  il  n'était  point  question  de  la  réputation,  mais  de  la  plainte  du  sieur 


492  LA  SURETE 

Desgranges.  Le  commissaire  m'assura  très  positivement  que  la  plainte  était 
reçue.  Je  lui  fis  quelques  observations  relatives  à  son  état  ;  que  Messieurs  les 
commissaires  s'étaient  détachés  de  la  justice  ordinaire  pour  s'attacher  au  pou- 
voir ministériel;  que  les  trois  devoirs  de  la  police,  netteté1,  sûreté,  clarté, 
en  souffraient  beaucoup;  qu'un  commissaire  avait  deux  caractères,  homme  de 
paix  sans  doute,  mais  surtout  officier  de  justice;  qu'il  pouvait  et  môme  qu'il 
devait,  en  cerlaines  occasions,  chercher  à  réconcilier  les  citoyens  divisés;  mais 
qu'il  était  tenu  étroitement  de  recevoir  sans  délai  toute  espèce  de  plainte  sur 
laquelle  on  insistait.  Enfin  je  le  priais  d'assurer  ses  confrères  que  désormais  je 
n'écrirais  plus  de  lettres  semblables,  et  qu'autant  de  fois  il  me  serait  déféré 
des  refus  du  même  genre,  autant  de  fois  j'en  rendrais  compte  à  la  Cour,  sans 
explication  préliminaire.  Le  commissaire,  Monsieur,  parut  se  rendre  à  mes 
principes;  il  me  parut  aussi  content  de  mon  accueil.  Pour  moi,  je  l'étais 
beaucoup,  ne  doutant  pas  que  la  plainte  du  sieur  Desgranges  ne  fût  réelle- 
ment reçue. 

Quelle  ne  fut  pas  ma  surprise,  le  17  de  ce  mois  sur  les  huit  heures,  de  re- 
voir le  sieur  Desgranges  avec  le  même  témoin,  qui  venait  m'apprendre  que  le 
commissaire  Pierre,  n'ayant  écrit  sa  plainte  que  sur  papier  ordinaire,  refusait 
de  la  reporter  sur  du  papier  timbré,  et  définitivement  refusait  de  la  rece- 
voir. Je  pris  la  plume  de  nouveau  et  j'écrivis  au  commissaire  la  lettre 
suivante  : 

Vous  êtes  venu  chez  moi,  Monsieur,  pour  m'assurer  que  vous  aviez  reçu  la 
plainte  du  sieur  Desgranges,  et  vous  m'avei  trompé.  Y  pensez-vous?  Ce  père 
infortuné,  Monsieur,  vous  remettra  ma  lettre.  Si  vous  ne  recevez  pas  sa  plainte 
sur-le-champ,  j'en  rendrai  compte  demain  au  Parlement  ;  vous  avez  jusqu'à 
onze  heures.  Cet  avis  de  ma  part  est  le  dernier.  Faites-y,  je  vous  prie,  de  sé- 
rieuses réflexions  ;  mais  je  vous  prie  aussi  qu'elles  soient  promptes.  J'ai  l'hon- 
neur d'être  très  parfaitement,  Monsieur,  votre,  etc.  Paris,  ce  17  décembre  1788, 
huit  heures  du  soir. 

Cette  lettre,  Monsieur,  n'a  point  ramené  le  commissaire  Pierre.  Le  sieur 
Desgranges  est  venu  m'apprendre  qnc  le  commissaire  l'avait  à  peine  lue,  et 
qu'il  avait  répondu  qu'il  n'avait  point  d'ordre  à  recevoir  de  moi,  et  que  défini- 
tivement il  ne  recevrait  point  la  plainte,  à  moins  d'ordres  supérieurs. 

Alors  j'ai  tenté  auprès  du  commissaire  la  voie  d'une  dernière  lettre,  qu'il  est 
encore  indispensable  de  mettre  sous  les  yeux  de  la  Cour. 

Le  sieur  Desgranges,  Monsieur,  vient  de  me  rendre  compte  de  votre  nouveau 
refus,  et  des  circonstances  qui  l'ont  accompagné.  Il  me  reste  à  vous  prier  de  lui 
rendre  le  projet  de  sa  plainte,  que  vous  avez  sur  papier  ordinaire,  et  dont  vous 
m'avez  parlé  comme  d'une  plainte   réellement  reçue  par  vous.  J'attends  de 

1.  C'est-à-dire  propreté.  -  «Nos  lois  de  police,  production  immédiate  du  pou- 
voir arbitraire,  ont  influé  sur  la  dépravation  de  nos  mœurs;  en  gouvernant  les 
hommes  par  la  terreur,  la  défiance  et  le  soupçon,  en  les  soumettant  à  des 
volontés  sans  règle,  à  une  autorité'  dont  la  mesure  varie,  suivant  les  circonstances 
et  les  principes  des  personnes  qui  en  sont  les  dépositaires,  elles  nous  ont  insen- 
siblement dépouillés  de  notre  ancienne  énergie,  elles  ont  fini  par  dégrader  toutes 
nos  habitudes  ».  (Mém.  cité  de  Bergas?e,  p.  119.) 


LA  SÛRETÉ  493 

vous,  Monsieur,  une  réponse  prompte,  formelle,  et  par  écrit.  J'ai  l'honneur 
d'être  très  parfaitement,  Monsieur,  voire,  etc.  Paris,  ce  17  décembre  1788, 
neuf  heures  et  demie  du  soir. 

Point  de  réponse  à  cette  lettre.  Mais,  s'il  faut  en  croire  le  sieur  Desgranges 
et  celui  qui  l'accompagnait,  le  commissaire  Pierre  a  répondu  avec  humeur  et 
plus  affirmativement  encore  qu'il  ne  recevrait  point  la  plainte  à  moins  que  le 
Parlement  ne  l'y  forçât  par  un  arrêt,  et  que  fêtais  un  homme  bien  ennuyeux 
et  bien  fatigant.  Celte  réponse,  qui  semblait  faite  pour  me  blesser,  a  manqué 
son  but.  11  est  heureux  que  le  commissaire  Pierre  soit  résolu  d'obéir  aux 
arrêts  de  la  Cour  :  et  quant  à  moi,  Monsieur,  mon  intention  précisément  et 
mon  bonheur, c'est  d'être  un  homme  ennuyeux  et  fatigant  pour  les  fauteurs  du 
pouvoir  arbitraire. 

Au  surplus,  Monsieur,  le  sieur  Desgranges  m'a  dit  dans  le  premier  mouve- 
ment de  son  désespoir  :  «  Si  je  n'ai  pas  justice  du  déshonneur  de  ma  première 
fille,  et  de  la  mort  de  ma  cadette,  il  faut  donc  que  je  tue  Quidor!  »  Ce  cri 
de  la  nature  ne  m'a  point  étonné.  J'ai  tenté  d'apaiser  ce  malheureux  père,  en 
l'assurant  qu'il  pouvait  compter  sur  les  lois,  si  ses  plaintes  étaient  fondées. 
11  m'a  semblé  que  mes  discours  ont  porté  dans  son  âme  ulcérée  un  peu  de  calme 
cl  même  de  consolation.  C'est  aux  lois  d'achever.  C'est  à  la  Cour  surtout  qu'il 
appartient  de  fixer  la  liberté  publique  et  la  tranquillité  domestique,  e,n  préser- 
vant les  citoyens  des  excès  ou  des  erreurs  des  agents  de  l'a  police. 

Ici,  Monsieur,  devait  se  terminer  mon  récit  à  la  Cour,  le  18  de  ce  mois,  jour 
indiqué  à  cet  effet  pour  l'assemblée  des  chambres.  Mais  la  Cour  fut  occupée 
d'autres  objets,  et  le  soir,  en  rentrant  chez  moi,  j'ai  trouvé  une  réponse  du 
commissaire  Pierre  qu'il  n'est  pas  inutile  de  joindre  à  mes  lettres  : 

Monsieur,  d'après  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  le  7  du 
présent,  fai  eu  celui  de  passer  chez  vous,  Monsieur,  pour  conférer  de  l'affaire 
du  sieur  Desgranges.  Nous  n'en  avons  dit  qu'un  mot,  et  vous  m'avez  parlé 
d'autres  choses.  En  sortant,  vous  m'avez  conseillé  de  recevoir  sa  plainte  :  donc 
je  n'ai  point  dit  qu'elle  était  faite.  Je  ne  suis  pas  capable  de  mensonge.  Je  ne 
puis  et  ne  dois  recevoir  cetie  plainte  que  lorsque  je  serai  autorisé  à  cet  effet  par 
arrêt  du  Parlement  qui  m'aura  été  signifié.  Après  quoi  je  me  déporterai  de 
cette  affaire  pour  y  être  témoin,  nécessaire.  J'estime,  Monsieur,  que  si  le  sieur 
Desgranges  était  un  homme  honnête  et  n'était  pas  conseillé  par  un  Lapotonière, 
pour  son  honneur  comme  pour  celui  de  sa  fille  il  garderait  le  silence  sur  cette 
affaire  qui  n'est  rien  en  elle-même  et  ne  deviendra  désagréable  pour  lui  que 
par  la  publicité  qu'il  est  dans  l'intention  de  lui  donner.  Je  comparaîtrai 
devant  la  Cour  s'il  le  faut;  je  rendrai  compte  de  ma  conduite  qui  est  irré- 
prochable dans  cette  affaire  comme  dans  toute  autre.  Je  suis  avec  respect, 
Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Signé  :  Le  commissaire,  Pierre. 

Telle  est,  Monsieur,  la  réponse  du  commissaire  Pierre.  J'ignore  quelle  est 
la  réputation  du  sieur  Lapotonière.  Je  sais  seulement  que  les  réputations  faites 
par  la  police  me  seront  toujours  très  suspectes  ;  j'ai  de  fortes  raisons  pour 
penser  ainsi.  Quoi  qu'il  en  soit,  Messieurs  voient  que  le  commissaire  Pierre  ne 
s'explique  pas  sur  la  restitution  du  projet  de  la  plainte;  à  l'égard  des  asser- 


494  LÀ  SÛRETÉ 

lions  de  sa  lettre  sur  ce  qui  s'est  passé  chez  moi  entre  nous  deux,  il  n'en  est 
pas  une  qui  ne  soit  fausse.  J'étais  dans  ma  chambre  ;  j'avais  plusisurs  per- 
sonnes que  je  nommerai  s'il  le  faut;  c'était  le  dimanche  8  de  ce  mois  sur  les 
midi;  on  m'annonça  le  commissaire  Pierre,  je  passai  dans  mon  salon  pour  ne 
pas  l'embarrasser  par  la  présence  d'aucuns  témoins;  je  commençai  par  le  féli- 
citer sur  ce  qu'il  avait  reçu  la  plainte.  Il  reçut  mes  compliments.  Il  s'excusa 
de  son  refus  sur  les  anciens  usages.  Je  l'assurai  qu'il  ne  serait  pas  question 
de  lui  dans  les  mémoires;  j'avais  exigé  qu'on  rejetât  simplement  le  retard 
de  la  plainte  sur  les  circonstances  publiques;  et  j'affirme  à  la  Cour  que,  loin 
qu'ii  fût  question  entre  nous  d'autres  choses,  je  ne  lui  dis  rien  qui  ne  fût  rcla- 
til  soit  à  la  plainte,  soit  à  son  refus,  soit  à  sa  personne,  soit  à  son  ministère. 
Il  me  parut,  je  dois  le  rappeler,  content  de  mon  accueil.  Rentré  chez  moi,  je 
racontai  avec  toutes  les  marques  d'une  grande  satisfaction  ce  qui  venait  de 
se  passer.  Le  soir  j'en  parlai  sur  le  même  ton  dans  ma  famille,  à  mes  amis. 
Le  surlendemain  je  dînai  chez  M.  de  Saint-Mauris,  qui  me  permet  de  le 
nommer,  avec  plusieurs  de  Messieurs,  et  je  leur  racontai  dans  les  mêmes 
termes  le  même  événement  comme  une  conquête  de  la  loi  sur  le  pouvoir  arbi- 
traire. Messieurs  peuvent  juger  par  ces  détails  de  la  sincérité  qui  règne  dans 
la  réponse  du  commissaire  Pierre.  Au  reste  je  n'ignore  pas,  Monsieur,  qu'il 
s'est  tenu  à  la  police  un  comité  à  l'occasion  de  cette  affaire.  Mais  j'ignore  les 
circonstances  intérieures  de  ce  comité,  et  je  n'ai  pas  cru  devoir  m'en  occuper. 
Informé  seulement  par  d'autres  voies  que  celle  du  commissaire  Pierre  que  le 
dernier  prétexte  de  son  refus  était  que  le  sieur  Desgranges  dirigeait  nommé- 
ment sa  plainte  contre  Monsieur  le  lieutenant  de  police,  j'ai  voulu  m'éclaircir 
de  ce  fait,  et  l'explication  que  m'en  a  donnée  le  sieur  Desgranges  a  fait  le  su- 
jet d'une  dernière  lettre  de  ma  part  au  commissaire.  Je  prie  encore  Messieurs 
d'en  souffrir  la  lecture  : 

Je  vous  exhorte,  Monsieur,  pour  la  dernière  fois,  à  recevoir  la  plainte  du 
sieur  Desgranges  contre  le  sieur  Quidor.  Il  vient  de  s'expliquer  avec  moi. 
Quand  il  expose  que  M.  le  lieuteuar.l  de  police  trompé  a  fait  mettre  au  bas 
de  son  Mémoire  a  Monsieur  le  garde  des  sceaux  la  note  inexacte  dont  il  s'agit, 
c'est  un  fait  qu'il  raconte  et  non  pas  une  plainte  qu'il  veut  rendre.  Le  sieur 
Desgranges,  Monsieur,  donnera  même  à  cet  égard  la  déclaration  nécessaire, 
En  conséquence,  je  crois  [et  je  vous  prie  de  l'observer)  qu'il  ne  vous  reste  aucun- 
prétexte  pour  refuser  sa  plainte.  J'ai  l'honneur  d'être,  etc.  Paris,  le  28  dé- 
cembre 1788. 

Cette  lettre  a  été  portée  au  commissaire  Pierre,  le  jour  de  sa  date,  à 
sept  heures  du  soir,  par  le  sieur  Desgranges  et  le  même  témoin.  Le  commis- 
saire était  absent.  On  impute  à  son  élève  des  propos  indécents  dont  j'épar- 
gnerai le  récit  à  la  Cour.  Ma  lettre  est  restée  sans  réponse  et  n'a  produit  aucun 
effet.  Je  crois  avoir  épuisé,  comme  j'ai  eu  l'honneur,  Monsieur,  de  vous  le  dire 
en  commençant,  les  voies  de  la  patience.  Il  ne  me  reste  plus  que  celles  de  la 
justice.  Le  commissaire  Pierre,  attend,  dit-il,  un  arrêt  de  la  Cour  pour  le 
déterminer.  C'est  une  raison  de  plus  de  vous  prier,  Monsieur,  de  mettre  mon 
récit  en  délibération. 

La  matière  mise  en  délibération  et  les  voix  prises...,  il  a  été  arrêté  que  le 
commissaire  Pierre  serait  mandé  sur-le-champ  pour  se  rendre  aux  pieds  de  la 


LA  SÛRETÉ  495 

Cour,  et  tenu  d'apporter  avec  lui  le  projet  de  la  plainte  du  nommé  Desgranges, 
et  que  les  gens  du  roi  seraient  aussi  mandés  à  l'instant  pour  leur  donner 
connaissance  de  cet  arrêté. 

Les  gens  du  roi  mandés,  entrés  et  placés,  debout  et  découverts,  Monsieur 
le  premier  président  leur  a  dit  que  la  Cour  les  mandait  pour  leur  donner  con- 
naissance de  l'arrêté  qu'elle  venait  de  prendre  et  leur  en  a  fait  la  lecture.  Les 
gens  du  roi  se  sont  couverts,  et  Mc  Antoine-Louis  Séguier,  avocat  dudit  sei- 
gneur roi,  portant  la  parole,  ont  dit  qu'ils  allaient  se  conformer  aux  ordres  de 
la  Cour;  et  se  sont  les  gens  du  roi  retirés. 

Quelque  temps  après,  les  gens  du  roi  ont  demandé  à  entrer  en  la  Cour.  A 
l'instant  mandés,  entrés  et  placés,  debout  et  couverts,  M0  Antoine-Louis  Sé- 
guier, avocat  dudit  seigneur  roi  portant  la  parole,  ont  dit  que  le  commissaire 
Pierre,  mandé  en  exécution  de  l'arrêté  que  la  Cour  venait  de  prendre,  était 
au  parquet  des  huissiers  et  y  attendait  les  ordres  de  la  Cour  ;  et  ont  pris 
place. 

A  l'instant,  ledit  commissaire  Pierre  mandé  en  présence  des  gens  du  roi, 
entré  et  placé  au  barreau  du  côté  du  greffe,  debout  et  découvert,  Monsieur  le 
premier  président  lui  a  fait  les  questions  suivantes,  à  ebacune  desquelles  il  a 
particulièrement  répondu  ainsi  qu'il  suit. 

D.  —  Pour  quoi  il  n'avait  pas  reçu  la  plainte  du  sieur  Desgranges? 

R.  —  Parce  que  Monsieur  le  garde  des  sceaux  et  M.  de  Crosne,  lieu- 
tenant de  police,  y  étaient  nommés,  et  qu'il  n'avait  pas  cru  devoir  recevoir 
une  plainte  dans  laquelle  étaient  nommés  deux  magistrats. 

7).  —  S'il  n'avait  pas  dit  à  M.  d'Éprémesnil  qu'il  eut  reçu  cette  plainte,  et 
s'il  ne  lui  en  avait  pas  fait  des  compliments? 

R.  —  Qu'il  n'avait  jamais  dit  qu'il  eût  reçu  cette  plainte  puisque  au  con- 
traire il  allait  chez  M.  d'Éprémesnil  pour  le  prier  de  l'en  dispenser;  que  par 
conséquent  elle  n'était  pas  reçue. 

D.  —  Pourquoi  il  n'avait  pas  remis  ce  projet  de  plainte  aux  porteurs  d'une 
lettre  de  M.  d'Éprémesnil? 

R.  —  Qu'il  n'avait  pas  cru  devoir  faire  cette  remise  parce  que  ce  projet  de 
plainte  n'avait  pas  été  apporté  par  Desgranges,  mais  bien  dicté  à  lui  com- 
missaire ;  que  c'était  son  papier,  son  écriture,  et  par  conséquent  son  travail. 

D.  —  Dans  quel  temps  s'est-on  présenté  pour  rendre  cette  plainte? 

R.  —  Dans  le  courant  du  mois  d'août.  , 

D.  —  Pourquoi  dans  ce  temps  n'avait-il  pas  reçu  cette  même  plainte, 
puisque  alors  il  n'y  avait  pas  été  question  du  garde  des  sceaux  et  du  lieutenant 
de  police  ? 

R.  —  11  n'avait  pas  cru  devoir  la  recevoir,  parce  que  c'était  une  affaire 
d'administration. 

D.  —  Si  M.  d'Éprémesnil  ne  lui  a  pas  écrit  une  lettre  hier,  laquelle  a  été 
renvoyée  non  décachetée  par  le  clerc  de  lui  commissaire;  si  la  même  lettre 
ne  lui  a  pas  été  renvoyée  ce  matin  par  un  laquais  de  M.  d'Eprémesnil,  et  si 
cette  lettre  qu'il  a  décachetée  et  lue  ne  contenait  point  une  déclaration  que 
Desgranges  s'était  expliqué  qu'il  n'entendait  pas  rendre  plainte  contre  le  lieu- 
tenant de  police,  et  que  même,  s'il  était  nécessaire,  la  plainte  en  porterait  la 
déclaration;  et  s'il  n'a  pas  répondu  verbalement  au  laquais  de  M.  d'Éprémesnil 
qu'il  persistait  à  dire  qu'il  ne  recevrait  pas  cette  plainte  s'il  n'y  était  autorisé 
par  la  Cour? 


496  LA  SÛRETÉ 

P,.  —  La  lettre  a  été  effectivement  renvoyée  sans  être  décachetée  parce  que 
lui  commissaire  étant  absent,  son  clerc  n'avait  pas  cru  devoir  la  décacheter; 
lui  commissaire  l'ayant  reçue  ce  malin  dans  un  moment  où  il  sortait  pour  une 
affaire  indispensable,  il  a  répondu  audit  laquais  qu'il  respectait  M.  d'Épré- 
mesnil,  mais  qu'il  persistait  dans  son  refus  de  recevoir  celte  plainte  à  moins 
qu'il  n'y  fût  autorisé  par  la  Cour. 

D.  —  11  vient  de  dire  ci-dessus  qu'il  n'avait  pas  remis  le  projet  de  plainte... 
par  la  raison  que  c'était  son  travail  et  qu'il  était  écrit  de  sa  main.  Pourquoi, 
ayant  fait  le  projet  lui-mC-mc,  n'a-t-il  pas  rédigé  cette  plainte  sur  papier  mar- 
qué, et  par  conséquent  ne  l'a-t-il  pas  reçue? 

/{.  —  11  avait  désiré  consulter  ses  anciens  confrères  qui  ne  lui  avaient  pas 
conseillé  de  la  recevoir. 

D.  —  Pourquoi  n'a-t-il  pas  consulté  ses  supérieurs? 

R.  —  11  a  vu  seulement  M.  le  lieutenant  de  police. 

Les  gens  du  roi  demandèrent  vainement  que  la  délibération  fût  re- 
mise au  lendemain. 

Le  Parlement  enjoignit  «  à  Pierre,  commissaire  au  Chàlelel,  de  se  compor- 
ter avec  plus  d'exactitude  dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  de  n'attendre  aucun 
ordre  pour  recevoir  les  plaintes  des  citoyens,  et  de  porter  respect  aux  magis- 
trats supérieurs  :  sauf  au  nommé  Desgranges  à  se  retirer  devant  le  doyen  des 
commissaires  que  la  Cour  commet  à  l'effet  de  recevoir  sa  plainte  ». 

Séance  tenante,  Pierre  fut  réprimandé  '. 

Le  minute  est  signée  :  Pro  D'w  Lefevre  defunclo,  Bochakt. 


1.  Il  y  eut  des  voix,  dit  Hardy,  «  pour  que  le  commissaire  Pierres  (sic)  demeu- 
rât interdit  de  l'exercice  des  fonctions  de  sa  charge  pendant  l'espace  de  vingt 
aus  ..  (t.  VIII,  p.  188). 


XIV 
L'HOTEL  DE  VILLE1 


L'historien  de  l'Hôtel  de  Ville,  M.  Le  Roux  de  Lincy,  n'a  pas  cru  de- 
voir insister  sur  la  période  moderne  de  son  sujet;  voici  comment  il 
explique  son  indifférence  : 

Peut-être  sera-l-on  surpris  que  je  n'aie  pas  poussé  mon  récit  plus  loin  que 
la  Fronde;  cela  tient  à  ce  que,  sous  les  règnes  de  Louis  XIV  et  de  ses  deux 
successeurs,  la  municipalité,  réduite  à  n'être  plus  qu'une  administration  civile, 
ne  m'a  fourni  aucun  fait  digne  de  mémoire,  en  dehors  des  soins  que  prirent 
les  magistrats  pour  la  salubrité  et  l'embellissement  de  la  ville,  ou  des  fêtes 
données  par  eux  aux  souverains.  Le  souvenir  du  rôle  politique  joué  par  les 
bourgeois  de  Paris,  pendant  plusieurs  siècles,  dans  les  circonstances  impor- 
tantes, s'efface  au  milieu  des  gloires  du  grand  règne;  les  magistrats  munici- 
paux ne  sont  plus  occupés  qu'à  solenniser,  par  des  fêtes  splendides,  les  vic- 
toires de  nos  soldats,  la  naissance,  le  mariage,  le  couronnement  des  princes, 
ou  à  revêtir  des  babits  de  deuil,  quand  la  mort  frappait  quelqu'un  d'entre 
eux2. 

Cette  impression  d'ensemble  est  fort  juste.  Le  corps  de  ville  aper- 


1.  Voir,  outre  les  Registres  des  délibérations  du  Bureau  de  la  Ville  et  les  mi- 
nutes qui  les  complètent  et  qui,  depuis  1785,  y  suppléent  (Archives  nationales), 
l'ample  collection  des  ordonnances  de  la  Ville  (Bibl.  Carnavalet),  qui  ne  laisse 
rien  à  désirer  pour  la  fin  du  XVIIIe  siècle.  —  L'ordonnance  organique  de  dé- 
cembre 1672  (Reg.  en  Parlement  le  27  février  1673),  dite  Ordonnance  de  la  Ville, 
est  une  ordonnance  royale  qui  a  codifié  pour  la  dernière  fois  les  privilèges, 
même  périmés,  de  l'Hôtel  de  Ville  et  de  la  bourgeoisie.  La  royauté  absolue  attei- 
gnit deux  objets  :  1°  substituer  les  privilèges  de  bourgeoisie  au  droit  communal; 
2°  restreindre  le  domaine  parisien  de  l'Hôtel  de  Ville,  tout  en  étendant  ses  attri- 
butions juridictionnelles  en  dehors  de  la  Ville,  sur  le  commerce  par  eau.  Les 
délibérations  du  Bureau  ne  sont  au  fond  que  la  mise  en  scène  académique  des 
ordres  de  l'administration  :  elles  se  terminent  soit  par  des  Avis  au  Conseil  ou  à 
un  ministre,  soit  par  des  Ordonnances  de  police.  Les  Sentences  en  matière  de 
crime  ou  de  délit  (dans  les  limites  du  domaine  et  du  ressort  de  la  Ville)  vont  en 
appel  au  Parlement. 

2.  Histoire  de  l'Hôtel  de  Ville  de  Paris,  Introduction,  p.  ni. 

32 


498  .  L'HOTEL  DE  VILLE 

du  tout  caractère  représentatif;  il  est  aux  ordres  des  ministres;  ses 
membres  sont  en  général  à  la  poursuite  des  grâces,  des  charges, 
ajoutons  des  bonnes  affaires;  le  droit  municipal  s'est  émietté  en  pri- 
vilèges particuliers,  nuisibles  ou  inutiles  au  public. 

Les  vieilles  formes  subsistent  toujours;  le  cérémonial  bourgeois  est 
même  tout  aussi  rigoureux  que  celui  de  Versailles.  Mais  presque  tous 
les  mouvements  du  corps  municipal  sont  automatiques.  Cela  est 
triste,  ou  grotesque;  en  tout  cas,  tout  intérêt  dramatique  fait  défaut. 
Mais  quoi!  la  décadence  des  institutions  ne  veut-elle  pas  être  étudiée 
avec  autant  de  soin  que  leur  grandeur?  L'histoire  n'est  pas  toujours, 
ne  peut  pas  toujours  être  une  résurrection  ;  elle  n'est  que  trop  souvent 
une  anatomie. 

Si,  au  lieu  de  considérer  l'Hôtel  de  Ville  d'une  façon  abstraite,  si 
au  lieu  de  l'isoler,  on  le  rapproche  de  l'ensemble  des  institutions  mo- 
narchiques, il  est  vraiment  curieux  de  voir  comment  la  royauté  a 
insensiblement  dépouillé  Paris  de  ses  libertés  tout  en  s'efforçant  de 
faire  croire  à  leur  maintien,  grâce  au  respect  de  la  forme.  On  peut  se 
demander  à  quoi  bon  ce  respect?  La  réponse  est  dans  les  rentes  sur 
l'Hôtel  de  Ville,  dont  l'attribution,  qui  date  de  1521,  ne  fut  retirée  que 
momentanément  en  1719,  et  dura  jusqu'à  la  Révolution.  La  fiction  d'une 
assemblée  élue,  délibérante,  libre  en  apparence.de  ses  contrats, 
était  précieuse  pour  le  crédit  dans  des  temps  où  le  principe  de  l'im- 
pôt consenti  par  la  nation  était  sinon  oublié,  du  moins  méconnu  par 
le  pouvoir  royal.  C'est  sur  la  foi  de  contrats  en  bonne  et  due  forme 
entre  le  roi  et  la  prévôté  des  marchands,  après  l'enregistrement  préa- 
lable des  lettres  patentes  par  le  Parlement,  que  les  capitalistes 
(communautés  ou  particuliers)  consentaient  à  prêter  au  trésor  royal. 
Les  rentes  sur  l'État  n'étaient  point  connues;  et,  bien  que  l'Etat  fût 
seul  en  cause  pour  recevoir  les  prêts,  distribuer  les  arrérages,  et  (ce 
qui  était  plus  rare)  amortir  et  rembourser  les  capitaux,  cependant 
ces  constitutions  étaient  nommées  par  tout  le  monde  :  rentes  sur 
l'Hôtel  de  Ville  '.Ace  propos,  le  seul  titre  de  la  dissertation  de  Le 
Iloy  est  bien  significatif  :  Mémoires  concernant  le  contrôle  des  rentes, 
ou  Recueil  abrégé  de  tous  les  titres  qui  établissent  les  offices,  privi- 
lèges, etc.,  de  V Hôtel  de  Ville  de  Paris  2. 

1.  Le  cas  de  Paris,  s'il  est  le  plus  important,  n'est  pas  le  seul.  Lorsque  le  roi 
exigeait  du  clergé  des  dons  gratuits  extraordinaires,  il  l'autorisait  à  emprunter: 
il  en  était  de  mêiuc  des  Etats  encore  subsistants  (Languedoc,  Bretagne,  etc.)  :  il 
en  eût  été  de  même  des  fameuses  assemblées  provinciales  de  1787  si  elles  s'étaient 
prêtées  à  cette  manœuvre  financière,  aussi  digne  du  banquier  Necker  qu'elle 
était  étrangère  au  véritable  projet  de  Turgot. 

2.  Paris,  1717,  1  vol.  in-12. 


L'HOTEL  DE  VILLE  499 

I.  —  L'Hôtel  de  Ville,  comme  presque  tous  les  corps  administratifs  de 
l'ancien  régime,  était  en  même  temps  une  juridiction,  dont  les  sen- 
tences étaient  directement  portées  au  Parlement.  Mais  sa  compétence 
était  fort  restreinte.  Elle  jugeait  au  civil  les  différends  entre  mar- 
chands négociants  par  eau,  et  ceux  qui  étaient  relatifs  à  la  police 
des  rivages;  c'est  à  elle  que  l'on  s'adressait  également  pour  le 
payement  des  billets  à  ordre  concernant  la  marchandise  de  Feau; 
enfin,  par  attribution  spéciale,  révocable  à  la  volonté  du  roi,  elle  pro- 
nonçait toujours  en  première  instance  en  matière  de  rentes  constituées 
sur  l*Hôtel  de  Ville  de  Paris.  La  juridiction  criminelle  embrassait  les 
délits  commis  par  les  marchands  de  l'eau,  leurs  employés  et  facteurs 
sur  le  fait  de  la  marchandise  de  l'eau,  et  par  les  officiers  de  police 
de  la  ville  ou  des  ports  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions,  les  que- 
relles, disputes,  voies  de  fait  entre  bateliers,  en  un  mot  tous  les  actes 
criminels  ou  délictueux  constatés  sur  la  Seine  ou  sur  les  ponts,  même 
royaux,  par  procès-verbaux  d'officiers  de  la  ville,  à  la  condition  tou- 
tefois que  le  Châtelet  n'eût  pas  usé  de  son  droit  de  prévention  '. 

La  Constitution  municipale  comprenait  :  1°  le  bureau  de  la  ville  ; 
2°  le  corps  des  conseillers  de  la  ville  ;  3°  les  officiers  de  la  ville  à 
quelque  titre  que  ce  fût. 

Le  bureau  de  la  Ville  était  formé  du  prévôt  des  marchands  nommé 
pour  deux  ans,  mais  ordinairement  continué  pendant  deux  autres 
prévôtés;  des  quatre  échevins,  dont  deux  élus  tous  les  ans  le  jour 
de  Saint- Roch  (l'un  devait  être  du  corps  des  conseillers  de  la  Ville 
ou  des  seize  quartiniers,  l'autre  avocat,  notaire,  ou  des  six-corps); 
du  greffier  en  chef2,  du  receveur -trésorier,  du  procureur  avocat 
du  roi  et  de  la  Ville  3  qui  s'appelle  aussi  procureur  du  roi  de  la  Ville. 
Son  substitut,  non  plus  que  les  avocats  de  la  Ville,  ne  faisait  point 
partie  du  bureau  :  d'ailleurs  toutes  les  fois  qu'il  s'agissait  d'une  con- 
testation privée ,  c'est  au  lieutenant  du  prévôt  4  que  les  parties  de- 


1.  Le  précis  rédigé  eu  1764,  pour  être  adressé  au  Parlement,  sur  la  juridiction 
de  la  Ville,  est  une  remarquable  plaidoirie  fondée  sur  les  faits  historiques  et  sui- 
des titres  probants,  mais  en  majeure  partie  abolis  par  la  désuétude.  Voyez  Arch. 
nat.,  B  III,  101  ',  f°s  145  à  192,  et  Chassin,  ouv.  cité,  t.  I,  p.  105  à  112. 

2.  Il  se  nomma  d'abord  clerc,  et  eut  le  maniement  des  deniers  jusqu'à  la  fin  du 
XVe  siècle.  La  rupture  du  pont  Notre-Dame  (25  octobre  1499),  attribuée  à  la  né- 
gligence du  clerc-trésorier,  fut  l'occasion  d'établir  la  charge  nouvelle  de  rece- 
veur ;  le  receveur  fut  chargé  du  service  des  rentes  le  27  septembre  1522. 

3.  Les  charges  distinctes  du  procureur  du  roi  (qui  fixait  la  part  du  roi  dans 
les  confiscations)  et  de  procureur  de  la  Ville  (ministère  public  de  la  juridiction 
municipale)  furent  confondues  en  1536. 

4.  Comparez  :  le  prévôt  de  Paris  et  ses  lieutenants,  les  baillis  d'épée  et  leurs 
lieutenants,  etc.  (édit  de  1498). 


500  L'HOTEL  DE  VILLE 

vaient  s'adresser;  mais  en  général  cette  dernière  charge  était  exercée 
par  l'un  des  échevins  '. 

Le  corps  des  conseillers  de  Ville  était  composé  de  magistrats,  qui 
possédaient  leurs  charges  en  titre  d'office.  Il  était  réuni  pour  les  cé- 
rémonies, les  simulacres  d'élections,  et  dans  les  grandes  circonstances 
qui  paraissaient  intéresser  les  privilèges  municipaux.  Les  conseillers 
étaient  hiérarchiquement  subordonnés  au  bureau  de  la  Ville  :  et  cepen- 
dant, dans  ce  bureau,  il  y  avait  deux  des  échevins  qui  n'étaient  point 
de  robe.  Lorsque  la  marchandise  veut  faire  valoir,  ou  simplement 
faire  sonner  ses  prérogatives,  elle  n'oublie  pas  de  noter  cette  supé- 
riorité, —  tout  éventuelle  du  reste,  —  qui  peut  lui  échoir  sur  la  ma- 
gistrature 2. 

En  1789,  les  conseillers  de  ville  sont  au  nombre  de  vingt-quatre. 
Ils  étaient  vingt-six  l'année  précédente.  Les  charges  étaient  casuelles 
et  n'étaient  point  nécessairement  remplies.  Une  vacance  pouvait  se 
prolonger  longtemps,  car  ce  service  était  une  sinécure  à  laquelle  le 
fisc  était  plus  intéressé  que  le  public.  D'autre  part,  le  cumul  de  la 
charge  de  conseiller  avec  celle  d'échevin  était  assez  fréquent  :  en  1788, 
nous  voyons  même  Jean-Baptiste  Buffault  tout  à  la  fois  échevin  (élu 


1.  En  1788,  Jean-Baptiste  Buffault,  le  premier  des  deux  échevins  élus  te 
16  août  1787,  est  «  lieutenant  de  la  juridiction  de  la  Ville  ».  Les  requêtes  et 
réclamations  en  payement  sont  adressées  au  premier  échevin,  lieutenant  de  juri- 
diction, et  communiquées  au  procureur  du  roi  et  de  la  Ville.  Lorsque  celui-ci 
les  regarde  comme  fondées  en  droit,  il  se  sert  de  la  formule  suivante  :  «  Je 
n'empêche,  pour  le  roi,  pour  la  Ville,  que,  etc.  » 

2.  En  elle-même  la  prétention  est  assez  puérile.  Le  prévôt  de  Paris,  qui  con- 
yoquait  (ou,  si  Ton  préfère,  ne  convoquait  plus)  le  ban  et  rarrière-bau,  est  re- 
gardé comme  le  chef  de  la  noblesse,  mais  dans  cette  circonstance  seulement. 
L'attribution  de  sa  charge  ne  le  rend  ni  plus  ni  moins  noble.  L'ancien  régime  ne 
confondait  pas  le  rang  social  avec  le  rang  administratif.  En  1700,  il  y  eut  entre 
l'Université  et  la  Ville  une  dispute  de  préséance  assez  curieuse.  Mandée  pour 
rendre  ses  devoirs  à  Philippe  V,  roi  d'Espagne,  l'Université  avait  été  introduite 
après  le  corps  de  Ville,  et  s'en  était  plainte  en  invoquant  des  précédents  (tou- 
jours discutables)  et  en  se  fondant  sur  deux  moyens  de  droit  :  1°  la  préséance 
des  gens  de  lettres  sur  les  marchands  et  les  artisans;  2°  la  qualité  de  fdle  aînée 
des  rois  donnée  à  l'Université,  et  par  suite  la  place  qu'elle  avait  eue  dans  les 
États  et  dans  les  Conciles  généraux.  —  La  Ville  réplique  :  que  l'on  n'a  jamais  vu 
d'artisans  occuper  les  places  d'échevins,  que  les  marchands  qui  les  occupent 
ont  pour  chef  «  une  personne  illustre  »  désignée  par  le  roi;  que  les  conseillers 
et  assesseurs  du  prévôt  des  marchands  et  des  échevins  sont  des  magistrats  qui 
ne  leur  disputent  point  le  pas.  Le  titre  de  fille  aînée  des  rois  ne  veut  pas  dire 
que  l'Université  est  la  première  compagnie  du  royaume,  mais  la  première  Uni- 
versité fondée  dans  la  ville  royale.  «  11  faut  que  la  partie  cède  au  tout,  que  le 
membre  ne  se  révolte  pas  contre  le  corps.  La  Ville  ne  laisserait  pas  d'être  la 
capitale  du  royaume,  quand  l'Université  serait  supprimée.  »  (Arch.  nat.,  K.  1003  : 
mém.  du  6  déc.  1700.) 


L'HOTEL  DE  VJLLE  501 

le  16  août  1787),  lieutenant  de  la  juridiction,  et  conseiller  de  ville.  — 
L'édit  de  novembre  1706  avait  créé  quatre  «conseillers  du  roi  com- 
missaires intendants  des  fontaines  et  conduites  publiques  »  ;  deux  de 
ces  charges  furent  rachetées  par  la  compagnie  des  conseillers  et  par 
suite  impliquaient  deux  cumuls.  Les  deux  autres  furent  acquises  à  la 
même  époque  (décembre  1707)  parla  compagnie  des  quartiniers,  dont 
nous  allons  dire  un  mot. 

Au  point  de  vue  de  l'Hôtel  de  Ville  (qui  jusqu'à  Louis  XIV  fut  aussi 
celui  de  la  royauté), Paris  était  divisé  en  seize  quartiers;  chacun 
avait,  comme  officier  de  police  subordonné  à  la  Ville,  un  quartinier. 
Sous  les  ordres  de  chaque  quartinier,  il  devait  y  avoir,  en  principe, 
quatre  cinquanteniers  et  seize  dixainiers,  en  tout  trois  cent  vingt  su- 
balternes. 

La  prépondérance  administrative  du  Ghàtelet,  le  développement 
rapide  et  monstrueux  de  la  lieutenance  générale  de  police,  ne  lais- 
sèrent subsister  entièrement,  de  toute  cette  organisation,  que  les  seize 
quartiniers.  Cependant,  pour  ne  point  abdiquer  le  droit  de  la  ville, 
tous  les  ans  en  septembre  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  ren- 
dent une  ordonnance  pour  le  département  (c'est-à-dire  la  réparti- 
tion) «  des  cinquanteniers  et  dixainiers  dans  chacun  des  seize  quar- 
tiers de  la  ville  et  faubourgs  d'icelle  ».  Cette  ordonnance  a  un  aspect 
typographique  des  plus  singuliers  :  c'est  (sous  sa  forme  la  plus 
luxueuse)  un  cahier  de  papier  in-folio  assez  volumineux,  du  moins 
pour  son  contenu  :  quelques  lignes  de  noms  s'y  trouvent  comme 
égarés  parmi  des  lignes  de  points.  Voyez  par  exemple,  dans  le  re- 
gistre des  délibérations  du  bureau  de  la  ville,  l'ordonnance  du  27  sep- 
tembre 1774  :  les  16  quartiniers  sont  à  leur  place;  au  lieu  de  64  cin 
quanteniers,  il  n'y  en  a  que  20  :  l'Hôtel  de  Ville,  le  Marais,  le 
Palais-Royal,  la  Sorbonne,  la  Cité,  n'en  ont  pas  un  seul.  Au  lieu  de 
256  dixainiers,  il  n'y  en  a  plus  que  85,  mais  tous  les  quartiers  en  ont 
encore.  Somme  toute,  cela  fait  121  lignes  de  noms  pour  215  de  points  '. 

Le  «  Recueil  pour  la  compagnie  de  MM.  les  conseillers  du  roi 
quartiniers  de  la  ville  de  Paris  »,  formé  en  1770  par  les  soins  de 
MM.  Lempereur,  Martel  et  Levé,  a  péri  dans  l'incendie  du  24  mai 
1871.  Un  mémoire  de  M.  Picot  a  montré  que  cette  perte  n'était  point 
irréparable2.  Je  ne  prétends    ajouter  qu'une  réflexion.  Toutes  les 


1.  L'ord.  du  bureau  de  la  Ville  du  24  février  1744,  appliquée  à  partir  de  1745, 
fixe  au  mois  de  septembre  le  département  des  cinquanteniers  et  dixainiers;  s'il 
y  avait  eu  parmi  eux  des  décès,  les  quartiniers  étaient  tenus  de  les  dénoncer  au 
bureau  de  la  Ville. 

2.  Recherches  sur  les  quartiniers,  cinquanteniers  et  dixainiers  de  la  Ville  de 


302  L'HOTEL  DE  VILLE 

institutions,  lorsqu'elles  ne  tiennent  plus  pour  ainsi  dire  que  par  un 
fil,  font  des  efforts  désespérés  pour  ne  point  disparaître.  Débris  du 
passé,  c'est  dans  le  passé  qu'elles  vivent,  et  même  bien  souvent  dans 
un  passé  imaginaire.  Gardons-nous  donc  déjuger  de  leur  importance 
d'après  leurs  prétentions,  de  leur  force  d'après  leur  langage,  de  leur 
valeur  d'après  leurs  parchemins.  La  vanité,  qui  est  un  des  traits  les 
moins  contestables  du  caractère  national,  doit  encore  augmenter 
notre  défiance:  amusons-nous  à  entendre  les  quartiniers  faire  l'éloge 
des  quartiniers;  mais  ne  fondons  point  l'histoire  du  XVIIIe  siècle  sur 
des  apologies  et  des  plaidoiries  qui  empruntent  leurs  arguments  au 
moyen  âge   et  au  début  des  temps  modernes. 

Toutes  les  charges  municipales  sont  devenues  des  offices  vénaux, 
par  conséquent  lucratifs,  soit  par  les  honoraires,  soit  par  Les  droits, 
soit  par  les  privilèges  qui  y  sont  attachés.  Les  honoraires  ,et  les 
droits  ont  subi  de  fréquentes  variations  ;  les  privilèges  ont  été  plus 
stables  :  ce  sont  principalement  l'exemption  du  logement  des  gens 
de  guerre,  et  le  franc-salé. 

Le  franc-salé  était  le  droit  attribué,  à  chacune  des  charges,  d'une 
certaine  quantité  de  sel  exempte  de  la  gabelle.  Un  état  du  31  janvier 
1788  distribue  ainsi  94  minots  de  sel  entre  les  officiers  du  bureau  de 
la  ville,  les  conseillers,  et  les  quartiniers,  tous  nominativement  dési- 
gnés1. Les  officiers  et  les  conseillers  ont  chacun  deux  minots,  les 
quartiniers  chacun  un  minot.  Ceux  qui  cumulent  plusieurs  offices  cu- 
mulent aussi  les  parts  de  sel  qui  leur  sont  attribuées  ;  ainsi  tandis  que 
Le  Peletier  de  Morfontaine,  prévôt  des  marchands,  n'a  que  deux  mi- 
nots, Buffault  en  a  six,  deux  comme  échevin,  deux  comme  lieutenant 
de  la  juridiction,  deux  comme  conseiller;  Ethis  de  Gornyena  quatre, 
deux  comme  procureur,  deux  comme  avocat  ;  Veytard  en  a  quatre, 
deux  comme  greffier,  et  deux  comme  conservateur  des  hypothèques. 
Les  cinquanteniers  et  dixainiers  ne  jouissent  point  du  privilège  de 
franc-salé. 

La  vénalité  des  charges  aurait  pu  avoir  comme  conséquence  heu- 
reuse de  laisser  à  leurs  titulaires  une  certaine  indépendance,  si  les 
traitements  avaient  eu  quelque  fixité.  Mais  il  n'en  était  rien,  et  il  dé- 
pendait absolument  de  l'autorité  royale  et  des  intentions  ministé- 
rielles, de  faire  des  finances  exigées  des  officiers  municipaux  soit  un 
bon,  soit  un  mauvais   placement.  Le  procédé  habituel   de   l'ancien 

Paris,  dans  les  Mém.  de  la  Soc.  de  l'hist.  de  Paria  et  de  l'Ile-de-France,  1. 1,  p.  132- 
166.  M.  Picot  s'est  servi  d'une  copie  conservée  dans  la  bibliothèque  de  M.  Gus- 
tave de  Villeneuve  (200  pages  in-4°). 

1.  Arcli.  nat.,  H.  1959  :  «  Franc-salé  pour  l'année  1788.  » 


L'HOTEL  DE  VILLE  303 

régime  consistait  à  laisser  les  abus  lucratifs  pour  les  personnes  se 
développer  peu  à  peu,  puis  à  en  tirer  profit,  soit  par  la  menace  de 
nouvelles  créations  de  charges  bien  vite  rachetées,  soit  par  l'aug- 
mentation du  prix  des  anciennes  charges.  C'est  ce  qui  s'appelait  vul- 
gairement :  presser  l'éponge. 

La  charge  la  plus  chère  n'était  point  celle  de  prévôt  des  marchands, 
qui  était  encore  assez  considérée  pour  être  réservée  à  des  fonction- 
naires éprouvés.  C'était  celle  de  trésorier-receveur.  Vallet  de  Ville- 
neuve déposa  au  trésor  royal,  le  27  juin  1785,  un  million  pour  le 
montant  de  sa  finance;  ce  million  fut  ensuite  remis  dans  la  caisse  de 
la  ville,  en  1783,  en  sept  échéances,  qui  servirent  à  des  rembourse- 
ments1. Le  receveur  avait  50,000  livres  de  gages,  et  autant  de  taxa- 
tions. 

II.  —  En  ce  qui  touche  la  nomination  aux  offices,  elle  était  parta- 
gée entre  le  roi  d'un  côté,  les.  prévôt  des  marchands  et  échevins 
(considérés  comme  élus),  de  l'autre.  Au  commencement  du  règne  de 
Louis  XVI,  cette  situation  se  trouvait  réglée  par  l'arrêt  du  conseil  du 
15  septembre  1771,  rendu  en  exécution  de  Ledit  de  février  1771.  Le 
roi  avait  réuni  à  son  domaine,  suivant  l'état  détaillé  annexé  à  l'arrêt 
du  conseil  :  200  offices  concernant  la  vente  des  bois,  116  celle  du 
charbon,  114  celle  des  grains,  5  celle  des  matériaux  (chaux  etpiâtre), 
110  celle  du  sel,  120  celle  des  vins  et  boissons, —  le  tout  sur  la  Seine 
et  les  ports,  bien  entendu;  193  autres  offices  relatifs  aux  ports,  il  à 
la  navigation  de  la  Seine,  4  à  celle  de  la  Marne,  77  à  celle  de  l'Oise, 
3  à  celle  de  l'Yonne,  83  divers  tels  que  passeurs  d'eau,  inspecteurs- 
contrôleurs  du  déebirage  des  bateaux,  jurés-crieurs,  receveur-payeur 
du  guet,  loueur  au  Marché-Neuf.  Le  même  arrêt  maintient  les  prévôt 
des  marchands  et  échevins  dans  le  droit  de  nommer  (outre  les  con- 
seillers de  ville,  quartiniers,  cinquanteniers,  dixainiers)  :  les  membres 
de  la  milice  bourgeoise,  le  lieutenant  de  la  juridiction  de  la  ville,  les 
lieutenants  subdélégués  à  Auxerre  et  Vermantnn,  le  procureur  et  avocat 
du  roi,  les  substituts  du  procureur  du  roi,  le  greffier  en  chef,  les 
huissiers  et  procureurs,  le  commissaire  de  police  sur  les  ports  et  sur 
les  quais,  le  colonel  des  gardes  de  la  ville,  le  lieutenant-colonel,  les 
capitaines,  majors,  aides-majors,  lieutenants,  sous-lieutenants,  porte- 
drapeaux,  cornettes,  guidons  et  gardes;  le  contrôleur  des  domaines, 
dons,  octrois  et  fortifications  ;  le  maître  général  des  bâtiments  et  les 
inspecteurs  des  bâtiments;  le  maître  des  œuvres  de  charpenterie;  le 


1.  D'après    le    Journal   île   la   caisse,   et  l'état   récapitulatif  du    22   août   1786. 
(Arch.  nat  ,  IL  1957,  n°  49.) 


504  L'HOTEL  DE  VILLE 

capitaine  de  l'artillerie  et  garde  des  armes  des  magasins  de  la  ville  ; 
le  capitaine-conducteur  des  feux  d'artifice. 

Comme  on  le  voit,  la  première  catégorie  de  ces  offices  se  rapportait 
au  commerce,  à  l'industrie,  et  même  à.  de  très  humbles  métiers  méca- 
niques, qui  n'étaient  soustraits  au  régime  des  corporations  que  pour 
tomber  sous  la  main  de  l'administration.  La  seconde  catégorie  ne 
renfermait  guère  que  des  offices  distingués  (judicature,  finance,  force 
publique,  art  militaire,  arts  libéraux)  :  c'est  de  celle-ci  que  nous  allons 
d'abord  nous  occuper,  simplement  pour  indiquer  les  principaux 
changements  qu'elle  subit  pendant  le  règne  de  Louis  XVI  jusqu'au 
14  juillet  1789. 

Les  lieutenants-subdélégués,  les  subdélégués  et  substituts  du  pro- 
cureur du  roi  et  de  la  ville,  exerçaient  les  mêmes  fonctions.  Ils  avaient 
à  instruire  sur  place,  en  différentes  localités  du  bassin  de  la  Seine  et 
de  ses  affluents,  les  contestations  et  tous  incidents  relatifs  à  la  navi- 
gation, et  à  l'approvisionnement  de  Paris.  Aucune  loi  ne  déterminait 
le  siège  de  ces  subdélégations,  et  la  ville  en  avait  d'abord  disposé  à 
son  gré,  par  simples  commissions.  L'édit  de  mai  1690  en  érigea  quatre 
en  titre  d'offices,  à  Sens,  Auxerre,  Vermanton  et  Montargis  ;  le  8  août 
celui  d'Auxerre  fut  transféré  à  Glamecy,  sans  que  le  nom  officiel  en 
fût  changé.  Les  gages,  d'abord  de  300  livres,  furent  réduits  à  120.  — 
Quant  aux  subdélégués  commissionnés  par  la  ville,  ils  n'avaient  aucun 
traitement.  On  les  indemnisait  en  cas  de  déplacement,  de  frais  d'af- 
fiches ',  etc.  En  général,  ces  commissions  étaient  postulées  par  quel- 
que juge  local,  ou  officier  ministériel,  dont  elles  augmentaient  l'autorité 
et  l'importance.  Sous  Louis  XVI  la  ville  rentra,  moyennant  finances, 
dans  le  droit  de  commissionner  tous  les  subdélégués  :  le  2  août  178o 
(sans  doute  après  entente  préalable  avec  le  ministère),  le  bureau  de 
la  ville  prit  la  délibération  suivante  : 

...  Sa  Majesté  sera  suppliée  de  vouloir  bien  ordonner  par  un  arrêt  de  son 
Conseil  la  suppression  des  quatre  offices  [de  subdélégués]  créés  par  l'édit  de 
mai  1690  et  leur  réunion  à  la  ville,  en  nous  autorisant  :  1°  à  rembourser  aux 
titulaires,  et  des  deniers  de  la  ville,  le  prix  de  ceux  qui  ont  été  levés,  d'après 
la  liquidation  qui  en  sera  par  nous  faite; 2°  et  à  remplacer  lesdits  subdélégués 
supprimés  par  tels  sujets  que  nous  jugerons  à  propos  de  choisir,  lesquels  se- 
ront établis...   sur  une  simple  commission  du  bureau;  —  enfin,  que   parle 

1.  En  1718,  sont  indemnisés  pour  frais  d'affiches  les  subdélégués  ou  substituts 
de  Monlereau,  Nogeut-sur-^eine,  Méry-sur-Seine,  Troyes,  Bar-sur-Seino,  Chà- 
tillon-sur-Seine,  Châtillon-sur-Loing,  Arcis-sur-Aube,  Bar-sur- Aube,  Sens,  Joigny, 
Auxerre,  Clamecy,  Tonnerre,  Montbard,  Chaource,  Saint-Dizier,  Yitry-le-François, 
Châlous-sur-Marne,  Châtillon-sur-Marne,  Château-Thierry,  Meaux,  Mculau,  Com- 
piègne,  Soissons.  (Arch.  nat.,  H.  1953;  registre  par  mention  f"  313  v°.) 


L'HOTEL  DE  VILLE  505 

même  arrêt  il  sera  motivé  que  tous  les  privilèges  et  exemptions  ci-devant 
accordés  auxdits  subdélôgués  leur  seront  continués,  et  pour  éviter  toutes  con- 
testations sur  l'étendue  de  ces  mêmes  privilèges,  il  y  sera  dit  qu'ils  seront  en 
tout  assimilés  à  ceux  dont  jouissent  dans  les  provinces  les  subdélégués  des 
intendants  *. 

Caïonne  fît  une  réponse  favorable  à  cette  demande  le  20  septembre 
1785». 

Les  subdélégués  ne  pouvaient  d'abord  qu'instruire  jusqu'à  sentence 
définitive  exclusivement;  mais  les  officiers  pourvus  en  titre  avaient 
obtenu,  par  arrêt  du  Conseil  du  25  août  1705,  de  juger  jusqu'à  con- 
currence de  30  livres.  Le  même  droit  fut  naturellement  attribué  aux 
subdélégués  commissionnés  par  la  ville,  comme  l'indique  l'extrait 
suivant  d'une  instance  au  bureau  de  la  ville  3. 

Le  pouvoir  de  vos  subdélégués  est  nettement  expliqué  par  l'édit  de  mai 
1690,  par  lequel  il  en  a  été  créé  quatre  en  titre  d'office;  et,  aux  termes  de  cet 
édit,  ils  ne  pouvaient  qu'instruire  jusqu'à  sentence  définitive  exclusivement. 
Mais  les  premiers  titulaires  de  ces  offices  s'étant  pourvus  au  Conseil,  il  y  inter- 
vint arrêt  le  25  août  1705,  qui  leur  accorda  la  faculté  de  juger  seulement 
jusqu'à  concurrence  de  30  livres,  et  ordonna  qu'à  l'égard  des  affaires  excé- 
dentes  cette  somme,  ils  ne  pourraient  qu'instruire  jusqu'à  sentence  définitive 
exclusivement,  conformément  à  l'édit.  Il  y  a  plus,  c'est  que  dans  les  matières 
dont  la  connaissance  vous  appartient,  il  est  expressément  défendu  d'appointer 
en  droit  ni  à  mettre,  et  de  prendre  aucunes  vacations  ou  épices-t. 

Deux  ans  avant  la  réunion  à  la  ville  des  quatre  offices  de  lieute- 
nants subdélégués  (d'ailleurs  rarement  occupés  tous  les  quatre), 
avaient  eu  lieu  deux  suppressions  d'offices  beaucoup  plus  importants, 
exercés  à  Paris  même. 

L'édit  de  juillet  1681  avait  créé  deux  offices  héréditaires,  l'un  sous 
ie  titre  de  maître  des  œuvres  de  maçonnerie  de  la  ville,  et  garde  ayant 
charge  des  eaux  et  fontaines  publiques  ;  l'autre  sous  le  titre  de  maître 
des  œuvres  de  charpenterie.  Le  premier  de  ces  deux  offices  fut  rem- 
placé (édit  de  juillet  1706)  par  un  office  de  «  conseiller  du  roi,  maître 
général,  contrôleur  et   inspecteur  des  bâtiments  de  la  ville,   garde 

1.  Arch.  nat.,  H.  1952,  pièce  52. 

2.  Id.,  ibid,  pièce  53. 

3.  En  date  du  18  juin  1776:  cette  instance  fut  suivie  de  succès  (Arch.  nat., 
H.  1952).  Cette  pièce  forme  un  cahier  de  10  feuilles,  uon  paginées,  avec  diverses 
annexes. 

4.  Édit  du  22  oct.  1563,  reg.  le  22  nov.  (V.  Fontanou,  t.  I,  p.  840.)  La  jurispru- 
dence du  bureau  était  en  conformité  de  cet  édit,  confirmé  par  arrêts  de  la  Cour 
des  8  mars  1702,  11  avril  1702,  4  juin  1704. —  Sentence  du  bureau  du  20  janvier 
1763. 


506  L'HOTEL  DE  VILLE 

ayant  charge  des  eaux  et  fontaines  publiques  »  ;  le  second  office  sub- 
sista sous  sa  première  dénomination.  Par  l'édit  d'août  1783,  l'un  et 
l'autre  furent  supprimés  et  remboursés. 

Les  fonctions  attribuées  auxdits  deux  offices  seront  exercées  sur  une  simple 
commission,  sous  l'autorité  des  prévôt  des  marchands  et  échevins,  par  l'ar- 
chitecte de  la  ville  qu'ils  auront  nommé,  et  moyennant  le  traitement  qui  lui 
sera  attribué  r. 

C'est  alors  que  Moreau  fut  nommé  architecte  de  la  ville,  aux  ap- 
pointements de  12,000  livres,  sans  compter  les  gratifications  pour 
devis  et  travaux  exceptionnels. 

En  s'attaquant  à  la  vieille  constitution  du  bureau,  il  était  aisé  de 
faire  financer  la  ville.  Voici  un  exemple  de  cette  politique  exclusive- 
ment fiscale. 

Depuis  14(50,  le  premier  échevin  était  chargé  du  contrôle  de  la 
caisse  municipale.  En  1515,  est  créé  un  office  distinct  de  contrôleur, 
supprimé  moyennant  finances  le  1  \  octobre  1510.  Mêmes  créations  et 
suppressions  alternatives  en  1550,  en  1555;  confirmation  du  droit  de 
la  ville  parles  édits  de  1501  et  de  1630,  puis  par  l'ordonnance  (orga- 
nique) de  1672  (titre  XXXIII,  art.  14).  En  mars  1091,  la  charge  de  con- 
trôleur est  rétablie  encore,  la  ville  ne  peut  la  racheter,  et  elle  est  ac- 
quise par  un  sieur  Bazin  :  en  1700,  la  ville  rembourse  à  Bazin  le  prix 
de  sa  charge,  13,500  livres.  Autre  création  et  nouveau  remboursement 
(pour  88,000  livres)  en  janvier  1707  et  le  9  août  de  la  même  année  ; 
puis  encore  en  1778.  —  En  1784,  le  ministre  de  Calonne  fit  revivre 
encore  cette  charge,  en  en  modifiant  le  titre  :  un  sieur  Martel  fut 
nommé  commissaire  à  l'administration  de  la  ville,  pour  les  détails  de 
la  caisse  d'amortissement;  l'arrêt  du  Conseil  du  20  mai  lui  donna 
voix  délibérative  au  bureau;  celui  du  6  juin  donna  en  outre  voix  dé- 
libérative au  receveur  de  la  ville,  et  au  greffier,  lesquels  protestèrent 
qu'ils  n'avaient  point  demandé  ce  nouveau  droit,  peu  compatible 
avec  leurs  fonctions.  Tout  ce  que  voulait  le  ministre,  c'était  de  l'ar- 
gent. Le  17  août,  le  bureau  de  la  ville  décida,  puisque  sa  constitution 
était  changée,  de  convoquer  l'assemblée  des  conseillers  et  des  quar- 
tiniers  pour  le  20  août.  Tout  était  déjà  arrangé  :  le  sieur  Martel  se 
présenta,  offrit  sa  démission  au  prévôt  des  marchands,  si  les  pou- 
voirs à  lui  accordés  blessaient  la  ville  et  les  deux  compagnies.  La  dé- 
mission fut  reçue  ;  le  greffier  Veytard  et  le  receveur  Rousseau  se  dé- 
sistèrent volontiers  du  bénéfice  de  la  voix    délibérative,  et  les  arrêts 

\.  Arch.  nat.,  K.  1051  :  édit  d'août  178:!,  enregistré  le  '■'•>  septembre,  art.  4. 


L'HOTEL  DE  VILLE  507 

des  20  mai  et  6  juin  furent  révoqués,  moyennant  une  pension  de 
4,000  livres  accordée  par  la  ville  au  sieur  Martel,  et  réversible  sur  sa 
femme  et  ses  enfants  '. 

La  charge  de  receveur  fut  elle-même  à  diverses  reprises  (juil- 
let 4681,  6  juin  178-4) 2  désunie  du  corps  et  Hôtel  de  Ville  de  Paris,  et 
érigée  en  titre  d'office,  à  seule  fin  d'obtenir  pour  le  trésor  des  avan- 
tages plus  considérables. 

Les  autres  offices  à  la  nomination  du  prévôt  des  marchands  et  des 
échevins  ne  subirent  point  de  modification  dans  leurs  titres* jusqu'en 
1789  3.  Mais  pour  les  plus  modestes  d'entre  eux  se  produisaient 
souvent  des  interventions  singulièrement  impérieuses.  On  a  vu  plus 
haut,  à  propos  du  ministre  de  Paris,  à  quelles  déclarations  hautaines 
de  ses  principes  ministériels  le  baron  de  Breteuil  s'était  laissé  en- 
traîner pour  la  nomination  d'un  concierge  des  magasins  de  la  Ville  ; 
il  n'avait  que  le  droit  de  recommander  :  il  imposa  son  protégé,  et, 
par  une  économie  bien  entendue,  fit  doubler  son  traitement  sur  la 
caisse  municipale. 

III.  —  La  réunion  au  domaine  royal  de  la  plupart  des  offices  munici- 
paux relatifs  au  commerce  et  aux  industries  de  Seine  facilita  l'applica- 
tion des  doctrines  économiques  sous  le  ministère  de  Turgot;  beaucoup 
de  ces  offices  gênants  pour  la  liberté,  et  peu  fructueux  pour  le  trésor, 
purent  être  supprimés,  soit  par  extinction,  soit  par  remboursement 
(12  mars  1776).  Mais  ils  pullulèrent  de  nouveau,  surtout  à  partir  de 
Galonné  :   d'ailleurs,  leur  réunion   au  domaine  royal  ne  présentait 

1.  Arch.  nat.,  H.  1955.  —  Minutes  des  délibérations  du  bureau,  dis  l"ï  et  20  août 
1784.  Lettre  de  Calonne,  du  19  octobre. 

2.  D'après  les  lettres  patentes  du  G  juin  1784,  enregistrées  en  Parlement  le 
13  juillet,  l'édit  de  juillet  1681  avait  érigé  l'office  de  conseiller  receveur  du  do- 
maine, deniers  communs,  dons  et  octrois  de  la  Ville  de  Paris,  «  avec  faculté  à 
ceux  qui  en  seraient  pourvus  de  le  résigner  »  à  leur  volonté  «  en  faveur  de  per- 
sonne capable  »  ;  les  revenus  consistaient  en  gages  et  en  taxations  sur  les  deniers 
de  la  recette,  lesquelles  augmentaient  en  proportion  de  ces  deniers.  En  1762,  à 
la  mort  du  receveur  Boucot,  Louis  XV  autorisa  la  Ville  ;i  faire  faire,  par  com- 
mission, l'exercice  de  cet  office  jusqu'en  1767  (29  août),  époque  où  l'office  fut 
incorporé  au  Corps  et  Hôtel  de  Ville,  ainsi  que  les  taxations  et  gages  y  attachés, 
avec  faculté  aux  prévôt  des  marchands  et  échevins  de  commissiomier  un  rece- 
veur. —  Les  lettres  patentes  du  6  juin  1784  rétablissent  l'office,  dont  la  finance, 
fixée  à  1  million,  sera  versée  dans  la  caisse  d'amortissement  de  la  Ville.  Les 
gages,  au  denier  20  de  la  finance,  sont  de  50,000  livres.  Les  taxations,  suppri- 
mées, sont  remplacées  par  pareille  somme  de  50,000  livres,  à  charge  par  le  re- 
ceveur de  pourvoir  aux  appointements  de  ses  commis  et  à  ses  frais  de  bureau. 
—  Vallet  de  Villeneuve,  qui  accepta  ces  conditions,  recouvra  l'ancien  titre  de 
receveur  de  la  Ville. 

3.  Les  pièces  qui  suivent,  et  le  tableau  des  «  Dépenses  fixes  de  la  Ville  pour 
1789  »,  les  feront  suffisamment  connaître. 


508  L'HOTEL  DE  VILLE 

qu'un  caractère  fiscal.  Administrativement,  ils  étaient  toujours  sous 
la  juridiction  et  la  surveillance  de  la  Ville,  très  jalouse  de  son  do- 
maine aquatique. 

D'après  un  mémoire  du  bureau,  du  7  juin  1785  ',  quatre  sortes  de 
gens  attachés  à  la  navigation  dépendaient  de  la  police  des  prévôt 
des  marchands  et  échevins  :  1°  les  voituriers  par  eau  et  mariniers, 
états  libres,  sauf  que  les  maîtres  de  coches  devaient  présenter  leurs 
mariniers  au  prévôt  des  marchands  ;  2°  les  maîtres  des  ponts,  nom- 
més ainsi  sur  la  basse  Seine,  et  maîtres-chableurs  sur  la  haute  Seine, 
lesquels,  avec  leurs  aides,  avaient  seuls  le  droit  de  faire  passer  les 
bateaux  sous  les  ponts2;  3°  les  maîtres  bateliers  passeurs  d'eau,  offi- 
ciers ayant  seuls  le  droit  de  faire  passer  les  habitants  et  d'aller  au- 
devant  des  coches,  et  qui  faisaient  tous  faire  leurs  fonctions  par  des 
gagne-deniers  expérimentés,  reconnus  comme  tels.  Les  maîtres  des 
ponts  et  les  maîtres  bateliers  étaient  autorisés  à  percevoir  des  droits. 
Les  deux  offices  de  maîtres  des  ponts  de  Paris  valaient  ensemble 
120,000  livres;  ceux  de  la  basse  Seine  et  de  la  haute  Seine  étaient 
peu  importants;  quant  aux  maîtres-bateliers,  institués  en  1704,  ils 
étaient  parfaitement  inutiles;  4°lesbachoteurs,  gagne-deniers  approu- 
vés par  le  prévôt  des  marchands  pour  conduire  les  bourgeois  aux  en- 
virons de  Paris. 

La  communauté  des  «maîtres-tonneliers,  anciens  déchargeurs  de 
vins  et  autres  boissons  et  liqueurs,  sur  les  ports  de  la  ville  et  des  fau- 
bourgs de  Paris»,  dépendait  de  l'Hôtel  de  Ville.  En  1785,  le  bureau 
de  la  Ville  leur  donne  des  statuts  et  règlements  en  quarante-deux 
articles  3.  Le  préambule  vise  :  l'ordonnance  du  30  janvier  1350, 
celle  de  février  1415,  les  lettres  patentes  du  16  janvier  1637,  l'or- 
donnance de  décembre  1672  (chapitre  XIII),  les  édits  de  mai  1703, 
janvier  1704  et  juin  1707  ,  l'ordonnance  du  bureau  du  4  décembre 
1714,  l'Arrêt  du  Parlement  du  3  septembre  1784.  —  Cette  commu- 
nauté dépendait  «  de  temps  immémorial  »  du  bureau  de  la  Ville  ; 
mais,  pour  y  être  reçu  maître,  il  fallait  d'abord  l'avoir  été  comme 
maître-tonnelier  (sans  autre  épithète)  au  siège  de  la  police  du 
Châtelet.  —  L'édit  de  février  1776,  qui  supprimait  toutes  les  autres 
communautés  d'arts  et  métiers,  n'avait   pas  fait  mention  de  celle 


1.  Arch.  nat.,  H.  1956. 

2.  Ils  commandaient  eux-mêmes  la  manœuvre.  Ils  étaient  garants  des  pertes 
survenues  par  la  faute  de  leurs  commis.  C'étaient  des  offices  de  famille,  et  par 
suite  une  habitude  d'enfance  de  les  exercer. 

3.  H.  19116,  pièce  27.  Ordonnance  de  26  pages  in-4",  du  22  mars  1785,  signée  à 
la  main  par  les  cinq  membres  du  bureau. 


L'HOTEL  DE  VILLE  509 

des  anciens  déchargeurs  sur  les  ports,  soit  par  oubli,  soit  par  un  res- 
pect des  droits  de  la  Ville  que  l'on  remarque  dans  d'autres  actes  de 
Turgot. 

Cette  fureur  de  réglementation,  et  peut-être  aussi  quelques  intérêts 
plus  positifs,  donnèrent  lieu  le  2  juin  1786  '  à  un  projet  qui  n'aboutit 
qu'en  partie,  mais  qui  était  des  plus  significatifs.  Le  procureur  du 
roi  et  de  la  ville  se  plaignait  des  sollicitations  et  des  plaintes  dont  les 
particuliers  qui  faisaient  pour  la  Ville  le  commerce  de  charbon  de 
bois  par  eau,  ne  cessaient  de  harceler  l'administration  municipale. 
La  liberté  du  commerce,  sujette  aux  lois  générales  de  la  police,  est 
un  remède  auquel  il  ne  fait  même  pas  allusion.  Il  propose  de  substi- 
tuer une  soumission  générale  à  une  multitude  de  soumissions  parti- 
culières, et  de  former  «une  corporation  de  tous  les  marchands  de 
toutes  les  rivières  qui  fournissent  le  charbon  à  la  capitale  »;  le  syndi- 
cat de  la  corporation  réglerait  les  détails  et  les  dates  des  ventes,  et 
ferait  le  partage  des  bénéfices  au  prorata  du  prix  des  chargements 
épuisés!  Cette  gigantesque  corporation  municipale  ne  fut  point  insti- 
tuée ;  et  l'association  des  principaux  fournisseurs  de  Paris  n'aboutit 
qu'à  un  monopole  ruineux  pour  le  public,  sinon  pour  ses  maîtres  et 
seigneurs. 

Par  ces  indices  et  par  bien  d'autres,  on  voit  que  la  Ville  avait  une 
tendance  à  augmenter  le  nombre  des  offices  ou  simples  métiers  pla- 
cés sous  sa  surveillance. 

Chose  singulière!  la  Révolution  ne  calma  point  cette  passion  enva- 
hissante. Après  le  14  juillet  1789,  Éthis  de  Corny  ne  perd  pas  son 
temps  pour  réunir  à  l'Hôtel  de  Ville  les  corporations  qui  en  avaient 
été  distraites;  des  ordonnances  signées  Bailly  revendiquent  hautement 
le  gouvernement  des  porteurs  d'eau  et  celui  des  plumets-porteurs  de 
charbon. 

La  Ville  a  une  excuse.  C'est  qu'elle  faisait  les  frais  d'une  grande  ad- 
ministration, celle  de  l'octroi,  dont  cependant  presque  tous  les  béné- 
fices étaient  pour  le  trésor  royal,  et  dont  tous  les  détails  ou  à  peu  près 
étaient  réglés  par  la  Ferme  générale.  Les  usurpations  ou  empiétements 
de  l'Etat  sur  le  budget  municipal  devaient  entraîner  la  Ville  à  usurper 
et  empiéter  à  son  tour  sur  le  domaine  bien  mal  défendu  des  libertés 
individuelles  2. 


1.  Arch.  nat.,  H.  1957. 

2.  Il  y  a  eu  quatre  prévôts  des  marchands  pendant  le  règne  de  Louis  XVI  : 
Jean-Baptiste-François  de  la  Michodière,   chevalier,  comte  d'Hauteville,  sei- 
gneur de  la  Michodière,  Romesse  et  autres  lieux,  conseiller  d'État  (1772-1778)  ; 

Antoine-Louis  François  Le  Fevre  de  Caumartin,  chevalier,  marquis  de  Saint- 


510  L'HOTEL  DE  VILLE 


MÉMOIRE 

SUR    LES    RAPPORTS    ADMINISTRATIFS    DE    LA    VILLE    ET    DES    MINISTRES 
RÉFUTATION    DE   LA    DOCTRINE    DU    PARLEMENT    A    CE    SUJET  ' 

La  Ville  de  Paris  n'a  jamais  été  soumise  aux  lois  d'administration  munici- 
pale prescrites  aux  autres  villes  du  royaume,  si  elle  n'est  spécialement  dé- 
nommée :  et  elle  jouit  de  temps  immémorial  du  privilège  de  ne  rendre  compte 
de  son  administration  qu'au  roi  et  à  ses  ministres2. 

I.  Le  11  février  lTGi,  le  roi  donna  une  déclaration  qui  ordonnait  aux  villes, 
bourgs,  communautés  et  autres  corps  du  royaume,  de  remettre  à  M.  le  con- 
trôleur général  les  états  de  leurs  revenus  et  biens,  soit  d'octroi,  soit  patrimo- 
niaux, et  de  leurs  charges  et  dettes  :  et  cette  déclaration  fut  enregistrée  au 
Parlement  à  la  charge  que  pareils  états  seraient  remis  à  M.  le  procureur  géné- 
ral pour  être  déposés  au  greffe  de  la  Cour. 

La  Ville  de  Paris,  sans  aucune  déclaration  ni  arrêt,  s'est  toujours  fait  un 
devoir  de  remettre  de  son  propre  mouvement  à  MM.  les  contrôleurs  généraux 

Ange,  comte  de  Moret,  seigneur  de  Caumartin,  Boissy-le-Châtel  et  autres  lieux, 
conseiller  du  roi  en  ses  conseils,  maitre  des  requêtes  honoraire  de  son  hôtel, 
grand-croix,  chancelier  et  garde  des  sceaux  honoraire  de  Tordre  de  Saint-Louis 
(1778-1784); 

Louis  Le  Peletier,  chevalier,  marquis  de  Montméliant,  seigneur  de  Morfon- 
taine,  Plailly,  Beaupré,  Othis  et  autres  lieux,  grand  trésorier  commandeur  do 
l'ordre  du  Saint-Esprit,  conseiller  d'État  (1784-21  avril  1789;; 

Jacques  de  Flesselles  (21  avril  1789-14  juillet  1789).  11  avait  été  intendant  de 
Moulins  (1762),  de  Bretagne  (17G0),  de  Lyon  (1767),  conseiller  de  la  grand'chambre. 
Immédiatement  avant  sa  nomination  comme  prévôt,  il  faisait  partie  comme  con- 
seiller semestre  de  deux  des  dix  commissions  extraordinaires  du  Conseil  établies 
par  les  règlements  des  27  oct.  1787  et  2  fév.  1788;  celle  des  grains  et  celle  des 
impositions  de  Paris  [Alun,  royal  de  1789,  p.  248  et  249)  :  cela  explique  le  choix 
du  roi  et  la  mort  tragique  du  dernier  prévôt  des  marchands. 

1.  Arch.  nat.,  H.  1954. 

2.  Le  bureau  de  la  Ville,  dans  sa  délibération  du  17  janvier  1783  (reg.,  H.  1880, 
{>  76  v°),  n'assigne  pas  d'autre  origine  à  cette  indépendance  constitutive  que 
(i  l'existence  même  de  la  capitale  ».  Il  veut  bien  toutefois  mentionner  les  actes 
du  pouvoir  royal  qui  l'ont  reconnue  et  confirmée.  Dans  l'ordonnance  organique 
de  1415,  Charles  VI,  en  soumettant  au  Parlement  tout  ce  qui  a  trait  à  la  juridic- 
tion, ne  fait  dépendre  «  les  opérations  relatives  à  l'administration  que  de  la 
seule  volonté  du  corps  municipal  et  de  la  pureté  de  ses  intentions  ».  En   1550, 

e  Parlement  exigea  de  la  Ville  des  comptes  de  finance,  et  lui  contesta  le  droit 
de  nommer  aux  offices  municipaux  :  Henri  II  s'empressa  d'opposer  à  ces  préten- 
tions des  lettres  patentes,  lesquelles  «servirent  encore  de  modèle  à  Louis  XIV», 
lorsqu'on  1672  il  expliqua  ses  intentions  «  tant  sur  le  fait  de  la  juridiction  que 
de  l'administration  de  la  Ville  ».  Pendant  le  XVIIIe  siècle,  jusqu'en  1762,  il  fut 
rendu  douze  « ■  «lits ,  déclarations  et  lettres  patentes  portant  établissement  de  dif- 
férents droits  au  profit  de.  la  Ville,  ou  réunions  à  son  domaine.  Tous  dispensent 
la  Ville  de  compter  à  la  Chambre  des  comptes  ni  ailleurs  que  devant  le  bureau; 
et  le  Parlement  les  a  enregistrés  purement  et  simplement.  C'est  en  1767  seule- 
ment qu'il  fil  à  l'enregistrement  des  édits  de  1764  et  de  1765  des  restrictions 
d'ailleurs  annulées  par  lettre  de  cachet. 


L'HOTEL  DE  VILLE  511 

à  leur  avènement  les  états  de  sa  situation,  et  se  disposait  à  le  faire,  lorsque 
M.  de  l'Averdy  ',  nouveau  contrôleur  général,  —  malgré  les  représentations 
de  M.  de  Viarmcs,  lors  prévôt  des  marchands,  sur  le  danger,  que,  s'il  y  avait 
une  déclaration  particulière  pour  la  Ville,  le  Parlement  n'opposât  dans  son 
euregistrement  la  charge  de  fournir  des  états  au  greffe,  ce  qui  mettrait  la  ville 
dans  le  cas  de  déroger  à  son  privilège,  et  aussi  malgré  la  promesse  que  lui  fit 
M.  de  Viarmes  de  lui  remettre  incessamment  les  états  cl  un  mémoire  qui  con- 
tiendrait la  défense  de  la  Ville  et  l'établissement  de  ses  droits,  —  M.  de 
l'Averdy  fit,  le  6  août  1764,  rendre  un  arrêt  du  Conseil  et  des  lettres  patentes 
qui  astreignaient  la  Ville  à  fournir  les  étals  ainsi  que  les  autres  villes.  Ces 
lettres  furent  registrées  le  13  du  même  mois  au  Parlement  qui  mit  aussi  dans 
son  enregistrement  la  clause  que  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  se- 
raient tenus  d'envoyer  au  procureur  général  dans  le  délai  y  porté,  à  l'effet 
d'être  déposés  au  greffe  de  la  Cour,  les  mémoires  énoncés  dans  lesdites 
lettres,  etc.,  et  envoyées  par  M.  le  procureur  général  au  procureur  du  roi  et 
de  la  ville  pour  les  faire  enregistrer  au  greffe  du  bureau. 

Cependant  M.  le  prévôt  des  marchands  faisait  travailler  aux  états  et  au  mé- 
moire promis,  et  à  la  nouvelle  de  ces  arrêts  et  lettres  il  écrivit,  le  15  du 
même  mois  à  M.  de  l'Averdy,  une  lettre  où  il  lui  rappelle  succinctement  les 
privilèges  de  la  Ville,  lui  représente  combien  un  pareil  enregistrement  leur 
porte  préjudice;  que  ceux  mêmes  du  roi  et  des  ministres  y  sont  intéressés2; 
et  lui  envoie  un  mémoire  et  un  supplément  de  mémoire  justificatif  de  la  jus- 
tice des  réclamations  de  la  Ville. 

A  cette  lettre,  M.  de  l'Averdy  répondit  le  17  du  même  mois,  qu'il  était 
persuadé  que,  quand  même  les  états  seraient  fournis  au  Parlement,  cette  Cour 
ne  se  mêlerait  pas  des  opérations  de  la  Ville,  et  que  le  gouvernement  pren- 
drait toujours  des  mesures  convenables  pour  ne  pas  ôter  à  la  Ville  de  Paris 
ses  droits;  mais  finit  par  objecter  l'enregistrement  au  Parlement  de  la  con- 
struction de  la  Halle  et  gare,  contre  lequel  la  Ville  n'avait  pas  réclamé. 

M.  le  prévôt  des  marchands  répliqua  à  celle  lettre  par  une  autre  du  18,  où 
il  dit  que  l'opération  de  la  gare  n'étant  qu'une  opération  momentanée, 
M.  Bertin,  lors  ministre,  ne  crut  pas  devoir  insister,  mais  qu'ici  il  s'agissait 
de  la  totalité  de  la  régie  de  la  Ville  et  de  sa  conslitution;  qu'il  pensait  qu'il 
faudrait  peut-être  assembler  le  corps  de  ville  pour  la  conservation  de  ses 
droits;  que  le  roi  seul,  par  lui-même  ou  par  ses  ministres,  décidait  des  be- 
soins de  la  Ville;  qu'il  était  visible  que  l'intention  du  Parlement  était  de 
mettre  de  telles  entraves  à  l'administration  de  la  Ville  qu'elle  fût  entièrement 
dans  sa  dépendance. 

<• 

1.  Le  texte  porte  Delaverdie. 

2.  En  1783,  le  bureau  fait  de  même  remarquer  au  Conseil  que,  «  dans  toutes 
les  circonstances  embarrassantes  où  l'État  a  voulu  étendre  ses  ressources  sans 
recourir  au  moyen  des  emprunts  directs  »,  par  conséquent  à  l'enregistrement 
au  Parlement  ou  au  lit  de  justice,  «  il  s'est  procuré  le  secours  dont  il  avait 
besoin  en  faisant  usage  du  crédit  de  la  Ville  auquel  le  public  n'a  cessé  dans 
aucun  temps  d'accorder  sa  confiance  ».  Il  conseille  au  gouvernement  de  ne  pas  lais- 
ser échapper  de  ses  mains  «  les  ressorts  cachés  »  qui  animent  ce  crédit  inter- 
médiaire :  «  l'austérité  des  formes  ne  saurait  se  concilier  en  pareil  cas  avec  la 
marche  rapide  et  secrète  de  l'administration  ». 


512  L'HOTEL  DE  VILLE 

Le  8  ou  9  mai,  M.  le  procureur  général  envoya  au  procureur  du  roi  et  de  la 
Ville  lesdites  lettres  patentes  du  6  avril  pour  être  enregistrées  au  bureau  de  la 
Ville,  le  priant  de  lui  en  envoyer  l'enregistrement  afin  qu'il  fût  en  état  d'en 
certifier  la  Cour. 

Le  10,  le  bureau  de  la  Ville  assemblé  prit  une  délibération  par  laquelle, 
après  avoir  reconnu  qu'il  n'y  avait  aucune  difficulté  de  remettre  à  M.  le  con- 
trôleur général  les  états  et  mémoires  demandés,  a  observé  qu'il  n'en  était  pas 
de  même  de  la  remise  de  ces  états  à  M.  le  procureur  général;  que  de  tout 
temps  la  Ville  a  joui  du  privilège  d'administrer  ses  biens  et  ses  revenus  sous 
l'autorité  unique  et  immédiate  de  Sa  Majesté;  qu'elle  y  a  été  confirmée  par 
différents  arrêts  et  lettres  patentes;  que  les  opérations  publiques  dont  elle  est 
chargée  exigent  le  soutien  du  crédit  dont  elle  jouit,  etc.;  que  cependant, 
pour  donner  aux  autres  villes  du  royaume  l'exemple  de  sa  soumission,  et  con- 
vaincue que  son  obéissance  ne  portera  pour  l'avenir  aucun  préjudice  à  ses 
privilèges  et  sous  toutes  réserves,  a  arrêté  que  lesdites  lettres  patentes 
seraient  registrées  au  greffe  du  bureau  ;  et  M.  le  prévôt  des  marchands  a  été 
prié  de  donner  connaissance  de  celte  délibération  à  M.  de  Saint-Florentin  et  à 
M.  le  contrôleur  général,  et  de  les  supplier  de  maintenir  la  Ville  dans  sa  con- 
stitution, et  particulièrement  M.  le  contrôleur  général  de  faire  attention  à  l'in- 
convénient qu'il  y  aurait  à  rendre  publique,  par  la  remise  du  double  des  états 
et  mémoires,  la  connaissance  de  la  situation  de  la  Ville  dont  le  secret  doit 
demeurer  renfermé  entre  le  roi  et  la  Ville,  et  en  conséquence  de  vouloir  bien 
se  charger  de  remettre  à  M.  le  procureur  général  tels  états  et  mémoires  qu'il 
jugerait  à  propos,  des  revenus  et  dépenses  de  la  Ville. 

Lesdites  lettres  patentes  furent  registrées  purement  et  simplement  au  bureau 
de  la  Ville,  le  même  jour.  Et  M.  le  prévôt  des  marchands  envoya  expédition 
de  cette  délibération  à  M.  Florentin,  à  M.  le  contrôleur  général  et  à  M.  le  gou- 
verneur de  Paris. 

Dans  le  même  mois  de  mai,  M.  le  prévôt  des  marchands  remit  à  M.  le  con- 
trôleur général  lesdits  états  et  mémoires  avec  des  doubles  d'iceux  que  ce  mi- 
nistre lui  avait  demandés.  Ils  étaient  exacts,  mais  non  certifiés. 

Il  y  a  lieu  de  croire  que  M.  le  contrôleur  général  a  remis  ces  doubles  d'états 
et  mémoires  à  M.  le  procureur  général  qui  les  a  déposés  au  greffe  du  Parle- 
ment, et  que  le  Parlement  en  a  été  satisfait,  puisqu'alors  il  a  cessé  toutes 
poursuites,  du  moins  pour  un  temps. 

M.  Bignon  succéda  à  M.  de  Viarmes,  en  la  charge  de  prévôt  des  marchands, 
en  1764.  Animé  des  mêmes  principes  que  son  prédécesseur,  il  reprit  et  per- 
fectionna des  opérations  que  M.  de  Viarmes  avait  commencées  pour  un  plan 
plus  économique  d'administration  de  la  Ville.  Mais  dès  le  commencement  de 
l'année  1765,  le  Parlement  recommença  ses  poursuites;  il  trouva  mauvais  que 
les  états  qu'avait  remis  M.  le  contrôleur  général  ne  fussent  pas  certifiés,  et 
chargea  M.  le  premier  président  de  les  faire  certifier.  Le  bureau  de  la  Ville 
s'excusa  sur  ce  que  les  lettres  patentes  non  plus  que  l'enregistrement  ne  le 
prescrivaient  pas;  mais  enfin,  obligé  de  satisfaire  au  désir  du  Parlement,  le 
bureau  prit  le  12  février  une  délibération  pour  la  forme  du  certificat  qu'il 
avait  à  donner,  de  suite  se  rendit  à  l'hôtel  de  M.  le  premier  président,  qui 
n'approuva  pas  le  certificat,  et  exigea  que  le  certifié  fût  mis  au  pied  des  étals 
ou  mémoires  :  ce  que  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  firent  sur  l'assu- 
rance que  donna  M.  le  premier  président  qu'il  n'en  pourrait  résulter  aucun 


L'HOTEL  DE  VILLE  513 

inconvénient  pour  la  Ville.  Et  le  bureau,  de  retour  à  l'Hôtel  de  Ville,  fit  toutes 
réserves  pour  les  droits  de  la  Ville,  ainsi  qu'il  est  constaté  par  un  procès- 
verbal  ensuite  de  ladite  délibération. 

M.  le  prévôt  des  marchands,  qui  voyait  bien  où  tendaient  les  prétentions  du 
Parlement  qui  ne  manquerait  pas  de  demander  des  éclaircissements  sur  ces 
étals,  se  décide  à  en  écrire  au  roi. 

Il  envoya  sa  lettre  à  M.  de  Saint-Florentin  l. 

Celte  lettre  rend  compte  de  l'exigence  du  certificat  et  supplie  le  roi  de  con- 
server à  la  Ville  sa  plus  belle  prérogative,  qui  est  de  ne  rendre  compte  qu'au 
roi  de  sa  conduite,  etc. 

M.  de  Saint-Florentin  écrivit  le  8  mars  à  M.  le  prévôt  des  marchands  qu'il 
remettrait  la  lettre  au  roi,  et  tâcherait  de  convaincre  Sa  Majesté  du  danger 
qu'il  y  aurait  de  laisser  le  Parlement  se  rendre  maître  de  l'administration  de 
la  Ville. 

Et  le  o  septembre  suivant,  ce  ministre  envoya  à  M.  le  prévôt  des  marchands 
une  lettre  du  roi  par  laquelle  Sa  Majesté  déclare  que  son  intention  était  «  que 
la  Ville  continuât  de  ne  rendre  compte  qu'à  Sa  Majesté  de  l'administration  de 
ses  revenus,  ainsi  et  de  la  manière  qu'il  a  été  observé  et  pratiqué  en  tout 
temps,  etc.  » 

Par  arrêt  du  Conseil  du  24  juillet  1767,  le  roi  avait  fixé  provisoirement 
toutes  les  dépenses;  ainsi  l'administration  de  la  Ville  se  trouva  établie  et 
réglée  par  le  roi  même. 

IL  Comme  il  était  absolument  nécessaire  de  procurer  des  secours  à  la  Ville 
tant  pour  acquitter  ses  dettes  personnelles  que  celles  contractées  par  ordre 
du  roi,  et  subvenir  aux  différents  travaux  ordonnés  par  Sa  Majesté,  et  que, 
pour  procurer  ces  secours,  il  fallait  des  édits  et  déclarations  sujets  à  l'enre- 
gistrement, quoiqu'on  craignît  que  le  Parlement  n'y  opposât  des  charges, 
on  se  détermina  cependant  à  communiquer  un  projet  d'édit  de  suppression  de 
droits  aliénés  à  la  Ville  par  les  déclarations  du  9  juillet  et  de  décembre  1738, 
et  concession  en  faveur  de  la  Ville  d'un  droit  d'octroi  sur  les  vins,  eau- 
de-vie,  liqueurs  et  autres  boissons. 

Ce  projet  d'édit  fut  plus  de  neuf  mois  à  être  arrêté.  Enfin,  après  bien  des 
difficultés,  l'édit  (daté  du  mois  de  juillet  J767)  fut  envoyé  par  M.  le  contrô- 
leur général  au  Parlement. 

Il  y  eut  grands  débats  dans  l'examen  de  cet  édit;  et,  avant  de  procéder  à 
son  enregistrement,  le  Parlement  prit,  le  4  août,  un  arrêté  pour  faire  des  re- 
présentations au  roi  sur  les  abus  glissés  dans  les  différentes  dépenses  an- 
nuelles de  la  Ville  et  dans  son  administration  ;  que  le  bureau  de  la  Ville 
serait  tenu  de  donner  dans  huitaine  un  état  certifié  des  différentes  finances  de 
la  Ville,  de  la  finance  des  offices,  etc. 

Comme  le  bureau  sentit  que  cet  interlocutoire  était  moins  pour  l'édit  envové 
à  l'enregistrement  que  pour  avoir  pleine  connaissance  de  l'administration  de 
la  Ville,  M.  le  prévôt  des  marchands  fut  à  Compiègne  faire  part  de  cet  arrêté 
aux  ministres. 

Le  roi,  instruit  de  cet  arrêté,  adressa  au  corps  de  ville  une  lettre  de  cachet 
en  date  du  9  août,  qui  lui  fait  défenses  d'obtempérer  à  cet  arrêté  sous  peine 


1.  Ministre  de  Paris. 

33 


514  L'HOTEL  DE  VILLE 

de  désobéissance.  A  celle  lettre  est  jointe  celle  d'envoi  de  M.  de  Saint- 
Florentin. 

Et  Sa  Majesté,  qui  avait  mandé  M.  le  premier  président  ledit  jour  9  août,  lui 
dit  que  ce  n'était  pas  au  bureau  de  la  Ville  que  le  Parlement  devait  demander 
les  états  de  l'emploi  des  sommes  auxquelles  Sa  Majesté  avait  fixé  les  dépenses 
de  la  Ville,  que  c'était  à  elle  directement;  —  que  le  Parlement  devait  être  sa- 
tisfait des  connaissances  qu'elle  avait  bien  voulu  lui  en  donner,  etc.;  —  que  le 
Parlement  devait  être  persuadé  que  Sa  Majesté  donnerait  la  plus  grande 
attention  aux  réflexions  qu'il  croira  devoir  faire;  —  que  le  Parlement  n'aurait 
pas  dû  tant  différer  d'enregistrer  l'édit,  etc. 

M.  le  premier  président  ayant  rendu  compte  aux  Chambres  assemblées  du 
discours  du  roi,  le  Parlement  arrêta  le  \\  qu'il  serait  fait  des  représentations 
au  roi  sur  les  dispositions  de  l'édit  concernant  la  Ville,  et  sur  la  fixation  faite 
par  le  roi  des  objets  de  dépenses  de  la  Ville,  etc. 

Les  remontrances  faites  ont  été  portées  au  roi  le  15,  et  Sa  Majesté  y  a  ré- 
pondu le  16  entre  autres  choses  :  qu'elle  n'avait  pas  voulu  régler  définitive- 
ment les  dépenses  de  la  Ville  dans  l'espérance  d'en  diminuer  encore  quelques- 
unes  par  la  suite;  que  Sa  Majesté  ferait  attention  aux  différents  objets  contenus 
dans  les  représentations  ;  que  c'était  dans  la  vue  de  fixer  définitivement 
l'administration  de  la  Ville  et  d'en  régler  la  forme  qu'elle  y  avait  dès  à  présent 
fixé  un  conseil  particulier  ;  que  c'était  l'objet  des  dispositions  du  nouvel  édit, 
et  que  l'intention  de  Sa  Majesté  était  que  le  Parlement  procédât  à  son  enregis- 
trement, etc. 

L'édit  avait  été  effectivement  changé,  et  il  y  avait  été  inséré  quelques 
articles  relatifs  aux  demandes  du  Parlement,  tel  que  celui  pour  le  Conseil  par- 
ticulier de  la  Ville. 

Enfin  il  fut  enregistré  le  21  août  avec  toutes  les  modifications  et  charges 
possibles  pour  avoir  pleine  connaissance  des  affaires  de  la  Ville. 

Ce  dont  le  roi  ayant  eu  connaissance,  Sa  Majesté  envoya  à  la  Ville  le  même 
jour  une  lettre  de  cachet  qui  fait  défenses  aux  prévôt  des  marchands  etéchevins 
de  remettre  au  greffe  du  Parlement  aucuns  états  de  recette  et  de  dépenses,  etc.; 
au  Conseil  de  la  Ville  de  remettre  pareillement  aucuns  avis  ni  mémoires; 
ordonne  que  les  prévu!  des  marchands  et  échevins  et  le  Conseil  particulier  de 
la  Ville  ne  pourront  s'adresser  qu'au  roi  comme  par  le  passé. 

Et  le  même  jour  Sa  Majesté  rendit  un  arrêt  contenant  les  mêmes  dispo- 
sitions. 

IV.  —  En  1782  et  1783,  le  Parlement  reprit  pour  la  troisième  Cois 
son  dessein.  —  Le  22  décembre  1782,  lui  avaient  été  adressées  des 
lettres  patentes  «  portant  prorogation  pour  la  Ville,  pendant  six  mois, 
des  mômes  droits  dont  la  perception  avait  été  précédemment  auto- 
risée par  lettres  patentes  du  25  novembre  17(52  »;  le  Parlement  les 
enregistra  le  31  décembre  1782,  mais  moyennant  de  nombreuses 
charges  ou  conditions.  11  exigeait  que  les  délibérations  du  bureau  de 
la  Ville  concernant  les  établissements  nouveaux,  les  constructions 
nouvelles,  les  ventes,  les  emprunts,  ne  fussent  exécutoires  qu'une 
l'ois  homologuées  en  Parlement.  Il  ordonnait  (en  attendant  le  règle- 


L'HOTEL  DE  VILLE  SI  5 

ment  général  annoncé  par  le  roi)  aux  prévôt  des  marchands  et 
échevins  de  déposer,  dans  le  délai  d'un  mois  au  plus,  au  greffe  de  la 
Cour  :  1°  un  état  de  tous  les  capitaux  que  l'Hôtel  de  Ville  pouvait  devoir 
et  du  montant  de  leurs  arrérages;  2°  un  état  des  revenus  ordinaires, 
et  un  des  revenus  extraordinaires  de  l'Hôtel  de  Ville;  3°  un  état  de 
ses  dettes  exigibles;  -4°  un  état  des  charges  annuelles,  et  spéciale- 
ment des  pensions  et  gratifications;  o°  «  un  état  exact  et  détaillé  de 
l'emploi  qui  a  été  fait  des  deniers  provenus  de  l'octroi  accordé  à  la 
Ville  de  Paris  »,  par  les  lettres  patentes  de  1762  et  l'édit  de  1707  : 
lesdits  états  dûment  certifiés  véritables  par  les  prévôt  des  marchands 
et  échevins. 

Comme  les  affaires  de  la  Ville,  et  surtout  ses  dettes,  étaient  deve- 
nues de  plus  en  plus  celles  du  roi,  on  voit  qu'au  fond  le  Parlement 
voulait  des  éclaircissements  sur  les  linances  royales:  le  compte-rendu 
dé  Necker  (1781)  ne  lui  suffisait  pas:  c'est  sur  pièces  qu'il  voulait 
juger. 

Le  bureau  de  la  Ville  procéda  en  1783  comme  en  1707.  Il  enre- 
gistra les  lettres  du  22  décembre  1782,  y  compris  toutes  les  charges 
que  l'arrêté  d'enregistrement  du  31  avait  mises  a  leur  exécution  :  et 
il  se  fit  interdire,  par  lettre  de  cachet  du  roi,  d'accepter  celles  de  ces 
charges  qui  étaient  contraires  aux  privilèges  de  la  Ville,  et  (point  ca- 
pital pour  les  ministres)  au  secret  des  finances. 

EXTRAIT  du  procès-verbal  de  la  séance  du  Parlement  du  31  janvier  1783, 
du  matin,  toutes  chambres  assemblées  '. 

...  M.  le  président  a  dit  que  samedi  dernier 2  il  avait  reçu  ordre  du  roi  de 
se  rendre  le  lendemain  auprès  de  sa  personne  vers  l'heure  de  son  lever  ; 
qu'après  la  messe  du  roi,  lorsque  tout  le  monde  avait  été  retiré,  on  était  venu 
l'avertir  que  le  roi  le  demandait,  qu'il  avait  été  introduit  dans  le  fond  de  l'ap- 
partement dans  le  cabinet  particulier  de  Sa  Majesté,  que  là  il  avait  trouvé  le 
roi  seul  avec  M.  le  garde  des  sceaux;  que  le  roi  lui  avait  fait  l'honneur  de  lui 
dire  : 

Je  m'occupe  de  fêtât  de  la  Ville  de  Paris.  Vous  direz  à  mon  Parlement 
qu'il  ne  fasse  rien  à  cet  égard  que  je  ne  lui  aie  fait  connaître  mes  intentions. 

M.  le  premier  premier  président  ayant  demandé  au  roi  la  permission  de  lui 
faire  quelques  rétlexions,  le  roi  lui  ayant  permis,  il  lui  a  adressé  la  parole  en 
ces  termes  : 

«  Je  supplie  Votre  Majesté  de  me  permettre  de  lui  représenter  que  son  Parle* 
ment  a  arrêté  des  remontrances  pour  mettre  sous  les  yeux  de  Votre  Majesté 


t.  Minute  signée  d'AIigre.  Archi  nat.,  X  1b  Sf97S- 

2.  25  janvier  1783. 


3IG  L'HOTEL  DE  VILLE 

les  abus  excessifs  qu'il  y  a  eu  dans  les  dépenses  de  la  Ville,  afin  qu'elle  puisse 
donner  ses  ordres  :  qu'entre  autres  le  feu  roi  ayant  eu  la  bonté  d'accorder  un 
impôt  à  la  Ville  pendant  vingt  ans  pour  payer  différents  objets  de  dépenses,  le 
produit  de  l'impôt  pendant  douze  ans  seulement  aurait  suffi  pour  les  acquitter. 
L'argent  en  a  été  détourné  à  un  point  si  considérable  que  les  vingt  années  n'ont 
pas  suffi  :  en  sorte  que  Votre  Majesté  vient  d*êtrc  obligée  de  continuer  l'impôt, 
et  les  affaires  de  la  Ville,  malgré  cela  encore,  sont  dans  le  plus  mauvais  état. 
Votre  Majesté  sait  combien  il  y  a  eu  de  désordre  et  d'abus,  lesquels  ne  se  sont 
introduits  que  parce  que  personne  n'a  été  chargé  d'y  veiller.  C'est  le  devoir 
de  votre  Parlement  :  l'on  a  cherché  les  moyens  de  l'éviter,  parce  que  l'on  a 
craint  la  lumière. 

«  Il  y  a,  Sire,  une  infinité  de  personnes  intéressées  à  faire  faire  de  la  dépense 
et  aucune  à  l'empêcher.  Votre  Parlement  par  devoir  est  obligé  d'avertir  Votre 
Majesté  des  abus  qui  se  commettent,  ce  qui  fait  que  l'on  cherche  à  l'éloigner 
parce  qu'il  y  a  bien  du  monde  intéressé  à  lui  nuire  et  à  l'écarter  d'auprès  Votre 
Majesté,  qui  reconnaîtra  toujours  que  ce  n'est  que  son  zèle  pour  son  service, 
pour  le  bien  de  ses  peuples  et  son  amour  pour  sa  personne  qui  dictera  ses 
démarches. 

«  Lorsque  Votre  Majesté  aura  fait  mettre  de  l'ordre  dans  toutes  les  dépenses 
de  ses  départements  et  réprimer  les  abus,  elle  pourra,  en  suivant  les  mouve- 
ments de  son  cœur,  soulager  ses  provinces  qui  en  ont  le  plus  grand  besoin  ;  ce 
soulagement  y  rétablira  la  population  et  rendra  son  royaume  florissant,  ce 
qui  le  fera  adorer  de  ses  sujets  et  admirer  de  l'univers,  comme  il  le  fait  déjà 
de  toutes  ses  vertus.  » 

La  matière  mise  en  délibération  : 

Il  a  été  arrêté  qu'il  serait  fait  procès-verbal  du  récit  fait  par  M.  le  premier 
président. 

REPRÉSENTATIONS  AU  ROI 

CONCERNANT   LA   PROROGATION   POUR   DIX  ANS   DES   DROITS   D'OCTROI 
DE   LA   VILLE,    ENREGISTRÉE   LE   5   SEPTEMBRE   1788  ' 

Ce  n'est  qu'en  conformité  des  anciennes  ordonnances,  maximes  et  usages  du 
royaume,  et  après  mûre  délibération  en  son  Conseil,  que  François  Ier,  par 
l'édil  de  Crémieu  en  1536,  a  placé  sous  la  juridiction  des  baillis,  sénéchaux  et 
autres  juges  royaux  ressortissant  à  ses  cours  sans  moyen,  l'administration 
des  affaires  du  commun  des  villes,  non  seulement  quant  aux  élections  qui 
seraient  faites  des  officiers  municipaux,  mais  aussi  par  rapport  à  l'examen  et 
clôture  des  comptes  des  deniers  communs,  octrois,  et  à  la  connaissance  des 
procès  et  différends  qui  seraient  mus  pour  raison  d'iceux. 

Cette  forme  ancienne  renouvelée  par  cet  édit  ramenait  aux  parlements  la 
connaissance  des  mêmes  matières  pour  les  villes  du  ressort  de  chacun  desdits 
Parlements  :  lesquels  étaient  à  portée  de  louer  et  approuver  lesdiles  adminis- 
trations si  elles  étaient  régulières,  ou  de  corriger  et  réformer  les  abus,  si  aucuns 
avaient  pu  s'introduire  et  occasionner  des  plaintes  légitimes. 

1.  Séance  du  lj  sept.  1783  (deux  jours  après  la  paix  de  Versailles).  Arch.  nàt., 
X  1b  8980. 


L'HOTEL  DE  VILLE  517 

Cette  compétence  naturelle  embrassait  tout,  et  n'exceptait  rien  de  ce  qui 
pouvait  toucher  celte  administration. 

Si  la  ville  de  Paris  a  eu  de  grande  ancienneté  la  prérogative  d'avoir  une 
juridiction  qui  lui  fût  propre,  substituée  à  son  égard  au  juge  royal  dans  le 
ressort  duquel  elle  est  située,  cet  ordre  de  juridiction  particulier  pour  elle  a 
l'avantage  de  ressortir,  sans  moyen,  à  la  première  Cour  de  justice  du  roi,  qui 
tient  depuis  tant  de  siècles  ses  séances  dans  la  capitale  du  royaume;  en  sorte 
que  les  prévôt  des  marchands  et  échevins,  mandataires  du  général  des  habi- 
tants de  la  ville  de  Paris,  soit  qu'on  les  envisage  comme  ol'ficiers  de  justice  , 
soit  qu'on  les  considère  comme  administrateurs  des  biens  et  revenus  de  ladite 
Ville,  sont  toujours  placés  sous  l'inspection  et  sous  la  surveillance  de  son 
Parlement. 

Si  son  Parlement,  en  différents  temps,  a  demandé,  par  ses  arrêts  ou  arrêtés, 
aux  prévôt  des  marchands  et  échevins  des  étals  circonstanciés  et  détaillés  de 
ses  revenus,  de  ses  recettes  et  de  ses  dépenses,  il  n'a  jamais  entendu,  par  de 
semblables  éclaircissements  qui  ne  sont  que  la  conséquence  des  ordonnances 
du  royaume,  priver  la  ville  de  Paris  de  la  grâce  que  le  roi  veut  bien  lui  faire 
de  se  faire  rendre  compte  ou  d'ordenner  toutes  fois  et  quantes  il  lui  plaît,  de 
son  administration. 

Mais,  dans  le  détail  d'une  administration  aussi  étendue,  il  est  important, 
pour  le  bien  du  service  du  roi  et  pour  celui  de  ses  finances,  que  le  Parlement, 
usant  en  cette  rencontre  de  l'autorité  dudit  seigneur-roi  dont  il  est  le  déposi- 
taire, puisse  être  à  portée  de  vérifier  (quand  besoin  est)  par  lui-même  le  pro- 
grès de  cette  Administration  qui  porte  non  seulement  sur  les  revenus  patri- 
moniaux du  commun  des  habitants  de  sa  bonne  Ville,  mais  sur  ceux  que  la 
bonté  du  roi  daigne  lui  procurer  par  édits  ou  lettres  patentes  enregistrées  en 
son  Parlement. 

Si  la  plus  grande  économie  n'est  pas  rigoureusement  apportée  dans  une 
administration  semblable,  le  produit,  tant  des  revenus  des  biens  patrimoniaux 
de  la  Ville  que  de  ceux  que  le  roi  veut  bien  lui  accorder,  sera  insuffisant  pour 
l'avenir  comme  il  l'a  été  par  le  passé  :  ce  qui  doit  jeter  les  plus  fortes  inquié- 
tudes dans  l'esprit  des  habitants,  puisque  les  dettes  contractées  par  leurs 
mandataires  doivent  tomber  également  sur  le  général  de  la  commune,  sauf  un 
recours  plus  idéal  que  réel  contre  ceux  qu'elle  a  choisis  pour  leur  confier  le 
régime  de  son  administration. 

Pour  faire  cesser  ces  inquiétudes,  il  serait  convenable  que  les  prévôt  des 
marchands  et  échevins  fissent  chaque  année  connaître  par  la  voie  de  l'impres- 
sion aux  habitants  dont  ils  sont  les  représenlants  et  les  mandataires  la  recette 
et  la  dépense  qu'ils  ont  faites  des  revenus  et  des  deniers  dont  l'administration 
leur  est  confiée,  et  la  situation  dans  laquelle  se  trouverait  le  Corps  de  ville. 

Cette  publicité  paraît  le  meilleur  moyen  de  prévenir  les  dépenses  inconsidé- 
rées ou  disproportionnées  à  leur  objet,  et  elle  serait  aussi  la  récompense  des 
administrateurs  dont  les  soins  et  la  sagesse  produiraient  chaque  année  des 
améliorations. 

Son  Parlement  ne  peut  voir  avec  indifférence  la  charge  qui  peut  résulter 
d'une  mauvaise  administration  sur  les  habitants  de  la  ville  de  Paris,  déjà 
chargés  d'impositions  considérables  dont  son  Parlement  supplie  Sa  Majesté  de 
se  faire  remettre  le  montant  sous  les  yeux. 

Son  Parlement  supplie  ledit  seigneur-roi  de  prendre  en  bonne  part  les  dif- 


518  L'HOTEL  DE  VILLE 

férentcs  considérations  que  le  zèle  de  son  Parlement  ne  lui  permet  pas  de 
dissimuler;  d'autant  plus  que,  si  l'administration  de  la  ville  de  Paris  pouvait 
échapper  à  la  surveillance  de  son  Parlement ,  et  qu'il  ne  fût  pas  possible  à 
sondit  Parlement  d'informer  ledit  seigneur-roi  des  dépenses  excessives  aux- 
quelles l'Administration  pourrait  se  livrer,  les  autres  villes  de  son  royaume  se 
trouveraient  exposées  à  suivre  un  exemple  aussi  funeste.  Les  administrateurs 
de  chacune  d'elles,  qui,  après  tout,  ne  sont  que  les  mandataires  de  la  commune, 
pourraient  les  ruiner  par  des  dépenses  indiscrètes,  et  alors  cette  masse  énorme 
de  dettes  deviendrait  une  source  '  perpétuelle  et  toujours  renaissante  d'em- 
prunts et  d'impositions  sur  eux. 

Son  Parlement  manquerait  à  ce  qu'il  doit  au  roi,  à  l'État  et  à  lui-même,  s'il 
n'insistait  pas  sans  cesse  sur  cet  objet,  les  premiers  moments  de  la  paix  étant 
précieux  à  saisir  pour  que  ledit  seigneur-roi  veuille  bien  par  sa  sagesse  pré- 
venir tous  désordres  et  tous  excès  dans  toutes  les  administrations  pour 
l'avenir,  et  porter  un  remède  prompt  et  salutaire  au  passé,  ce  qui  ne  peut 
s'opérer  que  par  l'effet  d'une  fermeté  sage,  constante  et  éclairée. 

Après  sa  rentrée,  le  Parlement,  ayant  reçu  la  nouvelle  officielle  de 
la  paix  de  Versailles,  arrêta  (3  décembre)  d'envoyer  des  gens  du  roi  à 
Versailles,  afin  de  demander  au  roi  son  jour  pour  recevoir  les  félici- 
tations du  Parlement.  Le  roi  répondit  à  cette  députation  :  «  Dites  à 
mon  Parlement  que  je  l'en  dispense.  » 

Le  15  décembre,  fut  adressé  à  la  Cour  l'édit  portant  création  d'un 
emprunt  de  100  millions  en  rentes  viagères.  Le  Parlement  arrêta  dès 
le  lendemain  des  représentations.  Il  recommandait  l'économie,  les 
réformes,  montrait  que  tout  emprunt  est  un  impôt  déguisé,  et  criti- 
quait surtout  les  effets  funestes  des  rentes  viagères. 

Pour  céder  à  l'appât  séduisant  d'une  jouissance  momentanée ,  les  sujets  de 
Votre  Majesté  se  séparent  eux-mêmes  de  l'État,  de  leurs  familles,  de  leur 
postérité. 

On  le  voit ,  Louis  XV,  avec  son  «  Après  moi  le  déluge  »  ,  avait  fait 
école  dans  une  société  qui  s'écroulait  en  effet  de  toutes  parts. 

Les  représentations  furent  faites  le  17  décembre,  et  l'édit  enre- 
gistré le  lendemain. 

Copie  de  la  lettre  de  M.  le  Contrôleur  général 
à  M.  de  Nicolaï,  premier  président  de  la  Cour  des  Comptes 

DU   24   OCTOBRE   1780  2 

J'ai  reçu,  Monsieur,  avec  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire, 

1.  La  minute  porte  :  somme.  La  correction  est  évidente. 

2.  Arch.  nat.,  H.  1957,  pièce  n°  30.  —  Cette  copie,  non  signée,  non  arrêtée  par 
le  sigle  ordinaire  en  pareil  cas  //,  a  été  adressée  des  bureaux  du  contrôle  à 
M,  Veytard,  greffier  en  chef  de  In  Ville. 


L'HOTEL  DE  VILLE  519 

le  projet  de  lettres  patentes  concernant  la  comptabilité  des  emprunts  ouverts 
par  [la  ville  de  Paris  en  vertu  de  l'édit  d'août  1777  et  de  la  déclaration  du 
23  septembre  1781. 

La  présentation  à  la  Chambre  «  par  M.  Buffault  du  compte  de  l'emprunt  de 
1777  aurait  dû  être  précédée  du  consentement  de  l'administration  de  la  Ville; 
mais,  au  contraire,  elle  désavoue  la  démarche  de  son  ancien  receveur  comme 
sans  motifs,  surtout  comme  tendant  à  détruire  son  privilège. 

En  effet,  les  municipalités  sont  comme  tous  les  autres  corps  du  royaume 
qui  ont  le  droit  de  régir  leurs  affaires  et  d'entendre  eux-mêmes  les  comptes  du 
préposé  à  la  recette  et  à  la  dépense.  Il  n'y  a  d'exception  quant  aux  villes  que 
pour  les  octrois  considérés  par  leur  nature  comme  deniers  royaux,  et  la 
Chambre  n'ignore  pas  que,  même  à  cet  égard  ,  beaucoup  de  corps  municipaux 
ne  comptent  qu'aux  commissaires  départis  2. 

Dans  l'espèce  ,  il  ne  s'agit  nullement  d'octroi.  C'est  le  domaine  de  la  Ville 
qui  a  emprunté,  qui  a  contracté  avec  le  public,  et  qui  acquitte  les  arrérages  et 
fait  le  remboursement.  Le  roi,  à  la  vérité,  lui  doit  une  indemnité  ;  mais  enfin 
il  n'est  question  que  d'une  administration  municipale  dont  la  Chambre  ne  doit 
aucunement  connaître. 

Cette  Cour  pourra  objecter  le  règlement  du  mois  d'août  1669,  qui  semble 
mettre  les  receveurs  des  villes  au  nombre  des  comptables;  et  qu'en  outre,  les 
emprunts  dont  il  s'agit  sont  pour  le  compte  du  roi.  Mais  d'abord  il  est  de  fait 
que  les  villes  ne  comptent  point  de  leurs  affaires  domaniales,  et  c'est  pourquoi 
la  déclaration  du  4  mai  1 766,  en  énonçant  les  diverses  comptabilités,  ne  parle 
pas  des  receveurs  des  villes,  mais  seulement  des  receveurs  des  octrois. 
Ensuite,  le  roi  s'acquiltant  envers  la  Ville  par  des  versements  de  son  trésor 
royal  qui  compte  de  toutes  ses  dépenses,  il  s'ensuit  que,  si  la  Ville  comptait 
encore  de  ces  emprunts,  il  y  aurait  une  double  comptabilité  du  même  objet. 

Le  trésorier  de  la  Ville  rend  à  la  Chambre  le  compte  des  octrois  susceptibles 
de  cette  formalité.  Il  compte  annuellement  au  corps  de  Ville  de  la  totalité  de  ses 
recettes  et  dépenses,  et  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  comptent  direc- 
tement au  roi  de  leur  administration  par  prévôtés  (ou  tous  les  deux  ans).  Si  à 
ces  comptabilités  on  joint  encore  celle  particulière  des  emprunts  pour  le 
compte  du  roi,  on  surchargera  le  trésorier  d'un  travail  inutile  et  dispendieux 
et  on  augmentera  les  charges  du  trésor  royal  des  frais  de  comptes  et  d'épices. 

Mais  ,  indépendamment  de  ce  qu'il  n'y  a  point  de  motif  qui  puisse  donner 
lieu  à  cette  nouvelle  comptabilité,  la  ville  de  Paris  jouit  particulièrement  du 
privilège  de  ne  rendre  compte  qu'au  roi  de  la  totalité'  de  son  administration. 
Elle  peut  rapporter  les  titres  de  la  jouissance  de  cette  distinction  depuis 
Charles  VI  jusqu'à  ce  jour.  Ainsi,  lorsqu'en  1764  et  1765,  le  Parlement  voulut 
soumettre  le  bureau  de  la  Ville  à  remettre  au  greffe  les  états  de  ses  revenus 


1.  Des  comptes. 

2.  C'est-à-dire  aux  intondants.  Mais  le  contrôleur  général  se  conforme  au  style 
du  Parlement,  qui  n'avait  jamais  reconnu  le  caractère  légal  des  intendants  de 
justice. 

3.  Ce  mot  signifie  que,  pour  le  détail,  les  cours  souveraines,  et  surtout  le  Par- 
lement, pouvaient  intervenir.  Ainsi  la  Ville  rendait  compte  au  Parlement  des 
provisions  de  carême,  elle  présentait  à  l'homologation  ses  ordonnances  de  po- 
lice les  plus  importantes,  etc. 


520  L'HOTEL  DE  VILLE 

et  de  ses  charges,  Sa  Majesté  défendit  aux  officiers  municipaux  d'obtempérer 
el  de  compter  à  d'autres  qu'à  Elle-même,  à  peine  de  désobéissance. 

M.  le  procureur  général  de  la  Chambre  ayant  écrit,  en  1783,  au  sieur  Buf- 
fault  pour  qu'il  eût  à  compter  de  l'emprunt  de  1777,  le  corps  de  Ville  démontra 
alors  au  ministre  des  finances  combien  cette  demande  était  contraire  aux  droits 
et  privilèges  incontestables  de  la  Ville,  et,  la  prétention  de  la  Chambre  n'ayant 
pas  eu  de  suite,  il  semblait  que  celte  Cour  avait  elle-même  reconnu  qu'elle 
n'était  pas  fondée.  Le  fait  récent  de  la  présentation  d'un  compte  par  un  rece- 
veur retiré  ne  peut  ia  saisir  contre  le  droit  général  et  un  privilège  reconnu. 

La  Ville  réclame  fortement  ce  droit  et  son  privilège;  et  ses  moyens  me  pa- 
raissent si  concluants  que  je  ne  pense  pas  devoir  m'occuper  des  lettres  patentes 
dont  vous  m'avez  adressé  le  projet. 

MÉMOIRE 

POUR   LA    VILLE   CONTRE   LE   FERMIER   DU   DOMAINE 
SUR   LE   CARACTÈRE   MUNICIPAL   DE   LA   JURIDICTION   DE   LA   VILLE  ' 

Le  fermier  du  domaine  demande  à  percevoir  au  greffe  de  l'Hôtel  de  Ville  les 
nouveaux  sols  pour  livre,  établis  par  l'édit  de  novembre  1772  sur  les  droits 
de  greffe,  contrôle  des  dépens,  amendes,  etc. 

Le  principe  sur  lequel  ce  fermier  se  fonde  est  sans  doute  le  même  que 
quelques-uns  de  ses  prédécesseurs  ont,  en  différents  temps,  tâché  inutilement 
d'établir,  en  soutenant  que  la  juridiction  de  la  Ville  est  juridiction  royale.  On 
a  d'autant  plus  de  raison  de  penser  que  c'est  son  seul  moyen,  que  l'édit  d'éta- 
blissement de  ces  droits,  et  l'arrêt  du  Conseil  du  22  décembre  de  la  même 
année,  ne  parlant  que  des  juridictions  royales,  ordinaires  ou  extraordinaires, 
et  de  droits  concédés,  donnés,  engagés,  abandonnés  ou  aliénés,  il  n'y  aurait 
que  quelques-uns  de  ces  caractères  qui  pourraient  assujettir  la  juridiction  de 
la  Ville  ù  la  demande  du  fermier.  Mais  la  juridiction  de  la  Ville  n'a  aucun  de 
ces  caractères:  elle  ne  tient  son  origine  d'aucune  concession;  elle  est  aussi 
ancienne  que  la  monarchie;  c'est  une  juridiction  municipale  et  inhérente  au 
domaine  de  la  ville,  juridiction  que  les  rois  ont  bien  voulu  approuver,  qu'ils 
ont  permis  et  permettent  d'exercer  sous  leur  autorité,  et  qu'ils  ont  maintenue 
et  confirmée  en  différentes  occasions. 

Tous  nos  rois  ont  reconnu  dans  tous  les  temps  ce  privilège  particulier  à  la 
ville  de  Paris.  Toutes  les  fois  que  le  fermier  a  voulu  y  donner  atteinte  et  a 
cherché  à  y  introduire  les  droits  qui  se  perçoivent  dans  les  autres  juridictions, 
il  y  a  toujours  succombé  :  et  la  juridiction  de  la  ville  a  élé  maintenue  dans 
une  immunité  dont  le  roi,  heureusement  régnant,  ne  voudra  pas  priver  la  ca- 
pitale de  son  royaume. 

£1  Les  pVévôt  des  marchands  et  échevins  se  flattent  que  le  minisire  éclairé 
qui  a  l'administration  des  finances  voudra  bien  arrêter  l'entreprise  du  fermier, 
et  qu'il  y  fera  d'autant  moins  de  difficultés  que  M.  Turgot  a  comhatlu  avec 
succès  une  pareille  prétention,  lorsqu'il  était  prévôt  des  marchands.  La  ville 


1.  En  date  du  19  nov.    1 7 7 i .   Arch,  nal..  11.   1951.  Reg.   t'°   S4  r°.  Sans  nom  ni 
date  sur  la  minute. 


L'HOTEL  DE  VILLE  521 

de  Paris  compte  au  nombre  des  obligations  dont  elle  a  été  redevable  à  cet  il- 
lustre magistrat,  celle  d'avoir  été  maintenue  dans  un  privilège  particulier  à 
la  ville  capitale  du  royaume,  et  qui  ainsi  ne  peut  être  tiré  à  conséquence. 

ANALYSE  DE  LA  RÉPONSE 

POUll 

LA   VILLE   DE   PARIS 

coxriiE 

LES    CRÉANCIERS   DU    FEU   SIEUR   AUBE,    RECEVEUR   DE   LA    VILLE   DE   PARIS 

DU   DROIT   DE   10   SOLS   PAR   POISSE   DE   SEL,    A   MANTES" 

La  ville  soutient  que  sa  créance  sur  la  succession  Aube  est  privi- 
légiée, parce  que  les  deniers  d'octroi,  concédés  par  le  roi  à  une  ville 
en  vue  d'un  service  public,  sont  deniers  royaux,  et  ne  peuvent  être 
regardés,  ainsi  que  les  autres  créanciers  d'Aube  le  soutenaient, 
comme  patrimoniaux.  —  Bouclier  d'Argis  fait  remonter  à  une  ebarte 
de  1180  le  droit  de  la  ville,  et  il  en  trace  l'historique  très  détaillé. 

.LE  CONTROLE  GÉNÉRAL 
ET  LE  BUREAU  DE  LA  VILLE 

Le  7  août  1774,  le  contrôleur  général  Terray  écrivit  de  Compiègne 
au  bureau  de  la  ville  une  lettre2  qui  contenait  des  réflexions  assez 
dures  sur  les  droits  et  honoraires  des  officiers  du  bureau  de  la  ville, 
les  frais  de  régie  et  appointements  des  employés.  Terray  proposait, 
en  résumé,  de  fixer  et  de  réduire  la  somme  de  ces  dépenses  à 
125,000  livres  3. —  Le  bureau  lui  adresse  un  mémoire,  dont  voici 
quelques  extraits  : 

Les  officiers  du  bureau  de  la  ville  supplient  Monsieur  le  contrôleur  général 
d'observer  que  les  droits  et  honoraires  attachés  à  leurs  places  ont  de  tout 
temps  été  payés  par  des  fournitures  en  vins,  flambeaux,  bougies  et  autres  de 
cette  espèce;  que  ces  droits  se  trouvent  plus  ou  moins  forts  d'une  année  à 
l'autre,  suivant  la  multiplicité  des  affaires.  De  tout  temps  un  des  officiers  du 
bureau  a  tenu  un  registre  de  toutes  les  différentes  espèces  d'affaires  sur  les- 

1.  Arch.  nat.,  II.  1957,  pièce  201  (avril  1780).  In-4°  de  30  pages  (Lottin,  avril 
1786),  signé  do  Me  Boucher  d'Argis,  avocat  au  Parlement. 

2.  Arch.  nat.,  II.  1951. 

3.  40,000  livres  au  prévôt  des  marchands,  7,000  au  premier  échevin,  6,000  à 
chacun  des  trois  autres,  pendant  leurs  fonctions  seulement,  25,000  au  procureur 
du  roi  et  de  la  Ville,  25,000  au  greffier  concierge,  et  10,000  aux  compagnies  de 
conseillers  et  de  quartiniers.  En  outre,  pour  le  tirage  de  la  loterie  :  2,400  livres 
au  prévôt,  1,800  au  procureur  du  roi,  1,200  à  chacun  des  échevins  et  au  greffier. 


522  L'HOTEL  DE  VILLE 

quelles  l'administration  avait  à  agir  ou  à  délibérer,  et  à  la  suite  de  chaque 
affaire  il  était  fait  mention  des  droits  et  honoraires  payables  en  fournitures. 
On  en  faisait  à  la  fin  de  l'année  un  relevé  général,  qui  contenait  la  distribution 
de  ces  mêmes  fournitures  dans  la  proportion  de  tout  temps  observée  au  bu- 
reau; et  chacun  des  officiers  était  ensuite  payé  par  le  receveur  du  domaine,  de 
l'estimation  de  ces  mêmes  fournitures  sur  le  pied  de  leur  valeur  dans  les  temps 
les  plus  anciens. 

La  multiplicité  des  affaires  dont  le  bureau  de  la  ville  s'est  trouvé  chargé 
successivement  depuis  la  mort  de  Louis  XIV,  a  nécessairement  augmenté  les 
droits  et  honoraires,  toujours  proportionnés  au  nombre  et  à  la  qualité  des  offi- 
ciers, et  il  en  a  résulté  que,  sans  s'écarter  des  usages  observés  à  l'Hôtel  de 
Ville,  les  officiers  du  bureau  ont  éprouvé  tous  les  ans  une  augmentation  de 
revenu,  qui  formait  en  17(U,  lorsque  M.  Rignon  est  entré  on  place,  un  objet 
très  considérable,  et  qui  dans  les  dernières  années  avait  été  porté  à  près  de 
450,000  livres.  Ce  magistrat,  d'accord  avec  tous  ceux  qui  partageaient  avec  lui 
l'administration,  a  reconnu  que,  les  affaires  s'augmentant  d'année  en  année,  il 
était  absolument  nécessaire  de  fixer  à  tous  ceux  qui  participaient  à  l'adminis- 
tration un  revenu  fixe  et  annuel  qui  ne  dépendît  pas  des  circonstances  et  qui 
fût  inférieur,  de  beaucoup,  à  la  somme  que  le  bureau  avait  partagée  depuis 
plus  de  trente  années.  En  conséquence,  il  a  proposé  à  M.  de  l'Averdy,  pour 
lors  contrôleur  général,  d'entrer  dans  ses  vues  de  bon  ordre  et  d'économie, 
et  ce  ministre,  en  adoptant  un  projet  aussi  louable,  a  fait  rendre  un  Arrêt  du 
Conseil  du  2i  janvier  1767,  par  lequel  toutes  les  dépenses  ordinaires  et  extra- 
ordinaires de  l'Hôtel  de  Ville  ont  été  fixées  suivant  l'état  annexé  à  la  minute 
de  cet  Arrêt1;  et,  dans  cet  état,  les  droits  et  honoraires,  attribués  de  toute 
ancienneté  aux  officiers  du  bureau  de  la  ville,  ainsi  que  pour  les  années  de 
grâce  de  l'ancien  prévôt  des  marchands  dernier  sorti  et  des  deux  échevins 
aussi  derniers  sortis,  ont  été  fixés  à  180,000  livres. 

Dans  la  répartition  proposée  par  Terray,  le  prévôt  était  favorisé. 
En  1771  et  1772,  ses  droits  n'avaient  pas  atteint  33,000  livres;  Terray 
lui  attribuait  5,000  livres  de  plus.  Le  prévôt  des  marchands  repoussa 
cette  distinction  comme  lui  faisant  injure,  et  fit  valoir  les  services 
rendus  par  ses  collaborateurs  :  le  procureur  du  roi  et  le  greffier,  offi- 
ciers continuellement  occupés ,  avaient  chacun  versé  une  finance  de 
500,000  livres,  et  avaient  déjà  éprouvé,  par  la  réduction  de  1707,  de 
fortes  pertes  sur  leurs  capitaux. 

Mais  le  mémoire  insiste  principalement  sur  la  nécessité  pour  la  ville 
de  défendre  ses  anciens  usages. 

Il  serait  bien  triste  pour  des  officiers  qui  n'ont  aucun  reproche  à  se  faire 
dans  leur  administration,  qui  se  trouvent  chargés  d'un  plus  grand  nombre 
d'affaires  que  n'en  avaient  leurs  prédécesseurs,  il  y  a  dix  ans,  et  dont  le  re- 
venu est  inférieur  de  moitié  à  [celui  de]  ces  mêmes  prédécesseurs,  d'éprouver 
une  réduction  qu'ils  n'ont  pas  méritée  et  qui  serait  envisagée  par  le  public 

1.  La  somme  do  toutes  cos  dépenses  était  fixée  ù  ■733,107  livres, 


L'HOTEL  DE  VILLE  523 

comme  une  suite  de  leur  négligence  dans  leurs  fonctions,  ou  comme  une 
punition  d'une  cupidité  dont  ils  sont  bien  éloignés  d'être  coupables. 

Lettre  signée  Turgot,  au  Bureau  (Je  la  Ville,  datée  de  Paris 

6  MARS   H75' 

J'ai  fait  signer,  Messieurs,  par  le  roi,  le  compte  de  la  prévôté  de  1770  à 
1772. 

Ce  compte  n'a  point  paru  à  Sa  Majesté  dans  une  forme  convenable  :  il  ne 
présente  pas  assez  clairement  l'état  des  finances  de  la  Ville,  et  ce  vice  paraît 
provenir  essentiellement  des  caisses  fictives  imaginées  sans  nécessité.  La  Ville 
n'ayant  qu'un  receveur,  et  ne  devant  pas  en  avoir  davantage,  elle  ne  doit  avoir 
qu'une  seule  caisse. 

Pour  rendre  à  l'avenir  la  comptabilité  plus  claire  et  plus  simple,  vous  vou- 
drez donc  bien  supprimer  toutes  espèces  de  caisses  fictives,  et  ne  former  le 
compte  de  chaque  prévôté  que  de  trois  chapitres  :  l'un  de  recette  où  il  ne 
doit  être  question  que  des  revenus  de  la  Ville  tant  perpétuels  qu'à  temps  ; 
l'autre  de  dépense  qui  doit  s'étendre  aux  sommes  payées  relativement  à  toutes 
les  espèces  de  charges  affectées  sur  ses  revenus  ;  et  le  troisième  de  reprise  où 
doivent  être  portées  toutes  les  sommes  comprises  au  chapitre  de  recelte,  et 
dont  le  recouvrement  n'aura  pas  pu  être  fait. 

Quant  aux  emprunts,  ils  doivent  faire  l'objet  d'un  compte  particulier,  à  placer 
à  la  suite  de  l'arrêté  du  premier  compte. 

Ce  compte  doit  comme  le  premier  être  composé  d'un  chapitre  de  recette 
dans  lequel  l'on  ne  comprendra  que  les  recettes  provenantes  des  emprunts 
faits  durant  les  deux  années  de  la  prévôté;  d'un  chapitre  de  dépense  où  seront 
portées  en  détail  les  sommes  payées  des  deniers  provenant  de  ces  emprunts, 
avec  mention  des  quittances  qui  en  auront  été  données;  et  d'un  chapitre  de 
reprise,  si  quelques-unes  des  sommes  empruntées  ont  été  portées  en  recette, 
sans  avoir  été  préalablement  reçues. 

Il  est  à  ohserver  qu'aucune  partie  d'intérêt  des  sommes  remboursées  des 
deniers  de  l'emprunt  ne  doit  être  comprise  dans  ce  compte;  la  totalité  de  ces 
intérêts  faisant  partie  des  charges  ordinaires,  elle  ne  doit  entrer  en  dépense 
que  dans  le  compte  de  l'emploi  de  revenus. 

J'ai  aussi  mis  sous  les  yeux  de  Sa  Majesté  le  résultat  que  présentent  les  états 
que  vous  m'avez  remis  des  revenus  et  des  charges  de  la  Ville,  de  ses  dettes 
exigibles  et  portant  intérêt  pour  la  majeure  partie. 

Elle  n'a  pas  vu  sans  élonnement  que  ces  dettes  montent  à  6,765,481  livres. 
Son  intention  est  que  l'administration  de  la  Ville  travaille  à  la  libérer  en  em- 
ployant la  plus  sévère  économie. 

En  conséquence,  après  avoir  représenté  au  roi  la  lettre  que  M.  l'abbé  Terray 
vous  a  écrite  le  7  août  dernier  et  les  observations  que  vous  m'avez  fait  passer 
sur  cette  lettre,  Sa  Majesté  a  trouvé  qu'au  moyen  de  la  fixation  des  droits  et 
honoraires  des  officiers  du  bureau  de  la  ville  à  180,000  livres  ils  ne  pouvaient 
plus  exiger  les  deux  sous  pour  livre  du  prix  des  ventes  des  effets  mobiliers  ou 
immobiliers  du  domaine  de  la  ville.  En  conséquence,  elle  m'a  chargé  de  vous 

1.  Arch.  nat.,  H,  1951,  (Rog.  f"  99  r°.) 


324  L'HOTEL  DE  VILLE 

prévenir  de  ne  plus  à  l'avenir  percevoir  ces  deux  sous  pour  livre,  et  d'avcrlir 
ceux  avec  qui  vous  pourriez  faire  des  traités  par  la  suite,  qu'ils  ne  seront 
point  assujettis  à  cette  charge1. 

Elle  a  aussi  trouvé  qu'au  moyen  des  180,000  livres  les  dépenses  pourj  les 
carrosses,  voyages,  repas,  frais  de  buvette,  et  autres  de  celte  nature,  ne  pou- 
vaient plus  concerner  que  les  officiers  de  bureau. 

Ainsi  il  faut  que  le  bureau  regarde  comme  supprimées  inévocablement,  à 
compter  de  celte  prévôté  : 

4°  La  dépense  des  carrosses  pour  visites  particulières,  voyages  en  cour  et 
lors  des  cérémonies  publiques,  revenant  annuellement,  suivant  ce  compte,  à 
G, G38  livres  (compte  de  1770  à  1772,  p.  88,  nombre  5); 

2°  Celle  des  repas  à  l'Hôtel  de  Ville  les  jours  des  élections,  prestations  do 
serments,  visites  des  fontaines,  des  remparts  et  des  ponts,  formant,  suivant  ce 
même  compte  (p.  88,  nombre  8),  un  objet  annuel  de  11,449  livres2  ; 

3°  Celle  évaluée  année  commune  à  500  livres  pour  remplissage  de  la  glacière, 
qui,  au  moyen  de  la  suppression  des  repas,  ne  doit  plus  avoir  lieu  '  ; 

4°  Celle  de  1,108  livres  qu'il  est  d'usage  de  distribuer  aux  domestiques  lors 
des  repas  à  l'Hôtel  de  Ville  (état  numéroté  G,  art.  4)  +  ; 

5°  Celle  pour  vins  qui  leur  sont  donnés  les  jours  d'audience  et  d'assemblée, 
qui  paraît  former  un  objet  d'environ  900  livres  (état  G,  art.  7); 

G0  Celle  de  1,000  livres  pour  loyer  d'une  écurie  pour  le  carrosse  ordinaire  de 
la  ville  et  autres  objets  y  relatifs  (état  G,  art.  8). 

L'intention  de  Sa  Majesté  est  aussi  que  le  bureau  regarde  comme  supprimées 
irrévocablement  : 

1°  La  dépense  pour  vins  de  liqueur,  bière,  café,  et  autres  objets  que  la 
ville  est  dans  l'usage  de  distribuer  et  qui,  suivant  le  compte  de  la  prévôté 
de  1770  à  1772,  monte  annuellement  à  10,207  livres  (p.  88,  nombre  9)  ; 

2°  Celle  de  7,000  livres  ou  environ  pour  le  feu  d'artifice  de  la  Saint-Jean  qui 
ne  pourra  plus  avoir  lieu  à  l'avenir  s  ; 

3°  Celle  de  2G3  livres  pour  prix  de  l'arquebuse  (p.  89,  art.  17,  et  état  nu- 
méroté 6,  art.  15); 

4°  Celle  de  1,035  livres  pour  almanachs,  gazettes  et  Mercure*  aux  officiers 
du  bureau  de  la  ville  et  autres  personnes  (compte,  p.  89,  art.  22); 


1.  Lo  bureau  avait  argué,  pour  maintenir  ce  droit,  la  modicité  de  la  somme 
perçue.  Turgot  répond  qu'elle  peut  aller  très  haut  certaines  années  :  «  l'ancien 
hôtel  des  monnaies  est  à  vendre.  »  Mais  «  il  répugne  »  surtout  à  l'honnête  et 
énergique  contrôleur  général,  que  «  des  personnes  qui  doivent  délibérer  sur 
l'avantage  ou  le  désavantage  d'une  aliénation  ne  soient  pas  toujours  sans  motifs 
personnels  pour  se  décider  ».  (État  annexé  ù  la  lettre,  art.  1,  2,nc  colonne.) 

2.  Une  dépense  aussi  inutile  ne  pourrait  s'autoriser  que  si  l'état  des  finances 
de  la  Ville  était  meilleur.  «  Elle  ne  profite  à  personne  et  ne  procure  aux  offi- 
ciers du  bureau  qu'une  satisfaction  peut-être  compensée  par  les  embarras  qu'elle 
leur  donne.  »  (État  annexé,  2me  colonne,  art.  4.) 

3.  Le  bureau  est  même  engagé  à  tirer  un  revenu  des  glacières.  (Id.,  ibid.,  art.  10.) 

4.  La  suppression  des  repas  fait  cesser  cette  dépense.  [Id.,  ibid.,  art  11.) 

5.  «  Depuis  1708,  le  feu  de  la  Saint-Jean  n'a  plus  lieu  ;  niais  on  a  continué  à 
tirer  des  boites,  ce  qui,  année  commune,  forme  une  dépense  de  653  livres.  La 
dépense  pour  tirer  les  boîtes  étant  aussi  inutile  que  le  l'eu,  elle  doit  aussi  se 
supprimer.  »  (Liât  annexé,  co'.onncs  1  et  2,  art.  7.) 


L'HOTEL  DE  VILLE  523 

5°  Celle  de  3,844  livres  pour  droits  au  grenier  à  sel  lors  des  distributions 
aux  officiers  du  corps  de  ville  et  autres  officiers  (id.y  ibid,  art.  19); 

6°  Celle  de  570  livres  pour  bougie  et  plans  de  la  ville  qu'il  est  d'usage  de 
donner  (élat  G,  art.  8)  ; 

7°  Celle  portée  à  600  livres  relative  à  un  droit  de  12  livres  10  sols  qui  se 
perçoit  par  le  premier  échevin,  le  procureur  du  roi,  le  greffier,  le  maître  gé- 
néral des  bâtiments,  pour  réceptions  d'ouvrages  et  fournitures  faites  en  consé- 
quence des  marchés  (élat  numéroté  2) r. 

Sa  Majesté  veut  de  plus  que  la  dépense  pour  jetons  que  la  ville  est  dans 
l'usage  de  distribuer  le  jour  de  l'an,  portée  dans  le  compte  de  la  prévôté  de 
1771  à  1772 2  à  31,343  livres  et  qui  s'est  depuis  montée  à  35,000  livres,  soit  ré- 
duite à  l'avenir  à  25,000  livres,  sauf  à  vous  à  diminuer  le  nombre  des  jetons 
de  chaque  bourse,  et  à  en  restreindre  la  distribution  aux  personnes  qui,  par  leur 
naissance  ou  par  leur  place,  'sont  dans  le  cas  d'être  considérées  comme  pro- 
tecteurs de  la  ville  3. 

Mais  en  même  temps,  pour  que  ces  retranchements  ne  diminuent  pas  trop  le 
traitement  des  officiers  du  bureau,  Sa  Majesté  consent  que  la  somme  ac- 
cordée pour  dépenses  par  les  mains  du  premier  échevin  soit  portée  à 
12,000  livres,  au  moyen  de  quoi  ces  dépenses  ayant  été  modérées,  par  une 
délibération  du  5  décembre  1771,  à  peu  près  à  6,000  livres,  il  restera  une 
pareille  somme  de  6,000  livres  que  Sa  Majesté  veut  bien  qui  tourne  au  profit 
des  officiers  du  bureau4. 

Quant  aux  droits  pour  assistance  des  officiers  du  bureau  au  tirage  de  la  lo- 
terie, quoiqu'ils  paraissent  compris  dans  les  180,000  livres,  Sa  Majesté  veut 
bien  qu'il  ne  soit  rien  changé  à  l'usage  observé  jusqu'à  présent  à  cet  égard  : 
ainsi  vous  pourrez  continuer  à  jouir  de  ces  droits  comme  par  le  passé. 

Elle  veut  bien  encore  que  les  échevins  sortant  de  place  jouissent,  comme  ci- 
devant,  des  droits  des  années  de  grâce,  c'est-à-dire  que  sur  le  fonds  de 
180,000  livres  il  soit  payé  à  chacun  4,000  livres  pour  l'année  suivant  immé- 
diatement l'époque  de  leur  sortie. 

Pour  ce  qui  concerne  les  droits  de  robes  de  velours  et  de  deuil,  Sa  Majesté 
renouvelle,  en  tant  que  de  besoin,  la  permission  que  son  aïeul  a  accordée  aux 
officiers  du  bureau  de  s'en  payer  sur  les  fonds  de  la  ville,  et  par  augmenta- 
tion aux  180,000  livres,  mais  à  condition  que  si  les  circonstances  qui  donnent 
aux  prévôt  des  marchands  et  échevins  le  droit  de  prendre  des  robes  de  velours 
et  de  deuil,  leur  occasionnent  quelques  dépenses,  il  ne  leur  sera  permis  de  s'en 
rembourser  que  sur  les  12,000  livres  pour  menues  dépenses  par  les  mains  du 
premier  échevin,  et  subsidiairement  sur  les  180,000  livres,  sans  que,  sous  pré- 
texte que  ce  soit,  ils  puissent  en  être  payés  sur  les  revenus  de  la  ville  :  les 
robes  de  velours  et  de  deuil  n'étant  accordées  aux  officiers  du  bureau  que 
pour  les  indemniser  de  ces  dépenses. 


1.  «  Les  réceptions  d'ouvrages  et  de  fournitures  doivent  se  faire  gratuitement, 
parce  qu'elles  font  partie  des  fonctions  attachées  aux  places  des  personnes  qui 
sont  chargées  de  les  faire  et  qui  ont  un  traitement.  » 

2.  État  numéroté  5,  et  compte  de  1770  à  1772,  pages  89  et  90. 

3.  «  On  a  étendu  ces  présents  à  trop  de  monde  et  ils  sont  trop  considérables 
par  rapport  à  bien  des  personnes.  »  (État  annexé,  colonne  2,  art.  16.)   ■ 

4.  Voyez  l'état  n°  6. 


5-26  L'HOTEL  DE  VILLE 

Je  finis  en  vous  prévenant  que  l'intention  du  roi  est  que  M.  le  prévôt  des 
marchands  actuel  lasse  incessamment  enregistrer  cette  lettre  au  bureau  de  la 
ville,  que  lui  et  ses  successeurs  soient  chargés  de  tenir  la  main  à  son  exécu- 
tion, sans  que  sous  aucun  prétexte  ils  puissent  s'en  dispenser  :  Sa  Majesté 
étant  déterminée  à  regarder  leurs  soins  à  cet  égard  comme  une  des  princi- 
pales preuves  de  leur  soumission  à  ses  volontés. 

Je  suis  très  parfaitement,  Messieurs,  voire  très  humble  et  affectionné  ser- 
viteur. 

Signé  .•Tuegot*. 

Lettre  de  7 argot  à  M.  de  La  Michodierc 
.  relative  au  projet  de  réunion  de  la  Juridiction  consulaire 

à  celle  de  la  Ville. 
paris,   24   a  y  un.   1776  ' 

11  a  été  proposé,  Monsieur,  comme  un  moyen  très  propre  à  faire  fleurir  le 
commerce  de  Paris,  et  à  lui  donner  plus  d'éclat,  la  réunion  de  la  juridiction 
consulaire  à  celle  du  bureau  de  la  Ville.  Les  échevins  présidés  par  le  prévôt  des 
marchands  exerceraient  alors  les  fonctions  des  juge  »  et  consuls,  et  toutes  les 
affaires  de  la  compétence  de  la  juridiction  consulaire  seraient  portées  en  pre- 
mière instance  à  leur  tribunal. 

Le  roi  est  disposé,  Monsieur,  à  faire  tout  ce  qui  peut  augmenter  en  même 
temps  la  considération  du  commerce  et  celle  de  la  ville  de  Paris.  Mais  ce  projet 
me  paraît  susceptible  de  beaucoup  de  difficultés,  et  je  ne  crois  pas  devoir  le 
mettre  sous  les  yeux  de  Sa  Majesté  sans  avoir  discuté  les  avantages  et  les  in- 
convénients qui  peuvent  en  résulter.  Je  désirerais  donc,  Monsieur,  [qu'il  fût 
préalablement  examiné  au  bureau  de  la  Ville,  et  que  les  officiers  de  ce  bureau 
me  fissent  part  de  leurs  observations. 

Pour  les  mettre  à  portée  de  me  donner  tous  les  éclaircissements  qui  peuvent 
conduire  à  la  discussion  d'un  projet  aussi  important,  j'ai  cru,  Monsieur,  de- 
voir vous  marquer  les  différents  objets  sur  lesquels  je  demande  quelques 
détails. 

1°  Quels  sont  les  appointements  ou  honoraires  de  toute  nature  des  prévôt 
des  marchands  et  échevins,  en  distinguant  les  différentes  sortes  d'honoraires 
et  appointements? 

2°  Quelle  est  la  forme  d'élection  qui  se  pratique,  et  de  quelle  manière  se 
donnent  les  suffrages  ? 

1.  Autre  lettre  de  Turgot,  «lu  2.'i  avril  177."»,  par  laquelle  il  fait  au  bureau  la 
concession  d'autoriser  la  dépense  de  la  bougie  nécessaire  pour  les  services  reli- 
gieux fondés,  mais  d'après  un  état  de  ces  fondations.  —  Autre  lettre  du  même, 
du  18  juillet  1775,  maintenant  l'interdiction  des  repas  :  «  Les  repas  qui  se  don- 
nent aux  rentrées  des  compagnies  sont  aux  frais  de  ceux  qui  les  président,  et  si 
celui  de  l'élection  des  prévôt  des  marchands  et  échevins  n'avait  été  paye'' jusqu'à 
présent  que  par  les  officiers  du  bureau  de  Ville,  il  y  a  lieu  de  croire  que  l'usage 
ne  s'en  serait  pas  perpétué  »;  et  plus  haut  :  «  L'antiquité  de  cet  usage  ne  nie 
paraît  pas  lui  donner  de  titre  pour  être  conservé.  » 

2.  Arch.  nat.,  H.  1952.  (Reg.  f°  :!l)(i,  r°.) 

3.  Le  texte  porte  juges,  par  erreur. 


L'HOTEL  DE  VILLE  527 

3°  Quels  sont  les  ciloyens  qui  prétendent  à  réchevinage  et  qui  y  parviennent 
ordinairement? 

4°  S'il  en  coûte  quelque  chose  pour  y  parvenir,  et,  dans  ce  cas,  quelles 
sommes  donnent  les  aspirants,  et  quels  en  sont  la  distribution  et  l'emploi? 

5°  Si  les  fonctions  attachées  à  la  juridiction  des  juge  et  consuls,  jointes  à 
celles  du  bureau  de  la  Ville,  laisseraient  aux  officiers  de  ce  bureau  le  temps  de 
vaquer  aux  fonctions  de  police  sur  les  ports,  halles  et  marchés,  et  si  le  bureau 
de  la  Ville  trouverait  de  l'inconvénient  à  réunir  cette  police  à  celle  qui  s'exerce 
dans  la  juridiction  du  Chàtelet.  Je  suis,  etc. 

Signé  :  Turgot. 

Il  ne  fut  pas  donné  de  suite  à  ce  projet  de  Turgot,  dont  le  prin- 
cipe, séparer  l'administration  et  la  juridiction,  était  excellent. 

Il  eût  fallu  aussi  (pour  centraliser  tout  à  fait  la  justice  commer- 
ciale) supprimer  ou  réunir  la'Chambre  des  bâtiments,  qui  en  détenait 
une  partie.  Cette  chambre  siégeait  dans  l'enclos  du  Palais.  Elle  con- 
naissait des  contestations  entre  les  entrepreneurs  de  bâtiments,  leurs 
fournisseurs,  les  compagnons  et  ouvriers,  les  carriers,  plâtriers  et 
chaufourniers,  et  de  tout  ce  qui  avait  rapport  à  la  construction  des 
bâtiments.  Elle  recevait  le  serment  des  entrepreneurs  et  maîtres 
maçons,  confirmait  la  nomination  de  leurs  syndics.  La  police  des 
bâtiments  et  ouvrages  de  maçonnerie  se  faisait  toutes  les  semaines, 
celle  du  plâtre,  tous  les  mois,  par  des  commissaires  que  nommait  le 
président  de  la  chambre  parmi  les  jurés  et  entrepreneurs.  Les  juges 
et  le  procureur  du  roi  étaient  reçus  en  la  grand'chambre  du  Parle- 
ment et  installés  par  un  de  Messieurs  de  la  grand'chambre,  qui  ce 
jour-là  tenait  l'audience  comme  commissaire  de  la  Cour.  Les  avocats 
du  Parlement  plaidaient  en  la  Chambre  des  bâtiments;  les  procu- 
reurs au  Parlement  y  occupaient  '. 

Ainsi  la  réforme  de  la  juridiction  commerciale  n'aurait  pas  été 
complète  ni  son  unité  assurée  par  la  réunion  du  consulat  au  Bureau 
de  la  Ville.  D'autre  part,  le  projet  de  Turgot  excluait  non  seulement 
toute  idée,  mais  tout  souvenir  des  anciennes  libertés  municipales  de 
Paris. 

Le  ministre  eut  d'ailleurs  à  peine  le  temps  de  recevoir  les  réponses 
officielles,  du  Bureau  aux  trois  premières  des  cinq  questions  qu'il 
avait  posées. 

Un  tableau  analytique,  nous  permettra  de  résumer  brièvement  la 
première  réponse,  relative  aux  appointements  et  honoraires  de  toute 
nature  des  membres  du  Bureau  de  la  Ville. 

1.  Quant  à  la  juridiction  consulaire,  voyez  chap.  suivant  :  Appendice. 


328 


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L'HOTEL  DE  VILLE  529 


RÉPONSE 

A    LA    SECONDE    ET     TROISIÈME    QUESTION 
DE  M.  LE  CONTROLEUR  GÉNÉRAL  « 

Pour  être  prévôt  des  marchands  ou  échevin,  il  fout  cire  né  à  Paris. 

Ne  peuvent  être  en  même  temps  en  charge  le  père  et  le  fils,  deux  frères, 
l'oncle  et  le  neveu,  soit  qu'ils  soient  conjoints  es  dits  degrés  par  consangui- 
nité ou  affinité,  ni  aussi  les  deux  cousins  germains  conjoints  en  icelui  degré 
par  consanguinité. 

Les  prévôts  des  marchands  se  prennent  dans  la  haute  magistrature. 

Le  roi  les  désigne  toujours  par  une  lettre  de  cachet  adressée  au  corps  de 
ville. 

Des  deux  échevins  qui  s'élisent  tous  les  ans,  ainsi  qu'il  sera  dit  ci-nprès,  un 
est  toujours  pris  dans  le  nombre  des  conseillers  de  la  ville,  bourgeois,  ou 
dans  celui  des  quarliniers,  alternativement;  et  l'autre,  parmi  les  marchands 
faisant  honorable  commerce,  les  anciens  marchands,  négocianls  ou  bourgeois 
vivant  de  leurs  biens,  et  dans  quelques  classes  de  gens  de  robe,  tels  qu'avocats, 
notaires. 

La  prévôté  et  l'échevinage  durent  deux  ans. 

Le  prévôt  des  marchands  remplit  communément  quatre  prévôtés  ou  plus, 
suivant  la  volonté  du  roi;  mais  il  est  élu  de  nouveau  tous  les  deux  ans,  et  ce 
renouvellement  est  toujours  précédé  d'une  lettre  du  roi  qui  notifie  son  in- 
tention. 

Tous  les  ans  il  s'élit  deux  échevins  pour  remplacer  ceux  qui  ont  fait  leur 
temps. 

De  ces  deux  nouveaux  échevins,  l'un  est  officier  et  l'autre  notable,  comme 
on  l'a  dit. 

L'élection  des  prévôt  des  marchands  et  échevins  se  fait  le  16  août,  lende- 
main de  la  Notre-Dame. 

Quelques  jours  avant,  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  adressent  à 
chacun  des  seize  quartiniers  un  mandement  pour  assembler  chez  lui  huit  no- 
tables, soit  cinquanteniers,  dixainiers,  officiers  du  roi,  anciens  échevins,  bour- 
geois, négocianls,  marchands  non  mécaniques,  demeurant  dans  l'enceinte  de 
la  ville  et  non  dans  les  faubourgs,  qui,  après  serment  par  eux  fait  es  mains 
du  plus  qualiiié  des  huit,  doivent  élire  quatre  d'entre  eux,  desquels  deux 
seront  choisis,  ainsi  qu'il  sera  dit  ci-après,  par  les  prévôt  des  marchands  et 
échevins,  pour  assister  à  l'élection  à  l'Hôtel  de  Ville. 

Les  noms  de  ces  quatre  personnes  choisies  sont  portés  dans  le  procès-verbal 
du  quartinier,  qui  est  signé  de  lui  et  du  plus  qualifié,  et  ensuite  fermé  et  scellé 
du  cachet  du  quartinier. 

Ces  quatre  personnes  doivent  rester  chez  elles  le  16  août  jusqu'à  onze  heures 
du  matin,  pour  recevoir  les  ordres  des  prévôt  des  marchands  et  échevins. 

11  arrive  quelquefois,  et  même  assez  souvent,  qu'un  des  échevins  en  place 
a  conservé  sa  charge  de  quartinier.  Dans  ce  cas,  comme  il  n"en  peut  faire  les 

1.  Un  cahier  manuscrit  de  17  pages,  non  numérotées.  (Arch.  nat.,  H.  1952.) 

34 


530  L'HOTEL  DE  VILLE 

fonctions,  le  mandement  est  adresse  à  son  cinquantenier,  qui  exécute  le  man- 
dement. 

Ces  mêmes  mandements  enjoignent  aussi  aux  quartiniersde  se  trouver,  ledit 
jour  16  août,  à  l'Hôtel  de  Ville,  pour  apporter  leurs  procès-verbaux  et  assister 
à  l'élection. 

Les  prévôt  des  marchands  et  échevins  envoient  aussi  des  mandements 
aux  vingt-six  conseillers  de  ville,  dont  dix  sont  des  officiers  de  cours  souve- 
raines, et  seize  bourgeois,  pour  se  trouver  pareillement  ledit  jour  à  l'élection 
des  prévôt  des  marchands  et  échevins. 

Le  16  août,  sur  les  sept  heures  du  matin,  les  prévôt  des  marchands  et  éche- 
vins, procureur  du  roi  et  greffier  (c'est  ce  qui  compose  le  bureau),  les  vingt- 
six  conseillers  de  ville  et  les  seize  quartiniers  s'assemblent  à  l'Hôtel  de  Ville  : 

Le  prévôt  des  marchands,  vêtu  de  sa  robe  de  satin  cramoisi; 

Les  quatre  échevins  et  le  greffier,  de  leurs  robes  mi-parties; 

Le  procureur  du  roi,  de  sa  robe  écarlate; 

Les  conseillers  et  quartiniers,  de  leurs  robes  noires; 

Et  le  cinquantenier  qui  remplace  un  quartinier,  en  manteau. 

On  passe  dans  une  salle,  et  là,  les  prévôt  des  marchands,  échevins,  procu- 
reur du  roi,  greffier,  et  les  conseillers  et  quartiniers,  se  placent  autour  d'un 
bureau,  et  les  quartiniers,  chacun  à  leur  tour,  présentent  les  procès-verbaux 
de  leurs  assemblées,  lesquels  sont  ouverts  par  les  prévôt  des  marchands,  éche- 
vins et  conseillers  de  ville,  et  à  mesure  de  l'ouverture  de  chaque  procès-verbal, 
les  quatre  noms  portés  sur  icelui  sont  écrits  sur  quatre  bulletins;  les  bulle- 
tins plies,  mis  dans  le  chapeau  mi-partie,  et  deux  desdits  bulletins  tirés  au 
sort  par  celui  des  prévôt  des  marchands,  ou  échevins,  ou  conseillers,  qui  a 
ouvert  ledit  procès-verbal,  et  les  deux  noms  portés  sur  lesdits  bulletins  sont 
inscrits  par  le  greffier  pour  être  mandés. 

Le  cinquantenier,  représentant  un  quartinier,  présente  aussi  son  procès- 
verbal  comme  les  quartiniers. 

Le  nombre  des  mandés  se  trouve  être  de  trente-deux,  deux  par  chacun  des 
seize  quartiers,  qui  est  la  division  de  Paris  relativement  à  l'Hôtel  de  Ville. 

Ces  mandés  sont  des  magistrats,  des  avocats,  des  notaires,  des  anciens  éche- 
vins, des  officiers  du  roi,  des  marchands  négociants,  des  bourgeois,  etc. 

L'élection  des  mandés  faite,  les  noms  sont  distribués  aux  huissiers  de  la 
Ville,  qui,  en  robes  noires,  vont  les  chercher  dans  les  carrosses  de  la  Ville  et 
les  amènent  à  l'Hôtel  de  Ville. 

Pendant  ce  temps,  le  bureau,  les  conseillers  de  Ville  et  les  quartiniers  se 
rendent,  en  passant  au  milieu  de  deux  files  de  gardes  de  la  Ville,  et  au  bruit 
des  instruments  des  compagnies  desdites  gardes,  en  l'église  du  Saint-Esprit, 
où  l'aumônier  de  la  Ville  célèbre  une  messe. haute  qui  est  précédée  du  Veni 
Creator. 

Après  la  messe  on  revient  à  l'Hôtel  de  Ville. 

L'assemblée  se  forme  dans  la  grande  salle,  qui  est  ainsi  disposée  : 

Dans  le  fond  de  la  salle  est  un  banc  à  dos.  De  chaque  côté,  partant  dudit 
banc  à  dos,  sont  d'autres  bancs  qui  forment  un  double  carré  long,  fermé 
aussi  par  des  bancs.  Au  milieu  de  ce  carré  est  un  bureau.  Devant  le  bureau, 
du  côté  d'en  bas,  est  un  fauteuil,  et  du  côté  d'en  haut,  vis-à-vis  ledit  fauteuil, 
un  siège  à  bras;  à  la  gauche  de  ce  siège,  et  un  peu  éloigné,  un  tabouret. 

Lorsque  toute  la  compagnie  est  assemblée,  on  prend  place  en  cet  ordre  : 


L'HOTEL  DE  VILLE  531 

Les  prévôt  des  marchands  et  échcvins,  sur  le  banc  à  dos,  au  haut  dudit 
carré  ; 

Le  procureur  du  roi  et  de  la  Ville  et  le  greffier,  audit  bureau;  le  procureur 
du  roi  dans  le  fauteuil,  et  le  greffier  dans  son  siège  ; 

Les  conseillers  de  Ville,  sur  le  banc  intérieur  dudit  carré,  adroite;  les  con- 
seillers des  cours  souveraines  occupant,  les  premières  places  qui  sont  celles 
les  plus  proches  du  banc  à  dos,  et  suivant  leur  rang  de  réception  ;  après  eux, 
les  autres  conseillers  de  Ville,  et  ensuite  les  quartiniers,  tant  sur  le  même 
banc  que  sur  celui  en  retour,  faisant  face  au  banc  à  dos,  et  sur  un  autre  banc 
derrière  celui  desdits  conseillers.  Les  mandés  se  placent,  tant  sur  le  banc  in- 
térieur à  gauche,  pareil  à  celui  des  conseillers  et  quartiniers,  que  sur  un  autre 
banc  derrière. 

Le  premier  commis  du  greffe,  en  robe  noire,  se  place  sur  une  chaise,  et  un 
peu  hors  rang,  dans  l'angle  entre  le  banc  des  prévôt  des  marchands  et  échevins 
et  celui  des  conseillers,  pour  administrer  le  tableau  juraloirc,  le  chapeau  mi- 
partie,  etc. 

Le  premier  huissier,  aussi  en  robe  noire,  prend  place  sur  le  tabouret  étant 
près  ledit  bureau,  et  les  autres  huissiers  en  robes  de  livrée,  sur  un  banc  au 
bas  dudit  carré,  du  côté  de  la  porte. 

Des  gardes  de  la  ville,  sous  les  armes,  bordent  ledit  carré. 

Le  public  est  derrière  lesditcs  gardes. 

Tout  le  monde  placé,  M.  le  prévôt  des  marchands,  soit  qu'il  doive  sortir  de 
place,  soit  qu'il  doive  être  continué,  fait  un  discours  relatif  à  la  cérémonie. 

Les  deux  échevins  qui  doivent  sortir  de  place  l'ont  aussi  un  discours  de 
remerciement. 

Le  procureur  du  roi  cl  de  la  Ville  fait  aussi  un  discours  et  termine  par  re- 
quérir la  lecture  des  ordonnances  pour  la  forme  de  l'élection,  et  de  la  lettre 
du  roi  pour  la  désignation  d'un  prévôt  des  marchands,  ou  la  continuation  de 
celui  qui  est  on  place,  suivant  le  cas. 

Les  prévôt  des  marchands,  échevins  et  procureur  du  roi  sont  assis  et  cou- 
verts de  leurs  bonnets  carrés  en  faisant  leurs  discours. 

Ce  fait,  le  greffier,  debout  et  découvert,  fait  lecture  des  ordonnances  et  de 
la  lettre  du  roi. 

Celte  lecture  faite,  le  prévôt  des  marchands  se  lève,  ainsi  que  toute  la  com- 
pagnie, et  il  requiert  le  serment  pour  l'élection  de  quatre  scrutateurs.  Ce  ser- 
ment est  prêté  par  tous  ensemble  sans  sortir  de  place,  et  la  compagnie  se 
rassoit. 

Le  greffier,  toujours  debout  et  découvert,  fait  l'appel  pour  cette  élection,  en 
commençant  par  le  doyen  des  conseillers,  continue  par  les  quartiniers  et  leurs 
mandés,  et  finit  par  les  échevins  et  le  prévôt  des  marchands. 

Est  à  observer  que  le  greffier  n'appelle  point  le  cinquantenier,  parce  qu'il 
n'a  pas  de  voix. 

Le  doyen  des  conseillers,  lors  de  son  appel,  nomme  quatre  scrutateurs  qui 
sont  unanimement  aussi  nommés  par  toute  la  compagnie. 

De  ces  quatre  scrutateurs,  qui  sont  toujours  pris  dans  le  nombre  des  per- 
sonnes présentes,  le  premier  est  nommé  pour  les  officiers  du  roi.  C'est  ou  un 
maître  des  requêtes,  ou  un  conseiller  au  Parlement,  ou  un  avocat  du  roi  au 
Chàlelet,  et  toujours  de  la  haute  magistrature,  parce  que  c'est  lui  qui  porte  et 
présente  le  scrutin  au  roi,  lors  de  la  prestation  de  serment. 


«532  L'HOTEL  DE  VILLE 


.> 


Le  second  est  nommé  pour  les  conseillers  de  Ville,  et  c'est  toujours  un  con- 
seiller bourgeois. 
Le  troisième,  pour  les  quartiniers,  et  c'est  un  quartinier. 
Et  le  qualrièmc  pour  les  bourgeois,  et  c'est  un  des  mandés,  non  officier  de 

la  ville. 

Les  quatre  scrutateurs  ainsi  élus  sont  appelés  par  le  greffier,  et,  à  genoux, 
la  main  sur  le  tableau  juratoire  entre  les  mains  du  prévôt  des  marchands,  ils 
font  le  serment  de  bien  et  fidèlement  procéder  à  l'élection  d'un  prévôt  des 
marchands  et  de  deux  échevins. 

Après  quoi,  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  quittent  leurs  places  et 
passent  sur  un  autre  banc  à  dos  préparé  derrière  celui  qu'ils  occupaient,  et 
les  quatre  scrutateurs  se  placent  sur  le  banc  que  viennent  de  quitter  les  prévôt 
des  marchands  et  échevins,  le  premier  scrutateur  tenant  le  tableau  juratoire 
sur  ses  genoux,  et  le  second  le  chapeau  mi-partie,  qui  est  une  espèce  de  sac 
dans  lequel  se  mettent  les  bulletins. 

Alors  le  greffier  fait  l'appel  pour  l'élection  du  prévôt  des  marchands  et  des 
échevins,  en  commençant  par  le  prévôt  des  marchands  et  les  échevins,  conti- 
nuant par  les  conseillers  de  Ville,  et  finissant  par  les  quartiniers  et  les  mandés 
(le  cinquantenier  n'est  point  appelé,  pour  la  raison  ci-devant  dite).  Tous 
viennent,  les  uns  après  les  autres,  au  fur  el  à  mesure  de  leur  appel,  chaque' 
quartinier  suivi  de  ses  deux  mandés,  et  ceux  du  quartier  du  cinquantenier 
seuls,  faire,  à  genoux  sur  un  carreau,  la  main  sur  le  crucifix,  entre  les  mains 
du  premier  scrutateur,  le  serment  —  et  mettent  dans  le  chapeau  mi-partie  un 
bulletin  sur  lequel  sont  écrits  les  noms  des  personnes  auxquelles  ils  donnent 

leurs  voix. 

Lorsqu'on  appelle  le  premier  scrutateur,  il  passe  le  tableau  juratoire  au 
second  scrutateur,  qui  donne  le  chapeau  mi-partie  au  troisième  scrutateur,  et 
le  premier  scrutateur  prête  le  serment  entre  les  mains  du  second  scrutateur, 
met  son  bulletin  dans  le  chapeau  mi-partie,  et  reprend  sa  place  et  le  tableau; 
et  le  second  scrutateur  reprend  le  chapeau  mi-parlie;  et  lorsque  le  second 
scrutateur  est  appelé,  il  repasse  au  troisième  scrutateur  le  chapeau  mi-partie, 
fait  le  serment,  donne  son  bulletin  et  reprend  le  chapeau. 

Cet  appel  fini,  et  les  bulletins  donnés,  l'assemblée  se  lève.  Les  quatre  scru- 
tateurs, le  procureur  du  roi  et  de  la  Ville  et  le  greffier  se  retirent  dans  une 
pièce  particulière,  où,  les  portes  fermées,  ils  tirent  du  chapeau  mi-partie  les 
bulletins,  comptent  les  voix,  et  dressent  le  scrutin  de  l'élection.  Us  passent 
ensuite  dans  la  salle  d'audience  où  la  compagnie  s'est  rendue.  Les  prévôt  des 
marchands  et  échevins,  procureur  du  roi  et  greffier,  prennent  leurs  places  or- 
dinaires, et  le  premier  scrutateur  prend  séance  sur  le  siège  à  la  droite  du  prévôt 
des  marchands,  et  annonce  à  la  compagnie  le  résultat  dudit  scrutin. 

Le  prévôt  des  marchands  a  toujours  toutes  les  voix.  Quant  aux  échevins, 
ce  sont  les  deux  personnes  qui  ont  le  plus  grand  nombre  de  voix  qui  sont 
élues.  Celui  des  deux  qui  a  le  plus  de  voix  a  le  pas  sur  l'autre. 

Il  devrait  y  avoir  79  voix,  savoir  :  le  prévôt  des  marchands,  1  ;  les  échevins, 
4-  les  conseillers,  26;  les  quartiniers,  16,  et  les  32  mandés,  32  :  total,  79; 
mais  comme  la  plupart  des  conseillers  et  quartiniers  conservent  leurs  oihees 
pendant  leur  échevinage,  et  qu'ils  ne  donnent  leurs  voix  que  comme  échevins, 
il  se  trouve  deux  voix  de  moins;  ainsi  la  totalité  est  le  plus  souvent  réduite 
à  77. 


L'HOTEL  DE  VILLE  533 

Ce  nombre  de  voix  peut  encore  être  diminué  par  les  parentés  et  affinités  qui 
se  trouvent  entre  les  électeurs,  mais  cela  n'est  qu'accidentel. 

Le  scrutin  se  met  au  net  sur-le-champ,  est  signé  des  quatre  scrutateurs, 
clos  aux  armes  de  la  Ville,  et  déposé  au  greffe  pour  y  rester  jusqu'au  jour  de 
la  prestation  de  serment. 

Le  prévôt  des  marchands  donne  avis  de  l'élection  au  ministre  ayant  le  dé- 
partement de  Paris  et  au  gouverneur  de  Paris,  et  les  prie  de  savoir  du  roi  le 
jour  que  Sa  Majesté  recevra  le  serment  des  nouveaux  élus. 

L'après-midi  on  va  faire  des  visites  de  politesse  aux  nouveaux  élus. 

Prestation  de  serment.  —  Le  jour  que  le  roi  a  fixé  pour  la  prestation  de 
serment,  les  prévôt  des  marchands  et  échevins,  procureur  du  roi  et  greffier, 
vêtus  comme  le  jour  de  l'élection,  les  quatre  scrutateurs,  les  deux  doyens  des 
compagnies  dos  conseillers  et  quartiniers,  en  robes  noires,  et  les  nouveaux 
élus  (si  l'un  des  deux  échevins  n'a  pas  droit  de  robe,  il  est  en  manteau),  s'as- 
semblent à  l'Hôtel  de  Ville  sur  les  sept  heures  du  matin,  entendent  la  messe 
et  se  rendent  à  Versailles,  assistés  du  premier  commis  du  greffe,  du  premier 
huissier  en  robes  noires  et  de  deux  huissiers  en  robes  de  livrée,  et  escortés  de 
gardes  de  la  Ville. 

On  part  sur  les  huit  heures  pour  Versailles,  et  on  descend  ordinairement 
à  la  salle  du  Conseil  par  la  cour  des  Princes,  et  là  on  attend  l'heure  de  l'au- 
dience. 

Les  grand  maître  et  maître  des  cérémonies  y  viennent  prendre  le  corps  de 
Ville  pour  le  conduire  chez  le  roi. 

Marchent  d'abord  les  deux  huissiers; 

Le  premier  commis  du  greffe  et  le  premier  huissier; 

Le  greffier,  qui  a,  à  sa  gauche,  le  colonel  des  gardes  de  la  Ville  ; 

Le  premier  scrutateur  et  le  prévôt  des  marchands,  accompagnés  des  maître 
et  aide  des  cérémonies; 

Les  quatre  échevins; 

Le  procureur  du  roi  ; 

Les  doyens  des  deux  compagnies; 

Les  trois  autres  scrutateurs; 

Et  les  nouveaux  élus. 

Le  ministre  ayant  le  département  de  Paris  et  le  gouverneur  de  Paris  les 
prennent  à  la  porte  de  l'appartement  du  roi,  et  les  présentent  à  Sa  Majesté, 
qui  est  dans  un  fauteuil.  Le  roi  se  découvre  à  l'entrée,  et  se  recouvre.  Le  pre- 
mier scrutateur  tient  à  la  main  le  scrutin,  met  un  genou  en  terre,  ainsi  que  le 
corps  de  Ville,  fait  un  discours  au  roi,  après  lequel  il  lui  présente  le  scrutin, 
que  Sa  Majesté  passe  au  secrétaire  d'État ,  qui  l'ouvre  et  en  fait  la  lecture. 

Le  greffier  met  entre  les  mains  du  roi  le  tableau  -  crucifix ,  et  le  premier 
commis  du  greffe  présente  le  livre  des  ordonnances  au  ministre,  qui  fait  la 
lecture  de  la  formule  du  serment ,  pendant  laauelle  les  nouveaux  élus  ,  qui 
s'étaient  approchés  du  roi,  font,  à  genoux,  la  main  sur  le  crucifix  que  Sa 
Majesté  tient  sur  ses  genoux,  le  serment  dont  la  teneur  suit  : 

Vous  jurez  ès-mains  du  Roi  notre  Sire,  que  bien  et  loyalement  vous  servirez 
Sa  Majesté  en  ses  droits  de  la  prévôté  et  échevinage,  en  faisant  droit  et  justice 
au  petit  comme  au  grand  et  au  grand  comme  au  petit;  fere~<  et  ferez  faire 
bon  guet  et  garde  par  ceux  qui  le  doivent  faire  en  la  Ville  et  lieux  où  faire  le 


53 i  L'HOTEL  DE  VILLE 

faudra,  cl  garderez  les  droits,  franchises,  juridiction  et  libertés  de  ladite  pré- 
vôté, et  les  privilèges  et  ordonnances,  de  tout  votre  pouvoir. 

Après  quoi,  le  corps  de  Ville  se  retire  en  faisant  de  profondes  révérences. 

Le  corps  de  Ville  est  ensuite  conduit  et  présenté  dans  le  même  ordre  aux 
audiences  de  la  Reine,  devant  laquelle  on  met  un  genou  en  terre,  deftlonsieur, 
de  Madame,  de  M.  le  comte  d'Artois,  de  Madame  la  comtesse  d'Artois  et  des 
Dames  de  France.  Dans  toutes  ces  visites,  le  corps  de  Ville  est  présenté  par  le 
ministre  et  le  gouverneur  de  Paris. 

La  Reine  reçoit  le  corps  de  Ville  assise; 

Monsieur,  assis  et  couvert,  et  Madame,  assise; 

M.  le  comte  d'Artois,  debout  et  couvert; 

Et  Madame  la  comtesse  d'Artois,  ainsi  que  les  Dames,  debout. 

Et  c'est  le  prévôt  des  marchands  qui  porte  la  parole  dans  toutes  ces  visites. 

Après  quoi,  les  maîtres  des  cérémonies  reconduisent  le  corps  de  Ville  dans 
la  salle  où  ils  l'ont  pris,  et  se  retirent. 

On  quitte  alors  les  robes  mi-parties,  et  on  prend  les  robes  noires,  et  on  va 
faire  visite  et  présenter  les  nouveaux  échevins  au  gouverneur  de  Paris,  à  M.  le 
garde  des  sceaux,  aux  ministres  et  secrétaires  d'Etat,  à  M.  le  contrôleur  général 
et  autres  personnes  du  Conseil  royal. 

Ce  fait,  on  revient  à  Paris  dans  le  même  ordre  qu'on  en  était  parti.  On 
monte  à  l'Hôtel  de  Ville,  on  entre  à  l'audience,  où  le  premier  scrutateur,  se 
mettant  dans  le  siège  du  prévôt  des  marchands,  installe  le  nouveau  prévôt  des 
marchands,  qui  prend  place  à  sa  gauche,  et  les  deux  nouveaux  échevins  qui  se 
mettent  à  la  suite  des  deux  qui  restent,  et  ensuite  chacun  se  retire. 

Le  lendemain,  le  bureau  seulement,  en  robes  noires,  assisté  d'huissiers  et 
escorté  de  quatre  gardes,  va  faire  visite  à  M.  l'archevêque  de  Paris,  à  M.  le 
premier  président  du  Parlement  et  aux  conseillers  au  Conseil  royal  qu'on  n'a 
point  vus  à  Versailles. 

RÉFLEXIONS  SUR  L'EXPÉDITION  DES  MANDEMENTS  ' 

Soit  que  les  biens-fonds  de  la  Ville  se  réduisissent  originairement  à  quelques 
maisons,  soit  que,  plus  solidement  construites  ou  moins  exposées  à  l'ébranle- 
ment que  cause  le  mouvement  des  voitures,  ces  maisons  subsistassent  long- 
temps sans  réparations,  soit  enfin  que  ces  réparations  ne  fussent  point  subor- 
données à  la  fantaisie  des  locataires,  l'objet  de  leur  entretien  était  d'une  con- 
séquence si  médiocre  que  plusieurs  des  anciens  comptes  de  la  Ville  ne  font 
point  mention  de  sommes  payées  pour  cette  nature  de  dépense. 

Mais  depuis  un  siècle  la  Ville  ayant  fait  construire  plusieurs  monuments  pu- 
blics, et  fait  un  très  grand  nombre  d'acquisitions  dont  la  plupart  ont  eu  pour 
destination  les  embellissements  de  Paris,  les  monuments  ont  exigé  des  entre- 
tiens, et  les  objets  d'acquisitions  des  réparations,  en  attendant  leurs  démoli- 
tions qui  ne  se  sont  effectuées  que  longtemps  après,  ou  même  point  du  tout. 


1.  Arch.  mit.,  H.  l'J.jl  —  Reg.  f'°  467  r°,  par  renvoi  du  f°  83.  En  marge  on  lit,  de 
la  main  de  la  Michodière  :  «  Approuvé  pour  être  exécuté  à  l'avenir,  ce  19  janvier 
1775.  De  la  Michodière.  » 


L'HOTEL  DE  VILLE  533 

La  forme  des  devis  et  marchés  pour  les  réparations,  même  les  plus  modiques, 
a  donné  lieu  à  des  actes  de  réception  d'ouvrages,  desquels  actes,  ainsi  que  des 
marchés,  il  était  délivré  extraits  du  receveur  de  la  Ville ,  qui  les  rapportait 
dans  ses  comptes  ,  et  ils  restaient  annexés  aux  ordonnances  de  payement.  Le 
nombre  de  ces  devis  s'est  accru  avec  celui  des  objets  sujets  aux  réparations  à 
un  tel  point  qu'on  s'est  vu  forcé  de  rassembler,  pour  chaque  nature  d'ouvrages, 
ces  mêmes  devis  et  marchés  pour  en  former  par  semestre  autant  d'états  géné- 
raux; ces  étals  montaient  souvent  à  des  sommes  assez  considérables  pour  qu'il 
ne  fût  pas  possible  de  les  acquitter  par  une  même  ordonnance  qu'on  aurait 
pu  mettre  au  pied  de  chaque  état;  et  de  là  s'est  introduit  l'usage  de  singula- 
riser les  mandements. 

Cette  méthode  d'opérer  par  étals  généraux  abrégeait  infiniment  les  écritures, 
mais  elle  entraînait  l'inconvénient  de  ne  pouvoir  plus  distinguer  dans  les 
comptes,  sans  le  secours  des  pièces,  les  lieux  qui  avaient  exigé  des  réparations. 
Chaque  nature  d'ouvrages  confondait  ceux  laits  à  l'Hôtel  de  Ville,  aux  maisons 
de  son  domaine,  aux  monuments  publics,  les  entreprises  dont  la  Ville  était 
chargée,  les  fêtes,  etc.,  etc.  Ce  chaos  a  disparu  avec  la  nouvelle  forme  de 
comptabilité  sous  la  prévoie  de  M.  Bignon,  et  on  a  vu,  sous  celle  de  M.  de  la 
Michodière,  se  perfectionner  l'ordre  si  indispensable  dans  cette  partie  de  l'ad- 
minislralion. 

Le  domaine  de  la  Ville  a  d'abord  été  désigné  sous  les  dénominations  parti- 
culières d'Hôtel  de  Ville,  maisons  du  Pont-Notre-Dame,  —  objets  détachés  tels 
que  chantiers,  ateliers,  magasins  ou  échoppes  situés  en  divers  endroits  de  la 
capitale;  on  a  pareillement  divisé  les  constructions  d'utilité  publique,  les 
monuments  qui  y  sont  pareillement  consacrés,  les  édifices  qui  tendent  aux 
embellissements  et  les  entreprises  qui  ont  en  vue  la  commodité  et  l'agrément 
des  citoyens.  Ces  divisions,  au  nombre  de  plus  de  Irente  sortes,  ont  occa- 
sionné la  multiplicité  des  mandements  :  au  lieu  de  trois  ou  quatre  au  plus  qui 
s'expédiaient  tous  les  six  mois  pour  chaque  ouvrier  lorsque  les  états  généraux 
avaient  lieu,  il  s'en  expédie  aujourd'hui  trente  pour  la  même  nature  d'ouvrages 
faits  dans  chacune  de  ces  divisions. 

Le  bureau  de  la  Ville ,a  reconnu  l'immensité  d'un  travail  aussi  fastidieux  et 
il  a  désiré  qu'on  l'éclairàt  sur  les  moyens  de  le  diminuer. 

Ces  moyens  se  réduisent  à  comprendre,  dans  les  arrêtés  des  extraits  de  mé- 
moires que  fournit  le  maître  général  des  bâtiments,  l'ordre  au  préposé  à  la 
recette  générale  de  la  Ville  de  payer  le  montant  de  la  dépense  contenue  en  ces 
extraits.  On  en  soumet  le  projet  à  l'approbation  du  bureau. 

PROJET  D'UNE  NOUVELLE  FORME  D'ARRÊTÉ 
DES   EXTRAITS   DE   MÉMOIRES    d'oUVRAGES 

Vu  l'état  ci-dessus,  nous,  prévôt  des  marchands  et  échevins  de  la  ville  de 
Paris,  après  nous  être  rendus  certains  que  les  ouvrages  y  contenus  ont  été  bien 
et  dûment  faits  par  [Pierre  Guerne,  maître  charpentier],  lui  en  avons  présente- 
ment donné  acte,  et  nous  ordonnons  que  la  somme  de  [mille  livres]  à  laquelle 
nous  avons  arrêté  le  mo7itanl  d'iceux  sera  payée  comptant  par  [Jean-Bonaven- 
ture-Henry  Blanchard- Duresle],  chargé  des  recettes  et  dépenses  des  revenus  de 
la  Ville,  auquel  nous  mandons  de  ce  faire.  Rapportant  par  ledit  sieur  [Dureste] 


536  L'HOTEL  DE  VILLE 

le  présent  et  quittance  dudit  sieur  [Guerné],  ladite  somme  de  [mille  livres] 
sera  passée  et  allouée  sans  difficulté,  en  la  dépense  de  ses  comptes.  Fait  au  bu- 
reau de  la  Ville,  etc. 

En  adoptant  ce  projet,  on  conservera  dans  les  comptes  la  forme  si  néces- 
saire des  distinctions. 

On  l'appliquera  aux  mémoires  de  fournitures. 

Enfin,  on  ne  présentera  plus  de  mandements  particuliers  à  la  signature, 
que  ceux  qui  seront  délivrés  pour  à-comptes  ou  pour  des  dépenses  qui  ne  sont 
pas  dans  le  cas  d'être  appuyées  d'aucuns  mémoires. 

RÈGLEMENT  ARRÊTÉ  AU   CONSEIL 

le  23  AOUT  1783 

POUR  L'ADMINISTRATION  DE  LA  VILLE' 

I.  —  Il  sera  incessamment  procédé  à  la  visite  et  reconnaissance  de  tous  les 
terrains,  maisons  et  bâtiments  appartenant  à  la  Ville,  suivant  l'état  annexé 
sous  le  contre-scel  des  présentes,  et  il  en  sera  dressé  un  procès-verbal,  dont 
l'expédition  sera  remise  au  roi,  et  qui  fera  mention  de  leur  produit  et  de  leur 
valeur  estimative.  La  Ville  ne  conservera  dans  sa  possession  que  ceux  qui 
tiennent  à  la  plus  grande  commodité  du  public  et  à  l'embellissement  de  Paris; 
elle  fera  vendre  les  autres  dans  les  formes  prescrites  par  les  règlements,  pour 
être  le  prix  desdites  ventes  versé  dans  la  caisse  d'amorlissement,  qui  payera 
les  créanciers  privilégiés,  si  aucun  il  y  a,  sur  chacun  desdils  biens,  et  emploiera 
le  surplus  au  payement  des  dettes  exigibles  en  commençant  par  les  plus  oné- 
reuses. 

IL  —  La  Ville  emploiera  pareillement  à  l'extinction  de  ses  dettes  exigibles2 
les  dettes  actives,  reliquats  de  comptes,  et  autres  effets  mentionnés  dans  l'état 
annexé  sous  le  contre-scel  des  présentes,  à  l'effet  de  quoi  elle  en  fera  faire  la 
liquidation,  et  en  fera  poursuivre  le  payement  par  les  voies  de  droit  sans  au- 
cun retardement,  pour  en  être  les  deniers  versés  sans  aucune  distraction  dans 
la  caisse  d'amortissement. 

III.  —  Le  receveur  de  la  Ville  tiendra  un  journal  séparé,  coté  et  paraphé 
par  le  prévôt  des  marchands,  pour  servir  à  la  caisse  d'amorlissement;  tous  les 
articles  de  recette  et  de  dépense  y  seront  journellement  inscrits;  tous  les  mois 
il  en  sera  dressé  un  extrait  certifié  par  le  receveur,  au  prévôt  des  marchands, 
ainsi  qu'il  a  été  ordonné  par  les  précédents  règlements  :  et  dans  le  mois  d'oc- 
tobre de  chaque  année,  l'état  des  remboursements  à  faire  à  la  fin  d'icelle  sera 
présenté  au  roi  par  les  prévôt  des  marchands  et  échevins,  et  arrêté  au  Conseil 
de  Sa  Majesté. 

IV.  —  Dans  le  même  mois  d'octobre  de  chaque  année,  le  roi  arrêtera,  sur  la 
présentation  des  prévôt  des  marchands  et  échevins,  deux  étals  pour  le  service 
de  l'année  suivante,  l'un  des  dépenses  ordinaires,  et  l'autre  des  dépenses 
extraordinaires,  sans  qu'en  aucun  cas  lesdites  dépenses  puissent  être  augmen- 


1.  Arch.  nat.,  II.  1954.  —  Signé  :  Amelot,  reg.  on  Parlement  le  5  sept. 

2.  Évaluées  à  4,Fi87,9.'i7  livres. 


L'HOTEL  DE  VILLE  537 

tées  ou  excédées  dans  le  cours  de  l'année,  pour  quelque  cause  et  sous  quelque 
prétexte  que  ce  soit,  sans  une  permission  de  Sa  Majesté. 

V.  —  Les  droits  et  honoraires  du  bureau  et  du  corps  de  ville  seront  réduils 
à  136,380  livres,  au  moyen  d'une  diminution  de  43,620  livres  que  le  roi  a  or- 
donnée et  ordonne,  sur  les  honoraires  et  droits  des  échevins  ;  et  en  conséquence, 
le  premier  échevin  recevra  pour  toute  chose  8,000  livres  par  an,  le  second 
7,000;  le  troisième  et  le  quatrième  6,000  chacun  ;  lesdites  réductions  ne  re- 
garderont toutefois  que  les  successeurs  des  échevins  actuels  qui,  jusqu'à  leur 
sortie,  jouiront  des  droits  [et]  honoraires  pour  lesquels  ils  sont  employés  dans 
la  distribution  de  la  somme  de  180,000  livres,  à  quoi  montent  aujourd'hui  les- 
dits  droits  et  honoraires. . 

VI.  —  Le  roi  a  supprimé  et  supprime  pour  toujours  les  dons  de  robes  de 
velours  et  de  deuil,  et  les  distributions  de  bougies  et  de  jetons  autres  que 
ceux  qui  ont  été  accordés  jusqu'ici  à  titre  de  droit  de  présence,  pour  la  dé- 
pense et  distribution  desquels  il  en  sera  usé  comme  du  passé. 

VIL  —  Ne  pourront  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  accorder  aucuns 
présents  d'honneur,  jusqu'à  ce  qu'il  en  ait  été  autrement  ordonné  par  Sa  Ma- 
jesté. 

VIII.  — ■  Les  pensions  viagères  et  gratifications  annuelles  sur  la  caisse  de  la 
Ville,  pour  récompenses  de  services,  demeureront  fixées  pour  l'avenir  à  la 
somme  de  30,000  livres,  et  jusqu'à  ce  que  les  pensions  et  gratifications  an- 
nuelles, actuellement  existâmes,  soient  réduites  à  ladite  somme  par  la  mort 
des  pensionnaires,  il  ne  pourra  en  être  accordé  de  nouvelles  par  lesdits prévôt 
des  marchands  et  échevins,  que  jusqu'à  concurrence  de  la  moitié  de  ce  qui 
s'en  éteindra. 

IX.  —  Pourront  néanmoins  lesdits  prévôt  des  marchands  et  échevins  accor- 
der, dans  le  cas  de  service  extraordinaire,  aux  sujets  attachés  à  l'administration  de 
la  Ville,  des  gratifications  que  les  circonsiances  rendront  indispensables,  pourvu 
que  chacune  desdites  gratifications  n'excède  pas  la  somme  de  1,000  livres  une 
fois  payée,  et  ne  soit  pas  accordée  deux  années  de  suite  à  la  même  personne: 
et  dans  le  cas  où  pour  des  causes  extraordinaires  ils  jugeraient  nécessaire 
d'accorder  de  plus  fortes  gratifications,  ils  seront  tenus  de  remettre  au  roi 
l'expédition  des  délibérations  qui  en  contiendront  les  motifs,  et  d'attendre  les 
ordres  de  Sa  Majesté. 

X.  —  Les  prévôt  des  marchands  et  échevins  ne  pourront  faire  aucuns  éta- 
blissements et  nouvelles  constructions,  acquisitions  ou  emprunts,  de  quelque 
nature  que  ce  puisse  être,  ni  aucunes  ventes  autres  que  celles  qui  sont  ordon- 
nées par  le  présent  règlement,  qu'après  avoir  appelé  avec  eux,  pour  en  déli- 
bérer, les  personnes  composant  le  Conseil  particulier  de  la  Ville,  et  après  que 
leurs  délibérations  auront  été  autorisées  en  la  forme  ordinaire. 

XL  — Le  roi  ayant  supprimé,  par  son  édit  de  ce  mois,  les  offices  de  maître 
général  des  bâtiments  et  de  maître  des  œuvres  de  charpenterie,  les  fonctions 
desdits  deux  offices  seront  exercées  par  un  architecte,  sur  simple  commission, 
à  la  nomination  des  prévôt  des  marchands  et  échevins,  avec  un  traitement  de 
12,000  livres  par  an,  y  compris  ses  frais  de  bureau  et  tous  autres. 

XII.  —  Il  ne  sera  fait  aucunes  grosses  réparations  ou  constructions  nou- 
velles, à  la  charge  de  la  Ville,  qu'après  en  avoir  constaté  l'objet  et  la  néces- 
sité, au  moyen  de  la  visite  et  reconnaissance  que  le  bureau  en  fera  par  lui- 
même,  lorsque  le  cas  le  requerra,  ou  par  l'un  des  échevins  qu'il   commettra, 


538  L'HOTEL  DE  VILLE 

assisté  d'un  vérificateur-expert  qu'il  aura  nommé  d'office,  suivant  la  nature  des 
ouvrages,  et  en  présence  de  l'architecte  delà  Ville;  il  en  sera  dressé  des  plans, 
devis  et  détails  estimatifs  suffisants,  et  le  tout  sera  communiqué  au  procureur 
du  roi  et  de  la  Ville,  pour,  sur  ses  conclusions,  être  ordonné  ce  qu'au  cas  il 
appartiendra,  sans  que  lesdites  opérations  puissent  coûter  à  la  Ville  d'autres 
frais  que  les  vacations  du  vérificateur. 

XIII.  —  L'adjudication  de  toutes  les  grosses  réparations  et  constructions 
nouvelles  se  fera  au  rabais,  par-devant  les  prévôt  des  marchands  et  échevins, 
à  l'audience,  après  les  affiches  et  publications;  et  la  réception  s'en  fera  par  le 
même  commissaire  qui  en  aura  fait  la  reconnaissance,  assisté  du  même  véri- 
ficateur-expert, et  en  présence  du  procureur  du  roi  et  de  l'architecte  de  la 
Ville. 

Par  suite  de  la  retraite  de  Lefèvre  d'Ormesson,  la  déclaration  et  le 
règlement  du  23  août  1783  ne  parvinrent  officiellement  au  bureau  de 
la  Yilie  que  le  31  octobre.  Cependant  le  prévôt  des  marchands  avait 
déjà  demandé  au  contrôleur  général  d'expliquer  l'article  3  de  la  dé- 
claration, puisque,  par  une  lettre  du  9  octobre,  celui-ci  borne  le  pou- 
voir du  receveur  de  la  Ville  à  «  renouveler  les  rescriptions  actuelle- 
ment existantes  »  et  montant  à  la  somme  totale  de  2,207,100  livres 
suivant  l'état  dressé  par  la  Ville  le  31  octobre  :  par  la  délibération  du 
même  jour,  le  receveur  est  tenu  d'indiquer  par  la  lettre  R  les  renou- 
vellements de  rescriptions  ;  les  grosses  réparations  sont  définies,  celles 
dont  la  somme  atteint  4,000  livres  :  le  bureau  décide  que  les  ouvrages 
d'entretien  fixe  (exemple  :  vitrages,  plombs  des  fontaines,  pavé  des 
ports)  seront  également  adjugés  au  rabais,  en  bloc,  pour  trois  ou  six 
années.  Ces  additions  et  interprétations  furent  approuvées  par  le  roi  '. 
—  Dans  un.'  lettre  du  17  mars  1788 2,  M.  Buffault  déclare  au  bureau 
de  la  Ville  que  «  les  commis  des  domaines  de  la  Ville  furent  employés 
presque  exclusivement  pendant  une  année  à  la  confection  des  rensei- 
gnements, états  comparatifs,  relevés,  dépouillements  demandés  pour 
établir  les  bases  du  règlement  de  1783  »  :  en  conséquence,  ils  n'ont  pu 
faire  leur  travail  ordinaire  (les  comptes  de  la  ville). 

ARRÊT  du  Conseil  relatif  à  l'apurement  des  comptes  de  la  recette  de  ville, 
du  8  avril  1 78  i  î 

Vu  par  le  roi,  étant  en  son  Conseil,  la  délibération  des  prévôt  des  marchands 
et  échevins  de  la  ville  de  Paris  et  Conseil  particulier  de  ladite  Ville,  du  12  août 
1783,  concernant  l'apurement  des  souffrances  en  recettes,  dépenses  et  reprises 


1.  Le   bureau  de  la  Ville  maintint  en  outre   (délib.   du  31   octobre  178.'])  «  la 
bourse  de  cent  jetons  annuellement  présentée  ;i  Sa  Majesté  ». 

2.  Arch,  nat.,  IL  1959. 

3.  Arch.  nat.,  IL  1955, 


L'HOTEL  DE  VILLE  539 

des  comptes  des  exercices  de  1717  à  1762  du  feu  sieur  Jacques  Boucot,  rece- 
veur général  du  domaine  de  ladite  Ville,  décédé  fin  de  décembre  1762,  y  com- 
pris ceux  des  deux  derniers  exercices  de  1717  à  1721  '  du  feu  sieur  autre 
Jacques  Boucot,  son  père,  auquel  il  avait  succédé;  suivant  laquelle  délibéra- 
tion il  paraît  que,  par  le  résultat  des  opérations  dudit  apurement  et  l'arrêté  de 
la  délibération,  la  succession  dudit  feu  sieur  Boucot,  dernier  décédé,  toute 
compensation  et  déduction  des  objets  y  mentionnés,  a  été  déclarée  débitrice 
envers  la  ville  de  la  somme  de  611,184  livres  4  sous  8  deniers,  tant  pour 
erreurs  de  calculs  qui  se  sont  glissées  au  préjudice  de  la  Ville  dans  lesdits 
comptes,  que  pour  débets  de  quittances  montant  à  170,364  livres  18  sous  2  de- 
niers et  pour  indemnité  fixée  à  185,598  livres  15  sous  10  deniers  des  objets  en 
loyers,  fermages,  et  droits  non  recouvrés  portés  en  recettes  dans  lesdits 
comptes  et  passés  en  reprise,  à  la  charge  de  justifier  des  diligences  contre  les 
débiteurs,  et  aux  intérêts  desdits  611,184  livres  4  sous  8  deniers  à  compter  du 
jour  de  ladite  délibération  ; 

Vu  pareillement  les  mémoires  respectivement  présentés  tant  par  Justine- 
Josèpbe  Boucot,  épouse  non  commune  en  biens  de  Nicolas-Alphonse-Félicité 
Rouault,  comte  de  Rouault,  marquis  de  Gamache,  seigneur  et  gouverneur  pour 
le  roi  de  Saint-Valéry,  et  auparavant  veuve  de  Paul-Joseph  Fcydeau  de  Brou, 
intendant  de  Bouen,  seule  et  unique  héritière  dudit  feu  sieur  Jacques  Boucot, 
dernier  décédé,  son  père,  que  par  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  de  la 
ville  de  Paris;  ceux  de  ladite  dame  comtesse  de  Bouault,  assistée  et  autorisée 
dudit  sieur  comte  de  Rouault,  son  mari,  tendant  à  ce  qu'il  plaise  à  Sa  Majesté, 
sur  les  motifs,  raisons  et  considérations  exposés  par  ses  mémoires,  la  déchar- 
ger purement  et  simplement,  tant  des  170,364  livres  18  sous  2  deniers  pour 
débets  de  quittances,  que  des  185,538  livres  15  sous  10  deniers  pour  loyers  et 
droits  non  recouvrés,  ces  deux  objets  revenant  ensemble  à  la  somme  de 
355,903  livres  14  sous,  ce  qui  réduirait  à  255,280  livres  10  sous  8  deniers  le- 
dit débet  d'apurement  des  611,184  livres  4  sous  8  deniers;  ou  bien,  au  lieu 
de  cette  décharge,  l'admettre  à  payer  à  la  Ville  la  totalité  dudit  débet  de 
611,184  livres  4  sous  8  deniers  en  contrats  de  rentes  perpétuelles  au  denier 
40  sur  les  aides  et  gabelles  ;  et  les  mémoires  de  la  Ville  en  forme  d'observa- 
tions sur  la  demande  de  ladite  dame  comtesse  de  Bouault,  tendant  à  s'en  rap- 
porter à  la  décision  que  Sa  Majesté  jugerait  à  propos  de  rendre  sur  les  de- 
mandes de  ladite  dame  comtesse  de  Rouault,  la  Ville  n'ayant,  par  sa  délibération 
du  12  août  1783,  statué  sur  les  objets  de  cet  apurement  des  comptes  dudit 
feu  sieur  Boucot,  que  conformément  aux  règles  strictes  de  la  comptabilité 
dont  elle  n'a  pu  s'écarter  %  et  n'appartenant  qu'à  Sa  Majesté  de  décider  et  or- 
donner sur  les  modérations  et  décharges  pour  lesquelles  ladite  dame  comtesse 
de  Bouault  a  recours  à  la  justice  et  aux  bontés  de  Sa  Majesté;  et  vu  aussi  les 
pièces  respectivement  produites  pour  parvenir  à  une  conciliation  et  décision 
qui  mettent  les  parties  hors  de  toutes  discussions  et  contestations. 

Ce  considéré,  oui  le  rapport  du  sieur  de  Calonne,  conseiller  ordinaire  au 
Conseil  royal,  contrôleur  général  des  finances,  le  Boi  étant  en  son  Conseil  a 


1.  Chaque  exercice  de  la  Ville  était  de  deux  ans,  correspondant  à  la  durée  de 
chaque  prévôté. 

2.  Est  joint  à  la  délibération  de  la  Ville,  le  rapport  détaillé  (17  pages   in-folio) 
rédigé  par  l'ancien  échevin  Martel  (12  août  1783). 


540  L'HOTE  F,  DE  VILLE 

autorisé  et  autorise  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  de  la  Ville  de  Paris 
à  modérer  et  réduire,  à  titre  de  forfait  pour  toute  chose,  en  principal  et  en  in- 
térêts... à  la  somme  de  400,000  livres,  le  déhet  d'apurement  des  comptes... 
du  domaine  de  la  Ville  de  1717  à  17G2. 

Les  conditions  du  règlement  de  compte  qui  viennent  ensuite  au- 
torisent la  comtesse  de  Rouanlt  à  payer  220,000  livres  au  moyen 
de  reconstitution  de  rentes  perpétuelles  au  profit  de  la  Ville; 
72,000  livres  par  délégation  sur  le  prix,  de  deux  maisons  sises  rue  du 
Roi-de-Sicile,  et  qu'elle  est  sur  le  point  de  vendre.  Quant  aux 
102,000  livres  restant,  «  elle  en  passera  contrat  de  constitution  de 
rentes  perpétuelles  au  profit  de  la  Ville,  au  denier  20,  avec  affecta- 
tion  générale  et  hypothèque  primitive  susdite  »  (il  s'agit  de  celle  con- 
sentie par  le  sieur  Boucot)  «  du  3  septembre  1722  sur  tous  les  biens 
de  la  succession  dudit  feu  sieur  Boucot  et  de  ceux  de  ladite  dame  de 
Rouault,  sa  fille  et  unique  héritière...  » 

LA  VILLE 
ET  LE  GREFFIER  DES  DOMAINES  DE  MAINMORTE' 

Les  édits  de  décembre  1091  et  d'octobre  1703  avaient  établi,  le  pre- 
mier, des  greffiers  des  domaines  des  gens  de  mainmorte,  et  le  se- 
cond, des  contrôleurs  des  susdits  greffiers  :  le  tout  pour  constater  les 
revenus  des  gens  de  mainmorte,  leur  en  assurer  la  propriété  et  en 
empêcher  l'usurpation.  Les  gens  de  mainmorte  (corps  et  corpora- 
tions, communautés  religieuses,  hôtels  de  ville,  juridictions,  etc.) 
étaient  tenus  de  donner  tous  les  dix  ans  au  greffe  la  déclaration  de 
leurs  revenus  affermés  et  non  affermés,  sur  lesquels  un  droit  était 
établi.  De  plus,  ces  greffes  devaient  enregistrer  les  titres  et  les  baux 
ordinaires  ou  emphytéotiques,  aux  frais  des  preneurs. 

Le  clergé  de  Paris  acheta  six  des  offices  de  greffiers  établis  dans 
diverses  villes  du  diocèse,  et  les  réunit  en  une  seule  place,  qui  fut 
fixée  à  Paris2,  et  rattachée  à  la  chambre  ecclésiastique. 

Ainsi,  l'Eglise  de  Paris  avait,  par  cette  heureuse  acquisition,  le  droit 
de  se  faire  apporter  (entre  autres  états)  l'état  des  revenus  affermés  ou 
non  affermés  de  l'Hôtel  de  Ville. 

Le  bureau  de  la  Ville  ne  put  se  soustraire  à  une  telle  inquisition 


1.  Arch.  nat.,  II.  1951,  un  dossier'.  Reg.  par  mention  f'°  2"J5.  (Année  1781, 
octobre.) 

2.  En  1781,  le  bureau  de  M.  Gaye,  greffier  des  domaines  des  gens  de  main- 
morte, était  vue  Saint-Sauveur,  près  la  rue  Thévcnot,  chez  M.  du  Peron,  rece- 
veur des  décimes. 


L'HOTEL  DE  VILLE 


541 


que  par  une  transaction  avec  l'archevêque,  en  date  du  29  juillet  1706. 
—  La  Ville  s'engagea  :  1°  à  payer  ou  faire  payer  tous  les  ans  au 
1er  janvier  au  clergé  de  Paris,  deux  bourses  de  chacune  cent  jetons 
d'argent  (soit,  en  valeur,  200  livres)  ;  2°  à  fournir  gratuitement  aux 
greffiers  et  contrôleurs,  quand  ils  en  auraient  besoin,  l'état  indicatif  des 
biens  et  revenus  de  l'Hôtel  de  Ville.  Elle  fut  à  cette  double  condition 
dégagée  des  obligations  des  édits  de  1691  à  1703. 

Le  greffier  Taitbout  refusa  plusieurs  fois  les  états  indicatifs  qui  lui 
étaient  demandés.  En  1781,  le  syndic  du  clergé  de  Paris  rappela  au 
prévôt  des  marchands  la  seconde  clause  de  la  transaction  de  1706,  et 
obtint  satisfaction  (6  octobre  1781).  11  ne  s'agissait  du  reste  pour  le 
clergé  que  de  faciliter  aux  greffiers  et  contrôleurs  le  recouvrement 
des  droits  d'enregistrement  et  contrôle  sur  les  fermiers,  locataires, 
acquéreurs,  adjudicataires  et  détenteurs  des  biens  de  la  Ville,  et  d'em- 
pêcher les  oppositions  et  prises  de  fait  et  cause  du  bureau  de  la  Ville, 
en  cas  de  contestation. 

DIVISIONS  DES  SERVICES  MUNICIPAUX 

La  délibération  du  20  octobre  1785  fixa,  entre  les  officiers  du  Bureau 
de  la  Ville,  la  répartition  des  détails  d'administration  sur  lesquels  de- 
vait porter  la  surveillance  de  chacun  d'eux  '. 


Le  premier  échevin  ; 
le  greffier; 
le  trésorier  : 


(Nota.  —  Le  contrôle  de  la 
caisse  d'amortissement  étant 
attaché  au  premier  échevin, 
cette  opération  lui  est  spécia- 
lement réservée.) 


Toutes  les  opérations  relatives  aux 
finances  de  la  Avilie,  —  la  situation 
de  la  caisse,  —  la  connaissance  de 
toutes  les  dettes  tant  actives  que 
passives,  —  les  démarches  ou  pour- 
suites à  faire  pour  opérer  les  recou- 
vrements arriérés,  —  la  formation 
des  états  exigés  par  la  déclaration 
de  1783  et  règlement  y  annexé,  — 
celle  de  l'état  de  distribution  des 
fonds  qui  doivent  être  employés  tous 
les  six  mois  au  payement  des  entre- 
preneurs, ouvriers  et  fournisseurs, 
—  la  vente  des  maisons  et  terrains 
et  autres  objets  actifs  de  la  Ville. 


1.  Arch.  nat.,  H.  1956. 


542  L'HOTEL  DE  VILLE 

Le  deuxième  échevin  :  La  surveillance   des  chantiers,  corps  de 

garde,  ports,  et  tous  les  détails  y  relatifs. 

Le  troisième  échevin  :  L'entretien  des  remparts  et  places,  leurs 

plantations,  et  tous  les  accessoires. 

Le  quatrième  échevin  :  La  surveillance  des  fontaines  et  égouts,  et 

détails  y  relatifs. 

Le  procureur    du   roi  :  L'approvisionnement  tant  en  Lois    qu'en 

charbon,  et  opérations  conséquentes. 

Ce  tableau  est  signé  par  Le  Peletier,  les  quatre  échevins,  et  Étuis 
de  Gorny,  procureur  du  Roi  et  de  la  Ville. 

FORMULE  IMPRIMÉE ' 

Noms  des  témoins  que  le  procureur  du  Roi  et  de  la  Ville  entend  faire  ouïr 
en  l'informatiou  qui  se  fera  d'office  à  sa  requête,  par  l'échcvin  à  ce  commis, 
des  bonnes  vie,  mœurs,  conversation,  religion  catholique,  apostolique  et  ro- 
maine, affection  au  service  du  roi,  de  [Jean-François  Dornc,  compagnon  de 
rivière],  et  de  ses  sens,  suffisance,  capacité  et  expérience,  pour  être  reçu  [à 
l'exercice  de  la  commission  pour  lever  les  clefs  des  deux  cordes  qui  passent 
par-dessus  le  pont  de  Poissy  et  jeter  les  cordes  en  l'eau  quand  les  bateaux 
seront  d'amont,  même  pour  aider  à  enverger  les  cordes  dans  la  nécessité  de  la 
navigation. 

MM.  Pierre  Bourse,  prêtre  habitué  en  la  paroisse  de  Saint-Gervais,  Mathieu 
Baudin  et  Nicolas  Prévost,  tous  deux  voituriers  par  eau.  Fait  le  16  novembre 
1773.  Jollivct]. 

Les  passages  entre  crochets  sont  écrits  à  la  main  dans  les  blancs  de 
la  formule.  — ■  Suit  la' formule  imprimée  d'information,  de  déposition 
des  témoins  cités,  et  le  «soit  communiqué  au  procureur  de  la  ville», 
sur  les  conclusions  duquel  la  commission  est  signée  (le  28  novembre 
1775)  du  prévôt  et  des  quatre  échevins. 

Extrait  d'une  lettre  autographe  de  M.  le  comte  de  Buffon 
au  prévôt  des  marchands  Le  Peletier 

...J'ose  vous  supplier  de  nouveau,  Monsieur,  d'accorder  votre  nomination  de 
subdélégué  à  Montbard  à  M.  Guerard  notaire  royal  qui  réside  dans  cette  ville, 
c'est  un  homme  très-au  fait  des  affaires  et  d'une  probité  bien  reconnue,  il  est 
âgé  de  quarante-cinq  ans  et  il  a  la  confiance  de  tous  les  seigneurs  de  mon  voi- 
sinage. Celui  qu'on  vous  a  présenté  est  un.  jeune  homme  qui  ne  fait  que  coni- 

1.  Àrch.  uat.,  11.  1951. 


L'HOTEL  DE  VILLE  543 

mencer  et  n'a  acheté  que  depuis  deux  ou  trois  ans  une  charge  de  notaire  en- 
sorte  que  je  puis  vous  assurer,  Monsieur,  qu'il  ne  scroit  pas  propre  aux  fonc- 
tions de  votre  subdélégalion. 

J'ai  l'honneur  de  vous  renouveller  les  sentiments  de  ma  reconnoissance  et 
tous  ceux  du  véritable  respect  avec  lesquels  j'ai  l'honneur  d'être, 
Monsieur, 

Votre  très-humble  et  très-obéissant  serviteur, 

Le  comte  De  Buffon. 

Jardin  du  Roi,  31  mars  1785. 

P.  S.  —  J'oubliois  de  vous  représenter,  Monsieur,  que  comme  la  tlottaison 
du  bois  doit  se  faire  incessamment  sur  la  rivière  de  Monlbard,  il  seroit  néces- 
saire que  vous  eussiés  la  bonté  de  m'envoyer  votre  nomination  que  je  ferois 
passer  tout  de  suite  à  M.  Guerard  et  qui  preteroit  sur-le-champ  son  serment 
devant  le  Juge  Royal  au  Bailliage  de  Semur  *. 


GARDE  DE  PARIS 

La  ville  avait  trois  compagnies  de  gardes  formées  depuis  plusieurs  siècles 
sous  le  nom  d'arbalétriers,  archers  et  arquebusiers2;  chacune  de  ces  compa- 
gnies était  de  cent  hommes,  et  avait  pour  officiers  un  capitaine,  un  lieutenant, 
un  sous-lieutenant,  un  enseigne,  un  cornette  et  un  guidon. 

Le  roi,  par  ses  lettres  patentes  du  14.  décembre  1769,  en  considération  des 
anciens  services  desdites  compagnies,  a  bien  voulu  renouveler  leurs  privi- 
lèges, leur  a  accordé  le  rang  de  gendarmerie  et  maréchaussée  de  France,  avec 
création  d'une  quatrième  compagnie  sous  le  titre  de  fusiliers,  de  quatre 
officiers  pour  la  commander,  et  a  fixé  lesdiles  compagnies,  conformément 
à  l'ordonnance  militaire  du  10  décembre  1762,  à  soixante-seize  hommes  par 
compagnie  >. 


1.  Le  bureau  expédia  immédiatement  la  commission  demandée  par  Guerard. 
-7  Buffon  avait  quelque  intérêt  à  celle  affaire  :  car  on  lit  dans  une  ordonnance 
du  bureau  (19  août  178ÎJ),  rendue  sur  le  rapport  de  maître  Guerard,  l'ordre 
«  aux  particuliers  riverains  sur  la  rivière  de  Bresme, depuis  le  pont  de  Monlbard 
jusqu'à  la  forge  de  Buffon  située  sur  la  rivière  d'Armançon,  de  détruire  et 
enlever  dans  la  huitaine...  les  digues,  bâtardeaux,  murs,  escaliers,  amas  de  pierres, 
arbres  et  pieux  par  eux  établis  dans  le  lit  de  la  rivière  »,  faute  de  quoi  il  y  sera 
pourvu  à  leurs  Irais,  sans  préjudice  de  l'amende.  —  Arch.  nat.,  11.  1956. 

2.  Le  tir  annuel  des  Chevaliers  de  l'arquebuse,  les  prix  décernés,  la  proclama- 
tion du  roi  de  l'arquebuse,  subsistaient  toujours  sous  la  haute  protection  du 
gouverneur  de  Paris.  Ces  anciens  exercices  militaires  n'étaient  plus  qu'un  jeu. 
Les  femmes  et  amies  des  Chevaliers  tiraieut  aussi  au  noir,  avec  une  sarbacane. 
Le  10  août  1788,  la  demoiselle  Dcville  reçoit  une  médaille  d'argent  et  le  titre  de 
reine  de  l'arquebuse.  (Arch.  nat.,  H.  1959.)  —  Sans  insister  sur  des  détails  de 
pure  curiosité,  renvoyons  pour  les  descriptions  et  documents  authentiques  aux 
pièces  10,  17  et  23  du  carton  K.  1004  des  Arch.  nat. — Le  coin  des  médailles  de 
l'arquebuse  est  de  I73G. 

3.  Almanach  royal  de  1780,  p.  438. 


544  L'HOTEL  DE  VILLE 

MÉMOIRE  DU  SIEUR  HAY 

COLONEL   DES    GARDES. DE    PARIS   ET   LEUR    COMMISSAIRE    AUX    REVUES 

21  AOUT  1788  « 

Agé  do  73  ans,  après  23  ans  de  service,  il  demande  -1,000  livres  de 
pension,  réversibles  sur  sa  femme.  Voici  ses  motifs  : 

Il  a  acquis   ses   deux  charges  au   mois  d'avril  1 704  pour  le  prix  et  somme 
de  225,000  livres,  non  compris  9,000  livres  de  réception. 

Livres.        Sols. 

Les  gages  fixes  consistent  en  solde  du  roi 1,567        12 

—       de  commissaire  aux  revues  (du   roi) 520  » 

Id.      pour   la   Ville 320  » 

2,407        12 
Pour   vingtièmes   d'industrie,    retenue,    capitation,    pail- 
lette, etc.,  il   paye 703  » 

Reste 1,703        12 

Il  revient  annuellement  au  colonel  la  paulctlcdcs  officiers 
et  gardes,  moulant  à  environ 2,400  » 

4,103        12 

Les  intérêts  du  prix  de  sa  charge  étant  de  11,250  livres,  il 
lui  faut  en  casuel,  chaque  année,  à  peu  près  vingt  mutations 
qui  font  un  objet  de 7,200  » 

Total  du    revenu 11,303        12 

Or,  depuis  23  ans,  la  sieur  Hay  n'a  reçu  que  390  gardes, 
qui  lui  ont  produit 143,280  » 

31  officiers 30,204 

et  ses  soldes  suivant  le  détail  ci-dessus,  à  raison  de  4,103  li-  • 

vrcs  12  sols  par  an,  ci 94,382        16 

Total 267,866        16 

ce  qui,  divisé  par  23,  donne  11,646  livres  7  sols  7  deniers,  soit  396  lbres 
7  sols  7  deniers  d'excédent  sur  le  revenu  de  sa  finance. 

Le  sieur  Hay  croyait  avoir  fait  une  meilleure  opération  en  1764; 
il  se  plaint  de  «la  suppression  entière  d'objets  considérables  qui 
avaient  déterminé  le  prix  de  l'acquisition  de  sa  charge». 

Il  obtint  du  baron  de  Breteuil,  sur  le  domaine  de  la  ville,  3,000  livres 
de  pension  non  réversibles. 

1.  Arcli.  mit.,  11.  1960. 


L'HOTEL  DE  VILLE  5io 

PRIVILÈGE 

DES  OFFICIERS  ET  GARDES  DE  LA  VILLE  DE  PARIS 

Tous  les  ans  est  dressé  «  un  rôle  des  officiers  et  gardes  de  la  ville 
de  Paris,  chargés  de  faire  la  consommation  des  4,400  muids  de  vin 
de  privilège  attribués  par  an  aux  quatre  compagnies  des  gardes  de  la 
ville,  pour,  par  les  dénommés  au  présent  rôle,  faire  arriver,  vendre 
et  débiter  en  détail,  dans  ladite  ville  et  faubourgs  de  Paris  ». 

L'état  de  1775,  présenté  et  signé  par  Hay,  contresigné  par  le  bureau, 
comprend  137  noms. 

Les  officiers  ont  50,  60  ou  70  muids  de  vin  de  privilège  ;  les  sergents 
et  gardes,  20,  30  ou  40'. 

CHRONOLOGIE   DES  IMPRIMEURS  DE   LA  VILLE 

depuis  1631  jusqu'en  l'année  1781 

SOLS   VINGT-CINQ  PRÉVOTÉS  DES  MARCHANDS  * 

De  1631  à  1662. 

I.  —  Piehhe  Rocolet,  reçu  libraire  en  1622;  messire  Louis 
Lefèvre  de  Caumartin  étant  garde  des  sceaux,  et  messire 
Michel  Maureau,  prévôt  des  marchands 28  ans. 

De  1662  à  1675. 

II.  —  Damien  Foucault,  petit  gendre  de  Rocolet 13  — 

De  1675  à  1695. 

III.  —  Hilaire  Foucault,  fils  de  Damien  3 20  — 

De  1695  à  1733. 

IV.  —  Pierre-Augustin  Le  Mercier,   petit-neveu  mater- 
nel de  Damien  Foucault 38  — 

A  reporter.  .  .     99  ans. 


1.  Avch.  nat.,  H.  1981. 

2.  Arch.  uat.,   H.   1954  (20  août  1784).   —   Une  des  30  maîtrises   d'imprimeur 
appartenait  à  la  Ville;  en  1184, elle  fut  donnée  en  survivance  à  Lottin  (Jcan-Roch) 
cqusin  d'Augustin-Martin,  l'aîné. 

3.  Sur  Rocolet  et  les  deux  Foucault,  voyez  Jean  de  La  Caille,  Histoire  de  ta  li- 
brairie et  de  l'imprimerie  (in-4°,  1689,  Paris),  p.  228  à  230. 

35 


546  L'HOTEL  DE  VILLE 

Report.  .  .     99  ans. 

De  1733  à  1768. 

V.  —  Pierre-Gilles  Le  Mercier,  fils  de  Pierre-Augustin.  .     35  — 

De  1708  à  1784. 

VI.  —  Augustin-Martin  Lottin,  l'aîné,  petit-fils  maternel 

de  Pierre-Augustin  Le  Mercier 10  — 


150  ans. 


Extrait  de  la  lettre  écrite  à  M.  Le  Péletier 
par  M.  le  Contrôleur  général 

14    FÉVRIER   1786  ' 

...Néanmoins  Sa  Majesté,  instruite  que  les  soins  des  échevins  actuels  et  des 
autres  principaux  officiers  ont  déjà  procuré  de  l'amélioration  dans  les  affaires 
de  la  ville,  a  bien  voulu  leur  en  marquer  sa  satisfaction  en  leur  accordant  pour 
la  présente  année  une  gratification  extraordinaire  de  G, 000  livres  au  premier 
échevin  et  de  4,000  livres  à  chacun  des  trois  autres,  de  même  qu'au  procureur 
du  roi  et  au  greffier.  Elle  autorise  le  corps  de  ville  à  leur  en  faire  payer  le 
montant  sur  les  excédents  de  sa  recelte,  Sa  Majesté  se  réservant  d'assurer  à 
l'échevinage  un  revenu  permanent  et  proportionné  lorsque  le  rétablissement 
des  affaires  de  la  ville  le  permettra. 

Les  premier  et  second  échevins  sortant  de  l'échevinage  au  mois  d'août  pro- 
chain, il  est  juste  que  la  gratification  ait  un  effet  rétroactif  pour  leur  première 
année.  En  conséquence,  il  leur  sera  alloué  à  chacun  4,000  livres. 

C'est  avec  un  vrai  plaisir,  etc. 

J'ai  l'honneur  d'être,  etc. 

Signé  :  De  Galonné. 

Pour  extrait  conforme  à  l'original  :  Le  Péletier. 

DÉLIBÉRATION    DU   29   DÉCEMBRE   1780  2 


M.  Goblet,  premier  échevin  et  contrôleur  de  la  caisse  du  domaine,  a  exposé 
qu'antérieurement  à  la  déclaration  du  mois  d'août  1783,  il  avait  toujours  été 
d'usage  de  reconnaître,  par  la  remise  d'une  bourse  de  cent  jetons  à  titre 
d'étrennes  au  premier  commis  des  finances,  les  services  qu'il  était  dans  le  cas 
de  rendre  à  la  ville  en  contribuant,  par  le  prompt  rapport  de  toutes  les  affaires 
qui  pouvaient  intéresser  son  domaine,  à  l'accélération  de  tous  les  versements 
de  fonds  qui  devaient  être  annuellement  faits  au  trésor  royal  dans  la  caisse  de 
ladite  ville. 


1.  Voyez:  délib.  du  11  avril  1786  (pièce  94),  à  laquelle  col  extrait  est  annexé. 

2.  II.  1957. 


L'HOTEL  DE  VILLE  5i7 

Il  a  observé  ensuite  que  la  suppression  de  tous  les  jetons  d'étrenncs,  or- 
donnée par  cette  même  déclaration  de  1783,  ne  permettait  plus  de  continuer 
au  même  titre  le  même  témoignage  de  reconnaissance.  Mais,  attendu  l'utilité 
d'une  marque  d'attention  aussi  peu  onéreuse  au  domaine  de  la  ville,  il  a  pro- 
posé de  convertir  du  moins  ce  présent  annuel  en  une  gratification  pécuniaire 
de  la  même  valeur  des  cent  jetons,  pour  le  payement  de  laquelle  il  serait  ex- 
pédié, à  l'époque  du  1er  janvier  de  chaque  année,  un  mandement  sur  la  caisse 
du  domaine  de  la  ville. 

Sur  quoi,  la  matière  mise  en  délibération  : 

Nous,  prévôt  des  marchands  et  échevins  de  la  ville  de  Paris,  voulant  recon- 
naître le  zèle  qu'en  toute  occasion  le  sieur  Gojart,  premier  commis  des  finances, 
témoigne  pour  les  intérêts  de  la  ville,  avons,  ouï  sur  ce,  et  ce  consentant,  le 
procureur  du  roi  et  de  la  ville,  arrêté  qu'il  sera  expédié  à  l'époque  du  1er  jan- 
vier de  chaque  année,  à  commencer  de  celle  prochaine  1787,  un  mandement 
de  la  somme  de...1,  équivalente  au  prix  des  cent  jetons,  laquelle  somme  nous 
autorisons  le  sieur  de  Villeneuve,  trésorier,  à  acquitter  sans  quittance  et  à  re- 
mettre au  nom  du  bureau  à  mondit  sieur  Gojart,  premier  commis  des  finances, 
et  ce  jusqu'à  ce  que  par  nous  ou  nos  successeurs  il  en  ait  été  autrement  or- 
donné. Fait  au  bureau  de  la  ville,  etc. 

Signé:  Le  Peletiek,  Deiayoiepierke,  Guyot,  Doiuval,  Etuis  de  Cokny. 

délibération  ou  bureau  sur  les  états  de  jetons2 
(12  août  1788) 

Ce  jour,  Nous,  prévôt  des  marchands  et  échevins  de  la  ville  de  Paris,  assem- 
blés au  bureau  avec  le  procureur  du  roi  et  delà  ville,  nous  sommes  fait  repré- 
senter les  états  de  jetons  de  présence  arrêtés  jusqu'à  présent  par  le  bureau 
et  nous  avons  remarqué  que  l'on  a  omis  d'y  employer  les  deux  visites  an- 
nuelles des  fontaines  de  Paris,  la  visite  des  eaux  de  Puingis  et  d'Arcueil,  celle 
des  eaux  de  Bcllcville,  la  visite  des  ponts  et  celle  des  remparts,  la  visite  qui 
se  fait  le  lendemain  du  jour  de  l'an  chez  les  princes  et  magistrats,  et  enfin 
celle  qui  se  fait  à  Paris  après  la  prestation  de  serment  pour  présenter  les 
nouveaux  élus.  Comme  les  honoraires  qui  étaient  attribués  aux  membres  du 
bureau  pour  ces  sortes  de  visites  avaient  été  confondus  dans  d'autres  objets 
qui  ne  subsistent  plus,  d'où  il  résulte  que  la  cause  de  ce  défaut  d'emploi  dans 
les  états  de  jetons  n'a  plus  lieu,  nous  avons  unanimement  arrêté,  ouï  et  ce 
consentant  le  procureur  du  roi  et  de  la  ville,  qu'à  compter  de  la  dernière 
prestation  de  serment  et  à  l'avenir  chaque  membre  du  bureau  aura,  pour  les 
huit  visites  ci-devant  détaillées,  des  jetons  de  présence,  ainsi  qu'il  est  d'usage 
pour  les  autres  cérémonies.  —  Arrêtons  que,  conformément  à  ce  qui  a  été 
pratiqué  jusqu'à  présent,  il  n'y  aura  pas  de  jetons  pour  les  voyages  en  cour 
le  premier  jour  de  l'an  et  lors  de  la  prestation  du  serment  des  élus,  le  bureau 
étant  bien  dédommagé  par  l'honneur  qu'il  a  dans  ces  cérémonies  d'assurer  le 
roi  de  ses  respects  et  de  lui  présenter  les  nouveaux  membres  du  corps  mu^ 
nicipal. 

1.  Somme  laissée  en  blanc. 

2.  Arch.  nat.,  H.  1959. 


548  L'HOTEL  DE  VILLE 

Fait  au  bureau  de  la  ville  ledit  jour  12  août  1788.  —  Signé:  Le  Peletier, 
Guyot,  Dorival,  Blffault,  Sageret,  Éthis  de  Corny. 


LES  DERNIÈRES  GRATIFICATIONS  DE  PRÉVOTÉS  « 

1"  mai  1189 

Ce  jour,  Nous,  échevins  de  la  ville  de  Paris,  assemblés  au  bureau  avec  le 
procureur  du  roi  et  de  la  ville,  M.  Buffault,  premier  échevin,  ayant  fait  part 
au  bureau  d'une  lettre  que  lui  a  écrite  M.  Le  Peletier,  ci-devant  prévôt  des 
marchands,  et  par  laquelle  ce  magistrat  fait  connaître  qu'il  prend  l'intérêt  le 
plus  vif  à  ce  que  les  différents  employés  à  l'administration  de  la  ville  aient, 
à  l'occasion  de  sa  retraite  et  pour  les  récompenser  de  leurs  travaux  pendant 
ses  prévôtés,  les  mêmes  gratifications  qu'ils  ont  eues  à  l'expiration  des  pré- 
vôtés de  M.  de  Caumartin...;  nous  avons  unanimement  reconnu  qu'il  y  avait  lieu 
à  faire  dans  ce  moment-ci,  pour  les  commis  du  greffe,  pour  le  premier  commis 
de  la  caisse  et  le  premier  commis  des  comptes,  ce  qui  avait  été  arrêté  en  leur 
laveur  par  la  délibération  du  20  août  1784,  nous  avons  aussi  pensé  qu'il  y 
avait  lieu  à  doubler  la  somme  alors  accordée  au  premier  secrétaire  de  M.  le 
procureur  du  roi  en  considération  de  l'augmentation  de  son  travail. 

'En  conséquence,  on  accorde  au  sieur  Boudreau  4,000  livres  ;  au  sieur 
Boyenval,  2,400  livres;  au  sieur  Lemoine,  2,400  livres;  au  sieur  De- 
milly,  2,400  livres;  au  sieur  de  la  Bonnardière,  1,800  livres;  au  sieur 
Derin,  1,800  livres.  —  Total  de  ces  gratifications  :  14,800  livres. 

Ajoutons  qu'en  date  du  17  avril2,  le  sieur  de  laGoupilière,  premier 
secrétaire  du  prévôt  des  marchands,  ex-commissaire  général  des  im- 
positions, ex-subdélégué  à  l'intendance  de  Paris,  obtint  du  bureau 
une  pension  de  retraite  de  G, 000  livres  et  une  place  de  commissaire 
général  de  la  navigation  sur  la  rivière  de  Marne,  à  6,000  livres  d'ap- 
pointements 3. 

DÉPENSES  FIXES  DE  LA  VILLE 

(ÉTATS  DE  1188)4 

Du  mardi  18  mars  1788. 

Nous,  prévôt  des  marchands  et  échevins  de  la  ville  de  Paris,  assemblés  au 
bureau  avec  le  procureur  du  roi  et  de  la  ville,  nous  étant  précédemment  fait 
représenter  les  dix  états  annuels  de  différentes  dépenses  ordinaires  de  la  ville, 


1.  Arch.  nat,  H.  1960. 

2.  La  délibération  du  bureau  fut  confirmée  par  arrêt  du  Conseil  du   18  avril 
1189  (H.  1960). 

3.  Poste  nouveau,  analogue  à  celui  donné  au  sieur  Magin    sur  la  Seine  et 
l'Yonne. 

4.  Arch.  nat.,  IL  1959. 


L'HOTEL  DE  VILLE  549 

arrêtés  par  le  bureau  le  30  mars  1787,  pour  l'année  entière  1787,  ensemble 
les  délibérations  ou  arrêtés  par  nous  pris,  depuis  le  mois  de  mars  1787,  sur 
ces  objets  compris  ou  de  nature  à  être  compris  dans  ces  états  annuels,  nous 
avons  fait  faire  dix  nouveaux  états  pour  l'année  entière  du  I01'  janvier  1788  au 
1er  janvier  1789,  lesquels  sont  composés  ainsi  qu'il  suit  : 

Le  premier,  comprenant  les  appointements,  gages  et  gratifications  des  em- 
ployés à  l'Administration  de  la  ville,  est  sommé  à  100,039  livres;  le  deuxième, 
comprenant  les  appointements  et  gratifications  tant  des  directeur  et  receveurs 
ambulants  des  octrois  à  perpétuité  appartenant  à  la  ville  que  des  directeur, 
vérificateurs,  receveurs,  et  autres  commis  de  la  ferme  générale  employés  à  la 
perception  desdils  octrois,  sommé  à  67,289  livres;  le  troisième,  comprenant 
les  appointements  et  gratifications  des  directeur,  receveurs  et  autres  employés 
à  la  perception  des  octrois  à  temps,  sommé  à  15,525  livres;  le  quatrième, 
comprenant  les  gratifications  desdits  directeur,  receveurs  et  autres  employés  à 
la  perception  des  droits  de  halle  et  gare,  sommé  à  4,103  livres;  le  cinquième, 
comprenant  les  gratifications  accordées  à  aucuns  commis,  à  cause  des  travaux 
relatifs  aux  opérations  résultantes  de  l'exécution  des  lettres  patentes  du  mois 
de  novembre- 1762,  est  sommé  à  1,700  livres;  le  sixième,  comprenant  les 
charges  fixes  et  annuelles  de  la  bibliothèque  de  la  ville,  est  sommé  à  5,750  livres; 
le  septième,  comprenant  la  solde  de  la  garde  sédentaire  en  l'Hôtel  de  Ville  et 
autres  dépenses  annuelles  concernant  la  compagnie  des  gardes  de  la  ville,  est 
sommé  à  21,557  livres;  le  huitième,  comprenant  les  marchés  d'ouvrages, 
d'entretien  à  l'année  des  bâtiments  du  domaine  de  la  ville,  est  sommé  à 
85,400  livres;  le  neuvième,  comprenant  les  gages  et  taxations  des  officiers  de 
l'Hôtel  de  Ville  et  autres,  est  sommé  à  119,930  livres;  et  le  dixième  et  dernier, 
comprenant  les  pensions  dues  par  la  ville  au  1er  janvier  1788,  est  sommé  à 
72,550  livres.  Total  :  493,903  livres. 

Suit  l'ordonnance  de  payement  (par  trimestre).  —  La  même  chemise 
renferme  les  dix  états  mentionnés  dans  l'ordonnance. 


premier  état  (100,039  livres) 

Le  premier  état  est  divisé  en  onze  sections  :  1°  bureau  de  M.  le 
prévôt  des  marchands;  2°  bureau  de  M.  le  procureur  du  roi  et  de  la 
ville;  3°  greffe;  4°  archives;  o°  bureaux  de  la  recette  générale  [mé- 
moire, le  trésorier  général  retenant  lui-même  une  somme  fixe  sur  le 
produit  de  sa  recette  par  lettres  patentes  du  6  juin  1784);  6°  contrôle 
de  la  recette  générale;  7° bureau  de  la  recette  du  droit  appartenant  à 
la  ville  sur  chaque  poisse  de  sel  passant  sous  le  pont  de  Mantes  (mé- 
moire); 8°  bureau  des  constitutions  de  rentes;  9°  bureau  des  bâti- 
ments; 10°  police  des  ports;  11°  divers1. 

Voici  les  noms  des  parties  prenantes,  et  les  traitements  les  plus 
élevés,  ou  les  plus  significatifs  : 

1.  Sur  les  bureaux  de  la  Ville,  voyez  Almanuch  de  1789,  p.  440. 


550  L'HOTEL  DE  VILLE 

1.  —  De  la  Goupilière,  premier  secrétaire  de  M.  le  prévôt  des  mar- 
chands (10,000  livres). 

2.  —  Lessecrétaires(non  nommés)  du  procureur  du  roi  etdela  ville. 

3.  —  Boudreau,  premier  commis  au  greffe  (3,050  livres)  et  dans  le 
même  bureau  les  sieurs  Boyenval,  Lemoine,  Houdon,  Collet,  Ligeret, 
Hermand. 

4.  —  Boudreau,  directeur  des  archives,  et  dans  le  même  bureau  les 
sieurs  Fournier,  Leclcrc,  Hermand,  Simon. 

5.  —  (Mémoire.) 

6.  —  Navier  du  Coudray,  commis  à  la  tenue  du  contrôle  (2,500 
livres). 

7.  —  (Mémoire.) 

8.  —  Renou,  Desban. 

9.  —  Poyet,  architecte,  par  commission  du  19  mars  1787  (14,000 
livres);  Legrand,  contrôleur  (5,000  livres);  Fournier,  Madin,  inspec- 
teurs; Delaître,  Callou,  inspecteurs  des  fontaines;  Happe,  Leclerc, 
vérificateurs;  Marguet,  commis;  Lacombe, concierge  des  ateliers  de  la 
ville  au  Rouir. 

10.  —  Magin,  commissaire  général  de  la  navigation,  commission 
du  28  mars  1787  (6,000 livres);  Boucheron,  inspecteur  de  la  naviga- 
tion; Des  Escoutes,  inspecteur  au  port  de  l'hôpital;  Le  Breton,  inspec- 
teur au  port  Saint-Paul;  Merlet,  inspecteur  au  port  Saint-Nicolas; 
Blanchet,  huissier -audiencier,  commissaire  de  police  de  la  ville  '  ; 
Tenaille  de  Chàtillon,  subdélégué  du  bureau  à  Glamecy  (1,200  livres)  ; 
Baron,  «ci-devant  chargé  de  faire  flotter  les  bois  à  brûler  destinés  à 
l'approvisionnement  de  Paris  (1,000  livres)  »  ;  Rigault,  procureur  du 
roi  en  la  maîtrise  des  eaux  et  forêts  de  Vernon  et  les  Andelys,  «  chargé 
par  le  bureau  de  veiller  à  l'exécution  des  ordonnances  »  concernant 
l'approvisionnement  de  Paris  en  bois  de  chauffage;  Poyet,  architecte, 
chargé  de  faire  mesurer  journellement  la  hauteur  de  la  rivière  (200  li- 
vres); Villette,  inspecteur  de  la  descente  des  bateaux  à,  la  Râpée; 
Aumont,  inspecteur  des  bachoteurs;  Ducrocq,  inspecteur  au  pont  de 
l'Arche  ;  Rulhière,  inspecteur  général  de  la  maréchaussée  de  l'Ile-de- 
France  (300  livres);  Evin  de  Prince,  commandant  la  maréchaussée  de 
Bondy;  Robinot  de  Bellemont,  celle  de  Gharenton;  Vinfray,  celle  de 
Cboisy;  Durocher,  celle  de  Passy;  Le  Breton  père,  celle  de  Sèvres;  Le 
Breton  fils,  celle  de  Nanterre;  Marchais,  celle  de  Saint-Denis;  Lecocq, 
celle  de  Poissy,  chacun  300  livres. 


1.  11  est  appointé  de  300  livres  par  le  bureau  «  à  cause  de  ses  soins  dans  l'ad- 
ministration des-  secours  aux  noyés  ». 


L'HOTEL  DE  VILLE  551 

l'I.  —  Lecocq,  exempt  du  bureau;  Jacques  Tirot,  serviteur  de  la 
ville  (1,900  livres);  et  divers  gardes  de  bureau,  domestiques,  etc., 
parmi  lesquels  est  employée  pour  50  livres  «la  fille  Brière,  chargée 
de  balayer  l'intérieur  de  la  balustrade  étant  autour  de  la  statue  de 
Louis  XIV,  place  Vendôme». 

DEUXIÈME  ÉTAT  (67,289   livres) 

11  comprend  32  sections  : 

1°  Le  bureau  de  la  direction  des  droits  de  la  ville;  2°  le  bureau  gé- 
néral des  aides  (hôtel  de  Bretonvilliers);  3°  le  bureau  des  vérifications 
générales  des  aides;  4°  le  bureau  général  de  la  recette  des  aides  (au 
même  hôtel);  4°  /vis,  la  ferme  générale  pour  le  service  des  jaugeurs; 
5°  les  bureaux  des  ports  et  barrières  de  la  Tournelle  ;  6°  de  Saint-Paul  ; 
7°  de  Fontainebleau;  8°  de  Saint-Jacques;  9°  de  Saint-Michel;  10°  des 
Carmes;  11°  de  Saint-Germain;  12°  de  Grenelle;  13°  de  Saint-Nicolas; 
14°  de  la  Conférence;  15°  du  Boule;  16°  de  la  Ville -l'Évêque;  17°  de 
Barrière-blanche;  18°  de  Sainte-Anne;  19°  de  Saint-Denis;  20°  de 
Saint-Martin;  21°  du  Temple;  22°  de  la  Croix-Faubin  ;  23°  de  Picpus; 
24°  de  Rambouillet;  25°  de  la  Bàpée;  26°  de  la  Halle  aux  vins;  les 
articles  27  et  28  portent  (pour  mémoire)  les  remises  proportionnelles 
des  receveurs  des  vendanges  et  des  cidres;  29°  commis  à  la  recette  du 
droit  de  seize  sous  sur  les  bières;  30°  douanes;  31°  port  Saint-Paul 
Domaine;  32°  bureau  établi  aux  messageries. 

Les  seuls  noms  et  traitements  de  quelque  importance  sont  dans  les 
sections  1,  2,  3,  5  et  6.  Nous  citerons  le  sieur  de  Saint-Seine,  directeur 
général  de  la  ville  (8,500  livres);  ses  trois  receveurs  ambulants,  à 
4,000  livres;  Navier,  Alix  et  Legrand,  le  sieur  Delaitre,  directeur  gé- 
néral des  aides  (3,000  livres)  ;  les  receveurs,  non  nommés,  de  la  Tour- 
nelle et  de  Saint-Paul  (chacun  3,700  livres). 

troisième  état  (15,525  livres) 

Le  troisième  état  renferme  24  sections,  qui  correspondent  aux  sec- 
tions 1,  3, 4,  5  à  20,  29  du  deuxième,  et  concernent  les  mêmes  services 
financiers.  Ce  sont  des  gratifications  annuelles,  délibérées  par  le  bu- 
reau de  la  ville  le  14  juin  1768. 

quatrième  état  (4,103  livres) 
Il  comprend  30  sections,  dont  25  correspondent  aux  précédentes. 


552  L'HOTEL  DE  VILLE 

Les  cinq  nouvelles  sont  les  charbons,  le  bureau  des  octrois,  la  Grève, 
FOursine,  et  les  inventaires  hors  barrières  (ce  dernier  article  pour 
mémoire).  Sont  visées  les  délibérations  du  bureau  de  la  ville  des  23 
septembre  1703,  12  août  1773,  24  avril  1780,  et  10  février  1787  '. 

cinquième  état  (1,700  livres) 

Aux  sieurs  Eoudreau,  Boudoux  et  Ducoudray.  — Pour  gratifications 
à  cause  de  leurs  travaux  relatifs...  à  l'exécution  des  lettres  patentes 
du  mois  de  novembre  1702.  Il  s'agit  de  l'examen,  du  contrôle,  et  du 
registre-journal  des  constitutions  et  reconstitutions  de  rentes  affectées 
sur  les  droits  de  balle  et  gare.  Ces  1,700  livres  sont  prélevées  elles- 
mêmes  sur  le  produit  des  droits  de  halle  et  gare. 

sixième  état  (5,750  livres) 

Il  concerne  les  charges  fixes  et  annuelles  de  la  bibliothèque  de  la 
ville. 

Au  procureur  du  couvent  de  la  culture  Sainte-Catherine,  pour  le 
loyer  de  la  bibliothèque  (1,200  livres); 

Au  sieur  Ameilhon,  l'aîné,  historiographe  et  bibliothécaire (2,400 li- 
vres), dont  400  pour  son  logement; 

Au  sieur  Jacques  Ameilhon,  sous-bibliothécaire  (1,400  livres),  dont 
400  pour  son  logement  ; 

Au  procureur  du  couvent  de  la  culture  Sainte-Catherine  pour  les 
gages  du  portier  (150  livres); 

Au  sieur  Hezet,  garçon  de  bibliothèque  par  délibération  du  9  mars 
1787  et  acte  du  24  octobre  audit  an  (000  livres). 

Nota.  —  Par  délibération  du  bureau  du  20  août  1777  il  fut  arrêté 
qu'il  serait  fait  annuellement  un  fonds  de  1,200  livres  pris  sur  les 


1.  Voyez  :  Appointements  donnés  par  la  Ville  à  cause  de  la  perception  des  oc- 
trois. (Arch.  nat.,  H.  ÎO.'JS,  année  1787.) 

Cet  état  est  divisé  en  7  colonnes  :  bureaux,  —  noms  et  qualités  des  employés, 
anciens  octrois,  —  nouvel  octroi,  —  halle  et  gare, —  total  pour  chaque  employé, 
—  total  pour  chaque  bureau. 

Le  total  est  de  80,887  livres,  dont  07,259  livres  pour  les  anciens  octrois, 
15  .'>2.">  livres  pour  le  nouveau,  —  4,10.']  livres  pour  les  droits  de  halle  et  gare. 

Un  abus  assez  curieux,  c'esl  que  la  Mlle  payait  1,100  livres  au  directeur  géné- 
ral  des  aides  et  au  bureau  général,  fl,M7()  livres  aux  dix-huit  vérificateurs,  1,950  livres 
à  un  receveur  et  à  un  contrôleur  du  bureau  de  recette.  —  Le  0  juillet  1784,  la 
Ville  avait  rétabli  3  places  de  directeurs  ambulants,  supprimés  par  voie  d'extinc- 
tion le  30  juillet  1770. 


L'HOTEL  DE  VILLE  553 

revenus  de  la  ville  pour  être  employé  à  acheter  des  livres  dont  les  bi- 
bliothécaires présenteraient  l'état  au  bureau  (Mémoire). 

Par  autre  délibération  du  9  mars  1787,  il  fut  arrêté  que  le  biblio- 
thécaire ne  pourrait  point  excéder  en  acbat  de  livres  ladite  somme  de 
1,200  livres,  que  même  sur  cette  somme  il  serait  pris  annuellement 
300  livres  pour  faire  faire  inventaire  des  livres  composant  la  biblio- 
thèque (Mémoire). 

septième  état  (21,557  livres) 

Il  comprend  :  1°  la  solde  de  la  garde  sédentaire  en  l'Hôtel  de  Ville 
(deux  olliciers  à  800  livres  par  an,  deux  sergents  à  30  sous  par  jour, 
vingt-quatre  gardes  et  un  tambour  chacun  à  25  sous);  2°  les  pensions 
de  retraite  accordées  à  un  sergent  et  à  quatre  desdits  gardes;  3°  les 
gages  des  instruments  des  quatre  compagnies  ;  4°  une  gratification  an- 
nuelle de  2,100  livres  accordée  auxdites  compagnies  pour  leur  assis- 
tance aux  cérémonies  extraordinaires,  y  compris  la  marche  de  la  sur- 
veille de  Saint-Jean-Baptiste  ;  5°  la  restitution  ou  remise  des  2  sous  par 
muid  de  vin  perçus  au  profit  de  la  ville  sur  les  4,515  muids  de  vin  que 
lesdites  quatre  compagnies  ont  le  privilège  de  faire  entrer  francs  de 
droits,  ladite  restitution  lixée  à  451  livres  10  sous  aux  termes  des  ju- 
gements du  bureau  des  23  décembre  1783  et  28  décembre  1787. 

huitième  état  (85,460  livres) 

Il  se  rapporte  aux  marchés  d'ouvrages  d'entretien  à  l'année  des 
bâtiments  du  domaine  de  la  ville. 

Le  sieur  Barbier,  poélier.  Entretien  des  poêles  de  l'Hôtel  de  Ville, 
des  corps  de  garde  des  ports,  quais  et  remparts  (1,500  livres). 

Le  sieur  Debar,  horloger.  Les  trois  pendules  de  l'Hôtel  de  Ville 
(50  livres). 

Le  sieur  Cheradame.  Entretien  du  rempart  du  Nord,  du  rempart  du 
Midi  et  de  l'intérieur  de  la  place  Boyale  (38,400  livres). 

Le  sieur  Cheradame.  Arrosement  du  rempart  du  nord  (10,000  livres). 

Les  sieurs  Perier  frères  ou  la  Compagnie  des  eaux  de  la  Seine 
élevées  par  les  machines  à  feu.  Supplément  à  l'arrosement  du  rem- 
part du  Nord  (1,000  livres). 

Les  mêmes.  Arrosement  de  la  place  Louis  XV,  des  chemins,  rues  et 
avenues  y  adjacents  (7,000  livres). 

Le  sieur  Lenoble,  plombier.  Conduites  et  tuyaux  de  plomb  des  fon- 
taines publiques  (8,950  livres). 


SS4  L'HOTEL  DE  VILLE 

Le  sieur  Duhamel.  Entretien  des  puisoirs  des  porteurs  d'eau  et  ba- 
teaux de  pompe  à  incendie  (1,700  livres). 

Le  sieur  Gillerond.  Arrosement  d'une  partie  du  rempart  du  Midi 
entre  les  rues  de  Grenelle  et  de  Sèvres  (3,050  livres). 

Le  sieur  Tourtille-Sangrain .  Entretien  des  réverbères  et  fournitures 
d'illumination  sur  le  rempart  du  Nord  (6,560  livres). 

Le  sieur  Gheradame.  durement  et  nettoiement  des  égouts  à  la  charge 
de  la  ville  (0,000  livres). 

Le  sieur  Guerrier.  Entretien  des  vitrages  de  l'Hôtel  de  Ville,  de  la 
bibliothèque,  du  bateau  delà  ville  et  des  corps  de  garde  (1,150  livres). 

Le  sacristain  de  l'Église  de  Paris.  Entretien  du  lampadaire  de  Notre- 
Dame  (100  livres). 

Les  dates  des  baux  et  marchés,  ainsi  que  leur  durée,  sont  indi- 
quées. La  plupart  sont  faits  pour  neuf  ans,  ou  pour  trois,  six.et  neuf  ans. 

neuvième  état  (119,930  livres) 

Il  est  intitulé  :  «  Etat  particulier  des  gages  et  taxations  des  officiers 
de  l'Hôtel  de  Ville  ».  Sur  cette  somme  de  119,930  livres,  il  y  en  a 
100,000  qui  constituent  les  gages  et  droits  d'exercice  du  receveur  géné- 
ral des  domaine,  dons,  octrois,  aides  et  fortifications  de  la  ville,  office 
désuni  du  corps  et  Hôtel  de  Ville  par  lettres  patentes  du  6  juin  1784. 
Les  19,930 livres  restantes  ne  comprennent  pas  moins  de  27  articles. 
Plusieurs  sont  purement  honorifiques.  Tels  sont  les  gages  du  procu- 
reur général  du  Parlement,  conseiller-né  de  la  Ville  (10  livres),  du  pro- 
cureur pour  la  Ville  au  Parlement  (6  livres  5  sous),  du  procureur 
pour  la  Ville  à  la  Chambre  des  comptes  (62  livres  10  sous),  du  procu- 
reur pour  la  Ville  au  Chàtelet  (6  livres  5  sous),  les  indemnités  pour 
menus  droits  aux  procureurs  au  bureau  de  la  Ville  (60  livres). 

Le  procureur  et  avocat  du  roi  et  de  la  Ville  a  800  livres  d'anciens 
gages,  et  aux  termes  de  l'arrêt  du  Conseil  du  15  juillet  1785  enregistré 
au  bureau  le  1er  août,  4,000  livres  de  supplément  (total  :  4,800  livres). 

L'office  du  lieutenant  de  la  juridiction  de  l'Hôtel  de  Ville  apparte- 
nait aux  compagnies  des  conseillers  et  quartiniers  ;  les  fonctions 
étaient  exercées  parle  premier  échevin  (1,700  livres  de  traitement,  y 
compris  100  livres  pour  le  rembourser  de  la  paillette). 

Les  frais  du  greffe  sont  de  4,343  livres  10  sous;  entre  autres,  l'en- 
registrement des  assemblées  générales  et  particulières  de  l'Hôtel  de 
Ville  est  payé  100  livres. 

Le  substitut  du  procureur  du  roi  et  de  la  Ville  a  île  petites  taxations 
(210  livres)  :  1°  pour  la  police  des  bois  à  brûler,  et  parce  qu'il  «  em- 


L'HOTEL  DE  VILLE  S53 

pêche  les  monopoles  qui  se  commettent  par  les  marchands,  charre- 
tiers, gagne-deniers,  etc.;  »  2°  pour  les  soins  qu'il  donne  «  aux  affaires 
de  la  Ville  ayant  trait  à  la  police,  tant  au  conseil  qu'au  parlement  et 
aux  autres  juridictions  ». 

La  Ville  donne  120  livres  de  gages  à  chacun  de  ses  subdélégués, 
l'un  d'Auxerre  (résidant  à  Clamecy),  l'autre  de  Vermanton  (résidant  à 
Auxerre);  680  livres  à  la  compagnie  des  quartiniers,  comme  proprié- 
taire de  quatre  charges  réunies  aux  seize  anciennes;  130  livres  au 
quartinier  de  l'Hôtel  de  Ville  pour  les  gages  du  portier  de  la  porte 
Saint-Antoine  ;  25  livres  au  quartinier  de  la  Cité  «  pour  faire  tendre 
les  chaînes  dans  les  rues  dudit  quartier  le  jour  de  l'Assomption  à 
cause  de  la  procession  de  Notre-Dame  ».  Les  quartiniers  de  l'île 
Saint-Louis,  du  quartier  Saint-Denis,  et  du  quartier  des  Saints-Inno- 
cents, avaient  droit  au  logement,  l'un  dans  la  porte  Saint-Bernard, 
les  deux  autres  dans  la  porte  Saint-Denis  :  comme  ils  n'en  jouissent 
pas,  ils  ont  de  ce  chef  150  livres  d'indemnité. 

Quant  aux  gages  annuels  des  cinquanteniers,  ils  touchaient  16  li- 
vres chacun;  de  64  qu'ils  devaient  être,  il  n'en  restait  que  32,  em- 
ployés pour  512  livres.  —  Les  136  dixainiers  «  existant  seulement  de 
256  »  ont  chacun  12  livres,  ce  qui  fait  1,632  livres. 

Les  10  huissiers  commissaires  de  police  ont  chacun  180  livres; 
6  d'entre  eux  touchent  ensemble  106  livres  10  sous  comme  étalon- 
mers  ;  4  touchent  ensemble  101  livres  comme  buissonniers. 

Le  serviteur  de  la  Ville  entretient  et  blanchit  le  linge,  fournit  la 
buvette,  et  fait  le  service  du  feu  la  veille  de  la  Saint-Jean;  il  a  pour 
le  tout  625  livres. 

Les  24  officiers  des  quatre  compagnies  des  gardes  de  la  Ville  ont  en 
tout  1,460  livres.  En  voici  la  liste  : 

lrc  Compagnie  (arbalétriers)  :  colonel  (320  livres),  lieutenant-colo- 
nel (120  livres),  major  (80  livres),  sous-lieutenant  (40  livres),  enseigne 
(40  livres),  cornette  (30  livres),  guidon  (30  livres). 

2me  Compagnie  (archers)  :  capitaine  (80  livres),  lieutenant  (60  livres), 
sous-lieutenant  (40  livres),  enseigne  (30  livres),  cornette  (30  livres), 
guidon  (30  livres). 

3me  Compagnie  (arquebusiers)  :  capitaine  (80  livres),  lieutenant 
(60  livres),  sous-lieutenant  (40  livres),  enseigne  (30  livres),  cornette 
(30  livres),  guidon  (30  livres). 

4me  Compagnie  (fusiliers)  :  capitaine  (80  livres),  lieutenant  (60 livres), 
sous-lieutenant  (40  livres),  enseigne  (301ivres). 

(Nota.  —  Le  colonel  des  gardes  de  la  Ville,  outre  ses  320  livres, 
touche  260  livres  pour  menus  droits  supprimés.) 


536  L'HOTEL  DE  VILLE 

Le  capitaine  d'artillerie  de  la  Ville  a  420  livres,  soit  comme  capi- 
taine, soit  comme  garde-magasin  de  la  Ville,  soit  pour  menus  droits. 

Enfin  la  ville  donne  100  livres  au  gouverneur  de  l'horloge  du 
Palais. 


dixième  état  (72,550  livres) 

Ce  sont  les  pensions  viagères  dues  par  la  Ville  au  1er  janvier  1788. 
Elles  sont  en  général  accordées  soit  aux  officiers  ou  employés  de  la 
Ville,  soit  à  leurs  ascendants,  descendants  ou  conjoints;  quelques- 
unes  constituent  des  indemnités.  Enfin  il  en  est  dont  les  motifs  sont 
intéressants  à  signaler.  Le  numéro  24  de  cet  état  concerne  «  le  che- 
valier Descours,  capitaine  des  gardes  de  M.  de  Brissac,  gouverneur 
de  Paris  »;  il  a,  par  délibération  du  22  octobre  1781,  1,500  livres  de 
pension  «  pour  être  venu  annoncer  à  la  Ville  la  naissance  de  Monsei- 
gneur le  Dauphin  ».  Le  sieur  Boudreau,  premier  commis  du  greffe,  a 
3,000  livres  «  pour  son  travail  passé  à  l'inventaire  des  papiers  de  la 
Ville  »  par  délibérations  des  18  avril  et  19  août  1777  et  14  juin  1782. 
Cinq  jaugeurs  sont  indemnisés  par  une  pension  de  la  suppression  de 
leurs  places.  Le  sieur  Pérou,  inspecteur  général  de  la  jauge,  a 
1,000  livres  (décision  du  7  février  1777)  «  pour  le  récompenser  de 
son  travail  à  la  découverte  d'un  principe  certain  pour  pouvoir  con- 
naître la  nature  de  chaque  espèce  d'eau-de-vie  par  le  secours  de  l'aréo- 
mètre ». 

La  Ville  est  chargée  aussi  de  trois  pensions  considérables,  par 
arrêts  du  Conseil  :  6,000  livres  à  Buffault,  ancien  receveur  général  de 
la  Ville  (arrêt  du  12  août  1784)  ;  15,000  à  M.  Jollivet  de  Vannes,  an- 
cien procureur  du  roi  et  de  la  Ville  (arrêt  du  15  juillet  1785)  ;  4,000  à 
Mmo  Rousseau,  veuve  d'un  trésorier  général  de  la  Ville  (15  juillet 
1785). 

La  déclaration  du  mois  d'août  1783  portait  que  la  Ville  arrêterait 
l'état  des  pensions  viagères  qu'elle  servait  à  cette  époque  ;  elle  réduisait 
à  30,000  livres  le  maximum  des  pensions  que  le  bureau  pourrait  nor- 
malement accorder,  et,  comme  le  total  atteignait  51,238  livres,  elle 
permettait,  afin  de  ménager  la  transition,  d'accorder  de  nouvelles 
pensions  jusqu'à  concurrence  de  la  moitié  de  la  somme  totale  des 
extinctions  annuelles. 

Les  pensions  dues  en  1783  montaient  à 51,238  livres. 

*    Celles  existantes  desdites  pensions,  au  1er  janvier 

1789,  à 37,150     — 

Les  extinctions  étaient  donc  de 14,088     — 


L'HOTEL  DE  VILLE  557 

Dont  la  moitié  était  de 7,044  livres. 

Cependant  les  pensions  faites  par  la  Ville  depuis  1783  montaient  à 
12,400  livres.  Elle  n'avait  donc  pas  obéi  à  la  déclaration  de  1783. 
Elle  s'y  était  crue  d'autant  moins  obligée  que  le  Conseil  l'avait  chargée 
par  arrêt  de  25,000  livres  de  pension.  C'est  pourquoi  cet  état,  qui  au- 
rait dû  être  ramené  à  37,150  livres  -\~  7,014  livres  r=  44,194  livres, 
atteignait  74,550  livres  en  1789  '. 

L'obscurité  de  ces  comptes  de  dépensas  est  due  à  diverses  causes. 
Les  intérêts  de  la  finance  de  certains  offices  sont  confondus  avec  les 
émoluments  proprement  dits.  Aucun  répertoire  nominatif  ne  permet 
de  se  rendre  compte  des  cumuls.  Exemple  :  pour  avoir  une  idée  (peut- 
être  incomplète)  de  la  situation  du  sieur  Boudreau,  premier  commis 
du  greffe,  il  faut  consulter  le  premier  état  (section  3),  le  même  (sec- 
tion 4),  le  cinquième  (n°  1),  le  neuvième  (article  5),  et  le  dixième 
(article  26).  Nous  constatons  ainsi  que  ce  fonctionnaire  touchait,  pour 
différents  services,  7,169  livres,  sans  compter  des  taxations  éven- 
tuelles. Autre  exemple  :  les  10,000  livres  qui  forment  le  traitement  du 
premier  secrétaire  du  prévôt  des  marchands  se  décomposent  en  10  ar- 
ticles, énumérés,  il  est  vrai,  en  face  de  son  nom  dans  le  même  état. 
Ce  sont  :  1,600  livres  d'appointements  ordinaires;  1,050  livres  d'ap- 
pointements extraordinaires  ;  900  pour  le  payement  des  rentes  sur  les 
aides  et  gabelles  ;  600  pour  services  à  la  régie  des  droits  des  inspec- 
teurs des  boucheries  et  boissons;  450  pour  «  différentes  affaires  »; 
250  de  gratification  pour  un  travail  dont  il  est  particulièrement  chargé  ; 
300  pour  frais  de  bureau  ;  1,450  pour  la  capitation;  150  pour  frais  de 
voiture;  3,250 'pour  augmentation  d'appointements  (délib.  du  18  fé- 
vrier 1785). 

Ajoutons  que  ces  états  ne  nous  disent  absolument  rien  de  la  situa- 
tion du  prévôt  des  marchands,  ni  des  quatre  échevins,  ni  du  greffier 
en  chef,  qui  était  en  même  temps  conservateur  des  hypothèques.  Les 
deux  seuls  membres  du  bureau  dont  il  soit  question  financièrement 
sont  :  Buffault  (l'éclievin),  mais  comme  lieutenant  de  la  juridiction,  et 
Éthis  de  Corny,  procureur  et  avocat  du  roi  et  de  la  ville. 

Veytard  (greffier  en  chef)  est  employé  pour  une  pension  viagère  de 
4,000  livres;  mais  c'est  pour  lui  tenir  compte  d'une  pension  de  6,000 
livres  qu'il  paye  lui-même  à  Mmc  veuve  Taitbout,  et  seulement  tant 
que  durera  cette  pension. 

1.  Voir  Y  État  suivant,  p.  558. 


558  L'HOTEL  DE  VILLE 

ÉTAT  DES  DÉPENSES  FIXES 

(1er   JANVIER     1789    AU     l°r    JANVIER    1790)' 

Ces  états,  datés  du  27  mars  1789,  sont  également  au  nombre  de 
dix  : 


\cr 

ÉTAT, 

104,989 

livres. 

2e 

— 

67,289 

— 

3e 

— 

15,525 

— 

4e 

■   — 

4,103 

— 

5e 

— 

1,700 

— 

(ip 

— 

5,750 

— 

7  e 

— 

21,522 

— 

15  sols. 

8° 

— ■ 

85,460 

— 

9e 

— 

119,930 

— ■ 

10e 

— 

71,550 

— 

Total.   .   .  .     500,818   livres,  15  sols. 


1.  Arch.   nat.,  M.  1960.   —   Voyez  dans  les  Mém.  de  Balliy  (éd.   Barrière)  le 
tome  111,  il"  25. 


XV 

MÉLANGES,  CONFLITS 
RÈGLEMENTS  D'ATTRIBUTIONS  ENTRE  LA  VILLE 

ET  AUTRES  JURIDICTIONS 


Dans  une  des  pièces  reproduites  plus  haut,  on  a  vu  la  Ville  défendre 
contre  le  Parlement  non  un  droit  actif  d'autonomie  administrative, 
mais  le  privilège  en  quelque  sorte  passif  de  ne  recevoir  d'ordre 
que  des  ministres,  et  de  ne  rendre  qu'à  eux  des  comptes  intégraux.  Ce 
n'est  point  là,  à  proprement  parler,  un  conflit  entre  la  Ville  et  le  Par- 
lement (chose  impossible  dans  l'état  des  idées  et  des  institutions), 
c'est  un  conflit  entre  le  Parlement  et  les  ministres  à  propos  de  la 
Ville. 

Tel  n'est  plus  le  caractère  des  documents  qui  suivent.  Il  ne  s'agit, 
en  face  de  la  Ville,  que  d'institutions  et  de  juridictions  qui  lui  sont 
comparahles,  c'est-à-dire  avec  lesquelles  elle  n'a  point  de  rapport 
hiérarchique  établi  :  Chatelet,  lieutenance  de  police,  gouvernement 
de  laRastille,  table  de  marbre,  direction  générale  des  bâtiments  du 
roi,  bureau  des  finances  et  chambre  du  domaine  réunie...  Il  eût  été 
aisé  de  multiplier  les  documents  de  cette  nature;  nous  avons  choisi 
plutôt  les  plus  courts,  que  les  plus  importants  par  la  nature  des 
affaires  auxquelles  ils  se  rapportent  :  car  notre  ohjet  principal  est 
de  montrer  l'anarchie  administrative  dont  se  compliquait  l'absolu- 
tisme à  la  fin  de  l'ancien  régime. 

En  forme  d'appendice,  nous  avons  dit  quelques  mots  de  la  juridic- 
tion consulaire,  dont  les  formes ,  l'origine  élective  et  les  attributions 
judiciaires  rappellent  beaucoup  le  bureau  de  la  Ville,  avec  lequel  il 
avait  été  question  de  la  réunir. 


560  CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS 

CONFLIT  DE  LA  VILLE  ET  DU  CHATELET 

a  l'occasion  d'une  sentence  criminelle  ' 

Le  17  janvier  1789,  le  Parlement  rendit  l'arrêt  criminel  qui  suit  : 

Vu  par  la  Cour  le  procès  criminel  fait  par  le  prévôt  de  Paris,  ou  son  lieute- 
nant criminel  au  Chàtelet,  à  la  requête  du  substitut  du  procureur  général  du 
roi  audit  siège,  demandeur  et  accusateur,  contre  un  quidam  accusé,  absent  et 
contumax;ct  encore  contre  Louis-Abraham  Etienne,  travaillant  sur  la  rivière, 
défendeur  et  accusé,   prisonnier  ès-prisons  de  la  Conciergerie  du  Palais,  à 
Paris,  et  appelant  de  la  sentence  rendue  sur  ledit  procès,  le  14  novembre  1788, 
par  laquelle  la  contumace  a  été  déclarée  bien  et  valablement  instruite  contre 
ledit  quidam,  accusé,  absent,  et  il  a  été  dit  qu'avant  faire  droit  définitivement, 
il  serait  plus  amplement  informé  des  faits  mentionnés  au  procès;  ledit  Louis- 
Abraham  Etienne  a  été  déclaré  dûment  atteint  et  convaincu  d'avoir  volé  quatre 
bûches  dans  un  bateau  de  bois  sur  la  rivière,  et  suspect  d'en  avoir  précédem- 
ment volé  une  plus  grande  quantité,  ainsi  qu'il  est  mentionné  au  procès;  pour 
réparation  de  quoi,  ledit  Louis-Abraham  Etienne  a  été  condamné  à  être,  par 
l'exécuteur  de  la  haute  justice,  attaché  au  carcan,  port  Saint-Paul,  et  y  demeu- 
rer depuis  midi  jusqu'à  deux  heures,  ayant  écritcau  devant  et  derrière,  por- 
tant ces  mots  :  Voleur  de  bois  dans  les  bateaux,  et  audit  lieu  battu  et  fustigé, 
nu,  de  verges  par  ledit  exécuteur,  et  tlétri  d'un  fer  chaud  en  forme  des  lettres 
Gal..  sur  l'épaule  droite;  ce  fait,  conduit  à  la  chaîne,  pour  y  être  attaché  et 
servir  le  roi,  comme  forçat,  sur  ses  galères,  pendant  le  temps  et  espace  de 
trois  ans  ;  défenses  lui  ont  été  faites  de  se  retirer  en  aucun  cas,  après  le  temps 
de  sa  condamnation  expiré,  dans  la  ville,  faubourgs  et  banlieue  de  Paris,  ni  à 
la  suite  de  la  cour,  sous  les  peines  portées  par  les  déclarations  du  roi.  Il  a 
été  dit  aussi  que  ladite  sentence  serait,  à  la  diligence  dudit  substitut,  imprimée 
et  affichée  dans  tous  les  lieux  et  carrefours  accoutumés  de  ladite  ville,  faubourgs 
et  banlieue  de  Paris,  notamment  sur  les  ports  et  quais,  et  partout  où  besoin 
serait.  Ouï  et  interrogé  en  la  Cour  ledit  Louis-Abraham  Etienne  sur  ses  causes 
d'appel  et  cas  à  lui  imposés  :  tout  bien  considéré: 

La  Cour...  met  l'appellation  à  néant;  confirme  la  sentence  du 
lieutenant  criminel  par  arrêt  «  et,  pour  le  faire  mettre  à  exécution, 
renvoie  ledit  Louis -Abraham  Etienne  prisonnier  par-devant  le  lieu- 
tenant criminel  dudit  Chàtelet  2...  » 

Le  bureau  de  la  Ville  n'eut  connaissance  de  ce  rigoureux,  jugement 
qu'après  qu'il  eut  été  exécuté.  L'incompétence  du  Chàtelet,  et,  par  suite, 
l'illégalité  de  l'arrêt  du  Parlement  étaient  incontestables.  Le  procu- 
reur du  roi  et  de  la  Ville  requit  en  ce  sens,  le  25  février  1789,  et,  le 

1,  Arch.  ual.,  H.  i960.  — Au  point  de  vue  de  la  théorie  historique  et  politique, 
la  question  de  la  rivalité  de  la  Ville  et  du  Chàtelet  est  épuisée  en  quelque  sorte 
au  tome  1  des  Élections  et  Cahiers  de  Paris  en  1789,  par  M.  Chassin. 

2.  Collatioiuié  Gallien;  signé  Lecousturier. 


CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS  561 

3  mars,  le  prévôt  des  marchands  rendit  une  ordonnance  qui  revendi- 
quait énergiquement  les  droits  de  l'Hôtel  de  Ville.  En  voici  les  prin- 
cipaux passages  : 

Savoir  faisons  que  sur  ce  qui  nous  a  été  remontré  par  le  procureur  du  ro 
et  de  la  Ville  qu'il  est  aussi  généralement  reconnu  que  bien  établi  par  les  or- 
donnances des  rois,  enregistrées  au  Parlement,  et  par  différents  arrêts  de  la 
Cour,  que  le  bureau  de  la  Ville  a  incontestablement  le  droit  de  justice  civile, 
criminelle  et  de  police,  sur  la  rivière  de  Seine  et  autres  y  aftluentes  et  sur  les 
ports  qui  en  dépendent,  privativement  à  tous  autres  juges  et  juridictions; 
qu'il  fait  veiller  sans  cesse  par  ses  ofticiers  et  préposés  à  la  sûreté  des  mar- 
chandises chargées  dans  les  bateaux  ou  déposées  sur  les  berges  et  ports;  que, 
suivant  l'exigence  des  cas  et  conformément  aux  ordonnances,  il  inflige  des 
peines  aux  auteurs  des  vols  et  délits  qui  peuvent  s'y  commettre  et  réprime 
tout  ce  qui  est  contraire  au  bon  ordre  et  à  la  tranquillité  publique;  que  ce 
droit  de  juridiction  est  de  toute  ancienneté,  et  ne  peut  être  ignoré  des  mar- 
chands qui  fréquentent  la  rivière  de  Seine  et-  font  arriver  à  cette  ville  des 
marchandises  destinées  à  son  approvisionnement.  Cependant  le  procureur  du 
roi  est  informé  que,  le  5  juin  dernier,  le  sieur  Godot ,  marchand  de  bois  à 
brûler,  qui  avait  un  bateau  chargé  de  cette  marchandise  au-dessus  du  Pont- 
Rouge,  s'étant  aperçu  qu'on  en  avait  volé,  a  cru  qu'il  pouvait  impunément 
méconnaître  la  juridiction  du  bureau,  dont  il  est  lui-même  justiciable,  et  faire  sa 
déclaration  devant  maître  Picard  Desmarets,  commissaire  au  Châtelet,  qu'il  s'en 
est  suivi  une  instruction  et  la  condamnation  du  nommé  Louis  -  Abraham 
Etienne... 

Nous,  ayant  égard  au  réquisitoire  du  procureur  du  roi  et  de  la  Ville,  et 
faisant  droit  sur  ses  conclusions,  enjoignons  très  expressément  à  tous  employés, 
marchands,  trafiquants  sur  la  rivière  et  sur  les  ports,  à  tous  mariniers  et  au- 
tres, sans  exception,  de  faire  déclaration  à  l'un  des  commissaires  du  bureau  de 
la  Ville  des  vols  ou  délits  qui  auront  été  commis,  ou  de  les  dénoncer  au  pro- 
cureur du  roi...  Faisons  défenses  auxdits  employés,  marchands,  trafiquants, 
mariniers  et  autres  travailleurs  sur  les  ports  et  rivières  ,  de  faire  de  pareilles 
déclarations  devant  des  officiers  étrangers  à  la  juridiction  de  la  Ville,  à  peine 
d'interdiction  contre  lesdits  employés  et  de  mille  livres  d'amende  contre  lesdits 
marchands,  trafiquants  et  mariniers.  Et  seront  ces  présentes  imprimées,  lues, 
publiées  et  affichées  partout  où  besoin  sera,  et  signifiées  aux  ofticiers  du  Châ- 
telet, afin  qu'ils  n'en  prétendent  cause  d'ignorance. 

Le  procureur  du  roi  se  réservait  du  reste,  dans  son  réquisitoire,  le 
droit  de  poursuivre  le  sieur  Godot  ;  quant  au  malheureux  qui  avait 
volé  quatre  bûches,  on  ne  s'étonnera  pas  qu'aucun  subtil  avocat  n'ait 
développé  pour  sa  défense  une  exception  d'incompétence,  à  laquelle  il 
n'aurait  gagné  du  reste  que  quelque  temps  de  prison  préventive  de 
plus,  la  justice  criminelle  de  cette  époque  étant  une  stricte  applica- 
tion de  la  lettre  de  la  loi  aux  faits  incriminés  '. 


1.  Comparez  (Arch.   nat.,  H.  1951)  l'arrêt  du  Parlement  (21   mai  1773)  confir- 
me 


562  CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS 


LA  VILLE   ET  LA  LIEUTENANCE   DE   POLICE 


Lettre  (V  Et  lus  de  Corny  à  Thiroux  de  Crosne  ' 

Monsieur,  j'ai  l'honneur  de  vous  informer  qu'au  préjudice  de  la  juridiction 
de  l'Hôtel  de  Ville  sur  la  rivière,  il  a  été  rayé  dans  vos  bureaux  sur  un  placard 
de  l'annonce  d'une  joute  ou  lance  ces  mots  :  «  Par  permission  de  messieurs 
les  prévôt  des  marchands  et  échevins  de  la  ville  de  Paris  et  de  M.  le  lieutenant 
général  de  police  »,  pour  y  substituer  simplement  ceux-ci  :  «  Par  permission 
du  roi  et  de  M.  le  lieutenant  général  de  police2.  » 

L'usage  et  le  droit  constatent  que  toutes  les  permissions  pour  des  spectacles 
sur  la  rivière  doivent  être  accordées  au  moins  à  la  participation  de  la  Ville,  et 
de  concert  avec  elle.  Je  suis  bien  persuadé  que  votre  intention  n'est  pas  d'in- 
nover, vous  m'avez  fait  l'honneur  de  me  le  .dire,  et  je  connais  la  sagesse  de 
vos  principes.  Dans  cette  confiance,  j'espère  que  vous  voudrez  bien  donner 
l'ordre  dans  vos  bureaux  de  ne  pas  s'écarter  à  l'avenir  de  vos  vues  sur  cet 
objet.  Mon  ministère  m'impose  l'obligation  de  veiller  à  ce  qu'il  ne  se  fasse 
aucune  entreprise  sur  les  droits  du  bureau  de  la  Ville.  Je  réclame,  dans  l'es- 
pèce dont  il  s'agit,  l'exemple  de  ce  qui  a  été  fait  par  M.  Le  Noir,  voire  prédé- 
cesseur, même  très  récemment,  comme  vous  le  verrez.  J'ai  l'honneur  de  vous 
adresser  copie  du  permis  d'imprimer  et  afficher  accordé  aux  mariniers  entre- 
preneurs de  ce  spectacle  le  30  juillet  dernier.  J'ai  l'original  entre  mes  mains, 
signé  de  M.  Le  Noir  >.  Je  suis,  etc. 

Signé  :  De  Corny. 


iiialil'  de  la  sentence  du  bureau  (27  avril)  qui  condamne  Gaultier,  manœuvre  à 
maçons,  «  au  carcan,  à  la  marque  el  pendant   trois  aus  aux  galères  »  pour  vol 
de  charbon  dans  les  bateaux. 
\.  Arch.  mit.,  H.  1956. 

2.  Les  corrections,  sur  le  placard,  sont  bien  de  la  maiu  de  Thiroux  de  Crosne  • 
il  a  effacé  Monsieur  et  mis  à  la  place  Monseigneur,  et  il  a  signé  le  permis  d'im- 
primer. Voici  l'annonce  elle-même  :  <c  joute  ou  lance,  suivie  d'un  grand  feu  d'ar- 
liûce,  de  la  composition  du  sieur  Gautier,  artificier  du  roi,  composé  de  plusieurs 
grands  coups  de  feu,  dont  l'un  représentant  l'enlèvement  d'un  globe  d'artifice, 
suivi  d'un  portique  mouvant  sur  l'eau,  accompagné  de  différentes  pièces  aqua- 
tiques, terminé  par  une  grande  décoration  en  feu  de  lances  formant  un  ordre 
d'architecture.  A  Saixt-cloud,  vis-à-vis  des  cascades,  le  dimanche  4  septembre 
118.J.  --  Les  mariniers  du  Gros-Caillou,  contre  ceux  de  Saint-Cloud,  donneront 
ledit  jour  les  exercices  de  la  joute  ou  lance;  ils  commenceront  par  les  quatre 
plus  petits  lanceurs  et  termineront  par  les  quatre  plus  fameux  lanceurs,  en  ha- 
bits de  caractères.  Tous  les  exercices  seront  accompagnés  d'une  grande  musique 
militaire.  Les  premières  places  à  1  livre  16  sols,  les  secondes  à  1  livre  4  sols, les 
troisièmes  à  12  sols.  On  y  sera  placé  commodément.  On  y  trouvera  toutes  sortes 
de  rafraichissemens.  —  On  commencera  à  six  heures  précises. —  La  lance  com- 
mencée, on  ne  pourra  redemander  sou  argent.  » 

3.  Cette  annonce  est  dans  le  même  goût  que  celle  qui  est  citée  plus  haut;  seu- 
lement la  «  joule  des  mariniers  du  Gros-Caillou  contre  ceux  de  la  Grenouillère» 
commence  <.  par  les  quatre  plus  fameux  lanceurs  de  Paris  »,  et  se  termine  par 


CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS  563 

Copie  de  la  consigne  convenue  entre  la  Ville 
et  le  chevalier  Dubois 

[Lettre  d'envoi  du  baron  de  Breteuil  au  Prévôt  des  marchands)  • 

Il    MARS    1786 

11  est  ordonné  à  toute  la  garde  de  Paris  à  pied  et  à  cheval  et  à  la  compagnie 
du  guet  de  donner  main-forte  aux  officiers  du  bureau  de  l'Hôtel  de  Ville,  lors- 
qu'ils en  seront  requis,  et  de  les  accompagner  partout  où  leur  ministère  sera 
nécessaire,  même  dans  l'intérieur  des  maisons  particulières,  toutes  les  fois 
que  lesdits  officiers  du  bureau  de  la  Ville  seront  porteurs  d'une  sentence  ou 
d'un  décret  signé  Veytard,  ou  bien  lorsqu'ils  seront  munis  d'une  autorisation 
de  M.  le  prévôt  des  marchands  ou  de  M.  Éthis  de  Corny,  procureur  du  roi  et 
de  la  Ville. 

Les  commandants  des  ports  et  la  garde  auront  la  plus  grande  attention  de 
se  conformer  exactement  à  la  présente  consigne,  qui  sera  la  seule  à  suivre 
dorénavant  sur  cet  objet,  sans  avoir  égard  à  celles  données  précédemment. 

LA  VILLE  ET   LA  COMPAGNIE  DES  EAUX 

Après,  rétablissement  de  la  compagnie  Perier,  pour  maintenir  son 
droit  de  juridiction  sur  les  eaux,  le  bureau  de  la  Ville  proposa  et  lit 
accepter  le  règlement  qui  suit,  en  date  du  2  mai  17802  : 

1°  Que  les  contestations  concernant  les  propriétés  ressortissent  aux 
juges  du  Chàtelel  (e1  non  à  une  commission  extraordinaire  ou  au 
conseil); 

2°  Que  celles  de  police  soient  portées  devant  la  lieutenance  générale 
de  police  (distribution  des  eaux,  mauvaise  qualité,  etc.); 

;i°  Que  celles  qui  résulteraient  de  la  direction  et  de  la  conduite  à 
Paris  par  tuyaux  souterrains  fussent  soumises  à  l'inspection  et  à  la 
juridiction  du  bureau  de  la  Ville,  sauf  l'appel  au  Parlement,  —  Toute- 
fois, tout  ce  qui  est  extérieur  aux  remparts  reste  attribué  au  Cbàtelet. 

Les  cou  Hits  de  compétence,  les  lenteurs  de  procédure,  et  par  suite 
les  frais  qui  étaient  occasionnés  par  une  telle  complication,  firent 
créer  (joints  aux  abus  de  l'agiotage)  l' Administration  royale  des  eaux 
de  Paris  (1788). 


«  la  fête  de  l'Amour,  exécutée  par  les  combats  des  quatre  Grâces  personnifiées  » 
(dimanche  16  août  178o);  pour  le  lendemain,  est  annoncé  «  le  Triomphe  de  Nep- 
tune sur  l'empereur  de  la  Chine  ».  —  Quant  à  la  question  de  droit,  de  Crosne 
prit  la  perche  que  lui  tendait  Éthis  de  Corny,  el  s'excusa  sur  une  erreur  de  ses 
bureaux  (lettre  du  22  septembre  1785). 

1.  Eu  réponse  à  une  réclamation  de  Le  Peletier  adressée,  au  ministre  de  Paris, 
le  16  janvier  1786.  —  Arch.  nat.,  H.  1957,  p.  124  (voyez  aussi   123). 

2.  .le  me  contente  de  le  résumer.  Arch.  nat.,  H.  1953. 


564  CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS 

LA  VILLE  ET  LE  GOUVERNEUR  DE  LA  RASTILLE 

(RAPPORT    DE   M.    PIGEON,    ÉCHEVIN,    LE   0    MARS    1786)  ' 

...  Le  ponceau  de  l'Arsenal  avait  été  posé  sur  une  espèce  de  rigole  qui  sert 
de  décharge  aux  fossés  de  la  Bastille.  Il  n'existe  tel  qu'il  est  que  depuis  sept 
à  huit  ans.  Avant  cette  époque,  il  n'y  avait  qu'un  bateau,  et  antérieurement 
encore  une  simple  planche  qu'un  malheureux  y  plaçait  journellement  pour  la 
commodité  des  passants,  qui  lui  donnaient  journellement  ce  qu'ils  jugeaient  à 
propos. 

Le  gouverneur  de  la  Bastille,  ayant  prévu  que  ce  passage  deviendrait  chaque 
jour  plus  fréquenté,  en  avait  fait  l'objet  d'une  spéculation  utile,  et,  après  y 
avoir  fait  placer  deux  planches  en  forme  de  pont,  il  avait  pris  sur  lui  d'affermer 
ce  passage  dont  le  produit,  qui  n'était  dans  le  principe  que  de  300  livres,  se 
montait  aujourd'hui  à  3,000  livres,  dont  il  avait  fait  autoriser  la  perception 
par  un  arrêt  du  conseil.  Il  était  évident,  d'après  cet  exposé,  que  la  concession 
de  ce  droit  de  péage,  onéreuse  au  public,  avait  été  surprise  à  la  bonté  du 
souverain;  toute  demande  en  indemnité  pour  raison  de  la  suppression  de  ce 
droit  devait  donc  être  rejetée... 

LA  VILLE  ET  LA  TARLE  DE  MARBRE 

EXTRAIT  d'un  Mémoire2  pour  M0  Jérôme  JoUivet  de  Vannes^,  intervenant 
et  demandeur  :  contre  1°  le  sieur  marquis  de  Pont  et  la  dame  comtesse  de 
Choiseul,  appelants  de  la  sentence  de  révocation  rendue  au  bureau  de  la  Ville 
le  5  mars  1776;  2°  le  sieur  Petit,  marchand  de  bois  pour  la  provision  de  Paris; 
3°  et  les  officiers  de  la  Table  de  marbre  du  Palais,  à  Paris,  prenant  le  fait  et 
cause  de  la  maîtrise  des  eaux  de  Nemours. 

Les  officiers  des  maîtrises,  particulièrement  établis,  vers  la  tin  du  dernier 
siècle,  pour  veiller  à  la  conservation  des  bois  du  roi,  ont  voulu  étendre  leur 
juridiction  sur  ceux  des  particuliers. 

La  compétence  exclusive  du  bureau  de  la  Ville  sur  ceux  affectés  à  l'appro- 
visionnement de  la  capitale  était  un  des  plus  grands  obstacles  à  vaincre.  Pour 
y  parvenir,  ils  ont  multiplié  des  tentatives  qui  ont  toujours  été  proscrites  par 
des  arrêts  sans  nombre,  rendus  en  faveur  du  bureau  de  la  Ville.  Dans  le  des- 
sein de  les  renouveler  sous  une  autre  forme,  ils  saisissent  aujourd'hui  le  pré- 
texte d'un  récolement  porté  en  la  maîtrise  de  Nemours,  qui  n'a  d'autre  objet 
que  la  simple  exécution  d'un  marché  de  bois  de  particuliers,  destinés  pour  la 
provision  de  la  capitale. 

S'ils   réussissaient  dans    cette  dernière  entreprise,   il   n'y  a  pas  un  seul 


1.  Arch.  nal.,  11.   1957,  pièce  130.  —  La  délibération  de  la  Ville  confirme  les 
conclusions  du  rapport. 

2.  Pièce  de  :il  pages  in-4°  (11.  19ii2). 

3.  «  Substitut  du  procureur  général  au  bureau  delà  Ville  »,  procureur  et  avo- 
cat du  roi  i'l  de  la  Ville. 


CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS  565 

marché  de  bois  dont  on  ne  fût  en  état,  par  ce  subterfuge,  de  dépouiller  le 
bureau  de  la  Ville  de  Paris1. 


LA   VILLE   ET   LA   DIRECTION   GÉiNÉRALE 

DES  BATIMENTS  DE  SA  MAJESTÉ 

Lettre  de  M.  de  Caumartin  à  M.  d'Angiviller 
8  mars  1782  ' 

11  vient,  Monsieur,  d'être  fait  rapport  '  au  bureau  de  la  Ville  qu'il  n'arrivait 
plus  d'eau  d'Arcueil  à  Paris,  et  que  la  perte  de  cette  source,  dont  le  produit 
était  déjà  considérablement  diminué,  était  devenue  totale  par  de  nouveaux 
fontis  dans  les  carrières.  Il  n'aura  certainement  pas  échappé  à  votre  exacti- 
tude d'employer  tous  les  moyens  possibles  pour  prévenir  cet  accident  et  pour 
y  remédier  après  avoir  reconnu  leur  insuffisance.  Je  me  dis  d'ailleurs  que  vous 
n'en  devez  compte  qu'au  roi.  Cependant  l'intérêt  qu'y  a  la  Ville  pour  la  portion 
d'eau  dont  elle  a  la  concession,  et  l'habitude  où  est  le  public  de  voir  l'admi- 
nistration de  la  plupart  des  fontaines  publiques  soumise  à  sa  direction,  font 
retomber  sur  moi  toutes  les  plaintes  qui  s'élèvent  dans  ce  moment  de  tous  les 
quartiers  que  cette  source  abreuvait.  Il  est  fâcheux  d'être  envers  la  patrie  respon- 
sable du  tort  qu'on  n'a  point  contracté,  et  encore  de  contribuer  pour  cent  mille 
livres  par  an  dans  les  fonds  destinés  à  y  parer  sans  cependant  en  connaître 
l'emploi.  Je  ne  sais,  je  vous  l'avoue,  que  répondre  aux  reproches  des  citoyens 
et  aux  questions  du  corps  que  je  préside.  Mettez-moi,  je  vous  supplie,  à  portée 
de  satisfaire  directement  à  l'un  et  à  l'autre,  et  daignez  calmer  les  inquiétudes 
personnelles  auxquelles  je  me  vois  en  proie  si  une  des  ressources  de  la  capi- 
tale se  perdait  par  quelque  négligence  de  ma  part  à  en  réclamer  la  conser- 
vation. J'ai  l'honneur  d'être,  etc. 

Signé  :  Caumartin. 

Le  comte  d'Angiviller 4,  qui  avait  la  régie  des  eaux  d'Arcueil, 
dégagea,  par  une  lettre  très  aimable  (10  mars  1782),  la  responsabilité 
de  la  Ville.  Il  était  lui-même  depuis  longtemps  informé  du  danger  par 
les  visites  de  l'aqueduc  et  par  celles  des  carrières.  Mais,  depuis  le 
1er  janvier  1779,  la  commission  spéciale  des  carrières  avait  été  établie; 
elle  recevait  de  la  Ville  une  contribution  annuelle  de  100,000  livres, 


1.  P.  2  et  3  «In  mémoire. 

2.  Arch.  nat.,  11.1954  (Reg.  f°  372  r°).  —  Copie. 

3.  Rapport,  du  (i  mars,  des  inspecteurs  des  eaux  Dclaistrc  et  Callou. 

4.  Le  comte  de  la  Billarderie  d'Angiviller,  d'après  YAlm,  rouai  de  178!»,  p.  517 
et  ">2.'j,  était  «conseiller  du  roi  en  ses  conseils,  mestre  de  camp  de  cavalerie,  che- 
valier de  l'ordre  de  Saint-Louis,  commandeur  de  l'ordre  de  Saint-Lazare,  con- 
seiller d'État  d'épée,  de  l'Académie  royale,  des  sciences,  directeur  et  ordonna- 
teur général  des  bâtiments  de  Sa  Majesté,  jardins,  arts,  académies  et  manufac- 
tures royales.  Enfin  il  exerçait  au  nom  du  roi  la  protection  des  Académies  royales 
de  peinture  et  sculpture,  et  d'architecture. 


:i66  CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS 

dont  «  rien  n'était  plus  aisé  »  an  bureau  «  que  de  vérifier  l'emploi  : 
question  étrangère,  d'ailleurs,  au  département  de  M.  d'Angiviller». 


LE  BUREAU  DES  FINANCES 
ET  CHAMBRE  DU  DOMAINE  RÉUNIE,  ET  LA  VILLE 

On  a  vu  plus  haut,  dans  l'Introduction,  par  un  arrêt  du  Parlement, 
et  enfin  par  une  lettre  du  baron  de  Breteuil1,  combien  les  questions 
de  travaux  publics,  d'ouvertures  de  rues,  d'expropriations,  exigeaient 
de  procédures  administratives  ou  judiciaires  variées,  et  éveillaient 
de  conflits  d'attribution.  Cependant  il  est  incontestable  (pie  la  Ville 
tend  à  l'emporter,  parce  qu'elle  est  une  puissance  financière  de  plus 
en  plus  importante.  Comme  c'est  à  sa  caisse  ou  à  son  crédit  que  la 
royauté  s'adresse  pour  les  embellissements  et  les  constructions  de  la 
capitale,  il  est  tout  naturel  que  la  juridiction  municipale  se  main- 
tienne et  s'étende  en  pareille  matière. 

En  effet,  les  attributions  du  bureau  des  finances2,  déjà  diminuées 
par  l'universelle  activité  de  la  lieutenance  de  police,  ne  se  rappor- 
taient plus  guère  qu'à  la  surveillance  générale,  aux  alignements  et 
aux  droits  de  voirie.  En  cas  d'inondation,  du  moment  qu'il  s'agit 
d'eau,  le  bureau  de  la  Ville  a  la  priorité  de  l'inspection.  C'est  seulement 
quand  les  eaux  se  sont  retirées  que  le  bureau  des  finances  ordonne 
aux  commissaires  de  la  voirie  «  de  se  transporter  dans  toutes  les 
rues,  places  et  voies  publiques  sur  lesquelles  les  eaux  se  seront  ré- 
pandues, pour  voir-  el  visiter  d'office  et  sans  frais  ta  face  sur  rue  de 
toutes  les  maisons,  et  dresser  procès-verbal  de  celles  où  il  y  aura 
péril  >  ». 

Souvent  il  ne  l'ait  que  donner  une  autre  forme,  exécutoire,  aux 
arrêts  du  conseil. Telle  est  par  exemple  l'ordonnance  du  H  août  1764  4, 
reproduisant  l'arrêt  du  conseil  du  23  juin  1763  (sur  lettres  patentes 
des  20  juin  1757  et  25  novembre  1762),  par  lequel  lors  de  l'établisse- 
ment de  la  place  Louis  XV,  de  la  nouvelle  Halle-aux-Blés,  etc..  les 
acquéreurs  des  portions  de  terrain  inutiles  à  la  Ville  furent  exemptés 


1.  Pages  29,  364,  430. 

■2.  Son  titre  complet  est  :  Bureau  des  finances,  et  chambre  du  domaine  réunie; 
mais  ce  dernier  point  (domaine  royal)  est  étranger  à  uotre  sujet.  L'intcndanl 
des  finances  qui  avait  les  domaines  du  roi,  était  l'intermédiaire  entre  le  Conseil 
et  le  bureau  drs  finances. 

:!.  Ord.  du  bureau  îles  finances  des  10  j-anv.  1741,  2:\  mars  1751,  10  fév.  1764. 
(Arch.  nal.,  K.  L052. 

4.  M.,  ibid. 


CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS  S67 

des  droits  de  voirie  à  raison  des  maisons,  etc.,  qu'ils  y  pourraient 
construire. 

D'autres  fois,  le  bureau  des  finances  vient  à  la  rescousse  de  la  police 
ordinaire.  Par  exemple,  le  13  juillet  1764,  le  lieutenant  général  de 
Sartine  interdisait  d'établir  aucune  gouttière  saillante  sur  la  voie 
publique  aux  nouveaux  édifices  à  construire  et  aux  anciennes  maisons 
dont  les  toitures  seront  reconstruites.  Le  10  juillet,  le  bureau  des 
finances  réédite  cette  interdiction  et  permet  d'établir,  au  lieu  de  gout- 
tières, des  tuyaux  exempts  de  tous  droits  de  voirie. 

Les  droits  de  grande  et  de  petite  voirie  furent  fixés  en  dernier  lieu 
par  les  lettres  patentes  données  à  Versailles  le  31  décembre  1781  . 
et  registrées  en  Parlement  le  18  janvier  1782.  Elles  contiennent  aussi 
le  tarif  des  honoraires  des  commissaires  généraux  de  la  voirie  '  pour 
leurs  rapports  et  vacations. 

Elles  visent  les  édits  de  J 007,  1693,  la  déclaration  du  lOjuin  1603. 
les  lettres  patentes  du  22  octobre  1733,  l'arrèl  du  Parlement  du  27 
janvier  1780. 

Le    tableau   confenanl    tarif    des   droits   de    grande  voirie,  dus 

par  chaque  propriétaire  ou  locataire,  comprend  31  objets  spécifiés. 

Exemple  : 

Droits  Rapports 

domaniaux,    des  commissaires.  Vacations. 

Grands  balcons  en  1er .    .     5  livres     7   livres     10  sols     6  livres. 

Bustes 5     —         7     —       10    —         néant. 

Percement  de  croisée  .   .       néant.      7     —       10   —        néant. 

Certains  objets  de  petite  voirie  deviennent  par  leur  saillie  objets 
de  grande  voirie. 

Le  tableau  contenant  tarif  des  droits  de  petite  voirie  comprend  51 
objets  désignés,  pour  lesquels  il  n'y  a  pas  de  droits  de  vacations  ni 
de  rapports,  mais  un  droit  domanial  de  4  livres  en  cas  de  premier 
établissement,  et  un  demi-droit  de  2  livres  en  cas  de  réparation,  re- 
position ou  déposition  à  la  même  maison.  Exemple  : 

DROIT    DOMANIAL  DEMI-DROrr 

livres.  livres 

Bancs  mobiles 4  2 

Bouchons  de  cabaret  ....  Id.  Id. 

Perches  de  blanchisseuses.  Id.  Id. 

1.  Sur  ces  commissaires,  voyez  Alm.  royal  de  1789,  p.  345. 


568  CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS 

Quant  aux  affaires  privées  jugées  en  première  instance  par  le 
bureau  des  finances,  le  texte  suivant  en  donnera  un  spécimen. 

ARRÊT  du  Parlement  du  6  juillet  1782  •  confirmant  une  ordonnance  du  bu- 
reau des  finances. 

Entre  Henry,  marchand  bonnetier  à  Paris,  propriétaire  d'une  maison  sise 
en  cette  ville,  et  faisant  l'encoignure  des  rues  Saint-Honoré  et  Saint-Nicaise, 
appelant,  suivant  les  arrêts  et  exploit  du  môme  jour  5  mai  1781,  d'une  or- 
donnance du  bureau  des  finances  de  Paris,  du  27  avril  de  la  même  année, 
par  laquelle,  après  que  ledit  Henry  a  été  entendu  en  ses  défenses,  il  a  été 
condamné  à  réduire  le  bâtiment  de  saditc  maison,  élevée  en  pan  de  bois,  à 
la  hauteur  de  48  pieds  du  rez-de-chaussée,  conformément  à  une  ordonnance 
du  18  août  1667  et  un  arrêt  de  la  Cour  du  6  juin  1681,  et,  pour  la  contraven- 
tion, il  a  été  condamné  en  outre  en  150  livres  d'amende,  et  demandeur  en 
requête  du  26  janvier  1782,  à  fin  d'opposition  à  un  arrêt  de  la  Cour  obtenu 
par  défaut  contre  lui  le  29  décembre,  précédent,  signifié  le  18  dudit  mois  de 
janvier,  le  procureur  général  du  roi,  intimé,  défendeur,  d'autre  part;  sans 
que  les  qualités,  etc.  -.  Après  que  Gaultier,  avocat  de  Henry,  et  Joly  de  Flcury, 
pour  le  procureur  général  du  roi,  ont  été  ouïs  : 

La  Cour  reçoit  la  partie  de  Gaultier  opposante  à  l'exécution  de  l'arrêt  par 
défaut;  au  principal,  faisant  droit  sur  l'appel,  a  mis  et  met  l'appellation  au 
néant;  ordonne  que  ce  dont  est  appel  sortira  son  plein  et  entier  effet;  con- 
damne l'appelant  en  l'amende  de  12  livres.  Ordonne  que  le  présent  arrêt 
sera  imprimé  et  affiché  à  la  requête  et  diligence  du  procureur  général  du  roi. 
Fait  en  Parlement  le  6  juillet  1782.  Collationné  Durand. 

Siyiié  :  Dufranc. 

Le  bureau  des  finances  était  une  institution  absolument  inutile. 
Au  point  de  vue  de  la  surveillance,  elle  faisait  double  emploi  avec  la 
police;  au  point  de  vue  des  questions  financières,  avec  la  ville;  enfin 
on  ne  voit  pas  pourquoi  un  tribunal  d'exception  était  nécessaire  pour 
juger  des  contraventions  aux  lois  et  règlements  sur  les  alignements 
et  les  hauteurs  des  maisons,  la  largeur  des  nouvelles  rues,  les  détails 
de  la  construction  des  objets  saillants. 

C'est  uniquement  à  cause  de  la  vénalité  des  charges  de  cette  juri- 
diction, et  des  impôts  dissimulés  que  cette  vénalité  recouvrait,  que 
le  bureau  des  finances,  supprimé  sous  Louis  XV  par  Maupeou,  avait 
été  rétabli  tel  qu'il  existait  avant  juin  1771.  En  1788,  par  les  édits  de 
mai,  seconde  suppression.  Mais  le  Parlement  l'emporta  encore,  et 
sauva  le  bureau  des  finances  qui,  d'après  Y Almanach  royal  de  178!)  ?, 
comptait  un  premier,  un  second,  des  présidents,  un  chevalier  d'hon- 


I.  Jiil).  nal.,  coll.  des  arrêts  dû  Parlement,  à  la  date. 

'2.  Sir  dans  le  texte. 
3.  P.  343  à  345. 


CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS  569 

neur,  vingt  et  un  trésoriers:  onze  charges  de  trésoriers  étaient  alors 
vacantes.  A  cette  magistrature  assise  il  faut  ajouter  les  gens  du  roi, 
et  à  leur  tète  le  procureur  du  roi  au  bureau  des  finances,  et  enfin  les 
agents  de  surveillance,  d'exécution,  de  perception,  c'est-à-dire  les 
quatre  conseillers  du  roi  commissaires  généraux  de  la  voirie,  et  leurs 
employés. 

Plus  une  juridiction  était  menacée,  considérée  comme  superflue 
par  le  public,  plus  aussi  elle  était  prétentieuse  et  cherchait  à  se  pré- 
valoir de  ses  anciennes  prérogatives.  Il  est  assez  naturel  que  les  exis- 
tences occupées  peu  sérieusement  soient  vouées  à  la  vanité  et  aux 
discussions  d'étiquette  et  de  titres.  C'est  le  cas  du  bureau  des  fi- 
nances, comme  on  va  le  voir  par  l'affaire  suivante,  que  nous  résumons 
très  brièvement. 

Dans  la  séance  plénière  du  Parlement  du  11  avril  1783  ',  les  sieurs 
Denis,  président-premier  du  bureau  des  finances  et  chambre  du  do- 
maine; Mérault,  second  président,  et  Guichard,  avocat  du  roi  audit 
bureau,  sont  cités  au  Parlement  pour  répondre  sur  «ce  qui  a  retardé 
jusqu'à  présent  la  lecture,  publication  et  enregistrement  en  leur  siège 
de  l'édit  du  mois  de  juin  1782,  registre  au  Parlement  le  28  du  même 
mois,  portant  réunion  de  la  Chambre  du  domaine  et  bureau  des  fi- 
nances, et  rétablissement  de  tous  les  offices  tels  qu'ils  existaient  avant 
le  mois  de  juin  1771  ». 

Denis  répond  par  la  lecture  d'une  déclaration  passée  par-devant 
notaire,  dans  laquelle  il  protestait  que  «le  roi...  aurait  dénaturé  le 
titre  de  son  ollice,  dans  l'édit  ci-dessus,  en  le  qualifiant  de  président- 
premier»,  tandis  qu'il  est  premier-président  en  titre,  comme  en  té- 
moignent son  acte  de  réception  en  Parlement  et  l'édit  de  création  de 
son  office  (mars  1691).  — Dans  une  requête  au  roi,  il  avait  présenté 
la  même  plainte  en  son  nom;  il  avait  aussi  fait  observer  que  les 
membres  du  bureau  avaient  toujours  reçu  directement  du  roi  les  édits 
qui  les  concernaient,  et  qu'ils  n'avaient  jamais  été  assujettis  aux 
droits  casuels,«  dont  sont  exempts  les  officiers  des  cours  supérieures». 
On  les  assimilait  donc  aux  officiers  des  bureaux  de  finances  des  pro- 
vinces, contrairement  aux  «droits  et  privilèges  de  ceux  de  la  ca- 
pitale! » 

Après  s'être  adressé  au  garde  des  sceaux,  conservateur  des  privi- 
lèges des  trésoriers  de  France  (édit  d'avril  1519),  le  bureau  implore  la 
médiation  du  Parlement  auprès  du  roi.  Les  trésoriers  de  France 
reconnaissent  d'ailleurs  pleinement  la  juridiction  supérieure  du  Par- 

1.  Arch.  mit.,  X  1b  89"îy  (à  la  date). 


570  CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS 

lement  ;  ils  savent  qu'ils  n'ont  qu'en  première  instance  à  connaître  du 
contentieux  du  domaine  royal,  et  de  la  voirie  et  droits  domaniaux  en 
dépendants. 

Le  27  août  1781,  sur  un  long  réquisitoire  de  Séguier,  la  Cour  dé- 
clara nul  l'acte  en  forme  de  protestation  l'ait  par  Nicolas-Jean-Bap- 
tiste Denis  chez  Belime,  notaire,  le  LJ  juillet  1782,  comme  contraire 
au  respect  dû  au  roi  et  à  l'autorité  de  la  Cour;  elle  tit  rayer  et  biffer 
la  minute  de  cet  acte  par  Sergent,  huissier  en  la  Cour  '. 

Les  droits  et  attributions  de  la  Ville  en  matière  de  voirie,  d'expro- 
priations, de  travaux  publics,  se  comprenaient  bien  mieux  et  avaient 
infiniment  plus  de  valeur  que  ceux  du  bureau  des  finances.  En  effet, 
la  Ville  est  regardée  comme  représentant  l'intérêt  général;  elle  est 
personne  morale,  partie  publique.  Elle  soutient  à  ce  titre  l'avantage, 
la  sécurité,  la  commodité  de  tout  le  monde  contre  les  intérêts  parti- 
culiers :  il  faut  bien  dire  qu'aussi  il  lui  arrive  de  sacrifier  des  intérêts 
particuliers  fort  légitimes. Mais  enfin,  elle  n'est  point  son  propre  juge. 
Elle  s'appuie,  dans  ses  procès,  sur  des  lettres  patentes  enregistrées,  et 
plaide  par-devant  le  Parlement.  La  nature  même  de  s  m  organisation 
toute  bourgeoise  lui  fait  souvent:  trouver  et  chercher  des  moyens  de 
conciliation  incompatibles  avec  la  rigueur  du  style  et  des  habitudes 
judiciaires.  Les  documents  qui  suivent  indiqueront  le  mode  d'action 
de  la  Ville. 

PRÉCIS 

POUR    LKS    SIEURS    PRÉVÔT    DES    MARCHANDS    ET    ÉCHEVINS 

T)K   LA    VILLE    DE    PAfllS 

CONTRE    M''    MAUTORT,    NOTAIRE   AU    CHATELET  : 

Tout  Paris  sait  combien  l'accès  delà  Pointe  Saint-Eustache  est  difficile  et 
dangereux.  Il  a  fixé  depuis  longtemps  l'attention  des  magistrats  qui  veillent  à 
la  sûreté  publique.  Dans  un  plan  des  changements  qui  sont  à  faire  pour  l'em- 
bellissement et  la  commodité  de  la  Ville,  il  a  été  arrêté  que  la  Pointe  Saint- 
Eustache  serait  coupée,  et  qu'on  supprimerait  plusieurs  maisons  pour  gagner 
l'alignement  de  la  rue  Traînée,  qui  perce  tout  droit  à  la  rue  Comtesse-d'Artois. 

Il  est  d'usage  de  suspendre,  autant  qu'il  est  possible,  l'exécution  des  projets 
de  cette  espèce,  jusqu'à  ce  que  les  maisons  qui  sont  à  abattre  exigent  de 
grandes  réparations.  Les  deux  premières  maisons  de  la  Pointe  Saint-Eustache 
se  sont  trouvées  dans  cet  état  en  1773;  leur  caducité  exigeait  des  reprises  sous- 
(euvre;  elles  étaient  étayées  :  et  le  roi  a  rendu  un  arrêt  revêtu  de  lettres  pa- 
tentes qui  ordonne  qu'elles  seront  supprimées5. 

1.  Arcli.  nal.,  X  Ib  8981   (à.  la  «laie,. 

2.  Pièce  de  s  p.  in-i°  (Lottin,  mai  1776).  Arch.  nat.,  11.  \'Jo2. 
'■'>.  Enregistré  !<•  19  juin  177S. 


CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS  571 

Aucune  difficulté  avec  le  sieur  Pinon  du  Goudray,  propriétaire  de 
la  première  maison.  Mais  celui  de  la  seconde,  M"  Mautort,  «  fatigue 
depuis  un  an  l'administration  de  la  Ville  par  une  résistance  au  moins 
déplacée  ».  Après  avoir  vainement  prétendu  conserver  sa  maison,  il 
exige,  outre  le  prix  d'estimation  et  l'indemnité  de  déplacement, 
40,000  livres  de  dommages  et  intérêts,  comme  «  fonds  du  produit  de 
sa  pratique  !  »  C'est  à  cette  prétention  d'un  genre  tout  nouveau  que 
répondent  les  observations  signées  Joly  de  Pleury,  avocat  général, 
maître  Dandasne,  avocat,  Piedforl  de  Senlis,  procureur. 

L'administration  de  la  Ville  a  pour  objet  l'intérêt  commun.  Cette  administra- 
lion  a  ses  principes  et  ses  usages  :  c'est  un  devoir  pour  ceux  à  qui  elle  est 
confiée  de  s'y  conformer. 

Le  roi  l'a  autorisée,  par  ses  lettres  patentes,  à  acquérir,  et  il  a  ordonné  aux 
propriétaires  de  vendre  pour  le  prix  qui  sera  tixé  suivant  l'estimation  qui  sera 
faite  par  le  maître  général  des  bâtiments  do  la  Ville,  conjointement  avec  les 
arbitres  qui  seront  nommés  par  les  propriétaires  ;  et,  en  cas  de  diversité  d'avis, 
le  roi  ordonne  que  l'estimation  définitive  soit  faite  par  le  sieur  Gabriel,  son 
premier  architecte  honoraire. 

Telle  est  la  loi.  Quant  à  l'usage,  les  propriétaires  des  maisons  qui  ont  été 
abattues  ont-ils  jamais  prétendu  qu'on  devait  leur  payer  le  fonds  du  produit 
de  leur  commerce  ou  de  leur  industrie?  Leurs  maisons  ont  été  estimées;  ils  en 
ont  perdu  la  propriété,  et  cependant  on  ne  leur  en  a  payé  que  la  valeur;  s'ils 
en  ont  ressenti  quelque  désagrément,  c'est  un  sacrifice  que  l'intérêt  général 
a  exigé  de  l'intérêt  particulier...  La  chose  publique  ne  profite  que  des  maisons 
qu'elle  est  obligée  de  faire  abattre  :  pourquoi  payerait-elle  des  idées  de  fortune 
qu'on  affecte  d'y  attacher?  elle  n'en  profite  pas. 

Si  M0  .Mautort  n'était  (pie  notaire,  «  il  y  a  lieu  de  croire  qu'il  se  se- 
rait rangé  dans  la  classe  des  antres  citoyens  »;  mais  «  il  est  notaire 
de  la  Pointe  Saint-Eustache  !  »  Son  déménagement  ne  le  privera  pas 
de  ce  titre  singulier.  Il  ne  perdra  «  ni  son  état  ni  son  emploi;  il 
doit  demeurer  dans  le  même  quartier,  il  y  conservera  ses  pratiques. 
par  confiance,  par  habitude,  et  parce  qu'il  n'y  aura  point  d'autre  no- 
taire à  la  place  qu'il  occupait1  ». 

A.NALYSI-;  D'UN  ARRÊT  DU  PARLEMENT  (10  FÉVRIER  1781),  RENDU  EN  CON- 
SÉQUENCE D'UNE  ORDONNANCE  DU  BUREAU  (30  MAI  1789),  POUR  LA  PER- 
FECTION   ET    LES    ALIGNEMENTS    DES    BOULEVARDS  2 

Feu  Pierre  Grandin,  procureur  honoraire  au  bailliage  de  Verman- 

1.  La  consultation  écarte,  dans  cette  question  de  droit  public,  1rs  considéra- 
tions particulières.  Mais  il  ressort  îles  laits  que  Me  Mautort  avait  fait  une  spé- 
culation, car  il  avait  acquis  cille  maison  de  Me  de  Ribbes,  à  l'époque  où  elle 
était  déjà  désignée  connue  devanl  disparaître. 

2.  Pièce  in-  i"  de  il  pages  (Lottin),  1781.  —  lîib.  mit.,  collection  citée. 


572  CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS 

dois,  avait  fait  appel  d'une  ordonnance,  du  bureau  de  la  Ville  du 
30  mai  17G9,  et  ses  héritiers  avaient  continué  cette  instance.  Les  prévôt 
des  marchands  et  échevins  avaient  été  par  eux  assignés  pour  voir  dire 
et  ordonner  que  dans  trois  jours  «  ils  seraient  tenus  de  faire  arracher 
les  arbres  qu'ils  avaient  fait  planter  nouvellement  à  18  pouces  de  dis- 
tance du  mur  »  de  la  maison  Grandin,  «  et  de  se  conformer,  dans 
leurs  plantations  sur  le  boulevard,  aux  lois  et  coutumes  de  Paris  ;  de 
faire  ôter  deux  bancs  de  pierre  et  la  balustrade  qu'ils  avaient  fait 
sceller  dans  le  mur  de  ladite  maison  »  ;  Grandin  et  ses  héritiers  préten- 
daient également  faire  élever  leur  maison  de  quatre  étages  au-dessus 
du  rez-de-chaussée,  et  y  faire  toutes  ouvertures  de  portes  et  croisées 
sur  le  boulevard. 

La  Ville  s'étant  appuyée  sur  le  plan  de  juillet  167G,  registre  le 
o  août,  et  autres  suivants,  Grandin  demanda  que  ces  plans  fussent 
soumis  à  l'examen  de  l'avocat  général,  ce  qui  fut  fait. 

Alors  (en  1778)  Grandin  prétendit  que  le  plan  de  1670  représentait 
l'état  de  fait  de  la  Ville  de  Paris,  «  sans  aucune  désignation  des 
objets  qui  seraient  dans  le  cas  d'être  retranchés  par  vétusté  ou  autre- 
ment ».  Ce  plan,  d'après  lui,  n'avait  aucune  autorité  légale,  et  l'inter- 
prétation apportée  par  la  Ville  ne  tendait  qu'à  priver  les  citoyens  de 
leurs  propriétés. 

Comme  titres,  il  invoque  un  plan  postérieur,  celui  du  18  janvier 
1724,  accompagné  de  lettres  patentes  enregistrées,  et  celui  du  29jan- 
vier  1720.  Sa  maison  s'y  trouve,  d'après  une  borne  qui  depuis  aurait 
disparu  par  le  fait  de  la  Ville  et  qui  était  la  limite  intérieure  de 
Paris,  au  carré  de  la  Porte-Saint-Martin.  —  La  Ville  a  donc  dérogé 
à  ces  plans.  Grandin  demande  à  être  indemnisé;  il  veut  même  qu'on 
démolisse  la  maison  nouvellement  bâtie  en  dehors  des  limites  légales 
par  Chevalier,  limonadier.  • 

La  Ville  offrait  tout  simplement  d'acquérir  la  maison  Grandin,  à 
l'effet  d'achever  la  section  des  boulevards  qui  allait  de  la  rue  du 
Temple  à  la  rue  Poissonnière  (boulevard  de  Notre-Dame  de  Bonne- 
Nouvelle).  Elle  y  était  tenue  et  autorisée  par  des  lettres  patentes  du 
mois  d'avril  1778.  Mais  ces  lettres  n'avaient  pas  été  registrées  en 
Parlement,  et  c'est  ce  qui  encourageait  Grandin,  puis  ses  héritiers,  à 
entraver  par  leur  résistance  les  travaux  de  la  Ville.  Le  Parlement 
passa  outre  au  défaut  d'enregistrement,  qu'il  répara  seulement  le 
23  février  1781,  et  treize  jours  avant,  le  10,  il  donna  raison  à  la  Ville 
contre  les  héritiers  Grandin,  qui  durent  accepter  une  indemnité. 

11  serait  oiseux  de  citer  d'autres  causes  de  ce  genre  ;  nous  avons 
choisi  celle  qui   nous  a  paru  la  plus  intéressante  par  la  durée  et  la 


CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS  573 

complication  du  procès,  et  par  remplacement  de  l'immeuble  en  ques- 
tion. 

D'ailleurs  la  Ville  n'aimait  pas  les  procès;  elle  recourait  tout  d'abord 
à  la  persuasion  et  aux  voies  conciliatrices,  comme  en  témoigne  la  cir- 
culaire imprimée  ci-dessous  reproduite. 

CIRCULAIRE  à  MM.  les  Propriétaires  des  maisons  de  la  rue  Sainte-Apolline 
qui  ont  obtenu  une  concession,  à  temps,  du  bureau  de  la  Ville,  pour  l'établisse- 
ment d'une  barrière  le  long  de  leurs  jardins,  terrasses,  cours  et  murs  de  clôture 
sur  le  boulevard,  entre  la  porte  Saint-Denis  et  la  porte  Saint-Martin. 

Paris,  le  25  septembre  1787. 

Le  bureau  de  la  Ville,  M...,  est  disposé,  dans  toutes  les  circonstances, 
à  procurer  aux  propriétaires  des  maisons  situées  sur  les  terrains  de  ses  do- 
maines, ou  de  sa  juridiction,  tomes  les  facilités  qui  peuvent  concourir  à  leur 
agrément  et  à  leur  aisance.  Mais,  dans  la  balance  de  l'administration,  l'effet  et 
durée  de  ces  considérations  particulières  doivent  céder,  lorsque  les  circonstances 
l'exigent,  aux  considérations  générales  qui  intéressent  essentiellement  le  bien 
public  et  la  sûreté  des  citoyens. 

Lors  de  l'établissement  primitif  du  boulevard,  cette  ceinture  de  la  capitale 
était  bien  plus  particulièrement  destinée  à  former  une  promenade  qu'une 
communication  ;  en  sorte  que  le  bureau  de  la  Ville  n'a  trouvé  aucun  inconvé- 
nient à  permettre  un  retranebement,  et  la  pose  d'une  barrière  le  long  des  jar- 
dins, terrasses,  cours  et  murs  de  clôture  des  maisons  de  la  rue  Sainte-Apolline, 
sur  les  faces  du  côté  du  boulevard,  entre  la  porte  Saint-Denis  et  la  porte 
Saint-Martin,  malgré  l'insuffisance  de  largeur  de  cette  partie.  Aujourd'hui  que 
le  boulevard  est  devenu  une  des  communications  les  plus  fréquentées  de 
Paris,  qu'on  s'est  livré  aux  dépenses  de  nivellement,  d'augmentation  de  pavé 
et  de  perfectionnement  en  tout  genre,  dont  cette  espèce  de  rue,  infiniment  utile, 
est  susceptible;  aujourd'hui  enfin  que  la  proximité  d'un  grand  spectacle  doit 
exciter  la  surveillance  et  l'attention  des  magistrats,  pour  que  ses  issues  im- 
médiates, telles  que  celle-ci,  puissent  offrir  des  débouchés  faciles  et  surs  aux 
personnes  à  pied,  tant  pour  la  sortie  de  l'Opéra  que  pour  les  jours  plus  ordi- 
nairement affectés  à  l'usage  de  la  promenade  des  boulevards,  il  est  impossible 
de  laisser  subsister  plus  longtemps  les  concessions  dont  il  s'agit;  l'intention 
du  bureau  de  la  Ville  est  donc  de  former  un  trottoir  de  cette  portion  défendue 
par  des  barrières,  d'en  réduire  l'élévation  à  celle  de  la  hauteur  du  trottoir  qui 
est  le  long  de  la  rue  Basse,  et  d'en  assurer  l'usage  au  public,  comme  un  moyen 
de  plus  d'éviter  les  accidents  des  foules  et  ceux  des  voitures. 

Ce  motif,  M...,  ne  peut  manquer  de  vous  présenter  un  dédommagement  in- 
téressant de  la  jouissance  dont  le  bureau  de  la  Ville  est  obligé  de  réclamer  le 
sacrifice.  Il  n'en  peut  résulter  aucune  diminution  réelle  d'agrément  pour  la 
position  de  votre  maison.  Ceux  qui  prendront  le  parti  sage  d'approuver  ce 
qu'il  n'est  pas  possible  d'empêcher  se  ménageront  la  satisfaction  d'avoir  con- 
tribué, en  quelque  sorte,  par  ce  dévouement  de  nécessité,  à  la  sûreté  des 
citoyens,  et  aux  mesures  que  la  prévoyance  et  l'humanité  imposent  à  l'admi- 
nistration. 


o7i  CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS 

Si  vous  avez  quelques  observations  particulières  à  faire  sur  l'exécution  de 
cette  disposition  générale,  vous  voudrez  bien  me  les  faire  parvenir,  ou  les 
adresser  à  M.  Poyet,  architecte  de  la  Ville,  qui  m'en  fera  son  rapport,  pour  en 
être  référé  à  MM.  les  prévôt  des  marchands  et  échevins. 

J'ai  l'honneur  d'être,  M...,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur'. 

Signé  :  De  Cobny, 
Procureur  du  roi  et  de  la  Ville  de  Paria. 


RÉQUISITOIRE   D'ËTHIS   DE   CORNY 

ET  DÉLIBÉRATION*  CONFORME  DU  BUREAU  DE  LA  VILLE 

du  15  mai  1788 

POUR    RÉUNIR   A   LA    VILLE   LES   ATTRIBUTIONS 

DU    BUREAU    DES    FINANCES  ' 

Le  ministre  du  département  de  Paris,  en  dirigeant  son  attention  sur  tout  ce 
qui  peut  concourir  le  plus  efficacement  à  l'embellissement  de  cette  capitale, 
nous  a  chargé  il  y  a  quelque  temps  de  la  rédaction  d'un  projet  d'arrêt  du 
Conseil  pour  la  formation  et  l'établissement  d'une  commission  concernant  la 
partie  administrative  de  la  voirie,  de  la  vérification  des  plans  généraux,  des 
alignements  et  redressements  des  rues  de  cette  capitale.  —  Ce  travail  a  été  lu 
dans  un  comité  tenu  chez  le  ministre  le  7  avril  dernier  en  présence  de  M.  le 
prévôt  des  marchands,  de  M.  le  lieutenant  général  de  police,  du  président  du 
bureau  des  finances  et  des  procureurs  du  roi  de  ces  trois  juridictions. 

Ce  projet  était  adopté,  la  rédaction  et  l'expédition  de  cet  arrêt  étaient  con- 
venues, lorsque  Sa  Majesté,  par  un  édit  enregistré  en  son  lit  de  justice  le  8  de 
ce  mois,  a  supprimé  le  bureau  des  finances,  les  offices  de  présidents  trésoriers 
de  France  et  de  procureurs  du  roi  de  ces  juridictions,  en  sorte  que  cette  sup- 
pression ne  paraît  plus  devoir  comporter  leur  admission  dans  la  formation  de 
la  commission  dont  il  s'agit. 

Mais  nous  avons  pensé  que,  d'après  le  nouvel  ordre  de  choses,  le  Chàtelet 
devant  se  trouver  chargé  d'un  très  grand  nombre  d'affaires  de  toute  nature,  il 
était  de  l'intérêt  public  et  de  celui  du  bureau  de  la  Ville,  déjà  occupé  de  la 
plus  grande  partie  des  embellissements  de  Paris,  des  communications  et  autres 
dispositions  de  cette  espèce,  de  réclamer  les  droits  primitifs  de  la  constitution 
municipale,  la  police  de  la  voirie  (dont  le  bureau  des  finances  n'avait  eu  l'at- 
tribution que  depuis  la  suppression  du  grand  voyer  en  1626),  et  d'en  solliciter 
la  réunion  à  celle  que  la  ville  exerce  depuis  un  temps  immémorial  sur  les  ter- 
rains de  son  domaine  et  de  sa  dépendance. 

Dans  le  nombre  des  diverses  attributions  d'administration  et  de  juridiction, 
aucune  ne  semble  moins  devoir  être  séparée  de  l'administration  municipale 
que  celle-ci.  En  effet,  dans  l'origine  de  la  formation  des  villes,  les  magistrats 
municipaux  étaient  chargés  delà  voirie,  de  la  distribution  des  rues,  des  places, 
et  des  communications  ainsi  que  de  la  police,  comme  ils  le  sont  encore  dans 
presque  tout  le  royaume. 

1.  Arcli.  liai:,  II.  1959.  Voir,  plus  haut,  lettre  du  baron  de  Breteuil  au  garde 
ilrs  sceaux  (p.  388). 


CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS  573 

Dans  les  temps  les  plus  reculés,  avant  et   dans  les  premiers  temps  de  la 
monarchie  française,  il  n'y  avait  à  Paris  qu'une  seule  juridiction  exercée  par 
les  seuls  magistrats  de  la  Cité.  Elle  n'était  pas  bornée  aux  matières  concernant 
la  navigation  et  l'approvisionnement  de  Paris.  Us  connaissaient  également  de 
tous  les  détails  de  la  police  générale  de  la  Ville,  dont  la  voirie  intérieure  faisait 
nécessairement  partie;  et  cela  existe  encore  ainsi  dans  la  plupart  des  villes  du 
royaume.  En  1296,  sous  la  prévôté  de  messire  Guillaume-Thomas  Bourdon, 
prévôt  des  marchands,  le  bureau  de  la  Ville  lit  un  règlement  relatif  au  pavé 
des  rues,  à  celui  de  l'intérieur  des  cours,  aux  inspecteurs  et  aux  paveurs; 
ainsi,  demander  aujourd'hui  que  l'exercice  de  la  voirie  dans  toute  l'étendue  do 
Paris  et  de  ses  faubourgs  lui  soit  rendue,  c'est  une  conséquence  nécessaire  de 
ce  qui  existait  primordialement,  de  ce  qui  a  eu  lieu  depuis  et  des  changements 
qui  viennent  d'être  ordonnés.  En  effet,  si  les  établissements  des  bureaux  des 
finances  furent  faits  en  partie  par  des  démembrements  de  l'administration  des 
corporations  municipales,  leur  suppression  paraît  devoir  être  l'époque  de  la 
restauration  de  l'ordre  primitif.  [Le  bureau  de  l'Hôtel  de  Ville  de  la  capitale 
semble  devoir  être  le  tribunal  auquel  il  serait  plus  naturel  et  plus  avantageux 
de  renvoyer  toute  la  partie  d'administration  ci-devant  attribuée  au  bureau  des 
finances;  les  magistrats  municipaux  ayant  le  contentieux  des  autres  parties  de 
leur  administration  pourraient  être  également  chargés  de  celui-ci,  en  considé- 
rant le  très  grand  nombre  d'affaires  dont  le  Chàtelet  aura  dorénavant  à  s'oc- 
cuper r.  J  II  serait  d'autant  plus  convenable  de  remettre  la  ville  de  Paris  dans 
son  premier  état  à  cet  égard,  que  son  administration  est  immédiatement  sous 
les  ordres  du  ministre,  qui  est  le  premier  magistrat  de  la  cité,  que  tous  ces 
détails  concernent  spécialement;  que  les  succès  de   l'exécution   progressive 
du  plan  général  fait  par  les  ordres  du  roi  devant  être  le  résultat  de  l'unifor- 
mité du  travail  et  des  vues,  de  l'unité  de  méthode  et  d'application  des  prin- 
cipes, il  faut,  pour  le   bien  et  l'ensemble  de  la  chose,  que  les  anneaux  qui 
forment  la  chaîne  générale  soient  dans  la  même  main,  et  qu'il  n'y  ait  point 
de  divisibilité  dans  les  rapports  de  la  circonférence  au  centre. 

Nous  sommes  d'autant  mieux  fondés  à  considérer  cette  demande  comme 
devant  être  favorablement  accueillie  que  S.  M.  est  bien  convaincue  de  l'incon- 
vénient qui  résulte  de  la  multiplicité  des  tribunaux  et  du  partage  des  affaires 
dont  la  connaissance  peut  être  attribuée  à  un  seul  2. 


1.  Le  passage  mis  entre  crochets  est  une  addition  marginale  écrite  el  para- 
phée de  la  main  d'Éthis  de  Corny,  fort  intéressé  personnellement  dans  la  ques- 
tion, mais  qui  toutefois  sait  énoncer  des  arguments  juridiques  el  historiques 
d'une  haute  valeur. 

2.  Les  exemples  de  cet  inconvénient  se  présentent  maintes  t'ois  dans  les  déli- 
bérations du  Bureau  de  la  Ville.  Pendant  l'été  de  1777  (pour  en  citer  un),  il  se 
produisit  des  éboulements  et  des  affaissements  du  sol  au-dessus,  des  carrières 
exploitées  par  le  sieur  Cauchois,  près  du  chemin  <\r  Ménilmontant.  Le  Peletier  de 
Saint-Fargeau,  seigneur  de  Ménilmontant,  réclama  pour  obtenir  le  comblement 
l'intervention  du  Bureau  des  finances,  qui  publia  en  conséquence  l'ordonnance 
du  22  juillet  1777.  La  Ville  protesta  que  le  Bureau  des  finances  n'avait  pas  le 
droit  de  donner  des  ordres  aux  gravatiers,  que  ceux-ci  ne  pouvaient,  pour  les 
salaires  qui  leur  étaient  alors  fixés,  transporter  aussi  loiu  leurs  gravais  ;  qu'enfin 
le  sieur  Cauchois,  contrevenant,  était  responsable,  et  que  le  Bureau  des  finances 
n'avait  qu'à  le  poursuivre...  Pendant  ces  contestations  qui  allèrenl  en  Parlement 


576  CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS 

L'administration  de  la  Ville  ayant  été  maintenue  dans  la  possession  immé- 
moriale de  sa  juridiction  sur  des  parties  considérables  de  voirie  dans  la  ville 
de  Paris,  les  motifs  que  nous  venons  de  rappeler  paraissent  exiger  la  réunion 
de  la  totalité.  . 

Le  bureau  de  la  Ville  prit  une  délibération,  datée  du  lo  mai,  en 
conséquence  de.ee  réquisitoire.  lien  admit  les  conclusions,  mais  non 
le  principal  motif,  c'est-à-dire  la  restauration  des  droits  primitifs  de 
la  Ville.  Il  déclara,  au  contraire,  n'être  inspiré  que  par  le  bien  public, 
qui  exige  l'unité  de  direction  en  matière  administrative.  Il  s'appuya 
sur  l'exemple  de  l'ancienne  Rome  républicaine,  et  cita  les  édiles;  il 
oublia,  sans  doute  à  dessein,  le  préfet  urbain  établi  par  Auguste,  et 
souvent  nommé  par  les  défenseurs  de  la  lieutenance  générale  de 
police.  Il  invoqua  surtout  les  précédents,  et  lit  remarquer  que  le  roi 
avait  attribué  à  la  Ville  ce  qui  concernait  la  formation  des  boule- 
vards. La  délibération  fut  adressée  au  baron  de  Breteuil,  ministre 
de  Paris. 

Naturellement,  le  retour  triomphal  du  Parlement  et  l'échec  du 
plan  de  Lamoignon  et  de  Loménie  de  Brienne  détruisirent  les  projets 
et  les  espérances  du  ministre  de  Paris  et  du  procureur  de  la  Ville, 
son  instrument  en  pareille,  circonstance  comme  en  bien  d'autres. 


APPENDICE 

h%  JURIDICTION  CONSULAIRE  —  LE  DÉPUTÉ  DU  COMMERCE 

La  juridiction  consulaire,  analogue  à  notre  tribunal  de  commerce, 
et  que  Tùrgot  avait  eu  l'idée  de  réunir  au  bureau  de  la  Ville,  datait 
de  l'édit  de  novembre  4503.  Elle  était  composée  d'un  juge  et  de 
quatre  consuls  élus  chaque  année,  avant  la  fin  de  janvier,  par  les 
six  corps  primitifs,  plus  les  marchands  de  vin  et  les  libraires-impri- 
meurs. Le  juge  devait  être  tiré  du  collège  des  anciens  consuls.  Ces 
élections  par  degrés  successifs  constituaient  une  véritable  coopta- 
tion ,   d'autant  plus  que  la  sanction  royale  était  nécessaire. 

Le  consulat  tenait  seulement  trois  jours  par  semaine  son  audience 


le  chemin  de  Ménilmontanl  s'effondrait  toujours  e1  les  accidents  se  multipliaient. 

Arcli.  nat.,  II.  l!>.">2  (Reg.  par  mention,  f°  258  r°). 


CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS  577 

(derrière  le  cloître  Saint-Merri).  La  dernière  déclaration  importante 
qui  concerne  ce  tribunal  est  de  mars  1728. 

Le  juge  et  les  consuls  nouvellement  élus  prêtaient  serment  au 
Parlement;  ils  étaient  accompagnés  des  juge  et  consuls  sortant  de 
charge.  Le  30  janvier  1789  ',  le  Parlement  reçut  les  serments  de  : 

Robert  Estienne  (du  corps  de  la  librairie-imprimerie),  juge. 
Juste  Serve  (du  corps  des  marchands  de  vin),  consul. 
Adrien-Fidèle  Le  Camus  (du  corps  de  la  draperie-mercerie),  consul. 
Antoine-Edouard  Maginel  (du  corps  de  l'orfèvrerie),  consul. 
Étienne-J.-B.  Maillard  (du  corps  de  la  pelleterie-chapellerie-bon- 
neterie),  consul. 

Ils  étaient  accompagés  de  l'ex-juge  Vée  et  des  ex-consuls  Taron, 
Renouard,  Gillet,  Gharier. 

Le  collège  consulaire,  les  juge  cl  consuls  en  charge,  les  six  corps, 
et  les  syndics  et  adjoints  de  la  librairie,  avaient  le  droit  de  désigner 
six.  sujets  pour  le  titre  de  député  de  Paris  au  bureau  consultatif  du 
commerce.  Parmi  eux,  le  roi  choisissait  le  député.  Voici  un  procès- 
verbal  de  désignation  et  d'autres  pièces  relatives  à  ce  procès-verbal. 

Lettre  des  Juge  et  Consuls 
à  Lenoir,   lieutenant   général  de  police2 

Monseigneur, 

Nous  sommes  venus  vous  présenter  l'extrait  du  procès-verbal  de  désignation 
d'un  député  au  bureau  du  commerce  pour  la  ville  et  faubourgs  de  Paris,  con- 
tenant le  nom  des  six  sujets  qui  ont  eu  le  plus  grand  nombre  de  voix. 

Si  nous  avions  été  assez  heureux  pour  vous  trouver,  nous  vous  aurions 
supplié  d'ajouter  la  banlieue  à  la  spécification  de  ville  et  faubourgs  de  Paris, 
parce  qne  le  titre  des  six  corps  des  marchands  est  :  marchands  de  la  ville, 
faubourgs  et  banlieue  de  Paris,  que  plusieurs  marchandises  ne  peuvent  se 
vendre  dans  la  banlieue  sans  avoir  payé  les  droits  à  Paris,  et  que  les  proprié- 
taires des  manufactures  de  la  banlieue  ont  leur  domicile  dans  la  ville. 

Nous  sommes  avec  un  profond  respect,  Monseigneur,  vos  très  humbles  et 
très  obéissants  serviteurs,  les  juge  et  consuls  des  marchands  à  Paris. 

Le  23  novembre  1784. 

Signé  :  Onfkoy.  Le  Clerc,  juge. 

Poirier.  Douay.  Prévost. 

EXTRAIT  du  procès-verbal  fait  en  la  salle  d'audience  du  consulat  de  Paris, 

1.  Arch.  aat,  X  1b  8989. 

2.  Arch.  nat.,  H.  1452. 

37 


578  CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS 

le  mardi  23  novembre  1784,  en  l'assemblée  de  Messieurs  les  juge  el  consuls, 
anciens  juges  et  anciens  consuls,  les  six  corps  des  marchands,  syndics  et  adjoints 
de  la  librairie,  à  Paris. 

Nous  Charles-Guillaume  Le  Clerc,  juge,  Simon-Philippe  Poirier,  Georges- 
René  Douay,  Nicolas  Prévost  et  Philippe  Onfroy,  consuls  en  charge  de  la  ville 
de  Paris ,  en  conséquence  de  la  lettre  à  nous  adressée  par  Monseigneur  le 
contrôleur  général,  en  date  du  3  du  présent  mois,  contenant  qu'il  était  néces- 
saire que  nous  assemblions,  comme  il  est  d'usage,  les  anciens  juges  et  consuls, 
les  six  corps  des  marchands  el  les  libraires,  pour  procéder  à  l'élection  de  six 
sujets ,  dans  le  nombre  desquels  le  roi  fera  choix  du  député  du  commerce 
pour  la  ville  et  les  faubourgs  de  Paris  ; 

Avons  convoqué  en  notre  juridiction  une  assemblée  des  anciens  juges  et  des 
anciens  consuls,  le  6  du  présent  mois,  dans  laquelle,  après  communication  et 
lecture  faite  de  ladite  lettre,  il  a  été  unanimement  délibéré  qu'il  en  serait,  sui- 
vant l'usage,  envoyé  copie  aux  gardes  des  six  corps  et  aux  syndics  et  adjoints 
de  la  librairie,  pour  ensuite  se  trouver  en  étal  de  satisfaire  aux  intentions  de 
Monseigneur  le  contrôleur  général;  et,  pour  les  remplir,  de  notre  part,  nous 
avons  convoqué  par  billets,  en  la  manière  accoutumée,  à  ce  jourd'hui,  heure 
présente,  l'assemblée  des  anciens  juges  et  consuls,  et  de  six  de  chacun  des  six 
corps  des  marchands  et  libraires,  pour  procéder  à  ladite  élection,  à  la  plura- 
lité des  suffrages  par  la  voie  du  scrutin  ;  et  ont  été  scrutateurs  sire  Charles 
Saillant,  ancien  juge-consul  et  ancien  syndic  de  la  librairie,  et  sire  François  de 
Saint-Jean,  ancien  juge-consul  du  corps  de  la  draperie-mercerie,  par  nous 
proposés  et  agréés  d'une  voix  commune  par  toute  l'assemblée;  et,  après  avoir 
appelé  chacun  des  convoqués  l'un  après  l'autre,  pris  de  tous  le  serment  accou- 
tumé el  reçu  dans  la  toque  le  bulletin  de  chacun  d'eux,  et  de  nous;  ouverture 
faite  par  sire  Le  Clerc,  juge,  desdits  bulletins,  et  lecture  faite  d'iceux  par  lesdits 
sieurs  scrutateurs,  ont  été  nommées  diverses  personnes  du  nombre  desquelles 
les  six  qui  ont  eu  la  pluralité  des  suffrages  se  sont  trouvés  être  sire  Charles- 
Guillaume  Le  Clerc,  juge  en  exercice  et  syndic  de  la  librairie,  qui  a  eu  Gl  suf- 
frages, sire  Antoine  Delamottc ,  ancien  juge-consul  du  corps  de  la  draperie- 
mercerie,  qui  a  eu  41  suffrages,  sire  Charles  Saillant,  ancien  juge-consul  et 
ancien  syndic  de  la  librairie  [qui  a  eu  4-5  suffrages],  sire  Jean-Baptiste  Guyot, 
ancien  juge-consul  du  corps  de  la  pelleterie-bonneterie-chapellerie,  qui  a  eu 
59  suffrages,  sire  Ballhazar  Incelin,  ancien  consul  et  ancien  échevin  du  corps 
de  la  draperie-mercerie,  qui  a  eu  40  suffrages,  et  sire  Denis  Delavoyepierre, 
ancien  consul  du  corps  de  l'épicerie,  qui  a  eu  68  suffrages. 

Fait  en  la  salle  d'audience,  lesdits  jour  et  an. 

Boula  Eu>. 

La  même  chemise  renferme  les  lettres  de  sollicitation  des  candidats, 
adressées  au  contrôleur  général  et  au  lieutenant  général  de  police, 
et  aussi  les  lettres  de  recommandation  qu'ils  ont  obtenues.  Ainsi, 
J.-B.  Guyot  est  recommandé  par  le  duc  de  Bourbon,  à  la  maison 
duquel  il  était  attaché  depuis  longtemps.  Quoiqu'il  n'ait  que  59  voix, 
contre  G8  accordées  à  Delavoyepierre  et  (il  à  Le  Clerc,  J.-B.  Guyot 
n'oublie  pas  de  rappeler  que  «  le  choix  de  Monseigneur  le  contrôleur 


CONFLITS  D'ATTRIBUTIONS  579 

général  est  libre  ».  Du  reste,  «  c'est  dans  les  six  corps  marchands 
que  le  sieur  Delavoyepierre  a  trouvé  les  neuf  voix  qu'il  a  de  plus  que 
le  sieur  Guyot,  et  que  le  sieur  Le  Clerc  en  a  eu  aussi  deux  de  plus.  Le 
collège  consulaire,  qui  connaît  mieux  la  capacité  des  sujets  propres  à 
la  députation,  a  voté  presque  unanimement  pour  le  sieur  Guyot  ». 

Présentation  et  intrigues  furent  en  pure  perte;  on  voit  par  VAU 
manach  royal  que  Marion  père,  député  du  commerce  de  Paris  depuis 
1768,  obtint  la  survivance  pour  son  fils. 


XVI 

IMPOSITIONS 
DROITS,   EMPRUNTS 


La  haute  administration  des  impositions  directes,  dont  les  deux 
principales  étaient  la  capitation  et  les  vingtièmes,  était  partagée,  par 
commissions  royales,  entre  le  prévôt  des  marchands  et  le  lieutenant 
général  de  police.  Le  premier  répartissait  la  capitation  bourgeoise, 
et  les  vingtièmes  des  biens-fonds,  des  offices,  des  droits,  de  l'indus- 
trie des  particuliers  qui  n'étaient  point  en  communauté  :  c'était,  en 
somme,  le  service  des  privilégiés.  La  capitation  et  les  vingtièmes 
d'industrie  des  corps  et  communautés  concernaient  le  lieutenant  de 
police;  il  en  était  de  même  de  la  milice,  que  les  particuliers  fussent 
ou  non  en  communauté,  des  logements  militaires;  enfin  il  faisait 
percevoir  la  taxe  des  boues  et  lanternes  sur  les  maisons  nouvelle- 
ment construites  !. 

Necker  reconnaît2  combien  la  capitation  était  mal  répartie  :  «  A 
Paris,  où  cet  impôt  est  considérable  ?,  l'on  a  adopté  des  règles  de 
proportion  qui  n'ont  aucun  rapport  exact  avec  la  différence  des  fa- 
cultés;; mais  cette  imperfection  a  paru  préférable  aux  inconvénients 
d'un  arbitraire  indéfini  :  telles  sont  les  fixations  déterminées  en  rai- 
son des  charges,  des  titres,  des  dignités,  des  grades  militaires  et 
des  emplois  de  finance  ;  tels  sont  les  règlements  intérieurs  pour  les 
corps  des  marchands,  les  tarifs  pour  les  domestiques,  et  plusieurs 
autres  encore.  »  Sans  insister  sur  la  situation  des  grands,  qui  était 
la  même  à  Paris  qu'à  Versailles  et  dans  tout  le  royaume,  donnons 


1.  Voy.  Isambert,  n°  2182  (année  1786). 

2.  De  V Administration  des  finances,  t.  I,  p.  180. 

.'3.  En  1788,  d'après  d'Ailly  (Procès-verbal  do  rassemblée  provinciale  de  l'Ile-de- 
France),  la  capitation  de  Paris  s'élevait  à  2,488,041  livres  8  sols  4  deniers.  11  est 
difficile  de  trouver  cette  somme  considérable. 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  581 

une  idée  de  celle  des  marchands  et  artisans,  telle  que  l'avait  réglée 
en  dernier  lieu,  pendant  le  premier  ministère  de  Necker,  l'arrêt  du 
Conseil  du  14  mars  1779  '.  Les  marchands  et  artisans  étaient  distri- 
bués en  vingt-quatre  classes,  dont  les  quotités  variaient  de  1  livre 
10  sous  à  300  livres.  Les  drapiers-merciers  comprenaient  vingt  classes, 
de  9  livres  à  30!)  livres;  les  épiciers,  les  marchands  de  vin,  seize 
classes,  de  la  vingtième  (9  livres)  à  la  cinquième  (150  livres)  ;  les  per- 
ruquiers-coiffeurs de  femmes,  huit  classes  (de  4  à  30  livres);  les  sa- 
vetiers, cinq  classes  (de  30  sous  à  9  livres).  Cinquante-six  corps  sont 
ainsi  énumérés.  Les  marchands  et  artisans  privilégiés,  traités  à  pari, 
forment  1G  classes,  de  G  livres  à  125  livres.  C'était  à  chaque  corps  ou 
communauté  de  faire  l'état  de  distribution  de  ses  membres,  mais 
suivant  les  nombres  fixés  annuellement  pour  chaque  classe  par  le 
lieutenant  général  de  police.  La  dernière  classe  était  seule  exceptée  : 
elle  devait  contenir  tous  ceux  qui  n'auraient  pas  été  distribués  dans 
les  classes  supérieures,  et  dont  le  nombre,  par  suite  l'apport  contri- 
butif, demeureraient  indéterminés.  —  Les  deux  vingtièmes  d'indus- 
trie, la  chose  va  de  soi,  étaient  répartis  d'après  les  mêmes  principes 
ou  d'après  des  principes  analogues  :  car  ils  étaient  supposés  repré- 
senter les  deux  vingtièmes  des  revenus  dus  au  travail  commercial  et 
mécanique  :  quant  au  troisième  vingtième,  rétabli  par  l'édit  du 
3  juillet  1782  2,  il  ne  concerna  ni  l'industrie,  ni  les  offices,  ni  les 

1.  Arch.  nat.;  K.  1052. 

2.  Voici,  à  ce  proposées  remontrances  faites  par  le  Parlement,  le  28  juill.  1782 
(Arch.  nat.,  X  1b  8977). 

«  ...  La  perception  du  troisième  vingtième  en  1760  éprouva  dans  plusieurs  pro- 
vinces une  impossibilité  absolue  :  cependant  à  cette  époque  les  sujets  de  Votre 
Majesté  payaient  plus  de  100  millions  par  an  de  moins  qu'aujourd'hui;  à  cette 
époque  on  n'avait  pas  encore  mis  sur  la  consommation  une  augmentation  d'au- 
tant plus  onéreuse  que  la  multiplicité  des  objets  tend  à  la  rendre  plus  arbi- 
traire... Le  propriétaire  donne  par  les  différentes  charges  plus  de  la  moitié  du 
prix  de  son  fermage. 

«  Les  impôts  ont  des  bornes  au  delà  desquelles  ils  se  nuisent  réciproquement... 
Ces  bornes  passées...  après  avoir  fatigué  le  contribuable,  ils  trompent  encore  les 
spéculations  du  gouvernement. 

«  Les  pensions  avaient  dans  l'origine  un  montant  fixe  et  un  fonds  assigné  et 
limité  sur  les  économies  du  domaine  de  la  couronne;  aujourd'hui  le  montant  n'a 
plus  de  borne,  le  fonds  plus  d'assignat,  et  ne  se  prend  que  sur  le  produit  des 
impôts...  11  en  est  qui,  prodiguées  à  la  faveur  ou  à  l'intrigue, ne  servent  qu'à  en- 
tretenir le  luxe  et  l'oisiveté;  le  Peuple  les  confond  avec  les  justes  récompenses 
des  services  rendus  à  l'État.  » 

Le  roi  s'excusa  sur  les  charges  de  la  guerre  et  sur  les  engagements  du  Trésor: 

«  Mon  Parlement  doit  voir  dans  la  manière  dont  j'ai  ordonné  que  les  vingtiè- 
mes soient  levés,  et  dans  la  diminution  des  droits  sur  les  huiles  et  savons,  que 
je  ne  perds  point  de  vue  le  désir  constant  que  j'ai  de  soulager  mes  peuples.  » 


582  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

droits,  mais  tous  les  autres  objets  assujettis  aux  deux  premiers, 
c'est-à-dire  principalement  la  propriété  bâtie  ou  non  bâtie.  Il  devait 
durer  seulement  jusqu'au  dernier  décembre  de  la  troisième  année 
après  la  signature  de  la  paix,  c'est-à-dire,  la  paix  de  Versailles  ayant 
été  signée  en  1783,  jusqu'au  dernier  décembre  1780.  Après  les  vains 
efforts  du  ministre  de  Galonné  devant  la  première  assemblée  des  no- 
tables, et  l'exil  du  Parlement  à  Troyes,  le  second  vingtième,  aussi 
arrivé  à  son  terme,  fut  prorogé  pendant  1791  et  1792,  comme  condi- 
tion de  la  rentrée  du  Parlement  (19  septembre  1787).  —  Dans  l'in- 
tention du  gouvernement,  les  vingtièmes  devaient  porter  surtout  sur 
les  propriétaires  ou  capitalistes;  mais  ceux-ci  se  défendaient  vigou- 
reusement; le  Parlement  s'indignait  en  leur  nom  de  voir  confondus 
dans  les  mêmes  rôles,  et  solidaires  les  uns  des  autres,  les  nobles,  les 
roturiers  et  les  taillables  '.  Aussi  les  vingtièmes  étaient  bien  loin  de 
rapporter,  à  Paris,  ce  que  le  principe,  en  somme  équitable,  de  cet 
impôt,  semblait  promettre  :  le  produit,  dans  la  dernière  partie  du  règne 
de  Louis  XVI,  varia  entre  3  et  4  millions. 

La  capitation  et  les  vingtièmes  étaient  l'imposition  directe  nor- 
male, commune  à  tout  le  royaume  ;  le  taux  et  la  somme  (6  à  7  mil- 
lions) en  étaient  extrêmement  faibles  à  Paris  en  comparaison  de  l'en- 
semble du  territoire,  qui  de  ce  chef  payait  (y  compris  Paris)  une 
centaine  de  millions2  :  c'est  du  moins  le  chiffre  que  l'on  peut  déduire 
du  tableau  dressé  par  Necker,  en  défalquant  le  troisième  vingtième 
et  en  augmentant  (très  modérément)  les  deux  autres.  —  Voyons 
comment  la  perception  était  organisée  à  Paris. 

Au  début  du  règne  de  Louis  XVI,  il  y  avait  à  Paris  un  office  de  re- 
ceveur général  de  la  capitation  et  des  vingtièmes.  Turgot  le  fit  rem- 
bourser, et  créer  en  la  place  six  offices  formés  et  héréditaires  de  re- 
ceveurs des  impositions  :  la  finance  totale,  de  600,000  livres,  fut 
divisée  au  prorata  de  l'importance  des  recouvrements  respectifs. 
Mais  le  point  important,  c'est  que  les  six  offices  furent  attribués  à 
ceux  qui  étaient  pourvus  alors,  par  commission,  du  recouvrement 
de  la  capitation  et  des  vingtièmes  bourgeois  seulement.  C'était  une 
façon  indirecte  de  lutter  contre  les  privilèges  que  d'unifier  ainsi  la 
perception  J.  Il  est  visible,  d'autre  part,  que  cette  réunion  de  quartiers 
(bourgeois)  et  de  communautés  dans  chacun  des  six  départements  avait 


1.  Représentations  du  26  avril  1778  (Arch.  nat.,  X  1b  8971).  Plus  justement,  il 
se  plaint  qu'un  subside  (tel  était  le  caractère  primitif  du  dixième,  aboli,  puis  de- 
venu le  et  les  vingtièmes)  soit  transformé  en  i?npôt  territorial. 

2.  Necker,  tome  cité,  p.  35. 

3.  Édit  de  janvier  1775,  enregistré  le  23  février  (Arch.  nat.,  K.  1051). 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  583 

été  faite  en  vue  de  la  suppression  projetée  des  corporations,  afin  que 
cette  grande  réforme  économique  et  sociale  ne  troublât  en  rien  le 
système  de  la  perception.  Lorsque  les  corporations  eurent  été  réta- 
blies sur  de  nouvelles  bases  et  avec  d'autres  dénominations,  les  lettres 
patentes  du  9  juin  1777  modifièrent  la  distribution  due  à  Turgot, 
mais  l'essentiel  subsista,  et  n'a  certainement  pas  été  inutile  au.v 
rapides  réformes  financières  de  la  Constituante,  concernant  le  recou- 
vrement et  la  confection  des  rôles  des  impositions  parisiennes1. 
Jusqu'à  cette  époque,  les  ministres  des  finances,  surtout  Necker,  sui- 
virent en  matière  de  perception  la  voie  tracée  par  Turgot.  Ainsi,  par 
l'article  6  de  la  déclaration  du  30  novembre  1778,  le  receveur  du  pre- 
mier des  six  départements  eut  aussi  à  compter  «  de  la  capitation  des 
officiers  et  employés  de  la  maison  civile  et  militaire,  vénerie,  faucon- 
nerie, écuries,  argenterie  et  menus-plaisirs,  bâtiments  et  prévôté  de 
l'Hôtel  ».  Celui  du  deuxième  département  eut  à  compter  de  celle  de 
tous  les  officiers  et  employés  dans  les  maisons  de  la  reine,  des  tantes 
du  roi,  des  frères  et  belles-sœurs  du  roi,  et  de  toutes  les  maisons 
royales. 

Les  cboses  furent  encore  simplifiées  par  l'arrêt  du  Conseil  du  27  oc- 
tobre 1781,  que  voici  en  substance  : 

L'intermédiaire  des  gardes,  syndics  et  adjoints  des  corps  et  communautés 
occasionne  des  retards  et  des  frais  multipliés.  Ils  commueront  toutefois  à 
dresser  les  états  de  répartition  des  membres  des  corps  et  communautés,  avec 
indication  des  demeures  des  contribuables,  et  les  remettront  au  lieutenant  gé- 
néral de  police  le  15  janvier  de  chaque  année  au  plus  tard  ;  ces  états  serviront 
à  dresser  des  rôles  en  la  forme  ordinaire,  qui  seront  remis  Ie'15  mars  au  plus 
tard  aux  receveurs  des  impositions.  Les  gardes,  syndics  et  adjoints  continue- 
ront aussi  à  toucher  (pour  la  seule  répartition)  les  4  deniers  par  livre  de  taxa- 
tions qui  leur  étaient  accordés  pour  la  répartition  et  la  perception. 

Les  limites  de  notre  sujet  ne  nous  permettent  d'insister  que  sur  ce 
qui  est  tout  à  fait  spécial  à  Paris.  Notons  donc  encore  l'arrêt  du  Con- 
seil d'Etat,  portant  règlement  pour  le  recouvrement  des  impositions 
dans  la  Ville  de  Paris,  et  réductions  des  frais  de  poursuites  relatives 
audit  recouvrement  (27  sept.  1783)  2.  Outre  les  frais  des  premiers 
et  deuxièmes  commandements,  cet  arrêt  réglemente  :  1°  les  opposi- 
tions ou  saisies-arrêts,  et  les  commandements  sur  opposition  ou 
saisies-arrêts,  à  la  requête  des  receveurs  des  impositions  ;2°  les 
frais  de  garnison  réelle  cbez  les  contribuables  réfractaires  ;  3°  les 

1.  Décrets  des  15  dée.  1*89,  H  avril  et  1S  avril  1790. 

2.  Arch.  nat.,  K.  1052. 


584  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

obligations  spéciales  et  les  droits  reconventionnels  des  proprié- 
taires à  l'égard  du  locataire  qu'ils  auraient  laissé  déménager 
sans  avoir  exigé  présentation  de  sa  quittance  d'impositions  annuelles. 
Enfin  l'arrêt  du  13  novembre  1785  établit  une  direction  générale 
des  impositions  de  Paris  (un  directeur,  un  contrôleur  principal,  des 
contrôleurs),  laquelle  fut  confirmée  et  réglementée  par  l'arrêt  du 
18  janvier  1780  '  ;  et  l'arrêt  de  février  1780,  enregistré  à  la  Chambre 
des  comptes  le  4  avril,  porta  de  0  à  8  le  nombre  des  offices  de  rece- 
veurs particuliers  2.  Ces  changements  ne  présentent  d'intérêt  qu'au 
point  de  vue  de  la  vente  des  nouvelles  charges. 

CAPITATION 
LETTRES  DU  PRÉVÔT  DES  MARCHANDS  3 

De  par  les  prévôt  des  marchands  et  échcvins  de  la  Ville  de  Paris,  du  20  oc- 
tobre 1773. 

A  tous  ceux  qui  les  présentes  lettres  verront,  Jean-Baptiste-François  de  La 
Micliodièrc,  chevalier,  comle  d'Hautevillc,  scigneur'de  La  Michodière,  Romène 
et  autres  lieux,  conseiller  d'Etat,  prévôt  des  marchands,  et  les  échcvins  de  la 
Ville  de  Paris,  salut  : 

Savoir  faisons  que,  vu  au  bureau  de  la  Ville  l'ordre  du  roi  du  22  septembre 
1773,  pour  faire  travailler  incessamment  à  la  confection  des  rôles  de  la  capi- 
talion  qui  doit  être  imposée  pour  l'année  1774,  sur  les  bourgeois  et  habitants 
de  la  Ville  de  Paris,  conformément  à  ce  qui  est  prescrit  par  l'article,  12  de  sa 
déclaration  du  12  mars  1701,  dont  il  ordonne  l'entière  exécution,  ainsi  que  du 
tarif  de  1693  avec  l'augmentation;  ledit  ordre  portant,  en  outre,  qu'il  sera 
compris  dans  lesdits  rôles  toutes  les  personnes  des  membres  de  corps  et  com- 
munautés d'arts  et  métiers,  qui  réunissent  à  leur  commerce  ou  profession 
l'exercice  de  quelque  petite  commission  des  fermes  ou  exercice  étranger  à  ce- 
lui de  membres  de  communautés  tels  que  ceux  qui  débitent  du  tabac  ou  du  sel 
par  regrat,  les  distributeurs  de  billets  de  loterie  ayant  des  bureaux  ouverts, 
les  femmes  qui  vendent  de  la  marée  ou  poisson  d'eau  douce,  ceux  qui  louent 
des  maisons,  hôtels  ou  chambres  garnis,  autres  que  les  traiteurs  à  qui  cette 
faculté  est  attribuée  pour  leur  maison  et  domicile  seulement,  et  fait  partie  de 
l'exercice  de  leur  profession  ;  enfin  tous  ceux  qui  ont  quelque  commerce,  em- 
ploi, commission  ou  exercice  étranger  à  celui  de  la  communauté  à  laquelle  ils 
sont  attachés,  et  d'où  ils  retirent  un  produit  particulier,  cl  ce  conformément  à 
la  disposition  de  l'article  9  de  l'arrêt  du  Conseil  en  forme  de  règlement  pour 


1.  Isambert,  nns  2133  et  2181. 

2.,ld.,  n°  2201.  Cf.  Almanach  royal  de  1789,  p.  611.  Quant  aux  deux  receveurs 
généraux  pour  Paris,  Alissan  de  Chazet  (entré  en  1782)  et  Gojard  (en  1786),  c'é- 
taient, sous  ce  litre,  des  bailleurs  de  fonds  du  ministère,  rétablis  contrairement 
aux  idées  de  Turgot  el  de  Neck,er. 

3.  Arch.  pat.,  II.  1951.  —  Le  27  sept.  1774,  mêmes  lettres  pour  la  capitation 
de  1775.  etc. 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  585 

le  recouvrement  de  la  capitation  sur  les  bourgeois  et  habitants  de  la  Ville  de 
Paris  du  2i  février  1773;  lesquels  contribuables  seront  compris  dans  lesdits 
rôles  à  raison  de  ces  emplois  ou  commissions  particulières,  et  de  leurs  facultés 
étrangères  à  l'exercice  du  métier  ou  profession  de  la  communauté  dont  ils  sont 
membres.  Vu  aussi  l'arrêt  du  Conseil,  du  10  septembre  1767,  qui  ordonne  que 
les  particuliers  qui  seront  compris  dans  lesdits  rôles  continueront  de  payer  les 
quatre  sols  pour  livre,  outre  et  par-dessus  la  portée  de  leurs  taxes,  ainsi  qu'ils 
y  ont  déjà  été  tenus  en  vertu  de  l'arrêt  du  Conseil  du  18  décembre  17i7,  et 
autres  successivement  rendus  : 

En  conséquence,  et  ouï  le  procureur  du  roi  et  de  la  Ville  en  ses  conclu- 
sions, 

Nous  ordonnons  aux  receveurs  des  dix-huit  quartiers  de  la  Ville  de  Paris, 
préposés  pour  faire  le  recouvrement  de  ladite  capitation,  de  commencer  leurs 
visites  dans  l'étendue  de  leurs  quartiers,  le  15  janvier  prochain,  en  se  trans- 
portant en  personne  et  assistés  de  leurs  commis  que  nous  autorisons  à  cet 
effet,  dans  toutes  les  maisons,  appartements  et  chambres  de  leurs  dits  quar- 
tiers pour  y  dresser,  conformément  aux  arrêts  et  règlements  du  Conseil  et  no- 
tamment à  celui  du  2i  février  1773,  des  états  dans  lesquels  ils  comprendront 
toutes  les  personnes  qu'ils  y  trouveront  demeurantes,  de  quelques  qualité  et 
condition  qu'elles  soient,  et  même  les  étrangers  qui  y  ont  leur  demeure  de- 
puis six  mois,  sans  excepter  ceux  qui  logent  dans  les  maisons  et  chambres 
garnies,  sur  les  déclarations  détaillées  et  certifiées  qui  leur  en  seront  fournies, 
avant  le  15  janvier,  par  tous  les  chefs  de  familles,  propriétaires  ou  principaux 
locataires  des  maisons,  et,  à  leur  défaut,  par  ceux  qui  occupent  les  boutiques 
ou  les  premiers  appartements  de  celles  qui  sont  louées  par  détail,  suivant  et 
conformément  à  l'article  3  de  l'arrêt  du  Conseil  du  24  février  1773. 

Défendons  auxdits  receveurs,  sous  quelque  prétexte  que  ce  puisse  être, 
de  commettre  autre  personne  que  leur  commis  pour  faire  lesdites  visites  à  leur 
place. 

Ordonnons  auxdits  receveurs,  lors  des  visites,  de  porter  sur  eux  leurs  com- 
missions pour  les  exhiber  au  besoin,  et  de  s'adresser  directement  aux  chefs 
de  familles  et  aux  propriétaires  ou  principaux  locataires  de  chaque  maison, 
pour  leur  demander  des  déclarations  exactes  et  d'eux  certifiées  contenant  leurs 
noms  et  qualités,  ensemble  le  nombre,  les  noms  et  qualités  des  commis, 
garçons,  domestiques  et  autres  personnes  logés  chez  eux,  étant  à  leur  charge, 
ou  employés  sous  eux. 

Dans  le  cas  où  les  chefs  de  familles,  propriétaires  ou  principaux  locataires 
refuseraient  de  signer  leurs  déclarations,  les  receveurs  ou  leurs  commis  se- 
ront tenus  de  les  signer  et  faire  mention  du  refus,  sans  que  dans  la  suite  les- 
dits chefs  de  familles,  propriétaires  ou  principaux  locataires  puissent  être  reçus 
à  faire  aucunes  représentations  sur  le  nombre  ou  la  qualité  des  particuliers  qui 
seront  compris  dans  lesdites  déclarations. 

Les  maîtres  des  hôtels  et  maisons  garnis  seront  tenus  de  représenter  leurs 
livres  auxdits  receveurs  ou  à  leurs  commis  à  leur  première  réquisition,  et  en 
cas  de  refus  de  leur  part  ou  de  celle  des  chefs  de  familles,  propriétaires  ou 
principaux  locataires  des  maisons  de  fournir  leurs  déclarations  dans  la  forme 
qui  leur  est  prescrite  par  les  arrêts  et  règlements  du.  Conseil  ;  ou,  en  cas  qu'il 
y  soit  par  eux  fait  quelque  omission  ou  déguisement,  ordonner  aux  receveurs 
d'en  dresser  leur  procès-verbal,  et  de  les  faire  assigner  par-devant  nous,  pour 


586  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

être  condamnés  au  quadruple  de  la  somme  pour  laquelle  chaque  particulier 
qu'ils  auront  refuse  de  déclarer,  aurait  dû  être  compris  dans  lesdits  rôles,  et 
ce  par  forme  d'amende  qui  appartiendra  au  dénonciateur;  lesquels  particuliers 
qui  auront  été  omis,  et  dont  la  qualité  aura  été  déguisée,  seront  compris  dans 
lesdits  rôles  par  supplément. 

Et  attendu  que,  par  l'article  13  de  l'arrêt  du  Conseil  du  24  février  1773,  il 
est  défendu  à  toutes  personnes,  de  quelque  état  et  condition  qu'elles  soient, 
de  troubler  les  receveurs  dans  leurs  visites  et  leurs  autres  fonctions,  ordon- 
nons aux  receveurs  de  dresser  procès-verbal  contre  ceux  qui  pourront  contre- 
venir aux  dispositions  de  cet  article,  et  de  les  faire  assigner  par-devant  nous 
pour  être  condamnés  en  trois  cents  livres  d'amende. 

Les  propriétaires  ou  principaux  locataires  seront  tenus  de  donner  avis  aux 
receveurs  du  déménagement  de  leurs  locataires  ou  sous-locataires  un  mois 
avant  l'échéance  du  terme,  afin  qu'ils  soient  en  état  de  les  faire  payer  ;  des- 
quels avis  ils  seront  tenus  de  justifier  par  des  reconnaissances  desdils  rece- 
veurs, conformément  à  l'arrêt  du  Conseil  du  8  avril  1727,  à  peine  d'être 
garants  en  leurs  noms  des  sommes  ducs  par  ceux  qu'ils  auront  laissés  démé- 
nager. Et,  pour  le  surplus,  ordonnons  auxdits  receveurs  de  se  conformer  aux 
règlements  faits  à  ce  sujet. 

Et  sera  la  présente  ordonnance  affichée  tant  à  l'Hôtel  de  Ville  qu'aux  bureaux 
desdits  receveurs,  et  partout  ailleurs  où  besoin  sera  à  ce  que  nul  n'en  prétende 
cause  d'ignorance. 

Fait  au  bureau  de  la  Ville  le  26  octobre  1773. 

Signé  :  De  La  Miciiodière,  Sprotte,  Boucher,  Quatremère,  Estienne,  Jollivet. 


Lettre  de  Turgot,  contrôleur  général, 
à   La  Michodière ,  prévôt  des  marchands 

VERSAILLES,    6   JANVIER    1776  l 

SUR   LA    CAHTATION    DE   PARIS 

J'ai  examiné,  Monsieur,  les  lettres  que  vous  avez  écrites  aux  receveurs  des 
impositions  de  la  ville  de  Paris  sur  la  forme  de  leur  recouvrement,  et  les  ré- 
ponses qu'ils  vous  ont  adressées.  Celte  correspondance  n'a  pu  que  me  mettre 
à  portée  de  reconnaître  le  désir  que  vous  avez  de  prévenir  les  plaintes  des 
contribuables,  et  de  leur  procurer  tous  les  ménagements  qu'ils  ont  droit  d'at- 
tendre de  vous.  Les  receveurs  des  impositions  doivent  seconder  vos  vues  à 
cet  égard,  et  ils  se  conformeront  en  cela  à  mes  intentions  ;  mais  il  faut  conci- 
lier ces  ménagements  avec  la  nécessité  du  recouvrement,  et,  sous  ce  dernier 
point  de  vue,  je  n'ai  point  pu  blâmer  leur  conduite.  Ils  m'ont  paru  fondés  à 
faire  des  poursuiies  contre  les  contribuables  qui ,  au  mois  d'octobre,  n'avaient 
encore  rien  acquitté  sur  une  imposition  payable  en  deux  termes,  dont  le  pre- 
mier échoit  au  mois  de  mars  et  le  second  au  1er  juillet,  suivant  le  règlement 
de  1711  rendu  pour  la  ville  de  Paris.  La  nécessité  de  remplir  leurs  soumissions, 
dont  les  époques  ont  été  rapprochées  des  termes  prescrits  par  les  règlements 

1.  Reg.  î°  270  r°  (H.  1876).  Copir  sur  In  minute,  H.  19."2. 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  587 

pour  le  payement  des  impositions  dont  ils  sont  chargés,  ne  Teur  permet  pas 
de  négliger  ce  recouvrement ,  et  leur  conduite  à  cet  égard  ne  peut  paraître 
irrégulière. 

Je  ne  vois  de  même  aucune  irrégularité  dans  le  choix  que  ces  receveurs  ont 
fait  d'un  seul  chef  de  garnison.  La  déclaration  du  13  avril  1761 ,  le  règlement 
qui  y  est  annexé,  les  arrêts  du  Conseil  rendus  depuis  sur  cet  objet,  se  réunis- 
sent pour  laisser  aux  receveurs  des  impositions  une  entière  liberté  sur  ce 
choix;  et,  en  faisant  tomber  le  leur  sur  un  des  chefs  de  garnison  qui  avaient 
été  désignés  aux  anciens  préposés  à  la  recette  de  la  capitalion  ,  les  receveurs 
actuels  des  impositions  de  la  ville  de  Paris  n'ont  pu  que  vous  donner  une 
marque  de  déférence.  Tout  ce  qui  paraît  irrégulier  de  leur  part,  c'est  de  s'être 
permis  de  donner  une  commission  particulière  à  l'un  des  huissiers  de  la  Ville; 
ils  n'ont  point  ce  droit  :  ils  peuvent  bien  choisir  parmi  ceux  qui  sont  revêtus 
de  la  commission  de  chef  de  garnison  l'homme  qu'ils  croient  le  plus  digne  de 
leur  confiance;  mais  ils  ne  peuvent  lui  donner  un  caractère  public  qu'il  ne 
peut  tenir  que  des  commissaires  du  roi,  juges  de  la  capilation  et  des  ving- 
tièmes. 

Quant  à  la  forme  dans  laquelle  les  commandements  ont  .été  rédigés,  vous 
n'ignorez  point,  Monsieur,  que  la  déclaration  de  1701  a  attribué  aux  seuls 
commissaires  de  Sa  Majesté  la  connaissance  des  contestations  relatives  au  re- 
couvrement de  la  capitation,  et  que  le  Conseil  a  toujours  réprimé  les  entre- 
prises des  Cours  et  autres  juridictions  sur  tout  ce  qui  est  relatif  à  celte 
imposition.  Vous  pouvez  même  vous  rappeler,  Monsieur,  que  ce  fut  sur  votre 
dénonciation  et  d'après  votre  avis  que  le  Conseil  cassa,  le  24  septembre  1754, 
un  arrêt  rendu  par  la  Cour  des  aides  de  Clermont-Ferrand  relativement  à  une 
saisie  laite  de  votre  autorité,  lorsque  vous  étiez  intendant  d'Auvergne,  et 
défendit  à  celte  Cour  et  autres  juges  de  prendre  connaissance  de  ces  sortes  de 
contestations. 

D'après  ces  principes,  la  juridiction  du  bureau  de  la  Ville  n'a  aucun  titre 
pour  réclamer  sur  la  capitation  des  bourgeois  et  habitants  de  Paris  une  com- 
pétence qu'elle,  n'a  jamais  dû  ni  pu  prétendre  et  qui  répugnerait  à  son  institu- 
tion. Cette  juridiction  a  pour  objet  la  sûreté  de  l'approvisionnement  de  Paris 
par  eau,  la  discussion  des  contestations  qui  pourraient  y  mettre  obstacle,  la 
police  et  la  tranquillité  des  ports  et  des  rivières  aftluentes  à  la  Seine,  mais  n'a 
aucune  compétence  en  matière  d'impositions. 

Le  procureur  du  roi  de  cette  juridiction,  étant  en  même  temps  procureur  de 
la  Ville,  a  toujours  pris  le  double  titre  de  procureur  du  roi  et  de  la  Ville.  Ce 
n'est  que  sous  cette  dernière  qualité  que  les  commandements  pour  la  capitation 
ont  pu  être  faits  à  sa  requête  avant  1775.  Alors  les  préposés  à  la  recette  de  la 
capitation,  sans  qualité  pour  poursuivre  en  leur  nom,  n'étant  que  les  commis 
de  la  Ville,  ne  pouvaient  agir  qu'au  nom  de  la  Ville.  Leurs  contraintes  étaient 
faites  à  la  requête  du  procureur  de  la  Ville,  qui  représentait  le  Corps  municipal 
dont  ces  préposés  tenaient  leur  commission.  Aujourd'hui  ces  receveurs  sont 
officiers  du  roi,  ils  sont  érigés  en  charge,  pour  recouvrer  en  leur  nom  et  pour 
le  roi  toutes  les  impositions.  Les  commissaires  du  roi,  désignés  par  l'art.  12 
de  la  déclaration  de  1701  pour  juger  les  contestations  que  l'exécution  des 
rôles  arrêtés  au  Conseil  pour  le  recouvrement  de  la  capitation  des  bourgeois 
et  habitants  de  Paris  peut  occasionner,  ne  sont  autres  que  vous,  Monsieur,  et 
les  quatre  échevins.  Vous  seuls  pouvez  non  seulement  examiner  et  prononcer 


588  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

sur  les  demandes  en  décharges  ou  modérations,  mais  encore  connaître  de  tout 
ce  qui  est  relatif  au  recouvrement  de  cette  imposition,  sauf  l'appel  au  Conseil. 
Cette  loi,  non  plus  que  l'édit  de  JG93,  n'a  point  confié  celte  attribution  au 
bureau  de  la  Ville,  dont  les  appels  ressortissent  au  Parlement  :  dans  tout  le 
royaume,  ce  sont  des  commissaires  du  roi  qui  connaissent  de  cette  imposition  ; 
ce  n'est  que  depuis  1761  que  l'on  a  fait  une  distinction  entre  la  capitation 
répartie  au  marc  la  livre  de  la  taille  et  celle  des  non-taillablcs.  Les  élections 
connaissent,  depuis  ce  temps,  de  la  première  comme  d'une  imposition  acces- 
soire à  la  taille  et  répartie  sur  les  mômes  rôles.  Mais,  pour  la  seconde,  les 
principes  n'ont  point  varié,  et  l'intention  du  Conseil  est  de  les  maintenir  et  de 
les  faire  exécuter.  Je  suis,  etc. 

TURGOT. 

La  Michodière  n'en  persista  pas  moins  à  rendre  une  ordonnance 
du  bureau,  le  17  décembre  1770,  pour  la  levée  de  la  capitation.  Une 
lettre  de  d'Ormesson  (5  janvier  1777)  rappela  au  prévôt  les  principes 
exposés  par  Turgot. 

Comme  les  ordonnances  de  la  Ville  étaient  copiées  d'une  année  à 
l'autre,  celle  de  1776  avait  commis  un  étrange  oubli,  qui  aurait  pu 
tirer  à  conséquence.  Il  avait  «  gardé  le  silence  le  plus  absolu  sur  les 
dispositions  de  l'arrêt  du  Conseil  du  26  juillet  1770  »,  ordonnant  qu'à 
partir  de  1777  «  il  serait  perçu  pendant  cinq  ans,  dans  tout  le  ressort 
du  Parlement  de  Paris,  en  sus  de  chaque  cote  de  capitation,  G  deniers 
par  livre  destinés  à  la  reconstruction  du  Palais  ». 

Le  bureau,  sur  ce  dernier  point,  s'excusa,  en  disant  qu'il  n'avait 
pas  reçu  l'arrêt  du  26  juillet  1770,  et  qu'au  reste  son  ordonnance  an- 
nuelle sur  la  capitation  était  de  pure  forme.  —  Quant  au  reproche 
général  qui  lui  était  fait,  il  soutint  que  la  juridiction  de  la  Ville  était 
mixte  et  pouvait  (par  attribution  )  connaître  des  impositions;  que 
l'expression  «prévôt  des  marchands  et  échevins  »  désignait  toujours 
tout  le  bureau,  et  qu'en  matière  de  contestations  des  contribuables  à 
la  capitation,  on  ne  pouvait  se  passer  ni  du  ministère  public  ni  du 
greffier.  —  Depuis  quatre-vingts  ans,  le  bureau  de  la  Ville  tout  entier 
avait  rendu  son  ordonnance  sur  le  recouvrement  de  la  capitation  ». 


1.  Réflexions  registrées  eu  janvier  1777,  H.  1877,  f°  205  r°.  —  Voyez,  dans  le 
sens  des  prétentions  de  la  Ville,  l'arrêt  du  Conseil  du  12  mars  1695,  qui  confiait 
la  perception  aux  quartiniers,  et  la  recette  au  receveur  de  la  Ville.  (Arch.  nat., 
K.  1053.)  —  Toute  cette  affaire  nous  montre  clairement  que  l'opposition  du  Par- 
lement et  du  ministère  n'éclatait  pas  seulement  dans  les  grandes  circonstances, 
mais  qu'elle  se  retrouvait  plus  ou  moins  latente  dans  les  détails  d'administra- 
tion les  plus  insignifiants  pour  le  tond  :  de  là,  soit  dit  en  passant,  l'importance 
qui  s'attache  à  la  forme,  même  dans  la  pensée  d'un  Turgot. 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 


589 


LES  SIX  DÉPARTEMENTS  DES  IMPOSITIONS  DIRECTES 

(1775) 


PREMIER    DEPARTEMENT 

^Lc  sieur  SAUSSAYE,  receveur. 
Finance  :  124,000  livres.) 


en 

os 
- 

H 

ce 


Cité. 

Louvre. 

Palais-Royal. 


Corps  et  communautés.  —  Apothi- 
caires, pelletiers,  bouchers,  limona- 
diers, papetiers,  peaussiers,  perru- 
quiers. 

Privilégiés  de  l'hôtel.  —  Boulan- 
gers, brodeurs,  charcutiers,  cordon- 
niers, éperonniers,  épiciers,  tailleurs. 

Privilégiés  des  différents  corps  et 
communautés  d'ans  et  métiers. 

DEUXIÈME    DÉPARTEMENT 

(Le  sieur  P1LL0N,  receveur. 
Finance  :  112,000  livres.) 


a 

S 

H 

< 


Saint-Euslache. 
Les  Halles. 
Sainis-lnnocenls. 


Corps  et  communautés.  —  Bonne- 
tiers, amidonniers,  batteurs  d'or, 
boisseliers,  chapeliers,  cuisiniers-trai- 
teurs, couturières,  faïenciers,  passe- 
mentiers, patenôtriers. 

Vendeurs,  inspecteurs,  contrôleurs: 
aux  cuirs,  à  la  marée,  aux  suifs,  à  la 
volaille,  aux  foins,  aux  toiles,  embal- 
leurs, de  police,  au  nettoiement,  de 
marée,  de  volaille;  porteurs  de  grain, 
trésoriers  de  police. 

TROISIÈME    DÉPARTEMENT. 

(Le  sieur  COZETTE,  receveur. 
Finance  :  98,000  livres.) 

Saint-Denis. 
Saint-Martin. 

Marais. 


Corps  et  communautés.  —  Épiciers, 
boulangers,    bourreliers,    boursiers, 


brosseurs,  brossiers,  cartiers,  charcu- 
tiers, chandeliers,  cloutiers,  coffretiers, 
corroyeurs,  couteliers,  couvreurs, 
crieurs  de  vieux  fers,épingliers,  éven- 
taillisles,  fabricants  d'étoffes,  faiseurs 
d'instruments,  fondeurs,  fourbisseurs, 
fruitiers-orangers,  gantiers,  grainiers, 
horlogers,  imprimeurs  en  taille-douce, 
lapidaires,  layetiers,  lainiers-filassiers, 
maîtres  d'armes,  maréchaux,  menui- 
siers, pâtissiers. 

QUATRIÈME    DÉPARTEMENT. 

(Le  sieur  C0URM0NTAGNE,  receveur. 
Finance  :  90,000  livres.) 


es 
H 


Place  Royale. 
Faubourg  Sainl-Antohie. 
Hôtel  de  Ville. 


Corps  et  communautés.  —  Orfèvres, 
bouquetières,  brodeurs,  cardeurs, 
ceinturiers,  charpentiers,  charrons, 
chaudronniers,  cordiers,  découpeurs, 
doreurs,  écrivains,  fripiers,  jardi- 
niers, lingères,  maçons,  maîtres  à 
danser,  marchands  de  vin,  parchemi- 
niers,  paveurs,  paulmiers,  peintres, 
potiers  d'étain,  rôtisseurs,  rubanniers, 
savetiers,  tabletiers,  vidangeurs. 


CINQUIÈME    DÉPARTEMENT. 

Le  sieur  GERMAIN,  receveur, 
Finance  :  78,000  livres.) 

Ile  Noire-Dame. 
Faubourcj  Saint-Marcel. 
Sorbonne. 


Les  communautés  dépendantes  de 
l'Hôtel  de  Ville. 

Les  chirurgiens. 

Corps  et  communautés.  —  Merciers, 
boyaudiers,  éperonniers,  fouleurs  de 
draps,  graveurs,  gainiers,  oiseleurs, 
pain-d'épiciers,  plombiers,  selliers,  ser- 
ruriers,taillandiers,  tailleurs,  tanneurs, 
tapissiers,  teinturiers  du  grand  teint, 


590 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 


en  soie,  du   petit  teint,,  tisserands , 
tonneliers,  tourneurs,  vanniers. 

SIXIÈME    DÉPARTEMENT 

(Le  sieur  LESEIGNEUR,  receveur. 
Finance  :  08,000  livres.) 

Luxembourg. 

Faub.  Sl-Germai)i ,  lre  partie. 
Id.,  2mc  partie. 

Corps  et  communautés. —  Drapiers, 


ta 


arquebusiers,  balanciers,  cordonniers, 
libraires,  marchands  tapissiers,  miroi- 
tiers, pannachers,  potiers  de  terre, 
relieurs,  tireurs  d'or,  tondeurs  de 
draps,  vinaigriers,  vitriers. 

Vu  au  Conseil  : 

TcRCOT. 


Lettre  de  Necker,  directeur  des  finances, 
au  Prévôt  des  marchands 

23   JUILLET    1778  « 

J'ai  reçu,  Monsieur,  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  et 
les  deux  mémoires  que  vous  y  avez  joints,  présentés  au  nom  de  deux  habi- 
tants du  faubourg  Montmartre,  qui  se  plaignent  de  ce  qu'au  préjudice  de 
l'arrêt  du  conseil  du  29  mars  dernier,  qui  règle  les  limites  de  la  ville  et  fau- 
bourgs de  Paris,  les  receveurs  des  vingtièmes  et  les  collecteurs  de  la  paroisse 
de  Montmartre  continuent  leurs  poursuites  vis-à-vis  des  contribuables  qui  ont 
été  déclarés  faire  partie  des  habitants  de  Paris,  et  devoir  y  payer  leurs  impo- 
sitions. M.  Berlin  a  été  instruit  de  ces  plaintes  et  vient  d'ordonner  aux  col- 
lecteurs et  aux  préposés  de  Montmartre  de  cesser  leurs  poursuites.  Au  reste, 
la  disposition  de  l'arrêt  du  29  mars  qui  vous  commet  à  son  exécution,  vous 
donne  l'autorité  nécessaire  pour  réprimer  par  vous-même  toutes  les  atteintes 
qu'on  pourrait  y  donner  *.  J'ai  l'honneur  d'être,  {etc.  Signé  :  Necker. 


LES  VINGTIÈMES  DES  REVEiNUS  DE  LA  VILLE 

La  Ville,  bien  qu'associée  et  sujette  de  l'État  par  la  nature  de  sort 
administration  et  de  ses  opérations  financières,  est  cependant  con- 
sidérée comme  une  communauté  astreinte  aux  vingtièmes,  au  moins 
pour  la  plupart  de  ses  revenus,  et  avec  déduction  des  vingtièmes  de 
ceux  qui  sont  assignés  à  certains  services  publics.  Les  comptes  du 
contrôle  général  de  1775  donnent  une  idée  de  cette  complication  et 
de  cette  subtilité.  En  voici  l'analyse  : 

1°  Revenus  de  la  Ville  assujettis  aux  deux  vingtièmes  et  4  sols 
par  livre  du  premier  : 


1.  Arch.  nat.,  H.  1953,  et  H.  1877  (Reg.  f»  375  v;  voyez  supra,  f°  332  r°). 

2.  Le  seul  moyen  de  réprimer  ces  atteintes,  remarque  le  bureau  serait  de 
faire  afficher  l'arrêt  du  29  mars  1778  en  mettant  au  bas  l'Ordonnance  du  bureau  de 
la  Ville,  «  qu'il  sera  exécute  selon  sa  forme  et  teneur  ». 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  5lJl 

Livres. 

Droits    d'octroi   à  perpétuité  aux    entrées   de    Paris 

sur  les  boucheries 390.068 

Sur  les  boissons 1,712.767 

Droits  de  10  sous  par  poisse  de  sel  passant  sous  le  pont 
de  Mantes  (payé  à  Mantes)  :  Mémoire. 

Droit  de  hanse  dû  par  les  marchands 120 

Droits  annuels  sur  les  officiers  du  corps  de  ville.   .   .   .  2.026 

Droits  de  lods  et  ventes 1.500 

Péage  à  perpétuité  sur  le  pont  de  bois  de  File  S'-Louis  0.000 

Droit  de  pêche  sous  le  pont  Notre-Dame 1.400 

Droit  de  places  des  bateaux  à  lessive,  et  bains  clos  .   .  4.000 
Droit  delamachine  à  remonter  les  bateaux,  1, 146, 900  li- 
vres dont  sont  imposables  ' 1.000 

Octrois  assignés  sur  les  fermes 141.250 

Bénéfice  de  la  Ville  sur  la  loterie  royale 320.000 

2°  Revenus  de  la  Ville  exempts  : 

Une  autre  part  d'octroi  de 141.250 

Droits  de  halle  et  de  gare  (let.  pat.  du  25  déc.  1702) .  .  385.504 
Droits  de  places  des  cbaises  sur  les  boulevards.   Mémoire  2. 

Ainsi  le  total  des  revenus  de  la  Ville  assujettis  aux  vingtièmes  est 
de  2,581,331  livres,  dont  les  vingtièmes  et4  sols  par  livre  du  premier 
reviennent  à  283,946  livres  8  sols  2  deniers. 

3°  En  déduction  de  cette  somme  viennent  les  vingtièmes  de  huit 
articles  de  dépenses  faites  par  la  Ville  pour  le  roi,  etc.  :  Frais  de 
régie  des  octrois  (93,904  livres);  rentes  des  deux  emprunts  de  1774 
exemptes  d'imposition  (85,000  livres)  ;  rentes  dues  aux  gens  de  main- 
morte (107,680  livres)  ;  solde  de  la  garde  sédentaire  de  l'Hôtel  de 
Ville  (18,807  livres)  ;  solde  de  la  garde  des  ports  et  remparts 
(21,650  livres)  ;  frais  de  police  sur  les  ports  (21,650  livres)  ;  charges 
fixes  des  deux  hôtels  de  mousquetaires  (15,374  livres);  dépenses  de 
réparations  aux  palais  de  justice  et  prisons  royales  (60,000  livres). 
—  Le  total  de  ces  sommes  à  la  charge  de  la  Ville  est  de  459,891  livres, 
dont  les  deux  vingtièmes  et  4  sols  pour  livres  du  premier  font 
50,588  livres  2  sols. 


i.  L'État  a  vendu  ce  monopole,  la  Ville  s  "est  réservé  une  petite  part,  pour  la 
forme. 

2.  En  1777,  cette  exemption  des  vingtièmes  disparaît  pour  le  droit  des  chaises,, 
évalué  alors  à  3,440  livres. 


592  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

Reste  donc  dû  par  la  Ville  :  233,358  livres  8  sols. 

En  1776,  les  droits  de  vingtième  dus  par  la  Ville  s'élèvent  à 
253,819  livres  3  sols  5  deniers  ;  en  1777,  à  254,407  livres  4  sols 
8  deniers. 

La  Ville  demanda  plusieurs  fois,  toujours  inutilement,  l'exemption 
des  vingtièmes  sur  le  revenu  fixe  de  la  loterie  '  :  d'Ormesson  et 
Taboureau  firent  les  mêmes  réponses  négatives  que  Terray  et 
Turgot 2. 

C'est  à  la  même  époque  que,  prenant  la  question  de  plus  haut,  le 
Parlement  multipliait  les  remontrances  sur  les  vingtièmes.  Il  rap- 
pelait les  vérifications  et  les  augmentations  arbitrairement  décidées 
en  1771.  11  notait  que  le  mot  de  demander  se  trouvait  répété  trois  fois 
dans  la  première  déclaration  royale  relative  à  ce  subside  (1710)  ; 
Louis  XIV  aurait  même  alors  dit  à  ses  ministres  qu'il  «  n'avait  pas  le 
pouvoir»  d'établir  un  nouvel  impôt:  paroles  que  le  feu  prince  de 
Conti  avait  entendues  et  attestées.  — Malheureusement,  le  Parlement 
faisait  surtout  des  objections  intéressées  en  faveur  des  privilégiés  que 
les  vingtièmes  atteignaient:  le  principe  du  consentement  à  l'impôt 
n'était  que  timidement  insinué. 

ABUS  DES  VINGTIÈMES  A  PARIS 

SIGNALÉS    PAR    UN    DE    MESSIEURS    DE    LA    CHAMBRE    DES    ENQUÊTES 

20  JUILLET    1778; 

L'arrêt  du  2  novembre  (1777)  ordonne  (art.  9)  qu'il  ne  sera  rien  innové 
quant  à  présent  pour  la  répartition  des  vingtièmes  dans  les  maisons  des 
villes;  et  cependant  on  toise  les  maisons  de  Paris,  on  les  augmente  arbitraire- 
ment en  l'absence  ou  malgré  la  réclamation  des  propriétaires,  malgré  la  re- 
présentation des  baux.  Le  refus  de  payer  ces  augmentations  arbitraires  est 
puni  par  l'établissement  de  garnisons.  C'est  de  quoi  un  de  Messieurs  a  per- 
sonnellement à  se  plaindre  pour  une  de  ses  maisons  situées  dans  cette  ville. 

Si  l'on  traite  ainsi  les  magistrats,  quel  sort  est  donc  réservé  aux  autres 
citovens  ? 


•  1.  Sur  P  «  Administration  de  la  loterie  royale  de  France  et  autres  y  réunies», 
voyez  Almanach  royal  de  1789,  p.  G17  :  l'ancien  prévôt  des  marchands  de  La 
Michodière  en  était  alors  directeur-inspecteur,  place  fort  lucrative. 

2.  Le  dossier  relatif  à  cette  affaire  (Arch.  nat.,  H.  1952)  renferme,  outre  l'état 
dont  nous  donnons  l'analyse,  des  états  analogues  pour  les  années  1773,  1774, 
1776,  1777;  une  lettre  de  d'Ormesson  au  bureau  (21  mai  1776),  une  réponse  du 
prévôt  (27  juillet);  nouvelle  lettre  de  d'Ormesson  (2  août  1776).—  Même  échange 
d'observations  en  1777  (2  mars  et  1er  avril).  —  Lettre  de  Taboureau  qui  clôt  la 
discussion  (2  mai  1777).  La  plupart  de  ces  pièces  n'ont  été  registrées  que  par 
simples  mentions. 

3.  Arch.  nat.,  X  1b  8971. 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  593 

Aussi,  Monsieur,  cot  esprit  subalterne  d'extension  en  est-il  venu  au  point 
d'aggraver  les  impôts  les  plus  onéreux  et  d'envahir  les  propriétés  les  plus 
dignes  de  ménagements. 

A  Paris  le  logement  des  gens  de  guerre  devient  une  source  féconde  de 
rétributions  exigées  sans  mesure,  déterminées  comme  elles  sont  imposées, 
sans  loi.  Je  n'en  citerai  qu'un  exemple.  Les  habitants  de  la  rue  Rasse-du- 
Rempart  ont  été  dispensés  du  logement  des  gens  de  guerre  par  un  arrêt  du 
conseil  rendu  pour  eux,  en  considération  du  pavage  qu'ils  ont  l'ait  faire  et  des 
lanternes  qu'ils  ont  fournies  à  leurs  frais  dans  leur  quartier.  Au  mépris  de  col 
arrêt  du  conseil,  on  les  impose  au  logement  des  gens  de  guerre;  et  depuis 
quelques  années  leurs  cotes  ont  été  successivement  augmentées  jusqu'au 
quintuple.  Un  d'entre  eux,  imposé,  il  y  a  peu  d'années,  à  30  livres,  s'esl  vu 
imposé  pour  celte  année  à  ISO  livres.  Il  a  demandé  vingt-qualre  heures  pour 
présenter  sa  requête;  et  je  suis  obligé  d'annoncer  à  Messieurs  que  la  réponse 
a  été  l'envoi  d'un  caporal  et  quatre  grenadiers  du  régiment  des  gardes  qu'un 
sergent  accompagné  d'un  commissaire  est  venu  établir  dans  sa  maison.  I!  a 
fallu  payer.    Cet  exemple,  Monsieur,  n'est,  pas  le  seul  '. 


IMPOSITIONS  SPÉCIALES 

BOUES    ET    LANTERNES,    MILICE,    LOGEMENTS    MILITAIRES 

La  taxe  des  boues  et  lanternes  avait  comme  origine,  et  beaucoup 
plus  encore  comme  prétexte,  l'enlèvement  des  boues  et  l'éclairage 
des  lanternes,  services  essentiellement  municipaux  dont  la  police 
s'était  entièrement  emparée.  On  a  déjà  vu  que  l'enlèvement  des 
boues  et  immondices  était  à  l'entreprise,  (pic  les  sous-entrepreneurs 
étaient  des  laboureurs  ou  maraîchers  des  environs  de  Paris,  et  par 
suite  que  le  service  était  l'ait  à  bon  compte.  Les  voiries  étaient,  il  esl 
vrai,  entretenues  aux  dépens  du  roi,  mais  il  n'en  coûtait  rien  pour  les 
vider2.  —  Quant  aux  lanternes,  établies  par  le  premier  lieutenant 
général  de  police  La  Heynie  (septembre  1667),  elles  donnèrent  lieu 
d'abord  à  une  taxe  bourgeoise  de  300,000  livres  ;  en  1704,  Louis  XIV 
en  fit  une  affaire  extraordinaire,  et  permit,  c'est-à-dire  ordonna  au 
bureau  de  la  ville  de  "la  racheter  au  denier  18  (5,400,000  livres)  :  cette 
somme  ayant  été  versée,  le  roi  prenait  à  sa  charge,  à  perpétuité,  le 
nettoiement  et  l'éclairage  de  la  ville.  Mais  l'extension  de  Paris  fournil 
le  prétexte  de  la  déclaration  du  3  décembre  1743,  rétablissant  l'im- 


1.  Suivent  des  renseignements  sur  les  exactions  commises  dans  les  campagnes, 
particulièrement  aux  environs  de  Paris,  et  (ce  qui  regardait  le  Parlement  de 
Rouen)  en  Normandie. 

2.  La  Police  en  1770,  mém.  cité  de  Lemaire,  p.  103.  M.  Maxime  du  Camp  (ouv. 
eité,  t.  Y.  cli.  xxix)  trace  un  historique  aussi  concis  que  complet  de  l'éclairage 
parisien. 

:S8 


594  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

position  des  boues  et  lanternes  «  sur  tous  les  propriétaires  de's  mai- 
sons, édifices,  boutiques,  échoppes  et  places  de  la  ville  et  des  fau- 
bourgs de  Paris  ».  Cette  déclaration  contenait  encore  une  clause  de 
rachat  :  et  comme  ceux  qui  avaient  déjà  racheté  une  fois  ne  s'em- 
pressaient point  d'être  dupes  de  nouveau  de  la  parole  ministérielle, 
on  leur  tint  compte  de  l'intérêt  de  la  finance  versée  par  eux  (ou  leurs 
prédécesseurs)  en  1704.  Le  remplacement  des  8,000  lanternes  par 
1,200  réverbères  (1700),  l'onéreux  éclairage  du  chemin  de  Versailles 
jusqu'à  la  porte  de  la  Conférence  (hiver  de  1777),  les  nouvelles  limites 
fiscales  données  à  Paris  par  la  Ferme  générale,  furent  les  motifs  al- 
légués ou  réels  pour  augmenter  arbitrairement  des  taxes  qui  fai- 
saient crier  d'autant  plus  fort,  qu'elles  touchaient  la  bourgeoisie, 
donnaient  lieu  à  des  faveurs  et  à  des  spéculations  de  la  part  des 
gens  en  place. 

Le  tirage  de  la  milice  était  une  charge  financière  pour  ceux  qui, 
désignés  par  le  sort,  payaient  d'autres  hommes*  pour  les  remplacer. 
Necker  renonce  à  évaluer  cette  dépense.  Il  y  avait  en  France 
00,000  hommes  de  milice ,  et  l'engagement  était  de  six  ans  :  soit 
10.000  hommes  par  an.  La  part  contributive  de  Paris  était  de  1,800 
à  2,000  bommes.  Tous  les  roturiers  au-dessus  de  cinq  pieds,  et 
depuis  seize  ans  jusqu'à  quarante,  «  participent  à  cette  effrayante 
loterie,  à  moins  qu'ils  n'en  soient  exempts  par  des  privilèges  at- 
tachés à  leur  état,  ou  au  lieu  de  leur  habitation  '  ».  Nul  ne  se  doutait 
que  la  milice  fût  le  germe  de  l'armée  nationale  :  on  n'y  voyait  et 
l'on  ne  pouvait  y  voir  qu'un  impôt.  Longtemps  Paris  en  fut  exempté, 
les  gens  des  campagnes  venaient  s'y  réfugier.  La  première  ordon- 
nance publiée  pour  Paris  (10  janvier  1743)  fut  rendue  à  voix  basse, 
comme  n'étant  pas  enregistrée  au  Parlement  ;  elle  provoqua  des 
placards  séditieux,  des  menaces  d'incendie.  Voyant  que  le  but  «  était 
de  tirer  beaucoup  d'argent  j>,  les  gens  à  leur  aise  négocièrent. 
Comme  il  n'y  eut  point  de  révolte,  la  milice  finit  par  être  acceptée. 
Les  commissaires  anciens  de  chacun  des  vingt  quartiers  étaient 
subdélégués  pour  les  opérations  du  tirage  et  pour  les  remplace- 
ments 2. 

En  dépit  d'anciens  privilèges,  Paris,  insuffisamment  gardé  par  les 
corps  militaires  attachés  à  l'Hôtel  de  Ville  et  au  Châtelet,  fut  astreint 


1.  Necker,  de  l'Administration  des  finances,  t.  1,  p.  30. 

2.  Journal  de  Barbier,  t.  11,  p.  352,  356,  359,  363,  398.  Cette  ordonnance  avait 
été  annoncée  par  celle  du  30  oct.  1742,  portant  augmentation  de  30,000  hommes 
de  milice,  «  dont  la  levée  serait  faite  principalement  dans  les  villes  capitales  et 
autres  qui  en  ont  été  exemptes  jusqu'à  présent  ». 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  595 

au  logement  des  gardes  françaises,  troupes  essentiellement  royales. 
A  cet  impôt  impossible  à  répartir,  et  dont  l'opportunité  était  dou- 
teuse au  point  de  vue  de  la  discipline,  furent  substituées  peu  à  peu 
les  charges  relatives  aux  corps  de  garde  et  aux  casernes. 


TAXE  DES  BOUES  ET  LANTERNES 

1»  E  R  Ç  T  Ë    M  È M  K    S  U  R     L  E    DOMAIN  E    1  »  E    L  A     V  I  L  L  E   ' 

Le  11  juillet  1780,  le  bureau  de  la  Ville  prend  une  délibération 
tendant  à  obtenir  une  indemnité  en  faveur  de  la  Ville  sur  le  produil 
de  la  taxe  des  boues  et  lanternes,  à  cause  des  dépenses  annuelles  de 
la  ville  pour  éclairer  et  nettoyer  les  boulevards. 

Cette  taxe  était  perçue  même  sur  les  bâtiments  appartenant  à  la 
Ville,  comme  «  ceux  de  l'extrémité  du  faubourg  Saint-Honoré,  dans 
lesquels  s'est  exécutée  l'opération  de  la  fonte  de  la  statue  équestre 
de  Louis  XV  ». 

C'est  ce  dont  témoigne  le  billet  suivant  de  Mm"  Pigalle  : 

Mm0  Pigalle  fait  passer  à  M.  Pigeon  un  commandement  qu'elle  a  reçu  pour  le 
rachat  des  boues  et  lanternes  de  la  maison  du  Roule.  Comme  cet  objet  regarde 
la  Ville,  Mme  Pigalle  a  pensé  que  M.  Pigeon  voudra  bien  se  charger  d'en  con- 
férer au  bureau  pour  qu'on  prenne  à  ce  sujet  promplcment  le  parti  le  plus 
convenable  afin  que  Mme  Pigalle  ne  soit  plus  inquiétée  à  raison  d'une  taxe 
qui  ne  la  concerne  pas.   A  la  Petite-Pologne,  ce  30  juin  1786  -'. 

REPRÉSENTATIONS  DU  PARLEMENT 

SUR   LE   LOGEMENT    DES    UENS    DE    GUERRE,    A    PARIS 
III   JANVIER    1784  3 

Sire,  Votre  Parlement  m'a  chargé4 de  solliciter  Votre  Majesté  pour  obtenir 
que  l'imposition  concernant  le  logement  des  gens  de  guerre,  dont  votre  Ville 
de  Paris  est  chargée,  soit  réglée  sur  une  base  fixe  déterminée  et  connue. 

Votre  Ville  de  Paris  doit  le  logement  pour  les  gardes  françaises.  11  est  utile 
que  les  habitants  dont  les  maisons  sont  assujetties  par  leur  situation  à  cette 
imposition  soient  assurés  qu'il  n'y  a  ni  arbitraire  ni  injustice  dans  la  répar- 
tition, qu'ils  sachent  que  la  justice  qui  est  dans  le  cœur  de  Votre  Majesté  est 
aussi  la  règle  de  toutes  les  opérations  de  son  administration. 

Les  personnes  qui  en  ont  été  chargées  ont  reconnu  il  y  a  quelques  années  la 


1.  Comme  les  vingtièmes  sur  ses  revenus. 

2.  Arch.  nat.,  H.  1957,  pièces  65,  66,  67.  M.  Pigeon  était  alors  échevin. 

3.  Arch.  nat.,  X  1b  8981. 

4.  Il  s'agit  du  premier  président  (d'Aligre)  qui  porte  la  parole  au  nom  du  Par- 
lement. 


596  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

nécessité  de  fixer  la  quotité  de  cette  imposition.  Un  arrêt  du  Conseil  que  votre 
Parlement  n'a  jamais  connu,  parce  qu'il  n'a  pas  été  revêtu  de  lettres  patentes, 
avait  arbitré  cette  taxe  à  la  valeur  à  peu  près  du  trentième  de  la  location  de 
chaque  maison.  On  a  craint  que  le  Parlement  ne  portât  une  attention  trop  scru- 
puleuse sur  les  détails  de  cette  imposition;  il  aurait  demandé  à  quoi  monte  la 
somme  nécessaire,  et  qu'il  ne  fût  rien  perçu  au  delà;  il  aurait  demandé  que 
les  ordonnances  rendues  à  ce  sujet  pussent  être  réformées  par  le  Parlement, 
seul  capable  d'instruire  et  d'éclairer  utilement  Voire  Majesté;  il  aurait  demandé 
que  l'emploi  fût  justifié  suivant  les  formes  établies  pour  la  comptabilité:  la 
quotité  de  l'impôt  une  fois  connue,  la  répartition  doit  être  fixe  cl  propor- 
tionnée. La  connaissance  en  a  été  renvoyée  au  Bureau  de  la  Ville  de  Paris: 
mais  ce  tribunal,  créé  sous  l'inspection  et  la  juridiction  du  Parlement,  ne  doit 
pas  être  réformé  que  par  lui,  c'est  là  l'ordre  des  juridictions  créées  de  toute 
ancienneté  dans  votre  Royaume,  et  qu'une  sage  et  saine  politique  dicte  à 
Votre  Majesté  de  toujours  maintenir  :  c'est  aux  prévôt  des  marchands  et 
échevins  à  administrer  en  bons  pères  de  famille  les  revenus  et  les  charges 
de  leurs  concitoyens.  Votre  Parlement  ne  doit  pas  croire  que  les  voies  arbi- 
traires ou  militaires1  soient  jamais  approuvées  par  Votre  Majesté,  en  ce  qui 
est  de  justice. 

Cette  justice,  Sire,  est  gravée  dans  le  cœur  de  Votre  Majesté,  et  c'est  sur  elle 
que  réside  le  repos  de  chaque  citoyen,  et  la  base  de  la  tranquillité  publique. 

Le  roi  répondit  :  Je  ne  veux  rien  chantier  aux  dispositions  de  l'arrêt  de  mon 
Conseil  concernant  le  logement  de  mon  régiment  des  gardes  :  ceux  qui  croient 
avoir  à  se  plaindre  des  ordonnances  des  prévôt  des  marchands  et  échevins  de 
ma  bonne  Ville  de  Paris  pourront  se  pourvoir  en  mon  Conseil,  et  je  leur  rendrai 
justice. 


DROITS  DOMANIAUX   ET  MONOPOLES 

Les  droits  domaniaux  étaient  :  les  insinuations  (droits  d'enregistre- 
ment), les  papiers  et  parchemins  timbrés,  les  droits  perçus  en 
justice  sous  le  nom  de  scel.  etc.  Ils  n'avaient  rien  de  particulier  à 
Paris,  et  il  suffit  de  renvoyer  à  ['Encyclopédie  méthodique  (finances) 
el  aux  Almanachs  royaux  2. 

La  ferme  générale  des  messageries  de  Francs  avail  son  siège  à 
Paris;  à  la  tête  du  service  se  trouvait,  en  1789,  M.  de  la  Millière, 
intendant  des  finances,  chargé  aussi  des  pouls  et  chaussées.  11  esl 
clair  qu'une  bonne  partie  des  bénéfices  de  celle  ferme  se  réalisaient 
à  Paris,  mais  le  trésor  royal  en  recevait  l'avance  générale,  par 
échéances,  et  par  conséquenl  les  distinctions  locales  sont  impossibles 


1.  Allusion  aux  garnisons  établies  chez  un  réfractaire  .ï.  cet  impôt,  le  sieur  de 
Myons,  président  des  monnaies  de  Lyon,  cl  à  la  lettre  de  cachet  décernée  contre 
lui. 

2.  Voir  p.  607  sq.  de  celui  de  1780  pour  le  bureau  des  insinuations  cl  celui  de 
la  distribution  «les  papiers  et  parchemins  timbrés. 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  597 

à  Faire1.  — Même  observation  pour  l'Administration  générale  des 
postes  du  royaume,  ou  intendance  des  postes,  qui  avait  absorbé  la 
petite  poste  spéciale  à  Paris  (6  juillet  1788) 2.  —  Les  droits  sur  les 
offices  (total  général  :  environ  7  millions),  les  bénéfices  de  la  loterie 
royale  (11  à  12  millions),  pesaient  surtoul  sur  les  habitants  de  Paris. 
Le  monopole  du  sel  (gabelle)  y  existait  dans  toute  sa  dureté;  le  sel 
du  roi  coûtait  (ri  livres  par  quintal.  La  consommation  moyenne  dans 
les  pays  de  grande  gabelle  étant  de  9,33  livres,  en  comptant  à  Paris 
660,000  habitants,  on  voit  qu'ils  payaient  leur  consommation  de 
sel  3,827,836  livres;  mais  il  faut  déduire  les  frais  marchands  et  le 
sel  des  privilégiés;  il  faut  aussi  tenir  compte  de  la  fraude,  plus  active 
dans  la  capitale  que  partout  ailleurs  :  ces  considérations  réduisent 
certainement  le  bénéfice  nel  de  la  gabelle,  a  Paris,  au-dessous  de 
3  millions.  (Test  au  grenier  à  sel  de  l'élection  de  Paris  que  ressortis- 
saient  en  première  instance  les  causes  relatives  à  ce  monopole.  - 
Quant  à  celui  du  tabac,  beaucoup  moins  important  >.  il  y  avail  une 
commission  spéciale  assez  peu  occupée  et  dont  on  a  vu  certains  acte- 
tort  étrangers  à  son  titre.  Necker  trouvait  trop  nombreux  à  Paris  les 
débitants  de  tabac4  :  «  L'on  pourrai!  en  les  diminuant  réduire 
aussi  leurs  profits.  Mais  je  ne  voulais  exécuter  ce  projet  qu'à  mesure 
des  vacances  :  les  économies  qui  ne  sont  pas  essentielles,  ou  qui  ne 
deviennent  pas  l'effet  d'un  plan  général,  doivent  être  exécutées 
avec  ménagement,  toutes  les  fois  qu'elles  retombent  sur  cette  classe 
de  citoyens  dont  la  fortune  est  étroitement  circonscrite.  »  En  se 
basant  sur  les  chiffres  fournis  par  Necker,  la  part  afférente  à  Paris 
des  30  millions  (pie  valait  la  ferme  du  tabac  était  d'environ 
950,000  livres;  mais  nous  supposons  que  Paris  ne  dépassait  pas  la 
moyenne  de  la  consommation,  ce  qui  est  évidemment  inexact;  on 
peut  dire  que  le  bénéfice  de  la  vente  du  tabac,  dans  la  capitale, 
dépassait  1  million. 

1.  Sur  les  carrosses  (fiacres)  et  le  privilège  du  sieur  Perreau,  racheté  120,000  li- 
vres le  24  nov.  1790,  voy.  M.  Maxime  du  Camp  (ouv.  cité,  I.  1.  p.  164  sq.)  et 
pièce  justificative  q°  9  (p.  374  à  383). 

2.  A  La  tète  se  trouvaient  quatre  intendants  généraux,  le  baron  d'Ogny,le  comte 
d'Ogny,  Thiroux  de  Monregard  et  Mesnard  de  Conichard,  le  second  et  le  qua- 
trième  adjoints  en  survivance.  L'intendance  îles  postes  était  rue  Coq-Héron. 
Pour  Paris,  il  y  avail.  préposés  à  la  distribution,  un  inspecteur  général  et  onze 
chefs  de  bureaux  :  un  peur  le  guichet, un  pour  les  lettres  chargées  et  neuf  entre 
lesquels  les  quartiers  étaienl  répartis  ^1789).  Sur  l'histoire  de  la  Poste  de  Paris, 
voyez  Maxime  du  Camp,  ouv.  cité,  I.  1,  eh.  i.  Les  bénéfices  totaux  s'élèvent  en 
1TJ1    à.   11,668,000   livres:    le   prix  de   la  ferme  eu  1117  avait  été  de  II)  millions. 

3.  Cependant,  en  IliSi,  la  ferme  du  tabac  valait  déjà  30  millions:  c'est  en 
somme  un  des  meilleurs  impôts  de  l'ancien  régime. 

i.  Ouv.  cité,  t.  11.  p.  112. 


598  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

DROITS  D'ENTRÉE,  DE  GARE  ET  DE  HALLAGE 

D'après  Necker  ',  sur  78  millions  environ  que  Paris  payait  en  con- 
tributions annuelles,  36  étaient  perçus ,  sous  forme  de  droits  indi- 
rects, à  Pentrée  de  la  capitale.  C'est  encore,  à  peu  de  chose  près, 
la  somme  indiquée  par  le  Conseil  général  de  la  Commune  de  Paris, 
lors  de  la  suppression  de  ces  droits  par  la  Constituante2.  Cette 
stagnation,  de  1783  à  1790,  montre  le  peu  de  succès  du  nouveau  mur 
d'enceinte  commencé  en  1784,  et  terminé  seulement,  après  un 
longue  interruption,  sous  le  Consulat.  Il  est  vraisemblable,  d'après 
tous  les  documents  de  la  fin  de  l'ancien  régime,  que  l'octroi  parisien 
avait  atteint  son  maximum  économique;  l'extension  du  périmètre 
fut  largement  compensée  par  celle  de  la  fraude. 

Sur  cette  somme  de  36  millions,  2  revenaient  aux  hôpitaux,  4  à  la 
Ville,  30  au  trésor  royal.  Le  nom  d'octroi,  qui  signifie  primitive- 
ment grâce  accordée  par  le  suzerain  au  vassal,  droit  financier  accordé 
par  le  roi  à  une  bonne  ville,  était  donc  entièrement  détourné  de  son 
sens  étymologique  5. 

Dans  la  forme  cependant,  il  était  entendu  que  les  millions  afférents 
au  trésor  royal  étaient  un  don  gratuit,  c'est-à-dire  volontaire,  de  la 
Ville  de  Paris  au  Roi  de  France  :  c'était  donc  une  dépense  qu'elle 
faisait,  et  l'on  vit  souvent  les  fermiers  du  domaine,  ou  les  percep- 
teurs des  vingtièmes,  arguer  de  ce  mot  ({'octroi  pour  sommer  la  Ville 
de  payer  les  droits  domaniaux  ou  les  vingtièmes  sur  un  revenu  qui  ne 
faisait  pourtant  que  passer  entre  ses  mains. 

Les  principaux  documents  ;i  consulter  sur  l'octroi  au  XVIIIe  siècle, 
sont  d'abord  :  l'édil  de  décembre  1743  et  la  déclaration  (sur  cet 
édit)  du  7  juillet  1756.  h  laquelle  est  annexé  un  tarif  de  15  pages, 
comprenant  un  tableau  comparatif  des  nouveaux  droits  :  1°  avec 
ceux  établis  les  14  mai  et  13  août  1715;  2°  avec  ceux  établis  le 
13  juin  1730  (supprimés  et  remplacés  les  uns  et  les  autres).  Les 
marchandises  imposées  sont  ainsi  désignées  :  Boisa  bâtir,  déchirage 
des  bateaux,  étain,  papiers  et  cartons,  veaux,  vins  marchands,  caux- 
de-vie,  faïence  et  verreries,  tan  et  écorce,  volaille,  gibier,  cochons 
de  lait,    agneaux,  chevreaux,  œufs,    beurre  et  fromage,  charbon  de 


1.  Ouvrage  cité,  t.  I,  p.  27.">. 

2.  Maxime  du  Camp,  Paris  et  ses  Organes,  t.  VI,  pièce  justificative  n"  t.  La 
somme  est.  de  3o,827,000  livres,  dont  29,837,700  livres  au  profit  du  Trésor, 
3,965,800  au  profit  de  la  Ville,  2,023,800  livres  au  profit  dos  hôpitaux. 

3.  «  Ottroium  es/  (icentia  vassalo  data...  »  (Ducange.) 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  599 

bois,  poisson  de  mer,  frais,  sec  et  salé,  vin  bourgeois,  vin  des  com- 
munautés, foin,  avoines,  vesces,  graines  et  grenailles,  toiles,  bois  à 
brûler,  porcs,  matériaux,  marchandises  d'oeuvre  de  poids  et  non 
d'oeuvre  de  poids,  non  spécifiées,  bières. 

Tel  est  l'ordre  des  matières  du  tarif  :  on  voit  qu'il  est  des  plus 
irréguliers.  Notons  les  différences  des  droits  payés  par  le  vin  suivant 
qu'il  appartient  à  des  communautés  (10  sous  par  muid),  à  des  bour- 
geois (1  livre  1  sou  8  deniers),  ou  qu'il  est  marchand  (2  livres  16  sous 
8  deniers). 

En  1758,  le  roi  se  fit  offrir  par  la  Ville  un  don  gratuit  de  6  millions. 
Quelque  temps  après  parut  la  «Déclaration  du  roi  portant  établis- 
sement des  droits  à  percevoir  pendant  six  années,  qui  commenceront 
au  1"  janvier  1759,  sur  les  marchandises  et  denrées  entrant  et  se  fa- 
briquant dans  [a  ville,  faubourgs  et  banlieue  de  Paris,  pour  l'acquit- 
tement du  don  gratuit  ordonné  par  édit  du  mois  d'août  1758, /et  réu- 
nion desdits  droits  au  domaine  de  ladite  ville  ». 

Le  préambule  affecte  de  mettre  en  avant  les  offres  et  propositions 
des  prévôt  des  marchands  et  échevins.  Les  nouveaux  droits  ne  doivent 
peser  que.  légèrement  sur  «  les  habitants  de  cette  capitale  de  notre 
royaume,  et  surtout  sur  ceux  dont  la  fortune  est  la  plus  médiocre». 
Cependant  on  voit  qu  ils  consistent  en  : 

10  sols  sur  chaque  cent  pesant  des  marchandises  d'œuvre  et  non  d'oeuvre 
de  poids  ; 

2  livres    par    muid     de    vin   marchand,    bourgeois  et   des  communautés 

religieuses; 

3  livres  par  muid  de  bière; 

10  livres  par  muid  d'eau-de-vie  simple; 

13  livres  6  sols  par  muid  d'eau-de-vie  double  rectifiée  ; 

18  livres  par  muid  d'esprit-de-vin  et  liqueurs; 

M  sols  6  deniers  (par  prorogation)  faisant  partie  des  51  sols  6  deniers  qui 
sont  perçus  par  voie  de  bois  à  brûler  (édit  de  décembre  1743,  déclara- 
tion du  22  décembre,  édit  de  septembre  1747). 

La  Ville  est  autorisée  à  se  libérer  de  son  don  gratuit  par  un  emprunt 
de  6  millions  en  rentes  constituées,  remboursable  en  six  ans  (1760- 
1765)  par  la  voie  du  sort,  au  moyen  des  nouveaux  droits. 

En  1765,  en  1767,  les  droits  d'octroi  furent  de  nouveau  prorogés,  et 
même  Fédit  de  novembre  1771  ajouta  8  sous  pour  livre  «  en  sus 
desdits  droits».  L'ensemble  de  ces  droits  devait  subsister  jus- 
qu'en 1789;  ils  garantissaient  (  entre  autres  choses)  un  emprunt  de 
8,600,000  livres  remboursable  pendant  les  douze  dernières  années 
de  la  perception  de  l'octroi.  En  mai  1778,  la  Ville  rappelait  en  ces 


600  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

termes  à    Necker  les  obligations   que  lui   imposait  l'édit  «le  1707  : 

Par  cet  édit,  le  roi,  en  accordant  à  la  Ville  de  nouveaux  octrois,  l'a  auto- 
risée à  emprunter  8,000,000  livres  :  il  a  été  ordonne  que,  dans  les  douze  der- 
nières années  de  la  perception  de  ces  nouveaux  octrois,  il  serait  remboursé 
chaque  année  une  somme  de  717,000  livres,  et  qu'en  conséquence  il  serait 
t'ait  en  1778  un  tirage  par  forme  de  loterie  du  remboursement  des  contrats 
formant  le  principal  des  8,600,000  livres  avec  indication  du  remboursement 
de  chaque  contrat  dans  l'ordre  où  chaque  numéro  serait  sorti  dans  la  lo- 
terie. Il  est  nécessaire,  aux  termes  de  cet  édit,  de  procéder  à  cette  loterie  de 
remboursement  dans  le  mois  de  décembre  prochain,  afin  que  tous  les  proprié- 
taires des  contrats  qui  composent  l'emprunt  de  8,600,000  livres  connaissent 
l'époque  de  leur  remboursement  :  et,  à  commencer  de.  l'année  1779,  il  faut 
effectuer  un  remboursement  de  717,000  livres.  Cette  somme  doit  donc  être 
prise  pendant  douze  ans  sur  les  revenus  ordinaires  de  la  Ville,  à  com- 
mencer de  l'année  prochaine.  Les  administrateurs  actuels  ne  peuvent  voir 
qu'avec  effroi  l'avenir  qui  se  présente  pour  leurs  successeurs;  et  ils  ne  peu- 
vent être  rassurés  que  par  la  confiance  qu'ils  ont  dans  les  lumières  du  ministre 
de  la  finance,  qui  voudra  bien  considérer  que  la  Ville  n'est  chargée  des  dettes 
immenses  dont  le  tableau  lui  est  remis  sous  les  yeux,  que  parce  que  dans  tous 
les  temps  elle  a  fourni  au  roi  des  sommes  très  considérables  dans  les  diffé- 
rents besoins  de  l'État  et  qu'elle  s'est  livrée  à  des  dépenses  que  le  gouverne- 
ment a  exigées...  '. 

Pour  comprendre  ces  terreurs  cl  ces  plaintes,  il  faut  se  rappeler 
que,  bien  que  tout  l'octroi  appartint  nominalement  à  la  Ville,  elle  ne 
disposait  cependant  que  d'une  minime  partie  du  produit.  Cependant 
l'accroissement  était  sensible,  grâce  à  une  perception  de  plus  en  plus 
scientifique  et  vigilante  des  droits  sur  les  boissons  :  avec  Terray  et 
Turgot  le  produit  de  ces  seuls  droits  augmenta  d'un  fiers2. 

C'est  ce  qui  avait  permis  à  Turgot,  en  1770,  de  supprimer  les  droits 
de  hallage  et  de  gare,  pesant  surtout  sur  les  grains  et  farines,  et  qui 
étaient  en  vigueur  depuis  la  déclaration  du  25  novembre  1702;  mais 
ils  furent  rétablis  après  Turgot,  prorogés  pour  un  an  par  lettres  pa- 
Icnlcs  des  22  décembre  1782  et  1er  juin  1783,  el  pour  dix  ans  à  compter 
du  1er  janvier  1784,  par  la  déclaration  <lu  23  août  1783,  que  le  Par- 
lement enregistra  le  o  septembre,  non  sans  faire  des  représentations. 


1.  JVIéin.  au  directeur  >\r±  finances  (8  pages  .  Areli.  Liât.,  II.   1953. 

2.  Voici  l'analyse  des  comptes  de  prévôtés  de  1770  à  1776  : 

En  1770-1772  :  Revenus,  7,151,372  livres,  dont  1,398,334  viennent  des  droits  sur 
les  boissons.  En  1772-1774,  le  premier  article  monte  à  8,238,909  livres,  le  second 
à  5,519,232.  En  1774-1776,  ils  sont  respectivement  de  9,058,914  livres  et  6,244,276 
livres.  —  Les  chargés,  rentes  du  domaine  de  la  Ville  cl  dépenses  fixes  mil  peu 
varié  :  7,394,541  livres,  7,363,306  livres,  7,401,756  livres.  (Arch.  nat.,  II.  1952  : 
Lettre  d'AmeloI  du  23  aoûl  1776,  reg.  f°  14  v°.  —  États  analytiques  annexes. 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  601 

—  En  même  temps,  1rs  droits  d'octroi,  déjà  prorogés  par  l'édil  du 
25  février  1780,  enregistré  le  25  ',  furent  augmentés  de  2  sous  pour 
livre  par  celui  du  mois  d'août  1781,  enregistré  le  10  août2.  Diverses 
modifications,  toujours  destinées  à  augmenter  le  produit,  eurent  lieu 
par  de  simples  arrêts  du  Conseil  (5  septembre  1781,  31  mars  el 
29  avril  1784,  21  juillet  1785,  28  septembre  et  7  décembre  1780).  Mais 
c'est  principalement  sur  son  nouveau  mur  et  sur  la  répression  de  la 
fraude  que  comptait,  la  ferme  générale. 

Malgré  la  destruction  des  barrières  (13  juillet  1780),  la  Constituante 
essaya  de  conserver  les  droits  dont  le  remplacement  semblait  diffi- 
cile. Ce  fut  l'objet  des  décrets  des  15  mars,  11  avril  et  \  août  1700. 
Elle  céda  provisoirement  au  mouvement  de  l'opinion  publique  l«' 
22  décembre  de  la  même  année  ;  enfin  la  loi  du  19  février  170J  sup- 
prima l'octroi,  comme  d'ailleurs  la  plupart  des  autres  contributions 
indirectes,  à  partir  du  1er  mai  1701. 

PRIVILÈGE  DES  BOURGEOIS 

Les  bourgeois  de  Paris  propriétaires  de  vignes,  et  quelques  autres 
privilégiés,  étaient  exemptés  des  droits  sur  les  denrées  provenant  de 
leurs  terres  et  destinées  à  la  consommation  de  leurs  maisons.  La 
déclaration  du  15  mai  1722,  les  arrêts  du  Conseil  des  10  août  et 
12  octobre  1728,  du  10  août  1747,  avaient  confirmé  ce  privilège. 
L'arrêt  du  13  octobre  1709  établit  pour  la  vérification  des  titres,  près 
l'Hôtel  de  Ville,  un  bureau  composé  du  régisseur  des  droits  l'établis, 
et  concurremment  des  officiers  des  ports,  quais,  places,  balles,  mar- 
chés et  chantiers  de  la  Ville  et  faubourgs  de  Paris.  Mais,  à  la  date 
du  2  janvier  1774  î,  les  droits  rétablis  furent  réunis  au  bail  des  fermes 
générales,  dont  on  ne  les  sépara  plus.  C'est  alors  que,  sur  le  rapport 
de  Turgot,  le  bureau  des  privilégiés  «lit  de  l'Orme-Saint-Gervais)  fui 
transféré  près  le  bureau  général  des  aides  (hôtel  de  Bretonvilliers)  4. 

1.  Représentations  du  Parlement  à  ce  sujet,  mais  présentées  au  roi  seulement 
le  .'!  mars,- après  enregistrement  préalable.  Arch.  ual..  X  1  h  soi.i. 

2.  Isambert,  n"  1535. 

:!.  Arrêt  <lu  2  octobre  loi  :  Arch.  uat.,  II.  1870,  à  fe  date. 

i.  Le  7  décembre  1786,  le  bureau  de  la  Ville  enregistre  l'arrêt  du  Conseil  du 
2  novembre  L786  pour  la  prise  de  possession  du  dernier  bail  sexennal  des 
Fermes  générales.  A  la  délibération  du  7  décembre  'Arch.  mil.,  H.  1957,  n°  22 
sont  joints  :  la  requête  de  .1.-1).  Mager,  prête-nom  des  fermiers  généraux,  adressée 
aux  prévôt  des  marchands  et  échevins  (n°  23)  et  l'arrêt  du  Conseil  du  2  novembre, 
15  pages  in- 4°,  «le  l'imprimerie  de  Lamesle,  au  bureau  général  des  aides,  1786 
(n°  24);  à  la  fin  de  cet  imprime  est  écrite  à  la  main  la  formule  d'enregistrement 
du  bureau  de  la  Ville. 


602  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

L'arrêt  du  2  octobre  1774,  qui  opéra  cette  translation,  n'enleva  pas 
cependant  aux  communautés  d'officiers  municipaux  la  vérification  des 
titres  de  propriétés;  mais  ils  durent  se  contenter  de  l'exercer  par 
l'envoi  d'un  préposé.  Ce  fut  donc,  au  point  de  vue  du  privilège  des 
bourgeois,  comme  une  prise  de  possession  plus  complète  de  l'octroi 
par  la  ferme,  c'est-à-dire  par  l'État  '. 

QUITTANCE  D'OCTROI  > 

!)    KKVRIER    1788 

État  des  droits  d'entrée  qui  doivent  être  payés  pour  un  muid  de  vin  com- 
mun, arrivant  à  Paris,  par  eau  et  par  terre,  en  exécution  des  édits,  déclara- 
tion et  arrêts  de  Sa  Majesté. 

FERME  GÉNÉRAUE  par  eau  par  terre 

livres         sols        deniers       livres        sols       deniers 

Anciens  droits  principaux  et  réunis.     29         15  26        15 

Portion  du  petit  octroi,  par  muid 
ou   demi-queue 9  9 

Huit  sols  pour  livre  desdits  droits.     11         18        3,6         10        14        3,6 

Huit  sols  pour  livre  des  droits  ap- 
partenant à  la  Ville  et  aux  hôpitaux, 
ci-après  détaillés 5  9        0,8  5  9        0,8 

Total  des  droits  appartenant  à  la 
ferme  générale ,  .  .     47'iv.      3sois    jd  4       r^wv.    ig^ois    4^4 

VILUE 

Droits  appartenant  à  la  Ville  par 
muid 9         13         u  9         13       11 

Id.,  par  pièce,  courtiers  jaugeurs 
et  petit  octroi »         13  »  »         13        » 

Droits  appartenant  aux  hôpitaux.  .359  359 

Total 60"v-     15sols    9d,i      56liv-     llsols    9d,4 

Deux  sols  par  livre  de  l'édit  d'août 
1781 i  G       10,1  4  »       10,  I 

gyiiv.      2sols    7d  I       60liv-     12sols    7''  1 
Papier  timbré  de  la  quittance  ...»  I         3  »  1        3 

1.  Rappelons  ici  un  article  du  cahier  du  Tiers  état  de  Paris  (Finances,  art.  6)  :  «  Les 
habitants  de  la  capitale,  déclarent  renoncer  expressément  à  leurs  privilèges  soit 
sur  les  droits  d'entrée  des  productions  de  leurs  terres,  soit  sur  les  terrains  de 
leurs  habitations  et  jardins  d'agrément  et  de  leur  exploitation.  »  -  Archives 
parlementaires,  t.  V,  p.  283. 

2.  Arch.  nat.,  H.  1959. 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  603 


LE  MUR  D'ENCEINTE  DE  LA  FERME  GÉNÉRALE 

En  1784,  les  fermiers  généraux  avaient  présenté  le  plan  d'un  nouveau 
mur  de  clôture  qui,  en  s'appuyant  sur  la  rive  gauche  de  la  Seine,  repor- 
tait à  oOO  toises  en  amont,  jusqu'au  pont  de  la  Gare,  l'ancienne  barrière 
des  Chantiers,  et  devait  enfermer  dans  son  enceinte  l'Hôpital  général  et 
tout  le  territoire  voisin  jusqu'au  chemin  de  Choisy  et  de  Fontaine- 
bleau. 

Le  22  février,  le  baron  de  Breteuil  envoya  ce  projet  au  bureau  de 
la  Ville,  en  même  temps  que  les  plans  et  une  lettre  du  contrôleur  gé- 
néral ;  le  30  avril,  il  pressait  le  bureau  d'envoyer  ses  réflexions  à  ce 
sujet.  Dès  le  5  mars,  l'architecte  de  la  Ville,  Moreau.  avait  adressé  son 
rapport.  Le  Jardin  du  roi  et  le  rempart  de  la  Ville  depuis  la  Seine 
jusqu'à  la  route  de  Fontainebleau  se  trouvaient  enclos  dans  la  nou- 
velle enceinte  :  il  ne  pouvait  qu'être  agréable  aux  promeneurs  de 
n'être  point  assujettis  à  la  visite;  mais  Le  plan  figurait  deux  grilles 
dans  cette  section,  une  en  travers  du  rempart,  l'autre  en  haut  de  la 
rampe  desGobelins;  ensuite  le  mur  continuait  «  le  long  du  rempart 
du  côté  de  la  Ville,  en  sorte  que  tout  le  surplus  jusqu'aux  Invalides 
serait  en  dehors  ».  Le  bureau  de  la  Ville,  dans  sa  délibération  du 
7  mai  1784,  protesta  contre  cette  disposition  à  la  fois  laide  et  incom- 
mode, et  demanda  que  les  barrières  projetées  fussent  toutes  exté- 
rieures au  rempart,  dût-on  les  en  rapprocher  jusqu'à  20  on  30  toises. 
La  Ville  (dans  le  cas  où  l'on  tiendrait  compte  de  son  vœu)  offrait  de 
contribuer  à  la  nouvelle  enceinte  en  se  chargeant  de  construire  la  sec- 
tion qui  devait  traverser  le  clos  Payen,  une  de  ses  propriétés. 

Rapport  de  LedouXf  architecte  de  la  Ferme, 
au  Bureau  de  lu    Ville. 

Le  bureau  de  recette  construit  sur  le  terrain  des  Minimes  de  Chaillot  est 
au  point  d'être  couvert.  Quoique  l'administration  se  soit  déterminée  à  élargir 
le  quai  de  21  pieds,  cependant  l'espace  qui  reste  entre  le  parapet  et  le  bâti- 
ment ne  laisse  que  le  terrain  suffisant  pour  avoir  deux  portes,  une  issue  pour 
les  chevaux  de  halage  et  une  guérite  nécessaire  au  service. 

Il  est  convenable,  je  dis  même  indispensable,  que  cette  entrée  présente  trois 
portes,  à  cause  du  service  de  la  cour.  Pour  cela,  il  faut  prendre  en  encorbel- 
lement sur  le  quai  une  saillie  de  5  pieds.  Ce  parti  produira  un  grand  bien, 
pourra  s'exécuter  avec  une  dépense  modique. 

Quoique  cette  entrée  de  Paris  soit  fort  resserrée,  comme  on  se  propose  de 
fermer  la  cour  avec  une  grille  de  dimension  égale  à  celle  du  chemin,  elle 
offrira  une  ligne  totale  de  156  pieds. 


OOi  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

La  dépense  sera  de  3,000  livres1. 
A  Paris,  ce  28  mars  1786. 

(Signé  :  ;  Lkdolx. 

MÉMOIRE  DE  LA  FERME  GÉNÉRALE 

SUB  LA  FRAUDE  AUX  ENTRÉES  DE  PARIS  (  1  7  «S  7  i  2 

La  Ferme  générale  a  remis  plusieurs  mémoires  à  l'administration  sur  la 
fraude  énorme  qui  se  commet  aux  extrémités  de  la  Ville  de  Paris.  Cette  fraude 
a  pris  un  tel  accroissement,  depuis  le  commencement  de  cette  année,  que  le 
produit  des  droits  d'entrée,  et  principalement  celui  sur  les  boissons,  en  sont 
sensiblement  altérés.  Les  affaires  générales  qui  ont  été  l'objet  de  l'assemblée 
des  notables  n'ont  pas  permis  à  M.  le  contrôleur  général  de  donner  son  atten- 
tion à  ces  différents  mémoires.  La  Cour  des  aides  y  a  en  partie  suppléé  par 
un  arrêt  qu'elle  a  rendu  provisoirement,  le  16  mars  dernier,  pour  défendre 
les  magasins  ou  dépôts  dans  les  maisons  du  quartier  de  la  Nouvelle-France 
sujettes  à  l'entrée,  et  qui  n'étaient  pas  séparées  de  celles  sur  le  taillable  pat- 
une  rue,  chemin,  ou  terrain  public. 

La  Cour  des  aides  avait  désiré  que  les  dispositions  de  cet  arrêt  fussent  cou 
lirmées  par  des  lettres  patentes  et  étendues  aux  autres  extrémités  de  la  Ville 
de  Paris;  le  projet  en  a  été  présenté  à  l'administration  qui  l'a  approuvé  cl  l'a 
communiqué  en  papier  à  M.  le  premier  président  de  la  Cour  des  aides. 

Le  résultat  de  l'examen  a  été  de  demander  la  loi  en  parchemin  avec  l'assu- 
rance qu'elle  serait  enregistrée. 

Les  lettres  patentes  ont  été  en  conséquence  expédiées  et  envoyées  à  Msc  le 
garde  des  sceaux  qui  a  cru  devoir  s'abstenir  de  les  sceller  par  des  raisons 
qu'on  ignore. 

La  Cour  des  aides,  frappée  de  l'immensité  de  la  fraude  et  de  l'insuffisance 
de  son  premier  arrêt,  en  a  rendu  un  second  le  7  de  ce  mois,  et  en  a  étendu  les 
dispositions  au  quartier  de  la  Petite-Pologne  et  de  la  rue  Saint-Lazare.  Mais 
elle  n'a  pas  pensé  pouvoir  défendre,  d'une  manière  absolue,  la  vente  en  détail 
des  boissons  dans  les  maisons  situées  sur  l'entrée  et  conliguës  à  celles  tail- 
lablcs.  Elle  a  seulement  interdit  cette  vente  en  barils  :  ce  qui  a  mis  les  frau- 
deurs dans  le  cas  de  substituer  aux  barils,  des  cruches,  des  brocs  et  des  bou- 
teilles, quoique  ces  vaisseaux  soient  prohibés  de  même  que  les  barils  par 
l'ordonnance  de  1680  \  Il  en  résulte  que  la  fraude  est  aussi  considérable  que 
si  ces  arrêts  n'existaient  pas1. 

Les  principaux  fraudeurs,  associés  entre  eux,  ont  à  leur  solde  un  nombre 
considérable  de  vagabonds  occupés,  depuis  le  matin  jusqu'au  soir,  à  transpor- 
ter des  brocs  s.  Ils  forment  une  chaîne  qui  rend  ce  transport  plus  facile  et  plus 

l.  La  Ville  accorda  l'autorisation  demandée  (2  juin  nsuj,  (oui  en  rappelant  à  la 
Ferme  générale  qu'elle  .devait  s'adresser  aussi  au  contrôleur  générai  el  à  l'inteu- 
ilaui  des  ponts  et  chaussées  qui  avait  celle  partie  «lu  quai  dans  son  département. 
-  Arch.  nal.,  II.  L957,  n°  (i!>. 

■>.  Arch.  nat.,  II.  1958. 

.'{.  "  Industrie  coupable.  »  Note  marginale,  au  crayon,  d'Éthis  de  Corny. 

i.  «PourqUoy  toujours  rendre  les  loix  illusoires?  »  (Id.,  ibid.) 

.">.  (i  Suites  île  ces  attroupements,  de  ces  confédérations  funestes  pour  la  Iran- 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  605 

multiplié  :  50  procès-verbaux  rédigés  par  les  employés  n'ont  pu  détruire  cet 
abus  parce  que  les  officiers  de  l'élection,  s'attachant  à  la  lettre  et  non  à  l'esprit 
des  arrêts  de  la  Cour  des  aides,  rendent  des  sentences  favorables  aux  frau- 
deurs et  ne  craignent  pas  de  marquer  leur  partialité  en  ordonnant  qu'elles 
seront  exécutées  sans  attendre  le  délai  de  l'opposition.  Ces  sentences,  aux- 
quelles on  donne  la  plus  grande  publicité  par  l'affiche,  nonobstant  l'appel  qui 
en  est  interjeté,  encouragent  les  fraudeurs  et  en  augmentent  tellement  le 
nombre  que  le  produit  des  droits  d'entrée  s'anéantit  et  que  les  employés  ne 
peuvent  plus  remplir  leurs  fonctions  avec  sûreté. 

Les  fermiers  généraux  ont  fait  tout  ce  qui  dépendait  d'eux  pour  amoindrir 
le  mal.  Ils  onl,  en  exécution  d'un  arrêt  du  Conseil  qui  les  y  a  autorisés,  changé 
la  position  des  barrières  et  en  ont  établi  de  nouvelles,  afin  de  ne  laisser  au 
moins  aucune  communication  ouverte  de  l'extérieur  à  l'intérieur.  Mais  cette 
précaution  est  encore  inutile  :  les  fraudeurs  se  présentent  aux  nouvelles  bar- 
rières avec  des  brocs,  des  cruches  et  des  bouteilles,  et  quoiqu'ils  ne  justifient 
ni  par  une  démarque  des  commis  aux  aides,  ni  même  par  un  certificat  du  pré- 
tendu cabareticr,  que  ces  boissons  sortent  d'une  maison  sujette  à  l'entrée,  les 
officiers  de  l'élection  '  accueillent  leur  prétention,  et  ordonnent  indifférem- 
ment de  laisser  entrer  ces  boissons  en  exemption  des  droits. 

Tel  est  l'excès  du  désordre  que  les  fraudeurs  ne  cachent  plus  leurs  démar- 
ches. Ils  tiennent  des  assemblées  publiques.  Ils  y  appellent  des  procureurs  de 
l'élection  pour  concerter  avec  eux  les  moyens  d'éluder  la  loi  et  de  faire  la 
fraude  plus  impunément.  Le  public  en  est  révolté,  les  commerçants  honnêtes 
absolument  ruinés,  les  droits  du  roi,  de  la  Ville  et  des  hôpitaux  sensiblement 
diminués2. 

Le  bureau  de  la  Ville  et  l'administration  des  hôpitaux  se  joignent  à  la  Ferme 
générale  pour  supplier  Monseigneur  l'archevêque  de  Toulouse  de  vouloir  bien 
ordonner  l'envoi  à  la  Cour  des  aides  des  lettres  patentes  dont  le  projet  est 
entre  les  mains  de  M.  le  contrôleur  général. 

La  Ville  appuya  les  démarches  de  la  Ferme  (délib.  du 27  septembre 

quillité.  L'appàl  du  gain  les  forme,  l'oisiveté  les  alimente,  fait  perdre  le  goût  du 
travail,  et,  quand  elles  se  détruisent,  elles  mènent  au  crime.  »  (Id.,  ibid.).  En 
effet,  on  lit  dans  le  .Journal  de  Hardy  :  «  Du  dimanche  29  juillet  (1787).  Ce  jour, 
sur  le  soir  et  à  la  nuit  fermée,  des  contrebandiers,  aux  environs  de  la  barrière 
du  Trône,  coupent  la  gorge  par  erreur  à  un  particulier  qu'ils  prennent  pour  un 
suppôt  ou  espion  des  fermes  générales;  ce  particulier  s'étant  échappé  de  leurs 
mains...  vient  d'expirer  chez  les  commis  de  cette  barrière.  On  devait  s'attendre 
à  voir  souvent  de  semblables  traits  après  l'entière  confection  des  fameuses  lim- 
ailles. »  (Hardy,  I.  VII,  p.  L53.) 

1.  L'élection,  dont  le  ressort  s'étendait  au  delà  de  la  prévôté-vicomte,  jugeait 
en  première  instance  les  causes  relatives  aux  impôts  et  droits  (sauf  la  gabelle  et 
le  tabac).  —  Ses  officiers  suivaient  le  mot  d'ordre  de   la   Cour  des  aides  et  du 

arlement.  Ils  prolestèrent  fortement  contre   les  édits  du  8  mai  1788  (le  24  mai 
1788). 

2.  En  note,  de  la  main  d'Éthis  de  Corny  :  «  Employ  des  revenus  de  la  Ville, 
embellissement,  sûreté,  etc.  Hôpitaux,  destination  privilégiée  et  sacrée.  »  Ces 
notes  jetées  à  la  hâte  se  transforment,  dans  le  réquisitoire  du  procureur  de 
la  Ville,  en  périodes  bien  cadencées  et  passablement  emphatiques  qui  contras- 
tent avec  le  style  d'affaire  de  la  Ferme  générale. 


60G  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

1787).  Éthis  de  Gorny  proposait  même,  dans  son  réquisitoire,  d'en- 
lever «  l'attribution  de  ces  contraventions,  en  première  instance,  à 
l'élection  de  Paris,  vu  la  scandaleuse  partialité  dont  on  accuse  les 
jugements  qui  en  émanent  ».  11  voulait  que  «  l'on  formât  pour  cet 
objet,  dans  l'intérieur  même  de  la  cour  des  aides,  une  chambre  ;'i 
l'instar  de  celle  des  requêtes  du  Palais.  On  serait  sûr  d'y  trouver 
l'instruction,  la  pureté,  l'identité  de  principes  que  la  composition  de 
l'élection  ne  donne  pas  le  droit  d'espérer...  »  Le  dispositif  de  la  dé- 
libération ne  donne  toutefois  pas  de  suite  à  cette  proposition.  — 
Notons  que  la  cour  des  aides,  aussi  bien  pour  accroître  son  impor- 
tance que  par  les  épiées,  était  intéressée  à  juger  en  appel  le  plus  de 
contraventions  possible,  et  à  multiplier  en  faveur  de  la  Fermé  géné- 
rale des  arrêts  particuliers  qu'une  loi  plus  claire,  et  surtout  mieux 
formulée,  aurait  rendus  inutiles  en  les  prévenant  ', 

DÉLIBÉRATION    DU    BUREAU    DE   LA    VILLE 
1"  JUILLET   1788  a 

Ce  jourd'hui  mardi  1er  juillet  1788,  nous  prévôt  des  marchands  et  éche- 
vins  de  la  ville  de  Paris,  assemblés  au  bureau  de  la  Ville,  M.  Dominique-Louis 
Élhis  de  Corny,  avocat  et  procureur  du   roi  et  de   la  Ville,  étant  entré,  a  dit  : 

Messieurs,  l'étendue  de  la  fraude  qui  se  commet  maintenant  sur  les  droits 
d'entrée  de  la  ville  de  Paris  intéresse  l'attention  du  gouvernement.  Le  nombre 
des  fraudeurs  augmente  tous  les  jours.  L'inaction  des  tribunaux  favorise  leur 
licence.  De  nouveaux  genres  de  manœuvres  sont  inventés  et  mis  en  usage.  Si 
le  désordre  n'est  promptement  arrêté,  les  revenus  du  roi,  ceux  de  la  Ville  et 
des  hôpitaux  souffriront  une  perte  considérable. 

Les  dispositions  que  la  Ferme  générale  a  faites  pour  empêcher  les  trans- 
ports frauduleux  qui  se  faisaient  par  les  faux  passages  en  barils  et  en  vessies 
pour  les  boissons,  et  en  ballots  pour  les  marchandises,  avaient  considérable- 
ment diminué  ce  moyen  de  contravention.  A  celui-là  en  a  succédé  un  autre 
plus  dangereux  par  la  difficulté  de  le  découvrir  et  de  l'arrêter.  On  sait  qu'aux 
extrémités  de  Paris,  la  plupart  des  rues  sont  d'un  côté  sujettes  aux  droits 
d'entrées  et  de  l'autre  exemptes  de  ces  droits.  De  ce  dernier  côté  sont  les 
cabarets  et  les  guinguettes  dont  le  nombre  est  très  considérable.  Les  fraudeurs 
ont  imaginé  de  percer  le  terrain  de  la  rue  et  de  faire  une  ouverture  souterraine 
de  plusieurs  pieds  de  diamètre,  dans  laquelle  ils  introduisent  un  tuyau  de  fer- 
blanc  ou  de  taffetas  gommé,  par  où  ils  font  couler  les  boissons  déposées  dans 
la  maison  exempte  des  droits  d'entrée,  dans  celle  qui  y  est  sujette.  On  a  déjà 
découvert  près  de  quatre-vingts  tuyaux.  Le  seul  moyen  qu'on  ait  pu  employer 
pour  contrarier  ou  pour  diminuer  cette  fraude  souterraine  a  été  de  faire  faire, 


1.  Voyez  lettres  patentes  du  18  octobre  1*787,  enregistrées  en  Cour  des  aides,- le 
11  décembre,  pour  la  répression  de  la  fraude  (Isambert,  n°  2395). 

2.  Arcli.  nat.,  H.  1959. 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  607 

dans  les  endroits  où  l'on  en  soupçonnait,  des  tranchées  de  huit  à  neuf  pieds 
de  profondeur,  d'une  largeur  plus  ou  moins  grande,  dans  lesquelles  on  jette 
des  cailloux  et  des  pierres  qui  rendent  cette  perforation  plus  difficile.  Mais  de 
nouveaux  avis  annoncent  que  ces  obstacles  sont  insuffisants,  et  que  plusieurs  de 
ces  communications  souterraines  sont  sur  le  point  d'être  rétablies.  Il  serait  abso- 
lument nécessaire  de  faire  des  recherches  exactes  et  multipliées  dans  les  maisons 
suspectes.  Dans  ce  moment  où  l'audace  des  fraudeurs  est  à  son  comble,  où 
ceux  qui  se  prêtent  à  leurs  entreprises  ne  sont  plus  contenus  par  la  crainte 
des  condamnations  juridiques,  ces  sortes  d'opérations  sont  très  difficiles  et 
même  dangereuses  pour  les  employés. 

Il  se  fait  même  pour  toute  espèce  de  marchandises  sujettes  aux  droits  un 
autre  genre  de  fraude  qui  s'exerce  plus  ouvertement.  Le  nommé  Villette,  chef 
de  bandes  de  fraudeurs,  locataire  d'une  espèce  de  baraque  dans  la  rue  de 
Montholon,  sur  la  partie  non  sujette  à  l'entrée,  a  loué  de  l'autre  côté  de  cette 
rue  un  terrain  vague  qu'il  a  fait  entourer  de  murs  et  dans  lequel,  d'un  grenier 
qu'il  a  fait  élever  au-dessus  de  sa  baraque,  on  jette  toutes  les  nuits  une 
quantité  de  sacs  de  café,  de  la  contenance  de  dix  à  douze  livres.  Il  parvient 
par  ce  moyen  à  en  faire  passer  huit  à  dix  milliers  par  nuit. 

A  la  Petite-Pologne,  rue  de  la  Pépinière,  les  nommés  Cardon  et  Monier  se 
sont  associés  et  ont  fait  élever  dans  le  jardin  du  premier  une  espèce  de  théâtre, 
d'où  ils  jettent  dans  un  marais  vis-à-vis,  loué  par  Monier,  des  ballons  remplis 
de  vins  et  d'eau-de-vie,  d'environ  cinq  pintes  chacun.  Ils  sont  parvenus  par 
ce  moyen  à  en  faire  passer  vingt  à  trente  pièces  par  nuit.  On  peut  juger  par 
là  du  préjudice  immense  qui  en  résulte  pour  les  intérêts  du  roi,  de  la  Ville  et 
des  hôpitaux.  Le  même  Monier  vient  de  faire  élever  une  seconde  machine  de 
ce  genre,  dans  la  même  rue  de  la  Pépinière.  Les  employés  qui  sont  postés 
dans  cette  rue  voient  passer  ces  ballons  au-dessus  de  leurs  têtes,  et,  lorsqu'ils 
veulent  s'approcher,  ils  sont  accueillis  par  des  coups  de  pierre. 

La  Ferme  générale  a  voulu  faire  élever  des  palissades  assez  hautes  pour 
empêcher  cette  manœuvre.  Elle  avait  commencé  par  la  rue  de  Montholon. 
Mais  Villette,  à  la  tête  de  sept  ou  huit  de  ses  associés,  est  venu  à  main  armée 
chasser  les  ouvriers  et  détruire  cette  palissade.  Le  secours  de  la  garde  qui 
avait  été  appelée  pour  soutenir  les  charpentiers  a  été  inutile.  Dans  la  rue  de 
la  Pépinière,  Monier  et  ses  associés...  se  sont  permis  les  mêmes  voies  de  fait. 
Ces  faits  ont  été  constatés  par  plusieurs  procès-verbaux,  et  par  des  plaintes 
rendues  chez  différents  commissaires.  Mais  dans  les  circonstances  présentes 
on  ne  peut  donner  suite  à  ces  actes,  et  les  fraudeurs  jouissent  d'une  impunité 
qui  augmente  leur  licence1... 

Le  bureau  de  la  Ville  approuve  ce  réquisitoire  et  le  transmet  au 


1.  Le  1  sept.  1787,  arrêt  vu  par  Lambert  et  signé  de  Breteuil,  ordonnant 
l'examen  et  le  contrôle  des  plans  Ledoux  et  des  comptes  de  l'entrepreneur  Pé- 
coul.  —  Le  1er  octobre  1788,  on  apprend  que  Necker  venait  de  s'emparer,  pour 
aider  au  payement  suspendu  des  rentes  sur  l'Hôtel  de  Ville,  «  des  fonds  destinés 
par  les  fermiers  généraux  de  Sa  Majesté  à  l'achèvement  des  murailles  qui  devaient 
former  l'entière  clôture  de  la  capitale  du  côté  nord.  »  Quatre  mille  ouvriers 
furent,  dit-on  congédiés.  (Hardy,  t.  VIII,  p.  102.) 


608  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

ministre  de  Paris  et  au  contrôleur  général.  La  délibération  est  signée 
Le  Peletier,  Guyot,  Dérivai,  BulYault,  Sageret. 

LA  QUESTION  DE  DROIT  RELATIVE  AU  NOUVEAU  MUR 

RÉCIT  D'UN  DE  MESSIEURS 

DE    LA    PREMIÈRE    CHAMBRE    DES    ENQUÊTES  ' 

Monsieur,  Messieurs  do  la  première  chambre  dos  enquêtes,  frappés  do  l'im- 
portance du  projet  d'entourer  Paris  do  murailles  qui  on  lixent  les  limites,  ot 
dont  il  y  a  déjà  uno  partie  considérable  d'élevée,  m'ont  chargé  do  vous  prier 
de  mettre  on  délibération  ce  qu'il  convenait  de  faire  à  ce  sujet  ;  mais,  comme 
il  est  nécessaire  que  Messieurs  on  connaissent  les  détails  pour  prendre  le 
parti  qu'ils  jugeront  le  plus  utile  au  bien  public,  je  prie  celui  de  Messieurs  do 
la  première  chambre  des  enquêtes  qui  en  est  beaucoup  plus  instruit  que  moi 
do  vouloir  bien  en  rendre  compte. 

Et  à  l'instant  celui  de  Messieurs  qui  était  plus  particulièrement  instruit  des 
faits  qui  venaient  d'être  annoncés,  prenant  la  parole,  a  dit  : 

Monsieur,  il  y  a  déjà  plus  d'un  an  que  le  public  voit  avec  étonnemenl 
s'élever  une  muraille  qui  doit  environner  Paris  de  toutes  parts  ;  on  a  peine  à 
concevoir  comment  les  avantages  qu'on  en  retirera  pourront  compenser  les 
frais  d'une  construction  aussi  importante  et  par  son  étendue  cl  par  l'espèce 
de  luxe  avec  lequel  on  décore  de  simples  bureaux  de  commis,  li  est  à  sup- 
poser que  les  calculs  ont  été  bien  faits  et  qu'on  ne  s'est  livré  à  une  dépense 
de  ce  genre  qu'après  s'être  assuré  du  bénéfice  qui  en  résultera  pour  les  droits 
du  roi.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  une  opération  purement  d'administration,  et 
dont  Messieurs  de  la  première  chambre  des  enquêtes  ne  penseraient  pas  que 
la  compagnie  dût  s'occuper,  si  elle  paraissait  devoir  être  suivie  cette  année  sur 
le  même  plan  que  l'année  dernière.  Mais,  Monsieur,  il  est  de  notoriété  pu- 
blique que  non  seulement  l'on  va  continuer  du  côté  nord  de  la  ville  le  même 
mur  qu'on  a  construit  l'année  dernière  du  côté  du  midi,  mais  même  qu'on  le 
recule  beaucoup  dans  la  campagne.  On  va  donc  augmenter  considérablement 
l'enceinte  de  Paris,    on    va    donc   enfermer  dans  la  ville   et  assujettir  à  des 

1.  Arch.  nat.,X  1b  8984-  (24  janv.  1786).—  «  La  Ville  do  Paris  doit  être  bornée  à 
ce  qui  est  renfermé  d'arbres  depuis  l'Arsenal  jusqu'à  In  porte  Sainf-Ilouoré,  et 
de  là,  en  suivant  le  fossé,  jusqu'à  la  rivière,  en  suivant  l'alignement  du  rempart 
désigné  dans  un  plan;  depuis  la  rivière,  jusqu'à  la  rue  de  Yaugirard  ;  et  de  là, 
en  suivant  le  rempart,  jusqu'à  la  rue  d'Enfer  où  il  finit  ;  de  là,  en  allant  le  long 
de  la  rue  de  la  Bourbe,  à  côté  du  monastère  de  Port-Royal  (ledit  monastère 
étant  hors  de  l'enceinte);  et  de  là.  all'anl  aboutir  à  la  rue  Saint-Jacques,  et  en 
partie  par  une  petite  rue  qui  est  derrière  le  Val-de-Gràce  ;  et  dudit  boulevard, 
en  suivant  la  rue  des  Bourguignons,  et  en  prenant  à  gauche  au  bas  de  ladite  rue, 
suivant  la  rue  de  l'Oursine  jusqu'à  la  rue  Mouffetard;  et  de  cette  rue  entrant 
dans  la  vieille  rue  Saint-Jacques,  autrement  dite  la  Censière;  et  suivant  cette 
dernière,  dans  toute  sa  longueur,  jusqu'à  la  rue  Saint-Victor,  autrement  nom- 
mée la  rue  du  Jardin-Royal;  et  de  là,  côtoyant  le  Jardin-Royal,  jusqu'au  boule- 
vard qui  aboutil  à  la  rivière.  »  (Encyclopédie  méthodique,  Police  et  Municipalité, 
article  Paris. 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  00!) 

droits  d'entrée  un  nombre  considérable  d'habitants  de  la  banlieue  qui  n'a- 
vaient fixé  leur  domicile  hors  des  barrières  que  pour  en  être  affranchis.  Non 
seulement  les  habitants  de  tous  les  villages  qui  vont  être  convertis  en  quartiers 
de  Paris  seront  soumis  à  un  impôt  nouveau  pour  eux,  mais  la  nature  de  leur 
propriété  sera  changée.  Ces  villages  sont  couverts  d'édifices  propres  unique- 
ment au  genre  de  commerce  que  la  population  de  Paris,  le  voisinage  des 
barrières,  et  l'exemption  des  entrées  y  a  introduit.  Priver  ces  bâtiments  du 
seul  usage  dont  ils  soient  susceptibles,  c'est  rendre  leur  propriété  inutile.  Ces 
deux  considérations,  Messieurs,  ont  paru  à  Messieurs  de  la  première  chambre 
des  enquêtes  dignes  de  l'attention  de  la  compagnie. 

Les  différentes  enceintes  qui  ont  été  faites  successivement  pour  Paris  ont 
toutes  été  exécutées  d'après  des  lois  revêtues  de  toute  leur  autorité.  La  der- 
nière a  été  ordonnée  par  des  lettres  patentes  du  23  novembre  1033,  enregis- 
trées en  la  cour  !e  5  juillet  1634. 

Il  existe  plusieurs  lois  qui  prohibent  l'agrandissement  de  Paris.  Messieurs 
de  la  première  des  enquêtes  ont  pensé  que  la  compagnie  ne  pouvait  pas  laisser 
faire  sous  ses  yeux,  sans  réclamation,  une  opération  qui  n'a  jamais  eu  lieu 
qu'en  vertu  d'une  loi,  qui  est  contraire  à  des  lois  existantes  et  surtout  qui  peut 
compromettre  les  intérêts  et  la  propriété  d'un  grand  nombre  de  particuliers 

Le  fait  que  ces  particuliers  se  plaignent  est  constant  ;  indépendamment  de 
la  notoriété  publique,  Messieurs  de  la  première  des  enquêtes  en  ont  la 
preuve  dans  un  mémoire  que  je  tiens  à  la  main,  adressé  à  la  compagnie,  signé 
par  plus  de  cent  vingt  propriétaires  ou  habitants  du  Bas-Montmartre.  Son 
objet  parait  être  de  faire  entendre  leur  réclamation  par  le  ministère  du  Par- 
lement. Ils  la  fondent  sur  leur  intérêt  personnel,  sur  celui  des  pays  de 
vignoble  qui  environnent  la  capitale,  sur  celui  du  peuple  de  Paris,  enfin  sur 
celui  des  droits  du  roi.  Ils  prétendent  leurs  intérêts  blessés  par  l'assujettisse- 
ment aux  entrées  et  par  l'inutilité  dont  leurs  maisons,  qui  toutes  sont  ou  des 
cabarets,  ou  des  maisons  de  campagne,  vont  leur  devenir  ;  celui  des  villages 
des  environs  et  celui  du  peuple  de  Paris,  par  l'éloignement  des  guinguettes  et 
par  la  diminution  nécessaire  qui  en  résultera  dans  la  consommation  pour  les 
vins  delà  plus  mauvaise  qualité,  mais  dont  la  culture  fait  la  richesse  de  plus 
de  douze  lieues  de  pays  ;  ils  a-ftirment  que  les  droits  du  roi  diminueront  par 
la  dépopulation  des  villages  enclos.  Le  Ras-Montmartre  paye  433, j90  livres 
de  droits,  en  vingtièmes,  taille,  huitième,  gros,  congé  de  remuage,  et  ce, 
non  compris  le  logement  des  gens  de  guerre  et  les  droits  d'entrée  sur  les 
denrées  dont  les  habitants  sont  obligés  de  se  pourvoir  à  Paris.  Si  le  nombre 
des  habitants  diminue,  en  ayant  voulu  augmenter  la  perception  des  droits,  on 
l'aura  diminuée. 

Telle  est,  Monsieur,  l'analyse  très  succincte  de  ce  mémoire  dont  il  est  très 
possible  que,  à  cause  de  sa  forme,  Messieurs  ne  jugent  pas  à  propos  de 
prendre  lecture...  Messieurs  de  la  première  des  enquêtes  ont  pensé  qu'un  tel 
projet,  qui  fait  un  changement  aussi  considérable  dans  le  sort  d'un  assez 
grand  nombre  des  sujets  du  roi,  ne  devait  au  moins  s'effectuer  que  d'après 
une  loi  ;  que  ce  serait  le  premier  exemple  d'un  accroissement  de  la  ville  fait 
sans  lettres  patentes. 

Le  premier  président  nomma  des  commissaires  de  la  grand'cham- 
bre  pour  étudier  la  question. 


610  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

APPEL  AU  ROI 

DANS    SOIS    CONSEIL    NATIONAL    DES    ÉTATS    GÉNÉRAUX 
PAU  LES  GENS  DE  LA  BANLIEUE  DE  PARIS  > 

Ce  petit  écrit,  fort  bien  rédigé,  prolestait,  au  nom  de  la  banlieue,  cl  plus 
particulièrement  du  territoire  de  Clichy-la-Garenne,  contre  l'arrêt  du  conseil 
du  26  novembre  1788,  enregistré  par  la  seule  grand'chambrc  de  la  cour  des 
aides  le  30  décembre  suivant.  Même  les  chambres  assemblées  de  la  cour  des 
aides  n'étaient  pas  compétentes  pour  assujettir  aux  droits  d'entrée  des  habi- 
tants de  la  banlieue  qui  en  avaient  été  jusqu'alors  dispensés.  L'auteur  de 
V Appel  au  Roi  demandait  la  destruction  du  nouveau  mur  d'enceinte,  et  dé- 
signait jusqu'à  l'emploi  qu'il  serait  possible  de  faire  des  superbes  édicules 
«  élevés  aux  vils  suppôts  de  la  Ferme  ». 

La  pénurie  du  trésor  royal  iil  abandonner,  en  1788,  les  coûteuses 
constructions  projetées  par  Ledoux.  Mais,  au  point  de  vue  légal  et 
fiscal,  toutes  les  protestations  échouèrent.  Le  mur  de  la  Ferme  géné- 
rale commençait  près  de  Charenton,  enveloppait  tout  le  nord  de 
Paris,  Picpus,  Ménilmontant,  une  partie  de  laYillette,  les  Porcherons, 
la  Petite-Pologne,  Chaillot,  et  venait  aboutir  à  la  Seine  près  la  mon- 
tagne des  Bons-Hommes  ;  ensuite  sur  la  rive  gauche,  il  renfermait 
les  Invalides,  l'École  militaire,  le  Gros-Caillou,  une  grande  partie  de 
la  plaine  de  Vaugirard,  l'Hôpital  général,  et  se  terminait  à  la  Seine 
en  cet  endroit.  Malgré  la  destruction  des  barrières,  et  la  suppression 
des  droits  d'entrée  en  mai  1791,  la  Constituante  se  conforma  au  plan 
de  la  Ferme  générale  pour  déterminer  l'arrondissement  de  la  muni- 
cipalité de  Paris2. 

EMPRUNTS 

Les  emprunts  de  la  monarchie  et  en  particulier  du  règne  de 
Louis  XVI,  constitués  en  majeure  partie  au  moyen  de  rentes  sur 
l'Hôtel  de  Ville,  appartiennent  évidemment  à  l'histoire  générale  des 
finances,  et  non  à  l'histoire  de  Paris.  Les  payeurs  et  receveurs  des 
rentes  installés  à  l'Hôtel  de  Ville  ?  étaient  des  officiers  du  roi  et  des 

1.  Pièce  in-8°  de  :J2  pages  signée  IL  IL  B.  B,  écuyer,  habitant  de  la  banlieue 
(1789j.  —  Hardy  analyse  cette  pièce  à  la  date  du  6  février  1789. 

2.  11  fut  même  question,  lors  de  la  fuite  du  roi,  de  conserver  et  de  fortifier 
l'enceinte  de  la  ferme-,  afin  de  défendre  Paris  au  besoin.  (Voyez  Encyclopédie 
méthodique,  Jurisprudence,  t.  X,  p.  617,  article  sur  Paris,  écrit  le  21  juin   1791.) 

.'!.  Us  étaient  au  nombre  de  13  en  octobre  1711  (cf.  Le  Roux  de  Lincy,  ouv. cité, 
cli.  iv,  p.  172j.  —  L'édit  de  sept.  1784,  enregistré  le  23  février  178.";,  avait  créé 
2()  nouveaux  offices  de  payeurs  e1  20  de  contrôleurs^ 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  611 

hôtes  de  la  Ville;  le  bureau  ne  s'occupe  point  de  leurs  maniements 
une  fois  qu'il  a  traité,  pour  la  totalité  de  chaque  emprunt,  avec  les 
commissaires  du  Conseil1.  Sa  préoccupation  est  au  contraire,  dans 
les  derniers  temps  surtout,  de  dégager  ses  finances  de  celles  de  l'Etat, 
au  moins  pour  la  forme  de  la  comptabilité. 

En  principe,  pour  tout  emprunt  fait  en  rentes  sur  l'Hôtel  de  Ville, 
i!  faut  des  lettres  patentes  enregistrées  qui  commettent  les  prévôt 
des  marchands  et  échevins,  à  l'effet  de  passer  les  contrats  au  nom 
des  prêteurs;  ces  lettres  patentes  elles-mêmes  supposent  un  édit  anté- 
rieur, énonciatif  de  l'emprunt,  et  également  enregistré.  C'est  moyen- 
nant ces  indispensables  formalités  légales  que  des  commissaires  du 
Conseil,  désignés  par  le  roi,  passent  par-devant  notaire,  à  MM.  les 
prévôt  des  marchands  et  échevins  de  la  Ville  de  Paris,  un  contrat 
de  vente  et  aliénation  des  rentes  (soit  viagères,  soit  héréditaires)  au 
capital  de...,  créées  par  un  édit  de...,  enregistré! le...  2.  Par  exemple 
c'est  par-devant  M0  Choron,  notaire,  qu'est  passé  le  contrat  de  vente 
des  rentes  viagères  de  l'édit  de  janvier  1782.  Me  Picquois  dresse  un 
contrat  analogue  pour  100  millions,  capital  des  rentes  viagères  créées 
par  édit  de  décembre  1783;  M8  Boulard  pour  60  millions,  capital 
des  rentes  viagères  créées  par  l'édit  de  mai  1787  5. 


t.  Le  11  février  L786,  il  autorise  les  payeurs,  conformément  au  vœu  du  public, 
à  commencer  leurs  payements  dès  7  heures  du  matin, du  L01'  mars  au  31  octobre 
(Arch.  uat..  II.  1957);  voilà  le  genre  de  police  qu'exerce  le  bureau.  Notons  aussi 
que,  contrairement  ;i  l'intérêt  des  payeurs  (droit  d'immatriculé);  la  Ville  obtint 
de  Xecker  que  les  petites  parties  de  rentes  ayant  même  origine  légale  pourraient 
être  indéfiniment  réunies  par  voie  de  reconstitution  (lettre  de  Necker,  13  mai  1778  : 
Areh.  mit.,  H.  19S3). 

2.  Les  exemples  ne  manquent  pas  pendant  le  règnede  Louis  XVI.  En  aoûtl777 
(enreg.  le  29),  emprunt  de  600,000  livres  de  rentes;  en  nov.  1779  (enreg.  le  30), 
création  de  5  millions  de  renies  viagères;  en  mars  1781,  de  3  millions  de  rentes 
viagères  ;  en  janvier  1182  (enreg.  le  Ier  février), de  7  millions  de  rentes  viagères; 
en  déc.  1782  (enreg.  le  10),  de  «  1(1  millions  de  rentes  perpétuelles  au  denier 
vingt  sans  retenue,  remboursables  en  14  ans  à  commencer  du  l01-  janvier  1784, 
et  dont  les  capitaux  seront  fournis  moitié  en  deniers  comptants,  moitié  en  con- 
trats »;  en  déc.  1784  (enreg.  le  31),  emprunt  de  125  millions  pour  l'acquittement 
des  dettes  de  la  guerre  :  cet  emprunt,  dont  le  chiffre  fut  dépassé  par  le  ministère, 
était  en  billets  au  port eur ,  et  non  en  contrais;  niais  la  conversion  en  contrats 
fut  autorisée  par  la  décl.  du  Ier  juillet  1786  (enreg.  le  7);  en  déc.  1785  (enreg.  le 
21),  création  de  4  millions  de  rentes  héréditaires  remboursables  en  10  ans,  avec 
faculté  pour  les  préteurs  de  prendre  en  guise  de  remboursement  de  leur  capital, 
des  bordereaux  de  renies  viagères;  en  mai  1787  (enreg.  le  7),  création  de  G  millions 
de  rentes  viagères.  —  Avec  l'édit  de  nov.  1787  s'arrêtent  les  édits  d'emprunts 
enregistrés.  La  royauté  aux  abois  cherche  à  établir  de  nouveaux  impôts,  re- 
poussés par  le  Parlement,  on  procède  par  arrêts  du  Conseil  non  enregistrés  ce 
qui  achève  de  tuer  le  crédit  public. 

3.  Arch.  nat.,  11.  1954,  H.  1955,  IL  1958. 


012  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

Déjà,  depuis  le  23  février  1785,  l'emprunt  de  123  million  à  5  pour 
100  avait  obligé  la  Ville  à  porter  ses  propres  rescriptions  de  4  et  demi 
à  5  pour  100,  afin  (pie  les  porteurs  des  rescriptions  n'en  exigeassent 
point  le  remboursement  immédiat  pour  prendre  de  l'emprunt  '. 

Plus  approche  l'échéance  fatale  des  Etats  généraux,  pins  le  roi, 
afin  de  la  reculer1,  use  et  abuse  du  crédit  de  la  Ville.  L'embellisse- 
ment de  Paris  sert  de  prétexte  à  l'édil  de  septembre  1786,  enregistré 
le  7  septembre,  et  dont  il  faut  lire  l'article  19  pour  en  voir  la  réelle 
intention,  (lui  est  de  mettre  30  millions  clans  le  trésor  royal.  Même 
hypocrisie  dans  l'arrêt  du  Conseil  du  13  octobre  1787 2,  vu  par  le 
baron  de  Breteuil,  et  autorisant  une  loterie  au  profit  des  hôpitaux  : 
cette  fois  la  mesure  était  comble'  ;  le  Parlement  protesta  contre  cet 
emprunt  déguisé  de  12  millions,  et  surtout  contre  l'absence  inouïe  de 
l'enregistrement.  Mais  le  public  protesta  encoremieux  :  sur  50,000bil- 
lets  divisibles  en  quarts,  28,214  billets  trois  quarts  restèrent  invendus  i. 

Le  cahier  dit  de  la  Ville  (Il  juin  1789)4  n'avait  pas  à  insister  sur 
les  emprunts  d'Etat,  quand  même  ils  avaient  été  constitués  en  rentes 
sur  l'Hôtel  de  Ville.  Mais  il  protesta  contre  l'inexécution  des  clauses. 
Jusqu'au  mois  d'août  1788,  les  renies  des  emprunts  de  1777  5,  1781 6, 
178G7,  n'étaient  pas  comprises  dans  le  service  des  payeurs  du  roi  : 
elles  étaient  payées  par  le  trésorier  général  de  la  Ville  (en  dernier 
lieu  le  sieur  de  Villeneuve)  :  il  s'agissait  par  là  de  persuader  au  public 
que  ces  emprunts  avaient  été  faits  pour  le  compte  de  la  Ville,  du 
crédit  de  laquelle  le  gouvernement  pouvait  ainsi  bénéficier.  D'autre 
part,  les  taxations  attribuées  au  trésorier  étaient  une  partie  considé- 
rable de  ses  émoluments,  et  par  conséquent  de  l'intérêt  de  sa  finance 
d'un  million.  Une  lettre  du  30  mars  1788,  du  contrôleur  général  au 
bureau,  avait  bien  proposé  l'unification  du  service  entre  les  mains  des 
payeurs  des  rentes  :  le  bureau  avait  protesté,  au  nom  même  de  l'in- 
térêt du  roi.  Mais  survint  une  retenue  faite  parle  trésor  sur  toutes  les 
rentes  de  création  royale.  La  distinction  fictive  qui  précède  aurait  été 
absurde  et  injuste,  et  le  bureau  lui-même  demanda  que  les  payeurs 
des  rentes  fissent  seuls  le  service  des  arrérages  et  de  la  retenue8  de 


1.  Rapport  du  trésorier  Rousseau  et    délibération  conforme  du  25  fév.  1785 
(Arch.  nai.,  11.  1956,  n°  149). 

2.  Isambert,  n°  2304. 

3.  Arch.  nat.,  II.  1959. 

4.  Voyez  Arch.  parlementaires,  t.  V,  p.  290. 
:>.  1777,  août  (édit). 

6.  1781,  3  sept.  (décl.). 

7.  1786.  sept.  (édit).  —  Voyez  infra,  p.  613. 

8.  Arch.  nat.,  II.  1959,  délibération  du  bureau  du  18  août  1788. 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  613 

l'édit  de  1786  et  de  l'arrêt  du  Conseil  «le  1787,  en  tant  qu'ils  inté- 
ressaient l'embellissement  de  la  Ville  et  la  création  ou  l'aménagement 
des  hôpitaux.  Il  est  vraisemblable  que  le  dernier  prévôt  des  mar- 
chands, de  Flesselles,  et  ses  collègues  du  bureau  n'auraient  point  signé 
de  telles  protestations,  si  les  députés  de  Paris  ne  leur  avaient  conduit 
la  main. 

ho  contrôleur  général  Turgot  à  M.  de  La  Michodière 

I''1'   JANVIER    1776  ' 

Les  frais  des  emprunts  faits  pour  le  compte  du  roi,  des  pays  d'états,  des 
corps  et  communautés,  m'ayant  paru,  Monsieur,  trop  coûteux,  j'ai  cru  qu'il 
était  indispensable  de  les  réduire.  En  conséquence  le  droit  de  I  pour  100  qui 
était  accordé  aux  notaires  a  été  modéré  à  moitié.  Le  dernier  emprunt  <lu 
clergé,  celui  qui  est  ouvert  en  Bourgogne  et  qui  va  l'être  en  Languedoc  se 
font  sous  cette  condition.  Vous  penserez  sans  doute  comme  moi,  Monsieur, 
qu'elle  doit  être  la  même  pour  l'emprunt  de  la  Ville  de  Paris  :  non  seule- 
ment l'économie  l'exige,  mais  encore  l'uniformité  qui  doit  régner  dans  les 
opérations  du  même  genre,  et  vous  comprenez  qu'il  y  aurait  un  inconvénient 
réel  à  ce  que  la  Ville  donnât  aux  notaires  1  p.  100,  et  le  parchemin  et  le 
papier2,  tandis  qu'ils  ne  recevraient  pour  les  autres  emprunts  que  1/2  p.  100. 

Vous  voudrez  donc  bien,  Monsieur,  faire  les  dispositions  nécessaires  pour 
faire  cesser  cette  différence, 

La  réduction  étant  générale,  elle  ne  peut  faire  aucun  tort  à  l'emprunt  de  la 
Ville  de  Paris;  les  notaires  ne  seraient  pas  fondés  à  s'en  plaindre.  La  multi- 
plicité des  emprunts,  leur  étendue  et  l'abondance  de  l'argent  leur  procurent 
encore  des  avantages  considérables,  et  je  suis  d'ailleurs  trop  convaincu  de 
l'honnêteté  de  celte  compagnie  pour  craindre  qu'un  pareil  motif  puisse 
ralentir  leur  zèle,  et.  les  empêcher  de  faire  leurs  efforts  pour  consommer 
les  emprunts  confiés  à  leurs  soins.  Je  suis  avec  un  parfait  attachement,  etc.  >. 

Signé  :  Turgot. 

ANALYSE   DE   L'ÉDIT 

Qui  ordonne  la  démolition  des  maisons  construites  sur  les  ponts  de  la  Vide 
de  Paris,  sur  les  quais  et  rue  de  Gesvres,  de  la  Pelleterie  et  autres  adjacentes 
des  deux  côtés  de  la  rivière,  conformément  au  projet  arrêté  en  170!);  la  con- 


1.  Rep.  fo  270  r°  (H.  1876). 

2.  Le  roi  ayant  ensuite  accordé  pour  les  emprunts  royaux  le  papier  et  le  par- 
chemin, la  Ville  reçut  l'autorisation  don  faire  autant  (17  février  1776). 

3.  La  minute  est  dans  H.  1952.  Eu  1785,  la  balance  est  encore  observée,  à  un 
autre  point  de  vue,  entre  la  Ville  et  le  Trésor.  Le  million  composant  la  iinance 
du  trésorier  de  la  Ville  sert  à  rembourser  500,000  livres  de  rescriptions  et 
500,071  livres  8  sols  9  deniers  de  rentes  sur  trois  emprunts  d'État  précédents 
(Arch.  nat.,  II.  1957,  nP  49). 


614  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

struclion  d"un  pont  en  face  de  la  place  de  Louis  XV  ;  celle  d'une  nouvelle 
salle  d'Opéra,  le  parachèvement  du  quai  d'Orsay  et  autres  objets  relatifs  à 
l'utilité  publique,  à  la  salubrité  et  à  l'embellissement  de  la  capitale;  autorise 
en  conséquence  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  de  ladite  Ville  de  Paris 
à  constituer  1,200,000  livres  de  renies  perpétuelles  à  4  p.  100,  avec  un  tirage 
de  primes  de  10,000  lots.  (Septembre  17X0  —  R.  P.  le  7  septembre.) 

Déjà  le   prévôt  des  marchands   et  les    échevins  avaient  «  donné 
l'exemple  du  zèle  et  du  dévouement  en  faisant  démolir  les  maisons 
appartenant    au  Domaine  de  la    Ville  sur  le  pont   Notre-Dame  ». 
Quant  aux  autres,   comme  elles   étaient  à   des    particuliers  ,  il  était 
juste  de  les  indemniser.  L'article    15    de  l'édit   de    septembre  1786 
exempte  des  indemnités  de  tous  droits  de  «  lods  et  ventes,  amortisse- 
ment, centième  denier  et  autres  droits  royaux  et  seigneuriaux  quel- 
conques dus  soit  à  nous, soit  à  tous  seigneurs  tant  ecclésiastiques  que 
laïcs,  corps  et  communautés,  dans  la  mouvance  et  directe  desquels 
lesdites  maisons  et  terrains  se  trouvent  situés  ».  (Cf.  sur  ce  point  : 
Arrêt  du  Conseil  du  23  août  1707,  et  lettres  patentes  du  8  octobre 
suivant  ;  arrêt  du  Conseil  du  4  décembre  1720  et  lettres  patentes  de 
mars  1721. )  Les  30  millions  à  emprunter  au  denier  25  sont  divisés  en 
30,000  «  reconnaissances   »   de  1,000   livres    chacune;  les    intérêts 
(1,200,000  livres)  sont  imputés  sur  les  recettes  de  la  Ferme  générale  ; 
pour  le  tirage  de  la  loterie,  les  30,000  reconnaissances  forment  trois 
séries;  le  tirage  de  décembre  1786  déterminera  la  série  gagnante; 
celui  d'avril  1787  déterminera  les  primes,  variant  de  300,000  livres 
à  500  livres,  et  formant  un  total  de  7,500,000  livres  (articles  21  à  24). 
—  L'article  19,  qui  ordonne  le  dépôt  des  30  millions  clans  le  trésor 
royal  (lequel   s'engage  à  délivrer  annuellement  3  millions  à  la  Ville 
et  à  payer  les  7,500,000  livres  de  primes),  marque  assez  clairement 
la  vraie  intention  du  gouvernement  :  se  servir  du  crédit  de  la  Ville, 
mettre  en  jeu  son  intérêt,  faire  appel  à  la  cupidité  publique,  afin 
d'assurer  au    trésor   royal    quelques    ressources    éphémères.   L'édit 
porte  la  mention  :   Va  au  Conseil,  De  Calonne 


i 


LISTES  DES  SOUSCRIPTEURS 

POUR   LES  QUATRE  NOUVEAUX  HOPITAUX 

IMPRIMÉES   ET   DISTRIBUÉES 

Le  lundi  5  mars  1787  «  on  distribuait  dans  tout  Paris...  une  liste 
contenant  les  noms  et  qualités  de  toutes  les  personnes  qui  avaient 

1.  Aivli.  tint.,  K.  1051, 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  015 

fait  leurs  déclarations  et  soumissions  dans  les  bureaux  du  greffier  et 
du  trésorier  de  la  Ville  de  Paris,  de  contribuer  à  l'établissement  » 
des  quatre  hôpitaux,  «  depuis  le  22  janvier  jusques  et  y  compris  le 
21  février  dernier  '  ».  Cette  liste  commence  par  Girardot  de  Marigny 
(12,000  livres)  et  se  termine  par  Thiery,  secrétaire  du  commandement 
de  la  Lorraine  (1 44  livres).  Elle  comprend  en  tout  222  souscripteurs; 
entre  autres  plusieurs  ducs  et  pairs,  grands  seigneurs,  etc.,  chacun 
pour  12,000  livres,  sauf  le  maréchal  duc  de  Richelieu  inscrit  pour 
10,000  livres  ;  le  prince  de  Coudé  et  ses  enfants,  inscrits  pour  30,000  li- 
vres; l'archevêque  de  Paris,  pour  50,000  livres;  les  40  fermiers  gé- 
néraux, chaeun  pour  0,000  livres;  Necker,  pour  0,000  livres;  le 
chapitre  de  Paris,  pour  30,000  livres;  les  Chartreux,  pour  12,000  li- 
vres; les  six  corps,  pour  300,000  livres;  la  gouvernante  d'un  chanoine 
de  Tours,  pour  6  livres;  et  pour  la  même  somme,  une  nommée 
Manon  Roger,  dite  Belle-Gorge.  La  somme  totale  est  de  1,703,605  li- 
vres 10  sous,  «  dont  on  désirait  vivement,  dit  Hardy  avec  quelque 
scepticisme,  de  voir  l'emploi  réalisé  ». 

Laseconde  liste,  du  22  février  au  22  mars,  comprend  :  les  premiers 
commis  du  baron  de  Breteuil  (100,000 livres);  les  régisseurs  généraux 
des  aides  et  droits  y  réunis  (67,200  livres);  le  corps  de  la  librairie  et 
imprimerie  de  Paris  (6,000  livres)  ;  la  communauté  des  perruquiers 
(6,000  livres);  la  compagnie  des  agents  de  change  (24,000  livres);  La- 
borde,  ancien  banquier  de  la  cour  (100,000  livres);  les  chanoines  de 
Sainte-Geneviève  (12,000  livres)  ;  un  journalier  (24  livres),  etc.  Total 
des  deux  premières  listes  :  2,007,321  livres. 

Avec  la  troisième  liste  (27  mars),  la  souscription  atteignit2,113, 217  li- 
vres 12  sous  4  deniers;  avec  la  quatrième  (21  mai),  2,211,912  livres 
8  sous  4  deniers  ;-avec  la  cinquième  (21  juin),  2,226,807  livres  12  sous 
4  deniers.  —  Comme  la  progression  était  des  plus  lentes,  le  Conseil 
rendit,  pendant  les  vacances  parlementaires,  l'arrêt  du  13  octobre 
1787  qui  «  autorisait  la  Ville  de  Paris  à  ouvrir  un  emprunt  de  12  mil- 
lions remboursable  eu  un  an,  par  voie  dé  loterie,  au  profit  des 
hôpitaux  ». 


1.  Imprimerie  royale,  12  pages  in-4°.  Cette  pièce  est  analysée  par  Hardy,  t.  VII, 
p.  11.  iBil).  nat.,  mus  6686.)  Elle  se  trouve  annexée  à  divers  journaux,  entre 
autres  au  Mercure  de  France,  et  aux  gazettes  qui  étaient  dans  le  ressort  du 
ministre  de  Paris.  11  en  est  de  même  des  autres  listes,  par  la  publicité  des- 
quelles la  loterie  des  \i  millions  fut  savamment  préparée. 


G1G  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

RÉCIT  D'UN  DE  MESSIEURS 
A  LA  CHAMBRE  DES  VACATIONS   DU  PARLEMENT  SUR  L'ARRET  DU  CONSEIL 

DU    13    OCTOBRE    1787  « 

Monsieur  le  président  [Le  Pclctier]  a  dit  qu'un  de  Messieurs3  l'avait  prévenu 
qu'il  avait  à  rendre  compte  à  la  Cour  d'un  objet  qui  lui  avait  paru  devoir  fixer 
l'attention  de  Messieurs. 

Alors  celui  de  Messieurs  qui  était  préparé  à  cet  objet,  a  dit  : 
Monsieur,  le  but  de  la  compagnie  dans  la  grande  aft'aire  qui  vient  de  l'oc- 
cuper s  ayant  été  d'empêcher  que  la  charge  publique  ne  soit  augmentée  par 
des  moyens  illicites,  il  me  semble  qu'en  conséquence  des  principes  dont  elle 
a  annoncé  qu'elle  ne  se  départirait  jamais,  elle  doit  porter  son  attention  sur 
un  imprimé  que  j'ai  l'honneur  de  lui  déférer. 

11  a  pour  titre  :  Arrêt  du  Conseil  qui  autorise  la  Ville  de  Paris  à  ouvrir  un 
emprunt  de  12  millions  remboursables  en  un  an,  par  voie  de  loterie,  au  profit 
des  hôpitaux. 

D'abord  je  m'empresse  de  déclarer  que  je  suis  bien  loin  de  m'opposer  à  ces 
nouveaux  établissements  que  l'humanité  sollicite  depuis  si  longtemps.  J'at- 
taque seulement  le  moyen  par  lequel  on  veut  se  procurer  des  fonds,  dans  la 
crainte  qu'à  l'aide  de  cette  forme  illégale  ils  ne  soient  employés  en  même 
temps  à  d'autres  destinations. 

Cet  arrêt  du  Conseil  ou  ne  contient  qu'un  emprunt  déguisé  que  fait  le  gouver- 
nement, et  pareil  à  celui  qu'il  fit  au  nom  de  la  Ville  en  1786;  ou  il  permet  réel- 
lement à  la  Ville  de  Paris  d'établir  une  loterie4.  Mais,  clans  l'une  ou  l'autre 
hypothèse,  cette  forme  me  paraît  également  illégale. 

Lorsque  l'on  est  au-dessous  de  ses  revenus,  un  nouvel  emprunt  exige  né- 
cessairement un  accroissement  d'impôt  pour  subvenir  soit  à  son  rembourse- 
ment, soit  à  ses  intérêts  :  et,  suivant  les  principes  établis,  la  charge  de  la 
nation  ne  peut  être  augmentée  sans  le  consentement  des  Étals  généraux,  et, 
suivant  l'usage  précédent,  un  emprunt  ne  peut  être  ouvert  que  par  une  loi 
enregistrée. 

Ainsi,  si  l'arrêt  du  13  octobre  ouvre  un  emprunt  au  profit  du  trésor  royal, 
cette  forme  est  illégale,  et  le  Parlement,  fidèle  à  ses  principes,  doit  réclamer 
contre  cet  acte  d'autorité. 

Si  le  gouvernement  n'a  pas  intention  de  profiter  des  fonds  et  s'il  autorise 
seulement  par  cet  arrêt  la  Ville  de  Paris  à  les  emprunter,  cette  opération  n'est 
pas  moins   illégale,   puisqu'il  est  constant  qu'une  ville  ne  peut  être  autorisée 


1.  Arch.  mil.,  X  1b  8987,  23  octobre  1787. 

2.  Probablement  Goislard. 

3.  L'opposition  ù  l'édit  du  timbre  et  à  celui  do  la  subvention  territoriale. 

4.  Le  ministère  avait  eu  soin  de  prendre  à  cet  égard  (ouïes  les  précautions  de 
forme.  C'est  le  9  octobre  1787,  après  un  réquisitoire  sensible  et  pompeux  du 
procureur  du  roi  et  <le  la  Ville,  Elliis  de  Corny,  que  le  bureau  supplie  le  roi 
d'acconlec  l'autorisation  de  celle  loterie  ;  l'arrêt,  préparé  d'avance,  fui  daté  du 
13  octobre  (Arch.  mit.,  11.  1958). 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS  617 

par  un  simple  arrêt  du  Conseil  à  contracter  une  dette  aussi  considérable,  et 
qu'il  est  également  certain  en  principe  que  les  engagements  que  le  public  ou 
les  particuliers  contractent  avec  les  gens  de  mainmorte  sans  lettres  patentes 
enregistrées,  sont  nuls  de  plein  droit. 

En  vain,  pour  échapper  à  ces  principes  et  à  leur  conséquence,  voudrait-on 
distinguer  une  loterie  d'un  emprunt.  La  loterie  dont  il  s'agit  est  un  emprunt, 
puisque  la  Ville  reçoit  l'argent  du  public  et  contracte  l'obligation  de  le  lui 
rendre  :  et  quoique  le  terme  du  remboursement  soit  court,  quoique  les  quatre 
cinquièmes  des  prêteurs  doivent  perdre  leur  mise,  quoique  l'autre  cinquième 
doive  retirer  plus  qu'il  n'a  prêté,  quoique  la  Ville  soit  autorisée  à  retenir  un 
dixième  sur  les  lots  pour  les  hôpitaux  :  les  conditions  ne  changent  rien  à  la 
qualité  de  l'engagement  contracté  par  elle,  il  n'est  pas  moins  un  emprunt,  et 
il  est  nul,  s'il  n'est  revêtu  de  lettres  patentes  registrées  par  la  Cour. 

A  ces  considérations  puissantes,  j'en  joindrai  une  autre  qui  n'est  pas  d'une 
moindre  importance.  Si  la  Ville  autorisée  par  un  simple  arrêt  du  Conseil. em- 
pruntait une  somme  de  12  millions  sans  réclamation  de  notre  part,  le  gou- 
vernement, profitant  de  cet  exemple,  ne  pourrait-il  pas  autoriser  de  même  par 
des  arrêts  du  Conseil  les  assemblées  provinciales  à  emprunter  chacune  séparé- 
ment les  sommes  qu'il  leur  demanderait,  et  par  ce  moyen  la  délie  de  l'État  ne 
serait-elle  [pas]  portée  en  peu  de  temps  à  une  telle  somme  qu'il  n'y  aurait 
plus  de  remède? 

Je  ne  pense  pas  que  par  l'emprunt  que  je  défère  le  gouvernement  cherche 
à  se  préparer  cette' voie.  Je  le  crois  éloigné  de  pareils  moyens;  mais  les  mi- 
nistres fulurs  voudraient  peut-être  les  employer,  et  c'est  à  la  prudence  de  la 
Cour  à  prévenir  ce  danger. 

Ainsi,  Monsieur,  sous  quelque  aspect  que  j'envisage  cet  emprunt,  soit  comme 
ouvert  au  profit  du  roi,  ou  au  profit  de  la  Ville,  ou  enfin  connue  une  lolerie, 
sa  forme  me  paraît  également  illégale. 

La  délibération  du  27  octobre,  à  ce  sujet,  aboutit  aux  mêmes  con- 
clusions. 

DERNIER  CONTRAT  D'EMPRUNT, 

ENTRE  LE  ROI  ET  LA  VILLE 

21    mai  178S 

Contrat  d'aliénation  fait  par  messieurs  les  commissaires  du  roi  [de  Four- 
queux,  de  La  Tour,  Guil.  Lambert,  contrôleur  général  des  finances,  Guil.  Du- 
pleix]  à  MM.  les  prévôt  des  marchands  et  échevins,  pour  les  rentes  perpétuelles 
et  viagères  créées  par  l'édit  de  novembre  1787.  —  Par-devant  les  conseillers 
du  roi  notaires  au  Çhàtelet,  soussignés,  en  l'étude  de  Me  Roulard,  où  est  dé- 
posée la  minute  '. 

Il   s'agissait  :  1°  de    5,400,000    livres    de    rentes    perpétuelles; 


1.  Expédition  signée   Boulard  et  Duhamel     12  pages    parchemin).  Arch.  nat., 
II.   19o9. 


(il 8  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

2°  de  3,600,000  livres  de  rentes  viagères.  La  Ville  s'engage  à  faire 
payer  «  par  les  payeurs  des  rentes  de  ladite  Ville  »  les  arrérages  de 
six  en  six  mois  en  son  Hôtel  de  Ville,  «  ainsi  qu'il  se  pratique  poul- 
ies autres  renies  ».  A  cet  effet,  le  trésor  royal  fera  les  fonds,  dont  le 
contrat  indique  la  nature:  «  le  tout  sous  l'obligation  el  hypothèque 
des  biens  de  Sa  Majesté  ». 


EMPRUNT   DIRECT   DE   NECKER 

A  LA  CAISSE  DE  LA  VILLE 

RÉQUISITOIRE    DU    PROCUREUR    DU    Roi   ET    DE    LA    VILLE 

ET    DÉLIBÉRATION     DU     BUREAU 

13,  17,  21    SEPTEMBRE   1788)  ' 

Vu  la  lettre  écrite  par  M.  Nccker,  ministre  d'Etat  et  directeur  général  des 
finances,  à  M.  le  prévôt  des  marchands,  en  date  du  12  du  présent  mois,  et 
par  lui  remise  sur  le  bureau,  aujourd'hui  samedi  '13  septembre,  contenant 
«  que  le  roi  compte  dans  cette  circonstance  sur  l'assistance  de  sa  bonne  Ville 
de  Paris;  que  la  confiance  de  Sa  Majesté  est  bien  justifiée  par  la  connaissance 
qu'elle  a  des  sentiments  particuliers  de  M.  le  prévôt  des  marchands  et  le  dé- 
vouement fidèle  et  invariable  des  magistrats  municipaux;  que  l'état  des  caisses 
de  la  Ville  a  fait  connaître  qu'il  serait  possible  de  remettre  à  sa  disposition 
une  partie  des  fonds  qu'elles  contiennent  pour  les  besoins  du  moment;  qu'il 
désire  que  le  bureau  règle  à  vue  de  ses  travaux  commencés,  des  diverses  me- 
sures prises  par  l'administration  municipale,  de  ses  engagements  à  acquitter, 
ce  qu'elle  peut  distraire  sans  inconvénient,  sur  les  sommes  non  employées  qui 
existent,  de  fixer  le  montant  de  ce  secours,  et  pour  combien  de  temps  on  peut 
lui  en  laisser  l'usage;  qu'il  se  propose  à  cet  effet  de  prendre  l'autorisation  et 
le  bon  de  la  main  du  roi,  pour  servir  à  la  fois  de  titre  au  bureau  de  la  Ville, 
de  pièce  comptable  au  trésorier,  et  de  sûreté  pour  le  remplacement  de  ce 
fonds  ;  et  de  remettre  en  outre  dans  les  caisses  de  la  Ville  des  valeurs  à 
échéances  fixes,  avec  l'intérêt  proportionné  au  terme  de  ce  prêt  momentané; 
qu'il  ne  trouverait  également  aucun  inconvénient  à  faire  usage  du  dépôt ^des 
souscriptions  destinées  à  commencer  la  construction  des  hôpitaux,  jusqu'au 
moment  où  on  les  emploiera,  en  observant  que  ce  déplacement  serait  remis 
à  la  disposition  du  bureau  de  la  Ville,  en  totalité,  au  moment  même  où  cela 
serait  nécessaire,  ou  en  partie,  si  quelques  souscripteurs  réclamaient  provi- 
soirement leurs  fonds  sous  prétexte  du  défaut  d'activité  sur  cet  objet.  » 

Vu  la  lettre  à  nous  écrite  le  même  jour,  par  laquelle  M.  le  directeur  général 
des  finances,  en  nous  informant  des  détails  de  cette  demande,  observe  que 
«  l'union  des  fonctions  du  ministère  public,  pour  le  roi  et  pour  la  Ville,  el 
celle  de  ces  deux  intérêts  qui  ne  peuvent  être  séparés  par  la  nature  de  notre 
administration,  lui  donnent  la  certitude  que  notre  zèle  facilitera  l'arrangement 
dont  il  s'agit,  et  contribuera  à  en  accélérer  la  consommation  ». 

1.  Arch.  nat..  II.  1959. 


IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUiNTS  6J9 

Il  est  évident  que  le  premier  objet  de  la  sollicitude  et  de  l'attention  de  la 
magistrature  municipale  doit  être  de  secourir  la  chose  publique.  Ce  sentiment 
est  motivé  par  l'intimité  des  rapports  qui  existent  entre  l'administration  du 
gouvernement  et  celle  du  bureau  de  la  Ville.  11  l'est  également  par  le  devoir 
et  par  la  reconnaissance,  puisque  la  commune  tient  tous  ses  moyens,  tous  ses 
revenus,  de  la  munificence  du  roi. 

Mais  il  n'est  pas  moins  vrai  qu'il  eût  clé  à  désirer  que  les  circonstances  mal- 
heureuses produites  par  les  fautes  des  administrations  précédentes  n'eussent 
pas  donné  lieu  à  l'interruption  des  plans  utiles,  des  opérations,  et  du  régime 
sage  que  nous  commencions  à  exécuter  avec  succès,  pour  le  bien  de  la 
nôtre. 

En  effet,  quel  gage  plus  certain  de  la  prospérité  de  cette  administration 
municipale  que  des  efforts  constants  pour  atteindre  à  sa  libération,  pourvoir 
à  l'acquittement  exact  et  régulier  de  ses  engagements,  et  assurer  l'exécution 
de  toutes  les  dispositions  conçues  pour  l'embellissement  et  la  salubrité  de 
cette  capitale?  Il  reste  au  moins  à  se  féliciter  de  l'existence  des  moyens  qui  sont 
le  fruit  de  l'attention  et  de  l'économie,  puisque  dans  cette  occasion  ils  peuvent 
être  employés  utilement,  et  servir  à  offrir  un  nouvel  hommage  de  notre  dé- 
vouement à  notre  auguste  monarque. 

Cet  hommage  au  surplus  n'est  qu'anticipé;  et  dès  que  son  utilité  est  cer- 
taine, la  magistrature  municipale  se  serait  fait  un  devoir  de  le  proposer  elle- 
même,  au  milieu  de  cette  assemblée  nationale  où  les  Français  se  trouveront  à 
la  fois  au  pied  du  trône  et  dans  les  bras  d'un  père.  C'est  là  que  jaloux  de 
conserver  aux  yeux  de  l'univers  le  caractère  qui  les  distingua  dans  tous  les 
temps,  toujours  également  généreux,  braves,  animés  d'un  patriotisme  éclairé 
et  pur,  d'un  amour  inaltérable  pour  leur  souverain,  ils  sauront  préserver  la 
nation  de  l'opprobre  et  du  précipice,  en  sacrifiant,  s'il  le  faut,  corps  et  biens. 
C'est  là  que,  moins  occupés  de  s'aigrir  par  le  tableau  des  maux  qui  se  sont 
accumulés  que  du  choix  des  remèdes  les  plus  capables  de  les  adoucir,  ils  por- 
teront toutes  leurs  vues  sur  les  moyens  de  réparer  le  passé,  de  pourvoir  au 
présent,  et  de  poser  des  bases  solides  pour  la  prospérité  de  l'avenir. 

r 

Ethis  de  Gorny  ajoute  que  la  Ville,  en  acquiesçant  au  désir  de 
Necker,  se  confie  plutôt  «  à  l'homme  moral  qu'à  l'homme  d'État  ». 
Il  rappelle  que,  pour  ménager  le  crédit  de  la  Ville,  il  est  nécessaire  de 
payer  aux  termes  fixés  1rs  indemnités  allouées  aux  propriétaires  dé- 
possédés par  exécution  de  l'édit  de  septembre  1780.  Il  faut  songer 
aussi  aux  ateliers  de  charité. 

L'encaisse  nette  de  la  Ville,  au  13  septembre  1788,  était  de 
1,757,937  livres.  L'état  de  prévision  des  dépenses  pour  la  fin  de  l'an- 
née est  sommé  à  818,807  livres.  Les  fonds  libres  au  lor  janvier  178!) 
étaient  donc  de  909,130  livres.  Le  bureau  consentit  à  prêter  un  million 
à  Necker  jusqu'à  ce  terme.  Il  ne  manqua  pas  de  faire  observer  que, 
selon  les  articles  18  et  19  de  l'édit  de  septembre  1786,  la  Ville  eût  dû 
toucher  8,250,000  livres  sur  les  30  millions  destinés  aux  travaux 
publics,  Or  «  elle  n'en  o  pas  encore  consommé  quatre,  dont  1,000,000  li- 


620  IMPOSITIONS,  DROITS,  EMPRUNTS 

vres  employées  à  la  seule  dépense  du  pont.  Il  serait  difficile  sans  doute 
de  donner  une  preuve  plus  convaincante  de  sa  marche  économique  ». 
Le  copie  de  la  délibération  fut  expédiée  non  seulement  à  Necker, 
mais  au  ministre  de  Paris,  Laurent  de  Villed.euil, 


XVII 

LES  FÊTES   OFFICIELLES 
ET  L'ESPRIT  PARISIEN 


Les  documents  qui  suivent  n'ont  besoin  ni  d'un  long  avant-propos, 
ni  de  grand  commentaire.  Ils  parlent  d'eux-mêmes,  et  leur  opposi- 
tion marque  assez  le  sens  historique  qui  en  découle.  D'une  part,  les 
l'êtes  officielles,  politiques  et  religieuses  à  la  fois,  essayent  de  ranimer 
le  vieil  esprit  monarchique  et  catholique;  d'autre  part,  les  chansons, 
les  placards,  les  manifestations  de  la  rue  et  du  théâtre,  les  excès  de 
I  engouement  ou  de  la  haine  populaire,  l'indifférence  croissante  pour 
les  lois  ou  les  coutumes  de  l'Eglise,  sont  autant  de  symptômes  de 
l'esprit  révolutionnaire. 

Où  en  était  au  juste  la  foi  monarchique  à  la  veille  de  1789?  Sans 
doute  les  Parisiens  avaient  fini  par  en  vouloir  au  roi  lui-même,  mais 
comme  certains  fidèles  en  veulent  à  leurs  saints,  lorsque  ceux-ci 
trompent  leur  espérance  et  n'exaucent  pas  leur  superstitieuse  prière- 
Telle  est  l'impression  moyenne  qui  résulte  des  documents. 


I.  —  DOCUMENTS  SUR  LES  FETES 

ANALYSE  DU  l'ROCÈS- VERBAL  l)E  LA  PUBLICATION 
DE  LA  PAIX  DE  VERSAILLES  ' 

Le  lundi  25  novembre  1783,  à  7  heures  du  matin,  M.  de  Caumartin, 


1.  Arch.  nat.,  K.  1001.  Ce  carton  renferme  un  grand  nombre  de  pièces  rela- 
tives aux  Te  Deuin,  illuminations,  feux  d'artifices,  distributions  de  vivres  au 
peuple,  etc.,  qui  ont  eu  lieu  à  l'occasion  des  victoires,  prises  de  villes  ou  publi- 
cations de  paix  depuis  la  conquête  de  la  Franche-Comté  par  Tureuuc  (1674) 
jusqu'à  la  (in  de  la  guerre  d'indépendance  des  États-Unis  (1183). 


(522  LES  FÊTES  OFFICIELLES 

prévôt  des  marchands,  se  rend  à  IMIûtel  de  Ville,  au  petit  bureau.  Il 
est  accompagné  des  quatre  échevins,  du  procureur  et  avocat  du  roi, 
du  greffier,  du  receveur  de  la  Ville,  de  six  conseillers  du  roi  en  l'Hôtel 
de  Ville,  et  de  quatre  quartiniers.  Tous  sont  eu  robes  de  cérémonie. 
Précédés  des  dix  huissiers  audienciers,  ils  se  rendent  dans  la  chambre 
des  audiences  et  prennent  leurs  places  ordinaires.  Vers  8  heures  et 
quart,  le  maître  des  cérémonies,  M.  de  Nantouillet,  se  présente,  et  il 
est  introduit  avec  cérémonie  dans  la  chambre  des  audiences.  Il  remet 
entre  les  mains  du  prévôt  une  lettre  close  du  cachet  ordinaire  du 
roi  et  une  ordonnance  de  Sa  Majesté.  Le  greffier  de  la  Ville  en  l'ait 
lecture,  les  deux  battants  de  la  porte  demeurant  ouverts.  Aux  mots 
«  de  par  le  roi  »,  le  maître  des  cérémonies,  le  prévôt,  le  procureur  et 
le  receveur  se  découvrent. 

L'ordonnance  annonçant  la  paix  est  contresignée  Gravier  de  Ver- 
gennes.  Il  est  observé  que  cette  ordonnance  aurait  dû  être  contresi- 
gnée de  M.  A.mclot,  comme  ministre  ayant  le  département  de  Paris; 
mais  qu'étant  grièvement  malade,  M.  de  Vergennes  a  signé  en  son 
lieu  et  place. 

Le  corps  de  Ville  rend  ensuite  son  ordonnance  pour  la  publication 
de  la  paix. 

Le  roi  d'armes,  précédé  de  six  de  ses  compagnons  hérauts  d'armes 
de  France,  et  de  trompettes,  litres,  tambours,  hautbois  et  cromornes, 
arrive  ensuite  à  l'Hôtel  de  Ville.  11  se  place  seul  et  debout  dans  le 
barreau,  vis-à-vis  du  prévôt  des  marchands,  et  ses  compagnons  les 
hérauts  sont  rangés  derrière  le  barreau  sur  une  même  ligne. 

11  dit  :  «Nous  sommes  venus  ici  pour  vous  prendre,  Monsieur  et  le  corps 
de  Ville,  de  la  part  du  roi,  pour  nous  assister  ainsi  qu'il  est  accoutumé,  à  la 
publication  que  nous  devons  l'aire  cejourd'hui  par  ordre  de  Sa  Majesté  en  votre 
présence  et  celle  de  MM.  du  Chàtelet,  de  la  paix  conclue  entre  Sa  Majesté  et  le 
roi  d'Angleterre,  électeur  de  Hanovre.  » 

Le  prévôt  des  marchands  envoie  ensuite  prévenir  MM.  du  Chà- 
telet, en  portant  la  parole  à  M.  le  lieutenant  général  de  police,  que 
le  corps  de  Ville  est  prêt  à  les  recevoir.  Les  officiers  du  Chàtelet 
viennent  dans  l'ordre  suivant  :  quinze  inspecteurs  et  sous-inspecteurs 
de  police  —  le  guet  à  pied  —  le  chevalier  du  guet,  commandant  de 
la  garde  de  Paris,  à  la  tète  du  guet  à  cheval  —  les  huissiers  à  verge 
—  ceux  à  cheval  —  neuf  huissiers  audienciers  avec  le  greffier  de  la 
chambre  de  police. —  le  premier  huissier  audiencier  seul — -le  greffier 
en  chef — le  lieutenant  général  de  police  ayant  à  sa  gauche  le  lieute- 
nant criminel —  le  premier  et  le  second  lieutenants  particuliers  —  les 


ET  L'ESPRIT  PARISIEN 


0*23 


conseillers — le  procureur  du  roi— six  des  commissaires  au  Châtelet. 

Quelques  jours  avant  la  cérémonie,  M.  le  chevalier  Dubois  était  venu  au 
bureau  observer  que  lors  de  la  publication  de  paix  de  1749  on  avait  fait  quitter 
à  M.  de  Roquemont,  commandant  de  la  garde  de  Paris,  et  qui  avait  obtenu 
du  roi  de  jouir  ce  jour-là  des  honneurs  de  la  place  de  chevalier  du  guet,  son 
bâton  de  commandement,  quoiqu'il  n'eût  pas  dû  le  quitter  en  cette  dernière 
qualité;  qu'ayant  senti  la  faute  qu'il  avait  faite  et  pour  éviter  toute  difficulté, 
il  n'assista  pas  ni  ses  gardes  à  la  publication  de  1703;  que  lui,  chevalier 
Dubois,  étant  chevalier  du  guet  en  litre,  ne  croyait  pas  devoir  quitter  son 
bâton  décommandant  dans  l'Hôtel  de  Ville,  d'autant  qu'en  cette  qualité  il  le 
conserve  chez  le  roi  en  présence  de  tous  les  officiers  de  sa  maison  et  à  Notre- 
Dame  dans  le  chœur  même  ainsi  que  nous  l'avons  pu  voir  nous-mêmes  lors 
des  pompes  funèbres  au  Te  Deum.  et  qu'en  conséquence  il  était  venu  pour 
nous  faire  part  de  sa  prétention  et  prévenir  toute  difficulté,  et  qu'il  nous  priait 
d'être  persuadés  que  par  là  il  ne  prétendait  s'arroger  aucun  droit  de  comman- 
dement dans  l'Hôtel  de  Ville,  mais  seulement  conserver  les  honneurs  de  sa 
charge.  Le  corps  de  Ville  lui  accorda  sa  demande,  sans  conséquence  «  dans  le 
cas  où  on  pourrait  justifier  par  un  autre  exemple  que  celui  du  sieur  de  Roque- 
mont  que  le  chevalier  du  guet  ne  doit  point  entrer  à  l'Hôtel  de  Ville  avec  son 
bâton  de  commandement  ». 

Voici  le  tableau  figuré  de  la  laide  du  festin  donné  à  l'Hôtel  de  Ville. 

Lieutenant  général  de  police.  A  A'  Prévôt  des  marchands. 


Lieutenant  criminel. 
lorlieuten.  particulier. 

9e         


Les  six  plus  anciens 
Conseillers  au  Châte- 
let par  ordre  d'an- 
cienneté. 

Le  Procureur  du  roi  au 

Châtelet. 
Le  Chevalier  du  guet. 
Le    plus    ancien    des 

Commissaires. 
Le  Greffier  en  chef  du 

•Châtelet. 
Les  cinq  plus  anciens 

Commissaires  au 

Châtelet,    après    le 

premier    par    ordre 

d'ancienneté. 


1er  Ëchevin. 

2e  

3°        — 

4°        — 


1  Procureur    et    avocat 


du  Roi  et  delà  Ville. 
Greffier  en  chef. 
Receveur. 


Les  six  plus  anciens 
des  Conseillers  de  la 
Ville  par  ordre  d'an- 
cienneté. 


Les  quatre  plus  anciens 
des  Quartiniers,  par 
ordre  d'ancienneté. 

V  \  Le  Capitaine  général, 
colonel  des  quatre 
compagnies  (Gardes 
de  la  Ville). 


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624  LES  FÊTES  OFFICIELLES 

Les  saules  lurent  portées  à  intervalles  réglés,  par  le  prévôt  des 
marchands,  dans  Tordre  suivant  :  1°  celle  du  secrétaire  d'Etat  de 
Paris  ;  2°  celle  du  gouverneur  de  Paris  ;  3°  celles  des  princesses,  de 
leurs  enfants,  et  des  princes  du  sanji';  4°  celles  du  dauphin  et  de  la 
dauphine;  5°  celles  du  roi  et  de  la  reine. 

ORDONNANCE  du  prévôt  des  marchands  Caumartin,  pour  la  publication  de 
la  paix  et  son  affichage  «  sur  les  ports,  ponts,  passages  et  autres  lieux  de  notre 
juridiction,  à  la  diligence  des  huissiers-audienciers  et  commissaires  de  police 
de  l'Hôtel  de  cette  ville,  et  des  maîtres  des  ponts1  ». 

Pour  les  publications,  le  cortège  des  officiers  de  l'Hôtel  de  Ville  et 
du  Chàtelet,  parti  de  l'Hôtel  de  Ville,  s'arrête  successivement  :  1°  au 
Carrousel;  2°  cour  du  Palais,  vis-à-vis  le  mai;  3°  devant  l'Hôtel  de 
Ville;  4°  devant  le  Grand  Chàtelet;  5°  sur  le  Pont-Neuf,  vis-à-vis  la 
statue  équestre  de  Henri  IV;  6°  à  la  Croix  du  Trahoir;  7"  à  la  Halle, 
vis-à-vis  le  pilori;  8n  place  des  Victoires;  0°  place  de  Louis-le-Grand ; 
10°  place  de  Louis  XV;  11°  place  du  pont  Saint-Michel;  12°  place 
Maubert,  13°  place  Royale;  14°  place  Baudoyer. 

Rentrée  à  l'Hôtel  de  Ville. 


EXTRAIT    ET    ANALYSE 

DE  L'AFFICHE  ANNONÇANT  LE  TE  DEJJM 

POUR  LA  PAIX  DE  VERSAILLES 

DE    PAR   LES    PRÉVÔT    DES    MARCHANDS    ET    ÉCI1EVINS 

DE    LA     VILLE     DE    PARIS  2 

Avis  au  public 

Le  Te  Deum  en  actions  de  grâces  pour  la  paix  et  les  fêtes  préparées  par  la 
Ville  auront  lieu  dimanche  prochain  1  i  décembre  1783. 

DÉTAIL  DES  FÊTES. 

Tocsin  de  l'Hôtel  de  Ville,  depuis  sept  heures  du  malin  jusqu'au  soir.  — 
Décharge  d'artillerie  à  7  heures  du  matin.  —  Autre  décharge  au  Sanctus  du  Te 
Deum.  —  Lnc  heure  avant  le  feu  d'artifice,  un  coup  de  canon  annoncera  que 
les  voitures  ne  pourront  plus  arriver,  par  aucune  issue,  à  la  place  de  l'Hôtcl- 
de-Ville.  —  Feu  d'artifice,  accompagné  de  l'artillerie,  à  6  heures. 


L  Arch.  nal.,  K.  1001.  —  25  nov.  1783. 
if  Arch.  nal.,  K.    1001. 


ET  L'ESPRIT  PARISIEN  62o 

Distributions  au  peuple  :  dix-neuf  sont  indiquées  à  dix-huit  emplace- 
ments. On  mentionne  celles  du  greffier  de  la  ville,  du  receveur,  du 
duc  de  Brissac,  gouverneur  de  Paris,  du  baron  de  Breteuil,  du  prévôt 
des  marchands,  de  chacun  des  quatre  échevins,  et  du  procureur  du 
roi  et  de  la  Ville.  —  L'heure  ordinaire  est  H  heures  du  soir.  —  Or- 
chestres garnis  de  musiciens. 

De  plus,  à  la  nouvelle  Halle  (aux  blés),  une  seule  distribution  des 
deux  buffets  et  des  deux  fontaines  en  même  temps  à  o  heures.  ■ — 
Nombreux  orchestre  au  centre.  —  Illuminations. 

DESCRIPTION  DU  FEU  D'ARTIFICE 

ORDONNÉ    PAR   MM.    LES    PRÉVÔT    DES    MARCHANDS    ET    ÉCHEVINS 

DE    LA    VILLE    DE    l'A  RIS 

POUR    CÉLÉBRER    LA    PAIX    DE    VERSAILLES  ' 

...  C'est  surtout  dans  la  Halle  aux  blés,  qui  vient  d'être  couverte  d'une  ma- 
nière si  ingénieuse  par  MM.  Le  Grand  et  Molinos,  que  le  peuple  pourra  se 
rassembler.  Les  distributions  de  pain,  vin  et  comestibles  y  seront  abondantes; 
un  grand  et  nombreux  orchestre,  posé  au  point  central,  procurera  les  moyens 
de  danser  dans  toute  l'étendue  de  son  intérieur*,  qui  sera  éclairé  par  plus  de 
six  mille  lumières  placées  et  distribuées  jusque  dans  la  coupole... 

FÊTE  ANNIVERSAIRE 

DE  LA  RÉDUCTION  DE  PARIS  SOUS  L'OBÉISSANCE  DU  Roi  HENRI  IV 

LETTRE  DE  CACHET  AU  PARLEMENT 

De  PAU  LE  KOY, 

Nos  amés  et  féaux,  notre  bonne  ville  de  Paris  étant  obligée  de  s'acquitter 
dignement  du  vœu  qu'elle  a  t'ait  à  Dieu  d'une  procession  générale  le  22  mars 
de  chaque  année,  en  reconnaissance  des  grâces  particulières  qu'elle  a  reçues 
à  pareil  jour,  et  qui  a  été  remise  attendu  la  quinzaine  de  Pâques,  nous  vous 
mandons  et  ordonnons  que,  sans  assister  à  ladite  procession,  vous  ayez  seule- 
ment à  vous  trouver  en  corps  de  cour  et  en  l'ordre  accoutumé  en  l'église  du 
grand  couvent  des  Auguslins  à  l'heure  que  vous  indiquera  le  grand  maître  ou 
le  maître  des  cérémonies,  pour  entendre  la  messe  qui  y  sera  célébrée,  après 
laquelle  nous  voulons  que,  pour  éviter  toute  confusion,  vous  ayez  à  sortir  par 
la  porte  d'en  bas  du  chœur,  ainsi  qu'il  a  été  observé  les  années  précédentes. 


1.  Pièce  in-4',  4  pages  (Lottin  aine).—  La  description  est  anticipée,  car  le  per- 
mis d'imprimer,  distribuer  et  colporter  est  du  3  décembre  et  la  tète  du  14. 

2.  Ce  vaisseau,  qui  a  la  même  dimension  que  le  dôme  de  l'église  de  Saint- 
Pierre  de  Rome,  a  cent  pieds  de  diamètre,  trois  cents  de  circonférence  et  cent 
d'élévation.  Il  est  percé  de  vingt-cinq  portigues.  (Note  de  la  Description.) 

40 


G2G  LES  FÊTES  OFFICIELLES 

Si  n'y  faites  faute.  Car  tel  est  notre  plaisir.  Donné  à  Versailles  le  8  mars 
'1789* 

Signé  :  Louis. 
Et  plus  bas  :  Le  Baron  nrc  Breteuil1. 


PROCÈS-VERBAL   DE   LA    CEREMONIE 

Monsieur  le  président  Molé.  Messieurs  Le  Riche,  Clément  de  Verneuil,  Clé- 
ment de  Blavette,  conseillers.  M.  Guyot  de  Chenizot,  maître  des  requêtes.  — 
Messieurs  conseillers  des  enquêtes  et  requêtes  Fagnier,  Bodkin,  Boissel,  Sa- 
lamon,  Sentier,  Paris,  Agard,  Blondel,  Esmangart,  Sallier,  Barrême,  Le  Roy, 
Quatrefages,  d'Aligre.  — MM.  Cli.  Henry  d'Ambray,  avocat  du  roi;  François- 
Louis  Dufranc,  secrétaire  de  la  Cour;  François  Bernard,  premier  huissier. 

Ce  jour,  Messieurs  les  Président,  conseillers  et  autres  officiers  ci-dessus 
nommés,  en  robes  rouges  et  chaperons  fourrés  (Monsieur  le  président  ayant 
été  prendre  sa  robe  rouge  à  la  buvette),  assemblés  en  la  grand'chambre  pour 
se  rendre,  conformément  aux  ordres  du  roi  et  à  l'arrêté  de  la  Cour  du  20  de 
ce  mois,  en  l'église  du  couvent  des  Grands-Auguslins,  et  y  assister  à  la  messe 
et  aux  prières  qui  y  seront  dites  en  actions  de  grâces  de  l'heureuse  réduction 
de  cette  ville  de  Paris  sous  l'obéissance  d'Henri  IV,  ayant  été  avertis  vers  les 
dix  heures  et  demie  que  la  Ville  était  passée  pour  se  rendre  à  Notre-Dame, 
ont  à  l'instant  pris  place,  et  les  gens  du  roi  ont  été  mandés;  eux  entrés  et 
placés,  Messieurs  se  sont  levés  et  sont  partis  en  corps  de  Cour,  les  huissiers 
marchant  devant  eux,  et  frappant  de  leurs  baguettes;  et  après  eux,  le  secré- 
taire de  la  Cour,  le  premier  huissier  marchant  immédiatement  devant  la  per- 
sonne de  M.  le  président,  qui  avait  à  sa  gauche  M.  Guyot,  maître  des  requêtes, 
derrière  lui  MM.  les  conseillers  de  la  grand'chambre  par  ordre  de  réception 
ainsi  que  MM.  les  conseillers  des  enquêtes  et  requêtes  qui  les  suivaient;  après 
lesquels  marchait  l'avocat  général,  précédé  d'un  huissier.  En  cet  ordre  Mes- 
sieurs ont  passé  par  le  parquet  des  huissiers  et  ont  traversé  la  grande  salle 
du  Palais,  des  archers  de  la  Ville  qu'ils  ont  trouvés  à  la  porte  extérieure  dudit 
parquet  des  huissiers  marchant  devant  la  compagnie  et  la  côloyant;  sont  des- 
cendus par  le  grand  escalier  de  la  cour  du  mai,  sont  sortis  par  la  grille  du 
milieu  de  ladite  cour  et  ont  été  toujours  dans  le  même  ordre  et  accompagnés 
desdits  archers  de  la  ville,  par  la  rue  de  la  Barillerie,  par-dessus  le  pont  Saint- 
Michel,  et  par  le  quai  des  Augustins  en  ladite  église  du  couvent  des  Grands- 
Auguslins  ;  lorsqu'ils  y  sont  arrivés,  les  cloches  ont  sonné,  et  les  religieux  qui 
étaient  venus  pour  les  recevoir  et  qu'ils  ont  trouvés  en  dedans  de  l'église,  à  sa 


1.  Arch.  nal.,  X  In  8990.  —  Voyez  aussi  K.  1004,  nos  15,  19.  —  La  procession, 
la  messe  et  la  cérémonie  anniversaires  de  la  réduction  de  Paris  en  l'obéissance 
du  roi  Henri  IV  réunissaient^  eu  principe,  le  corps  de  Ville,  le  Parlement,  la 
Chambre  des  comptes  et  la  Cour  îles  aides.  La  Ville  fait  les  invitations.  Le  roi 
dispense  en  général  les  Cours  souveraines  de  la  procession.  Le  corps  de  Ville 
prend  le  clergé  de  Notre-Dame  après  la  messe  de  la  métropole.  On  se  rend  aux 
Grauds-Augustins,  où  la  messe  d'actions  de  grâces  est  célébrée.  On  dine  aux 
Chartreux.  —  Lorsque  le  -22  mars  tombait  dans  la  semaine  sainte,  la  cérémonie 
était  remise  au  vendredi  suivant  le  dimanche  de  Quashuodo. 


ET  L'ESPRIT  PARISIEN  G27 

principale  porte,  ont  encensé  monsieur  le  président  et  lui  ont  présenté  de 
l'eau  bénite,  ainsi  qu'à  tous  messieurs,  et  à  monsieur  l'avocat  général,  laquelle 
eau  bénite  ils  avaient  également  présentée  au  secrétaire  de  la  Cour  et  au  pre- 
mier huissier  à  leur  entrée  dans  ladite  église.  Et  au  premier  pilier  étaient  le 
grand  maître,  le  maître  et  l'aide  des  cérémonies,  qui,  s'étant  avancés  vers 
monsieur  le  président,  se  sont  placés  à  côté  de  lui,  après  avoir  fait  les  révé- 
rences ordinaires,  le  grand  maître  à  sa  droite  et  le  maître  et  l'aide  à  sa  gauche, 
et  ont  conduit  la  compagnie  dans,  le  chœur,  laquelle  s'y  est  placée  suivant 
l'usage  ordinaire,  aux  hautes  stalles  à  droite,  monsieur  ic  président  dans  la 
première   à  côté  de  la  grande  porte;  après  lui,  monsieur  Guyot,  maître  des 
requêtes,  et  ensuite  messieurs  les  conseillers  de  grand'  chambre  et  des  en- 
quêtes et  requêtes,  par  ordre  de  réception;  et  dans  les  basses  stalles  monsieur 
l'avocat  général,  vis-à-vis  celle  où  était  placé  monsieur  le  président,  à  côté  de 
lui  M°  François-Louis  Dufranc,   secrétaire  de  la  Cour,   et  ensuite  le  premier 
huissier  et  les  huissiers  de  la  Cour.  Les  autres  compagnies  venues  ensuite  et 
placées  aussi  à  l'ordinaire,  et  la  procession  de  l'Église  de  Paris  arrivée,  suivie 
des  officiers  de  la  Ville,  la  messe  et  les  prières  en  actions  de  grâces  de  l'heu- 
reuse réduction  de  celle  ville  de  Paris  sous  l'obéissance  du  roi  Henri  IV  ont 
élé  dites,  auxquelles  la  compagnie  a  assisté,  ainsi  qu'il  est  d'usage;  après 
lesquelles  la  procession  de  l'Église  de  Paris  sortie  dans  le  même  ordre  où  elle 
était  entrée,  suivie  des  officiers  de  la  Ville,  Messieurs  se  sont  levés,  sont  sortis 
par  la  grille  du  chœur  donnant  dans  la  nef,  par  laquelle  ils  étaient  entrés,  et 
ont  été  en  corps  de  Cour  jusqu'à  la  grande  porte  de  l'église  où  chacun  s'est 
séparé. 

Vu  :  Mole  de  Champlatreux'. 


LE  DINER  CHEZ  LES  CHARTREUX        .     . 

En  1789,  le  dîner  traditionnel  chez  les  Chartreux  fut  converti,  sur 
le  vœu  de  la  Ville,  en  une  aumône  de  1,000  livres  donnée  par  les  Char- 
treux, afin  de  délivrer  les  prisonniers  pour  mois  de  nourrice.  C'est 
une  lettre  de  l'archevêque  de  Paris,  de  Juigné,  au  prieur  des  Char- 
treux, Félix  de  Nouant,  qui  avait  amené  la  délibération  du  bureau  de 
la  Ville  à  ce  sujet  (17,  mars  1789).  Voici  cette  lettre,  d'après  une  copie 
certifiée  conforme  par  le  destinataire. 

Paris,  ce  5  mars  1789. 

Je  sais,  mon  révérend  père,  que  votre  maison  est  dans  l'usage  de  donner 
tous  les  ans  deux  repas  somptueux,  l'un  à  la  Ville  et  l'autre  à  MM.  les  fer- 
miers généraux.  Je  sais  aussi  que  feu  M.  de  Bcaumont  avait  représenté  à 
votre  prédécesseur  que  ces  repas,  surtout  en  carême,  donnaient  lieu  à  de 
mauvais  propos  dans  une  maison  de  pénitence;  indépendamment  de -ces  mo- 
tifs,je  crois  devoir  également  vous  représenter  que,  dans  le  temps  de  calamité 
où  nous  sommes,  il  me  paraîtrait  plus  à  propos  d'employer  en  bonnes  œuvres 

I.  Minute  du  23  mars  1789,  du  matin  (X  U8990i. 


628  LES  FETES  OFFICIELLES 

l'argent  qu'il  en  coule  pour  ces  repas  ;  d'après  la  connaissance  que  j'ai  des 
sentiments  de  religion,  de  charité  et  de  bienfaisance  qui  animent  M.  le  prévôt 
des  marchands  et  tous  les  membres  du  corps  de  Ville  ainsi  que  MM.  les  fer- 
miers-généraux, je  suis  persuade  que  ces  messieurs  ne  se  refuseraient  pas  à 
la  proposition  que  vous  leur  feriez,  de  changer  en  une  bonne  œuvre  les  repas 
dont  il  s'agit.  Vous  les  assureriez  en  même  temps  que  cette  bonne  œuvre  ne 
diminuerait  rien  sur  vos  aumônes  ordinaires  Vous  pourriez  aussi  prier  ces 
messieurs  de  faire  mettre  dans  le  journal  de  Paris  que  M.  le  prévôt  des  mar- 
chands cl  le  corps  de  Ville,  à  qui  les  RK.  PP.  Charlreux  donnaient  ious  les. 
ans  un  grand  repas,  ont  proposé  à  ces  révérends  pères  de  changer  en  une 
bonne  œuvre  la  dépense  occasionnée  par  ce  repas,  ce  qu'ils  ont  fait  en  en- 
voyant cent  pistolcs  pour  la  délivrance  des  prisonniers.  On  pourrait  remettre 
cctlc  somme  à  la  Société  philanthropique,  si  ces  messieurs  le  jugeaient  à 
propos.  Quant  au  repas  de  MM.  les  fermiers  généraux,  vous  pourriez  destiner 
une  somme  de  1 ,200  livres  pour  le  même  usage,  cl  faire  insérer  également 
dans  quelques  papiers  publics  ce  qui  a  été  fait  à  cet  égard.  Au  surplus,  mon 
révérend  père,  c'est  de  ma  part  une  idée  qui  me  parail  avoir  le  bien  pour 
objet,  et  vous  ne  sauriez  rien  faire  de  mieux  que  de  vous  en  rapporter  à  ce 
que  ces  messieurs  décideront. 

Vous  connaissez  la  sincérité  des  sentiments  avec  lesquels  je  suis,  mon  révé- 
rend père,  votre  très  humide  et  très  obéissant  serviteur.  Signé  ■  Ant.-É.  L., 
archevêque  de  Paris  \ 

AUTRES  FÊTES  POLITIQUES  ANNUELLES 

Outre  les  fêtes  nombreuses  dans  lesquelles  domine  le  caractère 
religieux  (comme  celle  de  sainte  Geneviève,  patronne  de  Paris),  et  les 
fêtes  de  circonstance  [Te  Deum  pour  les  victoires  remportées,  publi- 
cations de  paix),  il  y  a  deux  fêtes  essentiellement  monarchiques  dont 
la  célébration  annuelle  remonte  à  Louis  XIII. 

La  première  est  la  procession  du  jour  de  l'Assomption,  commémo- 
rative  du  vœu  de  Louis  XIII,  qui  mit  son  royaume  sous  la  protection 
de  la  sainte  Vierge,  en  1(>3S.  Au  XVIII"  siècle,  les  rues  par  où  la  pro- 
cession passe  sont  tapissées  suivant  l'ordonnance  du  lieutenant  général 
de  police,  et  les  coins  des  rues  gardés  par  le  guet  ou  par  les  gardes 
de  la  ville.  Le  quartinier  de  la  Cité  a  un  mandement  pour  faire  tendre 
les  chaînes,  «  mais  cela  ne  subsiste  plus  »  2. 

1.  Arch.  nat.,  K.  1005,  pièce  annexée  à  la  délibération  du  17  mars  1780. 

2.  Arch.  nat.,  K.  1004,  iv*  22,  20,  34.  --  A  la  procession  du  i.'i  août  1788,  dit 
Hardy  à  celle  date,  on  vit.  ce  qui  n'était  pas  encore  arrivé  depuis  1638,  époque 
du  vœu  «le  Louis  XI11 ,  les  cours  souveraines,  suspendues  ou  supprimées  en 
partie,  ne  point  assister  à  la  procession. Mais  les  prévôt  des  marchands  et  éche- 
yins,  et  les  autres  officiers  du  corps  de  Ville,  seuls  assistants,  «  avaient  très 
soigneusement  observé  de  s'y  placer  un  à  un  du  côté  gauche,  tandis  que  tout  le 
côté  droit  se  trouvait  occupé  par  un  rang  de  soldats  de  la  compagnie  des  gardes 
de  la  Ville  ». 


ET  L'ESPRIT  PARISIEN  i>29 

La  seconde  est  la  fête  <le  saint  Louis.  Le  25  août,  les  Carmes  font 
aux  Tuileries  une  procession  à  laquelle  ils  invitent  la  Ville.  Ils  pré- 
sentent «  à  chacun  de  messieurs  un  bouquet  et  un  morceau  de  pain 
bénit,  ainsi  qu'au  greffier  »,  Dans  le  trajet  de  la  place  Maubert  aux 
Tuileries,  on  s'arrête  rue  de  la  Ferronnerie,  à  l'endroit  où  tomba 
Henri  IV,  afin  de  «lire  le  De  prof  un  dis  '.  Le  jour  de  la  Saint-Louis  est 
le  seul  où  le  jardin  des  Tuileries  soit  ouvert  aux  gens  mal  vêtus  2  ;  il 
en  était  de  même  du  Luxembourg,  du  Jardin  du  roi,  de  la  place 
Royale  5. 

Les  fêtes  publiques,  quelles  qu'elles  soient,  ont  un  caractère  obli- 
gatoire, et  doivent  être  chômées. 

t.  -  AFFICHE  de  la  Ville  (30  août  1713)+. 

De  par  les  prévôt  des  marchands  et  échevins  de  la  ville  de  Paris, 
11  est  enjoint.,  ouï  et  ce  requérant  le  procureur  du  roi  et  de  la  Ville,  à  tous 
bourgeois  et  habitants  de  celle  ville  et  faubourgs,  en  exécution  des  ordres  de 
Sa  Majesté,  de  faire  demain  jeudi  trente-un  du  présent  mois,  huit  à  neuf 
heures  du  soir,  des  feux  au-devant  des  portes  de  leurs  maisons,  pour  marque 
de  réjouissance  publique,  à  cause  de  la  prise  de  Landau,  à  peine  de  dix  livres 
d'amende  contre  chacun  des  contrevenants.., 

BlGNON. 

En  exécution  de  la  lettre  du  roi  du  28  août  1713,  donnée  à  Marly  et 
contresignée  Phélypeaux. 

2.  —  ORDONNANCE  concernant  les  illuminations  (du  5  déc.  1783)  5. 

Il  est  enjoint,  ouï  et  ce  requérant  le  procureur  du  roi  et  de  la  Ville,  en  exé- 
cution des  ordres  du  roi,  et  de  l'arrêt  de  la  cour,  à  tous  bourgeois  et  habitants 
de  cette  ville,  de  faire  des  illuminations  aux  façades  de  leurs  maisons,  di- 
manche prochain,  sept  du  présent  mois,  jour  auquel  Sa  Majesté  a  ordonné 
que  le  Te  Deum  soit  chanté  dans  l'église  métropolitaine  de  cette  ville,  en 
action  de  grâces  de  la  paix. 

Il  est.  mandé  aux  quartiniers  et  huissiers-audienciers  et  commissaires  de 
police  de  l'hôtel  de  cette  ville,  de  tenir  la  main  à  l'exécution  des  présentes,  qui 
seront  lues,  publiées  et  affichées  partout  où  besoin  sera,  et  exécutées  nonob- 
stant   opposition   ou   appellation   quelconques,    et  sans   préjudice    d'icelles. 

1.  Arch.  nat.,  K.  1004,  n°  24. 

2.  Jèze,  censeur  royal,  auteur  de  l'État  de  l'aris  (lf60),  croit  devoir  excuser  le 
roi  de  cette  condescendance  dont  les  honnêtes  gens  se  plaignaient.  Il  écrit  (par- 
tie III,  p.  15)  :  «  11  es!  juste  que  la  maison  du  l'ère  commun  des  citoyens  soit, 
le  jour  de  sa  fête,  ouverte  à  tout  son  peuple.  » 

3.  On  redoutait  les  rassemblements  illicites;  c'est  le  duc  d'Orléans  qui,  le  pre- 
mier, leur  donna  un  asile  au  Palais-Royal. 

4.  Arch.  nat.,  K.  1002. 
3.  Arch.  nat,  K.  1001, 


G30  LES  FÊTES  OFFICIELLES 

Fait  au  bureau  de  la  Ville,    le  5  décembre  1783.   Caumartin   (et  les  quatre 
échevins). 


BOURSE  DE  CENT  JETONS 

PRÉSENTÉE  AU   ROI   PAR   LA   VILLE,    LE   lcv   JANVIER 

L'usage  ancien  était  de  présenter  une  bourse  de  cent  jetons  d'or  '. 
Turgot  et  La  Vrillière  se  firent  adresser  des  lettres  par  le  prévôt  des 
marchands  La  Michodière,  afin  qu'en  1775  les  cent  jetons  d'or 
fussent  remplacés  par  cent  jetons  d'argent. 

Lettre  de  La  Michodière  au  duc  de  La  Vrillière 

21    SEPTEMBRE   1770 

Monsieur, 

Vous  vous  rappelez  sans  doute  qu'au  mois  de  janvier  1766,  année  cinquan- 
tenaire du  règne  du  feu  roi,  le  bureau  de  la  Ville,  voulant  témoigner  à  Sa 
Majesté  le  respect  et  l'attachement  du  corps  de  Ville  pour  sa  personne,  lui  a 
demandé  la  permission  de  lui  offrir  une  bourse  de  jetons  d'or...  Depuis  ce 
temps  la  bourse  de  jetons  d'or  lui  a  été  présentée  toutes  les  années...  Vous 
savez  que  les  finances  de  la  Ville  sont  épuisées  par  les  dépenses  des  différents 
établissements  qui  ont  été  commencés  sous  le  règne  du  feu  roi,  et  qu'il  y  a 
un  grand  nombre  de  dettes  arriérées  que  je  ne  puis  payer  faute  de  fonds  2... 

Lettre  analogue  à  Turgot,  29  septembre  1774. 

Réponses  favorables  de  La  Vrillière,  29  septembre  1774,  et  de  Turgot, 

7  octobre. 

PAINS  BÉNITS 

Tous  les  sept  ans,  la  Ville  rend  les  pains  bénits  à  l'hôpital  du  Saint- 
Esprit,  le  jour  de  la  Pentecôte  ;  tous  les  cinq  ans,  la  même  céré- 
monie a  lieu  à  la  chapelle  des  Tuileries  ;  tous  les  trois  ans  à  Saint- 
Jean-en-Grève,  paroisse  de  l'Hôtel-de-Ville,  le  jour  de  Pâques  ;  tous 
les  ans,  à  la  chapelle  du  Louvre,  pour  la  Saint-Louis,  fête  du  roi. 

FEUX  DE  LA  SAINT-JEAN 

En  voici  une  description,  qui  se  rapporte  au  23  juin  1745  : 

i.  La  dépense  était  de  7,000  livres.  —  Le  1"  janvier  177"),  le  prévôt  des  mar- 
chands présenta  une  bourse  de  cent  jetons  d'argent.  —  Voir,  au  musée  Carna- 
valet, des  spécimens  de  ces  jetons  et  de  ces  bourses. 

2.  Arch.  nat.,  K.  1000,  n<>  112.  Reg.  f"  74  v°. 


ET  L'ESPRIT  PARISIEN  031 

Messieurs  étaient  ornés  de  leurs  bandolières  de  tleurs,  bracelets  et  bou- 
quets, dont  celles  de  M.  le  prévôt  des  marchands  étaient  blanches,  et  les 
autres  de  tleurs  mêlées,  et  noués  aux  deux  bouts  par  de  larges  rubans  bleus 
moirés.  Ils  tirent  trois  tours  de  la  place  autour  du  l'eu  de  bois  où  était  un 
arbre  au  milieu.  Au  troisième  tour  le  juré  mouleur  de  bois  présenta  le  flam- 
beau à  M.  le  prévôt  des  marchands  qui  mit  le  l'eu  au  bûcher  et  Messieurs  en 
firent  de  même  avec  les  flambeaux  que  leurs  gens  de  livrée  leur  présentèrcnl. 

Il  y  a  eu  deux  différentes  ordonnances  pour  la  construction  des  échafauds, 
une  pour  la  sûreté  des  marchandises  dans  le  port,  un  marché  de  700  livres 
pour  la  peinture  du  feu,  et  un  marché  de  2,200  livres  pour  l'artifice,  et  un 
élat  de  collalion  '. 


COLLATIONS 

§ 

Les  états  de  collations  pour  la  Saint-Jean  s'élèvent  en  général  à 
3,400  livres  environ.  Voici,  à  titre  d'exemple,  l'analyse  d'un  État  des 
collations  fournies  à  l'Hôtel  de  Ville  do  Paris,  lorsque  le  feu  d'artifice 
a  été  tiré  devant  V Hôtel  de  Ville  la  veille  de  la  fête  de  saint  Jean- 
Baptiste  en  1724  (date  de  l'état,  27  juin] 2. 

Le  total  est  de  3,387  livres,  sur  lesquelles  : 

400  livres  sont  attribuées  au  gouverneur  de  Paris, 

400  au  prévôt  des  marchands, 

300  au  premier  échevin, 

600  aux  trois  autres  échevins, 

200  au  procureur  du  roi, 

100  à  l'avocat  du  roi, 

400  aux  grefliers  et  au  receveur, 

300  aux  conseillers  de  ville, 

200  aux  quartiniers, 


2,900  livres. 

Les  487  livres  restantes  sont  réparties  par  petites  sommes  de 
25  livres  à  6  livres  entre  les  autres  officiers  de  la  Ville  (vingt  et  un 
articles).  Cette  dépense,  qui  se  renouvelait  à  toutes  les  fêtes  ordinaires 
ou  accidentelles  (victoires,  prises  de  villes,  célébrations  de  paix,  pro- 
cessions des  reliques,  etc.),  était  réglée  par  le  receveur  des  domaines, 
dons,  octrois  et  fortifications  de  la  ville. 

Il  y  a  aussi  des  demi-collations  (1,500  à  1,700  livres). 


1.  K.  1004,  iio  s. 

2.  Arch.  nat.,  K.  1003. 


632  LES  FÊTES  OFFICIELLES 

LITS  DE  JUSTICE  A  PARIS 

Lorsque  le  roi  vient  à  Paris  tenir  son  lit  de  justice,  les  canons  de 
la  Bastille  et  des  Invalides  saluent  son  entrée  et  sa  sortie.  Quant  à 
ceux  de  la  Ville,  il  n'est  pas  d'usage  qu'ils  tirent  pour  cette  céré- 
monie ;  les  mes  où  le  roi  doit  passer  sont  sablées,  et  le  guet  à  pied 
échelonné  aux  coins  successifs  >. 

NAISSANCE  D'UN  DAUPHIN 

On  célèbre  d'abord  un  Ta  Deum  au  Palais  de  justice,  et  la  cloche  du 
Palais  sonne  pendant  deux  jours.  Puis  un  autre  Te  Deum,  plus  so- 
lennel, est  célébré  à  Notre-Dame.  Le  premier  président  du  Parlement 
va  ensuite  complimenter  le  Roi,  et  le  Dauphin,  que  depuis  17:2!)  il 
doit  appeler  «  Monseigneur  2  ». 

Le  procès-verbal  du  Parlement  en  date  du  28  novembre  1781  con- 
tient le  singulier  discours  de  cérémonie  prononcé  en  présence  du 
premier  Mis  de  Louis  XVI,  «  posé  sur  des  oreillers  dans  un  berceau 
placé  au  milieu  d'un  lit  de  damas  rouge  garni  de  galons  et  crépines 
d'or,  tous  les  rideaux  ouverts,  et  Mme  la  princesse  de  Guéménée, 
gouvernante  des  enfants  de  France,  debout  au  pied  du  lit  3  ». 

RÉCEPTION  DE  PRINCES  ÉTRANGERS 

En  1784,  Paris  reçut  Gustave  III  de  Suède,  qui  voyageait  sous  le 
nom  de  comte  de  Haga4,  et  le  prince  Henri,  frère  du  roi  de  Prusse 
Frédéric  II,  sous  celui  de  comte  d'Oels.  L'un  fut  accompagné  en 
public  et  au  Parlement  par  le  baron  de  Staël,  ambassadeur  de  Suède 
en  France,  l'autre  par  Grimm,  ministre  plénipotentiaire  du  duc  de 
Saxe-Gotha  s. 


1.  Arch.  nat.,  K.  1006,  n°  90  (3  juin  1763).  Dans  cette  circonstance,  Louis  XV 
se  transporta  du  château  de  la  Muette  aux  Tuileries,  puis  au  palais. 

2.  On  attend  les  relevailles  de  la  Reine  pour  la  complimenter.  —  Voyez  Arch. 
nat.,  X  lu  8976,  procès-verbaux  des  23  octobre,  26  octobre  et  28  nov.  1781. 

3.  Le  27  déc.  1780,  après  la  mort  de  Marie-Thérèse,  le  Parlement,  en   corps, 
vint  offrir  ses  compliments  do  condoléance  au  roi  et  à  la  reine  (Arch.  nat.,  X  1b 
8975,  procès-verbal  du  29  décembre  1780). 

4.  Le  procès-verbal  du  Parlement  du  22  juin  1784  (X  1b  8981)  note  que  Gus- 
tave III  était  curieux  de  voir  une  séance  du  Parlement,  «  d'autant  que  l'usage 
des  audiences  publiques  et  des  plaidoiries  ne  se  pratique  point  au  Sénat  dont  le 
roi  de  Suède  est  le  chef  à  Stockholm,  ni  dans  lous  ses  Liais  ». 

5.  Arch.  nat.,  X  1b  8981  (22  juin,  27  août  1784). 


ET  L'ESPRIT  PARISIEN  633 

LE  BUREAU  DE  LA  VILLE  ET  LE  PARLEMENT  ' 
(CÉRÉMONIAL) 

Ce  jour,  à  l'issue  de  l'audience  de  sept  heures,  les  gens  du  roi  sont  entrés, 
et  (Mc  Antoine-Louis  Séguicr,  avocat  dudit  seigneur  roi,  portant  la  parole), 
ont  dit  :  que  les  officiers  du  bureau  de  la  Ville  étaient  au  parquet  des  huis- 
siers, et  demandaient  à  entrer  pour  présenter  à  la  Cour  une  ordonnance  con- 
cernant les  nouvelles  membrures  qu'ils  croyaient  devoir  faire  établir  dans  les 
chantiers  de  cette  ville.  A  l'instant,  les  officiers  du  bureau  de  la  ville  mandés, 
entrés,  et  placés  dans  le  bureau  du  côté  du  greffe,  ont  été  entendus.  Après 
quoi  les  gens  du  roi  se  sont  levés,  et  (ledit  Mc  Antoine-Louis  Séguier,  avocat 
dudit  seigneur  roi,  portant  la  parolej,ont  dit  qu'ils  avaient  pris  communication 
de  l'ordonnance  dont  les  officiers  du  bureau  de  la  Ville  demandent  l'homo- 
logalion  ;  ...  qu'ils  requéraient  qu'il  plût  à  la  Cour  ordonner  que  ladite  ordon- 
nance serait  homologuée  pour  être  exécutée  suivant  sa  forme  et  teneur;  et 
que  l'arrêt  à  intervenir,  ensemble  ladite  ordonnance,  seraient  à  la  diligence 
du  procureur  général  du  roi,  imprimés,  publiés  et  affichés  partout  où  besoin 
serait;  enjoindre  au  substitut  du  procureur  général  du  roi  au  bureau  de  la 
ville,  de  tenir  la  main  à  l'exécution  de  l'arrêt  à  intervenir,  et  d'en  certifier  la 
Cour.  —  Et  se  sont  lesdits  gens  du  roi  retirés,  ainsi  que  les  officiers  du  bureau 
de  la  ville.  —  Eux  retirés  (suit  la  teneur  de  ladite  ordonnance  . 

INAUGURATION  DU  BUSTE  DE  LAFAYETTE 

(PAR  HOUDON) 

DANS    LA    GRANDE    SALLE"    DE    L'HOTEL    DE    VILLE 

28    SEPTEMBRE    178G,    A    MIDI 

En  vertu  de  deux  délibérations  des  Etats  de  Virginie  (17  décembre 
1781  et  1er  décembre  1784),  Jefferson,  ministre  plénipotentiaire  des 
Etats-Unis  près  le  roi  de  France,  avait  été  chargé  de  commander  en 
leur  nom  un  buste,  du  marquis  de  Lafayette,  et  de  l'offrir  au  bureau 
de  la  Ville.  Le  roi  approuva  cette  offre  (lettre  du  baron  de  Breteuil, 
10  septembre  1780).  On  prit  jour  pour  la  cérémonie  le  15  septembre, 
et  elle  eut  lieu  le  38. 

Discours  du  prévôt  des  marchands. —  Lettre  «le  Jefferson  (qui  étant 
malade  envoya  son  secrétaire  Short).  —  Texte  et  traduction  de  la 
délibération  des  États  de  Virginie. — Discours  de  M.  Éthis  de  Corny, 
avocat  et  procureur  du  roi  et  de  la  Ville  (12  pages);  au  milieu  de  dé- 
clamations contre  le  despotisme  anglais,  et  des  louanges  obligées  au 

1.  Arch.  nat.,  K.  1050. 


634  LES  FÊTES  OFFICIELLES 

chevalier  de  la  liberté,  ce  discours  comprend  un  passage  significatif: 

Au  moment  de  la  réception  de  M.  le  marquis  de  Lafayette  au  grade  de  capi- 
taine, ce  fut  entre  mes  mains  qu'il  prononça  le  serment  ordinaire.  On  sait  que 
l'obligation  de  ne  servir  aucune  puissance  étrangère  fait  partie  de  cette  for- 
mule. Depuis,  revêtu,  lui,  d'un  habit  d'officier  général  américain,  moi,  de  celui 
de  son  aide  de  camp  et  de  lieutenant-colonel  de  cavalerie  sous  ses  ordres...  je 
lui  dis  que  quoi  qu'il  eût  juré  entre  mes  mains,  à  mille  lieues  du  point  où  nous 
nous  trouvions  alors,  de  ne  jamais  servir  de  puissance  étrangère,  je  trouvais 
bien  doux,  bien  juste  que  le  complice  eût  la  même  destination  que  le  parjure. 
11  ne  manquait,  Messieurs,  à  ces  deux  circonstances  que  celle  de  me  voir  au- 
jourd'hui appelé  par  mes  fonctions  actuelles  à  requérir  que,  conformément  aux 
intentions  du  roi,  son  buste  soit  placé  parmi  nous,  et  que  cet  hommage  mé- 
morable consacre  à  jamais  le  souvenir  de  sa  gloire  et  de  ses  vertus...  Notre 
auguste  monarque  confirme  par  son  suffrage  celui  des  deux  mondes...  A  quel 
degré  de  splendeur  ne  doit  pas  parvenir  une  nation  libre  qui  n'est  courbée 
sous  le  poids  d'aucun  préjugé  *  ? 

IL  —  DOCUMENTS  SUR  L'ESPRIT  PARISIEN 

LES  JOURS  GRAS  ET   LE   CARÊME  EN   1789 
(23,  24,  25  février) 

Du  lundi  gras  23  février.  —  Ce  jour,  nonobstant  les  calamités  multipliées 
qui  désolaient  depuis  un  an  notre  capitale  et  ses  environs,  nonobstant  la  cherté 
du  pain  et  de  presque  tous  les  autres  comestibles,  les  folies,  les  extravagances 
annuelles  du  carnaval  ne  perdent  rien  de  leur  bruyant  éclat  :  on  voit  comme 
la  veille,  rue  Saint-Honoré,  depuis  la  rue  de  la  Ferronnerie  jusqu'à  l'extrémité 
du  faubourg,  une  prodigieuse  quantité  de  mascarades  tant  à  pied  qu'à  cheval, 
même  à  âne  ou  en  voiture,  sous  les  costumes  les  plus  grotesques,  quelques- 
uns  sous  des  costumes  indécents.  11  semblait  que  l'on  voulût  enchérir  chaque 
année  sur  le  hideux  révoltant  des  ligures  données  aux  différents  masques 
destinés  à  couvrir  et  à  déguiser  des  visages  qui  ne  conservaient  plus  rien 
d'humain.  Une  telle  continuité  de  délire  public  attire  en  cet  endroit  (car  le 
faubourg  Saint-Antoine  avait  cessé  d'être  en  vogue  pour  ce  genre  de  spectacle, 
quoiqu'il  prêtât  pourtant  beaucoup  plus  à  la  parade  que  tout  autre  lieu)  un 
très  nombreux  concours  de  curieux  et  de  spectateurs,  et  par  bonheur  on  n'en- 
tend point  dire  qu'il  y  fût  arrivé  aucune  espèce  d'accident. 

Du  mardi  gras  24  février.  —  Ce  jour,  les  scènes  théâtrales,  amusantes  et 
risibles  de  la  rue  Saint-Honoré,  se  renouvellent  comme  la  veille,  au  grand 
contentement  des  habitants  de  ce  canton,  et  de  tous  les  amateurs  des  scènes 
comiques  et  tumultueuses,  qui  ne  manquent  pas  de  s'y  réunir  encore  en  grand 

t.  Les  minutes  relatives  à  cette  cérémonie  d'un  caractère  unique  (et  déjà,  en 
dépit  de  l'approbation  du  roi,  révolutionnaire)  sont  dans  le  carton  K.  ÎOO.'J  des 
Arch.  nat.  Cf.  Le  Roux  de  Lincy,  ouv.  cité,  p.  53,  et  Thierry,  Guide  des  amateurs 
et  étrangers  voyageurs  à  Paris  (1787),  t.  Il,  p.  G84.—  La  place  du  buste  était  sur 
la  cheminée  du  fond  de  la  grande  salle. 


ET  L'ESPRIT  PARISIEN  635 

nombre.  Indépendamment  des  mascarades  très  variées  que  l'on  y  rencontrait, 
il  s'en  trouvait  également  de  répandues  dans  les  différents  quartiers  pour 
amuser  le  menu  peuple,  et  l'on  ne  doutait  pas  que  la  police  n'eût  contribué, 
suivant  l'usage  constant,  à  les  multiplier,  car  chaque  année  elle  avait  coutume 
d'en  soudoyer  un  grand  nombre...  • 

Du  mercredi  des  cendres  25  février.  —  Ce  jour  entre  10  et  11  heures  du 
matin,  un  prêtre  ex-jésuite  nommé  Kcire,  membre  de  la  communauté  des  Eu- 
distes,  rue  des  Postes,  faubourg  Saint-Marcel,  ...prêche  son  premier  sermon 
sur  le  jeûne1...  Il  ne  paraissait  pas  qu'on  fût  disposé  à  mieux  observer  en 
1789  qu'on  ne  l'avait  fait  en  1788  la  loi  de  l'abstinence  :  je  veux  dire,  qu'il  ne 
paraissait  pas  qu'on  fût  disposé  à  s'y  soumettre  autrement  que  par  une  priva- 
tion involontaire  et  forcée  des  aliments  dont  le  prix  excessif  ne  permettrait  pas 
au  plus  grand  nombre  de  faire  usage.  Car  les  bouchers,  les  rôtisseurs-trai- 
teurs, les  pâtissiers,'  et  les  chaircuitiers  se  disposaient  à  vendre  comme  en 
tout  autre  temps.  Les  infractions  à  celte  loi  de  l'Eglise,  qui  n'était  presque  plus 
connue  ni  observée  pendant  le  reste  de  l'année  dans  la  plupart  des  maisons  de 
notre  capitale,  où  elle  ne  s'observait  pas  fort  souvent  les  vendredis  de  chaque 
semaine,  semblaient  se  multiplier  encore  dans  le  temps  où  elle  était  le  plus 
spécialement  prescrite  et  recommandée,  sans  qu'une  telle  conduite  eût  rien, 
dans  l'état  actuel  des  choses  par  rapport  à  la  religion,  qui  dût  exciter  la  sur- 
prise. 

PREMIER  SERMON 

OU  IL  AIT  ÉTÉ  QUESTION  DES  ÉTATS  GÉNÉRAUX 

Le  29  mars  1789,  Hardy  note  un  sermon  de  l'abbé  de  Bologne, 
prédicateur  du  roi,  dans  l'église  des  chanoines-réguliers  de  la  Croix- 
Rouge.  C'était  peut-être,  dit-il,  «  le  premier  orateur  chrétien  qui  eût 
pris  sur  lui  de  parler  en  chaire  des  futurs  États  généraux  2  ». 

PREMIÈRE  PROMENADE  DES  JOURS  SAINTS 

AU   BOIS   DE   BOULOGNE 
8  avril  1789 

Ce  jour  dans  l'après-midi,  nonobstant  l'incertitude  du  temps  qui  était  som- 
bre et  nébuleux,  nonobstant  toutes  les  calamités  actuelles  sur  lesquelles  il  y 
avait  tant  à  gémir,  les  personnes  inoccupées  et  embarrassées,  pour  ainsi  dire, 
de  leur  existence,  par  l'interruption  forcée  de  tous  les  spectacles  que  prescri- 
vait encore  un  reste  de  respect  au  moins  apparent  pour  les  augustes  mystères 
de  la  religion,  ne  laissent  pas  de  se  rendre  avec  affluence  dans  les  allées  du  Bois 
de  Boulogne  pour  la  promenade  périodique  qui  avait  perdu  le  nom  de  prome- 
nade de  Longchamps.  Elles  y  sont  précédées  ou  suivies  par  ces  fameuses 
impures,  moins  curieuses  de   voir  que  d'être  vues,   d'étaler  leurs  charmes 


1.  A  Notre-Dame,  pour  l'ouverture  du  carême.  —  Hardy,  t.  VIII,  aux  dates. 

2.  Hardy,  t.  VIII,  p.  271. 


636  LES  FÊTES  OFFICIELLES 

séducteurs,  et  d'éblouir  la  multitude  indignée  de  leur  faste,  par  le  spectacle 
aussi  scandaleux  que  brillant  de  leurs  élégantes  parures,  de  leurs  chars  somp- 
tueux auxquels  elles  attachaient  leurs  esclaves.  On  y  demeure  jusqu'à  la  chute 
du  jour,  et  bien  des  gens  suivant  la  coutume  n'en  reviennent  que  fort  tard, 
après  de  petits  soupers  auxquels  n'avait  point  présidé  l'abstinence  de  tout  ce 
dont  la  circonstance  devait  comme  naturellement  interdire  l'usage  I. 

Dans  l'après-midi  (du  9  avril),  comme  le  temps  était  plus  serein  et  beaucoup 
plus  beau  que  la  veille,  la  promenade  annuelle  des  allées  du  Bois  de  Boulogne, 
qui  se  faisait  cette  année  de  la  Porte-Maillot  au  château  de  Madrid,  est  encore 
plus  fréquentée...  Les  carrosses  de  place,  appelés  par  allusion  aux  circonstan- 
ces le  Tiers-état,  n'avaient  point  la  permission  d'entrer  clans  le  bois,  et  étaient 
obligés  de  se  ranger  en  file  après  avoir  descendu  leur  monde  à  la  porte  : 
comme  aussi,  lorsque  les  compagnies  voulaient  s'en  retourner,  ces  mêmes 
carrosses,  dits  du  Tiers-état,  étaient  obligés  d'enfiler  touL  droit  un  chemin  qui 
conduisait  dans  le  faubourg  Saint-Honoré,  au  lieu  de  prendre  la  route  de  l'an- 
cienne grille  de  Chaillot  actuellement  détruite,  et  des  Champs-Elysées,  réservée 
seule  pour  les  carrosses  bourgeois,  de  remise,  etc.,  afin  d'éviter  toute  confu- 
sion 2. 


L'ASSOMPTION 
FÊTE  DE  LA  VIERGE,  PATRONNE  DU  DIOCÈSE  DE  PARIS 

15  AOUT   1787 

On  voit  se  renouveler  dans  l'église  métropolitaine...  le  même  scandale  qu'en 
1786  à  semblable  époque,  par  un  effet  tout  naturel  de  la  musique  aussi  indé- 
cente qu'extraordinaire  ainsi  que  des  symphonies  introduites  dans  cette  église, 
du  consentement  du  chapitre,  par  le  sieur  abbé  Lesueur,  nouveau  maître  de 
chapelle,  qui  avait  su  y  attirer  tous  les  oisifs,  tous  les  amateurs  de  spectacles, 
on  pouvait  même  dire,  tous  les  impies  de  la  capitale,  au  point  qu'il  n'était 
même  pas  possible  d'y  entendre  la  messe  à  cause  du  tumulte,  et  que  les  per- 
sonnes venues  à  ce  dessein  sont  obligées  d'aller  ailleurs.  On  ne  pouvait  à  cet 
égard  concevoir  la  coupable  tolérance  de  Messieurs  du  chapitre  de  la  première 
église  d'un  royaume  surnommé  très  chrétien'. 

REPRÉSENTATION  «  DANTIGONE  »  ARRÊTÉE 

AU    THÉÂTRE-FRANÇAIS 

Du  mercredi  8  août  1787.  —  On  apprend  qu'il  venait  d'être  défendu  par 
l'administration  aux  comédiens  français  de  représenter  davantage  sur  leur 
théâtre  la  nouvelle  tragédie  intitulée  Anligone,  qui  avait  été  annoncée  pour  le 
lundi  précédent  6  août  et  à  laquelle  il  avait  été  substitué  ce  jour-là  une  autre 
pièce,   parce  que  la  dernière  fois  qu'elle  y  avait  été  donnée,  le  public  s'était 

1.  Hardy,  t.  VIII,  p.  281  (8  avril  1789). 

2.  Hardy,  t.  VIII,  p.  282. 

3.  Hardy,  t.  VII,  p.  177. 


ET  L'ESPRIT  PARISIEN  637 

échappe   fortement  en  applaudissant  à  outrance  ces  deux  vers  remarqués  et 
saisis  à  cause  des  circonstances...: 

En  vain  le  courtisan  flatte  d'injustes  lois: 
Quand  le  peuple  se  tait,  il  condamne  ses  rois  '. 


PLACARDS 

NOUVELLES   ALARMANTES,    ETC. 

Du  16  août  1787.  —  Ce  jour  on  n'entendait  parler  que  de  placards  affichés 
soit  à  Versailles,  soit  à  Paris,  en  différents  endroits.  11  en  avait  encore  été 
trouvé  un  dès  le  matin  au  coin  de  la  rue  dn  Foin,  du  côté  de  la  rue  Saint- 
Jacques.  Je  ne  me  permettrai  point  d'insérer  ici  le  texte  affreux  et  révoltant 
de  ces  placards,  tous  dirigés  contre  le  souverain  et  la  souveraine...  La  veille, 
dans  le  quartier  du  Palais-Royal,  deux  colporteurs  ayant  voulu  crier  le  nouvel 
édit  et  la  nouvelle  déclaration  que  le  Parlement  venait  de  proscrire  d'une  ma- 
nière si  solennelle,  ces  colporteurs  avaient  été  battus  par  la  populace  au  point 
de  demeurer  presque  morts  sur  la  place2. 

A  la  date  du  10  août,  Hardy  note  le  placard  suivant  affiché  en 
divers  endroits  :  «  Sous  huit  jours,  le  Parlement  ou  le  feu  >.  »  On 
observait  avec  inquiétude  «  que  la  légèreté  d'esprit  des  Parisiens 
semblait  étouffée  par  une  indignation  générale  qui  ne  pouvait  se 
contenir  même  dans  les  lieux  publics;  on  ne  les  voyait  plus  composer 
des  chansons  satiriques,  ni  répandre  de  petits  vers  malins  et  épi- 
grammatiques  ».  La  veille  de  l'Assomption,  les  maîtresses-poissardes 
des  Halles  avaienl  l'habitude  d'aller  souhaiter  à  Versailles  la  fête  de 
la  Reine,  et  de  lui  présenter  des  bouquets  :  il  paraît  qu'il  fallut  en 
1787  un  ordre  de  la  police  pour  les  obliger  à  cette  cérémonie.  Au 
Palais,  au  Châtelet,  les  clercs  de  notaires  et  de  procureur.}  prenaient 
la  tête  des  mouvements  populaires,  donl  les  patrouilles  avaient 
difficilemenl  raison.  Le  il  août,  il  est  question  d'une  descente  du 
faubourg  Saint-Antoine;  le  24  août  (veille  de  la  Saint-Louis),  d'un 
avis  distribué  aux  musiciens  de  l'Opéra,  par  lequel  on  les  prévenait 
que  leur  vie  était  en  danger  s'ils  se  rendaient  le  lendemain  au  châ- 
teau des  Tuileries. 

A  la  môme  époque,  une  des  dames  d'honneur  de  la  Reine,  Mme  de 

1.  Hardy  rapproche  ces  vers  d'un  mot  de  Cicéron  :  cuin  clamant,  silent.  Tout, 
le  monde  en  connaît  la  traduction  révolutionnaire  :  Le  silence  des  peuples  est  la 
leçon  des  rois.  —  Le  8  mai,  à  la  revue  passée  par  le  roi,  dans  la  plaine  des 
Sablons,  on  avait  remarqué,  «  indépendamment  des  personnes  qualifiées,  une 
nombreuse  populace...  On  fut  fâché  d'apprendre  que  le  peuple  n'y  avait  pas 
crié  :  Vive  le  Roi!  comme  à  l'ordinaire  ■>  (Hardy,  t.  Vil,  p.  18). 

2.  Hardy,  t.  VII,  p.  178. 

3.  P.  184. 


638  LES  FÊTES  OFFICIELLES 

Tessé,  est  attaquée  sur  le  chemin  de  Versailles  par  une  cinquantaine 
de  personnes.  On  la  prenait  pour  la  duchesse  de  Polignac  :  elle  eût 
été  maltraitée  si  elle  n'avait  réussi  à  se  faire  reconnaître  '. 

Le  16  janvier  1788  dans  l'après-midi,  la  Reine  vient  de  Versailles  à  Paris, 
accompagnée  de  cinquante  gardes  du  corps  et  n'ayant  qu'une  seule  de  ses 
dames  dans  sa  voiture.  Sa  Majesté  se  rend  à  l'hôtel  de  Toulouse  près  de  la 
place  des  Victoires,  pour  y  voir  Madame  la  princesse  de  Lamballc,  tort  incom- 
modée d'une  chute  qu'elle  avait  faite  depuis  quelque  temps.  Vers  les  5  heures 
du  soir,  on  rencontre  Sa  Majesté  qui  s'en  retournait  à  Versailles,  d'où  on  ne 
l'avait  point  vue  venir  depuis  fort  longtemps  dans  la  capitale  2, 

Le  23  juin  1788,  vers  les  onze  heures  du  matin,  la  Reine,  accompagnée  de 
Madame  Royale,  de  Madame  et  de  Madame  Elisabeth  sœur  du  roi,  s'est  rendue  du 
château  de  Versailles  en  l'hôtel  royal  des  Invalides  pour  le  parcourir  et  y  voir 
tout  ce  qu'elle  ne  connaissait  point  encore,  comme  avait  fait  le  Roi  le  jeudi  matin 
12  du  présent  mois.  Sa  Majesté,  qui  était,  dit-on,  mise  très  simplement  (tandis 
que  les  princesses  qui  l'accompagnaient  étaient  dans  le  costume  de  la  plus 
grande  cérémonie),  y  avait  fait  différentes  libéralités,  et  en  sortant  de  cet  hôtel 
comme  en  y  entrant  avait  été  soi-disant  accueillie  par  des  cris  multipliés  de 
Vive  la  Heine!  qui  avaient  pu  la  surprendre  jusqu'à  un  certain  point,  sans 
qu'ils  eussent  pu  exciter  beaucoup  sa  satisfaction  ou  flatter  son  amour- 
propre  '. 

MANIFESTATION  AU  THEATRE-FRANÇAIS  4 

Le  12  mai  1788.  «comme  on  représentait, au  Théâtre-Français,  Or- 
phanis,  tragédie  en  cinq  actes  de  Blin  de  Sainmore,  pièce  remise 
et  qu'on  y  donnait  pour  la  première  fois  »,  le  public  exige  avec  «  une 


1.  Hardy,  t.  VII,  p.  192  et  suivantes.  Voyez  aussi  p.  216,  248. 

2.  Hardy,  t.  VII,  p.  347. 

3.  Hardy,  t.  VIII,  p.  3  (23  juin  1788). 

4.  Hardy,  t.  VIII,  à  la  date.  Ces  manifestations  étaient  depuis  longtemps  à  la 
mode.  Lois  du  premier  renvoi  de  Necker  (i9  mai  1781) ,  la  Comédie-Française 
joua  la  Partie  de  chasse  de  Henri  IV;  le  public  ne  cessa  de  souligner  avec 
transport  «  toutes  les  allusions  à  un  ministre  frappé  d'une  injuste  disgrâce,  à  un 
roi  trompé  par  ses  courtisans  »  (Jos.  Droz,  Hist.  de  Louis  XVI,  t.  I,  p.  30"i).  — 
Avant  la  mort  de  Louis  XV,  le  dauphin  et  la  dauphine  Marie-Antoinette,  alors 
très  populaires,  furent  salués  par  les  applaudissements  qui  accueillirent  ces  vers 
du  Siège  de  Calais  : 

«  Le  Français  dans  son  prince  aime  à  trouver  un  frère 
Oui,  né  fils  de  l'État,  en  devienne  le  père.  » 

Eux-mêmes  répondirent  au  public  en  applaudissant  les  premiers  le  vers  sui- 
vant : 

«Rendre  heureux  qui  nous  aime  est  un  devoir  si  doux!  » 

11  serait  assez  curieux,  pour  l'histoire  politique  et  littéraire,  de  réunir  tous  les 
documents  authentiques  sur  les  manifestations  de  ce  genre. 


ET  L'ESPRIT  PARISIEN  639 

sorte  de  fureur  »  que  l'acteur  Larive  bisse  les  quatre  vers  suivants, 
qui  s'adaptaient  aux  circonstances  : 

Le  dessein  du  tyran  n'est  que  trop  avéré; 
Regardez  ce  palais  <lr  gardes  entouré  : 
De  projets  destructeurs  ses  ministres  complices 
Sèment  partout  l'exil,  la  terreur,  les  supplices. 


RECEPTION  DU  CHEVALIER  DE  FLORIAN 
a  l'académie  française 

14  .mai  1788 

...  On  est  tâché  du  profond  silence  opposé  par  toute  l'Assemblée  au  désir 
qu'avait  marqué  le  chevalier  de  Florian,  en  prodiguant  pompeusement  les 
louanges  à  notre  souverain  et  à  notre  souveraine,  d'exciter  et  de  recueillir  des 
applaudissements ,  quoiqu'il  se  fût  arrêté  tout  exprès  après  ces  louanges 
pendant  un  certain  espace  de  temps  comme  pour  les  attendre  :  ce  qu'on  ne 
pouvait  attribuer  qu'au  malheur  des  circonstances.  Par  un  contraste  des  plus 
frappants,  il  n'en  est  pas  de  même  des  louanges  données  par  le  chevalier 
de  Florian  aux  princes  et  aux  princesses  de  la  maison  d'Orléans,  qui  sont 
aussitôt  saisies  et  vivement  applaudies  par  toute  l'Assemblée1. 

LETTRE  DE  M.  DESRRUGNIÈRLS,  EXEMPT  DE  POLICE 
A  M.  D'AGOULT,  CAPITAINE  AUX  GARDES* 

Mon  cher  Camabade, 

Je  suis  accusé  par  des  méchants  de  chercher  à  diminuer  la  gloire  que  vous 
vous  êtes  acquise  le  6  de  ce  mois  ;  le  soin  de  mon  honneur  et  l'attachement  que 
j'ai  pour  vous  me  prescrivent  également  de  détruire  cette  calomnie,  et  c'est  le 
but  de  ma  lettre.  Puisse-t-clle  apprendre  à  tous  les  honnêtes  gens  à  quel 
point  vous  avez  acquis  mon  estime  et  mon  admiration! 

Ma  réputation  est  assez  bien  établie  pour  être  au-dessus  d'une  basse  jalousie; 
la  modestie  même  ne  me  permet  pas  de  rapporter  les  hauts  faits  qui  ont 
rendu  mon  nom  célèbre  et  redoutable.  Les  Annales  de  la  Police  en  conserve- 
ront assez  la  mémoire  :  Bicêtre,  Vincennes,  la  Bastille,  me  doivent  tout 
l'honneur  de  leurs  cachots.  Vous  avez  en  un  seul  jour,  cher  camarade,  sur- 
passé tous  mes  exploits,  et  l'on  aura  peut-être  oublié  Desbrugnières  que 
l'on  parlera  encore  avec  étonnement  du  siège  du  palais.  0  jour  mémorable! 
0  valeureux  capitaine!  Qui  pourra  croire  que  seul  avec  1,500  hommes  vous 
ayez  pu  vous  rendre  maître  de  deux  magistrats  en  robe  et  bonnet  carré? 
Vous  n'avez  ni  une  fausse  honte,  ni  la  Patrie,  ni  les  propos  publics,  ni  l'hor- 
reur de  la  postérité  à  redouter.  Plus  sage  et  plus  hardi  que  le  comte  d'Aché, 
vous  avez  tout  bravé.  Vous  marchez,  et  au  même  instant  tous  les  retranche- 


1.  Hardy,  t.  VII,  p.  «8. 

2.  Copie  manuscrite  prise  par  Hardy,  t.  VU,  p.  4.j7  (26  mai  1788). 


640  LES  FETES  OFFICIELLES 

ments  sont  forces,  les  avenues  gardées;  vous  entrez  dans  la  grande  salle,  à 
la  tête  de  vos  sapeurs  :  celte  place,  que  l'on  avait  crue  imprenable  jusqu'alors, 
est  forcée  et  capitule.  Tel,  et  moins  étonnant  encore,  Lowcndahl,  qui,  après 
soixante-cinq  jours  de  tranchée  ouverte,  réduisit  l'invincible  garnison  de 
Derg-Op-Zoom.  Que  vous  parûtes  grand,  cher  camarade,  lorsque,  tenant  le 
fougueux  d'Epréménil  par  i;i  main,  vous  l'emmenâtes  sans  résistance 
malgré  l'indignation  publique!  Je  vous  vois,  toujours  intrépide,  monter  en 
voiture  aux  yeux  de  la  populace,  et  conduire  en  vainqueur  le  rebelle  à  celui 
dont  nous  prenons  les  ordre-1!  Mais  dois-jc  oublier  avec  quelle  présence 
d'esprit  vous  donnez  au  milieu  du  palais  les  ordres  nécessaires?  Un  procureur 
se  présente,  il  est  repoussé  ;  un  avocat  vient-il  à  entrer  par  la  porte  opposée, 
huit  mousquets  sont  dirigés  sur  sa  poitrine.  Nulle  communication  avec  les 
assiégés  :  vous  èlcs  partout  à  la  fois,  à  la  grande  salle,  dans  les  cours,  aux 
greffes,  à  la  pissotière  ;  autant  vous  avez  montré  de  courage  dans  l'assaut, 
autant  vous  avez  montré  de  générosité  envers  les  vaincus.  Aucun  de  ces 
Messieurs  n'est  allé  à  la  garde-robe  que  vous  ne  l'ayez  accompagné  avec 
cette  noblesse  qui  vous  caractérise.  Si  la  journée  du  8  n'a  pas  eu  le  même 
éclat,  elle  ne  vous  a  pas  fait  moins  d'honneur,  et  je  liens  qu'un  habile 
capitaine  peut  montrer  autant  de  savoir  dans  une  retraite  que  dans  la 
conduite  d'un  siège.  Celle  que  vous  fîtes  chez  le  bijoutier  Paris2  sera  générale- 
ment approuvée  des  maîtres  de  tactique,  quand  un  Follard  l'aura  écrite.  A  la 
vérité  vous  dûtes  beaucoup  à  l'assistance  de  M.  le  chevalier  Dubois,  qui,  monté 
sur  son  beau  cheval  blanc,  soutint  longtemps  avec  la  troupe  tout  l'effort  des 
ennemis. 

Jouissez  de  votre  gloire,  cher  camarade,  et  méprisez  les  clameurs  effrénées 
de  l'envie.  Ah  !  sans  doute,  vous  avez  dû  le  sentir  :  M.  de  Lamoignon  vous  aime, 
il  vous  a  donné  la  garde  du  palais.  Vous  couchez  dans  un  beau  pavillon  de  la 
place  Dauphinc  ;  vous  avez  la  gnrde  du  Pont-Neuf,  du  quai  des  Orfèvres,  et 
de  celui  des  Morfondus,  que  vous  faites  trembler  :  tout  cela  fait  des  jaloux, 
c'est  naturel.  Ne  vous  découragez  pas  :  vous  êtes,  cher  camarade,  destiné  à  de 
grandes  choses.  Dans  peu  M.  le  lieutenant  de  police,  votre  maître  et  le  mien, 
vous  ordonnera  peut-être  d'arrêter  M.  de  Lamoignon  lui-même.  Si  ce  n'est  pas 
vous,  ce  sera  moi,  ou  bien  Monsieur  votre  frère.  Car  n'est-ce  pas  lui  qui  a 
arrêté  M.  le  Cardinal?  Vous  avez  les  mêmes  sentiments  et  la  même  élévation 

dans  l'âme. 

Des  chevaliers  d'Agoull  tri  est  le  caractère. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  tous  les  mouchards,  filous  cl  autres  suppôts  de 
la  police,  votre  très  humble,  très  affectionné  serviteur  et  ami. 

Signé  :  Des  Brugnières. 

Mes   compliments,   je  vous    prie,    à  M.  le  duc  de   Charost  et  à  la  Cour 

plénière. 
Au  dos  de  la  prétendue  lettre  était  écrit  : 
A    Monsieur  d'Agoult,  exempt  de  police,  an  camp  de  la  Place  Daupkine. 

1.  Thjroux  de  Crosne. 

2.  Sur  cet  incident  de  rue,  voyez  le  Journal  de  Hardy,  VII,  p.  430.  Les  jeunes 
<*ens  ne  pouvaient  rencontrer  d'Agoult  sans  crier  :  Au  chai!  On  l'avait  aussi  sm-- 
noimné  Gadoue. 


ET  L'ESPRIT  PARISIEN  641 


LE  GLORIA  IN  EXCELSIS  DU  PEUPLE 

11  me  passe  sous  les  yeux  un...  pe Lit  imprimé  très  plaisant  intitulé  :  Le  Gloria 
in  excelsis  du  peuple  (puisque  peuple  y  a),  auquel  on  a  joint  l'épître  et  l'évan- 
gile du  jour,  avec  la  collecte,  augmenté  d'une  lettre  à  l'auteur  du  projet 
de  souscription  pour  ériger  un  monument  à  Louis  XVI  (1789,  en  8  pages 

format  in-8°,  du  prix  de  quatre  sols  chez  les  marchands  de  nouveautés) 

Au  lieu  d'établir  ce  monument  sur  la  place  du  Carrousel,  le  rédacteur  propo- 
sait qu'il  fût,  au  contraire,  élevé  sur  l'emplacement  du  fameux  château  de  la 
Bastille,  dont  il  invoquait  le  renversement,  annonçant  que  l'on  pourrait  y 
amonceler,  au  milieu  d'une  vaste  enceinte,  différents  débris  de  chaînes,  de  ver- 
rous, de  créneaux,  de  herses,  de  ponls-levis,  amas  réuni  sur  lequel  s'élèverait 
la  statue  du  Monarque,  qui,  le  bras  étendu  vers  un  reste  de  vieille  tour,  sem- 
blerait en  ordonner    la  démolition,   avec  ces  mots  au  pied   de   la    statue  : 

A  LOUIS  XVI,  DESTRUCTEUR  DES  PRISONS  D'ÉTAT1. 

CALEMBOURS  PARISIENS 

SUR   LES    ÉniTS    DU    8   MAI 

M.  de  Loménie,  archevêque  de  Sens,  s'élait  proposé  de  bénir  un  grand  et 
brillant  mariage,  en  unissant  Monsieur  Déficit  avec  Madame  la  Cour  plénière 
(soi-disant  établie);  mais  ce  mariage, malheureusement  pour  le  prélat,  ne  peut 
avoir  lieu,  attendu  que  Monsieur  Déficit  est  monstrueux,  et  que  Madame  la 
Cour  plénière  est  mal  conformée2. 

PLACARD 

AFFICHÉ   LE   25   MAI   AU    PALAIS 

Palais  à  vendre,  Conseillers  à  louer,  Ministres  à  pendre,' Couronne  adonner5. 


EXTRAIT    DU   JOURNAL   DES    SPECTACLES 

La  Cour  plénière  du  roi  Petaud,  comédie  en  mauvais  français,  par  MM.  de 
Brienneetde  Lamoignon,sevend  à  Versailles  chez  Pierres.  Cette  pièce,  annoncée 
avec  trop  d'éclat,  est  tombée  à  la  première  représentation.  La  plupart  des 
acteurs  n'ont  pas  voulu  jouer  leur  rôle.  Le  sentiment  général  est  que  ces 
citoyens  doivent  faire  retraite,  pour  éviter  que  le  parterre  ne  les  déchire  à 
belles  dents-*. 

1.  Hardy,  t.  VIII,  p.  211  (23  janvier  1789).  —  Le  jour  même  on  apprenait  que 
Brienue  avait  reçu  le  cardinalat,  ce  qui  n'avait  pu  avoir  lieu  que  sur  les  plus 
vives  instances  du  roi. 

2.  Hardy,  t.  VII,  p.  454. 

3.  P.  456. 

4.  P.  462. 

41 


6i2  LES  FÊTES  OFFICIELLES 


CARICATURE  DÉCRITE  PAR  HARDY 

Elle  représentait  le  cheval  de  Troyes  {sic)  sur  lequel  la  reine  était  montée, 
vomissant  par  la  bouche  Ledit  de  subvention  territoriale  et  la  déclaration  du 
timbre;  de  ses  flancs  on  voyait  sortir  plusieurs  ministres  tels  que  l'arche- 
vêque de  Toulouse,  etc.,  etc.;  tandis  que  de  son  derrière  sortait  le  baron 
de  Breteuil,  toujours  ministre  du  département  de  Paris.  Au  bas  de  la  gravure 
on  lisait  ces  mots  :  «  Ne  vous  effraye%  point,  ce  ne  sont  pas  des  Grecs.  » 

POPULARITÉ  DE  D'ÉPRËMÉNIL  ' 

Ce  jour  sur  le  soir,  d'après  le  bruit  qui  s'était  répandu  de  l'arrivée  de 
M.  Duval  d'Épréménil...  qu'on  attendait  soi-disant  vers  les  8  heures  en  son 
hôtel,  rue  Bertin-Poirée,  Monsieur  son  fils  étant  de  retour  de  la  veille,  on 
illumine  dans  cette  rue;  huit  tambours  avec  fifres,  ainsi  que  nombre  de  parti- 
culiers, montent  la  garde  à  sa  porte  pour  l'attendre;  tandis  qu'au  village  de 
Villejuif  près  de  Paris  s'étaient  également  rendues  une  multitude  consi- 
dérable de  personnes  (dont  les  poissardes  des  Halles  munies  de  fleurs  et  de 
lauriers  faisaient  partie)  pour  l'y  attendre  et  l'y  fêter.  La  Chambre  des  vaca- 
tions, instruite  que  tous  les  clercs  de  la  bazoche  du  Palais  avaient  médité  de 
former  une  cavalcade  en  uniformes  rouges  et  bleus,  accompagnée  de  nombre 
de  voitures  qui  avaient  été  louées  et  retenues  d'avance  pour  aller  au-devant  de 
ce  magistrat,  le  complimenter  et  lui  offrir  des  lauriers  en  signe  de  victoire  et 
de  réjouissance,  avait  mandé  les  chefs  pour  les  engager  à  renoncer  prudem- 
ment à  un  projet  qui  ne  pourrait  que  déplaire  souverainement  à  l'administra- 
tion, et  leur  prescrire  en  même  temps  de  se  borner  à  ne  se  réunir  qu'au 
nombre  de  douze  seulement  avec  leurs  habits  ordinaires,  ce  à  quoi  ils  s'étaient 
vus  contraints  de  souscrire,  quoique  bien  malgré  eux.  Tout  le  monde  est 
trompé.  M.  d'Epréménil,  qui  avait  été  fêté  singulièrement  partout  sur  sa  route, 
au  point  que,  en  quelques  endroits,  on  avait,  dit-on,  tiré  pour  lui  du  canon; 
qu'il  n'avait  pu  se  montrer  nulle  part  qu'il  ne  fût  aussitôt  suivi  d'un  cortège 
considérable;  qu'on  l'avait  couronné  à  Lyon  dans  la  salle  du  spectacle,  quoi- 
qu'il s'y  crût  ignoré,...  n'arrive  point  à  Paris  comme  on  s'en  était  flatté,  soi- 
disant  parce  qu'il  avait  été  forcé  de  s'arrêter  à  Rouanne2,  petite  ville  du  Forez, 
à  86  lieues  de  notre  capitale,  madame  son  épouse,  très  avancée  dans  sa  gros- 
sesse, y  ayant  été  surprise  par  les  douleurs  de  l'enfantement  '. 

La  popularité  de  d'Épréménil  tomba  aussitôt  que  Ton  connut  son 
opposition  au  doublement  du  tiers.  Le  10  novembre  1788  se  vendait 
pour  30  sous,  chez  les  marchands  de  nouveautés,  une  diatribe  intitu- 
lée :  «  Avis  au  public  et  principalement  au  tiers  étal,  de  la  part  du 

1.  Hardy,  t.  VIII,  p.  128  (29  octobre). 

2.  Roanne. 

3.  Elle  avait  pu,  le  10  août,  obtenir  des  ministres  la  permission  d'aller  rejoindre 
son  mari,  tenu  captif  à  l'île   Sainte-Marguerite  (Hardy,  t.    VIII,   p.  42).  —  Voyez 

aussi  p.  1 12  à   1 1 1 . 


ET  L'ESPRIT  PARISIEN  643 

commandant  du  château  des  Isles  Sainte-Marguerite,  et  du  médecin, 
et  du  chirurgien  du  même  lieu,  —  se  vendant  aux  Isles  Sainte-Margue- 
rite et  se  distribuant  gratis  à  Paris  chez  Robin  et  compagnie,  au  Palais, 
à  renseigne  des  fausses  balances  ».  D'Épréménil  y  est  représenté 
comme  un  fou  furieux,  un  ennemi  de  Necker  et  du  tiers  état. 

Mêmes  fluctuations  de  l'opinion  populaire  en  ce  qui  concernait  la 
famille  d'Orléans. 

I.  —  SUR  LE  DUC  D'ORLÉANS  ' 

Vous  connaissez  ce  grand  courtier  de  change 
Qui  se  peint  là  sur  son  Palais-Royal; 
Il  tint  naguère  un  discours  fort  étrange 
En  abjurant  le  banc  comicial  *. 

En  redingote 

La  jambe  en  botte, 

Voici,  dit-on, 
Sa  très  noble  raison  : 
«  On  parle  trop  contre  l'agiotage; 
A  nos  dépens  on  veut  aider  le  Roi. 
Vous  le  sentez,  je  ne  puis  davantage 
Rester  céans,  pour  voter  contre  moi. 

Ma  douce  amie, 

Ma  vénerie, 

Sont  à  Monceau  : 
J'y  vais  tenir  bureau.  » 

II.  —  RIENFA1SANCE  ET  GÉNÉROSITÉ 

DE  M.   LE   DUC  ET  DE  M""   LA  DUCHESSE  D'ORLÉANS 
ENVERS   LES    PAUVRES    DE   LEUR    PAROISSE  3 

On  lisait  dans  le  numéro  355  du  Journal  de  Paris,  h  l'article  Bienfaisance, 
avec  autant  d'attendrissement  que  d'édification,  la  lettre  adressée  du  Palais- 
Royal  par  le  sieur  de  Limon,  contrôleur  général  et  intendant  des  finances  de 
Son  Altesse  sérénissime  Mar  le  duc  d'Orléans,  premier  prince  du  sang,  au 
sieur  Poupard,  curé  de  Saint-Eustaclie,  le  18  du  présent  mois  de  décembre, 
dans  laquelle  Leurs  Altesses  sérénissimes,  Monseigneur  le  duc  et  Madame  la 
duchesse  d'Orléans,  annonçaient  le  désir  de  procurer  aux  pauvres  de  leur 
paroisse,  attendu  l'extrême  rigueur  de  la  saison,  un  secours  extraordinaire 
consistant  :  1°  en  mille  livres  de  pain  par  jour  pour  ceux  des  paroissiens  que 
la  saison  seule  ou  des  maladies  avaient  réduits  à  une  pauvreté  momentanée, 

1.  Hardy,  t.  VII,  p.  74. 

2.  11  avait  quitté  le  bureau  qu'il  présidait  lors  de  la  première  assemblée  des 
notables  (1781). 

3.  Hardy,  t.  VIII,  p.  179  (20  décembre  (1788). 


(Jii  LES  FÊTES  OFFICIELLES 

et  qui  ne  pouvaient  subsister  des  charités  ordinaires  de  la  paroisse,  sans  pré- 
judicicr  à  d'autres  misérables  dont  elles  étaient  l'unique  ressource;  2°  à  l'aire 
prendre  soin  de  toutes  les  femmes  vraiment  pauvres,  sans  aucune  exception 
dans  toute  l'étendue  de  la  paroisse,  qui  accoucheraient  pendant  le  temps 
rigoureux,  en  leur  faisant  fournir  le  pain,  le  bois,  le  bouillon,  la  viande,  et 
généralement  tous  les  aliments  qui  leur  seraient  nécessaires  pendant  la  durée 
de  leurs  couches,  comme  aussi  en  leur  faisant  prêter  le  linge  dont  elles  au- 
raient besoin;  3°  enfin  à  étendre  aussi  leurs  bienfaits  sur  les  pauvres  honteux 
que  des  circonstances  extraordinaires  rendraient  plus  dignes  que  d'autres  de 
secours  et  d'intérêt  :  les  indications  nécessaires  à  ce  sujet  étaient  au  surplus 
demandées  au  sieur  curé  de  Saint-Eustache,  l'intention  de  Leurs  Altesses  étant 
que  la  distribution  du  pain  et  des  autres  secours  commençât  dès  le  dimanche 
suivant  21  décembre  pour  continuer  pendant  la  durée  du  froid,  et  trois  jours 
après  le  dégel  complet'. 

SUR  CALONNE  ET  LES  NOTABLES 

LE  FERMIER 

«  Mes  chers  amis  et  bonnes  bêtes, 
Canards,  coqs  d'Indes  et  chapons, 
Essayez,  en  grattant  vos  têtes, 
D'en  tirer  de  bonnes  raisons; 
Et  sur  la  forme,  et  non  le  fonds, 
Répondez,  tous  tant  que  vous  êtes. 
Le  plus  glouton  de  mes  valets, 
Qu'un  vif  amour  du  bien  domine, 
M'apprend  que  le  ciel  vous  a  faits 
Pour  ma  gloire  et  pour  ma  cuisine. 
Je  prétends  donc  vous  croquer  tous, 
C'est  ma  volonté  manifeste  : 
Sur  la  sauce  consultez-vous, 
Mon  cuisinier  fera  le  reste  *.  » 


SUR  BR1ENNE  ET  LAMÛIGNON 
BILLET  D'ENTERREMENT 

Vous  êtes  prié  d'assister  aux  funérailles  du  Révérendissime  Père  en  Dieu 
J.  t.  Loménie  de  Bricnne,  archevêque  de  Sens,  postulant  du  Sacré-Collège,  en 
son  vivant  principal  ministre  ;  et  de  très  mauvais  chrétien  J.  f.  dit  de  Moignon, 
vivant  garde  des  sceaux,  dont  le  convoi  se  fera  ce  soir  16  septembre  1788  à 
7  heures  sur  la  place  du  Palais,  à  la  lueur  d'un  feu  de  joie. 

Perçant  in  œternum! 


1.  Le  31  décembre,  note  Hardy,  «  presque  à  tous  les  instants  on  apportait  à 
1  Hôtel-Dieu  des  hommes  à  demi  gelés  et  mourants  de  faim  »  (t.  VIII,  p.  190). 

2.  Hardy,  t.  VII,  p.  56. —  Cf.  p.  C5  :  Logogriphe  sur  Calonue. 


ET  L'ESPRIT  PARISIEN  645 

Après  la  cérémonie,  on  brûlera  les  corps  à  cause  de  leur  putréfaction. 
C'est  de  la  part  du  Grand-Bailliage  séant  à  Rennes l. 

Il  serait  aisé  de  former  une  ample  collection  de  pièces  de  ce  genre, 
soit  en  prose,  soit  en  vers,  sur  les  dernières  années  de  l'ancien 
régime  2.  Le  jargon  des  Halles  (ou  ce  qu'il  est  convenu  de  désigner 
ainsi)  y  trouverait  place  à  côté  de  l'aristocratique  persiflage  des 
Chamfort  et  des  Rivarol  3. 

L'histoire  rejette  avec  raison  de  tels  documents  lorsqu'il  s'agit  de 
l'appréciation  particulière  soit  des  hommes,  soit  des  institutions.  Mais 
elle  ne  peut  négliger  l'impression  générale  qui  en  résulte  :  nulle  part 
peut-être  toutes  les  classes  et  tous  les  partis,  soit  tour  à  tour,  soit 
ensemble,  n'ont  criblé  de  plus  de  traits  les  barrières  sociales  et  poli- 
tiques qui  allaient  s'effondrant ;  aucune  nation  n'a  marqué  plus  de 
haine  et  de  mépris  pour  le  présent,  ni  plus  d'espérance  dans  l'avenir. 


1.  Hardy,  t.  VIII,  p.  89. 

2.  Renvoyons  au  Chansonnier  historique,  do  M.  Raunié  ,  et  à  l'Esprit  révolu- 
tionnaire avant  ta  Révolution,  de  M.  Rocquain  :  1rs  citations  ou  références  de  ces 
deux  ouvrages  épuisent  à  peu  près  le  sujet. 

3.  La  double  évolution  continue  avec  le  Père  Duchesne,  d'une  part,  et  les  Actes 
des  apôtres,  de  l'autre.  L'ordre  du  clergé,  dans  cette  dernière  publication,  est 
enterré  dans  des  termes  analogues  à  ceux  qui  avaient,  accompagné  le  convoi 
politique  des  deux  derniers  champions  du  gouvernement  arbitraire. 


FIN 


TABLE  DES  MATIERES 


Avant-propos Page      i 

Introduction  historique  :  la  Royauté  et  Paris Page    1 

I. — Institutions  de  Paris  :  le  Parlement  .   .   , Page  29 

Composition  du  Parlement,  p.  33.  Réception  d'un  premier  président  (12  no- 
vembre 1788),  ]).  3i.  Le  Parlement  et  Paris  capitale,  p.  34.  Esprit  du 
Parlement,  p.  38.  Popularité  du  Parlement,  p.  39. 

II.  —  Le  Parlement  défenseur  de  la  propriété  et  de  la  liberté.     Page  41 

1°  La  refonte  des  monnaies  dénoncée  (23  février  1786),  p.  41;  les  actions 
de  la  Compagnie  Perier  :  Récit  au  Parlement  sur  l'agiotage  (28  juillet  1787), 
p.  42;  la  Caisse  d'escompte  (séance  du  30  janvier  1789),  p.  45.  —  2°  Les 
Chartres  privées  :  Récit  du  14  février  1783,  p.  49;  extrait  de  la  minute  de 
la  séance  du  14  mars  1783,  p.  54;  compte  rendu  du  premier  président 
(29  juillet  1783),  p.  50;  exposé  du  même  (5  août  1783),  p.  56.  Les 
arrestations  de  magistrats  par  lettres  de  cachet  :  extrait  de  la  séance  du 
21  novembre  1787,  p.  58;  remontrances  du  11  mars  1788,  p.  00;  remon- 
trances du  3  mai  1788,  p.  05;  ordre  du  roi  du  5  mai  1788,  p.  70. 

III.  —  Haute  justice  du  Parlement  :  Justice  civile Page  71 

Arrêts  de  règlement  concernant  les  notaires  de  Paris  (1779),  p.  72.  Extrait 
du  registre  des  délibérations  des  notaires  de  Paris  (1779),  p.  72.  Procu- 
reurs, p.  75.  Clercs  de  procureurs,  p.  75.  Huissiers:  tarifs  et  règlements, 
p.  76.  Huissiers  et  juges-consuls,  p.  77.  Articles  de  règlement  sur  les 
arrêts  de  défenses  et  surséances,  sur  les  frais  de  justice,  p.  78.  Lettre  de 
cachet  du  9  janvier  1789,  sur  la  réforme  judiciaire,  p.  78.  Arrêt  de  règle- 
ment pour  la  prison  de  l'Hôtel  de  la  Force,  p.  79. 

IV.  —  Le  Parlement  et  la  Justice  criminelle  à  Paris  ....     Page  80 
Essai  de  statistique,  p.  80.  Arrêt  (in  extenso)  du  12  décembre  1774,  p.  93. 


G48  TABLE  DES  MATIERES 

Titres  d'arrêls,  p.  94.  Exécution  en  1789,  p.  95.  Récit  sur  la  jurispru- 
dence de  la  Tournelle  (10  juillet  1779),  p.  9G.  Lettres  d'abolition,  p.  97. 
Délivrance  des  prisonniers,  p.  97.  Crime  de  faux,  p.  98.  Commission  pour 
la  refonte  de  l'ordonnance  criminelle,  p.  99.  —  Appendice  surlajusticc  cri- 
minelle, au  souverain,  de  la  prévôté  de  l'Hôtel,  du  Chàtelet  et  de  la  Cour 
des  Monnaies,  p.  100. 

V.  —  La  Grande  Police,  ses   objets  :  le   Parlement  et  l'Église   de 

Paris Page  102 

Provisions  de  carême,  p.  111.  La  Châsse  de  sainte  Geneviève,  p.  113.  Le 
Pastoral  de  1786,  p.  116.  L'abbaye  de  Saint-Germain,  p.  124.  Réunion 
des  Cordelicrs  et  des  Célestins,  p.  125.  L'abbaye  de  Saint-Victor  et  la 
translation  des  coches  d'eau,  p.  125.  L'Ordre  des  Bénédictins  et  la  Com- 
mission des  réguliers:  représentation  du  14  août  1783,  p.  127;  récit  du 
9  janvier  1884,  p.  131;  remontrances  du  10  février  1784,  p.  135  ;  note 
extraite  des  itératives  remontrances  du  1er  février  1785,  p.  136.  —  Ap- 
pendice: Extraits  du  Journal  de  Hardy  sur  l'Église  de  Paris  (1787-1789), 
p.  137. 

VI.  —  Le  Parlement  et  l'Université  de  Paris Page  110 

Le  bureau  de  Louis-le-Grand,  p.  143.  Congés  dans  l'Université,  p.- 143.  Ra- 
diation d'un  docteur-médecin,  p.  144,  Honoraires  des  professeurs  insaisis- 
sables, p.  144.  Boursiers,  p.  145.  Emprunts  universitaires,  p.  147.  Rappel 
à  l'exécution  d'un  règlement,  p.  147.  Collèges,  esprit  et  programmes  de 
l'enseignement  (récit  du  1er  avril  1783),  p.  147.  Administration  économique 
de  Louis-le-Grand,  p.  150.  Formule  d'une  présentation  de  boursier  au 
Parlement,  p.  151.  Abus  relatifs  aux  bourses,  p.  152.  Distribution  des 
prix  en  1788,  p.  154.  —  Appendice  :  Éducation  populaire,  p.  155. 

VII.  —  Le  Parlement  et  la  Librairie Page  156 

Récit  de  Duval  d'Épréménil  (23  avril  1779),  p.  162.  Colporteur  jugé  avec 
modération,  p.  174. 

VIII.  —  Le  Parlement  juge  des  écrits  et  des  hommes  de  lettres  (1775- 
1789) Page  175 

La  procédure,  p.  175.  Année  1775,  p.  177;  1776,  p.  186;  1777,  p.  194; 
1778,  p.  198;  1779,  p.  199;  1780,  p.  199;  1781,  p.  203;  1783,  p.  207; 
1784,  p.  207;  1785,  p.  207;  1786,  p.  208;  1787,  p.  216;  1788,  p.  220; 
1789,  p.  230. 

IX.  —  Le  Parlement  et  la  grande  Police  des  hôpitaux.  .  .     Page  247 
Hôpitaux  et  maisons  de  charité  en  1788,  p.  247.  Administration  des  hôpi- 
taux,   p.  251.  Droits  au  profit  de   l'Hôtel-Dieu  et  de  l'Hôpital  général, 
p.  256.  Abus  du  patronage  à  l'Hôtel-Dieu,  p.  257.  Privilège  de  l'Hôtel-Dieu 


TABLE  DES  MATIÈRES  649 

relatif  aux  entrées,  p.  259.  Police  relative  aux  mendiants  à  Paris,  p.  259. 
Mont-de-Piélé,  p.  260.  Hospice  au  Pelit-Montrouge,  p.  263.  Bureau  de 
nourrices,  p.  263.— Affaire  des  Quinze-Vingts,  p.  264;,  séance  du  Parlement 
du  M  janvier  1783,  p.  277;  séance  du  25  février  1785  et  troisièmes 
remontrances  du  Parlement  sur  l'administration  des  Quinze-Vingts,  p.  277; 
arrestation  du  cardinal  de  Rohan,  p.  280. 

X.  —  La  grande  Police  de  l'approvisionnement Page  284 

Dispositif  de  Ledit  du  5  février  1776,  p.  285.  Chambre  de  la  marée,  p.  290. 
Arrêt  du  Parlement  du  31  décembre  1776,  p.  290.  Dernier  compte  rendu 
des  provisions  de  carême  au  Parlement  (20  février  1789),  p.  294.  Bou- 
cherie (caisse  de  Sceaux  et  de  Poissy),  p.  296.  Charbons  de  Paris,  p.  299. 
Mesurage  et  prix  des  bois,  p.  300  ;  remontrances  du  Parlement  à  ce  sujet 
(31  juillet  1784),  p.  301. —  Commerce  des  grains  et  prix  du  pain,  le  trans- 
port des  blés  (1778),  p.  303;  libre  exportation  et  circulation  des  grains 
(1787),  p.  305;  séances  du  Parlement  du  13  décembre  et  du  16  décem- 
bre 1788,  p.  305;  rapport  de  l'avocat  général  Séguier,  le  13  décem- 
bre 1788,  p.  306;  arrêté  du  18,  p.  31 1  ;  séance  du  7  février  1789,  p.  311  ; 
séance  du  4  avril  1789,  p.  317.  —  Appendice:  Extraits  du  Journal  de 
Hardy  sur  l'hiver  de  1788-1789. 

XI.  —  Le  Chàtelet  de  Paris Page  320 

Chambres  du  Chàtelet,  p.  32i.  Le  prévôt  de  Paris,  p.  327;  analyse  d'un 
mémoire  manuscrit  du  XVIIIe  siècle  sur  :  le  prévôt  de  Paris,  p.  330;  le 
chevalier  du  guet,  p.  332;  les  archers  de  la  Ville  et  le  Chàtelet, p.  333;  le 
prévôt  de  l'île  et  le  Chàtelet,  p.  333;  le  prévôt  de  la  Monnaie  et  le  Chàtelet, 
p.  333  ;  les  huissiers  à  cheval  et  à  verge,  p.  334.  —  Supplication  des  officiers 
du  Chàtelet  à  l'effet  d'obtenir  la  noblesse,  p.  334.  — Le  Chàtelet  etlesédits  du 
8  mai  1788,  p.  335.  Lettre  signée  De  Crosne  au  baron  de  Breteuil,  p.  337. 
Lettre  signée  De  Crosne  à  M.  de  Lamoignon,  p.  338.  Du  même  au  même, 
sur  la  séance  du  21  mai,  p.  338.  Lettre  de  Lamoignon  au  roi,  du  21  mai, 
p.  340.  Extrait  des  registres  de  la  communauté  des  procureurs  au  Chàtelet 
(30  mai  1788),  p.  340.  —  Assemblée  des  notaires  du  Chàtelet  (13  octobre 
1788),  p.  341. 

XII.  —  Le  Ministre  de  Paris Page  342 

Lettres  du  ministre  de  Paris  au  lieutenant  général  de  police  et  au  chevalier 
du  guet  (1787-1789),  p.  348.  Correspondance  du  ministre  de  Paris  et  de 
la  Ville  (1784,  1786,  1787  89).  Lettres  diverses  du  ministre  de  Paris  rela- 
tives à  Paris  (1787-89),  p.  379.  —  Formule  de  lettre  de  cachet  person- 
nelle (1771),  p.  392.  Lettres  de  cachet  du  14  août  1787,  p.  393.  Ordre  du 
roi  (30  septembre  1787),  p.  393.  Ordre  du  roi  (15  juin  1788),  trouvé  dans 
une  cave,  p.  394. 

XIII.  —  Le  Lieutenant  général  de  police  et  les  Ordonnances  du  Chà- 
telet       Page  396 


650  TADLE  DES  MATIÈRES 

Opinion  de  Delamare  sur  l'époque  d'Etienne  Marcel,  p.  398.  —  Les  lieutenants 
généraux  de  police  (1667-1789),  p.  398;  bureaux  de  M.  de  Crosne,  der- 
nier lieutenant  général,  p.  399.—  1°  Religion,  p.  402.—  2° Mœurs  publiques, 
p.  408;  Jeux  de  hasard  et  compte  rendu  du  lieutenant  général  Lenoir  à 
ce  sujet  (13  février  1781),  p.  408;  Délibérations  du  Parlement  sur  les 
jeux  (20  février  1781),  p.  413;  idem,  14  janvier  1789,  p.  416;  Maîtres, 
écoliers  et  parents,  p.  417;  Cafés,  p.  418;  Logements,  garnis,  cabarets, 
débauche,  p.  419;  Spectacles  et  foires,  p.  420;  Danses  et  fêtes  baladoires, 
p.  421. —  3°  Hygiène  publique,  p.  422;  Nettoiement  de  Paris,  rp.  424; 
Rapport  du  lieutenant  général  Lenoir  sur  le  cimetière  des  Innocents, 
p.  427.  — 4°  Voirie,  p.  430. —  5°  Police  des  vivres,  p.  435;  Roulangerie, 
p.  435;  Roucherie,  gibier,  etc.,  p.  437. —  6°  Régime  des  communautés 
d'arts  et  métiers,  p.  443;  Ouvriers  et  artisans  du  faubourg  Saint-Antoine, 
p.  452;  Charcutiers  du  faubourg  Saint-Antoine,  p.  453;  Commerçants  en 
gros,  p.  453;  Chandeliers,  p.  455;  Cendres  de  varech,  p.  455;  Droits  de 
réception  augmentés,  p.  456  ;  Police  d'ordre,  p.  457.  — 7°  La  police  et  la 
presse,  p.  468;  Le  comte  de  Kersalaun,p.  471  ;  Lieux  privilégiés,  p.  472; 
Lecture  publique,  p.  472  ;  Pamphlets  et  placards  saisis,  p.  473. —  8°  La  Sû- 
reté, p.  478;  Registre  d'inspecteur  de  police,  p.  480;  Haute  police  de  sûreté 
politique,  p.  481  ;  Mouvement  populaire,  rue  des  Lombards  (16juin  1788), 
p.  481.  Prévision  de  révoltes,  p.  482;  Extrait  de  la  séance  pléniôre  du 
Parlement  du  24  septembre  1788,  sur  les  troubles  du  mois  d'août, 
p.  482;  Troubles  de  septembre,  p.  487;  Affaire  de  la  rue  de  la  Harpe 
(28  septembre),  p.  488;  Compte  rendu  des  mesures  de  sûreté  prises  par 
la  police,  séance  du  Parlement  du  29  décembre  1788,  p.  489;  Discours 
de  d'Épréménil  à  l'occasion  d'une  arrestation  arbitraire,  p.   490. 

XIV.  —  L'Hôtel  de  Ville Page  497 

Mémoire  sur  les  rapports  administratifs  de  la  Ville  et  des  ministres;  réfu- 
tation de  la  doctrine  du  Parlement  à  ce  sujet,  p.  5J0.  Représentations  du 

5  septembre  1783,  concernant  la  prorogation  pour  dix  ans  des  droits 
d'octroi,  p.  516.  Copie  de  la  lettre  de  M .  le  contrôleur  général  à  M.  de 
Nicolaï,  premier  président  de  la  Cour  des  comptes,  p.  518.  Mémoire  pour 
la  Ville  contre  le  fermier  du  domaine,  p.  520.  Réponse  pour  la  Ville  de  Paris 
contre  les  créanciers  du  receveurjde  la  Ville,  à  Mantes,  p.  521.  Le  Contrôle 
général  et  le  bureau  de  la  Ville,  p.  521.  Lettres  de  Turgot  à  la  Ville,  du 

6  mars  1775,  p.  523;  du  24  avril  1776,  p.  526.  Analyse  de  la  réponse  de 
la  Ville  à  la  première  question  posée  par  Turgot,  p.  528.  Réponse  de  la 
Ville  à  la  seconde  et  troisième  question,  p.  529.  Réflexions  sur  l'expédi- 
tion des  mandements  (1775),  p.  534.  Règlement  arrêté  au  Conseil,  le 
23  août  1783,  pour  l'administration  de  la  Ville,  p.  536.  Formule  imprimée 
des  commissions  de  la  Ville,  p.  542.  Extrait  d'une  lettre  autographe  de 
Buffon  à  Le  Peletier,  prévôt  des  marchands,  p.  542.  Garde  de  Paris, 
p.  543.  Mémoire  (personnel)  du  sieur  Ray,  colonel  des  gardes  de  Paris, 
p.  544.  Privilège  des  officiers  et  gardes  de  la  Ville,  p.  545.  Chronologie  des 
imprimeurs  de  la  Ville,  p.  545.  Extrait  de  la  lettre  de  Calonne  à  Le  Peletier, 
du  14  février  1786,  p.  546.  Délibérations  du  Bureau  de  la  Ville,  du  29  dé- 
cembre 1786,  p.  516;   du  12  août  1788,  sur  les  états  de  jetons,  p   547. 


TABLE  DES  MATIÈRES  651 

Les  dernières  gratifications  de  prévôtés,  p.  548.  Dépenses  fixes  de  la 
Ville  (dix  états  de  1788),  p.  548.  État  des  dépenses  fixes  du  1er  janvier 
1789  au  1er  janvier  1790,  p.  558. 

XV.  —  Mélanges,  Conflits,  Règlements  d'attributions  entre  la  Ville  et 
autres  Juridictions Page  559 

Conflit  de  la  Ville  et  du  Châlelet  à  l'occasion  d'une  sentence  criminelle, 
p.  560.  La  Ville  et  la  lieutenance  de  police,  p.  562.  La  Ville  et  la  Compa- 
gnie des  eaux,  p.  563.  La  Ville  et  le  gouverneur  de  la  Bastille,  p.  564. 
La  Ville  et  la  Table  de  marbre,  p.  564.  La  Ville  et  la  Direction  générale 
des  bâtiments,  p.  565.  Le  Bureau  des  finances  et  la  Ville,  p.  566.  —  Ap- 
pendice :  la  Juridiction  consulaire,  le  Député  du  commerce,  p.  576. 

XVI.  —  Impositions,  Droits,  Emprunts Page  581 

I.  Capitation,  p.  584.  Les  six  départements  des  impositions  directes  en  1775, 
p.  589.  Les  vingtièmes  des  revenus  de  la  Ville,  p.  590.  Abus  des 
vingtièmes  à  Paris,  p.  592.  Impositions  spéciales  :  boues  et  lanternes, 
milice,  logements  militaires,  p.  593.  Taxe  des  boues  et  lanternes  perçue 
même  sur  le  domaine  de  la  Ville,  p.  595.  Représentations  du  Parlement 
sur  le  logement  des  gens  de  guerre  (1784),  p.  595.  —  IL  Droits  doma- 
niaux et  monopoles,  p.  590.  Droits  d'entrée,  de  gare  et  de  hallage,  p.  598. 
Privilège  des  bourgeois,  p.  601.  Quittance  d'octroi,  p.  602.  Le  mur  d'en- 
ceinte de  la  Ferme  générale,  p.  603.  La  Question  de  droit  relative  au  nou- 
veau mur,  p.  608.  —  III.  Emprunts,  p.  610.  Analyse  de  l'édit  de  septem- 
bre 1786,  enregistré  le  7  septembre  au  Parlement,  p.  613.  Listes  des 
souscripteurs  pour  les  quatre  nouveaux  hôpitaux,  p.  614.  Bécit  au  Parle- 
ment sur  l'arrêt  du  Conseil  du  13  octobre  1787  (emprunt-loterie  des  hô- 
pitaux), p.  616.  Dernier  contrat  d'emprunt  entre  le  roi  et  la  Ville  (21  mai  1788), 
p.  617.  Emprunt  direct  de  Necker  à  la  caisse  de  la  Ville,  p.  618. 

XVII. — Les  Fêtes  officielles  et  l'esprit  parisien Page  621 

I.  Analyse  du  procès-verbal  de  la  publication  de  la  paix  de  Versailles, 
p.  621.  Te  Deum  et  fêtes  pour  la  paix  de  Versailles,  p.  624.  Feu  d'artifice, 
p.  625.  Fête  anniversaire  de  la  réduction  de  Paris,  p.  625.  Procès-verbal 
de  la  cérémonie,  p.  626.  Le  dîner  chez  les  Chartreux,  p.  627.  Autres  fêtes 
politiques  annuelles,  p.  628.  Bourse  de  cent  jetons  présentée  au  roi  par 
la  Ville,  le  1er  janvier,  p.  630.  Pains  bénits,  p.  630.  Feux  de  la  Saint-Jean, 
p.  630.  Collations,  p.  631.  Lits  de  justice  à  Paris,  p.  632.  Naissance  d'un 
Dauphin,  p.  632.  Béception  de  princes  étrangers,  p.  632.  Bureau  de  la 
Ville  et  Parlement,  p.  633.  Inauguration,  à  la  Ville,  du  buste  de  Lafayette, 
p.  633.  —  IL  Les  Jours  gras  et  le  Carême  en  89,  p.  634.  Premier  sermon 
où  il  ait  été  question  des  États  généraux,  p.  635.  Première  promenade  des 
jours  saints  au  Bois  de  Boulogne,  en  89,  p.  635.  La  fête  de  l'Assomption 
en  87,  p.  636.  Représentation  arrêtée  au  Théâtre-Français,  p.  636.  Pla- 
cards, nouvelles  alarmantes,  p.  637.  Manifestation  au  Théâtre-Français, 


652  TABLE  DES  MATIÈRES 

p.  638.  Réception  de  Florian  à  l'Académie,  p.  639.  Lettre  (pamphlet) 
de  M.  Desbrugnières  à  M.  d'Agoult,  p.  639.  Le  Gloria  in  excelsix  du 
peuple,  p.  641.  Calembours  parisiens  sur  les  édits  du  8  mai  1788; 
placard  du  25  mai  1788,  p.  641.  Caricature,  p.  642.  Popularité  de 
d'Épréménil,  p.  642.  Sur  le  duc  d'Orléans,  p.  643.  Bienfaisance  du  duc 
et  de  la  duchesse  d'Orléans,  p.  643.  Sur  Galonné  et  les  notables,  p.  644. 
Sur  Brienne  et  Lamoignon  (billet  d'enterrement),  p.  644. 


FIN    DE   LA    TABLF   DES    MATIERES 


TABLE  ANALYTIQUE 


Abatis,  p.  441. 

Abbeville(en  1788),  p.  308. 

Académies  :  de  danse,  p.  421;  fran- 
çaise, p.  039;  des  sciences,  p.  349, 
352,  391. 

Accaparements,  p.  289,  305,  319, 
442. 

Accroissements  de  Paris  sous 
Louis  XVI,  p.  12. 

Acquisition  par  le  domaine  royal, 
procédure,  p.  432. 

Acte  de  démission  (25  juillet  1780) 
des  administrateurs  des  Quinze-Vingts, 
p.  264,  268. 

Actes  notariés,  p.  171,  432. 

Actes  des  apôtres,  p.  645  n. 

Adjudications  de  la  Ville,  p.  372  n. 

Administration  rovale  des  Eaux, 
p.  371. 

Affrv  (Louis  -  Auguste  -  Augustin, 
comte'd'),  p.  354  n.,  483,  485. 

Agard  de  Maupas,  conseiller  au 
Parlement,  p.  626. 

Agiotage,  p.  42  et  n.,  643. 

Agneau  sans  tache,  nom  d'une 
secte,  p.  105  n. 

Agoult  (Ant.-Jean,  vicomte  d'),  ca- 
pitaine aux  gardes,  p.  70,  280,  489, 
639. 

Agrégés  aux  communautés  d'arts 
et  métiers,  p.  452. 

Aguesseau  (Henri-François  d')  ou 
mieux  Daguesseau,  p.  1  n.,  122,  157, 
162. 

Aides  (bureaux  des),  p.  551. 

Aides  (cour  des),  p.  54,  394  n.,  60 i. 
Vov.  Arrêts. 


Aides  (cour  des)  de  Clermont-Fer- 
rand,  p.  587. 

Aigle  d'or  (1'),  chantier  de  bois, 
p.  127. 

Aiguillon  (Armand-Vignerot-Du- 
plessis-Richelieu,  duc  d'),  p.  68  n. 

Al  bert  (Jos.  -  Franc.  - 1  Idcfonse  -  Ré- 
mond),  p.  335,  336,  391,  399,  409, 
443. 

Aligre  (Antoine  d),  chancelier, 
p.  156,  157. 

Aligre  (d'),  conseiller  aux  requêtes 
du  Parlement,  fils  du  suivant,  p.  626. 

Aligre  (Etienne-François  d'),  pre- 
mier président  du  Parlement,  p.  40 
n.,  133,  146,  217. 

Aligre  (hôtel  d'),  p.  472. 

Alimentation  (police  de  1'),  p.  284  sq. 

Alissan  de  Chazet,  receveur  géné- 
ral, p.  584  n. 

Alix  (le  sieur),  poète,  p.  349. 

Alix,  employé  à  la  Ville,  p.  551. 

Allain,  p.  155  n. 

Allusions  politiques  au  théâtre, 
p.  637,  638  et  n.,  639. 

Almanach  des  honnêtes  gens,  p.  222 
à  225. 

Almanach  roval,  p.  33  n.,  322  n., 
438  n.,  579,592'. 

Almanachs  distribués  aux  membres 
du  Bureau  de  la  Ville,  p.  524. 

Amand,  juré  de  la  communauté  des 
boulangers,  p.  437. 

Ambassade  de  Suède  (écuries  de  1'), 
p.  410. 

Ambassade  du  roi  de  Mysore,  p.  356. 

Ambezar  (François,  Claude  et  Jean), 
jurés-trompettes,  p.  406. 

Ambray  (Charles-Henri  d'),  avocat 
général  au  Parlement,  p.  626. 

Ameilhon  (Hubert-Pascal),  biblio- 
thécaire de  la  Ville,  p.  552. 


05  i 


TABLE  ANALYTIQUE 


Ameilhon  (Jacques),  son  fils,  sous- 
bibliothécaire,  p.  552. 

Amelot  (N.),  ministre  de  Paris, 
p.  13  n.,  14  n.,  50,  263,  343,  346, 
536,  622. 

Amendes  en  justice,  p.  465. 

Américains  (club  dos),  p.  390. 

Ami  des  loix  [L'),  p.  179. 

Amiens,  p.  312. 

Amis  des  noirs  (club  des),  p.  390. 

Anarchie  administrative,  p.  559. 

Angers  (règlement  du  diocèse  d'), 
p.  108. 

Angiviller  (Ch. -Claude  La  Billarde- 
rie,  vicomte  d'),  p.  565  et  n. 

Anglure,  p.  295. 

Angoulême  (duc  d'),  p.  384. 

Angran  d'AUcray  (Denis-François), 
lieutenant  civil  au  ClnUclct,  p.  74  et 
n.,  323,  335  et  n. 

Annales  politiques,  eiviles  et  litté- 
raires (de  Linguet),  p.  227. 

Année  municipale,  commençant  le 
46  août,  p.  376  n. 

Annonciades  de  Popincourt,  p.  138. 

Anonymes  (mémoires),  p.  351. 

Antigone,  tragédie  (1787),  p.  636. 

Antoine  (Jacques-Denis),  architecte, 
p.  12,  366. 

Apologie  de  la  Courplénière,  p.  474. 

Appel  au  lioi...  par  les  gens  de  la 
banlieue,  p.  610. 

Appels  ad  Apostolos,  p.  120  n.,  132. 

Appels  comme  d'abus,  p.  132, 133, 
234  et  n.,  419. 

Appointements  des  membres  du  Bu- 
reau de  la  Ville;  leur  somme  en  1764, 
p.  522;  en  1776,  p.  528;  projet  de 
les  réduire,  p.  522  et  n. 

Apurement  des  comptes  de  la  re- 
cette de  la  Ville,  p.  538. 

Arbalétriers,  archers,  arquebusiers 
de  la  Ville,  p.  543. 

Arche-Marion,  p.  412. 

Archevêché  de  Paris,  p.  23,  25; 
justice  de  1' — ,  p.  321. 

Archevêque  de  Bordeaux  [d'Audibcrt 
de  Lussan],  p.  137. 

Archevêque  de  Lyon  [de  Malvin  de 
Montazet],  p.  195,196  n. 

Archevêque  de  Paris,  p.  302,  330. 
Voy.  Beaumont,  Hardouin,  Harlay,  Le- 
clefc  de  Juigné. 

Archevêque  de  Toulouse  [Loménie 
de  Brienne],  p.  136. 

Archevêque  de  Vienne  [Le  Franc 
de  Pompignan],  p.  208  n.  s 

Architecte  de  la  Ville,  par  com- 
mission, p.  537. 

Arcis  [lc-Ponsart],  p.  312. 

Arcueil  (eaux  d'),  p.  17,  565. 


Aréomètre,  p.  556. 

Aréopage  athénien,  rapproche  du 
Parlement,  p.  180. 

Argcnson  (Marc-Pierre  de  Voyer, 
comté  d'),  p.  3,  399,  419  n. 

Argenson  (Bené-Louis  de  Voyer, 
marquis  d'),  p.  4  n.,  104  n.,  344 
n.,  399. 

Aringetle  (pont  d"),  p.  372.  On 
écrit  aujourd'hui  :  Arringeltc(iYj'êi;re). 

Aristocratie  de  magistrats,    p.  66. 

Armançon,  p.  543. 

Armenonville(Jos.-J.-B.Fleuriaud'), 
garde  des  sceaux,  p.  157,  164. 

Arras  (chapitre  d'),  p.  150. 

Arrestations  arbitraires,  p.  481, 
490  sq. 

Arrêté  dos  notaires  du  Châtelet, 
p.  341. 

Arrêté  (apocryphe)  du  Parlement  du 

3  mai  1788,  supprimé  par  Arrêt  du 
Parlement  du  5,  p.  226. 

Arrêtés  du  Châtelet,  16  mai  1788, 
p.  337;  21  mai,  p.  339  n. 

Arrêtés  du  Parlement,  18  fév.  1787, 
p.  37;  4  août  1767,  p.  513;  30  mars 
1776,  p.  192;  14  fév.  1783,  p.  53; 
14  mars,  p.  54;  1er  avril,  p.  55; 
9  mai,  p.  149  n.;  21  mars  1786,  p.  38; 
19  janv.  1787,  p.  149;  13  août, 
p.  38;  24  sept.,  p.  39;  24  oct.,  p.  34 
n.;  4  nov.  1788,  p.  34,  35;  12  nov., 
p.  34,  36  n.;  26  nov.,  p.  306;  18déc, 
p.  311  ;  29  déc,  p.  152;  9  janv.  1789, 
p. 416 ;  6  fév., p.  36  n.;  7  fév.,  p.  316; 

4  avril,  p.  317. 

Arrêts  de  défenses  et  de  surscances, 
combattus  par  le  Parlement,  p.  78. 

Arrêt  de  la  Cour  des  Monnaies, 
3  mai  1787,  p.  101. 

Arrêt  des  Grands-Jours  de  Clcrmont, 

14  déc.  1665,  p.  421  n. 

Arrêts  delà  Cour  des  aides,  16  mars 
1787,  p.  604;  7  sept.  1787,  p.  604. 

Arrêts  du  Conseil,  15  janv.  1538, 
p.  9,  n  ;  8  nov.  1651,  p.  259;  26 mars 
1654,  p.  259;  17  déc.  1654,  p.  259; 

27  oct.  1655,  p.  259;  10  nov.  1657, 
p.     259;     27    mars    1658,    p.    259; 

15  nov.  1658,  p.  259;  19  août  1661, 
p.   285   n.;    23   fév.    1662,    p.   259; 

28  avril  1663,  p.  259;  13  oct.  1667, 
p.  445;  15  janv.  1671,  p.  259;  26  avril 
1672,  p.  10  et  n.;  17  nov.  1674, 
p.  259;  12  mars  1695,  p.  588  n.; 
25  août  1705,  p.  505;  23  août  1707, 
p.  614;  22  déc.  1708,  p.  419  n.; 
3  sept.  1709,  p.  259;  4  déc.  1720, 
p.  614;  8  avril  1727,  p.  586;  10  août 
1728,  p.  601  ;  25  oct.  1728,  p.  422; 
31  oct.  1730,  p.  292;  17  mars  1732, 


TABLE  ANALYTUH'E 


655 


p.  422;  12  oct.  1741,  p.  445;  19  aoûl 
1747,  p.  601  ;  18  déc,  p.  585;  22  août 
1750,  p.  12  n.;  7  sept.  1751,  p.  290; 
9  avril  1752,  p.  417;  24  sept.  1754, 
p.  587;  17  sept.  1755,  p.  299;  4  juin 
1761,  p.  304;  23  juin  1763,  p.  566; 
6  avril  1764,  p.  511;  29  mai  1766, 
p.  141  ;  24 janv.  1767,  p.  522;24juill., 
p.  513;  10  sept.,  p.  585;  16  avril 
1768,  p.  299;  13  oct.  1769,  p.  601; 

15  sept.  1771,  p.  503;  22  déc.  1772, 
p.  520;  24  fév.    1773,  p.  585,  586; 

16  mai,  p.  166  n.;  2  oct.  1774,  p.  601 
n.,  602;  22  déc,  p.  112  n.;  19  août 
1775,  p.  186  n.:22  fév.  1776,  p.  187; 
26  juill.,  p.  588;  2nov.l777,  p.  592; 

29  mars  1778,  p.  590;  14  mars  1779, 
p.  581;  19  déc,  p.  199  n.;  2  mars 
1780,  p.  203  n.;  12  mai,  p.  203  n.; 
19  mai,  p.  128,  22  juillet,  p.  203  n.; 

6  août,  p.  203  n.,  17  août,  p.  105; 

5  sept.  1781 ,  p.  601  ;  27  oct.  p.  583; 
21  juin  1783,  p.  128,  132,  134; 
18  juill.,  p.  268;  23  août,    p.  536; 

14  sept.,  p.  132;  27  ou  23  sept.  1783, 
p.  132;  27  sept.,  p.  583;  14  mars 
1784,  p.  471  ;  31  mars,  p.  601  ;  8  avril, 
p.  538;  20  mai,  p.  506,  révoqué, 
p.  507;  6  juin,  p.  506,  révoqué, 
p.  507;  12  août,  p.  556;  21  août, 
p.  11  n.;  3  mars  1785,  p.  208  et  n.; 
16  avril,  p.  161  n.,  208  et  n.;  19  juin, 
p.  208  et  n.;  15  juill.,  p.  554,  556, 
21  juill.,  p.  601;  12  août,  p.  161  n.; 
208  et  n.;  3  sept.,  p.  208  et  n.; 
13  sept.,  p.  161  n.;  23  oct.,  p.  281; 
13  nov.  p.  584;  15  janv.  1786,  p.  126, 
18  janv.  1786,  p.  584;  fév.,  reg. 
Chambre  des  comptes,  le  4  avril, 
p.  584;  22  avril,  p.  281;  7  sept., 
p.  12  n.;  28  sept.,  p.  601;  2  nov., 
p.  601  n.;  7  déc,  p.  601;...  1787,  dé- 
féré le  23  oct.  au  Parlement,  p.  217, 

15  fév.,  p.  3.80  et  n.;  4  sept.,  p.  472, 

7  sept.,  p.  607  n.;  13  oct.,  p.  255  n.; 
6J2,  615,  616;  5  juill.  1788,  p.  226, 
470,  474;  26  juillet,  p.  357  n.;  18  août, 
p.  45;  29  déc,  p.  45;  17  janv.  1789, 
p.  45;  14  fév.,  p.  378;  sur  mande- 
ment épiscopal  (Reg.  Pari.,  21  fév.); 
p.  106;  6  juin,  p.  230  n. 

Arrêts  du  Conseil  non  enregistrés, 
traités  par  le  Parlement  comme  écrits 
de  simples  particuliers,  p.  217. 

Arrêts  du  Parlement,  4  oct.  1370, 
p.  293;  15  juin  1554,  p.  447;  29  mars 
1563,  p.  447;   12  juin  1662,  p.  445; 

30  avril  1663,  p.  426  n.;  5  sept.  1667, 
p.  421   n.;  22  janv.   1672,  p.  418  n.; 

6  juin  1681,  p.  568;  20  fév.  1696, 
p.  293;  8  mars  1702,  p.  505;  11  avril, 


p.  505  n.;  4  juin  1704,  p.  505  n.; 
27  août  1711,  p.  293;  15  déc,  p'.  418 
n.;  10  fév.  1724,  p.  418  n.;  27  juin 
1725,  p.  114;  8  juin  1736,   p.   195; 

20  juin  1736,  p.  195;  7  janv.  1738, 
p.  376  n.;  18  mai  1745,  p.  468; 
24  avril  1766,  p.  293;  9  mai  1766. 
p.  293;  4  déc.  1769,  p.  145;  7  sept, 
1770,  p.  125;  21  mai  1773,  p.  561, 
562;  13  déc.  1774,  p.  94;  4  janv. 
1775,  p.  95;  7  janv-,  p.  95;  24  janv., 
p.  95;  4  fév.  p.  177;  27  juin,  p.  94; 

30  juin,  p.  179;  6  sept.,  p.  182; 
7.  sept.,  p.  183;  25  janv.  1776,  p.  142 
n.;  30  janv.,  p.  186;  16  fév.,  p.  187; 

17  fév.,  p.  112'et  n.;  26  fév.,  p.  189; 
3  mai,  p.  193;  21  juin,  p.  445; 
16  juillet,  p.  299;   31  déc,  p.  290; 

18  janv.  1777,  p.  194;  22janv.,  p.  75  ; 
7  lév.,  p.    194;    13    mars,    p.    196; 

11  avril,    p.    196;    17  juin,  p.    77; 

18  juill.,  p.  257;  13  août,  p.  144; 
5  sept.,  p.  294  n.;  20  sept.,  p.  197; 

24  nov.,  p.  143;  12  déc,  p.  414  n.; 
7  janv.  1778,  p.  198;  26  fév.,  p.  298; 

5  mai,  p.  77;  4  août,  p.  434;  14  août, 
p.  76;  29  sept.,  p.  434;  16  déc, 
p.  198;  12 janv.  1779,  p.  299;  20 janv., 
p.  72;  11  fév.,  p.  172;  3  mars,  p.  262; 
2   juin,    p.    454;    19   juin,    p.   304; 

13  juill.,  p.  199,  296;  16  juill.,  p.  72- 
74;  17  juill.,  p.  299;  10  août,  p.  262; 

6  sept.,  p.  262;  16  déc,  p.  447; 
27janv.  1780,  p.  567;  26  fév.,  p.  448; 

7  mars,  p.  144,  263  ;  8  avril,  p.  430; 
5  juill.,  p.  453;  4  sept.,  p.  427-428; 

7  sept.,  p.  199,  455;  16  janv.  1781, 
p.  77;  25  janv.,  p.  203;  10  fév., 
p.  571;  20  fév.,  préparé,  non  pu- 
blié,   p.   414;    6    mars,   p.   146    n.; 

12  mars,  p.  40  n.;  13  mars,  p.  453; 
23  mars,  p.    203;   4  avril,   p.   204; 

25  mai,  p.   204;   22  juin,  p.  294  n.; 

31  juill.,    p.   107;  7   août,   p.   206; 

8  août,  p.  206;  30  avril  1782,  p.  75; 
7  mai,  p.  78;  6  juill.,  p.  568;  11  juill., 
p.    147;   27   fév.    1783,   p.   294   n., 

26  mars,   p.    463;    7   mai,    p.    207; 

14  juill.,   p.    147;   23    août,  p.  78; 

19  sept.,  p.  420;  26  sept.,  p.  300; 

21  fév.  1784,  p.  294  n.;  2  avril, 
p.  142  n.;  7  mai,  p.  78;  18  mai, 
p.  78;  20  juill.,  p.  207;  21  juill., 
p.  423;  5  sept.,  p.  508;  10  sept., 
p.  207;  1er  mars  1785,  p.  79;  23  avril, 
p.  423;  27  avril,  p.  439;  2  sept., 
p.  435;  30  déc,  p.  373  n.;  14  janv. 
1786,  p.  208;  7  fév.,  p.  209;  31  mai, 
p.  209;  juill.,  p.  108  n.;  M  août, 
p.  210;  2  déc,  p.  431;  31  déc  1787, 
p.  150;  7  janv.   1788,  p.  220;  9  fév., 


056 


TAULE  ANALYTIQUE 


p.  171;  7  mars,  p.  152;  18  mars, 
p.  352  n.;  5  mai,  p.  226;  24  sept., 
p.  487;  27  sept.,  p.  227;  2  déc, 
p.  107;  9  déc,  p.  174;  13  déc, 
p.  151;  17  déc,  p.  227;  17  janv. 
1789,  p.  560;  10  fév.,  p. 230;  18  fév., 
p.  95;  19  fév.,  p.  79-85;  6  mars, 
p.  231;  13  mars,  p.  245;  23  juin, 
p.  245;  juin,  p.  107. 

Arrêts  du  Parlement,  au  criminel, 
de  1775  à  1789;  classés  par  ordre  de 
dates,  p.  87,  note  2. 

Arrêt  du  propre  mouvement  de  Sa 
Majesté,  du  20  oct.  1787,  p.  368. 

Arrosage,  p.  425.     t 

Arquebuse  (chevaliers,  prix  de  T); 
p.  524,  543  n.;  médailles,  reines  de 
r_   p.  543  n.  f 

Arquebusiers,  corps  de  métier, 
p.  390.  Vov.  Arbalétriers. 

Arsenal, >.  321,  367,  384  n.,  410, 
564. 

Art  de  vérifier  les  dates  (L'), 
p. 158  n. 

Artillerie  de  la  Ville  (capitaine  de 
F),  p.  556. 

Artois  (comte  d'),  p.  384,  417. 

Arls  libres,  p.  464. 

Aspersion  (droit  d')  dans  Paris, 
p.  113. 

Assemblée  constituante,  p.  20, 
199  n.,  251,  336. 

Assemblée  de  charité  à  l'Hôtel  de 
Ville,  p.  139. 

Assemblée  du  clergé  de  France , 
p.  32,  67  n.,105,  108n. 

Assemblée  provinciale  de  l'Ile-de- 
France,  p.  19  n.,  124  n  ,  580. 

Assemblées  provinciales  de  1787, 
p.  498  n. 

Assignation  du  prévôt  de  Paris  aux 
administrateurs  des  Quinze- Vingts, 
17  avril  1789,  p.  281  n. 

Assignations  données  en  payement 
par  le  Trésor,  p.  46,  48. 

Associations  ouvrières  illicites, 
p.  467  et  n. 

Assomption  (fête  de  F)  en  1787, 
p.  636. 

Assurance  contre  l'incendie,  p.  44, 
382  et  n.;  sur  la  vie  (en  projet), 
p.  383  et  n. 

Athénée,  p.  354  n. 

Attributions  pécuniaires  sur  la  lo- 
terie, p.  521  n.,  525. 

Aube,  receveur  de  la  Ville  à  Man- 
tes, p.  521. 

Aubert,  suppôt  de  l'intendance  de 
Paris,  p.  388  n. 

Aubert,  commissaire  au  Chàtelet 
(quartier  Saint-Denis),  p.  420. 


Aubcrtin  (Charles),  p.  105  n. 

Aubry,  professeur,  p.  154. 

Audience  de  police,  p.  326;  des 
criées,  p.  326. 

Augeard  (Jacques-Mathieu),  secré- 
taire des  commandements  de  la  reine, 
p.  208,  340. 

Augustins,  p.  625,  626. 

Aumône  (taxe  d'),  p.  254. 

Aumônier  de  la  Ville,  p.  530. 

Aumont,  employé  à  la  Ville,  p.  550. 

Aulun  (collège  cl'),  p.  151  n. 

Auvergne  (Antoine  d'),  musicien, 
directeur  général  de  l'Opéra,  p.  380. 

Auxerre  (collège  d'),  p.  142  n. 

Avis  au  public  et  principalement  au 
tiers  état...  (contre  d'Épréménil) , 
p.  642-643. 

Avis  aux  Parisiens,  p.  231. 

Avis  de  la  Ville,  p.  16  n.,  17  n.; 
du  23  janv.  1787,  p.  431  ;  du  15  janv. 
1789,  p.  370. 

Avis  du  bureau  des  finances,  2  janv. 
1787,  p.  431. 

Avis  du  lieutenant  général  de  po- 
lice, p.  16  n.;  du  15  fév.  1787,  p.  431  ; 
du  8  mai  1789,  p.  431  n. 

Avis  du  peuple  au  roi  et  au  Parle- 
ment, p.  473. 

Avocats  de  la  Ville,  p.  499. 


Baccarit,  architecte,  p.  272, 274,275. 

Bachelier  (J.-J.),  directeur  de  l'école 
de  dessin,  p.  359  n. 

Uachois  de  Villcfort  (Ch. -Simon), 
lieutenant  criminel  au  Chàtelet,  p.  323, 
335  et  n. 

Uachoteurs,  p.  508. 

Bagges  (baron  et  baronne  de), 
p.  198. 

Bailliages  :  de  Saint-Denis,  p.  445; 
de  Versailles,  p.  322;  du  Palais, 
p.  25,  226,  321. 

Bailly  (Jean-Svlvain),  p.  247  n., 
253,  349,  403  n.,"509,  558  n. 

Balayage,  p.  424,  426. 

Balincourt  (Ch. -Louis  Testu,  comte, 
puis  marquis  de),  p.  204. 

Baluzc  (Et.),  p.  125. 

Ban  (ruptures  de),  p.  479. 

Ban  et  arrière-ban,  p.  322. 

Banlieue  :  ses  plaintes  contre  la 
Ferme,  p.  609. 

Banqueroutes  frauduleuses,  p.  97- 
98,  371  n. 

Barbaud,  chef  de  bureau  à  la  po- 
lice, p.  402. 


TABLE  ANALYTIQUE 


637 


Barbier  (Journal  de  V avocat),  p.  3 
n.,  10  n.,  12  n.,  30  n.,  32  n.,  37, 
38  n.,  112  n.,  114  et  n.,  116  n..  118 
n.,  327,  328  etn.,  344  n., 408,419  n., 

467  n.,  594  n. 

Barbier,  poêlier  de  la  Ville,  p.  SS3. 

Bardin,  marchand  épicier,  p.  48S. 

Barentin  (de),  premier  p  résident  des 
Aides,  puis  garde  des  sceaux,  p.  245, 
258,  476.  —  Lettre  à  la  Ville,  du 
7  fév.  '1789,  p.  245. 

Barjols,  dép.  du  Var,  p.  273. 

Barnabites,  p.  138. 

Baron,  empl.  à  la  Ville,  p.  550. 

Barrème  (de),  conseiller-clerc  au 
Parlement,  p.  620. 

Barrières  de  Paris,  énumérécs, 
p.  ool . 

Barroult,  banquier,  p.  43  n. 

Bas  (fabricants  de),  p.  467  n. 

Baslv  (du  bureau  du  Mont-de-Piélé), 
p.  261. 

Bas-Montmartre,  p.  609. 

Bastille,  p.  11,  12,  14,  280,  399, 
400,  471,  472  et  n.,  473,  474,  480  et 
n.,  481,  482;  canons  de  la— ,p.  632; 
destruction  de  la — ,  p.  403  n.,  641; 
fossés  de  la  —  ,p.  367,  383  et  n.;  gou- 
vernement delà — ,  p. 379  n.;  plans  de 
la— ,  p.  382. 

Bateaux  à  lessive  et  à  bains  (droit 
de  places  des),  p.  591. 

Bateaux  à  vapeur,  p.  392. 

Bâtiments  en  péril,  p.  430. 

Bandeau  (l'abbé  Nicolas),  écono- 
miste, p.  184  n. 

Baudin  (Mathieu),  voiturierpar  eau, 
p.  542. 

Baudry  (forêt  de),  dêp.  d'Indre-et- 
Loire,  ]}.  304. 

Bazin,  contrôleur  de  la  Caisse  de  la 
Ville,  p.  506. 

liazoches  :  d'Angers,  p.  237;  du  pa- 
lais, p.  642. 

Beaugé  (Jacques  de),  p.  -432. 

Beaujon  (Nicolas)  :  hospice  fondé 
par  — ,p.  250. 

Bcaulieu  [les-Fontaincs|,  dép.  de 
l'Oise,  p.  312. 

Beaumarchais  (Pierre-Augustin  Ca- 
ron  de),  p.  194,  199  n.,  381  et  n., 
-477. 

Beaumont  (Christophe  de),  arch.  de 
Paris,  p.  117,  120  et  n.,  195  n.,  627. 

Bcauvais  (collège  de),  p.  151  et  n. 

Beccaria  (César  Bonesana,  marquis 
de),  p.  215. 

Bejot,  garde  des  manuscrits  à  la 
Bibliothèque  royale,  p.  381. 

Belgrand,  p.  16. 

Bellanger  (Angélique-Charles),  lieu- 


tenant particulier  au  Châtelet,  p.  323, 
335  et  n.,  340. 

Bellef'ond[s]  (Bernardin  Cigault, mar- 
quis de),  p.  127. 

Bellefov,  chef  de  bureau  à  la  police, 
p.  401. 

Belleville,  p.  434;  prisons  de — . 
p.  388  n. 

Belime,  notaire,  p.  570. 

Berner.  Voy.  Bœhmer. 

Bénédictins  de  Saint-Maur,  p.  127, 
369  et  n. 

Bénissons  le  minisire,  p.  186. 

Benoit  (lillc),  p.  417. 

Bérard,  charcutier,  p.  453. 

Bérardier,  du  bureau  de  Louis-le- 
Grand,  p.  145,  147,150,  154. 

Bergassc  (Nicolas),  p.  381  n.,  470, 
477,  492  n. 

Berge  de  la  Seine,  du  domaine  de 
la  Vilfc,  p.  368. 

Bcrg-op-Zoom,  p.  640. 

Bernage  (de),  prévôt  des  marchands, 
p.  376  n. 

Bernard  (François),  premier  huis- 
sier du  Parlement,  p.  626. 

Bernard  (.ios.),  maître  boulanger, 
p.  316. 

Bernard  de  Boulainvilliers,  prévôt 
de  Paris,  p.  323,  438. 

Bernier  (abbé),  pseudonyme, p.  187  n. 

Berryer  (Nic.-Kené),  lieutenant  gé- 
néral de  police,  p.  3,  342,  399,  441, 
478. 

Berthclot  de  Saint-Alban,  conseiller 
au  Parlement,  p.  183,  200. 

Bertier  de  Sauvigny  (Louis-Bénigne- 
François),  intendant"  d'Ile-de-France, 
p.  284  n.,  289,  333,  386,  387  et  n., 
388. 

Bertin  (H.-L.),  contrôleur  général 
des  finances,  p.  273,  275,  399,  511, 
590. 

Bertrand  (J.-L.-Ét.),  p.  394. 

Berty  (Ad.),  p.  264  n. 

Besson  (Paul),  p.  215  n. 

Bestiaux  (jurés  vendeurs  de),  p.  297. 

Bethléem  (Bedlam),  hospice  de  Lon- 
dres, p.  355. 

Béthune  (comtesse  de),  défendue  par 
Linguel,  p.  177. 

Bibliothèques  :  de  la  ville,  p.  552; 
du  roi,  p.  469;  du  Vatican,  p.  381; 
nationale,  p.  470. 

Bicêtre,  p.  53,  250,  336,  394,  480. 

Bien  (le  sieur),  attaché  au  cardinal 
de  Bohan,  p.  269. 

Biens-fonds  de  la  Ville,  p.  534. 

Bières  (droits  sur  les),  p.  551. 

Bignon  (les  trois),  bibliothécaires  du 
roi,  p.  469  et  n. 


658 


TABLE  ANALYTIQUE 


Bicrnon,  prév.  des  marchands,  p.  512, 
522,  "535,  629. 

Billard  (jeux  de),  p.  419. 

Biollay  (Léon),  p.  317  n. 

Biribi  (jeu  de),  p.  -415. 

Biron  (maréchal,  duc  de),  p.  354  n., 
483,  484,  485  et  n.,  489. 

Blanchard-Dureste  (veuve),  p.  374. 

Blanchet,  huissier  de  la  Ville,  p.  550 
et  n. 

Blés  et  grains:  restrictions  au  com- 
merce des — ,  p.  303,  305,  317;  opéra- 
tions sur  les  — ,  p.  312,  315;  causes 
de  la  disette  de  1788,  p.  307;  état  des 
blés  demandé  à  la  Ville,  p.  378.  Voy. 
Leleu. 

lîlin  de  Sainmore  (Adrien -Mich.- 
Ilyac),  auteur  dramatique,  p.  638. 

Blondel,  conseiller  au  Parlement, 
p.  626. 

Boby,  notaire,  p.  (J8. 

Bochart  de  Saron,  président,  puis 
premier  présidentdu  Parlement,  p. 133, 
228  et  n.,  241,  268,  311  n.,  496. 

Bochemur,  ot'ticier  de  robe  courte, 
p.  52. 

Bodkin  de  Fitzgerald,  cons.  au  Par- 
lement, p.  489  n.,  626.' 

Bœhmer,  joaillier,  p.  280. 

Boin,  commissaire  au  Chàtelct,  page 
488. 

Boin,  garde  des  archives  de  la  Bas- 
tille, p.  380. 

lïois  :  disette  de  1785,  p.  294;  de 
1789,  p.  296;  mesurage,  p.  300;  prix, 
p.  300,  303;  droits,  302;  restrictions 
au  commerce,  p.  301  ;  marchands, 
p.  372. 

Boislisle(Arthurdc),p.21n.,253n., 
347  n. 

Boissel,  conseiller  au  Parlement, 
p.  626. 

Boisseliers,  p.  589. 

Boizol.  inspecteur  des  ports,  p. 
374. 

Bologne  (abbé  de).  Voyez  Bou- 
logne. 

Boncerf  (Pierre-Franc.),  p.    189  n. 

Bonneterie  (corps  de  la),  p.  406, 
467  n. 

Bonscns  (Alex.),  p.  304. 

Bonvallot  (veuve),  marchande  de 
grains,  p.  316-317. 

Bossuet,  p.  119,  141. 

Boucher,  échevin,  p.  586. 

Boucher  d'Argis  (Ant. -Gaspard), 
p.  35,  41  n.,  215e,  521  et  n. 

Boucher  d'Argis  (Ant. -Jean),  fils  du 
précédent,  p.  100  etn. 

Boucherie  et  bouchers,  p.  437,  438, 
439. 


Boucheron,  emplové  à  la  Ville,  page 
550. 

Bouchu ,  secrétaire  de  l'évêquc  de 
Soissons,  p.  152. 

Boucot  (Jacques),  fils  du  suivant,  re- 
ceveur général  du  domaine  de  la  Ville 
(1721-1762),  p.  507  n.,  539. 

boucot  (Jacques1)  père,  mêmes  fonc- 
tions (1717-171!)),  'p.  539. 

Boucot  (Justine-Josèphe),  épouse 
dotale  du  comte  de  Bouault,  p.  539- 
510. 

Boudoux,  employé  à  la  Ville,  p.  552. 

Boudreau,  premier  commis  au  gretle 
de  la  Ville,  p.  5i8,  550,  556,  557. 

Houes  et  lanternes,  p.  368,  425,  593. 

Bouffé,  banquier,  p.  98. 

Bouillcrot,  p.  282. 

Bouillct,  entrepreneur  d'un  specta- 
cle libre,  p.  355. 

Bouïn,  peintre,  p.  464. 

Boula  (Ant. -Franc.),  conseiller  au 
Parlement,  p.  31,  151. 

Boulainvillicrs.  Voy.  Bernard. 

Boulangerie  et  boulangers,  p.  313, 
316,  435,  436,  446. 

Boulard,  greftier  consulaire,  p.  578. 

Boulard,  notaire,  p.  611,  617  n. 

boulevards,  p.  14,  15,  363  n.,  378, 
571. 

Boullée,  p.  366. 

Boullenois,  du  bureau  de  ITlôtcl- 
Dieu,  p.  258. 

Boulogne  (Et. -Antoine,  abbé),  dit  de 
Bo(u]logne,  p.  635. 

Bourbon  (Louis-Amé  de),  fils  naturel 
de  Louis  XV,  p.  138  et  n. 

Bourbon  (Louis-Bcnri-Jos.,  duc  del, 
p.  343. 

Bourdeilles  (Claude  de),  év.  de  Sois- 
sons,  p.  151. 

Bourdon,  bénédictin,  p.  136. 

Bourgeois,  commissaire  au  Châtelct, 
p.  416. 

bourgeois  de  Paris;  leurs  privilèges, 
p.  320/601. 

Bourget  (le),  dép.  de  la  Seine,  p.  308. 

Bourse  (Pierre),  prêtre,  p.  542. 

Bourse  (la),  p.  44. 

Bourses  et  boursiers  universitaires, 
p.  145,  151,  153. 

Boyenval,  emplové  à  la  Ville,  p.  548, 
550. 

Boyer  (le  Père),  de  l'Oratoire,  page 
105  n. 

Bovnes  (hôlel  de),  p.  16. 

Bradier  (Ch.),  p.  210. 

Bréquignv(L.-G.OudardFeudrixde), 
p.  246. 

Bresme  (riv.),  affl.  de  l'Armançon, 
p  543  n. 


TABLE  ANALYTIQUE 


659 


Bressac  (chevalier  de),  3ol. 

Bresse,  grel'tier  des  Uuin/.c-Vingts, 
p.  37 4. 

Bretagne  (province  de),  p.  232,  481, 
482,  601. 

Breteuil  (Louis-Auguste  Le  Tonne- 
lier, baron  de),  p.  lin.,  280, 337, 345, 
340  n.,  347,  469,  472  n.,  507, 544,  625. 
Voy.  Ministre  de  Paris;  Lettres. 

l!relignières  de),  conseillerai!  Par- 
lement,' p.  198  n. 

Brctonvilliers  (hôtel  de),  p.  370  n., 
551 ,  601 . 

Bréviaire  de  Paris,  incriminé  parle 
parti  romain,  p.  195. 

Bricard,  entrepreneur,  p.  275. 

Bric-Comtc-Boberl,  p.  322  n. 

Brienne.  Vov.  Loménie. 

Brière  (fillef,  p.  551. 

Brissac  (Louis-Herculc-Timoléon  de 
Cossé,  duc  de),  gouverneur  de  Paris, 
p.  355,  625. 

Brocanteurs,  p.  458-459. 

Brochant,  receveur  de  l'Hôtel-Dicu, 
p.  258. 

Brochures  commandées,  p.  474. 

Brou  (Paul-.los.  Feydeau  de),  inten- 
dant de  Bouen,  p.  539. 

Brouillot  (J.-P.),  faux-monnaveur, 
p.  101. 

Brousse,  procureur,  p.  152  n. 

Bruère  frères,  merciers,  p.  448,  450. 

Brunet,  bénédictin,  p.  136. 

Brunct  père  et  fils,  condamnés  à  mort, 
p.  304. 

Brunetière  (F.),  p.  220  n. 

Budé  (GuilL),  p.  469. 

Buffault,  écuyer,  receveur  général 
de  la  Ville,  p.  359,  374,  519,  520,  556. 

Buffault  (J.-B.),  échevin,  p.  500  etn., 
502,  557,  608. 

Buffon  (comte  de),  p.  542-543. 

Bulletins  à  la  main,  p.  477. 

Bullion  d'Esclimont  (de),  prévôt  de 
Paris,  p.  327. 

Bure  (de).  Voy.  Debure. 

Bureau  de  la  distribution  du  papier 
timbré,  p.  596  n. 

Bureau  de  la  Ville,  p.  499,  587;  en 
Parlement,  p.  633;  sa  juridiction,  p. 
317,  321  ;  ses  membres  et  leurs  fonc- 
tions, p.  367.  Voy.  Délibérations,  Let- 
tres, Ordonnances,  Sentences  ;  —  Pré- 
vôt des  marchands,  Échevins,  etc. 

Bureau  des  finances,  p.  388,  430, 566, 
568,  574. 

Bureau  des  insinuations,  p.  596  n. 

Bureau  des  pauvres,  p.  254. 

Bureau  des  privilégiés,  p.  601 

Bureau  de  sûreté,  p.  479  n. 

Bureaux  de  charité,  p.  109. 


Bureaux  de  la  police,  p.  399. 
Bureaux    des     ports   et    barrières, 
p.  ool. 


G 


Cabarets  et  cafés,  p.  418. 

Cabinet  particulier  du  roi,  p.  515. 

Cadet  de  Gassicourt  L.-CL),  du  Col- 
lège de  pharmacie  et  de  l'Académie  des 
sciences,  p.  424  n. 

Cadot,  commissaire  au  Chàlelet, 
p.  420. 

Cafetiers-limonadiers,  p.  418. 

Cagliostro  (Alexandre,  comte  de), 
p.  281. 

Cahier  du  Corps  municipal  de  Paris, 
dit  Cahier  de  la  Ville,  p.  255,  612. 

Cahier  du  tiers- état  de  Paris,  nacc 
602  n.  B 

Cailleau,  adjoint  au  syndic  de  la  li- 
brairie, p.  400  n. 

Caisses  :  delà  Ville  (fin  1788),  p.  619  ; 
—  pour  l'amortissement,  p.  541  ;  — 
fictives,  p.  525;  —  de  Poissy  et  de 
Sceaux,  p.  199  et  n..  272,  296,  297, 
438,  439  (Vov.  Boucherie);  —  d'es- 
compte, p.  44,  45-48,  318. 

Calembours  sur  les  Edits  du  8  mai 
1788,  p.  641. 

Callou,  inspecteur  des  eaux  de  la 
Ville,  p.  550,  565. 

Galonné  (Charles-Alexandre  de),  con- 
trôleur général  des  finances,  p.  41   1*6 
289  n.,|  470,  471.  505,  506,  507  et  n' 
539,  546,  611,  644  et  n. 

Camp  (Maxime  du),  p.  12  n.,  15  n., 
247  n  ,  283  n.,  372  n.,  593  n.,  597  n., 
598  n. 

Campardon  (É.),  p.  209  n. 

Campourcy,  pensionnaire  de  la  Ville, 
p.  3/4. 

Camus    Armand-Gaston),  p.  120  n 
125. 

Çange  (Charles  du  Frcsnc,  sieur  du), 
p.  598  n. 

Capelle(dame  de),  recommandée  par 
le  baron  de  Breteuil,  p.  365. 

Capitaineries  de  chasse,  p.  321. 

Capitation,  p.  66,  108  et  n.,  365, 
580,581,588. 

Capucins,  p.  125  n. 

Cardinal-Lcmoine  (collège  du),  na^e 
142. 

Cardon,  fraudeur,  p.  607. 

Carême,  p.  106,  111,  287,  204,  299, 
405,  635.  ' 

Caricature  du  cheval  de  Trêves  (sic), 
p.  642.  "  " 


filiO 


TABLE  ANALYTIQUE 


Carmes,  p.  628. 

Carnavalet  (bibliothèque),  p.  497  n.  ; 
(musée),  p.  030  n. 

Caron,  ex-payeur  des  rentes,  p.  272. 
Carra  (Jean -Louis),   secrétaire  du 
cardinal  de  Bohan,  p.  272-273  n.;  di- 
recteur de  la  Bibliothèque  nationale, 
p.  470. 

Carreau  des  halles  et  rues  avoisi- 
nantes  (balayage  du),  p.  432. 

Carrières,  p.  434,  43îi  n.;  Commis- 
sion spéciale  des  —,  établie  le  1er  jan- 
vier 1779,  p.  565  ;  —  de  Ménilmontant, 
p.  575. 

Carrosses,  p.  458,  597  n.  ;  —  de  la 
Ville,  p.  524. 
Carrousel  (place  du),  p.  641. 
Cartes  (les),  en  Touraine  (dëp.  d'in- 
dre-et-Loire),  p.  304. 

Castillon  (Marguerite-Olympiade) , 
domestique,   p.    208.  Voy.   Lemaître. 
Castrics  (Th. -Eug. -Gabriel   de  La 
Croix,  maréchal  de),  p.  280. 
Catéchisme  du  citoyen,  p.  178. 
Catéchisme  des  Parlements,  p.  231. 
Cauchois    (Jean),    dit    le    Boiteux, 
p.  434,  575  n. 

Cauchv,  du  bureau  de  M.  de  Crosne, 
p.  399.  " 

Caumartin  (Ant. -Louis-François  Le- 
fcbvrede),  prévôt  des  marchands,  pages 
112  n.,  509,  548,  565,  621,  624,  630. 
Cauvin,  entrepreneur  de  carrières, 
p.  434. 
Célestins  (les),  p.  125,  283  n.,  349. 
Cellier  (de),  entrepreneur  des  bar- 
rages du  Morvan,  p.  372. 
Cellier,  parricide,  p.  93. 
Cens-commun,  fief  du  chapitre  de 
l'Église  de  Paris,  p.  118  n. 

Censive  et  mouvance  rovalcs,  p.  432. 
Cent-Filles  (les),  p.  250". 
Cerfs-volants,  jeu  interdit  dans  les 
rues,  p.  432. 
Chabert,  parricide,  p.  93. 
Chaillot,  prévôté,  p.  322  n.  ;  grille 
de  —,  p.  636. 

Chaises  sur  les  boulevards,  droit  af- 
fermé par  la  Ville,  p.  591  n. 

Chàlons  -  sur  -  Marne  (  évêque  de  ) 
|  Anne-Antoine-Jules  de  Clcrmont-Ton- 
nerre],  p.  227  n. 

Chambres  :  civile  du  Chàtelet,  p.  326  ; 
—  criminelle  du  Chàlelet,  p.  325;  — 
de  la  marée,  p.  386  ;  —  des  bâtiments, 
p.  527;  —  des  monnaies,  p.  41  ;  — 
du  Conseil  du  Chàtelet,  p.  325;  —  du 
Parlement  (Voy.  ce  mot);  —  du  procu- 
reur du  roi  au  Chàtelet,  p.  325;  — 
ecclésiastique,  p.  419,  540;  —  syndi- 
cale de  la  librairie,  p.  400  et  n. 


Chamfort  (Séb.-Boch-Nicolas),  page 
470. 

Champion  (Edme),  p.  120  n. 

Champion  (MIle),  brocheuse,  p.  476. 

Champs-Elysées,  p.  636. 

Chandeliers  (maîtres-),  corporation, 
p.  455. 

Chanson  des  rues  autorisée,  p.  349. 

Chantilly,  p.  395. 

Chapeau  mi-parti,  servant  de  sac 
électoral  à  la  Ville,  p.  532. 

Chapitre  de  l'Église  de  Paris  (ou  de 
Notre-Dame),  ses  droits  ecclésiastiques 
et  seigneuriaux,  p.  118  et  n.,  369. 

Charbonnier,  procureur,  p.  467. 

Charbons  de  Paris  (en  1784,  1785, 
1787,  1788,  1789),  p.  295,  296,  299. 

Charcutiers  de  Paris  (corporation), 
p.  440,  453.  Voy.  Saint-Antoine  (fau- 
bourg). 

Charenton,  p.  475,  480,  482;  hos- 
pice, p.  247;  gare  aux  bateaux  proje- 
tée près  des  îles  de  — ,  p.  295,  et  aban- 
donnée, p.  365. 

Charicr,  consul,  p.  577. 

Charité  (La),  hôpital,  p.  247. 

Charlatans  :  tolérés,  p.  422. 

Charles  VI,  p.  8. 

Charles  IX,  p.  321,  333. 

Charmes  (Xavier),  p.  245  n. 

Charon  (N.),  publicislc,  p.  391. 

Charonne,  p.  434. 

Charost  (Armand-Joseph  de  Béthune, 
duc  de),  p.  640. 

Chartes  de  fondation  de  Saint-Mar- 
tin, p.  328. 

Chartres  (Louis,  duc  de),  puis  d'Or- 
léans, p.  343. 

Chartres  (Louis-Philippe-Joseph  d'Or- 
léans, duc  de),  p.  272,  354  n. 

Chartreuse  (Grande-)  de  Grenoble, 
p.  138. 

Chartreux,  p.  615;  dîners  chez  les 
— ,  p.  626  n.  et  627. 

Chassin  (Charles-Louis),  p.  21  n., 
216  n.,  229  n.,  245  n.,  329  n.,  499, 

reo. 

Chàtelet  :  ses  privilèges,  p.  320;  sou 
ressort  extra  muros,  p.  322  n.;  son 
sccl,  p.  330;  il  résiste  aux  Édits  du 
8  mai  1788,  p.  337,  338  et  n.  ;  est  ac- 
cusé de  déni  de  justice,  p.  366  n.Voy. 
Chambres,  Lieutenants,  Prévôt  de  Pa- 
ris, Ordonnances,  Sentences. 

Châiellerault,  sénéchaussée  :  arrêt 
la  concernant,  p.  263  et  n. 

Chaudcsol  (Joseph),  coiffeur  de  da- 
mes, p.  4i5. 

Chaumette  des  Fossés  (Nicolas- 
Louis),  procureur,  p.  466. 

Chaumont,  bailliage,  p.  210. 


TAIJLE  ANALYTIQUE 


661 


Chavanne[s]  (de),  conseiller  au  Par- 
lement, p.  50,  265. 

Chef  de  cuisine  ou  maître  d'hôlel  de 
la  Ville,  p.  374. 

Cheradamc,  entrepreneur  pour  la 
Ville,  p.  553,  554. 

Chesnon  père,  commissaire  au  Chà- 
telet,  p.  470,  471. 

Chevalier,  limonadier,  p.  571. 

Chevalier  du  guet,  p.  331  et  n..  332. 
Voy.  Dubois,  Rulhière,  Carde  de  Paris. 

Chirurgiens,  p.  422  n. 

Choiseul  (Marie  de  Coufficr,  com- 
tesse de),  p.  564. 

Choiseul  (hôtel  de),  p.  10. 

Choron,  notaire,  p.  611. 

Christin  (Ch.-Gab.-Fréd.i,  p.  189  n. 

Chuppin,  du  bureau  de  Louis-le- 
Grand,  p.  147,  150,  154. 

Cicéron,  p.  037  n. 

Cimetières,  p.  349,  127,  128.  Voy. 
Saints-Innocents. 

Cinquanteniers.  p.  529,  530;  leurs 
gages,  p.  555.  Voyez  :  Dixainiers, 
(juartiniers. 

Cité  (La),  p.  369. 

Clefs  (vente  des),  réglementée,  p. 
452. 

Clément  XIV,  pape,  p.  1  10. 

Clément  (Pierre),  p.  3  n. 

Clément  de  Blavette,  conseiller  au 
Parlement,  p.  626. 

Clément  de  Verneuil,  conseiller  au 
Parlement,  p.  626. 

Clercs  de  notaires,  p.  72-74. 

Clercs  de  procureurs;  il  leur  est  in- 
terdit de  postuler  des  affaires,  p.  75. 

Cloaques  dans  les  rues,  p.  296  n. 

Clubs,  p.  354. 

Cochers  ;  leurs  excès,  p.  458.  Voy. 
Carrosses,  Tiers-état. 

Coches  d'eau,  p.  125. 

Cochin  (Jacques-Denis),  curé  de  St- 
Jacques  du  Haut-Pas,  p.  12,  125. 

Cochut,  avocat,  p.  1 68. 

Coffres  (caisses)  des  communautés 
d'arts  et  métiers,  p.  462. 

Coiffeurs  de  dames,  p.  445. 

Colbert  (J.-B.),  p   2. 

Colbert  (Claude-Théophile-Gilbert), 
marquis  de  Chabanais,  p.  JG. 

Collation  des  cures,  p.  118  n. 

Collège  de  chirurgie  (hospice  du), 
p.  248/ 

Collège  de  France,  p.  141. 

Collet,  employé  à  la  Ville,  p.  550. 

Collier  (affaire  du),  p.  281. 

Collignon  (J.-L.),  boursier  univer- 
sitaire, p.  152. 

Colloques  secrets,  au  lit  de  mort, 
censurés  par  le  Parlement,  p.  123. 


Colonel  de  la  Ville,  p.  331.  Vovez  : 
Hay. 

Colonnes  du  Châtelet,  p.  323,  et  n. 

Colporteurs  de  livres,  p.  475,  476; 
—  battus  par  la  populace,  p.  637. 

Comédie  italienne,  p.  16. 

Comédiens,  p.  408. 

Comeiras  (  Pierre  -  Jacques  -  Don  - 
homme  de),  avocat,  p.  99. 

Comin,  secrélaire  du  baron  de  Bre- 
teuil,  p.  365. 

Comité  du  7  avril  1788,  chez  le  mi- 
nistre de  Paris,)).  571.  Voy.  Conseil 
particulier  de  la  Ville. 

Commerce  :  en  gros,  p.  453;  bureau 


consultatif  du 


p.  >o 


77. 


Commeyras.  Voy.  Comeiras. 

Commis  des  domaines  de  la  Ville, 
p.  538  n. 

Commissaires  de  la  marée, p.  291  ;  — 
de  la  navigation  sur  la  Marne,  p. 
548:  —  de  la  navigation  sur  la  Seine 
et  l'Yonne,  p.  548  n.;  —  de  police  au 
Châtelet,  p.  26,  324,  336,  387;  — 
généraux  de  la  voirie,  p.  567  et  n. 
Voy.  Huissiers. 

Commission  des  Réguliers,  ou  de 
l'Union,  p.  11,  127. 

Commission  municipale,  formule 
imprimée  avec  blancs,  p.  542. 

Committimus  (droit  de),  p.  71. 

Communautés  d'arts  et  métiers,  p. 
30,  320,  401,443,  444  et  n.;  -,  dé- 
pendantes de  la  Ville,  p.  589;  police 
d'ordre  des  — ,  p.  457;  administra- 
tion de  leurs  deniers  communs, etc., 
p.  461  sq. 

Commune  de  Paris  :  ses  origines,  p. 
27;  expression  employée  par  le  mi- 
nistre de  Paris,  p.  375. 

Compagnie  des  Indes,  p.  196  n. 

Compagnie  du  prévôt-général  de 
l'Ile-de-France,  p.  479  n. 

Comptabilité  de  la  Ville,  redressée 
par  Turgot,  p.  525. 

Comptes  (Cour  des),  p.  518-519. 

Comptes  financiers:  de  la  Ville,  p. 
523,  600  n.;  la  communication  en  est 
refusée  au  Parlement,  p.  517;  —  de 
Necker  (1781),  p.  515. 

Comptes  rendus  en  Parlement  :  par 
l'avocat  général,  p.  259,  306;  par  le 
lieutenant  civil  au  Châtelet,  p.  98;  par 
le  lieutenant  général  de  police,  pages 
408,  427  ;  par  le  premier  président, 
p.  55,  56;  par  le  prévôt  des  marchands, 
p.  112  et  n., 301. 

Concierge  de  la  Ville,  p.  362. 

Conciergerie  du  Palais,  p.  87. 

Concile  de  Trente  :  pourquoi  «  il  n'a 
pas  été  reçu»  en   France,  p.  122-123. 


662 


TAULE  ANALYTIQUE 


Concordat,  p.  69. 

Condé  (Louis-Henri-Joscph ,  prince 
de),  p.  283  n.,  615.  Voy.  Bour- 
bon. 

Condorcet  (Nicolas  Caritat,  marquis 
de),  p.  186,  213  n.;  391,  392. 

Conférence  (faubourg  de  la),  p.  322 
n.;  (porte  de  la),  p.  594. 

Confession  (billets  de),  p.  123. 

Conflits  administratifs  entre  la  Ville 
et  le  Cliàlelet,  p.  424. 

Confréries  :  leurs  comptes  distincts 
de  ceux  des  communautés,  pour  les 
arts  et  métiers,  p.  4G1  n. 

Congés  universitaires,  p.  143. 

Conseil  particulier  de  la  Ville,  page 
537. 

Conseillers  à  la  Ville,  p.  500,530. 

Conseillers  au  Châtelet,  p.  323. 

Conservation  des  hypothèques,  page 
502. 

Consigne  convenue  entre  la  Ville  et 
le  guet,  p.  563. 

Constance,  conseiller  aux  enquêtes 
du  Parlement,  p.  270  n. 

Constitution  de  la  monarchie  fran- 
çaise, d'après  le  Parlement:  1°  elle 
est  fédéralive,  p.  66,  67,  69;  2°  elle 
est  contractuelle  au  moyen  du  ser- 
ment du  sacre,  p.  70. 

Constitutions  bénédictines  approu- 
vées en  1769,  p.  128. 

Consuls  (Juge  et),  juridiction  com- 
merciale, p.  454,  526,  576-578. 

Consultations  d'avocats,  p.  168, 198. 

Contrat  d'acquisition  domaniale  (7 
septembre  1786),  p.  432. 

Contrat  d'emprunt  (dernier)  entre 
le  roi  et  la  Ville,  p.  617. 

Contrefaçons  en  librairie,  p.  158  sq. 

Contrôle  de  la  caisse  municipale, 
office  ou  commission  tour  à  tour,  p. 
506. 

Convalescents  (Les),  hôpital,  p.  247. 

Convention  nationale,  p.  346. 

Conversation  anglaise,  assemblée  du 
Palais-Royal,  p.  354  n. 

Coquebert  (Antoine-Jean),  avocat, 
p.  454. 

Corbeil  (moulins  de),  p.  308,  312, 
322  n.  Voy.  Lelcu. 

Corbet,  inspecteur  des  bâtiments  de 
de  la  Ville,  p.  361  et  n. 

Corbillards  proposés  par  la  police 
au  lieu  des  porteurs,  pour  les  inhuma- 
tions, p.  42!). 

Cordelicrs  (les),  p.  125. 

Cordicolcs  (les),  prête-nom  des  ex- 
Jésuites,  p.  196. 

Cordonniers  (garçons-),  leur  disci- 
pline corporative,  p.  417. 


Cornet,  secrétaire  du  cardinal  de 
Rohan,  p.  272. 

Corporation  projetée  entre  tous  les 
marchands  de  charbon  fournisseurs 
de  Paris,  p.  509. 

Corporations.  Voy.   Communautés. 

Corps-de-garde,  divers  :  p.  483  sq. 

Corps-de-Ville  :  son  caractère,  sa 
décadence  politique.  Voy.  Bureau  de 
la  Ville,  Ville,  Prévôt  des  marchands, 
Echevins,  Conseillers,  Quartiniers,  etc. 

Cosse  (marais  de),  p.  40  n. 

Couleurs  prohibées  en  confiserie,  p. 
423. 

Coupry,  notaire,  p.  272. 

Courmontagne,  receveur  particu- 
lier, p.  589. 

Cour  plénière  :  son  échec,  plaisan- 
terie à  ce  sujet,  p.  641.  Vov.  Edits  du 
8  mai  1788. 

Cours  souveraines  ou  supérieures. 
Voy.  Aides,  Comptes,  Grand-Conseil, 
Parlement. 

Courtisanes,  p.  635-636. 

Coutume  de  Paris,  p.  17  n.,  320, 
426. 

Coutumes:  leur  légalité,  p.  191. 

Cozctle,  receveur  particulier,  p. 
589. 

Creil,  p.  395. 

Crillon  (François -Félix -Dorothée, 
comte  de),  p.  19  n. 

Croix-du-Trahoir,  et  place,  p.  100. 

Croix-Rouge:  chanoines  réguliers 
de  la  — ,  p.  635. 

Crosne  (Thiroux  de),  lieutenant  gé- 
néral de  police,  p.  59,  70  n.,  218,220 
n.,  226,  323.  335  n.,  337,  338,  339, 
346,  378,  399.416,458,461,467,470, 
476,  477,  481,  483,  486. 

Crussol  (le  bailli  de),  capitaine  des 
gardes  du  comte  d'Artois,  p.  384. 

Crussol  d'I'zès  (François-Joseph- 
Emmanuel  de),  évêque  de  la  Rochelle, 
p.  40  n. 

Culture, Sainte-Catherine  (couvent  de 
la),  p.  552. 

Cumuls  à  la  Ville,  p.  500-501. 

Cures:  leur  inégalité,  p.  139.  Voy. 
Fabriques  ,  Paroisses,  et  les  noms  des 
patrons  paroissiaux. 

Curés  de  Paris  :  leurs  droits  discu- 
tes en  Parlement,  p.  119. 

Cygnes  (île  des),  p.  13,  3G9,  441. 


Dacher  (François), p.  424  n. 
Dacier  'Bon-Joscph\  p.  398  n, 


TABLE  ANALYTIOl'E 


0G3 


Dainville  (collège  de),  p.  150. 

Dais  du  Châtelet,  p.  330. 

Damiens  (Robert-François),  le  régi- 
cide, p.  215. 

Dandasne,  avocat,  p.  571. 

Danses  et  fêtes  baladoires,  p.  42J . 

Dargent,  faussaire  puni  de  mort, 
p.  !)8. 

Dassy,  avocat,  p.  198. 

Dauphin  (le),  fils  aine  de  Louis  XVI, 
[Louis-Joseph-Xavier-François],  né  le 

22  octobre  1781,  mort  le  -4  juin  1789, 
p.  377  n.;  sa  naissance  annoncée  à  la 
Ville,  p.  556;  fêtes  et  cérémonial,  page 
632. 

Dauphine  (place),  p.  482,  640. 

Debar,  horloger  de  la  Ville,  p.  553. 

Debonnières,  avocat,  p.  125. 

Deburc  (Guillaume),  libraire,  p.  172. 

Déclaration  des  droits  de  l'homme 
et  du  citoyen,  p.  !!)J  n. 

Déclarations  du  roi:  10  sept.  1563, 
p.  156  n.;  10  fôv.  1638.  p.  407;  1639, 
p.  121;  7  juin  165!),  p.  125;  15  mars 
1673,  p.  75;  28  janv.  1690,  p.  256; 
16  juin  1693,  p.  567;  16  déc  1698,  p. 
109;  12  mars  1701,  p.  584;  3  déc. 
1702,  p.  256;  9  fév.  1706,  p.  2!ll  ; 
14  oct.  1710,  p.  592;  3  janv.  1711,  p. 
257;  15  déc,  p.  257;  22  déc,  p.  256; 

14  sept.  1714,  p.  256;  29  janv.  1715, 
p.  263;  3  oct.  1716,  p.  256;  2  sept. 
1718,  p.  256;  30  sept.  1720,  p.  256; 

15  mai  1722,  p.  601  ;  1er  avril  172li, 
p.  405,  406;  1er  mars  1727,  p.  264; 
mars  1728,  p.  577;  28  sept.  1728,  p. 
236;  18  juil.  1729,  p.  430;  5  mars 
1732,  p.  256;  16  août  1733,  p.  286; 
8  sept.  1737,  p.  436  n.;26  août  1738, 
p.  256;  3  déc.  1743,  p.  503,  24  sept. 
1744,  p.  236;  7  juil.  1756,  p.  598; 
24  août  1756,  p.  256;  9  juil.  1758,  p. 
513;  13  avril  1761,  p.  587;  30  juil. 
1762,  p.  257;  25  nov.  1762,  p.  600; 

23  mai  1763,  p.  284;  11  fév.  1764,  p. 
510;  4  mai  1766,  p.  51!);  26  déc. 
1767,  p.  256;  22  mars  1768,  p.  237; 

27  juil.  1769,  p.  264;  5  fév.  1771,  p. 
326;  19  août  1774,  p.  256;  autre, 
même  date,  p.  257;  23  déc.  1774,  p. 
294  n.;  10  mars  1770,  p.  349;  19  déc. 

1776,  p.  462;  fév.  1777,  p.  464;  mars 

1777,  p.  465;  25  avril  1777,  p.  423; 
5  sept.  1778,  p.  435  n.;  30  nov.  1778, 
p.  383;  1er  juil.  1780,  p.  611  n.; 
3  sept.  1780,  p.  106;  1er  mars  1781, 
p.    416;    23    sept.    1781,    p.    510; 

28  sept.  1782,  p.  97;  10  avril  1783, 
p.  364;  22  juin  1783,  p.  237  n.; 
23  août  1783,  p.  336,  600;  8  juil. 
1784,  p.    301  ;   30  oct.   1785.    p.    il  ; 


13  juil.  1786,  p.  257;  5  fév.  1787,  p. 
424;  7  fév.  1788,  p.  99  n.;  23  sept. 
1788,  p.  47,  227;  avril  1789  (reg.  P. 
le  29),  p.  101. 

Décrets  :  de  l'Assemblée  nationale 
constituante,  2  juin  1789,  p.  289  n.; 
29  août,  p.  289  n.;  18  sept.,  p.  289  n.; 

5  oct.,  p.  289  n.;  15  déc,  p.  583; 
22  déc,  p.  251;  15  mars,  11  avril 
1790,  p.  583,  601;  2  juin,  p.  298; 
19juin,  p.  137;  4  août,  p. 601;  Il  sept., 
p.  336;  22  déc,  p.  601  ;  16  fév.  1791, 
p.  290 n.;  13  mai,  p.  2!>8;  15  juin,  p. 
290  n.;  21  sept.,  p.  290  n.;  —de  la 
Convention,  7  messidor  an  II,  p.  316; 
—  de  la  Faculté  de  médecine,  8  et 
12  août  1772,  p.  144  n. 

Defer  de  la  Nouërre,  économiste, 
auteur  du  projet  de  canalisation  de 
l'Yvette,  p.  359  et  n.,  360,  361  n. 

Déficit  (monsieur),  p.  641. 

Delaistre,  inspecteur  des  eaux  de  la 
Ville,  p.  565  n. 

Delaître,  directeur  général  des  aides, 
p.  550,  551 . 

Delalain,  adjoint  au  syndic  de  la  li- 
brairie, ]>.  410  n. 

Delamare,  conseiller  au  Châtelet, 
auteur  du  traité  de  la  Police,  p.  320 
n.,  329,  397,  398  et  n. 

Delamotte,  juge-consul,  p.  578. 

Delaune,  avocat,  p.  127  n. 

Delavigne,  avocat,  p.  466-467. 

Delavigne  (épouse  Lemaître),  p.  208. 

Delavovepicrre  (Denis),  consul ,  p. 
578-579/ 

De  lièvre  (dame),  p.  357. 

Délibération  à  prendre  par  toutes 
les  municipalités  du  royaume,  p.  227. 

Délibérations:  delà  communauté  des 
libraires,  23  janv.  1779,  p.  169;  — 
des  procureurs  au  Châtelet,  30  mai 
1788,  p.  340. 

Délibérations  des  états  de  Virginie, 
17  déc.  1781  et  1er  déc.  1781,  p.'  633. 

Délibérations  du  bureau  de  la  Ville, 
25  mai  1740,  p.  116;  12  mars  1761, 
p.  374  ;  23  sept.  1763,  p.  552;  10  mai 
1764,  p.  511;  12  fév.  1765,  p.  512; 
12  avril  1768,  p.  374;  1  1  juin,  p.  551  ; 
22  déc  1768,  p.  374;  5  déc  1771,  p. 
525;  12  août  1773,  p.  552;  30  juil. 

1776,  p.  37  i  ;  7  fév.,  18  avril,!!)  août 

1777,  p.  536;  26  août  1777,  p.  552; 

6  nov.,  p.  374;  20  fév.  1778,  p.  374; 
22  oct.  1781,  p.  536;  14  juin  1782,  p. 
556;  17  janv.  1783,  p.  510  n.;  12  août, 
p.  539;  31  oct.,  p.  538;  7  mai  1784, 
p.  ,603;  20  août,  p.  374,  507,  518; 
22  sept.,  p.  374;  2  août  1783,  p.  304; 
20  oct.,  p.  511  ;  11  fév.  1786,  p.  611 


664 


TABLE  ANALYTIQUE 


n.;  6  mars,  p.  564  et  n.;  20  mars, 
p.  361  n.;  M  avril,  p.  546  n.;  24avril, 
p.  552;  2  juin,  p.  509,  604 n.;  11  juil., 
p.  595;  10  août,  p.  361  n.;  7  déc, 
p.  601  n.;|29  déc,    p.    5i6;    16   fév. 

1787,  p.  552;  23fév.,  p.  362;  9  mars, 
p.  552;  9  oct.,  p.   616  n.;  18  mars 

1788,  p.  548;  15  mai,  p.  574;  1"  juil., 
p.  606;  18  juil.,  p.  365;  12  août, 
p.  547;  18  août,  p.  612  n.;  13,  17  et 
21  sept.,  p.  618;  9  janv.  1789, 
p.  139;  17  mars,  p.  627  et  628  n., 
1er  mai,  p.  548;  27  juin,  p.  370. 

Délibérations  du  bureau:  de  l'Hôtel- 
Dieu,  27  nov.  1776,  p.  257  ;  —  de 
Louis-le-Grand,  15  l'év.  1781,  p.  145; 
4  avril,  p.  145;  17  janv.  1788,  p.  153; 
—  du  Mont-de-Piélé,  homologuée  le 
25  mars  1780,  p.  263. 

Delisle,  chevalier  de  Saint-Louis,  p. 
483,  484. 

Delisle  de  Sales  (J.-B.  Isoard),  p. 
186  n,  468  n. 

Délivrance  des  prisonniers,  p.  97. 

Demilly,  employé  à  la  Ville,  p.  548. 

Denis,  procureur,  p.  438. 

Denis  (Nie. -J.-B.  ),  président- pre- 
mier du  Bureau  des  finances,  p.  382; 
cité  en  Parlement  le  11  avril  1783,  p. 
569-570. 

Denisart,  libraire,  p.  173. 

Dénonciation  au  public,  etc.,  signée 
Patriophile,  p.  477. 

Dentelle  noire  (œuvre  de  la),  p.  251 . 

Déparcieux  (Antoine),  phvsicien,p. 
360. 

Départements  des  impositions  di- 
rectes à  Paris,  p.  589. 

Dépenses  fixes  de  la  Ville,  p.  558, 
572  n. 

Député  de  Paris  pour  le  commerce, 
p.  577. 

Derin,  employé  à  la  Ville,  p.  548. 

Desaint  (veuve),  libraire,  p.  172, 
173, 174. 

Desban,  employé  à  la  Ville,  p.  550. 

Desbois  de  Rochefort  (Éléonore-Ma- 
rie),  curé  de  Sainl-André-des-Arcs,  p. 
139  et  n.,  249. 

Desbrugnières,  exempt  de  police, 
p. 639. 

Descours,  capitaine  des  gardes,  page 
556. 

Desescoutcs,  emplovéàlaVille,  page 
550. 

Desgrançes,  maître-tapissier,  et  sa 
fille,  p.  490  sq. 

Desjardins  (Albert),  p.  214  n.,  216. 

Desmazes  (Charles),  p.  333  n. 

Desnos(Pierre-Joseph  Odolant),  p.  8 
n  ,  321  n. 


Desnoyers  (Abraham),  commissaire 
au  Châtelet,  p.  405. 

Desormes  (femme),  condamnée  pour 
escroquerie,  p.  95. 

Desquenet-Duclos    (G.-A.-Él.  ),  p. 
151. 
Desroches,  procureur,  p.  127  n. 
Dessin  (école  de),  et  places  fondées 
par  la  Ville,  p.  359. 
Dettes  de  la  Ville  en  1775,  p.  523. 
Devillc  (demoiselle),  reine  de  l'Ar- 
quebuse en  1788,  p.  543. 

Devilliers,  du  bureau  de  Louis-le- 
Grand,  p.  154. 

Devins,  magiciens,  sorciers,  p.  422. 
Devis  municipaux,  p.  538. 
Devoir  (sociétés  du),  p.  467  n. 
Diatribe  à    l'auteur  des  Èphémé- 
rides,  p.  183. 

Digne  (abbé),  ex-chanoine,  p.  273. 
Dimanches  et.  fêtes  (observation  lé- 
gale des),  p.  350,  402' sq.,  418,  421. 

Direction  :  de  la  librairie,  p.  469;  — 
des  droits  de  la  Ville,  p.  551  ;  —  des 
impositions  de  Paris,  p.  584. 

Discours  sur  V administration  de  la 
justice,  par  Servan,  p.  215. 

Disettes  ou  chertés  du  blé  aux  XV110 
et  XVIIIe  siècles,  p.  285  et  n. 
Distillateurs  (maîtres-),  p.  418. 
Distributions  au  peuple,  p.  625. 
Dixainiers,  p.  529,  555. 
Dixième  (le),  subside  transformé  en 
impôt  territorial,  p.  66,582  n. 

Domaine  de  la  Ville,  p.  432,535;  — 
du  roi,  p.  191  et  n. 

Don  gratuit  de  la  Ville  au  roi  (1758), 
p.  599. 

Donneuses  par  acquêt,  p.  292-293. 
Dorival,  échevin,  p.  350  n.,  608. 
Dormans  (collège  de),  p.  151. 
Dorne    (J.-Fr.),  compagnon  de  ri- 
vière, commissionné  par  la  Ville,  p.  542. 
Douay,  consul,  p.  577-578. 
Douet  d'Arcq,  avocat,  p.  125. 
Doumerc,  agent  pour  les  blés,  pages 
313,  378. 

Dourlens,  ancien  nom  de  Doullens, 
p.  59. 

Draperie- mercerie,  communauté, 
p. 446. 

Droit  municipal  primitif,  p.  575. 
Droits  de  l'homme,  invoqués  par  le 
Parlement,  p.  61. 

Droit,sd'entrée,garcel  hallage,  page 
598,  600;  de  hanse,  p. -591;  d'octroi, 
p.  256,  257,  516,  599,  601  ;  de  robes, 
p.  525;  des  années  de  grâce,  p.  525; 
Droits  des  auteurs,  p.  158  sq. 
Droits  et  honoraires  du  Bureau  de 
la  Ville,  réduits,  p.  537. 


TABLE  ANALYTIQUE 


665 


Droits  féodaux,  soutenus  rigoureu- 
sement par  le  Parlement,  p.  192. 

Droits  sur  la  bière,  le  bois,  l'eau-dc- 
vie,  le  vin,  etc.,  p.  599;  les  carrosses, 
p.  458;  les  grains,  p.  284;  lesolfices, 
p.  597. 

Droz  (le  sieur  et  la  dame),  p.  385. 

Droz  (Joseph),  historien,  p.  174  n., 
180  n.,  377  n. 

Dubois  (cardinal),  p.  419  n. 

Dubois  (le  chevalier),  commandant 
du  guet  de  Paris,  p.  354,  448,  419, 
481,' 488,  489,  563,  623,  640. 

Dubuisson(dlle),  brocheuse,  p.  475. 

Dubut,  maître  à  danser,  p.  421  n. 

Ducangc.  Voy.  Cange. 

Duclos  (Charfes  Pinot- ),  p.  3  n. 

Ducoudray,  employé  à  la  Ville,  p.  552. 

Ducrest  (Charles-Louis,  marquis), 
chancelier  du  duc  d'Orléans,  p.  472. 

Ducrocq,  employé  à  la  Ville,  p.  550. 

Dudover,  conseiller  au  Parlement, 
p.  270  n. 

Duféy  (P.-J.-S),  p.  198  n. 

Dufranc  (Fr. -Louis),  grct'tier  du  Par- 
lement, p.  113,  626. 

Duhamel,  faïencier,  p.  369;  entre- 
preneur pour  la  Ville,  p.  554. 

Duhau,  traiteur,  p.  405  n. 

Dulion,  notaire,  p.  171 . 

Dumas,  serrurier,  p.  271. 

Dumo[u]lin  (Charles),  jurisconsulte, 
p.  214. 

Dunkerque  (génévrerie  de),  p.  308. 

Dupaty  (J.-B.  Mercier-),  président  de 
grand'chambre  au  Parlement  de  Bor- 
deaux, p.  158  n.,  210. 

Duperey  (Jean-Félix),  ex-abbé;  rom- 
pu vif  en  1789,  p.  95  et  n. 

Dupin,  p  397. 

Dupleix  (Guill.),  p.  617. 

Dupleix  de  Sainte-Albine,  p.  43  n. 

Dupont,  du  bureau  de  l'Hôtcl-Dieu, 
p.  258. 

Du  Pont,  des  requêtes  du  Palais. 
p.  270  n. 

Du  Pont,  lieutenant  particulier  au 
Chàtelet,  p.  323,  335  ... 

Duport  (Adrien),  conseiller  au  Par- 
lement, p.  59,  386  n. 

Dupuv,  du  bureau  de  Louis-lc-Grand, 
p.  150,  154. 

Durant,  du  bureau  de  l'Hôtcl-Dieu, 
p.  258. 

Durocher,  commandant  la  maré- 
chaussée de  Passy,  p.  550. 

Dutronchct,  inspecteur  de  police, 
p  394. 

Duval  de  Beauvais,  conseiller  au 
Chàtelet,  p.  392. 

Duval  d'Epréménil.  Voy.  Epréménil. 


Eau  stomachique,  p.  424. 

Eaux  de  Paris  (administration,  — 
compagnie  des),  p.  44,  371,  390,  563. 

Echevins  de  Paris,  p.  368,  371 ,  499, 
528. 

Echoppes  sur  les  quais,  p.  376  n. 

École  de  chirurgie,  p.  488. 

Ecole  militaire,  p.  250;  farines  à  1' 
-,  p.  314. 

Écoles  (petites),  p.  155. 

Ecoliers,  p.  417,  468. 

Economistes,  combattus  parle  Par- 
lement, p.  309. 

Ecoucn,  p.  395. 

Ecurie  louée  par  la  Ville,  p.  524. 

Ecuries  :  du  duc  de  Chartres,  p.  272; 
grandes  — ■,  p.  384  n.;  petites  — , 
p.  384  n. 

Edée,  boulanger,  p.  318. 

Edition  d'un  ouvrage,  cachée  dans 
un  souterrain,  p.  476. 

Édits  :  août  1410,  p.  333;  juillet 
1493,  p.  332;  avril  1519,  p.  569;  mai 
1526,  p.  331  n.;  19  juin  1536 (Crémieu), 
p.  516;  janv.  1539,  p.  332;  16  févr., 
p.  321  ;  24  mai  1516,  p.  267;  11  déc. 
1547,  p.  156  n.;  27  juin  1551  (CM- 
teaubriant),  p.  156  n.;  22  oct.  1563, 
p.  505  n.;  nov.  1563,  p.  576;  déc. 
1566,  p.  418  n.;  janv.  1626,  p.  156; 
déc.  1649,  p.  157;  déc.  1663,  p.  426; 
déc.  1666,  p.  125,  321  ;  1672,  p.  286; 
fév.  1674,  p.  321  :  juill.  1681,  p.  505, 
507  et  n.;  juill.  1682,  p.  422;  janv. 
1685,  p.  325  n.;  août  1686,  p.  157; 
janv.  1690,  p.  297;  11  mars,  p.  299  ; 
mai,  p.  504  et  505  ;  mars  1691 ,  p.  569; 
déc,  p.  540  ;  janv.  1695,  p.-  588;  déc. 
1695,  p.  155;  déc.  1701,  p.  26,  454; 
mai  1703,  p.  508;  oct.,  p.  450:  janv. 
1704,  p.  508;  juill.  1706,  p.'  505; 
déc,  p.  291  ;  janv.  1707,  p.  299;  juin, 
p.  508;  mai  1708,  p.  291  ;  mars  1709, 
p.  291  ;  août  1711,  p.  436;  mai  1715, 
p.  286;  sept.  1719,  p.  286,  292;  fév. 
1723,  p.  157,  164  et  n.;  mars  1740, 
p.  451  n.;  juin  1741,  p.  286;  3  déc. 
1743,  p  299,  598;  août  1744,  p.  286; 
août  1758,  p.  599;  mars  1760,  p.  286; 
juill.  1767,  p.  513,515;  1768,  p.  136; 
août  1769,  p. 454  ;  nov. 1771,  p.  599; 
nov.  1772,  p.  520:  nov.  1774,  p.  41  n.; 
janv.  1775,  p.  582  n.;  5  fév.  1776, 
p.  285  ;  août  1776  (Heg  Pari,  le  28), 
p.  443,  447,  448,  452,  461,  464; 
30  août  1777  (au  nombre  de  quatre), 


666 


TABLE  ANALYTIQUE 


p.  160,  161.  103  sq.,  519;  août  1781, 
p.  001  -,  3  juill.  1782,  p.  581  ;  août, 
p.  450;  nov.,  p.  100;  août  1783, 
p.  500  et  n.;  déc,  p.  471  ;  janv.  1784, 
p.  271  n.;  août,  p.  471  ;  sept.,  p.  010; 
30  déc  ,  p.  471  ;  25  fév.  1785,  p.  001  ; 
déc,  p.  471  ;  sept.  1786  (Beg.  Pari., 
7   sept.),    p.   14,    012,  014;  *17  juin 

1787,  p.  305;  23  nov.,  p.  218,  011  n., 
617;  8  mai  1788,  p.  99,  335;  10  oct., 
p.  215. 

Égouts,  p.  424,  425;  grand-égout, 
p.  307. 

Election  do  Paris,  p.  605  et  n. 

Élection  du  prévôt  des  marchands, 
p.  499. 

Élevage  d'animaux  interdits  à  Paris, 
p.  425. ' 

Embauchages  militaires, p.  351,355. 

Emprisonnements  par  lettres  de 
cachet,  p.  4!)  sq. 

Emprunts  publics  sous  Louis  XVI, 
cnumérés,  p.  011  n.;  —  de  1758, 
p.  499;  do  1782,  1787,  p.  3il  n.;  de 

1788,  p.  518  et  018;  de  Bourgogne, 
du  clergé,  do  Languedoc,  p.  013; 
frais  des  — ,  réduits  par  Turgot, 
p.  613;  accrus  par  Galonné,  p.  471  ; 
politique  du  Parlement  en  matière  d' 
—  p.  00  n.; —  universitaires,  p.  147. 

Enceintes  do  Paris,  p.  7,  010  n. 
Voy.  Ferme  générale. 

Encyclopédie,  citée,  p.  102n.,  199n., 
247  n.,  309  n.,  320  n.,  397,  421. 

Enfant-Jésus  (L'),  p.  250;  bluterie 
de  1'  — ,  p.  312. 

Enfants-Trouvés,  ou  la  Couche, 
p.  251. 

Enfer,  surnom  d'une  salle  de  jeu, 
p.  409. 

Enquête  parlementaire  sur  les  opé- 
rations relatives  aux  grains,  7  et 
11  fév.  1789,  p.  311-317. 

Enseignement  des  collèges,  pages 
147  sq. 

Épcronniers,  communauté,  p.  589. 

Éphores  (Parlement  comparé  aux), 
p.  180. 

Épiciers,  communaulé,  p.  453,  450. 

Époques  de  la  Nature,  par  Buffon, 
p.  147  n. 

Épréménil  (J.-J.  Duval  d',,  con- 
seiller aux  enquêtes,  p.  05  n.,  101, 
102,  180n.,190et  n.,  203n.,200,2(j8, 
270  n.,  477,  490,  495,  490,  640,  042. 

Esmangart,  conseiller  au  Parlement, 
p.  026. 

Esmcin  (A.),  p.  210. 

Espagnac  (Léonard  de  Sahuguot, 
abbé  d'i,  p.  43  n.,  147, 181,183,187, 
189,  193  n.,  194  n.,  204. 


Espen  (Zeger-Bernard  van),  théolo- 
gien, p.  119. 

Espionnage  dans  les  cafés,  etc., 
p.  418. 

Esquiros,  chef  d'une  maison  de 
sûreté,  p.  52. 

Essai  sur  le  jugement  qu'on  peut 
porter  de  Voltaire,  p.  203  n. 

Esticnne,  du  bureau  de  Louis-le- 
Grand,  p.  145,  147. 

Eslienne,  échevin,  p.  586. 

Estienne  (Robert),  juge-consul, 
p. 577. 

Estrapade  (l'j,  p.  360. 

Étalages  interdits,  p.  432,  447,  448. 

Etat  de  collations  de  la  Ville,  p.  031 . 

Etats  de  Languedoc,  p.  68  n. 

Etats  généraux  qui  ont  siégé  à 
Paris,  p.  32  et  n.;  —  de  1789;  à  qui 
la  nation  les  doit,  p.  66;  leur  convo- 
cation mise  en  doute,  p.  474;  règle- 
ment pour  les — :  la  réimpression  en  est 
interdite  sans  autorisation,  p.  478; 
prières  publiques  pour  les  — ,  re- 
poussées par  le  roi,  p.  392  ;  premier 
sermon  où  il  est  parlé  des  — ,  p.  635. 

Etaux  (droit  et  privilège  d'),  p.  358, 
407. 

Éthis  de  Corny  (Louis-Dominique), 
procureur  du  roi  [et]  de  la  Ville, 
p.  120,  350  n.,362  et  n.,  364,371  n., 
393  et  n.,  502,  509,  542,  557,  563, 
574,  575,  604,  606,  616  n.,  618,  633, 
634. 

Etienne  (Louis -Abraham) ,  ma- 
nœuvre, p.  560. 

Ettonheim  (grand-duché  de  Bade), 
p.  283  n. 

Évin  de  Prince,  commandant  la 
maréchaussée  de  Bondy,  p.  550. 

Exécutions  publiques  sous  Louis  XVI, 
à  Paris  et  dans  la  vicomte,  et  lieux 
d'exécutions  signalés,  p.  91-92. 

Exemption  de  logements  militaires, 
p.  502. 

Exempts  de  police,  p.  324. 

Exils  par  lettres  de  cachet,  p.  58. 

Exploit  signé  par  le  comte  de  Kei- 
salaun,  le  25  avril  1787,  p.  471. 

Entrait  du  registre...  du  bailliage... 
de  Sens.  p.  198. 


Fabriques  paroissiales,  p.  108. 

Facteurs  de  la  halle  aux  farines, 
p.  304;  de  la  marée,  p.  293. 

Facultés:  de  médecine,  p.  422,  427  ; 
des  arts,  p.  1 46. 


TABLE  ANALYTIQUE 


667 


Familier,  conseiller  au  Parlement, 
p.  626. 

Fantin,  commis-greffier  à  la  prévôté 
de  l'hôtel,  p.  100. 

Farines  :  consommation  des  —  a 
Paris,  p.  316;  guerre  des  — ,  p.  304, 
305,  437. 

Farjonnel,  conseiller  au  Parlement, 
p.  270. 

Faurc  (Angélique),  dame  de  Bul- 
lion,  p.  247.' 

Fédération  (fête  de  la),  p.  298. 

Fénclon  (J.-B  -A.  Salignae,  abbé 
de),  l'évêque  des  Savoyards,  p.  356. 

Ferme  des  messageries,  p.  596;  — 
du  tabac,  p.  597  et  n. 

Ferme  générale,  p.  386,  387,  601  n., 
604,  610,  627-628;  son  mur,  p.  19, 
603,  608,  610. 

Ferrand  (Antoine-François-Claude), 
conseiller  aux  enquêtes  du  Parlement, 
p.  270  n. 

Festins  :  des  Chartreux,  p.  627-628; 
du  bureau  de  la  Ville,  p.  623. 

Fête  baladoire  de  la  rue  aux  Ours, 
p.  353  et  n. 

Fêtes  :  de  l'Assomption  (vœu  de 
Louis  X1I1),  p.  628;  de  la  réduction 
de  Paris,  p.  625,  626,  627,  628  et 
notes;  de  la  Reine,  p.  637;  de  Saint- 
Barlbélemv,  p.  405;  de  la  Saint-Louis 
(fête  du  roV),  p.  405,  628,  637;  pour 
la  naissance  (22  oct.  1781)  du  dau- 
phin, p.  377  et  n.;  leur  caractère 
officiel,  p.  621,  et  obligatoire,  p.  629. 

Feu  d'artifice,  p.  621;  —  de  la 
Saini-Jcan,  p.  .52-1,  supprime  et  rem- 
placé par  des  boîtes,  p.  524  n.,  030- 
631. 

Fevdeau  de  Manille,  p.  342,  399, 
419  ri. 

Fiefs  archiépiscopaux,  p.  24  n. 

Filles-Pieu  (dames),  p.  367. 

Flammermont  (Jules),  p.  4  n. 

Flandre  de  Brunville  (de),  p.  458, 
461,  463,  477. 

Flessclles  (Jacques  de) ,  p.  255, 
379  n.,  510  n.,  613. 

Fleury  (Claude),  p.  170. 

Florian  (J.-P.  Claris,  chevalier  de), 
p.  639. 

Flottage,  p.  372  et  n. 

Foires  :  du  Lendit  et  de  Saint-Denis, 
p.  445;  de  Sainl-Germain-desTPrés, 
p.  408;  de  Saint-Laurent,  p.  420;  de 
Saint-Ovide,  p.  12  n. 

Fontaines  et  conduites  publiques, 
et  offices  y  relatifs,  p.  425,  501. 

Fontis,  affouillements,  p.  431. 

Foucault  (Damien),  imprimeur,  page 
545. 


Foucault  (Hilaire),  imprimeur,  page 
545. 

Fouilloux,  gazetier,  p.  226. 

Foullon  (Joseph-François),  p.  284 n., 
289. 

Fourneau,  membre  du  bureau  de 
Louis-le-Grand,  p.  145,  147. 

Fournier,  employé  à  la  Ville,  p.  550. 

Fourqueux  (Bouvard  de),  conseiller 
et  ministre  d'État,  p.  335,  338,  339, 
310. 

Fous  :  détention  et  procédure, 
p.  56,  57;  traitement,  p.  353. 

Frais  de  justice,  p.  78;  de  pour- 
suites fiscales,  p.  583. 

Frfincalcu,  pseudonyme  de  Boncerf, 
p.  189  n. 

François  1er,  p.  321,  332. 

Franc-salé  municipal,  p.  502. 

Franklin  (Alfred),  p.  11  n. 

Fraude  et  fraudeurs,  p.  386,  605  n. 
Voy.  Droits  d'entrée,  d'octroi. 

Frédéric  II  (u-uvres  de),  roi  de 
Prusse,  prohibées,  p.  476-477. 

Frémont,  commissaire  de  la  jeu- 
nesse de  Bretagne,  p.  236. 

Frémvn,  greffier  de  h  Tournclle, 
p.  87. 

Freleau  de  Saint-Just  (Em.-M.-P.), 
conseiller  au  Parlement,  p.  58,  59, 
211  n.,  218,  226. 

Fusées  et  pétards,  interdits,  p.  407. 

Fusiliers  de  la  Ville,  p.  543.  Voyez  : 
Arbalétriers. 


G 


Gabelle,  p.  597. 

Gabriel  (Jacques-Ange),  architecte, 
p.  12,  571. 

Gages  honorifiques  pavés  par  la 
Ville,  p.  55-4. 

Gallia  christiana,  p.  125. 

Garçons  -  maréchaux  (  association 
des),  interdite,  p.  467. 

Garde-gardienne,  p.  320. 

Garde  sédentaire  à  l'Hôtel  de  Ville, 
p.  553. 

Gardes  de  la  Bibliothèque  du  roi, 
p.  469. 

Gardes  de  Paris,  p.  348,  479  n., 
482,  555;  françaises,  p.  486,  488; 
françaises  et  suisses  (logement  des), 
p.  368. 

Gare  aux  bateaux,  projetée,  p.  365. 

Garin  (François-Ét.),  député  des 
maîtres-boulangers,  p.  242. 

Garnis  (logements),  p.  419  et  n. 

Garnisaires,  p.  386.  387,  595. 


668 


TABLE  ANALYTIQUE 


Garon,  chef  de  bureau  à  la  police, 
p.  401. 

Gastebris,  procureur,  p.  471. 

Gaultier,  manœuvre,  p.  562  n. 

Gave,  greffier  des  domaines  de 
mainmorte,  p.  540  n. 

Gazettes,  p.  468;  étrangères,  page 
488  n.;  de  France,  p.  138;  de  Leyde, 
p.  475. 

Gazier  (A.),  p.  21  n.,  327  n. 

Gcnlis  (comte  et  marquis  de)  :  leur 
maison  de  jeu,  p.  410. 

Gentillv,  p.  35)4. 

George!  (abbé),  p.  268,  271,  275  et 
n.,  277e,  278,  280,  282. 

Gérard  (le  Père),  p.  263. 

Germain,  receveur,  p.  580. 

Gênais  (collège  de  maître),  p.  151  n. 

Gesvres  (L.-Joachim-Paris  Potier, 
duc  de),  pair  de  France,  gouverneur 
do  l'Ile-de-France,  p.  413  n. 

Gibier,  p.  43!>. 

Gif  (abbaye  de),  p.  385. 

Gilbert  de  Voisins  (Pierre-Paul), 
p.  133,  180,  196. 

Gillerond ,  entrepreneur  pour  la 
Ville,  p.  554. 

Gillct,  consul,  p.  577. 

Gillot  (dom  René),  supérieur  géné- 
ral des  Bénédictins  de  Saint-Maur, 
p.  182. 

Girard  (Pierre-Simon),  p.  15  n. 

Girardot  de  Marigny,  p.  615. 

Giraudeau  (Michel),  notaire,  auteur 
de  Mémoires  supprimés,  p.  207. 

Girault  de  Koudon,  du  bureau  de 
Louis-le-Grand,  p.  150. 

Glacière  de  la  Ville,  p.  524. 

Glezen,  avocat  au  barreau  de  Ren- 
nes, p.  242. 

Gloria  in  excelsis  du  peuple  {Le), 
p.  641. 

Goblet,  premier  échevin,  contrôleur 
de  la  caisse  du  domaine  de  la  Ville, 
p.  546. 

Godefroy,  conseiller  au  Parlement, 
p.  34. 

Godefroy  (Frédéric),  p.  59. 

Godefroy  (Théodore),  p.  334  n. 

Godot,  marchand  de  bois,  p.  561. 

Goislard  de  Monsabcrt,  p.  34  n., 
65  n. 

Gojard,  receveur  général,  p.  584  n. 

Gojart,  premier  commis  des  linances, 
p.  547. 

Gomot,  commis  aux  houillères  de 
Decize,  p.  303. 

Gonesse  (boulangerie  et  marché 
de),  p.  322  n.,  392^435,  436,  437. 

Gordon  (George,  dit  lord)  /son  mé 
moire  scandaleux,  p.  472. 


Goujon  (Jean),  p.  366  n. 

Gouverneur  de  Paris,  p.  30,  322  n., 
534  ;  supérieur  par  le  rang  au  ministre 
de  Paris,  p.  624.  Voy.  Brissac. 

Grains  (commerce  des),  p.  435. 
Voy.  Blés. 

G randeerf  (Charles),  peintre-doreur, 
p.  405. 

Grand-chantre  de  Notre-Dame,  page 
155. 

Grand-Chàlelet  (prisons  du),  p.  448. 

Grand-Conseil,  p.  71. 

Grande  Encyclopédie,  p.  381  n. 

Grandin  (Pierre),  procureur  au  bail- 
liage de  Vermandois,  p.  371,  372. 

Grand  panelier,  p.  436. 

Grands-bailliages,  p.  87-88,  335- 
336. 

Grand-voyer,  p.  574. 

Gratifications  de  prévôté,  p.  548. 

Gravaticrs,  p.  425. 

Gravure  autographe  d'un  ouvrage, 
p.  471. 

Greffe  et  greffier  de  la  Ville,  p.  499, 
55  4;  —  des  domaines  de  mainmorte, 
p.  540. 

Grégoire,  conseiller  des  enquêtes, 
p.  270  n. 

Grêle  du  13  juill  1788,  p.  357  n., 
482. 

Grenier  à  sel,  p.  525. 

Grève  (place),  p.  433,  485,  487, 
552. 

Grèves  d'artisans,  p.  444,  467  n. 

Grimm  (Frédéric-Melchior ,  baron 
de),  ministre  plénipotentiaire  du  duc 
de  Saxe-Gotha,  p.  632. 

Cros-Caillou,  p.  13. 

Guéranger (dom), bénédictin,  p.  137. 

Guérard,  notaire,  subdélégué  de  la 
Ville  à  Montbard,  p.  542,  543  et  n. 

Guerrier,  fournisseur  de  la  Ville, 
p.  554. 

Guesnot,  charcutier,  p.  i53. 

Guet,  p.  479  n. 

Guibert  (Jacqucs-Ant.  -  Hippolyle  , 
comte  de),  p.  478. 

Guichard,  procureur  du  roi  au  bu- 
reau des  finances,  p.  348-349,  383, 
569. 

Guiffrcv(G.),  p.  157  n.,  160,  162  n., 
16!)  n.,  173  n. 

Guilbcrt  de  Préval,  docteur  en  mé 
deciue,  p.  144 

Guillot  (Edmée),  épouse  Minguel, 
p.  52. 

Guillotin  (docteur  Jos.  -  Ignace), 
p.  229. 

Guinguettes,  p.  609. 

Gustave  III,  roi  de  Suède,  à  Paris, 
p.  632  et  n. 


TABLE  ANALYTIQUE 


069 


Guyot,  commissaire  au  Cliàtelet, 
p.  59,  441 . 

Guyot,  éehevin,  p.  350  n.,  008. 

Guvot  (J  -B.),  juge-consul,  p.  578- 
579.  * 

Guyol  de  Chenizot(  Louis-Bernard), 
conseiller  des  requêtes,  p.  620. 

Guyton  de  Morvau,  p.  140  n. 


H 

Habillement  des  gardes,  etc.,  de  la 
Ville,  p.  363. 

Haguenau,  bailliage  d'Alsace,  page 
283  n. 

Halle,  meunier,  p.  317. 

Halles  :  à  la  marée  et  à  la  saline, 
projetée  cour  des  miracles,  p.  386; 
aux  Blés,  p.  12,  304,  623;  aux  Vins, 
avec  le  port,  p.  127;  poissardes  des 
—  à  Versailles,  p.  6i2. 

Hallier  (François),  p.  125. 

Hamécourt  (dame  d').  p.  402  n. 

Happe,  employé  à  la  Ville,  p.  550. 

Hardivilliers,  commissaire  préposé 
à  l'enregistrement  des  garçons-cor- 
donniers, p.  458. 

Hardouin,  avocat,  p.  454. 

Hardouin  de  Beaumont  de  Pérétixe, 
archevêque  de  Paris,  p.  321  n. 

Hardv  (le  libraire),  chroniqueur, 
p.  65  n".,  87  n.,  88  n.,  90  n.,  100  n., 
101  n.,  137  sq.,  174  n.,  220  n., 
229  n.,  245  n.,  283  n.,  318,  319  n., 
335  n.,  330  n.,  340  n.,  341  n.,  345, 
357  n.,  393  n.,  408,  442,  470  n.,  473 
et  n.,  475  n.,  476,  477,  478  n.,  480  n., 
481  n.,  488,  496,  005,  007  n.,  610 
et  n.,  615  n.,  028  n.,  041  n.,  643, 
6 i4,  645  n. 

Harengères,  p.  393  n. 

Harlay  de  Chanvalon  (François), 
archev.  de  Paris,  d.  321  n. 

Haiiy  (Valentin/,  p.  283. 

Hay,  colonel  de  la  garde  de  Paris, 
commissaire  aux  revues,  p.  544. 

Hébert,  chandelier,  p.  455  n. 

Heiduques,  etc.,  désarmés,  p.  350. 

Henri  II,  p.  8. 

Henri  III,  p.  8. 

Henri  IV,  p.  140;  statue  de  — , 
p.  484,  486. 

Henri  (de  Prusse),  frère  de  Frédé- 
ric II,  à  Paris,  p.  632. 

Henry,  avocat,  p.  99. 

Ilenrv,  du  bureau  du  Mont-de-Piété, 
p.  261." 

Henrv,  inspecteur  de  police,  p.  471, 
472  n/ 


Henry,  marchand-bonnetier  et  pro- 
priétaire, p.  568. 

Henrys  (Claude),  p.  169. 

Hérault  (H.),  lieutenant  général  de 
police,  p.  342,  343,  399,  418  n.,  419. 

Hérault  de  Séchclles  (Marie-Jean), 
p.  311. 

Hérauts  d'armes,  p.  622,  623. 

Herbert,  banquier  de  jeu,  p.  417. 

Hermand,  employé  à  la  Ville,  p.  550. 

Herpclle,  vicaire  aux  Quinze-Vingts, 
p.  208 

Hesse-Cassel  (hôtel  de  l'envoyé  de), 
transformé  en  maison  de  jeu,  p.  410. 

Heurtin,  huissier,  p.  466. 

Hezet,  garçon  de  la  Bibliothèque  de 
la  Ville,  p.  552. 

Histoire  de  l'Astronomie,  parBaillv, 
p.  187  n. 

Histoire  secrète  de  la  Cour  de  Berlin, 
p.  230. 

Hoffmann  (imprimerie),  dite  poly- 
type,  p.  472. 

Homme,  avocat,  p.  99. 

Homo  (frère),  p.  152. 

Homologation  en  Parlement  :  pro- 
cédure et  cérémonial,  p.  033. 

Honoraires  des  professeurs  insaisis- 
sables, sauf  en  deux  cas,  p.  144. 

Hôpital  :  général,  252,  253,  301  ;  — 
des  Incurables,  p.  250;  —  militaire, 
p.  248. 

Hôpitaux  (statistique  des)  en  1788, 
1789  et  1790,  p.  247-251  et  n.;  part 
des  —  dans  les  revenus  de  l'Octroi, 
p.  602;  projet  de  quatre  nouveaux — , 
p.  255  et  n.,  385,  390;  souscriptions 
a  ce  projet,  p.  014  et  615;  chanson 
des  rues  sur  cette  souscription,  p.  349. 

Horace,  poêle  latin,  cité  à  propos 
des  troubles  de  Bretagne,  p.  238. 

Horloge  du  palais  (gouverneur  de  F), 
p.  556.  . 

Hospices  entretenus  par  le  produit 
des  jeux,  p.  414. 

Hospitalières  (dames),  p.  248. 

Hôtel  de  Ville,  p.  450,  497  sq.  ;  499. 

Hôtel-Dieu,  p.  12,  112.  249,  252, 
257,  259,  406,  428,  487,  044  n. 

Iloudon,  employé  à  la  Ville,  p.  550. 

Houdon  (Jean-Antoine),  statuaire, 
p.  303. 

Hugues,  commissaire  au  Cliàtelet, 
p.  460. 

Huile  d'œillette,  p.  423. 

Huiles  et  savons  :  droits  sur  les  — , 
diminués,  p.  581  n. 

Huissiers;  leur  tarif,  p.  70;  règle- 
ment entre  les  —  et  les  six  corps,  p. 
70-77;  —  et  les  juge-consuls,  p.  77; 
—  à  cheval  et  à  verge,  p.  334;  —  com- 


(171) 


TABLE  ANALYTIQUE 


missaircs-priscurs,  p.  261,   459,  460; 
—  de  la  Ville,  p.  424,  553. 

Huîtres  :  vente  des  —  réglementée 
par  la  police,  p.  423  n. 


Idylle  aux  cultivateurs  malheureux, 
p.  367. 

Illuminations  obligatoires,  p.  629. 
Impositions,  p.  11  et  n.,  580,  582; 

—  des  corporations,  p.  401-462. 
Imprimerie  en  France,  p.   156  sq.  ; 

—  royale,  p.  478. 

Imprimeurs,  p.  443  n.;  —  delà  Ville, 
p.  545  et  n. 

Incelin  (Ballha/ar),  consul,  p.  578. 

Incendicsd'éditiccs  publics  au XVIIIe 
siècle,  p.  12  et  n. 

Inconvénients  des  droits  féodaux 
{Les),  p.  189. 

Inhumations  en  dehors  de  l'Église, 
p.  i07. 

Innocents  (fontaine  des  Saints-), 
p.  366. 

Inspecteurs  :  de  la  librairie,  p.  107 
et  n.,  471  ;  —  de  police  et  sûreté,  p. 
324,  387,  471,  478. 

Instance  près  le  Bureau  de  la  Ville, 
du  18  juin  1776,  p.  105  et  n. 

Institutions  de  Paris,  classées,  pages 
29-30. 

Intendance  de  Paris,  p.  390  et  n. 
Voy.  Berticr. 

Intendant  des  finances  pour  le  do- 
maine, p.  506  n. 

Interrogatoires  en  Parlement  rela- 
tifs à  l'affaire  des  Quinze-Vingts,  des 
6  et  10  février,  p.  270-276.  Voy.  En- 
quête. 

Invalides  (Hôtel  royal  des;,  p.  125, 
250;  canons  des  —/p.  632;  farines 
aux  — ,  p.  314;  visites  royales,  p.  638. 

Inventaire  de  la  Bibliothèque  de  la 
Ville,  projeté,  p.  553. 


Jacquemart  (Nicolas -François),  p. 
353  n. 

Jansénistes,  p.  408. 

Jardin:  du  roi  (Tuileries),  p.  029;  — 
royal  des  Plantes,  p.  14. 

Jarente  (de),  év.  d'Orléans,  p.  1 48  n. 

Jeanne  d'Arc  (recherches  sur  l'his- 
toire de),  p.  381  et  n. 

Jefferson  (Thomas),  ministre  pléni 


potentiaire    des    États-Unis,    p.    633. 

Jésuites  :  prédisent  leur  triomphe, 
p.  1D6-197. 

Jetons  de  la  Ville,  p.  525,  538  n., 
5 il,  546,  547,  630. 

Jeux  de  hasard;  banquiers,  maisons 
énumérées,  mesures  prohibitives, pages 
408-417;  jeu  de  Biribi,  de  la  Belle, 
p.  409;  de  Trente-un,  410;  de  Pharaon, 
p.  415. 

Jeux  des  rues  (volants,  quilles,  cerfs- 
volants)  interdits,  p.  432. 

Jè/.e,  censeur  royal,  auteur  de  l'É- 
tat de  Paris  en  1760,  p.  151  n.,  153  n., 
155  n.,  419  n.,  443  n.,  479  n.,  480, 
629  n. 

Joinville-sur-Marne,  p.  228. 

Jollivet  de  Vannes  (Jérôme),  procu- 
reur du  roi  et  de  la  Ville,  p.  542,556, 
564,  586. 

Joly  de  Fleury  (Orner),  avocat  géné- 
ral au  Parlement,  p.  127  n.,  571. 

Joly  de  Fleury  (Jean-François),  frère 
d'Orner,  conseiller  d'État  et  contrôleur 
général  des  finances,  p.  265. 

Joly  de  Fleury,  fils  d'Orner,  procu- 
reur général  au  Parlement,  p.  107. 

Joron,  commissaire  au  Châlelet, 
p.  52. 

Joseph  11,  empereur.  d'Allemagne, 
p.  193,  283  n. 

Josson,  du  bureau  du  Monl-dc-piété, 
p.  261. 

Jouft'roi  (dé),  exempt  des  gardes  du 
corps,  ]).  280. 

Jourdain  (Charles),  p.  142,  148. 

Journal  de  caisse  de  la  Ville,  p.  503  n. 

Journal  de  Paris,  p.  424,  441  n., 
643. 

Journal  politique  deBouillon,  p.  277. 
•    Jours  gras,  p.  634  ;  —  saints,  p.  635. 

Joussc  (Baniel),  criminaliste,  p.  215, 
318. 

Judicium  Francorum,  p.  180. 

Juge-auditeur  au  Chàtelet,  p.  326. 

Juge  et  consuls,  p.  77,  577. 

Jugements  de  la  juridiction  de  l'Hô- 
lel-de-Ville,  du  23  'déc.  1783,  p.  553; 
du  28  déc.  1787,  p.  553. 

Juigné  (de).  Voy.  Leclerc. 

Jurisprudence  criminelle  du  Parle- 
ment, p.  96. 

Justice  criminelle,  p.  86;  Arrêts  cri- 
minels du  Parlement,  p.  87  n.  ;  essai 
de  statistique,  p.  89-92. 

Justices  ecclésiastiques,  p.  321  ;  — 
seigneuriales,  p.  24  et  n.,  25,  321. 


TAULE  ANAIATIOI'K 


671 


K 


Kcrsalaun  (Euzenou,  coinle  de),  p. 
470  el  n.,  472  n. 

Knapen,  syndicdelalibrairie,  p.  400. 

Kornmann,  banquier;  son  procès, 
p.  245n.,  381  n.,  470.  —  Voy.  Beau- 
marchais, Lcnoir. 


La  Bonnardière,  cmpl.  à  la  Ville, 
p.  548. 

Lahorde  (Jean -Honoré  de;,  lieute- 
nant général  de  la  prévôté  de  l'Hôtel, 
p.  100. 

Laboulave  (Edouard),  p.  157  n.,  160, 
162  n.,  169  n.,  173  n. 

La  Caille  (Jean  de),  p.  5i5  n. 

La  Chalotais  (Louis-René  de  Cara- 
deuc  de),  p.  68  n.,  140  et  n.,  470. 

Lacloye,  libraire,  p.  47 i. 

Lacombe,  employé  à  la  Ville,  p.  362, 
363,  550. 

Lacombe,  imprimeur  du  Mercure, 
p.  183. 

La  Cour  plènière,  p.  475. 

Lafayette  (M.-P.-J.-G.  Moticr,  mar- 
quis de)  ;  son  buste  inauguré  à  la  Ville, 
p.  633. 

La  Fère  (dép.  de  l'Aisne),  p.  308, 
312. 

La  Ferlé  (Papillon  de),  commissaire 
général  de  la  maison  du  roi,  p.  381  et  n. 

La  Fcrté-Alais,  p.  322  n. 

La  Force  (Hôtel  de,  prison  de),  p.  53, 
79-85,  226,  384  n.,  474,  475,  476,  487. 

La  Goupillièro  (de),  premier  secré- 
taire du  prévôt  des  marchands,  p.  548, 
550,  557. 

La  Harpe  (Jean-François  de),  p.  183. 

Lairle  (Laurence)  et  consort,  escrocs, 
p.  95. 

La  Lézardièrc  (Marie-Pauline,  d110  de), 
p.  245. 

Lally-Tollcndal  (Thomas -Arthur) , 
p.  206  n.,  215. 

Lally-Tollendal  (Trophime-Gérard), 
p.  206  et  n. 

La  Luzerne  (de),  ministre  de  la  ma- 
rine, p.  390. 

La  Martinière  (de),  premier  chirur- 
gien du  roi,  p.  248. 

Lamballe  (Maric-Thérèse-Louise  de 
Savoie-Carignan,  princesse  de),  p.  638. 

Lambert  (Charles-Guillaume),  con- 


trôleur général  des  tinanecs,  p.  607  n., 
617. 

Lambon  (Nicolas  de),  bâtonnier  des 
avocats,  p.  177;  membre  du  bureau 
de  l'Hôtel-Dieu,  p.  258. 

La  Michodière  (J. -H. -François  de), 
ex-intendant  d'Auvergne,  prévôt  des 
marchands,  p.  258,  509  n.,  526,  53  i, 
584,  586,  587,  588,  592  n.,  630. 

LaMillière(ÂnL-LouisChaumontde), 
intendant  des  finances,  p.  14  n.,  365, 
367,  596. 

Lamoignon  (Guill.  de),  chancelier, 
p.  162  n. 

Lamoignon  de  Malesherbes  (Chré- 
tien-Guillaume de;,  directeur  de  la  li- 
brairie, p.  162  n.,  220  n.  ;  ministre  de 
la  maison  du  roi  et  de  Paris,  p.  110, 
245,  346,  394  n. 

Lamoignon  (Chrétien-François  II  de), 
garde  des  sceaux,  p.  99,217, 338,340. 
470,  474,  475,  486, 489.  491 ,  641, 644. 
Sa  lettre  au  roi,  21  mai  4788,  p.  350. 

La  Motte  (Jeanne  de  Saint-Rémv  de 
Valois  de),  p.  209,  280,  472  n. 

Lampadaire  de  Notre-Dame,  don  de 
la  Ville,  p.  554. 

La  Muette,  château,  p.  632  n. 

Lamv,  agent  de  la  Ville  pour  les  char- 
bons, p.  3!)3. 

Lanjuinais  (Joseph),  p.  193. 

Lanjuinais  (Jean-Denis),  avocat  de 
Rennes,  p.  242. 

Lanternes,  p.  432,  593. 

Larcher  d'Aubencourt,  ingénieur, 
p.  383  et  n. 

Lardoire,  condamné  à  la  roue,  p.  210. 

La  Reynie  (Gabriel-Nicolas  de),  lieu- 
tenant général  de  police,  p.  399,  593. 

La  Rive,  acteur,  p.  639. 

La  Roche-Aymon  (de),  archevêque 
de  Rouen,  p.  118  n. 

LaRochefoucault-Liancourt  (duc  de), 
p.  247  n. 

La  Roquette  (hospitalières  de),  p. 
385  n. 

La  Tour  (de),  commissaire  du  roi, 
p.  617. 

Latrines,  p.  426. 

Latudc  (Henri  Masers  de),  p.  480. 

Laugier,  ministre  des  Quinze-Vingts, 
p.  274. 

Laumonier,  commissaire  au  Chàte- 
lel,  p.  446. 

Launay(B.-R.  Jourdan,  marquis  de), 
ou  mieux  Launev  (de),  gouverneur  de 
la  Bastille,  p.  379  et  n.,  564. 

Laurent  de  Villcdeuil,  ministre  de 
la  maison  du  roi  et  ministre  de  Paris, 
p.  345,  346,  347,  489,  620.  Voy.  Let- 
tres. 


1.7-2 


TABLE  ANALYTIQUE 


La  Vaissière  (dom  de),  p.  182. 
La  vallée  (  P. -J.  el  Ces. -Jcan-Cl.),  con- 
damnés pour  viol  et  complicité  de  viol, 
p.  94. 

L'Averdy(Clément-Ch.  -François  de), 
contrôleur   général    des  finances,    p. 
148  n.,  152  n.,  381  n.,  511,  522. 
Lavergne  (Léonce  de),  p.  124  n. 
Lavoisier  (Antoine-Laurent),  p.  21. 
Law  (John),  p.  3,  344  n. 
Le  Belle,  commissaire  au  Chàtelet, 
p.  52. 
Le  Bœuf  d'Elbret,  notaire,  p.  98. 
Le  Boulanger,  surnom  (devenu  pa- 
tronymique) d'une  famille  parlemen- 
taire, p.  287  n. 
Leboucher,  libraire,  p.  172. 
Le  Breton,  commandant  de  la  maré- 
chaussée de  Nantcrre,  p.  550. 

Le  Breton,  commandant  de  la  maré- 
chaussée de  Sèvres,  père  du  précédent, 
p.  550. 

Le  Breton,  greffier  de  la  Tournelle, 
p.  J#7. 

Le  Camus  (Adr. -Fidèle),  juge-con- 
sul, p.  577. 

Le  Camus  de  Néville,  directeur  de  la 
librairie,  p.  166  et  n.,  171. 

Lechantcur,  conseiller  au  Parlement, 
p.  481. 

Le  Chapelier  (Isaac-René-Gui),  avo- 
cat de  Kennes,  p.  2i2. 

Lechauve,  chef  de  bureau  à  la  police, 
p.  400. 
Leclerc,  employé  à  la  Ville,  p.  550. 
Leclerc,  juge-consul,  p.  578. 
Leclerc (Charles-Cuillau me),  libraire, 
p.  171. 

Leclerc  de  Jnigné,  archev.  de  Paris, 
p.  109,  116-124  et  n.,  015,  627. 

Lecocq,  commandant  de  la  maré- 
chaussée de  Poissy,  p.  550. 

Lecocq,  exemptdu  bureau  de  h  Ville, 
p.  551. 

Lecoigneux  de  Belabre,  conseiller- 
clerc  au  Parlement,  p.  48  n.,  270  n., 
386  n. 

Le  Couteulx  de  Verlron,  du  bureau 
de  l'Hôtel-Dieu,  p.  258. 

Lecture  à  haute  voix  dans  la  rue,  et 
troubles  à  ce  sujet,  p.  472. 

Ledoux  (Claude-Nicolas),  architecte 
de  la  Ferme  générale,  p.  20, 603, 607  n. , 
610. 

Lefebvre  :  d'AmfmJécourt,  conseiller 
de  grand'chambre au  Parlement,  p. 133, 
147,  148  n.,  265,  386  n.  ;  —  de  Cau- 
manin  (voyez  ce  mot)  ;  —  d'Ormesson, 
contrôleur' général,  p.  151,  315,  385, 
538,  592;  —  d'Ormesson  de  Novseau 
(L.-Franç.  de  Paule),  p.  34,  470.' 


Lefrançois,  veuve  Lemailre,  p.  208. 
Legendrc  (Louis,  abbé),  p.  141  n. 
Legois,  boucher,  p.  358. 
Legrand  (Jacques-Guillaume),  archi- 
tecte, p.  625. 

Legrand,  emplové  à  la  Ville,  p.  550, 
551. 

Legrand,  marchand-épicier,  p.  423  n. 
Le  Grand  (L.),  p.  264  n. 
Le  Grand-Delaleu  (Louis-Augustin), 
avocat,  p.  210  et  n.,  212. 
Leleu  frères,  p.  311-313. 
Lema'ire,  commissaire  au  Chàtelet, 
auteurd'un  mémoire  sur  la  police,  pages 
327  n.,  398,408  n.,418  n.,  422,  593  n. 
Lemaître  (P.-J .),  conseiller  du  roi 
et  secrétaire  des  finances,  p.  208,  473 
et  n. 

Le    Mercier    (  Pierre -Augustin  ;    — 
Pierre-Gilles),  imprimeurs,  p.  545-546. 
Lemoine,  emplové  à  la  Ville,  p.  548, 
550. 

Lemoine,  frère  des  Quinze-Vingts, 
p.  270. 
Lemoine,  notaire  à  Paris,  p.  433. 
Lempereur,  quartinier,  p.  501. 
Lenoble,  plombier  de  la  Ville,  p.  553. 
Le  Noir,  conseiller-clerc  au  Parle- 
ment, p.  151 . 

Le  Noir  (J.-Ch.-P.),  lieutenant  géné- 
ral de  police,  garde  de  la  bibliothèque 
du  roi,  p.  50  et  n.,  162  n.,  171,  207, 
208,  258,  273  n.,  275,  323,  336,  344, 
354  n.,  381,  398,  399,  408,  424,  439, 
4  43,  469.  477,  481. 

Léopold  (code  de),  p.  215. 
L'Épée  (abbé  de),  p.  283  n. 
Le   Peleticr,  premier   président  au 
Parlement,  p.  37. 

Le  Pelelier  de  Mor[te]fontaine,  pré- 
vôt des  marchands,  p.  245,  376,  378, 
379  et  n.,  502,  510  n.,  542,  546,  608. 
Le  Peletier  de  Bozambô,  président 
au  Parlement,  p.  217,  268. 

Le  Peletier  de  Saint-Fargeau,  sei- 
gneur de  Mesnilmontant,  p.  575  n. 

Le  Petit  (Claude),  poète  satirique, 
p.  374  n. 

Le  Poix  de  Fréminville,  auteurd'un 
Dictionnaire...  de  la  police,  p.  344  n., 
397,  403  n.,  407  n.,  418  n.,  421  n  , 
444. 

Le  prince,  inspecteur  de  la  librairie, 
p.  471. 
Le  Rat,  docteur  de  Louvain,  p.  122. 
Le  Rebours,  conseiller  aux  enquêtes, 
p.  148  n.,  270  n. 

•    Le  Riche,  conseiller  aux  enquêtes, 
p.  626. 

Le  Roux  de  Lincv  (Ant. -Jean-Vic- 
tor), p.  10  n.,  497,  610,  634  n. 


TABLE  ANALYTIQUE 


67c 


Le  Rov,  conseiller  au  Parlement, 
p.  620. 

Le  Roy,  publicistc,  p.  498. 

Lescure  (de),  p.  1 19  n. 

Lcseigncur,  p.  590. 

Lesucur  (Jean-François),  maître  de 
chapelle  à  Notre-Dame,  p.  030. 

Lettre  (pamphlet)  de  Desbrugnières 
à  d' Agonit,  p.  039,  640. 

Lettre  de  M.  le  chevalier  ***  à  M.  Trei- 
Ihard,  avocat,  p.  203. 

Lettre  de  Yolney  à  M.  le  comte  de 
S t  [Serrant],  p.  239. 

Lettre  des  Trente  Curés,  p.  123. 

Lettre  du  chevalier  de  Guer,  p.  233. 

Lettre  du  comte  de  Kersalaun  à  M.  de 
Calonne,  p.  471. 

Lettre  d'un  Parisien  à  un  Français, 
p.  476. 

Lettre...  sur  VAlmanach  des  Hon- 
nêtes Gens,  p.  220. 

Lettre  sur  le  Nouveau  Bréviaire  de 
Paris,  p.  195. 

Lettres  d'abolition,  p.  97,  98. 

Lettres  de  cachet,  p.  53,  59,  60,  70, 
77,  78,  97,  131,  205,  342,  344,  392, 
393,  513,  025. 

Lettres  de  change  t'alsitiécs,  p.  98, 

384. 

Lettres  de  confirmation  des  privi- 
lèges du  prévôt  de  Paris  (au  nombre 
de  neuf),  p.  333. 

Lettres  du  contrôle  général  et  de  la 
direction  des  finances  à  la  Ville,  7  août 

1774,  p.  521  ;  7  octobre,  p.  630;  0  mars 

1775,  p.  523;  25  avril,  p.  520;  18  juil- 
let, p.  526;  6  janvier  1776,  p.  586; 

21  mai  1776,  2  août,  p.  592  n.  ;  5  jan- 
vier 1777,  p.  588;  2  mai,  p.  592  n.; 
13  mai  1778,  p.  611  n.  ;  23  juillet,  p. 
590  ;  20  sept.  1785,  p.  505  et  n.  ;  14  fév. 
1780,  p.  540;  11  janvier  1788,  p.  295; 
30  mars  1788,  p.  612;  auduede  Char- 
tres, 20  nov.  1777,  p.  273;  à  M.  de 
Nicolaï,  premier  président  de  la  Cour 
des  comptes,  24  oct.  1780,  p.  518. 

Lettres  du  lieutenant  général  de 
police:  à  la  Ville,  21  nov.  1776, 
p.  424  ;  24  mars  1785,  p.  425  ;  au  ba- 
ron de  Breteuil,  min.  de  Paris,  17  mai 
1788,  p.  337;  au  garde  des  sceaux 
de  Lamoignon,  17  mai,  20  mai,  21  mai 
1788,  p.' 337,  338;  circulaire,  du 
10  avril  1789,  p.  478. 

Lettres  du  ministre  de  Paris  :  1°  à 
la  Ville,  29  sept.  1774,  p.  630; 
23  août  1776,  p.  600  n.;  lor  mars 
1777,  p.   14   n.;  31    déc,   p.  13  n.; 

22  fév.  1784,  p.  603  ;  25  avril,  p.  358; 
8  mai,  p.  359  ;  11  mars  1780,  p.  300  n. 
et   563;    29    avril,    p.  361;  8   août, 


p.  361;  10  sept.,  p.  633;  et  série 
chronologique  du  2  mars  1787  au 
8  avril  1789,  p.  358  à  379;  2°  au 
lieutenant  général  de  police  et  au 
chevalier  du  guet,  série  chronologique 
du  6  janv.  1 787  au  7  févr.  1789, 
p.  348  à  358;  3°  au  contrôleur  gé- 
néral, 10  avril  1787,  p.  380;  3  août, 
p.  383;  21  mars  1788,  p.  386;  29mnrs. 
p.  388;  26  juin,  p.  389;  4°  au  garde 
dés  sceaux,    21    mai   1788,   p     388; 

6  mai  1789,  p.  101  n.;  5°  au  ministre 
de  la  marine,  G  oct.  1788,  p.  390; 
6°  aux  administrateurs  des  eaux  de 
Paris,  20  juin  1787,  p.  382;  3  juill. 
1788,    p.    390;    7°  à  :  Auvergne  (d'), 

12  mai  1787,  p.  380;  Bailly  (Sylvain), 
30  nov.  1787,  p.  385;  Bertier  de  Sau- 
vignv,  intendant  de  Paris,  G  juill. 
1788,  p.  390;  Boin,  27  avril  1787, 
p.  380;  Condorcet,  Il  févr.  1789, 
p.  391  ;  le  bailli  de  Crussol,    19  août 

1787,  p.  384;  Denis,  15  juin  I7S7, 
p.  382;  Guichard,  14  juill.  17.S7, 
p.  383;  LaEerté,30mai  1787,  p.  381  ; 
Launey  (de),  27  janv.,  13  juill  1787, 
p.  379,382;  Lcclcrc  de  Juigné,  arch. 
de  Paris,  10  avril  1789,  p.  392;  Le- 
noir,    garde    de    la    Bibl.    du    roi, 

13  mai  1787,  p.  381  ;  Maisscmi  (de), 
30  nov.  1788,  p.  391  ;  Ormesson  (d'), 
président    au    Parlement,    27    janv. 

1788,  12  mars,  p.  385,  386;  Polignac 
(la  comtesse  de),  23  déc.  1787,  p  385; 
Kulhièrc.  lieutenant  à  Saint-Denis, 
12  févr.  1789,  p.  391  ;  Bumsav  (James), 
19  avril  1789,  p.  392;  Vidàud  de  La 
Tour,  15  févr.  1787,  p.  380. 

Lettres  du  prévôt  des  marchands 
et  du  bureau  de  la  Ville  au  contrôle 
général,  29  sept.  1774,  p.  030; 
26  juill.  1776,  p.  592  n.;  au  ministre 
de  Paris,  24  sept.  1776,  p.  630; 
16  janv.  1780,  p.  503  n.;  10  févr., 
p.  359;  aux  propriétaires  de  la  rue 
Sainle-Appolinc  (circulaire),  25  avril 
1787,  p.  573. 

Lettres  du  roi  :  au  chevalier  Dubois, 
21  août  1787,  p.  354;  à  ses  frères  et 
au  duc  d'Orléans,  19  août  1787,  p  384. 

Lettres    patentes  :    23    mai    1351, 

7  févr.  1358,  10  févr.  1362,  20  juin 
1309,  p.  291  ;  28  déc.  1541,  p.  156  n.; 
23  nov.  1033,  p.  009  ;  10  janv.  1037, 
p.  508;  1657  (sur  l'abbaye  Saint-An- 
toine), p.  452  et  453  n.;  1062  (sur 
l'abbaye  Saint-Victor),  p.  127  ;  mars 
1669,  p.  7  n.;  juill.  1070,  p.  14; 
25  janv.  1G90,  p.  291;  1702  (li- 
brairie), p.  166  n.;  1er  mars  1704, 
p.  259;  8  oct.  1707,  p.   014;    sept. 

43 


671 


TABLE  ANALYTIQUE 


1709,  p.  259;  7,janv.  1720,  p.  421  n.; 
mai  1720,  p. 259;  mars  1721,  p.l3n., 
614;  22  oct.  1733,  p.  567;  29  janv. 
1749,  p.  75;  20  juin  1757,  p.  5(56; 
25  nov.  1762,  p.  51  i,  515,  552,  566; 
21  nov.  1763,  p.  443;  7  avril  1764, 
p.  152;  31  juill.  1767,  p.  13  n.; 
20  août,  p.  148, 153  ;  20  oct.  p.  359  n.; 
août  1768,  p.  335  n.;  1er  juill.  1769, 
p.  153;  14  déc.  1769,  p.  543;  mai 
1770,  p.  15;  16  janv.  1771,  p.  285; 
16  mai  1772,  p.  141  et  n.;  14  oct  , 
p.  367;  9  juin  1777,  p,  583  ;  août  1777 
(Rcg.  Pari.,  le  29),  p    611  n.;  30  août 

1777,  p.  143;  9  déc,   p.  260;  avril 

1778,  p.  14,572;  7  août  1778,  p.  262; 
24  déc.  1778  (Rcg.  Pari.,  22  janv. 
1779),  p.  257  n.;  déc.  1778  (Rcg. 
Pari.,  5  févr.  1779),  p.  17;  24  mars 

1779,  p.    433    n.;  25  mars,   p.    17; 

10  avril,  p.  16  n.;  autres,  p.  353  n.; 
nov.,  p.  611  n.;  31  déc,  p.  264, 
265  n.;  19  mars  1780,  p.  151  n.,  153; 
30  juill.  p.  105;  mars  1781,  p.  611  n.; 
13  sept.,  p.  16;  31  déc,  p.  567  ;  janv. 
1782,  p.  611  n.;  avril,  p.  14  n.; 
29  août,  p.  456  n.;  25  nov.,  p.  105, 
106;  22  déc,  p.  17,  125  n.,  514,  600; 
l"juin  1783,  p.  600;  6  juin  1784, 
p.  507;  21  août,  p.  386  ;  déc, 
p.  611  n.;  déc  1785,  p.  611  n.; 
18  janv.  1786  (Rcg.  G.  des  Mon- 
naies, le  27),  p.  41  ;  2  sept.,  p.  431  ; 
16  nov.,  p.  106;  23  déc.  (retirées  le 

11  janv.  suivant),  p.  99;  mai  1787, 
p.  611  n.;18  oct.  (Reg.  G.  des  Aides, 
11  déc),  p.  606  n.;  3  nov.,  p.  352  n., 
353  n.;  10  févr.  1788,  p,  137  n.;  28  fév. 
1689  (Rcg.  Pari.,  28 avril),  p.  16. 

Lettres  sur  ta  proeédure  criminelle 
en  France,  p.  215. 

Levé,  quartinier,  p.  501 . 

L'Hospital  (Michel  de),  chancelier, 
p.  309. 

Liancourt-sous-Clermonl  (dép.  de 
l'Oise),  p.  395. 

Liard  (L.),  p.  142. 

Lihrairie  et  libraires,  p.  156  sq., 
400,  468,  475. 

Lieble  (Philippe-Louis),  bénédictin, 
p.  132. 

Liénard,  notaire,  p.  370. 

Lieutenant  civil  du  Ghàtelet,  pa- 
ge  5.>. 

Lieutenant  criminel  de  robe  courte, 
p.  326. 

Lieutenant  de  la  juridiction  de 
l'Hôtel  de  Ville,  p.  499' et  n..  554. 

Lieutenant  général  de  police,  p.  30, 
31,  299,  322,  323,  386  sq.,  396,  398, 
399. 


Lieutenants  du  prévôt  de  Paris, 
p.  322. 

Ligcret,  employé  à  la  Ville,  p.  550. 

Limon  (Geoffroi,  marquis  de),  con- 
trôleur général  des  linances  du  duc 
d'Orléans,  p.  643. 

Linguet(Simon-Nic-Henri),p.l68n., 
177,  203  n.,  227. 

Lisieux  (Collège  de),  p.  154. 

Lit  de  bienfaisance,  p.  28-4. 

Lits  de  justice,  p.  69,  632;  de  1718, 
1732,  p.  37;  de  1775,  p.  38  n.;  du 
12  mars  1776,  p.  38  n.,  284,  443, 
507;  du  8  mai  1788,  p.  87,  226. 

Lods  et  ventes,  p.  614. 

Loge  de  la  reine  aux  Français, 
p.  473. 

Logements  militaires,  p.  580,  593, 
595. 

Logeurs,  p.  479. 

Lois  du  19  févr.  1791,  p.  601; 
17  mars,  p.  445;  21  juill.,  p.  283 
et  n. 

Loménic  de  Bricnnc  (Etienne-Charles 
de),  archevêque  de  Toulouse,  puis  de 
Sens,  ministre  et  cardinal,  p.  254, 
255  et  n.,  470,  474,  486,  641  et  n., 
642,  614. 

Londres  (ville  de),  p.  472. 

Loteries  :  de  la  Ville,  p.  600,  614; 
de  la  grêle,  p.  357  n.;  de  l'École 
militaire,  p.  417;  étrangères,  p.  417  ; 
pour  les  quatre  hôpitaux,  p.  612; 
pour  Saint-Sulpice,  p.  274  n.;  rovale, 
417,  592,  597. 

Loth,  père  minime,  p.  281. 

Lottin  (Jean-Roch,  et  Augustin- 
Martin),  p.  545  n.,  546. 

Louis-le-Grand  (bureau  du  collège 
de),  p.  141,  143,  145,  150,  151  n., 
152. 

Louis  XIII,  p.  9;  —  XIV,  p.  2,  5, 
10,  321  n.;  —  XV,  p.  5,  10,  118  n., 
120,  131,  180. 

Louis  XV  :  place  de  — ,  p.  12  etn.; 
statue  de  —,  p.  595. 

Louis  XVI,  p.  4  et  passim;  monu- 
ment projeté  en  *  l'honneur  de  — , 
p.  641  ;  pont  — ,  p.  350  et  n. 

L'Oursine  (fief  de),  p.  384  n.,  552. 

Louvel,  censeur  royal,  p.  183. 

Louvier  (île),  p.  24,  26  n. 

Louvre,  p.  384  n.;  chapelle  du  — , 
p.  630. 

Lowcndahl,  p.  610. 

Luxembourg  (palais  et  terrains  du), 
apanage  du  comte  de  Provence,  frère 
de  Louis  XVI,  p.  17,  409,  029  n. 

Luzarches  (dép.  de  Seinc-ct-Oise), 
p  395. 

Lyon  (ville  de),  p.  156. 


TABLE  ANALYTIQUE 


675 


M 


Mabille  (Julien),  condamne  au  car- 
can, p.  303,  304. 

Machault  (L.-Ch.),  lieutenant  géné- 
ral de  police,  p.  342,  399. 

Machines  :  à  casser  les  glaces, 
p.  391  n.;  à  remonter  les  bateaux, 
p.  591. 

Madame  (Louise  de  Savoie,  femme 
du  comte  de  Provence),  p.  G38. 

Madame  Elisabeth  (Philippine-Marie- 
Hélène  de  France),  p.  638. 

Madame  Royale  (Marie -Thérèse- 
Charlotte  de  France,  dite),  p.  638. 

Madelonnettes  (les),  p.  480. 

Madin,  employé  à  la  Ville,  p.  361 
et  n.,  550. 

Mager  (J.-B.),  prête-nom  de  la 
Ferme  générale,  p.  601. 

Magin,  commissaire  de  la  Ville  à  la 
navigation  sur  la  Seine  et  sur  l'Yonne, 
p.  373,  548  n. 


Maginel  (Ant.-Éd.),  consul,  p.  577. 

Magny,  syndic  des  procureurs  au 
Châtclet,  p. '340,  341. 

Maillard  (Ét.-J.-B.),  consul,  p.  577. 

Maillard  (François),  condamné  à  la 
potence,  p.  94. 

Mainmorte  (gens  de),  p.  540. 

Maison  du  roi  (registres  de  la), 
p.  346.  Voy.  Ministre  de  Paris. 

Maisons  de  correction  ou  de  pré- 
vention, dites  retraites  forcées,  p.  480. 

Maisons  dites  de  santé,  de  sûreté  : 
nombre,  situation,  régime,  population 
en  1783,  p.  55,  56. 

Maisons  sur  les  ponts,  p.  433. 

Maisscmi  (Poitevin  de),  directeur  de 
la  librairie,  p.  390,  391,  476,  478. 

Maître  des  œuvres  de  charpenterie; 
id.,  de  maçonnerie  delà  Ville,  p.  505. 

Maîtres  :  bateliers,  p.  508;  —  cha- 
bleurs,  p.  508;  —  d'écoles,  p.  417; 
des  coches,  p.  508;  —  des  ponts, 
p.  508;  —  maçons,  430;  —  pauvres 
—  et  veuves  de  — ,  p.  447;  —  ton- 
neliers sur  les  ports,  p.  508.  Voyez  : 
Communautés. 

Maîtrises  des  eaux  et  forêts  :  de  Ne- 
mours, p.  564;  de  Vernon  et  les 
Andelys,  p.  550. 

Malesherbes.  Voy.  Lamoignon. 

Malezieu  (abbé  de),  conseiller  clerc 
au  Parlement,  p.  454. 
Malouet  (Pierre-Victor),  p.  206  n. 
Malte  (ordre  de),  p.  384  et  n. 
Malteste,  cabaretier,  p.  420. 


Malversations  à  l'Hôtel  de  Ville, 
p.  361  et  n. 

Mandefhent  de  l'archevêque  de 
Paris  de  Noaillcs,  du  27  juin  1725, 
p.  115. 

Mandements  de  la  Ville,  p.  534. 

Mânes  ([Les)  de  la  présidente  Le- 
mairat  à  Chr.  de  Lamoignon,  p.  474. 

Mannequins  brûlés  par  la  foule,  rue 
Meslé  et  sur  le  Pont-Neuf,  p.  486, 
487. 

Mannier  (E.),  p.  23  n. 

Manon-Roger,  diteBcllc-Gorge,  page 
615. 

Manoury,  prisonnier  violent,  p.  95. 

Mantes  (droit  de  la  Ville  perçu  à), 
p.  549. 

Manuel  (P.),  p.  398  n. 

Maqucrellage,  p.  420. 

Marans,  seigneurie,  p.  40  n. 

Marat  (Jean-Paul),  p.  214  n. 

Marcel  (Etienne),  prévôt  des  mar- 
chands, p.  1,  6,  398. 

Marchais,  commandant  lu  maré- 
chaussée de  Saint-Denis,  p.  392,  550. 

Marchais  de  Migneaux,  du  bureau 
de  l'Hôtcl-Dieu,  p.  258. 

Marchand  (et  consorts),  pauvres 
marchands-merciers,  p.  450.  Leur 
mémoire  à  consulte)',  supprimé,  p.  451. 

Marchandise  de  l'eau,  p.  287. 

Marchands  de  vin,  p.  443  n. 

Marchés  d'ouvrages  de  la  Ville, 
p.  377,  553,  554. 

Marchés  publics,  p.  433;  —  aux 
fleurs,  p.  376;  —  aux  porcs,  p.  440; 
aux  vaches  laitières,  aux  veaux,  page 
298;  —  Neuf,  p.  483,  485.  Vovez  : 
Halles. 

Maréchal  (Sylvain),  p.  220  n.,  225. 

Marée  :  chambres  de  la  — ,  p.  287, 
290;  compteurs  et  déchargeurs,  ven- 
deurs, verseurs  de  — ,  p.  291,  292, 
293;  vente  en  gros  de  la  — ,  p.  386. 

Marguct,  employé  à  la  Ville,  p.  550. 

Marguilliers,  p.  108. 

Marie-Antoinette  d'Autriche,  p.  41, 
632  n.,  638. 

Marion,  député  du  commerce  de 
Paris,  p.  579. 

Marne,  rivière,  p.  548. 

Marot  (J.-B.),  archiviste  des  Quinze- 
Vingts,  p.  264  n.,  266,  282  ctn. 

Marricr  de  Vosscry,  du  bureau  de 
l'IIôtcl-Dicu,  p.  258. 

Mars  (Ant.-Jean),  p.  397. 

Martel,  avocat,  lieutenant  de  l'Ami- 
rauté, p.  52. 
Martel,  ancien  échevin,  p.  539. 
Martel,  commissaire  à  la  Ville  pour 
la  caisse  d'amortissement,  p.  506. 


676 


TABLE  ANALYTIQUE 


Marlel,  quarlinier,  p.  501 . 

Martin,  greffier  du  Monl-dc-Piété, 
p.  261. 

Martin  de  Marivaux,  p.  179  n. 

Martincau,  avocat,  p.  99. 

Mascarades  populaires,  p.  634,  635. 

Mascrev,  chef  de  bureau  à  la  police, 
p.  401. 

Massy,  marchand  fripier,  p.  4S9. 

Maubert  (place  et  marché),  p.  368, 
433  n.,  448,  485,  628. 

Maugé,  agent  de  la  Caisse  de  Sceaux, 
p.  438',  439. 

Maupcou  (Bené-Nicolas-Ch. -Augus- 
tin de),  chancelier,  p.  166  n.,  474. 

Mauperché  (Mathieu-Louis  de),  sub- 
stitut du  procureur  général  du  Parle- 
ment, p.  198  n.,  254. 

Maurepas  (Jean -Frédéric  Ph^ly- 
peaux,  comte  de),  p.  328,  3i2,  34*3, 
346. 

Maury  (Alfred),  p.  216  n. 

Mautort,  notaire  au  Châtelct,  p.  570. 

Mauvillon  (le  major),  p.  230  n. 

Mavnier,  maître  des  Quinze-Vingts, 
p.  267,  270,  28!. 

Médecins,  p.  422.  Voy.  Facultés. 

Meirano  (Jacques)  et  consorts,  co- 
cangeucc,  p.  94. 

Melons  (vente  des),  p.  423  n. 

Mémoires  concernant  le  contrôle  des 
rentes...,  p.  498. 

Mémoires  :  en  général,  p.  212  ;  Mé- 
moire a  consulter...  pour  le  comte  de 
Kcrsalaun,  p.  470;  —  au  roi  des  dé- 
putés de  l'ordre  des  avocats  au  Parle- 
ment de  Bretagne,  p.  242;  —  de 
Bruère,  Marchand,  Fouquet,  etc.,  sup- 
primés, p.  451  ;  —  de  jardiniers  de  la 
banlieue,  p.  380;  —  de  la  veuve 
Fromaget  contre  le  sieur  Lcgrand, 
p.  206;  —  de  M.  de  Messine,  p.  475; 

—  pour  trois  hommes  condamnés  à  la 
roue,  p.  210;  —  pour  la  communauté 
des  maîtres-boulangers,  p.  244,  245  n.; 

—  sur  l'affaire  du  Collier,  p.  209, 
210;  —  sur  la  Caisse  de  Sceaux, 
supprimés,  p.  199  et  n. 

Mémoires  d'ouvrages,  p.  536. 

Mémoires  du  Bureau  de  la  Ville, 
p.  296,  508,  520. 

Mendiants  (police  des),  p.  259,  260. 

Menk  (de),  maître  des  requêtes, 
p.  268. 

Menouvillc,  nom  de  terre,  p.  204. 

Méraull,  second  président  au  bureau 
des  finances,  p.  579. 

Merci  (religieux  de  la),  p.  138. 

Mercier  (Louis-Sébastien),  p.  11. 

Merciers  (marchands)  intervenants 
dans  un  procès,  p.  448. 


Mercure  de  France,  p.  183;  pen- 
sions sur  le  — ,  p.  183. 

Mcrlet,  emplové  à  la  Ville,  p.  550. 

Merlin  de  (Douai),  p.  198  n. 

Mesnard  de  Conichard,  adjoint  à 
l'intendance  des  postes,  p.  597  n. 

Mesnil-Aubry  (le),  p.  395. 

Mesnil-montant  (justice  do),  p.  434. 

Messine  (de),  publiciste,  p.  475. 

Mesureurs  de  grains,  p.  437. 

Meurine  (Pierre),  fermier. 

Michclct  (Jules),  p.  3  n.,  6  n. 

Milice  (tirage  au  sort  pour  la), 
p.  580,  594. 

Mille,  fermier  de  la  Caisse  de  Sceaux, 
p.  438. 

Minguct  (Jean-François),  cavalier  de 
robe  courte,  p.  52. 

Minimes  de  Chaillot,  p.  603. 

Ministre  de  Paris,  p.  30,  342  sq., 
362,  534,  575. 

Mirabeau  ( Honoré- Gabricl-Biqueti, 
comte  de),  p.  230  cl  n.,  394  n.,  398  n., 
470. 

Mircv  (de),  aide-major  à  la  Bastille, 
p.  379  n. 

Mirlavaud,  trésorier  des  grains  pour 
le  roi,  p.  284  n.,  289. 

Miromcsnil  (Armand-Thomas  Hue 
de),  garde  des  sceaux,  p.  162. 

Mole  de  Champlalreux  (Edouard- 
François),  président  au  Parlement, 
p.  626. 

Molinc  (Pierre-Louis),  poète,  page 
357  n. 

Molinos,  architecte,  p.  625. 

Monarque  accompli  {Le),  p.  193. 

Monceau.  Voy.  Montceaux. 

Monicr,  fraudeur,  p.  607. 

Monnaie  (hôtel  de  la),  p.  12. 

Monnaies;  leur  refonte  par  Calonne, 
p.  41  ;  Cour  des  — ,  p.  71,  101.  Voy. 
Myons. 

Monopoles  de  fait  sur  le  bois  et  le 
charbon,  p.  301. 

Monrcgard  (Thiroux  de),  p.  597  n. 

Monsieur,  comte  de  Provence,  frère 
du  roi,  p.  229  n.,  384. 

Montaigu  (collège  de),  p.  151  n. 

Monlausicr  (Ch.  de  Sainte-Maure, 
duc  de),  cité,  p.  211. 

Montbard  (pont  de),  p.  543  n. 

Montceaux-en-Brie,  p.  643. 

Mont-dc-piété,  p.  253;  établisse- 
ment^. 260;  règlement,  p.  261  ;  pre- 
mier emprunt,  situation  en  1778, 
p.  262;  vente  des  effets  en  1779, 
p.  262;  bureaux  auxiliaires,  p.  262; 
commissionnaires,  effets  volés,  p.  263. 

Montesquieu,  p.  7,  104  n.,  123  n., 
396. 


TABLE  ANALYTIQUE 


677 


Montigny  (Jean  de),  p.  287  n. 

Montlhéry  (Seine-etOise),p.  322  n. 

Montlignon  (Seine-et-Oise),p.  322  n. 

Montmartre  :  abbaye,  p.  321  ;  pa- 
roisse, p.  590;  quartier,  p.  388  n., 
p.  405. 

Montmirail  (marquise  de),  p.  370  n. 

Montmorency-Laval  (Louis -Joseph 
de),  évèque  de* Metz,  p.  250. 

Montmorin  (ehamp  de),  p.  242. 

Monument  en  l'honneur  du  roi  et 
de  la  reine,  proposé  par  la  Ville,  re- 
jeté par  le  ministre  de  Paris  de  Brc- 
teuil,  p.  358. 

Moran,  château  de  Tourainc,  p.  304. 

Moreau,  architecte  de  la  Ville,  p.  500. 

Moreau,  greffier  auChàtclet,  p.  401. 

Moreau  (Claude -François-Bernard), 
procureur  du  roi  au  Chàtelet,  p.  74, 
446. 

Moreau  (Jacob -Nicolas),  historio- 
graphe de  France,  p.  245  et  n. 

Moreau  (Jean-Michel),  dit  le  jeune, 
graveur,  p.  377. 

Morel  (Jacques-Léonard),  ex-con- 
trôleur des  rentes,  p.  17. 

Morin  (femme),  débitante  de  livres, 
p.  472. 

Morues  dites  merluches  :  privilège 
de  vente  demandé,  p.  351. 

Morvan  (étangs  et  barrages  du), 
p.  372. 

Motifs  de  ne  point  admettre  la  nou- 
velle liturgie  de  M.  l'archevêque  de 
Lyon,  p.  10k 

Moudon  (canton  de  Vaud,  Suisse), 
p.  193  et  n. 

Moulins  (François  de),  p.  206  n. 

Moulins  à  vapeur,  p.  301  ;  —  à 
vent,  p.  434. 

Mousquetaires  noirs  (hôtel  des), 
p.  18  n.,  265. 

Moussiaud,  négociant,  p.  203-204. 

Mousso  (dom),  bénédictin,  p.  132, 
135. 

Multipliants,  secte  religieuse,  p.  105 
n. 

Mur.  Voy.  Enceintes,  Ferme  géné- 
rale. 

Musées,  p.  354  n. 

Muyart  de  Vouglans  (Pierre-Fran- 
çois), criminaliste,  p.  215  et  n. 

Myons  (de),  président  de  la  Cham- 
bre des  monnaies  de  Lyon,  p.  596  n. 


N 


Nantouillet  (de),   maître  des  céré- 
monies, p.  622. 


Naples  (royaume  de),  p.  351,  475. 

Navier  du*  Coudray,  emplové  à  la 
Ville,  p.  550-551. 

Ncckcr  (Jacques),  directeur  des  fi- 
nances, principal  ministre,  p.  10  n., 
12,  21,43  n.,  111,139, 188  n.,  190  n., 
190  n.,  199  n.,  229  n.,  230,  254,  255 
et  n.,  289,  317  n., 329,  341,  345,417, 
482,  498  et  n.,  515,  580  et  n.,  581, 
582  n.,  590,  594  n.,  597,  598,  007  n., 
611  n.,  615,  618,  643. 

Necker  (hôpital),  p.  12. 

Néellc  (marquis  de),  p.  484. 

Nègres  (affranchissement  des),  pa- 
ge 390. 

Nessond,  libraire,  p.  246. 

Nettoiement  de  Paris,  p.  424. 

Ncuilly-sur-Seinc,  p.  395.' 

Neuville  (de),  du  bureau  de  l'Hôlel- 
Dicu,  p.  258. 

New-Kivcr  (canal  de),  près  Londres, 
p.  360. 

Nicolaï  (Aimar- Charles-Marie  de), 
premier  président  de  la  Cour  des 
comptes,  p.  257,  518. 

Ni  emprunts,  ni  impôts,  p.  472  n. 

Nîmes,  centre  de  propagande  révo- 
lutionnaire, p.  228. 

Nivernais  (L.-J.  Mazarin,  duc  de), 
p.  323. 

Noailles  (Louis-Antoine,  cardinal  de), 
archevêque  de  Paris,  p.  115,  123  et 
n.,  124. 

Noblesse  ;  accordée  aux  officiers  du 
Chàtelet,  p.  334-335;  lettres  de  —, 
dénoncées  en  Parlement,  p.  38. 

Nogent-les-Vierges  (département  de 
l'Oise),  p.  395. 

Nominations  (actes  de)  :  de  Leclerc 
de  Juigné  (25  déc.  1781),  p.  109;  du 
baron  de Breteuil  (8  oct.  1783),  p.  345  ; 
de  Laurent  de  Villedcuil  (15  juill. 
1788),  p.  345. 

Nonant  (Félix  de),  prieur  des  Char- 
treux, p. 026. 

Nourrices  (bureaux  des),  p.  263, 
402. 

Nouvelle-France,  p.  604. 

Nouvelles  à  la  main,  p.  4G8. 

Nouvelles  ecclésiastiques,  p.  469. 

Notables  électeurs  des  membres  du 
bureau  de  la  Ville,  p.  529. 

Notables  :  première  assemblée  des 
— ,  p.  303  ;  vers  sur  les  — ,  p.  644. 

Notaires  du  Chàtelet;  arrêts  les 
concernant,  p.  72-73;  prêtent  6  mil- 
lions à  Necker,  p.  341. 

Notre-Dame  de  Paris,  p.  384  n., 
474;  justice  du  chapitre  de — ,  p.  321. 

Notre-Damc-des-Victoires,  p.  283. 

Noyon  (chapitre  de),  p.  150. 


G78 


TABLE  ANALYTIQUE 


Nyon,  adjoint  au   syndicat  de  la  li- 
brairie, p.  400  n. 


Observateurs,  p.  324. 

Observations  pour  la  dame  Leferon- 
Dubrcuil,  née  de  Sourdeval,  p.  200- 
201. 

Observations  sur  le  discours  pro- 
noncé par  M.  de  Calonne,  p.  471. 

Observations  sur  le  Mémoire  justifi- 
catif de  la  Cour  de  Londres,  p.  199  n. 

Observations  sur  l'Histoire  de  Fran- 
ce (de  l'abbé  de  Mably),  mises  à  la 
Bastille,  p.  470. 

Observations  sur  les  lois  criminelles 
de  France,  p.  215. 

Octroi  de  Paris,  p.  509,  552,  591, 
598,  G02. 

OEufs  permis  en  carême,  p.  112. 

Offices:  à  la  nomination  de  la  Ville, 
-  rattachés  au  Ghâtclet, 
réunis  au  domaine  du  roi, 


503  : 
324; 
503;  sur  les  ports,  etc.,  plusieurs 


P 

l1 
P 
lois  établis  et  supprimés,  p.  286. 

Officiers  et  gardes  de  Paris,  p.  545. 

Ogny  (baron  d'),  p.  597  n. 

Ogny  (comte  d'),  p.  597  n. 

Ombreval  (Ravot  d'),  lieut.  gén.  de 
police,  p.  342,  343,  399. 

Omîtes  omnibus,  p.  234  et  n. 

Onfrov,  consul,  p.  577,  578. 

Opéra",  p.  12,  318,  35G,   380,  381, 
573. 

Optimisme  (L'),   comédie  de  Colin, 
p.  318. 

Ordonnance  de  la  Ville  (affiche)  du 
30  août  1713,  p.  G29. 

Ordonnance  sur  référé   du  26  nov. 
1782,  p.  465. 

Ordonnances  de  la 
1714,  p.  508;  19  juin 
7  mai  1760,  p.  376  n. 
p.  571  ;  7  oct.  1773,  p. 
1776,  p.  588;  14  mars 
25  nov.  p.  62*  et  n. 


4  déc. 
p.  299; 


Ville 

1  tDO, 

30  mai  1769, 
13  n.;  17  déc. 

783,  p.  126; 
5  déc,  p.  629; 
22  mars  1785,  p.  508  et  n.;  19  août, 
p.  543;  7  sept.  1787,  p.  370;  3  mars 
17S9,  p.  561. 

Ordonnances  de  police  du  Châtelet  : 
15  janv.  1369,  p.  451  n.;  13  fév. 
1385,  p.  451  n.;  25  nov.  1396,  p.  451 
n.;  12  avril  1518  ;  p.  451  n.;  18  juin 
1698,  p.  451  n.;  5  nov.  1716,  p.  422 
n.;  10  mars  1720,  p.  344  n.;  3  mai, 
p.  344  n.;  18  mai,  p.  407;  13  juin 
1721,  p.  459;  15  déc.  1727,  p.  459; 
13  déc.  1731,  p.  423  n.;  22  mai  1733, 


p.  425;  5  juin,  p.  420  ;  3  fév.  1734, 
p.  417;  1er  juillet,  p.  447;  28  sept, 
p.  468;  2  juin  1735,  p.  468;  15  fév. 
1736,  p.  423  n.;  23  août  1736,  p.  467; 
6  août  1737,  p.  440;  12  avril  1741, 
p.  441  ;  25  sept.  1742,  p.  468;  27  oct. 
1742,  p.  418;  26  janv.  1743,  p.  420; 
17  mai  1743,  p.  422  n.;  18  sept. 
1744,  p.  423  n.;  31  août  1745,  p.  407 
n.;  14  sept.,  p.  432;  21  mai  1751, 
p.  459;  10  avril  1761,  p.  447;  21  nov. 
p.  459;  16avril  1762,  p.  441  ;  14avril 
1764,  p.  441  ;  13  juill.  1764,  p.  567; 
12  sept.  1767,  p.  459;  29  janv.  1768, 
p.  405  ;  17  mars  1769,  p.  459;  G  mai 
1769,  p.  407  n.,  431;  5  oct.  1770, 
p.  433,  441;  28  nov.  1771,  p.  432; 
20  fév.  1775,  p.  405  n.;  3  mai,  p.  437  ; 
24  juill.,  p.  417;  fév.  1770,  p.  433; 
10  juill.,  p.  451  ;  7  oct.,  p.  445; 
5  nov.,  p.  439;  8  nov.,  p.  446:  12 
nov.,  3  déc,  p.  446;  2  sept.  1777, 
p.  457-458;  3  avril  1779,  p  304; 
31  juill.,  p.  432,  447,  451;  27  juin 
1782,  p.  13  n,;  9  août,  p.  455;  18 
nov.,  p.  403;  8  mai  1786,  p.  457; 
30  mars  1787.  p.  458;  4  mai,  p.  458; 
5  avril  1788,  p.  461. 

Ordonnances  du  bureau  des  finan- 
ces :  10  janv.  1741,  p.  56G  n.; 23  mars 
1751,  p.  566  n.;  10  fév.  1764, 16 juill., 
p.  567;  14  août,  p.  566  n.;  22  juill. 
1777,  p.575n.;  27  avril  1781,  p.  568  ; 
1er  fév.  1784,  p.  9  n. 

Ordonnances  rovalcs  :  de  Blois 
(1579),  p.  109,  121,  123,  414  n.;  de 
Moulins  (1566),  p.  69,  330  n.,  418  n.; 
d'Orléans  (1560),  p.  109,  414  n. 

Ordonnances  rovales  :  de  1258,  p. 
292;  30  janv.  1350Î  déc.  1360,  p.  291  ; 
9  oct.  1392,  p.  8  et  n.;  fév.  1415,  p. 
285,  508;  14  sept.  1420,  p.  420  n.; 
1449,  p.  330  n.;  1458,  p.  418  n.;  mai 
1552,  p.  330  n.;  23  août  1561,  p.  333; 
1565,  p.  285;  juill.  1601,  p.  445; 
août  1602, p.  291;  janv. 1613,  p. 445; 
1622,  p.  285;  janv.  1629,  p.  69;  1632, 
p.  285;  30  mars  1635,  p.  285  n.  et 
286  n.;  déc.  1666,  p.  422  n.;  1667, 
p.  69,  78;  18  août  1667,  p.  568;  août 
1670,  p.  62,  69,  96  n.,  97,  213,  333; 
déc.  1672  (dite  de  la  Ville),  p.  368, 
497  n.,  506,  508;  12  mars  1718,  p. 
402;  19  janv.  1726,  p.  9  n.;  23  mars 
1728,  p.  9  n.;  H  juillet  1731,  p.  418; 
17  août  1737,  p.  22;  4  mai  1742,  p. 
455;  30  oct.,  p.  594  n.;  10  janv.  1743, 
p.  594;  20  déc,  p.  455;  24  fév.  1744, 
p.  501  ;  10  déc  1762,  p.  543;  28 juill. 
1766,  p.  9  n.;  mars  1768,  p.  130  n.; 
12  juill.  1771,  p.  445;  23  août  1783, 


TABLE  ANALYTIQUE 


679 


p.  376,  536;  20   déc.  1817,  p.  7   n. 

Ordres  du  roi:  au  Bureau  de  la  Ville, 
22  sept.  1773,  p.  584  ;  au  sieur  Gomot, 
p.  393.  Voy.  Lettres  de  cachet. 

Ordres  religieux  à  Paris,  p.  23. 

Orléans  (Louis-Philippe-Joseph,duc 
d'),  p.  217,  384  et  n.,  629  n.,  639, 
643. 

Orléans  (duchesse  d'),  p.  043. 

Ormc-Saint-Gervais,  p.  601. 

Orphanis,  tragédie,  p.  638. 

Orphelins  (école  d'),  p.  250,  251. 

Oursin,  conseiller  aux  requêtes  du 
Palais,  p.  270  n. 


Pacte  de  famine,  p.  208,  284  n. 

Pages  du  roi  et  de  la  reine,  p.  420. 

Pain  (prix  du),  p.  313,  318,  319, 
482,  Voy.  Blés,  Boulangers. 

Pain  bénit  rendu  par  la  Ville,  p.  630. 

Pain-d'épiciers,  p.  589. 

Pairs  ecclésiastiques,  p.  104,  416  n. 

Palais  de  justice  :  incendié  en  par- 
lie,  p.  12,  588;  occupé  militairement, 
p.  354  et  n. 

Palais-Royal,  p.  381,  629,  637. 

Pannachcrs,  p.  590. 

Papin  (Frère),  p.  152. 

Papincau  (P.-J.),  négociant,  p.  203. 

Parc  civil  du  tribunal  du  Chàtelet, 
p.  384. 

Paris,  bijoutier,  p.  640. 

Paris,  conseiller  au  Parlement,  p. 
626. 

Paris  :  banlieue  de  — ,  occupée  mi- 
litairement, p.  482;  comté,  puis  vi- 
comte de  — ,  p.  328  et  n.;  élection  de 
— ,  p.  605  et  n.;  généralité  de  —, 
p.  345;  Histoire  générale  de  —,  p. 
398  n.;  Article  sur —  dans  l'Encyclo- 
pédie, p.  610.  Voy.  Enceintes,"  Mi- 
nistre de  Paris,  Parlement,  Prévôté  de 
Paris,  Rues,  etc. 

Parlement  de  Paris.  Sa  composition, 
p.  33;  son  ressort,  p.  35;  ses  droits, 
p.  36,  37,  41  ;  son  esprit,  p.  38,  103, 
104,  105.  Voy.  Arrêtés,  Arrêts  du 
Parlement,  Lits  de  Justice,  Remon- 
trances, Représentations. 

Parloir  aux  bourgeois,  p.  287. 

Paroisses,   p.  26;    règlements    des 
— ,  homologués  en  Parlement,  p.  107 
sq.;  les  vingt  —  qui  inhumaient  au^ 
cimetière    des    Innocents  ,    p.    428-' 
429. 

Passion  (La),  la  Mort  et  la  Résur- 
rection du  peuple,  p.  245. 


Pastoral  du  diocèse  de  Paris  censuré 
en  Parlement  (1786),  p.  116  sq. 

Patenôtriers,  p.  589. 

Patriote  français  (Le),  interdit  avant 
son  apparition,  p.  478. 

Paucton  (Alexis-Jean-Pierre),  p.  172. 

Paulctte  des  officiers  et  gardes  de 
Paris,  p.  544. 

Paulmiers,  p.  419,  589. 

Paume  (jeu  de),  p.  419. 

Pauvres;  doivent  être  protégés,  p. 
302-303.  Voy.  Mendiants. 

Payeurs  des  rentes,  p.  368. 

Péages  :  du  ponceau  de  l'Arsenal, 
p.  561;  du  pont  de  bois  de  l'Ile  Saint- 
Louis,  p.  591 . 

Pèche  (droit  de)  affermé  parla  Ville, 
p.  591. 

Pécoul,  entrepreneur  du  Mur  de  la 
ferme  générale,  p.  607  n. 

Peintres,  sculpteurs  et  marbriers 
(communauté  des),  p.  464  sq. 

Pensionnats,  p.  142  et  n. 

Pensions  :  des  boursiers  universi- 
taires, p.  151  ;  —  royales,  critiquées 
en  Parlement,  p.  5X1  ;  —  viagères  de 
la  Ville,  p.  373,  537,  556. 

Père  Duchesne  (Le),  p.  615  n. 

Pcricr  (compagnie),  p.  382  n.,  394, 
553,  563.  Voy.  Eaux' de  Paris. 

Permissions  tacites  en  matière  de 
presse,  p.  159,  208  n. 

Péronne  (dép.  de  la  Somme) ,  p. 
489. 

Pérou,  inspecteur  général  de  la 
jauge,  p.  556. 

Perreau,  pourvu  du  monopole  des 
carrosses,  p.  597. 

Perrens  (F.-T.),  p.  398  n. 

Pcrronet  (Jean- Rodolphe),  ingé- 
nieur, p.  350,  360,  366. 

Perruquiers  -  baigneurs  -  étuvistes 
(communauté  des),  p.  445. 

Perthuis  (chevalier  de),  p.  127. 

Pétards,  fusées,  boîtes,  etc.  (défense 
de  tirer  des),  p.  487. 

Pctaud  (le  roi),  p.  6  il . 

Petit  (docteur),  p.  491. 

Petit,  marchand  de  bois,  p.  564. 

Pctit-Chùtelet,  p.  14,  445. 

Petit  criminel  au  Chàtelet,  p.  326. 

Petite-Pologne,  p.  595,  607. 

Petites-maisons,  p.  250. 

Pétition  des  domiciliés,  p.  229  et 
n. 

Pelit-Montrouge,  hospice,  p.  263. 

Phélypeaux  (Louis),  marquis  de  la 
Vrillière,  p.  629. 

Philippe  II  Auguste,  p.  321  n. 

Philippe,  duc  d'Orléans  {le  lïéyent), 
p.  3. 


680 


TABLE  ANALYTIQUE 


Philosophie  de  la  Nature  (La),  con- 
damnée, p.  468. 

Pia,  chef  de  service  des  secours  aux 
noyés,  p.  235  n. 

Picard,  inspecteur  des  bàliments  de 
la  Ville,  p.  361  et  n. 

Picard-Desmarets,  commissaire  au 
Chûtelet,  p.  561. 

Picot  (Georges),  de  l'Institut,  p.  501 
et  n. 
Picqueron  (le  sieur),  p.  417. 
Picquois,  notaire,  p.  611. 
Picdfort   de    Senlis,   procureur,  p. 
571. 

Picdgut  (Jacques),  p.  304. 
Pierre  (Jean-Bapliste-Marie),  peintre, 
p.  366. 

Pierre,  commissaire  au  Chûtelet,  in- 
terrogé et  réprimandé  en  Parlement, 
p.  491-490. 

Pierrefilte,  p.  395. 
Pierres  (Pli.  -Denis),  premier  impri- 
meur ordinaire  du  roi,  p.  218  n. 

Pigalle  (Madame),   veuve  de  Jean- 
Baptiste,  p.  595. 
Pigeon,  échevin,  p.  564,  595. 
Piîion,  receveur,  p.  589. 
Pillot,  libraire,  p.  172. 
Pimon  (Martin),  marchand  de  blés, 
p.  304. 

Pinet,  agent  de  change,  p.  284  n. 
Pinet  (Pierre),  p.  304. 
Pinon  du  Coudrav,  propriétaire,  p. 
571. 

Pitié  (La),  p.  250. 
Placards  :  annonçant  des  joutes  sur 
la  Seine,  p.  562  et  n.;  —  injurieux  au 
roi  et  à  la  reine,  révolutionnaires,  etc. , 
p.  353,  473,  637,  641. 

Place  Boyale,  publique  le  jour  delà 
Saint-Louis',  p.  629. 
Plan  de  l'Apocalypse  (Le),  p.  196. 
Plans  légaux  de  Paris  :  juill.  1676, 
registre  le  5  août,  p.  572;  18  janv. 
1724,  p.  572;  29  janv.  1726,  p.  572; 
plans  usuels  distribués  aux  membres 
du  Bureau  de  la  Ville,  p.  525. 

Planta  (baron  de),  arrêté  pour  l'af- 
faire du  collier,  p.  280. 
Plaslrier,  notaire,  p.  432. 
Plicque(Ant.-Ét.),  maître-boulanger, 
p.  316. 
Poêles  nouveaux,  p.  363. 
Poilly  (veuve),  libraire  au   Palais, 
p.  475. 

Poirier  (dom  Germain),  p.  246. 
Poisson  (droits  sur  le),  p.  293. 
Poissy,  j).  322  n.,  542.  Voy.  Caisse. 
Police  :  abus  et  devoirs  de  la — ,  p. 
492  et  n.;  frais  de — ,  p.  356;  —  d'ins- 
pection, p.  324;  —  judiciaire,  p.  326- 


327;  —  parlementaire  ou  grande  po- 
lice, p.  102-104.  291. 

Polignac  (Y.-M.-Gabrielle  de  Polas- 
tron,  duchesse  de),  p.  472  n.,  638. 
Polignac  (comtesse  de),  p.  385. 
Pommyer  (abbé),  conseiller-clerc  du 
parlement,  p.  146,  393  n.;  récusé  pour 
partialité  et  corruption,  p.  202-203. 

Pompadour  (Jeanne-Antoinette  Pois- 
son, marquise  de),  p.  343. 

Pompes  antiméphitiques,  p.  352. 
Pomponne  (cure  de),  p.  152. 
Ponceau  de  l'Arsenal,  p.  14. 
Pons   (marquis    de),     orthographié 
Pont,  p.  564. 

Ponts  :  de  Paris,  p.  12  n.;  Pont-au- 
Change,  p.  14,  377  n.;  448;  Pont-aux- 
Choux,  p.  311;  Pont-Louis  XVI  (en 
projet),  p.  14  ;  Pont-Marie,  p.  370  n., 
485;  Pont-Neuf,  p.  484,  486,  487; 
Pont-Notre-Dame,  p.  14,  369,  486, 
499  n.;  Pont-Bouge,  p.  14,  369,  561  ; 
Pont-Saint-Miehcf,  p.  488,  626. 
Porcherons  (les),  p.  15,  388  n.,  420. 

Portail  (Jean-Louis),  président  à  la 
Tournelle,  p.  343. 

Portes  :  Maillot,  p.  036;  Saint-Ber- 
nard, p.  127,555;  Saint-Denis,  p.  555  ; 
Saint-Martin,  p.  12,572;  Saint-Victor, 
p.  127. 

Ports  de  Paris,  p.  551  ;  Port-au-blé, 
p.  317,  485;  Port-des-Coches,  p.  361 
n.;  Port-Saint-Paul,  p.  125,  560. 

Postes  (hôtel  des),  p.  12. 

Poupard,  curé  de  Saint-Eustache, 
p.  643. 

Poyet  (Bernard),  architecte,  com- 
missionné  par  la  Ville,  p.  12,  349, 
369  n.,  550. 

Povet  (Guillaume),  chancelier,  p. 
213. 

Précis  de  la  constitution  de  l'Hôtel- 
de-Ville  (1764),  p.  499  n. 

Précorbin  (de),  p.  360. 

Première  leçon  du  fils  aîné  d'un  roi, 
p.  478. 

Présidial  du  Chûtelet,  p.  325. 

Presse  (police  ordinaire  de  la),  p. 
467.  Voy.  Libraires,  etc. 

Prestation  de  serment  de  la  Ville  au 
roi;  cérémonial,  p.  533;  des  Juge  et 
Consuls  en  Parlement,  p.  577. 

Prévention  (droit  de),  p.  321. 

Prévost,  consul,  p.  577-578. 

Prévost  (Nicolas),  voiturier  par  eau, 
p.  542. 

Prévôtés:  de  la  monnaie, p.  333;  — 
de  l'Hôtel,  p.  100;  de  l'Isle-de-Erance, 
p.  326,331  et  n.,  333;—  de  Paris,  p. 
2,  5,  6,  30,  322,327,330-332,  500  n.; 
—  des  marchands,  et  échevinage,  p. 


TADLE  ANALYTIQUE 


681 


31;  éligibilité,  élection,  p.  529-530; 
habits,  cérémonial,  p.  530;  scruta- 
teurs, p.  531  ;  nombre  des  voix,  p. 
532. 

Prévôts  des  marchands  sous 
Louis  XVI,  p.  509  n.;  leurs  appointe- 
ments et  droits,  p.  528  ;  leurs  comptes- 
rendus  en  Parlement,  p.  294,  301  ; 
leur  commission  pour  le  recouvre- 
ment des  impositions  bourgeoises, 
p.  587. 

Prieur  (le  sr),  gouverneur-adminis- 
trateur des  Quinze-Vingts,  nommé 
contrairement  aux  statuts  parle  cardi- 
nal de  lioban.  p   207,  270,  278. 

Prince  bien-né  (Le),  p.  -475. 

Princes  du  sang,  p.  413. 

Privilèges  :  de  la  Ville,  p.  519;  des 
charges  municipales,  p.  502. 

Privilégiés  (lieux),  p.  38i  ctn.  Voy. 
Justices. 

Privilégiés  (marchands)  de  l'hôtel, 
p.  589. 

Prix  universitaires,  p.  154. 

Procédure  criminelle  suivie  nu  pré- 
sidial  de  Hernies,  p.  478. 

Processions,  p.  407. 

Procès-verbal  de  la  jurande  des 
peintres  -  sculpteurs  -  marbriers ,  du 
23  nov.  1782,  p.  464;  de  la  saisie 
(même  date),  p.  405. 

Procureur  du  roi  [et]  de  la  Ville,  p. 
499  et  n.,  531,  587.  Voy.  Élhis  de 
Corny,  Jollivet  de  Vannes. 

Procureur  général  du  Parlement, 
p.  307. 

Procureurs  :  au  Châlelet/,  leur  déli- 
bération du  30  mai  1788,  p.  340;  — 
en  la  Cour  :  déclaration  et  arrêt  les 
concernant,  p.  75. 

Professeurs:  leur  traitement,  p.  150. 

Projet  de  discours  d'un  citoyen. .., 
p.  478. 

Promenades  d'usage  au  bois  de  Bou- 
logne, en  1789,  p.  035. 

Prophète- Êlie  [Le],  secte,  p.  105  n. 

Prophétie  pour  1788,  p.  475. 

Propriétaires:  en  quels  cas  respon- 
sables ou  garants  de  leurs  locataires, 
p.  420,  580. 

Prostitution,  p.  421 . 

Prolestants,  p.  110-111,  198  n., 
408;  hôpital  des  —,  p.  248 

Provins  [dép.  de  Seine-et-Marne),  p. 
312. 

Prusse  (hôtel  de  l'envoyé  de),  p. 
410. 

Pucelle  (René),  conseiller-clerc  au 
Parlement,  p.  104  n. 

Puissan,  chef  de  bureau  à  la  police, 
p.  400. 


Pyron,  banquier,  p.  43  n.,  97. 
Pyrrhonisme,  c.-à-d.   probabilisme 
jésuitique,  p.  121. 


Quais  :  Bignon.  p.  14;  de  Gesvres, 
p.  13,  370,  377;  Malaquais,  p.  13;  de 
la  Mégisserie,  p.  376;  des  Miramion- 
ncs,  p.  485  ;  d'Orsay,  p.  1 4  ;  Saint-Paul, 
p.  13  ;  de  la  Tournellc,  p.  125;  de  la 
Vallée,  p.  439,  48 i. 

Quartiers,  p.  9  et  n.,26,  27  et  n., 
501  ;  relativement  à  la  capitation,  p. 
585    589 

Quarlinicrs,  p.  501,  529,530,  555, 
628,  629. 

Qualrefagcs,  conseiller  au  Parle- 
ment, p.  020. 

Quatrcmère,  échevin,  p.  586. 

Qualrc-Vcnls  (les),  enseigne  d'une 
maison,  p.  432. 

Question  préparatoire  abolie,  p. 
86  n. 

Qucvremont  de  la  Molhe,  banquier, 
p.  203. 

Quidor,  inspecteur  de  police,  p.  59, 
220,  471,  481,  490,  491,  493,  494. 

Quinze-Vingts  (hospice  des),  p.  18, 
249,  250,  26ltsq.,  204  n.,  207,  321  ; 
ses  revenus  saisis,  son  emprunt  à 
Gènes,  p.  272. 


R 

Radix  de  Saint[e]-Foix,  p.  97. 

Ragonneau,  procureur    p.  206  et  n. 

Rainville    négociant,  p.  125,  126. 

Raoul,  lieutenant  de  prévôt  ci  gref- 
fier des  étudiants  en  droit  de  l'Uni- 
versité de  Rennes,  p.  234. 

Rapports  à  la  Ville  :  de  Martel, 
échevin,  p.  539;  Ledoux,  architecte, 
p.  604;  Pia,  p.  235  n. 

Rat  de  Mondon,  avocat,  membre  du 
bureau  de  Louis-le-Grand,  p.  125, 145, 
147. 

Raunié  (É.),  p.  274  n.,  645  n. 

Raynal  (Guillaume  -Thomas  -  Fran- 
çois, abbé),  p.  204,  205  n. 

Razac  (dame  de),  p.  122. 

Reboul,  greffier  du  bureau  de  Louis- 
le-Grand,  p.  145,il47,  150,  154. 

Réception:  du  grand-duc  de  Russie 
(17  juin  1782),  p.  287;  d'un  prévôt 
de  Paris  (30  janv.  1723),  p.  328  et  n. 

Réception  (droits  de)  dans  les  com- 


682 


TABLE  ANALYTIQUE 


munautés  d'arts  et  métiers,  augmen- 
tés, p.  456. 

Réceptions  d'ouvrages  par  la  Ville, 
et  droits  abusifs  y  relatifs,  p.  525. 

Receveur-général  de  la  capitation 
et  des  vingtièmes  (office  de),  rem- 
boursé, p.  582. 

Receveur  général  et  trésorier  de  la 
Ville  (office  ou  commission  de),  p.  499 
et  n.,  503,  507,  519,  554. 

Receveurs  des  communautés  d'arts 
et  métiers,  p.  462. 

Receveurs  particuliers  des  imposi- 
tions directes,  p.  582,  584,  586,  589. 

Récit  de  la  conduite  des  Maréchaux 
de  France  à  L'égard  du  vicomte  de 
Noé,  maire  de  Bordeaux,  écrit  suppri- 
mé, p.  207  et  n. 

Récits  prononcés  en  Parlement  : 
20  juill.  1778,  p.  592;  23  avril  1779, 
p.  162  sq.;  10  juillet,  p.  96;  31  janv. 
1783,  p.  348  n.;  14  fév.,  p.  49; 
1er  avril,  p.  147  sq.;  9  janv.  1781,  p. 
131,  268;  11  janv.  1785,  p.  277; 
23  août,  p.  280;  14  oct.  (en  vacation), 
p.  300;  24  janv.  1786,  p.  608  et  n!; 
23  fév.,  p.  41;  19  déc,  p.  110; 
12  janv.  1787,  p.  99;  9  fév.,  p.  110; 
28  juill.,  p.  42;  18 oct.  (en  vacations), 
p.  45;  23  oct.  (idem),  p.  616;  21  nov. 
(récit  collectif),  p.  58;  30  janv.  1789, 
p.  45. 

Récollets  du  faubourg  Saint-Lau- 
rent, p.  118  n. 

Recommandaresses,  p.  264,  402  n. 
Réflexions  d'un  citoyen  non  qradué, 
p.  210. 

Réfutation  pour  l'abbé  Carbonnel..., 
factum  supprimé,  p.  199. 

Régence  (café  de  la),  p.  411. 

Rcgio-Montamts,  c'est-à-dire  Mûllcr 
(Jean),  p.  475. 

Registres:  de  commissaires,  p.  50; 
—  d'inspecteur  de  police,  p.  4S0;  — 
des  brocanteurs,  p.  451  n.;  —  des 
communautés,  p.  463;  —des  logeurs, 
imposés  par  la  police,  p.  479;—  des 
Quinze-Vingts,  soustraits  ou  déplacés, 
I».  282  ;  —  du  Bureau  de  la  Ville,  p. 
497  n.;  —  du  Parlement,  cités  p.  331 
n. 

Règlements  :  de  police  du  10  juillet 
1742,  p.  423  n.;  —  entre  la  Ville  et  la 
Compagnie  des  eaux,  du  2  mai  1780, 
p.  563; —  financier  d'août  1669,  p. 
519;  —  du  Mont-de-piété,  p.  261  ;  — 
universitaire  du  12 fév.  1770,  p.  148  n. 

Regnault,  marchand  de  farines,  p. 
437. 

Regnault,  syndic  delà  Communauté 
des  notaires,  p.  72. 


Reire  (Joseph),  ex-jésuile,  eudiste, 
p.  635. 
Remèdes  secrets,  p.  422. 
Remontrance,  ou  seconde  lettre   à 
M.  l'archevêque  de  Paris,  p.  195. 

Remontrances  du  Parlement  ;  criées 
publiquement,  p.  353;  des  26  août 
1781,  p.  281;  28  juill.  1782,  p.  581 
21-29  mai  1783,  p.  266;  29  août,  n 
131;  10  fév.  1784,  p.  133;  21  avril 
23  mai  1784,  p.  276;  25  février  1785 
p.  277;  16-27  mars  1786,  p.  41 
27  déc.  1787,  p.  59  n.;  9  janv.  1788 
p  60;  11  mars,  p.  60;  3  mai,  p.  00 
65. 

Remparts  (boulevards)  de  la  Ville 
entre  les  portes  Saint-Victor  et  Saint- 
Bernard,  p.  127. 
Renan  (Ernest),  p.  196  n. 
Renard  (Pierre),  négociant,  p.  453- 
454. 
Renée  (Amôdée),  p.  4  n. 
Rennes  (troubles  de).   Voy.  Breta- 
gne. 

Renou,  cmplové  à  la  Ville,  p.  550. 
Rentes  sur  l'Hôtel  de  Ville,  p.  498, 
552,  611;  contrôleurs,  payeurs,  rece- 
veurs, p.  388,  610  et  n.;  forme  des 
contrats  entre  la  Ville  et  le  roi,  p.  611. 
Rentes  viagères  :  critiquées  en  Par- 
lement, p.  518. 
Rentiers  viagers(société  de),  p.  389. 
Repas  officiels  de  la  Ville,  p.  524, 
526  n. 

Réponse  de  l'Assemblée  du  clergé 
au  roi,  21  mai  1788,  p.  67. 

Réponses  du  comte  de  Lally-Tollen- 
dal  à  d'Épréménil,  p.  206. 

Réponses  du  roi  aux  représenta- 
tions ou  remontrances  du  Parlement, 
p.  42,  53,  59  n.,  65,  217  n.,  276,  300 
et  n.,  514,  515,  518,  581. 

Représentations  du  Parlement  au 
roi  :  11  août  1767,  p.  514;  26  avril 
1778,  p.  582;  3  mars  1780,  p.  601  n.; 
30mars-7avrill781,p.98;  14-19  août 
1783,  p.  127;  16  janv.  1784,  p.  132 
n.;  5  mars,  p.  97;  31  juill.,  p.  301  ; 
21  mars  1786,  p.  38;  13  août  1787, 
p.  38;  4  nov.,  p.  34;  18  janv.  1788, 
p.  110-111  n. 

Requête  des  nobles  de  Normandie, 
p.  473. 
Requête  du  15  déc.  1783,  p.  465. 
Réquisitions  :  du  procureur  du  roi 
[et]  de  la  Ville,  du  25  fév.  1789,  p. 
5G0;  du  procureur  du  roi  du  Châtelct, 
5  sept.  1766,  p.  461  n. 

Rcscriptions  de  la  Ville,  p.  538, 
612. 

Rélhel-Mazarin,  ville,  p.  308. 


TABLE  ANALYTIQUE 


683 


Retraites  forcées,  p.  480. 

Réveillon  (affaire),  p.  72  n.,  101, 
326,  332  n. 

Kevcndeurs,  brocanteurs  ambulants, 
p.  479. 

Revenus  de  Paris  astreints  aux 
vingtièmes,  p.  591. 

Réverbères,  p.  594. 

Révision,  ou  lotissement,  ou  reven- 
dage,  réprimés,  p.  459-460. 

Révoltes  de  Paris,  p.  1  ;  annonces 
ou  prévisions  de — ,  p.  473,  482.  Voy. 
Placards,  Troubles. 

Revue  rovale,  plaine  des  Sablons 
(8  mai  1787*),  p.  637. 

Reyre  (Joseph).  Voy.  Rcire. 

Ribbes  (de),  notaire,  p.  571  n. 

Ricard  (Jean-Marie),  p.  169. 

Richelieu  (L.-F.  Armand  du  Pies- 
sis,  maréchal  duc  de),  p.  615. 

Rigault,  employé  à  la  Ville,  p.  550. 

Rimbert,  avocat,  p.  466-167. 

Roanne,  en  Forez,  p.  612. 

Robert  de  Saint-Vincent  (Pierre- 
Augustin),  p.  110,  481. 

Robin,  chapelain  du  roi,  p.  355-356. 

Robinet,  premier  commis  d'Amelot, 
p.  346  n. 

Robinotde  Rellnnont,  commandant 
la  maréchaussée  de  Charcnton,  p.  550. 

Rocolet  (Pierre),  imprimeur,  p.  545. 

Rocquain  (Félix),  p.  175  n.,  186  n., 
468  n.,  615  n. 

Rodo|u]an  (Louis- François),  sei- 
gneur de  Morlaincourt  au  comté  de 
Ligny-en-Rarrois;  sa  détention  arbi- 
traire, p.  49. 

Rohan  (Louis-René-Édouard,  cardi- 
nal de),  p.  18,  145,  147,  209,  266, 
283  n.;  qualifié  Altesse  séréiiissime, 
p.  266.  Voy.  Collier,  Quinze-Vingts. 

Roi  d'armes,  p.  622. 

Roland,  conseiller  aux  requêtes  du 
palais,  p.  270  n. 

Rôle  des  appels  au  Chàtelct,  p. 
325  n. 

Rolland  d'Erceville,  président  au 
Parlement,  p.  141.  145,  117,  148  n., 
149,  150,  154. 

Rollin  (Charles),  p.  140,  142. 

Romainville,  paroisse  :  son  règle- 
ment, p.  107. 

Roman  (Alexis),  condamné  à  mort 
pour  vol  aux  Tuileries,  p.  100. 

Romans  (Dllc),maîtressede  Louis  XV, 
p.  138  et  n. 

Roquemont  (le  sieur  de),  comman- 
dant de  la  garde  de  Paris,  p.  623. 

Rose(Dll!;),  de  l'Opéra,  p.  357. 

Piouault  (Nic.-Alph  -Félicité,  comte 
de),  p.  539-510. 


Rouen  (parlement  de),  p.  593  n. 

Rouhctte,  p.  150,  152  n.,  154. 

Roule  (Le),  faubourg,  p.  151,  298; 
maison  de  la  Ville  au  — ,  p.  550,  595. 

Rousseau  (J.-J.),  p.  209. 

Rousseau  (Philippe),  huissier  à 
verge  et  de  police  du  Chàtelet,  p.  406. 

Rousseau,  trésorier-receveur  de  la 
Ville,  p.  506,  612  n.;  sa  veuve,  p. 
556. 

Roussel  (Antoine),  curé  de  Saint- 
Lambert,  p.  17. 

Roussel  de  La  Tour,  conseiller  au 
Parlement,  p.  148  n. 

Roy,  charcutier,  p.  453. 

Roval-Piedmont,  régiment  de  cava- 
lerie,'p.  482. 

Rover,  maître  des  requêtes,  p.  268. 

Rues,  p.  13;  ouverture  de  nouvelles 
— ,  p.  431;  largeur  des—,  p.  364, 
365. 

Rues  de  :  l'Abreuvoir,  p.  368; 
d'Amboise,  p.  16;  d'Angoulême,  p. 
16;d'Antin,  p.  15;  d'Artois,  p.  15; 
d'Astorg,  p.  15;  Bailleul,  p.  472  n.; 
de  la  Barillerie,  p.  626;  Basse-du- 
Rempart,  p.  593;  Basse-porte-Sainl- 
Dcnis,  p.  367;  de  Rcaune,  p.  455  n.; 
Bergère,  p.  410;  Bcrtin-Poirée,  p. 
642;  des  Billettes,  p.  52;  liouchcrat, 
p.  52;  de  Bourbon,  p.  455  n.;  de  Bour- 
bon-Villeneuve, p.  336;  de  Bovnes, 
p.  16,431;  de  Bretcuil,  p.  16, "431  ; 
Ruffault,  p.  15;  de  Chabanais,  p.  16; 
de  Cléry,  p.  410;  du  Colisée,  p.  15; 
Comtesse  d'Artois,  p.  570;  Contres- 
carpe, p.  367;  Copeau,  p.  253;  Coq- 
Héron,  p.  597  n.;  Coquenard,  p.  388 
n.;  de  Crosne,  p.  16,  431;  de  l'Échi- 
quier, p.  16;  des  Écrivains,  p.  406; 
de  l'Égout,  p.  16;  d'Enfer,  p.  409; 
d'Enfer  (autre,  s'appellera  rue  Bleue), 
p.  378;  d'Enghien,  p.  16;  de  la  Fer- 
ronnerie, p.  429,  628,  634;  aux  Fers, 
p.  366  n.;  aux  Fèves,  p.  473;  Fey- 
deau, p.  411, 431  n.;  du  Foin,  p.  637; 
du  Foin-Saint-Jacques,  p.  52;  Gai- 
lande,  p.  318,  448;  Gervais-Laurent, 
p.  448;  Guérin-Boisseau,  p.  448;  de 
la  Harpe,  p.  13,  488;  Hautefeuille,  p. 
394;  de  Hauteville,  p.  16;  de  la  Hu- 
chette,  p.  349;  Hyacinthe,  p.  448;  du 
Faubourg-Saint-Antoinc,  p.  351,  637; 
du  Faubourg-Saint  Denis,  p.  458;  du 
Faubourg-Saint-Germain,  p.  17;  du 
Faubourg-Montmartre,  p.  448;  des 
Francs-Bourgeois,  p.  449;  des  Fossés- 
I\1onsieur-le-Prince,  p.  417;  Jean-de- 
Lépine,  p.  448;  Jean-Pain-Mollct,  p. 
448;  de  La  Feuillade,  p.  471  ;  de  Lan- 
cry,  p.  16;  de  la  Licorne,  en   la  cité, 


684 


TABLE  ANALYTIQUE 


p.  448;  des  Lombards,  p.  481;  de 
Louvois,  p.  16;  du  Mail,  p.  405;  Ma- 
tignon, p.  15;  Martel,  p.  16;  des  Ma- 
thurins,  p.  488;  Meslé,  p.488n.;  Mil- 
let, p.  16;  du  Monceau-Saint-Gervais, 
p.  474;  Montholon,  p.  16,  607  ;  Mont- 
martre, p.  410,411,  448;Mont-pamassc, 
p.  17;  de  Monireuil,  p.352n.;  Neuvc- 
dcs-Capucins,  p.  15;  Neuve-des-Ma- 
thurins,  p.  15,411;  Ncuve-dc-Mont- 
morency,  p.  431  n.;  Ncuve-des-Pctits- 
Champs,  p.  411;  Neuve-Saint-Marc,  p. 
16  ;  Notre-Damc-de-Bonne-Nouvclle, 
p.  442;  aux  Ours,  p.  353;  Papillon,  p. 
16;  du  Paradis,  p.  367;  de  la  l'cllele- 
rie,  p.  369;  delà  Pépinière,  p.  607; 
du  Petit-Bourbon,  p.  419;  du  Petit- 
Lion,  p.  421  n.;  des  Petits-Pères,  p 
347,  41  I  ;  du  Plâtre,  p.  475;  Plàtrièrc, 
p. 411;  Poissonnière,  p.  410;  Popin- 
court,  p.  348;  des  Poules,  p.  635  ;  des 
Prêcheurs,  p.  225;  de  Provence,  p.  15; 
aux  Bats,  p.  318;  du  Benard-Saint- 
Merri,  p.  355;  Biboutté,  p.  16;  Riche- 
lieu, p.  411-412;  Bicher,  p.  16;  du 
Sabot,  p.  382;  Saint-André-des-Arcs, 
p.  471;  Saint-Denis,  p.  13,  366  n.; 
Saint- Germain -l'Auxerrois,  p.  448; 
Saint-Honoré,  p.  448,  487,  568,  634; 
Saint-Jacques,  p.  13,  475,  637  ;  Saint- 
Jean-de-Beauvais,  p.  448;  Saint-Marc, 
p.  431  n.;  Saint-Martin,  p.  13,  487, 
488;  Saint-Nicaise,  p.487,  568;  Saint- 
Nicolas,  p.  15;  Sainte-Apolline,  p.  15, 
573  ;  Saintc-Croix-de-la-Bretonneric, 
p.  473;  Salle-le-Gomte,  p.  353;  Ta- 
ranne,  p.  382;  de  la  Terrasse,  p.  16; 
du  Théâtre-Français,  p.  417;  Traînée, 
p.  570;  Tournante,  p.  16;  de  Tracy, 
p.  16,  17  n.,  364;  Vendôme,  p.  411; 
de  la  Verrerie,  p.  448;  de  la  Vieille- 
boucherie,  p.  488;  de  la  Vieille-Dra- 
perie, p.  473;  Vieille-du-Temple,  p. 
52;  de  Xaintongc  (Saintonge),  p.  52. 

Bulhière  (Claude-Carloman  de),  his- 
torien, p.  MO. 

Bulhière  (de),  lieutenant  à  Saint- 
Denis,  inspecteur  de  la  maréchaussée 
del'lsle,  p.  391,  550. 

Bumsay  (James),  imprimé  par  erreur 
Bamsay,  p.  392. 

Bulledge  (chevalier  de),  baronnet, 
p.  242.  On  écrivait  couramment  : 
Butlige. 


Sabathicr  (abbé),  conseiller  au  Par- 
lement; son  arrestation,  p.  59.  218. 


Sablons  (les),  plaine,  p.  298,  395. 

Sache  (Françoise),  épouse  Perdc- 
reau,  bannie  à  perpétuité,  p.  304. 

Sacré-Cœur  (fêle  du),  p.  196  n. 

Sacristain  de  Notre-Dame,  pen- 
sionné par  la  Ville,  p.  554. 

Saffroy,  négociant,  p.  125, 126,  127. 

Sageret,  échevin,  p.  608. 

Sahuguet  (de).  Vov.  Espagnac  (Marc- 
Benô  d'). 

Saige,  homme  de  lettres,  p.  179  n. 

Saillant,  juge-consul,  p.  578. 

Sainfrav,  du  bureau  de  Louis-le- 
Grand,  p.  145,  147,  150,  154. 

Saint-André-des-Arcs  (hospice  delà 
paroisse  de),  p.  249. 

Saint-Antoine  :  abbaye,  p.  16,  350- 
352,  453;  faubourg,  p.  110,113,  402, 
482;  charcutiers  du  faubourg  — ,  p. 
453;  ouvriers  et  artisans  privilégiés 
du  faubourg — ,  p.  452  sq. 

Saint-Barthélémy,  p.  428. 

Saint-Denis  (place  et  porte),  p.  448. 

Saint-Denis-de-France;  abbaye  et 
ville,  p.  136,  137,  395;  dépôt  de*  men- 
dicité, p.  260,  368  n. 

Saint-Denis-dc-la-Chartre,  p.  369. 

Saint-Didier,  p.  43  n. 

Saint-Esprit  :  église,  p.  530;  foire 
ou  marché  du  — ,  p.  361  ;  hôpital  du 
— .  p.  250,  428,  630. 

Saint- Eustache  :  église,  p.  428, 
644;  pointe  — ,  p.  570. 

Sainl-Florentin  (Louis-Phélypeaux, 
comte  de),  marquis  de  la  Vrillière,  p. 
344,  345,  512,  513,  514. 

Saint-Francois-de-Sales  (prêtres  de), 
communauté  hospitalière,  p.  251. 

Saint-Germain-des-Prés  :  abbave, 
p.  113,  124,  138,  384  n.;  justice'de 
— ,  p.  321  ;  marché  de  — ,  p.  485  ;  fau- 
bourg—,  p.  411,  486,  487. 

Saiut-Germain-en-Laye,  p.  322  n. 

Saint-Germain-l'Auxerrois,  p.  429; 
chapitre  de  —,  uni  à  Notre-Dame,  p. 
432. 

Saint-Germain -le-Vieux  (ÏÉvieux), 
p.  428. 

Saint-Gcrvais,  p.  383. 

Saint-Honoré  :  chapitre  de  — ,  p. 
138;  faubourg  — ,  p.  636. 

Saint-Jacques-du-Haut-Pas  (hospice 
de),  fondé  par  Cochin,  p.  248. 

Saint-Jacques-la-Boucherie,  p.  106, 
406,  428. 

Saint  -  Jacques  -  Saint  -  Christophe, 
église  paroissiale  de  la  Villette-lès- 
Paris  :  son  règlement,  p.  107  et  n. 

Saint-Jean  (François  de),  juge-con- 
sul, p.  578. 

Saint-Jean  (La),  p.  555.  Voy.  Feu. 


TAP.LE  ANALYTIQUE 


Saint-Jean-dc-Latran,  p.  384  n.; 
ïuslice,  p.  321  ;  enclos  privilégié,  p. 
488. 

Saint-Jean- en-Grève,  p.  630. 

Saint-Josse,  p.  428. 

Saint-Leu,  p.  353,  428. 

Saint-Louis  (chevaliers  de),  p.  37!) 
n.;  banquiers  de  jeux,  p.  412. 

Saint-Louis  (île),  p.  36!);  prix  de 
location  des  maisons  de  l'île  — ,  p. 
370  n. 

Saint-Louis,  hôpital,  p.  219,  319, 
637. 

Saint-Louis  (La).  Voy.  Fêtes. 

Saint-Louis-du-Louvre,  p.  428. 

Saint-Luc  (chapelle  basse  de),  ser- 
vant aux  inhumations,  p.  428. 

Saint-Marcel,  faubourg,  p.  482,635. 

Saint-Martin- aux- Bois,  abbave,  p. 
152. 

Saint-Martin-dcs-Champs  :  abbaye, 
p.  113,  381  n.;  justice  de  —,  p.  321  ; 
faubourg  — ,  p.  429. 

Saint-Mauris  (Ch.-Emm.-Polycarpc, 
marquis  de),  p.  494. 

Saint-Mcrrv  (ou  Mérv,  ou  Méderic); 
p.  '428,  429;  hospice  "de  —,  p.  248- 
249. 

Saint-Michel  (marais  de),  p.  40  n. 

Saint-Michel  (ordre  de),  p.  350. 

Saint-Nicolas-des-Champs,  p.  428, 
429. 

Saint-Nom-de-Jésus,  p.  251. 

Saint-Père,  commissaire  au  Chalc- 
let,  p.  448. 

Saint-Pierrc-aux-Bœufs,  p.  428. 

Saint-Pierrc-dcs-Arcis,  p.  428. 

Saint-Roch  :  règlement  paroissial 
du  31  juillet  1781,  p.  107;  cure  de  — , 
en  déport,  p.  138. 

Saint-Roch  (La),  16  août,  début  de 
l'année  municipale,  p.  376  n.,  499. 

Saint-Sépulcre,  p.  428. 

Saint-Seine  (de),  directeur  des  droits 
de  la  Ville,  p.  551. 

Saint-Sulpice  et  Gros-Caillou,  hos- 
pice, p.  218;  filature,  p.  250. 

Saint-Victor,  abbave,  p.  125. 

Saint-Waasl,  p.  283  n. 

Sainte-Agnès,  p.  251. 

Sainte- Anastasie-Saint-Gervais,  p. 
251. 

Sainte-Anne,  p.  219,  349. 

Sainte-Barbe,  p.  151  n. 

Sainte-Beuve  (Ch. -Augustin),  p.  4n. 

Sainte-Catherine,  p.  251  ;  hôpital  et 
religieuses  de),  p.  428,  429. 

Sainte-Croix  de  la  Bretonnerie  (cha- 
noines réguliers  de),  p.  136. 

Sainte-Croix-en-la-Cité,  p.  428,473. 

Sainte-Geneviève,  abbaye,  p.  384; 


châsse  et  cérémonie  relatives,  p.  113 
à  116;  justice,  p.  321  ;  lampadaire,  p. 
Il  fin. 

Sainle-Gcncvièvc  (nouvelle  église), 
p.  12. 

Saint[c|-Jamcs,  banquier,  p.  44. 

Sainlc-Madeleinc-en-la-Cité,  p.  428. 

Sainte-Marguerite,  p.  138,  318. 

Sainte-Manne,  p.  428. 

Sainte-Opportune,  p.  429;  chapitre 
de  —,  p.  138. 

Sainte-Pélagie,  p.  253,  475,  480. 

Sainle-Périne-de-Chaillot,  p.  385. 

Sainte-Heine,  hospice,  p.  249. 

Saintes-Chapelles,  p..  137. 

Saints-  Innocents  :  cure,  p.  106; 
charnier  ou  cimetière  des  — ,  p.  13, 
127,  428,  432. 

Salamon,  conseiller  au  Parlement, 
p.  626. 

Sallicr-Chamont  (Gui-Marie),  conseil- 
ler au  Parlement,  p.  626. 

Salpêtrière   (La),    p.    250,    472  n., 


180. 


-,P-247; 


Santé  :  maison  royale  de 
maisons  de  —,  p.  400. 

Sanlerrc  (Anl. -Joseph),  brasseur  : 
son  offre  au  roi,  p.  358. 

Santerrc,  inspecteur  de  police  du 
quartier  Saint-Denis,  p.  481. 

Sanzay  (marquis  de),  p.  489. 

Sarcelles  [dé p.  de  Seine-ct-Oise),  p. 
395. 

Sarline  (de),  lieutenant  général  de 
police,  p.  399,  406,  411  n. 

Saulgeot  (Vincent),  syndic  des  maî- 
tres boulangers,  p.  213,  316. 

Saussayc,  receveur  particulier  des 
impositions  de  Paris,  p.  589. 

Sauvigny(Edme-LouisBillardonde), 
censeur  royal,  p.  220. 

Sauzai(A.),  négociant,  p.  227. 

Savovards  (œuvre  des  jeunes),  p. 
356.     " 

Scipion  Sardini  (maison  de),  p. 
252. 

Secrétaires  du  roi  (grand  collège 
des),  p.  473. 

Sécularisations  monarchique  et  ré- 
volutionnaire, comparées,  p.  282. 
>   Séguin,  trésorier  du  duc  de  Char- 
tres, p.  472.  482. 

Séguier  (Pierre  III),  chancelier,  p. 
169  n. 

Séguier  (Antoine-Louis),  avocat  gé- 
néral au  Parlement,  p.  157, 161 ,  166  n., 
167  n.,  173,  178,   179,  183,  187,  189, 


193,  194,  195,  198,  200,  203  n.,  201, 


686 


TABLE  ANALYTIQUE 


de),  gouverneur  de  l'Arsenal,  p.  384 
n.  ;  ministre  de  la  guerre,  p.  480. 

Seigneur,  premier  aide-major  de  la 
garde  de  Paris,  p.  483. 

Semur,  bailliage,  p.  543. 

Sénat  Romain  et  Parlement,  com- 
parés, p.  180. 

Senci'(le  comte  de),  p.  43  n. 

Se[n]nécourt  (dcp.  de  l'Oise),  p.  395. 

Sentence   du    bailliage    de    Tours, 

15  mai  1778,  p.  304. 

Sentences  du  Bureau  de  la  Ville  : 
M  décembre  1737,  p.  376  n.  ;  20  jan- 
vier 1703,  p.  505  n.;  27  avril  1773, 
p.  562;  5  mars  1776,  p.  564. 

Sentences  du  Cliàtelct(police)  :  6  nov. 
1725,  p.  418  n.  ;  28  juin  1731,  p.  420; 

16  nov.  1731,  p.  436;  4  juin  173 i,  p. 
426  n. ,  28  juin,  p.  431  ;  10  juin  1735, 
p.   440:  20   octobre,  p.   407;  2  sept. 

1736,  pi  403  ;  22  déc,  p.  407  ;  11  janv. 

1737,  p.  436;  31  janv.  1738,  p.  436 
n.;  29  mai  1739,  p.  437;  12  juin,  p. 
407;  21  août,  p.  403;  23  mai  1740, 
p.  420  ;  22  juill.,  p.  436  ;  27  juin  1742, 
p.  436;  20  juill.,  p.  418  n,  ;  3  août, 
p.  436  n.;  31  août,  p.  405,  420; 
27  oct.,  p.  418  n.;  16  nov.,  p.  437; 
6  sept.  1743,  p.  418  n.;  17 janv.  1744, 
p.  437;  26  mars  1745,  p.  405  n.; 
18  nov.  1746,  p.  451  n.;  2  déc,  p. 
419  et  n.;  9  sept.  1775,  p.  186  n., 
468;  11  août  1778,  p.  172;  10  mars 
1780,  p.  438;  26  mars  1784,  p.  423 
n.;  18  janv.  1788,  p.  441;  3  oct., 
p.  488;  21  nov.,  p.  478. 

Sentier,  conseiller  au  Parlement, 
p.  626. 

Sentinelle  du  peuple  (La),  p.  239. 

Sergents  (barrière  des),  p.  485. 

Serruriers,  etc.,  communauté,  p. 
452. 

Servan  (Ant.-Jos. -Michel),  p.  215. 

Serve  (Juste),  consul,  p.  577. 

Serviteur  de  la  Ville,  p.  553. 

Short,  premier  secrétaire  de  Jeffer- 
son,  p.  633. 

Sicard  (abbé),  p.  155  n.,  283  n. 

Sicvès  (Emm. -Joseph,  abbé),  p. 
246.  * 

Signature  du  roi  :  doit  toujours 
être  tenue  pour  authentique,  p.  394  n. 

Simarre,  condamné  à  la  roue,  p. 
210. 

Simon,  imprimeur,  p.  353. 

Simon,  employé  à  la  Ville,   p.  550. 

Sirebeau,  inspecteur  des  fontaines 
de  la  Ville,  p.  374. 

Six-corps  (les),  p.  31,  320,  443  n.; 
leur  titre  complet,  p.  577;  —  et  les 
communautés,  p.  456-457. 


Socialisme  d'Etat,  p.  309. 

Société  de  Jésus,  p.  104. 

Société  de  l'Histoire  de  Paris  et  de 
l'Ile-de-France,  p.  502  n. 

Société  philanthropique,  p.  283. 

Soissonnais,  p.  312. 

Solesmes,  abbaye,  p.  137  n. 

Sommelier,  inspecteur  de  police, 
p.  59. 

Sorbonnc,  p.  187  n. 

Sorbonncs  (chevalier  des),  p.  483. 
».  Souscription  à  la  construction  des 
quatre  nouveaux  hôpitaux,  p.  615. 

Souveraineté  législative  du  roi,  re- 
connue par  le  Parlement,  p.  266. 

Spectacle  libre  interdit,  p.  355. 

Spectacles  (petits)  et  foires,  p.  357 
n.;420; 

Spire,  chef  de  bureau  à  la  police, 
p.  356,  401. 

Sprotte,  échevin,  p.  586. 

Staél  (Ëric-Magnus,  baron  de),  am- 
bassadeur de  Suède  en  France,  p. 
632. 

Stations  et  places  désignées  pour 
la  publication  de  la  paix  dé  Versailles, 
au  nombre  de  quatorze,  p.  624. 

Statue  de  Louis  XIV,  place  Vendôme, 
p.  551. 

Statuts  des  maîtres  tonneliers...  sur 
les  ports,  p.  508. 

Subdélégués,  substituts  du  procu- 
reur du  roi  et  de  la  Ville,  p.  503- 
505,  554-555  ;  offices  et  commissions 
de,  —  p.  504;  sièges,  gages,  indem- 
nités, fonctions,  p.  504  et  n.,  505. 

Suif  (vente  du),  p.  455  et  n. 

Suite  de  la  justification  du  sieur  de 
Beaumarchais,  p.  194. 

Sully  (Max. -Gabr. -Louis  de  Béthune, 
duc  de),  p.  304. 

Supplément  aux  réflexions  de 
Me  Linguct,  p.  177. 

Supplices.  Voy.  Justice,  Arrêts. 
Imitations  burlesques  ou  tragiques  de 
—  ,  p.  216  n. 

Sûreté,  p.  478. 

Surséances  :  à  la  Caisse  d'escompte, 
p.  47;  aux  particuliers,  p.  385. 

Survivances  des  charges  et  emplois 
de  la  Ville,  p.  363. 

Syndic  du  clergé  de  Paris,  p.  541. 

Syndics  et  adjoints  de  la  commu- 
nauté des  libraires  et  imprimeurs, 
p.  262  n.,  475;  —  des  communautés 
d'arts  et  métiers,  p.  462,  583. 


TABLE  ANALYTIQUE 


087 


Tabac  (commission  du),  p.  348,597. 

Table  de  marbre,  cour  suprême  des 
eaux  et  forêts,  p.  564. 

Tableau  juratoire  de  la  Ville,  p. 
532. 

Taboureau  des  Réaux,  contrôleur 
général  des  finances,  p.  592.  Voyez  : 
Lettres. 

Taine  (Hippolyfe-Adolphe),  p.  20  n. 

Taitbout,  greffier  de  la  Ville,  p.  541  ; 
sa  veuve,  p.  557. 

Talmeliers,  p.  435.  Voy.  Boulan- 
gers. 

Talon  (Denis),  p.  125. 

Tandeau  (Gabriel),  conseiller  clerc 
au  Parlement,  p.  145,  148  n.,  150, 
154,  211  ;  son  discours  en  faveur  de 
l'édit  des  emprunts  successifs,  pro- 
noncé et  déféré  au  Parlement,  p.  218, 
219  n. 

Tarare,  opéra  de  Beaumarcbais,  p. 
381. 

Target  (Gui-Jean-Baptiste),  avocat, 
de  l'Académie  française,  p.  99,  173. 

Tarifs  :  de  la  capitation,  p.  584  ; 
des  droits  des  corporations,  p.  453 
et  n.,  104  et  n.  ;  des  permissions  en 
librairie,  p.  170. 

Taron,  consul,  p.  577. 

Taxations  :  du  trésorier  de  la  Ville, 
p.  012;  des  gardes,  etc.,  des  commu- 
nautés d'arts  et  méLicrs,  p.  583. 

Taxe  :  de  la  viande,  p.  442;  —  du 
pain,  p.  436. 

Te  Deum,  p.  626,  632. 

Teinturiers  de  la  rue  de  la  Pelleterie 
expropriés,  p.  368. 

Temple  (le),  enclos  et  justice,  p. 
321,  384,  385. 

Tenaille  de  Châtillon,  subdélégué  de 
la  Ville  à  Clamecy,  p.  550. 

Tenon  (Jacques-René),  p.  247  n., 
349. 

Tcrrav  (abbé),  contrôleur  général 
des  finances,  p.  184  n.,  521,  522,  600. 
Voy.  Lettres. 

Teschcreau  de  Baudry,  lieulenant 
général  de  police,  p.  342,  399. 

Tessé  (dame  de),  dame  d'honneur 
de  la  reine,  insultée,  p.  638. 

Tcstu  (la  tille),  p.  274  n. 

Théâtre-Français,  p.  318,  357. 

Théâtre-Italien,  p.  357. 

Théologie  portative,  p.  187. 

Théorie  des  lois  politiques  de  la  mo- 
narchie française,  p.  246. 


Thicrion,  commissaire  an  Chàtelet, 
p.  445. 

Thierry,  auteur  du  Guide  des  Ama- 
teurs, p.  034  n. 

Thiôrv,  secrétaire  du  commande- 
ment, p.  615. 

Thillaye  (Noël -Vincent),  mécani- 
cien, p.  352. 

Thiloricr  (Jean-Charles),  avocat, 
p.  471. 

Thiroux.  Voy.  Crosne  (de);  Monre- 
gard  (de). 

Thomas  (saint),  p.  421. 

Thomas  (J.-B.),  syndic  des  boulan- 
gers, p.  213,  316. 

Thou  (Aug.  de),  p.  469. 

Thury,  maître-fondeur,  p.  382. 

Tiers-état,  surnom  des  carrosses  de 
places,  p.  636. 

Tillière  (de)  fils,  du  bureau  de  l'Hô- 
tel-Dieu,  j).  258. 

Tippou-Saïh,  roi  de  Mysore,  p.  356. 

Tirot  (Jacques),  serviteur  de  la 
Ville,  p.  551. 

Tisserand  (L.-M.),  p.  398  n. 

Tissot,  colporteur,  traité  avec  in- 
dulgence par  le  Parlement,  p.  226. 

Tocsin  de  la  Ville,  p.  624. 

Toisé  des  maisons  à  Paris,  p.  592. 

Torcv  (dép.  de  Seine-et-Marne),  p. 
322  n." 

Toulouse  (hôtel  de),  près  la  place 
des  Victoires,  p.  638. 

Tourbe  (entreprise  de  la),  p.  296, 
370. 

Tournan  (dép.  de  Seine-el-Marne), 
p.  322  n. 

Tournclle.  Voy.  Arrêts,  Jurispru- 
dence, Justice  criminelle,  Parlement. 

Tourncux  (Maurice),  p.  381  n. 

Tournicr,  p.  252  et  n. 

Tourtille-Sangrain,  fournisseur  de 
la  Ville,  p.  55 1. 

Tourzel  (marquis  de),  grand-prévôt 
de  l'hôtel,  p.  100. 

Tracy  (Antoine-Louis-Claude  d'Es- 
tult,  comte  de),  p.  364. 

Traiteurs,  rôtisseurs,  pâtissiers, 
p.  440. 

Transaction  de  la  Ville  avec  l'Ar- 
chevêque de  Paris,  29  juillet  1706, 
p.  541. 

Treilhard  (Jean-Baptiste),  avocat, 
p.  125,  203. 

Trésorier  de  la  Ville.  Voy.  Receveur. 

Trésoriers  de  France,  p.  569. 

Triel  [dép.  de Seine-et-Oise),\).  322  n. 

Trinité  (La),  p.  250. 

Tripart,  pensionnaire  de  la  Ville, 
p.  375. 

Tripiers,  p.  441. 


088 


TABLE  ANALYTIQUE 


Trône  (barrière  du),  p.  52. 

Trottoirs  et  bornes,  p.  365,  3G7. 

Troubles  à  Paris  :  en  août  1788, 
p.  482;  en  novembre,  p.  442.  Voy. 
Placards,  Révoltes. 

Tuerie  des  bœufs,  p.  435. 

Tuileries,  p.  384  n.,  629,  630, 
637. 

Turgot  (Michcl-Élicnne),  prévôt  des 
marchands,  p.  1  n.,  15,  376  n.,  520. 

Turgot  (Anne-Robert-Jacques),  fils 
du  précédent,  contrôleur  général  des 
finances,  p.  38  n.,  160,  181  n.,  189  n., 
190  n.,  199  n.,  284,  280  et  n..  288, 
297,298,  348  n.,  438 n.,  439,443,444, 
455n.,498n.,  507,  509,  523,526,527, 
586,  600,  601,  613,  630. 

Turlin,  fermier  des  coches  d'eiu, 
p.  126. 


u 


Unigenitus  (bulle),  p.  23,  104  n., 
109,  118,  123  n. 

Université  de  Paris,  p.  23,  320  sq.; 
proteste  contre  les  arrêts  du  Conseil 
de  1777,  relatifs  à  la  librairie,  p.  168. 

Ursins  (hôtel  des),  p.  369. 


Vacances  des  collèges  (uniformes), 
p.  144. 

Vaisseau  de  ligne  offert  au  roi  par 
les  Six-corps  et  par  39  communautés, 
p.  457. 

Vallin  (veuve),  oiselière,  p.  489. 

Vanne  (la),  rivière,  p.  295. 

Varech  (cendres  de),  prohibées, 
p.  455-456. 

Variétés-Amusantes,  théâtres,  page 
357. 

Varin  (Bricc-Marie),  avocat  de  Ren- 
nes, p.  242. 

Varin,  greffier  de  l'Hôtel -Dieu, 
p.  259  n. 

Vauban  (Séb.  le  Prestre  de),  p.  6, 
289  n.    . 

Vaudherland  (dëp.  de  Seine -et-Oise), 
p.  308. 

Vaugien,  inspecteur  de  police, 
p.  481. 

Vaugirard  (hospice  de),  p.  250. 

Vée,\jugc-consul,  p.  577. 

Vénalité  des  charges  municipales, 
p.  502. 


Vendôme  (Louis-Joseph,  duc  de)  : 
ses  papiers  déposés  à  la  Bastille, 
p.  380  et  n. 

Vendôme  (place),  p.  410. 

Ventes  judiciaires,  réglcmenlées, 
p.  458. 

Ventilateur  (compagnie  du),  p.  352. 

Vergennes  (Charles  Gravier,  comte 
de),  p.  280,622. 

Verniquct(Edmc),  p.  11,382,  383  n. 

Véron,  receveur-général,  p.  271  n. 

Versailles,  château  et  ville,  p.  2,  3, 
319;  paix  de  —,  p.  516,  n.,  518, 
582;  publiée  à  Paris,  p.  621  ;  cérémo- 
nial, procession,  fêles  et  Te  Deum  v 
relatifs,  p.  621-624. 

Vevtard,  greffier  du  Bureau  de  la 
Ville; p.  229  n.,  502,  506,  518,  557, 


563 


Viabilité,  p.  367.  Voy.  Voirie. 

Viande.  Voy.  Taxe. 

Viarmes  (de),  prévôt  des  marchands, 
p.  511. 

Victoires  (place  des),  p.  410. 

Vidange  (compagnies  de),  p.  352. 

Vidaud-dc-la-Tour,  directeur  de  la 
librairie,  p.  380,  476  n. 

Vieille-Poste  (maison  dite  de  la), 
p.  475. 

Vicllard,  membre  du  bureau  du 
Mont-dc-Piélé,  p.  261. 

Vienne  (dom  de),  bénédictin,  auteur 
de  Mémoires  judiciaires  supprimés, 
p.  182. 

Villages  de  la  banlieue,  p.  609. 

Ville:  domaine  de  la,  — ,  p.  614; 
finances  en  désordre,  p.  516;  juridic- 
tion et  police  sur  la  Seine  et  dépen- 
dances, p.  561-563;  en  matière  de 
rues  et  travaux  publics,  p.  570  ;  ser- 
vices administratifs  de  la  — ,  p.  541- 
542;  —  et  Châtelet,  p.  560,  623;  — 
et  Université,  p.  500  n. 

Villejuif  (dép.  de  la  Seine),  p.  642, 
682. 

Ville-l'Évêque,  p.  15. 

Ville-neuve  (quartier  de  la),  p.  442. 

Villeneuve  (L. -Henri  de),  des  com- 
tes de  Barcelone,  p.  199. 

Villeneuve  (Vallct  de),  trésorier  de 
la  Ville,  p.  503,  507  n.,  547,  607. 

Villeneuve  (Gustave  de),  p.  502. 

Villctte,  employé  â  la  Ville,  p.  550. 

Villcttc,  fraudeur,  p.  607. 

Villicrs  de  La  Noue  (de),  du  bureau 
de  Louis-lc-Grand,  p.  145,  147. 

Vinccnncs,  p.  394,  480. 

Vincent    de  Paul  (saint),  p.  251  n. 

Vinchon,  procureur,  p.  214. 

Vinet[s]  -en-Champagne  (dép.  de 
l'Aube),  p.  210. 


TABLE  ANALYTIQUE 


689 


Vinfray,  commandant  do  la  maré- 
chaussée de  Choisy,  p.  550. 

Vingtièmes,  p.  66,  580,  581  et  n., 
582,  592.  Voy.  Dixièmes,  Imposi- 
tions, Revenus. 

Vins  :  droits  sur  les  — ,  p.  599;  — 
de  privilège,  p.  553  ;  —  de  Ville, 
p.  524. 

Vintimille  du  Luc  (Charles-Gaspard 
de),  archevêque  de  Paris,  p.  195. 

Violations  de  domiciles  autorisées 
par  la  police,  p.  471,  479. 

Viollard  (Claude),  p.  304. 

Virement  entre  la  Ville  et  le  dépar- 
tement de  la  guerre,  p.  367. 

Virginie  (états  de),  p.  633. 

Visites  des  eaux  et  fontaines,  etc., 
p.  524,547;  —  des  syndics  et  adjoints 
des  communautés,  p.  463; — duCorps- 
de-Ville  à  Versailles,  p.  534. 

Vitry-le-François,  p.  312. 

Voie  publique  (commodité  et  sûreté 
de  la),  p.  432. 

Voirie,  p.  430  sq.;  partagée  et  dis- 
putée entre  plusieurs  juridictions, 
p.  388,  389,  430;  petite  —,  p.  365; 
droits  de  —,  p.  567. 

Voiries,  p.  593. 

Voisin  (Pierre-Gilbert  de),  p.  115. 
180,  196. 

Volaille,  p.  439. 

Volney  (Constantin-François  Chas- 
sebœuf,  comte  de),  p.  239. 

Voltaire,  p.  184  n.,  208,  220  n., 
284. 


Vols  :  à  l'aide  de  fausses  clés, 
p.  451;  dans  les  bateaux,  p.  560;  de 
mère  à  fille,  p.  357  ;  divers,  p.  479  n., 
490. 

Voyage  de  Figaro  en  Espagne  {Le), 
et  (autre  titre  du  même  ouvrage)  : 
Voyage  Le)  du  marquis  de  Langle  en 
Espagne,  p.  209. 

Voyer(dei.  Voy.  Argenson. 


Ximenes  (abbé),  p.  351 


Young  (Arthur),  agronome  anglais, 
p.  2-1,289. 

Young  (dame),  recommandée  par 
Breteuil,  p.  365. 

Yvette  (canal  de  1'),  p.  359-361, 
390  n. 


Xeno    (chevalier),    ex -ambassadeur 
de  Venise  en  France,  p.  409. 


FIN  DE   LA  TABLE  ANALYTIQUE 


il 


A  PARIS 
DES   PRESSES   UK   I).  JOUAUST 

Rue  <ie  Lille,  1 


M    DCCC   LXXXIX 


La  Bibliothèque 
Université  ds Ottawa 
Echéance 


The  Library 
University  of  Ottawa 
Date  due 


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PlONINi    HIPPOLYTEt 

ETPT    DE    PPRIS    EN    1789 


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CE    OC       C194 

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