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L'ÉTAT DE PARIS £ |gg
COLLECTION DE DOCUMENTS RELATIFS A L'HISTOIRE DE PARIS
PENDANT LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Publiée sous le patronage du Conseil municipal
L'ÉTAT DE PARIS
EN 1789
ÉTUDES ET DOCUMENTS
SUR L'ANCIEN REGIME A PARIS
l'A H
H. MONIN
PARIS
D. JOUAUST EDITEUR
7, Rl'E'DE LILLE
CHARLES NORLET
13, RUE C U J A S
MAISON QUANTIN
7, RUE SAINT-BENOIT
1889
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LISTE DES MEMBRES
l)K LA
COMMISSION DES RECHERCHES
SUR L'HISTOIRE HE PARIS
PENDANT LA RÉVOLUTION
MM.
Hovelacque, conseiller municipal, pré-
sident.
Dépasse, conseiller municipal, secré-
taire.
Faucou, sous-conservateur de la Bi-
bliothèque et des Collections histo-
riques, secrétaire adjoint.
Aulard, professeur à la Faculté des
lettres.
BONNEMÈRE.
Cernesson, député.
Challamel, conservateur adjoint à la
Bibliothèque Sainte-Geneviève,
Charavay (Etienne), archiviste-paléo-
graphe.
Chassaing, conseiller municipal.
Chassin (Ch.-L.), publiciste.
Cousin, conservateur de la Bibliothèque
et des Collections historiques de la
Ville.
Deroisin, conseiller général du dépar-
tement de Seine-et-Oise.
Dreyfus (Ferdinand), ancien député.
Guiffrey, archiviste aux Archives na-
tionales.
Hamel (Ernest), publiciste.
Hennet, sous-chef aux archives de la
Guerre.
MM.
Isambert, publiciste.
Labat, secrétaire de l'Ordre des Avo-
cats.
Lacroix (Sigismond), député.
Lamouroux, conseiller municipal.
Laurent, bibliothécaire de la Chambre
des Députés.
Lefebvre- Roncier, conseiller munici-
pal.
Longuet, conseiller municipal.
Ménorval (de), conseiller municipal.
Mesureur, député.
Monin, professeur au collège Rollin.
Pelletais (Camille), député.
Rambaud, professeur à la Faculté des
lettres.
Renaud (Armand), inspecteur en chef
des Reaux-Arts et Travaux histori-
ques.
Richard (Emile), conseiller municipal.
RoBinuF.T, avocat au Conseil d'État.
Saint-Joanny, archiviste de la Seine.
Stupuy, conseiller municipal.
Thierry-Poux, conservateur des impri-
més à la Bibliothèque nationale.
Tourneux (Maurice), publiciste.
Tuetey, sous-chef de section aux Ar-
chives nationales.
LISTE DES MEMBRES
DE LA
COMMISSION DE CONTROLE
MM.
Dépasse, conseiller municipal.
De Ménorval, conseiller municipal.
Hovelacque, conseiller municipal.
A. Lamouroux, conseiller municipal.
Ch. Longuet, conseiller municipal.
E. Richard, conseiller municipal.
A. Humbert, conseiller municipal.
Stupuy, conseiller municipal.
Cbassawg, conseiller municipal.
Mesureur, députe.
Cernesson, député.
Sigismond Lacroix, député.
Cousin, conservateurde la Bibliothèque
et des Collections historiques de la
Ville.
MM.
Saint-Joantsy, archiviste de la Préfec-
ture de la Seine.
Tiiierrv-Poux, conservateur des im-
primés de la Bibliothèque nationale.
Tuetey, sous-chef de section aux Ar-
chives nationales.
Guiffrey, archiviste aux Archives na-
tionales.
Faucou, conservateur adjoint de la
Bibliothèque et des Collections his-
toriques de la Ville de Paris.
Armand Renaud, inspecteur en chef
des Beaux-Arts et Travaux histori-
ques, secrétaire.
Le Vayer , inspecteur des Travauv
historiques, secrétaire adjoint.
AVANT-PROPOS
J'ai eu l'honneur, il y a trois ans, de présenter au Ministère de
l'instruction publique et de soumettre aux sociétés savantes,
en leur séance solennelle, un projet d'enquête sur l'état de la
France en 1789 1. Voici les termes les plus généraux dans les-
quels se posait alors à mes yeux le problème historique des
rapports de Paris avec la France : « La France de 1781) avail
environ 25 millions d'habitants. Actuellement, compensation
faite des pertes et des acquisitions territoriales, elle en a plus
de 37. Paris, en 1789, avait à peu près 640, 000 habitants; il en a
2,240,000. Comparez ces quatre termes. Si la France s'étail
accrue comme Paris, elle aurait 100 millions d'âmes; si Paris
n'avait augmenté que dans la proportion générale, il dépasserait
à peine le million. Quelles sont les causes politiques, sociales,
économiques d'une augmentation aussi inégale? Est-ce un acci-
dent de notre histoire? Est-ce une loi dont l'action, déjà sécu-
!. Pièce in- 4" de 11 pages ^Imprimerie nationale). Yoy. aussi : Discours pro-
nonce par M. René Goblet, Minisire, de l'instruction publique, des beaux-arts et
des cultes, à la séance solennelle des Sociétés savantes, le lor mai 1886 (Paris,
imprimerie dos journaux officiels, in-8° de 20 p.i; — Circulaire adressée par le
Ministère de l'instruction publique aux Sociétés savantes, ci) date du li fév. 1887,
signée Bbhthelot, et pour copie conforme, Chaumes. A celle circulaire est joinl
un Projet de plan pour l'état descriptif d'une généralité ou d'une région de la
France en 1789. — Dans le même ordre d'idées, que l'on nie permette de
renvoyer : 1" à la Leçon d'ouverture de mon cours libra, professé en Sorbonue.
sur l'État politique, administratif et social des généralités composant le ressort
du Parlement de Paris (dans la Révolution française du 14 déc. 1886, et dans la
Revue de géographie de janvier et février 1887): 2° au Bulletin de la Société lan-
guedocienne de géographie, où je poursuis, depuis 188i>, l'étude de VÈIul du Lan-
guedoc en 1780.
il AVANT-PROPOS
laire, doive se perpétuer? L'accroissement de Paris est-il une
fonction organique et normale de la France ? »
Appelé à faire partie de la Commission municipale des recher-
ches sur l'histoire de Paris pendant la Révolution française, je
ne me suis donc pas dissimulé ce qu'il y avait souvent, et même
presque toujours , d'artificiel, à séparer l'histoire de Paris de
celle de la France. Mais il ne s'agit ici que de documents à
réunir, à rapprocher, à dégrossir : et cette division du travail
préparatoire est nécessaire à toutes les constructions scienti-
fiques. Je me suis bien gardé, toutefois, de restreindre mon sujet
à YHotel-de-Ville : Paris capitale du royaume, Paris bonne
ville du roi m'ont Beaucoup plus retenu, et, je pense, à de plus
justes titres. Sans insister ici sur des détails de discussion pour
lesquels je renvoie le lecteur à nos procès-verbaux1, je rappel-
lerai simplement que le premier projet de cet ouvrage a été
adopté en commission le 21 mars 1887; que l'exécution en a été
autorisée le 29 avril suivant parle Conseil municipal et décidée
par l'arrêté préfectoral du 26 mai. Le manuscrit a été soumis à
la commission de contrôle instituée par le précédent arrêté,
réduit, pour certaines parties, d'après ses indications, et approuvé
conformément au rapport de M. J. Cousin, conservateur de la
Bibliothèque et du Musée Carnavalet.
J'ai rencontré dès le début l'objection suivante : c'est que, la
commission ayant été instituée pour s'occuper de l'Histoire de
Paris pendant la Révolution française, l'ancien régime ne la
concernait pas. Cette interprétation a été trouvée, en définitive,
trop littérale. Connaître les dernières années de l'ancien ré-
gime, n'est-ce pas se rendre compte des causes immédiates de
la Révolution, laquelle, pour beaucoup d'historiens, commence
dès 1787? Connaître l'état dernier des institutions monarchi-
ques, les conditions sociales des ordres et des classes, ne serait-
ce point pénétrer jusqu'aux racines les plus profondes de notre
évolution contemporaine? Voir enfin Paris tel qu'il était, et non
1. Premier fascicule (janvier à juillet 1887), in-8° de 155 p. (Imprimerie muni-
cipale, 1887.)
AVANT-PROPOS m
de surface, ce serait expliquer et sa prépondérance intellec-
tuelle, et ses journées, et l'immense lassitude qui au bout de
dix ans l'a jeté avec toute la France sous la main, mais non pas
aux pieds d'un maître.
Qu'était l'ancien régime à Paris? Gomment se conduisaient
les affaires politiques, judiciaires, administratives? A quels
signes voyait-on l'usure et l'affaissement des institutions? Dans
quelle situation se trouvaient les classes vis-à-vis les unes des
autres? Quelle était la condition des dernières couches de la
société? D'où venait à leur égard l'impuissance et de la charité
chrétienne, et de la philanthropie déiste? Pourquoi un Rivarol
pouvait-il écrire : II n'est point de siècle de lumières pour la
populace, sans se demander s'il y en avait jamais eu un pour
les gouvernements en décadence? Quels étaient à l'égard de
Paris les sentiments, les idées, la tradition politique de la
royauté? Quels ressorts, quels instruments employait-elle, et
contre quelles forces rivales? De quel œil voyait-elle l'inéluc-
table agrandissement de la capitale du royaume? D'autre part,
quels moyens de résistance, quels souvenirs ou quelles illusions
de liberté antique Paris pouvait-il opposer à ce despotisme sen-
sible, larmoyant et hypocrite qui, Turgot et Malesherbes
exceptés, caractérise le règne paternel de Louis XVI? Com-
ment enfin, au milieu des débris accumulés des anciens privi-
lèges, le droit national moderne a-t-il trouvé l'appui nécessaire
du droit municipal? Comment le jour de la révolte décisive de
Paris est-il devenu à bon droit la fête de la Nation? Telles sont
les principales questions que j'ai eues présentes à l'esprit, dans la
suite de ces études et dans le choix de ces documents. J'aurais
voulu prendre moins souvent la parole ; mais la nature de mon
sujet et les bornes d'un seul volume ne me l'ont pas permis.
J'ai du moins cherché à rendre toute confusion impossible entre
mon opinion et les textes, et j'ai cherché aussi, chose plus dif-
ficile, à ne fonder mon opinion que sur les textes.
C'est un devoir pour moi de remercier publiquement toutes
les personnes auxquelles je dois d'utiles renseignements, de
iv AVANT-PROPOS
bons conseils, des moyens d'exécution. Si je ne me permets pas
de citer ici des noms, ce n'est point crainte d'en oublier. Mais,
ayant eu plus môme que je ne l'aurais désiré, à exprimer des
idées personnelles, je dois en assumer l'entière responsabilité.
Je respecte trop l'amitié et la confraternité scientifique pour
m'en faire une sorte d'abri contre1 la critique, à laquelle appar-
tient le dernier mot.
H. Monin.
INTRODUCTION HISTORIQUE
LA ROYAUTÉ ET PARIS
Depuis le milieu du XIVe siècle jusqu'au milieu du XVIIe, Paris est
entré à cinq reprises en lutte ouverte et réglée avec la monarchie :
cinq fois il succomba. Avec Etienne Marcel fut vaincue la commune
bourgeoise; avec les Maillotins, l'insurrection populaire ; avec les
Bourguignons et les Anglais, l'Université, les corporations; avec la
Sainte-Ligue et les Espagnols, la théocratie démagogique. Enfin, sous
la régence d'Anne d'Autricbe et sous le gouvernement de Mazarin, le
Parlement, trahi par ses alliés d'église et d'épée, indigné de l'inter-
vention espagnole, s'était rendu sans condition, et la barrière du Trône
avait vu l'entrée pacifique et triomphale du jeune Louis XIV.
Deux des victoires de la royauté sur Paris, celle de 1436 et celle de
1.594, étaient malheureusement aussi des victoires de la nation sur
l'étranger : les corps de l'Etat, la Ville, l'Eglise, en célébraient tous les
ans le souvenir ; et ce n'étaient point de simples fêtes publiques aux-
quelles les sujets du roi étaient conviés, c'étaient des vœux sacrés
qu'ils étaient tenus d'accomplir1.
Quant à la dernière révolte de Paris, elle était contemporaine du
glorieux traité de Westphalie; elle ne fît que retarder celui des Pvré-
nées. On la méprisa, on lui donna le nom d'un jeu d'enfants. Elle avait
été confuse, mal concertée : on affecta de la considérer comme frivole
et mal fondée. Elle avait eu tant de causes, de motifs et de prétextes
divergents, qu'elle parut manquer de raison. Aussi l'on oublia, l'on
1» La fête de l'expulsion des Anglais et celle de la réduction de Paris sous
l'obéissance du roi Henri IV furent réunies en une seule en 1733. (Lettre de Da-
guesseau, du 29 mars, à Michel-Ét. Turgot. Arch. nat,, K. 100o. — Du même au
même, ibid., lettre du 19 mars 1785.)
1
2 INTRODUCTION HISTORIQUE
feignit d'oublier le carnage du faubourg Saint-Antoine et l'abominable
massacre de l'Hôtel de Ville pour ne plus citer que les mazarinades,
« la première aux Corinthiens », et « le régiment des portes-cochères ».
Fidèle aux leçons et aux exemples de Mazarin, Louis XIV se con-
tenta de mettre les chefs vaincus de la Fronde au nombre des courti-
sans les plus empressés el les plus comblés. Condé, rentré en grâce de
par l'Espagne, ne fut plus que le héros de Rocroy, et ne rivalisa plus
avec Turenne que pour la gloire du roi. Retz rendit des services à
Rome, et mourut, sinon archevêque de Paris, du moins abbé de Saint-
Denis et cardinal. Mais Louis XIV n'amnistia point Paris. Les scènes
de son enfance, plus inquiétée cependant que menacée, restèrent pro-
fondément empreintes dans sa mémoire : c'était l'invasion du palais,
le jour où il dut faire semblant de dormir; c'étaient la fuite à Saint-
Germain, et celte triste fête des rois de 1649. De terribles coïnci-
dences, l'exécution de Charles Ier d'Angleterre, l'exil misérable de Hen-
riette de France et de ses enfants, avivèrent encore dans le cœur du
roi, à l'endroit de sa « bonne ville », des sentiments de crainte et de
défiance auxquels sou orgueil sut donner une apparence de majesté.
Dès les premières aimées de son règne personnel, en dépit des signes
les plus manifestes d'une entière pacification, son parti fut pris de
séparer la cour et la ville, et de mettre le trône à l'abri des insultes
de la Capitale. Comment la monarchie absolue aurait-elle pu compatir
avec des traditions insurrectionnelles ? le droit divin avec des aspira-
tions communales? les lois rigoureuses du cérémonial, la stricte
hiérarchie des rangs, avec l'esprit satirique, la chanson joyeuse ou
mordante, l'instinct de franchise et d'égalité ? La querelle de Paris
et de la royauté s'était renouvelée si souvent et sous tant de formes,
qu'une politique clairvoyante ne pouvait la considérer comme vidée.
D'ailleurs il y avait encore, à l'intérieur même de Paris, de hautes
justices, des enclos privilégiés, des abbayes puissantes, de riches
paroisses, un hôtel de ville, un chàtelet, un parlement : toutes insti-
tutions revêtues sans doute d'un caractère monarchique, assujetties
au conseil, tributaires du fisc, mais dont cependant les principes et les
titres anciens, ou les prétentions récentes, se trouvaient en opposition
avec le « système de la seule volonté ». Lorsque Louis XIV fonda le
château royal de Versailles, il rêvait une ville où tout dépendît abso-
lument du roi, comme dans maint village tout dépendait alors du sei-
gneur. L'idée que le plus grand des commis (Colbert mérite ce nom
du moins en cette circonstance) avait prise pour un caprice aussi coû-
teux qu'éphémère fut au contraire la pensée dominante et le symbole
historique du règne. L'antique prévôté et vicomte de Paris fut dé-
LA ROYAUTE ET PARIS 3
membrée au profit du nouveau bailliage de Versailles. Paris lui-même
dépendit de la maison du roi; et, pendant que le vandalisme classique
s'attaquait à ses plus vieux monuments1, un nouvel instrument de
règne, la lieutenance générale de police, minait et sapait par la base
ses plus vieilles institutions 2.
Le Régent, pour s'établir et pour se maintenir, fut obligé à des con-
cessions qu'un roi majeur n'aurait pas eu à faire. Gouvernant au nom
du roi, il ne quitta point le palais qui était son fief; il rendit au Par-
lement le droit de remontrance, mais il n'en écouta aucune; il sé-
duisit, puis bafoua tout le monde; il fut plus populaire qu'il ne le
méritait, jusqu'au jour où la déconfiture de Law, banqueroute royale
dissimulée, faillit causer une insurrection.
Quant à Louis XV, il s'efforça de regagner le terrain qu'avait perdu
le despotisme. Le 'premier, il osa tenir un lit de justice à Versailles,
le 3 septembre 1732. Si l'ennui, si le goût du mystère et de l'intimité
le chassaient à tout moment du palais de Louis XIV, la politique l'y
ramena toujours. Paris eut beau fêter comme un miracle sa guérison
en 1744 : il ne fit qu'une courte apparition à Notre-Dame et à l'Hôtel
de Ville. Six ans après, les enlèvements d'enfants par la police, exé-
cutés en plein jour et pour la seconde fois dans Paris, excitèrent une
sédition telle que l'on n'en avait pas vu « même dans les années du
pain cher 3 ». Elle fut durement réprimée par le secrétaire d'Etat de
Paris, comte d'Argenson, et par le lieutenant général de police
Berryer. Mais le 8 juin 1750 Louis XV, se rendant de la Muette à Com-
piègne, au lieu de prendre par les boulevards pour gagner la porte
Saint-Denis, sortit du bois de Boulogne par la porte Maillot, et gagna
Saint-Denis à travers champs. « Gela, dit un bon bourgeois 4, a fait
tenir des discours. Les uns ont dit qu'il n'avait pas passé par Paris
par crainte, à cause des dernières émotions populaires ; les autres,
qu'il avait voulu marquer du mépris au peuple à cause de la sédition.
Le premier motif est plus vraisemblable. » C'est peut-être afin d'effacer
une impression peu honorable pour la majesté royale, que l'on répan-
dit peu de temps après dans le public la nouvelle que le roi voulait
1. Voyez, P. Clément, Ilist. de Colbert, t. II, p. 220.
2. Du même, la Police sous Louis XIV.
'3. Journal de Barbier (édition de la Soc. de l'Histoire de France), t. III, p. 133.
Voyez aussi p. 109, 124-127, et Duclos, Mémoires secrets, II, p. 106 (année 1720).
4. Barbier. — Michelet traduit ainsi : « Le roi disait aigrement : « Qu'ai-
de besoin de voir un peuple qui m'appelle Hérode?» — A Paris, on disait : « Est-
« ce mépris? C'est peur. » Ce nocturne passage du roi le long des murs, on en assura
la mémoire par un large chemin. Beau monument du règne. C'est le ehemiiï
de la Révolte. »
4 INTRODUCTION HISTORIQUE
revenir demeurer à Paris, avec la Cour et les ministres '. En fait, les
affaires soutiraient beaucoup des perpétuels déplacements du sou-
verain, et de ceux qui avaient la signature. On ne savait jamais où les
rencontrer. Malgré ces excellentes raisons, les choses restèrent en
l'état, et Ton ne vit guère le roi, du moins en public, qu'aux céré-
monies de circonstance , à Notre-Dame, aux fêtes de l'Hôtel de Ville
et aux lits de justice en Parlement.
On sait quelle horrible catastrophe fit un véritable deuil public des
fêtes célébrées à l'Hôtel de Ville en 1770, à l'occasion du mariage du
dauphin avec Marie-Antoinette d'Autriche. La police rejeta la faute
sur la prévôté des marchands et le Corps de ville : quoi qu'il en fût,
Louis XVI paraît avoir eu de Paris une crainte superstitieuse. Lors-
qu'il y fit sa première entrée royale le 25 juillet 1774, il fut frappé de
l'accueil glacial de la foule. Ce fut cette impression qui détermina la
disgrâce de Maupeou, d'Aiguillon et Terray, et le quatrième et avant-
dernier rétablissement du Parlement, depuis quarante-deux ans 2. 11
eut lieu la veille de la Saint-Louis, le 24 août. Maupeou resté chancelier
(car cette dignité était à vie) fut insulté par les femmes de la Halle, et
Louis XVI commença son règne au milieu des bénédictions 3. Mais une
fois qu'il eut accompli ce sacrifice nécessaire, il ne songea qu'à faire
oublier Louis XV et à rappeler Louis XIV sans négliger le nom tou-
jours populaire de Henri IV 4. Fidèle à Versailles, au temple de la
royauté absolue, dévot à lui-même avec d'autant plus de conviction
que sa conduite privée était irréprochable, il ne revint à Paris que
vaincu, ne s'enfuit que pour se déshonorer, et n'y fut ramené que
pour périr victime de cette fatale dévotion.
Les conséquences de ce long divorce du roi et de la Capitale n'ont
1. Mém. du marquis d'Argenson (éd. Rathery), t. VII, p. 1.31 (mars 1752) : « 11
y a un projet pour que le Roi lixe sa demeure à Paris avec la cour et les minis-
tres; et chaque semaine Sa Majesté ferait un voyage de quelques jours à quel-
ques-unes de ses campagnes, soit avec la reine et la famille royale, soit seul
avec quelques courtisans. Voici quel serait l'état de ces maisons royales de
campagne : 1° pour la reine et la famille royale, Meudon qu'on rebâtirait sans
nouveaux bâtiments; 2° le reste pour le roi seul, Rellcvue, la Muette, Versailles,
Trianon, Marly, Choisy, Compiégne, Fontainebleau. »
2. Rappelé en 1732, 1754, 1757; rétabli en 1774; rappelé de Troyes en 1787; ré-
tabli en 1788.
3. Flammermont, le Parlement Maupeou, p. 563 et 566. Rib. nat., Lb>9,nos H3,
114, 116, etc.; et, à l'occasion du sacre, nos 181 à 190.
4. « Un inconvénient des longs régnes tout à fait déplorables et scandaleux^
comme l'était celui de Louis XV, c'est de faire croire que le remède est trop
facile et qu'il suffit de supprimer la cause du mal pour entrer et marcher dans
le bien. » Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, t. XV, p. 340. (Sur le Louis XVI de
M. Amédée Renée.)
LA ROYAUTÉ ET PARIS 5
éclaté que le 14 juillet, et dans les journées des 5 et 6 octobre 1789. 11
importe d'étudier leur lente évolution, pendant les trois règnes qui les
ont préparées ; de montrer pourquoi la force politique de Paris ne fit
que s'accroître, par les mesures mêmes qui étaient destinées à
l'énerver.
Notons tout d'abord que. Louis XIV n'avait point osé donner à son
royaume une nouvelle capitale. Sa conduite n'est comparable ni à celle
de Constantin, ni à celle de Pierre le Grand, ni même à celle de
Charles-Quint et de Philippe IL
La fondation de Constantinople, dans la moitié grecque de l'empire
romain, fut le résultat dernier de la division déjà opérée par Diocté-
tien, des menaces des barbares sur la frontière danubienne, enfin et
surtout de la révolution chrétienne. La fondation de Pétersbourg dé-
gageait définitivement l'empire moscovite de l'Asie, lui donnait une
marine, et des rapports nouveaux soit de paix soit de guerre avec les
puissances du nord de l'Europe. Les souverains qui firent de Madrid
la capitale de toutes les Espagnes étaient en même temps rois d'Aragon
et de Gastille ; ils avaient pu traiter Tolède en ville rebelle, agir en
Aragonais à l'endroit des Castillans, afin de réduire à l'obéissance un
archevêque longtemps souverain, et des communcros toujours prêts à
défendre leurs libertés. — Mais en France, au milieu du XVIIe siècle,
la prépondérance à la fois numérique et intellectuelle de Paris défiait
les plus orgueilleuses théories, comme la pins vive antipathie. La fai-
blesse des frontières septentrionales du royaume et le souvenir peu
glorieux du « roi de Bourges » ne permettaient même pas de songer à
la rivière de Loire. Une considération encore plus forte empêcha
Louis XIV, comme ses successeurs, de priver Paris de son titre et de
ses privilèges de capitale : c'est que le titre et les prérogatives du roi
de France en dépendaient étroitement, et ne pouvaient en être séparés
que par une révolution; et cela, non seulement depuis Hugues Capet,
qui avait donné son nom à la dynastie, mais depuis Eudes, comte de
Paris et duc de France, « soldat heureux », roi de la défense parisienne
contre les Normands. Le comté de Paris, puis le duché de France,
tel est le domaine primitif, authentique, incontestable, le patrimoine
originaire, la glèbe dominante du roi de France. Là, il est seigneur;
là, il est chez lui. Les provinces du royaume, qu'elles aient été réunies
par conquête, par héritage, ou par convention, ne sont que des mou-
vances de plus en plus étendues. Admettez le droit divin, le principe
surnaturel du pouvoir royal : il n'est pas moins vrai que ce droit divin
s'exerce dans des limites terrestres aussi variables que les effets des
guerres, des successions et des négociations. Il faut à une force un
6 INTRODUCTION HISTORIQUE
point d'appui : ce point d'appui, c'est le territoire parisien, c'est le fief
transformé en alleu souverain par la dépossession et par l'extinction
des derniers descendants de Charlemagne. Aussi, depuis le XIe siècle,
où disparut la charge éphémère de vicomte de Paris, les rois déclarent
à maintes reprises qu'ils sont et entendent demeurer comtes de Paris.
C'est pourquoi ils ont dans cette ville, non pas un bailli comme dans
les provinces, mais un prévôt comme il en existe dans les villes : seu-
lement c"est un prévôt d'une espèce particulière, qui n'a point de
bailli au-dessus de lui, qui est en quelque sorte son propre bailli : car
le roi n'est pas un seigneur comme un autre, c'est le seigneur-roi,
suivant la qualité que le Parlement, gardien des vieux usages, ne
cessa jamais de lui donner. Gomme Paris fut la principale ressource,
le véritable instrumer^tum regui des Capétiens directs, par une néces-
saire réciprocité, ils rapportèrent à leur capitale les fruits de leurs
victoires, et en firent le siège d'institutions qui durèrent autant que
l'ancien régime. Or, selon le principe du droit féodal, qui confondait
souveraineté et propriété, ce siège une fois établi devenait immuable.
Pendant la captivité de Jean le Bon, le sceau du Châtelet tient lieu
du sceau royal : la Capitale supplée le roi. Avec Etienne Marcel, elle
s'essaye à un nouveau rôle, suppléer la nation, la devancer du moins.
Son devoir de fidélité féodale n'est plus aussi étroit, aussi strict à
l'égard des Valois qu'à celui des Capétiens directs. Elle multiplie
les actes d'indépendance. Mais le joug, deux fois subi et accepté, de
l'étranger, lui fait connaître les funestes conséquences d'un patrio-
tisme purement communal, et celles d'une intolérance fanatique. Au
XVIP siècle, elle n'émet guère plus d'autre grief contre la royauté que
celui des impôts arbitraires et excessifs, et ce grief lui est commun
avec toute la nation. D'autre part, le sentiment des intérêts généraux
a effacé peu à peu, chez les nouveaux sujets, le souvenir des haines
et des rivalités locales. Les provinces le plus récemment acquises
sont toujours les mieux traitées; comme les dernières acquisitions ont
lieu principalement au nord (Artois, Flandre) et au nord-est (Trois-
Evèchés, Luxembourg français, Alsace, Lorraine), la ville de Paris,
avec qui ces pays ont eu de tout temps mille rapports de commerce,
est facilement acceptée par eux comme leur capitale naturelle. Elle
devient, selon le mot de Yauban, « le vrai cœur du royaume, la
mère commune des Français, et l'abrégé de la France ' ».
Ces paroles sont admirables. A la forme près du gouvernement,
1. Oisivetés, t. I, p. 45. Michelet a magnifiquement développé ce mol au t. Jl
de sou Histoire de France.
LA ROYAUTÉ ET PARIS 7
elles demeurent vraies; elles le deviennent même de plus en plus. Je
veux dire que Vauban exprimait une vérité idéale, une fin désirable
et prochaine, plutôt qu'un, fait accompli. Montesquieu, qui ne con-
fondait pas le royaume avec la nation, le patriotisme avec le service
du roi, ni la vertu politique avec V honneur monarchique, a vu les choses
autrement. Il affirme sans pouvoir le démontrer, mais non toutefois
sans vraisemblance, que la centralisation politique; « les perpétuelles
réunions de plusieurs petits Etats », ont ralenti le peuplement :
« Autrefois chaque village de France était une capitale : il n'y en a
aujourd'hui qu'une grande; chaque partie de l'État était un centre de
puissance: aujourd'hui tout se rapporte à un centre, et ce centre est,
pour ainsi dire, l'Etat même '. » — « La monarchie se perd, lorsque
le prince, rapportant tout uniquement à lui, appelle l'Etat à sa capi-
tale, la capitale à sa cour, et la cour à sa seule personne2. » —
« Dans une monarchie qui a travaillé longtemps à conquérir, les pro-
vinces de son ancien domaine seront ordinairement très foulées. Elles
ont à souffrir les nouveaux abus et les anciens; et souvent une vaste
capitale qui engloutit tout, les dépeuple 5. »
Les grandes idées, qui viennent du cœur, ne sont pas en contradic-
tion avec les idées justes qui viennent de la raison et de la science.
Vauban voit ce qui devait être : Montesquieu dit ce qui était.
« L'agrandissement des villes, avait déclaré Louis XIV à sa Capitale,
dépend entièrement de la protection et des grâces des souverains 4. »
Toute l'histoire de Paris dément ce sophisme de l'orgueil. L'agrandis-
sèment de Paris tient avant tout à sa situation topographique : c'est
parce que Paris est un centre de rivières navigables, que successivement
les routes, les canaux, les voies ferrées, sont venus y converger de
toute nécessité, et qu'une population toujours croissante n'y a jamais
manqué de ressources. Il est visible aussi, en second lieu, que l'exten-
sion de Paris a suivi, à certaines époques, celle du territoire national;
l'enceinte de Philippe-Auguste, celle qui fut achevée sous Charles VI,
celle de Louis XIII, celle de Louis XIV, témoignent plus ou moins de
cette relation historique. Mais, comme on l'a vu par les passages de
ïFsprlt des lois cités plus haut, la cause principale de i'agrandisse-
1. Esprit des lois, XXIII, 21.
2. Esprit des lois, VIII, 7.
3. Esprit des lois, X, 9.
4. Lettres patentes de mars 1GG0, portant confirmation des privilèges de mo-
tel de Ville. — C'est dans le même esprit qu'en 1817 (ord. du 20 décembre)
Louis XVIII ajouta aux armoiries de la Ville de Paris deux tiges de lis tonnant
supports.
8 INTRODUCTION HISTORIQUE
ment de Paris semblait résider, vers la fin de l'ancien régime, dans
l'accroissement du pouvoir monarchique, dans la centralisation poli-
tique et administrative. Cette dernière cause, l'absolutisme la rendit
de plus en plus puissante, et cependant il prétendit en annihiler les
effets à coups d'ordonnances restrictives.
Vers la fin du XIVe siècle, des ministres populaires faisaient encore
dire à Charles VI : « Tant comme nostre bonne ville de Paris sera
mieux peuplée et habitée de plus de gens et que nostre dict peuple
sera mieux pourveu de ce qui est nécessaire pour leur sustentation,
la renommée d'icelle sera plus grant : laquelle renommée redonde
à l'augmentation de nostre gloire et exaltation de nostre hautesse
et seigneurie1.» Les derniers Valois sont déjà bien loin de ces
sentiments. On connaît la parole cynique de Henri III : « 0 chief
trop gros et 'trop capricieux, tu as besoin d'une saignée! » Dès
Henri II, avait commencé, à l'égard de l'extension de Paris, la
série des précautions inutiles, puisqu'elles étaient en contradiction non
seulement avec la nature, mais aussi avec les conséquences inévitables
d'une politique conquérante et centralisatrice. L'édit de 1549 défend à
toutes personnes, de quelque qualité que ce soit, « de faire bâtir de
neuf dans les faubourgs de Paris, à peine de confiscation du fonds et
du bâtiment ». Une s'agit aucunement, comme on pourrait le supposer,
d'une zone stratégique. Les motifs de cette interdiction étaient d'un
tout autre ordre, et ils sont exposés très nettement dans le préambule.
Le roi craint que les tavernes,, les maisons de jeux et de débauches, et
par conséquent les crimes et les larcins, ne se multiplient aux alentours
de la Capitale; que, si la population s'accroît trop, elle ne souffre de
la disette. En outre, les franchises, exemptions et avantages dont
jouissent les habitants des faubourgs attirent les gens des campagnes
et diminuent le nombre des taillables. Les apprentis de la ville quittent
leurs maîtres avant la fin de leur apprentissage, et se retirent dans les
faubourgs pour travailler à leur compte, sans être sujets « à aucuns
chefs-d'œuvre, ni visites » ; par suite, les bourgeois et habitants de
Paris sont obligés de payer plus cher les ouvrages des maîtres2.
Parmi toutes ces raisons, la plus forte aux yeux de la royauté fut
toujours la difficulté de maintenir l'ordre et la discipline politiques
1. Ordonnance du 9 octobre 1302.
2. Desnos fait la remarque suivante dans son Atlas chorographique (p. .30) :
« Henri II el Henri III s'empressèrent d'arrêter par des édits la fureur de Lâtir;
mais, dans le temps même que l'on se conformait aux ordres du souverain en
se renfermant dans les bornes du terrain prescrit, on les éluda en imaginant
d'exhausser les maisons. »
LA ROYAUTÉ ET PARIS y
dans une population trop dense et trop nombreuse ; et la Capitale de-
vint suspecte en raison directe de toutes les circonstances et de toutes
les causes qui augmentaient l'étendue du royaume et le pouvoir per-
sonnel du roi.
Après la Ligue, Paris ne put, sous le gouvernement de Henri IV, que
réparer les plaies horribles que lui avait faites la discorde civile et
religieuse, et combler lentement les vides d'une population décimée
par la famine et par la guerre. Mais, après l'attentat de Ravaillac, et
dès que Louis XIII eut avec Richelieu ce que l'on peut appeler une
politique, la tradition de Henri II fut reprise à L'égard des nouveaux
accroissements de Paris; et, quelques concessions de fait auxquelles
ait été forcé l'ancien régime, les principes de l'ordonnance de 1549
ne furent jamais abandonnés1. Richelieu en reproduisit presque litté-
ralement le préambule2, en 1638 : cependant, dès 1642, le dix-septième
quartier, celui de Saint-Germain-des-Prés, était détaché du quartier
Saint-André à cause de sa récente importance. Mazarin reconnaît le
premier qu'il est absolument impossible d'empêcher, et très difficile
de ralentir le développement de Paris. Les restrictions prennent dès
lors un caractère fiscal. Tel est le célèbre édit du toisé (1644), enre-
gistré de force l'année suivante?. Dès lors, les défenses générales de
bâtir dans les faubourgs (qu'annulaient en détail une foule d'autorisa-
tions exceptionnelles obtenues par grâce ou à prix d'argent) alternent
périodiquement avec les ordonnances qui établissent de nouvelles
clôtures4, toutes très mobiles, regardées comme telles, et nu pied des-
quelles l'agglomération se continue d'autant mieux que les habitants
des faubourgs participent aux avantages de la Capitale, sans en payer
toutes les charges.
La royauté ne se contenta point de faire de nécessité vertu et profit :
elle en fit gloire. Après avoir délaissé ou dégradé le Paris du moyen
âge, elle embellit le nouveau Paris, le sien, sur le modèle préféré de
Versailles. Elle n'a plus pour cela les motifs qu'exprimait François Ier :
1. Renouvelée sous peine de démolition et d'amende en 1557, à l'occasion de
la défaite de Saint-Quentin.
2. Voyez l'arrêt du Conseil du 15 janvier 1638. Aux motifs énumérés dans l'or-
donnance de 1540, s'ajoutent : la santé des habitants et la propreté des rues.
3. 11 ordonnait d'abattre les constructions nouvelles, ou de payer tant par
toise carrée. Plusieurs conseillers du Parlement, qui s'étaient opposés à cette
exaction, furent enfermés à Pignerol; Barillon, l'un d'entre eux, y mourut.
4. Nouvelle clôture en 1654; ordonnance restrictive en 1672 .-plan des remparts
(boulevards) en 1676: quartiers de Saint-Benoît, Luxembourg, Montmartre en
1702; ordonnances restrictives en 1719, 1725, 1726 (19 janv.), 1728 (23 mars), 1766
(28 juillet); ord. bureau finances (1er fév. 1784).
10 INTRODUCTION HISTORIQUE
« l'intention, vouloir qu'avons, de faire la plupart de nostre vie nostre
demeure et résidence en nostre dicte ville1 ». Louis XIV, Louis XV et
Louis XVI, qui ont définitivement abandonné le séjour de leur capitale,
semblent d'autant plus tenir à y laisser des marques de leur grandeur
et de leur puissance, palais, statues, ou même églises : d'ailleurs c'est
presque toujours la ville qui en fait les frais, soit par les emprunts
qu'elle contracte, soit par les droits qui lui sont octroyés, c'est-à-dire,
en bon français, qui restreignent ou renchérissent la consommation
de ses habitants. Les embellissements de Paris deviennent donc comme
de nouveaux témoignages de sa subordination2.
A l'exemple du roi (et principalement à partir de l'époque où
Louis XV se mit à déserter Versailles pendant la plus grande partie
de l'année 5), les grands seigneurs, les magistrats, les riches bourgeois,
embellissent la capitale, surtout les faubourgs, par de nombreux
hôtels entre cour et jardin.
En résumé, depuis la fondation de Versailles, Paris et les faubourgs
ont augmenté d'un tiers pend an I le règne de Louis XIV, et au moins
doublé jusqu'en 1789 4. En 1672, Louis XIV disait: « Il est à craindre
que la ville de Paris, parvenue à cette extrême grandeur, n'ait le
même sort qne les plus florissantes villes de l'antiquité, qui ont trouvé
en elles-mêmes le principe de leur ruine, étant très difficile que l'ordre
et la police se distribuent commodément dans toutes les parties d'un
si grand corps s. » Vers la fin de l'ancien régime, le point de vue fiscal
l'emporte sur la prévision politique. La royauté s'habitue peu à peu à
ne plus voir qu'une chose : ce que rapporte Paris6; et la dernière
I. Déclaration du <i août 1534 (Arch. nat.,K. 984), citée par Le Roux de Lincy,
llisl. de l'Hôtel de Ville, pages 13 el 14.
î. Le marquis d'Argenson Journal. VII, 131) fait allusion à un vague projet
de Louis XV de revenir à Paris. — Turgol conseille vainement à Louis XV] de se
faire sacrer à Paris.
'S. Barbier, Journal, t. 111, p. 216.
4. En 1750, on ne comptait encore que 52 maisons de la Madeleine à la Bas-
tille.
5. Arrêt du Conseil du 2t> avril lb72.
6. « On voit les droits et les impôts à la charge de cette grande ville s'élever
aujourd'hui (1784) de 77 à 7S millions et former ainsi entre la septième et la
huitième partie des contributions du royaume. Tant de ressources sont l'effet
des grandes richesses concentrées dans la capitale : séjour, à la fois, de la plus
grande partie des rentiers, des hommes de finance, des ambassadeurs, des riches
voyageurs, des grands propriétaires de terres, et des persones les plus favorisées
des grâces de la cour... Le roi tire plus de revenus de sa capitale que les trois
royaumes ensemble de Sardaigne, de Suède e1 de Danemark, ue payent de tri-
buts à leurs souverains. .. (Necker, De l'Administration des finances delà France,
I. I, p. 275.)
LA ROYAUTÉ ET PARIS 11
enceinte, celle que la Révolution renversa, fut celle de la Ferme géné-
rale.
D'un autre côté, beaucoup de grandes familles ruinées, ou qui sen-
taient approcher « le déluge », de riches communautés religieuses,
encore plus inquiétées par le lise et par la Commission des Réguliers
que par les écrits des philosophes et des économistes, liquident les
biens-fonds qu'elles possèdent aux environs de la Capitale, obtiennent,
sur les avis presque toujours favorables de la police et du bureau de
la Ville, des lettres patentes autorisant l'ouverture de nouvelles rues,
droites et larges, et spéculent sur la vente des terrains qui les bordent
ou les avoisinent. C'est ainsi qu'autour du vieux Paris, mais principa-
lement au nord et à l'ouest, dans la direction de Versailles et des mai-
sons royales ou princières, surgit un Paris aristocratique, soustrait à
la taille par la qualité des propriétaires, exempt des droits d'octroi
presque jusqu'à la Révolution ', parsemé de guinguettes populaires et
de cabarets à la mode, et qui, par ses jardins', ses grandes places, ses
longues avenues, ses palais et ses hôtels monumentaux, faisait à la
fois oublier et mépriser ce que la Capitale renfermait encore de misé-
rable et de gothique.
D'après les tables du plan de Verniquet 2, Paris avait à la fin de
l'ancien régime « une superficie de 9,858 arpents 3 perches 8 toises, et
l'on y comptait 1,065 rues, 104 culs-de-sac, 27 passages, 56 places,
34 quais, 14 ponts, 15 boulevards, 13 chemins, 5 routes, 12 avenues,
15 jardins publics, 54 barrières, 8 halles ?, 22 marchés, 8 ports, 8 sémi-
naires, 16 collèges, 5 écoles publiques, 9 prisons, 8 palais, 52 édifices
publics, 48 paroisses, 29 hôpitaux 4 ».
La Révolution a changé la destination de beaucoup d'édifices privés,
ecclésiastiques ou publics. Elle n'a détruit que la Bastille. Elle n'a pas,
ainsi que Mercier en fait la remarque s, « endommagé la masse phy-
1. 11 était astreint aux aides (impôts de consommation), aux logements mili-
taires abonnés, et résistait par tous les moyens aux vingtièmes, qui lui sem-
blaient une taille dissimulée. — Il payait la capitation.
2. Plan de la ville de Paris, avec sa nouvelle enceinte, levé géométriquement
sur la méridienne de l'Observatoire par Le citoyen Verniquet, parachevé en 1191,
dessiné et gravé par 1rs citoyens P. -T. Bartholomé et A.-J. Mathieu, écrit par
Bellanger 1 1 vol. in-folio de 12 feuilles).
3. Entre autres la nouvelle halle à la marée et aux salines, arrêtée en projet
le 21 août 1784 à la place de la Cour des Miracles, et qui n'a jamais été ('(in-
struite.
4. Alf. Franklin, les Anciens Plans de Paris, I. 11. p. L40-141.
5. A propos d'un plan en relief exposé au Palais-Égalité par le citoyen Arnaud:
Mercier, après la Terreur, y retrouve la ville a telle qu'elle était en 1189, sans
aucune dégradation et dans ses accroissements successifs ». (Le Nouveau Paris.
éd. Fucb.s, s. <!., I. IV. p. 33.) « Le nid demeure, ajoute-t-il, et l'oiseau passe. »
12 INTRODUCTION HISTORIQUE
sique de Paris ». Le fait est d'autant plus frappant que les deux der-
niers règnes avaient vu bien des sinistres et bien des ruines.
Sous le règne de Louis XV, l'Hôtel-Dieu avait brûlé en partie, le
2 août 1737 ' ; un second incendie, qui ne fut entièrement éteint qu'au
bout de 11 jours, le détruisit presque en 1772. La reconstruction fut
lente et imparfaite. Le projet de Poyet, pour établir un nouvel Hôtel-
Dieu à l'île des Cygnes, ne fut pas adopté; mais de nouveaux établis-
sements hospitaliers furent dus au ministre Necker (1776), à Cochin,
curé de Saint-Jacques du Haut-Pas (1780-1782), et au financier Beau-
jon (1784), toutefois avec le concours du trésor public. — Comme
l'Hôtel-Dieu, l'Opéra brûla deux fois au XVIIIe siècle, en 1763 et en
1781 ; il ne fut remplacé alors que par la bâtisse de la Porte-Saint-
Martin, sur le boulevard Saint-Martin. — L'incendie qui éclata au
Palais de la Cour des Aides, le 10 janvier 1776, demanda des répa-
rations et des remaniements assez considérables, pour donner lieu à
une crue de 6 deniers pa*r livre sur la capitation, dans tout le ressort
du Parlement de Paris 2.
La nouvelle église Sainte-Geneviève, dont la Constituante fit le Pan-
théon, avait été commencée en 1758, sous la direction de Soufflot; elle
était presque entièrement achevée, lorsque son npm et sa destination
furent changés (4 avril 1791). — Les hôtels d'Épernon et de la Sablière,
affectés au service des postes, en 1737, furent agrandis et appropriés
en 1786; la nouvelle Halle-aux-Blés, arrêtée le 25 novembre 1762, fut
surmontée de sa coupole en 1783; l'emplacement de l'hôtel Conti, d'a-
bord destiné à un nouvel Hôtel, de Ville J, vit s'élever (30 avril 1771-
1778) le nouvel hôtel de la Monnaie, construit par Antoine. — La
place Louis XV 4 avait été achevée par Gabriel, en 1772; en 1787,
fut commencé le pont qui devait la joindre à la rive gauche s, et dont
la construction fut activée par suite de la démolition de la Bastille 6.
1. Barbier, Mémoires (édition do la Soc. de l'Hist. de France), t. II, p. 100. —
La même année (26 octobre) fut incendié l'Hôtel de la Cour des Comptes; elle
fut réinstallée dans son nouvel hôtel en 1740. (Id., ibid., p. 170.)
2. L'année suivante, 1777 (22 au 23 septembre), l'incendie de la foire Saint-
Ovide occasionne 300,000 livres de perte de marchandises, et d'importantes répa-
rations à la place Louis XV. (Arch. nat., H. 1952.) Voyez Maxime du Camp, Paris
et ses organes, t. III, p. 137.
3. Arrêt du Conseil du 22 août 1750.
4. Place de la Révolution, puis de la Concorde, puis Louis XVI, et de nouveau
de la Concorde.
5. L'arrêt du Conseil enregistré le 7 septembre 1780 ordonnait la construction
d'un pont place bonis XV, et celle de la nouvelle salle d'Opéra. Ane. lois fran-
çaises, collection Isambert, t. XXVIII, p. 238.
G. Les autres ponts de Paris étaient alors : le Pont-au-Change, dont les mai-
LA ROYAUTÉ ET PARIS 13
— Le charnier des Saints-Innocents, condamné par l'arrêt du Parle-
ment du 25 mai 1765, ne fut fermé que le 1er décembre 1780, et sup-
primé, avec la paroisse du même nom, qu'en 1786. Le lieutenant géné-
ral de police fut chargé d'acquérir au nom du roi les maisons et bou-
tiques adjacentes, pour agrandir et dégager les Halles, et y ajouter un
Marché-aux-légumes.
Dans le vieux Paris, les rués Saint-Denis et Saint-Martin, sur la rive
droite, de la Harpe et Saint-Jacques, sur la rive gauche, avec les
ponts intermédiaires de la Cité, constituaient une double voie, sinon
commode, au moins praticable du nord au sud. De l'est à l'ouest, la
circulation était beaucoup plus difficile, entravée à chaque pas par des
ruelles tortueuses, par les murs des enclos où ne s'ouvraient que
d'étroits passages, par les ruisseaux et par les cloaques. Ni l'état des
finances, ni celui des esprits, ni surtout la nature des institutions ecclé-
siastiques et féodales ' fixées au sol même, ne permettaient d'entre-
prendre de grandes démolitions. Aussi les améliorations vraiment im-
portantes pour la viabilité ne purent concerner que les abords de la
Seine, d'une part; d'autre part, la ligne circulaire des remparts, dont
la destination fut changée par la force des choses, et qui devinrent
les boulevards.
Au premier ordre de travaux se rapportent : le comblement du petit
bras qui séparait File des Cygnes du Gros-Caillou2 ; les constructions
projetées ou commencées du quai de Gesvres 3, les améliorations et
redressements des quais Saint-Paul, Malaquais, Pelletier 4, la formation
sous furent démolies en 1786; le Petit-Pont, rebâti en 1718 pour la neuvième
fois; le Pont-Saint-Michel, dont les maisons subsistèrent jusqu'en 1808; le Pont-
Notre-Dame avec la pompe hydraulique ; le Pont-Neuf, avec la pompe de la Sa-
maritaine qui fut reconstruite en 1772; le Pont-Marie; le Pont-de-la-Touruellc ;
le Pont-au-Double ; le Pont-Royal; le Pont-Rouge (aujourd'hui pont Saint-Louis).
— Au nombre des ponts, le plan de Verniquet comple de simples ponceaux,
comme le Pont-aux-Choux, le Pout-aux-Tripes, le ponceau de l'Arsenal. — Voy.
Max. du Camp, loc. cit., I, p. 296.
1. Par l'affaire du charnier des Innocents, et par celle des Quinze-Vingts, on
peut se rendre compte de ce genre de difficultés.
2. Ordonnance du bureau de la Ville concernant la décharge tant sur l'Ile des
Cygnes que dans le canal, ou petit bras de rivière qui est entre cette île et le
Gros-Caillou, des terres, gravois et décombres, provenant des fouilles et démo-
litions faites et à faire dans le quartier de Sain(-Germain-des-Prés et celui du
Gros-Caillou (7 octobre 1773). — (Vise l'ordonnance du bureau du 3 juillet 1764.)
— L'île des Cygnes (ancienne île Maquerclle) avait été donnée à la Ville par le
roi, par lettres patentes du mois de mars 1721.
3. Ordonnance du Chàtelet concernant la police particulière du quai de Gesvres,
du 27 juin 1782. (Arch. nat., H. 1954.)
4. Lettre d'Ainelot, ministre de Paris, au prévôt des marchands, du 31 déc. 1777.
(Arch. nat., H. 19:32.)
U INTRODUCTION HISTORIQUE
du quai Bignon sur l'emplacement du Petit-Ghâtelet démoli1, le déga-
gement du Jardin Royal des plantes2, l'achèvement du quai d'Orsay 3,
l'exhaussement de la place de Grève 4. — A la Seine ou à ses abords
se rattachent encore, sous le règne de Louis XVI, la réparation des
crèches du Pont-Notre-Dame et du Pont-au-Change f, la démolition
commencée des maisons ou échoppes situées sur les ponts, les affaires
intéressantes du ponceau de l'Arsenal (sur une rigole qui déversait les
fossés de la Bastille)6, et du pont Louis XVI, à l'autre extrémité du
Paris d'alors7; enfin le projet à peine ébauché de substituer un pont
de pierre au Pont-Rouge8.
Le plan général de ces travaux ne datait que de 1769. Ceux qui
étaient relatifs aux remparts ou boulevards remontaient aux lettres
patentes de juillet 1670, enregistrées le 5 août suivant. Elles furent
renouvelées sous Louis XVI par celles du mois d'avril 1778, enre-
gistrées le 23 février 17819 : il s'agissait alors de la section située
1. I juillet 1782 : Lettre de La Millière, pressant les travaux de la prison du
Grand-Châtelet. La Ville demande la portion de l'emplacement du Petit-Châlelet,
nécessaire à la formation du quai Bignon (du côté de la rue de la Huchettc) et à
L'agrandissement de la rue Saint-Jacques. — Accordé. (Arch. pat., H. 1954.) —
|cr avril 1783 : Translation des 9 étaux (sur 12) détruits par suite de la démoli-
tion du Petit-Châtelet et de la formation du quai depuis le Petit-Chàtelct jus-
qu'au pont Saint-Michel. (Let. pat. du 31 juillet 1767.) Arch. nat., H. 1955.
2. Let. pat. d'avril 1782, enregistrées le 28 juin 1782, sur l'agrandissement du
Jardin Royal des plantes. Arch. nat., X 1b 8977.
3. Mémoire des sieurs Mulart et Picard (mai 1781), chargés en 1770 de faire
deux copies du grand plan des bords de rivière et embellissements de Paris.
(Arch. nat., H. 1954.) — Édit de sept. 1786, enregistré le 7, ordonnant... le para-
chèvement du quai d'Orsay.
4. H. 1953 (année 1780).
5. H. 1953, passim.
(i. Délib. du bureau de la Ville, du 6 mars 178C (H. 1957).
7. Lettre d'Amelot, du 1"' mars 1777, marquant l'intérêt du prince de Condé à
cette construction (H. 1952).
8. Lettre du baron de Breteuil à la Ville, 1" mars 1788 (H. 1960).
9. H. 1954. — Ce retard tient à ce que l'enregistrement ne fut demandé que
pour mettre fin à l'opposition du sieur Grandin et de la veuve du président
Portail, qui refusaient toute indemnité pour les terrains leur appartenant. On lit
dans les lettres patentes (page 2) : « Les remparts sont devenus de plus en plus
fréquentés, ce qui a déterminé les prévôt des marchands et échevins à ne rien
négliger pour rendre cette promenade des plus agréables; à cet effet, ils y ont
établi, pendant le cours de l'été, un arrosement très dispendieux. » Voyez aussi
(H. 1951) la lettre du sieur Picard, inspecteur des bâtiments de la Ville, sur la
partie du rempart de la rue de Richelieu à la Chaussée-d'Antin (fév. 1770), de la
rue Montmartre à Richelieu (mars 1771), de la porte du Temple à la rue Chariot
et à la porte Saint-Honoré (oct. 1771 — mai 1773.) — Plans levés des maisons
riveraines. — États recommencés quatre fois. — Difficultés avec les propriétaires.
Cette lettre, qui résume les travaux accomplis en 1775, est du 20 mai 1775.
LA ROYAUTÉ ET PARIS 15
entre la rue Poissonnière et la rue du Temple (boulevard de Notre-
Dame de Bonne-Nouvelle). Quant aux boulevards du midi, ils étaient
presque entièrement achevés, et déjà l'hôtel des Invalides obtenait
l'autorisation de vendre une portion de ses terrains.
Cependant les arrêts du Conseil, et en particulier celui du
19 mai 1767, affectaient toujours de considérer les boulevards comme
une enceinte défensive, et 'interdisaient en général d'y ouvrir des
portes cochères. Les exceptions de faveur s'étaient tellement multi-
pliées que la Ville demanda, le 27 novembre 1787 ', la révocation d'une
défense aussi illusoire que surannée. Mais elle ne l'obtint pas, proba-
blement parce que les remparts proprement dits étant seuls sous sa
juridiction, et l'extérieur sous celle du Chàtelet, la question ne pouvait
être résolue qu'après l'entente toujours difficile de ces deux adminis-
trations rivales. Toutefois la Ville sut maintenir énergiquement et
poliment ses droits vis-à-vis des propriétaires auxquels elle avait con-
cédé une partie de ses terrains à l'époque où les boulevards n'étaient
encore qu'une promenade d'agrément; elle fît tomber pour y construire
des trottoirs les barrières, palissades, et petits murs de clôture qui
longeaient la rue Sainte-Apolline.
On sait que, depuis deux siècles environ, Paris s'est surtout déve-
loppé sur la rive droite. Cela tiéntà l'éloignement relatif des hauteurs,
et par conséquent des lieux de sources situés au nord, et dont le relief
modèle la convexité du fleuve. Mais longtemps le grand égout (ancien
ruisseau de Ménilmontant) avait fait reculer les habitations. C'est seu-
lement après que Michel-Etienne Turgot, prévôt des marchands, l'eut
recouvert de voûtes maçonnées et en eut assuré le curage régulier par
l'établissement d'un réservoir supérieur (17-10) 2, que commencèrent à
se transformer les terrains de la Grange-Batelière, des Porcherons, de
Ville-l'Evèque et du Boule. Les anciens marais devinrent des jardins
d'agrément, par le moyen de terres rapportées. La Chaussée-d'Antin se
peupla; après les rues de Provence et d'Artois (aujourd'hui rue Laffitte) 5,
furent ouvertes la rue Neuve-des-Mathurins (1778), la rue Neuve-des-
Capucines (aujourd'hui rue Joubert, 1780), la rue Saint-Nicolas (1781) 4.
Signalons encore sur la rive droite, à l'ouest, la rue d'Astorg"(1775), la
rue du Colisée (1779), la rue Matignon (1787), d'abord nommée rue
1. Arch. uat* 11. 1955 (28 mai 1784); H. 1958 (27 uov. 1787).
2. Voyez : Méni. de M. Girard, lu à l'Académie des sciences, le 15 juin 1818
(imp. Firmin-Didot), p. 5.
3. Lettres patentes du l'i mai 4 770, enregistrées le G septembre 1771.
':■. Max. du Camp, ouv. cit., eh. XXX, à la fin.
16 INTRODUCTION HISTORIQUE
Millet, du nom du premier particulier qui y fit construire ' ; au centre
et au nord, la rue de Ghabanais, en vertu des lettres patentes impétrées
et obtenues par Claude-Théophile-Gilbert Colbert, marquis de Chaba-
nais (1773) 2 ; la rue de Louvois, en vertu des lettres patentes accordées
au marquis de Louvois (1784)3; la rue de Tracy (1783)4; les rues
de Hauteville, de l'Echiquier, d'Enghien, sur les terrains des Filles-Dieu
(1784) s ; la rue Martel, la rue Buffault (1777) 6; la rue Richer, élargis-
sement de la rue de l'Egout (1782 et 1784)7 ; les rues Montholon, Pa-
pillon, Riboutté (1780) 8. La vente au domaine royal et au domaine de
la Ville des terrains qui dépendaient de l'hôtel Ghoiseul permit, et
d'établir la Comédie-Italienne, et de tracer les rues Neuve-Saint-Marc,
de la Terrasse, Tournante, d'Amboise?. Au nord-est, après la rue de
Luucry (1777) I0, les rues de Breteuil, de Boynes et de Crosne, furent
prises sur le terrain de l'hôtel de Boynes (1787) " ; le duc d'Angoulème,
grand prieur de France, obtint de percer de nouvelles rues dans les
terrains des Marais-du-Temple, entre autres celle d'Angoulème l2. En-
fin, à l'est de la Bastille, les abbesse, prieure et religieuses de l'ab-
baye royale de Saint-Anluine-des-Champs obtenaient d'ouvrir sur leurs
terres de nouvelles rues, d'établir un marché et des fontaines (1777-
1789)i3.
Le développement de la rive gauche était beaucoup moins sensible,
et ce contraste s'est accusé de plus en plus pour les raisons de topo-
graphie générale indiquées plus haut, et profondément analysées par
Belgrand. Les inconvénients qui frappaient tout le monde, il y a un
siècle, étaient l'obstruction et l'infection de la Bièvre, l'insuffisance et
1. Avis de la Ville du 19 août 1775 (H. 1951); lettres patentes du 10 avril 1779,
enregistrées le 19 mai (X 1b 8972j; lettre du baron de Breteuil (H. 1958).
2. Sur les terrains de l'hôtel Saint-Pouange. Avis de la Ville (sur ces lettres)
du 5 juillet 1773 (H. 1951).
3. A la place du magnifique hôtel de Louvois, que son propriétaire ruiné ne
pouvait plus ni louer avantageusement, ni habiter (Y. 9500).
4. Avis de police (Y. 9500).
5. Id., ibid.
6. II. 1952.
7. H. 1934, 1955.
8. Avis de la Ville au Conseil, du 11 août 1780 (H. 1954).
9. Avis de la Ville au Conseil, du 28 janvier 1780 (H. 1934). — Let. pat. du
13 sept. 1781, enregistrées le 14 décembre (X 1b 8976); le contrat est du 28 août.
10. H. 1932.
11. Y. 9300 (avis de police du 13 février 1787).
12. Y. 9500 finis de police du 31 déc. 1781).
13. Avis de la Ville au Parlement, du 27 juin 1777 (H. 1952).— Lettres patentes
du 28 i'év. 1789, concernant le pavé et la fontaine du marché du faubourg Saint-
Antoine, enregistrées le 28 avril (X 1b 8990).
LA ROYAUTÉ ET PARIS 17
le délabrement de l'aqueduc d'Ar'ctieil, l'insécurité du sous-sol miné
par de nombreuses carrières '. Cependant Monsieur, frère du roi,
après avoir reçu Je Luxembourg en apanage (1778), obtint l'année sui-
vante, à titre d'inféodation, des terrains qui en dépendaient2, avec la
faculté « de se jouer de la totalité dudit fief par toutes les aliénations
et accensements » qu'il lui conviendrait de faire 3. Ce jeu de fief donna
lieu à de nouvelles constructions. Il en fut de même de la translation
des capucins du faubourg Saint-Jacques à leur nouveau couvent de
la Chaussée-d'Antin, laquelle livra de vastes emplacements à la circu-
lation publique 4. Les opérations de simples particuliers sont bien plus
rares que sur la rive droite : toutefois le faubourg Saint-Germain
s'allonge de plus en plus; dans la direction du sud, « Antoine Roussel,
curé de Saint-Lambert, et Jacques-Léonard Morel, ancien contrôleur des
rentes de l'Hôtel de Ville, sont autorisés à ouvrir, par convention et
échange de biens entre eux, la rue du Mont-Parnasse entre la rue
Notre-Dame-des-Champs et le nouveau rempart 5 ». A l'extrémité sud-
ouest, l'Ecole militaire, les Invalides, le Palais-Bourbon, restent encore
dans leur isolement, et sans communication directe avec la rive
droite.
L'énuméralion qui précède, sans prétendre être complète6, donne
suffisamment le sens du développement de Paris sous Louis XVI. Il
importe de faire observer que, s'il y eut un dessein suivi en ce qui
concerne les boulevards et les quais, il n'y en eut aucun en ce qui con-
cerne les nouvelles rues. On se contenta de leur imposer un aligne-
ment régulier et une largeur minima, non sans une résistance marquée
et parfois victorieuse des spéculateurs qui voulaient perdre le moins
de terrain possible. La plupart de ces rues s'allongent parallèlement
1. Surnommées catacombes lorsque l'on y eut transporté les ossements enlevés
du cimetière des Innocents.
2. Lettres patentes de déc. 1778 (enregistrées le b février 1779). — Lettres pa-
tentes du 25 mars 1779 (enregistrées le 23 avril).
3. Par dérogation à l'article 51 de la Coutume de Paris, qui n'autorisait le jeu
de fief que jusqu'à concurrence des deux tiers de la propriété foncière dudit fief.
La redevance de Monsieur au roi consistait en deux paires d'éperons d'or, d'une
valeur de 5,726 livres 11 sous.
4. Lettres patentes de décembre 1782, enregistrées le 31 janvier 1783. — L. p.
du 7 déc. 1783, enregistrées le 9 janvier 1784. — L. p. du 23 octobre 1784, enre-
gistrées le 24 janv. 178G (X 1b 8978, 8980, 8984).
5. Avis de la Ville au Parlement, 19 mai 1775 (H. 1951).
6. Les dates indiquées sont les dates légales, et non les dates réelles de l'ou-
verture des rues. Plusieurs de celles qui avaient été autorisées en dernier lieu
(exemple : la rue de Tracy) ne furent exécutées qu'après la période révolution-
naire.
18 INTRODUCTION HISTORIQUE
aux boulevards, soit en deçà, soit au delà entre les grandes voies des
faubourgs; les îlots de maisons ont la forme ordinaire des parcelles
rurales; ils contrastent, par leur petitesse et leur régularité, avec la
configuration en même temps massive et enchevêtrée des anciens
quartiers.
A l'abri du Louvre, obstruant la rue Saint-Honoré, les abords du
Palais-Royal et le débouché de la rue de Richelieu, l'antique fonda-
tion des Quinze-Vingts était le centre d'un enclos privilégié, qui ne
renfermait pas moins de cinq à six mille habitants, de condition très
humble, et pour lesquels la mendicité était non seulement autorisée,
mais obligatoire. Au centre même de Paris, c'était une tache que bien
des intérêts devaient contribuer à faire disparaître. La Ville ne pouvait
être consultée sur la suppression de l'enclos, puisqu'il s'agissait d'une
portion du domaine royal; mais à coup sûr elle ne pouvait qu'applau-
dir à une mesure favorable à la fois à la circulation et à l'unité légale
de la commune. La maison d'Orléans y voyait l'agrandissement et le
dégagement de son palais ; le roi, l'entière réunion du Louvre avec les
Tuileries, mais surtout le bénéfice que produirait pour son trésor la
vente de terrains aussi étendus et aussi bien situés. Toutefois, la fon-
dation de saint Louis avait un caractère vénérable; les droits acquis
des privilégiés ne pouvaient guère être méprisés sans injustice et sans
inhumanité. Etablir pour eux un régime transitoire, respecter toutes
les formes légales dans leur expropriation et y apporter tous les adou-
cissements désirables, telle était la marche à suivre. Au contraire,
rien ne fut plus brutal que la dépossession des Quinze-Vingts ', rien
ne fut plus scandaleux que les concussions et les rapines dont leur
supérieur immédiat, le cardinal de Rohan, grand aumônier de France,
se rendit coupable, avant, pendant et après la translation de l'hôpital
au faubourg Saint-Antoine. Les enquêtes du Parlement, les déposi-
tions des témoins les plus honorables firent la lumière la plus com-
plète dans ces honteux agissements; quatre fois des remontrances, de
plus en plus précises, furent apportées « au pied du trône ». Louis XVI,
qui ne voulait rien voir, rien entendre , répondit constamment que
son grand-aumônier n'avait rien fait que par ses ordres. Un tel aveu-
glement mérite le nom de complicité : surtout si l'on se rappelle que
1. Lettres patentes du roi, de déc. 1779, concernant la translation do l'hôpital
royal des Quinze-Vingts pauvres aveugles, fondé par saint Louis en 12G0, dans
l'hôtel anciennement occupé par la seconde compagnie des mousquetaires, rue
de Charenton, faubourg Saint-Antoine. — Cette seconde compagnie était surnom-
mée Mousquetaires noirs.
LA ROYAUTÉ ET PARIS 49
l'affaire du collier (qui suivit immédiatement celle des Quinze-Vingts
et fit diversion) ne valut au cardinal que la Bastille, et se termina,
après acquittement, par une simple disgrâce.
Les cinq à six millions que devait rapporter au Trésor la vente de
l'enclos des Quinze-Vingts étaient peu de chose en comparaison de
toutes les espérances que fondaient les financiers sur la nouvelle en-
ceinte de la Ferme générale. Il était devenu impossible de surcharger
les taillables du royaume ; les nobles et les anoblis repoussaient toute
imposition foncière comme une taille dissimulée, et avaient rejeté sur
les classes inférieures le fardeau de la capitation et des vingtièmes ; le
clergé avait su profiter des embarras du Trésor pour racheter à bon
compte la capitation et le dixième, et il empruntait pour acquitter ses
dons gratuits. Si le Parlement, pendant la guerre contre l'Angleterre
(1778-1783), avait enregistré sans remontrances de nombreux em-
prunts, depuis la paix de Versailles il ne parlait plus que d'économies.
11 protestait contre les vingtièmes, contre la solidarité des seigneurs
et des paysans. Il se fondait sur la parole royale pour repousser tout
accroissement de la taille '.A tant de difficultés, il n'y avait qu'une issue
honorable : reconnaître à temps le droit que n'avait jamais pu perdre
la nation de consentir l'impôt, d'en régler et d'en contrôler l'emploi.
C'est pour éviter ou pour éloigner le plus possible cette dure nécessité
que la royauté, après avoir abusé du crédit de la Ville, voulut aug-
menter l'hypothèque de ce crédit par une perception plus étendue et
plus rigoureuse des droits d'octroi. Déplacer, reculer des barrières, ce
n'était là qu'un acte ordinaire d'administration, suivant la théorie mi-
nistérielle; le Parlement n'avait pas à s'en occuper, la Ville ne pouvait
voir qu'avec reconnaissance l'accroissement naturel et légitime de ses
ressources.
La Ville (c'est-à-dire les officiers qui parlaient en son nom sans au-
cun droit), la Ville témoigna sa docilité ordinaire. Mais le Parlement
s'émut; il osa déclarer que, pour changer d'une aussi notable façon la
constitution territoriale et contributive de la capitale, une loi enre-
gistrée était nécessaire. Bien que les délibérations et les remontrances
du Parlement fussent secrètes, le public n'ignorait jamais l'opinion du
Palais, et l'instinct populaire s'essayait à en tirer les conséquences
1. La fixité du principal de la taille, établie en 1768, était illusoire, puisque les
accessoires pouvaient toujours être augmentés par le Conseil. En 1780, le roi
avait ordonné que désormais, « sous aucune dénomination, cet impôt ne pourrait
éprouver d'augmentation que par une loi enregistrée en ses Cours ». (Mém. du
comte de Crillon, dans le procès-verbal de l'assemblée provinciale de la géné-
ralité de Paris en 1787, page 102.)
20 INTRODUCTION HISTORIQUE
pratiques. Les modérés dictaient : les violents agirent. Puisque les
hommes de la loi considéraient rétablissement des nouvelles barrières
comme illégal, la fraude n'était plus un délit, mais une résistance
légale à l'oppression des financiers et aux prodigalités croissantes de
la Cour '. Aussi elle s'organisa partout avec une audace inouïe et un
concert irrésistible. Il ne s'agissait plus seulement de boire du vin à
quatre sous, mais pour beaucoup de ne pas mourir de faim, et, au
sens de l'opinion publique, de couper les vivres à la tyrannie. Aussi
bien, les barrières furent renversées par le même élan que la Bastille;
et la Constituante fut tellement entraînée dans ce mouvement qu'elle
dut abolir et les droits d'octroi de Paris et la plupart des impôts indi-
rects.
Avant les grandes journées qui opérèrent de force l'union de la Ville
et de ses faubourgs, il était impossible, de la meilleure foi du monde,
de dire quelles limites légales les séparaient. Étaient-ce les dernières
qu'avait enregistrées librement le Parlement, en 1654? ou celles du
plan de 1676? ou celles des déclarations qui les avaient modifiées en
1719, 1726, 1766? ou enfin celles que commencèrent à jalonner en
1784 les grotesques monuments symboliques de l'architecte Ledoux?
Nul ne le savait ni ne pouvait le savoir. Cela dépendait des théories
politiques ou financières. Le bourgeois qui n'avait pas le droit d'avoir
une porte cochère sur les boulevards (sous prétexte que les boulevards
étaient des remparts) rencontrait, à un quart d'heure ou une demi-
heure plus loin, les jaugeurs de la Ferme générale. — Quant aux fau-
bourgs, comme en principe leurs impôts ou leurs taxes étaient dis-
tincts et de ceux de la Ville et de ceux de la campagne, un arrêt du
Conseil avait tout simplement fixé leur ceinture commune aux der-
nières maisons après lesquelles la campagne commençait : ce qui ne
laissait pas de donner lieu aux interprétations les plus arbitraires.
Voilà, semble-t-il, un régime bien absurde, des bizarreries bien dérai-
sonnables. Ne nous arrêtons jamais à cette impression superficielle,
lorsqu'il s'agit de comprendre et de juger un gouvernement aussi es-
clave de ses principes et de ses traditions que l'absolutisme. Si les
limites de Paris, si celles de ses faubourgs étaient flottantes, celles de
la prévôté et vicomte étaient exactement définies2. En d'autres termes,
le ressort du Cbàtelet, et par conséquent celui de la lieutenance géné-
rale de police englobait tout Paris, de quelque manière que l'on entendit
1. Voyez sur cette résistance, qui n'est pas particulière [àParis, les Origines
de la France contemporaine, par M. Taine, t. Il, p. 21.
2. Voyez YAlmanach royal de 1789, p. 417, Banlieue de Paris.
LA ROYAUTÉ ET PARIS 21
le nom de la capitale : pour la royauté, c'était l'essentiel; elle avait
intérêt à effacer ainsi les vestiges subsistants des anciennes juridictions
communales ou féodales ', à tout confondre, Paris et banlieue, sous la
même administration supérieure. Aussi, lorsqu'il s'agit en 1789 de
déterminer le mode de convocation de Paris et de la prévôté, le Châ-
telet l'emporta nécessairement sur l'Hôtel de Ville, et si le règlement
de Necker accorda quelque ebose aux privilèges delà Capitale, on peut
dire qu'il refusa tout aux revendications de la Commune 2.
Quelle était, à la fin de l'ancien régime, la population de Paris?
Aucun recensement proprement dit ne permet de répondre à cette
question par un chiffre officiel ?. Aussi les hypothèses et les calculs ne
manquent pas, et le problème a exercé la sagacité des politiques et des
économistes. Les réflexions d'Arthur Young, de Lavoisier, ont pour
principale base ce que l'on pouvait connaître (par l'octroi) de la con-
sommation de Paris. Necker raisonne sur le nombre moyen des nais-
sances annuelles 4 et leur rapport, plus ou moins bien connu d'après
quelques recensements partiels, avec la population ; d'ailleurs il n'est
rien moins qu'affirmatif : « La population de la capitale est difficile à
déterminer par les calculs ordinaires, vu que, sur un nombre annuel
de 20,500 ou "20,000 naissances, le quart environ est composé d'en-
fants trouvés nés à Paris : et une semblable génération, moissonnée
dès les premières années dans une proportion effrayante, n'offre pas
une base exacte aux recherches sur la population; mais aussi, un
nombre considérable s d'étrangers et de gens de province viennent con-
1. C'est en vertu des mêmes principes (ou, si l'on veut, par suite de la même
évolution historique) que les généralités financières avaient dans le royaume
démembré, dépecé, réuni ou séparé malgré elles les anciennes provinces. Les
pays d'Étals ont résisté. De là, immédiatement avant 1789, l'analogie saisissante
de leurs sentiments et de leur conduite avec les sentiments et la conduite des
Parisiens.
2. Voyez « les Élections de Paris », de M. Chassm.
3. Dans le tome 1er (et unique jusqu'ici) des Mémoires des intendants (géné-
ralité de Paris) publiés dans la Collection des documents inédits de l'Histoire de
France, M. Arthur de Boislisle (introduction, p. xxi) a réuni un certain nombre
de chiffres donnés au XVIIIe siècle sur la population de Paris : ils varient
entre 500,000 habitants, d'après Busching, et 000,000, d'après Lubersac. Je lis
un million, p. 31 du Mémoire de Lemaire, en 1170 (donné par M. Gazier à la
Soc. de l'Histoire de Paris et de l'Ile-de-France, t. V). Je lis « plus d'un million»,
p. 29 de l'Atlas chorographique , de Desnos, avec uue note singulière qui réduit
ce chiffre, d'après une gazette anglaise, à 750,000. — Le même Lemaire, en 1789,
dit 800,000, probablement pour ne pas trop contredire Necker.
4. 11 est assez curieux qu'il n'ait pas demandé aux registres de la capitation
et des vingtièmes le nombre des feux. (Adm. des finances, I, p. 277.)
5. Les registres de police que les loueurs de garnis étaient obligés de tenir
auraient pu renseigner assez exactement sur ce point.
22 INTRODUCTION HISTORIQUE
tinuellement à Paris, ou pour leurs plaisirs ou pour leurs affaires. Il
faut donc rassembler diverses notions, afin de se former une idée du
nombre ordinaire des habitants de Paris; et je crois, d'après plusieurs
indices, qu'on ne s'écarterait guère de la vérité en évaluant ce nom-
bre de 640,000 à 080,000, selon les saisons de l'année où la ville est
plus ou moins [peuplée1. » Selon l'ordonnance du 17 août 1737 2, les
curés des paroisses dépendantes du Chàtelet de Paris devaient faire
parapher leurs registres de naissances, mariages et décès par le lieu-
tenant civil; c'est par la compilation annuelle de ces registres que le
gouvernement pouvait réunir les documents statistiques sur lesquels spé-
cule Necker ?, et dans lesquels sont certainement comprises les douze
paroisses des faubourgs. — Il ressort de tous les témoignages que les
trois ou quatre années qui précédèrent la Révolution amenèrent à
Paris un surcroit inusité de population. Bien des causes contribuaient
à l'attirer : la liberté relative d'un certain nombre de métiers, vestige
de la grande réforme de Turgot; la multitude des travaux de terras-
sement et de maçonnerie ; la misère croissante, ou plus douloureuse-
ment ressentie dans les campagnes; l'accumulation des richesses dans
la capitale ; enfin cet instinct politique indéfinissable qui conduisait
Jacques Bonhomme du coté de Paris, comme il poussait l'habitant de
Paris vers l'Hôtel de Ville. C'est pourquoi la Commune de 1789 n'eut
plus rien de bourgeois ni de particulariste : elle fut éminemment pa-
triote et nationale; elle ne fit pas une révolte, elle fit une révolution.
Cependant la constitution juridique et administrative du Paris mo-
narchique semblait faite non seulement pour étouffer à jamais la
liberté communale, mais aussi pour éterniser les divisions, et donner
au roi seul l'arbitrage suprême des conflits de juridiction et des riva-
lités de corps. Nulle part sans doute dans le royaume les classes so-
ciales n'étaient plus mêlées qu'à Paris; on pouvait nommer des curés,
des magistrats, de grands seigneurs, et même un prince du sang très
populaires ; n'oublions pas non plus que les principales impositions ou
contributions à l'intérieur des barrières (capitation, vingtièmes, droits
domaniaux, droits d'octroi) tombaient sur tous les habitants, et qu'il
n'y avait point d'exception de principe, s'il y en avait beaucoup de
faveur. En dépit de ces symptômes remarquables d'unité morale, et
1. Necker attribue à toute la France, y compris la Corse, environ 25 millions
d'habitants. Par conséquent, si la France, depuis un siècle, s'était accrue comme
Paris, elle aurait 100 millions d'âmes; si Paris n'avait augmeuté cpie dans la
proportion générale, il dépasserait à peine le million.
2. Isambert, t. XXII, p. 30.
3. Ni les juifs ni les protestants n'y étaient donc comptés.
LA ROYAUTÉ ET PARIS 23
de cette égalité devant le fisc, non seulement Paris n'était pas une
commune, mais il n'était même pas une ville : si du moins par ce mot
il faut entendre un tout cohérent, un mécanisme politique, même
sans autre moteur que la volonté du souverain.
Le Paris de Philippe-Auguste avait son harmonie; au centre, dans
la Cité, le Palais et l'Eglise; à gauche l'Université; à droite la Ville,
organisée en corps de marchands et en corporations '. L'usage main-
tint ces dénominations, et on les retrouve encore dans l'almanach de
1789 2 ; mais le temps leur avait enlevé une grande partie de leur
valeur. Le Palais, depuis longtemps abandonné aux « gens du roi »,
était devenu l'asile, souvent violé, de la résistance légale. L'arche-
vêque nommé par le roi, investi par le pape, accordait ou brouillait
tour à tour « les deux puissances » ; il avait beaucoup moins de pou-
voir que les évèques ses prédécesseurs ?; privé de sa justice seigneu-
riale en 16G6, il ne l'avait recouvrée que bien diminuée en avril 1674 :
d'ailleurs, même suppression et même restitution avaient eu lieu en
laveur de son chapitre. — L'Université, même après la suppression
de la Société de Jésus, n'était pas redevenue le concile permanent des
Gaules. Elle défendait toujours les maximes gallicanes, mais ces
maximes n'étaient plus, depuis 1082, que celles de l'assujettissement de
l'Eglise au pouvoir royal : et les rois, satisfaits de leurs conséquences
politiques, se souciaient fort peu d'en maintenir la doctrine théolo-
gique. On ne parlait plus guère de la bulle Unigenitus, mais on y pen-
sait toujours : toutefois les curés jansénistes avaient peu à peu été
remplacés, et les instructions ultramontaines de l'archevêque de Jui-
gné n'excitaient pas, comme celles de ses prédécesseurs, de troubles
religieux. Malgré cette docilité du troupeau, l'Église de Paris était
profondément désorganisée. Les curés étaient tiraillés, au point de
vue de la discipline, entre les deux officialités : celle de l'archevêque
et celle du chapitre; ils suivaient en général les inspirations de leurs
patrons ou collateurs. Six lieux étaient exceptés de l'ordinaire 4. Les
vingt-quatre religieux et maisons régulières établis à Paris échap-
paient également à l'autorité diocésaine ; neuf avaient leurs généraux
1. Les statuts rédigés par Etienne Boileau , prévôt de Paris, sous le règne de
saint Louis, n'ont fait évidemment que régulariser un état de choses antérieur.
2. Page 103: à propos, il est vrai, de la distribution des paroisses.
3. Le titre d'archevêché ne date que de 1622.
4. Saint-Jean-Baptisto (et Saint-Denis) ; la Sainte-Chapelle du Palais ; le Temple ;
Saint-Jean-de-Latran ; les Quinze- Vingts ; Saint-Symphorien. — Sur le Temple,
voyez les Commande ries du grand-prieuré de France, par E. Mannier (Paris,
1872).
24 INTRODUCTION HISTORIQUE
ou abbés à Paris ', dix à Rome 2, un à Madrid 3, les autres à Feuillant4
(diocèse de Rieux, Languedoc), à la Chartreuse de Grenoble s, à Ci-
teaux6, à Prémontré (près Soissons)7. Dans la lutte du clergé séculier
et du clergé régulier, le premier avait les sympathies publiques, parc'e
qu'il était le plus utile, et l'appui du pouvoir laïque, intéressé aux sup-
pressions et aux unions de monastères. Le Parlement, qui avait pris
parti dans les discussions théologiques, ne pouvait plus être l'arbitre
de ces discussions d'intérêt : le Conseil connaissait souvent des appels
comme d'abus, qui étaient évoqués par le roi8, quand celui-ci vou-
lait « des services, et non des arrêts ».
Quant à la Ville, le troisième élément territorial de Paris, elle s'était
vu peu à peu déposséder de ses attributions naturelles, même purement
municipales, par le Châtelet; elle n'avait gardé de juridiction que sur
son domaine (les bords de la Seine, les îles Louvier et des Cygnes, les
ponts, même royaux, les remparts) et dans un cercle d'attributions de
police restreint aux démolitions, aux égouts et aux fontaines publi-
ques. Il est vrai que si à Paris elle était placée en sous-ordre, en
revanche elle jouissait d'une autorité démesurée en ce qui concernait
les rivières et canaux navigables desquels dépendait l'approvisionne-
ment de la Ville, Le vaisseau restait son exact symbole. Elle n'avait
d'autorité que sur les corporations dites de rivière. Toutes les autres
prêtaient serment au Châtelet : celles-là prêtaient double serment, au
Châtelet et à la Ville.
L'unité du Paris primitif s'était faite autour de l'Eglise; elle s'était
maintenue autour des premiers Capétiens. Rompue sous les Valois,
elle ne put se reformer ni autour du pouvoir municipal, ni autour du
pouvoir royal. Paris s'accrut d'éléments hétérogènes, qu'il n'eut point
la force d'absorber et de s'assimiler 9. Il ne donna pas de loi commune ,
1. L'ordre de Cluny, à Saint-Martin-des-Chainps ; les Chanoines réguliers de
la Congrégation de Fiance, place Sainte-Geneviève; les Frères de la Charité; les
Frères de la Doctrine chrétienne; les Pénitents du tiers-ordre de Saint-François,
au couvent de Nazareth, près du Temple; les Oratoriens; les Bénédictins de Saint-
Maur; les prêtres de la Mission; les Bénédictins anglais.
2. Les Cordeliers, les Jacobins, les Cannes, les Augustins, les Minimes, les
Récollets, les Théatins , les Capucins, les Barnabites, les Carnies-déchaux.
:i. Religieux de Noire-Daine de la Mercy.
4. Feuillants.
î). Chartreux,
(i. Bernardins.
7. Prémontrés.
8. Plus exactement, le Conseil arrêtait qu'il n'y avait pas lieu à un appel
comme d'abus au Parlement, évoquait le fond de l'a/faire, et décidait sans
appel, sauf à exposer le roi à des Remontrances.
9. Les édits de 1GGG idée.) et de 1674 (fév.) avaient incorporé au Châtelet
LA ROYAUTÉ ET PARIS 25
de constitution, aux. seigneuries féodales soit laïques, soit ecclésias-
tiques qu'il engloba dans ses enceintes successives. Jusqu'en 4789 des
bourgs anciens, sous le nom d'enclos, des bailliages privés, des terri-
toires privilégiés, gardèrent les traditions du moyen âge, qui semblaient
aussi sacrées que la propriété du sol : la juridiction même de l'Hôtel
de Ville (en dehors d'attributions modernes comme le service des
rentes) reste essentiellement féodale', c'est-à-dire confinée dans des
limites topographiques, plutôt que déterminée par des définitions
législatives. On le lui rappelle durement, lorsqu'en 1789 elle prétend
convoquer les électeurs des trois ordres en corps de commune. J'a-
jouterai qu'on le lui rappelle injustement, car toutes les autres institu-
tions d'Eglise ou d'État étaient alors féodales par quelque côté. C'est
comme duc de Saint-Gloud, et non comme chef de l'Eglise de Paris,
que l'archevêque tenait le bailliage de sa duché-pairie ; c'est comme
seigneur temporel qu'il recevait l'hommage et les redevances de neuf
fiefs situés dans Paris ou aux environs 2. Le Parlement de Paris, cour
souveraine par excellence, agissait comme seigneur dans l'enclos du
Palais, habité non seulement par un grand nombre de ses suppôts, et
par des prisonniers, mais encore par de riches corporations. L'Uni-
versité avait son tribunal, et pendant longtemps reçut, dans la per-
sonne de son recteur élu, le serment du prévôt de Paris, conservateur
de ses privilèges. Le Luxembourg, le Palais-Royal, avaient leurs bail-
liages princiers. Enfin le roi lui-même était moins souverain que sei-
gneur au Louvre et à la Bastille-Saint-Antoine 3. On le voit : la féoda-
lité était encore partout; ce n'était plus sans doute celle des guerres
et des déprédations locales : c'était celle des procédures abusives et
contradictoires, du grimoire canonique et coutumier, des droits de
19 justices seigneuriales; mais Louis XIV rétablit lui-même celles de L'arche-
vêché et (lu chapitre (1674), de Saint-Germain-des-Prés (1675, 1691, ltiit.'î;, du
Temple (1G78), de Saint-Jean-de-Latran (1676). Les juridictions abbatiales furent
restreintes inter claustra. Les abbés de Sainte-Geneviève et de Saint-Martin-des-
Champs gardèrent leurs justices jusqu'à la Révolution. — Le bailliage (laïque)
de l'Arsenal fut supprimé en avril 17S8.
1. Son titre officiel, dans VAlmanaeh rouai (p. ï36), est : Corps de la maison
de l'Hôtel de Ville.
2. La Trémoille (rue des Bourdonnais), le Roule, la Grange -Batelière, les
Francs-Rosiers, Outre-petit-pont, Tirechappe, Thibaud-aux-des, les Tombes,
Passy (et non Poissy, comme il est imprimé dans la Description de Piganiol de
la Force, t. I, p. 63).
3. Prévôté de l'hôtel du roi; —bailliage et capitainerie des chasses de la Varenne
du Louvre; — id., des Tuileries ; — gouvernement du château royal de la Bastille.
Les abus de pouvoir, les empiétements parfois extravagants de ces institutions,
commis au nom du roi, accusent encore leur caractère féodal.
26 INTRODUCTION HISTORIQUE
cens, de lods et de ventes ', des hommages et des dénombrements, des
Chartres privées et des emprisonnements arbitraires.
A Paris comme dans l'ensemble du royaume, le seul principe d'unité
qui se développe avec force et en toute liberté vers la fin de l'ancien
régime, c'est la volonté royale servie par l'arbitraire ministériel et
par l'action administrative. Lorsque Delamare émet cet aphorisme :
« II ne doit y avoir qu'un magistrat pour une ville, comme il n'y a
qu'un évoque », c'est du lieutenant général de police qu'il entend
parler2. L'échec final de celte tentative d'unification s'explique fort
bien. L'unité communale ne peut pas plus être le résultat d'une vo-
lonté étrangère à la commune, que l'unité organique, celui d'une force
extérieure au corps animé. Mais la royauté n'a même pu produire
l'uniformité, imposer des cadres fixes à la mobilité, des privilèges et à
la diversité des litres originels. Contentons-nous pour plus de clarté
d'examiner ces trois termes, l'Eglise séculière, le Ghàtelet et l'Hôtel
de Ville, et ne les comparons qu'à un seul point de vue, les divisions
du sol parisien. Pour l'Eglise séculière, il y a 47 paroisses ?, 8 en la
Cité, 16 en la Ville, 9 en l'Université, 12 dans les faubourgs 4. Pour le
Ghàtelet et au point de vue spécial mais dominant de la police, il y a
vingt quartiers s, ayant chacun son inspecteur, et subdivisés en dépar-
1. Eu voici un exemple bizarre, qui se rapporte directement à notre sujet :
La Ville, comme propriétaire de l'île Louvier, doit à la terre de la Tour de
Chaumont, dite au Bègue, uni' redevance annuelle de deux chapons et une mine
de blé, à titre de cens, payable le jour de Noël. Déclaration en a été passée
devant Mes Guérin et Talouet, le 24 janvier 1704; renouvelée devant Mc Mar-
chand, le Ler août 1733. Le 23 août 1788, le bureau accorde un nouveau titre, et
des arrérages ('•chus depuis L763, à « très haute et très illustre dame Mme Louise
Elisabeth de la Rochefoucauld, duchesse d'Envillç, veuve de très haut et très
illustre seigneur, monseigneur Jean-Baptiste-Louis-Frédéric de la Rochefoucauld,
duc d'Envillç, lieutenant général des armées navales et des galères de France ».
(Arch. nat., 11. L959.) — Dans sa directe et censive, le roi a G deniers de cens
par chaque toise de terrain produisant lods et vente, saisine et amende. {Cou-
tume de Paris.) «
2. Unius urlii.s c/ unus episcopus, ci unus magistratus (Traité de la Police,
t. I, p. 140) : tout le titre IX de l'ouvrage vient à l'appui. Voyez aussi, même
tome, page 113.
3. 48, avant la suppression des Saints-Innocents.
4. Sans compter les 13 paroisses de la banlieue ecclésiastique, qui est loin de
concorder avec les limites de la prévôt/'.
5. La Cité, Saint-Jacques-de-la-Boucheric , Sainte- Avoye , la Grève, Sainte-
Opportune, le Louvre, Saint-André, place Maubert, Saint-Antoine, Saint-Paul,
le Temple (ou le Marais), Saint-Martin, Saint-Denis, les Halles, Saint-Eustache,
Saint-Honoré, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Benoît, Luxembourg, Muni martre.
C'est (autant que possible) l'ordre chronologique; l'ordre administratif com-
mence par la Cité', continue par les 14 quartiers de la rive droite et se termine
par les :; de la rive gauche.
LA ROYAUTÉ ET PARIS 27
tements de commissariats, tantôt 2, tantôt 3, en tout 48 '. La division
en vingt quartiers ne date que de Ledit de décembre 1701. Jamais
l'Hôtel de Ville ne s'y est résigné : pour lui, le nombre des seize quar-
tiers du XIVe siècle est immuable; les dénominations dont il se sert ne
sont pas les mêmes que celles du Ghâtelet, l'ordre est différent, et part
non de la Cité, mais de la maison de ville 2. Lorsque en 1042 Louis XIII
créa un office supplémentaire de quartenier, lorsque -Louis XIV en
créa quatre en 1702, les seize quarteniers en exercice s'empressèrent
de les racheter.
Imaginez maintenant une carte du Paris de 1781) où soient figurées
tout ensemble les limites des paroisses, celles des quartiers de la police
et celles des quartiers de l'Ilôtel-de-Ville ; où soient distribués çà et
là les enclos privilégiés, les juridictions particulières. A côté de cette
carte, placez celle de la France, avec les limites des provinces ecclé-
siastiques, des diocèses, des provinces, des bailliages et sénéchaussées,
des apanages, des généralités financières, des élections. Vous recon-
naîtrez de part et d'autre la même incohérence, les mêmes bigarru-
res, très intéressantes pour l'érudit, très instructives pour l'historien,
mais infiniment décourageantes pour le politique, qu'il eût en vue l'ordre
ou la liberté. En ce sens, Paris, la patrie commune, ne ressemblait
que trop à la grande patrie. On conçoit dès lors pourquoi les prin-
cipes, les systèmes, les théories, et même les utopies, furent tant à la
mode au XVIIIe siècle ; loin d'être opposé à la méthode d'observation
et loin d'exclure la connaissance des faits, ce genre de philosophie' en
était le résultat naturel. Lorsque tout était complication , obscurité,
droits acquis ou injustices consacrées, conflits judiciaires, ecclésiasti-
ques ou administratifs dans la société, l'esprit français réagit par
l'ordre, la clarté, la déduction serrée et logique. Perdu dans la forêt
dont parle Descartes, il va droit devant lui, frayant sa route. C'est que
la méthode de la vie n'est pas celle de la science. Si la science divise
patiemment les difficultés pour les mieux résoudre, la vie les ignore,
les méprise ou les écarte, afin d'en triompher.
Le 4 août est né du 14 juillet : la Révolution a fait de Paris une
Commune, avant de faire de la France une Nation. Il est impossible de
1. Nombre des quartiers, d'après la loi du 8 pluviôse an VIII (17 fév. 1SU0).
C'est un hasard si le nombre des commissariats est le même que celui des
paroisses. Ils sont à peu près d'égales dimensions, tandis que celles-ci les ont
toutes.
2. Hôtel-de- Ville , place Royale, Marais, Saint-Martin, Saint-Denis, Saints-
Innocents, Halles, Saint-Eustache , Palais-Royal, Louvre, Saint-Gennain-des-
Prés, Luxembourg, Sorbonne, Sainte-Geneviève, Ile-Notre-Dame (Saint-Louis),
Cité.
28 INTRODUCTION HISTORIQUE
dire, il serait puéril de rechercher laquelle doit le plus à l'autre, de
cette Commune-Capitale, ou de la Nation elle-même, tant leurs causes
sont devenues inséparables. L'unité de Paris fut une conquête pré-
cieuse en 1789, une force inappréciable dans les années qui suivirent.
Elle fît la fédération, terrassa le fédéralisme, et maintint, contre les
ennemis du dehors et du dedans, l'unité et l'indivisibilité de la
République.
INSTITUTIONS DE PARIS
LE PARLEMENT
Les institutions de Paris sous l'ancien régime peuvent se répartir,
suivant leurs objets ou leurs caractères essentiels, entre trois caté-
gories, non pas absolument séparées, mais suffisamment distinctes.
Les unes font de Paris une capitale, c'est-à-dire une ville maîtresse,
pourvue des organes nécessaires pour exercer une action prépondé-
rante dans tout l'État ou dans la plus grande partie et la plus impor-
tante de l'État.
Les autres tendent à réduire Paris à n'être plus que la •première des
«bonnes villes» royales, gouvernée, surveillée, administrée avec
plus de difficulté sans doute que le reste du territoire, mais par les
mêmes procédés ou par des procédés analogues.
Les institutions de la troisième catégorie sont essentiellement mu-
nicipales, sinon par leur origine, au moins par leur nature et leur
objet : ce sont comme les fragments d'une Commune idéale que l'on
se figure avoir existé naguère, et qui tendent à se réunir.
C'est à cause des droits, des privilèges, de la force de la Capitale,
que le roi déteste tout ce qui peut rendre ou donner l'unité à la Com-
mune.
Le Parlement de Paris est l'institution qui caractérise le mieux la
Capitale ; il faut y ajouter les trois autres Cours souveraines (Grand-
Conseil, Cour des Comptes, Cour des Aides), véritables démembre-
ments du Parlement primitif; et, en seconde ligne, les Cours supé-
rieures des monnaies, de la connétablie, de l'amirauté, des eaux et
forêts. Le Châtelet, le premier des sièges secondaires, caractérise
aussi la Capitale, mais plutôt par ses titres historiques antérieurs au
30 INSTITUTIONS DE PARIS
Parlement que par le pouvoir dont il jouit réellement. Il en est de
même de l'Université. Fille aînée des rois, c'est-à-dire la première qui
ait reçu des statuts consacrés par L'autorité royale , nom historique
d'une des trois parties de Paris, elle a plus de droit, au XVIIIe siècle,
à s'enorgueillir de ses parchemins ' (pie des intelligences qu'elle forme
ou des ouvrages qu'elle produit. — Quant à l'Archevêché, son titre ne
date que de 1622. L'Evèché antérieur, en dépit de ses hagiographes, est
un des derniers qui ait été fondé pendant la période militante de
l'Eglise. Il n'assigne donc à Paris qu'un rang très modeste dans la
hiérarchie ecclésiastique; il n'en fait qu'une capitale de diocèse, et,
depuis 1622, de province. A ce point de vue, on peut dire qu'il doit
tout à la prépondérance de Paris, et que la prépondérance de Paris ne
lui doit rien.
Les institutions de la seconde catégorie appartiennent en propre à
la monarchie de l'époque moderne, absolue, ou s'efforcant de le deve-
nir. Deux ont fait leur temps, et sont par suite devenues honorifiques ;
ce sont les offices de Gouverneur de Paris et de Prévôt de Paris ; ceux
qui les acquièrent doivent être de grande ou du moins de bonne
naissance, ils suivent la Cour; ils ne sont que des personnages
de cérémonie. L'action de la royauté, de féodale ou semi-féodale,
est devenue administrative. Elle est concentrée dans le Conseil
du roi 2. La préparation et l'exécution des arrêts appartiennent
principalement aux quatre ministres secrétaires d'État, au contrôleur
général des finances et au chancelier, qui est le premier en dignité
après le roi. — Le chancelier morigène, discipline, souvent exile ou
suspend le Parlement. Le secrétaire d'Etat de la maison du roi a Paris
clans son département, c'est-à-dire qu'il transmet à la Ville (prévôté
des marchands et échevinage) les arrêts du Conseil qui la concernent
en particulier, voit et autorise ses délibérations, contrôle son adminis-
tration courante : tout en laissant aux soins du contrôle général les
grandes affaires financières qui intéressent le trésor royal (emprunts,
loteries, rentes sur l'Hôtel de Ville) et la vérification des comptes de
prévôté. Le secrétaire d'État de la maison du roi 3 est aussi (au point de
vue delà hiérarchie administrative seulement) le supérieur du lieute-
1. En 1728 (1S mars), le recteur mourut en place : ce qui n'était pas arrivé
depuis 128 ans. Il devait, d'après les privilèges de l'Université, être enterré avec
les honneurs des princes du sang : « Cette fois, rien de tout cela... Voilà comme
les anciens droits se perdent ! » (Barbier, Journal, t. I, p. 270.)
2. Sans siège fixe, attaché au roi, ordinairement à Versailles, souvent à Fon-
tainebleau, à Coinpiègne, etc. — Il en est de même (au point de vue judiciaire)
des requêtes de l'Hôtel.
3. Comme « ministre de Paris ».
LE PARLEMENT 31
nant général de police : mais, en fait, celui-ci a un département où il
règne en maître ; dès Louis XIV, la tradition est établie de le traiter en
ministre. Sa position est d'ailleurs très bizarre, très équivoque :
comme officier du Ghâtelet, il ne vient qu'après le prévôt de Paris
et les deux lieutenants civil et criminel. C'est le cadet de la famille,
mais moralement il ne fait pas corps avec elle. Lorsque le Cbàtelet,
premier bailliage du royaume, suit le mot d'ordre du Parlement dans
ses luttes fréquemment renouvelées contre le pouvoir personnel, le
lieutenant général de police demeure dans une apparente neutralité
qui d'ailleurs ne trompe personne. Il est souvent obligé, comme juge
inférieur, de venir rendre compte devant, le Parlement ; il essuie ses
blâmes, et, couvert par les ordres du roi, ne se retire que pour les mé-
riter de nouveau. L'hybridité d'une pareille charge inspire une sorte
de suspicion involontaire même à l'égard de ceux qui l'ont remplie
avec le plus de qualités personnelles et de bonnes intentions. — Entre
le lieutenant général de police et la prévôté des marchands, il ne peut
pas y avoir de rapports directs, car il y a analogie et rivalité d'attribu-
tions. Les conflits peuvent se produire au Parlement, mais c'est au
Conseil qu'ils se dénouent : généralement le secrétaire d'Etat de Paris
soutient la Ville, le lieutenant général de police étant de taille à se dé-
fendre seul.
La troisième catégorie d'institutions, dont le morcellement s'oppo-
sait à la naissance de la Commune, mais qui, toutes ensemble, sont
de nature municipale, étaient en premier lieu et encore : la lieute-
nance générale de police, abstraction faite de ses bautes attributions
de sûreté politique et de justice sommaire, c'est-a-dire définie seule-
ment par sa devise essentielle et trop oubliée : splendor, nitor, et se-
curitas; deuxièmement, la prévôté des marchands et échevinage; troi-
sièmement, le bureau des finances en ce qui concerne ses attributions
de voirie ; quatrièmement, les Six-Corps et les Corporations d'arts et
métiers, petites sociétés marchandes ou ouvrières, petites confréries
trop faibles séparément, jalouses les unes des autres, tyranniques pour
le travail libre, tyrannisées par la police, éléments réfractaires, et
cependant nécessaires à la constitution de la Commune.
Cette courte énumération est nécessairement plus claire que ne le
sont les choses elles-mêmes. La confusion des pouvoirs dans la per-
sonne du roi engendre celle des attributions juridictionnelles, admi-
nistratives et executives. Il est difficile de parler d'empiétements,
d'usurpations, sur un terrain où la loi n'a point tracé de limites. C'est
un étrange spectacle que celui d'un lieutenant général de police qui
s'incline devant le Parlement, traite et négocie avec la juridiction de
32 INSTITUTIONS DE PARIS
la Ville, et qui en même temps détient, par commission ou attribu-
tion du roi, toute la force executive '.
Avant de passer en revue, dans les limites de notre sujet, ces
diverses institutions, il est nécessaire de dire un mot des assemblées
d'ordres, par rapport à Paris. — L'assemblée du Clergé de France2
était toujours convoquée à Paris, ordinairement aux Grands-Augus-
tins; elle était quinquennale; composée exclusivement de membres du
haut clergé, elle votait le don gratuit, répartissait les charges du
clergé entre les provinces ecclésiastiques, s'occupait des dîmes, des
suppressions ou réunions de monastères, des dissidents, etc. — L'as-
semblée des bénéficiers nobles, qui formaient autrefois l'armée féodale
sous le nom de ban et d'arrière-ban, n'était plus, depuis longtemps,
convoquée par le prévôt de Paris. — Le tiers état n'avait jamais été
convoqué à part des deux autres ordres.
Quant aux Etats généraux, c'est-à-dire à l'assemblée des trois ordres?,
le roi les convoquait où il voulait. En général, ils s'étaient tenus à Paris,
soit en vertu des lettres de convocation, soit d'eux-mèmes4. Le choix
de Versailles, en mai 1789, fut le motif qui ne permit pas aux Cours
souveraines, attachées au sol parisien, de prendre part à l'ouverture
et à la procession des Etats : en tout cas, ce fut celui que mit en avant,
pour les tenir à l'écart, le garde des sceaux barentin. Jusqu'au dernier
moment, la monarchie resta fidèle à la vieille maxime : diviser pour
régner.
Le Parlement, le Chàtelet, le Ministre de Paris, le Lieutenant général
de police, l'Hôtel de Ville, telles sont les cinq institutions fondamen-
tales que nous étudierons spécialement et autour desquelles nous
grouperons celles moins importantes qui peuvent intéresser notre
sujet par quelque côté.
1. L'Église même n'est pas respectée : « Tout se fait de travers, puisque le
lieutenant de police l'ait fermer le cimetière d'une église (Saint-Médard) et que
l'archevêque ordonne la suppression des gazettes » (les Nouvelles ecclésiastiques):
Barbier, Journal. I, p. 410 (3 mai 1732).
2. Elle ne comprenait pas le clergé des provinces frontières les plus récem-
ment acquises (clergé étranger).
3. C'est le sens du mot généraux; il n'implique pas des députations de tout le
royaume. En principe, et jusqu'en 1789, les États de Languedoc portent le même
surnom, qui ne leur est jamais contesté.
4. En 1302 (à Notre-Dame), 1303 (au Louvre), 1317, 1328, 1351, 1355, 1356,1357,
1358, 1359, 1369, 1413, 1420, 1558 (au Palais de justice), 1593 et 1614. — En 1789,
la Cour avait d'abord pensé à Soissons : des motifs d'économie firent préférer
Versailles.
LE PARLEMENT 33
COMPOSITION DU PARLEMENT
La Cour de Parlement comprenait : la grand'cbambre, trois cham-
bres des enquêtes et une chambre des requêtes '.
La grand'cbambre était composée : du premier président (désigné
par ces mots : chevalier, -premier), de neuf présidents à mortier, de
vingt-cinq conseillers lais et de douze conseillers clercs.
Le premier président et les quatre anciens présidents à mortier étaient
toujours de service à la grand'cbambre ; les cinq autres présidents à
mortier servaient à la tournelle criminelle. «Messieurs», c'est-à-dire les
conseillers lais, servaient chacun six mois à la grand'cbambre et six
mois à la tournelle pendant l'année; ils ne laissaient pas cependant que
d'avoir leur entrée en l'une et en l'autre toute l'année, pour les procès
dont ils étaient rapporteurs. Les conseillers clercs pouvaient être de
service lorsque la grand'cbambre et la tournelle étaient assemblées
pour matière criminelle; mais s'il était ouvert un avis tendant à peine
alïlictive, ils se retiraient.
La grand'cbambre avait aussi deux présidents honoraires, deux
conseillers d'honneur nés, des présidents honoraires des enquêtes et
des requêtes, et des conseillers honoraires qui avaient séance parmi
ses membres actifs2.
Les gens du Roi (ou parquet) étaient : l'avocat général et le pro-
cureur général. La charge de procureur général était unique; mais il y
avait trois avocats généraux : le premier reçu prenait le plus ordinai-
rement la parole dans les grandes circonstances.
Le procureur général avait douze substituts en Parlement (sans
compter celui du Chàtelet et des bailliages ou sénéchaussées).
A la grand'cbambre et au parquet se rattachent les greffiers, les
notaires, les secrétaires, etc., etc.
Chacune des trois chambres des enquête? avait deux présidents et
vingt-trois conseillers, et de plus un greffier et un receveur des épices-
Tous les trois mois, trois des conseillers de chaque chambre des
enquêtes et trois des conseillers des requêtes du Palais étaient de ser-
vice à la tournelle avec douze des conseillers lais de la grand '-
chambre.
1. Alm. royal de 1780, p. 294 à 312. — La tournelle, ou chambre criminelle, la
chambre de la marée sont des commissions, et non des divisions du Parlement;
de îm'uic les chambres de vacations, durant, les vacances.
2. Ces personnages étaient au nombre de G2 en 1789.
3
34 INSTITUTIONS DE PARIS
La Chambre des requêtes avait deux présidents et treize membres,
deux greffiers, des huissiers, etc.
RÉCEPTION D'UN PREMIER PRÉSIDENT (12 nov. 1788)
TOUTES CHAMBRES ASSEMBLÉES, LES PAIRS Y SÉANT
MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE GOURGUE l
Ce jour, la Cour, toutes les chambres assemblées, les pairs y séant, après
avoir vu l'information faite d'ofïice à la requête du procureur général du roi,
le 12 novembre présent mois, de l'ordonnance de la Cour par le conseiller
d'icelle à ce commis, des vie, mœurs, conversation, religion catholique, apos-
tolique et romaine, et fidélité au service du roi de Mcssirc Louis-François-de-
Paule Lefebvrc d'Ormesson de Noyseau, président de la Cour, pourvu de l'état
et office de Conseiller du roi en ses conseils, premier président de ladite
Cour, vacant par la démission de Mcssire Etienne-François d'Aligre; les lettres
de provision dudit office données à Versailles le 12 octobre 1788, signées Louis
et plus bas par le roi Laurent de Villedeuil, et scellées du grand sceau de cire
jaune; l'extrait baptistaire dudit sieur Lefebvre d'Ormesson de Noyseau, du
27 juillet 1718, délivré par le vicaire de la paroisse Saint-Jean-en-()rève de
cette ville de Paris ; les lettres de provision de l'état et office de président de
la Cour accordées audit sieur Lefebvre d'Ormesson de Noyseau le 5 mai 1755,
l'arrêt de sa réception en icelui du 10 des mêmes mois et an, et la requête
présentée à la Cour par ledit sieur Lefebvre d'Ormesson de Noyseau afin d'être
reçu audit office, conclusions du procureur général du roi, ouï le rapport de
Me Antoine-François boula, de Me Codefroy conseiller, la matière mise en
délibération,
A arrêté et ordonné que ledit Messire L.-F.-dc-Paule Lefebvre d'Ormesson
sera reçu audit état et office 2.
LE PARLEMENT ET PARIS CAPITALE
D'après la doctrine à la fois historique et juridique du Parlement,
le titre et les droits de capitale appartiennent en propre à Paris. Ils
ne dépendent pas de la présence habituelle du roi. Ils sont antérieurs
à la dynastie capétienne ; ils ont été non établis, mais confirmés par
les rois. Paris est la capitale du royaume, 1° parce qu'il est le siège
historique et légal des juridictions souveraines; 2° parce que les pri-
vilèges de cette ville et de ses habitants lui font une place distincte et
lui assignent le premier rang.
Voici un extrait des supplications du Parlement de Paris (transféré
à Troyes) pour obtenir que le Parlement de Rordeaux (transféré à Li-
bourne) soit réintégré 2 :
1. Arch. mil., X lu 8989, à la date.
2. Cet arrêté du 4 novembre 1787 fut préparé par Goislard (24 octobre, en vaca-
LE PARLEMENT 35
Les cours souveraines sont fixées aux lieux [de leurs séances par des lois
positives que l'intérêt du roi, le vœu des peuples, une longue expérience, ont
fait ranger au nombre des lois les plus importantes. Ainsi la Cour, autrefois
ambulatoire à la suite des rois, fut rendue sédentaire à Paris par l'ordonnance
mémorable de Philippe le Bel, pour la commodité de ses sujets et l'expédition
des affaires. Il est vrai que ces lois peuvent souffrir des exceptions, mais ces
exceptions, pour rentrer dans la règle, doivent être justifiées par des circon-
stances qui frappent tous les yeux de manière qu'il soit impossible à la nation
de s'y tromper.
Telles sont les circonstances qui déterminèrent la translation de la Cour à
Poitiers sous Charles Vil, lorsque Paris était occupé par des étrangers, à
Châlons et à Tours, lorsque cette ville était occupée par des factieux. A ces deux
époques la Cour, sans lettres patentes et par l'effort de son propre zèle, sut
employer une ressource qui lui laissa les moyens de concourir avec la nation
à délivrer le roi des Anglais et des Ligueurs. Il est triste et dangereux qu'un
moyen consacré par d'aussi grands et précieux succès devienne aujourd'hui le
signal d'une disgrâce.
Le Parlement de Paris avait longtemps embrassé tout le royaume.
Le second Parlement, celui de Toulouse, lui fut d'abord subordonné
(1302), puis réuni, et n'eut d'existence tout à fait distincte qu'en 1443.
A la fin de l'ancien régime, il y avait en France douze parlements de
provinces, trois conseils supérieurs et un conseil provincial. Ces créa-
tions avaient suivi l'extension du territoire. Le Parlement de Paris fis
regarda d'abord comme une atteinte à ses droits. Puis, lorsqu'il cessa
d'être un instrument de règne, et se mit à jouer le rôle d'États géné-
raux au petit pied, il s'efforça de s'attacber et de s'associer les autres
Cours, et il y réussit presque entièrement. Son ressort était, d'ailleurs,
le plus anciennement français, et, de beaucoup, le plus étendu et le
plus peuplé '. Toulouse, comme siège du second Parlement, aimait à
se dire la seconde ville de France, « la Rome de la Garonne » 2. Il
lions) pendant l'exil du Parlement de Paris à Troyes. Il ne fut présenté qu'après
son retour à Paris. (Arch. nat., X 1b 8987, minute du (i novembre 1787.) Boucher
d'Argis, dans son article de l'Encylopédie sur les Parlementa (1786), parait atta-
cher la plus grande importance à démontrer que le Parlement (sans autre dési-
gnation) a résidé régulièrement à Paris avant l'ordonnance de 1302. Il croit que
le surnom de Parlement de Paris est dû seulement à la nécessité' de le distinguer
du Parlement de Languedoc établi à Toulouse. (Enc. méth., tome CYIII, p. 388,
2e colonne.)
1. C'étaient Paris et l'Ile-de-France, la Picardie, le pays conquis, le vicomte
de Dunkerque, la Champagne, l'Auxerrois, le Maçonnais, la Brie, le Perche, la
Beauce, l'Anjou, la Touraine, l'Orléanais, le Berry, la Sologne, le Nivernais, le
Poitou, l'Aunis avec le Rochelois, l'Angoumois, la Marche, le Bourbonnais, l'Au-
vergne, le Forez, le Beaujolais et le Lyonnais : soit environ le tiers du territoire,
avec 10 millions d'habitants.
2. «Roma Garumnse. » — Le ressort de Toulouse était le second en importance.
En général, plus la possession monarchique est ancienne et assurée, plus le res-
36 INSTITUTIONS DE PARIS
n'en est pas moins vrai que la ville la plus peuplée après Paris, la
capitale gallo-romaine, Lyon, faisait partie du ressort du Parlement
de Paris depuis son annexion au domaine capétien (4312). Les princes
du sang, les pairs ecclésiastiques et laïques ne prenaient séance que
clans le seul Parlement de Paris. Si les Parlements de province pou-
vaient adresser au roi des représentations, ils n'avaient le moyen de
les faire valoir que par l'intermédiaire du Parlement de Paris. Ils
luttaient, eux aussi, contre l'arbitraire : mais dans la personne des
commissaires-départis, comme ils appelaient les intendants de justice,
police et finance. Quand même ils auraient eu le droit de remontrances,
leur éloignement même ne leur eût guère permis d'en user. Seul le
Parlement de Paris pouvait voir le despotisme face à face, le saisir
corps à corps, dans le roi et dans ses ministres. Si le roi nomme le
premier président, sa réception par le Parlement n'est pas une vaine
formalité. Non seulement la commission royale n'est enregistrée
qu'après délibération, mais encore le Parlement repousse constam-
ment le « tant qu'il nous plaira » que le roi y insère, et maintient le
caractère viager de cette place '. Le premier président, à moins de se
déconsidérer, ne peut que diriger et exécuter les délibérations. En
général, il louvoie plus ou moins adroitement entre les ministres et
les magistrats. Il ne peut trahir les intérêts du corps auquel il appar-
tient qu'en en sortant, soit comme chancelier, soit comme garde des
sceaux. L'assemblée de toutes les chambres, indispensable pour tout
acte politique, pour toutes représentations ou remontrances, ne dépend
pas de lui, ni même de la grand'chambre seulement. Il suffit pour
l'obtenir qu' « un de Messieurs » (rarement désigné par son nom dans
les procès-verbaux), président ou conseiller de grand'chambre ou des
sort de chaque parlement est étendu; et réciproquement, plus la possession est
ancienne et précaire, plus le ressort est restreint. — J'ai étudié ailleurs, dans
ses causes et dans ses effets, cette loi de l'histoire de France. (Voyez le n° du
14 décembre 1880 de la Révolution françaises)
1. Lorsque le successeur de d'AIigre, comme premier président, Lefèvre d'Or-
messoiK, fut reçu en la Cour le 12 nov. 1788, « Un de Messieurs » protesta contre
la formule tant qu'il nous plaira introduite dans ses provisions : « L'auteur
même des projets du 8 mai dernier (le garde, des sceaux Lamoiguon) n'a pas cru
devoir se prévaloir de cette expression furtive », regardée, par Loyscau comme
le vestige «le l'ancienne amovibilité, des offices, et d'autant plus pénible en la cir-
constance, « qu'elle se trouve placée à côté d'un nom en faveur duquel nous
eussions prévenu le choix du roi et fait entendre l'appel de tous nos suffrages,
si le droit d'élection eût encore appartenu à la Compagnie. » — 11 fut arrêté
qu'il ne pourrait être induit de. la clause tant qu'il ?ious plaira... rien de con-
traire aux principes sur l'inamovibilité dudit office et de tous autres. (Arch.nat.,
X 1b 81)81). ) Mêmes protestations le 6 fév. 1181), lors de la réception de J.-B. Gas-
pard Bochart de Saron comme premier président (X 1b 801)0).
LE PARLEMENT 37
enquêtes, prévienne à l'avance le premier président, ou «celui qui le
remplace, de l'intention qu'il a de faire un « récit», c'est-à-dire une
communication, aux Chambres assemblées. Lorsque l'assemblée des
chambres a entendu le récit, si elle déclare qu'il y a lieu à délibérer,
elle prend, séance tenante, un arrêté, soit ordinaire, soit de remon-
trances. Si elle n'est pas suffisamment éclairée, elle demande aux
gens du roi (procureur général, avocat général, et leurs substituts) un
nouveau rapport qui, cette fois, est un réquisitoire; et c'est elle qui
fixe la date à laquelle il doit être prêt. Toute cette organisation déli-
bérative était particulière au Parlement de Paris; elle ne disparut
qu'avec lui. La royauté n'en ignorait pas la force : le 18 février 1737,
se posa, sous la présidence de Le Peletier, la question de savoir si
le premier président avait seul le droit de permettre ou d'empêcher
les délibérations, et de convoquer, comme il le prétendait, l'assemblée
des Chambres. «Question, dit l'avocat Barbier', capitale pour les
enquêtes : car, s'ils perdent le droit de convoquer les assemblées, pour
délibérer ensuite sur les matières proposées, ils ne jouiront plus de
ce vieux reste des privilèges du Parlement de Paris qui le placent
au-dessus des autres parlements. Si, au contraire, ce droit d'assem-
blée du Parlement et de la Cour des pairs allait être réservé à la
grand'chambre exclusivement, cela rendrait les places de conseillers
à cette chambre une place d'Etat. Mais, en même temps, le premier
président deviendrait le maître absolu... » — Le Parlement maintint
ses droits, « usages, maximes et disciplines ».
Le lit de justice n'était pas autre chose, en principe, que la tenue
du Parlement par le roi en personne: pas plus que le premier pré-
sident, le roi n'avait les moyens directs d'imposer son opinion ou sa
volonté à l'Assemblée. Mais lorsque le Parlement eut réussi à par-
tager, ou du moins à enrayer l'action législative du roi, les lits de
justice apparurent comme de véritables coups d'État: même lorsque
l'on pouvait les surnommer, comme celui de 1770, lits de bienfaisance,
ils n'en demeuraient pas moins, pour l'opinion publique, des actes de
despotisme : car, en matière politique surtout, il ne suffit pas de faire
le bien, il faut le bien faire. En tout cas, la plupart des lits de justice
tenus au XVIIIe siècle le furent à Paris même. Une fois (en 1718),
le Parlement accepta de quitter son Palais pour se rendre au Louvre,
mais du moins il ne quittait point la Capitale. Une autre fois (en 1732),
il sévit obligé, à sa grande humiliation, de venir à Versailles: deux
jours après (5 septembre) il protestait contre la violence qui lui avait
1. Journal, p. 133, 14G, du tome II.
38 INSTITUTIONS DE PARIS
été faite, déclarant qu'il n'avait pu ni dû donner son avis, attendu le
lieu ou le lit de justice avait été tenu. Si le roi pouvait dire ou penser
«l'État, c'est moi», le Parlement de Paris n'a jamais séparé ni ses
droits, ni ses prétentions, des prérogatives de la Capitale : partout
ailleurs, il se regardait comme exilé et impuissant r.
ESPRIT DU PARLEMENT
A l'autorité monarchique le Parlement ne peut opposer que deux
choses : les lois ou traditions anciennes, et l'équité.
Pour citer quelques exemples du premier cas, il représente au roi,
en 1786, l'abus clés lettres de noblesse, accordées même à ceux qui
«professent des états non susceptibles de la considération publique2 ».
L'année suivante, quand aux applaudissements du public il proteste
contre Féclit relatif à la subvention territoriale, c'est par les arguments
les moins conformes à l'égalité devant la loi.
Il est contraire aux constitutions primitives de la nation et aux principes
qui seraient adoptés par les Etals généraux, de voir le Clergé et la Noblesse
soumis à une contribution solidaire pour la subvention territoriale. Faut-il
que le seigneur soit responsable avec tous ses vassaux non seulement de la
contribution des pauvres ou autres que les vices communs dans la campagne
empêchent de cultiver leur propriété, mais encore à raison de toutes les terres
vaines et vagues ou non susceptibles de culture s!
Imposer «le château ou la chaumière » du gentilhomme campagnard,
c'est le chasser de «cette retraite qui lui fait aimer la France».
Il serait aisé de multiplier les exemples de ce genre, de montrer
quelle part l'esprit de corps a eue aux. actes les plus honorables et
les plus populaires du Parlement, de critiquer ses prétentions législa-
tives, etc.
Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'en l'absence des libertés pu-
bliques, la résistance légale ne peut guère venir que des privilégiés
assez forts pour se défendre 4.
1. La royauté avait oublié pour elle-même ce formalisme gênant. Au XVIIIe siè-
cle, un chancelier scelle des édits dans sa maison de campagne; on ne croit plus
à la maxime: « Le sceau ne peul se tenir qu'où le roi est. » Barbier, III, p. 265.
— C'est à Versailles que, conformément au précédenl créé par Louis XV, Louis XVI
tint les lits de justice du S mai 1775 et du 12 mars 1776, en faveur des réformes
économiques et sociales tic Turgot, compromises par la violence avant d'être
abandonnées par la faiblesse.
2. A'reh. nat., X 1b 8981, 21 mars 1181).
3. Ibid., 8987, 13 août 1787.
\. Tout ce que l'on désire, avanl la Révolution, c'est que le Parlement soit
LE PARLEMENT 39
D'ailleurs, quels que soient les mobiles secrets des ambitions par-
ticulières, il arrive souvent à ses membres les plus actifs et les plus
éloquents de défendre la propriété privée aux prises avec l'impôt ou
l'agiotage, et la liberté individuelle violée par les lettres de cachet.
Deux fois dispersé, trop faible pour continuer la lutte, incapable du
reste de gouverner, le Parlement reconnaît enfin la nécessité des Etats
généraux et les appelle de ses vœux les plus sincères. Si plusieurs
parlements de provinces ont essayé, par attachement aux privilèges
locaux et à leur propre autorité, d'enrayer soit la convocation des
États généraux, soit la Révolution, le Parlement de Paris a plutôt pré-
paré l'une et l'autre. Il est clair qu'il ne pouvait plus coexister avec une
Assemblée législative, et qu'il n'était pas moins contraire que la royauté
elle-même au principe de la division des pouvoirs : aussi a-t-il dis-
paru ; ses faiblesses, ses compromissions, ses incertitudes, en un mot ses
torts récents firent alors oublier ses services antérieurs. Sans les exa-
gérer, il est bon de les rappeler. Si les pbilosophes ont fait triompher
dans les esprits l'idée de justice, le Parlement a essayé en plus d'une
circonstance de la faire pénétrer dans les faits; par ses démarcbes,
ses remontrances, ses exils, les emprisonnements de plusieurs de ses
membres, il a puissamment contribué à former les mœurs publiques
de la capitale et de la nation.
POPULARITÉ DU PARLEMENT
Ce jour1, toutes les Chambres assemblées, les pairs y séant, les gens du roi
sont entrés; et Me Antoine-Louis Séguier, avocat dudit seigneur roi, prenant la
parole, a dit :
Messieurs,
Les acclamations publiques ont précédé les magistrats au moment où ils ont
repris leurs fonctions trop longtemps interrompues. Mais n'est-il pas à crain-
dre que, dans les transports d'une joie tumultueuse, ces témoignages de la
satisfaction générale ne deviennent une occasion de troubles et de désordres?
C'est à la sagesse de la Cour de prévenir, par son autorité, les malheurs que
l'oubli des règlements n'a que trop souvent produits. Nous vous proposons
d'en renouveler les sages dispositions qui, sans gêner en rien la liberté natu-
relle des citoyens, doivent suffire pour réprimer les excès auxquels la licence
asspz fort. En août 1788, « Lien des gens semblaient craindre que le Parlement
de Paris, toujours faible et malheureusement trop disposé, par intérêt à entrer
dans les vues de la Cour, ne vînt à se laisser subjuguer entièrement, et ne con-
sentit à souscrire, comme il avait fait à Troyes le 19 septembre 1787, quelques
propositions. » (Hardy, Mes Loisirs, t. VIII, p. .'(7 : Bib. nat., man. G687.)
1. Mercredi 2i septembre 1788, séance plénière. (Arch. nat., X 1b 8989, à la
date.)
40 INSTITUTIONS DE PARIS
ne craindrait pas de s'abandonner. A ces causes nous requérons qu'il plaise à
la Cour ordonner que les Édits, Ordonnances, Arrêts et Règlements seront
exécutés selon leur forme et teneur; faire défenses à toutes personnes, de
quelques qualité et condition qu'elles soient, de s'attrouper, comme aussi de
lancer aucuns pétards et fusées, tirer des boîtes, allumer et porter aucuns feux,
et de porter aucunes armes ou instruments nuisibles, pouvant servira troubler
l'ordre et la tranquillité publique dans aucune des rues, carrefours et places
de la Ville et faubourgs de Paris ; faire pareillement très expresses inhibi-
tions et défenses à toutes personnes, de quelque condition qu'elles soient,
d'insulter en aucune manière les officiers et soldats du guet, et autres préposés
à la sûreté publique, comme aussi enjoindre auxdits ofticiers, soldats du guet
et autres préposés à la sûreté publique, de se conduire dans l'exercice de leurs
fonctions avec les habitants de la Ville et faubourgs de Paris avec humanité,
prudence et modération, le tout sous telles peines qu'il appartiendra...
Un arrêté conforme à ce réquisitoire fut publié le jour même par le
Parlement. La minute est signée :
Vu : D'Aligre (premier président)1.
l.Dans ce recueil consacré avant tout à Paris et à ses institutions, nous jugeons
superflu de donner les renseignements biographiques qu'il est aisé de rechercher
dans les dictionnaires, encyclopédies, biographies universelles, etc. — Mention-
nons à propos de d'Aligre une pièce qui montre le Parlement en quelque sorte
juge et partie, et qui explique l'attachement de ses membres au droit féodal :
s Arrêt (du 12 mars 1 "78 1 j qui maintient M. d'Aligre, premier président du Parle-
ment, dans le droit de directe seigneurie censuelle sur les marais de Saint-Mi-
chel et de Cosse, situés dans retendue du marquisat d'Aligre, [ci-devant seigneu-
rie de Marans]; fait défenses à Monsieur l'évêque de La Rochelle [de Crussol
d'L'zès] de se qualifier seigneur de (lusse ; ordonne que les droits à la charge
desquels il a l'ait adjuger les marais, ne seront réputés que rentes foncières et
secondes; condamne les intéressés au dessèchement des marais à passer décla-
ration au terrier, exhiber leurs titres, et payer les droits seigneuriaux : [un sol
par arpent de cens noble et seigneurial, emportant fief et juridiction, lods et
ventes, et amendes, payable annuellement à la Saint-Michel]. » Cet arrêt im-
primé (23 pages in-4°) appartient à la collection de la Bibliothèque nat.(à la date).
Les mots entre crochets n'appartiennent pas au titre : ils sont explicatifs.
II
LE PARLEMENT
DÉFENSEUR DE LA PROPRIÉTÉ
ET DE LA LIBERTÉ
LÀ REFONTE DES MONNAIES
Parmi les opérations les plus scandaleuses du ministère de Galonné
esl la refonte des monnaies d'or ordonnée par la déclaration du
30 octobre 1785 et les lettres patentes du 18 janvier 1780. Ce fut non
seulement un emprunt dissimulé, mais un véritable guet-apens
financier. Dès le 23 février, « un de Messieurs » dénonça1 au Parle-
ment le caractère et les conséquences déjà sensibles de cette refonte.
Le public est alarmé des suites d'une opération de finances qui paraît
avoir été enregistrée en la Chambre des monnaies le 27 du mois de janvier
dernier; les expressions de son enregistrement nous montrent jusqu'à quel
point elle s'y est refusée, et nous devons avoir assez de confiance dans le
zèle et les lumières des magistrats qui la composent, pour croire que leur
résistance a été principalement fondée sur l'opinion démontrée de leur incom-
pétence dans une maiière d'une aussi grande importance. Il résulte en effet
des lettres patentes dont il est question un véritable emprunt, quoique déguisé,
dont l'exécution peut attirer le crédit public en diminuant la fortune des par-
ticuliers. L'obligation de recevoir aux hôtels des monnaies des reconnaissances
payables à un mois de date en échange des anciennes espèces, l'obligation
d'apporter les anciennes reconnaissances délivrées par les directeurs des mon-
1. Depuis l'édit do nov. 1774, lo procureur général avait soûl lo droit de dénon-
ciation. Lorque dos membres du Parlement étaient instruits de faits qui leur
paraissaient devoir être dénoncés, ils devaient en informer le premier président ou
celui qui tenait sa place, pour, sur le compte rendu fait en la grand'chambre,
être enjoint au procureur général do faire la dénonciation : ce qu'il no pouvait
refuser. « Mais, dit Boucher d'Argis, cette loi ne s'exécute pas. »
42 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LA PROPRIÉTÉ,
naies pour recevoir, au lieu d'espèces nouvelles, des reconnaissances nouvelles
dont le payement est retardé d'un mois, les formalités qui seules peuvent aux
termes de ces lettres patentes assurer leur authenticité, ainsi que celles du
dépôt fait aux hôiels des monnaies, étaient faites pour justifier les inquiétudes
du public. Les engagements qui résultent pour les finances du roi de l'intérêt
d'un tiers pour cent par mois accordé à ses reconnaissances suffisent aujour-
d'hui pour fixer l'attention du Parlement, et prouvent en même temps que ces
lettres patentes ne peuvent devenir loi de l'État sans y être délibérées. La
stagnation des anciennes espèces qui résulte de la précipitation avec laquelle
cette refonte des espèces d'or a été ordonnée, le défaut de précaution dont
elle a été accompagnée dès le principe, les engorgements qui en seront la suite,
les non-valeurs considérables qu'auront à souffrir les particuliers, annoncent
qu'à l'expiration de ces engagements ils seront nécessairement renouvelés, et
qu'ainsi l'Administration pourrait s'approprier pour un temps une partie du
revenu du royaume... Principiis obsta.
A la suite de ce récit, le Parlement rédigea le 16 mars des Remon-
trances qu'il vint apporter à Versailles le 27. La minute, insérée dans
le procès-verbal du 28, a neuf pages. En somme, le Parlement fait
ressortir que le marc d'or des anciennes espèces est sur le pied de
750 livres, celui des nouvelles sur celui de 708 livres. Par conséquent,
ajoute-t-il, c'est moins une refonte qu'une altération des monnaies;
elle est dangereuse pour le commerce, elle ne favorise que l'agiotage,
elle est attentatoire à la propriété légitimée :
C'est un véritable impôt de 18 livres par marc d'or que Votre Majesté
prélève sur tout l'or du royaume, un impôt de 18 millions sur 1 million de
marcs d'or de refonte. Ressource illusoire pour vos finances, Sire, si l'on
considère que Votre Majesté dépensant seule presque autant que tous ses
sujets ensemble, elle porte seule près de la moitié du préjudice que l'État en
souffre1.
Le roi soutint les actes de son ministre. A partir de ce moment on
voit se perpétuer à Paris les spéculations malhonnêtes des particuliers
et des compagnies privilégiés. L'Etat, ayant donné l'exemple, tolère
tout, pourvu qu'il ait sa part des bénéfices, ou qu'il l'espère.
LES ACTIONS DE LA COMPAGNIE PÉRIER
RÉCIT D'UN DE MESSIEURS DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DES ENQUÊTES
SUR L'AGIOTAGE2 (28 JUILLET 1787)
Si la Cour a cru devoir proscrire les assemblées de jeux, si tout le monde
a applaudi à la sagesse de son arrêt, combien l'objet qui va faire la matière
1. Arch. nal., X 1b 8984 (aux dates indiquées dans le texte).
2. Le Parlement avait été prévenu, dans cette grave question, par Mirabeau. Ost
ET DE LA LIBERTE 43
de notre délibération doit-il lui paraître important, et combien doit-elle
compter sur la reconnaissance publique ! Il ne s'agit pas seulement de veiller
à quelques intérêts particuliers, de défendre la fortune de quelques familles,
de venir au secours de quelques imprudents : il faut apporter un remède
instant à un mal extrême qui fait la calamité de cette capitale, et dont le poi-
son circule déjà dans tout le royaume. Ce poison mortel, c'est l'agiotage.
Prononcer ce mot suffit pour réveiller l'indignation publique»: c'est le fléau
le plus cruel qu'eût jamais enfanté le délire de l'égoïsmc.
Je voudrais pouvoir détourner vos regards de dessus le spectacle impur des
associations criminelles, des opérations tortueuses, des monopoles monstrueux
des agioteurs. Mais il importe que vous connaissiez les conséquences funestes
des artifices incendiaires de ces gens avides dont la coupable ligue menace la
société d'une dissolution prochaine.
Si l'on porte un coup d'œil sur l'état général des choses, on voit que cinq
années sont bientôt révolues depuis le retour de la paix, et qu'elles se sont
écoulées infructueusement pour la félicité publique. Des Ilots de numéraire
circulent à Paris, il est vrai, et l'or y afflue de toutes paris : mais les biens-
fonds n'ont jamais été plus décrédités, et ils sont une ressource inutile entre
les mains des propriétaires. Les négociants sont obligés de faire des emprunts
ruineux; les manufactures languissent dans les provinces; le commerce s'éteint.
Toute espèce de travail productif et d'industrie honnête est devenue impos-
sible, et les temps de la disette la plus grande, des guerres les plus malheu-
reuses laissaient plus d'argent aux besoins du citoyen. Comment donc les
effets de l'extrême indigence se font-ils ressentir au sein de l'opulence ? C'est
parce que les sacrifices les plus insensés ne coûtent rien aux agioteurs, pourvu
qu'ils puissent exécuter leurs opérations. Les capitalistes, qui rougiraient
d'exiger ouvertement au delà de l'intérêt que la loi les autorise à prendre,
croient pouvoir partager obscurément avec eux les profits illicites de leurs né-
gociations. Leur cupidité augmente en raison de la prodigalité de ceux qui leur
empruntent. C'est ainsi que l'agiotage vient à bout d'absorber plus de valeurs
que le commerce le plus florissant n'en peut produire ou faire circuler. Quel
triste échange ! Il ne résulte de l'agiotage qu'un mouvement inutile de millions
d'un portefeuille dans l'autre. Peut-on regarder de telles manœuvres comme
une compensation des avantages qui naîtraient d'un commerce légitime? Peut-
on calculer la perte que cause à l'État la distraction des fonds que l'usure
arrache aux avances des travaux utiles pour être employés à un jeu stérile et
corrupteur ?
Si l'on veut considérer les malheurs particuliers qu'entraînent les coupables
en 1787 que parut la Dénonciation de l'agiotage au roi et à l'Assemblée des
Notables, par le comte de Mirabeau, suivie du plan des opérations de l'abbé
d'Espagnac pour soutenir et continuer le monopole des actions de la Compagnie
des Indes (in-8° de 14FJ p., 1787). Mirabeau désigne par leurs noms les principaux
fauteurs et agents des opérations d'agiotage, Necker, Barroult, d'Espagnac, le
comte de Senef, le sieur Pyron, Lalanne, déjà célèbre par la banque de Saint-
Charles, Saint-Didier, Dupleix de Sainte-Albine, etc. Il termine par une véhé-
mente apostrophe, et, par une saisissante description du caractère malhonnête
et cauteleux du ministre de Galonné, que toutefois il ne nomme pas. — Le roi
ordonna d'enfermer Mirabeau à la tour de Ilam : mais il fut averti et s'enfuit en
Prusse.
44 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LA PROPRIÉTÉ
manœuvres des agioteurs, ils sont si grands en eux-mêmes et si multipliés
qu'on doit les regarder comme une calamité publique. Les agioteurs se font
entre eux une guerre cruelle; mais ils se réunissent tous pour surprendre
les gens honnêtes et s'enrichissent de leurs dépouilles qui doivent servir d'ali-
ments à leurs combats scandaleux. Leurs succès sont toujours certains. Car
qui peut-être aussi actif qu'ils sont avides ? aussi clairvoyant qu'ils sont arti-
ficieux? 11 faudrait avoir leur àme pour démêler les pièges et toutes les per-
fides illusions que leur cupidité sait multiplier selon le besoin. Le bon sens,
la bonne foi, les notions les plus justes, les combinaisons les plus raisonnables,
se trouvent infailliblement déçus; ceux mêmes que leur prudence tient éloignés
de toute espèce de spéculation deviennent encore malgré eux les victimes de
l'agiotage. Tantôt des avis faux sont semés à propos pour donner de l'in-
quiétude sur la solvabilité de ceux dont la fortune est la plus assurée, et l'on
pousse la fraude jusqu'à faire escompter leurs effets à perte. Tantôt on inspire
des doutes sur la sûreté des effets royaux : et toutes ces menées n'ont d'autre
but que de fixer le désir du public sur ceux qu'ils ont en plus grand nombre
pour s'en débarrasser au prix le plus haut. La Cour voit déjà la chaîne de ces
renversements de fortune qui nous ont autant surpris que scandalisés, et il
importe sans doute essentiellement au bon ordre que nous apportions une
attention sérieuse à ces manoeuvres qui sont un délit véritable. Il est temps
de proscrire ces marchés honteux où les uns vendent ce qu'ils n'ont pas, ce
qui n'existe même pas, et les autres achètent ce qu'ils ne peuvent payer. Un
exemple achèvera de démontrer la nécessité de penser efficacement à réprimer
tant d'abus.
La Compagnie des Eaux de Paris a obtenu, le 20 août 178G, un arrêt du
Conseil par lequel le roi lui permet d'établir une chambre d'assurance conlrc
les incendies, à la charge d'avoir un fonds de 4 millions en bonne et réelle
valeur, restant toujours intégralement existant pour servir de sûreté et de gage
aux propriétaires qui feraient assurer leurs maisons. Le sieur Sainte-James fut
dépositaire de ces 4 millions lors de sa faillite. Les administrateurs de la com-
pagnie demandèrent celte somme à la commission qui leur a provisoirement
adjugé ce qui restait, consistant en 2,1 45,000 livres de billets d'emprunts,
41-2,000 livres de lettres de change bonnes ou mauvaises, 255,000 livres en
argent. : total 2,842,000 livres. Ainsi, il y avait déjà un déficit de 1,158, 000 livres.
Les administrateurs actuels ont vendu des bordereaux d'emprunts, et ont
acheté avec leur produit des actions des Eaux pour les faire remonter, et leur
donner de la faveur. 11 y aurait certainement une prévarication répréhensible
de vendre les effets destinés à offrir aux propriétaires une sûreté des maisons
qu'ils font assurer. Ce serait une preuve nouvelle de l'excès auquel peut en-
traîner la fureur de l'agiotage. Le roi, par un arrêt du Conseil du '14 de ce
mois, après avoir rétabli le cours de la justice sur cette matière, a défendu
qu'à l'exception de la Caisse d'escompte, aucun papier ou effet de compagnie
particulière fût crié ou coté à la Rourse, y jouît d'aucuns avantages apparte-
nants aux effets royaux, et que leur cours fût inséré dans les papiers publics.
Mais la sagesse de ces mesures n'empêche pas l'agiotage de se perpétuer,
même à la Rourse, par des opérations clandestines qui trompent les intentions
bienfaisantes du roi. Il est réservé à la justice souveraine que la Cour exerce
de consommer ce grand projet, en arrêtant les agioteurs par la crainte des
peines, en même temps qu'elle obtiendra par leur information juridique une
ET DE LA LIBERTÉ 45
foule de détails que la cupidité dérobe à l'administration la plus vigilante et
la mieux intentionnée.
Vu : D'Aligre.
Le 18 octobre 1787, le matin, la question fut reprise par un des
membres de la Chambre des vacations :
A la tête de l'association [qui joue à la hausse sur les actions Péricr] est
une maison de banque genevoise qui a fourni presque tous les fonds. La plus
grande partie des engagements que les joueurs de Paris ont contractés avec
elle de lui fournir des actions échoit au 31 de ce mois. Nous sommes aujour-
d'hui au 18. Ainsi, si la Chambre n'interpose point son autorité, l'on court
risque de voir sortir du royaume, sous quinze jours, des sommes énormes qui
tourneront en entier au profit de l'étranger.
Sur ce récit, Me Mathieu-Louis de Mauperché, doyen des substituts
du procureur général du roi, fit le 21 octobre un réquisitoire que l'on
peut résumer en quelques mots : les actions de la Compagnie Périer
ont été accaparées au moyen de fonds fournis principalement par une
maison de banque étrangère ; et ceux qui se sont engagés à en délivrer
à date fixe n'ont pu ou ne peuvent le faire qu'en les payant eux-mêmes
à un taux immodéré. De tels engagements doivent cire tenus pour
nuls '.
LA CAISSE D'ESCOMPTE
SÉANCE PLÉNIÈRE DU 30 JANVIER 1789
Un de Messieurs de la grand' chambre signala au Parlement deux
actes importants du Conseil du roi, du 29 décembre 1788 et du 17 jan-
vier 17892.
La première loi du commerce et de la banque est l'obligation qui astreint
tout débiteur à payer ses lettres de change à vue, en espèces au cours de la
place. Par un arrêt du Conseil du 29 décembre 1788, la Caisse d'escompte est
dispensée de celle obligation. Dès le 18 août précédent, elle avait obtenu, pour
quatre mois, cette surséance que l'arrêt du 29 décembre a prorogée jusqu'au
1er juillet prochain. Au lieu d'argent, elle est autorisée de nouveau à donner,
en payement de ses billets, de bons effets sur particuliers ; et, à leur tour, les
débiteurs de ces effets sont autorisés à les solder en billets de la Caisse d'es-
compte. Ainsi tout le système de l'arrêt du 29 décembre est de forcer le por-
teur des billets de la Caisse à accepter d'elle pour valeurs des effets payables
1. Arch. nal., X In 8981 (aux dates).
2. Le récit fut vendu imprimé, pour 4 sols(pièce in-8° de 15 pages;. - La mi-
nute est aux Arch. uat., X 1b 81)89 , 30 janvier 1789.
46 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LA PROPRIÉTÉ
en argent, et d'obliger le porteur de ces derniers effets à prendre pour argent
des billets de caisse. En un mot, le billet noir, depuis l'arrêt du Conseil, n'est
plus un papier à vue avec lequel on puisse sur-le-champ réaliser des espèces.
C'est un papier-monnaie avec lequel, sans argent, on paye valablement tous
les effets de commerce échus, et l'on en est payé malgré soi. 11 est, en outre,
fait défenses à tout huissier de dresser aucun protêt pour raison des lettres de
change qu'on offrirait de payer en billets noirs; à tout officier de se prêtera
aucune poursuite, à tous juges, même aux Cours souveraines, d'en connaître :
toute contestation à cet égard est évoquée.
Un autre arrêt du Conseil du 17 du présent mois n'est pas moins important
à connaître et n'a que trop de rapports avec celui du 29 décembre. Le Roi y
accepte pour quinze mois un prêt de 25 millions à lui offert par les action-
naires de la Caisse d'escompte. Par un article du dispositif le roi solde d'avance
aux prêteurs leur capital et leurs intérêts, par la délivrance qui leur est faite
sur-le-champ d'assignations sur les aides et gabelles, postes, fermes et tous
autres revenus publics, le tout payable en avril 1790, et remis dès lors aux
administrateurs de la Caisse, qui les viseront, les signeront, et les coteront
comme chose à eux appartenante.
De plus, l'arrêt admet le partage des dividendes présents et à venir entre
les actionnaires de la Caisse d'escompte, et portion de ce dividende est ré-
partie entre eux par l'arrêt du Conseil de manière à former pour les prêteurs
des 25 millions un nouvel intérêt de plus de 5 pour cent, additionnel à celui
de 5 pour cent que le roi se charge de payer. 11 suit de là que, sans payer ses
billets à vue, la Caisse est autorisée à s'approprier comme légitime le béné-
fice accoutumé qu'elle tire de ses escomptes, et que ses créanciers, qui perdent
tout droit au recouvrement de leurs espèces pendant six mois, ne peuvent plus
saisir et arrêter ce bénéfice obtenu par la Caisse avec leur propre argent.
Cette double opération, qui dans les tribunaux serait déclarée frauduleuse de
la part de toute maison de commerce ayant failli, devient, par l'arrêt du Con-
seil, licite et permise à une société assez riche et assez inconséquente pour
d'une main recevoir cette surséance comme si elle ne l'avait pas sollicitée, et
de l'autre offrir un prêt de 25 millions comme si on ne l'avait pas exigé d'elle;
à une société qui a des millions pour les prêter et pour partagera ses associés
des bénéfices, et qui ne trouve aucun numéraire pour payer ses dettes, ou
plutôt qui, ayant (dit-elle) beaucoup de numéraire, est dispensée, de l'employer
à restituer ce qu'elle a pris en dépôt et à solder ses billets à vue.
Il s'offre ici deux réflexions bien affligeantes, relativement à la date des
arrêts du Conseil. Le 18 août 1788, le crédit venait d'être ébranlé d'une façon
convulsive, et la confiance était entièrement détruite par l'annonce faite la
surveille d'une faillite universelle : situation déplorable qui autoriserait à
penser que le ministre n'en était venu à cette extrémité qu'après avoir disposé
pour lui-même d'une partie du numéraire de la Caisse. Le 29 décembre, au
contraire, le ministère ne donne six mois d'un nouveau délai qu'après avoir
annoncé que le numéraire est revenu dans la Caisse, que ses administrateurs
ne méritent aucun reproche d'indiscrétion ; que la Caisse pourrait raisonnable-
ment reprendre ses payements; mais qu'on a cru devoir se mettre en garde
contre les orages éventuels produits par l'opinion.
La seconde réflexion, non moins douloureuse, se rapporte encore à la date
même de la décision du Conseil. C'est à partir du 1er janvier 1789 que la
ET DE LA LIBERTÉ 47
surséance accordée à la Caisse va commencer ; c'est-à-dire de ce même mois
où l'Assemblée de la Nation devait se tenir suivant la déclaration du 23 sep-
tembre 1788; Assemblée qui, composée des représentants du peuple français,
c'est-à-dire de la nation la plus loyale, n'eût jamais avoué ni soufferl une telle
infidélité : en sorte que c'est par suite de l'inexécution de cet engagement
solennel, annoncé légalement au nom du Roi, et accepté par la France entière,
qu'ont été staluées des dispositions fatales à une foule de citoyens et effraijantes
pour tous.
Quoi de plus cruel en effet que cette surséance? La société de banque la
plus considérable du royaume par l'étendue de ses spéculations est autorisée à
manquer a ses engagements, et cela pour six mois. Ce qu'elle a touché libre-
ment et avec un profit évident d'escompte, en argent comptant, à la charge de
le rétablir en même monnaie, elle peut le rendre en papier mort, ou en billets
actifs pour lesquels on n'obtiendra qu'un papier mort, en retenant tout son
numéraire dont elle retirera pour elle seule de nouveaux profits...
Si la Nation assemblée demandait au roi une telle loi, il est douteux qu'aux
yeux d'un homme de probité cette décision fût valable; il est probable que les
nations étrangères en appelleraient au droit des gens; il est certain que, pour
que la loi fût juste, il faudrait qu'elle fût portée pour tous les négociants, pour
tous les banquiers sans exception, puisque le propre de la Loi, comme résultat
du vœu général, est de lier tous les citoyens. Enfin la conscience prononce
qu'il serait inique à la Nation de donner à celte loi subversive, de l'ancien
ordre des choses un effet rétroactif.
Ici, l'exception à la loi, un privilège inouï est établi par un pouvoir qui
n'est pas celui de la Loi, qui ne s'appuie pas sur elle, qui est impuissant pour
la changer, et qui ne prétend pas même l'altérer. Car l'arrêt du Conseil recon-
naît et conserve le droit des créanciers porteurs d'effets de commerce sur
d'autres places, et même sur celle de Paris, vis-à-vis des débiteurs qui
n'offriraient point en payement des billets noirs. 11 admet, il trouve bon que des
juges et consuls leur délivrent des sentences; que des notaires déposent dans
leurs études les titres dont ils sont munis; que des huissiers dressent pour
eux des protêts et les signifient à leurs débiteurs. La seule Caisse d'escompte
obtient une surséance ; ses créanciers seuls sont lésés en ce point : et quant
au remboursement forcé en billets noirs des effets de commerce à vue, cette
classe unique de négociants en est grevée, dont les débiteurs se trouveront
nantis des billets de la Caisse. Ainsi l'efficacité ou l'impuissance de deux
titres parfaitement semblables entre eux devient un jeu de hasard. Le pouvoir
de la Loi n'est plus qu'une chance de la fortune. Une Compagnie riche et
puissante, chez qui l'or abonde, au moment même où ses profits s'accroissent,
échappe à la contrainte par corps décernée par la loi, et si souvent prononcée
à regret parles tribunaux contre le négociant pauvre, abattu par des revers,
ruiné par des malheurs auxquels sa probité ni sa prudence n'ont pu le sous-
traire. Enfin le dernier état des choses qui aura précédé immédiatement en
France l'époque du rétablissement d'un ordre fixe et invariable si souvent
promis, sera la confusion de tous les droits violés et anéantis sans nécessité,
sans excuse, et au nom de ce Prince juste qui a dit qu'il voulait affermir tous
les principes et revivifier tous les organes du Corps politique...
Dans des jours plus sereins, le Monarque et la Nation ont défendu aux
magistrats d'obtempérer à des commandements injustes et surpris. Le soutien
48 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LÀ PROPRIÉTÉ
des droils de tous contre la fraude et l'abus de la puissance est la plus sacrée
de leurs obligations. Us prévariquent s'ils se taisent, et c'est de leur part
s'associer au délit que de partager le silence du faible à qui l'effroi ferme la
bouche... La grande police de l'État, le soin d'assurer sa tranquillité par l'exé-
cution des lois leur est dévolu. Or, en ce moment le péril nous menace et déjà
le mal est extrême. 11 est notoire qu'au trésor royal l'on paye en billets noirs
ce que l'on acquitte de débets. On assure que les payeurs des rentes les offrent
aux créanciers de l'État, et les pressent vivement de les accepter, au lieu
d'espèces. Ces billets circulent en foule. La fabrication en appartient à une
Caisse en faillite, protégée par le pouvoir, et par lui soustraite à l'action des
lois : la fabrication du papier appartient donc au pouvoir. Il est donc maître
d'une monnaie nouvelle dont le coin est dans sa main. L'affluence de cette
monnaie fait craindre qu'il n'en use à volonté. Il est certain qu'il retient et
concentre les espèces. Il a sursis le remboursement des capitaux à terme fixe;
il* a reculé de quatre mois les arrérages courants à la Ville; ceux dus parle
Trésor en petites parties ne s'acquittent plus, ou ne se payent qu'avec une len-
teur extrême. Qui peut empêcher qu'il n'accapare un immense numéraire? Qui
peut dire que l'emprunt de 25 millions ne soit pas destiné à solder de précédents
emprunts inaperçus; et que son remboursement réalisé par les assignations
données d'avance aux actionnaires n'ait pas pour objet de rendre praticable, vis-
à-vis des mêmes prêteurs, la continuation indéfinie des mêmes ressources?
Sans doute la volonté du Roi est contraire : car il veut que la Nation « exerce
tous ses droits », qu'elle soit l'arbitre des emprunts, comme des impôts, de
leur forme de perception, de l'immutabilité des assignats, de la sanction et de
l'hypothèque des nouvelles dettes. Mais le roi a voulu aussi (et depuis l'arrêt
du 17 janvier, il veut en vain) que les lois, même bursales, soient exécutées
jusqu'aux États généraux, que les assignats promis à ses peuples et aux étran-
gers ne soient point abolis ; qu'on ne rembourse point des emprunts illégaux
avec l'argent pris aux anciens créanciers délégués sur les aides et gabelles,
les fermes, les postes et autres revenus publics.
Il veut que la bonne foi règne, que la justice se rende : et par les deux
arrêts la bonne foi est détruite, la justice est sans force, les droits sont en-
freints; du papier est donné pour de l'argent. Un prêt ou illusoire ou fraudu-
leux à plus de 10 pour cent, et déjà remboursé, est déclaré une offre patrio-
tique. Les créanciers légitimes de l'État sont spoliés ; la fortune publique est
compromise. Mais la Loi parle encore : on ne surprendra point sa vigilance,
on n'éludera point la fermeté de ceux qui ont juré de lui rester à jamais fidèles.
Ils se sont dévoués au Prince, qui les a chargés de son exécution, et à la Nation,
à qui le dépôt des commandements sacrés de la justice appartient comme
celui de sa morale publique. Ils continueront de voir la Nation où elle est, c'est-
à-dire dans la réunion des citoyens de tous les ordres, et non pas seulement dans
un petit nombre de capitalistes dont beaucoup sont étrangers à la Patrie par
leur naissance, animés par leur intérêt personnel, et prétendent s'identifier
avec la France, en se livrant à des spéculations qui sapent la foi publique et
la loi, et qui ébranlent la Constitution '.
Le Parlement arrêta qu'il n'y avait pas lieu de délibérer.
1. « Le sieur abbé Lecoigneux de Belabrc, conseiller de grand'chambre, ayant
entrepris de dénoncer la Caisse d'escompte et les opérations de M. Necker rcla-
ET DE LA LIBERTÉ 49
LES CHARTRES PRIVÉES
RÉCIT D'UN DE MESSIEURS DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DES ENQUETES
SÉANCE PLÉNIÈRE DU PARLEMENT, LE 14 FÉVRIER 1783, DU MATIN I
Monsieur, un fait particulier venu à la connaissance de [MM. de] la première
chambre des enquêtes les a mis à même de constater qu'il existe en cette Ville
plusieurs maisons de force qui deviennent pour des citoyens, peut-être inconnus,
de véritables cachots où ils languissent des années entières prives de tout
secours, même de ceux que la sévérité des lois et la vigilance de leurs
ministres ne refusent pas aux scélérats convaincus des plus grands crimes.
Messieurs vont entendre les circonstances du fait particulier avec les preuves
qui l'établissent. Ils en induiront la certitude malheureusement trop frappante
de l'existence de plusieurs chartes 2 privées, et du traitement qu'y éprouvent
ceux qu'on y enferme.
Un officier du siège de l'amirauté qui exerce en même temps la profession
d'avocat fut informé, vers le commencement de décembre 1779, de la disparition
soudaine d'un de ses clients, et bientôt après de sa détention qui avait eu lieu
le 20 octobre de la même année. Des notes informes écrites par le prisonnier
sur des cartes à jouer qu'il avait attachées l'une à l'autre, et ensuite une lettre
datée du 17 décembre de la même année, et qui contenait le détail de ses
malheurs, échappèrent à la vigilance des geôliers de la prison, et instruisirent
l'avocat du lieu où était resserré le sieur de Rodouan de Morlaincourt : c'est le
nom de ce particulier que l'on dit noble et ci-devant propriétaire de terres
dans le Barrois. Elles lui apprirent aussi qu'il était à un secret impénétrable en
vertu d'ordres du roi, dont il ignorait les motifs, « n'étant ni criminel, ni fou,
ni, grâces au ciel, en disposition de le devenir (ce sont ses termes); au surplus,
privé de la liberté d'écrire, ne devant qu'à la charité d'une personne compa-
tissante le papier et l'encre dont il se servait dans le plus grand mystère;
réduit au pain et à l'eau, sans peigne, et absolument dans la pourriture ».
Le surplus de sa lettre indique les précautions de prudence qu'il croit
nécessaires pour ne point compromettre la personne de qui il tient la facilité
d'écrire malgré ses surveillants, et les mesures à prendre pour obtenir de la
tives à cette caisse, celte dénonciation donne lieu ù de très longues discussions"
et à un combat d'opinions dont tout le résultat est d'arrêter en définitive qu'il n'y
avait lieu à délibérer. » (30 janvier 1789.) Dans la même séance, les dénoncia-
tions du chevalier de Guer contre Necker furent très mal reçues. Le Parlement
se tenait sur ses gardes. Le bruit courait qu'un comité secret tenu à Versailles
avait décidé, à la première occasion où il donnerait prise sur lui, sa translation
à lliom jusqu'après la tenue des États généraux, « dans lesquels il y avait tout
lieu de prévoir que l'on se proposait d'eu restreindre les membres à la seule
fonction de jugeurs, parti qui serait pris également à l'égard de tous les autres
parlements du royaume ». Ainsi le plan de Maupeou, repris par Lamoignon,
n'était que « suspendu dans son exécution ». (Hardy, t. VIII, p. 218-219.)
1. Arch. nat., X 1b 8978, à la date. — Le récit est de d'Espréménil. 11 s'adresse,
suivant l'usage, au premier président (d'Aligre).
2. Chartres.
i
50 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LA PROPRIÉTÉ
police la liberté de le voir. Il règne dans les pensées et la diction de la lettre
autant d'humanité que de méthode.
Cette lettre parvenue à l'avocat, celui-ci lia avec le magistrat chargé de la
police * une correspondance, et lui fit de vive voix les instances les plus vives
pour obtenir la liberté de voir le sieur de Morlaincourt. Il fut refusé : on ne lui
parla point de folie, mais de pauvreté et d'un fait de mendicité qu'il crut
pouvoir dénier, en représentant que personne ne connaissait mieux que lui la
situation du sieur de Morlaincourt, qu'il était son conseil, qu'il suivait au
moment même des instances pour lui au Parlement; qu'il venait d'obtenir un
arrêt provisoire très favorable, au rapport de M. de Chavanne *; que, quoiqu'il
eût éprouvé des revers considérables, il lui restait des ressources, des parents,
des amis; qu'enfin le cachot, ou un secret aussi impénétrable que le cachot,
excluait-jusqu'à l'idée de cette prétendue mendicité qui n'avait nulle propor-
tion avec un traitement si rigoureux : tout fut inutile, et l'avocat refusé se
contenta d'écrire, sous le couvert du magistrat de police, une lettre purement
d'affaires à son client, que celui-ci n'a jamais reçue.
Vers le mois de mai 1780, le prisonnier fit passer une nouvelle note par
laquelle il annonça qu'il avait écrit cinq lettres au magistrat de police en date
des 19 février, 5 et 7 mars, 1G et 19 avril, avec trois autres au moins, incluses
dans les paquets et adressées à son défenseur. Il priait celui-ci de renouveler
ses supplications vis-à-vis de M. Le Noir ou de M. Amelot '. Il demandait qu'on
veillât sur ses effets, sur son linge et ses papiers, formant le volume de deux
malles, le tout resté chez lui, disait-il, depuis sept mois à l'abandon, et tout
ouvert. Rien n'a changé depuis cette époque, et le prisonnier aurait peut-être
été oublié pour toujours, si le 23 janvier dernier une nouvelle lettre ne fût
parvenue à l'avocat. Elle lui a été adressée et envoyée par un homme qui
paraît l'avoir ramassée le long des murs de la prison, et qui, par compassion
pour l'être malheureux qui y faisait la peinture de son affreuse détresse et des
rigueurs de sa captivité, l'a mise à la poste en l'enfermant dans une autre par
lui écrite et non signée, mais accompagnée d'indications si précises qu'il
serait facile de remonter jusqu'à la main qui a rendu au prisonnier cet impor-
tant service.
Au surplus de telles recherches, propres à éclairer et convaincre Messieurs,
semblent désormais inutiles, depuis que, cédant moi-même au sentiment de la
pitié, je me suis moi-même, avec l'autorisation de Messieurs de la première,
transporté au lieu de détention du sieur de Morlaincourt. Son existence actuelle
m'a été attestée par le geôlier et l'hôtesse de ce triste séjour (le maître étant
absent pour l'heure) : son bon sens, sa misère profonde, la durée de sa capti-
vité, m'ont été confirmés par leur récit, auquel s'est trouvé parfaitement con-
forme le registre, ou plutôt la suite des registres du commissaire du Châtelet,
qu'ils m'ont indiqué comme visitant de loin en loin leur maison. Il m'a paru
naturel de me procurer ce nouveau degré de certitude. Je me suis rendu chez
le commissaire, qui m'a satisfait sur l'heure, et j'ai reconnu l'exactitude de
tous les faits allégués par le prisonnier, ou avoués par ses geôliers, en ouvrant
son registre de l'année 1779. C'est dans cette pièce importante, et trop digne
1. Lenoir.
2. Conseiller de la grand'chambre.
:S. A kirs ministre du département de Paris.
ET DE LA LIBERTÉ SI
de fixer les regards du ministère public, que j'ai voulu lire moi-même. C'est
là que j'ai vu, au milieu du nombre infini d'articles qui remplissent ce volume
immense, l'article du sieur de Morlaincourt. 11 s'y trouve, à la vérité, émargé
du mot « fou », mais à peine ce mot avait-il frappé mes yeux, que le commis-
saire m'a prié de lire l'article entier : et j'ai vu le démenti de cette assertion
de folie écrit de sa propre main, par l'addition de ces mots placés immédiate-
ment au-dessous : « ne le paraît point être », ce qu'il m'a confirmé de vive
voix à plusieurs fois. Il était impossible que je ne fusse pas frappé de cette
circonstance si décisive de l'opinion que le commissaire lui-même, inspecteur
de la prison, s'était formée de l'état de son prisonnier, surtout en le rappro-
chant du ton de ses lettres, où il parle de son affaire avec prévoyance et avec
netteté, du témoignage de l'hôtesse et de son geôlier qui, après un séjour de
quarante mois et plus qu'il a fait chez eux, m'ont déclaré qu'il jouissait de son
bon sens, et enfin du silence du magistrat de police sur cette inculpation de
folie, dans ses relations avec un avocat, son conseil et son défenseur. Il m'a
paru évident que ce titre de « fou », donné au sieur de Morlaincourt au moment
de sa détention et désavoué par les faits et même par les écrits de l'ordonna-
teur de la maison, n'avait été placé que comme une excuse préparée de loin
pour légitimer en apparence une démarche dont on espérait peut-être que les
motifs ne seraient jamais sérieusement recherchés. J'oubliais de dire à
Messieurs que le style de la dernière lettre est aussi touchant, aussi mesuré,
et indique une tête et une raison aussi calmes que les trois autres ■ : et com-
ment aurais-je pu me méprendre sur la situation réelle de l'esprit de cet
homme, lorsque je venais d'entendre, de la bouche du geôlier et de la maî-
tresse, que le[ur] seul grief contre le prisonnier était qu'un jour, il y a dix-huit
mois environ, le sieur de Morlaincourt et un compagnon d'infortune logé dans sa
chambre (j'ignore depuis quel temps) s'étaient sauvés, et leur avaient fait faire
bien du chemin pour les rejoindre, ne les ayant rattrapés qu'à Charenton à
l'aide de la maréchaussée.
A compter de cette époque, le prisonnier est resté couché nuit et jour,
n'ayant (à ce qu'il dit) ni culotte, ni bas, ni souliers, privé de feu depuis deux
hivers, manquant d'air, de vin, de nourriture suffisante, étroitement renfermé
sous des barres de fer et des cadenas, à plus de cent degrés de haut, exposé
au plus grand froid, n'ayant pu obtenir, en santé ni même en maladie, de se
confesser depuis trois ans», et privé même d'entendre la messe depuis dix-huit
mois, quoiqu'on la dise dans la maison.
Je n'ai pu faire parvenir jusqu'à lui même aucun mot de consolation, les
geôliers ayant défense absolue de le laisser voir à qui que ce soit. Le com-
missaire me l'a confirmé, tant à son égard qu'à celui de beaucoup d'autres
déposés dans les différentes retraites que l'autorité a choisies. Car Messieurs
sauront qu'il en existe plusieurs, et que le commissaire au Châtelet m'a nommé
entre autres un de ces receleurs qui, portant à ses fonctions toute la dureté
1. Cette insistance à démontrer que Morlaincourt n'était pas fou montre bien
que, dans l'opinion de l'orateur et de ses auditeurs, il ne pouvait être question
de justice lorsqu'il s'agissait d'uu fou avéré. Morlaincourt avait été {Je crois)
compromis dans l'affaire des chansons obscènes contre le roi et la reine.
2. Le prétexte de folie, eu écartant le prêtre, ôtait au prisonnier son dernier
espoir, et le privait d'un puissant moyen d'intervention.
52 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LA PROPRIÉTÉ
qu'elles supposent, lui a juré une haine implacable et l'a outragé publique-
ment sans qu'il en ait pu avoir justice, et ce, sur l'unique motif .qu'il avait
fait, à force de soins et de mouvements, tomber les fers de dix ou onze de ces
infortunés, et soustrait ces victimes à son avidité.
Le nom de cet officier est M° Joron, commissaire au Chàtelet, Vieille-rue-
du-Temple; le nom de l'avocat est M0 Martel, lieutenant du siège de l'Ami-
rauté, rue du Foin-Saint-Jacques, qui a fait excuse à la Cour de n'avoir pas
réclamé plus tôt sa protection souveraine pour son client sexagénaire, dont
l'existence prolongée et la raison encore saine après de tels malheurs semblent
garantir une fermeté rare, et une résignation appuyée sur des principes de
religion qui se produisent effectivement dans ses lettres.
Enfin le nom du préposé à la maison de force, dont la femme et le geôlier
(qu'on m'a dit être son neveu) m'ont parlé avec tant de sincérité, est Esquiros,
logé au Throsne, la seconde porte à droite, près la barrière. Sans que je me
fusse fait connaître à l'un ni à l'autre, ils m'ont déclaré détenir chez eux (outre
des fous) des personnes contre lesquelles l'administration donnait d'elle-même
ou accordait des ordres, tels que ceux qui retiennent le sieur de Morlaincourt :
ils m'ont aussi indiqué le nom et la demeure du commissaire Joron, dans les
yeux et sur le visage duquel j'ai aperçu tout le regret qu'il éprouve de ne
s'être pas entremis plus tôt pour essayer d'abréger du moins l'infortune de
celui dont il trouvait le nom apostille lui-même, d'une façon très touchante,
sur son registre de 1779, avec l'indication de son entière détresse, sans qu'il
paraisse, sur ses registres subséquents, qu'il ait continué de s'occuper des
demandes et des besoins du sieur de Morlaincourt.
Messieurs de la première des enquêtes ont cru, Monsieur, qu'il appartenait
à la Compagnie entière de pourvoir, si elle le jugeait à propos, à la conserva-
tion d'un individu privé, depuis près de quatre ans, de toute espèce de rela-
tion, à la sûreté de ses pareils, qui sont probablement en grand nombre, et à
la tranquillité des citoyens et de l'État, essentiellement liée à l'opinion de la
sûreté personnelle, enfin à la proscription de ces prisons ministérielles, d'où
parlent sans cesse des gémissements et des plaintes arrachés par la seule vio-
lence, et qui, sous un règne tout entier de justice, de raison et d'humanité,
semblent accuser à la fois la vigilance du Parlement, la fidélité des Peuples, la
clémence du Souverain et la sagesse de l'Ordre public.
Ensuite, un autre de Messieurs delà première chambre des enquêtes a dit:
Monsieur, je me crois obligé d'informer la Cour d'un fait qui paraît inté-
resser l'ordre public et la vie d'un citoyen.
Edmée Guillot, femme de Jean-François Minguet, cavalier surnuméraire de
robe -courte, ci -devant logée avec son mari, rue Saint- Martin, près la pri-
son, seule maintenant, rue Boucherat, près la rue Xaintonge, au Grand-Cerf,
s'est transportée chez moi avant la fin du mois dernier, et m'a déclaré qu'à la
fin de février 1782, son mari, étant en fonctions, fut arrêté par deux escouades
de la garde de Paris, lié et conduit chez le commissaire Le Relie, rue des Bil-
lettes, malgré les observations du sieur de Bochemur, son officier, qui répon-
dait de lui sur sa tête, et l'accompagna chez le commissaire pour se plaindre
d'un éclat aussi indécent; qu'il n'eut d'autre réponse de la part du commis-
saire, sinon que depuis longtemps les ordres étaient donnés d'arrêter ledit
Minguet partout où on pourrait le trouver, ajoutant qu'il était reconnu pour
un contrebandier à hautes armes; qu'il avait maltraité les employés, notam-
ET DE LA LIBERTÉ 53
ment le dimanche précédant sa capture, sur les'huit heures du soir, et qu'il
avait été reconnu par les employés qui n'avaient pu l'arrêter; que ledit Min-
guet, son mari, ignorant absolument ce dont on l'accusait, répondit par des
offres constantes de prouver le contraire, puisque, à pareils heure et jour, il
était sous les ordres d'un de ses officiers, qu'il n'avait quitté qu'à onze heures
du soir; que sa défense fut vaine et ses justifications rejetées; qu'il fut con-
duit d'abord à l'hôtel de la Force, et trois semaines après transféré d'ordre
du roi, sans confrontations, sans informations, en un mot, sans forme de pro-
cès, à Bicêtre, où ce malheureux, détenu depuis un an, sans avoir cessé de de-
mander, mais inutilement, qu'on le jugeât, se meurt du scorbut; que, dans cette
position, elle suppliait les magistrats supérieurs de lui prêter leur secours, et
d'employer leur autorité pour lui faire rendre son mari dont l'innocence était
certaine et la vie en danger. Voilà, Messieurs, ce que la femme Minguet m'a
déclaré.
J'ai pris des informations, d'abord, du lieutenant-criminel de robe-courte,
ensuite à Bicêtre, puis à l'hôtel de la Force. Il résulte d'un certificat du lieu-
tenant-criminel de robe-courte que Minguet a tenu dans cette compagnie une
conduite irréprochable. Le même certificat annonce que l'année dernière,
dans une assemblée de police, le commandant de la garde de Paris dit que
Minguet en avait été chassé ; mais sa femme m'a remis le congé en bonne
forme de cette compagnie donné audit Minguet, et visé par le commandant
lui-même : elle y a joint un autre congé en bonne forme de Roy al- étranger,
cavalerie, où Minguet a servi. Il résulte de l'écrou de Bicêtre que Minguet y
est entré le 8 mars 1782, et que l'ordre du roi en forme n'a été envoyé que
le 29 avril suivant. On lit au bas de cet écrou les mots que voici : Transféré
de l'hôtel de la Force; on ignore les motifs. Enfin, il résulte de mes recherches,
à l'hôtel de la Force, que Minguet n'y a point été écroué, lui non plus que
beaucoup d'autres, dans le temps dont il s'agit, et qu'il a été mis dans cette
prison comme en dépôt, sans autre mention que sur un livre informe intitulé
Calpin, remplacé aujourd'hui par un registre appelé de police, mais qui n'est
point un registre d'écrou, et dont il paraît qu'on ne donne ni ne laisse prendre
d'extrait aux simples citoyens sans un ordre du lieutenant de police.
Ces faits, Monsieur, ont paru à Messieurs de la première des enquêles
mériter l'attention de la Cour. Minguet réclame les droits de l'innocence, le
secours des lois, et, peut-être, les réclame trop tard. Je vous supplie, Mon-
sieur, de mettre en délibération ce qu'il convient de faire à ce sujet. La Cour
peut se convaincre, dès à présent, des trois faits exposés dans mon récit, par
trois pièces que je mets sur le bureau, savoir : le congé de Boyal-étranger,
le congé de la garde de Paris et copie littérale de l'écrou de Bicêtre.
Le premier président d'Aligre est chargé par arrêté du même jour,
11 février 1783, d'employer ses bons offices auprès du roi, en faveur
de Rodouan de Morlaincourt et de Minguet.
Le roi lui fit l'honneur de lui répondre : « Que les maisons de sûreté et de
police, les unes étaient sous l'inspection du lieutenant civil, les autres sous
celle du lieutenant de police, qui chargeaient aussi des commissaires d'y sur-
veiller; qu'il n'appartenait à aucun magistrat d'aller d'office privé visiter les
54 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LA PROPRIÉTÉ
Hospices établis par la police, que ce droit appartient au premier président
et au procureur général seuls, pour en rendre compte au Parlement lorsqu'il
[le] leur demande.
« A l'égard de Mainguet1, cela regarde la Cour des Aides.
« Pour ce qui est de Morlaincourt : « Je jsuis surpris que mon Parlement
« vous ait chargé de m'en parler; que cela n'arrive plus. »
Cette réponse du Roi, dont la date n'est pas mentionnée, fut enre-
gistrée à la séance du 26 février 1783. « Un de Messieurs » obtint
jour pour demander au premier président le compte des Hospices
existants et des individus qui y étaient enfermés.
EXTRAIT DE LA MINUTE
SÉANCE PLÉNIÈRE DU 14 MARS 1783 2
Il a été arrêté qu'en tout temps et toute occasion il sera représenté au
roi :
4° Que son Parlement n'a jamais entendu protéger des coupables ni mettre
des bornes à l'indulgence dudit seigneur-roi ; que son Parlement respectera
toujours dans sa main les effets d'une autorité bienfaisante et paternelle ;
2° Que son Parlement, chargé par état et par devoir de veiller à la décharge
dudit seigneur-roi sur tout ce qui peut concerner la sûreté et la tranquillité
publiques, ne peut voir avec indifférence les atteintes portées à la liberté des
citoyens et dont la connaissance lui parvient soit dans les procès soumis à sa
décision, soit par les pièces qui sont mises sous ses yeux, soit par la noto-
riété publique;
3° Que si la dépravation des mœurs et le dérangement des hommes ont
multiplié ces maisons qui sont aujourd'hui des prisons soustraites à l'inspec-
tion journalière des tribunaux ordinaires, jamais le Parlement, dépositaire de
la grande police, ne fut plus tenu de veiller à ce que ces maisons ne puissent
pas servir à satisfaire les passions particulières ;
4° Que le Parlement ne peut voir qu'avec satisfaction le droit du Corps en-
tier reconnu et assuré dans la personne de deux principaux Magistrats dignes
de sa confiance, mais que restreindre l'exercice de ce pouvoir aux deux Magis-
trats auxquels leurs occupations journalières ne permettent pas de s'occuper
des objets de détail, ce serait vouloir faire retomber cette administration dans
les mains des officiers inférieurs;
5° Que l'officier chargé de la police sous l'autorité du Parlement est lui-même
tellement surchargé par ies fonctions de sa place à laquelle se trouvent jointes
plusieurs commissions auxquelles tout le temps d'un Magistrat aurait peine à
suffire, qu'il faut nécessairement que le détail des ordres les plus importants
pour la liberté des citoyens soit confié à des subalternes de différentes classes
qui en usent au gré de ceux qui les font agir;
0° Que le Parlement ne cessera de représenter au roi le danger de ces prisons
1. Ainsi orthographié.
2. Arch. nal., X 1b 8979, à la date.
ET DE LA LIBERTÉ 55
obscures où l'on est traduit sans ferme légale, sans instruction préalable, et
sans que le prisonnier puisse avoir aucun moyen de se défendre ; que ces dé-
cisions arbitraires sont inconciliables avec l'équité d'un prince qui a donné à
ses peuples des monuments éternels de la douceur de son caractère et de la
bonté de son cœur1.
Arrêté en conséquence que la Cour veillera avec exactitude sur les maisons
de sûreté établies dans le ressort de la police, et se fera rendre compte de
tout ce qui pourra être fait, au préjudice des lois, contre la sûreté publique et
la liberté des citoyens.
L'arrêté du 1er avril 1783, passant outre à l'objection mentionnée au
4e article de l'arrêté du 14 mars, donna au premier président et au
procureur général la mission de visiter les maisons de sûreté et leurs
habitants. Il l'ut rendu compte de cette inspection le 11 avril par le
premier président :
A l'égard des maisons, il y en a trente-quatre, savoir : onze situées fau-
bourgs Saint-Antoine, Charonne et Petit-Iîercy ; vingt, faubourgs Saint-Jacques
et Saint-Martin ; trois situées à la Nouvelle-France, faubourg Montmartre, et à
La Villette.
Ces maisons ne sont pas d'institution nouvelle.
Il y en a même dont l'établissement remonte à l'année 1696.
Toutes les autres ont été successivement établie ssuivant les circonstances,
et le nombre s'en est augmenté à mesure que les communautés religieuses se
sont refusées à recevoir des pensionnaires infirmes de corps ou d'esprit, et du
genre de ceux auxquels ces hospices de sûreté sont destinés.
Il n'y en a qu'une seule établie récemment, à La Villette, à défaut d'autres
dont l'établissement a cessé.
Dans l'état actuel des choses, il y a dix-neuf maisons dans lesquelles il n'y
a que des pensionnaires sous le régime du lieutenant civil, et quinze maisons
dans lesquelles il y a concurremment des pensionnaires sous le régime du
lieutenant civil et du lieutenant de police.
Des médecins et chirurgiens sont affectés à chacune de ces maisons pour
y veiller à la santé et au traitement des pensionnaires : et ces maisons sont de
tout temps ouvertes aux curés des paroisses qui s'y transportent ou y envoient
des ecclésiastiques pour y remplir les fonctions de leur ministère.
Les pensionnaires sont bien nourris et traités avec douceur et humanité.
Ces maisons sont surveillées par des commissaires, et d'ailleurs ceux qui
reçoivent ces pensionnaires sont obligés de rendre compte de leur état très exac-
tement au lieutenant civil et au lieutenant de police selon la qualité de chacun
desdits prisonniers.
1. C'est le refrain des remontrances en général, comme c'est le passeport
indispensable à tous les mémoires de politique ou d'administration. Le Parle-
ment, comme on le voit, connaît, lui aussi, l'eau bénite de cour. La servilité des
formules finit par énerver les principes les plus droits et les actes les plus hono-
rables. C'est là une partie de la politesse française que nous n'avons pas à re-
gretter.
5G LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LA PROPRIÉTÉ
Il y a 365 femmes pensionnaires et 196 hommes.
Le lieutenant civil et le lieutenant de police ne manqueront pas de m'in-
former[moi]etM. le procureur général tant des entrées que des sorties des pen-
sionnaires.
Je continuerai avec M. le procureur général à veiller avec exactitude sur
toutes les maisons de sûreté situées dans la ville et faubourgs.
Le Parlement n'accepta point entièrement des conclusions aussi
optimistes, et précisa ses arrêtés antérieurs par le suivant :
Monsieur le premier président et Monsieur le procureur général se feront
rendre compte, par le lieutenant civil et le lieutenant général de police, de la
forme par laquelle les personnes sont détenues dans lesdites maisons, de la
manière dont lesdites personnes ont communication avec les gens de dehors,
et principalement s'il leur est permis de communiquer avec des conseils, et
se feront aussi rendre compte par telles personnes quils jugeront à propos de
commettre du traitement fait aux personnes détenues, relativement au loge-
ment, nourriture et entretien, et des plaintes desdites personnes. »
COMPTE RENDU DU PREMIER PRÉSIDENT
29 juillet 1783 «
D'Aligre fit un nouveau compte rendu , encore plus adouci , des
règlements et de l'état des maisons de sûreté. La plupart des pension-
naires « sont attaqués de folie, démence, épilepsie; très peu y sont
renfermés pour inconduite; bien des familles cherchent à éviter
l'espèce de tache résultante de la détention à Saint-Lazare, à Sainte-
Pélagie ». En ce qui concerne les fous « retenus pour recevoir les trai-
tements convenables, et être rendus libres après guérison, on prend
toutes les précautions possibles pour... ne pas compromettre les
familles intéressées au secret ».
En somme, les pensionnaires sont reçus :
1° En vertu d'ordres du roi ;
2° En vertu d'ordonnances de police sujettes à l'appel;
3° En vertu de sentences d'interdiction, ou d'autorisations particu-
lières accordées seulement en cas de démence ou de folie.
Les traitements varient suivant le prix des pensions, la qualité et la
fortune des pensionnaires. — Quand «ils sont en (Hat de communiquer
avec des conseils, cela ne leur est pas refusé ».
EXPOSÉ DU PREMIER PRÉSIDENT
SÉANCE DO 5 AOUT 1783 »
... Le lieutenant général de police rend les ordonnances usitées en cas
i Arch. nat., X U 8979, à la date.
2. Ibid., à la date.
ET DE LA LIBERTE 57
de démence, folie, fureur et aliénation d'esprit. En voici les espèces les plus
communes.
Un particulier donne des marques de folie, de fureur ou d'extravagance. On
le conduit devant un commissaire. Cet officier peut l'envoyer à l'Hôtel-Dieu. Mais
ses parents préfèrent qu'il soit conduit dans une maison de sûreté pour y être
veillé, soigné, traité : le commissaire alors en réfère au lieutenant général de
police qui rend son ordonnance à cet effet.
Assez souvent les parents conduisent eux-mêmes dans une des maisons de
sûreté celui ou celle dont la situation leur paraît exiger qu'il soit détenu,
traité et médicamenté. Alors les maîtres de pension doivent en donner avis au
commissaire chargé de l'inspection de leur maison; ij s'y transporte sans délai
pour voir et entendre le malade. Il dresse procès-verbal de sa situation, il la
constate et la fait certifier par le médecin : sur le procès-verbal le lieutenant
de police rend son ordonnance. En voici la formule ordinaire :
Vu le procès-verbal qui constate l'aliénation d'esprit de..., ensemble le rap-
port de..., médecin ou docteur en médecine, nous ordonnons que le sieur ... res-
tera dans la maison du sieur ... que nous autorisons à le garder pour le faire
traiter et médicament er jusqu'à parfaite guérison, au moyen de la pension qui
sera payée par...
Cette ordonnance est sujette à appel. Toute personne intéressée peut en
lever chez le commissaire une expédition, et user de cette voie de droit. Mais
rarement on en fait usage, parce que ces ordonnances n'interviennent que lors-
que les causes en sont bien constantes et bien prouvées.
La plupart des malades étant dans les maisons de sûreté sous l'inspection
du lieutenant de police y sont ainsi admis. Les ordonnances ci-dessus inter-
viennent sans aucun frais. S'agit-il de dispositions concernant les biens ou
revenus de la personne malade ou en démence, c'est à M. le lieutenant civil
seul qu'il appartient d'en connaître. Mais comme il s'était introduit il y a quel-
ques années de la part de certains maîtres de pension l'abus d'y recevoir ou
retenir de force des gens amenés et contraints par leurs parents, — et souvent
par des vues intéressées et sans qu'aucun juge en eût connaissance, — le lieute-
nant de police astreint les maîtres et maîtresses de pension à en rendre
compte : d'après quoi il n'est plus aucune personne dans ces maisons de sû-
reté qui ne soit vue et entendue, et qui ne puisse obtenir justice contre la
la violence ou l'obsession.
Pour éviter même tous les moyens d'abus, les maîtres et maîtresses de
pension sont tenus d'avertir lorsqu'ils y reçoivent des pensionnaires pour y
vivre librement et volontairement : et, comme sur de pareils motifs (s'ils
n'étaient vérifiés) on pourrait commettre bien des excès, les commissaires
vont visiter ces sortes de pensionnaires, leur demandent si c'est bien volon-
tairement qu'ils sont venus se retirer dans la maison et ils leur expliquent
qu'ils sont libres d'en sortir quand il leur plaira.
Sur l'avis que les commissaires en donnent au lieutenant de police, il écrit
aux maîtres de pension la lettre suivante: Vous pouvez, Monsieur, recevoir
dans votre maison le sieur .... et Vy garder tant qu'il voudra bien y rester
librement. Je suis , etc. .
Mais il arrive quelquefois, et ces cas sont très rares, que des citoyens tenant
à des familles distinguées ont des accès de démence et de folie, qu'on espère
pouvoir guérir, ou qui n'arrivent que dans certains temps de l'année. Les
58 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LÀ PROPRIÉTÉ
familles qui ont intérêt à cacher l'état du malade, qui peut n'avoir qu'un
accès ou des accès passagers, demandent qu'il ne reste aucune trace judi-
ciaire des précautions prises et des remèdes administrés dans les maisons de
sûreté.
C'est pour rentrer dans les vues des familles dont l'honnêteté est bien
reconnue que le lieutenant de police, après avoir pris les précautions et ren-
seignements capables d'assurer sa religion et d'éviter toutes surprises, donne
l'autorisation en la forme suivante :
Vous voudrez bien, Monsieur, recevoir dans votre maison le sieur ...
et Vy retenir jusqu'à nouvel ordre de ma part, pour lui faire administrer les
remèdes convenables à sa situation, au moyen de la pension qui vous sera
payée par... Je suis, etc.
Après bien des recherches, on n'a trouvé que trois exemples actuels dont
voici les espèces : dans l'une, c'est une famille respectable ayant à sa tête un
magistrat du Parlement, dont la sœur est presque continuellement en démence ;
dans l'autre, il s'agit d'un ecclésiastique qui a joui dans le monde de quelque
réputation, et dont l'esprit est aliéné; dans la troisième espèce, c'est une
femme mariée à une personne connue, ayant une charge à la cour, dont la
tête a été dérangée.
En pareil cas, le lieutenant de police prend la précaution d'avoir un Mémoire
signé des principaux parents, et de se faire rendre un compte verbal par le
commissaire et le médecin de la maison.
En dépit de ces nouvelles explications, il se trouva encore, dans le
cours des opinions, un de Messieurs qui se réserva de demander que la
Cour s'occupât des moyens « de concilier la liberté publique avec la
tranquillité et l'honneur des familles ».
LES ARRESTATIONS DE MAGISTRATS
LES EXILS PAR LETTRES DE CACUET
En 1787 et 1788, c'est la liberté de ses propres membres, c'est son
indépendance et sa dignité que le Parlement eut à défendre conliv
l'arbitraire monarchique et ministériel. Insensiblement, le ton des
remontrances s'élève, leur portée s'accroît, et de la protection des
libertés privées, le Parlement tire une conception de plus en plus nette
des conditions nécessaires à la liberté publique.
EXTRAIT DE LA SÉANCE
DU 21 NOVEMBRE 1787
Tous Messieurs ont dit qu'ils venaient d'apprendre que M. le duc d'Orléans
était exilé à Villers-Cotterels, et que MM. Freteau et Sabatier, conseillers de
grand'chambre, avaient été enlevés cette nuit. Alors M. le premier président,
ayant pris la parole, a dit qu'il avait reçu une lettre de M. Freteau, datée de
ET DE LÀ LIBERTÉ 59
ce jour d'hui par laquelle il lui mandait que le sieur Quidor, inspecteur de
police, venait de l'enlever pour le conduire à Dourlens, d'après un ordre du
Roi qu'il lui avait exhibé, daté de Versailles le 20 novembre, et que si Mes-
sieurs le désiraient, il leur en ferait lecture; ce que Monsieur le premier prési-
dent a l'ait à l'instant.
Après quoi Monsieur le premier président a fait lecture d'une autre lettre
écrite par M. Sabatier, conseiller de grand'chambre, à M. Duport le fils, con-
seiller en la Cour, qui venait de la lui remettre : par laquelle M. Sabatier faisait
part à M. Duport de l'avertissement que Monsieur le premier président avait
envoyé cette nuit chez Messieurs, pour les prévenir qu'il y avait assemblée
des Chambres ce matin à sept heures, le priant de faire agréer à tous Messieurs
l'exoine x supérieur qui le retenait chez lui, y étant arrêté comme prisonnier
d'État par ordre du Roi, et M. Sabatier y transcrit l'ordre conçu en ces termes :
« Il est ordonné au sieur Sommelier d'arrêter le sieur abbé Sabatier, et de le
conduire à l'abbaye du mont Saint-Michel. Signé : Louis, — le baron de
Brcteuil. » Après quoi il ajoute que l'exempt de police avait amené des gardes
de police et un carrosse attelé pour l'emmener sur-le-champ; qu'il était rentré
avec la fièvre; que son médecin, qui était arrivé peu de temps après, avait
déclaré au procès-verbal du commissaire Guyot, et signé, que la fièvre qu'il
lui avait trouvée dès le matin ne permettait pas qu'il montât en voiture avant
un délai raisonnable... ; que le commissaire Guyot avait porté ce procès-verbal
à M. de Crosne qui n'avait pas daigné répondre à la lettre qu'il lui avait écrite,
et où il lui en faisait l'observation fort doucement; qu'il lui avait seulement
fait dire par son secrétaire qu'il ne pouvait pas prendre sur lui de suspendre
un instant son départ ; qu'enfin par déférence pour l'observation du commis-
saire Guyot, il avait envoyé un courrier au ministre, auquel lui M. Sabatier en
avait envoyé un avec sa prière d'obtenir de l'humanité du Roi la permission d'être
vingt-quatre heures dans son lit, et qu'on lui avait fait ajouter au procès-verbal
sa parole d'honneur et de fidèle sujet de' rester chez lui sous la garde du por-
teur d'ordre. Et il ajoute à M. Duport qu'il croit bien que ces deux premières
gardes sont plus sûres que toutes les gardes du monde. Ensuite il forme des
vœux pour voir le calme se rétablir, ambitionnant surtout de savoir épuisée
sur lui une rigueur qu'il serait désolé d'apprendre s'appesantir sur aucun
autre magistrat; que le Roi est juste, que sa religion a été trompée..., et il
finit par demander à M. Duport son amitié et les bontés de Messieurs qu'il
mérite par le prix qu'il y met et par son dévouement pour la gloire du Roi et
pour la leur.
Le Parlement donna mission à la députation mandée par le roi à
Versailles de réclamer la liberté de ses membres et le retour du prince
exilé. Elle fut très mal reçue 2.
1. Excuse de ne pas se présenter soit comme partie, soit comme juge, au com-
bat judicaire. La forme la plus usitée du mot est essoine. (Godefroy, Glossaire
de l'ancien langage français.)
2. Le 27 décembre 1787, le premier président Etienne-François d'Aligre en-
tendit la réponse suivante aux représentations dont le Parlement Pavait chargé :
« Vous ne devez pas solliciter de îua justice ce que l'on ne doit attendre que de
lua bonté. » (Séance plénière du vendredi 28 décembre 1787, X 1b 8987.) Le texte
60 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LÀ PROPRIÉTÉ
Les nouvelles remontrances du 9 janvier 1788, celles, plus impor-
tantes à cause de leur caractère de généralité, des 11 mars et 3 mai
1788, n'aboutirent qu'aux arrestations arbitraires de d'Espréménil et
de Goislard, et donnèrent un prétexte de plus aux édits du 8 mai.
Les édits ne purent être exécutés. Le Parlement rentra triomphale-
ment, et, dès le jour de sa réinstallation, fit en quelque sorte son
testament politique par la voix de Séguier, premier avocat général
(24 septembre 1788).
REMONTRANCES DU 11 MARS 1788
Sire, le devoir de votre Parlement est de veiller sans cesse sur les besoins
des Peuples et les droits du Souverain. Les Peuples peuvent être égarés par
des factieux : les Rois ne sont que trop exposés à des surprises. Il parle aux
Rois de liberté, il parle aux Peuples de soumission : il rend cette soumission
honorable par ses exemples; il rend l'autorité solide par ses principes. Rallier,
en un mot, la puissance royale à la justice, la liberté publique à la fidélité,
telle est, Sire, la fonction essentielle de votre Parlement, tel fut toujours dans
les temps difficiles le but et le prix de son zèle.
Toujours pénétrés des mêmes sentiments, toujours jaloux de mériter la
bienveillance de nos Rois et d'assurer la liberté de nos concitoyens, nous
venons au pied du trône déférer à Votre Majesté l'erreur la plus funeste qui
pût séduire des souverains; nous venons, Sire, invoquer votre justice, votre
sagesse et votre humanité contre l'usage des lettres de cachet.
A ce terrible mot, tous les cœurs se resserrent, toutes les idées se troublent ;
saisi d'effroi on hésite, on se regarde,' on craint de s'expliquer : et le Peuple
en silence ose à peine élever sa pensée vers ce pouvoir inconcevable qui dis-
pose des hommes sans les juger, sans les entendre, qui les plonge et les
retient à son gré dans d'épaisses ténèbres où trop souvent ne pénètre pas
plus la lumière du jour que le regard des lois, le cri de la nature et la voix
de l'amitié; vers ce pouvoir dont le mystère est l'âme, et dont la force est le
seul titre; vers ce pouvoir qu'exercent impunément des ministres, des commis,
des agents de la police; vers ce pouvoir enfin qui depuis les ministres jusqu'au
dernier instrument de la police établit sur nos têtes une longue chaîne d'op-
des remontrances est inséré dans la minute do la séance pléniêre du 10 décem-
bre (même carton). Le Parlemenl rappelle au roi ces lois éternelles auxquelles on
ne peut toucher « sans ébranler les fondements de la terre el préparer la chute
des empires », suivanl les magnifiques expressions de Bossuet. « Henri IV, re-
montre-t-il encore, reconnaissait qu'il avail deux souverains, Dieu et la loi. »
11 se plaint amèrement qu'un magistrat ait été livré « à des suppôts de police,
comme un malfaiteur », qu'il ait eu à subir « les interpellations d'un commis-
saire sur sa soumission aux ordres » du roi. D'après la tradition, le Parlement
assemblé pouvait seul juger un de ses membres. Dès qu'un conseiller était
nommé ou impliqué dans une procédure, la plume, suivanl un adage, devait
tomber des mains : le juge devait tout interrompre.
ET DE LA LIBERTÉ 61
presseurs formidables devant lesquels toute les lois de la nature et de l'État
doivent rester muettes.
Non, Sire, les lois de la nature et les lois de l'État ne reprocheront pas
à votre Parlement, Loi vivante au pied du Trône, un coupable silence.
L'homme est né libre et son bonheur dépend de la justice. La liberté est un
droit imprescriptible.
Elle consiste à pouvoir vivre suivant les lois; la justice est un devoir uni-
versel, et ce devoir est antérieur aux lois elles-mêmes qui le supposent et
doivent le diriger, mais ne peuvent jamais en dispenser ni les rois, ni les
sujets.
Justice et liberté! voilà, Sire, le principe et le but de toute société; voilà
les fondements inébranlables de toute puissance; et tel est pour la félicité du
genre humain l'admirable rapport de ces deux biens, qu'il n'est point sans
eux de raisonnable autorité, ni de solide obéissance.
L'usage des Lettres de cachet renverse toutes ces idées : par lui la justice
n'est plus qu'une chimère, par lui la liberté n'est plus qu'un mot.
Il blesse la raison, il est contraire aux ordonnances, et les motifs dont on
voudrait l'autoriser ne sont que des prétextes démentis par les exemples.
Il blesse la raison, s'il répugne évidemment à la nature de l'homme, à celle
de la Royauté, aux premières notions de la morale.
Or, tels sont les caractères essentiels des Lettres de cachet. — La nature de
l'homme n'est pas d'être indépendant : pour lui l'indépendance est un état de
guerre; la ruse ou la force y dominent tour à tour, et la justice dénuée de
sanction y manque de pouvoir. La nature de l'homme est donc de s'unir à ses
semblables et de vivre en société, assujetti à des conventions générales, c'est-
à-dire à des lois : mais des conventions qui l'assujettiraient sans le protéger,
ne seraient plus des lois, ce seraient des fers. La force peut les imposer, la
faiblesse ou la folie peuvent les porter; mais la force n'oblige pas, et la
faiblesse ou la folie ne peuvent s'engager : toute soumission légitime est
volontaire dans son principe. Un ciloyen coupable a consenti d'avance à l'arrêt
qui le condamne. Des hommes qui diraient à d'autres hommes : « Exercez sur
nous un [pouvoir] arbitraire, nous consentons que les tribunaux soient
impuissants, et que les lois soient inutiles : sur un mot de votre bouche, sur
un écrit de votre main, nous consentons à perdre nos biens, la liberté, nos
femmes, nos enfants, jusqu'au droit de nous défendre » ; — des hommes,
disons-nous, qui tiendraient ce langage, seraient sans doute des insensés : le
consentement du peuple à l'usage des Lettres de cachet serait donc incompa-
tible avec l'usage de la raison. Mais la raison est l'état naturel de l'homme,
comme la société : l'usage des Lettres de cachet répugne donc à la nature de
l'homme, et comme raisonnable, et comme sociable.
Dira-t-on que cet usage est fondé sur la nature du pouvoir monarchique?
La réponse ne serait pas bien difficile.
Les Rois régnent par l'effet de la conquête, ou par la Loi: si le vainqueur
abuse de la conquête, s'il attente aux droits de l'homme, si la conquête n'est
pas changée en capitulation, la force qui dispose des fruits de la victoire ne
relient pas aux pieds du conquérant des sujets, mais des esclaves. Si les Rois
régnent par la Loi, il faut revenir aux principes : ce que la raison ne permet-
trait pas aux peuples de consentir, elle ne permet pas aux Rois de l'ordonner.
Et comment soufïrirait-ellc un pareil renversement de la morale?
62 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LA PROPRIÉTÉ
Heureusement, Sire, les maximes tutélaires du genre humain n'ont pas
besoin de preuves, elles se défendent par leur propre évidence.
Il est évident que la Justice doit protéger la faiblesse contre la force.
Il est évident que sa balance doit être égale entre les pauvres et les riches.
Il est évident que la honte et la peine sont dues au crime jugé, et ne sont
dues qu'à lui.
S'il existait un pouvoir qui pût arrêter à son gré les recherches de la Loi,
choisir sur les coupables, préserver les uns, abandonner les autres, il est
évident que ce pouvoir, compromettant la justice des peines prononcées, mêle-
rait à l'idée de l'exemple celle de l'exception.
Et si les préférences de ce pouvoir étaient constamment réservées pour une
certaine classe de citoyens, et refusées à toutes les autres, il est évident que la
Loi n'étant plus destinée à punir tel ou tel crime, mais à punir telle ou telle
classe de la société, retiendrait à jamais ces classes proscrites, sans égard
pour la justice, sans égard pour l'innocence, dans la terreur et l'avilisse-
ment.
L'application de ces vérités incontestables est directe à l'usage des Lettres
de cachet. Deux hommes se rencontrent : l'un est faible, l'autre est puissant;
l'un est pauvre, l'autre est riche. Le pauvre peut se dire : si cet homme
m'offense, s'il attaque mon honneur, ma liberté, ma vie, les lois m'assurent
qu'elles viendront à mon secours. Les lois me trompent. L'autorité peut vou-
loir le contraire, ce sera l'autorité qui prévaudra : et moi, si je l'offense, je serai
recherché, emprisonné, abandonné, déshonoré, puni; cette même autorité sera
muette, ces lois seront inexorables. Ouest donc la justice? La misère est-elle
un crime? La simple humanité n'est-elle plus un titre? Un homme sans crédit,
un pauvre n'est-il plus un citoyen?
Les Ordonnances ne sont pas moins contraires aux Lettres de cachet que
les principes. Dans tous les temps, l'ambition, la vengeance, la flatterie et la
cupidité, en un mot les passions les plus violentes, les passions les plus
abjectes, ont assiégé le trône : mais aussi dans tous les temps les lois ont
averti les Souverains et défendu les Peuples, sinon avec un égal succès, du
moins avec une égale énergie. Et cette lutte continuelle du pouvoir arbitraire
contre la liberté n'a pas empêché la liberté de prévaloir dans l'esprit des
Peuples et dans celui des Rois. Les derniers Élats de Rlois ont supplié le Roi
de borner l'usage des Lettres de cachet à ses commensaux, non pour les
éloigner de leurs affaires, de leurs foyers, de leurs familles, mais seulement
pour les écarter du seuil de son Palais, et les priver de sa présence sans les
priver de sa justice. C'est une maxime de notre monarchie que nul citoyen ne
peut être constitué prisonnier sans un décret de juge. Tous les Rois des deux
premières races l'ont reconnue : Hugues Capet l'a trouvée en montant sur le
trône; toutes les Ordonnances du royaume sous la troisième race l'ont confir-
mée, elle a fondé la seule distinction qui se trouve dans nos lois entre les
prisonniers, les uns pour crime, les autres pour dettes. Enfin l'Ordonnance de
HJ70, conforme sur ce point à toutes les précédentes, a mis le sceau à celte
maxime, en exigeant que les prisonniers pour crimes soient interrogés dans
les vingt-quatre heures après l'emprisonnement : disposition impuissante, pré-
caution dérisoire, tant que l'usage des Lettres de cachet subsiste.
Ainsi les droits du genre humain, les principes fondamentaux de la société,
les plus vives lumières de la raison, les plus chers intérêts du pouvoir légitime,
ET DE LA LIBERTÉ 63
les maximes élémentaires de la morale et les lois du royaume s'élèvent contre
l'usage des Lettres de cachet.
Par quelle fatalité s'est-il introduit dans vos Étals? Que des hommes jaloux
d'un pouvoir passager mais personnel, que d'avides courtisans, fermant les
yeux sur l'avenir, colorent cet usage des spécieux motifs delà sûreté publique,
ou do. l'honneur des familles : votre Parlement, Sire, n'en est point étonné.
L'esprit de servitude marche à la suite de l'ambition et de la cupidité. Mais
qu'il se trouve quelques citoyens assez aveugles pour ne pas voir dans chaque
Lettre de cachet, qu'ils demandent ou qu'ils sollicitent, l'effroyable danger qui
les menace eux-mêmes, voilà ce qui nous étonne, voilà ce qui nous afflige; il
est temps de combattre une erreur parée des dehors du désintéressement, elle
pourrait faire impression sur l'esprit et le cœur de Votre Majesté.
Peu de mots suffisent toujours à l'évidence.
L'intérêt de la paresse, de l'humeur ou du ressentiment des personnes en
place ne fait pas la sûreté publique. La sûreté publique a deux bases cerlaines,
la terreur des méchants et le repos de l'innocence : la terreur des méchants,
plus ils ont de crédit, et le repos de l'innocence, plus elle a de faiblesse. Or
nous avons prouvé à Votre Majesté que l'usage des Lettres de cachet a préci-
sément pour but et pour effet de rassurer le crime puissant, et d'intimider la
faible innocence.
Où ne règne pas la sécurité individuelle, la sûreté publique est un bien
imaginaire; où subsiste l'usage des Lettres de cachet, la sécurité individuelle
ne règne pas: la sûreté publique est donc un bien imaginaire là où subsiste
l'usage des Lettres de cachet.
S'il est des circonstances qui rendent nécessaire l'exercice subit de votre
autorité, il n'en est point qui puissent autoriser la détention secrète d'un
prisonnier qui demande des juges; il n'en est point qui doivent arrêter son
renvoi à la justice, non pas même son propre silence, pas même son propre
consentement à sa détention.
La réponse de Votre Majesté du 14 mai 1777 a consacré ces maximes
nationales; elle y déclare ne vouloir jamais souffrir qu'on attente à la liberté
de ses sujets, mais qu'il est des circonstances où la sûreté publique exige que
son autorité vienne au secours de la Justice pour empêcher l'évasion des cou-
pables; paroles mémorables, consolantes en effet pour la Justice : elles conci-
lient la liberté avec la puissance; c'est ainsi que Votre Majesté a fixé sur ce
point, et de sa propre- bouche, le principe, l'objet et le terme de son pouvoir.
Mais l'honneur des familles! c'est la dernière objection. Et l'on ne pense
pas que cette objection dans laquelle se retranchent les partisans du pouvoir
arbitraire doit elle-même sa force prétendue aux Lettres de cachet dont l'usage
une fois admis trompe l'honneur, et l'arme contre la liberté.
Votre Parlement, Sire, conviendra de l'existence du préjugé, mais il ne
conviendra pas qu'un préjugé du faux honneur doive l'emporter, pour l'intérêt
de quelques citoyens, sur l'intérêt public, sur la raison, la morale et la Loi.
Et s'il plaisait à Votre Majesté, après avoir abandonné aux lois tous les
coupables, sans distinction de rang ni de naissance, d'appeler leurs parents
auprès d'Elle dans ses cours, ses conseils et ses armées, oserait-on lui dire
qu'un préjugé nourri par ses seuls succès résisterait à cet exemple auguste?
Plusieurs faits assez connus prouvent que la Nation plus éclairée sur ses
vrais intérêts, dans les classes même les plus élevées, est disposée à recevoir
64 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LA PROPRIÉTÉ
des mains de Votre Majesté le plus grand bien qu'un roi puisse rendre à ses
sujets, la liberté.
C'est ce bien qui rend l'autorité plus sûre et les lois plus chères : ce bien
qui donne un prix à la vertu, des moyens au génie, un frein à la licence, que
votre Parlement vient vous redemander, Sire, au nom d'un peuple généreux et
fidèle.
Il vous supplie très respectueusement d'abolir à jamais l'usage des Lettres
de cachet.
Il vous supplie de rejeter pour toujours ces conseils ambitieux, ces frivoles
motifs, ces perfides rapports également désavoués par la raison et démentis
par les faits.
Que n'cst-il possible à Votre Majesté d'entrer dans les détails de ces rapports
fabriqués par des commis, sur des mémoires toujours secrets, sur des infor-
mations toujours clandestines? Que ne peut-elle interroger toutes ces victimes
du pouvoir arbitraire, confinées, oubliées dans les prisons impénétrables où
régnent l'injustice et le silence? Combien n"cn verrait-elle pas de ces victimes
infortunées qui jamais n'ont menacé ni la paix de l'État, ni l'honneur de leurs
familles? bientôt, Sire, vous seriez convaincu que l'intrigue, l'avidité, la
jalousie du pouvoir, la soif de la vengeance, la crainte ou la haine de la justice,
l'humeur, la simple convenance d'un homme en crédit, président tour à tour à
la distribution des Lettres de cachet; vous sauriez à quels tourments sont
condamnés des malheureux pour qui le jour se lève sans espérance, pour qui
la nuit revient sans le repos. Horrible incertitude! Abandon pire que la mort!
Et c'est au nom du Roi! Vous le sauriez , Sire : vous seriez effrayé du sort de
vos sujets, vous gémiriez sur la condition des meilleurs princes, et Votre
Majesté se hâterait d'éteindre ces foudres invisibles qui frappent la justice en
tombant sur l'innocence, et la frappent encore en tombant sur des coupables.
Animé de cet espoir, fondé sur ces principes, après avoir demandé à Votre
Majesté la liberté de la Nation, votre Parlement, Sire, ne peut se dispenser de
lui redemander celle de trois citoyens.
Nous sommes autorisés à croire que M. le duc d'Orléans, MM. Freleau et
Sabatier ne sont point coupables.
S'ils étaient coupables, le droit de les juger est réservé à votre Parlement,
celui de faire grâce est l'heureuse prérogative de Votre Majesté.
La liberté n'est point un privilège, c'est un droit : et respecter ce droit est
le devoir de tous les gouvernements.
La même force qui prive de ses membres un corps délibérant, pèse sur le
corps tout entier. Les uns sont arrêtés, tous les autres sont menacés, aucun
n'est libre : un corps délibérant qui n'est pas libre, que la force menace, s'il
délibère encore, s'il s'élève au-dessus de la crainte, son courage n'est soutenu
que par sa fidélité.
Cette vertu, Sire, n'a point abandonné votre Parlement. Il ne cessera point
de demander très respectueusement à Votre Majesté, par l'abolition des Lettres
de cachet, la liberté publique, et, par une conséquence digne du Prince et des
deux Magistrats dont nous sommes privés, la liberté personnelle de cet auguste
Prince et de ces deux Magistrats.
Ce n'est plus un Prince de votre sang, ce ne sont plus deux Magistrats que
votre Parlement redemande au nom des lois et de la raison, ce sont trois
Français, ce sont trois hommes.
ET DE LA LIBERTÉ 65
Ce sont là, Sire, les très humbles et très respectueuses remontrances qu'ont
cru devoir présenter à Voire Majesté
Vos très humbles, très obéissants, très fidèles et très affectionnés sujets et
serviteurs.
Les Gens tenant votre Cour de Parlement.
Fait en Parlement, toutes les Chambres assemblées, le onze mars mil sept
cent quatre-vingt-huit.
Vu : D'Aligre.
Voici quelle fut la réponse du Roi à la députation du Parlement,
venue le 16 mars réclamer l'élargissement de deux de ses membres ' :
Je vous avais défendu de donner aucune suite à vos représentations du
9 janvier, et ce n'est pas en contrevenant à mes ordres que vous obtiendrez le
retour des Magistrats que j'ai cru devoir punir.
D'ailleurs je n'ai rien à ajouter à ma dernière réponse. Je vous ai dit que
la liberté de mes sujets m'est aussi chère qu'à eux-mêmes ; mais je ne souf-
frirai pas que mon Parlement s'élève contre l'exercice d'un pouvoir auquel les
familles ont souvent dû la conservation de leur honneur, et l'État sa tran-
quillité.
Mon Parlement doit se reposer avec respect, et dans le silence, sur ma sa-
gesse.
Je vous défends de nouveau de donner aucune suite à vos délibérations sur
cet objet.
REMONTRANCES DU PARLEMENT DE PARIS
. uu 3 mai 1788 2
Sire, la réponse de Votre Majesté du 17 J du mois dernier est affligeante,
mais le courage de votre Parlement n'en est pas abattu. L'excès du despotisme
était l'unique ressource des ennemis de la vérité et de la Nation : ils n'ont pas
craint de l'employer. Leur succès est le présage des plus grands maux: les
prévenir, s'il est possible, sera jusqu'au dernier moment l'objet du zèle de
votre Parlement. 11 trahirait par son silence les plus chers intérêts de Votre
Majesté en livrant le Royaume à toutes les invasions du pouvoir arbitraire.
Telle en effet serait la conséquence des maximes surprises à Votre Majesté :
si vos Ministres les faisaient prévaloir, nos rois ne seraient plus des Monar-
ques, mais des Despotes : ils ne régneraient plus par la loi, mais par la force,
sur des esclaves substitués à des sujets.
La marche des Ministres ambitieux est toujours la même. Étendre leur pou-
1. Arch. nat., X 1b 8988 (minute du 17 mars 1788).
2. Ces remontrances, qui amenèrent le 5 mai l'arrestation de leur principal
rédacteur, Duval d'Espréménil, et celle de Goislard de Montsabert, circulèrent
en copies manuscrites (Voyez Hardy, t. VII, p. 444, à la date du 10 mai); puis
furent imprimées (Bib. nat., Lb39 547).
3. Date légale, à cause de l'enregistrement.
S
GG LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LA PROPRIÉTÉ
voir sous le nom du Roi, voilà leur but ; calomnier la magistrature, voilà leur
moyen. Fidèles à cette ancienne et funeste méthode, ils nous imputent le projet
insensé d'établir dans le Royaume une Aristocratie de Magistrats. Mais quel
moment ont-ils choisi pour cette imputation ? Celui où votre Parlement, éclairé
par les faits et revenant sur ses pas, prouve qu'il est plus attaché aux droits
de la Nation qu'à ses propres intérêts.
La Constitution française paraissait être oubliée. On traitait de chimère
FAssemblée des États généraux. Richelieu et ses cruautés, Louis XIV et sa
gloire, la Régence et ses désordres, les Ministres du feu Roi et leur insensibi-
lité, semblaient avoir effacé pour jamais des esprits et des cœurs jusqu'au nom
de la Nation. Tous les états par lesquels passent les peuples pour arriver à
l'abandon d'eux-mêmes, terreur, enthousiasme, corruption, indifférence, les
Ministres n'avaient rien négligé pour y faire tomber la Nation française. Mais il
restait le Parlement. On le croyait frappé d'une léthargie en apparence univer-
selle, on se trompait. Averti tout à coup de l'état des finances, forcé de
s'expliquer sur deux édits désastreux, il s'inquiète, il cesse de se faire illu-
sion, il juge de l'avenir par le passé : il ne voit plus pour la Nation qu'une
ressource, la Nation elle-même. Bientôt, après de mûres réflexions , il donne
à l'univers l'exemple inouï d'un Corps antique, d'un Corps accrédité, tenant
aux racines de l'État, qui remet lui-même à ses concitoyens un grand pouvoir
dont il usait pour eux depuis un siècle, mais sans leur consentement exprès.
Un prompt succès répond à son courage. Le 6 juillet 1787 il exprime le vœu
des Etats généraux, le 19 septembre il déclare formellement sa propre incom-
pétence ; le 19 novembre, Votre Majesté annonce elle-même les États généraux,
le surlendemain elle les promet, elle en fixe le terme, sa parole est sacrée. Qu'on
trouve sur la terre, qu'on cherche dans l'histoire un seul Empire où le Roi et
la Nation aient fait pareillement de si grands pas, le Roi vers la justice, la Na-
tion vers la liberté.
Les États généraux seront donc assemblés. Les États généraux rentreront
dans leurs droits. Nous pouvons le demander à vos Ministres : A qui le Roi
doit-il un si grand dessein? A qui la nation doit-elle ce grand bienfait? Et vos
Ministres osent nous accuser auprès des peuples, auprès du Roi, d'aspirer au
pouvoir aristocratique! On n'avait pas songé à faire ce reproche en 1697,
quand Votre Parlement enregistrait la Capitation, en 1710, quand il enregis-
trait le Dixième, depuis 1710 jusqu'en 1782, quand il en consentait la prolon-
gation, ou même l'accroissement par le moyen du troisième vingtième.
Quel est donc ce nouveau zèle ? Les Ministres ne doutent pas de nos pou-
voirs, les Ministres rendent justice à nos bonnes intentions, tant qu'ils espè-
rent abuser de nos suffrages, pour accabler la Nation d'emprunts1 et d'impôts.
1. Le Parlement s'était loujours montré fort accommodant pour l'enregistre-
ment des emprunts. En effet, il n'eût pu se dire en pareil cas défenseur de la
propriété des sujets du roi, car les emprunts n'étaient pas forcés. 11 est même
permis de supposer (sans le taxer de machiavélisme) qu'il voyait sans trop de
regret l'augmentation de. la dette publique; le discrédit du trésor royal ue tour-
nait-il pas au profit de l'autorité parlementaire, et tous les emprunts, même les
plus avantageux, ne se termineraient-ils point par des impôts? — Quoi qu'il en
soit, lorsque le roi (il demander à l'Assemblée extraordinaire du clergé des sub-
sides qui obligeaient cet ordre à emprunter 80 millions, 45 voix contre 15 décla-
ET DE LA LIBERTÉ , 67
Ils ne voient plus en nous que des ambitieux, des aristocrates, quand nous
refusons de favoriser ou de partager leur despotisme.
Non, Sire, point d'aristocratie en France, mais point de despotisme, telle
est la Constitution. Tel est aussi le vœu de votre Parlement et l'intérêt de Voire
Majesté. Qu'on admette un moment les maximes surprises à Votre Majesté,
que sa volonté seule fasse l'arrêt en matière d'administration et de législation,
et que les conséquences éclairent enfin sur le principe. L'héritier de la Cou-
ronne est nommé par la loi ; la Nation a ses droits; la Pairie a les siens ; la
Magistrature est inamovible ; chaque Province a ses coutumes, ses capitula-
tions; chaque sujet a ses juges naturels; tout citoyen a ses propriétés; s'il est
pauvre, il a du moins sa liberté.
Or. nous osons le demander : quels sont les droits, quelles sont les lois
qui pourraient résister à la prétention annoncée par vos Ministres, sous le nom
de Votre Majesté? Sa seule volonté fera V Arrêt en matière d'administration.
Elle pourra donc par une loi disposer de la Couronne, choisir son héritier,
céder ses provinces, priver les États généraux du droit d'accorder les subsides,
dénaturer la Pairie, rendre la Magistrature amovible, changer les coutumes,
s'investir elle-même du droit de juger seule ou de choisir les juges en matière
civile et criminelle, se déclarer enfin copropriétaire des biens de ses sujets et
maîtresse de leur liberté?
L'administration embrasse les emprunts et les impôts. S'il plaisait au Roi
trompé de supprimer et sur-le-champ de recréer toutes les Cours souveraines
de son Royaume pour les borner à rendre la justice ; s'il lui plaisait de trans-
planter d'une province à l'autre des citoyens, des Magistrats, des familles, des
compagnies entières; s'il lui plaisait d'élever sur les ruines de l'ancienne ma-
gistrature un corps unique, qui fût un simulacre de liberté, un instrument de
servitude ; s'il lui plaisait, par l'effet d'une surprise encore plus funeste, de
laisser les Ministres semer la division entre les Magistrats, nous opposer les
uns aux autres, nous placer entre l'opprobre et la disgrâce; choisir dans le
Parlement ceux qui perdraient, ceux qui conserveraient le droit de vérification,
il faudrait donc quitter le lieu de son domicile, renoncer à son pays, se dé-
pouiller de ses affections, s'arracher à ses confrères, violer son serment, tra-
hir l'État, s'exposer au déshonneur, ou se livrer aux coups du Despotisme, et
cela sur un seul mot de la bouche du Roi ! Dira-l-on que le roi n'abusera ja-
mais du droit qu'on lui suppose? qu'il sera toujours juste? que ses lois, ses
arrêts, respecteront toujours les droits de tous, depuis son fils aîné jusqu'au
dernier de ses sujets? Votre Parlement, Sire, sera forcé de répondre que la
supposition est impossible, que les Rois sont hommes, qu'il n'est point
d'homme infaillible. Et c'est précisément parce qu'il n'est pas donné aux Rois
d'être sans cesse en garde contre l'erreur ou la séduction, c'est pour ne pas
abandonner la Nation aux funestes effets des volontés surprises, que la Consti-
tution exige en matière de lois, la vérification des Cours, en matière de subsi-
des, l'octroi préalable des États généraux, pour être sûr que la volonté du
Roi sera conforme à la justice et ses demandes aux besoins de l'État. Le droit
rèrent que cette opération était impossible sans enregistrement préalable de
l'emprunt; car les prêteurs n'avaient pas (l'autre garantie. Or, à la date de cette
réponse (21 mai 1788), le Parlement se trouvait de fait anéanti. La royauté s'était
coupé les vivres.
68 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LÀ PROPRIÉTÉ
d'accorder des subsides ne fait pas des États généraux une aristocratie de
citoyens. Le droit de vérifier ne fait pas des Parlements une aristocratie de
magistrats.
On est gouverné par des aristocrates ! Mais votre Parlement, Sire, n'aspire
point à gouverner. Dans ses jugements, il est soumis aux lois : sa volonté n'est
rien; il prononce, mais la loi a décidé. Nous faisons gloire d'en convenir, et
nous aimons à retrouver dans les mémoires de nos concitoyens cette phrase :
la Cour ne peut se dispenser de rendre tel Arrêt. Ils ont raison : cette phrase
qui rend hommage à la justice de votre Parlement rappelle ses devoirs. La
Cour ne peut se dispenser déjuger suivant la loi; la Cour ne peut se dispenser
de remontrer suivant la loi; la Cour ne peut se dispenser de résister suivant la
loi.
S'ensuit- il cependant que votre Parlement prétende réduire la volonté du
Roi à la valeur de l'opinion de ses officiers? Non, Sire, il est aux pieds du
Trône pour l'appuyer et l'éclairer : cette place suffit à son ambition. Ses droits
même les plus certains, il ne sait les exprimer qu'en termes respectueux :
mais le respect n'est point incompatible avec la liberté.
S'agit-il d'un procès ? Le Roi n'a pas de volonté, la loi est faite, elle doit
décider. Il est le premier juge, votre auguste aïeul l'a reconnu dans l'affaire
de Bretagne ' ; la plupart des témoins de son avis siègent encore au Parlement et
dans votre Conseil. On affecte, il est vrai, de répandre la maxime contraire.
On prétend que les biens, la liberté, l'honneur des citoyens, sont dans la main
du roi. Présent, dit-on, il fait l'Arrêt : absent, il peut le changer. La servitude
elle-même ne tiendrait pas un langage plus vil : mais du moins vos ministres
n'ont pas encore poussé la chose jusque-là.
S'agit-il d'un subside? C'est à la Nation à l'accorder. La liberté des États
généraux n'a pas encore fait la matière d'un doute.
S'agit-il d'une loi? C'est aux Cours à la vérifier librement. Mais le droit de
vérifier librement les lois n'étant pas celui de les faire, les Cours ne peuvent ni
forcer ni suppléer la volonté du Roi. Votre Parlement, Sire, l'a déjà protesté et
le répétera aussi souvent que vos Ministres tâcheront d'obscurcir cette vé-
rité.
Au reste, dans leur propre système, la pluralité n'a pas été connue de Votre
Majesté le jour même de la séance. Il est inconcevable que les Ministres dis-
tinguent le résultat des opinions de la pluralité, comme si la pluralité n'était
pas ce résultat, et qu'ils veuillent persuader à Votre Majesté que, pour avoir
entendu des opinions isolées, elle a pu juger par elle-même du résultat qu'au-
raient donné les avis résumés ; comme s'ils ignoraient que les premiers
opinants sont quelquefois ramenés par les derniers2. S'il était arrivé que votre
Parlement eût refusé des lois utiles, il faudrait plaindre l'humanité, sans
rendre le Roi despote, sans détruire la Constitution, sans établir la servitude
par le système de la seule volonté. Mais est-il vrai que votre Parlement ait à
se reprocher des refus de cette espèce? Il ose demander quelles sont les Lois
1. C'est-à-dire, dans l'affaire du duc d'Aiguillon et de La Chalotais.
2. Telle n'était point la théorie ministérielle. Aux États de Languedoc, les pre-
miers opinants des trois ordres, afiidés à la Cour, touchaient un traitement
particulier, et nullement secret, parce qu'ils déterminaient l'un le banc des
évêques, l'autre celui de la noblesse, le troisième celui du tiers.
ET DE LA LIBERTÉ 69
utiles qui font la règle de ses jugements, et dont la France est redevable à
l'autorité absolue du Roi.
Ce n'est pas le Concordat. Le Parlement en a différé, il est vrai, la publica-
tion. Mais toute la France pensait comme lui. Votre Majesté n'ignore pas que
cette loi gênait également et l'Église et l'État.
Ce n'est pas X Ordonnance de Moulins. Le Parlement a combattu non pas la
loi, mais l'article deuxième de cette loi, lequel portait atteinte aux droits
sacrés de l'enregistrement : article déplorable, le premier de son genre, et le
sujet du repentir de L'Hôpital mourant.
Ce n'est pas l'Ordonnance de 1029, vulgairement appelée le Code Michau;
l'article 53 offrait le même vice que le deuxième de celle de Moulins. Le Code
Michau avait d'ailleurs d'autres inconvénients : il fut enregistré au lit de
justice, mais il n'a pas eu d'exécution.
Ce n'est pas l'Ordonnance de 1667. On peut dire qu'elle fut en partie l'ou-
vrage du Parlement. Les députés l'ont consentie avec les Commissaires du
Conseil : ceux-ci soumettaient les articles au Roi; les députés du Parlement
en rendaient compte à leurs chambres respectives ; on reportait aux confé-
rences les intentions du Roi et les réflexions des chambres : l'ordonnance fut
enfin rédigée; cette loi était utile, mais le titre premier, qui détruisait le droit
de vérification, était inadmissible. Louis XIV crut avoir besoin d'un lit de justice :
c'était sans doute le moyen de compromettre l'exécution de l'Ordonnance.
Quel fut l'événement ? Le Parlement eut le courage de ne pas reconnaître le
premier titre, et la sagesse de consacrer par ses Arrêts le surplus de l'Or-
donnance.
Lui serait-il permis d'opposer à son tour, aux ennemis du droit de vérifi-
cation, la suite des Lois fâcheuses dues aux lits de justice?
Sans remonter plus haut que la Régence, si, depuis cette époque, nos
lois, nos mœurs, la fortune publique, tous les états, toutes les compagnies, la
plupart des familles, ont éprouvé tant de secousses, ne sont-ce pas les fruits du
pouvoir arbitraire manifesté par des lits de justice? Si les impôts n'ont fait
qu'augmenter les dépenses, n'est-ce pas un effet de la sécurité que les lits de
justice inspirent aux Minisires? Si l'économie a pris sérieusement la place de
l'autorité, n'est-ce pas au moment où les Ministres ont cessé de compter sur
la même facilité? Le règne du feu Roi, pourquoi le tairions-nous? (au défaut
du Parlement l'histoire l'observerait), ce règne marqué par tant de lits de jus-
tice l'est aussi par l'excès des impôts, des emprunts et des profusions.
En vain, pour justifier le despotisme, on affecte de craindre pour le légis-
lateur. // aurait donc autant de volontés que de Cours dans son royaume : telle
est l'objection de vos Ministres. La réponse est dans les lois. Un serment
général, celui du sacre, lie à toute la France son souverain ; mais le roi ne
règne pas sur toutes les provinces aux mêmes titres. En Normandie, en Bre-
tagne, en Guyenne, en Languedoc, en Provence, en Dauphiné, en Alsace, en
Bourgogne, en Franche-Comté, dans les Pays-conquis, dans les Pays-réunis,
différentes conditions règlent l'obéissance. En lîéarn, le premier article de la
Coutume est un serment du Roi d'en respecter les privilèges : ce serment est
renouvelé à chaque règne par le Roi en personne, aux députés des États de
cette province, après quoi la province prête le sien; vous avez vous-même,
Sire, renouvelé le vôtre : la volonté du Roi, pour être juste, doit varier suivant
les provinces. Ce ne sont point les Cours qui l'enchaînent, mais les principes :
70 LE PARLEMENT DÉFENSEUR DE LA PROPRIÉTÉ
chaînes heureuses qui rendent plus solide le pouvoir légitime. Chaque pro-
vince a demandé un Parlement pour la défense de ses droits particuliers. Ces
droits ne sont pas des chimères : les Parlements ne sont pas de vaines insti-
tutions, autrement le Roi pourrait dire à la Bretagne : Je vous ôte vos États ;
à la Guyenne : J'abroge vos capitulations ; aux peuples de Béarn : Je n'entends
plus vous prêter de serment; à la Nation môme : Je veux changer celui du sacre;
à toutes les provinces : Vos libertés sont des chaînes pour le législateur, vos
Parlements l'obligent à varier ses volontés. J'abolis vos libertés, je détruis vos
Parlements.
Il est certain qu'alors la' volonté du Roi pourrait ôtre^ uniforme; mais, Sire,
qu'il soit permis à votre Parlement d'en concevoir quelque alarme. Serait-elle
juste? Serait-elle prudente? Serait-il enfin possible que vos Ministres eussent
formé de tels projets? Ce n'est certainement ni l'intention ni l'intérêt de
Votre Majesté.
Pour votre Parlement, Sire, ses principes, ou plutôt ceux de l'État qui lui
sont confiés, sont immuables : il n'est point en son pouvoir de changer sa
conduite. Quelquefois les Magistrats sont appelés à s'immoler avec les lois :
mais telle est leur honorable et périlleuse condition, qu'ils doivent cesser
d'être avant que la Nation cesse d'être libre1.
ORDRE DU 1101, DU 5 MAI 1788
II est ordonné au sieur Dagoust-, capitaine de mes gardes françaises, de
se rendre au Palais à la tête de six compagnies, de s'emparer de toutes les
issues, et d'arrêter dans la grand'chambrc, ou partout ailleurs, Messieurs Du-
val et Goislard pour les mettre entre les mains de la prévôté de l'Hôtel.
Signé de la main même du roi '.
1. La précision avec laquelle le Parlement analysait d'avance les édits du 8 mai
1788, et en décrivait les conséquences, s'expliquerait à la rigueur sans que l'on
fût obligé de rappeler que d'Espréménil avait réussi à s'en procurer les épreuves.
Les chroniqueurs qui écrivaient au jour le jour, les publicistes opposés ou favo-
rables au Parlement, faisaient pressentir depuis plus d'un an la reprise du grand
projet de Maupeou; jamais secret d'État n'avait clé plus mal gardé.
2. Sic, pour d'Agoult.
3. Arch. nat., X 1b 8!)88, f° 7. — Un imprimé de l'époque a raconté d'après
cette minute, presque intégralement copiée, le coup d'État du "j mai 1788, et la
séance de nuit du ï> au G. 11 y a toutefois dans la minute des passages raturés
mais lisibles, qui contiennent des détails intéressants et inédits sur le courage
du duc de Luynes, etc. — Duval et Goislard, amenés de force chez Thiroux de
Crosne, lieutenant général de police, se refusèrent énergiquement et formelle-
ment à le voir, <• attendu que, ('faut en robe, et ne cessant pas d'être conseillers
au Parlement, c'était à lui à venir les trouver. »
III
HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
JUSTICE CIVILE
Dans ses rapports avec Paris, nous avons à considérer le Parlement
sous deux points de vue : la haute justice, et la grande police.
La haute justice, c'est-à-dire la justice en dernier ressort, appartient
en principe au Parlement. Toutefois, en matière civile, les juridictions
du second degré prononcent des sentences définitives soit lorsqu'il
n'est point formulé d'appel, soit lorsque les litiges ont peu d'impor-
tance, soit enfin (quels que soient les litiges) lorsque les ayants cause
n'ont pas le droit de commit timus, ou n'en usent pas.
Les simples délits, les contraventions aux règlements de police ne
dépassent pas non plus, en général, le Chàtelet ou les juridictions soit
locales, soit spéciales.
Au criminel, c'est-à-dire pour les cas entraînant l'infamie, le ban-
nissement, les galères à temps ou à perpétuité, la potence, la mue, le
bûcher, le Parlement (au nom de la Chambre criminelle de la tour-
nelle) prononce l'immense majorité des jugements exécutoires : car
en fait il y a presque toujours appel, soit des condamnés en première
instance, soit du Procureur général. Notons toutefois que le Grand-
Conseil juge souverainement les crimes et délits commis dans l'étendue
de son ressort, la Cour des monnaies les crimes de fausse-mon-
naie, etc.
D'autre part, le Roi demeurant le Juge suprême peut toujours : 1° en
matière civile, évoquer une affaire à son Conseil, et quelquefois la
renvoyer à une commission exceptionnelle; 2° en matière pénale,
faire grâce, ordonner de surseoir à l'exécution, accorder des lettres
d'abolition ou de rémission, ou inversement ordonner aux juges infé-
72 HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
rieurs (au Châtelet par exemple) de juger prévôtalcment, c'est-à-dire
sans appel au Parlement ' .
Dans cet immense domaine de la juridiction civile et criminelle du
Parlement, nous ne pouvons nous arrêter qu'aux questions qui se
rapportent directement à notre sujet.
En ce qui concerne la justice civile, nous avons à noter : les mesures
prises par le Parlement à l'égard des agents secondaires ou inférieurs
de la justice civile qui exerçaient à Paris (Notaires, Procureurs, Huis-
siers), à l'effet de rendre les jugements moins onéreux et plus expédi-
tifs; les tentatives qu'il fit pour maintenir son indépendance, sinon sa
souveraineté, à l'égard des exceptions que le despotisme ministériel, le
favoritisme ou la chicane, lui opposaient dans l'enceinte même de la
Capitale ; le règlement relatif à la prison de la Force, spécialement
destiné aux prisonniers arrêtés pour dettes civiles.
ARRÊTS DE RÈGLEMENT
CONCERNANT LES NOTAIRES DE TARIS
Arrêt du Parlement, du 20 janvier 1779, rendu entre les substituts du
substitut de M. le Procureur général au Châtelet de Paris, et les Doyen, Délé-
gués et syndics des notaires audit Châtelet, qui, entre autres dispositions,
fait défenses à tous Officiers de procéder ou faire procéder aux levées de
scellés, inventaires et ventes de meubles, autrement qu'en y dénommant géné-
ralement tous les présomptifs héritiers connus, quoique absents, et en y appe-
lant un substitut pour les absents; et aussi d'assister pour un cohéritier ou
autre partie intéressée, sans procuration spéciale, postérieure au décès, et
passée devant Notaire; le lout à peine de nullité. — Et à l'égard des comptes
et partages autorise les substituts à y assister pour les absents, lorsque leur
présence aura été jugée nécessaire, ou lorsqu'ils y seront volontairement
appelés par les parties 2.
EXTRAIT DU REGISTRE
DES DÉLIBÉRATIONS DES NOTAIRES DE PARIS
28 AVRIL 1779
Me P>egiiault, syndic [de la Communauté des notaires de Paris], après avoir
rappelé différents points de discipline qu'il est très essentiel de ne point per-
dre de vue, a annoncé de la manière suivante la nécessité de fixer, par une
1. Cola n'avait guère lieu qu'on cas d'émeute .ou de révolte (exemple : l'affaire
Réveillon.
2. Bib. nat. Collection des arrêts, à la date.
JUSTICE CIVILE 73
explication précise, le sens et le véritable esprit de celui qui est ordonné par
l'article 9 des Règlements.
L'article 9 des Règlements arrêtés en 1679, homologués par Arrêt de la
Cour du 13 mai 1681 , porte qu'aucun ne pourra être admis à l'office de
notaire qu'il n'ait été clerc de notaire à Paris pendant cinq ans.
On sent aujourd'hui, plus que jamais, que le temps a rendu nécessaire une
interprétation de cet article.
Effectivement, dans le temps du Règlement qui remonte à un siècle, les
Notaires n'avaient communément qu'un seul clerc sédentaire.
Ils n'employaient d'autres sujets que lorsque la célérité des expéditions
l'exigeait. Ces sujets n'étaient point résidents, et ne faisaient d'autre office
que celui de copistes.
Le clerc sédentaire, au contraire, était un praticien déjà formé par la pra-
tique du Chàtelet. Il participait au travail du Notaire, et parvenait par degrés
à partager avec lui les opérations les plus importantes à mesure qu'il se ren-
dait digne de sa confiance.
Les auteurs des Règlements ont jugé avec raison que cinq années étaient
pour ce clerc un temps suffisant d'épreuve ettd'étude; et que lorsque l'on
reconnaissait d'ailleurs en lui la droiture du cœur, la régularité des mœurs et
la fermeté des sentiments d'honneur, il était juste de l'admettre à remplir un
état de toute l'importance et de toute la délicatesse duquel il était instruit et
pénétré.
L'art'.cle 9 alors ne souffrait point d'équivoque. Ces copistes externes, qui
n'avaient pas même le titre de clercs, élaient bien éloignés de s'appliquer sa
disposition, et de se mettre ainsi presque au niveau de ce clerc sédentaire, de
ce véritable et seul clerc aux yeux du Règlement, aux ordres duquel ils étaient
à peu près autant qu'à ceux du Notaire.
Avec le temps les affaires publiques et particulières se sont multipliées à
l'infini. Leurs variétés, leur complication, ont demandé le concours de plu-
sieurs agents. Les Notaires se sont déterminés à admettre avec ce clerc
sédentaire d'autres résidents qu'ils ont choisis, autant qu'il a été possible,
dans les familles de la bourgeoisie aisée et honnête, persuadés que les prin-
cipes d'une éducation soignée seraient garants de leurs sentiments et de leur
discrétion, en sorte que depuis longtemps il s'en trouve en chaque étude
depuis trois jusqu'à cinq, six et plus.
Dès lors l'on a connu les grades de premier, second, troisième, etc., ignorés
jusqu'alors; la dénomination de clerc qui, dans le principe, appartenait au
premier seul, est par l'usage devenue commune à tous; de sorte que, quoique
l'esprit du Règlement subsiste toujours et ne puisse s'entendre que du pre-
mier clerc, quoique même actuellement aucun ne crût pouvoir se présenter
s'il n'avait rempli cette place de premier, au moins pendant quelque temps ;
cependant tous sont et peuvent se dire clercs, et peuvent, d'après la lettre
du Règlement, se persuader qu'après cinq années de travail en cette qualité,
en quelque grade que ce soit, on ne doit faire aucune difficulté de les admettre,
encore qu'ils n'eussent rempli la place de premier que pendant l'une de ces
cinq années ou peut-être moins.
Dès là, tel qui, parvenu à la place de principal ou premier clerc à l'âge de
vingt-quatre ans, n'écoutera que la témérité trop ordinaire à la jeunesse,
s'imaginera pouvoir cumuler quatre années de travail dans les places infé-
U HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
rieures, dont il n'aura, comme de raison, recueilli que des notions très impar-
faites et fort éloignées de la connaissance profonde et nécessaire des principes
de son état et de l'étendue de ses devoirs. Il attendra avec impatience la
majorité nécessaire pour traiter, il en saisira avec avidité la première occasion
qui lui paraîtra toujours la meilleure, et parviendra peut-être-, par des ressour-
ces que le manège et l'intrigue ne suggèrent que trop fréquemment, à trouver
des appuis, des protecteurs, à leur en imposer par les termes du Règlement
et même par quelques exemples rares et dus à des circonstances particulières,
et à priver le Corps de la liberté très essentielle du choix de ses membres;
enfin à en obtenir un consentement forcé, qui livrera à son inexpérience le
sort de ses clients, avant qu'il soit en état de se conduire lui-même, et de plus
son propre honneur, dont les atteintes se feront vivement sentir au Corps
entier. Le succès, s'il était possible, multiplierait les entreprises audacieuses
de ces sujets frivoles, et découragerait nécessairement ces hommes utiles et
précieux qui, mûris pendant six, huit ou dix années, dans les travaux- et les
confidences nécessaires de la première place qu'ils remplissent avec distinction,
sont véritablement destinés à exercer les offices de notaires, et à perpétuer la
confiance et la considération dont leurs citoyens les honorent.
Il est donc très intéressant de prévenir un abus aussi pernicieux, avant
qu'il puisse prendre aucune consistance; et c'est de la part des Notaires un
dexoir de reconnaissance et de justice envers le public, de prudence et de
précaution pour la sûreté et la tranquillité des familles, et pour la conserva-
tion de l'honneur du Corps, dont ils ne peuvent s'acquitter avec trop d'em-
pressement.
La communauté des notaires propose de présenter à l'homologation du
Parlement une interprétation de l'article 9, d'après laquelle nul ne pourrait à
l'avenir être admis et reçu en l'office de notaire à Paris, qu'il n'eût exercé,
pendant cinq années de résidence continue et non interrompue chez les Notaires
de Paris, la place de principal clerc,... et ne fût actuellement travaillant en
cette qualité en l'étude d'un notaire de Paris : seraient exceptés... les fils et
gendres des notaires, qui seraient admissibles par la communauté après cinq
ans de travail comme simples clercs, pourvu qu'ils fussent capables.
Le lieutenant civil du Châtelet, Denis-François Angran d'Alleray r, et le
procureur du roi au Châtelet, Claude-Bernard-Franeois Moreau2, appelés à
donner leur avis au Parlement, proposent d'étendre l'exception :
1° Aux frères et neveux de notaires en exercice;
2° A ceux qui, ayant dix années d'étude chez les notaires, y auraient été em-
ployés pendant deux années et demie au moins en qualité de principaux clercs.
(Avis du Châtelet, du 17 mai 1779.)
C'est en ce sens que le Parlement rendit l'arrêt du 16 juillet 1779,
quilixe le temps d'étude nécessaire pour parvenir à être reçu notaire >.
1. Chevalier, comte des Maillis, seigneur de Basoches, Condé-Sainte-Libière et
autres lieux, conseiller du roi en ses conseils, honoraire en sa Gourde Parlement,
ancien procureur général de S. M. en son Grand-Conseil.
2. Chevalier, conseiller du roi en ses conseils d'État et privé.
3. Pièce m-4° (10 pages), de l'imprimerie de Glousier, rue Saint-Jacques. Bib.
nat., F, à la date.
JUSTICE CIVILE 75
PROCUREURS
La déclaration du 15 mars 1673 (registrée le 24) établissait la divi-
sion du travail parlementaire. Elle ordonnait de faire des rôles où
seraient mises toutes les Appellations verbales, tant simples que
comme d'abus, Requêtes civiles, Demandes en exécution d'arrêts, et
autres demandes principales, pour être plaidées les lundis, mardis et
jeudis matin, et les mardis et vendredis de relevée de chaque semaine.
Dans les rôles des mardis et vendredis de relevée, ne devaient pas être
portées les Requêtes civiles, les causes de Régale, les Appellations
comme d'abus en matière de bénéfices, ni celles qui concernaient l'état
des personnes, la police, et le domaine dn Roi. Après le temps de
chaque rôle fini, les causes qui restaient à plaider (sauf les Appellations
comme d'abus, Régales, Requêtes civiles, Appellations de simples
appointements endroit, et les causes à terminer par expédient), toutes
les autres causes donc demeuraient appointées au Conseil et endroit
en vertu d'un Règlement général auquel un Arrêt seul pouvait déroger.
Cependant, les défendeurs pouvaient, en matière de requêtes civiles,
requérir qu'elles fussent appointées, mais ils devaient le faire dans le
mois : autrement, elles étaient renvoyées au rôle suivant, sans qu'il
pût être fait, [tour raison de ce, aucunes sommations ni interpella-
tions. L'Arrêt du .'50 avril 1782 enjoint aux Procureurs en la Cour de
se conformera l'esprit et à la lettre de ces règlements, et de requérir
pour les défendeurs l'appointement des Requêtes civiles : à la charge
toutefois que les Requêtes civiles ainsi appointées seront renvoyées
aux Chambres où les Arrêts contre lesquels elles auront été obtenues,
auront été rendus, afin d'y être jugées et terminées.
CLERCS DE PROCUREURS
« Arrêt du 22 janvier 1777 qui renouvelle les anciens règlements sur le fait
de la Postulation. »
Il homologue la délibération des Procureurs de Communauté en
charge et anciens, du 20 janvier 1777. — Condamne les Procureurs
qui logent chez eux des clercs postulants à 6 mois de suspension, et
en cas de récidive à la privation de leur charge (art. 1); et tout clerc
convaincu de postulation en 200 livres de dommages-intérêts, sans'
rémission, et le cas échéant à la prison par contrainte de corps ; être
déclaré de plus incapable de remplir la charge de procureur, confor-
mément aux lettres patentes du 20 juin 1740 (art. 2). Lesdits clercs
Livres
Sols Den.
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76 HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
sont tenus, avant de devenir procureurs, de travailler 10 ans en études
de procureurs et non en chambres particulières (art. 3 et dernier).
Signé : Dufranc. Lu et publié à la Communauté, le 3 février 1777;
signé : Le Senesciial, procureur,
TARIF DES HUISSIERS
DES REQUÊTES DU PALAIS ET DES REQUÊTES DE L'HOTEL
ARRÊT DU PARLEMENT, 14 AOUT 1178
1. Signification simple, au Palais, de procureur à procureur.
2. Signification de procureur à procureur, à leurs domiciles.
3. Chacune desdites significations, à heure datée I
4. Appel de causes
5. Exploit simple (au domicile des parties) »
6. Exploit hors barrières 3 » »
7. Transport de l'huissier hors Paris, par lieue soit aller, soit
retour 1 10 »
8. Un jour de voyage de 10 lieues, ou un jour de séjour hors
Paris 15 » »
9. Vacations aux compulsoires, scellés, ou autres opérations
en vertu des sentences et ordonnances des Requêtes du
Palais ou de l'Hôtel, par heure 2 » »
Par rôle de 20 lignes à la page et 8 syllabes à la ligne. . » 10 »
10. Procès-verbal de réception ou remise de deniers, jus-
qu'à 1000 livres 8 » »
Jusqu'à 10,000 livres 15 » »
Au-dessus de 10,000 livres 30 » »
11. Procès-verbal d'opposition d'affiche pour vente de biens
immeubles, dans Paris et aux barrières » 12 »
Dans la banlieue 1 >• »
A distance plus éloignée, par lieue 1 10 »
12. Publications aux paroisses de Paris, pour chacune 4 10 »
Hors barrières et dans la banlieue G » »
A distance plus éloignée, par lieue- ... 1 10 »
HUISSIERS
« Arrêt de la Cour de Parlement, portant règlement entre les Six-Corps des
Marchands de la Ville de Paris, et les huissiers-commissaires-priscurs au Chà-
1. Non compris 1rs (i deniers appartenant à la Communauté «les procureurs.
2. L'article Kl ri dernier dit que dans 1rs articles ci-dessus ne soûl compris les
déboursés (papier timbré, contrôle, assistants, afficheur). — Cet Arrêt est con-
forme à la Requête de la Communauté des huissiers.
JUSTICE CIVILE 77
telet de Paris, au sujet des ventes de fonds de bouliques, marchandises et
meubles neufs (17 juin 1777) '. »
Il défend aux Huissiers de faire aucune vente de ce genre dans les
lieux prohibés ou maisons particulières empruntées ou prises à loyer;
leur permet de vendre, par autorité de justice seulement, dans les
salles des couvents des Grands-Augustins, de la Mercy, et de Sainte-
Croix de la Bretonnerie : en ce cas, ils en donneront avis aux bureaux
des Six-Gorps. Us ne peuvent en aucun cas vendre les effets non com-
pris dans les inventaires après décès, ou dans les procès-verbaux de
saisies. Ils ne peuvent vendre aucun fonds de boutique en tout ou en
partie, meubles meublants neufs, ou étoffes en pièces, sans autorisa-
tion des gardes des Six-Gorps. Lesdits gardes ont le droit d'envoyer
l'un d'entre eux au Chàtelet pour prendre des notes à toute vente
publique, et, sans interrompre les vacations, agir comme de droit
après récolement de leurs notes et des inventaires ou procès-verbaux.
— (Signé : Dufranc, collalionné : Bertiielot; scellé le 22 juin 1777,
signé /Vacher; pour copie signé : Niverd; signifié à la Communauté
des huissiers le 25 juin 1777.)
Arrêt du Parlement, du 5 mai 1778, contre les ventes de marchandises à
perte de finance.
... La Cour ordonne que les négociants qui seront prévenus de négocia-
tions frauduleuses, d'avoir vendu des marchandises à un prix beaucoup au-
dessus de leur valeur, et de les avoir ensuite fait acheter par des personnes
interposées à un prix inférieur à celui de la vente, ne pourront être admis
dans les Corps et Communautés dont ils sont membres, aux places de gardes,
syndics et adjoints desdits Corps et Communauté, ni à aucune place dans la
juridiction consulaire, soit comme consul, soit comme conseiller, sauf à être
procédé, par les voies de droit, contre lesdits marchands et négociants qui
seront prévenus de négociations frauduleuses, conformément aux Ordonnances
et Arrêts de règlement de la Cour : Ordonne que le présent arrêt sera lu et
publié, l'audience tenante de la juridiction des consuls, imprimé et affiché, et
signifié, à la requête du substitut du procureur général du roi au Chàtelet
de Paris, aux gardes, adjoints des Six-Corps des marchands, et de la librairie
et imprimerie. Fait en Parlement, le 5 mai 1778. Collationné, Lutton.
Signé : Dufranc.
HUISSÏEBS ET JUGE-CONSULS *
« Arrêt du 16 janvier 1781, qui fait défenses à tous huissiers... de recevoir
les cautions qui auront été ordonnées par les jugements des juge-consuls, ni
de recevoir les soumissions et engagements des cautions. »
1. Pièce in-4° de 4 p. (Paris, Knapcn, 1777).
2. C'est-à-dire : juge et consuls.
78 HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
A peine d'interdiction et de nullité. Vise le titre XXVIII de l'Ord. de
1667 (art. 1, 2, 4). ■ — Concerne spécialement la Juridiction consu-
laire de Paris, au greffe de laquelle les cautions devaient être reçues.
ARTICLES DE RÈGLEMENT '
« Faire défenses aux procureurs de la Cour, sous telle peine qu'il appar-
tiendra, de présenter des requêtes cl d'obtenir des arrêts de défenses ou sur-
séances contre l'exécution des sentences et jugements intervenus en matière
civile dans les cas ci-après » :
Trois cas concernent les appels comme d'abus, trente-deux les juri-
dictions ordinaires, vingt les juridictions extraordinaires (juge-con-
suls, eaux, et fonds, amirauté). Signé : Joly de Fleury. Homologué le
23 août 1 783. — (L'Arrêt fut imprimé et publié.)
Un autre arrêt de règlement (18 mai 178i) - défend « aux procureurs de la
Cour d'introduire, sous quelque prétexte que ce soit, aucuns référés sur les
oppositions aux arrêts de défenses ou surséances, et demande en main levée
d'icelles, comme aussi sur les oppositions formées aux arrêts sur requêtes
qui ordonnent l'exécution des sentences el la continuation ».
FRAIS DE JUSTICE
Arrêt du 7 mai 1782, qui fixe la manière de procéder sur les appels in-
terjetés de la liquidation dos dépens, faite par les sentences rendues dans
les sièges et. justices subalternes '. (Ces appels donnaient lieu à des procé-
dures dont les frais excédaient ceux de la cause principale.)
Le 7 mai 17814, sur l'ordre du Roi, le Parlement présente un Mé-
moire concernant la réduction des frais de justice. Il fait ressortir que
dans ces frais le lise a plus d^ part que les magistrats. 11 conclut à la
suppression des épices et des vacations comme d'un impôt sur la
justice; il reconnaît que dans les saisies réelles l'énormité des frais de
procédure est aussi ruineuse pour les créanciers que pour les débi-
teurs.
LETTRE DE CACHET
du 9 janvier 1789, sur lettres patentes du 6
« De par le Roy ,
« Nosamésct féaux, nous vous envoyons nos lettres patentes de ce jour, qui
1. Arch. mil., X 1b 8979, 23 août 1783.
2. Ibid., 18981.
:î. Collection de ta Bib. nat., à la date.
4. Arch. nat., X 1b 8981, à la date.
JUSTICE CIVILE 79
nomment des magistrats à l'effet de s'occuper des moyens d'abréger les lon-
gueurs et diminuer les frais des procédures civiles et criminelles, et réunir
en un même code les diverses loix pénales établies par les anciennes ordon-
nances.
« A l'enregistrement desquelles nous vous mandons et ordonnons de pro-
céder. Si n'y faites faute. Car tel est notre plaisir. Donné à Versailles, le 6 jan-
vier 1789.
« Signé : Louis.
« Laurent de Villedeuil1. »
ARRET DU PARLEMENT
DU 19 FÉVRIER 1782, PORTANT RÈGLEMENT POUR LA PRISON
DE LTIOTEL DE LA FORCE2
Vu par la Cour la requête présentée par le Procureur général du Roi,
contenant que, par la Déclaration du 30 août 1780, registréc en la Cour
le 5 septembre audit an, portant établissement de nouvelles prisons, il est
ordonné que l'hôtel de la Force et ses dépendances demeureront destinés à
servir de prison pour renfermer spécialement les prisonniers arrêtés pour
dettes civiles; et comme il paraît convenable de renouveler pour cette prison
les dispositions des Ordonnances, et de l'arrêt du 18 juin 1777, pour ce qui
concerne les prisonniers détenus pour dettes civiles; a ces causes, requérait
le Procureur général du Roi, à ce qu'il plût à la Cour ordonner que les articles
de Règlements, joints à la présente requête au nombre de 29 articles, seront
exécutés pour la prison de l'hôtel de la Force; ordonner, au surplus, que les
articles du litre XIII de l'Ordonnance du mois d'août 1070, touchant les pri-
sons, greffiers des geôles, geôliers et guichetiers, la Déclaration du mois
d'août 1780, regislrée en la Cour le 19 du même mois, concernant les aliments
des prisonniers, et l'arrêt du 17 juin 1717, le tout en ce qui concerne les
prisonniers pour dettes civiles, seront exécutés; ordonner que l'arrêt qui
interviendra, et les articles de règlements y annexés , seront imprimés, lus
dans les chapelles de l'hôtel de la Force, tous les premiers dimanches de
chaque mois, en présence de tous les prisonniers, et affichés aux [portes des
chapelles, à celles de la prison, dans le greffe, sur le préau, et dans les lieux
les plus apparents de la prison, et les affiches renouvelées tous les ans, à la
Saint-Martin et à Pâques, même plus souvent, s'il est nécessaire, à la diligence
du substitut du procureur général du Roi, qui aura été par lui commis pour
la visite de ladite prison. Faire défenses aux prisonniers, et à toutes autres
personnes, d'enlever ou déchirer lesdites affiches, sous telles peines qu'il
1. Arch. liât., X 1B 8989, à la date.
2. Pièce in-4°, 12 pages (Bib. nat., F, à la date).— Voyez aussi VArrêl du Par-
lement, du 1« février 1785, « qui ordonne qu'à partir du 1er mars 1785, les
créanciers écrouant et recommandant seront tenus de consigner entre les mains
des greffiers ou geôliers des prisons de la Ville de Paris, et paravance,la somme
de 12 livres 10 sols par meis, ponr la nourriture des prisonniers qu'ils feront
arrêter ou recommander, à moins que les prisonniers ne déclarent sur le registre
tenu par les greffiers ou geôliers, qu'ils n'entendent recevoir de leurs créanciers
aucuns deniers pour leurs aliments ». (Pièce de 3 p. in-4°.)
80 HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
appartiendra, et aux greffiers, concierge et guichetiers de le souffrir, aussi
sous telles peines qu'il appartiendra.
Ladite requête signée du procureur général du Roi.
Suit la teneur desdits articles de Règlement :
Article premier
On dira tous les jours la messe dans les chapelles] de la prison, depuis la
Saint-Remi jusqu'à Pâques, à neuf heures, et la prière du soir à quatre heures;
et depuis Pâques jusqu'à la Saiel-Remi, la messe à huit heures, et la prière
du soir à cinq heures; les prisonniers, tant hommes que femmes indistincte-
ment, et de quelque condition qu'ils soient, seront tenus d'y assister tous les
jours, à peine, contre ceux qui n'iront point à la messe, d'être privés, pendant
trois jours, de parler aux personnes qui les viendront visiter, pour la première
contravention; et du cachot, pour la seconde, pendant trois jours au moins, et
plus, en cas de récidive. Enjoint au concierge de les y faire assister, et d'em-
pêcher qu'ils vaguent ou se promènent pendant le service divin. Fait défenses
audit concierge de laisser entrer qui que ce soit, ni boissons quelconques,
pendant ce temps, à peine de dix livres d'amende, à laquelle il sera condamné
par les commissaires de la prison, et ce, sur un simple procès-verbal conte-
nant la déclaration de deux témoins au moins.
II
Les dimanches et fêtes*, durant la messe, le sermon et les vêpres, le con-
cierge fera fermer toutes les chambres; lui fait pareillement défenses de lais-
ser délivrer ou fournir aucuns vivres ou boissons aux prisonniers avant la
messe, et durant tout le service divin desdi's jours, sous pareille peine.
III
Les chambres et les dortoirs seront ouverts à sept heures du matin, depuis
la Toussaint jusqu'à Pâques, et à six heures, depuis Pâques jusqu'à la Tous-
saint; et les prisonniers seront renfermés à six heures du soir, depuis la
Toussaint jusqu'à Pâques, et à sept heures, depuis Pâques jusqu'à la Tous-
saint, à l'exception néanmoins des prisonniers payant le loyer de leurs chambres,
lesquels ne seront renfermés qu'à sept heures du soir, depuis la Toussaint
jusqu'à Pâques, et à huit heures, depuis Pâques jusqu'à la Toussaint; ce que
le concierge fera observer, sous pareille peine : après la messe, les lits des
dortoirs seront faits, et les lieux nettoyés par les prisonniers, ensuite lesdits
dortoirs seront refermés jusqu'au soir, un peu avant l'heure de la retraite, à
l'exception des chambres dont les prisonniers payeront le loyer.
IV
Lorsqu'un prisonnier arrivera dans la prison entre les deux premiers gui-
chets, il ne pourra être gardé pendant plus de deux heures; fait défenses au
concierge ou aux guichetiers de les y garder plus longtemps, sous prétexte de
droits d'entrée, gîtes et geôlages ou autrement, à peine de dix livres d'amende.
V
Le concierge aura soin de mettre ensemble les prisonniers de même espèce,
JUSTICE CIVILE 81
et d'observer que chacun de ceux qui sont en commun, suivant son ancien-
neté, ait la place la plus commode ; défenses audit concierge de laisser dans
les dortoirs aucun malade, ni de recevoir de l'argent des prisonniers pour les
mettre dans un lieu plutôt que dans un autre, le tout à peine de restitution
du quadruple et de destitution s'il y échet; et, après qu'un prisonnier aura
été mis dans une des chambres ou dortoirs, il sera tenu de la balayer et
tenir propre, jusqu'à ce qu'il y survienne un autre prisonnier.
VI
Les femmes et filles prisonnières seront mises dans des lieux séparés et
éloignés de ceux des hommes prisonniers ; les uns et les autres auront la
liberté du préau aux heures qui ne seront pas employées au service divin;
seront visitées par les guichetiers les personnes suspectes qui viendront voir
les prisonniers, à l'effet de s'assurer qu'elles n'apportent ni instruments ni
armes nuisibles à la sûreté.
VII
Fait défenses au concierge et aux guichetiers, à peine de destitution, de lais-
ser entrer au dedans de la prison des hommes aucunes femmes ou filles,
autres que les mères, femmes, filles ou sœurs des prisonniers; et, à l'égard
des autres femmes et filles, elles ne pourront parler aux prisonniers qu'au
parloir, et en présence d'un guichetier ; défenses pareillement faites aux hommes
pour l'entrée au dedans de la prison des femmes.
VIII
Fait défenses aux anciens prisonniers d'exiger ou de prendre aucune chose
des nouveaux venus, en argent, vivres ou autrement, sous prétexte de bien-
venue, chandelles, balai, et généralement sous quelque prétexte que ce puisse
être, quand même il leur serait volontairement offert, ni de cacher leurs
bardes, ou de les maltraiter, à peine d'être enfermé[s] dans un cachot pendant
quinze jours, et d'être mis ensuite dans une autre chambre ou cabinet moins
commode que celui où ils étaient, et même à peine d'être poursuivis extraor-
dinairement s'il y échet.
IX
Enjoint auxdits anciens et autres prisonniers de dénoncer ceux de leur
chambre ou dortoir qui auront juré le saint nom de Dieu, ou fait des exac-
tions ou violences, à peine d'être punis comme complices, et aux concierge
et guichetiers de s'en enquérir soigneusement, et en donner avis à l'instant
au procureur général du Roi ou à son substitut, à peine de destitution.
Les guichetiers conduiront les personnes qui viendront faire des charités
dans les lieux de la prison où elles désireront les distribuer, ce qu'elles pour-
ront faire elles-mêmes sur le préau, ou dans la cour, en présence desdits
guichetiers.
XI
«
Les prisonniers ne payeront à l'avenir aucun droit d'entrée ni de sortie de
la prison.
6
82 HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
XII .
Ceux qui voudront coucher dans les chambres particulières à un seul lit, à
deux, à trois et à quatre, avec cheminée ou sans cheminée, et dans les cabi-
nets, en payeront le loyer à un prix lixc par jour, suivant la commodité des-
dites chambres et cabinets, au-dessus de la porte desquels ledit prix sera
énoncé. Le geôlier recevra les sommes provenant de ces loyers, et il les dépo-
sera entre les mains du greffier, qui lui en donnera son reçu.
XIII
Les prisonniers seront libres de faire venir leur nourriture du dehors, sauf
au geôlier à régler les heures des repas, et la quantité des boissons, confor-
mément à la discipline de la prison.
XIV
Les prisonniers qui seront nourris du dehors seront pareillement libres de
se faire servir par les domestiques autres que les guichetiers sous l'inspection
du concierge, qui sera tenu de prendre à cet égard les mesures nécessaires
pour la sûreté, et conformes à la discipline de la prison. Ceux qui occuperont
des chambres à feu se feront apporter du bois, qu'ils achèteront du dehors,
après en avoir prévenu le concierge, et il sera défendu dans lesdites cham-
bres, et autres, d'avoir de la lumière après dix heures du soir, à peine contre
les prisonniers d'être privés pendant huit jours de chandelles ou autres lu-
mières à la première contravention, cl d'être remis dans les dortoirs à la
seconde; le concierge aura la faculté de faire, soit par lui, soit par les gui-
chetiers, à toutes heures, soit la nuit, soit le jour, la visite de toutes les
chambres et lieux dépendants de la prison.
XV
Fait défenses audit concierge de faire aucune convention avec les prison-
niers pour des fournitures quelconques, de retenir à ceux qui auront obtenu
leur élargissement plus que ce qui sera légitimement dû pour le loyer des
chambres, à proportion des jours qu'ils les auront occupées, et de prendre de
plus grandes sommes que celles fixées pour le prix desdites chambres, dont
le mois sera néanmoins payé d'avance, et ce sous quelque prétexte que ce
soit, et à peine de concussion.
XVI
Enjoint audit concierge d'avoir un registre particulier relié, coté et pa-
raphé par les conseillers-commissaires de la prison, dans lequel il écrira de
sa main, sans y laisser aucun blanc, Tes jours d'entrées et sorties des pri-
sonniers, et tout ce qu'il recevra chaque jour de chacun, pour gîtes et geô-
lages, dont il donnera sa quittance ; le tout à peine de dix livres d'amende
par chacune contravention.
XVII
Permet audit concierge de faire passer dans les dortoirs communs les pri-
sonniers des chambres huit jours après qu'ils seront en demeure de payer
leur gîte.
XVIII
Défenses faites aux guichetiers, à peine de restitution du double et d'être
JUSTICE CIVILE 83
privés pour toujours de leur emploi, même de punition corporelle s'il y
échet, d'exiger, demander ou accepter aucune chose, en quelque manière et
sous quelque prétexte que ce soit, tant des prisonniers, lorsqu'ils entrent en
la prison, que de ceux qui les amènent, écrouent, recommandent ou déchar-
gent, les viennent visiter, leur font des aumônes, ou les délivrent par charité.
XIX
Fait défenses au concierge et aux guichetiers de la prison d'injurier, baltre
ou maltraiter les prisonniers, de leur laisser prendre du vin ou de l'eau-de-
vie par excès, à peine de répondre en leur propre et privé nom, et de leur
laisser délivrer aucune marchandise ou denrée qu'elle ne soit des poids, me-
sure et qualité requises par les ordonnances de police.
XX
Le greffier de la prison se tiendra dans son greffe, entre la Saint-Rcmi et
Pâques, depuis sept heures du matin jusqu'à midi, et depuis deux heures de
relevée jusqu'à cinq; et entre Pâques et la Saint-Picmi, depuis six heures du
matin jusqu'à midi, et depuis deux heures jusqu'à six heures du soir.
XXI
Ledit greffier sera tenu d'avoir un registre relié, coté et paraphé par pre-
mière et dernière, dans tous ses feuillets, par les conseillers-commissaires de
la prison ; tous les feuillets dudit registre seront séparés en deux colonnes,
l'une pour les écrous et recommandations, et l'autre pour les élargissements
et décharges, et il ne pourra laisser aucun blanc dans ledit registre.
XXII
Les écrous, recommandations et décharges feront mention des arrêts, juge-
ments et actes en vertu desquels ils seront faits, et de leurs dates, de la juri-
diction dont ils seront émanés, ou des notaires qui les auront reçus; comme
aussi du nom, surnom et qualité du prisonnier, de ceux de la partie qui fera
faire les écrous et recommandations, et du domicile qui sera par elle élu, à
peine de nullité; et ne pourra être fait qu'un écrou, encore qu'il y ait plu-
sieurs causes de l'emprisonnement.
XXIII
Les huissiers donneront eux-mêmes, en main propre, à ceux qu'ils consti-
tueront prisonniers, ou qu'ils recommanderont, des copies, lisibles et en bonne
forme, de leurs écrous et recommandations; à l'effet de quoi lesdits prison-
niers seront amenés entre les deux guichets, en présence du greffier, qui sera
tenu de mettre son certificat sur son registre à la fin de chacun desdits
écrous et recommandations, à peine d'interdiction contre les huissiers, pour
la première fois, et de privation de leurs charges pour la seconde; et contre
ledit greffier de vingt livres d'amende pour chacune contravention, et de tous
dépens, dommages et intérêts, même de plus grande peine s'il y échet.
XXIV
Fait défenses aux greffier et concierge de faire passer aucun prisonnier
dans les chambres et dortoirs de la prison, qu'ils n'aient été premièrement
84 HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
écroucs en la manière portée par les deux articles précédents, et que la date
des écrous, le nom, qualité et demeure de l'officier qui les aura faits, n'aient
été écrits sur le registre du greffe, et copie du tout laissée au prisonnier.
XXV
Le registre du greffier et celui du concierge contenant ce qu'il a reçu des
prisonniers pour gîles et geôlages, seront par eux représentés lors de chacune
visite et séance qui sera faite dans les prisons.
XXVI
Fait défenses à tous huissiers de rieti exiger de ceux qu'ils conduiront à la
prison, sous prétexte d'avoir fourni un carrosse à cet effet, à peine de resti-
tution du quadruple de ce qu'ils auront reçu, et de vingt livres d'amende et
de plus grande peine s'il échet ; sauf à eux de s'en faire payer par la partie
à la requête de laquelle l'emprisonnement aura été fait.
XXVII
Fait pareillement défenses, sous les mêmes peines, auxdits huissiers, même
aux exempts du lieutenant criminel de robe courte et autres officiers de jus-
tice, et aux guichetiers, sous la même peine, de rien exiger des prisonniers,
qu'ils pourraient être dans le cas de transférer dans une autre prison, pour
l'instruction de procès ou autre cause, sauf à se faire payer par les parties
à la requête desquelles ils les transféreront.
XXVIII
Lorsqu'un prisonnier sera obligé de faire des significations ou d'obtenir des
jugements ou arrêts contre ses créanciers, pour être payé de ses aliments, le
greffier ne recevra les créanciers à consigner les aliments pour l'avenir, qu'en
consignant en même temps ceux qui n'ont point été payés, et en remboursant
le prisonnier des frais desdites significations et jugements qui seront liquidés,
sans procédures, par les conseillers de la Cour commis pour la visite des
prisons, à peine contre ledit greffier de payer de ses deniers ce qui pourra
être dû au prisonnier, tant pour ses aliments que pour les frais qu'il aura faits
pour en être pavé.
XXIX
Les visites et séances seront faites par les conseillers commis par la Cour,
avec le substitut du procureur général du Roi, par lui nommé, avant les fêles
de Noël, Pâques et Pentecôte, et de saint Simon et saint Jude, et, en outre,
avant la Notre-Dame d'août, sans préjudice des visites particulières qui se-
ront faites dans ladite prison par le procureur général du Roi, ou celui des
substituts qu'il commettra.
Signé : Joly de Fleury.
Ouï le rapport de M0 Adrien-Louis Lefèvre, conseiller : Tout considéré.
La Cour ordonne que les articles de règlement joints à la requête du procu-
reur général du Roi, au nombre de vingt-neuf articles, seront exécutés pour
la prison de l'hôtel de la Force ; ordonne, au surplus, que les articles du
titre XIII de l'ordonnance du mois d'août 1770, touchant les prisons, greffiers
des geôles, geôliers et guichetiers; la déclaration du mois d'août 1780, régis-
JUSTICE CIVILE 85
trée en la Cour le 19 du même mois, concernant les aliments des prisonniers,
et l'arrêt du 18 juin 1717; le tout, en ce qui concerne les prisonniers pour
dettes civiles, seront exécutés ; ordonne que le présent arrêt, et les articles
de règlement y annexés, seront imprimés, lus dans les chapelles de l'hôtel de
la Force, tous les premiers dimanches de chaque mois, en présence de tous
les prisonniers, et affichés aux portes des chapelles, à celles de la prison,
dans le greffe, sur le préau et dans les lieux les plus apparents de la prison,
et les affiches renouvelées tous les ans à la Saint-Martin et à Pâques, même
plus souvent s'il est nécessaire, à la diligence du substitut du procureur
général du Roi qui aura été par lui commis à la visite de ladite prison. Fait
défenses aux prisonniers, et à toutes autres personnes, d'enlever ou déchirer
lesdites affiches, sous telles peines qu'il appartiendra, et aux greffier, con-
cierge et guichetiers, de le souffrir, aussi sous telles peines qu'il appartiendra.
Fait en Parlement, le 19 février 1782. Collationné, Lutton.
Signé : Dufranc.
IV
LE PARLEMENT
ET LA JUSTICE CRIMINELLE A PARIS
ESSAI DE STATISTIQUE
C'est la Chambre delà tournelle qui prononce (sauf de rares excep-
tions) les Arrêts criminels définitifs et exécutoires relatifs au territoire
de la Ville, prévôté et vicomte de Paris ' .
Il ne nous appartient pas d'étudier ici la procédure criminelle et les
pénalités de l'ancien régime. Mais il importe à notre sujet de donner
une idée nette de la criminalité parisienne, depuis le rétablissement du
Parlement par Louis XVI jusqu'à la Révolution. Le nombre et la nature
des crimes, les peines prononcées, la publicité du carcan, du fouet,
de la marque, des exécutions, sont autant d'éléments indispensables
pour apprécier l'état moral et social de Paris à la fin du XVIIIe siècle.
La brillante littérature des philosophes et des poètes, le raffinement
des arts, l'éclat de la haute société noble, financière ou bourgeoise, ne
nous éblouissent que trop sur cette époque; et, par un effet naturel de
contraste, les masses populaires nous effrayent lorsque tout à coup
elles font irruption sur cette scène si brillamment décorée.
Aussi est-il utile de rappeler que la honte, la souffrance et la mort
humaines formaient comme le spectacle ordinaire des Parisiens. Les
Arrêts criminels étaient partout affichés, criés et colportés2; les lieux
d'exécution étaient nombreux et même en quelque sorte arbitraires,
car il s'agissait de multiplier les exemples, que prolongeait la lenteur
des supplices 5. Quoi d'étonnant si une telle éducation a rendu cruelles
les foules qui la subissaient?
1. La tournelle ne juge qu'avec la grand1 chambre, et même avec les pairs,
certains personnages qualifiés.
2. Même ceux relatifs au ressort du Parlement, et non point seulement au
territoire <le Paris.
3. La question préparatoire avait été abolie en 1780 (24 août, ltég. 5 sept.)
JUSTICE CRIMINELLE 87
Les 237 Arrêts criminels, imprimés, dont nous donnons les dates ',
exigent, pour en bien interpréter le sens statistique, quelques remar-
ques préliminaires.
Ils forment une série régulière et ininterrompue de 1774 jusqu'en
1787.
L'exil du Parlement à Troyes, en 1787, et surtout sa suspension de
fait après le lit de justice du 8 mai 1788, expliquent la rareté des
arrêts criminels qui se rapportent à ces deux années. Bien que les
Grands-Bailliages n'eussent pu fonctionner, le garde des sceaux n'en-
leva pas moins à la Conciergerie du Palais un grand nombre des
justiciables qui attendaient du Parlement leur sort définitif :
Il a été enlevé d'autorité à la Conciergerie du Palais environ une trentaine
de prisonniers qui ont été transférés les uns dans les prisons de Sens, les
autres dans les prisons de Beauvais, d'autres enfin dans celles de Poitiers,
pour être jugés souverainement par les Grands-Bailliages nouvellement établis
dans ces trois villes, en exécution des nouvelles lois. Les sieurs Fremijn et
Lebreton, greffiers de la tournellc du Parlement, ont été contraints d'ouvrir
leur greffe et de remettre toutes les pièces des procès desdits prisonniers dont
il avait été délivré récépissé pour leur décharge et leur justification person-
nelle5.
Après avoir pensé à établir un Grand-Bailliage à Paris ou à Ver-
après être tombée en désuétude; mais la question préalable à. l'exécution dura
autant que l'ancien régime.
1. Bib. nat., collection en feuilles (in-4°) des Arrêts du l'a rie me ni. Arrêts des
3, 12, 13 déc. mi, -- 4, 7, 11, 17, 21 janvier, 2(1, 27 mars, 10 avril, 12, 27 juin,
11 août (deux à cette, date), 17, 28 août, 1, 13, 14,20,27 sept, (deux), 4, 27 octobre,
7, 18, 20, 24 déc. 1775;— 30 janv., 11 mars, 2, 25 avril, 9, 11, 14, 17 mai, 28 juin,
23 juil., 8, 29 août (deux), 2 sept., 2, 12, 17, 19 oct. (deux), 2!) nov., 7, 10, 13, 10,
23 déc. 1776; — 4, 16, 21, 30 janv., 19, 28 fév., 6, 11, 11, l!l mars, 5, 7, 12 mai,
3, 19 juil., 1, 30 août, 19, 23, 24 sept., .ri, 9, 16, 30 déc. 1777; — 15, 23 janv., 12,
14 fév., 12, 30 mars, 7 avril, 11, 18, 22, 27, 30 mai, 3 juin, 8, 12, 13, 22, 31 août,
1, 10, 29 sept., 1, 8, 17, 20 oct., 5, 15, 22 dée. 1778; — 9, 19, 211, 21 fév.; 9, 12, 17
mars, 7, 17 mai, 8 juin, 6, 13, 20 juil., 13, 20 août, 14, 30 sept., 5, 8, li, 2(1, 21 oct.
(deux), 26 oct., 27 nov. (six), 2, 3, 9, 10 dée. 1779; -- 4, 19, 25 janv., 11 fév., 4,
20 mars, 7, 9, 22 juin (deux), 28,30 juin, 4, 15, 29 juil., 12, 28, 30 août, 9, 12 sept.
(trois), 14, 19, 22 sept., 14 oct., 1, 7 déc. (deux), 14, 15, 19, 29 déc. 1780; — 3,14,
17 fév., 13, 24 mars, 18 mai (deux), 25 mai, 7, 21, 26 juil. (deux), 27 juil., 12, 13,
27 oct. 1781; — 1, 22 fév., 6, 9 mars, 30 avril, 6 juil., 14 août, 4 sept., 1, 3 oct.
(deux), 14 déc. 1782; — 31 janv.,- 8 fév., 8 mars, 16, 30 mai, 11 août, 6 sept.,
10 oct. 1783; — 6 fév., 27 mars, 3 avril, 13 juil., 3 août, 15 sept., 4, 5, 27 oct.,
17 déc. 1784; — 1, 18, 27, janv., 11, 16 fév., 12, 27 avril, 2, 31 août 1785; —
17 janv., 31 luai, 30 juin, 11 août, 5 sept. 1786;— 17 janv., 5 déc. 1787; — 25 av.
28 oct., 1788;— 17 janv., 18 fév. 1789. En 1788 pour la première fois, note Hardy
(nuis. 6687 de la Bib. nat., p. 190), il n'y avait eu ni à Paris ni dans ses environs
« aucun jugement quelconque portant condamnation de mort ».
2. Hardy, 16 juillet 1788, t. VIII, page 19.
88 HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
sailles, le garde des sceaux Lamoignon sollicita le Châtelet de juger
en cette qualité, c'est-à-dire sans réserver l'appel '. Mais le Châtelet s'y
refusa constamment, et ceux de ses membres ou anciens membres qui
avaient accepté d'abord de faire partie du Grand-Bailliage revinrent
tous sur leur détermination.
Cependant, si la justice chômait, le crime ne chômait pas. A mesure
qu'augmente le prix du pain 2, en 1788, les crimes et délits d'attaques
à main armée, de charité impéralive, de vols simples ou avec effrac-
tion, se multiplient. Les gens de police, abhorrés à cause de leur rôle
politique, et rendus responsables des sanglantes journées de septem-
bre 1788, affectent à l'égard des délits de droit commun une certaine
indifférence. Les citoyens sentent de plus en plus vivement la néces-
sité d'organiser par eux-mêmes le service de la sûreté urbaine.
En dépit des constantes évacuations de prisonniers de Paris dans
les prisons de province, les longs retards apportés à la reddition de la
justice, et les circonstances politiques et économiques, remplirent la
plupart des prisons de la Capitale, au point qu'une des tâches les plus
urgentes de la Constituante fut, aussitôt après le 14 juillet, de liquider
ce terrible passé de l'ancien régime, c'est-à-dire de délivrer les con-
damnés ou prévenus politiques, et de donner des juges aux autres le
plus promptcment possible.
Cette époque troublée et anormale de 1787 à 1789 doit donc être
laissée en dehors de la statistique criminelle de Paris sous Louis XVI;
mais l'on peut essayer de donner le tableau synthétique des deux
périodes quinquennales : 1er janvier 1775 au 31 décembre 1780, et
1er janvier 1781 au 31 décembre 1780 3.
1. Hardy, t. VIII, p. 21 et 33.
2. Le 3 octobre 1788, quatre voleurs de plomb sont surpris sur un toit. L'un
(1rs quatre déclare qu'il est père de famille, qu'il est sans travail, et qu'il ne peut
vivre et nourrir les siens que par ses rapines. Puis il se jette du haut du toit et
se fracasse la tête sur le pavé « après avoir, dit le minutieux Hardy, brisé un
réverbère ». (Hardy, 1. VIII, p. 105.)
3. 11 est clair que certains arrêts ont pu nous échapper; d'autre part, il n'y
avait pas toujours appel, soit du condamné, soit du procureur général. Mais
c'était, dans les cas graves, une exception négligeable. Quoi qu'il en soit, nous
raisonnons d'après les documents à nous connus, et nous ne donnons nos con-
clusions que comme approchantes de la vérité.
JUSTICE CRIMINELLE 89
PREMIÈRE PÉRIODE, 1" JANVIER 1775 AU 31 DÉCEMBRE 1780
Sur 137 arrêts criminels rendus, soit .par la tournelle, soit par la
grand'chambre et la tournelle assemblées , et concernant le ressort
de la Ville, prévôté et vicomte de Paris ainsi que ses enclaves judi-
ciaires, il y a 41 arrêts entraînant la mort par la roue, le bûcher ou
la pendaison. Ils concernent 55 individus, soit une moyenne de 11 par
an pour une population qui ne dépassait certainement pas 1 million
d'habitants. Sur ce nombre il y a 53 hommes, et 2 femmes seulement.
Les juges du premier degré (Châtelet,etc.) avaient, pour six des con-
damnés, prononcé un plus ample informé ou une peine n'entraînant
pas la mort. Un seul individu condamné à la roue par le Ghâtelet voit
son cas réservé par le Parlement, jusqu'après l'exécution de ses com-
plices : il est d'ailleurs condamné ensuite à la potence.
Les crimes capitaux se répartissent ainsi :
Assassinats prémédités, violences graves, meurtres, attaques noc-
turnes à main armée 21
Viol de mineurs 1
Vols avec effraction ou fausses clefs 30
Vofs domestiques 3
Total 55
Un de ces 55 arrêts porte de plus une condamnation aux galères à
perpétuité, un autre une détention correctionnelle à Bieêtre.
Sur les 96 autres arrêts :
18 portent condamn. 1° aux galères à perpétuité de 33 individus
— 2° — à temps de 10
— 3° au bannissement de 1
51 portent condamn. 1° aux galères à temps de 66
2° au bannissement de 9 —
15 portent condamnation de bannissement de 20
9 — au carcan de 14 —
3 — au blâme, à l'admones-
tation, à l'amende, de 3 '
Total 96 portent condamnation de 156 individus
I. Ces trois arrêts sont trop compliqués et trop entachés de faveur, jusque
dans la forme, pour être susceptibles d'une analyse rigoureuse. C'est pourquoi je
n'ai compté que les 3 principaux condamnés.
90 HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
RECAPITULATION
A mort. Galères A temps. Bannissement. Carcan. Détention. Blâme, etc.
à pertuité.
55 34 76 30 14 1 3
Total : 213 condamnés à diverses peines par différents arrêts.
DEUXIÈME PÉRIODE, 1er JANVIER 1781 AU 31 DÉCEMBRE 1786.
Sur 93 arrêts criminels, 42 entraînent la peine capitale pour 53 indi-
vidus, dont 1 femme : la moyenne reste la même que dans la période
précédente. Le Parlement n'a réduit aucune des peines prononcées par
les juges du premier degré; ceux-ci avaient prononcé, dans un cas, le
plus ample informé à un an, avec réserve des preuves; dans deux cas,
une peine n'entraînant point la mort.
Les crimes capitaux de cette deuxième période se répartissent ainsi :
Assassinats prémédités (surtout par empoisonnement), meurtres,
attaques nocturnes à main armée ' 16
Sodomie et violences capables d'entraîner la mort 1
Vols avec effraction 28
Vols domestiques 7
Vols de deniers publics, avec abus de confiance 1
Total 53
Sur les 51 autres arrêts :
6 portent condamn. 1° aux galères à perpétuité de 8 individus
— 2° au bannissement perpétuel
hors du royaume, de 1 —
37 portent condamnation aux galères à temps, de 42 —
5 — au bannissement de la
Ville, etc. de 6 —
1 porte condamnation au carcan de 1
2 portent condamnation au blâme et à l'amende de 3 —
Total 51 portent condamnation de 61 individus
JUSTICE CRIMINELLE
91
RECAPITULATION
A mort. Galères A temps. Bannissement Bannissement Carcan. Blâme,
à perpétuité. du royaume, de la Ville, etc. etc.
53
8
42
6
!
3
COMPARAISON DES DEUX PERIODES
Nombre d'Arrêts criminel?. . .
De condamnés
Dont : à mort
Aux galères à perpétuité ....
— à temps
Au bannissement hors de la
Ville, etc
Au carcan
Au blâme
A la détention correctionnelle. .
Au bannissement hors du
royaume
1775-1780
1781-1786
TOTAU
137
93
-230
213
114
327
55
53
108
34
8
42
70
42
118
30
6
36
14
1
15
3
3
0
1
0
1
0
CONDAMNATIONS CAPITALES
Pour assassinats, etc 21
Viol 1
Sodomie 0
Vols avec effraction 30
Vols domestiques 3
Vols de deniers publics par
abus de confiance 0
10
37
0
1
1
1
28
58
7
10
108
Quant au nombre des exhibitions ou exécutions publiques dont les
emplacements sont signalés dans les 237 Arrêts, voici comme il se
répartit :
Place de Grève (dont 2 en
effigie) 109
Devant la porte des prisons
du Grand-Chàtelet .... 16
Carrefours et lieux accoutu-
més 15
Parvis de Notre-Dame ... 9
Place Maubert 7
92
HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
6
Cour de la prison du Grand-
Halles
5
Chàtelet
1
Devant la porte des prisons
Barrière des Gobelins. . . .
1
de la Conciergerie ....
4
1
A l'entrée de la foire Saint-
Devant Saint-Eustache . . .
1
A
A la Petite-Pologne
1
4
1
Place du Palais-Roval . . .
3
Demi-lune de la barrière du
En la grand'chambre , l'au-
.3
Trône
1
•
1
Préau de la Conciergerie . .
3
Cour du Mai (au Palais). . .
1
3
1
A la porte de la Comédie-
Place du Cimetière Saint-
Française
3
Jean
1
A la porte de la Comédie-
1
Italienne
3
2
Porte de l'hôpital de la Sal-
\
A la porte de l'Opéra. . . .
Près la porte Saint-Martin
Près la porte Saint-Antoine.
2
1
•±
Préau de For-l'Évêque . . .
1
Port Saint-Nicolas
2
Porte de l'hôpital Saint-Ger-
Nouvelle-Halle
1
vais
\
Carrefour Greneta
1
Devant Sainte-Geneviève . .
1
Chambre du Conseil (du Par-
Place de Birague
1
1
Place Saint-Michel
1
Extrémité du faubourg Saint-
Porte Saint-Honoré
1
1
17 Villages divers de la pré-
1
vôté et vicomte de Paris.
20'
Parc civil du Châtelet . . .
Carré de la Porte Saint-
1
Total. . .
232 2
\
1. Quatre à Montfort-l'Aïnaury ; une dans chacun des villages de: Saint-Cloud,
Fresne-lès-Rungis, Marly-le-Roi, Andresy, Sèvres, Courbevoic,la Queue, Auteuil,
Sceaux, Nanterre, Montmartre, Viroflay, Vaugirard, Bondy, Belleville, Neuilly.
2. Il n'y a pas de rapport entre ce nombre et les précédents, car le même
condamné est souvent sujet à plusieurs expositions : 2 arrêts ne portent pas le
lieu d'exécution.
JUSTICE CRIMINELLE 93
EXEMPLE D'ARRÊT ( IN EXTENSO )
ARRÊT DE LA COUR DU PARLEMENT
DU 12 DÉCEMBRE 1774 :
Vu, par la Cour, le procès criminel fait par le bailli du Palais ou son lieute-
nant général audit siège, à la requête du substitut du procureur général du
Roi au même siège, demandeur et accusateur, contre Charles-Mathias Cellier et
Louis-Antoine Chabert, défendeurs et accusés, prisonniers es prisons de la
conciergerie du Palais, et appelants de la sentence contre eux rendue par
ledit juge, sur ledit procès, le 12 décembre 1774, par laquelle ledit Charles-
Mathias Cellier a été déclaré duement atteint et convaincu d'avoir le 2 décembre
présent mois, sur les huit heures et demie du soir, assassiné, de guet-à-pens
et de dessein prémédité, Antoine Chabert père, de deux coups de couteau,
dont il est mort dans la nuit; et Louis-Antoine Chabert fils, duement atteint
et convaincu de complicité avec ledit Cellier; de l'avoir engagé, pressé et sol-
licité à différentes fois d'assassiner sondit père; d'avoir, en dernier lieu, con-
certé avec lui le jour et l'heure de l'assassinat, et la manière dont il serait
fait; d'avoir lui-même essayé la veille, en présence de Cellier, le couteau des-
tiné à cet effet, et conseillé audit Cellier de l'aiguiser et affiler pour plus de
sûreté, afin de ne point manquer son coup; et d'avoir, immédiatement après
l'assassinat commis, débarrassé l'assassin des mains de son père, et procuré
son évasion; en conséquence, ledit Chabert fils a été déclaré parricide; pour
réparation de quoi lesdits accusés ont été condamnés, seavoir : ledit Chabert fils
à faire amende honorable, nud en chemise, la corde au col, tenant en ses mains
une torche de cire ardente du poids de deux livres, au-devant de la principale
porte et entrée de l'église métropolitaine de Notre-Dame de cette ville, où il
serait mené et conduit, par l'exécuteur de la haute-justice, dans un tombereau,
ayant écrileau, devant et derrière, portant ces mots : « Parricide et coupable
de l 'assassinat de son père » ; et là, étant nue tête et à genoux, en présence
dudit Cellier, dire et déclarer à haute et intelligible voix qu'il a méchamment
et indignement fait assassiner son père par ledit Cellier, dont il se repent et
demande pardon à Dieu, au Roi et à Justice; ce fait, à avoir le poing coupé
sur un poteau qui serait planté au-devant de ladite église, et à être ensuite
mené, avec ledit Cellier, dans le même tombereau, en la place Dauphinc de
cette ville, pour y être rompu vif et mis ensuite sur une roue, la face tournée
vers le ciel, pour y demeurer tant et si long-temps qu'il plairait à Dieu lui
conserver la vie, après quoi serait son corps mort brûlé à un bûcher préparé
à'cet effet dans ladite place, et ses cendres jetées au vent; et en ce qui con-
cernait ledit Cellier, il a été condamné à avoir les bras, jambes, cuisses et reins
rompus vif sur un échafaud qui, pour cet effet, serait dressé en ladite place,
et à être mis ensuite sur une roue, la face tournée vers le ciel, pour y demeu-
rer tant et si longuement qu'il plairait à Dieu lui conserver la vie; les biens
desdils Chabert et Cellier, situés en pays de confiscation, ont été déclarés
acquis et confisqués au Roi, ou à qui il appartiendrait, sur iceux ou autres
t. Paris, P. G- Simon, imprimeur du Parlement, rue Mignon-Saint- André-des-
Arcs, 1774 (pièce in-4<>, 13ib. nat., F, Paris-Parlement, à la date).
94 HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
non sujets à confiscation; préalablement pris la somme de deux cents livres
d'amende envers le Roi, au cas que confiscation n'ait lieu; il a été ordonné
en outre que la somme de deux cent vingt livres dont ledit Chabert fils a été
trouvé saisi lors de sa capture, et qui a été depuis déposée au greffe dudit
bailliage, serait remise au curé de la basse Sainte-Chapelle, pour être employée
à faire prier Dieu pour le repos de l'âme dudit Chabert père; à remettre ladite
somme le greffier du bailliage contraint, quoi faisant déchargé. Il a été dit,
en outre, que ladite sentence serait imprimée, publiée et affichée partout où
besoin serait. Ouïs et interrogés en la Cour lesdits Charles-Mathias Cellier et
Louis-Antoine Chabert, sur leurs causes d'appel et cas à eux imposés : Tout
considéré.
La Cour dit qu'il a été bien jugé par le lieutenant général du bailliage du
Palais, mal et sans griefs appelé par lesdits Charles-Mathias Cellier et Louis-
Antoine Chabert, et l'amenderont; ordonne que le présent arrêt sera imprimé,
publié et affiché dans la ville, fauxbourgs et banlieue de Paris, et partout où
besoin sera; et, pour le faire mettre à exécution, renvoyé lesdits Cellier et
Chabert prisonniers pardevant le lieutenant général dudit bailliage du Palais.
Fait en Parlement le douze décembre mil sept cent soixante-quatorze. Colla-
tionné : Massieu.
Signé : Richard.
TITRES D'ARRÊTS
Arrêt de la Cour du Parlement, qui condamne Pierre-Joseph Lavallée à être
pendu et étranglé, par l'exécuteur de la haute-justice, à une potence qui sera
plantée sur la place du tertre de Montmartre, pour viol par lui commis envers
deux petites filles dénommées au procès, l'une âgée de sept ans, et l'autre de
sept ans et demi ou environ; condamne aussi Cézard-Jean-Claude Lavallée à
assister à l'exécution dudit Pierre-Joseph Lavallée, son père, et à être fouetté
sous la custode par le questionnaire, dans la chambre de la question, ensuite
mené et conduit au château de Bicêtre, pour y être détenu et renfermé pendant
six mois, par forme de correction. (Du 27 juin 1775.)
Arrêt de la Cour du Parlement, qui condamne [sur appel des susdits con-
damnés par sentence du Châtelet, et sur appel a minima du procureur géné-
ral], Jacques Meirano, J.-B. Zegri, Phil. Laval dit Bonhomme, et Jean-Esprit
Desmarres dit Saint-Martin, à être attachés au carcan en place de Grève, ayant
chacun écriteaux, devant et derrière, portant ces mots : « Cocangeur, escroc
public et frippon au jeu »; et aux galères, pour filouteries et escroqueries par
eux pratiquées dans Paris, es environs, même en province, soit au jeu avec
des cartes préparées, soit par des tours d'adresse et de subtilité, soit enfin
par des paris envers différents marchands et autres particuliers; et Joseph
Fayeux dit Fayolle, Joseph Renaud, Jean-François Paternotte et François
Bôrard, à assister au carcan des quatre particuliers ci-dessus nommés, et
bannis de la ville, prévôté et vicomte de Paris, pour avoir concerté avec les
quatre particuliers ci-dessus nommés, secondé et favorisé lesdites escroque-
ries et filouteries, d'y avoir même participé et en avoir tiré du profit. (Extrait
des Reg. du Parlement, du 13 décembre 1774.)
Arrêt de la Cour du Parlement, qui condamne François Maillard, manœuvre
JUSTICE CRIMINELLE 95
à maçon, à être pendu et étranglé, par l'exécuteur de la haute-justice, à une
potence qui sera dressée à cet effet dans la place de Grève, pour avoir volé
avec effraction une multitude considérable de linge, bardes et autres effets de
différentes natures mentionnés au procès. (Du 4 janvier 1775.)
Arrêt de la Cour du Parlement, qui condamne Laurence Lairle, domestique,
et Etienne Vaublotacq, praticien, à être attachés au carcan, à des poteaux qui
seront plantés dans la place de Grève, et y demeurer depuis midi jusqu'à deux
heures, ayant chacun écriteau, devant et derrière, portant ces mots, sçavoir :
ledit Laurence Lairle : « Fabricateur d'un faux billet à ordre », et ledit
Etienne Vaublotacq : « Complice de fabrication d'un faux billet à ordre » ;
ensuite au fouet, à la marque et aux galères, sçavoir : ledit Laurence Lairle,
pendant neuf ans, et ledit Etienne Vaublotacq, pendant trois ans. (Du 7 jan-
vier 1775.)
Arrêt de la Cour du Parlement, qui condamne Jean-Benoist Manoury, coëf-
feur pour femme, à être attaché au carcan sur le préau de la conciergerie du
Palais, et y rester depuis midi jusqu'à deux heures, ayant écriteau, devant et
derrière, portant ces mots : « Prisonnier violent et frappant de son couteau »,
ensuite au fouet, à la marque et aux galères, pendant le temps et espace de
neuf ans. (Du H janvier 1775.) — [Le présent arrêt sera imprimé et affiché
dans les prisons de la conciergerie du Palais, dans celles des Grand et Petit
Chatelet, du For-1'Evêque, de l'abbaye Saint-Germain, Saint-Martin, le Temple,
Saint-Eloy, du Bureau de la Ville, de l'Officialité, de la Barre du Chapitre, et
partout où besoin sera...]
Arrêt de la Cour du Parlement, qui condamne une quidane, connue sous le
nom de la femme Des Ormes, à être attachée au carcan à la place Saint-Michel,
et au bannissement pendant neuf ans, pour avoir escroqué différentes mar-
chandises chez une lingère. (Du 2i janv. 1775.)
EXÉCUTION EN 1789
Le nommé Jean-Félix, etc.1, rompu en place de Grève pour assassinat
prémédité (21 février 1789).
Vers l'heure de midi, les représentations du Parlement2 ayant produit leur
effet, et en vertu de l'arrêt du Parlement rendu par la chambre de tournellc
criminelle le mercredi précédent, 18 du présent mois de février, collationné
Lutton, signé Lecousturier... confirmatif de la sentence rendue, par le lieute-
nant criminel du Chatelet de Paris, le 17 du même mois, qui avait condamné
le nommé Jean-Félix, sans état (ici, on avait supprimé les noms de famille,
insérés d'abord dans la première édition de l'arrêt), à être rompu vif en place
de Grève, comme déclaré dûment atteint et convaincu « d'avoir, le 13 du
présent mois, assassiné, de dessein prémédité et dans l'intention de le voler,
un particulier qu'il connaissait depuis quelque temps, et qui, à ce titre,
l'avait reçu chez lui ledit jour, en lui portant sur la tête des coups d'un
marteau qu'il avait acheté le matin à cet effet, ainsi qu'il était mentionné au
1. Duperey, ci-devant abbé, neveu d'Hébert, prêtre supérieur des Eudistes.
2. Contre le retard apporté à l'exécution, et contre l'intervention de l'Arche-
vêché.
96 HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
procès... » Ledit Jean-Félix est conduit, assisté, suivant l'usage ordinaire,
d'un docteur de la maison et société de Sorbonne, des prisons du Châtelet
en place de Grève, où il ne s'était pas rendu une aussi grande multitude que
si c'eût été plus tard, et où, étant arrivé, il demande à monter à l'Hôtel
de Ville. Bientôt après, on l'en voit redescendre, monter sur l'échafaud, y
donner les signes les moins équivoques et les plus frappants du repentir de
son crime, se déshabiller enfin lui-même, et s'étendre avec résignation sur la
croix qui devait servir d'instrument à son supplice. 11 reçoit vivant les onze
coups de barre, dont le premier, par la maladresse de l'exécuteur, le frappe à
la tête de manière à faire rejaillir son sang au bas de l'échafaud. Il est mis
ensuite sur la roue, à moitié rompu, les deux cuisses ayant été manquées, et
étranglé à l'instant même. Son corps y demeure exposé pendant l'espace de
deux heures, au bout duquel temps il est transporté dans le cabinet de la
morgue du Châtelet, destiné à mettre les cadavres reconnus, d'où l'on assurait
qu'il avait été ultérieurement inhumé dans un cimetière, son extrait mortuaire
ayant été rédigé dans toutes les formes sur la paroisse de Saint-Germain-
l'Auxerrois... Le public, tout en déplorant le sort de la famille de ce criminel,
approuvait hautement... qu'il en eût été fait un exemple, malgré l'espèce de
conjuration qui semblait se former aujourd'hui pour arrêter tous les coups du
glaive de la justice, lier les mains à ses ministres, et les réduire à une inac-
tion qui laisserait à l'avenir tout impuni '.
RECIT D'UN DE MESSIEURS
SUK LA JURISPRUDENCE DE LA TOURNELLE
11) JUILLET 1779»
« Il s'est élevé à la tournelle une question d'autant plus importante qu'elle
se renouvelle tous les jours et qu'elle intéresse le sort des citoyens qui ont le
malheur d'être enveloppés dans les liens d'une procédure criminelle. Jeudi
dernier 8 de ce mois, MM. de la tournelle se sont trouvés à égalité de voix
entre deux avis, celui de condamner un particulier accusé d'un vol avec effrac-
tion au fouet, à la marque et aux galères à perpétuité, et celui de prononcer
contre cet accusé un plus amplement informé d'un an, pendant lequel temps
il garderait prison. M. le président de tournelle a pensé que l'arrêt était fait
aux galères à perpétuité comme étant le plus doux des deux. Un de Messieurs...
a réclamé, et a dit qu il regardait le plus amplement informé comme l'avis le
plus doux, qu'il était persuadé que ce serait celui que choisirait l'accusé si on
l'en laissait le maître, et que, dans le cas d'égalité de voix sur deux avis à la
tournelle, la loi ordonnant que le plus doux passerait, il était clair qu'elle avait
voulu favoriser l'accusé h En conséquence, celui de Messieurs qui avait élevé ce
1. Hardy, t. VIII, à la date.
2. Arch. nat., X 13 8972.
3. L'article 13 du titre 25 de l'Ordonnance du mois d'août 1G70 détermine ainsi
l'ordre des peines : Après la peine de mort naturelle, par divers supplices: 1° la
question, avec la réserve des preuves eu leur entier; 2° les galères à perpétuité
ou à temps; 3° le bannissement perpétuel; 4° la question, sans réserve des
preuves.
JUSTICE CRIMINELLE 97
doulc a prié M. je président de la lournclle de mettre en délibération la ques-
tion de savoir ce que devait prononcer la lournelle sur le sort de l'accusé...
M. le président de la tournelle a refusé de mettre la question en délibéra-
tion. »
Cette question n'était décidée par aucune loi ou arrêt; les lois qui
parlaient du plus ample informé le mettaient au rang des instruc-
tions et non dans la classe des peines. Dans l'espèce, c'était d'autant
moins une peine que les six voix l'avaient prononcé purement et
simplement, « sans retenir les indices1 ».
Les chambres assemblées déclarèrent qu'il n'y avait pas à délibé-
rer; la jurisprudence constante de la tournelle regardait en effet le
plus ample informé comme moins doux que les galères à perpétuité.
Ne convenait-il pas de changer cette jurisprudence? Ce point fut
renvoyé au lendemain de la Saint-Martin : l'ancien usage l'emporta.
LETTRES D'ABOLITION
REPRÉSENTATIONS DU PARLEMENT
Une lettre de cachet du 17 février 178i avait envoyé à l'enregistre-
ment parlementaire des lettres royales d'abolition, qui ordonnaient
l'extinction du procès extraordinaire intenté aux sieurs Radix de
Sainte-Foix et Pyron, pour banqueroute frauduleuse.
Le Parlement délibéra, Je 3 mars, des représentations. Sans attaquer
ouvertement le droit de grâce, il demande du moins que l'ordonnance
criminelle d'août 1070 soit appliquée. Or, d'après cette ordonnance et
(Tiques une jurisprudence constante, les lettres d'abolition ne peuvent
être adressées au Parlement en commandement. Elles ne peuvent être
utiles au bien de l'État : donc, ce n'est [tus au procureur général à en
requérir l'enregistrement. Les accusés eux-mêmes doivent présenter
requête pour V entérinement de lettres qui toujours impliquent et con-
tiennent l'aveu d'un crime ou d'un délit2.
LA DÉLIVRANCE DES PRISONNIERS
Après avoir enregistré s la déclaration du Roi concernant la déli-
vrance des prisonniers auxquels grâce avait été faite à l'occasion de
la naissance du Dauphin, le président fut chargé d'interposer ses bons
1. Non manentibus indiciis.
2. Arch. nat., X 1b 8980. — Le roi n'insista point pour l'enregistrement.
3. En vacations (De Lanioignon, président) : le 28 septembre 1182 (X 1b 8078).
7
98 HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
offices auprès du Roi, à l'effet que la déclaration registrée, et à la-
cruelle était annexé le rôle des prisonniers auxquels le Roi entendait
faire.grâce, ne pût, en aucune manière, préjudicier à la sûreté et à la
tranquillité publiques, particulièrement confiées à son Parlement. Le
Parlement ne s'opposera jamais aux effets delà clémence et de la bonté
du Roi ; mais le public peut être justement alarmé de voir rentrer dans
la société plusieurs sujets qui en avaient été exclus juridiquement; et
il en est même quelques-uns qui ont déjà été dans le cas d'être repris
par justice depuis les grâces accordées récemment par le Roi : il serait
du bien de la justice que la commission mentionnée en la déclara-
tion eût un terme fixé, qu'elle n'étendît pas les grâces du Roi sur des
délits qui, par leur nature, n'en sont point susceptibles, et que les par-
ticuliers auxquels il plaît au Roi de faire grâce des peines qu'ils ont
méritées fussent exclus pour toujours du séjour de la ville de Paris
et des lieux où réside la famille royale.
CRIME DE FAUX
Le 9 février 1781, le lieutenant civil au Cbâtelet, mandé par le Par-
lement, rend compte de ce qu'il a fait « relativement aux banqueroutes
qui ont éclaté dans la capitale depuis quelque temps, telles que celles
de Roby et de Le Bœuf d'Elbret, notaires; Bouffé, banquier, et Hau-
dry, fermier général ». La Cour ordonna, le 3 avril, la continuation
des poursuites criminelles commencées au Cbâtelet.
Le 30 mars 1781, après avoir enregistré les lettres royales de com-
mutation de peines accordées au sieur Dargent, condamné à mort
comme faussaire, le Parlement charge son premier président de repré-
senter au Roi les inconvénients de semblables lettres, et de lui rappeler
les lois de 1531, 1680, 1099, 1710 et 1720, concernant les crimes de
faux. Il est d'autant plus nécessaire de maintenir la rigueur des ordon-
nances « qu'il est plus difficile aux ministres de la justice d'acquérir,
en ce genre de crime, le degré de conviction contre les coupables ».
Ces représentations furent faites le 7 avril 1781 ».
AFFAIRE DES LETTRES DE CHANGE FALSIFIÉES
ATTRIBUÉE EN TREMIÈRE INSTANCE AU PARLEMENT
« Ce jour % à l'issue de la première audience, le procureur général du roi
est entré et a dit qu'ayant reçu des ordres du roi pour retirer du greffe de la
1. Arch. nat., aux dates ci-dessus dos minutes du Parlement civil, X 1b 807.%.
2. 11 janvier 1781 (X 1b 8986).
JUSTICE CRIMINELLE 99
Cour les lettres patentes du 23 décembre dernier portant attribution au Par-
lement de la connaissance de l'affaire relative aux lettres de change falsifiées
et altérées1, — par lui apportées le 30 décembre dernier, — il priait la Cour
de vouloir bien lui faire remettre lesdites lettres patentes, et la lettre de cachet
du roi envoyée sur icelles. »
Conformément à cet ordre, les lettres patentes du 23 décembre fu-
rent retirées du greffe. C'est le Parlement qui avait sollicité l'attri-
bution de cette affaire délicate, d'abord instruite par le Cbàtelet.
Mais les lettres patentes du 23 décembre lui parurent irrégulières
dans la forme : la lettre de cachet d'envoi ne portait pas d'adresse.
Les lettres étaient adressées à la grand'chambre seulement, et non :
« A nos amés et féaux conseillers, les gens tenant notre Cour de Par-
lement à Paris. »
Le 12 janvier, « un de Messieurs » s'étonna que le roi n'eût pas
annoncé d'autres lettres patentes, en bonne et due forme, contenant
la même attribution. Il y avait lieu de croire, disait-il en termes
adoucis, que la Commission première envoyée au Cbàtelet subsistait
toujours. Or ce tribunal était « sans aucune jurisprudence, sans au-
cune pratique, d'une des questions les plus délicates de la matière
consulaire ». Les parties ne peuvent que souffrir de cette « fluctua-
tion d'attribution, d'envoi et de reprise ». Que du moins l'appel au
Parlement soit réservé, si le Châtelet juge en première instance 2.
COMMISSION
POUR LA REFONTE DE L'ORDONNANCE CRIMINELLE
Maîtres Target (l'un des quarante), Martineau, Ferey, Henry, Homme
et Commeyras, tous six avocats au Parlement de Paris, avaient été
chargés de travailler à une refonte du Code criminel. Aussitôt après
les éclits du 8 mai, ils renvoyèrent à Lamoignon, garde des sceaux,
tout leur travail. A leur démission ils joignirent une lettre sur les
inconvénients de la nouvelle déclaration enregistrée au lit de justice
concernant les jugements criminels. Ils critiquaient le renvoi de l'exé-
cution à un mois après l'arrêt, comme ouvrant à la cupidité des subal-
ternes des ministres un moyen de vendre les grâces à ceux qui seraient
en état de les payer h
1. Acceptées par les sieurs Tourton et Ravel.
2. Voyez séance du 6 mars 1787.
3. Hardy, t. VII, p. 438 (14 mai 1788). Voyez (X 1b 8988) la déclaration du 7 fé-
vrier 1788 : exception était faite des cas d'émeute et de rébellion pour lesquels
l'exécution immédiate était ordonnée.
100 HAUTE JUSTICE DU PARLEMENT
Parmi les idées les plus justes de l'époque, il faut citer celle de
Boucher d'Argis de fournît; des défenseurs gratuits pour soutenir les
bonnes causes jugées telles par l'avis d'un conseil d'avocats, et surtout
« d'indemniser ceux qui auraient perdu la liberté par des accusations
mal fondées ». Le baron de Breteuil, ministre de Paris, autorisa, pour
ce double objet, une souscription de bienfaisance, et une société qui
devait s'assembler au Chàtelet1.
APPENDICE
1° EXEMPLE
De jugement souverain, au criminel, rendu en la prévôté de l'IIôtcl-du-Roi
et grande prévôté de France, prononcé par Jean-Honoré de Laborde, écuyer,
ancien avocat au Parlement, lieutenant général civil, criminel et de police,
de la prévôté de l'Hôtel-du-Roi, au Grand Conseil, le 2-i mars 1789.
Signé : Pantin, commis-greffier.
11 condamne le nommé Roman (Alexis), garçon pâtissier, à être
pendu à une potence élevée à la Croix-du-Trahoir, pour vol avec
effraction dans le palais des Tuileries2.
1. Lettre à Boucher d'Argis, 9 janvier 1788 (Arch. uat., O1 499, p. 10).
■2. Hardy raconte son exécution à la date du 2 avril : il montra en chemin du
courage, de la gaieté, et une parfaite indifférence aux discours du docteur de
Sorbomie qui l'exhortait. (Hardy, Mes Loisirs, etc., t. VIII, Bib. nat.,mns. 6687.)
La juridiction de la prévôté de l'Hôtel connaissait en première instance des
causes civiles qui lui étaient attribuées par les édils, déclarations et règlements
concernant ladite juridiction, dont l'appel se relevait au Grand Conseil : et, sans
appel, de toutes causes criminelles et de police ;i la suite de la Cour. Les offi-
ciers de la prévôté de l'Hôtel avaient aussi la manutention de la police dans les
lieux où se trouvait la Cour. Ils y faisaient porter les vivres et denrées et y
mettaient le taux. Ils connaissaient des malversations dans les logements mar-
qués à la craie, et de tout ce qui concernait les voitures publiques de la Cour.
Seuls ils avaient le droit d'instrumenter, chacun d'après ses attributions, dans
les maisons royales et dépendances ; les commis des bureaux des ministres, leurs
secrétaires, les officiers de la maison du roi, étaient soumis à leur juridiction en
quelque sorte domestique. — La prévôté de l'Hôtel comptait principalement, en
1789 : un grand prévôt (le marquis de Tourzel en même temps capitaine-colonel
de la compagnie militaire de l'Hôtel); trois lieutenants généraux de robe-longue,
civils, criminels et de police, par commission du roi, siégeant à tour de rôle,
d'année en année, à Paris ou à Versailles; \\n greffier en chef, receveur des
consignations et scelleur des sentences; des secrétaires, des commis, des notaires
JUSTICE CRIMINELLE 101
2° ATTRIBUTION DE L'AFFAIRE RÉVEILLON AU CIIATELET
SÉANCE Dl PARLEMENT
DU MERCREDI 29 AVRIL 1789 DU MATIN1
Avant l'ouverture de la petite audience, M. le premier président
dit que le procureur général du roi demandait à entrer en la Cour.
A l'instant le procureur général du roi, mandé et entré, dit qu'il
apporte à la Cour une déclaration du roi de la veille portant attribu-
tion au prévôt de la maréchaussée de l'Isle-de-France, de la cou-
naissance et jugement en dernier ressort des délits commis dans cette
ville de Paris, hier et aujourd'hui; qu'il laissait à la Cour ladite dé-
claration, ensemble les conclusions par lui prises par écrit sur ieelle,
avec la lettre de cachet envoyée sur ladite déclaration.
Le procureur général se retire.
Lecture est faite de ladite lettre de cachet dont la teneur suit : De
par le Roy, Nos amés et féaux, etc.;
La matière mise en délibération, il est, arrêté que ladite déclaration
sera portée à la grand'chambre assemblée pour y délibérer.
La grand'chambre assemblée délibère immédiatement, et prend un
arrêt, qui ordonne l'enregistrement
3° ARRET CAPITAL DE LA COUR DES MONNAIES
ARRÊT de la Cour des Monnaies, du 3 mai 1787, qui condamne Jean-Pierre
Rrouillot : 1° à la question ordinaire et extraordinaire; 2° à l'amende hono-
rable au-devant de la principale porte de l'hôtel des Monnaies, quai Conti,
avec la corde au col, et deux écritcaux portant ces mots : faux-monnayeur ;
3° à être pendu place Conti.
Il avait été pris dans l'enclos du Temple, le 0 décembre 1786, et con-
vaincu d'avoir fabriqué des écus de (5 livres faux. Un de ses complices,
condamné aux mêmes peines, était mort à la Conciergerie ; le cas d'un
troisième est réservé jusqu'après l'exécution. — L'exécution eut lieu le
13 juillet, vers G heures du soir 2.
et procureurs en litre, des médecins et chirurgiens suivant la Cour. — Quatre
des 08 gai', les de la compagnie militaire étaient préposés à la police des maisons
royales à Paris. [Alm. royal de 1189, p. 289 ù 293.)
1. Arch, nat., X 1b 8990. — Au cours du procès, comme un mois nouveau
commençait, la colonne changea (voyez plus lias, au chapitre sur le Chàtelet).
Mais le garde des sceaux passa outre au règlement, sur une lettre du ministre
de Paris, de Villedeuil (G mai 1789). Arch. nat., <)' 500, p. 261.
2. Hardy, t. Vit, p. 139.
LA GRANDE POLICE
SES OBJETS
LE PARLEMENT ET L'ÉGLISE DE PARTS
Dans Paris, le Parlement a la grande police, c'est-à-dire la haute
surveillance de l'administration, qui, sous l'ancien régime, n'était pas
séparée de la justice '. Gela ne veut nullement dire que le Parlement
ait une action administrative prépondérante, car les détails d'exécu-
tion lui échappent, et son initiative est d'un caractère très vague. Les
juridictions du second degré (Ghàtelet y compris la police, Rureaude
la Yille, Bureau des finances, etc.) ont recours à son autorité, afin
d'obtenir Y homologation de leurs ordonnances ou règlements particu-
liers : formalité nécessaire pour que les actions civiles ou criminelles
qui en résultent puissent se dénouer au Parlement. Si le Parlement est
d'ordinaire obligé d'enregistrer les arrêts du Conseil revêtus de let-
tres patentes que le roi lui adresse, en revanche il est parfaitement
libre de refuser l'homologation ou d'ajouter certaines charges, d'intro-
duire certaines modifications dans les dispositions qui lui sont présen-
tées : c'est ce qu'il fait très souvent du reste. La grande police con-
siste surtout dans la critique des actes d'administration courante : à
ce point de vue, elle se confond presque avec le droit de représenta-
tions et de remontrances. En effet, par une fiction qui est devenue une
maxime d'État, et que la Constitution de 1790-1791 devait consacrer,
la personne et les actes du roi sont inattaquables. « Ah ! si le roi sa-
vait! » disait autrefois le peuple. C'est le devoir du Parlement de l'in-
1. La grande police n'est donc que la conséquence historique des appels en
Parlement.
LA GRANDE POLICE 103
former, comme s'il était étranger aux actes qu'il signe. Il ne cesse de
lui remontrer qu'il est trompé par ses conseillers, mal servi par ses
ministres : c'est là le ton et la conclusion de tous ses discours. Le roi
répond très brièvement, et ces réponses ont été préparées par les con-
seillers et ministres eux-mêmes : car les remontrances sont envoyées
au roi, avant d'être lues par-devant lui. Bref le roi, personne sacrée,
choisie de Dieu, irresponsable de ses actes à l'égard des hommes, dé-
fend ses ministres d'un jour, qu'il choisit et renvoie à son gré, contre
le Corps conservateur des lois organiques, et des droits de la Cou-
ronne. Il les défend en disant à son tour : « Mon Parlement a été
trompé »; ou encore : « Mon Parlement ne doit pas s'occuper d'une
affaire qui ne le concerne pas » ; ou encore : « Je m'occupe moi-même
de telle affaire, et j'entends qu'on no m'en parle plus. » Au fond,
toutes les formules reviennent à l'adage [: « Si veut le roi, si veut la
la loi » que Louis XVI traduisit en balbutiant, au lit de justice impro-
visé de 1787, par ces mots : « C'est légal parce que je le veux. »
La grande police du Parlement n'était donc pas de nature à défendre
efficacement Paris contre les procéclés de l'arbitraire. Mais, à défaut
des solides barrières que son origine, sa composition, ses préjugés de
classe et de corps, ne lui permettaient pas de construire, il élevait du
moins quelques légères et fragiles barricades. Le texte de ses procès-
verbaux, de ses représentations, de ses remontrances, devait être tenu
rigoureusement secret. En réalité, le public en connaissait toujours
l'essentiel : il n*en constatait que trop l'inutilité. Calomnié de toutes
façons dans des feuilles stipendiées ou dans des brochures comman-
dées, le Parlement laissa plusieurs fois imprimer ses délibérations, ou,
du moins, fermâtes yeux sur des indiscrétions devenues nécessaires
pour son honneur, et trop souvent aussi utiles à la défense de ses
idées les plus arriérées '.
Moins le Parlement avait de puissance effective, plus il accumulait
les enquêtes et multipliait les raisonnements. ^Conservateur des prin-
cipes de la monarchie tempérée, attaché à la distinction des ordres,
des classes et des rangs, il ne fit et ne voulut jamais rien faire en fa-
veur de l'égalité sociale; mais, par cela même qu'il tenait aux privi-
lèges, il était le défenseur des libertés, sinon de la liberté; quant à la
fraternité, il connaissait et exprimait ce sentiment dans ses rapports
avec les parlements de province; à l'égard des peuples, il en était
demeuré à la charité. Toutefois, il renfermait des hommes qui, comme
1. Exemple : Remontrances... contre les édits portant l'abolition des corvées,
etc. (Bib. nat., Lb", n° 204.)
JOi LA GRANDE POLICE
citoyens, comme écrivains, comme orateurs, ne partageaient pas
les préjugés parlementaires. Il leur donnait l'autorité, il en recevait
la vie.
Les principaux objets de la grande police sont : la religion et les
mœurs, l'instruction, les Idées, la santé publique, l'approvisionnement
de Paris. Ils nous fournissent donc l'occasion de passer en revue, dans
leurs rapports ordinaires avec le Parlement, l'Eglise de Paris, l'Uni-
versité, la librairie et les écrivains, les administrations hospitalières et
économiques; telle sera la matière de ce chapitre et des suivants.
Le Parlement est catholique comme le roi, comme l'Etat. Parmi ses
membres sont douze conseillers-clercs :. Les jours de séances impor-
tantes, après les princes du sang et avant les ducs et pairs laïques,
viennent siéger au Palais les six pairs ecclésiastiques : l'archevêque-
duc de Reims, les évêques-ducs de Laon et de L'angres, les évêques-
comtes de Beauvais, de Noyon et de Châlons. Le Parlement regarde
l'hérésie comme un péril pour l'Etat; obligé de céder au vœu public et
à la force des choses, il n'enregistre l'édit qui rendait un état civil aux
protestants qu'après avoir pris toutes les précautions et exprimé toutes
les restrictions qui semblaient intéresser la religion nationale.
C'est seulement en se montrant aussi catholique que le pape qu'il
pouvait, dans les rapports et conflits de l'Etat et de l'Eglise, être plus
royaliste que le roi. Si son orthodoxie avait pu être soupçonnée, il
n'eût pas obtenu la dissolution de la Société de Jésus. Cette défense i\u
pouvoir temporel (quel qu'il soit d'ailleurs) contre les tentatives de la
puissance spirituelle n'empêche pas le Parlement de protéger le tem-
porel de l'Eglise, surtout des vieux ordres monastiques français, contre
l'avidité croissante du haut clergé séculier et du fisc royal.
Sa conduite repose sur un fondement légal. Lorsque les statuts d'un
ordre, lorsque les droits ou les propriétés d'une société de religieux
quelle qu'elle suit ont été approuvés, homologués, enregistrés par
lui, il considère un tel titre comme inviolable, et tout ce qui est
contraire comme attentatoire à la justice 2.
1. Le plus célèbre et le plus éloquent fut l'abbé Pucelle qui siégea au Parle-
ment de 1084 à 1745. 11 défendit avec constance le gallicanisme, et ne cessa d'eu
appeler îles décisions du pape à un concile universel, relativement à. la bulle
Unigenitus. Or, dit le marquis d'Argenson, les jansénistes étaient suspects par-
er que, 'i si l'église en concile universel est au-dessus du pape », il faut conclure
(pie c. la nation assemblée esl au-drssus du roi ». {Journal, VIII, p. 153.)
2. En matière de biens ecclésiastiques, le Parlement est pour le statu quo.
« Ces acquisitions sans Qn, avail écril Montesquieu, paraissenl aux peuples si dé-
raisonnables que celui qui voudrait parler pour elles serait regardé comme un
imbécile. » {Esprit dès luis. XXV, 5.) Toutefois, l'histoire tout entière démontre
ET L'ÉGLISE DE PARIS 105
Sans doute le Parlement ne partage pas toutes les superstitions d'o-
rigine païenne, ou simplement humaine, que le néo-catholicisme entre-
lient ou tolère parmi les ignorants. Mais il y voit un moyen d'action
morale, une source corrompue, il est vrai, mais puissante, d'impres-
sions salutaires et consolatrices. Quand le peuple meurt de faim,
quand sévissent les fléaux naturels, épidémie, sécheresse, inondation,
le Parlement permet encore, non sans quelque circonspection, que l'on
découvre ou que l'on promène la châsse de sainte Geneviève, avec ses
deux millions de pierreries. Mieux vaut une procession qu'une sédi-
tion : telle est la politique du Parlement à l'égard des classes popu-
laires ; mais il partage plutôt qu'il n'exalte les sentiments religieux.
11 est partisan d'une religion, comme d'une monarchie, tempérée. Ses
ennemis l'accusent d'une hérésie qui est restée indéfinissable, le jansé-
nisme '. 11 est gallican, mais pas de la même façon que peuvent l'être
les rois ou leurs ministres. 11 voudrait pouvoir être catholique-ro-
main-francais 2 : religion à laquelle la Constitution civile du clergé
essaya vainement de faire prendre corps.
Les documents eux-ineines donneront une idée de l'esprit du Par-
lement en matière religieuse, de ses rapports avec l'Église de Paris,
et de la juridiction temporelle qu'il exerçait ou prétendait exercer sur
le tdei'gé tant régulier que séculier de cette ville.
Ses actes les plus ordinaires sont : 1" l'enregistrement t\o.< délibéra-]
tions de l'Assemblée générale du Clergé de France qui ont un caractère
politique ou financier. Ces délibérations ne lui sont pas directement
apportées : elles passent d'abord par le Conseil. Le Parlement reçoit
des lettres patentes du roi sur arrêts conlirmatil's du Conseil, et ce
sont ces lettres qu'il enregistre. Ainsi, le 22 août 1780, il enregistre
les lettres patentes du 30 juillet qui autorisaient les « délibérations
de l'Assemblée générale du Clergé de France, des 12 et 20 juin 1780,
au sujet de la somme de 30 millions de livres de don gratuit accordé
à Sa Majesté par ladite assemblée». Le clergé emprunte cette somme;
et le roi l'aide à en payer les intérêts par l'Arrêt du conseil du 17 août,
enregistré le 22, qui aliénait à son profit, pendant quatorze ans, un mil-
lion sur le produit annuel i\u bail des fermes 5. — Le 25novembre 1782,
que les corps politiques ou religieux ne peuvent rester longtemps stationnaires :
il Tant qu'ils s'accroissent eu qu'ils déclinent.
1. Voyez : Aubertin, l'Eloquence politique et parlementaire en France avant
1789, lit1' partie, ch. m, p. 248.
2. En 1735, sur la dénonciation du l\ Boyer, oratorien, le Parlement avait ar-
rêté dos poursuites contre les trois sectes de l'Agneau sans tache, du Prophète
Élie et des Multipliants, que l'eu rattachait au jansénisme.
:{. Isambert, nos 1362 et 1384. Arch. nat., X IbSDII.
106 LA GRANDE POLICE
le Parlement enregistre les lettres patentes du roi sur arrêt du
conseil qui confirment et autorisent les «délibérations de l'Assemblée
générale du Clergé de France des 18 et 28 octobre 1782, au sujet de
la somme de 15 millions de don gratuit qui nous est offert par ladite
assemblée, et de celle d'un million accordée en faveur des pauvres
familles de matelots qui ont le plus souffert dans la présente guerre »,
— et VEdlt de novembre 1782 concernant les secours annuels accordés
au Clergé jusqu'en 1802 pour sa libération '.
2° L'enregistrement des ordonnances, déclarations, arrêts qui règlent,
limitent, modifient par échanges, unions ou suppressions, la propriété
ecclésiastique, soit régulière, soit séculière, tout en laissant au clergé
lui-même le détail de son administration. Par exemple, le 5 septembre
1780 est enregistrée la déclaration du 3 septembre qui étendait aux
abbayes et prieurés sécularisés les dispositions de celle du 30 août
1780 2. Notons toutefois l'action directe que le Roi exerce contre la
propriété monastique par le moyen de la Commission dite des Ré-
guliers, dont le Parlement ne cesse d'attaquer les décisions, d'in-
criminer les intentions et de contester la légalité.
3° L'enregistrement des Lettres ou Arrêts sur brefs pontificaux,
mandements ou décrets ecclésiastiques. Ainsi, le 1er décembre 1786,
le Parlement enregistre les lettres patentes du 19 novembre précédent
«confirmant le décret de l'Archevêque de Paris qui supprime et
éteint la Cure des Saints-Innocents et réunit les habitants de cette
paroisse à celle de Saint-Jacques-la-Boucherie 3». Même procédure
pour la police des cimetières (ouverture, fermeture, translation) .
— Le 21 février 1789, pour la dernière fois, le Parlement enregistre
un Arrêt sur mandement de l'Archevêque de Paris, autorisant l'usage
des œufs pendant le Carême 4.
4° C'est en vertu de son droit général de grande police que le
Parlement donne des règlements d'administration à certaines insti-
tutions mixtes , hôpitaux publics, fabriques des paroisses, bureaux
de charité, etc., ou qu'il homologue les règlements qui lui sont
présentés.
Depuis IGoG, le Parlement a la haute main sur l'hôpital général
et les maisons unies ; le premier président et le procureur général
1. Arch, nal., X 1b 8978. On sait que le Parlement avait prétendu aussi sou-
mettre à l'enregistrement, et par conséquent aux Représentations et Remon-
trances, les décisions des Etats généraux.
2. Isambert, n° 1390.
3. Arch. ual., X 1b 8985.
4. Arch. nat., X 1b 8989.
ET L'ÉGLISE DE PARIS 107
sont, avec l'archevêque, les chefs-nés fie cet, établissement : son annexe
purement temporelle, lé Mont-de-piété (1777), ne dépend que des deux
premiers. Le procureur général est le chef unique du grand bureau
des pauvres '.
Sous le règne de Louis XVI, la plupart des paroisses de Paris
et de la banlieue ont déjà depuis longtemps leurs règlements tem-
porels soit de fabrique, soit de charité. Cependant c'est seulement
en 1781 que le procureur général Joly de Pleury prépara le «projet
de règlement pour l'administration de la paroisse Saint-Roch,à
Paris », et qu'il présenta requête à la Cour pour en obtenir l'homolo-
gation. Le règlement comprend (>.'{ articles. L'arrêt d'homologation
du 31 juillet 1781 est signé du premier président d'Aligre et du con-
seiller-clerc Pommyer 2.
Les articles de Règlement, au nombre de 52, proposés «pour l'ad-
ministration des biens et revenus de la fabrique de la paroisse Saint-
Jacques-Saint-Christophe de la Villette-lès-Paris, et des revenus et
deniers qui peuvent appartenir aux pauvres de ladite paroisse», furent
homologués le 2 décembre 1788 3.
Enfin, c'est seulement au mois de juin 1789 que le. Parlement
homologua le Règlement pour la fabrique et le bureau de charité de la
paroisse de Romainville 4.
1. Voyez Almanach royal de L789, p. 112 et 115. Sur 34 membres, Le bureau
dos pauvres n'a que ."> ecclésiastiques. Il y a (i conseillers au Parlement, (i avo-
cats, 1 conseiller de la Coin- des Comptes, i procureurs au Châtelet, lti bour-
geois désignés par 1rs marguilliers. Pour l'historique, je renvoie à Max. du Camp,
ouv. cité, chap. xix, (t. IV, p. 74) et xx.
2. Arch. nat., X 1b «976.
3. Arch. nat., X 1b 8989 : pièce in-i" de 17 pages. Eu voici 2 articles :
« Article 17. — Défenses aux marguilliers d'employer les deniers de la fabrique
soit aux réparations usufruitières du presbytère, soit à l'entretien du vicaire et
autres charges dont ladite fabrique n'est tenue, à peine de radiation dans Leur
chapitre de dépenses.
« Article 40. — Les marguilliers seront tenus de l'aire faire ou de faire exacte-
ment par eux-mêmes Les quêtes accoutumées dans La paroisse; le produit des-
dites quêtes, ensemble celui des offrandes qui peuvent appartenir à la fabrique,
seront inscrits chaque jour en présence du curé- et des marguilliers, sur un re-
gistre destiné à cet effet et tenu par le marguillier-comptable, pour en rendre
compte à l'assemblée du bureau ordinaire, lequel registre servira au marguil-
lier-comptable de pièce justificative de son compte concernant le revenu des-
dites quêtes et offrandes, si ce n'est qu'il fût d'usage dans la paroisse, ou que
les habitants préférassent de mettre chaque jour le produit desdites quêtes et
offrandes dans un tronc à ce destiné, auquel cas ledit tronc sera fermé à trois
serrures et clefs différentes, dont une sera remise au curé, la seconde au mar-
guillier-comptable, et la troisième entre les mains du procureur fiscal, s'il ré-
side en la paroisse, sinon en celles d'un notable habitant choisi à cet effet dans
une assemblée générale. »
4. X 1b 8990.
108 LA GRANDE POLICE
D'après ce? documents, et d'après beaucoup d'autres relatifs à
d'autres paroisses du diocèse de Paris, on est en droit de conclure
que le Parlement n'a jamais procédé en cette matière par voie de
réglementation générale, exécutoire dans tout son ressort. J'ai ren-
contré un Règlement en 97 articles «pour l'administration des biens
et revenus des Fabriques des paroisses situées dans l'étendue du
diocèse d'Angers '»; il n'en existe point d'analogue ni pour le dio-
c''se,ui même pour l'Eglise de Paris. Voici un tableau des matières
ou dispositions communes à tous les règlements particuliers.
Faisrique. — Composition de l'assemblée particulière, ou bureau
ordinaire : le curé, les deux marguilliers 2 en charge, les quatre
marguilliers sortis en dernier lieu d'exercice. — Tenue du bureau: le
premier dimanche de chaque mois, au banc de l'œuvre.
Assemblée générale, composée : 1° des membres de l'assemblée
particulière; 2" <\e^ anciens marguilliers et syndics de la paroisse,
et autres notables habitants majeurs et de sexe mâle, payant au
moins G livres d'imposition directe (taille ou capitation) 5. — Tenue
de l'assemblée générale, deux fois l'an : P pour l'élection du premier
marguillier (comptable) 4; 2° pour arrêter le compte du susdit à sa sortie
de charge.
Le marguillier comptable préside les assemblées de fabrique.
Cinq membres présents à l'assemblée particulière, quinze à l'assem-
blée générale, rendent les délibérations valables.
i Les délibérations doivent être enregistrées.
Sont éligibles comme marguilliers les habitants honorables, aisés
et instruits. Les marguilliers sont élus pour deux ans ; l'ancien est
comptable. On remet au marguillier-comptable tous états de recettes
et de dépenses, notes de fournisseurs, frais de culte, y compris ceux
de la cire, dont il est interdit au curé de se charger. Aux fonctions
du marguillier se rapportent l'état des fondations, les baux des biens
de fabrique, les réparations à la charge des gros décimateurs ou
à celle de la fabrique, les inventaires annuels, la location ou
concession des bancs, l'organisation des quêtes, le service du pain
bénit.
1. X lu 8983 (juillel 1786).
2. Eu latin : matricularius.
'.\. Les 6 livres de capitation furenl imposées aussi connue cens électoral, pour
les élections aux États généraux de 1789, aux membres des assemblées prélimi-
naires du tiers état, tenues pour la plupart dans les églises paroissiales.
'. Les repas d'élection sont interdits.
ET L'ÉGLISE DE PARIS 109
L'assemblée ordinaire choisit et congédie les chantres, hedeaux,
enfants de chœur, en un mot le personnel laïque du service
paroissial.
« Vacance arrivant de la place de maître d'école, par mort, démis-
sion ou par destitution, sera l'ait choix, dans une Assemblée générale,
d'une personne majeure de vingt-cinq ans, de bonne vie et mœurs,
et qui ait la capacité requise pour pouvoir instruire les enfants : et
sera tenu celui qui sera nommé de se faire approuver conformé-
ment à ce qui est prescrit par l'article 25 de l'Édit du mois «l'avril
1695. »
— Sont rappelés les articles 23, 2i et 25 de l'ordonnance d'Orléans,
38 de celle de Blois, la déclaration du l(i décembre 1(>98 : Interdiction
des foires, marchés, fêtes baladoires, etc., les fêtes et dimanches;
fermeture des cabarets pendant les oflices, etc.
Bureau de charité. — Revenus de la Charité; biens des pauvres;
Trésorier des pauvres nommé en assemblée générale ; comptes,
mandements de secours signés du curé et d'une autre personne,
choisie mensuellement; secours en nature et fournisseurs ad hoc;
actions en justice concernant les biens des pauvres, et qui doivent
être faites au nom du Curé et des Marguilliers ; titres, papiers, ar-
chives de la Charité, dont les liasses ne doivent pas être confondues
avec celles de la Fabrique.
On voit combien le Parlement s'efforçait de limiter les pouvoirs
temporels des curés, et de leur épargner du même coup presque
toute responsabilité personnelle dans l'administration de leur paroisse
et dans la distribution de leurs aumônes. En revanche, les llèglements
insistent toujours sur ce point, que le spirituel et le service divin ap-
partiennent exclusivement aux curés : on les engage seulement à se
conformer aux usages, comme par exemple à l'heure habituelle des
oflices, etc. Au plus fort des querelles relatives à la bulle Lfnigenitus,
on sait que le Parlement de Paris obligea mainte fois les curés
constitutionnaires à remplir les devoirs de leur ministère au chevet
des malades jansénistes, ou pré-tendus tels. Ces scandales risibles
pour les philosophes, très douloureux toutefois pour la conscience
populaire, n'avaient pris fin que par un accord péniblement obtenu
entre le Roi et le pape. Lorsque Louis XVI appela de Chàlons à Paris,
avec le titre d'archevêque, Alexandre-Eléonore-Léon Le Clerc de Juigné
(23 décembre 1781), il lui recommanda sur toutes choses de maintenir
la paix dans son Église : cette recommandation ne fut pas longtemps
410 LA GRANDE POLICE
observée. Mais déjà les jansénistes ou appelants ' étaient comme
perdus dans l'immense armée des mécontents : et l'opinion publique
ne se préoccupa beaucoup ni des mandements ultramontains de l'Ar-
chevêque, ni des réponses gallicanes du Parlement.
Il n'est pas vrai que le Parlement se soit opposé à rendre l'état civil
aux protestants. Comment de* magistrats n'auraient-ils pas déploré les
procès scandaleux ou insolubles, qui tiraient leur origine et leur ali-
ment de l'incertitude légale des naissances, des mariages et des décès?
En l'ait, le 9 février 1787, « un de Messieurs », Robert de Saint-Vincent,
plaida éloquemment, devant les chambres assemblées, une cause dont
la justice paraissait depuis longtemps évidente2. C'est à la même épo-
que que Rulhière écrivait ses Eclaircissements historiques, destinés à
justifier la demi-tolérance de Louis XVI sans trop nuire à la mémoire
de Louis XIV. Lorsque le projet préparé par Malesherbes eut été
adressé au Parlement, les observations de celui-ci ne portèrent
nullement sur le fond, mais sur quelques détails. Le baptême étant
commun au protestantisme et au catbolicisme, les conseillers-clercs
insistèrent pour que l'extrait baptistaire fut toujours regardé comme
le seul extrait de naissance bon et valable. Le Parlement demanda
aussi que les fonctions de judicature restassent interdites aux dissi-
dents, que leur culte demeurât secret pour éviter tout prosélytisme,
qu'en un mot il n'y eût pour la France qu'une foi reconnue; toutes
restrictions relatives à l'avenir, et non à ce que voulait alors le gou-
vernement ?.
Le protestantisme est la libre-pensée chrétienne, c'est-à-dire resser-
rée dans les bornes du spiritualisme et des livres saints, fidèle à des
traditions de parti, soumise à des pasteurs, à un culte. La libre-pensée
scientifique et philosophique, dans la variété de ses conclusions, de ses
négations et de ses doctrines, avait su braver la religion d'Etat avec
plus de souplesse et de vigueur. Qu'étaient quelques dissentiments sur
le dogme, à côté du voltairianisme, du déisme, du sensualisme, du
matérialisme? Si les membres (incrédules d'ailleurs pour la plupart)
du haut-clergé de cette époque accueillirent favorablement l'édit de
1787, s'ils y applaudirent même, ce fut sans doute pour ne point
paraître ridicules aux yeux d'un public édifié sur leurs moeurs et sur
leur foi ; mais ils sentirent aussi qu'en présence de la Religion sociale
qui surgissait, les haines entre chrétiens devaient s'apaiser : cette sen-
\. A un futur concile : comme les citoyens patriotes, aux futurs Etats géné-
raux. C'est le marquis d'Argenson qui fait ce rapprochement.
2. X 1b S!)8ii, Minute du procès-verbal île celle séance.
3. X 1b 8988, 18 janv. 1788.
ET L'ÉGLISE DE PARIS 111
sibililé toute nouvelle pour les dissidents persécutés depuis plus d'un
siècle venait surtout de l'instinct de conservation.
Paris (pris dans son ensemble) avait toujours montré peu de goût,
et souvent la haine la plus féroce, à l'endroit du protestantisme. Les
protestants avaient contre eux la dévotion passionnée et imaginative, et
l'indifférence ou la négation scientifiques. Ils déplaisaient surtout par
leur caractère aristocratique, dédaigneux des pratiques extérieures,
des cérémonies, de l'apparat théâtral. Chassés même des corporations
d'arts et métiers (qui étaient pour la plupart des confréries catho-
liques) ', ils s'étaient réfugiés, les riches dans les professions cosmopo-
lites, banque, grand commerce, les pauvres dans les métiers demeurés
libres, soit par leur nature, soit par privilège local. Le quartier général
des huguenots était de l'autre coté de la Bastille, dans le faubourg
Saint-Antoine, sur la route de leur temple démoli de Cbarenton. Ils ne
paraissent pas avoir été beaucoup émus de la restitution de leur état
civil. N'était-ce pas, pensaient les plus défiants, un moyen indirect de
les connaître et de les recenser? Avec de la bonne foi entre eux (et
leur position les y obligeait), ils pouvaient résoudre la plupart de leurs
discussions d'intérêt. Pour remplacer les registres curiaux, ils avaient
leurs archives de famille, et au besoin eelles des ambassadeurs de
Suède, de Danemark et de Hollande, qui traitaient en compatriotes ceux
dont leur propre patrie prétendait faire des parias. En somme, après
la haute fortune et les services du ministre Necker, ils pouvaient espé-
rer pour eux, Français, la liberté de conscience et de culte que le Roi
n'avait jamais contestée à ses gardes suisses : ils ne l'obtinrent que
de l'Assemblée constituante2.
PROVISIONS DE CARÊME
Tous les ans, quelque temps avant le carême, le Parlement se fait
rendre compte des provisions de Paris et de celles des hôpitaux 3 en
aliments maigres autorisés uniquement par les lois de l'Église et de
l'Etat. Le lieutenant général de police au nom du Chàtelet, le prévôt
des marchands au nom de la ville, présentent des rapports et des
1. C'est le Parlement qui demanda, le 1S janv. 1788, la suppression des certi-
ficats de catholicité dans les corporations d'arts et métiers où l'usage les avait
établis.
2. Voyez, plus bas, leurs inutiles instances à ce sujet, auprès du lieutenant gé-
néral de police, de Crosne, et du ministre de Paris, Laurent de Villedeuil.
3. Nommément : l'Hôtel-Dieu, l'Hôpital-Général, les Invalides, les Incurables
les Dames Sainte-Catherine.
112 LÀ GRANDE POLICE
tableaux toujours conformes du reste, et dont les éléments échappent
nécessairement à la critique. C'est à cette occasion que tous les ans la
Ville supplie le Parlement d'intercéder pour elle auprès de l'Arche-
vêque, afin (Lavoir la permission de faire usage des œufs, « vu la
misère des temps ».
L'Hôtel-Dieu avait pendant le carême le monopole de la viande, (pic
les particuliers ne pouvaient du reste acheter que munis des autorisa-
tions ecclésiastiques '. L'usage des œufs faisait tort à ce monopole, et
diminuait les revenus considérables qui en résultaient. Aussi la taxe
de la viande était-elle alors augmentée, par la raison singulière que
l'Hôtel-Dieu n'avait pas le droit de vendre des œufs.
Turgot avait eu l'excellente intention de racheter le privilège de
l'Hôtel-Dieu moyennant une subvention annuelle2; mais le Trésor
n'avait pu longtemps faire honneur à l'engagement de ce ministre, et
le privilège avait été rétabli.
Le côté religieux de l'approvisionnement de Paris est le seul qui
nous occupe pour le moment : les vieux usages ne le séparaient point
du côté purement matériel et administratif : « Veiller à la subsistance
îles peuples, c'est en quelque sorte participera l'une des plus sublimes
fondions dont le ciel charge les souverains en les établissant sur la
terre les Ministres visibles de sa Providence ?. »
ARRÊT de la Cour du Parlement, portant permission d'exposer et vendre
des œufs dans les marchés et places publiques de celte ville et fauxbourgs de
Paris, pendant le Carême de cette année 1776 4.
Extrait des registres du Parlement, du dix-sept février mil sept cent soixante-
seize.
Ce jour, le procureur général du roi est entré, et a dit : Que depuis l'arrêté
du 15 du présent mois, par lequel la Cour a jugé qu'il y avait lieu de recourir
à l'indulgence de l'Église, pour obtenir la permission de faire usage des œufs
pendant le Carême prochain, l'Archevêque de Paris a donné un Mandement,
par lequel cette permission est accordée pendant le Carême prochain, depuis
le Mercredi des Cendres inclusivement jusqu'au Vendredi de la Semaine de la
Passion exclusivement : Uue, pour mettre les Peuples en état de profiter de
cette dispense, ii s'agit de rendre un arrêt conforme à ce qui s'est pratiqué
en pareilles occasions; et qu'à cet effet il requiert qu'il plaise à la Cour,
1. Du curé de leur paroisse, ou du grand pénitencier de la Métropole, sur le
vu des certificats de médecins. (Barbier, 111, p. ÏM, année 1751.)
i. Air. du Gonseil du -1 déc. 177!, registre eu Parlement le 10 janvier 1775.
Isanibert, n° 107.
:i. Compte rendu du Prévôt des marchands Caumartin au Parlement, le il fé-
vrier 177.1. Arch. nat.. II. VX.Vi.
4. A Paris, chez P. -il. Simon, imprimeur du Parlement, rue Mignon-Saint-An-
dré-des-Arcs, 1 776 (pièce in-i", 3 pages).
ET L'ÉGLISE DE PARIS 113
«
arrêter et, ordonner que le Mandement de l'Archevêque de Paris sera exécuté,
et que, conformément à icclui, il sera permis d'exposer et vendre des œufs
dans les marchés et places publiques de celte ville et fauxbourgs de Paris, et
d'y en faire apporter des provinces; à cette fin, que l'arrêt sera publié à son
de trompe en cette ville et envoyé dans les provinces, à la diligence du pro-
cureur général du Roi, pour y être pareillement publié, afin qu'il puisse être
connu des marchands : Enjoint h ses substituts d'y tenir la main.
Lui retiré,
La matière mise en délibération,
La Cour a arrêté et ordonné que le Mandement de l'Archevêque de Paris
sera exécuté , et, conformément à icelui, permet d'exposer et vendre des œufs
dans les marchés et places publiques de celte ville et fauxbourgs de Paris, et
d'y en faire apporter des provinces ; et, à cette fin, le présent arrêt sera pu-
blié à son de trompe, dans cette ville de Paris, et envoyé clans les provinces,
à la diligence du procureur général du Roi, pour y être pareillement publié,
afin qu'il puisse être connu aux marchands; enjoint aux substituts du procu-
reur général du Roi d'y tenir la main. Fait en Parlement, le dix-sept février
mil sept cent soixante-seize.
Signé : Dufranc.
LA CHASSE DE SAINTE GENEVIÈVE
L'abbaye de Sainte-Geneviève", dont l'enclos s'étendait autour de la
basilique mérovingienne ' des apôtres Pierre et Paul, possédait les
reliques de la patronne de Paris, renfermées dans une châsse d'une
merveilleuse richesse. Aux jours de grandes calamités, on la décou-
vrait pour l'exposer à la vénération du peuple; et lorsque cette céré-
monie n'était pas suivie des résultats espérés, on la promenait dans
les rues. Toutes les églises de Paris qui avaient des reliques de saints
se joignaient à la procession principale, ou faisaient leurs processions
particulières. Les abbés de Saint-Germain-des-Prés et de Saint-Martin-
des-Champs usaient de leur droit d'aspersion, dans Paris. Il venait des
pèlerins ou des curieux de vingt lieues à la ronde.
En 1709, en 1745, la châsse fut promenée. En 1710 (29 mai), 1742
(16, 17 et 25 avril), elle fut seulement découverte 2, et jusqu'en 1789
les religieux de l'abbaye, la Ville et les Cours souveraines s'entendi-
rent pour éviter de nouvelles processions. Celles de 1725 (30 juin et
5 juillet) avaient été suivies (14 juillet) du pillage des boulangeries du
faubourg Saint-Antoine par un peuple affamé et déçu dans ses
superstitieuses espérances. Pendant tout l'été, le pain fut à 8 sous la
livre. — Du reste, quoique ignorant, le Parisien du XVIIIe siècle n'était
1. La tour subsiste seule en partie (lycée Henri IV).
-• Arch. nat., K, 1004, pièce 3.
114 LA GRANDE POLICE
plus celui du moyen âge. « Depuis deux mois, remarque Barbier, il
pleut presque nuit et jour avec une obstination incroyable, et on ne
parle non plus de la sainte que s'il n'y en avait pas1. » 11 est vrai qu'à
cette époque (1725) les miracles du cimetière Saint-Médard lui faisaient
quelque tort. La Ville et le Parlement ne tardèrent pas à donner
satisfaction à Barbier et aux amateurs de cérémonies comme ce brave
bourgeois. Quinze ans après, il écrit : « Heureusement il n'a pas été
nécessaire de faire la grande procession de la châsse de sainte Gene-
viève 2 », qui cause tant d'embarras à la police de Paris : il avait suffi
d'exposer les reliques pour mettre fin à un hiver rigoureux!... Il est
très difficile d'analyser la close de foi véritable, celle de badauderie et
celle de scepticisme qui s'amalgamaient dans la plupart des cerveaux
de cette époque '. Les documents qui suivent montreront toutefois
combien les réflexions ou les descriptions des Mémoires, à ce sujet,
étaient en avance sur les actes officiels, dont le ton serait profondé-
ment religieux, s'il n'était pas quelque peu hypocrite. Les gens éclairés
s'excusaient déjà en disant qu'il faut de la religion pour le peuple.
Mais les politiques ne manient pas à leur gré le sentiment religieux :
jamais sainte Geneviève ne fut bénie comme après la prise de la
Bastille 4.
AHRÊT de la Cour de Parlement, qui ordonne que la châsse de sainte Gene-
viève sera descendue et portée en procession solemnelle. — ■ Du 27 juin 1725.
(Extrait des registres du Parlements.)
Ce jour, les Grand' Chambre et Tournelle assemblées, les gens du roi sont
entrés, et maître Pierre Gilbert de Voisins portant la parole, ils ont dit à la
Cour, que les échevins et autres officiers de la ville étaient au parquet des
huissiers et demandaient à parler à la Cour ; et, ayant été mandés, l'an-
cien des échevins portant la parole, ils ont dit, que les ordres qu'il a .plu à la
Cour de donner pour la découverte de la châsse de sainte Geneviève ont été
suivis de tout le zèle qu'on pouvait attendre de la dévotion des peuples, et
de l'ancienne confiance qu'ils ont en la protection de leur grande patronne;
mais que leur piété semble n'être pas encore satisfaite; qu'ils marquent tous
1. Barbier, t. I, 219 à 222. '
2. Id., I. II, p. 256.
:{. Sans sortir du premier volume du Journal de Barbier, voyez aux pages 230,
249, 257, 287, 307, 314, 352, 393, 412, 464, 470. La préoccupation superstitieuse
est constante. Cela expliqué les violences et les sarcasmes nécessaires des philo-
sophes.
4. Le 3 janvier 1789, la Ville, suivant la tradition, avait assisté encore ù la
messe de sainte Geneviève, et reçu les boîtes de pain bénit. (Arch. nat., K 1005,
pièce '106.)
ri. Arch. nal., K. 1003. A Paris, chez Pierre Simon, imprimeur du Parlement,
rue de la Harpe, MDCCXXV.
ET L'ÉGLISE DE PARIS 113
unanimement qu'ils souhaitent avec ardeur l'honorer par une cérémonie plus
auguste, et faire leurs vœux comme désirait le Roy-prophète, en présence de
tout le peuple au milieu de Jérusalem; que, persuadés que le Père des misé-
ricordes veut être glorifié dans la personne de ses saints, et fléchi par leur
intercession, ils espèrent trouver, par le secours de cette sainte, une ressource
à tous leurs malheurs ; qu'ils croiraient manquer au plus essentiel de leurs
devoirs s'ils ne concouraient à ces sentiments qu'il plaît à Dieu de leur in-
spirer; que c'est dans cette vue qu'ils supplient très humblement la Cour
d'ordonner que la procession sera faite en la manière accoutumée : Sur quoi
les gens du roi, maître Pierre-Gilbert de Voisins portant la parole, ont dit :
que de trop justes raisons excitent le désir des citoyens de cette grande ville,
pour qu'on puisse différer plus longtemps de les satisfaire; que la Cour a déjà
donné d'elle-même des marques de son attenlion pour l'avantage public, en
ordonnant que la châsse de sainte Geneviève serait découverte, et qu'elle n'a
fait en cela que se conformer aux intentions du roi, dont la bonté paternelle
s'intéresse pour ses peuples; qu'il faut redoubler ses efforts et ses prières,
pour déterminer la clémence de Dieu en notre faveur et concevoir d'beureuses
espérances du concours des vœux de l'Église et de ceux du prince, des ma-
gistrats et du peuple réunis ensemble ; que la procession générale, pratiquée
avec succès depuis tant de siècles, est un acte de religion solennel, en quel-
que sorte réservé pour de semblables occasions; qu'ainsi ils croient devoir
requérir qu'il plaise à la Cour ordonner que la chasse de sainte Geneviève
sera descendue et portée en procession, où la Cour assistera en robes rouges
en la manière accoutumée; qu'il en sera donné avis à Monsieur l'Arche-
vêque de Paris, pour ensuite être pris jour pour la procession; qu'il en sera
pareillement donné avis aux compagnies souveraines, et à l'abbé de Sainte-
Geneviève, le tout en la manière accoutumée ; et que le lieutenant civil et leur
substitut au Chàtelet seront mandés pour leur enjoindre de veiller à la garde
de la chasse, et de s'en charger envers les religieux de Sainte-Geneviève, ainsi
qu'il se pratique en ces occasions. Eux retirés1, ainsi que les échevins et au-
tres officiers de la ville, la matière mise en délibération : La Cour a arrêté et
ordonné... Suit le dispositif de l'arrêté.
L'arrêté est ensuite communiqué aux gens du roi et au bureau de
la ville, et porté aux enquêtes et aux requêtes du Palais.
Le même jour (27 juin), mandement de l'archevêque de Paris
(Louis-Antoine de Noailles, cardinal). Déjà des prières de quarante
heures avaient été ordonnées, L'archevêque règle les jours et heures
des processions particulières ' qui doivent avoir lieu les samedi, di-
manche, lundi, mardi et mercredi avant la procession générale fixée
au jeudi o juillet :
Nous ordonnons que le jeudi, cinquième du mois de juillet, tous les cha-
pitres et couvents de cette ville, qui'dc droit ou de coutume sont mandés
1. Au nombre de 44.
H6 LA GRANDE POLICE
aux processions générales, se rendront à six heures précises du malin dans
notre église, où ils apporteront processionncllemcnt avec respect et piété les
châsses et les reliques qui sont conservées dans leurs églises, pour faire en-
suite, conjointement avec nous, la procession à l'église Sainte-Geneviève du
Mont, et de là revenir à la nôtre, où les châsses de saint Marcel et de sainte
Geneviève seront portées avec les cérémonies accoutumées r.
DELIBERATION DU BUREAU DE LA VILLE
m- 25 mai Î740
Monsieur le Prévôt des marchands ayant représenté au bureau que depuis le
samedi 21 du présent mois que la châsse de sainte Geneviève avait été décou-
verte, le temps avait absolument changé, et qu'il faisait beaucoup plus chaud,
et que, quoique ce ne fût pas l'usage de retourner à Sainte-Geneviève pour
lui rendre des actions de grâces, il estimait que, comme sa protection s'était
manifestée si ouvertement, le bureau devait y retourner lui en rendre des
actions de grâces, en y entendant la messe et vêpres, et le Te Deum : le bureau
goûta infiniment la pensée de Monsieur le Prévôt des marchands, ce qui fit
que Monsieur le Prévôt des marchands écrivit à M. le cardinal de Fleury ses
idées, lesquelles Monsieur le cardinal approuva beaucoup, en ajoutant que
l'on ne pouvait trop remercier sainte Geneviève d'une protection si mani-
feste 2.
Entre messe et vêpres, Messieurs de la Ville dînent au réfectoire
de Sainte-Geneviève. — Le tout dure de 8 heures du matin à 5 heu-
res du soir (dimanche 29 mai) ?.
LE PASTORAL DE 1786
RÉCIT D'UN HE MESSIEURS A LA SÉANCE PLÉNIÈRE DU 19 DÉCEMBRE 1786 +
Monsieur, dès avant la fin du Parlement, au mois de septembre dernier,
j'ai pris la liberté de faire observer à la Compagnie que Monsieur l'Arche-
1 . La Vierge et saint Denys sont aussi regardés comme les patrons de la
ville. Voyez la pièce intitulée : ((Ordre des cérémonies etprières qui s'observent
avant la dessente {sic) de la châsse de sainte Geneviève, et après la descente
d'ycelle » (Paris, P. Morisset, 1725).
2. Arch. nat., K 1004. Dans le même carton, voyez le don d'un riche lampa-
daire, de 20, SCI liv. 13 sous 9 den., l'ait par la Ville à l'église Sainte-Geneviève;
dans le carton K 1005 (pièces 1 et 2), le cérémonial (non enregistré) de la béné-
diction des quatre cloches de L'abbaye royale de Sainte-Geneviève (27 nov. 1732).
3. o Les Cours ni la Ville ne reconduisent point la châsse de la sainte; il n'y
a que le Châtelet qui raccompagne à Sainte-Geneviève, où il dîne. » (Barbier, 1. 1,
p. 223, année 1725.)
4. Arch. nat., X 1b 8985.
ET L'ÉGLISE DE PARIS 417
vêque de Paris venait, par une affectation singulière, de choisir les derniers
jours des séances du Parlement pour faire afficher dans les rues de Paris la
distribution d'un nouveau Pastoral dont la Compagnie n'avait aucune con-
naissance. Je n'ai fait cette remarque publiquement, et à l'Assemblée des
Chambres, que pour réveiller l'attention de la Compagnie sur les ohjets qui
intéressent l'ordre et la police publique, dans les matières qui sont l'objet d'un
pareil ouvrage. Les prélats qui désirent que l'autorité du roi appuie les efforts
de leur ministère, ont soin de mettre sous les yeux du ministère public et de
la Cour le résultat de leurs travaux dans l'enseignement public pour tout ce
qui concerne la discipline ecclésiastique : et ce concours de l'autorité du Par-
lement avec le zèle des pasteurs donne une plus grande stabilité aux fruits de
la vigilance épiscopale. La Compagnie, animée sans doute d'une trop grande
confiance, n'a pas cru devoir concevoir aucun soupçon contre un prélat qui
s'est annoncé dans le Diocèse comme venant apaiser tous les troubles que le
zèle trop amer de son prédécesseur avait allumés.
Choisi par un prince ami de la paix, M. de Juigné avait suivi en entrant
dans ce diocèse les premières impressions de sagesse et de modération dont
le roi a désiré que Monsieur l'Archevêque de Paris ne s'écartât jamais.
Nous l'avons vu, dès les premiers jours de son épiscopat, ouvrir la porte du
sanctuaire à des religieuses que le préjugé de M. de Pcaumont en avait écar-
tées depuis longues années. M. de Juigné a rendu la vie à des hôpitaux
publics qui sont le refuge de l'humanité souffrante. Nous avons vu avec con-
solation renaître ces établissements utiles que le Parlement a toujours pro-
tégés, que la charité seule peut conserver; et nous avons cru toucher au
moment où un prélat pacifique allait rendre à l'Église de Paris son lustre
ancien par l'appui que donnerait sa vertu à la doctrine de nos pères, et son
activité vigoureuse pour rétablir la discipline qui est presque totalement
effacée dans tous les Corps ecclésiastiques de ce diocèse.
C'est sans doute le plan que M. de Juigné s'est proposé, en concevant l'idée
de donner un nouveau rituel à son diocèse; pourquoi faut-il qu'un projet aussi
noble et aussi digne du premier pasteur de la première Église de France ' ait
été aussi mal exécuté? Tâchons d'excuser autant qu'il nous sera possible un
prélat à la sollicitude duquel la Providence nous a confiés, à qui personne ne
refuse une régularité de mœurs très exemplaire2, et qui édifie tous les ans les
différentes portions de son diocèse par des visites qui semblaient oubliées
avant lui.
Nous voudrions n'avoir qu'à rendre hommage aux vertus de Monsieur l'Arche-
vêque, et faire des vœux ardents pour que son zèle ne soit jamais séparé de
cette lumière vive et pure sans laquelle la pratique des œuvres extérieures de
la Religion procure les ténèbres et l'ignorance de la part des pasteurs, et la
superstition de la part des peuples.
Le Magistrat est obligé de discerner toutes ces différentes nuances; et c'est
avec peine qu'il trouve dans un livre destiné à la pratique journalière de tous
les ecclésiastiques employés dans ce diocèse aux fonctions du saint ministère,
des principes contraires à la tranquillité publique, capables de porter l'inquié-
1. Non pas au point do vue ecclésiastique, mais uniquement parce que Paris
est la capitale du royaume.
2. Critique indirecte des Rohan, des Dillon, des Brienne, etc.
118 LA GRANDE POLICE
tiule dans les mariages qui sont la base de toute la société civile, et tendant à
renouveler les troubles que la sagesse du roi a voulu éteindre1...
M. de Juigné ne pouvait pas manquer de s'égarer relativement à la compo-
sition de ce rituel, lorsqu'il nous annonce lui-même... qu'il n'a consulté aucun
de ceux dans les lumières desquels il devait mettre principalement sa con-
fiance. Qui dit pastoral, ou rituel, dit : ce qui a coutume d'être observé, pra-
tiqué dans l'Église universelle, ou dans un diocèse qui ne compose qu'une
seule et même famille : c'est l'expression de la Doctrine constante et unanime
dont doivent déposer ceux qui tiennent le premier rang dans la hiérarchie de
l'Église. Dès le mandement qui est à la tête du Pastoral, M. de Juigné nous
annonce qu'il n'a consulté ni son chapitre ni ses curés : quel que soit le talent
de ceux qu'il nomme dans son mandement pour avoir été les conseils de la
rédaction de son Pastoral, nous louerons volontiers l'élégance de leurs expres-
sions et la délicatesse de leur style, mais nous ne. pouvons nous dispenser de
réprimer leurs écarts. Sans nous expliquer directement sur le droit du chapitre
de Paris que nous aurons peut-être à discuter comme juges, nous ne pouvons
nous dissimuler que l'Église de Paris a tous les caractères nécessaires pour
être consultée en pareille matière : elle a juridiction quasi épiscopale, elle a
territoire, justice, i'or extérieur, supériorité sur plusieurs églises paroissiales
du diocèse2 : et si Monsieur l'Évèquc est obligé de consulter son chapitre
pour permettre l'usage des œufs pendant le Carême3, il est difficile de croire
qu'il puisse changer les rits, les prières et les cérémonies de son Église sans
consulter son Chapitre, qui est son premier Conseil.
Qne pouvons-nous penser de ces juriconsultcs que Monsieur l'Archc-
1. Ces troubles, dont la bullr Unigenitus (''tait la raison ou le prétexte, avaient
rempli Je règne précédent. C'étail une lutte d'influence entre le haut clergé, do-
miné par les jésuites, et le Parlement. Louis XV laissa les deux adversaires s'user
entre eux. Alternativement, tes actes de rigueur tombèrent d'un côté ou de
l'autre. Après avoir servi d'instrument contre les jésuites en 17(>3, le Parlement
eut son tour en 1771. Barbier indique très bien tout, cela (t. IV, p. 405) : « La
destruction de la société îles jésuites, dont il ni' sera, plus question dans peu
d'années, ôte à .Monsieur le dauphin un corps de conseil de gens d'esprit et
instruits pour les affaires de gouvernement et les suites qui en dépendent. H ne
reste plus que les parlements pour y pourvoir. Si on parvient à présent, à dimi-
nuer leur autorité' et leurs prétendus droits, il n'y aura plus d'obstacles à un
despotisme assuré'. Si, au contraire, les parlements s'unissent pour s'y opposer
par de tories démarches, cela ne peut être suivi que d'une révolution générale
dans L'État. »
2. A Paris même, trois paroisses étaient à la collation du chapitre de Notre-
Dame : deux dans la Cité, une dans le quartier Saint-Martin. Il avait, l'alternat
avec l'archevêque pour la paroisse de Saint-Benoît. Le droit de collation sans
partage n'appartenait à l'archevêque que dans dix-huit, paroisses. Le fief du Cens
commun, rétabli en 1768 en faveur du chapitre, avait son siège près les Récol-
lets, faubourg Saint-Laurent. Arch. nat., K 1050.
•'S. Il 'lait d'usage que. tous les ans, sur la prière de la Ville, le Parlement de-
mandât à l'archevêque un mandement pour autoriser l'usage des œufs pendant
le carême, lui général, le mandement, était, publié, mais pas toujours sans lutte
et sans négociations. (Voyez, par exemple, Barbier, t. III, p. 232, année 17.'I2.) Il
arrivai! parfois à l'archevêque de couvrir son refus par le moyen d'une délibé-
ration capitulaire.
ET L'ÉGLISE DE PARIS 119
vêque prétend avoir consultés et qu'il qualifie, « laborum meritis et morum
gravitate spectabiles * » ? Ce que le mandement de Monsieur l'Archevêque
dit de quelques Magistrats nous étonne encore davantage : « Magistratuum
etiam non religione minus quant eruditione et sapientia venerabilium cunsilia
et suftragia consulere studuimus-. »Nous reprocherions sans doute avec raison
à ces Magistrats d'avoir trompé Monsieur l'Archevêque dans ses maximes
politiques sur la discipline ecclésiastique.
Les Curés de Paris étaient sans doute dans le cas d'être consultés sur les
rits, usages et pratiques qui s'observent dans les cérémonies ecclésiastiques.
Ce sont eux qui, avant que M. de Juigné ne fût archevêque de Paris, étaient
les témoins de la tradition et de la pratique journalière dans les exercices saints
de la religion. Ils ne sont point étonnés qu'il ait méprisé leurs conseils, quand
nous voyons le ton de supériorité avec lequel il parle de l'autorité des
Évoques et de la subjection dans laquelle il place les Curés dans l'ordre de la
hiérarchie :
« Episcopus hoc sublimi ordine insignitus, eo in loco habendus est ut emi-
nentem cujus-libet ordinis functionis hierarchiœ et sacerdotalis totiusque
ecclesiastici regiminis auctontatem in se complecti estimetur. Presbyteri
autem, et si cum Episcopo sacerdotii participes, sacramentel non célébrant nisi
jussu Episcopi tanquam sibi pro domino prœsidentis, neque Evangelium an-
nuntiant yiisi prœeunte ejus consensu vel nisipastores ab ipso fuerint canonice
instituti >. »
Et pour que les Curés ne croient pas qu'ils ont une autorité propre dans le
chapitre sur le sacrement de pénitence, il attribue à l'évêque la qualité de
Proprlus sacerdos du Concile de Latran : « Neque vero existimandi sunt primi
Pastores parochias suce ditioni subjeclas ideo abdicare vel amittere, quod suce
jurisdictionis partent secundi ordinis pastoribus per institulionem,seu missio-
nem canonicam largiantur4. »
Ainsi, suivant le Rituel nouveau, l'autorité des Curés n'est qu'une émana-
tion du pouvoir des Evêques. Les Curés, s'ils avaient été consultés, auraient
représenté avec raison à Monsieur l'Archevêque de Paris qu'en traitant
avec aussi peu d'égards ses coopérateurs dans le Saint Ministère, il s'écartait
des principes les plus connus sur la matière de la juridiction des Pasteurs du
second ordre : « Secundus ordo, dit M. Bossuet, dans sa défense de la Décla-
ration du Clergé de 1682, est in Ecclesia necessarius, et secundo loco sub
Episcopis Ecclesiasticam jurisdiclionem exercet, non ab alio, quam a Christo,
secundum canones et Episcoporum justa preecepta, exercendam accipit. »
Van Espen explique de même la juridiction des Curés : « De ordinatione
essentiali et slabili sanctee Ecclesice ceque bene est status Curatorum, sicut ille
prœlatorum, archiepiscoporum. »
1. Mand., p. 7.
2. Mand., p. 7.
3. Tome 11, p. 453. — Les cahiers dos curés ont suffisamment répondu aux
théologiens do M. de Juigné qui, d'ailleurs, n'avait pas lu son Rituel, si l'on en
croit la Correspond mire sea-'ele publiée par M. de Lescure en 18G6 (t. II, p. 93).
4. Tome, 11, p. 22S. A ces idées se rattacha cette dénomination purement poli-
tique, et non canonique, do clergé de second ordre, appliquée aux curés; d'avance
le haut-clergé les rejetait dans le tiers état d'où ils étaient sortis.
120 LA GRANDE POLICE
La juridiction des Curés vient immédiatement de Dieu, aussi bien que celle
des évoques. Un évoque de France, ajoutc-t-il, n'aurait pas dû ignorer les
décrets de la faculté de Théologie à cet égard.
Heureusement que ces principes anciens sur le droit des curés ne sont pas
ignorés dans toutes les parties du monde chrétien. Un évêque digne des pre-
miers siècles de l'Eglise, soutenu par un prince religieux, qui se rend égale-
ment recommandable dans toutes les parties de son administration, assemble
dans ces derniers moments-ci tous ses Curés, et, voulant les intéresser à la
réforme des abus dans l'état ecclésiastique, il les assure qu'il en a conféré
avec les personnes les plus vertueuses et les plus éclairées parmi les Diocé-
sains, et il ajoute : « Nonobstant tout cela, vous êtes, Vénérables Pasteurs,
plus à portée que qui que ce soit de connaître les besoins de notre Église,
quant aux portions respectives qu'en vertu de l'autorité divine vous gouver-
nez avec l'Évèque, et c'est de vous comme de moi que dépend la réforme, à
laquelle nous devons travailler, de tant d'abus qui défigurent l'ancienne beauté
de la discipline ecclésiastique. »
Pourquoi les principes de Monsieur l'Archevêque de Paris sont-ils si
éloignés de ceux de la discipline ancienne et moderne de l'Eglise?
Le principe de ce despotisme dans le gouvernement ecclésiastique se trouve
développé de la manière la plus claire dans sa dissertation sur le sacrement
de la Pénitence. « Nulli enim nisi summo œlernoque Pastorum Principi tenetw
Episcopus de gratiosce et voluntariœ jurisdictionis suce usu rationem reddere. »
M. de Beaumont avait bien osé le dire au roi Louis XV et à son Parlement :
cet archevêque a eu plus d'une fois l'occasion de s'en repentir1. Nous ne con-
naissons cependant point d'ordonnance épïscopale où M. de Beaumont ait osé
l'avancer en principe. M. de Juigné en fait une portion de son enseignement
public, et celte indépendance contredit en un mot toutes les lois du royaume.
S'agit-il dans la juridiction volontaire ou gracieuse de conférer des bénéfices
ou des visa? Vous recevez tous les jours des appels comme d'abus interjetés
des ordonnances de tous les prélats du royaume. S'agil-il de l'article 2 des
lettres patentes de lG9o, si favorables au Clergé relativement à l'interdit des
ecclésiastiques du second ordre? Ce même article contient la mention la plus
expresse de l'appel simple et de l'appel comme d'abus réservé par la loi à
celui qui se croit lésé par l'injustice de son supérieur-.
1. Trois l'ois Christophe de Beaumont, archevêque de Paris de 174G à 1781, fut
exilé par lettres de cachet, à l'occasion des refus de sacrement aux non-con-
stitutionnaires. L'opinion publique était avec le Parlement. Los contemporains
noient que le roi redevenait populaire, à chaque exil de l'archevêque. « Une
pratique immémoriale, dit M. Champion (Esprit de la Révolution, p. 174), avait si
bien embrouillé le spirituel et le temporel, que très peu de gens étaient capables
de les démêler. Je lis dans la Feuille villageoise du i!l octobre 1790 : « Vidée
qu'un prêtre puisse à son gré refuser d'administrer les sacrements est une idée
qui commence à pénétrer un peu partout : en 89, elle ne venait presque à per-
sonne. » Distinguer dans le mariage l'acte civil de l'acte religieux paraissait une
opération si délicate que Camus craignait que la Constituante ne le regardât
comme téméraire (24 juillet 1790, Arch. parlementaires, xvi, p. 317). » — Je
l'envoie à tout le chapitre (p. 166 à 188) le lecteur curieux de voir combien l'es-
prit de la Constituante était encore voisin des traditions du Parlement.
2. L'appel ad apostolos (au Saint-Siège) était même autorisé en certains cas
déterminés.
ET L'ÉGLISE DE PARIS 121
M. de Juigné, privé des lumières de ses curés dont le conseil lui aurait été
si utile, s'est laissé entraîner dans toutes les distinctions scolastiques qui lui
ont été proposées par ses théologiens sur la division, subdivision, et l'indé-
cente répartition des mérites de Jésus-Christ dans le sacrifice de la messe.
Gardons-nous bien d'entrer dans aucun détail sur une matière qui pourrait
n'être pas regardée comme étant de notre ressort et faisons seulement des vœux
pour que des prélats plus instruits travaillent à dissiper toutes les illusions
grossières qui pourraient exposer la foi catholique à la censure des protes-
tants, et à la dérision de tous les mécréants que des systèmes puérils et ridi-
cules ne peuvent que multiplier dans le royaume.
Nous ne parlerons pas plus de toutes les dissertations qu'ont entraînées et
qu'entraîneront encore les principes de M. l'Archevêque sur la fréquentation
des sacrements. Le zèle public qu'a toujours témoigné le clergé de France
contre le pyrrhonisme1 nous rassure contre les erreurs des maximes relâchées
sur cet objet.
Fixons au plus tôt l'attention de la Cour sur la matière du mariage, et re-
levons les erreurs des théologiens qui ont égaré M. l'Archevêque de Paris dans
cette portion de son Rituel.
Nous n'avons garde d'entrer dans la discussion de chacun des chapitres où
la matière du mariage se trouve traitée.
Je me borne à deux ou trois points que je dénonce à la Cour comme con-
traires aux principes fixes sur l'autorité du roi, qu'aucun magistrat instruit ne
doit désavouer.
1° Tout le chapitre De matrimoniis filiorum familias semble n'avoir pour but
que de contredire les lois du royaume, l'ordonnance de Rlois, la déclaration
du roi de 1G39, celle de 1697, et la jurisprudence constante des arrêts.
L'ordonnance de Blois exige, pour le mariage des enfants de famille mi-
neurs, le consentement des pères, mères, tuteurs ou curateurs. M. l'Arche-
vêque de Paris prétend prouver que le consentement des mères n'est point
nécessaire. S'il avait consulté les curés de Paris, ils lui auraient tous déposé
que c'est un usage très constant dans toutes les paroisses de Paris que toutes
les fois qu'une des parties contractant mariage a père et mère, le consente-
ment de la mère est rigoureusement exigé. M. l'Archevêque de Paris renverse
cet usage constant et l'ordonnance de P-lois qui exige nommément le con-
sentement des mères. Il n'est pas plus exact d'établir en principe constant
que la mère survivante et tutrice ne peut pas marier ses enfants. Sans doute
qu'il peut se trouver des circonstances où les parents paternels peuvent avoir
des raisons pour s'opposer à la volonté de la mère. Mais établir en principe
comme nécessaires et attribuer à toutes les mères les effets funestes de l'in-
firmité de leur sexe! « Prœjudicata opinio, ideoque sœpvus imminens ratione
minus quam libidine agendi periculum. » Le traducteur de M. l'/Vrchevêque
dit que le mot libidine doit s'entendre par le terme de caprice2. Je dis avec
assurance que toute cette dissertation tend à diminuer la révérence et l'obéis-
1. Doctrine du philosophe grec Pyrrhon (scepticisme pratique, doutes sur
l'existence de la matière, et par suite indifférence morale). C'est le nom adouci
du jésuitisme, te] que Pascal l'a démasqué (restrictions mentales, système de l'in-
tention, casuistique, etc.).
2. L'autre sens est celui de passion déraisonnable.
122 LA GRANDE POLICE
sance que les fils de famille doivent à ceux de qui ils tiennent le jour; que
tout père de famille doit être indigné de cette dissertation, dans un siècle où
les égards de ce genre sont totalement oubliés. Je dis que l'autorité du roi,
qui est le père de tous ses sujets, est grièvement attaquée cl doit être vengée
de l'injure que lui fait le violement de tout principe sur la puissance pater-
nelle.
Revenons à des autorités plus sages, je veux dire celle de M. d'Aguesseau
dans son plaidoyer de IGOi, dans la cause de la dame de Razac et de sa fille.
Ces mêmes principes sont établis par M. Joly de Fleury dans un plaidoyer du
12 avril 17041...
« Porro impedimenta cum prohibentia lum dirimentia potuisse ab Ecclesia
constitui sententia est apud Catfiolicos unanimis, atque ad (idem pertinens. »
Ce mot, ad /idem pertinens, est une erreur des plus grossières et attaque di-
rectement le pouvoir du roi... Le vrai principe en matière de mariage est que
l'Eglise ne peut statuer que sur le sacrement, sur la forme extérieure de le con-
férer, et sur les dispositions intérieures de ceux qui le reçoivent. Or, en fait
de mariage, il n'y a pas de sacrement s'il n'y a point de contrat civil qui en
est la base; or la puissance séculière peut seule connaître du contrat civil. Les
empêchements dirimants attaquent le contrat civil dans son. essence : donc
l'autorité séculière, qui seule peut tout sur le contrat civil, peut seule essen-
tiellement, jure suo, prononcer sur les empêchements dirimants... C'est ce
qu'a démontré jusqu'à l'évidence dans le siècle dernier le célèbre Launoy,
docteur de la faculté de Paris, dans son traité intitulé Regia in matrimonium
potestas. C'est ce que vient de discuter dans ce moment le sieur Le Rat, doc-
teur de l'Université de Louvain, pour établir les droits de l'empereur dans ses
fctats de la Flandre autrichienne. Tout le monde sait que l'empêchement diri-
mant le mariage des princes, faute de consentement du roi, a été ordonné par
la puissance seule du roi. Nier le pouvoir du souverain sur les empêchements
dirimant le mariage dans ses Étals, c'est... exercer sur son État le pouvoir in-
direct que les papes ont usurpé si longtemps, et dont on a eu tant de peine à
se débarrasser.
Qu'importe qu'il ait plu à quelques théologiens, armés de toute la subtilité
scolastique, de mettre le sacrement tellement à côté du contrat que l'Église
statuât sur le sacrement par des empêchements dirimants, en même temps que
la puissance séculière prononcerait sur le contrat civil ? c'est une erreur fondée
sur une transposition des choses.
Si le concile de Trente a prononcé que l'Eglise pouvait établir des
empêchements dirimants, il s'est gardé d'ajouter qu'elle pût le faire
jure suo. D'ailleurs le chapitre Du mariage et celui sur la Réformalion
des princes ont toujours empêché la réception des décrets du concile
1. Suit une page do citations, tirées îles Œuvres de d'Aguesseau (I. III, p. 69)
et (lu Journal des Audiences (t. V, fui. Ï49). — Le traité de Le Vayer (imprimé
d'abord sous le nom de Talon), De l'Autorité îles rois dans l'Administration de
l'Église, résume les principes du Parlement (Voir la première instruction de
Henri-François d'Aguesseau ;i son fils, V partie : Étude du droit canonique.)
ET L'ÉGLISE DE PARIS 423
de Trente en France, et Louis XYI rejettera comme ses prédécesseurs
des maximes attentatoires à la couronne.
Dans le tome III, p. 3, du Rituel, se trouve la note suivante sur
l'ordonnance de Blois : Les mariages des mineurs sans le consentement
de leurs pères, mères, tuteurs el curateurs sont déclarés nuls ordi-
nairement, mais toujours sur la présomption et sur le motif de séduc-
tion ou subornation, la séduction déclarer par sentences du juge. C'est
un nouvel outrage à l'autorité paternelle que de présenter cette sen-
tence comme nécessaire pour dirimer le mariage.
Le Rituel fourmille d'abus en ce qui concerne les censures et les
cas réservés. M. de Juigné prodigue les excommunications ipso facto,
supprimées sagement par M. de Noailles1. En ce qui touche l'admi-
nistration de l'eucharistie, il veut que le curé consulte l'évèque, et
qu'il s'assure avec soin de l'orthodoxie de son ouaille, s'il ne se croit
pas en état d'en décider par lui-même. M. de Juigné a cependant ré-
tabli, en entrant dans son diocèse, l'usage des sacrements en faveur
de plusieurs communautés qui en avaient été injustement privées.
« Mais on lui a fait adopter dans la pratique toutes les formes, les
tournures, les adresses qui avaient été imaginées de la part des au-
teurs et fauteurs du schisme;... les billets de confession, dont l'exac-
tion2 a produit des effets si funestes sous le gouvernement de M. de
Beaumont, sont renouvelés par ordonnance du Rituel lors de la célé-
bration du mariage >. » Le billet de confession est aussi exigé pour la
communion pascale, « nisi sint ejusmodi personx quae ex honestate ser-
monis et morum gravitate fidèles appareant : d'où il résulte qu'un
homme qu'un ministre de l'Eglise refuserait faute de billet de con-
fession pourrait intenter à son curé un procès en réparation d'hon-
neur pour avoir douté de ses mœurs et de sa probité. » — Le colloque
secret est ordonné pour l'administration des derniers sacrements4,
même dans ce moment « où un malade n'a qu'à édifier sa famille et
à profiter des secours que des parents réunis lui donnent. »
1. Louis-Antoine de Noailles, cardinal en 1700, archevêque do Paris de 1695 à
1729. — 11 n'avait, signé la bulle Unigenitus qu'en 1728, à l'âge de soixante-dix-
sept ans. Cet acquiescement presque in extremis fut célébré par les jésuites
comme une victoire de la foi. LàLettre des trente Curés l'ut condamnée par arrêt
du Conseil, 14 juin 1748.
2. Acte d'exiger.
3. Tome 11, p. 560.
4. Tome 1, p. 207, II, p. .'397, III, p. 136. Le colloque secret était regardé
comme facilitant les captations, exhérédations, etc. — Sur toutes ces questions
litigieuses entre l'État et l'Église, voyez l'Esprit des lois, livre XXV, ch. v, li-
vre XXVI, ch. vin, ix, x, xi, xn, xiii.
124 LA GRANDE POLICE
A la tèle du Rituel se trouve l'éloge des évoques el archevêques
qui ont été à la tète de ce diocèse. M. de Juigné le distribue à son
gré. Mais « il relève avec affectation une anecdote de la vie de M. le
cardinal de Noailles, — qui n*est point nécessaire à son éloge, — et
qui est susceptible do différentes interprétations». Quant au Parle-
ment, il sait combien de peines, de soins et de temps il a dû lui-même
employer à corriger les buis, les faiblesses, les fautes et les erreurs
des successeurs de M. de Noailles, et il rend à M. de Noailles « l'hom-
mage de regrets et de vénération que son diocèse lui a constamment
décernés ».
L'injonction de faire usage du Rituel est publique et patente. Ce-
pendant, tous les curés de Paris en sont mécontents. On assure que
M. de Juigné a permis à ceux qui l'ont consulté de n'en point faire
usage. Que signifie celte réticence cachée après une injonction aussi
impérieuse? Lorsque M. l'archevêque écrit : « Opus magna recognovi-
mus unirai attentione, singula coram Deo ver ba pondérantes, ne quid..,
minus aceuratum acciderel, — le plus grand honneur que nous
puissions faire à M. l'archevêque de Paris est de ne pas ajouter une
foi entière à l'exactitude de cette énonciation... » Mais, pour éviter
(pie les troubles ne renaissent dans l'Eglise, « le Parlement doit
('gaiement son secours et sa protection aux curés faibles, et à ceux
qui montrent plus de courage;... il vaut mieux couper la racine du
mal que d'avoir à le guérir lorsqu'il aura fait des progrès' ».
L'ABBAYE DE SAINT-GERMAIN
L'abbaye de Saint-Germain était fondée en titres pour le droit de
pêche sur une certaine étendue de la Seine, le droit de bac vis-à-vis
1. Le Clerc de Juigné fini quelque compte des reproches mesurés du Parlement,
ctaussi du roi. D'ailleurs le parti jésuitique ne travaillait encore que dans l'om-
bre.—L'archevêque de Paris, populaire par sa charité et par la dignité de sa vie,
m- l'ut pas désigné par le mi, eu 178"/, pour faire partie de l'assemblée provin-
ciale de l'Ile-de-France; mais l'archevêque de Sens et les autres évêques de la
généralité ne furent pas davantage appelés à Melun. Est-ce « parce qu'on avait
voulu éviter de faire présider par des prêtres les assemblées provinciales les
plus voisines de Paris? » (Léonce de' Lavergne, Assemblées provinciales sous
Louis XVI, p. 146, note.) (l'est plutôt, je pense, parce que le haut clergé séculier
('•laid Unit ,ï fail dans la main du roi, le Trésor ne pouvail plus rien espérer que
(\r> Réguliers, si nombreux et si riches à Paris et dans L'Ile-de-France. Quoi qu'il
en soit, de Juigné fut nommé député de son ordre aux États généraux. Il ac-
cueillit à Notre-Dame les vainqueurs de la Bastille, qui le couronnèrent de fleurs.
Puis il refusa le serment, émigra, ne revint qu'en 1802, et mourut dans la re-
traite eu 1811. C'était un honnête homme, assez humé, digne en toul du choix
personnel dont l'avait honoré Louis XVI.
ET L'ÉGLISE DE PARIS 125
les Invalides, et pour des moulins. L'arrêt du Parlement du 7 sep-
tembre 1770 ne lui conteste pas ces titres, mais il porte :
Défenses aux abbés de Saint-Germain-dcs-Prés de se dire et qualifier
seigneurs propriétaires de la rivière... de donner aucunes permissions, con-
cessions ou baux pour placer sur ladite étendue de la rivière aucuns bateaux
et selles à laver lessive, bateaux pour bains, trains ou bateaux pour bois et
autres marchandises, ni pour placer sur les ports, berges et bords de la
rivière aucunes marchandises, pieux, perches et percheltcs, ni autres choses,
ni d'exiger pourlesdites places de la rivière et de ses berges et bords aucunes
rétributions ni émoluments, fermages, loyers, redevances, ou autrement, à
quelque titre et en quelque manière que ce soit.
(Mémoire pour les prévôt des marchands et échevins follement intimés, contre
les sieurs Saffrov et Rainville et encore contre les chanoines réguliers de
Saint-Victor. Paris, Lottin, avril 1783, pièce in-i° de 39 pages : p. 38 et 39.)
RÉUNION DES CORDELIERS ET DES CÉLESTINS
Mémoire à consulter et consultations sur la translation des Cor-
deliers aux Gélestins. Signé: Camus, Rouhette, Douet d'Arcq, Rat
de Mondon, Treilhard, Debonnières. — Important pour l'étude des
rapports de l'Eglise et de l'État. — Vise Ledit de décembre 10G6, la
déclaration du 7 juin 1659 (reg. le 12 juillet). — Cite Hallier, Baluze,
Talon, le Gallia christiana, et une consultation de maître Cochin
{Œuvres, t. IV, p. 717).
Conclut : 1° que le couvent des Cordeliers ne peut être transféré
dans quelque autre lieu même de la ville, sans le concours, la coopé-
ration et l'autorité de M. l'Arcbevèque ;
2° Que lors même que la maison des Célestins serait vacante, la
suppression de cette maison exige le concours de l'État et de l'Église
qui l'ont établie et autorisée '.
L'ABBAYE DE SAINT-VICTOR
DOSSIER RELATIF A LA TRANSLATION DES COCHES D'EAU DU PORT
SAINT-PAUL AU PORT DE LA TOURNELLE 2
La translation provisoire avait été ordonnée, pour des raisons de
1. Pièce in-4° de 20 pages (Paris, G. Simon, imprimeur du Parlement). Ce mé-
moire est daté du 5 janvier 1780 (Arch. nat., II. 1933). — Comparez : lettres pa-
tentes de déc. 1782 (enreg. le 31 janv. 1783), concernant rétablissement des capu-
cins de la rue Saint-Jacques dans leur nouveau couvent du quartier de laChaussée-
d'Antin (X 1b 8978).
2. Arch. nat., H. 1957.
126 LA GRANDE POLICE
sécurité, par arrêt du Conseil du 15 janvier 1786. Depuis la con-
struction de l'estacade de l'île Saint-Louis, le passage entre cette île
et File Louvier était impraticable.
Dès le 18 janvier, Turlin, fermier des coches d'eau, sollicite la
publication de l'arrêt du 15 janvier, afin de prévenir la « cabale »
des marchands de bois du port Saint-Paul, entre autres Saffroy et
Rainville, qui s'étaient déjà opposés à cette translation en 1784
(ordonnance du bureau de la ville du 14 mars 1783). — Le 31 janvier,
de Galonné envoie au bureau de la ville plusieurs exemplaires de
l'arrêt du 15 janvier.
Le bureau de la ville demande (lettre d'Ethis de Corny à de Ca-
lonne, du 30 mars) que la ferme des cocbes contribue avec la ville à
l'aménagement du nouveau port.
L'arrêt du Conseil avait été nécessité par les oppositions qu'a-
vaient antérieurement rencontrées les simples ordonnances du bu-
reau.
Les chanoines de Saint-Victor s'étaient joints aux marchands de
bois du port Saint-Paul pour s'opposer à l'exécution de l'ordon-
nance du bureau de la ville <Ki 14 mars 1783. Voici quels étaient
leurs moyens :
Art. 1. — L'ordonnance du bureau de la ville n'est pas un juge-
ment de police. Car « il n'est pas du ressort de la police d'attaquer
les propriétés par des établissements de nouvelle date ».
Art. 2. — Le roi seul peut autoriser de nouvelles dispositions ou
constructions sur les ports ou les quais.
Art. 3. — L'exécution de l'ordonnance de la ville causerait un
dommage irréparable et définitif. Les locataires actuels des cha-
noines de Saint-Victor quitteront leurs chantiers ' ; et le tort qui leur
sera fait, dégénère en violation de la propriété. Les chanoines dé-
clarent qu'ils produiront des titres prouvant « qu'ils sont proprié-
taires du terrain qui borde la rivière de Seine (usque ad Sequanam),
dans toute l'étendue du fief Saint-Victor2 ». — « Nous leur répon-
drons, réplique la ville, que quand ils auraient des titres qui leur
accorderaient la propriété de la rivière même, elle n'en fait pas moins
partie du domaine de la couronne, nonobstant tous (lires et posses-
sions contraires (ordonnance de 1669)» ; et de même les ports, berges
et bords, particulièrement les vingt-quatre pieds qui, à compter des
bords, sont le chemin de la navigation.
\. Au nombre de trois.
■2. Saut' la servitude du chemin.
ET L'ÉGLISE DE PARIS 127
Le Parlement, qui avait enregistré l'arrêt de translation, donna
gain de cause à la ville, malgré le mémoire ci-après :
Mémoire pour les grand-prieur, chambricr et chanoines réguliers de l'ab-
baye royale de Saint-Victor;
Contre M. le procureur général, prenant le l'ait et cause de son substitut
au bureau de la ville (imprimerie de Quillau, imprimeur de Son Altesse Mon-
seigneur le prince de Conti, rue du Fouarrc, n° 3. Année 178-4. Pièce in-4° de
39 pages, et un plan gravé du quai Saint-Bernard et du port Saint-Paul).
...Les fossés et remparts de la ville, entre la porte Saint-Victor et la
porte Saint-Bernard..., avaient été pris sur le fief de l'abbaye de Saint-Victor.
L'emplacement de ces fossés ayant été concédé au marquis de Bellefond et au
chevalier de Pcrthuis pour 99 ans, à la charge de faire certains ouvrages pu-
blics, par des lettres patentes de 16G2, l'abbaye de Saint-Victor y forma op-
position, comme étant ledit emplacement pris sur son fief, dont elle n'avait
reçu aucune récompense : et, par transaction du 23 octobre 16G4, elle con-
sentit l'exécution de cette concession, moyennant l'abandon qui lui fut fait par
les concessionnaires d'une place considérable faisant partie desdits fossés ; et
les concessionnaires se soumirent en outre de payer à l'abbaye un denier de
cens par toise de la totalité desdits fossés ; comme étant dans le fief de
l'abbaye. Les fortifications ayant été détruites, l'abbaye est rentrée dans la
jouissance de sa propriété, qu'elle n'avait du reste abandonnée que condition-
nellement et pendant la durée du bail emphytéotique 1.
L'affectation de violer la propriété de l'abbaye de Saint-Victor se remar-
que surtout dans l'ordonnance dont est appel, en ce qu'elle fait commencer le
nouveau port des coches précisément à 60 toises au-dessus du pavé du port de
la Halle-aux-vins, qui est le commencement des chantiers de Saint-Victor,
tandis que le chantier de l'Aigle d'or, nouvellement acquis par le sieur Turlin,
l'un des entrepreneurs des coches, qui joint immédiatement celui du sieur
Saffroy, l'un des locataires de Saint-Victor, est parfaitement libre, et jouit de
la berge sans obstacle. Il eût été bien plus naturel et bien plus juste de placer
le port des coches devant le chantier de l'Aigle d'or auquel les coches sont
attachés, au lieu de faire commencer la privation de la berge après ce chan-
tier. C'était au sieur Turlin, qui aura le profit des coches, à en souffrir le
désavantage, et non à l'abbaye de Saint-Victor... Cette opération est l'ouvrage
des officiers subalternes de la ville, qui n'en a sûrement pas connu l'in-
justice-.
L'ORDRE DES BÉNÉDICTINS ET LA COMMISSION DES RÉGULIERS
REPRÉSENTATIONS DU PARLEMENT, EN DATE DU 14 AOUT 1783
PRÉSENTÉES AU ROI LE l'J AOUT 5
Sire, une congrégation nombreuse, toujours estimée et souvent utile, a vu
1. P. 14 et 15.
2. P. 16. Ce mémoire est signé Joly de Fleury, avocat général, Delaune, avo-
cat, Desroches, procureur.
3. Arch. mit., X1B8979.
128 LA GRANDE POLICE
naître dans son sein quelques dissensions. Ceux qui croyaient avoir des sujets
de plaintes avaient pris la voie de l'appel comme d'abus ; les contestations
portées devant les juges naturels allaient être pesées dans la balance de la
justice et décidées par la loi, lorsque un arrêt du Conseil, en déclarant qu'il
n'y avait lieu à l'appel, a imposé silence sur cette affaire.
Ce moyen illégal n'a fait que calmer momentanément les troubles. L'ap-
proche d'un chapitre général a réveillé les mécontents, ils ont eu recours à la
même autorité qui les avait privés il y a deux ans d'une défense légitime : et,
plus heureux cette fois, ils ont obtenu un arrêt du Conseil, contre les suites
et les dispositions duquel votre Parlement vient réclamer la justice de Votre
Majesté.
Cet arrêt, en date du 21 juin 1783, est celui qui ordonne la tenue d'un
chapitre général de la congrégation de Saint-Maur pour le 9 septembre pro-
chain. Votre Parlement, Sire, a celte confiance, et c'est la vérité qui la lui
donne, que lorsque Votre Majesté verra les conséquences funestes de cet
arrêt, les atteintes qu'il porte aux lois de l'État et de l'Église, elle sera alarmée
des entreprises qu'on a voulu couvrir d'un nom sacré.
Occupé dans ce moment à défendre des maximes précieuses, à les défendre
devant un souverain protecteur des lois, votre Parlement n'ira point chercher
quelle peut être la source de tous les maux qui affligent la congrégation de
Saint-Maur : peut-être la trouverait-il dans la commission établie en 1766, et
connue sous le nom de commission des Réguliers. Votre Parlement se bornera,
Sire, à observer à Votre Majesté que le clergé a réclamé contre cette com-
mission dès le moment de son établissement; qu'il en a obtenu la suppression
par arrêt du Conseil du 19 mai 1780, mais que cette commission a été réta-
blie le même jour sous un autre nom; que depuis elle a continué à s'occuper
des affaires des Réguliers, et que les mêmes commissaires qui avaient obtenu
des ordres particuliers en 1778, se trouvant aujourd'hui à la tête du chapitre,
inspirent à la congrégation les plus vives alarmes. Que Votre Majesté daigne
rapprocher ces réflexions de celles que nous allons lui présenter, et elle verra
jusqu'à quel point on a surpris sa religion.
Tous les religieux de votre royaume, Sire, sont vos sujets : comme tels
vous avez droit à leur obéissance, ils ont droit à votre justice. Comme citoyens
ils vivent sous les lois du royaume ; comme religieux, ils vivent sous les lois
de l'ordre.
La congrégation de Saint-Maur renouvela ses constitutions en 1769 ; elles
furent présentées à votre auguste prédécesseur. 11 les approuva : pour leur
donner le sceau de l'autorité, il les revêtit de lettres patentes; pour leur don-
ner celui de la loi, il fit enregistrer ces lettres dans tous les parlements. Ces
constitutions sont devenues dès ce moment inattaquables : les lettres patentes
dont elles sont revêtues ont tous les caractères qui font une loi, elles ne peuvent
donc être changées que par une autre loi et avec les mêmes formes. Ce prin-
cipe tient aux maximes fondamentales de l'État. Votre Majesté sait que jamais
un arrêt du Conseil ne peut détruire une loi donnée, reçue et proclamée avec
les formalités ordinaires.
La loi, Sire, est la première propriété de vos sujets : c'est celle ^qui leur
garantit toutes les autres, c'est le bouclier qui les met à l'abri de lous les dan-
gers du pouvoir arbitraire. Tranquilles à l'ombre de leurs constitutions, les
religieux de Saint-Maur y voyaient une propriété assurée : c'était la sauvegarde
ET L'ÉGLISE DE PARIS 129
de leur liberté, le garant sous la foi duquel ils avaient embrassé la vie reli-
gieuse. L'arrêt du Conseil ne contient pas une seule disposition qui n'y soit
manifestement contraire. Il en suspend pour le moment l'exécution, mais il
donne de plus au prochain chapitre le pouvoir de faire tous les changements
qu'il jugera à propos; il annonce donc la possibilité d'une subversion totale
des constitutions ; il menace une propriété que le consentement des religieux,
l'enregistrement de vos Cours et l'autorité légalement manifestée du roi votre
auguste aïeul avaient assurée à la congrégation.
Les statuts de l'ordre établissaient dans ses élections des formalités dont
l'effet inévitable était d'y maintenir une égalité parfaite et de les rendre indé-
pendantes de toute autorité intérieure ou étrangère. Ils voulaient qu'avant le
chapitre général il se tînt dans chaque province une assemblée nommée diète
provinciale; que dans cette dicte fussent choisis les députés qui devaient
entrer au chapitre. Les membres nécessaires et essentiels du chapitre étaient le
général, les deux assistants, les six visiteurs; parmi les députés de chaque
province trois devaient être prieurs et trois simples religieux. La nomination
de ces derniers surtout était sujette à des formes en apparence minutieuses,
mais qui maintenaient la liberté des suffrages.
Telles étaient, Sire, les sages précautions que la Congrégation trouvait dans
ses lois. L'arrêt du Conseil n'en a conservé aucunes ; ni assistants ni visi-
teurs, aucun d'entre eux n'aura droit d'être présent au chapitre en vertu de sa
place : point de prieur, s'il n'est élu; point de diète provinciale, qui seule
cependant peut nommer les députés. La forme des élections est entièrement
différente. Elle ouvre la porte à tous les abus que les constitutions avaient
voulu prévenir ou réprimer. Les pouvoirs sont excessifs. Le général, les as-
sistants, les visiteurs, demeureront à l'instant suspendus de leurs pouvoirs ;
tous les prieurs, vrais titulaires suivant les lois canoniques, pourront être
déposés.
Pour obtenir de Votre Majesté la tenue de ce chapitre, on l'a présenté dans
le préambule de l'arrêt du Conseil comme destiné simplement à prévenir les
difficultés qui pourraient s'élevgr à l'avenir lors fies diètes ou des chapitres;
mais dans les dispositions rien n'est épargné, le chapitre pourra tout, et ce
tribunal (qu'on nomme le plus compétentet le plus imparlial)agira sous l'auto-
rité des deux prélats que Votre Majesté commet à cet effet. Mais leur autorité
sera contraire aux décisions de l'Eglise, qui veut qu'un évoque n'en ait aucune
hors de son diocèse, et leur présence sera une nouvelle atteinte aux constitu-
tions : quand ils ne viendraient au chapitre que pour délibérer, ils n'en ont
pas le droit, et c'est une contravention manifeste aux statuts ; mais, s'ils y
viennent pour dominer, il n'y a plus de liberté dans les suffrages et l'oppres-
sion est entière.
...Si la tenue du chapitre est irrégulière dans sa forme, les pouvoirs qu'on
lui donne sont contraires aux lois de l'Etat et de l'És;lise.
Sans doute, Sire, Votre Majesté peut quand il lui plaît convoquer une assem-
blée de religieux, mais, à moins que celte assemblée de religieux ne soit tenue
suivant les formes prescrites par les constitutions, jamais elle ne peut être
réputée canonique : en effet, Sire, pour que des religieux assemblés par votre
ordre eussent un pouvoir canonique et spirituel, il faudrait ou qu'ils le tins-
sent de Votre Majesté, ou qu'ils l'eussent en eux-mêmes.
Votre Majesté a toujours respecté la puissance spirituelle : elle s'est fait,
9
130 LÀ GRANDE POLICE
ainsi que les rois vos prédécesseurs, un devoir sacré de la maintenir. Votre
Majesté n'a donc pas pu donner à d'autres une autorité qu'elle n'avait point
elle-même. La tranquillité du clergé, la majesté de la religion, consacrent et
défendent ce principe conservateur : son renversement serait l'époque de la
confusion la plus dangereuse.
Permettez, Sire, à votre Parlement de n'en pas détailler les conséquences,
mais de supplier Votre Majesté de vouloir bien les approfondir.
Dès que les religieux ne peuvent tenir de Votre Majesté les pouvoirs cano-
niques et spirituels nécessaires pour un chapitre, il faudrait qu'ils les trou-
vassent en eux-mêmes. Or aucun d'eux ne les a en particulier : c'est une pré-
tention qu'on n'a jamais osé élever; iis ne peuvent donc les avoir en corps
qu'autant qu'ils se réunissent légalement, qu'autant que l'on exécute les lois
qui leur donnent ces pouvoirs : et les lois sont violées, et toutes les règles
sont anéanties. On avait bien senti cette vérité, lorsqu'on a eu recours à .l'au-
torité du pape pour dispenser le chapitre des formalités ordinaires; mais l'ex-
posé sur lequel le bref était accordé, les pouvoirs exorbitants qu'il donnait
aux deux prélats commissaires, la suspension qu'il prononçait ipso fado contre
les religieux qui se permettraient la moindre réclamation, en un mot, les
vices dont il était rempli ne purent se pallier aux yeux de ceux mêmes qui
l'avaient obtenu. Ils n'osèrent employer une arme aussi facile à repousser,
mais leurs tentatives prouvent au moins contre eux le besoin qu'ils en avaient;
ils crurent qu'un arrêt du Conseil pourrait produire le même effet, et cachè-
rent à Votre Majesté les bornes qui séparent les deux puissances...
...Sire, voyez quelle suite peuvent avoir des dissensions peu intéressantes
dans leur naissance; mais qu'on veut assoupir ou fomenter par des coups
d'autorité. Si en '1781 on n'avait pas étouffé la plainte de quelques religieux,
si on leur avait laissé suivre la voie légale qu'ils avaient prise, tout serait
tranquille : il n'eût pas été besoin de recourir à des moyens aussi dangereux.
L'arrêt du Conseil de 1781 est donc la source du mal, et celui de 1783 en est
le complément. Et tel est le sort de tout ce qui s'écarte de la règle. Les lois
étant un tout précieux dont tes parties se correspondent, un seul anneau brisé
interrompt toute la chaîne. De là ces troubles dont jamais le gouvernement
n'eût dû être importuné, qui eussent fini sans bruit en laissant à la justice son
cours ordinaire; mais ceux qui la craignent cherchent à l'éviter; et, comme un
coup d'autorité en entraîne toujours un autre, ils font évoquer jusqu'aux con-
testations à naître, c'est-à-dire, qu'après avoir détruit les lois, les principes,
les ordonnances % ils veulent se soustraire à leur lumière, hommage involon-
taire mais malheureusement inutile qu'ils rendent encore à ce qu'ils ne res-
pectent plus...
Le roi répondit :
La congrégation de Saint-Maur est un institut édifiant, utile à la religion et
1. Entre autres celle de mars 1768, confirmée par les lellres patentes de 1769
mi illest dit : « Voulons que lesdites constitutions soient exécutées sans qu'il
puisse y être l'ail aucun changement que conformément à ce qui est porté dans
Lesdites constitutions et à ce qui est prescril par l'article 5 de notre édit de
mais I 7(18. »
ET L'EGLISE DE PARIS 131
au progrès des lettres. Mon intention est d'y maintenir l'ordre et la paix, et de
veiller à sa conservation.
Mon Parlement doit s'en rapporter à la sagesse des mesures que j'ai prises
à cet effet.
Le 22 août, le Parlement résolut de faire des remontrances, dont le
texte fut arrêté le 29. Il rappela les termes mêmes dans lesquels les
lettres de 1709 lui donnaient la garde des constitutions :
Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers les gens tenant
notre cour de Parlement à Paris, que lesdites constitutions ils aient à faire re-
gistres garder et observer de point en point, selon leur forme et teneur,
nonobstant toutes ordonnances et déclarations, arrêts et règlements à ce con-
traires.
Le but poursuivi par l'intrigue n'est point la réforme et la pacifica-
tion de la congrégation de Saint-Maur : e'est sa destruction et son
anéantissement. Le Parlement prévoit qu'on fatiguera les religieux
fidèles à leurs statuts par des vexations multipliées, qu'on attirera
les autres par le relâchement des règles; et qu'enfin, on présentera un
jour au roi la congrégation entière comme demandant elle-même sa
dissolution, et la méritant même par l'inobservation de ses devoirs et
son anarchie intérieure. Déjà en 1766 cette entreprise a été tentée,
elle n'a échoué que devant la sagesse du roi alors régnant, « qui re-
connut le piège qui lui était tendu ». Depuis un mois, la forme dou-
teuse des scrutins, leur suppression subite, le refus de recevoir les
protestations qui en accompagnaient l'envoi, les coups d'autorité
contre les religieux, « les perquisitions répétées dans une maison
exemplaire », montrent assez de quel esprit d'hostilité sont animés
les instigateurs des évocations, et les inspirateurs d'un chapitre illé-
galement et frauduleusement composé.
RÉCIT D'UN DE MESSIEURS
SÉANCE DU 9 JANVIER 1784'
Monsieur, Messieurs se rappellent quel était le dernier état des choses rela-
tivement à la congrégation de Saint-Maur : le chapitre devait commencer le
9 septembre dernier ; le 6 a été écrite une lettre par les supérieurs majeurs
à tous les religieux pour leur défendre de regarder comme canonique le cha-
pitre qui allait se tenir, et leur enjoindre de conserver toujours l'obéissance
aux supérieurs élus en 1781 : cette lettre fut signifiée le 9 au matin. Le 9 dé
relevée, l'assemblée se déclara canonique à la pluralité de 3i contre 1. Le
1. Arch. nat., X lu 8980.
132 LÀ GRANDE POLICE
seul qui s'y opposa fut do m Lieblc, députe de la province de France. Après
avoir démontré toutes les irrégularités et les vices dont cette assemblée était
infectée, il dit qu'il était porteur d'environ deux cents protestations dont il
offrait de faire la lecture, et dont il demandait qu'il fût fait mention dans le
procès-verbal. Ces protestations pouvaient être intéressantes à lire, puisqu'il
s'agissait de savoir quels étaient les pouvoirs des députés, et si ceux qui les
avaient nommés n'avaient pas limité leur autorité : on refusa cependant de
les transcrire dans le procès-verbal. Cette méthode est celle qu'on a suivie
pendant tout le cours du chapitre. Le procès-verbal offre partout des décisions
unanimes, et pas la moindre apparence d'une force passive ou coaclive. Dom
Mousso, supérieur général, et dom Lieble, croyant leur présence inutile dans
un chapitre où tout passait contre leur avis, et où on ne voulait pas même
leur donner acte de leurs protestations, prirent le parti de se retirer du cha-
pitre. Lettres de cachet pour leur enjoindre d'y retourner. Dom Mousso se
présente muni d'une de ces lettres et en demande la transcription sur le
procès-verbal : on lui dit qu'on [en] délibérera après qu'il sera sorti ; il sort,
et le procès-verbal de ce jour ne porte aucun de ces faits.
Cependant le 11 septembre dernier, dom Mousso, ses deux assistants, et
dom Lieblc tant en son nom que comme fondé de plus de deux cents procu-
rations, interjettent un appel ad apostolos. Cette voie leur était ouverte :
l'appel pouvait être mauvais au fond, mais ils avaient au moins le droit de le
former. N'étant pas soumis à la juridiction de l'ordinaire, ils ne peuvent
avoir d'autre supérieur immédiat que le chef de l'Église; d'ailleurs cette
forme est autorisée par les lois du royaume, et littéralement écrite dans le
Concordat. Cet appel fut signifié le lendemain 12. Sa signification devait le
rendre suspensif; cependant on a passé outre, et le chapitre a tenu ses
séances comme auparavant. A cet appel s'en est joint un autre, présenté et
reçu à la chambre des vacations : c'était un appel comme d'abus formé par
les mûmes personnes et sur les mêmes objets. Ce second appel était suspensif
comme le premier. A la vérité il a été évoqué par un arrêt du Conseil1, mais
l'évocation, ne faisant que dépouiller les juges naturels pour saisir un tribunal
illégal, laisse toujours subsister l'appel dans toute sa force. Cet arrêt du Con-
seil est du 1 i septembre. Il en a été rendu un autre pour annuler l'appel ad
apostolos. La date de celui-ci n'est pas aussi constante : dans l'imprimé il est
daté du 27 septembre et dans les significations du 23. Cette signification n'a
été faite que le 1er octobre après midi. Ainsi, en supposant l'appel justement
annihilé, il était toujours suspensif jusqu'au moment où l'annihilation a été
signifiée.
Je ne rendrai pas compte à Messieurs de ce qui s'est passé dans les diffé-
rentes séances. 11 suffira simplement de savoir qu'on a déposé les supérieurs
élus en 1781 sans prononcer contre la canonicité de ce chapitre : chose qui
paraissait cependant indiquée par l'arrêt du Conseil du 21 juin 1783. Cet arrêt
ne permettait de procéder à de nouvelles élections que dans le cas où il y
auraitlieu. Mais les supérieurs nommés en 1781 devant l'être pendant trois ans
). L'évocation au Conseil dos appels comme d'abus, attribués spécialement à
la grand'chambre, taisait le roi eu personne juge de ses contestations avec
l'Église, «i xrinplc îles préjugés contraires au droit, de la couronne ». (Séance
du 16 janvier 1784.)
ET L'ÉGLISE DE PARIS 133
si leur élection était bonne, il n'y avait lieu de les destituer qu'autant qu'elle
eût été mauvaise; elle ne pouvait être mauvaise qu'autant que le chapitre qui
y avait procédé n'eût pas été canonique ; et l'assemblée de Saint-Denis n'a pas
même élevé de doute sur sa canonicité. Le 1 i octobre, appel comme d'abus
des élections qui venaient d'être faites au nouveau chapitre. Nombre de reli-
gieux ont demandé d'y être reçus intervenants et ont déposé au greffe de la
Cour leurs protestations, ou les pouvoirs par eux donnés à leurs députés, le
tout au nombre de deux cent quatre.
Voilà, Monsieur, les faits les plus essentiels que j'ai cru intéressant de
mettre sous vos yeux.
REMONTRANCES DU PARLEMENT
DÉLIBÉRÉES LE II) FÉVRIER 1784
PRÉSENTÉES LE 28 PAU d'ALIGRE, BOCHART DE SAROU ET GILBERT1
Siurc, une congrégation célèbre, livrée au trouble et à l'anarchie; toutes les
formes violées pour couvrir l'irrégularité d'une de ses assemblées; l'ordre de
la justice interverti par des évocations répétées; la loi sacrée de la propriété,
attaquée dans un de ses points et menacée dans tous par une commission dont
les entreprises s'étendent et se multiplient tous les jours: tels sont les objets
importants qui amènent aujourd'hui votre Parlement aux pieds du trône.
Effrayé des dispositions et des conséquences de l'arrêt du conseil du 21 juin
dernier, il n'a pu déguiser à Votre Majesté ses justes alarmes; il n'a pu lui
cacher les atteintes que cet arrêt portait aux maximes les plus sacrées de
l'ordre public, l'irrégularité du chapitre dont Votre Majesté avait ordonné
la convocation, et l'impossibilité qu'il lût jamais déclaré canonique; l'événe-
ment n'a que trop prouvé combien ces craintes étaient fondées.
Non, Sire, jamais une assemblée de religieux n'a réuni à un pareil degré
tous les caractères qui pouvaient la condamner : la violation des principes,
l'inconséquence des décisions, la rédaction au moins incomplète des procès-
verbaux, la multiplicité des coups d'autorité, toujours, quoique sous des déno-
minations différentes, revêtus du nom de Votre Majesté : en un mot, les se-
cousses violentes du despotisme et de l'intrigue substituées à la marche simple
et uniforme de la loi, tels ont été, Sire, les moyens et les fruits d'une assem-
blée où devaient présider la religion et l'esprit de paix qui en est inséparable.
Avant de mettre sous les yeux de Votre Majesté ces détails affligeants, votre
Parlement doit la supplier de fixer un moment son attention sur l'état où était
la congrégation de Saint-Maur en 1781.
Le chapitre devait se tenir au mois de mai. Des difficultés s'élèvent dans une
des diètes qui devaient le précéder. Des députés s'y présentent avec des titres
d'élection qui paraissaient douteux : ils n'en avaient d'autres que la nomination
de leurs prieurs. On ouvre les Constitutions de 1769, on y voit qu'il faut dé-
libérer sur leurs lettres; on veut que les députés et les prieurs s'abstiennent
1. Le 9 janvier 1784, M. Lefebvre avait l'ail lecture de divers passages d'un
Mémoire (imprimé) et Consultation pour le régime actuel de la Congrégation
de Sainl-Maur, sur laquelle lecture le Parlenienl déclara qu'il n'y avait pas à
délibérer. Arch. nat.,X lu Sihso, aux dates.
m LA GRANDE POLICE
de la délibération, parce qu'ils ne peuvent être juges les uns dans leur propre
cause, les autres de leur propre fait. Leur retraite en pareil cas était conforme
àlajustice, prononcée par la raison et écrite dans les statuts. L'esprit de trouble
que dès lors on fomentait avec soin produisit le refus le plus opiniâtre. Plu-
sieurs membres de l'assemblée se retirèrent avec les mécontents. Les statuts
avaient prévu la scission, ils ordonnaient de passer outre après les sommations
nécessaires, et c'est ce qu'on fit.
Voilà, Sire, ce qui s'est passé. Voilà l'étincelle qui embrase aujourd'hui un
ordre nombreux.
Sans doute Votre Majesté reconnaît déjà que cette diète n'eut rien d'irré-
gulier; dès lors les députés qu'elle envoya au chapitre général étaient nommés
légalement, et, par une suite nécessaire, ce chapitre était canonique, car on n'a
jamais pu lui faire d'autres reproches.
L'assemblée de J 783 a reconnu tacitement sa régularité, puisque
celui qui a présidé au mois de septembre comme visiteur ne tenait
ce titre que du chapitre de 1781. Ainsi l'assemblée de 1783 s'esl cou-
damnée elle-même : « Les ordres de Votre Majesté n'en ont jamais
pu l'aire qu'une assemblée purement politique. »
Tous ses actes sont illégaux, « chaque pas est une nullité ». L'ordre
donné par les supérieurs aux religieux de n'y procéder à aucun acte
spirituel a été intercepté. — Les remontrances insistent ensuite sur
la légalité et les effets de l'appefarf apostolos, dont la seule signifi-
cation produit le même effet « que les lettres de relief pour l'appel
aux tribunaux », et qui ne peut anéantir un arrêt du conseil, surtout
aussi évidemment surpris que celui du ? dont la date est incer-
taine!
('/est en outrepassant les termes de l'arrêt du 21 juin 1783 que l'as-
semblée a procédé à de nouvelles élections. Déjà même des prieurs
qui ont eu le tort d'y prendre part, « livrés à leurs réflexions loin de
l'intrigue et de ses fauteurs », s'en repentent et protestent contre les
irrégularités mêmes dont ils ont pris leur part.
Les lacunes des procès-verbaux sont un véritable délit contre le
roi, puisque, aux termes de l'arrêt du 21 juin, le roi doit avoir con-
naissance de tout ce qui se passe aux assemblées.
Ainsi le trouble « qui ne se faisait sentir que dans une partie d'une
seule province1 est devenu général». Les liens d'obéissance sont
rompus, les religieux s'isolent les uns des autres. «Un corps qui trou-
vait son éclat dans son union ne sera plus bientôt qu'un assemblage
incohérent d'individus étrangers les uns aux autres et qu'on pré-
sentera ensuite comme inutiles et importuns. » C'est ainsi (pie l'in-
], Normandie,
ET L'ÉGLISE DE PARIS 13o
trigue, ne pouvant détruire violemment l'ordre des Bénédictins,
poursuit sa dissolution. Le moteur de tous ces troubles, c'est la
commission dite des Réguliers, «tribunal illégal n-éé sous un titre,
supprimé et recréé à l'instant sous un autre », et dont l'assemblée du
clergé de 1780 a bien défini le caractère. N'a-t-elle pas exprimé ses
craintes que les mots « de suppression et de translation insérés dans
le deuxième arrêt du 19 mars ne préparassent aux corps réguliers de
nouveaux orages? on voyait, avec peine cinq prélats dispensés de la
loi sacrée de la résidence par des travaux qui semblaient n'avoir ni
terme ni mesure; mais (a frayeur la plus universellement répandue
était que la commission ne prolongeât et ne perpétuât sa durée, et ne
multipliât insensiblement ses attributions ». Telles sont les craintes
du clergé.
Composée originairement par moitié d'ecclésiastiques et de laï-
ques, elle ne renferme plus aujourd'hui qu'un seul laïque. Les autres
commissaires ont le champ libre pour attenter aux propriétés des
ordres, et menacer par conséquent toutes les autres.
Chaque individu, chaque corps a une propriété, c'est elle qui l'attache à la
société; par elle et pour elle seule il travaille ou contribue à la chose publique
qui, en échange, lui en garantit la conservation. De là tous les intérêts parti-
culiers, dont le faisceau réuni produit l'intérêt public. Donc, toute propriété
quelle qu'elle soit, d'un citoyen, d'une communauté, d'un ordre religieux, a
droit à la justice de la société ou du souverain qui en est le chef. Chacun peut
la réclamer parce qu'elle lui est due. Oui, Sire, la justice, le plus bel attribut
de la majesté royale, celui qui la rapproche le plus de la divinité même, la
justice n'appartient pas aux monarques, ils en sont les dépositaires et non les
maîtres; dispensateurs de ce trésor sacré, ils doivent l'ouvrir à tous ceux qui
le demandent; s'il peut être fermé pour un, il peut l'être pour tous. Le dernier
de vos sujets y a autant de droit que les grands de votre royaume : et si dans
l'usage de ce bien précieux il pouvait y avoir quelque préférence, la raison, la
nature, et le cœur de Votre Majesté voudraient qu'elle fût en faveur de celui
qui a le plus d'obstacles à vaincre pour l'obtenir.
Le roi répondit :
J'ai examiné les remontrances de mon Parlement concernant la congrégation
de Saint-Maur, je n'y ai rien trouvé qui puisse m'engager à changer la forme
dans laquelle j'ai prescrit aux parties intéressées de recourir à ma justice : cette
forme est régulière et conforme aux ordonnances.
Quant à la commission des Unions, cet objet ne concerne en rien mon Par-
lement. Je suis maître de faire examiner par ceux que je juge à propos d'ho-
norer de ma confiance tes objets qui intéressent l'administration de mon
royaume.
Le Parlement accueillit, néanmoins la requête des frères Mousso,
136 LÀ GRANDE POLICE
Bourdon, Brunel et consorts, «appelants tant comme d'abus qu'au-
trement des décrets et élections faits dans l'assemblée non canonique
tenue dans l'abbaye de Saint-Denis au mois de septembre 1783» et
demandant la sauvegarde de la Cour contre les entreprises possibles
dont la liberté de leurs personnes pourrait souffrir.
Le Parlemenl fît d'itératives remontrances, dont j'extrais une noie.
NOTE EXTRAITE
DES ITÉRATIVES REMONTRANCES ARRÊTÉES LE 1er FÉVRIER 1J85,
SUR L'AFFAIRE CONCERNANT LA CONGRÉGATION DE SAINT-MATH1
Les chanoines réguliers de Sainte-Croix de la Bretonnerie avaient en France
onze maisons; celle de Paris a été fondée par saint Louis, dans le temps des
croisades.
D'après l'édit de 17G8 concernant les réguliers, il se tint un chapitre national
présidé par M. l'archevêque de Toulouse en qualité de commissaire du roi.
Par les délibérations de ce chapitre, les maisons des provinces devaient être
éteintes après la mort de leurs membres; on ne statuaitrien sur celle de Paris,
mais on défendit de recevoir des sujets. Ces délibérations furent revêlues de
lettres patentes homologuées au Parlement : celles-ci accordaient aux chanoines
réguliers de vivre et de mourir dans la jouissance de leur état et de leurs
biens, sous l'autorité de leurs supérieurs.
Cette loi fixait? en dernier lieu l'état de la maison de Paris et semblait lui
assurer la tranquillité, lorsqu'elle fut troublée par deux visites que vint faire
sans ordre un des membres de la commission, aujourd'hui archevêque de
Bordeaux.
La première ne fut pas annoncée; le prélat arriva accompagné du secrétaire
de la commission, il demanda les registres, on les lui ouvrit, et on lui fit voir
la fausseté des bruits qui semblaient avoir motivé sa visite.
Peu de temps après, le prieur fut averti, par une lettre, que le prélat devait
revenir le lendemain. Le chapitre, à qui il communiqua la lettre, forma une dé-
libération par laquelle il déclara ne pouvoir se désister de l'exécution des lettres
patentes enregistrées au Parlement, qui confirmaient le régime de la commu-
nauté, quant à l'autorité des supérieurs et à l'administration du temporel; que
ce serait au préjudice de ces lettres patentes qu'un prélat viendrait présider le
chapitre pour entendre les comptes; que cependant le chapitre y consentirait
si on pouvait sur le procès-verbal lui donner acte de sa protestation.
Cette déclaration, signée de tous, excepté d'un, fat envoyée au prélat qui vint
le lendemain sans ardre, comme la première fois, mais toujours accompagné
du secrétaire de la commission.
Malgré les plaintes et les protestations de la communauté, il voulut procéder
au compte, il le reçut sans aucune vérification des pièces justificatives, il le
signa avec son secrétaire et le rendant-compte, il pressa vivement la commu-
nauté de le signer, ainsi que le procès-verbal.
I. Arch. iial.. X Lb JB982. — Los itératives remontrances ne font au reste que
ressasser Les précédentes*
ET L'ÉGLISE DE PARIS 137
Ces visites irrégulières, où la force faisait taire tout devant elle, où l'on
voulait qu'une communauté entière approuvât des comptes sur lesquels on ne
donnait ni ne prenait même aucune vérification, annonçaient un orage qui ne
tarda pas à éclater. Le 20 juin de la même année, signification d'un jugement
du conseil du 10, mettant en régie les biens de la maison et accordant à chaque
membre une somme annuelle de 1,200 livres.
Le prieur et la communauté refusèrent alors, et depuis constam-
ment, de signer le compte définitif après inventaire et sur pièces.
Ce compte que deux personnes suspectes avaient dressé en secret..., portait
le total des dettes de la maison à une somme de 52,000 livres, et cependant,
six mois auparavant, d'après un procès-verbal de M. l'Archevêque de Dordeaux,
elles n'allaient pas à 20,000 livres.
Mêmes procédés à. l'égard de la congrégation de Saint-Maur, conclu!
le Parlement : même but secrètement et perfidement poursuivi. La
résistance du Parlement retarda le dénouement1. Ce fut seulement
parle décret du 19 juin 1790 que fut supprimé (en France) l'ordre des
Bénédictins2. L'histoire hérita des trésors de leur érudition et de
l'exactitude consciencieuse de leur méthode.
APPENDICE
EXTRAITS DU CHRONIQUEUR HARDY SUR L'ÉGLISE DE PARIS
1787-1789
LES BIENS D'ÉGLISE, LES SAINTES CHAPELLES
En 1787, Je gouvernement, par mesure d'économie, résolut de
supprimer la plupart des Saintes Chapelles, entre autres celles de
Paris et de Vincennes, auxquelles les scellés furent apposés. Aussitôt,
le bruit courut faussement :
Que les scellés avaient été également apposés à l'abbaye de Saint-Denis en
1. Voyez lettres patentes du lo février 1788 ordonnant la tenue do diètes dans
chacune clos provinces do la congrégation de Saint-Maur 'X 1b 8988^.
-2. Reconstitué à Solesmes, par Dom Guéranger.
138 LA GRANDE POLICE
France, à celle de Saint-Germain-des-Prés de Paris, à la Grande Chartreuse de
Grenoble, etc., etc.; et l'on ne parlait que de changements et de destructions,
telles que : 1° de supprimer tous les chapitres de la capitale, même celui de
Saint-Honoré qui serait incorporé à l'église de Paris avec le chapitre de Sainte-
Opportune ; 2° de renvoyer les religieux de l'abbaye de Saint-Denis pour
mettre à leur place les aumôniers et chapelains du roi; 3° de séculariser les
Barnabites, les religieux de la Merci , et de s'emparer de leurs biens ; 4° d'éta-
blir dans l'ancienne église des Religieuses Annonciades de Popincourt encore
subsistante une succursale pour la paroisse de Sainte-Marguerite, qui devenait
de jour en jour plus considérable; en un mot, de frapper sur les plus riches
Congrégations religieuses, pour y puiser les secours pécuniaires que la dé-
tresse de l'État et l'affreux dérangement de nos finances rendaient si néces-
saires'.
RÉSIGNATION DÉS CURÉS, DROIT DÉ DÉPORT
La cure de Saint-Roch étant tombée ce qu'on a coutume d'appeler en dé'
port, comme devenue vacante entre le mercredi des Cendres et le dimanche de
la Trinité, le revenu de cette cure pendant la première année se trouvait dé-
volu par moitié â l'archidiacre et à Monsieur l'archevêque de Paris; mais ce-
lui-ci en perdait la nomination à cause de la résignation faite... à temps et
en bonne forme par le défunt à son neveu et vicaire 2.
LÉS RIENS D'ÉOLÏSE : SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS
Ce jour on est assuré par la Gazette de France en y lisant l'article de Naples.
daté du 3 du présent mois, que l'abbé Louis-Ame de Bourbon, prêtre-cha-
noine honoraire de l'Église de Paris, grand vicaire de Monsieur l'archevêque,
fils naturel du feu roi Louis XV et de la demoiselle Romans, était mort en
cette ville, le 28 février dernier... Monsieur l'abbé de Bourbon, qui avait donné
la démission d'une abbaye cômmendataire à laquelle le roi l'avait nommé d'a-
bord, jouissait actuellement de 100,000 livres de revenu annuel sur l'abbaye
de Saint-Germain-des-Prés mise en économats, et qu'on assurait lui être des-
tinée en totalité à son retour en France >.
PRÉTENDU PROJET
CONCERNANT LE REVENU DES ÉVÊCHÉS ET DES ABBAYES
Ce jour on ne parlait partout que du prétendu projet soi-disant adopté tout
nouvellement par l'administration, consistant dans un parti pris d'unir aux
4. Hardy, t. VII, p. 28 (10 mars 1787). Bib. uat., mus. 6886.
2. Hardy, t. Vil, p. 31 (21 mars 1787).
:i. Il fut enlevé par la petite vérole, à l'âge de vingt-quatre ans; il fat inhumé
à Santa-Maria-Nova (Hardy, I. VII, p. '■'<■'<. ;i la date du 27 mars 1187, — Coït,
secrète, 1, 17,105; II, 122'.
ET L'ÉGLISE DE PARIS 139
économats tous les revenus généralement quelconques attribués aux différents
archevêchés ou évêchés, comme aux différentes abbayes commcndataires ou
régulières du royaume qui viendraient à vaquer à l'avenir, en faisant la part
de chacun des futurs titulaires de ces bénéfices consistoriaux d'une manière
convenable et telle qu'elle pourrait être arbitrée, en séquestrant le surplus
pour être employé à la liquidation des dettes de l'Etat, jusqu'à ce que cette
liquidation fût entièrement achevée, bien des gens applaudissaient à ce projet
qu'on disait avoir été proposé par un meunier à M. Nccker... mais dont j'avais
vu l'esquisse entière dans les mains d'un avocat au Parlement aussi rempli de
zèle que d'intelligence, qui s'en était longtemps occupé '.
INÉGALITÉ DES CURES
A l'assemblée de l'Hôte] de Ville du 9 janvier 1789, la plupart des
curés de Paris se bornèrent à demander que l'on multipliât les ate-
liers de charité, et que l'on remplaçât les chauffoirs établis en salles
fermées par des chauffoirs en plein air. Le curé de Saint-André-
des-Arcs, Éléonore-Marie Desbois de Rochefort, propose d'autres re-'
modes :
Il dit en présence de ses confrères, avec une franchise à la vérité un peu
rustique : que l'un des plus grands maux pour la religion, les mœurs publiques
et particulières, et les secours, c'étaient les trop grandes paroisses qui n'avaient
d'utilité que pour les curés2.
Sans repousser les secours des diverses compagnies de Paris, il
proposait une levée sur les spectacles, bals et autres assemblées de
plaisir. II voulait enfin :
Qu'il fût pris pendant le courant de cette malheureuse année, au protit des
pauvres, une moitié de tous les bénéfices simples, le tiers de tous les bénéfices
au-dessus de i,000 livres, le quart de ceux au-dessous de 1,200 livres, et la
moitié du revenu de toutes les communautés monastiques et ecclésiastiques.
Il voulait que Monsieur l'Archevêque de Paris fût nommé dépositaire des
sommes provenantes de cette contribution momentanée.
Il organisait ensuite à sa manière la répartition des secours 5.
1. Hardy, t. VIII, p. 117 (16 octobre 1788). Bib. mil., nuis 6887.
2. Hardy, t. VIII, p. 208-200 (20 janvier 1789).
.'S. Voir son Mémoire sur les calamités de l'hiver 1788-1789 lu dans une assem-
blée tenue à l'Hôtel de \~ille de Paris le vendredi 9 janvier 1789, pièce in-8°,
31 p., vendue 12 sols nu profil des pauvres, au presbytère de Saint- And ré-d es-
Arcs, — Desbois de Rocheforl fut élu évêque d'Amiens.
VI
LE PARLEMENT
ET L'UNIVERSITÉ D I* PARIS
La suppression de l'ordre dos Jésuites en France et son abolition
par le pape Clément XIV eurent sur l'enseignement moyen de grandes
et durables conséquences. Sans doute les méthodes et les programmes
restèrent à peu près les mêmes, et l'Université n'accomplit même
poinl les modestes réformes indiquées par Rollin. Mais pour la pre-
mière fois put être posé le principe d'une éducation nationale : c'est
Le titre même de l'ouvrage de la Ghalotais, le courageux procureur
général du Parlement de Bretagne '. On ne songeait pas à séparer
l'Eglise de l'École, puisqu'elle ne l'était point de l'État; mais nul
Fiançais digne de ce nom ne pouvait regretter une propagande toute
romaine, qui pervertissait par une confusion voulue les dogmes de la
religion, les notions ordinaires de la logique et de la morale, et les
principes de la monarchie traditionnelle. En se défendant, la royauté
avait donc défendu la Nation.
Cependant elle n'avait pas émancipé l'Université : elle l'avait sim-
plement tranquillisée sur l'avenir; elle avait mis fin aux stériles dis-
putes, aux haines et aux rivalités dissolvantes qui retentissaient dans
le cœur des enfants et leur enlevaient cette confiance et cette sécurité
d'esprit nécessaires à l'éducation. Comme, par ses propres forces,
l'Université n'avait pu protéger l'enseignement contre l'invasion ultra-
montaine; comme personne n'avait oublié la Sorbonne du XVIe siècle,
restée fidèle à la Ligue même après la conversion de Henri IV, c'est
avec prudence et dans une vue très juste ^ la situation que l'Univer-
1. Essai d'éducation nationale, ou Plan d'études 'pour lu jeunesse illi;:], iri-12).
- Voyez dans le même sons : Guyfou de Morveau, avocal général au Parlement
de Bourgogne, Mém. sur l'éducation publique, etc. (1764, Ln-12); il insislc sur
l'euseignemenl il<' l'histoire.
LE PARLEMENT ET L'UNIVERSITÉ DE PARIS lil
site fui placée sous l'étroite et rigoureuse tutelle du Parlement, dont
elle était d'ailleurs justiciable depuis le XIVe siècle. Au collège Louis-
le-Grand, aussitôt que les jésuites l'eurent évacué, furent unis beau-
coup des collèges obérés ou presque déserts de la rive gauche; le
principal établissement de la Société devint, et resta jusqu'en 1789, le
chef-lieu de l'Université; la 'théologie ne trôna plus qu'à la Sorbonne.
Les Ecoles de droit et de médecine reçurent des locaux plus spacieux
et mieux disposés; la chirurgie fut mise à son véritable rang, malgré
la persistance des privilèges des barbiers-chirurgiens. Enfin, le Collège
de France, l'admirable fondation de François Ier, fut agrégé à l'Uni-
versité '. En dépit de protestations intéressées, les concours de profes-
seurs furent institués et maintenus2 : principe de justice sociale (pic
la Révolution devait consacrer et étendre.
L'Université publia plus d'un mémoire contre les réformes qui lui
étaient imposées. L'ingérence perpétuelle de l'Etat (représenté par
quatre membres du Parlement, un archevêque, un évêque, deux con-
seillers d'État et un maître des requêtes) troublait visiblement sa
sérénité. Elle ne se sentait plus une puissance, comme aux temps de
ses luttes ouvertes avec les jésuites : elle devenait insensiblement un
service public. Mais à une vie extérieure et factice avait, heureusement
pour les jeunes générations, succédé un labeur mieux soutenu; pour
trouver des professeurs capables, il avait suffi d'imposer des condi-
tions de capacité. Qu'aurait-ce été, si l'on eût osé sortir du cercle
étroit des littératures anciennes et de la scolastique, où presque (oui
l'enseignement était enfermé! Ce pas décisif, le Parlement, éclairé par
le président Rolland, l'aurait peut-être tenté : la Révolution lui en-
leva cet honneur. Mais il a reconnu l'insuffisance de l'enseignement
scientifique, et de celui du français : il a dressé un plan d'enseigne-
ment historique inspiré, il est vrai, par l'esprit de Rossuet, mais que
V Essai sur les mœurs était toujours là pour corriger.
En dehors de cette influence générale, le Parlement, par l'homolo-
gation, donne une valeur légale aux règlements et aux décisions de
l'Université en général, et à celles des bureaux d'administration en
particulier. 11 veille (chose capitale dans l'état des finances) à la dis-
tribution régulière des revenus universitaires 3, à la proportion du
1. Lettres patentes du 1G mai 1712.
2. Déjà depuis longtemps (1746,'legs de l'abbé Lcgendre), le concours général
des élèves était en vigueur. Après avoir été un moyen d'émulation, le concours
est devenu un procédé de classement, non définitif sans doute et indiscutable,
mais préférable en somme à tous les autres pour les débuts dans une carrière.
3. L'arrêt du Conseil du 29 mai 1766 avait affecté à l'Université 253,273 livres
142 LE PARLEMENT
nombre des ('lèves payants et des boursiers. 11 exerce, en un mol,
sur la plus importante des corporations, le contrôle supérieur, Fac-
tion régulière et légale qu'il aurait voulu, au défaut des Etats géné-
raux, exercer sur le gouvernement lui-même. Il maintient, du reste,
autant qu'il est en lui, la vieille et inutile juridiction de l'Université sur
la librairie, sur les écrivains publics, sur les maîtres de pensions1.
Pour les procès d'opinions, les condamnations d'ouvrages, le Parle-
ment et l'Université sont d'accord : monarchie tempérée, gallicanisme,
privilèges de classes ou de corps, telle est leur commune doctrine.
Ils sont, d'ailleurs, opposés l'un et l'autre à la liberté philosophique
de la pensée : l'Université s'appuie sur les textes sacrés et profanes;
le Parlement, sur les lois qu'il a enregistrées, ou, à la longue, approu-
vées et appliquées.
Le livre IV de Y Histoire de l'Université au XVIIe et au XVIIIe siè-
cles2, par Gh. Jourdain, et surtout la première partie de l'Enseigne-
ment supérieur en France, par M. L. Liard 5, nous dispensent de "plus
longs développements sur l'état de l'Université de Paris avant 1780,
et sur ses rapports avec les pouvoirs publics et avec l'Eglise. On
n'a peut-être pas assez insisté sur la recrudescence «les intrigues ultra-
montaines, dans la seconde moitié du règne de Louis XVI. A mesure
que le Parlement, rappelé en 1771, se montra plus agressif pour
les ministres et pour les courtisans, ses adversaires reprirent cou-
rage et faveur. De sourdes accusations se répandirent, contre l'ensei-
gnement et l'orthodoxie universitaires 4. En 1784, l'éloge de Rollin
ayant été donné comme sujet au concours général, il y eut à ce propos
une véritable émeute d'écoliers : que les élèves (ou plutôt les maîtres)
du collège du Cardinal-Lemoine en eussent été ou non les instigateurs,
il n'en était pas moins clair pour tout le monde que le jésuitisme com-
mençait à miner l'édifice consolidé depuis vingt ans par le Parlement
et l'Université : ou plus simplement, que le vent avait tourné, et que
du même côté tournait aussi la jeunesse ambitieuse des fonctions pu-
bliques et des bénéfices d'église.
Les documents qui suivent ont pour objet d'indiquer, d'une pari,
sur le produit des postes : ce n'était là du reste que le rachat par le roi d'un
vieux privilège universitaire datant de Louis XI.
1. Arrêté du Parlement sur les pensionnais (2 avril 17S-i).
2. Pages 399-49!); et pièces justificatives, ccj à ccxxxvi.
:i. L'Enseignement supérieur ni France (1789-1889), par M. L. Liard (Colin. 1888,
in-8°).
4. Voyez L'arrêt imprimé (16 p. in-4°, P. -G. Simon), du 25 janvier 1776 : Bib.
nat.,F,à la date (6 exemplaires). Cet arrêt, relatif au collège d'Auxerre, mais étran-
ger à notre sujet, suffirait à démontrer notre affirmation.
ET L'UNIVERSITÉ DE PARIS 143
l'action ordinaire du Parlement sur l'Université; d'autre part, de faire
voir ses inquiétudes et sa légitime préoccupation de l'avenir. C'est sur
ce dernier point surtout qu'après les investigations de Ch. Jourdain,
nous avons trouvé des témoignages de quelque importance. Trop faible
pour se défendre par elle-même, l'Université accepte avec reconnais-
sauce la protection et la direction du Parlement : c'est par lui qu'elle
se rattache à la Nation, et qu'elle semble par moments sur le point
de se transformer en Université de France. Les exils ou les rappels
du Parlement ne la laissent jamais insensible; elle est toujours fort
empressée à lui présenter ses hommages dans l'un ou dans l'autre
cas; elle abuse même un peu du latin pour donner aux magistrats des
titres qui impliquaient une véritable souveraineté '.
LE BUREAU DE LOUIS-LE-GRAND
Les lettres patentes du Roi, concernant le collège de Louis-le-Grand,
données à Versailles le 30 août 1777, registrées en Parlement le 2 sep-
tembre 1777 ', rappellent dans l'administration du collège les officiers du
Parlement « que les circonstances en avaient éloignés », et réunit en
un corps les règlements qui ont eu lieu depuis les lettres patentes du
21 novembre 1763. Le bureau est composé : du grand-aumônier, pré-
sident; de deux officiers de la grand' ehambre, l'un clerc, l'autre laï-
que; de deux des Enquêtes et Requêtes, qui ne pourront conserver leur
place s'ils montent à la grand' chambre2; d'un substitut du procureur
général, de quatre notables de Paris adjoints par les précédents mem-
bres, et du grand-maître temporel' des Boursiers. Le hureau s'occu-
pera d'arrêter les comptes de la régie du collège , et des collèges
réunis 3.
CONGÉS DANS L'UNIVERSITÉ DE PARIS
L'arrêt du 24 novembre 1777 homologue la conclusion faite en
l'assemblée universitaire du 27 octobre 1777; il règle les congés heb-
1. Ad suprernum Senatum gratulatio post redilum habita Universitatis noinine,
die mensis decembris secundâ, mmo 1 774 [auctore Franc.-Nicol.-Guérin), Parisiis,
ex typis viduœ Thiboust (s. d.). In-4°, pièce (Bib. nat., Lb><->, L46). Voici If début
d'un autre de ces discours, qui ne parait pas avoir été imprimé : « Illustrissime
Supremi Senatus princeps, prœsides infulati, senalores integerritni, dolet ipsum
dolorem veslrum Academia parisiensis, » etc. (Discours du recteur au Parlement
exilé à Troyes, en date du 29 août 1787. Arch. nat., X lu 8986.)
2. Dérogation aux articles 1 et 2 des lettres patentes, du 20 août 1767.
3. Pièce in-4°, 4 pages (Simon, 1777;. Bib. nat., K, à la date.
1 ii LE PARLEMENT
domacUires dans leurs rapports avec les fêtes, y compris celles des
patrons des collèges, des paroisses où ils sont situés, la Saint-Charie-
magne, les deux Saint-Nicolas, la Sainte-Catherine, et les jours de
processions de l'Université. Les principaux pourront donner congé un
jour entier pour leurs têtes. — La durée <\r< classes soit du matin,
soit du soir, est fixée à deux heures un quart. — .Les vacances sont
également réglées d'une façon uniforme pour tous les collèges '.
RADIATION i)'LTN DOCTEUR-MÉDECIN
Arrêt de la Cour du Parlement2 qui confirme les décrets de la Faculté de
médecine de Paris5, par lesquels il est ordonné que le nom du sieur Claude-
Tiiomas-Guillaume Guilbert de Préval sera rayé du Catalogue des Docteurs-
Régents de ladite Faculté; fait défenses audit de Préval de vendre aucuns re-
mèdes par lui-même. Ordonne la suppression des termes injurieux répandus
dans ses Requêtes et Mémoires, etc. (En date du 13 août 1777.)
HONORAIRES DES PROFESSEURS INSAISISSARLES
EXTRAIT DE L'ARRÊT DU 7 MARS 1780 4
Les honoraires des professeurs de l'Université de Paris qui se consacrent
à l'éducation de la jeunesse dans les collèges de cette ville ne sont pas sujets
à être saisis par leurs créanciers, parce que ces honoraires sont le prix d'un
travail journalier, qui n'a pour objet que l'utilité publique, et que la plupart
des professeurs, si leurs honoraires étaient saisissables, se trouveraient forcés
de discontinuer leurs fonctions par défaut de subsistance et d'entretien.
Toutefois, la saisie pouvait avoir lieu : 1° pour les causes où les
pensions alimentaires étaient saisissantes ; 2° pour le payement des
livres, instruments ou autres objets nécessaires aux professeurs et
maîtres pour leur enseignement.
1. Pièce in-4°, 6 pages (veuve Thiboust, imprimeur du roi et de l'Université),
liih. nat., F, ;ï la date.
2. Pièce in-4° rognée; de 23 p. (Quillau, imprimeur de la Faculté de Médecine).
3. Du 8 et, du 12 août 1772. La Faculté l'accusai I de charlatanisme et d'infamie.
De Préval avait, inventé et il vendait une eaa. fondante guérissant, selon lui, du
jual vénérien, etc. Des libelles ajoutaient qu'il s'était offert lui-même en expé-
rience publique {expérimente publico scorto prostituere se non erubuerit, p. 15 de
l'arrêt). De Préval s'était défendu, entre autres arguments, par la production de
si's registres qui portaient les noms de 2,700 soldats et 6,200 bourgeois de Paris
guéris par ses soins (p. 17). Comp. l'Observa leur anglais, t. I, p. 26S.
4. Collection citée de la 1 5 i 1 > . nat., à la date. — Cet arrêt, étendait à tous les
collèges du ressort un privilège spécial jusque-là aux maîtres de l'Université de
Paris.
ET L'UNIVERSITÉ DE PARIS 143
BOURSIERS
EXTRAIT DES REGISTRES DES DÉLIBÉRATIONS
DU BUREAU D'ADMINISTRATION DU COLLÈGU DE LOUIS-LE-GRAND
DU JEUDI QUATRE JANVIER MIL SEPT CENT QUATRE- VINGT- UN '
Sur ce qui a clé observé au bureau qu'il serait très important que tous les
boursiers du collège fussent sévèrement examinés pendant les deux années
d'épreuve, et que ceux d'entre eux qui seraient trouvés négligents, paresseux,
incapables d'instruction et de progrès, incorrigibles, fussent renvoyés sur-le-
champ, afin de ne conserver dans le collège que des jeunes gens qui, par leur
application et leurs progrès, deviennent capables d'être un jour utiles à l'Église
et à l'État. Que telle est l'inleniion formelle ou présumée des différents fon-
dateurs des bourses. Qu'en outre, plusieurs desdils boursiers se persuadent
que, quand ils ont été définitivement admis, après les deux années d'épreuve,
il n'est presque plus possible de les destituer de leurs bourses; qu'à la faveur
de cette opinion ils négligent étonnamment leurs devoirs et deviennent des
mauvais sujets. Qu'à la vérité le Règlement du 22 novembre 1769, homologué
au Parlement le 4 décembre de la même année, autorise M. le Principal et
les quatre examinateurs à renvoyer les boursiers pour des causes graves et
lorsqu'ils sont incorrigibles ; mais qu'il paraîtrait nécessaire d'expliquer ces
causes graves et de développer les cas où les boursiers pourraient ou devraient
être déclarés incorrigibles et destitués de leurs bourses, suivant l'esprit des
règlements déjà intervenus à ce sujet. Qu'il conviendrait sans doute de prendre
une délibération précise sur une matière aussi intéressante et de remettre
ensuite cette délibération à monsieur le Procureur général, pour qu'il veuille
bien en requérir l'homologation en la Cour. Sur quoi la matière mise en déli-
bération :
Le Dureau a nommé MM. le président Rolland, de Villiers de La Noue, Rat
de Mondon et Fourneau, commissaires, à l'effet de dresser un projet de règle-
ment à ce sujet, pour ledit projet rapporté au premier bureau du mois de
février prochain, y être arrête et l'exécution d'icelui ordonnée.
Signé au registre: Le cardinal de Rohan , Rolland, Tandcau de Marsac,
Sainfray, de Villiers de La Noue, Estienne, Rat de Mondon, Fourneau, Bérar-
dicr et Reboul.
DU JEUDI QUINZE FÉVRIER MIL SEPT CENT QUATRE-VINGT-UN
MM. les commissaires nommés par délibération du 4 janvier dernier ont
fait, cl le Rureau a unanimement arrêté le Règlement dont la teneur suit :
I. — Les boursiers seront examinés avec la plus grande- exactitude pen-
dant les deux années d'épreuve portées par les lettres patentes du 19 mars 1780.
Ceux desdils boursiers qui, pendant la durée desdiles deux années, seront
déclarés ineples ou incapables d'instruclion et de progrès, négligents, indo-
ciles, incorrigibles, par le principal et les quatre examinateurs, à la pluralité
1. X 1b 8973.
lu
146 LE PARLEMENT
des voix, seront renvoyés du collège, sans délai, après en avoir averti les
correspondants ou proches parents, et ils seront déclarés tels, d'après les
témoignages des principal , professeurs ou régents et sous-maîtres, sans qu'il
soit besoin d'aucune autre formalité. Il en sera usé de même à l'égard de ceux
desdits boursiers qui, pendant lesdites deux années d'épreuve, ou d'après les
témoignages des médecins et chirurgiens du collège, seraient reconnus d'une
constitution trop faible ou d'une santé trop mauvaise pour pouvoir soutenir
les exercices du collège et l'application des études.
IL — Ceux des boursiers qui auront été définitivement admis par le prin-
cipal et les examinateurs, seront renvoyés pour des causes graves et lorsqu'ils
seront trouvés incorrigibles, suivant l'article 12 du litre VI du règlement du
22 novembre 1769, homologué par arrêt du 4 décembre de la même année, et
tout délit commis contre les mœurs, contre la religion, et contre le bon ordre et
la discipline du collège, l'introduction de mauvais livres dans le collège, le refus
opiniâtre de se soumettre à la punition ou à la correction, l'insulte caractérisée
faite aux maîtres ou sous-maîtres, l'abandon qu'aucun desdits boursiers ferait de
son maître ou sous-maître aux promenades, la fabrication ou supposition de
fausses lettres de leurs correspondants ou proches parents, les mauvais traite-
ments envers leurs condisciples, la déprédation ou destruction des cifets mo-
biliers du collège, etc., seront réputés autant de causes graves pour lesquelles
les boursiers pourront être renvoyés du collège par les principal et examinateurs,
à la pluralité des deux tiers des voix : comme aussi seront réputés incorri-
gibles ceux desdits boursiers qui après trois monitions faites au moins de
huitaine en huitaine par-devant les principal et examinateurs et écrites sur un
registre à ce uniquement destiné, de se conformer au règlement1 et à la po-
lice du collège, et de s'acquitter de leurs devoirs de religion et d'étude, ne se
seraient pas corrigés; et les dispositions du présent article auront lieu contre
tous les boursiers du collège indistinctement, soit qu'ils étudient en la Faculté
des arts, ou dans les Facultés supérieures. Il sera dressé procès-verbal du
renvoi et de la destitution desdits boursiers dans les cas ci-dessus énoncés,
lequel procès-verbal sera inscrit sur ledit registre et signé par le principal et
examinateurs.
III. — Les correspondants seront avertis de venir ou envoyer retirer in-
cessamment ceux desdits boursiers dont le renvoi aurait été prononcé, en
exécution des articles premier et deuxième ci-dessus, et, faute par les corres-
pondants de venir ou envoyer retirer lesdits boursiers dans les vingt-quatre
heures après l'avertissement, le principal sera et demeurera autorisé à les
faire conduire par telle personne qu'il jugera convenable, chez chacun desdits
correspondants.
IV. — Les boursiers dont les correspondants viendraient à décéder ou à
quitter Paris seront tenus d'en fournir un nouveau, dans le délai de trois mois
après l'avertissement qui leur en aura été donné par M. le grand-maître tem-
porel, et ceux desdits boursiers qui, ledit délai expiré, n'auront pas fourni un
nouveau correspondant, seront renvoyés du collège.
1. L'arrêt d'homologation, signé Ponnnyer (conseiller-clerc) et d'AIigre (pre-
mier piï'sidi'ni du Parlement), en dafr <lu (i mars 1781, ordonne en outre que le
règlement sera imprimé, et affiché annuellement deux fois, à la rentrée d'octo-
bre el après Pâques, dans le collège de Lojuis-le-Grand. (Arch. nat., X 1b 8975.)
ET L'UNIVERSITÉ DE PARIS 147
V. — Expédition de la présente délibération, ensemble de celle du quatre
janvier dernier, sera délivrée à M. Sainfray, pour être par lui remise à M. le
procureur général , lequel est instamment prié d'en requérir l'homologation
en la Cour.
Signés au registre : Le cardinal de Rohan, de Sahuguet d'Espagnac, Rol-
land, Le Febvre d'Amécourt, Sainfray, de Villiers de La Noue, Esliennc, Chup-
pin, Rat de Mondon, Fourneau, Bérardier et Reboul.
Délivré par moi, secrétaire-archiviste dudit bureau d'administration, soussi-
gné, les jour et an que dessus.
Reboul.
EMPRUNTS UNIVERSITAIRES
ARRÊT du Parlement, du 11 juillet 1782, qui entre autres dispositions or-
donne que les universités situées dans le ressort du Parlement, ainsi que les
facultés, nations ou corps qui en font partie, ne pourront faire aucun emprunt
au-dessus de la somme de 2,000 livres, sans auparavant y avoir été autorisés
par des lettres registrées au Parlement, et pour les sommes au-dessous de
2,000 livres, sans auparavant y avoir été autorisés par le Parlement, sur le vu
des délibérations qui y auront été homologuées sur les conclusions du pro-
cureur général du roi. (Pièce in-i°, 4 p.)
RAPPEL A L'EXÉCUTION D'UN RÈGLEMENT
ARRÊT du 14 mars 1783, qui ordonne que les secrétaires des bureaux d'ad-
ministration des collèges établis en exécution de l'édit du mois de février
1763, seront tenus d'envoyer, tous les trois mois, au procureur général du roi,
des expéditions des délibérations desdits bureaux ; et d'envoyer pareillement au
procureur général du roi, dans le délai d'un mois, les expéditions de toutes
les délibérations prises par lcsdits bureaux depuis le 1er janvier 1775 jusqu'au
1" janvier 1783.
Cet arrêt vise l'article 10 de l'arrêt de règlement du 29janvier 17(>3,
négligemment exécuté, paraît-il.
COLLÈGES
ESPRIT ET PROGRAMMES DE L'ENSEIGNEMENT
RÉCIT D'UN DE MESSIEURS LES PRÉSIDENTS
SÉANCE PLÉXIÈHK DU 1er AVRIL 1783 '
... L'éducation doit être sous l'inspection de la puissance publique, parce1
qu'elle doit être toute dirigée pour l'utilité générale et pour le bien de l'État.
Elle ne doit point éprouver les variations successives des vues d'une adminis-
1. Arch. nat., X 1B 8979.
118 LE PARLEMENT
tration particulière, et si, sur certaines matières, elle doit suivre le progrès
des connaissances humaines et varier comme elles pour ne pas rester au-
dessous de son siècle, elle ne doit point éprouver de changement ni d'incerti-
tude dans les principes immuables de la religion et de la constitution de
l'État.
Ces vues, Monsieur, ont animé la compagnie, lorsque, il y a plus de vingt ans,
elle a employé l'autorité que le roi lui a confiée pour enlever en un même mo-
ment toute la jeunesse du ressort aux dangers de l'éducation qu'elle recevait1 : la
doctrine des hommes qui s'étaient depuis longtemps emparés de l'éducation
presque générale du royaume était infectée d'erreurs dans la religion et d'er-
reurs dans la politique; il était à craindre, s'ils eussent inspiré à leurs élèves
les principes par lesquels ils étaient gouvernés, ou que la nation n'eût perdu
l'usage d'une liberté qui honore le roi, sans la rendre moins soumise, ou ne se
fût accoutumée à croire que l'on pouvait vivre dans l'État sans être soumis à
ses lois.
Ce service rendu à l'État par le Parlement a exigé de lui de nouveaux soins
pour remplacer les anciens instituteurs ; il fallait garnir les collèges vacants,
il fallait ordonner de leurs administrations particulières. Ces détails pouvaient
difficilement se régler par les résultats du corps entier qui devait néanmoins
inspecter les progrès des nouveaux établissements : la compagnie partagea
pour lors entre quatre de ses membres2 pris dans différents bureaux les col-
lèges, du ressort pour être par chacun d'eux surveillés plus particulièrement
dans les détails. Par lettres patentes du 20 août 1767, sous le contre-scel des-
quelles est attaché un règlement arrêté au conseil concernant le collège de
Louis-le-Grand, le roi a pour ainsi dire confirmé l'administration établie par
le Parlement pour les autres collèges du ressort, en nommant par l'article 2
quatre officiers du Parlement déjà nommés pour les autres collèges, pour faire
partie du bureau d'administration des collèges de Paris et rendre par là le
même bureau le centre de l'administration de tous les collèges du ressort.
Rien de mieux, sans doute, que ce plan général... Personne plus que moi
ne rend hommage et justice au zèle et aux lumières des quatre commissaires
du Parlement 5... Mais la longueur de leur mission particulière fait croire au
public qu'elle est pour ainsi dire détachée du Parlement, et leur donne des
rivaux dangereux dans l'administration qu'ils exercent. Le clergé se plaint de
l'instruction des collèges relativement à la religion * (d'où l'on peut inférer la
nécessité de son admission prépondérante dans cette administration), les corps
municipaux se plaignent de l'instruction relativement aux sciences, et un grand
d. Voyez Ch. Jourdain, Hist. de l'Université de Paris au XVII" et au XVIIIe siè"
ble, p. 396-398, et livre IV, chap. 1er. Le Parlement réunit un grand nombre de
petits collèges à celui de Louis-le-Grand, institua l'agrégation, réforma les plans
d'études (voir p. 440), unifia les règlements.
2. De L'Averdy, Roussel de La Tour, l'abbé Terray et le président Rolland. Ils
devaient se concerter avec cinq commissaires du roi, l'archevêque de Reims (de
La Roche- Aymon), l'évèque d'Orléans (de Jarente), deux conseillers d'État, et un
maître des requêtes.
3. Celaient alors (1783) Lcfèvre d'Ainéeourt, Tandeau, Rolland et Le Rebours.
\. Voyez article 63 de l'arrêt de règlement général du Parlement, du 29 jan-
vier 1165 (complété le 12 février 1T7U).
ET L'UNIVERSITÉ DE PARIS 149
nombre de citoyens s'inquiètent du relâchement des mœurs dans ces nouveaux
établissements. Le Parlement en corps réunit tous ces intérêts différents : son
objet unique dans toutes les délibérations sur les matières de police générale
est le bien de l'État...
La conclusion de ce récit était <le demander un compte-rendu
général aux quatre Commissaire*. La date en fut fixée au 9 mai.
Les quatre Commissaires firent dans l'intervalle adresser, parle pro-
cureur général, une lettre circulaire ' à tous les supérieurs des col-
lèges, leur demandant à chacun sept mémoires sur un questionnaire
développé : 1° état des revenus; 2° état deît dettes et moyens de les
payer; 3° copie du dernier compte-rendu par le principal et autres
agents comptables; 4° charges relatives à l'instruction, honoraires des
maîtres ; 5° titres du collège, dates des lettres patentes qui l'ont établi
ou confirmé ; qualités universitaires, ecclésiastiques (séculières ou régu-
lières, avec indication de la communauté) des membres du personnel;
état civil des laïques (mariés ou célibataires); 6° régime intérieur du
collège; 7° forme des distributions des prix. — Un huitième mémoire
était destiné aux observations qui ne pourraient pas trouver place
dans les sept précédents.
Le 9 mai, les Commissaires n'avaient encore reçu que trop peu de
réponses pour faire leur compte-rendu, et demandèrent qu'on s'en
rapportât à leur zèle2. — Les choses, semble-t-il, en restèrent là.
Signalons encore, à la date du 19 janvier 1787, l'exposé très dé-
veloppé d'un programme d'enseignement historique en six années, à
chacune desquelles correspondrait un volume manuel3. L'histoire y
est envisagée surtout au point de vue de la morale et de la philosophie
chrétiennes : elle doit attacher les enfants à l'État et à l'Église. Il est
question aussi de la géographie, mais seulement comme devant servir
à éclairer les événements historiques et à interpréter les textes clas-
siques. Les idées parlementaires furent reprises par le gouvernement
de la Restauration, lorsqu'elle prétendit renouer la chaîne des temps.
Depuis, la pédagogie, la politique et la science pure se sont disputé
ou partagé tour à tour le domaine de l'enseignement historique élé-
mentaire.
1. Insérée in erlenso dans la minute de la délibération du 9 mai 1783.
2. Voyez Recueil de plusieurs ouvrages de M. le président Rolland (Paris, 1783,
in- 4°).
3. Arch. nat., X 1b 8986.
m LE PARLEMENT
ADMINISTRATION ECONOMIQUE DE LOUIS-LE-GRAND
Le 31 décembre 1787, le Parlement de Paris homologue les deux
délibérations du bureau d'administration du collège de Louis-le-
Grand, dont suit la teneur ' :
I. — Extrait des registres du bureau d'administration du collège de Louis-
le-Grand. Du jeudi 20 décembre 1787.
M. Bérardier, ancien principal et grand-maitre temporel en exercice, a dit :
qu'il était chargé par messieurs les professeurs de représenter au bureau que
la somme de 300 livres fixée par les lettres patentes de 1707, pour le cas où
ils opteraient de ne point manger au réfectoire, était devenue bien insuffisante,
vu la cherté des vivres, qui même avait nécessité le bureau d'augmenter les
pensions ; que dans cette circonstance il suppliait le bureau, au nom de mes-
sieurs les professeurs, d'augmenter la somme qui leur serait payée, au lieu de
leur nourriture en nature.
Sur quoi la matière mise en délibération :
Le bureau a arrêté qu'il sera payé à ceux de messieurs les professeurs qui
ne prendront pas leur nourriture en nature la somme de 500 livres, qui leur
sera payée annuellement et par quartier; et qu'expédition de la présente dé-
libération sera délivrée à M. Sainfray pour être par lui remise à monsieur le
procureur général, lequel est instamment prié d'en requérir l'homologation en
la Cour.
Signés au registre : Rolland, Tandeau; Sainfray. Ciiuppin, Dupuy, Rouhette,
BÉRARDIER, GiRAILT DE KOUDON et ReHOUL.
Délivré par moi, secrétaire du bureau d'administration du collège Louisde-
Grand, soussigné, les jour et an que dessus.
Rkiîoul.
II. — Du jeudi 20 décembre 1787.
Messieurs les administrateurs particulièrement chargés du collège de Dain-
ville ont dit que, suivant le compte de ce collège arrêté le 3 mai dernier, pour
Tannée classique échue le 1er octobre 1786, les revenus de ce collège excé-
daient ses charges de 5,578 livres, et qu'il avait un reliquat de plus de
36,000 livres; que l'augmentation de la pension des boursiers arrêtée par dé-
libération du 17 août dernier, homologuée par arrêt du 13 du présent mois, ne
diminuerait cet excédent de revenus que de 320 livres, et que cette diminution
serait couverte et au delà par les placements que le bureau a ordonnés au
profit de ce collège; que dans ces circonstances ils croient devoir proposer au
bureau d'établir deux nouvelles bourses dans ce collège, conformément à la
demande qui en a été faite par messieurs des chapitres de Noyon et d'Arras,
supérieurs majeurs de ce collège.
Sur quoi, la matière mise en délibération :
Le bureau a unanimement arrêté qu'il sera établi deux nouvelles bourses
dans le collège de Dainville, pour Pâques prochaines : l'une affectée au diocèse
1. Arch, nat., X Ib 8987, à la date
ET L'UNIVERSITE DE PARIS 151
d'Arras et l'autre au diocèse de Noyon ; et qu'expédition de la présente délibé-
ration sera délivrée à M. Sainfray.
[Mômes formules et signatures au registre et pour extrait.]
PRIX DES PENSIONS '
Le 13 décembre 1788, le Parlement homologue là délibération du
17 août 1787, par laquelle le bureau d'administration du collège
Louis-le-Grând élève de 150 à 500 livres la pension des boursiers, de
550 à 580 livres celle des pensionnaires2.
FORMULE
d'une présentation de boursier au parlement
signée de l'évèque de soissons
Nobilibus Viris, magnee auctoritatis et prudent iœDominis, Domino [d'Ormes-
son] in Senatu parisiensi primo Prœsidi, Domino [Le Noir] antiquiori Consilia-
vio Clerico, et Domino [Boula] antiquiori, Consiliario Laïco, Nos Henricus-
Josephi;s-Cl.\.it>h;s i>e Bourdeilles, Miseratione Divina, et sanctœ sedis Apostolicce
gratin, Suessionensis Episcopus, Remensis Provincial Decanus, et Primas Suf-
fraganeus, nec non Abbas Regalis Abbafiœ Sancti Joannis. inVineis, Suessione,
Commendaiariiis, etc. Samjtem in Domino cum honore et reverentia.
Cum secundum statuta Collegii de Dormans, alias de Bellovaco, nunc in
Collegium Ludovici Magni Acadcmicum translati, prœsentatio singulorum
Bursoriorum dicii Collegii, seu jus illos prœsentandi, ad Nos, ratione dicta-
Abbatialis Dignitalis, collatio vero, provisio, et quœvis alla dispositio ad Vos,
ratione Dignitatum vestrarum, spectare et pertinere dignoscantur prout spectant
et pertinent, Dilecturn noslrum [Joannem-Ludovicum Collignon ex oppido de
Dormano ortum, ad bursam vacantem per récession e! dimissionem puram et
simplicem Magistri Georgii Armandi Eliodori Desquenet-Duâlos, illius ultimi et
immediati possessoris legitimi etpacifici] Vestris Dominationibus harum série
1. D'après Jèze {État de Paris en L760, p. 134), la pension 6tai1 eu moyenne de
450 à 500 livres dans les collèges universitaires de plein exercice. Elle était
moins chère à Sainte-Barbe, collège de moyen exercice (300 livres), et à Mon-
taigu (250 livres). — A Louis-le-Grand, alors dirigé par les jésuites, la pension
était de ISO livres en chambre commune, 3G livres de plus en chambre particu-
lière : les précepteurs, gouverneurs, domestiques attachés à la personne de cer-
tains pensionnaires payaient .'i.'ili livres. Toutes fournitures (jil , meuble, etc.)
étaient aux frais des pensionnaires.
2. Cette l'acuité lui était accordée par l'article 1er aes lettres patentes du
19 mars 1180 (registrées en Parlement, le 28 avril suivant). Par délibération du
2 septembre 1779, aucun pensionnaire n'était admis dans le collège qu'en vertu
d'une délibération du bureau.
Les bourses étaient données ou retirées, suivant l'état des revenus de chacpie
collège. (Exemples : Délibérations relatives aux collèges d'Autun, de Beauvais,
de Me Gcrvais-Chrestien, même car/on.) Chaque collège devait avoir son revenu
normal d'une année en caisse. . — Arch. mit., X Ib 8987.
152 LE PARLEMENT
litterarum prœsentamus, Vos obnixe rogantes et requirentes quatenus prœfato
Dilecto nostro [Joanni-Ludovico Collignon] dictam bursam cum suis juribus et
■pertinentiis conferre, aliaque prœmissa necessaria facere velitis ac dignemini.
Dafum Suessione, in Palatio nostro Episcopali, subsigno sigilloque nostris ac
secretarii nostri Chirog^apho, anno Domini millesimo septingentesimo octoge-
simo [octavo], die vero mensis [novembris décima octava].
f Hen. Jos. Clau. Epus Suessionensis nec non abbas regalis abbaliœ Sancti
Joannis in Vineis Suessionensi.
(Signature de Mgr de Bourdeilles.)
De mandata illustrissimi et reverendissim'i D. D. Suessionensis episcopi, nec
non abbatis Sancti Joannis, in Vineis, Suessione, Commendatarii, etc.
(Sceau de l'évêcfié, exergue de l'évêque de Bourdeilles.)
Houcnu.
Le Parlement rend, le 29 décembre 1788, un Arrêté de Bourse con-
forme à cette présentation de l'évêque de Soissons. Le collège de
Dormans avait été uni à Louis-le-Grand par les lettres patentes du
7 avril 1704. L'évêque de Soissons y présenta en 1788, suivant son
droit, cinq boursiers, tous acceptés par le Parlement. Outre toutes les
bourses, le Parlement conférait dans ce collège les places de maître
ou principal, sous-maître ou procureur, et de chapelain '.
Entre l'Eglise de Paris et l'Université il y avait parfois de singuliers
litiges. En voici un exemple. L'abbaye de Saint-Martin-aux-Bois avait
été unie à Louis-le-Grand ; or elle avait le droit de conférer le prieuré-
cure de Pomponne : le bureau d'administration du collège se considéra
comme ayant acquis ce même droit; l'archevêque de Paris le lui con-
testa. En 1769, Pomponne avait par suite deux curés : le frère Homo,
nommé par le bureau, et le frère Papin, nommé par l'archevêque. Le
Parlement décida en faveur du bureau 2.
ABUS RELATIFS AUX BOURSES
DÉLIBÉRATION DU BUREAU D 'ADMINISTRATION
DU COLLÈGE DE LOUIS-LE-GRAND, 22 FÉVRIER 1788, HOMOLOGUÉE
LE 7 MARS SUIVANT PAR ARRET DU PARLEMENT 3
Il a été observé que le bureau, par des raisons particulières toutes relatives
a l'avantage et à l'avancement des boursiers, aurait permis, mais toujours du
1. Arch. nul.. X 1b 8989.
.2. Arch. nal., II. 1229 : Mémoire signé de Séguier (avocat général), Rouhette,
avocat, Brousse, procureur, pour le grand-maître temporel du collège de Louis-
le-Grand, intervenant contre le frère Papin et contre l'archevêque de Paris, en
présence du frère Homo.
:j. Bib. nat. : Arrêt de la Cour du Parlement... du 1 mars 11SS, p. 2 et sui-
ET L'UNIVERSITÉ DE PARIS 153
consentement des supérieurs majeurs ou nominaleurs des bourses, à quelques-
uns des boursiers, de jouir de leurs bourses hors du collège; qu'il s'était in-
troduit quelques abus, notamment en ce que ces boursiers, auxquels il avait été
imposé la condition de travailler assidûment chez les notaires, ou chez les
procureurs au Parlement ou au Châtelet, ne s'y sont pas exactement conformés.
Que le bureau s'est déjà occupé de cet objet le 17 janvier dernier, et a or-
donné que ces boursiers ne seront payés de leurs pensions qu'après que les
certificats qu'ils rapporteront auront été visés par un des administrateurs spé-
cialement chargés des collèges dont sont lesdits boursiers; mais qu'il paraît
convenable de taire un règlement à ce sujet; et, en y procédant, il a été una-
nimement arrêté :
I. — Qu'à l'exception des boursiers théologiens et médecins sur lesquels,
quant à leur absence du collège de Louis-le-Grand , il a été statué par le
règlement attaché sous le conlrc-scel des lettres patentes du 20 août 17G7, et
par les lettres patentes des 1er juillet 17C9 et 19 mars 1780, il ne sera accordé
par le bureau à aucuns autres boursiers la permission de jouir de leurs bour-
ses, hors du collège, qu'après qu'il sera apparu au bureau du consentement,
par écrit, des supérieurs majeurs ou nominaleurs des bourses, et du consen-
tement de Monsieur le principal du collège.
II. — Qu'il sera tenu un registre dont toutes les pages seront paraphées par
Monsieur le substitut, sur lequel on inscrira les noms desdits boursiers, de
manière que chaque boursier sera inscrit sur une page séparée; et à la suite
de son nom, on fera mention du consentement qui lui aura été donné par le
supérieur m;ijcur du collège dont il est boursier, ou par le nominatcur de sa
bourse; de la permission qui lui aura été accordée par le bureau de jouir
de sa bourse hors du collège; des conditions sous lesquelles cette permission
lui aura été accordée, et du payement qui lui sera fait, tous les trois mois, de
la somme fixée pour la pension, d'après le visa des pièces justificatives que
produira ledit boursier, lequel visa, en exécution de la délibération du 17 jan-
vier dernier, sera mis par un des administrateurs spécialement chargés du col-
lège dont sera ledit boursier.
III. — Qu'il ne sera permis aux boursiers qui voudront étudier en droit,
d'après la faculté qui leuren a été accordée parles lettres palentesdu 19 mars
1780, de s'absenter du collège, qu'après avoir pris le litre de maître es arts,
conformément à ce qui est prescrit par lesdites lettres patentes, et qu'à la charge
par eux de demeurer chez leurs père et mère, tuteurs ou curateurs et corres-
pondants, ou chez des notaires ou des procureurs au Parlement ou au Châtelet,
lesquels notaires ou procureurs seront agréés par les père, mère, tuteurs ou
curateurs et correspondants desdits boursiers; et il sera fait mention de leur
domicile, tant sur le registre mentionné en l'article précédent, que dans les
certificats que les boursiers rapporteront, tous les trois mois, pour loucher le
produit de leurs bourses.
IV. — Le bureau, plein de confiance dans le zèle et la vigilance des procureurs
de communauté, en la Cour et au Châtelet, a arrêté qu'ils seront invités de
vouloir bien veiller à ce que les boursiers soient exacts à travailler chez un
procureur au Parlement ou au Châtelet; et lesdits boursiers seront tenus de
vantes. — Sur l'origine et les conditions dos bourses, voyez Jèze, État de Paris,
[>. l'iT à 161, et le célèbre rapport de L'Averdy (176:S).
154 LE PARLEMENT
justifier de leur exactitude, par un certificat du procureur, chez lequel ils de-
meureront ou travailleront, lequel certificat sera visé par un des procureurs
de communauté, et contiendra, en même temps, l'assurance de la bonne con-
duite, vie et mœurs des boursiers.
V. — Le présent règlement sera homologué, auquel effet expédition d'icelui
sera délivrée à M. Sainfray, pour être par lui remise à Monsieur le procureur
général, lequel est instamment prié d'en requérir l'homologation en la Cour.
VI. — Après ladite homologation, le présent règlement sera imprimé et il
en sera adressé des exemplaires, par le secrétaire du bureau, aux syndics de
la communauté des notaires, qui seront priés de le faire connaître à tous les
notaires; et il en sera adressé aussi des exemplaires aux procureurs de com-
munauté, du Parlement et du Chàtelet.
VIL — Il sera aussi remis, au mois d'avril prochain, des exemplaires du
présent règlement aux boursiers résidant hors du collège, pour qu'ils aient à
s'y conformer et à justifier, à commencer du 1er juillet prochain, de leur de-
meure et bonne conduite dans la forme prescrite par le présent règlement.
Signés au registre : Rolland, Tandeau, Le Rebours, Sainfray, Deyiluers,
ClIUPPIN, DlPUY, RoiHETTE, BÉRARD1ER Ct ReisOI'L.
DISTRIBUTION DES PRIX EN 1788
LK 7 AOUT
Vers cinq heures du soir, on procède dans les écoles extérieures de Sor-
bonne à la distribution solennelle et annuelle des prix de l'Université, à
laquelle le Parlement n'assiste point à cause des circonstances désastreuses
dans lesquelles se trouvaient tous les corps de la magistrature du royaume.
Le Chàtelet de Paris, quoique invité, ne paraît pas non plus à cette cérémonie,
d'après la prétention élevée par Monsieur le lieutenant civil de délivrer le prix
d'honneur en l'absence de Monsieur le premier président, prétention com-
battue par le recteur de l'Université. Le sieur Àubry, professeur de seconde au
collège de Lisieux, de la nation de Normandie, prononce le discours latin
d'usage, dans lequel on lui sait gré d'avoir fait entrer adroitement une phrase
sur le vide et l'espèce de deuil qu'occasionnait l'absence des magistrats...
phrase qui est applaudie à toute outrance par des cris redoublés de Bravo!
Bravo!
On remarqua aussi l'absence d'un des lauréats, fils d'un conseiller
au Parlement '.
4. Hardy, t. VIII, p. 36.
ET L'UNIVERSITÉ DE PARIS 455
APPENDICE
ÉDUCATION POPULAIRE
Les petites écoles enseignaient à lire et à écrire à une minime partie
des enfants de Paris. Elles avaient des maîtres et des maîtresses. Elles
dépendaient de la nomination et de la juridiction du Grand-Chantre
de Notre-Dame. La réception des maîtres et maîtresses coûtait dans
les derniers temps une soixantaine de livres, dont moitié pour la com-
munauté, et le reste pour le pain bénit, l'expédition des lettres par le
greffier, etc. Le Grand-Chantre désignait à chaque maître ou maîtresse
le quartier dans lequel ils devaient s'établir, et hors duquel ils n'avaient
point de titre; leurs lettres de commission n'avaient non plus de valeur
que pour un an. La position des maîtres et maîtresses était donc
extrêmement précaire. Aussi à toute mutation de quartier, le nouveau
ou la nouvelle reçue prenait d'ordinaire les effets de celui ou de celle
qui quittait la place, sur le pied de l'estimation faite par le greffier de
la. communauté.
Les écoles dites de charité annexées aux paroisses s'occupaient
spécialement de former des enfants de chœur ' ; aussi, dans ce système,
les filles étaient-elles presque entièrement négligées2.
1. En 1760, il y avait ou tout 178 places de ce genre (Jèze, ouvrage cité, p. 126)
dans 50 établissements.
2. Seulement une quinzaine d'établissements (ouvroirs, etc.). — Voyez Allain,
l'Instruction primaire en France avant lu Révolution; Sicard, les Éludes classi-
ques avant la Révolution,
VII
LE PARLEMENT ET LA LIBRAIRIE
Au moyen âge, les écrivains stationnaires, les parcheminiers, les
relieurs, les enlumineurs, les libraires, étaient des corporations pla-
cées sous la juridiction et dans la dépendance étroite de l'Université.
L'imprimerie ne modifia point cette situation légale; et, depuis
Charles YllI jusqu'à Louis XVI, tous les rois consacrèrent les privi-
lèges des imprimeurs, des libraires ou des libraires-imprimeurs, dans
les mêmes ordonnances où ils confirmaient ceux de l'Université de
Paris ' .
Lyon fut, à la lin du XVe' et au commencement du XVI0 siècle, la
première capitale de l'imprimerie française : comme cette ville ne se
laissa pas entamer par la réforme calviniste, elle n'eut pas à craindre
les suspicions et les persécutions auxquelles les imprimeurs parisiens
étaient en butte pour des motifs de religion 2.
L'éclit de janvier 1626, rédigé par Antoine d'Aligre, chancelier de
France, restreignit aux villes de Paris et de Lyon les imprimeries vrai-
ment dignes de ce nom, c'est-à-dire ayant le droit de publier des
ouvrages de toute nature, pourvu qu'ils fussent légalement approuvés,
et accompagnés d'un privilège du grand-sceau : dans les autres villes
d'universités, les imprimeurs étaient tenus de se borner (en fait d'ou-
vrages nouveaux) aux. thèses, livres d'heures, calendriers sans pro-
nostics, rudiments scolaires, catéchismes diocésains. Les anciennes
défenses, prononcées contre les imprimeries furtives ou privées, sont
renouvelées. Les lettres de privilège du grand-scel restent obliga-
1. En 1494, 1513, 1541, 1566, etc., comme (avant l'imprimerie) en 1340, 1345,
1366, 1383.
1. Lettres pat. iln 28 déc. 1541; édil «lu 11 déc. 1547; édit de Châteaubriant
(1551); déclaration do .Mantes MO sept. I."i62), enre°;istrre le 29 novembre 1563,
interdisant aux libraires les impressions et ventes non autorisées, « sous peine
d'être pendus et étranglés ».
LE PARLEMENT ET LA LIBRAIRIE 157
toires pour tous ouvrages nouveaux1. Depuis 1562, déjà, les li-
braires qui contrevenaient à cette obligation, considérés comme enne-
mis de TÉtat et de l'Église, étaient passibles de la peine de mort. En
1626, le Parlement spécifia, dans l'enregistrement de l'édit d'Antoine
d'Aligre, que cette peine n'a*urait lieu que si la rébellion politique ou
religieuse était démontrée; en outre, les lettres de privilège devaient
être vérifiées en la Cour, et l'arrêt de vérification imprimé à la fin et
au commencement des livres. Les auteurs anciens non condamnés
étaient communs, sans privilège, à tous les imprimeurs. Cependant
les préfaces, commentaires, corrections ou additions importantes, etc.,
permirent aux libraires d'obtenir, même pour ces auteurs, des privi-
lèges fort légitimes, et qu'ils s'ell'orçaient de faire renouveler. Tous les
privilèges, toutes les permissions, étaient du reste, en principe, essen-
tiellement temporaires.
La facilité avec laquelle les libraires de Paris obtenaient le renou-
vellement de leurs privilèges relatifs aux auteurs anciens coupait en
quelque sorte les vivres aux imprimeurs des provinces, dont les récla-
mations, dont les procès avec leurs confrères de la capitale, ne discon-
tinuaient pas. L'édit en trente-sept articles, de décembre 1619, s'efforça,
entre autres eboses, d'améliorer leur position ; mais l'Université de
Paris dressa contre eux des mémoires, et empècba l'enregistrement
de plusieurs articles. Aussi, dit Séguier en 1779, « le règlement concer-
nant la liberté des privilèges sur les livres anciens n'a reçu son exécu-
tion que par l'usage, et non en vertu de la loi2 ». L'édit de 1686, enre-
gistré le 21 août et le 7 septembre, reste très avantageux pour la
librairie parisienne; celui de 1695, enregistré le 7 février 1696, et
relatif aux imprimeurs-libraires de Lyon, provoqua de leur part des
plaintes très vives au ministre Pontcbartrain ; niais elles n'eurent point
de succès.
Enfui, l'illustre Daguesseau codifia, en -cent vingt-trois articles,
toute la législation de la librairie; Ledit de 1723, publié sous le sceau
d'Armenonville, est, en effet, l'œuvre du ebancelier alors disgracié 3.
Le titre XV, en douze articles, concerne les privilèges et continuations
d'iceux ; l'article 102 interdit d'imprimer aucune feuille volante ou
1. Dans les lettres patentes datées du camp devant la Rochelle (27 déc. 1627),
sont déclarés insuffisants les privilèges obtenus trop facilement par les auteurs
ou libraires, dans les petites chancelleries.
2. Compte-vendu : minute du 31 août 1779 (X 1b 8973). — Laboulaye et Guiffrey:
La Propriété littéraire au XVIIIe siècle (p. 481 sq.).
3. Reproduit dans YEnajelopédie méthodique (art. Imprimerie) et dans le livre
de MM. Laboulaye et Guiflïey sur la Propriété littéraire au XVIIIe siècle, .p. 1
à 13.
158 LE PARLEMENT
fugitive, sans permission du lieutenant général de police, ou sans
approbation; l'article 108 ordonne aux libraires de fournir 9 exem-
plaires, dont 5 à la communauté des libraires, 2 au garde de la biblio-
thèque du Roi (depuis le mois d'août 1G77, c'était la loi), 1 au garde
du cabinet du château du Louvre, 1 à la bibliothèque du chancelier
(ou garde des sceaux), et 1 au censeur chargé de l'examen du livre.
L'article 110 dispense du privilège pour l'impression des faclums,
mémoires, requêtes, billets d'enterrement, pardons, indulgences, mo-
nitoires. Mais, pour les pièces judiciaires, est exigée la signature d'un
avocat ou d'un procureur1.
Du droit de l'auteur sur son manuscrit, il n'est nulle part question.
Ce droit est évidemment considéré comme entier, incontestable; de
même que toute autre propriété, celle-là est transmissible, héréditaire,
aliénable. Le privilège accordé à l'auteur et au libraire n'est qu'un
titre de propriété, une sauvegarde; il n'est pas un don, une grâce, une
faveur. Cependant il est temporaire, bien que renouvelable. C'est que,
par l'impression, la propriété se multiplie; il semble bien que tout
acquéreur d'un exemplaire ait le droit d'en faire une copie et de la
vendre; il semble, par voie de conséquence, qu'il puisse en faire un
nombre quelconque de copies, c'est-à-dire, pour parler comme la loi,
contrefaire la première édition. En fait, le succès des ouvrages nou-
veaux s'est presque toujours mesuré au nombre et à l'importance des
contrefaçons. Les libraires se nuisent entre eux par les contrefaçons ;
mais toutefois, si la déprédation est réciproque, on peut supposer
qu'en définitive, les vols se compensent2. Ce qui est sans compensation
aucune, c'est le préjudice porté à l'auteur, dans le cas où celui-ci
cherche à vivre de sa plume 3. En efl'et, ou il vend son manuscrit à
1. Aussi beaucoup d'ouvrages d'un caractère général prennent la forme de
mémoires ou de requêtes. Si par exemple Dupaty veut poursuivre la réforme
des lois pénales, il écrit un mémoire pour trois hummes condamnés à la roue, et
le fait signer par un jeune avocat, et par un procureur.
2. Petimusque damusque vicissim, disait l'un d'eux. — Lorsque Louis XVI
amnistia les contrefaçons, moyennant l'apposition de l'estampille, ce fut une fête
pour les libraires de province: à Rouen, leurs femmes et filles se faisaient estam-
piller les bras nus.
3. Par une vanité mal entendue, beaucoup d'auteurs préféraient à un gain légi-
time la protection des grands ou les pensions royales. Au début, le public des
lecteurs était trop restreint pour que les écrivains eussent grand souci de leurs
propriétés, ('/est même ce qui permil d'attaquer celles qu'ils avaient transmises
aux libraires. « Le manuscrit de ['Art de vérifier les dates, dont chaque exem-
plaire se vend Gl) livres, n'a été payé' aux Religieux qui y ont travaille plus de
20 ans, qu'une modique somme de (i()i) livres » (Séguin-, Comple-rendu). — On
sait que Voltaire s'est enrichi autrement que par ses ouvrages, et (pie J.-J. Rous-
seau' n'a jamais pu vivre des siens.
ET LA LIBRAIRIE 159
perte, puisque le libraire acquéreur sait qu'il n'acquiert qu'une pro-
priété précaire; ou bien, si les bénéfices de l'auteur' sont au prorata
des exemplaires vendus, le contrôle des exemplaires contrefaits lui
échappe nécessairement. Les contrefaçons étrangères, insaisissables
à leur lieu d'origine, et qui, malgré toutes les précautions, finissent
toujours par passer la frontière, viennent encore compliquer la ques-
tion de la propriété littéraire. Aussi ne suffit-il pas, pour la résoudre,
de faire appel à la bonne foi, à l'équité : il faut et des lois habilement
rédigées, et des traités internationaux, et des contrats entre les par-
ticuliers, soit auteurs, soit libraires, qui ne donnent point de prise à
l'équivoque ou à la fraude.
Pour imprimer, on devait se pourvoir, suivant la nature des manu-
scrits, ou d'un privilège de chancellerie, ou d'une approbation ecclé-
siastique, OU d'une permission signée du lieutenant de police, ou
'd'une permission tacite, non enregistrée1. Par conséquent , l'usage
de la propriété littéraire était absolument subordonné à la police de
l'État et aux lois de l'Église. Mais, au XVIII0 siècle, la plupart des
écrits susceptibles de rapporter quelque argent ù leurs auteurs ou
aux libraires se trouvent précisément en opposition avec l'Etat et
avec l'Eglise. La liberté de penser n'aurait pas vécu sans la fraude,
sans la contrefaçon, sans l'illégalité, en un mot. C'est ainsi que, dans
un autre ordre d'idées, le libre-échange est né de la contrebande, les
faux saulniers (que l'on condamnait aux galères) ont tué la gabelle,
et les faux réformateurs2 ont enrayé les spéculations du lise sur le
poids et le titre des monnaies. Ainsi, les libraires qui se jouaient de
la loi ne portaient pas toujours préjudice aux auteurs; ils leur ren-
daient aussi service contre les ennemis communs : l'inquisition de
l'Etat et l'intolérance de l'Eglise. Que d'ouvrages importants, ou qui
ont eu leur moment de vogue et d'influence, ont paru sans indication
de nom d'auteur, de lieu ni de date d'impression, ou avec des indica-
tions mensongères, conventionnelles, frauduleuses! Les écrivains, il
est vrai, ne cessent pas de récriminer contre les plagiaires, les con-
trefacteurs, les pirates d'idées, etc. Tantôt c'est un manuscrit qu'on
leur vole, tantôt l'imprimé que l'on démarque ou que l'on travestit,
tantôt un ouvrage qu'on leur attribue faussement. La vanité, l'amour
1. Elle était spéciale aux ouvrages libres ou même licencieux, que Ton tolérait
en les réprouvant (île même que les prostituées).
2. Ce n'étaient pas tout à fait des l'aux-monnayeurs : ils se livraient, dans des
ateliers clandestins, aux mêmes opérations de diminution ou augmentation des
monnaies que le roi dans ses hôtels des monnaies: ils faisaient en détail le com-
merce que l'État faisait en grand.
160 LE PARLEMENT
de la gloire ou de la gloriole, bien plus que l'intérêt, dictent toutes
ces protestations. C'est à froid que Marmontel se fâche contre le
libraire de Liège qui l'imprime sans son aveu, et qui le remercie tout
naïvement des bénéfices de l'opération : le volé finit par accepter à
dîner chez son voleur, lequel lui fait cadeau d'un livre rare. — Autre
considération : lorsque l'auteur a des raisons de croire que son ou-
vrage ne sera point approuvé, pu même qu'il sera poursuivi, lorsque,
par suite, il garde l'anonyme, c'est le libraire -imprimeur qui est
exposé et aux descentes de police, et à la confiscation, et à la perte
de sa maîtrise, et à la prison. L'auteur garde son esprit, son franc
parler et sa liberté individuelle ; même connu, il n'est et ne peut guère
être inquiété. Plus on brûle un ouvrage d'un côté, plus on le réim-
prime, on le contrefait, on l'imite, on le lit de l'autre. En définitive,
malgré quelques criailleriès, quelques luttes d'intérêts inévitables,
auteurs et éditeurs étaient forcément d'accord au XVIIIe siècle, car
ils soutenaient le même combat-.
N'oublions pas cependant les auteurs bien pensants (et en même
temps bien pensionnés) qui, sans avoir les mêmes succès auprès
du public, défendaient le trône et l'autel avec plus ou moins de sin-
cérité. Ceux-là n'avaient pas besoin des libraires; à peine avaient-ils
besoin de lecteurs. Ils vivaient des faveurs royales '. Ils avaient par-
tout le pas sur les auteurs indépendants; les feuilles publiques, les
gazelles, leur étaient ouvertes exclusivement, et c'est pour eux, tout
spécialement, que fut créé le mot de folliculaire, orné de tant d'épi-
thètes désagréables.
Tout ce préambule était nécessaire pour concevoir non seulement
le sens littéral, mais le but politique des célèbres édits du 30 août 1777.
Il ne me semble pas que MM. Laboulaye et Guiffrey5, préoccupés
d'ailleurs de la question théorique du droit des auteurs, aient suffisant- .
ment dégagé le machiavélisme policier qui caractérise cette époque
de réaction contre le ministère de Turgot. « L'administration, disent-
ils, avec sa manie de tout réglementer et de tout brouiller, prétendit
organiser le droit des auteurs, et, en réalité, le confisqua. » Sans le
vouloir? La chose est au moins douteuse, et vaut que l'on y regarde
à deux fois. Le gouvernement de Louis XVI est également blâmé
d'avoir confondu le principe du droit de propriété littéraire avec le
privilège, qui n'en est que la sauvegarde. Enfin, ajoute-t-on, les
auteurs auraient voulu, par jalousie, abaisser les libraires qui fai-
1. Entre autres des pensions sur le MercUrè, vie.
2. La Propriété littéraire au XVIIIe sièele (Paris, 1889, in-8"
ET LA LIBRAIRIE 1GI
salent fortune trop vite: et pour satisfaire, ou gagner ceux-là, on
aurait agi contre les usages, les traditions, les droits de propriété de
ceux-ci. Toutes ces explications sont insuffisantes, si l'on n'ajoute pas
que l'objet constant du gouvernement était de subordonner auteurs
et libraires, et, pour cela, de les diviser d'intérêts; d'imaginer deux
droits, celui de l'auteur et celui du libraire, là où il n'y en a qu'un,
celui du propriétaire légal du manuscrit, quel qu'il soit. Sans doute,
la monarchie du XVIIIe siècle ne pouvait se proposer de ruiner la lit-
térature et la librairie, indépendantes l'une par l'autre; mais il ne
paraît pas contestable que, toutes les condamnations ou lacérations
d'ouvrages étant devenues plus utiles que nuisibles à la propagation
des idées réformatrices et révolutionnaires, les conseillers du Roi
n'aient dû nécessairement songer à d'autres voies et moyens '. Puisque
le plus important des édits de 1777 autorisait, moyennant l'estam-
pille, la vente des ouvrages contrefaits, puisque tous tendaient à cen-
traliser entre peu de mains toute la librairie parisienne et provinciale,
soit en violant ou éludant les droits acquis des libraires, soit en faci-
litant les ventes et reventes de fonds; puisque, en un mot, des arrêts
du Conseil pouvaient détruire des propriétés incontestées jusque-là,
quelle garantie restait-il, dans l'avenir, aux libraires acquéreurs, aux
écrivains vendeurs de manuscrits? Une seule, et la voici exprimée en
toutes lettres à la fin du compte-rendu de Séguier. L'avocat général
ne s'est pas fait faute d'adopter une bonne partie des idées de Duval
d'Espréménil, et de donner plus d'une fois raison aux plaintes des
libraires dépossédés. D'après lui, voici le remède universel, voici
l'avenir des auteurs et des libraires :
Nous sera-t-il permis de proposer un genre d'établissement national qui
préviendrait toutes les fraudes et lèverait toutes les difficultés? Est-il impos-
sible que l'administration se charge elle-même de l'acquisition des manuscrits,
qu'elle traite avec les auteurs du prix de leurs ouvrages, sauf à se faire rem-
bourser d'une portion ou de la totalité de ce prix par l'imprimeur qui se présen-
terait pour entreprendre l'édition? On lui accorderait un privilège exclusif plus
ou moins étendu suivant l'importance de la somme et la difficulté du débit. A
l'expiration de ce privilège, et lorsque la somme avancée serait rentrée dans
la caisse destinée à cet effet, le livre deviendrait commun, et tout imprimeur
pourrait obtenir la permission de le réimprimer sans donner matière à aucune
contestation.
1. Voyez, ou ce sens : l'arrêt du Conseil du 16 avril 1785 (lsambert, n° 20o8)
qui... prévient l'annonce par les papiers publics des ouvrages prohibés ou non
permis; celui du 12 août U83 (Isainbert, n° 2098), sur les droits des auteurs et
de leurs hoirs; et surtout celui du 3 sept. 178.'i (lsambert, n° 2109), sur les pen-
sions et récompenses des auteurs, les écrits commandés, etc.
11
162 LE PARLEMENT
Si, par bonheur pour l'esprit français et pour la dignité humaine,
un tel plan ne put s'accomplir, il n'est pas moins vrai qu'il fut conçu,
et qu'il y eut commencement d'exécution '. Le chancelier de France
resta le protecteur-né de la librairie; il en garda la haute surveillance,
il continua d'en nommer les directeurs ; mais parmi ces derniers Maies-
herbes ne rencontra point d'imitateurs2. C'est en vain que les librai-
res, après avoir échoué devant le Parlement en 1779, s'adressèrent en
1787 au nouveau garde des sceaux M. de Miromesnil : leur situation
resta la même 3. Ainsi, à la fin de l'ancien régime, Duval d'Espré-
ménil aurait pu encore refaire son Récit de 1779, pièce principale,
et vraiment historique, de tout ce procès.
RÉCIT D'UN DE MESSIEURS (DUVAL D'ESPRÉMÉNIL)
23 AVRIL 17*94
Monsieur, la littérature et la librairie fleurissaient à l'abri des lois dont la
juste sévérité réprimait le brigandage des contrefaçons.
Les auteurs se croyaient propriétaires des ouvrages qu'ils avaient créés, et
les libraires de ceux qu'ils avaient acquis : un principe aussi simple avait pour
lui le droit naturel, le sentiment intérieur, l'opinion générale, des édits enre-
gistrés, les arrêts de la Cour, un règlement, fameux ouvrage de M. Daguesscau*,
non revêtu, il est vrai, de lettres patentes, mais destiné à l'être, l'expérience
enlin et le succès. On ne perdait plus son temps à le prouver, ce principe si
précieux aux lettres : c'était une vérité élémentaire qui reposait au nombre
des maximes de l'État. Mais il n'est point de maxime qui, dans un siècle ami
1. Voici deux autres passages, non moins caractéristiques, du Compte rendu :
« La concurrence est un principe destructif en matière de "librairie; elle exista
dans l'origine, lors de l'invention de l'imprimerie; celle concurrence a, été la
source de la ruine des plus fumeux imprimeurs : on se hâta de la limiter. » —
« Quoiqu'il ait été défendu de faire circuler aucune Encyclopédie, personne n'i-
gnore qu'on fait publiquement à Lyon une nouvelle édition de ce livre proscrit
dans tout le royaume. »
2. Choisi comme directeur de la librairie (1750) par son père le chancelier
Guill. de Lamoignon,Malesherbes rendit pendant vingt ans d'immenses services
à la littérature et à la librairie : « En peu d'années, et presque à la fois l'on vit
éclore et se consommer les entreprises les plus considérables... l'Histoire des
Voyages, l'Histoire naturelle, les Transactions philosophiques, le Catalogue de la
bibliothèque du roi, la Diplomatique, les Historiens de France, le Recueil des
Ordonnances, la Collection des auteurs latins, le Sophocle en grec, le Slrabon en
grec, le Recueil des planclies de l'Encyclopédie, l'Encyclopédie elle-même, etc.
(Enc. méthodique, arts et métiers : article Imprimerie.)
3. Ajoutons que le lieutenant de police Lenoir, jjour prix de ses services et des
édits de 1777 qu'il avait inspirés, devint en 1784 maître de la librairie, c'est-à-
dire chef de la bibliothèque du roi : il garda ces fonctions jusqu'en 1790. (Voyez
Almanach royal.)
4. Arch. nat., X 1b 8972. — Ed. Laboulaye et G. Guiffrey: La Propriété littéraire
au. XVIIfr .siècle (Paris 1859, in-8«), p. 403 à 481.
5. Id. ibid.} p. 1 à 13.
ET LA LIBRAIRIE 163
des nouveautés, tienne contre l'abus de l'esprit et les erreurs du pouvoir. La
littérature et la librairie l'éprouvent. La propriété des auteurs n'est plus qu'une
grâce, celle des libraires n'est plus qu'un fantôme dans le département de la
justice. L'esprit s'est appliqué à les combattre, le pouvoir à les détruire, et,
le nom chéri du roi prêtant à leurs efforts son autorité respectable, ils ont
réussi au moins pour un temps. Ce sera, même après un retour aux principes,
une triste époque pour les libraires; mais ils n'ont pas désespéré des lois, et
je viens, animé du même sentiment, déférer à la Cour six imprimés concernant
la librairie, ayant tous pour titre : Arrêts du Conseil. Us sont tous six sous la
date du 30 août 1777\
I. — Le premier de ces arrêts était un règlement de discipline pour les
compagnons imprimeurs.
Il rappelait et confirmait les dispositions du titre V du règlement de 1723,
assujettissait les compagnons à plusieurs formalités dispendieuses tombées en
désuétude, et de plus leur imposait de porter toujours, au lieu d'un billet de
leur maître exigé par le règlement, un cartouche sur parebemin, timbré du
sceau de la communauté, signé des syndics et adjoints, expédié au bureau de
la chambre syndicale moyennant 30 sols, rétabli, s'il s'égarait, moyennant
15 sols, sujet au visa des syndics et adjoints, à chaque mutation de maître
moyennant 24 sols.
Cet impôt a paru onéreux aux compagnons imprimeurs; l'idée de ce car-
touche les a blessés2 : ils ont refusé de se conformer au règlement, on n'a pas
insisté, et ce premier arrêt est demeuré sans exécution'.
II. — Le second portait établissement de deux ventes publiques, l'une du
15 au 30 novembre, l'autre du 15 au 31 mai de chaque année, au plus offrant
et dernier enchérisseur des fonds de librairie, parties de fonds, privilèges ou
portions d'iceux1, soit de Paris ou des provinces : les libraires de province et
même les étrangers étaient admis concurremment aux achats avec ceux de Paris.
Le préambule de cet arrêt en expliquait les principes.
On y disait que l'état actuel du commerce de la librairie exigeait des en-
couragements; que deux ventes publiques rendraient les échanges plus faciles
et les négociations plus actives, donneraient aux fonds de la librairie la juste
valeur que produit toujours la concurrence, assureraient aux acheteurs un
bénéfice plus considérable que celui des remises accordées dans les traités
particuliers; ne laisseraient pas craindre aux vendeurs la perte considérable
éprouvée jusqu'à présent dans la vente des fonds; diviseraient naturellement
les privilèges par toutes les provinces ; feraient des acquéreurs autant de sur-
veillants intéressés à s'opposer aux contrefaçons ; feraient cesser la rivalité de
la librairie de Paris et des provinces, la tourneraient même au profit de cette
branche importante du commerce, et formeraient de tous les libraires une
seule famille, unie par l'intérêt, appelée aux mêmes négociations, participant
aux mêmes grâces.
1. Voyez Isambert, tome XXV, aux numéros 7SB, 7d6, 757, 758, 759, 760 (et Réfé-
rences, annotations, comparaisons avec les législations étrangères).
2. On donnait un cartouche aux soldats qui avaient obtenu leur congé-.
3. Chaque maître était invité à consigner ses sujets de plainte contré ses
ouvriers dans les registres de la chambre syndicale. Tous s'abstinrent d'user de
ce droit, qui les transformait indirectement en agents de la police.
1H4 LE PARLEMENT
Tels étaient les principes de V Arrêt du Conseil. Je ne m'attacherai point à
les discuter. Un seul fait y répondait d'avance : ce fait est que les ventes des
fonds de librairie ne se font qu'à crédit'. Or un homme libre qui vend ne fait
crédit qu'aux personnes qu'il aime ou qu'il connaît. Aussi, Monsieur, ce
deuxième arrêt est-il resté sans exécution, comme le premier.
III. — Le troisième a pour objet de régler les formalités à observer pour la
réception des libraires et imprimeurs.
Il est composé de onze articles. Les neuf premiers et le onzième reprennent,
avec des changements peu remarquables, les.formalités prescrites, les épreuves
exigées par le titre VI du règlement de 1723; le dixième annonce un nouveau
tarif des droits de réception arrêté par Monsieur le garde des sceaux pour être
envoyé dans chaque chambre syndicale.
Cet article, Monsieur, mérite attention. En 1723 il s'agissait également de
fixer les droits de réception des libraires et imprimeurs. Mais le tarif n'en fut
pas réservé à M. d'Armenonville qui tenait les sceaux : il fut fixé en présence
du roi par les articles 45 et 46 du règlement. Encore moins a-t-on pensé en
1723 que le premier magistrat du royaume pût disposer arbitrairement d'une
partie de ces droits de réception. En 1777 on n'a plus pensé de même : je ne
veux offenser personne, mais mon devoir est d'exposer les faits.
Le tarif a paru le 8 août 1778, c'est-à-dire au bout d'un an. Il ne paraît pas
avoir été délibéré au Conseil; les droits ont été augmentés, et l'excédent des
nouveaux sur les anciens doit être versé dans la caisse établie par l'article 9
de l'arrêt du Conseil portant règlement sur la durée des privilèges : c'est ainsi
que s'en est expliqué le directeur de la librairie dans sa lettre d'envoi du tarif
en question aux officiers de la communauté; or, cette caisse, suivant l'article
cité par cette lettre, doit demeurer sous la garde des syndics et adjoints, à la
disposition de Monsieur le garde des sceaux, pour les émoluments, est-il dit
dans l'arrêt, des inspecteurs et autres personnes préposées à la manutention de
la librairie: sur quoi j'observerai que ces émoluments ne sont encore fixés
par aucune loi ou règlement ou tarif connu, et j'ose dire que je l'observe par
nécessité, sans haine, sans passion, et dans l'espérance que ma remarque (si
la Cour en fait usage) en imposera à l'avidité licencieuse des subalternes : non
odio adductus alicujus, sed spe resecandœ libidinis.
Je me suis procuré une copie tant de la lettre d'envoi du nouveau tarif que
du bordereau envoyé par le directeur de la librairie à la chambre syndicale,
pour savoir quelle somme de chaque réception doit entrer dans la caisse laissée
aux ordres de Monsieur le garde des sceaux. Je laisserai ces deux copies sur
le bureau. Il est au pouvoir de la Cour d'en constater la sincérité. Elle y verra
que ces sommes provenant de la différence des nouveaux droits aux anciens2
sont en librairie, pour les fils de maîtres, de 153 livres 1G sols, pour les gen-
1. Séguier ajoute, à cette observation, que lorsque les fonds appartiennent à
des mineurs, la sûreté de leur patrimoine pourra être compromise.
2. L'apprentissage durait quatre ans; le brevet coûtait 10 livres. La maîtrise
roulait 1,000 livres pour les libraires et 700 pour les imprimeurs. En 1723, le
nombre dos maîtres fut fixé à 36 dans Paris. Pour être déclaré tel, il fallait un
avis du lieutenant de police, l'agrément de la chancellerie et un arrêt du Con-
seil. — Une des 36 maîtrises fut, jusqu'en 1789, à la désignation de l'Hôtel de
Ville : elle resta dans la même famille pendant un siècle et demi.
ET LA LIBRAIRIE ' 165
dres de 214 livres 12 sols, pour les apprentifs de 504 livres 12 sols, en im-
primerie pour les fils de maîtres de 127 livres, pour les gendres de 177 livres
16 sols, pour les apprentifs de 578 livres 8 sols. Je ne parle à Messieurs que
de la Capitale, la différence des anciens et nouveaux droits pour les provinces
ne m'est pas connue.
IV. — Le quatrième arrêt porte suppression et création de différentes cham-
bres syndicales dans le royaume; on y fixe le nombre des chambres syndicales
du royaume à vingt, et l'on y règle les formalités à observer pour les élections
des syndics, les visites des inspecteurs, la vente des livres après décès, l'ou-
verture des ballots.
Les principes de cet arrêt sont qu'il est dangereux de laisser subsister les
imprimeries isolées dans un état d'indépendance propre à faciliter les abus, et
qu'il est nécessaire d'établir l'uniformité dans les opérations qu'exige la manu-
tention de la librairie et de l'imprimerie,
Les libraires observent que cet arrêt assujettit dans l'intérieur du royaume
les envois de Paris à des visites dispendieuses pour les libraires, fatigantes
pour les livres, inutiles pour le bon ordre, étant notoire que les livres prohibés
ne s'impriment point dans la capitale, ou ne s'y impriment qu'en très petit
nombre, n'y parviennent que difficilement, y sont plus chers que dans les
provinces, où l'on n'a point à craindre qu'ils ne retournent : tellement que le
commerce souffrira de ce règlement sans aucun bien pour la police.
Ces observations des libraires sont-elles bien fondées en justice, en politique?
Je m'abstiendrai de prévenir à cet égard, comme sur tout le reste, les délibé-
rations de la Cour : au surplus je ne vois pas que l'abus, s'il existe, intéresse
les passions humaines; le remède sera moins difficile.
Me voici parvenu aux deux derniers arrêts concernant la librairie, à ceux
qui paraissent combattre le plus ouvertement les droits des libraires, des au-
teurs, du public, la loi, le sens intime : l'un porte règlement sur la durée des
privilèges en librairie ; l'autre sur les contrefaçons faites ou à faire; tous deux
sont remarquables par leur préambule.
V. — Le préambule du premier, de celui des prisilèges, pose en principe
que le privilège en librairie est une grâce fondée en justice; qu'il est la ré-
compense du travail de l'auteur, ou l'indemnité des frais du libraire;
Que ces privilèges différents par leurs motifs doivent l'être par leur durée;
Que l'auteur a des droits plus étendus, et que ceux du libraire sont propor-
tionnés au montant de ses avances et à l'importance de son entreprise;
Que la perfection de l'ouvrage exige que le privilège du libraire dure autant
que la vie de l'auteur;
Qu'accorder un plus long temps, ce serait convertir une jouissance de grâce
en une propriété de droit, rendre un libraire le seul arbitre du prix d'un livre,
et refuser aux libraires des provinces un moyen légitime d'employer leurs
presses ;
Que pour les libraires une jouissance limitée, mais certaine, est préférable
à une jouissance indéfinie, mais illusoire: pour le public, les livres tomberont
à une valeur proportionnée à ses facultés; pour les gens de lettres, ils pourront,
après un temps donné, acquérir, par des notes et des commentaires sur un
auteur, le droit incontestable de faire imprimer le texte;
Et qu'enfin le commerce en aura plus d'activité et les imprimeurs plus
d'émulation.
166 LE PARLEMENT
Fondé sur ces principes, l'arrêt que je défère à la Cour, après avoir établi
dans l'article premier la nécessité d'un privilège pour imprimer ou faire im-
primer les livres nouveaux, défend par le second de solliciter la continuation
du privilège, à moins que le livre ne soit augmenté d'un quart, et, dans ce cas
même, réserve la faculté d'accorder à d'autres la permission d'imprimer l'an-
cienne édition non augmentée.
Par le troisième article on déclare que les privilèges à l'avenir ne pourront
être d'une moindre durée que de dix ans; par le quatrième, que le privilège
aura lieu non seulement pour le temps exprimé, mais encore pendant la vie de
l'auteur, s'il survit à l'expiration; par le cinquième, que tout auteur muni d'un
privilège pourra vendre son ouvrage chez lui; qu'il jouira, lui et ses hoirs, à
perpétuité, du privilège qu'il n'aura pas rétrocédé à un libraire, mais que tout
privilège ainsi rétrocédé sera réduit à la vie de l'auteur, par le seul fait de la
cession. Le sixième article établit la concurrence illimitée des libraires et im-
primeurs pour obtenir une permission, à l'expiration du privilège ou à la
mort de l'auteur. Le septième ordonne que les permissions seront expédiées
sur la simple signature du directeur de la librairie, et qu'il sera donné con-
naissance de ces permissions à tous ceux qui en solliciteront du même genre.
Le huitième, dans la crainte positivement exprimée que l'obtention de ces per-
missions ne soit illusoire, et qu'on n'en obtienne sans intention de les réaliser,
veut qu'elles ne soient accordées qu'à ceux qui auront payé le montant du
droit porté au tarif qui sera arrêté par M. le garde des sceaux. Le neuvième
décide que le montant de ces droits sera payé entre les mains des syndics et
adjoints ou de leurs commis à cette recette, lesquels ne pourront s'en dessaisir
que sur les ordres de M. le chancelier ou garde des sceaux pour les émolu-
ments des inspecteurs et autres personnes préposées à la manutention de la
librairie. Le dixième article prescrit l'enregistrement des permissions dans
deux mois sur les registres de la chambre syndicale de l'arrondissement. Le
onzième prescrit dans le même délai pour Paris, dans trois mois pour les
provinces, la remise par les libraires et imprimeurs de leurs titres de pro-
priété, entre les mains de M. de Néville1, maître des requêtes commis à cet
effet, pour, sur le compte de ce magistrat, leur être accordé par M. le chan-
celier ou garde des sceaux, s'il y échet, un privilège dernier et définitif. Le
douzième article ôle l'espoir d'aucune continuation de privilège aux libraires
et imprimeurs qui n'auront pas représenté leurs titres dans les délais donnés.
Enfin le treizième et dernier excepte des dispositions de l'arrêt les privilèges
d'usage des diocèses et autres de cette espèce2.
La Cour voit aisément que cet arrêt a dû exciter une grande commotion dans
1. Le Camus do Néville, directeur de la librairie.
2. Déjà eu 1773, les droits du sceau et ceux des permissions avaient été
augmentés : « Il était réservé à M. le chancelier de Maupeou de mettre les fruits
de l'esprit humain à contribution. Les droits du sceau avaient été jusque-là très
modiques. D'après l'article 5 des lettres patentes de 1702, il ne devait être payé
pour les privilèges que les droits du sceau : de même pour une simple permission,
il n'était dû «pie .'i livres pour tous droits, y conquis le parchemin et l'écriture.
Cependant, par un arrêt du Conseil du lli mai 171.'}, il a été fixé différents droits
nouveaux sur la difficulté d'imprimer. Cet arrêt impose 40 livres de marc d'or
sur les privilèges et 12 livres sur les permissions : ce qui fait une augmentation
de plus du double sur ce dernier objet. » (Séguier, Compte-rendu.)
ET LA LIBRAIRIE 167
la librairie; mais, avant d'exposer les griefs des libraires, qu'il me soit permis
de passer tout d'un coup à l'arrêt sur les contrefaçons, après quoi je réunirai
sous un seul point de vue les plaintes inutiles que tous les deux ont excitées.
VI. — Cet arrêt, le sixième de la même date, défend de contrefaire pendant
la durée des privilèges, ou même d'imprimer sans permission après leur ex-
piration et le décès de l'auteur, à peine de 6,000 livres d'amende, pour la pre-
mière fois, de pareille amende et déchéance d'état, en cas de récidive.
II déclare l'édition contrefaite saisissable sur le libraire comme sur l'impri-
meur, et soumet le libraire aux mêmes peines.
Il déclare en même temps que les possesseurs du privilège n'en pourront
pas moins former leur demande en dommages et intérêts.
Le quatrième article est remarquable. Il autorise la visite du possesseur ou
concessionnaire d'un privilège assisté d'un inspecteur de librairie, à son défaut
d'un juge ou commissaire de police, chez tout imprimeur, libraire ou colpor-
teur, en boutique ou en magasin, aux risques, périls et fortune de ce posses-
seur ou cessionnaire, sans autre permission que le présent arrêt, à la charge
pourtant d'exhiber préalablement à l'inspecteur, juge ou commissaire, l'origi-
nal du privilège ou son duplicata collationné; ensuite, par une disposition
que j'avoue ne pouvoir comprendre, autorise « ceux chez qui on fera de sem-
blables visites à se pourvoir en dommages et intérêts contre ceux qui les
feront, s'ils ne trouvent pas des contrefaçons des ouvrages dont ils auront
exhibé le privilège, encore qu'ils en eussent trouvé d'autres » : d'où il paraît
(ce que j'ai peine à croire) que ces autres contrefaçons ne pourront être saisies
ni dénoncées, sous les yeux mêmes de celui qu'elles dépouillent, lequel pour
une indication imprudente, — quesais-je? confiée à l'inspecteur et peut-être
trahie, — sera tenu au contraire d'indemniser à la vue de son propre bien le
contrefacteur qui s'en est emparé, pris en flagrant délit1 !
L'article 5 n'a rien d'intéressant : il condamne au pilon les éditions juste-
ment saisies.
L'article 6 est l'essentiel. Voici comme il s'exprime : « Quant aux contrefa-
çons antérieures au présent arrêt, Sa Majesté, voulant user d'indulgence, relève
ceux qui s'en trouveront saisis des peines portées par les règlements, en remplis-
sant par eux les formalités prescrites par l'article suivant;» et ces formalités
sont de représenter les contrefaçons dans deux mois à l'inspecteur et à l'un
des adjoints de la chambre syndicale de l'arrondissement pour être la pre-
mière page de chaque exemplaire estampillée par l'adjoint et signée par
l'inspecteur.
Les articles 8 et 9 sont purement de forme : le huitième fait commencer le
délai de ces deux mois de grâce du jour de l'enregistrement du présent arrêt
dans chaque chambre syndicale; le neuvième et dernier ordonne le renvoi à
1. Relativement à ces inspecteurs (do police), Séguier ajoute, dans son Compte-
rendu : « Les inspecteurs et employés, autrefois absolument inconnus, n'ont
aucun caractère en eux-mêmes, et les procès-verbaux qu'ils pourront dresser ne
pourront pas Caire foi en justice, parce qu'ils n'y auront pas prêté serment. »
Leurs fonctions sont-elles des offices? de simples commissions? Qui les nomme?
Quels sont leurs signes distinctifs? Leurs émoluments? Toutes ces questions
bien légitimes demeurent sans réponse. La police ne livre pas ses secrets à la
justice.
•168 LE PARLEMENT
Monsieur le garde des sceaux, par l'inspecteur, de l'estampille et du procès-
verbal de ses opérations, à l'expiration dudit délai : passé lequel, tous les
livres contrefaits et dénués de la signature de l'inspecteur et de la marque de
l'estampille seront censés nouvelles contrefaçons et soumis aux peines portées
par l'article premier.
Telle est, Monsieur, l'économie de ces deux arrêts devenus si célèbres sur la
durée des privilèges en librairie, et sur les contrefaçons.
11 était naturel que des citoyens dépossédés demandassent justice. Les
libraires l'ont fait d'une manière d'autant plus toucbante qu'elle était moins
régulière. Au lieu de recourir au Parlement, organe légitime des opprimés,
dépositaire et défenseur des lois du royaume, et des droits de tous les ordres,
de tous les corps, de tous les citoyens, juge naturel de leur état, ils ont cru
devoir verser leur douleur dans le sein de Monsieur le garde des sceaux. Les
veuves de la communauté ont donné l'exemple en octobre 1777 : elles ont
adressé à ce magistrat « de très bumbles et très respectueuses représenla-
tions; » en novembre suivant, la communauté entière lui a présenté un mé-
moire très détaillé, et le recteur de l'Université a joint le sien au nom de
l'Université en corps *. Ces premières tentatives n'ont produit aucun effet.
Alors les libraires et imprimeurs ont recouru directement au roi par une
requête J soutenue de deux consultations des 23 décembre 1777 et 9 jan-
vier 1778. Après quoi les veuves de la librairie ont imploré de leur côté la
justice royale par une requête particulière. On ignore si ces requêtes sont
parvenues au roi. Elles n'ont pas eu plus de succès que les mémoires adressés
à Monsieur le garde des sceaux.
Les libraires étonnés, non abattus, ont gardé le silence. Ils se sont con-
tentés d'opposer à l'exécution des arrêts du Conseil cette résistance passive et
respectueuse qui convient si bien à des sujets fidèles, mais libres'. Enfin les
tarifs des droits de réception et de permission ont paru. Les libraires, profitant
de cette circonstance quoique fâcbeuse puisqu'elle était le premier effet des
arrêts du Conseil, ont adressé à Monsieur le garde des sceaux de très humbles
représentations contre les tarifs en particulier et contre les arrêts en général.
Leurs nouvelles instances n'ayant pas été plus heureuses, ils ont pris le parti
de s'en tenir aux sollicitations indirectes; des gens de lettres ont donné des
mémoires 4; des magistrats ont invoqué les formes à l'appui des principes,
1. L'avocat général Séguier, dans son Comple-rendu , donne le sens de ce Mé-
moire :« L'Université représenta que les éditions de littérature solide, les ouvra-
ges des anciens auteurs grecs et latins, de nos maîtres dans l'art d'écrire et de
penser, seraient abandonnés; que les chefs-d'œuvre de l'antiquité tomberaient
bientôt dans l'oubli. Le débit en sera trop lent pour oser entreprendre de les
mettre de nouveau en lumière; on n'imprimera plus que des brochures éphé-
mères, des frivolités faites pour amuser plutôt que pour instruire : le goût des
sciences, l'amour des lettres, l'éclat de la typographie se perdra peu à peu, et la
France verra s'évanouir cette prééminence que ses éditions avaient obtenue sur
les nations étrangères. »
2. Une au célèbre avocat Cochut.
:i. Ces mots ont une portée générale, et dépeignent fort bien L'attitude politique
de la nation, sous les coups répétés du despotisme et des exactions financières.
4. Le plus remarquable est celui de Linguet, Ahnales politiques, civiles el
ET LA LIBRAIRIE 469
proposé des conférences, annoncé une réclamation : ils n'ont pas eu le bon-
heur d'être entendus. On a pressé l'exécution des arrêts, du Conseil, et le
temps qui s'écoulait voyait toujours de nouvelles atteintes portées aux lois de
l'État ainsi qu'aux propriétés littéraires.
Enfin, Monsieur, les libraires et imprimeurs, désespérant d'obtenir justice
du département où les arrêts du Conseil avaient été rendus, ont tenté néan-
moins un dernier effort : ils ont, dans un mémoire approuvé par la commua
nauté assemblée, résumé leurs représentations sur les six arrêts, et ce résultat
a été présenté à Monsieur le garde des sceaux au commencement de février,
en vertu d'une délibération prise par la communauté le 23 janvier précédent.
Cette preuve nouvelle de leur soumission et de leur confiance n'a rien pro-
duit : et deux mois écoulés sans réponse m'ont fait penser qu'il était temps
de ne plus abandonner sans examen aux efforts d'un système élevé contre les
lois, une communauté rccommandable qui les implore.
En effet, Monsieur, la propriété littéraire a été maintenue par toutes les
lois .dans la personne de l'auteur et du libraire. On a toujours pensé que la
permission d'imprimer un ouvrage nouveau ne créait pas la propriété, mais la
supposait, et que le privilège uni à la permission n'était qu'une sauvegarde
de la propriété '. Ce principe, il est vrai, a éprouvé quelques atteintes, du
moins sur la continuation des privilèges, au commencement du XVIIe siècle;
mais il eut bientôt triomphé d'une opinion passagère qui n'a jamais pu
s'élever au rang des maximes de l'État. On en revint aux anciens principes :
les désordres de la concurrence sont fortement exprimés dans une déclaration
de 1649, ouvrage du chancelier Séguier: et depuis comme avant, disent les
libraires dans leurs mémoires, les continuations de privilèges ont été au-
torisées par tous les règlements, qui tous ont maintenu'les auteurs dans la
propriété de. leurs ouvrages, et les libraires dans la propriété de leurs cessions.
Aussi, poursuivaient-ils, la librairie cultivant son propre champ, avait-elle
prospéré. Mais ne parlons que de justice. Nous avions, ajoutaient les libraires,
vendu, échangé, partagé, donné en dot nos fonds de librairie qui faisaient
toute notre fortune. Aujourd'hui nous sommes dépouillés. Les arrêts du Con-
seil ayant détruit la propriété littéraire, nos traités sont incertains, nos par-
tages sont illusoires, les biens de nos femmes sont privés d'bypotlièque, nous
sommes sans commerce, nous sommes sans état. Par une disposition difficile
à comprendre, la propriété des auteurs traitée de grâce est restreinte au point
de ne pouvoir en disposer sans la perdre; et par une seconde, non moins
inouïe, c'est une force rétroactive imprimée aux arrêts du Conseil qui nous
exproprie, disent les libraires, des héritages de nos pères, des fruits de nos
acquisitions, de nos travaux.
L'impôt sur les permissions d'imprimer, continuent les libraires, est un des
plus ruineux qu'on pût imaginer ; il faudra donc payer, pour réimprimer les
Donations de Ricard, 480 livres, pour les OEuvrcs de Henrys, 900 livres, pour
littéraires, t. III (1777), p. 12. Il est reproduit dans l'ouvrage cité de Laboulaye
et Guiffrey (p. 221 à 265).
t. La transmission de la propriété de l'auteur dans celle de l'imprimeur ou du
libraire était reconnue depuis le milieu du XVIIe siècle. Les manuscrits sont des
effets commerçâmes comme une rente, une terre, une maison. On les lègue, on
les donne en dot, on les hypothèque, etc.
170 LE PARLEMENT
le Journal des Audiences, 1,680 livres; pour l'Histoire ecclésiastique de Fleurrj,
in-4°, 4440 livres. Sont-ce là des motifs d'encouragement? — On dira de
n'imprimer que des livres d'un débit sûr. En est-il de cette espèce? En est-il
du moins beaucoup ' ?
L'objet de cette imposition énorme est d'obliger à faire usage de ces per-
missions demandées2. Quel si grand intérêt le public peut-il avoir à cette cer-
titude? L'emploi de l'impôt? C'est pour gratifier les inspecteurs et autres
personnes préposées à la manutention de la librairie. Mais l'expérience prouve
que jamais les contrefaçons n'ont été plus multipliées que- depuis l'établisse-
ment des inspecteurs : quand on sait d'où l'orage doit partir, il est facile de
le conjurer; et quant aux préposés, on a vu la librairie très bien régie dans
tout le royaume par le ministère d'un seul secrétaire qui travaillait quatre
heures par semaine. A quoi sert la multiplication des bureaux, des subal-
ternes? Les affaires en vont-elles plus vite? L'expérience prouve encore le
contraire.
Les libraires, Monsieur, n'ont pas été plus loin. Mais la liberté de mon
ministère m'autorise à demander pourquoi les fonctions, les appointements,
les noms même des préposés à la librairie ne sont pas rendus publics?
Pourquoi le produit des droits destinés à la caisse établie par l'article 9 de
l'arrêt du Conseil sur la durée des privilèges n'est pas connu? En un mot,
pourquoi le rapport de la recette à l'emploi n'est pas hautement, nettement,
solennellement déterminé? J'irai plus loin : j'oserai demander pourquoi cette
imposition considérable sur les permissions n'a pas été créée par une loi,
pourquoi du moins l'augmentation des droits de réception n'a-t-elle pas été
arrêtée au Conseil, en présence du roi, les libraires entendus?
Sur l'arrêt des contrefaçons, les libraires ont représenté que les contrefa-
çons, déclarées destructives du commerce et contraires à la bonne foi, se trou-
vaient néanmoins légitimées au détriment des vrais propriétaires de manuscrits
achetés sous les auspices de la loi ; — que le contrefacteur, en réimprimant
les feuilles estampillées, vendrait la contrefaçon elle-même pour l'édition
originale au public abusé par le défaut d'estampille ; — que les saisies auto-
risées par le quatrième article de cet arrêt ne seraient pas seulement illu-
soires, mais imprudentes : qu'on pourrait croire que la contrefaçon spécifiée
se trouverait bien rarement; que la crainte de se voir bravés par l'étalage
1. Les libraires, forcés pour vivre de flatter les goûts et les idées du public,
multiplièrent les publications volantes, pamphlets, brochures, etc.; sous les yeux
mêmes de la police, ils devinrent, de gré ou de force, les agents les plus actifs
des idées nouvelles, et les premiers serviteurs de la Révolution.
2. Tarif des droits de chaque permission nouvelle (en exécution de l'art. 9 de
Pédit sur la durée des privilèges).
Une édition in-32 tirée ù 1500 exemplaires, par volume
in-24 — —
in-18
in- 16
in- 12
in-8°
in-i" — —
in-!'nl" — — —
(Minute de la séance du 31 août 1779, Arch. nat., X 1b 8973.)
1
livre
10
sols
:i livres
13
—
7
—
10
—
13
—
30
—
60
—
120
—
240
—
ET LA LIBRAIRIE 171
d'autres contrefaçons, et d'être condamnés, à leur vue, envers le coupable,
arrêterait les propriétaires un peu raisonnables, et qu'ainsi cet article assurait
l'impunité des contrefacteurs; — qu'ils osaient dire que l'indulgence du roi
excédait son pouvoir, le roi pouvant faire grâce de ses droits, mais non des
droits d'autrui; et qu'enfin cette indulgence, loin d'être pour l'avenir un gage
de la circonspection des contrefacteurs, 'les encouragerait par l'espérance
d'obtenir encore un traitement pareil; qu'il ne s'agira que de multiplier le
nombre des contrefaçons au degré suffisant pour exposer qu'il y va de toute
leur fortune.
Tels sont, Messieurs, les griefs de la librairie. Si la Cour veut connaître plus
particulièrement les effets immédiats des arrêts du Conseil sur l'état des
libraires de cette capitale, elle en pourra juger par le mémoire du sieur Le
Clerc, l'un d'entre eux. Voici comme il s'exprime en commençant : « Comme
tous les libraires de Paris, je ne possède le droit d'imprimer aucun livre et
partie d'icelui que par acquisition. La source de la plus grande partie de mes
propriétés est l'acquisition que j'ai faite du fonds de mon père par acte passé
chez Me Dulion, notaire, le 27 janvier 1758, acquisition dont j'ai payé la moitié
à ma sœur. » Ensuite l'auteur expose les différenls articles dont il est pro-
priétaire, soit comme héritier de son père, soit comme auteur, soit comme
acquéreur. Ils sont au nombre de cinquante-six : après quoi, résumant sa dé-
plorable position :
« Il ne me reste plus, dit-il, qu'à faire connaître l'état del'autcur de ce mémoire,
que l'exécution des arrêts du 30 août dernier ruinerait sans ressource, s'ils
détruisaient ses propriétés... J'ai cinquante-quatre ans, je fais vivre ma femme,
cinq enfants, reste de quatorze, et mon beau-frère; la dépense nécessaire à
ma maison m'empêche d'augmenter mon patrimoine, quoique je ne donne
aucun temps à l'amusement; malgré mon peu de fortune, l'estime de mes
confrères m'a fait remplir toutes les places où un homme de mon état peut
parvenir : j'ose même dire que je m'y suis rendu utile. S'il fallait que je per-
disse mon fonds de librairie, la seule chose que je possède en ce monde, je
regarderais comme un bienfait la mort d'un sixième enfant que j'ai perdu
depuis la publication des arrêts du 30 août dernier, je ne désirerais pas la
mort des autres, mais je verrais venir la mienne avec indifférence, pour n'être
pas témoin de la misère qui les attend. La justice et la bonté du roi me rassu-
rent. Il ne me privera pas d'une propriété que ju lui fais connaître, et que j'ai
acquise sur la foi des lois qui ont été en vigueur jusqu'ici : il me la conservera
au contraire à perpétuité, comme il conserve celle des auteurs qu'il connaît,
sauf à me conformer dans mes acquisitions futures aux nouveaux arrêts, s'ils
ne sont pas révoqués. »
Ce mémoire, Monsieur, a été présenté par le sieur Le Clerc à MM. Le Noir
et deNéville; l'auteur en a remis une copie certifiée véritable au syndic de la
librairie, le 12 janvier 1777 (sic .-lire 1778); et cet infortuné père de famille,
qui n'a pas même obtenu quelques paroles de consolation , m'a adressé ce
triste monument de sa ruine, avec une lettre qui me donne ce mémoire, « en
ce qui touche les propriétés de son fonds de librairie, comme un tableau du
commerce de la librairie en général, et de l'état de chaque libraire en parti-
culier ». Il m'a autorisé à le mettre sous les yeux de la Cour : je le laisserai
sur le bureau. Au surplus, Monsieur, mes informations particulières m'ont fait
172 LE PARLEMENT
connaître que le sieur Le Clerc n'est pas le seul libraire que les arrêts du
Conseil aient écrasé; la Cour peut s'en convaincre.
Ce qui met le comble au malheur des libraires, c'est que, dépouillés des
objets de leurs traités par les arrêts du Conseil, ils sont astreints à l'exécution
de ces traités par les jugements des tribunaux.
Le sieur Paucton, auteur d'un ouvrage intitulé : Métrologie, ou Traité des
mesures, poids et monnaies de l'antiquité et d'aujourd'hui, avait vendu son
manuscrit à la veuve Desaint par un acte antérieur de près d'un mois à la
publication de l'arrêt du Conseil du 30 août 1777. L'arrêt est publié : la veuve
Desaint y voit que sa propriété acquise pour toujours est réduite aux termes
de l'arrêt, par le seul fait de la cession, à la vie de l'auteur. Elle fait difficulté
d'imprimer. Son vendeur l'assigne au Cbàlelct : elle conclut au rapport d'une
permission d'imprimer. Une sentence interlocutoire y condamne le sieur Paucton.
Celui-ci se conforme à la sentence, il rapporte une permission, mais une per-
mission conçue dans les termes du nouvel arrêt du Conseil, à savoir que « si
le sieur Paucton cédait cette permission, alors, par le seul fait de la cession,
la durée de ce privilège serait réduite à celle de la vie de l'auteur, ou de dix
ans à compter du jour de la date de ce privilège, si l'auteur décédait avant
l'expiration des dix ans ».
La veuve Desaint ne s'est pas contentée de celte permission : elle a persisté
dans son refus, et, sur la clause nouvelle du privilège, s'en est rapportée à la
prudence des premiers juges. Le Chàtelet a ordonné par une sentence défini-
tive que le traité serait exécuté ; en conséquence, sans s'arrêter aux clauses
et conditions insérées aux lettres des 'privilèges obtenus par le sieur Paucton,
a maintenu la veuve Desaint dans la propriété pleine et incommutablc de l'ou-
vrage en question, et du droit exclusif de le faire imprimer et de le vendre
par elle, ses hoirs et ayants cause, conformément au traité double fait entre
les parties. Appel de cette sentence par le sieur Paucton : l'audience est ac-
cordée, et, par arrêt contradictoire, la Cour met l'appellation au néant: la sen-
tence était du 11 août 1778; l'arrêt est du 10 février 1779. J'en défère à la
Cour la copie collationnée.
Cette instance, Monsieur, n'est pas la seule de cette espèce. Le sieur Pillot,
libraire, plaide contre le sieur Leboucher, autre libraire, et beau-frère de la
dame Pillot, lequel, sous prétexte des nouveaux arrêts du Conseil, refuse au
sieur Pillot le payement de 3,000 livres, prix convenu de la cession faite au
sieur Leboucher par le sieur Pillot de plusieurs livres et parts de privilèges dé-
pendants de la dot de la dame Pillot. Je sais aussi que le sieur de Bure ■ fait
quelques difficultés de payer des rentes qu'il a constituées en payement de
privilèges à lui cédés par des auteurs ou des libraires. Scra-t-il condamné?
Le sieur Leboucher le sera-t-il aussi? On peut le présumer : l'arrêt du sieur
Paucton l'annonce assez; et ces condamnations seront très justes : la Cour
prononce suivant les lois; ce n'est pas une loi qu'un arrêt du Conseil ; les tri-
1. « Gabriel de Bure, disent MM. Laboulaye et Guiffrey (p. XV), l'un des adjoints
en charge de la librairie, un des officiers les plus considérés de la corporation,
ayant refusé de se rendre à Versailles pour estampiller les livres contrefaits, fut
enlevé et jeté à la lïastille le 23 janvier 1778. » Ajoutons qu'il en sortit le 29, sur
une lettre du garde des sceaux à Lenoir; un inspecteur de la librairie fut chargé
de l'estampillage.
ET LA LIBRAIRIE 173
bunaux heureusement sont fidèles à cette maxime ; l'exécution des traités de
librairie sera donc ordonnée par les arrêts des Cours; et cependant cette exé-
cution est rendue impossible par la seule existence des arrêts du Conseil qui
t'ont loi dans le département de la librairie où les nouvelles permissions s'ex-
pédient tous les jours au préjudice des ordonnances, et privent, par le fait, les
libraires de la chose vendue, tandis que nos arrêts leur en font payer le prix,
suivant la loi.
Un état aussi pénible me paraît mériter les regards de la Cour. On voit,
Monsieur, dans tous les actes que je défère à la justice, des arrêts du Conseil
élevés au-dessus des édits enregistrés, des propriétés détruites par l'effet
rétroactif de ces actes irréguliers; un impôt créé sans lettres patentes; des
tarifs dépendant de la simple volonté d'un sujet du roi; une caisse publique
établie sans comptabilité ; et le concours inouï de la justice et du pouvoir,
pour obliger des citoyens à payer ce que le pouvoir leur enlève, à perdre ce
que la justice leur fait payer r. Je vous prie, Monsieur, de mettre en délibéra-
tion ce qu'il convient de faire à ce sujet.
Outre les pièces imprimées ou manuscrites auxquelles il est fait
allusion dans ce récit, fut déposé sur le bureau du Parlement un
Tableau imprimé des ouvrages jugés communs, ou qui le deviendront à
l'expiration des privilèges dont ils sont revêtus, en exécution de l'article 11
de l'arrêt du Conseil du 30 août 1777 portant règlement sur la durée des pri-
vilèges en librairie.
Les gens du roi, chargés de rendre compte de l'affaire de la librai-
rie, pour le 2 juillet suivant, s'excusèrent à cette date de ne pouvoir
le faire; même excuse le 27 juillet, fondée sur l'importance du débat
et l'ampleur croissante du dossier. Le rapport de Séguier fut remis au
mardi 10 août2. Il ne concluait ni pour, ni contre; il annonçait seule-
ment les intentions du roi de prendre à la solde de l'administration
auteurs et libraires. En définitive, le Parlement ne lit point les repré-
sentations ou remontrances qu'aurait voulu provoquer d'Espréménil.
Pour défendre la librairie, il condamnait, lacérait et brûlait trop
d'ouvrages.
Cependant, le Parlement maintint en général les droits acquis des
libraires, mais non sans hésiter. En 1787, la veuve Desaint se vit
contester par les héritiers Denisart, que défendit Target, la moitié du
privilège et des exemplaires de la collection de jurisprudence de feu
maître Denisart, appartenant à ses enfants mineurs. La grand'cham-
bre se partagea à ce propos, le 10 août 1787 ; il en fut de même de la
troisième chambre des enquêtes, le 30 janvier 1788. La première des
1. C'est-à-dire : rerevoir en payement.
2. MM. Guiffrey et Laboulaye l'ont reproduit in extenso (p. 481 à 596).
174 LE PARLEMENT ET LA LIBRAIRIE
enquêtes prononça enfin pour la veuve Desaint (9 février 1788) :
La communauté des libraires et imprimeurs était d'autant plus satisfaite de
ce succès de la dame Desaint que... son affaire devenait commune avec plu-
sieurs familles de la librairie qui eussent pu voir leur repos et leur tranquil-
lité troublés par des contestations aussi désagréables que dispendieuses, si
cette dame eût échoué par malheur dans ses justes demandes \
COLPORTEUR JUGÉ AVEC MODÉRATION PAR LE PARLEMENT
0 DÉCEMBRE 1788.
On apprend que le colporteur arrêté le 25 septembre dernier (1788), dans la
grande salle du Palais, débitant différents libelles contre les Parlements, et
trouvé saisi d'autres écrits également prohibés, après avoir été condamné par
sentence du bailliage du Palais soi-disant2 au fouet, à la marque et aux
galères, venait, sur l'appel a minima interjeté par le procureur général de
cette sentence, [d'être] condamné par le Parlement dont on louait la sage mo-
dération dans cette circonstance, à une simple aumône '.
1. Hardy, VII, p. 3li8. Bib. mit., ms. 6886.
2. Expression fréquente dans le Journal de Hardy, et qu'il emploie toutes les
fois qu'il ne peut pas citer une preuve écrite ou formelle.
3. Hardy, t. VIII, p. 166 (9 décembre 1788). — Vingt ans avant (1768), il y eut
des gens condamnés à la marque et aux galères pour avoir colporté l'Homme
aux quarante écus et le drame iVÉricie, ou la Vestale. Voyez Jos. Droz, Hist. de
Louis XVI, etc. (1839), tome I, p. 84, et, sur toute cette question de la librairie
sous Louis XV, p. 70 à 87.
VIII
LE PARLEMENT JUGE DES ÉCRITS
ET DES HOMMES DE LETTRES
(1773-1789)
LA PROCEDURE
Le Parlement considère comme une partie essentielle de la grande
police la condamnation des écrits qu'il juge contraires aux lois de
l'État, au catholicisme gallican ', à la moralité publique, enfin et sur-
tout à ses prérogatives et à ses prétentions judiciaires ou législatives 2.
Il serait intéressant pour l'histoire des idées de posséder la collection
entière de ces Arrêts de condamnation : car la justice du Parlement,
quelle qu'elle soit pour le fond, n'est jamais une justice sommaire
pour la forme?.
La procédure débute, toutes chambres assemblées, par un Récit
ou rapport « d'un de Messieurs » : il faut avoir préalablement averti
1. Le clergé essaya de disputer au pouvoir laïque la haute censure des écrits.
« Il serait juste et sage, disent les prélats en 1765, que la librairie fût soumise
à notre inspection. »
2. Outre la Congrégation de l'Index, qui siégeait à Rome et qui était représentée
à Paris par le nonce, les écrivains et les ouvrages pouvaient encore avoir comme
juges les Cours souveraines, le Conseil du roi, le Châtelet, très zélé en cette ma-
tière. Les sentences ecclésiastiques n'étaient exécutoires que par la sanction de
la justice séculière. Les jugements de police s'attachaient surtout à l'observation
des règlements sur la librairie (privilèges, permissions, indications des noms de
l'auteur, de l'imprimeur, du lieu et de la date de l'impression).
3. Voyez le tableau dressé par M. Félix Rocquain, à la fin du tome II de
l'Esprit révolutionnaire avant la Révolution, et qui comprend aussi quelques
condamnations prononcées par le Conseil, le Grand-Conseil, le Châtelet (1715-
1789).
170 LE PARLEMENT
le premier président afin d'obtenir la réunion plénière. L'ouvrage
incriminé est déposé sur le bureau et remis entre les mains des gens
du roi. Ceux-ci nomment un rapporteur, dont le nom est générale-
ment mentionné au procès-verbal. Le procureur général formule des
conclusions. L'avocat général prononce enfin le réquisitoire clans une
nouvelle assemblée plénière, qui, après en avoir délibéré, rend un
arrêté immédiatement exécutoire. Si l'auteur, le libraire, l'imprimeur,
ou toute autre personne ayant contribué à publier ou à répandre un
ouvrage condamné, sont connus soit par le titre même de cet ouvrage,
soit par les résultats d'une enquête, ils sont cités à comparoir et inter-
rogés. Dans le cas de contumace, le Parlement déclare saisis et sé-
questrés les biens du condamné, jusqu'à ce qu'il se présente pour
purger sa contumace. Les pseudonymes ne sont pas toujours
épargnés.
Si le Parlement avait poursuivi indifféremment tous les ouvrages
qui d'une façon ou de l'autre pouvaient lui paraître dangereux, d'a-
bord il se serait ridiculisé, et ensuite il aurait perdu tout le temps qu'il
devait à l'État et aux justiciables. Aussi réserve-t-il la censure qu'il
exerce aux imprimés vraiment importants, soit par le mérite intellec-
tuel des auteurs (qu'il se plaît souvent à reconnaître), soit par l'activité
de la propagande, soit enfin par des motifs qui intéressent directement
la législation. Il laisse l'Eglise fulminer contre les bérésies ; il s'associe
avec elle pour combattre l'athéisme et la philosophie; il défend contre
elle le gallicanisme qu'il ne lui permet pas de confondre avec le jan-
sénisme. Il s'occupe peu des questions spéciales qui ont rapport à la
juridiction de la Cour des Comptes, de celle des Aides, de celle des
Monnaies, du Grand-Conseil. Enfin il abandonne à la police la besogne
quotidienne et courante, la suppression des ouvrages obscènes, des
feuilles volantes, la répression des contraventions ordinaires aux
règlements de la librairie, les affichages illicites, les placards sédi-
tieux, etc.
Lors même que Paris n'est pas ou ne paraît pas être le lieu d'im-
pression des ouvrages, il en est l'objectif. Aussi le Parlement ne consi-
dère-t-il pas, en cette matière, les limites de son ressort : du moment
qu'un écrit est en langue française (ou latine) et qu'il circule en France,
il peut être déféré à la Cour. Le moment choisi pour censurer et con-
damner tel ou tel ouvrage est d'ailleurs fort arbitraire : c'est une
affaire de circonstances, d'opportunité. Quelquefois, cette capricieuse
justice attend la seconde, la troisième édition : ou bien, après avoir
épargné l'ouvrage anonyme, elle le poursuit dès qu'apparaît la signa-
ture de l'auteur. Le jugement de condamnation porte l'ordre d'appor-
JUGE DES ÉCRITS 177
ter au greffe de la Cour tous les exemplaires de l'ouvragé : eu atten-
dant, les exemplaires saisis sont lacérés et brûlés au pied du grand
escalier du Palais, quelquefois le jour même de l'Arrêté, presque tou-
jours le lendemain ou le surlendemain. A la minute de la délibération
est ajouté le procès-verbal de l'exécution, signé de celui des greffiers
qui y a l'ait procéder par l'exécuteur de la haute justice.
Ces auto-da-fé avaient fini par être ridicules, parce que l'opinion
publique n'y attachait aucune idée d'infamie ni de flétrissure, et que
chacun voulait, pour juger on condamner un écrit, l'avoir lu. Aussi,
en beaucoup de cas, le Parlement se contente, comme le Conseil ou
comme la police ordinaire, de supprimer un ouvrage, c'est-à-dire
d'en proscrire la vente ou la distribution : dés lors l'auteur, même
lorsqu'il a signé, n'est point mis en cause.
De 1775 à 1789, le Parlement de Paris a condamné ou supprimé
63 écrits désignés. Tels sont du moins les résultats numériques aux-
quels nous ont conduit nos recherches aux. Archives nationales ' et
à la Bibliothèque nationale 2.
Année 1775 ;
ARRÊT du 4 février 1775, supprimant l'imprimé intitulé : Supplément aux
Héflexions pour Me Linguet, avocat de la comtesse de Béthune, comme inju-
rieux à l'ordre des avocats, et tendant à soulever les esprits; ordonnant que
M0 Simon-Nicolas-Henri I. inguet sera et demeurera rayé du tableau des avo-
cats étant au greffe de la Cour en date du 9 mai 1770, et que le présent arrêt
sera imprimé.
Cet arrêt fut rendu sur la dénonciation de Me Nicolas de Lambon,
bâtonnier des avocats, et sur les réquisitions de Séguier, avocat du
roi. Voici le discours du bâtonnier :
Lui mandé et entré avec plusieurs avocats, ayant passé au banc du barreau,
du côté du greffe, a dit : Messieurs, les écarts multipliés du sieur Linguet
ont nécessité son exclusion de noire ordre; elle a été arrêtée bier dans une
assemblée générale, par une délibération qu'on peut dire unanime. Il- s'est fait
un principe de n'en reconnaître aucun ; il a attaqué dans ses écrits le droit
1. Minute des procès-verbaux des séances du Parlement. (X lu s i > "7 1 ; ;ï 8990.)
2. F, Paris-Parlement, pièces in-4° en feuilles, classées chronologiquement.
Notons que les condamnations ou suppressions ont lieu, en général, chambres
assemblées, et n'appartiennent pas à la tournelle seule : ou conçoit aisément
que les auteurs étant ou fugitifs, ou inconnus, les cas d'appel au Parlement, en
pareille matière, soient fort rares.
3. Pour la lin de 1771 , pas de condamnation depuis le rétablissement du Parle-
ment.
12
178 LE PARLEMENT
nalurcl, celui des gouvernements, le droit public du royaume, le droit ecclé-
siastique et les lois civiles. Dans les défenses des parties, il a violé les règles
de la modération, de la décence et de l'honnêteté. Non content d'attaquer la
loi fondamentale du royaume, il en a calomnié les gardiens et les dépositaires.
Dans un écrit qu'il vient de répandre à profusion, il calomnie et déchire avec
fureur les Anciens et les députés de notre Ordre ; il en insulte même nommé-
ment plusieurs de la manière la plus outrageante, quoiqu'il ne dût pas ignorer
qu'ils jouissent parmi nous et dans le public de la considération la plus mé-
ritée; il n'a même pas respecté l'Ordre entier dont il a fait le portrait le plus
affreux; il a mis le comble à ses excès, en s'emparant d'abord, avec les per-
sonnes qu'il avait rassemblées en grand nombre, du lieu indiqué pour notre
assemblée générale, et ensuite en violant l'asile sacré de ce sanctuaire au-
guste, où M. le premier président nous avait accordé une retraite pour y
prendre notre délibération ; il a porté le délire jusqu'à vouloir nous forcer à
le conserver parmi nous, dans le temps même où il insultait notre police,
notre discipline et nos usages. Si l'écrit que nous allons remettre entre les
mains de MM. les gens du roi n'était pas llétri ; si la Cour dans cette occasion
ne nous donnait pas une preuve éclatante de la bienveillance dont elle a tou-
jours honoré notre ordre, pourrions-nous conserver la confiance des magis-
trats et du public? Nous serait-il possible de continuer l'exercice de nos fonc-
tions avec la liberté qui en est l'àme, l'honneur qui en est le principe? Que ne
doivent pas espérer de la Cour des jurisconsultes et des orateurs qui consa-
crent leurs veilles au public et à la défense de leurs concitoyens !
L'avocat du Roi, Séguier, requit dans le même sens, après avoir,
comme il le <lil lui-même, concerté à la hâte ses conclusions avec les
gens du roi. Aucun passage du Mémoire de Linguet n'est reproduit,
car c'est probablement tout ce que le public aurait retenu de l'Arrêt.
Séguier se contente de signaler spécialement à la vindicte de la Cour
les pages 4 et S, 14 et 19, 29 et 30, 30 et 37, comme aussi extraordi-
naires qu'indécentes.
Linguet protesta contre rassemblée d'ordre devant laquelle il avait
comparu, et releva les irrégularités de ses délibérations. Le 23 février
et le 3 mars, il signifia ses dires au procureur général comme il l'eût
fait à un simple particulier; le 2i mars, il présenta requête à la Cour
pour être réintégré dans son ordre. Le 29 mars, la radiation fut con-
firmée, et le greffier eut ordre de rayer et biffer les originaux, copies
et actes de signification : le même Arrêt interdit à Linguet et à tous
autres d'user d'une telle procédure '.
ARRET de la Cour du Parlement qui condamne deux libelles, intitulés, le
premier : Catéchisme du citoyen, ou Élément du Droit public français, par
1. Bib. liai., F, Parlement de Paris, Arrêts, à la date. — Isarnbert (nos 145 el
163). La parenthèse indique que 1rs arrêts du 4 février et du 29 mars 1775 sonl
simplemenl indiqués par leur titre, <•( non analysés ou reproduits.
JUGE DES ÉCRITS 179
demandes et par réponses ; le second : l'Ami des Loix, etc.,k être lacérés et
brûlés, au pied du grand escalier du Palais, par l'exécuteur de la haute
justice1.
EXTRAIT DES REGISTRES DU PARLEMENT
D i: T H ENTE .1 U I S M IL SE P T C E N T S 0 I X A NTE- Q V I N Z E
Ce jour, toutes les Chambres assemblées, les gens du roi sont entrés; cl,
Me Antoine-Louis Séguicr, avocat dudit seigneur Roi, portant la parole,
ont dit :
Messieurs,
Nous apportons à la Cour deux libelles qui se répandent depuis quelques
jours dans le public.
Le premier a pour titre : Catéchisme du citoyen, ou Êlémens du Droit public
français, par demandes et par réponses, à Genève, aux dépens de la Com-
pagnie, et contient 112 pages d'impression.
Le second est intitulé : L'Ami des Loix, avec celle épigraphe : Omne ma-
lum nascens facile opprimitur ; inveteratum fit plerumque robustius. Cic.
Il contient 32 pages d'impression; mais il est sans nom d'auteur ni d'im-
primeur, et l'on ne dit pas en quel lieu il a été imprimé.
Notre ministère ne peut se dispenser d'exciter toute la sévérité de la justice
contre ces deux libelles, et de requérir une [flétrissure d'autant plus éclatante
que l'auteur de l'Ami des Loix en particulier semble, en quelque sorte, l'avoir
provoquée, puisqu'il n'a pas craint de faire remettre à chacun de vous un
exemplaire de cet ouvrage.
Le système de ces deux imprimés est parfaitement semblable; leurs prin-
cipes sont les mêmes, et l'un et l'autre tendent au même but.
Nous ne nous permettrons point de mettre ici sous vos yeux les questions
hardies que ces auteurs téméraires se sont permis de traiter, et les solutions
encore plus effrayantes que l'on trouve dans ces écrits séditieux. Heureuse
la France, si ces problèmes politiques fussent toujours demeurés sous le
voile dont la prudence de nos pères avait enveloppé tout ce qui concerne le
Gouvernement et l'administration, pour ne point exciter de fermentation dans
les esprits, peut-être encore agités des derniers orages que nous avons
éprouvés ! Nous nous contenterons de vous dire que les auteurs de ces deux
ouvrages ne cherchent qu'à détruire toute subordination dans le corps poli-
tique de l'État, et qu'ils se sont promis d'ébranler, s'il était possible, la
Monarchie française jusque dans ses londoniens. L'un et l'autre, comme de
concert, affectent de méconnaître le véritable caractère de la puissance sou-
veraine ; ils font les plus grands efforts pour affaiblir les liens qui unissent le
peuple et le monarque; et, divisant les intérêts indivisibles du prince et de
i. A Paris, chez P. G. Simon, imprimeur du Parlement, rue Mignon-Saint-
André-des-Arcs, 1715 (6 p.). Bib. nat., F (Paris-Parlement), à la date. — Nous
avons reproduit cet arrêt in extenso. Gomme les mêmes formules se retrouvent
dans tous les arrêts de condamnation, nous renvoyons à celui-ci une fois pour
toutes. — Le Catéchisme du citoyen est attribué à Saige, VAmi des loix à Martin!
de Marivaux.
180 LE PARLEMENT
l'État par une distinction aussi contraire aux véritables maximes de notre
Gouvernement qu'elle est injurieuse à nos Rois, ils ont espéré soulever la Nation
contre le souverain, et balancer la puissance royale par les délibérations prises
dans les Ilots tumultueux des assemblées populaires1.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que ces principes ont été mis en avant, comme
pour s'assurer de l'impression qu'ils pourraient faire sur les esprits. On les
retrouve en entier dans le Judicium Franconnn, contre lequel M. Gilbert de
Voisins s'éleva en 1732, et nous dirons en ce moment comme il disait alors :
Vous ne pouvez voir sans indignation les fausses et les pernicieuses couleurs
par lesquelles on essaye de confondre et d'effacer les véritables principes de
l'ordre public parmi nous, d'ébranler jusqu'aux Loix fondamentales du
Royaume, et d'altérer, s'il se pouvait, celte autorité souveraine qui, résidant
en la personne de nos Rois, est l'unique source de tout pouvoir légitime et de
toute puissance dans l'État.
Nous ne vous avons encore retracé qu'une partie des excès multipliés
dans les deux écrits qui nous occupent en ce moment. 11 en est un plus cri-
minel encore : c'était trop peu pour leurs auteurs de répandre dans le public
ces semences de divisions, ce germe de fureurs intestines, et de vouloir en
quelque sorte arracher du cœur des Français l'amour de leurs rois, qui est le
caractère dislinctif de la Nation 2 ; ces audacieux osent encore appeler les
peuples a la révolte ; ils lèvent l'étendard de la sédition; et l'un d'eux a porté
la témérité jusqu'à vouloir faire envisager la rébellion comme l'effort de la
plus sublime vertu.
Nous ne répétons qu'en frémissant les propres termes de cet insensé. Quoi!
la rébellion, aux yeux de la sagesse, deviendrait une vertu ! A quel aveugle-
ment ne porte point le délire de l'amour de la liberté ? Laissons vanter à
l'histoire ce fanatisme usé des anciennes républiques, ensevelies sous les dé-
bris de la Grèce et de l'Italie. Cette liberté qui les rendit si vaines, et sou-
vent si malheureuses, vaut-elle une dépendance telle que la nôtre, insensible
par sa douceur, précieuse par ses effets ? Sénat de Rome, Aréopage d'Athènes,
Éphores de Lacédémone, nos magistrats n'ont rien à vous envier ; vous fûtes
citoyens dans des républiques, ils savent l'être dans une monarchie, ils
servent également et leur prince et l'Etat entier.
Nous laissons à la Cour les conclusions par écrit que nous avons prises sur
les deux imprimés que nous venons d'avoir l'honneur de lui dénoncer.
Et se sont lesdits gens du roi retirés.
t. Ces deux écrits réfutaient cependant les théories absolutistes de Maupcou.
« La conformité de leurs principes avec ceux que le Parlement avait professés
aurait pu embarrasser les juges; mais l'avocat général, dans son réquisitoire,
dit que certaines questions politiques ne doivent pas èlre traitées par les écri-
vains. » (Jos. Droz, Eist. de Louis XVI, t. I, p. 171.) Celle appréciation du réqui-
sitoire est peu fidèle, quoique matériellement exacte.
2. Sur ce point délicat, il est clair qu'il convient de distinguer les rois, les
époques, les diverses classes ou fractions territoriales du Royaume. En ce qui
concerne Louis XV, il suffit de parcourir les Mémoires du marquis d'Argenson
cl, le Journal de /Sorbier pour y recueillir à pleines mains les preuves de son
impopularité ordinaire. D'ailleurs le peuple passe subitement de l'amour le plus
inexplicable ,i la haine la. plus violente, mais celle-ci finit par dominer. — Voyez,
pour la lin de l'ancien régime, lu dernière partie de cet ouvrage.
JUGE DES ÉCRITS 181
Eux retirés :
Vu les deux libelles imprimés ayant pour titre : le premier, Catéchisme du
Citoyen, ou Ëlémens du Droit public françois, par demandes et par réponses, à
Genève, aux dépens de la Compagnie, 1775, sans nom d'auteur, contenant
112 pages d'impression ; et le second, l'Ami des Loix, avec celle épigraphe :
Omne malum nascens facile opprimilur ; inveteratum fit plerumque robustius.
Cic, sans nom d'auteur ni d'imprimeur, ni du lieu de l'impression, contenant
32 pages. Conclusions du procureur général du roi. Ouï le rapport de Me Léo-
nard de Sahuguct, conseiller. La matière sur ce mise en délibération.
La Cour, toutes les Chambres assemblées, a ordonné et ordonne quelesdils
deux libelles seront lacérés et brûlés, au pied du grand escalier du Palais, par
l'exécuteur de la haute justice, comme séditieux, attentatoires à la sou-
veraineté du roi, et contraires aux loix fondamentales du royaume; fait dé-
fenses à tous imprimeurs, libraires, et autres, de les imprimer, vendre,
débiter ou autrement distribuer, à peine d'être poursuivis extraordinairement ;
enjoint à tous ceux qui en auraient des exemplaires de les remettre inces-
samment au greffe de la Cour, pour y être supprimés ; ordonne qu'à la re-
quête du procureur général du roi, et par-devant le conseiller-rapporteur, il
sera informé contre ceux qui auraient composé, imprimé, vendu, débité ou
autrement distribué lesdits deux libelles, même par-devant les lieutenants
généraux des bailliages, sénéchaussées, et autres juges des cas royaux, pour
l'impression, vente, débit et distribution desdits libelles qui auraient été
faits dans l'étendue desdites juridictions, et pour les témoins qui pourraient
être entendus dans lesdits lieux; et ce à la requête du procureur général du
roi, poursuite et diligence de ses substituts èsdits sièges ; permet audit pro-
cureur général du roi d'obtenir et faire publier des monitoires en forme de
droit ; pour, ce fait, rapporté et communiqué au procureur général du roi,
être par lui requis et par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra : ordonne en
outre que copies collationnées du présent arrêt seront envoyées aux bailliages
et sénéchaussées du ressort, pour y être lu, publié et registre; enjoint aux
substituts du procureur général du roi d'y tenir la main, et d'en certifier la
Cour dans le mois. Fait en Parlement, toutes les Chambres assemblées, le
trente juin mil sept cent soixante-quinze. Collationné : Lutton.
Signé : Le Bret.
Et le samedi, {"juillet 1775, à la levée de la Cour, lesdits deux libelles im-
primés, énoncés en l'arrêt ci-dessus, ayant pour titre : le premier : Catéchisme
du Citoyen, ou Élémens du Droit puclic François, par demandes et par réponses ;
à Genève, aux dépens de la Compagnie, sans nom d'auteur, contenant
112 pages d'impression; et le second, l'Ami des loix, avec cette épigraphe:
Omne malum nascens facile opprimitur, inveleratum fit plerumque robustius.
Cic., sans nom d'auteur ni imprimeur ni du lieu de l'impression, contenant
32 pages; ont été lacérés et brûlés, au pied du grand escalier du Palais, par
l'exécuteur de la haute justice, en présence de nous François Louis Du franc,
l'un des trois premiers et principaux commis pour la grand' chambre, assisté
de deux huissiers de la Cour.
Signé : Dufranc.
Collationné par nous écuyer, conseiller-secrétaire du roi, maison, couronne
de France, l'un des quatre anciens servants près sa Cour de Parlement. "
182 LE PARLEMENT
ARRÊT de la Cour du Parlement, extrait des registres du Parlement, du
6 septembre 1775.
Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre : Au premier
huissier de notre Cour de Parlement, ou autre huissier ou sergent sur ce
requis. Sçavoir faisons : Que, vu par la Cour les deux requêtes présentées par
Rom René Gillot, supérieur général de la Congrégation de Saint-Maur; la
première tendante à ce que, pour les causes y contenues, il plût à ladite Cour
donner acte au suppliant, de ce qu'il dénonce au procureur général du roi les
écrits imprimés et autres non imprimés, faits et signés par Dom de Vienne, et
par lui répandus avec la plus grande affectation jusqu'à les faire vendre dans
les endroits publics ; notamment un imprimé intitulé : Précis des contesta-
tions portées au Parlement de Paris par Dom de Vienne, commençant par ces
mots : Victimes des plus noires calomnies, et finissant par ceux-ci : deviendra
l'opprobre de mes adversaires, de l'imprimerie de Stoupe ; un deuxième imprimé,
intitulé : Instruction sur le provisoire, pour Dom de Vienne, commençant par
ces mots : Que les corps religieux sont imprudens, et finissant par ceux-ci,
avec lesquels il a essayé de les peindre, de l'imprimerie de Grange; un troi-
sième intitulé Addition, commençant par ces mots : Dom de Vienne a envoyé,
et finissant par ceux-ci : ou que la Cour ne lui accorderait pas sa demande,
de l'imprimerie de Grange ; un quatrième, intitulé : Mémoire pour Dom de
Vienne contre Dom de la Vaissière, Prieur de Sainte-Croix de Bordeaux, com-
mençant par ces mots : Chargé depuis vingt ans, et finissant par ceux-ci, j'ai
l'honneur d'être, de l'imprimerie de Grange; un cinquième, intitulé : Mémoire
pour Dom de Vienne contre Dom de la Vaissière. commençant par ces mots :
L'affaire qui m'a été suscitée, et finissant par ceux-ci : qui puissent, m'etre
communiqués, et un acte exlrajudiciaire du.... août 1775, sans énoncialion de
jour, de mois r, signifié par le nommé Michel, huissier, signé pour pouvoir
Dom de Vienne; pour être lesdits écrits imprimés et autres à la main, en-
voyés par ledit Dom de Vienne au suppliant, et joints à ladite requête, sup-
primés comme séditieux, calomnieux et injurieux, tant au corps de la con-
grégation, aux supérieurs et membres d'icellc, qu'à plusieurs autres per-
sonnes respectables qu'il y a compromis, et tendant à exciter la révolte et
d'opérer2 la subversion totale de ladite congrégation; et pour injonction lui
être faite de plus à l'avenir composer, faire imprimer et distribuer de pareils
écrits, sous telles peines qu'il plaira au procureur général du roi de requérir,
et à la Cour de statuer; comme aussi, à ce que défenses soient faites à tous
imprimeurs de plus à l'avenir imprimer aucuns écrits de Dom de Vienne; et
à tous procureurs et autres de favoriser et autoriser ladite impression par
leur signature, sous telles peines qu'il appartiendra ; et soit ordonné que
l'arrêt à intervenir sera imprimé, publié et affiché partout où besoin sera ; et
la seconde requête tendante à ce qu'il plût à la Cour donner acte au sup-
pliant, de ce que, par addition, il dénonce au procureur général du roi un
nouvel imprimé de Dom de Vienne, intitulé : Observations importantes, com-
mençant par ces mots : Dom de Vienne, et finissant par ceux-ci : à la Cour son
autorité suprême, signé :-Dom de Vienne, Alloneau, procureur, de l'imprimerie
1. Lire : du jour du mois.
2. Pour : à opérer,
JUGE DES ÉCRITS 183
de Grange, comme contenant les allégations les plus fausses, le cri de la
révolte la plus marquée, et tendant à la subversion totale de la discipline
monastique; faisant droit sur ladite nouvelle dénonciation, adjuger au sup-
pliant les fins et conclusions par lui prises dans sa précédente requête : Vu
aussi les imprimés attachés auxditcs deux requêtes : Ouï le rapport de
M0 Etienne Berthelot de Saint-Alban, conseiller : Tout considéré.
Notre dite Cour, faisant droit sur les conclusions du procureur général du
roi, ordonne que les écrits énoncés et joints aux requêtes du suppliant
seront et demeureront supprimés, comme séditieux, calomnieux et injurieux
et comme contraires à l'obéissance et à la subordination des inférieurs envers
leurs supérieurs ; fait défenses audit de Vienne, sous telles peines qu'il
appartiendra, d'en composer, faire imprimer et distribuer de semblables
à l'avenir ; à tous procureurs, de l'aider de leur ministère pour en favoriser
ou autoriser l'impression ; et à tous imprimeurs, de les imprimer ; ordonne
que le présent arrêt sera imprimé et affiché partout où besoin sera. Si man-
dons mettre le présent arrêt à exécution. Donné en notredite Cour de Parle-
ment, le sixième jour de septembre 1775, et de notre règne le deuxième.
Collationné, signé: Marré. Par la Chambre, signé : Le Pot u'Auteuil1.
ARRÊT de la Cour du Parlement, extrait des registres du Parlement du
7 septembre 4775, relatif à l'article du Mercure de France, intitulé : Diatribe à
l'auteur des Êpbémérides (août 1775, de la page 59 à la page 71).
...La Cour enjoint à la Harpe, auteur de Tarticle susmentionné, à Louvel,
censeur, et à La Combe, imprimeur, d'être plus circonspects à l'avenir ; leur
fait défenses de plus à l'avenir insérer dans ledit Mercure, approuver ni im-
primer aucunes réflexions et aucuns extraits d'ouvrages qui pourraient attaquer
la religion, le gouvernement et la mémoire de nos rois. Ordonne que le pré-
sent arrêt sera imprimé et affiché...
Me Léonard de Sahuguet avait été chargé du rapport. Voici les ré-
quisitions de l'avocat du roi, M8 Anloine-Louis Séguier, au nom dos
gens du roi.
Messieurs,
La Cour, par son arrêté du 18 du mois d'août, nous a remis le Mercure de
France du même mois, et nous a chargé de lui rendre compte des pages 59
et suivantes, jusques et compris la page 71.
11 y est question d'une brochure intitulée: Diatribe à l'auteur des Èphèmè-
rides , et on dit qu'e//e se trouve chez tous les libraires qui vendent des nou-
veautés.
\. Cet arrêt, rendu par la grand' chambre jugeant au civil, n'est pas une sup-
pression ordinaire d'ouvrages, mais do mémoires rendus publics. La forme en
est très différente de celle des condamnations ou suppressions proprement dites;
et nous ne l'avons inséré à sa date que parce qu'il intéresse l'État et l'Église,
et donne une idée des divisions devenues fatales aux Bénédictins. Voyez plus
haut, p. 127.
184 LE PARLEMENT
L'auteur de cet article, le sieur de la Harpe (car il a pris la précaution
d'annoncer que cet article est son ouvrage), l'auteur, disons-nous, comme
pour prévenir le lecteur sur l'extrait qu'il va présenter d'une satire aussi
méprisable que fanatique, ne craint pas de l'attribuer à un homme célèbre,
qu'il n'a pas jugé à propos de nommer; et c'est, dit-il, à de tels écrivains
qu'il appartient, surtout, de diriger l'opinion publique sur des matières impor-
tantes '.
Quels sont cependant les points sur lesquels on veut diriger l'opinion
générale? C'est la misère dont la nation a été accablée depuis Jules César jus-
qu'au grand Julien le philosophe. Ce prince, d'abord chrétien, ensuite apostat,
nous traita avec clémence ; il fit tout ce qu'a voulu faire depuis notre grand
Henri IV ; et bientôt, dans une comparaison odieuse pour un roi qui fera tou-
jours les délices de la France, feignant d'oublier que Henri le Grand, élevé
dans la religion prétendue réformée, en avait abjuré les erreurs pour rentrer
dans le sein de la religion catholique, l'auteur cherche à rendre le contraste
plus frappant, en opposant Julien, après son apostasie, à Henri, avant sa con-
version, et s'écrie : C'est à un payen et à un huguenot que nous devons les plus
beaux jours dont nous ayons jamais joui jusqu'au siècle de Louis XV2.
Nous ne relevons ici cette citation que pour vous faire mieux sentir et la
mauvaise foi de l'homme célèbre à qui on attribue cette diatribe, et la partia-
lité de l'éditeur qui en a rendu compte dans le Mercure. Quoi donc! sans faire
ici l'énumération de tous les rois qui se sont succédé sur le trône de la
France, les règnes de Louis XII, le Père du peuple, et de Charles V, sur-
nommé le Sage, ont été des règnes malheureux ; et la nation a gémi sous les
lois de tous les souverains qui ont précédé ce Henri, devenu la tige du mo-
narque bienfaisant qui nous gouverne !
C'était peu pour l'auteur de cet ouvrage licencieux d'attaquer l'adminis-
tration et la forme du Gouvernement de tous nos rois \ il s'est fait un plaisir
de tourner en ridicule notre religion sainte elle-même. Il semble imputer aux
1. La Diatribe ost un dos meilleurs écrits politiques de Voltaire, défendant les
lois économiques de Turbot, et particulièrement celle qui permettait la libre
circulation et le libre achat des blés. Celte lettre, adressée à l'abbé Baudeau,
partisan 1res zélé de Turgot, est datée du 10 mai 1775, cinq jours après la fin de
la guerre des farines, dont elle énonce les vraies causes.
2. L'édition Houssiaux porte à tort : Louis XIV.
3. « On eût dit que c'était à son peuple que Louis XIV fesait la guerre. 11 fut
réduit à opprimer la nation pour la défendre : il n'y a point de situation plus
douloureuse. » — Le cultivateur (Voltaire) qui est supposé écrire à l'abbé Ban-
deau lui demande surtout des éclaircissements sur deux points : « l'un est la
perte étonnante de neuf cent soixante et quatorze millions que trois impôts trop
forts et mal repartis », ceux du vin, du sel et du tabac, « coulent, selon vous,
tous les ans au roi et à la nation; l'autre est l'article des blés ». Voltaire prèle
ensuite an contrôleur général, homme d'église et jurisconsulte, versé dans les lois
divines et humaines, c'est-à-dire à l'abbé Terray, les raisonnements les plus
ridicules pour expliquer les lois restrictives de la vente et de l'achat des blés;
puis il arrive à ledit libérateur du 13 septembre 1 771 : « Gomment donc, disait
un vieillard plein de sens, il y a soixante ans que je lis les édits : ils nous
dépouillaient presque tous de la liberté naturelle en style inintelligible, et en
voici un qui nous rend nuire liberté, et j'en entends tous les mots sans peine!...
L 'humanité tenail la plume, et le Roi a signé! »
JUGE DES ÉCRITS 183
ministres de l'Évangile ' des troubles dont il ne faut peut-être chercher la
source que dans cet esprit d'indépendance répandu dans tous les États.
N'en doutez pas, Messieurs, la division qu'on voudrait élever, et qui ne sub-
sistera jamais, entre les ministres des autels et les dépositaires do l'autorité
royale; ce système de rivalité que les ennemis des uns et des autres ont pré-
tendu leur faire adopter ; celte diversité d'opinions qu'on a vue quelquefois,
mais qui n'intéresse que le corps politique de l'État, doit être envisagée
comme la cause cachée de tous les malheurs que la France a éprouvés. La
religion est un des principaux liens de la société ; on ne peut l'avilir sans ôter
le premier motif de l'obéissance des peuples; et, du moment que la religion
est exposée au mépris, on oublie aisément le respect que l'on doit à ceux qui
sont chargés par état de l'annoncer et de la défendre.
Le moment est arrivé où le clergé et la magistrature doivent se réunir, et,
par un heureux accord, écarter les atteintes que des mains impies vomi raient
porter au trône et à l'autel. Les magistrats, en veillant à la tranquillité pu-
blique et en rendant là justice aux citoyens, feront en même temps respecter
nos saintes Écritures, nos dogmes sacrés, nos divins mystères; et les succes-
seurs des apôtres, qui sont dépositaires de la doctrine et juges de la foi, les
ministres de l'Eglise à leur tour, en annonçant la parole de Dieu et en in-
struisant les fidèles, feront respecter l'autorité des lois, entretiendront les
peuples dans la soumission qu'ils doivent à leur souverain, et leur appren-
dront à regarder les oracles de la justice comme une portion de la justice
divine elle-même, qui veut qu'on obéisse aux puissances que le ciel a établies
sur la terre.
Celte précieuse harmonie bannira bientôt, du milieu d'un peuple religieux et
soumis, cette foule d'écrits licencieux, de brochures scandaleuses, de libelles
impics, . qui attaquent également et la majesté divine et la majesté royale. Les
écrivains du siècle, que rien n'a pu contenir jusqu'à ce jour, redouteront
cette union tant désirée du sacerdoce et de l'empire ; ils craindront également
et les censures ecclésiastiques et les regards vengeurs des ministres de la
loi. On ne les verra plus tourner en dérision les allégories' sacrées em-
ployées dans les saintes Écritures ; ils ne se feront plus un jeu de répandre
à pleines mains ce ridicule que la gaieté française saisit avec avidité ', qu'ils
1. « Henri IV se souvenait qu'il avait manqué de chemise et de dîner quand il
disputait son royaume au curé Guincestre el au curé Aubri. » 11 était l'arbitre
de l'Europe, « lorsqu'un maître d'école, qui avait été feuillant et qui venait de se
confesser à un jésuite, l'assassina à coups de rouleau dans son carrosse, au
milieu de six de ses amis, pour l'empêcher, disait-il, de faire la guerre à Dieu,
C'est-à-dire au pape ».Et,à propos de la guerre des farines : «J'entendis un petit
prêtre qui, avec une voix de stentor, disait (aux paysans) : Saccageons tout, mes
amis, Dieu le veut. Détruisons Imites les farines pour avoir de quoi manger. »
2. Voltaire prête au roi cette réflexion : « Le bon Dieu m'a fait roi de France,
et ne m'a pas fait grand panetier... Je pense que quand les sept vaches maigres
eurent dévoré les sept, vaches grasses, et que l'Egypte éprouva la disette, si
Pharaon, ou le pharaon, avait eu le sens commun, il aurait permis à son peuple
d'aller acheter du blé à Babylone et à Damas. »
3. « Qu'on songe à cette suite de misère, dit la Diatribe,ei on pourra s'étonner
de la gaieté dont la nation se pique. » Voltaire savait à quoi s'en tenir sur la
gaieté française.
186 LE PARLEMENT
prodiguent au défaut de raisons, et qui finirait par détruire l'antique croyance
de nos pères, dont la simplicité était préférable à la légèreté de nos principes
et de nos mœurs.
L'ouvrage dont nous avons l'honneur de vous rendre compte en ce moment
est tout entier de ce genre ; il ne présente qu'une ironie, aussi affectée que
criminelle, contre la magistrature et le clergé ; c'est un tissu de propositions
aussi déplacées que scandaleuses, qui n'ont peut-être d'autre but que d'exciter
dans les esprits une nouvelle fermentation. Pour prévenir de pareils excès,
nous croyons devoir proposer à la Cour d'enjoindre au sieur de la Harpe,
auteur de l'extrait qu'on lit dans le Mercure, d'être plus circonspect à l'avenir,
et requérir que défenses soient faites de plus à l'avenir insérer clansle Mercure
aucunes réflexions et aucuns extraits d'ouvrages qui puissent attaquer la
religion, le gouvernement et la mémoire de nos rois.
C'est l'objet des conclusions par écrit que nous laissons à la Cour, avec
l'exemplaire du Mercure qu'elle nous a fait remettre1.
Année 177(>
EXTRAIT des registres du Parlement, du 30 janvier 1776 2.
Ce jour, toutes les chambres assemblées, les princes et pairs y séant, les
gens du roi sont entrés; et M0 Antoine-Louis Séguier, avocat dudit seigneur
roi, portant la parole, ont dit :
Messieurs,
Nous avons pris communication du récit et de l'imprimé que la Cour vient
de nous faire remettre, il était déjà parvenu à notre connaissance, et nous
l'avions jugé plus digne de mépris que de censure. Les réflexions que cet au-
teur anonyme présente au public, les objections qu'il se fait à lui-même pour
les combattre, les différentes classes de citoyens qu'il semble vouloir attaquer,
l'espèce de cri séditieux avec lequel, en finissant, il cherche à soulever les
peuples, tout y annonce le fanatisme plutôt que la raison. Nous ne nous arrê-
terons pas à détruire le peju d'impression que cet écrit a pu faire sur les esprits ;
c'est en démontrer la futilité que de le condamner à l'oubli dont il ne devait
jamais sortir.
C'est l'objet des conclusions par écrit que nous laissons à la Cour, avec ledit
mprimé qu'elle nous a fait remettre.
Et se sont lesdits gens du roi retirés ;
Eux relirés :
Vu ledit imprimé commençant par ces mots : Bénissons le Ministre, et finis-
sant par ceux-ci : Que ce soit jamais pour les vôtres*. Conclusions du procureur
général du roi.
1. Paris, Simon (1775). Bib. nal., F, Paris-Parlement, à la date. — La même
année (!) sept.) le Châtelet condamna la Philosophie de la nature, par Delislo do
Sales (6 vol. in-12, 1770-74). — Le Consoil supprima la Diatribe (19 août) et quatre
autres écrits (F. Rocquain, toc. cit.).
2. A Paris, chez P. G. Simon, imprimeur du Parlejnent, rue Mignon-Saint-
André-des-Arcs, 1776. Pièce in-ï», 3 p. (Bib. nat., F).
3. Cette brochure (de Condorcet) demandait l'abolition de la corvée. C'est d'Es-
JUGE DES ÉCRITS 187
Ouï le rapport de M° Léonard de Sahuguet d'Espagnac, conseiller,
La matière mise en délibération :
La Cour ordonne que ledit imprimé sera et demeurera supprimé; enjoint à
tous ceux qui en ont des exemplaires de les apporter au greffe de la Cour pour
y être pareillement supprimés; fait défenses à tous imprimeurs, libraires, col-
porteurs et autres, de l'imprimer, vendre, colporter, ou autrement distribuer,
sous telles peines qu'il appartiendra, comme aussi ordonne que le présent
arrêt sera imprimé, lu, publié et affiché partout où besoin sera.
Fait en Parlement, toutes les chambres assemblées, les princes et pairs y
séant, le trente janvier mil sept cent soixante-seize.
Signé : Lebret.
ARRÊT du 16 février 1776, qui condamne une brochure intitulée : Théologie
portative, ou Dictionnaire abrégé de ta religion chrétienne1.
Le rapport fut fait par Mc Léonard de Sahuguet d'Espagnac. Voici
les réquisitions de l'avocat du roi, Séguier, devant l'assemblée plé-
nière, les princes et les pairs y séant.
Messieurs,
L'impiété fait tous les jours de nouveaux progrès; ce n'est point assez d'at-
taquer dans des écrits raisonnes les vérités fondamentales de notre religion
sainte, d'en altérer les principes, d'en combattre les dogmes, et de nier jus-
qu'à l'existence même de la Divinité, qui en est l'auteur et le soutien. Comme
cette espèce de discussion demande des lumières et ne peut être à la portée
de tous les lecteurs, l'irréligion, toujours fertile en expédients, l'incrédulité
qui se permet tout pour parvenir à ses fins, prennent aujourd'hui une route
plus courte et plus facile; la fausse philosophie qui ne cherche qu'à détruire,
sous prétexte d'enseigner, ce corps caché et toujours agissant qui semblait
n'être occupé qu'à préparer dans les ténèbres et à opérer tout à coup une ré-
préménil qui l'avait dénoncée; il avait accusé les économistes de former une
secte dans l'État; Turgot était clairement désigné à la vindicte parlementaire,
Le 22 février, il répondit par un Arrêt du Conseil qui supprimait divers imprimés
relatifs à la suppression des jurandes. En 1777, le Conseil intervint aussi fini.
heureusement pour protéger contre la censure de la Sorbonne VHistoire de
l'Astronomie, de Bailly, et les Époques de lu nature, de Buffon.
1. Deux volumes, par l'abbé Bernier, licencié eu théologie; nouvelle édition,
revue, corrigée et augmentée pur un disciple de l'auteur, avec cette épigraphe :
Audite hoc Sacerdotes, et attendue Domus Israël et Domus llei/is auscultate, quia
vobis judicium est, quoniam laqueus facti estis speculationi, et sicut rete expansum
super Thabor. Osée, caput v, vers. 1 ; imprimé à Rome avec permission et privi-
lège du Conclave. MDCCLXXVI. Le premier volume est précédé d'un avertisse-
ment, d'un avis et d'un discours préliminaire; il contient 196 p. d'impression
in-12. Le second contient 198 p. in-12. — L'abbé Bernier est un des nombreux
déguisements de Voltaire. — La Théologie portât iee fut brûlée le 17 février. —
L'arrêt ordonnait la prise de corps et la comparution de l'abbé Bernier et du
quidam se disant son disciple.
188 LE PARLEMENT
volution dans la croyance, dans le gouvernement et dans les mœurs, cette
secte impie vient enfin de lever le masque à un de ses disciples; il se montre
à découvert; le système d'iniquité qu'elle a enfanté, il le présente combiné et
réuni sur tous les points dans une brochure en deux volumes que nous venons
dénoncer à la Cour1...
L'auteur, quel qu'il puisse être, s'est proposé, comme il le dit lui-même dans
son avertissement, de donner au public une espèce de manuel, et, si l'on veut,
une Théologie de poche (ce sont ses propres expressions), dans laquelle chacun
trouvera 1res promptement la solution de toutes les difficultés qui pourraient
s'clcver sur cette importante matière.
La forme d'un dictionnaire a sans doute paru préférable pour répandre dans
les différents articles qui le composent, et reproduire en abrégé tout ce qui a
été dit dans tous les siècles contre la divinité de Jésus-Christ, contre la morale
de l'Évangile, contre l'authenticité des livres saints; enfin contre la réalité de
la mission et la sainteté du caractère des ministres de l'Église. Ce n'est point
par la force du raisonnement que ce prétendu Licencié en théologie s'est promis
d'affaiblir ou d'anéantir la preuve des vérités augustes qu'il entreprend de
détruire; c'est avec les armes du ridicule qu'il combat; il travestit les faits; il
métamorphose les actes; il dénature toutes les idées; la fable prend la place
de l'histoire; et le sarcasme règne partout dans ce libelle avec l'effronterie de
l'indécence assaisonnée du sel de la méchanceté, sans qu'on ait même pris la
peine de jeter un voile sur les obscénités les plus infâmes.
Il vous suffira, Messieurs, de parcourir, à l'ouverture même du livre, les
premiers articles qui tomberont sous vos yeux, pour vous convaincre du projet
criminel que cet auteur impie ne craint pas d'avouer. Nous nous garderons
bien de vous faire l'analyse d'un ouvrage que nous désespérons de caracté-
riser, faute de trouver des expressions assez fortes pour vous peindre le sen-
timent qu'il a excité dans nos âmes et qu'il doit exciter dans les vôtres; mais
vous y trouverez tout ce que la haine de notre religion sainte a pu inventer de
plus odieux pour la renverser; tout ce que l'impiété la plus méthodique a pu
inventer pour en saper les fondements; en un mot, tout ce que le paganisme,
l'athéisme et l'hérésie elle-même- ont pu imaginer de plus faux, déplus révol-
tant, de plus affreux : et c'est un livre de cette nature qu'on affecte de répandre
dans le public. Nous ne pouvons trop nous hâter d'en demander la flétrissure.
Les magistrats seront les premiers à donner l'exemple du respect dont ils
6eront toujours pénétrés pour les dogmes précieux, et les mystères sacrés d'une
religion instituée par un Dieu et qui se perpétuera, malgré les efforts de l'in-
crédulité, jusqu'à la consommation des siècles. Les ministres des autels eux-
mêmes applaudiront au zèle ardent que nous cherchons à vous inspirer; et ils
trouveront dans la sévérité dont vous allez user contre un ouvrage aussi scan-
daleux, un nouveau motif de prémunir les fidèles contre les prestiges de la
mauvaise foi et les blasphèmes de l'irréligion.
1. Suit le signalement matériel de l'ouvrage, — La première partie avait paru
en 1775.
2. Gradation assez curieuse. L'orateur dirait sans doute aujourd'hui : le paga-
nisme, l'hérésie et l'athéisme lui-même. Lorsqu'on s'étonna plus tard queNeckcr
fût si bien avec le clergé : « H n'est pas janséniste, répliqua un tin observateur,
il n'est que protestant. -
JUGE DES ÉCRITS 189
Nous laissons à la Cour ledit imprimé, avec les conclusions par écrit que
nous avons prises à ce sujet.
ARRÊT du 26 février 1116, qui condamne une brochure intitulée : Les In-
convénients des droits féodaux1. (Assemblée plénière, les princes et pairs y
séant.)
Le rapport fut fait par Mc Léonard Sahuguet d'Espagnac. Voici les
réquisitions de Séguier :
Messieurs,
Nous venons de prendre communication du récit et de l'imprimé que la Cour
nous a fait remettre, et sur lesquels elle nous demande des conclusions sur-le-
champ.
11 nous est bien difficile dans un si court espace de temps de rassembler
toutes les réflexions que doit faire naître un ouvrage de cette nature; nous ne
pouvons que gémir ici publiquement sur l'espèce de frénésie qui semble
agiter ces esprits turbulents que l'amour de la liberté et de l'indépendance
portent aux plus grands excès, et qui leur fait envisager le bonheur dans la
subversion de toutes les règles, de tous les principes, et dans l'anéantissement
même des lois qui ont assuré jusqu'à présent les propriétés non seulement
dans les familles, mais encore dans la personne même du souverain".
A la lecture des nouveaux écrits en tout genre dont le public est inondé, et
surtout à la vue de cette brochure sur les Inconvénients des droits féodaux, on
1. Avec cette épigraphç : Ili/ic... mali labes. Virg.; imprimé à Londres, et se
trouve à Paris, chez Valade, libraire, rue Saint-Jacques; 70 p. d'impression,
précédées d'un avertissement de l'auteur d'une page et demie. — Celte brochure
fut brûlée le 24 février. Elle est de Pierre Franc. Boncerf. Le 22 février 1776,
un arrêt du Conseil avait supprimé divers imprimés relatifs à la suppression
des jurandes : il était fondé « sur ce qu'il n'est pas permis aux avocats d'im-
primer des mémoires que dans les affaires contentieuses, et sur ce que le droit
de remontrances n'apparlienl qu'aux cours ». (Isambert, \v< 387.) La condamna-
tion de l'écrit de Boncerf, inspiré par Turgot, est la riposte du Parlement.
Boncerf avait pris le pseudonyme significatif de Francaleu (franc alleu). Son
livre a servi de base aux décrets du 4 août 178!). 11 en donna une nouvelle
édilion, augmentée d'une préface et de lettres de Voltaire, en 1791. Boncerf était
de Chazaux, et voisin d'un autre avocat célèbre par son dévouement à la cause des
serfs du mont Jura, Christirf, de Saint-Claude. Christin défendit Boncerf par la
publication de la Lettre (tu Père Polycarpek 1'av.ocal général Séguier, sur le livre
des Inconvénients féodaux : (oui le monde attribua cette Lettre à Voltaire, comme
d'ailleurs la Dissertation sur l'établissement de l'abbaye de Saint-Claude et la
Collection des mémoires présentés au conseil du roi par les habitants du mont
Jura (1772). La Révolution réunit ces deux hommes aussi grands et aussi désin-
téressés eme modestes : Christin fut député du bailliage d'Aval aux Etats géné-
raux; Boncerf, secrétaire du duc d'Orléans, devint officier municipal de la Com-
mune de Paris et fut chargé en 1790 d'installer le Tribunal civil dans le palais
même où son livre avait été condamné. — Des hommes comme Christin et
Boncerf expliquent assez la place éminente et légitime que les avocats prirent
dans la société contemporaine. Les deux Franc-Comtois se distinguent d'ailleurs,
au XVIIIe siècle, par une absence remarquable de vanité littéraire.
2. En effet, la monarchie n'a point détruit la féodalité. Elle se l'est plutôt
190 LE PARLEMENT
est tenté de croire qu'il existe dans l'État un parti secret, un agent caché, qui,
par des secousses intérieures, cherche à en ébranler les fondements; semblable
à ces volcans qui, après s'être annoncés par des bruits souterrains et des
tremblements successifs, finissent par une éruption subite et couvrent tout ce
qui les environne d'un torrent enflammé de ruines, de cendres et de laves,
qui s'élancent du foyer renfermé dans les entrailles de la terre.
Chaque peuple a ses mœurs, ses lois, ses coutumes, ses usages; ces insti-
tutions politiques forment l'ordre public; intervertir cet ordre, c'est souvent
toucher à la constitution même du gouvernement1 que les nations ont adopté;
il est reconnu que chez tous les peuples les lois tiennent à la nature de leurs
esprits, à leurs caractères, à leurs opinions; tout législateur doit donc con-
sulter le génie des hommes qu'il veut rendre ou plus sages ou plus heureux :
c'est d'après ce principe que nous avons vu différentes lois se succéder en
France; et la sagesse de nos souverains a toujours cherché, dans chaque cir-
constance qui exigeait une loi nouvelle, à la rendre, s'il est permis de parler
ainsi, analogue à l'esprit des Français. Par quelle fatalité arrivc-t-il au-
jourd'hui que les écrivains se font une étude de tout combattre, de tout dé-
truire, de tout renverser; et cet édifice des ordonnances, ouvrage de tant de
siècles, le fruit de la prudence des souverains, le résultat des veilles des mi-
nistres les plus éclairés, des magistrats les plus consommés, il est traité par
ces nouveaux précepteurs du genre humain avec ce mépris insultant dont les
rêveries de leur imagination, exallée par l'enthousiasme d'un faux système,
sont seules susceptibles 2.
Ce serait trop peu néanmoins de nous contenter de couvrir d'un mépris plus
juste l'ouvrage qui vous occupe en ce moment; il en est peu qui soit en effet
plus digne de votre attention et de votre sévérité. L'adresse avec laquelle
l'auteur a combiné toutes les parties de son système destructeur, l'art qu'il
emploie, est capable d'en imposer aux lecteurs qui ne sont pas versés dans la
connaissance des Lois et de l'Histoire, ou à ceux qui n'en ont qu'une teinture
superficielle. Le système qu'on veut accréditer est encore plus dangereux par
les conséquences qui peuvent en résulter de la part des habitants de la cam-
pagne, que l'auteur semble vouloir ameuter contre les seigneurs particuliers
dont ils relèvent. Il est vrai que ce projet ne se montre point à découvert; on
insinue qu'ils ne peuvent que s'adresser à leurs Seigneurs pour demander la
suppression et le rachat des droits seigneuriaux, qui ne pourra leuKêtrc refusé,
incorporée. Si l'origine théorique du pouvoir royal est le droit divin, l'origine
positive, c'est la propriété; qu'il y ait eu conquête, donation, échange, héritage
ou confiscation, roux qui ont de gré ou de force abandonné au roi la fraction de
terre et de pouvoir politique qu'ils détenaient, n'ont pu lui céder autre chose
que ce qu'ils possédaient réellement, ni perdre plus qu'ils n'avaient. Si la succession
au domaine direct était entière, la succession au domaine éminent était à charge
d'accepter implicitement ou explicitement les contrats antérieurs, c'est-à-dire les
droits particuliers aux vassaux, aux provinces, aux pays, aux villes, etc. Mais
lorsque l'absolutisme prétendit tirer de la plénitude de la souveraineté politique
celle de la propriété territoriale, il perdit en quelque sorte ses litres véritables.
1. Necker critique quelque part les conceptions républicaines appliquées à
l'institution des assemblées provinciales.
2. On voit que l'épithète de théoricien appliquée à Turgot ne date pas d'au-
jourd'hui.
JUGE DES ÉCRITS 191
si tous les vassaux se réunissent et sont d'accord pour faire les mêmes offres.
Mais n'cst-il pas sensible que cette multitude assemblée dans les différents
châteaux de chaque seigneur particulier, après avoir demandé cette suppression
et offert le rachat, échauffée alors par les maximes qu'on leur aura débitées,
voudra peut-être exiger ce qu'on ne voudra pas leur accorder; et, en cas de
refus, on les autorise à faire parvenir leur demande au Ministre, parce que le
Roi peut les affranchir, même sans le consentement des Seigneurs dans leurs
Fiefs ; et d'après cet acte d'autorité, l'auteur s'écrie que la liberté adorerait, ~<on au-
teur, et l'indépendance serait l'hommage perpétuel et le premier litre de vassalité.
Que d'idées inconciliables dans ce peu de mots! et c'est cependant avec ces
idées gigantesques et vides de sens que l'on se promet de séduire les faibles
et les ignorants, qui sont le grand nombre; mais en même temps quel danger
de laisser germer des principes aussi contraires à la constitution ancienne de
l'empire français1! Que deviendra la propriété, ce bien si sacré, que nos Rois
ont déclaré eux-mêmes qu'ils sont dans l'heureuse impuissance d'y donner
atteinte? Non seulement on veut détruire la propriété de tous les Seigneurs,
car les droits féodaux, les corvées, les banalités, les cens, et autres de celle
nature, sont une portion intégrante de la propriété; mais on ne craint point
de renouveler les attaques qu'on a voulu porter dans tous les temps au Domaine
de nos Rois, à l'inaliénabilité des droits de la Couronne 2. L'inaliénabilité, ce
droit si précieux, pour lequel nos pères ont combattu avec un courage si
héroïque', on le traite de phantôme, on le dénature, on l'anéantit, on voudrait
le faire envisager comme une barbarie inventée dans les premiers siècles de
la monarchie.
Les coutumes elles-mêmes, les statuts locaux qui régissent les différentes
provinces du Royaume, aux yeux prévenus de cet auteur téméraire, ce ne sont
plus, ainsi que les droits qu'elles4 établissent, que des usages commandés par
la tyrannie et multipliés par la violence; ils sont tous le fruit de l'ignorance et
de l'usurpation 5; et cependant personne n'ignore que les Coutumes, rédigées
sous les yeux des Magistrats, et en vertu de l'autorité du Roi,, ne sont, pour la
plupart, que l'effet de la convention et du concert des trois Ordres rassem-
1. Cette expression a un sons précis : elle indique la coexistence d'un certain
nombre de provinces ayant chacune leur statut.
2. Les rois firent de nombreuses ordonnances pour la conservation ou la
revendication de leur domaine, qui fut d'abord la seule et longtemps la princi-
pale source de leurs revenus (ex.: ord. de Charles VI, 2S fév. 1401). Mais ce fut
seulement François Ier qui dans la déclaration de Pau (30 juin 1539) déclara
inaliénable e1 imprescriptible le domaine fixe (réuni par édit, ou par une jouis-
sance décennale constatée en Cour des Comptes). Depuis, telle lui la doctrine
d'Etat, consacrée en 1566 par l'ordonnance de Moulins. Mais, eu fait, d'innombra-
bles aliénations ou engagements empêchèrent toujours la conservation ou la
restitution intégrales du domaine, rendues d'ailleurs inutiles par le développe-
ment des autres sources de revenus publics, et par la confusion progressive des
revenus du roi et de ceux du royaume.
3. Allusion à ce que nous nommons l'intégrité du territoire national, chose fort
distincte du domaine.
.4. Sic, pour /7.5.
5. Comparez le préambule de la Déclaration des Droits de l'homme et du
citoyen.
192 LE PARLEMENT
blés, qui y ont donné leur consentement, et s'y sont librement et volontaire-
ment soumis.
Si l'esprit systématique, qui a conduit la plume de cet écrivain, pouvait
malheureusement s'emparer de la multitude, on verrait bientôt la constitution
de la Monarchie entièrement ébranlée; les vassaux ne tarderaient pas à se
soulever contre les Seigneurs, et le peuple contre son souverain. L'anarchie la
plus cruelle deviendrait la suite nécessaire d'une indépendance d'autant plus
redoutable que rien ne pourrait en prévenir ou en arrêter les effets.
Ces considérations nous ont déterminé à vous proposer de faire lacérer et
brûler une brochure aussi séditieuse, après lui avoir donné les qualifications
les plus fortes1; puisse cet exemple de sévérité prévenir de pareils excès de la
part de ceux qui, cachés sous le voile du mystère, se font un plaisir de semer
dans le public des idées capables de troubler la tranquillité et de renverser la
propriété de tous les citoyens!
C'est l'objet des conclusions par écrit que nous avons prises, et que nous
laissons à la Cour, avec l'imprimé et le récit qu'elle nous a fait remettre.
EXTRAIT DES REGISTRES DU PARLEMENT
DU SAMEDI 30 MARS 177G
Ce jour, toutes les chambres assemblées, la Cour, considérant qu'il importe
à la tranquillité publique de maintenir de plus en plus les principes anciens
et immuables qui doivent servir de règle à la conduite des peuples, et que
quelques esprits inquiets ont paru vouloir altérer, en essayant de répandre des
opinions systématiques et des spéculations dangereuses ;
Considérant en outre que, de la licence à laquelle se sont livrés ces esprits
inquiets, il est déjà résulté en divers lieux des commencements de trouble
également contraires à l'autorité du Roi, aux droits de propriété des seigneurs
et aux véritables intérêts du peuple ;
Considérant enfin qu'il est de son devoir, et conforme aux intentions du
Roi de maintenir l'ordre public, fondé sur la justice et sur les lois, et auquel
la Monarchie doit, depuis tant de siècles, sa prospérité, sa gloire et sa tran-
quillité : Ouïs les gens du Roi;
Ladite Cour a ordonné et ordonne à tous les sujets du Roi, censitaires, vas-
saux et justiciables des seigneurs particuliers, de continuer, comme par le
passé, à s'acquitter soit envers ledit seigneur Roi, soit envers leurs seigneurs
particuliers, des droits et devoirs dont ils sont tenus à leur égard, selon les
ordonnances du royaume, déclarations et lettres patentes du roi, dûment
1. « Injurieuse, dit l'arrêt, aux loix et coutumes de la France, aux droits sacrés
et inaliénables de la Couronne, et au droit des propriétés des particuliers, et
comme tendant à ébranler toute Ja constitution de la Monarchie, en soulevant
tous les vassaux contre leurs Seigneurs et contre le Roi même, en leur présen-
tant tous les droits féodaux et domaniaux connue autant d'usurpations, de vexa-
tions et de violences également odieuses et ridicules, et en leur suggérant les
prétendus moyens de les abolir, qui sont aussi contraires au respect dû au Roi et
à ses Ministres qu'à la tranquillité du royaume. » Amas d'epilhètes, mauvaise...
critique! Le respect dû aux Ministres est piquant. Tout l'auditoire savait que le
ministre Turgot avait inspiré et autorisé Doncerf, auteur des Inconvénients.
JUGE DES ÉCRITS 193
vérifiées, regislrées et publiées en la Cour, coutumes générales et locales,
reçues et autorisées, litres particuliers et possessions valables des seigneurs.
Fait très expresses inhibitions et défenses d'exciter soit par des propos, soit
par des écrits indiscrets, à aucune innovation contraire auxdits droits et
usages légitimes et approuvés, sous peine, contre les contrevenants, d'être
poursuivis extraordinairement comme réfractaires aux lois, perturbateurs du
repos public, et de punition exemplaire : Enjoint à tous les juges du ressort
d'y tenir la main chacun en droit soi ; ordonne qu'à cet effet le présent arrêt
sera, à la poursuite et diligence du procureur général du roi, incessamment
envoyé à tous les bailliages et sénéchaussées du ressort, même aux justices
seigneuriales ressortissantes immédiatement en la Cour, à l'effet d'y être lu,
public, registre et exécuté selon sa l'orme et teneur; enjoint aux substituts du
procureur général du roi, et aux procureurs liscaux, d'y faire procéder sans
délai, et d'en certitier la Cour au mois : Ordonne, en outre, que le présent
arrêt sera imprimé, publié et affiché en cette Ville de Paris, et partout où
besoin sera.
Fait en Parlement, toutes les Chambres assemblées, le trente mars mil sept
cent soixante-seize. •
Signé : Lebret.
ARRÊT de la Cour du Parlement, qui condamne un écrit intitulé le Monar-
que accompli, etc., par Mc Lanjuinais r, principal du collège de Moudon, avec
cette épigraphe latine : Narrando laudare et laudando monere, novum scribendi
tjenus haçtenus intactum2 (3 mai 1776).
ANALYSE DES REQUISITIONS DE SEGUIER
L'objet apparent de cet écrit était l'éloge d'un prince parfait, que
l'auteur pensait reconnaître dans l'empereur Joseph II. 11 rapproche,
pour composer ce modèle idéal, les prodiges de honte, de savoir et de
sagesse qui distinguent ce nouveau Trajan; il ne donne que des faits,
discutés au Tribunal de la raison et de l'équité. Tout en se deman-
dant de quel droit un particulier « se permet d'interroger les actions
^\'nn souverain », et de le citer à ce prétendu tribunal, l'avocat
général Séguier ne peut que s'associer à l'éloge enthousiaste du beau-
frère du roi de France. Mais ce n'est là qu'un voile trompeur dont
l'auteur s'est servi [tour en imposer à la multitude et écarter le bras
de la Justice. Il est semblable « à certains incrédules, qui n'affectent
jamais plus de respect pour la Divinité que lorsqu'ils veulent saper
les fondements de la Religion ». Le tableau qu'il trace de la misère
des peuples est exagéré en lui-même. Les réflexions dont il l'accom-
1. Joseph, réellement principal du collège de Moudon (canton de Vaud), et non
Jean-Denis.
2. 3 vol. Lausanne, chez Pierre Hcubach, MDCCLXX1V. (Le rapport fut fait par
M. Léonard de Saûuguet d'Espaguac, conseiller.)
13
194 LE PARLEMENT
pagne sont séditieuses. Il brise les liens qui rattachent les sujets au
Roi, « oubliant que le monarque ne peut exister sans sujets ». 11 les
excite à égorger les monstres qui décorent leur substance, ou, si la
fortune vient à les tromper, à ne pas mourir sans être cengés de leurs
maux. Les Rois trembleront devant vous, ajoute-t-il, et vous ne trem-
blerez devant personne... Il est une époque qui devient nécessaire dans
certains gouvernemens, époque terrible, sanglante, mais le signal de
la liberté : c'est la guerre civile dont je veux parler. Dans la bouche
même de l'empereur d'Allemagne sont placés les discours sangui-
naires que « ce prétendu principal du collège de Moudon » a com-
posés « de sang-froid, dans le silence du cabinet ». L'ouvrage est
d'un prédicant insensé et fanatique, d'un novateur systématique et
dangereux, à la condamnation duquel tous les souverains, et l'em-
pereur lui-même, applaudiront.
Année 1777
ARRÊT du 18 janvier 1777, qui supprime un recueil intitulé: Suite de la
justification du sieur de Beaumarchais1.
Au nombre des différentes pièces que ce recueil renferme (dit Séguier dans
ses réquisitions), nous avons trouvé, dans une requête également imprimée
du sieur de Reaumarchais, un discours qu'il s'était proposé de prononcer à
votre audience. La sagesse, qui accompagne toujours vos démarches, ne vous
permit point alors de lui accorder la faculté qu'il demandait d'être entendu
dans sa propre défense. Les mêmes motifs de prudence qui avaient déterminé
la Cour à ne point permettre au sieur de Reaumarchais de prononcer ce
discours lors de la plaidoirie de la cause, auraient dû lui faire comprendre
qu'il était également dans l'intention de la Cour qu'il ne fût point rendu
public par la voie de l'impression. C'est l'objet des conclusions par écrit que
nous avons cru devoir prendre, et que nous laissons à la Cour avec l'imprimé
en question.
ARRÊT de la Cour du Parlement2, qui ordonne qu'un libelle intitulé '.Motifs
de ne point admettre la nouvelle Liturgie de M. V Archevêque de Lyon>, sera
lacéré et brûlé par l'exécuteur de la haute justice. — Du 7 février 1777.
...Cet écrit anonyme, dit Séguier, paraît avoir été destiné à empêcher le
\. Rapporteur : Mc Léonard de Sahuguet d'Espagnac. — Fait en Parlement, les
grand'chambre et tournelle assemblées. — Collalionné Lutton, signé Dufranc. —
Pièce iu-4°, 2 pages (P. G. Simon).
2. Pièce in-i° de 8 pages.
:i. 1 vol. in-12 de 13G p., non compris la table (s. n. d'âUteur ni de lieu). 11
commence par ces mots : « Le chapitre primatial île LyOn refuse depuis huit ans
une liturgie nouvelle», et finit par ce texte de saint Augustin î Quod invenerunt in
Ecclesia, tenuerunt; quod didisceriint, tenuerunt; quod a patribus aeceperunt hoc
filiis tradiderunt.
JUGE DES ÉCRITS 195
chapitre de Lyon de recevoir le nouveau bréviaire rédigé par les soins et sous
les ordres du Prélat placé à la tête de ce diocèse, et il a été répandu dans le
public peu de jours avant la tenue du chapitre général, où il devait être
question de délibérer sur l'acceptation du nouveau bréviaire.
Le chapitre a cependant accepté le nouveau bréviaire (13 nov.
1776). L'ouvrage poursuivi n'est donc pas l'œuvre du chapitre, mais
d'un particulier téméraire, anonyme, qui affecte de parler au nom
du chapitre.
Rien de plus indécent que le ton de cet auteur. Il reproche à l'ar-
chevêque des innovations, il l'accuse de vouloir opérer une subversion
totale du rit et des prières de son Église. Ailleurs, il incrimine V aus-
térité pharisaïque du syndic diocésain. Il ose avancer que ce qu'il
nomme les révolutions liturgiques ne sont pas sans danger pour la
Foi... Les sectaires, ajoute-t-il, avaient le goût de la réformation des
anciennes liturgies; voilà le piège oii ils ont pris tant de simples
fidèles. Le culte ancien attachait le peuple à la foi de Rome; et les nova-
teurs, jaloux de rompre ce lien, s'attachèrent d'abord à persuader qu'on
pouvoil loucher aux rils extérieurs. Mais, du moins, les anciens sec-
taires se séparaient avec éclat; les novateurs modernes ont un autre
système, celui de corrompre la liturgie, pour y faire entrer peu à peu
leu?'s erreurs favorites. L'auteur injurie l'Église gallicane; toutes les
nations catholiques, dit-il, récitent sans défiance leurs anciennes
prières : et ce n'est qu'en France, ou les nouvelles erreurs ont fait des
progrès, que les nouveaux bréviaires sont accueillis. Ailleurs, oubliant
son principal objet, il compare le Bréviaire de Paris au Veau d'or ' :
son auteur, dit-il, s'appelle Légion. Si Paris donne des modèles de
littérature, il n'est pas le centre de l'unité catholique ni l'asyle de la
piété, il a été au contraire le siège des nouvelles erreurs.
De telles paroles sont d'autant plus condamnables que le Bréviaire,
de Paris a été adopté, dans la province même de Lyon, par les diocèses
de Ghâlons et de Dijon.
D'ailleurs, le Libelle ne fait que reproduire ou développer, ou
appliquer à la nouvelle circonstance des Écrits condamnés déjà en
Parlement, les 8 et 20 juin 1736 : ce sont la Lettre sur le Nouveau
Bréviaire de Paris, et la Remontrance, ou seconde Lettre à M. l'arche-
vêque de Paris2. Aussi Séguier emprunte-l-il ses conclusions aux
1. Ailleurs, à un ruisseau infect, dans lequel l'église de Lyon doit se garder de
puiser, quoique M. de Yintimille, archevêque de Paris, dont la religion avait été
surprise, se fût efforcé de l'épurer à deux reprises. — C'est à l'édition de 1736
que se rapportent les injures du Libelle.
2. Celte année même 1717 l'archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, avait
196 LE PARLEMENT
réquisitoires mêmes que son prédécesseur Gilbert de Voisin prononça
contre ces deux libelles.
Ne doit-on pas craindre, ajoule-t-il, qu'on n'ait eu pour but de renouveler
des disputes sur des matières que l'autorité réunie de l'Eglise et de l'État ont
voulu ensevelir dans le silence le plus profond? Mais l'homme de parti ne res-
pecte aucun frein...
Suivent les conclusions et l'arrêt de condamnation, lequel fut exécuté
le 8 février 1777'.
ARRÊT du 13 mars 1777, qui supprime un imprimé qui se débile publi-
quement, contenant le récit fait par un de Messieurs, lors de l'Assemblée des
Chambres du 28 février dernier*, comme contraire aux règlements concernant
la librairie.
ARRÊT du 11 avril 1777 ', qui condamne une brochure intitulée : Plan de
l'Apocalypse*.
... A juger de cet ouvrage par le titre (dit Séguier dans ses réquisitions), on
se persuade d'abord que l'auteur s'est proposé de tracer la .marche de l'esprit
divin dans un de ces livres sacrés qu'il a inspirés, et où la raison humaine se
confond et se perd lorsqu'elle s'efforce d'en interpréter les mystères s ; mais,
en parcourant cet imprimé, on reconnaît bientôt qu'il n'a été composé que
pour annoncer le rappel d'une société qui ne subsiste plus ni dans l'Église ni
dans l'État; détruite en France, ainsi que dans plusieurs autres royaumes voi-
sins, par l'autorité de la puissance royale, sa dissolution a été de même pro-
noncée, son extinction a été entièrement exécutée par le concours de l'autorité
ecclésiastique. Comment pourrait-elle se promettre de renaître aujourd'hui de
ses cendres ?
laissé passer la fêté «lu Sacré-Cœur dans une nouvelle édition du Missel de Paris :
le garde des sceaux séquestra l'édition. On sait que les Cordicoles et les Jésuites
étaient exactement la même société.
i. Les passages en italiques, extraits des Motifs, etc., se trouvent aux pages :
4, 30, 51, 54, 58, 59, 60, 85, 86. — P. 95, l'auteur reproche à l'archevêque de Lyon
d'avoir ajouté au Bréviaire des offices pour saint Fulgence et saint Prosper
(auteurs favoris des gallicans et des jansénistes).
2. ln-8° de 8 pages (s. n. il. 1. ni d'à.) commençant par : Vendredi 28 février,
et finissant par : Que le tout serait communiqué aux yens du Roi. — C'est un
récit de d'Lspréniénil contre le premier emprunt de Necker, avec lequel il avait
eu des discussions violentes aux assemblées de la Compagnie des Indes.
.'!. Pièce in-i°, 6 pages (Bib. nat., F).
î. In-12 de 93 pages, M DCC LXXIll (s. n. d'auteur ni de lieu). — La brochure
fut remise aux gens du Roi le 28 février 1777. D'Espagnac fit le rapport.
•'). Témoin Newton. — De nos jours, l'Apocalypse a été interprétée historique-
ment par M. Renan, dans l' Antéchrist, et le sens général en est devenu incontes-
table.
JUGE DES ÉCRITS 197
Que les nouvelles étrangères répandent dans le public que quelques parti-
culiers fugitifs et isolés ont été recueillis dans des États lointains et qu'ils y
ont trouvé un asile qui ne leur était pas refusé dans leur patrie, en se plaçant
dans la classe des autres citoyens, et en se soumettant aux mêmes obligations;
que les feuilles périodiques dont l'Europe est inondée annoncent que la souve-
raine d'un vaste empire les a appelés dans ses possessions, et qu'elle ne craint
pas de leur confier une maison destinée à l'éducation de la jeunesse : on peut
sans doute ne pas ajouter foi à des récils dont rien ne garantit la sincérité ;
nous serions en droit de regarder ces événements comme des fables inventées
à plaisir pour favoriser la prétention de la société et de ses partisans; nous
traiterons de même de ebimère la prétendue élection d'un général des ci-devant
soi-disant jésuites. Quel est l'homme sensé qui peut croire à une élection
obscure et clandestine, faite dans une assemblée inconnue, par des gens sans
titre et sans caractère, par des religieux sans pouvoir comme sans mission?
Cette élection serait bientôt désavouée par toutes les puissances catholiques ;
et s'alarmer d'un bruit aussi inecriain, ce serait donner de la réalité à ce fan-
tôme.
Si, parmi les membres de cette société anéantie, il existait des esprits assez
crédules pour se flatter de former encore une congrégation réelle, de même
que ce peuple errant et répandu dans le monde entier, partout proscrit, par-
tout rejeté, se tlatte toujours de former un corps de nation, il est impossible
de dissiper un aveuglement involontaire, mais qui sert à entretenir des espé-
rances chimériques dans des esprits intéressés à en perpétuer l'illusion; nous
n'entreprendrons point de les convaincre; nous nous contenterons d'assurer
la Cour qu'il n'y a rien à craindre sur le rétablissement de la société; notre
ministère veille sur ses démarches, et si quelques-uns des membres qui l'ont
anciennement composée se sont trouvés ensemble chez leurs anciens partisans,
c'était tout au plus pour y confondre leurs regrets, et jouir du commerce de
ceux qui leur avaient été attachés.
L'ouvrage qui nous occupe en ce moment, ce Plan de l'Apocalypse, destiné
à annoncer au public l'époque prélendue de leur rappel, est un des chefs-
d'œuvre de l'extravagance de l'esprit humain ; c'est le fruit d'une imagination
exaltée qui ne voit, qui n'est occupée que du retour de la société ; et l'auteur,
pénétré de cet unique objet, après avoir vérifié que les livres saints avaient
annoncé la dispersion des Juifs et leur rappel à Jérusalem, veut également
trouver dans les saintes Ecritures l'anéantissement de la société et son réta-
blissement annoncés par les Prophètes : et ce rétablissement est fixé pour la
présente année 1777 \
Cette brochure va plus loin :
Elle annonce un nouvel Empire, un Empire purement chrétien, un Empire
qui proscrit l'infidélité; et l'auleur, prenant le ton d'un inspiré, prédit que
l'Empire sera désormais dans l'Eglise, ou plutôt sera l'Eglise même, qu'il
n'admettra que des sujets chrétiens, parce qu'alors l'Emvire et l'Église ne seront
qu'une même chose.
l.^Page 22.
198 LE PARLEMENT
Cet espoir fanatique d'une domination universelle est contraire
aux principes sur lesquels repose la stabilité des empires. Ces pré-
tendues prédictions sont contraires à l'esprit et aux dogmes du chris-
tianisme. Deux raisons, dit Séguier, de condamner un imprimé plus
digne d'ailleurs de mépris que de censure.
Le Plan de l'Apocalypse fut lacéré et brûlé le 12 avril 1777 (procès-
verbal signé Ysabeau, faisant suite à l'arrêt).
ARRÊT du 20 septembre 1777, qui supprime l'imprimé ayant pour titre :
Extrait du Registre des délibérations des officiers du baitliage et siège présidial
de Sens, daté du i septembre 1777 l.
Cette délibération contenait des Remontrances relatives à Ledit
d'août 1777, portant règlement en matière de présidialité. Or, un pré-
sidial n'avait que le droit d'envoyer des Représentations au garde des
sceaux. Cet imprimé avait été adressé à tous les présidiaux du
royaume.
Année 1778
ARRÊT du 7 janvier 1778, supprimant l'imprimé ayant pour titre : Consul-
tation pour le baron et le baronne de Bagges, par l'avocat Dassy2.
Il s'agissait d'une substitution faite sur des biens fonciers situés en
Hollande, et à laquelle la testatrice n'avait appelé que ceux de ses héri-
tiers qui feraient profession de la religion réformée. Un de ceux-ci,
catholique, plaida devant les tribunaux français la nullité de la clause,
et gagna un procès qu'il aurait sans doute perdu en Hollande. La Con-
sultation de l'avocat Dassy (qui fut exclu de son ordre pour cet écrit)
attaquait la procédure suivie par l'héritier catholique, défendait la
liberté de tester et la liberté de conscience. 11 renfermait des expres-
sions violentes contre l'archevêque de Paris.
ARRÊT du 16 décembre 1778, qui supprime le mémoire intitulé : Réfutation
1. Cet Extrait portait le nom de Tarbé, imprimeur du roi, à Sens. Le réquisi-
toire fut fait (en vacations) par Mc Mathieu-Louis de Mauperché, substitut du
procureur général. Il tient en une demi-page.
2. Arch. nai;., X 1b 8970. — C'est la même année que M. de Bretignières devait
demander, inutilement, la constitution de l'état civil des protestants (minute du
15 déc. 1778, X 1b 8972). Comp. Merlin, l\ép. de Jurisprudence, Religionnair,es,
par. 6, — Dufey, Hist. des Parlements, 1. 11, p. £21,
JUGE DES ÉCRITS 199
pour l'abbé Carbonncl, chanoine de Savit-Louis-du-iouvre, grand-vicaire de
M. l'évoque de Grasse, comme calomnieux..., condamne ledit abbé Carbonnel
en 300 livres de dommages-intérêts envers messirc Louis-Henri de Villeneuve,
des comtes de Barcelone, marquis de Trans, premier marquis deFrance, colonel
d'infanterie..., applicables de son consentement en œuvres pies1...
Année 1779
ARRÊT du 13 juillet 1779 % portant suppression de trois Mémoires intitulés :
Mémoire pour les nourrisseurs et herbagers et pour les marchands fo-
rains de bestiaux approvisionnant les marchés de Sceaux et de Poissy (pièce
in-4° de 52 pages).
Second Mémoire pour [les mêmes], servant de réponse aux différentes ob-
jections proposées contre le premier, et d'éclaircissement sur d'autres points
intéressants (pièce in-i° de 18 pages).
Mémoire pour les marchands bouchers de Versailles, de Corbeil, de Saint-
Germain, de Montmorency, de Saint-Denis et des environs de Paris sur la
nouvelle Caisse de Poissy (pièce in-4° de 6 pages) 5.
La minute ne contient pas le rapport de M'' Léonard Sahuguel
d'Espagnac, conseiller de grand'chambre. Les trois écrits sont con-
damnés comme clandestins, et parce qu'ils contenaient « des décla-
mations indécentes contre un établissement émané de l'autorité
royale et formé en vertu d'un édit enregistré à la Cour »4,
Année 1780
ARRET DE LA COUR DU PARLEMENT
QUI SUPPRIME UN IMPRIMÉ COMME SCANDALEUX, TÉMÉRAIRE ET INJURIEUX
POUR LA MAGISTRATURE
EXTRAIT DES REGISTRES DU PARLEMENT
DU SEPT SEPTEMBRE MIL SEPT CENT QUATRE-VINGT
Ce jour, à l'issue de l'audience de sept heures, les gens du Roi sont entrés,
t. Rendu on la Tournelle criminelle.
2. Arch. nat., X 1b 8972.
3. Sur le fond de la question voyez : Isambert, n° 3J3; Œuvres de Turgot (éd.
Daire), t. II, p. 317; Necker, Administra lin» des finances de la France, t. I, p. 17
et 80 (édition de 1784); Décret de l'Assemblée constituante supprimant la caisse
de Sceaux et de Poissy (13 mai 1791). — Encyclopédie méthodique (Finances), au
mot Caisse.
4. La même année 1779 (19 déc), le Conseil supprime les Observations sur le
mémoire, justificatif de la Cour de Londres (par Beaumarchais) : Isambert,
(no 1235).
200 LE PARLEMENT
et, Mc Antoine-Louis Séguier, avocat dudit Seigneur roi, portant la parole,
ont dit :
Messieurs,
Nous apportons à la Cour un imprimé ayant pour titre : Observations pour
la dame Leferon-Dubreuil'. Nous voyons avec douleur qu'on s'est servi de
cet imprime pour répandre une sorte de diffamation contre un des membres
de la Cour ; et, non content des injures consignées dans cet imprimé, on n'a pas
craint d'y joindre la copie d'une lettre signée de la dame Leferon-Dubreuil,
qu'elle avait écrite à ce magistrat, dans l'idée sans doute de justifier aux yeux
du public les observations qu'elle se permettrait, et d'en constater de plus
en plus la vérité par la gravité des outrages renfermés dans cette même
lettre.
C'est un mal qui commence à se répandre; on se permet d'injurier des
magistrats dans des écrits rendus publics, et, lorsqu'on n'a aucun motif pour
les récuser, on vent en quelque sorte les forcer à se récuser eux-mêmes, par
les imputations, secrètes ou publiques, qu'on ne craint pas de hasarder contre
leur honneur et leur intégrité. Notre ministère nous oblige de nous élever
contre un abus aussi dangereux; il semble que, jusque dans le temple de la
justice, ou oublie le respect dû à la magistrature; et ceux mêmes qui de-
vraient en être le plus pénétrés, parce qu'ils approchent de plus près des mi-
nistres de la loi, sont souvent les premiers à oublier ce qu'ils doivent aux
magistrats que le Souverain a rendus les dépositaires de son autorité, ou les
organes de sa volonté et de ses droits.
L'honneur d'un magistrat appartient tout entier au corps auquel il a le bon-
heur d'être attaché; c'est à nous à le défendre lorsqu'il est attaqué : cette
fonction est trop précieuse à notre ministère, pour ne pas en faire usage en
ce moment, et contre la distribution d'un imprimé aussi téméraire qu'il est
scandaleux, et contre la distribution de la copie d'une lettre qui serait de-
meurée dans les ténèbres, si la personne qui l'a écrite ne s'était pas permis
de la distribuer a\cc une sorte d'affectation dans tout le public. Celte lettre est
un vrai libelle ; elle présente une diffamation : et nous osons espérer que la
Cour voudra bien entrer dans nos vues, et, par un exemple de sévérité, pré-
venir un pareil scandale à l'avenir.
C'est l'objet des conclusions que nous avons prises par écrit, et que nous
laissons à la Cour avec ledit imprimé, la copie de ladite lettre, et l'original
qui nous a été remis à cet effet.
Et se sont lesdils gens du Roi retirés, après avoir laissé le tout sur le bu-
reau.
Eux retirés :
Vu un imprimé intitulé : Observations pour la dame Leferon-Dubreuil, com-
mençant par ces mots : Ce serait ajouter à ses malheurs, et finissant par
ceux-ci : Signé : De Sourdeval, Leferon, ladite lettre enfermée dans une enve-
loppe. Conclusions du procureur général du Roi : Ouï le rapport de Mc Etienne
Berthclot de Saint-Alban, conseiller. Tout considéré.
La Cour ordonne que ledit imprimé sera supprimé, comme scandaleux, tc-
1. Dans le Recueil d'Isambert (n° 1392), le titre de l'ouvrage est inexactement
transcrit : Observations pour la dame Le front.
JUGE DES ÉCRITS 201
méraire et injurieux à la magistrature ; enjoint à tous ceux qui en ont des
exemplaires, de les apporter au greffe de la Cour pour y être 'supprimes;
donne acte au procureur général du Roi de la plainte qu'il rend contre les au-
teurs et distributeurs tant dudit imprimé que de la copie de la lettre y
jointe; ordonne qu'à la requête du procureur général du Roi, et par-devant le
conseiller rapporteur, que la Cour commet à cet effet, il en sera informé,
môme en temps de vacations ; pour, l'information faite, rapportée et commu-
niquée au procureur général du Roi, être par lui requis ce qu'il appartiendra,
et par la Cour ordonné ce que de raison; ordonne que ledit imprimé, la copie
de ladite lettre, ensemble l'original de ladite lettre seront et demeureront dé-
posés au greffe de la Cour, pour être joints à la procédure, et servir à l'in-
struction et au jugement du procès ce qu'il appartiendra ; ordonne que le présent
Arrêt sera imprimé, lu, publié et affiché partout où besoin sera. Fait en Par-
lement le sept septembre mil sept cent quatre-vingt. Collalionné : Lrrrox.
Signé : Ysabeau.
OBSERVATIONS
POUR LA DAME LEFERON DU BREUIL
Ce serait ajouter à ses malheurs que d'exiger qu'elle donnât sa requête en
récusation contre M. l'abbé Pommyer ; l'aveu qu'il a fait des faits qu'elle a ar-
ticulés dans sa lettre à M. le garde des sceaux est plus que suffisant
pour qu'il ne doive plus connaître de ce qui la concerne; mais il est un moyen
bien plus simple, plus propre au bien de la justice, et qui, en écartant
M. l'abbé Pommyer, lui évitera les désagréments d'une récusation publique.
Toutes les procédures faites sous le nom du sieur Leferon, notoirement fol,
furieux, et dans des liens équivalents à ceux d'une interdiction, sont nulles;
parce qu'un Arrêt contradictoire, du 1G juillet 1762, l'avait remis sous l'au-
torité de la sentence du 10 mai 1758, qui lui avait, d'après l'avis de ses parents,
nommé la demoiselle de Sourdcval pour épouse et conseil; et que, malgré cet
arrêt, il a procédé sans être autorisé, ni par son épouse, son conseil, ni
par la justice.
Un autre arrêt contradictoire du 7 mai 1767, en conservant à Mmc Leferon
sa qualité de conseil, recevait M. le procureur général appelant de la
sentence du 10 mai 1758, et ajoutait : « toutes choses demeurante* en état, far
rapport à la coupe des bois de futaies et à l'aliénation du fonds. »
M. le procureur général était, comme l'on voit, non seulement partie néces-
saire, mais partie principale dans les contestations.
Le jugement définitif du 1 i mai 1772 est nul, parce qu'il n'a statué que sur
l'appel interjeté par la dame Leferon des deux sentences des i mai 1759
et 4 février 1762, et qu'il ne porte ni directement ni indirectement sur
l'appel interjeté, par M. le procureur général, de celle autre sentence du
10 mai 1758; que l'arrêt même du 7 mai 1767 n'est pas visé dans ce juge-
ment.
Les choses étant donc ainsi restées entières par rapport à l'appel interjeté
par M. le procureur général, et cet appel devant être fondé sur des mo-
tifs absolutnent étrangers à ceux qu'avaient réciproquement les parties,
M. le procureur général, pour l'honneur de son ministère, est nécessité
202 LE PARLEMENT
à faire prononcer sur son appel, et il ne le peut qu'en s'opposant au jugement
du 14 mai 1772, et à tout ce qui s'en est ensuivi.
La séparation de Mme Leferon est nulle aussi, et elle n'a pas ignoré le vice
de sa procédure ; mais, en ne donnant aucun acquiescement aux jugements de la
Commission, elle n'en était pas moins forcée de recourir à une voie quelconque
pour se soustraire à la tyrannie de ses persécuteurs, qui, en la contraignant do
fuir de la maison de son mari, voulaient la faire enfermer dans une maison
d'où, était-il dit, elle ne pourrait sortir sans la permission expresse et par
écrit de son mari, fol, furieux, interdit : le sieur Leferon n'a point été assisté
par ses nouveaux conseils, ni autorisé par la justice à la défense de celte de-
mande en séparation, et son épouse n'a pas demandé qu'il le fût; c'est donc
encore le cas de demander, de la part de M. le procureur général, la
nullité de cette séparation, qui tient à l'ordre public.
Il y a plus : on a, sous le nom du sieur Leferon, assisté de l'un de ses con-
seils, provoqué, devant le nouveau lieutenant général de Tours, l'autorisation
du projet de vente de la terre du Breuil avec le concours du minislère public;
et l'ordonnance qui autorisait ce projet, au mépris des protestations faites par
les parents maternels, présomptifs héritiers qu'on avait appelés, et par la dame
Leferon, jusqu'à ce qu'on leur eût communiqué les titres et pièces qui con-
stataient l'actif et passif du sieur Leferon, étant par cela seul contradictoire
avec M. le procureur général, l'on ne pouvait plus rien faire, sans lui en com-
muniquer.
Cependant, sur l'appel que les parents maternels et la dame Leferon ont in-
terjeté de cette ordonnance, l'arrêt de la Cour, du 10 juillet 1778, qui a or-
donné une nouvelle convocation de parents, et la communication que le premier
juge avait refusée, est intervenu sans le concours du ministère public.
Ce serait une illusion de s'imaginer qu'il n'en résulte pas un mal réel,
parce que, si M. le procureur général avait été appelé, il n'aurait, certes,
pas permis que l'on eût été en avant, sur un projet qui ne peut soutenir les
regards de la justice.
Un autre arrêt du 25 juin 1779, qui a désigné les pièces qui seraient don-
nées en communication, est également intervenu sans le concours du ministère
public. Ce n'est pas tout.
L'arrêt du 22 octobre 1779, intervenu sur le réquisitoire de M. le procu-
reur général, a ordonné « qu'il serait incessamment remis, de la part du
sieur Leferon et de ses conseils, à M. le procureur général, un état dé-
taillé, circonstancié, et par eux certifié véritable, de l'actif et passif du sieur
Leferon, pour, sur le vu dudit état, être par M. le procureur général requis,
et par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra ».
L'on n'a pas exécuté cet arrêt : on ne veut pas l'exécuter; mais, l'eût-on
exécuté, on ne peut aller en avant, qu'au préalable M. le procureur gé-
néral ait requis, et que la Cour ait ordonné ce qu'il appartiendra. Tout,
jusqu'à ce, doit être suspendu; et c'est nécessairement le cas où M. le pro-
cureur général doit s'opposer à l'exécution des arrêts des 10 juillet 1778 et
25 juin 1779, parce que M. le procureur général est encore, non seulement
partie nécessaire, mais partie principale.
C'est d'ailleurs une illusion que de croire que les vices de ces procédures
ont été couverts par de nouveaux arrêts, puisque M. le procureur général
n'a pas été appelé dans les circonstances les plus urgentes et que la dame
JUGE DES ÉCRITS 203
Leferon n'a donné aucun acquiescement; au surplus, n'est-elle pas elle-
même dans la classe des mineurs émancipés?
L'acharnement qu'on met contre l'infortunée Mme Leferon est un motif de
plus pour que la justice voie clair dans cette affaire, puisqu'il s'agit de l'état
et de la fortune de citoyens qui ont un droit particulier à la protection de
cette même justice; et plus les oppresseurs sont puissants et obstinés, plus
on doit espérer que des magistrats s'empresseront de venir au secours des op-
primés. Signé : De Sourdeval, Leferon.
Le Conseil, soussigné, qui a vu les observations ci-dessus, est d'avis qu'elles
sont très solides, conformes aux règles de l'ordre judiciaire et d'une équité
évidente.
Délibéré à Paris, le 31 août 1780; signé : Estienne.
A Paris, chez P. G. Simon, imprimeur du Parlement, rue Mignon-Saint-
André-des-Arcs. 1780 x.
Année 1781
ARRÊT du 25 janvier 1781, qui ordonne la suppression de l'imprimé ayant
pour titre : Lettre de M. le Chevalier *** à M. Treilhard, avocat, commençant
par ces mots : Je suis d'un métier, et finissant par ceux-ci : à votre avantage,
daté du 15 janvier 1781, signé le Chevalier ***; ledit imprimé suivi d'un
Post'Scriptum commençant par ces mots : // entre fort à propos, et finissant
par ceux-ci : ainsi que M. le chevalier mon ami.
Cet écrit, considéré comme insultant pour la profession d'avocat,
avait été distribué dans les Chambres mêmes de la Cour, et non pas
seulement, comme d'autres du même genre, dans la galerie du
Palais.
ARRÊT du 23 mars 1781, pour le sieur Pierre-Joseph Papineau, négociant
à La Rochelle, et les sieurs Desgault et Marcellat, intimés ;
Contre Charles Moussiaud, négociant, commissionnaire à Saint-Denis en l'île
d'Oléron, appelant;
El Etienne-Louis Quevremont de La Mothe, banquier, à Paris, aussi appe-
lant ;
1. Pièce de 4 pages in-4°. Pliées dans l'arrêt do suppression, lequel l'est égale-
mont.
Les 11, 14 et 18 juillet 1780. le Parlement entendit un compte-rendu critique
des journaux do Linguet, dont lo texte est au procès-verbal du 18 juillet 1780
(X 1b 8974). Le rapporteur ne conclut pas à une nouvelle condamnation contre le
célèbre et remuant publiciste, mis à contribution l'année précédente par
d'Espréménil et par Séguier, dans L'affaire de la librairie. Par certaines allusions
du rapport, on voit que Linguet passait pour être secrètement encouragé, averti
et soutenu par un homme en place, ministre ou autre, ennemi du Parlement. La
même année 1780, un arrêt du Conseil supprime, le 22 juillet, l'Essai sur le
jugement qu'on ]>eut porter de ro//f//re(Isambort, n° 1356); trois autres, du 2 mars,
du 12 mai, du fi août, concernent des requêtes particulières.
204 LE PARLEMENT
Qui ordonne que les termes injurieux et calomnieux répandus dans la re-
quête du sieur Qucvremont de La Mothe, du G septembre 1779, et dans celles
du sieur Moussiaud, des 3 mai et 3 août précédents, seront et demeureront
supprimés, et les condamne chacun en 100 livres de dommages et intérêts en-
vers le sieur Poupineau, et en tous les dépens1.
ARRÊT du i avril 1781, qui fait défenses à Pierre Meurine de récidiver, le
condamne aux dommages-intérêts envers le comte de Ralincourt, à dire d'ex-
perts convenus, sinon nommés d'office2 ; ordonne que le Mémoire imprimé,
signé Meurine et Vinchon, procureur, sera et demeurera supprimé, comme
injurieux au comte de I5alincourt>.
Fait défenses à Vinchon, procureur, et à tous autres, d'autoriser par leurs
signatures l'impression de Mémoires, même signés de leurs parties, contenant
des faits injurieux et étrangers à la cause, sous toute peine qu'il appartiendra,
même d'interdiction.
Col arrèl (4 p. in-4°) lui imprimé à 500 exemplaires, pour être affi-
ché aux frais de Meurine, à Paris, Versailles, Pontoise, Seuîis, Beau-
vais, Beaumont, Balincourt, Hedonville, Nesle, Menouville, et par-
tout ailleurs.
ARRÊT du 2o mai 1781, qui condamne l'ouvrage imprimé en dix volumes
in-8° intitulé : Histoire philosophique et politique des établissemens et ducôtti-
merce des Européens dans tes deux Indes, par (iuillaumc-Thomas Raynal,cliez
Jean-Léonard Pcllet, imprimeur de la ville et de l'Académie (Genève, 1780)+.
Le rapport fui fait par Je conseiller-clerc Sahuguel d'Espagnac, et
le réquisitoire prononcé par Antoine-Louis Séguier, avocat général.
Il est dirigé en grande partie contre les opinions philosophiques et
antichrétiennes de l'abbé Raynal, «d'un homme qui a fait profes-
sion dans un ordre religieux, d'un homme revêtu du caractère et
de la dignité sacerdotale >' ».
II est plus intéressant de montrer, par quelques extraits, l'indi-
gnation du Parlement contre ses opinions politiques :
1. Outre une condamnation civile, non mentionnée en L'intitulé. Pièce de 22 p.
hv4° (Bib. nat., F, à la date).
2. Pierre Meurine, fermier de la terre de Menouville, avait, contrairement à son
bail du 16 fév. 1773, « coupé, abattu, arraché et déraciné les petrons et geniè-
vres étant sur la terre du comte de Balincourt énoncés audit bail ».
::. Intitulé : Précis pour ledit Meurine, 12 pages, commençant par ces mots :
Un fer m ici- doit-il jouir, et finissant par ceux-ci : en vertu (te ces ancêtres. Le
comte de Balincourl (Ch.-Louis Testu) était maréchal des camps et années du
Roi.
4. Arch. nat., X 1b 897(>. Voir aussi : Corr. secrète, 1, 106.
5. Comme l'auteur, par une hardiesse rare, s'était nommé, l'arrêt ordonne
qu'il soit appréhendé au corps, et, en cas de contumace, ses biens saisis et
séquestrés, jusqu'à ce- qu'il se présente devant la Cour pour être interrogé.
JUGE DES ÉCRITS 205
La philosophie taire des lois ! Voyons donc quelle est l'espèce de législa-
tion qu'elle osera proposer... Nous nous contenterons de citer un fait. L'auteur
rapporte une loi antique de l'île de Ccylan qui assujettissait le souverain à
l'observation de la loi, et qui le condamnait à mort s'il osait la violer : et il
ajoute que, si les peuples connaissaient leurs prérogatives, cet ancien usage
subsisterait dans toutes les parties de la terre... Vous ne serez plus étonnés
de voir cet auteur criminel oublier tout le respect qu'il devait à la mémoire
de Louis XV. La pudeur nous retient, cl nous rougirions de remettre sous vos
yeux les infamies qu'il accumule sur un prince qui a toujours été chéri de la
nation, et dont il cherche à étouffer le souvenir dans le cœur de ses anciens
sujets. Vous serez encore moins surpris de la témérité avec laquelle il ose
soulever le voile impénétrable qui doit dérober aux regards curieux des su-
jets le secret des opérations et la politique du gouvernement : et, comme si ce
n'était point assez des injures des ennemis de la France, il semble adopter
leur opinion, s'identifier avec leurs propres sentiments, et, par un esprit de
critique aussi déplacé qu'il est injuste, il a la témérité de rejeter sur la nation
française, sur les ministres du roi, sur le roi lui-même, tous les malheurs
d'une guerre qui aftlige l'humanité dans toutes les parties du monde, mais qui
n'a été entreprise que pour venger les nations de l'asservissement honteux où
le peuple anglais veut les retenir, pour assurer la liberté des mers, pour réta-
blir la sûreté du commerce : et lorsque la France prodigue ses trésors pour
apprendre à l'univers entier que tous les peuples sont frères, que le commerce
est le lien qui les rapproche et les réunit, qu'ils y ont tous le même droit
parce qu'ils sont tous indépendants, qu'il ne peut subsister sans cet équilibre
général qui en est lame et la sauvegarde; lorsque, par un esprit de modéra-
lion dont la France s'est toujours fait un principe, elle n'a d'autre prétention
que de rompre les obstacles qui gênent ou retardent la navigation ; en un mot,
lorsqu'elle embrasse la cause commune et se sacrifie pour détruire le despo-
tisme qu'un peuple commerçant veut s'arroger sur l'étendue des mers qu'il
met au nombre de ses propriétés, un homme qui veut être citoyen, un Fran-
çais, aura l'impudence de blâmer hautement la conduite du ministère, il se
permettra d'opposer à la sagesse de ses vues la fureur des invectives les plus
criantes, et sa bouche ne s'ouvrira que pour exhaler des reproches d'autant
moins mérités qu'ils n'ont d'existence que dans le délire de l'imagination qui
les a créés! 0 Philosophie! voilà tes leçons, voilà tes conseils, voilà tes pré-
ceptes : et tu prétends être adorée comme une divinité bienfaisante!...
Voici en quels termes Séguier flétrit l'impudence et les ruses des
écrivains exilés par l'intolérance politique :
Transfuges de la France, ils se naturalisent, pour ainsi dire, sur le terri-
toire d'une autre puissance. Placés alors sous la sauvegarde d'une souverai-
neté dont la faiblesse assure l'indépendance, devenus citoyens d'un pays
qu'ils adoptent, pour abuser de la liberté que cette patrie momentanée leur
procure, ils ne craignent plus de se montrer au grand jour, ils se nomment
dans l'espérance de l'impunité, et se promettent une célébrité fondée sur la
hardiesse de leurs principes, la fierté de leurs préceptes et l'insolence de leurs
assertions l.
1. Guillauiue-Thomas-Frauçois Raynal (1713-1196), élevé par les Jésuites,
206 LE PARLEMENT
ARRÊT du 7 août 1781, qui supprime les réponses du comte de Lally-Tol-
lendal au dernier libelle du sieur Duval d'Espréménil, conseiller en la pre-
mière chambre des enquêtes du Parlement de Paris1, etc., etc. (1781) :
Commençant par ces mots : Hier, comme je rentrais che% moi, et finissant
par ceux-ci: le jugement que la nation en a déjà porté, signé le comte de
Lally-Tollendal, ledit imprimé suivi d'un post-scriptum commençant par ces
mots : Dans l'instant où je rais faire partir, et finissant par ceux-ci : je le dirai
en une fois.
Il est, dit le réquisitoire, une sage modération, il est une décence indis-
pensable jusque dans la réclamation la plus naturelle... Il n'est même pas pos-
sible d'attribuer cet écrit clandestin à la personne dont il porte la signa-
ture2.
ARRÊT du 8 août 1781, qui déclare les causes et moyens de récusation de la
veuve Eromagct contre le sieur Lcgrand, lieutenant général de Richelieu, non
pertinents et inadmissibles, la condamne en 3o livres d'amende, en 10 livres de
dommages-intérêts, et en tous les dépens; ordonne la suppression du Mémoire
qu'elle a fait imprimer, permet l'impression du présent arrêt, jusqu'à concur-
rence de cent exemplaires, et d'en faire afficher cinq aux frais et dépens de
ladite veuve Eromaget ;
Faisant droit sur les conclusions du procureur du roi :
Ordonne que Ragonneau' sera tenu de s'abstenir d'occuper pour aucunes
parties dans les causes et procès qui intéressent le ministère public.
ordonné prêtre, professeur de théologie et prédicateur attaché à Saiut-Sulpice
(1747), s'attacha au parti des philosophes, obtint le privilège du M ercure, et publia
de nombreux cl médiocres ouvrages historiques, jusqu'en 1770, date de la
lre édition, non située (4 vol. in-8°j, île sou Histoire philosophique, etc. La Harpe
dit qu'en 1774, on en avait fait eu Europe plus de quarante contrefaçons. Les
idées et même la collaboration de Diderot paraissent avoir été pour beaucoup
dans un tel succès, dû principalement aux digressions philosophiques, aux
morceaux de bravoure qui éclatent tout à coup entre deux pages de narration
confuse ou de statistique mal digérée. — L'auféur put. revenir en France en
1788, fut nommé député du tiers à Marseille, refusa Te mandat à cause de sou
âge, et fut remplacé par Malouet. Dans la séance du 1"> août 171)0, Malouet fit
annuler par la Constituante la procédure du Parlement contre l'abbé Raynal. —
Le 31 mai 1791, Raynal écrivit sa Lettre au président de l'Assemblée nationale,
fuit mal reçue par l'opinion de plus en plus révolutionnaire. 11 n'émigra point,
fut nommé en 1796 de l'Institut (classe d'histoire), où la mort ne lui permit pas
de siéger.
1. «Comme contraire aux règlements de la librairie», dit le litre de l'arrêt. —
Arch. nat, X 1b 8076.
2. Voltaire et l'opinion publique avaient obtenu eu 1778 la réhabilitation de
Thomas-Arthur, comte de Lally-Tollendal, supplicié, un bâillon sur la bouche, en
1761. D'Espréménil, qui s'était opposé à celte réhabilitation, continuait contre le
fils (Trophimc-Gérard) l'odieuse campagne poursuivie contre le père. — L'arrêt
obtenu par d'Espréménil l'ut crié dans les rues et non pas seulement affiché
suivant l'usage ordinaire [Corr. secrète, 1, 427j.
3. Le procureur qui avait signé le Mémoire supprimé, où. le sieur Legrand était
accusé de s'être laissé corrompre par la partie adverse secrète de la veuve Fro-
inagef (dîners et réceptions, parties de campagne, etc.). — Le factura n'est pas
décrit dans l'arrêt.
JUGE DES ÉCRITS 207
Année 1783'
ARRÊT du 7 mars 1783, qui condamne Michel Giraudcau, notaire à Salles
(Landes de Rayonne), au bannissement pour neuf ans de l'étendue du ressort
de la sénéchaussée de Guyenne; ordonne que les Mémoires dudit Michel Girau-
deau seront et demeureront supprimés, comme faux et calomnieux, et que le
présent arrêt 'sera imprimé et affiché partout où besoin sera, à la requête du
procureur général du roi.
Ces Mémoires imprimés, au nombre de quatre, ne sont pas décrits
dans l'arrêt. Ils étaient outrageants et diffamatoires à l'égard d'un
sieur Pichard, président A mortier du Parlement de Bordeaux, de la
correspondance duquel Giraudeau avait abusé en tronquant et alté-
rant les lettres qu'il avait reçues, au nombre de quarante-deux.
Le procès criminel jugé au Parlement de Bordeaux, le 16 juin 1780,
avait, après cassation du Conseil d'État privé du roi (25 juin 1782),
été renvoyé en la grand'chambre du Parlement de Paris.
Année 1781
ARRÊT du 20 juillet 1784, qui supprime l'écrit intitulé: Rècil de la conduite
des maréchaux de France à regard du vicomte de Noé, maire de Bordeaux,
fait en Parlement, les chambres assemblées, le mardi six juillet mil sept cent
quatre-vingt-quatre (in-12 de 20 pages)2.
ARRÊT du 10 septembre 1784 (en vacations), qui supprime l'écrit ayant pour
litre : Très humble* et 1res respectueuses Remontrances du Parlement au
Roi, à l'occasion de la procédure suivie et des jugements rendus pur les
maréchaux de France contre le vicomte de Noé, maire de Bordeaux (in-8° de
15 pages) 5.
Année 1783. — aucun arrêt du parlement
C'est l'année où Lenoir réunit à sa charge de lieutenant général de
police, dont il se démit bientôt, celle de maître delà librairie, ou chef
1. Année 1182 : néant.
2. Ce récit fut trouvé exactement conforme à la minute du procès-verbal. La
Cour était (railleurs très favorable à la cause du maire de Bordeaux, cité devant
le tribunal des maréchaux (tribunal militaire et nobiliaire) pour un fait d'admi-
nistration municipale.
3. Suite de la même affaire. Voici le début des remontrances : « Les États ne
subsistent que par les lois et périssent avec elles : l'établissement du pouvoir
militaire est le présage le plus certain de leur commune subversion...» Il s'agis-
sait, dans l'espèce, d'une consigne contradictoire donnée au Suisse du théâtre de
Bordeaux par le duc de Richelieu et par le maire, et, au fond, d'une affaire de
coulisses.
208 LE PARLEMENT
de la Bibliothèque royale L'influence de col administrateur était deve-
nue prépondérante en matière de presse et de librairie : peut-être est-ce
une des raisons pour lesquelles cette année ne, présente pas d'arrêt du
Parlement condamnant ou supprimant des ouvrages. Le conseil du roi
aborde en effet une série de mesures générales qui semblaient devoir
être plus efficaces à l'égard de la littérature indépendante ou hostile :
pensions et commandes d'ouvrages aux auteurs bien intentionnés ' ,
confirmation du droit des auteurs et de 'leurs hoirs 2, défenses aux
auteurs, rédacteurs et directeurs des papiers publics d'y insérer au-
cunes dissertations ou lettres de qui que ce soit sur les matières de
législation ou de jurisprudence, d'interpréter les lois, et d'émettre
aucunes assertions contraires auxdites lois et arrêts? ; règlementpour
assurer la fourniture qui doit être faite à la chambre syndicale de
Paris de neuf exemplaires de tous les ouvrages imprimés ou gravés,
et pour prévenir l'annonce par l'avis >\c> papiers publics des ouvrages
prohibés ou non permis 4. — Entre temps, le 19 juin, le conseil or-
donna la suppression des trente premiers volumes t\v^ œuvres com-
plètes de Voltaire imprimées à Kehl s.
Le Parlement semble laisser le champ libre à une telle activité de
la police ordinaire, laquelle se mettait en devoir d'ajouter à l'abso-
lutisme un nouvel attribut : l'infaillibilité.
Année 4 780
ARRÊT contradictoire en la Tournelle criminelle, du 1 i janvier 1786. Rendu
contre Lemaître (Pierre-Jacques), écuyer, conseiller du roi, et secrétaire des
finances; Augeard (Jacques-Mathieu), chevalier, conseiller d'Etat, secrétaire
des commandements de la reine, et fermier général, tous deux appelants de
décrets de prise de corps du Chàtelet; Castillon (Marguerite-Olympiade), dite
Gothon, domestique majeure de Lemaître ; Lefrancois (Marguerite), veuve Le-
maitre, et mère de Lemaître (Pierre-Jacques) ; Dclavignc (Félicité), épouse du-
dit Lemaître (P.-J.), appelante de décrets du Chàtelet. — Le procureur général,
intimé. — Ouïs les avocats des parties et Séguicr, avocat du roi.
La Cour fait défenses à Pierre-Jacques Lemaître... de plus à
1. Isambert, 2098 (12 août).
2. Id., 210!) (3 septembre).
3. Id., 2o:;o (3 mars).
4. W., 20"i8 (16 avril). — Le 1er dos .'Ji articles do ce règlement astreint au
dépôt même les archevêques et évêques, d'ailleurs les plus zélés à demander la
répression des ouvrages irréligieux et licencieux (voyez : Assemblée du clergé de
1775, Mém. de Pareil, de Vienne), mais qui ne purent obtenir la suppression des
permissions tacites, dont la police se faisait des revenus.
5. Ici., 207'J.
JUGE DES ÉCRITS 209
l'avenir récidiver à peine d'être poursuivi extraordiuairement suivant
la rigueur des ordonnances ; décharge les autres inculpés. Ordonne
que les caractères et autres ustensiles d'imprimerie, ensemble les
manuscrits et imprimés clandestins, déposés au greffe criminel de
notre dite Cour, seront et demeureront supprimés r.
ARRÊT du 7 février 1786-, qui condamne l'ouvrage intitulé : le Voyage de
Figaro en Espagne (pour les deux premières éditions) >, et le Voyage du mar-
quis de Langle en Espagne (pour la troisième édition)4.
Dans le réquisitoire de Séguier, qui est fort développé, les opinions
de Jean-Jacques Rousseau sur la religion et sur le suicide sont oppo-
sées à celles du marquis de Langle. L'éloge du « philosophe de
Genève », par l'avocat général (malgré quelques réserves), est assez
inattendu, et parfaitement inutile au procès. Ce hors- d'oeuvre ne
marque que mieux l'immense popularité de Rousseau. Quant à l'ou-
vrage du marquis de Langle, il fut lacéré et brûlé le 15 février 1780,
comme « impie, sacrilège, blasphématoire, destructeur des mœurs et
de la religion, injurieux et calomnieux envers la nation espagnole et
son gouvernement, séditieux s », etc.
ARRÊT de la Cour du Parlement, rendu la grand'chambre assemblée, 31 mai
1786 6.
Cet arrêt, qui conclut l'affaire du Collier, supprima, entre autres
dispositions, « les mémoires imprimés pour Jeanne de Saint-Remy de
Valois de La Motte, comme contenant Aç* faits faux, injurieux et
calomnieux, tant au cardinal de Rohan qu'à de Cagliostro ».
Ils sont ainsi désignés dans le corps de l'arrêt : 1° Mémoire imprimé
1. Cet arrêt (4 p. in-4°), qui commence par les mots : r Louis, pur lu (/race de
Dieu, etc. », ne fait pas d'allusion à la nature des crimes visés par le Ghâtelet,
saut' dans la dernière phrase. — Voyez: Augeard (J.-M.), Mémoires secret, publiés
par Ev. l3avoux en 1866 (11. Pion), p. lit à 148, et passim, sur Lemaitre, qui pré-
sidait à l'imprimerie janséniste; Corr. secrète, t. II, p. 1.
2. X 1b 8984 : procès-verbal signé : Vu : D'Augre.
3. La première est en un volume in-18 de 280 pages (s. n. d'auteur ni de lieu),
avec cette épigraphe : Currente rola ; la seconde forme un volume in-8° de
88 pages (à Séville, 1785).
4. 2 volumes in-12 de 223 et 209 pages (Neuchâtel, 1785).
5. Procès-verbal d'exécution signé du greffier Ysabeau.
6. Bib. uat., F, à la date (pièce in-4°, 32 p.). — Le même arrêt (pièce in-4"
20 p.) avec la mention : « scellé extraordinairement le quatre juillet 1786, sir/né :
Tisset, syndic, avec paraphe. Le cinq juillet 1786, signifié à M. le Procureur
général », etc., signé': Regnault. — Voir : Marie-Antoinette et le procès du Collier,
par É. Campardon (Paris, in-8'J, 1863).
14
210 LE PARLEMENT
chez Cellot, en 4785, en 45 pages, pour dame Jeanne de Saint-Remy
de Valois, épouse, etc., commençant par ces mois : Si la majesté du
(rêne, et finissant par ceux-ei : par des élèves et dans les écoles;
2° Réponse pour la comtesse de Valois au mémoire du comte de
Cagliostro (Cellot, 1780, 47 pages), commençant par : Le Mémoire
auquel, et finissant par : par la comtesse de La Motte, ensemble le
Post-scripturn.
Furent aussi supprimés les mémoires imprimés pour le sieur Bette
d'Étienville, l'un de 27 pages [Attaqué de la manière — est bien
fondée); et l'autre de 20 pages (Assez malheureux — de mon
innocence).
Enfin, pour suivre Tordre de ces publications et de l'arrêt lui-même,
fut encore supprimé le Sommaire imprimé pour la dame de La Motte,
en 5!) pages, chez Cellot (Le litre que nous donnons — que la vérité
seule peut leur assig?ier).
ARRÊT du 11 août 1786', qui supprime 1° un imprimé intitulé : Mémoire
justifiaati) pour trois hommes condamnés à la roue, se terminant par une con-
sultation signée de l'avocat Legrand Delaleu (à Paris, chez Philippe-Denis
Pierres, premier imprimeur ordinaire du roi, 1786); 2° les Réflexions d'un
citoyen non gradué, publiées à l'appui de ce mémoire 2.
Les nommés Lajdoire, J.-R. Simarre et Ch. Bradier avaient été
arrêtés le 31 janvier 1783, sous l'inculpation de vols nocturnes avec
effraction et tentative de meurtre commis à Vinet en Champagne. Le
12 août, ils furent condamnés par le bailliage de Chaumont aux
galères perpétuelles. Sur appel a minima, le Parlement de Paris, par
un arrêt définitif rendu en vacations le 20 octobre 1785, les con-
damna, « pour les cas résultants du procès », à la peine de la roue.
Le président de grand'chambre au Parlement de Bordeaux, Dupaty,
soit de son propre mouvement, soit plutôt sur l'invitation du gouver-
nement désireux de compromettre la Cour dans l'exercice même des
fonctions judiciaires dont elle paraissait s'écarter trop souvent, publia
chez le premier imprimeur ordinaire du roi le Mémoire justificatif
dont il ne tarda pas à se reconnaître l'auteur ; toutefois il avait
d'abord fait signer le manuscrit par un jeune avocat nommé Legrand
Delaleu, estimé de tous ses confrères (dit Séguier lui-même) pour
1. Arch. nat., X 1b 8985.
2. L'affaire des trois condamnés fut évoquée au conseil, et renvoyée devant le
Parlement de Rouen, qui les acquitta (19 janvier 1788). Legrand Delaleu fut
réhabilité le 14 février 1788. Voir à cette date, dans le unis. 6886 de la Uib. nat.
(p. 370-372), son discours à ses collègues, — très modéré d'ailleurs à l'égard du
Parlement.
JUGE DES ÉCRITS 211
son désintéressement, sa probité et ses sentiments généreux, mais
qui ne fut pas moins interdit provisoirement par son ordre l.
En matière criminelle, un arrêt du Parlement était sans appel. Il ne
restait plus aux condamnés que le recours en grâce auprès du roi.
Ainsi, le seul titre de Mémoire justificatif constituait une insulte à
l'adresse de la Cour souveraine : car il- n'est pas admissible que des
coupables, reconnus tels par arrêt définitif, soient reçus à se justi-
fier. Aussi bien, le Parlement (c'est-à-dire la Tournelle) n'avait pas
eu à refaire le procès de Lardoire, Simarre et Bradier ; il avait,
d'après l'interrogatoire du bailliage de Gbaumont, considéré les faits
comme constants 2, puis réformé la sentence comme non conforme à
la loi; enfin (par un droit que n'a plus la Cour de cassation), il avait
appliqué la loi à l'espèce.
Si le Mémoire justificatif avait eu pour but de démontrer l'innocence
des trois condamnés, c'eût été, juridiquement, une œuvre superflue
et même ridicule. D'ailleurs, le point de fait ne pouvait être établi que
par le jugement clés premiers magistrats.
Toute l'éloquence que prodigue le Mémoire en faveur de trois
assassins bien et dûment convaincus n'est destinée qu'à faire lire à un
public sensible les très justes et déjà trop anciennes critiques que les
bommes éclairés adressaient à notre procédure criminelle et à nos
lois pénales. Sur ce point, Y anglomanie avait du bon. L'abolition de
la question et des tortures, l'institution, ou, pour mieux dire, la
restauration du jury, donnèrent raison à Dupaty : en attendant, le
roi fit grâce de la vie à ses trois clients, malgré l'anecdote historique
qui lui fut rappelée par Séguier 3. C'était une assez adroite façon de
lutter de popularité avec le Parlement, qui, au lieu de trois hommes à
rouer, n'eut que du papier à brûler.
Me Gabriel Tandeau fit le rapport contre le mémoire de Dupaty
(non encore dénommé, mais évidemment soupçonné). Les conclusions
par écrit du procureur général tinrent trois séances (7,8 et 11 août);
elles forment un manuscrit de sept cahiers numérotés, non paginés;
elles font ressortir le caractère général, public, des prétendus Mé^
moires qui prenaient pour prétexte des faits particuliers :
1. C'est Fréteau, beau-frère de Dupaty, qui avait engagé l'affaire.
2. lis le sont d'ailleurs pour tout lecteur impartial : les coupables, d'après nos
lois actuelles, auraient mérité la peiuc de mort, et (en supposant des circon-
stances atténuantes) les travaux forcés à perpétuité ou à. temps.
3. Louis XIV disait à M. de Montausier, qu'il venait enfin d'abandonner à là
justice un assassin auquel il avait fait grâce après son premier crime, et qui
avait tué vingt hommes : « Non, Sire, répondit M. de Montausier, il n'en a tué
qu'un; et Votre Majesté en a tué dix-neuf. »
212 LE PARLEMENT
Les mémoires, qui dans l'origine n'ont été admis que pour l'instruction des
juges et du barreau, sont aujourd'hui plus que jamais un objet d'amusement
et de curiosité pour le public, nous pouvons même dire une affaire de com-
merce dans la librairie, et une spéculation d'intérêt pour les parties. On les
colporte dans les places et les promenades publiques ; on les vend à la porte
des jardins et des spectacles; ils sont étalés sur les quais, sur les boutiques
des libraires; on a soin de les orner d'épigraphes et de sentences qui en
annoncent l'esprit; et l'on a porté l'extravagance jusqu'à les l'aire accompagner
du portrait des malheureux pour lesquels ils sont rédigés. Faut-il donc
s'étonner si le ton grave du barreau se perd insensiblement, si la plaisanterie
prend la place de la décence, et si le fiel et l'amertume succèdent à l'honnê-
teté et à la modération?
Maintenant les juges sont soupçonnés de partialité, leur autorité
et leur honnêteté sont mises en cause; la loi et la jurisprudence sont
l'objet des attaques les plus violentes.
Dans la première partie, Séguier examine la l'orme dans laquelle
le mémoire a été distribué; dans la seconde, les prétendues nullités
dont la procédure du Parlement serait infectée; dans la troisième,
les reproches honteux faits à notre législation. Voici l'analyse très
brève de ce réquisitoire' suivi d'un arrêt.
Depuis quand est-il permis de dénoncer les premiers magistrats
du royaume au tribunal du public? Quel sera le juge en état de pro-
noncer sur une dénonciation aussi extraordinaire? Est-ce le roi? En
pareil cas, l'appel au souverain n'est qu'un recours en grâce : il doit
être précédé d'une surséance à l'exécution du jugement; et c'est au
roi que doit être adressée la supplique du condamné, non devant le
public que doit être portée sa prétendue justification. S'il s'était agi
vraiment de laits justificatifs, il fallait donc les proposer avant le
jugement; il fallait une requête spéciale à cette fin; il fallait qu'elle
fût signée d'un procureur, répondue d'une ordonnance, et admise
après la visite du procès. Mais M°Delaleu, inscrit depuis trois ans seu-
lement au tableau, n'a vu ni les dossiers, ni l'interrogatoire. Il est
assez ignorant pour parler de dépens, lorsque la partie publique est
seule en cause! Qu'a-t-il voulu? Incriminer l'arrêt, les formes suivies,
les lois appliquées? Son langage hardi et indécent ne saurait que
desservir des criminels qui ne peuvent qu'implorer la grâce du sou-
verain.
Que reproche-t-il donc à l'arrêt du Parlement du 20 octobre 1785?
C'est de contenir cette formule, légale depuis les règlements de 1640
4. 11 a été imprimé comme tous les arrêts importants du Parlement; la collec-
tion de la Bib, nationale en possède plusieurs exemplaires (arrêts du Parlement
de Paris, à la date).
JUGE DES ÉCRITS 213
et de 1640, consacrée par l'ordonnance criminelle de 1G701 : « poul-
ies cas résultants du procès ». Il est vrai que, du temps où les pre-
miers juges étaient cités par-devant la Cour, pour défendre le juge-
ment qu'ils avaient prononcé, la Cour elle-même prononçait l'arrêt
suprême, par les mots « atteint et convaincu ». Mais l'usage a changé.
La Cour ne cite plus les premiers juges; elle voit les pièces, la procé-
dure, l'interrogatoire; elle infirme ou confirme sans juger à nouveau
du fait; elle rappelle à la rigoureuse application de l'ordonnance;
elle n'a point à recommencer l'instruction. — Alors, pourquoi les
trois condamnés, depuis l'arrêt des premiers juges (12 août 1783),
attendent-ils encore leur sort au boni de trois ans? Sans doute la ré-
vision de leur procès a été lente : niais cette lenteur inséparable de
la justice ne leur a point préjudicié.
Quant aux reproches honteux faits à la législation française, ils
viennent de ce que l'on ne veut pas remonter au principe même de
la loi, ou qu'on le conteste. Quod principi placuit, legis habet vi-
gorem :
Le roi seul est législateur en France. Rendre la justice est le premier devoir
d'un souverain, et les édits de nos rois règlent la façon dont elle doit être ad-
ministrée. Les ordonnances rendues, soit du propre mouvement du prince,
soit sur les demandes des États assemblés, sont les lois générales du royaume;
elles reçoivent leur exécution aussitôt après qu'elles ont été vérifiées et pu-
bliées; elles subsistent tant qu'elles ne sont pas révoquées; elles ne peuvent
l'être que de la même manière qu'elles ont été établies, et la source dont elles
sont émanées leur assure la prééminence sur toutes les lois, même du peuple
romain, si ce n'est en pays de droit écrit pour la portion qui en a été admise
comme loi territoriale.
La double instruction, l'instruction publique et contradictoire
usitée dans la Rome républicaine, le jury de l'aristocratique Angle-
terre, ce peuple «esclave de son amour pour la liberté », sont des
institutions judiciaires en opposition avec les lois constitutives et
fondamentales de la monarchie française. Non, la procédure secrète
en matière criminelle n'est pas « l'équivalent de la loi anciennement
établie en Corse, où le gouverneur génois faisait tuer un homme ex
informata eonscientia ». Cet odieux rapprochement imaginé par le
citoyen non gradué, par le citoyen obscur auteur des Réflexions2, té-
moigne son ignorance. Le chancelier Poyet, de trop fameuse mé-
moire, n'est pas davantage l'auteur de la procédure secrète en ma-
1. Titre XXIV, art. 3.
2. Condorcet, Corr. seccète, t. TT, p. 110.
214 LE PARLEMENT
tière criminelle. La cause du secret, c'est que le procureur général
du roi est chargé de l'instruction (ordonnance de Philippe VI, 1334).
Sauf Le flagrant délit, le décret seul constitue l'accusé. L'ordon-
nance de Blois (1498) impose le secret au magistrat instructeur, afin
de prévenir toute subornation de témoins à charge. Il est vrai qu'en
1539 l'accusé fut astreint à nommer de suite ses témoins à décharge.
Obligation impie! s'écrie Dumoulin dans une note célèbre où il flétrit
en même temps le chancelier Poyet, première victime de sa propre
loi. Mais cette loi n'est plus appliquée; tout le monde sait qu'elle est
tombée en désuétude. L'ordonnance criminelle de 1070 forme le vrai
code français. Cette ordonnance n'accorde pas à l'accusé de conseil,
d'avocat d'office, comme la loi romaine? Si fait, dans les matières
compliquées (titre XIV, art. 8). Mais lorsqu'il s'agit d'un simple fait
de grand criminel, à quoi bon? « L'expérience nous apprend que la
preuve du crime s'évanouit au milieu des formalités », par lesquelles
une adroite chicane sait retarder les jugements. Les procès civils,
grâce aux avocats, ne durent-ils pas quelquefois cent ans et plus?
Un criminel immortaliserait son procès; il mourrait avant la preuve
faite, il échapperait à la justice.
La procédure secrète, l'interrogatoire secret, le jugement sans
contradiction, ne font pas que le magistrat français soit juge et
partie. Il représente le roi, la loi. S'il est vrai qu'en Angleterre (et
nous n'y sommes pas) le jury siège pour les crimes ordinaires, dans
les crimes d'État, la Chambre des communes, composée des repré-
sentants de la nation, est en même temps accusatrice et juge, parce
que les droits de la nation sont attaqués : c'est la nation qui pro-
nonce par la bouche de ses représentants, parce qu'elle seule peut se
plaindre, et elle seule peut venger son injure.
C'est qu'en Angleterre les représentants de la nation font la loi.
Eh bien! en France, si veut le roi, si veut la loi. Tout crime est un
crime contre le roi '-, en qui se personnifie la nation; les gens^ de la
loi, ce sont les gens du roi, et le roi ne peut avoir d'intérêt contraire
à la justice et à la vérité. C'est parler un langage de forcené et de
séditieux qu'accuser les rois « d'avoir été trop accoutumés à prodi-
guer le sang de leurs peuples sur les champs de bataille, sous le
glaive de la victoire, pour le ménager dans les tribunaux sous le
glaive de la justice... Malheur à la nation qui osera placer le
1. Marat, dans son Plan de législation criminelle (Paris, 1790), s'occupe (II« par-
tie, sert. I. ch. n des faux crimes d'État, et (ch.nj des vrais crinïes d'État; Voyez
Desjardins, ouv, cité, p. loi.
JUGE DES ÉCRITS 213
Mémoire prétendu justificatif au rang des sources où la jeunesse
pourra puiser des instructions! »
Cet anathème enveloppait, sans les citer, le Traité des délits et des
peines de Beccaria, le Code de Léopold, le Discours sur l'administra-
tion de Injustice de Servan, avocat général au Parlement de Gre-
noble ', les Observations de Bouclier d'Argis sur les lois criminel les de
France2.
Séguier s'est donné la peine de dresser une liste de dix-sept cri-
minalistes, qu'il regarde comme fidèles aux vrais principes. Elle se
termine par le nom de Jousse, conseiller au présidial d'Orléans,
auteur du Traite de la justice criminelle (1771); on peut y ajouter
celui de Muyart de Vouglans >, qui avait publié en 1780 : Les lois
criminelles en France. Mais le public regardait ces juristes commen-
tateurs comme intéressés au maintien des abus et n'écoutait que
les philosophes 4. Séguier n'avait pas tort de dire que le mot d'hu-
manité était un mot de ralliement. La société française était assez
forte, assez éclairée, pour ne plus considérer tout prévenu comme
un coupable et pour lui laisser tous les moyens de démontrer son
innocence.
Mais si les mœurs, les idées, devaient reformer heureusement
les pi'océdés inquisitoriaux et, barbares du moyen âge, n'oublions
pas qu'elles s'en étaient longtemps ressenties, qu'elles s'en res-
sentent même encore. N'est-ce pas un cas d'atavisme moral que
cette fureur encore régnante d'assister aux exécutions capitales :
fureur qui n'est pas seulement celle d'êtres pervertis, qui sévit
également sur les classes riches et sur les classes pauvres, qui
fait oublier à Y honnête homme sa distinction, à la femme sa pudeur
et sa sensibilité naturelles? Dans le Paris de l'ancien régime, on
suppliciait un peu partout. La populace couvrait d'injures le malheu-
reux Lally-Tollendal. Lorsqu'un bourreau était adroit,' il était
applaudi comme un acteur. Quelles horreurs n'a point fait dévorer
des yeux, quelles choses épouvantables n'a point t'ait écrire le coup
de canif du fou-régicide Damiens ! Les publicistes qui s'efforçaient
1. Public- on 1766. Voyez : Œuvres choisies de Servait (182">), l. II.
2. Amsterdam, 1782. Boucher d'Argis reste, encore aujourd'hui, le meilleur
historien «les Parlements. (Voir sou travail dans \'Enc!/clo)><:die méthodique.)
.'!. Muyart de Vouglans est actuellement le sujet d'une excellente monographie
publiée dans la Revue Franc-Comtoise (nov. 1887), par M. Besson : Un crimina-
liste franc-comtois nu XVIIIe siècle.
\. Voyez : Le/Ires sur la procédure criminelle de la France, dans lesquelles ou
montre sa conformité avec celle de l'Inquisition et les abus qui en résultent, —
(En France 1788.1
21 G LE PARLEMENT
d'inspirer au peuple des sentiments de justice pour les accusés, des
sentiments de pitié pour les condamnés les plus criminels, n'eurent
malheureusement assez d'action, ni sur le gouvernement, ni sur la
magistrature : après et malgré les décrets de la Constituante, la
Terreur put appliquer la procédure criminelle de l'ancien régime à
plusieurs de ceux qui l'avaient trouvée parfaite '.
Année 1787
APPLICATION DE LA POLICE DES IMPRIMÉS
AUX ACTES DU CONSEIL
Le Parlement ne prononça aucune condamnation ou suppression
d'ouvrage en 1787. Il est tout entier à sa lutte contre le ministère ;il suit
atlentiveinenl les délibérations de la première assemblée desnotables.
Il applaudi! à la destitution de Calonne2 ; il demande inutilement sa
mise en accusa lion. Ce n'est pas seulement au ministre malhonnête
et dissipateur qu'il en voulait; c'est aussi à l'impudent plagiaire de
Turgoi el de Necker, aux idées réformatrices desquels il avait de-
mandé son propre salut.
Loménie de Brienne lut un autre Calonne, encore plus odieux à
cause de son caractère ecclésiastique et de son avarice, encore plus
maladroit puisque la disgrâce et l'infamie de son prédécesseur ne
l'avaient point averti. Il n'était pas depuis quatre mois aux affaires,
qu'il lui fallut un lit de justice (6 août) pour faire enregistrer les édits
du timbre et de la subvention territoriale. Le 7 août, puis le 13, le
Parlement protesta contre l'enregistrement forcé. Par lettres patentes
du 15 août, revêtues d'une lettre de cachet, ei registrées le 22, il fut
transféré de Paris à Troves : il était bon de l'arracher à « la fermenta-
1. Les imitations burlesques des supplices se présentent à chaque instant dans
vr qu'on pourrai! appeler l'histoire de la rue : en 1174, on pend des mannequins
figurant Maupeou et Terray; des écoliers, au Cours-la-Reine, font tirer et dé-
membrer par quatre ânes un mannequin eu simarre de chancelier; mêmes
scènes en 1788, lors du renvoi de Brienne ri de Lauioignon. En 1789, voici un l'ait
plus grave, et vraiment horrible : la police arrête huit ridants qui procédaient à
la pendaison d'un de leurs camarades (arch. de la préfecture de police). — Sur le
goûl du peuple de Paris pour ces spectacles horribles, voyez Albert Desjardins,
lu Législation criminelle cl 1rs Cahiers de 1789 (Paris, 188.'!). p. il. Tout cet ou-
vrage esl d'ailleurs à lire sur celle question. Je n'y ai trouvé toutefois qu'une
courte allusion fp. XVII) aux réquisitions de Séguier. Voyez aussi : A. Esniein,
Histoire delà procédure criminelle eu France (Paris, 188:2:; A. Maury, article de
la Revue 'les Deux-Mondes (15 sept. 1877); Chassin, le Génie de la Révolution,
t. Il, livre III, cli. v.
•2. 8 avril.
JUGE DES ÉCRITS 217
tion qu'il excitait et recevait de la capitale » : pour assurer son obéis-
sance, des lettres individuelles avaient d'ailleurs été envoyées à tous
les magistrats et officiers du Palais dans la nuit du 15. Cet acte de
rigueur fut inutile; les bailliages se refusèrent généralement à enre-
gistrer les édits du timbre et fie la subvention, parce qu'ils leur arri-
vaient par ordre direct du roi, et non par l'intermédiaire légal du
Parlement. Le ministère négocia, <lr force, avec le premier présidenl
d'Aligre. Le 19 septembre, à Troyes, le Parlement enregistra l'édit
qui prorogeait la perception du second vingtième, faible compen-
sation, au point de vue financier, des deux édits précédents qui
furent retirés. Le 20, des lettres patentes ramenèrent le Parlement
de Troyes à Paris; elles furent enregistrées le 24. Accueilli triom-
phalement, le Parlement n'attendit pas la rentrée solennelle pour
reprendre la lutte au point même où il l'avait laissée. Il affecta (et
c'est par là que cette courte digression se rattache à notre présent
chapitre) de traiter les Arrêts du Conseil non enregistrés comme des
écrits prohibés. Sans doute, il ne les condamne pas, mais il emploie
à leur égard la même procédure d'accusation qu'à celui des livres ou
brochures de simples particuliers.
Le 23 octobre 1787, le matin, sous la présidence de Le Peletier,
« un de Messieurs » (probablement Goislard présent à cette séance)
<( défère » à la chambre de vacations un « Imprimé ayant pour titre :
Arrêt du Conseil qui autorise la Ville de Paris à ouvrir un emprunt
de 12 millions remboursables en un an par voie de loterie au profit des
hôpitaux ». I! n'en donne la date qu'incidemment, comme d'un acte
surpris et non exécutoire.
Après la rentrée, sans les formalités traditionnelles et légales des
lits de justice, et après avoir commencé à recueillir des suffrages
pour la plupart hostiles, le garde des sceaux Lamoignon, sur l'ordre
du roi, prononça l'enregistrement ' d'un édit qui créait des emprunts
successifs pendant cinq ans pour la somme de 420 millions, et qui en
même temps annonçait la convocation des États généraux comme
prochaine. La protestation du duc d'Orléans le lit exiler à Villers-
1. Le roi avait expliqué ainsi l'enregistrement extraordinaire (Arch. nat., 22 nov.
1187, compte-rendu tic l'entrevue du 21, X !b 8987; : < Je nie suis rapproché de
vous par confiance, et clans cette forme antique si souvent réclamée par mon
Parlement auprès des rois mes prédécesseurs; et, dans le moment où j'ai bien
voulu tenir mon Conseil au milieu de vous sur un objet de mon administration,
vous essayez de le transformer en un tribunal ordinaire, et de présenter de
l'illégalité dans son résultat en invoquant les ordonnances pour le soumettre et
moi-même à des règles qui ne regardent que les tribunaux clans l'exercice habi-
tuel de leurs fonctions. »
218 LE PARLEMENT
Cotterets; et dans la nuit du 20 au 21 novembre les conseillers de
grand' chambre Fréteau et l'abbé Sabathier furent enlevés par les
soins du lieutenant de police Thiroux de Crosne: l'un fut conduit à
Doullens par l'inspecteur de police Quidor, l'antre au Mont-Saint-
Michel par l'inspecteur de police Sommelier. Les lettres de cachet,
signées du roi, portaient pins bas la signature du ministre de Paris,
le baron de Breteuil.
Fréteau et Sabathier avaient t'ait de vives remontrances dans la
séance du lï) novembre. De pins, ils avaient t'ait voter par le Parle-
ment une délibération immédiate, qui protestait contre l'enregistre-
ment forcé. Le roi s'en lit apporter la minute (21 novembre), la
regarda, la ploya, et la garda. Il défendit de la remplacer d'aucune
manière.
Dès, le surlendemain, le Parlement éluda cette défense.
Il a été mis sur le bureau un imprime ayant pour titre Édit du roi portant
création, etc., registre en parlement, etc., au bas duquel est une mention conçue
en ces termes : Registre en la Courx etc., signé Ysabeau. Sur quoi ayant été
observé que cette mention contenait la fausse énonciation d'un arrêt d'enre-
gistrement qui n'existe pas,
La matière mise en délibération,
La Cour a continué la délibération à la huitaine, à dix heures du matin1.
La délibération ne fut pas reprise; et le Parlement se borna, par la
suite, à protester contre les lettres de cachet et à demander justice
pour le duc d'Orléans, Fréteau et Sabathier. Mais il avait réussi à
enlever à Y Edit des emprunts successifs la légalité dont il avait été,
selon lui, frauduleusement revêtu.
Dans la même séance, du 23 novembre, et par une application
analogue de la police des imprimés et des règlements parlementaires
qui imposaient de tenir les délibérations closes et secrètes, le défen-
seur affidé et presque unique des projets de Loménie et de Lamoi-
gnon, le conseiller-clerc Tandeau, fut incriminé par ses confrères :
Après quoi un de Messieurs a pareillement mis sur le bureau un imprime
ayant pour titre Discours de M. l'abbé Tandeau, etc. 2, de l'imprimerie de P. D.
Pierres', et ayant observé que c'était une contravention aux ordonnances du
royaume et aux serments des magistrats, de tenir les délibérations de la
Cour closes et secrètes, qu'il pouvait en résulter les plus grands inconvénients,
1. Arch. nal., X U 8987.
2. Rapport de M. l'abbé Tandeau, de l'Édit d'emprunt enregistré à la séance
du roi au Parlement le 19 nov. 1787 (piëSe de 22 pages in-4°).
3. Premier imprimeur ordinaire du Hoi.
JUGE DES ÉCRITS 219
il a prié M. le premier président de mettre en délibération ce qui convenait de
faire.
L'abbé Tandeau, membre du Parlement, protesta qu'il était étran-
ger à cette impression, et qu'il n'avait communiqué son rapport
qu'au garde des sceaux, sur l'ordre du Roi. Ce rapport avait été con-
certé d'avance avec le ministère. Il était habilement conçu pour
tromper l'opinion publique. Il ne cachait pas le mauvais état des
finances, le danger des emprunts, facilités par la haute opinion que
les Français et les étrangers avaient de la sagesse et de la probité
royales1. Mais il finissait par déclarer que des emprunts se gageant
les uns les autres étaient préférables à de nouveaux impôts, aux abus
de la fiscalité, à la vente des privilèges, aux affaires extraordinaires.
Leur hypothèque réelle consistait dans les futures économies, dans
les futures extinctions de charges. Bref, avec un déficit annuel « de
115 à 140 millions », les Etats généraux ne pourraient guère eux-
mêmes trouver « d'autres moyens prompts... qu'une diminution dans
la masse des engagements, et jamais en France cette pensée honteuse
ne trouvera de partisans dans une Assemblée nationale ».
Le Parlement n'osa pas supprimer ni condamner un mémoire
publié à l'imprimerie royale. D'ailleurs, le secret des délibérations
n'était qu'un prétexte : les membres du Parlement ne se faisaient
faute de le violer, soit par vanité d'auteur, soit pour porter leurs
récits, leurs remontrances devant le tribunal de l'opinion publique.
Le Parlement, comme le gouvernement, avait deux poids et deux
mesures. Il s'agissait moins d'appliquer également des lois que de
se défendre ou d'attaquer. L'innocence ou la culpabilité d'un écrit,
toujours difficiles à peser, dépendaient de la fluctuation des partis :
quant à la gravité des poursuites ou des peines, elle ne se mesurait
1. « 11 faut l'avouer, Sire, au nom d'Emprunt tout bon Français doit être
consterné.
« Ils ont été la source de tous nos malheurs, le germe de toutes les impositions
qui écrasent vos Peuples.
« Us l'ont été non seulement par l'abus prodigieux qui en a été fait, par les
conditions onéreuses auxquelles ils ont été constitués, mais encore par les dé-
penses inutiles et ruineuses qu'ils ont favorisées.
« Oserai-je le dire même, Sire? Peut-être n'ont-ils jamais été plus funestes
que depuis que Votre Majesté a pris les rênes du gouvernement, parce que la
haute opinion que les étrangers et vos peuples ont conçue de votre sagesse,
pourquoi ne \<~ dirais-je pas? t\r voire probité, a l'ait affluer avec abondance
les capitaux <]<■ Imite l'Europe dans votre trésor royal. Les richesses premières
de l'homme, les fonds de terre eux-mêmes, ont paru des biens moins solides
que votre parole : et c'est ainsi que votre propre vertu a tourné contre vous-
même. »
220 LE PARLEMENT
pas seulement à celle d'un délit vrai ou supposé, mais à l'influence et
à la qualité des personnes '.
Année 1788
ARRÊT du 7 janvier 1788, condamnant VA Im anachdes Honnêtes Gens.
Le rapport fut l'ail par l'abbé Tandeau qui fulmina contre l'éclec-
tisme idolâtrique de cet almanach (fêtes de l'Amour profane, de l'IIy-
ménée,de la Reconnaissance, de l'Amitié) cl contre la criminelle asso-
ciation de noms tels que ceux de Jésus-Christ, Mahomet, Brutus, etc.
L'auteur, Sylvain Maréchal, demeurant rue des Prêcheurs, n° 29,
devait être appréhendé au corps, ou en tout cas assigné à quinzaine,
ses biens saisis et confisqués. Son œuvre bizarre, mélange de nomi-
nalisme scolastique 2, de voltairianisme >, et de souvenirs gréco-
romains , n'a inspiré le Calendrier républicain que de loin. Elle
fourmille d'inexactitudes et d'erreurs de noms et de dates2».
LETTRE
d'un avocat a un conseiller au parlement
sur l' « almanach des honnetes gens » s
MONSIFA'R,
Vous m'avez paru si indigné contre Y Almanach des Honnêtes Gens que j'ai
cherché à me le procurer, pour savoir jusqu'à quel point l'auteur pouvait mé-
riter votre indignation, et celle de tous ceux qui ont quelque respect pour la
religion.
1. C'est la conclusion de M. F. Bnmetièrc, même sur la Direction de la librairie
sous M. de Malesherbes (Revue des Deux-Mondes, 1" fév. 1882).
2. Les personnifications de l'Amour, de l'Amitié, des Vertus et des Vices rem-
plissent les romans les plus lus du moyen âge.
3. Voir les Dialogues philosophiques, où Confucius, Zoroastre, etc., parlent la
langue de Voltaire, et lui servent de truchement.
4. Le sieur Thiroux de Crosne, lieutenant général de police, s'était hâté de
faire renfermer Sylvain Maréchal à Saint-Lazare, par lettre de cachet; en même
temps le sieur de Sauvigny, censeur de VAlmanach des Honnêtes Gens, avait été
exilé à 30 lieues de Paris (Hardy, t. Vit, p. 340, 9 janvier 1788). — Il ne fut saisi
chez l'auteur que 600 exemplaires; aussi l'empressement était tel de se le pro-
curer, qu'il n'avait plus de prix fixe. L'imprimeur, Cailleau (André-Charles),
demeurant rue Galande, se déroba dernière L'approbation du censeur.
5. Cet almanach est imprimé dans la forme de VAlmanach de cabinet. Au lieu
des saints qui sont indiqués pour chaque jour du mois dans le calendrier, on y a
placé tous ceux qui ont eu quelque célébrité, même à raison de leur impiété et
de leurs écrits licencieux, comme Spinosa, Saint-Evremout, Voltaire...; et dans
cette liste se trouve placé Jésus-Christ, le 2."> décembre et le 3 avril. L'auteur
donne pour l'époque de son almanach ou de son calcul, la première année du
règne de la Raison. (Cette note est de l'auteur de la lettre.)
JUGE DES ÉCRITS 221
J'ai éprouvé le môme sentiment que vous. Jésus-Christ placé sur la môme
ligne que ses plus grands ennemis, avec les Paracelse, les Spinosa, les Saint-
Èvremont; avec Voltaire, Piron, Boulanger, Collins ; en un mot, avec des noms
qui ne peuvent rappeler que la licence la plus effrénée et dans la conduite et
dans les principes! Quoi de plus révoltant?
Mais le moment de réflexion m'a fait naître une idée que je ne crois pas
indigne de vous être communiquée; c'est que cet almanach n'est qu'une con-
séquence de l'opinion de ceux qui proposent d'étendre à toutes les sectes et à
toutes les opinions la tolérance civile que le roi veut et doit accorder aux
protestants.
Dans le fait, si l'adorateur de Foé, le Mahométan, le Socinien, le Spinosiste,
l'Anabaptiste, le Quakir, doivent partager avec les protestants le bienfait de
l'état civil, il est évident que ce sera une permission expresse accordée à cha-
cun de vénérer ce qu'il croit devoir regarder comme l'objet de ses hommages
et de son admiration.
Alors, rien de plus naturel et de plus conséquent que de placer sur une co-
lonne les noms des différents personnages qui peuvent être l'objet des hom-
mages de tous les individus qui composent la grande société formée de toutes
les sectes et de toutes les nations, quelles que soient leurs opinions en fait de
religion.
Y a-t-il plus de mal à mettre sur un môme tableau ces différents person-
nages pour en rappeler le souvenir à ceux qui croient leur devoir des hom-
mages, que de mettre sur la môme ligne, et laisser jouir des mêmes avantages
civils, tous ceux qui ont une figure humaine, quelque dangereuses, ridicules,
extravagantes et licencieuses que soient leurs opinions religieuses, même sur
l'existence de la Divinité?
Le souverain et les magistrats, qui ne trouveraient aucun inconvénient à ce
mélange de toutes les sectes et de toute espèce d'opinions, ne peuvent pas
blâmer un écrit qui ne fait qu'énoncer, d'une manière différente, que tout do-
rénavant, en France, sera toléré, et qu'il sera permis à chacun de penser
comme il veut, et même de regarder comme un grand homme Saint-Évremont,
qui est le chef des athées.
Cet almanach pourrait bien paraître à beaucoup de personnes n'être que le
tableau de ce qui arriverait en France, si, contre toute vraisemblance, on y
appelait tous les non -catholiques; car le polythéiste, l'athée, le matérialiste, ne
sont certainement pas catholiques.
Ainsi, Monsieur, l'auteur de l'Almanach n'aurait-il pas fait, sans le vouloir,
la critique la mieux fondée du projet des ennemis de la religion, de miner
sourdement la religion catholique en France, en y introduisant toutes les
sectes et toutes les opinions?
Ce qui est certain, c'est que l'auteur n'eût jamais pensé à intituler son al-
manach l'an premier du règne de la Raison, s'il n'eût eu l'espérance de voir
étendre à toutes les sectes ce que les magistrats n'ont demandé et n'ont pu
demander que pour les protestants.
Je suis avec respect, Monsieur, etc.
A Paris, ce 6 janvier 1788.
222
LE PARLEMENT
ALMANACH DES
Lan premier du règne de la liaison.
Dis-moi qui tu hantes ,
I
MARS
m
PR1NCEPS
1 Moïse m
2 Martial, po n
3 Se Dupleix m
4 Saladin m
5 Kleist, P. AU . . . . m
fi Michel-Ange n
7 Antonin m
8 Fréret ........ m
9 Vanièrc n
(lOj Léon, de Vinci. . . m
11 Tasse n
12 Boileau m
13 L'Hôpital, clianc. . . m
14 Thémistocle m
lu Brulus tue César.
lfi Euripide n
17 Marc-Aurèle m
18 Turgot n
19 Pliocion. m
(20) Le Couvreur . . . . m
21 Toland m
22 Catinat m
23 Aristote n
24 Ruyter n
25 Newton m
26 Wollaston n
27 Chamousset m
28 Calot m
29 P. Seguier n
(30) T. Pomponius Alt. . m
31 Descartes n
II
AVRIL
ou
ALTER
1 Bavard
2 Harwey, Vinslow. . .
3 Jésus-Christ m
4 Jouvcnct m
5 Hobbes n
(i Sacrale n
7 Platon n
8 Cheviller m
9 Bacon, Wolf m
(lO)Grotius. m. Tindall . n
11 Deslandes m
12 Bossuct, Young ... m
13 Mécène n
14 Handel m
15 Pindarc, Tasse. ... m
1(5 J. Cassini m
17 Procrus, Ozanam. . . m
18 Lainez m
19 Christine m
(20) M. Cervantes .... m
21 Numa Pompilius. . . n
22 J. Racine m
23 Peyronie m
24 Vincent de Paule. . . n
25 Louis IX n
26 Marc-Aurèlc m
27 Le Prince Eugène . . m
28 Shakespéar m
29 Abbé de S. -Pierre . . m
(30) Lucain, Seneque . . m
III
MAI
TER
1 Adisson n
2 Lcmaître m
3 Benoît XIV P m
4 Aldrovandus m
5 Astruc m
6 Papire Masson . . . . n
7 C. de Thou m
8 C. Colomb m
9 Winckclmann .... m
(10) Labruyere, Turgot . m
11 Fagon n
12 Santeuil n
13 Barneveldt m
14 Henri IV m
15 Marulle m
16 Mar. Fabert m
17 Héloïse m
18 Montausier m
19 Yves m
(20) Albert Durer . . . . n
21 T. Campanella .... m
22 Cl. Bembo n
23 Linné n
24 Timoléon m
25 G. d'Amboise m
26 Letrosne m
27 Dante n. Pibrac ... m
28 Titus h
29 Boindin n
(30) Voltaire m
31 Pope m
N. B. — Dans ce calendrier tout prophane, on n'a pas prétendu faire loi. Mais
comme malheureusement les habitans de la terre sont divisés de culte, on a tenté de
les rapprocher par un lien commun de fraternité. Le proverbe dit : Ily a des hon-
nêtes gens par tout. C'est d'eux et pour eux qu'on s'est occupé ici. L'Almanach des
Honnêtes Gens pourra être consulté également par le catholique et le protestant, le.
luthérien et l'anglican, le chrétien et le mahométan, l'idolâtre et l'iiébraïsan. On ne
doit cependant regarder ceci que comme le germe informe d'un ouvrage plus impor-
tant; comme le portique ébauché d'un édifice de paix, où les hommes se trouveront
un jour plus à leur aise que partout ailleurs.
JUGE DES ÉCRITS
223
HONNETES GENS
je dirai qui tu es. (Prov.)
Pour la présente année.
IV
JUIN
oo
QUARTILE
1 Brutus chasse Tarq.
2 Fléchier n
3 Harvey m
4 Laure n
5 Tournefort n
6 La Vallièrc m
7 Mahomet m
8 Médard, év m
9 Mère d'Henri IV . . . m
(10) Guaylrouin n
11 Dumarsais n
12 Montalembert .... m
13 Agricola n
14 Pannard m
15 Rembrant n
16 Ch. Oxenstiern. . . . n
17 Adisson. Crébillon P. m
18 Vanswiéten m
19 Pascal m
(20) Azpilcucra m
21 Collins n
22 Bougainville n
23 Léibnitz n
24 Péiresc n
25 Titus règne
26 Julien, emp m
27 Chaulieu
28 J.-J.Rousseaun. Diog. m
29 Rubens n
(30) Charles VIII, R. F. . n
V
JUILLET
ou
QUINTILE
1 Duc de Vendôme . . n
2 J.-J; Rousseau .... m
3 D'Aubusson, g. m. . m
4 Vadé, Richardson . . m
5 Destouclics m
6 Thom. Morus m
7 Trissino n
8 Lafontaine n. Arioste m
9 Piron. n
(lO)Mézeray m
11 Isocrate* m
12 J. César
13 Duguesclin m
14 Cla. Fleury m
15 Drantôme, Vanloo . . m
16 J. Hus m
17 Talbot, Dumarsais. . n
18 Pétrarque, Wattcau. . m
19 Vincent de Paule. . .
(20) Pétrarque n
21 Imp. Eudocie, Athén. m
22 T. Chatel de Bell. . .
23 Ach. de Harlav . . . m
24 U. de Salis. ...... n
25 Thomas à Kempis . . m
26 Bouchardon m
27 Turcnne m
28 Sannazar n
29 Cicéron m
(30)Guill. Peiin m
31 L'Ab. Chappe .... m
VI
AOUST
ou
SEXTILE
1 Ph. d'Orléans, rég. . n
2 Condillac m
3 Dolet m
4 Moh.Mahadi, Cal. . . m
5 Tullia, la Vallière . . m
6 Fénélon n
7 Mallebranche n
8 Le gr. Arnaud'. ... m
9 Drvden n
(10) G. d'Estrée m
11 Trajan m
12 Barclay m
13 Fra Paolo n
14 Devic m
15
16 Jac. Bernouilli. . . . m
17 Mad. Dacier m
18 Laboëtie m
19 Pascal m
(20) Bourdaloue n
22 Villiers, Valette, g. m. m
23 Agricola m
24 L'airi. Coligny . ... in
25 Hume m
27 Charles V, R. Sixte V. m
28 Alexandre Severe . . m
29 Trajan m
30 Soliman II m
31 Colbert, n. Souftlot. . m
21 Boëce m
26 Thompson. L. Véga. m
Qu'on ne fasse pas l'injure à l'espèce humaine de croire qu'elle n'a produit de
grands hommes que ceux dont les noms se trouvent ici; on n'a inscrit que ceux dont
on a pu découvrir la date un peu certaine de la naissance et de la mort, indiquées
par une n ou par une m.
Les changemens qu'on s'est permis s'expliqueront assez d'eux-mêmes.
On a divisé chaque mois de cet Almaiiach des Honnêtes Gens par décades, c'est-à-
dire de 10 en 10 jours : en sorte qu'il y a dans l'année 36 décades ; les 5 à 6 jours
excédant les 360 jours serviront d'épagomènes et peuvent être consacrés si l'on
veut à des solennités purement morales : Par exemple :
224
LE PARLEMENT
VII
SEPTEMBRE
1 Câlinât m
2 Rcgnard, Parcicux. . m
3 Le grand Condé ... m
4 Caylus m
5 Louis le Grand. . . . m
G Colbert n
7 Bu if on n
8 Elisabeth R. d'Angl. m
9 Saint-Évremont . . . m
(10) Guillaume 1 le C . . m
11 Turenne m
12 François I, R. de F. . m
13 Titus, Cromwel . . . m
14 J. D. Cassini, Rollin. m
15 Montaigne m
16 Boulanger n
17 Mauportuis. m
18 Roger Bacon m
19 Antonin n
(20) LL Crassus OS... m
21 Cardan n
22 Virgile n
23 Boërhaavc m
24 Paracelse, J. Second, m
25 Lamote Levayer . . . n
26 Vespasien n
27 Guai-Trouin n
28 Lesdiguere.Massillon m
29 Gustave Vasa n
(30) G. Tell, H. Languet. m
VIII
OCTOBRE
1 Le gr. Pompée. . . . m
2 Alexandre Severc . . n
3 Annibal ....... m
4 Albanc, Cujas . . . . m
5 Ph. Desportes . .... m
■6 Malherbe m
7 Froissard, hist. . . . m
8 J. Douza, Holl . . . . m
9 Fallope, Cl. Perrault, m
(10) Corneille, P m
11 Ziska m
12 Clarcke. C : Polignac. n
13 Malbranche. Vesale. . m
14 Guill. Penn n
15 Virgile n
16 Socrate. Démosthèn . m
17 Ninon de Lenclos . . m
18 Réaumur m
19 Démocrite, Swift. . . m
(20) Lamoignon n
21 Le Père du Rédacl. . n
22 Régnier, Saty . . . . m
23 C. Boulainvillicrs . . n
24 Gassendi. Tichobrahc. m
25 Ach. Harlay, l'anc. . m
26 Galissonnière . . . . m
27 Alfred le Gr m
28 Locke m
29 M. le Tellier m
(30) Boindin m
31 Prés. Jeannin . . . . m
IX
NOVEMBRE
1
2
3
4
P. Pi thon m
Pline, l'Ane m
Lucain. m
Coock n
5 Plessis Mornai. . . . n
6 N. Trajan. Julien . . n
7 Locke m
8 Charron m
9 Milton m
(10) Boulanger n
1 Mahomet n
An. Montmorenci. . . m
Jean II P. Hol . . . . n
Leibnitz m
Kepler m
16 Gustave Adolphe. . . m
17 Faërne. Le Sage. . . m
18 Bayle \ . . . n
19 Poussin m
(20) C. Polignac m
21 J. B. Sanlerre P. . . m
22 L'ab. Prévôt m
23 Perse m
24 Spinosa n
25 Bolingbroke m
26 Quinaull m
27 Horace m
28 D'Aguesscau n
29 Tournefort m
30 Mar: de Saxe m
12
13
14
15
Une fêle de l'Amour, au commencement du Printemps, le 31 Mars ou Princeps;
Une fête de l'Hyménée, au commencement de l'Été, le 31 Mai ou Ter;
Une fête de la Reconnoissance, en Automne, le 31 Août ou Sextile;
Une fête de l'Amitié, en Hiver, le 31 Décembre.
La fête de tous les grands hommes aëmeres, c'est-à-dire, dont on ne sait point la
date de la mort et de la naissance, le 31 janvier, ou un-décembre.
Quant au choix des personnages, à l'exemple du rédacteur, on sera libre d'y sub-
stituer tous ceux qui paroîtront mériter la préférence; ou bien imiter chacun dans sa
famille, ce que le rédacteur a fait pour la sienne, au 21 d'Octobre. Un Almanach com-
posé en entier dans cet esprit ne pourroit tourner qu'au profit des mœurs.
JUGE DES ÉCRITS
225
X
DECEMBRE
1 Germanicus m
2 Crillon m
3 Perse n
4 Hobbcs m
5 Machiavel m
fi Cicéron m
7 Alg. Sidney m
8 Horace. . n
9 Milton n
(10) Lamo-ignon m
11 Sully. G. Condé . . . m
12 Collins m
13 Henri IV. Sully . . . n
14 Gellert. . . .\ . . . n
15 Tychobracbé n
16 Quesnay m
17 Wood m
18 Prior m
19 Gav m
(20) Amb. Parc m
21 Racine n
22 Baron, Coin m
23 Scneque m
24 Gama m
25 Jésus-Christ, Newton, n
26 Helvetius m
27 Kepler n
28 Caton, cens. Bayle. . m
29 Wiclef "... m
(30) Mar. de Brissac. . . m
31 Swift, Boerhaave. . . n
XI
JANVIER
ou
UNDÉCEMBRE
1 Demonax, Ovide. . . m
2 Ciceron n
3 M. Mole m
4 H. Montmorency L. . m
5 El. Petrowna, fmp. . m
6 C. Quirini n
7 Fénélon m
8 G. Galilci m
9 Fontcnellc m
(10) Prés. Durany. . . . m
11 Spartacus m
12 Lebrun, P m
13 Sugcr m
14 Frapaolo m
15 Crebillon, ïrag. . . n
16 Patru, av. ..... m
17 Skanderberg m
18 Montesquieu n
19 Périclès m
(20) Pythagore m
21 Piron m
22 Bacon n
23 Epicure n
2i Wolf n
25 Bayle n
26 Helvetius n
27 Nerva. Tamerlan. . . m
28 Cliarlcmagnc m
29 Ch. Seguier m
(30) Rollin n
31 Epicure m
XII
FÉVRIER
<n
UIODECEAIBRE
1 Duqucsne m
2 Mq. de l'Hôpital . . . m
3 Ulysse Salis m
4 Condamine m
5 Sévigné n
6 Arnaud le Gr n
7 Polisson m
8 Huet, év. Proclus . . n
9 Jord. Brunus m
(10) Montesquieu .... m
11 Descartes m
12 Fontenelle n
13 Baudoin R. de Je. . . m
14 Cook, voyag m
15 Fréret n
16 Plutarquc m
17 Molière m
18 Michel-Ange m
19 Copernic. G. Galilci. n
(20) Voltaire n
21 Spinosa m
22 Gésalpin n
23 Catinat m
21- Sheffield m
25 Edit de Nantes. . . .
26 Shaftesbury m
27 M. Boucicaut n
28 Raphaël. Montaigne. . m
29 Agnes Sorel ..'... m
Le défaut de place n'a pas permis de citer l'année de la naissance et de la mort des
Grands hommes de ce Calendrier. On désireroit aussi que chacun d'eux eût été peint
d'un trait. On tâchera d'y suppléer dans un petit livret portatif qui paroîtra dans le
cours de l'année, sous le titre de Dictionnaire des Honnêtes Gens.
On prévient encore que chaque mois découpé peut s'adapter à chacune des douze
colonnes d'une petite rotonde formant un almanach en relief. On peut en voir le mo-
dèle chez l'éditeur, M. P. Sylvain Maréchal, rue des Prêcheurs, n° 29, où se distribue
l' Almanach des Honnêtes Gens, soit en feuilles, soit collé sur carton, soit ployé dans
un étui.
13
22G LE PARLEMENT
ARRÊT du 5 mai 1788, qui supprime un écrit ayant pour titre Arrêté, com-
mençant par ces mots : la Cour, toutes chambres assemblées, et finissant par
ceux-ci : dont il rendra compte lundi 5 mai (sans nom de lieu ni d'imprimeur).
Le 3 mai, le Parlement, prévenu d'une façon certaine du coup
d'État que préparait Lamoighon et qui éclata par les édits du 8 mai,
avait protesté par avance dans un arrêté inscrit au procès-verbal,
mais non publié. L'arrêté apocryphe qu'il supprima deux jours après
ne diffère pas pour le fond, mais seulement par quelques expressions
plus énergiques. En voici, avec le texte authentique entre paren-
thèses, le principal considérant :
Considérant que les entreprises de S. M. (des ministres de sa Majesté) sur la
magistrature ont évidemment pour cause le parti qu'a pris la Cour de résister
aux impôts (à deux impôts) désastreux, de se reconnaître incompétente en
matière de subsides, de convoquer (solliciter la convocation de) l'assemblée
des États généraux et de réclamer la liberté individuelle des citoyens.
Quel était l'auteur de cet arrêté insurrectionnel? Si l'on applique ici
la maxime is f'ccil cui prodest, il semble qu'on doive l'attribuer aux
ennemis du Parlement, à la police désireuse de le compromettre au-
près du roi d'une façon irrémédiable. En fait, dans cette même séance
du 3 mai, Thiroux de Crosne avait été cité pour rendre compte de
l'enlèvement du gazetier Fouilloux à l'hôtel delà Force, par ce même
inspecteur Quidor qui avait procédé à l'arrestation de Fréteau. L'ar-
rêté apocryphe ne paraît pas avoir été distribué dans Paris : c'est le
lieutenant général du bailliage du Palais qui en saisit des exemplaires
entre les mains d'un certain Tissot, qui essayait de les placer chez
divers libraires du Palais. Le Parlement déjoua cette perfidie de gens
qui voulaient le faire passer pour rebelle, tandis qu'il n'était qu'oppo-
sanl; malgré le lit de* justice du 8 mai, la Cour plénière ne put
être établie , les nouveaux ressorts parlementaires et ceux des
quarante-sept grands bailliages ne purent être formés, l'insurrection
légale ou violente éclata sur tout le territoire. Le Conseil crut faire
une diversion par l'arrêt du 5 juillet 1788, qui invitait tous les corps
et tous les citoyens à donner leur avis sur la forme de convocation
des Etats généraux, et par conséquent sur toutes les questions poli-
tiques, financières et sociales du moment. Cette liberté inouïe, vrai
présent des Grecs aux Troyens, devait sans doute, dans la pensée des
Brienne et des Lamoignon, relarder ou rendre impossible la convoca-
tion tant redoutée et tant promise par le roi, et égarer l'opinion pu-
blique dans le dédale des traditions, des privilèges et des doctrines
contradictoires. Peut-être aussi, au mot deMazarin : « Qu'ils chantent,
pourvu qu'ils payent! » les ministres habiles ajoutaient-ils: « Qu'ils se
JUGE DES ÉCRITS 227
querellent, pourvu qu'ils se soumettent! » Quoi qu'il en soit, cette
sorte d'anarchie ne fut point spontanée, mais savamment préparée
et impudemment entretenue, même après la chute de Brienne
(25 août), le rappel de Necker et le rétablissement du Parlement
(déclaration du 23 septembre, enregistrée le 25).
Deux jours après cet enregistrement, le Parlement montra son
opinion sur l'arrêt (non enregistré) du 5 juillet, en s'empressant de
condamner un écrit politique. Il n'avait que l'embarras du choix. Il
s'arrêta au nom de Linguet, que la Bastille et l'exil n'avaient pas
adouci, mais qui était rentré en grâce auprès des ministres, soit
à cause des services équivoques qu'il avait pu rendre dans les Pays-
Bas, soit tout simplement comme ennemi irréconciliable du parti
parlementaire. Les Annales politiques, civiles cl littéraires, qu'il avait
commencées à l'étranger en 1777, paraissaient librement en France :
on souscrivait chez A. Sauzai, ancien négociant, hôtel de Bullion,
rue Plâtrière, à Paris; c'est le numéro 110 qui lut supprimé par
l'arrêt suivant :
ARRÊT du 27 septembre 1788, qui supprime une des feuilles de l'ouvrage
périodique intitulé: Annales politiques, civiles et littéraires, tome XV, n° 116 '.
Les réquisitions de Séguier visaient spécialement les pages 211,
212 et 22(1, dans lesquelles Linguet (encore exilé lors de la publi-
cation), tournait en ridicule les récentes opérations financières,
blâmait la confiance des Français et des étrangers en matière d'em-
prunts publics, et donnait au roi le conseil, une fois les États géné-
raux assemblés, de ne point reconnaître les dettes contractées par
ses prédécesseurs.
ARRÊT du 1 7 décembre 1788, condamnant la Délibération à prendre par toutes
les municipalités du royaume, avec l'inscription : Vive le Roil
Cette brochure fut dénoncée, le 16 décembre au matin, par l'évê-
que de Chàlons.
Un des pairs2 prenant la parole a dit :
Monsieur, un de Messieurs a présenté, il y a quelques jours, à la Cour, un
imprimé ayant pour titre : Délibération à prendre par toutes les municipalités
du royaume, avec l'inscription : Vive le Roi! — La Cour n'a pas cru devoir
1. X 1b 8989. — La minute porte par erreur tome V.— L'arrêt imprimé porte
XV.
2. Onze pairs de France assistaient à cette séance, parmi lesquels Vévêque
comte de Chatons, que les termes de sa dénonciation désignent évidemment
(16 déc; 1788).
228 LE PARLEMENT
donner une attention bien suivie à cet imprimé, parce qu'il paraissait être une
pièce isolée, et n'avoir aucune publicité; mais je suis informé d'une manière
très positive qu'il a été répandu avec la plus grande profusion. Je déclare à la
Cour qu'il a été adressé aux différentes municipalités de mon diocèse, notam-
ment à celle de Joinville, et je remets à la Cour le paquet tel qu'il a été envoyé
aux officiers municipaux de cette ville. L'adresse est : A MM. les officiers muni-
cipaux de Joinville, et le timbre est de Nimes. La teneur de cet imprimé ne
peut laisser à douter que cet envoi n'ait eu pour objet de mettre le trouble
dans le royaume en excitant le tiers état contre le clergé et la noblesse. En
conséquence, je prie la Cour de s'occuper de cet imprimé comme séditieux,
attaquant le clergé, la noblesse et la magistrature; contraire aux véritables
intérêts du tiers état, et tendant à détruire l'autorité même du roi1.
Le lendemain malin 17 décembre, Séguier prononça ses réquisi-
tions et déclara que ce que la Cour devait poursuivre avant tout,
c'était la publicité extraordinaire donnée à la Délibération à prendre.
Nous envisageons cet imprimé comme le premier effet d'une anarchie prèle
à éclater,... comme le germe de désordre que le système d'égalité se llatlc
d'introduire dans les rangs et dans les conditions.
L'auteur propose d'anéantir les prérogatives du clergé et de la no-
blesse; i! déchire que les offices de la magistrature doivent être
« retirables à volonté ».
Ses projets sont contraires aux intérêts du peuple lui-même, qui deviendrait
le plus terme appui d'un despotisme jusqu'à présent inconnu.
On ne s'en lient plus à proposer des doutes sur l'incertitude des premiers
temps de la Monarchie, sur les limites de la souveraineté, sur la séparation
réelle des ordres, sur l'étendue des privilèges, en un mot, sur les droits de la
nation réunie; toutes ces questions autrefois problématiques sont décidées
suivant le trénic et le caractère des écrivains. Les sacres institutions sur les-
quelles reposent les fondements de la Monarchie sont abolies; les lois deman-
dées par la nation, consenties par le souverain, exécutées pendant des siècles
entiers, ne sont plus que de vaincs chimères enfantées par l'ignorance et
avouées parla faiblesse; nos principes eux-mêmes, la séparation des trois
ordres de l'Etat qui chacun en particulier ne peuvent rien, et qui peuvent tout
pour le bien public quand un même esprit et un même sentiment les réunit;
ces bases inaltérables de la prospérité de l'empire doivent être envisagées
comme le fruit des erreurs du premier âge, ou le produit d'une injustice que
la force seule pouvait ériger en loi. Enfin il est peu d'écrivains, de quelque
rang et de quelque condition qu'ils puissent être, qui, dans l'enthousiasme de
leurs idées, ne traitent nos ancêtres d'hommes simples et crédules, courageux
mais ignorants, propres à soumettre leurs ennemis, les armes à la main, mais
qui n'ont jamais respecté les droits particuliers du peuple, ni connu le droit
public des nations.
1. Arch. uat., X 1b 8989. La minute est signée par le présidenl Bochart de
Saron, loco domini prœsidentist
JUGE DES ÉCRITS 229
Détruire l'égalité de suffrage de chacun des trois ordres, c'est
« bannir de la société l'esprit de concorde dont tous les cœurs
doivent être pénétrés», c'est donner au tiers état une «prépondé-
rance inconstitutionnelle ».
La Délibération fut lacérée et brûlée le jour même (17 décembre
1788), comme il appert du procès-verbal d'exécution !. Les Pari-
siens purent croire (mais il n'en était rien) que l'exécuteur brûlait la
Pétition des domiciliés, déférée dans la même journée. Averti par
des sifflets et des cris auxquels il n'était pas habitué, le Parlement
fit traîner cette affaire en longueur pendant trois jours, interrogea
l'imprimeur, le notaire où la pétition avait été déposée, les gardes et
adjoints des Six-Gorps qui l'avaient approuvée solennellement, enfin
l'auteur lui-même, le docteur Guillotin. Celui-ci, qui avait eu tout le
temps de préparer et de modérer sa défense, se prévalut des inten-
tions du roi, c'est-à-dire de l'arrêt du Conseil du 5 juillet, et de celles
mêmes du Parlement, qui, dans un arrêté du 5 décembre, indiquait
« le vœu général comme pouvant déterminer la sagesse du roi » 2.
C'est seulement le troisième jour, 19 décembre, que la Cour rendit
l'arrêt suivant :
La Cour, considérant que le droit légitime qu'ont les différents Corps et
Communautés, ainsi que chaque citoyen ou particulier, de faire parvenir au
roi leurs demandes par la voie des requêtes et des supplications, ne les auto-
rise pas à remettre ces requêtes chez les officiers publics, à l'effet d'y recevoir
les signatures des citoyens de tous les ordres, moins encore à solliciter ces
signatures par des lettres ou avertissements imprimés et répandus dans le
public, ce qui tendrait à former des associations contraires à l'ordre public,
1. L'arrêt de condamnation du 17 décembre 1788 fui adressé au bureau de la
ville de Paris, qui avait reçu par la poste, comme diverses municipalités, la
« Délibération à prendre, ete. » On lit en effet cette mention manuscrite, à la
suite d'un des exemplaires imprimés conservés à la Bibliothèque nationale : « lu
et publié, l'audience tenante, et registre au bureau de la ville de Paris, ce re-
quérant le procureur du roi et de la Ville, pour être exécuté selon sa forme et
teneur. Fait audit bureau ce neuf janvier mil sept cent quatre-vingt-neuf, Vey-
tard » (secrétaire du bureau de la Ville).
1. <■ on entendait dire qu'il était plus que probable que Monsieur, frère du roi,
et le sieur Necker, directeur général des finances, avaient du consentement de Sa
.Majesté' provoqué la pétition si fort en faveur du liées état, el que, dans ce cas, il
était à craindre que toul ce que le Parlement entreprenait contre cette pétition
ne vint à tourner contre lui-même, et à être considéré comme une fausse dé-
marche contre laquelle même il se répandait déjà bien des murmures.)) La Cour
de Parlement se tint pour avertie; Guillotin fut presque complimenté quant au
fond de l'ouvrage, et il lui fut donné acte, verbalement, que les magistrats n'y
trouvaient rien de_répréhensible. (Hardy, t. VIII, p. 175 et 178, 18 et 19 décem-
bre; voyez aussi p. 188 et 1 8 G . ) — M. Chassin ayant donué les textes qui con-
cernent cette affaire, nous renvoyons à « la Convocation de Paris », p. 5G-72.
230 LE PARLEMENT
réprouvées par les ordonnances du royaume, et dont les personnes malinten-
tionnées pourraient abuser. Fait défenses aux gardes des Six-Corps et à tous
autres de répandre à l'avenir dans !c public de semblables lettres ou avertisse-
ments, et aux notaires de recevoir pareils écrits qui compromettraient la pureté
de leur étude et la confiance due à leur état; leur enjoint de remettre, dans le
jour, au greffe de la Cour les exemplaires que chacun d'eux peut avoir, en
l'état où ils sont.
Le mouvement des brochures et des ouvrages est tel qu'il devient
matériellement impossible de les poursuivre. De plus, depuis l'affaire
de la pétition, l'opinion publique s'est tournée contre le Parlement.
Son rôle de conciliateur entre le roi et la nation est terminé : ce n'est
plus lui que le pouvoir redoute, ce n'est plus en lui que la nation met
son espérance. Pendant deux mois, au milieu des problèmes qui sont
agités, des passions et des intérêts qui se mesurent avant le combat,
il garde une altitude expectante : pour qu'il reprenne sa police des
imprimés, il faut « l'ordre même du souverain ».
Année 1789
ARRÊT du 10 février 1789, qui condamne Y Histoire secrète de la Cour de Ber-
lin, ou Correspondance d'un voyageur français depuis le mois de juillet 178G
jusqu'au 19 janvier 1787; ouvrage posthume (1789) r,
L'auteur était bien connu. C'est au grand tribun révolutionnaire, à
Mirabeau, que le Parlement s'attaquait : « Il est malheureux, dit
Séguier dans son réquisitoire, d'avoir un grand talent quand on n'a
pas une trempe de caractère assez forte pour le diriger vers le bien. »
VJJisloire seerhte constituait une « violation du droit des gens » 2.
L'auteur avait foulé aux pieds la bienséance, « le respect que tout
Français doit aux puissances amies ou ennemies de la France ».
Pourquoi donc la Cour avait-elle attendu l'ordre du roi pour pour-
suivre et condamner? C'est que, dans un moment de fanatisme uni-
versel, elle s'est sentie débordée et impuissante; c'est, elle l'avoue un
peu tard, que « les flétrissures sont un attrait de plus pour rechercher
un libelle ».
Cependant, après avoir laissé subir au gouvernement l'avalancbe
de libelles qu'il s'était attirée, le Parlement fut bientôt forcé de sortir
1. X 1b S9S9. L'ouvrage est en 2 vol. de 318 et :S7G pages. Le G juin 17S7. un
arrêt du Conseil avait supprimé la lettre de Mirabeau sur l'administration de
M. Necker (Isambcrt, n° 2!U4).
2. Dans ses lettres à Mauvillon, Mirabeau désavoue {'Histoire secrète, mais il
en dit du bien.
JUGE DES ÉCRITS 231
de son inaction voulue pour défendre ce qui pouvait lui rester de
popularité, et pour soutenir le Parlement de Bretagne dans la lutte
engagée, au nom des privilèges de cette province, contre le règle-
ment général des élections et le droit naturel du tiers état.
Douze imprimés furent condamnés dans la seule journée du G mars,
dont voici le procès-verbal '.
DU VENDREDI 6 MARS 1789, DU MATIN
TOUTES CHAMBRES ASSEMBLÉES, LES PAIRS Y SÉANT
MONSIEUR LE PREMIER PRÉSIDENT
Ce jour, toutes les Chambres assemblées, les pairs y séant, les gens du roi
sont entrés, et Maître Antoine-Louis Séguier, avocat dudit seigneur roi, portant
la parole, ont dit :
Messieurs,
Nous avons pris communication des différents imprimés que la Cour nous a
remis, et nous venons lui rendre compte de nos observations sur la nature
et le but de tant de brochures également dignes d'animadversion et de mé-
pris.
Elles sont au nombre de douze, toutes, à l'exception d'une seule, sans
nom d'auteur, toutes sans nom d'imprimeur ni du lieu de l'impression.
Nous partagerons ces écrits en trois classes : la première renfermera ce qui
concerne les Parlements et la Capitale; la seconde contiendra ce qui est énoncé
de la Bretagne et a un rapport direct aux troubles de cette province. Nous
réunissons dans la troisième un imprimé signé de l'auteur, et cinq nu-
méros d'un ouvrage destiné à former une feuille périodique sur les affaires
actuelles.
Commençons par ce qui intéressé les Parlements et la ville de Paris.
Le premier imprimé a pour titre : Catéchisme des Parlements2. C'est une
espèce de conversation entre deux interlocuteurs qui, dans les demandes et
dans les réponses, prêtent à tous les Parlements du royaume des vues, des
projets, un plan, si éloignés de leurs devoirs, de leurs fonctions et de leurs
sentiments, qui supposent même une intelligence si combinée entre le clergé,
la noblesse et la magistrature, une confédération si absurde contre la consti-
tution de la monarchie et les droits inaltérables du monarque dont les uns
et les autres ont toujours été et seront toujours les plus fermes appuis, que
la lecture seule de cette brochure calomnieuse suffit pour faire connaître
l'aveuglement, la haine et la méchanceté de l'écrivain.
Le second imprimé est intitulé : Avis aux Parisiens, et appel de toutes con-
1. Arch. nat., X 1b 89!)0, ù la date. Les passages non reproduits, et signalés par
des points, sont de pure déclamation.
2. Bibl. nat., Lb59, n° 936. Pièce de 16 pages, commençant par : Qu'êfes-voits
de votre nature, et Unissant par : -point de réponse.
232 LE PARLEMENT
vocations d'Étals généraux où les députés du troisième ordre ne seraient pas
supérieurs aux deux autres1.
C'est à regret que notre ministère se voit dans la nécessité de faire l'analyse
d'un écrit dicté par la fureur encore plus que par la folie. L'auteur débute par
se plaindre de « l'inaction stupide des habitants de la Capitale, quand on veut
les rendre esclaves, quand ils devraient songer à se défendre, quand des écri-
vains, enflammés de l'amour de la patrie, soutiennent leur liberté ». Il les in-
vite « à sortir de celte honteuse apathie, à s'élever contre le clergé, la nohlesse
et la magistrature ligués ensemble », et à ne pas souffrir que « six cent mille
hommes fassent la loi à vingt-quatre millions ». Bientôt, n'écoutant plus que
le délire d'une imagination ardente, il s'écrie : « Unissons-nous de cœur et de
sentiments... Rompons toute communication avec eux... Rappelez tous vos en-
fants qui sont à leur service ; s'ils refusent d'obéir, lancez la foudre de l'cxhé-
rédation, déclarez-les traîtres à la Patrie » ; et dans une note que nous ne
pouvons passer sous silence, on lit à ce sujet : a Pour l'accomplissemcnl de
cetlc mâle résolution, je voudrais que cet écrit fût publié aux prônes de toutes
les paroisses. »
Ce cri de sédition, ce viru fanatique n'est pas encore suffisant. L'auteur
pose en fait, que « la noblesse, le clergé et la magistrature ne supportent pas
le demi-quart des charges publiques; que le corps du peuple en paye les sept
huitièmes » ; et il en conclut que « les représentants du peuple doivent être au
moins sept fois supérieurs en nomhrc aux représentants des deux autres
ordres » ; il veut que « les notables du tiers état déclarent que si ses députés
n'ont pas la prépondérance » (il ne se contente même pas de l'égalité) « ils
n'enverront point auxÉlats généraux ».
Enfin l'auteur termine par se charger lui-même du poids de la défense com-
mune; il déclare qu'il « se rend appelant de toute décision quelconque qui ne
serait pas conforme à ce principe immuable, que les représentants doivent être
en raison des représentés... parce qu'elle serait souverainement injuste et par
cela seul frappée d'une illégalité radicale ».
Les passages que nous venons d'avoir l'honneur de vous rapporter suffisent
pour caractériser un écrit de cette nature. Nous ne nous permettrons en ce
moment aucunes réflexions sur les deux imprimés de la première classe.
Le seconde doit conlenir, entre tous les imprimés qui nous ont été remis
par le greffier de la Cour, ceux qui ont un rapport direct aux troubles de la
Bretagne. Nous avons réuni sous cette indication huit brochures qui ont le
même caractère et respirent le même esprit. Vous y verrez le commencement,
les progrès et les suites d'une sorte de conspiration qui, sous le voile du bien
public et de la liberté, a presque occasionné les plus grands désordres.
La première de ces brochures est un Discours, vrai ou supposé, des Com-
missaires des Étudiants en droit et jeunes citoyens de Bretagne, en préscnta)it
leurs arrêtés au Commandant de la province2. On est tout étonné de voir les
1. Pièce de 11 pages commençant par : Frivoles Parisiens, et finissant par :
et qui s'engraissent de vos travaux. Voyez Chassin, ouvrage cité, p. 15G el 157.
Cette brochure l'ut aussi condamnée à Rennes, parmi échange de bons procédés
entre les deux parlements.
2. Pièce de 1-! pages {Monsieur le Comte... — Le Marchand de l'Épinay, gref-
fier).
JUGE DES ÉCRITS 233
élèves de l'une des Facultés de l'Université de Rennes, et le reste des jeunes
gens de la ville, réunis tout à coup en corporation, s'ériger en corps légal,
former une assemblée et prendre des délibéralions. Nous ne devons pas pré-
sumer qu'ils aient encore reçu beaucoup d'instruction sur les matières de
droit public. Cette harangue adressée au commandant de la province semble-
rait néanmoins annoncer une sorte de subordination, un recours à l'autorité
royale; mais dans le fait elle n'est que le passe-port de la délibération la plus
étrange et la plus inconstitutionnelle.
Les étudiants en droit et les autres jeunes citoyens de la ville s'étaient as-
semblés « dans la salle des écoles de droit le 20 janvier 1789 » ; ils avaient
pris «une délibération, tant en leurs noms personnels que par procuration et
adhésion desjeunes citoyens des villes de Nantes, Lorient, Saint-Malo, etautres
villes de la province»; et c'est dans cette espèce de coalition (pour nous
servir d'un terme emprunté de nos voisins et qui exprime une chose étrangère
à nos mœurs) qu'il faut chercher le germe des troubles qui depuis ont ensan-
glanté la Bretagne.
Cette jeunesse ardente, inconsidérée, et d'autant plus prompte à décider
qu'elle connaît moins les vrais principes, se hâte de prendre parti dans l'es-
pèce de schisme qui a paru diviser les trois ordres; et, pour faire connaître
son vœu particulier, elle emprunte le langage et la forme usités dans les arrêtés
des Cours souveraines ; en conséquence, l'arrêté qu'elle fait commence ainsi :
« Vu en ladite assemblée l'arrêt du Conseil d'État du roi, du 3 janvier, qui en-
joint aux députés du tiers état de Bretagne de retourner à leurs communes
pour y prendre de nouvelles charges ;
« Les arrêts de la Cour [du Parlement de Bretagne] des 8 et 10 du présent
portant défenses aux corps, communes et communautés, de se réunir ni de
prendre des délibéralions autres que celles autorisées par les ordonnances...
sous peine d'être punis et poursuivis suivant la rigueur des ordonnances por-
tées contre les assemblées illicites, etc., etc. ;
« Les déclarations de l'Ordre de la noblesse, etc. ;
« La lettre du chevalier de Guer ', etc. ;
« Les différents arrêtés des paroisses de Rennes assemblées;
« Vu et examiné de nouveau le cahier des charges arrêté parles membres des
villes et communes de la province en la salle de l'Hôtel de Ville du mois de
déeembre dernier. »
Ces différents « vu » sont suivis de plusieurs considérations :
« Considérant ladite assemblée qu'elle n'est pas sous le coup des ar-
rêfés de la Cour qui défend les assemblées illicites et contraires aux lois du
royaume, etc.. ;
<( Considérant que la déclaration de l'Ordre de la noblesse tend à soulever le
peuple contre ses légitimes représentants, etc. ;
« Considérant que la lettre du chevalier de Guer est insidieuse, etc. ;
« Considérant que les arrêtés pris par les différentes paroisses expriment le
vœu général et réfléchi des peuples;
« Considérant enfin que le cahier des charges du tiers état ne contient que les
réclamations les plus équitables, etc.;
« Déterminée par toutes ces considérations, l'assemblée arrête qu'elle se réu-
1. Bib. nat., Ll>59, no 973,
234 LE PARLEMENT
nira toutes les fois que le besoin et les affaires publiques l'exigeront,
sauf à se pourvoir contre les défenses qui pourraient lui être faites.»
Après avoir « nié », critiqué, désavoué la déclaration de l'Ordre de la no-
blesse, après avoir conlirmé « l'arrêté pris par les jeunes citoyens de Nantes
le 6 janvier précédent, celui de Lorient du 12, et généralement tous les arrêtés
pris par les jeunes citoyens des autres villes de la province, elle ordonne que
sa délibération sera imprimée au nombre de G00 exemplaires ».
Celte délibération est revêtue d'un grand nombre de signatures, et en outre
signée « Raoul, lieutenant de prévôt, et greffier des étudiants en droit, pour
les jeunes citoyens de Nantes, Lorient, Saint-Malo, et tous les jeunes gens de
la province non présents, mais qui ont envoyé leur procuration, accompagnée
de huit cents jeunes citoyens ».
Ce coup d'éclat, fait en la salle des écoles de droit, a été suivi d'une dé-
marche plus éclatante encore. Ces mêmes étudiants se sont transportés le
même jour à l'Hôtel de Ville, où se tenait l'Assemblée municipale. Ils ont de-
mandé à entrer, et ayant été admis, « ce même Raoul, faisant les fonctions de
prévôt, a donné lecture de la délibération prise aux écoles, a mis les arrêtés
sur le bureau, a demandé acte du dépôt desdites pièces, et l'Assemblée mu-
nicipale a décerné acte de la représentation et lecture desdites pièces, et
arrêté qu'elles seraient déposées au greffe de la ville ».
Cette première brochure était comme le preparatif des faits qui n'ont pas
tardé à se succéder.
La seconde a pour titre : Détail de ce qui s'est passé à Rouies le 26 jan-
vier 1789 r. — Cette feuille, où l'on accuse la noblesse d'un « complot odieux »,
où elle est traitée d' « abominable race », semble contenir la relation incroyable
d'une émotion populaire dont il y a peu d'exemples. Cette relation a été démentie
par un récit tout à fait opposé de la part de la noblesse de la province. L'une
et l'autre n'ont aucune authenticité. Mais la première a été distribuée avec un
tel empressement qu'on forçait ceux mêmes qui ne voulaient pas l'acheter à
en recevoir un exemplaire sans en payer la valeur; et cette circonstance peut
faire soupçonner l'esprit dans lequel cette brochure a été composée, envoyée
et distribuée. Nous nous ferions un juste reproche de reproduire les assertions
que ce Détail présente. Il serait trop douloureux à notre ministère de retracer
des événements si tragiques que nous désirerions d'en effacer même jusqu'au
souvenir.
La troisième brochure de cette seconde classe est en quelque sorte le pre-
mier fruit du Détail que nous venons de faire connaître.
Elle est intitulée : Discours prononcé à l'hôtel de la Bourse dans l'assemblée
des jeunes gens de Nantes, par M. Omncs Omnibus, député des jeunes gens de
Rennes, le 28 janvier 1789-. — L'auteur annonce qu'il est « député » et qu'il
a vient au nom des jeunes citoyens de Rennes chercher les secours qu'ils
1. Pièce (If (i pages (Noire ville a eu le spectacle — tels qu'ils se soûl passés).
Cet écrit avait déjà été supprimé par le Conseil, de l'avis du garde des sceaux
Barerïtin, le 14 février, comme contraire au bon ordre et attentatoire à la con-
sidération due à la noblesse [Réimpression de l'uuc Moniteur, tome I, p. 5b6).
2. Pièce de s pages (Messieurs, — Lupé, Mesnard, etc.) Bib. nat., Lb39, 1032.
Un Breton, nommé François Omnès, compagnon graveur, à Paris, s'était distin-
gué par de nombreux sauvetages; en 1784 en particulier, à dix-huit ans, lors
JUGE DES ÉCRITS 235
attendent de ceux qui se sont si bien montrés pour la cause commune... Je
me sacrifierai, ajoute-t-il, s'il le faut, pour mes compatriotes; la patrie est en
danger, marchons pour la défendre ». Cette vive apostrophe est suivie d'une
protestation des jeunes gens de Nantes. On y lit : «Que le cri de la vengeance
retentisse jusqu'au pied du Trône! Que le monarque voie couler le sang de
nos frères, etc. Jurons tous, au nom de l'humanité et de la liberté, d'élever un
rempart aux efforts de nos ennemis... » Ils arrêtent en conséquence «départir
en nombre suffisant pour en imposer..., de regarder comme infâmes et désho-
norés ceux qui auront la bassesse de postuler et môme d'accepter les places
des absents... de se soumettre aux commissaires nommés par acclamation
pour la police et l'ordre qu'il conviendra observer pendant la route et le sé-
jour à Rennes ». Enfin, « ils protestent d'avance contre tous les arrêts qui
pourraient les déclarer séditieux, et jurent au nom de l'honneur et de la patrie
qu'au cas qu'un tribunal injuste parvînt à s'emparer de quelqu'un d'eux, et
qu'il osât, par un de ces actes que la politique appelle actes de vigueur et qui
ne sont en effet que des actes de despotisme, le sacrifier sans observer les
formes et les délais prescrits par les lois, ils jurent, disons-nous, de faire ce
que la nature, le courage elle désespoir inspirent pour sa propre conservation ».
Cet arrêté paraît revêtu de seize signatures, et ceux dont on lit les noms
prennent la qualité de commissaires. Ensuite on trouve les noms de six autres
particuliers qui s'annoncent pour chefs de correspondance ; et, comme si tous
les assistants n'avaient pu signer, on voit un grand nombre de signatures sui-
vies de plusieurs, etc., etc., etc.
Vous venez de voir que la jeunesse de Nantes a arrêté de, partir et d'aller
au secours de ses frères de Rennes. Ce plan a été aussitôt exécuté que conçu.
L'arrêté est du 28 janvier. Nous voyons, par la quatrième brochure intitulée
Journal de route1, que ce même jour, 28 janvier, les jeunes gens de. Nantes se
sont en effet mis en marche, qu'ils se sont approchés de la ville de Rennes
avec armes et bagages, mais en observant une discipline presque militaire
d'après un arrêté fait par les commissaires nommés avant le départ.
Ce même Journal nous apprend que cette jeunesse a été trois jours en mar-
che, que la jeunesse de Rennes est venue en partie la rejoindre à Nozay ; que
le 31 janvier les deux corps réunis se sont mis en route pour arriver à
Rennes; que l'entrée de la ville a été interdite au plus grand nombre; que
leurs instances réitérées leur ont fait obtenir la permission d'entrer; que les
jeunes gens de Nantes ont été logés chez les bourgeois, et qu' « ils on! dépose
leurs armes sous la garde de cinquante d'entre eux ».
des grandes inondations de la Seine, il sauva deux enfants à six jours d'inter-
valle, l'un le 4 avril, l'autre le 10, et chaque fois au péril de sa vie et aux yeux
d'une foule stupéfaite de sa hardiesse. La maîtrise lui fut accordée à titre de
récompense et, sans frais, lui outre, sur le rapport de M. Pia ill mai HSi, Arch.
nat.,11. 1955), la Ville lui avait décerné une de ses médailles, avec cette épigraphe
ingénieuse, qui faisait allusion à son nom et à son dévouement: Omnes omnibus.
Des lettres de félicitation furent envoyées à son péri', qui avait sept autres en-
fants, et qui était maître ferblantier de la marine de Brest. Il est curieux de
retrouver l'épigraphe Omnes omnibus comme signature d'un des libelles bretons
de 1789, et comme nom de guerre.
1. Pièce de \2 pages (Le mercredi malin susdit jour. — serait imprimé). Bib.
nat., LbJ? 1033,
236 LE PARLEMENT
Cependant l'émeute du 26 avait excité la vigilance du Parlement de Rennes,
et, ayant voulu prendre connaissance de « l'affaire survenue entre MM. de la
noblesse et du tiers état », il avait rendu un arrêt qui évoquait les procédures
commencées soit au siège de la police, soit au présidial, avec défenses d'en
connaître. Le même Journal nous apprend encore que « le présidial n'avait
pas voulu déférer à cet arrêt, qu'il continuait ses informations» et que l'ordre
des avocats crut alors devoir agir en son nom. « 11 demanda l'entrée de la
cour, le rapport de l'arrêt de convocation » (c'est évocation qu'on a voulu
dire); il demanda que « la connaissance de l'affaire restât au présidial comme
tribunal d'instruction, et le seul qui pût en connaître ». Nous ne pouvons
nous persuader qu'un barreau aussi éclairé que celui de Rennes ait pu ignorer
que les cours souveraines ont dans toute l'étendue de leur ressort, et princi-
palement dans le lieu de leur fixation, l'exercice incontestable de ia grande
police. Le Parlement de Rennes devait se placer entre le corps de la noblesse
et celui du tiers état pour pacifier les esprits et arrêter le désordre, quels qu'en
fussent les auteurs. Mais ce qui nous étonne encore davantage, c'est qu'on fasse
dire à l'avocat qui portait la parole, qu' « il tenait d'une main l'ordonnance et
de l'autre le cri public » : comme si cette menace déguisée pouvait en impo-
ser aux magistrats dépositaires de l'autorité! comme si la cour devait le motif
de ses résolutions à un ordre fait pour défendre les intérêts des particuliers,
sans interroger la justice dans le sanctuaire de la loi ! Aussi le Parlement de
Rennes a-t-il répondu à cette insurrection inouïe, qu' « il ne devait aucun
compte à l'ordre des avocats, et qu'il voulait bien lui dire qu'il avait puisé
dans sa sagesse l'arrêté qu'il avait pris ». Nous lisons dans le même Journal
que, « mécontent de cette réponse, l'ordre a député quatre de ses membres
pour Paris », sans doute pour se plaindre de ce que la cour n'avait pas fait
droit sur sa réclamation.
La cinquième brochure est un recueil de Pièces tant imprimées que manu-
scrites1. Mais ce recueil se réduit à deux seulement. La première est un Écrit des
jeunes yens de la ville de Brest, dans lequel ils « certifient, promettent et
jurent d'adhérer aux délibérations de la ville de Rennes, de se soumettre à
tout ce qu'il plaira... à la jeunesse assemblée de la ville de Rennes, de décider,
pour soutenir les droits injustement méconnus du tiers, de s'opposer aux in-
sultes et vexations d'une noblesse orgueilleuse;... et enfin de se soumettre
aveuglément à tout ce qui sera décidé par le Conseil de la jeunesse assemblée,
et de se consacrer avec le plus parfait dévouement à la cause publique ». Cet
arrêté est du 1er février 1789 ; il est revêtu de soixante signatures, et, à la fin,
il est signé Frémont, commissaire pour la correspondance de Nantes et de
lie unes.
La seconde pièce de ce recueil est une homélie hislorico-politico- morale,
où l'auteur s'est efforcé de faire voir ce que, d'après ses idées et les faits qu'il
raconte, « on doit penser de la conduite des ordres de l'Eglise et de la no-
blesse, et de celle du Parlement depuis l'ouverture des Etats de Bretagne ».
Dans ce discours, l'auteur, vraiment fanatique, s'est oublié au point d'affecter
d'imiter en tout la forme pratiquée dans les instructions que les ministres de
l'Eglise donnent aux fidèles assemblés sur les mystères, les dogmes et les
1. Pièce de 28 pages {Nous soussignés. — par un curé de Bretagne). Bib. nat.,
'Lb39, 1115.
JUGE DES ÉCRITS 237
préceptes de notre religion sainte. Cette homélie ne présente qu'un narré infi-
dèle de faits hasardés ou dénaturés, qu'un assemblage d'assertions injurieuses
au clergé, à la noblesse et à la magistrature ; la dénonciation d'un système
d'asservissement médité contre le tiers état, système qui n'a jamais existé
et n'existera jamais dans le cœur ou dans l'esprit des deux premiers ordres
de la province; enfin l'apologie des prétentions de toute nature du troi-
sième ordre, et un encouragement pour saisir l'occasion de rompre le joug,
et de rentrer dans tous les droits dont il a injustement été privé. 0 souvenir
malheureux! c'est avec de pareils moyens, c'est par de semblables déclama-
tions que les prédicateurs du temps odieux de la Ligue cherchaient à soule-
ver le peuple, et l'animaient contre ce qu'il y avait de plus respectable dans
l'État.
Il nous reste encore à vous rendre compte, dans cette classe, de trois impri-
més qui sont une suite de tout ce que nous venons d'avoir l'honneur de vous
exposer. L'une est une Protestation des étudiants en droit de la ville d'Angers,
du 3 février 1789' ; — la seconde, un Arrêté des membres de la Dazocke de la
ville d'Angers, du même jour2 ; — la troisième, un Arrêté des jeunes citoyens
de la même ville, du 4 février* .
La protestation des étudiants en droit a été faite « dans la salle des grandes
écoles » ; elle a été faite sur la «lecture d'une lettre des jeunes gens de la ville
de Rennes ». On rappelle dans cette protestation les considérations qui ont
déterminé les étudiants en droit de l'Université de Rennes ; on « arrête des
remerciements à tous les jeunes gens de Nantes, aux étudiants en droit de
Rennes, et à tous les jeunes citoyens de Bretagne » ; qu'il leur « sera sur-le-
champ donné assurance du zèle de l'assemblée à concourir avec eux à la juste
vengeance des assassinats commis par quelques nobles de Rretagne », que
« chacun se préparera sans délai à partir pour se rendre à Rennes >- ; qu' « on
communiquera à la jeunesse d'Angers les pièces même de Nantes », et que
« la délibération sera rendue publique ».
V Arrêté de la Bawche est dirigé d'après le même plan de conduite. On ex-
pose d'abord que « déjà les étudiants en droit et en médecine ont envoyé des
députés à Nantes et à Rennes pour prendre des informations, et offrir aux
Rrelons la vie et les bras de la jeunesse angevine disposée à partir au premier
signal » ; et d'après cet exposé la bazoche prend une délibération semblable à
celle des étudiants de la ville de Rennes et arrête « de s'y transporter au pre-
mier avertissement, et que ceux qui obtiendront ou solliciteront les places des
absents seront voués à l'infamie, et déclarés incapables de posséder aucune
charge dans la judicature ».
Enfin la Jeunesse de la ville d'Angers arrête qu' « en qualité d'hommes et de
citoyens ils sont et seront toujours prêts à voler au secours de leurs frères
injustement opprimés... et en conséquence ils adhèrent aux arrêtés des étu-
diants en droit, des étudiants en médecine et des membres de la bazoche de la
1. Pièce de ".] pages (Nous soussignés, — pour MM. les étudiants non présents à
l'assemblée). Bib. nat., Lb39, 1113.
2. Pièce de 7 pages (MM. les membres de la bazoche [d'Angers, — Dubois, se-
crétaire).
3. Pièce do 5 pages (Nous jeunes citoyens, — Versé, Yvon, etc. etc.). Bib. nat.,
Lb39, 1117.
238 LE PARLEMENT
dite ville ». Ces trois dernières pièces sont accompagnées d'une grande multi-
tude de signatures.
L'analyse que nous venons de présenter des huit brochures comprises dans
cette seconde classe démontre avec évidence à quel degré de fermentation les
esprits se sont portés dans la province de Bretagne. Non seulement les muni-
cipalités, les communautés, les paroisses se sont assemblées et ont pris des
délibérations : elles en avaient la faculté; elles forment un corps dans l'Étal;
tout corps a droit de délibérer sur ses inlérêls. Nous n'avons point à nous
occuper de ces délibérations particulières. Mais par quelle instigation est-il
arrivé que la jeunesse de Rennes, Nantes, Lorient, Brest et Saint-Malo, se soit
assemblée dans chacune de ces villes, et se soit ensuite réunie pour agir de
concert et se porter aux mêmes extrémités? Pourquoi les étudiants en droit et
en médecine ont-ils suivi le même exemple? Qui a pu leur persuader de for-
mer une association publique? Comment ont-ils pu se promettre de « faire
couler le sang de leurs frères jusque sous les yeux du monarque »? Et com-
ment n'ont-ils pas frémi de « jurer », s'ils étaient poursuivis « par un tribu-
nal» qu'ils appellent « injuste», de faire tout ce que la nature, le courage et
le désespoir inspirent pour sa propre conservation ? Comment ce cri de ven-
geance a-t-il retenti jusque dans les villes voisines ? Par quelle fatalité, en un
mot, cette traînée de poudre a-t-clle pris feu au même instant dans presque
toute l'étendue de la Bretagne? Vous en avez l'aveu dans le Journal de route
des jeunes gens de Nantes. Déterminés par le discours prononcé à la Bourse
par un député de Rennes, ils se sont transportés en grand nombre dans le
sein de la capitale où les États devaient être et étaient censés assemblés. Ils y
sont entrés armés et ont, en quelque sorte, forcé le commandant de les admettre
pour éviter de plus grands désordres. Ils accusent la noblesse, le clergé, le
Parlement; mais n'ont-ils rien à se reprocher à eux-mêmes? Ne pourrions-nous
pas leur dire, comme Horace au peuple romain, dans les troubles de la répu-
blique expirante :
Furorne cœcus, an rapit vis acrior?
An culjm? Responsum date.
(Epoô. lib., VIL)
Est-ce par l'effet d'une combinaison fortuite que cette jeunesse, non con-
tente de solliciter ses compatriotes, a fait circuler son effervescence jusque
dans les provinces limitrophes ? Par l'impulsion de quelle force inconnue les
étudiants en droit, les étudiants en médecine de l'Université d'Angers, la jeu-
nesse de cette même ville, et la bazoche attachée à la sénéchaussée d'Anjou,
ont-ils adopté la même résolution? Pourquoi cette foule, absolument étrangère
aux États de Bretagne , a-t-elle embrassé la querelle du tiers état de cette
province? Pourquoi s'est-elle réunie, autant qu'il a été possible, à la jeunesse
bretonne? Pourquoi a-t-elle juré de voler à son secours au premier signal,
l'a-t-elle remerciée de sa confiance? et, enfin, de quel droit a-t-elle fait impri-
mer des arrêtés pris dans la chaleur du premier moment? Serait-ce pour faire
parade, aux yeux de toute la France, d'une intrépidité coupable, et qu'on doit
envisager comme le fruit de l'aveuglement plutôt que comme l'effet d'un zèle
pur et d'un vrai patriotisme ?
Il serait, sans doute, dangereux d'approfondir des questions que l'homme
sensé se fait malgré lui-même, mais auxquelles il lui est impossible de ré-
JUGE DES ÉCRITS 239
pondre. Détournons nos regards de ce tableau trop affligeant, et achevons de
parcourir les imprimes dont notre ministère a été chargé de rendre compte à
la Cour.
Le nombre n'en est pas considérable dans la troisième classe : ils se ré-
duisent à deux. En voici le résumé. Le premier est intitule : Lettre de
M. C. F. de Volney à M. le comte de S t l. Il paraît que cette brochure
est une réponse à la réfutation d'un des ouvrages de l'auteur. Le commence-
ment de cette' lettre est une suite de sarcasmes contre celui à qui elle est
adressée, un long tissu d'invectives contre la noblesse française, un assem-
blage de reproches contre la magistrature, et un recueil apologétique des lu-
mières, des forces et des prétentions du tiers état. L'auteur veut repousser
des États généraux tous ceux qui sont attachés à la noblesse de quelque ma-
nière que ce soit, et pour cet effet il divise son ordre (le tiers état) en deux
classes: « l'une réellement indépendante de la noblesse par sa fortune et son
caractère; l'autre encore dans le servage par ses intérêts et ses places » : ces
derniers sont, dit-il, « des esclaves d'Alger que nous voulons délivrer, mais
que nous sommes forcés de canonner afin de détruire le corsaire ».
Quant aux principes que l'auteur établit, nous n'en citerons qu'un seul ; il
renferme tous les autres. Il distingue dans le tiers état « la force neutre et la
force vivante », et voici comme il s'exprime : « Pour vous expliquer la force
morte, je vous dirai que c'est celle d'un paysan qui, persécuté par un haut
justicier, se défend par des mémoires ; et que la force vive est celle d'un autre
paysan qui, poussé à bout, prend son fusil et se fait justice. » On peut juger
de la trempe d'esprit de cet écrivain, de la profondeur de ses raisonnements,
de la sagesse de ses vues, par cette seule explication.
Le second imprimé est divisé en cinq numéros qui forment chacun une bro-
chure séparée. Elles ont pour titre : La Sentinelle du peuple, et sont adressées
aux gens de toute les professions, sciences, arts, commerce et métiers, qui
composent le tiers état de la province de Bretagne 2.
Cet ouvrage, comme nous l'avons déjà annoncé, était destiné à devenir pé-
riodique, et le plan que le journaliste paraît avoir adopté est de recueillir les
projets, les propos, les conversations, les entretiens furtifs, et généralement
tout ce qui peut avoir trait aux affaires de la province, et d'accompagner le
tout de ses remarques et de ses réflexions.
L'auteur avertit que tout citoyen doit avoir un emploi dans la société; et il
suppose qu'il « a pris pour son lot le métier de sentinelle » ; en conséquence
il va rôdant les soirs par les rues, il se tient en embuscade aux coins des car-
refours, il parcourt les places publiques, épie tous les passants, les suit, les
écoute, et fait son profit de toutes les conversations qu'il peut entendre. Ce
cadre est rempli de nouvelles apocryphes, de fables inventées à plaisir, de
contes propres à échauffer le peuple, d'événements ajustés aux affaires du
jour, d'allégories injurieuses et de conjurations qui n'existent que dans l'ima-
1. Pièce de 23 pages (.1/. le Comte — C.-F. de Volney). Bib. nat., Lb39 1370.
2. 1er numéro, 12 pages {Amis cl citoyens, — pire encore que le despotisme);
2e numéro, 18 pages (Amis et citoyens, — de peur d'accident); 3e numéro, 20 pa-
ges (Amis et citoyens,— la logique de l'auteur); 4e numéro, 19 pages (Amis et
citoyens, — vingt fois )>lus fort qu'eux); 5e numéro.. 18 pages (Amis et citoyens,
— à la perle de leur tirannie).
240 LE PARLEMENT
gination de cet espion nocturne. Son but principal est d'exaspérer le tiers état
contre la noblesse. Il accuse, sans cesse, les deux premiers ordres d'avoir
formé un complot pour opprimer, pour dépouiller le troisième, pour le réduire
à un esclavage honteux; et la magistrature est d'intelligence pour faire réussir
la conspiration... « Frères et citoyens, s'écrie-t-il, faites seulement ce que je
vous dirai... Je veux avant dix jours mettre à vos pieds tous les conjurés » ;
cl ce secret est d'obliger tous les membres du tiers état, dans quelques rangs
qu'ils se trouvent placés, à rompre toute communication, à refuser tout service,
en un mot à ne rien faire de ce qui concerne leurs professions pour le clergé,
pour la noblesse et la magistrature. Cet expédient est heureusement imaginé,
et le tiers état s'applaudirait sans doute d"unc résolution si analogue à ses in-
térêts ! Au reste l'auteur est d'accord avec lui-même : car son projet est de dé-
truire dans le royaume tout ce qui n'est pas du tiers état. Dans un autre de
ses numéros, il introduit un médiateur qui offre d'apaiser tous les débats, et
cet esprit pacificateur trouve extraordinaire « qu'un ordre se sépare des deux
autres ». Voici la réponse de l'auteur : « Qu'appclez-vous un ordre? Changez
vos termes, monsieur. Le tiers état n'est point un ordre : il est la nation.
C'est un corps entier et complet dont la noblesse et le clergé ne sont pas
même les membres utiles,, car ils ne le font ni vivre ni agir. Ce sont deux
loupes... qu'il faut refouler dans la masse. » A-t-on jamais rien lu de plus ex-
travagant? Le délire est porté jusqu'à la frénésie.
Avant de terminer celte discussion, nous allons vous faire connaître le génie
de ce folliculaire anonyme : nous ne citerons plus qu'un passage du dernier
de ses numéros; mais on doit frémir en le lisant. Après s'être livré à la vio-
lence de ses déclamations, l'auteur dit qu'il veut quitter les personnalités pour
songer à la chose publique. Il s'adresse à l'un des membres de l'ordre de la
noblesse, et l'invite « à jeter un regard sur la France et sur la Bretagne, et,
à l'aspect des nuages immenses de l'horizon, à juger quelle tempête se pré-
pare». Il ajoute : « Le feu de la sédition est prêt à éclater. Voyez les liens de
l'État dissous, le frein des passions brisé, le champ ouvert à la licence; voyez
le peuple mutiné, la justice civile suspendue, les impôts partout refusés...;
voyez la sédition dans les villes, le pillage dans les campagnes, les alarmes
dans les familles. Dans ce danger des citoyens, voyez le danger de votre ordre.
En vain il veut se rassembler pour opposer plus de résistance : la jeunesse
roturière se ligue et forme des corps volontaires redoutables : on suscite vos
paysans contre vous, et, leur donnant en propriété ce qu'ils n'ont qu'en fermes,
ils deviennent vos plus ardents ennemis... Tremblez de livrer un combat où le
peuple n'a rien à perdre et tout à gagner. »
Quel pinceau a pu tracer celte image horrible des calamités que les dissen-
sions publiques pourraient accumuler? Les écrits multipliés qui contiennent
ces indices d'une rébellion méditée seraient-ils les avant-coureurs du plus
terrible des iléaux? Ce ne sont encore que des manifestes, mais les bruits sou-
terrains présagent l'explosion des volcans. Le calme qui paraît succéder au-
jourd'hui aux premiers coups de l'orage n'est peut-être qu'un calme apparent.
Les trois ordres sont toujours partagés : ils sont en présence, ils s'attendent.
Lequel deviendra l'agresseur? Nous ne pouvons le dissimuler : vous venez de
l'entendre. Ce n'est pas la noblesse qui veut anéantir le tiers état. C'est un
membre du tiers état qui cherche à le soulever. C'est lui qui annonce toutes
les horreurs de la guerre civile. Il dit à la noblesse : « Nous sommes tout,
JUGE DES ECRITS 241
vous n'êtes rien : cédez à la force. Autrement vos châteaux sont incendiés,
vos richesses sont dissipées, vos droits féodaux vous sont arrachés, vos femmes
et vos enfants se trouvent exposés aux insultes de la populace et aux besoins
de la pauvreté : et, dans ce combat terrible de la nation contre vous..., si
vous remportiez la victoire..., vous régneriez sur des tombeaux et sur des
ruines. »
Nous ne faisons que copier littéralement le texte de l'écrivain. Comment
caractériser de pareils ouvrages? Le fanatisme n'a jamais enfanté de produc-
tions plus séditieuses. Comment a-t-on pu en tolérer la distribution?...
L'usage légitime de la presse, ce moyen si rapide d'étendre les lumières et
les connaissances utiles au genre humain , cette liberté représentative du don
naturel de la pensée, dégénère, comme la parole elle-même, en licence into-
lérable, toutes les fois qu'elle facilite le moyen de répandre le poison de l'er-
reur, d'attaquer les dogmes et les mystères de la religion, de corrompre la
pureté de la morale, de blesser l'honnêteté publique et de diffamer le dernier
des citoyens. Tous ces grands objets doivent être couverts de l'égide de la
loi, et quiconque leur porte atteinte est un perturbateur du repos public...
Quand le roi a autorisé tous ses sujets h lui faire parvenir leurs sentiments
particuliers sur l'objet important qui semble partager la Nation, le roi n'a eu
d'autre but que d'éclairer sa religion, et il donnait une grande preuve de
bonté en consultant ses sujets sur leurs propres intérêts. Pouvait-il prévoir
que cette bonté paternelle deviendrait la source d'une multitude d'écrits plus
propres à diviser les esprits qu'à les rapprocher, plus capables de confondre
les idées que de réunir les opinions, plus favorables aux factieux que conso-
lants pour les véritables patriotes? Il est peut-être temps encore de réprimer
un désordre qui pourrait causer les plus grands malheurs par la rapidité avec
laquelle l'art de l'imprimerie communique la contagion. Pour arrêter ces fu-
nestes effets, le roi a déclaré qu'il allait prendre des mesures propres à pré-
venir la licence à laquelle on se livre en imprimant toutes sortes d'ouvrages
sans aucune sanction. Puisse cette intention manifestée être désormais une
digue assez puissante pour arrêter l'impression furtive et la distribution pu-
blique de ces ouvrages licencieux dont une tolérance funeste semble autoriser
la publicité!...
La situation actuelle de la France est semblable à la position critique d'une
tlotte nombreuse battue de la tempête, et dans l'impossibilité de faire usage
des signaux convenus; les vaisseaux, poussés par les vents contraires, obéis-
sent à la vague écumante, se heurtent, s'entrechoquent, se séparent malgré
l'habileté de la manœuvre; mais, aussitôt que l'orage est dissipé, ils se rap-
prochent, se secourent, se réunissent sous le pavillon amiral, se mettent en
ligne et voguent avec confiance pour arriver au port qui les attend : les Étals
généraux du royaume seront ce point de réunion...
... En espérant que le flambeau de la discorde sera étouffé, il est de notre
devoir, comme de la sagesse de la Cour, de condamner publiquement les im-
primés dont nous venons de lui rendre compte. Les fanatiques plaisantent
sur un genre de tlétrissurc depuis longtemps en usage dans les tribunaux ;
mais l'homme circonspect y voit une improbation légale prononcée par les
dépositaires de l'autorité souveraine...
(Suit l'arrêt de condamnation, signé : Bochart, et le procès-verbal de
l'exécution du 7 mars 1789, signé : Dufranc)
lfi
242 LE PARLEMENT
Les troubles de Rennes, en particulier l'émeute du champ de Mont-
marin (26-27 janvier 1789), avaient été attribués avec quelque vrai-
semblance aux valets et aux domestiques des nobles et des parlemen-
taires. Contrairement aux droits du présidial et des juges de police,
le Parlement de Bretagne évoqua les procès criminels déjà com-
mencés. Les avocats de Rennes protestèrent en corps. Le roi évoqua
lui-même l'affaire, l'impartialité du Parlement de Rennes étant sus-
pectée, et il la renvoya au Parlement de Bordeaux. Quatre avocats
avaient présenté au roi, sur cette question, un mémoire dont les con-
clusions, sinon les expressions, avaient été approuvées. Le Parlement
de Paris se mit en tête de justifier le Catéchisme des Parlements, qu'il
venait de condamner, en prenant fait et cause pour celui de Rennes.
Il rendit « l'Arrêt du 6 avril 1789, qui condamne le mémoire au
Roi des députés de l'Ordre des avocats au Parlement de Bretagne,
commençant par ces mots : Consacrés à la défense de leurs conci-
toyens, et finissant par ceux-ci : Ce ne sont pas les grands, signé :
Glezen, Lanjuinais, Le Chapelier, Varin ». Ce mémoire fut lacéré et
brûlé le mardi 7 avril 1789'.
Cet arrêt est l'épilogue des condamnations relatives à la Bretagne.
Entre temps, les 13, 17, 20 et 24 mars, le Parlement avait poursuivi
un mémoire présenté au Roi le 19 février, au nom de la communauté
des maîtres boulangers, par le chevalier de Rutledge. Si ce mémoire
ne fut pas condamné, c'est évidemment que le Roi empêcha la conti-
nuation d'une enquête qui ne pouvait qu'augmenter la panique. Voici
le dernier discours de Séguier à ce sujet.
SÉANCE DU PARLEMENT
nu 24 mars 1789, nu matin, toutes chambres assemblées 2
MONSIEUR LE PREMIER PRÉSIDENT
Les gens du roi mandés, entrés et placés, debout et couverts, maître An-
toine-Louis Séguier, avocat dudit seigneur-roi portant la parole , ont dit :
Monsieur, nous avons pris communication des déclarations faites en la
Cour, toutes les chambres assemblées, par les syndics et adjoints de la com-
munauté des maîtres boulangers de la Ville de Paris, et par François Garin,
prenant la qualité de député de cette même communauté. Il résulte de ces
déclarations que le mémoire présenté au roi5 n'est pas l'ouvrage de la commu-
1. Arch. nat., X lu 8990. Les quatre signataires furent députés par la Sén. de
Rennes (1789);
2. Arch. nat., X la 8990.
3. Le 1!» février. — V. interrogatoire de Garîn, du 20 mars; interrogatoire des
syndics, du il mars; des syndics de l'imprimerie et de la librairie, 13 mars.
JUGE DES ÉCRITS 2i3
nauté, qu'elle n'a donné aucune mission au syndic, à l'adjoint et au député
du nom desquels il paraît signé, de le présenter, de le faire imprimer, de le
distribuer; qu'il n'y a pas même eu de délibération légale à ce sujet; que la
minute n'est revêtue d'aucune signature, et que c'est le rédacteur ou l'impri-
meur qui ont pris sur eux de l'imprimer, comme étant l'ouvrage de toute la
communauté.
Nous voyons encore, dans les différentes réponses faites par les syndics et
adjoints aux interrogatoires que la Cour a cru devoir leur faire par l'organe
de M. le premier président, qu'ils ne sont pas même d'accord entre eux sur les
faits dont ils ont rendu compte. Nous voyons, au contraire, que, par une
ignorance simulée , ils sont d'accord pour déclarer : qu'ils ne connaissent
point l'imprimeur auquel il a été confié pour en faire l'impression; que cet
imprimeur a encore la minute entre ses mains, à moins qu'elle n'ait été re-
mise au rédacteur du mémoire. Nous voyons que ce rédacteur, sans pouvoir
et sans mission, a remis son travail à des particuliers qui ont pris sur eux,
avec le consentement de quelques maîtres, d'aller à Versailles le présenter
aux ministres du roi; que ce rédacteur a pris sur lui d'insérer dans ce mé-
moire des déclamations contre des particuliers qu'il accuse d'exercer le mono-
pole, quand il est certain qu'ils ont tiré des provinces éloignées, ou même de
l'étranger, les grains qu'ils ont fait convertir en farine pour la consommation
de la capitale; qu'il a osé reproeber à la Cour sa partialité et sa prévention,
lorsqu'elle met toute son attention à prévenir les malbeurs que la disette ou
la cberté pouvaient occasionner. Nous ne relevons même cette infâme ca-
lomnie que parce qu'elle est l'ouvrage d'un rédacteur qui n'a pas rougi de
compromettre aussi indécemment la communauté dont il voulait défendre les
intérêts.
A l'égard de François-Etienne Garin, député, ses réponses sont un tissu
d'artifices pour éviter de dire la vérité.
Il convient que c'est lui qui a remis le mémoire à l'imprimeur, qu'un par-
ticulier s'est présenté chez lui pour lui demander de l'ouvrage, et qu'il lui a
remis la minute de l'ouvrage ; et lorsqu'on lui demande par qui il a été au-
torisé à faire imprimer, il répond que c'est par le vœu général du corps,
quoiqu'il n'y ait pas eu de délibération à ce sujet, et que le corps n'ait jamais
eu connaissance du mémoire.
Il y a plus : il convient que c'est lui, Garin, qui a remis le mémoire à
l'imprimeur, et le syndic Saulgeot a déclaré que les exemplaires imprimés
avaient été distribués par la personne qui l'avait fait imprimer. Garin connaît
donc l'imprimeur qui lui a remis les exemplaires, et au moins il est le distri-
buteur d'un mémoire qui n'est point reconnu par sa communauté. Il paraît
constant encore que c'est lui, François Garin, qui a chargé le sieur Rutdlège (sic)
de composer le mémoire, puisque c'est lui et le nommé Thomas, syndic, qui
ont présenté le rédacteur, non pas à la communauté entière, mais à des parti-
culiers réunis chez le nommé Saulgeot, autre syndic.
Il y a dans toutes ces circonstances une tergiversation si inconcevable,
qu'il est intéressant d'approfondir le complot qui parait avoir été formé par
quelques particuliers de soulever, en quelque sorte, toute la communauté, et
contre les officiers de la police, et contre les magistrats eux-mêmes chargés
de veiller aux fraudes et aux contraventions; en vain cherchent-ils à s'excuser
en disant qu'ils craignaient le pillage de leurs boutiques. La démarche incon-'
244 LE PARLEMENT
sidérée qu'ils se sont permise n'était pas faite pour calmer les inquiétudes du
public. Notre vigilance ne nous permet pas de garder le silence sur une ma-
tière aussi délicate. C'est l'objet des conclusions par écrit que nous avons
prises, et que nous laissons à la Cour avec lesdites déclarations.
Un arrêt décréta les sieurs Garin et Saulgeot pour être ouïs.
Dans la même séance, le procureur général fit part à la Cour des
inquiétudes que lui inspiraient les rapports de ses substituts, tant
sur l'état des récoltes que sur les accaparements.
Les prix ne baissent point; dans plusieurs cantons les blés ont souffert;
dans beaucoup il y a eu des émeutes, et il en arrive tous les jours successive-
ment. Les habitants de la campagne paraissent ne plus pouvoir supporter le
prix excessif des grains. 11 existe des manœuvres pour soutenir les prix, et
une résistance considérable, de la part de ceux qui ont des grains dans leurs
greniers, à porter lesdits grains aux marchés. Les maréchaussées prêtent en
vain leur secours aux officiers de police.
Le Mémoire pour la communauté des maîtres boulangers de la Ville
et faubourgs de Paris, présenté au Roi le 19 février 1789, forme
16 pages in-4°, sans nom d'imprimeur, sans signature de procureur
ou d'avocat. Il est signé des nommés Thomas, syndic, Saulgeot,
adjoint, et Garin jeune, député de la communauté des boulangers.
En tête est un avertissement daté du il février, signé : J. Rutledge,
Bl, lequel s'avoue le véritable rédacteur du Mémoire. Dirigé plus
encore peut-être contre lé Parlement que contre les monopoleurs de
grains, ce libelle rappelle d'abord 1res méchamment une décision
parlementaire de 1779, peu favorable aux maîtres chandeliers dans
une action qu'ils avaient intentée à une puissante compagnie, mono-
poleuse de fait, sous les auspices du lieutenant général de police.
La requête des maîtres boulangers, présentée au Parlement le 9 fé-
vrier dernier, n'avait pas eu plus de succès. Les commissaires de police
Hugot et Serrcau, associés à la compagnie Leleu, avaient contribué
par leurs manœuvres à renchérissement des grains. Sept moulins ne
travaillaient que pour eux. Les bonnes farines étaient exportées. La
Halle et la maison de l'Enfant-Jésus (faubourg Saint-Germain), récem-
ment convertie en dépôt par autorité de police, n'étaient remplies
que de farines échauffées et malsaines. Rutledge reproche au Parle-
ment d'avoir deux fois remis à huitaine le jugement d'une affaire
aussi importante, et surtout de n'avoir pas fait constater illico, par
une enquête subite et immédiate, les faits dénoncés par les boulan-
gers et par le cri public. La police fit tous ses efforts pour arrêter la
propagation du mémoire; mais les boulangers le communiquaient à
JUGE DES ÉCRITS 245
leurs clients. Le peuple s'attroupa rue Saint-Denis, devant le domicile
des sieurs Leleu, et fit entendre des cris de mort >.
Le 13 mars, c'est-à-dire le jour même où avaient commencé les
poursuites contre le Mémoire de Rutledge, est condamnée la bro-
chure intitulée : la Passion, la Mort et la Résurrection du peuple...
(imprimé à Jérusalem, 1780) 2.
Le dernier arrêt du Parlement en matière de presse fut rendu le
23 juin 1789, à l'occasion d'une affaire d'intérêt privé, mais où l'orga-
nisation de la police parisienne fut amèrement critiquée, et l'impar-
tialité du Parlement suspectée ?.
En supprimant une des brochures bretonnes, le Conseil avait
annoncé « des mesures propres à prévenir la licence à laquelle on se
livrait en imprimant toutes sortes d'ouvrages sans aucune sanction »
(14 février). Le gouvernement faisait d'inutiles efforts pour créer un
contre-courant. C'est ainsi que, le 10 octobre, avait été décidée la
formation d'une bibliothèque de législation, etc., attachée à la
chancellerie de France. Il s'agissait, dit le préambule de l'édit,
« d'appeler sans cesse au secours du gouvernement, et l'autorité des
lois et le flambeau de l'histoire », et ainsi ■< de perfectionner suc-
cessivement toute espèce de bien, et de réformer peu à peu toute es-
pèce d'abus i ». Le 7 février 1780, Barentin adressait au prévôt des
marchands Le Peletier un exemplaire de l'arrêt du 10 octobre, avec
cette lettre, sans doute circulaire :
J'espère que vous voudrez bien, conformément à l'article 4 de cet arrêt, faire
passer à M. Moreau, historiographe de France, un exemplaire de tous les
règlements, sentences et mémoires qui seront imprimes par votre ordre, et
que ces dépôts que vous contribuerez à enrichir, vous les regarderez comme
destinés à rendre à votre administration tous les éclaircissements et rensei-
gnements que vous croirez pouvoir puiser dans nos collections 5.
Les ouvrages favorables aux traditions monarchiques ou seule-
ment susceptibles de produire une diversion, un apaisement dans les
esprits, étaient hautement encouragés. C'est ainsi que MUo de la
Lézardière obtenait un rapport des plus élogieux signé Malesherbes,
1. Voyez Hardy, Mes loisirs, etc., t. VIII, p. 2".2. — Bib. nat., Vp, 3194.
2. Chassm, ouv. cité, p. 174-175.
3. C'est l'affaire Kornmann.
4. Isambcrt, n° 2.'J20.
5. Arch. nat., II. 1960. — Sur Moreau, v. X. Charmes, le Comité des travaux
historiques... (Coll. doc. inédits), t. I, passim.
2i6 LE PARLEMENT JUGE DES ECRITS
de Bréquigny et Poirier, pour un ouvrage que Nessond devait faire
paraître : Tableau des droits réels et respectifs du monarque et des
sujets depuis la fondation de la monarchie française jusqu'à nos jours,
ou Théorie des lois politiques de la monarchie française. C'était un
« phénomène littéraire surprenant au milieu de tant de productions
frivoles et de livres superficiels » ; et il devait le paraître encore plus
« lorsque l'auteur aurait jugé à propos de se faire connaître1 ». Mais
le temps n'était pas à l'érudition, même sagace et intelligente. Une
grande illusion, commune, à ce qu'il semble, à bien des esprits, était
que les ouvrages, jugés bons ou mauvais suivant les partis, pussent
avoir une action directe et prépondérante sur les événements : et
cela, au moment même où les lois et les institutions n'en avaient
plus. Comme la loi révolutionnaire, les ouvrages ([iris en masse) ne
sont que la résultante de l'opinion et de la volonté générales : et
bientôt les hommes eux-mêmes, ces hommes du XVIIIe siècle si
justement fiers de leurs spéculations, entraînés par une foi héroïque,
voudront que tout discours soit un acte, que toute idée devienne un
fait. C'est avec la brochure de l'abbé Sieyès que commence le succès
littéraire et politique des brèves formules que l'on juge mal si on les
prend pour l'emjression de vérités scientifiques, ou de panacées
sociales, et qui sont avant tout des mots de ralliement pour ceux qui
les comprennent et pour ceux qui les suivent.
1. Lettre à la Ville, de Nessond. demandant une souscription aux 12 volumes
que devait former cet ouvrage. Arcli. nat., II. 1960,
IX
LE PARLEMENT
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX
HOPITAUX OU MAISONS DE CHARITÉ DE PARIS EN 1788'
I. — Hôpitaux de mat «tins [hommes).
La Charité, rue des Saints-Pères (faubourg Saint-Germain). Fondée
en 1616 par les Frères de la Charité ou de Saint-Jean de Dieu, sous
la protection de Marie de Médicis. — Elle comprenait, en 1788, six
salles avec 258 petits lits (c'est-à-dire d'une personne). Il y avait
50 frères et 52 serviteurs attachés aux. malades.
L'hôpital des Convalescents, rue du Bac, près la rue de Varennes.
Fondé, en 1(128, par Angélique Faure, daine de Bullion, veuve d'un
président à mortier du Parlement, Claude de Bullion. Donné en 1050
aux Frères de la Charité. Destiné aux compagnons et ouvriers conva-
lescents. — Vingt-deux petits lits. — Assistance sous forme de distri-
bution de viande, de pain et de vin.
La maison royale de Santé, hors la barrière d'Enfer. — Desservie
par des Sœurs de la Charité. — 1(1 petits lits au rez-de-chaussée, pour
des prêtres et militaires pauvres. — Au premier, sept appartements
pour pensionnaires.
L'hôpital de Charenton, fondé en 1642, desservi par des Frères de
1. Voyez Rapport de Tenon, Bai 11 y et Larochefoucauld-Liancourt à l'Académie
des sciences, suc l'Hôtel-Dieu ( 1785). — Enc. méthodique, article Hôpital. —
Maxime du Camp, Paris et ses Organes, chap. xx, xxi, xxn. — Collection de docu-
ments pour servir à l'histoire des hôpitaux de l'/tris, imp. nationale, i vol. in-4°
(en cours de publication).
248 LE PARLEMENT
la Charité, reçoit 12 fous gratuitement et a 82 places de fous pen-
sionnaires, payant de 600 à 6,000 livres.
L'itopital Militaire des gardes-françaises et des gardes-suisses,
rue Saint-Dominique, au Gros-Caillou. Fondé en 1759. 264 petits lits.
La journée y coûte 20 sous.
L'hôpital dit des Protestants, rue de Sève. Sous la protection de
l'ambassadeur de Suède. — Huit petits lits.
Ces six hôpitaux, ensemble, fournissaient de quoi soigner 012 ma-
lades par jour, couchés séparément.
II. — Hôpitaux de malades (femmes).
Les Hospitalières de la rue Mouffetard, ou hôpital Saint-Julien-
Sainte-Basi lisse Fondé en 1055 par Prévôt, maître des requêtes. —
43 petits lits. — Pensionnaires payant 100 et 500 livres en chambres
particulières.
Les Hospitalières de la place Royale, maison fondée en 1621 par
la mère Françoise de la Croix et en 1629 par Madeleine Brûlart. —
22 petits lits.
Les Hospitalières de la Roquette; 20 petits lits.
Les Hospitalières de Saint-Mandé ; 16 petits lits.
Le service de ces quatre maisons s'étendait à 101 femmes malades,
mais il n'était gratuit qu'à la place Royale. Partout ailleurs, les
malades payaient d'une livre à une livre et demie par jour. Les
femmes grosses, atteintes de maladies contagieuses, ou gravement
blessées, étaient exclues.
III. — Hôpitaux de malades [hommes et femmes).
L'hospice du Collège de chirurgie, rue des Cordeliers. — Établi en
1731, confirmé par lettres patentes de 1718. 12 lits pour hommes;
10 pour femmes fondés par M. de laMartinière, premier chirurgien du
roi (1783).
L'hospice de la paroisse Saint-Sulpice et du Gros-Caillou, rue de
Sève. Fondé en 1779, par Louis XVI, placé sous les ordres de
M. Necker et confié aux soins de M1U0 Necker. — 68 lits pour les hom-
mes et 60 pour les femmes.
L'hospice de la paroisse de Saint-Jacques du Haut-Pas, établi par
le curé Cochin : 16 lits d'hommes, 18 de femmes, 24 lits pour pen-
sionnaires infirmes.
L'hospice de la paroisse Saint-Merry, fondé en 1683 par le curé
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 2i9
Viennet, situé au cloître Saint-Merry, près les Consuls, — 8 lits
d'hommes, 6 de femmes. — De plus, asile pour les pauvres hon-
teux.
L'hospice de la paroisse Saint-André-des-Arcs, fondé en 1770, rue
des Poitevins. — 3 lits d'hommes, 3 de femmes. (Deshois de Roche-
fort, le fondateur de cette maison, était curé de Saint-André-des-
Arcs; il fut le premier, en 1780, à demander officiellement, en pleine
réunion de l'Hôtel de Ville, « la restitution des biens d'église aux
pauvres et au public ».)
Ces cinq maisons mixtes excluaient les maladies contagieuses à
l'entrée, mais les soignaient si elles survenaient après l'admission.
« L'Hotel-Dieu de Paris, dans la Cité, desservi par les Religieuses
Augustines. H y a 021 desservants, ce qui fait un pour trois malades.
On croit qu'il fut fondé par saint Landry, évêque de Paris, vers l'an
660. Renaud de Vendôme, évêque de Paris en 1005, donna une moitié
de l'Hôtel-Dieu Saint-Christophe. La salle dite du Lér/al fut fondée
par Antoine Duprat, chancelier de France et cardinal. >» Il était com-
posé, en 1788, de vingt salles (rez-de-chaussée et 3 étages), contenant
480 petits lits et 733 grands (de quatre personnes). Douze salles
étaient destinées aux hommes, treize aux femmes. A supposer toutes
les places prises, il aurait donc pu contenir 3,418 malades. Mais le
rapport des commissaires de l'Académie des sciences établit que la
moyenne des journées était de 2,500 malades (y compris Saint-Louis,
rattaché administrativement à l'Hôtel-Dieu).
IV. — Hôpitaux pour maladies spéciales.
L'hôpital Saint-Louis, entre les faubourgs du Temple et Saint-Lau-
rent. Fondé en 1007 pour les maladies contagieuses. Il aurait pu
contenir en 1788, 1,008 personnes (254 grands lits, 45 petits, 7 berce-
lonnettes). Les entrées étaient comptées en même temps que celles
de l'Hôtel-Dieu. (Voir ci-dessus.)
L'hôpital Sainte-Anne ou de la Santé, fondé en 1052, pour les
temps de contagion, par Anne d'Autriche. Situé « dans la campagne,
au delà du boulevard, près la rivière des Gobelins ». En partie
démoli, et hors d'usage en 1780.
L'hôpital de Sainte-Reine ou des Teigneux, rue de la Chaise, fau-
bourg Saint-Germain : enfants pensionnaires, depuis l'âge de deux
ans.
L'hôpital des Quinze-Vingts, rue de Charenton, faubourg Saint-
Antoine. — Destiné à 300 aveugles des deux sexes. — Cinq cents
250 LE PARLEMENT
autres pauvres, atteints de maladies des yeux, pouvaient quêter en
son nom : ils portaient une fleur de lys de cuivre jaune.
L'hôpital des Incukables, fondé en 1637. Entretenu en partie par
l'Hôtel-Dieu, qui lui donnait 00,000 livres par an. En 1788, il renfer-
mait 480 incurables.
L'hospice de Vaugirard, pour les petits vénériens et les femmes et
nourrices affectées du même mal; 128 lits; devait être transféré aux:
Capucins (faubourg- Saint-Jacques) en vertu des lettres patentes de
1785.
Outre ces 22 hôpitaux de malades, il y eu avait 6 destinés en même
temps à des pauvres malades et à des pauvres valides : les Petites-
Maisons (rue de Sève) ' ; la Pitié (rue Saint-Victor), fondée en 1657,
et chef-lieu de l'Hôpital-Général; la Salpêtrière, qui était aussi, et
même surtout, maison de force pour les femmes2; Bicêtre, à une
petite lieue au sud de Paris, qui avait les mêmes destinations variées
que la Salpêtrière, mais pour les hommes.
11 faut faire une place à part à l'Hôtel royal des Invalides, qui
comptait 3,000 hommes en 1788, et à l'infirmerie de l'École royale
militaire i ïo petits lits), établissement fondé en 1751, supprimé, puis
rétabli, et qu'il était question de transformer en un grand hôpital de
1,67 îlits.
VI
Enfin, Paris ne comptait pas moins de 20 hôpitaux pour les pauvres
valides, dont onze pour les orphelins : la Trinité *, les Gent-Filles, la
maison des Orphelins, la filature de Saint-Sulpice, l'Enfant-Jésus (près
l'Estrapade), l'hospice Beaujon (1781), l'hôpital du Saint-Esprit 4,
1. Elles recevaient 400 vieilles gens, les insensés, les teigneux, et pansaient les
vénériens. — Sève, pour Sèvres.
2. Divisée en : 1° commun, pour les filles dissolues ; 2° correction; 3° prison par
ordre; i" grande force pour les femmes flétries.
:J. La Trinité (ru.e Saint-Denis; était destinée aux petits enfants, garçons et
filles, nés de Paris, orphelins de père ou de mère seulement, valides et non in-
commodés, et du nombre de ceux qui étaient à l'aumône, savoir : 100 garçons et
36 filles. Ils étaient admis à partir de neuf ans, par ordre d'âge. On leur appre-
nait des métiers. « Les ouvriers de tous arts et métiers, sans exception, qui en-
seignent ces enfants, sonf, pour leur récompense, reçus maîtres à Paris, et leurs
enfants et ceux de l'hôpital jouissent de la qualité de lils de maîtres. » (Alm. de
1789.)
4. Fondé en 1362 « pour y élever des enfants, garçons et fdles, nés dans la
ville ou faubourgs de l'aris. orphelins de père ou de mère, bourgeois ou ar-
tistes ».
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 231
l'hôpital des Enfants-Trouvés ou de la Couche (1638), l'Enfant-Jésus
(rue de Sève), l'hôpital des Enfants-Trouvés (faubourg Saint-Antoine),
l'École d'orphelins, fils d'officiers ou de soldats invalides (aux Céles-
tins); deux pour les vieillards : communauté des prêtres de Saint-
François de Sales, fondée en 1702 derrière la Pitié, et depuis trans-
férée à Issy, pour 22 prêtres; et l'hôpital du Saint-Nom de Jésus,
fondé pour 36 vieilles gens de campagne, hommes ou femmes, en
1059 ' ; deux hôpitaux pour les passants : Sainte-Catherine et Sainte-
Anastasie-Saint-Gervais ; trois pour les veuves, rue Saint-Sauveur,
rue du Sentier et rue du Jour; enfin deux maisons d'asile de la
jeunesse pendant le jour, la maison de la Dentelle noire (rue Saint-
Placide) et les tilles séculières de Sainte-Agnès (rue Plntrière).
Telles étaient les 48 maisons hospitalières de Paris; leur service
total est évalué, à l'époque de la Révolution, à 20, Mil hommes ou
femmes secourus, plus 15,000 enfants trouvés entretenus en nourrice,
sevrage ou pension. Pour une population de 000,000 habitants, la
proportion des assistés, hommes, femmes ou enfants, était donc de
1 à 18 2/11 à peu près. Les entrées journalières (en m1 comptant que
les malades) étaient de (5,230, donc la proportion de 1 à 10o4/oCB2.
ADMINISTRATION DES HOPITAUX
Le décret de l'Assemblée constituante, du 22 décembre 1789, plaça
tous les hôpitaux sous l'autorité des administrations départemen-
tales, et, en attendant (pie celles-ci fussent constituées, sous la
surveillance et la direction provisoires des administrations munici-
pales. Cette réforme capitale n'avait rien de précipité : si à la tin de
l'ancien régime la plupart des maisons de malades ou de pauvres
avaient leurs règlements particuliers?, si toutes 4, au spirituel,
1. Première création de saint Vincent de Paul (1659), duo à la libéralité d'un
anonyme.
2. D'après, l'état des citoyens actifs, publié en juin 1791, il y eut à Paris, ru
1789, H),:is:} baptêmes, 20,391 décès, 4,781 mariages; en 1790, 2(),(io:i baptêmes,
19,447 morts et *J,S(i(i mariages. Les enfants trouvés reçus dans les hôpitaux
furent au nombre de :i,~l!) en 178!) et de 5,842 en 1790 : soit plus du quart des
enfants baptisés. — En 1790, il mourut dans les hôpitaux 6,019 personnes, dont
:j,:J72 hommes et 2,iii7 femmes (1,370 morts de moins qu'en 1789). — En 1790
également, 1,600 femmes accouchèrent dans les hôpitaux (13 accouchements hos-
pitaliers de plus qu'en 1789).
3. La Charité, Necker, Gochin, Sainte-Catherine, Saint-Gervais, la Trinité, les
Cent-Filles ion la Providence), les Hospitalières, les Orphelines de Saiut-Sulpice,
l'hôpital de l'Enfant-Jésus, etc. — Les bureaux paroissiaux dos pauvres dépen-
daient des curés, marguilliers et conseils de fabriques.
4. Sauf le petit hôpital dit des Protestants, rue de Sève.
25i> LE PARLEMENT
dépendaient de L'autorité diocésaine, le pouvoir civil régissait déjà
depuis longtemps les plus considérables et les plus peuplées d'entre
elles.
« En 178!), dit M. Tournier1, la direction des établissements do
bienfaisance les plus importants de la capitale appartenait à deux
administrations principales : le bureau de l'llôlol-Dieu et le bureau
de l'Hôpital-Général. »
A la première se rattachaient : l'Hôtel-Dieu avec la maison de
convalescence, l'hôpital Saint-Louis, les Incurables et la Santé (ou
Sainte-Anne). Le 2 mai 1505, un arrêt du Parlement imposa au cha-
pitre de Notre-Dame, jusque-là maître absolu de l'Hôtel-Dieu, une
commission de huit notables. Par Ledit du 16 novembre 1544, cette
commission devint le Bureau des Pauvres et l'ut pourvue d'attribu-
tions générales. En 1789, l'Hôtel-Dieu, toujours gouverné pour le
spirituel par le doyen et deux membres du chapitre, était sous la
haute surveillance temporelle d'un conseil ainsi composé : l'arche-
vêque de Pai'is, le premier président du Parlement, le premier pré-
sident de la Chambre des comptes, le premier président de la Cour
des aides, le procureur général du Parlement, le lieutenant général
de police et le prévôt des marchands. Il y avait en outre i() adminis-
trateurs laïques, un receveur général charitable, également laïque,
des officiers (un greffier, un notaire, un procureur au Parlement, un
procureur au Ghâtelet). Les administrateurs s'assemblaient deux fois
la semaine, le mercredi à 'A heures du soir, le vendredi à 11 heures
du matin, au Bureau. Ils se rendaient au Palais archiépiscopal les
jours indiqués par l'archevêque. Le domicile légal de l'Hôtel-Dieu
était au Bureau,- parvis Notre-Dame. Là devaient se faire les signi-
fications, et seulement dans le temps d'assemblée des administra-
teurs, et non à d'autres jours, à peine de nullité. La maison de
convalescence, Saint-Louis, les Incurables et la Santé, avaient la
même administration.
Au bureau de l'Hôpital-Général se rattachaient : Notre-Dame de la
Pitié (ou la Pitié), la Salpêtriêre, Bicêtre, les Enfants-Trouvés (y com-
pris la Couche et la maison du faubourg Saint-Antoine), l'hôpital du
Saint-Esprit (avec les maisons unies en 1680 de Vaugirard et de
Scipion). Le haut conseil de surveillance et de direction était composé
des mêmes personnages, au nombre de sept, placés à la tète de l'Hôtel-
■ Dieu. L'administration, proprement dite, était distincte, et presque
1. « Les Archives de l'Assistance publique » dans les Mém. de la Snc. de l'hist.
de Paris, etc., t. III, page 2.
ET LÀ GRANDE POLICE DES HOPITAUX 253
entièrement laïque. La gestion économique est attribuée à des hommes
d'affaires, avocats ou greffiers au Parlement ou au Chàtelet, payeurs
des rentes, anciens échevins, fermiers généraux, etc. Le bureau de
l'administration était à la Pitié (rue Copeau, carrefour Saint-Antoine),
chef-lieu de l'Hôpital-Général, et en même temps son domicile légal;
le bureau de la caisse était place de Grève, dans la maison du Saint-
Esprit.
Le Mont-de-piété, établi par lettres patentes du 0 décembre 1777,
n'était pas une institution autonome; légalement, il dépendait de
l'Hôpital-Général, aux pauvres duquel ses bénéfices sur les emprun-
teurs étaient destinés.
L'Hôpital-Général (à la différence de l'Hôtel-Dieu) comprenait deux
maisons qui n'étaient pas seulement des hôpitaux, mais aussi et sur-
tout des prisons, Bicêtre pour les hommes, la Salpêtrière pour les
femmes. Une telle confusion ne se prêtait que trop aux détentions
arbitraires, d'autant plus»que les transitions étaient ménagées, comme
le note Bailly : « 11 existe encore une maison sous la direction de
l'Hôpital-Général, qui n'est ni hôpital, ni prison proprement dite : c'est
une espèce de maison de refuge, et, si l'on veut, de correction : on la
nomme Sainte-Pélagie. Elle est située dans le faubourg Saint-Mar-
ceau, près de la Pitié. — La police, qui disposait ci-devant de la
liberté des individus, sous le prétexte de l'honneur des familles et
de la conservation des mœurs, avait, dans Paris et ailleurs, une
foule de maisons-prisons, où l'on envoyait par lettre de cachet, ou
par un simple ordre de police donné sur la plainte des parents, les
enfants qu'il plaisait à ceux-ci de faire renfermer. Sainte-Pélagie
était et est encore une maison de cette espèce. On y détient assez
arbitrairement des personnes qui n'ont contre elles que quelques
défauts de conduite assez légers. Il faut convenir cependant que le
nombre en est infiniment diminué, et que la suppression des lettres
de cachet a ruiné la maison '. »
C'est par l'ordonnance du i mai 165(5 que l'Hôpital-Général avait
reçu de Louis XIV sa première organisation : elle visait non la ma-
ladie, mais la misère, le vagabondage, les délits, les abandons d'en-
fants qui en résultent 2. C'était néanmoins un des plus graves abus
de l'ancien régime que cette promiscuité des criminels condamnés
par la justice et des misérables secourus par la charité publique.
1. Bailly, rapport à l'Assemblée nationale, inséré dans YEnojcl. méthodique,
Jurisprudence, t. X, p. 267.
2. Vers 1649, il y avait 40,000 mendiants à Paris.— Voyez, sur cette époque,
A. de Boislisle, Mém. des intendants, t. I, p. 28 sq.
254 LE PARLEMENT
La troisième administration de bienfaisance, après l'Hôtel-Dieu et
l'Hôpital-Général, se nommait le Grand-Bureau, ou Bureau général
des pauvres. La Trinité et les Petites-Maisons en dépendaient dans
une certaine mesure. Mais son principal office consistait à perce-
voir une « taxe d'aumône », vrai droit des pauvres, sur les princes,
seigneurs, bourgeois, artisans et autres habitants, gens d'église,
communautés ecclésiastiques ou laïques, bureaux, compagnies, « n'y
ayant d'exempts que les pauvres seulement ». Aussi formait-il une
juridiction, avait-il des huissiers pour contraindre « les refusants de
payer », et pour obliger les commissaires des pauvres nommés, d'en
faire les fonctions. Le Grand-Bureau siégeait place de Grève , en
véritable institution municipale qu'il était.
Le procureur général du Parlement était le chef unique du Grand-
Bureau des pauvres; il avait la haute main sur la direction de la
Trinité, près laquelle son suppléant ou lieutenant était le procu-
reur du Roi au Ghàtelet. Il exerçait la même présidence sur les Pe-
tites-Maisons, dont le conseil était dirigé, à son défaut, par un de ses
substituts en Parlement ' .
Le Bureau des pauvres comprenait en 1789 trente-quatre mem-
bres, fi conseillers au Parlement, 6 avocats, 1 conseiller à la Cour
(.les comptes, 2 chanoines, 3 curés, ï procureurs, 16 bourgeois dési-
gnés par les marguilliers de leur paroisse. L'archevêque de Paris y
avait séance depuis 1(590. Mais l'institution était essentiellement laïque
et parlementaire : les Arrêts du Parlement des 15 et 19 mars 1002
avaient formellement astreint à la taxe d'aumône même les commu-
nautés religieuses vouées à la charité2 .
A la fin de l'ancien régime, les ministres, et surtout Necker, essayè-
rent de s'emparer de l'administration des hôpitaux comme de tout le
reste. Les larges emprunts, pour ne pas dire l'indigne spoliation dont
les établissements hospitaliers avaient été les victimes sous le minis-
tère de Loménie de Brienne, avaient ému l'opinion publique; les
1. En ns«J, M. de Mauperché.
1. Outre ces attributions de droit [public, le Parlement avait aussi des droits
particuliers sur L'Hôpital des Cent-Filles de Notre-Dame de la Miséricorde fondé
iiar Antoine Séguier, président à mortier au Parlement de Paris, pour l'éducation
de cent orphelines (rue Censier, faubourg Saint-Marcel). Le premier président, le
procureur général, et M. Séguier, comte de Brisson, étaient les chefs administra-
tifs de cet hôpital, ha fondation dm' à la maison de Lamoignon (1597) était des-
tinée aux prisonniers pour dettes, soit à leur entretien, soit à leur délivrance.
C'étaient encore des magistrats du Parlement qui s'occupaient de donner des
secours charitables aux pauvres galériens, emprisonnés dans la Tour Sainl-
Bernard (fondation de 1739).
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 255
fondations nouvelles que Ton projetait, et dont on vantait à l'avance
les bienfaits, ne dispensaient pas de respecter et de maintenir les
anciennes. VAlmanach royal de 1789 annonçait « les quatre nou-
veaux hôpitaux dont le Roi a ordonné l'établissement ' » : le cahier
particulier du corps municipal, signé de Flesselles., etc., et daté
du 14 juin 1789, réclame (malgré son caractère très officieux) les
1,200,000 livres qui leur étaient attribuées sur la loterie' des 12 mil-
lions2. VAlmanach royal de 1790 supprime la mention de celui de
l'année précédente 5, mais en même temps renferme un chapitre nou-
veau, la direction civile des hôpitaux du royaume : témoignage évi-
dent et ultime de l'objet poursuivi par le Roi de s'emparer de ce
grand service public, et de le confier à la gestion ministérielle.
Le grand banquier Necker avait dès 1784 exprimé ses vues sur la
gestion des hôpitaux, et sur l'emploi le plus convenable de leurs res-
sources. « J'avais adopté, je crois, un moyen convenable pour aug-
menter le revenu des hôpitaux, en engageant Sa Majesté à autoriser
la vente de leurs immeubles, à la charge, par eux, d'en placer le pro-
duit en rentes sur le Roi, les Etats ou le clergé : ces maisons auraient
ainsi converti un faible intérêt contre un plus grand, et une adminis-
tration très compliquée contre une très simple... Mais comme le Roi,
pour ménager les droits de la propriété et pour ne point exciter la
défiance, n'avait pas voulu adopter des voies coercitives, il s'en faut
bien que ses intentions aient été remplies avec le zèle et l'activité
qu'il avait désiré d'inspirer 4. »
Au milieu de tous ces projets mal concertés, mal suivis, et dont les
motifs apparents cachaient la vraie raison (c'est-à-dire la baisse du
crédit et la pénurie du Trésor), le Parlement garda jusqu'à la fin son
autorité prépondérante sur le régime hospitalier. Toutefois, deux
grands établissements lui échappaient par leur titre même de fonda-
tion : l'Hôtel royal des Invalides, qui datait de Louis XIV, et l'hospice
1. Almanach royal de 1789, page 122. Le plan présenté par le baron de Bre-
teuil et approuvé par le Roi concernait quatre emplacements ; l'École militaire,
la Roquette-Saint-Antoine, l'hôpital Saint-Louis, et Sainte-Anne (faubourg Saint-
Jacques). Il s'agissait donc plutôt d'aménagements ou d'agrandissements que de
constructions vraiment nouvelles. On faisait ressortir qu'il y aurait ainsi deux
grands hôpitaux sur chaque rive, l'Hôtel-Dieu servanl de dépôt central. — Voyez,
plus bas, diverses lettres du baron de Breteuil à Bailly, etc. (au chapitre intitulé
le Ministre de Paris).
2. Arrêt du Conseil, du 13 oct. 1787.
3. P. 122.— Cf., dans le même ordre d'idées, le chap. xvi du tome III de l'Adm.
des finances par Necker (p. 17(i à 201 de la lrc édition).
4. Loménie de Brienne se chargea, quatre ans après la date de ce reproche, de
justifier la prudente conduite des hôpitaux et leur légitime défiance.
256 LE PARLEMENT
royal des Quinze-Vingts, fondation de saint Louis. Le second avait
pour supérieur général le grand aumônier de France; mais le Parle-
ment avait enregistré les statuts des Quinze-Vingts au XVIe siècle.
Il s'efforça de les maintenir contre Louis XVI et contre le cardinal
de Rohan, lorsque V enclos de la rue Saint-Honoré fut transféré au
faubourg Saint-Antoine, rue de Charenton. Malgré les évidentes
malversations du cardinal, et malgré sa disgrâce après l'affaire du
Collier, le Roi entendit bien rester le maître absolu de so?i hospice,
et l'évèque de Metz, successeur de Rohan à la grande aumùnerie, le
remplaça également à la tète des Quinze-Vingts : c'était Louis-Joseph
de Montmorency-Laval.
DROITS
PERÇUS AU PROFIT DE l'iIOTEL-DIEU ET DE l'rOPITAL-GÉNÉRAL
DEPUIS 1090, 1702 ET 1711, JUSQU'AU DÉCRET DE LA CONSTITUANTE
DU 19 FÉVRIER 1791
I. — Compiègne, 19 août 1774. Reg. 6 septembre.
Déclaration du roi, qui ordonne la continuation de la perception de 30 sous
par muid de vin entrant dans la ville et faubourgs de Paris pendant six
années, h commencer du 1er octobre 1774, en laveur de l'Hôtcl-Dicu et de
l'Hôpital-Général.
Vise : la déclaration du 28 janvier 1090, celle du 20 décembre
1707.
lî. — Compiègne, 19 août 1775. Reg. G septembre.
Déclaration qui ordonne la continuation de la perception de 10 sous d'aug-
mentation sur chaque muid de vin entrant dans la ville et faubourgs de
Paris, pendant six années, à compter du 1er octobre 1774, en faveur de l'Hôpi-
tal-Général.
Vise: les déclarations des 3 décembre 1702, 22 septembre 1711 et
14 septembre 1711, 3 octobre 1710, 2 septembre 1718, 30 sep-
tembre 1720, 28 septembre 1728, 5 mars 1732, 20 août 1738,
24 septembre 1744,24 août 1730, 30 juillet 1702, 20 décembre 1707.
Vu la destination charitable des deniers, il n'y a aucune exemption
de ce droit, dont l'adjudicataire de la ferme générale remet le pro-
duit, sans frais ni remises, au receveur général de l'hôpital.
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 237
111. — Compiègne, 19 août 1774. Reg. 6 septembre.
Déclaration portant prorogation de la perception du vingtième aux entrées
de Paris, pendant six années, à commencer du 1er janvier 1775, au profit de
l'Hôpital-Général et de celui des Enfants-Trouvés.
Vise : les déclarations des 3 janvier et lo décembre 1711, et en
dernier lieu celles du 30 juillet 1702 et du 22 mars 1768 '.
L'Hôpital-Général jouissait aussi d'un droit de 2 sous 6 deniers
sur les carrosses de remise2, renouvelé de même de six années en
six années. Ces privilèges temporaires, et qui dépendaient de la vo-
lonté royale, contribuaient à préparer l'assujettissement des admi-
nistrations hospitalières, Notons bien, cependant, le caractère essen-
tiellement municipal de ces impôts indirects perçus, aux barrières
ou à l'intérieur de Paris, au profit des malades et des pauvres. La
déclaration du 13 juillet 1780, enregistrée le 1er août, énumère les
droits d'octroi accordés en dernier lieu à l'Hôpital-Général et maisons
unies :
1° « Le vingtième sur les entrées et doublement d'icelui », c'est-à-
dire le dixième ;
2° 20 sous par muid de vin ou liqueurs ;
3° 0 sous par voie de bois 3 ;
■1° 10 sous d'augmentation sur chaque muid de vin entrant dans
la ville, faubourgs et banlieue de Paris.
C'est également le 13 juillet 1780 4 que furent renouvelées pour la
dernière fois les deux autres déclarations citées plus haut, à la date
du 19 août 1771.
ABUS DU PATRONAGE A L'HOTEL-DIEU
ARRÊT du 18 février 1777, qui homologue la délibération en date du 27 no-
vembre 1776, extraite des registres des délibérations du bureau de lTlôtel-
Dieu de Paris :
IJU MERCREDI 27 NOVEMBRE 177G
En l'assemblée générale tenue à l'archevêché, assistants : Monseigneur l'ar-
chevêque; Monseigneur d'Aligre, premier président; Monseigneur Nicolaï,
1. Les trois déclarations qui précèdent ont été vues au conseil par Tcrray.
Jusqu'à la Révolution, elles ont été renouvelées de six en six années (Arch. mit.,
11. 1876).
2. Lettres patentes du 21 déc. 1778, qui le prorogent pour G ans à partir du
I" janvier 1779 (enregistrées le 22 janvier 1779, Arch. nai, X 1b 8972).
3. Voyez : déclaration du 22 juin 178.L sur lettres patentes du 22 juillet 1781).
1. Arch. nat., X Ib 898.'i.
17
238 LE PARLEMENT
premier président de la Chambre des comptes; Monseigneur Barenlin, premier
président de la Cour des aides ; Monseigneur Joly de Fleury, procureur général ;
M. le Noir, conseiller d'État, lieutenant général de police; M. de la Micho-
dière, conseiller d'État, prévôt des marchands.
MM. Durant, de Lambon, le Couteulx de Vcrtron, Dupont, de Neuville,
Marchais de Migncaux, Marrier de Vosscry, de Tillicre fils, Boullenois, et
M. Brochant, receveur.
M. Dupont a dit qu'il lui a été remis un mémoire dans lequel une per-
sonne, également respectable par la place qu'elle occupe et par son mérite
personnel, ayant droit à la nomination de trois lits sur la présentation des
parents de la fondatrice, se plaint d'un abus que la compagnie soupçonnait
depuis longtemps avoir lieu dans les nominations et présentations aux lits des
incurables.
Que cet abus consiste :
1° En ce que quelques-uns de ceux qui ont droit à ces nominations, ou à
une simple présentation, regardant ces lits comme portion du patrimoine de
leurs ancêtres qui les ont fondés, ou par d'autres motifs, qu'aucun prétexte
même de prétendue charité pour d'autres pauvres ne peut excuser, font payer
aux présentés ou aux nommés le prix de leurs présentations ou de leurs no-
minations ;
2° En ce que ces nominations ou présentations se trouvent quelquefois
négociées par personnes interposées, à l'insu même des nominateurs ou pré-
sentateurs ;
Que, dans le premier cas, c'est faire commerce de la charité des fondateurs,
et faire, en quelque manière, rentrer dans le patrimoine de leurs héritiers, ou
de ceux qu'ils ont désignés pour nominateurs ou présentateurs, un fonds dont
tout le produit utile est destiné à la subsistance d'un pauvre, et dont ils n'ont
réservé que l'honneur de déterminer le sujet auquel il serait appliqué; que ce
choix est de sa nature purement gratuit, et ne peut être vendu licitement
même au profit d'autres pauvres qui n'étaient point dans l'intention des fon-
dateurs, et qui n'ont point droit de partager indirectement le bénéfice de ces
fondations ;
Que le trafic illicite et sordide, qui résulte du second cas, met à prix d'ar-
gent, au profit des intrigants de la plus basse classe des citoyens, un bien
consacré à la religion et à l'humanité ; que les conséquences en sont préjudi-
ciables au bon ordre et à la discipline de la maison, la plupart de ceux qui y
sont entrés par cette voie s'y regardant comme propriétaires de leur lit à litre
d'achat, et conséquemment affranchis de toute règle et de toute subordination ;
et que dans ces circonstances il lui paraît intéressant de prendre les pré-
cautions les plus promptes et les plus sages pour réprimer un pareil abus.
Sur quoi la matière mise en délibération,
La compagnie a arrêté: 1° Qu'à l'avenir toutes nominations ou présentations
aux lits de l'hôpital des Incurables seront purement gratuites, sans que, sous
aucun prétexte, il puisse être rien reçu ni payé par qui que ce soit pour raison
et à l'occasion desdilcs nominations et présentations antérieurement ou posté-
rieurement à icelles ;
2° Que dans le cas où les nominateurs ou ' présentateurs auraient reçu
quelque chose que ce soit antérieurement ou postérieurement, ils demeureront
privés du droit de présentation ou nomination, qui passera à celui ou ceux à
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 259
qui lesdiles présentations ou nominations appartiennent à leur défaut ; et le
malade par eux présenté ou nommé sera congédié dudit hôpital;
3° Que lorsque, à l'insu des présentateurs ou nominateurs, il aura été payé
quelque chose à personnes interposées, avant ou après lesdites présentations
ou nominations, et à raison d'icelles, le malade sera pareillement congédié
dudit hôpital, sauf auxdits malades ainsi congédiés à se pourvoir dans tous
les cas contre ceux qui auront indûment perçu quelque chose à raison de leur
présentation ou nomination1.
PRIVILÈGE DE L'HOTEL-DIEU
RELATIF AUX ENTRÉES
La quantité de vin privilégié de l'Hôtel-Dieu avait été fixée à
800 muids par arrêts du conseil des 8 novembre 1051, 20 mars et
17 décembre 1654, 27 octobre 16oo, 10 novembre 1057, 27 mars et
15 novembre 1658, 23 février 1002, 28 avril 1663, lo janvier 1671,
17 novembre 1074 et 3 septembre 1709. Ces arrêts furent confirmés
par lettres patentes enregistrées des 1er mars 1704, 25 septembre
1709, mai 1720. Le conseil a porté àl, 200 muids la quantité de vin
privilégié, depuis 1721.
L'Hôtel-Dieu obtient assez facilement soit de la ferme, soit du
bureau, que les droits payés par lui pour les quantités excédant
1,200 muids lui soient remboursés par compensation avec les années
où il n'atteint pas les 1,200 muids2.
POLIŒ RELATIVE AUX MENDIAiNTS A PARIS
EXTRAIT d'un compte-rendu au Parlement de M0 Séguier '.
Depuis la dernière ordonnance du roi concernant la mendicité il est vrai
qu'on a arrêté beaucoup de gens qui faisaient profession de cet état honteux.
Mais les ordres sont donnés pour qu'ils ne soient arrêtés que pendant le jour;
les officiers de police requièrent toujours le ministère de la garde; ceux qui
sont arrêtés sont conduits chez les commissaires; ils ont l'attention de
n'ordonner l'emprisonnement que lorsqu'ils sont reconnus pour mendiants,
ou parleur aveu, ou par déclaration de témoins, ou lorsque, étant pris sur le
fait, ils sont trouvés porteurs de liards et de morceaux de pain, preuves indi-
catives des charités qu'ils ont reçues. Nous avons entre les mains différents
rapports qui constatent ces faits de la manière la plus évidente.
Ces particuliers ainsi emprisonnés de l'ordonnance du commissaire restent
1. L'expédition est signée Varia, greffier du bureau de l'Hôtel-Dieu< Sur le
rapport de Poimuyor, conseiller, la Cour homologue la délibération : l'arrêt est
collationné Lutton, et signé Du franc.
2. Arch. nat., H. 1933 et suivants.
3. Arch. nat., X !b 8911 (31 juillet 1778).
260 LE PARLEMENT
vingt-quatre ou quarante-huit heures en prison; s'ils sont réclamés par
personnes connues, ils sont relaxés; si personne ne les réclame, ils sont
conduits au dépôt de Saint-Denis, et alors ils ne sont plus sous l'inspection
du lieutenant général de police. L'administration de cette maison est contiée
au commissairc-départi en la province.
Lorsque les mendiants sont arrivés au dépôt, s'ils sont réclamés, le com-
missairc-départi en informe le lieutenant général de police, et celui-ci a
attention de vérifier si l'on peut avoir égard à la réclamation. Communément,
sur la réclamation faite par un domicilié, le mendiant est rendu libre; mais il
arrive presque toujours qu'il abuse de cette liberté, et il est bientôt repris,
faisant toujours le même métier.
Vous n'ignore/, pas, Messieurs, que la mendicité a toujours été un des plus
terribles fléaux dont les villes et les campagnes puissent être affligées. Les
sages mesures du gouvernement ont diminué le nombre de ces vampires du
peuple et de la société. On a pourvu à tout ce que ces fainéants par état et par
profession peuvent demander. On offre à ceux qui sont valides de l'ouvrage
suffisant pour assurer leur subsistance; les infirmes trouvent un asile dans les
hôpitaux; on a ouvert des ateliers de charité dans les campagnes; les curés
de Paris ont des secours pour faire travailler les pauvres de leurs paroisses.
D'après ces précautions, qu'il nous soit permis de représenter à la Cour qu'il
est possible que l'amour de l'humanité, et même qu'un excès de charité fassent
souvent envisager les maux comme plus fâcheux qu'ils ne sont en eux-mêmes.
Une juste sévérité contre les mendiants qui trouvent une subsistance assurée
dans la piété (sic) du peuple peut seule arrêter le désordre; et le moindre
relâchement ramènerait dans les villes et dans les campagnes une multitude
de vagabonds contre lesquels on a employé jusqu'ici des remèdes insuffisants :
et à cet égard il n'est personne qui ne se rappelle les inconvénients qui sont
résultés de la facilité qu'on a eue de relâcher les mendiants il y a quelques
années...
MONT-DE-PIÉTÉ '
LETTRES PATENTES PORTANT ÉTABLISSEMENT d'un MONT-DE-PIÉTÉ
9 DÉCEMBRE 1777. ]{. P., LE 12
Signées : LOI'JS, et plus bas : A ME LOT
Le préambule mentionne l'exemple de l'Italie, et des provinces de
Flandre, Uainaut, Cambrésis et Artois. Le roi repousse toute spécu-
lation de finance, et n'a en vue que 'a bienfaisance et la suppression
de l'usure.
L'article 1er met le Mont-de-piété sous l'inspection et adminis-
tration du lieutenant général de police, assisté de quatre admi-
nistrateurs de l'Hôpital-GénéraJ, élus parleurs collègues et dont les
fonctions seront gratuites. — Les prêts seront des 4/5 de la valeur au
1. Ou bureau général de caisse d'emprunt ■sur nantissement. — VAhn. royal
cite li' Mont-de-piété parmi les institutions hospitalières, après la Charitéi
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 261
poids pour l'or et l'argent, des 2/3 de la valeur estimée pour les
autres objets. Les appréciateurs seront choisis dans la communauté
des lluissiers-commissaires-priseurs du Châtelet de Paris, laquelle
sera garante des évaluations moyennant un droit de prisée de
1 denier pour livre (art. 2). — Prêts auxiliaires (succursales) pouvant
prêter de 3 à 50 livres (art. 3). — La reconnaissance est valable pen-
dant un an, après quoi les objets déposés sont vendus aux enchères
(art. 5 a 7). — ■ Objets volés et déposés fart. 8 et 9). — Juridiction
attribuée au lieutenant général de police, sauf appel à la grand'-
chambre du Parlement (art. 15). — Bénéfices attribués à l'Hôpital-
Général. — Intérêt fixé à 10 p. 100.
ANALYSE DU RÈGLEMENT DU MONT-DE-PIÉTÉ
HOMOLOGUÉ LE 26 FÉVRIER l"î~8 »
(Extrait du registre des délibérations du bureau d'administration
du Mont-de-piété, séance du ."> janvier 1778 après midi, tenue en
l'hôtel de M. le lieutenant général de police, où étaient présents
M. le lieutenant général de police, et MM. Josson, Basly, Viellard et
Henry.)
Ce règlement établit (art. 1er) quatre bureaux :
1° Le bureau d'administration, présidé par le lieutenant
général de police.
2° de direction (directeur général).
3° — tle magasin (garde-magasin).
4° — de la caisse (caissier).
Les articles 10 à 12 concernent le greffier et les archives ;
Les articles 13 à 23, le directeur général;
Les articles 24 à 31, le garde-magasin :
Les articles 32 à 36, le caissier;
Les articles 37 à 39, les employés et préposés;
Les articles 40 à 45, les cautionnements et registres y relatifs;
Les articles 46 à 58, la communauté des Iluissiers-commissaires-
priseurs dans ses rapports avec te Mont-de-piété ;
Les articles 5!) à (12, les emprunteurs;
L'article 64 et dernier, l'ordre d'expédition du projet de règlement
au procureur général.
Cette expédition est signée : Martin (greffier du bureau).
1. Arch. nat.,»X 1b 8970. — Dib. nat., arrêts du Parlement, à la date (piècein-4°
de 8 pages).
262 LE PARLEMENT
EMPRUNT DE 4 MILLIONS
Le bureau de l'Hôpital-fjénéral, qui avait fourni les premiers fonds
de l'établissement du Mont-de-piété, ne put suffire à son rapide
développement; les lettres royales du 7 août 1778 autorisèrent le
Mont-de-piété à emprunter 4,000,000 de livres. — Au 31 décembre
1778, voici quelle était sa situation :
Engagements : 128,508 objets valant 8,509,384 livres.
Dégagements : 60,551 3,179,523 —
Stock en magasin : 07,957 5,129,801 —
VENTE DES EFFETS
ARRÊT du Parlement du 3 mars 1779, qui homologue une délibération des
administrateurs du Mont-de-piété, concernant la vente des effets mis en nan-
tissement, qui n'auront pas été retirés dans l'année du prêt, et autres objets
y relatifs; et ordonne qu'il sera affiché, dans la salle de vente, un tarif des
droits à payer aux huissiers-priseurs pour chaque article de vente.
La délibération, homologuée, est datée du 20 février 1779; elle
comprend 31 articles; l'expédition adressée au Parlement est si-
gnée : Martin, et datée du 21 février 1779 ».
BUREAUX AUXILIAIRES
Les bureaux auxiliaires ne purent être établis, par suite de frais de
régie trop élevés, et les courtiers de prêteurs sur gages servirent
d'intermédiaires, la plupart du temps peu scrupuleux, aux personnes
trop éloignées, ou malades.
Le Parlement, par l'Arrêt du 10 août 1779, fait défenses à toutes
personnes de faire le courtage sans y être autorisées par le bureau
d'administration du Mont-de-piété, à peine de 3,000 livres d'amende2.
Cet arrêt s'appliquait non seulement à Paris, mais aux localités
voisines, déjà clientes du Mont-de-piété comme elles l'étaient depuis
longtemps des hôpitaux parisiens : notamment à Versailles, Fontai-
nebleau, Gompiègne, Saint-Germain-en-Laye et Saint-Denis.
RÈGLEMENT EN TRENTE ARTICLES DU 6 SEPTEMBRE 1779
L'Arrêt du Parlement du G septembre 1779 homologua la délibé-
1. Coll. de la l!ih. nul., à la (lato,
2. Arch, nat., K. 1050,
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 203
ration du conseil d'administration du 26 août précédent, qui fixait le
droit acquis aux commissionnaires pour prix de leur intervention '.
ARRÊT du Parlement du 7 mars 1 780.
Il homologue 52 articles de règlement, concernant les commis-
sionnaires au Mont-de-piété et leur inspecteur2.
ARRET du Parlement du 25 mars 1780.
Il homologue une délibération des administrateurs du Mont-de-
piété, au sujet des effets portés en nantissement au Mont-de-piété,
et qui peuvent être suspectés d'avoir été volés k
HOSPICE AU PETIT-MONTROUGE
Mémoire concernant un nouvel établissement, où seront reçus et traités gra-
tuitement, dans leurs maladies, les anciens militaires et les ecclésiastiques
indigents4.
Ce mémoire, non signé, est du Et. P. Gérard, ex-provincial de
l'Ordre de la Charité. Il l'adressa au roi, et recul une réponse d'A-
melot (2 février 1780), insérée à la suite i\ii mémoire (p. 7 et 8),
par laquelle le Roi s'engageait à fournira l'entretien de vingt-six lits,
une fois le nouvel hôpital construit : « Sa Majesté m'a ordonné de
vous témoigner qu'Elle vous sait gré, ainsi qu'à votre congrégation,
d'un pareil projet, et que vous pouvez être assurés de sa protection,
non seulement dans cette affaire, mais dans toutes celles où vous
lui présenterez des objets d'une aussi réelle utilité. »
BUREAUX DE NOURRICES s
La déclaration du 2!) janvier 1715, enregistrée en Parlement le
14 février de la même année, ordonne que dans chaque bureau des
recommandaresses, il y ait un registre pour y inscrire le nom, l'âge,
le pays et la paroisse de la nourrice, la profession de son mari, l'âge
de l'enfant dont elle était accouchée, et s'il était vivant ou mort. Le
t. Arch. nat., X 1b 8973. — lab. nat., arrêts du Parlement, à la date (pièce hi-4°
de s pages).
2. Bib. nat., ibid., pièce in-4° de 17 pages.
;j. lab. nat., ibid., pièce in-4° de 8 pages.
4. Pièce in-i" de 8 pages (M DUC LXXX, imprimerie royale). — Arch. nat., H.
ira.
îj. Voyez : arrêt du 22 mars 1182 (concernant le ressort de la Sénéchaussée de
Cluitelleraultj.
2Gi LE PARLEMENT
tout devait être attesté par certificat du curé de la paroisse de la
nourrice, lequel devait aussi donner témoignage de ses mœurs et de
sa religion, dire si elle était veuve ou mariée, si elle avait ou n'avait
point d'autre nourrisson. La déclaration du 1" mars 1747, enregis-
trée en la Cour le 19 <lu même mois, ordonna, d'autre part, aux re-
commandaresses de fournir aux itères et mères un certificat de l'en-
registrement de celui que le curé aurait fourni, afin de mettre les
Itères et mères en état de connaître les nourrices auxquelles ils au-
raient confié leurs enfants. Enfin la déclaration du il juillet 1769,
enregistrée le 28, codifia et renouvela les deux précédentes. C'étaient
aussi les curés qui, chaque mois, étaient tenus de donner aux nour-
rices des certificats d'existence de leurs nourrissons, afin qu'elles
pussent être payées par les pères et mères : le Parlement menace
d amende ceux qui se refuseront à délivrer sans frais ces attestations
diverses, le cas échéant, et même quand il s'agit d'enfants (fuu-
vés '.
AFFAIRE DES QUINZE-VINGTS ^
Le 25 juillet 1780, par un acte devant notaires, les administrateurs
des Quinze-Vingts donnèrent leur démission motivée. Elle fut dé-
posée aux greffes du Parlement, de la Chambre des comptes, du
Cliàtelct, et notifiée au grand aumônier, cardinal de Rohan ?.
Voici quels étaient les motifs énumérés dans l'acte de démission :
1° Le régime statutaire de l'hôpital, te! qu'il était observé depuis sa
fondation, est interverti au mépris des Arrêts registres en Parle-
ment; 2° les lettres patentes de translation de l'hôpital ont été sur-
prises4; elles exposenl faussemoiii que les gouverneur et administra-
teurs aient supplié le Roi « de faire connaître ses intentions » ; aucun
projet ne leur a été communiqué; les enquêtes de commodo cl incoiu-
\. C'est-à-dire non reconnus, bâtards, adultérins. Comme parmi les curés, les
uns faisaient des difficultés, et d'autres étâienl plus accommodants, les paroisses
de ceux-ci devenaient de vraies nourrisseries.
2. Sue cette fondation, voyez : Archives des Quinze- Vingts, inventaire et intro-
duction, p. J.-B. Marot; Ad. Berty, Topographie historique du Vieux Paris, t. I,
]>. 61-70; ri surtout L. Le Grand, les Quinze-Vingts, In Mém. de la Soc. de l'his-
toire de Paris, tomes XIII et XIV (1887-1888), plus spécialement p. 18'J à 205 du
tome XIII.
3. Séance plénière du 1! mars 1183, récit d'un de Messieurs de la première
des enquêtes X lu 8979 .
i. [legistrées eu la Cour le 31 dèc. 1779, Elles transféraient les Quinze- Vingts,
de la rue Saint-Honoré, au local du faubourg Saint-Antoine, où ils sont demeurés
depuis lues.
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 265
modo, nécessaires pour l'aliénation des biens de mainmorte, n'ont
pas eu lieu; 3° le chapitre des Quinze-Vingts n'a pas été consulté
sur la vente des biens de l'hôpital, consommée sans leur avis; 4° le.
contrat de vente a été passé si précipitamment qu'il a été signé dans
la même matinée où les lettres patentes ont été enregistrées; ils ne
l'ont connu, malgré leurs instances, qu'un mois après; il renferme
« la vente de deux maisons non comprises dans la permission d'a-
liéner accordée par le Roi », et, de plus, des clauses contraires à
« leur conscience et au bien des pauvres » ; 5° de même, ils n'ont
pas eu départ à l'acquisition de l'hôtel de la seconde compagnie des
Mousquetaires, ni aux marchés de réparations conclus en bloc contre
les dispositions du règlement, ni à la translation des pauvres et du
matériel, ni à la prise de possession des titres de propriété, ni à
tous les règlements faits dans les assemblées particulières tenues
chez le grand aumônier, sans avoir égard aux statuts '.
Le 14 mars 1783 (sans prendre parti entre le grand aumônier et l'ad-
ministration démissionnaire) le Parlement délégua deux conseillers de
grand' chambre, Ghavannes et Lefebvre, pour faire une enquête aux
Quinze-Vingts, de midi à trois heures, le lendemain 15. Mais, à sept
heures du matin, Ghavannes reçut une lettre de cachet du Roi, datée
du 14, et contresignée par Amelot , ministre de Paris, qui lui inter-
disait, « nonobstant l'Arrêt de la Cour, de se transporter aux (juinze-
Vingts jusqu'à nouvel ordre dudit seigneur-roi ». I! n'eut pas le
temps de conférer de cet ordre avec son collègue Lefebvre, et le
matin du 15 mars, exposa le fait à la Cour. Le Parlement arrêta sur-
le-champ des représentations au Roi, non pas contre les disposi-
tions des lettres patentes qu'il avait lui-même enregistrées, mais
« attendu la notoriété des abus de la gestion actuelle des Quinze-
Vingts ». Or, ces abus (il n'est pas inutile de le remarquer) résul-
taient de l'esprit même des lettres patentes, qui avaient donné au
léger et prodigue cardinal de Rohan un pouvoir sans contrôle effectif,
puisqu'il ne dépendait que du roi lui-même.
Le premier président, le soir même à six heures, parla au Roi,
environné du garde des sceaux, du ministre des finances2 et du
secrétaire d'État de Paris. Le roi répondit : « Mon hôpital des Quinze-
Vingts est sous ma seule autorité depuis sa fondation par saint Louis ;
mon Parlement n'aurait pas dû s'en occuper avant de connaître mes
1. Cependant les démissionnaires avaient eux-mêmes, le 20 janvier 1780,
transcrit sur le registre (1rs délibérations du chapitre les lettres patentes du
31 décembre 1779, et avaient signé cette transcription,
2. Jolv de Kleurv.
2G6 LE PARLEMENT
intentions. J'ai cassé son arrêt d'hier, et je lui défends d'y donner
aucune suite. »
Le Parlement arrêta, sur cette réponse, qu'il serait t'ait au roi des
remontrances. Aux griefs déjà nombreux accumulés contre l'adminis-
tration des Quinze - Vingts, « un de Messieurs » en ajouta un qui
concernait « la qualité d'Altesse énimentissime donnée au cardinal
de ftohan dans l'acte de démission des administrateurs, et par lui
prise tant dans VAlmçmach royal que dans d'autres actes publics et
particuliers ».
Les remontrances furent délibérées le 21 mai et présentées le. 29.
Le Parlement se plaint que le roi ait mis en- doute le principe du
pouvoir qu'il exerce en son nom :
II n'existe en France qu'une autorité souveraine, Sire, et c'est la vôtre.
Elle s'étend sur tous les hôpitaux du royaume : l'hôpital des Quinze- Vingts
n'est pas le seul qui lui soit exclusivement subordonné. Que cette autorité
agisse par elle-même ou par vos Cours, sa nature ne change pas. Elle est la
source de tous nos jugements et le principe de ses propres décrets. C'est elle
que votre Parlement est tenu par les lois d'exercer ou d'éclairer. La réponse
de Votre Majesté ne permet plus aux magistrats de votre Parlement de se dis-
simuler qu'on cherche à leur attribuer des prétentions sur une autorité dis-
tincte de la vôtre. Nous protestons tous contre une tentative aussi dangereuse
qu'injuste. Nos droits, Sire, viennent des vôtres. Nous rendons à vos sujets la
justice que vous leur devez ; nous exerçons une autorité qui n'appartient qu'à
vous. Si la séparation du pouvoir législatif d'avec le pouvoir judiciaire est
dictée par l'intérêt des peuples; si le même intérêt, inséparable de celui des
souverains eux-mêmes, a consacré l'inamovibilité des magistrats, dont la sé-
curité garantit le zèle et la perpétuité les lumières, il n'en est pas moins vrai
que leur puissance dérive de la vôtre et s'y doit tout entière...
Sire, nous parlons pour les sujets, nous jugeons pour les rois...
Les deux magistrats chargés de l'enquête par le Parlement ont
obéi aux lettres de cachet qu'ils ont reçues; mais le Parlement,
« obligé de rappeler à Votre Majesté que les ordonnances du royaume
défendent à tous juges d'obtempérer aux lettres closes en matière de
justice, la supplie très humblement de ne jamais permettre que des
magistrats soient obligés de balancer un seul instant entre le respect
qu'ils doivent aux ordres particuliers de leur souverain et l'obéis-
sance qu'ils ont jurée aux lois ».
Les remontrances insistent ensuite sur les statuts légaux, enregistrés
en Parlement ', des Quinze-Vingts, en particulier sur l'article 19 qui
1. Au début du XVIe siècle /sans autre date). Il s'agît îles statuts donnés eu
1521 par François de Moulins (Inv. somni, des Arch, des Quinze-Vingts, par J.-li,
Marot, u" 856).
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 267
veut que « toutes choses importantes soient faites eti plein chapitre,
signées du greffier et scellées du scel de l'hôpital », et sur l'article i8,
qui porte que le grand aumônier, « en cas de mort d'un ou plusieurs
des gouverneurs de l'hôpital, sera tenu de leur nommer pour suc-
cesseurs ceux qui lui seront présentés parles autres » : mission con-
fiée au Parlement, en cas d'absence du grand aumônier. L'édit de
François Ier, du Vi mai 1546,, maintient et confirme les droits du cha-
pitre, et la juridiction en dernier ressort du Parlement.
Depuis près de deux siècles fonctionnait donc une administration
composée du grand aumônier, d'un magistrat du Parlement, de deux
de la Chambre des comptes, d'un officier du Châtelet et d'wn secré-
taire du roi ; à cette administration se réunissaient les officiers infé-
rieurs, le maître, le ministre, le receveur, des frères aveugles et des
frères voyants délégués par tous les autres : toute cette assemblée
formait le chapitre. Il se tenait tons les mois, recevait les comptes,
réglait les dépenses et répondait aux requêtes, à la pluralité des
voix; les reliquats de fonds étaieid déposés au trésor, qui « reposait
sous trois, clefs, dont l'une restait à l'administration, la seconde
entre les mains du maître et la troisième en celles d'un des frères».
A l'intérieur de l'hôpital, le maître avait la police générale; le
ministre, la recelte et la dépense économiques; le receveur, les re-
couvrements et payements du dehors. — En 1780, au moment de la
démission des administrateurs, il y avait 00,000 livres dans le trésor,
outre la somme nécessaire pour les dépenses courantes dans la caisse
du receveur.
Tout parait changé depuis cette époque. Le pouvoir du grand au-
mônier fût-il légitime en principe, il est arbitraire et irrégulier dans
son exercice. De là, la démission motivée des administrateurs.
De là aussi les plaintes du maître de l'hôpital contre le grand au-
mônier.
Le sieur Maynier, maître de l'hôpital, est officier i\n roi, pourvu au
Châtelet, installé par un des officiers de ce tribunal; son office est
perpétuel. Le grand aumônier, ne le trouvant pas docile à ses vues et
ne pouvant le dépouiller, a créé, après avoir annoncé sans les pro-
duire des ordres royaux, une place de gouverneur-administrateur
onéraire et intendant de l'hôpital, en faveur d'un certain Prieur,
« lequel, pourvu par nn sujet, est devenu de fait le supérieur d'un
officier pourvu par le souverain ' ». Ce personnage équivoque, d'abord
caissier et débiteur suspect d'un receveur général, ensuite bomme
i. Ses provisions datenl du Ier mars 1781,
2G8 LE PARLEMENT
d'affaires du cardinal, s'est rendu coupable de tous les abus d'admi-
nistration et de conduite que la notoriété publique et les actes judi-
ciaires du sieur Maynier lui reprochent : entre autres faits, « il esl
intéressé comme acquéreur dans la vente de l'ancien enclos des
Quinze-Vingts, manœuvre défendue par la raison et par les lois ».
Le sieur Maynier a d'abord poursuivi son inhibition, puis, croyant
à une conciliation possible, s'est contenté d'introduire au Chàlelet
une requête eu information : le lieutenant civil, « sur une lettre par-
ticulière », non émanée du roi, s'est refusé à y donner suite. Ainsi le
cours de la justice se trouve interrompu, « dans les cours souve-
raines, par des lettres de cachet, et dans les tribunaux inférieurs,
par des lettres particulières ».
Le roi ne répondit pas autre chose' à ces remontances, présentées
le 20 mai, sinon qu'il les examinerait.
Le 15 juillet, sur la question d'un de Messieurs de la première des
enquêtes, le premier président d'Aligre déclara « qu'il al tendait tou-
jours les ordres du roi » relativement aux Quinze-Vingts. Il rendit
compte de plusieurs faits publics, « nouvellement survenus à l'occa-
sion de celle affaire, et notamment de deux lettres de cachet qui en-
joignaient à MM. de Menk et Royer, maîtres des requêtes, d'accepter
la nomination faite de leur personne par le grand aumônier pour
gouverneurs des Quinze-Vingts, et ce, sous peine de désobéissance ».
Le 20 juillet, le roi ht appeler à Versailles le premier président, et
les présidents Bochart et Le Peletier de Rozambô; il leur déclara
qu'il entendait « voir par lui-même l'état de l'administration » dis
Quinze-Vingts. Il ajouta : « Mon Parlement doit se reposer sur mon
attention à maintenir l'ordre dans toutes les parties de mon gouver-
nement. » Deux jours auparavant (18 juillet) un arrêt du Conseil, du
propre mouvement, avait évoqué un appel comme d'abus porté en
Parlement par le sieur Herpelle, vicaire de l'église de l'hôpital des
Quinze-Vingts, que le grand aumônier avait sommé verbalement et
par écrit de quitter sa place, afin de lui substituer une de ses créa-
tures, l'abbé Georgel, dont les mémoires mensongers et les impu-
dentes apologies ne tiennent pas devant les pièces authentiques el
les témoignages incontestables produits en Parlement.
Le 9 janvier 1784', d'Ëprémesnil donna lecture à la Cour d'un écrit
non signé, intitulé : « Exposé des motifs de la démission des admi-
nistrateurs de l'hôpital des Quinze-vingts, du 25 juillet 1780. » Cet
écrit n'était destiné ni au public, ni au Parlement. Il avait pour bu!
1. Arch. nat., X le 8980.
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 269
d'éclairer les commissaires du Conseil auxquels le roi avait jugé bon
de confier l'affaire des Quinze-Vingts.
Beaucoup plus précis que le texte authentique de la démission, il
ne laisse aucun doute sur les concussions habilement préparées et
audacieusement perpétrées par le cardinal de Rohan. En voici les
passages les plus caractéristiques :
Les administrateurs ont d'abord été étonnés que la translation occasionnât
la vente des maisons non comprises dans l'enclos, et encore plus que, malgré
celte extension, la soumission se trouvai réduite à 0,100,000 livres1. Us en
tirent l'observation à M. le Cardinal, qui répondit que lesdites maisons ne
seraient pas comprises dans la vente. Malgré cette parole, des sept maisons en
question, deux ont été vendues, et le prix de la vente s'est trouvé définitive-
ment réduit à six millions.
Les administrateurs espéraient qu'une information préalable à l'enregistre-
ment des lettres patentes et à leur exécution aurait lieu par les soins du Par-
lement : dans cette confiance, ils n'ont point conféré ensemble sur les obser-
vations qu'ils avaient pu faire ebacun en particulier lors de la lecture rapide
qu'ils avaient prise d'une copie des lettres patentes que M. le Cardinal leur
avait fait passer par le sieur Dicn, qui l'avait remportée sur-lc-cbamp... D'ail-
leurs ces observations auraient pu être regardées comme peu régulières,
comme n'étant pas le fruit d'une délibération capitulaire.
Quel ne fut pas l'étonnement des administrateurs lorsqu'ils apprirent le
1er janvier 1780 que la veille les lettres patentes avaient été enregistrées sans
information, que la vente de l'enclos des Quinze-Vingts était effectuée!
Aux motifs exprimés dans leur acte de démission, ils ajoutent celui
résultant d'un bruit général de pot-de-vin donné par les acquéreurs
de l'ancien enclos qui, ne le contredisant pas, le rendent au moins
vraisemblable :
Bruit quia occasionné dans le public des reproches de tout genre aux admi-
nistrateurs, qui se trouvent soupçonnés et même accusés d'avoir copartagé ce
pot-de-vin, quoiqu'ils l'aient parfaitement ignoré par une suite des pratiques
mystérieuses employées dans toutes les opérations, et qui, jaloux de la répu-
tation si désirable et si méritée d'un parfait désintéressement dont ils avaient
joui jusqu'alors, ont cru que le seul moyen de se purger de ces inculpations
était de se retirer et d'abdiquer des fonctions qu'ils ne pouvaient plus remplir
avec fruit.
Duval ajouta que ces faits intéressaient un de Messieurs, membre
de l'ancienne administration des Quinze-Vingts. « Il est présent, dit-
il, il ne doit compte qu'à la Cour de sa conduite, et peut mieux que
personne éclaircir la vérité. »
li De 6,600,000 livres d'abord annoncées en forme de conversation, ou en petit?
comités, par le grand aumônier.
270 LE PARLEMENT
Le conseiller Farjonel, auquel il étail fait allusion, reconnut
comme véritables tous les faits relevés dans l'exposé. MM. les conseil-
lers d'Etat n'ayant pas juué bon de s'adresser à ses collègues et à lui
pour avoir ces éclaircissements, ils avaient dû concerter et mettre
par écril leur commune réponse, dont chacun avait une copie.
11 avait eu tout lieu de penser que cet écrit... était demeure dans l'oubli et
resté enfermé dans l'intérieur de leur cabinet; à son égard il ne l'avait com-
muniqué à personne, et il ignorait par quelle voie celui de Messieurs qui
venait de rendre ce compte en avait eu communication.
Le 20 janvier, il fut arrèté^qu'il serait remis entre les mains du roi
une expédition de la séance du 9, comprenant le récit de Duval et la
réponse de Farjonel.
Le 6 février, le Parlement1 procéda à l'interrogatoire du sieur May-
nier, qui rédigea ensuite et signa ses réponses au greffe de la Cour2.
En voici l'analyse :
Maître et administrateur en titre des Quinze-Vingts, il n'est plus
rien depuis la nomination du sieur Prieur comme gouverneur. Il
assiste encore aux chapitres, mais les chapitres, au lieu d'avoir lieu
tous les mois, ne se tiennent plus que très rarement : le dernier est
d\\ 2 août 1783. — L'ancien enclos, habité par cinq ou six mille âmes,
n'avait donné lieu à aucune plainte de la police ni du public. Le sieur
Prieur fait du nouvel hôpital un lieu de corruption. « Il y donne des
bals, fait, danser à ces hais les filles des frères, en interdit l'entrée
aux mères et va jusqu'à payer à ces filles des maîtres de danse. — La
fille d'un des frères de l'hôpital, nommé Lemoine, est accouchée au
su de tout l'hôpital chez une sage-femme rue Saint -Antoine en face
de la maison, et c'est le sieur Prieur qui a payé les frais de l'accou-
chement. — Le sieur Prieur cherche à séduire les filles des frères,
ainsi qu'il résulte d'une lettre écrite par ledit sieur Prieur à l'une
d'entre elles ; cette lettre est tombée entre les mains de la mère. » —
Maynier raconte comment il en a eu copie 3 et a fait opposition à la
1. Vendredi, 6 février, assemblée île commissaires : le premier président, quatre
présidents, ouzo conseillers de grand'chàmbre, sept des enquêtes (Duval, Gré-
goire, — Le Rebours, Dudoycr, — Ferrand, Le Coigneux, Constance); trois dis
requêtes du palais (Roland, Oursin, Dupont).
2. Déclaration annexée à la minute.
:i. Pièce annexée à la déclaration et paraphée : « Il y a deux grands jours que
je n'ai vu ma précieuse amie, j'en soupire... Je me plais tant à vous répéter que
je vous aime, et. vous, au contraire, ce terme vous coûte à prononcer... traitez-
moi avec plus de 1 lé... Je tâcherai de vous remettre une lettre demain, je vous
parlerai de votre petite fortune dont je m'Occupe, car je dois assurer le bonheur
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 271
remise de l'original toujours existant. Il a été aussi forcé de faire
opposition (en vertu des droits du chapitre) au mariage d'un frère qui
voulait épouser une fille enceinte, dénoncée par tous comme vivant
publiquement avec le sieur Prieur. Le mariage n'a pas eu lieu, mal-
gré l'information signée par l'abbé George! qui avait constaté l'hon-
nêteté et la bonne conduite de la future : peu de temps après ce cer-
tificat elle a accouché. « D'après ces détails, la Cour ne sera point
étonnée qu'il se soit commis dans l'intérieur de l'hôpital, depuis la
translation, des crimes encore plus graves... Je ne crains pas-d'invo-
quer le témoignagne de MM. les lieutenants de police. »
Maynierrend ensuite compte à la Cour de la manière dont les reve-
nus de l'hôpital sont présentement administrés; de la somme déposée
au Trésor lors de la translation ; du déplacement des registres, qui
sont, les uns chez Prieur', les autres chez le grand aumônier; de la
manière dont les revenus de l'hôpital sont touchés et administrés.
Pour la rétribution des frères, elle est exactement, payée, mais ils sont
néanmoins dans une misère qu'ils n'ont jamais éprouvée, sauf ceux
qui ont un métier ou qui sont favorisés par Prieur. Gela tient « aux
nouveaux arrangements de M. le grand aumônier, qui dispose en
faveur d'étrangers en province d'une partie des Liens de l'hôpital »,
en vertu de l'arrêt du Conseil, manifestement surpris, du H mars
1783. On l'ait attendre leurs salaires aux ouvriers et aux fournis-
seurs, chose inouïe jusqu'à l'époque de la translation. « Le sieur
Dumas, serrurier, rue Saint-Sauveur, s'est vu conduire à l'hôtel de la
Force pour environ 3,000 livres, tandis qu'il était en avance pour
l'hôpital de plus de 20,000 livres. » L'hôpital a été traduit devant
les tribunaux, et la saisie de ses revenus a duré plus de quinze mois.
Lorsqu'il a fallu rendre au roi des comptes de gestion, Prieur a
obtenu les quittances nécessaires contre des billets à ordre. — Les
versements des acquéreurs de l'ancien enclos au Trésor royal n'ont
de ma bonne amie... Dimanche, je ne manquerai ni vêpres ni messe, et je, sou-
haite qu'il y ait un long sermon, le (ont pour voir ma bien-aimée; je n'oserai la
regarder, mais je la sentirai près de moi, et mou cœur sera content. » Os ex-
traits suffisent.
1. « Je demande à la Cour la permission d'ajouter qu'il m'est arrivé d'obliger
le sieur Prieur, en présence des officiers et du greffier de la maison, qui m'en a
donné son certificat que j'ai produit au Conseil, à tirer de sa poche un titre de
l'hôpital qu'il emportait, et que le greffier prit de ses mains pour le remettre dans
une liasse. Le sieur Prieur donnait pour excuse qu'il emportait ce titre pour le
joindre à d'autres. .le lui répondis qu'il fallait qu'il rapportât les autres pour les
joindre ;'i celui-là... Je le menaçai de faire venir la garde, et il se rendit.» — Du
reste Prieur s'était, comme caissier, reconnu débiteur à feu Véron, receveur gé-
néral, de 95,624 livres l!l sols 11 deniers (en date du 1.'! février 1170;.
272 LE PARLEMENT
pu être commencés par eux que moyennant un emprunt de
3,160,000 livres l'ait à Gènes; ils n'ont pas eu lieu régulièrement, et
sont en retard.
Voici la réponse de May nier à la question : Si avant la passation
du contrat de vente de l'ancien enclos, il avait été payé quelques
sommes; à qui? par qui? et dans quel temps?
La Cour se rappelle que la vente a été faite le dernier décembre 1779. Le
sieur Baccarit1 m'a dit longtemps avant cette époque que l'architecte qui a
l'ait bâtir les écuries de M. le duc de Chartres, rue Saint-Thomas-du-Lou\rc,
l'avait assuré que la vente des Quinze-Vingts était faite, et qu'il avait vu entre
les mains du sieur Seguin, trésorier de Mgr le duc de Chartres, une quittance
de M. le grand aumônier pour partie du prix de cette vente, de cinquante
mille écus ou cent, je ne me rappelle pas bien précisément la somme : quel-
ques mois après et toujours avant la vente, ce même architecte de M. le duc
de Chartres, nouvellement arrivé de Saverne, aborda une personne avec laquelle
je me promenais au Palais-Royal, el apprenant que j'étais maître aux Quinze-
Vingts me dit : Eh bien! Monsieur, votre enclos est vendu! M. Seguin m'a
montré il y a plusieurs mois une quittance de M. le cardinal, sans me dire la
somme; et il m'ajouta que M. le cardinal lui avait confirmé à Saverne que la
vente était convenue et arrêtée.
Il m'a encore été dit par le sieur Carra, ancien secrétaire de M. le grand au-
mônier, qu'à cette époque ce prélat avait placé, sous le nom du sieur Caron, an-
cien payeur des rentes, 300,000 livres sur la caisse de Poissy2, et que quel-
que temps après, M. le grand aumônier avait retiré des mains du sieur Caron
141,667 livres en cinq récépissés sur la même caisse, qu'il avait placés sous
le nom du sieur Cornet, un autre de ses secrétaires.
Le sieur Cornet étant parti pour Londres, laissa ses papiers au sieur Carra.
M. le grand aumônier fit demander à celui-ci si le sieur Cornet ne lui avait pas
laissé les cinq récépissés : le sieur Carra lui répondit qu'en effet il les avait ;
alors M. le grand aumônier les fit réclamer. Le sieur Carra ayant répondu
qu'il ne pouvait pas s'en dessaisir sans un ordre du sieur Cornet, M. le grand
aumônier insista, et le sieur Carra, craignant un acte d'autorité, prit le parti de
faire le dépôt des cinq récépissés chez Me Coupry, notaire. J'ai l'honneur de
remettre à la Cour la copie d'une lettre écrite par le sieur Carra à M. le grand
aumônier, relative à ce détail ' ».
1. Architecte en titre des Quinze-Vingts.
2. Banque (!<• prêts forcés aux bouchers approvisionnant Paris, un des établis-
sements fiscaux les plus hypocrites et les plus ineptes de l'ancien régime. Elle
datait de janvier 1690, fut flétrie et supprimée (février 1776) par Turgot, puis re-
constituée. Voyez {'Encyclopédie méthodique, finances, aux mots Caisse de Poissy
et île Sceaux.
3. Sixième pièce annexée (la copie est delà main de Baccarit) :
u Monseigneur, j'ai trouvé dans les papiers que M. Cornet m'a laissés cinq ré-
(i pissés ou bordereaux de la Caisse de Poissy, formant ensemble la somme de
141,667 livres. J'ignorais que cette somme vous appartint, et j'ai eu de la peine
à croire qu'un prince de l'Église, le premier gentilhomme de l'Etal, doté par les
bontés du roi (l'un revenu de 1,200,000 livres, ait pu, sous Pappâl d'un bénéfice
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 273
Maynier raconte ensuite les tentatives de corruption dont il a été
l'objet de la part de l'abbé Digne, ancien chanoine de Barjols et agent
du cardinal, et de la part du cardinal lui-même.
Parmi les pièces annexées à cette déclaration, la septième montre
l'intérêt déjà ancidi que la maison d'Orléans avait à la vente de
l'ancien enclos, et les procédés indirects par lesquels elle y avait
poussé :
Copie de la réponse de M. Berlin à Mdr le dur de Chartres.
Versailles, 20 novembre 1777.
Monseigneur, j'ai reçu le mémoire que Votre Altesse sérénissime m'a fait
l'honneur de m'adresser, par lequel l'administration des Quinze-Vingts de-
mande qu'il lui soit prêté des fonds pour faire achever la façade de la place du
Palais-Royal, sur les 400,000 livres destinées par le roi à la reconstruction de
l'église des Quinze-Vingts '. J'aurai l'honneur d'observer à Votre Altesse séré-
nissime, à cet égard, que l'administration des Quinze-Vingts a donné au roi un
état de ses revenus et de ses charges, d'où il résultait qu'elle était hors d'état
de fournir à la reconstruction de son église; et qu'ainsi il est constant que,
d'après ses propres déclarations, elle serait hors d'état de rembourser, comme
elle paraît le promettre par son mémoire, les fonds qui lui seraient avancés
sur ceux que Sa Majesté a fait mettre en séquestre pour la reconstruction de
l'église, et dont la destination paraîtra sans doute à Votre Altesse sérénissime
trop sacrée pour qu'il soit possible de les détourner et appliquer à tout autre
objet, du moins sans être assuré d'un remboursement certain.
de sept à huit mille livres, se compromettre avec les fermiers des boucheries de
Paris. Je n'en serais point surpris cependant si, en profitant d'une occasion tou-
jours saisie adroitement par les âmes vraiment grandes, Votre Altesse eût des-
tiné le bénéfice de cette somme à récompenser ceux qui se sont trouvés dans
ce moment attachés à sa personne. Le motif alors eût ennobli la chose. J'étais
près de vous, Monseigneur, au moment où la compagnie de Poissy obtint sous
vos auspices le privilège dont elle jouit. Tous cmx qui vous étaient attachés
ont eu des intérêts sans fonds. Moi seul je n'eus rien, pas même une obole ! Ce-
pendant je vous avais sacrifié une liberté et un temps que j'aurais pu employer
avantageusement pour ma fortune par des ouvrages qui m'ont mérité depuis
l'estime publique et l'amitié d'une foule de gens de bien. Ma santé même s'est alté-
rée de dix ans pendant les trois rpie j'ai eu l'honneur de vous être attaché. L'ar-
gent ne pouvait point être un équivalent de toutes les secousses que j'ai éprou-
vées en cherchant sans cesse à vous plaire; mais il était un palliatif, et, si vous
m'avez rendu justice eu disant que j'étais un honnête homme, vous deviez me
laisser croire aussi que vous étiez vraiment un grand seigneur. » Jean-Louis
Carra (111:3,-31 octobre 1793) publia les Annales patriotiques (1789), prit part à
la fondation de la Commune, au 10 août, représenta le département de Saône-et-
Loire à la Convention, fut proscrit le 31 mai et exécuté avec les Girondins.
1. Maynier ignore « ce qu'est devenue cette somme ». 11 a ouï dire « qu'une
partie, dont il ignore le montant, a été remise il ne sait en quelles mains ». Sur
ce point, il renvoie à M. Bertin et à M. Lenoir.
18
274 LE PARLEMENT
Je suis avec le plus profond respect, Monseigneur, de Votre Altesse sérénis-
sime, etc.
Il y a une somme de 51,000 livres que cette administration doit aux lote-
ries " et qu'elle pourrait employer à la place, sauf à la remplacer par la suite.
Le 10 février', furent entendus Laugier, ministre de l'hôpital (31
questions et réponses, H pièces annexées) ; — Bresse, greffier (10 <jues-
Lions et réponses, 2 pièces annexées); — Bacearil, architecte en titre
de l'hôpital (14 questions et réponses, 8 pièces annexées).
Laugier confirma et précisa la déposition de Maynier en ce qui
concernait les scandales des Quinze-Vingts et la conduite déréglée
et licencieuse de Prieur2, imitée d'ailleurs autour de lui. Il eut le
courage d'ajouter que le grand aumônier voyait avec plaisir la gaieté
régner dans la maison. Prieur « a fait apprendre, à nombre de jeunes
filles de frères, des chansons 3 à la louange de M. le grand aumônier,
auquel il a donné des fêtes avec illumination et feux d'artifice dans
l'intérieur du nouvel enclos. Les filles y étaient habillées en bergères
pour recevoir iVl. le grand aumônier ».
Il attribue la misère des frères à l'interdiction absolue des quêtes
décrétée par le Cardinal, et au changement de quartier : rue Saint-
Honoré, les femmes des frères trouvaient occasion de travailler à la
dentelle, de faire des ménages. Le défaut de tenue des chapitres ne
permet pas de secourir à temps les frères nécessiteux.
Parmi les pièces annexées, la première (signée le cardinal de
Rohan) recommande à Laugier de ne point presser les rentrées de
fonds dus par les acquéreurs.
Le sieur Bresse, entre autres faits édifiants, déclare que quelque-
fois Prieur venait chez lui, et lui faisait enregistrer les délibérations
avant la tenue des chapitres, notamment dans les affaires qui le
concernaient personnellement. Il ajoute :
Le scandale est si grand dans l'enclos qu'on appelle certaines femmes du
nom de certains prêtres... Il est aussi public dans l'enclos que le sieur Prieur
a poursuivi des filles de frères dans les corridors, qu'il a même déchiré la
chemise de l'une d'elles pour lui prendre la gorge. On l'a rencontré plusieurs
1. D'abord à celle de Salnt-Sulpice ; puis, après la réunion de toutes les loteries
particulières à la loterie royale de l'École militaire, la part des Quinze- Vingts fut
réduite à 40,000 livres, séquestrées elles-mêmes pour la reconstruction de l'église.
— La translation arrangea tout. — (Voyez : Édit de janvier 1784, concernant
l'échange, passé entre le, roi et le due, de Chartres, de terrains dépendant du-
Palais-royal : X 1b 8981.)
i. Violence l'aile par Prieur à la fille Testu, etc., etc.
;$. Voir une de ces chansons sur les Vertus du cardinal de Rohan, dans le
"Chansonnier historique, publié par M. Raunié, t. IX. p. 254.
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 273
fois dans les corridors en robe de chambre et sans culotte; on ne parle que du
scandale qu'il cause même à l'église.
Baccarit témoigne avoir fait un premier devis estimatif de répara-
Lions et de reconstructions, dont la somme se montait à 100,800 livres
7 sols "2 deniers. Le grand aumônier le trouva trop cher, et dit que
les mêmes ouvrages seraient faits pour 110,000 Livres par un nommé
Bricard, auquel, il est vrai, on abandonnait les matériaux de démoli-
tions (février 1780).
Au mois d'avril, M. l'abbé Georgcl (dépose Baccarit) me fit prier de passer
chez lui et m'engagea de dresser un nouveau devis estimatif des travaux à
faire dans le nouvel enclos, qui se montât à un million ou environ. Je lui dis :
Mais, Monsieur, vous me compromettez vis-à-vis de M. le grand aumônier. IL
a déjà trouvé mon premier devis de 160,000 livres trop cher, quedira-t-il? —
il/, l'abbé Georgel me répondit : Soyez tranquille, c'est par les ordres de M. le
Cardinal. Ce devis sera pour M. Berlin et pour M. Lenoir : mettez-y beaucoup
d'objets pieux, travaillez-y et apportez-le-moi le plus tôt que vous pourrez, car
c'est très pressé.
Baccarit fit, sans lui donner de litre de sa main, un devis de
923,000 livres. L'abbé Georgel l'intitula, et en fit faire deux copies,
l'une pour M. Berlin, et l'autre pour M. Lenoir. — Vers le mois de
juillet 1780, Prieur dit à Baccarit : « Il faudrait tâcher d'arranger
un mémoire dans lequel on ferait passer une somme de 50,000 écus
qui seraient pour payer vous, moi, et quelques autres de nos soins. »
Baccarit sortit indigné, et comprit ce que signifiait le second devis
qu'on lui avait demandé.
La commission du Parlement demanda à Baccarit commenl il avait
pu faire un devis d'un million pour le même objet qui, d'après lui,
n'en demandait un que de 100,000 livres; et d'où provenait la diffé-
rence du devis présenté par lui au grand aumônier avec celui qu'il
avait envoyé à l'abbé Georgel.
Réponse. La Cour me demande le secret du sieur abbé Georgel. Les objets
spécifiés au devis que je lui ai envoyé ne sont pas les mêmes que ceux du
devis que j'ai présenté à M. le grand aumônier. Dans celui-ci il n'était question
que de réparations, à l'exception du bâtiment des cabaretiers et boulangers;
dans le devis du sieur abbé Georgel, dont je n'ai fait que copier les idées, la
Cour verra un très grand nombre de constructions nouvelles; la seule dont
j'eusse parlé dans mon devis estimatif est rayée dans le second pour faire
place à deux salles pour les écoles chrétiennes, d'après une note écrite en
marge de la main même du sieur abbé Georgel \ J'ai eu l'honneur d'exposer
1. Écriture heurtée, hâtive; caractères inclinés tantôt ù gauche, tantôt à droite;
négligence peut-être voulue. L'abbé George! écrit 15/20:
276 LE PARLEMENT
précédemment à la Cour toutes les précautions que j'ai cru devoir prendre
sur le titre, le contenu et l'existence de ce devis : j'ai lieu aujourd'hui de
m'en féliciter. J'ignore les vues et les démarches ultérieures du sieur abbé
Gcorgel.
i Les réparations du nouvel enclos étaient-elles déjà laites, quand le
sieur abbé Georgel a demandé le second devis ? — « J'ai l'honneur de
répondre que quand le sieur abbé Georgel m'a demandé ce second
devis, les réparations étaient plus d'à moitié faites » ; et il le prouve
par sa correspondance avec l'abbé, cl avec l'entrepreneur des répa-
rations.
En réunissant toutes ces dépositions aussi accablantes que concor-
dantes, le Parlement délibéra, le 21 avril, d'itératives remontrances,
divisées en trois parties : la vente, la translation, et les temps écoulés
depuis la translation. Sur ce dernier point, sur les scandales donnés
par Prieur, les remontrances sont très générales : « Le respect nous
oblige de supprimer les détails; ils font gémir également la pudeur
et la justice. »
Le Parlement s'indigne que l'on s'efforce de persuader au Roi que
l'hôpital des Quinze-Vingts, comme étant de fondation royale, n'est
pas soumis à l'inspection parlementaire : « comme s'il suffisait d'ima-
giner, de répéter la chimérique et criminelle distinction de l'auto-
rité du Parlement et celle du roi ', pour alarmer votre justice et
fatiguer notre courage. »
« Cet hôpital présente à nos regards des finances dissipées et des
mœurs dépravées, fruit naturel d'un gouvernement arbitraire2. »
Aux remontrances présentées le 23 mai, le Roi répondit qu'il les
examinerait et qu'il ferait connaître ses intentions.
Ce fut seulement le S septembre que le Roi répondit :
J'ai examiné avec attention les remontrances de mon Parlement au sujet des
Quinze-Vingts. Je suis assuré de la pureté de son zèle, et je prendrai toujours
ses représentations en bonne part. Mais j'ai reconnu qu'on l'a trompé dans
les faits avancés dans ses remontrances ; mon grand aumônier n'a rien fait
que d'après mes ordres ; mon Parlement aurait dû rechercher ceux qui avaient
rendu ces remontrances publiques par l'impression', afin de les punir suivant
la rigueur des Ordonnances. Au surplus, je m'occupe des moyens de rendre
mon hôpital des Quinze-Vingts de plus en plus utile.
1. 11 est vrai que le Parlement ne cessait de distinguer lui-même entre le roi
et son Conseil, le roi et ses ministres, etc.
2. L'intention politique de ce passage est évidente. Le gouvernement du
royaume ne ressemblait que trop à celui des Quinze- Vingts.
S. Affaire des Quinze-Vingts, in-8° sans date, 63 pages.
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 277
SÉANCE DU PARLEMENT DU 11 JANVIER 1783 '
D'après un long récit à cette date, dans lequel les faits qui pré-
cèdent sont rappelés, l'abbé Georgel fit, h> 17 septembre 1784, un
beau discours au Chapitre; il y exposait el y commentait à sa façon
la Réponse du Roi aux remontrances du Parlement.
Ce même récit signalait à l'attention des magistrats, dans la
deuxième quinzaine d'octobre du Journal politique de Bouillon, l'ar-
ticle Paris :
« Le Parlement ayant présenté des remontrances itératives au sujet de l'ad-
« ministration des Quinze-Vingts, le Roi a déclaré formellement l'irréprocha-
« bilité du cardinal de Rohan, et Sa Majesté a dit : Je suis content du zèle de
« mon Parlement, et je prendrai toujours en bonne part ses remontrances. Mon
« grand aumônier n'a rien fait qu'à ma connaissance et d'après les ordres que
u je lui ai fait donner. Mon Parlement a été mal instruit, etc.. »
C'est ainsi, Monsieur, que legazetier de Rouillon s'est exprimé... Ce récit infi-
dèle n'aurait pas compromis son journal dans un temps où l'autorité qui dis-
pose des papiers étrangers aurait su le respect qu'elle doit à la Cour. Ce n'est
pas d'aujourd'hui que cette autorité fait décrier les Parlements dans les jour-
naux ou les gazettes qui lui sont soumises... A présent il est tout simple et
d'usage, pour ainsi dire, que les papiers publics et les requêtes en cassation
soient au gré des auteurs ou des parties intéressées des libelles diffamatoire»
contre les Parlements.
SÉANCE PLÉNIÈRE DU "25 FÉVRIER 1785
TROISIÈMES REMONTRANCES DU PARLEMENT SUR L'ADMINISTRATION I>KS oriXZE-VIXGTS»
La réponse de Votre Majesté aux itératives remontrances de son Parlement
sur l'état déplorable des Quinze-Vingts ne l'a point découragé. Si l'intrigue
a surpris cette réponse, l'intrigue n'a pas empêché du moins la bonté person-
nelle de Votre Majesté de s'y faire sentir.
Votre Majesté annonce qu' « assurée de la pureté du zèle de son Parlement elle
prendra toujours, ses représentations en bonne part ». C'est nous rendre moins
diflicilcs des obligations à l'accomplissement desquelles sont attachées la
tranquillité de l'État et la stabilité du Trône.
Mais Votre Majesté déclare en même temps qu' « on a trompé son Parle-
ment sur les faits contenus dans ses remontrances, et que son grand aumônier
n'a rien fait que par ses ordres ». Ici, le respect même nous oblige à élever la
voix pour oser dire qu'on a dissimulé à Votre Majesté l'état de la question,
puisqu'elle a permis que cette déclaration fût insérée dans sa réponse.
En effet, Sire, les faits exposés à votre Parlement sont vrais, ou calomnieux.
S'ils sont calomnieux, votre Parlement doit en faire justice à toutes les per-
1. X 1b 8982.
2. Ibidem.
278 LE PARLEMENT
sonnes que ces faits ont inculpées; mais, s'ils sont vrais, l'hôpital des Quinze-
Vingts touche à sa ruine ; s'ils sont vrais, Votre Majesté ne les approuve
sûrement point, encore moins les a-t-clle ordonnés.
Six déclarations circonstanciées et soutenues de pièces reposent au greffe
de votre Parlement. En voici le résultat :
Vente de deux maisons qui n'étaient pas comprises dans les lettres patentes
de 1779, 50,000 écus, touchés par le grand aumônier auparavant la vente de
l'enclos ;
Réduction du prix de cette vente au préjudice d'une soumission avouée de
0,000,000 livres, clandestinité du marché, précipitation de la même vente qui
donnent lieu à des soupçons de pots-de-vin considérahles;
Argent offert, menaces faites au maître des Quinze-Vingts pour s'assurer
de son silence; dépossession arbitraire de cet officier nommé par Votre Ma-
jesté, nomination faite à sa place, par le grand aumônier, d'un caissier infidèle
intéressé dans l'acquisition de l'ancien enclos ; négligences répréhcnsibles
dans la translation; dissipation des économies de l'ancienne administration;
faux devis de l'abbé Georgel pour les réparations;
Despotisme du grand aumônier, asservissement volontaire du même abbé
Georgel, vicaire général, et de Prieur, ce caissier intidèle, aujourd'hui gou-
verneur onéraire des Quinze-Vingts, suppression des Chapitres, mélange des
caisses du grand aumônier et de l'hôpital; défenses du grand aumônier au
ministre des Quinze-Vingts de presser les acquéreurs; recouvrements attirés
par le grand aumônier à sa personne au lieu du ministre, malgré les statuts;
défaut de comptes, défaut de versement de 810,000 livres au Trésor royal,
arrérages de cette somme payés malgré le déficit; déplacement des registres
par Prieur, leur incomplet rétablissement; propositions faites par le même
homme à l'architecte de l'hôpital d'enfler l'estimation des réparations de
50,000 écus; désordre évident des dépenses extérieures; délais imposés par
Prieur aux ouvriers, délais demandés par Prieur aux tribunaux; billets à
longs termes du trésorier du grand aumônier donnés par Prieur, soit aux en-
trepreneurs, soit aux ouvriers, pour se procurer leurs quittances; compte
insidieux fondé sur ces quittances et présenté à Votre Majesté; remplacement
fait par Prieur en un billet semblable du salaire d'un ferblantier, que lui,
Prieur, avait pourtant touché du ministre des Quinze-Vingts sur la quittance
de cet ouvrier;
Conduite oppressive et licencieuse de Prieur, qui défend aux frères de s'as-
sembler à l'église, et blâme leur piété dans le choix des lectures qui leur sont
faites; se livre à des dépenses désordonnées pour son logement, y donne des
bals, des comédies, en éloigne les mères, séduit les filles; chasse ou menace
leurs parents quand ils se plaignent; protège la débauche; arrange des ma-
riages pour couvrir ses excès personnels; ménage des informations fausses
pour effectuer ces mariages ; scandalise ouvertement jusque dans l'église et
pendant le service divin; enfin, conduite peu retenue de plusieurs prêtres :
toi est le résumé de ces déclarations.
Or, tous ces faits, toutes ces manœuvres, ces entreprises sur votre pou-
voir, ces malversations, ces abus d'autorité, ces scandales publics, certaine-
ment l'intention de Votre Majesté ne serait pas qu'on osât les couvrir de son
nom et de son autorité.
Maintenant il s'agit de porter un jugement sur ces déclarations, Sont-elles
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 279
vraies légalement? Des magistrats ne sauraient le prétendre. Sont-elles vraies
en elles-mêmes? La réponse de Votre Majesté nous impose à cet égard un
doute respectueux.
Mais, s'il était possible que votre Parlement fût trompé sur des faits aussi
nombreux, aussi notoires, si nettement articulés, si cohérents entre eux, et
soutenus de tant de pièces, celte erreur serait le crime de ceux qui font
naître ou qui saisissent toutes les occasions d'opposer aux lois la force ou la
ruse.
Le maître des Quinze-Vingts arbitrairement dépossédé par un de vos sujets
de la place qu'il tenait de Votre Majesté, en faveur d'un homme qui s'est
reconnu lui-même, par acte devant notaire, infidèle caissier d'un receveur
général de vos finances, forme au Châtelet sa demande en maintenue, et
rend une plainte. Son adversaire ne se présente pas, il demande défaut sur
l'action en maintenue; une simple lettre non émanée de Votre Majesté pres-
crit de surseoir.
Cette action et cette plainte, et surtout la démission des administrateurs de
l'hôpital, avertissent votre Parlement que le gouvernement légal de cette
maison, transformé en régie domestique du grand aumônier, ouvrait la porte
à des abus intolérables, d'où naissent la dissipation des deniers et la perte
des bonnes mœurs; une information était le seul moyen de vérifier les faits.
Votre Parlement l'ordonne après trois ans de silence ; mais on surprend à
Votre Majesté deux lettres closes qui défendent l'exécution de cet arrêt.
Votre Parlement vous adresse des remontrances; il vous supplie de laisser
à la justice un libre cours. La réponse de Votre Majesté ne s'explique pas sur
ce point capital.
Votre Parlement arrête de secondes remontrances, en renvoie la confection
aux commissaires, les autorise a mander ceux qu'ils jugeront à propos d'in-
terroger. Les commissaires s'assemblent; ils mandent six personnes; elles
comparaissent et satisfont aux questions des commissaires par des réponses
qu'elles détaillent, par des pièces qu'elles déposent; sur ces réponses, et sur
ces pièces conformes à tous les faits énoncés dans la démission des adminis-
trateurs, ou dans la plainte du ministre, votre Parlement fonde ses nouvelles
remontrances; et l'on veut persuader à Votre Majesté qu'il est trompé!
Votre Parlement, Sire, ne serait pas responsable de cette erreur. D'abord il
a voulu prendre les précautions que la loi lui prescrivait; ensuite il a recouru
aux mesures que la prudence lui suggérait. Mais que l'intrigue est féconde en
moyens propres à déconcerter, s'il était possible, et la justice et la sagesse des
magistrats! Quel exemple pour l'avenir! Si votre Parlement ordonne une in-
formation, on surprendra des défenses à Votre Majesté. S'il a recours aux
déclarations, on vous parlera d'erreur. On opposera une dénégation sourde à
des réponses publiques, des pièces clandestines à des pièces communiquées.
On est bien sûr que l'œil des magistrats ne verra point ces pièces clandes-
tines; on est bien sûr que ces dénégations sourdes ne retentiront pas jusque
dans le sanctuaire de la justice : et néanmoins ce sera par leur moyen qu'on
étouffera les plaintes des parties, la voix des Cours, le cri public, en se faisant
un titre de l'impuissance à laquelle on aura su réduire votre Parlement.
Quelle sera donc enfin la ressource des lois ? Quel sera l'asile de l'innocence
et de la vérité?
Au reste le grand aumônier lui-même et ses nouveaux coopérateurs doivent
280 LE PARLEMENT
désirer l'éclat du plus grand jour. Leur administration, accusée hautement
et décriée dans le public, est au moins suspecte. Mais si la haine ou la ven-
geance ont semé ces soupçons violents, si les mains du grand aumônier sont
pures, si la conduite de l'abbé George! est digne d'un homme de son caractère,
si l'administration de Prieur est irrépréhensible, un grand crime est commis
en face de la justice, et ce crime est le concert de six personnes assez témé-
raires pour attester aux commissaires de votre Parlement des calomnies com-
binées, et pour déposer des pièces falsifiées ou fabriquées à l'appui de ces
calomnies.
Dans cette incertitude alarmante pour la justice, fâcheuse pour l'honneur du
grand aumônier et de ses coopérateurs, une seule voie leur est ouverte, ils
doivent s'y porter avec empressement si leur conscience est sans reproche :
c'est la voie de l'information.
Votre Parlement osera donc, par tous les intérêts compromis dans cette
affaire, supplier une troisième fois Votre Majesté de laisser à la justice un
libre cours, et de se rappeler qu'en obéissant aux ordonnances qui sont les
vrais commandements des rois, son Parlement ferait bientôt rentrer aux
Quinze- Vingts les choses dans l'ordre et ses sujets dans le devoir.
Ce sont là, Sire, les très humbles, très respectueuses et itératives remon-
trances qu'ont cru devoir présenter à Votre Majesté, vos très humbles, très
obéissants, très fidèles et très affectionnés sujets et serviteurs, les gens tenant
votre Cour de Parlement. Fait en Parlement, le 25 février 4785.
D'Aligre.
ARRESTATION DU CARDINAL DE ROUAN
A LA SUITE DE L'AFFAIRE DU COLLIER
séance du 2:î AOUT 1785 l
Un de Messieurs a dit :
Monsieur, le lundi 15 de ce mois, jour de l'Assomption, M. le cardinal de
Rohan a été arrêté dans la galerie de Versailles, au sortir du cabinet du roi,
en habits pontificaux.
Il paraît que M. le baron de Breteuil l'a d'abord consigné au sieur de Jouf-
froi, exempt des gardes du corps : de Versailles on a le même jour transféré
M. le cardinal de Rohan à Paris dans son hôtel, où le comte d'Agoust, aide-
major des gardes du corps, l'a retenu prisonnier jusqu'au lendemain mardi
onze heures du soir, qu'on l'a conduit à la Bastille. Les scellés avaient été mis
sur ses papiers tant à Paris qu'à Versailles, par M. le baron de Breteuil. Ils
ont été levés tant par ce ministre que par MM. le maréchal de Castries et
comte de Vergennes.
Depuis, Monsieur, on a arrête et conduit à la Bastille plusieurs personnes,
voir la dame de Lamotte, le baron de Planta : on ajoute" que le sieur Bé-
er, joaillier de cette ville, a éprouvé le même sort.
Enfin, Monsieur, ce malin à huit heures et demie, le lieutenant de police
sav
m
1. X 1n 8983.
ET LÀ GRANDE POLICE DES HOPITAUX 281
s'est transporté chez le comte de Cagliostro r, étranger, résidant en cette ville,
et l'a fait comme les autres conduire à la Bastille.
Ces détentions multipliées, Monsieur, jettent l'alarme parmi les citoyens, et
Messieurs de la première Chambre des enquêtes vous prient de mettre en dé-
libération ce qu'il convient de faire cà ce sujet.
Nous n'avons pas à nous occuper de Y Affaire du collier, qui appar-
tient à l'histoire générale. Elle se rattache, de plus d'une façon, ù
celle des Quinze-Vingts2. Les scandales de ce procès, l'acquittement,
lui-même scandaleux, du cardinal, sa disgrâce arrôgamment ac-
ceptée, la dignité de grand aumônier transférée à un autre prélat, ne
modifièrent pas la situation légale du nouvel enclos. L'arrêt du Con-
seil du 23 octobre 178o déclara nul un acte contenant des réserves
et protestations du sieur Maynier, maître de l'hôpital des Quinze-
Vingts, et par lui signifié au gouverneur et administrateur dudit hô-
pital. — Quanl à l'arrêt du Conseil du 22 avril 17.SG:
Il détruit entièrement l'ancienne organisation des Quinze-Vingts, établie par
les statuts enregistrés et confirmés par d'autres lois, pour y substituer une
administration indépendante de la Cour, dont la surveillance naturelle sur cet
hôpital avait toujours été maintenue de siècle en siècle par les ordonnances,
et regardée comme un avantage très précieux pour les pauvres.
Aux quatrièmes remontrances du Parlement, le roi persiste à ré-
pondre qu'on a trompé la Cour sur les faits, et il ajoute avec impa-
tience : « Je prétends que l'on ne m'en parle plus » (26 août 1786) 3.
A Paris comme dans toute la France, les biens et les privilèges de
mainmorte étaient un obstacle évidenl au développement social 4.
On voit toutefois combien il était difficile au pouvoir absolu de dis-
poser des uns et de supprimer les autres, quels détours il devait
prendre, quels instruments il élail obligé d'employer. La sécularisa-
tion honnête, avouée d'une pari, acceptée de l'autre, ne pouvait être
1. Voyez X lu 8984 (séance du 24 février 1786 .
■1. Peut-être mêtrie d'une façon toute matérielle. Voyez Arch. des Quinze-
Vingts,^ 6504(années 1785-1786) : établissement d'une manufacture de diamants,
par ordre du gouvernement, dans l'hôpital des Quinze-Vingts. — Voir VHistoire
de la Révolution française, par Louis Diane, et L'ouvrage de M. E. Campardon,
Marie-Antoinette cl le Procès du Collier... (Paris, L863, in-Sn). Il suffira de rap-
porter la première impression de Louis XVI au sujet de cette nouvelle affaire du
cardinal : « (Test un besogneux qui l'ail de la terre te fossé; il aura pris ce col-
lier pour le vendre, sauf à le payer ensuite, s'il peut. » Louis X\'l répéta plu-
sieurs fois celle appréciation, avant les dénonciations précises apportées par le
père minime Lolh au procureur général du Parlement.
3. Arch. nal., X |b 8986.
i. Le 17 avril L789, les administrateurs des Quinze-Vingts sont assignés par le
prévôt de Paris pour comparaître à l'assemblée de la noblesse, comme proprié-
taires d'un fief, vue de Charenton (Arch. des Quinze-Vingts, n° 6498).
282 LE PARLEMENT
que l'œuvre de la nation. Ne laissons pas oublier que le liant clergé
séculier, les grands seigneurs d'église, ont montré beaucoup de zèle
contrôla propriété monastique, tant qu'ils oui pu en partager la dé-
pouille avec le domaine royal.
Nous avons cru devoir donner un certain développement à l'affaire
des Quinze-Vingts, d'abord parce qu'elle intéresse au plus haut point
le contre vital du Paris d'alors, par le déplacement de toute une po-
pulation; mais aussi, parce, que les archives des Quinze-Vingts ont
souffert, et de la translation de l'hôpital et des agissements du grand
aumônier. Voici en effet tout ce ([n'en a pu tirer, sur cette dernière
période, le savant qui en a dressé l'inventaire : c'est presque une
apologie du cardinal de Rohan. Comme le lecteur sait maintenant à
quoi s'en tenir, j'imagine quelle n'influera pas beaucoup sur son
opinion.
De dispendieuses réparations étaient devenues indispensables dans les
vasles bâtiments de l'enclos des Quinze-Vingts, situé, à cette époque, rue Saint-
Honoré, et elles ne pouvaient être entreprises qu'en prélevant sur l'entretien
des frères et sœurs les sommes nécessaires, alors que les ressources affectées
à cette deslination suffisaient à peine à en secourir deux cents.
Cette extrême pénurie inspira au grand aumônier, le cardinal de Rohan, le
projet d'aliéner tous ces bâtiments. Situés dans un riche quartier, ils devaient
produire une somme considérable qui lui procurerait le moyen d'acquérir,
dans un quartier moins recherché et par conséquent à des conditions très avan-
tageuses, un autre hôtel pour les aveugles. Des lettres patentes de décembre
1779 autorisèrent cette vente qui fut conclue au profit des sieurs Séguin,
Douillerot et compagnie, moyennant le prix de 0,000,000, et 312,000 livres, à
titre de compensation des loyers que l'hôpital devait cesser immédiatement
de percevoir. Cinq millions devaient être versés au Trésor contre une rente
annuelle de 2^0,000 livres, rente que les Quinze-Vingts reçoivent encore au-
jourd'hui, mais à titre de subvention. Le cardinal fut en même temps autorisé
à acquérir l'ancien hôtel des Mousquetaires noirs, situé rue de Charenton, pour
y installer les aveugles. Le prix d'achat ne s'est élevé qu'à 4^0,000 francs. Cet
hôtel n'a pas changé depuis de destination.
La vente de l'ancien enclos, à laquelle n'avaient pas participé la plupart des
membres du chapitre, excita contre le cardinal de vives récriminations, qui
curent alors un grand retentissement. Quoi qu'il en soit, l'accroissement des
revenus de l'hôpital, qui en fut la conséquence, fut consacré en partie aux
améliorations projetées par le grand aumônier1.
L'histoire ne peut pas admettre ce « quoi qu'il en soit»; car ce qui
en est ne présente aucun doute. Chose étrange! l'impopularité de la
reine tourna l'opinion en faveur du cardinal de Rohan. Pendant qu'il
était à la Bastille pour YAffaire du collier, l'abbé Georgel osa le com-
1. J.-U. Marot, Inventaire des Archives des Quinze-Vingts, Introduction, page V(
ET LA GRANDE POLICE DES HOPITAUX 283
parer à saint Paul dans les liens. Lorsqu'il eut été acquitté, les daines
portèrent des chapeaux au cardinal. Tant la punition de certains cou-
pables est difficile! Tant l'impunité des grands paraissait au public
chose admise et naturelle ' !
Pendant ce temps, l'admirable institution fondée par un pauvre
grand homme, Valentin Haiïy, pour l'enseignemenl des jeunes
aveugles, n'avait d'autre soutien que la bonne opinion de l'Académie
des sciences et une maigre subvention de 12 livres par tête el par
mois, accordée par la Société philanthropique. Après une séance
publique du lor mars 1785, une visite à Versailles eu décembre 17SG,
Ilaiiy , plein d'illusion et d'espérances, transféra son école de la rue
Coquillière à la rue Notre-Dame-des-Victoires, el y adjoignit] une im-
primerie qui échoua. En 1788, il écrit vainement au ministre de
Paris pour faire autoriser en faveur de ses enfants une souscription
publique; les enfants aveugles demandent eux-mêmes pour leur in-
stituteur une place appointée d'interprète de la ville. — Les seuls
frais que coûta la détention de Itolian à la Bastille (120 livres par
jour) auraient suffi à faire vivre et prospérer l'institution d'Hauy, qui
ne fut déclarée d'utilité publique (pie par la loi du 21 juillet 1701 2.
1. Exilé à laChaise1Dieu, puis, sur sa demande, Iran s IV' ré à Marinoutiers près de
Tours, le cardinal de Rohan continue à se poser eu victime aux yeux du public.
Voici un extrait do son mandement donné pour le carême (Tours, 17S7, in-4° de
4 pages) et destiné aux Parisiens plutôt sans doute qu'aux Alsaciens : « Souvent les
biens, les faveurs, les places et les rangs les [dus élevés sont accordés aux moins
dignes, parce que ces biens périssables ne. sont pas, mes 1res chers frères, les
récompenses de la vertu. De nul prix aux yeux de Dieu, ils se perdent avec ceux
qui les chérissenl dans la nuit du tombeau. Mais il est d'autres richesses et les
seules qui soient précieuses: ce sont les consolations que le Père des Miséricordes
verse sur ceux qu'il livre aux plus rudes épreuves. «Suit un autre passage relatif
aux malheurs « auxquels Dieu n'avait pas permis qu'il eût succombé ». Cette plate
et hypocrite apologie l'ut prise à Paris pour un persiflage dirigé contre le cardinal ;
le mandement est toutefois parfaitemenl authentique. (Voyez Hardy, t. VII, p. 111.)
— En juin 1787, Rohan se rapproche encore de la Cour, et obtient pour rési-
dence Saint-Waast-d'Arras, abbaye qu'il avait en commende. -- On le voit dés
lors recommencer ses intrigues et demander au ministre de Paris des arrêts de
surséance pour ses amis et complices. — En 178'.), le bailliage de Haguenau dé-
puta Rohan aux Etats généraux. Mais il donna bientôt sa démission, souleva ses
diocésains contre la constitution civile du clergé, et alla grossir de recrues alle-
mandes l'armée de Coudé. — 11 se démit «le son évéché en 1801, et mourut à
Ettenheim en 1803.
2. Voyez Max. du Camp, ouvrage cité, t. Y (ch. xxvn). — Quant à l'institution
de l'abbé de l'Épée, c'est Joseph II d'abord qui la protégea lorsqu'il vint à Paris
sous le nom de comte de Falkenstein. Le 25 mars 1785, elle obtint une place dans
l'ancien couvent des Gélestins et 3,400 livres par an. L'abbé de l'Épée mourut le
23 décembre 1789. — La loi du 21 juillet 1791 confirma son successeur, l'abbé Si-
card,dans la possession des Célestins et (ce qui était une faute) réunit les sourds-
muets aux jeunes aveugles (Max. du Camp, ibid., ch. xxvi).
LA GRANDE POLICE
DE L'APPROVISIONNEMENT
Dans le célèbre lit de justice du 12 mars 177G, surnommé par
Voltaire lit de bienfaisance, Louis XVI avait forcé le Parlement à en-
registrer la déclaration datée du 5 février précédent, vue au Conseil
par Turgot, portant suppression « de tous les droits établis à Paris
sur les blés, méleils, seigles, farines, pois, fèves, lentilles et riz »,
et modération « des droits qui subsistaient sur les autres grains et
grenailles », c'est-à-dire la vesce, l'orge et l'avoine.
Le préambule de celte.déclaration exposait les principes de l'école
économiste sur la liberté du commerce, et en particulier du commerce
des blés. Une récolte abondante permettait d'aborder la réforme, ou
plutôt la destruction de tout le système législatif et administratif
appliqué à l'approvisionnement de Paris1. Il est impossible de le
décrire plus clairement (malgré sa complication et son obscurité) que
ne le l'ait Turgot dans l'acte même par lequel il espérait l'anéantira
jamais :
Les grandes villes, fait-il dire à Louis XVI, et surtout les capitales, appel-
lent naturellement l'abondance par la richesse et le nombre des consomma-
teurs. Notre bonne ville de Paris semble Cire en particulier destinée, par sa
position, à devenir l'entrepôt du commerce le plus étendu. Les rivières do
Seine, d'Yonne, de Marne, d'Oise; la Loire, par les canaux de Briarc et d'Or-
1. Dans la déclaration de 1763 et dans l'édil de L764, note Turgot, on avail ré-
servé les règlements particuliers à Paris. « Ce ménagement est précisément ce
qui a l'ail manquer l'opération: car il en est résulté que le commerce n'a jamais
pu approvisionner Paris d'un grain de blé. » Effectivement, c'esl le roi qui se
réserva le bénéfice de ce commerce (Pacte de famine, 12 juillel 1765 : Mirlavaud,
trésorier des grains pour le compte du roi, eut comme successeur Pinet; foulon
et Bertier prirent une grande part à ces scandaleuses opérations en 1788-811 et
les payèrent de leurs tètes.
LA GRANDE POLICE DE L'APPROVISIONNEMENT 285
9
léans, établissent des communications faciles entre cette ville et les provinces
les plus fertiles de notre royaume ; elle offre le passage naturel par lequel les
richesses de toutes ces provinces devraient circuler librement et se distribuer
entre elles ; l'immensité de ses consommations fixerait nécessairement dans son
enceinte la plus grande partie des denrées de toute nature, si rien ne les
arrêtait dans leur cours ; elle aurait même à sa disposition toutes celles "que
le commerce libre s'empresserait d*y rassembler, pour les verser sur toutes les
provinces voisines...
Or quelques ordonnances royales 1res anciennes (1115, 1505, etc.)
et d'innombrables et contradictoires ordonnances de police abouti-
raient, si elles étaient exactement observées, à réduire à onze jours
l'approvisionnement de Paris.
La même police force de vendre et défend d'acheter; les négociants sont
traités comme des ennemis ; on paraît même conspirer contre les moissons
futures, en exigeant que le laboureur quitte son travail pour suivre ses grains
et les vendre par lui-même.
De là les chertés ou disettes de 1660, 1661, 1662, 1663, 1692,1693,
1694, 1698, 1699, 1709, 1740, 1741; puis, après une trop courte expé-
rience de la liberté (1764-1770), les énormes inégalités du prix des
grains qui ont suivi le rétablissement du régime prohibitif (lettres
patentes du 16 janvier 1771 ').
DISPOSITIF DE L'ÉDIT DU 5 FÉVRIER 1776
I. — Voulons qu'il soit libre à toutes personnes, de quelques qualité et
condition qu'elles soient, de faire apporter et de tenir en grenier ou en ma-
gasin tant dans notre bonne ville de Paris que dans l'arrondissement des dix
lieues et ailleurs2, des grains et des farines, et de les vendre en tels lieux que
bon leur semblera, même hors des bateaux ou de la halle.
IL — 11 sera pareillement libre à toutes personnes, même aux boulangers
de notre bonne ville de Paris, d'acheter des grains et farines à telles heures,
en telles quantités, et en tels lieux, tant de ladite ville que d'iilleurs, qu'ils
jugeront à propos K
III. — Ceux qui auront des grains et farines, soit à la halle et aux ports,
soit en greniers ou magasins dans ladite ville de Paris, ne pourront être
contraints de les vendre dans le troisième marché, ni dans tout autre délai*.
1. Les années 1167, 1768, 1775,1770, et après Turgot 1784 et 1788-89, sont aussi
comptées comme années de disette ou de haut prix des grains.
2. Contrairement aux ordonnances de police de 1(122 et de 1632.
3. Contrairement à l'ordonnance de police du 30 mars 1635, qui interdisait a
tout boulanger d'acheter plus de 2 muids de blé par marché.
4. Contrairement à l'ordonnance de février 1415 et ù l'arrêt du Conseil du
19 août 1661.
286 LA GRANDE POLICE
IV. — Pourront aussi ceux qui auront des grains à vendre dans notre dite
ville, augmenter, ainsi que de diminuer le prix, conformément au cours. du
commerce, sans que sous prétexte de l'ouverture d'une pile ou d'un bateau,
et du commencement de la vente de l'une ou de l'autre, ils puissent être con-
traints à la continuer au même prix'.
V. — Il sera pareillement libre à tous ceux qui auront des grains et farines
dans ladite ville de Paris, de les vendre en personne ou par des commission-
naires ou facteurs.
VI. — Ceux qui feront le commerce des grains dans notre ville de Paris, ou
pour elle, ne pourront en aucun cas être contraints à rapporter aucunes décla-
rations, lettres de voiture ou factures passées par-devant notaires, ni à les
faire enregistrer sur aucuns registres publics.
VII. — Il sera libre à toutes personnes de faire ressortir, tant de la ville de
Paris que de l'étendue des dix lieues, les grains et farines qu'elles y auront fait
entrer, ou qu'elles y auront achetés : sans avoir besoin pour raison de ce
d'aucune permission.
Dans le mémo lit de justice, le Parlement enregistra un autre édit,
portant suppression des offices sur les ports, quais, halles, marchés
et chantiers de Paris, lesquels constituaient presque tous (surtout
ceux de porteurs et mesureurs de grains) de véritables impôts sur
l'alimentation.
Créés en 1G88, les offices sur les ports, etc., 'avaient été supprimés
par les édits de mai 1715 et de septembre 1719; ils turent rétablis
en 1727 et 1730. Nouvel édit de suppression en 1730. Mais l'État ne
pouvant les rembourser de suite, ledit de mars 17G0 échelonna les
remboursements du 1er janvier 1771 à l'année 1782, et les maintint
provisoirement. Turgot obtint que Védit de 1750 fût appliqué. Tou-
tefois l'article 2 de l'édit de lévrier 177G excepte du rembourse-
ment « les offices de routeurs, chargeurs et déchargeurs, jurés-ven-
deurs et contrôleurs des vins et liqueurs, courtiers-commissionnaires
de vins et autres », lesquels avaient été réunis au domaine de Paris
par la déclaration du 1G août 1733 et par les édits de juin 1741 et
août 1744, et dont les droits étaient et continuèrent d'être perçus au
profit de la ville. Le ministre, soucieux de dégrever l'alimentation
parisienne, ne voulait pas encourir le reproche de diminuer sans
compensation les revenus acquis de l'Hôtel de Ville2.
Personne (si ce n'est tout le monde) n'était intéressé aux réformes
de Turgot. Elles étaient absolument contraires à la vieille conception
1. Contrairement à l'ordonnance de 1635 et à l'édit de 1672.
2. Les aulcurs qui ont accusé Turgot d'avoir agi en théoricien entêté n'ont
pas assez remarqué les ménagements et les exceptions de cette nature, qui abou-
di'iil dans 1rs ordonnances réformatrices de ce grand homme.
DE L'APPROVISIONNEMENT 287
d'un gouvernement paternel, protecteur, providentiel. Le roi, « ce
bon père », devait-il abandonner au hasard Le pain quotidien de ses
enfants? Quand même il serait vrai (pie les choses iraient mieux
toutes seules, était-il prudent, était-il politique de le l'aire compren-
dre au peuple, et surtout de le lui faire voir? Certaines charges
allaient s'en trouver fort amoindries, et comme déconsidérées. Na-
guère, le prévôt de Paris, et, depuis 10(57, le lieutenant général de
police avaient le soin d'approvisionner Paris par voie de terre : dès
l'origine même de la marchandise de Veau et àu'parloir aux bourgeois,
l'approvisionnement par la Seine et par les affluents ou canaux
était du domaine incontesté du prévôt des marchands et des éche-
vins. Le ministre de Paris avait la liante surveillance (plus nominale
qu'effective) de ces services. Enfin et principalement, le Parlement
de Paris avait toujours eu la grande police des approvisionnements '.
La loi religieuse du maigre avait imprimé à son autorité un caractère
sacré. L'intime union de l'Église et de l'Etat exigeait que les pouvoirs
publics, que le Parlement gardien de la loi religieuse ci un me de la
loi civile, procurassent eux-mêmes aux habitants de la capitale
les moyens assurés d'observer les cent cinquante-huit jours maigres
de l'année catholique. De là l'établissement de la commission per-
manente du Parlement nommée Chambre de la Marre, qui depuis
saint Louis jugeait el légiférait sur le l'ait du poisson de mer etd'eau
douce. De là, le constant usage observé par les deux prévôts, celui
des marchands et celui de Paris (ce dernier remplacé en l'ait par le
lieutenant général de police), de venir rendre compte, annuellement,
devant les Chambres assemblées, de l'état des provisions de carême,
tant pour la masse des habitants que pour les hôpitaux. Cette for-
malité était d'ailleurs suivie d'un compte -rendu plus général qui
embrassait tous les objets d'approvisionnement, vivres, bois et char-
bons.
Ces diverses institutions avaient eu leur raison d'être aux époques
de guerres et de troubles. Paris pouvait alors, trop souvent, être
assimilé à une ville bloquée, même quand les armées ne l'envelop-
paient qu'à distance. Au temps des jacqueries, des Anglais, des
Espagnols, des huguenots et des ligueurs, les économistes auraient
eu beau dire : « Laissez faire, laissez passer. » Pour l'application
de cette belle devise, bien des conditions préalables sont néces-
1. Le Parlement ne manquait jamais de montrer à ses visiteurs illustres le
portrait du premier président Jean de Montigny, surnommé le Boulanger (exem-
ple : Réception du grand-duc de Russie, Paul Petrowitch, le 17 juin 1782; Arch.
nal., X 1b 8977).
288 LA GRANDE POLICE
saires : la paix extérieure et intérieure, la libre concurrence soit des
producteurs soit des consommateurs, sous une loi égale pour tous,
la confiance du commerce dans le lendemain, et même la disparition
des sentiments de haine, de rancunes locales, d'égoïsme, que les
maux et les injustices du passé laissent après eux. Tel n'était pas
l'état de la France lorsque Turgot tenta une réforme qui ne devait
s'affermir qu'après la régénération politique et sociale du pays. En
1776, propriétaires, fermiers, ouvriers ruraux, sentaient de plus en
plus vivement l'opposition de leurs intérêts respectifs. Le paysan
voulait la terre en pleine propriété, c'est-à-dire sans dime ni droits
féodaux : en attendant, il arrêtait le Lié, son Ole, produit de son
labeur. Les campagnes regardent les villes comme des gouffres dans
lesquels se perdent et l'argent et les vivres. Paris et Versailles sont
des gouffres plus profonds que les autres. Il faut bien avouer que la
plupart des hommes de tradition el de gouvernement, et surtout les
espj'its qui se disaient et se croyaient pratiques, pensaient à peu prés
comme la masse. Si les réformes de Turgot ne tirent qu'amener sa
chute, la faute n'en est pas seulement à la cynique avidité des cour-
tisans, ni à l'entêtement des préjugés populaires. Le Parlement à
peine rétabli crut réellement la monarchie perdue, parce que son
propre pouvoir se trouvait amoindri. Pour ne traiter ici que du sujet
particulier et si important de l'approvisionnement parisien, le Parle-
ment était persuadé qu'il lui appartenait d'ordonner ou d'interdire,
en tel pays, telle culture; de maintenir tous les points du droit coulu-
mier qui par exemple attribuaient aux contribuables de la dîme le
droit d'en racheter sur place les produits, qui faisaient aux pauvres
leur part de chaume, leur assuraient la libre pâture ou le glanage, etc.
Lorsque en revanche les magistrats reportaient leurs regards sur
la capitale, ils pensaient que, sans leurs soins et leur direction, elle
serait prise au dépourvu : surtout avec toutes les difficultés de trans-
port, tous les droits péagers ou d'octroi auxquels étaient astreintes
les denrées, même de première nécessité.
Mais ce qui domine tout, intérêts, ambitions, préjugés populaires,
craintes plus ou moins fondées, c'est la superstition monarchique :
c'est la foi en une providence d'Etat, et la terreur que cette providence
ne vienne à s'endormir.
Cette question présente encore une autre face. La spéculation libre,
privée, étant interdite par les lois ou impossible vu l'état du crédit
et la rareté du numéraire, la spéculation d'Etat se donne carrière.
Le pacte de famine est toujours en vigueur. On dirait même que la
liberté momentanée du trafic et de la circulation intérieure, et sur-
DE L'APPROVISIONNEMENT 289
tout celle de l'exportation, sont destinées à ouvrir de plus faciles
débouchés aux agioteurs en grains. Raison de plus, pour les honnêtes
gens et pour le peuple, de se défier d'une liberté de transaction dont
les effets ne se manifestent que par d'énormes soubresauts dans le
pj'ix du pain, par des tarifs arbitraires, et, d'un autre côté, par les
fortunes scandaleuses de gens qui jouent â coup sûr. Le procédé
n'était pas compliqué : faire de grands achats avec les deniers pu-
blics, répandre, par la publicité même de ces approvisionnements et
par tous les moyens possibles, la crainte d'une disette menaçante,
forcer ainsi la demande, ménager l'offre sous prétexte de réserves,
et arriver enfin au prix le plus élevé des grains cl farines. Mais si le
public s'indignait, se récriait? Se rejeter, à l'aide des tarifs du pain,
sur la boulangerie; forcer les boulangers à vendre sans gain ou
même à perte et les exposer soit à la faillite, soit au pillage. Le
peuple est aveugle. Il est rare qu'il remonte jusqu'à la cause initiale,
jusqu'à l'acteur responsable : l'exempt de police payera pour le lieu-
tenant général, et le boulanger pour les spéculateurs en grains et en
farines.
Tel est le triste spectacle que présente l'hiver de 1788-1780. Nec-
ker, avec ses approvisionnements faits à l'étranger sans que néan-
moins l'exportation fût interdite, a-t-il simplement, comme le veut
Arthur Young, péché par ignorance du véritable état de la récolle
(qui était moyenne), et par imprévoyance des résultats inévitables de
la panique? N'a-t-il pas, lui aussi, dans la pénurie où se trouvait le
trésor, spéculé sur les blés? J'entends, spéculé honnêtement, pour le
compte du roi, lequel pouvait bien se considérer comme le copro-
priétaire de ses sujets, puisqu'il tirait d'eux (U'> millions d'impôts
non consentis. La question (pie je pose est délicate, et peu suscep-
tible d'une réponse positive. Tout ce qui est certain, c'est (pie Mirla-
vaud, le trésorier du pacte de famine, avait eu des successeurs ; c'est
que la voix publique accusait les scandaleuses opérations de Foulon
et de Bertier, c'est qu'enfin, plus la royauté élait obérée, plus ses
derniers rabatteurs d'argent se montraient fertiles en ressources et
dénués de scrupules1.
Ce même Parlement, qui n'avait point permis à l'œuvre de Turgot
de s'affermir2, eut du moins le mérite, malgré la popularité de Necker,
1. N'oublions pas que Galonné avait proposé aux notables de 1781 de percevoir
la subvention territoriale en nature, comme était perçue la dîme du clergé, et
suivant le projet de la dîme royale de Vauban.
2. Elle fut reprise, non sans hésitation, par la Constituante. Voyez ses décrets
des 29 août, 18 septembre, 5 octobre 1789, 2 juin et 15 septembre 1790, et enfin le
19
290 LA GRANDE POLICE
d'attaquer vigoureusement le monopole des subsistances, dont Paris
était la victime. A l'enquête ministérielle sur l'état général delà ré-
colte, il opposa sa propre enquête, faite, il est vrai, dans les limites
de son ressort, mais dont les résultats ne sont ni plus ni moins con-
testables. En ce qui concernait les intermédiaires entre le producteur
et le consommateur, il ne s'arrêta point aux boulangers; mais il ne
put, il est vrai, atteindre les hautes responsabilités qu'il visait, ni
distinguer l'accaparement de l'approvisionnement.
Les textes qui suivent sont destinés à donner une idée, les uns, de
la police ordinaire du Parlement en matière d'approvisionnement,
les autres, des mesures extraordinaires qu'il prit pendant l'hiver de
1788-1789.
CHAMBRE DE LA MARÉE
La Chambre de la marée avait la police générale sur le l'ait de la
marchandise de poisson de mer et d'eau douce, frais, sec, et salé,
dans les ville, faubourgs et banlieue de Paris, et de tout ce qui s'y
rapportait. En ce qui concerne les mêmes marchandises destinées à la
provision de la capitale, sa juridiction s'étendait à tout Je royaume.
Ledit du mois de février 1776 avait mis des droits sur le poisson: pour
ces droits, l'adjudicataire général des fermes avait ses causes com-
mises en la Chambre de la marée.
La Chambre de la marée était présidée par le premier des prési-
dents à mortier ' ; elle comprenait en outre deux conseillers degrand'-
chambre comme conseillers-commissaires, un procureur général, trois
greffiers, et deux huissiers « commis pour l'exécution de ses arrèls,
ordonnances et règlements de police2 ».
ARRÊT DE LA COUR DU PARLEMENT
DU ."il DÉCEMBRE 1776 3
EXTRAIT DU PRÉAMBULE
... C'est sous le règne de saint Louis que les marchands chasse-marée ont
commencé à fréquenter les halles de cette ville, et aussitôt l'on établit des
décret vraiment libérateur du 10 février 1791, suivis de ceux des 15 juin etiG sep-
tembre de la même année; ces trois derniers absolument coui'ormes aux principes
que Turgot avait voulu faire prévaloir.
1. Donc, le second personnage du Parlement après le premier président.
2. Alm. royal de 1789, p. 310.
:(. Pièce in-4°, 17 p. (Bib. Hat., F, à la dalc) : signée Ddfranc.
DE L'APPROVISIONNEMENT 291
vendeurs de marée, qui vendaient le poisson de mer pour le compte des mar-
chands, auxquels ils en remettaient le prix, sous la déduction de ce qui leur
était alloué pour leurs peines et salaires ; et, comme il aurait été dangereux
d'abandonner la décharge et compte de cette marchandise, laquelle arrive
presque toujours de nuit, à des crocheteurs ou autres gens de bas peuple,
dont les halles sont toujours remplies, l'on y établit des personnes de con-
fiance sous le nom de compteurs et déchargeurs; nos rois prirent, suivant
plusieurs ordonnances, sous leur protection et sauvegarde spéciale les chasse-
marée, leurs domestiques, serviteurs, et marchandises, et attribuèrent la
connaissance de toutes leurs causes, privativement à tous autres juges, à des
commissaires choisis entre les présidents et conseillers du Parlement de Paris,
Les lettres patentes du r 23 mai 1351, 7 février 1358, 16 janvier et 10 février
1362, et 20 juin 1369, adressées auxdits commissaires, leur mandent à sept,
six, cinq, quatre, trois ou deux d'eux, de prendre lesdiles ordonnances et les
articles d'icelles avec les privilèges desdils marchands, qu'ils aient à les faire
tenir et garder formellement, selon leur forme et teneur, sans enfreindre, et
qu'ils punissent tous ceux qu'ils trouveront avoir fait le contraire, si et par
telle manière que ce soit exemple à tous autres; mande à son procureur ou à
son substitut sur le fait de ladite marchandise, qu'il poursuive toutes les per-
sonnes de quelque état qu'elles soient, tant par information qu'autrement, qui
auront fait contre la teneur desdites ordonnances et privilèges de ladite mar*
chandise, circonstances et dépendances. En conséquence de ces lettres pa-
tentes, les commissaires s'assemblèrent et rendirent, le 4 octobre 1370, une
ordonnance portant règlement général pour tout ce qui concerne la police,
vente et débit du poisson de mer; et, depuis celte époque, tous les arrêts
de règlement concernant la vente et la police de ce comestible, ont toujours
été rendus par les commissaires composant la chambre de la marée, devant
lesquels doivent être portées en première instance toutes les causes tant ci-
viles que criminelles, de marchands chasse-marée, détaillcurs, détailleresses,
officiers, travailleurs; enfin, de tout ce qui a rapport à ladite marchandise de
poisson, et ce depuis l'ordonnance du roi Jean, du mois de décembre 1360,
confirmée par celle d'Henri IV, du mois d'août 1602; les lettres patentes du
25 janvier 1690, la déclaration du Roi du 9 février 1706, l'édit du mois de dé*
cembre de la même année, et celui du mois de mai 1708, celui du mois de
mars 1709, renouvelant l'attribution à la chambre de la marée de toutes les
contestations qui pourraient survenir relativement à ladite marchandise et
police d'icelle, font défenses à tous autres juges d'en connaître, et enjoignent
aux commissaires composant la chambre de la marée, et à son procureur gé-
néral sur le fait de la police et marchandise de poisson de mer frais, sec, salé
et d'eau douce, d'y tenir la main, aussi bien qu'à l'exécution des édits et
arrêts sur ce intervenus. Des douze deniers qui étaient alloués aux ven-
deurs pour leurs peines, salaires et avances d'argent, il en fut distrait deux
au profit de la marchandise, tant pour les honoraires que remboursement des
frais indispensables de police, que pour récompenser les marchands chasse-
marée des pertes de leurs chevaux et marchandises, qu'un dégel ou un orage
1. Ainsi porte l'arrêt imprimé (P. -G. Simon, 1777). — L'usage et la correction
voudraient « dea ».
292 LA GRANDE POLICE
peuvent faire corrompre en chemin ; ensuite, le Roi créa en titre d'office un
receveur des deux deniers, qui en rendait compte tous les ans en la chambre
de la marée; ce droit au profit des «marchands chasse-marée a subsisté jus-
qu'en 1719, qu'il fut supprimé aussi bien que le receveur. Suivant l'édit de
1350, les vendeurs étaient élus par lesdits commissaires, appelés à ce les plus
suffisants et convenables du métier des harengiers et poissonniers; cela s'est
pratiqué jusqu'en 1543, que les vendeurs furent créés en titre d'office, avec
injonction de vendre et adjuger en personne ledit poisson de mer après l'avoir
vu et visité, et en cas qu'il se trouvât gâté, corrompu ou vicié, d'en avertir
les juges pour y être pourvu. Les compteurs et déchargeurs, lesquels, suivant
l'article 24 de l'ordonnance de 1258, étaient choisis par les prud'hommes, fu-
rent aussi créés en titre d'office en 1543, et, en cette même année, le Roi créa
un contrôleur de la marée en titre d'office. Tous ces différents offices de ven-
deurs, compteurs, déchargeurs et contrôleurs furent supprimés par l'édit du
mois de septembre 1719; et par l'édit du moi? de juin 1730, tous ces offices
furent rétablis sous le titre de jurés-vendeurs, compteurs et contrôleurs de
poisson de^mer trais,"scc,salé et d'eau douce, le tout au nombre de cent quatre-
vingt-cinq officiers, lesquels, suivant l'arrêt du conseil du 31 octobre 1730,
revêtu de lettres -patentes registrées où besoin a été, furent réunis au nombre
de dix offices, sous le titre de dix anciens officiers jurés-vendeurs de poisson
de mer frais, sec, salé et d'eau douce : ces dix officiers ont exercé, ou fait
exercer tous ces différents offices par les commis qu'ils commettaient, lesquels
ont toujours prêté serment par-devant un des commissaires composant la
chambre de la marée. En conséquence et en exécution de tous les arrêts de
règlements de la Cour, tous les deux ans lesdits officiers vendeurs étaient
mandés en la chambre et en présence du procureur général du roi, sur le fait
et police de ladite marchandise de poisson, et sur ses conclusions y prêtaient
serment pour différentes fonctions de police, concernant l'ordre et la disci-
pline qui doit s'exercer, tant dans les halles que dans les autres marchés de
celte ville, que la Cour leur confiait, et qu'ils exerçaient accompagnés de
l'huissier, garde de la marchandise, nommé par la Cour ; ladite Cour a tou-
jours permis auxdits officiers de nommer les différents travailleurs pour aider
à la vente du poisson, qui s'est toujours faite conformément à l'article 28 de
l'ordonnance du mois de juin 1680, des droits du poisson de mer, comme
crieurs, verseurs, et gardeuses de panier, dont les salaires sont à la charge
des marchands chasse-marée, pour lesquels salaires était prélevée sur le mon-
tant de la vente de chaque voiture une somme de 7 livres, et pour les mannes
que fournissent les compteurs, un sol par chaque panier ou article de vente,
et les dix officiers vendeurs, sur les sommes qu'ils percevaient sur ce comes-
tible en vertu du tarif annexé audit édit du mois de juin 1730, payaient les
honoraires et remboursaient tous les frais de police ; lesdits officiers vendeurs
nommaient aussi les femmes vulgairement appelées donneuses par acquêt,
établies dans les Halles vers le commencement de ce siècle et dont les fonc-
tions consistent à être garantes envers lesdits vendeurs de tous les paniers ou
articles de vente qui sont adjugés aux détailleresscs qui n'ont point de crédit
à la caisse. Le Roi, par son édit du mois de février de la présente année,
ayant supprimé tous les offices créés et rétablis par l'édit du mois de juin
1730, du nombre desquels se trouvent les jurés-vendeurs, auxquels le Roi avait
depuis réuni les offices de compteurs et de contrôleurs, et lesquels, sous l'au-
DE L'APPROVISIONNEMENT 293
torité de la Cour, nommaient tous les travailleurs qui aident à la vente, et sur
lesquels ledit procureur général avait la police et discipline. Le Roi, par l'ar-
ticle premier de cet édit, défend aux commis et préposés desdits officiers sup-
primés, de continuer d'en exercera l'avenir les fonctions ; et, suivant l'article 3
dudit édit, le Roi ordonne seulement que les droits qui appartenaient auxdits
officiers supprimés soient réunis à ses fermes et perçus à son profit par l'adjudi-
cataire général des fermes ; il s'ensuit de ces deux articles : 1° que c'est à l'adju-
dicataire général des fermes à percevoir les droits qui sont imposés sur le pois-
son...; 2° que, n'ayant plus d'officiers jurés-vendeurs, auxquels étaient réunis
les offices de compteurs et de contrôleurs, lesquels jurés-vendeurs nommaient
aussi les différents travailleurs nécessaires pour la vente; et comme, suivant
les ordonnances et édits, c'était la Cour qui nommait, choisissait et élisait les
jurés-vendeurs avant qu'ils fussent créés en titre d'office, et statuait sur leurs
salaires aussi bien que sur ceux des compteurs, étant privativement à tous
autres juges spécialement chargée de veiller à la conservation des privilèges
des marchands chasse-marée, aussi bien que de leur marchandise, et de fixer
tous les salaires et frais des Halles qui sont à leur charge, afin que l'abon-
dance de ce comestible que l'on peut regarder comme de première nécessité
règne en cette ville, et que la police, qui a toujours été très exactement
observée, tant dans les Halles que dans les différents marchés de cette ville,
ne soit altérée en rien : police qui est d'autant plus nécessaire que la santé
des citoyens peut en dépendre...
A ces causes, la Cour ordonne l'exécution des ordonnances pré-
citées, et de ses arrêts de règlement des 4 octobre 1370, 20 février
1090, 27 août 1711, 24 avril et 9 mai 1760. — Suit un règlement en
12 articles, dont voici l'analyse succincte.
La marée, amenée en droiture aux Halles, sans qu'il soit permis
d'en débiter en chemin, sera vendue à la criée à partir de 3 heures
du matin sonnées à Saint-Eustache (art. 1er, conforme aux art. 27
et 29 de l'ordon. de juin 1G80). Elle sera vue et visitée par l'huis-
sier-garde de la marchandise; et les commis-crieurs, préposés par
l'adjudicataire général des fermes, tiendront un livre des ventes
(art. 2). Les fonctions de contrôleurs seront faites par les facteurs-
commissionnaires (art. 3). Les verseurs prêteront serment par-devant
un des commissaires de la chambre (art. 4). L'huissier-garde assis-
tera exactement aux ventes (art. 5). Les donneuses par acquêt, à la
nomination de l'adjudicataire, seront caution de toutes les détail-
leresses auxquelles le poisson sera adjugé (art. G) : elles s'abstien-
dront d'attirer d'aucune façon les conducteurs des voitures à la place
à laquelle elles sont attachées (art. 7). Les articles suivants concer-
nent les retenues faites sur le prix de vente pour le payement des
employés de police, fonctionnaires et manœuvres des Halles; les
contestations qui peuvent survenir, et la procédure qu'elles compor-
tent; la tenue des registres. Défenses sont faites à tous juges, qu'à
294 LA GRANDE POLICE
la chambre de la marée, de connaître en première instance des
procès mus ou à mouvoir, et de tous actes civils ou criminels rela-
tifs à la marchandise de marée, poissons de mer et d'eau douce,
destinés à l'approvisionnement de Paris '.
DERNIER COMPTE-RENDU
DES PROVISIONS DE CARÊME, ETC., AU PARLEMENT
PAR LE PRÉVÔT DES MARCHANDS 2
20 FÉVRIER 1789
MM. les ofticicrs du Chàtelet' ayant eul'honnour de rendre compte à la Cour
des ressources de cette capitale relativement aux approvisionnements nécessaires
pour le carême, et les états que nous avons remis à M. l'avocat général étant
conformes à ceux de ces magistrats, je n'entrerai dans aucun détail sur cet
objet. Nous vous supplions seulement de vouloir bien obtenir du pontife aussi
sage qu'éclairé qui gouverne l'église de Paris, l'usage des œufs depuis le mer-
credi des Cendres jusqu'au dimancbe de la Passion inclusivement, et d'en per-
mettre par arrêt la vente pendant le même temps : la nécessité de cet acte de
tolérance est démontrée par une longue expérience et par les circonstances''.
Nous emploierons, Messieurs, les instants précieux que voulez bien nous
donner à des détails plus particuliers sur l'approvisionnement de cette capi-
tale en bois et en charbons, dont la suite nous est plus spécialement confiée.
Je ne puis, Messieurs, me dispenser de vous rappeler ce que j'ai eu l'honneur
de vous dire l'année dernière relativement aux charbons. En entrant en place,
cette partie de l'approvisionnement avait été tellement négligée que sans des
secours extraordinaires l'année 1785 commençait par une disette absolue.
Vous ne l'avez sûrement point oublié : cette position était si fâcheuse qu'elle
excita l'attention des ministres et de tous les magistrats qui composent la
grande police ; les secours qui furent accordés alors, quoique fort inférieurs à
1. Voir aussi, dans la collection de la Bib. nationale, l'arrêt du 5 septembre
1777 sur le règlement des comptes entre les donneuses cl les détailler esses, qui
abusaient du crédit (pièce in-':" de (i pages, cinq articles de règlement), et celui
du 22 juin 1781, relatif aux donneuses j>ar acquêt, signé Dufranc (i- pages in-.4°).
2. Arch. nal., 11. i960.
:s. Le lieutenant général de police portail la parole pour celle formalité. Il élail
assisté du lieutenant criminel, du lieutenant de robe courte, du procureur du roi
au Châtelet el de quelques commissaires. — C'est seulement lorsqu'ils s'étaient
retirés que les membres du bureau de la Ville, suivis des huissiers de la Ville,
étaient introduits du parquet dans la grand'chambre.
':. Au sujet du carême, voyez (collection de la Bib. nationale), ]' «Arrêt du Par-
lement du 21 février 1784 qui homologue une ordonnance de police du IN février
concernant ce qui doit être observé par les bouchers, rôtisseurs, cabaretiers,
hôteliers, aubergistes, traiteurs et logeurs en chambres garnies, pour la vente
et le débil di' la viande pendant le carême ■>. Cet arrêt, et celui (lu 27 février 1783,
relatif au gras pendant le carême, restreignaient singulièrement la liberté relative
accordée, suus Turgot, par la déclaration du 2:! décembre 1771.
DE L'APPROVISIONNEMENT 295
ceux que j'avais sollicités, avaient, jusqu'en 1787, soutenu la vente et procuré
tous les avantages qu'on avait dû en espérer; les arrivages par allèges qui coû-
taient chaque année des sommes considérables avaient cessé, et vous avez vu,
Messieurs, par le compte que nous avons eu l'honneur de vous rendre l'année
dernière, que l'on avait déjà regagné trois mois sur les anticipations, puisqu'il
était justifié, par le tableau que nous avons eu celui de vous présenter, que les
charbons de 1787 soutiendraient la vente jusqu'au mois d'août 1788, tandis que
ceux cuits en 1784 avaient été absolument consommés au 20 mai 178o. Dai-
gnez vous rappeler, Messieurs, qu'en vous présentant ce tableau nous ne vous
cachâmes point nos inquiétudes. Nous étions déjà informés et nous eûmes
l'honneur de vous rendre compte des perles énormes que les pluies conti-
nuelles avaient occasionnées au commerce; nous ne vous dissimulâmes point
que ces pluies seraient cause qu'il manquerait à l'approvisionnement ordinaire
plus de cent mille voies de charbons, soit parce qu'on n'avait pas pu les cuire,
soit à cause de la difficulté des chemins tellement rompus, qu'il n'avait pas été
possible de les amener sur les ports des rivières navigables. Nous ne nous
sommes pas bornés, Messieurs, à rendre compte à la Cour de cette circon-
stance fâcheuse. Dès le 16 novembre de la même année, nous en avions instruit
tous les ministres du roi. Ncfri seulement nous les avons prévenus de la disette
qui résulterait nécessairement à la fin d'août de ce déficit, mais en leur en indi-
quant les causes nous leur avons fait connaître les moyens d'en éviter les suites
fâcheuses : nous avons demandé à M. le contrôleur général rétablissement
d'un canal d'environ 50 toises à Anglure, et la restauration de la Vanne pour
procurer à la capitale un approvisionnement annuel de cent mille voies de
charbon, que la difficulté et les dangers du transport empêchaient d'y faire
arriver. Nous avons insisté pour que l'on encourageât par des primes l'arrivage
des charbons de la Loire, en observant que ces primes ne coûteraient rien au
gouvernement, puisque l'avance en serait couverte et au delà par les droits
d'entrée auxquels ils seraient assujettis; cl, malgré les plaintes aussi multi-
pliées que peu fondées de quelques marchands de celte rivière, le bureau de
la Ville leur a toujours accordé tous les encouragements qui dépendaient de
lui.
Nous avons sollicité pour que l'on accordât un fonds uniquement destiné
aux réparations des rivières qui, pour avoir été trop longtemps négligées, n'of-
fraient plus qu'une navigation difficile et des embarras décourageants. Enfin
nous avons fait toutes les démarches nécessaires pour être autorisés à re-
prendre le projet de gare demandée par le commerce dans les îles de Cha-
renton, après avoir démontré jusqu'à l'évidence que sans cet établissement il
devenait impossible d'approvisionner Paris pour un hiver long, parce que
jamais les marchands ne s'exposeraient aux désastres que n'avaient que trop
souvent occasionnés les grosses eaux et les débâcles. Ce qui est arrivé au
mois de décembre dernier, Messieurs, ne justifie que trop et ces craintes des
marchands, et la vérité des observations que nous n'avons cessé de faire.
Le contrôleur général, par sa réponse du 11 janvier de l'année
dernière, promettait satisfaction à la Ville. Depuis, par « l'absence »
du Parlement, elle a été privée de son plus ferme appui. Le mémoire
du substitut du procureur général adressé avec les pièces et les plans,
296 LA GRANDE POLICE
le 28 mars et le 11 avril 1788, la correspondance du prévôt des mar-
chands et du bureau, en un mot les démarches les plus pressantes
n'ont eu aucun résultat. '
Aussi, l'état de choses est inquiétant. Au 10 de ce mois (février
1789), il n'existait plus sur les ports de la capitale et dans les diffé-
rentes gares des rivières que 256,500 voies « qui soutiendront à peine
la vente jusqu'au 15 juin prochain, temps auquel on sera forcé de
consommer les charbons que l'on va cuire et qu'il faudra faire arriver
par allèges si les eaux sont basses cet été ».
Quant aux bois, la consommation de 1788 excède celle de 1787 de
47,201 voies. Au 1er février, il n'y avait plus en chantiers que
190,948 voies. La provision est suffisante, mais à condition qu'il n'y
ait ni crue violente, ni sécheresse'. Le bureau propose de diminuer
la consommation « en ordonnant à tous les manufacturiers ou chefs
d'ateliers qui peuvent se passer de bois, de se servir de tourbe ou
de charbon de terre ». Il y a un projet de règlement dont les entre-
preneurs pour la tourbe et la houille attendent l'homologation. Paris
a consommé en 1788, 67,203 voies de tourbe (au lieu de 40,188 en
1787); il n'en reste que fort peu. Si l'on ne protège pas la compagnie
chargée de ce service, elle annonce qu'elle se dissoudra le 15 mars.
Le bureau de la Ville se déclare « aussi éloigné de vouloir exciter
des plaintes déplacées que de chercher à inspirer une sécurité qui
le serait encore davantage ».
La Cour se déclare « satisfaite des soins que le bureau s'est
donnés1 ».
BOUCHERIE (CAISSE DE SCEAUX ET DE POISSY)*
Louis XIV avait déclaré que la nation ne faisait pas corps en
France. Elle n'avait en effet aucun moyen de consentir ou de résister
légalement aux volontés du roi, et en particulier aux nouvelles im-
positions. Mais les corps, les individus, s'efforçaient d'échapper aux
mains avides du fisc, non pas toujours par impuissance ou par
égoïsmê, mais pour une cause plus nohle et plus obscure, le senti-
ment de l'oppression. Le droit national de l'impôt consenti était plus
méconnu qu'oublié. C'est pourquoi la royauté a souvent recours à
des voies souterraines, à des armes discourtoises, pour assurer les
1. Il est aussi question, dans ce compte-rendu, de l'assainissement de divers
cloaques infects et des difficultés qu'il éprouve, malgré l'autorisation de la Cour.
C'est le seul détail étranger à la matière de l'approvisionnement.
2. Voyez, plus haut, l'arrêt du 13 juillet 1779, et les notes (p. 199).
DE L'APPROVISIONNEMENT 297
ressources indispensables au trésor; elle préfère traiter avec la tourbe
des fermiers et des commis plutôt que de s'adresser directement à
un peuple cependant soumis et fidèle. L'histoire de la Caisse de la
boucherie parisienne, dite Caisse de Sceaux et de Poissy, montre à
merveille l'hypocrisie des impôts indirects sous l'ancien régime.
En janvier 1690, presque au début de la guerre de la ligue d'Augs-
bourg, furent créés 00 offices de jurés-vendeurs de bestiaux, qui
devaient percevoir le droit d'un sou par livre sur le prix de tous
ceux qui se consommeraient à Paris : leur fonction consistait à payer
argent comptant les marchands forains, sauf à se récupérer sur les
bouchers. Les bouchers protestèrent contre un système d'avances
qu'ils ne demandaient pas, soit qu'ils achetassent comptant, soit que
les vendeurs leur fissent d'eux-mêmes crédit. Les protestations de la
boucherie furent écoutées, car les bouchers financèrent, sous prétexte
qu'il fallait bien que le roi remboursât les offices ; et les 60 jurés-
vendeurs furent supprimés.
En 1707, ils furent rétablis sous le titre plus sonore de conseillers-
trésoriers à la Bourse des marchés de Sceaux et de Poissy, lesquels
étaient désignés pour la vente exclusive des bestiaux; ils furent rem-
boursés une seconde fois à la paix (1715).
Un troisième rétablissement de la même machine fiscale eut lieu
en 1743. Le crédit extrême accordé par la caisse de boucherie n'était
pas long : deux semaines; il était obligatoire pour les bouchers, mais
la caisse avait le droit de s'informer de leur solvabilité et de prendre
ses précautions en conséquence. Somme toute, sous couleur d'approvi-
sionner Paris et de fournir des avances aux bouchers, la viande se
trouvait imposée de 6 pour 100 '.
Turgot fit encore supprimer la Caisse de Poissy. C'était la troisième
suppression, et ses ennemis ne pouvaient guère lui en faire uncrime.
Mais il fit autre chose de plus grave : il en dénonça les abus, il en fit
voir le véritable objet en de tels termes qu'il n'était plus possible
après lui de la revêtir du caractère d'utilité publique. L'édit même
qui la supprimait, convertissait et modérait les droits sur la viande,
dont la perception faite au nom de l'État, et au grand jour, devait,
paraître à la fois plus honnête et plus avantageuse. D'autre part, le
commerce, délivré de ses entraves légales et devenu plus actif, aug-
menterait la consommation ; une taxe modérée arriverait ainsi à pro-
duire pour le roi plus de bénéfices qu'un impôt vexatoire, épuisant
la source même où il s'alimentait.
1. Le prix de chaque bœuf était augmenté de 13 livres.
298 LA GRANDE POLICE
Aussitôt après la retraite de Turgot (12 mai 1776), tous les inté-
ressés aux opérations de Sceaux et de Poissy se liguèrent pour faire
rétablir la Caisse. D'ailleurs, les habitudes imposées au commerce la
faisaient regarder comme utile par certaines personnes. On faisait
valoir que la concentration des animaux de boucherie dans ces deux
marchés facilitait l'inspection sanitaire, et l'application des règlements
de police nécessaires à la capitale. Le 2 juin 1790, la Constituante ac-
cordait encore une prime de 2 pour 100 du prix de la vente des bes-
tiaux amenés à Sceaux et à Poissy, du 5 au 22 juillet, afin de répondre
aux besoins extraordinaires que la fête de la Fédération et l'af-
fïuence des députations et des visiteurs allaient nécessairement occa-
sionner.
En fait, la liberté du commerce ne suffit pas à assurer les approvi-
sionnements, si l'habitude de se servir de cette liberté fait défaut, si
l'initiative commerciale, si la recherche rapide dés renseignements sur
les demandes probables de la consommation, ne sont pas entrées dans
les mœurs. La transition est un passage dangereux, mais nécessaire.
La suppression définitive de la Caisse de Sceaux et de Poissy n'eut
lieu que par le décret du 13 mai 1791.
ARRÊT du Parlement, du 26 février 1778 '.
... La Cour fait défenses à tous marchands forains, fermiers, laboureurs,
herbagers et à tous autres particuliers d'amener dans les marchés de Sceaux
et de Poissy, ni dans le marché aux veaux, et d'y exposer en vente aucunes
vaches laitières et autres vaches en état de porter au-dessous de l'âge de huit
ans, et des veaux au-dessus de l'âge de huit à dix semaines, à peine de confisca-
tion des marchandises saisies et de 300 livres d'amende pour chaque contraven-
' tion; ordonne que les marchands forains et autres propriétaires desdites vaches
laitières et veaux au-dessus de l'âge de dix semaines ne pourront les exposer en
vente qu'au marché des vaches laitières, qui continuera de se tenir le mardi de
chaque semaine dans la plaine des Sablons au bout du faubourg du Roule, et
qui sera ouvert depuis 9 heures du matin jusqu'à 2 heures après midi; fait dé-
fenses d'exposer en vente lesdites vaches laitières et veaux ailleurs qu'audit mar-
ché, à peine de 300 livres d'amende tant contre les vendeurs que contre les
acheteurs, et aux bouchers de Paris et à ceux de la campagne d'acheter dans ledit
marché aucunes desdites vaches et veaux pour les tuer, sous la même peine
d'amende ; fait aussi défenses à tous particuliers d'acheter lesdites vaches et
veaux pour les tuer, et à tous cabaretiers et aubergistes tant de la ville, fau-
bourgs et des environs de Paris, et des paroisses circonvoisines, de vendre et
débiter en aucun temps de la viande desdites vaches et de veaux, sous
quelque prétexte que ce puisse être, ni de la viande de veau mort-né, sous
pareille peine de 300 livres d'amende, même d'être poursuivis extraordinaire-
1. Collection do la Bibliothèque nationale, à la date.
DE L'APPROVISIONNEMENT 290
ment, suivant l'exigence des cas ; comme aussi ordonne que les veaux de l'âge
prescrit par les règlements, et qui seront amenés pour la consommation des
habitants de la ville, faubourgs, banlieue et environs de Paris, ne pourront
être conduits qu'aux marchés aux veaux pour y être exposés en vente; fait
défenses à tous cabaretiers et aubergistes, et notamment à tous ceux de la
ville, faubourgs, banlieue et des environs de cette ville, de donner à manger
en gras pendant le Carême, à moins qu'ils n'y aient été autorisés par ordon-
nance de justice pour les personnes seulement qui auront été dispensées de
l'observance du maigre par les curés de leurs paroisses et par les médecins et
chirurgiens, et lorsque les certificats de dispense auront été visés par les
juges des lieux. Enjoint au lieutenant général de police de la ville de Paris, et
aux juges des lieux, chacun dans leur ressort, de tenir la main à l'exécution
du présent arrêt, lequel sera imprimé, publié, et affiché partout où besoin
sera.
ARRÊT du 12 janvier 1779 r, qui fait défenses aux bouchers, etc., de Paris,
d'acheter des vaches laitières au-dessous de huit ans, ou des veaux au-dessous
de dix semaines, pour les tuer.
A ce sujet, il étend les pouvoirs du lieutenant général de police au
delà des faubourgs et banlieue de Paris, sauf l'appel au Parle-
ment.
ARRÊT du Parlement, du 17 juillet 1779, qui déclare nul un contrat d'ater-
moiement fait par un marchand boucher de la ville de Paris, quant à ce qui
concerne des marchands forains qui y avaient été compris, et qui ne l'avaient
pas signé2.
Les édits du 11 mars 1690, de janvier 1707, du 3 décembre 1743, et les
arrêts des 7 septembre 1751, 17 septembre 1755, 16 avril 1768, avaient
ordonné ou jugé que les marchands forains seraient payés par privi-
lège et préférence à tous créanciers, pour raison des bestiaux par eux
vendus aux bouchers de Paris, dans les marchés de Sceaux et de
Poissy.
CHARBONS DESTINES A LA VILLE DE PARIS
ARRÊT du Parlement, du 16 juillet 177G, qui ordonne l'exécution de l'ordon-
nance du bureau de la ville du 19 juin 1755, et fait règlement pour la vente
des charbons pour l'approvisionnement de Paris. — Collationné : de Hansy. Par
la Chambre Dufranc, scellé, (i p. in-4°, Simon. 177G.)
\. Collection do la Bib. nationale, à la date.
2, Pièce h)-}« de H pages Simon, 1779). — Bib. nat., à la date.
300 LA GRANDE POLICE
ME SU RAGE DES BOIS
ARRÊT du Parlement, du 26 septembre 1783, qui confirme une sentence
rendue au bureau de l'Hôtel de Ville de Paris, qui^condamne un marchand de
bois en 30 livres d'amende, pour avoir refusé d'ajouter, dans sa membrure, le
nombre de bûches nécessaires pour la remplir et compléter la voie, et lui fait
défenses de récidiver. (3 p. in-i°, Simon, 1783.)
LE PRIX DU BOIS
En juillet 1784, le bureau de la ville, spécialement chargé d'appro-
visionner Paris en bois et en charbons, obtint du Conseil une déclara-
tion qui augmentait d'un écu par voie le prix du bois neuf. Le Parle-
ment fit à ce sujet des représentations au Roi. L'interruption de la
navigation, la sécheresse, étaient, selon lui, de mauvais prétextes, et
il y avait 500,000 voies de bois aux portes de Paris. En fait, rien n'em-
pêchait les marchands de mêler du bois flotté au bois neuf. Le Parle-
ment soupçonnait, avec toute vraisemblance, quelque opération fiscale,
accompagnée, comme la plupart du temps, de bénéfices illicites. Voici
la réponse du Roi :
Dans le cours de vos représentations, vous m'avez dit que tout le gain de
l'augmentation n'était pas pour les marchands seuls. Expliquez-moi ce que cela
veut dire. Dans huit jours, vous reviendrez pour cela, et je vous ferai savoir
mes intentions1.
Non seulement les choses restèrent en l'état, mais pendant les vaca-
tions, le 14 octobre, un de Messieurs signala au président-premier de
nouveaux abus :
Monsieur, je suis instruit d'une surtaxe survenue sur le prix du bois venu
en trains par la rivière, lequel se paye 27 livres la voie, comme le bois neuf;
d'après les éclaircissements que j'ai cherché à prendre sur le motif de cette
contravention à l'édit du mois de juillet dernier, j'ai reconnu que l'on justifiait
cette surtaxe comme étant autorisée par un jugement du Conseil non revêtu de
lettres patentes. Cet acte n'ayant pas eu de publicité, je n'ai pu m'en procurer
un exemplaire pour le remettre à la Chambre. Mais je donne le fait comme
certain.
Le prévôt des marchands était entièrement couvert par les arrêts
I. 2G juillet 1785 (Arch. nat., X 1b 8983).
DE L'APPROVISIONNEMENT 301
du Conseil. C'est pour la forme que, le 9 décembre suivant, il apporta
au Parlement quelques explications :
Le public se plaint de ce qu'on attache au bois neuf flotté le môme prix
qu'au bois neuf transporté par bateaux. Mais, sans cet encouragement, le bois
dont il s'agit serait encore à 30 ou 40 lieues de la capitale z, et les chantiers
seraient aujourd'hui totalement dégarnis.
D'après des états, il estime à 800,000 ou 850,000 voies, pour la ville
et la banlieue, la consommation du bois.
Il propose deux ordonnances, qui furent adoptées à peu près par le
Parlement et par le Conseil. L'une, très rigoureuse, concerne le mesu-
rage. Elle vise les prétendues infidélités des marchands, et augmente
la voie d'un cinquième ou d'un quart, ce qui n'était pas un moyen de
faire baisser le bois ni d'en accroître la provision. L'autre, qui ne pou-
vait aussi qu'accélérer la hausse, interdisait aux chaufourniers, tui-
liers, plâtriers, porcelainiers, faïenciers, de se servir du bois2; ils
pouvaient, « comme nos voisins, employer la tourbe ou le charbon de
terre ».
Il n'est guère douteux que le trésor royal n'ait à cette époque établi
des monopoles de fait, sur les bois et charbons, par l'intermédiaire de
l'Hôtel de Ville. Le service municipal d'approvisionnement devenait
ainsi, entre les mains de financiers aux abois, le louche équivalent
d'un impôt sur le bois et le charbon. Le sel et le tabac appartenaient
alors seuls entièrement au Roi ; on cherchait et on trouvait des pro-
cédés pour lui faire avoir sa part dans tout le reste; mais les intermé-
diaires, les hommes à idées, ne s'oubliaient pas, et c'était surtout à
eux que le public en voulait.
REPRÉSENTATIONS DU PARLEMENT
SUR LA DÉCLARATION DU 8 JUILLET 1784, PRÉSENTÉES LE 31 JUILLET ?
Sire, si votre Parlement n'eût écouté que sa reconnaissance, il aurait ordonné
1. Toutefois, il résultait de cette assimilation que les propriétaires de Dois
haussaient leurs prix pour partager le bénéfice des marchands.
2. Ainsi, l'administration publique feint toujours de s'en prendre aux commer-
çants ou industriels qui occupent le dernier échelon, et qui touchent directe-
ment au consommateur : si le pain est cher, au boulanger; le bois, aux mar-
chands de bois en détail; la viande, au boucher, etc. Fiction grossière, à laquelle
le peuple même finit par ne plus croire; car, le 6 octobre 1789, il ramena le
roi au cri de : « Voilà le boulanger ! »
3. Arch. nat., X 1b 8984.
302 LA GRANDE POLICE
sans délai l'enregistrement de la déclaration sur l'approvisionnement des bois
de la ville capitale.
Cette déclaration est un nouveau monument de la bienfaisance de Votre Ma-
jesté. Bannir des mesures incertaines, difficiles, bizarres, réformer des abus
trop longtemps tolérés, préposer des surveillants à la vente des bois, c'est
prendre les moyens de rétablir dans le commerce la clarté, la bonne foi, la
police et la confiance.
L'abolition presque totale des droits sur le charbon de terre en étendra la
consommation, et portera les manufactures, les ouvriers, les pauvres, à préfé-
rer ce combustible : pourvu qu'une administration juste, éclairée par l'expé-
rience, tienne avec fermeté la balance entre les fournisseurs, sans accorder à
quelques-uns d'entre eux des faveurs particulières qui, les rendant maîtres de
ce commerce, rendraient aussi la nouvelle réduction illusoire pour les consom-
mateurs, comme on l'a toujours éprouvé de la première.
Avec la même sincérité qui porte aux pieds du trône le vœu public, votre
Parlement exposera l'insuffisance et les inconvénients des moyens présentés à
Votre Majesté pour l'approvisionnement des bois de sa capitale.
Un premier inconvénient est dans l'uniformité du prix pour des bois de dif-
férents diamètres. Présenter aux propriétaires un avantage égal pour la vente
du bois, de 6, 12 ou 15 pouces de grosseur, c'est les inviter à des coupes anti-
cipées, donner l'exclusion aux réserves, aux futaies, appeler tous les bois à la
destination du chauffage, en priver la construction, et sacrifier évidemment,
dans cet objet essentiel, l'avenir au présent, un intérêt permanent à des besoins
momentanés.
Toutes les apparences donnent lieu de croire que l'augmentation des taxes
sur les bois et charbons manquera le but qu'on se propose.
En premier lieu, il n'est pas démontré que le cercle ordinaire de l'approvi-
sionnement de Paris soit épuisé. Mais, si les marchands sont obligés d'étendre
ce cercle trop resserré, l'augmentation sera évidemment insuffisante pour les
dédommager des frais de transport; et ainsi cette augmentation, sans procurer
aux sujets de la capitale une plus grande abondance, n'aura d'autre effet que
d'autoriser les propriétaires à hausser le prix des ventes, et, par là, de retom-
ber sur les consommateurs.
En supposant cette augmentation nécessaire, Votre Majesté serait encore
suppliée de fixer un moment son attention sur les droits qui se perçoivent à
l'entrée du bois et du charbon.
Ces droits ont éprouvé, depuis 1726, un accroissement excessif et rapide.
De 16 sols par voie, dans l'origine, ils sont aujourd'hui montés à HO sols. Le
prix et la rareté des combustibles qui les supportent rendent le fardeau de
ces droits encore plus sensible.
Au moins semblerait-il essentiellement juste de ne pas taxer la voie de
bois blanc au même prix que la meilleure voie de bois flotté. La différence
réelle de leur valeur est énorme, et l'uniformité de leur tarif peut devenir
accablante pour le pauvre.
Par des événements imprévus, tels qu'une baisse d'eaux, ou l'amoncelle-
ment des glaces, la disette des autres bois peut faire du bois blanc, qui vrai-
semblablement abonderait encore dans les chantiers, un combustible précieux
pour les pauvres. Les pauvres ne font pas de provision. Les pauvres sont le
grand nombre. Les pauvres, enfin, quand il s'agit des consommations néces-
DE L'APPROVISIONNEMENT 303
saires, doivent être l'objet particulier, pour ne pas dire unique, de la solli-
citude éclairée du souverain qui peut se reposer, en pareil cas, du sort des
riches sur eux-mêmes.
Cependant, par l'effet de la déclaration, le bois blanc ctani aussi cher que
le bois tlotlé, qui manquera aux pauvres, et presque aussi cher que le bois neuf
qui ne peut pas d'ailleurs entrer dans leur consommation, ne sera pour eux
d'aucune ressource dans un temps de disette : en un mot, le bois blanc qui,
malgré l'augmentation de la taxe, ne paraît pas valoir plus de 17 livres 14 sols
9 deniers sera pourtant vendu 22 livres 10 sols comme le bois tlotté, en sorte
que l'augmentation portée par la déclaration finit en dernière analyse par
tomber plus sensiblement sur le bois le plus vil et sur le consommateur le
plus pauvre.
Il semblerait aussi plus conforme aux intentions bienfaisantes de Votre
Majesté de distinguer dans le bois flotté les échantillons du bois destiné aux
membrures, et de proportionner la taxe aux grosseurs, aux qualités, afin de
rapprocher du moins le prix de l'espèce inférieure des facultés de la classe
indigente.
Toujours par l'intérêt de cette classe si précieuse, Votre Majesté est suppliée
de ne pas charger le prix du charbon d'une augmentation dont le principe est
inconnu.
Et, enfin, votre Parlement estime qu'il serait d'autres moyens de pourvoir
aux besoins du moment, aux intérêts de l'avenir : pour le moment, des
coupes extraordinaires; pour l'avenir, la diminution des droits d'entrée, la
réparation des anciens canaux, l'ouverture de nouveaux, leur entretien, la
diminution des droits de péage, un régime plus exact dans la manutention
des forêts, un nouvel ordre dans leur aménagement. Ces moyens seraient peut-
être et plus sûrs et plus dignes de la sagesse et de la justice de Votre Majesté
qu'une augmentation de taxe.
Au reste, votre Parlement, content de les indiquer à Votre Majesté, ne peut
que s'en référer à sa bonté, comme à sa prévoyance, pour le choix et l'appli-
cation '.
COMMERCE DES GRAINS
• ET PRIX DU PAIN
LE TRANSPORT DES BLÉS (1778)
ARRÊT de la Cour du Parlement, qui condamne Julien Mabille, dit le
Manceau, à être attaché au carcan par l'exécuteur de la haute justice, pendant
trois jours consécutifs, k un poteau qui, pour cet, effet, sera planté dans la
place publique de la ville de Tours, et y demeurer chacun desdits jours de-
1. Le Parlement enregistra toutefois la déclaration, le .3 août suivant.
30-i LA GRANDE POLICE
puis midi jusqu'à deux heures, ayant écritcau devant et derrière, portant ces
mots : pour violences, pour avoir été à la tête d'un attroupement armé de
haches, [avoir] coupé plusieurs poches ou sacs de blés dans des charrettes, et
contraint les charretiers à décharger leurs charrettes dans le chemin, desquels
blés il en a été perdu une partie, et Claude Viollard à assister ledit Julien
Mabille, dit le Manceau , au carcan lesdits trois jours, pour avoir participé
audit attroupement.
La sentence du lieutenant criminel du bailliage et siège présidial
de Tours (15 mai 1778) avait condamné Julien Mabille au carcan, à
la marque et à neuf ans de galères; Claude Viollard, aux mêmes
peines; de plus, Alexandre Bonsens et Jacques Piedgut, accusés et
présents, à l'assistance au carcan ; Pierre Pinet, à l'assistance au
carcan et à un plus ample informé. — Enfin la même sentence prési-
diale avait condamné, par contumace, les chefs de l'attroupement et
du pillage : Brunet père et fils, à la pendaison et à l'exposition aux
fourches patibulaires de Tours pendant vingt-quatre heures; Fran-
çoise Sacré, femme Pekdereau, qui avait excité les hommes en les
traitant de lâches et de poltrons, au carcan, à la fleur de lys, et au
bannissement perpétuel des duché et grand bailliage de Touraine.
L'arrêt du Parlement est muet sur les contumaces; il met hors de
cour Bonsens, Piedgut et Pinet, el réduit de beaucoup les peines de
Mabille et de Viollard.
Il s'agissait des blés du château de Moran, appartenant aux repré-
sentants du feu duc de Sully, et vendu à Martin Pimon. Brunet le
père avait battu la douille pour ameuter les paysans et empêcher
l'enlèvement de ce qu'ils considéraient comme leur blé (24 mars 1778) ;
quarante ouvriers armés de haches, serpes et bâtons, et plusieurs
femmes étaient accourus de la coupe de la forêt de Baudry, où ils
travaillaient. Les blés furent arrêtés et pillés près le lieu des Cartes,
et il y en eut pour 300 livres de répandu ou de pillé '.
L'arrêt du Parlement, tout à fait extraordinaire par sa modéra-
tion, ne s'explique que [taries souvenirs de la« guerre des farines »,â
laquelle il avait secrètement applaudi, parce qu'elle était conforme
aux principes restrictifs du libre commerce des blés.
ARRÊT de la Cour du Parlement, du 19 juin 1779, portant règlement pour
les facteurs de la halle aux farines de la Ville de Paris, conformément à l'or-
donnance de police du 3 avril 1779, et à l'arrêt du i juin 1761 -.
Cet arrêt, en neuf articles, enjoint aux facteurs attaqués par les
1. C'est par centaines que l'on compte les faits du même genre en 1788-89.
2. Pièce iu-4° de 13 pages. Règlement sur procès entre marchands de farines,
DE L'APPROVISIONNEMENT 305
marchands de remettre leur état de situations commerciales et de
fortunes personnelles entre les mains du lieutenant général de po-
lice (art. Ie1'); fixe pour l'avenir à 50,000 livres d'immeubles ou de
caution la garantie de solvabilité des facteurs (art. 2); ordonne le
payement comptant, le jour même de la livraison (art. 3); la tenue
des registres sous l'inspection de la police (art. 4); interdit aux fac-
teurs de faire le commerce de blé ou de s'associer aux marchands
de blés (art. 5) , et de faire un autre commerce outre leur commission
(art. G); leur interdit de vendre des farines au petit poids et de de-
mander aux marchands ou d'en accepter plus de 21 sols G deniers
de commission par sac (art. 7) ; leur enjoint de vendre par eux-mêmes
ou par leurs femmes ou enfants (art. 8); ordonne aux boulangers de
tenir registre de leurs achats aux Halles, quantités de farines, noms
des vendeurs (art. 9).
LIBRE EXPORTATION ET CIRCULATION DES GRAINS (1787)
Ledit du 17 juin 1787 (signé Louis, et plus bas, par le /loi, le
baron de Breteuil, vu au Conseil , Laurent de 1 illcdeud) pour la
liberté de commerce des grains fut enregistré au Parlement le 24 juin,
à la pluralité de 95 voix contre 81.
Nonobstant, dit Hardy, le brillant exposé et toutes les belles promesses que
renfermait cette déclaration, qui donnait ouverture à l'exportation des grains
hors du royaume, en même temps qu'elle en facilitait la circulation libre de
province en province, comme on n'avait point encore oublie les scènes popu-
laires occasionnées en 1770 par la cherté du pain, malheureux résultat de
dispositions à peu près semblables : on avait peine à se défendre de quelques
craintes pour la suite, par le funeste abus que pouvaient en faire les personnes
puissantes et riches. Car quel était le bien en Erancc qu'on ne vît pas le plus
souvent se métamorphoser en mal1?
SEANCES DU PARLEMENT
DU 13 DÉCEMBRE ET DU 10 DÉCEMBRE 1788 2
Le 13 décembre 1788,
facteurs, vendeurs de farines, et autres parties intervenantes (3 audiences, 5 plai-
doiries). — Collection de la Bib. nat., ;i la date.
1. Réflexion juste, surtout lorsque la distance est trop grande entre les mœurs
et les lois, entre les progrès sociaux et les institutions politiques. — Hardy,
t. VII, p. 123.
2. Hardy, tome VIII, p. 171.
20
306 LA GRANDE POLICE
Vers l'heure de midi, les chambres du Parlement s'assemblent avec plu-
sieurs pairs de France pour traiter l'affaire des blés accaparés selon toutes les
apparences, et s'occuper de la cherté du pain. Mais, quoique la séance ne finisse
qu'à près de quatre heures de relevée, il ne transpire rien de ce qui s'y était
passé, si ce n'est qu'il y avait tout lieu de conjecturer que le Parlement n'était
pas content de la conduite du procureur général par rapport aux informations
dont il avait été chargé sur cet objet : puisque l'on rapportait que ce ma-
gistrat n'avait point été mandé par l'Assemblée, qui non seulement ne lui avait
rien fait dire, mais qui avait au contraire pris le parti de nommer des com-
missaires, lesquels devaient s'assembler le surlendemain, lundi 15 du présent
mois de relevée au Palais, cl rendre compte de leur travail à l'assemblée des
Chambres renvoyée au mardi 10 à neuf heures du matin.
Cette assemblée du 16 fut aussi tenue secrète par « la sage pru-
dence » du Parlement, qui ne voulait pas « échauffer l'esprit du
peuple ». D'après les nouvellistes :
On avait dénoncé plusieurs caves dans des faubourgs de la capitale remplies
de grains qui y pourrissaient : crime horrible de lèse-humanité dont les cou-
pables auteurs ne pouvaient être trop sévèrement punis. Quoi qu'il en fût, on
voyait arriver en ce moment à la Halle aux grains une très grande quantité
de blés et farines. Mais le prix du pain ne diminuait pas et restait toujours
au même taux1. Il paraît que le Parlement s'occupait furieusement de cette
affaire 2.
A la grande surprise des « clabaudeurs », le Parlement ne pour-
suivit pas les accapareurs vrais ou présumés.
Ce plan, dit Hardy, venait de trop haut dans les circonstances pour que les
magistrats pussent prudemment et raisonnablement y atteindre 3.
Le texte même des minutes du Parlement confirme à peu près ces
appréciations.
RAPPORT DE L'AVOCAT GÉNÉRAL SÉGUIER
SÉANCE DU SAMEDI 13 DÉCEMBRE 1788 4
Un arrêté du 20 novembre, pris par le Parlement toutes chambres
assemblées, les pairs y séant, avait chargé les gens du Roi d'une en-
1. Quatorze sols tes quatre livres.
2. Hardy, t. VIII, p. 172.
:i. Id.,ibid., p. 182 (22 décembre L788); Il no fallait pas, dit-il ailleurs (16 déc),
que le peuple lût instruit de « tout ce qui concernait et pouvait occasionner la
cherté du pain ».
4; Arch. nat, X 1b 8989.
DE L'APPROVISIONNEMENT 307
quèic relative à l'augmentation du prix des grains. Le 13 décembre,
Séguier en fit connaître les résultats.
M. le procureur général a écrit le 27 novembre à tous ses substituts dans
les différents sièges pour qu'ils eussent à se conformer sans délai aux dispo-
sitions de cet arrêté. De 226 sièges ou environ dont est composé le ressort,
142 ont répondu; nous recevrons successivement la réponse des 84 autres',
et nous venons, en attendant, présenter à la Cour le résultat des différentes
lettres que nous avons déjà reçues.
Vous n'attendez pas sans doute de notre ministère qu'il entre dans le dé-
tail de ebacune de ces réponses. Ce serait le moyen de rendre inintelligible le
compte que nous nous proposons de rendre en ce moment. Nous avons préféré
de séparer les différentes causes qui nous ont été indiquées, et de les présenter
l'une après l'autre, en y ajoutant le nombre des substituts qui se sont spécia-
lement attachés à chacun de ces objets...
La première cause est le peu de produit de la récolte faite cette année.
Elle a été si mauvaise que dans quelques cantons on n'a pas recueilli la
moitié d'une année ordinaire en gerbes et en grains; dans d'autres on n'en a
recueilli que très peu ou point du tout.
Deuxième cause. — Les pluies et les inondations de 1787, la grêle et la
sécheresse de 1788. Les pluies en 1787 ont empêché d'ensemencer une partie
des terres; la sécheresse en 1788. n'a pas permis la pleine croissance des
blés ; et dans les terres qui ont été déjà semées depuis la dernière récolte le
grain se gâte, ne germe pas, et n'est pas encore levé.
Troisième cause. — Les accaparements, magasins, arrhes, et fermetures de
greniers chez les gros propriétaires ou chez les fermiers.
Quatrième cause. — Les ventes particulières qui se font dans les greniers
des propriétaires ou chez les laboureurs.
Cinquième cause. — Le défaut d'approvisionnement dans les marchés, dont
la plupart sont dégarnis.
Sixième cause. — Les laboureurs ne battent point leurs grains et n'en
amènent point aux marchés.
Septième cause. — L'exportation excessive chez l'étranger.
Huitième cause. — Les enlèvements faits pour les différentes provinces et
grandes villes du royaume.
Ces huit causes ne concourent pas dans tous les lieux. Nous allons réunir
sur chacun de ces objets l'ensemble de l'opinion des différents sièges.
Sur la première cause, mauvaise récolte des années 1787 et 1788, 128 let-
tres s'expliquent d'une façon positive.
Sur la seconde cause, pluie, grêle et sécheresse, 112 de nos substituts
pensent de même.
Sur la troisième cause , accaparements, magasins, arrhes et fermetures de
greniers, 34.
Sur la quatrième , vente dans les greniers, nous en trouvons 8.
Sur la cinquième , défaut d'approvisionnement dans les marchés, 33.
1. Trente-quatre autres, arrivées la veille, n'avaient pu être que rapidement
parcourues. Elles concordaient avec les précédentes.
308 LA GRANDE POLICE
Sur la sixième, refus des fermiers de battre et de conduire au marché, 13.
Sur la septième , exportation à l'étranger, il y en a 20. Un ou deux ajou-
tent que ces enlèvements se font la nuit frauduleusement dans des tonneaux
qu'on remplit aux trois quarts de blé et qu'on recouvre d'avoine, pour les
envoyer au dehors par la rivière d'Aisne et la Meuse.
Enfin sur la huitième cause, enlèvements pour les provinces et les grandes
villes, 30 entrent dans des détails à ce sujet...
Autres causes particulières : Trois de nos substituts assignent pour neu-
vième cause le dégAt que fait le gibier; mais ce motif se renouvellerait tous
les ans. — Deux substituts présentent comme une dixième cause l'inexécution
des règlements qui veulent que les communautés ecclésiastiques aient tou-
jours dans leurs greniers deux ans de leur consommation. — Enfin, deux
autres substituts donnent pour onzième cause les glaces qui arrêtent le cours
des rivières, et la cessation du travail des moulins.
Indépendamment de ces motifs, la plupart réels, nous avons trouvé dans
ces 142 lettres des avis particuliers peut-être aussi certains qu'affligeants.
A Abbevillc, douze ou quinze mille ouvriers, qui ne sont plus employés dans
les manufactures depuis le traité de commerce, sont réduits à la plus affreuse
misère. — Dans plusieurs cantons, les campagnes offrent le spectacle d'une
multitude de meules, la plupart mangées par les insectes ou par les rats. Une
meule de trente milliers, paille, fourrage et menus grains, a été brûlée près
Corbeil; et depuis le Bourgcl jusqu'à la montagne de Vauderlan1 (espace de
3 lieues), on en compte plus de 70 dont on ne fait aucun usage. — La
génevrerie de Dunkcrque consomme une immense quantité de grains que les
intéressés doivent tirer de l'étranger, d'après la loi de cet établissement, [et]
qu'ils ne font importer en France que lorsqu'ils y trouvent leur avantage. —
A Saint-Quentin, il devrait y avoir 50,000 setiers de blé dans les greniers ; il
n'y en a pas cent. Les fermiers payent les redevances en argent, parce qu'ils
craignent la disette, et que les gens de campagne ne les brûlent, s'ils se dé-
garnissent... A la Fère, ainsi qu'à Réthel-Mazarin, il y a eu des émeutes, et
le monopole des différents meuniers qui ne sont pas fidèles sur leur mouture,
ajoute un nouveau degré aux murmures des habitants
...Quant aux précautions indiquées par les substituts, tous ces officiers
chargés de veiller dans les lieux de leur arrondissement sur la police publique,
demandent le rétablissement des anciens règlements, et les malheurs actuels
en montrent la nécessité. C'est en vain que le fanatisme d'une indépendance
absolue dans le commerce des grains se ilatte de procurer l'abondance par la
liberté indéfinie de l'exportation. Toutes les combinaisons de la politique dis-
paraissent à la clarté de l'évidence. L'expérience nous apprend que l'intérêt
personnel l'emporte sur l'intérêt général : et quelque sacré que puisse être le
droit de disposer de sa chose, ce droit, qui semble se confondre avec la
propriété même, ne peut jamais devenir un prétexte légitime pour autoriser
le propriétaire à mettre à contribution la société entière. Le blé, quelque soit
celui qui le recueille, doit avant tout servir à la subsistance des habitants du
sol qui l'a produit. Et que deviendraient les citoyens des villes, si les pro-
priétaires des campagnes et les laboureurs cessaient de fournir à leurs be-
soins, ou, ce qui est la même chose, par une intelligence criminelle, refusaient
1. Vaudherland (Seine-et-Oise).
DE L'APPROVISIONNEMENT 309
d'approvisionner les marchés? Est-il possible qu'il y ait des hommes assez
barbares pour calculer la misère publique, la graduer insensiblement, et
fonder sur son augmentation progressive l'édifice d'une fortune honteuse?
Les famines artificielles sont infiniment plus à redouter que celles qui sont
l'effet de l'intempérie des saisons. La nature annonce d'avance les fléaux de
cette espèce, et donne pour ainsi dire le temps de se prémunir contre la sté-
rilité de la terre. Mais quand la disette est le fruit des combinaisons d'une
cupidité ardente à profiler d'un malheur subit et imprévu, le besoin se fait
sentir au milieu de l'abondance, et l'appât d'un gain excessif éteint tous les
sentiments de l'humanité.
Laissez la liberté tout entière. Fiez-vous, dira-t-on, aux calculs des spécu-
lateurs. Laissez agir l'intérêt, et vous verrez le blé se porter de lui-même
partout où il y aura un bénéfice certain. C'est cependant à ce système impru-
dent et dangereux, bien plus qu'aux refus de la terre et à l'inclémence des
saisons, que nous devons l'état déplorable dont la prudence des magistrats
doit écarter les suiics funestes. Ce n'est pas le blé qui manque en France. La
soif immodérée du gain le fait receler, l'avidité insatiable l'accapare ; le spé-
culateur opulent veut s'enrichir encore aux dépens de la substance du pauvre
et de l'indigent. Si la cherté ne tombait que sur les riches de la capitale et
des provinces, ce serait un malheur facile à supporter, et qui ne serait que
passager. Mais le peuple! mais cet artisan qui ne vit que du travail de ses
mains, mais cette famille que le labeur d'un seul homme peut à peine entre-
tenir et alimenter! Dans quels asiles tant d'infortunés pourront-ils subsister?
Ce patriotisme si précieux, ce nom sacré de l'humanité qu'on réclame sans
cesse, ne sont-ils plus que de vains sons? Seraient-ils entièrement bannis du
cœur des citoyens? Us ne sont pas effacés du cœur des magistrats. La sa-
gesse du gouvernement s'est empressée d'accueillir leurs vives supplications.
Elles ont retenti jusque dans l'âme du souverain. Il s'est hâté de répondre
à leur empressement. Il a défendu l'exportation des grains dans les pays
étrangers, et ne veut mettre aucun obstacle à leur circulation dans l'intérieur
du royaume. Tous ses habitants sont également ses sujets, tous ont un droit
égal aux productions de la terre, et aux bontés du Monarque qui les gou-
verne. Mais, après la longue expérience d'une facilité sans bornes accordée au
commerce des grains, il est temps de connaître le danger d'une confiance
trop aveugle, de rétablir une surveillance légale, d'ordonner une inspection
toujours favorable dans les moments de crise, et de prévenir par une sage et
rigoureuse police les inconvénients et les abus d'une liberté inhumaine toutes
les fois que le peuple en doit être la victime. Le salut des peuples est la loi
suprême. Qu'opposc-t-on à cet axiome que la nature, la religion, la politique
ont également consacré? On pourra dire que les recherches, les prohibitions,
les contraintes, ne font qu'accroître le mal, et qu'il en coûtera des sommes
immenses au gouvernement. Nous répondrons qu'un sacrifice pécuniaire est
indispensable quand il s'agit de sauver des millions d'hommes à l'État. Nous
rappellerons les propres paroles du chancelier L'Hospital : « Il faut prendre
des précautions dans les temps de disette, ou doute d'icclle. »
Séguier ajoute, en résumé, que les ateliers de charité établis à
Paris ne produiraient pas leur effet, Ri le gouvernement ne prenait
des mesures pour abaisser le prix: des grains en faveur des pau-
310 LÀ GRANDE POLICE
vres. Ce sont là des dépenses indispensables, et le déficit qu'elles
entraîneront ne sera certainement pas blâmé par les Etats généraux.
Par ces considérations, nous requérons qu'il plaise à la Cour ordonner, sous
le bon plaisir du roi :
Que ceux qui dans l'étendue des bailliages et sénéchaussées du ressort de
la Cour feront le commerce des grains et farines seront tenus de porter des
grains et farines aux halles et marchés des lieux où seront lesdits grains et
farines, suivant les avertissements qui leur seront donnés par les officiers de
police desdits lieux auxquels ils seront tenus de faire connaître leurs noms,
leurs domiciles, la nature et la quantité de grains renfermés dans leurs gre-
niers, — et ce dans les quantités et aux époques qui seront amiablcment
réglées entre eux et lesdits officiers, eu égard soit aux besoins et quantités
générales des lieux, soit aux quantités particulières de chacun desdits com-
merçants, en sorte que les marchés puissent être suffisamment approvisionnés.
Sinon seront lesdits commerçants contraints à notre requête, poursuite et
diligence de nos substituts, par toutes voies ducs et raisonnables, le tout
sans pouvoir distraire leurs grains et farines , ni les vendre ailleurs qu'aux-
dites halles et marchés, sous telles peines qu'il appartiendra.
Ordonner que les fermiers et laboureurs, ou autres ayant des grains pro-
venus de leur récolte ou recette, seront pareillement tenus de porter leurs
grains aux halles et marchés des lieux où lesdits grains seraient resserrés,
selon les avertissements qui leur seront donnés par les officiers de police des-
dits lieux, auxquels ils seront tenus de se faire connaître : et ce dans les
quantités qui seront amiablcment réglées entre eux et lesdits officiers, afin
que les marchés soient suffisamment approvisionnés ; sinon contraints à notre
requête, poursuite et diligence de nos substituts, et par toutes voies dues et
raisonnables, sans qu'il leur soit permis de distraire ou receler leurs grains ni
les vendre ailleurs qu'auxdits marchés, sous telles peines qu'il appartiendra.
Excepter néanmoins des précédentes dispositions ceux qui se trouveront
chargés de la subsistance des troupes, hôpitaux ou maisons de charité, en
justifiant par eux, auxdits officiers de police, du titre et de l'objet de leur
commission, et de la quantité de grains et farines nécessaire pour la remplir...
Enjoindre aux officiers de police de tenir chacun en droit soi la main à
l'exécution des précédentes dispositions, et à ce que lesdites halles et [lesdits]
marchés soient suffisamment approvisionnés.
Ordonner l'exécution des ordonnances et arrêts de règlement sur le fait des
accaparements ; en conséquence faire défenses à toutes personnes, de quelque
état, condition et qualités qu'elles soient, de faire aucun accaparement ni de
pratiquer aucune manœuvre capable de faire renchérir le prix des grains,
d'arrher les grains dans les greniers ou sur les routes en allant au-devant de
ceux qui les amèneraient aux marchés ou autrement, de faire avec eux aucune
convention particulière, soit dans lesdits greniers, soit sur lesdites routes,
déclarer nulles toutes conventions ou marchés de ce genre qui auraient pu
être faits ou verbalement ou par écrit; faire défenses de nouveau d'en faire
aucuns à l'avenir; le tout à peine d'être poursuivis extraordinairement sui-
vant l'exigence des cas.
Déclarer néanmoins que la Cour n'entend qu'il puisse être apporté aucun
obstacle à la libre circulation des grains de province en province, et ce sans
DE L'APPROVISIONNEMENT 311
fraude : s'en référant à la sagesse du seigneur-roi de prendre les mesures con-
venables pour que les versements de province à province ne se fassent au
détriment d'aucune d'entre elles.
Ordonner, au surplus, qu'il ne sera rien innove aux règlements de police
pour l'approvisionnement de la Ville de Paris, lesquels continueront d'être
exécutés selon leur forme et teneur, sans qu'il puisse y être apporté aucun
trouble ni empêchement quelconque.
Ordonner que l'arrêt à intervenir sera à notre diligence lu, publié, im-
primé et affiché partout où besoin sera dans la Ville de Paris, et envoyé aux
bailliages et sénéchaussées du ressort pour y être pareillement lu, publié, enre-
gistré et affiché à la diligence de nos substituts. A eux enjoignons d'y tenir
la main et d'en certitier la Cour incessamment1.
ARRÊTÉ DU PARLEMENT
DU 18 DÉCEMBRE 1788, DU MATIN, TOUTES CHAMBRES ASSEMBLÉES
LES PAIRS Y SÉANT 2
La Cour... reprenant la surveillance que les lois lui donnent sur le fait des
grains et qui avait été suspendue pendant son éloignement, ordonne que les
arrêts, ordonnances et règlements concernant l'approvisionnement des marchés
seront exécutés suivant leur forme et teneur; en conséquence défend à toutes
personnes de quelque condition et qualité qu'elles soient de faire aucune
manœuvre frauduleuse tendant à empêcher l'approvisionnement des marchés,
et ce sous les peines portées par lesdites ordonnances, arrêts et règlements;
ordonne que tout propriétaire, cultivateur, ou marchand apportant son blé au
marché sera tenu de suivre les arrêts et règlements de police rendus à ce sujet,
de sorte que la première heure du marché soit pour les consommateurs et à la
petite mesure; la seconde, pour les boulangers; la troisième, pour les mar-
chands... Vu : Lefebvre.
SÉANCE DU PARLEMENT
DU SAMEDI 7 FÉVRIER 1789, DU MATIN, TOUTES CHAMBRES ASSEMBLÉES
LUS PAIRS Y SÉANT >
... M° Marie-Jean Hérault [de Séchclles], avocat du Seigneur Roi, a dit que
lessieurs Leleu frères et Doumer[c], ainsi que les syndics des maîtres boulangers
de Paris, s'étaient rendus en la Cour, en exécution de l'arrêté du jour d'hier,
et étaient au parquet des huissiers.
Les sieurs Leleu frères mandés, entrés et placés à la barre de la Cour,
ayant remis leurs épéesàun des huissiers, debout et découverts, M. le premier
président leur a dit : a La Cour vous a mandés à l'effet que vous lui rendiez
compte des connaissances que vous avez relativement à l'approvisionnement
1. La minute est signée, Vu : Bochart (loco domini prœsidentis).
2. Arch. nat, X 1b 8989, à la date.
3. Arch. nat., X 1b 8989, à la date.
312 LA GRANDE POLICE
des farines de la halle de Paris, et des causes de la hausse subite et progres-
sive du prix desdites farines. »
Sur le premier objet de la demande, ils ont répondu qu'ils avaient un traité
avec l'administration de 31,000 sacs de farine, pour l'approvisionnement de
Paris, dont 7,000 pour le quartier de janvier. 6,000 pour chacun des trois
autres, et les autres 6,000 sacs disponibles dans tout le courant de l'année
pour les moments du besoin ;
Et sur le second objet, ont répondu qu'ils ne savaient pas quels étaient les
prix dans les marchés qui avoisinaient la capitale de vingt lieues à la ronde;
que dans tous les temps ils effectuaient leurs achats à Arcis, Provins, Vitry, La
Fèrc et Beaulicu ; que, dans le premier endroit, le blé valait pendant la der-
nière semaine de janvier 30 livres le setier pesant 250 ; dans le second,
36 livres le setier pesant 250; dans le troisième, 26 livres 10 sols le selier
pesant 250; dans le quatrième, 28 livres le setier pesant 240; et dans le
cinquième, 31 livres le setier pesant 240; qu'ils étaient informés que le
blé valait li livres 10 sols la razière du. poids de 130, en Flandre; qu'il
valait aussi à Amiens 39 livres la somme pesant 300. Ont observé qu'at-
tendu la cherté des blés en France, ils avaient fait arrivpr huit cargaisons,
dont cinq ont été vendues en Normandie, comme précaution sage pour
empocher que cette province n'allât s'approvisionner dans la Picardie et
le Soissonnais où elle est habituée de chercher ses besoins; que les trois
autres ont été expédiées pour les moulins de Corbeil; qu'ils ont traité dans la
Flandre autrichienne de 10,000 setiers de blé dès le mois de novembre dernier,
qui leur seraient déjà parvenus sans les glaces prématurées; que la Cour de
Bruxelles avait depuis un mois défendu l'exportation des blés, ce qui arrêtait
ces 10,000 setiers; mais que sur leur réclamation appuyée des démarches du
résident à Bruxelles qui avait ordre de M. le directeur général des finances et
du ministre des affaires étrangères de faire toutes celles convenables, ils
avaient lieu d'espérer qu'ils obtiendraient incessamment une permission parti-
culière pour extraire ces 10,000 sacs; qu'ils avaient encore une cargaison de
• blé dans les canaux d[e] Hollande, qu'ils avaient 6,000 setiers prêts à partir
d[e] Hambourg, dès que la navigation serait ouverte, et qu'ils avaient enfin
pris d'autres précautions pour faire leur service sans le secours des blés natio-
naux jusqu'à la récolte prochaine.
M. le premier président leur a ensuite demandé quel était leur approvision-
nement actuel.
Ils ont répondu que de 28,445 sacs qu'ils avaient fait arriver depuis le
1er juillet, il leur en restait 4,300 en halle; que leur usage était de ne fournir
que des sacs de 217; qu'ils avaient 3,000 sacs de ce même poids, prêts sur
les planchers de Corbeil; qu'au moyen d'une bluterie établie à l'Enfant-Jésus,
d'une autre qu'ils avaient également montée à Corbeil, ils pouvaient fabriquer
jusqu'en fin de mars 6,000 sacs; que pour d'autant augmenter leur service,
ils avaient tiré d'Angleterre 1,800 sacs maintenant arrivés à Rouen, et qu'ils
avaient 3,000 autres sacs qui s'y rendraient du moment que les vents violents
qui soufflaient depuis quelques jours cesseraient; qu'ils avaient encore un traité
de 800 sacs à Amiens, lequel se renouvelait à mesure que l'engagement était
fini; qu'en même temps qu'ils obtenaient des propriétaires des établissements
qui entouraient la susdite ville, ils leur rendaient service, parce que, habitués
à vendre leurs farines pour l'Espagne, ils avaient souvent laissé leurs moulins
DE L'APPROVISIONNEMENT 313
en chômage lorsque l'exportation était, comme elle l'est présentement, déten-
due, et qu'au moyen de ces traités ils donnent à leurs moulins toute l'acti-
vité dont ils sont sasceptihlcs; qu'ils avaient encore dans la Flandre 4,000
sacs de farine moulue en grosse, lesquels, réunis aux approvisionnements qui
étaient déjà en leur pouvoir, leur donnaient les moyens d'alimenter leurs
moulins pendant deux mois : en sorte que les achats qu'ils faisaient présente-
ment avec prudence deviendraient une précaution inutile, s'ils n'étaient pas
contrariés dans la traversée des blés qu'ils attendent de l'étranger.
Ensuite un de Messieurs a prié M. le premier président de vouloir bien leur
demander ce qui pouvait occasionner la cherté actuelle de la farine et du pain,
et si on devait craindre qu'elle eût encore des suites, et M. le premier prési-
dent leur ayant dit de s'expliquer sur la question:
Ils ont répondu qu'ils croyaient que la facilité avec laquelle les boulangers
augmentaient le prix du pain pouvait contribuer à ce fâcheux événement; que
l'exemple du moment en était la preuve, puisque depuis plusieurs semaines le
pain [étant] contenu à 11 sols, les prix de la farine l'avaient été également
depuis 65 jusqu'à 09 livres ; mais que sur l'annonce que les boulangers avaient
faite dans le public qu'ils étaient autorisés à vendre le pain 1 i sols 0 deniers,
et qu'il serait bientôt à 15 sols, la farine était sur-le-champ montée à 70 livres;
que plusieurs fariniers prétendaient même, les uns 72, les autres Ti- livres ;
Qu'ils suppliaient la Cour de se rappeler l'époque de décembre 1783 à jan-
vier 1784; que l'hiver alors avait été rigoureux et avait duré longtemps; que
les moulins avaient cessé de travailler, et que les chemins avaient été impra-
ticables. Cependant, par la fermeté avec laquelle on avait contenu le prix du
pain, il n'avait pas passé 11 sols, et la farine n'avait pas été au delà de
55 livres; que les froids avaient cessé, que les choses avaient [sic) rentré dans
l'ordre ordinaire; que d'après le prix actuel des blés, la farine vendue 70 livres
laissait un bénéfice honnête au fabricant, puisque, en partant de 36 livres, le
plus haut prix du blé, la farine ne revenait qu'à 65 livres; qu'ils ont observé
que vers' le mois d'août la farine ayant monté de 48 à 50 livres, ils avaient
vendu environ 3,000 sacs de 43 à 47 livres, afin d'empêcher une hausse plus
forte; mais que le renchérissement ayant continué, ils avaient obéi à la pro-
gression; que cependant [comme elle était] devenue telle que le prix était
monté à 56 et 58 livres, en novembre ils avaient renouvelé leur sacrifice en
donnant 4,000 sacs de farine de 52 à 55 livres; que, plus attentifs à ce qui se
passait, ils avaient reconnu qu'ils ne remplissaient pas leur vœu, puisque le
bon marché qu'ils faisaient ne tournait point au bien public, mais que les bou-
langers, qui achetaient des farines, les ajoutaient à l'approvisionnement qu'ils
avaient déjà, les uns pour les revendre sur le carreau de la halle sans les
déplacer, avec profit, les autres pour en traiter avec leurs confrères, également
avec bénéfice; que, craignant qu'en continuant ainsi on ne parvînt à épuiser
leur approvisionnement, ils avaient cru préférable de suivre le cours du com-
merce toujours à un écu ou quarante sols près, et conserver quantité suffisante
pour maintenir à la halle celle convenable pour assurer la tranquillité.
Et ils ont au surplus soumis plusieurs réflexions à la Cour pour lui prouver
qu'ils employaient toute leur industrie pour venir au secours des malheureux
boulangers.
Et se sont lesdits Lelcu retirés.
Eux retirés... lesieur Doumer[c]... mandé... adit que les meuniers ayant vidé
311 LA GRANDE POLICE
tous leurs greniers dans le temps des glaces, sans rien acheter, ont paru en
foule dans les marchés, et ont occasionné l'augmentation qu'on éprouve.
M. le premier président lui ayant demandé s'il avait connaissance des
mesures prises par l'administration : — 11 a répondu que dès le mois de
novembre dernier, M. le directeur général des finances manda le directoire des
subsistances militaires pour conférer avec les membres qui le composent sur
l'état des récoltes, et qu'après avoir reconnu que les renseignements fournis à
l'administration étaient d'accord avec ceux du directoire, le ministre des finan-
ces leur écrivit pour les charger d'acheter des grains, des farines et des riz en
Hollande, en Angleterre et en Irlande, dont la majeure partie est destinée pour
l'approvisionnement de Paris; qu'à peine les ordres furent-ils donnés à l'étran-
ger que les glaces survinrent en Hollande, ce que l'exploitation ' des grains et
des farines fut fermée à Londres; que le froid s'étant également fait sentir à
Paris, on imagina de faire faire quelques achats de farine dans des lieux éloi-
gnés de la Capitale ; qu'il en arriva par terre du Havre, de Rouen, de Vernon,
d'Êtampes et quelques autres endroits; que comme ces transports se faisaient
dans le temps des glaces les frais de transport furent considérables; qu'on fit
en même temps rompre les glaces auprès des moulins, qu'on donna des grains
à moudre aux meuniers qui n'en avaient pas, qu'on facilita par des primes le
transport des grains de ceux des meuniers qui en avaient au loin; qu'on leur
facilita également par des primes le transport des farines à la halle, en un mot
qu'on acheta des farines de ceux qui ne voulaient les apporter à aucun prix,
et que, pour rendre les communications plus faciles, les montagnes furent
sablées ;
Que, comme les farines achetées par l'administration ne devaient servir
qu'au besoin, on les entreposa aux Invalides et à l'École militaire d'où, depuis
quelques jours, on commence à les envoyer à la halle; que les ports de l'An-
gleterre étant redevenus libres, les opérations s'y font; qu'il y a déjà des
navires arrivés dans la Seine, et que les opérations se succéderont longtemps
et sans interruption.
Ensuite M. le président lui a demandé comment devait se régler le prix du
pain.
Il a répondu qu'il croyait qu'il devait être proportionné à celui de la farine,
et que si par exemple le sac de farine vaut 70 livres, il faut y ajouter les frais
de manutention et le bénéfice naturel du boulanger qui sont estimés entre 7
et 8 livres ; que ces deux prix composés, divisés par le produit d'un sac de
farine qui cette année rend de 105 à 107 pains de quatre livres, donnent le
prix du pain.
Après quoi un de Messieurs a prié M. le premier président de vouloir bien
lui demander si l'on pouvait espérer quelque diminution sur le prix des grains,
et M. le premier président lui ayant fait cette demande, il a répondu que l'état
du produit des récoltes lui faisait craindre que le prix des grains ne se soutînt,
car... tous ses renseignements le portaient à croire que le produit des récoltes
avait été d'un tiers moindre que les années ordinaires, et il craignait que les
blés vieux qui restaient des anciennes récoltes ne pussent remplacer ce vide.
Ensuite M. le premier président lui a demandé si l'on pouvait tenir le prix
1. Lire : exportation.
DE L'APPROVISIONNEMENT 315
du pain au taux où il était. Il a répondu qu'il croyait que le prix du pain
devait toujours être réglé sur celui de la farine.
Après quoi un de Messieurs ayant prié M. le premier président de lui de-
mander quels renseignements il avait sur les blés sortis par le port de Dun-
kerque, et M. le premier président lui ayant dit de répondre à cette question,
il a répondu que sa place dans le département des vivres de la marine ne le
mettait à portée de connaître que ce qui avait rapport à ce département, qu'il
n'avait aucun rapport avec les douanes, et que c'était par elles seules qu'on
pouvait connaître ce qui sort.
Ensuite, M. le premier président lui a demandé s'il savait ce qu'étaient deve-
venus les blés sortis par l'Alsace. — Il a répondu que sa place dans le dépar-
tement de la guerre ne le mettait pas à portée de savoir, mieux en Alsace
qu'ailleurs, ce qui sort par les douanes. Après quoi M. le premier président lui a
demandé ce qu'étaient devenus les blés qu'avait le département des vivres de
la guerre. — Il a répondu que tous ces blés étaient destinés à la subsistance
des troupes, et qu'il ne s'en vendait pas un seul grain au public; que la géné-
ralité d'Auch ayant eu des besoins, le ministre des finances en avait demandé
10,000 quintaux; que le ministre de la guerre y avait consenti; que le secours
s'accorde, et les blés se remplacent par des achats que l'on fait à Marseille, et
qui seront portés à Toulouse, lieu où l'on livre ceux pour Auch.
M. le premier président lui ayant demandé le nombre des sacs de farine
qui sont à l'Ecole militaire, ii a répondu qu'il y en avait environ 10,000
sacs.
Après quoi M. le premier président lui a demandé quelle était la qualité de
ces farines. Il a répondu qu'il les croyait toutes bonnes.
Ensuite, M. le premier président lui a demandé le rapport du prix du blé
avec celui des farines. — Il a répondu que deux sacs de blé sont estimés ne
produire qu'un sac de farine, mais qu'il faut observer qu'il y a des farines
bises et des issues qui doivent être portées en déduction ; qu'ainsi, en suppo-
sant le sac de blé à 35 livres, on doit porter le sac de farine de G6 à 67 livres.
Enfin, M. le premier président lui a demandé quelle connaissance il avait des
mesures prises par l'Administration.
Il a répondu qu'il avait eu l'honneur de dire qu'il tenait également au dépar-
tement de la guerre et à celui de la marine, qu'il avait été appelé avec les
membres du département de la guerre, et qu'en conservant à tous les membres
la suite générale des opérations, on lui en avait confié les détails, et qu'il avait
l'honneur de les traiter directement avec les ministres; que feu M. le pre-
mier président1 et M. le procureur général en avaient connaissance; que
M. le procureur général avait eu la bonté de lui communiquer des détails sur
les renseignements qu'il se procure par rapport aux ressources du ressort, qui
lui ont infiniment servi, et dont il croit qu'on tirera le plus grand parti pour
savoir à quoi s'en tenir sur le produit positif de la dernière récolte.
Qu'au reste, depuis que le dégel a eu lieu, tous les achats qui se faisaient
dans l'intérieur ont cessé; qu'on n'en avait fait que pour le moment, et pour
parer aux plus grands besoins; que l'Administration sait que c'est uniquement
en important des grains et des farines de l'étranger que les provinces peuvent
être efficacement secourues.
1, Lefèvro <]'< Irmessou,
316 LA GRANDE POLICE
Doumerc retiré, fut entendue la déposition des syndics et adjoints
des maîtres boulangers, Joseph Bernard, J.-B. Thomas, Ant. -Etienne
Plicque et Vincent Saulgeot. D'après eux, si le pain a renchéri, c'est
parce que, depuis le 28 janvier, le sac de farine a augmenté de 2 livres ;
cette augmentation est le fait des exigences du facteur du sieur Leleu.
Au prix actuel de 79 livres, ils ne peuvent livrer le pain à moins de
15 sous; à 14 sous, ils n'ont aucun bénéfice. Ils ont vu le lieiftenant
de police le 1er février, et ils ont demandé que le prix de la farine
baissât; comme au contraire ce prix a été soutenu, ce magistrat a
été forcé de consentir à l'augmentation du prix du pain, portée à
11 sous G deniers, et devenue insuffisante.
Ils sont du l'esté persuadés que « tant que le pain augmentera, on
augmentera toujours le prix de la farine ». Us ne connaissent pas le
dépôt de farine de l'Ecole militaire, et n'ont pas appris qu'il y en
ait en vente. La consommation de Paris est évaluée par eux à
1,600 sacs de farine par jour : y compris les achats dont ils atten-
dent livraison, les boulangers peuvent, « les uns dans les autres, four-
ner pendant un mois ». Mais les frères Leleu sont les maîtres du
cours; aussitôt que leurs farines augmentent, celles des autres fari-
niers augmentent aussi dans la même proportion. D'ailleurs, si les
frères Leleu livrent le sac à 2 livres de moins, c'est parce que la qua-
lité de leur farine est inférieure. Plusieurs personnes, et notamment
une dame veuve Bonvallot, et le sieur Halle, meunier à Essonne,
témoignent que, depuis le mois de septembre, beaucoup de gens
inconnus prenaient le blé des environs de Paris au premier prix pro-
posé, et faisaient fermer et cacheter les sacs.
Rappelés, les sieurs Leleu s'obstinent à soutenir « que, dans les cir-
constances actuelles, c'est toujours à l'augmentation du pain qu'il
faut attribuer celle de la farine, et que cette première provient de la
facilité avec laquelle les boulangers ont pu se croire autorisés à annon-
cer au public h1 renchérissement du pain ». Même dans ce moment,
affirment-ils, le prix de la farine est de beaucoup supérieur, relative-
ment, à celui du blé. Le blé valant 36 livres le setier de 250 livres,
le sac de farine pesant 235 ne revenait aux fabricants qu'à 63 li-
vres.
Le Parlement se contenta d'interdire aux boulangers de vendre le
pain au-dessus de la taxe.
En vertu de cet arrêté du 7 lévrier, le lieuienanl général de police
rendit aussitôt diverses sentences, pour condamner à l'amende les
boulangers qui vendaient plus de 14 sols 6 deniers les quatre livres
de pain. D'autres furent poursuivis pour pesées frauduleuses.
DE L'APPROVISIONNEMENT '317
D'après le procès-verbal du Parlement du 11 lévrier, l'abondance
revint à la halle.
La plus grande partie des farines qui s'y trouvaient provenaient de celles
des sieurs Leleu elDoumerjc], mais il yen avait aussi appartenant au commerce.
Le même jour, le Parlement interrogea un meunier d'Essonne, le
sieur Halle, et une marchande de grains, la veuve Bonvallot. Les
« accaparements » lurent confirmés, en ce qui concernait la compa-
gnie Leleu de Corbeil. Voici un fragment de la déposition de la veuve
Bonvallot :
D. — Qui est-ce qui délivrait les lettres de marchands?
/î. — Le bureau de ville, à la charge de fournir le port au blé.
D. — Quels droits donnent ces lettres?
fi. — D'acheter dans les granges et greniers et dans les marchés, le tout au
delà de 10 lieues des environs de Paris l.
Quant au sieur Halle, il se déclare pour la liberté du commerce des
grains et farines, mais à l'exclusion des grandes compagnies, et des
monopoles de l'ail.
Ce ne fut point l'avis du Parlement, dont voici le dernier acte en
cette matière.
SÉANCE DU PARLEMENT
DU SAMEDI \ AVRIL 1789, MATIN, TOUTES CHAMBRES ASSEMBLÉES
LES l'A 1RS V SÉANT 2
M. le premier président a dit que MM. les commissaires nommés le 13 dé-
cembre dernier, concernant les grains, avaient fini leur travail, et qu'ils étaient
en étal d'en rendre compte. La matière mise en délibération, et les voix prises...,
il a été arrêté que M. le premier président se retirera par-devers le Roi, à l'ef-
fet de lui remettre les différents renseignements survenus à M. le procureur
général par ses substituts; et, en outre, supplier le Roi d'examiner dans sa
sagesse si, dans les circonstances actuelles, il ne serait pas utile d'apporter
quelques modifications à la loi de 1787 sur la liberté indéfinie du commerce
des grains K
1. Voir L. Biollay, le Pacte de famine, p. 46, et chap. IX; J. Necker, Essai sut
la législation el le commerce des grains (t. I des Œuvres complètes, éd. Staël) et
De l'administration de M. Necker. par lui-même (t. VI).
2. Arch. nat., N 1b 8990.
3. Voir plus haut, p. -212.
318 LA GRANDE POLICE
APPENDICE
EXTRAITS DE HARDY
I. — Bienfaisance et Charité universelles.
Nonobstant la certitude du dégel, la charité bienfaisante et ingénieuse des
Parisiens continuait de se manifester envers les pauvres et les malheureux ou-
vriers d'une manière aussi efficace qu'elle était édifiante. Les directeurs et les
intéressés à la Caisse d'escompte venaient de donner une somme de 50,000 livres
qui avait été répartie avec une juste proportion sur les différentes paroisses de
la ville et des faubourgs. Il venait d'être donné au Théàtre-Franeaisune repré-
sentation de la comédie de l'Optimisme, du sieur Colin, dont la recette au profit
des pauvres avait été de 7,000 livres. L'Opéra et tous les autres spectacles
allaient suivre le même exemple. Les dons au curé de la paroisse Sainte-Mar-
guerite, l'une des plus chargées de misérables et de gens sans ouvrage, se
multipliaient journellement pour l'entretien d'un certain nombre de marmites
destinées à leur procurer une nourriture solide, etc., etc. Et l'on devait à la
multitude d'actes d'humanité la tranquillité dont on avait joui pendant la plus
grande rigueur du froid, et dont on jouissait encore nonobstant l'inaction forcée
de plus de quatre-vingt mille bras. On ne pouvait trop bénir Dieu des senti-
ments de générosité et de commisération qu'il avait inspirés aux citoyens de
tous les états comme de toutes les religions dans la capitale, en faveur de leurs
frères souffrants1.
U. — Fureur du peuple.
Ce jour (25 novembre 1788) on me fait payer chez le nommé Édéc, boulan-
ger, rue Gallande, vis-à-vis la rue des Rats, le pain de quatre livres 12 sols
et demi, au lieu de 12 sols que je la payais depuis près d'un mois, avec annonce
d'une augmentation plus considérable encore et protestation de sa part qu'il ne
pouvait rien gagner à ce prix vu le taux actuel du blé et de la farine, assurant
en outre que plus de quarante de ses confrères, ne se sentant pas les reins assez
forts pour supporter le surhaussement des grains, venaient de fermer boutique
et ne pouvaient manquer d'être imités en cela par un plus grand nombre, si
les choses continuaient de demeurer sur le même pied ; et ma domestique
entend chez le même boulanger une femme du peuple s'échapper, dans la
fureur qui l'animait à l'occasion de cette nouvelle augmentation, au point de
1. Hardy, t. VIII, p. 204 (17 janvier 1789). — Cp. le Journal de Paris, passim,
de novembre 1788 à février 1789.
DE L'APPROVISIONNEMENT 319
dire hautement qu'il était indigne de faire mourir ainsi de faim le pauvre
peuple, et qu'on devrait aller mettre le feu aux quatre coins du château de
Versailles, propos sur lequel on essaye vainement de lui faire des représenta-
tions I.
III. — Opinion des bourgeois sur l'accaparement.
Mon boulanger me fait payer le pain de quatre livres 14 sols et demi au lieu
de 14 sols : on l'avait mis dès la veille au même taux dans les marchés, et il
semblait que les ennemis de l'humanité comme du repos public profilassent
de l'adoucissement dans la température pour reprendre le système abominable
de l'augmentation graduelle de cette denrée de première nécessité, que
l'extrême rigueur de la saison les avait forcés de suspendre bien malgré eux :
car ils n'avaient d'autre but que de continuer, par une telle conduite, en
gagnant beaucoup d'argent, d'indisposer le peuple contre la magistrature
qu'ils voulaient perdre et qu'ils savaient mettre dans l'impossibilité absolue de
militer contre leur cupide et odieuse entreprise2...
On entendait dire à quelques personnes que les princes avaient accaparé les
grains tout exprès pour mieux réussir à culbuter le sieur Necker, qu'ils avaient
un si grand intérêt de renverser : tandis que d'autres voulaient absolument au
contraire que le Directeur général des finances fût lui-même le chef et le pre-
mier de tous les accapareurs, du consentement du roi, et qu'il ne favorisât et
ne soutînt de tous ses efforts une telle entreprise que pour procurer de l'argent
à Sa Majesté plus promptement et en plus grande quantité, afin d'assurer ainsi
le payement des rentes de l'Hôtel de Ville de Paris *.
1. Hardy, t. VIII, p. 154-155.
2. Hardy, t. VIII, p. 221 (1" février 1789). — Le 4 février, le pain monte à
15 sols, d'après Hardy. Cependant le tarif de la police portait toujours 14 sols et
demi. Le 7 janvier, 27 boulangers avaient été condamnés par sentence de pofice
pour avoir vendu au prix de 15 sols.
3. Hardy, t. VIII, p. 233 (13 février 1789).
XI
LE GHATELET DE PARIS
Le Grand Châtelet1, château fort des comtes de Paris, sur la rive
droite, et siège de leur juridiction ordinaire, premier tribunal du
royaume de France jusqu'au règne de saint Louis, qui, par l'établisse-
ment des appels judiciaires, le subordonna au Parlement, a conservé
pendant tout l'ancien régime des restes de son ancienne prérogative,
et tout l'orgueil de sa liante antiquité2.
Le scel du Châtelet attirait les affaires de toute l'étendue du
royaume dans celte juridiction. Les notaires, huissiers, sergents du
Châtelet, exerçaient leurs fonctions dans tous les pays soumis à
l'obéissance du roi avec le même pouvoir et la même liberté qu'à
Paris. Les bourgeois de Paris, d'après l'article 112 de la Coutume,
ne pouvaient être contraints de plaider ailleurs en défendant. Cer-
tains corps ayant le privilège de garde-gardienne, l'Université avec
ses divers droits de scolarité, étaient sous la protection du Cbàtelet.
Les six corps des marchands et la plupart des communautés d'arts
et métiers dépendaient de lui pour la légalisation de leurs statuts,
pour leurs comptes financiers, pour les procès où l'organisation cor-
porative était enjeu : et, bien que l'appel au Parlement fût réservé,
celui-ci ne faisait le plus souvent que donner la forme d'un arrêt à la
sentence qui lui était déférée.
Le droit primitif du Châtelet était exorbitant; mais il faut avouer
qu'aux siècles de l'anarchie féodale, cette juridiction n'était souvent
que théorique, de même que le pouvoir royal dont elle émanait. A
1. Trois autrcs'justices royales, pourvues d'uii ressort et d'attributions éten-
dues, portaient ce nom tout féodal de Châtelet : ù Melun, Orléans et Montpel-
lier.
2. Voyez, dans le Traité fie ht police, de Delaïuare, et dans V Encyclopédie mé-
thodique (Jurisprudence, l. 11, p. 564), les traditions relatives au Châtelet de
Jules César, de Julien, d'Aurélien, ainsi qu'au prœfectus urbi.
LE CHATELET DE PARIS 321
Paris même, les seigneurs laïques et surtout ecclésiastiques des
bourgs et des terres successivement annexés à la capitale ne se dé-
partissaient point aisément de la hautejustice. L'appel au Parlement
ne présentait-il point à leur encontre des garanties suffisantes? La
royauté ne le pensa point. François Ier eut le dessein (non couronné
de succès) de réunir toutes les juridictions seigneuriales de la prévôté
et vicomte de Paris, comme autant de démembrements commis aux
dépens de sa propre justice (1G février 1539). Trente ans après, sous
Charles IX, le Ghâtelet obtint le droit de prévention sur les autres jus-
tices qui, surtout en matière de crimes ou de délits, se laissaient en
effet très souvent prévenir. Enfin les édits de décembre L666 et de fé-
vrier 1674 incorporèrent au Châtelet dix-neuf justices seigneuriales;
mais plusieurs furent rétablies sous le règne même de Louis XIV : ce
lurent celles de l'archevêché1, du chapitre de Notre-Dame, de l'abbaye
de Sainl-Germain-des-Prés, du Temple et de Saint-Jean-de-Latran.
L'Eglise, au profit de qui eurent lieu ces restaurations (d'avril 1671 à
février 1693), dépendait assez étroitement du roi pour qu'il n'eût rien
à en redouter. D'ailleurs, les justices réfractaires à l'unité du ressort
parisien furent strictement renfermées dans les limites de leurs ter-
ritoires respectifs, enclos, cours et cloîtres. Il en fut de même du
bailliage du palais, du bureau de la ville, des capitaineries de chasse
du Louvre et des Tuileries, des deux justices abbatiales de Saint-
Martin-des-Ghamps et de Sainte-Geneviève, de l'enclos des Quinze-
Vingts, et enfin de l'Arsenal, ce dernier supprimé sous Louis XVI.
— Il n'est question ici que de Paris intra-muros. Aux portes mêmes
de la ville, on trouvait bien des juridictions non incorporées, comme
la capitainerie de Vineennes, justice seigneuriale du roi pour les dé-
lits de chasse, l'abbaye de Montmartre, etc.
Si le souverain n'avait pas voulu lui-même rester seigneur, les incor-
porations eussent sans doute été plus rapides et plus faciles. Mais la
monarchie absolue est d'essence féodale; le roi, qui multiplie au pro-
fit de son pouvoir personnel les tribunaux d'exception, sent qu'il manque
d'autorité pour effacer des exceptions plus gênantes pour ses sujets
1. « En 1222, Philippe-Auguste assigna à l'archevêché de Paris des rentes sur
la prévôté de Paris, en dédommagement de ce que les Halles, le Petit Châtelet
et la plus grande partie du Louvre avaient été bâtis dans la- seigneurie de
l'évêque; ce prince, hv même année, ordonna que l'on délivrât, de trois semaines
Tune, du blé aux officiers de l'évêque; c'est ce qu'on appela la tierce semaine.
En 1664, M. Hardouin de Péréfixe l'échangea avec Louis XIV pour une rente «h-
8,000 livres; dix ans après, ce monarque créa en laveur de M. François de.
Ilarlay la Duché-pairie de Saint-Cloud. » Desnos, Allas ehoivgmphique, édit. de
1763 : élection de Paris, p. II.
21
322 LE CHATELET DE PARIS
que pour lui. Autre considération : au XVIIIe siècle, le Ghâtelct se
pénètre de plus en plus de l'esprit parlementaire. Dans toutes les occa-
sions politiques, il suit le mot d'ordre du Palais. Dès lors, réunir au
Chàtelet de nouvelles justices, ce serait fortifier un tribunal déjà fort
enclin à l'opposition. La royauté s'arrête d'elle-même dans son
œuvre d'unification judiciaire, que la Révolution seule devait reprendre
et achever. Le ressort du Chàtelet garde donc, intra-muros, bien des
enclaves. Extra-muros, il est diminué par l'érection du bailliage de
Versailles, et de diverses pairies.
Mais ses attributions juridictionnelles (sauf toujours l'appel au Par-
lement) embrassent les causes civiles, commerciales, criminelles, cor-
rectionnelles ou de simple police. Ses sentences sont toujours formu-
lées au nom du Prévôt de Paris. Mais depuis l'édit de mars 1498,
commun à toutes les juridictions royales du premier degré, le Prévôt
n'a plus qu'un titre honorifique, et le droit de convoquer le ban et
l'arrière-ban de la noblesse '. La justice est rendue parles lieutenants
du Prévôt, lesquels doivent être gradués. Le lieutenant civil prononce
au civil; le lieutenant criminel et le lieutenant criminel de robe courte
jugent concurremment au criminel; les lieutenants particuliers re-
çoivent les appels des sentences des juges inférieurs ressortissant au
Chàtelet2. Quant à la police, elle fut longtemps disputée entre le cri-
minel et le civil. Le Parlement arrêta, le 12 mars 1G30, que le lieute-
nant civil tiendrait la police deux fois la semaine; et, en cas de
légitime empêchement, qu'il serait suppléé par le lieutenant crimi-
nel ou par un des lieutenants particuliers. L'édit de mars 1667, qui
créa l'office de lieutenant général de police, ne fut autre chose, au
fond, que l'application à la capitale de l'institution des intendants de
justice, police et finances. La constitution ancienne du Chàtelet fut
profondément altérée par cet élément nouveau, tout arbitraire et
tout administratif, qu'il ne put jamais s'assimiler. En effet, le lieute-
nant général de police, le dernier venu des lieutenants du Prévôt, ne
1. L'établissement ilu gouverneur de Paris par François I" fil perdre au pré-
vôt de Paris le commandement militaire. Le gouverneur lui-même, au XVIIIe
siècle, n'est plus qu'un personnage de parade : le roi nomme des commandants
pour Paris.
2. C'étaient les bailliages, prévôtés ou châtellenies ordinaires de Monllliéry,
Montlignon, Saint-Germain-en-Laye, Corbeil, Gournay, Torcy, Bric-Goiute-Ho-
bert, l'nissy, Triel, Levis, Ghaillot et le faubourg de la Conférence : Versailles,
démembrement de la prévôté-vicomte, était grand bailliage ël ressortissait nue-
nienl à la dur du Parlement; L'article de l'Encyclopédie méthodique (1783) omel
Montlignon, Gournay, Torcy, Triel, Poissy, Levis, et indique Gonesse, La Ferté-
Alais et Tournan. Je suis VAlmanach royal, de 1781 à 1789 inclusivement.
LE CHATELET DE PARIS 323
rendit pas seulement des sentences sur les personnes, il rendit aussi
des ordonnances sur les rapports des choses et des personnes; il fut,
sous le couvert du roi et du ministre de Paris, un législateur au petit
pied; les attributions spéciales, les commissions de circonstance qu'il
reçut, tirent disparaître presque entièrement le caractère de magis-
trat dont il était plutôt affublé que revêtu. Gomme osa le dire le duc
de Nivernais à Lenoir en pleine Assemblée des Notables, il fut « le
premier esclave du royaume ».
En 1789, le prévôt de la ville, prévôté et vicomte de Paris, était,
depuis 1776, Anne-Gabriel-Henri Bernard, chevalier, marquis de Bou-
lainvilliers, conseiller du roi. — Le lieutenant civil était, depuis 1774,
Denis-François Angran d'Alleray, conseiller du roi, ancien procureur
général du Grand Conseil. — Le lieutenant criminel était, depuis
1774, Charles-Simon Bachois de Villefort. — Le lieutenant général
de police était Louis Thiroux de Crosne, depuis 1785 '.
Les deux lieutenants particuliers en loue lions (car il y en avait deux
honoraires) se nommaient : l'un, Un Pont (Llienne-Glaude), l'autre
Bellanger (Angélique-Charles); le premier était en fonctions depuis
1701 et jouissait d'une grande autorité sur ses collègues; l'autre,
installé en 1785, était l'agent dévoué du lieutenant général de
police.
Les cinquante-neuf conseillers au Ghàtelet (sans compter dix conseil-
lers honoraires) étaient répartis en quatre colonnes, dont chacune
remplissait, de trois mois en trois mois, les quatre services nommés :
parj civil, audience du présidial2, chambre du conseil, chambre cri-
minelle ?. Cinq charges de conseillers, sur les soixante-quatre de l'édit
de 1774, étaient tombées, en 1789, aux parties casuelles.
Le ministère public était exercé par le procureur du roi au Chàtelet,
substitut du procureur général au Parlement. Lui-même avait huit
1. Je nio conforme à l'ordre logique et chronologique. .Mais, au poiul de vue
des préséances, le lieutenant général de police vient entre le lieutenant civil et
le lieutenant criminel.
2. Le présidial de Paris, créé en même temps que les aulres, en janvier 1551
et formé de vingt-quatre conseillers, fut aussitôt uni au Chàtelet par Henri II.
En 1674, même création et même incorporation; mais l'ancien Chàtelet eut la
rive droite, le nouveau eut les îles et la rive gauche jusqu'en septembre 1684, où
l'unité fut entièrement rétablie.
3. Les colonnes étaient très mobiles, car le doyen était le premier sur la pre-
mière colonne, le sous-dpyen h' premier sur la seconde, et ainsi de suite. Comme
l'ordre des réceptions était rigoureusement suivi, chaque décès ou vente de charge
faisait avancer d'un rang, et changer de colonne, les conseillers antérieurement
reçus.
324 LE CHATELET DE PARIS
substituts et un secrétaire. L'office d'avocat du roi avait quatre titu-
laires '.
Au Châtelet se rattachaient les offices de notaires, de procureurs,
d'huissiers audienciers, d'huissiers certificateurs des criées, de gref-
fiers, etc.
La police proprement dite, Lien distincte de la police judiciaire, et
que l'on nommait, au XVIIIe siècle, police d'inspection, ou exercice
général de la police, n'était reliée au tribunal du Châtelet que par
l'intermédiaire du lieutenant général de police, à la fois magistrat et
chef de service administratif. Mlle comprenait vingt inspecteurs, un
par quartier, quarante-huit commissaires, des exempts, des observa-
teurs : sans compter les basses-moue lies et les dénonciateurs secrète-
ment employés et payés selon leurs œuvres.
La vérité historique et la clarté exigent de ne pas admettre la con-
fusion voulue et créée par l'absolutisme entre le Châtelet proprement
dit et la Police : d'autant plus que le Châtelet, en tant que tribunal,
n'a de comptes à rendre qu'au Parlement, qui confirme ou réforme
ses sentences, tandis que le lieutenant général de police de Paris est
placé, dans la hiérarchie administrative, à côté de l'intendant de la
généralité, sous la dépendance du Conseil, et (d'une façon nominale
la plupart du temps) sous la direction du ministre de Paris.
CHAMBRES DU CHATELET
1. — Chambre de^Prévôté au parc civil, ou Parc civil
du Châtelet.
Le parc civil est formé d'une des quatre colonnes de conseillers; il
est présidé par le lieutenant civil. Il siège tous les jours de semaine,
sauf le lundi et les jours de vacances ordinaires. On y publie les ordon-
nances, édits, déclarations et règlements. On y lit les actes destinés à
être connus du public, comme les substitutions; on y fait les certifica-
tions des criées; on y requiert ou accepte les gardes nobles et les
gardes bourgeoises. On y plaide les causes bénéficiales et ecclésias-
tiques de compétence laïque, celles où il s'agit de l'état des personnes,
des qualités d'héritiers, des séparations entre époux, des lettres de
répit, des cessions de biens, de l'interdiction des personnes, des ser-
1. Gomme la prévôté de Paris, en cas de vacance, était mise sous la garde du
Procureur général du roi au Parlement, celui-ci est employé sur les états du
payeur des gages du Châtelet.
LE CHATELET DE PARIS 32S
vitudes, des inventaires, des scellés. On y porte aussi les questions
de poursuites, de décrets, de ventes par licitations, de testaments, de
partages successoraux, de tutelles, de communautés; enfin, certaines
contestations de préséances ou attributions d'offices, spécialement
confiées au Chàtelet. Les audiences étaient très chargées. L'appel des
causes se faisait sur placets présentés au lieutenant civil. — A l'issue
de chaque audience du parc civil, était tenue, soit par un des lieute-
nants particuliers, soit par un conseiller, l'audience ordinaire, où
étaient jugées les questions de procédure civile et d'instruction, les
remises ou communications de pièces, etc. ,
IL — Chambre du Présidial du Chàtelet.
La chambre du présidial est formée d'une des quatre colonnes, et
présidée par un des lieutenants particuliers '. Elle siégeait les jeudis,
pour les appellations verbales, à tour de rôle; les mardis, vendredis
et samedis, pour les appellations sur placets présentés au lieutenant
particulier2. En matière personnelle, réelle ou mixte, la plupart des
appellations dont les demandes principales ou incidentes dépassaient
1,200 livres avaient été attribuées au parc civil lui-même.
111. — Chambre du Conseil.
La chambre du Conseil était formée d'une des quatre colonnes, et
présidée, de mois en mois, par l'un des deux lieutenants particuliers.
On y portait les affaires mises en délibéré tant au parc civil qu'au
présidial, les appointements à mettre, et les appointements en droit
prononcés dans ces deux chambres, les jugements de compétence au
criminel. C'est aussi à la chambre du Conseil qu'étaient reçus, après
examen et explication de la loi, les conseillers, les avocats, les no-
taires, les procureurs et les commissaires.
IV. — Chambre criminelle.
La chambre criminelle était formée d'une des quatre colonnes, et
présidée, toute l'année, par le lieutenant criminel. Elle jugeait, à
1. Alternativement, de mois en mois; ù leur défaut, par le plus ancien conseil-
ler de la colonne.
2. Le rôle prescrit par l'art, 'i de l'édît de janvier 1685, — pour les appellations
où la somme en litige ne dépassait pas 1,200 livres, et qui devaient être placées
le mardi, — ce rôle ne s'exécutait pas.
326 LE CHATELET DE PARIS
huis clos, les affaires de grand criminel, qui devaient être décidées à
l'extraordinaire. L'appel au Parlement était de droit, sauf les cas pré-
yôtaux. (Exemple : affaire Réveillon, 28 avril 1789,)
V. — Autres Chambres du Châtelet,
Au civil, le lieutenant civil, cl, à son défaut, un des lieutenants par-
ticuliers, tenait seul, sans l'assistance d'aucun conseiller, l'audience do
la chambre civile, les mercredis et samedis, et les jours de séance
après midi. Il jugeait les matières sommaires ou provisoires n'excé-
dant pas 1,000 livres, le payement des loyers sur location verbale, la
validité des congés des lieux loués sans bail, etc., les causes des forains,
qui se vidaient les premières, et sans placet préalable. — Deux fois par
semaine, un des lieutenants particuliers louait I'audience des criées
(adjudications par décrets, baux judiciaires, adjudications des biens
des mineurs, adjudications par licitation), mais ù l'exclusion de tout
litige incident. — Le Juge-auditeur du Châtelet jugeait on première
instance les causes personnelles dont la valeur n'excédait pas 50 livres,
et dont" te présidial recevait les appellations. — Le procureur du roi
recevait, à l'audience do la chambre qui portait son nom, les maîtres
gagnant la maîtrise à l'hôpital de la Trinité, et y décidait les cas rela-
tifs à ces réceptions; il donnait aussi ses avis sur les demandes et con-
testations qui étaient de nature à être portées A la police.
Au petit criminel (injures, etc.), le lieutenant criminel tenait seul
l'audience.
Le lieutenant criminel de robe courte connaissait concurremment,
et par prévention avec le lieutenant criminel, des cas prévôtaux dans
la ville et faubourgs de Paris (déclaration du o fév. 1771, art. 5). —
Le prévôt de l'Ile connaissait des crimes dont la connaissance était
attribuée aux prévôts des maréchaux de France.
Le lieutenant général de police lient seul l'audience de police les vendredis
de chaque semaine, et même quelquefois les mardis, depuis 3 heures jusqu'à
6 de relevée. On porte à cette audience toutes les causes concernant les droits
des corps et communautés des marchands et artisans de Paris, le péril des bâti-
ments, la police et la propreté des rues, et le payement des nourrices. A l'au-
dience de police étaient déposés les rapports des quarante-huit commissaires
sur les contraventions aux ordonnances et règlements de police. Divers règle-
ments attribuent aussi à M. le lieutenant général de police la connaissance de
quelques crimes particuliers, tels que les enrôlements forcés, la proslilulion, etc.
Quand les procédures sont réglées à l'extraordinaire, elles se jugent en lacham-
bre du Conseil, et alors c'est M. le lieutenant général de police qui préside1.
1. Enc. uii'lli.. Jurispr., II. p. 567,
LE CHATELET DE PARIS 327
La police judicaire embrassait non seulement les contraventions,
mais des crimes et délits de certaine nature : attroupements illicites,
cabales politiques, enlèvements dans les marchés, destruction d'objets
d'utilité publique, maquerellage et prostitution. De plus, le lieutenant
général de police jugeait au civil les causes et procès qui regardaient
les corps des marchands, artisans, et autres gens de métier. Le mi-
nistère des procureurs et avocats était de rigueur en pareil cas, mais
la procédure était limitée par des règlements et des jugement som-
maires, exécutoires par provision. « A Paris, le magistrat qui exerce
la police rend ses jugements seul, c'est-à-dire sans conseil, lorsqu'il
ne s'agit que des matières qui concernent seulement la police ordinaire
et la police contentieuse : au lieu que dans les autres villes ceux qui
remplissent les mêmes fonctions sont obligés, suivant les règlements,
d'être assistés d'un ou de deux conseillers de leur siège. Mais à l'égard
de la police criminelle, dont les cas donnent lieu à des peines capi-
tales, afflictives et infamantes, le magistrat de police ne peut rendre
de jugements définitifs qu'assisté du nombre de juges ou gradués
marqué clans les ordonnances qui ont pour objet la punition des
crimes. » Les 48 commissaires, qui portaient la robe déjuge et étaient
assistés d'biiissiers, étaient les premiers juges en matière de contra-
vention; en matière criminelle, ils faisaient les premières procédures
et les premiers interrogatoires '.
LE PREVOT DE PARIS
Sous Louis XV, un prévôt de Paris, de Bullion d'Esclimont, essaya
de remplir réellement les fonctions dont ses prédécesseurs n'avaient
gardé que l'honneur et les émoluments. Cette tentative n'était pas
sans portée politique, car, si elle eût réussi, elle aurait eu peut-être
comme résultat de remettre à son rang le lieutenant général de police,
de même que les autres lieutenants. Il était bien singulier que la
formule : « Le prévôt de la ville, vicomte et prévôté de Paris, ou son
lieutenant..., » par laquelle les sentences ou ordonnances débu-
taient, ne supposât en aucun cas l'avis personnel, l'opinion exprimée
du prévôt de Paris. Mais la force de l'habitude est si grande que
Bullion d'Esclimont passa tout simplement pour un original. «Une
se contente pas, raconte Barbier, d'être bailli d'épée : il veut aussi se
1. La Police de Paris en 1770, Mémoire de Charles le Maire, commissaire au
Châtelet, publié par A. Gazier {Mém. Soc' de l'Histoire de Paris et de t'Ile-dc-
France, t. V, p. 25, 42, 58).
328 LE CHATELET DE PARIS
mêler de justice. Il étudie depuis deux ans avec des avocats et il s'est
fait recevoir dans cet ordre. Samedi, 30 janvier (1723), il a été reçu
prévôt de Paris au Parlement, et M. le président de Lamoignon, avec
quatre conseillers de grand'chambre , sont venus l'installer au
Chàtelet. » Lors de cette installation, le Chàtelet rendait un arrêt, et
non, comme d'ordinaire, une sentence. Bullion d'Esclimont opina :
« sur quoi M. le lieutenant civil a fait des protestations "... » Les
choses rentrèrent dans l'ordre accoutumé, mais de Bullion d'Escli-
mont accabla le Conseil de mémoires imprimés ou manuscrits. Le
comte de Maurepas (lettre du 12 février 1723) lui avait objecté l'or-
donnance de Blois, laquelle réservait aux seuls lieutenants des baillis
et sénéchaux le droit de présider aux jugements. Mais le savant pré-
vôt invoque ses titres du X° siècle :
« La charge de Prévost de Paris est très ancienne, honorable, ornée de dis-
tinctions particulières, et a toujours été possédée par des gens de condition,
et même par les plus grands seigneurs du Royaume.
« Après la réunion du comté de Paris à la Couronne sous Hugues Capet, et
la suppression des vicomtes, le Prévost de Paris fut institué pour rendre la
justice aux sujets du roi, au lieu du vicomte, le nom de vicomte étant toujours
cependant demeuré joint avec celui de la Prévosté2. Sa première institution
est donc de rendre la justice. Hugues Capet vint à la couronne en 987, et l'on
trouve en l'an J 000 et en l'an 1007 deux Chartres de fondation de Saint-Martin-
des-Champs faites par les rois Henry Ier et Philippes Ie1' qui sont souscrites par
Eslienne, prévost de Paris : Slephanus prœpositus Parisiensis. Voilà une
grande antiquité.
« L'Ordonnance de Blois (conclut-il), qui n'est que pour les Baillifs et
Sénéchaux, ne le regarde point et ne peut le regarder ; il est distingué des
baillis et sénéchaux par une infinité de caractères honorables et différents;
il a toujours eu le droit de présider et d'opiner, qui lui est encore communi-
qué par son installation, lors de laquelle il préside et opine;...» pour faire
valoir ce droit « s'il en est besoin, il a pris des degrés et s'est fait recevoir
avocat 5. »
Les revendications personnelles de Bullion d'Esclimont l'ont ridi-
culisé auprès de ses contemporains. Un homme d'épée, le chef de la
1. Journal de Barbier (Soc. de l'hisl. de France), t. 1, p. 103. Barbier décrit
tout au long la cérémonie de l'installation du prévôt.
2. Le comté de Paris, inféodé en 884 par Charles le Simple à. Hugues le Grand,
réuni à la couronne en 987, inféodé de nouveau par Hugues Capet à son frère
Odon à charge de réversion au défaut d'hoirs mâles, fut réuni définitivement en
1032 : il s'appelait alors vicomte, ri ce nom subsista.
3. Recueil de pièces et mémoires touchant la charge de prevost de Paris (à
Paris, de l'imprimerie d'Antoine-Urbain Consteller, m dcc xxiii). — Petit in-folio
de :ii) jiages, faux-titre el table, signé Bullion d'Esclimont.
LE CHATELET DE PARIS 320
noblesse parisienne, prendre ses degrés et se faire recevoir avocat,
n'était-ce point là déroger? Il n'est pas moins vrai qu'il souleva une
question de droit public fort intéressante, et dont il nous est permis,
mieux qu'à lui-même, de préciser les fermes.
Le droit revendiqué par le prévôt de Paris dérivait-il de la volonté
royale, pouvait-il être supprimé par un acte de cette volonté, par un
édit (même enregistré), ou bien n'était-il pas antérieur à la monarchie,
ne faisait-il point partie intégrante de la constitution de Paris consi-
déré soit comme bonne ville, soit comme capitale du royaume? C'est
naturellement vers la deuxième alternative que Bullion d'Esclimont
incline, sans négliger toutefois, à titre confirmatif, la sanction royale.
Cette doctrine empruntait trop à l'érudition pour paraître suspecte ou
révolutionnaire. Delamare l'avait librement et longuement exprimée :
de même que Home dans le monde romain, « ainsi en France la ville
de Paris est la commune patrie, communis patria » : de là, d'après
l'auteur du Traité de la police, les droits extraordinaires accordés aux
officiers du Chàtelet hors des limites de leur ressort, etc. De là, d'après
Bullion d'Esclimont, la distinction fondamentale à faire entre les bail-
liages ordinaires et le Chàtelet, qui est sans doute le premier bailliage,
mais qui est plus et mieux encore, — et par suite entre les baillis et le
prévôt de Paris.
L'autre doctrine, la plus vraisemblable en somme, rattache la si-
tuation exceptionnelle du Chàtelet à ce fait, que, le comte de Paris
étant devenu roi, le siège propre du comte resta le siège propre du
roi. .
En tout cas, la création du Parlement, la réunion (temporaire, il est
vrai) de la prévôté des marchands à celle de Paris, n'avaient pu qu'ac-
centuer le caractère communal de la juridiction du Chàtelet; son res-
sort extérieur aux murs avait, été réduit; son ressort intérieur aux
murs, successivement complété par la réunion de juridictions encla-
vées. Aussi, après de longues contestations avec la prévôté des mar-
chands, le Chàtelet, regardé en lui-même comme le centre légal de Paris,
et comme son centre administratif par la lieutenance de police qu'il
renfermait, l'emporta auprès des ministres et de Necker en particu-
lier, lorsqu'il s'agit de décider qui, .du prévôt de Paris ou du prévôt
des marchands, convoquerait les habitants de tous ordres appelés à
rédiger les cahiers et à élire les députés de la ville d prévoie de Paris
en \ 781) ' .
I. Voyez les chapitres IV à XI de « Los élections cl les cahiers de Paris en
1789 », |. i, par M. Ch.-L. Chassin ( J 888).
330 LE CHATELET DE PARIS
ANALYSE D'UN MÉMOIRE MANUSCRIT DU XVIII0 SIÈCLE SUR LE PRÉVÔT
DE PARIS ET LE CHATELET '
La ville de Paris fut faite capitale par Clovis.
Eudes, Robert et Hugues le Grand, comme comtes de Paris, y ont
rendu la justice, et ont depuis été rois de France.
Hugues Gapet étant duc des Français avait le premier commande-
ment des armées comme maire du Palais... et, étant comte de Paris, il
avait la principale créance des peuples qui ont le rendez-vous de leurs
affaires en la ville capitale du royaume, au lieu que les ducs et comtes
n'étaient que de simples officiers. Il leur laissa leurs duchés et comtés
en propriété, en sorte (pie, au lieu que le fief était sujet à la charge,
la charge devint sujette au fief, à condition de le reconnaître pour roi,
lui faire foi et hommage, relever de lui et le maintenir.
Il réunit le comté de Paris à la couronne.
Il y a un dais au présidial du Ghâtelet pour faire connaître que les
rois y ont présidé, y ont tenu leurs lits de justice, et fait registrer leurs
édits comme au premier siège et juridiction du royaume, les parlements
ôtanl lors ambulatoires 2.
Le scellé et jugé du Ghâtelet, et les contrats de ses notaires, sont
exécutoires dans toute la France.
Toutes les ordonnances distinguent le prévôt de Paris d'avec les
baillis et sénéchaux, le nomment toujours le premier, ou parlent de
lui particulièrement. Les baillis et sénéchaux représentent les ducs et
comtes des provinces, mais le prévôt de Paris représente le roi « qui
est toujours comte de Paris ». C'est pourquoi, lors de la vacance de
cette charge, c'est le procureur général du Parlement qui l'exerce et
en fait les fonctions au nom du roi.
A l'époque où le chancelier nommait aux charges de baillis et séné-
chaux, le prévôl de Paris était élu en la Chambre des comptes '.
Le prévôt de Paris a séance et rang lorsque le roi va tenir son lit
de justice en Parlement. Il a en main un bâton de commandement
1. Ai*ch. nat., K. "Ï1G, n° I, chap. IV. Ci' mémoire fut composé par ou pour
d'Esclimont.
2. Pondant la captivité de Jean le lion, on no se servit que du sceau du Chà-
telet, tant pour les arrêts du Parlement que pour tous los actes publics.
:î. Ordonnances do 1498, art. il; 1449, art. .'ii; mai 1552; Ordonnance de Mou-
lins, art. 27. Annotations do Joly au troisième livre des Officier* de France.
folio 1820 à 1830. L'art. 2GU de l'Ordonnance des États de Blois ne concerne
pas le prévôl de Paris,
LE CHATELET DE PARIS 331
couvert de velours blanc. Il a eu plusieurs fois séance et voix délibé-
rative au Parlement '. Il a douze gardes (sergents) qui sont pourvus
par le roi sur sa nomination. Seul en France, il est installé par le pre-
mier président, ou par un des présidents à mortier, assistés de deux
conseillers de grand 'chambre. Il est toujours d'une naissance illustre,
comme chef du ban et de l'arrière-ban de la noblesse de la prévôté
de Paris, qui tient le premier rang. Il est conseiller-né du roi, gentil-
homme ordinaire de la Chambre. Lorsqu'on lit rebâtir le Ghàtelet
(fin du XY° siècle), la juridiction du prévôt de Paris fut transférée au
Louvre.
Magistrat en chef de toutes les justices de la prévôté, il est juge
conservateur des privilèges de l'Université de Paris. Il a réuni en
1526 la charge créée en 1522 de bailli pour la conservation de ces
privilèges 2, d'où la qualité de bailli et prévôt de Paris qui lui est
donnée parfois; mais tout a été confondu depuis sous le nom de
prévôt.
■ Ses premiers lieutenants ont été de robe courte.
A la différence des baillis ordinaires, il a, outre le lieutenant de robe
courte toujours subsistant, un lieutenant général, un particulier et un
criminel.
Le chevalier du guet est son officier, obligé de prendre ses ordres
et de lui en rendre compte?. — 11 reçoit aussi les colonel, capitaine,
lieutenants, sergents, et les trois cents archers de la ville. — Le prévôt
de l'Ile-de-France 4 et le prévôt de la monnaie sont obligés de lui prêter
main-forte lorsqu'ils en sont par lui requis. — Les compagnies d'or-
donnance des huissiers et sergents à cheval et à verge du Ghàtelet lui
doivent obéissance.
Il instituait autrefois les notaires, procureurs et huissiers-sergents,
jusqu'à ce que les rois se soient réservé les provisions. Les réceptions
lui sont restées. Il reçoit aussi les jurés des arts et métiers, et « les
chirurgiens ayant été examinés à Saint-Gosme doivent faire le serment
devant lui ».
Le prévôt est à la tète des quatre juridictions qui siègent au Ghàte-
let (prévôté, bailliage, conservation et présidial).
1. Registres du Parlement, 24 mars 1117, 10 décembre 1418, 10 mai 1437.
C'étaient des assemblées de finances.
2. Édit de mai 1526, confirmé en décembre 1610.
3. Cependant, quoique cet officier fût essentiellement chargé de la « capture »,
il a voix délibérative dans tout procès de sa capture : « ce qui montre que les
officiers du Châtelet ont toujours été distingués des autres des provinces, de
même que la Ville Capitale l'est des autres villes. »
4. Même observation pour le prévôt de l'Ile que pour le chevalier du euet.
332 LE CHATELET DE PARIS
Momentanément modifié (février 1674), l'office de prévôt de Paris a
été entièrement rétabli par l'édit de janvier 1083, dans lequel le roi
se réserve d'être toujours « le comte et chef de la justice du Chàte-
let ». De plus, le prévôt s'est trouvé juge de tous les sujets des sei-
gneurs hauts justiciers qui étaient encore dans Paris.
Les usurpations des lieutenants tant civil.que criminel sur les droits
de juridiction personnelle et de réceptions du prévôt tiennent à ce
que la prévôté de Paris a toujours été remplie « par des personnes de
mérite, et qui avaient de très grands emplois proche les personnes
de nos rois », qui par suite ont laissé leurs lieutenants se partager
leurs fonctions comme « un héritage » vacant.
S'il n'était pas le seul et vrai chef de la justice du Châtelet, s'il
n'avait pas le droit d'opiner, comment l'arrêt de 1571 lui aurait-il
fait défense de faire aucuns actes de justice en sa maison particulière,
sans l'avis de ses officiers ?
Ce n'est pas l'Université, dont le recteur lui fait plusieurs harangues
par an, qui aurait voulu lui interdira la voix; ni la noblesse, dont il
est le chef; ni le tiers état, qui « à l'exemple des anciens Gaulois est
trop jaloux de ses lois et de l'honneur de ses magistrats pour souffrir
que le plus ancien juge du royaume soit exclu de rendre la justice
comme ont fait les rois qu'il représente ».
L'article 65 de l'édit de 1192 n'est applicable qu'aux baillis et séné-
chaux des provinces auxquels il a imposé des conditions de grade
pour avoir voix délibérative. Au reste, pour ôter toute contestation,
le prévôt de Paris qui a fait rédiger ce mémoire est gradué, et a eu
voix délibérative comme conseiller de cour souveraine.
LE CHEVALIER DU GUET '
Le guet en général fut établi dans toutes les villes considérables
par Louis XII (1504).
Le guet de Paris existait de toute ancienneté, pour la garde de la
ville « et des saintes reliques ». François Ier le régla, en janvier J539,
par l'édit de Saint-Quentin.
Le guet royal, à cheval et à pied, est commandé par le chevalier
du guet ; le guet assis est formé par les gens de métier commandés
par deux sergents. — Le prévôt de Paris a la discipline du chevalier
du guet et de ses officiers; il fait, par lui ou un de ses examinateurs,
l'assiette du guet.
1. Areh. nat., K. 710, n° 1, eh. vu. (Même mémoire, suite.)
LE CHATELET DE PARIS 333
L'ordonnance de Charles IX (1561) répartit le payement des officiers
du guet entre le domaine de Paris (2,400 livres), les seigneurs hauts
justiciers (1,500 livres;, et chacun des habitants (20 sols).
LES ARCHERS DE LA VILLE DE PARIS ET LE CHATELET '
Les colonel, capitaine, lieutenants, enseignes et archers de. la ville
de Paris sont plus soumis au prévôt de Paris qu'au prévôt des mar-
chands, puisque c'est le prévôt de Paris « qui leur donne la faculté
de porter des armes et qui doit examiner s'ils en ont en état de ser-
vice ». (Edit de création d'un colonel, etc. Août 1410. — Lettres de con-
firmation du 23 septembre 1437, de septembre 1461, novembre 1483,
juillet 1498, mars 1523, janvier 1547, juillet 1563, novembre 1594,
février 1615.)
LE PRÉVÔT DE L'ILE ET LE CHATELET*
Le Prévôt de l'Ile est « prévôt de MM. les connétable et maré-
chaux de France», et par conséquent juge extraordinaire. Il n'est pas
olïicier du prévôt de Paris 3, mais comme il a sa résidence en cette
ville, et que ses officiers y résident en partie, et y portent des armes,
il est obligé de prêter main-forte au'prévôt de Paris lorsqu'il en est re-
quis par lui (Ordonnance criminelle du mois d'août 1670, titre H,
art. 3).
LE PRÉVÔT DE LA MONNAIE ET LE CHATELET 4
Le prévôt de la monnaie, officier particulier de la Cour des mon-
naies, peut, pour le fait de fausse monnaie seulement, informer, arrê-
ter, et instruire le procès de ceux qui en sont prévenus, avec un
assesseur, à la charge de le porter en ladite Cour pour être par elle
jugé. Il n'est en somme qu'un juge référendaire, et a toujours été dé-
bouté de ses prétentions de connaître des «cas prévôtaux». Il doit
main-forte au prévôt de Paris (Ordonnance criminelle d'août 1670,
titre II, art. 3).
1. Arch. nat., K. 116, u° 1, ch. vin.
2. Arch. nat., K. 716, n"J, ch. ix.
3. L'opinion contraire est inexactement exprimée par M. Ch. Desmazes, qui
met le prévôt de l'Ile sur la même ligne que le lieutenant criminel de robe
courte [le Chdtelet de Paris, 2e éd., 1872, ch. iv).
i. Arch. nat., K. 716, n° 1, ch. x.
33-i LE CHATELET DE PARIS
LES HUISSIERS A CHEVAL ET A VERGE
Les huissiers-sergents à cheval et à verge du Châtelet de Paris
étaient deux compagnies d'ordonnance qui avaient été créées, Fune
pour la campagne, l'autre pour la Ville de Paris. Dans les cérémonies,
ils étaient en armes, avec guidons, enseignes, trompettes, tambours,
et autres marques de leur ancienne création '. Les officiers étaient
nommés par le commandant et chef de ces compagnies, c'est-à-dire
par le prévôt de Paris. Mais «depuis que les prévôts de Paris ont né-
gligé de faire leurs charges, à l'exemple des principaux officiers [de
la Couronne], comme s'ils en étaient indépendants», les huissiers-ser-
gents élisent tous les ans leurs olliciers, sergents comme eux, et pour
lesquels ils n'ont par suite « ni respect ni obéissance» .Aussi les juges
ne sachant à qui s'adresser, beaucoup de crimes demeurent impunis;
au lieu qu'autrefois les huissiers étaient «départis dans les barrières
ou corps de garde de Paris, où ils devaient avoir des armes pour être
prêts à tous mandements».
SUPPLICATION
DES OFFICIERS DU CHATELET AU ROI A LEFFET d'ûBTENIR
LA NOBLESSE, AOUT 17C8 -
Les officiers du Châtelet de Paris
Supplient le roi de décorer leurs offices du titre et des privilèges de la no-
blesse.
Ils représentent:
Que le Châtelet de Paris est le premier des tribunaux ordinaires du
royaume et le propre siège des rois qui ont rendu la justice en personne;
Que son scel est attributif de juridiction par tout le royaume, et a souvent
servi à sceller les ordonnances et lettres patentes en l'absence du garde des
sceaux de France;
Que ces prérogatives ont été qualifiées par plusieurs de nos rois de droit
royal de leur Cour du Châtelet ;
Que l'importance des fonctions des officiers qui composent ce tribunal semble
leur mériter la grâce qu'ils sollicitent à aussi juste litre que les substituts de
M. le Procureur général du Parlement, le doyen de ceux de M. le Procureur gé-
néral du Grand-Conseil, et les Échcvins de Paris qui tous ont obtenu cette
marque de distinction depuis le commencement de ce siècle;
Qu'un motif qui milite également en leur faveur est la diminution que le
1. Godefroy, le Cérémonial de France.
-1. Arch. nal.,K. 716.
LE CHATELET DE PARIS 335
Chàtelet a souft'erle dans son ressort, par les distractions qui en ont été faites
en différents temps, surtout du bailliage de Versailles, résidence ordinaire de
Sa Majesté, et pour raison desquelles il ne lui a été accordé aucun dédom-
magement;
Qu'en un mot il n'y a qu'une décoration aussi flatteuse que l'est celle de la
noblesse qui soit capable de soutenir ce siège dont l'utilité et la nécessité ne
sont que trop reconnues, et qui cependant voit aujourd'hui près de la moitié
de ses offices vacants, faute d'émoluments ou de prérogatives propres à y atti-
rer des sujets convenables '.
LE CHATELET ET LES ÉDITS DU 8 MAI 1788
A propos des éclits du 8 mai 1788, le Ghâtelet paraissait divisé en
trois partis :
Celui du sieur Bellangcr, l'un des deux lieutenants particuliers; celui du
sieur Bachois de Villefort, lieutenant criminel qu'on avait vu se comporter si
mal en 1771 ; enfin le parti de ceux qui tiendraient ferme, qu'on ne regardait
pas à beaucoup près comme le plus fort. Quant à M. le lieutenant civil (Angran
d'Alleray), frère d'un président au Parlement, on ne pouvait guère compter sur
lui, étant proche parent de M. de La Luzerne, secrétaire d'État ayant le dépar-
tement de la marine, et ne manquant pas d'ailleurs personnellement d'am-
bition z.
Bertier de Sauvigny, intendant de Paris et maître des requêtes, avait
d'abord été désigné comme devant apporter au Chàtelct les édits du
8 mai; puis le sieur de Fourqueux lui fut préféré.
Le 15 mai, les magistrats de service au parc civil et au présidial
étant montés sur leurs sièges à l'heure ordinaire et ayant fait appeler
les causes, en descendirent presque aussitôt, aucun avocat ni procureur
ne s'étant présenté pour plaider.
L'enregistrement forcé eut lieu le 21 mai, par le moyen du sieur de
Fourqueux.
Angran d'Alleray, septuagénaire, refusa au garde des sceaux la dé-
mission de sa place, que l'ex-lieutenant général de police Albert se
disposait à prendre.
Le Châtelet fut vainement sollicité de juger comme grand bailliage,
1. Les lettres patentes d'août 1768 accordèrent la noblesse aux officiers du Châ-
telet après un certain temps d'exercice.
2. Hardy, t. VII, p. 437 (13 mai 1788). — En fait, Bnchois de Villefort n'assista
point à la séance. Bellanger échoua et se retira en accusant les jeunes conseil-
lers : « Voilà ce que c'est que les jeunes gens! » L'arrêté rédigé par Du Pont,
premier dos deux lieutenants particuliers, passa malgré l'opposition de Thiroux
de Crosne, qui, se voyant presque seul, finit par s'y ranger, d'autant plus que le
ton de l'arrêté était faible et conciliant.
33G LE CHATELEÏ DE PARIS
c'est-à-dire sans appel, une cause criminelle (assassinat et vol rue de
Bourbon-Villeneuve,1 quartier de la Porte Saint-Denis). 11 persista à
ne vouloir condamner le coupable que sauf appel.
On ne parla plus « d'une prochaine suppression du Chàtelet, ni de la ré-
création d'un nouveau Chàtelet érigé en grand bailliage, mais bien de l'instal-
lation soi-disant provisoire d'un grand bailliage qui ne sérail établi au Palais
dans la capitale, ou bien à Versailles, que par simple commission, ce qui
n'annonçait pas qu'il dût subsister bien longtemps, son existence ne devant
peut-être avoir lieu que jusqu'après la clôture des Étals généraux, dont la
convocation allait être incessamment arrêtée, s'il fallait en croire le bruit pu-
blic, pour le 10 mai 1789, et qui se tiendraient dans la ville de Soissons, à
vingt-lrois lieues de Paris. Le Chàtelet de Paris devait, selon toutes les appa-
rences, d'après un tel arrangement, demeurer subordonné au futur grand
bailliage qui jugerait toutes les affaires civiles et criminelles en dernier res-
sort. Car le parti paraissait bien pris en Cour, au moins pour l'instant, d'é-
teindre et d'anéantir entièrement jusqu'au nom même du Parlement, et de
faire adopter et confirmer, s'il était possible, cette résolution par les futurs
États généraux » l.
Le 22 juillet, les commissaires du Chàtelet, convoqués relative-
ment au projet d'augmenter le prix du pain, furent sollicités de
devenir membres du futur grand bailliage et refusèrent unanime-
ment.
Le Grand-Bailliage de Paris devait être installé au Louvre le
28 juillet 1788; on avait commandé 1,600 hommes pour cette opé-
ration. Mais tout manqua par la démission de cinq membres de la
nouvelle Cour, quatre anciens du Chàtelet, et le sieur Albert, maître
des requêtes et ancien lieutenant général de police. Le sieur Albert
aurait eu « une crise violente avec M. de Làmoignon, qui ne devait
pas à la vérité être fort content de l'aventure ». Le faux bruit courut
(8 août) que Lenoir consentait à remplacer Albert à la tête de ce
grand bailliage : il s'en garda bien2.
Enfin le rétablissement? du Parlement (23 septembre) fut en même
temps une victoire pour le Chàtelet. Le 23 juillet 1789, l'Assemblée
nationale félicita le Chàtelet « d'avoir opposé une fermeté salutaire
aux attentats portés, l'année précédente, aux droits de la nation ».
— 11 n'en disparut pas moins, par le décret du 11 septembre 1790.
1. Hardy, t. VlII, p. 2.'i et 27 (juillet 1788).
2. Hardy, t. VIII, p. 27 et 33.
3. Le Parlement n'admettait pas ce moi de rétablissement ; il regardait son in-
terruption comme un fait, comme une violence.
LE CHATELET DE PARIS 337
Lettre signée de Crosne, à M. le baron de Breteuil
du 17 mai 1788 '
Monsieur, la séance du Châtelet n'a fini que ce malin à quatre heures et un
quart; je ne perds pas un moment pour avoir l'honneur de vous adresser une
copie de l'arrêté qui a été pris.
La Compagnie s'est divisée, comme j'ai eu l'honneur de vous le marquer
hier au soir, en trois bureaux, et dans chaque bureau il y avait des commis-
saires nommés pour aviser au parti à prendre et rédiger des projets d'arrêtés.
Ces trois bureaux se sont réunis entre dix et onze heures, et il paraît qu'ils se
sont tous trouvés de l'avis du parti adopté par l'arrêté, mais qu'aucun des pro-
jets qu'ils avaient rédigés n'a été accepté, puisqu'il une heure du matin on
s'est occupé d'en rédiger un nouveau.
Lorsque la Compagnie s'est séparée, il s'est trouvé sur son passage environ
soixante personnes qui avaient passé la nuit sur l'escalier du Châtelet et qui
ont applaudi et crié bravo : il n'avait cependant pu dans ce moment rien
transpirer de ce qui s'était passé.
Tout, au surplus, a été l'ort tranquille pendant la nuit et il y a eu très peu
de monde.
Je suis avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant ser-
viteur,
De Crosne.
COPIE DE LARRÈTÉ DU CflATELET DU 1(> MAI 1788
La Compagnie, voyant avec douleur les actes d'autorité multipliés contre les
différentes cours du royaume, le temple de la Justice investi par des gardes
armés, la liberté des suffrages violée par l'enlèvement des magistrats qui ne
peuvent être personnellement responsables des délibérations essentiellement
secrètes, le cours de la justice interrompu, la magistrature avilie, l'ordre an-
cien interverti sous un monarque qui a déclaré ne vouloir régner que par les
lois et dont les intentions bienfaisantes sont le gage du bonheur de ses
sujets;
Considérant, que les ordonnances, édits et déclarations apportés par le pro-
cureur du roi, n'ont point été délibérés par le Parlement auquel il reste le
droit certain et reconnu par Sa Majesté même de lui adresser ses remon-
trances, droit dont il ne peut en ce moment user, par la suspension forcée de
ses fonctions ;
A arrêté unanimement qu'elle ne peut ni ne doit faire procéder à la lecture,
publication et enregistrement desdits édils, ordonnances et déclarations ;
Et à l'instant les gens du roi mandés, et eux entrés, M. le lieutenant civil
leur ayant donné connaissance dudit arrêté, ils ont déclaré unanimement
qu'ils y adhéraient.
1. Arch. nat., K. 716.
±1
338 LE CHATELET DE PARIS
AI. de Pourqueux reçut la mission de réduire le Ghâtelet à l'obéis-
sance: Le lieutenant de police informait la Cour, et particulièrement
le garde des sceaux, au fur et à mesure des événements.
Lettre autographe, signée de Crosne, à M. de Lamoignon
Monseigneur, je me proposois d'avoir l'honneur de vous donner des nou-
velles de ce qui se seroit passé au Chatelet, mais la compagnie est toujour
assemblée, depuis midi, M1' le prevost de paris, sy est rendu sur linvitation
quil a receu ainsi que tous les membres qui sont au nombre de soixante. Je
nai pu rien scavoir encor de ce qui se passe dans Rassemblée, tout ce que j'ai
pu découvrir cest que la compagnie s'est divisée en trois bureaux et qu'il pa-
roit qu'on soccuppe de la rédaction d'un arrêté. Il y a lieu de croire que la
séance pourra avoir encor quelque longueur, et si elle finissoit trop tard, je
n'aurai lhonneur de vous faire part que demain a sept heures du matin de ce
que je pourai scavoir, a moins que vous ne désiriez en estre instruit même
au, milieu de la nuit.
Tout sest passé avec la plus grande tranquillité, il n'y a même pas eu beau-
coup de monde, au Chatelet, dans le courant de la journée, il y en a eu da-
vantage dans la soirée, mais il n'y a pas une très grande aftluence.
Je suis avec respect, Monseigneur, votre très humble et très obéissant ser-
viteur,
De Crosne.
A Paris, ce vendredi soir dix heures trois quart.
Lettre signée de Crosne, à M. de Lamoignon,
SUR LA SÉANCE DU 21 MAI 1788, AU CUATELET
■>
Je viens d'avoir des détails plus circonstanciés sur ce qui s'est passé au
Chatelet, et je m'empresse d'avoir l'honneur de vous en faire part.
11 y a eu d'abord quelques observations sur la manière dont M. de Four-
queux serait introduit dans l'assemblée et la place qu'il y occuperait. 11 a
resté pendant cette discussion dans le cabinet de M. le lieutenant civil. Il a
été convenu que M. le procureur du roi annoncerait à la Compagnie que M. de
Fourqueux, commissaire du roi et chargé de ses ordres, demandait à entrer :
M. le procureur du roi l'a en conséquence introduit dans l'assemblée.
Lorsqu'il a eu pris séance, M. le lieutenant civil a fait au nom de la Com-
pagnie les protestations qui avaient été arrêtées contre tout ce qui se ferait et
la déclaration que la Compagnie persistait dans son arrêté du 16 de ce mois1.
M. de Fourqueux a ensuite fait lire sa lettre de créance et a fait enregistrer
les lettres patentes qui annonçaient sa mission. Il a fait un discours, a remis
1. Voici le texte de cette déclaration : « Monsieur, la Compagnie m'a chargé
de vous déclarer qu'elle proteste unanimement contre tout ce qui pourrait être
l'ait eu cette séance de contraire aux droits, usages et arrêtés de la Uunpagnie,
"I notamment ;ï celui du 10 du présent mois dans lequel elle persiste. »
LE CHATELET DE PARIS 33'J
à la Compagnie les ordres du roi et à M. le procureur du roi une lettre de
cachet particulière.
On est ensuite descendu à l'audience du Parc civil. Il était alors dix heures.
M. le Prévôt de Paris avait donné des ordres une demi-heure auparavant de
faire ouvrir la grille du Châtelet. Il n'y a eu d'abord que très peu de monde,
ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le marquer ; mais le nombre s'est accru suc-
cessivement, de manière que la Chambre du Parc civil était remplie lorsque
l'on est descendu à l'audience, et il y avait une grande affluence dans les
salles.
M. le lieutenant civil en entrant à l'audience a renouvelé au nom de la
Compagnie les protestations qu'il avait déjà été chargé de faire. On a procédé
ensuite à la lecture des différentes lois et l'enregistrement en a été requis par
M. le procureur du roi par ordre et de l'exprès commandement de Sa Ma-
jesté. La lecture a été faite assez rapidement et n'a guère duré plus d'une
heure.
Quand M. de Fourqueux s'est levé et s'est retiré, il y a eu quelques sifflets :
mais on en a imposé sur-le-champ au public, et ils ont cessé. MM. du Châtelet
ont quelques moments après levé l'audience. Il y a eu alors des applaudisse-
ments : mais M. le lieutenant civil a imposé silence, ces applaudissements ont
cessé, et il n'y a eu aucune rumeur.
M. de Fourqueux, en sortant de l'audience, est monté dans le cabinet de
M. le lieutenant civil, pour faire rédiger par les greffiers les procès-verbaux
dont il doit emporter des expéditions, et il n'est point encore sorti dans ce
moment-ci.
Quant à MM. du Châtelet, ils se sont tous réunis à la chambre du Conseil où
ils sont actuellement assemblés. J'aurai l'honneur de vous faire part de ce
qui se sera passé aussitôt que j'en aurai connaissance.
Il était fort important que l'audience des criées et adjudications tînt aujour-
d'hui suivant l'usage ; on vient de m'assurer qu'on se préparait pour cette
audience et qu'il y avait des procureurs en robe disposés à y assister.
L'audience des criées n'est tenue que par un des juges, et c'est ordinaire-
ment un de MM. les lieutenants particuliers. Je crois pouvoir vous assurer que,
dans le cas où l'assemblée durerait trop longtemps, un des juges se détache-
rait pour tenir l'audience.
Il y a toujours beaucoup de monde au Châtelet, et il y a des groupes dans
la Cour et sur les quais : mais il n'y a aucune apparence de rumeur.
Je suis avec respect, Monseigneur, votre très humble et très obéissant ser-
viteur,
Dk Crosne.
M. de Fourqueux est sorti du Châtelet à une heure, après 'avoir vérifié sur
les registres la mention des enregistrements.
La Compagnie est restée assemblée jusqu'à une heure et demie et a fait
l'arrêté que j'ai l'honneur de vous adresser1. J'ai l'honneur de vous envoyer
aussi la déclaration faite par M. le lieutenant civil au nom de sa compagnie.
1. Arrêté du 21 mai 1788 : « La Compagnie, persévérant dans les protestations
de ce jourd'hui par elle faites et notifiées au commissaire du roi, tant en la
chambre du Conseil qu'en l'audience du Parc civil, proteste de nouveau contre la'
3i0 LE CHATELET DE PAlilS
Il y a eu des battements de mains lorsque la compagnie s'est séparée.
L'audience des criées a commencé immédiatement après et se tient par
M. lîellanger. Les procureurs y assistent. 11 y a toujours grande aflluence, mais
beaucoup de tranquillité.
De Crosne.
Lettre autographe du garde des sceaux de Lamolgnon au Roi '
Sire, j'ay l'honneur d'envoyer à Votre Majesté, le résultat de la séance de
M. de Fourqueux au Chàtelet. Les ordres de Votre Majesté ont été exécutés et
le service du Chàtelet à repris après la sceance. Les Protestations paroitrOnt je
pense à Votre Majesté fort généralles, je n'ai encore vu personne qui ait pu
me parler des dispositions ultérieures.
Je suis avec le respect le plus profond et la soumission la plus parfaite,
Sire,
De Votre Majesté, le très humble très obéissant et très fidèle sujet et
serviteur,
Delamoignon.
Paris, ce 21 may 1788.
EXTRAIT DES REGISTRES DE LA COMMUNAUTÉ DES PROCUREURS
AU CHATELET DE PARIS, DU MERCREDI 30 MAI 1788 2
En l'assemblée extraordinairement convoquée par billets au bureau de la
compagnie, 4 heures de relevée, où étaient MM. les procureurs de communauté,
MM. les anciens et MM. les officiers en charge, M. Magny, syndic, a dit qu'il
a reçu le 27 de ce mois un billet de Monseigneur le garde des sceaux à lui
adressé en sa qualité de syndic, conçu en ses termes :
« Monsieur le garde des sceaux prie Monsieur Magny de venir lui parler
après demain jeudi à 9 heures du malin à Paris... Ce mardi 27 mai 1789.
«A M. Magny, syndic des procureurs au Chàtelet, rue, etc. »
Qu'en conséquence, il s'est rendu en l'hôtel de Monseigneur le garde des
sceaux; que ce magistrat, ayant annoncé qu'il était instruit que les procureurs
ne se rendaient pas aux audiences pour plaider, lui a dit qu'il fallait que lui
M. Magny et ses confrères se présentassent aux audiences, et cela dès lundi
prochain, et qu'il l'en certifiât dans la journée. Et Monseigneur le garde des
sceaux a ajouté que c'était un ordre qu'il donnait, et qu'il donnait de la part
du roi, qui le voulait ainsi, et qu'il souhaitait pouvoir en rendre compte à Sa
Majesté dimanche prochain à Saint-Cloud.
transcription faite du très exprès commandement de Sa Majesté sur les registres
de la chambre du Conseil, et pareillement contre les lecture et publication
laites à l'audience et transcription ès-registres des Bannières, ne se croyant liée
par aucun desdits actes, s'en référant à son arrêté du 1G du présent mois, et
y persistant unanimement. »
1. Arch. nul., K. 11(i. — Le garde des sceaux avait fixé sa résidence à Paris,
dans son hôtel, afin de suivre, et s'il était possible, de diriger les événements.
■1. Hardy, t. VII, p, 466 (1" juin 1788).
LE CHATELET DE PARIS 341
Sur quoi la compagnie a unanimement arrêté que le récit ci-dessus sera in-
cessamment envoyé à chacun des confrères, et qu'au surplus le billet de Mon-
seigneur le garde des sceaux ainsi que l'enveloppe demeureraient ci-annexés,
ce qui a été fait... Ainsi arrêté, etc.
Magny adressa l'extrait qui précède, sans aucun commentaire, à
chacun de ses collègues. Les procureurs, assemblés seulement le di-
manche lor juin à l'issue de la messe qu'ils entendaient au Châtelet,
décidèrent de reprendre leur service le mardi suivant 3 juin. Bon
nombre d'entre eux paraissaient disposés à ne se charger d'aucune af-
faire nouvelle comme partie demanderesse.
ASSEMBLÉE DES NOTAIRES DU CHATELET
13 OCTOBRE 1788
Ce jour, vers G heures du soir, il se tient dans une des salles du Châtelet de
Paris une assemblée générale de tous les notaires qui y avaient été convoqués
par une circulaire, en vertu d'une lettre ministérielle, et d'après une confé-
rence qu'avaient eue préalablement avec le sieur Necker, ministre d'État et
directeur général des finances, les officiers en charge de la compagnie. On rap-
porte pour résultat de cette assemblée qu'il y avait été arrêté et convenu que
les notaires prêteraient à l'État, dans ce moment de crise ', une somme de
6 millions remboursable soi-disant dans l'espace de 30 années et dont ils lou-
cheraient l'intérêt sur le pied de 6 pour 100 par an qui leur seraient délivrés
par les receveurs du domaine en les imputant sur leur consommation jour-
nalière des papiers et parchemins timbrés.
1. Malgré le crédit et l'habileté dp Necker, les effets royaux ne ressaient de
baisser. A cette date du 13 octobre, les quittances de finances de l'emprunt de
1782 perdaient 24 pour cent; l'emprunt de novembre 1787 (reconnaissances de
1,000 livres) oscillait entre 61G et C>22 livres; le viager du même emprunt perdait.
G8 pour cent. Necker négociait alors avec les banquiers genevois « pour sauver
la nation française ». Hardy, VIII, p. lia.
XII
LE MINISTRE DE PARIS
On appelait ministre de Paris, sous l'ancien régime, celui des quatre
secrétaires d'Etat qui avait Paris dans son département : car il n'y
avait pas de ministre de l'intérieur, et le territoire, au point de vue
de la correspondance administrative, était distribué entre les per-
sonnages que le roi désignait.
Après la courte expérience des conseils supérieurs d'administration
préconisés sous le nom de polysynodie, le régent rétablit le système
ministériel. Le comte de Maurepas, ministre de la maison du roi et
secrétaire d'Etat de la marine, eut aussi le département de Paris, et
garda le tout depuis 1 719 jusqu'à sa disgrâce, survenue le 23 avril 1719.
Après avoir pendant trente ans contresigné les lettres de cachet, il en
recul une à son tour. Si l'on pouvait à la Cour lui reproeber « son peu
de respect pour les maîtresses du roi », l'opinion publique le blâmait
à plus juste titre d'une grande légèreté dans le maniement des affaires
et d'une confiance exagérée dans ses commis. La vaste étendue de ses
fonctions ne lui permettait guère, d'ailleurs, de les remplir conscien-
cieusement. Au point de vue administratif, il était le supérieur hiérar-
chique du lieutenant général de police; à ce poste il vit se succéder de
Macbault (1718-1720); le comte d'Argenson (Marc-Pierre), du 26 jan-
vier 1720 au 1er juillet 1720; Teschereau de Baudry (1720-1722); le
comte d'Argenson de nouveau (26 avril 1722-28 janvier 4724); Ravot
d'Ombreval (28 janvier 1724-28 août 1725); Hérault (28 août 1725-
21 décembre 1739) ; Feydeau de Marville (21 décembre 1739-27 mai
1747); enfin Berryer (27 mai 1747-29 octobre 1749), pendant un peu
moins de deux ans '.
Cette rapide succession de lieutenants généraux de police nuisit
1. Journal de Barbier, l. I. p. 198.
LE MINISTRE DE PARIS 343
sans doute à la considération de cette charge ; mais le ministre de
Paris se garda bien d'en attirer à lui les difficiles, minutieuses et impo-
pulaires fonctions: il s'opposa aussi, comme on l'a vu, aux revendica-
tions du prévôt de Paris contre ses lieutenants.
Dès le lendemain de la mort du duc d'Orléans le comte d'Argenson
était allé visiter le <luc de Bourbon; « il le supplia de faire trouver
bon au roi qu'il lui remit sa commission de lieutenant général de
police; il dit que son père et lui, tant sous Louis XIV que sous le
régent, avaient été accoutumés à l'aire cette charge avec distinction
(voulant dire qu'ils rendaient compte directement au prince, et qu'ils
étaient sur le pied de ministres); qu'il ne lui convenait pas d'être ré-
duit à la simple fonction de lieutenant de police ; que d'ailleurs il était
si fort attaché à la personne de M. le duc de Chartres1 qu'il aurait
peine à vaquer à sa charge. » — Ravot d'Ombreval, cousin germain
de la marquise de Prie, maîtresse du duc de Bourbon, fut nommé
lieutenant général de police.
Lui et ses successeurs continuèrent à être traités en ministres, et il
fallut même que le Parlement rappelât à Maurepas qu'il n'avait pas
le droit de postdater les lettres de cachet expédiées par Hérault: ou
plutôt, qu'Hérault n'avait pas le droit de se servir des lettres de ca-
chet non revêtues préalablement de la signature ministérielle.
M. Porlail le fils% qui préside à la tournelle, quoique jeune, soutient bien
sa place. Le lieutenant de police avait introduit un abus : il faisait arrêter un
homme de l'ordre du roi, et ne faisait signer l'ordre par le secrétaire d'État
que trois ou quatre jours après. M. Portail a fait sortir, ces jours passés, les
prisonniers pour lesquels il n'y avait point d'ordre du roi transcrit sur les re-
gistres des prisons. Il a fail venir M. Hérault, lui a défendu d'en user de la
sorte, et a ordonné qu'on informerait la cour, toutes les semaines, de ceux qui
étaient dans les prisons par ordre du roi.
Ce passage est remarquable à plus d'un titre. Barbier loue Porlail,
non de défendre la liberté individuelle des citoyens, mais de bien
soutenir sa place; d'autre part, on voit que le secrétaire d'État mi-
nistre de Paris n'est cité qu'incidemment et qu'il ne semble pas être
invité, lui, à bien soutenir sa place.
Lorsque la marquise de Pompadour eut à se plaindre! du comte de
Maurepas et de ses chansons, c'est au lieutenant général de police
Berryer qu'elle crut devoir s'adresser: il répondit prudemment qu'il
1. Sic : le duc do Chartres riait alors devenu duc d'Orléans. D'Argenson riait
son chanceuer, ce qui valait 40,000 ou 50,000 livres.
2. Du premier président du Parlement {■Journal de Barbier, 1. I, p. 446.
314 LE MINISTRE DE PARIS
n'avait que la police de Paris, et non celle de la cour. Le roi lui même
trancha la question en renvoyant Maurepas (23 avril 1749).
L'ex-lieutenant général de police, comte d'Argenson, qui en oc-
tobre 1740 avait été nommé intendant de Paris (c'est-à-dire de la gé-
néralité, moins Paris), et qui était conseiller d'État, reçut avec le
ministère de la guerre le département de Paris '. Mais le comte de
Saint-Florentin, ministre de la maison du roi, eut une partie, des dé-
pouilles du comte de Maurepas : « la généralité de Paris à l'exception
de la ville2 ». Depuis celle époque jusqu'en 1757, Paris et la généralité
restèrent séparés, dans la répartition des départements ministériels.
Par conséquent, le ministre de Paris ne lit plus, à ce titre, qu'approu-
ver et doubler le lieutenant général de police : ce ministère fictif,
inutile à la police courante, était indispensable pour la forme lorsqu'il
s'agissait des corps d'Etat siégeant à Paris.
En 1753, un conflit s'éleva entre Saint-Florentin et d'Argenson :
ce fut à propos de la translation du Parlement à Pontoise. Le
comte d'Argenson, dit Barbier, « a Paris et le Parlement dans son
département, mais il n'a rien hors la ville. M. le comte de Saint-Flo-
rentin a dans son département la banlieue de "Paris. Or, comme le
Parlement n'est plus à Paris, mais à Pontoise qui est dans son district,
il a prétendu que, tant qu'il y serait, c'était à lui que le Parlement
devait s'adresser, el qu'il (Hait devenu de son département. Cela ne
laisse pas que d'avoir sa difficulté. On dit que le roi a décidé la chose
en faveur de M. le comte de Saint-Florentin 3 ».
Berryer ne peut être rendu seul responsable des enlèvements d'en-
fants qui eurent lieu en mai 1750; l'ordre partit de haut et les hommes
bien informés accusèrent le secrétaire d'Etat de Paris d'avoir prêté
les mains à un étrange et barbare système de colonisation forcée 4.
D'Argenson fut, comme Maurepas, disgracié par lettre de cachet
(1er février 1757). Le comte de Saint-Florentin, dans le département
1. C'était « le poste d'honneur à cause de la grande police de Paris qu'il fera
eri se jouant, ayanl été élevé par M. d'Argenson, son père, et deux fois lieute-
nant de police. Ce département embrasse toutes les cours souveraines, les aca-
démies, les jardins du roi, l'Opéra, etc. » (Barbier, p. 73. Cp. 18-71).)
2. Alm. royal de 1730, p. 123.
3. Barbier, l. 111. p. is.'i. On sait que Barbier n'est pas un témoin banal lors-
qu'il s'agit du comte d'Argenson, auquel il était attaché. Le Journal du marquis
d'Argenson confirme d'ailleurs (eus ces renseignements, mais toujours avec une
note défavorable au comte.
•4. En 1720, comme lieutenant général de police, d'Argenson avait eu recours
à ces odieux enlèvements pour débarrasser Paris des mendiants, et soutenir le
système de La"w expirant. Voyez les ordonnances des lo mars et •'> mai 1720. (Le
Poix de l'Yémiiiville, Dictionnaire de lapolice générale, 1775, p. 174-478.)
LE MINISTRE DE PARIS 345
duquel était déjà la généralité de Paris, obtint en outre la ville de
Paris elle-même et la grande police. Il avait fait plusieurs intérim
pendant des absences soit du comte de Maurepas, soit du comte d'Àr-
genson; il se trouvait donc plus au fait que personne. Cette simplifi-
cation des rouages administratifs, par la réunion de la ville et de la
généralité sous la même main, faisait espérer au public une plus
prompte expédition des affaires.
Depuis 1757 jusqu'à la fin de l'ancien régime Paris ne fut plus, mi-
nistériellemenl, séparé de la généralité; et, d'autre part, Paris et la
généralité restèrent invariablement rattachés à la maison du roi. A
Saint-Florentin, devenu le duc de La Vrillière, succédèrent sous
Louis XVI, Lamoignon de Malesherbes (1775-1776), Amelot (1776-
1783), le baron de Breteuil (1783-1788)', et Laurent de Villedeuil
(25 juillet 1788-21 juillet 1789) * ; mais ce dernier ministre de Paris
n'eut ni le clergé ni les lettres de cachet, que le principal ministre,
Loménie de Briennc, s'était réservés?; ce fut seulemenl après le rap-
pel de Necker que l'ancien département de 1757 l'ut reconstitué dans
son intégralité.
Ce département comprenait en 1789 les attributions les plus
variées 4; la ville et généralité de Paris n'y figuraient pour ainsi dire
qu'en passant et pour la forme, et ne donnaient en temps ordinaire
que fort peu d'occupation au ministre: «C'est, disait Malesherbes à
t. La nomination est du 8 octobre. H obtint cette fonction par la faveur de la
reine, qui avait été satisfaite de son ambassade à. Vienne.
2. Arch. nat., G'499, p. -429; O'iSG, p. 516.
3. Hardy, à. la date du 2.". juillet 1788 (tome VIII).
4. Maison du roi ; clergé; affaires générales de la religion prétendue réformée;
expédition de la feuille des bénéfices; économats; dons et brevets, autres que des
officiers de guerre ou des étrangers, pour les provinces de son département.
Provinces ou généralités, S 1- La ville et la généralité de Paris; le Languedoc
haut et bas et la généralité de Montauban; Provence, Bourgogne, Bresse, Bugey,
Valromey et Gex; Bretagne; comté de Foix, Navarre, Béarn, Bigorre et Nébou-
zan. Picardie el Boulonnais. Généralité île Tours; l'Auvergne, qui comprend la
généralité de Riom. Généralité de Moulins, qui comprend le Bourbonnais, le Ni-
vernais et la Haute-Marche; Limoges, qui comprend l'Angoumois et la Casse-
Marche; Soissons; Orléans avec la partir du Perche qui en dépend. Le Poitou,
La Rochelle, qui comprend la Saintonge, le pays d'Aunis, Brouage, l«'s îles de Rhé
et d'Oléron. S 2. La Guyenne haute ri basse, ce qjy comprend les intendances
de Bordeaux, Àuch et Bayonne. La Normandie, qui comprend les généralités de
Rouen. Caen ri Alençon, et la partie de la province du Perche qui dépend de la
généralité d'Alençon. La Champagne et la partie de la Brie qui dépend <!•■ la gé-
néralité de Châlons. La principauté de Dombés. Le Berri (Alm. royal de 1789,
p. 2:10). — Les deux sériions concernanl la subdivision entre les bureaux. La
ville île Paris était dans lf troisième bureau 'M. Jurien) avec les affaires géné-
rales du clergé, etc., etc.
346 LE MINISTRE DE PARIS
Augeard ', le département le plus ennuyeux et le plus plat, et d'ail-
leurs sujet à toutes sortes de querelles avec toutes les femmelettes de
la Cour. » Lorsque, après la retraite de Malesherbes, Augeard vient
recommander au comte de Maurepas (que Louis XVI avait rappelé)
la candidature &' Amelot, lequel passait pour peu capable : « Ce dé-
partement-là n'est pas la mer à boire (fait-il observer au principal
ministre) : "donnez -lui un bon premier commis2. » Maurepas lit
mieux : il rappela Lenoir, justement éliminé par Turgot, à la lieute-
nance générale de police, et, comme Amelot et Lenoir étaient parents,
nul ne douta de la parfaite intelligence qui devait régner entre les
deux administrateurs : en effet, Lenoir devint le maître à Paris, et
Amelot se résigna aisément à une sinécure qui faisait le dégoût de
Malesherbes.
Le baron deBreteuil et Laurent de Yilledeuil eurent plus d'occupa-
tion, d'abord parce que Lenoir fut remplacé en 1785 par un lieute-
nant général moins actif quoique plus considéré, Tbiroux de Crosne,
et ensuite à cause des circonstances politiques, de la lutte contre le
Parlement, de la guerre aux pamphlétaires, de toutes les mesures à
prendre d'abord pour éviter, puis pour préparer les États généraux 5.
Dans la question de la convocation de Paris, Laurent de Villedeuil
tint pour la prévôté des marchands contre le Cbâtelet, c'est-à-dire,
au fond, contre la police; mais son avis ne prévalut point.
Les documents qui suivent sont tirés, les uns des papiers de la ville
(minutes) ou de ses registres, — la majeure partie des registres de la
correspondance (active) de la Maison du roi. La grande masse de la
correspondance passive a été détruite dans des circonstances parfai-
tement connues.
Le décret du 7 messidor an II institua une agence, plus tard bureau
de triage, des papiers publics de l'ancien régime. Dans l'impossibilité
où la Convention se trouvait de réglementer ce travail, elle laissa aux
agents qui en étaient chargés la plus dangereuse latitude : « l'équili-
bre légal s'établira de lui-même entre le vandalisme barbare qui
voudrait tout anéantir, même au détriment des intérêts de la Répu-
blique, et la manie minutieuse de tout conserver, qui contrarierait
l'intention visible de la loi ». Après une descente dans le dépôt de la
1. Mémoires secrets, (''il. Bavoux (1866), p. 88. Il est vrai que Malesherbes avait
répudié les lettres de cachet, ne pouvant en obtenir l'abolition formelle.
2. (> lui Robinet.
'.i. Ajoutons, pour le baron de Breteuil, son énorme et abusive influence auprès
de la reine.
LE MINISTRE DE PARIS 347
Maison du roi, rue des Petits-Pères, les commissaires résumèrent ainsi
leur impression : « Matières hétérogènes, superfluités, drogues, amas
monstrueux et rebutants ! » Cependant les registres de la correspon-
dance du secrétariat furent épargnés, mais on livra au pilon plus de
200 milliers de papiers et parchemins de rebut '.
Les registres de la correspondance de la Maison du roi sont précédés
d'une table analytique en deux parties.
La première comprend 15 articles : les uns sont généraux (ex.:
cardinaux, archevêques, évèques; — abbés, abbesses...; — princes,
princesses...; — gouverneurs, commandants...); les autres se rap-
portent plus spécialement, ou même entièrement à Paris (ex.: Bastille,
— Maréchaussée de l'Ile-de-France, garde de Paris, et Robe-courte. —
Opéra, comédies et spectacles).
La seconde partie en 30 articles commence par une liste de 17 inten-
dants de provinces, y compris celui de Paris. Le 18° article est inti-
tulé : M. le lieutenant général de police. Les autres articles intéres-
sants pour Paris sont : le 20° (Cours supérieures, ainsi nommées
malgré le titre de Cours souveraines qu'elles avaient recouvré en
1775); le 26e (Ville de Paris, c'est-à-dire, Hôtel de Ville); le 27e (Aca-
démies, etc.); le 28° (Université et collège Royal); le 29e (Bibliothèque
du roi et imprimerie royale).
Les pièces ci-dessous reproduites se rapportent principalement aux
années très occupées de 1787 2, 1788 et 1789, c'est-à-dire à la fin du
ministère du baron de Breteuil, et à tout celui de Laurent de Ville-
deuil.
Les lettres du ministre de Paris sont réparties dans notre travail en
trois sections : 1° au lieutenant général de police et au chevalier du
guet commandant la garde de Paris; 2° au bureau de la Ville (prévôt
des marchands, procureur du roi et de la Ville); 3° à divers person-
nages,concernant diverses institutions ou intérêts de Paris.
1. De Boislisle, Corr. des contrôleurs généraux, etc. Paris (1874), pages xxxvm
et xxxix.
2. En 1787, par exemple, nous avons compté dans le registre 0498, 338 lettres
ou billets au lieutenant gênerai de' police; le chiffre se maintient à peu près
l'année suivante. Il est vrai qu'il ne s'agit la plupart du temps que d'affaires
particulières (saufs-conduits, arrêts de surséances, places de bons pauvres, etc.).
348 LE MINISTRE DE PARIS
LETTRES AU LIEUTENANT GÉNÉRAL DE POLICE
ET AU CHEVALIER DU fiUET
Lettre rin binon de Breteuil <) M . de CroSne
(i JANVIER 1787
CONCERNANT L'ACQUISITION D'UN HOSPICE POUR LA GARDE DE PARIS '
Vous trouverez ci-joint, Monsieur, l'expédition de l'arrêt que vous m'avez
proposé pour l'acquisition d'une partie des bâtiments et terrains situés rue de
Popincourt, faubourg Saint-Antoine, destinés à former un hospice pour la
garde de Paris. J'y joins le projet de contrat, le devis et la soumission concer-
nant les ouvrages à faire. Les conditions contenues dans ces actes m'ont paru
conformes à ce qui a été convenu, et rien ne s'oppose désormais à la conclu-
sion définitive de cette affaire. Je vous prie de vouloir bien y donner vos soins,
et, lorsqu'elle sera terminée, 'je vous serai obligé de m'envoyer les expéditions
en règle de tout ce qui aura été fait, pour rester dans mes bureaux2.
Du même au même
(> JANVIER 17.S7
CONCERNANT LA SUCCESSION DE BOYNES
J'ai, Monsieur, l'honneur de vous envoyer l'expédition d'un arrêt que MM. de
la Commission du tabac', que vous présidez, ont proposé de rendre pour pré-
venir les suites de la mésintelligence qui règne entre les mandataires des
créanciers de feu M. de Royncs. Cet arrêt étant du propre mouvement, vous
voudrez bien en faire faire les significations nécessaires.
l)u même au même
13 JANVIER 1787
SUR UNE QUESTION D'ALIGNEMENT
Vous trouverez, ci-joint, Monsieur, une lettre qui m'a été écrite par M. Gui-
1. Arch. nat., 0*498, p. 6. -- Lorsque les lettres se trouvent placées à leur
date, dans le mois, nous jugeons superflu d'indiquer la paye du registre.
2. Autre lettre (15 sept. 1787) annonçant une ordonnance de payement de
i>2,.j(ll) livres pour les travaux de ecl hospice.
:j. Commission extraordinaire instituée par Turgot pour réprimer la contre-
bande du tabac, et utilisée par l'arbitraire ministériel pour enlever certaines
causes et certaines personnes à leurs juges naturels. Voyez à ce sujet un long
Récit au Parlement, le 31 janvier 178.'!, séance du matin (Arch. nat.. X lu 8978).
LE MINISTRE DE PARIS 349
chard, procureur du roi du bureau des finances, un plan, cl plusieurs pièces
relatives à une maison existante en saillie sur la rue de la Huclicttc. Il me
semble qu'il serait important pour la sûreté et la commodité publique de faire
supprimer celte saillie. Je vous prie de vouloir bien vérifier, et me marquer
les moyens les plus propres à opérer cette suppression.
Du même au vie me
21 JANVIER 1787
SUR LES HOPITAUX
Le sieur Poyet, Monsieur, s'occupe de l'exécution du projet de quatre hôpi-
taux proposé par l'Académie des sciences. J'ai écrit à cette compagnie de per-
mettre que cet architecte lui soumette ses idées et concerte ses plans avec elle.
Biais M. Bailly, l'un des commissaires de l'Académie, vient de m'écrire une
lettre. .. par laquelle vous verrez sur quels motifs ces commissaires pensent
qu'il est indispensable qu'eux et le sieur Poyet puissent visiter, soit ensemble,
soit séparément, et toutes les fois qu'ils le jugeront nécessaire, les hôpitaux
de Saint-Louis et de Sainte-Anne et l'emplacement des Célcstins pour en lever
les plans et prendre tous les renseignements dont on aura besoin. Je vous prie
de vouloir bien prendre les mesures nécessaires pour que ces visites n'éprou-
vent pas d'obstacle et de m'informer de celles que vous aurez prises afin que
je puisse en donner avis aux commissaires de l'Académie et au sieur Poyet.
Autres sur le même sujet
26 JANVIER 1787
M. Tenon, de l'Académie des sciences, Monsieur, s'occupe d'un ouvrage inté-
ressant sur les hôpitaux, pour lequel il aurait besoin de savoir le nombre des
fous mâles et celui des folles qui sont soit dans les hôpitaux de Paris et des
environs, soit dans les pensions particulières soumises à votre inspection. .
10 FÉVRIER 1787
Vous trouverez ci-joint, Monsieur, une lettre du sieur Alix et une chanson
concernant la souscription pour les hôpitaux. Je verrais peu d'inconvénients à
permettre que celte chanson fût chantée dans les rues. Je m'en rapporte ce-
pendant à ce que vous jugerez le plus convenable, et j'en préviens le sieur
Alix.
Du même au même
Il FÉVRIER 1787
SUR LES CIMETIÈRES
J'ai reçu, Monsieur, avec votre lettre du 7 de ce mois, l'exemplaire de la dé-
claration du roi du 10 mars 1776 concernant la translation des cimetières
i
350 LE MINISTRE DE PARIS
hors de l'enceinte des villes. Je vois qu'en effet le roi s'est réservé, par cette
loi, de pourvoir sur ce qui concerne cette opération pour la ville de Paris, et
que depuis on n'a pris à cet égard aucune mesure. Je crois convenable de
s'en occuper et d'en parler, comme vous me le proposez, à quelques-uns de
MM. les curés. Mais je vous prie de vous adresser d'abord à ceux dont les pa-
roisses sont situées dans les faubourgs et dans les extrémités de l'enceinte de
Paris. Ces curés auront plus de facilités à se procurer des terrains qui les avoi-
sinent, et où ils puissent établir des cimetières : et, si on parvient une fois à
les déterminer, on doit espérer que leur exemple entraînera les autres. Je vous
prie aussi d'en conférer avec M. l'archevêque, et d'exciter son zèle dans une
occasion aussi intéressante pour les habitants de Paris. Je vous serai obligé de
me faire part du succès de ces démarches.
Du même au même
7 .MARS 1787
SUR LE REPOS DU DIMANCHE ET LES OUVRIERS DU PONT LOUIS XVI
Les entrepreneurs du pont Louis XVI demandent d'y faire travailler les
fêtes et dimanches. Quelque important que soit cet ouvrage, je ne crois point
nécessaire de déroger aux règles. Je pense au contraire que ce serait dans
cette occasion un exemple dangereux, et vous pouvez refuser la permission
dont il s'agit '.
Du même au même
15 maks 1787
sur un remède secret
Le roi, Monsieur, a acquis au mois de février 1778 la composition et pré-
paration d'une eau antivénérienne sous la réserve du secret pendant l'espace
de quinze années au profit des sieurs Querton et Eaudoucet, qui en étaient
propriétaires ; il leur a en conséquence été expédié un brevet pour la vente
de cette composition : l'un et l'autre étant décédés avant l'expiration des
quinze années, leurs veuves demandent qu'on leur accorde la continuation du
privilège pendant le terme de six années qui reste encore à courir.
Le ministre demande un avis motivé.
1. Autres lettres relatives au pont Louis XVI : celle du 18 janvier 1788 (0*499,
p. 24), adressée au prévôt des marchands, fixe le devis à 1,031,000 livres à ré-
partir sur 3 ans; — lettre du 27 mai 1788 (ibid.,p. 295), à Éthis de Corny, recom-
mandant d'avertir avec ménagement l'architecte Perronet de certaines critiques
(l'arche marinière n'aurait pas assez de 23 pieds en temps 'de crues : celle du
pont de Sèvres en avait 28, celle du Pont-Royal, 30). — Leltre du 10 août 1788,
qui écarte la demande du cordon de Saint-Michel présentée par les deux pre-
miers échevins Guillot et Dorival, à l'occasion de la pose de la première pierre
(ibid., p. 402).
LE MINISTRE DE PARIS 351
Du même au même
15 aviiii. 1787
SUR UNE DEMANDE DE LA COUR DE NAPLES
Cette lettre, Monsieur, vous sera remise par M. le chevalier de Bressac, que
la cour de Naples, désirant d'établir une meilleure police que celle qui existe,
a chargé de rassembler des éclaircissements et des détails sur la manière
dont celle de Paris est montée. Je vous prie de donner et de faire donner à
M. le chevalier de Bressac toutes les connaissances relatives à cet objet, qui
peuvent être données sans compromettre l'administration sur les choses qui
doivent rester secrètes.
Du même au même
25 avbil 1787
sur l'embauchage d'ouvriers pour l'espagne
Vous trouverez ci-joint, Monsieur, un mémoire anonyme par lequel on accuse
un abbé Ximenes de débaucher nos ouvriers et nos artistes pour l'Espagne.
Quoique je sache combien en général les mémoires anonymes méritent peu
de confiance, cependant, comme celui-ci contient des indications assez pré-
cises, je pense qu'elles ne sont pas à négliger. Je vous prie de vous assurer si
l'abbé Ximenes est en effet à Paris, et demeure à l'adresse que l'on marque ;
il sera dans ce cas convenable de faire suivre sa conduite, et je vous serai obligé
de me proposer ensuite ce que les circonstances exigeront.
Du même au même
13 mai 1787
SUR UN PRIVILÈGE EXCLUSIF DE VENTE POUR PARIS
Vous trouverez ci-joint, Monsieur, un Mémoire par lequel le sieur Ballu,
négociant à Lyon, demande un privilège exclusif pour vendre et débiter à
Paris des morues, dites merluches, préparées suivant une pratique qu'il a
imaginée, et qu'il prétend avoir eu beaucoup de succès à Lyon. Je vous prie
de prendre sur cette demande les éclaircissements qu'elle peut exiger et de
m'en faire part ainsi que de vos observations et de votre avis.
Du même au même
18 mai 1787
SUR LA PROPRIÉTÉ DE LA PLACE SAINT-BERNARD
Je viens de recevoir un nouveau Mémoire au nom des propriétaires habi-
tants de la grande rue du faubourg Saint-Antoine, relativement à la contesta-
tion qui subsiste entre eux et les religieuses de l'abbaye Saint-Antoine pour
352 LE MINISTRE DE PARIS
la propriété et jouissance de la place dite Saint-Bernard. Je vous prie de faire
prévenir ces habitants que Sa Majesté n'a pas jugé à propos de prendre con-
naissance de cette contestation et qu'elle a décidé qu'ils devaient se pourvoir
devant les juges ordinaires '.
Du même un même
l(i juin 1787
SUR DEUX COMPAGNIES DE VIDANGE
On m'a rendu compte, Monsieur, du rapport que vous m'avez adressé sur
les demandes respectives de la Compagnie du Ventilateur, de celle des Pompes
antiméphitiques, et du sieur Thillaye. J'ai vu d'après ces observations que la
Compagnie du Ventilateur serait celle qui pourrait mériter le plus de faveur,
en l'assujettissant'néanmoins, conformément à l'avis de l'Académie des sciences,
à se servir, suivant les circonstances, des moyens dont la découverte est duc
au sieur Thillaye et en obligeant en outre cette compagnie à donner à ce par-
ticulier une indemnité raisonnable. Vous ajoutez que vous vous chargerez
volontiers d'amener les parties à un arrangement. Je consens à ce que vous
les entendiez contradictoirement. Mais il paraît aujourd'hui que le sieur Thil-
laye s'est rapproché de la Compagnie du Ventilateur et qu'une grande partie
des intéressés serait disposée à accepter ses propositions dont la principale
serait que le privilège fût accordé en son nom seul. Peut-être serait-il plus
avantageux pour la chose que cet arrangemeut eût lieu ; au surplus je vous
envoie les propositions qui ont été remises dans mes bureaux par le sieur
Thillaye : je vous prie de les examiner et de les communiquer à la Compagnie
du Ventilateur. Je vous observe que si les parties viennent à s'entendre ou à
s'accorder entre elles d'une manière ou d'autre, il sera nécessaire qu'elles
signent un projet d'acte que je mettrais alors sous les yeux du Conseil en fai-
sant le rapport de l'affaire.
P. -S. — Repuis ma lettre écrite je reçois un mémoire que vous trouverez ci-
joint et par lequel la Compagnie des Pompes anti [méphitiques] fait des repré-
sentations contre le privilège que demande le sieur Thillaye... Je vous prie
de l'examiner et de voir si ce serait le cas de le communiquer au sieur
Thillaye avant de mettre l'affaire en état d'être portée au Conseil-.
1. Autre lettre, du 6 juin 1787, à Réveillon (rue de Montreuil, faubourg Saint-
Antoine) : de Breteuil le renvoie aux tribunaux ordinaires pour ses différends
avec l'abbaye.
2. O'-i'JS, p. 399. Autre lettre du 1S août, p. 553. — Voyez l'arrêt de la Cour de
Parlement, du 18 mars 1788, « qui l'ait main levée des oppositions formées par la
Compagnie du Ventilateur et le nommé Thillaye, pompier, à l'enregistrement des
lettres patentes du 3 novembre 1787, lesquelles accordent ;ï la Compagnie des
Pompes antiméphitiques le privilège exclusif, en concurrence avec la Compagnie
du Ventilateur, île faire la vuidange îles fosses d'aisances, puits et puisards, tant
dans la ville de Paris qui' par tout le royaume, soit par le procédé des Pompes
antiméphitiques, soit par celui du Ventilateur; condamne la Compagnie du Ven-
tilateur et, Thillaye en (i,(J()0 livres de dommages-intérêts. — Au surplus fait
LE MINISTRE DE PARIS 353
Du même au même
■2'.) JUIN 1787
SUR UNE FÊTE BALADOIRE
Vous trouverez ci-joint, Monsieur, une lettre qui m'a été écrite au sujet d'une
figure gigantesque en osier que l'on promène tous les ans dans Paris et qu'on
brûle dans la rue aux Ours, le 2 juillet '.11 me semble qu'il serait assez à pro-
pos de supprimer celte cérémonie, comme on en a déjà supprimé beaucoup
d'autres pareilles. Je ne puis cependant que me référer à ce que vous en pen-
serez vous-même, et aux mesures à prendre pour la suppression, si vous la
'jugez convenable.*
Du même au même
2 AOUT 1787
SUR LA VENTE PUBLIQUE DE REMONTRANCES DU PARLEMENT
On m'assure, Monsieur, que les dernières remontrances du Parlement non
seulement se vendent publiquement à Paris, mais encore qu'on les crie dans
les rues. Cela ne doit pas être toléré. Vous voudrez bien prendre les mesures
nécessaires pour empêcber surtout qu'elles ne soient criées; il convient même
de faire arrêter ceux qui se le permettront.
P.-S. — Il serait aussi nécessaire de mander le sieur Simon et lui défendre
de les imprimer, ainsi que les suivantes, s'il y en avait.
Du baron de Breteuil à M. Dubois, commandant de la garde de Paris
27 AOUT 1787
SUR UN PLACARD
Vous m'avez envoyé, Monsieur, le 22 de ce mois, un placard qui avait été
mainlevée des saisies laites sur la Compagnie des Pompes parcelle du Ventila-
teur, avec restitution des frais de fourrière, le tout avec dépens.» — La Compa-
gnie du Ventilateur s'appuyait sur les lettres patentes qu'elle avait obtenues en
date du 10 avril 1779 (enregistrées le 11 mai suivant), avec lesquelles celles du
3 novembre 1787, accordées à la Compagnie des Pompes, lui paraissaient incon-
ciliables. (ISib. nul., F, Arrêts du Parlement de Paris, à la date.)
1. Eu réalité, le 3. C'est l'anniversaire du prétendu miracle du 3 juillet 1418,
jour où une statue de la Vierge, mutilée par un soldai, aurait répandu du sang.
Cette statue l'ut remplacée par une autre, au coin de la rue aux Ours et de la
rue Salle-le-Comle. La ligure d'osier que l'on brûlait après l'avoir promenée,
trois jours durant, dans les carrefours, représentait le sacrilège. Le clergé de
Saint-Leu se prêtait à cette cérémonie « parce qu'il était payé par une confrérie
pour faire les frais de cette fête. » (Jacquemart, Remarques historiques et critiques
sur les 33 paroisses de Paris. 17!) I, pages 38 et 39.)
23
334 LE MINISTRE DE PARIS
trouvé par la garde. Il est nécessaire que ces placards soient remis sur-le-
champ à M. le lieutenant général de police afin qu'il puisse faire usage des
moyens qui sont à sa disposition pour en découvrir les auteurs. Vous voudrez
bien en conséquence donner à la garde les ordres de lui porter les' placards
aussitôt qu'elle les aura détachés.
Lettre du baron de Breteuil à M. de Crosne
19 AOUT 1787
SUK LUS CLUBS
L'intention du roi, Monsieur, est de faire cesser tous les clubs, salons, ly-
cées et autres sociétés ou assemblées par souscription. Je vous prie de vouloir
bien prendre sur-le-champ les mesures nécessaires pour cette suppression. Si
vous avez besoin à cet égard d'ordres du roi, j'expédierai tous ceux que vous
me proposerez r.
Lettre du Roi,
expédiée par te Ministre de Paris, au chevalier Dubois
21 août 1787
Monsieur le chevalier Dubois, je vous fais cette lettre pour vous autoriser
attendu les circonstances à faire entrer dans les cours du Palais à Paris, toutes
les fois que vous le jugerez à propos, des détachements de la compagnie que
vous commandez, pour y maintenir la tranquillité et le bon ordre, et sur ce je
prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde. Écrit à Versailles le 21 août 1787.
A Mons le Cher Dubois, commandant de la garde de ma bonne ville de Paris,
à Paris *.
1. Quanil le duc de Chartres fit abattre les arbres du Palais-Royal, afin de
construire les galeries marchandes, un certain nombre d'oisifs qui avaient l'ha-
bitude de se réunir chaque jour sous ces beaux arbres, pour s'entretenir de nou-
velles, se trouvèrent fort embarrassés de leur temps et de leurs personnes. Un
spéculateur leur offrit de les recevoir dans un appartement où ils trouveraient
les journaux. Le lieutenant de police (Lenoir) autorisa l'ouverture du Club poli-
tique, sous la condition que les abonnés ne parleraient ni de gouvernement ni
de religion (1782). — En même temps se multiplièrent les Musées (entre autres
1 'Athénée), où l'on faisait des lectures et des cours, plus suivis que ceux du Col-
lège de Fiance. — Le 28 janvier 1788, de Breteuil recommande à de Crosne
d'empêcher l'établissement au Palais-Royal d'une assemblée de <> Conversation
anglaise », simple prétexte d'un club politique. Voyez aussi lettre du 4 fév. 1788
(0*499, p. 28 et p. 67).
2. En envoyant cette lettre du roi au chevalier Dubois, le baron de Breteuil
ajoute : « M. le maréchal de Birou et M. le comte d'Affry sont également auto-
risés à y faire entrer des détachements des gardes françaises et suisses, et M. le
maréchal de Birou l'est même à y établir des postes, s'il le juge nécessaire. »
LE MINISTRE DE PARIS 3oo
Lettre du baron de Breteuil au chevalier Dubois
21 août 1787
M. le duc de Drissac, gouverneur de Paris, Monsieur, se proposant pendant
les circonstances actuelles d'être plus à Paris qu'à la Cour, il conviendra que
vous ayez l'attention de le faire instruire de ce qui pourra se passer d'intéres-
sant relativement à ces circonstances.
Lettre du baron de Breteuil à M. de Crosne
6 OCTOBRE 1787
sur l'embauchage militaire
Vous trouverez ci-joint, Monsieur, un mémoire qui m'a été remis par M. le
prince de Poix au sujet d'abus très graves que l'on prétend être commis par
quelques particuliers qui se chargent d'embaucher des sujets propres à faire
des soldats... Je vous prie de les vérifier.
Du même au même
li OCTOBRE 1787
SUR LE TRAITEMENT DES FOLS
Vous trouverez ci-joint, Monsieur, une lettre que le sieur Robin, chapelain
du roi, m'a écrite, en m'adressant un ouvrage qu'il a traduit de l'anglais sur
le traitement des insensés dans l'hôpital de Rcthlécm de Londres. Les dé-
tails que contient sa lettre sur la manière dont les insensés sont traités dans
les hôpitaux de Paris paraissent mériter beaucoup d'attention; je vous prie de
voir quelles mesures on pourrait prendre pour introduire un ordre de choses
plus conforme à l'humanité, et de me faire part de ce que vous penserez
à ce sujet. J'ai l'honneur d'être avec un sincère attachement, Monsieur,
votre..., etc. *.
Du même au même
20 FÉVRIER 1788
SUR UN SPECTACLE LIBRE
Vous m'avez remis, Monsieur, à notre dernier travail, une feuille concernant
une salle de spectacle que le sieur Douillet a établie rue du Renard-Saint-
Merri, et qu'il loue à plusieurs sociétés pour jouer la comédie. Vous avez très
bien fait de faire défendre à ce particulier de faire jouer la comédie dans cette
salle, et je vous prie de faire veiller très exactement à l'exécution de cette dé-
fense, et de n'entendre à cet égard aucunes représentations. Des spéculations
1. Arch. nat., 0*498, p. G7S.
356 LE MINISTRE DE PARIS
semblables à celle du sieur Douillet doivent être absolument proscrites comme
contraires aux droits de l'Opéra et des deux Comédies, et l'on doit considérer
non comme de simples spectacles de société, mais comme de véritables spec-
tacles payants, tous ceux qui se donnent dans une salle louée par un cer-
tain nombre de personnes associées pour le payement du loyer et des autres
irais '.
Du même au même
'.\ MARS 1788
SUR LES FRAIS DE I'OLICE
Je vous préviens, Monsieur, que je viens de faire expédier et adresser en
finance une ordonnance de 36,641 livres 10 sols 3 deniers au nom du sieur
Spire, premier commis des bureaux de la police, dont 30,570 livres 10 sols
3 deniers pour le payement des vacations et déboursés d'officiers de police
conformément à la feuille que j'ai arrêtée le 24 février dernier, et 6,071 livres
suivant l'état que vous m'avez remis à notre dernier travail, des dépenses
faites pour la recherche des domestiques, chasseurs et eiducsJ portant armes.
Du même au même
,'î JUILLET 1788
sur l'œuvre des jeunes savoyards
Vous connaissez, Monsieur, les soins charitables que prend M. l'abbé de Fé-
nclon pour l'instruction des jeunes Savoyards. 11 voudrait aussi garantir ces
enfants des désordres auxquels ils se livrent et pour lesquels on est obligé
journellement de les conduire à la correction de Dicêtre, d'où ils sortent très
souvent plus mauvais sujets qu'ils n'y sont entrés, Il m'a remis un mémoire
que je joins ici, par lequel il propose un moyen propre à faire surveiller ces
enfants. Je vous prie d'en prendre lecture et de me marquer ce que vous en
pensez.
Lettre du baron de Breteuil à M. le chevalier Dubois
4 JUILLET 1788
SUR LAMBASSADE DU ROI DE MYSORE
J'ai pris, Monsieur, les ordres de Sa Majesté pour le cérémonial et les hon-
neurs qui doivent être rendus aux ambassadeurs de Tippo-Saïb : l'intention
de Sa Majesté est que vous alliez leur rendre votre visite aussitôt leur arrivée
à Paris. Elle vous charge aussi de veiller spécialement à leur sûreté, de les
accompagner en public, et de prendre vos mesures pour qu'il y ait constam-
1. Arch. nat, 0*499, p. 92.
2. Heidur|uc9. — Os équipements militaires avaient été interdits (en dernier
lieu) par des ordonnances des années 1779, 1782 et 1785.
LE MINISTRE DE PARIS 357
ment un aide-major du guet à leur hôtel pendant tout le temps que ces am-
bassadeurs y feront leur résidence. Vous voudrez bien vous conformer aux
ordres de Sa Majesté et m'en accuser la réception.
Lettre de Laurent de Villedeuil à .)/. de Crosne
7 AOUT 1788
SUR LES VARIÉTÉS AMUSANTES
Vous trouverez ci-jointe, Monsieur, une note qui m'a été remise par les en-
trepreneurs du spectacle des Variétés amusantes. Ils se plaignent de ce que le
sieur Suard communique aux acteurs du Théâtre-Français et du Théâtre-Italien
les pièces qu'ils soumettent à sa censure, et demandent en conséquence qu'il
leur soit nommé un censeur particulier. Je vous prie de me faire part de vos
observations et de votre avis sur cette demande \
Du 7u cm e au même
2-i AOUT 1788
SUR UNE IDYLLE EN MUSIQUE
Je joins ici, Monsieur, une Idylle aux cultivateurs malheureux2; l'auteur
demande la permission de la faire chanter au Concert spirituel. Je n'y vois au-
cun inconvénient, et, si vous pensez de même, je vous prie de donner cette
permission.
Du même au même
27 NOVEMBRE 1788
SUR UN VOL DE MÈRE A FILLE
Je vous envoie, Monsieur, un mémoire par lequel la demoiselle Rose, de
l'Opéra, se plaint de la dame Delfèvre sa mère, et demande que l'autorité in-
tervienne pour lui faire restituer différents bijoux, bardes et sommes d'argent
énoncés en un étal également ci-joint et dont elle prétend que sa mère s'est
emparée. Je vous prie, lorsque vous vous serez assuré de la vérité de l'exposé
de la demoiselle Rose, de mander la dame Delfèvre et de faire le possible pour
1. Arch. nat., ()i499, p. 451. — Par une autre lettre de Laurent de Villedeuil à
De Crosne (21 août), on voit que la Comédie italienne se plaint de ses diminu-
tions de recette, qu'elle attribue aux petits spectacles. Elle demande que les
petits spectacles soient astreints à communiquer leurs pièces, sans exception,
aux deux théâtres Français et Italien. (Id., ibid., p. 486.)
2. Par le sieur Moline. — Un orage de grêle venait de désoler (13 juillet) la
région parisienne et une grande partie de la France. L'arrêt du 26 juillet 1788
autorisa une loterie de 12 millions au profit des pauvres prèles, mais le Trésor
ne s'oublia pas ;ï cette occasion : « on ne devinait pas le bénéfice résultant de
cette loterie pour le roi », dit Hardy à la date du 2 août, en faisant allusion aux
conditions entortillées de cette loterie.
3S8 LE MINISTRE DE PARIS
la déterminer à rendre justice à sa fille. Si elle s'y refuse, celle-ci, comme
vous le pensez sans doute, ne pourra avoir d'autre recours que devant les
juges ordinaires.
Du même au même
30 NOVEMBRE 1788
SUR UNE PROPOSITION DU BRASSEUR SANTERRE
Vous trouverez ci-jointe, Monsieur, une lettre du sieur Santerrc, brasseur à
Paris, qui propose au gouvernement son moulin à chevaux de Sèves et celui
de sa brasserie de Paris, pour y moudre le blé. Je vous prie en me la renvoyant
de vouloir bien me faire part de ce que vous pensez de cette proposition, afin
que je lui fasse une réponse définitive.
Du même au même
7 FÉVRIER 1789
SUR UNE DEMANDE d'ÉTAUX
Je vous envoie un mémoire par lequel le sieur Legois, marchand boucher,
demande qu'il lui soit accordé un privilège de 30 années pour établir à Paris
six nouveaux étaux. Il offre en même temps de donner la viande à un sol au-
dessous de la taxe pendant la durée de ce privilège. Je vous prie de me mar-
quer ce que vous pensez de cette demande.
CORRESPONDANCE DU MINISTRE DE PARIS
ET DE LA VILLE
Lettre du baron de Breteuil au Prévôt des marchands
25 avril 1784
SUR UN PROJET DE MONUMENT EN L'HONNEUR DU ROI ET DE LA REINE »
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le
22 de ce mois au sujet du désir qu'aurait le bureau de la Ville de consacrer
par un monument la bienfaisance de Leurs Majestés pendant les dernières
calamités. Il eût été sans doute très convenable d'autoriser ce projet si, sans
souscription ouverte chez un homme public et annoncée dans les journaux,
un certain nombre de citoyens se fût réuni volontairement pour le faire exé-
1. Arcli. nat., II. 1955.
LE MINISTRE DE PARIS 359
cutcr. C'eût été un mouvement de zèle trop louable pour ne s'y pas prêter.
Mais on ne peut se dissimuler que, si le monument s'exécutait par la Ville et
sur la caisse municipale, on persuaderait difficilement au public que le bureau
n'a pas été excité par le gouvernement, et n'a pas agi par son impulsion.
D'ailleurs ce que les particuliers auraient fait n'eût exigé aucun faste. On se
fût plus occupé de l'intention que du monument lui-même, et la dépense au-
rait pu être peu considérable. Mais il n'en serait pas de même d'un monu-
ment érigé par la Ville. Ce ne serait qu'à grands frais qu'on pourrait le rendre
digne tout à la fois des personnes augustes auxquelles il serait consacré, et
de l'administration qui l'érigerait : et le roi, qui a trouvé dans son cœur la
récompense de ses bienfaits et qui connaît d'ailleurs la situation de la Ville,
en rendant justice au zèle et aux intcnlions du bureau, n'approuverait sûre-
ment pas qu'elle se livrât à une pareille dépense. J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : Le Baron de Breteuil.
Du même au Prévôt des marchands et Ëchevins
8 mai 1784
sur l'école de dessin '
J'ai mis, Monsieur, sous les yeux du roi la délibération qui a été prise par
le bureau de la Ville, le 30 avril dernier, pour fonder à perpétuité sept places
d'élèves2 en trois genres à l'école gratuite de dessin' moyennant la somme de
630 livres. Sa Majesté m'a chargé de vous marquer qu'elle autorise cette déli-
bération et qu'elle est très satisfaite de cette preuve du zèle du bureau de
la Ville pour un établissement aussi utile. J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : Le Baron de Breteuil.
»
Copie [non signée) d'une lettre de Le Peletier au baron de Breteuil
DU 1C FÉVRIER 1786
SUR LE PROJET DU CANAL DE L'YVETTE 4
Monsieur, j'ai reçu, avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire
le 12 de ce mois 5, la requête par laquelle le sieur Defer de Nouërre demande
d'être autorisé à construire un canal pour amener à Paris les eaux de la rivière
d'Yvette.
1. Arch. nat., H. L955.
2. Nombre porté à huit, le 18 mai suivant, sur la réclamation de M. Buffault,.
receveur général du domaine, etc. Chaque place était de 90 livres ; il y était
pourvu par chacun des huit membres du bureau individuellement.
3. Fondée par lettres patentes datées de Fontainebleau le 20 octobre 1767, en-
registrées le 1er décembre; dirigée par Bachelier, peintre ordinaire du roi. Plu-
sieurs corps d'administration avaient déjà contribué à la dotation de cette école.
4. Arch. nat., H. 19S7, n° 120.
•rJ. Pièce 110. Le même dossier renferme en tout six pièces relatives au projet
Defer; elles sont numérotées de 117 à 122.
360 LE MINISTRE DE PARIS
Vous me marquez, Monsieur, de communiquer cetlc requête au bureau de
la Ville; et cependant, comme les propositions qu'elle contient vous ont paru
susceptibles de beaucoup d'examen, vous ajoutez que vous seriez fort éloigné
d'approuver qu'on y mît de la précipitation. En effet, s'il ne s'agissait que
d'amener sans obstacle et sans inconvénient 500 pouces d'eau excellente à
l'Estrapade pour augmenter l'abondance à Paris, la multiplier clans les quar-
tiers qui sont le moins à portée de la rivière et des établissements qui la dis-
tribuent, cette proposition serait de nature, sans doute, à être adoptée au pre-
mier aperçu; mais on ne peut séparer de la demande dont il s'agit les
réflexions qu'elle fait naître. Il est de mon devoir de les soumettre sans retard
à vos lumières, parce que les résultats de cette affaire seront tellement la
conséquence des premières propositions qu'on admettra qu'il me paraît indis-
pensable de porter toute son attention sur la demande provisoire du sieur
Defer.
J'ai remarqué que l'économie et la réduction des dépenses qu'offre le projet
du sieur Defer comparé avec celui de MM. Depar[c]ieux et Perronet porte prin-
cipalement sur ce que le sieur Defer se propose de substituer pour la conduite
des eaux un simple canal en terre, à l'exemple de celui de New-Rivei*, près
de Londres, [à] un canal revêtu de cette maçonnerie qui fait partie du plan de
M. Perronet : cet article seul présente au moins une différence de 4 millions
228,000 livres, suivant l'évaluation de ce temps-là '. Cela serait plus considé-
rable aujourd'hui, car les prix des matériaux et celui de la main-d'œuvre tels
qu'ils sont à présent ont augmenté la dépense des constructions de plus d'un
cinquième.
11 ne faut pas syncoper cette observation ni l'isoler des motifs qui ont fait
juger que le revêtement du canal en maçonnerie était nécessaire au succès de
la chose même. L'eau de New-River flue sur un fond de sable fin, léger et
absolument nul pour toute espèce de végétation. Ainsi point de comparaison à
faire avec les lits qu'occupe la rivière de l'IIyvette2, et ceux de la nouvelle
direction qu'on leur destinerait.
Il a été reconnu et constaté que l'eau de l'IIyvette avait le goût de marais.
Les causes en sont détaillées dans le supplément au premier Mémoire du
13 novembre 1762 5. Le rapport fait par les chimistes et par les commissaires
de la Eaculté de médecine contient* que ces eaux perdraient facilement et sûre-
ment ce goût de marais dans un canal de sept lieues, construit de grès et de
pierres de meulière après avoir coulé à l'air libre pendant deux jours et avoir
été filtrée par plusieurs encaissements de cailloulage pratiqués dans le canal...
que de cette manière les eaux ne seraient pas infectées par la pourriture des
plantes et des feuilles qu'elles reçoivent dans leur lit actuel 5.
... Il est évident que M. Defer ne peut dénaturer l'exécution du plan, en
distraire la partie spécialement exprimée par la Faculté de médecine et par les
gens de l'art comme une condition sine qua non, sans compromettre le pre-
1. 17G2.
2. Plus liant le nom esl écrit comme aujourd'hui : Yvette.
3. En noie marginale : « Édit. in-4°, pages \'K 50, 51, 52, -'i.'î. »
4. Id., ibid., t> p. 83. »
5. Le baron de Breteuil répond (mars 178G) que l'eau non potable trouverait
encore largement sou emploi.
LE MINISTRE DE PAKIS 361
mier succès de son entreprise, c'est-à-dire la pureté et la salubrité de l'eau...
... Il est essentiel de communiquer le [projet] aux propriétaires des héritages
riverains et à ceux dont les propriétés doivent fournir le nouveau canal. La
concurrence doit être admise pour le bien de la capitale, mais il ne faut pas que
respectivement elle soit destructive et meurtrière, ni qu'elle puisse de part et
d'autre donner lieu à des spéculations de jeux d'actionnaires mutuellement inté-
ressés à faire ou tomber ou monter les effets dont leurs différentes entreprises
sont susceptibles '.
Extrait d'une lettre du baron de Breteuil au Bureau de la Ville
VERSAILLES, 29 AVRIL 1786
L'hôpital général jouit de toute ancienneté de la partie de terrain qui s'é-
tend depuis le grand bureau des pauvres jusqu'à la barrière de l'Hôtcl-de-
Ville, et il en relire un revenu de 4,000 livres. — Au même endroit se tient la
foire ou marché du Saint-Esprit, depuis trente ou quarante ans.
Du même au Prévôt des marchands
8 AOUT H86
SUR DES MALVERSATIONS
M. le procureur du roi, Monsieur, m'a remis la copie de son réquisitoire et
de la décision du bureau de la Ville du 25 du. mois dernier2 concernant les
sieurs Picard et Corbct, inspecteurs des bâtiments de la Ville. J'ai depuis réflé-
chi sur ce qui a été fait à l'égard du sieur Picard sous la conduite duquel la
plantation de 300 arbres a coûté 4,700 livres, ce qui fait plus de 13 livres
pour la plantation de chaque arbre. Je me suis assuré que quand il s'agit de
planter des arbres pour le compte du roi, chaque trou où un arbre doit être
déposé ne coûte que 11 sols. Il me semble d'après cela qu'on est raisonnable-
ment fondé à soupçonner plus que de la négligence dans le sieur Picard, et
qu'il n'est pas suffisamment puni par la suspension de ses fonctions et la pri-
vation de ses appointements pendant trois mois. Je crois qu'il est indispen-
sable de le renvoyer, et je vous prie de vouloir bien en prévenir le bureau de
la Ville. On me recommande le sieur Madin'...
Signé : Le Baron de Breteuil4.
1. Dan? la délibération du 20 mars 1786 (pièce 117), les uièmes objections tech-
niques se retrouvent. Au point de vue financier, la Ville ne croit pas devoir ac-
cepter le dépôt dans sa caisse de 250,000 livres, offert par le sieur Defer, non
plus que l'éventualité de la cession du canal à la Ville. Elle remet toute l'affaire
« à la justice e| à la bonté paternelles » du roi.
2. Celle séance avait été tenue en présence du baron de Breteuil (H. 1957, 56).
3. Le 10 août fui prise par le bureau une délibération conforment Madin rem-
plaça Picard. Quant à Corbet, il avait été révoqué dés le 25 juillet, pour avoir
sciemment laissé l'adjudicataire du Port-des-Coches employer du vieux pavé au
lieu de pavé neuf, malversation donl s'était aperçu un des échevins.
4. H. 1957, pièce 60.
362 LE MINISTRE DE PARIS
Extraits d'une lettre du baron de Breteuil aux Echevins
2 mars 1787
SUR UNE NOMINATION DE CONCIERGE
J'ai chargé, Messieurs, le procureur du roi et de la Ville de vous informer
de ma part que je désirais que la place de concierge des magasins du Roule l
fût donnée au sieur Lacombe : cette place n'est pas dans les proportions de
celles qui peuvent convenir aux personnes de la classe du sieur Lemoine.
Le ministre exprime ensuite le désir que le traitement du con-
cierge soit porté de 300 livres à 000 livres.
... Puisque vous rappelez dans le préambule de la délibération du 23 février
dernier la lettre que j'ai écrite à M. de Corny et dont il vous a fait part, il me
semble qu'il eût fallu la transcrire telle qu'elle est. J'ai témoigné à M. de
Corny ma surprise de ce que le dire ou réquisitoire inséré en son nom dans
cette délibération annonçait des dispositions contraires à celles dont il savait
que je me proposais de vous donner connaissance : il m'a répondu qu'il n'avait
eu aucune part à ce dire, et qu'en conséquence il n'avait pas voulu le signer.
Le ministre rappelle le bureau à l'ordre, et lui demande de sup-
primer la première délibération quant à la forme, qui est irrégulière,
et d'en prendre une autre.
En applaudissant au zèle qui vous anime et vous assure de mes dispositions
invariables pour faire accorder à votre travail des distinctions dont il peut
être susceptible, je dois vous faire remarquer ce qui s'éloignerait de la conve-
nance et des égards que vous devez être jaloux de conserver. Par votre lettre
d'envoi de la délibération dont il s'agit, vous m'annoncez que vous trouvez
mes réflexions parfaitement justes. Vous ne pensez pas sans doute que lors-
qu'on vous communiquant mes observations je mous demande les vôtres, ce
soit mettre les miennes à votre jugement. Cependant l'expression dont vous
vous êtes servis semblerait le faire croire. Vous me rappelez aussi votre atten-
tion à me faire part des objets mêmes qui ne sont pas susceptibles d'approba-
tion : il n'en est aucuns qui ne doivent être soumis à celle du roi. Plus l'ad-
ministration ancienne rappelle le relâchement qui s'y était introduit, les
affaires désastreuses qui en ont été le résultat, plus vous devez mettre de
soin à faire intervenir la sanction de Sa Majesté à tous les détails de vos opé-
rations... -.
1. Des ordres donnés au concierge le 15 janvier 1787 (Areh. n;il., II. 1958) font
connaître le triste état de ces magasins, envahis par des objets el approvision-
nements étrangers à la Ville, tandis que les tonneaux cl le matériel d'arrosc-
ment avaient été détruits, faute d'avoir été mis à couvert.
2. Suit une lettre sur le même sujet à Éthis de Corny. — Le 19 mars, le mi-
nistre envoie à Éthis de Corny copie de sa lettre aux echevins, parce qu'il pré-
sume " qu'on ne la déposera pas au greffe de la Ville » (0*498, p. 179).
LE MINISTRE DE PARIS 363
Extrait d'une lettre du baron de Breteuil au Prévôt des marchands
2'j MARS 1787
SUR LE MÊME SUJET l
Il presse la Yilli' de faire expédier la commission du sieur La-
combe2, afin que son installation puisse se faire aussitôt que le sieur
Houdon aura évacué le logement qu'il occupe.
Cet artiste a demandé un délai de six mois. J'ai marqué à M. le procureur
du roi qu'on pouvait l'accorder en ce qui concerne les magasins où sont
déposés les différents objets qui composent son atelier, mais que, quant au
logement, il était indispensable qu'il fut évacué '...
Du même an Prévôt des marchands
20 .mai 1787
SUR UNE QUESTION D'ÉTIQUETTE
J'ignore, Monsieur, si M. le premier président et le clergé parleront à la
dernière séance de l'Assemblée des notables; mais, dans quelque cas que ce
soit, je pense que le prévôt des marchands ne doit point y parler.
Dn même an même
29 .mai 1787
SUR l'abus DES SURVIVANCES
On regarde avec raison, Monsieur, comme une source d'abus, comme un
prétexte de demandes et un obstacle à l'économie, la facilité avec laquelle on
1. Arch. nat., 11. 1958, 1.
2. Elle fut envoyée avec des instructions le 30 mars.
3. A partir île cette affaire, où sa vanité était engagée, on constate que le baron
de Breteuil affecte de s'occuper de détails insignifiants, toutes les fois qu'il s'a-
dresse au prévôt des marchands. Le 20 mai 1787, il recommande des poêles
dont il a lui-même reconnu l'utilité, et exprime le désir, une fois ces poêles
installés, qu'un domestique soit exclusivement attaché au service du chauffage
de l'Hôtel de Ville, « pour faire perdre l'habitude et le goût de la déprédation
aux subalternes, et pour augmenter la masse des distributions au peuple ». Le
même jour, dans la conviction que les économies de détail mènent aux grandes,
il s'occupe de l'habillement des gardes sédentaires, des compagnies des gardes et
des valets, il demande qu'on lui fasse connaître « la composition de cet habille-
ment, la qualité des étoffes et la dénomination des manufactures où on se sert,
les qualités employées pour chaque espèce de vêtements, le prix de chaque
chose, celui des façons, la durée qu'on exige... » Le 9 juillet, il recommande
d'arroser les boulevards trois fois par jour au lieu de deux. (Voyez Arch. nat.,
Q'498, p. 317. 32.",, 454.)
364 LE MINISTRE DE PARIS
accorde des survivances. Après avoir pris souvent le parti de les défendre, le
relâchement qui s'introduit, lorsque l'attention cesse de veiller, a loujours dé-
truit l'effet de ces mesures salutaires. On peut même ajouter à tous les
inconvénients que les survivances occasionnent, une considération qui seule
suffirait pour les faire proscrire. C'est que le sujet que l'on destine à exercer
éventuellement une place qui est remplie, peut cesser d'y être propre, lorsque
le moment de le mettre en activité arrive, et l'on s'interdit ainsi la faculté de
faire un bon choix.
... Je vous prie de me procurer un état de tous les employés et stipendiés
aux gages de la Ville, et d'y faire mention de ceux auxquels on aurait dé-
signé des survivanciers, ainsi que des motifs qui ont pu donner lieu à cette
faveur. Je vous prie de prévenir le bureau que l'inlenlion de Sa Majesté est
qu'il ne soit point fait, ni à titre de survivance ni à titre d'adjonction, de ces
sortes de nominations anticipées, et que l'on ne doit désigner et choisir des
sujets que pour remplir les emplois vacants par mort, par retraite ou au-
trement '.
l)u même au même
20 mai H87
SUR LE PROJET DE LA RUE DE TRACY 2
J'ai reçu, Monsieur, avec la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire le
M de ce mois, la délibération du bureau de la ville sur la demande de M. le
comte de Tracy. Je ferai statuer sur celte demande au premier conseil. Mais je
crois devoir vous prévenir dès à présent que j'approuve les observations
contenues dans l'avis du procureur du roi sur celle affaire. Je pense comme
lui que des rues larges de 30 pieds seulement sont insuffisantes pour la faci-
lité et la sûreté des communications dans une ville où l'affluence des voitures
et le nombre des habitants sont aussi considérables. 11 me paraît convenable
qu'à l'avenir les nouvelles rues soient ouvertes sur une largeur de 36 pieds
dont 6 en trottoirs de chaque côlé pour les gens de pied. La déclaration du
10 avril 1783, en ordonnant que toutes les nouvelles rues auront au moins 30
pieds de largeur, n'empêche pas qu'on ne leur en donne une plus considérable,
et je pense qu'il ne faut s'y réduire que lorsqu'on ne peut pas faire mieux.
M: de Corny a raison d'insister pour que, dans une ville qui rassemble tout à
la fois et les inconvénients et les difficultés d'y remédier lorsqu'on les a laissé
établir, la vigilance publique mette toujours en équilibre les besoins et les
moyens... En conséquence, Monsieur, je vous prie de faire prendre une déli-
bération au bureau de la ville par laquelle il sera arrêté de ne donner de con-
sentement à l'avenir pour l'ouverture d'aucune rue, à moins qu'elle ne doive
avoir trente-six pieds, dont vingl-quatrc pour la chaussée, et six pour chaque
1. Dans une lettre du inème jour, sur le même sujet, à Éthis de Corny, Je
baron de Breteuil invite le procureur du roi et de la Ville à ne pas donner ses
conclusions sur des nominations à des emplois de confiance, avant de lui en
avoir rendu compte, pour qu'à l'occasion il puisse prendre » les ordres du roi».
Arch. nat., 0'4!)8, p. 320 sq.
2. Arch. nat., II. 1959.
LE MINISTRE DE PARIS 365
troltoir, soit élevé, soit au niveau de la rue avec des bornes de distance en dis-
tance placées et prises sur la portion de surface des trottoirs... Ce premier
point réglé invariablement, il sera b>ien aussi de tenir la main à ce que l'élé-
vation des bâtiments ne dépasse pas non seulement les règlements, mais
même les convenances qui doivent avoir pour règles la sûreté et la salubrité
des habitations...
Cette lettre est annexée à la minute d'une délibération du bureau
sur le même sujet, en date du 18 juillet 1788. Le bureau demande:
1° une largeur minima de 36 pieds pour les rues nouvelles; 2° une
hauteur maxima de 4 étages pour les maisons nouvelles ; 3° l'attribu-
tion à la Ville de la grande et de la petite voirie, car les meilleurs
règlements sont inutiles, «dès qu'ils sont soumis à une surveillance
partagée».
Du même au même
13 JUIN 1187
SUR UN DÉGRÈVEMENT DE CAPITATION BOURGEOISE
Je vous ai écrit, Monsieur, le 26 octobre dernier, au sujet de la dame Young
qui se plaignait d'avoir été imposée en 1786 pour la capitalion à une somme
de 130 livres, quoiqu'elle ne payât que 75 livres l'année précédente. Vous
m'avez marqué, le 9 décembre suivant, que vous vous occuperiez défaire mo-
dérer cette dame à l'ancien taux. Je suis informé que celle modération n'a
point encore été accordée. Je vous prie de vouloir bien vous faire rendre
compte de l'affaire, et de la terminer définitivement le plus tôt qu'il vous sera
possible '.
Du même au même
20 JUILLET 1787
SUR UN PROJET DE LA GARE AUX BATEAUX
Vous trouverez ci-joint, Monsieur, une lettre et plusieurs pièces que M. de
la Millière, intendant des finances, vient de m'adresser au sujet de l'établisse-
ment d'une gare. Il me semble, d'après des détails dans lesquels ce magistrat
est entré, qu'il faut renoncer à l'idée de former cet établissement aux îles de
Charenton, et tâcher de persuader au commerce que ce serait lui causer à lui-
même un préjudice considérable que de s'obstiner à l'exécution d'un projet
que tous les gens instruits regardent comme susceptible des plus grands in-
convénients, mais qu'il est de son intérêt que les secours offerts pour cette
exécution soient conservés pour celle d'un projet plus convenable
1. Recommandation analogue, le 7 juillet 1787, pour la dame de Capelle, belle-
mère du sieur Coiuin, secrétaire du baron de Breteuil (Q'498, p. 450).
366 LE MINISTRE DE PARIS
Du même à M. de Corny
20 JUILLET 1787
sur l'affaire le peletièr et précorbin
J'ai lu, Monsieur, la copie de la lettre écrite à M. le prévôt des marchands
par le sieur de Précorbin. Cette lettre est sans doute très répréhensible ; mais,
toute réilexion faite, je crois que le meilleur parti est de la mépriser. On
pourrait sans doute punir le sieur de Précorbin par voie d'autorité, et le faire
mettre en prison pendant quelques jours. Mais l'expérience apprend qu'au lieu
de corriger les gens de celte espèce, cela ne fait en général que leur fournir
un prétexte de se présenter comme les victimes de la persécution. Si d'ailleurs
il imprime des mémoires et qu'il les répande clandestinement1, ce qu'il est bien
difficile d'empêcher, M. le prévôt des marchands n'a point à craindre que cela
puisse altérer la considération qu'il mérite, ni retarder la grâce qu'il attend2. t
Les personnes en place n'ont besoin que de leur propre réputation pour se
défendre contre des calomnies et des imputations que les mauvais sujets
hasardent touj.ours d'autant plus facilement qu'ils ont moins à perdre.
Du même au même
22 juillet 1787
SUR LE DÉPLACEMENT DE LA FONTAINE DES INNOCENTS
Je vous adresse, Monsieur, avec la copie d'un mémoire rédigé par les sieurs
Perronct, Antoine, Roullée et Pierre, celle de la lettre que j'écris à M. le
prévôt des marchands sur la nécessité de déplacer la fontaine des Inno-
cents...' .
1. De Précorbin ayant porté ses plaintes au Chùtelet, le procureur du roi prévint
le ministre qui en conféra avec le garde des sceaux. Il fut convenu que le lieu-
tenant criminel, sur le réquisitoire du procureur, conclurait « que la plainte fût
rendue à la partie ». Cela inarquait assez que l'on tenait à étouffer l'affaire. En
cas d'appel du sieur de Précorbin au Parlement, on aviserait (lettre du baron de
Breteuil, 29 juillet). 11 faut surtout « empêcher l'éclat » (lettre du 4 août). Arch.
nat., 0'4!)8, p. 475 et 509. — Voir aussi p. 521, 522, 530; Le Peleticr était accusé
de recevoir des pots-de-vin.
2. Le renouvellement de sa nomination de prévôt des marchands.
3. Elle était au coin de la rue Saint-Denis et de la rue aux Fers, dont l'élar-
tassement était indispensable pour l'accès des nouvelles halles. Les artistes con-
sultés déclarèrent que les bas-reliefs étant sur dalles séparées, on pouvait les
enlever et les rétablir sans rien dégrader. L'emplacement choisi fut le milieu
même des halles. Quant à la quatrième face (primitivement adossée), le ministre
de Paris recommanda de n'y faire aucune sculpture, afin de ne pas mêler « le
style moderne avec celui de Jean Goujon »; elle fut réservée à une inscription
commémorative de la translation elle-même. Comme la fontaine était du domaine
de la Ville, il fallut que toute cet le affaire, déjà conclue en haut lieu, repassât
par la prévôté des marchands et échevinage.
LE MINISTRE DE PARIS 367
Du même au Prévôt des marchant/s
15 SEPTEMBRE 1787
SUR LES TRAVAUX' DE VIABILITÉ
J'ai, Monsieur, l'honneur de vous adresser un mémoire au nom des pro-
priétaires des maisons de la rue Bassc-Porle-Saint-Dcnis, par lequel ils de-
mandent : 1° que les dames Filles-Dieu soient tenues, conformément aux
lettres patentes du 14 octobre 1772 et autres subséquentes, de prolonger la
rue de Paradis jusqu'à la rue Basse-Saint-Denis; 2° qu'il soit pourvu à ce que
les eaux qui séjournent dans les puisards que plusieurs propriétaires ont été
obligés de faire, aient leur écoulement dans le grand égoût; 3° que la Ville
fasse continuer le parapet en pierre commencé dans la rue Basse pour le sou-
tien des terres dont l'éboulcment continuel leur est très incommode. Je vous
prie de communiquer ce mémoire au bureau de la Ville et de me faire part
ensuite de la délibération qui sera prise en y joignant votre avis.
Du même au même
VERSAILLES, 1!) SEPTEMBRE 1787
SUR LA RUE DE LA CONTRESCARPE '
Je me suis rappelé, Monsieur, qu'on s'est quelquefois adressé au bureau
de la Ville, au sujet des trottoirs et des bornes à établir le long de la rue de la
Contrescarpe, pour éviter aux voitures et aux passants le danger de tomber
dans les fossés de la Bastille et de l'Arsenal. Il vient d'être réglé qu'au moyen
d'une somme de 8,000 livres, qui sera payée par le département de la guerre à
celui du pavé de Paris, cette dépense restera pour toujours à la charge de ce
dernier département. J'ai cru devoir vous en prévenir...
Est jointe (pièce 79) la copie de la lettre écrite par le baron de
Breteuil (bureau des fortifications) à M. de la Millière, intendant des
ponts et chaussées, le 16 septembre 1787. — Le département du pavé
de Paris se chargea également de la plantation d'arbres qui devait être
faite le long de la rue de la Contrescarpe.
Du même au même
18 OCTOBRE 1787
SUR LES ATTRIBUTIONS DE CHAQUE MEMBRE DU BUREAU 2
Vous vous rappelez, Monsieur, qu'à l'une des séances de l'Hôtel de Ville, à
laquelle j'ai assisté avec vous, il fut question (à l'occasion de quelques incer-
1. Arch. nat., H. 1958, I, pièce 78.
2. 0*498, p. 705. Voyez plus bas, au chapitre de l'Hôtel de Ville.
368 LE MINISTRE DE 1>AR1S
titudcs proposées sur les limites des fonctions de MM. les échevins lorsqu'ils
agissent seuls) d'une délibération prise il y a deux ans pour distribuer, entre
les officiers du bureau, les détails de l'administration, et former des départe-
ments. Je demandai alors qu'on m'en adressât une expédition. Je présume
qu'on a eu soin d'en conformer les dispositions à l'ordonnance de 1672, no-
tamment au chapitre 33 el aux divers règlements qui s'observent dans les
municipalités du royaume; mais, quand cela serait, cette délibération était de
nature à m'ètre envoyée avant d'être exécutée, pour être mise sous les yeux
du roi et pour être approuvée par Sa Majesté, s'il y a lieu. Je vous prie, Mon-
sieur, de faire réparer celte omission et d'y joindre les éclaircissements dont
cet objet pourra vous paraître susceptible.
Du même au même
24 OCTOBRE 1787
CONTRE UN PRIVILÈGE RÉCLAMÉ PAR LES PAYEURS DES RENTES '
Vous trouverez ci-joint, Monsieur, l'expédition d'un arrêt, du propre mou-
vement de Sa Majesté, du 20 de ce mois, qui proscrit définitivement la préten-
tion des payeurs des rentes à l'exemption de la contribution au logement des
gardes françaises et suisses. Je vous prie de le faire signifier, de l'ordre et
exprès commandement du roi, aux doyens et syndics des payeurs des rentes
de le faire enregistrer au bureau de la Ville et de veiller à son exécution.
Du même au même
10 NOVEMBRE 1787
SUR U N F AIT DE V 0 1 R I E 2
J'ai eu l'occasion, Monsieur, en dînant il y a quelques jours chez M. l'ar-
chevêque, de remarquer qu'au bout de la rue de l'Abreuvoir de la place Mau-
bert, il y a un tas énorme de fumier et d'ordures adossé à une maison. Je me
suis assuré que l'emplacement où sont ces immondices faisant partie de la
berge de la rivière, n'étant point pavé, et se trouvant absolument hors du
pavé des rues, ne fait [point] partie du bail de l'enlèvement des boues, et que
c'est le bureau de la Ville que doit regarder l'enlèvement des immondices qui
y sont déposées... Je suis persuadé qu'il serait possible de trouver des gens
qui enlèveraient sans frais ce tas d'ordures, vu la proximité de la rivière, pour
les répandre sur leurs terres ou jardins.
Du même au même
20 DKCEJIBUE 1787
SUR L'EXPROPRIATION DES TEINTURIERS DE LA RUE DE LA PELLETERIE >
Vous trouverez ci-joint, Monsieur, un nouveau mémoire des teinturiers de
1. Arch. nat., 0*498, p. 713.
2. Ibid., p. 713.
3. Ibid., p. 8IH).
LE MINISTRE DE PARIS 369
la rue de la Pelleterie. Ils témoignent la plus grande répugnance à aller s'éta-
blir dans l'île des Cygnes. Ils demandent que le congé qui leur a été donné
pour Pâques prochaines soit prorogé, et qu'il leur soit accordé une indemnité
proportionnée aux dépenses que leur occasionnera leur déplacement. Je ne
pense pas qu'il convienne d'accorder ces deux dernières demandes. Il y a déjà
longtemps qu'ils sont prévenus de la nécessité de déménager à Pâques, et un
délai plus long ne ferait que servir de prétexte à la demande d'un autre dé-
lai... Une indemnité serait de la plus grande conséquence, et il faut s'en tenir
généralement à n'en pas donner d'autres que le payement des maisons à dé-
molir. A l'égard de la translation de ces artisans dans l'île des Cygnes, on
peut essayer d'en engager quelques-uns à s'y établir, et leur donner à cet
égard quelques facilités. Mais, s'ils s'y refusent absolument, il convient de leur
laisser la même liberté qu'à tout citoyen de s'établir où il juge à propos. Je
vous prie de prévenir le bureau de la ville de ce que je vous marque.
Du même au même
I"' MARS 1788
SUR LE PONT-ROUGE '
L'état et l'insuffisance du Pont-Rouge2, Monsieur, font tous les jours mieux
sentir la nécessité de substituer au pont de bois un pont en pierre. On pour-
rait alors ouvrir sur la même ligne le long de la Cité, à travers l'hôtel des
Ursins et le monastère de Saint-Denis de la Chartre, un quai aboutissant au
pont Notre-Dame, faisant suite à celui de la Pelleterie, pour communiquer
librement, et avec toutes sortes de voitures, du quartier de la Cité à l'île Saint-
Louis et de l'île Saint-Louis au centre et à tous les quartiers de Paris.
Le sacrifice volontaire et gratuit offert par les religieux de Saint-Denis de
la Chartre', de tout leur terrain régnant le long de la rivière, donnerait à peu
près la quatrième partie du quai, en sorte qu'au moyen de la soumission
signée par le sieur Duhamel, faïencier, de céder au bureau moyennant une
somme convenue sa maison faisant l'encoignure du pont Notre-Dame, des
offres du chapitre de l'église de Paris d'abandonner dès à présent les maisons
dont il est propriétaire situées dans cet alignement, en déduction de sa por-
tion contributoire, pour la fixation de laquelle il demandera quelque compen-
sation au roi, enfin de la contribution proposée en 1770 par les propriétaires
des maisons de l'île : tout semble se réunir pour favoriser l'exécution de ce
projet. Bien entendu, toutefois, s'il est possible de réunir tous ces moyens,
qu'on ne démolira les maisons qu'à mesure de la progression des ouvrages,
pour n'avoir à payer annuellement qu'une somme modique.
L'avantage de donner un quai à la Cité, de procurer à ses rues étroites des
t. Arch. nat., H. 1960.
2. Voir les divers rapports de l'architecte de la Ville, résumés dans celui de
Poyet, du 9 sept. 1789.
3. Le prospectus manuscrit des Bénédictins de Saint-Denis, joint à cette lettre,
montre au contraire qu'ils comptaient obtenir une large compensation sous
forme de réunion de bénéfices.
24
370 LE MINISTRE DE PARIS
dégagements propres à faciliter les communications, ajoute un nouvel intérêt
à ce projet.
Il paraît cependant que les propriétaires des maisons de l'île les plus inté-
ressés à son exécution, qui dès 1770 avaient offert de contribuer à la con-
struction d'un pont de pierre à la place du Pont-Rouge, cherchent aujourd'hui
à se soustraire à l'espèce d'engagement qu'ils ont contracté volontairement
alors1.
Pour fixer avec précision ce que l'on peut attendre d'eux à ce sujet, et
puisque l'assemblée générale qui devait se tenir chez le sieur Liénard, no-
taire, n'a point eu lieu ou n'a été que partielle, sous différents prétextes, je
vous prie, Monsieur, de convoquer de la part du roi celte assemblée générale
à l'Hôtel de Ville, et d'y inviter tous les propriétaires des maisons de l'île
Saint-Louis ainsi que le chapitre de l'église de Paris et même MM. de Saint-
Denis de la Chartre, pour y délibérer sur cet objet, en dresser procès-verbal,
et m'en faire parvenir une expédition que je mettrai sous les yeux de Sa Ma-
jesté.
Est annexée la convocation imprimée, datée du 9 mars 1788, que
le prévôt des marchands adresse aux propriétaires de l'île Saint-
Louis pour le 18 mars. Cette assemblée n'eut pas un meilleur succès
que celle de 1770. Il fallut, le 27 juin 1789, sur le rapport de l'archi-
tecte (1er mai), que le bureau de la Ville décidât la suppression du
Pout-Rouge, qui menaçait ruine. Dès le 15 janvier 1789, un avis au
public, signé Veytard, avertissait qu'une barrière serait placée à cha-
que extrémité du Pont-Rouge pour intercepter le passage. Le zélé
procureur du roi et de la Ville avait multiplié les réquisitoires sur cet
objet.
Lettre du baron de Breteu'd à M. Le Peleticr et à M. de Cortnj
1" .MARS 1788
sur l'entreprise de la tourbe
Je viens d'écrire à M. le premier président 2 pour appuyer les représentations
que vous lui avez faites au sujet de l'ordonnance du Bureau de la Ville du
7 septembre dernier dont les actionnaires de l'entreprise de la tourbe sollici-
tent l'homologation, et je le prie de donner tous ses soins pour faire interve-
nir le plus tôt possible une décision sur cette demande.
1. En date du 25 mars 1770. — Est jointe la liste des 297 maisons de l'île
Saint-Denis, avec les noms des propriétaires et le revenu de chacune. Celle qui
rapportait le moins (200 livres) (■tait située Pont-Marie; celle qui rapportait le
plus (13,500 livres) était l'Hôtel de Bretonvilliers, occupé par la Ferme générale
et appartenant à la marquise de Montmirail.
2. Dans cette lettre (même date), de Breteuil fait ressortir l'intérêt qu'il y a
« de ménager la consommation du Bois dans la capitale ». (Arcli. nat., 0*499,
p. 124-125.)
LE MINISTRE DE PARIS 371
Du même au Prévôt des marchands
1] AVRIL 1788
SUR LA SURINTENDANCE DES EAUX
Je ne suis point surpris, Monsieur, de la démarche que MM. les commis-
saires des eaux ont faite auprès de vous1. Leur vœu serait sans doute le mien
si l'amovibilité de la place que vous exercez n'était un obstacle insurmontable
à l'arrangement particulier qui vous a été proposé. La nouvelle administration
des eaux va passer sous la juridiction du bureau de la Ville, et la surinten-
dance générale doit être perpétuellement attachée non à la personne du chef
de cette juridiction, mais à la place, qui ne meurt point. Le bon ordre
l'exige, et vous concevrez mieux que personne, Monsieur, en considérant la
place que vous occupez, que, s'il en était autrement, il pourrait naître entre
vous et vos successeurs des difficultés excitées par un esprit de rivalité très
naturel à prévoir, et qui apporterait nécessairement des entraves nuisibles au
bien de l'administration. C'est à ce motif unique que je fais dans cette cir-
constance le sacrifice de mon sentiment ainsi que de mon opinion pour vous.
Je connais trop l'élévation de vos principes, lorsqu'il s'agit de l'intérêt public,
pour n'être pas sûr de votre désintéressement personnel2.
Lettre du baron de Breteuil à M . de Cornu
4 mai 1788
SUR LE CHOIX DES CONSEILLERS DE VILLE
J'ai cru m'apercevoir, Monsieur, que la plupart des échevins pris dans le
nombre des quarliniers et conseillers de Ville mettent un grand empressement
à se défaire de leurs charges après leur échevinage, en faveur de particuliers
que l'on admet peut-être ensuite bien légèrement sans trop d'examen dans le
corps municipal. Cela est probable, puisque dans moins d'un an il y a eu
parmi ces officiers deux s événements de commerce qui ont été peu agréables
aux deux compagnies. 11 semble que toutes les conditions soient remplies
lorsque l'aspirant est au gré du vendeur; on n"exige de lui alors que d'être né
à Paris. On a observé que le bureau de la Ville dans quelques circonstances
mettait infiniment trop de facilité à l'admission des sujets proposés, qu'il
n'apportait pas assez d'attention et ne faisait pas un examen suffisant des
candidats présentés pour remplir des charges qui mènent à l'échevinage, et
qu'il pouvait en résulter les conséquences les plus graves. 11 est de l'honneur
1. Passage raturé : « et ils vous devaient à toutes sortes de litres cette marque
d'honnêteté et de reconnaissance. »
2. La première formule, surchargée, était moius polie : « Je connais trop votre
désintéressement personnel... pour croire que vous m'en sachiez mauvais gré. »
0'499, p. 195. — Étliis de Corny fut nommé commissaire spécial du roi à l'effet de
surveiller les opérations de la Compagnie (L. du 25 avril, p. 234).
3. Après ce mot, le texte primitif, surchargé, porte plus crûment les mois :
« banqueroutes frauduleuses » (Arch. nat., 0'499, p. 253).
372 LE MINISTRE DE PARIS
et de la dignité du premier corps de ville du royaume de n'agréer que des
citoyens connus par de bonnes mœurs, de la capacité, une extraction hon-
nête et une probité intacte, afin de prévenir les inconvénients des mauvais
choix. Vous voudrez bien faire connaître au bureau de la Ville la nécessité
indispensable de m'informer à l'avance (toutes les fois qu'il s'agira des muta-
tions de ces offices) des noms des sujets proposés, de leur fortune, de l'état
qu'ils exercent dans la société, du degré de considération dont ils jouissent,
en un mot de tout ce qui pourra me mettre à portée d'en rendre compte au
roi, et de demander, s'il y a lieu, l'agrément de Sa Majesté, sans lequel ils ne
pourront dorénavant être pourvus1...
Lettre du baron de Breteuil au Bureau de la Ville
28 mai 1788
POUR APPUYER UN PROJET RELATIF AU FLOTTAGE -
Le baron de Breteuil adresse, avec sa recommanda lion, une requête
de M. de Cellier, entrepreneur des barrages du Morvan, au bureau
de la Ville.
Le sieur de Cellier prend la liberté de vous rappeler qu'en 1784, lors de la
disette de bois dans la capitale..., vous reconnûtes que ce fléau passager ne
pouvait être attribué qu'au retard des flottages du Morvan, et ce retard aux
manœuvres des marchands dont l'intérêt personnel n'est jamais d'accord avec
l'intérêt général. Sur vos instructions et conformément à vos désirs, le gou-
vernement chargea le sieur de Cellier de la construction de neuf étangs nou-
veaux dans les montagnes du Morvan et de l'exhaussement de sept étangs
déjà construits, en assignant pour le prix de ces ouvrages une somme de
200,000 livres. D'un autre côté, pour mettre le sieur de Cellier en état de con-
sommer sans trouble cet ouvrage important, le Parlement lui conféra... l'entre-
prise générale du flottage jusqu'au pont d'Aringclte, et pendant quatre
années.
Vous savez, Messieurs, comment le sieur de Cellier a rempli sa double mis-
sion. L'abondance des bois dans la capitale depuis 1785 est une preuve du zèle
qu'il a mis dans l'accélération des flottages. Et quant aux étangs dont l'exhaus-
sement ou la construction lui étaient confiés, M. le procureur du roi a daigné
lui-même faire une visite exacte de ces ouvrages ; il n'est pas un seul rocher
des montagnes du Morvan qui soit échappé à son infatigable attention, et vous
1. Le procureur du roi et de la Ville eut à requérir le dépôt de celte lettre au
greffe et son expédition aux deux Compagnies de Ville. A la même date, avis
en est donné par de Breteuilà Le Peletier(p. 255). Dans une autre lettre du 12 sep-
tembre 1787 (0'49S, p. G33), de Breteuil avait dû recommander aux membres du
bureau, pour éviter toute suspicion et. maintenir la pureté des principes, de ne
prendre aucune part directe ni indirecte aux adjudications des bâtiments du do-
maine de la Ville.
2. Arch. nat., IL 19o9. — Sur l'histoire du flottage depuis Ch. Lecointe et Jean
Rouvet (4549), voyez Max. du Camp (ouvrage cité), t. I, p. 310 et suivantes.
LE MINISTRE DE PARIS 373
savez, Messieurs, quel rapport favorable il a bien voulu faire des ouvrages du
sieur de Cellier alors presque achevés.
Mais les marchands, menacés dans leur « complot », traitèrent de
Cellier en ennemi. Leurs violences et leurs ruses « forment la ma-
tière de vingt procès réunis en un seul, sur lequel, après plusieurs
audiences, le Parlement a prononcé un délibéré qui n'est pas encore
jugé». Tantôt les marchands déposaient les bois à de grandes dis-
tances des ruisseaux flottables, afin de disputer à l'entrepreneur les
avances nécessaires pour les rapproche!-; tantôt ils refusaient le prix
du flottage : de ce double chef, de Cellier leur réclame 50,000 livres.
Le gouvernement lui en doit encore 22,000. Des arrêts provisoires et
par défaut contre les marchands lui auraient permis de rentrer dans
une somme de 15,000 livres, sans « la vacance imprévue et illimitée
du Parlement ». Comme l'exercice de la « justice publique » est sus-
pendu, de Cellier a recours « à la justice particulière » du bureau (h;
la Ville, et lui demande l'avance de ces 15,000 livres, pour lesquelles
il offre d'ailleurs des garanties, et une hypothèque générale sur ses
biens immeubles qui valent plus de 300,000 livres. Il offre en consé-
quence d'achever rapidement les quelques travaux qui restent à l'aire
dans le Morvan ' .
Sur l'avis favorable du sieur Magin, inspecteur général du flottage,
le bureau de la Ville accorda cette avance, par délibération du
6 juin 1788.
Lettre du baron de Breteuil au Procureur du Roi et de la Ville de Pans
29 juin 1788
SUR LES PENSIONS DE LA VILLE 2
J'ai examiné avec attention, Monsieur, l'état des pensions qui se payent
annuellement par la Ville de Paris. Je n'ai pu remarquer sans surprise l'irré-
gularité et la facilité avec laquelle une partie de ces pensions a été accordée.
Je mets cette portion.de dépense dans la classe des abus nombreux qui con-
couraient autrefois à obérer le domaine de la Ville. Je suis très décidé à réta-
blir également l'ordre à cet égard.
Au premier aperçu je dois croire que les quarante articles compris dans la
première classe de cet état et les deux premiers de la seconde sont autant de
pensions accordées en vertu de simples délibérations ou arrêtés du bureau
qui n'ont pas été homologués parle conseil du roi, ou au moins autorisés de
la part de Sa Majesté par une lettre du ministre du département.
1. Un arrêt du Parlement, du 30 duc 1783, fixait comme dernier délai te mois
d'octobre 1788.
2. Arch. nat.,0'499,p. 372 à 377.
371 LE MINISTRE DE PARIS
Les villes et communautés, considérées comme mineures, ne doivent se per-
mettre aucune dépense de ce genre, aucun emploi des deniers hors de l'ordre
ordinaire et des besoins du service journalier, sans en avoir préalablement fait
approuver l'objet par l'autorité du roi. La. négligence de ce devoir pourrait
conduire l'administration à des déprédations et les administrateurs à de justes
regrets.
En examinant l'état des pensions, on remarque que le domaine de la Ville a
contracté une surcharge d'engagements que les principes et les dispositions de
l'administration supérieure auraient empêchée, si le corps municipal avait
soumis ces divers résultats à l'autorité du roi.
Ce que vous m'avez adressé, Monsieur, est insuffisant pour mon instruction.
Vous ne m'expliquez pas pourquoi la veuve Blanchard Durcstc, portée sous le
n° 1er de la première classe de l'état pour une pension de 3,600 livres, en
vertu de deux décisions des 12 mars 1761 et 12 avril 17G8, se trouve encore
en tète de la seconde classe pour une pension de 2,000 livres accordée le
20 août 178i. CclLc décision ultérieure a pour objet, suivant l'état, de tenir
lieu à la veuve Blanchard de la pension de 2,000 livres que lui devait le sieur
Buffault en sa qualité de receveur général de' la Ville. Je désire que vous me
lassiez connaître les motifs pour lesquels le Domaine a été chargé de ce rem-
placement.
Le sieur Campourcy, porté au n° 10 de la première classe pour une pension
de 400 livres à dater du 30 juillet 1776, se retrouve aussi pour pareille somme
au n° 2 de la seconde classe, à dater du 22 septembre 1781 ; on ne dit pas ce
qui a pu donner lieu à ce double emploi.
Parce que le sieur Sircbeau (n° 3 de la première classe) a été inspecteur
des fontaines, je ne vois pas qu'il y ait eu lieu de donner une pension de
400 livres à son fils, devenu par son état absolument étranger au service de
l'administration.
Je ne puis concevoir que le sieur Boizot (n° 4 de la première classe), inspec-
teur des ports retiré, ait obtenu que sa pension ait été portée à 2,600 livres
par trois décisions des 22 déc. 1768, 6 nov. 1777 et 20 fév. 1778, en considé-
rant que le traitement de ces places en activité n'est que de 3,000 livres et
que leur suppression, devant avoir lieu successivement à l'époque de la mort
des titulaires, était un obstacle à ce qu'on admit aucune retraite avec pension.
11 eût été préférable de continuer à tirer parti de cet employé puisqu'on vou-
lait lui continuer un traitement incompatible avec l'inaction à laquelle il s'est
dévoué.
Les nos 6 et 7 ont chacun pour objet une pension de 200 livres accordée à
deux filles du chef de cuisine ou maître d'hôtel de ta Ville \ Il est ridicule que
l'administration ait perpétué par là le souvenir d'un chef de cuisine attaché
spécialement à l'Hôtel de Ville de Paris2, et qu'elle ait exposé à la censure la
1. Souligné dans le texte.
1. Kappelons, à ce propos, du moins pour les deux derniers vers, l'apostrophe
burlesque de Claude Le Petit à l'Hôtel de Ville :
'• Ridicule et franche copie Sans art et sans enchanterie,
D'une coque de limaçon, Les rats tiennent chez lui h
Chef-d'œuvre d'un aide à maçon Et tu sens plus l'hostellerie
Piloté sur de l'eau croupie! Que tu ne parois un Hostel. »
Pile de moellons tous rangés [Paris ridicule, strophe 74.)
LE MINISTRE DE PARIS 375
distribution de ses libéralités et de ses pensions en associant à ses pension-
naires jusqu'aux enfants d'un cuisinier.
Le commis chargé de la rédaction de l'état a négligé de faire mention de la
date de l'origine des pensions énoncées sous les numéros 12, 13, 14 et 15.
Celle de 600 livres (numéro 12) accordée à la veuve d'un procureur au bureau
de la ville paraît bien extraordinaire. En effet, citc-t-on quelque juridiction
qui soit dans l'usage de pensionner ses procureurs ou leurs veuves?
Quelles étaient les fonctions du sieur Tripart (numéro 15) et par quels
services a-t-il mérité que le bureau de la ville fît à sa veuve une pension de
500 livres?
On s'est borné à indiquer pour motif des grâces accordées à la plupart des
pensionnaires inscrits sur l'état qui m'a été adressé, leurs anciens services.
Cette indication est trop vague, et j'aurais désiré qu'on énonçât leur âge, la
nature et la durée de leurs services, afin d'être à portée d'apprécier les droits
qu'ils ont pu acquérir à la faveur et à la bienveillance de l'administration, et
à l'approbation à laquelle il faut enfin recourir pour y donner le caractère de
régularité et de légalité qui leur manque.
L'ordre et l'économie que le bureau doit établir dans toutes les parties de
son administration, et dont il s'est déjà occupé avec zèle et succès, exigent
qu'à l'avenir on soit plus réservé que par le passé sur les grâces pécuniaires.
Je vous répète, Monsieur, que l'intention expresse du roi est que toutes les
décisions de ce genre soient soumises à l'examen de son Conseil pour y être
homologuées, s'il y a lieu.
Vous voudrez bien revoir cet état dans le premier comité du bureau de la
ville, faire part de mes observations et me procurer le plus tôt possible le
supplément d'éclaircissements que l'insuffisance des premiers m'oblige à de-
mander. Je suis certain que vous ne perdez pas un seul instant de vue qu'une
des fonctions les plus importantes de la place que vous occupez est de veiller
sans relâche à la conservation des intérêts de la commune, de faire rejeter
constamment toute espèce de dépense dont l'utilité et la convenance ne sont
pas évidentes, et de maintenir autant qu'il sera en vous les règles et les prin-
cipes d'après lesquels une administration sage doit toujours [procéder]. En
faisant de nouveau cet état des pensions, vous aurez soin de réunir sous le
même numéro les pensionnaires qui auraient eu successivement des aug-
mentations de pensions et de ne pas les laisser subsister dans des articles
séparés.
Cette forme devra être également suivie lorsque vous rassemblerez les états
de divers employés pour n'en former qu'un seul, et pour réunir dans un
même article, en les distinguant toutefois, les différents traitements qui leur
sont attribués pour différentes fonctions. Mon intention est de voir en totalité,
sans parcourir différentes feuilles, ce que chaque individu reçoit de l'Hôtel de
Ville, et à quel titre l. »
Je désire aussi que vous annonciez de ma part au bureau de la Ville que do-
rénavant les pensions ne se donneront plus qu'une fois l'année et seulement
1. Voir ci-dessous, au chapitre do l'Hôtel do Ville, les derniers budgets de la
Ville de l'avis; on s'apercevra que les recommandations du ministre restèrent
lettre morte.
37G LE MINISTRE DE PARIS
dans [les] huit ou quinze derniers jours qui précéderont la révolution de l'an-
née municipale1. Par ce moyen, le bureau sera toujours en état de tenir la
main à la mesure juste des bienfaits de la Ville et à atteindre celle fixée par
le règlement de 1783, parce que, en même temps qu'on arrêtera les frais à
faire, on se fera représenter les extinctions qui auront eu lieu pendant le cours
de l'année.
Lettre du baron de Breteuil à Le Peletier
30 juin 1788
SUR LE RENOUVELLEMENT DE SA CHARGE
DE PRÉVÔT DES MARCHANDS
J'ai mis, Monsieur, sous les yeux du roi, le mémoire qui était joint à votre
lettre du 22 du mois dernier2. Sur le compte que je lui ai rendu de voire zèle
et des soins que vous apportez à tout ce qui est relatif à l'administration' de la
ville de Paris, Sa Majesté m'a autorisé expressément à vous en marquer sa
satisfaction. Elle vous accorde son agrément pour que vous soyez continué
dans la place de prévôt des marchands pendant deux années. J'ai l'honneur
de vous adresser la lettre que Sa Majesté écrit au Corps de ville à cet effet,
afin que vous la lui remettiez à la prochaine assemblée.
Du même au même
10 JUILLET 1788
SUR LE MARCHÉ AUX FLEURS
On propose, Monsieur, par le mémoire que j'ai l'honneur de vous adresser,
de transporter sur le nouveau quai de Gcsvres le marché aux tleurs et arbustes
qui se tient deux jours delà semaine sur le quai de la Mégisserie. Peut-être
ce projet serait-il avantageux 3 ?...
1. Elle se terminait le 15 juillet, veille de Saint-Roch.
2. Le Peletier demandait d'être continué pendant deux prévôtés consécutives
(1788-1792); il citait les précédents de Turgot et de Bernage; il invoquait un bon
du feu roi, en vertu duquel il était assuré de la conservation de l'intendance de
Soissons. — De Breteuil (30 juin) lui demande diverses pièces relatives à l'objet
de son mémoire et lui fait observer que, si plusieurs de ses prédécesseurs ont
obtenu quatre prévôtés, il n'est pas démontré que la quatrième ait jamais été
accordée avant le commencement de la troisième ; or « le roi a de l'éloigne-
ment pour ce qui change les usages de ce genre » (Arch. nat., O1 499, p. 378
et 379).
3. Un jugement du bureau (11 décembre 1737), confirmé par arrêt du Parle-
ment (7 janvier 1738), avait prononcé1 la résiliation du bail emphytéotique des
places à étalages du quai de la Mégisserie;, mais les tleurs et arbustes pouvaient
toujours y être exposés en vend' les mercredis et samedis (Ord. du bureau du
7 mai 1760). Les abus des échoppes et étalages sur les quais et pouls tenaient :
1° au favoritisme municipal; 2° aux faibles moyens de répression donl disposait
la Ville en comparaison de la police, à laquelle néanmoins elle ne voulait rien
LE MINISTRE DE PARIS 377
Lettre de Laurent de Villedeuil à M. de Comy
27 SEPTEMBRE 1788 I
SUR LE GRAVEUR MOREAU, ETC.
J'ai examiné, Monsieur, l'expédition du marche fait le 22 août 1782 avec le
sieur Morcau, pour la gravure des l'êtes données au roi et à la reine, à l'Hôtel
de Ville, à l'occasion de la naissance de Monseigneur le Dauphin-. Les con-
ventions réglées par cet acte sont aussi précises que contraires à la demande
du sieur Moreau. Les engagements d'un marché de ce genre ne peuvent jamais
être réputés comminatoires, parce que, s'il y avait une impossibilité évidente
de les remplir avant de s'y soumettre, il y aurait eu de la mauvaise loi à les
contracter. Il est évident parce marché du 22 août 1782, signé par le sieur
Morcau lui-même : 1° que le prix de ce travail a été réglé à 40,000 livres;
2° qu-'on lui a promis en outre la somme de 5,000 livres par l'orme de gratifi-
cation, en cas qu'il livrât et remît les quatre planches gravées, en leur état de
perfection, vingt mois après la date du marché; 3° que, faute de les remettre à
cette époque, le sieur Moreau demeurerait déchu de cette gratification, et qu'il
ne lui serait payé que la somme de 40,000 livres.
Je ne suis point étonné que votre attention et votre vigilance vous aient dé-
terminera soumettre littéralement vos conclusions aux termes du marché dont
il s'agit. J'estime infiniment les talents de cet artiste; mais il me paraît que,
dans cette circonstance, on ne peut accueillir ses représentations. La dépense
énorme de ces fêtes excita la censure dans le temps; c'eût été peut-être bien
fait de ne pas réveiller ce souvenir en les faisant graver; on aurait évité d'ail-
leurs des frais énormes et sans utilité. Au surplus, il ne peut imputer qu'à
céder de son domaine. — Dans l'après-midi, le Pont-au-Change était presque
obstrué par des échoppes, des étalages, des curiosités, des baladins; les voitures
ne pouvaient y passer qu'avec peine, notamment du côté du Châtelet. Le devant
du trottoir du pont de Gesvres menaçait de devenir un dépôt de voilures, char-
rettes, baquets, tombereaux, etc. Les entrepreneurs des démolitions ajoutaient
encore à L'encombrement. «C'est dans le principe qu'il faut empêcher ces abus»,
conclut nue note du \ avril 1787 signée Éthis de Corny (Arch. nat., IL 1958, II,
pièce 82j.
L. Arch. nat., O1 499, p. 380.
2. Né le 22 octobre 1781, mort le S juin 1789. — « Les fêtes de Paris eurent
peu d'éclat et de gaieté; mais ce fut par une cause alors bien connue. Le prévôt
des marchands et les éçhevins étaienl poursuivis par le souvenir de la sinistre
fête du mariage de Louis XVI et tremblaient de voir se renouveler une affreuse
catastrophe. Pour garantir de la foule l'Hôtel de Ville où se rendrai! la famille
royale, il fut décidé que L'entrée de la place serait interdite au peuple. Les or-
donnances de police semblaient moins annoncer l'espoir de prévenir Les événe-
ments funestes que le désir île mettre à couvert la responsabilité des magistrats.
Tout Paris savait que des salles étaienl préparées pour recevoir les blessés. Les
plus tristes idées résultèrent de préparatifs sages en eux-mêmes, mais qui re-
çurent une publicité maladroite. Les plaisants tirent une chanson maligne sur
ces apprêts lugubres et sur les ordres donnés pour éloigner de la fête le peuple
qui la payait. » (Jos. Droz, Histoire de Louis Aï 7, tome I, p. 383.)
378 LE MINISTRE DE PARIS
lui-même ce retard de plus de quatre ans, et les circonstances présentes exi-
gent plus que jamais une économie exacte. Je ne puis que vous approuver,
Monsieur, de ne pas vous écarter dans vos conclusions des conditions de l'acte
du 22 août 1782.
Du même à M. de Corny, Procureur du Roi et de la Ville
25 DÉCEMBRE 1788
SUR UN ÉTAT DES BLÉS
Je vous prie, Monsieur, de faire parvenir tous les jours à M. Doumer [c], un
état qui indiquera : les quantités de blés et de farines restants la veille sur les
ports; 2° les quantités arrivées dans le jour; 3° et les quantités vendues avec
les prix.
Du même au Prévôt des marchands
29 janvier 178!)
sir l'état des boulevards
Je comptais, Monsieur, voir M. de Crosne mardi dernier et lui parler des ré-
clamations de la ville, relativement aux ordres que ce magistrat a donnés de
répandre sur le pavé des boulevards les immondices et glaces qui y étaient
amoncelées et de faire jeter dans la rivière celles qui étaient entassées sur les
places et quais de la ville. Le temps m'ayant manqué, je viens d'écrire à
M. de Crosne, et le prie de se concerter avec vous sur cet objet de police et de
faire cesser les réclamations du bureau1.
Lettre signée de Laurent de Villedeuil au Prévôt des marchands
18 FÉVRIER 1180
SUR UN NOM DE RIE2
J'ai, Monsieur, l'honneur de vous envoyer l'expédition de l'arrêt du Conseil
du li de ce mois qui ordonne que la rue d'Enfer, près celle Poissonnière, quit-
tera ce nom pour prendre celui de rue Rleue. Je vous prie de vouloir bien le
faire exécuter...
Du même à M. le Prévôt des marchands Le Peletier
8 AVRIL 1789
SUR SA DÉMISSION
J'ai mis, Monsieur, sous les yeux du roi la démission de votre place de pré-
•
1. Arch. nat., 0» rïOO, p. 6-i. — A la même date, lettre a dé Crosne, p. 74. -
Réponse dilatoire de M. de Crosne, indiquée dans la lettre au prévôt des mar-
chands du 2 février (p. 7'J).
2. Arch. nat., 11. i960.
LE MINISTRE DE PARIS 379
vôt des marchands de la ville de Paris, que vous m'aviez chargé de présenter
à Sa Majesté. Le roi, Monsieur, n'a pas jugé à propos de la recevoir, et l'in-
tention de Sa Majesté est que vous continuiez les fonctions d'une place que
vous avez remplie jusqu'à présent à la satisfaction de Sa Majesté et dans la-
quelle vous avez donné des preuves du zèle qui vous anime pour le bien de
son service \
LETTRES DIVERSES RELATIVES A PARIS
JANVIER 1787 - AVRIL 1789
Lettre du baron de Breteuil
à M. h1 marquis de Launay, gouverneur de la Bastille
■21 JANVIER 1787
Vous retrouverez ci-joint, Monsieur, le billet qui était joint à votre lettre
le 26 de ce mois. Le roi n'accorde point la permission de voir l'intérieur de
la Bastille, et vous devez sentir mieux que personne combien il serait d'une
dangereuse conséquence de s'écarter de la sévérité des règles qu'on s'est pres-
crites a cet égard-.
1. Le Peletier insista de nouveau pour sa démission et chargea le comte de
Puységur don présenter au roi les motifs (Arch.nat.,01 500, p. 247; voyez aussi
p. 259)* — Jacques de Flesselles, nommé le 21 avril, fit enregistrer ses lettres au
bureau de la Ville le 25, et prêta serment au roi le 3 mai, deux jours avant la
première séance des États généraux. Je renvoie au tome Ier des Élections et
Cahiers de Paris en 1189, par Ch.-L. Chassin, pages 317 à 397. Outre le dénoue-
ment de la querelle entre la Ville et le Châtelet, Le Peletier fut sans doute fort
humilié de la conduite du tiers état envers la Ville, dont les officiers désignés
comme présidents des sections électorales (Mirent à se retirer devant d'autres
présidents élus, ou ne durent leur maintien qu'à l'élection.
2. Sur le gouvernement de la Bastille, composé à la fin de l'ancien régime de
11 membres, voyez VAlm. royal de 1789, p. 207. — Le gouverneur était payé à
for/ail. 11 touchait 10 livres par tête et par jourpour les douze premières places
de prisonniers, que ce nombre fût complet ou non, et pour les places subsé-
quentes, 3 livres. 11 était donc en quelque sorte engagé à faire des bénéfices sur
leur entretien. Il bénéficiait des cas extraordinaires, tels que, en 1788, celui des
gentilshommes bretons, eiuprisonnés à raison de 15 livres par tête et par jour
(Lettre du baron de Breteuil à de Crosne, 21 juillet 178S, Arch. nat., O1 499,
p. 421). — Le 10 août 1788, il est question d'augmenter le traitement du gou-
verneur en portant les 12 premières places de 10 livres à 12 livres et les autres
de 3 livres à 6 livres, vu l'augmentation du prix des vivres [Ibid., lettre à de
Crosne, p. 467). — Le 11 janvier 1789, Laurent de Villedeuil demande au maré-
chal de Puységur, minisire de la guerre, la croix de Saint-Louis pour l'aide-
major de Mirey, le seul des lieutenants du gouverneur qui ne l'ait pas : « La
380 LE MINISTRE DE PARIS '
Mention d'une expédition d'Arrêt du Conseil
à M. Vidaud de La Tour, directeur de la Librairie
15 FÉVRIER 1787
Envoyé l'expédition de l'arrêt qui supprime plusieurs brochures concernant
les assemblées nationales et interdit les sieurs Hoffman, Rover cl Petit, pour
les avoir imprimées et vendues r.
Lettre du baron, de Breteuil au Contrôleur général
10 a vu îi. 1787
J'ai, Monsieur, l'honneur de vous envoyer un mémoire de plusieurs jardi-
niers, demeurant proche la barrière de Charonne, au sujet de la direction que
l'on donne aux murs qui doivent enecindre la ville de Paris. Comme cet objet
concerne votre départcmenl, je ne puis que me référer aux égards que les re-
présentations de ces particuliers vous paraîtront mériter.
Du même à M. Boin, garde des archives de la Bastille
27 AVRIL 1787
Vous trouverez ci-jointe, Monsieur, une noie qui m'a été remise concernant
plusieurs malles de papiers de feu AI. le duc de Vendôme, qu'on dit être dé-
posés à la Bastille2. Vous voudrez bien vérifier si en effet ce dépôt existe, et
en ce cas dans quel éiat il est, et quel parti on peut en tirer. Vous aurez at-
tention, en me répondant le plus lot qu'il vous sera possible, de me renvoyer
la noie ci-jointe.
Du même à M. d'Auvergne, directeur gênerai de l'Opéra
12 mai 1787
Vous trouverez ci-joint un état des personnes auxquelles on a écrit au sujet
des petites loges qu'elles ont à l'Opéra, et qui n'ont point encore fait de ré-
ponses. Vous voudrez bien les prévenir que si elles ne se sont pas mis[es] en
règle avant la lin du présent quartier, elles seront, aux termes des règlements,
privées de leurs loges qui seront données aux personnes qui en demanderont.
Vous leur ajouterez que c'est moi qui vous ai chargé de le leur annoncer.
place de confiance qu'il occupe exige qu'il suit décoré pour en imposer davan-
tage aux prisonniers qui sont dans le château de la. Bastille » (Arch. nul., <>■ 500,
p. 31).
1. Le lit mars, ils furent rétablis dans leur maîtrise (O1 198, aux dates),
2. Cette existence fut constatée et le garde des manuscrits de la Bibliothèque
du roi fut chargé d'en dresser l'étal (Voyez O1 498, p. 288 et 289).
LE MINISTRE DE PARIS 3S1
Du même à M. Le Noir, garde de la Bibliothèque royale
13 MAI 1787
Je crois, Monsieur, devoir vous prévenir que j'adresse à M. Bcjot, garde des
manuscrits de la Bibliothèque, différentes pièces copiées sur des manuscrits de
la Bibliothèque du Vatican. Trois de ces pièces contiennent sur la Puccllc d'Or-
léans des choses qui ne sont pas à la Bibliothèque, et m'ont paru en consé-
quence devoir y ëlrc déposées, et être reliées en un seul volume',
comme supplément à ce que la Bibliothèque royale possède déjà concernant
la Pucellc...
Du même à M. de La Férié, commissaire général de la maison du lioi,
à l'hôtel des Menus, rue Bergère
30 mai 1787=
J'ai reçu, Monsieur, votre lettre du 19 de ce mois, et celle de M. de Beau-
marchais. Je ne puis me persuader que les circonstances si imprévues dans
lesquelles il se trouve s, deviennent un obstacle à ce qu'on donne l'Opéra de Ta-
rare. Le public l'attend avec impatience, et son succès, que nous sommes fon-
dés à regarder comme certain, ne peut qu'ajouter à l'éclat de sa réputation lit-
téraire. Ce sera un premier triomphe sur ses adversaires. D'ailleurs le roi
voulant bien suppléer aux dépenses de l'Opéra lorsque les recettes sont insuf-
fisantes, on ne pourrait sans compromettre les intérêts de Sa Majesté différer
de jouer un ouvrage dont on s'occupe depuis longtemps, et pour lequel on a
l'ait des frais très considérables, qui seraient en pure perte. Ce qui ajouterait
encore au préjudice que l'Opéra en souffrirait, c'est qu'il ne se trouve aucun
autre opéra de prêt, et qu'il serait impossible de servir le public. J'ai fait ce
matin ces observations à M. de Beaumarchais. Je vous prie de le voir, de les
lui faire de nouveau, et même de lui communiquer ma lettre. Je ne doute point
qu'après toutes ces réflexions et ce que vous pourrez y ajouter, il ne se déter-
mine à penser lui-même qu'il est indispensable de laisser aller son ouvrage,
et dans cette opinion vous voudrez bien continuer toutes les mesures pour
qu'il soit donné le 4 juin, ainsi que le public s'y attend.
1. Coté 5970 bis. — Ces recherches occupaient tout spécialement l'ancien con-
trôleur général de l'Averdy, qui, par ses relations avec les ministres, put diriger
des découvertes du même genre dans les principales bibliothèques de l'Europe
et à Orléans.
2. Arch. nal., O1 498, p. 327. Voir l'Administration des Mentis, joui uni de Pa-
pillon de la Ferlé, par Ern. Boysse, et le tome 11 des Mélanges historiques de la
Coll. des Documents inédits.
3. Le procès Kornmann. — L'arlicle Beaumarchais de la Grande Encyclopédie,
par M. Maurice Tourneux, est au courant des derniers résultats de la critique
au sujet de ce personnage si discuté. Voir, pour le détail de ce curieux procès
d'adultère et de chantage à la fois, la série des factums de la Bib. nat. cotés
4°Fj, aux noms Beaumarchais et Kornmann, et surtout le premier mémoire de
Bergasse, 4°F;726, n° 16510.
382 LE MINISTRE DE PARIS
Du même à M. Denis, président du Bureau des finances
15 juin 1787
Je suis informé, Monsieur, que le sieur Thury, maître fondeur, fait bâtir sur
un terrain faisant l'encoignure des rues Taranne et du Sabot et que, quoiqu'il
n'y eût pas de bâtiments sur le terrain, on n'a pas profité de la circonstance
pour donner plus de largeur à ces deux rues qui n'ont que douze pieds. Je
vous prie de voir, Monsieur, s'il ne serait pas possible de donner au sieur
Thury un nouvel alignement et de le forcer à se retirer de six pieds, sur chaque
rue, de manière qu'en forçant par la suite les propriétaires des maisons en
face à reculer également de six pieds, ces deux rues puissent arriver à la lar-
geur de vingt-quatre pieds. Il serait bien essentiel de forcer à des retran-
chements tous les propriétaires de maisons [des rues] qui n'ont pas au moins
cette largeur. Cela est encore plus nécessaire pour la libre circulation de l'air
et la foule des habitants que pour la décoration '.
Du même à MM. les Administrateurs
de la. Compagnie des assurances contre l'incendie
20 juin 1787
Depuis plus de six mois, Messieurs, que votre établissement est commencé,
on ne m'a encore rendu aucun compte du dépôt complet de 8 millions, dépôt au-
quel vous êtes obligés2 et par votre soumission et par l'arrêt qui a autorisé votre
entreprise. Comme je désire de mettre incessamment sous les yeux de Sa Ma-
jesté l'état de sa situation, ce dépôt est le premier objet sur lequel je vous
demande des éclaircissements exacts et certains. Vous voudrez bien m'informer
en même temps du détail des opérations et des améliorations de la compagnie
relativement à ses fonds '.
Du même au sieur de Launay
13 JUILLET 1787
Le sieur Verniquet, Monsieur, m'a écrit au sujet du plan en masse qu'il
désire de lever des bâtiments, cours et dépendances du château de la Bastille.
1. Arch. nat., O1 i'J8, p. 392.— L'affaire n'eut pas desuitè (lettre du 29 juin 17S7
p. 428).
2. 11 devait èlro déposé le Let juillet 1787, à la caisse de l'Hôtel de Ville, à titre
de fonds de garantir; il ne le l'ut qu'au mois d'août (lettre du 8 août 1787 .
.'5. De nouveaux délais provoquèrent une nouvelle lettre (20 juillet). Me Breteuil
approuve la vente de (>()() actions à 930 livres, mais ajoute que « le roi doil rester
propriétaire du quart du bénéfice provenant de cette vente, comme s'il étail pro-
venu des assurances ". Il réclame les comptes, pour que le roi puisse savoir eu
quoi consiste son (//uni. Ailleurs (lettre au contrôleur général, •'! aoûl l~.S7i. il
soutient cette même compagnie contre la Compagnie des eaux (Perier) qui sou-
tenait faussement avoir le privilège exclusif des assurances contre l'incendie.
LE MINISTRE DE PARIS 383
Je pense comme vous qu'il serait plus simple de lui communiquer1 le plan
exact qui est entre les mains de M. Larché d'Aubencour, ingénieur chargé des
fortifications de ce château'.
Du même à M. GuichanI,
procureur du Roi du Bureau /les finances, rue Sainte-Apolline
14 JUILLET 1787
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous avez pris la peine de m'écrirc le 10 de
ce mois au sujet de l'orme Saint-Gervais. Je sais que cet arbre est regardé
dans tout le quartier comme une espèce de monument : sa destruction ne pro-
duirait que des avantages peu importants, et ne manquerait pas d'exciter de
vives réclamations. Je suis d'ailleurs assez porté à la conservation de tout ce qui,
sans occasionner des inconvénients graves, porte un certain caractère d'anti-
quité, et semble consacré dans l'opinion du peuple par un préjugé presque
immémorial. Je crois, d'après ces réflexions, qu'il est convenable de laisser
subsister l'orme dont il s'agit. Je vous prie cependant d'être persuadé que, si
dans cette occasion mon sentiment diffère du vôtre, je n'en rends pas moins
justice à votre zélé, et aux soins que vous vous donnez pour tout ce qui inté-
resse le public.
Du même au Contrôleur général
li août L787
Vous vous rappelez sans doute, Monsieur, que j'ai fait au dernier conseil le
rapport de la permission demandée par une compagnie de former un établis-
sement pour assurer la vie des hommes. Le Conseil a paru persuadé de l'utilité
de cet établissement. Mais on a pensé qu'au lieu de le confier à une compagnie
particulière, il vaudrait mieux l'affecter à un établissement ou à un corps qui
en consacrerait les bénéfices à des objets d'utilité publique. Je crois, Monsieur,
que le bureau de la ville est le corps auquel il conviendrait le mieux. La con-
fiance qu'il inspirerait le mettrait à portée de faire valoir la chose en grand,
et d'en tirer de grands avantages, en même temps qu'il en procurerait d'aussi
grands à la classe très nombreuse des citoyens qui, n'ayant que des revenus
viagers, ou les appointements 'de leurs places, ou les émoluments de leurs
professions, n'ont pas l'espérance de rien laisser à leurs héritiers... ?.
1. Le même jour, de Breleuil écrit dans le même sens à Verniquet, architecte
an bureau général des plans de Paris, aux Grands-Augustins, à Paris, el insiste
sur l'embarras d'avoir, dans l'intérieur de la Bastille, des personnes qui y sont
étrangères. — Lo 11 nov. 1187. le ministre de Paris déclare n'avoir accordé au-
cune permission au bureau des finances de décharger des terres et gravats dans
les fossés de la Bastille, el de les exposer ainsi à être comblés, « ce qui ne me
parait pas être quant à présent dans l'intention du gouvernement » [Ibid ., p. 744).
2. Depuis 1765, les Ahn. nivaux portent : Larcher d'Aubancourl.
3. Après entente à ce sujet avec le contrôleur général, le ministre de Paris
écrit dans le même sens au bureau de la Ville (16 septembre 1787).
38i LE MINISTRE DE PARIS
*
Lettre signée par le Roi :
1" à Monsieur, pour le Luxembourg;
2° à Monseigneur comte (V Artois, pour le Temple;
3° à Monsieur le duc d'Orléans, pour le Palais-Royal ' .
19 AOUT 17S7
La multiplicité des faiseurs tant de fausses lettres de change et autres effets
commcrçables que de libelles exige qu'on emploie toutes les précautions
propres à arrêter ce désordre. C'est surtout dans les lieux privilégiés que la
surveillance est nécessaire, et on ne peut se flatter de l'y établir d'une manière
efficace qu'autant que leurs privilèges seront suspendus et que les officiers de
police auront la faculté d'y exercer librement leur ministère. J'attends de votre
zèle pour le maintien du bon ordre et de votre attachement au bien de l'État
que vous donnerez au gouverneur du... les ordres les plus précis pour que,
aussi longtemps que les circonstances l'exigeront, les officiers de police
puissent librement faire leurs recherches dans ce lieu comme partout ailleurs.
Lettre du baron de Breteuil à M. le bailli de Crussol,
. capitaine des gardes de Min' le comte d'Artois
19 août ns7
...Sa Majesté ayant observé que Mgr le comte d'Artois n'habite qu'acciden-
tellement le Temple, que Mgr le duc d'Angoulême n'en est réellement qu'usu-
fruitier, que la propriété du local et des privilèges appartient essentiellement,!
l'Ordre de Malte, et que l'ancienneté et la constitution particulière de ces pri-
vilèges devaient y apporter quelques changements, Sa Majesté, après qu'il lui
a été rendu compte du mémoire que vous m'avez remis, m'a ordonné de vous
mander... que son intention est qu'il soit donné dans l'enclos du Temple toute
facilité aux recherches que les officiers de police seront chargés d'y faire... ce-
pendant qu'ils soient tenus d'instruire les officiers du bailliage ou le commis-
saire des recherches qui leur seront ordonnées et auxquelles il ne pourra
jamais être apporté d'obstacles2...
1. Le ministre remit lui-même les deux lettres aux frères du Roi. 11 envoya la
troisième au duc d'Orléans, en s'excusant de n'avoir pu la porter lui-même
(Arch. nat., 0'498, p. 574). — Mêmes mesures mentionnées (p. 578) relativement
aux Tuileries, au Louvre, aux grandes et aux petites Écuries.
2. C'est aussi le baron do Breteuil qui , sur un état des autres lieux privilégiés
dressé par de Crosne, s'occupa des enclos de Saint-Germain-des-Prés, de Saint-
Martin-des-Champs, de l'abbaye Sainte-Geneviève, de Notre-Dame, de Sainl-Joan-
di'-bairan, du fiel' de l'Oursine (ces deux derniers dépendant de l'ordre de .Malte).
— Il prévint de nièiue le maréchal de Ségur, gouverneur de l'Arsenal (Lettre du
29 août, Arch. nat., 0*498, p. 598). — Le 28 août, des prisonniers pour dettes
évadés de la Force se retirèrent au Temple. Le ministre crut devoir attendre les
plaintes des créanciers.
LE MINISTRE DE PARIS 385
Du même à M. Bailly, de V Académie des sciences, etc.
i 30 NOVEMBRE 1787
J'ai examiné, Monsieur, avec beaucoup d'attention les observations que vous
m'avez envoyées sur le mémoire des religieuses de Sainte-Périne de Chaillot.
Elles m'ont paru très judicieuses. Elles présentent clairement l'affaire sur (sic)
toutes ses différentes faces, et je ne puis trop vous remercier des soins que
vous vous êtes donnés pour l'éclaircir.
Je pense comme vous sur les propositions des religieuses. L'intention du
roi, en cherchant des maisons religieuses pour y placer des hôpitaux, a été
d'acquérir les terrains ou emplacements à bon marché, et, si l'on adoptait ce
que propose la maison de Sainte-Périne, on acquerrait leurs terrains au moins
ce qu'ils valent.
La suppression pure et simple en affectant aux hôpitaux non seulement les
biens de Sainte-Périne, mais encore ceux de l'abbaye de Gif, présenterait des
avantages. Mais je préférerais à tous égards le parti de se borner quant à pré-
sent à déclarer les biens de ces deux abbayes affectés aux quatre hôpitaux, et
à défendre aux religieuses de Sainte-Périne de recevoir désormais des novices.
Je vous prie d'en conférer avec M. l'archevêque et avec M. le promoteur1...
Du même à Mme la comtesse de Polignac, rue du Parc-Royal
23 DÉCEMBRE 1787 2
Je ne puis me dispenser, Madame, de vous informer de l'opposition formée à
votre surséance par le sieur Droz et sa femme. Ces particuliers sont depuis cinq
ans créanciers d'une somme de 12,000 livres sur laquelle ils n'ont reçu aucun
acompte. Ils sont eux-mêmes poursuivis par leurs créanciers au point qu'ils
ont été obligés de se retirer au Temple, et qu'ils y languissent dans la plus
grande misère. Ces considérations sont faites pour intéresser, et je crois de-
voir vous prévenir que, si vous ne prenez pas des mesures promptes pour faire
cesser les plaintes du sieur Droz, il ne me sera pas possible de proposer au
roi de vous accorder une nouvelle surséance à l'expiration de celle dont
vous jouissez.
Du même à M. d'Ormesson, président au Parlement
27 JANVIER 1788 3
Vous savez, Monsieur, combien il est instant de supprimer l'ancienne halle
1. Suivent des détails sur le règlement des dettes de l'Abbaye, et la nécessité
de nommer par la suite un curateur liquidateur qui l'empêchât d'en contracter
de nouvelles. — Vers la même époque commence la procédure de l'union des
Hospitalières de la Roquette aux quatre nouveaux hôpitaux (Lettre du 10 février
1788, 0499, p. 73). — Le séquestre des biens de Sainte-Périne est annoncé par la
lettre du 27 février 1788 (Ibid., p. 103).
2. Arch. nat., 0498, p. 815.
3. Arch. nat., 0'499, à la date.
25
386 LE MINISTRE DE PARIS
à la saline et à la marée qui tombe en ruines et cause le plus grand embarras
dans les halles. Elle aurait dû être démolie, aux termes des lettres patentes
du 21 août 1784 enregistrées au Parlement, aussitôt que les constructions de
la nouvelle halle, cour des Miracles, ont été achevées. On a cru devoir sus-
pendre cette démolition pour faire, au désir de la Chambre de la marée, plu-
sieurs additions à la nouvelle halle et y établir un marché au détail. Ces addi-
tions ont coûté beaucoup plus que si l'on se fût borné à exécuter le plan
annexé aux lettres patentes. Je suis instruit qu'il s'est élevé quelques difficultés
relativement à l'ouverture de cette halle, lors de la demande qu'en a faite la
Ferme générale à la Chambre des vacations. Mais aujourd'hui c'est à la Chambre
de la marée qu'il appartient de l'ordonner. Je ne vous laisserai point ignorer,
Monsieur, que le roi, particulièrement occupé de tous les arrangements néces-
saires à la salubrité encore plus qu'à l'embellissement de Paris, a vu le plan
de cette halle, l'a approuvé et môme signé, qu'il m'en a parlé souvent, et qu'il
vient de m'en parler encore... S'il était démontré par l'expérience qu'il lût
besoin par la suite de faire ériger de nouvelles additions à cette halle, ou au
marché, je le proposerais bien volontiers au roi et je suis persuadé qu'il sera
facile de l'y déterminer.
Du même au même
12 mars 1788 '
... La vente en gros de la marée n'a absolument rien de commun avec celle
des autres comestibles; l'une se fait depuis trois heures du matin jusqu'à sept,
tandis que la vente des œufs, beurres, légumes, et autres denrées, ne commence
qu'à huit heures. Il n'y a pour ainsi dire que les détailleresses de marée qui
se présentent à la vente et qui y achètent. La consommation de marée ne sera
en conséquence pas moins considérable lorsque la vente en gros se fera à la
cour des Miracles. On peut en juger par la consommation immense qui se fait
à Paris de volaille, de gibier et de poissons d'eau douce, quoique la vente de
ces objets se fasse dans des endroits bien plus éloignés des halles que la cour
des Miracles...
Du même au Contrôleur général
21 mars 1788 2
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire sur
la proposition que fait M. Bertier d'employer les gens attachés au service des
impositions pour faire cesser les excès que commettent les fraudeurs dans les
environs de Paris, et sur le besoin qu'auraient les garnisaires d'être munis
d'ordres du roi pour emprisonner les coupables.
Je crois devoir vous observer, Monsieur, que ce projet, s'il était adopté, allri-
1. Arch. nat. , 0"499, p. 13a. — Voyez : Autre lettre à d'Ormesson, 7 avril
(p. 190); Lettres au Contrôleur général, 7 avril (p. 191); à MM. Duport, d'Aïa-
rnécourt et Lecoigneux (Id., ibid.).
2. Arch. nat., 0'499, p. 147.
LE MINISTRE DE PARIS 387
buerait à M. Bertier des fonctions qui tiennent à la charge du lieutenant gé-
néral de police de la ville de Paris. En effet, la destruction des fraudeurs est
essentiellement liée avec la sûreté de la capitale; M. l'intendant n'ayant aucune
espèce de fonctions ni d'autorité pour le maintien de la sûreté soit dans
Paris, soit dans la banlieue, il ne peut pas être chargé de faire arrêter les frau-
deurs. M. le lieutenant général de police a des moyens que ses relations lui
donnent pour, sous le point de vue de sûreté, arrêter les fraudeurs ; ce sont
presque tous des gens suspects ou qui ont commis d'autres délits; ils sont
connus des inspecteurs de police; l'ensemble de l'administration fournit des
moyens pour les découvrir, et ils sont dans le cas d'être arrêtés à différents titres.
M. l'intendant n'a sûrement pas les mêmes ressources ; il lui a été sans doute
offert des fonds par la Ferme générale pour faire faire ce travail par ses gar-
nisaires : que la Ferme générale verse les mêmes fonds dans la caisse de la
police, et il en résultera trois fois plus d'effet qu'on ne peut en attendre de la
part des garnisaires.
Les inspecteurs de police font des patrouilles pour la sûreté deux fois par
semaine en hiver, une fois aussi par semaine en été. Il se fait aussi des pa-
trouilles militaires trois fois par semaine. Ces patrouilles seraient doublées,
s'il le faut, au moyen des fonds qui seraient faits par la Ferme, et ce supplé-
ment de patrouilles serait employé à arrêter les fraudeurs dans leurs maisons.
Ces patrouilles se font par des inspecteurs de police revêtus d'un oflice et
ayant serment en justice. Ils sont toujours accompagnés d'un commissaire au
Chàtelet ayant le droit, inhérent aux fonctions de sa charge, d'interroger les
personnes qui sont arrêtées, de les faire relever ou de les envoyer en prison.
Ce sont au surplus ceux qui ont le plus d'expérience qui sont chargés de ces
fonctions.
M. l'intendant de la généralité ne peut pas avoir à sa disposition des per-
sonnes aussi faites que les commissaires au Chàtelet pour inspirer de la con-
fiance, et aussi en état de diriger avec sagesse des opérations qui demandent
tant de mesure.
On ne verrait pas sans inquiétude un nouvel ordre des choses établi à cet
égard et un pouvoir relatif à la sûreté, qui est exercé avec tant de prudence
par des officiers publics, remis à des personnes sans qualité et qui, rela-
tivement à leurs fonctions ordinaires, ne sont pas vues favorablement du public.
Il importe d'ailleurs à une administration sage que les fonctions de la po-
lice soient toujours dirigées par le même esprit et que l'autorité attribuée à
cette espèce de dictature réside dans la même main, dans celle du magistrat
qui en est revêtu, sous les ordres immédiats du ministre auquel il rond
compte à tous les instants. Vous sentirez, Monsieur, facilement, que la rivalité,
la mésintelligence, l'insubordination, les négligences nuisibles au service
public, sont le moindre inconvénient qui naîtrait du partage de celte au-
torité.
Enfin, quelle sensation ne produirait pas dans le public, surtout dans ce
moment actuel, la remise qui serait faite à ces garnisaires d'ordres du roi!
Ces considérations ne me permettent pas, Monsieur, d'accueillir comme je
le désirerais la proposition que vous faites de faire expédier les ordres du roi
que demande M. Bertier pour les remettre aux garnisaires *.
1. Bertier passa outre, et, sous prétexte d'exécuter les intentions du Roi, fit
388 LE MINISTRE DE PARIS
Du même au Contrôleur général
29 MARS 1788
Je ne puis qu'applaudir1 au projet d'arrêt que vous m'avez fait l'honneur
de m'adresser et que j'ai celui de vous renvoyer, par lequel il sera ordonné
que certaines rentes constituées pour le compte du roi par la Ville de Paris et
qui étaient payées par son trésorier seront à l'avenir acquittées par les
payeurs des rentes. Cette opération est une nouvelle preuve que vous vous
occupez sans cesse du soin de maintenir2 le bon ordre et l'économie dans
l'administration dont vous êtes chargé.
Du même au Garde des sceaux
21 juin 1788 5
La suppression des bureaux des finances ordonnée par l'édit du roi du
8 mai dernier a suspendu le rapport que je me proposais de faire au Conseil
d'un projet d'arrêt relatif à la formation d'une commission destinée à être
chargée de la partie administrative de la voirie, de la vérification des plans
généraux, des alignements, redressements et embellissements de la capitale.
L'expérience m'a mis à portée de remarquer que l'exécution des différentes
lois sur cette matière pouvait être susceptible de plus de perfection. D'ailleurs
l'exercice de la juridiction qu'elles donnent ayant été attribué suivant les cir-
constances au bureau des finances, ou aux prévôt des marchands et échevins,
ou au lieutenant général de police, soit concurremment et par prévention des
arrêter cinq fraudeurs rue Coquenard, aux Porcherons, par un « particulier sans
caractère ». De Breteuil écrit à leur propos à Bertier, le 11 avril : « Ils ont de-
mandé à être conduits chez un commissaire, on le leur a refusé. On les a trans-
férés aux cachots du Dépôt de Saint-Denis; là ils ont été interrogés par le sieur
Aubert, qui n'est également revêtu d'aucun caractère légal pour remplir un mi-
nistère aussi important. Cette opération me paraît irrégulière et contraire aux
droits de la place de M. le lieutenant général de police et aux lois et ordonnances
du Royaume. 11 serait à craindre que, si le Parlement en avait connaissance, il
ne sévit contre le garnisaire et le sieur Aubert , que vous avez chargés de vos
ordres. Il est à croire même que c'est par pur égard pour vous que M. le Procu-
reur du Roi du Cliàtelet n'a pas rendu plainte pour faire informer et décréter. Je
pense donc, Monsieur, que vous ne devez pas ordonner de pareilles opérations
dont mon intérêt pour vous me fait redouter les suites» (Arch. nat. , 0'499,
p. 196). — De Breteuil fut peu de temps après informé de nouveaux empiéte-
ments. Les garnisaires de l'intendant arrêtèrent deux ouvriers jardiniers dans le
.quartier Montmartre, les excédèrent de coups, leur demandèrent deux louis poul-
ies laisser en liberté, et les iirent enfermer dans les prisons de Bellevillc (Id.,
ibid., lettre du 4 mai, p. 257). — En dehors de Paris (ville et vicomte) Bertier
demande à tout moment, et se fait souvent refuser, des « ordres du Roi ».
1. Le texte portait d'abord «approuver », etc.
2. Le texte portait d'abord : « prouve que vous ne cherchez qu'à l'établir le
bon ordre», etc. Arch. nat., 0'499, p. 180.
3. 0*499, p. 341.
LE MINISTRE DE PARIS 389
uns aux autres, soit partiellement à chacun de ces tribunaux, on a reconnu
dans les différentes occasions qu'il résultait de cette division de compétence
et d'attribution un défaut d'uniformité dans l'application des principes, et des
disparités dans l'exécution; que ces inconvénients occasionnés peut-être par
le manque de précision avec laquelle la limite de chaque juridiction était tra-
cée, ou par la manière d'entendre les règlements, étaient contraires aux vues
de bien public ; en sorte que, pour prévenir les conflits, assurer invariable-
ment les mesures générales qui seraient prises pour l'embellissement de la
capitale et l'exécution uniforme des règlements de la voirie, je pensai qu'il y
avait lieu de proposer une espèce de réunion des trois administrations char-
gées d'y concourir : de former à cet effet une commission dont les membres
auraient été tirés de chacune de ces juridictions, et qui en seraient devenus
en quelque sorte le centre et le point de ralliement.
Mais à présent le nouvel ordre des arrangements établis et le très grand
nombre d'affaires dont le Châtelet se trouvera chargé, semblent exiger d'autres
dispositions. Je pense qu'il serait nécessaire pour le bien général, et pour par-
venir plus efficacement à l'unité de méthode et d'application de principes, de
rendre au bureau de la Ville de Paris la voirie, qu'il exerce déjà seul sur les rem-
parts, sur le terrain de son domaine et de sa juridiction. C'était pour remédier
à l'inconvénient de la multiplicité des tribunaux sur cette partie que j'avais
conçu le projet de la Commission dont il s'agit : et l'édit du roi donne une
sanction précise aux vues qui m'avaient déterminé. Dans le nombre des divers
exercices de juridiction, nul ne paraît mieux convenir à l'administration mu-
nicipale. En effet, dès l'origine de la formation des villes, les magistrats muni-
cipaux étaient nécessairement chargés de la voirie, de la distribution des rues,
des communications et des places. Ils l'étaient aussi de la police, et ils le sont
encore presque dans tout le royaume. Mais, dans une aussi grande ville que
Paris, il est nécessaire de soumettre la police à une administration particu-
lière.
Quant à la voirie, les établissements des bureaux des finances furent égale-
ment des démembrements de l'ordre primitif, et rien ne semble plus convena-
ble que de remettre la ville de Paris dans son premier état à cet égard.
J'ai l'honneur de vous adresser une copie du réquisitoire du procureur du
roi et de la Ville et de l'arrêté du bureau de la Ville du même jour, pour
revendiquer cette partie de sa juridiction... Il est d'autant plus important d'y
statuer sans délai que plusieurs particuliers proiitent de l'incertitude de
juridiction sur cet objet pour faire des constructions, des anticipations sans
y être autorisés, et qu'il sera très difficile d'arrêter ces entreprises lorsqu'elles
seront plus avancées.
Du même au Contrôleur générai
26 juin 1788 *
J'ai reçu, Monsieur, avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'é-
crire, le prospectus d'une Société de rentiers viagers et la copie du rapport
1. Arch. nat., 0'499, p. 336. — Le même jour, avis du projet est donné à
Bailly.
390 LE MINISTRE DE PARIS
qui vous en a été fait. Je vous en fais tous mes remerciements, et de l'idée
que vous avez eue que ce projet pourrait être un moyen d'accélérer l'établis-
sement des nouveaux hôpitaux. Je vais communiquer le tout aux membres du
Comité établi pour ces hôpitaux en les priant d'examiner le projet avec la
plus grande attention et de me faire part de leurs observations et de leur avis.
Vous me permettrez ensuite de vous soumettre le rapport du comité et de me
concerter avec vous pour l'exécution du projet dans le cas où il présenterait
réellement de grands avantages.
Du même à MM. les Administrateurs des eaux de Paris
3 JUILLET 1788
J'ai reçu, Messieurs, votre lettre du 25 juin dernier, et le précis qui y était
joint relatif à l'établissement de l'administration royale des eaux de Paris. Il
m'a paru que la seule chose convenable à faire est de bien administrer votre
entreprise, et de ne point distribuer de précis : seul moyen de faire cesser les
pamphlets.
Du même à V Intendant de Paris
6 JUILLET 1788
J'ai été comme vous, Monsieur, indigné de la conduite très répréhensible
que le sieur de Fer s'est permis de tenir dans votre hôtel le 2 du courant et
de la rixe qui en a été la suite. Je viens de lui en marquer tout mon mécon-
tentement et de lui signifier (ainsi que vous le verrez par la copie que je vous
envoie de la lettre que je lui ai écrite) * que, si à l'avenir la plainte la plus
légère me parvient sur son compte, son privilège sera révoqué.
Lettre de Laurent de Villedeuil
à M. le comte de la Luzerne, ministre de la marine
6 octobre 1788
Vous savez, Monsieur, qu'il se forme à Paris une Société sous le nom des
Amis des noirs et un club des Américains; suivant ce qui m'a été dit, on agite
principalement dans ces assemblées la question de l'affranchissement des
nègres, question déjà discutée dans plusieurs ouvrages qui ont paru jusqu'ici.
Mais les circonstances actuelles peuvent conduire à d'autres questions qu'il
serait du bon ordre de prévenir. J'ai cru devoir rendre compte au roi de la for-
1. De Fer avait apostrophé injurieusement, à l'issue de l'audience de l'inten-
dant, un des premiers secrétaires qui était défavorable au futur canal de l'Yvette
(Ai'ch. nat., 0'499, p. 396). Peu de temps après, il proposa de céder sou affaire,
qui avait réuni 4,800 actionnaires, à la ville de Paris; le ministre le renvoya à
l'Administration royale des Eaux (Lettre du 19 juillet 1788). De Fer appréciait
ce qui lui restait de droit sur son privilège à 300,000 livres d'argent comptant et
30,000 livres de rentes viagères.
LE MINISTRE DE PARIS 391
mation de ces deux assemblées ; Sa Majesté m'a témoigné qu'elle ne trouvait
aucun inconvénient à ce que chacun puisse écrire pour ou contre l'affranchis-
sement des noirs, mais elle désapprouve absolument les assemblées, et son
intention est qu'elles n'aient plus lieu : il m'a paru1 que je ne devais pas vous
laisser ignorer la décision de Sa Majesté.
Du même à M. de Maissemi, directeur de la Librairie
30 NOVEMBRE 1788
Je me suis fait rendre compte, Monsieur, de l'imprimé que vous m'avez fait
l'honneur de m'envoyer, ayant pour titre Lettre ou Mémoire historique sur les
troubles populaires de Paris en août et septembre 1788, avec des notes par
M. Charon. Je ne puis que vous remercier de votre attention et vous prier de
vouloir bien ne point permettre la distribution d'un pareil ouvrage. Sa publi-
cité ne servirait qu'à rappeler un événement désastreux et à exciter une nou-
velle fermentation.
Du même à M. de Condorcct, secrétaire de V Académie des sciences
11 FÉVRIER 1789
L'embarras, Monsieur, où le gouvernement s'est trouvé cet hiver relative-
ment à l'approvisionnement des farines de la ville de Paris, a fait penser aux
différents moyens de suppléer aux moulins à eau et à vent, lorsque les cir-
constances empêchent d'en faire usage, ou lorsqu'ils sont insuffisants. On a
eu recours aux moulins à bras, dont la construction était plus prompte et plus
facile; mais il a été aussi proposé d'adapter la machine à feu à des moulins,
et d'en faire tourner les meules par l'action de l'eau réduite en vapeur. Sur
le compte que j'en ai rendu au roi, l'intention de Sa Majesté est que son Aca-
démie des sciences examine s'il y aurait de l'avantage à appliquer la machine
à feu à des moulins, et qu'elle établisse la dépense et le produit de cette ma-
chine pour la mouture des grains, comparativement avec le produit et la dé-
pense des moulins à eau et à vent et à bras. Vous voudrez bien, Monsieur,
communiquer cette lettre à l'Académie, afin qu'elle nomme des commissaires
pour cet examen et cette comparaison, et m'adresse leur rapport, et l'avis de
l'Académie2.
Du même à M. Rulhière, lieutenant à Saint-Denis 3.
12 FÉVRIER 1789
J'ai reçu le rapport que vous avez adressé de ce qui s'est passé au dernier
1. «Par rapport aux individus », dit un autre projet de lettre au comte de la
Luzerne, lequel a été raturé et remplacé par la minute ci-dessus (Arch. nat.,
0'499, p. 597).
2. Arch. nat., 0*500, p. 112. — Autre consultation sur le projet d'une machine
à casser les glaces auprès des ponts (15 février, p. 143).
3. Fils (et successeur à Saint-Denis) du nouveau commandant de la garde de
Paris.
392 LE MINISTRE DE PARIS
marché de Gonessc. Je vois que malheureusement les esprits sont dans la plus
grande fermentation et que l'on peut craindre une émeute au marché de lundi
prochain. J'écris en conséquence à l'inspecteur des brigades ' d'ordonner un
détachement de 30 hommes qui se rendront ce même jour à Gonesse avec deux
officiers de votre lieutenance. Vous vous y rendrez également pour en prendre
le commandement. Je ne puis trop vous recommander d'user de toute la mo-
dération possible : à l'égard de l'observation que vous me faites qu'il serait
peut-être prudent de faire délivrer le blé à 2-i livres pour calmer l'efferves-
cence de la populace, si elle venait à se mutiner, je suis fort loin d'adopter
un pareil tempérament, qui produirait nécessairement le mal que vous cherchez
à éviter, en donnant lieu à une émeute, à la désertion des marchés, et au dé-
couragement des laboureurs et fermiers qui se refuseraient à les approvi-
sionner 2.
Du même à M. l'archevêque de Paris
16 AVRIL 1789 3
J'ai pris les ordres du roi sur ce que vous m'avez fait l'honneur de me dire
qu'il vous paraîtrait convenable que Sa Majesté voulût bien écrire aux évêques
du royaume ou au moins à vous, Monsieur, pour ordonner des prières à l'oc-
casion des États généraux. Sa Majesté, pleine de confiance dans tout ce que
la religion peut lui dicter pour le plus grand avantage de ses sujets , m'a ob-
servé qu'elle ne pouvait que louer et approuver vos pieuses intentions; mais
que les prières ne se faisant ordinairement qu'à l'occasion de réjouissances
ou de calamités publiques, et l'Assemblée des États généraux ne pouvant être
considérée sous aucun de ces aspects, elle ne pensait pas que ce fût le cas de
les ordonner.
Du même au sieur James Iiamsay
19 avril 1789
Je vous préviens que j'envoie à M. le marquis de Condorcet le mémoire que
vous m'avez adressé, en le priant d'engager l'Académie à nommer des com-
missaires pour l'examen du moyen que vous proposez de faire remonter les
bateaux par le secours des pompes à feu. Lorsque vous serez instruit de la
nomination des commissaires, il sera à propos que vous leur remettiez toutes
les pièces dont ils pourront avoir besoin *.
FORMULE DE LETTRE DE CACHET PERSONNELLE
CONTRESIGNÉE PAR LE MINISTRE DE PARIS
Mons Duval de BeauvaisJ, je vous fais cette lettre pour vous dire que mon
1. Le sieur Marchais.
2. Avis est donné de ces mesures à Bertier (14 février, O'SOO, p. 114).
3. Arch. liât., O'500, p. 240.
4. Ibidem, p. 244. — Lettre conforme"; même date, au marquis de Condorcet.
o. Conseiller au Châtelet. — Un exemplaire de Ledit du Roi portant rétablisse-
LE MINISTRE DE PARIS 393
intention est que vous sortiez de la ville de Paris dans le jour, sans voir ni
parler à personne, vous détendant d'approcher de ladite ville plus près que de
deux lieues, à peine de désobéissance. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait,
Mons Duval de Reauvais, en sa sainte garde. Ecrit à Versailles, le 24 may
1771.
Louis.
Phélypeaux (nom de famille du marquis de La Vrillière).
LETTRES DE CACHET DU U AOUT 1787 '
Mons N*", je vous fais assavoir que vous aiez à rester chez vous, à quitter
Paris dans vingt-quatre heures et à vous rendre dans quatre jours à Troyes,
où je vous ferai connaître mes intentions. Sur ce, je prie Dieu, Mons N***,
qu'il vous ait en sa sainte et digne garde. A Versailles, ce 14 août 1787.
Louis. Et plus bas, par le Roi :
Le baron de Breteuil.
ORDRE DU ROI
De par le Roy,
Il est ordonné au sieur Gomot, commis à l'exploitation des mines de char-
bons de Decizc et à leur transport sur le port de chargement, de charger les
mariniers avec lesquels le sieur Lamy a des marchés pour conduire ces char-
bons à Paris, et ce à l'instant qu'il en sera requis par ledit sieur Lamy, et
toutes les fois que lesdits mariniers lui présenteront un mandat signé de lui;
le tout à peine de désobéissance. Fait à Versailles, le 30 septembre 1787.
Cet ordre du roi avait été réclamé, par le prévôt des marchands,
comme indispensable à l'approvisionnement de Paris. Tout en l'adres-
sant au Bureau, le ministre de Paris, dans une lettre à Ethis de Corny
(30 septembre 1787 2), déclare avoir eu quelque répugnance à faire in-
tervenir l'autorité dans une affaire de cette nature, c'est-à-dire dans
ment d'offices dans le Châtelet de Paris (reg. le 30 déc. 1174) porte, à côté du
nom de Duval de Beau vais (alors rétabli dans son office), la mention manuscrite
suivante : "S'est pendu». Arch. nat., K 716.
i. Hardy, t. VII, à la date du 15 août 1787. Les lettres furent expédiées très
précipitamment. Ou en adressa une au sieur abbé Pommyer, conseiller - clerc ,
mort depuis plusieurs années. Quelques lettres portèrent Sens au heu de Troyes.
11 paraît que les harengères avaient formé le projet de couronner les magistrats,
à la procession du 15 août. — Leur place y resta réservée, occupée par une
soixantaine de gardes de la ville.
2. Arch. nat., 0'498, p. 670-671. — Éthis de Corny arrangea l'affaire sans se
servir.de l'ordre ci-dessus (Ibid., p. 685).
394 LE MINISTRE DE PARIS
un litige qui pouvait être réglé plus judiciairement entre le sieur
Lamy et le sieur Perier, qui donnaient des ordres contradictoires '.
ORDRE DU ROI
TROUVÉ DANS UNE CAVE RUE HAUTEFEUILLE
Hardy raconte qu'il lui passe sous les yeux « un ordre du roi, tel
qu'on va le trouver ci-dessous transcrit avec ses dépendances , trouvé
depuis peu dans la cave du sieur Albert, président de la Chambre
des comptes, demeurant rue Hautefeuille :
De par le Roy,
Il est ordonné à Jean-Louis-Éticnne Rertrand de s'éloigner de trente lieues
de Paris, aussitôt que le présent ordre lui aura été certifié ; Sa Majesté lui
faisant défenses d'approcher plus près de ladite ville, sous quelque prétexte
que ce puisse être, à peine de désobéissance. Fait à Versailles, le 15 juin
1788. Signé Louis (vraie signature de Sa Majesté) 2. Et plus bas : Le baron de
Breteuil.
Au bas dudit ordre, on lisait ce qui suit : « Nous, conseiller pensionnaire
du Roy, inspecteur de police, chargé de la partie de la sûreté, soussigné,
certifions avoir ce jourd'hui certifié et remis le présent ordre à Jean-Louis-
Étiennc Bertrand, y dénommé, auquel il a promis d'obéir suivant sa soumis-
sion au bas de la copie, à Bicètre, le 26 juin 1788. Signé Dutronchet ».
Au bas était écrit : « Jean-Louis-Etienne Bertrand ».
A l'ordre sus-énoncé se trouvait encore annexé un petit carré de papier
contenant tout ce qu'on va lire : «Tu descendras d'ici à Gentilly, de là à Sève,
1. Dès le début de son ministère, le baron de Breteuil avait essayé de donner
quelque satisfaction de forme à l'opinion publique , ennemie de l'arbitraire et
des détentions clandestines. « Ce ministre, dit finement Jos. Droz (Hist. de
Louis XVI, t. I, p. 416), avec des idées très convenables au despotisme, n'en
désirait pas moins se faire applaudir, en annonçant des vues bienfaisantes. » 11
se garde de demander, comme un de ses prédécesseurs, Malesherbes, la sup-
pression des lettres de cachet; il envoie aux intendants de son département, et
publie, de l'aveu du Roi , une instruction sur la manière de s'en servir avec
modération. Lorsque Mirabeau eut publié son livre sur les Lettres de cachet, et
décrit de visu le donjon de Vincennes, le baron de Breteuil joua la surprise et
l'indignation, déclara que cette prison d'État serait transformée en grenier d'a-
bondance, et, par charlatanisme, permit au public de la visiter: «Et la Bastille?»
se deinandait-on au retour de Vincennes. On voit, par une lettre reproduite ci-
dessus, que le ministre de Paris avait reconnu sa faute : Verniquet lui-même
n'obtint pas la permission de visiter ce château pour compléter son plan de
Paris. — En 1784, de Breteuil laissa jouer publiquement le Mariage de Figaro,
et contresigna l'ordre du roi de conduire Beaumarchais à Saint-Lazare, pour une
réponse trop vive à un article de critique (anonyme) dont l'auteur était Monsieur.
2. Les ministres soutenaient d'ailleurs «que l'on manquait à la Majesté royale,
si on révoquait en doute qu'un ordre signé du roi fût réellement donné par lui-
même » (Rem, de la Cour des aides, inspirées par Malesherbes, 6 mai 1775).
LE MINISTRE DE PARIS 395
de là à Neuilly, et tu prendras la route de Paris jusqu'à la plaine des Sablons,
la roule de Saint-Denys, et à gauche de Saint-Dcnys à Pierrefitte, delà à
Sarcelles, de là à Écouen, de là au Mesnil-Aubry, de là à Luzarches, de là à
Chantilly, de là à Creil, de là à Nogent-les-Vierges, et de là à Liancourt. Tu
demanderas le chemin de Sennécourt, qui est à une portée de fusil de là;
c'est où demeure la personne. »
Plus bas étaient encore ces mots : « Don voyage \ »
1. Hardy, t. VIII, p. 52 (21 août 1788).
XIII
LE LIEUTENANT GÉNÉRAL DE POLICE
ET LES ORDONNANCES DU CHATELET
Montesquieu, clans un passage célèbre de Y Esprit des lois1, a
nettement séparé la police de la justice criminelle : « Il y a des cri-
minels que le magistrat punit, il y en a d'autres qu'il corrige. Les
premiers sont soumis à la puissance de la loi, les autres à son auto-
rité; ceux-là sont retranchés de la société, on oblige ceux-ci à vivre
selon les règles de la société. Dans l'exercice de la police, c'est plutôt
le magistrat qui punit que la loi; dans les jugements de crimes, c'est
plutôt la loi qui punit que le magistrat. Les matières de police sont
des choses de chaque instant, où il ne s'agit ordinairement que de
peu : il n'y faut donc guère de formalités. Les actions de la police
sont promptes, et elle s'exerce sur des choses qui reviennent tous les
jours : les grandes punitions n'y sont donc pas propres. Elle s'occupe
perpétuellement de détails : les grands exemples ne sont donc point
faits pour elle. Elle a plutôt des règlements que des lois. Les gens
qui relèvent d'elle sont sans cesse sous les yeux du magistrat : c'est
donc la faute du magistrat s'ils tombent dans des excès. Ainsi il ne
faut pas confondre les grandes violations des lois avec la violation
de la simple police : ces choses sont d'un ordre différent... L'action
tant louée de cet empereur qui fit empaler un boulanger qu'il avait
surpris en fraude, est une action de sultan, qui ne sait être juste
qu'en outrant la justice même. »
C'était donc un des abus les plus manifestes de l'ancien régime que
d'avoir accordé au lieutenant général de police le droit de prononcer
des sentences capitales2, même pour des faits qui, dans les idées du
1. Chap. xxiv du livre XXVI.
2. En voici un exeïnple. Par jugement souverain et en dernier ressort, le ;î ma^
1741, le lieutenant général de police condamne à être pendu un commis de la
LES ORDOiNNANCES DE POLICE 397
temps ou même dans nos idées, en étaient dignes. Une telle autorité
devait nécessairement produire, chez qui en était revêtu, une ten-
dance à exagérer les petites choses, et à recourir, pour de simples
contraventions, aux sanctions les plus rigoureuses. Les ordonnances
royales, les arrêts du Parlement, n'empêchaient guère ces excès lors-
que l'intérêt de la religion ou le prétexte de l'utilité publique parais-
saient les justifier.
En dehors des actes de pure administration, les ordonnances de
police peuvent être rendues en exécution des ordonnances royales
enregistrées ou en vertu des arrêts du Parlement. Réciproquement,
l'homologation du Conseil royal ou du Parlement donne aux ordon-
nances de police un caractère plus général et une autorité plus im-
posante.
Les ordonnances de police embrassent les rapports les plus divers
des personnes et des choses en ce qui concerne la religion, la discipline
des mœurs, l'hygiène publique, les vivres, la voirie, la sûreté et tran-
quillité des rues et endroits publics, l'exercice des professions libé-
rales, commerciales et industrielles, les domestiques et manœuvres,
les pauvres, vagabonds, mendiants et gens sans aveu.
Le Traité de la police de Delamare, le Répertoire de jurisprudence
de Guyot, Y Encyclopédie méthodique [police et municipalité), les Re-
cueils modernes de Mars, deDupin et d'Isambert, contiennent presque
toutes les matières de l'ancienne police. Beaucoup de règlements de
pure utilité ou commodité publiques ont survécu ', et la police des
grandes villes a été calquée sur celle de Paris. Sans méconnaître tout
ce que les compilations citées plus haut ont d'intéressant et même
d'indispensable pour l'administrateur, nous devons nous borner à ce
qui est vraiment utile pour l'histoire, c'est-à-dire aux textes qui éta-
blissent des différences marquées entre la police ancienne et la police
moderne, ou qui touchent à des usages disparus. C'est ce qui nous a
dirigé dans notre choix. Comme la police de Paris avait ses traditions,
et que souvent les mêmes ordonnances reviennent périodiquement,
tout le XVIIIe siècle peut être mis indifféremment à contribution,
pour déterminer l'esprit de la police en 1789.
Poste de Paris «pour avoir prcvariqué dans ses fonctions, intercepté, décacheté
et ouvert deux lettres venant de Caen » (Le Poix de Fréminville , Dictionnaire...
de la Police, p. 395).
1. Voir la Collection officielle des Ordonnances de police publiée par ordre du
préfet de police (1880-82), I. III.
398 LES ORDONNANCES DE POLICE
OPINION DE DELAMARE '
COMMISSAIRE AU CHATELET
SUR L'ÉPOQUE D'ETIENNE MARCEL»
L'absence du roi pendant quatre ans qu'il fut hors du royaume jeta encore
une fois la police de Paris dans le désordre et la confusion. Chacun en ce temps
y voulut être le maîlre. Il y eut des factions et des soulèvements; et ce fut,
selon le témoignage des auteurs, une véritable anarchie'.
Ce compilateur consciencieux, mais à coup sûr très partial en fa-
veur du Châtelet et de la lieutenance générale de police, a donné le
ton à presque tous les mémoires et ouvrages officiels publiés sur la
police avec approbation, privilège, et la plupart du temps subvention.
L'attirail encyclopédique du Traité de la police ne doit pas tromper
sur son caractère apologétique. Le monument que cet érudit fonc-
tionnaire avait reçu la mission d'élever à ses chefs les plus influents
est resté inachevé : six des livres annoncés n'ont point paru. Mais le
Mémoire de Lemaire, cité plus haut, les Détails sur quelques établisse-
ments de la ville de Pains, de Lenoir (Paris, 1780, in-8°), le Traité des
fonctions, droits et privilèges des commissaires, etc., de Jousse (Paris,
1759, in-12), complètent, dans le même esprit, le Traité de la police 4.
LES LIEUTENANTS GÉNÉRAUX DE POLICE
La charge de lieutenant général de police a duré cent vingt-deux
ans s ; elle a changé seize fois de titulaires; mais deux d'entre eux, le
1. Voyez dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris... t. III, p. 79-85,
la notice de M. A. de Boislille.
2. « Un homme dont la figure a, de nos jours, graudi pour l'histoire, parce
qu'on a pu mieux le comprendre » (Aug. Thierry, Hist. du Tiers-État, p. 39). —
Voyez : Dacier, Question historique : « A qui doit-on attribuer la gloire de la
révolution qui sauva Paris pendant la prison du roi Jean? » (Mém.de l'Acad.des
Inscriptions, t. XLIII). — F. -T. Perrons : Etienne Marcel, prévôt des marchands
(1354-1358), avec introduction historique par L.-M. Tisserand, 1874, 1 vol. (le
huitième de VHist. génér. de Paris, publiée sous les auspices de l'édilité pari-
sienne. Paris, impr. linp. et Nat., gr. in-4°).
3. Traité de la police, 4 volumes in-folio, Paris, 1722-1735, t. I, p. 114.
4. Cet enthousiasme de commande ne fut jamais partagé par le Parlement. Les
vrais sentiments du public prirent corps avec les Lettres de cachet, de Mira-
beau. Les attaques efficaces commencèrent avec les Cahiers. Enfin des documents
authentiques forment déjà le fonds de la Police dévoilée, par P. Manuel, un
des administrateurs de 1789 (2 vol. in-8°, Paris, an II). — Voyez : Chassin, le
Génie de la Révolution, t. II, p. 49 à 57.
5. Pendant les 129 ans qui précèdent (mars 1498-mars 1667), la police de Paris
LES ORDONNANCES DE POLICE 399
comte cTArgenson et Lenoir, l'ont remplie à deux reprises, de sorte
qu'il n'y a eu, du 29 mars 1G67 au 14 juillet 1789, que quatorze lieu-
tenants de police ' :
De la Reynie (Gabriel-Nicolas), du 29 mars 1G67 au 29 janvier
1697;
De Voyer de Paulmy, marquis d'Argenson (Marc-René), du 29 jan-
vier 1097 au 28 janvier 1718 ;
De Maciiault (Louis-Charles), du 28 janvier 1718 au 26 janvier
1720;
De Voyer de Paulmy, comte d'Argenson (Marc-Pierre), du 26 janvier
1720 au 1er juillet 1720;
Tesciiereau, seigneur de Baudry (Gabriel), du [1er juillet 1720 au
26 avril 1722;
Le comte d'Argenson, de nouveau, du 26 avril 1722 au 28 janvier
1724;
Ravot, seigneur d'Ombreval (Nicolas-Jean-Baptiste), du 28 janvier
1724 au 28 août 1725;
Hérault (René), du 28 août 1725 au 21 décembre 1739;
Feydeau de Marville (Claude -Henri), du 21 décembre 1739 au
27 mai 1747;
De Berryer (Nicolas-René), du 27 mai 1747 au 29 octobre 1757;
Bertin (Henri-Léonard), du 29 octobre 1757 au 21 novembre 1759;
De Sartine (Jean -Gualbert- Gabriel), du 21 novembre 1759 au
30 août 1774;
Le Noir (Jean-Charles-Pierre), du 30 août 1774 au 14 mai 1775 ;
Albert (Joseph-François-lldefonse-Rémond), du 14 mai 1775 au
19 juin 1776;
Le Noir, de nouveau, du 19 juin 1776 au 11 août 1785;
Tuiroux de Crosne, du 11 août 1785 au 14 juillet 1789.
BUREAUX DE M. DE CROSNE *
MM. Cauchy, rue Saint-Honoré, près les Jacobins;
Foury-Loiseau, rue Neuve-des-Petits-Champs.
fut disputée, et ensuite partagée entre les deux lieutenants du prévôt, le civil et
le criminel (Arrêt du Parlement, 18 février 1515).
1. Voyez : Enc. méthodique, Jurisprudence, t. X, au mot Lieutenant (p. 389). —
Almanachs royaux, aux années indiquées (et à l'article Châtelet). — Arch. nat.,
ADIbI, 26: Commissions (imprimées) de Hérault, Feydeau, Berryer, Sartine, Le
Noir, Albert.
2. Alm. royal de 1789, p. 422 et suivantes.
400 LES ORDONNANCES DE POLICE
Tout ce qui concerne la Bastille et autres châteaux où sont renfermés les
prisonniers d'État, la librairie prohibée, les visites à la chambre syndicale1,
l'expédition des affaires particulières et extraordinaires, les pièces de théâtre,
les demandes de places et emplois, le dépôt du secrétariat.
MM. Nicolas, boulevard Montmartre;
Basselin, hôtel de la police.
L'ouverture des lettres, l'extrait tics mémoires et placets, les renvois aux
départements, l'expédition des affaires instantes, la suite des maisons de santé
et des remèdes administrés par charité, les affaires qui n'ont point de départe-
ment fixe.
Bureaux de M. Puissan
MM. Puissan, rue de la Michodière;
Puissan des Landes, adjoint, rue de la Michodière;
Boussaton, place du Théâtre-Italien;
Coquereau, rue de l'Éperon, vis-à-vis celle du Battoir;
Delafest, rue Saint-Honoré, près le Palais-Royal;
Puissan-Ducluceau, rue de la Michodière.
L'approvisionnement de Paris. L'illumination et le nettoiement. Les permis-
sions d'imprimer, les affiches et placards, les colporteurs, les spectacles, les
foires, les bureaux de nourrices, les permissions aux aubergistes de donner à
manger en gras les jours maigres. Les hôpitaux. Les périls imminents. Les
pompes et incendies. Les rapports de la garde de Paris. Les prisonniers de
police. Les objets relatifs à la Ferme générale. Le renvoi des placets et mé-
moires concernant ce département.
Bureaux de M. Le Chauve
MM. Le Chauve, rue de Grammont, près le boulevard ;
Le Chauve fils, adjoint, même demeure;
Daumet, rue du Petit-Reposoir;
Laurent, rue Neuve-Saint-Laurent;
Henry, rue Neuve-des-Malhurins.
Les ordres du roi, les placets et mémoires qui y sont relatifs, et les infor-
mations sur toutes les demandes tendantes à les obtenir. Les maisons de
force.
}. De librairie (rue du Foin-Saint-Jacques). Elle visitait les livres introduits à
Paris de l'étranger et de la province, enregistrait les privilèges et permissions
d'imprimer, inspectait les bibliothèques et cabinets privés. Le syndic de cette
chambre, en 1789, était Knapen; les quatre adjoints : Nyon aîné, Cailleau, Dela-
lain aîné, Mérigot jeune.
LES ORDONNANCES DE POLICE 401
Bureaux de M. Mascrey
MM. Mascrey, rue de Montmartre, près celle Joquelet;
Pierlot, rue de Grammont, près celle de Ménars;
Hanne, rue de la Sourdière, près le cul-de-sac des Jacobins;
Baron, rue des Saints-Pères, vis-à-vis celle de Verneuil;
Bourgeois, rue Neuve-Saint-Eustache;
Bochart, rue de Cléry;
Faure, rue des Orties, butte Saint-Rocb.
Le bureau des arts et métiers; la revision des comptes des corps et com-
munautés; les affaires concernant leurs statuts et règlements, et l'administra-
tion de leurs revenus; la capitation et industrie; la milice desdits corps et
communautés; l'exécution des édits des mois de février et août 177G, et la
liquidation des dettes des communautés de province; le rachat des boues et
lanternes.
Bureaux de M. Spire
MM. Spire, rue Baillette;
Collart du Tilleul, rue Chabanais, près la rue Sainte-Anne;
Basselin, hôtel de la police;
Tripet, rue Neuve-des-Capucins, chaussée d'Antin;
Cauchois, rue de la Madcleine-la-Ville-rÉvêque.
Le bureau du commerce; les manufactures; les saufs-conduits et arrêts de
surséance; les étoffes prohibées; les nouveaux convertis: les religionnaires;
les agents de change; les permissions, ordonnances et jugements sur l'ouver-
ture et l'exploitation des carrières; la loterie royale de France et autres y
réunies; le détail des fonds assignés aux dépenses de la police; la taxe des
mémoires des officiers de police.
Bureaux de M. Garon
MM. Garon, au Palais-Royal, cour des Fontaines;
Bertin, rue des Moulins, butte Saint-Roch ;
Rochier, rue l'Évêque, butte Saint-Roch.
Les juifs; les chambres garnies; les déclarations qui intéressent la sûreté
publique ; la correspondance y relative et celle avec les maréchaussées, les
cours et juridictions du royaume. Quatre inspecteurs, chargés de cette partie,
se rendent tous les jours à ce bureau, depuis midi jusqu'à deux heures.
Bureaux du Contentieux
■ MM. de Bellefoy, rue de la Jussienne ;
de Vadancourt, rue du Ponceau.
26
402 LES ORDONNANCES DE POLICE
Toutes les commissions et le greffe d'icelles, et partie du contentieux du
Chàtelet.
M. Regnard, rue Neuve-des-Petits-Champs.
Les audiences du Chàtelet et les affaires contenticuses des communautés et
autres.
Bureaux de M. Barbaud
MM. Rarraud, rue de la Chaussée-d'Antin ;
Receveur, rue Thiroux.
Le détail des fonds destinés aux établissements de charité; ce qui concerne
le militaire et le régiment de Paris.
Bureaux des Nourrices
MM. Framroisier de Beaunay, chevalier de l'ordre du roi, inspecteur général,
rue d'Anjou, au Marais;
l'Allemand, chef, rue Neuve-Saint-Augustin;
Framroisier du Parquet, caissier, rue de la Vieille-Harengerie;
Billard, receveur, rue Perpignan.
(Et sept autres membres des bureaux, plus deux préposés aux recouvre-
ments.)
Tout ce qui concerne les nourrices, les enfants qui leur sont confiés, et les
meneurs et meneuses1.
I. - RELIGION
LOIS DE L'ÉGLISE
ORDONNANCE du roi touchant les observations des fêtes et dimanches, du
12 mars 1718.
Elle concerne particulièrement les colporteurs, les artisans des fau-
bourgs, entre autres ceux du faubourg Saint-Antoine, qui pensent
« que, leur pauvreté ne leur permettant pas de payer les amendes »,
ils resteront impunis. L'ordonnance du 12 mars 1718 oblige les con-
trevenants de ce genre « à vuider la ville jusqu'à nouvel ordre ».
1. Le bureau des Recoininandaresses, pour la location des nourrices, leur visite
sanitaire et celle des enfants, est comme une annexe île ce service. Jl compre-
nait une recommandaresse, Mmc d'Haméeourt , sa fille (adjointe), une pension-
naire, un commis, deux médecins, un chirurgien [Alm. de 1789, p. 420).
POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS 403
SENTENCE de police du Chàtelet de Paris (signée : Hérault), qui condamne le
nommé Gradou en l'amende, pour avoir travaillé à boutique ouverte, lui et
ses trois garçons, le dimanche 21 septembre 1736, pendant le service divin.
La sentence fut prononcée, par défaut, le lendemain 22 septembre.
SENTENCE de police du 21 août 1739, qui fait défenses à toutes personnes
de quelque qualité et condition qu'elles soient de travailler ou faire travailler
les dimanches etjours de fêtes prescrits par l'Église.
Il s'agissait de treize ouvriers en maçonnerie qui furent surpris
travaillant en dehors ou en dedans d'une maison, « au grand scan-
dale du public ». Ils s'excusèrent en disant qu'ils ne pouvaient se dis-
penser d'obéir à l'architecte et à l'entrepreneur, lesquels furent con-
damnés l'un en 100 livres, l'autre en 50 livres d'aumônes applicables
au pain des prisonniers du Chàtelet'.
ORDONNANCE de police du Chàtelet, concernant l'observation des diman-
ches et fêtes, du 18 novembre 1782 ».
Sur ce qui nous a été remontré par le procureur du roi, qu'il a reconnu par
les rapports qui nous ont été faits depuis quelque temps, à notre audience de
la Chambre de police, contre plusieurs particuliers de différentes professions
qui travaillaient, étalaient et exposaient en vente des marchandises les jours
de dimanches et de fêtes, et contre des cabaretiers et maîtres de jeux de
paume, qui recevaient du monde chez eux pendant les heures du service divin,
que le précepte de la sanctification des dimanches et des fêtes, et de la cessa-
tion du travail n'est point observé; qu'il est du devoir de son ministère de
nous faire connaître les progrès d'un abus qui n'est pas moins contraire aux
lois de l'État qu'à celles de l'Église; que le désordre et le scandale qui en ré-
sultent ont excité une juste réclamation, et qu'ils méritent d'autant plus d'être
réprimés que, dans la vue de pourvoir au soulagement des personnes dont la
subsistance dépend d'un travail journalier, il a été supprimé, depuis quelques
années, un grand nombre de fêtes : pour quoi il requiert qu'il y soit par nous
pourvu.
Nous, faisant droit sur le réquisitoire du procureur du roi, ordonnons que
les ordonnances, lettres patentes du roi, arrêts du Parlementât règlements de
police concernant l'observation des dimanches et fêtes, seront exécutés selon
leur forme et teneur, en conséquence :
I. — Faisons défenses à tous maçons, charpentiers et autres ouvriers et ar-
tisans de la ville, faubourgs, banlieue, prévôté et vicomte de Paris, de travail-
1. Le Poix de Fréminville, Diet. de la police, p. 519 à 523. — En 1790, Bailly,
maire de Paris, se plaint que les ouvriers employés à la démolition de la Bastille
« aient imaginé de travailler » un dimanche : le bureau de ville décide que cette
journée ne sera pas payée (Bibl. nat., Mns. f. 11,697, f° 96 v°).
2. Arch. nat., H. 1954 : Pièce in-4° (4 pages), registrée par mention fo 52 r°, du
registre des Délibérations du bureau de la Ville (1782).
40i POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS
1er à aucuns ouvrages de leur profession, et à tous marchands et négociants
de faire aucun commerce et débit de marchandises, les dimanches et les jours
de fête; leur enjoignons de tenir leurs boutiques et magasins exactement fer-
més, à peine' de 200 livres d'amende pour chaque contravention, dont les
maîtres seront responsables pour leurs garçons, ouvriers et domestiques.
II. — Faisons pareillement défenses à tous portefaix et gens de journée de
travailler de leurs vacations, et à tous charretiers et voiluriers de faire aucunes
voitures et charrois les jours de dimanches et fêtes, à peine de 100 livres
d'amende, de confiscation tant des marchandises qui seraient portées ou voi-
turécs, que des chevaux, charrettes, harnais et traîneaux qui serviraient à
transporter lesdites marchandises.
III. — Ne pourront les particuliers, bourgeois et habitants de cette ville em-
ployer leurs domestiques ni aucuns artisans, ouvriers, gens de journée et voi-
turiers, à des œuvres servilcs, les jours de dimanches et fêtes, à peine de
répondre en leur propre et privé nom des amendes qu'ils auraient encourues,
et sous telle peine qu'il appartiendra.
IV. — Défendons à tous marchands merciers, quincailliers, revendeurs et
revendeuses, à tous marchands de livres et d'images et aux colporteurs, d'éta-
ler et exposer en vente aucuns livres, images et estampes, ni aucunes sortes
de marchandise de mercerie et quincaillerie, au coin des rues, dans les places
publiques et sur les quais, à peine de saisie, confiscation des marchandises
exposées en vente un dimanche ou un jour de fête, et de 100 livres d'amende.
Pourront même les contrevenants être arrêtés et emprisonnés en cas de ré-
cidive.
V. — Ne pourront les marchands de vin, limonadiers, vendeurs de bière et
d'eau-de-vie, ouvrir leurs cabarets et boutiques les jours de dimanches et fêtes
pendant les heures du service divin; leurs enjoignons, et à tous maîtres de
paume et de billard, de refuser l'entrée chez eux à ceux qui se présenteraient
pour y boire ou pour y jouer, à peine de 300 livres d'amende pour la première
contravention, et de fermeture des boutiques, jeux de paume et billards, en
cas de récidive.
VI. — Défendons à tous maîtres à danser, cabaretiers, traiteurs et autres,
de tenir chez eux des assemblées et salles de danse, les jours de dimanches et
fêtes, et à tous joueurs de violons et instruments de s'y trouver, à peine de
500 livres d'amende contre chacun des contrevenants, et en outre de confisca-
tion des instruments de musique.
VII. — Mandons aux commissaires au Chàtelet et enjoignons aux officiers de
police, de tenir la main à l'exécution de notre présente ordonnance : enjoi-
gnons pareillement aux huissiers du Chàtelet qui auront été nommés dans les
distributions qui sont faites en leur communauté chaque semaine, de se rendre
chez les commissaires auprès desquels ils auront été distribués, pour les ac-
compagner dans leurs polices; et sera notre présente ordonnance lue, publiée
et affichée partout où besoin sera, à ce que personne n'en prétende cause
d'ignorance.
Ce fut fait et donné, etc.. le 10 novembre 1782.
Lenoir. Deflandre de Brunville.
Morisset, greffier.
POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS 405
SENTENCE de police du 31 août 1742.
Sur le rapport fait en jugement devant nous à l'audience de la Chambre de
police du Châtelet de Paris, par M0 Abraham Desnoyers, avocat en Parle-
ment, conseiller du roi, commissaire enquesteur et examinateur en celte cour,
préposé pour la police au quartier Montmartre : que, le samedi 23 du présent
mois d'août, fête de Saint-Louis, sur les neuf heures du matin, lui commissaire
ayant remarqué que, contre la révérence de la fête dudit jour, les lois de
l'Église, arrêts du Parlement, ordonnances, sentences et règlements de police
concernant l'observation des dimanches et fêtes, des ouvriers peintres travail-
laient à atelier ouvert, au grand scandale du public, à des ouvrages de pein-
ture dans le premier appartement d'une maison, 16, rue du Mail, dont sont pro-
priétaires les sieurs Chopart, de façon même que des habits desdits ouvriers
étaient posés sur les balcons des croisées dudit appartement; pour constater
et établir plus amplement ladite contravention, il se serait à l'instant transporté
en ladite maison et premier appartement d'icelle, ouvert, non meublé; et y
aurait trouvé cinq ouvriers travaillant à peindre des volets de croisées sur
ladite rue et des lambris; et lui commissaire ayant fait des remontrances aux-
dits ouvriers sur leur contravention et s'étant informé d'eux qui était entre-
preneur desdits ouvrages, l'un d'eux lui aurait dit se nommer Charles Grand-
cerf, mailre peintre-doreur à Paris, y demeurant rue Saint-Denis, près les
Filles-Dieu, chez un charcutier, être l'entrepreneur desdits ouvrages de peinture
pour le sieur Dumas, locataire dudit premier appartement... ; que lui, commis-
saire, ayant observé audit Grandcerf qu'il lui était revenu que dès la veille,
jour et fête de Saint-Barthélémy, il avait de même travaillé auxdils ouvrages
dans ledit appartement, ledit Grandcerf en serait convenu...
Assigné le 29 août à la requête du procureur du roi, Grandcerf est
condamné « pour cette fois, par grâce, et sans tirer à conséquence,
en 30 livres d'amende » ; la sentence « imprimée, lue, publiée et affi-
chée ès-lieux ordinaires et accoutumés, même à la porte de ladite
maison rue du Mail, et de celle dudit Grandcerf, rue Saint-Denis...1. »
ORDONNANCE de police sur l'usage du gras dans les auberges pendant le
carême2, 29 janvier 1768.
Sur ce qui nous a été remontré par le procureur du roi, que pour éviter les
fraudes qui s'étaient introduites au préjudice du privilège de l'Hôtel-Dieu dans
la vente et la distribution de la viande, et empêcher la transgression de la loi
de l'Église sur l'observation du Carême, Sa Majesté aurait rendu une déclaration
le lor avril 1726, qui a été enregistrée au Parlement; mais qu'au préjudice de
cette loi et de la prohibition de donner du gras dans les auberges et chambres
garnies, il s'est néanmoins glissé un abus auquel les précautions que nous
1. Arch. nat, Y. 9190. — Signé : Feydeau — Moreau.
2. Arch. nat., Y. 9499. Ordonnance renouvelée annuellement. — L'exemplaire
imprimé, que nous reproduisons est de 1768 (L.-F. Delatour, imprimeur de la
police;. — Exemplaire manuscrit du 20 février 1775. — Voyez : Sentence du
26 mars 1745, condamnant le traiteur Duhau en 100 livres d'amende.
406 POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS
avons prises jusqu'ici n'ont pu encore remédier; et comme il e^t nécessaire,
non seulement de les prévenir pour la suite, mais même de punir ceux
qui se trouveraient en contravention, il requiert qu'il nous plaise y pourvoir.
Sur quoi, Nous, faisant droit sur le réquisitoire du procureur du roi, ordon-
nons que la déclaration de Sa Majesté du 1er avril 1726 sera exécutée selon sa
forme et teneur, et en conséquence :
I. — Faisons défenses à tous particuliers, rôtisseurs, cabarctiers, hôteliers,
aubergistes, traiteurs et logeurs en chambres garnies, de donner à manger du
gras chez eux pendant le Carême à ceux qui y seront logés, sans une permis-
sion expresse du curé de leur paroisse de nous visée, à peine de 300 livres
d'amende et de plus grande en cas de récidive.
II. — Leur enjoignons de prendre à l'Hôtel-Dicu, ou dans les boucheries
établies dans Paris par les administrateurs dudit Hôtel, toutes les viandes dont
ils auront besoin, sous les peines prévues par l'article 7 de ladite déclara-
tion. •
III. — Ordonnons que le gras sera apprêté dans les cuisines séparées de
celles où s'apprêtera le maigre, et que ceux qui feront gras chez lesdils au-
bergistes, traiteurs et autres, seront tenus de manger séparément dans leurs
chambres sans scandale, à peine de 300 livres d'amende pour chaque contra-
vention contre lesdits cabaretiers, traiteurs et autres.
IV. — Leur faisons très expresses inhibitions et défenses, sous les mêmes
peines, de donner du gras à autres qu'à ceux qui seront logés chez eux et dé-
nommés dans les permissions qu'ils auront obtenues de nous, et d'en porter en
ville dans les maisons particulières.
Mandons aux commissaires du Châtelet, et enjoignons aux autres officiers de
police, de tenir exactement la main à l'exécution de notre présente ordonnance,
qui sera exécutée nonobstant oppositions ou autres empêchements quel-
conques, imprimée, lue, publiée et affichée partout où besoin sera, à ce que
personne n'en ignore.
Ce fut fait et donné par nous Antoine-Raymond-Jean-Gualrert-Garriee de
Sartine, chevalier, conseiller d'État, lieutenant général de police de la ville,
prévôté et vicomte de Paris, le 29 janvier 1768.
De Sartine. Moreau.
Le Gras, greffier.
L'ordonnance ci-dessus a été lue et publiée à haute et intelligible voix, à
son de trompe et cri public, en tous les lieux et endroits ordinaires et accou-
tumés, par moi Philippe Rouvcau, huissier à verge et de police au Châtelet de
Paris, et seul juré crieur ordinaire du roi et des cours et juridictions de la
ville, prévôté et vicomte de Paris, y demeurant rue des Écrivains, place de
l'Église Saint-Jacques-de-la-Boucherie, au bureau du corps de la bonneterie,
soussigné, accompagné de Louis- François Ambezar, Claude-Louis Ambezar. et
Jea?i-Louis Ambezar, jurés-trompettes, le 3 février 1768, et affichée ledit jour
èsdits lieux et autres où besoin a été, à ce que personne n'en prétende cause
d'ignorance-
Signé : Rouveau.
POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS 407
Lorsque la fête de la Nativité de la Vierge ' ou l'Epiphanie (jour
des Rois) tombent un jour de marché, le marché est avancé d'un jour
par ordonnance de police. — Dans les étés très chauds, et peu à peu,
tous les ans à période fixée, les bouchers obtiennent de la police l'au-
torisation d'ouvrir leurs étaux les jours de dimanche et de fêtes 2.
ORDONNANCE de police du Châtelet de Paris, du 18 mai 1720 (signée: Marc-
Pierre de Voyer de Paulmy, comte d'Argcnson), qui défend de tirer des armes
à feu, fusées et autres artifices dans la ville et faubourgs de Paris, et nommé-
ment le jour de la Fête-Dieu pendant que les processions passent, et enjoint
de faire tendre le devant des maisons dans les rues par lesquelles les proces-
sions du Très-Saint-Sacrement passent.
SENTENCE de police du Châtelet de Paris, du 12 juin 1739, qui condamne le
nommé Ménestrier, en l'amende, pour avoir négligé de balayer et faire
tendre, le jour de la Fête-Dieu, le devant d'une maison qu'il occupe.
Sur les 13 livres d'amende infligées, quatre sont données au tapis-
sier qui a fourni d'office la tenture, et six à l'huissier « qui a assisté
le commissaire en sa police ».
ORDONNANCE (annuelle) du Châtelet de Paris, pour tapisseries rues par où
la procession doit passer le jour de l'Assomption de Notre-Dame (vœu de
Louis XIII, déclaration du 10 février 1638) >.
SENTENCE de police du 20 octobre 1735 (rendue par Hérault), concernant
l'inhumation des corps auxquels la sépulture ecclésiastique n'aura pas été
accordée.
SENTENCE de police du 22 décembre 1736 (rendue par Hérault), portant rè-
glement pour ce qui doit être observé à l'occasion des personnes qui vien-
dront à décéder, et auxquelles la sépulture ecclésiastique ne sera pas accor- '
dée4.
Le commissaire se transporte dans la maison mortuaire, dresse
procès-verbaux, les communique aussitôt au procureur du roi du
Châtelet, pour être par lui requis ce qu'il appartiendra, et pour être
ordonné, par le lieutenant général de police, ce que de raison.
Cette intervention du Châtelet avait lieu principalement lorsqu'il
1. Ord. du 31 août 1745, signée de Marville (Arch. nat., Y. 9499).
2. Exemple , par ordonnance de Sartine du 6 mai 1769, depuis le, premier
dimanche de la Trinité jusqu'au premier samedi d'après la Notre-Dame de sep-
tembre (Arch. nat., Y.9499).
3. Le Poix de Fréminville, Die/, de la police, p. 607 à 617.
4. Le Poix de Fréminville, Dict. de la police, p. 672 et 673.
408 POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS
s'agissait de religionnaires, et même de jansénistes ou prétendus tels
(anticonstitutionnaires), de comédiens ou d'actrices, de suicidés, etc.
Les mémoires de Barbier, de Hardy, fourmillent d'exemples.
IL — MŒURS PUBLIQUES
JEUX DE HASARD
ORDONNANCE concernant ce qui doit être observé par les marchands de la
foire Saint-Germain-des-Prés, et qui renouvelle la défense des jeux (15 janvier
1769) '.
Vise : Ordonnance du 30 juin 1740 :
Défense de tenir les boutiques ouvertes, de vendre ni étaler les di-
manches et fêtes de commandement; défense de colporter les mar-
chandises hors de l'enclos de la foire ; défense aux limonadiers de
donner à souper; ordre de fermer à dix heures du soir; interdiction
des jeux de hasard, sous peine de 500 livres d'amende; défense aux
bateleurs et danseurs de corde de s'établir aux environs de la foire ;
interdiction absolue de vendre des armes quelconques, sous peine de
500 livres d'amende, telles sont les principales dispositions de cette
ordonnance. Les propriétaires des loges de la foire nommaient un
syndic propriétaire, les locataires un syndic locataire, l'un et l'autre
chargés de la surveillance des forains, sous l'autorité du commis-
saire du Chàtelet délégué, et nommé en la circonstance commissaire
de la foire. — La foire s'ouvrait le 1er février.
COMPTE-RENDU FAIT AU PARLEMENT
PAR LE LIEUTENANT GÉNÉRAL DE POLICE
DE LA QUANTITÉ DES JEUX, TANT PUBLICS QUE PARTICULIERS,
DES NOMS ET QUALITÉS DE CEUX QUI DONNENT A JOUER
ET DES BANQUIERS DES JEUX
13 FÉVRIER 1781 2
Messieurs, j'avais prévenu le compte que vous m'avez ordonné de vous
rendre, par celui que j'avais rendu plusieurs Ibis, lant aux ministres du roi
qu'aux premiers magistrats du Parlement, au sujet des jeux qui existent à
Paris, et qui y causent du désordre et du scandale '.
1. Arch. nat., Y. 9499.
2. Arch. nat., X 1b 8975.
3. Sur les académies de jeux et sur les banquiers affidés à la police (de son
propre aveu), voyez la Police de Paris en 1T70 (mémoire cité, de Lemaire),p. 94.
POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS 409
Les détails que je vais mettre sous les yeux de la Cour ne seront qu'une ré-
pétition, mais beaucoup plus étendue, de ceux dont j'ai déjà rendu un compte
particulier. Je dois vous informer en même temps des démarches que j'ai faites,
par les ordres des ministres et des magistrats, pour réprimer les excès qui
ont justement excité votre attention. Le récit fidèle que je vais exposer vous
convaincra de nos soins, et de nos mesures très fréquemment traversées par
ces moyens que la passion du jeu et l'esprit de cupidité, l'intrigue enfin et
tout ce qui la favorise, savent si bien mettre en usage. Vous y verrez la preuve
de cette vérité reconnue en matière de police, plus qu'en toute autre, que les
abus qui dérivent d'une frénésie indomptable sont difficiles à détruire, que
très souvent les remèdes qu'on y a portés n'ont fait que pallier le mal ou le
faire cesser pour un temps.
L'expérience a démontré que le meilleur état possible était le moins d'abus,
lorsque, par l'abus même, des juges et administrateurs intègres pouvaient ar-
rêter le progrès du désordre. Je dirai la vérité, Messieurs, sans acception de
personnes. Je dois craindre d'en trop dire, ou d'en dire trop peu ; mais quelque
délicat que puisse être mon devoir, je veux le remplir avec fidélité et circon-
spection.
Vous vous rappellerez, Messieurs, qu'en 1777 vous avez rendu un arrêt qui
a défendu le jeu communément appelé le «Jeu de la Relie». Il ne subsistait
plus alors que cinq maisons où l'on tolérait encore ce jeu. J'avais trouvé en re-
prenant les fonctions de la police un plus grand nombre de maisons où il avait
été toléré. Le magistrat qui m'a précédé estimait sans doute que la passion du
jeu a sur une certaine classe de joueurs un empire absolu; il avait cru qu'il
serait possible de faire naître un bien d'un mal contre lequel beaucoup d'ef-
forts ont été précédemment impuissants; il avait cru devoir en faire sortir des
moyens à la faveur desquels il a formé dans cette capitale quelques établis-
sements utiles et charitables dont je n'ai pu maintenir qu'une partie. On m'a
toujours entendu rendre justice aux vues de ce magistrat: et je me fais un
devoir de donner à son intégrité et à ses lumières un témoignage véritable et
sincère. Il prévoyait sans doute ce qui pourrait arriver par la suppression de
ces jeux sur lesquels la police avait les yeux ouverts, et par l'introduction de
ceux sur lesquels sa vigilance ne peut s'étendre.
En effet, Messieurs, quoique depuis l'arrêt de 1777 aucun jeu de belle, au-
cun jeu de hasard n'ait été permis en cette ville, ni par les ministres, ni par
la police, la passion du jeu qui ne peut s'éteindre dans le cœur de ceux qu'elle
a surpris, et pour qui elle est devenue une habitude, une occupation, a trouvé
d'autres ressources. Les joueurs se sont retirés dans des endroits cachés, où
ils ont cru pouvoir se livrer impunément à leur funeste penchant. Poursuivis
par les officiers de police, ils ont cherché des lieux où ils pussent être à l'abri
des recherches de la justice et de l'administration. Peu de temps après l'on a
vu établir un jeu de Riribi dans une maison rue d'Enfer, dépendante du Luxem-
bourg. Rientôt après M. le chevalier Zeno, ci-devant ambassadeur de Venise,
a aussi établi toutes sortes de jeux de hasard dans son hôtel. Là, toutes per-
sonnes de tous états, connues ou inconnues, étaient admises. Les joueurs s'y
portant en foule, on y a multiplié les salles où les joueurs avaient un libre ac-
cès. Une de ces salles, plus particulièrement ouverte aux personnes d'un état
vil et obscur, était appelée l'Enfer. Cette maison où le désordre et le scandale
ont subsisté pendant longtemps et dont j'ai été instruit plutôt par la notoriété
410 POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS
publique que par les agents de la police, auxquels la porte en était interdite,
n'a été fermée qu'au départ de cet ambassadeur, envers qui toutes les repré-
sentations ont été vaines. Mais depuis et successivement on a ouvert des jeux
de hasard chez trois autres ministres étrangers:
Le premier, place du Louvre, dans un hôtel ayant pour inscription : Écuries
de M. l'ambassadeur de Suède; un autre, rue de Choiseul, sous le nom de
M. l'envoyé de Prusse; et le troisième, rue Poissonnière, chez M. l'envoyé de
Hesse-Cassei.
Sur l'avis qui m'en a été donné, avant même que les jeux y fussent établis,
j'ai eu l'honneur d'écrire ou de prévenir ces ministres étrangers que je ne
pourrais me dispenser d'instruire le gouvernement. Mes lettres étant demeu-
rées sans réponse, j'ai rendu compte aux ministres du roi, lesquels ont fait
auprès des ministres étrangers les démarches que leur zèle et leur prudence
leur ont suggérées. Us ont été avertis des conséquences que peut entraîner la
licence des jeux dans leurs hôtels, que le public en était scandalisé, et la po-
lice alarmée.
Il existe donc aujourd'hui quatre jeux publics ouverts à toutes sortes de per-
sonnes. Ces quatres maisons doivent être rangées dans une classe séparée et
distinguée des autres par leur publicité. Dans deux de ces maisons, c'est-à-
dire dans celle située rue d'Enfer et dans l'hôtel de M. l'ambassadeur, on n'a
joué que le jeu de Biribi et non le jeu de Trente-un, qu'on dit être plus dan-
gereux, et qui paraît avoir plus d'attraits pour les joueurs: et déjà, Messieurs,
on m'a fait entendre que le bruit de la connaissance que vous devez prendre
des jeux défendus devait faire fermer celui établi rue d'Enfer, qui d'ailleurs
est devenu moins fréquenté par l'établissement des autres jeux ouverts dans
des quartiers plus habités.
On a aussi donné depuis 1777 toutes sortes de jeux de hasard dans plu-
sieurs maisons particulières. Voici celles qui me sont plus connues :
MM. les marquis et comte de Genlis rassemblent très fréquemment dans une
maison située place Vendôme, et dans une autre sise rue Bergère, une société
nombreuse de gros joueurs; l'on prétend qu'il s'y est fait des pertes énormes.
Une autre société se réunit chez la dame -de Selle, rue Montmartre; une
autre se rassemble également chez la dame de Champeiron, rue de Cléry;chez
la dame de la Sarre, place des Victoires; chez la dame de Fontenille, cour de
l'Arsenal.
Je les ai avertis et fait avertir. On m'a donné partout cette réponse com-
mune, que ce n'était que des plaisirs de société, qui avaient été tolérés de tout
temps, et qu'il ne se passait rien dans l'intérieur de leurs maisons que ce qui
pouvait avoir lieu partout ailleurs.
J'observerai à la Cour qu'ayant eu connaissance que des personnes d'un rang
élevé s'étaient trouvées quelquefois dans plusieurs de ces sociétés, je n'ai pu
porter mes soins au delà des instances et des prières que j'ai faites aux maîtres
et maîtresses de ces maisons, et au delà des comptes que j'en ai rendus. Ces
moyens, ou plutôt ces procédés, s'ils n'ont pas réussi auprès des maîtres et
maîtresses que je viens de nommer, ont eu succès auprès d'autres personnes
qui ont renoncé aux jeux de hasard dès l'instant qu'elles en ont été averties.
Je pourrais citer à la Cour une multitude de projets de donner à jouer dont il
m'a été fait rapport, que j'ai combattus avec le plus de fermeté qu'il m'a été
possible, et qui ont été abandonnés.
POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS 411
Ici vient naturellement le compte que je dois à la Cour d'une maison de jeux
dont on a débité mal à propos, et trop légèrement, rétablissement prochain
sous la protection d'un prince auguste. J'ai la satisfaction d'annoncer que ce
prince juste et grand a cédé dès la première connaissance qui lui a été donnée
des conséquences qui pourraient résulter des jeux de hasard, s'ils étaient tolé-
rés dans une maison qui vient d'être construite rue de Vendôme pour un jeu
de paume où quelquefois il vient prendre cet amusement. J'ai des preuves de
la bonté, de la sagesse, de la droiture, de la grandeur d'âme du prince, et ses
intentions, qui m'ont été encore plus particulièrement transmises par une per-
sonne respectable qui a l'honneur de l'approcher, m'ont confirmé qu'il m'avait
su gré de l'avoir fait avertir. Les jeux de hasard n'ont pas été ouverts dans ce
jeu de paume, et n'y auront pas lieu.
Je ne présume pas que l'intention de la Cour ait été que je lui rendisse
compte des jeux de hasard qui ont lieu dans beaucoup de maisons particu-
lières, en cas de noces, de festins, de grands repas. Plus communément, les
jeux de hasard ont lieu en carnaval qu'en tout autre temps: l'usage étant au-
jourd'hui, soit que le jeu l'ait introduit ou non, de réunir une nombreuse so-
ciété, il est devenu plus commun de donner un jeu de hasard où toutes les
personnes invitées peuvent se rassembler; mais il convient de distinguer entre
les sociétés de jeux et les jeux de société. Si j'avais à comprendre dans le
compte que vous exigez de moi toutes les maisons dans lesquelles par occasion,
sans dessein et sans intérêt, on a cru quelquefois pouvoir donner des jeux de
hasard, je devrais citer une infinité de personnes de tout état. Mais j'ai pensé
que je ne devais nommer que les maisons où les jeux de hasard se donnent
fréquemment, habituellement , sans permission, et dans lesquelles ils sont
pour les maîtres et maîtresses plutôt une affaire d'intérêt qu'un objet d'amu-
sement.
La Cour n'ayant compris dans son arrêté que les jeux défendus, je n'entre-
rai pas dans le détail des académies et maisons où l'on ne joue que les jeux
de commerce; le compte-rendu à la Cour en 1777 en a présenté des détails
exacts. Je dirai seulement que ces maisons sont en moindre nombre et moins
fréquentées que par le passé, les joueurs étant plus attirés par les jeux de
hasard.
Il me reste à déclarer à. la Cour les banquiers. Voici leurs noms et leurs
demeures :
Dufour, rue Neuvc-dcs-Mathurins;
Amyot et Fontaine, rue de Richelieu ;
Deschamps, faubourg Saint-Germain ;
Nollet, rue de Richelieu ;
Andrieu, au Pont-aux-Choux ;
Ciiavigny, rue Montmartre;
Delzène, ruePlâtrière ;
Pierry, rue de Cléry;
Rarbaroux, rue des Petits-Pères;
Herbert, au café de la Régence ;
David et Dufresnoy?
Odelin, rue Neuve-des-Petits-Champs ;
Latour, rue Feydeau.
412 POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS
Bouillerot, à PArche-Marion ;
Boyer et Remv, rue de Richelieu.
Quant à leur origine, ils sont presque tous nés dans l'obscurité, ayant
exercé ci-devant une profession commune. 11 est du bon esprit de la nation d'avi-
lir cette condition. Cependant ce métier était devenu celui de personnes nées
et élevées pour tout autre état. J'ai voulu il y a quelques années défendre aux
banquiers ordinaires d'aller dans aucun jeu public, et d'y tailler à aucun jeu
défendu: ils ont obéi. Mais, bientôt après, ces jeux ont été tenus tantôt par
les valets de chambre des maîtres, tantôt par des personnes de leur société.
Quelques chevaliers de Saint-Louis n'ont pas rougi de se prêter à cette basse
profession. J'ai porté mes plaintes aux ministres du roi contre ces officiers;
des ordres sévères ont été donnés: ils se sont retirés.
On a employé successivement les secrétaires des ministres étrangers, leurs
officiers ; et les banquiers de jeux, qui par état sont joueurs d'habitude, allaient
dans les maisons non comme banquiers, mais comme joueurs. Là, sans aucune
mission, confondus avec le public, je n'avais plus de compte à exiger d'eux :
je n'étais plus instruit; néanmoins ces banquiers étaient vraisemblablement
de connivence avec ceux qui tenaient les cartes, les boules ou les dés. Ils pro-
curaient des fonds fournis par des personnes non connues : semblables à ces
courtiers de prêteurs sur gages qui faisaient en apparence un commerce usu-
raire, et dont le plus grand profit retombait, parleurs mains mercenaires, dans
des mains qu'ils avaient soin de cacher.
Qu'est-il résulté de cette espèce d'interdiction illusoire des banquiers ordi-
naires? Ils n'ont pas moins continué clandestinement leur métier, et j'ai été
privé des rapports et connaissances au moyen desquels j'ai été souvent à
portée de prévenir la ruine de plusieurs pères et enfants de famille; et, puisque
aux jeux de hasard il faut des banquiers, il a paru convenable que ce métier
fût plutôt le partage de gens souples, dociles, et tenus par leur emploi de
rendre des comptes aux officiers de police.
On est donc revenu aux banquiers ordinaires ; sans ce moyen, Messieurs,
j'eusse été instruit trop tard d'une perte considérable que vient de faire un
jeune homme. J'en ai informé ses parents, qui ont pris les mesures que les
circonstances ont exigées.
Sans ces moyens je ne serais pas en état de savoir et de déclarer les noms
et les qualités d'une infinité de personnes qui fréquentent ces maisons de
jeux, de tous ces escrocs, de tous ces intrigants, gens d'industrie qui redou-
tent la sévérité de la police et des notes qu'elle renferme sur leur conduite et
leurs manœuvres. Ce sont là ces hommes dangereux, sans mœurs, sans délica-
tesse, qui, pour couvrir leur honte et leur turpitude, ont intérêt de compro-
mettre des personnes honnêtes, attachées à une administration pure, et sans
doute pour eux trop sévère. Ce sont ceux-là qui par leurs conseils perfides
entraînent dans leurs pièges des personnes de considération, mal éclairées ou
trop indulgentes. Ce sont ceux-là qui veulent établir des maisons de jeux
dans les lieux privilégiés, et, sans une ferme résistance concertée avec les
ministres du roi et la plupart des personnes qui commandent dans ces lieux,
le scandale et le mal seraient encore bien plus grands...
Je sais que, dans le temple de la justice... la loi est impérative à l'égard des
grands comme à l'égard des petits. Mais détournez votre attention un instant,
POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEUKS 413
et portez-la dans les cercles, dans les sociétés, sur tout ce qui se passe dans le
monde, dans les provinces, dans les garnisons, à l'étranger. Daignez jeter
vos regards sur tant de personnes élevées en dignités, ou revêtues d'un carac-
tère respectable que l'œil de la politique doit considérer; enfin sur les temps
où nous sommes; que peut et doit faire celui qui est chargé de l'exécution de
la loi? Ici je dois m'arrêtcr : c'est à votre prudence et à votre sagesse que je
dois m'en référer. Je suis bien éloigné de retenir votre sévérité contre l'abus
des jeux, mais je n'ai pas dû vous taire les circonstances qui peuvent vous
déterminer sur le choix des mesures à prendre. Je ne peux en même temps me
dispenser de vous exposer l'embarras et la sollicitude de celui à qui le roi a
confié le fardeau pesant et difficile de l'administration de la police. Vous ne
pouvez vous figurer à combien d'égards il est asservi, et combien il faut qu'il
se plie à des prétentions qu'il doit écouter, encore qu'il ne puisse les avouer.
Le moindre serviteur attaché à une personne puissante se croit dégagé des
règlements de police. Veut-on lui opposer les dispositions de la loi, on
réclame contre des privilèges violés.
En d'autres parties de la police, quelle est ma position, Messieurs? C'est
dans les plus grandes villes qu'il se rencontre [le] plus d'abus. Que ne pour-
rais-je pas dire sur ceux que présentent les grands et petits spectacles, les
lieux de débauches? Il est quelquefois plus à propos de fermer les yeux que
de les ouvrir sur des abus, lorsqu'ils sont légers, et qu'il n'y a ni scandale, ni
excès, ni préjudice pour la sûreté publique.
L'administration de la police renferme une infinité de détails de tous genres.
Elle répond à toute autre administration. Mais pourquoi faut-il que dans une
partie du public qu'elle doit (malgré son injustice) servir et défendre, le
désordre, de quelque part qu'il vienne, lui soit imputé?
... Je m'abstiens de m'expliquer sur des moyens qu'il n'appartient qu'à des
vues de sagesse et de prudence d'employer eificacement : mais j'ose me flatter
que vous ne me jugerez pas moins digne de votre bonté indulgente que de
votre appui nécessaire, surtout lorsque je viens réclamer votre autorité contre
l'excès de l'abus, le scandale et le désordre.
DÉLIBÉRATION DU PARLEMENT A CE SUJET
La délibération du Parlement sur ce compte-rendu fut renvoyée au
20 février. La question intéressait au plus haut point la haute société.
Aussi, sans avoir été appelés par les Chambres, cinq des princes du
sang ' , l'archevêque de Paris et vingt-deux pairs laïques 2 vinrent écouter
le brillant et pompeux discours de l'avocat du roi Séguier. Il traita
naturellement un tel sujet avec moins de détails topiques que le lieu-
tenant général de police. Il est inutile de reproduire ici les banalités
que l'on se figure aisément sur la fureur du jeu, et toutes ses immo-
rales et funestes conséquences. Mais quelques passages sont à signaler.
1. Le duc d'Orléans, le duc de Chartres, le priuce de Condé, le duc de Bour-
bon et le prince de Conti.
2. Entre autres le duc de Gesvres,
414 POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS
Séguier s'indigne que « le prétexte du bien public ait pu faire établir
des hospices dont les fonds étaient assignés sur les produits des jeux
de hasard. N'est-ce pas, ajoute-t-il, la plus cruelle des erreurs dans
l'économie politique de vouloir combattre un vice par un autre vice,
de former entre eux une espèce d'équilibre et de balancer l'un par
l'autre? »
Peu sévère pour l'auditoire exceptionnel qui l'honorait ce jour-là, il
lui rappelle néanmoins qu'un des inconvénients du jeu, c'est « de ré-
duire les citoyens de toutes les classes à une honteuse égalité, de
confondre tous le* rangs et de les corrompre l'un par l'autre ».
Il cherche (sans les trouver) des moyens légaux d'atteindre les
plus grands coupables, les bailleurs de fonds dont la connivence per-
met seule aux banquiers d'exercer leur ignoble métier.
Il ne regarde pas comme indifférent à l'État de voir la richesse dans
une main plutôt que dans l'autre :
Il est des noms auxquels le soldat est accoutumé d'obéir, que les officiers
respectent, que les princes entendent avec plaisir. 11 est des noms que l'Église
appelle à ses dignités, que la Justice s'honore de posséder dans la magistra-
ture; des noms que la nation entière chérit, qu'elle admire et qu'elle ne pro-
nonce jamais qu'avec un sentiment mêlé d'amour et de vénération. Voilà ceux
que les rois surtout sont intéressés à protéger, à défendre, à multiplier. Bou-
cliers de l'État, lumières de l'Église, organes des lois..., ils veillent pour le
souverain, ils combattent ses ennemis, ils défendent ses droits. Il y aurait une
sorte d'ingratitude de voir avec indifférence disparaître ces noms consacrés
dans les fastes de la nation, dans les archives de l'Église et dans le temple de
la Justice. Un moment d'erreur, quelquefois un moment d'oubli, réduira le
rejeton de tant de grands hommes à la cruelle ressource de se dérober au
grand jour et de s'éteindre dans l'obscurité. La fortune des plus grandes
maisons passera dans la main d'un banquier, et l'on osera avancer que cette
transmission -de propriété est indifférente à l'État!...
Le Parlement ne put d'ailleurs faire autre chose que renouveler les
dispositions des nombreuses ordonnances rendues contre le jeu et
déclarer qu'elles seraient exécutées '.
Voici l'Arrêt que le Parlement aurait publié. Le projet, manuscrit,
fait suite aux réquisitions imprimées de Séguier et au Vu par la
Cour.
La matière mise en délibération2,
t. Ordonnances de Charles V (1639), de Henri H (Arrêt de la Cour du 27 mars 1547),
de Charles IX (1560, art. 101 de lord. d'Orléans), de Henri III (ord. de Blois), de
Louis XIII (1611), de Louis XIV (1666) et de nombreux règlements de la Cour
jusqu'à celui du 12 décembre 1777.
2. Derniers mots imprimés, p. 19 de l'arrêt, et les 3 pages suivantes (sans nu-
méros de pagination). Bib. nat., Collection citée.
POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS 415
La Cour fait très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes de
quelque état et condition qu'elles soient de tenir et de jouer aucun des jeux
dont les chances sont inégales et qui présentent des avantages certains à l'une
des parties au préjudice des autres, sous quelque dénomination que lesdits
jeux puissent être connus, et tels que le Pharaon, Biribi, Trente-un, et autres.
Enjoint ladite Cour au lieutenant général de police de veiller exactement à
l'entière exécution desdites défenses, et d'instruire directement la Cour des
infractions qui pourraient y être faites, pour par elle y être statué, ainsi
qu'elle avisera; lui enjoint pareillement de ne laisser introduire aucun jeu
nouveau du même genre que ceux prohibés par le présent arrêt, sans en
rendre compte sur-le-champ à ladite Cour : fait pareillement ladite Cour
inhibitions et défenses à toutes personnes de quelque qualité et condition
qu'elles soient se disant banquiers, ou ce qui est la même chose en faisant
le métier sans en avoir la dénomination ni l'état, de tenir aucun desdils
jeux, sous peine par les contrevenants, aux termes de l'arrêt du 28 novembre
lG6i, d'être condamnés au fouet et au carcan; enjoint à cet égard aux substi-
tuts du Procureur général du roi sur les lieux chacun en droit-soi et
notamment au substitut du Procureur général du roi au Chatelet de Paris
de poursuivre sans délai les contrevenants et d'instruire directement la Cour
des diligences qu'ils feront pour cet effet et à chaque occasion ; fait en outre
ladite Cour très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes de
quelques rang et qualité qu'elles soient de prêter leurs maisons pour la tenue
d'aucuns jeux sous peine pour la première contravention d'une amende qui ne
pourra être moindre qu'une année de loyer de la maison où le jeu aura été
tenu, à dire d'experts, si la maison est occupée par le propriétaire ou sans
bail; et en cas de récidive d'être déclarés fauteurs de banquiers et de jeux
défendus et comme tels condamnés aux mêmes peines que lesdits banquiers
ou teneurs de jeux. Enjoint au lieutenant général de police de la ville de Paris
de ne plus à l'avenir permettre à aucun des banquiers qui d'après le compte
par lui rendu ont correspondu à la police par le passé, et à tous autres d'aller
dans aucune maison particulière tenir aucun desdits jeux ; lui enjoint en outre,
dans le cas où de pareilles demandes lui seraient faites par des personnes de
crédit et d'autorité, d'en référer aussitôt et directement à la Cour pour par
ladite Cour y être pourvu ainsi qu'elle avisera. Ordonne au surplus ladite
Cour que les ordonnances, arrêts et règlements concernant les jeux de hasard
seront exécutés; en conséquence fait très expresses inhibitions et défenses à
tous les sujets du roi de tous états et conditions de jouer lesdits jeux et
notamment les jeux de dés et le jeu appelé Trente-et-quarante, sous les peines
portées par lesdites ordonnances et arrêts; enjoint aux substituts du Procu-
reur général du roi sur les lieux, chacun en droit-soi, d'y tenir la main, et au
lieutenant général de police de la ville de Paris de s'informer exactement de
ce qui pourra se passer relativement auxdits jeux, pour sur le compte qu'il
sera toujours prêt d'en rendre à la Cour être par elle statué ce qu'il appar-
tiendra; ordonne que le présent arrêt sera imprimé, publié et affiché, savoir
dans huitaine à compter de ce jour1 dans la ville de Paris, dans le mois dans
toutes les villes du ressort de la Cour et envoyé à tous les bailliages et séné-
chaussées du ressort pour y être lu, publié et registre; enjoint aux substituts
1. 20 février.
416 POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS
du Procureur général du roi d'y tenir la main et d'en certifier la Cour dans le
mois.
Sans pouvoir désapprouver « le zèle de son Parlement pour le main-
tien du bon ordre », le roi craignit sans doute le scandale de certaines
révélations et l'effet de certaines allusions. Le 2 mars, toutes chambres
assemblées, les princes et les pairs y séant ', le comte d'Artois reçut la
mission d'apporter une déclaration en date du 1er mafs, concernant les
jeux défendus. Le premier président en avait été averti dès le 22 fé-
vrier. Appelé à Versailles, le roi lui avait dit que le Parlement aurait
dû s'en rapporter à lui : « Mon intention, avait-il ajouté, est que son
arrêt ne soit ni publié, ni affiché; je compte incessamment lui envoyer
une loi sur cet objet qui mérite mon attention. »
La déclaration du 1er mars fut enregistrée dès le 2 mars, sans repré-
sentations ni remontrances 2. Toutes les anciennes défenses étaient
renouvelées (art. 2 et 3), la police des jeux confiée aux commissaires
du Châtelet (art. 4), de lourdes amendes, doublées en cas de récidive
et payables par corps, prononcées contre les banquiers ou autres
tenant des jeux de hasard et contre les joueurs (art. 5, 6, 7); des peines
afflictives et infamantes sont prononcées pour la seconde récidive
(art. 8); l*art. 9 condamne en 10,000 livres d'amende les propriétaires
ayant loué sciemment leurs maisons pour des jeux : l'art. 10 renou-
velle en matière de dette l'exception de jeu.
ANALYSE DE LA SÉANCE DU 14 JANVIER 1789
Par arrêt du 9 janvier, la Cour ordonna l'exécution rigoureuse de
la déclaration du 1er mars 1781 concernant les maisons de jeux prohi-
bés. Elle enjoignit en outre au lieutenant général de police de donner
au procureur général la liste de toutes les maisons de jeux qui
étaient à sa connaissance sans aucune espèce de distinction, parnoms,
surnoms, qualités et demeures des contrevenants. Cet état fut apporté
à la séance plénière du 16 janvier. 11 comprenait cinquante-trois mai-
sons; il fut déposé au greffe pour, en cas de récidive, en être publié
des extraits capables de « faire rougir » des personnes d'un certain
rang. Thiroux de Crosne affirmait que, depuis l'arrêté du 9 janvier,
1. Cette fois, les pairs ecclésiastiques sont en nombre. Outre l'archevêque de
Paris (qui assistait comme duc de Saint-Cloud), sont présents l'archevêque-duc de
Reims, les évêques-ducs de Laon et de Langres, les évêques-comtes de Beauvais,
de Châlons et de Noyon;
2. Isambert, 1453.
POLICE DE LA RELIGION ET DES MŒURS 417
toutes les maisons de Trente-et-quarante étaient fermées. A cette
assertion, un des membres répliqua immédiatement que le lieutenant
général de police était trompé, et dénonça avec preuves à l'appui deux
maisons de jeux encore ouvertes la veille : celle du sieur Herbert,, au
coin de la rue des Fossés-Monsieur-Ie-Prince et de celle du Théâtre-
Français, et celle de la fille Benoit (rue de Gléry), soutenue obstiné-
ment par le sieur Piquenon, son propriétaire '.
Il était difficile d'être bien sévère contre le jeu au gouvernement de
Louis XVI. On sait combien le jeu de la reine et des princes était
excessif. Le comte d'Artois perdit une nuit 800,000 livres et osa le
lendemain demander un million à son frère pour faire la somme
ronde : cela en 1787, au moment où le trésor était aux abois. D'autre
part, la loterie royale ou plutôt les loteries royales, sous prétexte de
constructions utiles, de charité publique, etc., ne rapportaient pas
moins de 11,500,000 livres, d'après le ministre Necker. Dès le début
du règne (24 juillet 1775), une ordonnance de police, visant l'arrêt
du conseil du 9 avril 175:2, prohibait la vente et distribution d'au-
cuns billets des loteries étrangères (Bruxelles, Cologne, Manheim),
pour faire droit aux plaintes des administrateurs de la loterie de
l'École militaire 2. Cette prohibition fut maintenue à l'avantage de la
loterie royale.
MAITRES, ÉCOLIERS ET PARENTS
ORDONNANCE de police du 5 fiévricr 1734.
Sur ce qui nous a été remontré par le procureur du roi, qu'il est informé
qu'au préjudice du bon ordre et de la discipline publique, quelques pères et
mères dont les enfants de l'un et de l'autre sexe sont admis aux écoles de
charité établies dans la plupart des paroisses de cette ville et des faubourgs
de Paris, se portent à un tel excès d'ingratitude envers les maîtres et les maî-
tresses préposés à leur instruction, que non seulement ils osent proférer
contre eux journellement des injures et des menaces, mais qu'aucuns de ces
pères et mères ont eu la témérité de leur faire insulte, souvent même dans
leurs classes, et pendant le temps de leurs exercices. Et quoique la modéra-
tion de ces maîtres et maîtresses les retienne toujours de nous en porter leurs
plaintes, il n'est pas moins juste de prévenir les mêmes inconvénients à leur
égard et de les mettre en état de continuer leurs instructions avec toute la
décence et la tranquillité convenables...
Le lieutenant général de police ordonne en conséquence l'exécution
1. Le 6 mars, note Hardy (t. VIII, p. 253), trois filles du monde furent arrêtées
pour tenir des jeux.
2. Arch. nat., Y. 9499.
■21
418 POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS
de l'ordonnance du 11 juillet 1731, condamnant les contrevenants à
50 livres d'amende en cas d'insulte, et à des poursuites extraordi-
naires en cas de voies de fait1.
CAFÉS
L'arrêt du Parlement du 10 février 1724 fait « défenses à toutes per-
sonnes de fréquenter les cabarets et cafés pendant la nuit et autres
heures indues, et pendant le service divin2», sous peine à l'égard
des cabaretiers, limonadiers et autres, d'une première amende d'au
moins 50 livres dans les villes et de 20 livres dans les campagnes, et
à l'égard des clients, de 20 livres et de 5 livres. La récidive ou l'ha-
bitude entraînaient, pour les uns et pour les autres, des amendes
plus fortes, et même la prison et des punitions corporelles non spéci-
fiées. Quant aux heures prohibées, elles ne sont pas expressément
marquées; le Parlement s'en rapportait sans doute aux officiers
de police et à l'usage des lieux.
La police appliquait à cbaque instant cet arrêt s. Les maîtres dis-
tillateurs, marchands d'eau-de-vie, etc., reçurent en outre la défense
expresse de louer leur maîtrise, sous peine de la perdre, et de prêter
leur nom aux débitants limonadiers ou cafetiers en quelque manière
que ce fût (27 octobre 1742). Ainsi le débit des liqueurs fut rigoureu-
sement subordonné à la police. Comme les cafés étaient devenus des
lieux de réunion politique, et que l'on y débitait les nouvelles, les
lieutenants de police eurent soin d'y entretenir des espions ou obser-
vateurs; ceux-ci, pour 30 à 150 livres par mois, rendaient compte
des conversations. Mais les plus utiles et les moins chers étaient les
espions sans le savoir, auteurs, avocats, grands parleurs d'esprit ou
d'allure indépendants 4. La police se servait aussi des cafés pour
détruire de fausses impressions (ou censées telles), dans le public,
4. Cette ordonnance, signée Hérault, est dans le Dictionnaire de la police, de
Le Poix de Fréminville (p. 283). Cet auteur la donne comme un modèle à suivre
dans les villages : « car il y a des pères et des mères idolâtres dp Leurs enfants,
qui n'aiment pas qu'on les châtie. » Ainsi, les pères et mères avaient en 1734,
comme en 1731, protesté contre les mauvais traitements dont leurs enfants étaient
victimes dans les écoles de charité.
2. Le Poix de Fréminville, Dictionnaire... de la police, p. 150. — Sont visés
dans l'arrêt, l'art. 4 de l'ordonnance de 1458, l'ordonnance de Moulins (art. 2 et
82)..., ledit de déc. 1566, les arrêts du Parlement des 22 janv. 1672 et 15 décem-
bre 171 1.
3. Exemple : Sentences des 6 nov. 1725, 20 juillet 1742, 27 oct. 1742, 6 sep-
tembre 1743, etc.
4. La Police de l'aria en 1770 (mémoire cité, de Leinaire), p. 65.
POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS 419
pour démentir de fausses nouvelles ou des nouvelles qu'elle voulait
que Ton crût fausses, pour en donner d'officielles '. Voici, lorsque les
choses avaient lieu ouvertement, comment elles se passaient :
« M. le comte de Maurepas, secrétaire, d'Etat, raconte Barbier, a
écrit à M. Hérault, [lieutenant général de police], que le roi
était informé qu'il se répandait dans Paris qu'on voulait ôter au
Parlement les appellations comme d'abus, créer une cbambre
ecclésiastique qui en aurait la connaissance, laquelle cbambre
dégénérerait ensuite en inquisition; que ce n'était point là l'in-
tention du roi, et que M. Hérault eût à assembler les commis-
saires de Paris pour leur donner lecture de cette lettre. Cela a été
fait mardi matin (20 mai 1732), et M. Hérault leur a ordonné
d'aller dans les endroits publics où l'on s'assemble, comme les cafés,
pour défendre de tenir de pareils discours, sous peine de désobéis-
sance. Les maîtres de cafés ont été chargés d'en avertir ceux qui y
entrent. Ceci est une espèce de manifeste et de justification de la
part de la cour 2. »
Les cafés recevaient trop bonne compagnie, et étaient trop utiles
à la police, pour être persécutés par elle. Gbose singulière ! c'est sur-
tout aux jeux de billard qu'elle en veut : ces jeux, notons-le, n'é-
taient alors que l'amusement du peuple ; ils n'étaient fréquentés que
par « des domestiques ou gens de bas étage ? ».
Le monopole des jeux de billard appartenait aux maîtres paul-
miers (maîtres des jeux de paume), sur les droits corporatifs desquels
la police empècbait les cafetiers et limonadiers de rien entreprendre.
LOGEMENTS GARNIS, CABARETS, DÉBAUCHE
SENTENCE de police qui condamne en 100 livres d'amende le nommé Etienne
Friley, logeur et tenant chambres garnies, rue du Petit-Bourbon, pour avoir
retiré chez lui des femmes de débauche et gens sans aveu, et n'avoir point
inscrit sur son registre différentes personnes logées chez lui'.
SENTENCE qui défend de donner retraite à des filles et femmes de mauvaise
1. En février 1723, le cardinal Dubois envoie au lieutenant de police d'Argen-
son une lettre sur la santé du roi, dont copie est adressée aux commissaires
« avec ordre de la distribuer dans les lieux d'assemblée, c'est-à-dire les cafés, ce
qui a été fait aussitôt ». (Barbier, Journal, t. I, p. 104.)
2. Barbier, Journal, t. I, p. 419.
3. [Jèze], État de Paris en 1760, p. 183.
4. Signée de Marville. (2 déc. 174G.) — L'arrêt du Conseil du 22 déc. 1708 or-
donnait la tenue des registres pour les garnis.
4U20 POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS
vie et ù gens sans aveu; condamne le nommé Malteste, cabaretier aux
Porcherons, en 50 livres d'amende, et à tenir son cabaret fermé pendant six
mois1.
Le texte décrit la descente de police faite de nuit, par le commis-
saire Cadot, chez Malteste. Hérault a de sa main ajouté en marge
de la sentence, après « son cabaret fermé » les mots : « et muré ».
SENTENCES ANALOGUES CONFIRMEES PAR LE PARLEMENT
Un arrêt du Parlement du 19 septembre 1783 « confirme les sen-
tences rendues en la chambre de police du Châtelet de Paris, qui
condamnent un marchand de vin en différentes amendes pour avoir
donné à boire à des heures indues et être contrevenu aux règlements
concernant les logeurs, et lui ont fait défenses de récidiver sous
plus grande peine2 ».
SPECTACLES ET POIRES
Une ordonnance de police, du 26 janvier 1743, fait défenses, même
aux pages du roi et de lareine, d'entrer dans les spectacles sans payer.
— Ils ne pourront se placer, même en payant, qu'au parterre ou aux
troisièmes loges'.
Une ordonnance de police du 5 juin 1733, souvent renouvelée,
réprime, à la foire Saint-Laurent, la débauche et le maquerellage
des prétendues vendeuses de café et de limonade 4.
Les propriétaires des maisons mal habitées sont tenus comme res-
ponsables des faits et gestes de leurs locataires, et comme punissa-
bles 5, parce qu'ils n'ont loué ainsi que pour tirer de plus forts loyers.
C'est ainsi qu'à la date du 17 juin 1735, est affichée une « ordon-
nance portant défenses aux propriétaires et locataires des maisons
voisines de la foire Saint-Laurent d'en louer aucunes parties pen-
dant la tenue de ladite foire, sans la participation de maître Aubert,
1. Signée Hérault, 21 juin 1732. (Arch. nat., Y. 9499.) — 11 y a une multitude de
sentences analogues à toutes les époques, sauf toutefois l'ordre de murer.
2. Collection des Arrêts du Parlement (en feuilles), de la Bib. mit., à la date.
3. Arch. nat., Y. 9499.
4. Id., ibid.
!i. L'ordonnance du 14 septembre 1420 faisait défenses à tous propriétaires de
louer des maisons aux femmes dissolues, à peine de confiscation des maisons et
des loyers. L'usage modifia celte ordonnance draconienne, et la police se con-
tentait d'imposer de fortes amendes aux contrevenants (sentences des 28 juin
1731, 10 juin 1735, 23 mai 1740, 31 août 1742. etc.).
POLICE DE LA RELIGION ET DES MOEURS 421
commissaire préposé à cet effet' ». — Cette ordonnance reproche à
plusieurs propriétaires et locataires de louer à des hommes et à des
femmes dîme conduite suspecte, dont le commerce de bière et de
café ne fait qu'autoriser une débauche publique.
DANSES ET FÊTES BALADOIRES
« Les dimanches et les fêtes, soit de patrons ou autres, sont des
jours qu'il convient de sanctifier par des œuvres pieuses, et l'on ne
doit pas les passer en danses et en baladineries, qui ne peuvent que
distraire les fidèles de ce qu'ils doivent à Dieu, à la religion et au
prochain par le bon exemple. Ces sortes de divertissements sont
expressément défendus par un nombre très considérable de conciles
et par une foule d'ordonnances de nos rois et d'arrêts et règlements
de la cour2. »
Cependant l'Académie royale de danse avait été créée par lettres
patentes enregistrées en 1664. Mais il ne pouvait s'agir que de la
danse noble, artistique. Les académies populaires de danse, les mai-
sons ou cabarets où l'on donnait à danser dans la journée, le diman-
che, sont fréquemment visitées et fermées par la police : ou bien les
inspecteurs et les exempts font payer leur tolérance. L'article Danse,
de Y Encyclopédie méthodique (Police et municipalité, t. I), montre
combien les mœurs et les idées différaient des lois et règlements sur
cette matière.
Les rigoristes, les juristes, citaient saint Thomas : « Deliciarum
cornes atque luxurix saltatio. » Les philosophes voyaient dans la
danse un amusement inoffensif, hygiénique, utile aux mœurs qu'il
adoucissait, propice aux unions el à la population.
Pour ne rien embellir, il faut reconnaître que certains maîtres à
danser vivaient de la prostitution 5.
1. Arch. nat., Y. 9599. — Autres ordonnances analogues pour la foire Saint-
Germain, etc.
2. Eu pareille matière, les arrêts du Parlement ne se référaient plus qu'à l'ar-
rêt de règlement des Grands-Jours de Clermont, du 14 déc. 1665, et à celui du Par-
lement lui-même, du •"> septembre 1667. Cette police, d'abord tout ecclésiastique,
fut confirmée par le roi dés le début du XVIe, siècle (Lettres patentes du 7 jan-
vier 1720). — Le Poix de Fréminville, Dictionnaire... de la police, p. 313.
3. Sentence de police du 20 mai 1740, qui condamne le nommé Dubut et sa
femme en cent livres d'amende... Dubut, maître à danser, tenait, depuis plus de
vingt ans, une maison sise rue du Petit-Lion, rendez-vous ordinaire » d'hommes,
femmes et filles de mauvaise vie, soldats aux gardes françaises et suisses;... il
paraît dans le jour, aux fenêtres de cette maison sur la rue, plusieurs femmes
et filles prostituées, qui s'y donnent comme en spectacle, qui font des signes aux
422 POLICE DE L'HYGIÈNE PUBLIQUE
III. — HYGIENE PUBLIQUE
Les médecins sont régis par les décrets de la Faculté qui, elle-même,
fait partie de l'Université. La police ne tolère les entreprises des char-
latans, ou de tous ceux qui, sans titre, s'occupent de guérir, que par
rapport aux malades abandonnés par les gens de l'art ' . Contre les pré-
tendus devins, magiciens, sorciers, distributeurs de remèdes secrets
et de drogues dangereuses, elle applique l'édit de juillet 1682, registre
au Parlement le 31 août suivant. Les Arrêts du Conseil du 25 octobre
1728 et du 17 mars 1732 mentionnent l'avis préalable, et stipulent l'ac-
tion particulière du lieutenant général de police.
L'Arrêt du Conseil du 2o octobre 1728 détendit « à toutes sortes de
personnes de distribuer des remèdes sans en avoir obtenu de nou-
velles permissions ». Les brevets, permissions et privilèges ci-devant
obtenus durent être rapportés ou envoyés au lieutenant général de police
Hérault, pour, après examen, « être, par Sa Majesté, statué ce qu'il
appartiendra, tant pour la confirmation que pour la révocation desdits
brevets, permissions et privilèges ». Une commission de médecins, de
chirurgiens et d'apothicaires, fut chargée d'examiner chaque remède
spécifique, afin d'éclairer l'Administration sur ce qu'elle avait à faire.
L'Arrêt du 17 mars 1732, concernant la discipline des trois corps
de la médecine (médecins, chirurgiens et apothicaires), fut rendu sur
le vu de « l'avis du sieur Hérault, conseiller d'État, lieutenant général
de police ». Le premier médecin du roi ne put, à l'avenir, expédier ni
délivrer aucun brevet pour la distribution de remèdes particuliers,
qu'en conséquence d'une délibération signée par les membres de la
Commission précédemment instituée; les brevets durent spécifier les
cas auxquels les remèdes étaient applicables, et ne furent valables
que pour trois ans; ils furent enregistrés, adressés en copie aux facul-
tés. La Commission devait également être consultée en cas de mala-
die nouvelle ou d'épidémie. Le lieutenant général de police était tenu
passants; » il on sort. « qui raccrochent 1rs passants dans la rue ». (Le Poix de
Frérninville, Dictionnaire de lapolice, p. :il2.)
-1. La Police en 1774 (mém. de Lemaire), p. 90. — Quant aux chirurgiens, l'or-
donnance de déc. 1666, enregistrée le 13, leur enjoignaitde déclarerdans le jour,
au commissaire de leur quartier, les blessés qu'ils avaient pansés chez eux ou
ailleurs (sanction : 200 livres d'amende la première l'ois; interdiction de la
maîtrise pendant un an pour la seconde ; et privation île la maîtrise pour la
troisième). Diverses ordonnances de police renouvellent et appliquent ce règle-
ment (exemples: 5 nov. 171(1, 17 mai 1743). Voy. l'art. 130 des statuts des chirur-
POLICE DE L'HYGIÈNE PUBLIQUE 423
de poursuivre sévèrement les vendeurs de remèdes en contravention
avec les ordonnances.
Les altérations des substances alimentaires regardent aussi la police.
Mais, en général, ce sont les corporations intéressées qui interviennent
en pareil cas '. Ainsi le corps des marchands épiciers se plaint de la
substitution frauduleuse de Y huile d'œillet {sic) à Yhuile d'olive, et, sur
leur requête, ceux qui débitent la première sont tenus d'inscrire sur les
cruches les mots : huile de pavot dite d'oeillet. Cette substance étant
considérée comme nuisible à la santé, ils obtiennent morne qu'il soit
versé, à leurs frais, une livre d'essence de térébenthine dans chaque
baril d'huile d'œillettc2. Une ordonnance plus raisonnable était celle
qui interdisait aux confiseurs, officiers de maisons, traiteurs, etc.,
d'employer des couleurs nuisibles ou dangereuses dans leurs sucreries
décoratives, par exemple : « la gomme-gutte, les cendres bleues et
toutes les préparations de cuivre, le bleu d'azur, les cendres ou chaux
de plomb, le minium, le vermillon ou plomb rouge, le massicot, l'or-
piment », au lieu de la cochenille, du safran, de la garnie, du curcuma,
du tournesol, de l'indigo, et autres ingrédients inoffensifs ;.
C'est à la suite et à l'occasion de sentences et d'ordonnances de
police que le Parlement ou le roi, par des Arrêts ou des déclarations,
interviennent, dans certaines circonstances, pour protéger plus effica-
cement la santé publique. Tels sont les Arrêts du Parlement du 21 juil-
let 17844 et du 23 avril 1783 5, rendus l'un et l'autre sur appels de
1. Très souvent, la police interdit, pour raison d'hygiène, la vente des melons
(exemple : 18 sept. 1144), celle des huîtres, etc. En 17.il, la permission de vendre
des huîtres ne fut donnée que le 13 décembre. Aussi en arriva-t-il qui avaient trop
séjourné dans les parcs, et de nouvelles interdictions eurent lieu. — Le l'i fé-
vrier 173G, la police interdit de vendre de la glace avant le 1er juin, à peine de
200 livres d'amende (pour ménager là provision qui semblait insuffisante. (Arch.
nat., Y. 9499.) Cette sollicitude (est-il besoin de le noter ?) a dû servir de prétexte
à plus d'une spéculation; et ces défenses ont pu entraîner, de la part des agents
immédiats de surveillance, plus d'une tolérance intéressée. — Lorsque la police
désigne des substances alimentaires altérées, elle emploie la formule suivante :
indignes d'entrer dans le corps humain.
2. Règlement du 10 juillet 1742.
3. Ord. de Feydeau de Marville (10 octobre 1742).
4. Arrêt de la Cour de Parlement du 21 juillet 1784, qui l'ait défenses à André-
Chavles-Claude Legrand, marchand épicier, à Paris [rue Mouffetard, vis-à-vis les
Gobelins], de récidiver sous peine de punition exemplaire, et le condamne en
500 livres d'amende, pour être par lui contrevenu aux lois qui défendent aux
épiciers la préparation, manipulation et mixtion des drogues, et avoir vendu et
débité une médecine dans laquelle il a fait entrer du basilicum au lieu de catho-
licum. [Sur appel de la sentence du lieutenant général de police du 26 mars 1784,
visant notamment l'art. G de la déclaration du 23 avril 1777, registrée en la Cour
le 13 mai suivant.]
5. Arrêt du Parlement du 23 avril 1785, qui fait défenses à François Dacher de
424 POLICE DE L'HYGIÈNE PUBLIQUE
sentences du Ghâlelet; telle est, d'un autre côté, la déclaration du
o février 1787 ' « portant défenses d'introduire dans les vins, cidres
et autres boissons quelconques, la céruse, la litharge ou toutes autres
préparations de plomb ou de cuivre ».
NETTOIEMENT DE PARIS
Le morcellement de la police entre la Ville et le Cbàtelet, et leurs
prétentions respectives, donnaient lieu à des ordres contradictoires et
à des conflits, tout administratifs du reste. C'est ce que témoignent,
par exemple, les lettres suivantes adressées parLenoir au prévôt des
marchands2.
nu 21 novembre 177G
Le nettoiement de Paris est un des objets, Monsieur, auxquels je donne l'at-
tention la plus particulière. L'on doit s'en être aperçu dans ces derniers temps,
où, malgré le défaut de pluie et les brouillards qu'il a fait ensuite, et qui l'ont
rendu très difficile, ce service s'est fait avec beaucoup d'exactitude. J'ai môme
rendu et fait publier une ordonnance de police que les circonstances rendaient
nécessaire. En général, on oblige les balayeurs à mettre les boucs en tas au
coin des bornes; mais cette méthode n'est pas possible en certaines rues; elle
causerait même de la malpropreté dans d'autres, principalement à la proximité
des égoiils, où les boucs sont toujours liquides, et ne feraient que s'étendre,
si on les mettait sur le haut du pavé, jusqu'à ce que les boueurs passent et les
enlèvent. Il leur est défendu de les pousser dans les égouts, et j'ai soin de les
punir lorsqu'ils contreviennent et que j'en suis instruit. C'est tout ce que doit
désirer le bureau de la Ville. Il ne peut prendre connaissance ni du service
dont les boueurs sont chargés, ni de celui des balayeurs. Ce serait une entre-
prise sur les fonctions de ma charge, et m'y troubler légèrement, dans un
instant où tous mes soins se réunissent pour que le service soit mieux fait.
Les assignations données aux prétendus contrevenants, sur le procès-verbal
dressé par les huissiers de la Ville, ne doivent donc avoir aucune suite, sans
vendre et distribuer une liqueur qualifiée Eau stomachique fondante et anti-dar-
Ireuse (Entre François Dacher, appelant d'une sentence criminelle du Chàtelet,
du 29 oct. 1784, et le sieur Cadet, membre du Collège de pharmacie de Paris, de
l'Académie des sciences, chimiste du roi, etc., auteur d'un article du Journal de
Paris, 1783, n° 219, où il signalait dans VEau stomachique, etc., la présence, de
sublimé corrosif). — Collection de la 15ib. nat., aux dates.
1. Isambert, n° 2319.
2. En tête de cette minute, on lit la réflexion suivante du bureau de la Ville :
« M. le lieutenant de police prétendait que le bureau n'avait pas le droit d'em-
pêcher les balayeurs et autres de pousser les immondices dans les égouts. <>n
lui a fait voir que la Ville ayant la police de conservation, elle était en droit de
faire ces défenses, ainsi qu'elle avait toujours fait; et il s'est rendu. » Celle note
n'est pas insérée, cela va sans dire, au registre II. 1877, des délibérations du
bureau.
POLICE DE L'HYGIÈNE PUBLIQUE 42b
guoi il s'élèverait nécessairement un combat d'autorité, que nous chercherons
toujours à éviter l'un et l'autre. D'ailleurs, les habitants de Paris ne peuvent
être traduits en deux tribunaux pour le même fait, et il est possible que ceux
assignés au bureau de la Ville l'aient été à mon audience, et même condamnés;
car j'ai prononcé récemment beaucoup d'amendes pour contraventions aux
ordonnances et règlements de police dont l'exécution m'est spécialement con-
fiée. Je vous prie, Monsieur, de me faire connaître si le bureau de la Ville est
ou n'est pas dans l'intention de suivre les procédures commencées sur la dénon-
ciation de ses huissiers. Je me verrais obligé de maintenir les droits de juri-
diction du Châtelet ; mais enfin, Monsieur, pourquoi, au lieu d'agir, de combattre,
d'introduire des conflits, ne pas s'entendre, ne pas s'avertir réciproquement?
Ce sont là vos vues, vos désirs : les miens y sont conformes. Inspirez-les, je
vous prie encore, à tout ce qui concourt avec vous à l'administration de la
Ville. J'ai donné des ordres pour empêcher que les boucs ne fussent portées
dans les égouls.
J'ai l'honneur d'être avec un respectueux attachement, Monsieur, voire très
humble et très obéissant serviteur. Signé : Lenoir1.
Dt; 21 mars 1785
Je suis instruit, Monsieur, que des gravalicrs, nonobstant les permissions de
la Ville qui leur indiquent des lieux pour décharger des gravois, vont les dépo-
ser dans diverses rues non fréquentées de la ville et des faubourgs. Je vous
prie d'en faire insérer des défenses expresses dans les permissions qui seront
délivrées. De mon côté, j'ai fait avertir les maîtres que je les rendrais respon-
sables des contraventions et que j'avais donné des ordres pour emprisonner
les charretiers. J'ai l'honneur, etc. Signé : Lenoir2.
Parmi les ordonnances d'hygiène publique souvent renouvelées,
citons celle qui interdisait de nourrir « aucuns porcs, lièvres, lapins,
pigeons et volailles, dans la ville et faubourgs de Paris 5 ». — Quoique
l'aménagement des fontaines publiques et des égouts appartienne à
l'Hôtel de Ville, ce sont principalement les commissaires du Châtelet
et leurs exempts qui en ont la surveillance; mais l'arrosage, en été,
n'a guère lieu que sur les remparts (boulevards) qui font partie du
domaine de la Ville, et sont entièrement de son ressort. — Les gravats
provenant des démolitions, étant jetés à la Seine, concernaient la
Ville; mais l'enlèvement des boues et immondices dans les rues était
une des attributions du Châtelet; il avait lieu à l'entreprise, les sous-
entrepreneurs étaient des jardiniers et cultivateurs des environs de la
ville. « Un homme gagé, dans chaque quartier, part tous les matins,
1. Arch. nat., H. 1932.
2. Arch. nat., H. 1956, pièce 26.
3. Exemple : Ord. du 22 mai 1733 (Hérault).
426 POLICE DE L'HYGIÈNE PUBLIQUE
de chez le commissaire ancien, une demi-heure avant que l'on com-
mence l'enlèvement (sept ou huit heures) ; il avertit avec une sonnette,
dans les principales rues, de faire le balayage, qui, de cette manière,
se fait partout en même temps '. » Mais c'était aux bourgeois, etc., à
faire balayer devant leurs maisons.
ORDONNANCE do police du 12 novembre 1776 2.
Sur ce qui nous a été représenté, parle procureur du roi, que le défaut de pluie
et les brouillards ont rendu plus difficiles depuis quelques jours le balayage et
le nettoiement des rues; que, le pavé se trouvant couvert d'un amas de
poussière qui depuis s'est convertie en une boue épaisse, les habitants sont
exposés, en marchant, à des chutes qui peuvent être dangereuses; et comme
il est du devoir de son ministère de veiller à tout ce qui peut concourir à la
salubrité de l'air et à la sûreté des habitants de cette capitale... En conséquence,
enjoignons à tous bourgeois et habitants de la ville et faubourgs de Paris
de faire balayer régulièrement, aux heures prescrites, devant leurs maisons,
cours, jardins et autres emplacements dépendants des lieux qu'ils occupent, jus-
qu'au ruisseau, même la moitié des chaussées; et, attendu les circonstances, de
réitérer le balayage s'ils en sont requis par le commissaire du quartier; comme
aussi de se servir d'outils et d'instruments de fer pour détacher de dessus le
pavé les boues et immondices, et ensuite de balayer pour les mettre en tas;
leur enjoignons aussi de jeter ou faire jeter de l'eau propre sur le pavé, à l'ef-
fet de laver les rues et ruisseaux, et enfin de procurer les facilités nécessaires
pour que l'entrepreneur du nettoiement puisse enlever les ordures et immon-
dices. Mandons, etc.
Signé : Lenoir.
L'article 193 de la Coutume de Paris enjoignait à tout propriétaire
d'avoir dans sa maison des latrines privées ou fosses d'aisances.
Divers arrêts, sentences et règlements de police du XVIe siècle confir-
mèrent cet article, et lui donnèrent comme sanction la saisie des
loyers, et même l'emprisonnement. A l'égard des gens de main-morte,
les loyers pouvaient être confisqués pendant dix ans. Au XVIIe siècle,
l'Arrêt de règlement du Parlement du 30 avril 1063 (art. 23), l'édit de
décembre 1666, renouvellent les anciennes prescriptions. La plupart
des sentences de police, au XVIIIe siècle, concernent les réparations à
faire à d'anciennes latrines, ou les maisons des nouveaux quartiers,
comme le faubourg Montmartre 3.
L'hygiène publique se trouve souvent aux prises avec de vieilles
1. La Police de Paris en 1770, p. 102.
2. Arch. nat., Y. 94'99. — Le 30 avril 1663, quatre ans avant la création de la
lieutenance de police, le Parlemenl avait rendu un arrêt concernant le balayage
du devant îles maisons.
:i. Sentence de police, signée Hérault, du 4 juin 1734.
POLICE DE L'HYGIENE PUBLIQUE i27
habitudes populaires ou religieuses, et aussi avec les droits de la pro-
priété privée (car l'ancien régime n'avait pas de loi sur l'expropria-
tion pour cause d'utilité publique). A ces divers points de vue, la fer-
meture du cimetière des Saints-Innocents est un des épisodes les plus
significatifs de l'histoire de la police.
RAPPORT
DU LIEUTENANT GÉNÉRAL DE POLICE AU PARLEMENT
SUR LE CIMETIÈRE DES INNOCENTS '
Messieurs, L'état du cimetière des Innocents ayant excité, au mois de mai
dernier, les plaintes des habitants des maisons voisines, il fut lors constaté,
par des procès-verbaux et par des informations, que les caves de ces maisons
étaient infectées d'une vapeur méphitique, que plusieurs ouvriers qui y avaient
travaillé étaient en danger de mort, qu'enfin on ne pouvait pénétrer dans ces
caves pour en retirer les marchandises, parce que la lumière des flambeaux ne
pouvait résister à la force de la vapeur qui y était répandue. Des commissaires
au Châtelet tentèrent en vain d'y pénétrer; il fallut employer les moyens récem-
ment imagines par les chimistes, c'est-à-dire le secours du feu, pour s'in-
troduire dans ces souterrains. Les informations ont confirmé ce que les procès-
verbaux avaient annoncé, et elles contiennent le vœu des habitants entendus
pour la suppression de ce cimetière.
La Faculté de médecine, appelée, ayant nommé quinze commissaires, ils se
sont transportés sur les lieux, et, après avoir fait les expériences qu'ils ont
jugées nécessaires, ils ont donné leur rapport qui, depuis, a été unanimement
approuvé par une délibération de la Faculté de médecine. Il en résulte :
1° Que l'air du cimetière des Innocents est absolument infect et malsain;
2° Que cette infection, cette insalubrité, reconnaissent pour cause principale
la nature même du sol qui n'est qu'un monceau de substances animales pétri-
fiées 2 ;
3° Que toutes les causes accessoires ne font qu'aggraver celle-ci;
4° Que toutes ces causes subsisteront, s'accroîtront même nécessairement,
tant que ce terrain sera cimetière ;
5° Que le seul moyen d'en arrêter les progrès serait de l'interdire.
Les commissaires ajoutent que les vues de leur Compagnie se sont, même
de tout temps, portées beaucoup plus loin, qu'elle n'a cessé de former des
vœux pour que tous les cimetières soient bannis de l'enceinte des villes, et
qu'elle en donna plusieurs fois le conseil au Parlement dans les XVe et XVIe
siècles.
Sur la connaissance que la Cour a prise des procès-verbaux, rapports et
informations, elle a, sur la requête de M. le procureur général, par arrêt du
4 septembre de cette année, entre autres choses, « fait défense de faire aucune
inhumation dans le cimetière de la paroisse des Innocents après le 1er novembre
1. Arch. nat., X 1b 8975 : mardi, S déc. 1780.
2. Lire : putréfiées.
428 POLICE DE L'HYGIÈNE PUBLIQUE
de la présente année », et ordonné que « les curé, marguilliers et habitants de
ladite paroisse et des autres paroisses de cette ville qui étaient dans la posses-
sion de se servir dudit cimetière, seraient tenus de se pourvoir pour faire dans
d'autres terrains, qui seraient choisis et destinés à cet effet, les inhumations
qui surviendraient à faire dans lesdites paroisses, et que, par le lieutenant
général de police, il serait continué d'être pourvu pour prévenir tous les incon-
vénients qui pourraient résulter dudit cimetière pour la salubrité de l'air,
ensemble pour la clôture d'icelui après ledit premier jour de novembre.
Mais, à l'expiration du délai porté par cet arrêt, quelques-unes des
paroisses auxquelles il avait été signifié, n'ayant pu être pourvues
d'autres cimetières, la Cour a bien voulu, par son arrêt du 27 octobre :
Proroger jusqu'au premier du présent mois le délai porté par l'arrêt du 4 sep-
tembre, à l'égard seulement des curés et marguilliers des paroisses qui, soit
par des acquisitions de nouveaux terrains, soit par des accommodements ou
emprunts de territoires en d'autres cimetières voisins, n'auraient pas encore
pu se conformer audit arrêt du 4 septembre, et néanmoins leur aurait enjoint
de se conformer audit arrêt audit jour 1er décembre, et ordonné que le lieu-
tenant général de police serait tenu de veiller à l'exécution tant de l'arrêt du
4 septembre que de celui dudit jour 27 octobre, et d'en rendre compte cà la
Cour à ce jour d'hui.
Nous avons la satisfaction de l'informer que ses arrêts ont reçu leur exécu-
tion, que toutes les paroisses qui étaient en possession de se servir du cime-
tière des Innocents sont maintenant pourvues, par emprunt, de territoires et
d'autres cimetières ou autrement de lieux et terrains où elles pourront faire
les inhumations qui surviendront à l'avenir.
Voici l'état de ces paroisses et les nouveaux cimetières où dorénavant se
feront les inhumations qui se faisaient au cimetière des Innocents :
Saint-Eustache. — Cimetière de Saint-Joseph et du faubourg Montmartre.
Saint-Leu. — Cimetière de l'Hôpital de la Trinité.
Saint-Jacques-de-la-Bouckerie. — Saint-Sauveur.
Les Suivis-Innocents. — Saint-Sauveur.
Saint-Pierre-aux-Bœufs. — Caveau cul-dc-sac de Sainte-Marine.
Sainte-Marine. — Même caveau.
Hôpital du Saint-Esprit. — Même caveau.
Saint-Josse. — Cimetière de Saint-Jean en Grève.
Hôtel-Dieu. — Clamart.
Hôpital de Sainte-Catherine. — Clamart.
Sainte-Madeleine en la Cité. — L'église.
Saint-Louis-du-Louvre. — L'église.
Saint-Sépulcre. — L'église.
Saint-Barthéle.my. — Chapelle basse de Saint-Luc,
Saint-Cermain-le-V ieux. Id.
Saint-Pierre-des-Areis. Id.
Sainte-Croix en la Cité. Id.
Saint-Méry. — Cimetière Saint-Nicolas-des-Champs.
POLICE DE L'HYGIÈiNE PUBLIQUE 429
Saint-Germain-l'A uxerrois 1
Sainte- Opportune. — Cimetière de Saint-Jean en Grève.
Par le relevé qui en a été fait, on a supputé qu'année commune on inhumait
environ 2,-iOO corps.
Il faut observer à la Cour que plusieurs paroisses qui ont des cimetières
particuliers appartenant aux églises et fabriques n'ont consenti à prêter leur
territoire que pour un temps limité. Mais les religieuses de Sainte-Catherine,
propriétaires du terrain faubourg Saint-Martin, le destinent, du consentement
de monsieur l'archevêque, à un cimetière : et les paroisses de Saint-Nicolas et
de Saint-Méry pourront, à ce que nous espérons, avant le temps porté par les
délibérations de la paroisse Saint-Nicolas, user de ce cimetière que l'on va
clore incessamment.
Ainsi, nous pouvons donner cette assurance à la Cour que le cimetière des
Innocents est présentement fermé, et qu'il n'y sera plus fait aucune inhumation.
Mais il est des précautions à prendre pour que ce terrain, dont l'état se trouve
décrit dans le rapport des commissaires, ne cause une infection continuelle
et préjudiciable aux maisons qui en sont voisines. Nous y étant transportés der-
nièrement, nous avons remarqué que plusieurs maisons de la rue de la Fer-
ronnerie ont des vues sur ce cimetière, et que les habitants, par les ordures
et immondices qu'ils jettent de leurs fenêtres, n'ont pas peu contribué aux
exhalaisons fétides qui en sortent. Les précautions prises par les propriétaires
de ces maisons étant insuffisantes, nous nous proposons de défendre aux ha-
bitants de jeter leurs ordures par les fenêtres et leur enjoindre de se servir des
plombs adossés aux murs de leurs maisons sous telles peines qu'il appartiendra
contrôles contrevenants.
Nous prenons la liberté de représenter à la Cour que plusieurs paroisses se
trouvant très éloignées des cimetières dont elles pourront faire usage, seront
gênées et fatiguées, si elles ne peuvent transporter les corps par des moyens
plus faciles que ceux accoutumés, c'est-à-dire la voie des porteurs. On nous a
indiqué la voie des carrioles ou corbillards comme un moyen plus facile, plus
décent, sans être plus dispendieux. Il serait indispensable d'avoir recours à
ce moyen, si le vœu que nous formons avec la Faculté et avec le plus grand
nombre des citoyens de cette capitale, de voir les cimetières éloignés de l'en-
ceinte des villes, peut un jour se réaliser.
Nous attendons avec respect ce qu'il plaira à la Cour d'ordonner ultérieu-
rement.
Le Parlement se montra satisfait des premiers résultats obtenus.
Mais il reconnut « avec douleur » que les inhumations ne pouvaient
se faire que par emprunt de territoires. 11 prit un arrêt, séance tenante,
pour que toutes les pièces auxquelles le compte-rendu du lieutenant
général faisait allusion, fussent remises aux gens du roi.
1. Ici, une lacune. Probablement « l'église ».
430 POLICE DE LA VOIRIE
IV. — VOIRIE
Les alignements, les ouvrages saillants des maisons , le pavé des
rues et places publiques, étaient sous la direction de l'intendant des
finances préposé au département du domaine royal, et sous l'inspection
du tribunal des trésoriers de France appelé aussi Bureau des finances,
et dont le ressort comprenait toute la généralité.
Mais la déclaration du 18 juillet 1729, registrée en Parlement, le
5 septembre 173(5, donna au lieutenant général de police et aux 48 com-
missaires de quartier les droits les plus étendus, en ce qui concernait
« les maisons et bâtiments de la ville de Paris étant en péril immi-
nent ». Les commissaires font assigner les propriétaires sur la
requête du procureur au Cbàtelet ; en cas de non-comparution et après
expertise, les réparations sont commencées et poursuivies d'office;
enfin les commissaires sont juges des cas tout à fait urgents, qui ne
comportent aucune formalité. — Souvent de Cbàtelet dispute aux tré-
soriers de France leur juridiction, comme dans la sentence du 20 juillet
17 40 « concernant la construction, réédification et réparation des mai-
sons et bâtiments faisant encoignure de quelques places, carrefours,
rues, ruelles et culs-de-sac ». Le Parlement eut maintes fois à décider
entre le Châtelet et le Bureau des finances. Le dernier arrêt de ce
genre est de 1780.
ARRÊT de la Cour de Parlement rendu entre les officiers du Châtelet de Paris
et les officiers du Bureau des finances, qui maintient les officiers du Châtelet,
exclusivement à tous autres juges, dans l'exercice de la police, dans les
rues, places publiques et carrefours de la ville et faubourgs de Paris, notam-
ment en ce qui concerne le nettoiement, l'enlèvement des immondices, le
rangement des matériaux, tonnes, tonneaux et autres marchandises d'épicerie
et denrées de toutes espèces, ensemble les échoppes, étalages, et la liberté
de la voie publique ;
Ordonne que les officiers du Bureau des finances connaîtront de ce qui
concerne les alignements et constructions des bâtiments et autres ouvrages
saillants des maisons;
Ordonne en outre que le lieutenant général de police et les officiers du
Bureau des finances connaîtront concurremment, et par prévention, des périls
imminents des maisons et bâtiments de la ville et faubourgs de Paris, en ce
qui regarde les murs ayant face sur rue, et tout ce qui pourrait , par la chute
desdites maisons et murs, nuire à la sûreté ou à la voie publique.
(Extrait des registres du Parlement du 8 avril 1780 '.)
Les maîtres maçons et entrepreneurs ne peuvent commencer aucun
i. Pièce in-4° de 15 pages, Simon.
POLICE DE LA VOIRIE 431
bâtiment sans au préalable s'être retirés par devers le commissaire
ancien de quartier, pour avoir de lui un emplacement convenable
pour leurs matériaux et décombres '.
Enfin, l'enregistrement des lettres patentes pour l'ouverture de
nouvelles rues ne se fait jamais au Parlement sans un Avis préalable
du lieutenant général de police 2. En voici un, du 15 février 1787 3 :
Vu par nous, Louis Thiroux de Crosne, lieutenant général de police de la
ville, prévôté et vicomte de Paris, et Erançois-Antoine de Flandre de Brun-
ville, procureur du roi au Chàtelet , les lettres patentes accordées par Sa
Majesté, données à Versailles le 2 septembre dernier signées Louis, et plus
bas par le roy, le baron de Breteuil, avec griffe et paraphe, et scellées du
grand sceau de cire jaune, par lesquelles la dame veuve de M. de Boynes ,
ministre d'État, tant en son nom que comme tutrice de ses enfants mineurs,
est autorisée à faire ouvrir trois nouvelles rues sous les noms de rue de Bre-
teuil, rue de Boynes et rue de Crosne, sur le terrain de l'hôtel de Boynes, sis
rue du Faubourg-Saint-Martin , et ce conformément au plan attaché sous le
conlre-sccl desdites lettres patentes ; ledit plan, l'arrêt du Parlement du 2 dé-
cembre dernier portant que lesdites lettres patentes et ledit plan seront com-
muniqués à Nous, à MM. les trésoriers de France et procureur du roi au
bureau des finances et chambre du domaine y réunie de la ville de Paris, et à
MM. les prévôt des marchands, échevins et procureur du roi au bureau de la
Ville, pour donner respectivement son avis sur l'ouverture des trois nouvelles
rues dont il s'agit; pour le tout l'ait, rapporté et communiqué à Monsieur le
procureur général, être par lui pris telles conclusions, et par la Cour ordonné
ce qu'il appartiendra; l'avis desdits sieurs officiers du bureau des finances du
2 janvier de la présente année, et celui de MM. les officiers du bureau de la
Ville du 23 du même mois.
Pour satisfaire audit arrêt du 2 décembre dernier, qui nous ordonne de
donner notre avis :
Nous avons l'honneur d'observer à la Cour que la formation et l'ouverture
des trois nouvelles rues désignées par les lettres patentes du 2 septembre
dernier et tracées sur le plan y annexé , paraissent très propres à faciliter et
multiplier les communications du faubourg Saint-Martin avec le faubourg du
Temple, et qu'il n'en peut résulter que des avantages certains pour la circula-
tion et la commodité publiques. Pour quoi, notre avis est, sous le bon plaisir
de la Cour, que lesdites lettres patentes peuvent être enregistrées pour être
exécutées selon leur forme et teneur. Fait ce 15 février 1787.
De Crosne. De Flandre de Brunville.
ORDONNANCE de police du 6 mai 1769 portant défense de laisser sur le
t. Sentence signée Hérault, du 28 juin 1734.
2. Et aussi du prévôt des marchands (en général).
3. Arch. nat., Y. 9500. — Voyez, dans la même liasse, lavis pour l'ouverture
de la rue « Neuve -de -Montmorency », entre les rues Feydeau et Saint-Marc
(8 mai 1789).
432 POLICE UE LA VOIRIE
carreau et dans les rues des cosses de pois et de fèves, et des pieds et feuilles
d'artichauts (sous peine de 50 livres d'amende).
Elle vise les ordonnances, arrêts et règlements antérieurs des 2 août
1739, 25 juin 1641, 24 juillet 1642, 30 avril 1663, 4 juin 1007, 12 juin
1071, 15 juin 1078, et plusieurs autres. La jurisprudence policière
semblera sans doute suffisamment établie sur un pareil objet r.
ORDONNANCE de police du 28 novembre 1771 sur la liberté et la commodité
de la voie publique (18 articles).
Elle vise les règlements des 30 janvier 1356, novembre 1539, dé-
cembre 1007, 19 novembre 1006, 22 mars 1720 2.
ORDONNANCE de police de Lcnoir du 31 juillet 1779, qui interdit les éta-
lages dans les rues et places publiques, à peine de 100 livres d'amende, défend
aux propriétaires, fermiers et placiers des marches, d'en souffrir aux environs
de leurs marchés, et de recevoir aucuns droits de qui que ce soit, autres que
de ceux qui seront dans l'intérieur des marches'.
ORDONNANCE de police du 14 septembre 1745, qui défend de jouer dans
les rues ou places publiques au volant, au bâtonnet, aux quilles, ni même
d'élever des cerfs-volants et autres jeux, dont les passants puissent être incom-
modés ou blessés, ou les lanternes publiques cassées, à peine de 200 livres
d'amende*.
C'est en général le lieutenant de police qui est commis pour acquérir
au nom du roi les immeubles ou emplacements nécessaires aux tra-
vaux de voirie. Par exemple, le 7 septembre 1780 s, par convention
entre le propriétaire et M. Thiroux de Crosne , est achetée pour
43,000 livres une maison sise à Paris, adossée au mur des ebarniers
du cimetière des Innocents, ayant pour enseigne : les Quatre-Vents...
Mouvance. — Ladite maison est en la censive et mouvance de Sa Majesté, et
vers le domaine de Paris chargée de 13 livres 1 denier de cens et rente; plus
chargée envers le chapitre de l'église métropolitaine de Paris, à cause du cha-
pitre de Saint-Cermain-l'Auxerrois qui y est uni, de 1 sol 3 deniers de cens et
d'une rente de 20 livres par an, moyennant lesquels, par acte passé devant
Plastrier et son confrère, notaires à Paris, le 10 mai 1641, ledit chapitre de
Saint-Germain-l'Auxcrrois a délaissé à Jacques de Beaugé, lors propriétaire
de ladite maison, la propriété du dessus du charnier des Saints-Innocents à
1. Arch. nat., Y. 9499.
2. Ibid.
3. K. 1052.
4. Arch. nat,, Y. 9499.
5. Arch. nat., X 1b 8985.
POLICE DE LA VOIRIE 433
l'endroit de ladite maison ; et enfin chargée de 20 livres de rente envers
l'Hôtel-Dieu, moyennant laquelle, par acte passé devant Lemoine et son con-
frère, notaires à Paris, le 19 juin 1643, les sieurs administrateurs de l'Hôtel-
Dieu ont accordé audit Jacques de Bcaugé la permission de construire un
plancher de 4 pieds d'avance sur 19 pieds de long sur le terrain dudit char-
nier des Saints-Innocents.
Les translations des marchés se font par lettres patentes, mais celles-
ci mentionnent Lavis et la demande des « officiers chargés de la
police dans la ville de Paris' ».
EXTRAIT de l'ordonnance de police du 5 octobre 1770.
... Depuis quelques années, les lundis de chaque semaine, des fripiers et
autres gens vendant du vieux s'attroupent en si grand nombre dans la place de
Grève et rues adjacentes que la voie publique, et notamment l'endroit destiné
aux carrosses de place, se trouvent embarrassés au point qu'eux et le public
sont exposés à être blessés par les voilures. Indépendamment de l'embarras
que causent ces gens les lundis, ils se rendent sur la place de Grève dès le
dimanche, pour y retenir des places pour le lendemain, et y passent le restant
de la journée et la nuit du dimanche au lundi ; celte retenue de prétendues places
occasionne entre eux et avec les cochers pendant une partie de la nuit, et dès
le matin avec les manœuvres et compagnons maçons qui sont dans l'usage de
se rendre sur cette place pour se louer, des querelles et des disputes qui
troublent le repos et la tranquillité des habitants du quartier ; pour mettre eux
et leurs marchandises à l'abri de l'humidité du pavé, ils apportent avec eux
quantité de paille sur laquelle ils se mettent et étalent leurs marchandises, et
laissent ces pailles sur la place, lorsqu'ils la quittent le lundi au soir.
L'ordonnance leur fixe des heures, sept heures du matin du
1er avril au 1er octobre, et huit heures du 1er octobre au 1er avril2.
ORDONNANCE de (?) février 1776, qui enjoint à tous ceux qui occupent des
maisons tant sur les ponts de cette ville que sur les quais sur pilotis, d'en
déloger au moment de la publication de la présente ordonnance, et d'en faire
enlever leurs meubles et autres effets à peine de 300 livres d'amende et même
de prison.
Ordonnance provisionnelle, en cas de danger d'inondation. C'est
pourquoi la date est en blanc 3.
1. Exemple : Lettres patentes du 24 mars 1779, registrées le 27, transférant le
marché Maubert sur le terrain qui formait le pourtour dp la nouvelle Place aux
Veaux.
2. Arch. nat., Y. 9499.
3. Id., ibid.
28
434 POLICE DE LA VOIRIE
ARRÊTS DU PARLEMENT
HOMOLOGUANT OU AUTORISANT DES ACTES DE POLICE :
ARRÊT de la Cour de Parlement du 4 août 1778.
Vu par la Cour la requête présentée par le procureur général du roi, conte-
nant qu'il a eu avis que depuis l'événement arrivé le 27 juillet de la présente
année 1778, proche le chemin de Mesnil-Montant, à la carrière exploitée ci-
devant parle nommé Jean Cauchois, dit le Boiteux, et à présent par le nommé
Cauvin, les travaux pour l'exploitation de ladite carrière n'avaient pas été
entièrement suspendus, ainsi qu'il est constaté par le procès-verbal fait par
les officiers de la justice de Mesnil-Montant, le 3 août dudit an, et nonobstant
les précautions prises à cet effet par le lieutenant général de police; et comme
pour prévenir tous les autres événements fâcheux qui pourraient arriver; et
que, d'ailleurs, sous prétexte d'exploiter la carrière, on pourrait avoir en vue
d'ôter aux experts nommés les connaissances nécessaires pour remplir leurs
missions et faire un rapport exact et détaillé de l'état des lieux, en exécution
de l'arrêt du 3 dudit mois de juillet, il est important d'empêcher, par provi-
sion, qu'on ne continue aucun travail dans ladite carrière et dans les cavages
qui y ont été pratiqués : A ces causes... [suit la requête du procureur général).
Ouï le rapport de Me Adrien Lefebvre, conseiller. Tout considéré.
La Cour fait défenses, par provision, à tous propriétaires et prétendant droit
dans ladite carrière, et à tous ouvriers, de continuer ni faire aucun travail en
façon quelconque dans ladite carrière, jusqu'à ce qu'autrement par la Cour il
en ait été ordonné, sous telles peines qu'il appartiendra, même d'être pour-
suivis extraordinairement : Ordonne que le présent arrêt sera imprimé, publié
et affiché partout où besoin sera, notamment à Belleville, Charonne et Mesnil-
Montant. Fait en Parlement le 4 août 1778. Collationné Massieu. Signé :
Ledret.
ARRÊT du 29 septembre 1778.
La Chambre2 ordonne que les propriétaires et fermiers des moulins à vent
situés sur des territoires dont le sol est entièrement fouillé ou près d'endroits où
il y a des fontis, seront tenus de faire abattre et démolir lesdits moulins à vent,
même les maisons, si aucunes y a sur lesdits terrains ou proche les fontis, à la
première signification qui leur sera faite du présent arrêt, sinon et à faute de ce
faire, qu'il y sera mis des ouvriers à leurs frais et dépens, sauf leur recours
et indemnité contre les auteurs des excavations qui régnent sous le sol de
leurs emplacements; ordonne que les propriétaires des carrières seront tenus
de faire garder et garantir à leurs frais les fontis actuellement en évidence ou
qui sont sur le point de se former dans lesdites carriers, à peine de répondre
des accidents qui pourraient en arriver, et de faire entourer lesdits terrains
par des palissades, pieux et poteaux, de manière qu'on n'y puisse pas passer;
1. Cet arrêt et les deux suivants sont, à leurs dates, dans la Collection de la Bi-
bliothèque nationale.
2. De vacations.
POLICE DES VIVRES 435
ordonne que le lieutenant général de police du Châtelet de Paris sera tenu de
veiller à l'exécution du présent arrêt" et l'autorise à rendre toutes les ordon-
nances requises et nécessaires à cet effet, lesquelles, en cas d'appel, seront
exécutées par provision; ordonne en outre que le présent arrêt sera imprimé,
publié et affiché partout où besoin sera. Fait en Parlement en vacations, le
29 septembre 1778. Collationné Lutton. Signé : Le Pot d'Auteuil.
ARRÊT du 2 septembre 1785, qui ordonne l'exécution de l'ordonnance
rendue par le lieutenant général de police du Châtelet de Paris concernant les
précautions à prendre tant pour la conduite que pour la tuerie des bœufs dans
Paris.
V. — POLICE DES VIVRES
BOULANGERIE
On a vu plus haut2 la grande police du Parlement, relative à l'appro-
visionnement de Paris. Dans la pratique, le lieutenant général de
police, qui doit rendre compte aux Chambres assemblées des achats
publics de grains et légumes secs, et de poisson salé, et qui doit
veiller à l'exécution des règlements concernant le trafic des grains, la
boulangerie, etc., se trouve souvent placé entre les Arrêts parlemen-
taires et les instructions ministérielles : c'est toujours à celles-ci qu'il
obéit.
Les marchands de blé ne pouvaient acheter qu'au delà d'un rayon
de 10 lieues autour de Paris. Il en était de même des boulangers, sauf
cinq marchés désignés (Gonesse entre autres). Les communautés reli-
gieuses étaient tenues d'avoir en grenier trois années de leur récolte.
Le trafic des grains était interdit aux fermiers et laboureurs, aux meu-
niers, aux officiers du roi. Les grains ne devaient être vendus que dans
les halles et marchés publics. — Toutefois, les marchands de blé par
eau étaient enregistrés à l'Hôtel de Ville, et dépendaient de la prévôté
des marchands, en tant que leurs bateaux étaient à destination de
Paris. On conçoit aisément combien toutes ces prescriptions, et bien
d'autres, entraînaient de contraventions, de conflits de compétence,
et aussi d'exceptions de faveur.
L'antique corporation des « Marchands-Talmeliers, Maîtres-Bou-
1. Une déclaration du b septembre, registrée le 29, avait attribué au lieutenant
général de police la connaissance du fait des carrières à la distance d'une lieue
de la banlieue de Paris.
2. Page 284.
436 POLICE DES VIVRES
langers », eut longtemps une juridiction particulière, dont le grand
panetier de France était le chef et le protecteur : elle se composait
d'un lieutenant général, d'un procureur du roi, d'un greffier et d'huis-
siers; c'est au grand panetier qu'appartenaient les droits de récep-
tion des maîtres, qui prêtaient serment entre ses mains. L'édit du mois
d'août 1711 supprima cette juridiction, et les boulangers rentrèrent
dans le droit commun des corporations d'arts et métiers, c'est-à-dire
sous la dépendance du Châtelet et du lieutenant général de police.
C'est le lieutenant général de police qui veille à l'exécution des statuts
corporatifs concernant la composition et la cuisson du pain ; c'est lui
qui, lorsqu'il y a lieu, taxe le prix du pain; à moins de disette (réelle
ou factice), les prix courants étaient suivis. Il reçoit les plaintes rela-
tives aux pesées frauduleuses, ou à la suspension de vente. Voici
quelques extraits, ou intitulés de sentence, à l'appui de ce qui précède.
SENTENCE du 16 novembre 1731, qui renouvelle les défenses à tous boulan-
gers ayant des places dans les halles et marchés de la ville de Paris, de cesser
cl discontinuer de les fournir abondamment de pain, à peine de 3,000 livres
d'amende, et d'être pour toujours déchus de l'occupation desdites places; et
qui condamne, en outre, le nommé Bourdon, boulanger, en 1,000 livres d'a-
mende, pour avoir contrevenu aux précédentes défenses.
SENTENCE de police du Châtelet de Paris, du 11 janvier 1737, qui renou-
velle les défenses à tous boulangers, meuniers, brasseurs et autres, d'acheter
aucuns grains et farines, et à tous fermiers, laboureurs et autres, d'en vendre,
par montre, dans l'étendue de huit lieues aux environs de Paris.
Cette étendue a varié; elle était de 10 lieues à la fin de l'ancien
régime1. — Lorsque des grains sont saisis en contrebande, ils sont
quelquefois vendus, par grâce, aux frais et au profit des contreve-
nants, moyennant amende; mais, en cas de récidive, le prix en est
confisqué, après vente sur le carreau des halles, soit au profit des
pauvres ou établissements de charité, soit au profit des officiers mesu-
reurs de grains, etc., suivant le prononcé du jugement de police 2.
SENTENCE de police, du 22 juillet 1740 (signée Feydeau de Marville), qui
condamne le nommé Fieffé, laboureur, en 2,000 livres d'amende, pour avoir
tenu, dans le marché de Gonesse, des discours tendant à alarmer le public, et
à faire augmenter le prix des grains.
SENTENCE de police du Châtelet, du 27 juin 1742 (signée Feydeau de Mar-
1. Déclaration du 8 septembre 1737, registroe en Parlement. Voyez aussi Ord.
de déc. 1672.
2. Sentences des 3) janvier 1738, 3 août 1742.
POLICE DES VIVRES 437
ville), qui condamne le nommé Boulanger, maître boulanger, en 1,300 livres
d'amende, pour avoir contrevenu aux ordonnances de police concernant le
poids et la marque du pain.
SENTENCE de police du Châtelet, du 16 novembre 1742 (signée Feydeau de
Marville), qui condamne plusieurs boulangers en l'amende, pour avoir exposé
en vente, à leurs places, du pain d'un poids léger.
SENTENCE de police du Châtelet, du 29 mai 1739, qui condamne le nommé
Amand, juré en charge de la communauté des maîtres boulangers de Paris,
en 300 livres d'amende, et le déclare déchu de la jurande, pour avoir vendu
son pain au delà du prix commun du marché.
SENTENCE de police du 17 janvier 1711 ' :
•
Le nommé Regnault, marchand farinier pour la provision de Paris,
est assigné pour avoir fait arriver chez lui, le 7 décembre 1743, une
voiture chargée de 16 sacs de grosse farine d'un setier chacun ou envi-
ron, provenant du blé qu'il avait acheté dans le marché de Gonesse :
« ce qui est une contravention manifeste aux déclarations du roi2...
n'étant permis aux boulangers et marcbamls d'acheter leurs blés que
dans les marchés au delà de 10 lieues de cette ville. » La contravention
est dénoncée par les officiers mesureurs et porteurs de grains. La
farine est vendue aux halles, et le prix de vente partagé, par grâce,
entre Regnault et la Communauté des officiers mesureurs.
ORDONNANCE de police signée Lenoir (3 mai 1775), et relative à la « guerre
des farines ».
Nous ordonnons, ce requérant le procureur du roi, que les boulangers auront
la faculté de vendre le pain au prix courant '. Faisons très expresses inhibitions
et défenses, à toutes personnes, de les vendre à moindre prix. Enjoignons aux
officiers du guet et de la garde de Paris de saisir et arrêter ceux qui contre-
viendront à la présente ordonnance, pour être punis suivant la rigueur des
lois; requérons tous officiers commandants de prêter main-forte à son exécu-
tion. Défendons à toutes personnes de s'introduire de force chez les boulangers,
même sous prétexte d'y acheter du pain, qui ne leur sera fourni qu'à la charge
de le payer au prix ordinaire. Mandons aux commissaires du Châtelet, etc.
Signé : Lenoir, Moreau.
BOUCHERIE, GIBIER, etc.
Les jurés de la boucherie étaient tenus, en leur propre et privé nom,
1. Arch. nat., Y. 9499.
2. Est visée rorilonnance de 1577.
3. La minute portait d'abord : au même prix qu'ils l'ont vendu les mercredi 26
438 POLICE DES VIVRES
de vérifier les botes qui devaient être tuées. Les derniers statuts de la
boucherie avaient été enregistrés en Parlement le 22 décembre 1589,
et, au Chàtelet, le 12 janvier 1590. — On a vu, à propos de la caisse
de Poissy, le régime général de la boucherie. Voici quelques exemples
de sentences du Chàtelet qui le sanctionnent.
SENTENCE du Chàtelet, du 10 mars 1780, homologuée par Arrêt du Parle-
ment du 15 mars 1780 '.
A tous ceux qui ces présentes lettres verront : Anne-Gabriel-Henri Bernard,
chevalier, marquis de Boulainvilliers, seigneur de Passy et autres lieux, pré-
vôt de Paris, Salut : Savoir faisons que, vu par nous, Jean-Charles-Pierre Lenoir,
chevalier, conseiller d'État, lieutenant général de police de la ville, prévôté et vi-
comte de Paris, la délibération de la Communauté des marchands bouchers de ïn
ville ctfauxbourgs de Paris, prise en leur bureau, le lundi 14 février dernier, en
présence des syndics et adjoints en charge, et des députés en exercice de ladite
Communauté, dont copie a été certifiée véritable par lesdits syndics et adjoints,
et dont l'original, a été contrôlé par Caillet le 1G dudit mois de février; la
requête à nous présentée par lesdits syndics et adjoints, tendante à fin d'ho-
mologation de ladite délibération, ladite requête signée Denis, procureur; notre
ordonnance de soit-montrée au procureur du roi, et communiquée au sieur Mille,
fermier de la caisse des marchés de Sceaux et de Poissy ; conclusions du pro-
cureur du roi, du 1er mars présent mois, la réponse du sieur Mille du 16 lévrier;
tout considéré :
Nous, du consentement du procureur du roi, avons homologué ladite déli-
bération, pour être exécutée selon sa forme et teneur; en conséquence, ordon-
nons que la conduite des bœufs et vaches, achetés dans les marchés de Sceaux
et de Poissy, ne pourra être faite à l'avenir que par Jacques-François Maugé,
que nous autorisons à cet effet, auquel il sera payé 9 sols 3 deniers pour chaque
bœuf et vache, pour tous frais de conduite, droits de sortie des marchés, et
indemnité dès avances qu'il sera tenu de faire des droits d'entrée aux rece-
veurs des barrières de Paris, desquelles avances il sera remboursé, dans la
huitaine, par les bouchers auxquels les bestiaux appartiendront, et qui ne pour-
ront lui donner qu'un quarantième en sols, à condition qu'il fera recevoir chez
eux; et, faute par lesdits bouchers de payer dans la huitaine, ledit Maugé sera
autorisé à retenir une partie de leurs bestiaux, la semaine suivante, pour être
vendus en la manière ordinaire, et le prix en provenant lui rester jusqu'à due
concurrence; lequel dit Maugé pourra faire l'avance, aux marchands forains,
du prix des bœufs et vaches, vendus aux marchands bouchers, non admis au
crédit de la caisse, et auxquels les marchands forains ne voudront vendre qu'au
et samedi 29 avril dernier. Ces mots ont été rayés. En tête on lit : imprimé pen-
dant la nuit du 'i au 4 (Arch. nat., Y. 9499). Le texte primitif, si opposé aux
principes de Turgot, et de nature à prolonger les désordres, expliquerait à lui
seul pourquoi le ministre dut faire remplacer, le 14 mai suivant, un lieutenant
général de police qui le trahissait peut-être, et qui en tout cas ne le comprenait
point.
1. Pièce in-4° de 5 pages (Gueilicr, au bas de la rue de la Harpe, 1180).
POLICE DES VIVRES 439
comptant; l'autorisons à retenir lesdits bœufs et vaches dans ses bouverics,
usqu'au partait remboursement des sommes qu'il aura avancées pour le prix
et frais de nourriture, tels qu'ils se payent dans les auberges, et de 2 sols par
jour par bœuf, et un sol par vache, qui lui seront attribues à titre d'indemnité
et pour frais de garde desdits bestiaux, lesquels seront retirés dans la huitaine
par les bouchers qui les auront achetés, sinon, vendus en la manière accoutu-
mée, dans la huitaine suivante, à leurs risques, périls et fortunes. Disons, en
outre, que les marchands forains qui ne seront pas connus pour fréquenter
habituellement les marchés de Sceaux et de Poissy, seront tenus de déposer,
es mains du caissier du fermier des droits établis dans les marchés, le prix
d'un ou deux bœufs ou vaches, à proportion des quantités qu'ils auront ven-
dues, pour raison de la garantie à laquelle ils sont assujettis pendant neut
jours, si mieux ils n'aiment donner caution suffisante et solvable; et, après
ledit délai de 9 jours, les sommes déposées seront rendues auxdits marchands
forains, s'il n'est mort aucun des bestiaux par eux vendus; et en cas de mort
subite d'un desdits bestiaux, elle sera constatée en la manière accoutumée, et,
en outre, en la présence dudit Maugé que nous commettons à cet effet, ou lui
dûment appelé; au surplus, disons que ledit Maugé sera tenu de se confor-
mer aux arrêts, ordonnances et règlements concernant les marchés de Sceaux
et de Poissy, et enfin disons que notre présente sentence sera imprimée et affi-
chée dans tous les lieux et carrefours accoutumés de celte ville, et notamment
aux marchés de Sceaux et de Poissy, dont les frais seront alloués en dépense
dans le compte à rendre par les syndics de ladite communauté : ce qui sera
exécuté nonobstant et sans préjudice de l'appel....
ARRÊT du Parlement, du 27 avril 1785, qui confirme les Sentences rendues
par le lieutenant général de police au Châtelet de Paris, par lesquelles des
marchands forains et des bouchers de la ville de Versailles ont été condamnés
en des amendes pour contraventions aux règlements concernant l'approvision-
nement des marches de Sceaux et de Poissy r.
Bien que la volaille et le gibier pussent être considérés comme
denrées de luxe, la police en réglementait la vente avec la même sé-
vérité. Aussitôt après le ministère libéral de Turgot, Lenoir, redevenu
lieutenant général, renouvela sur cette matière les anciennes pres-
criptions.
ORDONNANCE signée Lenoir, du 5 novembre 1776 2. — Sur ce qui nous a été
remontré par le procureur du roi, qu'il est informé d'abus qui se commettent
journellement sur le carreau de la Vallée, auxquels il est important, pour le
bien public, de remédier, sans délai et par provision, jusqu'à ce qu'aux termes
de l'édit du mois d'août dernier, il ait été procédé à la confection de nouveaux
statuts et règlements; que les anciennes ordonnances concernant le commerce
1. Pièce in-4°, 16 pages, renfermant deux extraits des registres du Châtelet,
des 11 juin et 23 juillet 1784, et sanctionnant le monopole des marchés de Sceaux
et de Poissy.
2. Aich. nat., Y. 9499.
440 POLICE DES VIVRES
de volailles et de gibier ont eu pour objet d'en procurer l'abondance, de faci-
liter, soit aux bourgeois, soit aux maîtres traiteurs, rôtisseurs et pâtissiers,
les moyens de s'approvisionner à un prix raisonnable, et surtout d'empêcher
qu'il ne se débite dans ce marché des marchandises défectueuses et capables
d'altérer la santé des habitants de cette ville ; que c'est à maintenir dans tous
les temps, et surtout dans les circonstances actuelles, aux approches de l'hiver,
une discipline aussi intéressante, que le ministère dudit procureur du roi lui
impose de donner tous ses soins. Pour quoi il requiert qu'il y soit par nous
pourvu. Nous, faisant droit sur le réquisitoire du procureur du roi:
I. — Ordonnons que les ordonnances et règlements de police concernant la
vente des marchandises de volaille et gibier sur le carreau de la Vallée, con-
firmés par les arrêts de la Cour,' seront exécutés selon leur forme et teneur.
En conséquence, faisons défenses aux maîtres rôtisseurs, pâtissiers et trai-
teurs d'acheter ailleurs que sur ledit carreau de la Vallée, et d'enlever aucune
marchandise qui s'y débite, savoir : les mercredis et samedis en hiver avant
huit heures du matin, en été avant sept, et les autres jours de la semaine avant
cinq heures du matin.
II. — Seront tenus les maîtres traiteurs, rôtisseurs et pâtissiers, de lotir
entre eux lesdiles marchandises ; leur défendons, ainsi qu'aux marchands forains,
de s'associer les uns avec les autres, et d'enlever ou faire enlever lesdites mar-
chandises, avant les heures ci-dessus prescrites, à peine d'amende.
III. — Faisons défenses d'exposer ni vendre aucunes marchandises de
volaille et gibier défectueuses, à peine de saisie, enlèvement d'icelles, et de
cinquante livres d'amende.
IV. — Ne pourront, sous les mêmes peines, les marchands forains vendre
dans les marchés qui se tiennent dans l'étendue des anciennes limites de Paris,
ni faire aucun entrepôt, et continuer leurs ventes les jours de marché, passé
deux heures après midi, et, les autres jours, passé dix heures du matin.
V. — Défendons pareillement, et sous les mêmes peines, auxdits marchands
forains, d'exposer en vente aucunes pièces déguisées, de les écréter, écourter
(à l'exception néanmoins des oies dont ils pourront couper les ailerons à la
seconde jointure), dégraisser ni vider. Leur faisons également défenses de
remporter leurs marchandises, faute de les avoir vendues, comme aussi de
colporter ou faire colporter lesdites marchandises, à peine d'amende.
VI1. — Enjoignons aux syndics et adjoints des communautés des traiteurs,
rôtisseurs et pâtissiers, de veiller exactement à l'exécution de notre présente
ordonnance, qui sera imprimée, lue et affichée partout où besoin sera, à
ce que personne n'en ignore.
ORDONNANCE du 6 août 1757, qui enjoint aux maîtres et veuves de maîtres
de la communauté des charcutiers tenant boutique, de se conformer aux ar-
ticles 21 et 40 de leurs statuts, qui les obligent de garnir les mercredi et samedi
de chaque semaine, pendant trois mois, à 6 heures du matin en été, et à
9 heures en hiver, les quarante places qui leur seront échues, par la voie du
tirage, au marché aux porcs ; défendant aux charcutiers de service de quitter
leur place sans avoir tout vendu, avant 6 heures du soir en été, et 4 en
I. La minute porte (par erreur Article Vil).
POLICE DES VIVRES 441
hiver, le tout à peine d'amendes arbitraires au profit de la confrérie des char-
cutiers \
ORDONNANCE du 5 octobre 1770 :. — Sur ce qui nous a été remontré par le
procureur du roi, que les abatis de bœufs et de moulons ayant toujours été
regardés par les magistrats comme la nourriture de la partie du peuple la plus
pauvre, nous nous sommes sans cesse occupé du soin de lui conserver inté-
gralement cet aliment; que par ce motif la préparation, la cuisson et le prix
des issus et abatis ont fait de tout temps l'objet principal de sa vigilance et de
notre attention; qu'il est instruit qu'il se commet journellement des contra-
ventions aux sentences et règlements que nous avons rendus sur cette matière ;
que les tripières enlèvent de chez leurs bouchers la plus grande partie des
tètes de moutons pour les vendre, crues et sans être préparées, aux gens
riches; que les garçons bouchers énervent les pieds de bœufs de manière
qu'ils ne sont plus en état de supporter la cuisson; que la contravention de
ces derniers fait un tort considérable aux bouchers qui nous en ont porté leurs
plaintes; que celle des tripières est très préjudiciable aux pauvres, puisque
cette manœuvre leur enlève une partie de la nourriture qui leur appartient, et
les nécessite à payer plus cher celle préparée qui en reste...
Sur quoi, nous, faisant droit sur le réquisitoire du procureur du roi, disons
que les arrêts, sentences et règlements de police concernant les préparation,
cuisson et enlèvement des abatis de bœufs et de moutons, et singulièrement
celles du 12 avril 1741, 1C avril 1762 et 14 avril 17Gi, seront exécutés selon
leur forme et teneur. En conséquence, ordonnons que les entrepreneurs de la
cuisson des abatis seront tenus d'enlever de chez les bouchers tous les issus
et abatis de bœufs et de moutons, pour les porter à l'île des Cygnes, à l'effet
de les y préparer et cuire, et les porter ensuite, préparés et cuits, dans la
place de l'ancienne halle au blé; défendons aux tripiers et tripières, sous peine
de 100 livres d'amende et de plus grande peine en cas de récidive, d'enlever
de chez leurs bouchers les têtes de moutons sous tel prétexte que ce soit.
Ordonnons que toutes lesdites têtes de moutons seront enlevées de chez les
bouchers par les entrepreneurs de la cuisson, et par eux portées dans la place
de l'ancienne halle au blé, préparées et cuites, afin que le peuple et es pauvres
en puissent faire leur subsistance. Permettons seulement aux tripiers et tri-
pières d'enlever de chez leurs bouchers, ainsi qu'ils l'ont fait par le passé, les
foies et les cœurs de bœufs pour les pouvoir vendre crus, et non préparés, à
leurs places. Enjoignons aux bouchers de livrer et faire livrer parleurs garçons
aux entrepreneurs de la cuisson les pieds de bœuf dans leur entier; faisons
défenses, sous peine de prison, aux garçons bouchers de les détériorer, et
d'en enlever le nerf ou l'ergot, sous tel prétexte que ce soit. Mandons au com-
missaire Guyot, etc..
SENTENCE de police du 18 janvier 1788 ? :
Elle condamne un marchand boucher de Paris en 50 livres
1. Signé Berryer (Y <)499j.
2. Arch. nat., Y. 9499. — Signée : De Sartine.
3. Journal de Paris. n° 27, p. 123 (article Administration).
442 POLICE DES VIVRES
d'amende, pour avoir vendu de la viande au-dessus du prix fixé et à
faux poids, etc. ; lui enjoint et à tous autres bouchers ou étaliers,
« d'être fidèles dans leurs pesées de la viande, leur faisant défenses
de vendre la viande plus de 17 sols G deniers la livre, sans basse
viande vulgairement appelée réjouissance, ou 9 sols 6 deniers avec
un septième de basse viande, et de ne comprendre dans leurs pesées
à titre de basse viande ou réjouissance aucune partie de la tète de
bœuf ni aucuns os décharnés et détacbés de la viande, mais seule-
ment les crosses des jambes, le haut bout du collier ou ses longes,
les basses charbonnées, les langues de bœuf, la tète et les pieds de
veau : le tout à peine de 200 livres d'amende, même de prison contre
les étaliers et autres garçons bouchers... »
Le public, note Hardy, ne gagnait absolument rien à ce nouveau règlement;
et les bouchers se montraient d'autant plus récalcitrants à son exécution,
qu'ils soutenaient ne pouvoir donner la viande au prix et aux conditions ci-
dessus énoncés, tant que des accapareurs puissants et accrédités continueraient
de s'emparer des bestiaux et de les survendre, comme il se pratiquait depuis
plus de deux ans. On croyait apercevoir dans ces nouveaux arrangements
l'effet de quelque sourde manœuvre assez approchante de celle employée lors
de l'accroissement si considérable du prix du bois neuf et du bois flotté, pour
préparer une révolution semblable sur la viande, en favorisant une compagnie
de maltôtiers guidés par le génie fiscal et qui, se chargeant de faire exploiter et
préparer les bestiaux, confieraient ensuite le débit de la viande à des bouchers
qui ne seraient plus que des regratliers, et ne pourraient que chercher à vexer
encore le public , par une augmentation de prix arbitraire, pour parvenir à
accroître leur bénéfice et à se dédommager de tout ce qu'on leur aurait
ôté1.
Au mois de novembre 1788, Hardy rapporte un mouvement popu-
laire à ce sujet :
Il venait d'y avoir depuis peu une espèce d'insurrection populaire dans le
quartier de la Ville neuve, du côté de Notre-Dame- de- Bomie-Nouvelle, occa-
sionnée par la saisie qu'avaient entrepris de faire des marchands bouchers ac-
compagnés d'un commissaire et de soldats du guet de la garde de Paris, d'un
dépôt de viande de moulons que certains particuliers disiribuaient à G sols [la
livre dans la capitale, au lieu de 11, 12, 13 et 14 sols que les bouchers la fai-
saient payer impunément au public, comme le bœuf, le veau, et même la
vache : les insurgenls s'étant armés dans celte circonstance de manches h
balai et de tout ce qu'ils avaient pu rencontrer sous leurs mains, et ayant
d'abord mis le commissaire et le guet dans le cas de se retirer, avaient ulté-
rieurement maltraité et mis également en déroute les bouchers qui avaient
entrepris de se réunir pour leur tenir tête2.
1. Bib. nat., mns 6687 (27 janv. 1788).
2. Ibid., p. 157-158.
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS 443
VI. — RÉGIME DES COMMUNAUTÉS
D'ARTS ET MÉTIERS
La suppression des jurandes et communautés d'arts et métiers
n'avait pu être enregistrée en Parlement que par le moyen d'un lit
de justice (12 mars 1776). Aussitôt après la retraite de Turgot et de
son lieutenant de police Albert, Lenoir fut réinstallé au Châtclet, et
les anciennes traditions reprirent le dessus. Le Parlement et la police
reçurent une première satisfaction par l'édit du mois d'août 1776,
enregistré en Parlement le 28 août, « portant modification de l'édit
de février 1776 ». Cette prétendue modification équivalait à une vé-
ritable abrogation. Il est vrai que 21 professions étaient rendues
libres, sans préjudice de celles qui l'avaient toujours été. Mais qua-
rante-quatre communautés furent rétablies à Paris, et les six corps
des marchands furent reconstitués avec une composition en partie
nouvelle : 1° drapiers, merciers; 2° épiciers; 3° bonnetiers, pelletiers,
chapeliers; 4° orfèvres, batteurs d'or, tireurs d'or; 5° fabricants
d'étoffes et de gazes, tissutiers, rubaniers ; 6° marchands de vin '.
L'article 40 de l'édit du mois d'août 1776 vise les lettres patentes
du 2 janvier 1710 sur la police des corporations. Les articles 15, 17,
18, 19, concernent spécialement les fonctions du lieutenant général
de police dans ses rapports avec les corporations, soit pour juger
leurs procès, soit pour vérifier leurs comptes et leurs dettes, soit pour
veiller à l'exécution de leurs règlements et statuts; l'article 20 divise
en quatre quartiers, à Paris, les assemblées de communautés trop
nombreuses; l'article 21 institue dans chacun des six corps trois
gardes et trois adjoints; dans chacune des quarante-quatre commu-
*
nautés deux syndics et deux adjoints, lesquels seront nommés, pour
la première fois seulement, par le lieutenant général de police; l'ar-
ticle 22 rétablit les bureaux des six corps. — En définitive, les corps
et communautés eurent bien plus qu'avant Turgot à subir le joug et
l'ingérence de la police ; les ordonnances ou arrêts du 19 décembre
1. Les Six-Corps étaient l'aristocratie industrielle et commerciale. Jèze (ouv.
cité, p. 236) marque très bien la différence des Six-Corps et des communautés :
« Dans les arts et métiers il ne faut que de l'industrie, et dans le commerce il
faut des fonds. » Les Six-Corps anciens étaient les suivants : 1° drapiers; 2° épi-
ciers; 3° merciers, terme très vague qui comprenait 20 classes de marchands;
4° pelletiers; 5° bonnetiers; 6° orfèvres. — Les marchands de vin et les impri-
meurs-libraires concouraient avec les Six-Corps à l'élection des juge et consuls
(tribunal de commerce institué en 1563).
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS
1776', des 27 février, 15 mars, 25 avril, 18 août 1777, 26 janvier,
29 mars, juillet 1778 », 31 octobre 1782, 4 août 1783, 5 août 1784,
11 juillet 1785, rendirent de plus en plus étroit leur assujettisse-
ment.
Le Poix de Fréminville a exprimé en quelques mots toute l'étendue
des prétentions de l'Etat et de la police à l'égard des arts et métiers :
« Il n'y a aucun art ni métier qui ne soit sujet à la police du royaume,
parce qu'il est important que chaque art et chaque métier soit porté
à la plus grande perfection ; c'est pourquoi il est intéressant que la
police ait l'inspection sur ceux qui les exercent, afin devoir s'ils sont
suffisamment instruits, si leurs ouvrages sont dans les règles de l'art
ou du métier que ces ouvriers professent, et afin que le public ne soit
point abusé. L'on ne permet cet exercice publiquement qu'à ceux qui
ont employé un temps suffisant chez les maîtres, pour acquérir les
connaissances nécessaires pour les pratiquer. Ces différents arts et
métiers ont fait des communautés entre eux et forment des corps
qui ont des statuts particuliers qui sont homologués s, et ce sont des
statuts qui assujettissent chaque particulier à l'observation : ceux qui
s'en écartent sont punissables par les officiers de police 4. »
Plus ces droits tyranniques, contraires à la liberté du travail et à
tout progrès, avaient été battus en brèche par les économistes, plus
le ministre Turgot avait montré d'énergie à les abolir, plus aussi la
réaction fut rapide après mai 1776, plus on les vanta et on les mul-
tiplia sous toutes les formes.
Aussi les compagnons et apprentis qui avaient goûté à la liberté
industrielle et commerciale devinrent-ils très difficiles à gouverner.
Lenoir ne cesse de rendre des ordonnances et des sentences contre
les assemblées illicites d'ouvriers, contre les grèves, comme disait le
peuple par allusion à la Grève, lieu ordinaire de ces réunions. Tout
le mal, tout le désordre, sont naturellement imputés aux réformes que
les hommes de tradition et d'autorité n'avaient pu empêcher de se
produire. Aussi le Ghâtelet et le Parlement unissent leurs efforts : ce
qui est visible par le grand nombre d'ordonnances de police soumises
à l'homologation parlementaire.
Il serait sans doute intéressant de suivre, à propos de chaque pro-
1. Établissant un syndic et un adjoint dans chaque profession libre.
2. Enregistrement, le 7 août; cet édit supprimait les gardes du commerce, et
créait, en titre d'offices, 12 commissions « d'officiers -gardes du commerce »
(Arch. uat., X 1b 8971). Voyez le recueil dTsambert, aux dates énoncées.
3. Par le Conseil et par le Parlement.
4. Dictionnaire... de la police, p. 11 et 12.
RÉGIME DES COMMUNAUTES D'ARTS ET MÉTIERS 445
fession industrielle et commerciale, cette lutte entre l'esprit de liberté
et l'antique réglementation. Mais nous devons nous contenter de
donner les textes qui nous ont paru les plus significatifs. On connaît le
dénouement : c'est la loi du 17 mars 1791, supprimant les corpora-
tions d'arts et métiers.
ARRÊT de la cour de Parlement (21 juin 1776), rendu en faveur de la com-
munauté des maîtres perruquiers, baigneurs, étuvistes, des ville, faubourgs
et banlieue de Paris, contre plusieurs particuliers se disant coiffeurs de dames.
Portant défenses auxdits particuliers de s'occuper de la frisure et coiffure de
femmes, sous les peines portées par les règlements1.
Est visée l'ordonnance du 1^2 juillet 1771. — Vingt-trois prétendus
coiffeurs de daines sont déboutés de leur requête et condamnés à
l'amende. L'un d'entre eux, Joseph Ghaudesol, avait été écroué au
Petit Ghàtelet par le commissaire Thierion, sur la dénonciation des
prévôts et syndics de la communauté des perruquiers. On avait trouvé
dans ses poches, c'était là son crime, « un écheveau de fil de perru-
quier violet et dévidé, un étui plein d'aiguilles à monter les perruques,
un démêloir, deux peignes à deux fins de corne et une grande paire
de ciseaux à couper les cheveux2 ». Ces pièces à conviction furent dé-
posées dans le bureau des syndics. Ghaudesol demanda vainement
que son écrou fût rayé et sa prison déclarée nulle, tortionnaire, in-
jurieuse et vexatoire. Le Parlement mit son appellation à néant.
ORDONNANCE du 7 octobre 177G. — Sur ce qui nous a été remontré par le
procureur du roi que par ordonnances de Sa Majesté des mois de juillet 1C01
et janvier 1613, enregistrées au Parlement, par arrêts du conseil d'État du roi
des 13 octobre 1667 et 12 octobre 1741, publiés et affichés, il a été ordonné
que les marchands forains qui fréquentent les foires du Landy et de Saint-Denis,
qui se tiennent en la ville de Saint- Denis-en-France, ne pourront faire ouver-
ture de leurs ballots ni vendre aucune partie des marchandises destinées pour
lesdites foires qu'après la visite d'icelles par les gardes des drapiers et des
merciers, accompagnés des commissaires et huissiers du Chàtelet, pour em-
pêcher les abus et fraudes énoncées auxdites ordonnances et arrêts, il a été
enjoint auxdits drapiers et merciers de visiter les poids, mesures et aunes des
marchands, et de faire saisir ce qui se trouverait eu contravention; qu'il a été
défendu à tous baillis, leurs lieutenants, de s'opposer à l'exécution du tout
sous les peines y portées; que par différents arrêts du Parlement, et notam-
ment par celui du 12 juin 1662, il a été ordonné que l'ouverture desdites foires
du Landy et de Saint-Denis serait laite par les officiers du Chàtelet, et il a été
fait défenses aux officiers du bailliage de Saint-Denis d'y faire aucune fonction
qu'après l'ouverture d'icelles, sous peine de 3,000 livres d'amende. Et comme
i. Paris, N.-Fr. Valleyre-le-Jeune, 1775. Pièce in-4° de 25 pages.
2. P. 18 de l'arrêt.
446 REGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS
ladite foire de Saint-Denis doit se tenir incessamment et qu'il convient que la
même police soit toujours observée à ladite foire, requiert que pour la sûreté
publique, il y soit par nous pourvu :
Nous, faisant droit sur le réquisitoire du procureur du roi, ordonnons que
les ordonnances du roi de juillet 1601 et janvier 1613, les arrêts du conseil
d'État des 13 octobre 1667 et 12 octobre 1741, ensemble l'arrêt du Parlement
du 12 juin 1662, seront exécutés selon leur forme et teneur; en conséquence
avons autorisé et autorisons les gardes du corps de la draperie-mercerie à
faire en la manière accoutumée la visite des marchandises destinées à être
exposées en vente aux foires de Saint-Denis et du Landy, et celle des poids et
mesures des marchands, en présence de MM. Laumonier et Bourgeois, com-
missaires au Chàtclet, que nous commettons à cet effet, lesquels dresseront
procès-verbal des contraventions aux règlements si aucunes y a, pour lesdits
procès-verbaux communiqués au procureur du roi et à nous rapportés, être
par nous ordonné ce qu'il appartiendra. Seront tenus les marchands et autres
fréquentant lesdites foires, de faire ouverture de leurs boutiques et échoppes,
balles et ballots, à la première réquisition; leur défendons de vendre aucunes
marchandises avant que ladite visite en ait été faite. Enjoignons aux huissiers
au Chàtclet et à tous autres qu'il appartiendra, de prêter main-forte auxdits
commissaires à la première réquisition; pourront même lesdits commissaires,
en cas de refus d'ouverture des portes, les faire ouvrir par le premier serrurier
en présence de deux voisins. Et sera notre présente ordonnance exécutée
nonobstant oppositions ou appellations quelconques, imprimée, lue, publiée
et affichée partout où besoin sera, à ce que personne n'en ignore.
Ce fut fait et donné...
Lenoir. More.vu '.
EXTRAIT de l'ordonnance du 8 novembre 1776-. — Sur ce qui nous a été re-
montré par le procureur du roi qu'il nous a été porté des plaintes par les syndics
et les maîtres de la communauté des boulangers, contre l'insubordination des
garçons qui prétendent pouvoir se soustraire aux dispositions prescrites par
les anciens règlements... Enjoignons auxdits garçons boulangers qui voudront
quitter les maîtres chez lesquels ils travaillent de les prévenir quinze jours
auparavant. Leur défendons de sortir de chez eux avant l'expiration de la
quinzaine et sans être munis d'un certificat du .maître qu'ils quitteront, con-
tenant leurs nom et surnoms et le lieu de leur naissance. Défendons pareille-
ment à leurs maîtres ou maîtresses de les recevoir chez eux ni de leur donner
du travail, et à tous cabarctiers, aubergistes, logeurs et autres de les loger ou
de leur donner retraite sans s'être fait représenter lesdits certificats, le tout à
peine de prison contre les garçons boulangers et de 20 livres d'amende contre
les maîtres et maîtresses, cabaretiers, aubergistes et logeurs. Et sera notre
présente ordonnance imprimée, etc.
Lenoir.
EXTRAIT de l'ordonnance du 3 décembre 1776. — Sur ce qui nous a été re-
1. Arch. nat., Y. 9499.
2. Arch. nat., ihid.
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS Ul
présente par le procureur du roi que, malgré les règlements de police, qui font
défenses très expresses à tous les marchands de courir les uns sur les autres
pour le débit de leurs marchandises, ni d'user d'aucun artifice pour surprendre
les acheteurs et se les ménager au préjudice de la liberté du commerce; cepen-
dant quelques marchands de cette ville ont affecté depuis quelque temps de
faire répandre dans le public des billets de leur nom pour annoncer la vente
de leurs étoffes et autres marchandises, à un prix qu'ils exposent être inférieur
à celui que lesdites marchandises ont coutume d'être vendues par les autres
marchands; qu'une pareille contravention, qui est presque toujours la dernière
ressource d'un négociant infidèle pour mettre promptement ses effets à cou-
vert, ne peut être trop sévèrement réprimée; qu'autrement ce serait donner
lieu à toutes les fraudes que l'intérêt et la cupidité peuvent inspirer : d'où il
résulterait même pour le public un grand préjudice, en ce que, sous le pré-
texte de donner des marchandises à un vil prix, on ne lui en vendrait souvent
que de défectueuses...
Sur quoi, ordonnons que les anciens règlements, et notamment les ordon-
nances de police des 1er juillet 1734 et 10 avril 1761, seront exécutés selon
leur forme et teneur; faisons... défenses à tous marchands de courir les uns
sur les autres... à peine de 300 livres d'amende pour la première contraven-
tion, et de fermeture de leurs boutiques en cas de récidive. Disons que notre
présente ordonnance sera inscrite sur les registres des corps et communautés
de cette ville. Enjoignons particulièrement aux gardes de la draperie-mercerie
de veiller à l'exécution d'icelles pour ce qui concerne les six corps des mar-
chands.
Signé : Lenoir. Moreau '.
ARRÊT du Parlement du 1G décembre 1779, portant homologation de l'or-
donnance du lieutenant général de police, du 31 juillet 1779, concernant la
défense des étalages dans les rues et places publiques de la ville et faubourgs
de Paris2.
Vise : les arrêts du 15 juin 1554, du 29 mars 1563. — Maintient
l'exception de l'article 24 de l'édit du mois d'août 1770, en faveur des
« pauvres maîtres et veuves de maîtres », mais moyennant l'autori-
sation préalable de la police, et aux emplacements par elle désignés.
Yoici un extrait des réquisitions :
Nonobstant le grand nombre d'ordonnances et règlements de police rendus
tant par nos prédécesseurs que par nous, pour assurer la liberté et la commo-
dité de la voie publique, une multitude de colporteurs, revendeurs et reven-
deuses, fruitiers, regrattiers, jardiniers et habitants de la campagne étalent,
vendent et débitent leurs marchandises, denrées, fruits, légumes et herbages
dans les places publiques, sur les remparts et dans les rues, où ils forment
embarras, exposent les passants, s'exposent eux-mêmes, au danger d'être
i. Arch. nat., 9409.
2. Bib. nat., Collection des arrêts du Parlement, à la date.
US RÉGIME DES COMMUNAUTES D'ARTS ET MÉTIERS
blessés par les voitures, el il en est résulté plusieurs accidents. Plusieurs
habitants ajoutent à cet abus celui de se faire payer pour souffrir des étalages
devant leurs portes; les placiers exigent de ceux qui étalent dans les environs
des marchés les mêmes droits que s'ils vendaient dans leur enceinte.
ARRÊT de la Cour de Parlement concernant les étalages. Extrait des registres
du Parlement du 26 février 1780 ».
Entre Jacques-Louis Rruère, marchand mercier à Paris, appelant de l'empri-
sonnement fait de sa personne dans les prisons du Grand Chàlelet,le 16 novem-
bre 1779, ainsi que de l'ordonnance du lieutenant général de police, mentionnée
dans l'écrou fait de la personne dudit Rruère, d'une part; et le procureur général
du roi, d'autre part.
Et entre ledit Rruère, demandeur en requête du 19 janvier dernier, ten-
dante à ce que l'appellation et la sentence dont était appel fussent mises au
néant; émendant, que l'emprisonnement fait de sa personne ès-prisons du
Grand Chàteict, le 16 novembre dernier, fut déclaré nul et vexafoire; qu'il
fût ordonné que l'écrou serait rayé des registres de ladite prison, et qu'il con-
tinuerait de jouir de la permission accordée par l'article 34 de l'édit du mois
d'août 1770, enregistré en la Cour le 23 du même mois, à tous les pauvres
marchands, ou leurs veuves, de vendre dans Paris par étalage, à la charge par
ledit Druère de se conformer à ce qui est prescrit par ledit article; en consé-
quence, que ledit Rruère fût autorisé à continuer d'étaler dans l'endroit où
il ne gênait point la voie publique, et dont le voisin ne se plaignait point; que
défenses fussent faites à qui que ce soit de l'y troubler, sous telles peines qu'il
appartiendrait; et attendu que l'emprisonnement l'ait de la personne dudit
Rruère peut lui faire un tort considérable dans son commerce, et lui faire
perdre le crédit de ses fournisseurs, il fût permis audit Rruère de faire im-
primer et afficher l'arrêt à intervenir, jusqu'à concurrence de cent exemplaires;
comme aussi à ce qu'il lui fût permis de prendre à partie le sieur Dubois,
commandant le guet, et le commissaire Saint-Père, aux fins de ses dommages-
intérêts, d'une part; et le procureur général du roi, défendeur, d'autre part :
Et entre ... Marchand, marchand mercier à Patis, demeurant rue de la Licorne
en la cité; Fouquet, marchand mercier, rue Saint-Germain-l'Auxerrois; Jean-
Jacques Darnault, marchand mercier, demeurant même rue; Michel Moulins,
marchand mercier, rue Montmartre; Nicolas Lefevre, marchand mercier, rue
Guérin-Roisseau ; Pierre-François de Gamaches, marchand mercier, rue Hya-
cinthe, place Mauherl; Vincent Tiphaine, marchand, rue Saint-Jean-de-Rcau-
vais ; Louis-Paul Lizerct, marchand mercier, rue Saint-Honoré; ... Onfray,
marchand mercier, sur le Pont-au-Change; Philippe-Claude Videgoulet, mar-
chand mercier, rue de la Verrerie; Jean-Louis Cheron^ marchand mercier,
place et porte Saint-Denis; Jean-Toussaint Lemoine, marchand mercier, à Paris;
Jean Rrousse, marchand mercier, à Paris, rue Saint-Honoré; Noël Debien,
marchand mercier, rue Gcrvais-Laurent; Louis-Coquille Dubois, marchand
mercier, rue Jcan-de-Lépine; Antoine Magu, marchand mercier, rue du Fau-
bourg-Montmartre ; René Raron, marchand mercier, rue Gallande; Pierre
Roupnel, marchand mercier, rue Jean-Pain-Mollct; ... Quignon, marchand
1. Pièce iii-4°, 1 pages.
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS 449
mercier, rue de la Tixcranderie; ... Bourchenelle, marchand mercier, rue des
Francs-Bourgeois; ... Legay, marchand mercier; Alexandre Bouchery, mar-
chand mercier; ... Isselot, marchand mercier; François Manson, marchand
mercier; et ...Lefèvre, aussi marchand mercier, tous pauvres marchands
merciers étalant dans les rues, demandeurs en requête du 27 janvier 1780,
tendante à ce qu'ils fussent reçus parties intervenantes dans la contestation
pendante en la Cour, entre le procureur général du roi et le nommé Bruère,
marchand mercier, sur l'appel par lui interjeté de l'emprisonnement fait de sa
personne ès-prisons du Châtelet, pour avoir étalé clans les rues; ce faisant, à
ce qu'ils fussent reçus opposants à l'exécution de l'arrêt de la Cour, du 16 dé-
cembre dernier, homologatif d'une ordonnance du sieur lieutenant général de
police, du 31 juillet dernier, en ce que, par ledit arrêt, les pauvres maîtres et
marchands, ou leurs veuves, à qui il était permis de tenir une échoppe ou
étalage couvert et en lieux fixés dans les rues, places et marchés, ne pourraient
tenir lesdites échoppes ou étalages que dans les lieux et endroits qui leur se-
raient indiqués par le lieutenant général de police, ou les officiers qui seraient
par lui préposés à cet effet, après avoir obtenu la permission dudit lieutenant
général de police, sans pouvoir par lesdits maîtres et marchands ou veuves,
embarrasser la voie publique, ni tenir échoppe ou étalage couvert en d'autres
lieux et endroits que ceux qui leur auraient été indiqués par le lieutenant gé-
néral de police, sous peine d'amende, de confiscation de leurs marchandises,
même d'être poursuivis extraordinairement ; faisant droit sur ladite opposition,
que l'article 34- de l'édit du mois d'août 177G, dûment enregistré en la Cour,
serait purement et simplement exécuté selon sa forme et teneur; en consé-
quence qu'ils seraient maintenus et gardés en la possession et jouissance où
ils étaient depuis et suivant le vœu dudit édit, de choisir dans les places, rues,
marchés et remparts les places qu'ils jugeraient être convenables, pourvu
qu'ils ne gênent point la voie publique, d'y étaler, été comme hiver, jusqu'à
dix heures du soir, heure portée par le règlement pour la fermeture des bou-
tiques, et d'illuminer leur étalage de tel nombre de lumières qu'ils jugeraient
convenable, aux offres que faisaient les intervenants de se conformer à toutes
les dispositions dudit article 34 de l'édit ; en conséquence, que défenses fussent
faites audit sieur Dubois., commandant du guet de Paris, à tous commissaires,
inspecteurs, même aux gardes et adjoints des marchands drapiers et merciers,
de plus à l'avenir troubler ni inquiéter les intervenants dans leurs droits; qu'il
fût ordonné que ledit sieur Dubois serait tenu de révoquer, dans le jour de
l'arrêt à intervenir, les deux consignes qu'il a données les 22 mars et 20 oc-
tobre derniers, et inscrites sur les registres des cinquante-trois corps de garde
établis dans Paris, sinon que l'arrêt à intervenir, dûment signifié audit sieur
Dubois, vaudrait ladite révocation, et qu'il serait transcrit, aux frais dudit sieur
Dubois, sur les registres des corps de garde ; qu'acte leur fût donné de la
plainte qu'ils rendaient à la Cour des excès et vexations contre eux commises,
tant par ledit sieur Dubois et ses subordonnés que par les gardes et adjoints
des drapiers et merciers; et attendu l'impuissance notoire des intervenants,
résultante de leur pauvreté, de suivre une pareille plainte, il fût ordonné qu'à
la requête du procureur général du roi, et par-devant tel de messieurs qu'il
plaira à la Cour commettre, il serait informé des excès et vexations, pour, l'in-
formation faite et rapportée, être par le procureur général du roi pour la vin-
dicte publique, et par les intervenants pour leur intérêt particulier, pris telles
29
450 RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS
conclusions qu'il appartiendrait contre qui et ainsi qu'ils aviseraient bon être,
et par la Cour statué ce que de raison, et à ce qu'acte leur fût donné de ce
qu'ils se soumettaient de ne jamais s'emparer des encoignures des rues, ni
d'avoir des mannes ou étalages de plus de deux pieds de largeur sur cinq ou
six de longueur, cl de les tenir couvertes et non appuyées contre les murailles;
comme aussi qu'acte leur fût donné de ce que, déclaration préalablement faite
à leurs corps ou communautés, qu'attendu leur indigence, ils entendaient
étaler dans les rues, ils se soumettaient rie rapporter le consentement des pro-
priétaires ou principaux locataires des maisons près lesquelles ils étaleraient,
et leurs certificats qu'ils n'y gênaient pas la voie publique et n'y avaient occa-
sionné aucun inconvénient, et ce dans le mois, à compter du jour qu'ils au-
raient commencé à y étaler, pour, sur lesdits consentements et certificats, être
délivré aux intervenants gratis, savoir, pour les remparts et autres lieux dé-
pendants de la juridiction de la ville, par les magistrats de l'Hôtel de Ville,
ainsi qu'il avait été pratiqué jusqu'à présent, et pour l'intérieur de la ville, par
le sieur lieutenant général de police, ou les commissaires de la voirie, ou tel
autre magistrat qu'il plairait à la Cour indiquer, la permission requise par
l'article 34 de l'édit de 177G, pour, sur ladite permission, être ledit emplace-
ment définitivement conservé à celui qui en aurait fait le choix sans pouvoir
en être expulsé par qui que ce soit; à ce qu'il fût ordonné qu'à la requête du
procureur général du roi, l'arrêt à intervenir serait lu, publié et affiché par-
tout où besoin serait, d'une part; et le procureur général du roi et ledit sieur
Bruere, d'autre part : Et entre Louis-Victor Bruère, marchand mercier à Paris,
demandeur en requête du 10 février présent mois, tendante à ce qu'il fût reçu
partie intervenante dans la cause pendante en la Cour, entre Jacques-Louis
Bruère, son frère, non reçu marchand mercier, et emprisonné le 16 no-
vembre dernier, et le procureur général du roi et vingt-cinq autres marchands
merciers, intervenants dans ladite cause, qu'acte lui fût donné, pour moyens
d'intervention, de ce qu'il employait le contenu en ladite requête, et y faisant
droit, qu'acte lui fût donné de ce que, tant en son nom personnel comme
marchand mercier que comme prenant le fait et cause de son frère, empri-
sonné le 10 novembre dernier, pendant qu'il gardait l'étalage dudit sieur
Louis-Victor Bruère, il adoptait et adhérait aux conclusions prises tant par son
frère que par les intervenants, d'une part; le procureur général du roi, le
sieur Jacques-Louis Bruère, et les sieurs Marchand, Fouquet, Durnault1, Mou-
lins et consorts, tous marchands merciers, d'autre part; sans que les qualités
puissent nuire ni préjudicier. Après que Larguèze, avocat de Jacques-Louis
Bruère, Victor Bruère, Marchand, Fouquet et consorts, elJoly de Fleury pour
le procureur général du roi, ont été ouïs :
La Cour reçoit les intervenants parties intervenantes; donne acte aux nom-
més Marchand, Fouquet et consorts, de ce qu'ils se joignent et adhèrent aux
conclusions de Jacques-Louis Bruère; donne pareillement acte à Louis-Victor
Bruère de ce qu'il adhère aux conclusions desdits Marchand. Fouquet et con-
sorts, et à celles dudit Jacques-Louis Bruère; comme aussi lui donne acte des
déclarations portées par sa requête; au principal, faisant droit sur le tout, et
sur les conclusions dû procureur général du roi, en tant que touche l'appel
de l'emprisonnement fait de la personne dudit Jacques-Louis Bruère, ensemble
1. Sic; plus liant on lit : DarnauK.
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS 431
les conclusions prises par aucunes des parties relativement audit appel, sans
s'arrêter à leurs requêtes à cet égard, dans lesquelles elles sont déclarées non
recevables et mal fondées, met l'appellation au néant, ordonne que ce dont
est appel sortira son plein et entier effet ; condamne l'appelant en l'amende de
12 livres. En tant que touche les demandes d'aucunes des parties à fin d'être
reçues opposantes à l'exécution de l'arrêt de la Cour du 16 décembre dernier,
portant homologation de l'ordonnance de police du 31 juillet dernier, les dé-
clare pareillement non recevables et mal fondées dans leurs susdites demandes,
ensemble dans celles en prise à partie, dénonciation, plainte et information ;
en conséquence, ordonne que l'arrêt de la Cour du 16 décembre dernier sera
exécuté selon sa forme et teneur; enjoint à toutes les parties de s'y conformer
sur les peines y portées ; déclare pareillement toutes les parties non recevables
et mal fondées dans le surplus de leurs autres demandes, fins et conclusions;
ordonne que les mémoires, l'un à consulter, pour le nommé Rruère, commen-
çant par ces mots : Un édit portant, et finissant par ces mots : sa liberté et son
état; l'autre pour les nommés Marchand et Fouquet et consorts, commençant
par ces mots : Le sieur Bruère est jeté en prison, et finissant par ceux-ci : pour
parvenir aux fins de leur mémoire, seront et demeureront supprimés, comme
contraires à l'autorité et au respect dus aux arrêts de la Cour; ordonne que le
présent arrêt sera imprimé, publié et affiché partout où besoin sera, et inscrit
sur le registre du corps des marchands merciers, le tout à la requête et dili-
gence du substitut du procureur général du roi au Chàtelet de Paris. Fait en
Parlement le vingt-six février mil sept cent quatre-vingt. Collationné Lutton.
Signé : Leiiret.
ORDONNANCE de police du 10 juillet 17701.
Sur ce qui nous a été représenté par le procureur du roi, qu'il a remarqué
que la plus grande partie des vols que son devoir l'a mis dans la nécessité de
poursuivre ont été commis depuis plusieurs mois dans cette ville, faubourgs
de Paris et environs , à la faveur de clefs dont la vente s'est faite par un abus
préjudiciable à la sûreté publique;... il croit du devoir du ministère de re-
quérir l'exécution des ordonnances et règlements de police , qu'on pourrait
prétexter d'ignorer, soit par leur ancienneté, soit parce qu'ils se trouvent
1. Arch. nat., Y. 9499. Comparez (ibidem), à la date du 18 nov. 1746,1a sentence
de police signée de Marville, qui renouvelle les injonctions faites à tous mer-
ciers, quincailliers, libraires, joailliers, bijoutiers, horlogers, tapissiers, fripiers,
fournisseurs, potiers d'étain, plombiers, fondeurs, chaudronniers, vendeurs de
vieux fers, et autres marchands et artisans qui achètent et revendent, changent
et trafiquent des effets et marchandises de hasard, d'avoir deux registres pour
représenter l'un au commissaire ancien et l'autre à l'inspecteur de police de leur
quartier, et condamne le nommé Goyon, maître chaudronuier, porte Saint-Jac-
ques, en 500 livres d'amende pour avoir refusé avec violence de s'y conformer.
(Extrait des registres du greffe, de l'audience de police du Chàtelet de Paris, du
18 novembre 1746.) — Sont visés : les ordonnances de police des 15 janv. 1369,
13 février 1385, 25 novembre 1396, 12 avril 1548 et 18 juin 1698, et l'édit du mois
de mars 1740, registre en Parlement le 3 mai suivant. — Les registres devaient
porter les noms, qualités, demeures des vendeurs; les jour, nature et prix des
achats.
452 RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS
dispersés dans un grand nombre d'ordonnances particulières, rendues en dif-
férents temps et à différentes occasions....
En conséquence, l'article 1er interdit aux serruriers, taillandiers, etc.,
de vendre aucune clef, vieille ou neuve, sans la serrure pour laquelle
cette clef aura été faite, sous peine de 100 livres d'amende la pre-
mière fois, et de prison en cas de récidive ; l'article 4 leur prescrit de
ne travailler et faire travailler qu'en lieux apparents. L'article 2 dé-
fend aux compagnons ou apprentis serruriers de forger et limer des
clefs hors les boutiques de leurs maîtres, et d'apporter des outils
dans leurs logements particuliers. Les propriétaires, principaux loca-
taires, logeurs, sont tenus de dénoncer les contrevenants au bureau
de police. Par l'article 3, défense aux ferrailleurs de réparer de vieilles
clefs. Par l'article 5, ordre d'apporter dans la quinzaine toutes les
clefs vieilles ou neuves dépourvues de leur serrure , — sous peine
d'amende (art. 6).
OUVRIERS ET ARTISANS DU FAUBOURG SAINT-ANTOINE
Au premier abord, on pourrait croire que les ouvriers et artisans
du faubourg Saint-Antoine, protégés par l'Abbaye, ont gardé leurs
libertés exceptionnelles plusieurs fois confirmées, entre autres par les
lettres patentes de 1657. En effet, la déclaration du 19 décembre 1776,
registrée en Parlement le 30, s'exprime ainsi à leur égard :
Les franchises dont ont joui jusqu'à présent les artisans et ouvriers habi-#
tant le faubourg Saint-Antoine ont été resserrées par des gènes non moins
préjudiciables à la liberté et au progrès du commerce qu'à leurs intérêts. Les
marchandises fabriquées dans l'étendue dudit faubourg ne pouvaient être
transportées dans l'intérieur de ladite ville, sans être exposées à des saisies
que les droits attribués aux corps et communautés d'arts et métiers les auto-
risaient à faire.
Le roi déclare avoir reçu favorablement les représentations des
abbesse, prieure et religieuses de l'abbaye Saint-Antoine, ainsi que
les instances et supplications des principaux d'entre les habitants
dudit faubourg. Mais, en réalité , le régime industriel du faubourg se
rapproche singulièrement de celui de la ville. Les droits de réception
clans les communautés sont simplement modérés pour ceux qui veu-
lent se faire admettre à la maîtrise (en application de l'article 27 de
l'éditd'aoùt 1776); en cas d'établissement à Paris, le complément des
droits est dû. Enfin, il reste libre aux ouvriers et artisans du faubourg
d'être simplement agrégés aux communautés; mais ils doivent se faire
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS 453
inscrire sur les registres de la police et payer annuellement le dixième
des droits royaux fixés par le tarif d'août 17G0 '. Au bout de 10 ans,
ils sont libérés à l'égard du roi ; s'ils veulent devenir maîtres , ils
n'ont qu'à régler les droits attribués aux communautés 2.
CHARCUTIERS DU FAUBOURG SAINT-ANTOINE
ARRÊT du Parlement du 13 mars 1781, rendu en faveur des dames abbôsse,
prieure et religieuses de l'abbaye de Saint-Anloine-dcs-Champs-lès-Paris ; —
et des nommés Bérard , Guesnot et Roy, charcutiers au faubourg Saint-An-
toine; — contre la communauté des charcutiers de Paris : — Par lequel la
Cour, en confirmant le privilège de l'abbaye de Saint-Antoine ', annule des
saisies faites à la requête de ladite communauté, condamne ladite communauté
en 100 livres de dommages et intérêts; maintient les charcutiers du faubourg
dans le droit de s'approvisionner de marchandises dans les marchés et autres
endroits où les maîtres ont coutume et sont en droit de s'approvisionner, et
de faire transporter leurs marchandises au faubourg, sauf à la communauté à
les faire suivre, et à les saisir, si elle les trouvait vendant dans l'intérieur de
la ville, dans l'intervalle du transport ».
COMMERÇANTS EN GROS
ARRÊT de règlement du Parlement (5 juillet 1780 5).
Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre , à tous ceux qui
ces présentes verront, salut.
Au premier huissier de notre Cour de Parlement, ou autre, notre huissier
ou sergent sur ce requis , savoir faisons qu'entre Pierre Renard , se disant
négociant à Paris, appelant du procès-verbal de saisie sur lui faite le 15 mars
1779, à la requête des intimés ci-après nommés, d'une part, et les gardes et
adjoints du corps des marchands épiciers de Paris, intimés, d'autre part; et
entre ledit Renard , demandeur en deux requêtes du même jour 2-i février
dernier, la première à fin d'opposition à l'arrêt par défaut du 12 dudit mois,
la deuxième à ce que le procès-verbal dont il s'agit fût déclaré vexatoire,
injurieux, tortionnaire et déraisonnable, qu'il fût ordonné que la remise des
eaux -de -vie faite en exécution de l'arrêt sur appoinlement à mettre, du
21 juin 1779, serait et demeurerait définitive, qu'il fût fait défense aux syndics
et adjoints des marchands épiciers de Paris de plus à l'avenir exercer aucunes
poursuites ni perquisitions sur les commerçants en gros, et notamment sur
ledit Renard, et que, pour l'avoir fait sans qualité, ils fussent condamnés à son
égard en 2,000 livres de dommages-intérêts ou en telle autre somme qu'il
1. Ce tarif est reproduit par Jèze (ouvrage cité).
2. Arch. nat., K. 1052.
3. Notamment (p. 9 de l'arrêt) « les lettres patentes de 1Gj7, et la déclaration
du 19 décembre 1776 ».
4. Bib. nat., F., à la date. Pièce in-4° de 10 pages, dont 1 impression fut ordon-
née à 100 exemplaires et l'affichage à 10.
'■'y. Pièce in-4°, 4 pages.
454 RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS
plairait à notredite Cour fixer, résultant du retard et de la perte que la saisie
en question avait occasionnée à la vente desdites caux-dc-vie, comme aussi,
attendu que celte saisie avait nécessairement occasionné la perte du crédit
dudit Renard , qu'il lut ordonné que l'arrêt à intervenir serait imprimé et
affiché au nombre de 500 exemplaires, aux frais desdits syndics et adjoints du
corps des marchands épiciers de la ville de Paris, et qu'ils fussent en outre
condamnés en tous les dépens des causes d'appel'et demandes, même en ceux
réservés par arrêt sur appointement à mettre, du 21 juin 1779, et à lui rendre
et payer la somme par lui avancée pour le coût dudit arrêt, et défendeur, d'une
part; et lesdits gardes et adjoints du corps des marchands épiciers de ladite
ville de Paris, défendeurs et demandeurs en requête du 29 mai dernier, à ce
que, sans s'arrêter aux requêtes et demandes dudit Renard, dans lesquelles il
serait déclaré non recevable, ou dont en tout cas il serait débouté, il fût pa-
reillement déclaré non recevable dans son appel du procès -verbal'de saisie
dont il s'agit, ou qu'en tout cas et subsidiairement l'appellation fût mise au
néant, que la saisie faite des eaux-de-vic en question fût déclarée bonne et
valable, qu'il fût ordonné qu'elles seraient et demeureraient acquises et con-
fisquées au profit du corps de l'épicerie; en conséquence, que ledit Renard et
les sieurs Hatry père et fils, ses cautions, fussent condamnés solidairement et
par corps à remettre audit corps de l'épicerie la somme de 1,800 livres, re-
présentative desdites pièces d'eau-de-vie, aux termes de l'arrêt sur appointe-
ment à mettre, rendu au rapport de feu M. l'abbé de Malezieu, le 21 juin 1779,
qu'il fût fait défense audit Renard de plus à l'avenir entreprendre sur le com-
merce de l'épicerie, et que, pour l'avoir l'ail, il fût condamné en 2,000 livres
de dommages et intérêts au profit dudit corps, qu'il fût en outre condamné
en l'amende ordinaire de 12 livres et en tous les dépens des causes d'appel et
demandes, même en ceux réservés par l'arrêt sur appointement à mettre, du
21 juin 1779, d'autre part.
Après que Coquebert, avocat de Renard, et Hardouin, avocat des épiciers,
ont été ouïs, ensemble Séguier pour notre procureur général :
Notredite Cour reçoit la partie de Coquebert, appelante,. tient l'appel pour
bien relevé; au principal, faisant droit sur ledit appel, ensemble sur les
demandes des parlies d'Hardouin, a mis et met l'appellation au néant; or-
donne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet; condamne les
parties de Coquebert en l'amende de 12 livres; en conséquence, déclare la
saisie faite à la requêic desdites parties d'Hardouin bonne et valable, et cepen-
dant, par grâce et sans tirer à conséquence, ordonne que la mainlevée provi-
soire faite par l'arrêt de notredite Cour, du 2 juin 1779, demeurera définitive,
en payant 'la somme de 200 livres auxdites parties d'Hardouin; ce faisant,
décharge ladite partie de Coquebert, ainsi que ses cautions, du payement du
surplus des 1 ,800 livres auquel il s'était soumis en vertu dudit arrêt ; condamne
la partie de Coquebert aux dépens des causes d'appel et demandes, dont les
parties d'Hardouin seront payées sur le prix de la vente des eaux-de-vic sai-
sies; faisant droit sur les conclusions de notre procureur général, ordonne
(|uc nos édits et déclarations concernant le commerce en gros, spécialement
nos édits de décembre 1701 et août 1769, seront exécutés suivant leur forme
et teneur; en conséquence, ordonne que toutes personnes, de quelque qualité
et condition qu'elles soient, qui désireront faire le commerce en gros, seront
tenues de se faire inscrire sur les registres de la juridiction consulaire des
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS 45o
villes où elles voudront exercer ledit commerce, à peine d'être déclarées non
recevables à exciper de la qualité de négociant en gros contre les saisies qui
pourraient être faites de leurs marchandises; ordonne que le présent arrêt
sera imprimé et affiché partout où besoin sera , à la requête de notre procu-
reur général. Si mandons mettre le présent arrêt à exécution. Donné en Parle-
ment, le S juillet, l'an de grâce mil sept cent quatre-vingt, et de notre règne
le septième. Collationné : Berthelot. Par la Chambre,
Signé : Ysabeau.
CHANDELIERS
ARRÊT du 7 septembre 1780, qui homologue une ordonnance du lieutenant
général de police de la ville de Paris, du 6 septembre 1780, concernant la
vente et l'achat des suifs (4 p. in-4°) T.
Cet arrêt rappelle les ordonnances antérieures. Celle du 4 mai 1742
défendait aux maîtres-chandeliers d'avoir chez eux plus de trois mil-
liers de suif, soit en nature, soit en chandelles, ni d'en acheter
d'autres sur la place, qu'ils n'en eussent vendu les deux tiers, à
peine de saisie, confiscation, et de 1,000 livres d'amende. Les hou-
chers étaient tenus de vendre le jeudi, au marché au suif, tout le suif
par eux fondu (ord. du 20 déc. 17 43).
CENDRES DE VARECH
ORDONNANCE de police du 9 août 1782, homologuée par arrêt du Parle-
ment du 2 septembre, concernant les cendres de varech -\
...Sur ce qui nous a été représenté par le procureur du roi que les herbes
connues sous le nom de varech, vraicq, sar ou gouesmon, ont toujours été
1. Lp sieur Hébert, maître-chandelier à Paris, au coin des rues de Bourbon et
de Beaune (faubourg Saint-Germain), s'était refusé à vendre à deux particuliers
plus d'une livre de chandelle à la fois, sous prétexte de la rareté du suif. Un
commissaire et un inspecteur de police, envoyés chez Hébert, trouvent dans sa
boutique 60 livres de chandelles et dans sa cave 645 livres de chandelle et 86 me-
sures de suif. Comme le refus d'Hébert n'était fondé que sur le dessein d'an-
noncer la disette et de faire augmenter le prix de la chandelle, il est condamné
à 300 livres d'amende, et, en cas de récidive, à la fermeture de sa boutique
(sentence signée Feydeau de Marville, 8 mai 1744, Arch. nat., Y. 9499). — La
forme de la perception des droits sur le suif était la principale cause de ces tra-
casseries, auxquelles Turgot essaya seul de remédier. (Voyez Œuvres de Turgot,
éd. Daire,t. II, p. 250 et 321.) « Il n'entrait pas une livre de suif à Paris »; aussi
la police luttait vainement contre le monopole des chandeliers, qu'elle avait elle-
même créé.
2. Bib. nat., F., à la date, pièce in-4° de 4 pages. — Nous n'avons pas repro-
duit la formule d'homologation.
436 RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS
destinées à la fabrication des soudes nécessaires aux verreries; qu'il a aussi
été permis aux riverains des côtes de la Normandie et autres provinces du
royaume, de les cueillir et ramasser seulement dans les mois de janvier,
février et mars, pour l'engrais de leurs terres ; que cependant l'industrie en a
fait une branche de commerce, en l'employant à la fabrication du savon, à la
pharmacie, même à dégraisser et blanchir le linge par son mélange avec la
soude d'alicant; que cet usage, reconnu nuisible à certains égards, en a fait
successivement augmenta le prix, en sorte que les maîtres de verreries,
ayant trouvé des difficultés à s'en procurer suffisamment dans le royaume
pour leur consommation, n'ont pu se dispenser, depuis plusieurs années, d'en
tirer de l'étranger; que, d'après des expériences faites par des personnes à ce
connaissant et leur avis, il est constant que le prix de la cendre de Varech est
beaucoup inférieur à celui de la soude d'alicant; qu'on ne peut en faire la
distinction lorsqu'elles sont broyées et mélangées; que cette cendre est nui-
sible dans l'emploi qui s'en fait pour dégraisser et blanchir le linge; qu'elle
ne peut servir à faire du savon ; qu'elle est dangereuse dans les remèdes, et
ne peut être utile qu'à l'engrais des terres et aux verreries; qu'il est parvenu
différentes plaintes à celte occasion, tant de la part des habitants de la capi-
tale que des blanchisseuses et de plusieurs épiciers; que les gardes du corps
de l'épicerie ont même, par leur avis du 28 juin 1781, consenti à la suspension
provisoire, et à temps limité, de la vente des cendres de varech ; pourquoi
ledit procureur du roi aurait requis qu'il y fût par nous pourvu :
Nous, faisant droit sur le réquisitoire du procureur du roi, faisons défenses
aux marchands épiciers et à tous autres de la ville, faubourgs et banlieue de
Paris, qui font le commerce des cendres de varech en pains, masses, bittes ou
pulvérisées, d'en vendre ni débiter, de telle manière que ce soit, après le
délai de trois mois, à compter du jour de la publication de notre présente
ordonnance, et ce jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, à peine
contre chaque contrevenant de saisie-confiscation desdites marchandises, et de
500 livres d'amende, même d'interdiction de leur commerce en cas de réci-
dive. Mandons aux commissaires au Chàtelet, et enjoignons aux officiers de
police, même aux commis des fermes, de tenir la main à l'exécution de notre
présente ordonnance, laquelle sera exécutée, après néanmoins qu'elle aura été
homologuée en la Cour (à l'effet de quoi le procureur du roi se pourvoira),
imprimée, lue, publiée et affichée partout où besoin sera.
Ce fut fait et donné par Messire Jean-Charles- Pierre Lenoir, chevalier,
conseiller d'État, lieutenant général de police de la ville, prévôté et vicomte
de Paris, les jour et an que dessus. Signé Colin, avec paraphe.
(Suit L'homologation. Collationné Durand. Signé Ysabeau.)
DROITS DE RÉCEPTION AUGMENTÉS
(1782)
ED1T nu roi, qui autorise les six corps des marchands et les autres commu-
nautés d'arts et métiers de Paris à percevoir une augmentation de droits sur
les réceptions (août 1782 ; reg. P. le 30) \
1. Arch. nat., K. 1050. — X 1b sins. Le :i septembre, le Parlement enregistre
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS 457
Les six corps des marchands et trente-neuf des communautés d'arts
et métiers rétablies par l'édit du mois d'août 1776, offrirent au roi
une somme de 1,500,000 livres pour la construction d'un vaisseau du
premier rang. Si le patriotisme était pour quelque chose dans cette
offre, il faut reconnaître que l'esprit et l'intérêt dé corps n'y perdi-
rent rien. Les corps et communautés, ne pouvant se procurer cette
somme que par un emprunt, se firent autoriser à percevoir, tant
pour les intérêts que pour l'amortissement du capital, une augmen-
tation de droits sur les réceptions de maîtres, laquelle était de
200 livres pour les six corps et pour sept des communautés, de
50 livres pour cinq des communautés, et de 100 livres pour les vingt-
sept autres. C'étaient de nouvelles restrictions apportées à l'exercice
des professions utiles, et de nouvelles précautions contre la concur-
rence. Les marchands offraient au roi un million et demi, mais c'est
le public qui payait.
POLICE D'ORDRE
ORDONNANCE du 8 mai 1786 ».
Sur ce qui nous a été remontré par le procureur du roi que l'inexécution
de noire ordonnance du 2 septembre 1777, concernant la discipline des gar-
çons cordonniers, rendait illusoires les précautions que nous avions cru devoir
prendre pour assurer le maintien du bon ordre et de la police parmi les com-
pagnons de cette communauté; que nombre de maîtres, au mépris de l'ar-
ticle 7 de ladite ordonnance, prenaient chez eux lesdits compagnons sans se
faire représenter leurs livrets d'enregistrement; que plusieurs même se per-
métlaient de débaucher de chez un autre maître les compagnons dont ils
pouvaient avoir besoin, en sorte que les maîtres qui sont jaloux de se con-
former exactement aux règles établies pour le maintien du bon ordre, se
trouvent les premiers privés des compagnons qui leur sont nécessaires, ce qui
nuit infiniment au service du public; que le plus sûr moyen do contraindre
les maîtres et compagnons à se conformer aux règlements, serait de faire de
fréquentes visites chez les maîtres à l'effet de constater les contraventions et
de faire punir les contrevenants; mais que les syndics et adjoints auxquels
cette inspection est confiée, ne pouvant abandonner continuellement leurs
propres affaires pour s'occuper des visites qu'il serait nécessaire de faire
journellement, chez un aussi grand nombre de maîtres que celui dont cette
communauté est composée, il serait nécessaire d'y suppléer en autorisant le
commis par nous proposé à l'enregistrement des compagnons, de faire en cas
de besoin, au défaut des syndics, les visites prescrites par notre ordonnance
des lettres patentes du 29 août autorisant les six corps, etc., à emprunter les
1,300,000 livres.
1. Arch. nat., Y. 9499.
458 RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS
du 2 septembre 1777, à l'effet de faire constater lesdites contraventions...
Nous faisant droit, ordonnons qu'il sera fait par les syndics et adjoints
de ladite communauté, et à leur défaut par le sieur Hardivilliers, par nous
préposé à l'enregistrement desdils compagnons et que nous commettons à
cet effet, de fréquentes visites, tant chez les maîtres de ladite communauté
que dans les chambres et domiciles des compagnons, à l'effet de faire con-
stater les contraventions qui peuvent avoir été commises ou qui pourront se
commettre par lesdits maîtres et compagnons .. dans lesquelles visites ledit
Hardivilliers sera tenu de se faire assister d'un commissaire du Châtelet qui
dressera procès-verbal;... les frais seront avancés par ledit sieur Hardivilliers
qui en sera remboursé sur notre autorisation par les syndics de ladite
communauté des cordonniers, à qui ils seront alloués en dépense. Fait ce
3 mai 1786.
De Flandre de Brunville. De Crosne.
ORDONNANCE du 30 mars 1787 concernant les carrosses et cochers de place
(en seize articles) '.
Elle établit, rue du Faubourg-Saint-Denis, dans le bâtiment de la
régie des propriétaires du privilège du droit sur les carrosses de
place, un bureau de classement où les cochers sont tenus de se faire
enregistrer, et où il leur sera donné un livret coté et paraphé par le
commissaire délégué. — Défense au cocher de quitter le loueur de
carrosses sans l'avoir averti trois jours d'avance, et à tout loueur de
prendre un cocher à son service sans se faire présenter le livret, et le
certificat de congé du précédent loueur. — Défense aux cochers de
laisser monter sur le siège personne que leurs apprentis. — Ordre de
visiter les voitures et de restituer les objets égarés.
Le préambule, outre ces divers délits ou contraventions, repro-
chait aux cochers de « se porter à des excès envers le public, surtout
envers les femmes qui se trouvent seules dans leurs voitures ».
ORDONNANCE de police, contenant règlement pour maintenir le bon ordre
dans les ventes qui se font par autorilé de justice (du 4 mai 1787; homolo-
guée en Parlement le 24 mai) J.
Sur ce qui nous a été remontré par le procureur du roi que les règlements
et ordonnances de police qui ont eu pour objet d'assurer la tranquillité et le
bon ordre qui doivent régner dans les ventes publiques d'effets mobiliers,
d'en bannir les fraudes qui' s'y pratiquent, et de maintenir dans les bornes de
la décence ceux qui les fréquentent par état, notamment les brocanteurs et
revendeuses, étant négligés par les uns et peut-être inconnus aux autres :
1. Signée : De Crosne; De Flandre de Brunville.— Homologuée en Parlement,
le 17 juillet (Isambert, n° 2359).
2. Arch. nat., X 1b 8986 (Isambert, n° 2359).
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS 459
il serait nécessaire d'en renouveler les dispositions et de les réunir sous un
seul point de vue, et même d'en expliquer quelques-unes d'une manière plus
étendue, afin d'arrêter le cours d'une foule d'abus également contraires à
l'ordre public et préjudiciables à l'intérêt des propriétaires.
Qu'en effet il est venu à la connaissance dudit procureur du roi que nombre
de brocanteurs et autres marchands sans crédit fréquentent les ventes, n'y
viennent que dans le dessein d'être nuisibles ; qu'ils s'associent entre eux pour
se faire adjuger à vil prix les meubles et effets exposés en vente; qu'à cet
effet ils s'emparent du devant des tables destinées à exposer les effets; qu'ils
en éloignent les bourgeois et les injurient; et qu'ensuite ils partagent à titre
de révision le bénéfice qui doit résulter de leur connivence et de leur fraude;
que ceux qui ne sont point de leur association ou qui s'opposent à leurs mau-
vaises intentions, sont exposés à leurs injures et à leurs emportements; qu'ils
ne distinguent ni marchands ni bourgeois, cherchant toujours à écarter ceux
qui leur font obstacle; que si cependant ils se trouvent contrebalancés par
un nombre de personnes bien intentionnées, ils menacent de quitter la vente
où ils se trouvent, provoquent les autres marchands à la quitter, et se retirent
en effet sans aucun égard pour les représentations de l'huissier-priseur qui
procède à la vente; que lorsqu'il s'agit de recevoir les enchères, des particu-
liers. insolvables s'empressent de couvrir lesdites enchères pour acheter à
crédit; et si l'huissier-priseur fait quelques observations à ce sujet, une mul-
titude de voix s'élèvent pour assurer que celui qui se présente est solvable,
sans que personne veuille répondre de sa solvabilité ; que si l'huissier-priseur
se permet de retenir les effets qu'il vient d'adjuger à un particulier qui ne
paye pas comptant et dont la solvabilité ne lui est pas connne, alors ces mar-
chands et brocanteurs malintentionnés prennent le fait et cause de l'adju-
dicataire, se répandent en propos indécents contre l'huissier-priseur, et
veulent en quelque sorte lui faire violence par leurs emportements et leurs
clameurs; que souvent môme, sans avoir aucun droit à un effet qui vient d'être
adjugé à une personne qui leur est étrangère, ils le lui arrachent des mains
avec violence sous le prétexte qu'ils ont mis la dernière enchère; et, quoique
ce prétexte soit faux, ils ne manquent jamais d'être soutenus dans leurs pré-
tentions par leurs complices ; qu'indépendamment de toutes ces fraudes et
manœuvres, les brocanteurs et marchands sans crédit se comportent avec la
plus grande indécence dans les ventes, qu'ils se répandent en invectives les
uns contre les autres, et souvent même contre les intéressés à la chose;
qu'ils jettent sans aucune précaution les habits, linges, hardes ou effets pré-
cieux, en affectant si c'est nuit de les faire tomber sur les lumières pour les
éteindre ; et si ce sont des bijoux de chercher à les détériorer, soit pour les
avoir à meilleur compte, soit pour porter un préjudice notable à ceux qui
pourraient en être les derniers enchérisseurs; que de là il résulte beaucoup
de confusion et de désordre dans les ventes, ce qui donne lieu à des rixes et
même à des vols fréquents...
A ces causes, vu les sentences et ordonnances de police des 13 juin 1721,
15 décembre 1727, 21 mai 1751, 21 novembre 1761, 12 septembre 1767, et
17 mars 1769, et l'arrêt du Parlement du 18 décembre 1764, qui homologue
l'ordonnance de police dudit jour 21 novembre 1761, et tout considéré :
Nous, faisant droit sur le réquisitoire du procureur du roi, ordonnons :
I. — Que les arrêts et règlements du Parlement, sentences et ordonnances
460 RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS
de police, seront exécutés selon leur forme et teneur ; et en conséquence
faisons défenses à tous marchands tapissiers, fripiers, brocanteurs et brocan-
teuses, revendeurs et revendeuses, et chaudronniers, de former dorénavant
entre eux, sous le titre de lotissement, revendage ou révision ou sous tel autre
titre ou dénomination que ce soit ou puisse être, aucune association qui ait
pour objet de se procurer un gain illicite sur les marchandises, meubles et
effets mobiliers exposés dans les ventes publiques et qui leur seront adjugés,
à peine de 500 livres d'amende contre chacun des contrevenants, dont la
moitié appartiendra au dénonciateur, de déchéance de la maîtrise à l'égard de
ceux qni seront maîtres, et, à l'égard des privilégiés, de destitution de leurs
privilèges.
II. — Leur faisons pareillement défenses de lotir, revinder ou revendre
enlre eux les marchandises, meubles et effets dont ils se sont rendus adjudi-
cataires, soit dans les cabarets et maisons particulières, soit dans tout autre
lieu que ce puisse être : et ce, sous les mômes peines que dessus, et en
outre à peine de saisie et confiscation desdites marchandises, meubles et
effets.
III. — Leur défendons en outre de s'emparer du devant des tables où se
font les ventes et de pratiquer aucunes manœuvres pour en accaparer les effets
et se les faire adjuger à vil prix; leur enjoignons de laisser l'approche des
tables libre aux bourgeois et autres personnes qui se présenteront, et de ne
point mépriser ' et détériorer les meubles et effets qui seront exposés en vente,
ni injurier ceux qui enchériront sur eux, à peine de cent livres d'amende et
de toutes pertes, dépens, dommages et intérêts envers qui il appartiendra.
IV. — Enjoignons auxdits marchands2... de se comporter avec décence et
tranquillité; leur faisons défenses d'injurier et insulter les officiers qui procè-
dent auxdites ventes et d'exciter aucuns troubles ni aucunes rixes et émeutes,
à peine de deux cents livres d'amende contre chacun des contrevenants, même
de plus grande peine, si le cas y échet.
V. — En cas de contravention aux articles 1 et 2 de la présente ordon-
nance, enjoignons aux huissiers-priseurs qui auront procédé aux ventes
de dresser procès-verbaux des noms et demeures des contrevenants, et
des infractions et contraventions qui auront été par eux commises, et qui
viendront à la connaissance desdits huissiers-priseurs, lesquels procès-
verbaux ils feront signer parles parties qui auront requis la vente, ou autres
personnes présentes, pour, iceux communiqués au procureur du roi, être par
lui requis et par nous statué et ordonné ce qu'il appartiendra ; et lors desdits
procès-verbaux, autorisons lesdits huissiers-priseurs à saisir les effets qui
pourraient se trouver au revindage, lotissement, révision ou revente, à y
établir séquestre aux frais de la chose, même de les faire enlever pour les
séquestrer, à l'effet de quoi leur permettons de requérir, si besoin est, aide et
main-forte de la garde.
VI. — Comme aussi, en cas de contravention aux articles 3 et 4, autorisons
les huissiers-priseurs qui procéderont aux ventes, à faire arrêter sur-le-champ
les délinquants s'il y a lieu : à l'effet de quoi, tous officiers du guet et de po-
lice prêteront main-forte et assisteront lesdits huissiers-priseurs lorsqu'ils
1. C'est-à-dire : déprécier, dépriser.
2. Suit l'énumération de l'article 1.
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS 461
en seront par eux requis, lesquels officiers du guet et de police pourront dans
lesdits cas s'introduire avec main-forte dans les maisons et endroits où l'on
procédera aux ventes sur la première réquisition des huissiers-priseursetsans
qu'il soit besoin de l'assistance d'un commissaire, à la charge néanmoins par
lesdits huissiers-priseurs de dresser procès-verbal des contraventions dans
la forme prescrite par l'article ci-dessus, et de faire conduire les contrevenants
et délinquants chez le premier commissaire pour être par lui pareillement
dressé procès-verbal et statué provisoirement ce qu'il appartiendra.
VIL — Mandons aux commissaires au Chàtelct et enjoignons aux officiers
de police de tenir la main à l'exécution de la présente ordonnance, qui sera
lue, publiée et affichée dans tous les lieux ordinaires et accoutumés de la ville,
faubourgs et banlieue de Paris et partout ailleurs où besoin sera, et notam-
ment dans les lieux où se feront les ventes, à l'effet de quoi il sera posé un
tableau sur lequel sera attaché un exemplaire de la présente ordonnance,
après néanmoins qu'elle aura été homologuée en la Cour. Pour quoi le pro-
cureur du roi se pourvoira.
Ce fut fait et donné par nous, Louis Thiroux de Crosne, chevalier, conseiller
du roi en ses conseils, maître des requêtes honoraire en son hôtel, lieutenant
général de police de la Ville, prévôté et vicomte de Paris, le 4 mai 1787.
Signé de Crosne et de Flandre de Brunville en la minute des présentes.
Délivre par nous, Alexandre Moreau, avocat en Parlement, greffier des
chambres civile et de police au Châtelet de Paris et soussigné. Pour expédition
collationnée et conforme à la minute demeurée en notre possession ; ce jour-
d'hui, 14 mai 1787.
Moreau.
ORDONNANCE de police du Châtelet, du S avril 4788, concernant l'admi-
nistration des deniers des communautés d'arts et métiers de la ville de
Paris1.
Sur ce qui nous a été remontré par le procureur du roi que par les statuts
donnés par Sa Majesté à plusieurs des nouvelles communautés créées par
l'édit d'août mil sept cent soixante-seize, dûment enregistré, il a été ordonné
que les syndics et adjoints choisiraient entre eux chaque année celui des
deux syndics qui serait chargé de la recette des deniers communs et des im-
positions royales, dont ils seraient solidairement garants et responsables; que
le receveur qui serait choisi serait tenu de rendre compte à ses commettants,
chaque jour de bureau; que les deniers de sa recette, ainsi que les pièces jus-
tificative de la dépense, seraient déposés sur-le-champ dans la caisse particu-
lière des syndics et adjoints, sous deux clefs différentes, dont une resterait au
syndic receveur et l'autre au plus ancien en maîtrise des deux adjoints, à la
déduction néanmoins de la somme qui serait jugée nécessaire pour les dé-
penses courantes; que, quant aux deniers provenant des reliquats des comptes,
ils seraient déposés dans une aulrc caisse sous trois clefs différentes, qui
{. Homologuée par le Parlement, le 5 mai U88. Arr. Pari., à cette dernière
date. — Les comptes religieux ou de confrérie étaient distincts de ceux de ju-
rande et communauté. (Voyez Réquisitoire au lieutenant général, 5 sept. 1766;
Arch. nat, Y. 9499.)
4G2 RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS
seraient remises, l'une au plus ancien en maîtrise des syndics et adjoints en
exercice, une autre au plus ancien des députés, et la troisième au syndic-
receveur; que ces règlements n'ayant point été observés exactement dans la
plupart des communautés, il s'en est ensuivi des abus très préjudiciables qui
ont donné lieu à des plaintes multiples de la part tant des députés que des
membres des communautés; qu'il s'est aussi introduit un autre désordre, les
syndics s'étant ingérés de recevoir des acomptes à la maîtrise, sans autorisa-
tion de nous, et sans en rendre compte, en sorte que les récipiendaires sont
souvent exposés à perdre leurs avances, et le roi sa portion dans le prix des
réceptions ; que ces inconvénients étant de la plus grande conséquence, le
procureur du roi estimait qu'il était nécessaire d'y remédier, et requérait à ce
qu'il y fût par nous pourvu.
Nous, faisant droit sur le réquisitoire du procureur général du roi, ordon-
nons que les statuts et règlements concernant l'administration des deniers des
communautés d'arts et métiers seront exécutés; en conséquence :
I. — Dans la huitaine de la publication de notre présente ordonnance, les syndics
et adjoints de chacune des communautés d'arts et métiers de la ville de Paris
seront tenus de s'assembler chacun dans leurs bureaux, pour, en présence d'un
commissaire du Châtelet qui sera par nous nommé, convenir entre eux de celui"
des deux syndics qui sera chargé de faire en leurs noms la recette des revenus
de la communauté et des impositions royales, duquel receveur ils seront soli-
dairement garants et responsables, sans que de ladite qualité de receveur il
puisse résulter, en faveur de celui qui en sera revêtu, aucune prééminence ni
préséance sur ses collègues. Au cas de partage sur le choix dudit receveur, le
plus ancien en maîtrise des deux syndics sera préféré.
II. — Ceux des syndics qui sont actuellement en possession de la recette ne
pourront en être dépossédés, si ce n'est dans les communautés où il y aurait
plusieurs receveurs établis, et à l'effet d'en nommer un seul dont le choix sera
fait dans la forme ci-dessus prescrite, ou pour de valables raisons dont il nous
sera référé.
III. — Au commencement de chaque année de comptabilité, et aussitôt
après l'élection des adjoints, il sera procédé, dans la même forme et en
présence d'un commissaire par nous nommé, au choix d'un receveur pour
chacune des communautés.
IV. — Il sera tenu par ledit receveur un registre journal, coté et paraphé
de nous, dans lequel il écrira jour par jour, de suite et sans aucun blanc ni
interligne, les recettes et dépenses qn'il fera ; ledit registre sera visé chaque
jour du bureau, ou au plus tard à la fin de chaque mois, par les syndics et
adjoints, et à nous représenté à toute réquisition ; et sera ledit registre pro-
duit à l'appui des comptes.
V. — 11 sera, dans un pareil délai de huitaine, établi un coffre dans chacune des
communautés d'arts et métiers, et qui sera particulier aux syndics et adjoints,
dans lequel le receveur, après avoir rendu compte de sa recette en présence
d'un commissaire au Châtelet par nous nommé, sera tenu de déposer sur-le-
champ les deniers qui se trouveront lui rester, ainsi que les pièces justifica-
tives de la dépense; ledit coffre aura deux clefs différentes, dont l'une restera
au syndic-receveur et l'autre au plus ancien en maîtrise des deux adjoints. 11
sera néanmoins laissé audit receveur deniers suffisants pour les dépenses cou-
rantes, et les deniers provenant de la recette des impositions seront déposés
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS 4G3
dans le même coffre, mais séparément. Les quittances seront toujours signées
des deux syndics ou d'un syndic et d'un adjoint.
VI. — Ledit receveur tiendra compte tous les mois dans la même forme, et
déposera de même ses deniers au coffre, et cela en présence d'un commissaire,
toutes les fois que nous le jugerons nécessaire; et dans le cas où ledit rece-
veur aurait besoin de fonds, il sera tiré dudit coffre somme suffisante pour
ses dépenses; et les rentrées et sorties des sommes seront inscrites sur un
registre qui sera déposé dans ledit coffre.
VII. — Les deniers provenant des reliquats des comptes seront déposés à
l'instant de l'arrêté d'iceux, dans une autre caisse, sous trois clefs différentes,
qui seront remises l'une au plus ancien en maîtrise des syndics et adjoints en
exercice, une autre au plus ancien des députés, et la troisième au syndic-rece-
veur; et les fonds ne pourront être tirés de celte dernière caisse pour être
remis aux syndics et adjoints en exercice, qu'en vertu d'une délibération visée
et approuvée de nous.
VIII. — Faisons défenses aux syndics et adjoints des communautés d'arts et
métiers de recevoir des acomptes sur le prix de la maîtrise, sans y avoir par
nous été autorisés, et ce sous telle peine qu'il appartiendra.
IX. — Lesdits acomptes ne pourront être payés, en vertu de nos autorisa-
tions, qu'au bureau, au syndic-receveur, en présence de ses collègues, qui en
demeureront solidairement garants avec lui, et lesdits acomptes seront à
l'instant portés sur le registre coté et paraphé de nous et déposé dans la
caisse particulière des syndics et adjoints ; et dans une caisse séparée qui sera
aussi à deux clefs différentes, dont l'une restera au syndic-receveur et l'autre
au plus ancien en maîtrise des deux adjoints.
X. — Les acomptes qui ont été ci-devant reçus par les syndics et adjoints
en exercice ou sortis d'exercice, seront rapportés et déposés sous huitaine de
la publication de notre présente ordonnance, en présence d'un commissaire
au Chàtelct par nous nommé, dans ladite caisse, et de la manière ci- dessus
prescrite; le tout à peine d'être poursuivis extraordinairement.
XI. — Faisons défenses aux syndics et adjoints en exercice de divertir lesdits
acomptes et de les employer à d'autres usages que celui auquel ils sont des-
tinés, à peine d'en répondre solidairement en leur nom personnel : et sera
notre présente ordonnance exécutée nonobstant opposition en appellation,
sans y préjudicier, et imprimée et affichée partout où besoin sera, notamment
dans le lieu le plus apparent de chacun des bureaux des communautés d'arts
et métiers.
Ce qui fut ordonné par nous, Louis Thiroux de Crosne, chevalier, conseiller
du roi en ses conseils, lieutenant général de police de la ville, prévôté et
vicomte de Paris, le cinq avril mil sept quatre-vingt-huit. Signé :
Thiroux de Crosne. De Flandre de Brunville.
ARRÊT de la Cour de Parlement, concernant les visites des syndics-adjoints
des communautés d'arts et métiers de la Ville de Paris, du 26 mars 1783 r.
"Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre : au premier huissier
de notre Cour de Parlement, ou autre notre huissier ou sergent sur ce requis ;
1. Pièce in-4°, 7 pages. Arr. Pari., à la date.
464 RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS
savoir faisons : qu'entre Jean-André Rouin , peintre artiste, appelant de l'or-
donnance du sieur lieutenant de police au Chàtelcl de Paris, rendue sur référé
en son hôtel entre lui et la communauté des soi-disant peintres-sculpteurs et
marbrier[s] de la ville de Paris, le 26 novembre 1782, qui, en ordonnant la re-
mise d'un tableau à son choix, a renvoyé à l'audience sur le surplus de la de-
mande provisoire formée par ledit sieur Roiiin en rapport des objets désignés
au procès-verbal de la prétendue jurande du 23 dudit mois de novembre, aux
chefs qui lui faisaient préjudice; et encore appelant tant de nullité qu'au-
trement du procès-verbal de saisie-jurande dudit jour 23 dudit mois de no-
vembre, ensemble de tout ce qui a précédé et suivi, aux fins de l'arrêt de notre
dite Cour, du 30 dudit mois de novembre, et exploit fait en conséquence le 3
décembre suivant, d'une part; et la communauté des soi-disant peintres-sculp-
teurs et marbriers de la ville de Paris, intimée d'autre part: et entre ledit Jean-
André Boiïin, demandeur en requête du 18 décembre 1782, tendante [à ce que],
en tant que touchait l'appel par lui interjeté de l'ordonnance du sieur lieutenant
de police du 26 novembre précédent, il fût donné acte audit sieur Roiiin de ce
qu'en expliquant les chefs dont il était appelant, il déclarait que c'était en ce
que ladite ordonnance renvoyait à l'audience sur le surplus de la demande
provisoire par lui formée à fin de remise des objets énoncés au procès-verbal
de saisie-jurande du 23 novembre lors dernier, et qu'elle n'ordonnait que la
remise d'un tableau; faisant droit sur ledit appel, il fût ordonné que l'appella-
tion et ce dont était appel seraient mis au néant; en tant que touchait l'appel
interjeté par ledit sieur Roiiin du procès-verbal de prétendue saisie-jurande
du 23 novembre lors dernier, il fût ordonné que l'édit de 1776 qui déclare la
peinture et sculpture arts libres, ensemble notre déclaration du mois de février
1777, seraient exécutés selon leur forme et teneur; en conséquence il fût fait
défenses à ladite communauté de troubler ledit fioûin dans l'art de peinture et
dépendances d'icelui; la saisie-jurande faite sur ledit sieur Roiiin fût déclarée
nulle, injurieuse, tortionnaire, déraisonnable et vexatoirc; il en fût fait pleine
et entière mainlevée audit sieur Roiiin; il fût ordonné que dans trois jours de
la signification de l'arrêt à intervenir, les syndics et adjoints de ladite commu-
nauté seraient tenus de remettre audit sieur Boiiin les pinceaux, couleurs, che-
valets, tableaux, châssis et autres objets désignés au procès-verbal de
saisie-jurande du 23 novembre précédent, les tableaux n'ayant point été
décrits, et d'après la désignation qui en serait faite par ledit sieur Roiiin des-
sus ledit procès-verbal; lesquels tableaux et autres objets seraient rendus au-
dit sieur Roiiin, à quoi faire tous dépositaire[s] contraints par toutes voies
dues et raisonnables même par corps, quoi faisant déchargé, l'huissier porteur
de l'arrêt à intervenir dressera procès-verbal à l'effet de constater la détériora-
tion arrivée auxdits tableaux pour après fixer la somme à laquelle la restaura-
tion se trouvera monter, et à cet effet ledit sieur Boiiin fût autorisé à faire
toutes ouvertures nécessaires en la manière accoutumée ; ladite communauté des
peintres sculpteurs et marbriers fût condamnée en 40,000 livres de dommages-
intérêts et en tous les dépens des causes principales, d'appel et demandes; et
attendu que ledit sieur Boiiin éprouve, par ladite saisie faite chez lui avec
scandale, un tort considérable, il fût ordonné que l'arrêt à intervenir serait
imprimé, lu, publié et affiché partout où besoin sera au nombre de trois mille
exemplaires, ou en tel autre nombre qu'il plairait à notredite Cour fixer, aux
frais de ladite communauté, et ladite communauté fût condamnée aux dépens
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS 465
des causes principales, d'appel et demandes, même en ceux du provisoire,
d'une part; et ladite communauté des peintres-sculpteurs et marbriers de Pa-
ris, défenderesse, d'autre part: Entre ladite communauté des peintres-sculp-
teurs et marbriers de Paris, demandeurs en requête du 14 janvier 1783, employée
pour réponse à celle du sieur Boùin, du 15 dudit mois de décembre, ensemble
pour fins de non-recevoir, et subsidiairement seulement pour défenses contre
les demandes y portées; ce faisant, sans s'arrêter ni avoir égard aux requêtes
et demandes et conclusions dudit sieur Boùin du 18 dudit mois dans lesquelles
ledit sieur Boiiin serait déclaré purement et simplement non rccevable,oudont
en tous cas il serait débouté, ledit sieur Roùin fût déclaré purement et sim-
plement non-recevable dans ses deux appels de l'ordonnance de référé du 20 no-
vembre précédent et du procès-verbal de saisie de contravention du 23 du même
mois ; ledit sieur Boiiin fût condamné en la grosse amende de 75 livres sur chacun
de ses appels, et où notredite Cour ferait difficulté d'adjuger ainsi, ce que ladite
communauté n'estimait pas, audit cas seulement et non autrement, les appella-
tions fussent mis[es] au néant; il fût ordonné que ce dont était appel sortirait
son plein et entier effet, et ledit sieur Boùin fût condamné en l'amende ordinaire
de 12 livres sur chacun de ses appels, et comme en Cour souveraine il faut con-
clure en toutes fins, si notredite Cour, pour sortir les parties d'affaires, voudrait
évoquer le principal, en ce cas, subsidiairement seulement et non autrement,
évoquant le principal et y faisant droit, il fût ordonné que notre édit de 1770
ensemble notre déclaration du mois de mars 1777 registrée en notredite Cour
le 21 décembre suivant, seraient exécutés selon leur forme et teneur; ce fai-
sant, déclarer bons et valables tant le procès-verbal de saisie fait à la requête
de ladite communauté des peintres-sculpteurs et marbriers le 23 novembre 1782,
ensemble la saisie en contravention y portée, d'u» chevalet, de cent soixante-
douze tableaux, deux toiles su?' châssis, quinze autres tableaux, douze bor-
dures dorées et autres objets compris et détaillés dans le procès-verbal; en
conséquence il fût déclaré acquis et confisqué au profit tant des syndics et ad-
joints que de leur communauté, conformément à l'article 36 de notre édit de
1776, tous les tableaux et marchandises saisis par ledit procès-verbal dudit
jour 23 novembre lors dernier avec amende, il fût fait défenses audit sieur
Boùin de ne {sic) plus à l'avenir récidiver, et notamment d'entreprendre en au-
cune manière quelconque sur les droits de ladite communauté sous plus grande
peine, et pour l'avoir fait, ledit sieur Boùin fût condamné en 500 livres de
dommages-intérêts envers la communauté des peintres; il fût ordonné que
l'arrêt à intervenir serait imprimé, publié et affiché partout où besoin serait
jusqu'à la concurrence de 200 exemplaires aux frais et dépens dudit sieur
Boûin, et ledit sieur Boùin fût en outre condamné en tous les dépens des
causes principales, d'appel et demandes, même en ceux du référé devant le
lieutenant général de police, d'une part, et ledit sieur Boùin, défendeur, d'autre
part: Entre ladite communauté des peintres-sculpteurs et marbriers, deman-
deurs en requête du 15 janvier 1783, tendante à être reçus opposants à l'exé-
cution de l'arrêt par défaut obtenu contre eux par ledit sieur Boûin le 21
décembre précédent et signifié à procureur le 8 du mois de janvier; faisant
droit sur l'opposition, ledit arrêt et la procédure sur laquelle il était intervenu
fussent déclarés nuls et de nul effet, au principal il fût ordonné que les par-
ties en viendraient à l'audience au premier jour, et ledit sieur Boùin, défen-
deur, d'autre part: Entre ledit sieur Boùin, demandeur en requête du 15 fé-
30
4G6 RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D ARTS ET MÉTIERS
vrier 1783, employée pour réponse, [lins de non-recevoir et subsidiairement
pour défenses contre les requêtes et demandes de la communauté des peintres-
sculpteurs et marbriers de Paris, du 4 janvier précédent; ce faisant, il ïûtdonné
acte audit sieur Boùin de ce que ladite communauté des peintres-sculpteurs
et marbriers, dans un acte signifié de procureur à procureur le 21 janvier
précédent, signé de M0 Chaumette des Fossés, leur procureur, reconnaissaient
et qualifiaient eux-mêmes ledit sieur Boiiin peintre artiste; en conséquence et
attendu qu'il résultait de cette reconnaissance qu'il ne pouvait plus y avoir de
doute que le sieur Boiiin était peintre-artiste, et que, indépendamment de cet
aveu, ils l'avaient qualifié peintre dans leur procès-verbal de saisie fait par
Ileurtin, huissier, et en celui qui paraît avoir été fait par le commissaire
Hugues; que ledit sieur Boiiin rapportait des preuves géminées qu'il était
peintre-artiste et restaurait les tableaux; que la peinture est un Art lirre; que
la saisie fourmillait de nullités; qu'il n'y avait aucune contravention de con-
statée; ladite communauté des peintres-sculpteurs et marbriers fût déclarée
purement et simplement non reccvable dans lesdites demandes ou en tout cas
déboutés ' ; au surplus les conclusions prises par ledit sieur Boiiin, par sa re-
quête du 18 décembre précédent, lui fussent adjugées avec dépens, d'une part;
et ladite communauté des peintres-sculpteurs et marbriers de Paris, d'autre
part : Entre les syndic-adjoints de la communauté des peintres-sculpteurs et
marbriers de Paris, demandeurs en requête du 20 février 1783, employée
pour réponse à celle du sieur Boiiin du 15 dudit mois, ensemble pour fins de
non-recevoir, et subsidiairement seulement, pour défenses contrôles demandes
et conclusions y portées; ce faisant, il fût donné acte aux syndic et adjoints de
ladite communauté de l'aveu fait par ledit sieur Boiiin dans sa requête dudit
jour 15 février, qu'il n'était point de leur corps; d'un aveu par lui fait dans
ladite requête, que la nullité par lui proposée contre le procès-verbal de saisie
en contravention dont est question est idéale; en conséquence, sans s'arrêter
ni ' avoir égard aux requêtes, demandes et conclusions dudit sieur Boùin, dans
lesquelles il serait déclaré purement et simplement non recevable, ou dont en
tous cas, et subsidiairement seulement, déboutés 3; les conclusions par eux
ci-devant prises leur fussent adjugées avec dépens, d'une part; et ledit sieur
Boiiin, défendeur, d'autre part: Entre ledit sieur Boùin, demandeur en requête
du 26 dudit mois de février, employée pour fins de non-recevoir, et subsidiai-
rement seulement pour défenses contre la requête et demande de la
communauté des peintres-sculpteurs et marbriers de Paris, du 20 dudit mois;
ce faisant, ladite communauté fût déclarée purement et simplement non rece-
vable dans ses requête et demandes, ou en tous cas déboutée; au surplus les
conclusions que ledit sieur Boùin avait ci-devant prises lui fussent adjugées
avec dépens, d'une part; et ladite communauté des peintres-sculpteurs et
marbriers de Paris, défendeurs, d'autre part; sans que les qualités puissent
nuire ni préjudicier.
Après que Rimbcrt, avocat de Boùin, et Delavigne, avocat des peintres de
Paris ont été ouïs, ensemble Séguier pour notre procureur général :
Notredite Cour reçoit les parties respectivement opposantefs] à l'exécution
1. SiC) pour déboutée.
2. <c N'y » dans le texte.
3. Sic, pour dùbouté.
RÉGIME DES COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS 467
des arrêts par défaut; faisant droit sur l'appel, ayant égard aux requêtes de
la partie de Rimbert, sans s'arrêter à celles de la partie de Delavigne, a mis
et met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, évoquant le prin-
cipal et y faisant droit, déclare la saisie dont est question, nulle et de nul effet,
en fait pleine et entière mainlevée à la partie de Rimbert; ordonne que les ef-
fets saisis lui seront rendus et restitués ; à ce faire tous dépositaires d'iceux
contraints, même par corps, quoi faisant déchargés; sauf à la partie de Rim-
bert à se pourvoir ainsi qu'elle avisera dans le cas où il y aurait détérioration
aux tableaux dont il s'agit ; condamne lesdites parties de Lavigne * en
■1000 livres de dommages-intérêts envers celle de Rimbert, et tous les dépens
des causes principales, d'appel et demandes, même en ceux faits sur le provi-
soire; faisant droit sur les conclusions de notre procureur général, fait défenses
à tous syndics-adjoints de communautés de se transporter dans la maison d'au-
cun particulier qui ne sera pas de leur communauté, et à tous officiers de jus-
lice de les y accompagner s'ils ne sont autorisés à cet effet par une permission
expresse et nominative du lieutenant général de police, à peine de répondre, en
leur propre et privé nom, de toutes pertes, dépens, dommages-intérêts, et autres
peines qu'il appartiendra. Ordonne que le présent arrêt sera imprimé et affiché
à la requête de notre procureur général. Si mandons mettre le présent arrêt à
exécution. Fait en Parlement le 26 mars, l'an de grâce i 783, et de notre règne
le neuvième. Collationné, signé Jolivet avec paraphe : Par la Chambre, signé Du-
franc. Le premier avril mil sept cent quatre-vingt-trois, signifié à Me Chau-
mette des Fossés, procureur, en son domicile, parlant à son clerc, par nous
huissier au Parlement, soussigné, signe Russeau avec paraphe.
Charbonnier, procureur.
ARRÊT du Parlement, du 23 février 1786, qui fait défenses aux garçons ma-
réchaux , et à tous autres, de s'attrouper ni faire aucune association, sous
quelque prétexte que ce puisse être, à peine d'être poursuivis exlraordinai-
rement.
On voit par le texte de l'arrêt, très court, qu'il s'agit spécialement
de «la ville et faubourgs de Paris», et des environs. L'Arrêt fut rendu
sur la demande de Thiroux de Crosne 2.
VII. — LA POLICE ET LA PRESSE
Gomme le Parlement et les autres Cours souveraines, le Châtelet,
bien que tribunal de justice ordinaire, a le droit de condamner au feu
t. Sic, pour Delavigne.
2. Pièce in-4°, 3 pages. — Les interdictions de ce genre sont fréquentes à cette
époque; mais elles concernent surtout la province (sociétés du Devoir, etc.). Le
23 août 1736, Hérault avait défendu aux maîtres fabricants de bas unis au corps
des bonnetiers, de se débaucher entre eux des ouvriers « lesquels, se voyant re-
cherchés, l'ont la loi, et vivent dans la licence et l'indiscipline » (Arch. nat.,
Y. 9499). En 1724, la police avait réprimé, par la prison, une grève de 4,000 ou-
vriers en bas (Barbier, t. I, p. 200-207).
468 LA POLICE ET LA PRESSE
les écrits contraires à la religion, aux mœurs, a l'État : en pareil cas,
c'est en place de Grève que l'exécution a lieu. Tel fut le cas, le 14 dé-
cembre 1775, de la Philosophie de la nature, condamnée le 9 septembre
précédent '. Mais, par suite même des délais de procédure que pouvait
entraîner l'appel, le Châtelet est ordinairement prévenu, suit par le
Parlement, soit par le Conseil du roi 2. L'arrestation des auteurs, im-
primeurs, colporteurs, etc., et la suppression effective des exemplaires
appartiennent en tous les cas à la police. D'un autre côté, comme la
clandestinité des publications rend les sentences presque toujours déri-
soires, la police finit parue plus guère agir que sur de simples ordres
ministériels, transmis également, par le directeur de la librairie, aux
syndics delà communauté des imprimeurs-libraires.
La police judiciaire, publique, avouée, veille à l'exécution des
statuts de la librairie. De plus, elle rend des ordonnances et des
sentences qui lui appartiennent en propre.
Par exemple, l'ordonnance de police du 2 juin 1735 fait défense à
toutes personnes, sous peine d'emprisonnement et de procédure extraor-
dinaire, de vendre ni distribuer aucuns libelles dans les promenades
publiques, dans les cafés, aux portes des spectacles ou des églises.
Diverses sentences condamnent à l'amende les colporteurs et étaleurs
de livres, conformément à l'ordonnance du 25 septembre 1742, qui
avait défendu toute importation subreptice de livres ou libelles dans
la ville de Paris, et toutes boutiques portatives de librairie sur les
ponts et sur les quais. Un des soins ordinaires de la police est
encore la recherche et la poursuite des gazettes ou nouvelles à la
main, dont les auteurs ou distributeurs étaient passibles du fouet et
du bannissement la première fois, et des galères la seconde, d'après
l'arrêt du Parlement du 18 mai 1745. — Dans un autre ordre d'idées,
l'ordonnance de police du 28 septembre 1734 défendait à tous libraires
et autres d'acheter aucuns livres et papiers des enfants, écoliers, ser-
viteurs, etc., sans le consentement par écrit de personnes capables
d'en répondre. Les libraires étaient tenus d'enregistrer les livres et
papiers par eux achetés, et de faire parapher leur registre par le
commissaire de quartier; ils devaient retenir les livres à eux présentés
par des personnes inconnues et suspectes, et les remettre entre les
mains des syndics. S'ils étaient appelés ù un inventaire, ils avaient à
1. 6 volumes in-12 (1770-1774), par Dclisle de Sales.
2. Daus la liste des livres condamnés ou supprimés dressée par M. Rocquaiil
{L'esprit révolutionnaire avant lu Révolu/ion, p. IJ'i 1-595), 28 arrêts du Conseil se
rapportent au régne de Louis XVI; quelques-uns seulement font double emploi
avec les arrêts du Parlement; d'autres les contredisent formellement.
LA POLICE ET LA PRESSE 469
séquestrer les ouvrages contraires aux règlements et surtout à la reli-
gion catholique, de laquelle ils devaient, d'ailleurs, faire profession,
pour être reçus à exercer leur état.
Après s'être exercé contre les jansénistes et surtout contre les insai-
sissables Nouvelles ecclésiastiques , la police executive eut aussi af-
faire, pendant le règne de Louis XVI, aux pamphlets dirigés contre
le roi et la reine, aux écrits politiques et économiques de toute sorte,
menue monnaie de Y Encyclopédie, et première forme du journalisme;
aux chansons satiriques, aux mille formes de la polémique la plus
ardente et la plus adroite. Prenant l'effet pour la cause, la police
attribuait volontiers aux écrits une dissolution politique et sociale
dont ils n'étaient que le symptôme et le ferment.
Depuis la mort de Bignon ', le troisième de ce nom qui eût été à la
tête de la Bibliothèque du roi, la charge de maître de la librairie
avait été accordée au lieutenant général de police Lenoir, conseiller
d'État (avril 1781). La partie de V Encyclopédie méthodique qui traite
des arts et métiers lui fut dédiée cette année même, et à l'article Im-
primerie-Librairie on peut lire l'éloge de cet étrange héritier des
Guillaume Budé et des Aug. de Thou. « Ses services importants, ses
longs travaux et ses lumières le rendent digne de l'honneur de veiller
à ce feu sacré du génie, qui languit s'il n'est sans cesse entretenu,
animé, augmenté. Heureusement2, M. le baron de Breteuil, ministre
et secrétaire d'Etat, en secondant les vues bienfaisantes de Sa Majesté,
et satisfaisant lui-même son goût pour la gloire des lettres et l'hon-
neur de la France, regarde comme un des plus beaux apanages de
son administration de pouvoir répondre à la vigilance active et
éclairée du nouveau bibliothécaire du roi. » D'ailleurs, cinq gardes
étaient attachés k la bibliothèque : un pour les médailles et antiques,
un pour les manuscrits, un pour les imprimés, un pour les planches
gravées et estampes, un pour les titres et généalogies. Elle était ou-
verte les mardi et vendredi matin, sauf les jours de fêtes, et deux
mois de vacances.
Pendant un an encore, jusqu'au 11 août 1785, Lenoir put agir sur
la littérature, par la corruption comme directeur de la librairie, par
les poursuites et les saisies comme lieutenant général de police.
1. Maître de la librairie de 1772 à 1784. Il avait succédé ;ï son père, lequel lui-
même avait eu la place de son frère, le célèbre abbé Bignon, nommé en 1718.
2. Cet « heureusement » répond sans doute à la réflexion du lecteur, qu'un lieu-
tenant de police est un homme bien occupé pour songer aux intérêts des lettres.
Lenoir fut d'ailleurs bientôt remplacé par de Crosne, et non par Albert, comme
on l'a imprimé récemment. (Le Correspondant, 10 mars 1887.)
470 LA POLICE ET LA PRESSE
Lorsque Thiroux de Crosne lui succéda dans cette dernière place, il
conserva la première. Conseiller d'État, notable, autant et plus maître
des gens de police que son successeur, il fut à même de maintenir
jusqu'à la Révolution les traditions et les procédés qu'il avait grande-
ment contribué à établir. Les hommes de lettres, les avocats, les
politiques, ne s'y trompèrent pas, et son nom fut continuellement
attaqué, tandis qu'on parlait assez peu de Thiroux de Crosne. L'af-
faire Kornmann lui porta un coup terrible, en dépit de l'acquittement
final dont il bénéficia. Car elle donna l'occasion à Bergasse, à Mira-
beau, de dénoncer au public tous les abus de la police parisienne, soit
sous la forme de factums et de consultations juridiques, soit dans des
écrits d'un caractère plus hardi et plus général. Ce fut, avant la Révo-
lution, une première revanche de la libre littérature ■'.
Les documents qui suivent se rapportent tous aux deux années
qui ont précédé immédiatement la convocation des États généraux.
Indépendamment des libelles et des placards publiés ou affichés
contre le roi et surtout contre la reine et ses favorites, la police eut
successivement à défendre Calonne contre le parti du Parlement et
celui de l'Église confondus dans la première assemblée des notables;
puis Loménie de Brienne contre Calonne, et Lamoignon contre les
parlementaires. Bien que l'arrêt du Conseil du 5 juillet 1788 eût en
apparence affranchi la littérature politique, en vue de la préparation
des États généraux, le zèle de la police ne fut ralenti que par les cir-
constances; ou, pour mieux dire, elle fut débordée par la multitude
des écrits, en même temps qu'elle était écrasée par l'audace imprévue
des attaques et des révélations.
LE COMTE DE KERSALAUN
ET LA POLICE *
Du lundi H juin (1787). — Ce jour il me passe sous les yeux un exem-
plaire du Mémoire à consulter et consultation pour le comte de Kersalaun...
contre le commissaire Chesnon père, défendeur, sur une question qui intéres-
sait la sûreté publique : Ce mémoire, signé du comte de Kersalaun lui-même
1. Lenoir resta néanmoins directeur de la librairie jusqu'en 1790. 11 transmit
cette charge à son gendre d'Ormesson de Noyseau (1790-1791). Enfin, en 1792, la
Bibliothèque, devenue nationale, eut pour directeurs Chamfort, et Carra, député
à la Convention.
2. Hardy, t. VII, p. 105 (Bibl. nat., mns. f. 6686). Le comte de Kersalaun était
neveu de Caradeuc de la Chalotais, dans la personne duquel Louis XVI, peu après
son avènement, avait réhabilité toute la magistrature.
LA POLICE ET LA PRESSE 471
et de Gastebris, procureur au Châlelet, et la consultation délibérée à Paris le
27 avril dernier signée de Me Thilorier, avocat, le tout formant 16 pages
d'impression in 4°, mais non distribué quoique mis sous presse chez Lottin
l'aîné et Lottin de Saint-Germain, rue Saint-André-des-Arcs, n° 27, chez les-
quels toute l'édition de 2,000 exemplaires avait été saisie à propos, ministé-
riellement, par le sieur Leprince, inspecteur de la librairie, assisté du sieur
Henry, inspecteur de police, puis transportée à l'intérieur du [château de la
Bastille, pour y demeurer supprimée, d'après une conversation qu'avait eue le
comte de Kersalaun avec M. de Lamoignon, garde des sceaux, qui l'avait dé-
terminé à abandonner son action contre le commissaire, vu qu'il n'avait
d'autre témoin de ses procédés qu'une seule femme de chambre, et qu'il don-
nerait par là lieu à une évocation au conseil, ce que le nouveau chef de la
justice annonçait être dans la disposition d'éviter autant qu'il serait en lui.
11 s'agissait dans ce mémoire, très bien fait ainsi que la consultation, de l'ex-
pédition violente ignorée du public, faite à deux heures du matin dans la nuit
du vendredi 5 au samedi 6 avril, rue de la Feuillade, par le commissaire Ches-
non père, assisté du sieur Quidor, inspecteur de police, de deux sbires et d'une
escouade de guet, dans l'hôtel où logeait le sieur comte de Kersalaun, fils d'un
conseiller au parlement de Bretagne, depuis un mois qu'il était à Paris, lui
étant alors à Versailles, — et dans son appartement où l'on s'était permis
d'enfoncer les armoires, de prendre ses papiers, etc., etc., sans exhiber con-
venablement les ordres du roi, sans en laisser de copie et sans dresser de
procès-verbal : le tout, dans le dessein de s'emparer d'un manuscrit de sa
composition intitulé : Observations sur le discours prononcé par M. de Calonne
dans l'Assemblée des notables le 27 février 1787, ayant pour épigraphe ces
mots latins : Quis talia fando... Dont il me passe en même temps que le
mémoire ci-dessus énoncé, un exemplaire des deux cents que l'auteur avait
fait imprimer en taille-douce sur des planches gravées à grands frais, puis-
qu'elles lui avaient coûté 2,000 livres, et absolument calquées sur son véri-
table caractère d'écriture, au point qu'il était difficile de ne s'y pas mé-
prendre. Cet exemplaire contenait : 1° un avis de l'éditeur; 2° une lettre au
roi ; 3° les réflexions numérotées de manière qu'on pouvait en séparer les
feuilles et les intercaler dans les pages correspondantes du discours du sieur
de Calonne, ce qui était absolument nécessaire pour mieux sentir l'objet de
chaque réflexion, qu'on pouvait bien dire être toutes à bout portant et sans
réplique ; 4° un extrait en forme de tableau des différents préambules des
édits d'emprunt depuis le ministère de M. de Calonne, savoir : de l'édit de
décembre 1783, emprunt de 100 millions; de l'arrêt du Conseil du 14 mars
1784; de l'édit d'août 1784, caisse des amortissements ; de l'édit du 30 dé-
cembre 1784, emprunt de 125 millions; de l'édit de décembre. 1785, emprunt
de 80 millions ; 5° enfin la lettre écrite par M. le comte de Kersalaun à M. de
Calonne le 6 avril 1787...
N. B. Quoique le sieur comte de Kersalaun, par exploit du 25 avril dernier,
eût fait assigner au Chàtelet de Paris le commissaire Chesnon père, tant par rap-
port à l'irrégularité révoltante de toute son opération que par rapport à l'ex-
tension très répréhensible par lui donnée aux prétendus ordres qu'il pouvait
avoir reçus, et aux vexations odieuses qui s'en étaient suivies, il se trouvait
les bras absolument liés par l'Administration, qui avait, en obviant à la pu-
blicité de son mémoire, usé de tous les autres moyens ordinaires pour em-
472 LA POLICE ET LA PRESSE
pêcher qu'il ne pût se faire rendre justice, autrement qu'en obtenant de
M. le Garde des sceaux promesse que le commissaire et l'inspecteur de
police seraient l'un et l'autre vivement réprimandés, promesse qui avait eu
toute son exécution1.
LIEUX PRIVILÉGIES
L'arrêt du Conseil du 4 septembre 1787 ordonna l'exécution, dans
les lieux privilégiés aussi bien qu'ailleurs, des règlements concer-
nant le commerce de la librairie. Quelque temps après, la police fait
arrêter « dans le Palais-Royal quatre débitantes de livres dont la
femme Morin, pour avoir soi-disant fourni à quelques personnes des
exemplaires imprimés du mémoire justificatif du sieur de Galonné,
et de celui du lord Gordon en faveur des sieur et dame de Lamotte,
actuellement à Londres2 ». A la même époque le marquis Ducrest,
chancelier du duc d'Orléans, fut mis à la Bastille comme auteur avoué
de mémoires publics, qui défendaient la conduite du duc d'Orléans
dans l'affaire du Parlement ; du même coup l'imprimerie Hoffmann
(dite polylype) fut fermée.
LECTURE PUBLIQUE
Vers une heure après midi, un officier du régiment des gardes suisses de
service au palais, ayant voulu imposer du silence à un particulier qui y lisait
tout haut différentes pièces de Bretagne, et qui se trouvait environné d'une
trentaine d'autres particuliers ; le lecteur ayant voulu le prendre sur le haut
ton avec l'officier, et celui-ci après quelques menaces ayant jugé devoir ap-
peler près de lui un certain nombre de ses fusiliers, éprouve à leur arrivée
une huée des plus complètes de la part du public, qu'il ne parvient à calmer
qu'en se réduisant au silence et faisant retirer insensiblement ses fusiliers,
par le conseil' de quelques officiers du régiment des gardes françaises plus
1. De Kersalaun publia peu après, la môme année, son Mémoire aux notables,
sous le titre : Ni emprunts, ni impôts (Londres 1787, 31 p. in-8°). Lorsque le
Parlement fut exilé à Troyes, il y alla plusieurs fois. Le 3 septembre 1787, il fut
arrêté par l'inspecteur Henri à l'hôtel d'Aligre (rue Bailleul), et, après perquisi-
tion et saisie nouvelles de ses papiers, enfermé à la Bastille. C'est malgré lui
qu'il en sortit, au bout de quinze jours, à la sollicitation des députés de la pro-
vince de Bretagne. «11 avait opposé la plus vigoureuse résistance en refusant de
répondre au sieur baron de Breteuil... qui avait voulu l'interroger, étant d'abord
résolu d'y demeurer et de demander des juges pour que son procès lui lut fait
et parfait, s'il était vraiment coupable. »
2. La dame de Lamotte était partie, ouvertement de la Salpêtrièrc le (i juin
1787. Le bruit courut qu'elle et son mari avaient reçu 300,000 livres d'indemnité,
que la princesse de Polignac était allée négocier à Londres la remise de papiers
et de mémoires compromettants, etc.
LA POLICE ET LA PRESSE 473
prudents que lui, qu'il avait cru enfin devoir consulter. On craignait beau-
coup, si les choses ne se pacifiaient point, de voir dans la capitale, au moment
peut-être qu'on s'y attendrait le moins, quelque explosion populaire et tumul-
tueuse à laquelle il ne paraissait manquer qu'une occasion ou un prétexte '.
PAMPHLETS ET PLACARDS SAISIS *
La police de la capitale fait chercher très soigneusement l'édition d'un
nouvel écrit composé tout exprès pour contrarier les opérations destructives
des ministres, soi-disant intitulé : Avis du peuple au roi et au Parlement, en
réponse à un autre écrit distribué par l'Administration, portant pour titre :
Avis au peuple. On assurait que l'archevêque de Sens, principal ministre
d'État, avait osé déclarer qu'il ne pouvait échouer dans son projet, étant dé-
terminé à employer deux moyens puissants et immanquables selon lui, la
séduction et la force (27 juin 1788).
Tout le monde parlait lias d'un affreux placard trouvé, disait-on, le dimanche
précédent, sur le soir, affiché au-devant de la loge de la reine dans la salle du
Théâtre-Italien, dont on remarquait encore l'empreinte sur cette loge. Ce pla-
card écrit en lettres majuscules, et qui avait pu être lu d'un grand nombre de
personnes lorsque tout avait été allumé, contenait ces mots adressés à Leurs
Majestés, le roi et la reine : Tremblez-, tyrans, voire règne va finir. Il donnait
lieu à de soigneuses recherches, à de grandes perquisitions (1er juillet 1788).
Vers deux heures après midi ', le sieur Lcmaître, ancien avocat de Rouen,
l'un des quatre secrétaires des finances et secrétaire du roi du grand Collège,
a été arrêté avec le plus grand éclat chez lui, dînant avec son épouse, rue
Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, par un commissaire accompagné d'un inspec-
teur et d'observateurs de police, et conduit de l'ordre du roi dans les prisons
du château de la Bastille, après examen t'ait de tous ses papiers et scellé ap-
posé sur iceux en sa présence... C'était un homme de beaucoup d'esprit qui
avait de grandes protections et dont M. le garde des sceaux, qui ne l'aimait
pas, redoutait aujourd'hui la plume. C'était la troisième fois qu'on l'emprison-
nait ministéricllement : car il l'avait été en 1771 pour la Requête des Nobles
de Normandie* (2 juillet 1788).
On apprend que la veille 5, vers six heures du matin, un préposé de la police,
accompagné de plusieurs soldats du guet de la garde de Paris, avait levé de
dessus la porte de l'église paroissiale de Sainte-Croix en la Cité, rue de la
Vieille-Draperie, vis-à-vis la rue aux Fèves, un grand placard qu'on y avait
affiché pendant la nuit, portant ces mots 6 : Le roi est averti qu'il y a une
révolte d'arrêtée pour le 30 juillet ; nous sommes déjà 15,000 hommes, et peut-
1. Hardy, t. V11I, p. 10 \± juillet 1788).
2. Ibidem, aux dates.
3. Le 1er juillet.
4. Sur Lemaitre, voir : Hardy, t. VI, 14 décembre. 1785 et 15 janvier 1786. Et
plus haut, p. 2(11).
5. 2 juillet 1788.
6. Ici, daus le manuscrit, quelques poiuts, indiquant que la citation n'est pas
intégrale.
474 LA POLICE ET LA PRESSE
être à la fin du mois serons-nous 30,000. Le roi fera bien d'augmenter le
nombre de ses troupes. On prétendait qu'il en avait été encore levé d'autres
près de l'église Notre-Dame qui étaient soi-disant écrits avec de l'encre rouge
(3 juillet).
L'arrêt du S juillet 1788, publié le 8 à Paris, concernant la convocation
prochaine des États généraux, est regardé comme une espèce de somnitère
administré finement au peuple français par M. de Loménic de Briennc...
L'administration semblait demander de bonne foi, et avec une sorte d'em-
pressement de se les procurer le plus promptement possible, aux officiers
municipaux des villes, aux différentes assemblées provinciales du royaume,
enfin aux membres des académies des sciences, des mémoires ou renseigne-
ments sur toutes les dispositions à faire par rapport aux arrangements prati-
cables pour préparer les voies à la convocation, composition et tenue des
États généraux du royaume, annoncée comme proebaine, sans qu'on en dé-
terminât l'époque plus prompte ou plus précise que celle déjà précédemment
annoncée par le roi pour l'année 1791, et quoique des gens qui se disaient
bien instruits assurassent que les ministres, loin de décider sincèrement que
cette convocation eût jamais lieu, étaient fermement résolus de travailler
sourdement à l'éloigner le plus qu'ils pourraient ou même à en empêcher
totalement le succès (8 juillet 1788).
Ce jour on apprend que le nommé Lacloyc, libraire établi rue du Monccau-
Saint-Gervais, venait d'être arrêté et mis à l'hôtel de la Force pour l'Apologie
de la cour plénière dont il était convenu d'avoir débité une douzaine d'exem-
plaires, et dont les ministres paraissaient désirer vivement d'empêcher la cir-
culation (12 juillet 1788).
A la date du 18 juillet, Hardy signale la « multitude de méprisables brochures
dont les ministres ne cessaient d'infecter la société, en les répandant avec
profusion, pour tâcher de faire prévaloir sur tous les anciens principes leur
système destructeur de la constitution nationale... Je parviens enfin à lire,
dans une maison où je me trouve, non sans beaucoup d'impatience et bien du
dégoût, le libelle diffamatoire lancé depuis du temps par l'administration
contre la magistrature, et distribué avec une coupable profusion non seule-
ment dans l'enceinte de la capitale, les faubourgs et ses environs, mais encore
dans les différentes provinces du royaume, et mis avec une criminelle affec-
tation dans les mains du plus bas peuple : n'ayant d'autre litre que celui-ci
placé en lettres majuscules tout au commencement du discours : Au peuple
français sur ses vrais intérêts (in 8°, 15 p.), avec ces mots pour épigraphe
en caractères italiques : J'adore Dieu, j'aime mon roi, je sers ma patrie,
Épigraphe démentie d'un bout à l'autre de cette production infâme... que l'on
vendait 6 sols aux amateurs comme aux contempteurs, et qui commençait
ainsi : Peuple, on vous trompe, etc...' 11 n'était guère possible de réunir dans
un seul écrit plus d'horreurs et plus d'atrocités contre la magistrature... »
Le 20 juillet, il est question d'un pamphlet, peu répandu et très
recherché, contre le garde des sceaux : « Les mânes de la présidente
Lemairat à Chrétien de Lamoignon, ci-devant président à mortier du
parlement de Paris... » On y opposait « le représentant du sieur de
Maupeou, chancelier de France », promoteur des nouveaux, édits, au
LA POLICE ET LA PRESSE 473
courageux magistrat qui en 1771 avait si bien défendu les préroga-
tives parlementaires '.
Le 25 juillet, il circule des copies d'une prétendue prophétie du
XVe siècle, trouvée soi-disant en Hongrie dans le tombeau de Jean
Regio-Montanus, et annonçant pour 1788 que « tous les royaumes du
monde iraient sens dessus dessous ».
Le 29 juillet, cinq libraires sont mis à la Force, et la veuve Poilly,
libraire du Palais, est mise à Sainte-Pélagie pour la distribution
d'un ouvrage intitulé : le Prince bien-né.
Le 30 juillet, la Gazette de Lerjde est interdite en France, vraisem-
blablement pour avoir publié le récit de « la fameuse rixe élevée
entre le roi de Naples et son épouse archiduchesse d'Autriche », sœur
de Marie-Antoinette.
Dans la nuit du 3 au 4 août, un des libraires arrêtés ayant essayé
de se couper la gorge, ils sont tous transférés à Charenton. Les ar-
restations de colporteurs, etc., se multiplient, et l'on surveille étroite-
ment les presses de la capitale, de peur qu'il n'en sorte, comme en
1771, quelque victorieux pamphlet propre à contrarier ou à dérouter
même tout à fait les ministres dans leur inconcevable opération.
Il me passe sous les yeux un avis imprimé que les syndic et adjoints de la
communauté des libraires et imprimeurs de Paris avaient fait porter dans
toutes les imprimeries, le 16 du présent mois, d'après une lettre qui leur avait
été adressée par M. de Lamoignon, garde des sceaux de France, portant dé-
fenses d'imprimer un mémoire apologétique de M. de Messine dans le cas où
ce mémoire viendrait à leur être présenté, avec ordre d'en avertir aussitôt
M. le lieutenant de police. Ce sieur de Messine, qu'on assurait être fort instruit
surtout ce qui pouvait concerner la fameuse révolution de 1771, possédait,
disait-on d'ailleurs, au suprême degré le talent d'écrire avec force, avec
énergie, et sa plume infiniment plus redoutable encore que celle du sieur Ber-
gasse, devait assez naturellement être enchaînée et réduite à l'inaction par
M. le garde des sceaux dans les circonstances actuelles. On n'avait guère vu les
ministres réussir aussi bien que dans la circonstance présente à empêcher la
publication des ouvrages qui pouvaient leur nuire en les démasquant
(22 août)2....
Ce jour (lundi 22 septembre 1788), dès 5 heures du matin, un commissaire
et un inspecteur de police font par ordre de l'administration une descente et
une perquisition chez la demoiselle Dubuisson, brocheuse de livres, demeurante
rue Saint-Jacques vis-à-vis la rue du Plâtre dans la maison dite de la Vieille-
Poste, relativement à la charmante comédie intitulée la Cour plénièrc >, dont
1. Vendu de 36 sous à 3 livres (pièce in-8°, 23 p.) — Hardy en fait un extrait
assez long au t. VIII, p. 23 (date du 22 juillet).
2. Hardy, t. VIII, p. 53.
3. Attribuée au chevalier de Rulhière : cette seconde édition forme 1 vol. in-8°
476 LA POLICE ET LA PRESSE
on avait commencé, le vendredi précédent (19 septembre), à distribuer au
prix de 3 livres l'exemplaire une nouvelle édition, tandis que la précédente
s'était vendue jusqu'à un louis d'or et plus. On en trouva malheureusement
chez cette demoiselle six à sept cents exemplaires. Après la saisie et la rédac-
tion du procès-verbal, elle est conduite chez le sieur Thiroux de Crosne, lieu-
tenant général de police. Elle y demeure jusque vers 5 heures du soir, qu'elle
est conduite à l'hôtel de la Force, n'ayant déclaré autre chose, si ce n'est
qu'un gagne-deniers qu'elle ne connaissait point lui avait apporté les
feuilles encore toutes mouillées de cet ouvrage, dont il l'avait prévenue qu'il
viendrait chercher les exemplaires brochés un jour qu'il lui avait indiqué. On
avait, disait-on, donné à entendre à la demoiselle Dubuisson qu'elle ne serait
pas longtemps prisonnière. Elle sortit de prison le mercredi suivant (24 sep-
tembre) à 9 heures du soir, sans interrogatoire et sans frais.
C'est le jour même où le Parlement de Paris avait solennellement
repris ses fonctions interrompues. Les colporteurs précédemment
arrêtés recouvrèrent également la liberté.
Ce jour (27 octobre 1788), on apprend que, dans la nuit précédente, les
commis des fermes générales, préposés à la garde des barrières Saint-Jacques
et Saint-Michel, avaient saisi dans une espèce de souterrain, près de l'aqueduc
du village d'Arcueil, 000 exemplaires d'un imprimé tout nouveau, portant
soi-disant pour titre : Lettre d'un Parisien à un Français; mais que le con-
ducteur dépositaire de cet écrit prohibé s'était fort adroitement esquivé par
une espèce de trou, à travers lequel il paraissait des plus surprenants qu'il eût
pu se faire un passage '.
Le 29 octobre, vers cinq heures, on déposa dans une salle inté-
rieure de la Bastille « une charretée de paquets d'exemplaires d'un
ouvrage nouveau, dont on ne disait point le titre, soi-disant imprimé à
Versailles, et saisi chez la demoiselle Champion, brocheuse de livres,
rue Saint-Jacques ». C'étaient les Observations de l'abbé de Mably
(6 vol. in-122)-
Le 2 novembre Hardy reçoit copie 3 d'une lettre du nouveau direc-
teur de la librairie, Poitevin de Maissemi4, portant :
Oue l'intention de M. le garde des sceaux (de Barentin) était que, jusqu'à
nouvel ordre, on empêchât toute circulation dans le royaume, et, à plus forte
raison, toute impression de la collection des œuvres de feu le roi de Prusse,
quelle qu'en fût l'édition. — Et recommandation de ne négliger aucunes pré-
de 110 pages (à Baville, et se trouve à Paris, chez la veuve Liberté, etc., 1188).
1. Hardy, l. VIII, p. 127.
2. Hardy, t. VIII, p. 130 <M octobre 1788),
'.i. Par l'entremise des syndic et adjoints de la Librairie,
i. Il avait succédé à Vidaud de Latour le :S1 octobre 1788.
LA POLICE ET LA PRESSE 477
cautions pour l'exécution exacte et rigoureuse de cet ordre, dont on ne pou-
vait pénétrer le motif.
A l'époque 'de la rentrée solennelle du Parlement (12 novembre),
on vendit le portrait de d'Eprémesnil; mais la vente de celui de Ber-
nasse fut interdite, à cause du quatrain :
Fidèle à l'amitié, fidèle à la Patrie,
Il apprit aux Français à rougir de leurs fers;
Et, fort de sa vertu, puissant par son génie,
Il fut l'appui du juste et l'effroi des pervers r.
Le 15 novembre, Hardy mentionne la Dénonciation au public, à ï occa-
sion de quelques écrits anonymes, particulièrement d'une comédie ayant pour
litre : la Cour plénière, calomnieusement attribuée à M. Bergasse, avec des
détails sur sa retraite en Suisse, l'époque et les motifs de cette retraite, des
réflexions sur le danger de ce qu'on appelle les Bulletins a la main, etc., et les
moyens sourds qu'emploie une cabale pour favoriser et faire renaître les anciens
abu$ de la police: suivie de la Lettre missive aux Notables, datée de Paris le
12 novembre 1788, signée : Patriophile. — A Paris, novembre 1788, ayant,
pour épigraphe ces vers tirés de la fable de La Fontaine, intitulée le Serpent
qui veut mordre la Lime :
Plutôt que d'emporter de lui
Seulement le. quart d'une obole,
Ils se rompraient toutes les dents...
Il est pour eux d'airain, d'acier, de diamant.
...Le tout formant cinquante-huit pages d'impression in-8°,jy compris un aver-
tissement très essentiel placé avant la dénonciation. Sans prix fixe : lant les
personnes intéressées faisaient d'efforts pour en arrêter la circulation, qui avait
eu lieu néanmoins en partie, surtout à la Cour, et dans l'Assemblée des Notables...
L'auteur de cet écrit en style de diatribe, que l'on croyait être le sieur Ber-
gasse lui-même, actuellement à Lyon dans sa famille, où il faisait des remèdes
pour sa santé, en rendant compte au public de toutes les persécutions qui lui
étaient suscitées, et des motifs de son évasion en août dernier, lorsqu'il avait
été averti du dessein formé de l'arrêter et de l'emprisonner le 14 du même
mois d'août, s'appliquait à faire connaître de plus en plus et à démasquer, par
exposé de faits avérés, les sieurs Lenoir, conseiller d'État, ci-devant lieutenant
général de police, et de Flandre de Brunville, procureur du roi au Châtelet,
aspirant à cette dernière place qu'occupait actuellement le sieur Thiroux de
Crosne, ainsi que le sieur Caron de Beaumarchais, l'ami de ces deux magistrats.
On s'était appliqué soi-disant à faire pénétrer cet écrit chez les grands, parce
qu'on savait bien qu'il devait infailliblement produire sur leurs esprits la plus
grande sensation : et il fallait convenir qu'à la vérité il devenait intéressant,
précieux même dans les circonstances, attendu les singulières anecdotes qu'il
contenait.
1. Hardy, t. VIII, p. 145.
478 LA POLICE ET LA PRESSE
Une sentence du Ghàtelet, du 21 novembre 1788, condamna cet
écrit, et ordonna une information contre ceux qui l'avaient composé,
vendu ou distribué.
Lettre de M. Maissemi aux Officiers de la Librairie
27 janvier 1789 j
Elle portait en substance, dit Hardy, qu'ils eussent à donner tous leurs soins
pour qu'aucun imprimeur, et même aucun imprimeur du Roi, ne réimprimât
un Règlement pour les États généraux, et des lettres de convocation qui allaient
incessamment sortir des presses de l'imprimerie royale, ni même aucun autre
objet sorti des mêmes presses et publié par ordre du Gouvernement, à moins
que celui qui les réimprimerait ne justifiât d'une autorisation expresse et par-
ticulière signée de M. Anisson-Duperron, directeur de l'imprimerie royale;
l'intention très sévère de M. le garde des sceaux étant de ne tolérer aucune
contravention à cet égard.
Le 10 avril 1789, la police interdit, par lettre circulaire adressée
aux libraires, l'impression, réimpression, ou vente des écrits suivants :
1° Procédure criminelle suivie au présidial de Rennes, à l'occasion
des émeutes des 20 et 27 janvier dernier;
2° Discours de M. le comte de Guibert (à l'assemblée du Berry),
intitulé : Projet de discours d'un citoyen à l'assemblée des trois ordres
du Berry ;
3° Première leçon du fils aîné d'un roi, etc. (Bruxelles, 1789.)
Le 16 avril, est interdite la publication du Patriote français, ou
Journal libre, impartial et national, dont le prospectus seul avait paru,
et pour lequel il n'avait pas été obtenu de permission.
VIII. — LA SÛRETÉ
Parmi les vingt inspecteurs en charge, pourvus de provisions
royales, et qui prêtaient serment en justice, il y en avait trois plus
spécialement commis à la sûreté de la capitale. Ce service cen-
tralisait les renseignements sur les suspects, sans distinction aucune
entre les crimes ou délits de droit commun, et ce que l'on nommait les
crimes d'État. Organisé par Berryer, en 1740, il fut accueilli d'abord
avec la plus grande faveur ; en fait il contribua beaucoup à débarras-
ser la capitale des bandes de scélérats et de voleurs qui l'infestaient.
En 1770, les trois inspecteurs de sûreté n'avaient encore à eux que
trente hommes; mais il va sans dire que toute la police, le guet, la
1. Hardy, t. VIII, p. 154.
LA SÛRETÉ 479
garde, leur devaient main-forte '. Comme la moindre condamnation
des voleurs ou de ceux qui étaient véhémentement suspects de vol
était l'interdiction de séjourner dans Paris ou à la suite de la cour,
il était essentiel de reconnaître les condamnés en rupture de ban, et
de surveiller leur conduite ultérieure : d'un autre côté, Paris devint
comme un grand filet pour les malfaiteurs des provinces, et c'est ce
qui explique la proportion considérable des condamnations ca-
pitales prononcées par le Chàtelet dans la seconde moitié du
XVIIIe siècle2.
Des assassins, des voleurs, des vagabonds et des mendiants, l'in-
spection de police ne tarda pas à se porter aussi sur certains métiers
regardés comme suspects en principe, comme les revendeurs et bro-
canteurs ambulants, distincts des fripiers : pour prévenir les recels,
ils devaient, après avoir obtenu une autorisation de circuler signée d'un
commissaire, tenir des livres réguliers, avec' mention du nom des
personnes qui leur vendaient des effets. Les logeurs étaient aussi obli-
gés de tenir des registres, et de les mettre à la disposition des in-
specteurs ou de leurs agents. « Les inspecteurs de police, pour se faci-
liter l'entrée des maisons pendant la nuit, ont la permission de se servir
de crochets et autres instruments pour en ouvrir sans bruit les portes
extérieures et intérieures, pourvu que ce soit en présence d'un commis-
saire, qui autrement, et en cas de résistance de la part de ceux qui les
habitent, a l'autorité de les faire enfoncer 5. » Des dénonciations régu-
lières, des suspicions légitimes, en un mot tout ce qui détermine
aujourd'hui le mandat d'amener, n'étaient aucunement nécessaires
pour procéder à des arrestations et à des emprisonnements : dans
les maisons de force on retient « ceux qui ont essuyé des procès pour
1. Le guet comprenait 139 archers, dont 39 à cheval, et faisait le service de la
juridiction ordinaire. — La garde de Paris était composée de 3 compagnies d'or-
donnance, dont une de cavalerie (un millier d'hommes en tout). — Les environs
de Paris étaient gardés par la compagnie du prévôt général de l'Ile-de-France
(8 brigades de 4 ou 6 hommes chacune, dont une, avec un inspecteur, restait à
Paris).
2. Le bureau de la sûreté, fondé par M. Berryer, est destiné «à procurer à
tous les particuliers qui peuvent avoir été volés la faculté de faire, sans frais,
parvenir leurs plaintes et leurs observations... Les commissaires distribués dans
chaque quartier sont (depuis cet établissement) obligés de recevoir gratis les dé-
clarations des particuliers sur les vols qui peuvent leur avoir été faits, et de les
faire passer à ce bureau ». Les affaires sont suivies partes inspecteurs de police.
La Ville est divisée pour ces recherches en trois départements, Nord, Sud et Centre.
Le bureau est rue Saiut-Honoré, prés la rue Tirechape. (Voyez Jèze, État de Paris
en 1760, I, p. 1 15.)
3. La Police en 1770, p. 79.
480 LA SUR ETE
crimes, mais contre lesquels il ne s'est point trouvé de preuves suf-
fisantes pour les condamner ». Dans les maisons de correction ou de
prévention, dans les « retraites forcées ' », la police détient aussi des
prisonniers, à la sollicitation des familles ordinaires 2 (c'est-à-dire
bourgeoises), où du peuple. Bicètre et Gharenton sont pour les
hommes; Sainte-Pélagie, la Salpêtrière, les Madelonnettes, sont pour
les femmes. « Pour les personnes des deux sexes, mais seulement
dans certaines circonstances qui intéressent le gouvernement », il y
a « le château de la Bastille et celui de Yincennes près Paris î ». La
Bastille ne fait donc pas seulement partie du gouvernement absolu :
elle est aussi une institution paternelle 4. C'est parce qu'il est le père
de tous ses sujets (Louis XVI l'a souvent entendu dire et répété) que le
roi en personne exerce à leur égard le droit de correction, qu'il pré-
vient et modère les coups flétrissants de la justice. La Bastille n'a
rien d'infamant. Comme on y entre et qu'on en sort sans jugement,
elle sert aussi bien à mettre à l'abri de grands coupables, comme le
cardinal de Roban, qu'à séquestrer des intrigants, comme Latude.
Gardons-nous d'attribuer à la police elle-même les injustes et
odieuses conséquences du pouvoir arbitraire et absolu. La police est un
instrument, et c'est à la main qui le dirige que remonte la responsa-
bilité historique de ses actes particuliers. Mais tel n'était pas, tel ne pou-
vait être le sentiment populaire. La police de Paris sombra dès le début
de la révolution, parce qu'elle avait été employée à trop de besognes
politiques pour n'avoir pas compromis de* toutes façons l'autorité
qu'elle pouvait tirer de sa fonction sociale. Il fallut pour la remettre
non sans doute en honneur, mais à sa place, la subordonner entière-
ment à la municipalité, et faire de l'ancien lieutenant général de po-
lice un lieutenant du maire de Paris.
REGISTRE D'INSPECTEUR DE POLICE
Nous, conseiller d'État, lieutenant général de police de la ville, prévôté et
vicomte de Paris, avons le présent registre, contenant deux cent quinze feuil-
1. Expression de Jèze (ouv. cité, p. 379) qui en donne la liste après les maisons
de retraites religieuses.
2. La Police en 1770, p. 84.
3. Jèze, ibid.
4. Le fds du maréchal de Ségur, ministre de la guerre, questionné à l'Opéra
sur le bruit qui courait de la démission de son père (1787), répondit inconsidé-
rément « qu'il ne serait pas étonnant que son père donnât sa démission, puisque
le roi donnait bien la sienne ». Ce propos fut entendu et le jeune homme mis à
la Bastille, où il ne demeura, il est vrai, que trois jours. (Hardy, t. VII, p. 85.)
LÀ SÛRETÉ 481
lets, colé et paraphé par premier et dernier pour servir au sieur Santerrc,
inspecteur de police, à inscrire jour par jour, et sans aucuns blancs, les rap-
ports qu'il nous fera sur les mémoires et autres affaires que nous lui renver-
rons concernant le quartier Saint-Denis dont nous l'avons chargé.
Fait à Paris en notre hôtel le vingt-huit jours [sic) mil sept cent soixanlc-
dix-neuf.
Lenoir '.
HAUTE POLICE DE SÛRETÉ POLITIQUE
L'on rapportait que M. Thiroux de Crosne, lieutenant général de police,
s'était transporté chez le sieur Lcchantcur, conseiller au Parlement de la
deuxième chambre des enquêtes, gendre du sieur Robert de Saint-Vincent,
conseiller de grand'chambre, pour lui faire une espèce de remontrance sur ce
qu'il recevait chez lui d'autres conseillers au Parlement ses confrères, cher-
chant à lui faire envisager sa conduite comme une sorte de crime; mais que
ce jeune magistrat avait répondu avec fermeté à ses représentations déplacées,
et d'une manière que le sieur Thiroux de Crosne ne pouvait guère s'applaudir
d'avoir rempli une semblable mission *.
MOUVEMENT POPULAIRE RUE DES LOMBARDS
10 JUIN 1788
Ce jour, vers 3 heures après midi, il se fait un léger mouvement populaire dans
le quartier de la rue des Lombards, à l'occasion de quelques moissonneuses pas-
sagères dans la capitale, que des observateurs de police avaient entrepris d'ar-
rêter, probablement comme pauvres mendiantes. Trois forts de la halle ayant
commencé par prendre leur défense et la populace s'étant de suite unie à eux,
ces observateurs avaient été obligés de les lâcher, puis avaient été conduits
eux-mêmes dans une voiture de place chez le commissaire Ferrand, de ladite
rue des Lombards, par trois brigades du guet à cheval, et deux escouades du
guet à pied : d'où l'on avait fait semblant, pour calmer le peuple, de les con-
duire en prison, où l'on était bien persuadé qu'ils ne feraient pas un long sé-
jour \
Le '15 juillet 1788 «on apprend que dans la nuit précédente, de 2 heures
après minuit à 5 heures du matin, les douze députés de la Noblesse de Bretagne
qui sollicitaient vainement depuis près de quinze jours une audience du roi et
n'avaient pu l'obtenir, avaient été arrêtés chacun chez eux de l'ordre du roi et
conduits dans les prisons du château de la Pastille par trois inspecteurs de
police dont on ne connaît que deux, les sieurs Quidor et Vaugicn, soutenus de
leurs émissaires, ainsi que du chevalier Dubois, commandant du guet de la
garde de Paris, et de ses cavaliers».
Ils avaient réuni secrètement, le dimanche précédent (13 juillet), dans une
t. Arch. de la préfecture de police.
2. Hardy, 1. VII, p. 137 (13 mai 1788).
3. Hardy, t. VII, p. 481. — Voir même tomo, p. i7l) (à la date du (i juin}, l'ar-
restation et la délivrance «d'un grand jeune homme », près la grille du Palais.
• 31
482 LA SURETE
maison tierce «plusieurs autres seigneurs bretons qui se trouvaient clans la
capitale, auxquels s'étaient joints encore quelques grands de la Cour, pour se
concerter, et aviser aux moyens de rendre leurs démarches et leurs sollicita-
tions efficaces ».
On n'avait pas manqué de présenter la chose sous les couleurs les
plus noires à un souverain qui ne voyait déjà autour de lui que
complots.
Les seigneurs présents à celte réunion lurent disgraciés, et le bruit
courut même que le marquis de Lafayette n'avait échappé à la Bastille
que par la fuite. Enfin dix-huit députés de la commission intermédiaire
de Bretagne, arrivés pour soutenir leurs concitoyens, reçoivent le
23 juillet l'ordre de ne pas dépasser Saint-Denis et de ne pas entrer dans
la capitale. Ils fureni cependant, Je 30, reçus à Versailles, et le roi
leur lit une réponse publique, peu rassurante pour la Bretagne, le 31
juillet ; elle fut distribuée à Paris le 5 août.
PRÉVISION DE RÉVOLTES
On parlait avec inquiétude et mécontentement de l'approche de plusieurs ré-
giments de cavalerie près de la capitale, dont un, celui du Royal-Picdmont,
était déjà arrivé à Charcnton, et un autre à Villejuif, pour être distribués dans
les villages circonvoisins, grêlés ou non grêlés, à l'effet de contenir, soi-disant,
par la crainte, les habitants du faubourg Saint-Antoine, ainsi que ceux du fau-
bourg Saint-Marcel, et d'empêcher les mouvements qu'on prévoyait pouvoir
être excités, d'après le taux forcé auquel l'administration se proposait de faire
monter le prix du pain, qu'on voyait augmenter graduellement de jour en
jour.
Le 7 septembre 1788, le pain de 4 livres est à 11 sols, toujours avec an-
nonce de plus forte augmentation... On n'entendait parler dans les marchés et
parmi le petit peuple que de révoltes futures, soi-disant concertées pour le
commencement de l'hiver.
Les habitants de la campagne parisienne, déjà molestés par la
grêlé du 13 juillet, se voyaient ruinés par l'occupation militaire '.
EXTRAITS de la séance plénière du Parlement du 24 septembre 1788 2.
I. — Exposé lu au Parlement, par le major du guet, de ce qui s'est passé à
Paris depuis qu'on y a reçu la nouvelle de la nomination de M. Necker au
ministère.
Dans l'après-midi du 26 août, la garde de Paris ayant eu connaissance que
l'on tirait beaucoup de pétards et de fusées dans la place Dauphine en donna
t. Hardy, t. VIII, p. 'ri et 73.
2. Aivli. nal., X 1b 8989.
LA SÛRETÉ 483
sur-le-champ avis à son commandant, lequel donna ordre à M. Seigneur,
premier aide-major de ladite garde, de s'y transporter avec de petits déta-
chements de sa troupe pour maintenir l'ordre et. prévenir les suites que pour-
rait avoir une gaieté à la faveur de laquelle se commettaient beaucoup de dés-
ordres. M. Seigneur arriva vers sept heures du soir, et trouva une grande
quantité de jeunes gens de tous états occupés à forcer les habitants à illuminer
la façade de leurs maisons. Ils criaient : Vive le Roi! et n'annonçaient que vou-
loir se réjouir.
Pour ne point paraître contrarier leurs intentions, ni surveiller de trop près
leurs actions, l'officier se retira avec sa troupeau poste voisin du Marché-Neuf,
d'où il envoya informer le commandant de ce qui se passait. 11 en reçut la ré-
ponse «de ne les point troubler tant qu'ils ne commettraient pas de désordre»,
et dans cette journée tout se réduisit à cette sorte de réjouissance.
Le mercredi 27, le même ordre subsista de les laisser se réjouir tant que
personne ne s'en plaindrait. Mais à minuit et demi, la garde ayant été requise
par des habitants de la place Dauphine de se rendre à ladite place, afin, disaient-
ils, de les délivrer d'une populace plus considérable que la veille, et de la
dernière classe du peuple, qui, effrénée, cassait portes et fenêircs à ceux des
citoyens qui se refusaient à renouveler l'illumination de la façade de leurs
maisons, — elle s'y rendit et parvint, non sans peine, à dissiper cette canaille
dont elle fut insultée au point d'en recevoir des coups de pierres dont plusieurs
soldats furent blessés, et même M. le chevalier des Sorbonnes, aide-major qui
commandait le détachement, reçut un morceau de planche sur la tête, dont
il ressent encore actuellement beaucoup de douleur.
Le jeudi, il y eut chez M. le maréchal de Biron une assemblée composée du
ministre de Paris, de M. le comte d'Affry, de M. de Crosne, de M. le procureur
du roi, de M. Dubois et de deux commissaires au Châlclet. Il y fut représenté
combien le désordre de la veille méritait attention; il y fut déterminé enfin
que l'on devait faire cesser cet attroupement, et qu'en conséquence on pren-
drait poste à la place Dauphine avant cinq heures du soir. Les dispositions
furent concertées dans celte même assemblée ; et il y fut arrêté qu'un
détachement de la garde de Paris s'emparerait de la place Dauphine et
n'y souffrirait point d'attroupements, et que des détachements des gardes
françaises et suisses y seraient rendus à la même heure pour lui prêter main-
forte.
A cinq heures du soir, M. Seigneur, et M. Delisle, chevalier de Saint-Louis,
se rendirent avec un détachement de 80 hommes d'infanterie et 10 cavaliers à
la place Dauphine, qu'ils trouvèrent remplie du. même monde que la veille, et
qu'ils parvinrent à expulser de la place, et à en conserver les entrées et issues
libres pour les personnes que leurs affaires y amenaient.
Jusqu'à la nuit tombante, la garde ne fut occupée qu'à répéter sans cesse :
Passez, filez, personne ne peut s'arrêter dans la place; cela se passait jusqu'à
ce moment sans grande résistance. Mais, au moment de la nuit tombante,
MM. Seigneur et Delisle ne furent jamais plus surpris que de voir pleuvoir sur
eux une grêle de pierres lancées des trottoirs par-dessus des gens, qui, se te-
nant devant la place, tentaient de s'en rendre maîtres. Ces jeteurs de pierres
enhardis, ou se croyant à couvert parce qu'ils avaient devant eux des per-
sonnes que leur rang, leur état et leur sûreté même auraient dû éloigner d'un
lieu aussi dangereux; ces jeteurs de pierres, dis-je, se sont portés à toute
484 LA SIRETfi
sorte d'insultes et d'excès parce qu'ils croyaient que ces dispositions émanaient
du seul chef du commandant de la garde de Paris.
11 était cependant instant de faire circuler sur le pont; et c'est aussi ce que
la garde a essayé de faire, malgré son petit nombre. Deux patrouilles de ca-
valerie prirent l'une à droite et l'autre à gauche du pont, pour faire passer les
voitures et les gens de pied qui y étaient arrêtés ; mais une grêle de pierres
qu'ils reçurent des gens qui étaient sur les trottoirs les a presque tous bles-
sés : on a été contraint de les faire protéger par des patrouilles d'infan-
terie qui ont tenté, sur les trottoirs, de dissiper et arrêter, s'il était possible,
ces jeteurs de pierres : néanmoins, afin de ménager les esprits qui étaient
fort indisposés, il fut recommandé à l'infanterie de ne point mettre la
baïonnette au bout du fusil, et de se comporter avec beaucoup de patience et
de modération; ils ont, malgré cette conduite, éprouvé la plus grande résis-
tance.
C'est dans ces moments où la garde avait à se défendre contre ces jeteurs
de pierres, qu'un chevalier de Saint-Louis,qui s'est annoncé pour être M. le
marquis de Néelle, s'est présenté, vers huit heures du soir, à M. le chevalier Dc-
lisle, se plaignant qu'un soldat de la garde venait de le frapper cala tête avec
son fusil : il avait effectivement une plaie de laquelle sortait beaucoup de sang;
cet officier s'est empressé de procurer les secours qu'exigeait sa situation ;
mais M. le marquis de Néelle avait d'autant plus de tort de demander justice
contre cette garde, qu'il s'y était imprudemment exposé, puisque beaucoup de
personnes honnêtes ont assuré dès lors, comme il a été prouvé depuis, qu'il
était sur le pont depuis six heures du soir.
Ce n'est qu'avec les plus grandes difficultés que la garde a pu conserver son
poste à la place Dauphine, puisque jusqu'à minuit à peu près la grêle de pierres
n'a point discontinué, et que sur le détachement de 96 hommes, tant infanterie
que cavalerie, il y en a 28 qui sont si moulus qu'ils ne peuvent faire de service
de fort longtemps. Vers une heure du matin, la foule s'étant dissipée, la garde
s'est retirée.
Le lendemain 29, il ne fut décidé d'autre disposition que celle d'avoir un
très gros détachement des gardes françaises et suisses au palais. Ces têtes
chaudes, pour ne pas être prévenues, se sont emparées de la place Dauphine,
vers les neuf heures du matin, et la pelote a grossi au point qu'à trois heures
la place était remplie de ces boute-feux, qui avaient déjà un brasier à la main,
et tiraient considérablement de fusées et de pétards.
Le ministre de Paris, ayant été à Versailles prendre les ordres du roi, en re-
vint à cinq heures, et remit à M. le maréchal de Biron, de la part de Sa Ma-
jesté, le commandement des troupes. Au déclin du jour on apprit que les têtes
s'échauffaient tellement qu'ils [sic) venaient chercher toutes les baraques des
femmes qui vendent des oranges devant la statue de Henri IV, les portaient
dans le brasier de la place, et successivement les lattes du quai de la Vallée.
On apprit qu'enfin cette populace s'étant rassemblée sur le pont en plus grand
nombre, et, s'il est possible de dire, plus mal composé que les jours précédents,
se portait aux excès les plus rares et dont il n'y a pas encore eu d'exemple à
Paris, tel que de faire descendre les gens qui passaient en voiture, et les con-
traindre à dire tout ce que son délire lui inspirait, tandis que d'autres exécu-
taient le projet inouï d'attaquer la garde à ses différents postes. Ils commencèrent
par celui du Pont-Neuf, sur lequel ils fondirent en si grand nombre et avec
LA SÛRETÉ 483
tant d'impétuosité que, tandis que les uns en arrachaient la couverture, les
autres s'étaient déjà emparés de l'intérieur et des armes.
La petitesse de ce corps de garde n'ayant pas permis aux soldats trop res-
serrés d'opposer la défense qu'ils auraient faite, si le local eût été plus étendu,
les réduisit à la fâcheuse nécessité de se trouver ainsi à la discrétion de ces
séditieux qui ne leur ont laissé la liberté et la vie qu'après leur avoir fait
essuyer les outrages les plus ignominieux. Devenus entièrement maîtres de ce
poste, ces furieux ont volé et pillé les armoires et ont emporté les habits uni-
formes qu'ils ont brûlés ainsi que les fusils dans la place Dauphine, et pour
mettre enfin le comble à leur furie ils ont entièrement incendié ce poste. En-
couragés par ce premier exploit, ces scélérats se sont portés aux postes du
marché de l'Abbaye-Saint-Germain, du Marché-Neuf et de la barrière des Ser-
gents, qu'ils ont entièrement dévastés.
M. le maréchal de Biron, informé de tous ces désordres, se détermina, en
présence du ministre, de M. le comte d'Affry et de M. le lieutenant de police,
de repousser la force par la force, et de faire tirer sur tous ceux qui feraient
effort pour désarmer le corps de garde, ou les sentinelles. Le commandant de
la garde de Paris étant chez M. le maréchal de Biron, dans le moment qu'il
prit celte résolution, et se trouvant sous ses ordres depuis l'instant qu'il avait
reçu le commandement des troupes, lui demanda son autorisation par écrit
pour pouvoir donner pareil ordre à la garde de Paris.
Il ne l'eut pas plus lot reçu1 qu'il mit toute la diligence possible pour le faire
exécuter; il envoya promptement avertir tous les postes qu'ils eussent à tirer
sur ceux qui tenteraient de les désarmer; les cinq postes ci-dessus désignés,
qui n'avaient pas encore reçu ce dernier ordre, s'étaient repliés à l'arrivée de
ces brigands, et ces malheureux exerçaient sur ces cinq corps de garde l'excès
de leur fureur, en brisant portes et fenêtres, el brûlant les paillasses et les
lits de camp.
Le sergent du poste du Marché-Neuf, qui s'était replié sur celui de la place
Maubert, eut le temps de faire avertir six postes de venir l'y joindre pour for-
mer une masse à opposer à ces brigands. Heureusement l'ordre lui parvint
qu'il pouvait faire feu. Ce sergent commanda sur-le-champ à son détachement
de 70 bommes de charger ses armes, et se disposait à recevoir ces brigands,
quand on vint lui donner avis qu'ils avaient dirigé leur marche vers la Grève
et le Port-au-blé. Ce sergent ne balança pas une minute, prit son chemin par
le quai des Miramionncs et le Pont-Marie pour aller au-devant de ces brigands,
qui étaient au nombre de plus de G00.
Ces derniers étaient occupés à briser portes ci fenêtres, tables et lits de
camp du poste de la Crève, et une partie prêle à en faire autant au poste du
Port-au-blé parce qu'ils avaient été enhardis par la retraite du sergent du poste
de la Grève, qui, après avoir fait quatre décharges sur eux et n'ayant plus de
1. « En vertu du commandement, que le roi m'a donne, j'autorise M. Dubois,
commandant de la garde de Paris, de donner ordre à sa troupe de tirer sur les
gens qui feraient effort pour désarmer les corps de garde et les sentinelles de
la garde de Paris. Le 2!) août 1788. (Signé :) le maréchal duc de Biron. » Copie
certifiée conforme par le chevalier Dubois. Dufranc, greffier de la Cour, a para-
phé l'original. — Cp. plus haut, p. :i.'ii, la lettre directe adressée l'année pré-
cédente par le roi au commandant de la gante de Paris.
486 LA SURETE
munitions, avait été obligé de se replier, mais en bon ordre et en bonne
contenance.
Ces bandits voyant arriver à eux un détachement de la garde de Paris plus
fort, un d'eux se détache et grimpe pour sonner la cloche, qui sert à l'ouver-
ture et à la fermeture du port, et pour donner à ses camarades le signal de la
sédition. Le sergent qui cummandait le délachement donne ordre à un soldat
dé tirer sur lui, marche droit aux brigands, et est reçu à coups de pierres;
mais il fait tirer sur eux, en tue sept à huit, en blesse beaucoup, et met en
fuite le reste aussi étonné qu'intimidé, les poursuit jusqu'au pont Notre-Dame,
et depuis ce moment, qui s'est passé entre deux et trois heures du matin, le
calme règne dans la capitale. On peut ajouter que c'est au courage et à la fer- ,
meté de ces deux sergents que les citoyens de la capitale doivent leurs for-
tunes et leurs vies, parce qu'il est impossible de calculer où ces excès
auraient pu se porter, s'ils n'avaient point été arrêtés dans le premier mo-
menl.
Depuis le 30 du mois dernier, Paris a été fort tranquille jusqu'au dimanche
14, que la retraite de M', de Lamoignon a excité de nouveau l'effervescence de
cette même classe ci-dessus. Les fusées et les pétards ont recommencé dans
la place Dauphine, le dimanche soir, le lundi et le mardi. S'ils s'en étaient te-
nus là, le ma! n'aurait pas été fort grand, mais ils se sont permis d'arrêter sur
le Pont-Neuf toutes les personnes qui passaient en voiture, de les obliger de
dire : Vive Henri IV! au diable Lamoignon ! et différents propos que la dé-
cence ne permet pas de répéter, et de faire contribuer tous les passants. Le
mardi, ils brûlèrent M. de Lamoignon avec les mêmes formalités qu'ils avaient
faites pour M. l'Archevêque de Sens : après quoi ils se partagèrent en deux
bandes de six à sept cents chacune, dont la plupart, ayant des torches allumées,
se disposaient l'une à mettre le feu aux hôtels de Brienne et de Lamoignon,
et l'aulre à brûler un mannequin devant l'hôtel du commandant de la garde
de Paris.
Ces trois projets furent heureusement éventés ; les gardes françaises, vers
les une heure du malin, chargèrent vigoureusement la bande, qui exécutait
déjà le projet des deux hôtels du faubourg Saint-Germain, et un détachement
delà garde de Paris en lit autant à la bande qui était en chemin pour former
le dernier projet, et arracha des mains de ces bandits le mannequin qu'ils se
proposaient de brûler. Ces deux charges vigoureuses se tirent sans tirer un
coup de fusil, mais non sans que les plus opiniâtres n'aient été blessés de
l'arme blanche, et ]e reste obligé de se disperser. Les jours et les nuits du
mercredi et du jeudi ont été très calmes.
IL — Déposition de M. Tkiroux de Crosne/1
Le lieutenant général de police mandé (les gens du roi présents), entré et
placé dans le second bureau du côté du greffe derrière le banc formant l'en-
ceinte du parquet de la cour, debout et découvert, Monsieur le premier prési-
dent lui a dit :
La Cour vous mande pour que vous lui rendiez compte des événements
arrivés dans cette ville par les attroupements.
Sur quoi, le lieutenant général de police, prenant la parole, a dit :
« Monsieur, il me serait bien difficile de donner dans le moment des détails
LA SÛRETÉ 487
cxacls et circonstanciés, mais je rassemblerai tout ce que j'ai pu recueillir,
et j'aurai l'honneur de vous les remettre incessamment sous les yeux; je me
rappelle dans le moment qu'il y a eu à la place de Grève une personne tuée,
dont la mort a été constatée par un commissaire. Je n'ai pas connaissance que
d'autres personnes aient péri. Dans la nuit du mardi JO de ce mois, quatorze
personnes blessées dans le faubourg Saint-Germain, et dans la rue Saint-Mar-
tin, se sont rendues ou ont été iransportées à l'Hôtel-Dieu. Dix-huit autres ont
été arrêtées par la garde française dans le faubourg Saint-Germain, et ont été
conduites à l'hôtel de la Force; huit environ d'entre elles ont été blessées. Je
regarde comme certain que dans cette malheureuse journée il n'y a eu per-
sonne de tué, et je fonde cette certitude sur ce qu'il ne m'est pas revenu que
qui que ce soit ait réclamé son parent, son ami. Tous les blessés qui ont été
conduits à l'hôtel de la Force sont en convalescence, et il y a tout lieu
d'espérer qu'aucun de ceux qui sont à l'IIôtel-Dieu ne mourra de ses blessures.
« Le 19, plusieurs particuliers qui avaient insulté la garde dans la rue Saint-
Honoré ont été poursuivis jusque dans la rue Saint-Nicaise ; un d'entre eux
a reçu un coup de plat de sabre sur la tête et un coup de crosse de fusil sur
les reins ; un particulier étranger à la garde lui a porté un coup de dard dans
la poitrine ; il a été découvert, et arrêté dans le jour : il y a une instruction
criminelle à cet égard ; le blessé est à l'Hôtel-Dieu, et on espère qu'il guérira
de sa blessure. — Depuis le 25 août jusqu'à ce jour, j'ai donné tous mes soins
pour prévenir les désordres, et, dans les différents comités qui ont été tenus,
j'ai toujours recommandé qu'on usât de tous les ménagements possibles; on
ne peut avoir été plus affligé que je !c suis de tous les malheurs qui sont
arrivés. »
Les gens du roi, dans l'incertitude des faits ci-dessus exposés, ne
pouvaient que s'en rapportera la sagesse de la Cour. Elle reçut « le
procureur général du roi plaignant des faits de meurtres, violences
et vexations commis depuis le 25 août dernier dans la ville et fau-
bourgs de Paris ».
TROUBLES DE SEPTEMBRE 1788
A la suite du titre de l'arrêt imprimé du 24 septembre 1788 ',
« qui fait défenses à toutes personnes de s'attrouper, de lancer
aucuns pétards et fusées, tirer des boîtes... dans aucune des rues,
carrefours et places de la ville et faubourgs de Paris, etc. », on lit la
note manuscrite suivante :
Ces réjouissances et ces feux eurent lieu à l'occasion de la rentrée des Cours.
Ou brûla sur le Pont-Neuf l'effigie du cardinal de Brienne et du G. D. S. de
Lamoignon. La nuit, le régiment des gardes françaises ayant eu ordre de dis-
perser la foule, il y eut sur le Pont-Neuf et dans quelques rues beaucoup de
monde tué.
1. Bib. nat., à la date.
488 LA SÛRETÉ
AFFAIRE TRAGIQUE DE LA RUE DE LA HARPE
DIMANCHE 28 SEPTEMBRE 1788 <
Ce jour, entre huit et neuf heures du soir, comme on continuait encore de
se réjouir et de tirer des fusées, des pétards, dans différents quartiers, des
jeunes gens, attroupés au nombre d'environ deux cents au plus, — qu'on
venait de voir passer place du Ponl-Saint-Michcl, où ils s'étaient divisés en
deux bandes dont une avait gagné la rue Saint-Martin, et l'autre avait enfilé
la rue de la Vieille-Boucherie, puis la rue de la Harpe; — ces jeunes gens
portant des flambeaux, des branches de lauriers, tout en chantant et paraissant
n'avoir d'autre but que de se réjouir, sont assaillis inopinément un peu au-
dessus de la rue des Mathurins par plusieurs patrouilles des soldats du régi-
ment des gardes françaises, la baïonnette au bout du fusil, qui s'étaient
réunies au nombre de quatre formant cinquante-quatre hommes, qui non seu-
lement les repoussent à coups d'armes blanches, mais font feu sur eux , de
manière que plusieurs personnes qui n'étaient pour rien dans l'affaire sont
grièvement blessées. Environ une soixantaine de ces jeunes gens s'élant
reployés de frayeur et réfugiés dans la boutique du sieur Bardin , marchand
épicier, placée à l'encoignure de la rue" des Mathurins et de la rue de la Harp",
les soldats continuent de les y poursuivre et de les maltraiter, quoiqu'ils de-
mandas -ent grâce, au point que la dame Bardin, si elle ne se fût sauvée très
promptement de son comptoir, y eût clé atteinte et frappée d'un coup de
baïonnette dans le bras. Un pauvre malheureux qui avait reçu des balles dans
le bras, s'élant reposé..., perdait tout son sang et demandait à mourir sans
changer de place; tandis qu'un autre, qui avait également reçu des balles
dans le ventre, implorait du soulagement. On a toules les peines du monde à
faire sortir cette foule de la boutique. Trois des blessés sont transportes à
l'École de chirurgie, entre autres celui qui avait des balles dans le ventre
(qu'on disait être le fils d'un cordonnier de Saint-Jean-de-Latran), qui meurt
peu de temps après son arrivée. Le commissaire Boin, de la rue de la Vieille-
Boucherie, appelé chez le sieur Bardin, y dresse un procès-verbal dans lequel
il reçoit les déclarations des plus proches voisins, qui n'étaient pas à l'avantage
des solda's... Quelques personnes soutenaient que les soldats s'étaient même
cachés sous des portes ou dans des allées pour tirer plus sûrement.
Pour soustraire le chevalier Dubois à la vengeance du peuple, on
fit courir le bruit qu'il était parti pour Londres.
Le A octobre, sont affichées deux sentences rendues la veille par le
lieutenant généra! de police Thiroux de Crosne, qui condamnaient,
l'une en 100 livres d'amende vingt et un particuliers pour avoir tiré
1. Hardy, t. VIII, p. 100. — Sur les réjouissances tumultueuses, et sur la
journée sanglante du 17 septembre (rue Meslé), voir aux pages 80 et 85. Autres
scènes du même genre le :>!» septembre (p. 101); allusion (p. 112) « aux sottises
populaires dont on avait ridiculement exagéré la nature dans les gazettes étran-
gères ».
LA SURETE 489
des fusées et des pétards par leur croisée, et l'autre « un nommé
Massy, marchand fripier, et une veuve Vallin, oiselière, en leur
qualité de locataires principaux, et sauf leur recours sur les autres
locataires, à une amende de 200 livres, parce qu'il avait été jeté par
les fenêtres de leurs maisons du verre de bouteille et des tessons
de poteries sur les patrouilles des soldats du régiment des gardes
françaises ».
Le Parlement ne confirma point ces sentences, et enjoignit aux
incriminés d'être plus circonspects. Quant aux poursuites dont il
menaça (le 24 septembre) le duc de Biron et le chevalier Dubois, un
arrêt du Conseil du 28, signé Laurent de Yilledeuil, enjoignit au
procureur général de les arrêter, et lui imposa <* le silence le plus
absolu ' ». La chambre des vacations, installée le 27 septembre, ne
tint pas compte de cette défense.
La Cour récompensa les agents qui l'avaient servie contre le Parle-
ment et contre ceux que l'on commençait à appeler « la canaille ». Le
sieur d'Agoult reçut la charge de major du régiment des gardes fran-
çaises, après la démission du marquis de Sanzay. Le chevalier Dubois
eut 10,000 livres de deniers comptants, et fut gratifié de la place île
lieutenant du roi de la ville de Péronne.
SÉANCE DU PARLEMENT
29 DÉCEMBRE 1788 2
Compte-rendu de }[e Antoine-Louis Séguier, sur les mesures
de sûreté prises par la police
La Cour nous a chargés ' de nous informer des faits qui peuvent intéresser
la sûreté des citoyens, et de rendre compte de nos recherches à l'Assemblée de
ce jour.
11 est bien difficile d'ajouter foi aux différents propos qui se répandent dans
les cercles de la capitale, de regarder comme vrais les événements funestes
qu'on répète partout, qui se multiplient dans les conversations et se renouvellent
tous les jours. Ces bruits s'accréditent insensiblement par l'assurance de ceux
qui n'en sont que les échos. Ils se réalisent dans l'imagination par le nombre
des circonstances dont ils sont appuyés, par les alarmes que le malheur des
temps fait concevoir et par la multitude des témoins qui en attestent la cer-
titude.
1. Quelques personnes teignirent de croire que cette intervention de la Cour
protégeait également Lamoignon et Briehne ; mais l'arrêt du Conseil du 28 ne
visait que la séance du Parlement du 2i; et la dénonciation de Fitzgerald, ainsi
que l'arrêt sur les ministres, sont du 2.'i.
2. Arch. nat., X Ib 8989.
3. A chargé les gens du roi, au nom desquels parle Séguier.
490 LA SÛRETÉ
Ce n'est point dans ces sources incertaines que nous avons dû puiser les
instructions que la Cour attend de notre ministère. Nous nous sommes adressés
au lieutenant général de police. Il nous a remis le détail des faits qui sont
parvenus à sa connaissance, soit par le rapport des officiers de la garde de
Paris, soit par les déclarations faites aux commissaires du Châtelet, soit par
les procédures commencées à la requête de notre substitut.
Le tableau n'en est pas aussi effrayant qu'on a voulu le faire envisager à
tout le public. Il est triste sans doute; mais dans une saison aussi rigoureuse,
dans une misère aussi grande, au milieu de tant de malheureux réduits au
désespoir faute d'ouvrage et de moyens de subsister, il était à craindre qu'il
n'y eût un plus grand nombre de malfaiteurs : et ce qui doit diminuer les
inquiétudes, c'est que la pluparL des vols commis au commencement de la
nuit n'ont été faits que par des jeunes gens entraînés par le libertinage, et le
plus souvent sans ressource. Nous nous dispenserons de faire le détail de tous
ces faits particuliers, pour ne point abuser des moments de la Cour; et nous
nous contenterons de mettre sous ses yeux les instructions que le lieutenant
de police nous a remises. La Cour jugera par elle-même de la manière dont la
police est exercée.
La délibération sur cette matière est renvoyée au lundi 5 janvier
1789. •
DISCOURS DE D'ÉPRËMESNIL
a l'occasion d'une arrestation arritraire
29 DÉCEMBRE 1788 r
Monsieur ,
Après avoir épuisé les voies de la patience, je crois devoir déférer à la Cour
le commissaire Pierre, qui paraît joindre dans sa conduite au mépris des lois
le respect des magistrats, préférer la tranquillité des suppôts de la police à
celle des citoyens. La Cour va se convaincre de celte vérité.
Le sieur Desgranges, maître tapissier, rue Babille, prétend que, le 6 août
dernier, une de ses filles causait près de sa porte et sous ses yeux avec un
voisin qui l'avait appelée. Quidor, inspecteur de police, la remarque, et la fait
saisir par deux quidams. La demoiselle Desgranges se débat, crie à son père.
Le père accourt, il réclame sa fille, Quidor lui commande avec jurement de se
retirer et le menace de le faire ganter lui-même. Le faire ganter, c'est une des
manières habituelles et des expressions familières des gens de la police. La
demoiselle Desgranges, jeune personne âgée de dix-sept ans, continuait à ré-
sister ; on en vint aux mauvais traitements. Il fallut se rendre : Quidor et ses
gens la conduisirent de la manière la plus humiliante au corps de garde. Son
père l'y suit, revient à la charge, redemande son enfant! Quidor fait enfin des
réflexions, et lui rend sa tille. Mais quelle fut la nouvelle douleur de ce mal-
heureux père, lorsqu'on rentrant chez lui, il vit sa fille cadette tomber sans
connaissance, pour l'effet du saisissement que la capture de sa sœur lui avait
1. Arch.nat., X 1b 8989.
LA SÛRETÉ 491
occasionné. À ce premier effet succèdent bientôt des convulsions, des sueurs
froides, des étouffements, des pertes de connaissance qui furent enfin termi-
nées par la mort au bout de dix-sept jours, malgré tous les remèdes, ainsi
qu'il est attesté par un certificat, que je tiens à la main, du docteur Petit, mé-
decin de feu Monsieur le duc d'Orléans.
Cependant le sieur Desgranges s'était transporté dès le 7 août, à l'effet de
rendre plainte, chez plusieurs commissaires, sans les avoir trouvés. Il trouve
enfin le commissaire Pierre; mais celui-ci refuse de recevoir sa plainte, et lui
déclare qu'il persistera dans ce refus à moins d'un ordre supérieur. Le sieur
Desgranges s'adresse à Monsieur le garde des sceaux; le mémoire est renvoyé
au lieutenant de police. Ce dernier magistrat le fait apostiller de la note sui-
vante, que le sieur Desgranges en a impose, que ce ri était point sa fille qu'on
avait arrêtée, mais une de ses ouvrières qui causait avec une des filles prostituées
de ce quartier. Cette réponse est communiquée au sieur Desgranges. Celui-ci la
réfute par un second mémoire adressé à Monsieur le garde des sceaux et signé
de vingt témoins. Plus de réponse. Le sieur Desgranges prend le parti d'at-
tendre l'éloigncment de Monsieur de Lamoignon et le retour des lois!
Elles sont rétablies. Le sieur Desgranges est venu'me trouver. 11 m'a exposé
les faits : nous étions au 7 de ce mois. J'ai pris la plume sur-le-champ, pour
écrire au commissaire Pierre, et l'engager à recevoir la plainte. Voici ma lettre;
il est intéressant que la Cour daigne l'entendre :
Le sieur Desgranges, Monsieur, qui vous remettra ma lettre, m'assure qu'une
de ses filles ayant été enlevée le 6 août dans la rue par Quidor, inspecteur de
police, comme fille prostituée, malgré ses cris et ses appels à son père, dont
le même inspecteur a méprisé les réclamations au point de le menacer
lui-même de le (aire arrêter; une autre de ses filles étant morte trois
semaines après du saisissement occasionné par l'enlèvement de sa sœur, il a
voulu rendre plainte de ces faits le lendemain par-devant vous, et que vous
l'avez refusée. Je crois, Monsieur, vous rendre un vrai service en vous exhor-
tant à ne pas persister dans ce refus. On dit que MM. les commissaires ne
se croient pas permis de recevoir des plaintes de ce genre sans un ordre de
Monsieur le lieutenant de police. Ce serait un abus aussi contraire à la loi qu'à
la raison; je suis persuadé, Monsieur, que de nouvelles réflexions vous porte-
ront à recevoir sur-le-champ la plainte du sieur Desgranges.
J'ai l'honneur d'être avec un sincère attachement, Monsieur, votre, etc.
A Paris, 7 décembre 1788.
Celle lettre, Monsieur, présentée au commissaire Pierre par le sieur Des-
granges lui-même accompagné d'un témoin, paraît avoir troublé le commis-
saire; et dans le premier trouble, exprimé par ses mouvements et ses paroles,
il a reçu la plainte du sieur Desgranges. Mais cette plainte, suivant l'usage des
commissaires, fut écrite d'abord sur du papier ordinaire pour être ensuite co-
piée sur du papier timbré, et signée.
Le lendemain, le commissaire Pierre s'est rendu chez moi. Je n'ai point eu
de peine à m'apercevoir que son trouble n'était point encore tout à fait passé. 11
commença par me dire du mal du sieur Desgranges. Je lui répondis que l'ad-
ministration en faisait dire aussi des magistrats, quand son intérêt l'exigeait;
qu'au reste il n'était point question de la réputation, mais de la plainte du sieur
492 LA SURETE
Desgranges. Le commissaire m'assura très positivement que la plainte était
reçue. Je lui fis quelques observations relatives à son état ; que Messieurs les
commissaires s'étaient détachés de la justice ordinaire pour s'attacher au pou-
voir ministériel; que les trois devoirs de la police, netteté1, sûreté, clarté,
en souffraient beaucoup; qu'un commissaire avait deux caractères, homme de
paix sans doute, mais surtout officier de justice; qu'il pouvait et môme qu'il
devait, en cerlaines occasions, chercher à réconcilier les citoyens divisés; mais
qu'il était tenu étroitement de recevoir sans délai toute espèce de plainte sur
laquelle on insistait. Enfin je le priais d'assurer ses confrères que désormais je
n'écrirais plus de lettres semblables, et qu'autant de fois il me serait déféré
des refus du même genre, autant de fois j'en rendrais compte à la Cour, sans
explication préliminaire. Le commissaire, Monsieur, parut se rendre à mes
principes; il me parut aussi content de mon accueil. Pour moi, je l'étais
beaucoup, ne doutant pas que la plainte du sieur Desgranges ne fût réelle-
ment reçue.
Quelle ne fut pas ma surprise, le 17 de ce mois sur les huit heures, de re-
voir le sieur Desgranges avec le même témoin, qui venait m'apprendre que le
commissaire Pierre, n'ayant écrit sa plainte que sur papier ordinaire, refusait
de la reporter sur du papier timbré, et définitivement refusait de la rece-
voir. Je pris la plume de nouveau et j'écrivis au commissaire la lettre
suivante :
Vous êtes venu chez moi, Monsieur, pour m'assurer que vous aviez reçu la
plainte du sieur Desgranges, et vous m'avei trompé. Y pensez-vous? Ce père
infortuné, Monsieur, vous remettra ma lettre. Si vous ne recevez pas sa plainte
sur-le-champ, j'en rendrai compte demain au Parlement ; vous avez jusqu'à
onze heures. Cet avis de ma part est le dernier. Faites-y, je vous prie, de sé-
rieuses réflexions ; mais je vous prie aussi qu'elles soient promptes. J'ai l'hon-
neur d'être très parfaitement, Monsieur, votre, etc. Paris, ce 17 décembre 1788,
huit heures du soir.
Cette lettre, Monsieur, n'a point ramené le commissaire Pierre. Le sieur
Desgranges est venu m'apprendre qnc le commissaire l'avait à peine lue, et
qu'il avait répondu qu'il n'avait point d'ordre à recevoir de moi, et que défini-
tivement il ne recevrait point la plainte, à moins d'ordres supérieurs.
Alors j'ai tenté auprès du commissaire la voie d'une dernière lettre, qu'il est
encore indispensable de mettre sous les yeux de la Cour.
Le sieur Desgranges, Monsieur, vient de me rendre compte de votre nouveau
refus, et des circonstances qui l'ont accompagné. Il me reste à vous prier de lui
rendre le projet de sa plainte, que vous avez sur papier ordinaire, et dont vous
m'avez parlé comme d'une plainte réellement reçue par vous. J'attends de
1. C'est-à-dire propreté. - «Nos lois de police, production immédiate du pou-
voir arbitraire, ont influé sur la dépravation de nos mœurs; en gouvernant les
hommes par la terreur, la défiance et le soupçon, en les soumettant à des
volontés sans règle, à une autorité' dont la mesure varie, suivant les circonstances
et les principes des personnes qui en sont les dépositaires, elles nous ont insen-
siblement dépouillés de notre ancienne énergie, elles ont fini par dégrader toutes
nos habitudes ». (Mém. cité de Bergas?e, p. 119.)
LA SÛRETÉ 493
vous, Monsieur, une réponse prompte, formelle, et par écrit. J'ai l'honneur
d'être très parfaitement, Monsieur, voire, etc. Paris, ce 17 décembre 1788,
neuf heures et demie du soir.
Point de réponse à cette lettre. Mais, s'il faut en croire le sieur Desgranges
et celui qui l'accompagnait, le commissaire Pierre a répondu avec humeur et
plus affirmativement encore qu'il ne recevrait point la plainte à moins que le
Parlement ne l'y forçât par un arrêt, et que fêtais un homme bien ennuyeux
et bien fatigant. Celte réponse, qui semblait faite pour me blesser, a manqué
son but. 11 est heureux que le commissaire Pierre soit résolu d'obéir aux
arrêts de la Cour : et quant à moi, Monsieur, mon intention précisément et
mon bonheur, c'est d'être un homme ennuyeux et fatigant pour les fauteurs du
pouvoir arbitraire.
Au surplus, Monsieur, le sieur Desgranges m'a dit dans le premier mouve-
ment de son désespoir : « Si je n'ai pas justice du déshonneur de ma première
fille, et de la mort de ma cadette, il faut donc que je tue Quidor! » Ce cri
de la nature ne m'a point étonné. J'ai tenté d'apaiser ce malheureux père, en
l'assurant qu'il pouvait compter sur les lois, si ses plaintes étaient fondées.
11 m'a semblé que mes discours ont porté dans son âme ulcérée un peu de calme
cl même de consolation. C'est aux lois d'achever. C'est à la Cour surtout qu'il
appartient de fixer la liberté publique et la tranquillité domestique, e,n préser-
vant les citoyens des excès ou des erreurs des agents de l'a police.
Ici, Monsieur, devait se terminer mon récit à la Cour, le 18 de ce mois, jour
indiqué à cet effet pour l'assemblée des chambres. Mais la Cour fut occupée
d'autres objets, et le soir, en rentrant chez moi, j'ai trouvé une réponse du
commissaire Pierre qu'il n'est pas inutile de joindre à mes lettres :
Monsieur, d'après la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 7 du
présent, fai eu celui de passer chez vous, Monsieur, pour conférer de l'affaire
du sieur Desgranges. Nous n'en avons dit qu'un mot, et vous m'avez parlé
d'autres choses. En sortant, vous m'avez conseillé de recevoir sa plainte : donc
je n'ai point dit qu'elle était faite. Je ne suis pas capable de mensonge. Je ne
puis et ne dois recevoir cetie plainte que lorsque je serai autorisé à cet effet par
arrêt du Parlement qui m'aura été signifié. Après quoi je me déporterai de
cette affaire pour y être témoin, nécessaire. J'estime, Monsieur, que si le sieur
Desgranges était un homme honnête et n'était pas conseillé par un Lapotonière,
pour son honneur comme pour celui de sa fille il garderait le silence sur cette
affaire qui n'est rien en elle-même et ne deviendra désagréable pour lui que
par la publicité qu'il est dans l'intention de lui donner. Je comparaîtrai
devant la Cour s'il le faut; je rendrai compte de ma conduite qui est irré-
prochable dans cette affaire comme dans toute autre. Je suis avec respect,
Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : Le commissaire, Pierre.
Telle est, Monsieur, la réponse du commissaire Pierre. J'ignore quelle est
la réputation du sieur Lapotonière. Je sais seulement que les réputations faites
par la police me seront toujours très suspectes ; j'ai de fortes raisons pour
penser ainsi. Quoi qu'il en soit, Messieurs voient que le commissaire Pierre ne
s'explique pas sur la restitution du projet de la plainte; à l'égard des asser-
494 LÀ SÛRETÉ
lions de sa lettre sur ce qui s'est passé chez moi entre nous deux, il n'en est
pas une qui ne soit fausse. J'étais dans ma chambre ; j'avais plusisurs per-
sonnes que je nommerai s'il le faut; c'était le dimanche 8 de ce mois sur les
midi; on m'annonça le commissaire Pierre, je passai dans mon salon pour ne
pas l'embarrasser par la présence d'aucuns témoins; je commençai par le féli-
citer sur ce qu'il avait reçu la plainte. Il reçut mes compliments. Il s'excusa
de son refus sur les anciens usages. Je l'assurai qu'il ne serait pas question
de lui dans les mémoires; j'avais exigé qu'on rejetât simplement le retard
de la plainte sur les circonstances publiques; et j'affirme à la Cour que, loin
qu'ii fût question entre nous d'autres choses, je ne lui dis rien qui ne fût rcla-
til soit à la plainte, soit à son refus, soit à sa personne, soit à son ministère.
Il me parut, je dois le rappeler, content de mon accueil. Rentré chez moi, je
racontai avec toutes les marques d'une grande satisfaction ce qui venait de
se passer. Le soir j'en parlai sur le même ton dans ma famille, à mes amis.
Le surlendemain je dînai chez M. de Saint-Mauris, qui me permet de le
nommer, avec plusieurs de Messieurs, et je leur racontai dans les mêmes
termes le même événement comme une conquête de la loi sur le pouvoir arbi-
traire. Messieurs peuvent juger par ces détails de la sincérité qui règne dans
la réponse du commissaire Pierre. Au reste je n'ignore pas, Monsieur, qu'il
s'est tenu à la police un comité à l'occasion de cette affaire. Mais j'ignore les
circonstances intérieures de ce comité, et je n'ai pas cru devoir m'en occuper.
Informé seulement par d'autres voies que celle du commissaire Pierre que le
dernier prétexte de son refus était que le sieur Desgranges dirigeait nommé-
ment sa plainte contre Monsieur le lieutenant de police, j'ai voulu m'éclaircir
de ce fait, et l'explication que m'en a donnée le sieur Desgranges a fait le su-
jet d'une dernière lettre de ma part au commissaire. Je prie encore Messieurs
d'en souffrir la lecture :
Je vous exhorte, Monsieur, pour la dernière fois, à recevoir la plainte du
sieur Desgranges contre le sieur Quidor. Il vient de s'expliquer avec moi.
Quand il expose que M. le lieuteuar.l de police trompé a fait mettre au bas
de son Mémoire a Monsieur le garde des sceaux la note inexacte dont il s'agit,
c'est un fait qu'il raconte et non pas une plainte qu'il veut rendre. Le sieur
Desgranges, Monsieur, donnera même à cet égard la déclaration nécessaire,
En conséquence, je crois [et je vous prie de l'observer) qu'il ne vous reste aucun-
prétexte pour refuser sa plainte. J'ai l'honneur d'être, etc. Paris, le 28 dé-
cembre 1788.
Cette lettre a été portée au commissaire Pierre, le jour de sa date, à
sept heures du soir, par le sieur Desgranges et le même témoin. Le commis-
saire était absent. On impute à son élève des propos indécents dont j'épar-
gnerai le récit à la Cour. Ma lettre est restée sans réponse et n'a produit aucun
effet. Je crois avoir épuisé, comme j'ai eu l'honneur, Monsieur, de vous le dire
en commençant, les voies de la patience. Il ne me reste plus que celles de la
justice. Le commissaire Pierre, attend, dit-il, un arrêt de la Cour pour le
déterminer. C'est une raison de plus de vous prier, Monsieur, de mettre mon
récit en délibération.
La matière mise en délibération et les voix prises..., il a été arrêté que le
commissaire Pierre serait mandé sur-le-champ pour se rendre aux pieds de la
LA SÛRETÉ 495
Cour, et tenu d'apporter avec lui le projet de la plainte du nommé Desgranges,
et que les gens du roi seraient aussi mandés à l'instant pour leur donner
connaissance de cet arrêté.
Les gens du roi mandés, entrés et placés, debout et découverts, Monsieur
le premier président leur a dit que la Cour les mandait pour leur donner con-
naissance de l'arrêté qu'elle venait de prendre et leur en a fait la lecture. Les
gens du roi se sont couverts, et Mc Antoine-Louis Séguier, avocat dudit sei-
gneur roi, portant la parole, ont dit qu'ils allaient se conformer aux ordres de
la Cour; et se sont les gens du roi retirés.
Quelque temps après, les gens du roi ont demandé à entrer en la Cour. A
l'instant mandés, entrés et placés, debout et couverts, M0 Antoine-Louis Sé-
guier, avocat dudit seigneur roi portant la parole, ont dit que le commissaire
Pierre, mandé en exécution de l'arrêté que la Cour venait de prendre, était
au parquet des huissiers et y attendait les ordres de la Cour ; et ont pris
place.
A l'instant, ledit commissaire Pierre mandé en présence des gens du roi,
entré et placé au barreau du côté du greffe, debout et découvert, Monsieur le
premier président lui a fait les questions suivantes, à ebacune desquelles il a
particulièrement répondu ainsi qu'il suit.
D. — Pour quoi il n'avait pas reçu la plainte du sieur Desgranges?
R. — Parce que Monsieur le garde des sceaux et M. de Crosne, lieu-
tenant de police, y étaient nommés, et qu'il n'avait pas cru devoir recevoir
une plainte dans laquelle étaient nommés deux magistrats.
7). — S'il n'avait pas dit à M. d'Éprémesnil qu'il eut reçu cette plainte, et
s'il ne lui en avait pas fait des compliments?
R. — Qu'il n'avait jamais dit qu'il eût reçu cette plainte puisque au con-
traire il allait chez M. d'Éprémesnil pour le prier de l'en dispenser; que par
conséquent elle n'était pas reçue.
D. — Pourquoi il n'avait pas remis ce projet de plainte aux porteurs d'une
lettre de M. d'Éprémesnil?
R. — Qu'il n'avait pas cru devoir faire cette remise parce que ce projet de
plainte n'avait pas été apporté par Desgranges, mais bien dicté à lui com-
missaire ; que c'était son papier, son écriture, et par conséquent son travail.
D. — Dans quel temps s'est-on présenté pour rendre cette plainte?
R. — Dans le courant du mois d'août. ,
D. — Pourquoi dans ce temps n'avait-il pas reçu cette même plainte,
puisque alors il n'y avait pas été question du garde des sceaux et du lieutenant
de police ?
R. — 11 n'avait pas cru devoir la recevoir, parce que c'était une affaire
d'administration.
D. — Si M. d'Éprémesnil ne lui a pas écrit une lettre hier, laquelle a été
renvoyée non décachetée par le clerc de lui commissaire; si la même lettre
ne lui a pas été renvoyée ce matin par un laquais de M. d'Eprémesnil, et si
cette lettre qu'il a décachetée et lue ne contenait point une déclaration que
Desgranges s'était expliqué qu'il n'entendait pas rendre plainte contre le lieu-
tenant de police, et que même, s'il était nécessaire, la plainte en porterait la
déclaration; et s'il n'a pas répondu verbalement au laquais de M. d'Éprémesnil
qu'il persistait à dire qu'il ne recevrait pas cette plainte s'il n'y était autorisé
par la Cour?
496 LA SÛRETÉ
P,. — La lettre a été effectivement renvoyée sans être décachetée parce que
lui commissaire étant absent, son clerc n'avait pas cru devoir la décacheter;
lui commissaire l'ayant reçue ce malin dans un moment où il sortait pour une
affaire indispensable, il a répondu audit laquais qu'il respectait M. d'Épré-
mesnil, mais qu'il persistait dans son refus de recevoir celte plainte à moins
qu'il n'y fût autorisé par la Cour.
D. — 11 vient de dire ci-dessus qu'il n'avait pas remis le projet de plainte...
par la raison que c'était son travail et qu'il était écrit de sa main. Pourquoi,
ayant fait le projet lui-mC-mc, n'a-t-il pas rédigé cette plainte sur papier mar-
qué, et par conséquent ne l'a-t-il pas reçue?
/{. — 11 avait désiré consulter ses anciens confrères qui ne lui avaient pas
conseillé de la recevoir.
D. — Pourquoi n'a-t-il pas consulté ses supérieurs?
R. — 11 a vu seulement M. le lieutenant de police.
Les gens du roi demandèrent vainement que la délibération fût re-
mise au lendemain.
Le Parlement enjoignit « à Pierre, commissaire au Chàlelel, de se compor-
ter avec plus d'exactitude dans l'exercice de ses fonctions, de n'attendre aucun
ordre pour recevoir les plaintes des citoyens, et de porter respect aux magis-
trats supérieurs : sauf au nommé Desgranges à se retirer devant le doyen des
commissaires que la Cour commet à l'effet de recevoir sa plainte ».
Séance tenante, Pierre fut réprimandé '.
Le minute est signée : Pro D'w Lefevre defunclo, Bochakt.
1. Il y eut des voix, dit Hardy, « pour que le commissaire Pierres (sic) demeu-
rât interdit de l'exercice des fonctions de sa charge pendant l'espace de vingt
aus .. (t. VIII, p. 188).
XIV
L'HOTEL DE VILLE1
L'historien de l'Hôtel de Ville, M. Le Roux de Lincy, n'a pas cru de-
voir insister sur la période moderne de son sujet; voici comment il
explique son indifférence :
Peut-être sera-l-on surpris que je n'aie pas poussé mon récit plus loin que
la Fronde; cela tient à ce que, sous les règnes de Louis XIV et de ses deux
successeurs, la municipalité, réduite à n'être plus qu'une administration civile,
ne m'a fourni aucun fait digne de mémoire, en dehors des soins que prirent
les magistrats pour la salubrité et l'embellissement de la ville, ou des fêtes
données par eux aux souverains. Le souvenir du rôle politique joué par les
bourgeois de Paris, pendant plusieurs siècles, dans les circonstances impor-
tantes, s'efface au milieu des gloires du grand règne; les magistrats munici-
paux ne sont plus occupés qu'à solenniser, par des fêtes splendides, les vic-
toires de nos soldats, la naissance, le mariage, le couronnement des princes,
ou à revêtir des babits de deuil, quand la mort frappait quelqu'un d'entre
eux2.
Cette impression d'ensemble est fort juste. Le corps de ville aper-
1. Voir, outre les Registres des délibérations du Bureau de la Ville et les mi-
nutes qui les complètent et qui, depuis 1785, y suppléent (Archives nationales),
l'ample collection des ordonnances de la Ville (Bibl. Carnavalet), qui ne laisse
rien à désirer pour la fin du XVIIIe siècle. — L'ordonnance organique de dé-
cembre 1672 (Reg. en Parlement le 27 février 1673), dite Ordonnance de la Ville,
est une ordonnance royale qui a codifié pour la dernière fois les privilèges,
même périmés, de l'Hôtel de Ville et de la bourgeoisie. La royauté absolue attei-
gnit deux objets : 1° substituer les privilèges de bourgeoisie au droit communal;
2° restreindre le domaine parisien de l'Hôtel de Ville, tout en étendant ses attri-
butions juridictionnelles en dehors de la Ville, sur le commerce par eau. Les
délibérations du Bureau ne sont au fond que la mise en scène académique des
ordres de l'administration : elles se terminent soit par des Avis au Conseil ou à
un ministre, soit par des Ordonnances de police. Les Sentences en matière de
crime ou de délit (dans les limites du domaine et du ressort de la Ville) vont en
appel au Parlement.
2. Histoire de l'Hôtel de Ville de Paris, Introduction, p. ni.
32
498 . L'HOTEL DE VILLE
du tout caractère représentatif; il est aux ordres des ministres; ses
membres sont en général à la poursuite des grâces, des charges,
ajoutons des bonnes affaires; le droit municipal s'est émietté en pri-
vilèges particuliers, nuisibles ou inutiles au public.
Les vieilles formes subsistent toujours; le cérémonial bourgeois est
même tout aussi rigoureux que celui de Versailles. Mais presque tous
les mouvements du corps municipal sont automatiques. Cela est
triste, ou grotesque; en tout cas, tout intérêt dramatique fait défaut.
Mais quoi! la décadence des institutions ne veut-elle pas être étudiée
avec autant de soin que leur grandeur? L'histoire n'est pas toujours,
ne peut pas toujours être une résurrection ; elle n'est que trop souvent
une anatomie.
Si, au lieu de considérer l'Hôtel de Ville d'une façon abstraite, si
au lieu de l'isoler, on le rapproche de l'ensemble des institutions mo-
narchiques, il est vraiment curieux de voir comment la royauté a
insensiblement dépouillé Paris de ses libertés tout en s'efforçant de
faire croire à leur maintien, grâce au respect de la forme. On peut se
demander à quoi bon ce respect? La réponse est dans les rentes sur
l'Hôtel de Ville, dont l'attribution, qui date de 1521, ne fut retirée que
momentanément en 1719, et dura jusqu'à la Révolution. La fiction d'une
assemblée élue, délibérante, libre en apparence.de ses contrats,
était précieuse pour le crédit dans des temps où le principe de l'im-
pôt consenti par la nation était sinon oublié, du moins méconnu par
le pouvoir royal. C'est sur la foi de contrats en bonne et due forme
entre le roi et la prévôté des marchands, après l'enregistrement préa-
lable des lettres patentes par le Parlement, que les capitalistes
(communautés ou particuliers) consentaient à prêter au trésor royal.
Les rentes sur l'État n'étaient point connues; et, bien que l'Etat fût
seul en cause pour recevoir les prêts, distribuer les arrérages, et (ce
qui était plus rare) amortir et rembourser les capitaux, cependant
ces constitutions étaient nommées par tout le monde : rentes sur
l'Hôtel de Ville '.Ace propos, le seul titre de la dissertation de Le
Iloy est bien significatif : Mémoires concernant le contrôle des rentes,
ou Recueil abrégé de tous les titres qui établissent les offices, privi-
lèges, etc., de V Hôtel de Ville de Paris 2.
1. Le cas de Paris, s'il est le plus important, n'est pas le seul. Lorsque le roi
exigeait du clergé des dons gratuits extraordinaires, il l'autorisait à emprunter:
il en était de mêiuc des Etats encore subsistants (Languedoc, Bretagne, etc.) : il
en eût été de même des fameuses assemblées provinciales de 1787 si elles s'étaient
prêtées à cette manœuvre financière, aussi digne du banquier Necker qu'elle
était étrangère au véritable projet de Turgot.
2. Paris, 1717, 1 vol. in-12.
L'HOTEL DE VILLE 499
I. — L'Hôtel de Ville, comme presque tous les corps administratifs de
l'ancien régime, était en même temps une juridiction, dont les sen-
tences étaient directement portées au Parlement. Mais sa compétence
était fort restreinte. Elle jugeait au civil les différends entre mar-
chands négociants par eau, et ceux qui étaient relatifs à la police
des rivages; c'est à elle que l'on s'adressait également pour le
payement des billets à ordre concernant la marchandise de Feau;
enfin, par attribution spéciale, révocable à la volonté du roi, elle pro-
nonçait toujours en première instance en matière de rentes constituées
sur l*Hôtel de Ville de Paris. La juridiction criminelle embrassait les
délits commis par les marchands de l'eau, leurs employés et facteurs
sur le fait de la marchandise de l'eau, et par les officiers de police
de la ville ou des ports dans l'exercice de leurs fonctions, les que-
relles, disputes, voies de fait entre bateliers, en un mot tous les actes
criminels ou délictueux constatés sur la Seine ou sur les ponts, même
royaux, par procès-verbaux d'officiers de la ville, à la condition tou-
tefois que le Châtelet n'eût pas usé de son droit de prévention '.
La Constitution municipale comprenait : 1° le bureau de la ville ;
2° le corps des conseillers de la ville ; 3° les officiers de la ville à
quelque titre que ce fût.
Le bureau de la Ville était formé du prévôt des marchands nommé
pour deux ans, mais ordinairement continué pendant deux autres
prévôtés; des quatre échevins, dont deux élus tous les ans le jour
de Saint- Roch (l'un devait être du corps des conseillers de la Ville
ou des seize quartiniers, l'autre avocat, notaire, ou des six-corps);
du greffier en chef2, du receveur -trésorier, du procureur avocat
du roi et de la Ville 3 qui s'appelle aussi procureur du roi de la Ville.
Son substitut, non plus que les avocats de la Ville, ne faisait point
partie du bureau : d'ailleurs toutes les fois qu'il s'agissait d'une con-
testation privée , c'est au lieutenant du prévôt 4 que les parties de-
1. Le précis rédigé eu 1764, pour être adressé au Parlement, sur la juridiction
de la Ville, est une remarquable plaidoirie fondée sur les faits historiques et sui-
des titres probants, mais en majeure partie abolis par la désuétude. Voyez Arch.
nat., B III, 101 ', f°s 145 à 192, et Chassin, ouv. cité, t. I, p. 105 à 112.
2. Il se nomma d'abord clerc, et eut le maniement des deniers jusqu'à la fin du
XVe siècle. La rupture du pont Notre-Dame (25 octobre 1499), attribuée à la né-
gligence du clerc-trésorier, fut l'occasion d'établir la charge nouvelle de rece-
veur ; le receveur fut chargé du service des rentes le 27 septembre 1522.
3. Les charges distinctes du procureur du roi (qui fixait la part du roi dans
les confiscations) et de procureur de la Ville (ministère public de la juridiction
municipale) furent confondues en 1536.
4. Comparez : le prévôt de Paris et ses lieutenants, les baillis d'épée et leurs
lieutenants, etc. (édit de 1498).
500 L'HOTEL DE VILLE
vaient s'adresser; mais en général cette dernière charge était exercée
par l'un des échevins '.
Le corps des conseillers de Ville était composé de magistrats, qui
possédaient leurs charges en titre d'office. Il était réuni pour les cé-
rémonies, les simulacres d'élections, et dans les grandes circonstances
qui paraissaient intéresser les privilèges municipaux. Les conseillers
étaient hiérarchiquement subordonnés au bureau de la Ville : et cepen-
dant, dans ce bureau, il y avait deux des échevins qui n'étaient point
de robe. Lorsque la marchandise veut faire valoir, ou simplement
faire sonner ses prérogatives, elle n'oublie pas de noter cette supé-
riorité, — tout éventuelle du reste, — qui peut lui échoir sur la ma-
gistrature 2.
En 1789, les conseillers de ville sont au nombre de vingt-quatre.
Ils étaient vingt-six l'année précédente. Les charges étaient casuelles
et n'étaient point nécessairement remplies. Une vacance pouvait se
prolonger longtemps, car ce service était une sinécure à laquelle le
fisc était plus intéressé que le public. D'autre part, le cumul de la
charge de conseiller avec celle d'échevin était assez fréquent : en 1788,
nous voyons même Jean-Baptiste Buffault tout à la fois échevin (élu
1. En 1788, Jean-Baptiste Buffault, le premier des deux échevins élus te
16 août 1787, est « lieutenant de la juridiction de la Ville ». Les requêtes et
réclamations en payement sont adressées au premier échevin, lieutenant de juri-
diction, et communiquées au procureur du roi et de la Ville. Lorsque celui-ci
les regarde comme fondées en droit, il se sert de la formule suivante : « Je
n'empêche, pour le roi, pour la Ville, que, etc. »
2. En elle-même la prétention est assez puérile. Le prévôt de Paris, qui con-
yoquait (ou, si Ton préfère, ne convoquait plus) le ban et rarrière-bau, est re-
gardé comme le chef de la noblesse, mais dans cette circonstance seulement.
L'attribution de sa charge ne le rend ni plus ni moins noble. L'ancien régime ne
confondait pas le rang social avec le rang administratif. En 1700, il y eut entre
l'Université et la Ville une dispute de préséance assez curieuse. Mandée pour
rendre ses devoirs à Philippe V, roi d'Espagne, l'Université avait été introduite
après le corps de Ville, et s'en était plainte en invoquant des précédents (tou-
jours discutables) et en se fondant sur deux moyens de droit : 1° la préséance
des gens de lettres sur les marchands et les artisans; 2° la qualité de fdle aînée
des rois donnée à l'Université, et par suite la place qu'elle avait eue dans les
États et dans les Conciles généraux. — La Ville réplique : que l'on n'a jamais vu
d'artisans occuper les places d'échevins, que les marchands qui les occupent
ont pour chef « une personne illustre » désignée par le roi; que les conseillers
et assesseurs du prévôt des marchands et des échevins sont des magistrats qui
ne leur disputent point le pas. Le titre de fille aînée des rois ne veut pas dire
que l'Université est la première compagnie du royaume, mais la première Uni-
versité fondée dans la ville royale. « 11 faut que la partie cède au tout, que le
membre ne se révolte pas contre le corps. La Ville ne laisserait pas d'être la
capitale du royaume, quand l'Université serait supprimée. » (Arch. nat., K. 1003 :
mém. du 6 déc. 1700.)
L'HOTEL DE VJLLE 501
le 16 août 1787), lieutenant de la juridiction, et conseiller de ville. —
L'édit de novembre 1706 avait créé quatre «conseillers du roi com-
missaires intendants des fontaines et conduites publiques » ; deux de
ces charges furent rachetées par la compagnie des conseillers et par
suite impliquaient deux cumuls. Les deux autres furent acquises à la
même époque (décembre 1707) parla compagnie des quartiniers, dont
nous allons dire un mot.
Au point de vue de l'Hôtel de Ville (qui jusqu'à Louis XIV fut aussi
celui de la royauté), Paris était divisé en seize quartiers; chacun
avait, comme officier de police subordonné à la Ville, un quartinier.
Sous les ordres de chaque quartinier, il devait y avoir, en principe,
quatre cinquanteniers et seize dixainiers, en tout trois cent vingt su-
balternes.
La prépondérance administrative du Ghàtelet, le développement
rapide et monstrueux de la lieutenance générale de police, ne lais-
sèrent subsister entièrement, de toute cette organisation, que les seize
quartiniers. Cependant, pour ne point abdiquer le droit de la ville,
tous les ans en septembre les prévôt des marchands et échevins ren-
dent une ordonnance pour le département (c'est-à-dire la réparti-
tion) « des cinquanteniers et dixainiers dans chacun des seize quar-
tiers de la ville et faubourgs d'icelle ». Cette ordonnance a un aspect
typographique des plus singuliers : c'est (sous sa forme la plus
luxueuse) un cahier de papier in-folio assez volumineux, du moins
pour son contenu : quelques lignes de noms s'y trouvent comme
égarés parmi des lignes de points. Voyez par exemple, dans le re-
gistre des délibérations du bureau de la ville, l'ordonnance du 27 sep-
tembre 1774 : les 16 quartiniers sont à leur place; au lieu de 64 cin
quanteniers, il n'y en a que 20 : l'Hôtel de Ville, le Marais, le
Palais-Royal, la Sorbonne, la Cité, n'en ont pas un seul. Au lieu de
256 dixainiers, il n'y en a plus que 85, mais tous les quartiers en ont
encore. Somme toute, cela fait 121 lignes de noms pour 215 de points '.
Le « Recueil pour la compagnie de MM. les conseillers du roi
quartiniers de la ville de Paris », formé en 1770 par les soins de
MM. Lempereur, Martel et Levé, a péri dans l'incendie du 24 mai
1871. Un mémoire de M. Picot a montré que cette perte n'était point
irréparable2. Je ne prétends ajouter qu'une réflexion. Toutes les
1. L'ord. du bureau de la Ville du 24 février 1744, appliquée à partir de 1745,
fixe au mois de septembre le département des cinquanteniers et dixainiers; s'il
y avait eu parmi eux des décès, les quartiniers étaient tenus de les dénoncer au
bureau de la Ville.
2. Recherches sur les quartiniers, cinquanteniers et dixainiers de la Ville de
302 L'HOTEL DE VILLE
institutions, lorsqu'elles ne tiennent plus pour ainsi dire que par un
fil, font des efforts désespérés pour ne point disparaître. Débris du
passé, c'est dans le passé qu'elles vivent, et même bien souvent dans
un passé imaginaire. Gardons-nous donc déjuger de leur importance
d'après leurs prétentions, de leur force d'après leur langage, de leur
valeur d'après leurs parchemins. La vanité, qui est un des traits les
moins contestables du caractère national, doit encore augmenter
notre défiance: amusons-nous à entendre les quartiniers faire l'éloge
des quartiniers; mais ne fondons point l'histoire du XVIIIe siècle sur
des apologies et des plaidoiries qui empruntent leurs arguments au
moyen âge et au début des temps modernes.
Toutes les charges municipales sont devenues des offices vénaux,
par conséquent lucratifs, soit par les honoraires, soit par Les droits,
soit par les privilèges qui y sont attachés. Les honoraires ,et les
droits ont subi de fréquentes variations ; les privilèges ont été plus
stables : ce sont principalement l'exemption du logement des gens
de guerre, et le franc-salé.
Le franc-salé était le droit attribué, à chacune des charges, d'une
certaine quantité de sel exempte de la gabelle. Un état du 31 janvier
1788 distribue ainsi 94 minots de sel entre les officiers du bureau de
la ville, les conseillers, et les quartiniers, tous nominativement dési-
gnés1. Les officiers et les conseillers ont chacun deux minots, les
quartiniers chacun un minot. Ceux qui cumulent plusieurs offices cu-
mulent aussi les parts de sel qui leur sont attribuées ; ainsi tandis que
Le Peletier de Morfontaine, prévôt des marchands, n'a que deux mi-
nots, Buffault en a six, deux comme échevin, deux comme lieutenant
de la juridiction, deux comme conseiller; Ethis de Gornyena quatre,
deux comme procureur, deux comme avocat ; Veytard en a quatre,
deux comme greffier, et deux comme conservateur des hypothèques.
Les cinquanteniers et dixainiers ne jouissent point du privilège de
franc-salé.
La vénalité des charges aurait pu avoir comme conséquence heu-
reuse de laisser à leurs titulaires une certaine indépendance, si les
traitements avaient eu quelque fixité. Mais il n'en était rien, et il dé-
pendait absolument de l'autorité royale et des intentions ministé-
rielles, de faire des finances exigées des officiers municipaux soit un
bon, soit un mauvais placement. Le procédé habituel de l'ancien
Paris, dans les Mém. de la Soc. de l'hist. de Paria et de l'Ile-de-France, 1. 1, p. 132-
166. M. Picot s'est servi d'une copie conservée dans la bibliothèque de M. Gus-
tave de Villeneuve (200 pages in-4°).
1. Arcli. nat., H. 1959 : « Franc-salé pour l'année 1788. »
L'HOTEL DE VILLE 303
régime consistait à laisser les abus lucratifs pour les personnes se
développer peu à peu, puis à en tirer profit, soit par la menace de
nouvelles créations de charges bien vite rachetées, soit par l'aug-
mentation du prix des anciennes charges. C'est ce qui s'appelait vul-
gairement : presser l'éponge.
La charge la plus chère n'était point celle de prévôt des marchands,
qui était encore assez considérée pour être réservée à des fonction-
naires éprouvés. C'était celle de trésorier-receveur. Vallet de Ville-
neuve déposa au trésor royal, le 27 juin 1785, un million pour le
montant de sa finance; ce million fut ensuite remis dans la caisse de
la ville, en 1783, en sept échéances, qui servirent à des rembourse-
ments1. Le receveur avait 50,000 livres de gages, et autant de taxa-
tions.
II. — En ce qui touche la nomination aux offices, elle était parta-
gée entre le roi d'un côté, les. prévôt des marchands et échevins
(considérés comme élus), de l'autre. Au commencement du règne de
Louis XVI, cette situation se trouvait réglée par l'arrêt du conseil du
15 septembre 1771, rendu en exécution de Ledit de février 1771. Le
roi avait réuni à son domaine, suivant l'état détaillé annexé à l'arrêt
du conseil : 200 offices concernant la vente des bois, 116 celle du
charbon, 114 celle des grains, 5 celle des matériaux (chaux etpiâtre),
110 celle du sel, 120 celle des vins et boissons, — le tout sur la Seine
et les ports, bien entendu; 193 autres offices relatifs aux ports, il à
la navigation de la Seine, 4 à celle de la Marne, 77 à celle de l'Oise,
3 à celle de l'Yonne, 83 divers tels que passeurs d'eau, inspecteurs-
contrôleurs du déebirage des bateaux, jurés-crieurs, receveur-payeur
du guet, loueur au Marché-Neuf. Le même arrêt maintient les prévôt
des marchands et échevins dans le droit de nommer (outre les con-
seillers de ville, quartiniers, cinquanteniers, dixainiers) : les membres
de la milice bourgeoise, le lieutenant de la juridiction de la ville, les
lieutenants subdélégués à Auxerre et Vermantnn, le procureur et avocat
du roi, les substituts du procureur du roi, le greffier en chef, les
huissiers et procureurs, le commissaire de police sur les ports et sur
les quais, le colonel des gardes de la ville, le lieutenant-colonel, les
capitaines, majors, aides-majors, lieutenants, sous-lieutenants, porte-
drapeaux, cornettes, guidons et gardes; le contrôleur des domaines,
dons, octrois et fortifications ; le maître général des bâtiments et les
inspecteurs des bâtiments; le maître des œuvres de charpenterie; le
1. D'après le Journal île la caisse, et l'état récapitulatif du 22 août 1786.
(Arch. nat , IL 1957, n° 49.)
504 L'HOTEL DE VILLE
capitaine de l'artillerie et garde des armes des magasins de la ville ;
le capitaine-conducteur des feux d'artifice.
Comme on le voit, la première catégorie de ces offices se rapportait
au commerce, à l'industrie, et même à. de très humbles métiers méca-
niques, qui n'étaient soustraits au régime des corporations que pour
tomber sous la main de l'administration. La seconde catégorie ne
renfermait guère que des offices distingués (judicature, finance, force
publique, art militaire, arts libéraux) : c'est de celle-ci que nous allons
d'abord nous occuper, simplement pour indiquer les principaux
changements qu'elle subit pendant le règne de Louis XVI jusqu'au
14 juillet 1789.
Les lieutenants-subdélégués, les subdélégués et substituts du pro-
cureur du roi et de la ville, exerçaient les mêmes fonctions. Ils avaient
à instruire sur place, en différentes localités du bassin de la Seine et
de ses affluents, les contestations et tous incidents relatifs à la navi-
gation, et à l'approvisionnement de Paris. Aucune loi ne déterminait
le siège de ces subdélégations, et la ville en avait d'abord disposé à
son gré, par simples commissions. L'édit de mai 1690 en érigea quatre
en titre d'offices, à Sens, Auxerre, Vermanton et Montargis ; le 8 août
celui d'Auxerre fut transféré à Glamecy, sans que le nom officiel en
fût changé. Les gages, d'abord de 300 livres, furent réduits à 120. —
Quant aux subdélégués commissionnés par la ville, ils n'avaient aucun
traitement. On les indemnisait en cas de déplacement, de frais d'af-
fiches ', etc. En général, ces commissions étaient postulées par quel-
que juge local, ou officier ministériel, dont elles augmentaient l'autorité
et l'importance. Sous Louis XVI la ville rentra, moyennant finances,
dans le droit de commissionner tous les subdélégués : le 2 août 178o
(sans doute après entente préalable avec le ministère), le bureau de
la ville prit la délibération suivante :
... Sa Majesté sera suppliée de vouloir bien ordonner par un arrêt de son
Conseil la suppression des quatre offices [de subdélégués] créés par l'édit de
mai 1690 et leur réunion à la ville, en nous autorisant : 1° à rembourser aux
titulaires, et des deniers de la ville, le prix de ceux qui ont été levés, d'après
la liquidation qui en sera par nous faite; 2° et à remplacer lesdits subdélégués
supprimés par tels sujets que nous jugerons à propos de choisir, lesquels se-
ront établis... sur une simple commission du bureau; — enfin, que parle
1. En 1718, sont indemnisés pour frais d'affiches les subdélégués ou substituts
de Monlereau, Nogeut-sur-^eine, Méry-sur-Seine, Troyes, Bar-sur-Seino, Chà-
tillon-sur-Seine, Châtillon-sur-Loing, Arcis-sur-Aube, Bar-sur- Aube, Sens, Joigny,
Auxerre, Clamecy, Tonnerre, Montbard, Chaource, Saint-Dizier, Yitry-le-François,
Châlous-sur-Marne, Châtillon-sur-Marne, Château-Thierry, Meaux, Mculau, Com-
piègne, Soissons. (Arch. nat., H. 1953; registre par mention f" 313 v°.)
L'HOTEL DE VILLE 505
même arrêt il sera motivé que tous les privilèges et exemptions ci-devant
accordés auxdits subdélôgués leur seront continués, et pour éviter toutes con-
testations sur l'étendue de ces mêmes privilèges, il y sera dit qu'ils seront en
tout assimilés à ceux dont jouissent dans les provinces les subdélégués des
intendants *.
Caïonne fît une réponse favorable à cette demande le 20 septembre
1785».
Les subdélégués ne pouvaient d'abord qu'instruire jusqu'à sentence
définitive exclusivement; mais les officiers pourvus en titre avaient
obtenu, par arrêt du Conseil du 25 août 1705, de juger jusqu'à con-
currence de 30 livres. Le même droit fut naturellement attribué aux
subdélégués commissionnés par la ville, comme l'indique l'extrait
suivant d'une instance au bureau de la ville 3.
Le pouvoir de vos subdélégués est nettement expliqué par l'édit de mai
1690, par lequel il en a été créé quatre en titre d'office; et, aux termes de cet
édit, ils ne pouvaient qu'instruire jusqu'à sentence définitive exclusivement.
Mais les premiers titulaires de ces offices s'étant pourvus au Conseil, il y inter-
vint arrêt le 25 août 1705, qui leur accorda la faculté de juger seulement
jusqu'à concurrence de 30 livres, et ordonna qu'à l'égard des affaires excé-
dentes cette somme, ils ne pourraient qu'instruire jusqu'à sentence définitive
exclusivement, conformément à l'édit. Il y a plus, c'est que dans les matières
dont la connaissance vous appartient, il est expressément défendu d'appointer
en droit ni à mettre, et de prendre aucunes vacations ou épices-t.
Deux ans avant la réunion à la ville des quatre offices de lieute-
nants subdélégués (d'ailleurs rarement occupés tous les quatre),
avaient eu lieu deux suppressions d'offices beaucoup plus importants,
exercés à Paris même.
L'édit de juillet 1681 avait créé deux offices héréditaires, l'un sous
ie titre de maître des œuvres de maçonnerie de la ville, et garde ayant
charge des eaux et fontaines publiques ; l'autre sous le titre de maître
des œuvres de charpenterie. Le premier de ces deux offices fut rem-
placé (édit de juillet 1706) par un office de « conseiller du roi, maître
général, contrôleur et inspecteur des bâtiments de la ville, garde
1. Arch. nat., H. 1952, pièce 52.
2. Id., ibid, pièce 53.
3. En date du 18 juin 1776: cette instance fut suivie de succès (Arch. nat.,
H. 1952). Cette pièce forme un cahier de 10 feuilles, uon paginées, avec diverses
annexes.
4. Édit du 22 oct. 1563, reg. le 22 nov. (V. Fontanou, t. I, p. 840.) La jurispru-
dence du bureau était en conformité de cet édit, confirmé par arrêts de la Cour
des 8 mars 1702, 11 avril 1702, 4 juin 1704. — Sentence du bureau du 20 janvier
1763.
506 L'HOTEL DE VILLE
ayant charge des eaux et fontaines publiques » ; le second office sub-
sista sous sa première dénomination. Par l'édit d'août 1783, l'un et
l'autre furent supprimés et remboursés.
Les fonctions attribuées auxdits deux offices seront exercées sur une simple
commission, sous l'autorité des prévôt des marchands et échevins, par l'ar-
chitecte de la ville qu'ils auront nommé, et moyennant le traitement qui lui
sera attribué r.
C'est alors que Moreau fut nommé architecte de la ville, aux ap-
pointements de 12,000 livres, sans compter les gratifications pour
devis et travaux exceptionnels.
En s'attaquant à la vieille constitution du bureau, il était aisé de
faire financer la ville. Voici un exemple de cette politique exclusive-
ment fiscale.
Depuis 14(50, le premier échevin était chargé du contrôle de la
caisse municipale. En 1515, est créé un office distinct de contrôleur,
supprimé moyennant finances le 1 \ octobre 1510. Mêmes créations et
suppressions alternatives en 1550, en 1555; confirmation du droit de
la ville parles édits de 1501 et de 1630, puis par l'ordonnance (orga-
nique) de 1672 (titre XXXIII, art. 14). En mars 1091, la charge de con-
trôleur est rétablie encore, la ville ne peut la racheter, et elle est ac-
quise par un sieur Bazin : en 1700, la ville rembourse à Bazin le prix
de sa charge, 13,500 livres. Autre création et nouveau remboursement
(pour 88,000 livres) en janvier 1707 et le 9 août de la même année ;
puis encore en 1778. — En 1784, le ministre de Calonne fit revivre
encore cette charge, en en modifiant le titre : un sieur Martel fut
nommé commissaire à l'administration de la ville, pour les détails de
la caisse d'amortissement; l'arrêt du Conseil du 20 mai lui donna
voix délibérative au bureau; celui du 6 juin donna en outre voix dé-
libérative au receveur de la ville, et au greffier, lesquels protestèrent
qu'ils n'avaient point demandé ce nouveau droit, peu compatible
avec leurs fonctions. Tout ce que voulait le ministre, c'était de l'ar-
gent. Le 17 août, le bureau de la ville décida, puisque sa constitution
était changée, de convoquer l'assemblée des conseillers et des quar-
tiniers pour le 20 août. Tout était déjà arrangé : le sieur Martel se
présenta, offrit sa démission au prévôt des marchands, si les pou-
voirs à lui accordés blessaient la ville et les deux compagnies. La dé-
mission fut reçue ; le greffier Veytard et le receveur Rousseau se dé-
sistèrent volontiers du bénéfice de la voix délibérative, et les arrêts
\. Arch. nat., K. 1051 : édit d'août 178:!, enregistré le '■'•> septembre, art. 4.
L'HOTEL DE VILLE 507
des 20 mai et 6 juin furent révoqués, moyennant une pension de
4,000 livres accordée par la ville au sieur Martel, et réversible sur sa
femme et ses enfants '.
La charge de receveur fut elle-même à diverses reprises (juil-
let 4681, 6 juin 178-4) 2 désunie du corps et Hôtel de Ville de Paris, et
érigée en titre d'office, à seule fin d'obtenir pour le trésor des avan-
tages plus considérables.
Les autres offices à la nomination du prévôt des marchands et des
échevins ne subirent point de modification dans leurs titres* jusqu'en
1789 3. Mais pour les plus modestes d'entre eux se produisaient
souvent des interventions singulièrement impérieuses. On a vu plus
haut, à propos du ministre de Paris, à quelles déclarations hautaines
de ses principes ministériels le baron de Breteuil s'était laissé en-
traîner pour la nomination d'un concierge des magasins de la Ville ;
il n'avait que le droit de recommander : il imposa son protégé, et,
par une économie bien entendue, fit doubler son traitement sur la
caisse municipale.
III. — La réunion au domaine royal de la plupart des offices munici-
paux relatifs au commerce et aux industries de Seine facilita l'applica-
tion des doctrines économiques sous le ministère de Turgot; beaucoup
de ces offices gênants pour la liberté, et peu fructueux pour le trésor,
purent être supprimés, soit par extinction, soit par remboursement
(12 mars 1776). Mais ils pullulèrent de nouveau, surtout à partir de
Galonné : d'ailleurs, leur réunion au domaine royal ne présentait
1. Arch. nat., H. 1955. — Minutes des délibérations du bureau, dis l"ï et 20 août
1784. Lettre de Calonne, du 19 octobre.
2. D'après les lettres patentes du G juin 1784, enregistrées en Parlement le
13 juillet, l'édit de juillet 1681 avait érigé l'office de conseiller receveur du do-
maine, deniers communs, dons et octrois de la Ville de Paris, « avec faculté à
ceux qui en seraient pourvus de le résigner » à leur volonté « en faveur de per-
sonne capable » ; les revenus consistaient en gages et en taxations sur les deniers
de la recette, lesquelles augmentaient en proportion de ces deniers. En 1762, à
la mort du receveur Boucot, Louis XV autorisa la Ville ;i faire faire, par com-
mission, l'exercice de cet office jusqu'en 1767 (29 août), époque où l'office fut
incorporé au Corps et Hôtel de Ville, ainsi que les taxations et gages y attachés,
avec faculté aux prévôt des marchands et échevins de commissiomier un rece-
veur. — Les lettres patentes du 6 juin 1784 rétablissent l'office, dont la finance,
fixée à 1 million, sera versée dans la caisse d'amortissement de la Ville. Les
gages, au denier 20 de la finance, sont de 50,000 livres. Les taxations, suppri-
mées, sont remplacées par pareille somme de 50,000 livres, à charge par le re-
ceveur de pourvoir aux appointements de ses commis et à ses frais de bureau.
— Vallet de Villeneuve, qui accepta ces conditions, recouvra l'ancien titre de
receveur de la Ville.
3. Les pièces qui suivent, et le tableau des « Dépenses fixes de la Ville pour
1789 », les feront suffisamment connaître.
508 L'HOTEL DE VILLE
qu'un caractère fiscal. Administrativement, ils étaient toujours sous
la juridiction et la surveillance de la Ville, très jalouse de son do-
maine aquatique.
D'après un mémoire du bureau, du 7 juin 1785 ', quatre sortes de
gens attachés à la navigation dépendaient de la police des prévôt
des marchands et échevins : 1° les voituriers par eau et mariniers,
états libres, sauf que les maîtres de coches devaient présenter leurs
mariniers au prévôt des marchands ; 2° les maîtres des ponts, nom-
més ainsi sur la basse Seine, et maîtres-chableurs sur la haute Seine,
lesquels, avec leurs aides, avaient seuls le droit de faire passer les
bateaux sous les ponts2; 3° les maîtres bateliers passeurs d'eau, offi-
ciers ayant seuls le droit de faire passer les habitants et d'aller au-
devant des coches, et qui faisaient tous faire leurs fonctions par des
gagne-deniers expérimentés, reconnus comme tels. Les maîtres des
ponts et les maîtres bateliers étaient autorisés à percevoir des droits.
Les deux offices de maîtres des ponts de Paris valaient ensemble
120,000 livres; ceux de la basse Seine et de la haute Seine étaient
peu importants; quant aux maîtres-bateliers, institués en 1704, ils
étaient parfaitement inutiles; 4°lesbachoteurs, gagne-deniers approu-
vés par le prévôt des marchands pour conduire les bourgeois aux en-
virons de Paris.
La communauté des «maîtres-tonneliers, anciens déchargeurs de
vins et autres boissons et liqueurs, sur les ports de la ville et des fau-
bourgs de Paris», dépendait de l'Hôtel de Ville. En 1785, le bureau
de la Ville leur donne des statuts et règlements en quarante-deux
articles 3. Le préambule vise : l'ordonnance du 30 janvier 1350,
celle de février 1415, les lettres patentes du 16 janvier 1637, l'or-
donnance de décembre 1672 (chapitre XIII), les édits de mai 1703,
janvier 1704 et juin 1707 , l'ordonnance du bureau du 4 décembre
1714, l'Arrêt du Parlement du 3 septembre 1784. — Cette commu-
nauté dépendait « de temps immémorial » du bureau de la Ville ;
mais, pour y être reçu maître, il fallait d'abord l'avoir été comme
maître-tonnelier (sans autre épithète) au siège de la police du
Châtelet. — L'édit de février 1776, qui supprimait toutes les autres
communautés d'arts et métiers, n'avait pas fait mention de celle
1. Arch. nat., H. 1956.
2. Ils commandaient eux-mêmes la manœuvre. Ils étaient garants des pertes
survenues par la faute de leurs commis. C'étaient des offices de famille, et par
suite une habitude d'enfance de les exercer.
3. H. 19116, pièce 27. Ordonnance de 26 pages in-4", du 22 mars 1785, signée à
la main par les cinq membres du bureau.
L'HOTEL DE VILLE 509
des anciens déchargeurs sur les ports, soit par oubli, soit par un res-
pect des droits de la Ville que l'on remarque dans d'autres actes de
Turgot.
Cette fureur de réglementation, et peut-être aussi quelques intérêts
plus positifs, donnèrent lieu le 2 juin 1786 ' à un projet qui n'aboutit
qu'en partie, mais qui était des plus significatifs. Le procureur du
roi et de la ville se plaignait des sollicitations et des plaintes dont les
particuliers qui faisaient pour la Ville le commerce de charbon de
bois par eau, ne cessaient de harceler l'administration municipale.
La liberté du commerce, sujette aux lois générales de la police, est
un remède auquel il ne fait même pas allusion. Il propose de substi-
tuer une soumission générale à une multitude de soumissions parti-
culières, et de former «une corporation de tous les marchands de
toutes les rivières qui fournissent le charbon à la capitale »; le syndi-
cat de la corporation réglerait les détails et les dates des ventes, et
ferait le partage des bénéfices au prorata du prix des chargements
épuisés! Cette gigantesque corporation municipale ne fut point insti-
tuée ; et l'association des principaux fournisseurs de Paris n'aboutit
qu'à un monopole ruineux pour le public, sinon pour ses maîtres et
seigneurs.
Par ces indices et par bien d'autres, on voit que la Ville avait une
tendance à augmenter le nombre des offices ou simples métiers pla-
cés sous sa surveillance.
Chose singulière! la Révolution ne calma point cette passion enva-
hissante. Après le 14 juillet 1789, Éthis de Corny ne perd pas son
temps pour réunir à l'Hôtel de Ville les corporations qui en avaient
été distraites; des ordonnances signées Bailly revendiquent hautement
le gouvernement des porteurs d'eau et celui des plumets-porteurs de
charbon.
La Ville a une excuse. C'est qu'elle faisait les frais d'une grande ad-
ministration, celle de l'octroi, dont cependant presque tous les béné-
fices étaient pour le trésor royal, et dont tous les détails ou à peu près
étaient réglés par la Ferme générale. Les usurpations ou empiétements
de l'Etat sur le budget municipal devaient entraîner la Ville à usurper
et empiéter à son tour sur le domaine bien mal défendu des libertés
individuelles 2.
1. Arch. nat., H. 1957.
2. Il y a eu quatre prévôts des marchands pendant le règne de Louis XVI :
Jean-Baptiste-François de la Michodière, chevalier, comte d'Hauteville, sei-
gneur de la Michodière, Romesse et autres lieux, conseiller d'État (1772-1778) ;
Antoine-Louis François Le Fevre de Caumartin, chevalier, marquis de Saint-
510 L'HOTEL DE VILLE
MÉMOIRE
SUR LES RAPPORTS ADMINISTRATIFS DE LA VILLE ET DES MINISTRES
RÉFUTATION DE LA DOCTRINE DU PARLEMENT A CE SUJET '
La Ville de Paris n'a jamais été soumise aux lois d'administration munici-
pale prescrites aux autres villes du royaume, si elle n'est spécialement dé-
nommée : et elle jouit de temps immémorial du privilège de ne rendre compte
de son administration qu'au roi et à ses ministres2.
I. Le 11 février lTGi, le roi donna une déclaration qui ordonnait aux villes,
bourgs, communautés et autres corps du royaume, de remettre à M. le con-
trôleur général les états de leurs revenus et biens, soit d'octroi, soit patrimo-
niaux, et de leurs charges et dettes : et cette déclaration fut enregistrée au
Parlement à la charge que pareils états seraient remis à M. le procureur géné-
ral pour être déposés au greffe de la Cour.
La Ville de Paris, sans aucune déclaration ni arrêt, s'est toujours fait un
devoir de remettre de son propre mouvement à MM. les contrôleurs généraux
Ange, comte de Moret, seigneur de Caumartin, Boissy-le-Châtel et autres lieux,
conseiller du roi en ses conseils, maitre des requêtes honoraire de son hôtel,
grand-croix, chancelier et garde des sceaux honoraire de Tordre de Saint-Louis
(1778-1784);
Louis Le Peletier, chevalier, marquis de Montméliant, seigneur de Morfon-
taine, Plailly, Beaupré, Othis et autres lieux, grand trésorier commandeur do
l'ordre du Saint-Esprit, conseiller d'État (1784-21 avril 1789;;
Jacques de Flesselles (21 avril 1789-14 juillet 1789). 11 avait été intendant de
Moulins (1762), de Bretagne (17G0), de Lyon (1767), conseiller de la grand'chambre.
Immédiatement avant sa nomination comme prévôt, il faisait partie comme con-
seiller semestre de deux des dix commissions extraordinaires du Conseil établies
par les règlements des 27 oct. 1787 et 2 fév. 1788; celle des grains et celle des
impositions de Paris [Alun, royal de 1789, p. 248 et 249) : cela explique le choix
du roi et la mort tragique du dernier prévôt des marchands.
1. Arch. nat., H. 1954.
2. Le bureau de la Ville, dans sa délibération du 17 janvier 1783 (reg., H. 1880,
{> 76 v°), n'assigne pas d'autre origine à cette indépendance constitutive que
(i l'existence même de la capitale ». Il veut bien toutefois mentionner les actes
du pouvoir royal qui l'ont reconnue et confirmée. Dans l'ordonnance organique
de 1415, Charles VI, en soumettant au Parlement tout ce qui a trait à la juridic-
tion, ne fait dépendre « les opérations relatives à l'administration que de la
seule volonté du corps municipal et de la pureté de ses intentions ». En 1550,
e Parlement exigea de la Ville des comptes de finance, et lui contesta le droit
de nommer aux offices municipaux : Henri II s'empressa d'opposer à ces préten-
tions des lettres patentes, lesquelles «servirent encore de modèle à Louis XIV»,
lorsqu'on 1672 il expliqua ses intentions « tant sur le fait de la juridiction que
de l'administration de la Ville ». Pendant le XVIIIe siècle, jusqu'en 1762, il fut
rendu douze « ■ «lits , déclarations et lettres patentes portant établissement de dif-
férents droits au profit de. la Ville, ou réunions à son domaine. Tous dispensent
la Ville de compter à la Chambre des comptes ni ailleurs que devant le bureau;
et le Parlement les a enregistrés purement et simplement. C'est en 1767 seule-
ment qu'il fil à l'enregistrement des édits de 1764 et de 1765 des restrictions
d'ailleurs annulées par lettre de cachet.
L'HOTEL DE VILLE 511
à leur avènement les états de sa situation, et se disposait à le faire, lorsque
M. de l'Averdy ', nouveau contrôleur général, — malgré les représentations
de M. de Viarmcs, lors prévôt des marchands, sur le danger, que, s'il y avait
une déclaration particulière pour la Ville, le Parlement n'opposât dans son
euregistrement la charge de fournir des états au greffe, ce qui mettrait la ville
dans le cas de déroger à son privilège, et aussi malgré la promesse que lui fit
M. de Viarmes de lui remettre incessamment les états cl un mémoire qui con-
tiendrait la défense de la Ville et l'établissement de ses droits, — M. de
l'Averdy fit, le 6 août 1764, rendre un arrêt du Conseil et des lettres patentes
qui astreignaient la Ville à fournir les étals ainsi que les autres villes. Ces
lettres furent registrées le 13 du même mois au Parlement qui mit aussi dans
son enregistrement la clause que les prévôt des marchands et échevins se-
raient tenus d'envoyer au procureur général dans le délai y porté, à l'effet
d'être déposés au greffe de la Cour, les mémoires énoncés dans lesdites
lettres, etc., et envoyées par M. le procureur général au procureur du roi et
de la ville pour les faire enregistrer au greffe du bureau.
Cependant M. le prévôt des marchands faisait travailler aux états et au mé-
moire promis, et à la nouvelle de ces arrêts et lettres il écrivit, le 15 du
même mois à M. de l'Averdy, une lettre où il lui rappelle succinctement les
privilèges de la Ville, lui représente combien un pareil enregistrement leur
porte préjudice; que ceux mêmes du roi et des ministres y sont intéressés2;
et lui envoie un mémoire et un supplément de mémoire justificatif de la jus-
tice des réclamations de la Ville.
A cette lettre, M. de l'Averdy répondit le 17 du même mois, qu'il était
persuadé que, quand même les états seraient fournis au Parlement, cette Cour
ne se mêlerait pas des opérations de la Ville, et que le gouvernement pren-
drait toujours des mesures convenables pour ne pas ôter à la Ville de Paris
ses droits; mais finit par objecter l'enregistrement au Parlement de la con-
struction de la Halle et gare, contre lequel la Ville n'avait pas réclamé.
M. le prévôt des marchands répliqua à celle lettre par une autre du 18, où
il dit que l'opération de la gare n'étant qu'une opération momentanée,
M. Bertin, lors ministre, ne crut pas devoir insister, mais qu'ici il s'agissait
de la totalité de la régie de la Ville et de sa conslitution; qu'il pensait qu'il
faudrait peut-être assembler le corps de ville pour la conservation de ses
droits; que le roi seul, par lui-même ou par ses ministres, décidait des be-
soins de la Ville; qu'il était visible que l'intention du Parlement était de
mettre de telles entraves à l'administration de la Ville qu'elle fût entièrement
dans sa dépendance.
<•
1. Le texte porte Delaverdie.
2. En 1783, le bureau fait de même remarquer au Conseil que, « dans toutes
les circonstances embarrassantes où l'État a voulu étendre ses ressources sans
recourir au moyen des emprunts directs », par conséquent à l'enregistrement
au Parlement ou au lit de justice, « il s'est procuré le secours dont il avait
besoin en faisant usage du crédit de la Ville auquel le public n'a cessé dans
aucun temps d'accorder sa confiance ». Il conseille au gouvernement de ne pas lais-
ser échapper de ses mains « les ressorts cachés » qui animent ce crédit inter-
médiaire : « l'austérité des formes ne saurait se concilier en pareil cas avec la
marche rapide et secrète de l'administration ».
512 L'HOTEL DE VILLE
Le 8 ou 9 mai, M. le procureur général envoya au procureur du roi et de la
Ville lesdites lettres patentes du 6 avril pour être enregistrées au bureau de la
Ville, le priant de lui en envoyer l'enregistrement afin qu'il fût en état d'en
certifier la Cour.
Le 10, le bureau de la Ville assemblé prit une délibération par laquelle,
après avoir reconnu qu'il n'y avait aucune difficulté de remettre à M. le con-
trôleur général les états et mémoires demandés, a observé qu'il n'en était pas
de même de la remise de ces états à M. le procureur général; que de tout
temps la Ville a joui du privilège d'administrer ses biens et ses revenus sous
l'autorité unique et immédiate de Sa Majesté; qu'elle y a été confirmée par
différents arrêts et lettres patentes; que les opérations publiques dont elle est
chargée exigent le soutien du crédit dont elle jouit, etc.; que cependant,
pour donner aux autres villes du royaume l'exemple de sa soumission, et con-
vaincue que son obéissance ne portera pour l'avenir aucun préjudice à ses
privilèges et sous toutes réserves, a arrêté que lesdites lettres patentes
seraient registrées au greffe du bureau ; et M. le prévôt des marchands a été
prié de donner connaissance de celte délibération à M. de Saint-Florentin et à
M. le contrôleur général, et de les supplier de maintenir la Ville dans sa con-
stitution, et particulièrement M. le contrôleur général de faire attention à l'in-
convénient qu'il y aurait à rendre publique, par la remise du double des états
et mémoires, la connaissance de la situation de la Ville dont le secret doit
demeurer renfermé entre le roi et la Ville, et en conséquence de vouloir bien
se charger de remettre à M. le procureur général tels états et mémoires qu'il
jugerait à propos, des revenus et dépenses de la Ville.
Lesdites lettres patentes furent registrées purement et simplement au bureau
de la Ville, le même jour. Et M. le prévôt des marchands envoya expédition
de cette délibération à M. Florentin, à M. le contrôleur général et à M. le gou-
verneur de Paris.
Dans le même mois de mai, M. le prévôt des marchands remit à M. le con-
trôleur général lesdits états et mémoires avec des doubles d'iceux que ce mi-
nistre lui avait demandés. Ils étaient exacts, mais non certifiés.
Il y a lieu de croire que M. le contrôleur général a remis ces doubles d'états
et mémoires à M. le procureur général qui les a déposés au greffe du Parle-
ment, et que le Parlement en a été satisfait, puisqu'alors il a cessé toutes
poursuites, du moins pour un temps.
M. Bignon succéda à M. de Viarmes, en la charge de prévôt des marchands,
en 1764. Animé des mêmes principes que son prédécesseur, il reprit et per-
fectionna des opérations que M. de Viarmes avait commencées pour un plan
plus économique d'administration de la Ville. Mais dès le commencement de
l'année 1765, le Parlement recommença ses poursuites; il trouva mauvais que
les états qu'avait remis M. le contrôleur général ne fussent pas certifiés, et
chargea M. le premier président de les faire certifier. Le bureau de la Ville
s'excusa sur ce que les lettres patentes non plus que l'enregistrement ne le
prescrivaient pas; mais enfin, obligé de satisfaire au désir du Parlement, le
bureau prit le 12 février une délibération pour la forme du certificat qu'il
avait à donner, de suite se rendit à l'hôtel de M. le premier président, qui
n'approuva pas le certificat, et exigea que le certifié fût mis au pied des étals
ou mémoires : ce que les prévôt des marchands et échevins firent sur l'assu-
rance que donna M. le premier président qu'il n'en pourrait résulter aucun
L'HOTEL DE VILLE 513
inconvénient pour la Ville. Et le bureau, de retour à l'Hôtel de Ville, fit toutes
réserves pour les droits de la Ville, ainsi qu'il est constaté par un procès-
verbal ensuite de ladite délibération.
M. le prévôt des marchands, qui voyait bien où tendaient les prétentions du
Parlement qui ne manquerait pas de demander des éclaircissements sur ces
étals, se décide à en écrire au roi.
Il envoya sa lettre à M. de Saint-Florentin l.
Celte lettre rend compte de l'exigence du certificat et supplie le roi de con-
server à la Ville sa plus belle prérogative, qui est de ne rendre compte qu'au
roi de sa conduite, etc.
M. de Saint-Florentin écrivit le 8 mars à M. le prévôt des marchands qu'il
remettrait la lettre au roi, et tâcherait de convaincre Sa Majesté du danger
qu'il y aurait de laisser le Parlement se rendre maître de l'administration de
la Ville.
Et le o septembre suivant, ce ministre envoya à M. le prévôt des marchands
une lettre du roi par laquelle Sa Majesté déclare que son intention était « que
la Ville continuât de ne rendre compte qu'à Sa Majesté de l'administration de
ses revenus, ainsi et de la manière qu'il a été observé et pratiqué en tout
temps, etc. »
Par arrêt du Conseil du 24 juillet 1767, le roi avait fixé provisoirement
toutes les dépenses; ainsi l'administration de la Ville se trouva établie et
réglée par le roi même.
IL Comme il était absolument nécessaire de procurer des secours à la Ville
tant pour acquitter ses dettes personnelles que celles contractées par ordre
du roi, et subvenir aux différents travaux ordonnés par Sa Majesté, et que,
pour procurer ces secours, il fallait des édits et déclarations sujets à l'enre-
gistrement, quoiqu'on craignît que le Parlement n'y opposât des charges,
on se détermina cependant à communiquer un projet d'édit de suppression de
droits aliénés à la Ville par les déclarations du 9 juillet et de décembre 1738,
et concession en faveur de la Ville d'un droit d'octroi sur les vins, eau-
de-vie, liqueurs et autres boissons.
Ce projet d'édit fut plus de neuf mois à être arrêté. Enfin, après bien des
difficultés, l'édit (daté du mois de juillet J767) fut envoyé par M. le contrô-
leur général au Parlement.
Il y eut grands débats dans l'examen de cet édit; et, avant de procéder à
son enregistrement, le Parlement prit, le 4 août, un arrêté pour faire des re-
présentations au roi sur les abus glissés dans les différentes dépenses an-
nuelles de la Ville et dans son administration ; que le bureau de la Ville
serait tenu de donner dans huitaine un état certifié des différentes finances de
la Ville, de la finance des offices, etc.
Comme le bureau sentit que cet interlocutoire était moins pour l'édit envové
à l'enregistrement que pour avoir pleine connaissance de l'administration de
la Ville, M. le prévôt des marchands fut à Compiègne faire part de cet arrêté
aux ministres.
Le roi, instruit de cet arrêté, adressa au corps de ville une lettre de cachet
en date du 9 août, qui lui fait défenses d'obtempérer à cet arrêté sous peine
1. Ministre de Paris.
33
514 L'HOTEL DE VILLE
de désobéissance. A celle lettre est jointe celle d'envoi de M. de Saint-
Florentin.
Et Sa Majesté, qui avait mandé M. le premier président ledit jour 9 août, lui
dit que ce n'était pas au bureau de la Ville que le Parlement devait demander
les états de l'emploi des sommes auxquelles Sa Majesté avait fixé les dépenses
de la Ville, que c'était à elle directement; — que le Parlement devait être sa-
tisfait des connaissances qu'elle avait bien voulu lui en donner, etc.; — que le
Parlement devait être persuadé que Sa Majesté donnerait la plus grande
attention aux réflexions qu'il croira devoir faire; — que le Parlement n'aurait
pas dû tant différer d'enregistrer l'édit, etc.
M. le premier président ayant rendu compte aux Chambres assemblées du
discours du roi, le Parlement arrêta le \\ qu'il serait fait des représentations
au roi sur les dispositions de l'édit concernant la Ville, et sur la fixation faite
par le roi des objets de dépenses de la Ville, etc.
Les remontrances faites ont été portées au roi le 15, et Sa Majesté y a ré-
pondu le 16 entre autres choses : qu'elle n'avait pas voulu régler définitive-
ment les dépenses de la Ville dans l'espérance d'en diminuer encore quelques-
unes par la suite; que Sa Majesté ferait attention aux différents objets contenus
dans les représentations ; que c'était dans la vue de fixer définitivement
l'administration de la Ville et d'en régler la forme qu'elle y avait dès à présent
fixé un conseil particulier ; que c'était l'objet des dispositions du nouvel édit,
et que l'intention de Sa Majesté était que le Parlement procédât à son enregis-
trement, etc.
L'édit avait été effectivement changé, et il y avait été inséré quelques
articles relatifs aux demandes du Parlement, tel que celui pour le Conseil par-
ticulier de la Ville.
Enfin il fut enregistré le 21 août avec toutes les modifications et charges
possibles pour avoir pleine connaissance des affaires de la Ville.
Ce dont le roi ayant eu connaissance, Sa Majesté envoya à la Ville le même
jour une lettre de cachet qui fait défenses aux prévôt des marchands etéchevins
de remettre au greffe du Parlement aucuns états de recette et de dépenses, etc.;
au Conseil de la Ville de remettre pareillement aucuns avis ni mémoires;
ordonne que les prévu! des marchands et échevins et le Conseil particulier de
la Ville ne pourront s'adresser qu'au roi comme par le passé.
Et le même jour Sa Majesté rendit un arrêt contenant les mêmes dispo-
sitions.
IV. — En 1782 et 1783, le Parlement reprit pour la troisième Cois
son dessein. — Le 22 décembre 1782, lui avaient été adressées des
lettres patentes « portant prorogation pour la Ville, pendant six mois,
des mômes droits dont la perception avait été précédemment auto-
risée par lettres patentes du 25 novembre 17(52 »; le Parlement les
enregistra le 31 décembre 1782, mais moyennant de nombreuses
charges ou conditions. 11 exigeait que les délibérations du bureau de
la Ville concernant les établissements nouveaux, les constructions
nouvelles, les ventes, les emprunts, ne fussent exécutoires qu'une
l'ois homologuées en Parlement. Il ordonnait (en attendant le règle-
L'HOTEL DE VILLE SI 5
ment général annoncé par le roi) aux prévôt des marchands et
échevins de déposer, dans le délai d'un mois au plus, au greffe de la
Cour : 1° un état de tous les capitaux que l'Hôtel de Ville pouvait devoir
et du montant de leurs arrérages; 2° un état des revenus ordinaires,
et un des revenus extraordinaires de l'Hôtel de Ville; 3° un état de
ses dettes exigibles; -4° un état des charges annuelles, et spéciale-
ment des pensions et gratifications; o° « un état exact et détaillé de
l'emploi qui a été fait des deniers provenus de l'octroi accordé à la
Ville de Paris », par les lettres patentes de 1762 et l'édit de 1707 :
lesdits états dûment certifiés véritables par les prévôt des marchands
et échevins.
Comme les affaires de la Ville, et surtout ses dettes, étaient deve-
nues de plus en plus celles du roi, on voit qu'au fond le Parlement
voulait des éclaircissements sur les linances royales: le compte-rendu
dé Necker (1781) ne lui suffisait pas: c'est sur pièces qu'il voulait
juger.
Le bureau de la Ville procéda en 1783 comme en 1707. Il enre-
gistra les lettres du 22 décembre 1782, y compris toutes les charges
que l'arrêté d'enregistrement du 31 avait mises a leur exécution : et
il se fit interdire, par lettre de cachet du roi, d'accepter celles de ces
charges qui étaient contraires aux privilèges de la Ville, et (point ca-
pital pour les ministres) au secret des finances.
EXTRAIT du procès-verbal de la séance du Parlement du 31 janvier 1783,
du matin, toutes chambres assemblées '.
... M. le président a dit que samedi dernier 2 il avait reçu ordre du roi de
se rendre le lendemain auprès de sa personne vers l'heure de son lever ;
qu'après la messe du roi, lorsque tout le monde avait été retiré, on était venu
l'avertir que le roi le demandait, qu'il avait été introduit dans le fond de l'ap-
partement dans le cabinet particulier de Sa Majesté, que là il avait trouvé le
roi seul avec M. le garde des sceaux; que le roi lui avait fait l'honneur de lui
dire :
Je m'occupe de fêtât de la Ville de Paris. Vous direz à mon Parlement
qu'il ne fasse rien à cet égard que je ne lui aie fait connaître mes intentions.
M. le premier premier président ayant demandé au roi la permission de lui
faire quelques rétlexions, le roi lui ayant permis, il lui a adressé la parole en
ces termes :
« Je supplie Votre Majesté de me permettre de lui représenter que son Parle*
ment a arrêté des remontrances pour mettre sous les yeux de Votre Majesté
t. Minute signée d'AIigre. Archi nat., X 1b Sf97S-
2. 25 janvier 1783.
3IG L'HOTEL DE VILLE
les abus excessifs qu'il y a eu dans les dépenses de la Ville, afin qu'elle puisse
donner ses ordres : qu'entre autres le feu roi ayant eu la bonté d'accorder un
impôt à la Ville pendant vingt ans pour payer différents objets de dépenses, le
produit de l'impôt pendant douze ans seulement aurait suffi pour les acquitter.
L'argent en a été détourné à un point si considérable que les vingt années n'ont
pas suffi : en sorte que Votre Majesté vient d*êtrc obligée de continuer l'impôt,
et les affaires de la Ville, malgré cela encore, sont dans le plus mauvais état.
Votre Majesté sait combien il y a eu de désordre et d'abus, lesquels ne se sont
introduits que parce que personne n'a été chargé d'y veiller. C'est le devoir
de votre Parlement : l'on a cherché les moyens de l'éviter, parce que l'on a
craint la lumière.
« Il y a, Sire, une infinité de personnes intéressées à faire faire de la dépense
et aucune à l'empêcher. Votre Parlement par devoir est obligé d'avertir Votre
Majesté des abus qui se commettent, ce qui fait que l'on cherche à l'éloigner
parce qu'il y a bien du monde intéressé à lui nuire et à l'écarter d'auprès Votre
Majesté, qui reconnaîtra toujours que ce n'est que son zèle pour son service,
pour le bien de ses peuples et son amour pour sa personne qui dictera ses
démarches.
« Lorsque Votre Majesté aura fait mettre de l'ordre dans toutes les dépenses
de ses départements et réprimer les abus, elle pourra, en suivant les mouve-
ments de son cœur, soulager ses provinces qui en ont le plus grand besoin ; ce
soulagement y rétablira la population et rendra son royaume florissant, ce
qui le fera adorer de ses sujets et admirer de l'univers, comme il le fait déjà
de toutes ses vertus. »
La matière mise en délibération :
Il a été arrêté qu'il serait fait procès-verbal du récit fait par M. le premier
président.
REPRÉSENTATIONS AU ROI
CONCERNANT LA PROROGATION POUR DIX ANS DES DROITS D'OCTROI
DE LA VILLE, ENREGISTRÉE LE 5 SEPTEMBRE 1788 '
Ce n'est qu'en conformité des anciennes ordonnances, maximes et usages du
royaume, et après mûre délibération en son Conseil, que François Ier, par
l'édil de Crémieu en 1536, a placé sous la juridiction des baillis, sénéchaux et
autres juges royaux ressortissant à ses cours sans moyen, l'administration
des affaires du commun des villes, non seulement quant aux élections qui
seraient faites des officiers municipaux, mais aussi par rapport à l'examen et
clôture des comptes des deniers communs, octrois, et à la connaissance des
procès et différends qui seraient mus pour raison d'iceux.
Cette forme ancienne renouvelée par cet édit ramenait aux parlements la
connaissance des mêmes matières pour les villes du ressort de chacun desdits
Parlements : lesquels étaient à portée de louer et approuver lesdiles adminis-
trations si elles étaient régulières, ou de corriger et réformer les abus, si aucuns
avaient pu s'introduire et occasionner des plaintes légitimes.
1. Séance du lj sept. 1783 (deux jours après la paix de Versailles). Arch. nàt.,
X 1b 8980.
L'HOTEL DE VILLE 517
Cette compétence naturelle embrassait tout, et n'exceptait rien de ce qui
pouvait toucher celte administration.
Si la ville de Paris a eu de grande ancienneté la prérogative d'avoir une
juridiction qui lui fût propre, substituée à son égard au juge royal dans le
ressort duquel elle est située, cet ordre de juridiction particulier pour elle a
l'avantage de ressortir, sans moyen, à la première Cour de justice du roi, qui
tient depuis tant de siècles ses séances dans la capitale du royaume; en sorte
que les prévôt des marchands et échevins, mandataires du général des habi-
tants de la ville de Paris, soit qu'on les envisage comme ol'ficiers de justice ,
soit qu'on les considère comme administrateurs des biens et revenus de ladite
Ville, sont toujours placés sous l'inspection et sous la surveillance de son
Parlement.
Si son Parlement, en différents temps, a demandé, par ses arrêts ou arrêtés,
aux prévôt des marchands et échevins des étals circonstanciés et détaillés de
ses revenus, de ses recettes et de ses dépenses, il n'a jamais entendu, par de
semblables éclaircissements qui ne sont que la conséquence des ordonnances
du royaume, priver la ville de Paris de la grâce que le roi veut bien lui faire
de se faire rendre compte ou d'ordenner toutes fois et quantes il lui plaît, de
son administration.
Mais, dans le détail d'une administration aussi étendue, il est important,
pour le bien du service du roi et pour celui de ses finances, que le Parlement,
usant en cette rencontre de l'autorité dudit seigneur-roi dont il est le déposi-
taire, puisse être à portée de vérifier (quand besoin est) par lui-même le pro-
grès de cette Administration qui porte non seulement sur les revenus patri-
moniaux du commun des habitants de sa bonne Ville, mais sur ceux que la
bonté du roi daigne lui procurer par édits ou lettres patentes enregistrées en
son Parlement.
Si la plus grande économie n'est pas rigoureusement apportée dans une
administration semblable, le produit, tant des revenus des biens patrimoniaux
de la Ville que de ceux que le roi veut bien lui accorder, sera insuffisant pour
l'avenir comme il l'a été par le passé : ce qui doit jeter les plus fortes inquié-
tudes dans l'esprit des habitants, puisque les dettes contractées par leurs
mandataires doivent tomber également sur le général de la commune, sauf un
recours plus idéal que réel contre ceux qu'elle a choisis pour leur confier le
régime de son administration.
Pour faire cesser ces inquiétudes, il serait convenable que les prévôt des
marchands et échevins fissent chaque année connaître par la voie de l'impres-
sion aux habitants dont ils sont les représenlants et les mandataires la recette
et la dépense qu'ils ont faites des revenus et des deniers dont l'administration
leur est confiée, et la situation dans laquelle se trouverait le Corps de ville.
Cette publicité paraît le meilleur moyen de prévenir les dépenses inconsidé-
rées ou disproportionnées à leur objet, et elle serait aussi la récompense des
administrateurs dont les soins et la sagesse produiraient chaque année des
améliorations.
Son Parlement ne peut voir avec indifférence la charge qui peut résulter
d'une mauvaise administration sur les habitants de la ville de Paris, déjà
chargés d'impositions considérables dont son Parlement supplie Sa Majesté de
se faire remettre le montant sous les yeux.
Son Parlement supplie ledit seigneur-roi de prendre en bonne part les dif-
518 L'HOTEL DE VILLE
férentcs considérations que le zèle de son Parlement ne lui permet pas de
dissimuler; d'autant plus que, si l'administration de la ville de Paris pouvait
échapper à la surveillance de son Parlement , et qu'il ne fût pas possible à
sondit Parlement d'informer ledit seigneur-roi des dépenses excessives aux-
quelles l'Administration pourrait se livrer, les autres villes de son royaume se
trouveraient exposées à suivre un exemple aussi funeste. Les administrateurs
de chacune d'elles, qui, après tout, ne sont que les mandataires de la commune,
pourraient les ruiner par des dépenses indiscrètes, et alors cette masse énorme
de dettes deviendrait une source ' perpétuelle et toujours renaissante d'em-
prunts et d'impositions sur eux.
Son Parlement manquerait à ce qu'il doit au roi, à l'État et à lui-même, s'il
n'insistait pas sans cesse sur cet objet, les premiers moments de la paix étant
précieux à saisir pour que ledit seigneur-roi veuille bien par sa sagesse pré-
venir tous désordres et tous excès dans toutes les administrations pour
l'avenir, et porter un remède prompt et salutaire au passé, ce qui ne peut
s'opérer que par l'effet d'une fermeté sage, constante et éclairée.
Après sa rentrée, le Parlement, ayant reçu la nouvelle officielle de
la paix de Versailles, arrêta (3 décembre) d'envoyer des gens du roi à
Versailles, afin de demander au roi son jour pour recevoir les félici-
tations du Parlement. Le roi répondit à cette députation : « Dites à
mon Parlement que je l'en dispense. »
Le 15 décembre, fut adressé à la Cour l'édit portant création d'un
emprunt de 100 millions en rentes viagères. Le Parlement arrêta dès
le lendemain des représentations. Il recommandait l'économie, les
réformes, montrait que tout emprunt est un impôt déguisé, et criti-
quait surtout les effets funestes des rentes viagères.
Pour céder à l'appât séduisant d'une jouissance momentanée , les sujets de
Votre Majesté se séparent eux-mêmes de l'État, de leurs familles, de leur
postérité.
On le voit , Louis XV, avec son « Après moi le déluge » , avait fait
école dans une société qui s'écroulait en effet de toutes parts.
Les représentations furent faites le 17 décembre, et l'édit enre-
gistré le lendemain.
Copie de la lettre de M. le Contrôleur général
à M. de Nicolaï, premier président de la Cour des Comptes
DU 24 OCTOBRE 1780 2
J'ai reçu, Monsieur, avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire,
1. La minute porte : somme. La correction est évidente.
2. Arch. nat., H. 1957, pièce n° 30. — Cette copie, non signée, non arrêtée par
le sigle ordinaire en pareil cas //, a été adressée des bureaux du contrôle à
M, Veytard, greffier en chef de In Ville.
L'HOTEL DE VILLE 519
le projet de lettres patentes concernant la comptabilité des emprunts ouverts
par [la ville de Paris en vertu de l'édit d'août 1777 et de la déclaration du
23 septembre 1781.
La présentation à la Chambre « par M. Buffault du compte de l'emprunt de
1777 aurait dû être précédée du consentement de l'administration de la Ville;
mais, au contraire, elle désavoue la démarche de son ancien receveur comme
sans motifs, surtout comme tendant à détruire son privilège.
En effet, les municipalités sont comme tous les autres corps du royaume
qui ont le droit de régir leurs affaires et d'entendre eux-mêmes les comptes du
préposé à la recette et à la dépense. Il n'y a d'exception quant aux villes que
pour les octrois considérés par leur nature comme deniers royaux, et la
Chambre n'ignore pas que, même à cet égard , beaucoup de corps municipaux
ne comptent qu'aux commissaires départis 2.
Dans l'espèce , il ne s'agit nullement d'octroi. C'est le domaine de la Ville
qui a emprunté, qui a contracté avec le public, et qui acquitte les arrérages et
fait le remboursement. Le roi, à la vérité, lui doit une indemnité ; mais enfin
il n'est question que d'une administration municipale dont la Chambre ne doit
aucunement connaître.
Cette Cour pourra objecter le règlement du mois d'août 1669, qui semble
mettre les receveurs des villes au nombre des comptables; et qu'en outre, les
emprunts dont il s'agit sont pour le compte du roi. Mais d'abord il est de fait
que les villes ne comptent point de leurs affaires domaniales, et c'est pourquoi
la déclaration du 4 mai 1 766, en énonçant les diverses comptabilités, ne parle
pas des receveurs des villes, mais seulement des receveurs des octrois.
Ensuite, le roi s'acquiltant envers la Ville par des versements de son trésor
royal qui compte de toutes ses dépenses, il s'ensuit que, si la Ville comptait
encore de ces emprunts, il y aurait une double comptabilité du même objet.
Le trésorier de la Ville rend à la Chambre le compte des octrois susceptibles
de cette formalité. Il compte annuellement au corps de Ville de la totalité de ses
recettes et dépenses, et les prévôt des marchands et échevins comptent direc-
tement au roi de leur administration par prévôtés (ou tous les deux ans). Si à
ces comptabilités on joint encore celle particulière des emprunts pour le
compte du roi, on surchargera le trésorier d'un travail inutile et dispendieux
et on augmentera les charges du trésor royal des frais de comptes et d'épices.
Mais , indépendamment de ce qu'il n'y a point de motif qui puisse donner
lieu à cette nouvelle comptabilité, la ville de Paris jouit particulièrement du
privilège de ne rendre compte qu'au roi de la totalité' de son administration.
Elle peut rapporter les titres de la jouissance de cette distinction depuis
Charles VI jusqu'à ce jour. Ainsi, lorsqu'en 1764 et 1765, le Parlement voulut
soumettre le bureau de la Ville à remettre au greffe les états de ses revenus
1. Des comptes.
2. C'est-à-dire aux intondants. Mais le contrôleur général se conforme au style
du Parlement, qui n'avait jamais reconnu le caractère légal des intendants de
justice.
3. Ce mot signifie que, pour le détail, les cours souveraines, et surtout le Par-
lement, pouvaient intervenir. Ainsi la Ville rendait compte au Parlement des
provisions de carême, elle présentait à l'homologation ses ordonnances de po-
lice les plus importantes, etc.
520 L'HOTEL DE VILLE
et de ses charges, Sa Majesté défendit aux officiers municipaux d'obtempérer
el de compter à d'autres qu'à Elle-même, à peine de désobéissance.
M. le procureur général de la Chambre ayant écrit, en 1783, au sieur Buf-
fault pour qu'il eût à compter de l'emprunt de 1777, le corps de Ville démontra
alors au ministre des finances combien cette demande était contraire aux droits
et privilèges incontestables de la Ville, et, la prétention de la Chambre n'ayant
pas eu de suite, il semblait que celte Cour avait elle-même reconnu qu'elle
n'était pas fondée. Le fait récent de la présentation d'un compte par un rece-
veur retiré ne peut ia saisir contre le droit général et un privilège reconnu.
La Ville réclame fortement ce droit et son privilège; et ses moyens me pa-
raissent si concluants que je ne pense pas devoir m'occuper des lettres patentes
dont vous m'avez adressé le projet.
MÉMOIRE
POUR LA VILLE CONTRE LE FERMIER DU DOMAINE
SUR LE CARACTÈRE MUNICIPAL DE LA JURIDICTION DE LA VILLE '
Le fermier du domaine demande à percevoir au greffe de l'Hôtel de Ville les
nouveaux sols pour livre, établis par l'édit de novembre 1772 sur les droits
de greffe, contrôle des dépens, amendes, etc.
Le principe sur lequel ce fermier se fonde est sans doute le même que
quelques-uns de ses prédécesseurs ont, en différents temps, tâché inutilement
d'établir, en soutenant que la juridiction de la Ville est juridiction royale. On
a d'autant plus de raison de penser que c'est son seul moyen, que l'édit d'éta-
blissement de ces droits, et l'arrêt du Conseil du 22 décembre de la même
année, ne parlant que des juridictions royales, ordinaires ou extraordinaires,
et de droits concédés, donnés, engagés, abandonnés ou aliénés, il n'y aurait
que quelques-uns de ces caractères qui pourraient assujettir la juridiction de
la Ville ù la demande du fermier. Mais la juridiction de la Ville n'a aucun de
ces caractères: elle ne tient son origine d'aucune concession; elle est aussi
ancienne que la monarchie; c'est une juridiction municipale et inhérente au
domaine de la ville, juridiction que les rois ont bien voulu approuver, qu'ils
ont permis et permettent d'exercer sous leur autorité, et qu'ils ont maintenue
et confirmée en différentes occasions.
Tous nos rois ont reconnu dans tous les temps ce privilège particulier à la
ville de Paris. Toutes les fois que le fermier a voulu y donner atteinte et a
cherché à y introduire les droits qui se perçoivent dans les autres juridictions,
il y a toujours succombé : et la juridiction de la ville a élé maintenue dans
une immunité dont le roi, heureusement régnant, ne voudra pas priver la ca-
pitale de son royaume.
£1 Les pVévôt des marchands et échevins se flattent que le minisire éclairé
qui a l'administration des finances voudra bien arrêter l'entreprise du fermier,
et qu'il y fera d'autant moins de difficultés que M. Turgot a comhatlu avec
succès une pareille prétention, lorsqu'il était prévôt des marchands. La ville
1. En date du 19 nov. 1 7 7 i . Arch, nal.. 11. 1951. Reg. t'° S4 r°. Sans nom ni
date sur la minute.
L'HOTEL DE VILLE 521
de Paris compte au nombre des obligations dont elle a été redevable à cet il-
lustre magistrat, celle d'avoir été maintenue dans un privilège particulier à
la ville capitale du royaume, et qui ainsi ne peut être tiré à conséquence.
ANALYSE DE LA RÉPONSE
POUll
LA VILLE DE PARIS
coxriiE
LES CRÉANCIERS DU FEU SIEUR AUBE, RECEVEUR DE LA VILLE DE PARIS
DU DROIT DE 10 SOLS PAR POISSE DE SEL, A MANTES"
La ville soutient que sa créance sur la succession Aube est privi-
légiée, parce que les deniers d'octroi, concédés par le roi à une ville
en vue d'un service public, sont deniers royaux, et ne peuvent être
regardés, ainsi que les autres créanciers d'Aube le soutenaient,
comme patrimoniaux. — Bouclier d'Argis fait remonter à une ebarte
de 1180 le droit de la ville, et il en trace l'historique très détaillé.
.LE CONTROLE GÉNÉRAL
ET LE BUREAU DE LA VILLE
Le 7 août 1774, le contrôleur général Terray écrivit de Compiègne
au bureau de la ville une lettre2 qui contenait des réflexions assez
dures sur les droits et honoraires des officiers du bureau de la ville,
les frais de régie et appointements des employés. Terray proposait,
en résumé, de fixer et de réduire la somme de ces dépenses à
125,000 livres 3. — Le bureau lui adresse un mémoire, dont voici
quelques extraits :
Les officiers du bureau de la ville supplient Monsieur le contrôleur général
d'observer que les droits et honoraires attachés à leurs places ont de tout
temps été payés par des fournitures en vins, flambeaux, bougies et autres de
cette espèce; que ces droits se trouvent plus ou moins forts d'une année à
l'autre, suivant la multiplicité des affaires. De tout temps un des officiers du
bureau a tenu un registre de toutes les différentes espèces d'affaires sur les-
1. Arch. nat., II. 1957, pièce 201 (avril 1780). In-4° de 30 pages (Lottin, avril
1786), signé do Me Boucher d'Argis, avocat au Parlement.
2. Arch. nat., II. 1951.
3. 40,000 livres au prévôt des marchands, 7,000 au premier échevin, 6,000 à
chacun des trois autres, pendant leurs fonctions seulement, 25,000 au procureur
du roi et de la Ville, 25,000 au greffier concierge, et 10,000 aux compagnies de
conseillers et de quartiniers. En outre, pour le tirage de la loterie : 2,400 livres
au prévôt, 1,800 au procureur du roi, 1,200 à chacun des échevins et au greffier.
522 L'HOTEL DE VILLE
quelles l'administration avait à agir ou à délibérer, et à la suite de chaque
affaire il était fait mention des droits et honoraires payables en fournitures.
On en faisait à la fin de l'année un relevé général, qui contenait la distribution
de ces mêmes fournitures dans la proportion de tout temps observée au bu-
reau; et chacun des officiers était ensuite payé par le receveur du domaine, de
l'estimation de ces mêmes fournitures sur le pied de leur valeur dans les temps
les plus anciens.
La multiplicité des affaires dont le bureau de la ville s'est trouvé chargé
successivement depuis la mort de Louis XIV, a nécessairement augmenté les
droits et honoraires, toujours proportionnés au nombre et à la qualité des offi-
ciers, et il en a résulté que, sans s'écarter des usages observés à l'Hôtel de
Ville, les officiers du bureau ont éprouvé tous les ans une augmentation de
revenu, qui formait en 17(U, lorsque M. Rignon est entré on place, un objet
très considérable, et qui dans les dernières années avait été porté à près de
450,000 livres. Ce magistrat, d'accord avec tous ceux qui partageaient avec lui
l'administration, a reconnu que, les affaires s'augmentant d'année en année, il
était absolument nécessaire de fixer à tous ceux qui participaient à l'adminis-
tration un revenu fixe et annuel qui ne dépendît pas des circonstances et qui
fût inférieur, de beaucoup, à la somme que le bureau avait partagée depuis
plus de trente années. En conséquence, il a proposé à M. de l'Averdy, pour
lors contrôleur général, d'entrer dans ses vues de bon ordre et d'économie,
et ce ministre, en adoptant un projet aussi louable, a fait rendre un Arrêt du
Conseil du 2i janvier 1767, par lequel toutes les dépenses ordinaires et extra-
ordinaires de l'Hôtel de Ville ont été fixées suivant l'état annexé à la minute
de cet Arrêt1; et, dans cet état, les droits et honoraires, attribués de toute
ancienneté aux officiers du bureau de la ville, ainsi que pour les années de
grâce de l'ancien prévôt des marchands dernier sorti et des deux échevins
aussi derniers sortis, ont été fixés à 180,000 livres.
Dans la répartition proposée par Terray, le prévôt était favorisé.
En 1771 et 1772, ses droits n'avaient pas atteint 33,000 livres; Terray
lui attribuait 5,000 livres de plus. Le prévôt des marchands repoussa
cette distinction comme lui faisant injure, et fit valoir les services
rendus par ses collaborateurs : le procureur du roi et le greffier, offi-
ciers continuellement occupés , avaient chacun versé une finance de
500,000 livres, et avaient déjà éprouvé, par la réduction de 1707, de
fortes pertes sur leurs capitaux.
Mais le mémoire insiste principalement sur la nécessité pour la ville
de défendre ses anciens usages.
Il serait bien triste pour des officiers qui n'ont aucun reproche à se faire
dans leur administration, qui se trouvent chargés d'un plus grand nombre
d'affaires que n'en avaient leurs prédécesseurs, il y a dix ans, et dont le re-
venu est inférieur de moitié à [celui de] ces mêmes prédécesseurs, d'éprouver
une réduction qu'ils n'ont pas méritée et qui serait envisagée par le public
1. La somme do toutes cos dépenses était fixée ù ■733,107 livres,
L'HOTEL DE VILLE 523
comme une suite de leur négligence dans leurs fonctions, ou comme une
punition d'une cupidité dont ils sont bien éloignés d'être coupables.
Lettre signée Turgot, au Bureau (Je la Ville, datée de Paris
6 MARS H75'
J'ai fait signer, Messieurs, par le roi, le compte de la prévôté de 1770 à
1772.
Ce compte n'a point paru à Sa Majesté dans une forme convenable : il ne
présente pas assez clairement l'état des finances de la Ville, et ce vice paraît
provenir essentiellement des caisses fictives imaginées sans nécessité. La Ville
n'ayant qu'un receveur, et ne devant pas en avoir davantage, elle ne doit avoir
qu'une seule caisse.
Pour rendre à l'avenir la comptabilité plus claire et plus simple, vous vou-
drez donc bien supprimer toutes espèces de caisses fictives, et ne former le
compte de chaque prévôté que de trois chapitres : l'un de recette où il ne
doit être question que des revenus de la Ville tant perpétuels qu'à temps ;
l'autre de dépense qui doit s'étendre aux sommes payées relativement à toutes
les espèces de charges affectées sur ses revenus ; et le troisième de reprise où
doivent être portées toutes les sommes comprises au chapitre de recelte, et
dont le recouvrement n'aura pas pu être fait.
Quant aux emprunts, ils doivent faire l'objet d'un compte particulier, à placer
à la suite de l'arrêté du premier compte.
Ce compte doit comme le premier être composé d'un chapitre de recette
dans lequel l'on ne comprendra que les recettes provenantes des emprunts
faits durant les deux années de la prévôté; d'un chapitre de dépense où seront
portées en détail les sommes payées des deniers provenant de ces emprunts,
avec mention des quittances qui en auront été données; et d'un chapitre de
reprise, si quelques-unes des sommes empruntées ont été portées en recette,
sans avoir été préalablement reçues.
Il est à ohserver qu'aucune partie d'intérêt des sommes remboursées des
deniers de l'emprunt ne doit être comprise dans ce compte; la totalité de ces
intérêts faisant partie des charges ordinaires, elle ne doit entrer en dépense
que dans le compte de l'emploi de revenus.
J'ai aussi mis sous les yeux de Sa Majesté le résultat que présentent les états
que vous m'avez remis des revenus et des charges de la Ville, de ses dettes
exigibles et portant intérêt pour la majeure partie.
Elle n'a pas vu sans élonnement que ces dettes montent à 6,765,481 livres.
Son intention est que l'administration de la Ville travaille à la libérer en em-
ployant la plus sévère économie.
En conséquence, après avoir représenté au roi la lettre que M. l'abbé Terray
vous a écrite le 7 août dernier et les observations que vous m'avez fait passer
sur cette lettre, Sa Majesté a trouvé qu'au moyen de la fixation des droits et
honoraires des officiers du bureau de la ville à 180,000 livres ils ne pouvaient
plus exiger les deux sous pour livre du prix des ventes des effets mobiliers ou
immobiliers du domaine de la ville. En conséquence, elle m'a chargé de vous
1. Arch. nat., H, 1951, (Rog. f" 99 r°.)
324 L'HOTEL DE VILLE
prévenir de ne plus à l'avenir percevoir ces deux sous pour livre, et d'avcrlir
ceux avec qui vous pourriez faire des traités par la suite, qu'ils ne seront
point assujettis à cette charge1.
Elle a aussi trouvé qu'au moyen des 180,000 livres les dépenses pourj les
carrosses, voyages, repas, frais de buvette, et autres de celte nature, ne pou-
vaient plus concerner que les officiers de bureau.
Ainsi il faut que le bureau regarde comme supprimées inévocablement, à
compter de celte prévôté :
4° La dépense des carrosses pour visites particulières, voyages en cour et
lors des cérémonies publiques, revenant annuellement, suivant ce compte, à
G, G38 livres (compte de 1770 à 1772, p. 88, nombre 5);
2° Celle des repas à l'Hôtel de Ville les jours des élections, prestations do
serments, visites des fontaines, des remparts et des ponts, formant, suivant ce
même compte (p. 88, nombre 8), un objet annuel de 11,449 livres2 ;
3° Celle évaluée année commune à 500 livres pour remplissage de la glacière,
qui, au moyen de la suppression des repas, ne doit plus avoir lieu ' ;
4° Celle de 1,108 livres qu'il est d'usage de distribuer aux domestiques lors
des repas à l'Hôtel de Ville (état numéroté G, art. 4) + ;
5° Celle pour vins qui leur sont donnés les jours d'audience et d'assemblée,
qui paraît former un objet d'environ 900 livres (état G, art. 7);
G0 Celle de 1,000 livres pour loyer d'une écurie pour le carrosse ordinaire de
la ville et autres objets y relatifs (état G, art. 8).
L'intention de Sa Majesté est aussi que le bureau regarde comme supprimées
irrévocablement :
1° La dépense pour vins de liqueur, bière, café, et autres objets que la
ville est dans l'usage de distribuer et qui, suivant le compte de la prévôté
de 1770 à 1772, monte annuellement à 10,207 livres (p. 88, nombre 9) ;
2° Celle de 7,000 livres ou environ pour le feu d'artifice de la Saint-Jean qui
ne pourra plus avoir lieu à l'avenir s ;
3° Celle de 2G3 livres pour prix de l'arquebuse (p. 89, art. 17, et état nu-
méroté 6, art. 15);
4° Celle de 1,035 livres pour almanachs, gazettes et Mercure* aux officiers
du bureau de la ville et autres personnes (compte, p. 89, art. 22);
1. Lo bureau avait argué, pour maintenir ce droit, la modicité de la somme
perçue. Turgot répond qu'elle peut aller très haut certaines années : « l'ancien
hôtel des monnaies est à vendre. » Mais « il répugne » surtout à l'honnête et
énergique contrôleur général, que « des personnes qui doivent délibérer sur
l'avantage ou le désavantage d'une aliénation ne soient pas toujours sans motifs
personnels pour se décider ». (État annexé ù la lettre, art. 1, 2,nc colonne.)
2. Une dépense aussi inutile ne pourrait s'autoriser que si l'état des finances
de la Ville était meilleur. « Elle ne profite à personne et ne procure aux offi-
ciers du bureau qu'une satisfaction peut-être compensée par les embarras qu'elle
leur donne. » (État annexé, 2me colonne, art. 4.)
3. Le bureau est même engagé à tirer un revenu des glacières. (Id., ibid., art. 10.)
4. La suppression des repas fait cesser cette dépense. [Id., ibid., art 11.)
5. « Depuis 1708, le feu de la Saint-Jean n'a plus lieu ; niais on a continué à
tirer des boites, ce qui, année commune, forme une dépense de 653 livres. La
dépense pour tirer les boîtes étant aussi inutile que le l'eu, elle doit aussi se
supprimer. » (Liât annexé, co'.onncs 1 et 2, art. 7.)
L'HOTEL DE VILLE 523
5° Celle de 3,844 livres pour droits au grenier à sel lors des distributions
aux officiers du corps de ville et autres officiers (id.y ibid, art. 19);
6° Celle de 570 livres pour bougie et plans de la ville qu'il est d'usage de
donner (élat G, art. 8) ;
7° Celle portée à 600 livres relative à un droit de 12 livres 10 sols qui se
perçoit par le premier échevin, le procureur du roi, le greffier, le maître gé-
néral des bâtiments, pour réceptions d'ouvrages et fournitures faites en consé-
quence des marchés (élat numéroté 2) r.
Sa Majesté veut de plus que la dépense pour jetons que la ville est dans
l'usage de distribuer le jour de l'an, portée dans le compte de la prévôté de
1771 à 1772 2 à 31,343 livres et qui s'est depuis montée à 35,000 livres, soit ré-
duite à l'avenir à 25,000 livres, sauf à vous à diminuer le nombre des jetons
de chaque bourse, et à en restreindre la distribution aux personnes qui, par leur
naissance ou par leur place, 'sont dans le cas d'être considérées comme pro-
tecteurs de la ville 3.
Mais en même temps, pour que ces retranchements ne diminuent pas trop le
traitement des officiers du bureau, Sa Majesté consent que la somme ac-
cordée pour dépenses par les mains du premier échevin soit portée à
12,000 livres, au moyen de quoi ces dépenses ayant été modérées, par une
délibération du 5 décembre 1771, à peu près à 6,000 livres, il restera une
pareille somme de 6,000 livres que Sa Majesté veut bien qui tourne au profit
des officiers du bureau4.
Quant aux droits pour assistance des officiers du bureau au tirage de la lo-
terie, quoiqu'ils paraissent compris dans les 180,000 livres, Sa Majesté veut
bien qu'il ne soit rien changé à l'usage observé jusqu'à présent à cet égard :
ainsi vous pourrez continuer à jouir de ces droits comme par le passé.
Elle veut bien encore que les échevins sortant de place jouissent, comme ci-
devant, des droits des années de grâce, c'est-à-dire que sur le fonds de
180,000 livres il soit payé à chacun 4,000 livres pour l'année suivant immé-
diatement l'époque de leur sortie.
Pour ce qui concerne les droits de robes de velours et de deuil, Sa Majesté
renouvelle, en tant que de besoin, la permission que son aïeul a accordée aux
officiers du bureau de s'en payer sur les fonds de la ville, et par augmenta-
tion aux 180,000 livres, mais à condition que si les circonstances qui donnent
aux prévôt des marchands et échevins le droit de prendre des robes de velours
et de deuil, leur occasionnent quelques dépenses, il ne leur sera permis de s'en
rembourser que sur les 12,000 livres pour menues dépenses par les mains du
premier échevin, et subsidiairement sur les 180,000 livres, sans que, sous pré-
texte que ce soit, ils puissent en être payés sur les revenus de la ville : les
robes de velours et de deuil n'étant accordées aux officiers du bureau que
pour les indemniser de ces dépenses.
1. « Les réceptions d'ouvrages et de fournitures doivent se faire gratuitement,
parce qu'elles font partie des fonctions attachées aux places des personnes qui
sont chargées de les faire et qui ont un traitement. »
2. État numéroté 5, et compte de 1770 à 1772, pages 89 et 90.
3. « On a étendu ces présents à trop de monde et ils sont trop considérables
par rapport à bien des personnes. » (État annexé, colonne 2, art. 16.) ■
4. Voyez l'état n° 6.
5-26 L'HOTEL DE VILLE
Je finis en vous prévenant que l'intention du roi est que M. le prévôt des
marchands actuel lasse incessamment enregistrer cette lettre au bureau de la
ville, que lui et ses successeurs soient chargés de tenir la main à son exécu-
tion, sans que sous aucun prétexte ils puissent s'en dispenser : Sa Majesté
étant déterminée à regarder leurs soins à cet égard comme une des princi-
pales preuves de leur soumission à ses volontés.
Je suis très parfaitement, Messieurs, voire très humble et affectionné ser-
viteur.
Signé .•Tuegot*.
Lettre de 7 argot à M. de La Michodierc
. relative au projet de réunion de la Juridiction consulaire
à celle de la Ville.
paris, 24 a y un. 1776 '
11 a été proposé, Monsieur, comme un moyen très propre à faire fleurir le
commerce de Paris, et à lui donner plus d'éclat, la réunion de la juridiction
consulaire à celle du bureau de la Ville. Les échevins présidés par le prévôt des
marchands exerceraient alors les fonctions des juge » et consuls, et toutes les
affaires de la compétence de la juridiction consulaire seraient portées en pre-
mière instance à leur tribunal.
Le roi est disposé, Monsieur, à faire tout ce qui peut augmenter en même
temps la considération du commerce et celle de la ville de Paris. Mais ce projet
me paraît susceptible de beaucoup de difficultés, et je ne crois pas devoir le
mettre sous les yeux de Sa Majesté sans avoir discuté les avantages et les in-
convénients qui peuvent en résulter. Je désirerais donc, Monsieur, [qu'il fût
préalablement examiné au bureau de la Ville, et que les officiers de ce bureau
me fissent part de leurs observations.
Pour les mettre à portée de me donner tous les éclaircissements qui peuvent
conduire à la discussion d'un projet aussi important, j'ai cru, Monsieur, de-
voir vous marquer les différents objets sur lesquels je demande quelques
détails.
1° Quels sont les appointements ou honoraires de toute nature des prévôt
des marchands et échevins, en distinguant les différentes sortes d'honoraires
et appointements?
2° Quelle est la forme d'élection qui se pratique, et de quelle manière se
donnent les suffrages ?
1. Autre lettre de Turgot, «lu 2.'i avril 177."», par laquelle il fait au bureau la
concession d'autoriser la dépense de la bougie nécessaire pour les services reli-
gieux fondés, mais d'après un état de ces fondations. — Autre lettre du même,
du 18 juillet 1775, maintenant l'interdiction des repas : « Les repas qui se don-
nent aux rentrées des compagnies sont aux frais de ceux qui les président, et si
celui de l'élection des prévôt des marchands et échevins n'avait été paye'' jusqu'à
présent que par les officiers du bureau de Ville, il y a lieu de croire que l'usage
ne s'en serait pas perpétué »; et plus haut : « L'antiquité de cet usage ne nie
paraît pas lui donner de titre pour être conservé. »
2. Arch. nat., H. 1952. (Reg. f° :!l)(i, r°.)
3. Le texte porte juges, par erreur.
L'HOTEL DE VILLE 527
3° Quels sont les ciloyens qui prétendent à réchevinage et qui y parviennent
ordinairement?
4° S'il en coûte quelque chose pour y parvenir, et, dans ce cas, quelles
sommes donnent les aspirants, et quels en sont la distribution et l'emploi?
5° Si les fonctions attachées à la juridiction des juge et consuls, jointes à
celles du bureau de la Ville, laisseraient aux officiers de ce bureau le temps de
vaquer aux fonctions de police sur les ports, halles et marchés, et si le bureau
de la Ville trouverait de l'inconvénient à réunir cette police à celle qui s'exerce
dans la juridiction du Chàtelet. Je suis, etc.
Signé : Turgot.
Il ne fut pas donné de suite à ce projet de Turgot, dont le prin-
cipe, séparer l'administration et la juridiction, était excellent.
Il eût fallu aussi (pour centraliser tout à fait la justice commer-
ciale) supprimer ou réunir la'Chambre des bâtiments, qui en détenait
une partie. Cette chambre siégeait dans l'enclos du Palais. Elle con-
naissait des contestations entre les entrepreneurs de bâtiments, leurs
fournisseurs, les compagnons et ouvriers, les carriers, plâtriers et
chaufourniers, et de tout ce qui avait rapport à la construction des
bâtiments. Elle recevait le serment des entrepreneurs et maîtres
maçons, confirmait la nomination de leurs syndics. La police des
bâtiments et ouvrages de maçonnerie se faisait toutes les semaines,
celle du plâtre, tous les mois, par des commissaires que nommait le
président de la chambre parmi les jurés et entrepreneurs. Les juges
et le procureur du roi étaient reçus en la grand'chambre du Parle-
ment et installés par un de Messieurs de la grand'chambre, qui ce
jour-là tenait l'audience comme commissaire de la Cour. Les avocats
du Parlement plaidaient en la Chambre des bâtiments; les procu-
reurs au Parlement y occupaient '.
Ainsi la réforme de la juridiction commerciale n'aurait pas été
complète ni son unité assurée par la réunion du consulat au Bureau
de la Ville. D'autre part, le projet de Turgot excluait non seulement
toute idée, mais tout souvenir des anciennes libertés municipales de
Paris.
Le ministre eut d'ailleurs à peine le temps de recevoir les réponses
officielles, du Bureau aux trois premières des cinq questions qu'il
avait posées.
Un tableau analytique, nous permettra de résumer brièvement la
première réponse, relative aux appointements et honoraires de toute
nature des membres du Bureau de la Ville.
1. Quant à la juridiction consulaire, voyez chap. suivant : Appendice.
328
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L'HOTEL DE VILLE 529
RÉPONSE
A LA SECONDE ET TROISIÈME QUESTION
DE M. LE CONTROLEUR GÉNÉRAL «
Pour être prévôt des marchands ou échevin, il fout cire né à Paris.
Ne peuvent être en même temps en charge le père et le fils, deux frères,
l'oncle et le neveu, soit qu'ils soient conjoints es dits degrés par consangui-
nité ou affinité, ni aussi les deux cousins germains conjoints en icelui degré
par consanguinité.
Les prévôts des marchands se prennent dans la haute magistrature.
Le roi les désigne toujours par une lettre de cachet adressée au corps de
ville.
Des deux échevins qui s'élisent tous les ans, ainsi qu'il sera dit ci-nprès, un
est toujours pris dans le nombre des conseillers de la ville, bourgeois, ou
dans celui des quarliniers, alternativement; et l'autre, parmi les marchands
faisant honorable commerce, les anciens marchands, négocianls ou bourgeois
vivant de leurs biens, et dans quelques classes de gens de robe, tels qu'avocats,
notaires.
La prévôté et l'échevinage durent deux ans.
Le prévôt des marchands remplit communément quatre prévôtés ou plus,
suivant la volonté du roi; mais il est élu de nouveau tous les deux ans, et ce
renouvellement est toujours précédé d'une lettre du roi qui notifie son in-
tention.
Tous les ans il s'élit deux échevins pour remplacer ceux qui ont fait leur
temps.
De ces deux nouveaux échevins, l'un est officier et l'autre notable, comme
on l'a dit.
L'élection des prévôt des marchands et échevins se fait le 16 août, lende-
main de la Notre-Dame.
Quelques jours avant, les prévôt des marchands et échevins adressent à
chacun des seize quartiniers un mandement pour assembler chez lui huit no-
tables, soit cinquanteniers, dixainiers, officiers du roi, anciens échevins, bour-
geois, négocianls, marchands non mécaniques, demeurant dans l'enceinte de
la ville et non dans les faubourgs, qui, après serment par eux fait es mains
du plus qualiiié des huit, doivent élire quatre d'entre eux, desquels deux
seront choisis, ainsi qu'il sera dit ci-après, par les prévôt des marchands et
échevins, pour assister à l'élection à l'Hôtel de Ville.
Les noms de ces quatre personnes choisies sont portés dans le procès-verbal
du quartinier, qui est signé de lui et du plus qualifié, et ensuite fermé et scellé
du cachet du quartinier.
Ces quatre personnes doivent rester chez elles le 16 août jusqu'à onze heures
du matin, pour recevoir les ordres des prévôt des marchands et échevins.
11 arrive quelquefois, et même assez souvent, qu'un des échevins en place
a conservé sa charge de quartinier. Dans ce cas, comme il n"en peut faire les
1. Un cahier manuscrit de 17 pages, non numérotées. (Arch. nat., H. 1952.)
34
530 L'HOTEL DE VILLE
fonctions, le mandement est adresse à son cinquantenier, qui exécute le man-
dement.
Ces mêmes mandements enjoignent aussi aux quartiniersde se trouver, ledit
jour 16 août, à l'Hôtel de Ville, pour apporter leurs procès-verbaux et assister
à l'élection.
Les prévôt des marchands et échevins envoient aussi des mandements
aux vingt-six conseillers de ville, dont dix sont des officiers de cours souve-
raines, et seize bourgeois, pour se trouver pareillement ledit jour à l'élection
des prévôt des marchands et échevins.
Le 16 août, sur les sept heures du matin, les prévôt des marchands et éche-
vins, procureur du roi et greffier (c'est ce qui compose le bureau), les vingt-
six conseillers de ville et les seize quartiniers s'assemblent à l'Hôtel de Ville :
Le prévôt des marchands, vêtu de sa robe de satin cramoisi;
Les quatre échevins et le greffier, de leurs robes mi-parties;
Le procureur du roi, de sa robe écarlate;
Les conseillers et quartiniers, de leurs robes noires;
Et le cinquantenier qui remplace un quartinier, en manteau.
On passe dans une salle, et là, les prévôt des marchands, échevins, procu-
reur du roi, greffier, et les conseillers et quartiniers, se placent autour d'un
bureau, et les quartiniers, chacun à leur tour, présentent les procès-verbaux
de leurs assemblées, lesquels sont ouverts par les prévôt des marchands, éche-
vins et conseillers de ville, et à mesure de l'ouverture de chaque procès-verbal,
les quatre noms portés sur icelui sont écrits sur quatre bulletins; les bulle-
tins plies, mis dans le chapeau mi-partie, et deux desdits bulletins tirés au
sort par celui des prévôt des marchands, ou échevins, ou conseillers, qui a
ouvert ledit procès-verbal, et les deux noms portés sur lesdits bulletins sont
inscrits par le greffier pour être mandés.
Le cinquantenier, représentant un quartinier, présente aussi son procès-
verbal comme les quartiniers.
Le nombre des mandés se trouve être de trente-deux, deux par chacun des
seize quartiers, qui est la division de Paris relativement à l'Hôtel de Ville.
Ces mandés sont des magistrats, des avocats, des notaires, des anciens éche-
vins, des officiers du roi, des marchands négociants, des bourgeois, etc.
L'élection des mandés faite, les noms sont distribués aux huissiers de la
Ville, qui, en robes noires, vont les chercher dans les carrosses de la Ville et
les amènent à l'Hôtel de Ville.
Pendant ce temps, le bureau, les conseillers de Ville et les quartiniers se
rendent, en passant au milieu de deux files de gardes de la Ville, et au bruit
des instruments des compagnies desdites gardes, en l'église du Saint-Esprit,
où l'aumônier de la Ville célèbre une messe. haute qui est précédée du Veni
Creator.
Après la messe on revient à l'Hôtel de Ville.
L'assemblée se forme dans la grande salle, qui est ainsi disposée :
Dans le fond de la salle est un banc à dos. De chaque côté, partant dudit
banc à dos, sont d'autres bancs qui forment un double carré long, fermé
aussi par des bancs. Au milieu de ce carré est un bureau. Devant le bureau,
du côté d'en bas, est un fauteuil, et du côté d'en haut, vis-à-vis ledit fauteuil,
un siège à bras; à la gauche de ce siège, et un peu éloigné, un tabouret.
Lorsque toute la compagnie est assemblée, on prend place en cet ordre :
L'HOTEL DE VILLE 531
Les prévôt des marchands et échcvins, sur le banc à dos, au haut dudit
carré ;
Le procureur du roi et de la Ville et le greffier, audit bureau; le procureur
du roi dans le fauteuil, et le greffier dans son siège ;
Les conseillers de Ville, sur le banc intérieur dudit carré, adroite; les con-
seillers des cours souveraines occupant, les premières places qui sont celles
les plus proches du banc à dos, et suivant leur rang de réception ; après eux,
les autres conseillers de Ville, et ensuite les quartiniers, tant sur le même
banc que sur celui en retour, faisant face au banc à dos, et sur un autre banc
derrière celui desdits conseillers. Les mandés se placent, tant sur le banc in-
térieur à gauche, pareil à celui des conseillers et quartiniers, que sur un autre
banc derrière.
Le premier commis du greffe, en robe noire, se place sur une chaise, et un
peu hors rang, dans l'angle entre le banc des prévôt des marchands et échevins
et celui des conseillers, pour administrer le tableau juraloirc, le chapeau mi-
partie, etc.
Le premier huissier, aussi en robe noire, prend place sur le tabouret étant
près ledit bureau, et les autres huissiers en robes de livrée, sur un banc au
bas dudit carré, du côté de la porte.
Des gardes de la ville, sous les armes, bordent ledit carré.
Le public est derrière lesditcs gardes.
Tout le monde placé, M. le prévôt des marchands, soit qu'il doive sortir de
place, soit qu'il doive être continué, fait un discours relatif à la cérémonie.
Les deux échevins qui doivent sortir de place l'ont aussi un discours de
remerciement.
Le procureur du roi cl de la Ville fait aussi un discours et termine par re-
quérir la lecture des ordonnances pour la forme de l'élection, et de la lettre
du roi pour la désignation d'un prévôt des marchands, ou la continuation de
celui qui est on place, suivant le cas.
Les prévôt des marchands, échevins et procureur du roi sont assis et cou-
verts de leurs bonnets carrés en faisant leurs discours.
Ce fait, le greffier, debout et découvert, fait lecture des ordonnances et de
la lettre du roi.
Celte lecture faite, le prévôt des marchands se lève, ainsi que toute la com-
pagnie, et il requiert le serment pour l'élection de quatre scrutateurs. Ce ser-
ment est prêté par tous ensemble sans sortir de place, et la compagnie se
rassoit.
Le greffier, toujours debout et découvert, fait l'appel pour cette élection, en
commençant par le doyen des conseillers, continue par les quartiniers et leurs
mandés, et finit par les échevins et le prévôt des marchands.
Est à observer que le greffier n'appelle point le cinquantenier, parce qu'il
n'a pas de voix.
Le doyen des conseillers, lors de son appel, nomme quatre scrutateurs qui
sont unanimement aussi nommés par toute la compagnie.
De ces quatre scrutateurs, qui sont toujours pris dans le nombre des per-
sonnes présentes, le premier est nommé pour les officiers du roi. C'est ou un
maître des requêtes, ou un conseiller au Parlement, ou un avocat du roi au
Chàlelet, et toujours de la haute magistrature, parce que c'est lui qui porte et
présente le scrutin au roi, lors de la prestation de serment.
«532 L'HOTEL DE VILLE
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Le second est nommé pour les conseillers de Ville, et c'est toujours un con-
seiller bourgeois.
Le troisième, pour les quartiniers, et c'est un quartinier.
Et le qualrièmc pour les bourgeois, et c'est un des mandés, non officier de
la ville.
Les quatre scrutateurs ainsi élus sont appelés par le greffier, et, à genoux,
la main sur le tableau juratoire entre les mains du prévôt des marchands, ils
font le serment de bien et fidèlement procéder à l'élection d'un prévôt des
marchands et de deux échevins.
Après quoi, les prévôt des marchands et échevins quittent leurs places et
passent sur un autre banc à dos préparé derrière celui qu'ils occupaient, et
les quatre scrutateurs se placent sur le banc que viennent de quitter les prévôt
des marchands et échevins, le premier scrutateur tenant le tableau juratoire
sur ses genoux, et le second le chapeau mi-partie, qui est une espèce de sac
dans lequel se mettent les bulletins.
Alors le greffier fait l'appel pour l'élection du prévôt des marchands et des
échevins, en commençant par le prévôt des marchands et les échevins, conti-
nuant par les conseillers de Ville, et finissant par les quartiniers et les mandés
(le cinquantenier n'est point appelé, pour la raison ci-devant dite). Tous
viennent, les uns après les autres, au fur el à mesure de leur appel, chaque'
quartinier suivi de ses deux mandés, et ceux du quartier du cinquantenier
seuls, faire, à genoux sur un carreau, la main sur le crucifix, entre les mains
du premier scrutateur, le serment — et mettent dans le chapeau mi-partie un
bulletin sur lequel sont écrits les noms des personnes auxquelles ils donnent
leurs voix.
Lorsqu'on appelle le premier scrutateur, il passe le tableau juratoire au
second scrutateur, qui donne le chapeau mi-partie au troisième scrutateur, et
le premier scrutateur prête le serment entre les mains du second scrutateur,
met son bulletin dans le chapeau mi-partie, et reprend sa place et le tableau;
et le second scrutateur reprend le chapeau mi-parlie; et lorsque le second
scrutateur est appelé, il repasse au troisième scrutateur le chapeau mi-partie,
fait le serment, donne son bulletin et reprend le chapeau.
Cet appel fini, et les bulletins donnés, l'assemblée se lève. Les quatre scru-
tateurs, le procureur du roi et de la Ville et le greffier se retirent dans une
pièce particulière, où, les portes fermées, ils tirent du chapeau mi-partie les
bulletins, comptent les voix, et dressent le scrutin de l'élection. Us passent
ensuite dans la salle d'audience où la compagnie s'est rendue. Les prévôt des
marchands et échevins, procureur du roi et greffier, prennent leurs places or-
dinaires, et le premier scrutateur prend séance sur le siège à la droite du prévôt
des marchands, et annonce à la compagnie le résultat dudit scrutin.
Le prévôt des marchands a toujours toutes les voix. Quant aux échevins,
ce sont les deux personnes qui ont le plus grand nombre de voix qui sont
élues. Celui des deux qui a le plus de voix a le pas sur l'autre.
Il devrait y avoir 79 voix, savoir : le prévôt des marchands, 1 ; les échevins,
4- les conseillers, 26; les quartiniers, 16, et les 32 mandés, 32 : total, 79;
mais comme la plupart des conseillers et quartiniers conservent leurs oihees
pendant leur échevinage, et qu'ils ne donnent leurs voix que comme échevins,
il se trouve deux voix de moins; ainsi la totalité est le plus souvent réduite
à 77.
L'HOTEL DE VILLE 533
Ce nombre de voix peut encore être diminué par les parentés et affinités qui
se trouvent entre les électeurs, mais cela n'est qu'accidentel.
Le scrutin se met au net sur-le-champ, est signé des quatre scrutateurs,
clos aux armes de la Ville, et déposé au greffe pour y rester jusqu'au jour de
la prestation de serment.
Le prévôt des marchands donne avis de l'élection au ministre ayant le dé-
partement de Paris et au gouverneur de Paris, et les prie de savoir du roi le
jour que Sa Majesté recevra le serment des nouveaux élus.
L'après-midi on va faire des visites de politesse aux nouveaux élus.
Prestation de serment. — Le jour que le roi a fixé pour la prestation de
serment, les prévôt des marchands et échevins, procureur du roi et greffier,
vêtus comme le jour de l'élection, les quatre scrutateurs, les deux doyens des
compagnies dos conseillers et quartiniers, en robes noires, et les nouveaux
élus (si l'un des deux échevins n'a pas droit de robe, il est en manteau), s'as-
semblent à l'Hôtel de Ville sur les sept heures du matin, entendent la messe
et se rendent à Versailles, assistés du premier commis du greffe, du premier
huissier en robes noires et de deux huissiers en robes de livrée, et escortés de
gardes de la Ville.
On part sur les huit heures pour Versailles, et on descend ordinairement
à la salle du Conseil par la cour des Princes, et là on attend l'heure de l'au-
dience.
Les grand maître et maître des cérémonies y viennent prendre le corps de
Ville pour le conduire chez le roi.
Marchent d'abord les deux huissiers;
Le premier commis du greffe et le premier huissier;
Le greffier, qui a, à sa gauche, le colonel des gardes de la Ville ;
Le premier scrutateur et le prévôt des marchands, accompagnés des maître
et aide des cérémonies;
Les quatre échevins;
Le procureur du roi ;
Les doyens des deux compagnies;
Les trois autres scrutateurs;
Et les nouveaux élus.
Le ministre ayant le département de Paris et le gouverneur de Paris les
prennent à la porte de l'appartement du roi, et les présentent à Sa Majesté,
qui est dans un fauteuil. Le roi se découvre à l'entrée, et se recouvre. Le pre-
mier scrutateur tient à la main le scrutin, met un genou en terre, ainsi que le
corps de Ville, fait un discours au roi, après lequel il lui présente le scrutin,
que Sa Majesté passe au secrétaire d'État , qui l'ouvre et en fait la lecture.
Le greffier met entre les mains du roi le tableau - crucifix , et le premier
commis du greffe présente le livre des ordonnances au ministre, qui fait la
lecture de la formule du serment , pendant laauelle les nouveaux élus , qui
s'étaient approchés du roi, font, à genoux, la main sur le crucifix que Sa
Majesté tient sur ses genoux, le serment dont la teneur suit :
Vous jurez ès-mains du Roi notre Sire, que bien et loyalement vous servirez
Sa Majesté en ses droits de la prévôté et échevinage, en faisant droit et justice
au petit comme au grand et au grand comme au petit; fere~< et ferez faire
bon guet et garde par ceux qui le doivent faire en la Ville et lieux où faire le
53 i L'HOTEL DE VILLE
faudra, cl garderez les droits, franchises, juridiction et libertés de ladite pré-
vôté, et les privilèges et ordonnances, de tout votre pouvoir.
Après quoi, le corps de Ville se retire en faisant de profondes révérences.
Le corps de Ville est ensuite conduit et présenté dans le même ordre aux
audiences de la Reine, devant laquelle on met un genou en terre, deftlonsieur,
de Madame, de M. le comte d'Artois, de Madame la comtesse d'Artois et des
Dames de France. Dans toutes ces visites, le corps de Ville est présenté par le
ministre et le gouverneur de Paris.
La Reine reçoit le corps de Ville assise;
Monsieur, assis et couvert, et Madame, assise;
M. le comte d'Artois, debout et couvert;
Et Madame la comtesse d'Artois, ainsi que les Dames, debout.
Et c'est le prévôt des marchands qui porte la parole dans toutes ces visites.
Après quoi, les maîtres des cérémonies reconduisent le corps de Ville dans
la salle où ils l'ont pris, et se retirent.
On quitte alors les robes mi-parties, et on prend les robes noires, et on va
faire visite et présenter les nouveaux échevins au gouverneur de Paris, à M. le
garde des sceaux, aux ministres et secrétaires d'Etat, à M. le contrôleur général
et autres personnes du Conseil royal.
Ce fait, on revient à Paris dans le même ordre qu'on en était parti. On
monte à l'Hôtel de Ville, on entre à l'audience, où le premier scrutateur, se
mettant dans le siège du prévôt des marchands, installe le nouveau prévôt des
marchands, qui prend place à sa gauche, et les deux nouveaux échevins qui se
mettent à la suite des deux qui restent, et ensuite chacun se retire.
Le lendemain, le bureau seulement, en robes noires, assisté d'huissiers et
escorté de quatre gardes, va faire visite à M. l'archevêque de Paris, à M. le
premier président du Parlement et aux conseillers au Conseil royal qu'on n'a
point vus à Versailles.
RÉFLEXIONS SUR L'EXPÉDITION DES MANDEMENTS '
Soit que les biens-fonds de la Ville se réduisissent originairement à quelques
maisons, soit que, plus solidement construites ou moins exposées à l'ébranle-
ment que cause le mouvement des voitures, ces maisons subsistassent long-
temps sans réparations, soit enfin que ces réparations ne fussent point subor-
données à la fantaisie des locataires, l'objet de leur entretien était d'une con-
séquence si médiocre que plusieurs des anciens comptes de la Ville ne font
point mention de sommes payées pour cette nature de dépense.
Mais depuis un siècle la Ville ayant fait construire plusieurs monuments pu-
blics, et fait un très grand nombre d'acquisitions dont la plupart ont eu pour
destination les embellissements de Paris, les monuments ont exigé des entre-
tiens, et les objets d'acquisitions des réparations, en attendant leurs démoli-
tions qui ne se sont effectuées que longtemps après, ou même point du tout.
1. Arch. mit., H. l'J.jl — Reg. f'° 467 r°, par renvoi du f° 83. En marge on lit, de
la main de la Michodière : « Approuvé pour être exécuté à l'avenir, ce 19 janvier
1775. De la Michodière. »
L'HOTEL DE VILLE 533
La forme des devis et marchés pour les réparations, même les plus modiques,
a donné lieu à des actes de réception d'ouvrages, desquels actes, ainsi que des
marchés, il était délivré extraits du receveur de la Ville , qui les rapportait
dans ses comptes , et ils restaient annexés aux ordonnances de payement. Le
nombre de ces devis s'est accru avec celui des objets sujets aux réparations à
un tel point qu'on s'est vu forcé de rassembler, pour chaque nature d'ouvrages,
ces mêmes devis et marchés pour en former par semestre autant d'états géné-
raux; ces étals montaient souvent à des sommes assez considérables pour qu'il
ne fût pas possible de les acquitter par une même ordonnance qu'on aurait
pu mettre au pied de chaque état; et de là s'est introduit l'usage de singula-
riser les mandements.
Cette méthode d'opérer par étals généraux abrégeait infiniment les écritures,
mais elle entraînait l'inconvénient de ne pouvoir plus distinguer dans les
comptes, sans le secours des pièces, les lieux qui avaient exigé des réparations.
Chaque nature d'ouvrages confondait ceux laits à l'Hôtel de Ville, aux maisons
de son domaine, aux monuments publics, les entreprises dont la Ville était
chargée, les fêtes, etc., etc. Ce chaos a disparu avec la nouvelle forme de
comptabilité sous la prévoie de M. Bignon, et on a vu, sous celle de M. de la
Michodière, se perfectionner l'ordre si indispensable dans cette partie de l'ad-
minislralion.
Le domaine de la Ville a d'abord été désigné sous les dénominations parti-
culières d'Hôtel de Ville, maisons du Pont-Notre-Dame, — objets détachés tels
que chantiers, ateliers, magasins ou échoppes situés en divers endroits de la
capitale; on a pareillement divisé les constructions d'utilité publique, les
monuments qui y sont pareillement consacrés, les édifices qui tendent aux
embellissements et les entreprises qui ont en vue la commodité et l'agrément
des citoyens. Ces divisions, au nombre de plus de Irente sortes, ont occa-
sionné la multiplicité des mandements : au lieu de trois ou quatre au plus qui
s'expédiaient tous les six mois pour chaque ouvrier lorsque les états généraux
avaient lieu, il s'en expédie aujourd'hui trente pour la même nature d'ouvrages
faits dans chacune de ces divisions.
Le bureau de la Ville ,a reconnu l'immensité d'un travail aussi fastidieux et
il a désiré qu'on l'éclairàt sur les moyens de le diminuer.
Ces moyens se réduisent à comprendre, dans les arrêtés des extraits de mé-
moires que fournit le maître général des bâtiments, l'ordre au préposé à la
recette générale de la Ville de payer le montant de la dépense contenue en ces
extraits. On en soumet le projet à l'approbation du bureau.
PROJET D'UNE NOUVELLE FORME D'ARRÊTÉ
DES EXTRAITS DE MÉMOIRES d'oUVRAGES
Vu l'état ci-dessus, nous, prévôt des marchands et échevins de la ville de
Paris, après nous être rendus certains que les ouvrages y contenus ont été bien
et dûment faits par [Pierre Guerne, maître charpentier], lui en avons présente-
ment donné acte, et nous ordonnons que la somme de [mille livres] à laquelle
nous avons arrêté le mo7itanl d'iceux sera payée comptant par [Jean-Bonaven-
ture-Henry Blanchard- Duresle], chargé des recettes et dépenses des revenus de
la Ville, auquel nous mandons de ce faire. Rapportant par ledit sieur [Dureste]
536 L'HOTEL DE VILLE
le présent et quittance dudit sieur [Guerné], ladite somme de [mille livres]
sera passée et allouée sans difficulté, en la dépense de ses comptes. Fait au bu-
reau de la Ville, etc.
En adoptant ce projet, on conservera dans les comptes la forme si néces-
saire des distinctions.
On l'appliquera aux mémoires de fournitures.
Enfin, on ne présentera plus de mandements particuliers à la signature,
que ceux qui seront délivrés pour à-comptes ou pour des dépenses qui ne sont
pas dans le cas d'être appuyées d'aucuns mémoires.
RÈGLEMENT ARRÊTÉ AU CONSEIL
le 23 AOUT 1783
POUR L'ADMINISTRATION DE LA VILLE'
I. — Il sera incessamment procédé à la visite et reconnaissance de tous les
terrains, maisons et bâtiments appartenant à la Ville, suivant l'état annexé
sous le contre-scel des présentes, et il en sera dressé un procès-verbal, dont
l'expédition sera remise au roi, et qui fera mention de leur produit et de leur
valeur estimative. La Ville ne conservera dans sa possession que ceux qui
tiennent à la plus grande commodité du public et à l'embellissement de Paris;
elle fera vendre les autres dans les formes prescrites par les règlements, pour
être le prix desdites ventes versé dans la caisse d'amorlissement, qui payera
les créanciers privilégiés, si aucun il y a, sur chacun desdils biens, et emploiera
le surplus au payement des dettes exigibles en commençant par les plus oné-
reuses.
IL — La Ville emploiera pareillement à l'extinction de ses dettes exigibles2
les dettes actives, reliquats de comptes, et autres effets mentionnés dans l'état
annexé sous le contre-scel des présentes, à l'effet de quoi elle en fera faire la
liquidation, et en fera poursuivre le payement par les voies de droit sans au-
cun retardement, pour en être les deniers versés sans aucune distraction dans
la caisse d'amortissement.
III. — Le receveur de la Ville tiendra un journal séparé, coté et paraphé
par le prévôt des marchands, pour servir à la caisse d'amorlissement; tous les
articles de recette et de dépense y seront journellement inscrits; tous les mois
il en sera dressé un extrait certifié par le receveur, au prévôt des marchands,
ainsi qu'il a été ordonné par les précédents règlements : et dans le mois d'oc-
tobre de chaque année, l'état des remboursements à faire à la fin d'icelle sera
présenté au roi par les prévôt des marchands et échevins, et arrêté au Conseil
de Sa Majesté.
IV. — Dans le même mois d'octobre de chaque année, le roi arrêtera, sur la
présentation des prévôt des marchands et échevins, deux étals pour le service
de l'année suivante, l'un des dépenses ordinaires, et l'autre des dépenses
extraordinaires, sans qu'en aucun cas lesdites dépenses puissent être augmen-
1. Arch. nat., II. 1954. — Signé : Amelot, reg. on Parlement le 5 sept.
2. Évaluées à 4,Fi87,9.'i7 livres.
L'HOTEL DE VILLE 537
tées ou excédées dans le cours de l'année, pour quelque cause et sous quelque
prétexte que ce soit, sans une permission de Sa Majesté.
V. — Les droits et honoraires du bureau et du corps de ville seront réduils
à 136,380 livres, au moyen d'une diminution de 43,620 livres que le roi a or-
donnée et ordonne, sur les honoraires et droits des échevins ; et en conséquence,
le premier échevin recevra pour toute chose 8,000 livres par an, le second
7,000; le troisième et le quatrième 6,000 chacun ; lesdites réductions ne re-
garderont toutefois que les successeurs des échevins actuels qui, jusqu'à leur
sortie, jouiront des droits [et] honoraires pour lesquels ils sont employés dans
la distribution de la somme de 180,000 livres, à quoi montent aujourd'hui les-
dits droits et honoraires. .
VI. — Le roi a supprimé et supprime pour toujours les dons de robes de
velours et de deuil, et les distributions de bougies et de jetons autres que
ceux qui ont été accordés jusqu'ici à titre de droit de présence, pour la dé-
pense et distribution desquels il en sera usé comme du passé.
VIL — Ne pourront les prévôt des marchands et échevins accorder aucuns
présents d'honneur, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par Sa Ma-
jesté.
VIII. — ■ Les pensions viagères et gratifications annuelles sur la caisse de la
Ville, pour récompenses de services, demeureront fixées pour l'avenir à la
somme de 30,000 livres, et jusqu'à ce que les pensions et gratifications an-
nuelles, actuellement existâmes, soient réduites à ladite somme par la mort
des pensionnaires, il ne pourra en être accordé de nouvelles par lesdits prévôt
des marchands et échevins, que jusqu'à concurrence de la moitié de ce qui
s'en éteindra.
IX. — Pourront néanmoins lesdits prévôt des marchands et échevins accor-
der, dans le cas de service extraordinaire, aux sujets attachés à l'administration de
la Ville, des gratifications que les circonsiances rendront indispensables, pourvu
que chacune desdites gratifications n'excède pas la somme de 1,000 livres une
fois payée, et ne soit pas accordée deux années de suite à la même personne:
et dans le cas où pour des causes extraordinaires ils jugeraient nécessaire
d'accorder de plus fortes gratifications, ils seront tenus de remettre au roi
l'expédition des délibérations qui en contiendront les motifs, et d'attendre les
ordres de Sa Majesté.
X. — Les prévôt des marchands et échevins ne pourront faire aucuns éta-
blissements et nouvelles constructions, acquisitions ou emprunts, de quelque
nature que ce puisse être, ni aucunes ventes autres que celles qui sont ordon-
nées par le présent règlement, qu'après avoir appelé avec eux, pour en déli-
bérer, les personnes composant le Conseil particulier de la Ville, et après que
leurs délibérations auront été autorisées en la forme ordinaire.
XL — Le roi ayant supprimé, par son édit de ce mois, les offices de maître
général des bâtiments et de maître des œuvres de charpenterie, les fonctions
desdits deux offices seront exercées par un architecte, sur simple commission,
à la nomination des prévôt des marchands et échevins, avec un traitement de
12,000 livres par an, y compris ses frais de bureau et tous autres.
XII. — Il ne sera fait aucunes grosses réparations ou constructions nou-
velles, à la charge de la Ville, qu'après en avoir constaté l'objet et la néces-
sité, au moyen de la visite et reconnaissance que le bureau en fera par lui-
même, lorsque le cas le requerra, ou par l'un des échevins qu'il commettra,
538 L'HOTEL DE VILLE
assisté d'un vérificateur-expert qu'il aura nommé d'office, suivant la nature des
ouvrages, et en présence de l'architecte delà Ville; il en sera dressé des plans,
devis et détails estimatifs suffisants, et le tout sera communiqué au procureur
du roi et de la Ville, pour, sur ses conclusions, être ordonné ce qu'au cas il
appartiendra, sans que lesdites opérations puissent coûter à la Ville d'autres
frais que les vacations du vérificateur.
XIII. — L'adjudication de toutes les grosses réparations et constructions
nouvelles se fera au rabais, par-devant les prévôt des marchands et échevins,
à l'audience, après les affiches et publications; et la réception s'en fera par le
même commissaire qui en aura fait la reconnaissance, assisté du même véri-
ficateur-expert, et en présence du procureur du roi et de l'architecte de la
Ville.
Par suite de la retraite de Lefèvre d'Ormesson, la déclaration et le
règlement du 23 août 1783 ne parvinrent officiellement au bureau de
la Yilie que le 31 octobre. Cependant le prévôt des marchands avait
déjà demandé au contrôleur général d'expliquer l'article 3 de la dé-
claration, puisque, par une lettre du 9 octobre, celui-ci borne le pou-
voir du receveur de la Ville à « renouveler les rescriptions actuelle-
ment existantes » et montant à la somme totale de 2,207,100 livres
suivant l'état dressé par la Ville le 31 octobre : par la délibération du
même jour, le receveur est tenu d'indiquer par la lettre R les renou-
vellements de rescriptions ; les grosses réparations sont définies, celles
dont la somme atteint 4,000 livres : le bureau décide que les ouvrages
d'entretien fixe (exemple : vitrages, plombs des fontaines, pavé des
ports) seront également adjugés au rabais, en bloc, pour trois ou six
années. Ces additions et interprétations furent approuvées par le roi '.
— Dans un.' lettre du 17 mars 1788 2, M. Buffault déclare au bureau
de la Ville que « les commis des domaines de la Ville furent employés
presque exclusivement pendant une année à la confection des rensei-
gnements, états comparatifs, relevés, dépouillements demandés pour
établir les bases du règlement de 1783 » : en conséquence, ils n'ont pu
faire leur travail ordinaire (les comptes de la ville).
ARRÊT du Conseil relatif à l'apurement des comptes de la recette de ville,
du 8 avril 1 78 i î
Vu par le roi, étant en son Conseil, la délibération des prévôt des marchands
et échevins de la ville de Paris et Conseil particulier de ladite Ville, du 12 août
1783, concernant l'apurement des souffrances en recettes, dépenses et reprises
1. Le bureau de la Ville maintint en outre (délib. du 31 octobre 178.']) « la
bourse de cent jetons annuellement présentée ;i Sa Majesté ».
2. Arch, nat., IL 1959.
3. Arch. nat., IL 1955,
L'HOTEL DE VILLE 539
des comptes des exercices de 1717 à 1762 du feu sieur Jacques Boucot, rece-
veur général du domaine de ladite Ville, décédé fin de décembre 1762, y com-
pris ceux des deux derniers exercices de 1717 à 1721 ' du feu sieur autre
Jacques Boucot, son père, auquel il avait succédé; suivant laquelle délibéra-
tion il paraît que, par le résultat des opérations dudit apurement et l'arrêté de
la délibération, la succession dudit feu sieur Boucot, dernier décédé, toute
compensation et déduction des objets y mentionnés, a été déclarée débitrice
envers la ville de la somme de 611,184 livres 4 sous 8 deniers, tant pour
erreurs de calculs qui se sont glissées au préjudice de la Ville dans lesdits
comptes, que pour débets de quittances montant à 170,364 livres 18 sous 2 de-
niers et pour indemnité fixée à 185,598 livres 15 sous 10 deniers des objets en
loyers, fermages, et droits non recouvrés portés en recettes dans lesdits
comptes et passés en reprise, à la charge de justifier des diligences contre les
débiteurs, et aux intérêts desdits 611,184 livres 4 sous 8 deniers à compter du
jour de ladite délibération ;
Vu pareillement les mémoires respectivement présentés tant par Justine-
Josèpbe Boucot, épouse non commune en biens de Nicolas-Alphonse-Félicité
Rouault, comte de Rouault, marquis de Gamache, seigneur et gouverneur pour
le roi de Saint-Valéry, et auparavant veuve de Paul-Joseph Fcydeau de Brou,
intendant de Bouen, seule et unique héritière dudit feu sieur Jacques Boucot,
dernier décédé, son père, que par les prévôt des marchands et échevins de la
ville de Paris; ceux de ladite dame comtesse de Bouault, assistée et autorisée
dudit sieur comte de Rouault, son mari, tendant à ce qu'il plaise à Sa Majesté,
sur les motifs, raisons et considérations exposés par ses mémoires, la déchar-
ger purement et simplement, tant des 170,364 livres 18 sous 2 deniers pour
débets de quittances, que des 185,538 livres 15 sous 10 deniers pour loyers et
droits non recouvrés, ces deux objets revenant ensemble à la somme de
355,903 livres 14 sous, ce qui réduirait à 255,280 livres 10 sous 8 deniers le-
dit débet d'apurement des 611,184 livres 4 sous 8 deniers; ou bien, au lieu
de cette décharge, l'admettre à payer à la Ville la totalité dudit débet de
611,184 livres 4 sous 8 deniers en contrats de rentes perpétuelles au denier
40 sur les aides et gabelles ; et les mémoires de la Ville en forme d'observa-
tions sur la demande de ladite dame comtesse de Bouault, tendant à s'en rap-
porter à la décision que Sa Majesté jugerait à propos de rendre sur les de-
mandes de ladite dame comtesse de Rouault, la Ville n'ayant, par sa délibération
du 12 août 1783, statué sur les objets de cet apurement des comptes dudit
feu sieur Boucot, que conformément aux règles strictes de la comptabilité
dont elle n'a pu s'écarter % et n'appartenant qu'à Sa Majesté de décider et or-
donner sur les modérations et décharges pour lesquelles ladite dame comtesse
de Bouault a recours à la justice et aux bontés de Sa Majesté; et vu aussi les
pièces respectivement produites pour parvenir à une conciliation et décision
qui mettent les parties hors de toutes discussions et contestations.
Ce considéré, oui le rapport du sieur de Calonne, conseiller ordinaire au
Conseil royal, contrôleur général des finances, le Boi étant en son Conseil a
1. Chaque exercice de la Ville était de deux ans, correspondant à la durée de
chaque prévôté.
2. Est joint à la délibération de la Ville, le rapport détaillé (17 pages in-folio)
rédigé par l'ancien échevin Martel (12 août 1783).
540 L'HOTE F, DE VILLE
autorisé et autorise les prévôt des marchands et échevins de la Ville de Paris
à modérer et réduire, à titre de forfait pour toute chose, en principal et en in-
térêts... à la somme de 400,000 livres, le déhet d'apurement des comptes...
du domaine de la Ville de 1717 à 17G2.
Les conditions du règlement de compte qui viennent ensuite au-
torisent la comtesse de Rouanlt à payer 220,000 livres au moyen
de reconstitution de rentes perpétuelles au profit de la Ville;
72,000 livres par délégation sur le prix, de deux maisons sises rue du
Roi-de-Sicile, et qu'elle est sur le point de vendre. Quant aux
102,000 livres restant, « elle en passera contrat de constitution de
rentes perpétuelles au profit de la Ville, au denier 20, avec affecta-
tion générale et hypothèque primitive susdite » (il s'agit de celle con-
sentie par le sieur Boucot) « du 3 septembre 1722 sur tous les biens
de la succession dudit feu sieur Boucot et de ceux de ladite dame de
Rouault, sa fille et unique héritière... »
LA VILLE
ET LE GREFFIER DES DOMAINES DE MAINMORTE'
Les édits de décembre 1091 et d'octobre 1703 avaient établi, le pre-
mier, des greffiers des domaines des gens de mainmorte, et le se-
cond, des contrôleurs des susdits greffiers : le tout pour constater les
revenus des gens de mainmorte, leur en assurer la propriété et en
empêcher l'usurpation. Les gens de mainmorte (corps et corpora-
tions, communautés religieuses, hôtels de ville, juridictions, etc.)
étaient tenus de donner tous les dix ans au greffe la déclaration de
leurs revenus affermés et non affermés, sur lesquels un droit était
établi. De plus, ces greffes devaient enregistrer les titres et les baux
ordinaires ou emphytéotiques, aux frais des preneurs.
Le clergé de Paris acheta six des offices de greffiers établis dans
diverses villes du diocèse, et les réunit en une seule place, qui fut
fixée à Paris2, et rattachée à la chambre ecclésiastique.
Ainsi, l'Eglise de Paris avait, par cette heureuse acquisition, le droit
de se faire apporter (entre autres états) l'état des revenus affermés ou
non affermés de l'Hôtel de Ville.
Le bureau de la Ville ne put se soustraire à une telle inquisition
1. Arch. nat., II. 1951, un dossier'. Reg. par mention f'° 2"J5. (Année 1781,
octobre.)
2. En 1781, le bureau de M. Gaye, greffier des domaines des gens de main-
morte, était vue Saint-Sauveur, près la rue Thévcnot, chez M. du Peron, rece-
veur des décimes.
L'HOTEL DE VILLE
541
que par une transaction avec l'archevêque, en date du 29 juillet 1706.
— La Ville s'engagea : 1° à payer ou faire payer tous les ans au
1er janvier au clergé de Paris, deux bourses de chacune cent jetons
d'argent (soit, en valeur, 200 livres) ; 2° à fournir gratuitement aux
greffiers et contrôleurs, quand ils en auraient besoin, l'état indicatif des
biens et revenus de l'Hôtel de Ville. Elle fut à cette double condition
dégagée des obligations des édits de 1691 à 1703.
Le greffier Taitbout refusa plusieurs fois les états indicatifs qui lui
étaient demandés. En 1781, le syndic du clergé de Paris rappela au
prévôt des marchands la seconde clause de la transaction de 1706, et
obtint satisfaction (6 octobre 1781). 11 ne s'agissait du reste pour le
clergé que de faciliter aux greffiers et contrôleurs le recouvrement
des droits d'enregistrement et contrôle sur les fermiers, locataires,
acquéreurs, adjudicataires et détenteurs des biens de la Ville, et d'em-
pêcher les oppositions et prises de fait et cause du bureau de la Ville,
en cas de contestation.
DIVISIONS DES SERVICES MUNICIPAUX
La délibération du 20 octobre 1785 fixa, entre les officiers du Bureau
de la Ville, la répartition des détails d'administration sur lesquels de-
vait porter la surveillance de chacun d'eux '.
Le premier échevin ;
le greffier;
le trésorier :
(Nota. — Le contrôle de la
caisse d'amortissement étant
attaché au premier échevin,
cette opération lui est spécia-
lement réservée.)
Toutes les opérations relatives aux
finances de la Avilie, — la situation
de la caisse, — la connaissance de
toutes les dettes tant actives que
passives, — les démarches ou pour-
suites à faire pour opérer les recou-
vrements arriérés, — la formation
des états exigés par la déclaration
de 1783 et règlement y annexé, —
celle de l'état de distribution des
fonds qui doivent être employés tous
les six mois au payement des entre-
preneurs, ouvriers et fournisseurs,
— la vente des maisons et terrains
et autres objets actifs de la Ville.
1. Arch. nat., H. 1956.
542 L'HOTEL DE VILLE
Le deuxième échevin : La surveillance des chantiers, corps de
garde, ports, et tous les détails y relatifs.
Le troisième échevin : L'entretien des remparts et places, leurs
plantations, et tous les accessoires.
Le quatrième échevin : La surveillance des fontaines et égouts, et
détails y relatifs.
Le procureur du roi : L'approvisionnement tant en Lois qu'en
charbon, et opérations conséquentes.
Ce tableau est signé par Le Peletier, les quatre échevins, et Étuis
de Gorny, procureur du Roi et de la Ville.
FORMULE IMPRIMÉE '
Noms des témoins que le procureur du Roi et de la Ville entend faire ouïr
en l'informatiou qui se fera d'office à sa requête, par l'échcvin à ce commis,
des bonnes vie, mœurs, conversation, religion catholique, apostolique et ro-
maine, affection au service du roi, de [Jean-François Dornc, compagnon de
rivière], et de ses sens, suffisance, capacité et expérience, pour être reçu [à
l'exercice de la commission pour lever les clefs des deux cordes qui passent
par-dessus le pont de Poissy et jeter les cordes en l'eau quand les bateaux
seront d'amont, même pour aider à enverger les cordes dans la nécessité de la
navigation.
MM. Pierre Bourse, prêtre habitué en la paroisse de Saint-Gervais, Mathieu
Baudin et Nicolas Prévost, tous deux voituriers par eau. Fait le 16 novembre
1773. Jollivct].
Les passages entre crochets sont écrits à la main dans les blancs de
la formule. — ■ Suit la' formule imprimée d'information, de déposition
des témoins cités, et le «soit communiqué au procureur de la ville»,
sur les conclusions duquel la commission est signée (le 28 novembre
1775) du prévôt et des quatre échevins.
Extrait d'une lettre autographe de M. le comte de Buffon
au prévôt des marchands Le Peletier
...J'ose vous supplier de nouveau, Monsieur, d'accorder votre nomination de
subdélégué à Montbard à M. Guerard notaire royal qui réside dans cette ville,
c'est un homme très-au fait des affaires et d'une probité bien reconnue, il est
âgé de quarante-cinq ans et il a la confiance de tous les seigneurs de mon voi-
sinage. Celui qu'on vous a présenté est un. jeune homme qui ne fait que coni-
1. Àrch. uat., 11. 1951.
L'HOTEL DE VILLE 543
mencer et n'a acheté que depuis deux ou trois ans une charge de notaire en-
sorte que je puis vous assurer, Monsieur, qu'il ne scroit pas propre aux fonc-
tions de votre subdélégalion.
J'ai l'honneur de vous renouveller les sentiments de ma reconnoissance et
tous ceux du véritable respect avec lesquels j'ai l'honneur d'être,
Monsieur,
Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
Le comte De Buffon.
Jardin du Roi, 31 mars 1785.
P. S. — J'oubliois de vous représenter, Monsieur, que comme la tlottaison
du bois doit se faire incessamment sur la rivière de Monlbard, il seroit néces-
saire que vous eussiés la bonté de m'envoyer votre nomination que je ferois
passer tout de suite à M. Guerard et qui preteroit sur-le-champ son serment
devant le Juge Royal au Bailliage de Semur *.
GARDE DE PARIS
La ville avait trois compagnies de gardes formées depuis plusieurs siècles
sous le nom d'arbalétriers, archers et arquebusiers2; chacune de ces compa-
gnies était de cent hommes, et avait pour officiers un capitaine, un lieutenant,
un sous-lieutenant, un enseigne, un cornette et un guidon.
Le roi, par ses lettres patentes du 14. décembre 1769, en considération des
anciens services desdites compagnies, a bien voulu renouveler leurs privi-
lèges, leur a accordé le rang de gendarmerie et maréchaussée de France, avec
création d'une quatrième compagnie sous le titre de fusiliers, de quatre
officiers pour la commander, et a fixé lesdiles compagnies, conformément
à l'ordonnance militaire du 10 décembre 1762, à soixante-seize hommes par
compagnie >.
1. Le bureau expédia immédiatement la commission demandée par Guerard.
-7 Buffon avait quelque intérêt à celle affaire : car on lit dans une ordonnance
du bureau (19 août 178ÎJ), rendue sur le rapport de maître Guerard, l'ordre
« aux particuliers riverains sur la rivière de Bresme, depuis le pont de Monlbard
jusqu'à la forge de Buffon située sur la rivière d'Armançon, de détruire et
enlever dans la huitaine... les digues, bâtardeaux, murs, escaliers, amas de pierres,
arbres et pieux par eux établis dans le lit de la rivière », faute de quoi il y sera
pourvu à leurs Irais, sans préjudice de l'amende. — Arch. nat., 11. 1956.
2. Le tir annuel des Chevaliers de l'arquebuse, les prix décernés, la proclama-
tion du roi de l'arquebuse, subsistaient toujours sous la haute protection du
gouverneur de Paris. Ces anciens exercices militaires n'étaient plus qu'un jeu.
Les femmes et amies des Chevaliers tiraieut aussi au noir, avec une sarbacane.
Le 10 août 1788, la demoiselle Dcville reçoit une médaille d'argent et le titre de
reine de l'arquebuse. (Arch. nat., H. 1959.) — Sans insister sur des détails de
pure curiosité, renvoyons pour les descriptions et documents authentiques aux
pièces 10, 17 et 23 du carton K. 1004 des Arch. nat. — Le coin des médailles de
l'arquebuse est de I73G.
3. Almanach royal de 1780, p. 438.
544 L'HOTEL DE VILLE
MÉMOIRE DU SIEUR HAY
COLONEL DES GARDES. DE PARIS ET LEUR COMMISSAIRE AUX REVUES
21 AOUT 1788 «
Agé do 73 ans, après 23 ans de service, il demande -1,000 livres de
pension, réversibles sur sa femme. Voici ses motifs :
Il a acquis ses deux charges au mois d'avril 1 704 pour le prix et somme
de 225,000 livres, non compris 9,000 livres de réception.
Livres. Sols.
Les gages fixes consistent en solde du roi 1,567 12
— de commissaire aux revues (du roi) 520 »
Id. pour la Ville 320 »
2,407 12
Pour vingtièmes d'industrie, retenue, capitation, pail-
lette, etc., il paye 703 »
Reste 1,703 12
Il revient annuellement au colonel la paulctlcdcs officiers
et gardes, moulant à environ 2,400 »
4,103 12
Les intérêts du prix de sa charge étant de 11,250 livres, il
lui faut en casuel, chaque année, à peu près vingt mutations
qui font un objet de 7,200 »
Total du revenu 11,303 12
Or, depuis 23 ans, la sieur Hay n'a reçu que 390 gardes,
qui lui ont produit 143,280 »
31 officiers 30,204
et ses soldes suivant le détail ci-dessus, à raison de 4,103 li- •
vrcs 12 sols par an, ci 94,382 16
Total 267,866 16
ce qui, divisé par 23, donne 11,646 livres 7 sols 7 deniers, soit 396 lbres
7 sols 7 deniers d'excédent sur le revenu de sa finance.
Le sieur Hay croyait avoir fait une meilleure opération en 1764;
il se plaint de «la suppression entière d'objets considérables qui
avaient déterminé le prix de l'acquisition de sa charge».
Il obtint du baron de Breteuil, sur le domaine de la ville, 3,000 livres
de pension non réversibles.
1. Arcli. mit., 11. 1960.
L'HOTEL DE VILLE 5io
PRIVILÈGE
DES OFFICIERS ET GARDES DE LA VILLE DE PARIS
Tous les ans est dressé « un rôle des officiers et gardes de la ville
de Paris, chargés de faire la consommation des 4,400 muids de vin
de privilège attribués par an aux quatre compagnies des gardes de la
ville, pour, par les dénommés au présent rôle, faire arriver, vendre
et débiter en détail, dans ladite ville et faubourgs de Paris ».
L'état de 1775, présenté et signé par Hay, contresigné par le bureau,
comprend 137 noms.
Les officiers ont 50, 60 ou 70 muids de vin de privilège ; les sergents
et gardes, 20, 30 ou 40'.
CHRONOLOGIE DES IMPRIMEURS DE LA VILLE
depuis 1631 jusqu'en l'année 1781
SOLS VINGT-CINQ PRÉVOTÉS DES MARCHANDS *
De 1631 à 1662.
I. — Piehhe Rocolet, reçu libraire en 1622; messire Louis
Lefèvre de Caumartin étant garde des sceaux, et messire
Michel Maureau, prévôt des marchands 28 ans.
De 1662 à 1675.
II. — Damien Foucault, petit gendre de Rocolet 13 —
De 1675 à 1695.
III. — Hilaire Foucault, fils de Damien 3 20 —
De 1695 à 1733.
IV. — Pierre-Augustin Le Mercier, petit-neveu mater-
nel de Damien Foucault 38 —
A reporter. . . 99 ans.
1. Avch. nat., H. 1981.
2. Arch. uat., H. 1954 (20 août 1784). — Une des 30 maîtrises d'imprimeur
appartenait à la Ville; en 1184, elle fut donnée en survivance à Lottin (Jcan-Roch)
cqusin d'Augustin-Martin, l'aîné.
3. Sur Rocolet et les deux Foucault, voyez Jean de La Caille, Histoire de ta li-
brairie et de l'imprimerie (in-4°, 1689, Paris), p. 228 à 230.
35
546 L'HOTEL DE VILLE
Report. . . 99 ans.
De 1733 à 1768.
V. — Pierre-Gilles Le Mercier, fils de Pierre-Augustin. . 35 —
De 1708 à 1784.
VI. — Augustin-Martin Lottin, l'aîné, petit-fils maternel
de Pierre-Augustin Le Mercier 10 —
150 ans.
Extrait de la lettre écrite à M. Le Péletier
par M. le Contrôleur général
14 FÉVRIER 1786 '
...Néanmoins Sa Majesté, instruite que les soins des échevins actuels et des
autres principaux officiers ont déjà procuré de l'amélioration dans les affaires
de la ville, a bien voulu leur en marquer sa satisfaction en leur accordant pour
la présente année une gratification extraordinaire de G, 000 livres au premier
échevin et de 4,000 livres à chacun des trois autres, de même qu'au procureur
du roi et au greffier. Elle autorise le corps de ville à leur en faire payer le
montant sur les excédents de sa recelte, Sa Majesté se réservant d'assurer à
l'échevinage un revenu permanent et proportionné lorsque le rétablissement
des affaires de la ville le permettra.
Les premier et second échevins sortant de l'échevinage au mois d'août pro-
chain, il est juste que la gratification ait un effet rétroactif pour leur première
année. En conséquence, il leur sera alloué à chacun 4,000 livres.
C'est avec un vrai plaisir, etc.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : De Galonné.
Pour extrait conforme à l'original : Le Péletier.
DÉLIBÉRATION DU 29 DÉCEMBRE 1780 2
M. Goblet, premier échevin et contrôleur de la caisse du domaine, a exposé
qu'antérieurement à la déclaration du mois d'août 1783, il avait toujours été
d'usage de reconnaître, par la remise d'une bourse de cent jetons à titre
d'étrennes au premier commis des finances, les services qu'il était dans le cas
de rendre à la ville en contribuant, par le prompt rapport de toutes les affaires
qui pouvaient intéresser son domaine, à l'accélération de tous les versements
de fonds qui devaient être annuellement faits au trésor royal dans la caisse de
ladite ville.
1. Voyez: délib. du 11 avril 1786 (pièce 94), à laquelle col extrait est annexé.
2. II. 1957.
L'HOTEL DE VILLE 5i7
Il a observé ensuite que la suppression de tous les jetons d'étrenncs, or-
donnée par cette même déclaration de 1783, ne permettait plus de continuer
au même titre le même témoignage de reconnaissance. Mais, attendu l'utilité
d'une marque d'attention aussi peu onéreuse au domaine de la ville, il a pro-
posé de convertir du moins ce présent annuel en une gratification pécuniaire
de la même valeur des cent jetons, pour le payement de laquelle il serait ex-
pédié, à l'époque du 1er janvier de chaque année, un mandement sur la caisse
du domaine de la ville.
Sur quoi, la matière mise en délibération :
Nous, prévôt des marchands et échevins de la ville de Paris, voulant recon-
naître le zèle qu'en toute occasion le sieur Gojart, premier commis des finances,
témoigne pour les intérêts de la ville, avons, ouï sur ce, et ce consentant, le
procureur du roi et de la ville, arrêté qu'il sera expédié à l'époque du 1er jan-
vier de chaque année, à commencer de celle prochaine 1787, un mandement
de la somme de...1, équivalente au prix des cent jetons, laquelle somme nous
autorisons le sieur de Villeneuve, trésorier, à acquitter sans quittance et à re-
mettre au nom du bureau à mondit sieur Gojart, premier commis des finances,
et ce jusqu'à ce que par nous ou nos successeurs il en ait été autrement or-
donné. Fait au bureau de la ville, etc.
Signé: Le Peletiek, Deiayoiepierke, Guyot, Doiuval, Etuis de Cokny.
délibération ou bureau sur les états de jetons2
(12 août 1788)
Ce jour, Nous, prévôt des marchands et échevins de la ville de Paris, assem-
blés au bureau avec le procureur du roi et delà ville, nous sommes fait repré-
senter les états de jetons de présence arrêtés jusqu'à présent par le bureau
et nous avons remarqué que l'on a omis d'y employer les deux visites an-
nuelles des fontaines de Paris, la visite des eaux de Puingis et d'Arcueil, celle
des eaux de Bcllcville, la visite des ponts et celle des remparts, la visite qui
se fait le lendemain du jour de l'an chez les princes et magistrats, et enfin
celle qui se fait à Paris après la prestation de serment pour présenter les
nouveaux élus. Comme les honoraires qui étaient attribués aux membres du
bureau pour ces sortes de visites avaient été confondus dans d'autres objets
qui ne subsistent plus, d'où il résulte que la cause de ce défaut d'emploi dans
les états de jetons n'a plus lieu, nous avons unanimement arrêté, ouï et ce
consentant le procureur du roi et de la ville, qu'à compter de la dernière
prestation de serment et à l'avenir chaque membre du bureau aura, pour les
huit visites ci-devant détaillées, des jetons de présence, ainsi qu'il est d'usage
pour les autres cérémonies. — Arrêtons que, conformément à ce qui a été
pratiqué jusqu'à présent, il n'y aura pas de jetons pour les voyages en cour
le premier jour de l'an et lors de la prestation du serment des élus, le bureau
étant bien dédommagé par l'honneur qu'il a dans ces cérémonies d'assurer le
roi de ses respects et de lui présenter les nouveaux membres du corps mu^
nicipal.
1. Somme laissée en blanc.
2. Arch. nat., H. 1959.
548 L'HOTEL DE VILLE
Fait au bureau de la ville ledit jour 12 août 1788. — Signé: Le Peletier,
Guyot, Dorival, Blffault, Sageret, Éthis de Corny.
LES DERNIÈRES GRATIFICATIONS DE PRÉVOTÉS «
1" mai 1189
Ce jour, Nous, échevins de la ville de Paris, assemblés au bureau avec le
procureur du roi et de la ville, M. Buffault, premier échevin, ayant fait part
au bureau d'une lettre que lui a écrite M. Le Peletier, ci-devant prévôt des
marchands, et par laquelle ce magistrat fait connaître qu'il prend l'intérêt le
plus vif à ce que les différents employés à l'administration de la ville aient,
à l'occasion de sa retraite et pour les récompenser de leurs travaux pendant
ses prévôtés, les mêmes gratifications qu'ils ont eues à l'expiration des pré-
vôtés de M. de Caumartin...; nous avons unanimement reconnu qu'il y avait lieu
à faire dans ce moment-ci, pour les commis du greffe, pour le premier commis
de la caisse et le premier commis des comptes, ce qui avait été arrêté en leur
laveur par la délibération du 20 août 1784, nous avons aussi pensé qu'il y
avait lieu à doubler la somme alors accordée au premier secrétaire de M. le
procureur du roi en considération de l'augmentation de son travail.
'En conséquence, on accorde au sieur Boudreau 4,000 livres ; au sieur
Boyenval, 2,400 livres; au sieur Lemoine, 2,400 livres; au sieur De-
milly, 2,400 livres; au sieur de la Bonnardière, 1,800 livres; au sieur
Derin, 1,800 livres. — Total de ces gratifications : 14,800 livres.
Ajoutons qu'en date du 17 avril2, le sieur de laGoupilière, premier
secrétaire du prévôt des marchands, ex-commissaire général des im-
positions, ex-subdélégué à l'intendance de Paris, obtint du bureau
une pension de retraite de G, 000 livres et une place de commissaire
général de la navigation sur la rivière de Marne, à 6,000 livres d'ap-
pointements 3.
DÉPENSES FIXES DE LA VILLE
(ÉTATS DE 1188)4
Du mardi 18 mars 1788.
Nous, prévôt des marchands et échevins de la ville de Paris, assemblés au
bureau avec le procureur du roi et de la ville, nous étant précédemment fait
représenter les dix états annuels de différentes dépenses ordinaires de la ville,
1. Arch. nat, H. 1960.
2. La délibération du bureau fut confirmée par arrêt du Conseil du 18 avril
1189 (H. 1960).
3. Poste nouveau, analogue à celui donné au sieur Magin sur la Seine et
l'Yonne.
4. Arch. nat., IL 1959.
L'HOTEL DE VILLE 549
arrêtés par le bureau le 30 mars 1787, pour l'année entière 1787, ensemble
les délibérations ou arrêtés par nous pris, depuis le mois de mars 1787, sur
ces objets compris ou de nature à être compris dans ces états annuels, nous
avons fait faire dix nouveaux états pour l'année entière du I01' janvier 1788 au
1er janvier 1789, lesquels sont composés ainsi qu'il suit :
Le premier, comprenant les appointements, gages et gratifications des em-
ployés à l'Administration de la ville, est sommé à 100,039 livres; le deuxième,
comprenant les appointements et gratifications tant des directeur et receveurs
ambulants des octrois à perpétuité appartenant à la ville que des directeur,
vérificateurs, receveurs, et autres commis de la ferme générale employés à la
perception desdils octrois, sommé à 67,289 livres; le troisième, comprenant
les appointements et gratifications des directeur, receveurs et autres employés
à la perception des octrois à temps, sommé à 15,525 livres; le quatrième,
comprenant les gratifications desdits directeur, receveurs et autres employés à
la perception des droits de halle et gare, sommé à 4,103 livres; le cinquième,
comprenant les gratifications accordées à aucuns commis, à cause des travaux
relatifs aux opérations résultantes de l'exécution des lettres patentes du mois
de novembre- 1762, est sommé à 1,700 livres; le sixième, comprenant les
charges fixes et annuelles de la bibliothèque de la ville, est sommé à 5,750 livres;
le septième, comprenant la solde de la garde sédentaire en l'Hôtel de Ville et
autres dépenses annuelles concernant la compagnie des gardes de la ville, est
sommé à 21,557 livres; le huitième, comprenant les marchés d'ouvrages,
d'entretien à l'année des bâtiments du domaine de la ville, est sommé à
85,400 livres; le neuvième, comprenant les gages et taxations des officiers de
l'Hôtel de Ville et autres, est sommé à 119,930 livres; et le dixième et dernier,
comprenant les pensions dues par la ville au 1er janvier 1788, est sommé à
72,550 livres. Total : 493,903 livres.
Suit l'ordonnance de payement (par trimestre). — La même chemise
renferme les dix états mentionnés dans l'ordonnance.
premier état (100,039 livres)
Le premier état est divisé en onze sections : 1° bureau de M. le
prévôt des marchands; 2° bureau de M. le procureur du roi et de la
ville; 3° greffe; 4° archives; o° bureaux de la recette générale [mé-
moire, le trésorier général retenant lui-même une somme fixe sur le
produit de sa recette par lettres patentes du 6 juin 1784); 6° contrôle
de la recette générale; 7° bureau de la recette du droit appartenant à
la ville sur chaque poisse de sel passant sous le pont de Mantes (mé-
moire); 8° bureau des constitutions de rentes; 9° bureau des bâti-
ments; 10° police des ports; 11° divers1.
Voici les noms des parties prenantes, et les traitements les plus
élevés, ou les plus significatifs :
1. Sur les bureaux de la Ville, voyez Almanuch de 1789, p. 440.
550 L'HOTEL DE VILLE
1. — De la Goupilière, premier secrétaire de M. le prévôt des mar-
chands (10,000 livres).
2. — Lessecrétaires(non nommés) du procureur du roi etdela ville.
3. — Boudreau, premier commis au greffe (3,050 livres) et dans le
même bureau les sieurs Boyenval, Lemoine, Houdon, Collet, Ligeret,
Hermand.
4. — Boudreau, directeur des archives, et dans le même bureau les
sieurs Fournier, Leclcrc, Hermand, Simon.
5. — (Mémoire.)
6. — Navier du Coudray, commis à la tenue du contrôle (2,500
livres).
7. — (Mémoire.)
8. — Renou, Desban.
9. — Poyet, architecte, par commission du 19 mars 1787 (14,000
livres); Legrand, contrôleur (5,000 livres); Fournier, Madin, inspec-
teurs; Delaître, Callou, inspecteurs des fontaines; Happe, Leclerc,
vérificateurs; Marguet, commis; Lacombe, concierge des ateliers de la
ville au Rouir.
10. — Magin, commissaire général de la navigation, commission
du 28 mars 1787 (6,000 livres); Boucheron, inspecteur de la naviga-
tion; Des Escoutes, inspecteur au port de l'hôpital; Le Breton, inspec-
teur au port Saint-Paul; Merlet, inspecteur au port Saint-Nicolas;
Blanchet, huissier -audiencier, commissaire de police de la ville ' ;
Tenaille de Chàtillon, subdélégué du bureau à Glamecy (1,200 livres) ;
Baron, «ci-devant chargé de faire flotter les bois à brûler destinés à
l'approvisionnement de Paris (1,000 livres) » ; Rigault, procureur du
roi en la maîtrise des eaux et forêts de Vernon et les Andelys, « chargé
par le bureau de veiller à l'exécution des ordonnances » concernant
l'approvisionnement de Paris en bois de chauffage; Poyet, architecte,
chargé de faire mesurer journellement la hauteur de la rivière (200 li-
vres); Villette, inspecteur de la descente des bateaux à, la Râpée;
Aumont, inspecteur des bachoteurs; Ducrocq, inspecteur au pont de
l'Arche ; Rulhière, inspecteur général de la maréchaussée de l'Ile-de-
France (300 livres); Evin de Prince, commandant la maréchaussée de
Bondy; Robinot de Bellemont, celle de Gharenton; Vinfray, celle de
Cboisy; Durocher, celle de Passy; Le Breton père, celle de Sèvres; Le
Breton fils, celle de Nanterre; Marchais, celle de Saint-Denis; Lecocq,
celle de Poissy, chacun 300 livres.
1. 11 est appointé de 300 livres par le bureau « à cause de ses soins dans l'ad-
ministration des- secours aux noyés ».
L'HOTEL DE VILLE 551
l'I. — Lecocq, exempt du bureau; Jacques Tirot, serviteur de la
ville (1,900 livres); et divers gardes de bureau, domestiques, etc.,
parmi lesquels est employée pour 50 livres «la fille Brière, chargée
de balayer l'intérieur de la balustrade étant autour de la statue de
Louis XIV, place Vendôme».
DEUXIÈME ÉTAT (67,289 livres)
11 comprend 32 sections :
1° Le bureau de la direction des droits de la ville; 2° le bureau gé-
néral des aides (hôtel de Bretonvilliers); 3° le bureau des vérifications
générales des aides; 4° le bureau général de la recette des aides (au
même hôtel); 4° /vis, la ferme générale pour le service des jaugeurs;
5° les bureaux des ports et barrières de la Tournelle ; 6° de Saint-Paul ;
7° de Fontainebleau; 8° de Saint-Jacques; 9° de Saint-Michel; 10° des
Carmes; 11° de Saint-Germain; 12° de Grenelle; 13° de Saint-Nicolas;
14° de la Conférence; 15° du Boule; 16° de la Ville -l'Évêque; 17° de
Barrière-blanche; 18° de Sainte-Anne; 19° de Saint-Denis; 20° de
Saint-Martin; 21° du Temple; 22° de la Croix-Faubin ; 23° de Picpus;
24° de Rambouillet; 25° de la Bàpée; 26° de la Halle aux vins; les
articles 27 et 28 portent (pour mémoire) les remises proportionnelles
des receveurs des vendanges et des cidres; 29° commis à la recette du
droit de seize sous sur les bières; 30° douanes; 31° port Saint-Paul
Domaine; 32° bureau établi aux messageries.
Les seuls noms et traitements de quelque importance sont dans les
sections 1, 2, 3, 5 et 6. Nous citerons le sieur de Saint-Seine, directeur
général de la ville (8,500 livres); ses trois receveurs ambulants, à
4,000 livres; Navier, Alix et Legrand, le sieur Delaitre, directeur gé-
néral des aides (3,000 livres) ; les receveurs, non nommés, de la Tour-
nelle et de Saint-Paul (chacun 3,700 livres).
troisième état (15,525 livres)
Le troisième état renferme 24 sections, qui correspondent aux sec-
tions 1, 3, 4, 5 à 20, 29 du deuxième, et concernent les mêmes services
financiers. Ce sont des gratifications annuelles, délibérées par le bu-
reau de la ville le 14 juin 1768.
quatrième état (4,103 livres)
Il comprend 30 sections, dont 25 correspondent aux précédentes.
552 L'HOTEL DE VILLE
Les cinq nouvelles sont les charbons, le bureau des octrois, la Grève,
FOursine, et les inventaires hors barrières (ce dernier article pour
mémoire). Sont visées les délibérations du bureau de la ville des 23
septembre 1703, 12 août 1773, 24 avril 1780, et 10 février 1787 '.
cinquième état (1,700 livres)
Aux sieurs Eoudreau, Boudoux et Ducoudray. — Pour gratifications
à cause de leurs travaux relatifs... à l'exécution des lettres patentes
du mois de novembre 1702. Il s'agit de l'examen, du contrôle, et du
registre-journal des constitutions et reconstitutions de rentes affectées
sur les droits de balle et gare. Ces 1,700 livres sont prélevées elles-
mêmes sur le produit des droits de halle et gare.
sixième état (5,750 livres)
Il concerne les charges fixes et annuelles de la bibliothèque de la
ville.
Au procureur du couvent de la culture Sainte-Catherine, pour le
loyer de la bibliothèque (1,200 livres);
Au sieur Ameilhon, l'aîné, historiographe et bibliothécaire (2,400 li-
vres), dont 400 pour son logement;
Au sieur Jacques Ameilhon, sous-bibliothécaire (1,400 livres), dont
400 pour son logement ;
Au procureur du couvent de la culture Sainte-Catherine pour les
gages du portier (150 livres);
Au sieur Hezet, garçon de bibliothèque par délibération du 9 mars
1787 et acte du 24 octobre audit an (000 livres).
Nota. — Par délibération du bureau du 20 août 1777 il fut arrêté
qu'il serait fait annuellement un fonds de 1,200 livres pris sur les
1. Voyez : Appointements donnés par la Ville à cause de la perception des oc-
trois. (Arch. nat., H. ÎO.'JS, année 1787.)
Cet état est divisé en 7 colonnes : bureaux, — noms et qualités des employés,
anciens octrois, — nouvel octroi, — halle et gare, — total pour chaque employé,
— total pour chaque bureau.
Le total est de 80,887 livres, dont 07,259 livres pour les anciens octrois,
15 .'>2."> livres pour le nouveau, — 4,10.'] livres pour les droits de halle et gare.
Un abus assez curieux, c'esl que la Mlle payait 1,100 livres au directeur géné-
ral des aides et au bureau général, fl,M7() livres aux dix-huit vérificateurs, 1,950 livres
à un receveur et à un contrôleur du bureau de recette. — Le 0 juillet 1784, la
Ville avait rétabli 3 places de directeurs ambulants, supprimés par voie d'extinc-
tion le 30 juillet 1770.
L'HOTEL DE VILLE 553
revenus de la ville pour être employé à acheter des livres dont les bi-
bliothécaires présenteraient l'état au bureau (Mémoire).
Par autre délibération du 9 mars 1787, il fut arrêté que le biblio-
thécaire ne pourrait point excéder en acbat de livres ladite somme de
1,200 livres, que même sur cette somme il serait pris annuellement
300 livres pour faire faire inventaire des livres composant la biblio-
thèque (Mémoire).
septième état (21,557 livres)
Il comprend : 1° la solde de la garde sédentaire en l'Hôtel de Ville
(deux olliciers à 800 livres par an, deux sergents à 30 sous par jour,
vingt-quatre gardes et un tambour chacun à 25 sous); 2° les pensions
de retraite accordées à un sergent et à quatre desdits gardes; 3° les
gages des instruments des quatre compagnies ; 4° une gratification an-
nuelle de 2,100 livres accordée auxdites compagnies pour leur assis-
tance aux cérémonies extraordinaires, y compris la marche de la sur-
veille de Saint-Jean-Baptiste ; 5° la restitution ou remise des 2 sous par
muid de vin perçus au profit de la ville sur les 4,515 muids de vin que
lesdites quatre compagnies ont le privilège de faire entrer francs de
droits, ladite restitution lixée à 451 livres 10 sous aux termes des ju-
gements du bureau des 23 décembre 1783 et 28 décembre 1787.
huitième état (85,460 livres)
Il se rapporte aux marchés d'ouvrages d'entretien à l'année des
bâtiments du domaine de la ville.
Le sieur Barbier, poélier. Entretien des poêles de l'Hôtel de Ville,
des corps de garde des ports, quais et remparts (1,500 livres).
Le sieur Debar, horloger. Les trois pendules de l'Hôtel de Ville
(50 livres).
Le sieur Cheradame. Entretien du rempart du Nord, du rempart du
Midi et de l'intérieur de la place Boyale (38,400 livres).
Le sieur Cheradame. Arrosement du rempart du nord (10,000 livres).
Les sieurs Perier frères ou la Compagnie des eaux de la Seine
élevées par les machines à feu. Supplément à l'arrosement du rem-
part du Nord (1,000 livres).
Les mêmes. Arrosement de la place Louis XV, des chemins, rues et
avenues y adjacents (7,000 livres).
Le sieur Lenoble, plombier. Conduites et tuyaux de plomb des fon-
taines publiques (8,950 livres).
SS4 L'HOTEL DE VILLE
Le sieur Duhamel. Entretien des puisoirs des porteurs d'eau et ba-
teaux de pompe à incendie (1,700 livres).
Le sieur Gillerond. Arrosement d'une partie du rempart du Midi
entre les rues de Grenelle et de Sèvres (3,050 livres).
Le sieur Tourtille-Sangrain . Entretien des réverbères et fournitures
d'illumination sur le rempart du Nord (6,560 livres).
Le sieur Gheradame. durement et nettoiement des égouts à la charge
de la ville (0,000 livres).
Le sieur Guerrier. Entretien des vitrages de l'Hôtel de Ville, de la
bibliothèque, du bateau delà ville et des corps de garde (1,150 livres).
Le sacristain de l'Église de Paris. Entretien du lampadaire de Notre-
Dame (100 livres).
Les dates des baux et marchés, ainsi que leur durée, sont indi-
quées. La plupart sont faits pour neuf ans, ou pour trois, six.et neuf ans.
neuvième état (119,930 livres)
Il est intitulé : « Etat particulier des gages et taxations des officiers
de l'Hôtel de Ville ». Sur cette somme de 119,930 livres, il y en a
100,000 qui constituent les gages et droits d'exercice du receveur géné-
ral des domaine, dons, octrois, aides et fortifications de la ville, office
désuni du corps et Hôtel de Ville par lettres patentes du 6 juin 1784.
Les 19,930 livres restantes ne comprennent pas moins de 27 articles.
Plusieurs sont purement honorifiques. Tels sont les gages du procu-
reur général du Parlement, conseiller-né de la Ville (10 livres), du pro-
cureur pour la Ville au Parlement (6 livres 5 sous), du procureur
pour la Ville à la Chambre des comptes (62 livres 10 sous), du procu-
reur pour la Ville au Chàtelet (6 livres 5 sous), les indemnités pour
menus droits aux procureurs au bureau de la Ville (60 livres).
Le procureur et avocat du roi et de la Ville a 800 livres d'anciens
gages, et aux termes de l'arrêt du Conseil du 15 juillet 1785 enregistré
au bureau le 1er août, 4,000 livres de supplément (total : 4,800 livres).
L'office du lieutenant de la juridiction de l'Hôtel de Ville apparte-
nait aux compagnies des conseillers et quartiniers ; les fonctions
étaient exercées parle premier échevin (1,700 livres de traitement, y
compris 100 livres pour le rembourser de la paillette).
Les frais du greffe sont de 4,343 livres 10 sous; entre autres, l'en-
registrement des assemblées générales et particulières de l'Hôtel de
Ville est payé 100 livres.
Le substitut du procureur du roi et de la Ville a île petites taxations
(210 livres) : 1° pour la police des bois à brûler, et parce qu'il « em-
L'HOTEL DE VILLE S53
pêche les monopoles qui se commettent par les marchands, charre-
tiers, gagne-deniers, etc.; » 2° pour les soins qu'il donne « aux affaires
de la Ville ayant trait à la police, tant au conseil qu'au parlement et
aux autres juridictions ».
La Ville donne 120 livres de gages à chacun de ses subdélégués,
l'un d'Auxerre (résidant à Clamecy), l'autre de Vermanton (résidant à
Auxerre); 680 livres à la compagnie des quartiniers, comme proprié-
taire de quatre charges réunies aux seize anciennes; 130 livres au
quartinier de l'Hôtel de Ville pour les gages du portier de la porte
Saint-Antoine ; 25 livres au quartinier de la Cité « pour faire tendre
les chaînes dans les rues dudit quartier le jour de l'Assomption à
cause de la procession de Notre-Dame ». Les quartiniers de l'île
Saint-Louis, du quartier Saint-Denis, et du quartier des Saints-Inno-
cents, avaient droit au logement, l'un dans la porte Saint-Bernard,
les deux autres dans la porte Saint-Denis : comme ils n'en jouissent
pas, ils ont de ce chef 150 livres d'indemnité.
Quant aux gages annuels des cinquanteniers, ils touchaient 16 li-
vres chacun; de 64 qu'ils devaient être, il n'en restait que 32, em-
ployés pour 512 livres. — Les 136 dixainiers « existant seulement de
256 » ont chacun 12 livres, ce qui fait 1,632 livres.
Les 10 huissiers commissaires de police ont chacun 180 livres;
6 d'entre eux touchent ensemble 106 livres 10 sous comme étalon-
mers ; 4 touchent ensemble 101 livres comme buissonniers.
Le serviteur de la Ville entretient et blanchit le linge, fournit la
buvette, et fait le service du feu la veille de la Saint-Jean; il a pour
le tout 625 livres.
Les 24 officiers des quatre compagnies des gardes de la Ville ont en
tout 1,460 livres. En voici la liste :
lrc Compagnie (arbalétriers) : colonel (320 livres), lieutenant-colo-
nel (120 livres), major (80 livres), sous-lieutenant (40 livres), enseigne
(40 livres), cornette (30 livres), guidon (30 livres).
2me Compagnie (archers) : capitaine (80 livres), lieutenant (60 livres),
sous-lieutenant (40 livres), enseigne (30 livres), cornette (30 livres),
guidon (30 livres).
3me Compagnie (arquebusiers) : capitaine (80 livres), lieutenant
(60 livres), sous-lieutenant (40 livres), enseigne (30 livres), cornette
(30 livres), guidon (30 livres).
4me Compagnie (fusiliers) : capitaine (80 livres), lieutenant (60 livres),
sous-lieutenant (40 livres), enseigne (301ivres).
(Nota. — Le colonel des gardes de la Ville, outre ses 320 livres,
touche 260 livres pour menus droits supprimés.)
536 L'HOTEL DE VILLE
Le capitaine d'artillerie de la Ville a 420 livres, soit comme capi-
taine, soit comme garde-magasin de la Ville, soit pour menus droits.
Enfin la ville donne 100 livres au gouverneur de l'horloge du
Palais.
dixième état (72,550 livres)
Ce sont les pensions viagères dues par la Ville au 1er janvier 1788.
Elles sont en général accordées soit aux officiers ou employés de la
Ville, soit à leurs ascendants, descendants ou conjoints; quelques-
unes constituent des indemnités. Enfin il en est dont les motifs sont
intéressants à signaler. Le numéro 24 de cet état concerne « le che-
valier Descours, capitaine des gardes de M. de Brissac, gouverneur
de Paris »; il a, par délibération du 22 octobre 1781, 1,500 livres de
pension « pour être venu annoncer à la Ville la naissance de Monsei-
gneur le Dauphin ». Le sieur Boudreau, premier commis du greffe, a
3,000 livres « pour son travail passé à l'inventaire des papiers de la
Ville » par délibérations des 18 avril et 19 août 1777 et 14 juin 1782.
Cinq jaugeurs sont indemnisés par une pension de la suppression de
leurs places. Le sieur Pérou, inspecteur général de la jauge, a
1,000 livres (décision du 7 février 1777) « pour le récompenser de
son travail à la découverte d'un principe certain pour pouvoir con-
naître la nature de chaque espèce d'eau-de-vie par le secours de l'aréo-
mètre ».
La Ville est chargée aussi de trois pensions considérables, par
arrêts du Conseil : 6,000 livres à Buffault, ancien receveur général de
la Ville (arrêt du 12 août 1784) ; 15,000 à M. Jollivet de Vannes, an-
cien procureur du roi et de la Ville (arrêt du 15 juillet 1785) ; 4,000 à
Mmo Rousseau, veuve d'un trésorier général de la Ville (15 juillet
1785).
La déclaration du mois d'août 1783 portait que la Ville arrêterait
l'état des pensions viagères qu'elle servait à cette époque ; elle réduisait
à 30,000 livres le maximum des pensions que le bureau pourrait nor-
malement accorder, et, comme le total atteignait 51,238 livres, elle
permettait, afin de ménager la transition, d'accorder de nouvelles
pensions jusqu'à concurrence de la moitié de la somme totale des
extinctions annuelles.
Les pensions dues en 1783 montaient à 51,238 livres.
* Celles existantes desdites pensions, au 1er janvier
1789, à 37,150 —
Les extinctions étaient donc de 14,088 —
L'HOTEL DE VILLE 557
Dont la moitié était de 7,044 livres.
Cependant les pensions faites par la Ville depuis 1783 montaient à
12,400 livres. Elle n'avait donc pas obéi à la déclaration de 1783.
Elle s'y était crue d'autant moins obligée que le Conseil l'avait chargée
par arrêt de 25,000 livres de pension. C'est pourquoi cet état, qui au-
rait dû être ramené à 37,150 livres -\~ 7,014 livres r= 44,194 livres,
atteignait 74,550 livres en 1789 '.
L'obscurité de ces comptes de dépensas est due à diverses causes.
Les intérêts de la finance de certains offices sont confondus avec les
émoluments proprement dits. Aucun répertoire nominatif ne permet
de se rendre compte des cumuls. Exemple : pour avoir une idée (peut-
être incomplète) de la situation du sieur Boudreau, premier commis
du greffe, il faut consulter le premier état (section 3), le même (sec-
tion 4), le cinquième (n° 1), le neuvième (article 5), et le dixième
(article 26). Nous constatons ainsi que ce fonctionnaire touchait, pour
différents services, 7,169 livres, sans compter des taxations éven-
tuelles. Autre exemple : les 10,000 livres qui forment le traitement du
premier secrétaire du prévôt des marchands se décomposent en 10 ar-
ticles, énumérés, il est vrai, en face de son nom dans le même état.
Ce sont : 1,600 livres d'appointements ordinaires; 1,050 livres d'ap-
pointements extraordinaires ; 900 pour le payement des rentes sur les
aides et gabelles ; 600 pour services à la régie des droits des inspec-
teurs des boucheries et boissons; 450 pour « différentes affaires »;
250 de gratification pour un travail dont il est particulièrement chargé ;
300 pour frais de bureau ; 1,450 pour la capitation; 150 pour frais de
voiture; 3,250 'pour augmentation d'appointements (délib. du 18 fé-
vrier 1785).
Ajoutons que ces états ne nous disent absolument rien de la situa-
tion du prévôt des marchands, ni des quatre échevins, ni du greffier
en chef, qui était en même temps conservateur des hypothèques. Les
deux seuls membres du bureau dont il soit question financièrement
sont : Buffault (l'éclievin), mais comme lieutenant de la juridiction, et
Éthis de Corny, procureur et avocat du roi et de la ville.
Veytard (greffier en chef) est employé pour une pension viagère de
4,000 livres; mais c'est pour lui tenir compte d'une pension de 6,000
livres qu'il paye lui-même à Mmc veuve Taitbout, et seulement tant
que durera cette pension.
1. Voir Y État suivant, p. 558.
558 L'HOTEL DE VILLE
ÉTAT DES DÉPENSES FIXES
(1er JANVIER 1789 AU l°r JANVIER 1790)'
Ces états, datés du 27 mars 1789, sont également au nombre de
dix :
\cr
ÉTAT,
104,989
livres.
2e
—
67,289
—
3e
—
15,525
—
4e
■ —
4,103
—
5e
—
1,700
—
(ip
—
5,750
—
7 e
—
21,522
—
15 sols.
8°
— ■
85,460
—
9e
—
119,930
— ■
10e
—
71,550
—
Total. . . . 500,818 livres, 15 sols.
1. Arch. nat., M. 1960. — Voyez dans les Mém. de Balliy (éd. Barrière) le
tome 111, il" 25.
XV
MÉLANGES, CONFLITS
RÈGLEMENTS D'ATTRIBUTIONS ENTRE LA VILLE
ET AUTRES JURIDICTIONS
Dans une des pièces reproduites plus haut, on a vu la Ville défendre
contre le Parlement non un droit actif d'autonomie administrative,
mais le privilège en quelque sorte passif de ne recevoir d'ordre
que des ministres, et de ne rendre qu'à eux des comptes intégraux. Ce
n'est point là, à proprement parler, un conflit entre la Ville et le Par-
lement (chose impossible dans l'état des idées et des institutions),
c'est un conflit entre le Parlement et les ministres à propos de la
Ville.
Tel n'est plus le caractère des documents qui suivent. Il ne s'agit,
en face de la Ville, que d'institutions et de juridictions qui lui sont
comparahles, c'est-à-dire avec lesquelles elle n'a point de rapport
hiérarchique établi : Chatelet, lieutenance de police, gouvernement
de laRastille, table de marbre, direction générale des bâtiments du
roi, bureau des finances et chambre du domaine réunie... Il eût été
aisé de multiplier les documents de cette nature; nous avons choisi
plutôt les plus courts, que les plus importants par la nature des
affaires auxquelles ils se rapportent : car notre ohjet principal est
de montrer l'anarchie administrative dont se compliquait l'absolu-
tisme à la fin de l'ancien régime.
En forme d'appendice, nous avons dit quelques mots de la juridic-
tion consulaire, dont les formes , l'origine élective et les attributions
judiciaires rappellent beaucoup le bureau de la Ville, avec lequel il
avait été question de la réunir.
560 CONFLITS D'ATTRIBUTIONS
CONFLIT DE LA VILLE ET DU CHATELET
a l'occasion d'une sentence criminelle '
Le 17 janvier 1789, le Parlement rendit l'arrêt criminel qui suit :
Vu par la Cour le procès criminel fait par le prévôt de Paris, ou son lieute-
nant criminel au Chàtelet, à la requête du substitut du procureur général du
roi audit siège, demandeur et accusateur, contre un quidam accusé, absent et
contumax;ct encore contre Louis-Abraham Etienne, travaillant sur la rivière,
défendeur et accusé, prisonnier ès-prisons de la Conciergerie du Palais, à
Paris, et appelant de la sentence rendue sur ledit procès, le 14 novembre 1788,
par laquelle la contumace a été déclarée bien et valablement instruite contre
ledit quidam, accusé, absent, et il a été dit qu'avant faire droit définitivement,
il serait plus amplement informé des faits mentionnés au procès; ledit Louis-
Abraham Etienne a été déclaré dûment atteint et convaincu d'avoir volé quatre
bûches dans un bateau de bois sur la rivière, et suspect d'en avoir précédem-
ment volé une plus grande quantité, ainsi qu'il est mentionné au procès; pour
réparation de quoi, ledit Louis-Abraham Etienne a été condamné à être, par
l'exécuteur de la haute justice, attaché au carcan, port Saint-Paul, et y demeu-
rer depuis midi jusqu'à deux heures, ayant écritcau devant et derrière, por-
tant ces mots : Voleur de bois dans les bateaux, et audit lieu battu et fustigé,
nu, de verges par ledit exécuteur, et tlétri d'un fer chaud en forme des lettres
Gal.. sur l'épaule droite; ce fait, conduit à la chaîne, pour y être attaché et
servir le roi, comme forçat, sur ses galères, pendant le temps et espace de
trois ans ; défenses lui ont été faites de se retirer en aucun cas, après le temps
de sa condamnation expiré, dans la ville, faubourgs et banlieue de Paris, ni à
la suite de la cour, sous les peines portées par les déclarations du roi. Il a
été dit aussi que ladite sentence serait, à la diligence dudit substitut, imprimée
et affichée dans tous les lieux et carrefours accoutumés de ladite ville, faubourgs
et banlieue de Paris, notamment sur les ports et quais, et partout où besoin
serait. Ouï et interrogé en la Cour ledit Louis-Abraham Etienne sur ses causes
d'appel et cas à lui imposés : tout bien considéré:
La Cour... met l'appellation à néant; confirme la sentence du
lieutenant criminel par arrêt « et, pour le faire mettre à exécution,
renvoie ledit Louis -Abraham Etienne prisonnier par-devant le lieu-
tenant criminel dudit Chàtelet 2... »
Le bureau de la Ville n'eut connaissance de ce rigoureux, jugement
qu'après qu'il eut été exécuté. L'incompétence du Chàtelet, et, par suite,
l'illégalité de l'arrêt du Parlement étaient incontestables. Le procu-
reur du roi et de la Ville requit en ce sens, le 25 février 1789, et, le
1, Arch. ual., H. i960. — Au point de vue de la théorie historique et politique,
la question de la rivalité de la Ville et du Chàtelet est épuisée en quelque sorte
au tome 1 des Élections et Cahiers de Paris en 1789, par M. Chassin.
2. Collatioiuié Gallien; signé Lecousturier.
CONFLITS D'ATTRIBUTIONS 561
3 mars, le prévôt des marchands rendit une ordonnance qui revendi-
quait énergiquement les droits de l'Hôtel de Ville. En voici les prin-
cipaux passages :
Savoir faisons que sur ce qui nous a été remontré par le procureur du ro
et de la Ville qu'il est aussi généralement reconnu que bien établi par les or-
donnances des rois, enregistrées au Parlement, et par différents arrêts de la
Cour, que le bureau de la Ville a incontestablement le droit de justice civile,
criminelle et de police, sur la rivière de Seine et autres y aftluentes et sur les
ports qui en dépendent, privativement à tous autres juges et juridictions;
qu'il fait veiller sans cesse par ses ofticiers et préposés à la sûreté des mar-
chandises chargées dans les bateaux ou déposées sur les berges et ports; que,
suivant l'exigence des cas et conformément aux ordonnances, il inflige des
peines aux auteurs des vols et délits qui peuvent s'y commettre et réprime
tout ce qui est contraire au bon ordre et à la tranquillité publique; que ce
droit de juridiction est de toute ancienneté, et ne peut être ignoré des mar-
chands qui fréquentent la rivière de Seine et- font arriver à cette ville des
marchandises destinées à son approvisionnement. Cependant le procureur du
roi est informé que, le 5 juin dernier, le sieur Godot , marchand de bois à
brûler, qui avait un bateau chargé de cette marchandise au-dessus du Pont-
Rouge, s'étant aperçu qu'on en avait volé, a cru qu'il pouvait impunément
méconnaître la juridiction du bureau, dont il est lui-même justiciable, et faire sa
déclaration devant maître Picard Desmarets, commissaire au Châtelet, qu'il s'en
est suivi une instruction et la condamnation du nommé Louis - Abraham
Etienne...
Nous, ayant égard au réquisitoire du procureur du roi et de la Ville, et
faisant droit sur ses conclusions, enjoignons très expressément à tous employés,
marchands, trafiquants sur la rivière et sur les ports, à tous mariniers et au-
tres, sans exception, de faire déclaration à l'un des commissaires du bureau de
la Ville des vols ou délits qui auront été commis, ou de les dénoncer au pro-
cureur du roi... Faisons défenses auxdits employés, marchands, trafiquants,
mariniers et autres travailleurs sur les ports et rivières , de faire de pareilles
déclarations devant des officiers étrangers à la juridiction de la Ville, à peine
d'interdiction contre lesdits employés et de mille livres d'amende contre lesdits
marchands, trafiquants et mariniers. Et seront ces présentes imprimées, lues,
publiées et affichées partout où besoin sera, et signifiées aux ofticiers du Châ-
telet, afin qu'ils n'en prétendent cause d'ignorance.
Le procureur du roi se réservait du reste, dans son réquisitoire, le
droit de poursuivre le sieur Godot ; quant au malheureux qui avait
volé quatre bûches, on ne s'étonnera pas qu'aucun subtil avocat n'ait
développé pour sa défense une exception d'incompétence, à laquelle il
n'aurait gagné du reste que quelque temps de prison préventive de
plus, la justice criminelle de cette époque étant une stricte applica-
tion de la lettre de la loi aux faits incriminés '.
1. Comparez (Arch. nat., H. 1951) l'arrêt du Parlement (21 mai 1773) confir-
me
562 CONFLITS D'ATTRIBUTIONS
LA VILLE ET LA LIEUTENANCE DE POLICE
Lettre (V Et lus de Corny à Thiroux de Crosne '
Monsieur, j'ai l'honneur de vous informer qu'au préjudice de la juridiction
de l'Hôtel de Ville sur la rivière, il a été rayé dans vos bureaux sur un placard
de l'annonce d'une joute ou lance ces mots : « Par permission de messieurs
les prévôt des marchands et échevins de la ville de Paris et de M. le lieutenant
général de police », pour y substituer simplement ceux-ci : « Par permission
du roi et de M. le lieutenant général de police2. »
L'usage et le droit constatent que toutes les permissions pour des spectacles
sur la rivière doivent être accordées au moins à la participation de la Ville, et
de concert avec elle. Je suis bien persuadé que votre intention n'est pas d'in-
nover, vous m'avez fait l'honneur de me le .dire, et je connais la sagesse de
vos principes. Dans cette confiance, j'espère que vous voudrez bien donner
l'ordre dans vos bureaux de ne pas s'écarter à l'avenir de vos vues sur cet
objet. Mon ministère m'impose l'obligation de veiller à ce qu'il ne se fasse
aucune entreprise sur les droits du bureau de la Ville. Je réclame, dans l'es-
pèce dont il s'agit, l'exemple de ce qui a été fait par M. Le Noir, voire prédé-
cesseur, même très récemment, comme vous le verrez. J'ai l'honneur de vous
adresser copie du permis d'imprimer et afficher accordé aux mariniers entre-
preneurs de ce spectacle le 30 juillet dernier. J'ai l'original entre mes mains,
signé de M. Le Noir >. Je suis, etc.
Signé : De Corny.
iiialil' de la sentence du bureau (27 avril) qui condamne Gaultier, manœuvre à
maçons, « au carcan, à la marque el pendant trois aus aux galères » pour vol
de charbon dans les bateaux.
\. Arch. mit., H. 1956.
2. Les corrections, sur le placard, sont bien de la maiu de Thiroux de Crosne •
il a effacé Monsieur et mis à la place Monseigneur, et il a signé le permis d'im-
primer. Voici l'annonce elle-même : <c joute ou lance, suivie d'un grand feu d'ar-
liûce, de la composition du sieur Gautier, artificier du roi, composé de plusieurs
grands coups de feu, dont l'un représentant l'enlèvement d'un globe d'artifice,
suivi d'un portique mouvant sur l'eau, accompagné de différentes pièces aqua-
tiques, terminé par une grande décoration en feu de lances formant un ordre
d'architecture. A Saixt-cloud, vis-à-vis des cascades, le dimanche 4 septembre
118.J. -- Les mariniers du Gros-Caillou, contre ceux de Saint-Cloud, donneront
ledit jour les exercices de la joute ou lance; ils commenceront par les quatre
plus petits lanceurs et termineront par les quatre plus fameux lanceurs, en ha-
bits de caractères. Tous les exercices seront accompagnés d'une grande musique
militaire. Les premières places à 1 livre 16 sols, les secondes à 1 livre 4 sols, les
troisièmes à 12 sols. On y sera placé commodément. On y trouvera toutes sortes
de rafraichissemens. — On commencera à six heures précises. — La lance com-
mencée, on ne pourra redemander sou argent. »
3. Cette annonce est dans le même goût que celle qui est citée plus haut; seu-
lement la « joule des mariniers du Gros-Caillou contre ceux de la Grenouillère»
commence <. par les quatre plus fameux lanceurs de Paris », et se termine par
CONFLITS D'ATTRIBUTIONS 563
Copie de la consigne convenue entre la Ville
et le chevalier Dubois
[Lettre d'envoi du baron de Breteuil au Prévôt des marchands) •
Il MARS 1786
11 est ordonné à toute la garde de Paris à pied et à cheval et à la compagnie
du guet de donner main-forte aux officiers du bureau de l'Hôtel de Ville, lors-
qu'ils en seront requis, et de les accompagner partout où leur ministère sera
nécessaire, même dans l'intérieur des maisons particulières, toutes les fois
que lesdits officiers du bureau de la Ville seront porteurs d'une sentence ou
d'un décret signé Veytard, ou bien lorsqu'ils seront munis d'une autorisation
de M. le prévôt des marchands ou de M. Éthis de Corny, procureur du roi et
de la Ville.
Les commandants des ports et la garde auront la plus grande attention de
se conformer exactement à la présente consigne, qui sera la seule à suivre
dorénavant sur cet objet, sans avoir égard à celles données précédemment.
LA VILLE ET LA COMPAGNIE DES EAUX
Après, rétablissement de la compagnie Perier, pour maintenir son
droit de juridiction sur les eaux, le bureau de la Ville proposa et lit
accepter le règlement qui suit, en date du 2 mai 17802 :
1° Que les contestations concernant les propriétés ressortissent aux
juges du Chàtelel (e1 non à une commission extraordinaire ou au
conseil);
2° Que celles de police soient portées devant la lieutenance générale
de police (distribution des eaux, mauvaise qualité, etc.);
;i° Que celles qui résulteraient de la direction et de la conduite à
Paris par tuyaux souterrains fussent soumises à l'inspection et à la
juridiction du bureau de la Ville, sauf l'appel au Parlement, — Toute-
fois, tout ce qui est extérieur aux remparts reste attribué au Cbàtelet.
Les cou Hits de compétence, les lenteurs de procédure, et par suite
les frais qui étaient occasionnés par une telle complication, firent
créer (joints aux abus de l'agiotage) l' Administration royale des eaux
de Paris (1788).
« la fête de l'Amour, exécutée par les combats des quatre Grâces personnifiées »
(dimanche 16 août 178o); pour le lendemain, est annoncé « le Triomphe de Nep-
tune sur l'empereur de la Chine ». — Quant à la question de droit, de Crosne
prit la perche que lui tendait Éthis de Corny, el s'excusa sur une erreur de ses
bureaux (lettre du 22 septembre 1785).
1. Eu réponse à une réclamation de Le Peletier adressée, au ministre de Paris,
le 16 janvier 1786. — Arch. nat., H. 1957, p. 124 (voyez aussi 123).
2. .le me contente de le résumer. Arch. nat., H. 1953.
564 CONFLITS D'ATTRIBUTIONS
LA VILLE ET LE GOUVERNEUR DE LA RASTILLE
(RAPPORT DE M. PIGEON, ÉCHEVIN, LE 0 MARS 1786) '
... Le ponceau de l'Arsenal avait été posé sur une espèce de rigole qui sert
de décharge aux fossés de la Bastille. Il n'existe tel qu'il est que depuis sept
à huit ans. Avant cette époque, il n'y avait qu'un bateau, et antérieurement
encore une simple planche qu'un malheureux y plaçait journellement pour la
commodité des passants, qui lui donnaient journellement ce qu'ils jugeaient à
propos.
Le gouverneur de la Bastille, ayant prévu que ce passage deviendrait chaque
jour plus fréquenté, en avait fait l'objet d'une spéculation utile, et, après y
avoir fait placer deux planches en forme de pont, il avait pris sur lui d'affermer
ce passage dont le produit, qui n'était dans le principe que de 300 livres, se
montait aujourd'hui à 3,000 livres, dont il avait fait autoriser la perception
par un arrêt du conseil. Il était évident, d'après cet exposé, que la concession
de ce droit de péage, onéreuse au public, avait été surprise à la bonté du
souverain; toute demande en indemnité pour raison de la suppression de ce
droit devait donc être rejetée...
LA VILLE ET LA TARLE DE MARBRE
EXTRAIT d'un Mémoire2 pour M0 Jérôme JoUivet de Vannes^, intervenant
et demandeur : contre 1° le sieur marquis de Pont et la dame comtesse de
Choiseul, appelants de la sentence de révocation rendue au bureau de la Ville
le 5 mars 1776; 2° le sieur Petit, marchand de bois pour la provision de Paris;
3° et les officiers de la Table de marbre du Palais, à Paris, prenant le fait et
cause de la maîtrise des eaux de Nemours.
Les officiers des maîtrises, particulièrement établis, vers la tin du dernier
siècle, pour veiller à la conservation des bois du roi, ont voulu étendre leur
juridiction sur ceux des particuliers.
La compétence exclusive du bureau de la Ville sur ceux affectés à l'appro-
visionnement de la capitale était un des plus grands obstacles à vaincre. Pour
y parvenir, ils ont multiplié des tentatives qui ont toujours été proscrites par
des arrêts sans nombre, rendus en faveur du bureau de la Ville. Dans le des-
sein de les renouveler sous une autre forme, ils saisissent aujourd'hui le pré-
texte d'un récolement porté en la maîtrise de Nemours, qui n'a d'autre objet
que la simple exécution d'un marché de bois de particuliers, destinés pour la
provision de la capitale.
S'ils réussissaient dans cette dernière entreprise, il n'y a pas un seul
1. Arch. nal., 11. 1957, pièce 130. — La délibération de la Ville confirme les
conclusions du rapport.
2. Pièce de :il pages in-4° (11. 19ii2).
3. « Substitut du procureur général au bureau delà Ville », procureur et avo-
cat du roi i'l de la Ville.
CONFLITS D'ATTRIBUTIONS 565
marché de bois dont on ne fût en état, par ce subterfuge, de dépouiller le
bureau de la Ville de Paris1.
LA VILLE ET LA DIRECTION GÉiNÉRALE
DES BATIMENTS DE SA MAJESTÉ
Lettre de M. de Caumartin à M. d'Angiviller
8 mars 1782 '
11 vient, Monsieur, d'être fait rapport ' au bureau de la Ville qu'il n'arrivait
plus d'eau d'Arcueil à Paris, et que la perte de cette source, dont le produit
était déjà considérablement diminué, était devenue totale par de nouveaux
fontis dans les carrières. Il n'aura certainement pas échappé à votre exacti-
tude d'employer tous les moyens possibles pour prévenir cet accident et pour
y remédier après avoir reconnu leur insuffisance. Je me dis d'ailleurs que vous
n'en devez compte qu'au roi. Cependant l'intérêt qu'y a la Ville pour la portion
d'eau dont elle a la concession, et l'habitude où est le public de voir l'admi-
nistration de la plupart des fontaines publiques soumise à sa direction, font
retomber sur moi toutes les plaintes qui s'élèvent dans ce moment de tous les
quartiers que cette source abreuvait. Il est fâcheux d'être envers la patrie respon-
sable du tort qu'on n'a point contracté, et encore de contribuer pour cent mille
livres par an dans les fonds destinés à y parer sans cependant en connaître
l'emploi. Je ne sais, je vous l'avoue, que répondre aux reproches des citoyens
et aux questions du corps que je préside. Mettez-moi, je vous supplie, à portée
de satisfaire directement à l'un et à l'autre, et daignez calmer les inquiétudes
personnelles auxquelles je me vois en proie si une des ressources de la capi-
tale se perdait par quelque négligence de ma part à en réclamer la conser-
vation. J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : Caumartin.
Le comte d'Angiviller 4, qui avait la régie des eaux d'Arcueil,
dégagea, par une lettre très aimable (10 mars 1782), la responsabilité
de la Ville. Il était lui-même depuis longtemps informé du danger par
les visites de l'aqueduc et par celles des carrières. Mais, depuis le
1er janvier 1779, la commission spéciale des carrières avait été établie;
elle recevait de la Ville une contribution annuelle de 100,000 livres,
1. P. 2 et 3 «In mémoire.
2. Arch. nat., 11.1954 (Reg. f° 372 r°). — Copie.
3. Rapport, du (i mars, des inspecteurs des eaux Dclaistrc et Callou.
4. Le comte de la Billarderie d'Angiviller, d'après YAlm, rouai de 178!», p. 517
et ">2.'j, était «conseiller du roi en ses conseils, mestre de camp de cavalerie, che-
valier de l'ordre de Saint-Louis, commandeur de l'ordre de Saint-Lazare, con-
seiller d'État d'épée, de l'Académie royale, des sciences, directeur et ordonna-
teur général des bâtiments de Sa Majesté, jardins, arts, académies et manufac-
tures royales. Enfin il exerçait au nom du roi la protection des Académies royales
de peinture et sculpture, et d'architecture.
:i66 CONFLITS D'ATTRIBUTIONS
dont « rien n'était plus aisé » an bureau « que de vérifier l'emploi :
question étrangère, d'ailleurs, au département de M. d'Angiviller».
LE BUREAU DES FINANCES
ET CHAMBRE DU DOMAINE RÉUNIE, ET LA VILLE
On a vu plus haut, dans l'Introduction, par un arrêt du Parlement,
et enfin par une lettre du baron de Breteuil1, combien les questions
de travaux publics, d'ouvertures de rues, d'expropriations, exigeaient
de procédures administratives ou judiciaires variées, et éveillaient
de conflits d'attribution. Cependant il est incontestable (pie la Ville
tend à l'emporter, parce qu'elle est une puissance financière de plus
en plus importante. Comme c'est à sa caisse ou à son crédit que la
royauté s'adresse pour les embellissements et les constructions de la
capitale, il est tout naturel que la juridiction municipale se main-
tienne et s'étende en pareille matière.
En effet, les attributions du bureau des finances2, déjà diminuées
par l'universelle activité de la lieutenance de police, ne se rappor-
taient plus guère qu'à la surveillance générale, aux alignements et
aux droits de voirie. En cas d'inondation, du moment qu'il s'agit
d'eau, le bureau de la Ville a la priorité de l'inspection. C'est seulement
quand les eaux se sont retirées que le bureau des finances ordonne
aux commissaires de la voirie « de se transporter dans toutes les
rues, places et voies publiques sur lesquelles les eaux se seront ré-
pandues, pour voir- el visiter d'office et sans frais ta face sur rue de
toutes les maisons, et dresser procès-verbal de celles où il y aura
péril > ».
Souvent il ne l'ait que donner une autre forme, exécutoire, aux
arrêts du conseil. Telle est par exemple l'ordonnance du H août 1764 4,
reproduisant l'arrêt du conseil du 23 juin 1763 (sur lettres patentes
des 20 juin 1757 et 25 novembre 1762), par lequel lors de l'établisse-
ment de la place Louis XV, de la nouvelle Halle-aux-Blés, etc.. les
acquéreurs des portions de terrain inutiles à la Ville furent exemptés
1. Pages 29, 364, 430.
■2. Son titre complet est : Bureau des finances, et chambre du domaine réunie;
mais ce dernier point (domaine royal) est étranger à uotre sujet. L'intcndanl
des finances qui avait les domaines du roi, était l'intermédiaire entre le Conseil
et le bureau drs finances.
:!. Ord. du bureau îles finances des 10 j-anv. 1741, 2:\ mars 1751, 10 fév. 1764.
(Arch. nal., K. L052.
4. M., ibid.
CONFLITS D'ATTRIBUTIONS S67
des droits de voirie à raison des maisons, etc., qu'ils y pourraient
construire.
D'autres fois, le bureau des finances vient à la rescousse de la police
ordinaire. Par exemple, le 13 juillet 1764, le lieutenant général de
Sartine interdisait d'établir aucune gouttière saillante sur la voie
publique aux nouveaux édifices à construire et aux anciennes maisons
dont les toitures seront reconstruites. Le 10 juillet, le bureau des
finances réédite cette interdiction et permet d'établir, au lieu de gout-
tières, des tuyaux exempts de tous droits de voirie.
Les droits de grande et de petite voirie furent fixés en dernier lieu
par les lettres patentes données à Versailles le 31 décembre 1781 .
et registrées en Parlement le 18 janvier 1782. Elles contiennent aussi
le tarif des honoraires des commissaires généraux de la voirie ' pour
leurs rapports et vacations.
Elles visent les édits de J 007, 1693, la déclaration du lOjuin 1603.
les lettres patentes du 22 octobre 1733, l'arrèl du Parlement du 27
janvier 1780.
Le tableau confenanl tarif des droits de grande voirie, dus
par chaque propriétaire ou locataire, comprend 31 objets spécifiés.
Exemple :
Droits Rapports
domaniaux, des commissaires. Vacations.
Grands balcons en 1er . . 5 livres 7 livres 10 sols 6 livres.
Bustes 5 — 7 — 10 — néant.
Percement de croisée . . néant. 7 — 10 — néant.
Certains objets de petite voirie deviennent par leur saillie objets
de grande voirie.
Le tableau contenant tarif des droits de petite voirie comprend 51
objets désignés, pour lesquels il n'y a pas de droits de vacations ni
de rapports, mais un droit domanial de 4 livres en cas de premier
établissement, et un demi-droit de 2 livres en cas de réparation, re-
position ou déposition à la même maison. Exemple :
DROIT DOMANIAL DEMI-DROrr
livres. livres
Bancs mobiles 4 2
Bouchons de cabaret .... Id. Id.
Perches de blanchisseuses. Id. Id.
1. Sur ces commissaires, voyez Alm. royal de 1789, p. 345.
568 CONFLITS D'ATTRIBUTIONS
Quant aux affaires privées jugées en première instance par le
bureau des finances, le texte suivant en donnera un spécimen.
ARRÊT du Parlement du 6 juillet 1782 • confirmant une ordonnance du bu-
reau des finances.
Entre Henry, marchand bonnetier à Paris, propriétaire d'une maison sise
en cette ville, et faisant l'encoignure des rues Saint-Honoré et Saint-Nicaise,
appelant, suivant les arrêts et exploit du môme jour 5 mai 1781, d'une or-
donnance du bureau des finances de Paris, du 27 avril de la même année,
par laquelle, après que ledit Henry a été entendu en ses défenses, il a été
condamné à réduire le bâtiment de saditc maison, élevée en pan de bois, à
la hauteur de 48 pieds du rez-de-chaussée, conformément à une ordonnance
du 18 août 1667 et un arrêt de la Cour du 6 juin 1681, et, pour la contraven-
tion, il a été condamné en outre en 150 livres d'amende, et demandeur en
requête du 26 janvier 1782, à fin d'opposition à un arrêt de la Cour obtenu
par défaut contre lui le 29 décembre, précédent, signifié le 18 dudit mois de
janvier, le procureur général du roi, intimé, défendeur, d'autre part; sans
que les qualités, etc. -. Après que Gaultier, avocat de Henry, et Joly de Flcury,
pour le procureur général du roi, ont été ouïs :
La Cour reçoit la partie de Gaultier opposante à l'exécution de l'arrêt par
défaut; au principal, faisant droit sur l'appel, a mis et met l'appellation au
néant; ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet; con-
damne l'appelant en l'amende de 12 livres. Ordonne que le présent arrêt
sera imprimé et affiché à la requête et diligence du procureur général du roi.
Fait en Parlement le 6 juillet 1782. Collationné Durand.
Siyiié : Dufranc.
Le bureau des finances était une institution absolument inutile.
Au point de vue de la surveillance, elle faisait double emploi avec la
police; au point de vue des questions financières, avec la ville; enfin
on ne voit pas pourquoi un tribunal d'exception était nécessaire pour
juger des contraventions aux lois et règlements sur les alignements
et les hauteurs des maisons, la largeur des nouvelles rues, les détails
de la construction des objets saillants.
C'est uniquement à cause de la vénalité des charges de cette juri-
diction, et des impôts dissimulés que cette vénalité recouvrait, que
le bureau des finances, supprimé sous Louis XV par Maupeou, avait
été rétabli tel qu'il existait avant juin 1771. En 1788, par les édits de
mai, seconde suppression. Mais le Parlement l'emporta encore, et
sauva le bureau des finances qui, d'après Y Almanach royal de 178!) ?,
comptait un premier, un second, des présidents, un chevalier d'hon-
I. Jiil). nal., coll. des arrêts dû Parlement, à la date.
'2. Sir dans le texte.
3. P. 343 à 345.
CONFLITS D'ATTRIBUTIONS 569
neur, vingt et un trésoriers: onze charges de trésoriers étaient alors
vacantes. A cette magistrature assise il faut ajouter les gens du roi,
et à leur tète le procureur du roi au bureau des finances, et enfin les
agents de surveillance, d'exécution, de perception, c'est-à-dire les
quatre conseillers du roi commissaires généraux de la voirie, et leurs
employés.
Plus une juridiction était menacée, considérée comme superflue
par le public, plus aussi elle était prétentieuse et cherchait à se pré-
valoir de ses anciennes prérogatives. Il est assez naturel que les exis-
tences occupées peu sérieusement soient vouées à la vanité et aux
discussions d'étiquette et de titres. C'est le cas du bureau des fi-
nances, comme on va le voir par l'affaire suivante, que nous résumons
très brièvement.
Dans la séance plénière du Parlement du 11 avril 1783 ', les sieurs
Denis, président-premier du bureau des finances et chambre du do-
maine; Mérault, second président, et Guichard, avocat du roi audit
bureau, sont cités au Parlement pour répondre sur «ce qui a retardé
jusqu'à présent la lecture, publication et enregistrement en leur siège
de l'édit du mois de juin 1782, registre au Parlement le 28 du même
mois, portant réunion de la Chambre du domaine et bureau des fi-
nances, et rétablissement de tous les offices tels qu'ils existaient avant
le mois de juin 1771 ».
Denis répond par la lecture d'une déclaration passée par-devant
notaire, dans laquelle il protestait que «le roi... aurait dénaturé le
titre de son ollice, dans l'édit ci-dessus, en le qualifiant de président-
premier», tandis qu'il est premier-président en titre, comme en té-
moignent son acte de réception en Parlement et l'édit de création de
son office (mars 1691). — Dans une requête au roi, il avait présenté
la même plainte en son nom; il avait aussi fait observer que les
membres du bureau avaient toujours reçu directement du roi les édits
qui les concernaient, et qu'ils n'avaient jamais été assujettis aux
droits casuels,« dont sont exempts les officiers des cours supérieures».
On les assimilait donc aux officiers des bureaux de finances des pro-
vinces, contrairement aux «droits et privilèges de ceux de la ca-
pitale! »
Après s'être adressé au garde des sceaux, conservateur des privi-
lèges des trésoriers de France (édit d'avril 1519), le bureau implore la
médiation du Parlement auprès du roi. Les trésoriers de France
reconnaissent d'ailleurs pleinement la juridiction supérieure du Par-
1. Arch. mit., X 1b 89"îy (à la date).
570 CONFLITS D'ATTRIBUTIONS
lement ; ils savent qu'ils n'ont qu'en première instance à connaître du
contentieux du domaine royal, et de la voirie et droits domaniaux en
dépendants.
Le 27 août 1781, sur un long réquisitoire de Séguier, la Cour dé-
clara nul l'acte en forme de protestation l'ait par Nicolas-Jean-Bap-
tiste Denis chez Belime, notaire, le LJ juillet 1782, comme contraire
au respect dû au roi et à l'autorité de la Cour; elle tit rayer et biffer
la minute de cet acte par Sergent, huissier en la Cour '.
Les droits et attributions de la Ville en matière de voirie, d'expro-
priations, de travaux publics, se comprenaient bien mieux et avaient
infiniment plus de valeur que ceux du bureau des finances. En effet,
la Ville est regardée comme représentant l'intérêt général; elle est
personne morale, partie publique. Elle soutient à ce titre l'avantage,
la sécurité, la commodité de tout le monde contre les intérêts parti-
culiers : il faut bien dire qu'aussi il lui arrive de sacrifier des intérêts
particuliers fort légitimes. Mais enfin, elle n'est point son propre juge.
Elle s'appuie, dans ses procès, sur des lettres patentes enregistrées, et
plaide par-devant le Parlement. La nature même de s m organisation
toute bourgeoise lui fait souvent: trouver et chercher des moyens de
conciliation incompatibles avec la rigueur du style et des habitudes
judiciaires. Les documents qui suivent indiqueront le mode d'action
de la Ville.
PRÉCIS
POUR LKS SIEURS PRÉVÔT DES MARCHANDS ET ÉCHEVINS
T)K LA VILLE DE PAfllS
CONTRE M'' MAUTORT, NOTAIRE AU CHATELET :
Tout Paris sait combien l'accès delà Pointe Saint-Eustache est difficile et
dangereux. Il a fixé depuis longtemps l'attention des magistrats qui veillent à
la sûreté publique. Dans un plan des changements qui sont à faire pour l'em-
bellissement et la commodité de la Ville, il a été arrêté que la Pointe Saint-
Eustache serait coupée, et qu'on supprimerait plusieurs maisons pour gagner
l'alignement de la rue Traînée, qui perce tout droit à la rue Comtesse-d'Artois.
Il est d'usage de suspendre, autant qu'il est possible, l'exécution des projets
de cette espèce, jusqu'à ce que les maisons qui sont à abattre exigent de
grandes réparations. Les deux premières maisons de la Pointe Saint-Eustache
se sont trouvées dans cet état en 1773; leur caducité exigeait des reprises sous-
(euvre; elles étaient étayées : et le roi a rendu un arrêt revêtu de lettres pa-
tentes qui ordonne qu'elles seront supprimées5.
1. Arcli. nal., X Ib 8981 (à. la «laie,.
2. Pièce de s p. in-i° (Lottin, mai 1776). Arch. nat., 11. \'Jo2.
'■'>. Enregistré !<• 19 juin 177S.
CONFLITS D'ATTRIBUTIONS 571
Aucune difficulté avec le sieur Pinon du Goudray, propriétaire de
la première maison. Mais celui de la seconde, M" Mautort, « fatigue
depuis un an l'administration de la Ville par une résistance au moins
déplacée ». Après avoir vainement prétendu conserver sa maison, il
exige, outre le prix d'estimation et l'indemnité de déplacement,
40,000 livres de dommages et intérêts, comme « fonds du produit de
sa pratique ! » C'est à cette prétention d'un genre tout nouveau que
répondent les observations signées Joly de Pleury, avocat général,
maître Dandasne, avocat, Piedforl de Senlis, procureur.
L'administration de la Ville a pour objet l'intérêt commun. Cette administra-
lion a ses principes et ses usages : c'est un devoir pour ceux à qui elle est
confiée de s'y conformer.
Le roi l'a autorisée, par ses lettres patentes, à acquérir, et il a ordonné aux
propriétaires de vendre pour le prix qui sera tixé suivant l'estimation qui sera
faite par le maître général des bâtiments do la Ville, conjointement avec les
arbitres qui seront nommés par les propriétaires ; et, en cas de diversité d'avis,
le roi ordonne que l'estimation définitive soit faite par le sieur Gabriel, son
premier architecte honoraire.
Telle est la loi. Quant à l'usage, les propriétaires des maisons qui ont été
abattues ont-ils jamais prétendu qu'on devait leur payer le fonds du produit
de leur commerce ou de leur industrie? Leurs maisons ont été estimées; ils en
ont perdu la propriété, et cependant on ne leur en a payé que la valeur; s'ils
en ont ressenti quelque désagrément, c'est un sacrifice que l'intérêt général
a exigé de l'intérêt particulier... La chose publique ne profite que des maisons
qu'elle est obligée de faire abattre : pourquoi payerait-elle des idées de fortune
qu'on affecte d'y attacher? elle n'en profite pas.
Si M0 .Mautort n'était (pie notaire, « il y a lieu de croire qu'il se se-
rait rangé dans la classe des antres citoyens »; mais « il est notaire
de la Pointe Saint-Eustache ! » Son déménagement ne le privera pas
de ce titre singulier. Il ne perdra « ni son état ni son emploi; il
doit demeurer dans le même quartier, il y conservera ses pratiques.
par confiance, par habitude, et parce qu'il n'y aura point d'autre no-
taire à la place qu'il occupait1 ».
A.NALYSI-; D'UN ARRÊT DU PARLEMENT (10 FÉVRIER 1781), RENDU EN CON-
SÉQUENCE D'UNE ORDONNANCE DU BUREAU (30 MAI 1789), POUR LA PER-
FECTION ET LES ALIGNEMENTS DES BOULEVARDS 2
Feu Pierre Grandin, procureur honoraire au bailliage de Verman-
1. La consultation écarte, dans cette question de droit public, 1rs considéra-
tions particulières. Mais il ressort îles laits que Me Mautort avait fait une spé-
culation, car il avait acquis cille maison de Me de Ribbes, à l'époque où elle
était déjà désignée connue devanl disparaître.
2. Pièce in- i" de il pages (Lottin), 1781. — lîib. mit., collection citée.
572 CONFLITS D'ATTRIBUTIONS
dois, avait fait appel d'une ordonnance, du bureau de la Ville du
30 mai 17G9, et ses héritiers avaient continué cette instance. Les prévôt
des marchands et échevins avaient été par eux assignés pour voir dire
et ordonner que dans trois jours « ils seraient tenus de faire arracher
les arbres qu'ils avaient fait planter nouvellement à 18 pouces de dis-
tance du mur » de la maison Grandin, « et de se conformer, dans
leurs plantations sur le boulevard, aux lois et coutumes de Paris ; de
faire ôter deux bancs de pierre et la balustrade qu'ils avaient fait
sceller dans le mur de ladite maison » ; Grandin et ses héritiers préten-
daient également faire élever leur maison de quatre étages au-dessus
du rez-de-chaussée, et y faire toutes ouvertures de portes et croisées
sur le boulevard.
La Ville s'étant appuyée sur le plan de juillet 167G, registre le
o août, et autres suivants, Grandin demanda que ces plans fussent
soumis à l'examen de l'avocat général, ce qui fut fait.
Alors (en 1778) Grandin prétendit que le plan de 1670 représentait
l'état de fait de la Ville de Paris, « sans aucune désignation des
objets qui seraient dans le cas d'être retranchés par vétusté ou autre-
ment ». Ce plan, d'après lui, n'avait aucune autorité légale, et l'inter-
prétation apportée par la Ville ne tendait qu'à priver les citoyens de
leurs propriétés.
Comme titres, il invoque un plan postérieur, celui du 18 janvier
1724, accompagné de lettres patentes enregistrées, et celui du 29jan-
vier 1720. Sa maison s'y trouve, d'après une borne qui depuis aurait
disparu par le fait de la Ville et qui était la limite intérieure de
Paris, au carré de la Porte-Saint-Martin. — La Ville a donc dérogé
à ces plans. Grandin demande à être indemnisé; il veut même qu'on
démolisse la maison nouvellement bâtie en dehors des limites légales
par Chevalier, limonadier. •
La Ville offrait tout simplement d'acquérir la maison Grandin, à
l'effet d'achever la section des boulevards qui allait de la rue du
Temple à la rue Poissonnière (boulevard de Notre-Dame de Bonne-
Nouvelle). Elle y était tenue et autorisée par des lettres patentes du
mois d'avril 1778. Mais ces lettres n'avaient pas été registrées en
Parlement, et c'est ce qui encourageait Grandin, puis ses héritiers, à
entraver par leur résistance les travaux de la Ville. Le Parlement
passa outre au défaut d'enregistrement, qu'il répara seulement le
23 février 1781, et treize jours avant, le 10, il donna raison à la Ville
contre les héritiers Grandin, qui durent accepter une indemnité.
11 serait oiseux de citer d'autres causes de ce genre ; nous avons
choisi celle qui nous a paru la plus intéressante par la durée et la
CONFLITS D'ATTRIBUTIONS 573
complication du procès, et par remplacement de l'immeuble en ques-
tion.
D'ailleurs la Ville n'aimait pas les procès; elle recourait tout d'abord
à la persuasion et aux voies conciliatrices, comme en témoigne la cir-
culaire imprimée ci-dessous reproduite.
CIRCULAIRE à MM. les Propriétaires des maisons de la rue Sainte-Apolline
qui ont obtenu une concession, à temps, du bureau de la Ville, pour l'établisse-
ment d'une barrière le long de leurs jardins, terrasses, cours et murs de clôture
sur le boulevard, entre la porte Saint-Denis et la porte Saint-Martin.
Paris, le 25 septembre 1787.
Le bureau de la Ville, M..., est disposé, dans toutes les circonstances,
à procurer aux propriétaires des maisons situées sur les terrains de ses do-
maines, ou de sa juridiction, tomes les facilités qui peuvent concourir à leur
agrément et à leur aisance. Mais, dans la balance de l'administration, l'effet et
durée de ces considérations particulières doivent céder, lorsque les circonstances
l'exigent, aux considérations générales qui intéressent essentiellement le bien
public et la sûreté des citoyens.
Lors de l'établissement primitif du boulevard, cette ceinture de la capitale
était bien plus particulièrement destinée à former une promenade qu'une
communication ; en sorte que le bureau de la Ville n'a trouvé aucun inconvé-
nient à permettre un retranebement, et la pose d'une barrière le long des jar-
dins, terrasses, cours et murs de clôture des maisons de la rue Sainte-Apolline,
sur les faces du côté du boulevard, entre la porte Saint-Denis et la porte
Saint-Martin, malgré l'insuffisance de largeur de cette partie. Aujourd'hui que
le boulevard est devenu une des communications les plus fréquentées de
Paris, qu'on s'est livré aux dépenses de nivellement, d'augmentation de pavé
et de perfectionnement en tout genre, dont cette espèce de rue, infiniment utile,
est susceptible; aujourd'hui enfin que la proximité d'un grand spectacle doit
exciter la surveillance et l'attention des magistrats, pour que ses issues im-
médiates, telles que celle-ci, puissent offrir des débouchés faciles et surs aux
personnes à pied, tant pour la sortie de l'Opéra que pour les jours plus ordi-
nairement affectés à l'usage de la promenade des boulevards, il est impossible
de laisser subsister plus longtemps les concessions dont il s'agit; l'intention
du bureau de la Ville est donc de former un trottoir de cette portion défendue
par des barrières, d'en réduire l'élévation à celle de la hauteur du trottoir qui
est le long de la rue Basse, et d'en assurer l'usage au public, comme un moyen
de plus d'éviter les accidents des foules et ceux des voitures.
Ce motif, M..., ne peut manquer de vous présenter un dédommagement in-
téressant de la jouissance dont le bureau de la Ville est obligé de réclamer le
sacrifice. Il n'en peut résulter aucune diminution réelle d'agrément pour la
position de votre maison. Ceux qui prendront le parti sage d'approuver ce
qu'il n'est pas possible d'empêcher se ménageront la satisfaction d'avoir con-
tribué, en quelque sorte, par ce dévouement de nécessité, à la sûreté des
citoyens, et aux mesures que la prévoyance et l'humanité imposent à l'admi-
nistration.
o7i CONFLITS D'ATTRIBUTIONS
Si vous avez quelques observations particulières à faire sur l'exécution de
cette disposition générale, vous voudrez bien me les faire parvenir, ou les
adresser à M. Poyet, architecte de la Ville, qui m'en fera son rapport, pour en
être référé à MM. les prévôt des marchands et échevins.
J'ai l'honneur d'être, M..., votre très humble et très obéissant serviteur'.
Signé : De Cobny,
Procureur du roi et de la Ville de Paria.
RÉQUISITOIRE D'ËTHIS DE CORNY
ET DÉLIBÉRATION* CONFORME DU BUREAU DE LA VILLE
du 15 mai 1788
POUR RÉUNIR A LA VILLE LES ATTRIBUTIONS
DU BUREAU DES FINANCES '
Le ministre du département de Paris, en dirigeant son attention sur tout ce
qui peut concourir le plus efficacement à l'embellissement de cette capitale,
nous a chargé il y a quelque temps de la rédaction d'un projet d'arrêt du
Conseil pour la formation et l'établissement d'une commission concernant la
partie administrative de la voirie, de la vérification des plans généraux, des
alignements et redressements des rues de cette capitale. — Ce travail a été lu
dans un comité tenu chez le ministre le 7 avril dernier en présence de M. le
prévôt des marchands, de M. le lieutenant général de police, du président du
bureau des finances et des procureurs du roi de ces trois juridictions.
Ce projet était adopté, la rédaction et l'expédition de cet arrêt étaient con-
venues, lorsque Sa Majesté, par un édit enregistré en son lit de justice le 8 de
ce mois, a supprimé le bureau des finances, les offices de présidents trésoriers
de France et de procureurs du roi de ces juridictions, en sorte que cette sup-
pression ne paraît plus devoir comporter leur admission dans la formation de
la commission dont il s'agit.
Mais nous avons pensé que, d'après le nouvel ordre de choses, le Chàtelet
devant se trouver chargé d'un très grand nombre d'affaires de toute nature, il
était de l'intérêt public et de celui du bureau de la Ville, déjà occupé de la
plus grande partie des embellissements de Paris, des communications et autres
dispositions de cette espèce, de réclamer les droits primitifs de la constitution
municipale, la police de la voirie (dont le bureau des finances n'avait eu l'at-
tribution que depuis la suppression du grand voyer en 1626), et d'en solliciter
la réunion à celle que la ville exerce depuis un temps immémorial sur les ter-
rains de son domaine et de sa dépendance.
Dans le nombre des diverses attributions d'administration et de juridiction,
aucune ne semble moins devoir être séparée de l'administration municipale
que celle-ci. En effet, dans l'origine de la formation des villes, les magistrats
municipaux étaient chargés delà voirie, de la distribution des rues, des places,
et des communications ainsi que de la police, comme ils le sont encore dans
presque tout le royaume.
1. Arcli. liai:, II. 1959. Voir, plus haut, lettre du baron de Breteuil au garde
ilrs sceaux (p. 388).
CONFLITS D'ATTRIBUTIONS 573
Dans les temps les plus reculés, avant et dans les premiers temps de la
monarchie française, il n'y avait à Paris qu'une seule juridiction exercée par
les seuls magistrats de la Cité. Elle n'était pas bornée aux matières concernant
la navigation et l'approvisionnement de Paris. Us connaissaient également de
tous les détails de la police générale de la Ville, dont la voirie intérieure faisait
nécessairement partie; et cela existe encore ainsi dans la plupart des villes du
royaume. En 1296, sous la prévôté de messire Guillaume-Thomas Bourdon,
prévôt des marchands, le bureau de la Ville lit un règlement relatif au pavé
des rues, à celui de l'intérieur des cours, aux inspecteurs et aux paveurs;
ainsi, demander aujourd'hui que l'exercice de la voirie dans toute l'étendue do
Paris et de ses faubourgs lui soit rendue, c'est une conséquence nécessaire de
ce qui existait primordialement, de ce qui a eu lieu depuis et des changements
qui viennent d'être ordonnés. En effet, si les établissements des bureaux des
finances furent faits en partie par des démembrements de l'administration des
corporations municipales, leur suppression paraît devoir être l'époque de la
restauration de l'ordre primitif. [Le bureau de l'Hôtel de Ville de la capitale
semble devoir être le tribunal auquel il serait plus naturel et plus avantageux
de renvoyer toute la partie d'administration ci-devant attribuée au bureau des
finances; les magistrats municipaux ayant le contentieux des autres parties de
leur administration pourraient être également chargés de celui-ci, en considé-
rant le très grand nombre d'affaires dont le Chàtelet aura dorénavant à s'oc-
cuper r. J II serait d'autant plus convenable de remettre la ville de Paris dans
son premier état à cet égard, que son administration est immédiatement sous
les ordres du ministre, qui est le premier magistrat de la cité, que tous ces
détails concernent spécialement; que les succès de l'exécution progressive
du plan général fait par les ordres du roi devant être le résultat de l'unifor-
mité du travail et des vues, de l'unité de méthode et d'application des prin-
cipes, il faut, pour le bien et l'ensemble de la chose, que les anneaux qui
forment la chaîne générale soient dans la même main, et qu'il n'y ait point
de divisibilité dans les rapports de la circonférence au centre.
Nous sommes d'autant mieux fondés à considérer cette demande comme
devant être favorablement accueillie que S. M. est bien convaincue de l'incon-
vénient qui résulte de la multiplicité des tribunaux et du partage des affaires
dont la connaissance peut être attribuée à un seul 2.
1. Le passage mis entre crochets est une addition marginale écrite el para-
phée de la main d'Éthis de Corny, fort intéressé personnellement dans la ques-
tion, mais qui toutefois sait énoncer des arguments juridiques el historiques
d'une haute valeur.
2. Les exemples de cet inconvénient se présentent maintes t'ois dans les déli-
bérations du Bureau de la Ville. Pendant l'été de 1777 (pour en citer un), il se
produisit des éboulements et des affaissements du sol au-dessus, des carrières
exploitées par le sieur Cauchois, près du chemin <\r Ménilmontant. Le Peletier de
Saint-Fargeau, seigneur de Ménilmontant, réclama pour obtenir le comblement
l'intervention du Bureau des finances, qui publia en conséquence l'ordonnance
du 22 juillet 1777. La Ville protesta que le Bureau des finances n'avait pas le
droit de donner des ordres aux gravatiers, que ceux-ci ne pouvaient, pour les
salaires qui leur étaient alors fixés, transporter aussi loiu leurs gravais ; qu'enfin
le sieur Cauchois, contrevenant, était responsable, et que le Bureau des finances
n'avait qu'à le poursuivre... Pendant ces contestations qui allèrenl en Parlement
576 CONFLITS D'ATTRIBUTIONS
L'administration de la Ville ayant été maintenue dans la possession immé-
moriale de sa juridiction sur des parties considérables de voirie dans la ville
de Paris, les motifs que nous venons de rappeler paraissent exiger la réunion
de la totalité. .
Le bureau de la Ville prit une délibération, datée du lo mai, en
conséquence de.ee réquisitoire. lien admit les conclusions, mais non
le principal motif, c'est-à-dire la restauration des droits primitifs de
la Ville. Il déclara, au contraire, n'être inspiré que par le bien public,
qui exige l'unité de direction en matière administrative. Il s'appuya
sur l'exemple de l'ancienne Rome républicaine, et cita les édiles; il
oublia, sans doute à dessein, le préfet urbain établi par Auguste, et
souvent nommé par les défenseurs de la lieutenance générale de
police. Il invoqua surtout les précédents, et lit remarquer que le roi
avait attribué à la Ville ce qui concernait la formation des boule-
vards. La délibération fut adressée au baron de Breteuil, ministre
de Paris.
Naturellement, le retour triomphal du Parlement et l'échec du
plan de Lamoignon et de Loménie de Brienne détruisirent les projets
et les espérances du ministre de Paris et du procureur de la Ville,
son instrument en pareille, circonstance comme en bien d'autres.
APPENDICE
h% JURIDICTION CONSULAIRE — LE DÉPUTÉ DU COMMERCE
La juridiction consulaire, analogue à notre tribunal de commerce,
et que Tùrgot avait eu l'idée de réunir au bureau de la Ville, datait
de l'édit de novembre 4503. Elle était composée d'un juge et de
quatre consuls élus chaque année, avant la fin de janvier, par les
six corps primitifs, plus les marchands de vin et les libraires-impri-
meurs. Le juge devait être tiré du collège des anciens consuls. Ces
élections par degrés successifs constituaient une véritable coopta-
tion , d'autant plus que la sanction royale était nécessaire.
Le consulat tenait seulement trois jours par semaine son audience
le chemin de Ménilmontanl s'effondrait toujours e1 les accidents se multipliaient.
Arcli. nat., II. l!>.">2 (Reg. par mention, f° 258 r°).
CONFLITS D'ATTRIBUTIONS 577
(derrière le cloître Saint-Merri). La dernière déclaration importante
qui concerne ce tribunal est de mars 1728.
Le juge et les consuls nouvellement élus prêtaient serment au
Parlement; ils étaient accompagnés des juge et consuls sortant de
charge. Le 30 janvier 1789 ', le Parlement reçut les serments de :
Robert Estienne (du corps de la librairie-imprimerie), juge.
Juste Serve (du corps des marchands de vin), consul.
Adrien-Fidèle Le Camus (du corps de la draperie-mercerie), consul.
Antoine-Edouard Maginel (du corps de l'orfèvrerie), consul.
Étienne-J.-B. Maillard (du corps de la pelleterie-chapellerie-bon-
neterie), consul.
Ils étaient accompagés de l'ex-juge Vée et des ex-consuls Taron,
Renouard, Gillet, Gharier.
Le collège consulaire, les juge cl consuls en charge, les six corps,
et les syndics et adjoints de la librairie, avaient le droit de désigner
six. sujets pour le titre de député de Paris au bureau consultatif du
commerce. Parmi eux, le roi choisissait le député. Voici un procès-
verbal de désignation et d'autres pièces relatives à ce procès-verbal.
Lettre des Juge et Consuls
à Lenoir, lieutenant général de police2
Monseigneur,
Nous sommes venus vous présenter l'extrait du procès-verbal de désignation
d'un député au bureau du commerce pour la ville et faubourgs de Paris, con-
tenant le nom des six sujets qui ont eu le plus grand nombre de voix.
Si nous avions été assez heureux pour vous trouver, nous vous aurions
supplié d'ajouter la banlieue à la spécification de ville et faubourgs de Paris,
parce qne le titre des six corps des marchands est : marchands de la ville,
faubourgs et banlieue de Paris, que plusieurs marchandises ne peuvent se
vendre dans la banlieue sans avoir payé les droits à Paris, et que les proprié-
taires des manufactures de la banlieue ont leur domicile dans la ville.
Nous sommes avec un profond respect, Monseigneur, vos très humbles et
très obéissants serviteurs, les juge et consuls des marchands à Paris.
Le 23 novembre 1784.
Signé : Onfkoy. Le Clerc, juge.
Poirier. Douay. Prévost.
EXTRAIT du procès-verbal fait en la salle d'audience du consulat de Paris,
1. Arch. aat, X 1b 8989.
2. Arch. nat., H. 1452.
37
578 CONFLITS D'ATTRIBUTIONS
le mardi 23 novembre 1784, en l'assemblée de Messieurs les juge el consuls,
anciens juges et anciens consuls, les six corps des marchands, syndics et adjoints
de la librairie, à Paris.
Nous Charles-Guillaume Le Clerc, juge, Simon-Philippe Poirier, Georges-
René Douay, Nicolas Prévost et Philippe Onfroy, consuls en charge de la ville
de Paris , en conséquence de la lettre à nous adressée par Monseigneur le
contrôleur général, en date du 3 du présent mois, contenant qu'il était néces-
saire que nous assemblions, comme il est d'usage, les anciens juges et consuls,
les six corps des marchands el les libraires, pour procéder à l'élection de six
sujets , dans le nombre desquels le roi fera choix du député du commerce
pour la ville et les faubourgs de Paris ;
Avons convoqué en notre juridiction une assemblée des anciens juges et des
anciens consuls, le 6 du présent mois, dans laquelle, après communication et
lecture faite de ladite lettre, il a été unanimement délibéré qu'il en serait, sui-
vant l'usage, envoyé copie aux gardes des six corps et aux syndics et adjoints
de la librairie, pour ensuite se trouver en étal de satisfaire aux intentions de
Monseigneur le contrôleur général; et, pour les remplir, de notre part, nous
avons convoqué par billets, en la manière accoutumée, à ce jourd'hui, heure
présente, l'assemblée des anciens juges et consuls, et de six de chacun des six
corps des marchands et libraires, pour procéder à ladite élection, à la plura-
lité des suffrages par la voie du scrutin ; et ont été scrutateurs sire Charles
Saillant, ancien juge-consul et ancien syndic de la librairie, et sire François de
Saint-Jean, ancien juge-consul du corps de la draperie-mercerie, par nous
proposés et agréés d'une voix commune par toute l'assemblée; et, après avoir
appelé chacun des convoqués l'un après l'autre, pris de tous le serment accou-
tumé el reçu dans la toque le bulletin de chacun d'eux, et de nous; ouverture
faite par sire Le Clerc, juge, desdits bulletins, et lecture faite d'iceux par lesdits
sieurs scrutateurs, ont été nommées diverses personnes du nombre desquelles
les six qui ont eu la pluralité des suffrages se sont trouvés être sire Charles-
Guillaume Le Clerc, juge en exercice et syndic de la librairie, qui a eu Gl suf-
frages, sire Antoine Delamottc , ancien juge-consul du corps de la draperie-
mercerie, qui a eu 41 suffrages, sire Charles Saillant, ancien juge-consul et
ancien syndic de la librairie [qui a eu 4-5 suffrages], sire Jean-Baptiste Guyot,
ancien juge-consul du corps de la pelleterie-bonneterie-chapellerie, qui a eu
59 suffrages, sire Ballhazar Incelin, ancien consul et ancien échevin du corps
de la draperie-mercerie, qui a eu 40 suffrages, et sire Denis Delavoyepierre,
ancien consul du corps de l'épicerie, qui a eu 68 suffrages.
Fait en la salle d'audience, lesdits jour et an.
Boula Eu>.
La même chemise renferme les lettres de sollicitation des candidats,
adressées au contrôleur général et au lieutenant général de police,
et aussi les lettres de recommandation qu'ils ont obtenues. Ainsi,
J.-B. Guyot est recommandé par le duc de Bourbon, à la maison
duquel il était attaché depuis longtemps. Quoiqu'il n'ait que 59 voix,
contre G8 accordées à Delavoyepierre et (il à Le Clerc, J.-B. Guyot
n'oublie pas de rappeler que « le choix de Monseigneur le contrôleur
CONFLITS D'ATTRIBUTIONS 579
général est libre ». Du reste, « c'est dans les six corps marchands
que le sieur Delavoyepierre a trouvé les neuf voix qu'il a de plus que
le sieur Guyot, et que le sieur Le Clerc en a eu aussi deux de plus. Le
collège consulaire, qui connaît mieux la capacité des sujets propres à
la députation, a voté presque unanimement pour le sieur Guyot ».
Présentation et intrigues furent en pure perte; on voit par VAU
manach royal que Marion père, député du commerce de Paris depuis
1768, obtint la survivance pour son fils.
XVI
IMPOSITIONS
DROITS, EMPRUNTS
La haute administration des impositions directes, dont les deux
principales étaient la capitation et les vingtièmes, était partagée, par
commissions royales, entre le prévôt des marchands et le lieutenant
général de police. Le premier répartissait la capitation bourgeoise,
et les vingtièmes des biens-fonds, des offices, des droits, de l'indus-
trie des particuliers qui n'étaient point en communauté : c'était, en
somme, le service des privilégiés. La capitation et les vingtièmes
d'industrie des corps et communautés concernaient le lieutenant de
police; il en était de même de la milice, que les particuliers fussent
ou non en communauté, des logements militaires; enfin il faisait
percevoir la taxe des boues et lanternes sur les maisons nouvelle-
ment construites !.
Necker reconnaît2 combien la capitation était mal répartie : « A
Paris, où cet impôt est considérable ?, l'on a adopté des règles de
proportion qui n'ont aucun rapport exact avec la différence des fa-
cultés;; mais cette imperfection a paru préférable aux inconvénients
d'un arbitraire indéfini : telles sont les fixations déterminées en rai-
son des charges, des titres, des dignités, des grades militaires et
des emplois de finance ; tels sont les règlements intérieurs pour les
corps des marchands, les tarifs pour les domestiques, et plusieurs
autres encore. » Sans insister sur la situation des grands, qui était
la même à Paris qu'à Versailles et dans tout le royaume, donnons
1. Voy. Isambert, n° 2182 (année 1786).
2. De V Administration des finances, t. I, p. 180.
.'3. En 1788, d'après d'Ailly (Procès-verbal do rassemblée provinciale de l'Ile-de-
France), la capitation de Paris s'élevait à 2,488,041 livres 8 sols 4 deniers. 11 est
difficile de trouver cette somme considérable.
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 581
une idée de celle des marchands et artisans, telle que l'avait réglée
en dernier lieu, pendant le premier ministère de Necker, l'arrêt du
Conseil du 14 mars 1779 '. Les marchands et artisans étaient distri-
bués en vingt-quatre classes, dont les quotités variaient de 1 livre
10 sous à 300 livres. Les drapiers-merciers comprenaient vingt classes,
de 9 livres à 30!) livres; les épiciers, les marchands de vin, seize
classes, de la vingtième (9 livres) à la cinquième (150 livres) ; les per-
ruquiers-coiffeurs de femmes, huit classes (de 4 à 30 livres); les sa-
vetiers, cinq classes (de 30 sous à 9 livres). Cinquante-six corps sont
ainsi énumérés. Les marchands et artisans privilégiés, traités à pari,
forment 1G classes, de G livres à 125 livres. C'était à chaque corps ou
communauté de faire l'état de distribution de ses membres, mais
suivant les nombres fixés annuellement pour chaque classe par le
lieutenant général de police. La dernière classe était seule exceptée :
elle devait contenir tous ceux qui n'auraient pas été distribués dans
les classes supérieures, et dont le nombre, par suite l'apport contri-
butif, demeureraient indéterminés. — Les deux vingtièmes d'indus-
trie, la chose va de soi, étaient répartis d'après les mêmes principes
ou d'après des principes analogues : car ils étaient supposés repré-
senter les deux vingtièmes des revenus dus au travail commercial et
mécanique : quant au troisième vingtième, rétabli par l'édit du
3 juillet 1782 2, il ne concerna ni l'industrie, ni les offices, ni les
1. Arch. nat.; K. 1052.
2. Voici, à ce proposées remontrances faites par le Parlement, le 28 juill. 1782
(Arch. nat., X 1b 8977).
« ... La perception du troisième vingtième en 1760 éprouva dans plusieurs pro-
vinces une impossibilité absolue : cependant à cette époque les sujets de Votre
Majesté payaient plus de 100 millions par an de moins qu'aujourd'hui; à cette
époque on n'avait pas encore mis sur la consommation une augmentation d'au-
tant plus onéreuse que la multiplicité des objets tend à la rendre plus arbi-
traire... Le propriétaire donne par les différentes charges plus de la moitié du
prix de son fermage.
« Les impôts ont des bornes au delà desquelles ils se nuisent réciproquement...
Ces bornes passées... après avoir fatigué le contribuable, ils trompent encore les
spéculations du gouvernement.
« Les pensions avaient dans l'origine un montant fixe et un fonds assigné et
limité sur les économies du domaine de la couronne; aujourd'hui le montant n'a
plus de borne, le fonds plus d'assignat, et ne se prend que sur le produit des
impôts... 11 en est qui, prodiguées à la faveur ou à l'intrigue, ne servent qu'à en-
tretenir le luxe et l'oisiveté; le Peuple les confond avec les justes récompenses
des services rendus à l'État. »
Le roi s'excusa sur les charges de la guerre et sur les engagements du Trésor:
« Mon Parlement doit voir dans la manière dont j'ai ordonné que les vingtiè-
mes soient levés, et dans la diminution des droits sur les huiles et savons, que
je ne perds point de vue le désir constant que j'ai de soulager mes peuples. »
582 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
droits, mais tous les autres objets assujettis aux deux premiers,
c'est-à-dire principalement la propriété bâtie ou non bâtie. Il devait
durer seulement jusqu'au dernier décembre de la troisième année
après la signature de la paix, c'est-à-dire, la paix de Versailles ayant
été signée en 1783, jusqu'au dernier décembre 1780. Après les vains
efforts du ministre de Galonné devant la première assemblée des no-
tables, et l'exil du Parlement à Troyes, le second vingtième, aussi
arrivé à son terme, fut prorogé pendant 1791 et 1792, comme condi-
tion de la rentrée du Parlement (19 septembre 1787). — Dans l'in-
tention du gouvernement, les vingtièmes devaient porter surtout sur
les propriétaires ou capitalistes; mais ceux-ci se défendaient vigou-
reusement; le Parlement s'indignait en leur nom de voir confondus
dans les mêmes rôles, et solidaires les uns des autres, les nobles, les
roturiers et les taillables '. Aussi les vingtièmes étaient bien loin de
rapporter, à Paris, ce que le principe, en somme équitable, de cet
impôt, semblait promettre : le produit, dans la dernière partie du règne
de Louis XVI, varia entre 3 et 4 millions.
La capitation et les vingtièmes étaient l'imposition directe nor-
male, commune à tout le royaume ; le taux et la somme (6 à 7 mil-
lions) en étaient extrêmement faibles à Paris en comparaison de l'en-
semble du territoire, qui de ce chef payait (y compris Paris) une
centaine de millions2 : c'est du moins le chiffre que l'on peut déduire
du tableau dressé par Necker, en défalquant le troisième vingtième
et en augmentant (très modérément) les deux autres. — Voyons
comment la perception était organisée à Paris.
Au début du règne de Louis XVI, il y avait à Paris un office de re-
ceveur général de la capitation et des vingtièmes. Turgot le fit rem-
bourser, et créer en la place six offices formés et héréditaires de re-
ceveurs des impositions : la finance totale, de 600,000 livres, fut
divisée au prorata de l'importance des recouvrements respectifs.
Mais le point important, c'est que les six offices furent attribués à
ceux qui étaient pourvus alors, par commission, du recouvrement
de la capitation et des vingtièmes bourgeois seulement. C'était une
façon indirecte de lutter contre les privilèges que d'unifier ainsi la
perception J. Il est visible, d'autre part, que cette réunion de quartiers
(bourgeois) et de communautés dans chacun des six départements avait
1. Représentations du 26 avril 1778 (Arch. nat., X 1b 8971). Plus justement, il
se plaint qu'un subside (tel était le caractère primitif du dixième, aboli, puis de-
venu le et les vingtièmes) soit transformé en i?npôt territorial.
2. Necker, tome cité, p. 35.
3. Édit de janvier 1775, enregistré le 23 février (Arch. nat., K. 1051).
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 583
été faite en vue de la suppression projetée des corporations, afin que
cette grande réforme économique et sociale ne troublât en rien le
système de la perception. Lorsque les corporations eurent été réta-
blies sur de nouvelles bases et avec d'autres dénominations, les lettres
patentes du 9 juin 1777 modifièrent la distribution due à Turgot,
mais l'essentiel subsista, et n'a certainement pas été inutile au.v
rapides réformes financières de la Constituante, concernant le recou-
vrement et la confection des rôles des impositions parisiennes1.
Jusqu'à cette époque, les ministres des finances, surtout Necker, sui-
virent en matière de perception la voie tracée par Turgot. Ainsi, par
l'article 6 de la déclaration du 30 novembre 1778, le receveur du pre-
mier des six départements eut aussi à compter « de la capitation des
officiers et employés de la maison civile et militaire, vénerie, faucon-
nerie, écuries, argenterie et menus-plaisirs, bâtiments et prévôté de
l'Hôtel ». Celui du deuxième département eut à compter de celle de
tous les officiers et employés dans les maisons de la reine, des tantes
du roi, des frères et belles-sœurs du roi, et de toutes les maisons
royales.
Les cboses furent encore simplifiées par l'arrêt du Conseil du 27 oc-
tobre 1781, que voici en substance :
L'intermédiaire des gardes, syndics et adjoints des corps et communautés
occasionne des retards et des frais multipliés. Ils commueront toutefois à
dresser les états de répartition des membres des corps et communautés, avec
indication des demeures des contribuables, et les remettront au lieutenant gé-
néral de police le 15 janvier de chaque année au plus tard ; ces états serviront
à dresser des rôles en la forme ordinaire, qui seront remis Ie'15 mars au plus
tard aux receveurs des impositions. Les gardes, syndics et adjoints continue-
ront aussi à toucher (pour la seule répartition) les 4 deniers par livre de taxa-
tions qui leur étaient accordés pour la répartition et la perception.
Les limites de notre sujet ne nous permettent d'insister que sur ce
qui est tout à fait spécial à Paris. Notons donc encore l'arrêt du Con-
seil d'Etat, portant règlement pour le recouvrement des impositions
dans la Ville de Paris, et réductions des frais de poursuites relatives
audit recouvrement (27 sept. 1783) 2. Outre les frais des premiers
et deuxièmes commandements, cet arrêt réglemente : 1° les opposi-
tions ou saisies-arrêts, et les commandements sur opposition ou
saisies-arrêts, à la requête des receveurs des impositions ;2° les
frais de garnison réelle cbez les contribuables réfractaires ; 3° les
1. Décrets des 15 dée. 1*89, H avril et 1S avril 1790.
2. Arch. nat., K. 1052.
584 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
obligations spéciales et les droits reconventionnels des proprié-
taires à l'égard du locataire qu'ils auraient laissé déménager
sans avoir exigé présentation de sa quittance d'impositions annuelles.
Enfin l'arrêt du 13 novembre 1785 établit une direction générale
des impositions de Paris (un directeur, un contrôleur principal, des
contrôleurs), laquelle fut confirmée et réglementée par l'arrêt du
18 janvier 1780 ' ; et l'arrêt de février 1780, enregistré à la Chambre
des comptes le 4 avril, porta de 0 à 8 le nombre des offices de rece-
veurs particuliers 2. Ces changements ne présentent d'intérêt qu'au
point de vue de la vente des nouvelles charges.
CAPITATION
LETTRES DU PRÉVÔT DES MARCHANDS 3
De par les prévôt des marchands et échcvins de la Ville de Paris, du 20 oc-
tobre 1773.
A tous ceux qui les présentes lettres verront, Jean-Baptiste-François de La
Micliodièrc, chevalier, comle d'Hautevillc, scigneur'de La Michodière, Romène
et autres lieux, conseiller d'Etat, prévôt des marchands, et les échcvins de la
Ville de Paris, salut :
Savoir faisons que, vu au bureau de la Ville l'ordre du roi du 22 septembre
1773, pour faire travailler incessamment à la confection des rôles de la capi-
talion qui doit être imposée pour l'année 1774, sur les bourgeois et habitants
de la Ville de Paris, conformément à ce qui est prescrit par l'article, 12 de sa
déclaration du 12 mars 1701, dont il ordonne l'entière exécution, ainsi que du
tarif de 1693 avec l'augmentation; ledit ordre portant, en outre, qu'il sera
compris dans lesdits rôles toutes les personnes des membres de corps et com-
munautés d'arts et métiers, qui réunissent à leur commerce ou profession
l'exercice de quelque petite commission des fermes ou exercice étranger à ce-
lui de membres de communautés tels que ceux qui débitent du tabac ou du sel
par regrat, les distributeurs de billets de loterie ayant des bureaux ouverts,
les femmes qui vendent de la marée ou poisson d'eau douce, ceux qui louent
des maisons, hôtels ou chambres garnis, autres que les traiteurs à qui cette
faculté est attribuée pour leur maison et domicile seulement, et fait partie de
l'exercice de leur profession ; enfin tous ceux qui ont quelque commerce, em-
ploi, commission ou exercice étranger à celui de la communauté à laquelle ils
sont attachés, et d'où ils retirent un produit particulier, cl ce conformément à
la disposition de l'article 9 de l'arrêt du Conseil en forme de règlement pour
1. Isambert, nns 2133 et 2181.
2.,ld., n° 2201. Cf. Almanach royal de 1789, p. 611. Quant aux deux receveurs
généraux pour Paris, Alissan de Chazet (entré en 1782) et Gojard (en 1786), c'é-
taient, sous ce litre, des bailleurs de fonds du ministère, rétablis contrairement
aux idées de Turgot el de Neck,er.
3. Arch. pat., II. 1951. — Le 27 sept. 1774, mêmes lettres pour la capitation
de 1775. etc.
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 585
le recouvrement de la capitation sur les bourgeois et habitants de la Ville de
Paris du 2i février 1773; lesquels contribuables seront compris dans lesdits
rôles à raison de ces emplois ou commissions particulières, et de leurs facultés
étrangères à l'exercice du métier ou profession de la communauté dont ils sont
membres. Vu aussi l'arrêt du Conseil, du 10 septembre 1767, qui ordonne que
les particuliers qui seront compris dans lesdits rôles continueront de payer les
quatre sols pour livre, outre et par-dessus la portée de leurs taxes, ainsi qu'ils
y ont déjà été tenus en vertu de l'arrêt du Conseil du 18 décembre 17i7, et
autres successivement rendus :
En conséquence, et ouï le procureur du roi et de la Ville en ses conclu-
sions,
Nous ordonnons aux receveurs des dix-huit quartiers de la Ville de Paris,
préposés pour faire le recouvrement de ladite capitation, de commencer leurs
visites dans l'étendue de leurs quartiers, le 15 janvier prochain, en se trans-
portant en personne et assistés de leurs commis que nous autorisons à cet
effet, dans toutes les maisons, appartements et chambres de leurs dits quar-
tiers pour y dresser, conformément aux arrêts et règlements du Conseil et no-
tamment à celui du 2i février 1773, des états dans lesquels ils comprendront
toutes les personnes qu'ils y trouveront demeurantes, de quelques qualité et
condition qu'elles soient, et même les étrangers qui y ont leur demeure de-
puis six mois, sans excepter ceux qui logent dans les maisons et chambres
garnies, sur les déclarations détaillées et certifiées qui leur en seront fournies,
avant le 15 janvier, par tous les chefs de familles, propriétaires ou principaux
locataires des maisons, et, à leur défaut, par ceux qui occupent les boutiques
ou les premiers appartements de celles qui sont louées par détail, suivant et
conformément à l'article 3 de l'arrêt du Conseil du 24 février 1773.
Défendons auxdits receveurs, sous quelque prétexte que ce puisse être,
de commettre autre personne que leur commis pour faire lesdites visites à leur
place.
Ordonnons auxdits receveurs, lors des visites, de porter sur eux leurs com-
missions pour les exhiber au besoin, et de s'adresser directement aux chefs
de familles et aux propriétaires ou principaux locataires de chaque maison,
pour leur demander des déclarations exactes et d'eux certifiées contenant leurs
noms et qualités, ensemble le nombre, les noms et qualités des commis,
garçons, domestiques et autres personnes logés chez eux, étant à leur charge,
ou employés sous eux.
Dans le cas où les chefs de familles, propriétaires ou principaux locataires
refuseraient de signer leurs déclarations, les receveurs ou leurs commis se-
ront tenus de les signer et faire mention du refus, sans que dans la suite les-
dits chefs de familles, propriétaires ou principaux locataires puissent être reçus
à faire aucunes représentations sur le nombre ou la qualité des particuliers qui
seront compris dans lesdites déclarations.
Les maîtres des hôtels et maisons garnis seront tenus de représenter leurs
livres auxdits receveurs ou à leurs commis à leur première réquisition, et en
cas de refus de leur part ou de celle des chefs de familles, propriétaires ou
principaux locataires des maisons de fournir leurs déclarations dans la forme
qui leur est prescrite par les arrêts et règlements du. Conseil ; ou, en cas qu'il
y soit par eux fait quelque omission ou déguisement, ordonner aux receveurs
d'en dresser leur procès-verbal, et de les faire assigner par-devant nous, pour
586 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
être condamnés au quadruple de la somme pour laquelle chaque particulier
qu'ils auront refuse de déclarer, aurait dû être compris dans lesdits rôles, et
ce par forme d'amende qui appartiendra au dénonciateur; lesquels particuliers
qui auront été omis, et dont la qualité aura été déguisée, seront compris dans
lesdits rôles par supplément.
Et attendu que, par l'article 13 de l'arrêt du Conseil du 24 février 1773, il
est défendu à toutes personnes, de quelque état et condition qu'elles soient,
de troubler les receveurs dans leurs visites et leurs autres fonctions, ordon-
nons aux receveurs de dresser procès-verbal contre ceux qui pourront contre-
venir aux dispositions de cet article, et de les faire assigner par-devant nous
pour être condamnés en trois cents livres d'amende.
Les propriétaires ou principaux locataires seront tenus de donner avis aux
receveurs du déménagement de leurs locataires ou sous-locataires un mois
avant l'échéance du terme, afin qu'ils soient en état de les faire payer ; des-
quels avis ils seront tenus de justifier par des reconnaissances desdils rece-
veurs, conformément à l'arrêt du Conseil du 8 avril 1727, à peine d'être
garants en leurs noms des sommes ducs par ceux qu'ils auront laissés démé-
nager. Et, pour le surplus, ordonnons auxdits receveurs de se conformer aux
règlements faits à ce sujet.
Et sera la présente ordonnance affichée tant à l'Hôtel de Ville qu'aux bureaux
desdits receveurs, et partout ailleurs où besoin sera à ce que nul n'en prétende
cause d'ignorance.
Fait au bureau de la Ville le 26 octobre 1773.
Signé : De La Miciiodière, Sprotte, Boucher, Quatremère, Estienne, Jollivet.
Lettre de Turgot, contrôleur général,
à La Michodière , prévôt des marchands
VERSAILLES, 6 JANVIER 1776 l
SUR LA CAHTATION DE PARIS
J'ai examiné, Monsieur, les lettres que vous avez écrites aux receveurs des
impositions de la ville de Paris sur la forme de leur recouvrement, et les ré-
ponses qu'ils vous ont adressées. Celte correspondance n'a pu que me mettre
à portée de reconnaître le désir que vous avez de prévenir les plaintes des
contribuables, et de leur procurer tous les ménagements qu'ils ont droit d'at-
tendre de vous. Les receveurs des impositions doivent seconder vos vues à
cet égard, et ils se conformeront en cela à mes intentions ; mais il faut conci-
lier ces ménagements avec la nécessité du recouvrement, et, sous ce dernier
point de vue, je n'ai point pu blâmer leur conduite. Ils m'ont paru fondés à
faire des poursuiies contre les contribuables qui , au mois d'octobre, n'avaient
encore rien acquitté sur une imposition payable en deux termes, dont le pre-
mier échoit au mois de mars et le second au 1er juillet, suivant le règlement
de 1711 rendu pour la ville de Paris. La nécessité de remplir leurs soumissions,
dont les époques ont été rapprochées des termes prescrits par les règlements
1. Reg. î° 270 r° (H. 1876). Copir sur In minute, H. 19."2.
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 587
pour le payement des impositions dont ils sont chargés, ne Teur permet pas
de négliger ce recouvrement , et leur conduite à cet égard ne peut paraître
irrégulière.
Je ne vois de même aucune irrégularité dans le choix que ces receveurs ont
fait d'un seul chef de garnison. La déclaration du 13 avril 1761 , le règlement
qui y est annexé, les arrêts du Conseil rendus depuis sur cet objet, se réunis-
sent pour laisser aux receveurs des impositions une entière liberté sur ce
choix; et, en faisant tomber le leur sur un des chefs de garnison qui avaient
été désignés aux anciens préposés à la recette de la capitalion , les receveurs
actuels des impositions de la ville de Paris n'ont pu que vous donner une
marque de déférence. Tout ce qui paraît irrégulier de leur part, c'est de s'être
permis de donner une commission particulière à l'un des huissiers de la Ville;
ils n'ont point ce droit : ils peuvent bien choisir parmi ceux qui sont revêtus
de la commission de chef de garnison l'homme qu'ils croient le plus digne de
leur confiance; mais ils ne peuvent lui donner un caractère public qu'il ne
peut tenir que des commissaires du roi, juges de la capilation et des ving-
tièmes.
Quant à la forme dans laquelle les commandements ont .été rédigés, vous
n'ignorez point, Monsieur, que la déclaration de 1701 a attribué aux seuls
commissaires de Sa Majesté la connaissance des contestations relatives au re-
couvrement de la capitation, et que le Conseil a toujours réprimé les entre-
prises des Cours et autres juridictions sur tout ce qui est relatif à celte
imposition. Vous pouvez même vous rappeler, Monsieur, que ce fut sur votre
dénonciation et d'après votre avis que le Conseil cassa, le 24 septembre 1754,
un arrêt rendu par la Cour des aides de Clermont-Ferrand relativement à une
saisie laite de votre autorité, lorsque vous étiez intendant d'Auvergne, et
défendit à celte Cour et autres juges de prendre connaissance de ces sortes de
contestations.
D'après ces principes, la juridiction du bureau de la Ville n'a aucun titre
pour réclamer sur la capitation des bourgeois et habitants de Paris une com-
pétence qu'elle, n'a jamais dû ni pu prétendre et qui répugnerait à son institu-
tion. Cette juridiction a pour objet la sûreté de l'approvisionnement de Paris
par eau, la discussion des contestations qui pourraient y mettre obstacle, la
police et la tranquillité des ports et des rivières aftluentes à la Seine, mais n'a
aucune compétence en matière d'impositions.
Le procureur du roi de cette juridiction, étant en même temps procureur de
la Ville, a toujours pris le double titre de procureur du roi et de la Ville. Ce
n'est que sous cette dernière qualité que les commandements pour la capitation
ont pu être faits à sa requête avant 1775. Alors les préposés à la recette de la
capitation, sans qualité pour poursuivre en leur nom, n'étant que les commis
de la Ville, ne pouvaient agir qu'au nom de la Ville. Leurs contraintes étaient
faites à la requête du procureur de la Ville, qui représentait le Corps municipal
dont ces préposés tenaient leur commission. Aujourd'hui ces receveurs sont
officiers du roi, ils sont érigés en charge, pour recouvrer en leur nom et pour
le roi toutes les impositions. Les commissaires du roi, désignés par l'art. 12
de la déclaration de 1701 pour juger les contestations que l'exécution des
rôles arrêtés au Conseil pour le recouvrement de la capitation des bourgeois
et habitants de Paris peut occasionner, ne sont autres que vous, Monsieur, et
les quatre échevins. Vous seuls pouvez non seulement examiner et prononcer
588 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
sur les demandes en décharges ou modérations, mais encore connaître de tout
ce qui est relatif au recouvrement de cette imposition, sauf l'appel au Conseil.
Cette loi, non plus que l'édit de JG93, n'a point confié celte attribution au
bureau de la Ville, dont les appels ressortissent au Parlement : dans tout le
royaume, ce sont des commissaires du roi qui connaissent de cette imposition ;
ce n'est que depuis 1761 que l'on a fait une distinction entre la capitation
répartie au marc la livre de la taille et celle des non-taillablcs. Les élections
connaissent, depuis ce temps, de la première comme d'une imposition acces-
soire à la taille et répartie sur les mômes rôles. Mais, pour la seconde, les
principes n'ont point varié, et l'intention du Conseil est de les maintenir et de
les faire exécuter. Je suis, etc.
TURGOT.
La Michodière n'en persista pas moins à rendre une ordonnance
du bureau, le 17 décembre 1770, pour la levée de la capitation. Une
lettre de d'Ormesson (5 janvier 1777) rappela au prévôt les principes
exposés par Turgot.
Comme les ordonnances de la Ville étaient copiées d'une année à
l'autre, celle de 1776 avait commis un étrange oubli, qui aurait pu
tirer à conséquence. Il avait « gardé le silence le plus absolu sur les
dispositions de l'arrêt du Conseil du 26 juillet 1770 », ordonnant qu'à
partir de 1777 « il serait perçu pendant cinq ans, dans tout le ressort
du Parlement de Paris, en sus de chaque cote de capitation, G deniers
par livre destinés à la reconstruction du Palais ».
Le bureau, sur ce dernier point, s'excusa, en disant qu'il n'avait
pas reçu l'arrêt du 26 juillet 1770, et qu'au reste son ordonnance an-
nuelle sur la capitation était de pure forme. — Quant au reproche
général qui lui était fait, il soutint que la juridiction de la Ville était
mixte et pouvait (par attribution ) connaître des impositions; que
l'expression «prévôt des marchands et échevins » désignait toujours
tout le bureau, et qu'en matière de contestations des contribuables à
la capitation, on ne pouvait se passer ni du ministère public ni du
greffier. — Depuis quatre-vingts ans, le bureau de la Ville tout entier
avait rendu son ordonnance sur le recouvrement de la capitation ».
1. Réflexions registrées eu janvier 1777, H. 1877, f° 205 r°. — Voyez, dans le
sens des prétentions de la Ville, l'arrêt du Conseil du 12 mars 1695, qui confiait
la perception aux quartiniers, et la recette au receveur de la Ville. (Arch. nat.,
K. 1053.) — Toute cette affaire nous montre clairement que l'opposition du Par-
lement et du ministère n'éclatait pas seulement dans les grandes circonstances,
mais qu'elle se retrouvait plus ou moins latente dans les détails d'administra-
tion les plus insignifiants pour le tond : de là, soit dit en passant, l'importance
qui s'attache à la forme, même dans la pensée d'un Turgot.
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
589
LES SIX DÉPARTEMENTS DES IMPOSITIONS DIRECTES
(1775)
PREMIER DEPARTEMENT
^Lc sieur SAUSSAYE, receveur.
Finance : 124,000 livres.)
en
os
-
H
ce
Cité.
Louvre.
Palais-Royal.
Corps et communautés. — Apothi-
caires, pelletiers, bouchers, limona-
diers, papetiers, peaussiers, perru-
quiers.
Privilégiés de l'hôtel. — Boulan-
gers, brodeurs, charcutiers, cordon-
niers, éperonniers, épiciers, tailleurs.
Privilégiés des différents corps et
communautés d'ans et métiers.
DEUXIÈME DÉPARTEMENT
(Le sieur P1LL0N, receveur.
Finance : 112,000 livres.)
a
S
H
<
Saint-Euslache.
Les Halles.
Sainis-lnnocenls.
Corps et communautés. — Bonne-
tiers, amidonniers, batteurs d'or,
boisseliers, chapeliers, cuisiniers-trai-
teurs, couturières, faïenciers, passe-
mentiers, patenôtriers.
Vendeurs, inspecteurs, contrôleurs:
aux cuirs, à la marée, aux suifs, à la
volaille, aux foins, aux toiles, embal-
leurs, de police, au nettoiement, de
marée, de volaille; porteurs de grain,
trésoriers de police.
TROISIÈME DÉPARTEMENT.
(Le sieur COZETTE, receveur.
Finance : 98,000 livres.)
Saint-Denis.
Saint-Martin.
Marais.
Corps et communautés. — Épiciers,
boulangers, bourreliers, boursiers,
brosseurs, brossiers, cartiers, charcu-
tiers, chandeliers, cloutiers, coffretiers,
corroyeurs, couteliers, couvreurs,
crieurs de vieux fers,épingliers, éven-
taillisles, fabricants d'étoffes, faiseurs
d'instruments, fondeurs, fourbisseurs,
fruitiers-orangers, gantiers, grainiers,
horlogers, imprimeurs en taille-douce,
lapidaires, layetiers, lainiers-filassiers,
maîtres d'armes, maréchaux, menui-
siers, pâtissiers.
QUATRIÈME DÉPARTEMENT.
(Le sieur C0URM0NTAGNE, receveur.
Finance : 90,000 livres.)
es
H
Place Royale.
Faubourg Sainl-Antohie.
Hôtel de Ville.
Corps et communautés. — Orfèvres,
bouquetières, brodeurs, cardeurs,
ceinturiers, charpentiers, charrons,
chaudronniers, cordiers, découpeurs,
doreurs, écrivains, fripiers, jardi-
niers, lingères, maçons, maîtres à
danser, marchands de vin, parchemi-
niers, paveurs, paulmiers, peintres,
potiers d'étain, rôtisseurs, rubanniers,
savetiers, tabletiers, vidangeurs.
CINQUIÈME DÉPARTEMENT.
Le sieur GERMAIN, receveur,
Finance : 78,000 livres.)
Ile Noire-Dame.
Faubourcj Saint-Marcel.
Sorbonne.
Les communautés dépendantes de
l'Hôtel de Ville.
Les chirurgiens.
Corps et communautés. — Merciers,
boyaudiers, éperonniers, fouleurs de
draps, graveurs, gainiers, oiseleurs,
pain-d'épiciers, plombiers, selliers, ser-
ruriers,taillandiers, tailleurs, tanneurs,
tapissiers, teinturiers du grand teint,
590
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
en soie, du petit teint,, tisserands ,
tonneliers, tourneurs, vanniers.
SIXIÈME DÉPARTEMENT
(Le sieur LESEIGNEUR, receveur.
Finance : 08,000 livres.)
Luxembourg.
Faub. Sl-Germai)i , lre partie.
Id., 2mc partie.
Corps et communautés. — Drapiers,
ta
arquebusiers, balanciers, cordonniers,
libraires, marchands tapissiers, miroi-
tiers, pannachers, potiers de terre,
relieurs, tireurs d'or, tondeurs de
draps, vinaigriers, vitriers.
Vu au Conseil :
TcRCOT.
Lettre de Necker, directeur des finances,
au Prévôt des marchands
23 JUILLET 1778 «
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire et
les deux mémoires que vous y avez joints, présentés au nom de deux habi-
tants du faubourg Montmartre, qui se plaignent de ce qu'au préjudice de
l'arrêt du conseil du 29 mars dernier, qui règle les limites de la ville et fau-
bourgs de Paris, les receveurs des vingtièmes et les collecteurs de la paroisse
de Montmartre continuent leurs poursuites vis-à-vis des contribuables qui ont
été déclarés faire partie des habitants de Paris, et devoir y payer leurs impo-
sitions. M. Berlin a été instruit de ces plaintes et vient d'ordonner aux col-
lecteurs et aux préposés de Montmartre de cesser leurs poursuites. Au reste,
la disposition de l'arrêt du 29 mars qui vous commet à son exécution, vous
donne l'autorité nécessaire pour réprimer par vous-même toutes les atteintes
qu'on pourrait y donner *. J'ai l'honneur d'être, {etc. Signé : Necker.
LES VINGTIÈMES DES REVEiNUS DE LA VILLE
La Ville, bien qu'associée et sujette de l'État par la nature de sort
administration et de ses opérations financières, est cependant con-
sidérée comme une communauté astreinte aux vingtièmes, au moins
pour la plupart de ses revenus, et avec déduction des vingtièmes de
ceux qui sont assignés à certains services publics. Les comptes du
contrôle général de 1775 donnent une idée de cette complication et
de cette subtilité. En voici l'analyse :
1° Revenus de la Ville assujettis aux deux vingtièmes et 4 sols
par livre du premier :
1. Arch. nat., H. 1953, et H. 1877 (Reg. f» 375 v; voyez supra, f° 332 r°).
2. Le seul moyen de réprimer ces atteintes, remarque le bureau serait de
faire afficher l'arrêt du 29 mars 1778 en mettant au bas l'Ordonnance du bureau de
la Ville, « qu'il sera exécute selon sa forme et teneur ».
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 5lJl
Livres.
Droits d'octroi à perpétuité aux entrées de Paris
sur les boucheries 390.068
Sur les boissons 1,712.767
Droits de 10 sous par poisse de sel passant sous le pont
de Mantes (payé à Mantes) : Mémoire.
Droit de hanse dû par les marchands 120
Droits annuels sur les officiers du corps de ville. . . . 2.026
Droits de lods et ventes 1.500
Péage à perpétuité sur le pont de bois de File S'-Louis 0.000
Droit de pêche sous le pont Notre-Dame 1.400
Droit de places des bateaux à lessive, et bains clos . . 4.000
Droit delamachine à remonter les bateaux, 1, 146, 900 li-
vres dont sont imposables ' 1.000
Octrois assignés sur les fermes 141.250
Bénéfice de la Ville sur la loterie royale 320.000
2° Revenus de la Ville exempts :
Une autre part d'octroi de 141.250
Droits de halle et de gare (let. pat. du 25 déc. 1702) . . 385.504
Droits de places des cbaises sur les boulevards. Mémoire 2.
Ainsi le total des revenus de la Ville assujettis aux vingtièmes est
de 2,581,331 livres, dont les vingtièmes et4 sols par livre du premier
reviennent à 283,946 livres 8 sols 2 deniers.
3° En déduction de cette somme viennent les vingtièmes de huit
articles de dépenses faites par la Ville pour le roi, etc. : Frais de
régie des octrois (93,904 livres); rentes des deux emprunts de 1774
exemptes d'imposition (85,000 livres) ; rentes dues aux gens de main-
morte (107,680 livres) ; solde de la garde sédentaire de l'Hôtel de
Ville (18,807 livres) ; solde de la garde des ports et remparts
(21,650 livres) ; frais de police sur les ports (21,650 livres) ; charges
fixes des deux hôtels de mousquetaires (15,374 livres); dépenses de
réparations aux palais de justice et prisons royales (60,000 livres).
— Le total de ces sommes à la charge de la Ville est de 459,891 livres,
dont les deux vingtièmes et 4 sols pour livres du premier font
50,588 livres 2 sols.
i. L'État a vendu ce monopole, la Ville s "est réservé une petite part, pour la
forme.
2. En 1777, cette exemption des vingtièmes disparaît pour le droit des chaises,,
évalué alors à 3,440 livres.
592 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
Reste donc dû par la Ville : 233,358 livres 8 sols.
En 1776, les droits de vingtième dus par la Ville s'élèvent à
253,819 livres 3 sols 5 deniers ; en 1777, à 254,407 livres 4 sols
8 deniers.
La Ville demanda plusieurs fois, toujours inutilement, l'exemption
des vingtièmes sur le revenu fixe de la loterie ' : d'Ormesson et
Taboureau firent les mêmes réponses négatives que Terray et
Turgot 2.
C'est à la même époque que, prenant la question de plus haut, le
Parlement multipliait les remontrances sur les vingtièmes. Il rap-
pelait les vérifications et les augmentations arbitrairement décidées
en 1771. 11 notait que le mot de demander se trouvait répété trois fois
dans la première déclaration royale relative à ce subside (1710) ;
Louis XIV aurait même alors dit à ses ministres qu'il « n'avait pas le
pouvoir» d'établir un nouvel impôt: paroles que le feu prince de
Conti avait entendues et attestées. — Malheureusement, le Parlement
faisait surtout des objections intéressées en faveur des privilégiés que
les vingtièmes atteignaient: le principe du consentement à l'impôt
n'était que timidement insinué.
ABUS DES VINGTIÈMES A PARIS
SIGNALÉS PAR UN DE MESSIEURS DE LA CHAMBRE DES ENQUÊTES
20 JUILLET 1778;
L'arrêt du 2 novembre (1777) ordonne (art. 9) qu'il ne sera rien innové
quant à présent pour la répartition des vingtièmes dans les maisons des
villes; et cependant on toise les maisons de Paris, on les augmente arbitraire-
ment en l'absence ou malgré la réclamation des propriétaires, malgré la re-
présentation des baux. Le refus de payer ces augmentations arbitraires est
puni par l'établissement de garnisons. C'est de quoi un de Messieurs a per-
sonnellement à se plaindre pour une de ses maisons situées dans cette ville.
Si l'on traite ainsi les magistrats, quel sort est donc réservé aux autres
citovens ?
• 1. Sur P « Administration de la loterie royale de France et autres y réunies»,
voyez Almanach royal de 1789, p. G17 : l'ancien prévôt des marchands de La
Michodière en était alors directeur-inspecteur, place fort lucrative.
2. Le dossier relatif à cette affaire (Arch. nat., H. 1952) renferme, outre l'état
dont nous donnons l'analyse, des états analogues pour les années 1773, 1774,
1776, 1777; une lettre de d'Ormesson au bureau (21 mai 1776), une réponse du
prévôt (27 juillet); nouvelle lettre de d'Ormesson (2 août 1776).— Même échange
d'observations en 1777 (2 mars et 1er avril). — Lettre de Taboureau qui clôt la
discussion (2 mai 1777). La plupart de ces pièces n'ont été registrées que par
simples mentions.
3. Arch. nat., X 1b 8971.
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 593
Aussi, Monsieur, cot esprit subalterne d'extension en est-il venu au point
d'aggraver les impôts les plus onéreux et d'envahir les propriétés les plus
dignes de ménagements.
A Paris le logement des gens de guerre devient une source féconde de
rétributions exigées sans mesure, déterminées comme elles sont imposées,
sans loi. Je n'en citerai qu'un exemple. Les habitants de la rue Rasse-du-
Rempart ont été dispensés du logement des gens de guerre par un arrêt du
conseil rendu pour eux, en considération du pavage qu'ils ont l'ait faire et des
lanternes qu'ils ont fournies à leurs frais dans leur quartier. Au mépris de col
arrêt du conseil, on les impose au logement des gens de guerre; et depuis
quelques années leurs cotes ont été successivement augmentées jusqu'au
quintuple. Un d'entre eux, imposé, il y a peu d'années, à 30 livres, s'esl vu
imposé pour celte année à ISO livres. Il a demandé vingt-qualre heures pour
présenter sa requête; et je suis obligé d'annoncer à Messieurs que la réponse
a été l'envoi d'un caporal et quatre grenadiers du régiment des gardes qu'un
sergent accompagné d'un commissaire est venu établir dans sa maison. I! a
fallu payer. Cet exemple, Monsieur, n'est, pas le seul '.
IMPOSITIONS SPÉCIALES
BOUES ET LANTERNES, MILICE, LOGEMENTS MILITAIRES
La taxe des boues et lanternes avait comme origine, et beaucoup
plus encore comme prétexte, l'enlèvement des boues et l'éclairage
des lanternes, services essentiellement municipaux dont la police
s'était entièrement emparée. On a déjà vu que l'enlèvement des
boues et immondices était à l'entreprise, (pic les sous-entrepreneurs
étaient des laboureurs ou maraîchers des environs de Paris, et par
suite que le service était l'ait à bon compte. Les voiries étaient, il esl
vrai, entretenues aux dépens du roi, mais il n'en coûtait rien pour les
vider2. — Quant aux lanternes, établies par le premier lieutenant
général de police La Heynie (septembre 1667), elles donnèrent lieu
d'abord à une taxe bourgeoise de 300,000 livres ; en 1704, Louis XIV
en fit une affaire extraordinaire, et permit, c'est-à-dire ordonna au
bureau de la ville de "la racheter au denier 18 (5,400,000 livres) : cette
somme ayant été versée, le roi prenait à sa charge, à perpétuité, le
nettoiement et l'éclairage de la ville. Mais l'extension de Paris fournil
le prétexte de la déclaration du 3 décembre 1743, rétablissant l'im-
1. Suivent des renseignements sur les exactions commises dans les campagnes,
particulièrement aux environs de Paris, et (ce qui regardait le Parlement de
Rouen) en Normandie.
2. La Police en 1770, mém. cité de Lemaire, p. 103. M. Maxime du Camp (ouv.
eité, t. Y. cli. xxix) trace un historique aussi concis que complet de l'éclairage
parisien.
:S8
594 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
position des boues et lanternes « sur tous les propriétaires de's mai-
sons, édifices, boutiques, échoppes et places de la ville et des fau-
bourgs de Paris ». Cette déclaration contenait encore une clause de
rachat : et comme ceux qui avaient déjà racheté une fois ne s'em-
pressaient point d'être dupes de nouveau de la parole ministérielle,
on leur tint compte de l'intérêt de la finance versée par eux (ou leurs
prédécesseurs) en 1704. Le remplacement des 8,000 lanternes par
1,200 réverbères (1700), l'onéreux éclairage du chemin de Versailles
jusqu'à la porte de la Conférence (hiver de 1777), les nouvelles limites
fiscales données à Paris par la Ferme générale, furent les motifs al-
légués ou réels pour augmenter arbitrairement des taxes qui fai-
saient crier d'autant plus fort, qu'elles touchaient la bourgeoisie,
donnaient lieu à des faveurs et à des spéculations de la part des
gens en place.
Le tirage de la milice était une charge financière pour ceux qui,
désignés par le sort, payaient d'autres hommes* pour les remplacer.
Necker renonce à évaluer cette dépense. Il y avait en France
00,000 hommes de milice , et l'engagement était de six ans : soit
10.000 hommes par an. La part contributive de Paris était de 1,800
à 2,000 bommes. Tous les roturiers au-dessus de cinq pieds, et
depuis seize ans jusqu'à quarante, « participent à cette effrayante
loterie, à moins qu'ils n'en soient exempts par des privilèges at-
tachés à leur état, ou au lieu de leur habitation ' ». Nul ne se doutait
que la milice fût le germe de l'armée nationale : on n'y voyait et
l'on ne pouvait y voir qu'un impôt. Longtemps Paris en fut exempté,
les gens des campagnes venaient s'y réfugier. La première ordon-
nance publiée pour Paris (10 janvier 1743) fut rendue à voix basse,
comme n'étant pas enregistrée au Parlement ; elle provoqua des
placards séditieux, des menaces d'incendie. Voyant que le but « était
de tirer beaucoup d'argent j>, les gens à leur aise négocièrent.
Comme il n'y eut point de révolte, la milice finit par être acceptée.
Les commissaires anciens de chacun des vingt quartiers étaient
subdélégués pour les opérations du tirage et pour les remplace-
ments 2.
En dépit d'anciens privilèges, Paris, insuffisamment gardé par les
corps militaires attachés à l'Hôtel de Ville et au Châtelet, fut astreint
1. Necker, de l'Administration des finances, t. 1, p. 30.
2. Journal de Barbier, t. 11, p. 352, 356, 359, 363, 398. Cette ordonnance avait
été annoncée par celle du 30 oct. 1742, portant augmentation de 30,000 hommes
de milice, « dont la levée serait faite principalement dans les villes capitales et
autres qui en ont été exemptes jusqu'à présent ».
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 595
au logement des gardes françaises, troupes essentiellement royales.
A cet impôt impossible à répartir, et dont l'opportunité était dou-
teuse au point de vue de la discipline, furent substituées peu à peu
les charges relatives aux corps de garde et aux casernes.
TAXE DES BOUES ET LANTERNES
1» E R Ç T Ë M È M K S U R L E DOMAIN E 1 » E L A V I L L E '
Le 11 juillet 1780, le bureau de la Ville prend une délibération
tendant à obtenir une indemnité en faveur de la Ville sur le produil
de la taxe des boues et lanternes, à cause des dépenses annuelles de
la ville pour éclairer et nettoyer les boulevards.
Cette taxe était perçue même sur les bâtiments appartenant à la
Ville, comme « ceux de l'extrémité du faubourg Saint-Honoré, dans
lesquels s'est exécutée l'opération de la fonte de la statue équestre
de Louis XV ».
C'est ce dont témoigne le billet suivant de Mm" Pigalle :
Mm0 Pigalle fait passer à M. Pigeon un commandement qu'elle a reçu pour le
rachat des boues et lanternes de la maison du Roule. Comme cet objet regarde
la Ville, Mme Pigalle a pensé que M. Pigeon voudra bien se charger d'en con-
férer au bureau pour qu'on prenne à ce sujet promplcment le parti le plus
convenable afin que Mme Pigalle ne soit plus inquiétée à raison d'une taxe
qui ne la concerne pas. A la Petite-Pologne, ce 30 juin 1786 -'.
REPRÉSENTATIONS DU PARLEMENT
SUR LE LOGEMENT DES UENS DE GUERRE, A PARIS
III JANVIER 1784 3
Sire, Votre Parlement m'a chargé4 de solliciter Votre Majesté pour obtenir
que l'imposition concernant le logement des gens de guerre, dont votre Ville
de Paris est chargée, soit réglée sur une base fixe déterminée et connue.
Votre Ville de Paris doit le logement pour les gardes françaises. 11 est utile
que les habitants dont les maisons sont assujetties par leur situation à cette
imposition soient assurés qu'il n'y a ni arbitraire ni injustice dans la répar-
tition, qu'ils sachent que la justice qui est dans le cœur de Votre Majesté est
aussi la règle de toutes les opérations de son administration.
Les personnes qui en ont été chargées ont reconnu il y a quelques années la
1. Comme les vingtièmes sur ses revenus.
2. Arch. nat., H. 1957, pièces 65, 66, 67. M. Pigeon était alors échevin.
3. Arch. nat., X 1b 8981.
4. Il s'agit du premier président (d'Aligre) qui porte la parole au nom du Par-
lement.
596 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
nécessité de fixer la quotité de cette imposition. Un arrêt du Conseil que votre
Parlement n'a jamais connu, parce qu'il n'a pas été revêtu de lettres patentes,
avait arbitré cette taxe à la valeur à peu près du trentième de la location de
chaque maison. On a craint que le Parlement ne portât une attention trop scru-
puleuse sur les détails de cette imposition; il aurait demandé à quoi monte la
somme nécessaire, et qu'il ne fût rien perçu au delà; il aurait demandé que
les ordonnances rendues à ce sujet pussent être réformées par le Parlement,
seul capable d'instruire et d'éclairer utilement Voire Majesté; il aurait demandé
que l'emploi fût justifié suivant les formes établies pour la comptabilité: la
quotité de l'impôt une fois connue, la répartition doit être fixe cl propor-
tionnée. La connaissance en a été renvoyée au Bureau de la Ville de Paris:
mais ce tribunal, créé sous l'inspection et la juridiction du Parlement, ne doit
pas être réformé que par lui, c'est là l'ordre des juridictions créées de toute
ancienneté dans votre Royaume, et qu'une sage et saine politique dicte à
Votre Majesté de toujours maintenir : c'est aux prévôt des marchands et
échevins à administrer en bons pères de famille les revenus et les charges
de leurs concitoyens. Votre Parlement ne doit pas croire que les voies arbi-
traires ou militaires1 soient jamais approuvées par Votre Majesté, en ce qui
est de justice.
Cette justice, Sire, est gravée dans le cœur de Votre Majesté, et c'est sur elle
que réside le repos de chaque citoyen, et la base de la tranquillité publique.
Le roi répondit : Je ne veux rien chantier aux dispositions de l'arrêt de mon
Conseil concernant le logement de mon régiment des gardes : ceux qui croient
avoir à se plaindre des ordonnances des prévôt des marchands et échevins de
ma bonne Ville de Paris pourront se pourvoir en mon Conseil, et je leur rendrai
justice.
DROITS DOMANIAUX ET MONOPOLES
Les droits domaniaux étaient : les insinuations (droits d'enregistre-
ment), les papiers et parchemins timbrés, les droits perçus en
justice sous le nom de scel. etc. Ils n'avaient rien de particulier à
Paris, et il suffit de renvoyer à ['Encyclopédie méthodique (finances)
el aux Almanachs royaux 2.
La ferme générale des messageries de Francs avail son siège à
Paris; à la tête du service se trouvait, en 1789, M. de la Millière,
intendant des finances, chargé aussi des pouls et chaussées. 11 esl
clair qu'une bonne partie des bénéfices de celle ferme se réalisaient
à Paris, mais le trésor royal en recevait l'avance générale, par
échéances, et par conséquenl les distinctions locales sont impossibles
1. Allusion aux garnisons établies chez un réfractaire .ï. cet impôt, le sieur de
Myons, président des monnaies de Lyon, cl à la lettre de cachet décernée contre
lui.
2. Voir p. 607 sq. de celui de 1780 pour le bureau des insinuations cl celui de
la distribution «les papiers et parchemins timbrés.
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 597
à Faire1. — Même observation pour l'Administration générale des
postes du royaume, ou intendance des postes, qui avait absorbé la
petite poste spéciale à Paris (6 juillet 1788) 2. — Les droits sur les
offices (total général : environ 7 millions), les bénéfices de la loterie
royale (11 à 12 millions), pesaient surtoul sur les habitants de Paris.
Le monopole du sel (gabelle) y existait dans toute sa dureté; le sel
du roi coûtait (ri livres par quintal. La consommation moyenne dans
les pays de grande gabelle étant de 9,33 livres, en comptant à Paris
660,000 habitants, on voit qu'ils payaient leur consommation de
sel 3,827,836 livres; mais il faut déduire les frais marchands et le
sel des privilégiés; il faut aussi tenir compte de la fraude, plus active
dans la capitale que partout ailleurs : ces considérations réduisent
certainement le bénéfice nel de la gabelle, a Paris, au-dessous de
3 millions. (Test au grenier à sel de l'élection de Paris que ressortis-
saient en première instance les causes relatives à ce monopole. -
Quant à celui du tabac, beaucoup moins important >. il y avail une
commission spéciale assez peu occupée et dont on a vu certains acte-
tort étrangers à son titre. Necker trouvait trop nombreux à Paris les
débitants de tabac4 : « L'on pourrai! en les diminuant réduire
aussi leurs profits. Mais je ne voulais exécuter ce projet qu'à mesure
des vacances : les économies qui ne sont pas essentielles, ou qui ne
deviennent pas l'effet d'un plan général, doivent être exécutées
avec ménagement, toutes les fois qu'elles retombent sur cette classe
de citoyens dont la fortune est étroitement circonscrite. » En se
basant sur les chiffres fournis par Necker, la part afférente à Paris
des 30 millions (pie valait la ferme du tabac était d'environ
950,000 livres; mais nous supposons que Paris ne dépassait pas la
moyenne de la consommation, ce qui est évidemment inexact; on
peut dire que le bénéfice de la vente du tabac, dans la capitale,
dépassait 1 million.
1. Sur les carrosses (fiacres) et le privilège du sieur Perreau, racheté 120,000 li-
vres le 24 nov. 1790, voy. M. Maxime du Camp (ouv. cité, I. 1. p. 164 sq.) et
pièce justificative q° 9 (p. 374 à 383).
2. A La tète se trouvaient quatre intendants généraux, le baron d'Ogny,le comte
d'Ogny, Thiroux de Monregard et Mesnard de Conichard, le second et le qua-
trième adjoints en survivance. L'intendance îles postes était rue Coq-Héron.
Pour Paris, il y avail. préposés à la distribution, un inspecteur général et onze
chefs de bureaux : un peur le guichet, un pour les lettres chargées et neuf entre
lesquels les quartiers étaienl répartis ^1789). Sur l'histoire de la Poste de Paris,
voyez Maxime du Camp, ouv. cité, I. 1, eh. i. Les bénéfices totaux s'élèvent en
1TJ1 à. 11,668,000 livres: le prix de la ferme eu 1117 avait été de II) millions.
3. Cependant, en IliSi, la ferme du tabac valait déjà 30 millions: c'est en
somme un des meilleurs impôts de l'ancien régime.
i. Ouv. cité, t. 11. p. 112.
598 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
DROITS D'ENTRÉE, DE GARE ET DE HALLAGE
D'après Necker ', sur 78 millions environ que Paris payait en con-
tributions annuelles, 36 étaient perçus , sous forme de droits indi-
rects, à Pentrée de la capitale. C'est encore, à peu de chose près,
la somme indiquée par le Conseil général de la Commune de Paris,
lors de la suppression de ces droits par la Constituante2. Cette
stagnation, de 1783 à 1790, montre le peu de succès du nouveau mur
d'enceinte commencé en 1784, et terminé seulement, après un
longue interruption, sous le Consulat. Il est vraisemblable, d'après
tous les documents de la fin de l'ancien régime, que l'octroi parisien
avait atteint son maximum économique; l'extension du périmètre
fut largement compensée par celle de la fraude.
Sur cette somme de 36 millions, 2 revenaient aux hôpitaux, 4 à la
Ville, 30 au trésor royal. Le nom d'octroi, qui signifie primitive-
ment grâce accordée par le suzerain au vassal, droit financier accordé
par le roi à une bonne ville, était donc entièrement détourné de son
sens étymologique 5.
Dans la forme cependant, il était entendu que les millions afférents
au trésor royal étaient un don gratuit, c'est-à-dire volontaire, de la
Ville de Paris au Roi de France : c'était donc une dépense qu'elle
faisait, et l'on vit souvent les fermiers du domaine, ou les percep-
teurs des vingtièmes, arguer de ce mot ({'octroi pour sommer la Ville
de payer les droits domaniaux ou les vingtièmes sur un revenu qui ne
faisait pourtant que passer entre ses mains.
Les principaux documents ;i consulter sur l'octroi au XVIIIe siècle,
sont d'abord : l'édil de décembre 1743 et la déclaration (sur cet
édit) du 7 juillet 1756. h laquelle est annexé un tarif de 15 pages,
comprenant un tableau comparatif des nouveaux droits : 1° avec
ceux établis les 14 mai et 13 août 1715; 2° avec ceux établis le
13 juin 1730 (supprimés et remplacés les uns et les autres). Les
marchandises imposées sont ainsi désignées : Boisa bâtir, déchirage
des bateaux, étain, papiers et cartons, veaux, vins marchands, caux-
de-vie, faïence et verreries, tan et écorce, volaille, gibier, cochons
de lait, agneaux, chevreaux, œufs, beurre et fromage, charbon de
1. Ouvrage cité, t. I, p. 27.">.
2. Maxime du Camp, Paris et ses Organes, t. VI, pièce justificative n" t. La
somme est. de 3o,827,000 livres, dont 29,837,700 livres au profit du Trésor,
3,965,800 au profit de la Ville, 2,023,800 livres au profit dos hôpitaux.
3. « Ottroium es/ (icentia vassalo data... » (Ducange.)
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 599
bois, poisson de mer, frais, sec et salé, vin bourgeois, vin des com-
munautés, foin, avoines, vesces, graines et grenailles, toiles, bois à
brûler, porcs, matériaux, marchandises d'oeuvre de poids et non
d'oeuvre de poids, non spécifiées, bières.
Tel est l'ordre des matières du tarif : on voit qu'il est des plus
irréguliers. Notons les différences des droits payés par le vin suivant
qu'il appartient à des communautés (10 sous par muid), à des bour-
geois (1 livre 1 sou 8 deniers), ou qu'il est marchand (2 livres 16 sous
8 deniers).
En 1758, le roi se fit offrir par la Ville un don gratuit de 6 millions.
Quelque temps après parut la «Déclaration du roi portant établis-
sement des droits à percevoir pendant six années, qui commenceront
au 1" janvier 1759, sur les marchandises et denrées entrant et se fa-
briquant dans [a ville, faubourgs et banlieue de Paris, pour l'acquit-
tement du don gratuit ordonné par édit du mois d'août 1758, /et réu-
nion desdits droits au domaine de ladite ville ».
Le préambule affecte de mettre en avant les offres et propositions
des prévôt des marchands et échevins. Les nouveaux droits ne doivent
peser que. légèrement sur « les habitants de cette capitale de notre
royaume, et surtout sur ceux dont la fortune est la plus médiocre».
Cependant on voit qu ils consistent en :
10 sols sur chaque cent pesant des marchandises d'œuvre et non d'oeuvre
de poids ;
2 livres par muid de vin marchand, bourgeois et des communautés
religieuses;
3 livres par muid de bière;
10 livres par muid d'eau-de-vie simple;
13 livres 6 sols par muid d'eau-de-vie double rectifiée ;
18 livres par muid d'esprit-de-vin et liqueurs;
M sols 6 deniers (par prorogation) faisant partie des 51 sols 6 deniers qui
sont perçus par voie de bois à brûler (édit de décembre 1743, déclara-
tion du 22 décembre, édit de septembre 1747).
La Ville est autorisée à se libérer de son don gratuit par un emprunt
de 6 millions en rentes constituées, remboursable en six ans (1760-
1765) par la voie du sort, au moyen des nouveaux droits.
En 1765, en 1767, les droits d'octroi furent de nouveau prorogés, et
même Fédit de novembre 1771 ajouta 8 sous pour livre « en sus
desdits droits». L'ensemble de ces droits devait subsister jus-
qu'en 1789; ils garantissaient ( entre autres choses) un emprunt de
8,600,000 livres remboursable pendant les douze dernières années
de la perception de l'octroi. En mai 1778, la Ville rappelait en ces
600 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
termes à Necker les obligations que lui imposait l'édit «le 1707 :
Par cet édit, le roi, en accordant à la Ville de nouveaux octrois, l'a auto-
risée à emprunter 8,000,000 livres : il a été ordonne que, dans les douze der-
nières années de la perception de ces nouveaux octrois, il serait remboursé
chaque année une somme de 717,000 livres, et qu'en conséquence il serait
t'ait en 1778 un tirage par forme de loterie du remboursement des contrats
formant le principal des 8,600,000 livres avec indication du remboursement
de chaque contrat dans l'ordre où chaque numéro serait sorti dans la lo-
terie. Il est nécessaire, aux termes de cet édit, de procéder à cette loterie de
remboursement dans le mois de décembre prochain, afin que tous les proprié-
taires des contrats qui composent l'emprunt de 8,600,000 livres connaissent
l'époque de leur remboursement : et, à commencer de. l'année 1779, il faut
effectuer un remboursement de 717,000 livres. Cette somme doit donc être
prise pendant douze ans sur les revenus ordinaires de la Ville, à com-
mencer de l'année prochaine. Les administrateurs actuels ne peuvent voir
qu'avec effroi l'avenir qui se présente pour leurs successeurs; et ils ne peu-
vent être rassurés que par la confiance qu'ils ont dans les lumières du ministre
de la finance, qui voudra bien considérer que la Ville n'est chargée des dettes
immenses dont le tableau lui est remis sous les yeux, que parce que dans tous
les temps elle a fourni au roi des sommes très considérables dans les diffé-
rents besoins de l'État et qu'elle s'est livrée à des dépenses que le gouverne-
ment a exigées... '.
Pour comprendre ces terreurs cl ces plaintes, il faut se rappeler
que, bien que tout l'octroi appartint nominalement à la Ville, elle ne
disposait cependant que d'une minime partie du produit. Cependant
l'accroissement était sensible, grâce à une perception de plus en plus
scientifique et vigilante des droits sur les boissons : avec Terray et
Turgot le produit de ces seuls droits augmenta d'un fiers2.
C'est ce qui avait permis à Turgot, en 1770, de supprimer les droits
de hallage et de gare, pesant surtout sur les grains et farines, et qui
étaient en vigueur depuis la déclaration du 25 novembre 1702; mais
ils furent rétablis après Turgot, prorogés pour un an par lettres pa-
Icnlcs des 22 décembre 1782 et 1er juin 1783, el pour dix ans à compter
du 1er janvier 1784, par la déclaration <lu 23 août 1783, que le Par-
lement enregistra le o septembre, non sans faire des représentations.
1. JVIéin. au directeur >\r± finances (8 pages . Areli. Liât., II. 1953.
2. Voici l'analyse des comptes de prévôtés de 1770 à 1776 :
En 1770-1772 : Revenus, 7,151,372 livres, dont 1,398,334 viennent des droits sur
les boissons. En 1772-1774, le premier article monte à 8,238,909 livres, le second
à 5,519,232. En 1774-1776, ils sont respectivement de 9,058,914 livres et 6,244,276
livres. — Les chargés, rentes du domaine de la Ville cl dépenses fixes mil peu
varié : 7,394,541 livres, 7,363,306 livres, 7,401,756 livres. (Arch. nat., II. 1952 :
Lettre d'AmeloI du 23 aoûl 1776, reg. f° 14 v°. — États analytiques annexes.
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 601
— En même temps, 1rs droits d'octroi, déjà prorogés par l'édil du
25 février 1780, enregistré le 25 ', furent augmentés de 2 sous pour
livre par celui du mois d'août 1781, enregistré le 10 août2. Diverses
modifications, toujours destinées à augmenter le produit, eurent lieu
par de simples arrêts du Conseil (5 septembre 1781, 31 mars el
29 avril 1784, 21 juillet 1785, 28 septembre et 7 décembre 1780). Mais
c'est principalement sur son nouveau mur et sur la répression de la
fraude que comptait, la ferme générale.
Malgré la destruction des barrières (13 juillet 1780), la Constituante
essaya de conserver les droits dont le remplacement semblait diffi-
cile. Ce fut l'objet des décrets des 15 mars, 11 avril et \ août 1700.
Elle céda provisoirement au mouvement de l'opinion publique l«'
22 décembre de la même année ; enfin la loi du 19 février 170J sup-
prima l'octroi, comme d'ailleurs la plupart des autres contributions
indirectes, à partir du 1er mai 1701.
PRIVILÈGE DES BOURGEOIS
Les bourgeois de Paris propriétaires de vignes, et quelques autres
privilégiés, étaient exemptés des droits sur les denrées provenant de
leurs terres et destinées à la consommation de leurs maisons. La
déclaration du 15 mai 1722, les arrêts du Conseil des 10 août et
12 octobre 1728, du 10 août 1747, avaient confirmé ce privilège.
L'arrêt du 13 octobre 1709 établit pour la vérification des titres, près
l'Hôtel de Ville, un bureau composé du régisseur des droits l'établis,
et concurremment des officiers des ports, quais, places, balles, mar-
chés et chantiers de la Ville et faubourgs de Paris. Mais, à la date
du 2 janvier 1774 î, les droits rétablis furent réunis au bail des fermes
générales, dont on ne les sépara plus. C'est alors que, sur le rapport
de Turgot, le bureau des privilégiés «lit de l'Orme-Saint-Gervais) fui
transféré près le bureau général des aides (hôtel de Bretonvilliers) 4.
1. Représentations du Parlement à ce sujet, mais présentées au roi seulement
le .'! mars,- après enregistrement préalable. Arch. ual.. X 1 h soi.i.
2. Isambert, n" 1535.
:!. Arrêt <lu 2 octobre loi : Arch. uat., II. 1870, à fe date.
i. Le 7 décembre 1786, le bureau de la Ville enregistre l'arrêt du Conseil du
2 novembre L786 pour la prise de possession du dernier bail sexennal des
Fermes générales. A la délibération du 7 décembre 'Arch. mil., H. 1957, n° 22
sont joints : la requête de .1.-1). Mager, prête-nom des fermiers généraux, adressée
aux prévôt des marchands et échevins (n° 23) et l'arrêt du Conseil du 2 novembre,
15 pages in- 4°, «le l'imprimerie de Lamesle, au bureau général des aides, 1786
(n° 24); à la fin de cet imprime est écrite à la main la formule d'enregistrement
du bureau de la Ville.
602 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
L'arrêt du 2 octobre 1774, qui opéra cette translation, n'enleva pas
cependant aux communautés d'officiers municipaux la vérification des
titres de propriétés; mais ils durent se contenter de l'exercer par
l'envoi d'un préposé. Ce fut donc, au point de vue du privilège des
bourgeois, comme une prise de possession plus complète de l'octroi
par la ferme, c'est-à-dire par l'État '.
QUITTANCE D'OCTROI >
!) KKVRIER 1788
État des droits d'entrée qui doivent être payés pour un muid de vin com-
mun, arrivant à Paris, par eau et par terre, en exécution des édits, déclara-
tion et arrêts de Sa Majesté.
FERME GÉNÉRAUE par eau par terre
livres sols deniers livres sols deniers
Anciens droits principaux et réunis. 29 15 26 15
Portion du petit octroi, par muid
ou demi-queue 9 9
Huit sols pour livre desdits droits. 11 18 3,6 10 14 3,6
Huit sols pour livre des droits ap-
partenant à la Ville et aux hôpitaux,
ci-après détaillés 5 9 0,8 5 9 0,8
Total des droits appartenant à la
ferme générale , . . 47'iv. 3sois jd 4 r^wv. ig^ois 4^4
VILUE
Droits appartenant à la Ville par
muid 9 13 u 9 13 11
Id., par pièce, courtiers jaugeurs
et petit octroi » 13 » » 13 »
Droits appartenant aux hôpitaux. .359 359
Total 60"v- 15sols 9d,i 56liv- llsols 9d,4
Deux sols par livre de l'édit d'août
1781 i G 10,1 4 » 10, I
gyiiv. 2sols 7d I 60liv- 12sols 7'' 1
Papier timbré de la quittance ...» I 3 » 1 3
1. Rappelons ici un article du cahier du Tiers état de Paris (Finances, art. 6) : « Les
habitants de la capitale, déclarent renoncer expressément à leurs privilèges soit
sur les droits d'entrée des productions de leurs terres, soit sur les terrains de
leurs habitations et jardins d'agrément et de leur exploitation. » - Archives
parlementaires, t. V, p. 283.
2. Arch. nat., H. 1959.
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 603
LE MUR D'ENCEINTE DE LA FERME GÉNÉRALE
En 1784, les fermiers généraux avaient présenté le plan d'un nouveau
mur de clôture qui, en s'appuyant sur la rive gauche de la Seine, repor-
tait à oOO toises en amont, jusqu'au pont de la Gare, l'ancienne barrière
des Chantiers, et devait enfermer dans son enceinte l'Hôpital général et
tout le territoire voisin jusqu'au chemin de Choisy et de Fontaine-
bleau.
Le 22 février, le baron de Breteuil envoya ce projet au bureau de
la Ville, en même temps que les plans et une lettre du contrôleur gé-
néral ; le 30 avril, il pressait le bureau d'envoyer ses réflexions à ce
sujet. Dès le 5 mars, l'architecte de la Ville, Moreau. avait adressé son
rapport. Le Jardin du roi et le rempart de la Ville depuis la Seine
jusqu'à la route de Fontainebleau se trouvaient enclos dans la nou-
velle enceinte : il ne pouvait qu'être agréable aux promeneurs de
n'être point assujettis à la visite; mais Le plan figurait deux grilles
dans cette section, une en travers du rempart, l'autre en haut de la
rampe desGobelins; ensuite le mur continuait « le long du rempart
du côté de la Ville, en sorte que tout le surplus jusqu'aux Invalides
serait en dehors ». Le bureau de la Ville, dans sa délibération du
7 mai 1784, protesta contre cette disposition à la fois laide et incom-
mode, et demanda que les barrières projetées fussent toutes exté-
rieures au rempart, dût-on les en rapprocher jusqu'à 20 on 30 toises.
La Ville (dans le cas où l'on tiendrait compte de son vœu) offrait de
contribuer à la nouvelle enceinte en se chargeant de construire la sec-
tion qui devait traverser le clos Payen, une de ses propriétés.
Rapport de LedouXf architecte de la Ferme,
au Bureau de lu Ville.
Le bureau de recette construit sur le terrain des Minimes de Chaillot est
au point d'être couvert. Quoique l'administration se soit déterminée à élargir
le quai de 21 pieds, cependant l'espace qui reste entre le parapet et le bâti-
ment ne laisse que le terrain suffisant pour avoir deux portes, une issue pour
les chevaux de halage et une guérite nécessaire au service.
Il est convenable, je dis même indispensable, que cette entrée présente trois
portes, à cause du service de la cour. Pour cela, il faut prendre en encorbel-
lement sur le quai une saillie de 5 pieds. Ce parti produira un grand bien,
pourra s'exécuter avec une dépense modique.
Quoique cette entrée de Paris soit fort resserrée, comme on se propose de
fermer la cour avec une grille de dimension égale à celle du chemin, elle
offrira une ligne totale de 156 pieds.
OOi IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
La dépense sera de 3,000 livres1.
A Paris, ce 28 mars 1786.
(Signé : ; Lkdolx.
MÉMOIRE DE LA FERME GÉNÉRALE
SUB LA FRAUDE AUX ENTRÉES DE PARIS ( 1 7 «S 7 i 2
La Ferme générale a remis plusieurs mémoires à l'administration sur la
fraude énorme qui se commet aux extrémités de la Ville de Paris. Cette fraude
a pris un tel accroissement, depuis le commencement de cette année, que le
produit des droits d'entrée, et principalement celui sur les boissons, en sont
sensiblement altérés. Les affaires générales qui ont été l'objet de l'assemblée
des notables n'ont pas permis à M. le contrôleur général de donner son atten-
tion à ces différents mémoires. La Cour des aides y a en partie suppléé par
un arrêt qu'elle a rendu provisoirement, le 16 mars dernier, pour défendre
les magasins ou dépôts dans les maisons du quartier de la Nouvelle-France
sujettes à l'entrée, et qui n'étaient pas séparées de celles sur le taillable pat-
une rue, chemin, ou terrain public.
La Cour des aides avait désiré que les dispositions de cet arrêt fussent cou
lirmées par des lettres patentes et étendues aux autres extrémités de la Ville
de Paris; le projet en a été présenté à l'administration qui l'a approuvé cl l'a
communiqué en papier à M. le premier président de la Cour des aides.
Le résultat de l'examen a été de demander la loi en parchemin avec l'assu-
rance qu'elle serait enregistrée.
Les lettres patentes ont été en conséquence expédiées et envoyées à Msc le
garde des sceaux qui a cru devoir s'abstenir de les sceller par des raisons
qu'on ignore.
La Cour des aides, frappée de l'immensité de la fraude et de l'insuffisance
de son premier arrêt, en a rendu un second le 7 de ce mois, et en a étendu les
dispositions au quartier de la Petite-Pologne et de la rue Saint-Lazare. Mais
elle n'a pas pensé pouvoir défendre, d'une manière absolue, la vente en détail
des boissons dans les maisons situées sur l'entrée et conliguës à celles tail-
lablcs. Elle a seulement interdit cette vente en barils : ce qui a mis les frau-
deurs dans le cas de substituer aux barils, des cruches, des brocs et des bou-
teilles, quoique ces vaisseaux soient prohibés de même que les barils par
l'ordonnance de 1680 \ Il en résulte que la fraude est aussi considérable que
si ces arrêts n'existaient pas1.
Les principaux fraudeurs, associés entre eux, ont à leur solde un nombre
considérable de vagabonds occupés, depuis le matin jusqu'au soir, à transpor-
ter des brocs s. Ils forment une chaîne qui rend ce transport plus facile et plus
l. La Ville accorda l'autorisation demandée (2 juin nsuj, (oui en rappelant à la
Ferme générale qu'elle .devait s'adresser aussi au contrôleur générai el à l'inteu-
ilaui des ponts et chaussées qui avait celle partie «lu quai dans son département.
- Arch. nal., II. L957, n° (i!>.
■>. Arch. nat., II. 1958.
.'{. " Industrie coupable. » Note marginale, au crayon, d'Éthis de Corny.
i. «PourqUoy toujours rendre les loix illusoires? » (Id., ibid.)
.">. (i Suites île ces attroupements, de ces confédérations funestes pour la Iran-
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 605
multiplié : 50 procès-verbaux rédigés par les employés n'ont pu détruire cet
abus parce que les officiers de l'élection, s'attachant à la lettre et non à l'esprit
des arrêts de la Cour des aides, rendent des sentences favorables aux frau-
deurs et ne craignent pas de marquer leur partialité en ordonnant qu'elles
seront exécutées sans attendre le délai de l'opposition. Ces sentences, aux-
quelles on donne la plus grande publicité par l'affiche, nonobstant l'appel qui
en est interjeté, encouragent les fraudeurs et en augmentent tellement le
nombre que le produit des droits d'entrée s'anéantit et que les employés ne
peuvent plus remplir leurs fonctions avec sûreté.
Les fermiers généraux ont fait tout ce qui dépendait d'eux pour amoindrir
le mal. Ils onl, en exécution d'un arrêt du Conseil qui les y a autorisés, changé
la position des barrières et en ont établi de nouvelles, afin de ne laisser au
moins aucune communication ouverte de l'extérieur à l'intérieur. Mais cette
précaution est encore inutile : les fraudeurs se présentent aux nouvelles bar-
rières avec des brocs, des cruches et des bouteilles, et quoiqu'ils ne justifient
ni par une démarque des commis aux aides, ni même par un certificat du pré-
tendu cabareticr, que ces boissons sortent d'une maison sujette à l'entrée, les
officiers de l'élection ' accueillent leur prétention, et ordonnent indifférem-
ment de laisser entrer ces boissons en exemption des droits.
Tel est l'excès du désordre que les fraudeurs ne cachent plus leurs démar-
ches. Ils tiennent des assemblées publiques. Ils y appellent des procureurs de
l'élection pour concerter avec eux les moyens d'éluder la loi et de faire la
fraude plus impunément. Le public en est révolté, les commerçants honnêtes
absolument ruinés, les droits du roi, de la Ville et des hôpitaux sensiblement
diminués2.
Le bureau de la Ville et l'administration des hôpitaux se joignent à la Ferme
générale pour supplier Monseigneur l'archevêque de Toulouse de vouloir bien
ordonner l'envoi à la Cour des aides des lettres patentes dont le projet est
entre les mains de M. le contrôleur général.
La Ville appuya les démarches de la Ferme (délib. du 27 septembre
quillité. L'appàl du gain les forme, l'oisiveté les alimente, fait perdre le goût du
travail, et, quand elles se détruisent, elles mènent au crime. » (Id., ibid.). En
effet, on lit dans le .Journal de Hardy : « Du dimanche 29 juillet (1787). Ce jour,
sur le soir et à la nuit fermée, des contrebandiers, aux environs de la barrière
du Trône, coupent la gorge par erreur à un particulier qu'ils prennent pour un
suppôt ou espion des fermes générales; ce particulier s'étant échappé de leurs
mains... vient d'expirer chez les commis de cette barrière. On devait s'attendre
à voir souvent de semblables traits après l'entière confection des fameuses lim-
ailles. » (Hardy, I. VII, p. L53.)
1. L'élection, dont le ressort s'étendait au delà de la prévôté-vicomte, jugeait
en première instance les causes relatives aux impôts et droits (sauf la gabelle et
le tabac). — Ses officiers suivaient le mot d'ordre de la Cour des aides et du
arlement. Ils prolestèrent fortement contre les édits du 8 mai 1788 (le 24 mai
1788).
2. En note, de la main d'Éthis de Corny : « Employ des revenus de la Ville,
embellissement, sûreté, etc. Hôpitaux, destination privilégiée et sacrée. » Ces
notes jetées à la hâte se transforment, dans le réquisitoire du procureur de
la Ville, en périodes bien cadencées et passablement emphatiques qui contras-
tent avec le style d'affaire de la Ferme générale.
60G IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
1787). Éthis de Gorny proposait même, dans son réquisitoire, d'en-
lever « l'attribution de ces contraventions, en première instance, à
l'élection de Paris, vu la scandaleuse partialité dont on accuse les
jugements qui en émanent ». 11 voulait que « l'on formât pour cet
objet, dans l'intérieur même de la cour des aides, une chambre ;'i
l'instar de celle des requêtes du Palais. On serait sûr d'y trouver
l'instruction, la pureté, l'identité de principes que la composition de
l'élection ne donne pas le droit d'espérer... » Le dispositif de la dé-
libération ne donne toutefois pas de suite à cette proposition. —
Notons que la cour des aides, aussi bien pour accroître son impor-
tance que par les épiées, était intéressée à juger en appel le plus de
contraventions possible, et à multiplier en faveur de la Fermé géné-
rale des arrêts particuliers qu'une loi plus claire, et surtout mieux
formulée, aurait rendus inutiles en les prévenant ',
DÉLIBÉRATION DU BUREAU DE LA VILLE
1" JUILLET 1788 a
Ce jourd'hui mardi 1er juillet 1788, nous prévôt des marchands et éche-
vins de la ville de Paris, assemblés au bureau de la Ville, M. Dominique-Louis
Élhis de Corny, avocat et procureur du roi et de la Ville, étant entré, a dit :
Messieurs, l'étendue de la fraude qui se commet maintenant sur les droits
d'entrée de la ville de Paris intéresse l'attention du gouvernement. Le nombre
des fraudeurs augmente tous les jours. L'inaction des tribunaux favorise leur
licence. De nouveaux genres de manœuvres sont inventés et mis en usage. Si
le désordre n'est promptement arrêté, les revenus du roi, ceux de la Ville et
des hôpitaux souffriront une perte considérable.
Les dispositions que la Ferme générale a faites pour empêcher les trans-
ports frauduleux qui se faisaient par les faux passages en barils et en vessies
pour les boissons, et en ballots pour les marchandises, avaient considérable-
ment diminué ce moyen de contravention. A celui-là en a succédé un autre
plus dangereux par la difficulté de le découvrir et de l'arrêter. On sait qu'aux
extrémités de Paris, la plupart des rues sont d'un côté sujettes aux droits
d'entrées et de l'autre exemptes de ces droits. De ce dernier côté sont les
cabarets et les guinguettes dont le nombre est très considérable. Les fraudeurs
ont imaginé de percer le terrain de la rue et de faire une ouverture souterraine
de plusieurs pieds de diamètre, dans laquelle ils introduisent un tuyau de fer-
blanc ou de taffetas gommé, par où ils font couler les boissons déposées dans
la maison exempte des droits d'entrée, dans celle qui y est sujette. On a déjà
découvert près de quatre-vingts tuyaux. Le seul moyen qu'on ait pu employer
pour contrarier ou pour diminuer cette fraude souterraine a été de faire faire,
1. Voyez lettres patentes du 18 octobre 1*787, enregistrées en Cour des aides,- le
11 décembre, pour la répression de la fraude (Isambert, n° 2395).
2. Arcli. nat., H. 1959.
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 607
dans les endroits où l'on en soupçonnait, des tranchées de huit à neuf pieds
de profondeur, d'une largeur plus ou moins grande, dans lesquelles on jette
des cailloux et des pierres qui rendent cette perforation plus difficile. Mais de
nouveaux avis annoncent que ces obstacles sont insuffisants, et que plusieurs de
ces communications souterraines sont sur le point d'être rétablies. Il serait abso-
lument nécessaire de faire des recherches exactes et multipliées dans les maisons
suspectes. Dans ce moment où l'audace des fraudeurs est à son comble, où
ceux qui se prêtent à leurs entreprises ne sont plus contenus par la crainte
des condamnations juridiques, ces sortes d'opérations sont très difficiles et
même dangereuses pour les employés.
Il se fait même pour toute espèce de marchandises sujettes aux droits un
autre genre de fraude qui s'exerce plus ouvertement. Le nommé Villette, chef
de bandes de fraudeurs, locataire d'une espèce de baraque dans la rue de
Montholon, sur la partie non sujette à l'entrée, a loué de l'autre côté de cette
rue un terrain vague qu'il a fait entourer de murs et dans lequel, d'un grenier
qu'il a fait élever au-dessus de sa baraque, on jette toutes les nuits une
quantité de sacs de café, de la contenance de dix à douze livres. Il parvient
par ce moyen à en faire passer huit à dix milliers par nuit.
A la Petite-Pologne, rue de la Pépinière, les nommés Cardon et Monier se
sont associés et ont fait élever dans le jardin du premier une espèce de théâtre,
d'où ils jettent dans un marais vis-à-vis, loué par Monier, des ballons remplis
de vins et d'eau-de-vie, d'environ cinq pintes chacun. Ils sont parvenus par
ce moyen à en faire passer vingt à trente pièces par nuit. On peut juger par
là du préjudice immense qui en résulte pour les intérêts du roi, de la Ville et
des hôpitaux. Le même Monier vient de faire élever une seconde machine de
ce genre, dans la même rue de la Pépinière. Les employés qui sont postés
dans cette rue voient passer ces ballons au-dessus de leurs têtes, et, lorsqu'ils
veulent s'approcher, ils sont accueillis par des coups de pierre.
La Ferme générale a voulu faire élever des palissades assez hautes pour
empêcher cette manœuvre. Elle avait commencé par la rue de Montholon.
Mais Villette, à la tête de sept ou huit de ses associés, est venu à main armée
chasser les ouvriers et détruire cette palissade. Le secours de la garde qui
avait été appelée pour soutenir les charpentiers a été inutile. Dans la rue de
la Pépinière, Monier et ses associés... se sont permis les mêmes voies de fait.
Ces faits ont été constatés par plusieurs procès-verbaux, et par des plaintes
rendues chez différents commissaires. Mais dans les circonstances présentes
on ne peut donner suite à ces actes, et les fraudeurs jouissent d'une impunité
qui augmente leur licence1...
Le bureau de la Ville approuve ce réquisitoire et le transmet au
1. Le 1 sept. 1787, arrêt vu par Lambert et signé de Breteuil, ordonnant
l'examen et le contrôle des plans Ledoux et des comptes de l'entrepreneur Pé-
coul. — Le 1er octobre 1788, on apprend que Necker venait de s'emparer, pour
aider au payement suspendu des rentes sur l'Hôtel de Ville, « des fonds destinés
par les fermiers généraux de Sa Majesté à l'achèvement des murailles qui devaient
former l'entière clôture de la capitale du côté nord. » Quatre mille ouvriers
furent, dit-on congédiés. (Hardy, t. VIII, p. 102.)
608 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
ministre de Paris et au contrôleur général. La délibération est signée
Le Peletier, Guyot, Dérivai, BulYault, Sageret.
LA QUESTION DE DROIT RELATIVE AU NOUVEAU MUR
RÉCIT D'UN DE MESSIEURS
DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DES ENQUÊTES '
Monsieur, Messieurs do la première chambre dos enquêtes, frappés do l'im-
portance du projet d'entourer Paris do murailles qui on lixent les limites, ot
dont il y a déjà uno partie considérable d'élevée, m'ont chargé do vous prier
de mettre on délibération ce qu'il convenait de faire à ce sujet ; mais, comme
il est nécessaire que Messieurs on connaissent les détails pour prendre le
parti qu'ils jugeront le plus utile au bien public, je prie celui de Messieurs do
la première chambre des enquêtes qui en est beaucoup plus instruit que moi
do vouloir bien en rendre compte.
Et à l'instant celui de Messieurs qui était plus particulièrement instruit des
faits qui venaient d'être annoncés, prenant la parole, a dit :
Monsieur, il y a déjà plus d'un an que le public voit avec étonnemenl
s'élever une muraille qui doit environner Paris de toutes parts ; on a peine à
concevoir comment les avantages qu'on en retirera pourront compenser les
frais d'une construction aussi importante et par son étendue cl par l'espèce
de luxe avec lequel on décore de simples bureaux de commis, li est à sup-
poser que les calculs ont été bien faits et qu'on ne s'est livré à une dépense
de ce genre qu'après s'être assuré du bénéfice qui en résultera pour les droits
du roi. Quoi qu'il en soit, c'est une opération purement d'administration, et
dont Messieurs de la première chambre des enquêtes ne penseraient pas que
la compagnie dût s'occuper, si elle paraissait devoir être suivie cette année sur
le même plan que l'année dernière. Mais, Monsieur, il est de notoriété pu-
blique que non seulement l'on va continuer du côté nord de la ville le même
mur qu'on a construit l'année dernière du côté du midi, mais même qu'on le
recule beaucoup dans la campagne. On va donc augmenter considérablement
l'enceinte de Paris, on va donc enfermer dans la ville et assujettir à des
1. Arch. nat.,X 1b 8984- (24 janv. 1786).— « La Ville do Paris doit être bornée à
ce qui est renfermé d'arbres depuis l'Arsenal jusqu'à In porte Sainf-Ilouoré, et
de là, en suivant le fossé, jusqu'à la rivière, en suivant l'alignement du rempart
désigné dans un plan; depuis la rivière, jusqu'à la rue de Yaugirard ; et de là,
en suivant le rempart, jusqu'à la rue d'Enfer où il finit ; de là, en allant le long
de la rue de la Bourbe, à côté du monastère de Port-Royal (ledit monastère
étant hors de l'enceinte); et de là. all'anl aboutir à la rue Saint-Jacques, et en
partie par une petite rue qui est derrière le Val-de-Gràce ; et dudit boulevard,
en suivant la rue des Bourguignons, et en prenant à gauche au bas de ladite rue,
suivant la rue de l'Oursine jusqu'à la rue Mouffetard; et de cette rue entrant
dans la vieille rue Saint-Jacques, autrement dite la Censière; et suivant cette
dernière, dans toute sa longueur, jusqu'à la rue Saint-Victor, autrement nom-
mée la rue du Jardin-Royal; et de là, côtoyant le Jardin-Royal, jusqu'au boule-
vard qui aboutil à la rivière. » (Encyclopédie méthodique, Police et Municipalité,
article Paris.
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 00!)
droits d'entrée un nombre considérable d'habitants de la banlieue qui n'a-
vaient fixé leur domicile hors des barrières que pour en être affranchis. Non
seulement les habitants de tous les villages qui vont être convertis en quartiers
de Paris seront soumis à un impôt nouveau pour eux, mais la nature de leur
propriété sera changée. Ces villages sont couverts d'édifices propres unique-
ment au genre de commerce que la population de Paris, le voisinage des
barrières, et l'exemption des entrées y a introduit. Priver ces bâtiments du
seul usage dont ils soient susceptibles, c'est rendre leur propriété inutile. Ces
deux considérations, Messieurs, ont paru à Messieurs de la première chambre
des enquêtes dignes de l'attention de la compagnie.
Les différentes enceintes qui ont été faites successivement pour Paris ont
toutes été exécutées d'après des lois revêtues de toute leur autorité. La der-
nière a été ordonnée par des lettres patentes du 23 novembre 1033, enregis-
trées en la cour !e 5 juillet 1634.
Il existe plusieurs lois qui prohibent l'agrandissement de Paris. Messieurs
de la première des enquêtes ont pensé que la compagnie ne pouvait pas laisser
faire sous ses yeux, sans réclamation, une opération qui n'a jamais eu lieu
qu'en vertu d'une loi, qui est contraire à des lois existantes et surtout qui peut
compromettre les intérêts et la propriété d'un grand nombre de particuliers
Le fait que ces particuliers se plaignent est constant ; indépendamment de
la notoriété publique, Messieurs de la première des enquêtes en ont la
preuve dans un mémoire que je tiens à la main, adressé à la compagnie, signé
par plus de cent vingt propriétaires ou habitants du Bas-Montmartre. Son
objet parait être de faire entendre leur réclamation par le ministère du Par-
lement. Ils la fondent sur leur intérêt personnel, sur celui des pays de
vignoble qui environnent la capitale, sur celui du peuple de Paris, enfin sur
celui des droits du roi. Ils prétendent leurs intérêts blessés par l'assujettisse-
ment aux entrées et par l'inutilité dont leurs maisons, qui toutes sont ou des
cabarets, ou des maisons de campagne, vont leur devenir ; celui des villages
des environs et celui du peuple de Paris, par l'éloignement des guinguettes et
par la diminution nécessaire qui en résultera dans la consommation pour les
vins delà plus mauvaise qualité, mais dont la culture fait la richesse de plus
de douze lieues de pays ; ils a-ftirment que les droits du roi diminueront par
la dépopulation des villages enclos. Le Ras-Montmartre paye 433, j90 livres
de droits, en vingtièmes, taille, huitième, gros, congé de remuage, et ce,
non compris le logement des gens de guerre et les droits d'entrée sur les
denrées dont les habitants sont obligés de se pourvoir à Paris. Si le nombre
des habitants diminue, en ayant voulu augmenter la perception des droits, on
l'aura diminuée.
Telle est, Monsieur, l'analyse très succincte de ce mémoire dont il est très
possible que, à cause de sa forme, Messieurs ne jugent pas à propos de
prendre lecture... Messieurs de la première des enquêtes ont pensé qu'un tel
projet, qui fait un changement aussi considérable dans le sort d'un assez
grand nombre des sujets du roi, ne devait au moins s'effectuer que d'après
une loi ; que ce serait le premier exemple d'un accroissement de la ville fait
sans lettres patentes.
Le premier président nomma des commissaires de la grand'cham-
bre pour étudier la question.
610 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
APPEL AU ROI
DANS SOIS CONSEIL NATIONAL DES ÉTATS GÉNÉRAUX
PAU LES GENS DE LA BANLIEUE DE PARIS >
Ce petit écrit, fort bien rédigé, prolestait, au nom de la banlieue, cl plus
particulièrement du territoire de Clichy-la-Garenne, contre l'arrêt du conseil
du 26 novembre 1788, enregistré par la seule grand'chambrc de la cour des
aides le 30 décembre suivant. Même les chambres assemblées de la cour des
aides n'étaient pas compétentes pour assujettir aux droits d'entrée des habi-
tants de la banlieue qui en avaient été jusqu'alors dispensés. L'auteur de
V Appel au Roi demandait la destruction du nouveau mur d'enceinte, et dé-
signait jusqu'à l'emploi qu'il serait possible de faire des superbes édicules
« élevés aux vils suppôts de la Ferme ».
La pénurie du trésor royal iil abandonner, en 1788, les coûteuses
constructions projetées par Ledoux. Mais, au point de vue légal et
fiscal, toutes les protestations échouèrent. Le mur de la Ferme géné-
rale commençait près de Charenton, enveloppait tout le nord de
Paris, Picpus, Ménilmontant, une partie de laYillette, les Porcherons,
la Petite-Pologne, Chaillot, et venait aboutir à la Seine près la mon-
tagne des Bons-Hommes ; ensuite sur la rive gauche, il renfermait
les Invalides, l'École militaire, le Gros-Caillou, une grande partie de
la plaine de Vaugirard, l'Hôpital général, et se terminait à la Seine
en cet endroit. Malgré la destruction des barrières, et la suppression
des droits d'entrée en mai 1791, la Constituante se conforma au plan
de la Ferme générale pour déterminer l'arrondissement de la muni-
cipalité de Paris2.
EMPRUNTS
Les emprunts de la monarchie et en particulier du règne de
Louis XVI, constitués en majeure partie au moyen de rentes sur
l'Hôtel de Ville, appartiennent évidemment à l'histoire générale des
finances, et non à l'histoire de Paris. Les payeurs et receveurs des
rentes installés à l'Hôtel de Ville ? étaient des officiers du roi et des
1. Pièce in-8° de :J2 pages signée IL IL B. B, écuyer, habitant de la banlieue
(1789j. — Hardy analyse cette pièce à la date du 6 février 1789.
2. 11 fut même question, lors de la fuite du roi, de conserver et de fortifier
l'enceinte de la ferme-, afin de défendre Paris au besoin. (Voyez Encyclopédie
méthodique, Jurisprudence, t. X, p. 617, article sur Paris, écrit le 21 juin 1791.)
.'!. Us étaient au nombre de 13 en octobre 1711 (cf. Le Roux de Lincy, ouv. cité,
cli. iv, p. 172j. — L'édit de sept. 1784, enregistré le 23 février 178.";, avait créé
2() nouveaux offices de payeurs e1 20 de contrôleurs^
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 611
hôtes de la Ville; le bureau ne s'occupe point de leurs maniements
une fois qu'il a traité, pour la totalité de chaque emprunt, avec les
commissaires du Conseil1. Sa préoccupation est au contraire, dans
les derniers temps surtout, de dégager ses finances de celles de l'Etat,
au moins pour la forme de la comptabilité.
En principe, pour tout emprunt fait en rentes sur l'Hôtel de Ville,
i! faut des lettres patentes enregistrées qui commettent les prévôt
des marchands et échevins, à l'effet de passer les contrats au nom
des prêteurs; ces lettres patentes elles-mêmes supposent un édit anté-
rieur, énonciatif de l'emprunt, et également enregistré. C'est moyen-
nant ces indispensables formalités légales que des commissaires du
Conseil, désignés par le roi, passent par-devant notaire, à MM. les
prévôt des marchands et échevins de la Ville de Paris, un contrat
de vente et aliénation des rentes (soit viagères, soit héréditaires) au
capital de..., créées par un édit de..., enregistré! le... 2. Par exemple
c'est par-devant M0 Choron, notaire, qu'est passé le contrat de vente
des rentes viagères de l'édit de janvier 1782. Me Picquois dresse un
contrat analogue pour 100 millions, capital des rentes viagères créées
par édit de décembre 1783; M8 Boulard pour 60 millions, capital
des rentes viagères créées par l'édit de mai 1787 5.
t. Le 11 février L786, il autorise les payeurs, conformément au vœu du public,
à commencer leurs payements dès 7 heures du matin, du L01' mars au 31 octobre
(Arch. uat.. II. 1957); voilà le genre de police qu'exerce le bureau. Notons aussi
que, contrairement ;i l'intérêt des payeurs (droit d'immatriculé); la Ville obtint
de Xecker que les petites parties de rentes ayant même origine légale pourraient
être indéfiniment réunies par voie de reconstitution (lettre de Necker, 13 mai 1778 :
Areh. mit., H. 19S3).
2. Les exemples ne manquent pas pendant le règnede Louis XVI. En aoûtl777
(enreg. le 29), emprunt de 600,000 livres de rentes; en nov. 1779 (enreg. le 30),
création de 5 millions de renies viagères; en mars 1781, de 3 millions de rentes
viagères ; en janvier 1182 (enreg. le Ier février), de 7 millions de rentes viagères;
en déc. 1782 (enreg. le 10), de « 1(1 millions de rentes perpétuelles au denier
vingt sans retenue, remboursables en 14 ans à commencer du l01- janvier 1784,
et dont les capitaux seront fournis moitié en deniers comptants, moitié en con-
trats »; en déc. 1784 (enreg. le 31), emprunt de 125 millions pour l'acquittement
des dettes de la guerre : cet emprunt, dont le chiffre fut dépassé par le ministère,
était en billets au port eur , et non en contrais; niais la conversion en contrats
fut autorisée par la décl. du Ier juillet 1786 (enreg. le 7); en déc. 1785 (enreg. le
21), création de 4 millions de rentes héréditaires remboursables en 10 ans, avec
faculté pour les préteurs de prendre en guise de remboursement de leur capital,
des bordereaux de renies viagères; en mai 1787 (enreg. le 7), création de G millions
de rentes viagères. — Avec l'édit de nov. 1787 s'arrêtent les édits d'emprunts
enregistrés. La royauté aux abois cherche à établir de nouveaux impôts, re-
poussés par le Parlement, on procède par arrêts du Conseil non enregistrés ce
qui achève de tuer le crédit public.
3. Arch. nat., 11. 1954, H. 1955, IL 1958.
012 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
Déjà, depuis le 23 février 1785, l'emprunt de 123 million à 5 pour
100 avait obligé la Ville à porter ses propres rescriptions de 4 et demi
à 5 pour 100, afin (pie les porteurs des rescriptions n'en exigeassent
point le remboursement immédiat pour prendre de l'emprunt '.
Plus approche l'échéance fatale des Etats généraux, pins le roi,
afin de la reculer1, use et abuse du crédit de la Ville. L'embellisse-
ment de Paris sert de prétexte à l'édil de septembre 1786, enregistré
le 7 septembre, et dont il faut lire l'article 19 pour en voir la réelle
intention, (lui est de mettre 30 millions clans le trésor royal. Même
hypocrisie dans l'arrêt du Conseil du 13 octobre 1787 2, vu par le
baron de Breteuil, et autorisant une loterie au profit des hôpitaux :
cette fois la mesure était comble' ; le Parlement protesta contre cet
emprunt déguisé de 12 millions, et surtout contre l'absence inouïe de
l'enregistrement. Mais le public protesta encoremieux : sur 50,000bil-
lets divisibles en quarts, 28,214 billets trois quarts restèrent invendus i.
Le cahier dit de la Ville (Il juin 1789)4 n'avait pas à insister sur
les emprunts d'Etat, quand même ils avaient été constitués en rentes
sur l'Hôtel de Ville. Mais il protesta contre l'inexécution des clauses.
Jusqu'au mois d'août 1788, les renies des emprunts de 1777 5, 1781 6,
178G7, n'étaient pas comprises dans le service des payeurs du roi :
elles étaient payées par le trésorier général de la Ville (en dernier
lieu le sieur de Villeneuve) : il s'agissait par là de persuader au public
que ces emprunts avaient été faits pour le compte de la Ville, du
crédit de laquelle le gouvernement pouvait ainsi bénéficier. D'autre
part, les taxations attribuées au trésorier étaient une partie considé-
rable de ses émoluments, et par conséquent de l'intérêt de sa finance
d'un million. Une lettre du 30 mars 1788, du contrôleur général au
bureau, avait bien proposé l'unification du service entre les mains des
payeurs des rentes : le bureau avait protesté, au nom même de l'in-
térêt du roi. Mais survint une retenue faite parle trésor sur toutes les
rentes de création royale. La distinction fictive qui précède aurait été
absurde et injuste, et le bureau lui-même demanda que les payeurs
des rentes fissent seuls le service des arrérages et de la retenue8 de
1. Rapport du trésorier Rousseau et délibération conforme du 25 fév. 1785
(Arch. nai., 11. 1956, n° 149).
2. Isambert, n° 2304.
3. Arch. nat., II. 1959.
4. Voyez Arch. parlementaires, t. V, p. 290.
:>. 1777, août (édit).
6. 1781, 3 sept. (décl.).
7. 1786. sept. (édit). — Voyez infra, p. 613.
8. Arch. nat., II. 1959, délibération du bureau du 18 août 1788.
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 613
l'édit de 1786 et de l'arrêt du Conseil «le 1787, en tant qu'ils inté-
ressaient l'embellissement de la Ville et la création ou l'aménagement
des hôpitaux. Il est vraisemblable que le dernier prévôt des mar-
chands, de Flesselles, et ses collègues du bureau n'auraient point signé
de telles protestations, si les députés de Paris ne leur avaient conduit
la main.
ho contrôleur général Turgot à M. de La Michodière
I''1' JANVIER 1776 '
Les frais des emprunts faits pour le compte du roi, des pays d'états, des
corps et communautés, m'ayant paru, Monsieur, trop coûteux, j'ai cru qu'il
était indispensable de les réduire. En conséquence le droit de I pour 100 qui
était accordé aux notaires a été modéré à moitié. Le dernier emprunt <lu
clergé, celui qui est ouvert en Bourgogne et qui va l'être en Languedoc se
font sous cette condition. Vous penserez sans doute comme moi, Monsieur,
qu'elle doit être la même pour l'emprunt de la Ville de Paris : non seule-
ment l'économie l'exige, mais encore l'uniformité qui doit régner dans les
opérations du même genre, et vous comprenez qu'il y aurait un inconvénient
réel à ce que la Ville donnât aux notaires 1 p. 100, et le parchemin et le
papier2, tandis qu'ils ne recevraient pour les autres emprunts que 1/2 p. 100.
Vous voudrez donc bien, Monsieur, faire les dispositions nécessaires pour
faire cesser cette différence,
La réduction étant générale, elle ne peut faire aucun tort à l'emprunt de la
Ville de Paris; les notaires ne seraient pas fondés à s'en plaindre. La multi-
plicité des emprunts, leur étendue et l'abondance de l'argent leur procurent
encore des avantages considérables, et je suis d'ailleurs trop convaincu de
l'honnêteté de celte compagnie pour craindre qu'un pareil motif puisse
ralentir leur zèle, et. les empêcher de faire leurs efforts pour consommer
les emprunts confiés à leurs soins. Je suis avec un parfait attachement, etc. >.
Signé : Turgot.
ANALYSE DE L'ÉDIT
Qui ordonne la démolition des maisons construites sur les ponts de la Vide
de Paris, sur les quais et rue de Gesvres, de la Pelleterie et autres adjacentes
des deux côtés de la rivière, conformément au projet arrêté en 170!); la con-
1. Rep. fo 270 r° (H. 1876).
2. Le roi ayant ensuite accordé pour les emprunts royaux le papier et le par-
chemin, la Ville reçut l'autorisation don faire autant (17 février 1776).
3. La minute est dans H. 1952. Eu 1785, la balance est encore observée, à un
autre point de vue, entre la Ville et le Trésor. Le million composant la iinance
du trésorier de la Ville sert à rembourser 500,000 livres de rescriptions et
500,071 livres 8 sols 9 deniers de rentes sur trois emprunts d'État précédents
(Arch. nat., II. 1957, nP 49).
614 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
struclion d"un pont en face de la place de Louis XV ; celle d'une nouvelle
salle d'Opéra, le parachèvement du quai d'Orsay et autres objets relatifs à
l'utilité publique, à la salubrité et à l'embellissement de la capitale; autorise
en conséquence les prévôt des marchands et échevins de ladite Ville de Paris
à constituer 1,200,000 livres de renies perpétuelles à 4 p. 100, avec un tirage
de primes de 10,000 lots. (Septembre 17X0 — R. P. le 7 septembre.)
Déjà le prévôt des marchands et les échevins avaient « donné
l'exemple du zèle et du dévouement en faisant démolir les maisons
appartenant au Domaine de la Ville sur le pont Notre-Dame ».
Quant aux autres, comme elles étaient à des particuliers , il était
juste de les indemniser. L'article 15 de l'édit de septembre 1786
exempte des indemnités de tous droits de « lods et ventes, amortisse-
ment, centième denier et autres droits royaux et seigneuriaux quel-
conques dus soit à nous, soit à tous seigneurs tant ecclésiastiques que
laïcs, corps et communautés, dans la mouvance et directe desquels
lesdites maisons et terrains se trouvent situés ». (Cf. sur ce point :
Arrêt du Conseil du 23 août 1707, et lettres patentes du 8 octobre
suivant ; arrêt du Conseil du 4 décembre 1720 et lettres patentes de
mars 1721. ) Les 30 millions à emprunter au denier 25 sont divisés en
30,000 « reconnaissances » de 1,000 livres chacune; les intérêts
(1,200,000 livres) sont imputés sur les recettes de la Ferme générale ;
pour le tirage de la loterie, les 30,000 reconnaissances forment trois
séries; le tirage de décembre 1786 déterminera la série gagnante;
celui d'avril 1787 déterminera les primes, variant de 300,000 livres
à 500 livres, et formant un total de 7,500,000 livres (articles 21 à 24).
— L'article 19, qui ordonne le dépôt des 30 millions clans le trésor
royal (lequel s'engage à délivrer annuellement 3 millions à la Ville
et à payer les 7,500,000 livres de primes), marque assez clairement
la vraie intention du gouvernement : se servir du crédit de la Ville,
mettre en jeu son intérêt, faire appel à la cupidité publique, afin
d'assurer au trésor royal quelques ressources éphémères. L'édit
porte la mention : Va au Conseil, De Calonne
i
LISTES DES SOUSCRIPTEURS
POUR LES QUATRE NOUVEAUX HOPITAUX
IMPRIMÉES ET DISTRIBUÉES
Le lundi 5 mars 1787 « on distribuait dans tout Paris... une liste
contenant les noms et qualités de toutes les personnes qui avaient
1. Aivli. tint., K. 1051,
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 015
fait leurs déclarations et soumissions dans les bureaux du greffier et
du trésorier de la Ville de Paris, de contribuer à l'établissement »
des quatre hôpitaux, « depuis le 22 janvier jusques et y compris le
21 février dernier ' ». Cette liste commence par Girardot de Marigny
(12,000 livres) et se termine par Thiery, secrétaire du commandement
de la Lorraine (1 44 livres). Elle comprend en tout 222 souscripteurs;
entre autres plusieurs ducs et pairs, grands seigneurs, etc., chacun
pour 12,000 livres, sauf le maréchal duc de Richelieu inscrit pour
10,000 livres ; le prince de Coudé et ses enfants, inscrits pour 30,000 li-
vres; l'archevêque de Paris, pour 50,000 livres; les 40 fermiers gé-
néraux, chaeun pour 0,000 livres; Necker, pour 0,000 livres; le
chapitre de Paris, pour 30,000 livres; les Chartreux, pour 12,000 li-
vres; les six corps, pour 300,000 livres; la gouvernante d'un chanoine
de Tours, pour 6 livres; et pour la même somme, une nommée
Manon Roger, dite Belle-Gorge. La somme totale est de 1,703,605 li-
vres 10 sous, « dont on désirait vivement, dit Hardy avec quelque
scepticisme, de voir l'emploi réalisé ».
Laseconde liste, du 22 février au 22 mars, comprend : les premiers
commis du baron de Breteuil (100,000 livres); les régisseurs généraux
des aides et droits y réunis (67,200 livres); le corps de la librairie et
imprimerie de Paris (6,000 livres) ; la communauté des perruquiers
(6,000 livres); la compagnie des agents de change (24,000 livres); La-
borde, ancien banquier de la cour (100,000 livres); les chanoines de
Sainte-Geneviève (12,000 livres) ; un journalier (24 livres), etc. Total
des deux premières listes : 2,007,321 livres.
Avec la troisième liste (27 mars), la souscription atteignit2,113, 217 li-
vres 12 sous 4 deniers; avec la quatrième (21 mai), 2,211,912 livres
8 sous 4 deniers ;-avec la cinquième (21 juin), 2,226,807 livres 12 sous
4 deniers. — Comme la progression était des plus lentes, le Conseil
rendit, pendant les vacances parlementaires, l'arrêt du 13 octobre
1787 qui « autorisait la Ville de Paris à ouvrir un emprunt de 12 mil-
lions remboursable eu un an, par voie dé loterie, au profit des
hôpitaux ».
1. Imprimerie royale, 12 pages in-4°. Cette pièce est analysée par Hardy, t. VII,
p. 11. iBil). nat., mus 6686.) Elle se trouve annexée à divers journaux, entre
autres au Mercure de France, et aux gazettes qui étaient dans le ressort du
ministre de Paris. 11 en est de même des autres listes, par la publicité des-
quelles la loterie des \i millions fut savamment préparée.
G1G IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
RÉCIT D'UN DE MESSIEURS
A LA CHAMBRE DES VACATIONS DU PARLEMENT SUR L'ARRET DU CONSEIL
DU 13 OCTOBRE 1787 «
Monsieur le président [Le Pclctier] a dit qu'un de Messieurs3 l'avait prévenu
qu'il avait à rendre compte à la Cour d'un objet qui lui avait paru devoir fixer
l'attention de Messieurs.
Alors celui de Messieurs qui était préparé à cet objet, a dit :
Monsieur, le but de la compagnie dans la grande aft'aire qui vient de l'oc-
cuper s ayant été d'empêcher que la charge publique ne soit augmentée par
des moyens illicites, il me semble qu'en conséquence des principes dont elle
a annoncé qu'elle ne se départirait jamais, elle doit porter son attention sur
un imprimé que j'ai l'honneur de lui déférer.
11 a pour titre : Arrêt du Conseil qui autorise la Ville de Paris à ouvrir un
emprunt de 12 millions remboursables en un an, par voie de loterie, au profit
des hôpitaux.
D'abord je m'empresse de déclarer que je suis bien loin de m'opposer à ces
nouveaux établissements que l'humanité sollicite depuis si longtemps. J'at-
taque seulement le moyen par lequel on veut se procurer des fonds, dans la
crainte qu'à l'aide de cette forme illégale ils ne soient employés en même
temps à d'autres destinations.
Cet arrêt du Conseil ou ne contient qu'un emprunt déguisé que fait le gouver-
nement, et pareil à celui qu'il fit au nom de la Ville en 1786; ou il permet réel-
lement à la Ville de Paris d'établir une loterie4. Mais, clans l'une ou l'autre
hypothèse, cette forme me paraît également illégale.
Lorsque l'on est au-dessous de ses revenus, un nouvel emprunt exige né-
cessairement un accroissement d'impôt pour subvenir soit à son rembourse-
ment, soit à ses intérêts : et, suivant les principes établis, la charge de la
nation ne peut être augmentée sans le consentement des Étals généraux, et,
suivant l'usage précédent, un emprunt ne peut être ouvert que par une loi
enregistrée.
Ainsi, si l'arrêt du 13 octobre ouvre un emprunt au profit du trésor royal,
cette forme est illégale, et le Parlement, fidèle à ses principes, doit réclamer
contre cet acte d'autorité.
Si le gouvernement n'a pas intention de profiter des fonds et s'il autorise
seulement par cet arrêt la Ville de Paris à les emprunter, cette opération n'est
pas moins illégale, puisqu'il est constant qu'une ville ne peut être autorisée
1. Arch. mil., X 1b 8987, 23 octobre 1787.
2. Probablement Goislard.
3. L'opposition ù l'édit du timbre et à celui do la subvention territoriale.
4. Le ministère avait eu soin de prendre à cet égard (ouïes les précautions de
forme. C'est le 9 octobre 1787, après un réquisitoire sensible et pompeux du
procureur du roi et <le la Ville, Elliis de Corny, que le bureau supplie le roi
d'acconlec l'autorisation de celle loterie ; l'arrêt, préparé d'avance, fui daté du
13 octobre (Arch. mit., 11. 1958).
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS 617
par un simple arrêt du Conseil à contracter une dette aussi considérable, et
qu'il est également certain en principe que les engagements que le public ou
les particuliers contractent avec les gens de mainmorte sans lettres patentes
enregistrées, sont nuls de plein droit.
En vain, pour échapper à ces principes et à leur conséquence, voudrait-on
distinguer une loterie d'un emprunt. La loterie dont il s'agit est un emprunt,
puisque la Ville reçoit l'argent du public et contracte l'obligation de le lui
rendre : et quoique le terme du remboursement soit court, quoique les quatre
cinquièmes des prêteurs doivent perdre leur mise, quoique l'autre cinquième
doive retirer plus qu'il n'a prêté, quoique la Ville soit autorisée à retenir un
dixième sur les lots pour les hôpitaux : les conditions ne changent rien à la
qualité de l'engagement contracté par elle, il n'est pas moins un emprunt, et
il est nul, s'il n'est revêtu de lettres patentes registrées par la Cour.
A ces considérations puissantes, j'en joindrai une autre qui n'est pas d'une
moindre importance. Si la Ville autorisée par un simple arrêt du Conseil. em-
pruntait une somme de 12 millions sans réclamation de notre part, le gou-
vernement, profitant de cet exemple, ne pourrait-il pas autoriser de même par
des arrêts du Conseil les assemblées provinciales à emprunter chacune séparé-
ment les sommes qu'il leur demanderait, et par ce moyen la délie de l'État ne
serait-elle [pas] portée en peu de temps à une telle somme qu'il n'y aurait
plus de remède?
Je ne pense pas que par l'emprunt que je défère le gouvernement cherche
à se préparer cette' voie. Je le crois éloigné de pareils moyens; mais les mi-
nistres fulurs voudraient peut-être les employer, et c'est à la prudence de la
Cour à prévenir ce danger.
Ainsi, Monsieur, sous quelque aspect que j'envisage cet emprunt, soit comme
ouvert au profit du roi, ou au profit de la Ville, ou enfin connue une lolerie,
sa forme me paraît également illégale.
La délibération du 27 octobre, à ce sujet, aboutit aux mêmes con-
clusions.
DERNIER CONTRAT D'EMPRUNT,
ENTRE LE ROI ET LA VILLE
21 mai 178S
Contrat d'aliénation fait par messieurs les commissaires du roi [de Four-
queux, de La Tour, Guil. Lambert, contrôleur général des finances, Guil. Du-
pleix] à MM. les prévôt des marchands et échevins, pour les rentes perpétuelles
et viagères créées par l'édit de novembre 1787. — Par-devant les conseillers
du roi notaires au Çhàtelet, soussignés, en l'étude de Me Roulard, où est dé-
posée la minute '.
Il s'agissait : 1° de 5,400,000 livres de rentes perpétuelles;
1. Expédition signée Boulard et Duhamel 12 pages parchemin). Arch. nat.,
II. 19o9.
(il 8 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
2° de 3,600,000 livres de rentes viagères. La Ville s'engage à faire
payer « par les payeurs des rentes de ladite Ville » les arrérages de
six en six mois en son Hôtel de Ville, « ainsi qu'il se pratique poul-
ies autres renies ». A cet effet, le trésor royal fera les fonds, dont le
contrat indique la nature: « le tout sous l'obligation el hypothèque
des biens de Sa Majesté ».
EMPRUNT DIRECT DE NECKER
A LA CAISSE DE LA VILLE
RÉQUISITOIRE DU PROCUREUR DU Roi ET DE LA VILLE
ET DÉLIBÉRATION DU BUREAU
13, 17, 21 SEPTEMBRE 1788) '
Vu la lettre écrite par M. Nccker, ministre d'Etat et directeur général des
finances, à M. le prévôt des marchands, en date du 12 du présent mois, et
par lui remise sur le bureau, aujourd'hui samedi '13 septembre, contenant
« que le roi compte dans cette circonstance sur l'assistance de sa bonne Ville
de Paris; que la confiance de Sa Majesté est bien justifiée par la connaissance
qu'elle a des sentiments particuliers de M. le prévôt des marchands et le dé-
vouement fidèle et invariable des magistrats municipaux; que l'état des caisses
de la Ville a fait connaître qu'il serait possible de remettre à sa disposition
une partie des fonds qu'elles contiennent pour les besoins du moment; qu'il
désire que le bureau règle à vue de ses travaux commencés, des diverses me-
sures prises par l'administration municipale, de ses engagements à acquitter,
ce qu'elle peut distraire sans inconvénient, sur les sommes non employées qui
existent, de fixer le montant de ce secours, et pour combien de temps on peut
lui en laisser l'usage; qu'il se propose à cet effet de prendre l'autorisation et
le bon de la main du roi, pour servir à la fois de titre au bureau de la Ville,
de pièce comptable au trésorier, et de sûreté pour le remplacement de ce
fonds ; et de remettre en outre dans les caisses de la Ville des valeurs à
échéances fixes, avec l'intérêt proportionné au terme de ce prêt momentané;
qu'il ne trouverait également aucun inconvénient à faire usage du dépôt ^des
souscriptions destinées à commencer la construction des hôpitaux, jusqu'au
moment où on les emploiera, en observant que ce déplacement serait remis
à la disposition du bureau de la Ville, en totalité, au moment même où cela
serait nécessaire, ou en partie, si quelques souscripteurs réclamaient provi-
soirement leurs fonds sous prétexte du défaut d'activité sur cet objet. »
Vu la lettre à nous écrite le même jour, par laquelle M. le directeur général
des finances, en nous informant des détails de cette demande, observe que
« l'union des fonctions du ministère public, pour le roi et pour la Ville, el
celle de ces deux intérêts qui ne peuvent être séparés par la nature de notre
administration, lui donnent la certitude que notre zèle facilitera l'arrangement
dont il s'agit, et contribuera à en accélérer la consommation ».
1. Arch. nat.. II. 1959.
IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUiNTS 6J9
Il est évident que le premier objet de la sollicitude et de l'attention de la
magistrature municipale doit être de secourir la chose publique. Ce sentiment
est motivé par l'intimité des rapports qui existent entre l'administration du
gouvernement et celle du bureau de la Ville. 11 l'est également par le devoir
et par la reconnaissance, puisque la commune tient tous ses moyens, tous ses
revenus, de la munificence du roi.
Mais il n'est pas moins vrai qu'il eût clé à désirer que les circonstances mal-
heureuses produites par les fautes des administrations précédentes n'eussent
pas donné lieu à l'interruption des plans utiles, des opérations, et du régime
sage que nous commencions à exécuter avec succès, pour le bien de la
nôtre.
En effet, quel gage plus certain de la prospérité de cette administration
municipale que des efforts constants pour atteindre à sa libération, pourvoir
à l'acquittement exact et régulier de ses engagements, et assurer l'exécution
de toutes les dispositions conçues pour l'embellissement et la salubrité de
cette capitale? Il reste au moins à se féliciter de l'existence des moyens qui sont
le fruit de l'attention et de l'économie, puisque dans cette occasion ils peuvent
être employés utilement, et servir à offrir un nouvel hommage de notre dé-
vouement à notre auguste monarque.
Cet hommage au surplus n'est qu'anticipé; et dès que son utilité est cer-
taine, la magistrature municipale se serait fait un devoir de le proposer elle-
même, au milieu de cette assemblée nationale où les Français se trouveront à
la fois au pied du trône et dans les bras d'un père. C'est là que jaloux de
conserver aux yeux de l'univers le caractère qui les distingua dans tous les
temps, toujours également généreux, braves, animés d'un patriotisme éclairé
et pur, d'un amour inaltérable pour leur souverain, ils sauront préserver la
nation de l'opprobre et du précipice, en sacrifiant, s'il le faut, corps et biens.
C'est là que, moins occupés de s'aigrir par le tableau des maux qui se sont
accumulés que du choix des remèdes les plus capables de les adoucir, ils por-
teront toutes leurs vues sur les moyens de réparer le passé, de pourvoir au
présent, et de poser des bases solides pour la prospérité de l'avenir.
r
Ethis de Gorny ajoute que la Ville, en acquiesçant au désir de
Necker, se confie plutôt « à l'homme moral qu'à l'homme d'État ».
Il rappelle que, pour ménager le crédit de la Ville, il est nécessaire de
payer aux termes fixés 1rs indemnités allouées aux propriétaires dé-
possédés par exécution de l'édit de septembre 1780. Il faut songer
aussi aux ateliers de charité.
L'encaisse nette de la Ville, au 13 septembre 1788, était de
1,757,937 livres. L'état de prévision des dépenses pour la fin de l'an-
née est sommé à 818,807 livres. Les fonds libres au lor janvier 178!)
étaient donc de 909,130 livres. Le bureau consentit à prêter un million
à Necker jusqu'à ce terme. Il ne manqua pas de faire observer que,
selon les articles 18 et 19 de l'édit de septembre 1786, la Ville eût dû
toucher 8,250,000 livres sur les 30 millions destinés aux travaux
publics, Or « elle n'en o pas encore consommé quatre, dont 1,000,000 li-
620 IMPOSITIONS, DROITS, EMPRUNTS
vres employées à la seule dépense du pont. Il serait difficile sans doute
de donner une preuve plus convaincante de sa marche économique ».
Le copie de la délibération fut expédiée non seulement à Necker,
mais au ministre de Paris, Laurent de Villed.euil,
XVII
LES FÊTES OFFICIELLES
ET L'ESPRIT PARISIEN
Les documents qui suivent n'ont besoin ni d'un long avant-propos,
ni de grand commentaire. Ils parlent d'eux-mêmes, et leur opposi-
tion marque assez le sens historique qui en découle. D'une part, les
l'êtes officielles, politiques et religieuses à la fois, essayent de ranimer
le vieil esprit monarchique et catholique; d'autre part, les chansons,
les placards, les manifestations de la rue et du théâtre, les excès de
I engouement ou de la haine populaire, l'indifférence croissante pour
les lois ou les coutumes de l'Eglise, sont autant de symptômes de
l'esprit révolutionnaire.
Où en était au juste la foi monarchique à la veille de 1789? Sans
doute les Parisiens avaient fini par en vouloir au roi lui-même, mais
comme certains fidèles en veulent à leurs saints, lorsque ceux-ci
trompent leur espérance et n'exaucent pas leur superstitieuse prière-
Telle est l'impression moyenne qui résulte des documents.
I. — DOCUMENTS SUR LES FETES
ANALYSE DU l'ROCÈS- VERBAL l)E LA PUBLICATION
DE LA PAIX DE VERSAILLES '
Le lundi 25 novembre 1783, à 7 heures du matin, M. de Caumartin,
1. Arch. nat., K. 1001. Ce carton renferme un grand nombre de pièces rela-
tives aux Te Deuin, illuminations, feux d'artifices, distributions de vivres au
peuple, etc., qui ont eu lieu à l'occasion des victoires, prises de villes ou publi-
cations de paix depuis la conquête de la Franche-Comté par Tureuuc (1674)
jusqu'à la (in de la guerre d'indépendance des États-Unis (1183).
(522 LES FÊTES OFFICIELLES
prévôt des marchands, se rend à IMIûtel de Ville, au petit bureau. Il
est accompagné des quatre échevins, du procureur et avocat du roi,
du greffier, du receveur de la Ville, de six conseillers du roi en l'Hôtel
de Ville, et de quatre quartiniers. Tous sont eu robes de cérémonie.
Précédés des dix huissiers audienciers, ils se rendent dans la chambre
des audiences et prennent leurs places ordinaires. Vers 8 heures et
quart, le maître des cérémonies, M. de Nantouillet, se présente, et il
est introduit avec cérémonie dans la chambre des audiences. Il remet
entre les mains du prévôt une lettre close du cachet ordinaire du
roi et une ordonnance de Sa Majesté. Le greffier de la Ville en l'ait
lecture, les deux battants de la porte demeurant ouverts. Aux mots
« de par le roi », le maître des cérémonies, le prévôt, le procureur et
le receveur se découvrent.
L'ordonnance annonçant la paix est contresignée Gravier de Ver-
gennes. Il est observé que cette ordonnance aurait dû être contresi-
gnée de M. A.mclot, comme ministre ayant le département de Paris;
mais qu'étant grièvement malade, M. de Vergennes a signé en son
lieu et place.
Le corps de Ville rend ensuite son ordonnance pour la publication
de la paix.
Le roi d'armes, précédé de six de ses compagnons hérauts d'armes
de France, et de trompettes, litres, tambours, hautbois et cromornes,
arrive ensuite à l'Hôtel de Ville. 11 se place seul et debout dans le
barreau, vis-à-vis du prévôt des marchands, et ses compagnons les
hérauts sont rangés derrière le barreau sur une même ligne.
11 dit : «Nous sommes venus ici pour vous prendre, Monsieur et le corps
de Ville, de la part du roi, pour nous assister ainsi qu'il est accoutumé, à la
publication que nous devons l'aire cejourd'hui par ordre de Sa Majesté en votre
présence et celle de MM. du Chàtelet, de la paix conclue entre Sa Majesté et le
roi d'Angleterre, électeur de Hanovre. »
Le prévôt des marchands envoie ensuite prévenir MM. du Chà-
telet, en portant la parole à M. le lieutenant général de police, que
le corps de Ville est prêt à les recevoir. Les officiers du Chàtelet
viennent dans l'ordre suivant : quinze inspecteurs et sous-inspecteurs
de police — le guet à pied — le chevalier du guet, commandant de
la garde de Paris, à la tète du guet à cheval — les huissiers à verge
— ceux à cheval — neuf huissiers audienciers avec le greffier de la
chambre de police. — le premier huissier audiencier seul — -le greffier
en chef — le lieutenant général de police ayant à sa gauche le lieute-
nant criminel — le premier et le second lieutenants particuliers — les
ET L'ESPRIT PARISIEN
0*23
conseillers — le procureur du roi— six des commissaires au Châtelet.
Quelques jours avant la cérémonie, M. le chevalier Dubois était venu au
bureau observer que lors de la publication de paix de 1749 on avait fait quitter
à M. de Roquemont, commandant de la garde de Paris, et qui avait obtenu
du roi de jouir ce jour-là des honneurs de la place de chevalier du guet, son
bâton de commandement, quoiqu'il n'eût pas dû le quitter en cette dernière
qualité; qu'ayant senti la faute qu'il avait faite et pour éviter toute difficulté,
il n'assista pas ni ses gardes à la publication de 1703; que lui, chevalier
Dubois, étant chevalier du guet en litre, ne croyait pas devoir quitter son
bâton décommandant dans l'Hôtel de Ville, d'autant qu'en cette qualité il le
conserve chez le roi en présence de tous les officiers de sa maison et à Notre-
Dame dans le chœur même ainsi que nous l'avons pu voir nous-mêmes lors
des pompes funèbres au Te Deum. et qu'en conséquence il était venu pour
nous faire part de sa prétention et prévenir toute difficulté, et qu'il nous priait
d'être persuadés que par là il ne prétendait s'arroger aucun droit de comman-
dement dans l'Hôtel de Ville, mais seulement conserver les honneurs de sa
charge. Le corps de Ville lui accorda sa demande, sans conséquence « dans le
cas où on pourrait justifier par un autre exemple que celui du sieur de Roque-
mont que le chevalier du guet ne doit point entrer à l'Hôtel de Ville avec son
bâton de commandement ».
Voici le tableau figuré de la laide du festin donné à l'Hôtel de Ville.
Lieutenant général de police. A A' Prévôt des marchands.
Lieutenant criminel.
lorlieuten. particulier.
9e
Les six plus anciens
Conseillers au Châte-
let par ordre d'an-
cienneté.
Le Procureur du roi au
Châtelet.
Le Chevalier du guet.
Le plus ancien des
Commissaires.
Le Greffier en chef du
•Châtelet.
Les cinq plus anciens
Commissaires au
Châtelet, après le
premier par ordre
d'ancienneté.
1er Ëchevin.
2e
3° —
4° —
1 Procureur et avocat
du Roi et delà Ville.
Greffier en chef.
Receveur.
Les six plus anciens
des Conseillers de la
Ville par ordre d'an-
cienneté.
Les quatre plus anciens
des Quartiniers, par
ordre d'ancienneté.
V \ Le Capitaine général,
colonel des quatre
compagnies (Gardes
de la Ville).
o 2/ "o 2" "Z 2' ° co 2' o 2' H <5-
&3 p o' w O £: O fti -T- ftî o -:
C G c: C >-i c.
5
CD
ri Ç a a c Ç c
*§~& &§■! 555*8
624 LES FÊTES OFFICIELLES
Les saules lurent portées à intervalles réglés, par le prévôt des
marchands, dans Tordre suivant : 1° celle du secrétaire d'Etat de
Paris ; 2° celle du gouverneur de Paris ; 3° celles des princesses, de
leurs enfants, et des princes du sanji'; 4° celles du dauphin et de la
dauphine; 5° celles du roi et de la reine.
ORDONNANCE du prévôt des marchands Caumartin, pour la publication de
la paix et son affichage « sur les ports, ponts, passages et autres lieux de notre
juridiction, à la diligence des huissiers-audienciers et commissaires de police
de l'Hôtel de cette ville, et des maîtres des ponts1 ».
Pour les publications, le cortège des officiers de l'Hôtel de Ville et
du Chàtelet, parti de l'Hôtel de Ville, s'arrête successivement : 1° au
Carrousel; 2° cour du Palais, vis-à-vis le mai; 3° devant l'Hôtel de
Ville; 4° devant le Grand Chàtelet; 5° sur le Pont-Neuf, vis-à-vis la
statue équestre de Henri IV; 6° à la Croix du Trahoir; 7" à la Halle,
vis-à-vis le pilori; 8n place des Victoires; 0° place de Louis-le-Grand ;
10° place de Louis XV; 11° place du pont Saint-Michel; 12° place
Maubert, 13° place Royale; 14° place Baudoyer.
Rentrée à l'Hôtel de Ville.
EXTRAIT ET ANALYSE
DE L'AFFICHE ANNONÇANT LE TE DEJJM
POUR LA PAIX DE VERSAILLES
DE PAR LES PRÉVÔT DES MARCHANDS ET ÉCI1EVINS
DE LA VILLE DE PARIS 2
Avis au public
Le Te Deum en actions de grâces pour la paix et les fêtes préparées par la
Ville auront lieu dimanche prochain 1 i décembre 1783.
DÉTAIL DES FÊTES.
Tocsin de l'Hôtel de Ville, depuis sept heures du malin jusqu'au soir. —
Décharge d'artillerie à 7 heures du matin. — Autre décharge au Sanctus du Te
Deum. — Lnc heure avant le feu d'artifice, un coup de canon annoncera que
les voitures ne pourront plus arriver, par aucune issue, à la place de l'Hôtcl-
de-Ville. — Feu d'artifice, accompagné de l'artillerie, à 6 heures.
L Arch. nal., K. 1001. — 25 nov. 1783.
if Arch. nal., K. 1001.
ET L'ESPRIT PARISIEN 62o
Distributions au peuple : dix-neuf sont indiquées à dix-huit emplace-
ments. On mentionne celles du greffier de la ville, du receveur, du
duc de Brissac, gouverneur de Paris, du baron de Breteuil, du prévôt
des marchands, de chacun des quatre échevins, et du procureur du
roi et de la Ville. — L'heure ordinaire est H heures du soir. — Or-
chestres garnis de musiciens.
De plus, à la nouvelle Halle (aux blés), une seule distribution des
deux buffets et des deux fontaines en même temps à o heures. ■ —
Nombreux orchestre au centre. — Illuminations.
DESCRIPTION DU FEU D'ARTIFICE
ORDONNÉ PAR MM. LES PRÉVÔT DES MARCHANDS ET ÉCHEVINS
DE LA VILLE DE l'A RIS
POUR CÉLÉBRER LA PAIX DE VERSAILLES '
... C'est surtout dans la Halle aux blés, qui vient d'être couverte d'une ma-
nière si ingénieuse par MM. Le Grand et Molinos, que le peuple pourra se
rassembler. Les distributions de pain, vin et comestibles y seront abondantes;
un grand et nombreux orchestre, posé au point central, procurera les moyens
de danser dans toute l'étendue de son intérieur*, qui sera éclairé par plus de
six mille lumières placées et distribuées jusque dans la coupole...
FÊTE ANNIVERSAIRE
DE LA RÉDUCTION DE PARIS SOUS L'OBÉISSANCE DU Roi HENRI IV
LETTRE DE CACHET AU PARLEMENT
De PAU LE KOY,
Nos amés et féaux, notre bonne ville de Paris étant obligée de s'acquitter
dignement du vœu qu'elle a t'ait à Dieu d'une procession générale le 22 mars
de chaque année, en reconnaissance des grâces particulières qu'elle a reçues
à pareil jour, et qui a été remise attendu la quinzaine de Pâques, nous vous
mandons et ordonnons que, sans assister à ladite procession, vous ayez seule-
ment à vous trouver en corps de cour et en l'ordre accoutumé en l'église du
grand couvent des Auguslins à l'heure que vous indiquera le grand maître ou
le maître des cérémonies, pour entendre la messe qui y sera célébrée, après
laquelle nous voulons que, pour éviter toute confusion, vous ayez à sortir par
la porte d'en bas du chœur, ainsi qu'il a été observé les années précédentes.
1. Pièce in-4', 4 pages (Lottin aine).— La description est anticipée, car le per-
mis d'imprimer, distribuer et colporter est du 3 décembre et la tète du 14.
2. Ce vaisseau, qui a la même dimension que le dôme de l'église de Saint-
Pierre de Rome, a cent pieds de diamètre, trois cents de circonférence et cent
d'élévation. Il est percé de vingt-cinq portigues. (Note de la Description.)
40
G2G LES FÊTES OFFICIELLES
Si n'y faites faute. Car tel est notre plaisir. Donné à Versailles le 8 mars
'1789*
Signé : Louis.
Et plus bas : Le Baron nrc Breteuil1.
PROCÈS-VERBAL DE LA CEREMONIE
Monsieur le président Molé. Messieurs Le Riche, Clément de Verneuil, Clé-
ment de Blavette, conseillers. M. Guyot de Chenizot, maître des requêtes. —
Messieurs conseillers des enquêtes et requêtes Fagnier, Bodkin, Boissel, Sa-
lamon, Sentier, Paris, Agard, Blondel, Esmangart, Sallier, Barrême, Le Roy,
Quatrefages, d'Aligre. — MM. Cli. Henry d'Ambray, avocat du roi; François-
Louis Dufranc, secrétaire de la Cour; François Bernard, premier huissier.
Ce jour, Messieurs les Président, conseillers et autres officiers ci-dessus
nommés, en robes rouges et chaperons fourrés (Monsieur le président ayant
été prendre sa robe rouge à la buvette), assemblés en la grand'chambre pour
se rendre, conformément aux ordres du roi et à l'arrêté de la Cour du 20 de
ce mois, en l'église du couvent des Grands-Auguslins, et y assister à la messe
et aux prières qui y seront dites en actions de grâces de l'heureuse réduction
de cette ville de Paris sous l'obéissance d'Henri IV, ayant été avertis vers les
dix heures et demie que la Ville était passée pour se rendre à Notre-Dame,
ont à l'instant pris place, et les gens du roi ont été mandés; eux entrés et
placés, Messieurs se sont levés et sont partis en corps de Cour, les huissiers
marchant devant eux, et frappant de leurs baguettes; et après eux, le secré-
taire de la Cour, le premier huissier marchant immédiatement devant la per-
sonne de M. le président, qui avait à sa gauche M. Guyot, maître des requêtes,
derrière lui MM. les conseillers de la grand'chambre par ordre de réception
ainsi que MM. les conseillers des enquêtes et requêtes qui les suivaient; après
lesquels marchait l'avocat général, précédé d'un huissier. En cet ordre Mes-
sieurs ont passé par le parquet des huissiers et ont traversé la grande salle
du Palais, des archers de la Ville qu'ils ont trouvés à la porte extérieure dudit
parquet des huissiers marchant devant la compagnie et la côloyant; sont des-
cendus par le grand escalier de la cour du mai, sont sortis par la grille du
milieu de ladite cour et ont été toujours dans le même ordre et accompagnés
desdits archers de la ville, par la rue de la Barillerie, par-dessus le pont Saint-
Michel, et par le quai des Augustins en ladite église du couvent des Grands-
Auguslins ; lorsqu'ils y sont arrivés, les cloches ont sonné, et les religieux qui
étaient venus pour les recevoir et qu'ils ont trouvés en dedans de l'église, à sa
1. Arch. nal., X In 8990. — Voyez aussi K. 1004, nos 15, 19. — La procession,
la messe et la cérémonie anniversaires de la réduction de Paris en l'obéissance
du roi Henri IV réunissaient^ eu principe, le corps de Ville, le Parlement, la
Chambre des comptes et la Cour îles aides. La Ville fait les invitations. Le roi
dispense en général les Cours souveraines de la procession. Le corps de Ville
prend le clergé de Notre-Dame après la messe de la métropole. On se rend aux
Grauds-Augustins, où la messe d'actions de grâces est célébrée. On dine aux
Chartreux. — Lorsque le -22 mars tombait dans la semaine sainte, la cérémonie
était remise au vendredi suivant le dimanche de Quashuodo.
ET L'ESPRIT PARISIEN G27
principale porte, ont encensé monsieur le président et lui ont présenté de
l'eau bénite, ainsi qu'à tous messieurs, et à monsieur l'avocat général, laquelle
eau bénite ils avaient également présentée au secrétaire de la Cour et au pre-
mier huissier à leur entrée dans ladite église. Et au premier pilier étaient le
grand maître, le maître et l'aide des cérémonies, qui, s'étant avancés vers
monsieur le président, se sont placés à côté de lui, après avoir fait les révé-
rences ordinaires, le grand maître à sa droite et le maître et l'aide à sa gauche,
et ont conduit la compagnie dans, le chœur, laquelle s'y est placée suivant
l'usage ordinaire, aux hautes stalles à droite, monsieur ic président dans la
première à côté de la grande porte; après lui, monsieur Guyot, maître des
requêtes, et ensuite messieurs les conseillers de grand' chambre et des en-
quêtes et requêtes, par ordre de réception; et dans les basses stalles monsieur
l'avocat général, vis-à-vis celle où était placé monsieur le président, à côté de
lui M° François-Louis Dufranc, secrétaire de la Cour, et ensuite le premier
huissier et les huissiers de la Cour. Les autres compagnies venues ensuite et
placées aussi à l'ordinaire, et la procession de l'Église de Paris arrivée, suivie
des officiers de la Ville, la messe et les prières en actions de grâces de l'heu-
reuse réduction de celle ville de Paris sous l'obéissance du roi Henri IV ont
élé dites, auxquelles la compagnie a assisté, ainsi qu'il est d'usage; après
lesquelles la procession de l'Église de Paris sortie dans le même ordre où elle
était entrée, suivie des officiers de la Ville, Messieurs se sont levés, sont sortis
par la grille du chœur donnant dans la nef, par laquelle ils étaient entrés, et
ont été en corps de Cour jusqu'à la grande porte de l'église où chacun s'est
séparé.
Vu : Mole de Champlatreux'.
LE DINER CHEZ LES CHARTREUX . .
En 1789, le dîner traditionnel chez les Chartreux fut converti, sur
le vœu de la Ville, en une aumône de 1,000 livres donnée par les Char-
treux, afin de délivrer les prisonniers pour mois de nourrice. C'est
une lettre de l'archevêque de Paris, de Juigné, au prieur des Char-
treux, Félix de Nouant, qui avait amené la délibération du bureau de
la Ville à ce sujet (17, mars 1789). Voici cette lettre, d'après une copie
certifiée conforme par le destinataire.
Paris, ce 5 mars 1789.
Je sais, mon révérend père, que votre maison est dans l'usage de donner
tous les ans deux repas somptueux, l'un à la Ville et l'autre à MM. les fer-
miers généraux. Je sais aussi que feu M. de Bcaumont avait représenté à
votre prédécesseur que ces repas, surtout en carême, donnaient lieu à de
mauvais propos dans une maison de pénitence; indépendamment de -ces mo-
tifs,je crois devoir également vous représenter que, dans le temps de calamité
où nous sommes, il me paraîtrait plus à propos d'employer en bonnes œuvres
I. Minute du 23 mars 1789, du matin (X U8990i.
628 LES FETES OFFICIELLES
l'argent qu'il en coule pour ces repas ; d'après la connaissance que j'ai des
sentiments de religion, de charité et de bienfaisance qui animent M. le prévôt
des marchands et tous les membres du corps de Ville ainsi que MM. les fer-
miers-généraux, je suis persuade que ces messieurs ne se refuseraient pas à
la proposition que vous leur feriez, de changer en une bonne œuvre les repas
dont il s'agit. Vous les assureriez en même temps que cette bonne œuvre ne
diminuerait rien sur vos aumônes ordinaires Vous pourriez aussi prier ces
messieurs de faire mettre dans le journal de Paris que M. le prévôt des mar-
chands cl le corps de Ville, à qui les RK. PP. Charlreux donnaient ious les.
ans un grand repas, ont proposé à ces révérends pères de changer en une
bonne œuvre la dépense occasionnée par ce repas, ce qu'ils ont fait en en-
voyant cent pistolcs pour la délivrance des prisonniers. On pourrait remettre
cctlc somme à la Société philanthropique, si ces messieurs le jugeaient à
propos. Quant au repas de MM. les fermiers généraux, vous pourriez destiner
une somme de 1 ,200 livres pour le même usage, cl faire insérer également
dans quelques papiers publics ce qui a été fait à cet égard. Au surplus, mon
révérend père, c'est de ma part une idée qui me parail avoir le bien pour
objet, et vous ne sauriez rien faire de mieux que de vous en rapporter à ce
que ces messieurs décideront.
Vous connaissez la sincérité des sentiments avec lesquels je suis, mon révé-
rend père, votre très humide et très obéissant serviteur. Signé ■ Ant.-É. L.,
archevêque de Paris \
AUTRES FÊTES POLITIQUES ANNUELLES
Outre les fêtes nombreuses dans lesquelles domine le caractère
religieux (comme celle de sainte Geneviève, patronne de Paris), et les
fêtes de circonstance [Te Deum pour les victoires remportées, publi-
cations de paix), il y a deux fêtes essentiellement monarchiques dont
la célébration annuelle remonte à Louis XIII.
La première est la procession du jour de l'Assomption, commémo-
rative du vœu de Louis XIII, qui mit son royaume sous la protection
de la sainte Vierge, en 1(>3S. Au XVIII" siècle, les rues par où la pro-
cession passe sont tapissées suivant l'ordonnance du lieutenant général
de police, et les coins des rues gardés par le guet ou par les gardes
de la ville. Le quartinier de la Cité a un mandement pour faire tendre
les chaînes, « mais cela ne subsiste plus » 2.
1. Arch. nat., K. 1005, pièce annexée à la délibération du 17 mars 1780.
2. Arch. nat., K. 1004, iv* 22, 20, 34. -- A la procession du i.'i août 1788, dit
Hardy à celle date, on vit. ce qui n'était pas encore arrivé depuis 1638, époque
du vœu «le Louis XI11 , les cours souveraines, suspendues ou supprimées en
partie, ne point assister à la procession. Mais les prévôt des marchands et éche-
yins, et les autres officiers du corps de Ville, seuls assistants, « avaient très
soigneusement observé de s'y placer un à un du côté gauche, tandis que tout le
côté droit se trouvait occupé par un rang de soldats de la compagnie des gardes
de la Ville ».
ET L'ESPRIT PARISIEN i>29
La seconde est la fête <le saint Louis. Le 25 août, les Carmes font
aux Tuileries une procession à laquelle ils invitent la Ville. Ils pré-
sentent « à chacun de messieurs un bouquet et un morceau de pain
bénit, ainsi qu'au greffier », Dans le trajet de la place Maubert aux
Tuileries, on s'arrête rue de la Ferronnerie, à l'endroit où tomba
Henri IV, afin de «lire le De prof un dis '. Le jour de la Saint-Louis est
le seul où le jardin des Tuileries soit ouvert aux gens mal vêtus 2 ; il
en était de même du Luxembourg, du Jardin du roi, de la place
Royale 5.
Les fêtes publiques, quelles qu'elles soient, ont un caractère obli-
gatoire, et doivent être chômées.
t. - AFFICHE de la Ville (30 août 1713)+.
De par les prévôt des marchands et échevins de la ville de Paris,
11 est enjoint., ouï et ce requérant le procureur du roi et de la Ville, à tous
bourgeois et habitants de celle ville et faubourgs, en exécution des ordres de
Sa Majesté, de faire demain jeudi trente-un du présent mois, huit à neuf
heures du soir, des feux au-devant des portes de leurs maisons, pour marque
de réjouissance publique, à cause de la prise de Landau, à peine de dix livres
d'amende contre chacun des contrevenants..,
BlGNON.
En exécution de la lettre du roi du 28 août 1713, donnée à Marly et
contresignée Phélypeaux.
2. — ORDONNANCE concernant les illuminations (du 5 déc. 1783) 5.
Il est enjoint, ouï et ce requérant le procureur du roi et de la Ville, en exé-
cution des ordres du roi, et de l'arrêt de la cour, à tous bourgeois et habitants
de cette ville, de faire des illuminations aux façades de leurs maisons, di-
manche prochain, sept du présent mois, jour auquel Sa Majesté a ordonné
que le Te Deum soit chanté dans l'église métropolitaine de cette ville, en
action de grâces de la paix.
Il est. mandé aux quartiniers et huissiers-audienciers et commissaires de
police de l'hôtel de cette ville, de tenir la main à l'exécution des présentes, qui
seront lues, publiées et affichées partout où besoin sera, et exécutées nonob-
stant opposition ou appellation quelconques, et sans préjudice d'icelles.
1. Arch. nat., K. 1004, n° 24.
2. Jèze, censeur royal, auteur de l'État de l'aris (lf60), croit devoir excuser le
roi de cette condescendance dont les honnêtes gens se plaignaient. Il écrit (par-
tie III, p. 15) : « 11 es! juste que la maison du l'ère commun des citoyens soit,
le jour de sa fête, ouverte à tout son peuple. »
3. On redoutait les rassemblements illicites; c'est le duc d'Orléans qui, le pre-
mier, leur donna un asile au Palais-Royal.
4. Arch. nat., K. 1002.
3. Arch. nat, K. 1001,
G30 LES FÊTES OFFICIELLES
Fait au bureau de la Ville, le 5 décembre 1783. Caumartin (et les quatre
échevins).
BOURSE DE CENT JETONS
PRÉSENTÉE AU ROI PAR LA VILLE, LE lcv JANVIER
L'usage ancien était de présenter une bourse de cent jetons d'or '.
Turgot et La Vrillière se firent adresser des lettres par le prévôt des
marchands La Michodière, afin qu'en 1775 les cent jetons d'or
fussent remplacés par cent jetons d'argent.
Lettre de La Michodière au duc de La Vrillière
21 SEPTEMBRE 1770
Monsieur,
Vous vous rappelez sans doute qu'au mois de janvier 1766, année cinquan-
tenaire du règne du feu roi, le bureau de la Ville, voulant témoigner à Sa
Majesté le respect et l'attachement du corps de Ville pour sa personne, lui a
demandé la permission de lui offrir une bourse de jetons d'or... Depuis ce
temps la bourse de jetons d'or lui a été présentée toutes les années... Vous
savez que les finances de la Ville sont épuisées par les dépenses des différents
établissements qui ont été commencés sous le règne du feu roi, et qu'il y a
un grand nombre de dettes arriérées que je ne puis payer faute de fonds 2...
Lettre analogue à Turgot, 29 septembre 1774.
Réponses favorables de La Vrillière, 29 septembre 1774, et de Turgot,
7 octobre.
PAINS BÉNITS
Tous les sept ans, la Ville rend les pains bénits à l'hôpital du Saint-
Esprit, le jour de la Pentecôte ; tous les cinq ans, la même céré-
monie a lieu à la chapelle des Tuileries ; tous les trois ans à Saint-
Jean-en-Grève, paroisse de l'Hôtel-de-Ville, le jour de Pâques ; tous
les ans, à la chapelle du Louvre, pour la Saint-Louis, fête du roi.
FEUX DE LA SAINT-JEAN
En voici une description, qui se rapporte au 23 juin 1745 :
i. La dépense était de 7,000 livres. — Le 1" janvier 177"), le prévôt des mar-
chands présenta une bourse de cent jetons d'argent. — Voir, au musée Carna-
valet, des spécimens de ces jetons et de ces bourses.
2. Arch. nat., K. 1000, n<> 112. Reg. f" 74 v°.
ET L'ESPRIT PARISIEN 031
Messieurs étaient ornés de leurs bandolières de tleurs, bracelets et bou-
quets, dont celles de M. le prévôt des marchands étaient blanches, et les
autres de tleurs mêlées, et noués aux deux bouts par de larges rubans bleus
moirés. Ils tirent trois tours de la place autour du l'eu de bois où était un
arbre au milieu. Au troisième tour le juré mouleur de bois présenta le flam-
beau à M. le prévôt des marchands qui mit le l'eu au bûcher et Messieurs en
firent de même avec les flambeaux que leurs gens de livrée leur présentèrcnl.
Il y a eu deux différentes ordonnances pour la construction des échafauds,
une pour la sûreté des marchandises dans le port, un marché de 700 livres
pour la peinture du feu, et un marché de 2,200 livres pour l'artifice, et un
élat de collalion '.
COLLATIONS
§
Les états de collations pour la Saint-Jean s'élèvent en général à
3,400 livres environ. Voici, à titre d'exemple, l'analyse d'un État des
collations fournies à l'Hôtel de Ville do Paris, lorsque le feu d'artifice
a été tiré devant V Hôtel de Ville la veille de la fête de saint Jean-
Baptiste en 1724 (date de l'état, 27 juin] 2.
Le total est de 3,387 livres, sur lesquelles :
400 livres sont attribuées au gouverneur de Paris,
400 au prévôt des marchands,
300 au premier échevin,
600 aux trois autres échevins,
200 au procureur du roi,
100 à l'avocat du roi,
400 aux grefliers et au receveur,
300 aux conseillers de ville,
200 aux quartiniers,
2,900 livres.
Les 487 livres restantes sont réparties par petites sommes de
25 livres à 6 livres entre les autres officiers de la Ville (vingt et un
articles). Cette dépense, qui se renouvelait à toutes les fêtes ordinaires
ou accidentelles (victoires, prises de villes, célébrations de paix, pro-
cessions des reliques, etc.), était réglée par le receveur des domaines,
dons, octrois et fortifications de la ville.
Il y a aussi des demi-collations (1,500 à 1,700 livres).
1. K. 1004, iio s.
2. Arch. nat., K. 1003.
632 LES FÊTES OFFICIELLES
LITS DE JUSTICE A PARIS
Lorsque le roi vient à Paris tenir son lit de justice, les canons de
la Bastille et des Invalides saluent son entrée et sa sortie. Quant à
ceux de la Ville, il n'est pas d'usage qu'ils tirent pour cette céré-
monie ; les mes où le roi doit passer sont sablées, et le guet à pied
échelonné aux coins successifs >.
NAISSANCE D'UN DAUPHIN
On célèbre d'abord un Ta Deum au Palais de justice, et la cloche du
Palais sonne pendant deux jours. Puis un autre Te Deum, plus so-
lennel, est célébré à Notre-Dame. Le premier président du Parlement
va ensuite complimenter le Roi, et le Dauphin, que depuis 17:2!) il
doit appeler « Monseigneur 2 ».
Le procès-verbal du Parlement en date du 28 novembre 1781 con-
tient le singulier discours de cérémonie prononcé en présence du
premier Mis de Louis XVI, « posé sur des oreillers dans un berceau
placé au milieu d'un lit de damas rouge garni de galons et crépines
d'or, tous les rideaux ouverts, et Mme la princesse de Guéménée,
gouvernante des enfants de France, debout au pied du lit 3 ».
RÉCEPTION DE PRINCES ÉTRANGERS
En 1784, Paris reçut Gustave III de Suède, qui voyageait sous le
nom de comte de Haga4, et le prince Henri, frère du roi de Prusse
Frédéric II, sous celui de comte d'Oels. L'un fut accompagné en
public et au Parlement par le baron de Staël, ambassadeur de Suède
en France, l'autre par Grimm, ministre plénipotentiaire du duc de
Saxe-Gotha s.
1. Arch. nat., K. 1006, n° 90 (3 juin 1763). Dans cette circonstance, Louis XV
se transporta du château de la Muette aux Tuileries, puis au palais.
2. On attend les relevailles de la Reine pour la complimenter. — Voyez Arch.
nat., X lu 8976, procès-verbaux des 23 octobre, 26 octobre et 28 nov. 1781.
3. Le 27 déc. 1780, après la mort de Marie-Thérèse, le Parlement, en corps,
vint offrir ses compliments do condoléance au roi et à la reine (Arch. nat., X 1b
8975, procès-verbal du 29 décembre 1780).
4. Le procès-verbal du Parlement du 22 juin 1784 (X 1b 8981) note que Gus-
tave III était curieux de voir une séance du Parlement, « d'autant que l'usage
des audiences publiques et des plaidoiries ne se pratique point au Sénat dont le
roi de Suède est le chef à Stockholm, ni dans lous ses Liais ».
5. Arch. nat., X 1b 8981 (22 juin, 27 août 1784).
ET L'ESPRIT PARISIEN 633
LE BUREAU DE LA VILLE ET LE PARLEMENT '
(CÉRÉMONIAL)
Ce jour, à l'issue de l'audience de sept heures, les gens du roi sont entrés,
et (Mc Antoine-Louis Séguicr, avocat dudit seigneur roi, portant la parole),
ont dit : que les officiers du bureau de la Ville étaient au parquet des huis-
siers, et demandaient à entrer pour présenter à la Cour une ordonnance con-
cernant les nouvelles membrures qu'ils croyaient devoir faire établir dans les
chantiers de cette ville. A l'instant, les officiers du bureau de la ville mandés,
entrés, et placés dans le bureau du côté du greffe, ont été entendus. Après
quoi les gens du roi se sont levés, et (ledit Mc Antoine-Louis Séguier, avocat
dudit seigneur roi, portant la parolej,ont dit qu'ils avaient pris communication
de l'ordonnance dont les officiers du bureau de la Ville demandent l'homo-
logalion ; ... qu'ils requéraient qu'il plût à la Cour ordonner que ladite ordon-
nance serait homologuée pour être exécutée suivant sa forme et teneur; et
que l'arrêt à intervenir, ensemble ladite ordonnance, seraient à la diligence
du procureur général du roi, imprimés, publiés et affichés partout où besoin
serait; enjoindre au substitut du procureur général du roi au bureau de la
ville, de tenir la main à l'exécution de l'arrêt à intervenir, et d'en certifier la
Cour. — Et se sont lesdits gens du roi retirés, ainsi que les officiers du bureau
de la ville. — Eux retirés (suit la teneur de ladite ordonnance .
INAUGURATION DU BUSTE DE LAFAYETTE
(PAR HOUDON)
DANS LA GRANDE SALLE" DE L'HOTEL DE VILLE
28 SEPTEMBRE 178G, A MIDI
En vertu de deux délibérations des Etats de Virginie (17 décembre
1781 et 1er décembre 1784), Jefferson, ministre plénipotentiaire des
Etats-Unis près le roi de France, avait été chargé de commander en
leur nom un buste, du marquis de Lafayette, et de l'offrir au bureau
de la Ville. Le roi approuva cette offre (lettre du baron de Breteuil,
10 septembre 1780). On prit jour pour la cérémonie le 15 septembre,
et elle eut lieu le 38.
Discours du prévôt des marchands. — Lettre «le Jefferson (qui étant
malade envoya son secrétaire Short). — Texte et traduction de la
délibération des États de Virginie. — Discours de M. Éthis de Corny,
avocat et procureur du roi et de la Ville (12 pages); au milieu de dé-
clamations contre le despotisme anglais, et des louanges obligées au
1. Arch. nat., K. 1050.
634 LES FÊTES OFFICIELLES
chevalier de la liberté, ce discours comprend un passage significatif:
Au moment de la réception de M. le marquis de Lafayette au grade de capi-
taine, ce fut entre mes mains qu'il prononça le serment ordinaire. On sait que
l'obligation de ne servir aucune puissance étrangère fait partie de cette for-
mule. Depuis, revêtu, lui, d'un habit d'officier général américain, moi, de celui
de son aide de camp et de lieutenant-colonel de cavalerie sous ses ordres... je
lui dis que quoi qu'il eût juré entre mes mains, à mille lieues du point où nous
nous trouvions alors, de ne jamais servir de puissance étrangère, je trouvais
bien doux, bien juste que le complice eût la même destination que le parjure.
11 ne manquait, Messieurs, à ces deux circonstances que celle de me voir au-
jourd'hui appelé par mes fonctions actuelles à requérir que, conformément aux
intentions du roi, son buste soit placé parmi nous, et que cet hommage mé-
morable consacre à jamais le souvenir de sa gloire et de ses vertus... Notre
auguste monarque confirme par son suffrage celui des deux mondes... A quel
degré de splendeur ne doit pas parvenir une nation libre qui n'est courbée
sous le poids d'aucun préjugé * ?
IL — DOCUMENTS SUR L'ESPRIT PARISIEN
LES JOURS GRAS ET LE CARÊME EN 1789
(23, 24, 25 février)
Du lundi gras 23 février. — Ce jour, nonobstant les calamités multipliées
qui désolaient depuis un an notre capitale et ses environs, nonobstant la cherté
du pain et de presque tous les autres comestibles, les folies, les extravagances
annuelles du carnaval ne perdent rien de leur bruyant éclat : on voit comme
la veille, rue Saint-Honoré, depuis la rue de la Ferronnerie jusqu'à l'extrémité
du faubourg, une prodigieuse quantité de mascarades tant à pied qu'à cheval,
même à âne ou en voiture, sous les costumes les plus grotesques, quelques-
uns sous des costumes indécents. 11 semblait que l'on voulût enchérir chaque
année sur le hideux révoltant des ligures données aux différents masques
destinés à couvrir et à déguiser des visages qui ne conservaient plus rien
d'humain. Une telle continuité de délire public attire en cet endroit (car le
faubourg Saint-Antoine avait cessé d'être en vogue pour ce genre de spectacle,
quoiqu'il prêtât pourtant beaucoup plus à la parade que tout autre lieu) un
très nombreux concours de curieux et de spectateurs, et par bonheur on n'en-
tend point dire qu'il y fût arrivé aucune espèce d'accident.
Du mardi gras 24 février. — Ce jour, les scènes théâtrales, amusantes et
risibles de la rue Saint-Honoré, se renouvellent comme la veille, au grand
contentement des habitants de ce canton, et de tous les amateurs des scènes
comiques et tumultueuses, qui ne manquent pas de s'y réunir encore en grand
t. Les minutes relatives à cette cérémonie d'un caractère unique (et déjà, en
dépit de l'approbation du roi, révolutionnaire) sont dans le carton K. ÎOO.'J des
Arch. nat. Cf. Le Roux de Lincy, ouv. cité, p. 53, et Thierry, Guide des amateurs
et étrangers voyageurs à Paris (1787), t. Il, p. G84.— La place du buste était sur
la cheminée du fond de la grande salle.
ET L'ESPRIT PARISIEN 635
nombre. Indépendamment des mascarades très variées que l'on y rencontrait,
il s'en trouvait également de répandues dans les différents quartiers pour
amuser le menu peuple, et l'on ne doutait pas que la police n'eût contribué,
suivant l'usage constant, à les multiplier, car chaque année elle avait coutume
d'en soudoyer un grand nombre... •
Du mercredi des cendres 25 février. — Ce jour entre 10 et 11 heures du
matin, un prêtre ex-jésuite nommé Kcire, membre de la communauté des Eu-
distes, rue des Postes, faubourg Saint-Marcel, ...prêche son premier sermon
sur le jeûne1... Il ne paraissait pas qu'on fût disposé à mieux observer en
1789 qu'on ne l'avait fait en 1788 la loi de l'abstinence : je veux dire, qu'il ne
paraissait pas qu'on fût disposé à s'y soumettre autrement que par une priva-
tion involontaire et forcée des aliments dont le prix excessif ne permettrait pas
au plus grand nombre de faire usage. Car les bouchers, les rôtisseurs-trai-
teurs, les pâtissiers,' et les chaircuitiers se disposaient à vendre comme en
tout autre temps. Les infractions à celte loi de l'Eglise, qui n'était presque plus
connue ni observée pendant le reste de l'année dans la plupart des maisons de
notre capitale, où elle ne s'observait pas fort souvent les vendredis de chaque
semaine, semblaient se multiplier encore dans le temps où elle était le plus
spécialement prescrite et recommandée, sans qu'une telle conduite eût rien,
dans l'état actuel des choses par rapport à la religion, qui dût exciter la sur-
prise.
PREMIER SERMON
OU IL AIT ÉTÉ QUESTION DES ÉTATS GÉNÉRAUX
Le 29 mars 1789, Hardy note un sermon de l'abbé de Bologne,
prédicateur du roi, dans l'église des chanoines-réguliers de la Croix-
Rouge. C'était peut-être, dit-il, « le premier orateur chrétien qui eût
pris sur lui de parler en chaire des futurs États généraux 2 ».
PREMIÈRE PROMENADE DES JOURS SAINTS
AU BOIS DE BOULOGNE
8 avril 1789
Ce jour dans l'après-midi, nonobstant l'incertitude du temps qui était som-
bre et nébuleux, nonobstant toutes les calamités actuelles sur lesquelles il y
avait tant à gémir, les personnes inoccupées et embarrassées, pour ainsi dire,
de leur existence, par l'interruption forcée de tous les spectacles que prescri-
vait encore un reste de respect au moins apparent pour les augustes mystères
de la religion, ne laissent pas de se rendre avec affluence dans les allées du Bois
de Boulogne pour la promenade périodique qui avait perdu le nom de prome-
nade de Longchamps. Elles y sont précédées ou suivies par ces fameuses
impures, moins curieuses de voir que d'être vues, d'étaler leurs charmes
1. A Notre-Dame, pour l'ouverture du carême. — Hardy, t. VIII, aux dates.
2. Hardy, t. VIII, p. 271.
636 LES FÊTES OFFICIELLES
séducteurs, et d'éblouir la multitude indignée de leur faste, par le spectacle
aussi scandaleux que brillant de leurs élégantes parures, de leurs chars somp-
tueux auxquels elles attachaient leurs esclaves. On y demeure jusqu'à la chute
du jour, et bien des gens suivant la coutume n'en reviennent que fort tard,
après de petits soupers auxquels n'avait point présidé l'abstinence de tout ce
dont la circonstance devait comme naturellement interdire l'usage I.
Dans l'après-midi (du 9 avril), comme le temps était plus serein et beaucoup
plus beau que la veille, la promenade annuelle des allées du Bois de Boulogne,
qui se faisait cette année de la Porte-Maillot au château de Madrid, est encore
plus fréquentée... Les carrosses de place, appelés par allusion aux circonstan-
ces le Tiers-état, n'avaient point la permission d'entrer clans le bois, et étaient
obligés de se ranger en file après avoir descendu leur monde à la porte :
comme aussi, lorsque les compagnies voulaient s'en retourner, ces mêmes
carrosses, dits du Tiers-état, étaient obligés d'enfiler touL droit un chemin qui
conduisait dans le faubourg Saint-Honoré, au lieu de prendre la route de l'an-
cienne grille de Chaillot actuellement détruite, et des Champs-Elysées, réservée
seule pour les carrosses bourgeois, de remise, etc., afin d'éviter toute confu-
sion 2.
L'ASSOMPTION
FÊTE DE LA VIERGE, PATRONNE DU DIOCÈSE DE PARIS
15 AOUT 1787
On voit se renouveler dans l'église métropolitaine... le même scandale qu'en
1786 à semblable époque, par un effet tout naturel de la musique aussi indé-
cente qu'extraordinaire ainsi que des symphonies introduites dans cette église,
du consentement du chapitre, par le sieur abbé Lesueur, nouveau maître de
chapelle, qui avait su y attirer tous les oisifs, tous les amateurs de spectacles,
on pouvait même dire, tous les impies de la capitale, au point qu'il n'était
même pas possible d'y entendre la messe à cause du tumulte, et que les per-
sonnes venues à ce dessein sont obligées d'aller ailleurs. On ne pouvait à cet
égard concevoir la coupable tolérance de Messieurs du chapitre de la première
église d'un royaume surnommé très chrétien'.
REPRÉSENTATION « DANTIGONE » ARRÊTÉE
AU THÉÂTRE-FRANÇAIS
Du mercredi 8 août 1787. — On apprend qu'il venait d'être défendu par
l'administration aux comédiens français de représenter davantage sur leur
théâtre la nouvelle tragédie intitulée Anligone, qui avait été annoncée pour le
lundi précédent 6 août et à laquelle il avait été substitué ce jour-là une autre
pièce, parce que la dernière fois qu'elle y avait été donnée, le public s'était
1. Hardy, t. VIII, p. 281 (8 avril 1789).
2. Hardy, t. VIII, p. 282.
3. Hardy, t. VII, p. 177.
ET L'ESPRIT PARISIEN 637
échappe fortement en applaudissant à outrance ces deux vers remarqués et
saisis à cause des circonstances...:
En vain le courtisan flatte d'injustes lois:
Quand le peuple se tait, il condamne ses rois '.
PLACARDS
NOUVELLES ALARMANTES, ETC.
Du 16 août 1787. — Ce jour on n'entendait parler que de placards affichés
soit à Versailles, soit à Paris, en différents endroits. 11 en avait encore été
trouvé un dès le matin au coin de la rue dn Foin, du côté de la rue Saint-
Jacques. Je ne me permettrai point d'insérer ici le texte affreux et révoltant
de ces placards, tous dirigés contre le souverain et la souveraine... La veille,
dans le quartier du Palais-Royal, deux colporteurs ayant voulu crier le nouvel
édit et la nouvelle déclaration que le Parlement venait de proscrire d'une ma-
nière si solennelle, ces colporteurs avaient été battus par la populace au point
de demeurer presque morts sur la place2.
A la date du 10 août, Hardy note le placard suivant affiché en
divers endroits : « Sous huit jours, le Parlement ou le feu >. » On
observait avec inquiétude « que la légèreté d'esprit des Parisiens
semblait étouffée par une indignation générale qui ne pouvait se
contenir même dans les lieux publics; on ne les voyait plus composer
des chansons satiriques, ni répandre de petits vers malins et épi-
grammatiques ». La veille de l'Assomption, les maîtresses-poissardes
des Halles avaienl l'habitude d'aller souhaiter à Versailles la fête de
la Reine, et de lui présenter des bouquets : il paraît qu'il fallut en
1787 un ordre de la police pour les obliger à cette cérémonie. Au
Palais, au Châtelet, les clercs de notaires et de procureur.} prenaient
la tête des mouvements populaires, donl les patrouilles avaient
difficilemenl raison. Le il août, il est question d'une descente du
faubourg Saint-Antoine; le 24 août (veille de la Saint-Louis), d'un
avis distribué aux musiciens de l'Opéra, par lequel on les prévenait
que leur vie était en danger s'ils se rendaient le lendemain au châ-
teau des Tuileries.
A la môme époque, une des dames d'honneur de la Reine, Mme de
1. Hardy rapproche ces vers d'un mot de Cicéron : cuin clamant, silent. Tout,
le monde en connaît la traduction révolutionnaire : Le silence des peuples est la
leçon des rois. — Le 8 mai, à la revue passée par le roi, dans la plaine des
Sablons, on avait remarqué, « indépendamment des personnes qualifiées, une
nombreuse populace... On fut fâché d'apprendre que le peuple n'y avait pas
crié : Vive le Roi! comme à l'ordinaire ■> (Hardy, t. Vil, p. 18).
2. Hardy, t. VII, p. 178.
3. P. 184.
638 LES FÊTES OFFICIELLES
Tessé, est attaquée sur le chemin de Versailles par une cinquantaine
de personnes. On la prenait pour la duchesse de Polignac : elle eût
été maltraitée si elle n'avait réussi à se faire reconnaître '.
Le 16 janvier 1788 dans l'après-midi, la Reine vient de Versailles à Paris,
accompagnée de cinquante gardes du corps et n'ayant qu'une seule de ses
dames dans sa voiture. Sa Majesté se rend à l'hôtel de Toulouse près de la
place des Victoires, pour y voir Madame la princesse de Lamballc, tort incom-
modée d'une chute qu'elle avait faite depuis quelque temps. Vers les 5 heures
du soir, on rencontre Sa Majesté qui s'en retournait à Versailles, d'où on ne
l'avait point vue venir depuis fort longtemps dans la capitale 2,
Le 23 juin 1788, vers les onze heures du matin, la Reine, accompagnée de
Madame Royale, de Madame et de Madame Elisabeth sœur du roi, s'est rendue du
château de Versailles en l'hôtel royal des Invalides pour le parcourir et y voir
tout ce qu'elle ne connaissait point encore, comme avait fait le Roi le jeudi matin
12 du présent mois. Sa Majesté, qui était, dit-on, mise très simplement (tandis
que les princesses qui l'accompagnaient étaient dans le costume de la plus
grande cérémonie), y avait fait différentes libéralités, et en sortant de cet hôtel
comme en y entrant avait été soi-disant accueillie par des cris multipliés de
Vive la Heine! qui avaient pu la surprendre jusqu'à un certain point, sans
qu'ils eussent pu exciter beaucoup sa satisfaction ou flatter son amour-
propre '.
MANIFESTATION AU THEATRE-FRANÇAIS 4
Le 12 mai 1788. «comme on représentait, au Théâtre-Français, Or-
phanis, tragédie en cinq actes de Blin de Sainmore, pièce remise
et qu'on y donnait pour la première fois », le public exige avec « une
1. Hardy, t. VII, p. 192 et suivantes. Voyez aussi p. 216, 248.
2. Hardy, t. VII, p. 347.
3. Hardy, t. VIII, p. 3 (23 juin 1788).
4. Hardy, t. VIII, à la date. Ces manifestations étaient depuis longtemps à la
mode. Lois du premier renvoi de Necker (i9 mai 1781) , la Comédie-Française
joua la Partie de chasse de Henri IV; le public ne cessa de souligner avec
transport « toutes les allusions à un ministre frappé d'une injuste disgrâce, à un
roi trompé par ses courtisans » (Jos. Droz, Hist. de Louis XVI, t. I, p. 30"i). —
Avant la mort de Louis XV, le dauphin et la dauphine Marie-Antoinette, alors
très populaires, furent salués par les applaudissements qui accueillirent ces vers
du Siège de Calais :
« Le Français dans son prince aime à trouver un frère
Oui, né fils de l'État, en devienne le père. »
Eux-mêmes répondirent au public en applaudissant les premiers le vers sui-
vant :
«Rendre heureux qui nous aime est un devoir si doux! »
11 serait assez curieux, pour l'histoire politique et littéraire, de réunir tous les
documents authentiques sur les manifestations de ce genre.
ET L'ESPRIT PARISIEN 639
sorte de fureur » que l'acteur Larive bisse les quatre vers suivants,
qui s'adaptaient aux circonstances :
Le dessein du tyran n'est que trop avéré;
Regardez ce palais <lr gardes entouré :
De projets destructeurs ses ministres complices
Sèment partout l'exil, la terreur, les supplices.
RECEPTION DU CHEVALIER DE FLORIAN
a l'académie française
14 .mai 1788
... On est tâché du profond silence opposé par toute l'Assemblée au désir
qu'avait marqué le chevalier de Florian, en prodiguant pompeusement les
louanges à notre souverain et à notre souveraine, d'exciter et de recueillir des
applaudissements , quoiqu'il se fût arrêté tout exprès après ces louanges
pendant un certain espace de temps comme pour les attendre : ce qu'on ne
pouvait attribuer qu'au malheur des circonstances. Par un contraste des plus
frappants, il n'en est pas de même des louanges données par le chevalier
de Florian aux princes et aux princesses de la maison d'Orléans, qui sont
aussitôt saisies et vivement applaudies par toute l'Assemblée1.
LETTRE DE M. DESRRUGNIÈRLS, EXEMPT DE POLICE
A M. D'AGOULT, CAPITAINE AUX GARDES*
Mon cher Camabade,
Je suis accusé par des méchants de chercher à diminuer la gloire que vous
vous êtes acquise le 6 de ce mois ; le soin de mon honneur et l'attachement que
j'ai pour vous me prescrivent également de détruire cette calomnie, et c'est le
but de ma lettre. Puisse-t-clle apprendre à tous les honnêtes gens à quel
point vous avez acquis mon estime et mon admiration!
Ma réputation est assez bien établie pour être au-dessus d'une basse jalousie;
la modestie même ne me permet pas de rapporter les hauts faits qui ont
rendu mon nom célèbre et redoutable. Les Annales de la Police en conserve-
ront assez la mémoire : Bicêtre, Vincennes, la Bastille, me doivent tout
l'honneur de leurs cachots. Vous avez en un seul jour, cher camarade, sur-
passé tous mes exploits, et l'on aura peut-être oublié Desbrugnières que
l'on parlera encore avec étonnement du siège du palais. 0 jour mémorable!
0 valeureux capitaine! Qui pourra croire que seul avec 1,500 hommes vous
ayez pu vous rendre maître de deux magistrats en robe et bonnet carré?
Vous n'avez ni une fausse honte, ni la Patrie, ni les propos publics, ni l'hor-
reur de la postérité à redouter. Plus sage et plus hardi que le comte d'Aché,
vous avez tout bravé. Vous marchez, et au même instant tous les retranche-
1. Hardy, t. VII, p. «8.
2. Copie manuscrite prise par Hardy, t. VU, p. 4.j7 (26 mai 1788).
640 LES FETES OFFICIELLES
ments sont forces, les avenues gardées; vous entrez dans la grande salle, à
la tête de vos sapeurs : celte place, que l'on avait crue imprenable jusqu'alors,
est forcée et capitule. Tel, et moins étonnant encore, Lowcndahl, qui, après
soixante-cinq jours de tranchée ouverte, réduisit l'invincible garnison de
Derg-Op-Zoom. Que vous parûtes grand, cher camarade, lorsque, tenant le
fougueux d'Epréménil par i;i main, vous l'emmenâtes sans résistance
malgré l'indignation publique! Je vous vois, toujours intrépide, monter en
voiture aux yeux de la populace, et conduire en vainqueur le rebelle à celui
dont nous prenons les ordre-1! Mais dois-jc oublier avec quelle présence
d'esprit vous donnez au milieu du palais les ordres nécessaires? Un procureur
se présente, il est repoussé ; un avocat vient-il à entrer par la porte opposée,
huit mousquets sont dirigés sur sa poitrine. Nulle communication avec les
assiégés : vous èlcs partout à la fois, à la grande salle, dans les cours, aux
greffes, à la pissotière ; autant vous avez montré de courage dans l'assaut,
autant vous avez montré de générosité envers les vaincus. Aucun de ces
Messieurs n'est allé à la garde-robe que vous ne l'ayez accompagné avec
cette noblesse qui vous caractérise. Si la journée du 8 n'a pas eu le même
éclat, elle ne vous a pas fait moins d'honneur, et je liens qu'un habile
capitaine peut montrer autant de savoir dans une retraite que dans la
conduite d'un siège. Celle que vous fîtes chez le bijoutier Paris2 sera générale-
ment approuvée des maîtres de tactique, quand un Follard l'aura écrite. A la
vérité vous dûtes beaucoup à l'assistance de M. le chevalier Dubois, qui, monté
sur son beau cheval blanc, soutint longtemps avec la troupe tout l'effort des
ennemis.
Jouissez de votre gloire, cher camarade, et méprisez les clameurs effrénées
de l'envie. Ah ! sans doute, vous avez dû le sentir : M. de Lamoignon vous aime,
il vous a donné la garde du palais. Vous couchez dans un beau pavillon de la
place Dauphinc ; vous avez la gnrde du Pont-Neuf, du quai des Orfèvres, et
de celui des Morfondus, que vous faites trembler : tout cela fait des jaloux,
c'est naturel. Ne vous découragez pas : vous êtes, cher camarade, destiné à de
grandes choses. Dans peu M. le lieutenant de police, votre maître et le mien,
vous ordonnera peut-être d'arrêter M. de Lamoignon lui-même. Si ce n'est pas
vous, ce sera moi, ou bien Monsieur votre frère. Car n'est-ce pas lui qui a
arrêté M. le Cardinal? Vous avez les mêmes sentiments et la même élévation
dans l'âme.
Des chevaliers d'Agoull tri est le caractère.
J'ai l'honneur d'être avec tous les mouchards, filous cl autres suppôts de
la police, votre très humble, très affectionné serviteur et ami.
Signé : Des Brugnières.
Mes compliments, je vous prie, à M. le duc de Charost et à la Cour
plénière.
Au dos de la prétendue lettre était écrit :
A Monsieur d'Agoult, exempt de police, an camp de la Place Daupkine.
1. Thjroux de Crosne.
2. Sur cet incident de rue, voyez le Journal de Hardy, VII, p. 430. Les jeunes
<*ens ne pouvaient rencontrer d'Agoult sans crier : Au chai! On l'avait aussi sm--
noimné Gadoue.
ET L'ESPRIT PARISIEN 641
LE GLORIA IN EXCELSIS DU PEUPLE
11 me passe sous les yeux un... pe Lit imprimé très plaisant intitulé : Le Gloria
in excelsis du peuple (puisque peuple y a), auquel on a joint l'épître et l'évan-
gile du jour, avec la collecte, augmenté d'une lettre à l'auteur du projet
de souscription pour ériger un monument à Louis XVI (1789, en 8 pages
format in-8°, du prix de quatre sols chez les marchands de nouveautés)
Au lieu d'établir ce monument sur la place du Carrousel, le rédacteur propo-
sait qu'il fût, au contraire, élevé sur l'emplacement du fameux château de la
Bastille, dont il invoquait le renversement, annonçant que l'on pourrait y
amonceler, au milieu d'une vaste enceinte, différents débris de chaînes, de ver-
rous, de créneaux, de herses, de ponls-levis, amas réuni sur lequel s'élèverait
la statue du Monarque, qui, le bras étendu vers un reste de vieille tour, sem-
blerait en ordonner la démolition, avec ces mots au pied de la statue :
A LOUIS XVI, DESTRUCTEUR DES PRISONS D'ÉTAT1.
CALEMBOURS PARISIENS
SUR LES ÉniTS DU 8 MAI
M. de Loménie, archevêque de Sens, s'élait proposé de bénir un grand et
brillant mariage, en unissant Monsieur Déficit avec Madame la Cour plénière
(soi-disant établie); mais ce mariage, malheureusement pour le prélat, ne peut
avoir lieu, attendu que Monsieur Déficit est monstrueux, et que Madame la
Cour plénière est mal conformée2.
PLACARD
AFFICHÉ LE 25 MAI AU PALAIS
Palais à vendre, Conseillers à louer, Ministres à pendre,' Couronne adonner5.
EXTRAIT DU JOURNAL DES SPECTACLES
La Cour plénière du roi Petaud, comédie en mauvais français, par MM. de
Brienneetde Lamoignon,sevend à Versailles chez Pierres. Cette pièce, annoncée
avec trop d'éclat, est tombée à la première représentation. La plupart des
acteurs n'ont pas voulu jouer leur rôle. Le sentiment général est que ces
citoyens doivent faire retraite, pour éviter que le parterre ne les déchire à
belles dents-*.
1. Hardy, t. VIII, p. 211 (23 janvier 1789). — Le jour même on apprenait que
Brienue avait reçu le cardinalat, ce qui n'avait pu avoir lieu que sur les plus
vives instances du roi.
2. Hardy, t. VII, p. 454.
3. P. 456.
4. P. 462.
41
6i2 LES FÊTES OFFICIELLES
CARICATURE DÉCRITE PAR HARDY
Elle représentait le cheval de Troyes {sic) sur lequel la reine était montée,
vomissant par la bouche Ledit de subvention territoriale et la déclaration du
timbre; de ses flancs on voyait sortir plusieurs ministres tels que l'arche-
vêque de Toulouse, etc., etc.; tandis que de son derrière sortait le baron
de Breteuil, toujours ministre du département de Paris. Au bas de la gravure
on lisait ces mots : « Ne vous effraye% point, ce ne sont pas des Grecs. »
POPULARITÉ DE D'ÉPRËMÉNIL '
Ce jour sur le soir, d'après le bruit qui s'était répandu de l'arrivée de
M. Duval d'Épréménil... qu'on attendait soi-disant vers les 8 heures en son
hôtel, rue Bertin-Poirée, Monsieur son fils étant de retour de la veille, on
illumine dans cette rue; huit tambours avec fifres, ainsi que nombre de parti-
culiers, montent la garde à sa porte pour l'attendre; tandis qu'au village de
Villejuif près de Paris s'étaient également rendues une multitude consi-
dérable de personnes (dont les poissardes des Halles munies de fleurs et de
lauriers faisaient partie) pour l'y attendre et l'y fêter. La Chambre des vaca-
tions, instruite que tous les clercs de la bazoche du Palais avaient médité de
former une cavalcade en uniformes rouges et bleus, accompagnée de nombre
de voitures qui avaient été louées et retenues d'avance pour aller au-devant de
ce magistrat, le complimenter et lui offrir des lauriers en signe de victoire et
de réjouissance, avait mandé les chefs pour les engager à renoncer prudem-
ment à un projet qui ne pourrait que déplaire souverainement à l'administra-
tion, et leur prescrire en même temps de se borner à ne se réunir qu'au
nombre de douze seulement avec leurs habits ordinaires, ce à quoi ils s'étaient
vus contraints de souscrire, quoique bien malgré eux. Tout le monde est
trompé. M. d'Epréménil, qui avait été fêté singulièrement partout sur sa route,
au point que, en quelques endroits, on avait, dit-on, tiré pour lui du canon;
qu'il n'avait pu se montrer nulle part qu'il ne fût aussitôt suivi d'un cortège
considérable; qu'on l'avait couronné à Lyon dans la salle du spectacle, quoi-
qu'il s'y crût ignoré,... n'arrive point à Paris comme on s'en était flatté, soi-
disant parce qu'il avait été forcé de s'arrêter à Rouanne2, petite ville du Forez,
à 86 lieues de notre capitale, madame son épouse, très avancée dans sa gros-
sesse, y ayant été surprise par les douleurs de l'enfantement '.
La popularité de d'Épréménil tomba aussitôt que Ton connut son
opposition au doublement du tiers. Le 10 novembre 1788 se vendait
pour 30 sous, chez les marchands de nouveautés, une diatribe intitu-
lée : « Avis au public et principalement au tiers étal, de la part du
1. Hardy, t. VIII, p. 128 (29 octobre).
2. Roanne.
3. Elle avait pu, le 10 août, obtenir des ministres la permission d'aller rejoindre
son mari, tenu captif à l'île Sainte-Marguerite (Hardy, t. VIII, p. 42). — Voyez
aussi p. 1 12 à 1 1 1 .
ET L'ESPRIT PARISIEN 643
commandant du château des Isles Sainte-Marguerite, et du médecin,
et du chirurgien du même lieu, — se vendant aux Isles Sainte-Margue-
rite et se distribuant gratis à Paris chez Robin et compagnie, au Palais,
à renseigne des fausses balances ». D'Épréménil y est représenté
comme un fou furieux, un ennemi de Necker et du tiers état.
Mêmes fluctuations de l'opinion populaire en ce qui concernait la
famille d'Orléans.
I. — SUR LE DUC D'ORLÉANS '
Vous connaissez ce grand courtier de change
Qui se peint là sur son Palais-Royal;
Il tint naguère un discours fort étrange
En abjurant le banc comicial *.
En redingote
La jambe en botte,
Voici, dit-on,
Sa très noble raison :
« On parle trop contre l'agiotage;
A nos dépens on veut aider le Roi.
Vous le sentez, je ne puis davantage
Rester céans, pour voter contre moi.
Ma douce amie,
Ma vénerie,
Sont à Monceau :
J'y vais tenir bureau. »
II. — RIENFA1SANCE ET GÉNÉROSITÉ
DE M. LE DUC ET DE M"" LA DUCHESSE D'ORLÉANS
ENVERS LES PAUVRES DE LEUR PAROISSE 3
On lisait dans le numéro 355 du Journal de Paris, h l'article Bienfaisance,
avec autant d'attendrissement que d'édification, la lettre adressée du Palais-
Royal par le sieur de Limon, contrôleur général et intendant des finances de
Son Altesse sérénissime Mar le duc d'Orléans, premier prince du sang, au
sieur Poupard, curé de Saint-Eustaclie, le 18 du présent mois de décembre,
dans laquelle Leurs Altesses sérénissimes, Monseigneur le duc et Madame la
duchesse d'Orléans, annonçaient le désir de procurer aux pauvres de leur
paroisse, attendu l'extrême rigueur de la saison, un secours extraordinaire
consistant : 1° en mille livres de pain par jour pour ceux des paroissiens que
la saison seule ou des maladies avaient réduits à une pauvreté momentanée,
1. Hardy, t. VII, p. 74.
2. 11 avait quitté le bureau qu'il présidait lors de la première assemblée des
notables (1781).
3. Hardy, t. VIII, p. 179 (20 décembre (1788).
(Jii LES FÊTES OFFICIELLES
et qui ne pouvaient subsister des charités ordinaires de la paroisse, sans pré-
judicicr à d'autres misérables dont elles étaient l'unique ressource; 2° à l'aire
prendre soin de toutes les femmes vraiment pauvres, sans aucune exception
dans toute l'étendue de la paroisse, qui accoucheraient pendant le temps
rigoureux, en leur faisant fournir le pain, le bois, le bouillon, la viande, et
généralement tous les aliments qui leur seraient nécessaires pendant la durée
de leurs couches, comme aussi en leur faisant prêter le linge dont elles au-
raient besoin; 3° enfin à étendre aussi leurs bienfaits sur les pauvres honteux
que des circonstances extraordinaires rendraient plus dignes que d'autres de
secours et d'intérêt : les indications nécessaires à ce sujet étaient au surplus
demandées au sieur curé de Saint-Eustache, l'intention de Leurs Altesses étant
que la distribution du pain et des autres secours commençât dès le dimanche
suivant 21 décembre pour continuer pendant la durée du froid, et trois jours
après le dégel complet'.
SUR CALONNE ET LES NOTABLES
LE FERMIER
« Mes chers amis et bonnes bêtes,
Canards, coqs d'Indes et chapons,
Essayez, en grattant vos têtes,
D'en tirer de bonnes raisons;
Et sur la forme, et non le fonds,
Répondez, tous tant que vous êtes.
Le plus glouton de mes valets,
Qu'un vif amour du bien domine,
M'apprend que le ciel vous a faits
Pour ma gloire et pour ma cuisine.
Je prétends donc vous croquer tous,
C'est ma volonté manifeste :
Sur la sauce consultez-vous,
Mon cuisinier fera le reste *. »
SUR BR1ENNE ET LAMÛIGNON
BILLET D'ENTERREMENT
Vous êtes prié d'assister aux funérailles du Révérendissime Père en Dieu
J. t. Loménie de Bricnne, archevêque de Sens, postulant du Sacré-Collège, en
son vivant principal ministre ; et de très mauvais chrétien J. f. dit de Moignon,
vivant garde des sceaux, dont le convoi se fera ce soir 16 septembre 1788 à
7 heures sur la place du Palais, à la lueur d'un feu de joie.
Perçant in œternum!
1. Le 31 décembre, note Hardy, « presque à tous les instants on apportait à
1 Hôtel-Dieu des hommes à demi gelés et mourants de faim » (t. VIII, p. 190).
2. Hardy, t. VII, p. 56. — Cf. p. C5 : Logogriphe sur Calonue.
ET L'ESPRIT PARISIEN 645
Après la cérémonie, on brûlera les corps à cause de leur putréfaction.
C'est de la part du Grand-Bailliage séant à Rennes l.
Il serait aisé de former une ample collection de pièces de ce genre,
soit en prose, soit en vers, sur les dernières années de l'ancien
régime 2. Le jargon des Halles (ou ce qu'il est convenu de désigner
ainsi) y trouverait place à côté de l'aristocratique persiflage des
Chamfort et des Rivarol 3.
L'histoire rejette avec raison de tels documents lorsqu'il s'agit de
l'appréciation particulière soit des hommes, soit des institutions. Mais
elle ne peut négliger l'impression générale qui en résulte : nulle part
peut-être toutes les classes et tous les partis, soit tour à tour, soit
ensemble, n'ont criblé de plus de traits les barrières sociales et poli-
tiques qui allaient s'effondrant ; aucune nation n'a marqué plus de
haine et de mépris pour le présent, ni plus d'espérance dans l'avenir.
1. Hardy, t. VIII, p. 89.
2. Renvoyons au Chansonnier historique, do M. Raunié , et à l'Esprit révolu-
tionnaire avant ta Révolution, de M. Rocquain : 1rs citations ou références de ces
deux ouvrages épuisent à peu près le sujet.
3. La double évolution continue avec le Père Duchesne, d'une part, et les Actes
des apôtres, de l'autre. L'ordre du clergé, dans cette dernière publication, est
enterré dans des termes analogues à ceux qui avaient, accompagné le convoi
politique des deux derniers champions du gouvernement arbitraire.
FIN
TABLE DES MATIERES
Avant-propos Page i
Introduction historique : la Royauté et Paris Page 1
I. — Institutions de Paris : le Parlement . . , Page 29
Composition du Parlement, p. 33. Réception d'un premier président (12 no-
vembre 1788), ]). 3i. Le Parlement et Paris capitale, p. 34. Esprit du
Parlement, p. 38. Popularité du Parlement, p. 39.
II. — Le Parlement défenseur de la propriété et de la liberté. Page 41
1° La refonte des monnaies dénoncée (23 février 1786), p. 41; les actions
de la Compagnie Perier : Récit au Parlement sur l'agiotage (28 juillet 1787),
p. 42; la Caisse d'escompte (séance du 30 janvier 1789), p. 45. — 2° Les
Chartres privées : Récit du 14 février 1783, p. 49; extrait de la minute de
la séance du 14 mars 1783, p. 54; compte rendu du premier président
(29 juillet 1783), p. 50; exposé du même (5 août 1783), p. 56. Les
arrestations de magistrats par lettres de cachet : extrait de la séance du
21 novembre 1787, p. 58; remontrances du 11 mars 1788, p. 00; remon-
trances du 3 mai 1788, p. 05; ordre du roi du 5 mai 1788, p. 70.
III. — Haute justice du Parlement : Justice civile Page 71
Arrêts de règlement concernant les notaires de Paris (1779), p. 72. Extrait
du registre des délibérations des notaires de Paris (1779), p. 72. Procu-
reurs, p. 75. Clercs de procureurs, p. 75. Huissiers: tarifs et règlements,
p. 76. Huissiers et juges-consuls, p. 77. Articles de règlement sur les
arrêts de défenses et surséances, sur les frais de justice, p. 78. Lettre de
cachet du 9 janvier 1789, sur la réforme judiciaire, p. 78. Arrêt de règle-
ment pour la prison de l'Hôtel de la Force, p. 79.
IV. — Le Parlement et la Justice criminelle à Paris .... Page 80
Essai de statistique, p. 80. Arrêt (in extenso) du 12 décembre 1774, p. 93.
G48 TABLE DES MATIERES
Titres d'arrêls, p. 94. Exécution en 1789, p. 95. Récit sur la jurispru-
dence de la Tournelle (10 juillet 1779), p. 9G. Lettres d'abolition, p. 97.
Délivrance des prisonniers, p. 97. Crime de faux, p. 98. Commission pour
la refonte de l'ordonnance criminelle, p. 99. — Appendice surlajusticc cri-
minelle, au souverain, de la prévôté de l'Hôtel, du Chàtelet et de la Cour
des Monnaies, p. 100.
V. — La Grande Police, ses objets : le Parlement et l'Église de
Paris Page 102
Provisions de carême, p. 111. La Châsse de sainte Geneviève, p. 113. Le
Pastoral de 1786, p. 116. L'abbaye de Saint-Germain, p. 124. Réunion
des Cordelicrs et des Célestins, p. 125. L'abbaye de Saint-Victor et la
translation des coches d'eau, p. 125. L'Ordre des Bénédictins et la Com-
mission des réguliers: représentation du 14 août 1783, p. 127; récit du
9 janvier 1884, p. 131; remontrances du 10 février 1784, p. 135 ; note
extraite des itératives remontrances du 1er février 1785, p. 136. — Ap-
pendice: Extraits du Journal de Hardy sur l'Église de Paris (1787-1789),
p. 137.
VI. — Le Parlement et l'Université de Paris Page 110
Le bureau de Louis-le-Grand, p. 143. Congés dans l'Université, p.- 143. Ra-
diation d'un docteur-médecin, p. 144, Honoraires des professeurs insaisis-
sables, p. 144. Boursiers, p. 145. Emprunts universitaires, p. 147. Rappel
à l'exécution d'un règlement, p. 147. Collèges, esprit et programmes de
l'enseignement (récit du 1er avril 1783), p. 147. Administration économique
de Louis-le-Grand, p. 150. Formule d'une présentation de boursier au
Parlement, p. 151. Abus relatifs aux bourses, p. 152. Distribution des
prix en 1788, p. 154. — Appendice : Éducation populaire, p. 155.
VII. — Le Parlement et la Librairie Page 156
Récit de Duval d'Épréménil (23 avril 1779), p. 162. Colporteur jugé avec
modération, p. 174.
VIII. — Le Parlement juge des écrits et des hommes de lettres (1775-
1789) Page 175
La procédure, p. 175. Année 1775, p. 177; 1776, p. 186; 1777, p. 194;
1778, p. 198; 1779, p. 199; 1780, p. 199; 1781, p. 203; 1783, p. 207;
1784, p. 207; 1785, p. 207; 1786, p. 208; 1787, p. 216; 1788, p. 220;
1789, p. 230.
IX. — Le Parlement et la grande Police des hôpitaux. . . Page 247
Hôpitaux et maisons de charité en 1788, p. 247. Administration des hôpi-
taux, p. 251. Droits au profit de l'Hôtel-Dieu et de l'Hôpital général,
p. 256. Abus du patronage à l'Hôtel-Dieu, p. 257. Privilège de l'Hôtel-Dieu
TABLE DES MATIÈRES 649
relatif aux entrées, p. 259. Police relative aux mendiants à Paris, p. 259.
Mont-de-Piélé, p. 260. Hospice au Pelit-Montrouge, p. 263. Bureau de
nourrices, p. 263.— Affaire des Quinze-Vingts, p. 264;, séance du Parlement
du M janvier 1783, p. 277; séance du 25 février 1785 et troisièmes
remontrances du Parlement sur l'administration des Quinze-Vingts, p. 277;
arrestation du cardinal de Rohan, p. 280.
X. — La grande Police de l'approvisionnement Page 284
Dispositif de Ledit du 5 février 1776, p. 285. Chambre de la marée, p. 290.
Arrêt du Parlement du 31 décembre 1776, p. 290. Dernier compte rendu
des provisions de carême au Parlement (20 février 1789), p. 294. Bou-
cherie (caisse de Sceaux et de Poissy), p. 296. Charbons de Paris, p. 299.
Mesurage et prix des bois, p. 300 ; remontrances du Parlement à ce sujet
(31 juillet 1784), p. 301. — Commerce des grains et prix du pain, le trans-
port des blés (1778), p. 303; libre exportation et circulation des grains
(1787), p. 305; séances du Parlement du 13 décembre et du 16 décem-
bre 1788, p. 305; rapport de l'avocat général Séguier, le 13 décem-
bre 1788, p. 306; arrêté du 18, p. 31 1 ; séance du 7 février 1789, p. 311 ;
séance du 4 avril 1789, p. 317. — Appendice: Extraits du Journal de
Hardy sur l'hiver de 1788-1789.
XI. — Le Chàtelet de Paris Page 320
Chambres du Chàtelet, p. 32i. Le prévôt de Paris, p. 327; analyse d'un
mémoire manuscrit du XVIIIe siècle sur : le prévôt de Paris, p. 330; le
chevalier du guet, p. 332; les archers de la Ville et le Chàtelet, p. 333; le
prévôt de l'île et le Chàtelet, p. 333; le prévôt de la Monnaie et le Chàtelet,
p. 333 ; les huissiers à cheval et à verge, p. 334. — Supplication des officiers
du Chàtelet à l'effet d'obtenir la noblesse, p. 334. — Le Chàtelet etlesédits du
8 mai 1788, p. 335. Lettre signée De Crosne au baron de Breteuil, p. 337.
Lettre signée De Crosne à M. de Lamoignon, p. 338. Du même au même,
sur la séance du 21 mai, p. 338. Lettre de Lamoignon au roi, du 21 mai,
p. 340. Extrait des registres de la communauté des procureurs au Chàtelet
(30 mai 1788), p. 340. — Assemblée des notaires du Chàtelet (13 octobre
1788), p. 341.
XII. — Le Ministre de Paris Page 342
Lettres du ministre de Paris au lieutenant général de police et au chevalier
du guet (1787-1789), p. 348. Correspondance du ministre de Paris et de
la Ville (1784, 1786, 1787 89). Lettres diverses du ministre de Paris rela-
tives à Paris (1787-89), p. 379. — Formule de lettre de cachet person-
nelle (1771), p. 392. Lettres de cachet du 14 août 1787, p. 393. Ordre du
roi (30 septembre 1787), p. 393. Ordre du roi (15 juin 1788), trouvé dans
une cave, p. 394.
XIII. — Le Lieutenant général de police et les Ordonnances du Chà-
telet Page 396
650 TADLE DES MATIÈRES
Opinion de Delamare sur l'époque d'Etienne Marcel, p. 398. — Les lieutenants
généraux de police (1667-1789), p. 398; bureaux de M. de Crosne, der-
nier lieutenant général, p. 399.— 1° Religion, p. 402.— 2° Mœurs publiques,
p. 408; Jeux de hasard et compte rendu du lieutenant général Lenoir à
ce sujet (13 février 1781), p. 408; Délibérations du Parlement sur les
jeux (20 février 1781), p. 413; idem, 14 janvier 1789, p. 416; Maîtres,
écoliers et parents, p. 417; Cafés, p. 418; Logements, garnis, cabarets,
débauche, p. 419; Spectacles et foires, p. 420; Danses et fêtes baladoires,
p. 421. — 3° Hygiène publique, p. 422; Nettoiement de Paris, rp. 424;
Rapport du lieutenant général Lenoir sur le cimetière des Innocents,
p. 427. — 4° Voirie, p. 430. — 5° Police des vivres, p. 435; Roulangerie,
p. 435; Roucherie, gibier, etc., p. 437. — 6° Régime des communautés
d'arts et métiers, p. 443; Ouvriers et artisans du faubourg Saint-Antoine,
p. 452; Charcutiers du faubourg Saint-Antoine, p. 453; Commerçants en
gros, p. 453; Chandeliers, p. 455; Cendres de varech, p. 455; Droits de
réception augmentés, p. 456 ; Police d'ordre, p. 457. — 7° La police et la
presse, p. 468; Le comte de Kersalaun,p. 471 ; Lieux privilégiés, p. 472;
Lecture publique, p. 472 ; Pamphlets et placards saisis, p. 473. — 8° La Sû-
reté, p. 478; Registre d'inspecteur de police, p. 480; Haute police de sûreté
politique, p. 481 ; Mouvement populaire, rue des Lombards (16juin 1788),
p. 481. Prévision de révoltes, p. 482; Extrait de la séance pléniôre du
Parlement du 24 septembre 1788, sur les troubles du mois d'août,
p. 482; Troubles de septembre, p. 487; Affaire de la rue de la Harpe
(28 septembre), p. 488; Compte rendu des mesures de sûreté prises par
la police, séance du Parlement du 29 décembre 1788, p. 489; Discours
de d'Épréménil à l'occasion d'une arrestation arbitraire, p. 490.
XIV. — L'Hôtel de Ville Page 497
Mémoire sur les rapports administratifs de la Ville et des ministres; réfu-
tation de la doctrine du Parlement à ce sujet, p. 5J0. Représentations du
5 septembre 1783, concernant la prorogation pour dix ans des droits
d'octroi, p. 516. Copie de la lettre de M . le contrôleur général à M. de
Nicolaï, premier président de la Cour des comptes, p. 518. Mémoire pour
la Ville contre le fermier du domaine, p. 520. Réponse pour la Ville de Paris
contre les créanciers du receveurjde la Ville, à Mantes, p. 521. Le Contrôle
général et le bureau de la Ville, p. 521. Lettres de Turgot à la Ville, du
6 mars 1775, p. 523; du 24 avril 1776, p. 526. Analyse de la réponse de
la Ville à la première question posée par Turgot, p. 528. Réponse de la
Ville à la seconde et troisième question, p. 529. Réflexions sur l'expédi-
tion des mandements (1775), p. 534. Règlement arrêté au Conseil, le
23 août 1783, pour l'administration de la Ville, p. 536. Formule imprimée
des commissions de la Ville, p. 542. Extrait d'une lettre autographe de
Buffon à Le Peletier, prévôt des marchands, p. 542. Garde de Paris,
p. 543. Mémoire (personnel) du sieur Ray, colonel des gardes de Paris,
p. 544. Privilège des officiers et gardes de la Ville, p. 545. Chronologie des
imprimeurs de la Ville, p. 545. Extrait de la lettre de Calonne à Le Peletier,
du 14 février 1786, p. 546. Délibérations du Bureau de la Ville, du 29 dé-
cembre 1786, p. 516; du 12 août 1788, sur les états de jetons, p 547.
TABLE DES MATIÈRES 651
Les dernières gratifications de prévôtés, p. 548. Dépenses fixes de la
Ville (dix états de 1788), p. 548. État des dépenses fixes du 1er janvier
1789 au 1er janvier 1790, p. 558.
XV. — Mélanges, Conflits, Règlements d'attributions entre la Ville et
autres Juridictions Page 559
Conflit de la Ville et du Châlelet à l'occasion d'une sentence criminelle,
p. 560. La Ville et la lieutenance de police, p. 562. La Ville et la Compa-
gnie des eaux, p. 563. La Ville et le gouverneur de la Bastille, p. 564.
La Ville et la Table de marbre, p. 564. La Ville et la Direction générale
des bâtiments, p. 565. Le Bureau des finances et la Ville, p. 566. — Ap-
pendice : la Juridiction consulaire, le Député du commerce, p. 576.
XVI. — Impositions, Droits, Emprunts Page 581
I. Capitation, p. 584. Les six départements des impositions directes en 1775,
p. 589. Les vingtièmes des revenus de la Ville, p. 590. Abus des
vingtièmes à Paris, p. 592. Impositions spéciales : boues et lanternes,
milice, logements militaires, p. 593. Taxe des boues et lanternes perçue
même sur le domaine de la Ville, p. 595. Représentations du Parlement
sur le logement des gens de guerre (1784), p. 595. — IL Droits doma-
niaux et monopoles, p. 590. Droits d'entrée, de gare et de hallage, p. 598.
Privilège des bourgeois, p. 601. Quittance d'octroi, p. 602. Le mur d'en-
ceinte de la Ferme générale, p. 603. La Question de droit relative au nou-
veau mur, p. 608. — III. Emprunts, p. 610. Analyse de l'édit de septem-
bre 1786, enregistré le 7 septembre au Parlement, p. 613. Listes des
souscripteurs pour les quatre nouveaux hôpitaux, p. 614. Bécit au Parle-
ment sur l'arrêt du Conseil du 13 octobre 1787 (emprunt-loterie des hô-
pitaux), p. 616. Dernier contrat d'emprunt entre le roi et la Ville (21 mai 1788),
p. 617. Emprunt direct de Necker à la caisse de la Ville, p. 618.
XVII. — Les Fêtes officielles et l'esprit parisien Page 621
I. Analyse du procès-verbal de la publication de la paix de Versailles,
p. 621. Te Deum et fêtes pour la paix de Versailles, p. 624. Feu d'artifice,
p. 625. Fête anniversaire de la réduction de Paris, p. 625. Procès-verbal
de la cérémonie, p. 626. Le dîner chez les Chartreux, p. 627. Autres fêtes
politiques annuelles, p. 628. Bourse de cent jetons présentée au roi par
la Ville, le 1er janvier, p. 630. Pains bénits, p. 630. Feux de la Saint-Jean,
p. 630. Collations, p. 631. Lits de justice à Paris, p. 632. Naissance d'un
Dauphin, p. 632. Béception de princes étrangers, p. 632. Bureau de la
Ville et Parlement, p. 633. Inauguration, à la Ville, du buste de Lafayette,
p. 633. — IL Les Jours gras et le Carême en 89, p. 634. Premier sermon
où il ait été question des États généraux, p. 635. Première promenade des
jours saints au Bois de Boulogne, en 89, p. 635. La fête de l'Assomption
en 87, p. 636. Représentation arrêtée au Théâtre-Français, p. 636. Pla-
cards, nouvelles alarmantes, p. 637. Manifestation au Théâtre-Français,
652 TABLE DES MATIÈRES
p. 638. Réception de Florian à l'Académie, p. 639. Lettre (pamphlet)
de M. Desbrugnières à M. d'Agoult, p. 639. Le Gloria in excelsix du
peuple, p. 641. Calembours parisiens sur les édits du 8 mai 1788;
placard du 25 mai 1788, p. 641. Caricature, p. 642. Popularité de
d'Épréménil, p. 642. Sur le duc d'Orléans, p. 643. Bienfaisance du duc
et de la duchesse d'Orléans, p. 643. Sur Galonné et les notables, p. 644.
Sur Brienne et Lamoignon (billet d'enterrement), p. 644.
FIN DE LA TABLF DES MATIERES
TABLE ANALYTIQUE
Abatis, p. 441.
Abbeville(en 1788), p. 308.
Académies : de danse, p. 421; fran-
çaise, p. 039; des sciences, p. 349,
352, 391.
Accaparements, p. 289, 305, 319,
442.
Accroissements de Paris sous
Louis XVI, p. 12.
Acquisition par le domaine royal,
procédure, p. 432.
Acte de démission (25 juillet 1780)
des administrateurs des Quinze-Vingts,
p. 264, 268.
Actes notariés, p. 171, 432.
Actes des apôtres, p. 645 n.
Adjudications de la Ville, p. 372 n.
Administration rovale des Eaux,
p. 371.
Affrv (Louis - Auguste - Augustin,
comte'd'), p. 354 n., 483, 485.
Agard de Maupas, conseiller au
Parlement, p. 626.
Agiotage, p. 42 et n., 643.
Agneau sans tache, nom d'une
secte, p. 105 n.
Agoult (Ant.-Jean, vicomte d'), ca-
pitaine aux gardes, p. 70, 280, 489,
639.
Agrégés aux communautés d'arts
et métiers, p. 452.
Aguesseau (Henri-François d') ou
mieux Daguesseau, p. 1 n., 122, 157,
162.
Aides (bureaux des), p. 551.
Aides (cour des), p. 54, 394 n., 60 i.
Vov. Arrêts.
Aides (cour des) de Clermont-Fer-
rand, p. 587.
Aigle d'or (1'), chantier de bois,
p. 127.
Aiguillon (Armand-Vignerot-Du-
plessis-Richelieu, duc d'), p. 68 n.
Al bert (Jos. - Franc. - 1 Idcfonse - Ré-
mond), p. 335, 336, 391, 399, 409,
443.
Aligre (Antoine d), chancelier,
p. 156, 157.
Aligre (d'), conseiller aux requêtes
du Parlement, fils du suivant, p. 626.
Aligre (Etienne-François d'), pre-
mier président du Parlement, p. 40
n., 133, 146, 217.
Aligre (hôtel d'), p. 472.
Alimentation (police de 1'), p. 284 sq.
Alissan de Chazet, receveur géné-
ral, p. 584 n.
Alix (le sieur), poète, p. 349.
Alix, employé à la Ville, p. 551.
Allain, p. 155 n.
Allusions politiques au théâtre,
p. 637, 638 et n., 639.
Almanach des honnêtes gens, p. 222
à 225.
Almanach roval, p. 33 n., 322 n.,
438 n., 579,592'.
Almanachs distribués aux membres
du Bureau de la Ville, p. 524.
Amand, juré de la communauté des
boulangers, p. 437.
Ambassade de Suède (écuries de 1'),
p. 410.
Ambassade du roi de Mysore, p. 356.
Ambezar (François, Claude et Jean),
jurés-trompettes, p. 406.
Ambray (Charles-Henri d'), avocat
général au Parlement, p. 626.
Ameilhon (Hubert-Pascal), biblio-
thécaire de la Ville, p. 552.
05 i
TABLE ANALYTIQUE
Ameilhon (Jacques), son fils, sous-
bibliothécaire, p. 552.
Amelot (N.), ministre de Paris,
p. 13 n., 14 n., 50, 263, 343, 346,
536, 622.
Amendes en justice, p. 465.
Américains (club dos), p. 390.
Ami des loix [L'), p. 179.
Amiens, p. 312.
Amis des noirs (club des), p. 390.
Anarchie administrative, p. 559.
Angers (règlement du diocèse d'),
p. 108.
Angiviller (Ch. -Claude La Billarde-
rie, vicomte d'), p. 565 et n.
Anglure, p. 295.
Angoulême (duc d'), p. 384.
Angran d'AUcray (Denis-François),
lieutenant civil au ClnUclct, p. 74 et
n., 323, 335 et n.
Annales politiques, eiviles et litté-
raires (de Linguet), p. 227.
Année municipale, commençant le
46 août, p. 376 n.
Annonciades de Popincourt, p. 138.
Anonymes (mémoires), p. 351.
Antigone, tragédie (1787), p. 636.
Antoine (Jacques-Denis), architecte,
p. 12, 366.
Apologie de la Courplénière, p. 474.
Appel au lioi... par les gens de la
banlieue, p. 610.
Appels ad Apostolos, p. 120 n., 132.
Appels comme d'abus, p. 132, 133,
234 et n., 419.
Appointements des membres du Bu-
reau de la Ville; leur somme en 1764,
p. 522; en 1776, p. 528; projet de
les réduire, p. 522 et n.
Apurement des comptes de la re-
cette de la Ville, p. 538.
Arbalétriers, archers, arquebusiers
de la Ville, p. 543.
Arche-Marion, p. 412.
Archevêché de Paris, p. 23, 25;
justice de 1' — , p. 321.
Archevêque de Bordeaux [d'Audibcrt
de Lussan], p. 137.
Archevêque de Lyon [de Malvin de
Montazet], p. 195,196 n.
Archevêque de Paris, p. 302, 330.
Voy. Beaumont, Hardouin, Harlay, Le-
clefc de Juigné.
Archevêque de Toulouse [Loménie
de Brienne], p. 136.
Archevêque de Vienne [Le Franc
de Pompignan], p. 208 n. s
Architecte de la Ville, par com-
mission, p. 537.
Arcis [lc-Ponsart], p. 312.
Arcueil (eaux d'), p. 17, 565.
Aréomètre, p. 556.
Aréopage athénien, rapproche du
Parlement, p. 180.
Argcnson (Marc-Pierre de Voyer,
comté d'), p. 3, 399, 419 n.
Argenson (Bené-Louis de Voyer,
marquis d'), p. 4 n., 104 n., 344
n., 399.
Aringetle (pont d"), p. 372. On
écrit aujourd'hui : Arringeltc(iYj'êi;re).
Aristocratie de magistrats, p. 66.
Armançon, p. 543.
Armenonville(Jos.-J.-B.Fleuriaud'),
garde des sceaux, p. 157, 164.
Arras (chapitre d'), p. 150.
Arrestations arbitraires, p. 481,
490 sq.
Arrêté dos notaires du Châtelet,
p. 341.
Arrêté (apocryphe) du Parlement du
3 mai 1788, supprimé par Arrêt du
Parlement du 5, p. 226.
Arrêtés du Châtelet, 16 mai 1788,
p. 337; 21 mai, p. 339 n.
Arrêtés du Parlement, 18 fév. 1787,
p. 37; 4 août 1767, p. 513; 30 mars
1776, p. 192; 14 fév. 1783, p. 53;
14 mars, p. 54; 1er avril, p. 55;
9 mai, p. 149 n.; 21 mars 1786, p. 38;
19 janv. 1787, p. 149; 13 août,
p. 38; 24 sept., p. 39; 24 oct., p. 34
n.; 4 nov. 1788, p. 34, 35; 12 nov.,
p. 34, 36 n.; 26 nov., p. 306; 18déc,
p. 311 ; 29 déc, p. 152; 9 janv. 1789,
p. 416 ; 6 fév., p. 36 n.; 7 fév., p. 316;
4 avril, p. 317.
Arrêts de défenses et de surscances,
combattus par le Parlement, p. 78.
Arrêt de la Cour des Monnaies,
3 mai 1787, p. 101.
Arrêt des Grands-Jours de Clcrmont,
14 déc. 1665, p. 421 n.
Arrêts delà Cour des aides, 16 mars
1787, p. 604; 7 sept. 1787, p. 604.
Arrêts du Conseil, 15 janv. 1538,
p. 9, n ; 8 nov. 1651, p. 259; 26 mars
1654, p. 259; 17 déc. 1654, p. 259;
27 oct. 1655, p. 259; 10 nov. 1657,
p. 259; 27 mars 1658, p. 259;
15 nov. 1658, p. 259; 19 août 1661,
p. 285 n.; 23 fév. 1662, p. 259;
28 avril 1663, p. 259; 13 oct. 1667,
p. 445; 15 janv. 1671, p. 259; 26 avril
1672, p. 10 et n.; 17 nov. 1674,
p. 259; 12 mars 1695, p. 588 n.;
25 août 1705, p. 505; 23 août 1707,
p. 614; 22 déc. 1708, p. 419 n.;
3 sept. 1709, p. 259; 4 déc. 1720,
p. 614; 8 avril 1727, p. 586; 10 août
1728, p. 601 ; 25 oct. 1728, p. 422;
31 oct. 1730, p. 292; 17 mars 1732,
TABLE ANALYTUH'E
655
p. 422; 12 oct. 1741, p. 445; 19 aoûl
1747, p. 601 ; 18 déc, p. 585; 22 août
1750, p. 12 n.; 7 sept. 1751, p. 290;
9 avril 1752, p. 417; 24 sept. 1754,
p. 587; 17 sept. 1755, p. 299; 4 juin
1761, p. 304; 23 juin 1763, p. 566;
6 avril 1764, p. 511; 29 mai 1766,
p. 141 ; 24 janv. 1767, p. 522;24juill.,
p. 513; 10 sept., p. 585; 16 avril
1768, p. 299; 13 oct. 1769, p. 601;
15 sept. 1771, p. 503; 22 déc. 1772,
p. 520; 24 fév. 1773, p. 585, 586;
16 mai, p. 166 n.; 2 oct. 1774, p. 601
n., 602; 22 déc, p. 112 n.; 19 août
1775, p. 186 n.:22 fév. 1776, p. 187;
26 juill., p. 588; 2nov.l777, p. 592;
29 mars 1778, p. 590; 14 mars 1779,
p. 581; 19 déc, p. 199 n.; 2 mars
1780, p. 203 n.; 12 mai, p. 203 n.;
19 mai, p. 128, 22 juillet, p. 203 n.;
6 août, p. 203 n., 17 août, p. 105;
5 sept. 1781 , p. 601 ; 27 oct. p. 583;
21 juin 1783, p. 128, 132, 134;
18 juill., p. 268; 23 août, p. 536;
14 sept., p. 132; 27 ou 23 sept. 1783,
p. 132; 27 sept., p. 583; 14 mars
1784, p. 471 ; 31 mars, p. 601 ; 8 avril,
p. 538; 20 mai, p. 506, révoqué,
p. 507; 6 juin, p. 506, révoqué,
p. 507; 12 août, p. 556; 21 août,
p. 11 n.; 3 mars 1785, p. 208 et n.;
16 avril, p. 161 n., 208 et n.; 19 juin,
p. 208 et n.; 15 juill., p. 554, 556,
21 juill., p. 601; 12 août, p. 161 n.;
208 et n.; 3 sept., p. 208 et n.;
13 sept., p. 161 n.; 23 oct., p. 281;
13 nov. p. 584; 15 janv. 1786, p. 126,
18 janv. 1786, p. 584; fév., reg.
Chambre des comptes, le 4 avril,
p. 584; 22 avril, p. 281; 7 sept.,
p. 12 n.; 28 sept., p. 601; 2 nov.,
p. 601 n.; 7 déc, p. 601;... 1787, dé-
féré le 23 oct. au Parlement, p. 217,
15 fév., p. 3.80 et n.; 4 sept., p. 472,
7 sept., p. 607 n.; 13 oct., p. 255 n.;
6J2, 615, 616; 5 juill. 1788, p. 226,
470, 474; 26 juillet, p. 357 n.; 18 août,
p. 45; 29 déc, p. 45; 17 janv. 1789,
p. 45; 14 fév., p. 378; sur mande-
ment épiscopal (Reg. Pari., 21 fév.);
p. 106; 6 juin, p. 230 n.
Arrêts du Conseil non enregistrés,
traités par le Parlement comme écrits
de simples particuliers, p. 217.
Arrêts du Parlement, 4 oct. 1370,
p. 293; 15 juin 1554, p. 447; 29 mars
1563, p. 447; 12 juin 1662, p. 445;
30 avril 1663, p. 426 n.; 5 sept. 1667,
p. 421 n.; 22 janv. 1672, p. 418 n.;
6 juin 1681, p. 568; 20 fév. 1696,
p. 293; 8 mars 1702, p. 505; 11 avril,
p. 505 n.; 4 juin 1704, p. 505 n.;
27 août 1711, p. 293; 15 déc, p'. 418
n.; 10 fév. 1724, p. 418 n.; 27 juin
1725, p. 114; 8 juin 1736, p. 195;
20 juin 1736, p. 195; 7 janv. 1738,
p. 376 n.; 18 mai 1745, p. 468;
24 avril 1766, p. 293; 9 mai 1766.
p. 293; 4 déc. 1769, p. 145; 7 sept,
1770, p. 125; 21 mai 1773, p. 561,
562; 13 déc. 1774, p. 94; 4 janv.
1775, p. 95; 7 janv-, p. 95; 24 janv.,
p. 95; 4 fév. p. 177; 27 juin, p. 94;
30 juin, p. 179; 6 sept., p. 182;
7. sept., p. 183; 25 janv. 1776, p. 142
n.; 30 janv., p. 186; 16 fév., p. 187;
17 fév., p. 112'et n.; 26 fév., p. 189;
3 mai, p. 193; 21 juin, p. 445;
16 juillet, p. 299; 31 déc, p. 290;
18 janv. 1777, p. 194; 22janv., p. 75 ;
7 lév., p. 194; 13 mars, p. 196;
11 avril, p. 196; 17 juin, p. 77;
18 juill., p. 257; 13 août, p. 144;
5 sept., p. 294 n.; 20 sept., p. 197;
24 nov., p. 143; 12 déc, p. 414 n.;
7 janv. 1778, p. 198; 26 fév., p. 298;
5 mai, p. 77; 4 août, p. 434; 14 août,
p. 76; 29 sept., p. 434; 16 déc,
p. 198; 12 janv. 1779, p. 299; 20 janv.,
p. 72; 11 fév., p. 172; 3 mars, p. 262;
2 juin, p. 454; 19 juin, p. 304;
13 juill., p. 199, 296; 16 juill., p. 72-
74; 17 juill., p. 299; 10 août, p. 262;
6 sept., p. 262; 16 déc, p. 447;
27janv. 1780, p. 567; 26 fév., p. 448;
7 mars, p. 144, 263 ; 8 avril, p. 430;
5 juill., p. 453; 4 sept., p. 427-428;
7 sept., p. 199, 455; 16 janv. 1781,
p. 77; 25 janv., p. 203; 10 fév.,
p. 571; 20 fév., préparé, non pu-
blié, p. 414; 6 mars, p. 146 n.;
12 mars, p. 40 n.; 13 mars, p. 453;
23 mars, p. 203; 4 avril, p. 204;
25 mai, p. 204; 22 juin, p. 294 n.;
31 juill., p. 107; 7 août, p. 206;
8 août, p. 206; 30 avril 1782, p. 75;
7 mai, p. 78; 6 juill., p. 568; 11 juill.,
p. 147; 27 fév. 1783, p. 294 n.,
26 mars, p. 463; 7 mai, p. 207;
14 juill., p. 147; 23 août, p. 78;
19 sept., p. 420; 26 sept., p. 300;
21 fév. 1784, p. 294 n.; 2 avril,
p. 142 n.; 7 mai, p. 78; 18 mai,
p. 78; 20 juill., p. 207; 21 juill.,
p. 423; 5 sept., p. 508; 10 sept.,
p. 207; 1er mars 1785, p. 79; 23 avril,
p. 423; 27 avril, p. 439; 2 sept.,
p. 435; 30 déc, p. 373 n.; 14 janv.
1786, p. 208; 7 fév., p. 209; 31 mai,
p. 209; juill., p. 108 n.; M août,
p. 210; 2 déc, p. 431; 31 déc 1787,
p. 150; 7 janv. 1788, p. 220; 9 fév.,
056
TAULE ANALYTIQUE
p. 171; 7 mars, p. 152; 18 mars,
p. 352 n.; 5 mai, p. 226; 24 sept.,
p. 487; 27 sept., p. 227; 2 déc,
p. 107; 9 déc, p. 174; 13 déc,
p. 151; 17 déc, p. 227; 17 janv.
1789, p. 560; 10 fév., p. 230; 18 fév.,
p. 95; 19 fév., p. 79-85; 6 mars,
p. 231; 13 mars, p. 245; 23 juin,
p. 245; juin, p. 107.
Arrêts du Parlement, au criminel,
de 1775 à 1789; classés par ordre de
dates, p. 87, note 2.
Arrêt du propre mouvement de Sa
Majesté, du 20 oct. 1787, p. 368.
Arrosage, p. 425. t
Arquebuse (chevaliers, prix de T);
p. 524, 543 n.; médailles, reines de
r_ p. 543 n. f
Arquebusiers, corps de métier,
p. 390. Vov. Arbalétriers.
Arsenal, >. 321, 367, 384 n., 410,
564.
Art de vérifier les dates (L'),
p. 158 n.
Artillerie de la Ville (capitaine de
F), p. 556.
Artois (comte d'), p. 384, 417.
Arls libres, p. 464.
Aspersion (droit d') dans Paris,
p. 113.
Assemblée constituante, p. 20,
199 n., 251, 336.
Assemblée de charité à l'Hôtel de
Ville, p. 139.
Assemblée du clergé de France ,
p. 32, 67 n.,105, 108n.
Assemblée provinciale de l'Ile-de-
France, p. 19 n., 124 n , 580.
Assemblées provinciales de 1787,
p. 498 n.
Assignation du prévôt de Paris aux
administrateurs des Quinze- Vingts,
17 avril 1789, p. 281 n.
Assignations données en payement
par le Trésor, p. 46, 48.
Associations ouvrières illicites,
p. 467 et n.
Assomption (fête de F) en 1787,
p. 636.
Assurance contre l'incendie, p. 44,
382 et n.; sur la vie (en projet),
p. 383 et n.
Athénée, p. 354 n.
Attributions pécuniaires sur la lo-
terie, p. 521 n., 525.
Aube, receveur de la Ville à Man-
tes, p. 521.
Aubert, suppôt de l'intendance de
Paris, p. 388 n.
Aubert, commissaire au Chàtelet
(quartier Saint-Denis), p. 420.
Aubcrtin (Charles), p. 105 n.
Aubry, professeur, p. 154.
Audience de police, p. 326; des
criées, p. 326.
Augeard (Jacques-Mathieu), secré-
taire des commandements de la reine,
p. 208, 340.
Augustins, p. 625, 626.
Aumône (taxe d'), p. 254.
Aumônier de la Ville, p. 530.
Aumont, employé à la Ville, p. 550.
Aulun (collège cl'), p. 151 n.
Auvergne (Antoine d'), musicien,
directeur général de l'Opéra, p. 380.
Auxerre (collège d'), p. 142 n.
Avis au public et principalement au
tiers état... (contre d'Épréménil) ,
p. 642-643.
Avis aux Parisiens, p. 231.
Avis de la Ville, p. 16 n., 17 n.;
du 23 janv. 1787, p. 431 ; du 15 janv.
1789, p. 370.
Avis du bureau des finances, 2 janv.
1787, p. 431.
Avis du lieutenant général de po-
lice, p. 16 n.; du 15 fév. 1787, p. 431 ;
du 8 mai 1789, p. 431 n.
Avis du peuple au roi et au Parle-
ment, p. 473.
Avocats de la Ville, p. 499.
Baccarit, architecte, p. 272, 274,275.
Bachelier (J.-J.), directeur de l'école
de dessin, p. 359 n.
Uachois de Villcfort (Ch. -Simon),
lieutenant criminel au Chàtelet, p. 323,
335 et n.
Uachoteurs, p. 508.
Bagges (baron et baronne de),
p. 198.
Bailliages : de Saint-Denis, p. 445;
de Versailles, p. 322; du Palais,
p. 25, 226, 321.
Bailly (Jean-Svlvain), p. 247 n.,
253, 349, 403 n.,"509, 558 n.
Balayage, p. 424, 426.
Balincourt (Ch. -Louis Testu, comte,
puis marquis de), p. 204.
Baluzc (Et.), p. 125.
Ban (ruptures de), p. 479.
Ban et arrière-ban, p. 322.
Banlieue : ses plaintes contre la
Ferme, p. 609.
Banqueroutes frauduleuses, p. 97-
98, 371 n.
Barbaud, chef de bureau à la po-
lice, p. 402.
TABLE ANALYTIQUE
637
Barbier (Journal de V avocat), p. 3
n., 10 n., 12 n., 30 n., 32 n., 37,
38 n., 112 n., 114 et n., 116 n.. 118
n., 327, 328 etn., 344 n., 408,419 n.,
467 n., 594 n.
Barbier, poêlier de la Ville, p. SS3.
Bardin, marchand épicier, p. 48S.
Barentin (de), premier p résident des
Aides, puis garde des sceaux, p. 245,
258, 476. — Lettre à la Ville, du
7 fév. '1789, p. 245.
Barjols, dép. du Var, p. 273.
Barnabites, p. 138.
Baron, empl. à la Ville, p. 550.
Barrème (de), conseiller-clerc au
Parlement, p. 620.
Barrières de Paris, énumérécs,
p. ool .
Barroult, banquier, p. 43 n.
Bas (fabricants de), p. 467 n.
Baslv (du bureau du Mont-de-Piélé),
p. 261.
Bas-Montmartre, p. 609.
Bastille, p. 11, 12, 14, 280, 399,
400, 471, 472 et n., 473, 474, 480 et
n., 481, 482; canons de la— ,p. 632;
destruction de la — , p. 403 n., 641;
fossés de la — ,p. 367, 383 et n.; gou-
vernement delà — , p. 379 n.; plans de
la— , p. 382.
Bateaux à lessive et à bains (droit
de places des), p. 591.
Bateaux à vapeur, p. 392.
Bâtiments en péril, p. 430.
Bandeau (l'abbé Nicolas), écono-
miste, p. 184 n.
Baudin (Mathieu), voiturierpar eau,
p. 542.
Baudry (forêt de), dêp. d'Indre-et-
Loire, ]}. 304.
Bazin, contrôleur de la Caisse de la
Ville, p. 506.
liazoches : d'Angers, p. 237; du pa-
lais, p. 642.
Beaugé (Jacques de), p. -432.
Beaujon (Nicolas) : hospice fondé
par — ,p. 250.
Bcaulieu [les-Fontaincs|, dép. de
l'Oise, p. 312.
Beaumarchais (Pierre-Augustin Ca-
ron de), p. 194, 199 n., 381 et n.,
-477.
Beaumont (Christophe de), arch. de
Paris, p. 117, 120 et n., 195 n., 627.
Bcauvais (collège de), p. 151 et n.
Beccaria (César Bonesana, marquis
de), p. 215.
Bejot, garde des manuscrits à la
Bibliothèque royale, p. 381.
Belgrand, p. 16.
Bellanger (Angélique-Charles), lieu-
tenant particulier au Châtelet, p. 323,
335 et n., 340.
Bellef'ond[s] (Bernardin Cigault, mar-
quis de), p. 127.
Bellefov, chef de bureau à la police,
p. 401.
Belleville, p. 434; prisons de — .
p. 388 n.
Belime, notaire, p. 570.
Berner. Voy. Bœhmer.
Bénédictins de Saint-Maur, p. 127,
369 et n.
Bénissons le minisire, p. 186.
Benoit (lillc), p. 417.
Bérard, charcutier, p. 453.
Bérardier, du bureau de Louis-le-
Grand, p. 145, 147,150, 154.
Bergassc (Nicolas), p. 381 n., 470,
477, 492 n.
Berge de la Seine, du domaine de
la Vilfc, p. 368.
Bcrg-op-Zoom, p. 640.
Bernage (de), prévôt des marchands,
p. 376 n.
Bernard (François), premier huis-
sier du Parlement, p. 626.
Bernard (.ios.), maître boulanger,
p. 316.
Bernard de Boulainvilliers, prévôt
de Paris, p. 323, 438.
Bernier (abbé), pseudonyme, p. 187 n.
Berryer (Nic.-Kené), lieutenant gé-
néral de police, p. 3, 342, 399, 441,
478.
Berthclot de Saint-Alban, conseiller
au Parlement, p. 183, 200.
Bertier de Sauvigny (Louis-Bénigne-
François), intendant" d'Ile-de-France,
p. 284 n., 289, 333, 386, 387 et n.,
388.
Bertin (H.-L.), contrôleur général
des finances, p. 273, 275, 399, 511,
590.
Bertrand (J.-L.-Ét.), p. 394.
Berty (Ad.), p. 264 n.
Besson (Paul), p. 215 n.
Bestiaux (jurés vendeurs de), p. 297.
Bethléem (Bedlam), hospice de Lon-
dres, p. 355.
Béthune (comtesse de), défendue par
Linguel, p. 177.
Bibliothèques : de la ville, p. 552;
du roi, p. 469; du Vatican, p. 381;
nationale, p. 470.
Bicêtre, p. 53, 250, 336, 394, 480.
Bien (le sieur), attaché au cardinal
de Bohan, p. 269.
Biens-fonds de la Ville, p. 534.
Bières (droits sur les), p. 551.
Bignon (les trois), bibliothécaires du
roi, p. 469 et n.
658
TABLE ANALYTIQUE
Bicrnon, prév. des marchands, p. 512,
522, "535, 629.
Billard (jeux de), p. 419.
Biollay (Léon), p. 317 n.
Biribi (jeu de), p. -415.
Biron (maréchal, duc de), p. 354 n.,
483, 484, 485 et n., 489.
Blanchard-Dureste (veuve), p. 374.
Blanchet, huissier de la Ville, p. 550
et n.
Blés et grains: restrictions au com-
merce des — , p. 303, 305, 317; opéra-
tions sur les — , p. 312, 315; causes
de la disette de 1788, p. 307; état des
blés demandé à la Ville, p. 378. Voy.
Leleu.
lîlin de Sainmore (Adrien -Mich.-
Ilyac), auteur dramatique, p. 638.
Blondel, conseiller au Parlement,
p. 626.
Boby, notaire, p. (J8.
Bochart de Saron, président, puis
premier présidentdu Parlement, p. 133,
228 et n., 241, 268, 311 n., 496.
Bochemur, ot'ticier de robe courte,
p. 52.
Bodkin de Fitzgerald, cons. au Par-
lement, p. 489 n., 626.'
Bœhmer, joaillier, p. 280.
Boin, commissaire au Chàtelct, page
488.
Boin, garde des archives de la Bas-
tille, p. 380.
lïois : disette de 1785, p. 294; de
1789, p. 296; mesurage, p. 300; prix,
p. 300, 303; droits, 302; restrictions
au commerce, p. 301 ; marchands,
p. 372.
Boislisle(Arthurdc),p.21n.,253n.,
347 n.
Boissel, conseiller au Parlement,
p. 626.
Boisseliers, p. 589.
Boizol. inspecteur des ports, p.
374.
Bologne (abbé de). Voyez Bou-
logne.
Boncerf (Pierre-Franc.), p. 189 n.
Bonneterie (corps de la), p. 406,
467 n.
Bonscns (Alex.), p. 304.
Bonvallot (veuve), marchande de
grains, p. 316-317.
Bossuet, p. 119, 141.
Boucher, échevin, p. 586.
Boucher d'Argis (Ant. -Gaspard),
p. 35, 41 n., 215e, 521 et n.
Boucher d'Argis (Ant. -Jean), fils du
précédent, p. 100 etn.
Boucherie et bouchers, p. 437, 438,
439.
Boucheron, emplové à la Ville, page
550.
Bouchu , secrétaire de l'évêquc de
Soissons, p. 152.
Boucot (Jacques), fils du suivant, re-
ceveur général du domaine de la Ville
(1721-1762), p. 507 n., 539.
boucot (Jacques1) père, mêmes fonc-
tions (1717-171!)), 'p. 539.
Boucot (Justine-Josèphe), épouse
dotale du comte de Bouault, p. 539-
510.
Boudoux, employé à la Ville, p. 552.
Boudreau, premier commis au gretle
de la Ville, p. 5i8, 550, 556, 557.
Houes et lanternes, p. 368, 425, 593.
Bouffé, banquier, p. 98.
Bouillcrot, p. 282.
Bouillct, entrepreneur d'un specta-
cle libre, p. 355.
Bouïn, peintre, p. 464.
Boula (Ant. -Franc.), conseiller au
Parlement, p. 31, 151.
Boulainvillicrs. Voy. Bernard.
Boulangerie et boulangers, p. 313,
316, 435, 436, 446.
Boulard, greftier consulaire, p. 578.
Boulard, notaire, p. 611, 617 n.
boulevards, p. 14, 15, 363 n., 378,
571.
Boullée, p. 366.
Boullenois, du bureau de ITlôtcl-
Dieu, p. 258.
Boulogne (Et. -Antoine, abbé), dit de
Bo(u]logne, p. 635.
Bourbon (Louis-Amé de), fils naturel
de Louis XV, p. 138 et n.
Bourbon (Louis-Bcnri-Jos., duc del,
p. 343.
Bourdeilles (Claude de), év. de Sois-
sons, p. 151.
Bourdon, bénédictin, p. 136.
Bourgeois, commissaire au Châtelct,
p. 416.
bourgeois de Paris; leurs privilèges,
p. 320/601.
Bourget (le), dép. de la Seine, p. 308.
Bourse (Pierre), prêtre, p. 542.
Bourse (la), p. 44.
Bourses et boursiers universitaires,
p. 145, 151, 153.
Boyenval, emplové à la Ville, p. 548,
550.
Boyer (le Père), de l'Oratoire, page
105 n.
Bovnes (hôlel de), p. 16.
Bradier (Ch.), p. 210.
Bréquignv(L.-G.OudardFeudrixde),
p. 246.
Bresme (riv.), affl. de l'Armançon,
p 543 n.
TABLE ANALYTIQUE
659
Bressac (chevalier de), 3ol.
Bresse, grel'tier des Uuin/.c-Vingts,
p. 37 4.
Bretagne (province de), p. 232, 481,
482, 601.
Breteuil (Louis-Auguste Le Tonne-
lier, baron de), p. lin., 280, 337, 345,
340 n., 347, 469, 472 n., 507, 544, 625.
Voy. Ministre de Paris; Lettres.
l!relignières de), conseillerai! Par-
lement,' p. 198 n.
Brctonvilliers (hôtel de), p. 370 n.,
551 , 601 .
Bréviaire de Paris, incriminé parle
parti romain, p. 195.
Bricard, entrepreneur, p. 275.
Bric-Comtc-Boberl, p. 322 n.
Brienne. Vov. Loménie.
Brière (fillef, p. 551.
Brissac (Louis-Herculc-Timoléon de
Cossé, duc de), gouverneur de Paris,
p. 355, 625.
Brocanteurs, p. 458-459.
Brochant, receveur de l'Hôtel-Dicu,
p. 258.
Brochures commandées, p. 474.
Brou (Paul-.los. Feydeau de), inten-
dant de Bouen, p. 539.
Brouillot (J.-P.), faux-monnaveur,
p. 101.
Brousse, procureur, p. 152 n.
Bruère frères, merciers, p. 448, 450.
Brunet, bénédictin, p. 136.
Brunct père et fils, condamnés à mort,
p. 304.
Brunetière (F.), p. 220 n.
Budé (GuilL), p. 469.
Buffault, écuyer, receveur général
de la Ville, p. 359, 374, 519, 520, 556.
Buffault (J.-B.), échevin, p. 500 etn.,
502, 557, 608.
Buffon (comte de), p. 542-543.
Bulletins à la main, p. 477.
Bullion d'Esclimont (de), prévôt de
Paris, p. 327.
Bure (de). Voy. Debure.
Bureau de la distribution du papier
timbré, p. 596 n.
Bureau de la Ville, p. 499, 587; en
Parlement, p. 633; sa juridiction, p.
317, 321 ; ses membres et leurs fonc-
tions, p. 367. Voy. Délibérations, Let-
tres, Ordonnances, Sentences ; — Pré-
vôt des marchands, Échevins, etc.
Bureau des finances, p. 388, 430, 566,
568, 574.
Bureau des insinuations, p. 596 n.
Bureau des pauvres, p. 254.
Bureau des privilégiés, p. 601
Bureau de sûreté, p. 479 n.
Bureaux de charité, p. 109.
Bureaux de la police, p. 399.
Bureaux des ports et barrières,
p. ool.
G
Cabarets et cafés, p. 418.
Cabinet particulier du roi, p. 515.
Cadet de Gassicourt L.-CL), du Col-
lège de pharmacie et de l'Académie des
sciences, p. 424 n.
Cadot, commissaire au Chàlelet,
p. 420.
Cafetiers-limonadiers, p. 418.
Cagliostro (Alexandre, comte de),
p. 281.
Cahier du Corps municipal de Paris,
dit Cahier de la Ville, p. 255, 612.
Cahier du tiers- état de Paris, nacc
602 n. B
Cailleau, adjoint au syndic de la li-
brairie, p. 400 n.
Caisses : delà Ville (fin 1788), p. 619 ;
— pour l'amortissement, p. 541 ; —
fictives, p. 525; — de Poissy et de
Sceaux, p. 199 et n.. 272, 296, 297,
438, 439 (Vov. Boucherie); — d'es-
compte, p. 44, 45-48, 318.
Calembours sur les Edits du 8 mai
1788, p. 641.
Callou, inspecteur des eaux de la
Ville, p. 550, 565.
Galonné (Charles-Alexandre de), con-
trôleur général des finances, p. 41 1*6
289 n.,| 470, 471. 505, 506, 507 et n'
539, 546, 611, 644 et n.
Camp (Maxime du), p. 12 n., 15 n.,
247 n , 283 n., 372 n., 593 n., 597 n.,
598 n.
Campardon (É.), p. 209 n.
Campourcy, pensionnaire de la Ville,
p. 3/4.
Camus Armand-Gaston), p. 120 n
125.
Çange (Charles du Frcsnc, sieur du),
p. 598 n.
Capelle(dame de), recommandée par
le baron de Breteuil, p. 365.
Capitaineries de chasse, p. 321.
Capitation, p. 66, 108 et n., 365,
580,581,588.
Capucins, p. 125 n.
Cardinal-Lcmoine (collège du), na^e
142.
Cardon, fraudeur, p. 607.
Carême, p. 106, 111, 287, 204, 299,
405, 635. '
Caricature du cheval de Trêves (sic),
p. 642. " "
filiO
TABLE ANALYTIQUE
Carmes, p. 628.
Carnavalet (bibliothèque), p. 497 n. ;
(musée), p. 030 n.
Caron, ex-payeur des rentes, p. 272.
Carra (Jean -Louis), secrétaire du
cardinal de Bohan, p. 272-273 n.; di-
recteur de la Bibliothèque nationale,
p. 470.
Carreau des halles et rues avoisi-
nantes (balayage du), p. 432.
Carrières, p. 434, 43îi n.; Commis-
sion spéciale des —, établie le 1er jan-
vier 1779, p. 565 ; — de Ménilmontant,
p. 575.
Carrosses, p. 458, 597 n. ; — de la
Ville, p. 524.
Carrousel (place du), p. 641.
Cartes (les), en Touraine (dëp. d'in-
dre-et-Loire), p. 304.
Castillon (Marguerite-Olympiade) ,
domestique, p. 208. Voy. Lemaître.
Castrics (Th. -Eug. -Gabriel de La
Croix, maréchal de), p. 280.
Catéchisme du citoyen, p. 178.
Catéchisme des Parlements, p. 231.
Cauchois (Jean), dit le Boiteux,
p. 434, 575 n.
Cauchv, du bureau de M. de Crosne,
p. 399. "
Caumartin (Ant. -Louis-François Le-
fcbvrede), prévôt des marchands, pages
112 n., 509, 548, 565, 621, 624, 630.
Cauvin, entrepreneur de carrières,
p. 434.
Célestins (les), p. 125, 283 n., 349.
Cellier (de), entrepreneur des bar-
rages du Morvan, p. 372.
Cellier, parricide, p. 93.
Cens-commun, fief du chapitre de
l'Église de Paris, p. 118 n.
Censive et mouvance rovalcs, p. 432.
Cent-Filles (les), p. 250".
Cerfs-volants, jeu interdit dans les
rues, p. 432.
Chabert, parricide, p. 93.
Chaillot, prévôté, p. 322 n. ; grille
de —, p. 636.
Chaises sur les boulevards, droit af-
fermé par la Ville, p. 591 n.
Chàlons - sur - Marne ( évêque de )
| Anne-Antoine-Jules de Clcrmont-Ton-
nerre], p. 227 n.
Chambres : civile du Chàtelet, p. 326 ;
— criminelle du Chàlelet, p. 325; —
de la marée, p. 386 ; — des bâtiments,
p. 527; — des monnaies, p. 41 ; —
du Conseil du Chàtelet, p. 325; — du
Parlement (Voy. ce mot); — du procu-
reur du roi au Chàtelet, p. 325; —
ecclésiastique, p. 419, 540; — syndi-
cale de la librairie, p. 400 et n.
Chamfort (Séb.-Boch-Nicolas), page
470.
Champion (Edme), p. 120 n.
Champion (MIle), brocheuse, p. 476.
Champs-Elysées, p. 636.
Chandeliers (maîtres-), corporation,
p. 455.
Chanson des rues autorisée, p. 349.
Chantilly, p. 395.
Chapeau mi-parti, servant de sac
électoral à la Ville, p. 532.
Chapitre de l'Église de Paris (ou de
Notre-Dame), ses droits ecclésiastiques
et seigneuriaux, p. 118 et n., 369.
Charbonnier, procureur, p. 467.
Charbons de Paris (en 1784, 1785,
1787, 1788, 1789), p. 295, 296, 299.
Charcutiers de Paris (corporation),
p. 440, 453. Voy. Saint-Antoine (fau-
bourg).
Charenton, p. 475, 480, 482; hos-
pice, p. 247; gare aux bateaux proje-
tée près des îles de — , p. 295, et aban-
donnée, p. 365.
Charicr, consul, p. 577.
Charité (La), hôpital, p. 247.
Charlatans : tolérés, p. 422.
Charles VI, p. 8.
Charles IX, p. 321, 333.
Charmes (Xavier), p. 245 n.
Charon (N.), publicislc, p. 391.
Charonne, p. 434.
Charost (Armand-Joseph de Béthune,
duc de), p. 640.
Chartes de fondation de Saint-Mar-
tin, p. 328.
Chartres (Louis, duc de), puis d'Or-
léans, p. 343.
Chartres (Louis-Philippe-Joseph d'Or-
léans, duc de), p. 272, 354 n.
Chartreuse (Grande-) de Grenoble,
p. 138.
Chartreux, p. 615; dîners chez les
— , p. 626 n. et 627.
Chassin (Charles-Louis), p. 21 n.,
216 n., 229 n., 245 n., 329 n., 499,
reo.
Chàtelet : ses privilèges, p. 320; sou
ressort extra muros, p. 322 n.; son
sccl, p. 330; il résiste aux Édits du
8 mai 1788, p. 337, 338 et n. ; est ac-
cusé de déni de justice, p. 366 n.Voy.
Chambres, Lieutenants, Prévôt de Pa-
ris, Ordonnances, Sentences.
Châiellerault, sénéchaussée : arrêt
la concernant, p. 263 et n.
Chaudcsol (Joseph), coiffeur de da-
mes, p. 4i5.
Chaumette des Fossés (Nicolas-
Louis), procureur, p. 466.
Chaumont, bailliage, p. 210.
TAIJLE ANALYTIQUE
661
Chavanne[s] (de), conseiller au Par-
lement, p. 50, 265.
Chef de cuisine ou maître d'hôlel de
la Ville, p. 374.
Cheradamc, entrepreneur pour la
Ville, p. 553, 554.
Chesnon père, commissaire au Chà-
telet, p. 470, 471.
Chevalier, limonadier, p. 571.
Chevalier du guet, p. 331 et n.. 332.
Voy. Dubois, Rulhière, Carde de Paris.
Chirurgiens, p. 422 n.
Choiseul (Marie de Coufficr, com-
tesse de), p. 564.
Choiseul (hôtel de), p. 10.
Choron, notaire, p. 611.
Christin (Ch.-Gab.-Fréd.i, p. 189 n.
Chuppin, du bureau de Louis-le-
Grand, p. 147, 150, 154.
Cicéron, p. 037 n.
Cimetières, p. 349, 127, 128. Voy.
Saints-Innocents.
Cinquanteniers. p. 529, 530; leurs
gages, p. 555. Voyez : Dixainiers,
(juartiniers.
Cité (La), p. 369.
Clefs (vente des), réglementée, p.
452.
Clément XIV, pape, p. 1 10.
Clément (Pierre), p. 3 n.
Clément de Blavette, conseiller au
Parlement, p. 626.
Clément de Verneuil, conseiller au
Parlement, p. 626.
Clercs de notaires, p. 72-74.
Clercs de procureurs; il leur est in-
terdit de postuler des affaires, p. 75.
Cloaques dans les rues, p. 296 n.
Clubs, p. 354.
Cochers ; leurs excès, p. 458. Voy.
Carrosses, Tiers-état.
Coches d'eau, p. 125.
Cochin (Jacques-Denis), curé de St-
Jacques du Haut-Pas, p. 12, 125.
Cochut, avocat, p. 1 68.
Coffres (caisses) des communautés
d'arts et métiers, p. 462.
Coiffeurs de dames, p. 445.
Colbert (J.-B.), p 2.
Colbert (Claude-Théophile-Gilbert),
marquis de Chabanais, p. JG.
Collation des cures, p. 118 n.
Collège de chirurgie (hospice du),
p. 248/
Collège de France, p. 141.
Collet, employé à la Ville, p. 550.
Collier (affaire du), p. 281.
Collignon (J.-L.), boursier univer-
sitaire, p. 152.
Colloques secrets, au lit de mort,
censurés par le Parlement, p. 123.
Colonel de la Ville, p. 331. Vovez :
Hay.
Colonnes du Châtelet, p. 323, et n.
Colporteurs de livres, p. 475, 476;
— battus par la populace, p. 637.
Comédie italienne, p. 16.
Comédiens, p. 408.
Comeiras ( Pierre - Jacques - Don -
homme de), avocat, p. 99.
Comin, secrélaire du baron de Bre-
teuil, p. 365.
Comité du 7 avril 1788, chez le mi-
nistre de Paris,)). 571. Voy. Conseil
particulier de la Ville.
Commerce : en gros, p. 453; bureau
consultatif du
p. >o
77.
Commeyras. Voy. Comeiras.
Commis des domaines de la Ville,
p. 538 n.
Commissaires de la marée, p. 291 ; —
de la navigation sur la Marne, p.
548: — de la navigation sur la Seine
et l'Yonne, p. 548 n.; — de police au
Châtelet, p. 26, 324, 336, 387; —
généraux de la voirie, p. 567 et n.
Voy. Huissiers.
Commission des Réguliers, ou de
l'Union, p. 11, 127.
Commission municipale, formule
imprimée avec blancs, p. 542.
Committimus (droit de), p. 71.
Communautés d'arts et métiers, p.
30, 320, 401,443, 444 et n.; -, dé-
pendantes de la Ville, p. 589; police
d'ordre des — , p. 457; administra-
tion de leurs deniers communs, etc.,
p. 461 sq.
Commune de Paris : ses origines, p.
27; expression employée par le mi-
nistre de Paris, p. 375.
Compagnie des Indes, p. 196 n.
Compagnie du prévôt-général de
l'Ile-de-France, p. 479 n.
Comptabilité de la Ville, redressée
par Turgot, p. 525.
Comptes (Cour des), p. 518-519.
Comptes financiers: de la Ville, p.
523, 600 n.; la communication en est
refusée au Parlement, p. 517; — de
Necker (1781), p. 515.
Comptes rendus en Parlement : par
l'avocat général, p. 259, 306; par le
lieutenant civil au Châtelet, p. 98; par
le lieutenant général de police, pages
408, 427 ; par le premier président,
p. 55, 56; par le prévôt des marchands,
p. 112 et n., 301.
Concierge de la Ville, p. 362.
Conciergerie du Palais, p. 87.
Concile de Trente : pourquoi « il n'a
pas été reçu» en France, p. 122-123.
662
TAULE ANALYTIQUE
Concordat, p. 69.
Condé (Louis-Henri-Joscph , prince
de), p. 283 n., 615. Voy. Bour-
bon.
Condorcet (Nicolas Caritat, marquis
de), p. 186, 213 n.; 391, 392.
Conférence (faubourg de la), p. 322
n.; (porte de la), p. 594.
Confession (billets de), p. 123.
Conflits administratifs entre la Ville
et le Cliàlelet, p. 424.
Confréries : leurs comptes distincts
de ceux des communautés, pour les
arts et métiers, p. 4G1 n.
Congés universitaires, p. 143.
Conseil particulier de la Ville, page
537.
Conseillers à la Ville, p. 500,530.
Conseillers au Châtelet, p. 323.
Conservation des hypothèques, page
502.
Consigne convenue entre la Ville et
le guet, p. 563.
Constance, conseiller aux enquêtes
du Parlement, p. 270 n.
Constitution de la monarchie fran-
çaise, d'après le Parlement: 1° elle
est fédéralive, p. 66, 67, 69; 2° elle
est contractuelle au moyen du ser-
ment du sacre, p. 70.
Constitutions bénédictines approu-
vées en 1769, p. 128.
Consuls (Juge et), juridiction com-
merciale, p. 454, 526, 576-578.
Consultations d'avocats, p. 168, 198.
Contrat d'acquisition domaniale (7
septembre 1786), p. 432.
Contrat d'emprunt (dernier) entre
le roi et la Ville, p. 617.
Contrefaçons en librairie, p. 158 sq.
Contrôle de la caisse municipale,
office ou commission tour à tour, p.
506.
Convalescents (Les), hôpital, p. 247.
Convention nationale, p. 346.
Conversation anglaise, assemblée du
Palais-Royal, p. 354 n.
Coquebert (Antoine-Jean), avocat,
p. 454.
Corbeil (moulins de), p. 308, 312,
322 n. Voy. Lelcu.
Corbet, inspecteur des bâtiments de
de la Ville, p. 361 et n.
Corbillards proposés par la police
au lieu des porteurs, pour les inhuma-
tions, p. 42!).
Cordelicrs (les), p. 125.
Cordicolcs (les), prête-nom des ex-
Jésuites, p. 196.
Cordonniers (garçons-), leur disci-
pline corporative, p. 417.
Cornet, secrétaire du cardinal de
Rohan, p. 272.
Corporation projetée entre tous les
marchands de charbon fournisseurs
de Paris, p. 509.
Corporations. Voy. Communautés.
Corps-de-garde, divers : p. 483 sq.
Corps-de-Ville : son caractère, sa
décadence politique. Voy. Bureau de
la Ville, Ville, Prévôt des marchands,
Echevins, Conseillers, Quartiniers, etc.
Cosse (marais de), p. 40 n.
Couleurs prohibées en confiserie, p.
423.
Coupry, notaire, p. 272.
Courmontagne, receveur particu-
lier, p. 589.
Cour plénière : son échec, plaisan-
terie à ce sujet, p. 641. Vov. Edits du
8 mai 1788.
Cours souveraines ou supérieures.
Voy. Aides, Comptes, Grand-Conseil,
Parlement.
Courtisanes, p. 635-636.
Coutume de Paris, p. 17 n., 320,
426.
Coutumes: leur légalité, p. 191.
Cozctle, receveur particulier, p.
589.
Creil, p. 395.
Crillon (François -Félix -Dorothée,
comte de), p. 19 n.
Croix-du-Trahoir, et place, p. 100.
Croix-Rouge: chanoines réguliers
de la — , p. 635.
Crosne (Thiroux de), lieutenant gé-
néral de police, p. 59, 70 n., 218,220
n., 226, 323. 335 n., 337, 338, 339,
346, 378, 399.416,458,461,467,470,
476, 477, 481, 483, 486.
Crussol (le bailli de), capitaine des
gardes du comte d'Artois, p. 384.
Crussol d'I'zès (François-Joseph-
Emmanuel de), évêque de la Rochelle,
p. 40 n.
Culture, Sainte-Catherine (couvent de
la), p. 552.
Cumuls à la Ville, p. 500-501.
Cures: leur inégalité, p. 139. Voy.
Fabriques , Paroisses, et les noms des
patrons paroissiaux.
Curés de Paris : leurs droits discu-
tes en Parlement, p. 119.
Cygnes (île des), p. 13, 3G9, 441.
Dacher (François), p. 424 n.
Dacier 'Bon-Joscph\ p. 398 n,
TABLE ANALYTIOl'E
0G3
Dainville (collège de), p. 150.
Dais du Châtelet, p. 330.
Damiens (Robert-François), le régi-
cide, p. 215.
Dandasne, avocat, p. 571.
Danses et fêtes baladoires, p. 42J .
Dargent, faussaire puni de mort,
p. !)8.
Dassy, avocat, p. 198.
Dauphin (le), fils aine de Louis XVI,
[Louis-Joseph-Xavier-François], né le
22 octobre 1781, mort le -4 juin 1789,
p. 377 n.; sa naissance annoncée à la
Ville, p. 556; fêtes et cérémonial, page
632.
Dauphine (place), p. 482, 640.
Debar, horloger de la Ville, p. 553.
Debonnières, avocat, p. 125.
Deburc (Guillaume), libraire, p. 172.
Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen, p. !!)J n.
Déclarations du roi: 10 sept. 1563,
p. 156 n.; 10 fôv. 1638. p. 407; 1639,
p. 121; 7 juin 165!), p. 125; 15 mars
1673, p. 75; 28 janv. 1690, p. 256;
16 juin 1693, p. 567; 16 déc 1698, p.
109; 12 mars 1701, p. 584; 3 déc.
1702, p. 256; 9 fév. 1706, p. 2!ll ;
14 oct. 1710, p. 592; 3 janv. 1711, p.
257; 15 déc, p. 257; 22 déc, p. 256;
14 sept. 1714, p. 256; 29 janv. 1715,
p. 263; 3 oct. 1716, p. 256; 2 sept.
1718, p. 256; 30 sept. 1720, p. 256;
15 mai 1722, p. 601 ; 1er avril 172li,
p. 405, 406; 1er mars 1727, p. 264;
mars 1728, p. 577; 28 sept. 1728, p.
236; 18 juil. 1729, p. 430; 5 mars
1732, p. 256; 16 août 1733, p. 286;
8 sept. 1737, p. 436 n.;26 août 1738,
p. 256; 3 déc. 1743, p. 503, 24 sept.
1744, p. 236; 7 juil. 1756, p. 598;
24 août 1756, p. 256; 9 juil. 1758, p.
513; 13 avril 1761, p. 587; 30 juil.
1762, p. 257; 25 nov. 1762, p. 600;
23 mai 1763, p. 284; 11 fév. 1764, p.
510; 4 mai 1766, p. 51!); 26 déc.
1767, p. 256; 22 mars 1768, p. 237;
27 juil. 1769, p. 264; 5 fév. 1771, p.
326; 19 août 1774, p. 256; autre,
même date, p. 257; 23 déc. 1774, p.
294 n.; 10 mars 1770, p. 349; 19 déc.
1776, p. 462; fév. 1777, p. 464; mars
1777, p. 465; 25 avril 1777, p. 423;
5 sept. 1778, p. 435 n.; 30 nov. 1778,
p. 383; 1er juil. 1780, p. 611 n.;
3 sept. 1780, p. 106; 1er mars 1781,
p. 416; 23 sept. 1781, p. 510;
28 sept. 1782, p. 97; 10 avril 1783,
p. 364; 22 juin 1783, p. 237 n.;
23 août 1783, p. 336, 600; 8 juil.
1784, p. 301 ; 30 oct. 1785. p. il ;
13 juil. 1786, p. 257; 5 fév. 1787, p.
424; 7 fév. 1788, p. 99 n.; 23 sept.
1788, p. 47, 227; avril 1789 (reg. P.
le 29), p. 101.
Décrets : de l'Assemblée nationale
constituante, 2 juin 1789, p. 289 n.;
29 août, p. 289 n.; 18 sept., p. 289 n.;
5 oct., p. 289 n.; 15 déc, p. 583;
22 déc, p. 251; 15 mars, 11 avril
1790, p. 583, 601; 2 juin, p. 298;
19juin, p. 137; 4 août, p. 601; Il sept.,
p. 336; 22 déc, p. 601 ; 16 fév. 1791,
p. 290 n.; 13 mai, p. 2!>8; 15 juin, p.
290 n.; 21 sept., p. 290 n.; —de la
Convention, 7 messidor an II, p. 316;
— de la Faculté de médecine, 8 et
12 août 1772, p. 144 n.
Defer de la Nouërre, économiste,
auteur du projet de canalisation de
l'Yvette, p. 359 et n., 360, 361 n.
Déficit (monsieur), p. 641.
Delaistre, inspecteur des eaux de la
Ville, p. 565 n.
Delaître, directeur général des aides,
p. 550, 551 .
Delalain, adjoint au syndic de la li-
brairie, ]>. 410 n.
Delamare, conseiller au Châtelet,
auteur du traité de la Police, p. 320
n., 329, 397, 398 et n.
Delamotte, juge-consul, p. 578.
Delaune, avocat, p. 127 n.
Delavigne, avocat, p. 466-467.
Delavigne (épouse Lemaître), p. 208.
Delavovepicrre (Denis), consul , p.
578-579/
De lièvre (dame), p. 357.
Délibération à prendre par toutes
les municipalités du royaume, p. 227.
Délibérations: delà communauté des
libraires, 23 janv. 1779, p. 169; —
des procureurs au Châtelet, 30 mai
1788, p. 340.
Délibérations des états de Virginie,
17 déc. 1781 et 1er déc. 1781, p.' 633.
Délibérations du bureau de la Ville,
25 mai 1740, p. 116; 12 mars 1761,
p. 374 ; 23 sept. 1763, p. 552; 10 mai
1764, p. 511; 12 fév. 1765, p. 512;
12 avril 1768, p. 374; 1 1 juin, p. 551 ;
22 déc 1768, p. 374; 5 déc 1771, p.
525; 12 août 1773, p. 552; 30 juil.
1776, p. 37 i ; 7 fév., 18 avril,!!) août
1777, p. 536; 26 août 1777, p. 552;
6 nov., p. 374; 20 fév. 1778, p. 374;
22 oct. 1781, p. 536; 14 juin 1782, p.
556; 17 janv. 1783, p. 510 n.; 12 août,
p. 539; 31 oct., p. 538; 7 mai 1784,
p. ,603; 20 août, p. 374, 507, 518;
22 sept., p. 374; 2 août 1783, p. 304;
20 oct., p. 511 ; 11 fév. 1786, p. 611
664
TABLE ANALYTIQUE
n.; 6 mars, p. 564 et n.; 20 mars,
p. 361 n.; M avril, p. 546 n.; 24avril,
p. 552; 2 juin, p. 509, 604 n.; 11 juil.,
p. 595; 10 août, p. 361 n.; 7 déc,
p. 601 n.;|29 déc, p. 5i6; 16 fév.
1787, p. 552; 23fév., p. 362; 9 mars,
p. 552; 9 oct., p. 616 n.; 18 mars
1788, p. 548; 15 mai, p. 574; 1" juil.,
p. 606; 18 juil., p. 365; 12 août,
p. 547; 18 août, p. 612 n.; 13, 17 et
21 sept., p. 618; 9 janv. 1789,
p. 139; 17 mars, p. 627 et 628 n.,
1er mai, p. 548; 27 juin, p. 370.
Délibérations du bureau: de l'Hôtel-
Dieu, 27 nov. 1776, p. 257 ; — de
Louis-le-Grand, 15 l'év. 1781, p. 145;
4 avril, p. 145; 17 janv. 1788, p. 153;
— du Mont-de-Piélé, homologuée le
25 mars 1780, p. 263.
Delisle, chevalier de Saint-Louis, p.
483, 484.
Delisle de Sales (J.-B. Isoard), p.
186 n, 468 n.
Délivrance des prisonniers, p. 97.
Demilly, employé à la Ville, p. 548.
Denis, procureur, p. 438.
Denis (Nie. -J.-B. ), président- pre-
mier du Bureau des finances, p. 382;
cité en Parlement le 11 avril 1783, p.
569-570.
Denisart, libraire, p. 173.
Dénonciation au public, etc., signée
Patriophile, p. 477.
Dentelle noire (œuvre de la), p. 251 .
Déparcieux (Antoine), phvsicien,p.
360.
Départements des impositions di-
rectes à Paris, p. 589.
Dépenses fixes de la Ville, p. 558,
572 n.
Député de Paris pour le commerce,
p. 577.
Derin, employé à la Ville, p. 548.
Desaint (veuve), libraire, p. 172,
173, 174.
Desban, employé à la Ville, p. 550.
Desbois de Rochefort (Éléonore-Ma-
rie), curé de Sainl-André-des-Arcs, p.
139 et n., 249.
Desbrugnières, exempt de police,
p. 639.
Descours, capitaine des gardes, page
556.
Desescoutcs, emplovéàlaVille, page
550.
Desgrançes, maître-tapissier, et sa
fille, p. 490 sq.
Desjardins (Albert), p. 214 n., 216.
Desmazes (Charles), p. 333 n.
Desnos(Pierre-Joseph Odolant), p. 8
n , 321 n.
Desnoyers (Abraham), commissaire
au Châtelet, p. 405.
Desormes (femme), condamnée pour
escroquerie, p. 95.
Desquenet-Duclos (G.-A.-Él. ), p.
151.
Desroches, procureur, p. 127 n.
Dessin (école de), et places fondées
par la Ville, p. 359.
Dettes de la Ville en 1775, p. 523.
Devillc (demoiselle), reine de l'Ar-
quebuse en 1788, p. 543.
Devilliers, du bureau de Louis-le-
Grand, p. 154.
Devins, magiciens, sorciers, p. 422.
Devis municipaux, p. 538.
Devoir (sociétés du), p. 467 n.
Diatribe à l'auteur des Èphémé-
rides, p. 183.
Digne (abbé), ex-chanoine, p. 273.
Dimanches et. fêtes (observation lé-
gale des), p. 350, 402' sq., 418, 421.
Direction : de la librairie, p. 469; —
des droits de la Ville, p. 551 ; — des
impositions de Paris, p. 584.
Discours sur V administration de la
justice, par Servan, p. 215.
Disettes ou chertés du blé aux XV110
et XVIIIe siècles, p. 285 et n.
Distillateurs (maîtres-), p. 418.
Distributions au peuple, p. 625.
Dixainiers, p. 529, 555.
Dixième (le), subside transformé en
impôt territorial, p. 66,582 n.
Domaine de la Ville, p. 432,535; —
du roi, p. 191 et n.
Don gratuit de la Ville au roi (1758),
p. 599.
Donneuses par acquêt, p. 292-293.
Dorival, échevin, p. 350 n., 608.
Dormans (collège de), p. 151.
Dorne (J.-Fr.), compagnon de ri-
vière, commissionné par la Ville, p. 542.
Douay, consul, p. 577-578.
Douet d'Arcq, avocat, p. 125.
Doumerc, agent pour les blés, pages
313, 378.
Dourlens, ancien nom de Doullens,
p. 59.
Draperie- mercerie, communauté,
p. 446.
Droit municipal primitif, p. 575.
Droits de l'homme, invoqués par le
Parlement, p. 61.
Droit,sd'entrée,garcel hallage, page
598, 600; de hanse, p. -591; d'octroi,
p. 256, 257, 516, 599, 601 ; de robes,
p. 525; des années de grâce, p. 525;
Droits des auteurs, p. 158 sq.
Droits et honoraires du Bureau de
la Ville, réduits, p. 537.
TABLE ANALYTIQUE
665
Droits féodaux, soutenus rigoureu-
sement par le Parlement, p. 192.
Droits sur la bière, le bois, l'eau-dc-
vie, le vin, etc., p. 599; les carrosses,
p. 458; les grains, p. 284; lesolfices,
p. 597.
Droz (le sieur et la dame), p. 385.
Droz (Joseph), historien, p. 174 n.,
180 n., 377 n.
Dubois (cardinal), p. 419 n.
Dubois (le chevalier), commandant
du guet de Paris, p. 354, 448, 419,
481,' 488, 489, 563, 623, 640.
Dubuisson(dlle), brocheuse, p. 475.
Dubut, maître à danser, p. 421 n.
Ducangc. Voy. Cange.
Duclos (Charfes Pinot- ), p. 3 n.
Ducoudray, employé à la Ville, p. 552.
Ducrest (Charles-Louis, marquis),
chancelier du duc d'Orléans, p. 472.
Ducrocq, employé à la Ville, p. 550.
Dudover, conseiller au Parlement,
p. 270 n.
Duféy (P.-J.-S), p. 198 n.
Dufranc (Fr. -Louis), grct'tier du Par-
lement, p. 113, 626.
Duhamel, faïencier, p. 369; entre-
preneur pour la Ville, p. 554.
Duhau, traiteur, p. 405 n.
Dulion, notaire, p. 171 .
Dumas, serrurier, p. 271.
Dumo[u]lin (Charles), jurisconsulte,
p. 214.
Dunkerque (génévrerie de), p. 308.
Dupaty (J.-B. Mercier-), président de
grand'chambre au Parlement de Bor-
deaux, p. 158 n., 210.
Duperey (Jean-Félix), ex-abbé; rom-
pu vif en 1789, p. 95 et n.
Dupin, p 397.
Dupleix (Guill.), p. 617.
Dupleix de Sainte-Albine, p. 43 n.
Dupont, du bureau de l'Hôtcl-Dieu,
p. 258.
Du Pont, des requêtes du Palais.
p. 270 n.
Du Pont, lieutenant particulier au
Chàtelet, p. 323, 335 ...
Duport (Adrien), conseiller au Par-
lement, p. 59, 386 n.
Dupuv, du bureau de Louis-lc-Grand,
p. 150, 154.
Durant, du bureau de l'Hôtcl-Dieu,
p. 258.
Durocher, commandant la maré-
chaussée de Passy, p. 550.
Dutronchct, inspecteur de police,
p 394.
Duval de Beauvais, conseiller au
Chàtelet, p. 392.
Duval d'Epréménil. Voy. Epréménil.
Eau stomachique, p. 424.
Eaux de Paris (administration, —
compagnie des), p. 44, 371, 390, 563.
Echevins de Paris, p. 368, 371 , 499,
528.
Echoppes sur les quais, p. 376 n.
École de chirurgie, p. 488.
Ecole militaire, p. 250; farines à 1'
-, p. 314.
Écoles (petites), p. 155.
Ecoliers, p. 417, 468.
Economistes, combattus parle Par-
lement, p. 309.
Ecoucn, p. 395.
Ecurie louée par la Ville, p. 524.
Ecuries : du duc de Chartres, p. 272;
grandes — ■, p. 384 n.; petites — ,
p. 384 n.
Edée, boulanger, p. 318.
Edition d'un ouvrage, cachée dans
un souterrain, p. 476.
Édits : août 1410, p. 333; juillet
1493, p. 332; avril 1519, p. 569; mai
1526, p. 331 n.; 19 juin 1536 (Crémieu),
p. 516; janv. 1539, p. 332; 16 févr.,
p. 321 ; 24 mai 1516, p. 267; 11 déc.
1547, p. 156 n.; 27 juin 1551 (CM-
teaubriant), p. 156 n.; 22 oct. 1563,
p. 505 n.; nov. 1563, p. 576; déc.
1566, p. 418 n.; janv. 1626, p. 156;
déc. 1649, p. 157; déc. 1663, p. 426;
déc. 1666, p. 125, 321 ; 1672, p. 286;
fév. 1674, p. 321 : juill. 1681, p. 505,
507 et n.; juill. 1682, p. 422; janv.
1685, p. 325 n.; août 1686, p. 157;
janv. 1690, p. 297; 11 mars, p. 299 ;
mai, p. 504 et 505 ; mars 1691 , p. 569;
déc, p. 540 ; janv. 1695, p.- 588; déc.
1695, p. 155; déc. 1701, p. 26, 454;
mai 1703, p. 508; oct., p. 450: janv.
1704, p. 508; juill. 1706, p.' 505;
déc, p. 291 ; janv. 1707, p. 299; juin,
p. 508; mai 1708, p. 291 ; mars 1709,
p. 291 ; août 1711, p. 436; mai 1715,
p. 286; sept. 1719, p. 286, 292; fév.
1723, p. 157, 164 et n.; mars 1740,
p. 451 n.; juin 1741, p. 286; 3 déc.
1743, p 299, 598; août 1744, p. 286;
août 1758, p. 599; mars 1760, p. 286;
juill. 1767, p. 513,515; 1768, p. 136;
août 1769, p. 454 ; nov. 1771, p. 599;
nov. 1772, p. 520: nov. 1774, p. 41 n.;
janv. 1775, p. 582 n.; 5 fév. 1776,
p. 285 ; août 1776 (Heg Pari, le 28),
p. 443, 447, 448, 452, 461, 464;
30 août 1777 (au nombre de quatre),
666
TABLE ANALYTIQUE
p. 160, 161. 103 sq., 519; août 1781,
p. 001 -, 3 juill. 1782, p. 581 ; août,
p. 450; nov., p. 100; août 1783,
p. 500 et n.; déc, p. 471 ; janv. 1784,
p. 271 n.; août, p. 471 ; sept., p. 010;
30 déc , p. 471 ; 25 fév. 1785, p. 001 ;
déc, p. 471 ; sept. 1786 (Beg. Pari.,
7 sept.), p. 14, 012, 014; *17 juin
1787, p. 305; 23 nov., p. 218, 011 n.,
617; 8 mai 1788, p. 99, 335; 10 oct.,
p. 215.
Égouts, p. 424, 425; grand-égout,
p. 307.
Election do Paris, p. 605 et n.
Élection du prévôt des marchands,
p. 499.
Élevage d'animaux interdits à Paris,
p. 425. '
Embauchages militaires, p. 351,355.
Emprisonnements par lettres de
cachet, p. 4!) sq.
Emprunts publics sous Louis XVI,
cnumérés, p. 011 n.; — de 1758,
p. 499; do 1782, 1787, p. 3il n.; de
1788, p. 518 et 018; de Bourgogne,
du clergé, do Languedoc, p. 013;
frais des — , réduits par Turgot,
p. 613; accrus par Galonné, p. 471 ;
politique du Parlement en matière d'
— p. 00 n.; — universitaires, p. 147.
Enceintes do Paris, p. 7, 010 n.
Voy. Ferme générale.
Encyclopédie, citée, p. 102n., 199n.,
247 n., 309 n., 320 n., 397, 421.
Enfant-Jésus (L'), p. 250; bluterie
de 1' — , p. 312.
Enfants-Trouvés, ou la Couche,
p. 251.
Enfer, surnom d'une salle de jeu,
p. 409.
Enquête parlementaire sur les opé-
rations relatives aux grains, 7 et
11 fév. 1789, p. 311-317.
Enseignement des collèges, pages
147 sq.
Épcronniers, communauté, p. 589.
Éphores (Parlement comparé aux),
p. 180.
Épiciers, communaulé, p. 453, 450.
Époques de la Nature, par Buffon,
p. 147 n.
Épréménil (J.-J. Duval d',, con-
seiller aux enquêtes, p. 05 n., 101,
102, 180n.,190et n., 203n.,200,2(j8,
270 n., 477, 490, 495, 490, 640, 042.
Esmangart, conseiller au Parlement,
p. 026.
Esmcin (A.), p. 210.
Espagnac (Léonard de Sahuguot,
abbé d'i, p. 43 n., 147, 181,183,187,
189, 193 n., 194 n., 204.
Espen (Zeger-Bernard van), théolo-
gien, p. 119.
Espionnage dans les cafés, etc.,
p. 418.
Esquiros, chef d'une maison de
sûreté, p. 52.
Essai sur le jugement qu'on peut
porter de Voltaire, p. 203 n.
Esticnne, du bureau de Louis-le-
Grand, p. 145, 147.
Eslienne, échevin, p. 586.
Estienne (Robert), juge-consul,
p. 577.
Estrapade (l'j, p. 360.
Étalages interdits, p. 432, 447, 448.
Etat de collations de la Ville, p. 031 .
Etats de Languedoc, p. 68 n.
Etats généraux qui ont siégé à
Paris, p. 32 et n.; — de 1789; à qui
la nation les doit, p. 66; leur convo-
cation mise en doute, p. 474; règle-
ment pour les — : la réimpression en est
interdite sans autorisation, p. 478;
prières publiques pour les — , re-
poussées par le roi, p. 392 ; premier
sermon où il est parlé des — , p. 635.
Etaux (droit et privilège d'), p. 358,
407.
Éthis de Corny (Louis-Dominique),
procureur du roi [et] de la Ville,
p. 120, 350 n.,362 et n., 364,371 n.,
393 et n., 502, 509, 542, 557, 563,
574, 575, 604, 606, 616 n., 618, 633,
634.
Etienne (Louis -Abraham) , ma-
nœuvre, p. 560.
Ettonheim (grand-duché de Bade),
p. 283 n.
Évin de Prince, commandant la
maréchaussée de Bondy, p. 550.
Exécutions publiques sous Louis XVI,
à Paris et dans la vicomte, et lieux
d'exécutions signalés, p. 91-92.
Exemption de logements militaires,
p. 502.
Exempts de police, p. 324.
Exils par lettres de cachet, p. 58.
Exploit signé par le comte de Kei-
salaun, le 25 avril 1787, p. 471.
Entrait du registre... du bailliage...
de Sens. p. 198.
Fabriques paroissiales, p. 108.
Facteurs de la halle aux farines,
p. 304; de la marée, p. 293.
Facultés: de médecine, p. 422, 427 ;
des arts, p. 1 46.
TABLE ANALYTIQUE
667
Familier, conseiller au Parlement,
p. 626.
Fantin, commis-greffier à la prévôté
de l'hôtel, p. 100.
Farines : consommation des — a
Paris, p. 316; guerre des — , p. 304,
305, 437.
Farjonnel, conseiller au Parlement,
p. 270.
Faurc (Angélique), dame de Bul-
lion, p. 247.'
Fédération (fête de la), p. 298.
Fénclon (J.-B -A. Salignae, abbé
de), l'évêque des Savoyards, p. 356.
Ferme des messageries, p. 596; —
du tabac, p. 597 et n.
Ferme générale, p. 386, 387, 601 n.,
604, 610, 627-628; son mur, p. 19,
603, 608, 610.
Ferrand (Antoine-François-Claude),
conseiller aux enquêtes du Parlement,
p. 270 n.
Festins : des Chartreux, p. 627-628;
du bureau de la Ville, p. 623.
Fête baladoire de la rue aux Ours,
p. 353 et n.
Fêtes : de l'Assomption (vœu de
Louis X1I1), p. 628; de la réduction
de Paris, p. 625, 626, 627, 628 et
notes; de la Reine, p. 637; de Saint-
Barlbélemv, p. 405; de la Saint-Louis
(fête du roV), p. 405, 628, 637; pour
la naissance (22 oct. 1781) du dau-
phin, p. 377 et n.; leur caractère
officiel, p. 621, et obligatoire, p. 629.
Feu d'artifice, p. 621; — de la
Saini-Jcan, p. .52-1, supprime et rem-
placé par des boîtes, p. 524 n., 030-
631.
Fevdeau de Manille, p. 342, 399,
419 ri.
Fiefs archiépiscopaux, p. 24 n.
Filles-Pieu (dames), p. 367.
Flammermont (Jules), p. 4 n.
Flandre de Brunville (de), p. 458,
461, 463, 477.
Flessclles (Jacques de) , p. 255,
379 n., 510 n., 613.
Fleury (Claude), p. 170.
Florian (J.-P. Claris, chevalier de),
p. 639.
Flottage, p. 372 et n.
Foires : du Lendit et de Saint-Denis,
p. 445; de Sainl-Germain-desTPrés,
p. 408; de Saint-Laurent, p. 420; de
Saint-Ovide, p. 12 n.
Fontaines et conduites publiques,
et offices y relatifs, p. 425, 501.
Fontis, affouillements, p. 431.
Foucault (Damien), imprimeur, page
545.
Foucault (Hilaire), imprimeur, page
545.
Fouilloux, gazetier, p. 226.
Foullon (Joseph-François), p. 284 n.,
289.
Fourneau, membre du bureau de
Louis-le-Grand, p. 145, 147.
Fournier, employé à la Ville, p. 550.
Fourqueux (Bouvard de), conseiller
et ministre d'État, p. 335, 338, 339,
310.
Fous : détention et procédure,
p. 56, 57; traitement, p. 353.
Frais de justice, p. 78; de pour-
suites fiscales, p. 583.
Frfincalcu, pseudonyme de Boncerf,
p. 189 n.
François 1er, p. 321, 332.
Franc-salé municipal, p. 502.
Franklin (Alfred), p. 11 n.
Fraude et fraudeurs, p. 386, 605 n.
Voy. Droits d'entrée, d'octroi.
Frédéric II (u-uvres de), roi de
Prusse, prohibées, p. 476-477.
Frémont, commissaire de la jeu-
nesse de Bretagne, p. 236.
Frémvn, greffier de h Tournclle,
p. 87.
Freleau de Saint-Just (Em.-M.-P.),
conseiller au Parlement, p. 58, 59,
211 n., 218, 226.
Fusées et pétards, interdits, p. 407.
Fusiliers de la Ville, p. 543. Voyez :
Arbalétriers.
G
Gabelle, p. 597.
Gabriel (Jacques-Ange), architecte,
p. 12, 571.
Gages honorifiques pavés par la
Ville, p. 55-4.
Gallia christiana, p. 125.
Garçons - maréchaux ( association
des), interdite, p. 467.
Garde-gardienne, p. 320.
Garde sédentaire à l'Hôtel de Ville,
p. 553.
Gardes de la Bibliothèque du roi,
p. 469.
Gardes de Paris, p. 348, 479 n.,
482, 555; françaises, p. 486, 488;
françaises et suisses (logement des),
p. 368.
Gare aux bateaux, projetée, p. 365.
Garin (François-Ét.), député des
maîtres-boulangers, p. 242.
Garnis (logements), p. 419 et n.
Garnisaires, p. 386. 387, 595.
668
TABLE ANALYTIQUE
Garon, chef de bureau à la police,
p. 401.
Gastebris, procureur, p. 471.
Gaultier, manœuvre, p. 562 n.
Gave, greffier des domaines de
mainmorte, p. 540 n.
Gazettes, p. 468; étrangères, page
488 n.; de France, p. 138; de Leyde,
p. 475.
Gazier (A.), p. 21 n., 327 n.
Gcnlis (comte et marquis de) : leur
maison de jeu, p. 410.
Gentillv, p. 35)4.
George! (abbé), p. 268, 271, 275 et
n., 277e, 278, 280, 282.
Gérard (le Père), p. 263.
Germain, receveur, p. 580.
Gênais (collège de maître), p. 151 n.
Gesvres (L.-Joachim-Paris Potier,
duc de), pair de France, gouverneur
do l'Ile-de-France, p. 413 n.
Gibier, p. 43!>.
Gif (abbaye de), p. 385.
Gilbert de Voisins (Pierre-Paul),
p. 133, 180, 196.
Gillerond , entrepreneur pour la
Ville, p. 554.
Gillct, consul, p. 577.
Gillot (dom René), supérieur géné-
ral des Bénédictins de Saint-Maur,
p. 182.
Girard (Pierre-Simon), p. 15 n.
Girardot de Marigny, p. 615.
Giraudeau (Michel), notaire, auteur
de Mémoires supprimés, p. 207.
Girault de Koudon, du bureau de
Louis-le-Grand, p. 150.
Glacière de la Ville, p. 524.
Glezen, avocat au barreau de Ren-
nes, p. 242.
Gloria in excelsis du peuple {Le),
p. 641.
Goblet, premier échevin, contrôleur
de la caisse du domaine de la Ville,
p. 546.
Godefroy, conseiller au Parlement,
p. 34.
Godefroy (Frédéric), p. 59.
Godefroy (Théodore), p. 334 n.
Godot, marchand de bois, p. 561.
Goislard de Monsabcrt, p. 34 n.,
65 n.
Gojard, receveur général, p. 584 n.
Gojart, premier commis des linances,
p. 547.
Gomot, commis aux houillères de
Decize, p. 303.
Gonesse (boulangerie et marché
de), p. 322 n., 392^435, 436, 437.
Gordon (George, dit lord) /son mé
moire scandaleux, p. 472.
Goujon (Jean), p. 366 n.
Gouverneur de Paris, p. 30, 322 n.,
534 ; supérieur par le rang au ministre
de Paris, p. 624. Voy. Brissac.
Grains (commerce des), p. 435.
Voy. Blés.
G randeerf (Charles), peintre-doreur,
p. 405.
Grand-chantre de Notre-Dame, page
155.
Grand-Chàlelet (prisons du), p. 448.
Grand-Conseil, p. 71.
Grande Encyclopédie, p. 381 n.
Grandin (Pierre), procureur au bail-
liage de Vermandois, p. 371, 372.
Grand panelier, p. 436.
Grands-bailliages, p. 87-88, 335-
336.
Grand-voyer, p. 574.
Gratifications de prévôté, p. 548.
Gravaticrs, p. 425.
Gravure autographe d'un ouvrage,
p. 471.
Greffe et greffier de la Ville, p. 499,
55 4; — des domaines de mainmorte,
p. 540.
Grégoire, conseiller des enquêtes,
p. 270 n.
Grêle du 13 juill 1788, p. 357 n.,
482.
Grenier à sel, p. 525.
Grève (place), p. 433, 485, 487,
552.
Grèves d'artisans, p. 444, 467 n.
Grimm (Frédéric-Melchior , baron
de), ministre plénipotentiaire du duc
de Saxe-Gotha, p. 632.
Cros-Caillou, p. 13.
Guéranger (dom), bénédictin, p. 137.
Guérard, notaire, subdélégué de la
Ville à Montbard, p. 542, 543 et n.
Guerrier, fournisseur de la Ville,
p. 554.
Guesnot, charcutier, p. i53.
Guet, p. 479 n.
Guibert (Jacqucs-Ant. - Hippolyle ,
comte de), p. 478.
Guichard, procureur du roi au bu-
reau des finances, p. 348-349, 383,
569.
Guiffrcv(G.), p. 157 n., 160, 162 n.,
16!) n., 173 n.
Guilbcrt de Préval, docteur en mé
deciue, p. 144
Guillot (Edmée), épouse Minguel,
p. 52.
Guillotin (docteur Jos. - Ignace),
p. 229.
Guinguettes, p. 609.
Gustave III, roi de Suède, à Paris,
p. 632 et n.
TABLE ANALYTIQUE
069
Guyot, commissaire au Cliàtelet,
p. 59, 441 .
Guyot, éehevin, p. 350 n., 008.
Guvot (J -B.), juge-consul, p. 578-
579. *
Guyol de Chenizot( Louis-Bernard),
conseiller des requêtes, p. 620.
Guyton de Morvau, p. 140 n.
H
Habillement des gardes, etc., de la
Ville, p. 363.
Haguenau, bailliage d'Alsace, page
283 n.
Halle, meunier, p. 317.
Halles : à la marée et à la saline,
projetée cour des miracles, p. 386;
aux Blés, p. 12, 304, 623; aux Vins,
avec le port, p. 127; poissardes des
— à Versailles, p. 6i2.
Hallier (François), p. 125.
Hamécourt (dame d'). p. 402 n.
Happe, employé à la Ville, p. 550.
Hardivilliers, commissaire préposé
à l'enregistrement des garçons-cor-
donniers, p. 458.
Hardouin, avocat, p. 454.
Hardouin de Beaumont de Pérétixe,
archevêque de Paris, p. 321 n.
Hardv (le libraire), chroniqueur,
p. 65 n"., 87 n., 88 n., 90 n., 100 n.,
101 n., 137 sq., 174 n., 220 n.,
229 n., 245 n., 283 n., 318, 319 n.,
335 n., 330 n., 340 n., 341 n., 345,
357 n., 393 n., 408, 442, 470 n., 473
et n., 475 n., 476, 477, 478 n., 480 n.,
481 n., 488, 496, 005, 007 n., 610
et n., 615 n., 028 n., 041 n., 643,
6 i4, 645 n.
Harengères, p. 393 n.
Harlay de Chanvalon (François),
archev. de Paris, d. 321 n.
Haiiy (Valentin/, p. 283.
Hay, colonel de la garde de Paris,
commissaire aux revues, p. 544.
Hébert, chandelier, p. 455 n.
Heiduques, etc., désarmés, p. 350.
Henri II, p. 8.
Henri III, p. 8.
Henri IV, p. 140; statue de — ,
p. 484, 486.
Henri (de Prusse), frère de Frédé-
ric II, à Paris, p. 632.
Henry, avocat, p. 99.
Ilenrv, du bureau du Mont-de-Piété,
p. 261."
Henrv, inspecteur de police, p. 471,
472 n/
Henry, marchand-bonnetier et pro-
priétaire, p. 568.
Henrys (Claude), p. 169.
Hérault (H.), lieutenant général de
police, p. 342, 343, 399, 418 n., 419.
Hérault de Séchclles (Marie-Jean),
p. 311.
Hérauts d'armes, p. 622, 623.
Herbert, banquier de jeu, p. 417.
Hermand, employé à la Ville, p. 550.
Herpclle, vicaire aux Quinze-Vingts,
p. 208
Hesse-Cassel (hôtel de l'envoyé de),
transformé en maison de jeu, p. 410.
Heurtin, huissier, p. 466.
Hezet, garçon de la Bibliothèque de
la Ville, p. 552.
Histoire de l'Astronomie, parBaillv,
p. 187 n.
Histoire secrète de la Cour de Berlin,
p. 230.
Hoffmann (imprimerie), dite poly-
type, p. 472.
Homme, avocat, p. 99.
Homo (frère), p. 152.
Homologation en Parlement : pro-
cédure et cérémonial, p. 033.
Honoraires des professeurs insaisis-
sables, sauf en deux cas, p. 144.
Hôpital : général, 252, 253, 301 ; —
des Incurables, p. 250; — militaire,
p. 248.
Hôpitaux (statistique des) en 1788,
1789 et 1790, p. 247-251 et n.; part
des — dans les revenus de l'Octroi,
p. 602; projet de quatre nouveaux — ,
p. 255 et n., 385, 390; souscriptions
a ce projet, p. 014 et 615; chanson
des rues sur cette souscription, p. 349.
Horace, poêle latin, cité à propos
des troubles de Bretagne, p. 238.
Horloge du palais (gouverneur de F),
p. 556. .
Hospices entretenus par le produit
des jeux, p. 414.
Hospitalières (dames), p. 248.
Hôtel de Ville, p. 450, 497 sq. ; 499.
Hôtel-Dieu, p. 12, 112. 249, 252,
257, 259, 406, 428, 487, 044 n.
Iloudon, employé à la Ville, p. 550.
Houdon (Jean-Antoine), statuaire,
p. 303.
Hugues, commissaire au Cliàtelet,
p. 460.
Huile d'œillette, p. 423.
Huiles et savons : droits sur les — ,
diminués, p. 581 n.
Huissiers; leur tarif, p. 70; règle-
ment entre les — et les six corps, p.
70-77; — et les juge-consuls, p. 77;
— à cheval et à verge, p. 334; — com-
(171)
TABLE ANALYTIQUE
missaircs-priscurs, p. 261, 459, 460;
— de la Ville, p. 424, 553.
Huîtres : vente des — réglementée
par la police, p. 423 n.
Idylle aux cultivateurs malheureux,
p. 367.
Illuminations obligatoires, p. 629.
Impositions, p. 11 et n., 580, 582;
— des corporations, p. 401-462.
Imprimerie en France, p. 156 sq. ;
— royale, p. 478.
Imprimeurs, p. 443 n.; — delà Ville,
p. 545 et n.
Incelin (Ballha/ar), consul, p. 578.
Incendicsd'éditiccs publics au XVIIIe
siècle, p. 12 et n.
Inconvénients des droits féodaux
{Les), p. 189.
Inhumations en dehors de l'Église,
p. i07.
Innocents (fontaine des Saints-),
p. 366.
Inspecteurs : de la librairie, p. 107
et n., 471 ; — de police et sûreté, p.
324, 387, 471, 478.
Instance près le Bureau de la Ville,
du 18 juin 1776, p. 105 et n.
Institutions de Paris, classées, pages
29-30.
Intendance de Paris, p. 390 et n.
Voy. Berticr.
Intendant des finances pour le do-
maine, p. 506 n.
Interrogatoires en Parlement rela-
tifs à l'affaire des Quinze-Vingts, des
6 et 10 février, p. 270-276. Voy. En-
quête.
Invalides (Hôtel royal des;, p. 125,
250; canons des —/p. 632; farines
aux — , p. 314; visites royales, p. 638.
Inventaire de la Bibliothèque de la
Ville, projeté, p. 553.
Jacquemart (Nicolas -François), p.
353 n.
Jansénistes, p. 408.
Jardin: du roi (Tuileries), p. 029; —
royal des Plantes, p. 14.
Jarente (de), év. d'Orléans, p. 1 48 n.
Jeanne d'Arc (recherches sur l'his-
toire de), p. 381 et n.
Jefferson (Thomas), ministre pléni
potentiaire des États-Unis, p. 633.
Jésuites : prédisent leur triomphe,
p. 1D6-197.
Jetons de la Ville, p. 525, 538 n.,
5 il, 546, 547, 630.
Jeux de hasard; banquiers, maisons
énumérées, mesures prohibitives, pages
408-417; jeu de Biribi, de la Belle,
p. 409; de Trente-un, 410; de Pharaon,
p. 415.
Jeux des rues (volants, quilles, cerfs-
volants) interdits, p. 432.
Jè/.e, censeur royal, auteur de l'É-
tat de Paris en 1760, p. 151 n., 153 n.,
155 n., 419 n., 443 n., 479 n., 480,
629 n.
Joinville-sur-Marne, p. 228.
Jollivet de Vannes (Jérôme), procu-
reur du roi et de la Ville, p. 542,556,
564, 586.
Joly de Fleury (Orner), avocat géné-
ral au Parlement, p. 127 n., 571.
Joly de Fleury (Jean-François), frère
d'Orner, conseiller d'État et contrôleur
général des finances, p. 265.
Joly de Fleury, fils d'Orner, procu-
reur général au Parlement, p. 107.
Joron, commissaire au Châlelet,
p. 52.
Joseph 11, empereur. d'Allemagne,
p. 193, 283 n.
Josson, du bureau du Monl-dc-piété,
p. 261.
Jouft'roi (dé), exempt des gardes du
corps, ]). 280.
Jourdain (Charles), p. 142, 148.
Journal de caisse de la Ville, p. 503 n.
Journal de Paris, p. 424, 441 n.,
643.
Journal politique deBouillon, p. 277.
• Jours gras, p. 634 ; — saints, p. 635.
Joussc (Baniel), criminaliste, p. 215,
318.
Judicium Francorum, p. 180.
Juge-auditeur au Chàtelet, p. 326.
Juge et consuls, p. 77, 577.
Jugements de la juridiction de l'Hô-
lel-de-Ville, du 23 'déc. 1783, p. 553;
du 28 déc. 1787, p. 553.
Juigné (de). Voy. Leclerc.
Jurisprudence criminelle du Parle-
ment, p. 96.
Justice criminelle, p. 86; Arrêts cri-
minels du Parlement, p. 87 n. ; essai
de statistique, p. 89-92.
Justices ecclésiastiques, p. 321 ; —
seigneuriales, p. 24 et n., 25, 321.
TAULE ANAIATIOI'K
671
K
Kcrsalaun (Euzenou, coinle de), p.
470 el n., 472 n.
Knapen, syndicdelalibrairie, p. 400.
Kornmann, banquier; son procès,
p. 245n., 381 n., 470. — Voy. Beau-
marchais, Lcnoir.
La Bonnardière, cmpl. à la Ville,
p. 548.
Lahorde (Jean -Honoré de;, lieute-
nant général de la prévôté de l'Hôtel,
p. 100.
Laboulave (Edouard), p. 157 n., 160,
162 n., 169 n., 173 n.
La Caille (Jean de), p. 5i5 n.
La Chalotais (Louis-René de Cara-
deuc de), p. 68 n., 140 et n., 470.
Lacloye, libraire, p. 47 i.
Lacombe, employé à la Ville, p. 362,
363, 550.
Lacombe, imprimeur du Mercure,
p. 183.
La Cour plènière, p. 475.
Lafayette (M.-P.-J.-G. Moticr, mar-
quis de) ; son buste inauguré à la Ville,
p. 633.
La Fère (dép. de l'Aisne), p. 308,
312.
La Ferlé (Papillon de), commissaire
général de la maison du roi, p. 381 et n.
La Fcrté-Alais, p. 322 n.
La Force (Hôtel de, prison de), p. 53,
79-85, 226, 384 n., 474, 475, 476, 487.
La Goupillièro (de), premier secré-
taire du prévôt des marchands, p. 548,
550, 557.
La Harpe (Jean-François de), p. 183.
Lairle (Laurence) et consort, escrocs,
p. 95.
La Lézardièrc (Marie-Pauline, d110 de),
p. 245.
Lally-Tollcndal (Thomas -Arthur) ,
p. 206 n., 215.
Lally-Tollendal (Trophime-Gérard),
p. 206 et n.
La Luzerne (de), ministre de la ma-
rine, p. 390.
La Martinière (de), premier chirur-
gien du roi, p. 248.
Lamballe (Maric-Thérèse-Louise de
Savoie-Carignan, princesse de), p. 638.
Lambert (Charles-Guillaume), con-
trôleur général des tinanecs, p. 607 n.,
617.
Lambon (Nicolas de), bâtonnier des
avocats, p. 177; membre du bureau
de l'Hôtel-Dieu, p. 258.
La Michodière (J. -H. -François de),
ex-intendant d'Auvergne, prévôt des
marchands, p. 258, 509 n., 526, 53 i,
584, 586, 587, 588, 592 n., 630.
LaMillière(ÂnL-LouisChaumontde),
intendant des finances, p. 14 n., 365,
367, 596.
Lamoignon (Guill. de), chancelier,
p. 162 n.
Lamoignon de Malesherbes (Chré-
tien-Guillaume de;, directeur de la li-
brairie, p. 162 n., 220 n. ; ministre de
la maison du roi et de Paris, p. 110,
245, 346, 394 n.
Lamoignon (Chrétien-François II de),
garde des sceaux, p. 99,217, 338,340.
470, 474, 475, 486, 489. 491 , 641, 644.
Sa lettre au roi, 21 mai 4788, p. 350.
La Motte (Jeanne de Saint-Rémv de
Valois de), p. 209, 280, 472 n.
Lampadaire de Notre-Dame, don de
la Ville, p. 554.
La Muette, château, p. 632 n.
Lamv, agent de la Ville pour les char-
bons, p. 3!)3.
Lanjuinais (Joseph), p. 193.
Lanjuinais (Jean-Denis), avocat de
Rennes, p. 242.
Lanternes, p. 432, 593.
Larcher d'Aubencourt, ingénieur,
p. 383 et n.
Lardoire, condamné à la roue, p. 210.
La Reynie (Gabriel-Nicolas de), lieu-
tenant général de police, p. 399, 593.
La Rive, acteur, p. 639.
La Roche-Aymon (de), archevêque
de Rouen, p. 118 n.
LaRochefoucault-Liancourt (duc de),
p. 247 n.
La Roquette (hospitalières de), p.
385 n.
La Tour (de), commissaire du roi,
p. 617.
Latrines, p. 426.
Latudc (Henri Masers de), p. 480.
Laugier, ministre des Quinze-Vingts,
p. 274.
Laumonier, commissaire au Chàte-
lel, p. 446.
Launay(B.-R. Jourdan, marquis de),
ou mieux Launev (de), gouverneur de
la Bastille, p. 379 et n., 564.
Laurent de Villcdeuil, ministre de
la maison du roi et ministre de Paris,
p. 345, 346, 347, 489, 620. Voy. Let-
tres.
1.7-2
TABLE ANALYTIQUE
La Vaissière (dom de), p. 182.
La vallée ( P. -J. el Ces. -Jcan-Cl.), con-
damnés pour viol et complicité de viol,
p. 94.
L'Averdy(Clément-Ch. -François de),
contrôleur général des finances, p.
148 n., 152 n., 381 n., 511, 522.
Lavergne (Léonce de), p. 124 n.
Lavoisier (Antoine-Laurent), p. 21.
Law (John), p. 3, 344 n.
Le Belle, commissaire au Chàtelet,
p. 52.
Le Bœuf d'Elbret, notaire, p. 98.
Le Boulanger, surnom (devenu pa-
tronymique) d'une famille parlemen-
taire, p. 287 n.
Leboucher, libraire, p. 172.
Le Breton, commandant de la maré-
chaussée de Nantcrre, p. 550.
Le Breton, commandant de la maré-
chaussée de Sèvres, père du précédent,
p. 550.
Le Breton, greffier de la Tournelle,
p. J#7.
Le Camus (Adr. -Fidèle), juge-con-
sul, p. 577.
Le Camus de Néville, directeur de la
librairie, p. 166 et n., 171.
Lechantcur, conseiller au Parlement,
p. 481.
Le Chapelier (Isaac-René-Gui), avo-
cat de Kennes, p. 2i2.
Lechauve, chef de bureau à la police,
p. 400.
Leclerc, employé à la Ville, p. 550.
Leclerc, juge-consul, p. 578.
Leclerc (Charles-Cuillau me), libraire,
p. 171.
Leclerc de Jnigné, archev. de Paris,
p. 109, 116-124 et n., 015, 627.
Lecocq, commandant de la maré-
chaussée de Poissy, p. 550.
Lecocq, exemptdu bureau de h Ville,
p. 551.
Lecoigneux de Belabre, conseiller-
clerc au Parlement, p. 48 n., 270 n.,
386 n.
Le Couteulx de Verlron, du bureau
de l'Hôtel-Dieu, p. 258.
Lecture à haute voix dans la rue, et
troubles à ce sujet, p. 472.
Ledoux (Claude-Nicolas), architecte
de la Ferme générale, p. 20, 603, 607 n. ,
610.
Lefebvre : d'AmfmJécourt, conseiller
de grand'chambre au Parlement, p. 133,
147, 148 n., 265, 386 n. ; — de Cau-
manin (voyez ce mot) ; — d'Ormesson,
contrôleur' général, p. 151, 315, 385,
538, 592; — d'Ormesson de Novseau
(L.-Franç. de Paule), p. 34, 470.'
Lefrançois, veuve Lemailre, p. 208.
Legendrc (Louis, abbé), p. 141 n.
Legois, boucher, p. 358.
Legrand (Jacques-Guillaume), archi-
tecte, p. 625.
Legrand, emplové à la Ville, p. 550,
551.
Legrand, marchand-épicier, p. 423 n.
Le Grand (L.), p. 264 n.
Le Grand-Delaleu (Louis-Augustin),
avocat, p. 210 et n., 212.
Leleu frères, p. 311-313.
Lema'ire, commissaire au Chàtelet,
auteurd'un mémoire sur la police, pages
327 n., 398,408 n.,418 n., 422, 593 n.
Lemaître (P.-J .), conseiller du roi
et secrétaire des finances, p. 208, 473
et n.
Le Mercier ( Pierre -Augustin ; —
Pierre-Gilles), imprimeurs, p. 545-546.
Lemoine, emplové à la Ville, p. 548,
550.
Lemoine, frère des Quinze-Vingts,
p. 270.
Lemoine, notaire à Paris, p. 433.
Lempereur, quartinier, p. 501.
Lenoble, plombier de la Ville, p. 553.
Le Noir, conseiller-clerc au Parle-
ment, p. 151 .
Le Noir (J.-Ch.-P.), lieutenant géné-
ral de police, garde de la bibliothèque
du roi, p. 50 et n., 162 n., 171, 207,
208, 258, 273 n., 275, 323, 336, 344,
354 n., 381, 398, 399, 408, 424, 439,
4 43, 469. 477, 481.
Léopold (code de), p. 215.
L'Épée (abbé de), p. 283 n.
Le Peleticr, premier président au
Parlement, p. 37.
Le Pelelier de Mor[te]fontaine, pré-
vôt des marchands, p. 245, 376, 378,
379 et n., 502, 510 n., 542, 546, 608.
Le Peletier de Bozambô, président
au Parlement, p. 217, 268.
Le Peletier de Saint-Fargeau, sei-
gneur de Mesnilmontant, p. 575 n.
Le Petit (Claude), poète satirique,
p. 374 n.
Le Poix de Fréminville, auteurd'un
Dictionnaire... de la police, p. 344 n.,
397, 403 n., 407 n., 418 n., 421 n ,
444.
Le prince, inspecteur de la librairie,
p. 471.
Le Rat, docteur de Louvain, p. 122.
Le Rebours, conseiller aux enquêtes,
p. 148 n., 270 n.
• Le Riche, conseiller aux enquêtes,
p. 626.
Le Roux de Lincv (Ant. -Jean-Vic-
tor), p. 10 n., 497, 610, 634 n.
TABLE ANALYTIQUE
67c
Le Rov, conseiller au Parlement,
p. 620.
Le Roy, publicistc, p. 498.
Lescure (de), p. 1 19 n.
Lcseigncur, p. 590.
Lesucur (Jean-François), maître de
chapelle à Notre-Dame, p. 030.
Lettre (pamphlet) de Desbrugnières
à d' Agonit, p. 039, 640.
Lettre de M. le chevalier *** à M. Trei-
Ihard, avocat, p. 203.
Lettre de Yolney à M. le comte de
S t [Serrant], p. 239.
Lettre des Trente Curés, p. 123.
Lettre du chevalier de Guer, p. 233.
Lettre du comte de Kersalaun à M. de
Calonne, p. 471.
Lettre d'un Parisien à un Français,
p. 476.
Lettre... sur VAlmanach des Hon-
nêtes Gens, p. 220.
Lettre sur le Nouveau Bréviaire de
Paris, p. 195.
Lettres d'abolition, p. 97, 98.
Lettres de cachet, p. 53, 59, 60, 70,
77, 78, 97, 131, 205, 342, 344, 392,
393, 513, 025.
Lettres de change t'alsitiécs, p. 98,
384.
Lettres de confirmation des privi-
lèges du prévôt de Paris (au nombre
de neuf), p. 333.
Lettres du contrôle général et de la
direction des finances à la Ville, 7 août
1774, p. 521 ; 7 octobre, p. 630; 0 mars
1775, p. 523; 25 avril, p. 520; 18 juil-
let, p. 526; 6 janvier 1776, p. 586;
21 mai 1776, 2 août, p. 592 n. ; 5 jan-
vier 1777, p. 588; 2 mai, p. 592 n.;
13 mai 1778, p. 611 n. ; 23 juillet, p.
590 ; 20 sept. 1785, p. 505 et n. ; 14 fév.
1780, p. 540; 11 janvier 1788, p. 295;
30 mars 1788, p. 612; auduede Char-
tres, 20 nov. 1777, p. 273; à M. de
Nicolaï, premier président de la Cour
des comptes, 24 oct. 1780, p. 518.
Lettres du lieutenant général de
police: à la Ville, 21 nov. 1776,
p. 424 ; 24 mars 1785, p. 425 ; au ba-
ron de Breteuil, min. de Paris, 17 mai
1788, p. 337; au garde des sceaux
de Lamoignon, 17 mai, 20 mai, 21 mai
1788, p.' 337, 338; circulaire, du
10 avril 1789, p. 478.
Lettres du ministre de Paris : 1° à
la Ville, 29 sept. 1774, p. 630;
23 août 1776, p. 600 n.; lor mars
1777, p. 14 n.; 31 déc, p. 13 n.;
22 fév. 1784, p. 603 ; 25 avril, p. 358;
8 mai, p. 359 ; 11 mars 1780, p. 300 n.
et 563; 29 avril, p. 361; 8 août,
p. 361; 10 sept., p. 633; et série
chronologique du 2 mars 1787 au
8 avril 1789, p. 358 à 379; 2° au
lieutenant général de police et au
chevalier du guet, série chronologique
du 6 janv. 1 787 au 7 févr. 1789,
p. 348 à 358; 3° au contrôleur gé-
néral, 10 avril 1787, p. 380; 3 août,
p. 383; 21 mars 1788, p. 386; 29mnrs.
p. 388; 26 juin, p. 389; 4° au garde
dés sceaux, 21 mai 1788, p 388;
6 mai 1789, p. 101 n.; 5° au ministre
de la marine, G oct. 1788, p. 390;
6° aux administrateurs des eaux de
Paris, 20 juin 1787, p. 382; 3 juill.
1788, p. 390; 7° à : Auvergne (d'),
12 mai 1787, p. 380; Bailly (Sylvain),
30 nov. 1787, p. 385; Bertier de Sau-
vignv, intendant de Paris, G juill.
1788, p. 390; Boin, 27 avril 1787,
p. 380; Condorcet, Il févr. 1789,
p. 391 ; le bailli de Crussol, 19 août
1787, p. 384; Denis, 15 juin I7S7,
p. 382; Guichard, 14 juill. 17.S7,
p. 383; LaEerté,30mai 1787, p. 381 ;
Launey (de), 27 janv., 13 juill 1787,
p. 379,382; Lcclcrc de Juigné, arch.
de Paris, 10 avril 1789, p. 392; Le-
noir, garde de la Bibl. du roi,
13 mai 1787, p. 381 ; Maisscmi (de),
30 nov. 1788, p. 391 ; Ormesson (d'),
président au Parlement, 27 janv.
1788, 12 mars, p. 385, 386; Polignac
(la comtesse de), 23 déc. 1787, p 385;
Kulhièrc. lieutenant à Saint-Denis,
12 févr. 1789, p. 391 ; Bumsav (James),
19 avril 1789, p. 392; Vidàud de La
Tour, 15 févr. 1787, p. 380.
Lettres du prévôt des marchands
et du bureau de la Ville au contrôle
général, 29 sept. 1774, p. 030;
26 juill. 1776, p. 592 n.; au ministre
de Paris, 24 sept. 1776, p. 630;
16 janv. 1780, p. 503 n.; 10 févr.,
p. 359; aux propriétaires de la rue
Sainle-Appolinc (circulaire), 25 avril
1787, p. 573.
Lettres du roi : au chevalier Dubois,
21 août 1787, p. 354; à ses frères et
au duc d'Orléans, 19 août 1787, p 384.
Lettres patentes : 23 mai 1351,
7 févr. 1358, 10 févr. 1362, 20 juin
1309, p. 291 ; 28 déc. 1541, p. 156 n.;
23 nov. 1033, p. 009 ; 10 janv. 1037,
p. 508; 1657 (sur l'abbaye Saint-An-
toine), p. 452 et 453 n.; 1062 (sur
l'abbaye Saint-Victor), p. 127 ; mars
1669, p. 7 n.; juill. 1070, p. 14;
25 janv. 1G90, p. 291; 1702 (li-
brairie), p. 166 n.; 1er mars 1704,
p. 259; 8 oct. 1707, p. 014; sept.
43
671
TABLE ANALYTIQUE
1709, p. 259; 7,janv. 1720, p. 421 n.;
mai 1720, p. 259; mars 1721, p.l3n.,
614; 22 oct. 1733, p. 567; 29 janv.
1749, p. 75; 20 juin 1757, p. 5(56;
25 nov. 1762, p. 51 i, 515, 552, 566;
21 nov. 1763, p. 443; 7 avril 1764,
p. 152; 31 juill. 1767, p. 13 n.;
20 août, p. 148, 153 ; 20 oct. p. 359 n.;
août 1768, p. 335 n.; 1er juill. 1769,
p. 153; 14 déc. 1769, p. 543; mai
1770, p. 15; 16 janv. 1771, p. 285;
16 mai 1772, p. 141 et n.; 14 oct ,
p. 367; 9 juin 1777, p, 583 ; août 1777
(Rcg. Pari., le 29), p 611 n.; 30 août
1777, p. 143; 9 déc, p. 260; avril
1778, p. 14,572; 7 août 1778, p. 262;
24 déc. 1778 (Rcg. Pari., 22 janv.
1779), p. 257 n.; déc. 1778 (Rcg.
Pari., 5 févr. 1779), p. 17; 24 mars
1779, p. 433 n.; 25 mars, p. 17;
10 avril, p. 16 n.; autres, p. 353 n.;
nov., p. 611 n.; 31 déc, p. 264,
265 n.; 19 mars 1780, p. 151 n., 153;
30 juill. p. 105; mars 1781, p. 611 n.;
13 sept., p. 16; 31 déc, p. 567 ; janv.
1782, p. 611 n.; avril, p. 14 n.;
29 août, p. 456 n.; 25 nov., p. 105,
106; 22 déc, p. 17, 125 n., 514, 600;
l"juin 1783, p. 600; 6 juin 1784,
p. 507; 21 août, p. 386 ; déc,
p. 611 n.; déc 1785, p. 611 n.;
18 janv. 1786 (Rcg. G. des Mon-
naies, le 27), p. 41 ; 2 sept., p. 431 ;
16 nov., p. 106; 23 déc. (retirées le
11 janv. suivant), p. 99; mai 1787,
p. 611 n.;18 oct. (Reg. G. des Aides,
11 déc), p. 606 n.; 3 nov., p. 352 n.,
353 n.; 10 févr. 1788, p, 137 n.; 28 fév.
1689 (Rcg. Pari., 28 avril), p. 16.
Lettres sur ta proeédure criminelle
en France, p. 215.
Levé, quartinier, p. 501 .
L'Hospital (Michel de), chancelier,
p. 309.
Liancourt-sous-Clermonl (dép. de
l'Oise), p. 395.
Liard (L.), p. 142.
Lihrairie et libraires, p. 156 sq.,
400, 468, 475.
Lieble (Philippe-Louis), bénédictin,
p. 132.
Liénard, notaire, p. 370.
Lieutenant civil du Ghàtelet, pa-
ge 5.>.
Lieutenant criminel de robe courte,
p. 326.
Lieutenant de la juridiction de
l'Hôtel de Ville, p. 499' et n.. 554.
Lieutenant général de police, p. 30,
31, 299, 322, 323, 386 sq., 396, 398,
399.
Lieutenants du prévôt de Paris,
p. 322.
Ligcret, employé à la Ville, p. 550.
Limon (Geoffroi, marquis de), con-
trôleur général des linances du duc
d'Orléans, p. 643.
Linguet(Simon-Nic-Henri),p.l68n.,
177, 203 n., 227.
Lisieux (Collège de), p. 154.
Lit de bienfaisance, p. 28-4.
Lits de justice, p. 69, 632; de 1718,
1732, p. 37; de 1775, p. 38 n.; du
12 mars 1776, p. 38 n., 284, 443,
507; du 8 mai 1788, p. 87, 226.
Lods et ventes, p. 614.
Loge de la reine aux Français,
p. 473.
Logements militaires, p. 580, 593,
595.
Logeurs, p. 479.
Lois du 19 févr. 1791, p. 601;
17 mars, p. 445; 21 juill., p. 283
et n.
Loménic de Bricnnc (Etienne-Charles
de), archevêque de Toulouse, puis de
Sens, ministre et cardinal, p. 254,
255 et n., 470, 474, 486, 641 et n.,
642, 614.
Londres (ville de), p. 472.
Loteries : de la Ville, p. 600, 614;
de la grêle, p. 357 n.; de l'École
militaire, p. 417; étrangères, p. 417 ;
pour les quatre hôpitaux, p. 612;
pour Saint-Sulpice, p. 274 n.; rovale,
417, 592, 597.
Loth, père minime, p. 281.
Lottin (Jean-Roch, et Augustin-
Martin), p. 545 n., 546.
Louis-le-Grand (bureau du collège
de), p. 141, 143, 145, 150, 151 n.,
152.
Louis XIII, p. 9; — XIV, p. 2, 5,
10, 321 n.; — XV, p. 5, 10, 118 n.,
120, 131, 180.
Louis XV : place de — , p. 12 etn.;
statue de —, p. 595.
Louis XVI, p. 4 et passim; monu-
ment projeté en * l'honneur de — ,
p. 641 ; pont — , p. 350 et n.
L'Oursine (fief de), p. 384 n., 552.
Louvel, censeur royal, p. 183.
Louvier (île), p. 24, 26 n.
Louvre, p. 384 n.; chapelle du — ,
p. 630.
Lowcndahl, p. 610.
Luxembourg (palais et terrains du),
apanage du comte de Provence, frère
de Louis XVI, p. 17, 409, 029 n.
Luzarches (dép. de Seinc-ct-Oise),
p 395.
Lyon (ville de), p. 156.
TABLE ANALYTIQUE
675
M
Mabille (Julien), condamne au car-
can, p. 303, 304.
Machault (L.-Ch.), lieutenant géné-
ral de police, p. 342, 399.
Machines : à casser les glaces,
p. 391 n.; à remonter les bateaux,
p. 591.
Madame (Louise de Savoie, femme
du comte de Provence), p. G38.
Madame Elisabeth (Philippine-Marie-
Hélène de France), p. 638.
Madame Royale (Marie -Thérèse-
Charlotte de France, dite), p. 638.
Madelonnettes (les), p. 480.
Madin, employé à la Ville, p. 361
et n., 550.
Mager (J.-B.), prête-nom de la
Ferme générale, p. 601.
Magin, commissaire de la Ville à la
navigation sur la Seine et sur l'Yonne,
p. 373, 548 n.
Maginel (Ant.-Éd.), consul, p. 577.
Magny, syndic des procureurs au
Châtclet, p. '340, 341.
Maillard (Ét.-J.-B.), consul, p. 577.
Maillard (François), condamné à la
potence, p. 94.
Mainmorte (gens de), p. 540.
Maison du roi (registres de la),
p. 346. Voy. Ministre de Paris.
Maisons de correction ou de pré-
vention, dites retraites forcées, p. 480.
Maisons dites de santé, de sûreté :
nombre, situation, régime, population
en 1783, p. 55, 56.
Maisons sur les ponts, p. 433.
Maisscmi (Poitevin de), directeur de
la librairie, p. 390, 391, 476, 478.
Maître des œuvres de charpenterie;
id., de maçonnerie delà Ville, p. 505.
Maîtres : bateliers, p. 508; — cha-
bleurs, p. 508; — d'écoles, p. 417;
des coches, p. 508; — des ponts,
p. 508; — maçons, 430; — pauvres
— et veuves de — , p. 447; — ton-
neliers sur les ports, p. 508. Voyez :
Communautés.
Maîtrises des eaux et forêts : de Ne-
mours, p. 564; de Vernon et les
Andelys, p. 550.
Malesherbes. Voy. Lamoignon.
Malezieu (abbé de), conseiller clerc
au Parlement, p. 454.
Malouet (Pierre-Victor), p. 206 n.
Malte (ordre de), p. 384 et n.
Malteste, cabaretier, p. 420.
Malversations à l'Hôtel de Ville,
p. 361 et n.
Mandefhent de l'archevêque de
Paris de Noaillcs, du 27 juin 1725,
p. 115.
Mandements de la Ville, p. 534.
Mânes ([Les) de la présidente Le-
mairat à Chr. de Lamoignon, p. 474.
Mannequins brûlés par la foule, rue
Meslé et sur le Pont-Neuf, p. 486,
487.
Mannier (E.), p. 23 n.
Manon-Roger, diteBcllc-Gorge, page
615.
Manoury, prisonnier violent, p. 95.
Mantes (droit de la Ville perçu à),
p. 549.
Manuel (P.), p. 398 n.
Maqucrellage, p. 420.
Marans, seigneurie, p. 40 n.
Marat (Jean-Paul), p. 214 n.
Marcel (Etienne), prévôt des mar-
chands, p. 1, 6, 398.
Marchais, commandant lu maré-
chaussée de Saint-Denis, p. 392, 550.
Marchais de Migneaux, du bureau
de l'Hôtcl-Dieu, p. 258.
Marchand (et consorts), pauvres
marchands-merciers, p. 450. Leur
mémoire à consulte)', supprimé, p. 451.
Marchandise de l'eau, p. 287.
Marchands de vin, p. 443 n.
Marchés d'ouvrages de la Ville,
p. 377, 553, 554.
Marchés publics, p. 433; — aux
fleurs, p. 376; — aux porcs, p. 440;
aux vaches laitières, aux veaux, page
298; — Neuf, p. 483, 485. Vovez :
Halles.
Maréchal (Sylvain), p. 220 n., 225.
Marée : chambres de la — , p. 287,
290; compteurs et déchargeurs, ven-
deurs, verseurs de — , p. 291, 292,
293; vente en gros de la — , p. 386.
Marguct, employé à la Ville, p. 550.
Marguilliers, p. 108.
Marie-Antoinette d'Autriche, p. 41,
632 n., 638.
Marion, député du commerce de
Paris, p. 579.
Marne, rivière, p. 548.
Marot (J.-B.), archiviste des Quinze-
Vingts, p. 264 n., 266, 282 ctn.
Marricr de Vosscry, du bureau de
l'IIôtcl-Dicu, p. 258.
Mars (Ant.-Jean), p. 397.
Martel, avocat, lieutenant de l'Ami-
rauté, p. 52.
Martel, ancien échevin, p. 539.
Martel, commissaire à la Ville pour
la caisse d'amortissement, p. 506.
676
TABLE ANALYTIQUE
Marlel, quarlinier, p. 501 .
Martin, greffier du Monl-dc-Piété,
p. 261.
Martin de Marivaux, p. 179 n.
Martincau, avocat, p. 99.
Mascarades populaires, p. 634, 635.
Mascrev, chef de bureau à la police,
p. 401.
Massy, marchand fripier, p. 4S9.
Maubert (place et marché), p. 368,
433 n., 448, 485, 628.
Maugé, agent de la Caisse de Sceaux,
p. 438', 439.
Maupcou (Bené-Nicolas-Ch. -Augus-
tin de), chancelier, p. 166 n., 474.
Mauperché (Mathieu-Louis de), sub-
stitut du procureur général du Parle-
ment, p. 198 n., 254.
Maurepas (Jean -Frédéric Ph^ly-
peaux, comte de), p. 328, 3i2, 34*3,
346.
Maury (Alfred), p. 216 n.
Mautort, notaire au Châtelct, p. 570.
Mauvillon (le major), p. 230 n.
Mavnier, maître des Quinze-Vingts,
p. 267, 270, 28!.
Médecins, p. 422. Voy. Facultés.
Meirano (Jacques) et consorts, co-
cangeucc, p. 94.
Melons (vente des), p. 423 n.
Mémoires concernant le contrôle des
rentes..., p. 498.
Mémoires : en général, p. 212 ; Mé-
moire a consulter... pour le comte de
Kcrsalaun, p. 470; — au roi des dé-
putés de l'ordre des avocats au Parle-
ment de Bretagne, p. 242; — de
Bruère, Marchand, Fouquet, etc., sup-
primés, p. 451 ; — de jardiniers de la
banlieue, p. 380; — de la veuve
Fromaget contre le sieur Lcgrand,
p. 206; — de M. de Messine, p. 475;
— pour trois hommes condamnés à la
roue, p. 210; — pour la communauté
des maîtres-boulangers, p. 244, 245 n.;
— sur l'affaire du Collier, p. 209,
210; — sur la Caisse de Sceaux,
supprimés, p. 199 et n.
Mémoires d'ouvrages, p. 536.
Mémoires du Bureau de la Ville,
p. 296, 508, 520.
Mendiants (police des), p. 259, 260.
Menk (de), maître des requêtes,
p. 268.
Menouvillc, nom de terre, p. 204.
Méraull, second président au bureau
des finances, p. 579.
Merci (religieux de la), p. 138.
Mercier (Louis-Sébastien), p. 11.
Merciers (marchands) intervenants
dans un procès, p. 448.
Mercure de France, p. 183; pen-
sions sur le — , p. 183.
Mcrlet, emplové à la Ville, p. 550.
Merlin de (Douai), p. 198 n.
Mesnard de Conichard, adjoint à
l'intendance des postes, p. 597 n.
Mesnil-Aubry (le), p. 395.
Mesnil-montant (justice do), p. 434.
Messine (de), publiciste, p. 475.
Mesureurs de grains, p. 437.
Meurine (Pierre), fermier.
Michclct (Jules), p. 3 n., 6 n.
Milice (tirage au sort pour la),
p. 580, 594.
Mille, fermier de la Caisse de Sceaux,
p. 438.
Minguct (Jean-François), cavalier de
robe courte, p. 52.
Minimes de Chaillot, p. 603.
Ministre de Paris, p. 30, 342 sq.,
362, 534, 575.
Mirabeau ( Honoré- Gabricl-Biqueti,
comte de), p. 230 cl n., 394 n., 398 n.,
470.
Mircv (de), aide-major à la Bastille,
p. 379 n.
Mirlavaud, trésorier des grains pour
le roi, p. 284 n., 289.
Miromcsnil (Armand-Thomas Hue
de), garde des sceaux, p. 162.
Mole de Champlalreux (Edouard-
François), président au Parlement,
p. 626.
Molinc (Pierre-Louis), poète, page
357 n.
Molinos, architecte, p. 625.
Monarque accompli {Le), p. 193.
Monceau. Voy. Montceaux.
Monicr, fraudeur, p. 607.
Monnaie (hôtel de la), p. 12.
Monnaies; leur refonte par Calonne,
p. 41 ; Cour des — , p. 71, 101. Voy.
Myons.
Monopoles de fait sur le bois et le
charbon, p. 301.
Monrcgard (Thiroux de), p. 597 n.
Monsieur, comte de Provence, frère
du roi, p. 229 n., 384.
Montaigu (collège de), p. 151 n.
Monlausicr (Ch. de Sainte-Maure,
duc de), cité, p. 211.
Montbard (pont de), p. 543 n.
Montceaux-en-Brie, p. 643.
Mont-dc-piété, p. 253; établisse-
ment^. 260; règlement, p. 261 ; pre-
mier emprunt, situation en 1778,
p. 262; vente des effets en 1779,
p. 262; bureaux auxiliaires, p. 262;
commissionnaires, effets volés, p. 263.
Montesquieu, p. 7, 104 n., 123 n.,
396.
TABLE ANALYTIQUE
677
Montigny (Jean de), p. 287 n.
Montlhéry (Seine-etOise),p. 322 n.
Montlignon (Seine-et-Oise),p. 322 n.
Montmartre : abbaye, p. 321 ; pa-
roisse, p. 590; quartier, p. 388 n.,
p. 405.
Montmirail (marquise de), p. 370 n.
Montmorency-Laval (Louis -Joseph
de), évèque de* Metz, p. 250.
Montmorin (ehamp de), p. 242.
Monument en l'honneur du roi et
de la reine, proposé par la Ville, re-
jeté par le ministre de Paris de Brc-
teuil, p. 358.
Moran, château de Tourainc, p. 304.
Moreau, architecte de la Ville, p. 500.
Moreau, greffier auChàtclet, p. 401.
Moreau (Claude -François-Bernard),
procureur du roi au Chàtelet, p. 74,
446.
Moreau (Jacob -Nicolas), historio-
graphe de France, p. 245 et n.
Moreau (Jean-Michel), dit le jeune,
graveur, p. 377.
Morel (Jacques-Léonard), ex-con-
trôleur des rentes, p. 17.
Morin (femme), débitante de livres,
p. 472.
Morues dites merluches : privilège
de vente demandé, p. 351.
Morvan (étangs et barrages du),
p. 372.
Motifs de ne point admettre la nou-
velle liturgie de M. l'archevêque de
Lyon, p. 10k
Moudon (canton de Vaud, Suisse),
p. 193 et n.
Moulins (François de), p. 206 n.
Moulins à vapeur, p. 301 ; — à
vent, p. 434.
Mousquetaires noirs (hôtel des),
p. 18 n., 265.
Moussiaud, négociant, p. 203-204.
Mousso (dom), bénédictin, p. 132,
135.
Multipliants, secte religieuse, p. 105
n.
Mur. Voy. Enceintes, Ferme géné-
rale.
Musées, p. 354 n.
Muyart de Vouglans (Pierre-Fran-
çois), criminaliste, p. 215 et n.
Myons (de), président de la Cham-
bre des monnaies de Lyon, p. 596 n.
N
Nantouillet (de), maître des céré-
monies, p. 622.
Naples (royaume de), p. 351, 475.
Navier du* Coudray, emplové à la
Ville, p. 550-551.
Ncckcr (Jacques), directeur des fi-
nances, principal ministre, p. 10 n.,
12, 21,43 n., 111,139, 188 n., 190 n.,
190 n., 199 n., 229 n., 230, 254, 255
et n., 289, 317 n., 329, 341, 345,417,
482, 498 et n., 515, 580 et n., 581,
582 n., 590, 594 n., 597, 598, 007 n.,
611 n., 615, 618, 643.
Necker (hôpital), p. 12.
Néellc (marquis de), p. 484.
Nègres (affranchissement des), pa-
ge 390.
Nessond, libraire, p. 246.
Nettoiement de Paris, p. 424.
Ncuilly-sur-Seinc, p. 395.'
Neuville (de), du bureau de l'Hôlel-
Dicu, p. 258.
New-Kivcr (canal de), près Londres,
p. 360.
Nicolaï (Aimar- Charles-Marie de),
premier président de la Cour des
comptes, p. 257, 518.
Ni emprunts, ni impôts, p. 472 n.
Nîmes, centre de propagande révo-
lutionnaire, p. 228.
Nivernais (L.-J. Mazarin, duc de),
p. 323.
Noailles (Louis-Antoine, cardinal de),
archevêque de Paris, p. 115, 123 et
n., 124.
Noblesse ; accordée aux officiers du
Chàtelet, p. 334-335; lettres de —,
dénoncées en Parlement, p. 38.
Nogent-les-Vierges (département de
l'Oise), p. 395.
Nominations (actes de) : de Leclerc
de Juigné (25 déc. 1781), p. 109; du
baron de Breteuil (8 oct. 1783), p. 345 ;
de Laurent de Villedcuil (15 juill.
1788), p. 345.
Nonant (Félix de), prieur des Char-
treux, p. 026.
Nourrices (bureaux des), p. 263,
402.
Nouvelle-France, p. 604.
Nouvelles à la main, p. 4G8.
Nouvelles ecclésiastiques, p. 469.
Notables électeurs des membres du
bureau de la Ville, p. 529.
Notables : première assemblée des
— , p. 303 ; vers sur les — , p. 644.
Notaires du Chàtelet; arrêts les
concernant, p. 72-73; prêtent 6 mil-
lions à Necker, p. 341.
Notre-Dame de Paris, p. 384 n.,
474; justice du chapitre de — , p. 321.
Notre-Damc-des-Victoires, p. 283.
Noyon (chapitre de), p. 150.
G78
TABLE ANALYTIQUE
Nyon, adjoint au syndicat de la li-
brairie, p. 400 n.
Observateurs, p. 324.
Observations pour la dame Leferon-
Dubrcuil, née de Sourdeval, p. 200-
201.
Observations sur le discours pro-
noncé par M. de Calonne, p. 471.
Observations sur le Mémoire justifi-
catif de la Cour de Londres, p. 199 n.
Observations sur l'Histoire de Fran-
ce (de l'abbé de Mably), mises à la
Bastille, p. 470.
Observations sur les lois criminelles
de France, p. 215.
Octroi de Paris, p. 509, 552, 591,
598, G02.
OEufs permis en carême, p. 112.
Offices: à la nomination de la Ville,
- rattachés au Ghâtclet,
réunis au domaine du roi,
503 :
324;
503; sur les ports, etc., plusieurs
P
l1
P
lois établis et supprimés, p. 286.
Officiers et gardes de Paris, p. 545.
Ogny (baron d'), p. 597 n.
Ogny (comte d'), p. 597 n.
Ombreval (Ravot d'), lieut. gén. de
police, p. 342, 343, 399.
Omîtes omnibus, p. 234 et n.
Onfrov, consul, p. 577, 578.
Opéra", p. 12, 318, 35G, 380, 381,
573.
Optimisme (L'), comédie de Colin,
p. 318.
Ordonnance de la Ville (affiche) du
30 août 1713, p. G29.
Ordonnance sur référé du 26 nov.
1782, p. 465.
Ordonnances de la
1714, p. 508; 19 juin
7 mai 1760, p. 376 n.
p. 571 ; 7 oct. 1773, p.
1776, p. 588; 14 mars
25 nov. p. 62* et n.
4 déc.
p. 299;
Ville
1 tDO,
30 mai 1769,
13 n.; 17 déc.
783, p. 126;
5 déc, p. 629;
22 mars 1785, p. 508 et n.; 19 août,
p. 543; 7 sept. 1787, p. 370; 3 mars
17S9, p. 561.
Ordonnances de police du Châtelet :
15 janv. 1369, p. 451 n.; 13 fév.
1385, p. 451 n.; 25 nov. 1396, p. 451
n.; 12 avril 1518 ; p. 451 n.; 18 juin
1698, p. 451 n.; 5 nov. 1716, p. 422
n.; 10 mars 1720, p. 344 n.; 3 mai,
p. 344 n.; 18 mai, p. 407; 13 juin
1721, p. 459; 15 déc. 1727, p. 459;
13 déc. 1731, p. 423 n.; 22 mai 1733,
p. 425; 5 juin, p. 420 ; 3 fév. 1734,
p. 417; 1er juillet, p. 447; 28 sept,
p. 468; 2 juin 1735, p. 468; 15 fév.
1736, p. 423 n.; 23 août 1736, p. 467;
6 août 1737, p. 440; 12 avril 1741,
p. 441 ; 25 sept. 1742, p. 468; 27 oct.
1742, p. 418; 26 janv. 1743, p. 420;
17 mai 1743, p. 422 n.; 18 sept.
1744, p. 423 n.; 31 août 1745, p. 407
n.; 14 sept., p. 432; 21 mai 1751,
p. 459; 10 avril 1761, p. 447; 21 nov.
p. 459; 16avril 1762, p. 441 ; 14avril
1764, p. 441 ; 13 juill. 1764, p. 567;
12 sept. 1767, p. 459; 29 janv. 1768,
p. 405 ; 17 mars 1769, p. 459; G mai
1769, p. 407 n., 431; 5 oct. 1770,
p. 433, 441; 28 nov. 1771, p. 432;
20 fév. 1775, p. 405 n.; 3 mai, p. 437 ;
24 juill., p. 417; fév. 1770, p. 433;
10 juill., p. 451 ; 7 oct., p. 445;
5 nov., p. 439; 8 nov., p. 446: 12
nov., 3 déc, p. 446; 2 sept. 1777,
p. 457-458; 3 avril 1779, p 304;
31 juill., p. 432, 447, 451; 27 juin
1782, p. 13 n,; 9 août, p. 455; 18
nov., p. 403; 8 mai 1786, p. 457;
30 mars 1787. p. 458; 4 mai, p. 458;
5 avril 1788, p. 461.
Ordonnances du bureau des finan-
ces : 10 janv. 1741, p. 56G n.; 23 mars
1751, p. 566 n.; 10 fév. 1764, 16 juill.,
p. 567; 14 août, p. 566 n.; 22 juill.
1777, p.575n.; 27 avril 1781, p. 568 ;
1er fév. 1784, p. 9 n.
Ordonnances rovalcs : de Blois
(1579), p. 109, 121, 123, 414 n.; de
Moulins (1566), p. 69, 330 n., 418 n.;
d'Orléans (1560), p. 109, 414 n.
Ordonnances rovales : de 1258, p.
292; 30 janv. 1350Î déc. 1360, p. 291 ;
9 oct. 1392, p. 8 et n.; fév. 1415, p.
285, 508; 14 sept. 1420, p. 420 n.;
1449, p. 330 n.; 1458, p. 418 n.; mai
1552, p. 330 n.; 23 août 1561, p. 333;
1565, p. 285; juill. 1601, p. 445;
août 1602, p. 291; janv. 1613, p. 445;
1622, p. 285; janv. 1629, p. 69; 1632,
p. 285; 30 mars 1635, p. 285 n. et
286 n.; déc. 1666, p. 422 n.; 1667,
p. 69, 78; 18 août 1667, p. 568; août
1670, p. 62, 69, 96 n., 97, 213, 333;
déc. 1672 (dite de la Ville), p. 368,
497 n., 506, 508; 12 mars 1718, p.
402; 19 janv. 1726, p. 9 n.; 23 mars
1728, p. 9 n.; H juillet 1731, p. 418;
17 août 1737, p. 22; 4 mai 1742, p.
455; 30 oct., p. 594 n.; 10 janv. 1743,
p. 594; 20 déc, p. 455; 24 fév. 1744,
p. 501 ; 10 déc 1762, p. 543; 28 juill.
1766, p. 9 n.; mars 1768, p. 130 n.;
12 juill. 1771, p. 445; 23 août 1783,
TABLE ANALYTIQUE
679
p. 376, 536; 20 déc. 1817, p. 7 n.
Ordres du roi: au Bureau de la Ville,
22 sept. 1773, p. 584 ; au sieur Gomot,
p. 393. Voy. Lettres de cachet.
Ordres religieux à Paris, p. 23.
Orléans (Louis-Philippe-Joseph,duc
d'), p. 217, 384 et n., 629 n., 639,
643.
Orléans (duchesse d'), p. 043.
Ormc-Saint-Gervais, p. 601.
Orphanis, tragédie, p. 638.
Orphelins (école d'), p. 250, 251.
Oursin, conseiller aux requêtes du
Palais, p. 270 n.
Pacte de famine, p. 208, 284 n.
Pages du roi et de la reine, p. 420.
Pain (prix du), p. 313, 318, 319,
482, Voy. Blés, Boulangers.
Pain bénit rendu par la Ville, p. 630.
Pain-d'épiciers, p. 589.
Pairs ecclésiastiques, p. 104, 416 n.
Palais de justice : incendié en par-
lie, p. 12, 588; occupé militairement,
p. 354 et n.
Palais-Royal, p. 381, 629, 637.
Pannachcrs, p. 590.
Papin (Frère), p. 152.
Papincau (P.-J.), négociant, p. 203.
Parc civil du tribunal du Chàtelet,
p. 384.
Paris, bijoutier, p. 640.
Paris, conseiller au Parlement, p.
626.
Paris : banlieue de — , occupée mi-
litairement, p. 482; comté, puis vi-
comte de — , p. 328 et n.; élection de
— , p. 605 et n.; généralité de —,
p. 345; Histoire générale de —, p.
398 n.; Article sur — dans l'Encyclo-
pédie, p. 610. Voy. Enceintes," Mi-
nistre de Paris, Parlement, Prévôté de
Paris, Rues, etc.
Parlement de Paris. Sa composition,
p. 33; son ressort, p. 35; ses droits,
p. 36, 37, 41 ; son esprit, p. 38, 103,
104, 105. Voy. Arrêtés, Arrêts du
Parlement, Lits de Justice, Remon-
trances, Représentations.
Parloir aux bourgeois, p. 287.
Paroisses, p. 26; règlements des
— , homologués en Parlement, p. 107
sq.; les vingt — qui inhumaient au^
cimetière des Innocents , p. 428-'
429.
Passion (La), la Mort et la Résur-
rection du peuple, p. 245.
Pastoral du diocèse de Paris censuré
en Parlement (1786), p. 116 sq.
Patenôtriers, p. 589.
Patriote français (Le), interdit avant
son apparition, p. 478.
Paucton (Alexis-Jean-Pierre), p. 172.
Paulctte des officiers et gardes de
Paris, p. 544.
Paulmiers, p. 419, 589.
Paume (jeu de), p. 419.
Pauvres; doivent être protégés, p.
302-303. Voy. Mendiants.
Payeurs des rentes, p. 368.
Péages : du ponceau de l'Arsenal,
p. 561; du pont de bois de l'Ile Saint-
Louis, p. 591 .
Pèche (droit de) affermé parla Ville,
p. 591.
Pécoul, entrepreneur du Mur de la
ferme générale, p. 607 n.
Peintres, sculpteurs et marbriers
(communauté des), p. 464 sq.
Pensionnats, p. 142 et n.
Pensions : des boursiers universi-
taires, p. 151 ; — royales, critiquées
en Parlement, p. 5X1 ; — viagères de
la Ville, p. 373, 537, 556.
Père Duchesne (Le), p. 615 n.
Pcricr (compagnie), p. 382 n., 394,
553, 563. Voy. Eaux' de Paris.
Permissions tacites en matière de
presse, p. 159, 208 n.
Péronne (dép. de la Somme) , p.
489.
Pérou, inspecteur général de la
jauge, p. 556.
Perreau, pourvu du monopole des
carrosses, p. 597.
Perrens (F.-T.), p. 398 n.
Pcrronet (Jean- Rodolphe), ingé-
nieur, p. 350, 360, 366.
Perruquiers - baigneurs - étuvistes
(communauté des), p. 445.
Perthuis (chevalier de), p. 127.
Pétards, fusées, boîtes, etc. (défense
de tirer des), p. 487.
Pctaud (le roi), p. 6 il .
Petit (docteur), p. 491.
Petit, marchand de bois, p. 564.
Pctit-Chùtelet, p. 14, 445.
Petit criminel au Chàtelet, p. 326.
Petite-Pologne, p. 595, 607.
Petites-maisons, p. 250.
Pétition des domiciliés, p. 229 et
n.
Pelit-Montrouge, hospice, p. 263.
Phélypeaux (Louis), marquis de la
Vrillière, p. 629.
Philippe II Auguste, p. 321 n.
Philippe, duc d'Orléans {le lïéyent),
p. 3.
680
TABLE ANALYTIQUE
Philosophie de la Nature (La), con-
damnée, p. 468.
Pia, chef de service des secours aux
noyés, p. 235 n.
Picard, inspecteur des bàliments de
la Ville, p. 361 et n.
Picard-Desmarets, commissaire au
Chûtelet, p. 561.
Picot (Georges), de l'Institut, p. 501
et n.
Picqueron (le sieur), p. 417.
Picquois, notaire, p. 611.
Picdfort de Senlis, procureur, p.
571.
Picdgut (Jacques), p. 304.
Pierre (Jean-Bapliste-Marie), peintre,
p. 366.
Pierre, commissaire au Chûtelet, in-
terrogé et réprimandé en Parlement,
p. 491-490.
Pierrefilte, p. 395.
Pierres (Pli. -Denis), premier impri-
meur ordinaire du roi, p. 218 n.
Pigalle (Madame), veuve de Jean-
Baptiste, p. 595.
Pigeon, échevin, p. 564, 595.
Piîion, receveur, p. 589.
Pillot, libraire, p. 172.
Pimon (Martin), marchand de blés,
p. 304.
Pinet, agent de change, p. 284 n.
Pinet (Pierre), p. 304.
Pinon du Coudrav, propriétaire, p.
571.
Pitié (La), p. 250.
Placards : annonçant des joutes sur
la Seine, p. 562 et n.; — injurieux au
roi et à la reine, révolutionnaires, etc. ,
p. 353, 473, 637, 641.
Place Boyale, publique le jour delà
Saint-Louis', p. 629.
Plan de l'Apocalypse (Le), p. 196.
Plans légaux de Paris : juill. 1676,
registre le 5 août, p. 572; 18 janv.
1724, p. 572; 29 janv. 1726, p. 572;
plans usuels distribués aux membres
du Bureau de la Ville, p. 525.
Planta (baron de), arrêté pour l'af-
faire du collier, p. 280.
Plaslrier, notaire, p. 432.
Plicque(Ant.-Ét.), maître-boulanger,
p. 316.
Poêles nouveaux, p. 363.
Poilly (veuve), libraire au Palais,
p. 475.
Poirier (dom Germain), p. 246.
Poisson (droits sur le), p. 293.
Poissy, j). 322 n., 542. Voy. Caisse.
Police : abus et devoirs de la — , p.
492 et n.; frais de — , p. 356; — d'ins-
pection, p. 324; — judiciaire, p. 326-
327; — parlementaire ou grande po-
lice, p. 102-104. 291.
Polignac (Y.-M.-Gabrielle de Polas-
tron, duchesse de), p. 472 n., 638.
Polignac (comtesse de), p. 385.
Pommyer (abbé), conseiller-clerc du
parlement, p. 146, 393 n.; récusé pour
partialité et corruption, p. 202-203.
Pompadour (Jeanne-Antoinette Pois-
son, marquise de), p. 343.
Pompes antiméphitiques, p. 352.
Pomponne (cure de), p. 152.
Ponceau de l'Arsenal, p. 14.
Pons (marquis de), orthographié
Pont, p. 564.
Ponts : de Paris, p. 12 n.; Pont-au-
Change, p. 14, 377 n.; 448; Pont-aux-
Choux, p. 311; Pont-Louis XVI (en
projet), p. 14 ; Pont-Marie, p. 370 n.,
485; Pont-Neuf, p. 484, 486, 487;
Pont-Notre-Dame, p. 14, 369, 486,
499 n.; Pont-Bouge, p. 14, 369, 561 ;
Pont-Saint-Miehcf, p. 488, 626.
Porcherons (les), p. 15, 388 n., 420.
Portail (Jean-Louis), président à la
Tournelle, p. 343.
Portes : Maillot, p. 036; Saint-Ber-
nard, p. 127,555; Saint-Denis, p. 555 ;
Saint-Martin, p. 12,572; Saint-Victor,
p. 127.
Ports de Paris, p. 551 ; Port-au-blé,
p. 317, 485; Port-des-Coches, p. 361
n.; Port-Saint-Paul, p. 125, 560.
Postes (hôtel des), p. 12.
Poupard, curé de Saint-Eustache,
p. 643.
Poyet (Bernard), architecte, com-
missionné par la Ville, p. 12, 349,
369 n., 550.
Povet (Guillaume), chancelier, p.
213.
Précis de la constitution de l'Hôtel-
de-Ville (1764), p. 499 n.
Précorbin (de), p. 360.
Première leçon du fils aîné d'un roi,
p. 478.
Présidial du Chûtelet, p. 325.
Presse (police ordinaire de la), p.
467. Voy. Libraires, etc.
Prestation de serment de la Ville au
roi; cérémonial, p. 533; des Juge et
Consuls en Parlement, p. 577.
Prévention (droit de), p. 321.
Prévost, consul, p. 577-578.
Prévost (Nicolas), voiturier par eau,
p. 542.
Prévôtés: de la monnaie, p. 333; —
de l'Hôtel, p. 100; de l'Isle-de-Erance,
p. 326,331 et n., 333;— de Paris, p.
2, 5, 6, 30, 322,327,330-332, 500 n.;
— des marchands, et échevinage, p.
TADLE ANALYTIQUE
681
31; éligibilité, élection, p. 529-530;
habits, cérémonial, p. 530; scruta-
teurs, p. 531 ; nombre des voix, p.
532.
Prévôts des marchands sous
Louis XVI, p. 509 n.; leurs appointe-
ments et droits, p. 528 ; leurs comptes-
rendus en Parlement, p. 294, 301 ;
leur commission pour le recouvre-
ment des impositions bourgeoises,
p. 587.
Prieur (le sr), gouverneur-adminis-
trateur des Quinze-Vingts, nommé
contrairement aux statuts parle cardi-
nal de lioban. p 207, 270, 278.
Prince bien-né (Le), p. -475.
Princes du sang, p. 413.
Privilèges : de la Ville, p. 519; des
charges municipales, p. 502.
Privilégiés (lieux), p. 38i ctn. Voy.
Justices.
Privilégiés (marchands) de l'hôtel,
p. 589.
Prix universitaires, p. 154.
Procédure criminelle suivie nu pré-
sidial de Hernies, p. 478.
Processions, p. 407.
Procès-verbal de la jurande des
peintres - sculpteurs - marbriers , du
23 nov. 1782, p. 464; de la saisie
(même date), p. 405.
Procureur du roi [et] de la Ville, p.
499 et n., 531, 587. Voy. Élhis de
Corny, Jollivet de Vannes.
Procureur général du Parlement,
p. 307.
Procureurs : au Châlelet/, leur déli-
bération du 30 mai 1788, p. 340; —
en la Cour : déclaration et arrêt les
concernant, p. 75.
Professeurs: leur traitement, p. 150.
Projet de discours d'un citoyen. ..,
p. 478.
Promenades d'usage au bois de Bou-
logne, en 1789, p. 035.
Prophète- Êlie [Le], secte, p. 105 n.
Prophétie pour 1788, p. 475.
Propriétaires: en quels cas respon-
sables ou garants de leurs locataires,
p. 420, 580.
Prostitution, p. 421 .
Prolestants, p. 110-111, 198 n.,
408; hôpital des —, p. 248
Provins [dép. de Seine-et-Marne), p.
312.
Prusse (hôtel de l'envoyé de), p.
410.
Pucelle (René), conseiller-clerc au
Parlement, p. 104 n.
Puissan, chef de bureau à la police,
p. 400.
Pyron, banquier, p. 43 n., 97.
Pyrrhonisme, c.-à-d. probabilisme
jésuitique, p. 121.
Quais : Bignon. p. 14; de Gesvres,
p. 13, 370, 377; Malaquais, p. 13; de
la Mégisserie, p. 376; des Miramion-
ncs, p. 485 ; d'Orsay, p. 1 4 ; Saint-Paul,
p. 13 ; de la Tournellc, p. 125; de la
Vallée, p. 439, 48 i.
Quartiers, p. 9 et n.,26, 27 et n.,
501 ; relativement à la capitation, p.
585 589
Quarlinicrs, p. 501, 529,530, 555,
628, 629.
Qualrefagcs, conseiller au Parle-
ment, p. 020.
Quatrcmère, échevin, p. 586.
Qualrc-Vcnls (les), enseigne d'une
maison, p. 432.
Question préparatoire abolie, p.
86 n.
Qucvremont de la Molhe, banquier,
p. 203.
Quidor, inspecteur de police, p. 59,
220, 471, 481, 490, 491, 493, 494.
Quinze-Vingts (hospice des), p. 18,
249, 250, 26ltsq., 204 n., 207, 321 ;
ses revenus saisis, son emprunt à
Gènes, p. 272.
R
Radix de Saint[e]-Foix, p. 97.
Ragonneau, procureur p. 206 et n.
Rainville négociant, p. 125, 126.
Raoul, lieutenant de prévôt ci gref-
fier des étudiants en droit de l'Uni-
versité de Rennes, p. 234.
Rapports à la Ville : de Martel,
échevin, p. 539; Ledoux, architecte,
p. 604; Pia, p. 235 n.
Rat de Mondon, avocat, membre du
bureau de Louis-le-Grand, p. 125, 145,
147.
Raunié (É.), p. 274 n., 645 n.
Raynal (Guillaume -Thomas - Fran-
çois, abbé), p. 204, 205 n.
Razac (dame de), p. 122.
Reboul, greffier du bureau de Louis-
le-Grand, p. 145,il47, 150, 154.
Réception: du grand-duc de Russie
(17 juin 1782), p. 287; d'un prévôt
de Paris (30 janv. 1723), p. 328 et n.
Réception (droits de) dans les com-
682
TABLE ANALYTIQUE
munautés d'arts et métiers, augmen-
tés, p. 456.
Réceptions d'ouvrages par la Ville,
et droits abusifs y relatifs, p. 525.
Receveur-général de la capitation
et des vingtièmes (office de), rem-
boursé, p. 582.
Receveur général et trésorier de la
Ville (office ou commission de), p. 499
et n., 503, 507, 519, 554.
Receveurs des communautés d'arts
et métiers, p. 462.
Receveurs particuliers des imposi-
tions directes, p. 582, 584, 586, 589.
Récit de la conduite des Maréchaux
de France à L'égard du vicomte de
Noé, maire de Bordeaux, écrit suppri-
mé, p. 207 et n.
Récits prononcés en Parlement :
20 juill. 1778, p. 592; 23 avril 1779,
p. 162 sq.; 10 juillet, p. 96; 31 janv.
1783, p. 348 n.; 14 fév., p. 49;
1er avril, p. 147 sq.; 9 janv. 1781, p.
131, 268; 11 janv. 1785, p. 277;
23 août, p. 280; 14 oct. (en vacation),
p. 300; 24 janv. 1786, p. 608 et n!;
23 fév., p. 41; 19 déc, p. 110;
12 janv. 1787, p. 99; 9 fév., p. 110;
28 juill., p. 42; 18 oct. (en vacations),
p. 45; 23 oct. (idem), p. 616; 21 nov.
(récit collectif), p. 58; 30 janv. 1789,
p. 45.
Récollets du faubourg Saint-Lau-
rent, p. 118 n.
Recommandaresses, p. 264, 402 n.
Réflexions d'un citoyen non qradué,
p. 210.
Réfutation pour l'abbé Carbonnel...,
factum supprimé, p. 199.
Régence (café de la), p. 411.
Rcgio-Montamts, c'est-à-dire Mûllcr
(Jean), p. 475.
Registres: de commissaires, p. 50;
— d'inspecteur de police, p. 4S0; —
des brocanteurs, p. 451 n.; — des
communautés, p. 463; —des logeurs,
imposés par la police, p. 479;— des
Quinze-Vingts, soustraits ou déplacés,
I». 282 ; — du Bureau de la Ville, p.
497 n.; — du Parlement, cités p. 331
n.
Règlements : de police du 10 juillet
1742, p. 423 n.; — entre la Ville et la
Compagnie des eaux, du 2 mai 1780,
p. 563; — financier d'août 1669, p.
519; — du Mont-de-piété, p. 261 ; —
universitaire du 12 fév. 1770, p. 148 n.
Regnault, marchand de farines, p.
437.
Regnault, syndic delà Communauté
des notaires, p. 72.
Reire (Joseph), ex-jésuile, eudiste,
p. 635.
Remèdes secrets, p. 422.
Remontrance, ou seconde lettre à
M. l'archevêque de Paris, p. 195.
Remontrances du Parlement ; criées
publiquement, p. 353; des 26 août
1781, p. 281; 28 juill. 1782, p. 581
21-29 mai 1783, p. 266; 29 août, n
131; 10 fév. 1784, p. 133; 21 avril
23 mai 1784, p. 276; 25 février 1785
p. 277; 16-27 mars 1786, p. 41
27 déc. 1787, p. 59 n.; 9 janv. 1788
p 60; 11 mars, p. 60; 3 mai, p. 00
65.
Remparts (boulevards) de la Ville
entre les portes Saint-Victor et Saint-
Bernard, p. 127.
Renan (Ernest), p. 196 n.
Renard (Pierre), négociant, p. 453-
454.
Renée (Amôdée), p. 4 n.
Rennes (troubles de). Voy. Breta-
gne.
Renou, cmplové à la Ville, p. 550.
Rentes sur l'Hôtel de Ville, p. 498,
552, 611; contrôleurs, payeurs, rece-
veurs, p. 388, 610 et n.; forme des
contrats entre la Ville et le roi, p. 611.
Rentes viagères : critiquées en Par-
lement, p. 518.
Rentiers viagers(société de), p. 389.
Repas officiels de la Ville, p. 524,
526 n.
Réponse de l'Assemblée du clergé
au roi, 21 mai 1788, p. 67.
Réponses du comte de Lally-Tollen-
dal à d'Épréménil, p. 206.
Réponses du roi aux représenta-
tions ou remontrances du Parlement,
p. 42, 53, 59 n., 65, 217 n., 276, 300
et n., 514, 515, 518, 581.
Représentations du Parlement au
roi : 11 août 1767, p. 514; 26 avril
1778, p. 582; 3 mars 1780, p. 601 n.;
30mars-7avrill781,p.98; 14-19 août
1783, p. 127; 16 janv. 1784, p. 132
n.; 5 mars, p. 97; 31 juill., p. 301 ;
21 mars 1786, p. 38; 13 août 1787,
p. 38; 4 nov., p. 34; 18 janv. 1788,
p. 110-111 n.
Requête des nobles de Normandie,
p. 473.
Requête du 15 déc. 1783, p. 465.
Réquisitions : du procureur du roi
[et] de la Ville, du 25 fév. 1789, p.
5G0; du procureur du roi du Châtelct,
5 sept. 1766, p. 461 n.
Rcscriptions de la Ville, p. 538,
612.
Rélhel-Mazarin, ville, p. 308.
TABLE ANALYTIQUE
683
Retraites forcées, p. 480.
Réveillon (affaire), p. 72 n., 101,
326, 332 n.
Kevcndeurs, brocanteurs ambulants,
p. 479.
Revenus de Paris astreints aux
vingtièmes, p. 591.
Réverbères, p. 594.
Révision, ou lotissement, ou reven-
dage, réprimés, p. 459-460.
Révoltes de Paris, p. 1 ; annonces
ou prévisions de — , p. 473, 482. Voy.
Placards, Troubles.
Revue rovale, plaine des Sablons
(8 mai 1787*), p. 637.
Reyre (Joseph). Voy. Rcire.
Ribbes (de), notaire, p. 571 n.
Ricard (Jean-Marie), p. 169.
Richelieu (L.-F. Armand du Pies-
sis, maréchal duc de), p. 615.
Rigault, employé à la Ville, p. 550.
Rimbert, avocat, p. 466-167.
Roanne, en Forez, p. 612.
Robert de Saint-Vincent (Pierre-
Augustin), p. 110, 481.
Robin, chapelain du roi, p. 355-356.
Robinet, premier commis d'Amelot,
p. 346 n.
Robinotde Rellnnont, commandant
la maréchaussée de Charcnton, p. 550.
Rocolet (Pierre), imprimeur, p. 545.
Rocquain (Félix), p. 175 n., 186 n.,
468 n., 615 n.
Rodo|u]an (Louis- François), sei-
gneur de Morlaincourt au comté de
Ligny-en-Rarrois; sa détention arbi-
traire, p. 49.
Rohan (Louis-René-Édouard, cardi-
nal de), p. 18, 145, 147, 209, 266,
283 n.; qualifié Altesse séréiiissime,
p. 266. Voy. Collier, Quinze-Vingts.
Roi d'armes, p. 622.
Roland, conseiller aux requêtes du
palais, p. 270 n.
Rôle des appels au Chàtelct, p.
325 n.
Rolland d'Erceville, président au
Parlement, p. 141. 145, 117, 148 n.,
149, 150, 154.
Rollin (Charles), p. 140, 142.
Romainville, paroisse : son règle-
ment, p. 107.
Roman (Alexis), condamné à mort
pour vol aux Tuileries, p. 100.
Romans (Dllc),maîtressede Louis XV,
p. 138 et n.
Roquemont (le sieur de), comman-
dant de la garde de Paris, p. 623.
Rose(Dll!;), de l'Opéra, p. 357.
Piouault (Nic.-Alph -Félicité, comte
de), p. 539-510.
Rouen (parlement de), p. 593 n.
Rouhctte, p. 150, 152 n., 154.
Roule (Le), faubourg, p. 151, 298;
maison de la Ville au — , p. 550, 595.
Rousseau (J.-J.), p. 209.
Rousseau (Philippe), huissier à
verge et de police du Chàtelet, p. 406.
Rousseau, trésorier-receveur de la
Ville, p. 506, 612 n.; sa veuve, p.
556.
Roussel (Antoine), curé de Saint-
Lambert, p. 17.
Roussel de La Tour, conseiller au
Parlement, p. 148 n.
Roy, charcutier, p. 453.
Roval-Piedmont, régiment de cava-
lerie,'p. 482.
Rover, maître des requêtes, p. 268.
Rues, p. 13; ouverture de nouvelles
— , p. 431; largeur des—, p. 364,
365.
Rues de : l'Abreuvoir, p. 368;
d'Amboise, p. 16; d'Angoulême, p.
16;d'Antin, p. 15; d'Artois, p. 15;
d'Astorg, p. 15; Bailleul, p. 472 n.;
de la Barillerie, p. 626; Basse-du-
Rempart, p. 593; Basse-porte-Sainl-
Dcnis, p. 367; de Rcaune, p. 455 n.;
Bergère, p. 410; Bcrtin-Poirée, p.
642; des Billettes, p. 52; liouchcrat,
p. 52; de Bourbon, p. 455 n.; de Bour-
bon-Villeneuve, p. 336; de Bovnes,
p. 16,431; de Bretcuil, p. 16, "431 ;
Ruffault, p. 15; de Chabanais, p. 16;
de Cléry, p. 410; du Colisée, p. 15;
Comtesse d'Artois, p. 570; Contres-
carpe, p. 367; Copeau, p. 253; Coq-
Héron, p. 597 n.; Coquenard, p. 388
n.; de Crosne, p. 16, 431; de l'Échi-
quier, p. 16; des Écrivains, p. 406;
de l'Égout, p. 16; d'Enfer, p. 409;
d'Enfer (autre, s'appellera rue Bleue),
p. 378; d'Enghien, p. 16; de la Fer-
ronnerie, p. 429, 628, 634; aux Fers,
p. 366 n.; aux Fèves, p. 473; Fey-
deau, p. 411, 431 n.; du Foin, p. 637;
du Foin-Saint-Jacques, p. 52; Gai-
lande, p. 318, 448; Gervais-Laurent,
p. 448; Guérin-Boisseau, p. 448; de
la Harpe, p. 13, 488; Hautefeuille, p.
394; de Hauteville, p. 16; de la Hu-
chette, p. 349; Hyacinthe, p. 448; du
Faubourg-Saint-Antoinc, p. 351, 637;
du Faubourg-Saint Denis, p. 458; du
Faubourg-Saint-Germain, p. 17; du
Faubourg-Montmartre, p. 448; des
Francs-Bourgeois, p. 449; des Fossés-
I\1onsieur-le-Prince, p. 417; Jean-de-
Lépine, p. 448; Jean-Pain-Mollct, p.
448; de La Feuillade, p. 471 ; de Lan-
cry, p. 16; de la Licorne, en la cité,
684
TABLE ANALYTIQUE
p. 448; des Lombards, p. 481; de
Louvois, p. 16; du Mail, p. 405; Ma-
tignon, p. 15; Martel, p. 16; des Ma-
thurins, p. 488; Meslé, p.488n.; Mil-
let, p. 16; du Monceau-Saint-Gervais,
p. 474; Montholon, p. 16, 607 ; Mont-
martre, p. 410,411, 448;Mont-pamassc,
p. 17; de Monireuil, p.352n.; Neuvc-
dcs-Capucins, p. 15; Neuve-des-Ma-
thurins, p. 15,411; Ncuve-dc-Mont-
morency, p. 431 n.; Ncuve-des-Pctits-
Champs, p. 411; Neuve-Saint-Marc, p.
16 ; Notre-Damc-de-Bonne-Nouvclle,
p. 442; aux Ours, p. 353; Papillon, p.
16; du Paradis, p. 367; de la l'cllele-
rie, p. 369; delà Pépinière, p. 607;
du Petit-Bourbon, p. 419; du Petit-
Lion, p. 421 n.; des Petits-Pères, p
347, 41 I ; du Plâtre, p. 475; Plàtrièrc,
p. 411; Poissonnière, p. 410; Popin-
court, p. 348; des Poules, p. 635 ; des
Prêcheurs, p. 225; de Provence, p. 15;
aux Bats, p. 318; du Benard-Saint-
Merri, p. 355; Biboutté, p. 16; Riche-
lieu, p. 411-412; Bicher, p. 16; du
Sabot, p. 382; Saint-André-des-Arcs,
p. 471; Saint-Denis, p. 13, 366 n.;
Saint- Germain -l'Auxerrois, p. 448;
Saint-Honoré, p. 448, 487, 568, 634;
Saint-Jacques, p. 13, 475, 637 ; Saint-
Jean-de-Beauvais, p. 448; Saint-Marc,
p. 431 n.; Saint-Martin, p. 13, 487,
488; Saint-Nicaise, p.487, 568; Saint-
Nicolas, p. 15; Sainte-Apolline, p. 15,
573 ; Saintc-Croix-de-la-Bretonneric,
p. 473; Salle-le-Gomte, p. 353; Ta-
ranne, p. 382; de la Terrasse, p. 16;
du Théâtre-Français, p. 417; Traînée,
p. 570; Tournante, p. 16; de Tracy,
p. 16, 17 n., 364; Vendôme, p. 411;
de la Verrerie, p. 448; de la Vieille-
boucherie, p. 488; de la Vieille-Dra-
perie, p. 473; Vieille-du-Temple, p.
52; de Xaintongc (Saintonge), p. 52.
Bulhière (Claude-Carloman de), his-
torien, p. MO.
Bulhière (de), lieutenant à Saint-
Denis, inspecteur de la maréchaussée
del'lsle, p. 391, 550.
Bumsay (James), imprimé par erreur
Bamsay, p. 392.
Bulledge (chevalier de), baronnet,
p. 242. On écrivait couramment :
Butlige.
Sabathicr (abbé), conseiller au Par-
lement; son arrestation, p. 59. 218.
Sablons (les), plaine, p. 298, 395.
Sache (Françoise), épouse Perdc-
reau, bannie à perpétuité, p. 304.
Sacré-Cœur (fêle du), p. 196 n.
Sacristain de Notre-Dame, pen-
sionné par la Ville, p. 554.
Saffroy, négociant, p. 125, 126, 127.
Sageret, échevin, p. 608.
Sahuguet (de). Vov. Espagnac (Marc-
Benô d').
Saige, homme de lettres, p. 179 n.
Saillant, juge-consul, p. 578.
Sainfrav, du bureau de Louis-le-
Grand, p. 145, 147, 150, 154.
Saint-André-des-Arcs (hospice delà
paroisse de), p. 249.
Saint-Antoine : abbaye, p. 16, 350-
352, 453; faubourg, p. 110,113, 402,
482; charcutiers du faubourg — , p.
453; ouvriers et artisans privilégiés
du faubourg — , p. 452 sq.
Saint-Barthélémy, p. 428.
Saint-Denis (place et porte), p. 448.
Saint-Denis-de-France; abbaye et
ville, p. 136, 137, 395; dépôt de* men-
dicité, p. 260, 368 n.
Saint-Denis-dc-la-Chartre, p. 369.
Saint-Didier, p. 43 n.
Saint-Esprit : église, p. 530; foire
ou marché du — , p. 361 ; hôpital du
— . p. 250, 428, 630.
Saint- Eustache : église, p. 428,
644; pointe — , p. 570.
Sainl-Florentin (Louis-Phélypeaux,
comte de), marquis de la Vrillière, p.
344, 345, 512, 513, 514.
Saint-Francois-de-Sales (prêtres de),
communauté hospitalière, p. 251.
Saint-Germain-des-Prés : abbave,
p. 113, 124, 138, 384 n.; justice'de
— , p. 321 ; marché de — , p. 485 ; fau-
bourg—, p. 411, 486, 487.
Saiut-Germain-en-Laye, p. 322 n.
Saint-Germain-l'Auxerrois, p. 429;
chapitre de —, uni à Notre-Dame, p.
432.
Saint-Germain -le-Vieux (ÏÉvieux),
p. 428.
Saint-Gcrvais, p. 383.
Saint-Honoré : chapitre de — , p.
138; faubourg — , p. 636.
Saint-Jacques-du-Haut-Pas (hospice
de), fondé par Cochin, p. 248.
Saint-Jacques-la-Boucherie, p. 106,
406, 428.
Saint - Jacques - Saint - Christophe,
église paroissiale de la Villette-lès-
Paris : son règlement, p. 107 et n.
Saint-Jean (François de), juge-con-
sul, p. 578.
Saint-Jean (La), p. 555. Voy. Feu.
TAP.LE ANALYTIQUE
Saint-Jean-dc-Latran, p. 384 n.;
ïuslice, p. 321 ; enclos privilégié, p.
488.
Saint-Jean- en-Grève, p. 630.
Saint-Josse, p. 428.
Saint-Leu, p. 353, 428.
Saint-Louis (chevaliers de), p. 37!)
n.; banquiers de jeux, p. 412.
Saint-Louis (île), p. 36!); prix de
location des maisons de l'île — , p.
370 n.
Saint-Louis, hôpital, p. 219, 319,
637.
Saint-Louis (La). Voy. Fêtes.
Saint-Louis-du-Louvre, p. 428.
Saint-Luc (chapelle basse de), ser-
vant aux inhumations, p. 428.
Saint-Marcel, faubourg, p. 482,635.
Saint-Martin- aux- Bois, abbave, p.
152.
Saint-Martin-dcs-Champs : abbaye,
p. 113, 381 n.; justice de —, p. 321 ;
faubourg — , p. 429.
Saint-Mauris (Ch.-Emm.-Polycarpc,
marquis de), p. 494.
Saint-Mcrrv (ou Mérv, ou Méderic);
p. '428, 429; hospice "de —, p. 248-
249.
Saint-Michel (marais de), p. 40 n.
Saint-Michel (ordre de), p. 350.
Saint-Nicolas-des-Champs, p. 428,
429.
Saint-Nom-de-Jésus, p. 251.
Saint-Père, commissaire au Chalc-
let, p. 448.
Saint-Pierrc-aux-Bœufs, p. 428.
Saint-Pierrc-dcs-Arcis, p. 428.
Saint-Roch : règlement paroissial
du 31 juillet 1781, p. 107; cure de — ,
en déport, p. 138.
Saint-Roch (La), 16 août, début de
l'année municipale, p. 376 n., 499.
Saint-Sépulcre, p. 428.
Saint-Seine (de), directeur des droits
de la Ville, p. 551.
Saint-Sulpice et Gros-Caillou, hos-
pice, p. 218; filature, p. 250.
Saint-Victor, abbave, p. 125.
Saint-Waasl, p. 283 n.
Sainte-Agnès, p. 251.
Sainte- Anastasie-Saint-Gervais, p.
251.
Sainte-Anne, p. 219, 349.
Sainte-Barbe, p. 151 n.
Sainte-Beuve (Ch. -Augustin), p. 4n.
Sainte-Catherine, p. 251 ; hôpital et
religieuses de), p. 428, 429.
Sainte-Croix de la Bretonnerie (cha-
noines réguliers de), p. 136.
Sainte-Croix-en-la-Cité, p. 428,473.
Sainte-Geneviève, abbaye, p. 384;
châsse et cérémonie relatives, p. 113
à 116; justice, p. 321 ; lampadaire, p.
Il fin.
Sainle-Gcncvièvc (nouvelle église),
p. 12.
Saint[c|-Jamcs, banquier, p. 44.
Sainlc-Madeleinc-en-la-Cité, p. 428.
Sainte-Marguerite, p. 138, 318.
Sainte-Manne, p. 428.
Sainte-Opportune, p. 429; chapitre
de —, p. 138.
Sainte-Pélagie, p. 253, 475, 480.
Sainle-Périne-de-Chaillot, p. 385.
Sainte-Heine, hospice, p. 249.
Saintes-Chapelles, p.. 137.
Saints- Innocents : cure, p. 106;
charnier ou cimetière des — , p. 13,
127, 428, 432.
Salamon, conseiller au Parlement,
p. 626.
Sallicr-Chamont (Gui-Marie), conseil-
ler au Parlement, p. 626.
Salpêtrière (La), p. 250, 472 n.,
180.
-,P-247;
Santé : maison royale de
maisons de —, p. 400.
Sanlerrc (Anl. -Joseph), brasseur :
son offre au roi, p. 358.
Santerrc, inspecteur de police du
quartier Saint-Denis, p. 481.
Sanzay (marquis de), p. 489.
Sarcelles [dé p. de Seine-ct-Oise), p.
395.
Sarline (de), lieutenant général de
police, p. 399, 406, 411 n.
Saulgeot (Vincent), syndic des maî-
tres boulangers, p. 213, 316.
Saussayc, receveur particulier des
impositions de Paris, p. 589.
Sauvigny(Edme-LouisBillardonde),
censeur royal, p. 220.
Sauzai(A.), négociant, p. 227.
Savovards (œuvre des jeunes), p.
356. "
Scipion Sardini (maison de), p.
252.
Secrétaires du roi (grand collège
des), p. 473.
Sécularisations monarchique et ré-
volutionnaire, comparées, p. 282.
> Séguin, trésorier du duc de Char-
tres, p. 472. 482.
Séguier (Pierre III), chancelier, p.
169 n.
Séguier (Antoine-Louis), avocat gé-
néral au Parlement, p. 157, 161 , 166 n.,
167 n., 173, 178, 179, 183, 187, 189,
193, 194, 195, 198, 200, 203 n., 201,
686
TABLE ANALYTIQUE
de), gouverneur de l'Arsenal, p. 384
n. ; ministre de la guerre, p. 480.
Seigneur, premier aide-major de la
garde de Paris, p. 483.
Semur, bailliage, p. 543.
Sénat Romain et Parlement, com-
parés, p. 180.
Senci'(le comte de), p. 43 n.
Se[n]nécourt (dcp. de l'Oise), p. 395.
Sentence du bailliage de Tours,
15 mai 1778, p. 304.
Sentences du Bureau de la Ville :
M décembre 1737, p. 376 n. ; 20 jan-
vier 1703, p. 505 n.; 27 avril 1773,
p. 562; 5 mars 1776, p. 564.
Sentences du Cliàtelct(police) : 6 nov.
1725, p. 418 n. ; 28 juin 1731, p. 420;
16 nov. 1731, p. 436; 4 juin 173 i, p.
426 n. , 28 juin, p. 431 ; 10 juin 1735,
p. 440: 20 octobre, p. 407; 2 sept.
1736, pi 403 ; 22 déc, p. 407 ; 11 janv.
1737, p. 436; 31 janv. 1738, p. 436
n.; 29 mai 1739, p. 437; 12 juin, p.
407; 21 août, p. 403; 23 mai 1740,
p. 420 ; 22 juill., p. 436 ; 27 juin 1742,
p. 436; 20 juill., p. 418 n, ; 3 août,
p. 436 n.; 31 août, p. 405, 420;
27 oct., p. 418 n.; 16 nov., p. 437;
6 sept. 1743, p. 418 n.; 17 janv. 1744,
p. 437; 26 mars 1745, p. 405 n.;
18 nov. 1746, p. 451 n.; 2 déc, p.
419 et n.; 9 sept. 1775, p. 186 n.,
468; 11 août 1778, p. 172; 10 mars
1780, p. 438; 26 mars 1784, p. 423
n.; 18 janv. 1788, p. 441; 3 oct.,
p. 488; 21 nov., p. 478.
Sentier, conseiller au Parlement,
p. 626.
Sentinelle du peuple (La), p. 239.
Sergents (barrière des), p. 485.
Serruriers, etc., communauté, p.
452.
Servan (Ant.-Jos. -Michel), p. 215.
Serve (Juste), consul, p. 577.
Serviteur de la Ville, p. 553.
Short, premier secrétaire de Jeffer-
son, p. 633.
Sicard (abbé), p. 155 n., 283 n.
Sicvès (Emm. -Joseph, abbé), p.
246. *
Signature du roi : doit toujours
être tenue pour authentique, p. 394 n.
Simarre, condamné à la roue, p.
210.
Simon, imprimeur, p. 353.
Simon, employé à la Ville, p. 550.
Sirebeau, inspecteur des fontaines
de la Ville, p. 374.
Six-corps (les), p. 31, 320, 443 n.;
leur titre complet, p. 577; — et les
communautés, p. 456-457.
Socialisme d'Etat, p. 309.
Société de Jésus, p. 104.
Société de l'Histoire de Paris et de
l'Ile-de-France, p. 502 n.
Société philanthropique, p. 283.
Soissonnais, p. 312.
Solesmes, abbaye, p. 137 n.
Sommelier, inspecteur de police,
p. 59.
Sorbonnc, p. 187 n.
Sorbonncs (chevalier des), p. 483.
». Souscription à la construction des
quatre nouveaux hôpitaux, p. 615.
Souveraineté législative du roi, re-
connue par le Parlement, p. 266.
Spectacle libre interdit, p. 355.
Spectacles (petits) et foires, p. 357
n.;420;
Spire, chef de bureau à la police,
p. 356, 401.
Sprotte, échevin, p. 586.
Staél (Ëric-Magnus, baron de), am-
bassadeur de Suède en France, p.
632.
Stations et places désignées pour
la publication de la paix dé Versailles,
au nombre de quatorze, p. 624.
Statue de Louis XIV, place Vendôme,
p. 551.
Statuts des maîtres tonneliers... sur
les ports, p. 508.
Subdélégués, substituts du procu-
reur du roi et de la Ville, p. 503-
505, 554-555 ; offices et commissions
de, — p. 504; sièges, gages, indem-
nités, fonctions, p. 504 et n., 505.
Suif (vente du), p. 455 et n.
Suite de la justification du sieur de
Beaumarchais, p. 194.
Sully (Max. -Gabr. -Louis de Béthune,
duc de), p. 304.
Supplément aux réflexions de
Me Linguct, p. 177.
Supplices. Voy. Justice, Arrêts.
Imitations burlesques ou tragiques de
— , p. 216 n.
Sûreté, p. 478.
Surséances : à la Caisse d'escompte,
p. 47; aux particuliers, p. 385.
Survivances des charges et emplois
de la Ville, p. 363.
Syndic du clergé de Paris, p. 541.
Syndics et adjoints de la commu-
nauté des libraires et imprimeurs,
p. 262 n., 475; — des communautés
d'arts et métiers, p. 462, 583.
TABLE ANALYTIQUE
087
Tabac (commission du), p. 348,597.
Table de marbre, cour suprême des
eaux et forêts, p. 564.
Tableau juratoire de la Ville, p.
532.
Taboureau des Réaux, contrôleur
général des finances, p. 592. Voyez :
Lettres.
Taine (Hippolyfe-Adolphe), p. 20 n.
Taitbout, greffier de la Ville, p. 541 ;
sa veuve, p. 557.
Talmeliers, p. 435. Voy. Boulan-
gers.
Talon (Denis), p. 125.
Tandeau (Gabriel), conseiller clerc
au Parlement, p. 145, 148 n., 150,
154, 211 ; son discours en faveur de
l'édit des emprunts successifs, pro-
noncé et déféré au Parlement, p. 218,
219 n.
Tarare, opéra de Beaumarcbais, p.
381.
Target (Gui-Jean-Baptiste), avocat,
de l'Académie française, p. 99, 173.
Tarifs : de la capitation, p. 584 ;
des droits des corporations, p. 453
et n., 104 et n. ; des permissions en
librairie, p. 170.
Taron, consul, p. 577.
Taxations : du trésorier de la Ville,
p. 012; des gardes, etc., des commu-
nautés d'arts et méLicrs, p. 583.
Taxe : de la viande, p. 442; — du
pain, p. 436.
Te Deum, p. 626, 632.
Teinturiers de la rue de la Pelleterie
expropriés, p. 368.
Temple (le), enclos et justice, p.
321, 384, 385.
Tenaille de Châtillon, subdélégué de
la Ville à Clamecy, p. 550.
Tenon (Jacques-René), p. 247 n.,
349.
Tcrrav (abbé), contrôleur général
des finances, p. 184 n., 521, 522, 600.
Voy. Lettres.
Teschcreau de Baudry, lieulenant
général de police, p. 342, 399.
Tessé (dame de), dame d'honneur
de la reine, insultée, p. 638.
Tcstu (la tille), p. 274 n.
Théâtre-Français, p. 318, 357.
Théâtre-Italien, p. 357.
Théologie portative, p. 187.
Théorie des lois politiques de la mo-
narchie française, p. 246.
Thicrion, commissaire an Chàtelet,
p. 445.
Thierry, auteur du Guide des Ama-
teurs, p. 034 n.
Thiôrv, secrétaire du commande-
ment, p. 615.
Thillaye (Noël -Vincent), mécani-
cien, p. 352.
Thiloricr (Jean-Charles), avocat,
p. 471.
Thiroux. Voy. Crosne (de); Monre-
gard (de).
Thomas (saint), p. 421.
Thomas (J.-B.), syndic des boulan-
gers, p. 213, 316.
Thou (Aug. de), p. 469.
Thury, maître-fondeur, p. 382.
Tiers-état, surnom des carrosses de
places, p. 636.
Tillière (de) fils, du bureau de l'Hô-
tel-Dieu, j). 258.
Tippou-Saïh, roi de Mysore, p. 356.
Tirot (Jacques), serviteur de la
Ville, p. 551.
Tisserand (L.-M.), p. 398 n.
Tissot, colporteur, traité avec in-
dulgence par le Parlement, p. 226.
Tocsin de la Ville, p. 624.
Toisé des maisons à Paris, p. 592.
Torcv (dép. de Seine-et-Marne), p.
322 n."
Toulouse (hôtel de), près la place
des Victoires, p. 638.
Tourbe (entreprise de la), p. 296,
370.
Tournan (dép. de Seine-el-Marne),
p. 322 n.
Tournclle. Voy. Arrêts, Jurispru-
dence, Justice criminelle, Parlement.
Tourncux (Maurice), p. 381 n.
Tournicr, p. 252 et n.
Tourtille-Sangrain, fournisseur de
la Ville, p. 55 1.
Tourzel (marquis de), grand-prévôt
de l'hôtel, p. 100.
Tracy (Antoine-Louis-Claude d'Es-
tult, comte de), p. 364.
Traiteurs, rôtisseurs, pâtissiers,
p. 440.
Transaction de la Ville avec l'Ar-
chevêque de Paris, 29 juillet 1706,
p. 541.
Treilhard (Jean-Baptiste), avocat,
p. 125, 203.
Trésorier de la Ville. Voy. Receveur.
Trésoriers de France, p. 569.
Triel [dép. de Seine-et-Oise),\). 322 n.
Trinité (La), p. 250.
Tripart, pensionnaire de la Ville,
p. 375.
Tripiers, p. 441.
088
TABLE ANALYTIQUE
Trône (barrière du), p. 52.
Trottoirs et bornes, p. 365, 3G7.
Troubles à Paris : en août 1788,
p. 482; en novembre, p. 442. Voy.
Placards, Révoltes.
Tuerie des bœufs, p. 435.
Tuileries, p. 384 n., 629, 630,
637.
Turgot (Michcl-Élicnne), prévôt des
marchands, p. 1 n., 15, 376 n., 520.
Turgot (Anne-Robert-Jacques), fils
du précédent, contrôleur général des
finances, p. 38 n., 160, 181 n., 189 n.,
190 n., 199 n., 284, 280 et n.. 288,
297,298, 348 n., 438 n., 439,443,444,
455n.,498n., 507, 509, 523,526,527,
586, 600, 601, 613, 630.
Turlin, fermier des coches d'eiu,
p. 126.
u
Unigenitus (bulle), p. 23, 104 n.,
109, 118, 123 n.
Université de Paris, p. 23, 320 sq.;
proteste contre les arrêts du Conseil
de 1777, relatifs à la librairie, p. 168.
Ursins (hôtel des), p. 369.
Vacances des collèges (uniformes),
p. 144.
Vaisseau de ligne offert au roi par
les Six-corps et par 39 communautés,
p. 457.
Vallin (veuve), oiselière, p. 489.
Vanne (la), rivière, p. 295.
Varech (cendres de), prohibées,
p. 455-456.
Variétés-Amusantes, théâtres, page
357.
Varin (Bricc-Marie), avocat de Ren-
nes, p. 242.
Varin, greffier de l'Hôtel -Dieu,
p. 259 n.
Vauban (Séb. le Prestre de), p. 6,
289 n. .
Vaudherland (dëp. de Seine -et-Oise),
p. 308.
Vaugien, inspecteur de police,
p. 481.
Vaugirard (hospice de), p. 250.
Vée,\jugc-consul, p. 577.
Vénalité des charges municipales,
p. 502.
Vendôme (Louis-Joseph, duc de) :
ses papiers déposés à la Bastille,
p. 380 et n.
Vendôme (place), p. 410.
Ventes judiciaires, réglcmenlées,
p. 458.
Ventilateur (compagnie du), p. 352.
Vergennes (Charles Gravier, comte
de), p. 280,622.
Verniquct(Edmc), p. 11,382, 383 n.
Véron, receveur-général, p. 271 n.
Versailles, château et ville, p. 2, 3,
319; paix de —, p. 516, n., 518,
582; publiée à Paris, p. 621 ; cérémo-
nial, procession, fêles et Te Deum v
relatifs, p. 621-624.
Vevtard, greffier du Bureau de la
Ville; p. 229 n., 502, 506, 518, 557,
563
Viabilité, p. 367. Voy. Voirie.
Viande. Voy. Taxe.
Viarmes (de), prévôt des marchands,
p. 511.
Victoires (place des), p. 410.
Vidange (compagnies de), p. 352.
Vidaud-dc-la-Tour, directeur de la
librairie, p. 380, 476 n.
Vieille-Poste (maison dite de la),
p. 475.
Vicllard, membre du bureau du
Mont-dc-Piélé, p. 261.
Vienne (dom de), bénédictin, auteur
de Mémoires judiciaires supprimés,
p. 182.
Villages de la banlieue, p. 609.
Ville: domaine de la, — , p. 614;
finances en désordre, p. 516; juridic-
tion et police sur la Seine et dépen-
dances, p. 561-563; en matière de
rues et travaux publics, p. 570 ; ser-
vices administratifs de la — , p. 541-
542; — et Châtelet, p. 560, 623; —
et Université, p. 500 n.
Villejuif (dép. de la Seine), p. 642,
682.
Ville-l'Évêque, p. 15.
Ville-neuve (quartier de la), p. 442.
Villeneuve (L. -Henri de), des com-
tes de Barcelone, p. 199.
Villeneuve (Vallct de), trésorier de
la Ville, p. 503, 507 n., 547, 607.
Villeneuve (Gustave de), p. 502.
Villctte, employé â la Ville, p. 550.
Villcttc, fraudeur, p. 607.
Villicrs de La Noue (de), du bureau
de Louis-lc-Grand, p. 145, 147.
Vinccnncs, p. 394, 480.
Vincent de Paul (saint), p. 251 n.
Vinchon, procureur, p. 214.
Vinet[s] -en-Champagne (dép. de
l'Aube), p. 210.
TABLE ANALYTIQUE
689
Vinfray, commandant do la maré-
chaussée de Choisy, p. 550.
Vingtièmes, p. 66, 580, 581 et n.,
582, 592. Voy. Dixièmes, Imposi-
tions, Revenus.
Vins : droits sur les — , p. 599; —
de privilège, p. 553 ; — de Ville,
p. 524.
Vintimille du Luc (Charles-Gaspard
de), archevêque de Paris, p. 195.
Violations de domiciles autorisées
par la police, p. 471, 479.
Viollard (Claude), p. 304.
Virement entre la Ville et le dépar-
tement de la guerre, p. 367.
Virginie (états de), p. 633.
Visites des eaux et fontaines, etc.,
p. 524,547; — des syndics et adjoints
des communautés, p. 463; — duCorps-
de-Ville à Versailles, p. 534.
Vitry-le-François, p. 312.
Voie publique (commodité et sûreté
de la), p. 432.
Voirie, p. 430 sq.; partagée et dis-
putée entre plusieurs juridictions,
p. 388, 389, 430; petite —, p. 365;
droits de —, p. 567.
Voiries, p. 593.
Voisin (Pierre-Gilbert de), p. 115.
180, 196.
Volaille, p. 439.
Volney (Constantin-François Chas-
sebœuf, comte de), p. 239.
Voltaire, p. 184 n., 208, 220 n.,
284.
Vols : à l'aide de fausses clés,
p. 451; dans les bateaux, p. 560; de
mère à fille, p. 357 ; divers, p. 479 n.,
490.
Voyage de Figaro en Espagne {Le),
et (autre titre du même ouvrage) :
Voyage Le) du marquis de Langle en
Espagne, p. 209.
Voyer(dei. Voy. Argenson.
Ximenes (abbé), p. 351
Young (Arthur), agronome anglais,
p. 2-1,289.
Young (dame), recommandée par
Breteuil, p. 365.
Yvette (canal de 1'), p. 359-361,
390 n.
Xeno (chevalier), ex -ambassadeur
de Venise en France, p. 409.
FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE
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Rue <ie Lille, 1
M DCCC LXXXIX
La Bibliothèque
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Echéance
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