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Full text of "Magazin Encyclopédique : ou journal des sciences, des lettres et des arts"

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; ré Rae Mai 1806. ) 


MAGASIN 

*  ENCYCLOPÉDIQUE, 

JOURNAL DES SCIENCES, 
_ DES LETTRES ET DES ARTS, 


RÉDIGÉ 
PAR A. L MILLIN, 


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des Médailles, des Pierres gravées et des Antiques de la Bi- 
bliothèque Impériale, Professeur d’Archæologie ,; Membre de 
VAcadémie de Goettingue, etc. etc. | ds 


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Prix de ce Journal, tant pour Paris que pour les 
Départemens , franc de port: é 
“pour trois MoÏS,, ......... 4. «se. g'francs. 1 ke 
pour six MORT een ee den 18 francs. a 
[x] 


Dour AAA cest «serge ass 0. JO TAC, 


Les hommes les plus célèbres dans chaque partie: des 
Sciencestet de la Littérater; se sont plû à coopérer | 
à cette entreprise utile, et la collection des neuf années . 
du Magasin Encyclopédique est devenue précieuse, 'en ce 
qu’ellé présente une réunion. de Mémoires intéressans, 
qui ne se trouvent point ailleurs, et dont les Atiteurs 
jouissent d’une grande réputatiôn. On y trouve, én effet, : 
4! des Dissertations , des Mémoires, ou des Opuscules de 
le MM. ALIBERT, BARBIER , Bargré now Boccacr ; Bar- 
. raeLemY, Basr, Bicmar, (CAtérann, CAvaniites, 
-Caarnon £a Rocetre, Co vin » DAusENTON , Deziice,, 2 


EN A dE à à à ets et 
CEE SPC) SESBEETE ETES ESErEL CTBETESEF EE) 


Table des Articles contenus dans ce Numéro 


LivréRar vis 


De la Demande du Consulat, ox Essai 
sur la Candidature j adressé à à M.T. 
Cicéron parson frère Quintus; suivi 


des fragmens du discours prononcé 
par Cicéron sur sa Candidature ;. 


traduits par Eusèbe Salvertes 5 


PHiLOLOGIE. 


Lettre de F. S. V. à M. Millin, sur 
les Lottres de Peiresc. 44 


LANGUES SEPTENTRIONALES. 


Analyse de la nouvelle édition } A 
Fragmens d'Ulflas , publiée par 
M. Zahn. 2 61 


PRE Ta 
A Disserlation on Language , etc. 69 
BEAux- ARTS 


La Galerie de Salzthalen , et de Pétat L 
des Béaux-Arts à Brunswick ; ÿ par 
83 


M. RÉ Re 


gi ; 


rJ Double Flore, ou Description des 


% Romans 


Madame PA Maintenon, pour | servir | Ft 
de suite à la Duchesse de La Vai- | 


dière ; par madame de Genlis. 148 


Vovacr. 


Copie d'use Lettre. écrite d'A thnes 
le 20 frimairean x1v, par M. Fau- | 


vel, à M; Barbié.du, iPnabaré: 
Hiocraruis. LS 


Notice; sie Vie et les Ouvrages, 
tant imprimés que man uscrits, du 
P. Hpubigant , de l'Oratoire, 123 


HRoës re” EEE 


Réponse de Voltaire : À une dame qui 


reprochoôit à-La Dixmerie d'avoir 
maltraité dans ses Contes les fem- 


/ « 
mes de 40 ans. SRE 150 


.  Joann. X TRS 


VARIÉTÉS, Ne ET 
CORRESPONDANCES LITTÉRAIRES. 


Nouvelles Fe PE 


15r 
— ‘de Hollande. °°. 153 
— d'Allemagne. " 159 
. = de Saxe 71H Ibid. | 
— de Bavière. +. 160 
— de Hongrie : … 162 
— de Prusse, Ibid. 
— d'Autriche. 168 
— de Russie. à | 169 
— de France ‘+ 185 
— de Paris, me Ibid. 


DRÉA STE 


Nephtali , ou les un pi : 
Le Père rival, TR man 

nité. 
La Comédie aux or. 20% 


Rubens dans sa jeunesse. Ibid. 
La belle Hôtesse. 203 
Agnès Sorel. YA Ibid. 
LIVRES DIVERS. 
ENT A Botanique. je 


ET AREA 


dm qui croissent naturelle- 
TD. environs de Paris; par 
LCA REP" 2 206 
Jardin dé Berlin, Mrités et Des- ! 
criplions des plantes rares el peu | 
connues qui se cullivent dans le 
‘jardin royal de botanique de Ber- ; 
lin ; par M. # re 208 : 


Auatonie. ERA 4 


Sectiones Cadarerum. Pathologie, si 
eruditorum examini submittit C.: 
209 - 


| Médevine. 


Journal, de Mec è nee 
Pharmacie, etc.; par MM Cor-! 
visart, Le Roux et Boyer. Mars 
1806. Jbid. 


MAGASIN 


ENT CL O P-É D I QUE. 


ANNÉE, 18006. 


TOME !IIl. 


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MAGASIN 


ENCYCLOPÉDIQUE, 
OU 


JOURNAL DES SCIENCES, 
DES LETTRES ET DES ARTS; 


RÉDIGÉ 


PAR A.L MILLIN, 


Membre de l’Ixsrirur et de la LÉcion d'Honneur, Conservateur 
des Médailles, des Pierres gravées et des Antiques de la Bi- 
bliothéque impériale, Professeur d’Archæologie, Membre de la 
Société royale des sciences de Goettingue, de celle de Turin, 
de celles des Curieux de la Nature à Erlang, des Sciences phy- 
siques de Zurich, d'Histoire naturelle et de Minéralozie d’Iéna, 
de l'Académie royale de Dublin, de la Société linéenne de 
Londres ; des Sociétés d'Histoire naturelle, philomathique, 
galvanique, de statistique, médicale d’émulation , de l’Aïhénée 
des arts de Paris, de l’Athénée de Lyon ; des Sociétés des Scien- 
ces de Rouen, d’Abbeville, de Boulogne, de Poitiers, de Niort, 
de Nismes , de Marseille, d'Alençon, de Caen, de Grenoble, 
de Colmar , de Nancy, de Gap, de Strasbourg, de Mayence, 
etc, ,; etc. , elc. 


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ANNÉE 1806. 


oO MEET E, 


PLACES: 


DE L’'IMPRIMERIE DE DELANCE, 
rue des Mathurins, hôtel Cluny. 


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MAGASIN 


ENCYCLOPÉDIQUE. 


EL DIE Ë R A TU R E. 


D£ la Demande du Consulat, ou EssAr 
sur la Candidature, adressé à M. T. 
CICÉRON par sonfrère QUINTUS; suivi 
des Fragmens du discours prononcé par 
Cicéron sur sa Candidature ; traduits 
par Eusèbe S4LrERTE (*), 


Vos possédez sans doute tous les-moyens de. 
réussir que peuvent donner l'esprit , l'expérience 
et l'étude : cependant notre amitié m’impose, je 
crois , le devoir de vous soumettre les idées que 
m'a fourni une réflexion continuelle sur votre 
candidature. Je me propose, non de vous rien 
apprendre de nouveau, mais de vous présenter 
rassemblées en un seul corps, par l’ordre et le 
raisonnement, des choses qui, dans la pratique, 
semblent éparses et multipliées à l'infini. 
Quelque puissant que soit notre caractère na- 
turel , il semble, pendant le peu de mois que 
dure la candidature , pouvoir se ployer à des mé- 
(*) On ne connoît point, en français, de traduction de PÆssai 


sur la Candidature, tableau précieux des mœurs des Ro- 


mains dans celle parlie si imporlanté de leur exisience 
politique, 


6 Littérature. 


nagemens politiques. Quelle est cebte cité ? Que 
demandez-vous ? Qu'étes-vous ? Chaque jour, 
en descendant au Forum, méditez ces idées : Je 
suis un homme nouveau (a); Je demande le Con- 
sulat ; Je suis dans Rome. 

L'éclat de votre éloquence doit surtout relever 
la nouveauté de votre nom. Ce talent a toujours 
obtenu dans Rome la plus grande considération ; 
et le digne défenseur d'accusés consulaires ne 
peut paroître indigne du Consulat. Puisque cette 
gloire est l’origine de votre élévation, que vous 
êtes par elle tout ce que vous êtes, présentez- 
vous préparé toujours à parler, comme si chaque 
occasion devoit être l'épreuve décisive de votre 
mérite. Vous vous êtes, je le sais, ménagé dans 
cet aride puissantes ressources ; tenez-les aujour- 
d’hui toutes prêtes et assurées au besoin: et rap- 
pelez-vous souvent ce que Démétrius a écrit des 
études de Démosthènes et de ses exercices assi= 
dus (à). 

Faites paroître ensuite etle nombre et la qualité 
de vos amis, (1} Plus heureux qu'aucun homme 


(a) Un homme nouveau éloit celui qui, D nie de sa 
famille , parvenoil à une magistrature eurule. 

(b) Démétrius de Phalère. Fid. Cicero de Orat. lib. I, 
61,et de Finibus, lib. V, 2. 

(r) Muret et Lallemand lisent Quae novi {comme je le 
sais) ; le sens me semble bien niais. Facciolali : Quae null: 
habuerunt , sens raisonnable , mais tcomplet, si l’on ne 
sous-enlend novi. Guidé par l'enchaînement du discours ; 
J'ai traduit comme si le texte porloit : Quae nulli novi ha- 


buerunt ; et Facciolati penche à croire que telle fut autre- 
fois la véritable leçon. 


Cicéron. 77 


nouveau ,-VOus avez pour vous tous les Publi- 
cains, l’ordre équestre presqu’entier , beaucoup 
de municipalités (c), plusieurs corporations , tant 
d'hommes de tous les ordres défendus par vous, 
cette foule de jeunes-gens que vous attache l’a- 
mour de l’éloquence , et ces nombreux amis cha- 
que jour assidus près de vous. Votre soin doit 
étre de bien les conserver ; et par les prières, 
par les recommandations, par tous les moyens 
possibles, de persuader à ceux qui veulent vous 
servir et à ceux qui le doivent,,qu'ils ne trou- 
veront aucune autre occasion, les uns de vous 
prouver leur reconnoissance , les autres d'acqué- 
rir des droits à la vôtre. 

Rien ne seconde plus efficacement un homme 
nouveau que l’assentiment des nobles (d), et sur- 
tout des consulaires. Il importe que les hommes 
au rang et au nombre desquels vous voulez par- 
venir vous jugent digne de ce rang et de cette 
association. Il faut les solliciter vivement et les 
faire solliciter en votre faveur. Il faut leur per- 
suader que, par vos sentimens politiques, vousavez 
toujours été uni au parti des Grands et très-éloigné 
de celui du peuple ; que si vous avez jamais parlé 


(c) Municipia. Voyez ci-après note (0). 

(d) Nobiles. Depuis que les Plébéïiens pouvoient être 
élevés à toutes les dignités de PEtat , le titre de nobles, 
très-différent de celni de patriciens, désignoij les familles 
dont quelque membre, élant parvenu à une magistrature 
curule , avoit transmis à ses descendans le droit d'images, 
c’est-à-dire, le droit de placer dans leurs vestibules les 
images de leurs ancétres, et de les faire porter dans les 
pompes funèbres, 


8 Littérature. 


dans le sens populaire, vous ne l'avez fait que 
pour vous concilier Pompée, afin qu’un homnre 
aussi puissant par son crédit vous servit dans 
votre candidature, ou du moins né vous nuisit 
pas. 

Le suffrage des jeunes- gens nobles ajoutera 
beaucoup à votre considération : sachez vons les 
acquérir et conserver ceux qui déjà vous sont 
acquis. À ceux-ci, qui sont en grand nombre, 
faites connoître combien vous eomptez sur eux ; 
et si vous inspirez le désir de votre élévation à 
ceux qui n’y sont pas contraires , ils vous devien- 
dront infiniment‘utiles. 

Homme nouveau, il vous est encore très-avan- 
tageux d’avoir pour compétiteurs des nobles , tels 
que personne n’osera dire que leur naissance 
doive leur servir plus qu’à vous votre vertu. P. 
Galba, L. Cassius sortent du sang le plus illustre : 
quelqu'un sait-il toutefois qu’ils briguent le con- 
sulat? Vous voyez donc combien vous sont infé- 
rieurs des hommes de la première noblesse, mais 
dénués de moyens pérsonnels. 

Antoine et Catilina vous effraient-ils davan- 
tage ? Bien au contraire , un homme’ (2) actif; 
habile , éloquent , irréprochable, vu favorable- 
ment de tous les juges, doit souhaiter de pareils 
concurrens. Tous deux assassins dès l'enfance, 
ruinés tous deux, tous deux perdus de débauches. 


(2) Navo. Facciolati lil ici novo. Je n’aperçois pas le 
motif de cette correclion : la zouveauté du nom de Cicéron 


wajoutoit rien à la défaveur que méritoient ses concur- 
rens. 


 NCILÉTORS 9 
Nous avons vu vendre judiciairement les biens 
d'Antoine; nous l'avons entendu jurer qu'il ne 
pouvoit , dans Rome , plaider à crédit égal contre 
un Grec (e); nous l'avons vu chasser du Sénat. 
Noté aussi avantageusement par les Censeurs, il 
fut votre compétiteur pour la préture : Sabidius 
et Panthera l'assistoient ; il n’avoit pu trouver 
d’autres amis pour veiller sur les scrutins (f). 
Préteur , il cherche une compagne au marché des 
esclaves et l’entretient publiquement chez lui. 
Candidat consulaire , il aime mieux piller toutes 
lés hôtelleries, en voyageant sous le prétexte hon- 
teux d’une légation libre (g), que d'étre à Rome 
et de solliciter les suffrages du peuple. 

L. 

(e) Accusé et condamné pour crime de concussions come 
mises en Achaïe, Antoine invoqua le secours des tribuns 
du peuple ,en faisant serment, aux termes de la loi, qu’ac- 
cablé par le crédit de’ses adversaires, il ne pouvoil obte- 
nir justice. Un iel $erment prêté à Rome par un noble, 
dans un procès contre des étrangers , étoit le comble de 


Vignominié. Tant de moiifs réunis déterminèrent les cen- 
seurs à expulser Antoine du sénat. 


(F) Les personnages les plus considérables se faisoient un 
devoir de surveiller le dépouillement des suffrages , quand 
ils favorisoient l’un des candidats. Antoine ne put trou- 
ver, pour lui rendre ce bon office, que des hommes de 
néant ou notés d’infamie. 


(g) Les sénateurs qui vouloient voyager se faisoient 
donner une /égation libre : en veriu de ce titre, qui ne 
leur imposoit aucun devoir , ils étoient défrayés de lout 
par les villes où ils passoient. Cicéron dévoila et fil res- 
treindre l'abus de ces légations. Ce passage que Facciolati 
traduit dans le même sens que moi, peut également signi- 
fer que, pendant le temps de sa candidature, Antoine 


10 Littérature. 


De quelleillustration, grands dieux , votre autre 
rival n'est-il point environné ! Aussi noble que le 
premier , a-t-il plus de vertu? non; mais plus 
d’audace. Antoine craint jusqu’à son ombre ; Ca- 
tilina ne craint pas même les lois. Né d’un père 
ruiné, élevé par une sœur adultère , c’est dans 
le carnage des citoyens qu'il a fait l'essai de ses 
forces ; et son premier pas dans les affaires pu- 
bliques a été le massacre des chevaliers Romains. 
Donné seul > par Sylla, pour chef à ces Gaulois 
dont le souvenir dure encore, et qui égorgèrent 
les Titinius , les Nanmus , les Tanusius, ce futau 
milieu d’eux qu’il assassina de ses propres mains 
le mari de sa sœur, Q. Cæcilius, chevalier ro- 
main, homme irréprochable , étranger à tous les 
partis, dévoué en tout temps au repos par son 
caractère , et alors surtout par sa vieillesse. 

Dirai-je que cet antagoniste qui vous dispute le 
consulat est le même homme qui, sous les yeux 
du peuple, promena par toute la ville, en le 
battant de verges, M. Marius, le citoyen le plus 
chéri du peuple ; qui le traïna au monument de 
Catulus (3), l'y déchira vivant par les plus af- 


exerça , de manière à se déshonorer , quelques fonctions dé- 
léguées par un magistrat supérieur, et qu’il pilloit les ho- 
telleries où 1l se faisoil défrayer. 

(3) Le texte porle seulement bustum, monument. Sénèque 
(de ir& , IL, 18) nous apprend que ce monument étoil celui 
de Q. Catulus. Valère Maxime (IX ,2) dit qu’il appartenoit 
à la famille Lutatia dont Catulus éioit membre; et Paul 
Orose ( V, 21), que ce monument étoit placé au delà du 
Tybre. À l'exemple de Facciolati, j'introduis dans la tra- 
duction le nom de Calulus, qui n’est point dans le texte. 


Cicéron. 11 


freux supplices ; enfin, saisissant d'une main les 
cheveux de cet infortuné (4) qui respiroit encore, 
lui trancha la tête de l’autre , et porta lui-même 
en triomphe cette tête, qui inondoit ses doigts 
de ruisseaux de sang? Le même qui depuis a tou- 
jours vécu parmi des histrions et des gladiateurs, 
ministres les uns de ses débauches, les autres de 
ses forfaits? Qui n’a jamais abordé les lieux les 
plus saints, les plus vénérables , que sa perver- 
sité n’y fit naître quelque soupçon infamant, lors 
même qu'il ne s’y trouvoit pas d'autre coupable 
que lui (2)? Qui choisit pour amis, dans le Sé- 
nat, des Curius et des Annius (à); dans l'ordre 
équestre, des Vettius et des Pompilius ; et parmi 
nos cliens (5), des Carvilius et des, Sapula? Cet 


(4) D’après les détails affreux que les auleurs cilés dans 
la note (3) ont donné sur ce supplice, j'ai rejeté l’épithète 
stant: adoplée par Lallemand et plusieurs autres ; ayant 
les jambes brisées , la victime de Caiilina ne pouvoit se 
tenir debout. Je lis spiranti, avec Puteanus, Roberl-Etien- 
ne, elc. Gronovius lisoits2#0, ce qui présente lemême sens. 

(4) La vestale Fabia fut accusée d’inceste avec Catilina, 
et absoute. 


(i) Curius et Annius entrèrent peu de temps après dans 
la conjuration de Calilina. Le premier avoil élé ignomi- 
nieusement expulsé du sénat par les censeurs. - 

(5) Atriis. Facciolati tradnit ce mot eomme s’il signifoit 
des salles de vente: Carvilins et Sapula y exerçoient les 
fonctions de crieurs publics; ou, suivant l'opinion de Pa- 
lermus, étant perdus de deltes , y avoient vu vendre leurs 
biens à l’encan..... IL me semble plus naturel de linterpréter 
par les salles, les portiques, les vestibules où les cliens plé- 
béiens aliendoient le matin le réveil de leurs pairons, 
Atriensis, dans les bons auteurs { Voy. Phaedr. li. I, Fab, 


12 Tattérature. 


être enfin dont telles sont l’audace , l'immoralité, 
la profondeur dans l'art de corrompre , que ses 
débauches ont souillé des enfans nobles presque 
dans les bras de leurs pères?.... Parlerai-je de 
sa préture en Afrique; des témoignages rendus 
contre lui? Les faits sont consignés par écrit; 
relisez-les sans cesse. Mais ce que je ne dois 
point omettre, c’est qu’il est sorti de ce procès 
aussi pauvre que quelques-uns de ses juges l’é- 
toient avant de l'absoudre , et si odieux , que 
chaque jour on s'efforce de le remettre en ju- 
gement. Telle est enfin sa position , qu'il re- 
doute plus de dangers en demeurant tranquille 
qu'il n'en brave en excitant une sédition. 

Combien vous êtes plus heureux que n’étoit 
naguère C. Cœlius ? Homme nouveau, il avoit 
deux compétiteurs dont la noblesse insigne fai- 
soit le moindre éclat; hommes d’un grand ta- 
lent, de mœurs irréprochables, distingués par 
leurs services , habiles et attentifs à tout dans 
leur candidature. Cœlius cependant l’a emporté 
sur l’un d'eux à qui il étoit bien inférieur par 
la naissance , et qu'il ne surpassojt presque par 
aucune autre qualité. 

Si donc vous employez tous les moyens que 
vous donnent la nature et des travaux auxquels 
vous avez consacré votre vie; si vous faites ce 
que prescrit la conjoncture, ce que vous pou- 


" 
5) désigne un esclave ailaché au service intérieur de Ja 
maison ; et peut-être Q. Cicéron ne parle-t-il ici de Car+ 
vilius et de Sapula, que comme de deux esclaves à peine 
affranchis. ps 


Cicéron. 19 
vez, ce que vous devez faire ; vous lutterez avec 
avantage contre des compétiteurs illustrés par 
leur brillante naissance bien moins que par leurs 
vices. Se trouvera-t-il en effet un citoyen assez 
pervers pour vouloir, par un seul vote , tourner 
à la fois deux poignards contre la République? 

Après avoir exposé les ressources que vous 
possédez pour rehausser la nouveauté de votre 
nom et celles que vous pouvez acquérir, je passe 
à l'importance de votre demande. ous deman- 
dez le consulat : tous vous en jugent digne ; 
beaucoup vous l’envient. Né dans l’ordre éques- 
tre, vous aspirez au poste le plus éminent de la 
République ; poste tel qu’un homme intègre , élo- 
quent et courageux peut y effacer par son éclat 
ceux qui l’ont précédé. Ne pensez pas que la 
considération dont le consulat doit vous com- 
bler échappe à ceux qui ont déjà obtenu cette 
dignité. Quant aux rejetons de familles consu- 
laires qui n’ont point encore égalé les honneurs 
de leurs ancêtres, tous, je crois, hors ceux qui 
vous portent une affection extrême , sont jaloux 
de votre élévation. Parmi les hommes nouveaux 
parvenus à la préture, ceux que ne vous attache 
point la reconnoissance répugnent également à 
se voir surpassés par vous en dignité. Dans le 
peuple mème, vous n’ignorez pas combien vous 
avez d’envieux ; combien de gens, par une ha- 
bitude contractée dans ces derniers temps (4), 

(k) Le souvenir des troubles qui avoient suivi l’éléva- 


tion de Marius, homme nouveau, jeloit de la défaveur sur 
les candidats de la même classe, 


14 Litiérature. 


sont peu portés en faveur des hommes nouveaux, 
Il est impossible encore que les causes que vous 
avez défendues ne vous aient point fait quelques 
ennemis. Examinez bien enfin si vous ne devez 
pas croire que vous vous êtes aliéné certaines 
personnes par votre zèle extrème pour l'élévation 
de Pompée. Aspirant au faîte des honneurs , et 
instruit que bien des affections individuelles peu 
vent vous être contraires , il vous est indispen- 
sable d'ünir la politique et la prévoyance à l’a- 
dresse et à l’activité. 

Deux moyens de succès partagent les soins 
d'un candidat ; le zèle de ses amis et la bien- 
veillance du peuple. L'un est le prix des bien- 
faits, des services, de l'ancienneté des liaisons, 
de l’obligeance et de l’amabilité naturelles. Maïs 
dans la candidature, ce nom d'amis souffre une 
acception plus étendue que dans le reste de la 
vie ; quiconque vous témoigne de la bonne vo- 
lonté, de la considération , quiconque se montre 
fréquemment dans votre maison , doit être compté 
au nombre de vos amis. 

Mais rien ne sert davantage que d'être cher et 
agréable aux amis que lie à nous une cause plus 
respectable , telle que la parenté ou l'alliance, 
quelque (6) liaison ou quelque obligation. Plus 


(6) Sodalitas. Ce mot, et celui de sodales, que, faute 
d'expression plus juste, j'ai rendus vaguement par liaison, 
amitié, signilient proprement la confraternité , le lien qui 
existe entre des hommes membres du même corps civil, 
politique ou religieux, compagnons d'armes, nés dans la mème 
ville, exerçant la même proféssion, elc. Sodales sunt qui 
ejusdem collegii sunt ( digestorum lib. XLVU, T. 22, L. 4). 


Cicéron. 19 


ensuite un homme vous voit intimement et vous 
approche dans votre intérieur, plus vous devez 
tâcher qu’il vous aiméet qu'il désire votre éléva- 
tion. Inspirez le même sentiment aux citoyens 
de votre tribu, à vos voisins, à vos cliens, à 
vos affranchis , à vos esclaves enfin; car notre 
réputation au Forum découle presque entière de 
propos domestiques. 

. Acquérez , en un mot, des amis de toutes les 
RE Pour Péclat, se hommes qu'illustrent 
leurs noms et leurs dignités; bien qu’ils ne s’oc- 
cupent point à capter les suffrages, ils honorent 
toujours leur candidat; pour être à l'abri de l'in- 
justice, des magistrats, tels surtout que les Con- 
suls et les Tribuns du peuple (2); pour, réussir 
auprès des Centuries , des plébéiens qui jouissent 
d’ün grand crédit. Attachez-vous etconfirmez dans 
leur bonne volonté, ceux qui peuvent payer (7), 
des suffrages de teur Centurie , un bienfait qu'ils 
ont reçu ou qu'ils espèrent de vous ; car, de nos 
jours, des hommes accrédités sont parvenus , à 


(1) Les consuls présidant aux comices, et les tribuns 
ayant le droit de s'opposer aux délibérations ;, leur bien- 
veillance étoit, pour un candidat, de la plus haute im- 
porlance. 4 

(7) Lallemand et Turnèbe lisent : Que abs te tribum auf 
centuriam, aut aliquod beneficium , etc. Mais comment des 
hommes qui auroient eu besoin du crédit de Cicéron pour 
entrer dans une centurie où dans une tribu, y pouvoient- 
ils exercer.une grande influence ? J’adopte la leçon de Ma- 
nuce, de Façciolati et des éditions vulgaires : Qui tribuent 
centuriam, quèd abs te ; etc., qui se lie assez bien avec la 
phrase suivante. Au reste , laut ce passage est corrompu. 


x6 Littérature. 


force de soins et d'adresse, à pouvoir se promettre 
des citoyens de leurs tribustout ce qu’ils leur de- 
mandent. Obtenez donc, paf quelque moyen que 
ce soit, que de tels hommes vous servent de cœur, 
et avec cette volonté efficacement prononcée. 
Si la reconnoissance guidoit les hommes, ces 
ressources vous seroient assurées. J’ose même es- 
pérer qu’elles ne vous manqueront pas, puisque, 
depuis deux ans, vous vous êtes acquis tous les 
gens attachés aux quatre citoyens les plus puis- 
sans dans nos comices , à M. Fundanius, à ©. 
Gallius, à C. Orchinius (m), à C: Cornelius. 
J'étois présent lorsque leurs amis vinrent vous 
confier leur défense ; je sais à quoi ils s’enga- 
gèrent, ce qu'ils vous garantirent. Vous devez 
exiger d'eux aujourd'hui qu’ils remplissent leurs 
promesses ; il faut les interpeller , les prier, les 
presser, leur faire bien sentir qu’ils ne trouve- 


(m) Il ne resle aucune trace de la défense de C. Orchi-- 
nius par Cicéron. Quelques lignes du discours de cet orateur 
pour M. Fundanius, conservées par Priscien, Servius et 
Boëthe, ne laissent point deviner à quelles charges il devoit 
répondre. C. Cornélius étoil accusé d’avoir, pendant son 
tribunat , violé le droit d’intercession des lribuns. Quoique 
les personnages les plus éminens déposassent contre lui, 
Cicéron le fit absoudre. Les deux discours qu’il prononça 
dans cette occasion , et dont on a conservé des fragmens, 
passoient généralement pour ses chefs-d’'œuvres. Q. Gallius 
étoit poursuivi comme coupable de brigue ; et son accusa- 
teur, Calidius, le taxoit encore d’avoir voulu l’empoisonner. 
Cicéron, en réfutant celle impulalion , prouva son invrai- 
semblance par le calme avec lequel Calidius l’avoit arlicu- 
Ice. Cet adroit argument , et quelques fragmens sont tout 
ce qui reste de son discours. Q. Gallius fut absous. 


ront 


Cicéron. 17 


ront pas d'autre occasion de se montrer recon- 
noissans. Le souvenir encore récent de vos bien- 
faits , et l’espoir d’en obtenir de nouveaux , les 
exciteront sans doute à seconder vos préten- 
tions. $ 

Puisque votre demande est surtout étayée par 
les affections que vous concilie la défense des ac- 
cusés , appliquez-vous à bien distribuer et à faire 
bien remplir son rôle à chacun de ceux que vous 
avez obligés; et si, comme je le sais, vous n’a- 
vez jusqu à ce jour rien exigé d'eux, qu'ils sen- 
tent que vous avez réservé pour le moment ac- 
tuel tout ce que vous pouviez attendre de leur 
reconnoissance. 

Trois choses surtout nous acquièrent la bien- 
veillance des hommes et les portent à capter pour 
nous les suffrages ; les bienfaits, l'espérance, la 
conformité de sentimens ou l’inclination. Il faut 
donc examiner comment on doit mettre en œu- 
vre chacun de ces moyens. Les moindres ser- 
vices suffisent pour engager les hommes à servir 
un candidat ; à plus forte raison ceux qui vous 
doivent leur salut (et ils sont nombreux } sentent 
que si, dans une occasion qui vous est person- 
nelle , ils ne vous servent point, ils seront gé- 
néralement improuvés. Il faut néanmoins les sol- 
liciter encore, et les induire à penser que vous 
pouvez à votre tour avoir des obligations à ceux 
qui vous en avoient eu jusqu'à présent. 

Ceux qu'attache l'espérance sont de tous les 
plus zélés et les plus actifs. Qu'ils vous voient 
toujours prèt et déterminé à les servir, toujours 


T, 111, Mai 1806. 


18 Littérature. 


attentif aux soins qu'ils se donnent , toujours 
observateur exact et juste appréciateur des ser= 
vices que chacun vous rend. 

Quant à ceux qui, par choix , s’affectionnent 
à vous, employez, pour les confirmer dans cette 
disposition, et les remercimens et les discours 
les plus appropriés aux motifs qui semblent mou- 
voir chacun d'eux en votre faveur, et l’assu- 
rance d'une bienveillance réciproque, et enfin 
l'espoir de conduire cette première liaison jusqu’à 
l'attachement et l'amitié intime. 

Dans ces diverses classes d'hommes , discernez 
soigneusement ce que Chacun peut faire, afin de sa- 
voircomment vous devez capter sa bienveillance,ce 
que vous pouvez en espérer et en exiger. Il est des 
personnes très-accréditées dans leurs cités (8) et 
leurs municipalités ; ilen est d’autres pleines d’ac- 
tivité et de moyens , qui, sans avoir auparavant 
recherché ce crédit, peuvent néanmoins sur-le- 
champ s'employer eflicacement pour le candi- 
dat, objet de leur gratitude ou de leur bien- 
veillance. Il faut les cultiver tous: de manière 
qu'ils voient bien que vous savez ce que vous 
devez attendre de chacun d'eux , que vous sen- 
iez ce que vous en recevez, que VOUS VOUS sou 


(8) Je lis, avec Facciolati, civilatibus et non vicinita- 
tibus. Cicéron (Orat. pro Muraenä) dit‘aussi : Homines 
in suis civitatibus et municigmis gratiosi. Sous le nom de 
cité les Romains comprenoient un corps politique qui pou- 
voit étre divisé en plusieurs villes et villages. Ainsi, César 
(de Bello gallico, 1,12) a dit: Omnis Çivitas Helvetiae 
in quatuor pagros divisa est. 


Cicéron. 19 
venez de ce que vous en avez reçu. Il est, au 
contraire, des êtres sans crédit ou odieux dans 
leurs tribus ; dénués de l'adresse ou de l’activité 
nécessaires pour se rendre utiles dans l’occasion. 
Distinguez-les soigneusement, de peur de fon- 
der sur eux une espérance à l'étendue de laquelle 
leurs foibles secours ne répondroient pas. 

Quoiqu'il soit nécessaire de se présenter assuré 
et soutenu d’affections déjà formées et consoli- 
dées , on peut néanmoins dans la candidature 
même, acquérir des amis nombreux et utiles. 
Au milieu de tant de désagrémens , cet état vous 
offre du moins l'avantage de pouvoir, sans honte, 
vous unir d'amitié avec qui vous vouléz, ce que 
- vous ne sauriez faire dans lé reste de la vie. Vous 
paroissez absurde si, dans touté autre occasion, 
vous prodiguez l'offre de votre amitié; si au- 
jourd’hui vous ne la prodiguez pas, et très-vi- 
vement, et à beaucoup de monde, personne ne 
vous croira au nombre des candidats. Or, j'ose 
l'affirmer , il n’est aucun homme (s'il ne tient 
par quelque affection à l’un de vos antagonistes) 
de qui vous n’obteniez, dès que vous l’essaierez, 
qu'il mérite par ses services que vous l’aimiez et 
que vous lui soyez obligé; il suffira qu’il pense 
que vous mettez un grand prix à son service, que 
vous le ressentez sincèrement , qu’il place bien 
ses bons offices, et que, de cette occasion , doit 
naître une amitié solide et durable ; et non point 
passagère et bornée au tems des comices. 

Non, il n’y aura personne , pour peu qu’il ait 
de sentimens honnêtes, qui laisse échapper 


# 


20 Littérature. 


cette occasion offerte d'acquérir votre amitié, 
surtout lorsqu'un sort favorable ne vous donne 
pour compétiteurs que des gens dont l'amitié est 
à mépriser ou à fuir, et qui, loin d'atteindre le 
but que je vous propose, n’y peuvent même pré- 
tendre. Comment Antoine essaieroit-il de re- 
chercher ses concitoyens et de se les attacher, 
lorsqu'il n’en est pas un qu’il puisse appeler par 
son nom? Quoi de plus insensé que d’espérer 
qu'un homme que vous ne connoissez pas favo- 
risera vos intérêts ? Le comble de la considéra- 
tion et de la gloire, les plus grands services suf- 
fisent à peine pour faire porter un citoyen aux 
honneurs, par des gens qu’il ne connoît pas, et 
dont on n'a point capté les suffrages en sa faveur : 
Comment donc, si vous ne vous rendez cou- 
pable d’une excessive négligence, un homme 
méchant, inactif (0), noté d’infamie , sans talent, 
sans crédit, sans amis, l'emporteroit-il sur vous 
qu’étaye le zèle d’un grand nombre d'hommes et 
l'estime de tous ? 

Sachez donc vous assurer de toutes les cen- 
turies par des affections nombreuses et variées. 
Recherchez d'abord ceux qui sont le plus près de 
vous, les sénateurs , les chevaliers et les hommes 
actifs et puissans dans les autres ordres de l’état. 
On trouve dans les tribus wrbaines'(n) beaucoup 


(9) Je lis avec Turnèébe, Gruterus et Lallemand , U# qui- 
dem homo nequam, iners, ele. 

(2) Les quatre tribus Urbaines, composées d’affranchis et 
d'hommes du plus bas étage, n’avoient eu long-lemps au- 
cune influence polilique. Mais, dans le dernier siècle de la 


Cicéron. 21 


d'hommes habiles , beaucoup d’affranchis adroits 
et accrédités au Forum. Ceux d’entre eux que 
vous pourrez gagner , soit par vous-même , soit 
par des amis communs, travaillez de toutes vos 
forces à vous les acquérir ; sollicitez-les , faites- 
les solliciter , témoignez-leur qu'ils peuvent vous 
rendre le service le plus important. 
Occupez-vous ensuite de la ville entière, de 
toutes les corporations, des villages, des hameaux 
voisins. Si vous y intéressez en votre faveur les 
personnages principaux, par eux la multitude 
vous sera dévouée. Ayez ensuite toujours pré- 
sentes à la pensée et à la mémoire l’Italie entière 
et ses divisions, afin de n’y pas laisser une muni- 
cipalité, une colonie, une préfecture (0), un 
seul endroit enfin où vous ne vous assuriez un 
appui suffisant. Cherchez mème et découvrez des 
hommes de chacun de ces pays; faites connois- 
sance avec eux ; captez et affermissez leur bien- 
veillance , afin que, parmi leurs compatriotes , 
ils sollicitent des suffrages , et se fassent, pour 
ainsi dire, candidats en votre faveur. Ils vous 
désireront pour ami dès qu’ils vous verront re- 
chercher leur amitié. Pour qu'ils n’en doutent 


République, l’habileté et l'intrigue de quelques hommes de 
ces tribus suppléoient à la considération qui leur manquoit, 
et leur procuroient un crédit réel. 

(c} Les habitans des municipalités, des colonies et des 
préfectures jouissoient à Rome du droit de cité. Mais les 
premières se gouvernoient par leurs propres lois; les se- 
condes par les lois romaines ; les troisièmes étoieni régies. 
par up préfet envoyé de Rome. 


22 Littérature. 


pas , employez les discours les plus propres à 
les persuader. | 5 

Les habitans des municipalités et de la cam- 
pagne pensent être nos amis dès qu'ils nous sont 
connus de nom ; et s'ils croient encore pouvoir 
s'assurer en nous un appui, ils ne manquent pas 
de le mériter. Les candidats en général, et vos 
compétiteurs surtout, ne connoissent point ces 
hommes-là : vous les connoissez déjà, et vous 
aurez peu de peine à les connoître (10) parfaite- 
ment, ce qui est essentiel pour vous les atta- 
cher. Mais, quoique essentiel, cela ne suffit pas ; 
si vous ne leur donnez l'espoir d’être affectionnés 
et servis par VOus ; si VOus ne paroissez non-seu- 
lement bon zomenclateur (p), mais encore ami 
reconnoissant. Vous pouvez donc tout espérer 
quand , assuré dans les centuries de ceux à qui 
l'expérience de la brigue donne un grand crédit 
dans leurs tribus, vous aurez encore inspiré le 
désir de vous servir à ceux qui ont du pouvoir 
sur quelque portion de leurs concitoyens par des 
relations de municipalité , de (11) cité ou de 
corporation. 


Go) Nosti est opposé à cognosces, Cognoscere, comme 
Vobserve Donat (ad Eunuch. Terent, Act. V, sc. 4), co- 
£noscere est planae perspicaciae. 


(p) La nomenclation étoit Yattention d’interpeller chaque 
citoyen par son nom propre. Des esclaves, que leurs fonc 
tions faisoient appeler 2omenclateurs, aidoïent , sur ce point 
important , la mémoire du candidat. 


(11) Je lis encore ici, avec Facciolati, civitatis au lieu 
de vicinitatis. Voyez ci-dessus note (8). 


Cicéron. 23 


Il vous sera, je crois, plus facile encore de 
réussir auprès des centuries de l’ordre équestre. 
Il faut connoître (12) tous les chevaliers ; ils sont 
en petit nombre; vous les attacher ; l’âge même 
des jeunes-gens rend leur amitié plus facile à ac- 
quérir ; et, d’ailleurs , vous réunirez facilement 
près de vous les sujets les plus distingués d’entre 
eux et les plus amis de l’éloquence ; enfin vous 
êtes vous-mème chevalier ; et tous voteront dans 
le sens de leur ordre, si yous avez soin de vous 
en assurer les centuries par l'affection de chaque 
individu non moins que par le vœu de l’ordre 
entier. Et rien n’est plus utile en même tems et 
plus honorable que le zèle de ces jeunes-gens 
qui escortent un candidat, courent partout, lui 
rapportent ce qui l’intéresse , et captent pour lui 
des suffrages. 

Puisque j'ai parlé du cortége d’un candidat, 
j observe qu'il est indispensable de réunir chaque 
jour près de vous une troupe d'hommes de toutes 
les classes, de tous les âges et de tous les ordres. 
Leur affluence est le présage de ce que vous 
trouverez d’appuis et de partisans dans les co- 
mices. Trois sortes de personnes la composent : 


(12) Je lis tout ce passage comme Facciolati, Victorius, etc. 
Primdm cognoscendi. .. adipiscendi... habebis. Lallemand 
et Turnèbe préfèrent Primüm cognoscis... adepti... habes. 
Cette version diffère peu pour le fond de la pensée. Mais 
elle présente une tournure moins vive, et me semble se 
lier moins bien avec la fin de la période, qui offre le 
précepte d’une conduite à tenir, et non l'indication de 
yesssources déjà acquises. 


24 -. Littérature. 


les cliens qui viennent vous saluer chez vous ; 
ceux qui vous conduisent au Forum , et ceux 
qui vous suivent partout. Aux premiers, qui pro- 
diguent leur hommage à plus de monde, et qui, 
par cet usage établi, sont les plus nombreux , 
montrez que vous attachez un grand prix à cette 
légère marque de considération. Prouvez à tous 
ceux qui viennent chez vous que vous les re- 
marquez ; témoignez-le à leurs amis , qui doivent 
le leur redire ; dites-le fréquemment à eux-mêmes. 
Souvent ainsi, ces hommes qui vont saluer plu- 
sieurs des compétiteurs , distinguent le plus at- 
tentif à leurs hommages ; ils abandonnent les 
autres pour se livrer à lui seul; et leur service, 
d’abord banal et peu sincère , vous devient per- 
sonnel et profitable. 

Si vous apercevez ou si l’on veut vous faire 
voir dans les promesses d’un client l'intention de 
vous tromper, ayez grand soin de dissimuler que 
vous le sachiez ou qu'on vous l'ait dit. Si quel- 
qu'un veut se justifier , comme craignant de vous 
être suspect , affirmez que vous n’avez jamais eu, 
que vous ne devez point avoir de doute sur son 
zèle. Car celui-là ne vous servira pas fidèlement 
qui se croit soupçonné par vous. Vous devez pé- 
nétrer aussi les intentions de chaque individu afin 
d'y proportionner votre confiance. 

- Plus utiles que ceux qui se contentent de vous 
saluer chez vous , ceux qui vous conduisent au 
, Forum doivent recevoir letémoignage et la preuve 
que leurs services vous sont aussi plus agréables. 
Autant que vous le pourrez , descendez avec eux 


Cicéron. 29 
au Forum à des. heures réglées ; l’affluence qui , 
tous les jours, y environne un candidat, est, 
pour lui , un grand honneur et un excellent pré- 
sage. 

La troisième classe est celle des hommes qui 
vous accompagnent assiduement; à ceux qui le 
font volontairement, témoignez qu'un si émi- 
nent service vous inspire une éternelle recon- 
noissance. Exigez de ceux qui vous doivent cet 
office qu’ils ne vous quittent jamais, autant que 
le permettent leur âge et leurs affaires. Quand 
ils ne pourront vous accompagner, qu’ils char- 
gent de ce soin les gens qui lenr sont attachés. Je 
désire vivement, et je crois très-important que 
vous soyez toujours escorté d’une foule nom- 
breuse. Ce qui vous acquerra une gloire et une 
considération immense , c’est que l'on voie au- 
tour de vous ceux dont vous avez défendu les 
causes, et qui vous doivent leur salut et leur 
absolution dans les tribunaux. Puisqu’ils ne peu- 
vent trouver aucune autre occasion de prouver 
leur gratitude, demandez-leur franchement ce 
service , pour récompense unique d’avoig, COn- 
servé gratuitement aux uns leur honneur , aux 
autres leur fortune et leur vie. 

Cette partie de la candidature dépend toute en- 
tière du zèle de nos amis; je ne dois donc point 
passer sous silence les précautions qu’elle exige. 
Tout est plein autour de nous de dol, de per- 
fidie et d'embüches., Ce n’est point ici le lieu 
d'entamer l’éternelle discussion des caractères 
qui distinguent l'ami du trompeur; il suffit de 


26 Littérature. 


vous prémunir sur ce point. L’excellence de vos 
vertus a forcé les mêmes hommes à vous porter 
envie et à feindre de vous aimer. Retenez donc 
ce mot d'Epicharme (13) : « Le nerf de la pru- 
» dence est de ne pas croire légèrement. » 

Après vous être assuré des services de vos 
amis , il faut connoître les motifs et les diverses 
classes de vos ennemis et de vos adversaires. Vous 
en avez de trois espèces : ceux que vous avez of- 
fensés , ceux qui vous haïssent sans cause, ceux 
enfin qui sont fortement attachés à vos compé- 
üteurs. Auprès de ceux que vous avez offensés, 
en parlant contre eux pour yn ami; excusez- 
vous de bonne-foi sur la nécessité où vous étiez 
d'agir ainsi ; donnez-leur l'espoir que, s’ils veu- 
lent devenir vos amis, vous soutiendrez leurs in- 
térêts avec autant de zèle et d'activité. Pour gué- 
rir de leur prévention défavorable ceux qui vous 
haïssent sans cause, adoncissez-les par de bons 


(15) Il y a dans le latin, « Ne point croire légère- 
» ment, voilà les nerfs et les membres de la sagesse ». 
Plutôt que de traduire cette médiocre paraphrase , je me 


suis rapproché du texte grec. Voici le vers d’Epicharme: 
Q Nage nai pepvara dmirleis éobpa rule rär Dpevär. 


« Soyez sobre, et souvenez-vous de ne pas croire : c’est le 
» nerf de la raison. » 


Je ne m’élonne plus si lant de charlatans ont crié contre 
la comédie ! Epicharme fut l'inventeur de la comédie à Sy- 
racuse et le modèle de Plaute, 


« Plautus ad exemplar siculi properare Epicharmi. » 
( Horar. ) 


Cicéron. 27 


offices, par des espérances, par l’assurance que 
vous chercherez à leur être utile, Les mêmes 
moyens vous serviront à l'égard de ceux que vous 
rend contraires leur amitié pour vos compéti- 
teurs; montrez pour ceux-ci mème de la bien- 
veillance, si vous pouvez le faire avec quelque 
vraisemblance. 

Après avoir suffisamment parlé des moyens 
de vous assurer des amis, je dois traiter de l’autre 
partie de la candidature qui a pour objet la fa- 
veur populaire. Elle se compose de la romencla- 
tion (g), de l'affabilité, de l’assiduité , de la li- 
béralité, de la renommée et de l'espoir public. 

Faites d’abord briller les soins que vous avez 
pris pour connoître vos concitoyens; et perfec- 
tionnez encore cette connoissance pour en user 
chaque jour davantage : rien ne me semble plus 
populaire ni plus profitable. Prenez ensuite assez 
sur vous pour paroître faire naturellement ce qui 
est le plus éloigné de votre caractère (14). Vous 
ne manquez point de l’aménité qui convient à 


(g) Voyez ci-dessus note (p). 


(14) Après cette phrase, Putéanus lisoit celle-ci qui com- 
mence le second alinéa ( page 1 ), et qui y semble en effet 
assez déplacée. « Quanquam plurimum natura valet, ta- 
» men videtur in paucorum menstum negotio posse simu- 
» latio naturam vincere. Nam comitas , etc. » En sorte que 
l'on devroit traduire : « Prenez ensuite assez sur vous pour 
» paroîlre faire naturellement ce qui est le plus éloigné de 
» votre naturel, Quelque puissant que soit notre caractère, 
» il semble, pendant le peu de mois que dure la candi- 
» dature, pouvoir se ployer à quelque feinte. Ainsi, vous 
» ne manquez point, elc.; mais vous avez ici, elc. » 


28 Littérature. 


un homme bon et aimable ; mais vous avez ici 
le plus grand besoin d’une sorte d'affabilité qui, 
vicieuse et déshonorante dans le reste de la vie, 
est indispensable dans la candidature. Elle est 
coupable quand , par la flatterie, elle corrompt 
l’homme à qui elle s’adresse ; on doit moins la 
blâmer lorsqu'elle se borne à conquérir sa bien- 
veillance; un candidat ne peut s’en passer , lui 
dont les traits, la physionomie, les discours 
doivent se ployergaux idées et aux affections de 
tous ceux qu'il aborde. 

Il n’y a rien à prescrire concernant l'assiduité ; 
le mot seul explique quel est ce devoir. Il est es- 
sentiel sans doute de ne point s’absenter ; cepen- 
dant l’assiduité ne. consiste pas “uniquement à 
être à Rome et dans la place publique ; mais à 
solliciter sans cesse, à rechercher souvent les 
mêmes personnes , à empêcher qu'aucune ne 
puisse dire : que m'importe ce qu'obtiendra ce 
candidat qui n’a point demandé, qui ne demande 
point avec vivacité , avec énergie ? 

La libéralité a une vaste latitude ; elle s'exerce 
d'abord dans notre intérieur ; et, vantée par nos 
amis , elle nous rend agréables au peuple , quoi- 
qu'elle ne puisse s’étendre jusqu'à lui. Elle pa- 
roitra aussi par les festins que vous donnerez, 
et que donneront vos amis , soit dans divers quar- 
üers , soit dans chaque tribu. Elle se manifeste 
enfin par vos bons offices, que vous devez prodi- 
guer, et, pour ainsidire, rendre vulgaires. Que 
jour et nuit , l'accès près de vous paroisse facile, 
et par l'ouverture des portes de votre maison , et 


Cicéron. 29 
par la sérénité de votre front et de vos yeux, qui 
sont les vraies portes de l’âme. Si votre physio- 
nomie exprime peu de bienveillance et de pré- 
venance , il n'importe guère que vos portes de- 
meurent ouvertes. Les hommes , surtout quand 
ils s'adressent à un candidat, veulent non-seu- 
lement qu’on s'engage à les satisfaire, mais qu’on 
s'y engage avec autant d’effusion que de consi- 
dération. 

Il ne vous sera pas mal aisé sans doute , pour 
tout ce que vous devez faire , de témoigner. que 
vous le ferez avec zèle et plaisir; il vous le sera 
plus ( et ce conseil convient moias à votre carac- 
tère qu'aux circonstances) de refuser avec grâce 
ce que yous ne pourrez accorder ; l’un est d’un 
homme bon, l’autre d’un candidat habile. Vous 
demande-t-on une chose que vous ne promettriez 
pas sans blesser l'honneur ou nuire à vos inté- 
rêts , par exemple, de plaider contre un ami ? 
sachez refuser avec aménité , en vous excusant 
sur les devoirs de l'amitié ; témoignez que ce refus 
vous coûte ; assurez que vous vous en dédomma- 
gerez dans toute autre occasion. 

Un homme qui avoit porté sa cause à certains 
orateurs , disoit devant moi qu'il avoit été plus 
agréablement refusé par l'un qu ’accepté. , par 
l’autre. Ainsi l'on est plus sensible aux paroles 
et aux manières qu’au service même et à la 
réalité, 

IL est possible encore de vous persuader sur ce 
point : mais il reste un précepte plus difficile à 
faire adopter à un platonicien tel que vous; je 


30 Littérature. 


dois pourtant ce conseil à votre position. Ceux 
que vous refusez de servir, parce que vos liaisons 
avec leurs adversaires s'y opposent, peuvent 
vous quitter sans inimitié et sans humeur : ceux- 
là se retirent vos ennemis que vous refusez en 
disant que vous êtes occupé tout entier des af- 
faires de vos amis, ou de causes plus impor- 
tantes antérieurement entreprises : tous, sans 
exception, aiment mieux un mensonge qu'un 
refus. 

C. Cotta, cet homme consommé dans l’art de 
la brigue (15), disoit qu’il promettoit à tout le 
monde tant qu'on ne lui demandoit rien de con- 
traire à son devoir, et qu'il s’acquittoit envers 
ceux dont la reconnoissance lui sembloit la plus 
avantageuse ; qu'il ne refusoit personne , parce 
qu'il arrivoit souvent que celui qui avoit reçu sa 
promesse n’en réclamoit pas l'exécution; souvent 
aussi que lui-méme se trouvoit plus de loisir qu’il 
n'avoit espéré. On n’emplit point sa maison de 
cliens, ajoutoit-il, quand on n’accepte de causes 
qu’autant que l’on croit en pouvoir terminer, le 
hasard faisant arriver celle sur laquelle on comp- 
toit le moins , et empêchant de suivre celle qui 
sembloit la plus instante. Le plus grand risque 
enfin est d’offenser celui qu’a trompé votre pro- 
messe ; mais cet inconvénient est incertain, est 


(15) Il est impossible de rendre dans notre langue l’éner- 
gie de celle expression 27 ambitione agrtifex : on risque trop 
de lui donner un sens défavorable qu’elle n’avoit point dans 


les mœurs romaines, Cicéron parle souvent de l’orateur Caïus 
Aurelius Cotta. 


Cicéron. - 31 
éloigné , et ne s'étend qu'à peu de gens , tandis 
que vous promettez à tous. Par des refus, au 
contraire | vous indisposez certainement, et dès 
à présent, un plus grand nombre de personnes ; 
car les gens qui veulent pouvoir compter sur 
yotre assistance sont plus nombreux que ceux 
qui en usent. Il vaut donc mieux offenser un 
jour, peut-être, quelques cliens dans le Forum ; 
que tous , et sur-le-champ, dans votre maison. 
Les hommes sont plus irrités contre celui qui 
les refuse que contre celui qu’ils voient empêché 
par une cause légitime de tenir sa promesse, 
mais plein du désir d'y satisfaire aussitôt qu’il le 
pourra. 

Pour ne point m'écarter de mon plan, je dois, 
en traitant de la part qu'a la popularité dans la 
candidature , observer que les soins dont je viens 
de parler influent moins encore sur le zèle de nos 
partisans que sur notre réputation parmi la mul- 
titude. Sans doute on réveille ce zèle en répon- 
dant avec affabilité, en se livrant avec chaleur 
aux affaires et à la défense de ses amis ; mais j'en 
parle ici comme d’un moyen de cäpter le peuple ; 
de faire que votre maison se remplisse avant le 
jour ; que beaucoup d'hommes s’attachent à vous 
par l'espoir de votre assistance, qu'ils vous quit- 
tent mieux disposés encore qu'ils n’étoient ve- 
nus ; qu'enfin le plus grand nombre possible de 
citoyens entende parler de vous de la manière 
la plus avantageuse. 

Maintenant je dois parler de la renommée, à 
laquelle il faut attacher une grande importance. 


32 Littérature. 


Mais pour se la concilier , tous les moyens dont 
j'ai traité sont les plus efficaces : la gloire de l'é- 
loquence , l'affection des publicains et de l’ordre 
équestre, la bienveillance des nobles , un nom- 
breux cortége de jeunes gens, les assiduités de 
ceux que vous avez défendus, une foule d’habi- 
tans des municipalités accourus évidemment dans 
le dessein de vous servir. Obtenez que l’on dise 
et que l’on pense généralement de vous (16) que 
vous connoissez tous les citoyens , que vous les 
interpellez d’une manière flatteuse, que vous sol« 
licitez continuellement et avec habileté, que 
vous êtes affable et libéral ; faites que long-tems 
avant le jour votre maison soit remplie decliens, 
et qu’on y remarque en grand nombre des per- 
sonnes de tous les rangs ; satisfaites beaucoup de 
gens par des services réels, et tous par des dis- 
cours ; parvenez enfin, comme cela est possible 
en unissant les soins et l'adresse à l’activité , non 
pas seulement à ce que tant d'avantages portent 
votre réputation jusqu’au peuple, mais à ce que 


(16) Je suis ici la leçon adoptée:par Gruterus, d'après un 
grand nombre de manuscrils. Laliemand et quelques au- 
tres lisent berne ut ormnes loquantur et existiment. I] faut, 
dans ce sens, traduire ainsi : « Le soin de connoîlre les 
» individus, de les interpeller, ele. de faire que tous parlent 
» et pensent. bien de vous» Mais’ il me semble que, de 
cette manière, l’auteur commeltroit une répétition bien 
inutile. Dans celle que j'ai adoptée, il dit au candidat : 
Faites tout cela, non-seulement pour les avantages directs 
que vous devez en relirer, mais aussi pour que l’on dise 
que vous ne mañquez à aucun des devoirs d’un candidat, 
etc. elc, 


le 


Cicéron. 35 


le peuple même existe au milieu de ces affections 
et les partage. 

Il faut réchauffer aussi chez la multitude cita- 
dine , et parmi ceux qui dominent aux comices, 
cette popularité que vous avez conquise en tra- 
vaillant à l'élévation de Pompée, en prenant le 
parti de Manilius (r), en défendant Cornélius , 
et que personne n’a jamais possédée sans être 
assuré en même tems de la faveur et de lopi- 
nion publiques. Tächons surtout que tout le 
monde sache combien Pompée vous appuie, et 
de quelle importance est, pour ses intérêts, le 
succès de votre demande. 

Ayez soin enfin que toute votre candidature 
soit pompeuse, brillante, mémorable et popu- 
laire , qu’elle unisse l'éclat à la dignité. Cherchez 
encore, si cela est possible, à faire peser sur 
vos compétiteurs quelque soupçon approprié à 
leurs mœurs connues , soit de crime, soit d’im- 
moralité , soit de largesses criminelles. 

Mais ce qui est le plus désirable, c’est que l’es- 
time générale fasse reposer sur vous l'espérance 
de la République ; non que vous deviez, dans la 
candidature , entreprendre de régir l’état au sé- 
nat ou aux comices. Faites seulement que, d’après 
votre conduite antérieure, le sénat espère trou- 
ver en vous un défenseur de son autorité; les 
chevaliers et les gens riches et pacifiques, d’après 
toutes yos actions , un ami de l’ordre et de la 


(r) Tout le monde connoit le discours de Cicéron, Pre 
lege Maniliä. Quant à Cornélius, voyez ci-dessus noie (7). 


T, IIT, Mai 1806. C 


54 Littérature. 


tranquillité publique ; la multitude (mais unique- 
ment d’après la popularité de vos discours aux 
assemblées et dans les tribunaux), un magistrat 
qui ne sera point contraire à ses intérêts. 

Voilà ce que j'avois à vous dire sur ces deux 
idées , que, tous les matins en descendant au 
Forum, vous devez, je crois, méditer : Je suis 
un homme nouveau ; je demande le consulat. 
Reste la troisième idée : je suis dans Rome. Rome ! 
cette cité formée du concours des nations, où 
l’on rencontre tant d’embuches, tant de trom- 
peries , tant de vices de tout genre, où il faut 
supporter l’arrogance, l'obstination , la mal- 
veillance , l'orgueil , la haine et l'injustice de tant 
de personnes. Combien, au milieu de la cor- 
ruption si grande et si variée d’un si grand nombre 
d'hommes, combien ne faut-il pas d'adresse et de 
prudence pour échapper aux piéges, aux bruits 
publics, au danger d’offenser | pour qu'un seul 
homme se ploie à une diversité si grande de 
mœurs , de discours et d’inclinations! Ainsi donc, 
et plus que jamais, suivez la route que vous avez 
choisie ; excellez dans l’éloquence : à Rome, 
c’est l’éloquence qui attire et attache les hom- 
mes , et les détourne de vous repousser et de 
vous nuire. 

Mais comme le vice le plus grand peut - être 
de notre cité est que souvent les largesses y 
triomphent de l'honneur et du mérite, sentez 
sur ce point quelles sont vos forces ; songez que 
vous êtes l’homme le plus propre à inspirer à vos 
compétiteurs la crainte d’une accusation et d’un 


Cicéron. 35 


jugement. Qu'ils sachent que vous les surveillez, 
que vous les épiez; qu'ils redoutent à la fois 
votre activité , votre considération personnelle., 
votre puissante éloquence, et le zèle de l’ordre 
équestre (s) pour vos intérêts. Je ne vous donne 
pas ce conseil pour que vous paroissiez déjà mé- 
diter leur accusation ; mais afin qu’en la leur 
faisant craindre, vous préveniez des largesses 
coupables (17). C’est ainsi qu’il faut user de toutes 
vos facultés, de toutes vos forces, pour obtenir 
l’objet de votre demande. Je n’ai jamais vu en 
effet de comices si vénales, où pourtant quel- 
ques centuries ne votassent gratuitement en fa- 
veur des candidats qu’elles affectionnoient le 
plus. Si donc nous apportons à cette affaire un 
soin proportionné à son importance , si nous 
enflammons au plus haut degré le zèle de ceux 
_ qui nous sont attachés; si, à chacun des hommes 
accrédités et bien portés pour nous , nous savons 
assigner son emploi; si nous menaçons de la loi 
nos compétiteurs, si nous effrayons les déposi- 
taires de leur argent, et si, par quelque moyen, 
nous contenons ceux qui doivent en être les dis- 
tributeurs (£), nous pouvons obtenir qu’il n’y ait 


(s) Les chevaliers composoient les tribunaux avec les 
sénateurs. Mais ils n’éloient point, comme ceux-ci, pas- 
sibles des peines décernées contre les juges prévaricaleurs ; 
aussi leur influence y éloit-elle prépondérante. 

(17) Jai développé ici le texle qui porte simplement : 
« Hoc ipsum quod agis, consequere; » mais je crois avoir 
exprimé le vérilable sens. 


(+) L’impudence étoit portée si loin à Rome, que le 


36 Littérature. 


point de largesses ou qu’elles soient sans effet. 

Voilà ce que j'ai cru, non savoir mieux que 
vous , mais pouvoir vous Offrir rassemblé et mis 
par écrit plus facilement que vous ne le feriez au 
milieu des soins qui vous occupent. Quoique j'aie 
rédigé mes idées de manière à servir bien moins 
les autres candidats , que vous seul et dans votre 
demande actuelle , dites-moi pourtant, je vous 
prie, si vous y trouvez quelque chose à ajouter, 
à corriger ou à retrancher : car je veux que cet 


Essai sur la candidature aït toute la perfection 
dont il est susceptible. 


candidat qui marchandoit des suffrages, avoit des déposi- 
. daires connus (séquestres), entre les mains desquels il 

versoit les sommes destinées à payer son élection , sans 
doule aux chefs de cabale ; et des distributeurs (divisores) 
qui soldoient chaque votant au moment de l'élection. Ceux- 
ci étoient souvent les hommes chargés de distribuer les 


bulletins de vote ; ils glissoient facilement une pièce d'or 
avec le bullelin. 


Cicéron. -37 


EE —… …—…— —…—…—…—… … …—…—…—…—…… ……—…—— 


FRAGMENS du Discours prononcé par 
Cicéron sur sa Candidature. 


[ Le grammairien Asconius qui nous a conservé 
ces fragmens , s'exprime ainsi : « De six compéti- 
» teurs qu'avoit Cicéron dans la recherche du con- 
» sulat, quatre, savoir : P. Sulpicius - Galba ,. L. 
» Cassius Longinus, Q. Cornificius, et C. Licinius- 
» Sacerdos , se conduisoient avec modération , et 
» n’ayoient aucun éclat. L. Sergius Catilina , ei C. 
» ÂAntonius, tous deux soutenus d’un parti puissant, 
» s’étoient réunis pour écarter Cicéron. Celui-ci, peu 
» de jours avant les comices, s’éleva dans le sénat 
» contre cette coalition. » ] 


(u)......... Oui! Pères conscrits! j'affirme que 
Catilina et Antoine, escortés de leurs dépositaires (v), 
se sont réunis la nuit dans la maison d’un noble déjà 
connu et même célèbre pour le gain qu’il fait, eu 
favorisant de semblables largesses................ 


. 
CP 


Eh ! qui peut être l'ami de celui qui a égorgé 
tant de citoyens, ou le client d’un homme qui, dans 


(u) Il est à peu près impossible de deviner, d’après les 
citations d’Asconius , l’ordre et le plan du discours de Ci- 
céron. Je n’essayerai donc pas de le restituer. Ces frag- 
mens , qui fon! sans cesse allusion à des fails peu connus 
“aujourd’hui, n’ont plus guère d'autre intérêt que de former 
“un commentaire historique à l’Essaz sur la Candidature. 
La dernière sorlie contre Catilina est toutefois, à mon gré, 
un beau mouvement d’éloquence, 


(z) Voye ci-dessus note (1). 


38 Littérature. 

sa propre cité, a déclaré ne pouvoir plaider à crédis 
égal contre un ‘étranger (x) 74.23... qfis..sre 
AC R Rcre tt dieioiel aies mr SE NE NE TER CUS 

IT ne rentra pas encore en lui-même, lorsque ab- 
sent, vous l'avez flétri par les plus sévères décrets. 

Il a appris combien les jugemens sont redouta- 
bles (18), lorsqu'il a été absous : si toutefois il y eut 
alors quelque chose que l’on pût appeler jugement 
et absolution. 

.…...... Toutefois, Q. Mucius, je suis afligé de, 
vous voir, de la république , une opinion si défavo- 
rable. Vous prononciez hier que je ne suis pas digne 
du consulat. Quoi! le peuple romain saura moins 
bien que Q. Mucius se choisir un défenseur! Lors- 
que L. Calénus vous accusa de vol (y), ne mavez- 
vous pas chargé, de préférence, du soin de vous 
sauver ? Et l’homme dont vous avez imploré l’appui 
dans une position aussi peu honorable, le peuple 
romain, selon vous, ne peut l’accepter pour guide 
dans les affaires les plus glorieuses ? A moins que 
vous n’ajouliez qu’accusé de vol par L. Calénus, 
vous n'avez trouvé en moi qu’un défenseur impuis- 
sant... ie oo sosoome sense eettee) 


Soon oser eee eee rennes eee 


dx) Voyez ci-dessus note (e). 

(18) Ce passage , je crois, est ironique , et signifie qu’a- 
près l’absolution qu'il a obtenue, Calilina est en droit de 
ne plus craindre les tribunaux, quelqwaccusation que l’om 
intenle contre lui: 

(y) Cicéron avoit défendu avec suceès Mucins Orestinus 
d’üne aceusälion de pillage et dé vol. Vendu aux ennemis 
de son bienfaiteur }; Mucius tournoit en ridicule, dans 
toutes ses harangues, la naissance et lé caractère de Ci- 
eéron. 


Cicéron. 59 

Lorsque, aux yeux du peuple, Catilina trancha la 
tête de l’homme le plus populaire, n’a-t-il pas mon- 
tré quel cas il fait du peuple (:)? 

Je ne puis deviner quelle démence lPinduit à me 
témoigner du mépris? Croit-il que je le soufre pa- 
tiemment ? L'exemple d’un de ses complices les plus 
intimes auroit dû l’instruire que je ne supporte même 
pas l’injustice faite à un autre.......:............ 

L'an, dont tous les troupeaux sont vendus, et les 
domaines près d’être adjugés judiciairement, retient 
une troupe nombreuse de pâtres, avec lesquels il 
pourra, dit-1l, dès qu’il le voudra, renouveller sou- 
dainement la guerre des esclaves (aa). 

L'autre induit le premier individu sur qui il ait 
ce pouvoir, à promettre tout à coup au peuple un 
spectacle de gladiateurs que rien ne l’obligeoit de 
donner; et, candidat consulaire, il examine lui- 
même ; et choisit et achète les gladiateurs, le tout 
a la face du peuple romain (bb)..........,...... 


CCC CC 


(z) Voyez ci-dessus pag. 10 et 11, et notes (3) et (4). 


(aa) Le soupçon que Cicéron jette ici sur Antoine, étoit 
aussi vraisemblable que propre à frapper les Romains, en- 
core épouvantés du souvenir dé Sparlacus, 


(bb) Sous le prétexte d'offrir au peuple des speciacles de 
gladiateurs, Catilina, el, à son exemple, Clodius et tous 
les mauvais citoyens , s’entouroient d’une troupe de sicaires 
à la tête desquels ils commettoient les plus grands crimes. 
Voyez la défense de Milon par Cicéron, et touie l’histoire 
de ce fameux proces. — D'ailleurs ce spectacle donné sans 
motif, par une créature de Catilina, pendant sa candida- 
ture, éloit un moyen indirect de capter les suffrages, et 
pouvoit moliver une accusalion de brigue. 


40 Littérature. 


........ Si vous voulez donc augmenter encore 
le prix des suffrages, consuls, écartez, comme le 
sénat a commencé de le faire, lopposition que Q. 
Mucias apporte à la nouvelle loi (ec). Quant à moi, 
je me contente de celle par laquelle nous avons vu 
condamner à la fois deux consuls désignés (dd)... 


je et e.0/s © © e dre ee are se 0, © e)0.0'e »,e Deïs;ele e ee oe/bieie ee je 0 ee 
. 


Laissons cet. Antoine, brigand dans l’armée de 
Sylla, gladiateur à l’entrée du dictateur, et cocher 
de ;son char de triomphe (ee). Mais toi, Catilina ! 
que tu brigues le consulat, que tu oses y penser, 
est-ce point une monstruosité, un prodige ? À qui 
le demandes-tu? Aux principaux citoyens ...qui, 
rassemblés par le consul L. Volcatius, n’ont pas 
même voulu te permettre la candidature (ff)? Aux 
sénateurs... dont un décret , après t’avoir dépouillé 
de tous tes honneurs, l’a, pour ainsi dire, livré cap- 
if aux orateurs d'Afrique (sg)? A l’ordre équestre 
..... dont tu fus l’assassin ? Au peuple..... à qui 
. ta cruauté a donné un spectacle que nul n’a pu voir 


(ce) Le sénat, indigné des intrigues d'Antoine et de Ca- 
tilina , voulut mettre un frein à la corruption par une loi 
plus sévère que toutes celles qui Pavoient précédée : Mucius, 
alors tribun, essaya de sy opposer. 


(dd) P. Autronius.el P. Sylla, consuls désignés, condam- 
nés comme convaincus de brigue, deux ans auparavant (Pan 
de Rome 687), et complices de Calilina dans ses deux con- 
jurations. Voyez Sallust. Catil, XVII. 


n 


(ee) J’ignore à quelle anecdote cette phrase fait allusion. 


(ff) Catilina, accusé de concussions en Afrique, l'an de 
Rome 687, perdit le droit de solliciter alors le consulat. 
Voyez Sallust..Catil. XVIII. 


{gg) Voyez lamote précédente, et ci-dessus, pag. 12. 


Cicéron. 41 
sans désolalion, ni se rappeler sans gémir ?...... 
Depuis le Janicule jusqu’au temple d’Apollon, tu 
la portas au dictateur, dans tes propres mains, cette 
tête pleine encore de chaleur et de vie! ......— 
Quoi ! tu alléguerois pour la défense ce que n’ont 
osé dire les autres assassins? Mais on ne le souf- 
frira pas. ....... — Enfin, ils ont pu nier; et ils 
ont nié. Toi, tu n’as pas laissé à ton impudence la 
ressource même d’une dénégation. Et l’on doit louer 
Téquité des juges, si, condamnant Luscius malgré 
ses dénégations, ils ont absous Catilina malgré son 
aveu (22)! 

Il assure donc qu’il n’a pu être induit en erreur; 
et c’est tandis que les autres sicaires ont allégué que, 
s'ils ont commis quelque meurtre, hommes igno- 
rans, ils n’ont fait qu’obéir à leur général, au dic- 
tateur. [ls pouvoient même nier absolument leurs 
crimes : Catilina ne le peut plus. | 

Est-ce là Pillustration qui t'enhardit à me mé- 
priser, à me dédaigner? Est-ce la gloire dont te 
couvre le reste de ta vie? Toi ! qui as toujours vécu 
de manière qu’il n’est pas de lieu si sacré où ta pré- 
sence ne motivât une accusation ; même quand tu 
n’y commettois pas de crime (/;); toi, sans cesse sur- 
pris en adulitère, et qui cherchois aussi à surprendre 


(Ah) César (en l'an de Rome 689) cila en justice et fit 
condamner les assassins qui avoient servi les yengeances de 
Sylla; par là, il relevoit la mémoire populaire du parti 
de Marius; mais il épargna Catilina,, le plus coupable de 
tous. En vain LE. Paullus accusa de nouveau cé monsire, 
pour les mêmes crimes : Catilina fut encore absous. Voyez 
Cicer. ad Attic. 1, 16... Sallu$t, Catil. XXXI.,.. D10. 
Bb, 56. 


LR 


(i) Voyez ci-dessus page 11 et note (A). 


42 Littérature. 


les adultères (4Æ); toi qui, dans le fruit d’un inceste, 
a trouvé à la fois ton épouse et ta fille! 

Souillé de tous les forfaits et de toutes les turpi- 
tudes, sanglant de millé assassinats , dévastateur de 
nos provinces, corrupteur des lois, des procédures £ 
des jugemens !.... Faut-il rappeler comment tu as 
envahi le gouvernement d’une province, malgré les 
cris et la résistance du peuple entier? Quant à la 
manière dont tu l’as administrée, je n’ose en par- 
ler, puisque tu as été absous. Il faut que je croie 
mensongers , et les chevaliers romains, et les actes 
d’une cité respectable, et Q. Métellus Pius, et PA- 
frique entière ; que je me persuade que tes juges ont 
découvert je ne sais quel motif pour te déclarer in- 
nocent. Misérable ! ne sens-tu point que leur arrêt 
ne L’a pas absous, mais réservé pour un jugement 
plus sévère et une condamnation plus terrible! 

Je tais cette entreprise exécrable , et ce jour qui 
faillit être pour la république si amer et si désas- 
treux ; lorsqu’ayant pour complices Cn. Pison et quel- 
ques autres encore, Lu tentas de massacrer nos prin- 
cipaux citoyens (//). 

As-tu oublié que: lorsque nous br iguions ensemble 
la préture, tu m’osas demander de te céder le premier 
rang ; ét comme ln me pressois sur ce point et que tu 
t'y obstinois effrontément, je te réponds, il t'en sou- 
vient, qu'il y avoit de l’impudéence à toi à me de- 
mander ce que ton oncle même n’eût jamais obtenu? 


(£E) Telle étoit la: corruption des Romains, que plus 
d’un mari cherchoil à surprendre des jeunes-gens avec sa 
femme, afin de se venger de leur affront par d’infames 
plaisirs. 

(17) L'an de Rome 688. Voyez Sallust. Catil. XVII 
XVIII. 


Cicéron. 43 


Ignores-tu que je fus nommé préteur le premier : 
toi, grâce à la condescendance de tes compétiteur s,à 
la collation (19) des suffrages des centuries, et surtout 
à mes bons offices, du derniet rang tu passas au troi- 
sième. 

........( Cicéron rappeloit ici la conjuration de 
Pison, depuis questeur en Espagne, d’Autronius, de 
Sylla et de Catilina ( Voyez Sallust. Catil. XVI 


...... N'ayant pu, comme ils le tentoient, porter 
au peuple romain un coup mortel avec ce stylet es- 
pagnol , ils s'efforcent aujourd’hui de tourner à la 
fois deux poignards contre la république (m7)... 


DONS AAO LUS AUS 0 DO Te RITES 

Sachez donc que ce gladiateur Licinius a déjà dé- 
pêché ici un homme avide de servir Catilina : et 
qui, citoyens juges? .... Un homme honoré de la 
questure, Q. Gurius. «ue. sesessassnsseseesse 


resserre nee nnsegerens sr serrer sonssee 


(19) Collafio centuriarum. Je suppose qu'après avoir, 
suivant l’usage , recueilli les voix par centuries, les com- 
pétiteurs de Catilina (par égard pour sa haute maïssance 
et pour la recommandation de Cicéron) consentirent qué 
Von additionnät tous les suffrages qu’il avoil oblenus dans 
chaque centurie : on conçoit que , de-cette manière , il pou- 
voit en réunir un plus grand nombre que ceux mêmes qui 
avoient été nommés avant lui par la majorité des centuries, 
et passer ainsi du dernier rang au troisième. 

(mm) Cicéron a emprunté ce trait et quelques autres’, de 
V’'Essai sur le Candidature. 


Es 


PHILOLOGIE. 


LETTRE de F.S. 7. à M. MILLIN, 
Membre de l’Institut et de la Légion 
d'Honneur, sur les Lettres de PETRESC. 


Aix, 24 avril 1806. 


Vous avez vu , mon cher ami, mon Re- 
cueil de lettres de Peiresc, et ce que je possède 
de sa correspondance avec les savans ses con- 
temporains. Vous avez même vu cette collection 
à Carpentras, où je vous l'envoyai d'Aix avant 
que j'eusse pu la connoître à fond. Vous m'écri- 
vites de Carpentras une lettre bien détaillée dans 
laquelle vous faisiez l'énumération de ce qui y 
existe de la correspondance littéraire de Pei- 
resc ; vous le compariez avec ce que j'en possède 
moi-même; yous me disiez que ma collection, 
jointe à celle qui existe à Carpentras, forme- 
roit un recueil à peu près complet. Vous me pa- 
roissiez satisfait du grand nombre de lettres que 
je possède des savans contemporains de Peiresc. 
Vous n’aviez pas trouvé un grand nombre de 
lettres écrites par Peiresc, et en y comprenant 
environ deux cents lettres adressées à Jérôme 
Aléandre , et écrites en italien; vous me disiez 
que je ne pourrois former qu'un gros volume 
de lettres de Peiresc, tandis que celles de ses 
contemporains pourroient former quatre gros 
volumes. 


Lettres de Peiresc. 45 


. Depuis vingt mois que vous nous avez quitté, 
j'ai employé beaucoup de temps à visiter tout ce 
recueil de lettres; et, à l'aide de mes connois- 
sances sur les familles de Provence, et sur les 
noms qu'ont porté les individus de ces familles, 
j'ai trouvé dans ma collection des lettres de Pei- 
resc, dont vous ne pouviez pas vous douter. 
M. de Peiresc portoit, dans sa jeunesse et lors 
de ses voyages d'Italie, le nom de Calas, qui 
étoit une terre de sa famille: j'ai donc dü attribuer 
a Peiresc les lettres signées Vicolas-Cl. FABry DE 
Cazas, que j'ai vu dans mon recueil: j'y ai d'ail- 
leurs reconnu sa tournure et son zèle pour toutes 
les connoissances. Je vous en envoie aujourd’hui 
que Peiresc, âgé alors de 22 ans, écrivoit à Sca- 
liger : il y est question de deux autres savans, 
Pinelli et Brutius ; il y rapporte des lettres la- 
tines de Brutius, que je transcrirai. Aussi on sera 
plus charmé peut-être de la critique de Brutius, 
quoique un peu originale, que des complimens 
faits par Peiresc à Scaliger. Les lettres de Brutius 
parlent de la Colonne trajane et de la Table de 
Peutinger. 

Je crois devoir dire un mot des trois princi- 
paux personnages, dont il sera question dans ces 
lettres. 

Tout le monde sait qui étoient les Scaliger 

‘père et fils. On connoiït la profondeur de leur 
science, et aussi toute l’exaltation de leur amour- 
propre. Leur vanité les portoit à vouloir per- 
suader à l'Europe entière qu'ils descendoient des 
anciens seigneurs de Vérone, princes de l'Escale: 


46 . Philologie. 


d’autres savans, que leur orgueil avoit irrité , 
prétendirent que les Scaliger descendoient d'un 
maïtre d'école nommé Burden, qui avoit pris 
une échelle pour enseigne. Peiresc, jeune alors, 
veut dans ses lettres, flatter la vanité des Scali+ 
ger : le sage de Thou paroissoit croire aussi à 
la généalogie qu'ils s’étoient faite. 
Jean-Vincent Pixerzr, né à Naples, origi- 
naire de Gènes, étoit fixé à Padoue, où il cul- 
tivoit les lettres , les arts et les sciences, avec un 
zèle et un succès semblable à ceux qu'acquit dans 
la suite notre Peiresc. Comme Peiresc, il fut en 
correspondance avec tous les savans , leur com- 
muniqua des matériaux précieux, et ne donna 
presque rien au public sous son nom. Il mourut 
à Padoue pendant que Peiresc y étoit; E. Bru- 
tius , dont Peirese trouva un grand nombre de 
lettres parmi les papiers de Pinelli, étroit Anglais. 
Il n'étoit pas le même que Jean-Michel Brutius, 
avec lequel on l'a confondu dans la suite , à qui 
l'on a même attribué des lettres de E. Brutius. 
Jean - Michel étoit né à Venise, et étoit mort 
en 1593. E. Brutius étoit né à Ipswick, capitale 
de la province de Suffolk. « Gipeewichum, dit-il 
dans une de ces lettres, patria mea dulcissima. » 
Je réserve pour un autre envoi quelques let- 
tres de Peiïresc, signées aussi Calas. Elles sont 
adressées à Aldrovandus, savant naturaliste , que 
les dépenses énormes qu'il fit pour se procurer 
les objets relatifs à ses recherches, réduisirent 
à l'indigence. Peiresc faisoit pour lui des recher- 
ches de médailles qui portoient au revers des 


Lettres de Peiresc. 47 


figures d'animaux. Je me contente aujourd hui 
de vous transcrire quelques lettres à Scaliger , 
et deux lettres de Brutius à Pinelh. 


AM. SCALIGER, à Leyden. 


Venise, mars 1621. 


Monsieur , croyant que les balles des libraires 
de Venise ne partissent pas sitôt pour Ja foire de 
Francfort, j'allois tout à mon aise en la recher- 
che des livres hébreux que je vous ai promis; 
mais estant venu à Venise, ce carême prenant, 
et ayant su qu’elles partoient dans deux ou trois 
jours, je me suis résolu de vous enyoyer ceux 
que javois recouvré , extrémement marri de 
n'avoir eu du loisir d'en trouver de meilleurs 
en toute cette ville de Venise. Il n’y avoit autre 
colbo que cetuicy, et quoique Josephe y ait 
été imprimé, toutes fois ( dont je suis bien marri), 
je n’en ai pu trouver d'autre impression que de 
celle de Cracovie. Ce Moré Nevochim aappartenu 
à un homme fort docte en cetie langue, qui J'a 
postillé et corrigé les erreurs de l'impression ; qui 
me fait croire que vous serez plus aise de l’a- 
voir, tout vieux et usé qu'il est, que s’il étoit 
neuf (1). Quant au prix, c'est peu de chose, et 


. 

(1) Le livre hébreu, intitulé Moré Nebochim ou Nevo- 
chim, ce qui veut dire, Le Guide de ceux qui chan- 
cellent , avoit été composé par Moses Maimonide, savant 
” rabin de Cordoue, en langne arabe, et traduit en hébreu 


48 Philologie. 


ne mérite pas d'être mis en ligne de compte. Le 
soudain départ du libraire a esté cause que je n'ai 
pu vous envoyer les monoyes et le dessein du 
coteau des princes della Scalla que je vous. ai 
promis ; mais Je vous les ferai tenir par voie 
d’Ausbourg. Je vous prie à recevoir ces livres 
comme des petites arres de l'affection et du ser- 
vice que je vous ai voué, désirant toujours de- 
meurer votre, etc. 
Nicolas-Claude Fagny S"'. 
DE CaALas. 


Autre Lettre adressée à Milan. 
De Padoue, ce 30 juim 1601. 


J'A1 l'honneur de votre amitié tant en recom- 
mendation , et suis si désireux de me conserver 
en icelle , que je ne veux manquer de vous écrire 
ce mot pour vous asseurer de la continuation 
du désir que j'avois toujours eu de vous rendre 
service , et vous supplier de le mettre à l'épreuve 
entoutes les occasions que vous me jugerez propre 
en cette ville où je suis arrivé depuis sept à huit 


par un autre juif. Ï fut imprimé, pour la première fois, 
à Venise en 1551, in-fol. C’esi un abrégé de la théologie 
des Juifs , appuyée sur des raisonnemens philosophiques ; 
il déplut beaucoup d’abord, et fit grande sensation. L'auteur 
vivoit dans le douzième siècle. Ilest appelé par les Juifs l’Aigle 
des docteurs et Je plus beau génie qui ait paru depuis Moyse. 
Il étoit né à Cordoue, et demeuroit en Egypte. F. SIN. 


jours, 


Lettres de Peiresc. 49 


jours, ou de Venise ou d’ailleurs. Je suis du de- 
puis esté à Naples, et ay fait un voyage fort 
heureux à mon gré de Rome icy | car jai tou- 
-jours veu quelque chose de remarquable par le 
chemin ; à Venise même j'ai veu le cabinet si ad- 
mirable du feu patriarche d'Aquilée ( lequel je 
n’avois encore peu voir), où c'est qu'il y a trois 
cent camayeuls d’agathes antiques , le moindre 
desquels est plus grand qu'une médaille mezzana 
(comme on dit). Je suis bien esté infiniment 
marry de la mort inopinée de ce pauvre pein- 
tre, le nom duquel je vous avois donné pour 
vous servir à Venise; je m'asseure que si vous 
l'eussiez trouvé vivant, vous lui eussiez donné 
cette petite cornalline que vous m'aviez promis 
à votre départ où estoit gravé un Mars armé au- 
près de Vénus, pour me la garder jusqu’à mon 
arrivée. J'en ai veu Je soulfre entre les mains du 
Sr. Agostino Faustini en cette ville, s'il vous plai- 
soit la bailler à M. Putean (Dupuy), il me la 
feroit tenir, et s'il vous plaisoit m'advertir s'il 
y a quelqu'une autre des miennes qui vous fusse 
agréable, je la vous envoyerai tout aussitost, etc. 
Signé DE CaLas. » 

Dans une autre lettre écrite l'année suivante 
1602 , et adressée à Anvers, je trouve un post- 
scriptum que je vais transerire, le reste de la 
lettre n’ayant rien d’intéressant. 

« Quand nous passames par Mantoue nous 
eusmes tant de peine après ceux qui nous firent 
voir enfin le cabinet du duc , qu'il n'y eut aucun 


moyen de chercher le frère de M. Rubenius, 
T°. III. Mai 1806. D 


90 Philologie. 


quoique j'eusse esté très aise de le voir, car j'a- 
vois un extreme desir qu'il nous aydat à colorir 
une feuille de la table hieroglyphique selon l’au- 
thentique du duc, et mettre de l'argent ou est- 
ce qu’elle estoit argentée, comme vous aura peu | 
dire le Seior, Lorenzo: mais la briesveté du temps, 
et le mauvais rencontre du duc ne le nous lais- 
sèrent pas faire; peut-être que je tacherai d'en 
donner un jour la commission à quelque ami. » 


Nota. Cela signifie que Peiresc ayant vu à 
Mantoue la fameuse table isiague que le duc 
venoit d'acheter de Torquato Bembo, auroit 
voulu avoir de la main du peintre Rubens ( que 
le duc de Mantoue logeoit alors dans son palais, 
et qui étoit le frère de Philippe Rubens domi- 
cilié à Anvers) une peinture de la table isiaque 
avec l'imitation des lames d'argent done les 
figures sont incrustées 

Cette note de Peiresc prouve que dès 1602 le 
fils du cardinal Bembo avoit vendu la table istaque 
que Peiresc appelle table Lieroglyphique. 


Dernière Lettre à SCALIGER, adressée 
à Leyde. 


De Padoue, le 24 janvier 1602. 


« Les lettres que vous avès ecrit à M. l'évêque 
de Valence et au Sre, Gioan. Vincenzo Pinelli 
du 13 aoust sont arrivées en cette ville de Pa- 


Lettres de Peiresc. 51 


doue le 15 de janvier : je m’asseure que du de- 
puis vous aurès esté adverti de la mort de l'un 
et de l’autre. Car le d'. Signre. Pinelli mourut 
le 3 d'aoust d’une maladie qui l'avoit longtemps 
travaillé. On lui trouva dans la vescie treize pier- 
res de la grandeur et presque de la grosseur et 
de la forme des chataignes les plus grosses; mais 
celle qui le tua étoit aux reins pointue des deux 
cotés et beaucoup plus grosse que les autres. 11 
fut suivi bientost après de M. de Valence qui 
fut emporté en moins de huit jours d’une fièvre 
chaude en laquelle sa goutte s'étoit changée. De 
sorte qu’à nostre grand regret nous pouvons dire 
que nous avons escrit aux morts. Tout aussitost 
que M. de Lèberon neveu et heritier de feu M. 
de Valence sera venu, votre lettre sera rendue. 
« La bibliotheque du Sigre. Pinelli, avec tout ce 
qu'il avoit de beau et de rare, a êté transporté à 
Naples du commendement du duc de la Cerenza 
son neveu et heritier , qui a donné commission à 
un monsignor Paolé Gualdo, gentilhomme vicen- 
tin qui demeure avec l’eveque de cette ville, de 
recevoir tout ce qui seroit adressé à feu M. son 
oncle; c’est luy qui m'a fait voir vos lettres, vos 
autographes, votre traité, et tout ce qui estoit 
dans vostre paquet, et ma dit qu’à la première 
commodité il envoyera le tout audit duc, à qui 
tels présens ne seront pas moins agréables qu'ils 
eussent été à son oncle ; estant homme lettré et 
fort desireux de telles choses, J’ay tant fait que 
j'ay obtenu vostre portrait et celui du grand Sca- 
liger votre père, pour en faire tirer deux sem- 


22 Philologie. 

blables de la main d’un excellent peintre (2). Plu- 
sieurs autres desiroient bien cêtte faveur, mais 
elle a esté permise à deux seulement. Il y a long- 
temps que , par une secrette dévotion que je porte 
à l'illustre nom de Scaliger , je garde deux mo- 
noies de ces anciens princes de la Scala, vos 
ayeulx ; l'une desquelles est d'argent, fort pe- 
tite , et a une croix d'un costé, avec ce nom 
autour : Antonius ; de l’autre une échelle , avec 
ce nom : ToLomAvs , ces deux frères qui domi- 
nèrent ensemble. L'autre est de cuivre , grande- 
lette, et a un escusson d'un costé, avec deux 
rameaux de laurier par dessus et une échelle au 
dedans, avec une grande croix par revers à l’en- 
tour; mais les lettres qui estoient autour sônt 
toutes consumées. J'en ai une autre d'argent qui 
a une croix de touts les deux costés, avec ces 
lettres : VERONA civr. civi. , Ou bien o1vi. civi. 
VERONA; et maintenant suis infiniment aise que 
la fortune m’ait ouvert une si belle occasion de 
vous en faire présent , et par ce moyen gaigner 
( qui est le premier de mes vœux) quelque peu 
de place en l'honneur de votre amitié. J'ache- 
téray aussi les livres que vous desirès, et vous 
les enverray avec les dites monoyes par le fac- 


(2) Peiresc avoit rassemblé dans une galerie de sa maison 
d'Aix, tous les portraits des savans ses contemporains , la 
plupart donnés par eux-mêmes. J'ai vu ces portraits dans 
le château de Cadarache sur les bords de la Durance, où 
ils avoient élé portés par M. de Valbelle, un des héritiers 
du neveu de Peiresc. Ils ont été détruits au commence- 
nent de la révolution. 


Lettres de Peiresc. 59 


teur du libraire venitien , qui les baillera cette 
prochaine foire de Francfort à celui que vous 
aurès délégué. J'ai entendu qu'un gentilhomme 
vénitien a trouvé , au chateau de Monteguardo , 
duquel il est seigneur, un haume d'un prince 
de votre maison , avec plusieurs arbalestres toutes 
de bois, qui ont les mêmes armoiries de cou- 
leur bleue ; elles sont rouges , nonobstant en un 
fort beau couteau de ces mêmes princes, qui est 
entre les mains d'un gentilhomme de cette ville 
de l’ancienne maison de Carrare , nommé Papa- 
fava. Je tacherai d'en avoir le dessein , et vous 
l'envoyeray tout ensemble. Je desire d'estre tous- 
jours votre , etc. » 
MNicolas-Claude FABRY, 
Sr. de Cazras. 


Suivent les copies prises chez M. Pinelli de 
lettres ecrites à ce sçavant homme par le S'. E. 
Bratius. 


« Unius diei curriculo, illustrissime Pinelle vidi 
exactissimam columnæ Trajanæ , ut ait Ciaco- 
é ; 3 : 
nius, orthographiam (3), quod facile credo, do- 
nec iterum atque iterum his meis oculis, deo 
annuente , columnam ipsam multà diligentius 


(3) Pierre Ciaconius de Tolède , chanoine de Séville, mort 
à Rome en 1581, dans un de ses ouvrages sur les colonnes 
rostrales , sur les anciens poids et mesures, disoit que la 
colonne irajane dont il faisoil une description très-éiendue , 
avoil été rendue avec une grande fidélité dans la gravure de 
Mutianus ; dont nous parlerons dans une nole ci-après. 


54 - Philologie. 

quam antè perlustraverim. Interim cum Ciacone 
nihil dicam de ejus hetrusco opere, cum xxxurr 
tantum marmoreis lapidibus stupendæ magnitu- 
dinis ex quibus tota illius moles constat, nec 
de ejus longitudine ad ped. cxz cum Libé 
GLXXXIV Ct Fenéfrellés XLTIL super basicula latera 
xx ped. rom. habente, neque de dupla propor- 
tione simulachrorum in capitulo cum basi; et si 
de his multa dicenda sunt, a quibus vix me abs- 
trahere possim , tamien me contraham donec de 
his certior factus sim, et ad operis artificem me 
convertam, de quo multa et quasi artihiciosà in- 
finità quädam dispositione esse compacta et or 
dinata perspicio; nihilominus nescio qua negli- 
gentia et incuria, aut ut rectius dicam quà ma- 
litià prætermissa, et multo plura cum inutilia 
tum vana sæpids repetita et delineata cerno. Nam 
vix unum aut alterum stratagema in totâ mole 
invenio tali bello, talique columnä dignum ; et 
quod præter omnem Romanam fidem est , Ro- 
manos ipsos nunquam mihi sauciatos , Dacos aut 
quasi semper aut in pugnà prostratos , aut in fu- 
gam turpiter datos ( diis ipsis eos manibus et mi- 
nis oppugnantibus profligantibusque ) ubique vi- 
deo ; tanquam Mars eorum incola nunquam fuis- 
set, de quo ipsi semper gloriabantur : et quod 
plus est, multi historici volunt quod Daci mo- 
lestissimi et acerbissimi Romanis hostes fuerint, 
et adeo strenui ut multo plures clades illis intule- 
rint quam acceperint; sed artifex hujus columnæ 
nihil hujus rei voluit neque præsentibus neque 
faturis hominibus in hoc suo opere æterno signi- 


Lettres de Peiresc. 55 


ficare : non minus ridicule et malitiosè prædeces- 
sor hujus Trajani Domitianus fecit, qui de ipsis 
Dacis victus potis quam victor triumphavit. Sed 
in hâc re populo romano venia danda est, quo- 
niam apud omnes gentes semper fuit, est, et erit 
ionatum vitium, suas ipsorum virtutes libris, mar- 
moribus, sepulchris , mausoleis, obeliscis, pyra- 
midibus et columnis usque in cælos erigere; alio- 
rum autem acta cum erecta penitus dejicere, tum 
dejecta et abjecta in pulvere vel in aquä scri- 
bere. Sed ad sculptorem columnæ accedam, qui 
non minori injurià Dacos omnibus quasi armis 
defensivis nudatos seulpsit, et cum offensivis ri- 
diculariis fecit, fustibus et 'arcubus sine sagittis 
et cordis , vel tantum gladiis acinacibus aut po- 
tits faleulis, et quod vix credibile est, saxis in- 
gentibus tantummodd pugnantes; ità ut vix am- 
babus manibus ea elevare et in hostem projicere 
potuerint, arma debilissima et contra antiquum 
Romanorum honorem , ut ab illis et a barbaris 
illis utentibus , pauld ante Domitiani bis cum illis 
congressi duces et signa amitterent. Sed forsan 
aliquis dicat arcuum cordas aut longi temporis 
injuria esse deletas , aut pictoris incuri4 præter- 
missas ; sed neutrum puto ; nam neque Mutianus 
pictor (4) Romæ insignissimus unquam hoc egis- 


(4) Jérôme Mutian, excellent peintre, né en Lombardie 
au commencement du seizième siècle , fonda à Rome Paca- 
démie de Si. - Luc. MU fit graver la colonne lrajane d’a- 
près ses dessins. Un artisle aussi habile n’auroil pas négligé 
les détails de ce monument ; il n’auroit pas manqué d’ex- 
primer dans sa gravure les cordes des arcs, si elles eussent 


56 Philologie. 


set, qui in æs cuncta columnæ simulachra ex- 
prini et incidi fecit, tantis sumptibus in ea re 
factis pluribusque laboribus , et fatigationibus 
susceptis ; neque vis ævi tantum potuit , ut ne 
cordæ quidem uniüs vestigium relinqueretur nam 
in duobus locis arcus cum cordis invenio, et quod 
cum majori admiratione est, sagittarios in pugna 
eis utentes sine sagittis ; quarum ne unam quidem 
neque per terram , nèque per corpora animalium 
infixam cerno, nisi tantum in una pharetra non 
multum dissimili ab anglorum pharetris; et quem- 
admodum author columnæ hæc, et alia nimis 
negligenter , et jejunè notata relinquit; sic à con- 
trario multa vafrè, astutè et malitiosè ante ocu- 
los omnium proposuit ; scilicèt Dacorum despera- 
tam stultitiam qui in mortem sibimet ipsis Ve- 
neno & poto consciscant, qui cum Decebalo eorum 
Rege, pugione ad pectus adacto sese interimunt; 
qui urbem cunctasque opes, uxores, et fæminas 
reliquas cùm infantibus trucidant, et non solùm 
in semet ipsos , sed etiam in Romanos captivos, 
inhumanos et sævientes Dacos depingit; dùm cap- 
tivos alios occidi ostendit, ne regios thesauros 
subter vada Sageliæ amnis occultatos manifesta- 
rent, alios a fæminis Dacicis etiam viventes faci- 
liès sævissimè exustos facit, et unum video circa 
umbilicum rotæ alligatum , et sic nova et inau- 
dita crudelitate expirantem ; utrum hæc vera aut 
falsa fuerint, minimè curo. Interim de Romano- 


exisié. François [°”", avoit fait faire les moules et les plâtres 
de la colonne irajane en un grand nombre de pièces. 


Lettres de Peiresc. 57 


rum ipsorum sævitia et crudelitate in hac co- 
lumna , nec linea nec punctum quidem ; tanquäm 
ipsi soli in hoc mundo humani, justi, et pi, qui 
ommnes alios non ipsis servos , Barbaros vocabant; 
sunt antè et ipsos Græci; et nunc apud nos unus 
alium pauld minus, ità ut tam longa cœlorum 
revolutione non hominum mores , sed potius ip- 
sos homines mutari vidimus (5). Sed nunc tem- 
pus est ut a sculptore ad columnæ explicatorem 
accedam , quem multa magis quam vera dixisse 
concedo. Quoties, ait ille, milites inducuntur in- 
dices elevantes , prætorianos esse ; nam fides et 
vigilantia militum sicut et complexu manuum ita 
digiti erectione significabatur. Sed ego eum mi- 
litem indicem erexisse puto magis ut aliquid aliud 
secundum suum officium alüis ostenderet quam 
fidem suam, nam sic omnes milites prætoriani 
esse deberent, quoniam fideles et vigiles. Sed mal- 
lem mihi dixisset, quare miles ille est cum clypeo 
sine gladio , an quia vigilis officium facit, et se 
ipsum potius defendit quam alios offendit; de- 
nique milites vallum seu hastas ferentes in qua- 
rum summitate sacculus alligatus, pane refertus 
bis cocto, pera ubi caseus, et salita caro, vas 
aquæ vel vino continendo , sartago condiendo 
cibo, quod pondus usque ad 60 libras ; sed cur 
id in cimä hastæ et non prope humeros porta- 
bant , expositor nihil dicit : cum certum sit onus 


(5) Brutius fait ici la crilique de plusieurs explications que 
donne Ciaconius , et celte critique porte encore sur la ma- 
nière dont plusieurs sujets sont représentés sur la colonne. 


58 Philologie. 


tantè gravius quanto magis a suo fulcro distat. 
Posteà apparet tribunus quidam cum ense pen- 
dente ad sinistrum latus , alteri ad dextrum ; dic, 
amabo an sinistrini milites isti an ambidextri ? 
Silices sunt (ut auctor ait ) sunt etiam hastæ spi- 
cula lata habentes, facilè est videre ; sed ad quem 
finem ? Non ut velites cum his tantummodà pu- 
gnarent, sed etiam ut viam sternerent. De quo- 
dam viro tunica ima amicto, cæterum nudo, qui 
ab asino vel mulo quem equitabat excutitur, in- 
terpres se nihil scireaït ; ast ego eum Dacum puto, 
quia fustem vel clavam habet in dextrà, et cri- 
brum in sinistr4 tenet , ut demonstraret Daciæ 
fertilitatem; utinam etiam vim artis non admi- 
rasset , sed demonstrasset cur milites illi qui ægrè 
magnum lignum portarent , facilè duo vectant ; et 
non tantüm hujus , sed etiam illius instrumenti ex 
duobus fustibus confecti quo lapides asportatu 
sint faciliores : nam hoc et illud facilè à mathe- 
maticis demonstrare potest. In eo quod equites 
# levis armaturæ, cristas in galearum comis ge- 
rentes habent , quarum altera cauda hippopo- 
tami,. altera ex pennis struthionis apparet, et 
-ex septem tantum, qui numerus convenit, cum 
doctissima tua expositione hujus phrasis quæ apud 
antiquos authores legitur, scilicet, evadere cum 
septem pennis. De carrobalista, quam plurima 
verba, sed de ejus forma nec ab explicatore, 
nec ab ipso sculptore certior sum, Daci ( inquit 
ille) acinacibus pugnant, gladiis versus cuspidem 
intortis, ut nune vero Turcæ utuntur; sed ipsi 
non intortis (ut ipse ait), sed extorsis pugnant. De 


Lettres de Peiresc. 5q 


alâ, cujus jam natura omnibus nota, cum Cæ- 
sare fabulatur, sed nec carta, nec tempus per- 
mittunt, ut longior et molestior ero ; vale igi- 
tur. Patavii 22 augusti 1599. » 


Tuus E, BruTius. 


J'avois annoncé une seconde lettre de Brutius 
sur la table de Peutinger ; elle est longue, écrite 
d’un style recherché et obscur. Ce qu’il y a d'in- 
téressant peut être réduit à ceci. 

Les auteurs qui ont prétendu que la table nom- 
mée Antonine ne date pas d’une époque plus re- 
culée que les fils de Théodose; et ceux qui di- 
sent qu'elle a été faite sous les derniers Empe- 
reurs , ne pourront jamais prouver ce qu'ils avan- 
cent. Cette table paroït avoir servi originairement 
pour marquer les marches militaires et les divi- 
sions de provinces. Elle est écrite en legtres lom- 
bardes ; mais ce n’est probablement ici qu'une 
copie faite d’après un original plus ancien, où 
les mots étoient écrits en lettres romaines. Cet 
ouvrage est curieux et intéressant; mais elle a 
été mal gravée, réduite à un volume trop petit. 
Les distances ne peuvent pas être mesurées avec 
exactitude ; parce que toutes les parties de la 
table autographe ne sont pas rendues par la gra- 
vure dans la même proportion; de manière que 
la disposition des terres et des mers rendue dans 
l'original d'une façon assez bizarre, est tout-à- 
fait disproportionnée dans la gravure. Les Ro- 
mains ne savoient point la géographie ; mais ce- 
lui qui a composé cette table a voulu certaine- 


60 = Philologie. 

ment donner des mesures exactes qui pussent 
marquer les distances et régler les marches. Cette 
exactitude disparoît dans l’estampe que Pinelli 
a envoyée à Brutius. Il seroit à désirer que l'on 
pôût calquer la table elle-mème, et donner au 
public une gravure d'après le calque. Brutius ter- 
mine ses réflexions par une forte diatribe contre 
les graveurs, les imprimeurs et les libraires, qui 
ne cherchent qu’à épargner leur papier et leur 
peine. 


Nota. Ce que désiroit Brutius a été exécuté 
à Vienne en 1753. Il a paru à cette époque une 
très-belle édition de la table dite de Peutinger , 
in-fol., avec des dissertations savantes. 


LANGUES SEPTENTRIONALES. 


ANALYSE de la nouvelle édition des 
Fragmens d’Ulfilas , publiée par M. 
ZAœHN, prédicateur à Delitz sur la 
Saale, près de Weissenfels en Saxe ; 
imprimé à Weissenfels , 1805, grand 
in-4°.; lue à la classe d’histoire et de lit- 
térature ancienne de l’Anstitut le 21 
mars 1806, Par M. KocH, correspon- 
dant. 


Her ,; évèque des anciens Goths de la Da- 
cie, de la Thrace et de la Moœsie, dans le qua- 
trième siècle de l’ère chrétienne (entre 360 et 380), 
est connu pour avoir traduit la Bible dans la langue 
de cette nation, que les savans appellent langue 
moœso-gothique. 

De cette Bible il n’existe que des fragmens ; ce 
sont les quatre évangiles et quelques passages des 
épîtres de Saint-Paul aux Romains. 

Les quatre évangiles se trouvent dans le Codex 
argenteus , conservé à la bibliothéque de l’Uni- 
versité d'Upsal. Le nom de Codex argenteus lui 
vient des lettres onciales argentées , avec les- 
quelles il est écrit ou peint sur du parchemin 
couleur de pourpre. 

Après avoir été long-temps caché dans la bi- 
bliothéque de l’abbaye bénédictine de Werden en 
Westphalie, ce manuscrit fut porté à Prague, 
d’où le général suédois, comte de Kænigsmark, 


62 Langues septentrionales. 


lors de la prise de cette ville par les Suédois en 
1648 , l'envoya à la reine Christine, qui le fit dé- 
poser à la bibliothéque royale de Stockholm. Le 
savant Vossius, en quittant, en 1655, la Suede, 
l'emporta en Hollande, on ne sait pas trop à quel 
titre. Ce fut de lui que le comte Magnus-Gabriel 
de la Gardie l’acheta pour la somme de 400 écus, 
le fit relier en argent massif, et en fit donation 
à l'Université d'Upsal par acte rédigé en 16609. 

Pendant que ce manuscritse trouvoit chez Vos- 
sius en Hollande, l'oncle de ce savant, le célèbre 
Junius, très-versé dans les langues du Nord, en- 
treprit d'en donner une édition, qu’il publia en 
1665 à Dordrecht, avec un glossaire gothique , en 
2 vol. in-4°. 

Cette première édition fut suivie, en 1671, 
d'une seconde, que Stiernhielm publia à Stock- 
holm avec des versions, sueo-gothique, islan- 
daise et latine, aussi in-4°. 

Junius et Stiernhielm n’ont pas donné leurs 
éditions sur l'original du Codex argenteus, mais 
sur une copie qu'un nommé Derrer en a faite, 
on ne sait pas trop en quel temps, et qui s’est 
trouvée avec l’original à l’abbaye de Werden. 
Il n’est donc pas étonnant que ces premières édi- 
tions soient incorrectes et qu’elles s’éloignent fort 
souvent de l'original. 

C’est ce qui engagea un savant Suédois, Eric 
Benzelius, docteur en théologie , et ensuite ar- 
chevèque d'Upsal, à préparer une nouvelle édi- 
tion, calquée sur l’original même du Codex ar- 
genteus. Elle ne parut que long-temps après sa 


Ulfilas. | 63 
mort, et fut soignée par Edouard Lye, savant 
TAC anglais, qui la publia en un petit in- 
fol. à CHA en 1750. Le texte présente de 
nombreuses HER des éditions antérieures. 
La traduction latine et les remarques sont de 
M. Benzel, 

Ce fut à peu près dans le mème temps, et 
pendant que l’édition de l’archevèque Benzel tar- 
doit à paroître, qu'un des plus habiles critiques 
de Suede , le chancelier Ihre d'Upsal, connu 
par de nombreux écrits sur les langues et les an- 
tiquités du Nord , donna de nouveau ses soins au 
Codex argenteus. Il en fit faire, sous ses yeux, 
une copie des plus exactes, et d’autant plus im- 
portante , que le Codex argenteus a beaucoup 
souffert par le laps de temps , et qu’il dépérit 
de plus en plus. 

M. Ihre s’étoit proposé de donner une nou- 
velle édition critique des évangiles d’'Ulfilas ; mais 
celle de Lye ayant paru, il changea de pro- 
pos; et sur ce qu'il apprit que le célèbre Bus- 
ching avoit intention d’en donner une à la suite 
d’un recueil de dissertations et remarques criti- 
ques de M. Ihre, il envoya, en 1773, à ce sa- 
vant, sa copie , avec la traduction latine de Ben- 
zel, revue et corrigée par lui. M. Busching n’e- 
xécuta point son projet, n'ayant pas trouvé un 
nombre suffisant de souscripteurs pour fournir 
aux frais de son édition. 

Le manuscrit de M. Ihre passa , après la mort 
de M. Busching, entre les mains de M. Hey- 
natz, professeur à Francfort sur l’Oder, qui le 


64 Langues septentrionales. 


communiqua à M. Zahn pour servir à l'édition 
qu'il vient de donner au public. 

On ne doit pas passer sous silence que les quatre 
évangiles de la traduction d'Ulflas ne sont pas 
complets dans le Codex argenteus , et qu'on y 
remarque plusieurs lacunes qui proviennent de 
la défectuosité de l’original et de sa haute anti- 
quité. Ses restes n’en sont pas moins précieux, . 
puisqu'ils nous présentent le plus ancien mo- 
nument de la langue germanique , dont le go- 
thique est un des principaux dialectes. Tout ce 
qui nous reste de la langue des anciens Alle- 
mani, des Francs , des Anglo-Saxons, des an< 
ciens Saxons, du bas Allemand et des langues 
du Nord, est de trois à cinq cents ans postérieur 
au siècle d'Ulfilas. 

Quoique la traduction moœso- gothique de la 
Bible appartienne indubitablement à Ulfilas, il 
n’en est pas moins certain que le Codex argen- 
teus, qui présente ses évangiles, n’est pas de son 
temps; et il est aisé de se convaincre, par la 
forme des caractères qui y sont employés et par 
la comparaison avec d’autres manuscrits, qu'il 
fut écrit en Italie vers le milieu du 6°. siècle, 
peu avant la destruction du puissant royaume 
des Ostrogoths par les Grecs. 

Quant aux fragmens des épitres de Saint-Paul 
aux Romains, de la traduction d'Ulfilas, c’est 
M. Knittel, conseiller du Consistoire de Wolf- 
fenbuttel, qui en a fait la découverte dans la bi- 
bliothèque ducale sur quelques feuilles de parche- 
min , dont on avoit effacé foiblement la traduc- 

tion 


Ulfilas. 65 


ion gothique d'Ulfilas pour y substituer les ori- 
gines d’Isidor de Séville. Les caractères primitifs 
se trouvant aujourd'hui plus lisibles que ceux qui 
leur ont été substitués , M. Knittel en tira les 
fragmens dont il s’agit, et en donna, en 1762, 
une édition magnifique , accompagnée d’amples 
commentaires, sous le titre : 

Uiphilæ versionem gothicam nonnullorum ca- 
pitum epistolæ Pauli ad Romanos, venerandum 
antiquitatis monumentum pro amisso Omnino at- 
que adeo deperdito, per multa secula, ad hunc us- 
que diem habitum, e litura codicis cujusdam ma- 
nuscripti, rescripti, qui in augusta apud Guel- 
pherbytanos bibliotheca asservatur , una cum va- 
riis variæ litteraturæ monimentis, huc usque ine- 
ditis , eruit , commentatus est datque foras Fran- 
ciscus Antonius KNITTEL. 

M. Zahn, prédicateur à Delitz-sur-la-Saale , 
près de Weissenfels en Saxe, a sans doute bien 
mérité de l’ancienne littérature germanique, en 
publiant, à ses frais, une nouvelle édition des évan- 
giles d'Ulfilas et des fragmens des épîtres de Saint- 
Paul , dans l’ouvrage qu'il vient d'adresser à la 
classe. Il y donne le texte d’'Ulfilas sur le ma- 
nuscrit du chancelier Ihre, et en profitant des 
travaux de tous ceux qui ont travaillé sur cette 
matière avant lui, il n’a rien négligé pour rendre 
son édition aussi parfaite que possible. 

Le texte d'Ulflas est accompagné d’une tra- 
duction latine interlinéaire qui est purement lit- 
térale , et dont l’unique but est de faire connoître 
la vraie signification de chaque terme mϾso-go- 


T. ZII, Mai 1806. E 


66 Langues septentrionales. 


thique employé par Ulfilas. Elle est due à Charles- 
Frédéric Fulda, de son vivant pasteur dans le 
pays de Wurtemberg, et connu par plusieurs ou- 
vrages sur l’antiquité et le génie de la langue ger- 
manique. M. Zahn a corrigé en différens endroits 
le travail de Fulda. 

A côté du texte se trouve une autre traduction 
latine , faite par l’archevêque Benzel, et retou- 
chée par le chancelier Ihre. Elle est aussi litté- 
rale, mais plus intelligible et plus conforme aux 
règles de la grammaire que celle de Fulda. 

Au bas du texte sont placées des variantes et des 
notes tant critiques qu'explicatives que M. Zahn 
à puisées dans les ouvrages de Junius, dé Stiern- 
hielm , de Benzel, du chancelier Ihre et d’autres 
savans qui ont travaillé sur Ulfilas et sur la lan- 
gue moϾso-gothique. 

Désirant aussi de rendre son ouvrage plus utile 
à ceux qui voudront faire une étude approfondie 
d'Ulflas et de sa langue, M. Zahn y a ajouté une 
grammaire fort détaillée de cette langue que M. 
Fulda a rédigée avec soin. Elle a été revue par 
M. Zahn qui l’a enrichie de ses notes et supplé- 
mens. 

"A la suite de cette grammaire vient un glossaire 
de la mème langue, de treize feuilles d’impres- 
sion , rédigé aussi par M. Fulda et retouché par 
M. Reinwald, premier bibliothécaire de la bi- 
bliothéque ducale de Meinungen, très-versé en 
ce genre de littérature. 

Toute l'édition est précédée d’une préface, 
dans laquelle M. Zahn présente une idée géné- 


Ulfilas. * 67 
rale de l'ouvrage et des soins qu'il y a mis. Il 
donne ensuite une notice historique de la vie de 
M. Fulda, et une ample introduction qu’il divise 
en deux parties principales. 

La première contient l’histoire des Goths et 
de leur langue, que M. Zahn a tirée d’un ouvrage 
du célèbre Adelung de Dresde , intitulé : His- 
toire de la langue et littérature allemande, en 
omettant cependant les citations et les notes dont 
M. Adelung avoit appuyéet enrichi son texte. On 
y remarque des recherches sur les restes de la 
nation des Goths, jadis si redoutable , que des 
modernes ont cru découvrir dans la Prusse, dans 
la Crimée et dans la Hongrie. 

La seconde partie s'étend beaucoup sur la vie 
d’'Ulfilas , sur sa traduction de la Bible et sur les 
ouvrages qui ont été publiés sur cette traduction , 
ainsi que sur la langue mϾso-gothique. Elle est 
l'ouvrage de M. Zahn ; mais il avoue lui-même 
que la majeure partie des recherches intéres- 
santes qui s’y trouvent, sont dues à M. Adelung, 
qui a bien voulu lui communiquer son travail 
manuscrit sur cette matière. 

M. Zahn prouve, par des argumens sans ré- 
plique, que la traduction des fragmens d’Ulfilas 
s’est faite sur le texte grec du nouveau T'esta- 
ment, et que les caractères mœæso-gothiques du 
Codex argenteus sont évidemment tirés des ca- 
ractères grecs et romains; mais qu'il n’est pas 
aussi certain que l'invention de ces caractères 
soit due à l'évèque Ulfilas , ainsi que plusieurs 
sayans l’ont avancé. 


68 Langues septentrionales. 


Il examine ensuite les autres monumens de 
cette langue qui ont été trouvés en Italie ou 
ailleurs , de même que les traces qu'on en dé- 
couvre dans les lois des Ostrogoths et des Vi- 
sigoths , et dans les écrivains de ces nations. Il 
produit plusieurs signatures données, par des 
Goths nationaux , à des actes découverts à Naples 
et à Arezzo, dont il appert que la langue et l’écri- 
ture du Codex argenteus sont incontestablement 
les mêmes que celles des anciens Goths. C’est à 
ce sujet que M. Zahn réfute l'opinion de M. Ma- 
thurin Veyissiere de la Croze, qui, dans son 
Thesaurus epistolicus , publié en 1782, a pré- 
tendu que la langue dans laquelle Ulfilas avoit 
traduit la Bible, est celle des anciens Francs. Cette 
opinion a été adoptée par Mosheim, Wetstein et 
d’autres savans. 

J'observe encore que M. Steenwinkel , à Har- 
derwik , avoit projeté avant M. Zahn une édition 
complète et critique de tout ce qui nous reste 
d’Ulfilas , et que pour cette édition il a fait fondre 
des caractères, parfaitement conformes à ceux 
du Codex argenteus. M. Zahn s’est servi de ces 
caractères pour donner un échantillon de l’écri- 
ture mœæso-gothique d’Ulfilas qu'il a tiré du cha- 
pitre 5 de l’évangile de Matthieu , et l’a placé, 
avec un alphabet de cette langue, à la tête de la 
Grammaire publiée par lui. 


GRAMMAIRE. 


A DIissERTATION on Language, etc.; 
ou DIssERTATION sur le Langage en 
général et en particulier, sur l’origine, 
les progrès, les beautés et les défauts de 
la Langue anglaise; suivie d’une Notice 
historique des premiers Poëtes, des pre- 
miers Romanciers anglais, et de l’an- 
cien Théâtre britannique, etc. À Paris, 
chez Parsons et Galignani, éditeurs, rue 
Vivienne. In-12. 


Second Extrait (1). 
ee écrit très-court , serré et plein de choses, 
offre plusieurs articles qui méritent qu'on y re- 
vienne. L'objet de la traduction, par les An- 
glais, tient un coin dans cette Dissertation sur 
les langues. On y insinue qu'elle a ses avantages 
et ses désavantages. Deux excellens critiques 
anglais, dont l'autorité est d’un grand poids dans 
le monde littéraire, se sont montrés d’un senti- 
ment très-opposé sur l’utilité ou sur le danger 
des traductions dans leur langue. Johnson , dans 
la savante préface de son excellent Dictionnaire, 
déclame contre les traductions , qu'il appelle le 


G) Le premier Extrait se trouve, Magasin Encyclop., 
Novembre 1895, tom. VI, p. 49. 


70 _ Grammaire. 


fléau de la langue. Le poëte , et ingénieux histo- 
rien des poëtes anglais, Warton, rappelle, et 
avec raison, combien les traductions des an- 
ciens classiques ont enrichi, dans le 16°. siècle, 
leur idiôme , très-pauvre alors. 

Quoique en apparence d’un sentiment très- 
opposé , ces deux critiques ont tous deux rai- 
son, et voici peut-être ce qu’on peut dire à ce 
sujet de plus raisonnable : que dans toutes les 
langues , excepté l'anglaise, les imitations , les 
traductions faites par un excellent écrivain, en- 
richissent la littérature de son pays. Ainsi Vir- 
gile , Horace, Ovide, Cicéron , etc., ont trans- 
porté dans la leur, un nombre de tournures et 
de locutions heureuses de la langue d'Homère et 
de Démosthènes. Chez les modernes, et à leur 
exemple , Milton, Pope, Dryden, Addisson, 
etc. , ont rendu le même service à la littérature 
britannique. Nous devons également à Racine , 
Boileau, La Fontaine, Delille, un nombre de 
locutions étrangères de ce genre. et son temple 
est debout... et marchai son égal. beau d’or- 
gueil et d'amour (2), etc. etc. 

(2) Il est à remarquer qu'Horace , dans un seul demi-vers, 
en quatre mots (meo malo superbus, incedis), nous offre, 


dans noire langue, ces deux locutions étrangères, L: V, 
Ode 15, à Néera, où le poële se plaint de son rival. 


At lu, quicumque es felicior , atque meo nunc 
Superbus incedis malo. 


Et avant Racine, Clément Marot avoit dit : 


Et ainsi est, qu'aucun logis debout 
Soit demeuré. { Métam. d'Ovide , 15, L. 1 du Déluge.) 


Langue anglaise. 71 

Quant aux traductions anglaises aujourd'hui, 
celles surtout des ouvrages modernes sont mor- 
telles à la langue, et en voici je pense la raison. Si 
l'auteur original écrit supérieurement , s’il a de 
l'énergie, s’il a des expressions fortes, heureuses, 
frappantes, alors le traducteur anglais ne tra- 
duit point ces mots, mais les transporte tout 
simplement dans sa propre version. Aussi toutes 
les langues modernes pourroient-elles redeman- 
der à la langue anglaise une multitude de mots 
pris dans la leur ; et la langue des anciens Ro- 
mains , quelquefois jusqu à l'u‘age du nombre 
singulier et pluriel des substantifs latins, comme 
litteratus , illiteratus ; litterati , illiterati, scau- 
rus , scaurt, etc., etc. De là, il arrivera avec 
le tems , que la langue anglaise se trouvera étouf- 
fée par une surabondance de mots exotiques, et 
que le traducteur qui croit l'enrichir, l’écrase et 
la perd. L'anglais habitué à cette bigarrure 
depuis long-tems, et qui s'y plaît , ne s'aperçoit 
pas, comme les étrangers, que cette langue 
exaltée par eux, vantée pour exprimer les hautes 
conceptions de la poésie , les sujets graves et su- 
blimes de la religion, de la morale et de la phi- 
losophie , ne sera bientôt revêtue que de lam- 
beaux étrangers et disparates , que de morceaux 
d’étoffes pris chez toutes les nations; en un mot, 
affublée d’un véritable manteau d'arlequin (*), 
peu fait pour la gravité et la dignité d'une langue, 


(*) On trouvera à la fin de cet article, pag. 81, une note 
un peu plus étendue que les autres, qui inlerromproit trop 


le fil du âiscours. 


72 Grammaire. 


qu'ils regardent comme la première du monde. 
Voilà sans doute pourquoi J ohnson, et avec lui 
les meilleurs esprits, bannissent de la littérature 
britannique la traduction qu'ils appellent the 
bane , le fléau , le poison mortel de la langue an- 
glaise. 

L'auteur de la dissertation loue, avec une cer- 
taine complaisance, avec un sourire ( que je crois 
perfide ), le bonheur d'un orateur des commu- 
nes, qui, tous les jours et à son gré, a le droit 
de frapper à son coin des mots nouveaux , qui, 
recus d’abord par les mille et un journalistes de 
la Grande-Bretagne , et par cent auteurs éroti- 
ques, dramatiques , moraux, juristes, théo- 
logiens, etc., sont bientôt admis dans la circu- 
lation par toute la nation. Un écrivain original, 
académicien français , qui vient de nous enrichir 
de 2599 mots qui manquoient à la langue de 
Racine , de Boileau , de Voltaire , qui a montré 
lui seul plus d'invention que tous les orateurs 
britanniques , n’a pas eu le bonheur d'obtenir 
en France un semblable succès. 


La sEcONDE PARTIE de La Dissertation , dont on 
va s'occuper , offre une « Notice chronologique, 
» succincte et intéressante des premiers poëtes 
» et des premiers romanciers anglais , de l'ori- 
» gine et de l'historique du théâtre britannique. » 
Dans cette seconde partie, on indique les pre- 
mières traductions en vers , d'Homère , de Vir- 
gile, d'Ovide, et de la plupart des autres anciens 
poëtes ; des premiers poëmes en vers blancs, etc. 


Langue anglaise. 73 


Tout cet article, rempli d'érudition et d'anec- 
dotes piquantes , montre pour ainsi dire au doigt 
la marche et les progrès de la langue et de la poé- 
sie; en un mot, de l'esprit humain chez cette 
nation amie des lettres et des arts. 

Voici comment l’auteur de la dissertation rap- 
proche et apprécie le caractère, le génie des 
deux langues, française et anglaise, en poésie. 
« Le français, plus foible dans l'expression, est 
» moins harmonieux , moins agréable à l'oreille 
» que les langues anciennes. Privé de ces avan- 
» tages, le francais est moins propre à imprimer 
» dans la mémoire les pensées fortes, profon- 
» des ou sublimes qui font le charme de la poé- 
» sie... La rime est la source nécessaire d'une 
» foiblesse et d'une redondance de mots super- 
» flus. Les traductions d'Homère et de Virgile 
» par Pope et Dryden sont la preuve frappante 
» de cette vérité, » 

On apprécie les avantages et les désavantages 
de l'accent anglais, très-varié et même souvent 
indécis chez les meilleurs grammairiens. On 
donne de grands éloges à la prosodie anglaise, 
harmonieuse , musicale, qui n’ôte rien à l'éner- 
gie du vers blanc , très-supérieure à la prosodie 
francaise , et que les Anglais égalent, peu s'en 
faut, à la prosodie métrique des anciens poëtes 
classiques. 

Il a été démontré , pourroit-on répliquer à l'au- 
teur de la dissertation, que la rime chez La Fon- 
taine a été souvent pour lui une source de beautés 
ipattendues; qu'elle lui a fourni une heureuse 


74 Grammaire. 


singularité d'idées ou de mots imprévus , bien 
que ce fabuliste soit presque toujours traducteur 
ou imitateur ; et que c'est alors même qu'il em- 
bellit son modèle, et qu'il lui est infiniment su- 
périeur (3). Est-il besoin d'ajouter que la rime 
chez Corneille, Racine, Boileau , amène avec elle 
une foule de beautés. Voyez surtout les passages 
qu'ils ont imités de Tite-Live, de Tacite, Ho- 
race, Juvénal, Sénèque , et dans lesquels leurs 
vers rimés ne sont point inférieurs à leurs ex- 
cellens modèles. 

Sous le règne de Henri III on remarque un 
poëte français, Henri d'Avranches , qu'on ap- 
peloit maître Henri , le versificateur , attaché 
à la Cour avec des honoraires de cent schellings. 
On rappelle ici ce qui avoit déjà été avancé par 
un de nos célèbres écrivains français ; que les 
premiers romanciers, chanteurs et troubadours 
normands précédèrent d’un siècle les fameux 
troubadours de Provence, vantés pour avoir ou- 
vert la route aux premiers poëtes de l'Italie et 
de l'Espagne. On assure que ce sont les Espa- 
gnols qui apportèrent des Arabes, la rime à Tou- 
louse , à Marseille et aux Provençaux. 

La première traduction d'Homère, publiée en 
1981, par Haïl, n'offroit que les dix premiers 
livres de l'Iliade, d’après une traduction fran- 


(3) Voyez Dictionnaire Encyclopédique de Grammaire, 
etc. in-4°, Panckouke. 1789, tom. 1, article VERS BLANCS, 
par Marmontel. — L/ab. d'Olivet ( Lettre au Pt. Bouhier. 
1757, p- 158 ) et l’ab. Desfontaines ( Réflexions sur cel objet, 
175a) étaient bien de ce même sentiment. 


Langue anglaise. 7 


çaise en vers métriques. Et tout le mérite de 
cette version , dit l’auteur de l'histoire de la poé- 
sie anglaise , fut d’avoir été de toutes, la pre- 
mière en vers anglais. Chapman , un siècle après, 
eut l'honneur de publier l’Iliade entière, en vers 
anglais , traduite sur le grec même. Cette se- 
conde traduction est dédiée au prince Henri, 
avec un sonnet à la louange de The sole Empress 
of Beauty , queen Anne. Cette traduction en- 
tière de l'Iliade par Chapman, fut suivie en 1614 
de la version , par le même poëte, de l'Odyssée 
et des autres poésies d'Homère. 


Vers le milieu du 16°. siècle , Phaer (4) enri- 
chit la littérature de son pays de la traduction 
en vers des neuf premiers livres de l'Enéide , 
et d'une partie du dixième. Il entreprit, disoit- 
il, ce travail pour l’honneur de son pays et de 
sa langue; parce qu'un nombre de détracteurs 
accusoient la poésie anglaise de ne pouvoir ja- 
mais rendre les beautés de Virgile avec fidélité 
et avec élégance. Cette première traduction de 
l’Enéïde fut continuée et complétée par Twyne, 
qui lui est inférieur. « La mesure des vers de 
» cettetraduction, offre des alexandrins de qua- 


(4) Dans la notice anglaise, page 76, on lit deux fois 
Phaier ; mettez Fhaer. I] étoit docteur en chirurgie, du col- 
lége d'Oxford. Ce poëte esculape publia plusieurs lraités de 
son art, des maladies et de leurs remèdes. Les biographes 
anglais remarquent que Phaer a porlé l'attention, pour que la 
postérité n’en ignoräl , jusqu’à noler à chacun des dix livres 
de l'Encide dont on parle ici, la dale où l’auieur l’a fini, et 
lé temps qu’il a employé à le traduire. Mort en 1550. 


76 Grammaire. 


» torze pieds. Quoique ce mètre puisse s'enor- 
» gueillir d’avoir singulièrement de la dignité, 
» il est cependant aujourd'hui absolument hors 
» d'usage et ridicule. » 

Après ces deux premiers traducteurs de l'E- 
néide, un troisième, Stanyhurst, né à Dublin, 
ne douta point de s'acquérir beaucoup plus de 
gloire avec une version d’un nouveau genre, 
des quatre premiers chants de l'Enéide, en hexa- 
mètres anglais , version métrique, qui eut encore 
moins de succès que les précédentes. L'ingénieux 
critique , Nash , surnommé de son tems l'arbi- 
ter elegantiarum, latrouvoit détestable. Pour en 
donner iciune simple idée , et quine fatigue pas 
long-tems le lecteur, il suffira de citer les quatre 
premiers vers du second livre de l'Enéide : 

Conticuere omnes , intentique ora tenebant, elc. 
With tentive lisining each wight was settled in barkning : 
Then father Eneas cronicled from loftie bed hautie : 


You bid me, o Princesse, to sacrifie a festered old sore 3 
Hou that the Trojans were presi by the Grecian armie. 


La traduction en vers anglais des Métamor- 
phoses d'Ovide par Golding, imprimée en 1555, 
conserva durant environ un demi-siècle une cer- 
taine faveur , jusquà-ce que parut , en 1632, une 
nouvelle traduction de ce poëme par Georges 
Sandys , très supérieure à la précédente , et qui 
ne doit pas être tout-à-fait oubliée aujourd’hui, 
malsré son ancienneté et malgré le mérite des 
autres traductions en vers beaucoup plus nou- 
velles ( de Dryden, Addisson, Garth, Pope, 
Gay , Congreve et dix autres qui peuvent être 


Langue anglaise. 77 


plus correctes et mieux écrites). Cet ancien 
poëte , à l'égard de ses successeurs , plus heu- 
reux que lui par rapport à la langue, peut être 
dans la poésie anglaise, ce que sont ici Mal- 
herbe et Racan auprès de Le Franc et de Sé- 
grais. Je me suis plu à rapprocher cette version 
par Sandys des versions plus récentes , et à la 
comparer également avec un nombre de nos tra- 
ductions françaises , et j'aime à rendre à ce sujet 
ce témoignage à M. de Saint-Ange, qu'il est 
assez constamment très-supérieur (5) à tous ses 
rivaux dans les deux langues , un seul traduc- 
teur français excepté, M. Issautier. Dans le trop 
petit nombre de Métamorphoses qui me sont 
parvenues de ce dernier traducteur (6), c’est 
une versification aisée , facile , coulante ; c’est en 
général la poésie naturelle , élégante et remplie 
de charmes de Racine et de La Fontaine. 

Je ne parle point ici des traductions italiennes ; 
elles ont toutes le défaut d'être paraphrasées, 
délayées, et surtout d'être extrèmement prosai- 
ques. Lorsque j'ai eu le bonheur de me procu- 


(5) Je pourrois facilement prouver la supériorité de notre 
traducteur français sur Addisson , Dryden, Pope même, etc., 
par un nombre de passages que je suis en élal de citer. Et 
quant à la comparaison des traductions, j’ai pu la faire 
d'autant plus aisément , que j'ai dans les mains cinquante 
de ces imitations en vers (je ne dis pas chacune complète) 
en différentes langues , des Mélamorphoses d’Ovide ; tra- 
ductions que j'ai beaucoup lues et rapprochées les unes des 
autres. 

(6) Ceyx et Alcyone; Cynire et Myrrha; Atalante et Hip- 
pomèene. 


78 Grammaire. 


rer la version anglaise de Sandys, toute ancienne 
qu'elle fût, je pris plaisir à me livrer à sa lec- 
ture, d'autant plus que le volume est très- “rare, 
mème à Londres , et encore parce que sa traduc- 
tion est accompagnée d'une multitude d’excel- 
cellentes pensées, de citations de poëtes et de 
prosateurs grecs et latins, anciens et modernes, 
toutes assez bien rendues en vers anglais. 

I n'est pas inutile d'observer ici que les litté- 
rateurs anglais ont-un usage immémorial qu'ils 
suivent constamment, et que nous devrions bien 
imiter, Îls ne citent pas un passage de poëtes grecs, 
latins , français , italiens , etc. , que traduit en 
vers. Îls pensent que la prose, naturellement 
embarrassée et traînante , qui n’a point l'harmo- 
nie, le coloris et les grâces de la poésie , ne peut 
Jamais en bien rendre les agrémens; que la poé- 
sie, au contraire, plus concise, plus rapide , plus 
vive et plus animée, offre plus de mouvement, 
plus d'images , plus d'éclat, appuyée de tours 
et de licences qui n'appartiennent qu'aux seuls 
poëtes et à leur divin langage. 

Les littérateurs anglais ont un autre motif bien 
louable , de rendre par là un continuel hommage 
à la traduction en vers; à ce genre de travail 
difficile, ingrat , trop peu prisé, et qui mérite- 
roit plus d'encouragemens. J'ai entre autres une 
traduction en vers d'Anacréon par Addisson, 
surchargée de passages de Théocrite, Bion, Ti- 
bulle , Properce , Ovide, etc. Tous ces passages 
s y trouvent en vers anglais par les traducteurs 


Langue anglaise. 79 


les plus célèbres, ou , à leur défaut, Addisson les 
traduit lui-même en vers. 

Les titres des premiers romans et des premiers 

poëmes anglais, rappelés dans cette notice, sont 
la plupart singuliers et plaisans. Mais je m’aper- 
çois que je m'étends beaucoup trop, et que je vais 
être obligé de renvoyer à un autre et dernier ar- 
ticle la Notice historique de l’origine et des pro- 
grès du théâtre britannique. Avant de finir, qu'on 
me permette de me livrer aux réflexions sui- 
vantes. 
IL est doux et agréable pour un homme qui 
s honore du nom français et qui aime son pays, 
de remarquer dans cette notice que, dès le 13e, 
siècle , sous le règne de Henri IT, le poëte de 
la Cour , et le plus célèbre en Angleterre, étoit 
un français; et depuis, qu’en 1581, le premier 
essai de traduction de l’Iliade en vers anglais fut 
composé d’après une traduction française en vers; 
en un mot, que ce furent les Français qui, les 
premiers, donnèrent le ton à la littérature bri- 
tannique. 

Roscomon, dans son Art de traduire en vers, 
justement estimé dés Anglais, bien que l'éternel 
louangeur de sa nation, lui confirme cependant 
cette même vérité, que les Francais, en poésie, 
farent leurs premiers maîtres , et se montrèrent 
dignes de leur servir de modèles. 


When France had bread, afler iniestine broils, 


And Peace aud Conquest crown’d her foreign toils. 


80 Grammaire. 
There (cultivaled by a Royal hand) 
Learning grew fast, and spread , and blest the land ; 
The Choicest books, 1hat Rome or Greece have known, 
Her excellent translalors made her own : 
And Europe still considerably gains, 
Both by their good example , and their pains. 
From hence our gen’rous emulation came, 


We undertook, and we perform d the same. 


Il est glorieux pour notre nation que la pre- 
mière elle ait fait descendre du Ciel le feu sacré 
du génie, des sciences et des lettres, qui s’est 
ensuite communiqué et qui s’est allumé chez 
toutes les nations modernes. Personne n'ignore 
que de notre fameuse Université de Paris sont 


sortis une foule d'hommes célèbres qui ont illus- , 


tré les Espagnes, l'Angleterre , l'Allemagne, l'I- 
talie, etc. On sait que ce sont nos premiers ro- 
mans , nos premiers poëmes, les romances et les 
chants de nos ingénieux troubadours , qui ont 
enfanté le Dante, Pétrarque , Bocace , etc. Et ce 
qui n’est pas moins honorable pour la France, 
que ce sont les hauts faits d'armes prodigieux et 
incroyables de nos fameux guerriers, Tancrède, 
Rolland, Renaud, Godefroi -de - Bouillon , qui 
ont excité, enflammé , exalté le génie et la verve 
de l’Arioste et du Tasse dans leurs poèmes im- 
mortels, comme autrefois la valeur et le courage 
des premiers héros de la Grèce furent pour les 
poëmes d'Homère , une source de gloire et de 
célébrité qui ne feront que s’accroître avec le 
temps. E. B. 

() Nore 


Langue anglaise. O1 


(*) Note ayant rapport au renvoi de la page 71, 
et à ces mots, wn véritable manteau d’arlequin, en 
parlant de la langue anglaise. 

Dans une de mes dernières lectures des Commen- 
taires sur Horace par M. Hurd, ce savant critique 
anglais, je remarquai, entre plusieurs autres, une 
seule ligne, à la fois française, anglaise et latine ; 
trilinguem , nous n’avons pas dans notre langue de 
mot pour l’exprimer : The grimaces of those minute 
genii; et ailleurs, aréopagus, Gracchus, Gracchi, 
Phænomenon, Phænomena, etc. 

Les Anglais parlant à un médecin, de son malade, 
sans insulter le docteur, l’appellent sn patient ; 
terme ingénieux , malin et expressif. Ce mot d’origine 
française se trouve chez Montaigne, c’est-à-dire qu’il 
se disoit il y a deux siècles : on lesretrouve encore 
dans quelques autres livres beaucoup moins anciens; 
dans la traduction de Guzman d’Alfarache par Bre- 
mont, 1596. Aujourd’hui nous sommes plus polis 
envers la médecine. Voltaire cependant s’est servi 
plaisamment de ce terme dans son pamphlet : Ex- 
érait des Nouvelles à la main, de la ville de Mon- 
tauban , etc. « Le patient cria d’abord devant les 
deux députés, Jéhova , Jupiter , Ségneur. 

Les Anglais nous ont pris le mot couplet, excellent 
pour exprimer une idée renfermée en deux vers dé- 
tachés, que l’on veut citer; mot employé par Vol- 
taire, Marmontel, Bauzée et beaucoup d’autres écri- 
vains célèbres ; mot répété à toutes les pages de nos 
livres élémentaires, et qui manque cependant dans nos 
dictionnaires de la langue française, qui passent pour 
être Les plus complets, qui sont les plus cités et les 


T. 111. Mai 1806. F 


28 Grammaire. 


plus usuels aujourd’hui (dans l'Encyclopédie in-folio, 
et dans son Abrégé grammatical et littéraire, 3 vol. 
in-4°; dans le Dictionnaire de Trévoux in-folio, et 
son Abrégé in-4°., 3 vol.; dans les Dictionnaires de 
l’Académie de tous les dinats et à toutes les dates; 
dans ceux de Furetière, de Richelet, de Ferrand, de 
Roubaud, Gattel, et dans plusieurs autres auxquels 
les étrangers ont 4 a Liers recours ). 

Au mot couplet on a maladroitement substitué le 
mot distique , mais ce n’est pas ici le mot propre. 

Le mot incise nécessaire aux orateurs, aux poëles, 
aux grammairiens , aux rhétoriciens, etc., et souvent 
employé par eux, manque aussi dans ces diction- 
naires. Allitération, Collaborateur, y sont également 
omis. Il seroit facile de faire connoître une multitude 
de mots qui laisseront un vide dans les dictionnaires 
qu'on appellera à tort complets, tant que ces termes 
ue s’y trouveront pas définis à leur lettre, 

L 


Le 2 VE D 2 


BEAUX-ARTS: 


La GAzErre de Salzthalen, et de l’état 
des Beaux-Arts à Brunswick. 


Penpaxr mon séjour à Brunswick, vers la fin 
du mois de juin 1804, je me suis occupé de l’é- 
tat des arts de ce pays. Un de mes premiers soins 
fut de visiter la Galerie de Tableaux du Duc, 
qu'on voit au château de Salzthalen, situé à deux 
lieues environ de la ville. 

Gette galerie, qui consiste aujourd’hui en 1600 
tableaux, a été commencée il y a environ cént 
ans, sous le Duc Antoine Ulric. Cette collection 
seroit une des belles de l'Allemagne , si l'on en fai- 
soitunchoix convenable de 400 pièces. On ne per- 
droit pas alors inutilement son temps à regarder 
une si grande quantité de tableaux, dont beaucoup 
sont médiocres ; plusieurs même sont mauvais. 

Il en existe un catalogue français et allemand 
fait par le feu directeur EBeRLEIN , en 1776. Ce 
catalogue ne peut presque plus servir de guide ; 
car la collection a été augmentée , et des tableaux 
ont été déplacés. Le Duc a, dans les derniers 
temps , fait différens échanges qu’on prétend ne 
pas avoir toujours été très-avantageux pour la 
galerie. 

Le vieux et respectable Werrscx, qui vient 
de mourir, connu pour un habile paysagiste, étoit 
depuis une longue série d'années inspecteur de 


84 Beaux-Arts. 


la galerie de Salzthalen. Son fils lui a succédé 
dans cet emploi. 

Je passai très- agréablement plusieurs heures 
dans cette galerie. J'y distinguai une quarantaine 
de tableaux qui, j'espère, ne sont pas les plus 
mauvais, et dont je vais donner en passant une 
idée à mes lecteurs. 

1. De RemeRANDT , son tableau de famille. Sa 
femme est assise à gauche ; elle tient entre ses 
genoux le cadet de ses enfans , qui est debout, 

un autre est derrière elle, et une de ses filles 
apporte une corbeille remplie de fleurs, dont le 
père en prend une, qu'il tient à sa main. Ce tableau 
est peint avec des couleurs épaisses : on pour- 
roit plutôt dire qu'il a été torché à différens 
endroits avec les doigts ; mais qu'importe la ma- 
nière; qu'importent les moyens d'un grand maitre? 
Rembrandt a réussi ; il a produit un effet magique. 
Ce tableau , peint sur toile, a 5 pieds 10 pouces 
de large ; sur 4 pieds 5 pouces de haut. 

2. Turers ( Ernest- André) ; son propre por- 
trait. Il s'est représenté en robe de chambre, 
la tête en arrière ; il tient sa palette et ses pin- 

* ceaux. Bien peint, Ce maître étoit natif de Bruns- 
wick , où il vivoit vers la fin du 16e. siècle. 

3. Un Saint-Jérôme assis près d'une table, médi- 
tant ce qu'il va écrire dans un livre qu'il a devant 
lui. Demi-figure, peinte par Philippe Goninc. 

4. Un BErGuEM, composition historique, avec 
des figures en grandeur naturelle, Rare. 

5. Un beau Corweiize DE Vos, représentant 
la famille de Rubens. 


Galerie de Salzthalen. 85 


6. Une très-jolie a//égorie de Jacques Jonnarns 
sur les vices. La volupté y est représentée sous 
la figure de Vénus, entourée des Amours. Elle 
cherche , par les agrémens de’sa figure , à faire 
la conquête d’un jeune homme innocent, pen- 
dant qu’une vieille placée derrière elle veut le 
séduire par des présens. Le jeuné homme, sur 
la tête duquel un Ange protecteur tient une guir-. 
lande de fleurs, est retenu par son génie, qui lui 
montre une tête de mort. La paresse, qui re- 
pose derrière la volupté, dort à côté de Bac- 
chus et de Silène. Le guerrier est représenté 
sous la figure de Mars qui tient une épée, et 
l’arrogance sous celle de Junon ayant un paon 
sous son bras; elle est placée au milieu, vis-à-vis 
de l'envie, qui s’arrache les cheveux à l'entrée 
des enfers. Sur le devant, sont diverses espèces 
de fruits. Les figures sont de grandeur naturelle. 
Cette allégorie, bien composée , sur tuile , a 17 
pieds 8 p. de large , sur 12 pieds 10 p. de haut. 

. 7. Le Baptéme de Jésus-Christ, par Paul VE- 
RONESE. C'est dommage que ce tableau ait tant 
souffert , et précisément dans les têtes. Sur toile; 
7 pieds de large sur 5 pieds de haut. 

8. Un joli 4/bane. Les figures , en grandeur 
naturelle, représentent Diane au bain avec ses 
Nymphes , et Actéon changé en Cerf. Sur toile. 

9. Les Gräces qui se tiennent par la main ; 
d’une touche gracieuse ; ouvrage de RoTTENHAM- 
Mer. Dans le catalogue on l'attribue faussement 
à Jean Van Aken. Sur bois; 9 pouces de large 
sur 1 pied 2 pouces de haut. 


86 Beaux-Arts. 


10. Les soldats qui érigent le pilier auquel Jé- 
sus- Christ doit étre lié. Ce tableau est attri- 
bué , dans le catalogue , à Louis Carraccr , tan- 
dis qu'il est hors de doute que son auteur est 
Salvator Rosa. Sur toile ; 2 pieds 1 pouce delarge, 
sur 2 pieds 7 pouces de haut. 

11. Deux jolies petites têtes de HozseIn. 

12. Un Christ qu’on porte au tombeau. C’est 
le plus beau RemBRANDT qu’on voye ici. 2 pieds 
6 pouces de large, sur 3 pieds 5 pouces de haut. 

13. Les portraits de Hugo Grotius et de sa 
femme, en buste; par REMBRANDT. 

14. Un Gerhard Laïmesse comme on en voit 
peu. Ce n’est pas seulement le plus beau de plu- 
sieurs qui se'trouvent ici du même maître ; mais 
on peut même l'appeler un des meilleurs ta- 
bleaux qui existent de lui. Il est plein d'harmonie, 
et la composition en est belle. On y voit Acaille 
reconnu par Ulysse à la Cour de Lycomède. 
Achille, travesti en femme, s'approche d’une 
table placée au milieu de l'appartement , et cou- 
verte d'une corbeille pleine de pierres fines et 
d'armes qu'Ulysse y a fait apporter. La feinte 
fille prend un casque et le pose avec fierté sur 
sa tête, sans presque regarder les pierres pré- 
cieuses, et tient une épée dans sa main gauche. 
Elle est ainsi reconnue par Ulysse et ses sol- 
dats , qui lui persuadent de les suivre. À gauche, 
les filles de Lycomède sont placées autour 
d'une table et font leur toilette ; l’une ‘d'elles 
se regarde avec contentement dans un miroir. 
Une dame d'honneur , qui paroït vouloir orner 


Galerie de Salzthalen. 87 


la tête d'Achille, est derrière , et lui adresse la 
parole. Deux des plus jeunes princesses se que- 
rellent pour une poupée , ce qui fait aboyer un 
chien; cependant une jeune négresse s'attache un 
collier de perles autour du col. On voit dans le 
fond les autres dames d'honneur. Un bel appar- 
tement. À droite une arcade, au travers de la- 
quelle on aperçoit dans le lointain un beau pay- 
sage et le vaisseau d'Ulysse. Sur toile; 3 pieds 
7 pouces de large, sur 2 pieds 9 pouces de haut. 

15. Un notaire qui rédige un contrat de ma- 
riage ; joli tableau de Jean Sreen , plein d'expres- 
sion. 6 pieds de large sur 4 pieds 6 pouces de haut. 

16. Jésus-Christ qui monte au Ciel; singulier 
sujet pour Philippe Wouwenmaxs, Sur toile ; 2 
pieds 4 pouces de large, sur 2 pieds 3 pouces de 
haut. 

17. Un joli petit Annibal Carnaccr. Marie 
ayant sur ses genoux le corps mort de Jésus- 
Christ ; un ange lui baise les mains. Dans le fond , 
un paysage sombre. 

18. Pétit Van per WERrr très-soigné , repré- 
sentant Adam et Eve. 

19. Trois petits Gerhard Douw , dont deux 
représentent des ÆAstronomes ; le troisième un 
Saint-Pierre. 

20. Un petit Rurens. Borée qui enlève Ory- 
thie. Sur bois ; 1 pied de large sur 1 pied 4 pouces 
de haut. 

21. Plusieurs A entre lesquels on dis- 
tingue une vieille femme coiffée, et une tête de 
vieillard avec sa barbe ; il regarde en l'air. 


88 Beaux-Arts. 


22. D'Adrian Van per Wenrrr; son propre 
portrait, eg robe de chambre, bien drapé. Sur 
toile ; 1 pied 11 pouces de large, sur 2 pieds 3 
pouces de haut. l 

23, Marie avec l'enfant Jésus placé sur un 
oreiller. Il lui tend les bras. Joseph est par der-" 
rière. 1 pied et 1 demi-pouce de large , sur 1 pied 
4 pouces de haut. On dit cet ouvrage de RAPHAEL. 
Les têtes en sont belles, et il me paroît bien de 
lui, sans que je puisse l’attribuer à son meilleur 
temps. L'enfant est roide. 

24. Deux Van Huvysum, qui peuvent bien ètre 
de lui, sans être de son bon temps. 

25. Deux beaux Paren, Secers, et un ta- 
bleau de fleurs d'Abraham Micnow. 

26. D'Anpré, dont nous avons déjà parlé ; 
trois petits tableaux dans le plus noble goût ita- 
lien ; l’un représente Marie avec les trois Mages 
de l'Orient, Yautre Cléopâtre mourante , et le 
troisième, les Bergers qui adorent l’enfant Jésus. 

27. Un des plus beaux tableaux qu'on puisse 
voir de Gerhardt Ecxnanr , élève de Rembrandt; 
Salomon sacrifiant aux dieux étrangers. Le roi 
est à genoux devant un autel, où un prêtre de- 
bout lit dans unlivre , pendant que les autres 
font de la musique ; un nègre porte sa couronne 
sur un coussin de velours. Près d'eux est une 
chaise; une payenne montre avec le doigt une 
idole qui est derrière l'autel. Sur le devant, une 
brebis tuée, des livres ouverts, et quelques va- 
ses d'offrande. Sur toile; 4 pieds 7 pouces de 
large, sur 5 pieds 2 pouces de haut. 


Galerie de Salzthalen. (ere 


28. Une noble et belle tête de Christ, par Ra- 
PHAEL. 

29. Quatre beaux David Tenxns, représen- 
tant les guatre saisons. 

30. Un Berger, la tête couverte de feuilles , 
est assis près d’un arbre; vis-à-vis une bergère 
qui a les jambes nues croisées, et qui tient un 
bâton de sa main gauche. Dans le fond un pay- 
sage. Le catalogue attribue ce tableau au Tri ; 
mais je ne doute pas qu'on ne doive plutôt l’ap- 
peler un très-beau Gurreuiw. 

31. Un petit Paul Véronëse très-bien con- 
servé. Les Mages qui adorent l'enfant Jésus. 

32. Un paysage de Ruisnaer., qui le dispute en 
beauté à celui de Dresde. On voit dans le fond 
un bois, et derrière un champ de blé, une 
église et un village. Sur le devant, une vache 
qui se repose à l'ombre d'un ae près d'un 
chemin qui conduit à une maison construite sur 
une hauteur. 4 pieds 9 pouces de large, sur 3 
pieds 5 pouces de haut. 

33. Deux études du même ; dans toutes les 
deux des cascades. On j jureroit que Ruisdael étoit 
présent quand Dieu créa l’eau. 

54. Deux beaux et grands Moucxerow. 

35. Une grande masse de bois du vieux WerTsc. 
I avoit bien étudié la nature ; il avoit bien vu Ruis- 
dael. 

36. Le portrait du vieux Werrscx par son fils 
Frisz Werrscu de Berlin, homme de talent. 

37. Un très-bean Evennincen. à 

38. Un Jean Lievens, beau tableau de ce 


90 Beaux-Aris. 


maître , et un des plus beaux de la galerie. Abra- 
ham a recu l'ordre de sacrifier son fils Isaac, qui 
est à genoux à côté de lui; tous les deux regar- 
dent la préparation du 1: On voit dans 
le fond des rochers, et sur le devant le bélier 
qu'Abraham doit immoler à la place de son fils, 
et le couteau dont il se servoit. Les figures sont 
de grandeur naturelle. Sur toile; 4 pieds 8 pouces 
de large , sur 6 pieds 4 pouces de haut. 

39. Fa Cananéenne aux pieds de Jésus-Christ. 
Entre eux , un enfant qui tient un morceau de 
pain. Derrière le Sauveur , Saint-Pierre qui mon- 
tre un chien. Les figures en genoux. Beau tableau, 
sur toile, de Jakob Bacxen , dont les productions 
sont très-rares. 

40. Judith levant les yeux au ciel; elle tient 
d'une main un glaive, et de l'autre la tête d'Ho- 
lopherne. Figure en grandeur naturelle. Superbe 
Guido-Reni de 5 pieds 2 pouces de large , sur 7 
pieds 4 pouces de haut. Il est si bien placé, 
qu’il est éclairé du haut et de côté; emplacement 
seul en état de faire ressortir toutes les beautés 
d'un chef-d'œuvre , et qui ne peut malheureu- 
sement exister que dans le désir de l'artiste. 

J'ai vu aussi à Salzthalen , chez l'inspecteur 
de la galerie , différens petits tableaux du vieux 
Werrscu. Ses enfans ont mis un prix fixe à cha- - 
cun, pour que les amateurs puissent en faire 
l'acquisition pendant le laps de cinq ans, époque 
à laquelle on en fera la vente nids J'en 
achetai un d'un pinceau digne de Jean Van der 
Velde. 


Galerie de Salzthalen. of 


Gustave IIT, qui manifesta partout, dans ses 
voyages, son goût pour les arts, fit remarquer 
au Duc, à Salzthalen, six tableaux dignes d’'or- 
ner la plus belle galerie de l'Europe. Cette recom- 
mandation a suffi pour que le Duc les fit placer 
dans un de ses appartemens au château de Bruns- 
wick , où je les vis avec le plus grand plaisir. 

1. Adam et Eve de Gionciowe. Ce tableau pré- 
cieux a été acheté par le Duc régnant , dans son 
voyage d'Italie. Adam tient une feuille de figuier 
entre les mains ter s'appuie contre un arbre. 
Eve, qui est devant lui, lui présente la pomme, 
dans laquelle elle a mordu. La figure d'Adam est 
celle qui me plait le mieux. Les figures sont de 
grandeur naturelle. 5 pieds 5 pouces de large, 
sur 6 pieds 10 pouces de haut. 

2. De Gurrcuin; la mort d’Abel, Caïn tue 
son frère d’un coup qu'il lui porte à la tête , en 
lui mettant les genoux dans la poitrine et le te- 
nant aux bras. Dans sa rage infernale, ila ou- 
blié tous les liens de la nature. Dans le fond est 
un autel. Sur toile; 5 pieds 3 pouces de large, 
sur 6 pieds 2 pouces de haut. 

3 et 4. Deux superbes portraits de Vax Dyck. 

5. De Moyse Vazenrin. Pierre qui renie Jé- 
sus-Christ. Les soldats sont debout devant une 
table, et jouent aux dés. Une servante, qui est 
au fond à droite, désigne avec le doigt Pierre, 
qui est à côté d'elle. Fos en genoux. Sur 
toile; 8 pieds 2 pouces de large, sur 5 pieds 7 
pouces de haut. 

6. Un Bernard Strozzr. Jésus-Christ présenté 


92 Beaux-Arts. 


au temple à l'âge de douze ans. Les docteurs , 
assis , tenant des livres à la main, l’environnent 
et l’écoutent avec attention : figure de demi- 
grandeur naturelle ; 8 pieds de large sur 5 pieds 
G pouces de haut, 

À Brunswick , on voit un cup de raretés 
auquel on de le nom de Muséum. Je ne par- 
lerai que des objets qui ont rapport aux arts. Ce 
cabinet a été fondé en 1754, et transporté en 
1764 dans le beau local où il se trouve aujour- 
d'hui. Tout est bien rangé dans plusieurs salons 
contigus , et tenu proprement. Les trois quarts 
des objets qu’on ÿ voit ont été donnés par son 
fondateur. Le conseiller Haberlin, qui en est le 
directeur , a, pour ainsi dire, arrangé le tout ; 
il n’a qu’un adjoint , le régistrateur Æhrens, J'ai 
visité plusieurs fois cette belle collection , mais 
elle renferme tant d'objets dignes d'attirer la 
curiosité du voyageur , que je n’en pourrois don- 
ner à mes lecteurs qu'un simple aperçu. 

Vingt volumes in-fol. sont remplis de dessins 
ils en contiennent sûrement plus de deux mille, 
la plupart des écoles italiennes et de l'école fla- 
mande. J'en ai parcouru un ou deux qui mont 
paru contenir des belles choses. 

J'y ai vu tout un livre plein d'études de fleurs 
sur parchemin , par mademoiselle Dietscher et 
madame Merian , qui, toutes les deux, culti- 
vèrent avec succès ce genre, que nos dames pa- 
roissent négliger. La première avoit infiniment 
plus de talent que la seconde. Elles sont cepen- 
dant bien loin toutes deux d'approcher de la na- 


Galerie de Salzthalen. 93 


ture et de la vérité qui règnent dans les études 
de Redouté. Cet artiste, qui fait tant d'honneur 
à notre siècle, n'a plus besoin d'éloges ; son 
ouvrage sur les liliacées parle’ assez pour lui. 

On y voit plusieurs dessins au crayon rouge, 
du même André dont j'ai déjà parlé. Il mourut 
à Brunswick en 1720. On croit y reconnoitre 
le beau style italien ,. quoique leur auteur n'ait 
jamais quitté sa patrie. Plusieurs dessins de Busch, 
qui étoit inspecteur de la galerie de Salzthalen, 
ne me plurent pas autant que ses tableaux, ou, 
pour mieux dire, ses esquisses, car il ne les 
finissoit jamais; ils sont dans le genre flamand. 
On avoit de lui douze à seize feuilles gravées à 
l'eau forte, pour la plus grande partie des têtes, 
dans la manière de Rembrandt ; elles sont très- 
bien faites ; sur l'un des côtés , est toujours gravé 
le nom de Rembrandt ; et sur l’autre, celui de 
leur véritable auteur. Je tâchai vainement de m’en 
procurer des épreuves; les planches ont disparu ; 
etc'est une perte de plus que les arts ont faite. 

La collection des gravures est très-précieuse , 
tant en estampes anciennes qu'en modernes. Elle 
consiste en 1500 volumes , qui contiennent au 
moins 300,000 pièces. Celle des pierres gravées 
est composée de 13 à 1,400 pièces , dont le plus 
grand nombre sont antiques et plus ou moins 
belles. Le régistrateur Ahrens, homme très- 
instruit, en a dressé nouvellement un catalo- 
gue d'après la méthode de Lippert, qu'on re- 
garde en allemagne comme la meilleure. J'y dis- 
tinguai les pierres suivantes : 


94 Beaux -Aris, 


1. Une tête d'Æercule couronnée de peupliers. 

2. Fénus couverte d'un voile; elle est debout 
sur un dauphin , en très-haut relief, dans une 
agathe à demi-transparente ; le bras gauche a 
beaucoup souffert. 

3. Hercule et Dejanire, gravé en creux, en 
cornaline. 

4. Un Amour tenant par un ruban un lièvre 
qui court : belle allégorie de l'amant timide ; gré 
en creux dans une cornaline. 

5. Le portrait de Cléopâtre avec le serpent, 
en relief, dans une onyx (1). 

6. Une offrande à Bacchus, de cinq figures, 
en relief, dans une agathe à demi-transparente. 

7. Une tête de Priam entourée d’un voile, et 
dessous le nom de l'artiste ETIQNOC (2), gravé en 
creux dans une cornaline. 

8. Une tête de Démetrius Soter , principale- 
ment remarquable par la belle sardonyx dans 
laquelle elle est taillée. 

9. Une tête représentant Julia, la fille d'Au- 
guste , en creux , dans une cornaline. 

10. Enée, qui porte sur ses épaules son père 
Anchise, tient un vase d’une main, et con- 
duit de l'autre son fils Ascanius. Derrière, on 
voit une étoile, symbole de Vénus, en creux, 
dans une onyx. 

12. Une tête de Méduse, en creux, en corna- 
line. 


QG) C’est plus probablement Hygiée. A.L.M. 


(2) C’est une copie probablement moderne de Ja pierre 
qui porte le nom d’Æetion: À. L. M. 


Galerie de Salzthalen. 99 


13. Une tête de Sapho, en creux, qui ma 
paru un des plus beaux morceaux (3). 

14. Hercule qui tue le lion de Némée, en 
creux , en jaspe. 

15. Te buste de Christian VI, roi de Danse 
marck, taillé en cornaline. Le fameux graveur 
de cette pierre loue beaucoup l'amour de ce roi 
pour les arts , dans la préface de son ouvrage: 
Traité de la méthode antique de graver en pierres 
fines , comparée avec la méthode moderne. Lon- 
dres , in-fol., 1754. 

Parmi les cent quatre pâtes antiques, une tète 
de Méduse me paroît la plus belle. 


Le conseiller Haberlin a fait une collection 
d'empreintes, d’après les antiques de ceMuséum ; 
cest dommage qu'il n’en laisse pas mouler plu- 
sieurs , pour que les amateurs et les connois- 
seurs en puissent enrichir leurs cabinets (4). 

Le vase de Mantoue est, sans contredit, un 
des morceaux les plus curieux qu'aucun ca- 
binet en Europe possède. Il est remarquable par 
la beauté de l’onyx dont il est fait , mais encore 
par ses figures bien travaillées. Hamilton et 
Tischbein sont venus exprès pour le voir. 

Ce yase a été décrit à différentes reprises ; 
mais ces descriptions sont presque toutes défec- 
tueuses , n'ayant été faites que sur des dessins 


(3) On ne connoît pas la tête de Sapho. A. L. M. 
(4) C’est peut-être par crainte que plusieurs de ces pièces, 
étant reconnues modernes , ne perdent de leur réputation. 
A. L. M. 


96 Beaux-Arts. 


ou des gravures ; la plus grande partie par des 
personnes qui n’ont jamais été à portée d'admi- 
rer le bel original ; l’un n’a souvent fait que co- 
pier l'autre. La meilleure description est , sans 
contredit , celle composée d'une feuille in-4°. , 
écrite en allemand. Je l'ai conférée sur l’origi- 
nal , sans y trouver presque rien à corriger. Elle 
a paru il y a quelques années , accompagnée de 
deux planches gravées par M. Tyroff; ces des- 
sins ont été faits par P.G. OEding. Rien n’est 
plus difficile que de graver de tels chefs-d'œuvres 
à la satisfaction de l’amateur qui connoit l'ori- 
ginal. Cette gravure en donne au moins une 
idée juste, et je crois que c'est tout ce qu'on 
doit exiger d'un pareil ouvrage. 

Ce superbe vase a été décrit la première fois 
en latin, d'après l'ordre du duc Ferdinand Al- 
brecht , par le secrétaire d’état Eggeling, en 
1682; sa dissertation, ou comme il l’appelle , sa 
lettre , est longue et ennuyeuse ; elle est impri- 
mée en entier dans la Chronique de Brunswich, 
dans le septième volume de Gronovius ; et on 
en a fait plusieurs extraits en allemand. Mont- 
faucon et Mariette ont décrit ce vase. Le dernier 
en a hasardé une explication nouvelle , et qui me 
paroïît assez raisonnable; on la trouve dans le 
premier volume, page 357, de son excellent 
ouvrage : Traité de pierres gravées; Paris, 175e;, 
2 vol. petit in-fol. (5). 


(5) Voyez mon inlroduction à l’élude des pierres gra- 
vées. À. L. M. 


Ce 


Galerie de Salzthalen. 07 


-.. Ce beau morceau est composé d’une seule Sar- 
donyx des plus belles couleurs, convenables au 
sujet qu’on y vouloit tracer. On a voulu douter de 
la nature de la pierre : on l’a cru factice ; et dans 
- la crainte qu’on ne se fiât pas à mon jugement , 
dans une question aussi importante , j'ai consulté 
là-dessus un savant digne de foi. Je demandai au 
vénérable médecin de la Cour, M. Bruckmann , 
connu par ses recherches sur les pierres précieu- 
ses, son avis à ce sujet; il m’assura qu’il n’avoit 
jamais douté que cette pierre ne fût naturelle. La 
pierre même , sans la bordure, a 6 pouces de hau- 
teur et 2 pouces et demi de coupe. Si l'on y com- 
prend le couvercle et le pied, on en augmente la 
hauteur de trois quarts de pouce. Ceux-ci , ainsi 
que l’anse et le tuyau courbé par où couie le li- 
quide , etles deux bandes qui les ceignent, sont 
en or. Ces deux bandes, qui sont destinées à 
fixer sur le vase l’anse et le tuyau , le partagent 
naturellement en trois différentes parties. 

Le tout est composé de douze figures hu- 
maines, gravées en relief. Chacune des trois 
parties peut être regardée comme une composi- 
tion séparée. Dans la première, on voit un 
Priape placé sur un petit marche -pied devant 
une maison de campagne qui indique quec'estune 
fête agricole qu'on va célébrer. Près de lui est 
placé un enfant tenant une corbeille de fleurs ; 
qui est suivi de deux femmes de la inaison de 
campagne , pour célébrer en plein air la fête de 
Cérès et Bacchus. L'une, couverte d'un voile, 
tient deux flambeaux dans ses mains; l’autre, 


T. III. Mai 1808. G 


98 Beaux-Arts. 


qui est derrière elle, a la poitrine , les épaules et 
les pieds nus, et porte dans sa main gauche une 
tête de pavot. L’explication la plus vraisemblable 
de ces deux figures sera sans doute de les croire, 
avec Mariette | deux femmes destinées à assister 
à la fête. 

Une treille sépare cette première composition 
de la seconde, où l’on voit quelque indice d’un 
monument qui pouvoit bien être le devant d’un 
temple , mais dont la plus grande partie est ca- 
chée par le char de Cérès et les figures qui 
l'entourent. Cérès est représentée sur son char , 
tenant un épi de blé dans sa main droite ; elle est 
traînée par deux dragons. Triptolème, auquel 
elle donna des lecons d'agriculture, et qui in- 
venta la charrue, est à côté d'elle, et tient les 
rénes. Au bas est représentée la terre, rendue 
fertile par la bienfaisance de Cérès; on y voit 
une femme à moitié nue , à moitié assise et à 
moitié couchée , reposant sa main gauche sur 
une corbeille de fruits d'où sort une grappe de 
raisin. Une figure volante, qu'on prétend être 
Zéphyr, devance les deux déesses ; belle allégo- 
rie de l'influence que le ciel a sur la fertilité de 
la terre. Cette figure est vêtue d’une draperie 
dont elle tient une partie entre ses mains. 

Au-dessus de la troisième partie est une es- 
pèce de tente sous laquelle on voit premièrement 
une prêtresse de Cérès, qui tient de sa main 
droite un porc par les jambes de derrière, et 
dans sa main gauche un pavot, symbole de la 
fertilité. Après elle vient une prêtresse de Bac: 


Re 


Galerie de Salzihulen. 99 


chus , qui tient par les cornes , de sa main droite, 
un jeune bouc, et dans la gauche un plat de 
fruits. Derrière ces deux prêtresses, est assise 
une femme , ayant sur ses genoux une corbeille 
remplie de fruits, et dans sa main droite un épi 
de blé. A côté d'elle, est un homme qui porte 
Sur sa tête une corbeille de fruits. On a raison 
de croire qu’on a voulu représenter Phytalus ; 
car on voit un figuier derrière lui; Phytalus 
est le jeunegrec que Cérès éleva , et à qui elle en- 
seigna la culture de cet arbre. 

Dans la partie inférieure de ce vase, qu’on peut, 
il me semble, sans oublier les autres monumens 
que nous ont laissés les Anciens, appeler uni- 
que (1), sont représentés différens instrumens 
employés aux fêtes de Cérès et Bacchus. On y voit 
premièrement plusieurs flûtes liées ensemble à l’u- 
sage des Bacchantes, et qu'Eggeling a cru être des 
Thyrses, mais qui ne me paroissent pas en avoir 
la forme. Après ceci viennent deux flambeaux 
croisés et des rubans; ensuite une autre cor- 
beille , dont la partie supérieure est couverte de 
tuyaux d’or , destinés à remplir le vase. Au- 
dessous de cette corbeille est placé un petit vase 
d'offrande , et auprès, on voit un autre paquet 
de flûtes pareilles à celles dont nous venons de 
parler. Un peu plus loin est la Syrinx ou flûte 


(1) Il y a cependant de grandes Sardonyx, telles que 
le beau camée du cabinet impérial de Paris, celui de 
Vienne , la grande coupe du cabinet de Paris, celle de Capo 
di Monte, qui peuvent être mises sur la même ligne. 

A. L. M. 


100 Beaux - Arts. 


de Pan, composée de sept tuyaux réunis. Au- 

dessus de cette flûte est un masque que je crois 

plutôt celui de Bacchus que d'une Bacchante; et 

au-dessous un petit vase d'offrande. Vient ensuite 
un sac de fruits auprès duquel est une corbeille, 

d'où sort un serpent, ces corbeilles servoient aux 

fêtes consacrées à l'honneur de Cérès'et de Bac- 

chus., ainsi que le petit masque qu’on y voiten- 

core auprès. 

La partie supérieure de ce vase est ornée de 
fleurs, de fruits, d'épis de blé, de têtes de 

bœufs , etc. 

_ D'après la description que je viens de donner 
de ce vase , en partie conforme aux opinions des 
plus célèbres auteurs, et d'après l'idée que je 
m'en suis faite en l'examinant plusieurs fois, il 
me paroi hors de doute que l’ensemble de cette 
composition doit représenter une fête en l'hon- 
neur de Cérès et Bacchus. 

Ce vase paroît appartenir à la classe de ceux 
que les Anciens appelèrent Guttus. 

Les anciens artistes grecs ont, selon leur 
usage , en exécutant cette composition , tiré le 
meilleur parti possible des différentes couleurs 
de la pierre. Le fond en est d’un brun foncé; les 
figures sont, pour la plus grande partie, blanches : 
et les draperies d'un brun jaunâtre. 

Je ne crois pas qu'on puisse douter que ce beau 
vase ne sorte de la main des Grecs, qui nous 
ont laissé tant de chefs-d'œuvres inimitables. Il 
est plus difficile qu'on ne croit de déterminer 
l'époque où il peut avoir été fait. Il ne suffit pas 


Galerie de Salztalen. 101 


alors de hasarder son opinion, il faut encore avoir 
des monumens authentiques qui la prouvent ; 
et où les trouver? Nous ne savons pas même le 
plus souvent ni le nom des graveurs ni celui des 
sculpteurs dont nous admirons les ouvrages. Les 
Anciens , ainsi que les Modernes , ont rarement 
signé leurs ouvrages; ils y placoient encore 
meins la date. Au reste , on attribue ce vase au 
temps de Mithridate, qui rassembloit beaucoup 
de vases précieux faits en honneur de Bacchus. 
Des antiquaires et des bijoutiers ont voulu l’es- 
timer. Sa parfaite conservation a fait quelque- 
fois douter de son antiquité ; mais je trouve que 
cest perdre son temps. Comment pouvoir esti- 
mer une chose dont on trouvera difficilement 


da pareille , et que les artistes modernes ne pour- 


roient avoir exécutée ? 

Ce vase ornoit autrefois le cabinet du Duc de 
Mantoue. La ville de Mantoue fut assiégée et 
pillée en 1630. Ce siége, fatal aux arts, nous a 
privés de différens morceaux précieux; mais con- 
solons-nous , et voyons comment celui-ci nous 

té conservé. , 

Un soldat le prit pour sa part, et son choix 
ne fut pas le plus mauvais. Il le céda pour cent 


-ducats au Duc Francois Albrecht de Saxe-Law- 


embourg, qui commandait l’armée. Il a. passé 
ensuite par testament en différentes mains, et 
enfin dans celles du Duc Ferdinand Albrecht 
de Bevern. 

Il est singulier que Montfaucon n'ait pas mis 
asséz d'importance à ce beau vase pour en indi- 


102 Beaux-Arts.e 


quer la grandeur; il se contente de nous diré 
qu'on la trouve chez Eggeling dans une disser- 
tation que le temps a presque fait disparoître ; ce 
qui ne suffit pourtant pas pour nous en donner 
une idée juste, surtout n’ayant pas voulu le re- 
présenter en grandeur naturelle. Dans sa gra- 
vure, le vase entier est trop petit; mais les dé- 
tails sont de grandeur naturelle , d'où suit une 
‘faute de proportion qu'on ne doit pas attribuer 
à l'artiste, mais à Montfaucon. Cette négligence 
de sa part pourroit diminuer la haute idée que 
les antiquaires étrangers doivent ‘en avoir ; car 
la grandeur véritable de l’onyx ne doit pas peu 
contribuer au tribut d’admiration qu’on doit à ce 
bel ouvrage. 

On voit dans ce cabinet différens petits bronzes 
antiques , entre lesquels je distinguai un petit 
Antinoüs, un enlèvement des Sabines (2), un 
Phineüs ‘qui exprime la douleur. 

Une belle collection de 16 à 17000 anciennes 
monnoies en toutes sortes de métaux. Je ne pus 
‘qu'y jeter un coup-d'œil : plusieurs sont rares 
Elles sont généralement bien conservées. # 

Mille pièces d'émail que Raphaël doit aussi 
avoir peintes. J'en ai déjà tant vu ailléurs. Der- 
rière une se trouve le même vers que sous 
une estampe de Marc-Antoine. Sur un beau 
vase orné d'arabesques, on lit le nom Urbino. 
La coupe du plat le mieux peint est de dix- 


(2) Il y a bien à douter que ces pièces soient antiques, 
si elles représentent les sujets indiqués. A. L. M. 


Galerie de Salzthalen. 103 


sept pouces. On y voit représenté le triomphe 
de l'Empereur Aurélien. On lui amène la mal- 
heureuse Reine Zénobie avec ses enfans, et d’au- 
tres prisonniers, On lit au bas: Zenobia con li 
figli vinta e fatta prigioniera da Aureliano Im- 
peratore. C’est dommage qué la peinture ait tant 
souffert. Plusieurs autres pièces sont bien peintes 
en arabesque. Presque toutes ont été achetées à 
Rome par le Duc Antoine-Ulric. 

On admire encore dans cette collection diffé- 
rens objets taillés et sculptés en ivoire. On y dis- 
tingue un Christ crucifié qu'on assure être de 
Michel Ange; un groupe représentant Mercure 
et Pandore; un autre où l'on voit le temps qui 
prend la vérité sous sa protection ; un vase pour 
boire, de 8 pouces de haut, autour duquel est 
représentée une bataille, où d' on reconnoît facile- 
ment la main du maître. Au bas est gravée la 
marque H. On trouve la même sous les dessins 
et les gravures de Henrick Bohl. 

En voyant tant de belles choses en.ivoire, je 
devois naturellement me rappeler mon célèbre 
compatriote Magnus Berg. Ses plus beaux ou- 
vrages sont conservés dans le cabinet de curio- 
sités du Roi de Dannemarck. 

Le voyageur n’a pas assez de temps pour pou- 
voir examiner en détail tous les objets qu'il ren- 
contre, et surtout quand il est dans un cabinet 
aussi riche que celui du Duc de Brunswick. Rien 
n'est plus digne des recherches des amateurs des 
arts et des antiquaires ; et j'espère au moins 
avoir assez piqué la curiosité des voyageurs qui 


104 Beaux-Arts. 


pissent par cette ville, pour qu'ils n’oublient pas 
à l'avenir, comme ils ont souvent fait, d'hono- 
rer le Muséum de Brunswick de leur présence. 
Je l'avoue franchement ; j'ai été agréablement 
surpris : Car je ne m'attendois pas à ce que 
j'y ai trouvé; et en le quittant je n'ai éprouvé 
qu'un regret, Celui de ne pas pouvoir prolon- 
ger mon séjour pour minstruire encore en le 
reyoyant. 

Le goût des arts règne généralement à Bruns- 
wick dans toutes les classes. C’est au vieux Weitsch 
qu'on en est redevable. Il n’étoif pas seulement 
excellent peintre de paysage ; il aimoit encore son 
art, et fut doué par la nature du rare talent de 
savoir les faire aimer aux autres. Il règne un 
ton trop monotone dans les masses de ses arbres ; 
il paroïît qu'on doit même être compositeur pour 
faire ressortir toutes les variétés qui caractérisent 
les différentes beautés de la nature. Les chênes 
de Weitsch sont bien faits et dignes du pinceau de 
Ruisdael. Il ne réussissoit pas aussi bien à repré- 
senter l'eau ; ses animaux sont d’un bon style : 
mais C est dommage qn ’on ne puisse pas en dire 
autant de ses figures. J'ai vu de lui, chez son ami 
le négociant Krause , trois ou quatre grands ta- 
bleaux qui peuvent passer pour des chefs d'œu- 
vres ; il y en avoit chez le même plusieurs petits, 
entre autres une neige qu’on prétend être la seule 
qu'il ait faite ‘et qui, en vérité, ne me plait pas 
beaucoup. Ce genre est plus difficile qu'on ‘ne le 
croit ; mais personne n’en a jamais su mieux Vain- 
ere les difficultés que César Vanloo. On m'a dit 


Galerie de Salzthalen. 105 


que feu le capitaine Dahl, Danois, qui aimoit 
les arts, avoit acheté un grand et beau paysage de 
Weitsch pour quatre-vingt louis. Je suis flatté 
que ma patrie le possède; mais je suis fâché de 
ne pas savoir où il est caché. 

Hartman est presque lé seul artiste distingué 
vivant à Brunswick. Ilest élève de Weitsch. Pen- 
dant plusieurs années il n’a pas eu l’occasion de 
beaucoup peindre à l'huile. Il compose des cou- 
leurs ; il a inventé une encre de ia chine sur 
laquelle il est obligé, quoiqu'elle surpasse celle 
qu'on fait en Angleterre , de mettre une marque 
anglaise pour la faire bien vendre. Cet artiste a 
nouvellement peint un grand paysage pour le 
grand - veneur Von Siersdorf. La partie gauche 
offre de grandes beautés ; on y voit des mon- 
tagnes couvertes de bois dignes du pinceau de 
Both. La partie droite ne me plait pas autant 
mais on prétend que ce n’est pas la faute de l’ar- 
tiste s'il est inférieur : car celui qui avoit demandé 
ce tableau étoit derrière lui ; il commandoit, et 
le génie de l'artiste ne veut et ne peut pas être 
asservi: il faut qu'un peintre sente lui-même 
ses. défauts pour les bien corriger; on ne peut 
pas lui apprendre à les sentir. 

Le valet-de-chambre de M. de Siersdorf par- 
tage le goût de son maître ; il aime aussi les arts. 
Il possède quatre esquisses finies de Hartman ; 
les deux én hauteur sont d’une belle composi- 
tion , les lointains superbes, et j'ai rarement vu 
de ciels mieux faits : il paroît avoir vu le ciel 
avec les yeux de Claude le Lorrain. I! a hérité 


106 Beaux-Arts. : 

du talent de son maître pour faire les arbres. IL 
est moins monotone que lui; mais ses figures ne 
sont ni touchées avec esprit, ni plus correctes 
que les siennes. 

Schroder est peintre de portraits de la Cour ; 
il est souvent en voyage; il a connu mon ami 
Clemens en Angleterre. 11 peint au pastel, et 
fait le contour de la tête avec une espèce de 
Physionotrace : la ressemblance ne peut donc 
pas lui manquer. Ses draperies sont légères ; ses 
bras de femmes sont trop forts et les mains sont 
trop grosses en proportion du reste du corps. IL 
me montra le portrait de Spalding ,qu'il a faitil y 
a quelques années, ainsi que celui de sa mère ; 
la tête est digne de Gerhard Douw. Le portrait 
de la reine de Prusse ,. qui est au château, est 
bien. Il a rapporté dernièrement de Berlin un 
très-beau portrait de Van Dyck à demi-corps. 
Les mains sont superbes. 

La manufacture de Vernis de M. Sitonbwas- 
ser occupe plus de vingt-quatre peintres , entre 
lesquels il en faut toujours quelques-uns d’un 
rang distingué dont les autres puissent copier 
les ouvrages. On travaille quelquefois d'après 
d'anciens tableaux. Un islandais, Illuga Tons- 
tein Hialkalin , est pour le moment le et 
peintre de paysage qu'on ait dans cette manu- 
facture ; son portrait et sa vie se trouvent dans 
un journal allemand. 11 est intéressant de voir 
un artiste de cette ile d’où ‘sortoient, autrefois 
toutes les lumières du, Nord. Duprez, que j'ai 
connu à Amsterdam , a travaillé à cette fabrique ; 


Galerie de Salzthalen. 107 


il faisoit parfaitement bien les dessins anatomi- 
ques ; j'en ai vu un chez mon ami le professeur 
Wiedeman. 

Le duc a réellement attiré auprès de lui le 
conseiller de la chambre Krahe; c’est un excel- 
lent architecte. Il a projeté, pour la ville de 
Brunswick, de grands embellissemens quon. va 
exécuter : il dessinc bien. 

J'appris avec peine que M. de Siersdorf 
n'étoit pas pour le moment à Brumiswick. Il a 
beaucoup voyagé ; et possède une belle collec- 
tion de tableaux ; on me procura l’occasion de 
les voir : j'en citerai quelques-uns. Deux ta- 
bleaux de conversation de Le Ducq, de la pre- 
mière qualité de ce maître ; deux superbes paysa- 
ges du Hackert flamand ; deux jolis Both; un 
lièvre , que je crois de Sr ; une esquisse de 
Van-Dyck; un des plus beaux Gaspard Pous- 
sin qu'il y ait en Allemagne ; un charmant petit 
Berghem ; un grand Francois Franck, qui est 
une allégorie sur une personne de la famille du 
possesseur. Il avoit rendu quelque service à la 
ville d'Anvers , et elle l'a fait peindre pour lui 
en faire hommage. Cette allégorie est pleine d'i- 
dées agréables et de groupes dignes de Raphaël. 
Les enfans sont pleins de grâces , et je n’ai jamais 
rien yu d'aussi beau de ce maître. 


= TE, C. Bruun NErRGcAARD». 


1 


COQ QC QG QU QG | 


ROMANS. 


Madame DE MAINTENON, pour servir de 


- suite à la duchesse de La Vallière ; par. 


madame DE GENLIS. x vol. in-6°. ou 2 
vol. in-12. 


Novs sommes à une époque bien étonnante en 
Littérature. Tout est devenu problématique. Ce 
qu'une feuille loue, une autre Je déprime; ce 


qu'un journal approuve, un autre le condamne. | 


On ne sait plus que penser , que croire et quel- 
quefois que décider. Ce scepticisme, transmis aux 
lettres par la! corruption de la morale , a: quelque 
chose d'effrayant. Toutefois ne nous laissons pas 
intimider par cette fluctuation de principes, et 
disons toujours notre opinion avec franchise, 
soit sur Île genre ; soit sur les qualités ou les dér 
fauts des livres qu'on présente à-notre critique. 

Le Roman historique est-il d'une meilleure 
espèce que le Poëme descriptif? J'en doute. Il 
trompe à chaque page l'attente du lecteur ins- 
truit, et donne de fausses notions à celui. qui 
ne l’est pas. 


Ce mélange de gloire et de gain m’importune ; 


disoit nôblement le poëte de Piron. Je répèteà 
peu près ces paroles pour ce mélange inévitable 
de vrai et de faux qui gâte Rhiieieee sans être 
d'un grand avantage pour le roman. 


È 
fl 
| 
| 
| 
{! 
| 
| 


Madame de Maintenon. 109 


. Cependant n’ayons pas de système exclusif. 11 
est des faits historiques dont le romancier peut 
s'emparer sans qu'on ait le droit de le chicaner. 
Un M. de La Chapelle , qui n’est pas La Chapelle 
si connu par son joli Voyage en Languedoc, a 
fait sur T'ibulle, sur Catulle des romans, auxquels 
il ne manque que le mérite de PO On 
pourroit en faire sur Sapho un beaucoup meil- 
leur que celui qui existe ; sur plusieurs héroïnes 
des anciens Troubadours ; sur Eléonore d’Est, 
sœur d'Alphonse, duc de Ferrare, pour qui le 
Fasse soupira; sur cette Éléonore se Comminge 
qui fut l’épouse d'un Gaston de Phæbus ou F4 
Foix; sur Éléonore de Guyenne, célèbre dans 
les jeux de la gaïe science; Sur Clémence lsaure, 
fondatrice des jeux floraux , et même sur ma- 
dame de La Vallière, qui a déjà fourni à la plume 
de madame de Genlis un excellent volume. Dans 
ces sortes de cas, l'écrivain est libre. Peut-être 
seroit-il mieux de respecter ces faits historiques ; 
mais comme répondit à sa mère certaine fille in- 
génue : Faisons bien , fera mieux qui pourra, I] 
aura du moins à peindre les agitations , les char- 
mes , les orages et les regrets d’un amour vif et 
quelquefois trop passager. Madame de Maintenon 
n'offre ni les mêmes ressources, ni les mém 
agrémens. C’est une femme vertueuse , qui ré= 
siste aux séductions d'un grand roi, et qui, à 
force d'esprit, de sagesse et de solidité, pouvoit 
se placer sur le trône , si ‘elle n'avoit pas eu la 
modestie de se contenter d’un bonheur incognito. 


Mais que fais-je ? je me laisse moi-même entraîner 
\ Le 


110 Romans. 


au charme de cet ouvrage. Est-il vrai que ma» 
dame de Maintenon ait conseillé un mariage se 
cret? Elle y consentit, j'en conviens; mais le 
désiroit-elle ? 

Quoi qu'il en soit, revenons au genre de l'ou- 
vrage. Peut-être madame de Genlis a été tentée 
par ce contraste d'une femme misérable, qui naît 
sous les verroux de l’infortune, qui devient la 
compagne du plus ridicule des poëtes, et qui finit 
par être l'épouse du plus grand roi de l'Europe. 
Cependant nous devons le dire, c'étoit précisé= 
ment ce qui devoit empêcher la profanation de 
ce tableau moral. Qui oséroit changer l’histoire 
de cette fière Catherine, qui des bras d’un soldat 
passa dans ceux du Czar Pierre Ier. (1)? Pourroit- 
on s'accoutumer à la voir figurer dans un roman? 
Et c'est Louis X1F” qui a mérité toutes les louan- 
ges, et madame de Maintenon , si digne d'être 
admirée, dont s'empare la muse des fictions , 
des erreurs et des mensonges ? Encore un coup 
ce mélange m'importune. 

Parlons à présent du fond de l'ouvrage. Dire 
qu'il est écrit avec beaucoup d'agrément et d’es- 
prit, c'est répéter un éloge vulgaire, et auquel 
madame de Genlis doit être accoutumée. Quel- 

es négligences lui sont échappées ; mais on a 

€ soin de les relever dans d’autres journaux, 
même avec assez d'amertume, pour qu'il nous 


(1) Madame de Genlis parle d’elle dans son ouvrage et dit : 
Pierre 1°. plaça sur le trône une femme née dans le dernier 
rang de la Société. Elle se trompe : Catherine Scavronski fut 
malheureuse , mais elle étoit fille d’un gentilhomme polonais. 

Le 


Madame de Maintenon. 111 


soit permis de né pas nous livrer à un travail 
inutile. Il paroït que madame de Genlis a été 
pressée de publier son roman. Auroit-elle craint 
la concurrence ? L'homme de lettres qui vient 
d'en offrir un pareil au public a été plus impru- 
dent que louable ; et c’est par ce qu'il n’étoit pas 
permis à madame de Genlis delle redouter, qu’elle 
auroit dû ne point se hâter. Son ouvrage seroit 
meilleur. T'el qu'il est il fourmille de traits agréa- 
bles qui lui appartiennent. Elle doit beaucoup 
aussi aux recherches de Labeaumelle. Mais elle 
ne le dissimule point. Il est nommé toutes les fois 
qu’elle lui emprunte quelque chose. 

Nous terminerions fort mal cet article ,'si nous 
ne prenions pas le soin de l’enrichir de FRE 
citations. C’est un hommage que nous devons au 
talent de madame de Genlis, et un plaisir dont 

us voulons que nos lecteurs nous soient rede- 
vabite. Voici comme elle peint la fameuse Chris- 
tine : « Elle descendit volontairement du trône, 
»" et elle intrigua secrètement le reste de sa vie 
» pour y remonter; elle fut galante, et elle af- 
» fecta de mépriser L amour ; elle afficha la gran- 
» deur de l'étiquette, et elle prétendit à tous les 
» hommages. Elle se para d'idées philosophiques 
» sur l'égalité, et dans sa vie privéé elle fut im- 
» périeuse jusqu’ au ridicule, et despote j jusqu ’à 
» la cruauté. Elle ne élit ètre ni reine, ni 
» femme , et elle regretta 1oueurs la puissance 
» supréme ; elle ne renonça qu'aux grâces du 
» sexe qu'elle abjura , et ehE en eut toute la 
» légèreté, toutes les fojblesses. » Si je né me 


112 Romans. 

trompe, ce portrait finit par une répétition que 
j'ai soulignée , et par une tournure un peu alam- 
biquée. Je propose à madame de Genlis la cor- 
rection suivante. Ælle ne voulut étre ni reine, ni 
femme ; mais en renoncçant aux gréces et aux 
vertus de son sexe elle en eut toute la légèreté 
et routes les foiblesses. De cette manière, le trait 
me paroit plus rapide et plus clair. 

Madame de Maintenon écrivoit dans sa jeu- 
nesse sous la dictée de Scarron , les poésies bur- 
lesques., les turlupinades, les folies qui passoient 
par la tète du malade de la Reine, ou si l'on 
veut du cul-de-jatte , comme on l'appeloit à la 
Cour. Chargée de lui apprendre une nouvelle 
fâcheuse, pour lui en adoucir l’'amertume, elle 
flatta son caractère enjoué. Scarron écoute, puis 
il lui dit de prendre son écritoire. Elle obéit. Ge 
fut une épitre à Charleval qu'il composa. «J'en 
» trouvois les plaisanteries bien forcées ; mais 
» de temps en temps je m'écriois : Que vous êtes 
» heureux!... Ces exclamations l'animèrent tel- 
lement, qu'il finit par se livrer à une véritable 
gaîté. Utile dissimulation qui donne presque 
» toujours le courage qu'on a feint d’avoir ! Si 
» du moins, dans nos peines, nous retranchions 
toujours lès murmures et les plaintes , nous ne 
serions jamais lâches et nous souffririons beau- 
coup moins. La douleur , ainsi que l'amour ; 
s'irrite et s'augmente par les confidences. » 
Madame de Maintenon n'étoit pas ambitieuse, 
cependant elle s’élevoit tous les jours. Elle n’a 

besoin que de son esprit pour monter à tout, di- 
soit 


> 


> 


> 


2 


2 


D) 


So 


> 


2 


2 


La 


» 


LA 


Madame de Maintenon. 113 
soit madame de Sévigné. Petit-à-petit ses projets 
s’agrandirent. Elle étoit l’amie de son Roi. Ce titre 
ne lui suffisoit pas, mais elle ne vouloit point de 
celui de favorite. La Reine étoit morte ; elle as- 
piroit à la remplacer. « La grande difficulté étoit 
» de donner au Roi cette idée ; car il falloit qu’elle 
» vint de lui, ou du moins qu'il püt le croire. Les 
» princes en général, et même les plus spirituels, 
» s'avisent rarement des choses extraordinaires; 
» ils ont raison de respecter les vieux usages , 
» les anciennes coutumes et tous les préjugés qui 
» peuvent donner de l'éclat à la majesté royale. 
» Le génie fonde les trônes, la sagesse les affer- 
» mit; l'esprit d'innovation les ébranle et finit 
» bientôt par les renverser. » 

Je ne passerai pas sous silence une réflexion 
très-judicieuse de madame de Genlis. Elle nous 
rappelle que madame de Maintenon protégea les 
grands hommes du grand siècle. C’est dans son 
cabinet, nous dit-elle , que furent faites les pre- 
mières lectures d'Esther et d’Athalie. « On sait, 
» ajoute-t-elle , qu'elle sentit seule alors (et Boi- 
leau ?...) « toute la beauté d'Arhalie, et que 
» és la longue injustice du me à cet 
» égard , elle persista toujours à trouver cette 
» pièce sublime. C’est un titre de gloire litté- 
» raire qui vaut mieux que tous ceux que les 
» femmes auteurs ont pu acquérir avant et de- 
» puis elle. » On sent que c’est une manière 
adroite de repousser le reproche fait aux fem- 

mes en général. On a prétendu qu'elles n’avoient 


point un goût fixe et des principes sûrs en lit- 
T°, III. Maï 1806. 


114 . Romans. 


térature. Et pourquoi? Parce que madame de Sé- 
vigné n’a pas reconnu la perfection de Racine, 
et parce que madame Deshoulières a cabalé contre 
lui? Et qui d'entre nous ne se trompe jamais sur 
des auteurs contemporains ? Les sujétions de l’a 
mitié, les préventions , et que sais-je encore ? 
D'autres sentimens plus condamnables ne nous 
font-ils pas errer dans nos jugemens? et ne 
sommes-nous pas quelquefois aussi légers, aussi 
injustes qu'on prétend que les femmes Le sont ? 

Il est temps de finir. J’avois marqué je ne sais 
combien de passages brillans ; il m'est impossible 
de les rapporter : mais le lecteur les retrouvera 
dans l'ouvrage dont nous parlons , et où ils se- 
ront mieux goûtés que si nous les placions ici 
hors de leur cadre. On y remarquera surtout un 
tableau de la Cour , qui est un morceau achevé: 
11 faut avoir connu ee séjour , pour le peindre 
avec autant de finesse et de vérité. 

Le mariage secret de Louis XIV avec la veuve 
de Scarron, est le dernier événement de ce ro- 
man. Mais le lecteur n’eût pas été satisfait; et 
pour l’appaiser , on lui donne généreusement ur 
Précis historique de la vie de madame de Main- 
tenon depuis son mariage jusqu'à sa mort. Ici je 
me suis demandé : Un roman est-il sujet aux lois 
rigoureuses de la comédie? Doit-il toujours finir 
par un mariage? Pourquoi ne pas continuer sur 
le même ton? Il me semble, en y réfléchis- 
sant, qu'il y auroit un moyen de l'entendre. 
Tout n’est pas historique dans les histoires. Ces 
grandes et belles harangues qu'on trouve dans 


Madame de Maintenon. 11 


les Anciens ont-elles été toujours débitées ? On 
invente donc, même en écrivant l’histoire. Les 
Vies des hommes illustres de Plutarque sont plei- 
nes de sublimes inventions ; mais inventions na- 
turelles et qui font partie des faits véritables. 
Cela a été dit ou a dà être dit. Pourquoi donc, 
lorsqu'on a un pareil exemple à suivre, veut-on 
écrire des romans ? Dans madame de Maintenon, 
changez le titre ; supprimez quelques phrases, 
consacrez quelque loisir à en corriger plusieurs 
autres , et nous aurons une histoire de plus de 
cette femme qui, suivant Boileau, fut 


Humble dans les grandeurs, sage dans la fortune. 


et qui prouva la justesse de ces paroles qu'on lit 
dans sa correspondance : Rien n'est plus habile 
qu'une conduite irréprochable. 


Aug. ve L. 


— 
V OF AÏGRE. 


Coprs d’une Lettre écrite d’ Athènes le 
20 frimaire an X17, par M. FAUFEL, 
sous - commissaire des relations com- 
merciales de France dans cette ville , 
et correspondant de l’Institut; adressée 
à M. BARBIÉ DU BOCAGE, géographe 
du ministère des relations extérieures à 


Paris. 


Jr ne vous ai point encore répondu directement, 
mon cher ami. Le désir de satisfaire à quelques- 
unes de vos demandes, m'a toujours retenu. Je 
voulois revoir Thèbes, Platées, Salamine, Egine, 
Fleusis et ses environs. Je joins ici un petit plan 
de Thèbes, qui, quoique sans mesures, ne man- 
que pas d'une certaine exactitude. Les collines 
qui entourent la Cadmée sont telles que je les 
indique ; j'ai même assez observé leur forme. 
La fontaine qui est au sud-est me paroit celle 
de Mars ; c'est la plus considérable. Celle qui 
est au couchant est moins abondante, et celle 
qui est au sud n’est presque rien. La tour qui est 
au nord de /a Cadmée est ronde et peut avoir 
trente pas de diamètre: C’est un ouvrage cyclo- 
pique. Je pense qu'il y avoit une porte. C'est 
le chemin qui mène au village appelé 6vpn. Au- 
près de cette tour en est une autre quarrée , et 


Grèce. IIT 


d'un travail moins antique. Du côté de l'est on 
voit encore quelques foibles restes de murs an- 
tiques. On entre dans /a Cadmée par deux ponts 
sur un ravin. À lorient de la ville est une colline 
sur laquelle il y a trois églises presque détruites ; 
dans l’une est un tombeau en marbre, dit de 
saint Luc, avec une inscription qui ne dit rien 
de ce saint ; mais le marbre du sarcophage, pris 
an poudre, guérit les croyans de la fièvre etc. 
Je me suis trouvé à Thèbes avec un Angjlais fort 
estimable, M. Gell, géographe, ami de notre ami 
Le Chevalier. Je devois parcourir avec lui les en- 
virons de Platées ; nous nous y étions donné 
rendez-vous , mais une attaque de goutte l’em- 
pêcha de s’y rendre. Un extrait fort court de 
ce voyage vous sera peut-être utile. 
Demi-heure d'Athènes, près le Céphisse, sur 
la voie sacrée ; église sur des ruines ; puits; dé- 
bris ; architrave enterrée ; dorique , avec inscrip- 
tion ; sarcophage , deux noms. Un quart d’heure 
plus loin, statue mutilée ; église ;* inscription ; 
puits antiques; fragmens ioniques. La première 
église doit être sur le Cyamite; deux tumuli à 
droite ; le chemin semé de restes de toémbeaux. 
Demi-heure de là, à gauche, puits; sarcophage ; 
ruines d’un village ; ke chemin monte. A droite, 
emplacement d’un temple ; après, à gauche, tour 
antique. À droite, montagne isolée ; une petite 
église au sommet ; aueun reste antique. Un quart 
d'heure plus loin, dans la gorge, le monastère 
Daphni, où étoient encore en place trois belles 
colonnes ioniques , que bats d'Angles 


118 Voyage. 

terre a enlevées. C'étoit des restes du temple 
d'Apollon, et non de Vénus qui est plus bas, où 
l'on voit un rocher percé de quantité de niches 
pour des ex-voto. On y lit des inscriptions à 
Vénus. J'y ai mesuré les restes d’un très-petit 
temple dorique, au milieu d’une enceinte d'un 
gros mur, ouvrage cyclopique dont parle Pau- 
sanias sous le nom de Afes æyyes, et que son in- 
terprète rend mal, par les mots de pierre blanche; 
trois citernes. C'étoit un reposoir pour les pro- 
cessions d'Eleusis. Le chemin sacré se voit en- 
core entre la roche et l'enceinte. On le suit au 
bord de la mer ; il tourne autour des laes salés, 


séparés par une colline de roches où est une ca 


verne qui sert quelquefois de corps-de-garde. 
C'est peut-être là qu'étoit le palais de Craucon. 
La plaine d'Eleusis a environ deux heures en 
tous sens. À son extrémité nord-ouest, après 
avoir traversé l’aquéduc d'Eleusis, on trouve 
deux églises avec ffagmens antiques. On suit un 
très-grand rayin, litdu Céphisse. Après six heures 
de marche depuis Athènes, on voit un puits an- 
tique et une église auprès du puits. Une statue 
creusée sert à abreuver les chèvres. Le défilé se 
nomme $Saranda potamo, capavre rorewu. Sortis 
de ce chemin difficile , on entre dans une plaine 
de deux heures de longueur jusqu’au Citheron , 
et à l'entrée de cette montagne on trouve une 
belle source et la forteresse encore assez con- 
sidérable d’Eleuthères. Les murs en sont presque 
entiers ; les escaliers des tours, les. parapets. Au 
milieu est une grosse tour en polygones irrégu- 


’ Grèce. 119 


liers, Immédiatement après , un chemin conduit 
à Platées, àtravers les montagnes en deux heures. 

A une demi-heure , ou même moins de Platées, 
ruines de monumens avant de passer un petit ruis- 
seau ; plus près de Platées , à gauche sur une hau- 
teur , autres restes. Au bas du premier ruisseau , 
dans la plaine , est un village où vous placez Hy- 
sies ; après c'est Platées. Ses murs se remarquent 
de loin. La partie ouest, où est une belle source 
au bas , est escarpée et paroïît avoir servi de ci- 
tadelle. Elle est environnée de tours qui regar- 
dent le sud et l’intérieur. De ce côté sont des 
tombeaux en place. Il y a quelques églises , des 
inscriptions illisibles par la mousse qui les couvre 
et obstrue les lettres. J'ai levé le plan de Platées. 
À environ un quart-d’heure est une caverne qui 
se voit de la ville ; est-ce elle des Nymphes ? J'ai 
cherché la roche d'Actéon , qui doit être près ou 
en vue de la fontaine : l’eau de cette fontaine 
coule à l'ouest. L'Asope paroit venir de plus au 
nord , de la partie de Leuctres. De Platées à 
Thèbes, deux heures ; à moitié chemin on passe 
l'Asope , après avoir traversé plusieurs petits fos- 
sés sans eau et sans indication d'aucune pente. 
Celui que je prends pour l’Asope a un pont, de 
l'eau seulement dessous et stagnante. Je n'ai rien 
vu du camp de Mardonius. S'il avoit été comme 
ceux des Romains , le temps ne l’auroit pas dé- 
truit. Une grosse tour, devant Platées, sur la 
hauteur à demi-heure , pourroit bien être Scolos ; 
il y a des débris. 

Je me suis trop étendu, mon ami, mais j'ai 


120 Voyage. 

voulu vous faire voir le pays pas à pas. Sautons 
à Egine. Près.du port, vers le nord, sur une 
pointe basse , plusieurs Tumuli, le tombeau de 
Phocus. 

Je reviens au chemin de Thèbes à Athènes par 
le Parnès. À deux heures desdistance , on passe 
lAsope sur un pont de trois arches; l’eau y étoit 
stagnante ; il avoit cependant plu depuis peu. De 
là le chemin monte pendant environ trois heures, 
puis on trouve une plaine de deux heures en tous 
sens , au milieu de laquelle se forme un lac l'hiver ; 
des villages sont à l’entour.Ensuite on entre dans le 
Parnès, et après cinq heures de marche , c'est- 
à-dire huit depuis l’Asope , on descend près d’une 
forteresse antique nommée V’igla-Castro ; bell& 
source, chemin resserré , ouvrage antique , che- 
min taillé; Cache, village ; gorge qui mène à 
ÆEleusis ; plus bas, séparation du Mont Icare et 
du Mont Parnès. 

Voyons Salamine; j'en ai terminé la carte, 
non pas peint, mais l'essentiel. J’ai fait de grandes 
corrections du côté du sud. Le cap Seyradion.s'a- 
vance beaucoup plus ; il est terminé par une 
pointe de roches basses et nues que la mer, qui 
est fort grosse, lave continuellement. Jai cru y 
reconnoître des débris d'architecture ; Sans VOu- 
loir l'assurer. Vers l'ouest vient un gros cap très- 
escarpé, puis un autre moins élevé , où est une 
tour ronde antique qui a conservé sa porte. Au 
bas est une plage au fond de laquelle, sur de 
petites hauteurs , est un beau mur antique avec 
des citernes. C'est là que vous avez placé l'an 


Grèce. 121 
cienne Salamine. Le fleuve Bocarus, que vous 
_ faites couler auprès, a disparu; mais cependant 
au revers de la colline , au nord-ouest de la tour, 
il y a une autre plage où se jette un torrent, qui 
vient d'assez loin, dans une jolie vallée. Ce sera 
là, sans doute , le Bocarus ow tout ce que vous 
voudrez; mais où est le beau mur, il n’y a point 
de fleuve ni d'abri pour des bateaux par vent de 
sud. En remontant le ravin dont j'ai parlé, on 
arrive à un monastère où est une source. Ce 
monastère est au fond d’une gorge , d'où on aper- 
çoit la mer près de deux petits écueils. Du cap 
Scyradion vers l'est, on trouve une plage cou- 
verte par trois petits îlots. Au cap est une église 
et quelques légers restes ; torrent, puis après un 
autre cap, grande plage couverte par un îlot 
assez grand pour produire un peu d’abri. Aux 
environs sont des églises et quelques ruines; puis 
ensuite allant vers le grand port, au fond d’une 
baie , sur des hauteurs, entre les deux mers, 
on trouve trois églises et des ruines antiques. 
J'espère qu’en voilà assez pour ceite fois; vous 
voyez que je connois cette côte , et que je me 
rends lorsque vous avez placé près de ma tour 
une ville ; il y a eu peut-être, sur ce grand mur, 
un temple. L 

Quand on vous écrit, on ne peut s'empêcher 
de parler géographie. J'ai retrouvé, par le moyen 
de Strabon , les ruines d’Æelice, près des carrières 
de l’'Hymette, et auprès une belle source. Là 
sont encore les ruines de colonnes ioniques em- 


122 Voyage. 
ployées à un monastère. Il y avait là, je pense, 
un temple de Vénus. 


Adieu ; remercimens pour l’in-folio Pausanias ; 
mes complimens à nos amis Foucherot, Le Grand, 
Le Chevalier, Felix Beaujour , Petit-Radel , etc. 


Signé Fauvez , sous- Commissaire des 
relations commerciales à Athènes. 


P. 8. Inscriptions que j'ai trouvées sur la tour 
moderne à Thèbes. 


KAAMAIA EN EANIAE 
EIPIA HPQI 


Je m'occupe à ramasser tout ce qui peut ser- 
vir à faire connoître la grandeur de beaucoup de 
temples. J'ai trouvé des colonnes doriques de 
sept pieds jusqu'à trente-six pieds de hauteur, 
et c'est le temple d'Eleusis qui est le plus grand 
de tous ceux dont j'ai retrouvé des portions. Ce 
recueil donnera une-idée juste de ce que nous 
devons croire des Grecs. On verra qu'il y avoit 


une quantité de petits temples. C'est bien faire 


renaître des cendres; car, selon les proportions 
que je connais, un triglyphe suffit pour avoir, 
à très-peu de chose près , la hauteur d'un temple. 
J'en ai retrouvé beaucoup de cette manière. 


BIOGRAPHIE. 


Notice sur la Vie et les Ouvrages, 
tant imprimés que manuscrits, du P. 
HouB1IGANT, de l’Oratoire. 


L. savant Coromiés a fait connoître, dans son 
ouvrage intitulé Gallia Orientalis , les Français 
qui se sont distingués jusqu’en 1665 dans l'étude 
de l’hébreu et des autres langues orientales. Nous 
avons achevé un semblable travail sur les Hébraï- 
sans du 18e. siècle, et la notice suivante fait par- 
tie de cette espèce de suite à l'ouvrage de ce 
protestant , aussi estimable par sa modération que 
par les services qu’il a rendus à la république des 
lettres. 

Charles - François Houricanr, né à Paris en 
_ 1686, étoit fils de Guillaume Houbigant et de 
Geneviève Colman. Après avoir fini ses huma- 
nités au collége de Louis-le-Grand , il alla à 
Juilly faire sa philosophie sous les PP. de l'O- 
ratoire. De retour à Paris, il entra dans cette 
congrégation le 31 octobre 1704, à l’âge de 15 
ans. On l’envoya professer dans différens eol- 
léges , entre autres à Juilly et à Marseille. Il en- 
seiona les humanités d’une manière très-distin- 
guée ; il s’occupoit sérieusement de ses emplois, 
etil consacroit tout son temps à l'étude des grands 
modèles de l'antiquité. Homère, Virgile, |: ALES 

Démosthènes et Cicéron, voilà US auteurs qu'il 


124 Biographie. 

lisoit avec le plus d’attention. Illes savoit pra 
par cœur ; et à l’âge de plus de 90 ans, il aimoit 
à en réciter les plus beaux endroits. , 

Le temps qu'il passa dans les colléges ne fut 
pas donné tout entier à la littérature ; il lisoit 
tous les jours les livres saints; il en recomman- 
doit la lecture à ses disciples, surtout celle duf! 
Nouveau Testament. 

Le P. d'Arerez de la Tour étoit alors général 
de l’Oratoire. Tout le monde sait que c’étoit un 
homme du premier mérite; et comme il excel- 
loit surtout à bien employer les talens de ses con- 
frères , aussitôt qu’il eût reconnu ceux du P. Hou- 
bigant , il le fit venir à Paris et lui donna l'emploi 
de conférencier de Saint-Magloire, qui, jusqu’a- 
lors, n’avoit été occupé que par des hommes 
du mérite le plus rare. 

Le P. Houbigant, pour se préparer à bien rem- 
plir cette place, se retira pendant quelque temps 
à N. D. des Vertus ou Aubervilliers, qui étoit 
alors un séminaire et une maison d’étude où les 
jeuñes oratoriens se disposoient, ou à la prédi- 
cation , ou à l’enseignement. L’excès du travail 
lui causa une maladie dangereuse, dont la suite 
fut une surdité complète. Cette incommodité , 
qui a duré jusqu'à sa mort, l’obligea de renon- 
cer à l'emploi qu’on lui avoit destiné à Saint-Ma- 
gloire. Il n’abandonna point ses études, mais elles 
ne firent que changer d’objet ; et comme il se pro- 
posoit toujours d’être utile à l’église et à sa con- 
grégation , il se consacra tout entier à l’étude de 
Ecriture sainte. 


ù Houbigant. 129 


1 n'est pas nécessaire de prouver qu’on n’en 
sentira jamais les beautés , à moins qu'on ne la 
lise dans la langue originale ; et que, sil est 
yrai que ceux qui ne veulent que s’édifier et 
s'instruire des principales vérités de la religion” 
peuvent se contenter des versions, il n’en est 
pas moins certain que, si On veut approfondir 
le sens et répondre solidement aux difficultés 
des Juifs et des Incrédules, ces mêmes versions 

. sont insuffisantes , et il faut nécessairement re- 
courir au texie. 
. Le P. Houbigant commença donc par étudier 
l'hébreu. On à répondu à toutes les objections 
qui ont été faites contre la méthode qu'il suivit, 
et on a prouvé , dans plusieurs ouvrages, qu’elle 
est aussi sûre que facile. Je veux parler de la 
méthode de Masclef, qui vivoit encore, qui cul- 
tiva son amitié , et qui se trouva fort honoré d’a- 

voir un disciple d’un mérite aussi supérieur. La 
mémoire la plus fidèle, jointe au jugement le plus 
solide , le mirent bientôt en état de donner des 
preuves des progrès rapides qu’il fit dans l’intel- 
ligence de l’hébreu. 

Dès 1732, il fit imprimer ses Racines hébraï- 
ques. Cet ouvrage est accompagné d’une savante 
préface dans laquelle il prouve, contre les deux 
Buxtorfs et leurs partisans, la nouveauté et l’inu- 
tilité des points-voyelles. L'ouvrage en lui-même 
est un excellent dictionnaire ; et quoique ces ra- 
cines ne forment qu’un assez petit volume, on 
y trouve néanmoins plus de critique et plus de 
lumières que dans plusieurs vocabulaires d’un 


= 


126 _ Biographie. 
très - grand format et eh plusieurs volumes. 
En 1747, le P. Houbigant publia ses Prolé- 
gomènes sur l'Ecriture. De cet ouvrage qui est 
en latin, et qui est aussi solide que bien écrit, il 
résulte que pour bien entendre Ecriture , il ne 
suffit pas de lire l’hébreu tel qu’il est imprimé , 
parce que ce texte est altéré et corrompu dans 
plusieurs endroits. Le savant Louis Cappell , 
dans sa Critica sacra , en avoit déjà fait la re- 
marque, et le P. Houbigant a grand soin d’obser- 
ver qu'aucune de ces variantes n intéresse la pu- 
reté du dogme et de la morale. C’est donc injuste- 
ment que dans un ouvrage périodique, on a ac- 
cusé le P. Houbigant de n'avoir dit rien ou 
presque rien sur un objet si important. Pour 
toute réponse, on peut renvoyer aux Prolégo- 
mènes in-4°., pag. 265 , ou à la Bible in-fol., 
pag- 132 du Dee volume. Le père Houbi- 
gant démontre qu'avec les précautions infinies 
que prenoient les Juifs pour conserver les livres 
saints , il est impossible qu’ils aient été corrom- 
pus par des hommes de mauvaise foi, dans des 
articles importans. Mais ils ont pu l’être par la 
négligence des copistes ; et ces fautes, quelques 
légères qu’elles soient, défigurent néanmoins les 
livres sacrés, en changent le sens, en affoi- 
blissent l'énergie , et y produisent des obscurités 
qui font le désespoir des interprètes. Le P. Hou- 
bigant en donne plusieurs exemples incontesta- 
bles. Mais comment corriger ces fautes ? de deux 
manières. La première en suivant quelques règles 


de critique que le P. Houbigant établit, et qui 


Houbisant. 127 
sont si judicieuses et si sages, que ses adversaires, 
forcés d’en faire l’éloge, se sont trouvé réduits à 
dire qu’il n’avoit pas toujours suivi ces excel- 
lentes règles, quoiqu'ils n'aient jamais prouvé 
ce qu'ils avançoient là-dessus. La seconde ma- 
nière est de consulter les manuscrits les plus an- 
ciens, et de les comparer entre eux, comme 
aussi de faire un semblable travail sur les an- 
ciennes versions qui indiquent souvent ce qu’on 
doit lire dans le texte hébreu, et qui peuvent 
même , à l'égard de certains mots, nous ap- 
prendre quelque signification qu’on ne trouve 
dans aucun dictionnaire. Le Pentateuque Sama- 
ritain est la première de toutes ces sources, ou 
plutôt c’est le véritable texte original , écrit avec 
les véritables caractères hébreux , ceux que nous 
regardons comme tels , n’étant que les caractères 
chaldaïques. 

Tous les savans firent le plus grand éloge des 
Prolésomènes du P. Houbigant, et les journa- 
listes de Trévoux, qu'on ne soupçonnera certai- 
nement point de partialité pour un P. de l’Ora- 
toire, ne se distinguèrent alors des autres jour- 

nalistes que par des éloges plus grands et plus 
motivés : 

« Rien, disent-ils , n'est plus délicat ni plus 
difficile que la critique sacrée. IL faut, pour 
l'exercer, autant de sagacité que d’érudition , et 
plus encore de sagesse que d’assiduité au travail. 
Le P. Houbigant est entré dans cette carrière 
avec des qualités du premier ordre. On sent à la 
lecture de son ouvrage , un homme de beaucoup 


128 Biographie. 


d'esprit, un critique capable de saisir le vrai et 
de le dire; un écrivain qui n’a point sacrifié les 
agrémens Tai style à la multitude des connois= 
sances ; un savant qui embrasse et, développe en 
maitre toutes les parties de son sujet. Ceux qui 
donneront à ses Prolégomènes toute l'attention 
qu'ils méritent, y trouveront une finesse ex- 
quise , un art presque sans exemple. Tantôt l’é- 
rudition y est répandue à pleine mains , et tantôt 
l'esprit y étincelle à chaque ligne. ri les prin- 
cipés sont établis avec toute la gravité qu’exige 
l'importance de la matière ; là, les objections 
sont résolues avec tout le feu qui naît de la plus 
grande çpntroverse. Quelquefois l'auteur s’ap- 
puie d'exemples ; il fait parler en sa faveur, la 
fiction , l’'apologue. Il emploie les tours oratoires, 
les mouvemens de l’éloquence. En d’autres en- 
droits , il paroît se borner à la dissertation , et il 
n’en raisônne pas moins vivement ; il ne réfute 
que plus puissamment ses adversaires. » Voyez 
Mémoires de Trévoux, avril, 1%, vol. de 1755. 
Il est difficile de louer davantage, et d’une ma- 
nière plus vraie. Les mêmes journalistes ren- 
dirent compte, à plusieurs reprises , de la grande 
Bible du P. Houbigant. Leurs éloges se soutin- 
rent, et ils n'y mirent qu'un petit nombre de 
restrictions , surtout dams les derniers articles, 
qui peuvent ne pas ètre de la même main. Le 
Journal des Savans fit aussi un grand éloge des 
Prolégomènes. Voyez le mois de septembre 1747. 
Les mêmes principes que le P. Houbigant avoit 
établis en latin dans ses Prolégomènes , 1°ies pré- 
senta 


Houbigant. f2à 
sénta èn français dans sès Conférences de Metz: 
Il les y mit dans un nouveau jour , et toujours 
avec l&4 miëme force , le même art et la même 
dialectique. Ces conférences sont en forme de 
dialogue et dé éonversations entre un juif, uñ 
protestant et deux docteurs de Sorbonne. Nous 
he doninerons point ici l'analyse de ces confé- 
reñces, qui sont au nombre de six. Elles ren- 
férment comrné la quintessence du premièr Yo- 
lüme des Prolésomènes. Elles achevèrent de 
convaincre les personnes qui n'étoient pas trop 
entétées du système dés Massorètes , c'est-à- 
dire un grand nombre d Anglais et de Français. 
Les savans d'Allemagne se refusèrent encore al 
lurnière qu’on leur présentoit. Les vieux profes: 
seurs de leurs universités déclamèrént contre lé 
P. Houbiganñt , et firent soutenir à leurs élèves 
des thèses contre une iéthode qui renyersoit 
leurs préjugés. 

” Il restoit au P. Houbigant ün ouvrage encoré 
plus difficile à faire. C'étoit digues dans le 
texte actuel:, ét les fautes qu'il ÿ trouvoit, et les 
corrections qu'il croyoit nécessaires ; en ik mot; 
de donner une Bible plus correcte que toutes 
celles qui avoient été données jusqu'alors. Cette 
Bible parut en 1753, en 4 vol. in-fol. L’exécu- 
tion typographique la rend ün chef-d'œuvre en 
ce genre. Les caractères ont été frappés exprès 
par Fournier le jeune, d’après les plus ‘beaux 
manuscrits de l'Oratoire et de la Bibliothéque du 
roi. Le papier est très-beau et le format com- 
mode, quoïqué certains dmatéürs, mais de ces 
T. III. Mai 1806. I 


130 Biographie. 

gens qui achètent des livres pour ne les pas lire, 
se soient plaint de ce qu'on n’ayoit tiré aucun 
exemplaire en grand papier. Au reste, tout ce 
mérite typographique n’est, pour ainsidire , que 
les dehors de l'ouvrage. Il est imprimé à deux 
colonnes. L’hébreu est conformeà la belle édi- 
tion d’Athias , revue en 1705, par Van der 
Hooght, à moins que dans celle-ci il n’y ait une 
faute évidente d'impression. Dans des notes pla- 
cées au bas de chaque chapitre , le P. Houbis 
gant propose ses corrections ; et ceux même qui 
lui ont reproché d’avoir supposé un trop grand 
nombre de fautes , ont admis la plus grande par- 
tie des corrections qu’il proposë, en donnant les 
preuves qu'elles sont nécessaires. La seconde co- 
lonne offre une traduction latine faite , non sur le 
texte d’Athias,, mais d’après les notes et les cor- 
rections proposées. Cette traduction est d’une 
latinité très-pure, et quoique simple, elle a de 
la noblesse, Aucune traduction«connue , la vul- 
gate elle-même qu’il eut préférée. à toute autre, 
n'auroit point conyenu, à son plan , et n’auroit 
pas fait connoîtré comme au simple coup-d’oœil , 
les corrections qu'il jugeoit nécessaires. 

Outre les Prolégomènes , le P. Houbigant à 
mis des préfaces à la tête de plusieurs livres de 
l'Ecriture. Tantôt il y a applanit les difficultés de 
la chronologie ; ; tantôt il fait sentir l'esprit du 
livre qui suit la préface; tantôt il répond aux 
objections qui ont été faites contre l'authenticité 
de certains livres. 

Dans le Pentateuque on trouve en marge les 


Houbigant. 91 


variantes du Samaritain. La version ‘est imprii 
mée en caractères italiques: pour les livres dont 
le texte est en hébreu; et elle est en caractères 
romains pour les livres dont il ne nous reste plus 
que le grec, ou qui n’ont été écrits que dans cette 
langue. 

Mais , dira-t-on, cette Bible a trouvé des con- 
tradicteurs. Oui sans doute , et c’est Le sort de 
tous les ouvrages, même des plus parfaits. Plu- 
sieurs savans d'Allemagne qui partagent avec 
les Juifs le respect aveugle que ceux-ci anrônt 
toujours pour les points-voyelles, qu'ils regardent 
pour ainsi dire comme une partie intégrante du 
texte, ne pouvoient pas admettre des correc- 
tions fondées souvent sur ce que ces points: 
voyelles présentoient un sens que la raison et la 
saine critique rejetoient. Mais les auteurs de la 
Massore eux-mèmes ont indiqué plusieurs cor- 
rections qui leur paroissoient nécessaires. De 
plus , la raison nous persuade:que la langue hé- 
braïque doit avoir des règles comme toute autre 
langue , et:qu’il ne suffit pas pour justifier une 
infinité de fautes absurdes, de dire que ce sont 
des énallages et d’autres figures semblables. Enfin 
plusieurs savans d'Allemagne n’ont point partagé 
les opinions, de leurs compatriotes sur la Bible 
du P. Houbigant. M. Bahrda , professeur de 
Léipsick ; a fait imprimer en 2 vol. in-4°. les 
notes du P. Houbigant, comme un des meilleurs 
ouyrages qu'on puisse lire pour entendre les livres: 
saints. Plusieurs hébraïsans français ont été’et 
sont encore aujourd'hui défenseurs zélés de cette 


132 Biographie. 

mème Bible. 1’Angleterre surtout à compté un 
grand nombre d’admirateurs du P. Houbigant. 
Kennikott et plusieurs autres étoient en com 
merce de lettres avec lui, et le savant Lowth , 
évéque d'Oxford, dans son excellent ouvrage 
de poesi sacrä Hebræorum, ne parle jamais du 
P. Houbigant qu'avec la plus grande estime. 
Parmi les Français, on peut citer MM. Hooke et 
Guesnée , le P. Berthier, jésuite , et l'abbé Lad- 
vocat. Celui-ciregardoit le P. Houbigant comme 
son maître , il le consultoit souvent ; et ilen parle 
toujours avec estime et avec respect. M. Dagues- 
seau avoit prié lé P. Houbigant de lui faire passer 
les feuilles de son ouvrage à mesure qu'elles pa- 
roitroient » et cet illustre ghancelier, qui savoit 
l’'hébreu , témoigna à l’auteur combientil étoit sa- 
tisfait de son travail. J'en ai la preuve dans une 
lettre fort longue de M. Daguesseau , et dont je 
possède l'original. 

- Le pape Benoît XIV , qui connoissoit tout le 
mérite du P. Houbigant, lui envoya un bref 
avec deux médailles d’or du plus grand module. 
Le clergé de France lui fit une pension de 1200 ];, 
sans qu'il eüt fait la moindre démarche ‘pour 
l'obtenir. Je suis obligé d’avouer qu’elle venoit 
un pêu tard: Le clérgéde France, dit l'abbé du 
Contant de la Molette, pour témoigner le vif 
intérét qu’il prend à la littérature sacrée ; l'avoit 
mis dans ses états de pension. Assurément ce 
n’est pas prouver qu'on prend un intérêt bien vif 
à la littérature sacrée que de donner une pension 
très-modique au P. Houbigant , lorsqu'il avoit 


Houbigant. 123 
96 ans, æt que depuis près de 40 ans, il étoit 
regardé comme le premier hébraïsant de l'Eue 
rope. Cet abbé auroit pu choisir un autre exem- 
ple ; il eût pu se citer Ini-mème, et la pension 
considérable que lui faisoit le clergé depuis long- 
tems , auroit prouvé un peu mieux ce qu’il ayan- 
çoit. J’observerai ici qu’on est très-étonné que 
cer abbé , dans ses volumineux onvrages, tantôt 
donne les plus grands éloges au .P. Houbigant, 
tantôt en parle d’une manière très-dure,, mais 
toujours en profitant, sans mot dire, des cor- 
reclions de ce savant oratorien. C’est dans les 
ouvräges qu'il a, composés depuis la mort de 
celui-ci, qu'il en parle le plus mal, ce qui ne 
Vempéche pas , dans quelques autres endroits de 
ces. mêmes ouvrages , d'en parler avec éloge. 11 
ne se contredit, pas moins, lorsqu'après avoir 
regardé autrefois les points-voyelles comme fort 
smutiles , il critiqua depuis la méthode de Mas- 
clef; lorsqu'après avoir attaqué vivement le sys- 
tème et les principes des PP. capucins , de l'abbé 
de Villefroy et du P, Fabricy, il chanta depuis 
. la palinodie ; et lorsqu'après avoir ,, à l'exemple 
du P. Houbigant, reconnu un très-grand nombre 
de fautes dans le texte actuel , il censure ensuite 
très-duremént /a trop grande hardiesse, du P. 
Houbigant , qu'il parle dé ses fautes, etc.; j'en 
conclus , que lorsqu'il attaque le P. Houbigant, 
il ne le fait pas en son propre et;privé nom, 
mais qu'il adopte par foiblesse opinion , ou de 
son censeur ou de .quelques amis. Je ne vois 


«Que ce moyen pour expliquer tant de contra- 
dictions. 


LL 


134 Biographie. 

Outre les grands ouvrages dont nous venons 
de parler, nous avons encore deux opuscules du 
P. Houbigant sur l’Ecriture. Le premier est une 
critique du Psautier des PP. capucins. Dans 
cette critique , le système de ces Pères y est pré- 
senté comme fort arbitraire, dangereux et dia- 
métralement opposé au génie de toutés les lan- 
gues , et en particulier de la langue hébraïque. 
Ces Pères y répondirent sous le masque d’un 
ancien mousquetaire, qui usa en effet de’ tous 
‘ses droits, et se servit d'expressions qui appro- 
chent un peu de celles que Gresset prête à Ver- 
vert. On crut sans doute devoir imiter le ton 
militaire, mais je doute fort que tous les mili- 
taires approuvent le ton qu'on a pris, et qui 
conviendroit à peine dans certains corps - de- 
garde. Aussi le P. Houbigant ne Êt “il aucune 
réplique. 

Le second ouvrage est une dissertation , sous 
le nom d’Introduction , pour prouver la préexis- 
tence de l’âme dé J. C.; c’étoit le système d’Ori- 
gènes et ‘de quelques anciens Pères:de l'Eglise ; 
et il faut avouer que par là, on explique plus 
aisément plusieurs passages de l'Ecriture , et 
qu'on justifie avec plus dé facilité la doctrine de 
quelques Pères qui ont vécu avant le concile de 
Nicée. Le P. Petau les avoit accusés de ñ’avoir 
-pas été exacts sur la divinité du Verbe, ce qui 
scandalisa ‘très fort et les catholiques et les pro- 
testans ; et le P. Petau fut obligé de se rétracter. 
Bullus, savant théologien anglais , attaqua le P. 
Petau, mais il se trouva fort embarrassé pour 


Houbigant. 139 


expliquer ce que disent quelques Pères, que le 
fils de Dieu s'est montré fréquemment aux pa- 
triarches avec ne nature inférieure à la natüre 
divine. Bullus répond ‘qüe ‘ces aüteufs onf bien 
pensé; mais qu ilsçont mal parlé. Cette réponse; 
quoique donnée dans meer théologies, est Fee 
satisfaisante, ét n’est qu üne puré défaite. Sup 
santau contraire là préexistence de l’âme deJ:C 

e. il n'y aura plus d’ine xactitude dans le: nb 4 
ces Pères, qui pouvoient croire que l'âme de JC: 
avoit été créée dès le commencement du monde, 
mais que lorsque le Verbe à voulu paroîtré sous 
une formé sensible , et naître au milieu de nous 
pour être notre Emmanuel, il n’avoit plus qu’à se 
revétir de notre corps : Et Verbum caro facturr 
est: Il faut avouer que cet ouvrage du P.'Hôubi- 
gant pärut sans approbation } ét ce n’est pas ii 
le lieu de donner toutes les raisons pour et contre 
ce système qui, comme on le voit, n'a pas Eté 
inventé pàr le P. Houbigant, mais qu'il a cher: 
ché à à appuyer par de nouvelles preuves. 

Le P: ‘Houbigant avoit aussi une autre’ opi- 
ion qui pourra aussi trouver des contradicteurs ; 
cette opinion obligea de faire un très-long titbn 
à la fin des RTE nn in-{ol. Le P. Houbi- 
gant étoit persuadé qu’ on ne pouvoit expliquer 
plusieurs passages de l'Ecriture, et surtout des 
prophètes , sans admettre un état flürissant et 
un règne temporel des Juifs qui auroit lieu après 
leur conversion et avant.la fin du monde. Ce 
sentiment ne lui étoit point particulier , et on 
sait que M. Bossuet lui-même , après une longue 


156 Biographie. 
conversation avec M. Duguet , en fut si bien per- 
suadé , que dans la seconde édition de son dis- 
cours, sur l'histoire universelle, 1682, p- 330 , 
et dans la 3e, de 1700 ; après avoir parlé de l'état 
où seroient les Juifs après leur conversion s 
ajouta ; « Jusques à la fin du monde, et autant de 
tems, qu'il plaira à Dieu le faire durer après ce 
Merveilleux événement. » Ce passage a été sup- 
primé depuis , soit que l'illustre auteur n'ait pas 
lugé, à propos d'insister sur une opinion qui ne 
lui paroissoit pas démontrée » Soit qu'il etit re- 
connu que sans avoir recours À.ce règne tem= 
porel, on pouvoit très-bien expliquer tous ces 
passages, en ne regardant toutes ces expressions 
figurées et assez ordinaires dans le style oriental 
que comme autant d’allégories et d'emblèmes qui 
ne représentoient que les Plaisirs purs et Spiri- 
tuels:, et le, royaume de la Jérusalem céleste. 
La. correspondance que le P, Houbigant avoit 
avec. plusieurs Anglais , lobligea d'apprendre 
leur langue dans un âge assez avancé. IL à tra- 
duit de l'anglais :1°, un volume de. Sermons ide 
M. Sherlock , évêque de Londres, Le traducteuf 
à fait disparoître quelques répétitions , des lon- 
gueurs et d’autres défauts qui se trouvoient dans 
ces. sermons, où 

2°, Méthode courte et facile contre les Déistes 
et les Juifs ; par M. Lesley. - 24 

3°. Pensées de M. Forbes sur la religion natu- 
relle et revélée. Le P. Houbigant à ajouté à ces 
deux derniers Ouvrages des notes qui en aug- 
mentent beaucoup le prix. 


Houbigant. 137 
Outre ces ouvrages que le P. Houbigant a fait 
imprimer, il en a encore laissé plusieurs qui ne 
sent que manuscrits, | 
. Un Traité des Etudes. M l'avoit composé 
ge guider un jeune professeur dans son cours 
d’humanités. Lies conseils qu’il lui donne annon- 
cent.un homme qui a professé lui-même avec la 
plus grande distinction , qui a beaucoup de goût 
et un tact sûr, .qui a une grande expérience , et 
qui a médité long-temps la matière qu'il traite. 
Cetouyrage , composé vers 1720 ;.fut retouché 
en,1736. On en fit plusieurs copies qui se répan- 
dirent dans plusieurs Colléges de l'Oratoire , et 
qui) \contribuèrent beaucoup à former d’e REP 
maîtres. Ilest beaucoup plus étendu que le Fatio 
discendi du P. Jouvency. Les jugemens sur les 
auteurs grecs et. latins sont plus approfondis , et 
l'oratorien y fait connoitre en même temps nos 
meilleurs auteurs, ce qui n'entroit point dans le 
plan du Jésuite, qui se borne à l'étude du grec 
et du latin. Cet ouvrage seroit encore fort utile 
aujourd’hui, etil mériteroit d'étre imprimé; mais 
il faudroit y faire quelques changemens; surtout 
à l'article des traductions françaises ,et. en géné- 
ral sur ce qui regarde nos meilleurs auteurs , 
dont plusieurs n’ont paru que depuis 1720. Le 
© P. Houbigant n’a fait que la Manière d'étudier. 
Il se proposoit d'y ajouter la Manière d'ensei- 
gner ; mais les grandes occupations que lui don- 
noit l'étude de l’hébreu , l'empéchèrent de s’oc- 
cuper de cette seconde partie. 
2°, Une traduction de l'ouvrage.d' Origènes 


138 Biographie. 
contre Celse. Le P. Houbigant ‘en avoit fait re- 
mettre le manuscrit à l'abbé Chevreuil ; chanoine 
et grand-vicaire de Paris, qui avoit êté nommé 
censeur de l'ouvrage , et qui deméuroit alors'en 
Sorbonne. Une année s'étant écoulée sans qu'on 
en’ entendit parler , l'anteur le fit redemarider 
par un de ses amis. Le censeur prétendit qu'il 
l'avoit rendu ; et cet ami a dit lui-même: qu il 
étoit bien sûr du contraires Le! manuscrit ‘S'est 
: donc trouvé ‘égaré par la négligence dé”l'abbé 
Chevreuil ( mort vers: 1792 ) ; ‘ôu- par ‘qüélque’ 
autre motif qu'il est difficile: de ‘deviner: C'est 
une perte d'autant plus cônsidérable ,'que’nous 
n'avons qu’une traduction! très-médiocre et fort 
inéxacte par Bruhereau ; ministre protestant} de 
cet ouvrage d'Origènes, qui est une excellente 
äpologie en faveur de la religion chrétienne | ét 
une réfutation el de tout ce qu ’on'a op= 
posé et de tout ce qu’on opposera jamais au ‘chrise 
tianisme. Lie même ami dû P. Hôubigant assure 
que sa traduction étoit non: vécaléinient: fidèle ét 
bien: écrite, maïs enrichie de‘notes qui‘en ge 
menhtoient Hédécons la valeur. 3 

- 30. Une Vie du cardinal de Berulle, fonda- 
teur de J'Oratoire. Nous en avions déjà plusieurs! 
tant en latin qu’en français, mais aucune ne fais 
soit connoître suffisamment cet homme, aussi cé- 
lèbre par son éminente piété et par son sale pour 1e 
rétablissement des sciences (ce fut lui qui éncou- 
ragea Descaïtes à composer ses ouvrages, lé Jay 
à donner sa Polyglotte, etc.), que par 1 népo- 
ciations importantes dont il fut chargé et par Les 


Houbigant. 139 


difficultés qu’il eut avec le cardinal de Richelieu, 
auquel il résista plus d’une fois avec la plus grande 
force, ce qui hâta méme sa mort, si on s’en rap- 
porte aux mémoires du temps et à la déclaration 
de Gaston , frère de Louis{XIII. Le P. Houbigant 
avoit composé cette vie d’après des pièces authen- 
tiques tirées du donjon du Louvre et d’autres ar- 
chives. Comme il vouloitécrire avec la plus grande 
vérité, il n’avoit pu se dispenser de parler dessoup- 
çons que nous avons insinués plus haut. Un 
homme qui étoit unede ces âmes basses qui ne 
cherchent qu’à flatterles grands et écarter de leurs 
yeux toutes les vérités qui peuvent les offusquer, 
alla trouver le maréchal de: Richelieu , et lui dit 
que dans la vie du cardinal de Berulle qui alloit 
paroitre , le P. Houbigant rapportoit qu'on avoit 
prétendu (il se donna bien de garde d'ajouter 
qu'il donnoit aussi les raisons qui pouvoient dé- 
truire ces bruits publics) que le cardinal de Ri- 
chelieu l'avoit fait empoisonner. Pour toute ré- 
‘ponse, le vieux maréchal dit au flatteur : J'en 
étoit bien capable. Ce n'est donc pas, comme 
on la cru, par la faute du maréchal que cette 
vie n’a point paru; mais le P. Houbigant y par- 
Jloit fort au long de tous les désagrémens et de 
tous les obstacles que la congrégation naissante 
de l’Oratoire avoit éprouvés de la part d’une 
société célèbre. Le censeur exigeoit plusieurs 
retranchemens , plusieurs corrections et adou- 
.Cissemens qui eussent blessé la vérité. Le P. de 
la Valette, général de l'Oratoire , qui craignoit 
ce qu’on appeloit alors les Revenans , n'eut pas 


140 Biogrâphie. 

le courage de parler aux: ministres avec la force 
que lui enssent donné sa place et son mérite per: 
sonnel. Le P. Houbigant tint ferme, refusa dé 
porter aucune atteinte à la vérité, et il reprit 
son manuscrit, en disant: J'attendrai un vryls 
plus favorable. | 

I ne faut point confondre cetté vie, du car+ 
dinal de Berulle avec unefautre vie que l'abbé 
Goujet composa à la sollicitation du P. de la 
Valette, et qui est aussi demeurée: mamuscrite 
pour des raisons à peu près semblables. 

Le P. Houbigant termina sa carrière le 31 oc- 
tobre 1785, à l'âge de plus de 97 ans. Il n'eut 
jamais d'autre maladie que celle qu'il essuya 
étant encore jeune, et dont. nous avons. parlé 
plus haut. Il étoit si mécontent de la manière 
dont les médecins lavoient traité , qu'il forma 
dès lors la résolution de ne plus leur donner sa 
confiance. IL étoit persuadé que sa grande sur- 
dité venoit de leur maladresse ; ét, pour s’en 
venger , ilse permettoit quelquefois de plaisanter 
sur: leur compte, en-répétant ce mot de Pline 
le naturaliste : Discunt periculis nostris, et ex- 
perimenta per mortes-ogunt, liv.:29,ch4 1. Lors- 
qu'il éprouvoit quelque: malaise, ‘quelque indis- 
position, la cessation du travail , le répos, quel- 
ques promenades, la diète la plus exacte, voilà 
les seuls moyens qu’il employoit pour rétablir 
ses forces et sa santé. Quoiqu'il füt entièrement 
sourd, il m’étoit point triste mi soupçonneux , 
comme le sont ordinairement ceux qui ont.cette 
infirmité, Ce qu’on lit dans le nouveau: Diction: 


Houbigant. 141 
naire historique , d'après le Journal de Paris, 
est très-vrai : Une chute ayant affoibli, dans ses 
dernières années , les organes de son cerveau, on 
caimoit ses inquiétudes passagères en lui présen- 
tant un livre ; la seule vue de ces fidèles conso- 
lateurs de sa surdité et de sa vieillesse lui rendoit 
da paix et presque la raison. Il aimoit la société 
et la conversation. Ses confrères se faisoient en- 
tendre de lui par des signes de convention. Les 
étrangers trouvoient sur sa table une grande ar- 
doise sur laquelle ils écrivoient avec du blanc 
d'Espagne. Si l'on trouvoit quelquefois de l’em- 
barras dans ceite manière de converser avec lui, 
on en étoit bien dédommagé par l'agrément de 
son esprit et par la multitude de ses connois- 
sances. Il se plaisoit à communiquer ses lumières, 
et il étoit accessible à tous les instans. Un grand 
nombre de savans, Français, Anglais et Alle- 
mands, étoient en correspondance de lettres avec 
lui. Le plus grand de ses plaisirs étoit d’obliger. 11 
étoit Charitable et bienfaisant, quoiqu'il n’eût 
qu’une fortune médiocre, dont il détacha même, 
12 ans avant $a mort, 100 livres de rente pour 
fonder une école dans le petit village d'Avilly , 
où il avoit une maison de campagne , dans le voi- 
sinage de Chantilly. Il ÿ avoit une presse domes- 
tique avec laquelle il s'est amusé à imprimer 
quelqués-uns de ses ouvrages. Le portrait du 
P. Houbigant a été gravé par Eluin, d'après son 
portrait par Valade. Il est très-ressemblant. On lit 
au bas : Carolus Franciscus Houbigant presbyter 
congregationis oratorii D). N. JT. C. Parisirus ge- 


142 Biographie. 
nere.... vir eloguens.... potens in scripturis. 
Act. c. 18, v. 24. Lie format est in-fol. 

Cette notice est tirée, en partie d’un mémoire 
manuscrit composé par le P. la Lande, qui avoit 
connu particulièrement le P. Houbigant. Nous 

avons fait néanmoins plusieurs changemens, 
plusieurs additions , et surtout un grand nombre 
de retranchemens. Son Analyse raisonnée des 
principaux ouvrages du P. Houbigant eut trop 
allongé cet article. 


Ouvrages imprimés. 


1°. Racines hébraiques sans points-voyelles , où 
Dictionnaire hébraïque par racines, où sont expli- 
qués , suivant les anciens et les nouveaux interprètes, 
tous les mots hébreux et caldaiques du texte origi- 
nal des livres saints. À Paris, chez Claude Simon et 
Barth. Alix. 1732. In-8°. de 368 pages, sans la pré- 
face qui en a 85. 

2°. Prolesomena in scripturam sacram ; auctore 
Car. Fr. Housicanr, O. D. J. S. Pars prima >, ec. 
Parisiis, Briasson et Durand. 1753. In-4°. de 384 p. 
chiffrées. — Pars secunda continens Præfationes in 
varios sacræ scripturæ libros , etc. In-4°. de 432 p. | 

3°. Biblia hebraica cum notis criticis -et versione 
latin& ad notas criticas factä. Accedunt libri græci, 
qui deutero-canonici vocantur ; in tres classes distri- 
buti. Lutetiæ Parisiorum, Briasson et Durand. &vol. 
in fol. Châque volume a un faux-titre; le premier 
comprend le Pentateuque; le second, ce qu’on ap- 
pelle Prophetæ priores , sive historici libri. Ony a 


Houbigant. 143 
réuni les livres historiques qui sonten grec. Le troi- 
sième renferme les livres appelés Hagiographi, com- 
me les Psaumes, elc. : on y a joint les: Hagiogra- 
phes qRi sont en grec. Le,quatrieme volume contient 
ce qu'on appelle Prophetæ posteriores , c’est-à-dire , 
les Prophètes grands et petits : on y a joint les livres 
prophétiques qui sont en grec. A la fin de l'ouvrage, 
on lit: Zypis Claudii-Francisci Simon, ete. 1753. On 
ne tira que 500 exemplaires de cette bible, qui coûta 
à l’Oratoire 40,000 francs, qu ’on avoit à peine retirés 
en 1790. M. Barbou a acquis le peu-qui en-reste. 
4°. Veteris Testamenti versio nov, «elc.; auctore 
CF. Hove:canr , etc. Parisiis, Briasson et Durand. 
1753. In-8°. en cinq tomes ; mais comme ils -seroient 
d’une grosseur trop inégale, on peut, par lé moyen 
de faux-titres imprimés ‘exprès , les diviser en huit 
volumes. C’est la traduction latiné qui se‘trouve déjà 
dans la grande Bible ; et avec les mêmes caractères. ! 

5° Psalmorum versio vulgata et versio nova ad 
hebraïcam veritatem facta. Parisns, Lemercier, De- 
saint et Saillant. 1746. In-24 de 426 pag. Ce Es Abe 
est joliment i imprimé, mais il avoit un défaut qu’on 
a corrigé dans l’édition suivante. Ce défaut consiste 
en ce que les chiffres des psaumes ne se trouvent 
pas indiqués au haut des pages ; de manière que l'on 
a peine à trouver le psaume que l’on cherche. Dans 
l'avertissement, on parle dela grande Bible comme 


ayant AAA été imprimée :-elle sat mais elle ne 
parut qu’en 1753. 


\ 


6°... Psalmorum et Canticorum ‘versio vulgata et 
versio nova, etc. Editio altera , ibid. Petit in-12 de 
‘391 pag. 


444 Biographie. 

7°. Traduction des Psaumes de David, selon là 
nouvelle version latine du texte hébreu, imprimée en 
1753. Lyon, Duplan. 1767. In-12 de 576 pages. Ce 
psautier est à trois colonnes, et renferme la traduc- 
tion française, placée entre la vulgate et la version 
ltine du P. Houbigant. La traduction française n’est 
pas de lui, mais il l’a revue et approuvée. 

8°. SN, sive Psalmi hebraïci mendis quàäm, 
Plurimis expurgati. Lugd. Bat. 2748. {n-18 de 20g p. 
Ce psautier hébreu, qui est très-rare , est comme uñ 
échantillon des corrections qué le P. Houbigant pro- 
pose de faire dans le texte. Il l’imprima lui-même à 
Avily. Les lecons ordinaires sont à part et occupeñt 
24 pages , chiffres romains. 

g°. Proverbià) Ecclesiastes , Job. 1763. Petit in-13 
de 30r pages. Après la traduction latine de ces trois 
livres, on trouve le texte dont il #”’y a eu que 38 pag. 
d’imprimées , c’est-à-dire, les dix prémiers chapitres 
des proverbes et qe lignes du BARS 119, Voilà 
du moins tout ce que j’en ai vu et que j'ai. Cét ou+ 
vrage fut aussi imprimé à Avilly. 

100. Zntroduction. n-8°. de 103 pages, de la même 
petite imprimerie. Cette introduction devoit servir 
de préface à-un ouvrage intitulé : £sprit de l Ancien 
Testament, qui n’a point paru , él qu'on n’a pas méme 
retrouvé daps les papiers du P. Houbigañit. 

11°. Exaïnen du Psautier français des RR. PP. 
Capücins, où l'on prouve, 1°. qu'ils ne doivent point 
prendre, pour sujet ordinaire des psauinés , des Juifs 
captifs et maltraïtés par les Chaldéens ; # qu'ils don- 
nent une fausse idée de la large saïñtes, él qu'ils êh 

violent 


Houbigani. 149 
violent souvent les règles. À la Haye, et se trouve à 
Paris chez P.Fr. Didot Re 1764. In-8°. de 154 
pages. 
12°. Conférences de Metz entre un Juif, un Protes- 
tant et deux Docteurs de Sorbonne. In-8°. de 359'pag- 
chiffrées. 
19°. Ouvrages de M. Lesley , contre les Déistes et 
les Juifs, avec les défenses , et un traité du jugement 
particulier et de l'autorité en matière de foi, traduits 
de l'anglais sur la septième édition, parle R. P. Hov- 
BIGANT, eëc. -e , Lottin l'aîné. In-8°. de 272 pages 
chiffrées. ; 
14°. Ouvrages de feu M. Forbes, lor dphéde 
des Assises d’Edimbourg , contenant des pensées sur 
la Religion naturelle et révélée, une lettre à un Evé- 
que, et des réflexions sur l’Incrédulité; traduits de 
l'anglais , avec des notes par le R. P. Houbigant, etc. 
Lyon, Berthoud. 1769. In-8°. de 461 pag. chiffrées. Le 
censeur Mercier, docteur de Sorbonne, dit : « {{m°a 
puru que c'étoit une main habile qui avoit entrépris 
cette traduction. Les notes savantes et judicieuses 
dont elle est enrichie, en augmentent le mérite eë 
Putilité. » 
15°. Sermons de M. Sherlock, évêque de rase, 
traduits de Panglais par le R. P. HOUBIGANT, etc. 
Lyon, Duplaïn. 1768. In-12 de 449 pages chiffrées. 
16°. Réglèmens de l'Ecole des Filles d’'Avilly, com- 
posés et imprimés par le fondateur lui-méme. \n-8°. 


de 9 pages. 
TZ, III. Maia806. * 


146 Biographie. 
Ouvrages manuscrits. 


1°. Manière d'étudier et d'enseigner déé humanités. 
184 pag. in-fol., sans l’avertissement. 

2°. Abrégé des Règles de la Formation des temps 
grecs! 15 pag. in-fol. « J’ai fait, dit le P. Houbigant, 
l'essai de ces règles sur bien des personnes à qui j'ai 
appris de grec, el qui n’ont point eu besoin d'autres 
éecours. » 

Ex Du pour l’école d’Avilly. 4 pag. in-fol. 
Voyez les ouvrages imprimés. 

4°. Traduction d’Origènes contre Celse. Se ce, 
que nous en avons dit plus haut. 

5°. Vie du cardinal de Berulle. On trouve à la 
fin les objections du censeur et les réponses très 
fermes du P. Houbigant. 

6. Traduction française de l'Ancien Testament 
sur le texte hébreu , corrigé par Le P. Houbigant. On 
y a joint une ‘traduction. du Nouveau Testament. 

7°. Notes critiques sur les livres de l'Ancien Tes- 
tament. 8 vol. in-4°. Las Le D Houbigant se proposait. 
de retoucher la traduction et les notes, L’abbé Ribal- 
lier avoit été nommé censeur ; mais M. de Beaumont, 
archevêque de Paris, l'empêcha de donner son ap- 
probation. Sa seule raison étoit qu il y avoit déjà 
assez de traductions. fr ançaises de l’Ecriture, et qu’i4 
n’en vouloit pas de nouvelles, Dans le premier vo- 
lume du Lévitique expliqué, l'abbé Contant de la 
Molette dit dans une note pag. 178 : « Le P. Hou- 
bigant m'a montré, dans son porte-feuille, la Tradu: 


tion françdlso de tout son ouvrage, Elle est Jaisevde 


- 


.«  Houbigant. 147 
main de maîlré ; le style en est coulant, les termes 
propres et énergiques, ainsi que ceux de la version 
latine. Si elle n’a pas vu le jour , c’esé pour des rai- 
sons particulières qu'il nous a expliquées lui-méme, 
et qu’il n’entre pas dans notre plan d'exposer aux 
yeux du public. » Ces raisons, on vient de les voir: 
Elles sont en effet très-particulières. 

8°. Traité de l'Esprit de l’ Ancien Testament. Petit 
in-fol. 13 cahiérs. L'introduction seule fut imprimée, 
et l'ouvrage $’est trouvé égaré. | 

9°. Traité. de la Venue d Elie. Y le composa pour 
prouver qu'elle n’est pas aussi prochaine que quelques 
Modernes se le sont imaginé. 

10°. Traduction francaise des A de la 
Bible: Elle n’est pas complète. 

11°. Remarques sur le livre (de M. Astruc} inti- 
tulé : Conjectures sur la Genèse. 

12°, Traité de Dieu et de ses attributs. 4 skins 

13°. Abrégé d’'Eusèbe et de Socrate ; composé en 
1716. 5 cahiers. 

14°. Abrégé des Conciles des quatre Reg siè- 
cles. 17 eahiers. 
. 15°. Traduction de l’'Examen des Wiracles ; dE- 
douard Sklingfleet, évéque de FForchester. 8 cahiers 
dans un porte-feuille. 

16°. Traduction des Lettres pastorales de Gibson, 
évêque de Londres. Dans un porte-feuille. 
x7°. Traduciion du Gardien , ou. Curateur (Guar- 
dian), ouvrage périodique et de morale par Steele 
et Addisson , dans le genre du Spectateur. 35 calriers: 
M. Godescard l’avoit aussi traduit. 


148 Biographie. 
8°. Réfutation du premier Avertissement de M, 

de Soissons ( Languet, depuis arch. de Sens ). 

19°. Deux Sermons, l'un sur-les souffrances, l’au- 
tre à des religieuses. 

20°. Une Harangue latine. * ’ 

21°. L’Electre de Sophocle en vers iambes. « Ÿai 
composé, dit le. P. Houbigant, cette tragédie latine 
en 1714, lorsque je faisois la rhétorique à Juilly, et 
je l'ai fait encore représenter à Marseille en 1715. J’ai 
été obligé de changer les personnages d’'Electre et de 


Chrysothémis sa sœur, en ceux d’Elector et-de Chry- 


sothème. » Cette pièce fut accompagnée d’intermèdes 
français dont le sujet est la paix qui venoit d’être 
donnée à l’Europe. Ils sont en vers libres, et occu- 
pent 80 pages in-4°. Le P. Houbigant a écrit à la fin: 
« Cette pièce a servi d’entr’'actes à ma tragédie latine 
que j'ai donnée à Marseille. Elle pourroit devenir 
meilleure, en rendant quelques allégories un peu plus 
suivies, et en serrant quelques endroits qui sont trop 
lâches. Le personnage de Jupiter est le meilleur de 
ous, suriout dans la dernière scène. La poésie est 
aisée dans toute la pièce. Le fond des personnages 
badins est de M. Thevenard. Je n'ai Jait que les 
serrer et Les retoucher. Le personnage de l'Hiver est 
de M. Capponi. Tous les deux régentoient à sm à en 
méme Lemps que moi. » 

Le P. Houbigant avoit du goût ét du talent pour la 
poésie, soit latine, soit française, et s’amusoit quel- 
quefois à écrire en vers français à quelques-uns de 
ses amis, et il a imprimé lui-même sur une feuille 
volante une pièce en vers iambes d’environ trente 


ee 
+ 


‘ Houbigant. 149 
vers, qui est satirique et de la plus grande force, 
C’est un ouyrage de sa jeunesse, et je n’en ai vu 
qu’un exemplaire. Le modeste traducteur de Salluste 
et de Tacite, après avoir dit que plusieurs de ses con- 
frères l’ont aidé de leurs remarques, ajoute: « Je pour- 
rôis nommer entr’autres , le P. Houbigant , dont le 
mérite ne se borne pas à une profonde intelligence 
de l’hébreu , il a bien voulu me donner par écrit ses 
notes sur la Conjuration de Catilina. » 

Tous les manuscrits du P. Houbigant étoient dans 
Ja bibliothéque des Pères de l’Oratoire de la rue St.- 
Honoré, qui étoit une des plus riches de Paris. Ils 
ont été transportés , ainsi que tous les autres manus- 
crits et les livres imprimés de cette bibliothéques 
dans la maison des Jésuites de la rue St.-Antoine. 
J ignore ce qu’ils sont devenus dans leur totalité. Je 
sais seulement que M°. V. P. a veillé à ce que les 
principaux mangscrits et les imprimés qui étorent 
enrichis de notes manuscrites, fussent transportés 
dans la bibliothéque confiée à ses soins, et qu'il n’a 
pas peu contribué à rendre la première de toutes Îles 
bibliothéques. 

d J. F. A—Y. 


POÉSIE. 


IN. B. Une dame reprôchoit à La Dixmerie d'a- 
voir maltraité dans ses Contes les femmes de 40 
ans ; l’auteur d’Æ/zire et de Mérope fit sous’ son 
nom la réponse qu on va fre, et qui n'a pas été 
imprimée. 

Aug. Ds L. 
*  Lorsqu’à vingt ans on eut tous les attraits, 
Quelques lustres de plus ne sont point une aflaire. 
À quaranie ans on peut nous plaire, 
On le peut même encore après. 
. Vénus fut la mère des Grâces, 
Et les Grâces , dit-on , n’éloient plus des enfans. 
Toutefois en suivant ses traces 
Les vit-on balancer seséharmes triomphans ? 
Mais citons pour exemple une simple mortelle. 
Ninon, cette aimable infidelle, 
Ninon qui tour à tour prit, quitta mille amans, 
Presque dans l’âge de Cybèle , 
Sut asservir un Atis de vingt ans. 
Ah ! ne prenez pas pour outrage 
Un trait par le hasard dicté F 
Je n’ai point médit de votre âge ; 
Il n’en est point pour la beauté. 
VOLTAIRE. 


ee | 


VARIÉTÉS, NOUVELLES 


ET 


L 


CORRESPONDANCES LITTERAIRES, 


NOUVELLES ETRANGÈRES. 


ANGLETERRE. 


Le major Ouseley , frère du célèbre orientaliste de 
ce nom, et adjudant du Nabab d’Audh dont il est 
commandant de la garde, avoit formé dans l'Inde 
une collection précieuse de manuscrits orientaux et 
d'ouvrages de l’art, qui vient d’être apportée en 
Angleterre depuis peu de temps. Outre les manu- 
serits arabes, persans et sanscrits, dont le nombre 
monte à 1500, cette collection renferme de vieux 
tableaux mythologiques magnifiquement enlumi- 
nés, qu'il a recueillis à grands frais dans l’Indostan , 
le Thibet, la Tartarie , la Chine, Ceylan, Ava, eic., 
des idoles de pierre, de métal, de bois, ete., des 
étofles, des médailles et monnoies rares, parmi les- 
quelles il y a une suite complete de celles frappées 
par les princes mohamédans depuis Timur; des 
pierres gravées, des armes, des harnois, des ins- 
trumens de musique. Le propriétaire de cette col- 
lection a noté la musique de quelques chansons de 
la Perse, du Cachemire et de l'Inde. Le Gouverne- 
ment a affranchi cette collection de tous les droits. 


! 


152 Nouvelles littéraires. 


Le jeune Roscrus a fait sa rentrée au théâtre de 
Drury-Lane, le 16 décembre, dans le rôle de Dou- 
glass. Ses ennemis, qui formoitnt un parti redou- 
table, eurent le dessus pendant les deux premiers 
actes, et le sifflèrent avec acharnement. Mais lors- 
qu il reparut ‘au quatrième acte , ses partisans, qui 
composoient la majorité de l’assemblée, lencoura- 
gèrent par des applaudissemens, de manière que ce 
jeune acteur, remis de son émotion, finit par rem- 
porter tous les suffrages. On peut assurer que de 
tous les acteurs pygmées qui infestent les théâtres 
anglais depuis un an, il sera le seul qui s’y main- 
tiendra avec avantage, et qui remplira, dans la jeu- 
esse et dans l’âge mûr, les espérances qu’on a con- 
çues de sa première adolescence. | 


D’après l’usage établi dans l'Ecole de St.- Pierre 
à Westminster, les élêves jouent chaque année une 
comédie de Tente Ils ont représenté il y a peu de 
temps le PAormion de ce poëte. 


Mistriss Zlisabeth Carter vient de mourir à l’âge 
de quatre-vingt-neuf ans. Son instruction, les agré- 
mens de son esprit, ses ouvrages lui assurent une 
place distinguée «parmi nos femmes célèbres. Elle 
eut “OA HR de goût et de talent pour la poésie, 
et n’en fit jamais usage que pour rendre la vertu 
plus aimable. Sa première production fut une Ode 
à la Sagesse, qui orne une des meilleures éditions 
de Clarisse. Elle laisse un livre de poésies diverses, 
et une Zraduction d’Epictète, enrichie de notes; 
ouvrage qu’on a placé parmi nos livres classiques. 


1° Angleterre vient de perdre une femme qui, par 
sa naissance, son esprit et sa beauté, mérite d’être 
citée parmi les femmes les plus distinguées de son 


Nouvelles littéraires. 153 


pays et mème de l'Europe, madame la duchesse DE 
Devoxsaire , morte à Londres le 30 mars dernier, 
dans la quarante-neuvième année de son âge. Les 
liaisons qu’elle entretint avec les hommes célèbres 
de tous les pays, la noblesse et l’élévation de son 
caractère , le souvenir de sa rare beauté, le goût 
qu’elle eut pour les arts, la protection éclairée qu’elle 
accorda constamment aux artistes, sont autant de 
motifs de déplorer sa fin prématurée. La duchesse 
avoit composé, sur le Passage du Mont-St.-Gothard, 
un poëme que M. J. Deztsce a traduit en français, 
langue que madame de Devonshire parloit avec au- 
tant de grâce que de pureté. : 


HoLzLANDE. 
ç # 
Le 13 et Le 14 août 1805, la Société batave, désignée. 

par la devise : Tot Nut van’t Algemeen , à AMSTErR- 
DAM, a tenu sa séance générale. Elle n’4 décerné 
qu'un seul prix. Sur plusieurs questions elle n’avoit 
recu aucun mémoire, et sur quelques autres les mé- 
moires ne lui ont point paru satisfaisans. Le mé- 
moire couronné avoit pour objet {es avantages des 
distributions de prix ; Pauteur est M. Visser, mi- 
nistre du S. Evangile à Warns. 


_Le respectable fondateur de cette même Saciété , 
Jean Niseuwenuuyzex, dépuis plusieurs années pas- 
teur anabaptiste à Monnickendam, dans la Nord- 
Hollande, est mort dans cette ville Le 25 février der- 
nier, à l’âge de 81 ans. s 


. 


Les troubles civils de la République batave en 
avoient fait émigrer un des hommes de lettres et 
des poëtes hollandais les plus distingués, M. Guil- 
laume Bizrerpyx, dernièrement retiré à Brunsvic. 


154 Nouvelles httéraires. 


La division Amsterdamoise de la Société batave de 
littérature et de poésie a délibéré, le 5 décembre 
dernier, d'inviter M. Bilderdyk à revenir dans sa 
patrie, en lui proposant une chaire lectorale de 
langue , d’éloquence et de poésie hollandaise auprès 
de, cette division. Il a été ouvert sur le champ, et 
signé.par ious les membres présens, une liste de 
souscription à cet.effet : la moindre somme à sous- 
crire est de 15 florins (31 fr. }, et pour trois années 
consécutives. 


La section théologique de la Société Teylérienne , 
séante à HarLem, a arrêté, à la fin du mois de no- 
vembre dernier, de proposer la question suivante 
pour sujet du prix à adjuger le 8 avril 1807: 

« En quoi différent la religign naturelle, telle 
»°que la simple raison nous apprend à la connoi- 
» tre, et la religion chrétienne, telle qu’elle est 
» conterffte dans les livres sacrés du Nouveau Tes- 
» tament ? , 

» Depuis quelques années ne paroïit-il pas, de 
» temps en temps, des écrits qui tendent manifes- 
» tement à obscurcir cette différence, et à faire mé- 
» connoître les avantages de la religion chrétienne 
» sur la religion naturelle ? 

» À mesure que ces écrits se répandent , que celte 
» différence est perdue de vue, et que l’on assimile 
» en tout point ces deux religions, n'est-il pas à 
» craindre qu’il n’en résulte de funestes effets pour 
» le christianisme et pour le règne de la vertu et du 
» bonheur parmi les hommes ? » 

La médaille est en or, de la valeur intrinsèque de 
400 florins (environ 35 louis d’or). Les mémoires 
lisiblement écrits en hollandais, en latin, en fran- 
çais ou en anglais, doivent être adressés, non signés , 


Nouvelles littéraires. 155 


mais portant une devise, et avec un billet cacheté, 
portant en dehors cette mème devise, et, sous le 
cachet, le nom de l’auteur, avant le 1, PAT IE 
1806, à la Fondation de gi M. Pierre Teyler var 
der Hulst, à Harlem. 5 


La Société nationale d'Economie des Pays-Bas , 
séante à HArLEM, avoit proposéen 1797,d’après l’invi- 
tation de l’Assemblée nationale de la République ba- 
tave , la question suivante : « Quels sont les moyens de 
» convertir l’eau gâtée ,pourrie.et d’une odeur infecte, 
» en une boisson salubre et agréable? » Treute-huit 
mémoires avoient été envoyés à ce concours. Dans 
Ja séance générale qui eut lieu au mois de juin 1805, 
le prix fut adjugé à l’un de ces mémoires. Ce ju- 
gement ayant été confirmé par l’Assemblée des di- 
recteurs, dans la séance du 5 septembre, on ouvrit 
le billet cacheté joint au mémoire, et on apprit que 
l’auteur étoit le D’. 4 van Sriprraax Luiscius, lec- 
teur de médecine et de chynfe : à Delft. Le prix étoit 
fixé à 6000 florins; après avoir constaté préalable- 
ment l’exactitude des résultats indiqués par M. Lui- 
scius, la Société lui a assigné 2000 florins ; les deux 
autres tiers du prix lui seront comptés ,; lorsqu'on 
aura fait les expériences nécessaires dans différens 
climats , afin d’être absolument certain que les pro- 
cédés de l’auteur sont applicables à tous les pays et 
à tous les temps. , 


La Société batave de langue et de poésie hollan- 
daise, à Rorrenpau, a décerné une médaille d’or à 
M. J. ne Vrirs, d'Amsterdam, pour son mémoire 
sur les progrès et La décadence de la poésie hollandaise 
dans Le 18°. siècle. dé : 


Frédéric-Guillaume Prsrer (et non Restel, comme 


- 


156 Nouvelles littéraires. 


il a été fautivement imprimé dans le Magasin Enc. 
“du mois dernier (avril), pag. 427, lig. 21, où il faut 
également changer le nom de fan der Keersel en 
Van der Keessel) est mort à Leide dans les pre- 
‘miers jours du mois d’octobre dernier. IL y avoit 
été appelé en 1763, de l’Université de Rintlen en 
Westphalie, pour professer le droit public et privé, 
et il honora sa chaire par son enseignement libéral 
et lumineux, depuis cette époque jusqu’en 1795, 
quand, à la suite des troubles civils, messieurs les 
curateurs académiques de l’Université jugèrent à 
propos de le destituer de ses fonctions. Le respec- 
table vieillard y avoit été rappelé, et il sy étoit 
rendu il y a trois ans, mais: il n’étoit plus qu’une 
ombre de lui-même; et cette ombre encore vient 
de disparoître ! Ses principaux ouvrages sont ses 
Fundamenta Jurisprudentiæ naturalis, qui ont eu 
plusieurs éditions, et qui ont été traduits en fran- 
‘çais par Æerroux, et son traité de Republic4 batavä. 
Il a prononcé des discours académiques de damnis, 
ex neplectu juris publici in civitates redundantibus , 
en 1763; de communi bono , lege civitatum primä, en 
1765; de differentiis præcipuis veleris et recentioris 
gentiunm Europæarum politiæ , en 1777; de fructibus 
qui ex jurisprudentiä perfectiori ad populos Euro- 
pæos sæculo XVIII pervenerunt, en 1788. Le res- 
pect et la reconnoissance ont dicté cette commé- 
moration funèbre à un de sês disciples les plus at- 
tachés.  P. H. M. 


Le savant orientaliste Jean-Henri VAN Der PALM, 
qui, nommé en 1796 professeur de langues orientales 
et d’antiquités hébraïques à l’Université de Leide, 
avoit, en 1799, laissé sa chaire, pour prendre d’au- 
tres fonctions politiques dans le Gouvernement ba- 


Nouvelles littéraires. 157 


tave, vient d’être nouvellement rendu à l’enseigne- 
ment académique , et professera désormais la poésie 
et l’éloquence sacrée , tañfidis que son collègue, M. 
Sébald-Fulco Æaw, aura pour son attribution /es 
langues et les antiquités orientales. 


M. Pierre V 4m Damme, qui possédoit un des beaux 
cabinets dé monnoies et de médailles qu'on ait jamais 
vu en Hollande, et dont la bibliothéque, tfès-cu- 
rieuse à plusieurs égards, étoit surtout fort riche 
dans cette même partie, est mort depuis peu à Ams- 
terdam , et a légué la presque totalité de sa succes- 
sion à la Société batave du bien public ( 7o£ nut 
van t Algemeen). Ta bibliothéque et le cabinet de: 
M. Van Damme doivent être vendus à l’enchère à 

-La Haye. 


, LE] 
La Société de littérature hollandaise, séante à Live, 

y atenu, le 7 février dernier, une séance publique. . 
Elle fut ouverte par une lecture de M. le professeur 
Tydeman, sur la première origine du langage et sur 
le Cratyle de Platon. M.Oxver-nE-W yxcaarT-Can- 
zius, de Delft, y lut un mémoire tendant à établir 
que l'étude de la langue hollandaise, dans toute 
l'étendue de ses rapports, est, non moins que celle 
de la langue latine, une abondante source d’éru- 
dition. 


M. Jacques ScuezrEMA ayant publié depuis peu le 
premier volume de son Tableau politique des Pays- 
Bas ( Staatkundig Nederland ), accompagné d’une 
carte biographique, et l’ayant dédié à son excellence 
M. le Grand-Pensionnaire, pour être suivi de pa- 
reils #ableaux et cartes militaire et littéraire, à dater 
de l’an 1400, le Gouvernement batave a bien voulu 
témoigner à l’auteur sa satisfaction particulière de 


158 Nouvelles littéraires. ; 


cette entreprise, et concourir par un ‘assez gränd 
nombre de souscriptions à Pusage des principaux 
établissemens publics, ain$i que par une recom- 
mandation officielle, au plus prompt débit de l’ou- 
vrage. 


M. Jean-Melchior KEMmvEr , professeur de juris- 
prudence à à l'Académie de Harderwyck, vient d’être 
appelé au même enseignément à l’Athénée illustre 
d'Amsterdam. M. Kemper, qui deux fois depuis peu 
avoit refusé de se rendre au vœu de l Académie de 
Franeker, empréssée de se l’attacher, ést non moins 
bon poëte hollandais que jurisconsulte : il a publié 
dans cette larigue quelques odes, très-remarquables. 


La connoissance dé l’hydraulique et de toutes les 
constructions qui y ont trait, n’est nulle part plus 
importante. qu’en Hollande. M. CAristian Bruwines, 
directeur-géñéral des travaux de rivière et de.-mer 
de la République batave, mort depuis peu à Här+ 
lem, a rendu dans ce genre, pendant une: longue 
suite d'années ; djinappréciables services à sa patrie. 
Le Gouvernement batave à voulu honorer sa mé- 
moire ; 1°. en. ordonnant qu’il lui serait élevé, aux 
frais de l'État, dans la principale église de Harlert ; j 
un monument sépuleral simple, mais décent, con- 
sistant dans son buste en marbre blanc, posé sur 
un socle de même matière , sur lequel on lira, en 
lettres d’or, le nom du défunt, Ie lieu et l’époque 
de sa naissance , ainsi que ceux de son décès; 2°. én 
promettant une inédaifle d’or, attachée à une  dhäliie 
de même métal, ensemble dé lä valeur de 200 du- 
cats (de 11 à 1200 fr. ), où bien le montant de cette 
somme ; à l’auteur du meilleur mémoire ou élogé 
ABMEUE dé cet excellent citoyen. Uré com- 
mission de cinq juges compétens a élé nomméé 


Nouvelles littéraires. 199 


pour prononcer sur les mémoires qui seront envoyés 
au concours. Elle est composée de MM. Trent Van 
Raaphorst, H. Fan Royen, J. Meerman , J. H. Fan 
Der-Palm e3. Lublink \e jeûne. Les mémoires de- 
 yront être remis avant le 16 février 1807, au premier 
de ces commissaires. Le prix sera ad) ugé le 16 mai. 


1! 


ALLEMAGNE. 


L'Allemagne vient de perdre M. Fr. DE SoxNEN- 
BERG , jeune poëte, dont lestpremiers essais avoient 
fait espérer de voir renaître en lui le génie de 
Klopstock. EE n’avoit encore publié que quelques 
morceaux de poésie lyriqué, pleins d’élévation , 
d'images heureuses et hardies, et d’un essor su- 
blime, FM 


Le 22 du mois de mars est mort, à Maxwerm, 
M. Côme Cozust, né à Florence en 1727. À vingt 
ans il mérita lattention et gagna l’amitié de Vol- 
taire. En 1760, il entra au service de l’électeur Charles 
Théodore, en qualité de secrétaire intime. Quelques 
années après, il fut nommé membre de l’Académie 
des sciences, historiographe et directeur du cabinet 
d'histoire naturelle de cette ville. 


S À X E. 


La Société de Gorrzrrz a proposé et mis au con- 
cours les deux questions suivantes : 

1°. Par un temps nébuleux , il ne gèle guère que 
lorsque le thermomètre de Réaumur est descendu 
au point de zéro, ou du moins très-peu au-dessus : 
Pourquoi , lorsque le ciel est serein , gèle-t-il déjà 
quand le. même thermomètre est à trois où quatre 
degrés au-dessus de zéro ? 


à : 


160 Nouvelles littéraires. 


2°. Rassembler dans les ouvrages de Plaute tout 
ce qui a rapport à la connoissance des hommes et des 
choses de son out et et mettre ‘ces matériaux en 
ordre, de manière à pouvoir se procurer un tableau 
de la oe et des mœurs à cette époque. 
* Un prix de trente écus est attaché à la solution 
de chacune de ces deux questions. 


On agite depuis long-témps la question sur la tem- 
pérature absolue ou relative de l’intérieur de la terre. 
M. de TREBRA , capitaine des mines à FREYBERG , et 
M. le professeur Lampapius ont imaginé de la ré- 
soudre. Ils ont fait placer deux thermomètres de 
Réaumur dans les mines à différentes profondeurs, 
et les ont comparés deux fois PA jour avec un autre 
expôsé au grand air. Quelle qu’ait été la variété de 
température de celui-ci, les deux thermomètres de 
l’intérieur ont marqué constamment l’un 12°,.et 
l’autre 9 et demi. M. de Trébra, qui paroît être dans 
l'intention de répéter et de varier ces expériences, 
se propose aussi d’en faire d’autres, relatives à la 
théorie du docteur Benzenberg, sur la chute des 
corps. 


BAVIÈRE. 


M. le professeur RiTrer a fait connoître à l’Aca- 
démie royale des sciences de Munich, dans une de 
ses dernières séances de l’année passée, une suite : 
d'expériences qui se rapportent directement à la na- 
ture du magnétisme. Dans les années 1776 et 1777, 
l’Académie avoit déjà proposé des questions sur ce 
sujet , et on s’étoit alors occupé des rapports qui 
existent entre l’électricité et le magnétisme. 

Voici 


Nouvelles littéraires. 161 


Voici les résultats des expériences de M. Ritter : 

1°. Chaque aimant est un équivalent d’une paire 
de métaux hétérogènes unis ensemble; ses différens 
pôles représentent pour ainsi dire les diflérens mt- 
taux. 

2°. Il donne, comme ceux-ci, de l'électricité ; 
savoir, l’un des Frs pôles, de l’électricité Pooye, 
et Tévire de l’électricité négative. 


3°. En suivant le même procédé, un certain nom- 
bre d’aimans, ainsi qu’un certain nombre de paires 
de métaux, a donné de l'électricité ; et c’est ainsi 
qu’on est parvenu à représenter sur l’électromètre 
les électricités fournies par les pôles des différens 
aimans. 


4°. Au moyen de ces électricités, une de ces bat- 
teries d’aimans , selon qu’elle est plus ou moins 
forte, produit sur les corps morts et vivans tous les 
phénomènes qui sont produits par une pile de Volia 
de l’espèce ordinaire et de la même force. . 


5°. Les expériences qui prouvent cela font voir 
que, dans le fer aimanté, le pôle du sud donne 
électricité positive, et le pôle du nord, l’éleêtricité 
négative ; que dans l’acier aimanté, au contraire, le 
pôle du nord donne l'électricité positive, et le pôle 
du sud, l'électricité négative. 

6°.ga même distribution inverse s’observe aussi 
par räpport aux oxydabilités polaires du corps ai- 
. manté, dont le changement est produit par la ma- 
gnétisation ; tandis que dans Le fer aimanté le pôle 
du sud est plus oxydable, et que le pôle du nord 
V'est moins : on observe que dans l’acier aimanté 
le pôle du nord est plus oxydable, et que celui du 
sud l’est moins. 


T°, 111, Mai 1806. Wir 


Le 


162 Nouvelles littéraires. 


M. Ritter pense qu’en considérant la terre comme 
un immense aimant , ces résultats pourroient servir 
à expliquer plusieurs phénomènes de la nature, 
telles que la différence physique entre les deux hé- 
misphères, l’aurore boréale et l’aurore australe. En 
effet, d’après ce qui a été dit plus haut, la terre, 
considérée comme aimant, peut être prise comme 
l'équivalent d’une immense pile de Volta, dont les 
pôles sont, d’un côté, suffisamment fermés par les 
eaux de POcéan , ce qui doit produire et avoir pro- 
duit les plus grands changemens chymiques des ma- 
tières de la terre, changemens qui doivent avoir 
différé suivant les pôles, et dont les pôles d’un au- 
tre côté ont encore toujours trop d'abondance en 
électricité , pour qu'une portion considérable ne 
cherche la voie des rayons de sa splendeur GE les 
vastes espaces des cieux. 


HonNGRtE. 


La duchesse Julienne Giovane, membre hono- 
raire de plusieurs Académies, morte à Bunr au mois 
d’août dernier , étoit née à Wurtzbourg, et fille d’un 
baron de Mudersbach. La plupart de ses écrits se 
trouvent indiqués dans l'Allemagne littéraire de 


Meuse. 
PrussE. 


- Dans le numéro précédent , nous avons met 
médaille frappée par ordre du Gouvernement prus- 
sien , à l’éffet d'encourager l’inoculation de la vac- 
cine. Voici la description de cette médaille, qui est 
du prix de 50 ducats en or et du poids de 4 onces 
en argent. Elle offre, d’un côté, le buste du Roi, 
avec cette légende : FRIDERICUS WILHELMUS, REX, 
PATER PATRIÆ; au revers On voit une vache qui tra- 


Nouvelles littérairés. 165 


verse la mer, montée par la Déesse de la santé, et 
qui est-au moment d'aborder le rivage. La légende - 
est : IN TESUPREMA sALUS ; On lit dans l’exbrgue : vac- 
CINATIONIS PRÆMIUM. . 


Frédéric-Auguste duc de Brunsvic-ŒLs, général 
d'infanterie de l’armée prussienne, chevalier du grand 
ordre de l’Aigle noire et de l’Aiïgle rouge, membre 
honoraire de l’Académie royale des sciences de Ber- 
lin, étoit du petit nombre des princes qui réunis- 
sent les talens du général à ceux de l'écrivain, les 
lauriers du héros à la gloire due au protecteur des 
lettres et des arts ; c’est sous ce rapport que ce journal 
doit en donner quelques détails biographiques (1). 

Il naquit à Brunsvic le 29 octobre 1740 ;'il fut le 
second fils de Charles, duc régmant-de Brunsvic, et 
de la duchesse-Philippine-Charlotte, fille de Frédéric 
Guillaume I, roi de Prusse, et sœur de Frédéric-le- 
Grand. Son éducation fut confiée aux soins de M. de 
WALMopEN, conseiller d’éiat intime, et de M. Krrcu- 
MANx, et l'instruction religieuse lui fut donnée par 
le respectable JÉRUSALEM, auteur des Considérations 
sur la Religion. A entra dans la carrière militaire 
au mois de mai 1761, comme colonel et chef d’un 
régiment d'infanterie de son père, dans i'armée des 
alliés, sous le commandement en chef de son oncle 
le duc Ferdinand, dont il sut dès lors acquérir l’es- 
time par la prudence et la sagesse de sa conduite. 
Dans cette année et en 1762, il se distingua dans 
différentes actions. En 1763, il entra au service de 


(1) Cet article est extrait du Journal général de Littéra- 
ture, publié à Halle ; 1806, janvier, feuille d'annonces, p. 1 
etsuiv.; pour la rédaction de ce dernier on s’étoit servi 
d’une biographie écrile par le duc lui-même, et insérée 
dans les feui/les provinciales de la Silésie ; 1805, n°, XI. 


164 “Nouvelles littéraires. 
Frédéric IT ; roi de Prusse, auprès duquel il a passé : 
la plupart de son temps à Potsdam jusqu’en 1768, 
époque à laquelle il se maria avec la fille unique 
du duc régnant de Würtemberg-Oels; alors il se 
fixa entièrement à Berlin, et s’occupa avec plus d’as- 
siduité qu'auparavant d’objets de service et de lit- 
térature. Comme fruit de ses réflexions sur le ser- 
vice et les objets militaires , on peut regarder lin- 
vention de la baguette cylindrique faite par lui en 
1773, et que Frédéric IT introduisit bientôt dans 
son armée. Nous ne nous arrêterons pas à la part 
qu'il prit à plusiéars expéditions militaires posté- 
rieurement à celle époque; notre but est de parler 
plutôt du litiérateur ‘que du général. 

Son beau-père étant mort vers la fin de 1792, il 
lui succéda dans la principauté d’Œls, où il se rendit 
au mois de juin 1793. L'année suivante, 1l se démit 
de toutes-ses dignités militaires pour donner tout 
son temps au gouvernement du pays qui venoit 
de lui écheoir; il embellit la ville d’'Œls, sa ré- 
sidence, surtout le château ; il fit des changemens 
considérables dans ses deux châteaux de plaisance, 
Sibyllenort et JF helminenort ( lieu de Sibylle et 
Jieu de Wilhelmine ); il forma dans chacun d’eux 
un petite bibliothéque choisie, et il augmenta con- 
sidérablement la grande bibliothéque d’@ls. Pen- 
dant les dernières années de sa vie, il passa les hi-. 
vers ordinairement à Berlin , où il logeoit dans une 
maison qu'il avoit su distribuer d’une manière très- 
commode, et emhellir avec beaucoup de goût. Lau- 
tomne dernier, il s’étoit rendu de cette capitale à 
Weimar, où il tomba malade, et mourut le neuvième 
jour, 8 octobre 1805. as | 

Nous avons déjà dit qu'il se distingua, non-seu- 
lement comme homme d'état et comme militaire, 


Nouvelles littéraires. 165 


mais qu'il se montra aussi toujours l’ami et le pro- 
tecteur des savans et des artistes. Le professeur 
Kzæsrner, à Gœttingue, étoit un de ses amis, et, 
après sa mort, le duc lui fit ériger un monument. 

La Étcgere et les sciences lui sont redevables 
de plusieurs ouvrages utiles, dont plusieurs ont été 
composés par lui, et dont les autres ont été publiés 
à ses frais. 

Voici la liste exacte de ses écrits, qui, en général, 
sont peu connus, parce qu'il les fit imprimer à ses 
frais, et qu 31 A distribua seulement à ses amis et 
à Fe personnes qui avoient des liaisons avec lui. 

Considerazioni sopra le cose dellu grandezza dei 
Romani, trad. del Moniesquieu; Berlin, 1764, in- 
8°.— Reflessioni critiche sopra il carattere e le gesta 
d’ Alessandro Magno ; Milan, 176%, in-6°. M. 7. ?. 
ÆErman en publia une traduction francaise, 1bid., 
176%, in-8°., et en 1767 il en parut une traduction 
anglaise à Londres, in-8°. I’original eut une nou- 
velle édition à Berlin, 1803, in-8°., et la traduc- 
tion française en 1802. — Une traductiou allemande 
d’ÆZeureusement, comédie de Rochon de Clabannes ; 
Brunsvic, 1764, in-8°. — Une traduction allemande 
de Regulus , tragédie, Potsdam, 1767, in-89. — Dis- 
cours sur les grands hommes; Berlin, 1768, in-8°.; 
nouvelle édition, Berlin, 1803. — Une traduction 
française d'Ariane à Naxos, par BRANDEs. — Pen- 
sées d’un Cosmopolite sur les Ballons aérostatiques 
- (en allemand); Hambourg, 1784, in-8°., avec grav. 
— Discours prononcé lors de la prestation de ser- 
ment , Le 2 octobre 1786 (en allemand); Berlin, 1786, 
in-8°. — Instruction pour mon régiment, afin de pou- 
soir mieux suivre les ordonnances du réglement prus- 
sien (en allemand); Berlin, 1791, in-8°., avec fig. 
— Histoire militaire dw prince Frédéric- Auguste de 


166 Nouvelles littéraires. 


Brunsvic-Lunebourg , ete. (en allemand); Oels, 1797, 
in-4°., avec 20 plans et cartes, et avee son portrait. 
— Journal plaisant, historique , politique et littéraire, 
à Œls depuis le mois de juillet 1793 jusqu’au mois de 
1793. . 

Parmi les ouvrages d’autres auteurs, qu’il a fait 
imprimer, nous citerous : Guise-le-Balafré, tragé- 
die, par le général pe Ruerz, auteur d’une tragédie 
française, Vitellie, publiée en 1793; Breslau, 1796, 
in-8°., avec grav.— Essai sur un précis des prin- 
cipes d'une théorie-pratique des mines, par le baron 
p’ArzErTAN; Berlin, 1804, in-8°. v 

Il à aussi laissé plusieurs ouvrages en manuscrit , 
tels que : Campagne supposée du duc et de son frère 
Albert Henri, écrite dans les années 2760 et ‘1761. 
— Pensées sur la fortification , l'attaque et la défense 
des places (rédigées en 1765). — {nstruction géné= 
rale sur la tactique ( composée en 1769). — Dispo- 
stions pour différentes attaques contre un ennemi 
supposé ; avec des plans ( composé en 1773).— Projet 
de plan d’une expédition dans le Holstein et en Da- 
nemarck , en 1788, et d’une irruption dans la Bohème, 
en 1:89 Ou 1790. 


Dans la séance du 9 octobre 1805 de l’Académie 
des sciences utiles à Errorr, M. le Prof. Tromms- 
pore à fait lecture d’une lettre de M. Æ/exandre vx 
Humsozpr, adressée à M. le président de Dacaræ- 
DEN , sur les poissons électriques. Elle sera imprimée 
dans le prochain volume des Mémoires de cette Aça- 
démie, qui ne lardera pas à être imprimé. 

Dans la séance du 2 décembre, M. le professeur 
BerNHARDI à lu un mémoire sur quelques espèces de 
prix d'honneur de l'Allemagne méridionale qui sont 
peu connus, D 


Nouvelles littérdires. 167 

On y a lu encore un mémoire envoyé de Wei- 
mar par M. le docteur Hagerce, dans lequel il dé- 
veloppe de nouvelles vues sur l'Histoire naturelle 
des Champignons, et qu'il a appuyées de nombr euses 
observations. 

M. Bücuner, conseiller de justice, a lu des Ob- 
servations sur l’inoculation de la petite vérole na- 
turelle, et sur les résultats _des premiers essais de 
linoculation de la Vacciné à Bergen et dans la 
Norwège. L'auteur, qui a vécu Les ces contrées 
pendant 45 ans, a réuni dans ce mémoire ses ob- 
servations très-variées et multipliées. 

M. Wenpezsranr à Wetzlar, a adressé à PAca- 
démie un mémoire imprimé sur le Æidicule de l« 
titulature allemande , usitée dans le commerce épis- 
tolaire ; et M. £. F. A. Conra, secrétaire de la Cour 
de Weimar ; et bibliothécaire du duc, des Elémens 
d’architecture civile, d'après l’ouvrage français de 
M. Duran. i 

Il existe depuis onze ans, à Brrzix, une Société 
d’Armis de | Humanité ; cette Société, dans sa séance 
du 11 janvier, a mis au concours la question suivante, 
avec un prix de 30 ducats : 

« Comment et par quels moyens la langue et la 

littérature allemande se sont-elles élevées, dans 
» la dernière moitié du dix-huitième siècle, à une 
» hauteur qui met les Allemands de pair avec les 
» peuples les plus éclairés, anciens et modernes? » 

On a donné, le 24 mars, sur le théâtre royal de 
Berlin, la première représentation de la PAédre de 
Racine, traduite en allemand par le célèbre Scir- 
er. Voici le compile qu’en a rendu la Gazette de 
Ja Cour. 


« Ce nouvel essai est une heureuse-tentative pour 


168 Nouvelles littéraires. 


» rapprocher la tragédie française de la nôtre. Le Cid 
» et Tancrède ont échoué sur la scène allemande; 
» mais HMérope et Phèdre frayent le chemin à d’au- 
» tres ouvrages du théâtre de Paris. Il est impossible 
» que dans la suite des temps la tragédie anglaise 
» conserve son #70n0pole en Allemagne. Ce que l’om 
» nomme en France bonne tragédie, doit aussi ob- 
» lenir, un jour, ce nom parmi, nous, à côté des 
» pièces anglaises et des nôtres. Si la tragédie fran- 
» Çaise étoit réellement une dégénérescence de l’art, 
» si elle étoit absolument de mauvais aloi, elle ne 
» se seroit pas soutenue aussi long-temps et avec 
» autant d'éclat. Ce qui jouit d’une si grande es- 
» time en France, où le bon goût n’est pas entiè- 
» rement étranger, ne peut pas être si méprisable 
» en soi. | 

Au reste, l’extrème différence du débit de l’ac- 
» teur français et de l’acteur allemand , sera toujours 
» une des plus grandes difficultés à à surmonter : le 
» premier déclame les vers, lesecond les dis. Nous 
» sommes donc d'avis que nos acteurs doivent dé- 
» clamer aussi la tragédie française, quoique traduite 
» en leur langue. » 


AUTRICHE. 


Le célèbre Cagrugini, membre du conservatoire 
de France, vient d’ajouter à sa gloire par la com- 
position d’un opéra, sur paroles allemandes, inti- 
tulé : Faniska. Le public s’y porte en foule, et, 
dans un pays où la musique est portée au plus haut 
degré, tous les connoisseurs conviennent que l’au- 
teur de ZLodoïska s'est surpassé lui-même dans ce 
nouveau chef-d'œuvre. L'administration du théâtre 
‘de Vieune a fait hommage de la recette de la troi- 
sième représentation à M. Cherubini. 


. LA 


Nouvelles littéraires. 169 
Russre. 


Le cabinet*de minéraux du docteur Æreylon a 
été acheté par l’empereur Alexandré, qui en a fait 
présent à la Commission d'instruction publique. 


Un squelette complet d'éléphant a été trouvé à la 
terre de Siruchow, gouvernement de Casan. 


L'usage établi par l’Académie des sciences de PÉ- 
TERSBOURG , de faire voyager quelques-uns de ses 
membres ou de ses associés dans les provinces les 
moins connues de la Russie, ne peut qu'être très- 
utile pour l'histoire naturelle et physique de ce 
vaste empires Ainsi, MM. Sewere1n et Ronors, l’un 
comme géologne el minéralogiste, l’autre comme 
botaniste et zoologisté, furent choisis, en 1804, pour 
parcourir la Finlande. Le prenfier a den publié ses 
observations. 


On assure que la province d'Orex recèle une plante 
connue sous le nom de Matrunka, qui est un spéci- 
fique infaillible contre la morsure des chiens enragés.: 
L'Académie de Pétersbourg a chargé M. SMrELOWSKE, : 
académicien extraordinaire, de vériber le fait sur 
les lieux ; le résultat de ses expériences a été très- 
satisfaisant. 


M. Benjamin BERGMANN , après avoir voyagé dans 
le pays des Calmoucks, voulut aussi visiter le Thibet 
et le Dalai-Lama. Il obtint pour cela de l° empereur 
Alexandre tous les secours nécessaires; mais ayant 
. demandé en outre une nombreuse escorte, le prince 
n’a pas jugé à propos de consentir à une aussi grande 
dépense. 


M. Remmann, médecin de S, A. S. monseigneur 


4 


170 Nouvelles littéraires. 


le prince de Furstemberg, vient de recevoir une » 
lettre de son fils, médecin à la suite de l’ambassade 
de Russie en Chine. Cette lettre est datée de Kiachta, 
frontière de la Chine, 14 octobre 1805. M. Rehmann 
fils mande qu’il a vacciné un grand nombre d’en- 
fans des Mongols, peuple aujourd’hui soumis à la 
Russie, et le même qui autrefois, sous la conduite 
de Tsingischan , que nous appelons Gengis-Khan, 
ébranla l'Asie et une partié de l’Europe. « Ils ont, 
dit M. Rehmann, conservé les mœurs et les manières 
simples de leurs ancêtres. Ils vivent sous des tentes, 
se servent encore de l’arc, et tirent avec tant d’ha- 
bileté et de justesse, qu ‘en chassant avec les Russes 
de la suite de l'ambassadeur ils tuoient six fois plus 
de gibier qu’eux , quoique ceux-ci fussent armés d’ex- 
cellens fusils d chasse, et de fort bonnes arque- 
buses. » M. Rehmann mande aussi avoir fait dans ce 
pays la découverte d’une petite pharmacie portative 
du Thibet, dont la médecine peut tirer un parti utile. 
Elle consiste en soixante pièces très-élégamment en- 
veloppées dans du papier. On y trouve quelques re- 
mèdes qui sont en usage en Europe, mais un beau- 
coup plus grand nombre dont les botanistes à Ja suite 
de l'ambassade n’avoient point de connoissance. Ces 
derniers consistent en petits fruits, des nois et quel- 
ques préparations chymiques. M. Rehmann en a fait 
traduire la liste, laquelle étoit écrite en langue Tan- 
gut. H se propose de rapporter quelques-unes de ces 
petites pharmacies, qui sont très-répandues parmi 
les Buchares. Il assure que, d’après les mesures qu’il 
a er la vaccine se trouve propagée depuis Jekutzk 
jusqu’à Jakutsk et Ochotzk, et par conséquent trans- 
portée aujourd’hui , depuis l’Angleterre jusqu’à l’au- 
tre bout de la partie septentrionale du globe, Il es- 
père rapporter quelques bons ouvrages chinois pour 


Nouvelles littéraires. 71 


la bibliothéque de S. A. monseigneur le prince de 
Furstemberg. 


Dans le cahier du mois d'avril du Journal pour 
servir à la connoissance de l’état actuel des sciences 
naturelles ( Magazin für den neuesten Zustand der 
Naturkunde), rédigé par M. Voicr, on trouve deux 
lettres de M. le docteur HAMonkr : un des savans 
qui ont accompagné le capitaine Krusenstern dans son 
voyage au Japon, et dont il a été parké dans le Maga- 
sin Encyclopédique (+). Nouscroyons que noslecteurs 
verront avec plaisir la traduction de ces lettres. 


À 


Extrait d’une lettre de M. Lancsponrrr à M. le doc- 
teur NœanDEn (2), datée du port de Saint-Pierre et 
Saint-Paul en Kamitschatka , le 6 juin 1805. 


« Nous avons quitté le Kamtschatka au mois de 
. septembre 1804, et nous nous sommes mis en route 
pour le Japon , pays qui, sous le rapport des scientes, 
n’a guère encore été visité que par Xæmpfer et Thun- 
berg. Ceux qui ont été eux-mêmes dans le pays, trou- 
veront que le premier a fait, pour l’histoire et la con- 


(1) ik 1805, tom. I, p. 172.et 387; 1. IV, p. 401. Ann. 
1806, t.I,p. 164. 

(2) “re jeurte médecin et naturaliste dont les talens avoient 
fait concevoir les plus grandes espérances, fut enlevé aux 
sciences Le 13 novembre 1804, à l’âge de 30 ans. Ilavoit pu- 
blié plusieurs écrits estimés , entre autres un Specimen de 
augmentis contra Hedwigii theoriam de generatione musco- 
rum ; Gæœtting. 1798, in-4°. Il a encore publié plusieurs 
mémoires estimés dans le Journal de Botanique du profes- 
seur SCHRADER , et dans le Medical Journal publié à Lon- 
des, dont il étoit » depuis 1799, un des collaborateurs les 
plus dotib ; -son savoir l’avoit fait estimer en Angleterre. 


172 Nouvelles lilléraires. | 
noissance détaillée du pays, plus qu’il ne paroît en 
eflet possible de faire, et ce dernier en a publié une 
Jlore qu'aucun autre voyageur ne pourroit plus 
donner avec autant de succès. 

» En allant au Japon, nous avions formé de beaux | 
projets et conçu les plus brillantes espérances; mais 
en nous traitant à Nangasacki de la facon la plus 
honorable, on nous a renfermé dans les logemens 
qu'on nous avait assignés; on nous y a gardé de la 
manière la plus sévère, en nous ôtant tous les moyens 
de communiquer avec les habitans, à l’exception de 
quelques interprètes hollandais; enfin, lorsque la ré- 
ponse de l’Empereur fut arrivée de Yedo, on nous 
renvoya poliment, en nous comblant de présenus. : 

» Il n’étoit donc guères possible de songer à des 
excursions d'histoire naturelle ; et du reste, nous n’a- 
vons passé au Japon que les mois d’hiver depuis le 
mois d'octobre 1804, jusqu’au mois d'avril 1805. — 
On nous fournissoit gratis les vivres et tout ce qu’il 
noys falloit pour notre entretien et pour satisfaire à 
nos besoins; mais on ne nous permettoit point d’a- 
cheter la moindre bagatelle. — Heureusement l’Ich- 
thyologie , une de mes parties favorites de l’histoire 
naturelle , n’est pas étrangère à l’empire de la cui- 
sine. J’eus donc soin de recommander à l'homme qui 
apportoit tous les jours les provisions dans notre 
prison d'état, de m'apporter autant de poissons de. 
différentes espèces que la saison et le marché pou-. 
voient lui en fournir. Par ce moyen, j'ai réussi à 
me procurer, dans les trois derniers mois, environ 
400 des plus rares poissons des Indes, parmi lesquels 
il y a environ 150 espèces différentes. J’envoie en. 
attendant à M. Brumensacn une petite notice de celles: 
qui sont déjà connues; j'espère pouvoir Jui donner, 
dans un autre moment, celle des espèces nouvelles. 


Nouvelles littéraires. 173 


» Notre retour du Japon au Kamtschatka a été 
sans doute un des voyages les plus intéressans qu’on 
.puisse aujourd’hui faire par mer. Nous avons longé 
‘et examiné la côte nord-ouest du Japon, qui, jusqu’à 
présent ,éloit encore inconnues, Nous avons déterminé 
avec précision la position du détroit de Sangoar. Nous 
avons reconnu toute la côte occidentale de Matzu- 
mai. La partie septentrionale de cette île, quoique 
sous la domination des Japonais , n’est pas cepen- 
dant habitée par eux, mais par une autre peuplade 
que nous connoissons en Europe sous le nom des 
«Curibes chevelus (3), et qui se donnent eux-mêmes 
le nom d’Æin0s, La partie de Matzumai qui est ha- 
bitée par eux, porte le nom de Yeso, et de là vient 
qu’on confond souveni les iles de Yeso et de Matzu- 
mai. — Le Pic de Lamanon de La Peyrouse ne tient 
pas au continent comme il le croyoit, mais il forme 
une île à part. 

» Nous traversämes le détroit de La Peyrouse; nous 
fimes voile vers le nord, et nous entrâmes dans la 
baie profonde de Sagalin ( so/fe Aniwa.), formée par 
les deux promontoires Crillon et Aniwa; elle n'a 
pas été visitée par La Peyrouse; mais nous savons 
actuellement que les établissemens des Japonais s’é- 
tendent jusque là, car nous y avons trouvé une fac- 
torerie japonaise très-régulière. — Ce pays est habité 
par les Aïnos dont il vient d'être question. Les figures 
des habitans de Sagalin dans la baie de Langle, pu- 
bliées par La Peyrouse (4), sont très-caractéristiques, 
el peuvent aussi donner une idée des habitans de Ma- 


(3) Voyez l'ouvrage de M. BLUMENBACH , de generis hu- 
mani varietate natia , pag. 29 de la 3°. édition. 
| (4) Voyez la planche 55 de l'Atlas du Voyage de La Pey- 


Yause. 
1 


174 Nouvelles littéraires. 


tzumai, à cela près qu’ils ne rasent pas absolument 
les cheveux du sommet de la tête, mais qu’ils les 
coupent seulement plus courts que ceux des côtés et 
de l’occiput: Du reste, ces Aïnos ne sont pas plus 
chevelus que beaucoup d’Européens, si l’on fait ab- 
straction de leur longue barbe. . 

» Nous avions l’intention d’examinér toute la 
côte orientale de Sagalin (appelé aussi Ségalien ou 
Tehoka ); mais lorsque vers la fin du mois de mai 
mous vinmes dans les environs de la baie de Pa- 
tience, nous trouvâmes la mer encore couverte d’une 
quantité immense de glaçons, au point qu’il nous 
fut impossible de continuer notre route, et qu’il 
nous falloit entrer dans le port de Saint-Pierre et 
Saint-Paul , afin d’y attendre une saison plus favo- 
rable pour examiner ces côtes. Nous y voilà done 
pour la seconde fois depuis hier, et je m’empresse 
de vous écrire des aujourd’hui. 

» Depuis long-temps nous étions impatiens de re- 
cevoir des lettres d'Europe. Celle que vous m’y avez 
adressée m’a fait infiniment de plaisir; mais je re- 
grette de n’avoir pas reçu celle que vous m’avez en- 
voyée à -Rio-Janeiro, ce qui vient de ce que nous 
n'avons pas mouillé dans ce port, mais dans celui de 
Sainte-Catherine. Cela m’a privé de la satisfaction dé 
profiter des bons conseils que vous et M. Blumenbach 
m’aviez Communiqués alors. Cependant je puis dire 
que quant aux végétaux, et surtout aux bruyères, 
aux asplenies, etc.’, ainsi qu'aux plantes marines, je 
me suis occupé pendant tout mon voyage, avec beau= 
coup de zèle et de soin, à en recueillir et à les placer 
dans mon herbier..— Ma collection d'insectes est 
aussi fort considérable; mais je n’ai presque rien pu 
faire pour Ja minéralogie, parce que nous n'avons 
mouillé que sur des côtes stériles pour cette science; 


Nouvelles littéraires. 179 


et que nous n’avons pas pu pénétrer dans l’intérieur 
des terres. . 

M. le conseiller aulique Tizésrus, qui est un ex- 
cellent dessinateur , a copié, avec la plus grande per- 
pren ,un grand nombre d’objetsd’histoire naturelle. 

» Après vous avoir parlé du passé, il faut que, 
d vous fasse aussi part de mes projets pour l'avenir. 

» Enrichi de tant de trésors, le parti le plus na- 
ci seroit sans doute de me retirer dans quelque 
endroit tranquille pour vaquer à la digestion de cette 
abondante nourriture intellectuelle. — Mais aupara- 
vant je me suis laissé engager à une nouvelle expé- 
dition par des promesses qui, si on me les tient, de- 
vront nous fournir des résultats intéressans pour la 
connoissance d’une partie de la terre très-peu connue 
jusqu’à présent sous le rapport de l’histoire naturelle. 
En un mot, je quitterai ici l'expédition du capitaine 
Kausensrens , homme excellent, que tous les savans 
qui l'ont accompagné aiment et estiment; je quitte- 
rai mes amis Horner et Tivésius , ainsi que les offi- 
ciers dont le souvenir me sera toujours cher, pour 
aller visiter la côte occidentale de l'Amérique sep- 
tentrionale, notamment la grande ile de Cadiac, si= 
tuée devant Ja rivière de Coock. Le chef de cette expé- 
dition sera M. le chambellan de Rresanorr , le même 
qui vient d’être envoyé en ambassade au Japon. Il 
aura [a mission spéciale de visiter les établissemens 
russes en Amérique, — Sous peu de jours je me met- 
trai en route pour les îles Æ/eutes, et dans six se- 
maines j'espère aborder à Cadiac, où je passerai pro- 
bablement lhiver. L'été suivant (c’est-à-dire celui 
de l’année 1806 ), j'irai à Ochotsk, d’où je me mettrai 
en route par terre pour Pétersbourg dans l’hiver de 
l’année 1807. La bonne santé dont j'ai joui jusqu’à 
préseut me fait espérer que je supporterai de même 


176 , Nouvelles littéraires. 


toutes les fatigues auxquelles je vais m’exposer de 
nouveau. » 
II. 


LU 


Nouveaux détails sur le voyage de M. le docteur 
LanNcsporFr, extraits d’une lettre adressée par 
lui à M. le professeur BLUMENBACH à Gœttingue, 
sous la date de Port de Saint-Paul et Saint-Pierre, 


le 3 juin 1805. 


» de n’empresse de.vous répondre à un des objets 
dont vous m'avez parlé dans votre dernière lettre. 
Je puis vous assurer que l’étonnement qu’on a quel- 
quefois témoigné de ce que je prenois note, sous un 
ciel étranger , des productions de la nature qui sont 
généralement connues et mêmes communesdans notre 
patrie, ne m'a jamais paru un motif suflisant pour 
ne plus suivre <ette méthode. J'ai donc lu avec d’au- 
tant plus de plaisir ce que vous nv’avez écrit sur le 
grand intérêt qui en résulte pour létude philoso- 
phique de l’histoire naturelle, lorsqu'on sait quelles 
sont les productions naturelles semblables ou pareilles 
qui se trouvent dans les différentes contrées de la 
terre, quelqu’éloignées qu’elles soient les unes des 
autres, depuis le Portugal jusqu’à l’extrémité nord- 
est de l'Asie, etc. C’est ainsi que j'ai trouvé l’année 
dernière au Kamtschatka un grand nombre de pa- 
pillons communs en Europe; tels que Bom. planta-. 
ginis, B. caja , Pap. machaon, P. napi, P. dapli- 
dice, P. urticæ, P. maturna, P. Euphrosyne ; P. 
Apollo. Je vous envoie une figure exacte de ce der- 
nier pour que vous puissiez vous faire une idée de 
la différence climatique qui existe entre celui-ci et 
celui de nos contrées , avec lequel on le confondroit 
au premier aspect. — J’ai de même recueilli dans le 

ê Kamtschatka 


Nouvelles litiéraires. 17 


Kamtschatka un grand nombre d’autresinsectes d’'Eu- 
xope. — Quant aux coquillages de terre, de rivière et 
de mer, et aux vers en général, j’ai abandonné cette 
partie entièrement à M. Tilésius. 

» J'ai appris que la vache marine de Steller ( Zri- 
chechus manatus L.) dont vous me parlez, s’est de- 
puis long-temps retirée tout-à-fait vers le nord, 
presque jusqu’au détroit de Bering, de sorte que j'ai 
peu d’espoir de la rencontrer dans nos courses. On 
ma assuré que dans l'ile de Bering elle a disparu 
comme dans toutes les autres îles Aleutes. 

» Pendant le dernier séjour que j'ai fait ici, j'ai 
déjà préparé le crâne d’une brebis sauvage de ce pays 
( Argali, Capra Ammon ) que j'ai destiné pour votre 
collection. Cette fois M. Tilésius a réussi de s’en pro- 
curer un dont il vous fera passer un beau dessin. 
Comme il retournera probablement avant moi en 
Europe, il vous fera passer de ma part le crâne que 
J'ai préparé. 

» Dans ma lettre du 23 août de l’année dernière, 
je vous ai parlé du beau tatouage des habitans des 
îles Marquises, et depuis je me suis plusieurs fois 
reproché de ne pas vous en avoir envoyé un dessin 
exact pour vous en donner une idée précise. Je ré 
pare cet oubli, et je vous envoie le dessin de la main 
tatouée de Xatanuæh , reine de Nukahiwa, la plus 
grande des nouvelles îles Marquises. Je lai exécuté 
d'abtès nature et avec le plus grand soin. J'ai dessiné 
de la même manière deux figures entières d'homme 
l’une de face, l’autre du côté du des. Je vous les au- 
rois également envoyées si je ne craignois les nom- 
breux accidens auxquels une lettre est exposée dans 
son long trajet depuis le Kamtschatka jusqu’à Goet- 
tingue. 

» Vous verrez par la lettre que j'écris à M. le doc- 


T. III, Mai 1806, | M 


178 Nouvelles littéraires.  : 


teur Nœhden que je ne reviendrai pas de silôt en 
Europe; j'ai donc prié M. le docteur Æ/orner de vous 
offrir en attendant de ma part, pour votre collec+ 
tion, le plus beau crâne que je possède d’un habi- 
tant des îles Marquises ; j'espère que d’ici à mon 
retour je trouverai bien encore quelque autre chose 
assez remarquable pour être digne de vous être offerte. 

» Je vous dirai encore quelques mots sur notre 
voyage au Japon. 

» Le 7 septembre 1804, nous quittâmes ici le port, 
et au lieu de passer par la mer de Corée, nous di- 
rigeâmes notre course vers Le Sud pour faire le tour 
du Japon du côté de l’est. Dans cetie intention, nous 
traversâmes les mers peu connues du Japon, où jus- 
qu’à présent peu de vaisseaux européens ont navigué, 
et qui pour cette raison ont toujours été redoutées. 
Il est vrai que nous n’avons pas eu le plaisir de 
découvrir de nouvelles contrées et de nouvelles îles ; 
mais nous avons du moins réussi à mieux recon- 
noître plusieurs groupes d’iles qui, sur les cartes, 
sont placées près de la côte sud-ouest du Japon; nous 
avons trouvé que la plupart de ces îles ou n’existent 
point du tout , ou du moins n’existent pas à l’endroit 
qu’on leur assigne sur la carte. C’est ainsi que nous 
avons vainement cherché les îles Volcano depuis le 
30°. jusqu’au 34°. degré de latitude, et depuis le 213°. 
jusqu’au 216°. degré de longitude. 

» Le 1°. octobre, nous avons eu un ouragan ter- 
rible , sur lequel je vous communiquerai quelques 
détails extraits de mon journal. Selon tous les cal- 
culs, nous devions alors être très-près de la terre, 
et, d'après les cartes, nous devions avoir déjà passé 
les petites iles Ziquæo , appelées par La Peyrouse 
petite Lekeyo. ‘ 

» Ce jour de terreur, nous fumes sous le 226° de 


Nouvelles littéraires. 179 


longitude; depuis plusieurs jours et le matin même 
de cette journée le temps fut couvert, pluvieux, et 
il fit beaucoup de vent; vers midi le temps s’éclair- 
eit, et l’on pouvoit faire des observations ; nous 
étions alors à 31° 7' de latitude , et le baromètre étoit à 
29", 40 de graduation anglaise.—Mais bientôt après, 
vers une heure, le temps se couvrit de nouveau, le 
vent devint violent, les vagues s’élevèrent à une hau- 
teur considérable , le baromètre baissa de plus en 
plus, et le vent augmenta dans la même propor- 
tion. Vers quatre heures et demie le ciel se couvrit 
tellement, que le brouillard, la pluie, et les vagues 
qui venoient se précipiter sur notre vaisseau, nous 
couvrirent d’une épaisse nuit qui nous permettoit à 
peine de distinguer la proue et les mâts. Les vagues 
s’amonceloient de plus en plus d’une manière ef- 
frayante, et vers cinq heures et demie, le baromètre 
avoit descendu jusqu'à 283. Le vent augmenta de plus 
en plus , et brisa enfin une grande partie des cordages 
de la voilure, de sorte que les voiles flottoient comme 
des mouchoirs qu’on ne tient qu’à un bout et qu'on 
expose au vent, et faisoient un Bruit effroyable. — 
Nous fumes obligés d’attacher le gouvernail, et de 
.nous abandonner sans voile à la violence de l’ou- 
ragau le plus terrible et des vagues qui nous pour- 
suivoient coup sur coup. Une nuit obscure nous 
couvroit, le baromètre continuoit à baisser, et le 
vent prit une force jusqu'alors peut-être inouie. A 
chaque instant les mâts menaçoient d’être renversés, 
et les haches étoient déja préparées pour les abattre. 
La bouche des canons de la redoute (ou de la partie 
la plus élevée de la poupe du vaisseau) étoit de ni- 
veau avec la mer. Une vague après l’autre venoit 
inonder le vaisseau, et les pompes étoient dans une 
activité perpétuelle. Vers huit heures du soir, le 


180 Nouvelles littéraires. 


mercure ayant toujours baise on ne pouvoit plus 
le voir, parce que l’échelle du baromètre , graduée 
à la manière anglaise, ne commence qu'à quelques 
lignes au - dessous de 28”, On ne pouvoit laper- 
cevoir que dans les plus fortes secousses du vaisseau. 
L'équipage étoit dans la plus grande activité, pour 
prévenir autant que possible les dégâts que l’oura- 
gan pouyoit causer, et pour être prêt à remédier à 
ceux qu’il ne cessoit de causer. L’orage continuoit. 
Les porte-voix ne pouvoient plus se faire entendre, 
et la nature paroissoit avoir conspiré notre perte. 
Vers dix heures on ne distinguoit plus le mercure 
même dans les plus fortes secousses du vaisseau. 
Vers onze heures j’espérois, avec le docteur Æorner, 
que bientôt le mercure du baromètre redeviendroit 
visible, lorsqu'une autre vague vint frapper contre 
le vaisseau, enfoncer une cloison double de la cham- 
bre du capitaine, dans laquelle nous nous trouvions, 
et l’inonder complétement. Nous fumes dispersés 
dans les coins de la chambre, et nous pensämes 
être sur le point de nous séparer pour toujours. Ce- 
pendant les officiers ne cessèrent d'encourager les 
matelots, et on réussit à boucher l’ouverture du 
vaisseau. Vers une heure on vit reparoître le mer- 
cure dans les plus fortes secousses. Mais on peut 
penser que, lorsque le baromètre n’est qu'à 27" 60, 
l'orage et le vent encore doivent être d’une violence 
effroyable. Nous attendions le retour du mercure 
avec la même impatience qu'on attend celui dun 
ancien ami; mais au moment où ce plaisir alloit 
nous être accordé , et que le mercure commencoit 
à reparoître, le vaisseau eut encore une secousse ex- 
trêmement forte, et le baromètre fut brisé. 

» Le vent et la mer paroissoient cependant se cal- 
mer, et vers quatre heures du matin, nous pümes 


Nouvelles littéraires. 18€ 


mous croire délivrés du danger le plus imminent. 

» Lorsque le soleil se leva le temps s’étoit assez: 
remis, et je crois que jamais les rayons hienfaisans 
du soleil n’ont inspiré plus de reconnoissance que ce 
2 octobre. — Mais dans quel état vimes-nous tout au 
tour de nous dans le vaisseau! C’étoit un véritable 
chaos ; Fimage-frappante de fa destruction. Les cais- 
ses, les tonneaux, les voiles, les cables, les cordages, 
tout étoit déspehsé et pêle- Miele; les chambres étoient 
tellement inondées, que les habits, les livres, les pa- 
piers étoient percés d’eau, et qu'il falloit les porter 
sur le pont pour les décher au soleil, 

» D'après l’estimation la plus modérée, le baro- 
mètre doit avoir été jusqu’à 27" 30, et 1 grandeur 
du danger dans lequel nous avions été, fut prouvée 
par la proximité de la terre, que nous apercûmes au 
sud. ; 

Le 8, nous jetâmes l'ancre à Nangasakt. 

» Je ne pourrai pas vous donner beaucoup de dé- 
tails sur Le Japon, où nous avons passé l'hiver. Je 
vous dirai seulement que ÿ y ai recueilli une grande 
quantité de poissons rares et remarquables, ce qui 
ne contribuera pas pew à étendre nos connoissances 
ichthyologiques. M. Tilésius a fait d’excellens Mise 
de plusieurs poissons , dont j’apporterai les origi- 
naux. Nous avons tous les deux beaucoup travaillé ; 
et j'espère que vous trouverez que, malgré le séques- 
tre sous lequel on nous tenoit, malgré les entraves 
qu'on mettoit à toute espèce de liaisons que nous 
aurions pu former avee les habitans, notre récolte 
dans cetie partie a encore été assez bonne. Je vous 
communique cette fois un catalogue des poissons que 
j'ai recueillis ; mais je n’ai pu le faire qu’à la hâte, 
et il est bien loin d’être complet. J'ai pris le parti 
de placer encore, parmi les genres douteux, ceux 


182 Nouvelles littéraires. 


de Sciæna, Bodianus, Perca, Labrus , Sparus ; 
#olocentrus, etc., et je n’en ai pas déterminé les 
espèces. Par la suite J'examinerai tout à loisir. Lors- 
que je cite Linnée, je veux indiquer l'édition de 
Gmelin. J'ai passé sous silence beaucoup dé pois- 
sons dont je n’ai pu savoir le nom japonnais. 

» Je suis bien loin de dessiner aussi bien que M. 
Tilésius ; cependant j'ai fait ce que j'ai pu, et plu- 
sieurs dessins que j’ai exécutés sont destinés À entrer 
dans votre précieuse collection. Je vous envoie cette 
fois quelques silhouettes caractéristiques et parfai- 
tement ressemblantes de Japonnais, el pour vous don- 
ner une idée de leur manière singulière de nouer 
leurs cheveux , j’y joins une figure coloriée de notre 
portier. 

» Maintenant je vais emballer tous ces objets d’his- 
toire naturelle, et envoyer ces caisses en Europe, 
avec le vaisseau sur lequel je suis resté jusqu’à pré- 
sent. Quant à moi, je m’embarquerai incessamment 
pour la côte nord-ouest de l’Amérique, où j'espère 
faire encore une récolte intéressante. » 


Catalogue de quelques poissons du Japon. 


I amimo. 
L'ammo. 
Maisukasa iwo. Gasterosteus japonicus Zrvw. 
Kotschi: ; Platycephalus Bzo CH. 
Callignymus indicus LIN. 
Trasakotschi. Trigla minuta LIN. 


è Muræna conger. 


Sebi iwo. Triglæ volitantis var. s. polius nova species. 

Mischimaschoroschi. Uranoscopus scaber Lin. var. 
corpore nigricante albo maculato. 

ÆKittaco. Gymnothorax catenatus Bzocx. 

Sajori. Esox brasiliensis Liv. 

Kimmebaru ? 


Nouvelles littéraires. 


X'annagaschira. Trigla cuculus LiNx. 
Susi buku. 

Saba buku. 

Susume buku. e : 
FNTE Tetrodontis species. 
Mimo buku. 

Æomom buku. 

Ogan. an Scarus ? 

Fuka. 
Same. 
Umikinkio. an Percæ nova species ? 
Konoschiro. Clupea trissa. 

Anaki. Blennius murænoides Liwn. 
Jazume anaki. Petromyzon fluviatihis. 


Fiefki. 


Fistularia tabacaria. 
Dazu 


è Squali species. 


Mma iwo. Synguathi species. 

Sima iwo. Chætodon. 

Komuki. Chætodontis species nova. 

Anko. Lophius piscatorius. 

Waschi. Zeus faber. 

Ginno waschi. Zeus argenteus, mihi , nova 
Oktose. Scorpæna volitans. 

Ogosse. Scorpæna didaetyla Zi. 
Uschinosta karei. Vleuronectes bilineatus. 
Horranda mebaru. an Holocentrus perca. 
Kussuna. Coryphæna japonica. 

Sakkino iwo. Cepolæ nova species. 
Arakabu. Scorpæna. 

Zuschibo. Ostracion , an nova species ? 


183 


species, 


Jamome kamome. Ostracion, an nova species ? 


Koosu. Mærouri nova species. 


L 


Nokon nooso. Squali nova species, pristi affinis, sed 


rostro cirrhato. 


PBensatsch. Mullus, 


à 


184 Nouvelles littéraires. 4 


Aka anko. Lophius Faujas (4) Lacer : 
Same. Raja rhinobatos Linx. 
FA RTS è Pleuronectes 
Koochanda karei. 7 
Doschoo. Cobitis fossilis. 
Onaki. Muræna anguilla. 
Toi jori , an Perca lineata ZLrnn ? 
Makutsch. Mugil. 
Jaino iwo. Chætodon guttatus Bzocx. 
Sima iwo. Chætodon vespertilio Bzocx. 
nl è Squalus ophiocephalus, nova species. 
Osche. Squalus. 
Ps As Chætodon ocellatus Bzocx. 
embata isvo. 
Jé. Raja rubus. . 
Raja aquila, 
Rajæ species nova. Cauda apice pinnata, aculee 
longo ferrato armata, cor pute Iævi glabro. 
re Esox sphyræna. 
. Sparus dentex. 
One Callionymus japonicus. 
K'arei, Pleuronectes zebra labio super. cirrhato. 
F'iraasi, Scomber. 
Jeso, Salmo , an Lavaretus ? 


(4) D’après cela, nous savons maintenant dans quels pa- 
rages se trouve ce poisson singulier, qui est si rare en Eu- 
rope, que jusqu’à présent on n’en a connu que deux exem* 
plaires, l’un à Paris dans le Musée d'Histoire naturelle où il 
afété apporté du cabinet du Stadhouder, et l'autre, dans 
Ha précieuse collection de M. Blumenbach à Gæœttinguc. 


Nouvelles littéraires. 185 


FRANCE. 


M. Devoscs, fils du directeur du Musée de Drrow, 

et doué de talens distingués, a exposé dans cette ville 
un tableau qu’il à exécuté à Rome, dont il est de r'e- 
tour depuis peu de temps. H destine cet ouvrage au 
prochain salon du Louvre. Le sujet de cette compo- 
sition .est le dévouement de Cimon, fils de Miltiade, 
qui, pour procurer les honneurs du bücher à son 
père mort insolvable en prison, vient reprendre ses 
fers. L'artiste a saisi le moment où le geolier at- 
tache les fers aux bras du jeune homme. Sur un des 
côtés, on voit le général mort, que deux hommes 
vont enlever; sur Pautre, au travers d’une fenêtre 
ouverte, on voit en perspective le bûcher. Ce tableau 
est composé de sept personnages plus grands que 
nature ; il se fait remarquer par la correction du 
dessin , la beauté du coloris et de la composition 
_ générale, mais surtout par le saillant extraordinaire 
des figures, nouveau genre de peinture né dans l'é- 
cole de David. 


Panrrs. 


La Classe d'histoire et de littérature ancienne de 
l’Institut national , a tenu sa séance publique le ven- 
dredi 11 avril 1806; elle a été présidée par M. Pas- 

doRET. 


Voici quel a été l’ordre des lectures. 
A à 
L'annonce des prix. 


Notice historique sur la vie et les ouvrages de 
M. d’Ansse de Villoison, par M, Dacrer, secrétaire 
perpétuel. 

Réflexions sur le caractère de Charlemagne, par 
S. A. S. Charles baron ne Dazsere, électeur-archi- 
chancelier de l’empire germanique, associé étranger. 


186 Nouvelles littéraires. 


Notice historique sur la vie et les ouvrages de 
M. Garnier, par M. Dacrer, secrétaire perpétuel. 

Remarques sur le tombeau de Mausole, par M. pr 
SainTEe-Croix. 

. La Classe avoit proposé pour sujet du prix qu’elle 
devoit adjuger dans sa séance publique de cette an- 
née la question suivante : 

« Examiner quelle fut Padilinistration de PÉeypte 
» depuis la conquête de ce pays par Auguste jusqu’à 
» Ja prise d'Alexandrie par les Arabes; rendre compte 
» des changemens qu’éprouva, pendant cet intervalle 
‘» de temps, la condition des Égyptiens ; faire voir 
» quelle fut celle des étrangers domiciliés en Égypte, 
» et particulièrement CAE des Juifs. » 

Plusieurs mémoires ont été envoyés au concours; 
et quelques- -uns ont paru dignes d’être distingués; 
mais aucun ne réunit les alt nécessaires pour 
mériter le prix. Tantôt les auteurs négligent des écri- 
vains contemporains dont le témoignage pourroit 
répandre de la lumière sur le sujet qu’ils traitent ; 
tantôt, au lieu de remonter aux sources, ils se bor- 
nent à consulter des écrivains modernes qui souvent 
les égarent; tantôt ils se livrent à des déclamations 
oiseuses, ou se jettent dans des discussions étran- 
gres à leur sujet, qui embarrassent leur marche et 
les détournent du but auquel ils doivent tendre. Ce- 
pendant la Classe, persuadée qu’une partie des dé- 
fauts qu’elle a remarqués dans ces mémoires peut 
être attribuée au court espace de temps qui a été 
donné aux auteurs pour les composer, et qu’un nou- 
veau travail peut les faire disparoître ; et espérant 
d’ailleurs que de nouveaux concurrens pourront en 
core entrer dans la lice, a jugé à propos de proro- 
ger jusqu’à l’année prochaine le premier délai ac- 
cordé pour le concours, et de n’adjuger le prix que | 


Nouvelles littéraires. 187 


dans sa séance publique du mois de juillet 1807. 

Les mémoires précédemment remis au secrétariat 
seront rendus aux auteurs, sur la représentation du 
récépissé qui a dû leur être donné par le chef du 
bureau. , 

Le prix sera une médaille d’or de 1500 francs. 

Les ouvrages envoyés au concours devront être 
écrits en français ou en latin , et ne seront recus que 
jusqu’au premier avril 1807. Ce terme est de rigueur. 

La Classe propose pour sujet d’un autre prix qu’elle 
adjugera dans la séance publique du premier ven- 
dredi de juillet 1808, « d'examiner quelle a été l’in- 
» fluence des croisades sur la liberté civile des peu- 
» ples de l'Europe, sur leur civilisation et sur les 
» progrès des lumières, du commerce et de l’in- 
» dustrie. » 

Le prix sera une médaille d’or de 1500 francs. 

Les ouvrages envoyés au concours devront être 
écrits en francais ou en latin , ét ne seront recus que 
jusqu’au premier avril 1808. Ce terme est de rigueur. 


u 


Programmes des Prix proposés par la Société 
d'Encouragement pour l'Industrie nationale, 
dans sa séance généraie du 29 janvier 1806. 


PRIX PROPOSÉS POUR L'ANNÉE 1807. 


1°. Pour le collage du Papier. — Dans la fabrication 
du papier, le collage est une des opérations les plus 
importantes. Les papiers de quelques fabriques hol- 
landaises ont à cet égard une supériorité marquée, 
qui, pour plusieurs usages, leur fait donner la pré- 
férence. 

Dans l'espoir de diriger l’émulation de nos fabri- 
cans vers ce point de perfection , la Société d'Encou- 
ragement propose un prix de 3,000 francs, qu’elle 


168 " Nouvelles littéraires. 


décernera à celui qui, pour le collage du papier, in- 
diquera un procédé peu dispendieux et plus parfait 
que celui employé dans nos manufactures. 

La supériorité de ce procédé devra être constatée 
par des expériences en*grand, qui seront répétées 
sous les yeux des commissaires choisis parmi les 
membres de là Société, eu présence des concurrens, 
ou des personnes qu’ils nommeront pour les repré- 
senter. 

Pour que rien ne manque aux expériences ten- 
dantes à vérifier ces procédés, les concurrens auront 
l'attention de les décrire avec la plus grande préci- 
sion ; ainsi leurs mémoires devront contenir tous 
les renseignemens nécessaires sur le choix des subs- 
tances propres à donner Ja meilleure colle, et sur 
les précautions à prendre dans sa préparation, telles 
que le degré de cuisson qu’il faut saisir, la manière 
d’éclaircir et de conserver cette colle, etc. 

A ce sujet ils sont invités à déterminer les diffé- 
rences qui existent entre la colle des mégissiers- 
chamoiseurs ( appelée colle de brochette), et celle 
des tanneurs; à rechercher si cette dernière ne 
pourroit pas être blanchie à peu de frais; si dans 
quelques endroits voisins de la mer on ne pourroit 
pas employer les parties gélatineuses de certains 
poissons qu’on obtiendroit à vil prix, et quels se- 


roient les moyens de préparer cette colle pour la 


conserver ? L 

Ils exposeront également quelles sont les qualités 
nécessaires à l’eau employée à la dissolution de la 
gélatine, et comment on peut donner aux eaux la 
qualité convenable lorsqu'elles ne l’ont pas. 

En traitant de l’empioi de la colle, on devra dé- 
ierminer quelles sont les conditions nécessaires au 


papier en page pour recevoir un bon encollage ; à 


Nouvelles littéraires. 189 


quel degré de force, à quelle température doit être 
la colle; dans quelles proportions il faut la com- 
biner avec l’alun, et quels autres sels on pourroit 
uair ou substituer à ce mordant; enfin, quelle dif- 
férence on doit observer dans le cos papier, 
eu égard à sa destination, le lavis, le des: 

. ture et l'impression. 

Dans la dessiccation' du papier collé, la durée de 
l'opération, l'intensité de la lumière, la situation de 
air atmosphérique relativement à sa température 
et à son agitation, à son humidité ou à sa séche- 
resse , sont autant de circonstances qui peuvent avoir 
de l'influence. Il est donc important que celles qui: 
concourent ou qui nuisent au succès de l'opération 
soient notées avec précision. 

Eufn les concurrens s’expliqueront sur la forme 
des étendoirs, leur consiruction et leur exposition. 

Ce prix de 3,000 francs sera décerné dans la séance 
de juillet 1807. Les mémoires devront être envoyés 
avant le 15 avril de la même année, afin qu’on ait 
le temps nécessaire pour essayer les divers procédés 
que les concurrens auront fait parvenir à la Société. 
_ 2°. Pour la fabrication du Cinabre. — Le cinabre 
est une des plus brillartes couleurs employées dans la 
peinture, et dont il se fait une grande consommation. 
Depuis très-long-temps la chymie a découvert que le 
mercure et le soufre, mis par la nature ou par l’art 
dans un certain état de combinaison, produisoient 
cette couleur; on a aussi quelques idées générales 
sur les procédés de la fabrication. Cependant per- 
sonne, en France, n’est encore parvenu à fabriquer 
en grand du cinabre aussi beau que celui de lé- 
tranger. 

D’après ces considérations , la Société d’Encou- 
ragement propose uu prix pour celui qui fabriquera 


in, l’écri- 


190 Nouvelles littéraires. à 


en grand du cinabre égal en beauté à celui connt 
dans le commerce sous le nom de vermillon de la 
Chine, ou qui donnera un procédé économique sus- 
céptible d’être appliqué en grand à la préparation 


de cette couleur. 

Le proëédé devra être répété en présence de com- 
missaires nommés par la Société, et assez en grand 
pour qu'on puisse, par l’estimation des frais de fa- 
brication , juger si l’on peut soutenir la concurrence 
avec les manufactures étrangères. 

Le prix, consistant en une somme de 1,200 francs, 
sera distribué dans la séance de janvier 1807. Les 
mémoires ainsi que les échantillons devront être 
envoyés avant, le premier novembre 1806; ils ne 
seront admis au concours qu’autant que des certi- 
ficats authentiques attesteront qu’ils sont un produit 
ordinaire de la manufacture qui les envoie. 

30. Pour l’encouragement de la gravure en relief. 
— Si, sous certains rapports, la gravure en cuivre 
peut prétendre à la supériorité sur la gravure en bois, 
celle-ci présente, à d’autres égards, des avantages 
dont la gravure en cuivre sera toujours privée. On 
tire d’une planche en bois quatre cent mille épreuves » 
sans aucunedétérioration sensible, tandis qu’une plan- 
che de cuivre ne donne que deux à trois mille bonnes 
épreuves; on imprime les gravures en bois ensemble 
avec le texte d’un livre, par une seule opération, tandis 
que l'impression d’une planche de cuivre demande 
beaucoup de soins, de temps et de travail; on peut 
donner à un prix modique les ouvrages avec des gra- 
vures en bois, tandis que les planches en cuivre dont 
les ouvrages sont ornés, font monter les livres à un 
prix auquel souvent peu de personnes peuvent at- 
tcindre. 

La Société d'Encouragement, convaincue de l’uti- 


Nouvelles littéraires. T9I 


lité qui peut résulter du perfectionnement de la gra- 
vure en bois pour la décoration des livres, les pro- 
grès des sciences, l'instruction des enfans et le per- 
fectionnement de plusieurs arts et métiers, ayant 
sous les yeux des gravures en bois d’une rare beauté, 
exécutées depuis peu d'années dans les pays étran- 
gers (1), désire que cette gravure soit encouragée en 
France, où, par les progrès que les arts du dessin 
ont faits depuis quelques années et le génie de la 
nation, on pourra non-seulement égaler, mais sur- 
passer de beaucoup ce que l’on a tenté dans d’autres 
pays. Dans cette persuasion elle propose un prix de 
2,000 francs à celui qui aura trouvé des moyens: 
mécaniques ou chymiques de faciliter ou d’abréger 
les procédés de cette gravure, sans perdre de vue 
la perfection dans l'exécution, et en portant surtout 
l'attention de l'artiste vers les objets les plus utiles, 
tels que les dessins de machines et appareils de tout 
genre, d'architecture et d'histoire naturelle dans ses 
diverses branches, d’ornemens de livres tels que vi- 
gnettes , culs-de-lampes , fleurons, etc. 

Les gravures qui seront présentées à la Société, 
devront être au moins au nombre de six, exécutées 
en bois ou en matière de caractères d'imprimerie, 
ou en toute autre matière métallique, pourvu que la 
gravure soit faite sur ces matières à la manière de 
la gravure en bois, c’est-à-dire en relief. Les plan- 
ches doivent être envoyées à la Société en même 
temps que les épreuves, avant le mois de novembre 
1806. Les procédés employés seront développés dans 
un court mémoire, qui accompagnera l’envoi des 


pièces , et auquel sera ajouté un billet qui contiendra 
le nom de l’auteur. 


QG) On peut voir de ces gravures à la Bibliothéque impé- 
riale. 


192 Nouvelles littéraires. 


Ce prix, que la Société décernera dans sa séance 
publique du mois de janvier 1807, sera accordé à 
mérite égal à celui qui aura commencé à faire un 
emploi utile de son procédé. 

On rendra, ÉNE le jugement, les planches à leurs 
auteurs. 


PRIX PROPOSÉS POUR L'ANNÉE 1808. 


1°. Pour la meilleure construction des fours àchaux, 
à tuile et à brique. — Si des counoissances pyrotech- 
niques sagement appliquées aux fourneaux à évapo- 
ration, à distillation et à teinture, ont procuré la 
diminution des deux tiers au moins du combustible 
qu’on y employoit il y a trois ou quatre ans, on ne 
peut s'empêcher d’avouer qu’on a fait un très-grand 
pas vers l’économie publique et particulière. 

Cette économie, qu'a fait naître ou encouragé la 
Société d'Encouragement, est pour elle d’un heureux 
augure, et lui permet d’espérer que cet avantage sera 
bientôt étendu à tous les arts qui font un emploi 
plus ou moins considérable de combustible. Il seroit 
à désirer qu’ils pussent en jouir tous à la fois; mais 
les hommes , quoique naturellement attachés à leurs 
intérêts, ne réfléchissent pas toujours aux moyens 
qui peuvent les y conduire plus promptement. Il 
est donc des circonstances où il faut éveiller leur 
attention et stimuler leur zèle. Les tuiliers et les 
chauffourniers nous en offrent une preuve bien con- 
vaincante , car il est peu d’arts dans lesquels on 
consomme en pure perle une aussi grande quantité 
de combustible. 

On doit sans doute en attribuer la cause à la mau- 
vaise construction des fours, et à l’état du combus- 
tible lorsqu'on l’emploie. C’est donc dans le dessein 
d'opérer des réformes avantageuses dans ces arts, 

réformes 


Nouvelles littéraires. 199 


réformes qui doivent tourner au profit de tous, que 
la Société d’Encouragement offre un prix de 2,400 fr. 
à celui qui aura établi et mis en activité un four à 
chaux, à tuile ou à brique, dans lequel on confec- 
tionnera , ayec le moins de combustible, une plus 
grande quantité de chaux, de tuiles ou de briques. 

Elle accordera aussi deux accessit, l’un de 500 
francs, l’autre de 300 francs, aux deux auteurs qui 
auront approché de plus près le but du programme. 

Les concurrens feront parvenir à la Société un 
mémoire explicatif accompagné d° un plan ou mo- 
dèle de leur four. Ils ÿ joindront un échantillon de 
la pierre qu’ils auront employée, et un de la chaux, 
obtenue. 

Si c’est une tuilerie ou une briqueterie, ils enver- 
ront un échantillon de la terre et un de la Brique 
ou tuile fabriquée. à 

On devra désigner l'espèce de éombustible dont 
on aura fait usage. 

Sont exceptés du concours les fours chaulfés avec 
la houille, parce qu’il en existe actuellement un cer- 
tain nombre dans l’Empire français, qui ont pres- 
qu’atteint le perfectionnement qu’on désireroit voir 
dans ceux chauffés avec le bois. 

La Société exigera des auteurs que tous les faits 
consignés dans leurs mémoires soient constatés par 
les autorités locales. Elle fixe au premier décembre 
1807, l’époque. où les mémoires devront lui ‘être 
adressés. Le prix et les accessit seront décernés dans 
la séance publique de janvier 1808. 

2°. Pour la culture en grand de la fève. — Ya fève 
(faba equina, vicia faba) est d’une si grande res- 
source dans plusieurs départemens de la France et 
dans les Etats du nord de l’Europe, pour la nour: 


T,, III. Mai 1806. 


194 Nouvelles littéraires. 


riture des bestiaux, que la Société a senti qu'il se- 
roit avantageux d'en introduire la culture en grand 
pour le même übjet dans les pays où on ne la con- 
noît pas. Cette plante est une de celles qui peuvent 
servir pour entrer dans un cours de culture pour 
les terres fraîéhés ét ayant du fond, et pour dé- 
iruire ou diminuer les jachères, trop observées dans 
béaucoup de pays. Déterminée par ces deux motifs, 
la Société d’'Encouragément propose un prix de 
Goo francs qu’elle accoïdera à celui qui auroit pra- 
tiqué la culture en grand de la fève, dans un pays 
où elle n’est point en usage, sur la plus grande 
étendue de terre, qui ne peut être moindre de deux 
hectares. 

Ce prix sera distribué dans la séance publique de 
la Société du Mois de janvier 1808. Les mémoires 
devront être envoy és. deux mois à l'avance. Les con- : 
cürréns sont invités à entrer dans tous les détails 
de leur culture et de l'emploi de leurs récoltes. 


7767. séance publique de l'Athénée dès Arts 
dit 9 mars 1806... 


Les différentes pièces qui ont été lues dans cette’ 
séance viennent d’être imprimées, et se véndent éhez 
Debray ; libraire, rue Saint-Honoré ; à Ja Barr rière des 
Sergens. Prix , 75 centimes. 

Le président, M: Boissy PRET dans le. dis- 
cours qu’il à prononcé à Pouverture de la séance, a 
rappelé les services que, cette Société à rendus aux 
sciences, en offrant un asyle aux différens professeurs 
qui venoient d’être privés de leurs chaires: 

Le compte rendu de PAthénée par M. Ducrsne 
fils, secrétaire, montre combien sont variées et in- 
téressantes les séances particulières, toutes les pièces 


Nouvelles littéraires. 19È 


qui ont été jugées dignes d’être présentées au public 
n'ayant pu être placées sur le programme. : 

On yaürouve deux rapports scientifiques , l’un par 
M. VANE, sur une machine à fendre et arrondir les 
roues d’horlogerie, qui a mérité la médaille à lin- 
venteur, M. Abraham Dovr; l’autre, par M. Drrt- 
NEL, sur la nouvelle charbonnerie de" M. J. B. Mor- 
LERAT. 

L’Athénée, considérant que M. Mollerat a su re- 
tirer , lors de la carbonisation du bois, l’acide py- 
roligneux et le goudron qui ÿ sont contenus, ét qui 
se trouvoient perdus par la méthode ordinaire; con- 
sidérant que par ce moyen il a obtenu une plus grande 
qüantité de charbon, et évité l’infection de l'air dans 
les endroits où il établit ses charbonneries, lui a dé- 
cerné la médaille et la couronne. 

Deux rapports littéraires ont été faits par M. Li 
err; l’un, sur lés inscriptions de M. Duga aîné, 
l’autre, sur huit questions, dont Ja solution séroit 
très-importante , et que nous allous faire connoître. 

On remarque avec plaisir deux fablés par M. Simon, 
et trois par M: Durkemszax. On seroit ténté de croire 
que cet auteur les a trouvées dans les papiers du bon 
La Fontaine son parént. Deux autres pièces de vers, 
l’une par M. Perrier, l'autre par M. Carre, célè- 
brent les conquêtes de Parmée française en 1805. 

M. Poncs et M: TarrLAssox , tous deux de la Classe 
. des beaux-arts; 6nt fait éntendre, le premier, un 
fragment sur l’art de la déclamation chez les Grecs; 
l’autre, un article très-agréable sur Ruisdaël, où se 
trouve bien exprimé le caractère distinctif de cet ex- 
cellent peintre de paysage. ue 

Dans cette même séance l’Athénée des Arts a pro? 
posé les huit questions littéraires suivantes. 

F°, quesrion. La multiplicité et la diversité des 


196 Nouvelles littéraires. 


grammaires sont-elles nuisibles ou profitables à len- 
seignément public ? 

LL, Les principes de la langue française sont-ils 
aujourd’hui déterminés. avec une exactitude telle 
qu’on puisse les présentêr et les développer dans un 
ouvrage élémentaire destiné à l’enseignement de la 
jeunesse , et quelle seroit la meilleure méthode à 
suivre dans l’exposition de ces principes? 

IL. Quelles sont les améliorations qu'a éprouvé 
le système grammiatical de notre langue, depuis 
Regnier-Desmaretz jusqu'à nos jours ? 

IV°, Quelles sont les modifications que la langue 
française a reçues depuis le règne de Louis XIV ? 
A-t-elle acquis, sous le-rapport de l’élocution, plus 
de régularité, plus de clarté, plus de précision ? 

V®. Quelles sont les modifications que l’usage tend 
à introduire dans la langue vivante ? 

VI. Lorsque dans un état de civilisation très- 
avancée le génie d’une langue paroît être fixé par 
de grands écrivains, quels seroient les moyens d’en 

révenir l’altération ? , £ 

VII. Pourquoi les progrès de la langue chez les 
poëtes, ont-ils généralement précédé les progrès de 
la langue chez les auteurs en prose ? ; 

VIII. Quel seroit le meilleur plan d’un diction- 
naire de la langue française ? quels sont les défauts 
des principaux ouvrages de ce genre que nous pos- 
sédons? en existe-t-il qui puissent servir-de mo- 
dèle ? ; 


Arrêté pris par l'Athénée des Arts en comité 
général, le 4 frimaire an 14. 


* Arr. I. Les huit questions présentées par la 
Classe des Belles-Lettres, et le présent arrêté, seront 


Nouvelles littéraires. _ 107 


imprimés pour être distribués dans la prochaine 
séance prochaine. 

I. Les membres de PAthénée sont invités à com- 
muniquer à la Classe des Belles-Lettres, Les travaux 
dont ils se seront occupés sur une ou plusieurs des 

questions proposées. 

HI. Les littérateurs étrangers sont priés d'adresser 
leurs mémoires , francs de port, à M. le président 
de l’Athénée des Arts, séant à l'Oratoire , à Paris. 

IV. Le but de lAïhénée n'étant point d’établir 
un concours, ni de prononcer sur le mérite d’un 
ouvrage à l’exclusion de tout autre, l’époque où les 

mémoires devront être envoyés n’est pas limitée. A 

mesure qu'ils parviendront à la Saciété, la Classe 
des Belles-Letires nommera une commission de trois 
membres pour en faire l’examen. Après le rapport 
des commissaires, et la lecture dans deux séances 
successives , la Classe prononcera au scrutin si elle 
croit le mémoire digne d’obtenir un des degrés de 
récompense que lAthénée est dans l’usage d’accor- 
der. Le vœu que la Classe aura émis sera commu- 
niqué à l’assemblée générale pour être sanctionné 
dans la forme établie par les statuts. 

V. L'auteur qui dans un seul mémoire auroit ré- 
solu d’une manière satisfaisante la totalité des ques- 
tiops proposées, recevra , avec la couronne, une 
médaille d’or de la même dimension que la médaille 
d'argent ordinairement décernée par l’Athénée. 

VI. Tous les mémoires adressés à l’Athénée, même 
ceux dont on aura voté-l’impression, resteront en 
manuscrit original déposés aux archives. A la fin 
de chaque année, la Classe des Belles-Lettres fera 
“un rapport général sur les différens mémoires qui, 
en présentant des vues utiles, n’auroient pas entiè- 


199 Nouvelles littéraires. 


rement rempli les conditions exigées pour avoir 
droit à l’un des degrés de récompense. 


INota. Les différens degrés d'encouragement fixés 
par les statuts de l’Athénée, sont : 1°. Un compte 
favorable en séance générale; 2°. La mention ho- 
norable en séance publique; 3°. La médaille; 4°. La, 
médaille et la couronne, la lecture en séance pu- 
blique et l'impression : les mémoires de la So- 
ciété. 

Le xapport de M. Léger sur les questions faisant 
partie de la 76°. séance publique, sera imprimé avec 
cetle séance. 

{ 

Un auonyme écrit à M. de Laranne, qu'un Alle- 
mand très- renommé dans plusieurs hranclie des 
sciences , mais trop modeste pour publier les fruits 
de ses travaux , s’étoit voué à l’étude de l'astronomie 
et de la géographie mathématique. Il fit, il y a 50 
ans, un calcul pour déterminer les courses des pla- 
nètés autour du soleil, qu'il regarda comme la soluz 
lion exacte du grand problème de l’année cyclique 
ou platonique, sur laquelle on peut consulter l’as- 
tronomie de M. de Lalande, 3°. édition, art. 1574. 

Comme je suppose, ajoute l’anonyme, que les idées 
de ce savant ne sont pas connues, je prends la li- 
berté de vous communiquer tout ce que je fus en état 
d'en saisir, et je ne doute pas que vous ne puissiez 
juger, et de observations sur lesquelles se fondent 
son calcul, et des conclusions qui en résultent ; en 
cas que vous trouy iez ces dernières dignes de cr 
aliention ; j'ose vous prier de vouloir bien publier 
yos remarques sur ce sujet, par le moyen du Ha- 
gasin Encyclopédique de M. Millin. 


L’auieur de notre hypothèse a supposé que les six 


Nouvelles littéraires. 189 


planètes, alors connues, finissent leur course au- 


tour du soleil, 
jours 
Mercure. ..en.....…:.87: 93h 44 nm. 


NeNUS LA no O RL ET: nr diet Loéte 
Pa Ferrer,.+.t si 1808, » 01:49 1h: 
Mars.:....—....:.,686.,22 10: 50. 
Jupiter. ... Vet AIO ON Er 
Saturne, ...—....10746 22. 36 28. 


Cela supposé , il fit des calculs pour trouver da 
combien de nos années solaires toutes les planètes 
de notre système auront fini lé grand cycle solaire, 
de sorte qu’alors elles seront parvenues toutes à la 
fois aux points du commencement de leurs courses 
respectives. ; 

Je ne sais rendre compte des motifs qui lüi firent 
. adopter le cycle de 280000 de nos années solaires pour 
base de ses calculs. 

Cependant, adoptant ce cycle, soit par hasard , ou 
soit plutôt déterminé par les calculs précédens, qui 
sans doute sont perdus pour jamais, il trouve que 
pendant cette période de 280000 années, les planètes 
de notre système se roulent autour du soleil , 


Mercure... .,.....1,162577 fois. 
PMÉRUS. 21, een 400120. 
La Terre...........280000. 
Mans. 6. 4 mt otre ovuee RAR Te 
JUDLLER 4e: - sens 40 24010. 
SLUTRE.. 210 + ge ce TOR 


M: de Lalande a répondu que les révolutions tran- 
scrites ci-dessus sont exactes. IL avoit beaucoup de 
peine à croire qu’elles recommencent toutes au bout 
de 280 mille ans; mais il s’est assuré que l’auteur 
avoit raison, du moins les différences sont très-pe- 


- 


‘200 Nouvelles littéraires. 


tites , et il seroit charmé de savoir le nom de cet 
habile calculateur. 


La médaille que l’Institut décerne chaque année 
pour l’équinoxe, au meilleur ouvrage d'astronomie, 
d’après la fondation de M. de Lalande, a été adjugée 
à M. Svanserc, astronome suédois, qui vient de pu- 
blier la mesure du degré de la terre en Laponie, pour 
laquelle on a reconnu lerreur de 200 toises qu’il y 
avoit dans la mesure faite en 1736, et dont les causes 
font indiquées dans l'Histoire de l’Astronomie pour 
1805, publiée dans ce journal. 


LT = 


e 


LH AT. RS: 
THÉATRE DE L'OPÉRA. 


: Nephtali, ou les Ammonites. 

LE succès qu’ont obtenu les Oratorio en action, 
surtout celui de Saül, ont engagé les administrateurs 
de l'Opéra à en faire jouer un tous les ans à l’époque 
de la semaine sainte. Nephtali n’a pas trompé leur 
attente. C’est un poëme régulier assez intéressant, 

Hareb, roi-des Ammonites, fait enlever le jour 
même de leur mariage, Nephtali, fils du grand 
prètre des Juifs, et Zachel son épouse. Ils sont en- 
traînés et condamnés à périr ou à sacrifier au dieu. 
Moloch. Ces courageux Israëlites préfèrent la mort à 
Papostasie : leur supplice se prépare. Mais E/iecer, 
frère de Nephtali , s’est introduit déguisé auprès 
d’Hareb ; le roi donne dans le piége d’Eliezer, qui le 
Livre à ses lévites, et arrache à la mort son frère et 


Nouvelles littéraires. 201 


sou épouse : les autels de Chamos et de Moloch sont 
 renversés. 


L'auteur de cet ouvrage a gardé l’anonyme ; celui 
de la musique est M. Brançcinr. Sa composition est 
douce et gracieuse; mais on peut lui reprocher de 
manquer de force. Il a mieux réussi dans le senti- 
ment et l’harmonie que dans les chœurs et les grands 
morceaux. 

Les décorations et les ballets sont très-agréables, 


THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE. 


Le Père rival, ou l Amant par vanité, comédie 


en trois actes et en vers par M. Durary.. 


l 

Il est assez invraisemblable qu’un .père se montre 
par vanité le rival de son fils, et qu'après avoir voulu 
Jui enlever sa maitresse, il retourne à une autre parce 


que son fils a fait semblant de l’aimer. Tel est pour- 


tant le fond de l'Amant par Vanité; fond très- léger 
sans doute, mais que de jolis détails ont su rendre 
agréable. On y a trouvé trop de fleurs; encore si elles 


_étoient variées ! maïs ce sont toujours des roses; et un 


parterre qui n'offre que des roses a beau être joli, sa 
monotonie fatigue bientôt. Si l’on est sévère pour 
M. Dupary, c’est qu’on sait quil peut mieux faire. 
On ne demande qu'aux riches, et M. Dupaty qui 
l’est beaucoup, en fait desprit, pourroit en faire 
meilleur usage. Il ne suffit pas de faire une grande 
dépense , il faut encore dépenser à propos. L’Amant 
par vanité offre quelques scènes d’un comique agréa- 
ble ; celle dela fin, où le fils marie son père, est 
une nouveauté piquante, Quoiqu'en général la pièce 
soit trop du même ton, elle n’en est pas moins très- 
agréablement versifiée. . 


202 Nouvelles littéraires. 


La Comédie aux Champs - Elysées , en un acte 
et en vers. 


C’est un hommage à à Colin d'Harleville , dont la 
perte récente vient d’affliger les Muses et l'amitié. Le 
motif étoit louable, l'exécution est un peu foible. La 
pièce est composée de quatre scènes, dans lesquelles 
Aristophane ; Ménandre, Piron et Goldoni tiennent 
conseil sur la manière dont ils célébreront l’anniver- 
saire de l’arrivée de Molière aux Champs-Elysées. 
Laforêt, servante de Molière, vient mêler son babil 
à celui des quatre poëtes ; ; le est suivie de La Fon- 
taine, qui propose de j jouer devant Molière une co- 
MA de Colin : on n’est plus embarrassé que du 
choix, lorsque Thalie , couverte d’un crêpe funèbre, 
vient d’un air afifligé apprendre sa mort à nos poëtes. 
Comme on se réjouit là-bas de ce qui nousaffligeici, 
ces messieurs vont gaiment au-devant du nouveau 
venu, et improvisent les couplets qu'ils doivent 
chanter devant lui. Je crois que si La Fontaine et 
Piron les eussent faits de leur vivant, ils eussent 
été meilleurs ; mais il faut pardonner à des morts de 
radoter un peu, et de n’âvoir plus des idées neuves. 
et fraiches. L’ouvrage, au fait, a été applaudi, peut- 
être’ en faveur de l'intention; mais les auteurs ont 
été demandés , ce sont MM. ROUGEMONT et PiLon. 


THÉATRE DU VAVDEVILLE. 


Rubens dans sa jeunesse. 


Certes, Rubens ne vieillira pas au théâtre. Ce n’est 
qu’un avorton concu sans règles et sans goût. Pour ne 
point parler au figuré, on à vu qué cette pièce étoit 
l'ouvrage d’un homme qui n’avoit nulle connoissance 


Nouvelles littéraires. 203 


de la scène. Elle s’est trainée froidement jusqu’à la 
fin, et on est venu annoncer que c’étoit le: premier 
ouvrage de son auteur. S'il étoit jeune, on pourroit 
concevoir de son essai quelques espérances; mais 
c’est, dit-on., un homme de 40 ans. Il a attendu un 
peu tard pour débuter par un vaudeville. 


La belle Hütesse. 


Quelques éclairs d'esprit et des couplets à la mode 
n’ont pu procurer à la Belle Hôtesse un grand succès. 
Un amant infidèle, ramené à son premier amour par 
une femme qui ne l’aime pas, n’a rien offert deneuf. 
On a trouvé assez singulier que la Belle Hôtesse fût 
assez bien avec le ministre pour disposer d’une pen- 
sion et d’une lieutenance. Voilà tout ce qu’il y a de 
remarquable dans ce petit ouvrage, dont le premier 
mérite étoit d'offrir madame Belmont dans le rôle de 
la Belle Hôtesse. 


Les auteurs sont MM. Cuazer et VALLÉE. 


Agnès Sorel, comédie-vaudeville en trois actess 
par MM. Bouizzy et Dupary. 


Les rois jusqu’à présent furent du domaine de la 
tragédie. Il étoit rare que même dans une comédie 
noble, on osât en introduire. Comment croire que le 
petit vaudeville eût formé le projet d'en mettre un 
sur la scène où Piron, Dancourt et Santeuil nous ont 
fait rire avec leurs couplets grivois. IL est vrai que 
les auteurs ont choisi un pauvre sire. Ce Charles VIE 
qui perdoit son royaume si gaîment, qui pensoit à 
des bals et à des fêtes pendant que les Anglais rava- 
geoient son royaume, et que l’on surnomma le Roi 
de Bourges. Son indolence et sa foiblesse sont deve- 


204 Nouvelles littéraires. 


aues d'autant plus célèbres, que son règne fut fertile 
en grands guerriers. La France doit se faire honneur 
des Richemont , des Lahire, des Danois et de la fa- 
meuse Jeanne d'Arc, sur la mémoire de laquelle un 
grand poëte sera toujours blämé d’avoir jeté du ri- 
dicule. La fin malheureuse de Jeanne , aussi désho- 
norante pour les Anglais qui l'assassinèrent, que pour 
le roi qui souffrit sa mort et ne la vengea point, aut- 
roit dû lui sauver l’affront des vers de Voltaire. 
Revenons à Agnès. Elle est encore aussi vertueuse 
que, belle, lorsque la pièce commence. Charles VIE 
est déguisé en simple chevalier, et file auprès d'elle 
le parfait amour ; une blessure légère qu’il s’est faite 
au genou en tombant de cheval à la chasse, lui sert 
de motif pour rester au château habité par Agnès ; 
mais ce qu’il y a de singulier, c’est que personne. ne 
sait où ilest; ses généraux même, ignorent sa Ca- 
chette. Il est plaisant de voir un roi de France perdu; 
aussi Dunois le cherche-t-il partout. Ilarrive, par 
hasard , au château de la Meignelaie , et reconnoît le 
roi : mais il ne le nomme pas, le roi lui a fait signe 
d’être discret. Cependant il est le rival de Charles ; 
ici s’élève une lutte singulière entre le sujet et son 
prince, ils se défient; mais tout le monde sait qu’A- 


gnès aime leWroi , qu'il n’a qu’à se nommer pour faire ! 


tout finir. Charles, pour se défaire de Dunois, le 
nomme généralissime de ses armées, et lui donne 
l’ordre de partir sur-le-champ. Dunois, comme gé- 
néralissime, ordonne à tous les officiers de rejoindre 
leurs drapeaux , et Charles, qui n’est au château 
qu'un simple officier, se voit forcé de partir ou de se 
nommer. C’est en ce moment que l’on vient annon- 
cer que les Anglais sont maîires de Paris, et que le 
royaume est perdu si Charles ne se montrepas. Il hé- 
site encore! Agnès l’a reconnu, et lui fait un beau 


. Nouvelles littéraires. ‘205 


sermon pour l’engager à la quitter. Lé roi commence 
à entendre raison , il se décide, et Dunois s’écrie : la 
France est sauvée! Voilà toute la pièce. Les épisodes 
ne sont pas heureux. Le petit page ne fait qu’aller et 
venir sans sujet. L’oncle d’'Agnès, qui se méfie de 


 Dunoïs, et l’envoie promener dans ün labyrinthe 


pour laisser Agnès seule avec Charles, fait un très- 


ot rôle. Il ya encore une petite cousine fort amou- 


reuse du page, et un sire de la Rapinière, gentillâtre 
sot et poltron, dont les propos n’ont point fait rire. 
Il parle à tout moment de son grade dans l'arrière 
ban, et de ses odes, quoique alors les gentilshommes 
fissent for peu d’odes. Le style de la pièce nous a paru 


négligé ; il s’y trouve des phrases hasardées, des ex- 
% 


pressions triviäles. C’est en vain que madame Belmont 
s’est montrée dans la belle des belles, elle n’a pu dé- 
sarmer la critique; il y a eu presque autant de marques 
d’improbation que d’applaudissemens. On dit que 
les auteurs ont fait beaucoup de coupures; la pièce 
péchera toujours par le fond; elle manque d’intérêt 


et de gaîté : l’un ou l’autre doit cependant être la base 


de tout ouvrage dramatique. 


. 


+) 
LIVRES DIVERS (Gi). 


- 
BoTANIQUE. 


Dovwzze Flore parisienne , ou Descri iption des plantes 
qui croissent ssh. It aux environs de Paris, 
distribuées suivant la méthode naturelle d'une part, 
et suivant le système de Linnée de l’autre » avec 
l'indication de léur emploi dans la médecine , des 

arts, l’économie domestique , etc.; par J. D. D... 
Un vol. in-18. Se vend à Paris, chez 7reuttel et 
W'ürtz , libraires, rue de Lille, n°. 17 ; chez Ga= 
bon, libraire, Fe de l’École de Médecine; et chez 
Latour , Pédre grande cour du ae près 


les galeries de pois 


On pourroit croire, d’après lé titre de cet ou- 
vrage, qu'il a uniquement pour objet de faire con- 
noïître les pianes qui croissent aux euvirons de Pa- 
ris, et qu’ainsi son utilité est circonscrite däns Îles 
limites d’une localité particulière. Il présente eepen- 
dant un intérêt dont l'importance est beaucoup plus 
générale, qui est relatif à la science considérée en 
elle-même, et indépendant de toute circonstance de 
lieu. On voit que l’auteur a eu principalement pour 
but de faciliter, aux personnes qui commencent l’é- 
tude de la botanique, la connoissance et l’applica- 
tion de la méthode naturelle; et, sous ce rapport, 
son ouvrage est un véritable livre élémentaire des- 
Liné à propager l’usage de cette méthode, dans las 


(1) Les articles marqués d'une * sont ceux dont on don- 
xera un extrait. 


Livres divers. 207 


quelle seule consiste la science réelle, à moins qu’on 
ne veuille là réduire à ne se composer que d’une no- 


- menclature stérilet de classifications arbitraires. Un 
ouvrage de cette nature n’étant point susceptible d’a- 


nalyse., nous nous bornerons à donner un apercu du 
plan que l’auteur a suivi. 
on ouvragerést composé de deux parties distinctes, 

mais qui sont cépendant en rapport l’une avec l’au- 
tre, etse prètent ur appui mutuël La première, con- 
sacrée à la méthode naturelle ; commence par une 
exposition développée de cette méthéde et des prin- 
cipes qui .lui servent de base. Cette exposition ést 
suivie de la description détaillée de tous les genres 
de plantés doit on trouve des espèces aux environs 
de Paris, distribuésien familles et en classes natu- 
relles, d’après'‘les ouvrages de Jussieu, Ventenat et 
Gæriner. Chaque’elasse est accompagnée d’un tableau 
analytique des ordrès qu’elle renferme, qui conduit 
immédiatement à chacun de ces ordres par le moyen 
d’une dichotomie successive de caractères exclusifs 
mis en opposition. Ces tableaux , qui ont dû coûter 
beaucoup de travail à l’auteur, sont destinés à épar- 
gner des tâtonhémiêns incèrtains aux personnes qui 
ne sont pas encore fimiliarisées ayec là méthode na- 
turelle pour distingtér lés diverses familles des plantes 
à leur physionomié , et qui ; sans ce secours, seroient 
souvent obligées de consulter tous les ordres d’une 


classe avant de parvenir à celui qui seroit Pobjet de 


leur recherche. 

À cette première partie en succède une seconde, 
dans laquelle les espèces qui composent la Flore pa- 
risienne sont décrites et rangées suivant le système 
de Linnée. Chaque plante y ést désignée par Son nom 


datin et français, ét par la phrase spécifique qui la 


caractérise ; son habitation , sa durée, la couleur de 


208 Livres divers. 


ses fleurs, son emploi dans la médecine, les arts; 
l’économie domestique, etc., y sont indiqués d’une 
manière abrégée. Cette seconde, partie n'offre par 
elle-même qu'un intérêt local; mais elle se trouve 
liée à la première au moyen des genres qui se cor- 
respondent de l’une à l’autre par des numéros de 
renvoi. De cette manière, les deux méth@des peuvent 
s’entr’aider et se servir mutuellement d’épreuve. 

Tel est le plan de cet ouvrage, qui nous a paru 
exécuté avec soin. Nous ne doutons pas qu’il ne soit 
accueilli avec intérêt par les amateurs de La Bota- 
nique. LONE » PIUR 


D, Caroli Ludovici MirrpeNow , Bot. et Hist. nat. 
prof., etc., Hortus Berolinensis ; etc: ; c’est-à-dire, 

© Jardin de Berlin, ou Figures et Descriptions des 
plantes rares et peu connues qui se cultivent dans. 
le jardin royal de botanique de\ Berlin. Quatrième 
fascicule. A Berlin, chez F.. Schuppel, 1805. In- 
folio. 


Dans cette livraison , M. Willdenow offre quarante 
huit plantes rares qui ne le cèdent en rien aux pré- 
cédentes, ni par la netteté et la précision des des- 
criptions , ni par la beauté naturelle des figures. 

GÉRANIUM pinceau, PELARGONUM penicillorum ÿ. 
Nénurnar étranger, Nympxx4 advena; Ne- 
nuraar odorant, INYwmPxxƫ odorata; HEesm1o- 
vire blanchätre, HemroniTis dealbata ; Acros- 
TICHE à poussière blanche, AcrosricHum calome- 
lanos ; CENTAURÉE pubescente, CENTAUREA pubes- 
cens ; SAXIFRAGE printannière , SAXIFRAGA vernalis ÿ 
ANEMONE pigamon , ANEMONE thalictroides ; SIGNET 
pubescent , Con r AzLARIA pubescens ; PARCELzE his- 
pide, Hyrocxagris hispida; LioNpeNr ovale, 

LEoNToDoN | 


Livres divers. 209 


Zzonropon obovatum ; BoursoNE ailée, BorBoNrA 
alata. 

Cette charmante collection peut servir et plaire aux 
botanistes et aux amateurs, surtout aux directeurs et 
aux cultivateurs de jardins botaniques ; parce que 
l’on y indique le sol et les lieux propres à conserver 
chaque plante (1). Wiremer. 


ANATOMIE. ' 


SEcrionss Cadaverum Pathologicæ , quas pro gradu 
doctoratus summisque in medicin& honoribus ac. 
privilepiis , in Academi& Lugduno - Batav&, rite 
consequendis , eruditorum examini submittit Corn. 
Joann. KnerveezuouT. À Leide, chez Æ/aak et com- 


pagnie. 1805. In-4°. de 67 pag., accompagnées de 
deux planches. 


Disciple distingué du savant professeur G. Sans 
prrorT , M. Knerpezuour rend compte, dans cette 
. dissertation inaugurale, de cinq observations qui con- 
cernent spécialement des maladies de l’œsophage et 
de l'estomac. Les deux planches qui sont à la suite 
de sa dissertation, lui ont été fournies de la collection 
de dessins pathologiques recueillis par M. Sandifort, 
et qui sont l’ouvrage de la propre main de ce célèbre 
anatomiste. P. H. M. 


MÉDECINE. 


Journaz de Médecine, Chirurgie, Pharmacie, etc. ; 
par MM. Corvisarr, premier médecin de l’'Em- 


(1) Le quatrième volume du Species Plantarum de WiLL- 
pExow, vient de paroître à Berlin. Il renferme la Gynandrie 
et la Monoécie. L'on y trouve presque toutes les plantes dé- 

_gouvertes depuis Linnéus, 


T. III, Mai 1806. Q 


210 Livres divers. 


pereur; Lr Roux, médecin ordinaire de S. A. T. le 
prince Louis; et rat premier chirurgien de l’Em- 
pereur , tous trois professeurs à l'Ecole de médecine 
de Paris. À Paris, chez Wigneret, imprimeur, rue 
du Sépulcre, n°. 20 , et Mt TU l’ainé, rue de 
l'Ecole de Médéel nié, 4 *. 8et9. Mars 1806, 


Ce cahier faisant partie du XI° volume, contient: 
Suite du mémoire-sur la Phrénésie ; par M. Frédéric 
CHarver, médecin. — Observation sur Le Tétanos 
par M. Pinaire, médecin à Etampes. — Observation 
sur la conformation vicieuse , dans laquelle la vessie 
ne présentoit que sa paroi postérieure, etc.; par M. 
Edouard Perir , médecin. — istoire raisonnée des 
maladies observées à Naples pendant le cours entier 
de 1764 ; traduite de l’italien de Michel SarcoNE; par 
F. Ph. BErrAy.— Mémoires de la Société médicale 
d’'Emulation de Paris, pour l’an X.— Mémoire pour 
servir à l'Histoire naturelle des Sangsues, par L. 
THomas, médecin. 


FinNANcESs. 


Sur la Banque de France, les causes de la crise 
qu’elle a éprouvée , et les moyens d’en prévenir le 
retour; avec une théorie des Banques. Paris, chez 
Delance, imprimeur-libraire , rue des Mathurins, 


hôtel Cluny. 1806. In-8°. de 70 pag. 


Le point discuté dans cet ouvrage a été l’objet d’un 
rapport fait à la Chambre de Commerce de Paris par 
une Commission spéciale. L'auteur y expose avec beau- 
coup de précision et de clarté comment les Banques se 
sont formées et ont dû se former ; donne l’histoire 
suctincte des quatre premières criles éprouvées à Pa- 
ris par les Banques d’escompte; parle de L utilité des 


æ 


. Livres divers. 21i 


Banques pour les Gouvernemens; détaille les causes de 
la dernière crise qu’a éprouvée la Banque de France, 
et les funestes eflets de cette crise; enfin il propose les 
moyens de prévenir tout événement capable de sus- 
pendre ses opérations et de porter atteinte à son cré- 
dit. Cet opuscule, solidement écrit, est de M. Duronr 
( de Nemours), membre et secrétaire de la Chambre 
et de la Commission de Commerce de Paris. 


Des différentes Banques de l’Europe. À Paris, chez 
Lamy, quai des Augustins, n°. 21; et Garner, 
rue de Seine, hôtel Mirabeau. 1806. [n-12 de 72 


pages: 


L'auteur de cet opuscule, après avoir défini le mot 
Banque, et en avoir donné une idée générale, jette 
un coup-d’œil rapide sur toutes les Banques exis- 
tantes en Europe. Il en décrit les constitutions di- 
verses , et développe les opérations de chacune d’elles. 
Ce n’est au reste qu’un Extrait du tome XI du nou- 
veau DENIsART, in-4°. continué par M. Cazenee. Il 
a été jugé d’une telle importance, qu’on a cru de- 
voir l’imprimer et le publier à part. 


MyTHoLocte. 


Les Monumens antiques expliqués par la mytho- 
dogie, en forme de dictionnaire ; ouvrage élémen- 
taire, orné de gravures, dans lequel on comprendra 
des costumes des anciens et des peuples modernes ; 
publié, dessiné et gravé par Laurent Guyor ; ré- 
digé par Alexandre Lenorr, administrateur du Mu 
sée des Monumens français. Tome 1°. In-8°. A 
Paris, chez Levrault et Schoell, rue de Seine-St.- 
Germain. 1806. 


El est assez naturel de chercher à connoître la 


212 Livres divers. 


cause avant l'effet. Or, l’histoire mythologique et fa- 
buleuse ayant dû précéder toute représentation qui 
‘y est analogue, et ayant fourni un nombre infini 
de sujets aux anciens artistes, c’est nécessairement 
par elle et avec son secours que les monumens doi- 
vent être éclaircis. Il étoit donc plus exact, ce sem- 
ble, d’intituler cet ouvrage /a Mythologie expliquée 
par les monumens , etc. " 

Tous les sujets qui composent ce recueil sont gra- 
vés au trait, et d’après les meilleures productions 
de l'antiquité; c’est du moins ce qu’on assure dans 
un avertissement. Le texte en donne l'explication ou 
plutôt l’histoire; mais nous sommes étonnés que Vau- 
teur ait omis d'indiquer les modèles d’après lesquels 
on a opéré, et le lieu et les ouvrages où ils se trou- 
vent. Cela devenoit essentiel et pour donner plus de 
prix aux monumens représentés, et pour inspirer 
plus de confiance. Cette omission n’empèchera point 
que ce portefeuille ne soit de quelque utilité aux 
peintres, aux slatuaires, aux calcographes, qui ;! 
comme nous, rendront justice au talent de M. Guyot 
et au zèle de M. Lenoir pour le progrès des beaux 
arts. « 

Le volume que nous annonçons est le premier de. 
l'ouvrage, et orné de 50 gravures; il en paroîtra au 
moins deux par année. 

Chaque volume coutera 12 francs aux souscrip= 
teurs , et 15 fr. pour ceux qui n'auront pas souscrit: 
au premier mai, époque à laquelle paroîtra le second 
volume. | 

MM. les souscripteurs qui souscriroient pour l’an- 
née, recevroient les deux vol. francs de port dans 
toute la république. : 

Le prix du papier vélin, tiré à très-petit nombre, 
sera de 4$ fr. pour deux vol. par année, et le port 


Livres divers. 213 


+ eh sus pour ceux qui n'auront pas souscrit. Les 
épreuves seront délivrées selon le rang d'inscriptions 
a MM. les souscripteurs. 

On souscrit à Paris, chez L. Guyot, graveur et 
éditeur du Musée des Monumens francais (1), rue 
des Mathurins-Saint-Jacques , n°. 12; M. Lenoir, au 
Musée des petits-Augustins; Landon, peintre, quai 
Bonaparte, n°. 23, au coin de la rue du Bacq; Le- 
vrault et Schoell., rue de Seine-Saint-Germain. 


CHRONOLOGIE. 


Concornance de l’ère des Français, décrétée le’ 5 
octobre 1793, avec les années du Calendrier gré- 
gorien , depuis le 1°". vendémiaire an r1 jusqu’au 
1°". pluviose an xxr 1 inclusivement ; ouvrage utile 
aux jurisconsulles , négocians , gens d’affaires , etc ; 
par L. M*%. À Paris, chez Égasse et Poupart, rue 
Saint-Jacques, n°. 12. 1806. Prix, 40 cent. 


Voici quelle est la disposition de cet ouvrage. On 
a placé au haut de chaque page le nom du mois 
du Calendrier républicain, et au-dessous de ce mois 
se trouvent les ans, mois et jours du Calendrier gré- 
gorien, correspondant au Calendrier républicain. Les 
jours du mois de ce dernier Calendrier sont placés 
dans la première colonne à gauche, et ceux du Ca- 
lendrier grégorien qui leur correspondent, sont dans 
les colonnes au-dessous des années correspondantes. 
On voit que l’an 11 correspond à l’an 1793; que l'an 
‘xxx correspond à 1794; que l’an v correspond à 1796; 
et ainsi de suite. 


(Gi) Le sixième et dernier volume de cette collection, ei 


la Table historique et analytique de tout l’ouvrage, son, 
sous presse, 


214 Livres divers. 

Les éditeurs préviennent que quoique l'usage du 
Calendrier républicain ait été suspendu depuis le 10 
nivose an x1v (1°. janvier 1806 ), ils ont cru néces- 
saire de continuer cette concordance jusqu’à l’an 
xxvi1, afin de donner la date de l'échéance des obli- 
gations et des baux .dont l’époque est rapportée au 
Calendrier républicain ; mais on s’est contenté, pour 
les années postérieures à l'an xrv, d'indiquer au bas 
de chaque page le premier jour du mois relaté au 
haut de cette page; par ce moyen , on pourra toujours 
faire rapporter les jours de ces mois à ceux qui sont 
déja indiqués. 


MORALE. 


ÉLÉM“ENs de Morale à l’usage des maisons d’édu- 
- cation; par M. l’abbé Gassearain. Seconde édi- 
tion, augmentée de plusieurs chapitres , de sen- 
tences tirées des meilleurs poëtes Français, placées 
à la fin de chaque lecon, et d’une gravure. 1 vol. 
in-18. Prix, 1 fr. 50 cent. Paris, Dermnoraine , im- 
‘ primeur-libraire, rue du Petit-Pont, n°. 18. 


MORALE RELIGIEUSE. 


BzrorrrEeniNeszrrr , etc. C'est-à-dire, Ascétique , 
ou la Connoissance des moyens de vivre dans le 
bonheur et la sainteté, comme un véritable disciple 
de Jésus-Christ ; ouvrage où l’on expose les ma- 
ladies de l'esprit et du cœur contraires à la saine 
pratique du christianisme , ainsi que leurs causes 
et leurs moyens curatifs ; par Ewald Kisr, pas- 
teur à Dordrecht. Tome T, 1°. et IF. partie, en- 
semble de 904 pag. À Dordrecht, chez 4. Blussé 


et fils. 1804 et 1805. laps”. 


Dans l'introduction de la L”°. partie, l’auteur expose 


Livres divers. 215 


les motifs qui lui ont fait entreprendre cet ouvrage. 
Après avoir défini l’ascétique , il déduit la différence 
de ce qu’il s’est proposé de faire et de ce que d’au- 
tres ont fait avant lui. Dans la préface de la II°. par- 
tie , il justifie exécution de son plan contre les ob- 
servations de quelques journalistes hollandais, ob- 
servations dont nous avouors que quelques - unes 
s'éloient aussi présentées à noire esprit, et 1l met 
dans cette apologie un ton de mesure et de sagesse, 
dont heureusement il n’avoit pas eu à reprocher 
Pabsence à ses critiques. 

M. Kist à partagé son ouvrage en deux seclions 
principales. 

La 1". traite des moyens de parvenir à la véritable 
pratique du christianisme ; 

La Il°. des moyens de s’y maintenir et de s’y avan- 
cer. 

On ne peut nier que l’auteur ne montre, dans 
celte Ascétique , une grande connoïssance du cœur 
humain, jointe à beaucoup de méthode et de clarté, 
On lui doit déjà quatre volumes de Sermons très- 
estimables et quelques autres productions, toutes 
marquées au même cachet. L'église de Dordrecht lui 
a prouvé combien elle sait apprécier son ministère, 
lorsqu'il y a quelque temps elle s’est vue menacée de 
le perdre par la vocation que lui avoit adressée celle 
d'Amsterdam, et qu’il a refusée. — Parmi les écri- 
vains ascétiques mentionnés par M. Kist, nous re- 
grettons de ne trouver ni son compatriote Thomas 
à Kempis, ni Nicolle, ni La Placette, ni Roques, 
qui, assurément , en valent bien d’autres qu’il cite. — 
l’auteur annonce qu’il aime mieux soigner davan- 
tage la seconde partie de son ouvrage, que de trop 


se presser de La publier. Sas cito, si sat bene. 
| P. H. M. 


216 Livres divers. 


ERA RE RAR S'ACRÉE. 


VerKLARING van Paulus brief aan de. Romeinen. 
C'est-à-dire, Commentaire de l’Épitre de Saint- 
Paul aux Romains ; par Paul BosveLp, pasteur- 
émérite à Dordrecht. À Dordrecht, chez Pierre 
Fan Braam. 1805. In-8°. de 438 pag. 


Ceux quisavent spputér le mérite animé de la 
généreuse émulation de se rendre utile, ne peuvent 
que gémir de la triste infirmité qui, depuis plusieurs 
années , a tout-àa-coup arrêté M. Bosverp dans une 
carrière où 1l pouvoit faire encore un bien infini, 
et privé de son ministère un troupeau qui lui étoit 
justement attaché. Que de matériaux il avoit amassés 
pour épurer l’enseignement du christianisme et pour 
donner en Hollande une meilleure direction à l’her- 
méneutique sacrée ! Grâces soient donc rendues à 
l'éditeur qui publie du moins une partie de ees es- 
timables travaux ! Les Épitres de Saint-Paul avoient 
particulièrement occupé M. Bosveld. Son Commen- 
taire sur celle aux Galates, sur celle aux Thessaloni- 
ciens, sur le commencement de la 2°, aux Corin- 
thiens, ont déjà vu le jour. Le volume que nous 
annoncons a pour objet les huit premiers chapitres 
de celle aux Romains. L'introduction de M. Bosveld 
est un chef-d'œuvre de discussion et de méthode. Il 
y traite du temps auquel l'Épitre aux Romains a été 
écrite , et il le fixe aux premiers mois de l’an 54 de 
lère chrétienne; des personnes à qui elle fut adres- 
sée, (ce qui lui fournit l’occasion de rechercher sa- 
vamment la naissance du christianisme à Rome }; 
et enfin de l'occasion et du sujet qui y donnèrent 
lieu. L” Épitre aux Romains offre non-seulement l’en- 
semble du système évangélique ou de la doctrine chré- 


Livres divers 217 
tienne , tel que Saint-Paul a cru devoir le présenter 
à ces néophytes, mais encore un assez grand nombre 
de digressions sur des questions incidentes, spécia- 
lement relatives au temps et au lieu où l’apôtre écri- 
voit. Le commentateur distingue essentiellement ces 
deux choses, et il les envisage séparément pour y 
répandre le jour dont elles peuvent avoir respecti- 
vement besoin. Le 2°. volume de cet ouvrage est 
consacré à la seconde partie de sa tâche ainsi dé- 
terminée. PM 


JEs 1145 vertaald en opgehelderd, c'est-à-dire , Zsaïe 
traduit et expliqué par J. H. V AN DER Paz, tom. E 
À Amsterdam, chez Jean 4//art , 1805 , in-8°. de 


469 pag. 


Il y a quelques années que M. Ancillon fils, de 
Berlin , fut couronné à Rouen comme auteur d’un 
excellent mémoire, où il déduisoit les raisons pour 
lesquelles , abstraction faite de l’idée de l'inspiration 
divine, le recueil des livres sacrés mérite encore 
d’être considéré comme un des monumens éminem- 
ment remarquables de l'antiquité. C’est dans le sens 
de cette abstraction que nous croyons qu’il convient 
de parler dans ce journal de la nouvelle production 
littéraire de M. Van der Palm, production qui fait 
également honneur à son érudition , à sa sagacité et 
a son goût. 

M. V. D. P.est connu comme un orientaliste dis- 
tingué. Au regret de tous ceux qui cultivent cette 
branche de littérature, des occupations d’un autre 
genre l'ont détourné pendant trop long-tems d’une 
carrière où il s’étoit annoncé avec honneur. L’uni- 
versilé de Leide vient de le rappeler à ses anciennes 
fonctions , et nous en félicitons également et cette 


218 Livres divers. 


célèbre pépinière de science et le savant professeur. 
M. V. D. P. n’a pas attendu ce rétablissement pour 
publier l’ouvrage que nous annonçons, ouvrage fait 
depuis douze ans; mais nous aimons à croire que ce 
rétablissement peut avoir été en partie décidé par 
cet honorable motif. Quoi qu’il en soit , mettons nos 
lecteurs à portée de connoître et d’apprécier cetie 
publication. 

Dans un avis préliminaire, l'auteur expose les 
motifs qui ont de préférence porté ses travaux. sur 
Isaie; ses principes en fait de traduction, laquelle, 
surtout pour ce qui concerne la poésie orientale, 
doit éviter les. deux écueils, d’étreou trop libre, ou 
trop servile; les regles qu'il s’est prescrites pour 
ses ‘annotations où son commentaire ; il s’est 
appliqué à y réunir la simplicité, la clarté et .la 
brièveté ; il a profité avec sagesse des recherches de 
ceux qui l’ont précédé dans l'interprétation d’fsaie , 
et spécialement de Fätringa, Michaëlis, Lowth, 
Koppe, Doederlein et Hensler. 

Cet avis préliminaire est suivi d’une #ntroduction 
où l’auteur traite succinetement , en autant de para- 
graphes séparés, des prophètes en général, — des 
écrits prophétiques, — de la personne d’Zsaie , — de 
l’état du peuple Juif à l’époque où il vivoit, — du 
contenu , du caractère et de la division de son livre. 

Isaïe exerçoit son ministère sous les règnes succes- 
sifs d’Osias , de Joathan , d’Achaz et d'Ezéchias, rois 
de Juda et M. V. D. P. distingue ses prophéties, dans 
l’ordre non - chronologique où elles se trouvent 
rangées, en cinq parties capitales. 

La première, qui s'étend du premier au douzième 
chapitre, renferme des prédictions sur Juda et sur 
Jérusalem; la seconde , du treizième au vingt-troi- 
sième chapitre, des charges ou prédictions concer- 


Livres divers. 219 


nant diverses nations voisines, dont les destinées 
avoient plus ou moins de connexion avec celles du 
peuple hébreux ; la troisième, du chapitre vingt- 
quatre au trente-cinquième, de nouvelles prédic- 
tions sur Juda et sur Israël ; la quatrième est histo- 
rique , et rend principalement compte de la guerre 
d’Assyrie, sous le règne d'Ezéchias, chap. 36-39; 
enfin la cinquième et la principale partie annonce 
# délivrance des Juifs de la captivité de Babylone ; 
1 sort à venir jusques à la naissance du Messie et 
delà ; la chute de lidolâtrie, le triomphe de la 
vérité lé y en nié met intellectuel et 
moral des nations par le fils ou le plus illustre des 
descendans de David, dans une suite de tableaux 
remarquables par la chaleur et la force. 

- Le premier volume , que nous avons sousdes yeux, 
contient les vingt premiers chapitres, c’est-à-dire la 
première et une partie de la deuxième division indi- 
quée par M. V. D. P., et il offre successivement le 

texte traduit en langue hollandaise, et l’explication 
de chaque morceau. La traduction a une espèce de 
cadence et de coupe poélique assez souvent dans le 
genre du dithyrambe, dont la langue hollandaise 
nous paroît infiniment plus susceptible que la langue 
française, et que nous désespérerions de rendre dans 
celle-ci. C’est donc un mérite de l’ouvrage qu’il nous 
est impossible de faire sentir à nos lecteurs. 

M. V. D. P. propose sur le premier chapitre une 
conjecture ingénieuse, dont nous aimons à faire men- 
tion. 1l rapporte cette prophétie au tems le plus 
déplorable de corruption et de calamité du règne 
d'Achaz. Ce monarque impie fait piller le temple, 
détruire les vases sacrés, fermer les portes de la mai- 
son de Dieu , et suspendre ainsi toute célébration du 
culte lévitique; ce qui duta jusqu’à la fin de sa domi- 


220 Livres divers. 


nation sacrilége. (Voyez le deuxième livre des chro- 
niques, chap. 28, v. 22-25). On s'attend peut-être 
à voir le prophète réclamer auprès d’Achaz , au nom 
du Très-Haut , et le sommer de,rouvrir le temple, 
de rétablir le service divin. Mais non ! c’est tout le 
contraire. Jéhovah approuve la conduite d’Achar. 
En vain on le croiroit offensé de cette suppression 
d’hommages devenus indignes de lui. Les oblations, 
les sacrifices, les prières de ce peuple lui étoient en 
abomination ; il ne le regardoit plus comme son DA 
ple. Mais le chemin de Ja régénération nationle 
n'étoit point fermé pour cela : des mœurs à défaut de 
cérémonies ; des vertus en place d’holocaustes ; telle 
étoit la céleste préférence du Très-Haut. C’est dans ce 
sublime sens que doivent être entendus les versets 
10-18. Dureste, ce chapitre est composé d’interlocu- 


tions alternatives de Jéhovah et de son prophète, ce 


qui lui donne un ton dramatique, et l’anime, pour 
ainsi dire, de la vivacité de l’action. Jéhovah débute, 
v. 2: Cieux , soyez étonnés, etc. Le prophète prend la 
parole au verset 3. Jéhovah reprend au v. 10-18. Le 


prophète, v. 19-23. Jéhovah, v. 24-26. Le prophète , 


V. 27-81. 

La prophétie des chapitres XIII et XIV , telle que 
M. V. D. P.se la représenteet l'explique, est un chef- 
d'œuvre de la poésie laplusélevée. Elle a trait à la ruine 
de Babylone et à la délivrance du peuple de Dieu qui 
en est la suite. Chap. XIIT , Jéhovah est d’abord re- 
présenté comme un guerrier qui commande lui-même 


une armée formidable ( v. 2 et 3} L’imagination du + 


poëte lui retrace Jes scènes de dévastation et de car- 
nage prêtes à s'ouvrir (v. 4-12). Enfin il peint le 
sort de Babylone, tombée au pouvoir du vainqueur 
(v. 19-22). Le Chap. XIV est le tableau du peuple, 
d'Israël reconquis par son Dieu; et au quatrième 


Livres diyers. 221 


«verset commence un magnifique chant de triomphe 
que le prophète met dans la bouche de ce peuple ravi 
d’admiration et de reconnoissance. On ne nous saura 
pas mauvais gré d’en placer ici du moins le début : 


« Le tyran a-t-il disparu? linsatiable n'est-il plus? 
— Jéhovah a donc brisé la verge des impies , le 
sceptre des oppresseurs?..... Que maintenant la 
terre est calme et tranquille! elle éclate en cris 
d’allégresse. Les sapins élevés et les cèdres du Li- 
ban se réjouissent ; depuis que tu es abattu, per- 
sonne ne vient plus nous troubler. — L'empire 
souterrain des morts s’agite à tou aspect, il réveille 
les ombres des anciens tyrans ; les rois des nations 
se lèvent pour aller à ta rencontre. — Tour à tour 
ils V'apostrophent et disent : Et toi aussi devenu 
comme nous! ta magnificence a été précipitée aux 
enfers !.... Des vers sont ta couche et ta couver- 
ture. Astre du matin, fils de l’Aurore, comment 
es-tu tombé du ciel !.... Ne disois-tu pas dans ton 
cœur : Je veux envahir le ciel; je veux asseoir 
mon trône au-dessus du qua ?... Tous ceux 
qui te contemplent s'arrêtent stupéfaits; est-ce là 
celui qui bouleversoit la terre , qui faisoit trembler 
les princes ?.... Les rois des nations sont là, couchés 


» ayec honneur, chacun dans le monument paternel ; 


mais toi, comme un objet d’exécration , tu es rejeté 
loin de ta tombe... ... privé de sépulture, ton ca- 
davre , foulé aux pieds, est roulé dans une caverne, 
parce que tu as ravagé ton pare égorgé tes sujets... .. 
La race desi impies est proscrite à perpétuité. » 

Nous ne nous étendrons pas davantage sur ce livre 


* qui, sous tous les rapports, ne peut que faire honneur 


à M. V. D. P. Deux autres volumes compléteront sa 


tâche. Le dernier sera terminé par quelques remar- 


ques de critique et de philologie qu’il n’a point voulu 


222 Livres divers. 


mettre dans le corps d’un ouvrage essentiellement 
entrepris pour les amateurs non-érudits des saintes 
lettres, classe plus nombreuse peut-être dans la ré- 
publique batave que partout ailleurs. P'HANE 


BEaAux-ARTS. 


Vies et Œuvres des peintres les plus célèbres de 
toutes Les écoles ; recueil classique contenant l’œu- 
vre complète'des peintres du premier rang et leurs 
portraits ; les principales productions des artistes 
de deuxième et troisième classe ; un abrégé de la 
vie des peintres grecs, et un choix des plus belles 
peintures antiques , réduit et gravé au trait d’a- 
près les estampes de la Bibliothéque impériale et 
des plus riches collections particulières ; publié par 
C. P. LanDow, peintre. À Paris, chez l’Auteur, 
quai Bonaparte, n°. 1. 1806. In-4°. 


Nous avons déjà fait connoître la première partie 
de l’œuvre de Raphaël. Le cahier que nous annon- 
çons en est la suite, et contient 63 planches qui re- 
présentent lÆistoire de Psyché, les Dieux princi- 
paux de la Fable, plusieurs Signes du Zodiaque , 
la Sainte-Famille , les Vertus théologales , et divers 
autres sujets tant sacrés que profanes. On ne peut 
que répéter ici les éloges que mérite une collection 
exécutée avec autant d’exactitude que d'esprit. 


ATHENÆUM, Ou Galerie française des productions 
de tous les arts ; journal entrepris par une société 
d’'Hommes de leitres et d’Artistes, et publié par 
M. BazTarD, architecte-graveur. N°; 3. Mars 
1806. A Paris, chez Baltard; architecte-graveur, 
rue du Bacq, n°.100, 


Livres divers. 223 


Ce cahier contient quatre planches. 

I. Za salle des séances du Sénat. C’est un hémi- 
cycle entouré de colonnes; le trône de l'Empereur 
est dans une partie cireulaire formée au milieu même 

’ du diamètre de l’hémicycle ; les statues des grands- 
hommes dont elle est ornée, portent les noms des 
sculpteurs qui les ont exécutées. 

IT. Monumens antiques des Départemens méridio- 
naux. Cette planche, gravée d’après le tableau de 
M. Robert, réunit dans un seul site des monumens 
qui existent en divers lieux de la Provence et du 
Languedoc : 1°. L’arc triomphal d'Orange; 2°. la 
maison carrée de Nîmes; 3°. l’amphithéätre de la 
même ville; 4°. le pont du Gard; 5° le temple de 
Diane, près les bains de Nîmes ; 6°. le tombeau d’un 

- Romain, à Saint-Remi. | 

TI. Principes constitutifs de la Beauté. Cette troi- 
sième planche offre l’analyse de la Beauté par Æo- 
garth, dans plusieurs figures propres à établir les 
Principes constitutifs de la Beauté, d’après le sys- 
tème de ce graveur anglais. 

IV. Nouvelle Harpe. La gravure représente une 
harpe , perfectionnée par MM. Cousineau, père et 
fils, et qui par sa forme élégante diffère totalement 
des harpes communes. A. L, M. 


Hirsrorre. 


MonumEens français inédits, pour servir à l’his- 
toire des Arts, et où sont représentés les Costumes 
civils et militaires, les Instrumens de musique , 
les Meubles de toutes espèces et les Décorations 
intérieures des maisons ; dessiné, colorié, gravé et 


rédigé par N. X. WizLemis. 


En entreprenant cet ouvrage, l’auteur a pour but 


234 Livres divers. 


spécial d’inspirer aux artistes le désir de traiter l'His- 
toire de leur patrie; de faire connoître les divers 
genres de beautés des monumens de la France; d’ap- 
peler l'attention des gens de goût , des amis des arts 
et de leur pays, sur Pincifiérence où l’on est pour 
la conservation de nos anciens monumens, dont le … 
torrent dévastateur de la révolution nous a privé et 
nous prive journellement (par suite) de ces objets 
précieux perdus pour l’histoire et les arts. 

Tous les monumens sont inédits et dessinés sur 
les originaux ; ceux faits d’après les peintures sont 
coloriés, pour éviter toute description inutile. 

L'ordre chronologique recommencera à chaque vo- 
lume, et comprendra depuis les plus anciens monu- 
mens de la monarchie, jusques et compris le règne de 
Louis XIII. 

Cet ouvrage, en deux volumes petit in-folio, sera 
précédé d’un discours sur les arts du dessin en Fran- 
ce : les planches, accompagnées d’une notice histo- 
rique, ne seront point numérotées, afin de pouvoir 
les placer chronologiquement à la fin de chaque vo-. 
lume , ce qui se fera facilement reconnoître par le 
titre gravé des planches auxquelles les notices cor: 
respondront (21). 

La première livraison qui vient de paroître, est … 
composée de cinq planches, qui représentent des 
Sergens d'armes ; Louis IX et les mêmes Sergens 
en habits civils ; des Sculptures de marbre incrus- 


(1) Il paroît toutes les six semaines une livraison composée 
de six planches, imprimées sur bon papier, ainsi que le 
texle , caractère cicéro. 

Chaque livraison sera du prix de 12 francs. 

Il y aura quinze exemplaires sur vélin, dont le prix sera 
de 72 francs par livraison. 

Nota. On ne recevra le texte qu’à la fin de chaque volume. 

. \ tées, 


Livres divers. 22h 


têes, composées par Jean Burranr, et exécutées par 

Barthélemy Prieur; une Bordure d’un des vitraux 

que Suger fit exécuter dans l’église de l’abbaye de 

Saint-Denis ; et des instrumens de musique du 12°. 

siècle. A. L. M. 

L{ 

DescrirTron de Paris et de ses Monumens, avec 
un précis historique et des observations sur le ca- 
ractère de leur architecture , et sur les principaux 
objets d’art et de curiosité qu’ils renferment ; par 
J. G. LecranD, architecte des monumens publics, 
inspecteur des bâtimensen construction dans la com- 
mune de Paris, membre et secrétaire du Conseil 
des travaux publics du département de la Seine, 
de plusieurs Sociétés savantes et littéraires; et par 
C. P. Lawpow, peintre, ancien pensionnaire de 
l’Académie de France à Rome, membre, de plu- 
sieurs Sociétés littéraires, auteur des Annales du 
Musée, etc. etc. Ouvrage enrichi de plus de cent 
planches, gravées en taille-douce et ombrées légèe- 
rement au lavis, avec un plan exact de Paris et de 
ses Éhelltssetitrna 


Paris, cette ville célèbre, la patrie des sciences, 
des arts et du goût, le point de réunion des étran- 
_gers, l’objet de leur curiosité et de leur admiration, 
est à peine connu et apprécié par un petit nombre 
de ses habitans : son immensité, la multitude de 
ses monumens publics, souvent masqués par les édi- 
fices particuliers, nuisent à la connoissance qu’il 
seroit intéressant d'obtenir sans s’épuiser en recher- 
ches, souvent infructueuses, dans une foule d’ou- 
yrages tant anciens que modernes : les uns sont trop 
étendus , les autres incomplets, et plusieurs d’un for- 


T. III. Mai 1806. P 


226 Livres divers. 
mat qui ne permet pas d’en faire usage en visitant 
les divers monumens. 

Ces considérations et les demandes renouvelées 
sans cesse par les étrangers, d’une Description de 
Paris et de ses monumens, par un homme de l’art, 
dans les jugemens duquel on pût avoir confianee, 
nous ont déterminé à publier cette nouvelle des- 
cription, faite avec un soin égal, et pour le texte 
et pour les planches, dans un format commode, et 
divisée, pour la rendre plus portative, en quatre 
parties, formant ensemble deux forts volumes in-8°. 

La première partie contiendra les Eglises; la se- 
conde, /es Palais ; la troisième, les Théâtres et au- 
tres monumens de luxe ow d'utilité publique ; la qua- 
trième , les Edifices particuliers les plus remarquables 
par leur importance ow par l’élégance de leur décora- 
tion. Chacun de ces monumens sera présenté en plan 
et en élévation géométriques, suffisamment détaillés 
pour en donner une idée exacte à ceux qui ne les ont 
pas vus, et pour en rappeler le souvenir à ceux qui 
les auront visités avec quelque attention. 

La première partie paroîtra dans le courant du mois 
de mai 1806 ; les trois autres se suivront de trois mois 
en trois mois. 

Un plan de Paris, avec les embellissemens qui s’o+ 
pèrent en ce moment, ou qui sont ordonnés par Sa 
Majesté , doit être joint à cette collection, et fera 
connoître la position respective de tous les monu- 
mens dont la réunion forme aujourd’hui la capitale 
de l’univers. 

Le temps nécessaire pour graver ce plan avec pré- 
cision , et l’immensité de ses détails, dont quelques- 
uns ne sont pas terminés ni même définitivement 
arrêtés, ne permettent pas de l’insérer dans la pre-, 


Î 


Livres diwers: 227 
Mière partie; mais il paroîtra dans la seconde, s’il 
est possible. 

On se bornera à une simple description historique 
très-abrégée, pour les édifices qui, offrant peu d’in- 
térêt, n’entreront pas dans la composition des plan- 
ches, toutes exécutées par un très-habile artiste en 
ce genre. 

Prix : 36 francs les deux sai , où 9 francs cha- 
que partie, pour laquelle on ajoutera 1 franc pour dés 
frais de port par la poste. 

Les personnes qui feront passer le prix de l’ouvrage 
entier avant le 20 mai 1806, recevront leur exem- 
plaire sur papier vélin, ou avec les planches sur pa- 
pier d’Hollande , à leur choix ; le tout épreuves avant 
la lettre. Cette époque est de rigueur pour ne pas re- 
tarder le tirage des planches. Après le 20 mai, les 
exemplaires sur papier vélin seront d’un prix dou- 
ble, selon Pusage. Les exemplaires coloriés sont du 
prix de 120 francs. 

On souscrit à Paris chez C. P. Landon, nellitie. 
éditeur propriétaire , quai Bonaparte, n°. 1; et chez 
les directeurs des postes et les principaux libraires 
et marchands d’estampes. 

Les lettres et l'argent doivent être affranchis. 


BIBLIOGRAPHIE. 


Cours élémentaire de Bibliographie; par M. AcuAR», 
- bibliothécaire de Marseille. Ouvrage qui sera dis- 
tribué par cahiers de mois en mois, à compter du 

. mois de juillet 1806. 


_ Cet ouvrage manquoit à la littérature française ; 
nous croyons inutile den faire sentir l'utilité. Les 
longues études que, l’auteur à faites sur les diffé- 
rentes éditions, sur l’art de la typographie, sur tout. 


228 Livres divers. 

ce qui concerne la bibliognosie, doivent faire espèrer 
que son cours sera très-intéressant. Les manuscrits 
de l'abbé Rive sont, depuis sa mort, entre les mains 
du bibliothécaire de Marseille ; il 1 a certainement 
consultés. 

L'abonnement n’est que de 9 francs par an. Il sera 
distribué chaque mois un cahier de 48 pages au 
moins , format in-8°., franc de port, dans tout 
l'Empire. 


"ANTIQUITES. 


Gazerie antique, où Collection des Chefs-d’œuvres 
d'Architecture, de Sculpture et de Peinture anti- 
ques. Première division. Monumens de la Grèce. 

1°, livraison. A Paris, chez Treuttel et Mürtz, 

: Libraires , rue de Lille, n°. 17; et à Strasbourg, 
même maison de commerce, rue des Serruriers, 
NME 


Ce rune cahier commence par une Zntroduc- 
tion dans laquelle les éditeurs donnent quelque dé- 
veloppement au Prospectus de cet ouvrage, que nous 
avons publié dans l’un des numéros précédens. On 
trouve ensuite l’Abré Es de l’Histoire d’ Athènes, de- 
puis son origine jusqu’à nos jours, suivi d’une Table 
chronologique des principales époques de l’Histoire 
d'Athènes. Ce texte est accompagné de huit plan- 
ches ; dont les deux premières, A, B, offrent le 
Buste antique de Périclès, des Médailles 4 Athè- 
nes (1), et des {nscriptions el Fragmens trouvés dans 


(1) J1 seroit à désirer que ces médailles eussent été gra- 
vées dé la grandeur de l’original. Elles sont d’une dimension 
quadruple, ce qui en donne une idée fausse. On peut aussi 
leur reprocher d’avoir toutes le même caractère ; elles ne 


Livres divers. 229 


celie ville. Les six autres planches représentent le 
Plan du Parthénon, la Façade principale, avec 
deux coupes et les détails de différentes parties de 
ce fameux temple de Minerve. Tous ces objets gra- 
vés au trait, ne peuvent que donner une idée avan- 
tageuse du talent de MM. Drzerrre et Bourrois, 
JL. 


ANTIQUITÉS d’'Herculanum, gravées par Th. Pirott, 
avec une explication par S. Ph. Cæauné, et publiées 
par F. et P. Prmanes1 frères. XXII°. livraison.— À 
Paris, chez Piranesi frères, place du Tribunat, 
n°. 1354," 


Ce cahier contient la statue d’une femme en prière. 
— Celles érigées à un certain Marcus Calatorius et 
à Lucius Mammius. — Un Saltimbanque africain. — 
Trois séatues équestres. — Celle de V’ulcain où d’un 
_Cabire. Ces objets forment la fin du cinquième vol. 
_et des bronzes. 
Le surplus de cette XXII. livraison commence 
le tome VI, qui doit comprendre les représentations 
des lampes et des candelabres. 


Les monumens antiques du Musée Napoléon, gra- 
sés par Thomas Prrozt, avec une explication par 
M. Louis Perir#R nez, publiés par F. et P. Pira- 
nest frères. XXIIL°. livraison. A Paris, rue de Gre- 
nelle-Saint-Germain, n°. 7. 


_., On trouve dans ce cahier les bustes de Commode 
de Sepiime Sévère, de Claudius Albinus , de Cara- 

_calla,de Plautilla, de Macrin, d FR ;juue côte 

de Crispine une statue de Septime Sévère. 

. ressemblent en rien aux originaux. Il n’en est pas de même 
. des autres monumens, qui sont très- passablement copiés 
_ d'après les estampes de M. Stuart. A. L. M. 


#30 Livres divers. 
POËSIE LATINE. + 


Dericrx rorrrcæ , edente Theodoro VAN KoOTEN ; 
Jasciculus PTIT, à Amsterdam, chez Guillaume 
Foltrop , 1805, pag. 207—269. 


Laurent Van-Sanrex avoit donné un recueil sous 
de mêmeititre, où les amateurs des Muses trouvent 
réunies un grand nombre de pièces, soit médites, ou 
äsolément éparses et rares. Il comprend huit /&s- 
eiclesi, dont les six premiers renferment. 144 pages; 
Je septième , qui pleraque continet carmina Jani Gro- 
tii ( ce Janus Grotius ou de Groot, digne de porter 
un nom aussi illustre, est mort, en 1784, juriscon- 
sulte à La Haye }, n’a point de pagination, mais il 
est de 94 pages; et le huitième, reprenant la pagina- 
ion, ya de la page.145 j jusqu ’à 584. Au recueil est 
joint un #ndex complet des pièces qui y sont conte- 
nues. M. Vax Koorex a commencé son recueil abso- 
lument dans le même genre, à Dunkerque, en 1792, 
apud Petrum Van Schelle et socios. Le refuge des 
patriotes bataves, en 1787, avoit conduit M. Van 
Kooten, ainsi que son libraire Van Schelle , lui- 
même joignant à Ja qualité de savant médecin celle 
de poëte hollandais très - distingué, dans ce port 
tutélaire , et Van Schelle y est mort dans son hono- 
rable exil. Les quatre ‘premiers fascicles sortirent 
de ses presses. Les-trois suivans ont été imprimés à 
Amsterdam , d’abord chez la veuve Doll, et ensuite 
chez Holtrop. Le huitième, que nous annonçons, et 
qui porte la collection, re son état actuel, à 269, 
pages , offre la même variété d'auteurs et de sujets. 
que les Cane en , et les pièces de M. Van Kooten 
lui-même v’en sont pas le moindre ornement. Celles- 
ci sont au nombre de quatre; la première à M: Jé- 


l 


Livres divers. 231 


rôme de Bosch, prêt à faire imprimer le recueil 
complet de ses poésies latines. ( Ce recueil a paru à 
Utrecht , en 1 vol. in-4°. de 366 pages, chez Wild et 
Altheer , 1803 ). La seconde , qui est la plus étendue, 
roule sur l’inconstance des choses humaines; là troi- 
sième est adressée à M. Publicola Chaussard ; et la qua- 
trième célèbre le quarante-cinquième anniversaire de 
M. Jean Valckenaer , fils unique de l’immortel Louis 
Gaspard. 

Nous aimons à transerire pour échantillon à nos 
lecteurs quelques vers de la seconde pièce. L'auteur, 
après avoir peint le néant de la puissance et de la 
gloire, ajoute: 


At qui sufficit ipse sibi, parvoque beatus, 
Arbitrio instabilis denegat ire Deæ, 
Et procul a strepitu vulgique a sorde remotus, 


Secretd vitam sub lare tutus agit ; 
Atque animo humanis pariter vitiisque locisque 


Altior , ætherias tendit adire plagas, 
Regibus hic major, etc. 
Una rogi domitrix, virtus æterna triumphat : 
Cætera mors stygio condit avara lacu. 


P. H. M. 
POESIE FRANÇAISE. 


Le Nouveau Parnasse Chrétien, ou Choix des meiïl- 
leures poésies chrétiennes. À Paris, chez Charles 
Villet , libraire, rue Hautefeuille, n°. 1. 


La première pensée que fait naître un ouvrage 
intitulé Parnasse Chrétien, est qu'on va lire une 
réunion des meilleurs morceaux que la harpe du roi 
prophète semble avoir inspiré à nos poëtes célèbres. 


232 Livres divers. 


On s'attend à rencontrer ces hymnes simples et su- 
blimes que l’auteur d’Esther et d’Athalie #raduisié 
du bréviaire romain. On compte retrouver le fameux 
sonnet de Desbarreaux et celui de Regnier dont il est 
une imitation. On espère admirer quelques-uns de ses 
cantiques que nous devons à Fléchier, à Massillon, 
au Père de/ Latour. On se réjouit d’avoir à relire 
quelques chants de La Fontaine, de La Harpe, de 
M. de Fontanes. Cependant aucun de ces morceaux , 
qui devroient faire la partie essentielle d’un pareil 
livre, n’ont pas été accueillis par l’éditeur. Mais il 
faut être juste; malgré ces graves oublis , le Parnasse 
Chrétien n’est pas tout-à-fait indigne de son titre. 
Les J. B. Rousseau, L. Racine, Le Franc de Pompi- 
gnan, Léonard #Malfilatre, P. Corneille, Malherbe, 
Piron, Gilbert, Moncrif, Rolan, Duché, Pelisson, 
eic., ornent ce recueil, qui fut entrepris, il y a à peu 
près 60 ans, par le Père Chabaud; et le Père Cha- 
baud ne manqua pas de le grossir de ses odes et de 
celles de tous ses amis. Le nouvel éditeur n’a pas 
cru devoir conserver toutes les pièces que la com- 
plaisance ou les sujétions de l'amitié avoient fait rece- 
voir. [l en a remplacé plusieurs par de: très-beaux 
morceaux modernes qui sont de M. H. Gaston, 
Chamfort, Feutry, Noël et Baour Lormian, qui a 
prouvé, dans son poëme sur le rétablissement du 
culte, Vheureux parti que les Muses peuvent tirer 
d’un sujet religieux. 

Une grande partie du volume que nous annoncons 
est empruntée à cette institution célèbre , dont Tou- 
louse s’honora pendant tant de siècles, aux yeux de 
l’Europe savante. L’académie desjeux floraux a fourni 
des poëmes ; des idylles et des odes, jadis couronnés 
par elle , et qui, par cette raison, ne devroient pas 
être anonymes. Ces pièces sont en si grand nombre, 


Livres divers. 233 


que nous x’offrirons pas la nomenclature des noms 
oubliés ; mais que nous ferons particulièrement con- 
noître à l'éditeur, s’il le désire, un homme qui fut 
doué d’un grand talent et d’un esprit presque univer- 
sel; un homme qui voulut aux préceptes de PEvan- 
gile substitugéeux de la raison, et la foiblesse de 
l'homme à la sagesse du Dieu. Voltaire enfin, puis- 
qu'il faut le nommer, a fourni une ode intitulée le 
Vrai Dieu ; ode quil a formellement désavouée dans 
une des notes qui enrichissoient les satires dont le 
malin solitaire égayoit sa vieillesse. On lui a pris en- 
core son épître sur La liberté. Mais, n’en déplaise à 
l'éditeur , ce n’étoit pas là sa place ; il auroit mieux 
valu chercher et trouver une ode sur le repentir, qui 
est véritablement dedui.; et que Beaumarchais auroit 
pu placer à la dernière page de la collection de ses 
œuvres, si Beaumarchais avoit pu connoître et se 
procurer tout ce que Voltaire a écrit. Æ4ug. DE L. 


Œ®vurrEes complètes de Gilbert, nouvelle édition, 
2 vol. in-18. 


Il est deux genres de satires : la satire morale et la 
satire littéraire. La première attaque les vices ; elle 
les effraye et les combat par l’horreur des peintures 
qwelle en trace. Tous les écrivains ont approuvé les 
flétrissures , tous ont Joué la noble et énergique in- 
dignation de Juvénal. Mais ils se sont récriés contre 
celle qui nomme les mauvais auteurs , et défend le 
goût outragé dans leurs ouvrages. Horace et Des- 
préaux ont paru inexcusables, sous ce rapport, à 
des juges qui ne les condamnoient pas sans intérêt. 
Voicicomment Gilbert repousse les mêmes reproches: 


Vous nommez les auteurs, et c’est là votre crime. 


234 Livres divers. 
— Ah! si d’un doux encens je les eusse fêtés, 
Vous me pardonneriez de les avoir cités. 
Quoi donc ! un écrivain veut qué son nom partage 
Le tribut de lounge offert à son ouvrage, 
Et m'impute à forfait, s’il blesse la raison, 
De la venger d’un vers égayé de son nom ? 
Comptable de l’ennui dont sa muse m’assomme , 
Pourquoi s'est-il nommé , s’il ne veut qu’on le nomme ? 


La loi du talion est juste. Cependant il est bon de 
distinguer ce que la muse doit se permettre et ce 
qu’elle doit se défendre. Sans doute elle n'ira point 
prostituer ses recherches dans ces palais (1) du scan- . 
dale, ou dans les boudoirs d’une impudique Vénus : 
elle se contentera de peindre leur honte en disant 
comme Gilbert : 


“ 


Ce tableau si fidèle, 
L’ai-je déshonoré du nom de mon modèle? 


Je ne prétends pas conclure de ce qui précède, 
qu’il ne faut nommer que les auteurs médiocres: Si 
l’on ne doit que désigner ces sangsues publiques , qui 
ont dévoré, dans l’espace de quelques mois , les res- 
sources d’une année entière pour une armée formi- 
dable; on peut, sans figure, sans épithète caracté- 
ristique, nommer un Robespierre, un Vadier, un 
Verrès, un Néron; quelle périphrasé pourroit être 
aussi injurieuse que leur ‘propre nom ? A la vérité, 
les contemporains trouvent rarement des crimes aussi 
prouvés. L'opinion publique est quelquefois injuste : 
elle accuse par prévention, et alors le poëte doit 
s'abstenir de juger. Dans ce cas il imite Gilbert : 


(1) Les jardins du palais du Tribunat. 


Livres divers. 235 


Que dirai-je d’Arcas ? quand sa tête blanchie, 

En tremblant, sur son sein se penche appesanfie ; 
Quand son corps, vainement de parfums inondé, 
Trahit les maux secrets dont il est obsédé ; 
Scandalisant Paris de ses vieilles tendresses , 
Arcas , sultan goûteux, veut avoir vingt maîtresses ; 
Maïs en fripon titré, pour avoir leurs appas, 


Arcas vend au Public le crédit qu’il n’a pas. 


Ce n'est pas sa faute si, dans la corruption géné- 
rale, une foule de noms viennent s’offrir à la mé- 
moire du lecteur. Il continue : on croit reconnoitre 


MM. de Richelieu et de Fronsac. 


Digne fils d’un tel père, Alfort chargé de dettes 
Met ses jeunes amours aux gages des coquetties : 
Plus philosophe encor, Dorimon ruiné, 


Epouse un riche opprobre en épousant Phiinc. 


. Ce dernier vers étoit ainsi dans la première édition 
de cette satire : 


Epouse un équipage en épousant Phriné. 


Epouser un équipage étoit une expression hardie ; 
mais la correction est heureuse. 

De pareils tableaux annoncoient un poëte qui de- 
voit être illustre, S’il fut trop sévère pour quelques 
hommes de lettres, il n’en fit que mieux briller son 
courage. Il se mesura avec une secte puissante, 
qui distribuoit la gloire, les places, les pensions et 
les calomnies. Il osa braver le ridicule de paroitre 
aussi religieux que Racine, Pascal, Bossuet et Fé- 
nélon. | 

Gilbert s’est exercé dans plusieurs genres. Son 
éloge en prose de Léopold renferme de beaux mou- 


236 Livres divers. 


vemens d’éloquence ; et ses odes ne sont pas sans mé- 
rite. Il mourut jeune, des suites d’une chute de che- 
val, qui lui ôtoit par intervalle la raison. Quelle 
perte pour la littérature! 11 étoit dans la misère, 
lorsqu'il arriva à Paris plein d'illusions poétiques ; 
mais elles furent bientôt pétrifiées par l'accueil qu'il 
recut de l'indifférence et de l’ égoisme. Flétri par ses 
malheurs , l’infortuné Gilbert accuse ses parens de 
lavoir trop fait instruire, et de Lui avoir fait aban- 
donner un état utile, où il eût pu devenir heureux 
et rester ignoré : il eut raison. Il n’est permis de se 
livrer entièrement à la culture des lettres que dans 
l'indépendance ; et quel est l’homme qui n’a pas des 
devoirs à remplir ? quel est celui qui ne peut offrir 
à sa patrie qu’un futile arrangement d'idées, qu'une 
agréable combinaison de mots ? Gilbert pr dans 
ses vers laäpitié des riches du siècle; le besoin lui 
arracha ce cri de la nature: j’ai faim. On prétendit 
lui faire un crime d’en parler souvent. Ces prétendus 
apôtres - jurés de la bienfaisance , philosophoient 
comme Sénèque au sein d’une extrême abondance, 
et ils étoient importunés des prières de celni qni gé- 
missoit d’avoir faim. Y auroit-il un certain avilisse- 
ment , un déshonneur à avouer qu’on est obligé de 
manger pour vivre?... Sans. doute c’étoit un oppro- 
bre d’oser vous en avertir, à vous qui ne sembliez 
vivre que pour manger!... Cependant, dans vos 
_orgies chez les princes, chez les prélats, chez les 
commis qui vous admettoient à leur table, n’y étiez- 
Yous pas conduits par la bonne chère ? Vos écrits 
même ne respirent-ils pas cette faim qui vousparoissoit 
si ignoble ? Diogènes modernes, vous cherchiez un 
homme, et vous ne le trouviez que dans le labou- 
reur. L'agriculture étoit pour vous le premier des 
arts. Rien de plus noble, disiez-vous : toutefois si 


Livres divers. 277 


un bon paysan réclamoit la protection de l’un d’entre 
vous, votre langage changeoiït , et à peine jetiez-vous 
un regard de commisération sur ce sef, sur ce 
vilain... qui n’alloit pas en carosse. — Ce que j’a- 
vance ici n’est pas une calomnie ; tous le savent , et 
beaucoup l’ont vu ; et Gilbert fut la malheureuse 
victime de ces âmes de glace. On pourroit presque 
répéter de lui ce qu’il disoit d’un autre : 


La faim mit au tombeau Malfilatre ignoré : 
S'il n’eût été qu’un sot il auroit prospéré. 


Aug. DE L. 
+ PorsiE HOLLANDAISE. 


HoraTius LIERZANGEN, etc., c’est-à-dire, Les 
Odes d’Horace, imitées en vers hollandais , par 
Pierre Van Winrer, fils de Nicolas-Simon. Ams- 
terdam, chez Pierre - Jean Uylenbroek, 180%; 
in-4°. de XVI, 286 et 68 pag. préface, texte et 
notes. 


Voxpez, l’immortel honneur du Parnasse batave, 
n’avoit Lie qu’une traduction en prose des œuvres 
d’Horace : il manquoit à la littérature hollandaise 
une traduction complète en vers de ses odes. M. 
Pierre V An WinTer a honorablement rempli ce vide, 
et ce qu’il vient de finir pour cette partie d'Horace , 
il Va entrepris depuis pour l’Enéide de Virgile, dont 
il a déjà publié le I‘. et le If. livre. Une con- 
noissance parfaite de l’original latin, jointe à celle 
de sa propre langue, et un talent éprouvé pour la 
poésie, rendoient le traducteur d’Horace éminem- 
ment apte à la tâche qu'il a Lac stat et lui 
ont aussi valu un plein succès. Îl n’a laissé de côté 
que l’ode 25 du premier livre, la 10°. du livre 3; les 


258 Livres divers. 


5°., 8°., 12°. et 17°. du livre 5. Il a admis quelques 
changemens dans la quatrième ode du livre 1, la 
vingtième du livre 3 , la première et la dixième du 
livre 4, et la onzième du livre 5. Il professe d’avoir 
adopté pour son travail le même principe qui a guidé 
M. Nos dans sa traduction de Catulle. Il dit d’après 
lui : «Jai cherché à tenir un juste mieu entre la fidé- 
» lité servile, qui est une véritable infidélité, et la pa- 
» raphrase, qui éteint le génie de l'original. » Pour des 
détails sur la vie et le caractère d’'Horace , il renvoie : 
à deux discours hollandais, prononcés il y a quelques 
années, à Amsterdam, par feu M. Richée Van Om- 
meren, et qui ont élé réunis dans un opuscule très- 
intéressant sous le titre de Æorace considéré comme 
homme et comme citoyen. ( Voyez notre notice nécro- 
logique sur Richée Van Ommeren , dans le Magasin 
Encyclopédique); et à ce que le célèbre Wiezaxp a 
écrit en allemand sur le même sujet: Ne pouvant 
offrir à nos lecteurs quelques passages de la traduction 
que nous annoncons, pour les mettre à portée de l’ap- 
précier, nous aimons mieux leur faire connoître les 
autres titres littéraires de M. Van Winter, ainsi que 
ceux de son père Nicolas-Simon Van Winter, qui 
avoit épousé en second mariage Lucrèce-Guillelmine 
Van Merke. M. Pierre Van Winter est auteur d’une 
excellente traduction en vers hollandais de l’Essaisur | 
l’homme , de Pope. Il est amateur éclairé des arts; et 
possesseur d’un des plus riches cabinets de tableaux 
qu'il y ait actuellement à Amsterdam. Il mérite ainsi 
d’être inscrit au nombre des cultivateurs distingués 
d’Hermathène , dont a abondé, en tout temps, cette 
métropole du commerce batave. M. Van Winter 
père, a publié un poëme en six chants, intitulé le 
Fleuve lAmstel, 1755, in-4°.; les Saisons , en quatre 
chants, 1769, in-4°. Le théâtre de M.et de madame 


Livres divers. 259. 
Van Winter, née Van Merken, offre, du premier les 
tragédies de Monzongo , en cinq actes ( c’est son chef- 
d'œuvre }), et de Wenzikoff, en 5 actes; de madame 
Van Winter, les tragédies intitulées Ze Siége de Leyde; 
— Jacques deRyk ;—les Camisards ; — Artémines ; — 
Louise d’Arlac ;—Sibylle d’Anjouet Gélonide, toutes 
en cinq actes. Elle avoit de plus publié, avant son ma- 
riage un poëme, moral sur le salutaire usage de l’ad- 
versité, suivi de poésies diverses ( 1762, in-4°., 
réimprimé en 1768) ;—un poëme héroïque en douze 
chants , intitulé David, 1767 , in-4”., réimprimé en 
1768 ; et depuis son mariage, Germanicus, poëme 
épique en seize chants, 1779, in-4°. Il a paru de ce 
dernier ouvrage une traduction française en prose , à 
Amsterdam, chez P. J. Uylenbroek, 1787, in-12. 
Toutes ces productions poétiques de défunts M. et 
madame Van Winter, sont comptées par les hollan- 
dais au nombre des plus beaux ornemens de leur 
littérature, 


P. H. M. 


Romans. 


TRAITÉ sur la physionomie par le sophiste Adaman- 
tius , ou extrait des philosophes anciens et des phy- 
sionomistes modernes ; suivi d’un éloge de Lavater, 
comparé avec Diderot; par M. Mister. Paris, 
chez Cussac, impriraeur-libraire, rue Croix-des- 
Petits-Champs, n°. 23, in-12 de 62 pages. 


Ce petit traité infiniment curieux indique les si- 
gnes d’après lesquels on reconnoît sur les traits les 
différentes affectious de l’âme. I] est divisé en quatre 
paragraphes , dont le premier contient des obsersa- 
tions générales ; le second traite du pronostic des 
yeux ; le troisième offre des observations tirées des 


240 Livres divers. 
autres organes et parties du corps ; et le quatrième, g: 
des observations tirées du geste et du maintien. 

Quant à l'éloge de Lavater, qui termine cet opus- 
cule, ce n’est autre chose qu’un parallèle très-bien 
fait et très-juste entre ce théologien et le philosophe 
Diderot, qui tous deux eurent des rapports de carac- 
tère bien 8 1 


MÉLANGES, 


Parsons and GaziceNanrs british library in verse 
and prose, etc. C'est-à-dire : BiezrorméeuE Bri- 
tannique de PARSONS et GALIGNANI, en vers et en 
prose, ou Collection des meilleurs Auteurs anglais, 
la plus étendue qui ait paru jusqu'ici, même en 
Angleterre. N°°. 35 et 37. In-12. Paris, chez Parsons, 
Galignani et C°., rue Vivienne. 


Nous avons eu plus d’une fois occasion de dire,’ 
et nous répétons ici volontiers que cette Bibliothéque 
Britannique sera une des meilleures collections lit- 
téraires. Le choix des pièces est généralement faït 
avec goût. Le cahier que nous anuonçons contient : 
1°. The Shipwreck, ou le Naufrage, par Farconer. 
Ce poëme dont le sujet est triste, se distingue par 
de grandes beautés, et passe même pour un chef- 
d'œuvre dans son genre. L'auteur a malheureuse- 
ment subi le sort de ceux qu’il a chantés. 2°. The 
Art of dancing , ou l'Art de danser, par Jennivus. Ce 
petit poëme est rempli de détails très-gais et très- 
amusans , qui ne peuvent manquer de plaire aux 
Français. 3°. The Progress of Love, les Progrès de 
l'Amour, en quatre éclogues, par lord Lxrrerron: 
dont le portrait orne.le frontispice de ce cahier. 


ni ue élevé au mânes de Ber- 
xd du Guesclim F 438 


kestion proposée par Pcadémio des 


EL yon. ‘Ibid. 
e publique tenue le 24 du mois 


ei: "août par PAIE de Mar-: 


fseille. - 439 
ous ription nie pour L mo- 
Tnument à élever à Duplessis-Mor- 


JBevres.. 440 


Eu Pa RI& 
| Dis cours prononcé 
si them, en remr 
du and-Marie Dei 
‘de peinture qui ! 
jar l'Académie de Ga. 
: fotice sur Jean-Pierre Mo. 
ort de M: Després. $ Ibid. 
Nc Noticesur Christian KatkBremner. I5. 
fort de M. Target. 
à No otice sur M. Anguetil. 


n-Hal- 


jugé 
# 445 


467 


THÉATRES. 


mn. 


c Dmasis, où Joseph en Egypte, tra- 


F3 Lormian. 468 


LE pee de briller, comédie entrois | 


es et en prose; par M, Picard. 


‘Manteau, arlequinade, 492 


ñ en vers, 


Jet de faite pèr! le couseil-général * 
à a en de: la Haute-Loire à 
le rétablissement de Vancien 


Pi sciences , arts et pelles-letires de 


po 1 may dans le département des Deux- 


Ferdi- | 
4 prix. 


464 


466 | 


1. édie en cinq actes ; RE Baour 


=R 1 : 471 ’ 


fine, 04 la Chute de Phèdre, en 
Jbid. 


| Suite de la Table du Numéres 


* LIVRES DIVERS 
Arithmétique. 


Saggio. del nuovo sistema metricQ 


- col rapporte delle. nuoye mesure 
- alle antiche-mesure Parnesi ed 4 
_quelie del Piemonte, di À, Vase 
salli-Eandis 473 
Physique, 
Journal de Physique , de Chymie e$ 
d'Histoire naturelle; par J, C. de 
… Lamétherie. Août 1806. Ibide 
Traité élémentaire de Physique ; paf 
:M. Y'abbé Haüy. 474 
Technologie. 


Bulletin 4e fa Société d'Eñcourage< 


ment pour l'Industrie nationales 
Juillet 1806. * Ibid 
Histoire naturelle, 
Annales du Muséum d'Histoire na« 
-turelle, Six cahiers, 475 
Botanique. 

Novæ Hollandiæ plantarum speci 
men ; auctore Jacobo-Juliano Za= 

: billardière. Fascicuki 17, 18,19; 
20, 21-et 22, 477. 
Le Jardin de Brrlin, ou Descrip- 
tions et figures dés plantes rares 
ou peu connues qui se cultivent . 

. dansde jardin royal botanique de 
* Berlin; par M. Charles - Louis 
 Willdenow, VI°. fascicule. 478 


Biographie, 
Sixième livraison du Cornélins Né« 


pos français; par À, D. Château 
neuf. LYS "680. 


. 


CaNrE RE 


ho hr mme Le put men a mea otre Mann made “es CUnfrer mme ps éL: 2 coque 


VAIO EN) 
SK OR A SUR € 


Descrserrrs, Drsautr, Dssronraines }Domenrz, Fon- 
rANES, Fourcroy, G£orrroy, Hairé, Haüy, Hrrmanw, 
Lasoursse, Lacépèoe, Lacranée , LAranne, Lamanck, 
Lanezäs, Lesrus ,; L'Henrrier, Léverczé, Mannow, 
Mexrezze, Morerzer, Noëz ; OsErzin , SAN TE-Croix ; 
SCHWEIGHÆUSER, SICARD ; SILVESTRE DE SACY, SuARD, 
Travrzé, VANS-Mons, VEenrenaT, VisconrTt, Vizxoïsow, 
Usrerr, Wrciemer, WinogLen, et d’autres Savans ou 
Littérateurs estimables, 


On y insère les Mémoires les plus importans sûr toutes: 
lès parties des Arts et des Sciences; on choisit principa- 
lement ceux qui sont propres à en accélérer lés progrès. 


On y publie également les Découvertes ingénienses, 
les Inventions utiles dans tous les genres, On y rend 
compte des Expériences nouvelles. On y donne un pré- : 
cis de c que les Séances des Sociétés littéraires ont offert 
de plus interesn); une description de ce que les dépôts. | 
d'objets d'Arts et dé 5cicnces renferment de plus curieux. | 

On y trouve des Notices sur la VT ‘et les Ouvrages 
des Savans, des Littérateurs et des À distingués [à 
dont on regrette la perte; enfin les Nouvelles littéraires [8 
de toute espèce. DA ; 

La correspondance que le Rédactenr entretient avec 
plusieurs Savans étrangers, et principalement en Alle- 
magne, lui procure beaucoup de Notices qu’on ne trouve 
point ailleurs. Re 


On s'adresse, pour l’abonnement,à Paris, chez Drrancer, 
Imprimeur - Libraire, rue des Mathurins, hôtel Cluny. 


chez la veuve Changuïon et d'Henget, 
B:Ansurem, $ chez Van-Gulik, à £ 
À Bruxelles ; chez Lemaire, 1 | 
A Florence, chez Molrni. cl 
À Francfort-sur-le-Mein, chez Fleisclier, fs 
h chez Manget. ? 
A'Geneve; : chez Paschoud, | 
A Hambourg, chez Hoffmann. 
À Leipsic, chez Wolf. | 
| 
| 
} 
| 
H 


À Leyde, chez les frères Murray. * 
A Londres , chez de Bofle, Gerard Streeïs | 
À Strasbourg, chez Levrault. PAU 
A Vienne, chez Degen. 

A Wesel , chez Geisler, Directeur des Postes 


II faut affranchir les lettres. 
TT OU ET 


ere L TL 


POPOPPONPNPOPPOPOPOPOPOPOIONPDPPPPPONIE 


D. ( Juin 1806. ) 


MAGASIN 
|}  ENCYCLOPÉDIQUE, 


OU - 


JOURNAL DES SCIENCES, À 
| DES LETTRES ET DES ARTS, 
RÉDIGÉ 
M BAR À ECMILLIN, 


à Membre de l'Ixsrirurr et de la LÉGION D'HONNEUR, Conserva su | 
[N des Médailles , des Pierres gravées ét des Antiques de la Bi- 
bliothèque Impériale, Professeur d’Archæologie, Membre de 


! l'Académie de Goettingue , etc. etc. 


| Prix de ce Journal, tant pour Paris que pour les 
Départemens , franc de port: 


a | 
pour trois mois, ..,... ses 9 francs. 
| pour six MOIS jessssssesssssssee 18 francs, 
1h POUT Un ANj-sssess sorsseeuse.s. 36 francs, 
18 ÿ 


D RS RSS SR SR RS ST RSS RS 


ft Les hommes les plus célèbres dans chaque partie des 
| Sciences et de la Litiérature , se sont a à coopérer 
A à cette entreprise utile, et la collection ds neuf années 
du Magasin Hncyclopédique est devenue précieuse, en ce 

* qu'elle présente une réunion de Mémoires intéressans, : |} 
P qui ne se trouvent point ailleurs, et dont les Auteurs 
jouissent d’une grande réputation. On ÿ trouve, en effet , 
2 des Dissertations , des Mémoires, ou des Opuscules de 
PeMM. Azxserr, Barsier , Banrgié pu Boccacr, Bar- 
A'muezemY, Basr, Bicmar, Carzranrp, : Cavaniriss, 
2 Cnanpon za Rocmerre, Cuvier, DaAuBEnNTON, Detr1ze, 


L 


“Table des Articles contenus dans ce Numéro. 


HisTOIRE LITTÉRAIRE ! 


Ed) sur les Poëtes Alsaciens; par 
; M Arnold: #7 *  .: 245 
HisTOIRE. 

? Histoire de la chute de la Dynastie 
.des Ommiades, et de l'avènement 
‘des Abbassides au Khalifat.: 282 

Musique. 

Xdées sur la Musique , et particuliè- 
‘rement sur le Mode hellénique, 
adressées à M. de Klein par M. 
F'abre-d'Olivet. 297 
LITTÉRATURE ORIENTALE. 


Recherches asiatiques, où Mémoires 


‘de la Société établie au Bengale, 


elè.; traduits de l'anglais par A. 
Labaume jetc, : 303 


VNoyaAGE. 


Voyage en Italie et en Sicile, fait en 
“1804 et 1802, par Le Creuzé de 
Deer 318 

POo*És1E. 


Le Végxe du Poëte , poëme par JB. 
de Saint-Victor. 325 
Traduction de la 11°, Elésie de és 
» bulle; par M. ar “1367 


» PEËÏNTURE.: 
SÉoébections et additions pour un ou- 
«vrage de M. Fiorillo, sur l’histoire 
de la peinture en France; 3 par M. 
Neergaarà. 332 

Et GRAVURE 
Extrait d’une notice sur la vie et les 
ouvrages de Joseph Fratxel:; par 
M. de Klein, 560 


AP ART VÉTÉRINAIRE. 
Observations sur un Mémoire relatif 
à VArt vétérinaire. 364 
VARIÉTÉS, NOUVELLES ET 
“CORRESPONDANCES LITTÉRATRES. 


: Nouvelles des États prussiens. 
— de Saxe. + 401 
== d'Angleterre. Ibrd. 
…— de Hollande, 403 


% 


1— de la Suisse. 


370 | : 
: Novæ  Hollandiæ plantarum spec 


Nouvelles! de Suède. 
-— de Dannemarck. 
— de Russie. 


— de Rome. 

— d'Afrique. 

— d'Amérique. 

— de France. 

— de Paris. 

.. THÉATRES, 

Un Jeu de;Fortune, ox les Mari 
nettes. ” “Æ 

Uthal, opéra imité des Poésies 4 
sian. 


Brutal, parodie d'Uthal, i 
Noir et Blanc, 
Voltaire chez Ninon. 
LIVRES DIVERS. 
Sciences et Arts, 


2 gs Dane ci 5 Sum 


Journal de Physique, de Chymi | 


d'Histoire naturelle et des Arl 
par J. C. de Lamétherie. Max 
Avril et Mai 1806. 4 


AAA Rehrs x à 


etc.; par À. Libes. À 
- Minéralogie. 7% 

Journal des Mines, ou Recueil! 
Mémoires sur Fexploitation 4 
mines, et sur les sciences etil 
arts qui sy rapportent; par M 
Coquebert-Montbret, Hauy, Wa 
guelir, Baillet, Brochant, Æt 
mery et Collet-Descotils. Janvie 
Février, Mars et Avril. 


Géologie. | 


Propositions géologiques pour | sers 


in 
d'introduction à un ouvrage sub 


élémens de la Chorographie , Elle 
par Henri-Gottfried Obeslin.. 4 


Botanique. 


men ; auctore Jacobo-Juliano Li 
billardière. Tom. II. 


HISTOIRE LITTÉRAIRE. 
NoTrce sur les Poëtes Alsaciens (1). 


S 1 les beautés naturelles d’un pays, son impor- 
tance politique , les événemens dont il a été le 
théâtre, et le grand nombre d'hommes distingués 
qu'il a produits, sont capables de réveiller notre 
attention et de nous inspirer de l’intérèt, l’Al- 
sace , qui mérite d’être citée sous tous ces rap- 
ports , peut être regardée comme une des plus 
intéressantes contrées de l'Europe. Sa position 
sur les bords d’un fleuve qui, après dix siècles 
de guerres et de divisions, est redevenu le gar- 
dien tutélaire de la frontière des Francs, sa po- 
pulation nombreuse , la richesse de ses produc- 
tions, l'énergie, l’activité et le courage de ses 


(1) Cette notice a été composée par mon ami, M. ArxoLD, 
de Strasbourg, docleur et professeur en droit, qui joint 
une grande littérature à une connoissance irès-approfondie 
de la jurisprudence. Elle est destinée à faire partie de 
V Aperçu de FHistoire littéraire de l'Alsace qui doit servis 
d'introduction à une Description générale de ce pays; elle 
a encore pour but de réfuter l’assertion suivante qui se 
trouve dans l'Annuaire Statistique du Bas-Rhin de l'an 
xx, par M. FarGÈs-Méricourr : « Erato et Calliope sont 
» les musés que l’on cultive avec le moins de succès dans 
» ce-pays, et l'Alsace , qui présente tant d'hommes célèbres 
» dans les sciences, ne sauroit citer un poëête parmi les 
» écrivains qu’elle à produits. » A. Le M 


T. III, Juin 1806. Q 


242 Histoire littéraire. 


habitans , en font une des provinces les plus im- 
portantes de l’Empire français. Enclavée entre 
le Rhin et les Vôges, elle forme, avec la rive 
opposée qui se termine aux pieds des montagnes 
noires, la plus belle vallée qui soit en Europe. 

Un grand événement , l'expédition de Jules- 
César contre les Germains, ouvre l'histoire de 
l'Alsace, alors habitée par les Rauraques, peu- : 
plade celtique de la confédération des Séqua- 
niens , et par plusieurs ‘lribus germaniques qui 
s’y étoient fixés lors de l'invasion d’Arioviste. 
Protégé par ses nouveaux maitres, ce pays, de- 
venu florissant sous eux, jouit d’un long repos 
qui fut enfin interrompu par les incursions des 
Allemands. Ces peuples, que Spartien mentionne 
le premier, après avoir été, pendant deux siè- 
cles , le fléau de la rive gauche du Rhin, mal- 
gré les efforts d'Alexandre Sévère et les victoires 
d’Aurélien , de Postume, de Julien, de Gratien , - 
cédèrent , au commencement du 5e. siècle, leur” 
place à des ennemis plus terribles encore, aux 
Vandales , qui saccagent Argentorat (Strasbourg), 
et aux Huns, qui, du fond des déserts de la Haute « 
Asie, viennent fondre sur la Gaule , dans laquelle” 
ils entrent par l'Alsace. Conquise depuis par 
Clovis, cette province fut réunie à la monarchien 
des Francs. Le partage de Verdun la joignit au. 
royaume de Lorraine , avec lequel elle passa, 
un siècle après, sous la domination de l'Empire 
germanique , et ce n’est qu'après de longues luttes 
que les traités de Munster et de Rysswik la firent 
rentrer sous celle de la France. 


Poëtes Alsaciens. 249 


Les sciences, les lettres et les arts ont été de 
tout temps cultivés avec succès en Alsace. Un 
grand nombre de villes, beaucoup de monastères 
richement dotés et Fu écoles savantes ;. of- 
froient, dès le 9°. siècle, une sûre retraite 'aux 
es. Les priviléges accordés par les Empe- 
reurs d'Allemagne aux plus considérables de ces 
villes , contribuèrent beaucoup à rendre le pays 
florissant, et mirent ces petites républiques en 
état de ter les établissemens les plus favo- 
rables à la propagation des lumières. L’acadé- 
mie de Strasbourg, créée en 1566, fut , dès son 
origine , regardée comme une des plus célèbres, 
et sa réputation ne s’est pas démentie depuis, 
car c’est à elle que le monde savant doit une 
foule d'hommes qui se sont illustrés dans tous 
les genres d’érudition. Les arts ne furent pas 
non plus négligés en Alsace ; et dans le temps 
que l’étude de la littérature classique commença 
à fleurir dans les Académies de Sélestad , Stras- 
bourg et Wissembourg, l’on vit à Colmar le pin- 
ceau de Martin Schœn embellir les édifices sacrés 
et les palais des rois. La notice suivante prouvera 
que l'Alsace , si fertile en grands savans , a de 
mème produit des poëtes dont les noms ne sont 
pas perdus pour la postérité. En les renfermant 
dans ce cadre, nous ne ferons que les rappeler 
aux PL LE instruits ; Car qui d’entr'eux, ne 
connoïtroit pas les noms les plus distingués d’un 
pays dont l’histoire est illustrée par le travaux 
des Obrecht, des Schilter, des Schoepflin, des 
Grandidier, des Scherz, des Koch, des Oberlin, 


244 Histoire littéraire. 


et qi a de tout temps figuré si avantageusement 
dans lé monde littéraire ? 

L'ordre chronologique assigne les premièrest 
places, dans la série des poëtes alsaciens, à St.- 
Pawnin et Ermorpus. Le premier, un des prélats. 
les plus distingués du siècle de Charlemagne, 
patriarche d’Aquilée, est l’auteur d’hymnes 
latines composées à la louange de Dieu. Il étoit, 
selon quelques historiens, originaire de l’AI- 
sace! (2). 

ÆEnmorous Nicezrus, appelé aussi ERMENALDUS 
et Hermorpus , moine bénédictin du 9°. siècle, 
peut être compté parmi les poëtes alsaciens, à 
cause du long séjour qu’il fiten Alsace (3). Re- 
légué, par ordre de Louis-le-Débonnaire , dont 
il avoit encouru la disgrâce, dans la ville de 
Strasbourg , il y composa, pour rentrer en fa- 
veur, un poëme latin en vers élégiaques , intitulé : 
De rebus gestis Ludovici pi. L'auteur s'adresse 
à Louis-le-Débonnaire, qu'il qualifie d'Empereur 
très- chrétien, et entreprend de se justifier, 
de manière pourtant qu'on ne sauroit déméler 
les vrais motifs de sa disgrâce. Peut-être les 


(2) V. GranDinier, Histoire de l'Eglise de Strasbourg , 4 
tom. 2, p. 189. — Monum. eccles. Aquileensis , p. 596. 

(5) Selon MurATORI qui, dans la préface de son édition 
dû Poëme d'Erozpus , réfute l’opinion de Mabillon, ce 
prête est le même qu'Ermoldus, abbé d'Agnane en Lan- 
guedoc, dont il est question dans la biographie de Louis- 
Ae-Débonnaire par l’_Æstronome, dans le recueil de DUCHESNE 
tom. 2, p- 512, et dans celui de Dom Bouquet, tom. 6, 
P. 117: 


Poëtes Alsaciens. 245 


trouvera-t-ôn dans le caractère de ce prince, qui, 
faible , crédule et défiant, n’étoit pas toujours 
en garde contre les surprises de la calomnie. 
Les guerres et les autres événemens remar- 
quables arrivés sous Louis-le-Débonnaire depuis 
781 jusqu’en 826, forment le sujet principal de 
ce poëme, qui, quoiqu'il se ressente du mauvais 
goût et de la rudesse du siècle , contient néan- 
moins des descriptions qui ne sont pas sans mé- 
rite poétique. On rencontre , dans le rer. livre, 
des passages intéressans concernant Charlema- 
gne (4). Le poëme est rempli en outre des détails 
les plus curieux sur les mœurs et les usages de 
ces temps. On y trouve une description de la 
cathédrale de Strasbourg ; et ce que l’auteur ajoute 
touchant l'invocation des saints et les cérémonies 
de ces temps mérite d’être remarqué. Ermoldus 
parle aussi quelquefois de sa personne et des princi- 


(4) Ermoldus , en relatant l’acte solennel par lequel cet 
empereur nomma son fils Louis successeur , le fait parler de 
la manière suivante : 


» Cæsareum primus Francorum nomen adeptus 
» Francis Romuleum nomen habere dedi , » 

Hæc ait; et capiti gemmis auroque coronam 
Imposuit pignus imperii sobolis. 

» Accipe nate meam, Christo tribuente coronam 
Imperiique decus suscipe nate simul; » 

Tum pater et filius præstandi munere læti 
Prandia magna colunt cum pielate Dei. 

© festiva.dies multos memoranda per annos 
Augustos geminos Francia terra tenes ! 

Francia plaude libens ; plaudat simul aurea Roma 
Imperium speciant cetera regna tuum ! 


246 Histoire littéraire. 

pales circonstances de sa vie , et fait à cette occa- 
sion des aveux très-naïfs (5). Ce poëme valut 
à son auteur une amnistie complète de la part 
de Louis-le-Débonnaire , auprès duquel il rentra 
tellement en faveur, que ce prince le chargea 
d’une mission importante auprès de son fils Pépin, 
roi d'Aquitaine. 

Le savant Lambecius ayant pour ainsi dire dé- 
terré le manuscrit de cet ouvrage dans la biblio- 
théque de Vienne , en donna pour essai, au pu- 
blic, la préface avec quelques extraits (6). Mu- 
ratori l’a fait paroître depuis en entier à la tête 
de la partie Il du vol. II des Script. rer. Ital., 
et c’est sur cette édition que le poëme d'Ermol- 
dus fut imprimé dans la collection de Bouquet et 
dans le recueil des historiens d'Allemagne de Men- 
kenius. 

Un poëte qui brille encore plus parmi les lit- 
térateurs du neuvième siècle, et que l'Alsace 
nommera toujours avec un juste orgueil , c’est 
Orrrrio DE Wissemsoure, auteur de la traduc- 
tion paraphrasée de l'Evangile en vers rimés, 
regardée avec raison comme un des monumens 


(5) Selon l'usage du temps, il fut obligé, en sa qualité 
d’abbé , de prendre les armes , et de faire partie d’une expé- 
dition contre les Bretons révoltés. Mais il ne paroît pas avoir 
fait dans cette guerre des prodiges de valeur; car il dit lui- 
même : 


Huc egomet scutum humeris ensemque revinctum 
Gessi , sed nemo me feriente dolet. 


(6) V. Commentar, de Biblioth. F'indobon. tom. 2, Wÿb. 2, 
pag. 559. 


LA 
œ 


Poëtes Alsaciens. 247 


les plus anciens et les plus intéressans de la 
langue théotisque ou tudesque. Retiré dans sa 
jeunesse à l'abbaye de Wissembourg , fondée 
par le roi Dagobert II, Otifrid y avoit embrassé 
la vie monastique. De là il étoit passé à Fulde 
peur se former à l’étude des sciences, sous 
la discipline du savant Raban Maur , direc- 
teur de l’école de cette abbaye , et depuis arche- 
vêque de Mayence. De retour à Wissembourg, 
Ottirid , promu au sacerdoce, fut chargé des 
écoles de l’abbaye, qui étoient alors très-floris- 
santes. Cet emploi lui laissa encore le temps de 
composer plusieurs ouvrages qui ont fait passer 
son nom à la postérité. Il s’acquit bientôt la ré- 
putation d’un des plus savans hommes du siècle, 
avec les titres de philosophe , de rhéteur , fe 
poëte et de théologien. Selon Trithemius (7), 
Ottfrid commença à se faire connoître dès l'an 
843, et par ie tems où vivoient les personnes 
auxquelles il dédia sa traduction métrique de 
l'Evangile (8), on peut s'assurer qu'il florissoit 
encore en 868, année dans laquelle il mit la 
dernière main à cet ouvrage. 
Un des principaux objets de l’étude d'Oufrid , 
fut de perfectionner et d'enrichir la langue de 
- son pays. Quelques auteurs prétendent même 


(7) Chronicon Hirsaugiense, tom. I, pag. 19, 2$, 29, et 
Catalog. illustr. German. pag. 76. 


(8) Ces personnes sont : le roi Louis-le-Germanique , mort 
en 873, et plusieurs évêques et abbés dont on connoïit au 
juste l’époque de la mort. V. la note de l'abbé GrANDIDIER, 
Histoire de l'Eglise de Strasbourg, tom. If, p. 211. 


248 Histoire littéraire. 


qu'il acheva la Grammaire commencée par 
Charlemagne, et qu'il tira beaucoup de secours 
du travail imparfait de ce monarque (9). Ce qui 
est certain , c’est qu'Ottfrid est le premier écri- 
vain connu qui se soit exercé à faire des vers ri- 
més dans la langue des anciens Germains. Cet 
idiôme , peu cultivé jusqu'alors , lui présenta des 
difficultés presque insurmontables ; et quoiqu'il 
y régnât déjà ce rhythme fortement marqué, 
qui est le principal ornement dela langue alle- 
mande d’aujourd’hui ; il étoit si réelles aux lois 
grammaticales , et offroit si peu de rimes et de 
sons harmonieux , que l’on a peine à concevoir 
comment ce moine studieux a pu composer un 
si grand nombre de vers doux et agréables (10). 


L'ouvrage le plus considérable comme le plus 
connu et le plus estimé d’Otifrid , est sa traduc- 
tion métrique de l'Evangile, Ce poème, pouvoit 
ètre chanté en morceaux détachés. Répandu dans 
le public , il devoit contribuer à faire tomber les 
chansons profanes et obscènes dont les auteurs 
ecclésiastiques de ces siècles grossiers se plaignent 


(a) V. Thesaurus linguar. veter. septentrional. part. 2, 
pag. 5. 


(10) Dans une lettre à Läutbert , archevêque de Mayence, 
Ottfrid s'exprime sur sa langue dans ces termes : « Hujus 
enim linguæ barbaries, ut est inculta et indisciplinabilis , 
atque insueta capi regulari freno grammaticæ artis, sic etiam 
in multis dictis scriptu est propter litterarum aut congeriem 
aut incognitam sonoritalem difficilis. » V. ScatLrEerts 7e- 
saurus antiquit. teuton. tom, À, pag. xj. 


Poëtes Alsaciens. 249 


tant (11). On y admire surtout une diction simple 
et naïve des préceptes de morale exprimés d’une 
manière touchante , et une clarté dans les idées 
qui n’est pas le moindre mérite d’un ouvrage des- 
tiné à instruire et à éclairer le peuple. Les allu- 
sions locales dont il est rempli en faisoient 
d’ailleurs un vrai poëme national. Dans le livre 
premier , l’auteur fait l’éloge des habitans de la 
France orientale, et cet éloge s'applique parti- 
culièrement aux Alsaciens, dont il dépeint le 
caractère avec tant de justesse et de vérité que 
nous ne pouvons nous empêcher de l’insérer ici. 
« Ces peuples, dit Ottfrid, sont aussi courageux 
» que les Romains , et on ne peut nier qu'ils sur- 
» passent les Grecs en valeur ; l'art de la guerre 
» leur est très-familier, et leur bravoure ne 
» s’est jamais démentie, soit dans les plaines, 
» soit dans les forêts. Les richesses ne leur man- 
» quent pas; prompts à la guerre, ils naissent 
» tous soldats. Ils habitent dans une terre bonne 
» et heureuse ; leurs demeures sont agréables , 
» etils ne cherchent jamais à quitter leur patrie. 
» Le sol est riche et fertile; leur pays produit 
» de l’airain, du cuivre, et surtout du fer. 
» On y trouve encore de l'argent, et l’or mème 
» y est caché sous le sable (12). Leur naturel 
« les porte au bien, et ils ont du génie pour 


(11) V. les Lettres Dédicatoires d'OTTrrin. 


(12) Le Rhin charie dans son lit des paillettes d’or en 
assez grande quantité. 


250 Histoire littéraire. 


» inventer les arts utiles (13). Habiles à se dé: 
» fendre contre leurs ennemis, ils sont vain- 
» queurs lorsqu'à peine on les a attaqués. Aussi 
» ces peuples sont-ils hautement estimés ; leurs 
» grands et les seisneurs sont de mème braves et 
» vertueux. Ils sont très-pieux , et ils entendent 
» volontiers prêcher la parole de Dieu. Enfin, 
» pour tout dire en un mot, ils sont grands guer- 
» riers, sages citoyens, et chrétiens religieux. » 

Les autres ouvrages en prose et en vers d'Ott- 
frid , dont parlent ‘l'rithemius et Lambecius, ne 
sont plus parvenus jusqu'à nos tems. Une foule 
de savans se sont occupés à épurer le texte de 
ceux qui se sont conservés. Depuis Mathias Fla- 
vius Illyricus , à qui nous devons la première édi- 
tion des paraphrases de l'Evangile, publiée à 
Bâle , en 1521 , nous voyons surtout Lambecius, 
Freherus , Eccardus , Schilter et Scherz , tra- 
vailler sur cet auteur intéressant, sur lequel on 
trouve dans la savante dissertation de M. Frantz, 
intitulée : /satia litterata sub Celtis, Roma- 
nis, Francis , une notice très-curieuse. 

La mort d'Ottfrid n’interrompit point en Al- 


(13) Ottfrid prévoyoit-il que l'Alsace produiroit , le mé- 
eanicien Habrecht qui construisit cette fameuse horloge, 
long-temps la merveille du moyen âge ; l’archilecte Erwin, 
auteur du plan de la magnifique basilique qui depuis cinq 
siècles est le principalornement de Strasbourg ; Pingénieur 
Speckle qui accompagna Charles-Quint dans ses expéditions 
d'Afrique , et dont les écrits sur le génie militaire sont en- 
core estimés aujourd’hui ; que l'art d’enduire de vernis la 
poterie de terre, et le plus intéressant de tous, l'impri- 
merie , seroient un jour inventés en Alsace ? etc. 


Poëtes Alsaciens. 251 


sace le culte des Muses. Nous y voyons dans la 
seconde moitié du neuvième siècle deux évêques 
toucher la lyre avec succès, et une impératrice 
infortunée (14) appeler la poésie à son secours , 
pour adoucir de cruels souvenirs , et pour char- 
mer les loisirs de sa solitude. 

D'après le témoignage de plusieurs histo- 
riens (15), Amarric, évêque de Spire, issu 
d’une famille noble de l'Alsace , se distingua au- 
tant par sa vaste érudition que par son talent 
poétique. Ses ouvrages qui existoient encoré 
dans le seizième siècle, dans les bibliothèques 
des monastères de Spire et de Wissembourg, 
paroissent s'être perdus depuis. On pet citer 
avec plus de certitude Barpram, évêque de 
Strasbourg , prélat d’une naissance illustre, qui 
joignoit à la réputation d'homme de génie celle 
encore plus grande que donnent les plus rares 
yertus. Un penchant invincible l’entrainoit à 
cultiver les Muses. Ami intime de Salomon, 
évèque de Constance, qui fut un des hommes 
les plus distingués de son siècle, il lui adressa plu- 
sieurs élégies de sa composition , qui sont par- 
venues jusqu’à nous, et qui ontété publiées par 
Henr. Canisius (16). Ces élégies, que Baldram 
composa pour consoler l’évèque Salomon de la 


(14) Sainte Richarde, épouse de Charles-le-Gros, arrière 
petit-fils de Charlemagne. 


(15) V. Anonymi series abbat. monas. W'eissemb. dans 
SCHANNAT Vindemiæ litterariæ P. 1, p. 7; et GUALTERI 
Chronic. Ecclesiast. p. 862. 


(16) Antiquæ Lectiones, tom. Il, p. 248, 


252 Histoire littéraire. 


mort d'un frère qu'il avoit tendrement chéri, 
respirent le feu de la plus vive amitié. La force 
du sentiment qu'on y remarque fait oublier ce 
qui leur manque peut-être de correction et d’élé- 
gance. Nous apprenons , par un de ces poëmes, 
que l’auteur s'étoit exercé autrefois dans un 
genre différent de l’élégie (17); mais ces poésies 
se sont perdues , et nous devons regretter beau- 
coup qu’elles ne se soient point conservées. 

Les poésies de STs.-RicHARDE ont éprouvé 
le même sort. Cette princesse infortunée étoit 
fille du comte Erchangier (18), un des seigneurs 
les plus considérés de l'Alsace. Charles-le-Gros 
l’épousa en 862, du vivant de son père Louis 
le Germanique , et son amitié pour elle ne se 
démentit que sur la fin deses jours. Assiégé par 
d’injustes soupçons, il la répudia peu de tems 
après avoir chassé avec ignominie, de sa cour, 
son chancelier Liutward , évêque de Verceil, 
aux sages conseils duquel il devoit son affer- 
missement sur le trône de Charlemagne, et ses 
succès dans ses guerres contre les peuples bar- 
bares. 

Après s'être soumise, selon les chroniques du 


(17) Dans sa première élégie il dit : 


« Carmina qui quondam studio florente peregi 
» Flebilis heu mœæstos cogor inire modos. » 


(18) L'opinion des auteurs qui font naître S‘. Richarde 
en Ecosse, est suffisamment réfutée par le témoignage des 
auteurs contemporains, et par plusieurs diplomes publiés 
par SCH@PFLIN dans son A/satia diplomatica, et cités par 
GRANDIDIER , Op. cit. p, 125, 


Poëtes Alsaciens. 253 


tems , à l'épreuve du feu pour prouver son in- 
nocence , cette princesse se retira dans une val- 
lée solitaire des Vôges, où elle fonda l’abbaye 
d'Andlau , qui fut éleyée depuis au rang d’ab- 
baye princière. C'est dans cette retraite solitaire 
que Richarde vouoit à la lecture et à la poésie 
le tems que lui laissoient la prière et le soin des 
_ malheureux. Les statuts qu'elle donna à cette 
abbaye , et qu'elle adressa au pape Jean VIIT, 
- lui valurent l'éloge le plus flatteur de la part js 
ce pontife. Elle fut canonisée près de deux siècles 
après sa mort, arrivée en 893, par le pape 
Léon IX , qui, de retour du concile de Mayence, 
étoit venu, visiter l’abbaye d'Andlau. Il ne s’est 
presque rien conservé de ses poésies (19); mais 
une foule de traditions précieuses rappellent en- 
core aujourd'hui aux habitans de ces cantons, 
que leurs vallées étoient jadis le séjour d’une 
princesse qui, après avoir été malheureuse dans 
la condition la plus brillante , sut trouver le 
bonheur dans la pratique de la bienfaisance et 
dans les exercices de la piété. : 
Dans le dixième siècle , l'Alsace vit fleurir 
deux poëtes dans les personnes d'ErcHampaup, 


(19) JEAN De Ruyr, dans son livre des Sainctes Antiquités 
de la, Vosge , en cite quelques-unes qui donnent une idée 
très-favorable du talent de Richarde ; tels que les distiques 

| suivans : 


Inventi portum , mundi perpessa procellas, 
Et-requiem votis mente capesso mers. 


Despectis mundi regnis , cœlestia curans , 
Perveni ad tutum divite mente scopum. 


254 Histoire littéraire. 
évêque de Strasbourg, et de Hépénic, profes- 
seur à l’école de Wissembourg. Le premier ac- 
compagna l’empereur Othon-le-Grand dans l’ex- 
pédition qu’il entreprit, en 981 , contre les Sara- 
zins, qui infestoient là Pouille et la Calabre (20). 
C’est par lui que nous sommes instruits de la vic- 
toire que ce prince remporta sur les infidèles 
l’année suivante, et dont aucun historien de ce 
tems ne fait mention ; victoire brillante à la vé- 
rité, mais qui fut malheureusement suivie d’une 
défaite si terrible, qu'Othon, trahi par les Cala- 
brois, n’échappa qu'avec peine au fer de l’en- 
nemi. Erchambaud qui avoit de bonne heure 
exercé son talent poétique, avoit, dans un âge 
plus mür, pris tellement l’habitude de faire des 
vers, qu’il en remplissoit les interlignes des livres 
de sa bibliothéque. Nous avons de lui un éloge 
des évèques de Strasbourg , en vers léonins, qui 
a été mis au jour par Obrecht et Schilterus (21). 
Quant à Héderic, nous savons par Trithemius (22) 
que ce moine, qui florissoit dans le milieu du 
10€, siècle , a composé.un élégant commentaire 
en vers du Cantique des cantiques, et des homé- 
lies très-estimées. Mais ses ouvrages n’ont pas 
échappé aux ravages du tems. 

Les cantiques en l'honneur des Saints, com- 
posés par Bruxon , évêque de Toul, élevé au 
trône pontifical , dans le milieu du 11°. siècle , 


(20) V. WIMPHELINC. de Episeop. Argent, p. 36. 


(21) V. Prodromus rer. alsaticar. p. 178. —Annotationes 
ad Chronic. Konigshov. p. 490. 


(22) Chronicon Hirsaugiense, tom. I, p. 110. 


| 
| 


Poëtes Alsaciens. 255 


sous le nom de Léon IX (23), valent à leur au- 
teur, qui étoit fils de Hugues comte de Däbo 
et d'Egisheim, une place parmi les poëtes alsa- 
ciens , au nombre desquels on peut aussi ranger 
Humsenr (24), évêque et cardinal, . qui foris- 
soit dans le même siècle, et qui se rendit cé- 
lèbre par ses écrits polémiques, dirigés contre 
l’église grecque, et par plusieurs compositions 
poétiques. 

Dans le siècle suivant nous voyons une mai- 
son religieuse, l’abbaye de Hohenbourg, devenir 
le siège des lettres , et les vierges qui l’habitent 
composer des hymnes à la louange de la divinité 
à laquelle elles ont consacré leur existence. En 
faisant mention de ce monastère, un des plus 
anciens et autrefois des plus intéressans de l’Al- 
sace , il convient de parler de sa fondatrice Ste, 
Odile, fille d’Adalric ou Ethicon, duc d'Alsace 
dans le 7e. siècle. Ce prince ayant cédé à sa 
fille, dont il respectoit le penchant pour la so- 
litude , un château fort , nommé par les Ro- 
mains Âltitona , et situé sur une pointe de ro- 
chers d’une des montagnes les plus élevées des 
Vôges, Ste. Odile y réunit une société de vierges 
qui, comme elle, se vouèrent entièrement à la 


pratique des vertus chrétiennes. Elle eut bientôt 


la consolation de voir cette maison autant floris- 
(25) V. Lud. Jacos. Bibl. Pontific. p. 150, et FaBRricrr 
Bibl. lat. med. et infim. ætat. lib. XI. 


(24) Trirmemius de Scriptor. ecclesiast. — CoNRixe de 
Script. sæculi XI, cap. I, p. 112. 


406 : ; Histoire littéraire. 


sante. par la régularité de celles qui l’habitoient, 
que par leur naissance et leur nombre, que 
l'historien de sa vie, mise au jour par Mabillon, | 
fait monter à plus de cent trente. Par de sages 
réglemens, dont son testament nous offre des 
preuves , sainte Odile sut maintenir parmi ses 
compagnes, des mœurs austères. Elle leur ins- 
pira même le goût de l'étude | et introduisit 
parmi elles une émulation littéraire qui ne s’est 
pas éteinte avec sa mort dans l’abbaye de Ho- 
henbourg. 

Mais c’est surtout dans le 12°. siècle que les 
lettres et la poésie fleurissent’ dans cette maison. 
solitaire, qui, élevée dans une région où règne 
un air toujours pur, environnée du silence de 
la nature, étoit l’asyle de la vertu et de la paix 
dans des temps où la patrie des Francs gémis- » 
soit sous le joug de la barbarie et de la discorde: 
Trois abbesses cultivèrent successivement la poé- 
sie et les lettres; et si l’Alsace savante joint leurs » 
noms à tant d’autres également illustres, elle! 
les compte encore au nombre de ses poëtes (25). 
L’abbesse REziNDE, réformatrice de sa maison, 
y réintroduisit, en 1141, le goût des lettres en 
même temps qu’elle lui rendoit son ancien lustre. 
Il nous reste de Relinde plusieurs vers latins. 
Hsrnnape de Landsberg , qui lui succéda , s'ac-. 
quit encore plus de célébrité. Cette savante ab- 
besse sut embellir son existence par la peinture, … 


(25) V. Antiquités de la Vosge, part, Il, liv. 4, chap. 12. 
et GRANDIDIER , tom, I, p, 357. L 


la 


Poëtes Alsaciens. 20" 


la musique etla poésie, Nous avons d'elle, sous le 
nom de Jardin des Délices (Hortus Deliciarum), 
“un recueil de poésies latines qu’elle dédia, en 1180, 
à ses chanoinesses , dont le nombre montoit alors 
à quarante- sept. Le style de Herrade à ün 
caractère de douceur et d'urbanité qui fait placer 
son livre bien au-dessus d’une grande partie des 
ouvrages de la latinité du moyen âge. C’est, au 
rapport de Jean Busée, un chef-d'œuvre d’onc- 
tion , de précison et d'élégance. EneziNpe, sœur 
de Herrade, lui succéda en 1200. Elle étoit digne 
de cette distinction; car elle égaloit sa sœur en 
piété.et en savoir. Nous apprenons qu'elle s'est 
de même exercée à faire des vers, et qu’elle ÿ 
a très-bien réussi. 

Si nous en croyons plusieurs savans auteurs 
(26), Gunraerus , auteur du fameux poëme inti- 
tulé Ligurinus , ou de Rebus gestis Friderici 4. 
Romanor. Imperat., qui florissoit vers la fin du 
12€. siècle, étoit Alsacien ; car ils prouvent qu’il 
étoit abbé de Pairis {abbas Parisiensis), près 
Colmar, ressortant de l’évèché de Bâle. Ce poème 
historique et épique à la fois fait beaucoup d'hon: 
neur à son auteur. Une foule de savans du pre- 
mier rang en font un éloge d'autant moins sus- 
pect, qu'ils le jugent sous des points de vue dif- 
férens. Les jurisconsultes Zoroman, Cujas, Pi- 
hou, les judicieux critiques Melanchthon , Juste- 


(26) PUTTMANN. in Observat. Jur. feudal. p. 51. et SAxIUS 
ir Onomast. littérar. tom. Il, p. 272: 


T, III, Juin 1806: R 


258 Histoire littéraire. 


Lipse, Conring et beaucoup d'autres, en parlent 
dans les termes les plus flatteurs, 

Si la réputation de la plupart des poëtes cités 
jusqu’à présent n'a pas une très-grande étendue , 
ce n’est point à la foiblesse de leur talent, mais 
à l'esprit du temps où ils vivoient et à la langue 
dans laquelle ils versifioient qu'il faut l’attribuer. 
Le talent le plus distingué n’eüt point pu se faire 
jour à travers les épaisses ténèbres de ces siècles 
d’ignorance , et toutes les productions de l’esprit 
devoient alors porter l'empreinte du mauvais goût 
qui semble étre Le partage exclusif du moyen âge. 
Circonscrite dans des bornes étroites , posées par 
une théologie subtile et transcendante , et par 
l'ignorance des règles de la langue dont elle étoit 
forcée de se servir, la poésie se sentoit arrêtée 
dans tous ses élans. Les sombres cellules des 
cloîtres ne prétoient d’ailleurs point à la vraie 
inspiration poétique , et ni l’histoire ni les rap- 
ports sociaux de ces temps ne pouvoient lui four- 
nir des sujets. Aussi nous ne voyons pas fleurir 
un seul grand poëte dans l'Occident depuis le 
commencement du 5°. siècle jusqu’à la fin du 
aie. Les Muses, bannies d'Europe, s’étoient ré- 
fugiées sur les rives de l'Euphrate et dans les 
plaines de la Perse et de l'Arabie. 

Ce n'est que dans le 12°. siècle que commence 
à briller une aurore nouvelle. La poésie érotique 
renaît chez les peuples de l'Occident, l'amour et 
la gloire ont retrouvé des chantres, et des na- 
tions si long-temps barbares se civilisent enfin. 
Ce phénomène, si intéressant dans l’histoire, l’est 


Poëtes Alsaciens. 259 


‘surtout par rapport à l'esprit de cette poésie nais- 

sante , toute différente de celle des Anciens. Née 
dans le même temps que la chevalerie, elle res- 
pire l'esprit romanesque qui caractérise cette in- 
stitution. L'amour et l’héroïsme sont les sujets 
des chants des Troubadours ; mais telles qu'ils 
nous les dépeignent, ce sont des passions nou- 
velles qu’on n’avoit connues jadis ni dans Athè- 
nes, ni dans Rome. C’est trop peu, selon eux, 
d'aimer avec tendresse, de ne s'occuper que de 
son amante, de lui garder une fidélité à toute 
épreuve, il faut l’adorer religieusement, se sou- 
mettre entièrement à sa volonté, défendre jus- 
qu’à la réputation de sa beauté. Avec la passion 
du chevalier se confondent les principes de l’hon- 
neur et les sentimens de la dévotion religieuse la 
plus exaltée, et remplissent son cœur d’un en- 
thousiasme continuel. Aussi voyons-nous ces 
guerriers galans jurer d’un même serment là 
défense de Dieu et de leurs dames , et rendre 
avec un chaste respect et une résignation héroï- 
que , hommage à leur beauté et à leurs vertus. 
Ils veulent, pour ainsi dire, tenir d’elles en fief 
tout le bonheur de la vie ; ce sont à leurs yeux 
. des anges descendus du ciel pour être les objets 
d’un culte religieux. Exécuter scrupuleusement 
le moindre de leurs ordres, braver tous les dans 
gers, s’exposer à mille morts, pour obéir quel- 
quefois à un caprice, sont pour les chevaliers 
des devoirs qu’ils remplissent avec le dernier em- 
pressement et sur le plus léger signe que daigne 
leur faire la dame de leur cœur. 


260 Histoire littéraire. 


Pour expliquer l'origine de cet amour, mé- 
lange singulier d’extravagance et de réserve, plu- 
sieurs auteurs le dérivent des Orientaux et nom- 
mément des Arabes qui, par l'intermédiaire des 
Espagnols, l'auroient communiqué aux Français 
et aux autres nations de l'Europe occidentale. 
Mais ce système nous paroïit dénué de fonde- 
ment. La condition des femmes, chez les Orien- 
taux, a de tout temps été celle d'esclaves, et même 
ayant la loi de Mahomet ces peuples dédaignoient 
le sexe et lui refusoient l'exercice des premiers, 
droits de la société. Et certes l’idée de concéder 
aux femmes le rang sur les hommes, de se sou- 
mettre à leurs caprices, de les révérer non-seu- 
lement, mais de les servir et d’en faire des arbi- 
tres de notre bonheur et de nos destinées, n’a 
jamais entré dans la tête d'un homme du désert. 

C'est dans les froides forêts des Celtes et des 
Germains, et non dans les sables de l'Arabie, où 
l'excessive chaleur du climat fait de chaque sou- 
hait un violent désir, que nous devons chercher 
l'origine de cet amour romanesque. Long-temps 
avant la propagation du christianisme les peuples 
germaniques respectoient et révéroient les fem- 
mès ; et tandis que les autres nations barbares les 
prenoient pour une espèce d'êtres inférieure à 
celle des hommes , les Germains leur attribuoient 
des qualités surnaturelles, et les traitoientavec des 
égards qui souvent tenoient de la superstition. T'a- 
cite, et d’autres historiens citent plusieurs exem- 
ples qui démontrent jusqu’à quel point alloit leur 
haute estime pour les femmes. Conquérans des 


Poëtes Alsaciens. 267 


provinces de l’Empire romain d'Occident, ces 
peuples restèrent fidèles à leurs habitudes et Con- 
servèrent des opinions consacrées par l'antiquité. 
La religion chrétienne, en adoucissant leur ca- 
ractère trop porté aux guerres et aux migrations, 
les fortifia encore dans cette estime pour les fem- 
mes, et le culte d’une vierge, mère de Dieu , et 
médiatrice des humains, devoit irrévocablement 
les attacher à la nouvelle doctrine. Les change- 
mens que leur établissement dans des pays cul- 
tivés et au milieu de nations plus policées ap- 
portèrent successivement dans leurs usages et 
leurs idées, durent donner des formes plus agréa- 
bles à leurs rapports avec le sexe ; mais c’est de- 
puis que l'amour du merveilleux , la soif des aven- 
tures et le fanatisme religieux eurent été portés 
à leur comble dans la période des Croisades , que 
nous voyons se déployer cet amour exalté, que 
nous voyons sous ses auspices naître la chevale- 
rie, les Muses reconquises sur les Sarrasins re- 
venir en Europe et inspirer d’une flamme nou- 
velle ces poëtes qui dorénavant sont les délices 
des peuples, l’ornement des cours, les conseillers 
et les amis des rois. 

Ce n’est donc proprement « que dans le 12e, siè- 
cle que l'Occident commença à hériter de la civi- 
lisation des Orientaux , et que le goût des lettres, 
cultivées avec tant de succès chez les Perses et 
les Arabes , se fit sentir pour la première fois 
chez des peuples qui jusqu'alors ne s’étoient plu 
qu'aux jeux féroces de la guerre. Mais la poésie 
érotique et héroïque dont nous parlons n'appare 


262 Histoire littéraire. 


tient pas aux Orientaux. C’est dans la Provence 
qu’elle prit naissance, et cette origine prouve 
assez que la galanterie chevaleresque ne nous est 
point venue de l’étranger. Elle prit à la vérité un 
essor plus hardi et une touche plus originale 
chez les Espagnols qui, par leurs rapports et 
leurs longues luttes avec les Arabes, avoient con- 
tracté le goût du fabuleux et des plus bizarres 
extravagances de l'imagination. De la Provence, 
cette poésie se répandit dans le reste de la France, 
en litalie, en Allemagne; et l'impulsion qu’elle 
donna aux cœurs et aux esprits se fit sentir en 
Angleterre et jusque dans les pays du nord les 
plus reculés. 

Les Cours des Empereurs de la Maison de 
Souabe étoient le rendez-vous des T'roubadours 
allemands qui, sous le doux nom de chantres 
d'amour ( Minne-Singer), célébroient les beautés 
et les vertus des dames dans un langage dont 
on admire encore aujourd’hui la douceur et la 
naïveté. Plusieurs de ces Empereurs et beaucoup 
de Princes de ce pays ne dédaignèrent point de 
porter ce titre : on les vit souvent quitter Le scep- 
tre et la pourpre pour prendre la lyre et Fhabit 
des Troubadours , et chanter sous le plus beau 
déguisement le bonheur d’être aimé (27). 

Dans cette grande confrairie de Troubadours 
et de Ministres dont les chants retentirent de- 


(27) De ce nombre sont l’empereur Henri VI; Wex- 
cesLAs, roi de Bohême; Coran le jeune ; HeNR1, duc de 
Silésie ; le margrave Orrox de Brandebourg ; HENRI, mar: 
grave de Misnie ; JFAN, duc de Brabant, etc, 


Poëtes Alsaciens. ‘ 263 


puis les bords fleuris de l’'Ebre jusque dans les 
âpres vallées de l'Ecosse et de la Norvège , les 
poëtes alsaciens occupent une place très-distin- 
guée. Leur patrie, si souvent habitée par les Rois 
des Francs, le fut aussi par les Empereurs d’Al!- 
lemagne , qui y avoient fait construire plusieurs 
palais et châteaux de plaisance , et qui, entourés 
d’une cour où se réunissoient les premiers poëtes 
du temps, contribuèrent par leur séjour à y ren- 
dre plus forte l'impulsion que la naissance d’une 
poésie nouvelle avoit donnée aux beaux esprits 
du 12e, siècle. Le grand nombre et la beauté des 
romances , élégies et chansons érotiques, com- 
posées par les Troubadours alsaciens et parvenues 
Jusqu'à nous, attestent et l'enthousiasme qui a 
donné l’éveil à leur talent poétique et le talent avec 
lequel ils ont su exprimer cet enthousiasme. 

La conservation de ces monumens intéressans 
est.due en grande partie à un chevalier de Zuric, 
nommé Roger Maness, qui dès le commencement 
du 14e. siècle s’occupa à faire un recueil de toutes 
les poésies de Troubadours allemands qu’il put 
rassembler des diverses parties de l'Allemagne, 
et principalement des pays qui avoient formé 
l’ancien duché de Souabe. Ce recueil, qui est 
conservé à la Bibliothéque impériale de Paris, 
est le même sur lequel on trouve dans l'Histoire 
de l'Académie des Inscriptions une savante dis- 
sertation du Baron de Zurlauben , associé cor- 
respondant (28); C’est un des manuscrits les plus 


(28) Tom. XL, p. 154.— La plus grande partie des poé- 


264 Histoire littéraire. 


curieux du depôt. Un autre recueil, qui paroït 
avoir été fait plus tard, et dont rien n’a encore 
été publié, existe à la Bibliothéque de la ville de 
Strasbourg. 

Les Troubadours alsaciens, dont on trouve 
des poésies dans le premier de ces recueils , sont 
les suivans (29) : 

Le comte Frépenic pe LiNANGE , auteur d’une 
romance-élégie adressée à sa Hisiirésse lors de son 
départ pour a Pouille, où il devoit faire partie 
d'une expédition militaire. Ce morceau, plein de 
grâce et d’une naïve tendresse, se distingue encore 
par sa versification mélodieuse ; c’est un des plus 
beaux de la collection. Ce comte Frédéric pa- 
roît être le mème qui fut cousin-germain de l'Em- 
péreur Rodolphe de Habsbourg , et qui vécut 
vers la fin du 13e. siècle. Il ne nous est rien 
counu de l’histoire de sa vie, si ce n’est un com- 
bat singulier dont parle la Chronique d’Albertus 
Argentinensis (p. 103), et auquel, selon quel- 
ques-uns , se rapporte la peinture qui se trouve 
à la tête de cette romance dans le manuscrit. , 

Le sire DE GLiers, dont nous avons un poëme 
en sept strophes sur la beauté et les vertus de sa 
dame , rempli de comparaisons délicates et pi- 
quantes, mais inférieur en beautés à l’élégie du 


sies de ce recueil a été successivement publiée à Zuric par 
MM. Bopmer et BREITINCER, depuis 1748-1759, en 1 vol. 
in-8°. et 2 vol. sara ; et par M. Myrxer, à Berlin en 1784 et 
85 , en 2 vol. in-4 MALE à Frédériv ses Grand. 

(29) Prox, Dissertalio de poëlis Ælsatiæ eroticis medis 
œæsi. Argentor. 1786 , in-4°. 


Poëtes Alsaciens. 265 


chevalier Frépéric DE Husen , en 53 strophes, 
composée lors de son départ pour la terre sainte , 
et pleine des sentimens les plus exaltés d'amour 
et de religion. Dans la romance du chevalier 
Gorsezr DE ENHerm qui , ainsi que les morceaux 
précédens , fait partie du code de Maness, on 
trouve une charmante description des plaisirs 
du printemps. 

Le plus célèbre d’entre ces Troubadours , est 
GODEFROY DE STRASBOURG , auteur de trois poé- 
mes, dont deux lyriques, et le troisième du genre 
des romans héroïques. Ce dernier, intitulé Tris- 
tan, contient l’histoire du vaillant fils de Méliade, 
d’après le livre d’un ancien auteur provençal , 
Thomas de Britanie , et diffère beaucoup du fa- 
meux roman français. Il a été publié par l’édi- 
teur de la collection de Berlin , sur le manus- 
crit qui existe dans la bibliothèque de Florence. 
L'un des deux autres morceaux de ce poëte qui 
se trouve dans le recueil de Maness, est un 
éloge dés dames. L’autre est un conte allégo- 
rique sur les extravagances de la passion de l’a- 
mour , et fait partie du recueil de Strasbourg. 
Le iroubadour Godefroi paroîït ayoir vécu sous 
le règne des empereurs Henri VI et Philippe de 
Souabe. | 

Outre une foule de poésies très-intéressantes 
qui font partie de ce mème recueil, et dont les 
auteurs anonymes sont pour la plupart alsaciens, 
il convient de nommer encore celles de Cunon 
DE RosenneImM, de GauTaiErR pe Brisac, et de 
Goperroy pe Hacuenau, également parvenues 


266 Histoire littéraire. 
jusqu'à nous Le dernier de ces Troubadours 
s’est encore fait connoïître par un poëme latin, 
sur les fétes de la Sainte-Vierge , en vers léo- 
nins, conservé à la bibliothéque de Strasbourg (30). 
Quoique le langage de ces poëtes, qui diffère 
beaucoup de la langue allemande d’aujourd'hni 
offre quelques difficultés , le lecteur en est bien 
dédommagé par les nombreuses beautés qu'il, 
rencontre dans ces poésies naïves et harmo- 
nieuses, dictées par l'amour le plus tendre et le 
plus religieux. Le mécanisme des vers est assez 
conforme à celui qui se fait remarquer dans les 
chansons des Troubadours de Provence; ils 
sont très-riches en rimes, qui souvent y sont, 
prodiguées avec profusion. Les contractions , 
les élisions, les abréviations y sont fréquentes 
et recherchées pour la cadence. L'orthographe 
y marque , beaucoup mieux qu'aujourd'hui, les 
inflexions de la voix ; elle est aussi diflérente de 
celle qui est suivie dans l'allemand moderne que 
l'orthographe des Troubadours de France dif- 
fère de celle qui est en usage aujourd’hui. Beau- 
coup de ballades et de chansons composées par. 
les poëtes de ces iemps, se sont conservés par 
tradition dans divers cantons de l'Alsace, oùils 
sont chantés encore aujourd’hui par le peuple de: 
la campagne. Il est bon de remarquer à ce sujet 
que l’idiôme vulgaire en usage aujourd’hui en 
Alsace et en Souabe ne diffère point, à peu de 
chose près, de la langue des Troubadours du 


(30) V. OrERIIN, Müiscella litteraria Argentoratensia ;. 
p. 35—54; ( Argentor. 1770, in-4°. 


Poëtes Alsaciens. 267 


13e. siècle. Plus harmonieux, plus doux et plus 
simple dans ses constructions que le dialecte 
saxon , qui, depuis le 15e. siècle, est devenu 
dominant en Allemagne, il eût été , s’il fût resté 
la langue des poëtes et des auteurs, bien plus 
propre à devenir la langue générale des Ger- 
mains, à laquelle on reproche aujourd'hui , avec 
raison, des défauts dont le dialecte souabe a tou- 
jours été exempt (31). 

Le nombre des poëtes en Alsace s’accroit dès 
le commencement du 15°. siècle. La plus grande 
partie des savans s’exerça à faire des vers grecs 


(31) De trois dialectes , entre lesquels l'Allemagne éioit 
partagée avant le 15°. siècle, c’est le moins beau qui la 
emporté et qui a fait tomber en désuétude les deux autres 
qui sont, le plat allemand , beaucoup plus doux et plus 
souple que le saxon, et le dialecte de Souabe. Cette assertion 
est prouvée par les poésies en plat allemand du célèbre tra- 
ducteur d’'Homère, M. Voss, et par celles publiées récem- 
ment dans l’idiôme actuel de Souabe par M. He8ez, pro- 
fesseur à Carlsruhe , sous le titre de Poésies allémaniques. 
Ces dernières peuvent être regardées comme une des plus 
intéressantes productions du Parnasse germanique , et éga- 
lent les poésies écossaises de Burns, reçues avec enthou- 
siasme par les compatriotes de l’auteur. La haute Alle- 
magne, où se parle le dialecte de Souabe, et dont la Suisse 
fait partie, a produit les poëtes dont la nation s’honore le 
plus , tels que Haller, Gessner, Bodmer, Wieland , Gæthe, 
Schiller, etc. Le caractère et les mœurs des habitans de la 
haute Allemagne portent encore aujourd’hui l’empreinte 
de cette loyauté et de celle franchise dont parlent les au- 
ieurs anciens, et dont les habitans de la basse Allemagne, 
qui descendent en grande partie des peuplades esclavonnes 
qui s’y sont fixées depuis le 9°. siècle, se sont bien plus 
éloignés. . 


268 Histoire littéraire. 


et latins. Quelques-uns se servirent aussi de la 
langue allemande qui commença alors à éprou- 
ver nes changemens et innôvations qui devoient 
la laisser si long-temps dans un état d'incertitude , 
et l'empêcher , malgré son ancienneté, de se 
fixer plutôt ou en même temps que les e. 
des nations voisines. En allégnant ici tous les lit- 
térateurs dont lés productions donnent à leurs 
auteurs des droits au titre de poëte , nous ne pré- 
tendons point assigner, à tous un rang éminent 
sur le parnasse germanique; nous n’avons pour 
but que de compléter la présente notice desti- 
née à faire partie de l’histoire littéraire de l'AI- 
sace , et de réfuter , d’une manière irréfragable , 
une PRPTERR QT | 

À la tête des poëtes alsaciens , du 15e. siècle , 
il faut placer Serasrien Branpr, célèbre juris- 
consulte et chancelier de la ville de Strasbourg. 
Un poëme satyrique intitulé : Le navire des fous 
(Narrenschiff) qui offre un tableau piquant des 
extravagances humaines, fait placer le nom de 
l'auteur à côté de ceux de Rabelais et de Swift. 
Ce poëme , ‘dont les premières éditions , deve- 
nues très-rares, sont des curiosités typographi- 
ques , a été traduit en latin et dans plusieurs 
langues vivantes. Les autres poëmes de cet auteur 
sont moins connus. — Après lui viennent : 

Pierre Scnorrus, jurisconsulte de Strasbourg 
qui se forma à l’université de Paris, auteur de 
la vie écrite en vers élégiaques latins de plusieurs 
saints et de l’éloge de Jean Gerson. 


SEBASTIEN MurRuo, de Colmar , jurisconsulte, 
, ) 


Poëtes Alsaciens. 269 


historien et poëte, auteur d’un éloge des Ger- 
mains. 

Jacques Wimrneuixe, de Selestad, théologien 
et historien , fondateur d’une société littéraire , 
à laquelle Erasme de Rotterdam, donne de 
grands éloges, mérite aussi le titre de poëte par 
ses épigrammes, son poëme sur la Sainte-Vierge, 
et plusieurs poëmes héroïques. 

Tomas Murwer , moine franciscain, de Stras- 
bourg, antagoniste de Luther, auteur de plu- 
sieurs morceaux en vers allemands. 

Maruias Rincmann, disciple de Wimpheling, 
auteur d'épigrammes latines qu'il a Bet sous 
le nom de Philesius Vosigena. 

L£onarD PELLICANUS , ds Rufac , jeune poëte 
qui donnoit les plus grandes espérances, mais 
que la mort a enlevé trop tôtaux lettres, auteur 
d'un poëme latin sur la résurrection des morts, 
de plusieurs chants funèbres et d’épigrammes 
estimées. 

Jopocus Gazzus, de Rufac, savant docteur en 
théologie, auteur fécond , et Jacques Locxer, 
de Strasbourg , se sont fait connoïtre par plu- 
sieurs morceaux poétiques. On a de ce dernier 
une tragédie latine, de Thracis et Sultano, Car- 
men de nocte, vino et muliere, etc. Il est aussi 
connu sous le om de Philomusus. 

Nous devons encore ranger au nombre des lit- 
térateurs et poëtes de ce siècle, Craro HoFFmanN 
A8 Urrenxeim, Jean Vocerinus, Jacques Scurin, 
Jean Gazuinarius et THeopore Fonrscuip , con: 
nus la plupart par des poésies latines. La première 


270 “Histoire littéraire. 

place, parmi ceux du 16e. siècle, est occupée 
par Jacques Mycizzus (Molzer), né à Stras- 
bourg, en 1505, sur lequel Bayle , dans son Dic- 
tionnaire , porte le jugement suivant : « Mycil- 
» lus tient un rang bien distingué parmi les sa- 
» vans de son siècle. Il a été un des meilleurs 
» poëtes grecs qui fussent de son temps en Alle- 
» magne.» Le méme qualifie de chef-d'œuvre son 
ouvrage de Re metrica, que Melanchthon appelle 
« eruditissimos et consumatissimos libros ». Sca- 
liger et Lotichius comparent ses élégies latines 
à celles d'Ovide et de Prôperce, Ses épigrammes 
grecques ; son Traité sur la tragédie, et surtout 
ses notés savantes sur Homère , l'ont fait con- 
noître aux savans de tous les pays (32). Non 
moins célèbres sont les auteurs suivans : 

Jean Sarmus ( Witz) de Selestad, ami d’'E- 
rasme, connu par ses épigrammes latines et une 
pièce dramatique , intitulée: Ænabion ou Laza- 
rus redivivus. 

Orromar Luscnius ( Nachtigall }, né à Stras- 
bourg, vers 1480 , excellent poëte grec et latin, 
un des auteurs les plus féconds de son siècle. 
Parmi ses nombreux ouvrages, dont Lizelius et 
Baillet (33) nous donnent un aperçu, nous ci- 
terons ici sa traduction en vers latins de deux 
cents épigrammes grecques, et l'éloge funèbre 


(32) V. Crasst Istoria de’i Poeti Greci, p. 254, et sur- 
tout Lazeuius Huistor. Poetar. Græcor. Germaniæ. Lipsiæ, 
1730. 

(33) V. Historia Poctar. Græcor. Germaniæ.—Jugemens 
des Savans , tom, IT, p. 587. 


Poëtes Alsaciens. 271 
en vers grecs du célèbre orateur alsacien Geyler, 
de Kaisersberg. 

Gasparp Sriszinus, né à Selestad ; en 1530, 
qui débuta par une traduction latine des tragé- 
dies d’'Euripidedédiée à l’empereur Ferdinand Ier., 
figure avec Ælie Kozse , pasteur à Strasbourg , 
comme lui auteur d’épigrammes grecques et la- 
tines, dans les savans catalogues de Lizelius et 
de Crassi. 

Nous remarquerons encore dans ce siècle : 

Jacques SrieGEL , de Selestad , jurisconsulte , 
conseiller des empereurs Charles V et Ferdi- 
nand Ier. , auteur d’un excellent Lexique du droit 
civil, qui a cultivé la poésie avec succès, et 
s’est illustré par des commentaires sur l’Aus- 
triade de Bartholinus et le poëme de Guntherus, 
dont nous avons parlé plus haut. 

. Jean Apecpaus , auteur-de deux hymnes la- 
tines sur le temps et les saints, 

Henry Fagricius , né à Bergzabern, en 1547, 
orateur des états des Pays-Bas à la Diète de 
Spire , et couronné poëte par l’empereur d’Alle- 
magne. 

Jean Fasricus , né à Bergheim, auteur d’un 
poëme héroïque latin sur Guillaume Tell. 

Jean Fiscuarr , jurisconsulte de Strasbourg , 
traducteur et imitateur de Rabelais. 

JEax Paur Crusius, de Strasbourg, auteur des 
comédies héroïques latines, Croesus et Helio- 


J Te Béuui « 
dorus , et de plusieurs épigrammes, et 


_JACQUuES. STRASBOURG , à qui l’on doit le Car- 
men de beata migratione ex hac vita in Cœlum. 


272 Histoire littéraire. 

Les auteurs suivans , Jonocus Hancnrus, Di 
pyMus Aucuparius, JACQUES Barez, Micner 
Hospeix , JEAN Sp1eceL , BEaTus ARNOLDI, JEAN 
Linx , Micuez Benraer et Micuez Tox1res qui 
ont de même cultivé la poésie dans-le 16e. siècle , 
méritent , quoique moins connus que les précé- 
dens , d’être nommés dans la présente notice. 


Dans le 17°. siècle se sont distingués comme 
poëtes : 


Jacques Barr, jésuite, né à Ensisheim , en 
1603 , prédicateur de l'électeur de Bavière, au- 
teur d’un grand nombre de belles poésies latines 
qui l’ont fait appeler l'Horace des allemands , et 
dont l'une intitulée , Urania Victriæ, lui valut 
une médaille d’or de la part d'Alexandre VIT, té- 
moignage flaiteur d'un pape qui, poëte et litté- 
rateur lui-même , fut un des plus zélés protec- 
teurs des lettres et des beaux-arts. Herder , auteur 
et poëte allemand très-distingué , donne les plus 
grandséloges aux talens de Balde.Ses poésies, selon 
lui, sont pleines de pensées sublimes, de sentimens 
dues et délicats, et se Er encore par la 
pureté du style. ies désastres de la guerre detrente 
ans, dont Balde fut spectateur, contribuèrentbeau- 
coup à donner à ses pinceaux cette énergie que 
l'aspect des grands événemens imprime toujours 
aux âmes fortes. Estimé des littérateurs contem- 
porains , ce poëté jouit de l’amitié particulière 
du comte d'Avaux, l’un des négociateurs de la 
paix de Westphalie, et le Mécène de Grotius. 
Les poésies allemandes de Balde sont très-infé- 

rieures 


Poëtes Alsaciens. 278 


rieures à celles qu’il a composées en latin, et 
qui ont été publiées à Cologne en 1660. Bayle 
rapporte qu'à sa mort, arrivée à Nuremberg en 
1668 , les sénateurs de cette ville tirèrent au sort 
pour sa plume, dont tous se disputoient la pos- 
session. ra £a 

Gaspanp BruLov, professeur de poésie et d’his- 
toire à Strasbourg, connu par un poëme hé- 
roïque latin sur Martin Luther, et par plusieurs 
drames écrits dans la même langue. 

Micuez Moscarroscx , secrétaire fiscal de la 
ville de Strasbourg, et conseiller de plusieurs 
princes , auteur de six cents épigrammes latines 
et de plusieurs poésies satyriques allemandes , 
pleines de sel, qu’il a publiées sous le nom de 
Philandre de Sittenwald. 

Il convient encore de nommer, comme poëtes 
appartenans à ce siècle, Marnreu SNeuger, rec- 
teur du Gymnase de Strasbourg, Micuez KLei- 
LAWEL, GUILLAUME ScHer , Dantez Raucx , con- 
nus par des poésies latines et allemandes. 

C'est dans ce siècle que l'Alsace, après avoir 
été pendant si long-temps le théâtre de la guerre, 
fut réunie à la France. Les traités de Munster et 
de Rysswik, chartes de cette réunion, devinrent 
pour cette province les garans de la paix et du 
bonheur. L'Alsace, arène ensanglantée dans 
des luttes les plus longues et les plus obstinées 
entre deux monarchies puissantes, redevintsous 
l'égide tutélaire de la France ce qu'elle avoit éié 
sous les successeurs d'Auguste, une des parties 


T. III. Juin 1806. S 


Th 


274 Histoire littéraire. 

lés plus florissantes de l'Europe. Mais ayant, en 
vertu de ces traités, gardé ses formes germa- 
niques , et continué à être administrée , sous la 
suzeraineté française, par des princes de la confe- 
dérâtion germanique , elle dut conserver , avec 
l’ancienne langue des Francs , les mœurs et les 
usages qui ni: avoient été propres jusqu ‘alors. 
Placée à l'extrémité de l'empire, et chargée 
de nouveau de la défense d’une frontière impor- 
tante, la nation alsacienne trop peu en rapport 
avec 4 capitale, vit depuis sortir de son sein une 
foule de guerriers et de savans illustres, mais 
peu d'artistes et de poëtes ; le goût dés armes et 
des sciences devoit naturellement l’empotter sur 
celui des lettres et dés arts dans un pays qui 
venoit d’éprouver de si grands changemens , et 
entré léquel et l’ancienne France on avoit laissé 
subsister plus d'une barrière qui s’opposoit au 
mélange total de l'esprit des deux nations. On 
ne s’étonnera donc pas de ce que les poëtes al- 
saciens du siècle passé n’appartiennent pas au 
Parnasse français. Maïs aujourd'hui que ces bar- 
rières n'existent plus, que les droits des Alsa- 
ciens, quelles que soient leurs opinions reli- 
gieuses, sont égaux (34), et qu’un lien aussi fort 
que sagement tisst, unit toutes les parties de 
l'état à un centre commun , l’on verra disparoïi- 


(54) Avant la révolution, les Protestans d'Alsace, qui 
forment presque la moitié de la population dû pays, étoient 
exclus des emplois publics, dans lous les lieux soumis à la 
jurisdiction royale. 


Poëtes Alsaciens. 279 


tre en Alsace jusqu'aux moindres différences, et 
les nouvelles générations se montrer, sous le rap- 
port des lettres encore , dignes du nom français. 

La société poétique qui s'est formée à Stras- 
bourg vers la fin du 17°. siècle, sous le nom de 
Zrifolium ; à beaucoup contribué à entretenir 
dans cette ville ie goût des lettres et de la poésie. 
Eile exerça une influence marquée sur l’esprit 
des professeurs et des élèves de l’université ; et 
dans la liste de ses membres , on remarque les 
noms de plusieurs savans d’un grand mérite, 

La révolution qui s’opéra vers la moitié du 
siècle passé dans le goût et la littérature des al- 
lemands, trouva de zélés propagateurs dans deux 
poëtes alsaciens Prerrez et NicoLaï. L’essor que 
prit alors la langue allemande devoit bientôt as- 
signer à sa belle littérature un rang presque égal 
à celui de la littérature des autres nations. C’est 

-en imitant les Anglais , les Français, les Italiens 
que ZZagedorn ; Klopstock et Wieland, éssayè- 
rent et réussirent d'introduire dans la langue de 
leur pays des genres inconnus jusqu'alors. Mais 
ce n'est pas seulement comme imitateurs que 
“les poëtes allemands devoient se distinguer , ils 
surent aussi se frayer des routes nouvelles, et 
donner à leurs productions ce caractère d’origi- 
nalité qui est le premier mérite de tout ouvrage 
de l’art. Un homme surtout auquelila nature dé- 
partit avec une imagination brillante les talens de 
toute espèce , honore à jamais sa patrie, et'la 
Yenge du reproche qui a été fait si long-temps à 


27 Histoire littéraire. 


ses poëtes de n'avoir rien produit de véritable. 
ment classique , rien qui approche de près les 
modèles inimitables de la littérature grecque. Cet 
homme qui n’est connu en France que par une, 
production de sa première jeunesse, et qui mé- 
riteroit bien plus de l’être par ses poésies pleines 
de grâce et parfaites dans leur genre, c’est M. 
Gorrne. Un goùt pur, une noble simplicité , et 
cette facilité gracieuse qui est le caractère dis- 
tinctif du génie, règnent dans toutes ses produc- 
tions, et ce goût est le fruit d’une connoissance 
profonde des Anciens et d'une étude particulière 
des beaux-arts. Sa prose est aussi accomplie que 
ses vers , et l’on peut dire que c’est lui qui a fixé 
enfin la langue de son pays. 

Le genre dans lequel les Allemands se sont peut- 
être distingués le plus, c’est l’ode et la poésie 
qu'on pourroit appeler sentimentale. L'une et 
l'autre portent l'empreinte du caractère sérieux 
et pensif de la nation. L’exaltation des idées et 
_des sentimens, la hardiesse des images et la 

- touche mélancolique que l’on y remarque, sont 
les signes d’une imagination inquiète dont tous 
les élans tendent vers limmensité, Les plus inex- 
plicables problèmes de la vie, ses contrastes les 
plus douloureux , les souffrances du cœur hu- 
main, tels sont souvent les sujets de cette poésie 
sentimentale, qui lyrique et didactique à la fois 
est peut-être une des fleurs les plus précieuses 
du Parnasse moderne. Sa tendance vers le beau 
moral , fait qu’elle sait non - seulement nous 


Poûëtes Alsaciens. 277 
charmer et nous consoler, mais encore nous 
rendre meilleurs. La religion et la philosophie 
lui prêtent leurs vérités éternelles, pour qu’elle 
les mette en rapport avec tous nos sentimens , et 
c’est de la nature, dont l’aspect porte dans notre 
âme de si grandes et de si délectables émotions, 
qu’elle emprunte ses ressorts les plus puissans, 
ses images les plus belles et ses rapprochemens 
les plus heureux. Cette résignation stoïque, qui 
pourtant n'exclut pas des espérances consolantes, 
est quelquelois son ouvrage ; et si le néant des 
choses humaines , le vide qui règne dans notre 
existence, et la marche incompréhensible de nos 
destins, prêtent trop souvent à des tableaux mé- 
lancoliques, elle sait aussi nous faire chérir la 
vie en réunissant dans un vaste cadre les plus 
fortes et les moindres de ses jouissances , en nous 
montrant partout les traces d’une sagesse divine 
et en dirigeant nos regards vers les régions de 
l’immortalité. Les Allemands qui, dans ce senre 
de poésie, rivalisent avec les Anglais, peuvent 
opposer aux noms de Dryden, Young, Gray, 
Coldsmith, ceux de Xlopstock, Uz, Herder , 
Schiller; et parmi les poëtes vivans qui s’y sont 
illustrés , ils peuvent encore nommer foss, 
Mathisson, Salis et Pfeffel. 

Ce dernier , vieillard vénérable , qui, depuis 
un demi-siècle, charme l'Alsace par ses chants, 
et qui, privé de la vue comme Ossian et Mil- 
ton , est comme eux le favori des muses, est né 
& Colmar en 1756. Ses poésies, dont il publia 


278 Histoire littéraire. 

un premier recueil en 1761, etses contes mo- 
taux , lui assignent un rang distingué sur le Par- 
passe germanique. L’enthousiasme du beau mo- 
ral, une profonde sensibilité, la noblesse des 
pensées, caractérisent, autant qu’un coloris frais, 
que l’abondance d'images heureuses et qu’une 
versification élégante, ses odes , ses épitres senti- 
mentales et ses romances, Dans ses fables, pleines 
d'esprit et de sel, règne la plus grande variété 
de fictions. L’heureux choix des sujets, des 
tournures souvent épisrammatiques , des expres- 
sions neuves, piquantes , des allusions fines , des 
saillies vives et spirituelles leur font donner, par 
beaucoup de lecteurs , la préférence sur celles 
de Gellert, regardé ordinairement comme le pre- 
mier fabuliste des Allemands. Les Contes moraux 
de M. Prsrrez se distinguent par des intentions 
pures , des tableaux touchans, des situations na- 
turelles, une narration simple et'aisée; ils por- 
tent, comme ses poésies, l'empreinte d’une ima- 
gination vive et féconde et d’une étonnante fa- 
cilité. 

Toutes ces productions d’un vieillard qui, 
quoique privé de la vue depuis l'âge de vingt 
ans, à néanmoins su se créer une sphère ac- 
tive et payer à la société une dette qu’elle étoit 
bien loin d'exiger de lui, paroïîtront'encore plus 
intéressantes à ceux qui connoissent l'histoire de 
sa vie. M. Pfeffel a présidé, pendant plus de trente 
ans, à la direction d’une école militaire fondée 
por lui dans sa ville natale , et destinée primci pale- 


Poëtes A Isaciens. 279 


ment aux jennes-gens de famille des pays protes- 
tans. Cet intéressant établissement a eu, jusqu’au 
commencement de la révolution, tout le succès 
qu'on devoit attendre des talens du directeur, du 
choix de ses collaborateurs, et d’un plan aussi 
sagement conçu qu'kabilement exécuté, Il en est 
sorii un grand nombre d'élèves qui honorent 
encore aujourd’hui leur patrie et la carrière à 
laquelle ils se sont voués. La plus grande partie 
des ouvrages poétiques de cet auteur sont le 
fruit des momens de loisir que lui laissoit le soin 
de cette école. Et aujourd’hui encore , riche 
des souvenirs d’une vie longue et laborieuse, il 
compose, au sein de sa famiile , des poésies qui 
prouvent que son imagination , toujours jeune 
et pleine de vigueur, a su tromper la marche 
des années (35). 


Les Alsaciéns revendiquent encore au nom- 
bre de leurs poëtes, M. Nicozaï, ex-président 
de PAcadémie de Saint - Pétershourg, et con 
seillér d'état de l'Empereur de Russie, né à Stras- 
boure en 1757. Quelques poèmes héroï-comiques 
dans le’ goût de l’Arioste , des fables, des contes 
ällécoriques , dés épitres , formant ensemble un 
recikil de o vol. in-80., $ont ses productions 
poétiques. On y remarque une profonde, con- 
noOïissance du cœur humain, de la variété dans 


(35) Voyez ce qui a été dil encore sur M. Pfeffel dans le 
Magasin Encycl, année 1806, tom..Il, p. 468 et suiv. 
À- LD 


2680 Histoire littéraire. 


les tableaux , souvent de la grâce, quelquefois 
de l'énergie, et toujours une grande abondance 
de pensées et une aimable facilité. ‘ 

Il nous est impossible de finir cette notice 
sans parler de la perte que l'Alsace a éprouvée il y 
a peu d'années par la mort d’ ÊLurE Go, littérateur 
Strasbourgeoïs rempli de talens pour la poésie, 
et enlevé aux lettres à la fleur de l’âge. Imitateur 
de Théocrite et de Gessner, ce jeune poëte ap- 
procha ses modèles de près ; s’il eut vécu , il les 
et sûrement égalés. Dans ses idylles, dont très- 
peu ont encore été publiées, règne une simplicité 
touchante. Elles sont riches en belles descriptions 
de la nature, en pensées naïves, en réflexions heu- 
reuses ; ses bergers sont des êtres doux et sensibles 
comme lui. La vie pastorale, telle qu’il la dépeinte, 
nous enchante ; usques dans ses plus petits détails. 
Les couleurs, quoique vives, son tempérées par 
un ton de mélancolie qui liée deviner de quelle 
nature étoient les nuages qui planoient quelque- 
fois sur l'âme de l’auteur, C’est qu'il étoit agité 
par ce désir vague et passionné de bonheur et de 
perfection que rien ne peut appaiser, et dont 
les mouvemens se perdent dans cet avenir im- 
mense qui est à la fois l’objet de nos inquié- 
tudes les plus secrètes et de nos espérances les 
plus léoitimes, Mais son apprentissage sur cette 
terre ne devoit pas être de longue durée , et la 
mort l’a conduit au-devant de cet avenir , lors- 
qu’à peine l'aurore de la vie avoit commencé à 
briller pour lui. Sa mémoire , chère à tous ceux 


Poëtes Alsaciens. 281 


qui l'ont connu, l’est surtout à ses amis. En les 
quittant , il leur a laissé autant de regrets que de 
souvenirs ; heureux pourtant que, pour conser- 
ver ces derniers , ils puissent, en relisant en 
commun ses charmantes idylles , se retracer les 
momens agréables qu'ils ont passés avec lui, 
et que , pour calmer les premiers , ils trouvent 
quelquefois l’occasion de jeter des fleurs sur sa 
tombe, que la main du temps ne couvrira que 
trop tôt de mousse et d’oubli. 


POP 5 CO A TES AAC PE POS 5 DA 


HisTorns de la chute de la Dynastie 
des Ommiades, et de l’avênement des 
Abbassides au Khalifat. 


+ RAEAR ET n'ignore que l'empire fondé par les 
Arabes , sous la conduite de Mahomet et de ses 
premiers successeurs, fut en proie dès son ori 
gine aux dissentions intestines causées par l'am- 
bition , et soutenues de toutes les forces du fa- 
natisme religieux. Ali, que sa qualité de cousin 
et de gendre du prophète sembloit appeler à 
lui succéder , ne put voir d'un œil indifférent 
Abou-Becr, Omar et Othman occuper successi- 
vement le rang auquel il se croyoit appelé ; et, 
soit qu'il eut en sa faveur une déclaration pré- 
cise de Mahomet, comme le prétendent plu- 
sieurs docteurs musulmans, soit que ce titre si 
important lui manquât, il eut un grand nombre 
de partisans qui, sans doute, ne contribuèrent 
pas peu à la fin tragique d'Othman. S'il parvint 
enfin à la souveraineté, ce ne fut, pour ainsi 
dire , que pour servir de jouet à la fortune, et 
pour sceller de son sang et de celui de ses enfañs 
des droits qui devoient être une source intaris- 
sable de divisions et de guerres civiles dans le 
sein ce l'Islamisme. Montés sur le trône en la 
personne de Moawia fils d'Abou -Sofyan, les 
Ommiades , c’est-à-dire les descendans d'Om- 


"A bbassides. 283 


mia , ou plutôt d'Ommayya, s'y soutinrent pen- 
dant un siècle , malgré les révoltes que les par- 
tisans de l’infortunée maison d'Al suscitèrent à 
diverses reprises. Sous les princes de cette dy- 
nastie, le khalifat qui, jusquà Moawia , avoit 
plutôt été une suprématie religieuse qu une sou- 
veraineté ordinaire , prit un autre caractère; et 
à la pompe du trône réunie à l'autorité du pon- 
tificat, se joignirent bientôt tous les vices et 
toute la corruption qui n’accompagnent que trop 
souvent le pouvoir absolu. Le mépris des lois re- 
ligieuses les plus rigoureusement recomman- 
dées par l'Alcoran, ne contribua pas peu à in- 
disposer les musulmans contre les descendans de 
Moawia, et chacun de leurs crimes devint une 
arme nouvelle entre les mains de leurs ennemis. 
Affoiblis par les persécutions et les proscriptions, 
les descendans d’Ali étoient moins redoutables 
pour la dynastie régnante, que ceux d'Abbas 
oncle de Mahomet, qui jouissoient d’une grande 
considération, et qui, vers le commencement 
du 2e, siècle de l’'hégire, manilestèrent ouver- 
tement leurs prétentions au khalifat. Ce fut un 
errière petit-fils d’Abbas, nommé Mohammed , 
qui, le premier, entreprit de faire valoir ces 
droits; le parti de cette maison devint plus puis- 
sant sous Ibrahim fils de Mohammed; et déjà 
le sceptre chanceloit dans la main du Khalife 
Merwan surnommé Himar. Ce prince crut ar- 
rêter les progrès de la rébellion en s'emparant 
de la personne d'Ibrahim, et le faisant ensuite 
mettre à mort ; mais ces mesures violentes ne 


284 Histoire. 

firent qu'accélérer la révolution, en obligeant 
les partisans de la famille proscrite à recourir 
aux armés pour sauver le sang du prophète. Le 
succès couronna leurs efforts , et bientôt Mer- 
wan, précipité du trône, laissa l'empire à Abd- 
allah plus connu sous le nom d’Abou’labbas 
et sous le surnom de Sa/ffah, qui fut le premier 
khalife de la dynastie des Abbassides si féconde 
en grands hommes. Le morceau que l’on va lire, 
ét qui contient l’histoire de cette révolution 
avec plus de détails que l'on n'en trouve dans les 
historiens publiés jusqu’à présent, m'a été adressé 
de Constantinople , par un amateur de la litté- 
rature orientale aussi instruit que laborieux , et 
le même à qui l’on doit la notice sur les Wahhä- 
bites que j'ai insérée dans ce journal (1). Il a 
tiré ce récit d'un Roman ou recueil d'aventures 
héroïques intitulé Dhouw’lhimma , ouvrage très- 
volumineux , et dans lequel on trouve plusieurs 
morceaux historiques d’un grand intérêt. En in- 
sérant celui-ci dans ce journal, j'ai cru répon- 
dre aux intentions de mon savant ami, et faire 
plaisir aux lecteurs instruits, et surtout aux 
personnes qui cultivent la littérature de l'Orient. 

SILVESTRE DE SACY. 


Merwan surnommé //imar , c’est-à-dre 
J’Ane, qui monta sur le trône après Soleïman 
fils d'Abd-almélic, fut lui-même la cause de la 


(1) Voy. Magasin Encyclop. année 1806, tom. IV, p. 55 
el suiv. 


Abbassides. ‘285 


ruine de la famille des Ommiades par la haine 
acharnée avec laquelle il persécutoit celle des 
Abbassides. Il ft prendre les membres de cette 
famille partout où l’on les rencontra, et les fit 
jeter dans les prisons, et il effaroucha les peuples 
par ses persécutions tyranniques. 

Un des hommes les plus éclairés et les plus 
vertueux de la famille persécutée, étoit l'Imam 
Ibrahim. Merwan l'ayant fait arrêter , les fem- 
mes de sa parenté vinrent à Damas, se présen- 
tèrent au khalife lorsqu'il se rendoit à la Mos- 
quée , se prosternèrent devant lui, et lui de- 
mandèrent la liberté d'Ibrahim, Au lieu de les 
écouter, Merwan les ft repousser par sa garde ; 
et désespérant alors de fléchir le khalife par des 
prières, elles le quittèrent en faisant des im- 
précations contre lui et contre toute sa famille. 
Cependant un des sectateurs les plus zélés de 
l'Imam Ibrahim , nommé Ahmed fils de Saleh, 
parcouroit l'empire en recueillant des voix pour 
l'Imam ,. et grossissoit son parti, faisant prêter 
un hommage secret de fidélité et de soumission 
à l'Imam Ibrahim et à sa famille comme au kha- 
life légitime. Ahmed fils de Saleh , continua 
ses efforts infatigables jusqu'à si mort, après la- 
quelle il fut remplacé par Abou-Moslem, dont la 
mission eut de si grands succès dans le Khoras- 
san, que les habitans de cette province secouè- 
rent les premiers le joug des Ommiades, et re- 
connurent publiquement la famille des Abbas- 
-:sides comme la seule qui eut des droits lési- 
times au trône des khalifes. 


286 + Histoire... 


Ce fut dorc un vendredi, le 10 de la lune de 
djoumadi premier , l’année 108 (ou plutôt 128) 
qu'Abou- Moslem., et cent vingt personnes des 
siens, s'assemblèrent dans la ville de Mérou, 
ceints de leurs épées, et habillés de noir , pour 
annoncer le deuil qu'ils portoient pour là reli- 
gion et pour le prophète. 

Ils forcèrent les portes de la Mosquée , qu'on 
avoit fermées à leur approche , tuèrent le gou- 
verneur , et s’emparèrent du palais royal. Cette 
scène se répéta dans les autres villes du Khoras- 
san * où, à une heure convenue , les sectateurs 
d'Abou-Moslem chassèrent lés gouverneurs du 
khalife ; et s'emparèrent des rênes du gouver- 
nement. Les peuples se déclarèrent dé tous côtés 
pour Abou-Moslem qui se vit en peu de tems à 
la tête d'une armée de deux cent mille hommes , 
avec laquelle il campa devant la ville de Mérou. 
Quand Merwan eut appris ces nouvelles, il re- 
doubla de surveillance sur Ibrahim, de sorte 
qu'on ignoroit même s'il étoit mort ou vivant. 
Pour sortir de cette incertitude , Abou-Moslem 
s'avança jusqu'à Talécar ; là , il assembla douze 
de ses plus fidèles compagnons et des partisans 
les plus chauds de la famille des Abbassides , 
et les ft partir en leur recommandant d'amener 
à tout prix ou l’Imam Ibrahim lui- mème, où 
quelqu'un du moins de la famille des Hasché- 
imides ( c'étoit le nom que l’on donnoit aux 
Abbassides ). Ces envoyés se répandirent dans 
toutes les parties de l'empire. Un d'eux, nommé 
Kahtaba , homme d'un grand esprit, prit le che- 


Abbassides. 287 
min de l'Irak, ét arriva à Samira, bourg situé 
dans le voisinage de Bagdad. Il entra fort tard 
dans la Mosquée de ce lieu, et n'y trouva qu'un 
seul homme, qui faisoit sa prière du soir à haute 
voix, sans soupéonner qu'il y etüt quelqu'un 
qui l'observât. Il la terminoit par ces paroles : 
Détruis , à mon Dieu ! les usurpateurs ; fais luire 
la vérité et triompher la justice ; éar tu es tout- 
puissant , Ô maître des empires ! à Seigneur de 
la' victoire ! Cet homme , qui prioit ainsi, s’ap- 
peloit. Said fils d'Ali Armawi. Quand il eut 
fini:sa prière ; Kahtaba le salua ; l'autre lui ren- 
dit le salut, et lui demanda d’où il vénoit. La 
conversation s'engagea, et Kahtaba confirma à 
Saïd'tout ce qu'il'avoit entendu dire des nou- 
velles du Khorässan, êt du rassemblement d’une 
armée assez forte pour chasser le khalife Mer- 
wan.du trône , et pour y placer un réjeton de 
la famille des Haschémides. Saïd, de son côté, 
apprit à Kahtaba qu'à Damas, c'est-à-dire, dans 
la capitale delempiré même, tout étoit dans la 
plus grande confusion ; que les enfans de Mo- 
hamnied fils d’Ali fils d'Abd-allah, étoient per- 
sécutés partout, et que l’Imam Ibrahim lui- 
éme étoit traîné de prison en prison, sans 
qu'on sut trop s'il étoit encore en vie ou mort. 
Quand Kahtaba eut appris ces nouvelles, il se 
fit connoître à Saïd. Celui-ci prit alors un alco- 
ran de dessus uñ pupitre de la Mosquée, fit jurer 
à Kahtaba le secret le plus inviolable , et lui ré- 
vVéla ensuite que l'Imam étoit réellement à Da- 
inas , mais que ses enfans se trouvoient à Coufa, 


288 Histoire: 


sous la garde d'un certain marchand, nommé 
ÆAbou-Mosléma. Kahtaba se remit en route par 
Madaïn pour se rendre à Coufa, et s'informa , 
aussitôt qu'il fut arrivé , de la boutique d’Abou- 
Mosléma. On le conduisit chez un vieillard à 
longue barbe, qui vendoit des fèves , de l'ail 
et du vinaigre. Il le salua; ét quand tout le 
monde se fut retiré, il lui révéla le motif de son 
voyage. Abou-Mosléma lui donna d'abord un 
souper fort simple; et après s'être assuré par les 
sermens les plus sacrés, qu'il n’étoit venu que 
dans des intentions bienfaisantes pour la famille 
des Abbassides , il le conduisit chez lui pourile 
présenter aux enfans de l'Imam Ibrahim, qu’il 
tenoit cachés dans sa demeure. Quelques plan- 
ches levées au milieu de la maison mireht à dé- 
couvert un escalier dérobé , par, lequel on des- 
cendoit dans un souterrain éclairé par des lam- 
pes, où quatorze jeunes gens étoient enfermés, 
C’étoient les deux fils de l’Imam Ibrahim , nom- 
més Abou'labbas Saffah.et Abou-Djafar Man- 
sour , et. douze de leurs jeunes, amis. Kahtaba 
baisa les mains et les pieds des deux premiers, 
l'un desquels , à ce qu'il croyoit , devoit déjà 
avoir été désigné par l'Imam pour succéder au 
khalifat. Il leur annonça la cause de sa venue, 
et leur demanda lequel des deux recevroit l'hom- 
mage des peuples au nom desquels il venoit prè- 
ter le serment de fidélité entre les mains du kha- 
lite légitime. Les deux princes, étendirent tous 
les deux.en même temps leurs mains vers Kah- 
taba, qui étoit fort embarrassé, et ne sayoit le- 

quel 


Abbassides. 289 


quel étoit le khalife légitime. Pour éviter de plus 
grands maux encore que ceux dont les peuples 
étoient déjà accablés, il falloit remonter à la 
source même , et s'assurer lequel des deux princes 
étoit destiné par l’Imam au trône; il leur dit donc 
qu'il n'y avoit rien qui pressdt, mais qu'ayant 
découvert leur retraite, il étoit de son devoir 
d’en aller avertir avant tout Abou-Moslem, qui 
l'avoit envoyé avec on£e autres personnes pour 
parcourir dans ce dessein toutes les parties de 
l'empire. 

Après avoir pris congé d'eux et de leur gar- 
dien Abou - Mosléma, Kahtaba, tout attendri 
de l’attachement de cet homme pour une famille 
malheureuse à laquelle il étoit lui-même dévoué, 
continua son chemin vers Damas sous le dégui- 
sement d'un marchand. Il ÿ arriva au moment 
d’une cavalcade publique du khalife, devant le- 
quel il se prosterna en lui criant à haute voix: 
Prince , la miséricorde de Dieu et sa bénédiction 
soient sur vous ; aidez-moi , et Dieu vous aidera; 
faites-moi justice, et justice vous sera faite au jour 
de la compensation. Le khalife se fitamener Kah- 
taba , et lui demanda ce qu'il vouloit, Kahtaba dit 
qu'il étoit un marchand de l’Irak; qu’en allant 
autrefois en pélerinage, il avoit déposé tout l’hé- 
ritage de son fils unique entre les mains d’Ibra- 
him fils de Mohammed fils d’Ali fils d’Abbas ; 
qu'ayant appris, à son retour, qu'Ibrahim étoit 
dans les prisons du khalife, il réclamoit de sa 
justice et de sa bonté la permission d’avoir une 
entrevue avec ce prisonmier pour réclamer son 


T. III, Juin 1806. 4 


290 Histoire. 

dépôt. Il accompagna sa prière de paroles tou- 
chantes, de pleurs et de gémissemens. Merwan 
ordonna que l’on conduisit cet homme à la pri- 
son de l’'Imam Ibrahim, et qu'on fit avouer à 
l'Imam , fut-ce même par les tourmens les plus 
cruels, ce qu'étoit devenu le dépôt confié à sa 
bonne-foi. Kahtaba fut conduit dans un donjon 
affreux, éclairé à peine par la foible lueur d'une 
lampe , où le cliquetis des chaines lui annonçoit 
la présence d'Ibrahim. Il l’aborda en disant : Tu 
me connois parfaitement bien, Ibrahim ; écoute 
ce que je vais te demander. J'ai fait un grand che- 
min pour savoir de toi à qui tu as confié le dé- 
pôt qui étoit entre tes mains ; apprends-le moi 
pour que je puisse Le réclamer sur le champ. L'I- 
mam Ibrahim, qui comprit d'abord de quoi il 
s'agissoit, répondit : Il est dans les mains du 
fils de l'esclave( c'est-à-dire du serviteur de Dieu), 
du matire du signe, vas et reprends-le de lui, 
Au sortir de la prison, Kahtaba s'achemina im- 
médiatement vers Coufa. Il fut si diligent , qu'il 
y arriva le troisième jour après son départ de 
Damas. Il se présenta dans la boutique d'Abou- 
Mosléma, attendit que tout le monde se fût re- 
tiré, l’embrassa, lui donna les nouvelles qu'il 
avoit d'Ibrahim, et l’accompagna chez lui. Des- 
cendus dans le souterrain , Kahtaba salua les deux 
princes et leur demanda lequel des deux tenoit 
un sigue de son père. Mansour sachant que ce 
n'étoit pas lui que son père avoit destiné au trône, 
se retira un peu; mais son frère Saffah décou- 
vrit son bras et y fit voir une grande tache noire 


<= 


Abbassides. 291 


avec laquelle il étoit venu au monde. Alors Kah- 
taba mit ses mains entre celles de Saffah, et le 
salua Prince des Fidèles , au nom et par la grâce 
de Dieu ; puis il salua son frère Mansour, Abou- 
Mosléma et les douze compagnons des jeunes 
princes, qui tous prétèrent aussi l'hommage de 
soumission. 

Kahtaba prit ensuite congé d'eux, hâta son 
retour vers le Khorassan, informa Abou-Moslem 
de la découverte qu’il avoit faite, et marcha avec 
lui à la tète d’une armée de deux cent mille 
hommes vers Coufa. Les habitans de cette ville 
étoient dans la terreur à l’approche d'une si 
grande armée, qui, dans sa marche, occupoit 
cinq parasanges. Abou-Moslem envoya Kahtaba 
avec un mulet richement caparaçonné à la mai- 
son d'Abou-Mosléma, pour porter au nouveau 
khalife le premier message de l’arrivée de son 
armée. Abou-Moslem fit couvrir le chemin de 
sa tente, jusqu'à la maison d'Abou-Mosléma, de 
riches tapisseries , et le lendemain Saffah, suivi 
de son frère Mansour, de Kahtaba , d'Abou-Mos- 
léma et des douze compagnons de sa retraite, s'a- 
chemina , au milieu des acclamations du peuple 
de la ville, vers la tente d'Abou-Moslem, qui 
le premier lui prêta hommage de fidélité et de 
soumission. Mansour, dévoré du désir de régner, 
avoit fait un dernier essai pour usurper le trône 
sur son frère , en étendant le premier sa main 
vers Abou - Moslem , qui la repoussa et rendit 
hommage à Saffah. Mansour dissimula pour le 
moment ; mais ne pardonna jamais , comme nous 


292 Histoire. 

le verrons dans la suite, cette préférence donnée 
à son frère. L'exemple d'Abou-Moslem fut suivi 
pendant trois jours par tous les chefs des troupes 
et par les magistrats du peuple. 

Le quatrième jour, Abou-Moslem entra, baisa 
la terre , et représenta au nouveau khalife, dans 
les termes les plus respectueux, la nécessité de. 
prendre des mesures vigoureuses pour arracher 
aux Ommiades le reste de leur pouvoir. Saffah 
lui dit : Prépare tout pour le départ; Abd-allah 
mon cousin t’accompagnera comme mon con- 
seiller, et tu seras le généralissime de mes ar- 
mées.’ Puis il appela Abd-allah , le revêtit d'une 
robe d'honneur , le nomma son conseiller intime, 
et les exhorta l’unet l’autre de faire de leur mieux 
pour anéantir l’empire des Ommiades et pour 
apporter à ses pieds les tètes de ses ennemis. 

Pendant que ces événemens se passoient à 
Coufa, Merwan fit mourir l'Imam Ibrahim dans 
les tourmens les plus affreux. Il fit entrer sa tête 
dans un sac remplide chaux vive en poudre. Le sac 
fut lié autour du cou du malheureux Ibrahim , de 
sorte que toutes les fois qu’il respiroit, la chaux 
entroit par sa bouche, son nez et ses oreilles ; 
elle le tua en peu de temps. Quand Merwan eut 
appris les nouvelles de la rébellion de Saffah et 
de la marche d'Abou-Moslem, il assembla aussi 
des troupes au nombre de cent cinquante mille 
hommes, et marcha contre eux. La bataille fut 
sanglante et terrible. Merwan fut battu et se re- 
tira par la Syrie dans la Haute-Egypte. Saffah 
le poursuivit de près ; et lui livra uu second 


Abbassides. 295 


tombat plus terrible encore que le premier, 
dans lequel Merwan, après avoir fait des pro- 
diges de valeur, fut tué par la main d’Abd-allah, 
fils d'Al. 

Sa tête, mise au, bout d’une lance, répandit 
la terreur parmi l'armée des Ommiades, qui se 
débanda aussitôt. Abd-allah entra en triomphe à 
Damas, et après y avoir pris quelques jours de 
repos, il continua sa route vers l'Irak. Saffah 
campoit à Djabar , en deçà de Goufa. Abou-Mos- 
lem se présenta à lui avec la tête de Merwan, 
que le nouveau khalife fit jeter dans l'Euphrate, 
après avoir prononcé ces paroles de l’Alcoran : 
Dieu enseignera ses voies aux injustes ; ceux 
qui renversent seront renversés. I] fit revètir Abou- 
Moslem de robes d'honneur , et lui ft un présent 
de vingt des meilleurs chevaux arabes. Il revétit 
aussi son cousin Abd-allah de robes d'honneur, 
et lui donna en présent le gouvernement de Bas- 
sora. Pour Abou-Moslem , qui lui demandoit la 
permission de retourner dans son pays, il lui 
fit expédier des lettres-patentes en vertu des- 
quelles le gouvernement de Khorassan devoit 
rester à perpétuité dans sa famille. I|nomma en- 
suite Abou-Mosléma pour son vizir, et assura 
cette place après sa mort à Abou-Ayyoub W'is- 
nani. Saffah régna quatre ans et six mois; car 
étant monté sur le trône dans lalune de rébi pre- 
mier de l’an 132, il mourut dans la lune de mo- 
harram l’an 136. Son frère Mansour lui succéda 
au trône. 

Un jour, chassant dans les environs de la ville 


204 Histoire. 


de Bagdad avec sa Cour , Mansour fut enchanté 
de la beauté du pays d'à l'entour , revétu de tout 
l'éclat du printemps. Mais alors il n'y avoit 
encore aucune bâtisse ; il n’y avoit que la cel- 
lule d’un hermite qui s'appeloit Bag; le pays 
même étoit connu sous le nom de Dad. Mansour 
voyant la richesse de la campagne , l'abondance 
des eaux, la foule des animaux et le luxe de 
la végétation, résolut d'y bâtir une ville. Il fit 
venir des ouvriers, élever des palais, planter 
des arbres, ouvrir des canaux; en peu de temps 
des mosquées et des bains, des jardins et des 
dômes s’élevèrent de tous côtés. Mansour en fit 
présent aux seigneurs de sa Cour , fit construire 
un palais magnifique pour lui-même, y trans- 
porta le siége du khalifat, qui avoit été jusqu'alors 
à Damas, et déclara la nouvelle ville la capitale 
de l'empire. Il la nomma Bagdad, du nom an- 
cien du terrain et de celui de l'hermite qui l’a- 
voit rendu le premier attentif à la beauté du 
pays, et qui lui avoit prédit qu’une ville bâtie 
dans cet endroit résisteroit à la faux des siècles. 

Peu de temps après que Mansour y eut fixé 
sa résidence , des nouvelles arrivèrent qu'Abd- 
allah fils d'A, avoit leyé l'étendard de la ré- 
volte à Bassora. Mansour, affligé de cette nou- 
velle, envoya contre lui Hassan fils de Kah- 
taba, avec vingt mille hommes. A Harran , les 
deux armées s'étant trouvées en face, celle de 
Hassan fut défaite et se retira en confusion jus- 
qu'à Rahba. Alors Mansour donna le comman- 
dement de ses troupes à Mousa fils de Scheiï- 


Abbassides. 299 


bani , un des plus fameux généraux de son temps. 
Mousa lui promit d’humilier ses ennemis , ce 
qui consola le khalife. Il se mit en marche, joi- 
gnit ses nouvelles recrues à l'armée battue , mais 
ralliée, de Hassan, et alla à la rencontre de 
l'armée d'Abd-allah, qu'il trouva à deux stations 
de Harran. Les troupes de Mousa combattirent 
comme des lions, et auroient remporté la vic- 
toire si Abd-allah n'eut pris par la main Zowaïb, 
sa fille, et n'eut crié, en la montrant à l’armée : 
Voici Zowaïb , la petite-fille de votre prophète ; 
défendez-lä au prix de votre sang ! Quand les 
peuples de la Syrie entendirent ce cri; ils firent 
une nouvelle attaque à laquelle l'armée de Mousa 
succomba. 

Mansour désespéré , consulta son vizir Ayyoub 
sur ce qu'il avoit à faire. Celui-ci lui conseilla de 
s'adresser à Abou-Moslem , le gouverneur à vie 
du Khorassan, qui avoit, à proprement parler, 
mis sur le trône la famille des Abbassides , et qui 
en étoit le bras et le défenseur. Mansour con- 
servoit de la haine et une rancune secrète contre 
Abou-Mos:lem, qui, comme nous l’avons vu, l’'a- 
voit repoussé , et avoit rendu le premier l'hom- 
mage de fidélité à Saffah. Mais comme il étoit 
réduit à la nécessité, il l'appela à son secours. 
Abou-Moslem accourut avec une armée au se- 
cours du khalife, malgré les conseils que lui 
avoit donné son vizir. Il fut revètu d’une robe 
d'honneur et du commandement suprême de 
l’armée. Il attaqua les forces d'Abd-allah près de 
Harran : Abd-allah fut battu et tué. 


296 Histoire. 


Abou-Moslem, de retour à la Cour du kha- 
life, fut comblé d'honneurs et de présens, et se 
miten chemin pour le Khorassan. Le khalife ce- 
pendant , quoiqu'il lui dût de la reconnoissance, 
non-seulement pour le rétablissement de la tran- 
quillité, mais encore pour les efforts qu'il avoit 
faits afin de placer la famille des Haschémides 
sur le trône, ne lui avoit jamais pardonné la 
préférence qu'il avoit donnée à son frère sur lui. 
Abou-Moslem étoit déjà éloigné de deux stations 
de Bagdad, quand Mansour le fit rappeler sous le 
prétexte d’une affaire importante. Abou-Moslem 
retourna seul, entra au palais, et se présenta 
devant le khalife en se prosternant à terre. Aus- 
sitôt des esclaves cachés derrière la tapisserie 
sortirent armés d'épées, et le massacrèrent avant 
qu'il eût eu le temps de se mettre en défense. 
Sa tête fut jetée au milieu du camp de l'armée 
du Khorassan, qui prit l’épouvante, et le com- 
mandement de cette province fut donné à Has- 
san fils de Kahtaba. 

Ainsi Abou-Moslem et Abd-allah , qui avoient 
contribué le plus efficacement à détruire l'em- 
pire des Ommiades pour le donner à la famille 
des Abbassides , tombèrent eux-mêmes par le 
glaive des princes qu'ils avoient placés sur le 
trône. 


MUSIQUE. 


TDéEs sur la Musique, et particulière- 
ment sur le Mode hellénique, adressées 
à M. DE KLEIN, Conseiller intime de 
S. M. le Roi de Bavière, Secrétaire per- 
pétuel de l’Académie de Manheim, Cor- 
respondant de l’Institut de France. 


Seconde Lettre (r). 


Arnis nous être assurés, Monsieur, que le 
système musical des Grecs répondoit à ce que 
nous appelons un mode, tandis que leurs modes 
n'étoient , à proprement parler, que ce que nous 
entendons par tons , nous sommes restés à savoir 
quel étoit ce système que j'avois essayé de faire 
revivre dans notre musique, sous le nom de 
mode hellénique. Je vais entrer dans quelques 
détails à cet égard. 

Le système musical des Grecs fut d’abord très- 
simple et très-borné en apparence. Je dis en ap- 
parence, car il n'y avoit rien , au fond , de plus 
compliqué et de plus vague. L'instrument qui 
le contenoit, inventé par les dieux mêmes, sui- 
vant la fable mythologique, et qui est devenu 
l'emblème du génie poétique et musical , la Iyre 


(1) Suprà , ann: 1806, tom, IL, p. 115. 


298 Musique. 
n'étoit d'abord montée que de trois ou quatre 
cordes , faisant entendre les sons mi-la-re, ou 
mi-la, si-mi. Telle étoit la lyre d'Orphée; et 
il suffit d’ailleurs de voir les figures qui nous 
restent des plus anciennes lyres, pour demeurer 
convaincu de cette vérité. Ces trois ou quatre 
cordes sonnoient, comme on voit, deux quartes 
conjointes, mi-la-re, ou deux quartes disjointes, 
mi-la, si-mi. 

Mais on se tromperoit beaucoup si l'on se 
persuadoit, d’après quelques écrivains superf- 
ciels, que les hymnes d'Orphée et les chants des 
Grecs ; en général, ne roulassent que sur ce pe- 
titnombre de cordes, et n'offrissent que l'intona- 
tion monotone de la quarte ascendante ou descen- 
dante, Chacun avoit la liberté de remplir à son gré 
l'intervalle de ces quartes, et de créer , pour ainsi 
dire, les intonations mitoyennes qui lui étoient 
inspirées par son sujet, par sa situation ou par 
les affections de son âme. On sent combien une 
pareille liberté devoit avoir de charmes pour un 
peuple d'une sensibilité exquise, et qui parloit 
la langue la plus sonore de l’univers ; mais on 
sent aussi combien elle devoit faire naître de dif- 
ficultés dans un art encore au berceau. 

Les seules règles que s'imposoient les chan- 
teurs et qu'ils recevoient des poëtes , étoient de 
ne point sortir de la quarte d’un trait de chant 
à l’autre, et de marquer la cadence d’un vers 
ou la fin d'une période en s’arrétant sur le ton 
des cordes de la lyre, qui ne servoient alors qu'à 
donner ce ton fondamental. Ce qui prouve cette 


Mode hellénique. 299 


opinion, sur laquelle on ne s'étoit point arrêté 
jusqu'ici; c'est la manière dont sont notées les 
‘plus anciennes poésies grecques. Parmi celles 
qui sortent de la bibliothéque du Vatican, on 
en trouve où la fin de chaque vers est marquée 
par une lettre vocale et une lettre instrumen- 
tale placées immédiatement l'une sous l’autre. 
Il est évident que le poëte ou le musicien ont 
©” voulu indiquer par ces lettres la corde fonda 
mentale sur laquelle ils entendoient que la ca- 
dence du vers se fit sentir , laissant au chanteur 
la liberté de remplir le reste. 

Cette liberté de remplir à son choix l'espace 
musical contenu entre deux cordes formant la 
quarte, comme, par exemple, mi-la, lit naître 
trois genres , savoir : l'enharmonique , qui pro- 
cède par quart de ton; le chromatique, qui pro- 
cède par demi-tons ; et enfin le diatonique , qui 
procède par tons et demi-tons. Ainsi, la quarte 
que je viens de prendre pour exemple fut rem- 
plie des trois manières suivantes : mi, mi (quart 
de ton), fa, la, dans le genre enharmonique; 
mi, fa, fa (dieze), la, dans le genre chroma- 
tique ; et mi, fa, sol, la dans le genre diato- 
nique. 

S'il faut en croire les écrivains les plus judi- 
cieux ,-ce fut le genre enharmonique qui fut le 
premier mis en usage : tant il est vrai que les 
choses les plus extraordinaires sont celles qui se 
présentent d'abord à l'esprit, et qu'il faut beau- 
coup de temps et de travail pour apprendre à 
être simple. Mais enfin l'extrème difficulté d’exé- 


300 Musique. 


cuter le genre enharmonique , lorsque l’art so 
perfectionnant ne fut plus abandonné au caprice 
du chanteur , et que les poëtes commencèrent 
à faire des chants immuables qu’on écrivit en 
même temps que les vers, fit abandonnèr .ce 
genre. On s’aperçut que le genre diatonique, le 
plus facile à entonner , étoit aussi le plus flat- 
teur à l'oreille, et on l’adopta de préférence. 
Alors le tétrachorde mi, fa, sol, la, devint un 
système fixe de mélodie, et par conséquent un 
mode. : 
Mais ce mode étant trop borné pour les voix 
lès moins étendues , on sentit bientôt la néces- 
sité d'ajouter un second tétrachorde au premier; 
seulement on différa sur la manière de l'ajou- 
ter ; les uns voulant que les deux tétrachordes 
fussent conjoints , c’est-à-dire qu'ils fussent ren- 
fermés dans les trois cordes fondamentales de la 
première lyre, mi-la-re , les autres opinant au 
contraire pour qu'ils fussent disjoints, c'est-à- 
dire pour qu'ils fissent sonner les quatre cordes 
fondamentales de la seconde lyre mi-la, si-mi. 
Je ne vous rappellerai pas, Monsieur , les lon- 
gues disputes que firent naître ces deux opinions 
parmi les Grecs, ni Les lois singulières que ren- 
dirent à ce sujet leurs magistrats, très-attentifs 
à ce qu'il ne fût point porté atteinte à la pureté 
de la musique , qu’ils regardoient comme étroi- 
tement liée avec la pureté des mœurs publiques ; 
je me bornerai à dire qu'après beaucoup d'essais 
infructueux , Pythagore vint et renferma dans 
un grand système musical ce que j'appellerai, 


Mode hellénique. 301 


d'après mes principes, les deux modes des té- 
trachordes conjoints et disjoints, 

Le mode des tétrachordes conjoints procéda 
ainsi: mi, fa, sol, la;la,si(bémol),ut,re, 
mode dans lequel % Fe ninenrile la ser- 
voît à terminer le premier tétrachorde et à com- 
mencer le second. 

Le mode des tétrachordes disjoints procéda de 
cette autre manière : ni, fa, sol, la; si, ue, 
re, mi. 

IL est facile de voir , à la simple inspection de 
ces deux modes, que la corde fondamentale mi 
du premier n’avoit ni quinte, ni octave , et que 
tous les sons homologues y marchoient par quatre: 
mi-la ; fa-si (bémol ); sol-ut ; la-re ; tandis que, 
dans le second, la corde fondamentale ni avoit 
sa quinte et son octave, et que tous les tons y 
marchoient par quinte : 72i-5i ; Jfa-ut ; sol-re; 
la-mi. 

Maintenant si nous observons nos deux modes 
modernes , ut, re, mi, fa, sol, la, si,ut pour 
le majeur , et la, si, ut ,re, mi, fa, sol, la pour 
le mineur, et que nous les comparions au mode 
hellénique mi, fa, sol, la, si, ut, re, mique 
je propose d'introduire dans notre système mu- 
sical comme troisième mode , nous trouverons 
qu'ils diffèrent entre eux par des propriétés frap- 
pantes. La première de ces propriétés et la plus 
essentielle , puisqu'elle est dans la mélodie, peut 
être sentie par toute personne exempte de pré- 
jugés , qui voudra parcourir successivement ces 
trois gammes naturelles et en examiner l'effet, 


902 Musique. 


en faisant précéder chacune d'elles de sa note’ 
fondamentale ut, la ou mx à la basse, pour em- 
pêcher l'oreille de s’égarer. J’ose d'avance af- 
firmér que l'effet qu'elle recevra de celle de mé 
sera infiniment plus doux que celui dont elle: 
sera affectée en parcourant celle d'ut et is 
celle de /a. : 

Je rechercherai qu’elles sont les causes de cet 
effet particulier produit par ce mode , et je tà- 
cherai, dans une autre lettre, de développer les 
moyens d'y attacher une hatilonte quil embel- 
lisse sans l’étouffer. 

Fagre-D'OLivET. 


LITTÉRATURE ORIENTALE. 


RECHERCHES asiatiques, où MÉMOIRES 
de la Société établie au Bengale pour 
faire des recherches sur l’histoire et les 
antiquités , les arts, les sciences et la 
Littérature de l’ Asie ; traduits de l’an- 
glais par A. LABAUME; revus et aug- 
mentés de notes, pour la partie orien- 
tale , philologique et historique, par M. 
LANGLÈS, membre de l’Institut, con- 
servateur des manuscrits orientaux de 
la Bibliothéque impériale; et pour la 
partie des sciences exactes et naturel- 
les, par MM. CUrrER, DELAMBRE, 
LAMARCK et OLIVIER, membres de 

l'Institut, etc. Tom. I et IL. In-4°. Paris, 
chez Ti peutsél et Vi ürtz, libraires, rue æ 
Lille, n°. 17. : 


Après avoir promené ses regards sur les vastes 
régions de l'Asie, il est difficile de trouver un 
pays plus intéressant et plus attrayant que la con- 
trée singulière qui se trouve entre les fleuves sa- 
crés du Gange et de l'Indus (1). Nous pourrons 


(1) Le pays que nous appelons l’Inde dévroit s’appeler 
Sindhu , où, pour nous conformer à l'autorité du Sophocle 
de celle nation, dont la meilleure pièce est devenue presque 
aussi célèbre parmi nous que l’Electre du poëte grec, nous 
devrions au moins l'appeler Hindhu. 


504 Littérature orientale. 

accorder notre admiration à Ja fougueuse imas 
gination des Arabes. Leur poésie , pleine de bril- 
lantes extravagances et de beautés souvent inat- 
tendues, peut nous offrir des plaisirs aussi viés 
que durables. L'enthousiasme romanesque des 
Persans et le ton mystique qui règne dans leurs 
poésies érotiques , la considération de lactive 
industrie des Chinois, peuvent nous apporter au- 
tant d'utilité que leur morale est capable d’éle- 
ver nos âmes. Mais ce qui peut surtout donner 
lieu à des recherches immenses et qui mérite 
toute notre attention, c'est l’Inde et le peuple 
vertueux, intelligent et religieux qui l’habite ; 
ces objets ne sauroient manquer d'être la source 
d'une surprise ég salement vive et agréable. 

Des monumens dont ja date se era dans la 
nuit des temps, une histoire qui présente une 
série non interrompue de rois dont les dynasties 
remontent aux époques les plus reculées, une 
poésie qui réunit tous les charmes de celle des 
anciens et des modernes, une langue sacrée dans 
laquelle nous retrouvons avec étonnement les 
restes de tous les dialectes gothiques sans ex- 
ception, tout cela mérite “bien que nous atla- 
chions sans cesse avec intérêt nos regards sur 
ce pays unique. Et certes ! on peut à bon droit le 
nommer ainsi, puisqu'entouré de nations foi- 
bles, sans Hreion sans culte et livrées à tous 
les maux de l'anarchie, cette terre paroît véri- 
tablement classique , et est habitée par des hom- 
mes qui, par leurs mœurs et leur civilisation , 
nous retracent l’image de ces deux peuples d’'o- 

rigine 


Asie. 305 
rigine gothique dont les langues sont devenues 
réellement classiques pour nous; elle nous offre 
des monumens qui ne sont ni moins nombreux , 
ni moins antiques que ceux qui nous restent de 
la Grèce et des Romains: 

Et même en accordant que les mœurs et le 
caractère de ce peuple si remarquable aient subi 
quelque altération par l'effet des invasions des 
conquérans barbares , toujours est-il vrai que 
leur littérature et leur religion portent l’em- 
preinte d'une antiquité dont les monumens sub: 
sistent dans toute leur intégrité. Nous ne sau- 
rions nier qu'il ne nous reste guère que le tiers 
des ouvrages d’un seul des poëtes lyriques de la 
Grèce. Ce qui nous reste des nombreux écrits 
des poëtes d'Alexandrie ; donties ouvrages étoient 
travaillés avec tant de soin, suffit à peine pour 
nous en donner une idée. Quant à la littérature 
romaine, tout ce qui existoit des écrits qui ont 
précédé Caton est entièrement perdu, et nous 
ne pouvons former que des conjectures plus ou 
moins incertaines sur la mythologie des Anciens, 
puisque le vF&i sens et la véritable connoissance 
.des mystères sont anéantis pour jamais. Chez les 
Indiens, c’est tout autre chose. Là le sens mys- 
tique de la religion se présente presque sans voile 
à nos regards ; tous les secrets et tous les em- 
blèmes allégoriques de leur croyance nous sont 

révélés dans l'immense compilation de iasa ; 
et il ny a que le défaut de temps qui puisse 
nous empêcher de lire tout ce qu'ils ont com- 


posé soit en vers , soit en prose, puisque désor- 
T, III. Juin 1806. \z 


306 Littérature orientale. 


mais ces trésors sont ouverts à notre avide cu< 
riosité ; depuis les passages sublimes des plus 
anciens F’édas , jusqu'aux drames les plus artis- 
tement travaillés qui furent représentés à la Cour 
du fameux successeur de Sacäditya , et depuis 
tette époque jusqu'à nos jours , c’est-à-dire jus- 
qu'aux productions des Brahmes encore vivans 
de Paräsara jusqu'aux V’aräha , et à’ Atri jus: 
qu'aux Jagannätha. Tels peuvent avoir été les 
motifs qui ont déterminé l’illustre W, Jones à 
fixer son attention sur l'Inde : seulement ils ont 
dû avoir encore plus de force et dé précision 
dans un esprit aussi éclairé, et auquel'nous som- 
mes redevables de ces magnifiques essais dont 
nous trouvons les fragmens épars dans les pre- 
miers volumes des Recherches ‘asiatiques , dont 
nous avons aujourd’'hüi une occasion si favorable 
d'éntretenir nos lecteurs. Ainsi ce savant, ‘doné 
du plus beau génie, se trouva entrainé vers la 
Aittérature la plus riche. A peine s'en fut-il oc- 
cupé, qu'il y porta la plus abotilañte lumière, 
et ceux qui veulent marcher sur sa traèe y trou- 
vent tout à la fois la clarté et la précision. 

Il seroit superflu de s'étendre beaucoup sur les 
louanges d’un homme aussi extraordinaire, et qui 
s’est acquis l'amour ét l'admiration de tous ceux 
qui cultivent les sciences. Ceux qui ont affecté 
‘de dédaigner ou de rabaisser son mérite, n’ont 
fait que rehausser encore plus sa gloire en pla- 
çant leurs noms si près du sien. Nous donnoris 
communément le nom de philologues à certains 
érudits dont on ne :comnoît l’existénce que par 


Asie. 307 


quelque long et inutile commentaire sur quelque 
auteur grec ou romain; quel nom donnerons- 
nous à un homme qui considéroit toutes les lan- 
gues comme un vaste ensemble, qui en possé- 
doit parfaitement les plus intéressantes , et sa- 
voit faire dans chacune d’elles des compositions 
correctes et élégantes? qui d'ailleurs ne.les re- 
gardoit, en général, que comme un moyen de 
parvenir au plus noble but, et surtout de tracer 
l'histoire de la législation et de la j urisprudence 
des plüs grands peuples. Personne n’a possédé 
à un si haut degré la connoissance des plus belles 
langues: personne n’a fait un si heureux emploi 
même de la connoissance d’un nombre bien moins 
considérable d'idiômes ; personne en un mot n’a 
réuni, à un savoir aussi profond, le sentiment 
exquis des beautés de la oésie. 5 
Il étoit parvenu à établir , sur les bords du 
Gange , une société de savans dont il étoit l'âme. 
11 a donné la première impulsion au désir qu'ils 
ont de tout approfondir , et il semble que désor- 
mais rien ne puisse plus échapper à l’activité de 
leurs recherches. Les militaires même et les per- 
sonnes qui occupent les premiers emplois du,gou- 
vernement parlent avec précision etautorité sur 
les points d'érudition les plus importans dans ce 
qui concernefla connoissance des antiquités de 
TJ'Asie. Lui-même a dessiné, d’une manière aussi 
“profonde que rapide , les tableaux des quatre prin- 
cipales nations de l'Asie, et a porté sur tous vne 
vive lumière. Chacun de ses discours comprend 
au moins une grande découverte, qui seule au- 


308 Littérature orientale. 


roit pu faire la réputation d’un savant , et je n'ai 
besoin ici que de rappeler aux hommes instruits 
les remarques sur la ressemblance de l'alphabet 
Ethiopien avec le Dévanagari, remarques où il 
a développé une si prodigieuse sagacité, ainsi 
que dans les vues si neuves sur le Zend et le 
Pahlavi, et sur la descendance des Chinois du 
nord de l'Inde, ce qui semble prouvé d’une ma- 
nière incontestable par l'ouvrage de Manu , ou- 
yrage aussi intéressant pour le jurisconsulte ins- 
truit, que pour le savant qui s'applique à l'his- 
toire des religions, et qu’il publia ensuite tout 
entier. On y trouve entre autres un chapitre sur 
la Métempsycose, qui comprend plus d'idées 
neuves et sublimes que les ouvrages réunis de 
Platon et de Porphyre. Il publia presque dans 
le même temps la traduction d'un des plus beaux 
drames qui aient jamais paru. 

Depuis on vit ses découvertes se multiplier; 
l'une des plus heureuses est celle par laquelle il 
a déterminé avec certitude un point important 
de l'histoire de l'Inde, qui concourt avec l'époque 
où régnoit Seleucus , et fait retrouver, dans un 
usurpateur aussi habile qu’heureux, nommé par 
les Grecs Sandracottus , le Chandragupta des In- 
diens , célébré par quelques lignes dans les pro- 
phéties des plus intéressantes des Puräna’s, et 
par un grand nombre de drames et de, Cavya’s 
réguliers. Par une autre découverte non moins 
heureuse , il a déterminé à peu près la situa- 
ti0n d'une des plus magnifiques et des plus grandes 
villes dé l'Inde ancienne. Un système complet de 


Asie. 30g 
musique a été donné d’après le Nürayana. Les 
six grands systèmes de la philosophie indienne 
ont été exposés, et l'Europe, qui n’avoit pas le 
plus léger soupcon d’une pareille découverte, y 
a vu avec étonnement la source de ceux de Pla- 
ton et de Pythagore. Là se termine sa carrière 
littéraire, au moment même où l’on commençait 
à concevoir les plus hautes espérances de son gé- 
nie et de ses rares connoissances , et à peine peut- 
on apprécier la grandeur d’une pareille perte. 
Presque riende cequenous avons de lui, dans les 
Recherches asiatiques ,n'a été entièrement achevé 
par lui : ses fonctions publiques et la multipli- 
cité de ses occupations ne lui avoient pas per- 
mis d'y mettre la dernière main, et il avoit le 
projet de terminer tous ses travaux avec plus de 
soin, lorsque son retour en Europe lui en don- 
neroit le loisir, de revoir de nouveau ses écrits, 
et de fournir les preuves de tout ce qu'il avan- 
coit, ce qu'il étoit seul en état de faire. Il n'y 
avoit peut-être que lui qui püt remplir le cadre 
immense des travaux qu’il avoit entrepris, et il 
s'y trouve un grand nombre d'énigmes qui sont 
impossibles à résoudre, même pour les esprits 
les plus exercés. Mais quoique la plus grande 
et peut-être la meilleure partie de ses travaux 
soit perdue pour nous, cependant il existe en- 
core, dans la société dont il fut le fondateur , 
une espèce de tradition de sa grandeur. M. Æenri 
Colebrooke , surtout , suit de très-près les traces 
de son illustre modèle ; et si ce charme poétique 
inimitable qui étoit si propre à M. Jones n’anime 


510 Littérature orientale. 


pasles écrits de son successeur, du moins il pos- 
sède une pénétration et une profondeur d'esprit 
bien rares. Son digeste des lois indiennes est tout- 
à-fait digne de Jones, et l'âme de ce grand homme 
semble respirer encore dans plusieurs des pas- 
sages de cet ouvrage. Tous les essais de Jones , 
sur l'Inde, ses mémoires , quelques-unes de ses 
notes, plusieurs traductions excellentes , et quel- 
ques dissertations terminées sont déposés dans 
une collection qui ne nous est en quelque sorte 
connue que par lui, et qui semble nous inté- 
resser spécialement à cause de lui. Cet ouvrage 
est aussi utile qu'agréable, et offre une érudi- 
tion précieuse et l’amusement le plus noble. Con- 
tenant les observations les plus importantes pour 
chaque science en particulier , il intéresse toutes 
les classes de lecteurs par l'immense variété des 
objets qu'il embrasse, puisqu'il nous présente 
le tableau de l'Asie dans toute son étendue. L'ob- 
servateur de l'homme y trouvera des traits pi- 
quans de caractère , le moraliste des traits d'his- 
toire du plus grand intérêt, et le littérateur des 
morceaux de poésie curieux, et entre autres la 
charmante idylle intitulée Gitagouinda. 

Mais ce n’est pas seulement M. Jones qui y 
figure, ce sont aussi les Brahmes de l’Inde, c’est 
la pénétration critique de Radhacant et de Rama 
Lochana , le profond savoir de Trivedi Sarro- 
ran, et les connoissances astronomiques de Rama 
Chandra ; ce sont ces hommes que les Grecs n’au- 
roient pas craint d'appeler les plus sages des 
gymnôsophistes que nous entendons eux-mêmes , 


Asie. 514 
puisqu'ils ont été employés constamment auprès 
de M. Jones, qui nous a fidèlement transmis leur 
doctrine. 

Les explications de quelques mots indiens qui 
se trouvent dans les fragmens de Crésias sont 
aussi absurdes que ses récits ; il ne peut pas avoir 
connu les langues de l'Inde , et je soupçonne que 
Mégasthènes ne connoissoit qu’une dialecte po: 
pulaire de Candahar. Nous savons que depuis 
lors personne n'a pu apprendre grammaticale- 
ment la langue des sages de l'Inde , et ainsi c'est la 
première fois que nous les entendons eux-mémes 
sans intermédiaire. Tous les obstacles que nous 
oppose une langue que nôus ne pouvions appro- 
fondir ont disparu , et les Brahmes, que le code 
le plus ancien honore du nom de seigneurs de 
la création , et qui souvent, par leurs vertus ex- 
traordinaires, par l'étendue de leur savoir, et 
par l'amabilité de leur caractère , pourroient faire 
excuser un nom aussi eXtravagant, nous initient 
eux-mêmes dans les secrets de leur religion et 
de leurs sciences. 

Qu'il me soit permis, après les Brahmes, de 
nommer deux membres de cette société. M. Da- 
vis, qui est un astronome distingué , a incontes- 
tablement démontré qu’il est capable de traduire 
aussi bien l'ouvrage célèbre de Meya que le savant 
Tica sur cet ouvrage, en comparaison duquel 
on ne trouve presque que des rèves dans tout 
ce que Bailly, Le Gentil et Moutucla ont écrit 
sur l'astronomie indienne. Mais quelque grandes 
que soient les obligations que le monde savant doit 


512 Littérature orientale. 


avoir à M. Davis, on attend encore plus de sa 
profonde érudition. Il a entre les mains un ou- 
vrage sanscrit qui contient une description com- 
plète de toutes les constellations du ciel indien, 
avec les dessins de chacune , et qui même a été 
entièrement traduit par ”/. Jones. Un pareil ou- 
vrage manque encore à la connoiïssance des an- 
tiquités en général, et serviroit à décider les ques- 
tions les plus importantes sur l'astronomie et la 
religion de quatré des plus grands peuples du 
monde. M. Davis est seul en état de le publier, 
et c'est presque une obligation pour lui que de 
le faire connoïtre au public. 

M. FPilford paroît véritablement digne de tous 
les éloges que W. Jones lui a donnés. Quatre 
pages de sa dissertation sur la chronologie in- 
dienne , où il traite des villes connues des an- 
ciens sur les rives du Gange, en sont la preuve, 
ce qui fait d'autant plus regretter qu’il se soit 
égaré dans une carrière qui ne promet pas beau- 
coup de succès. Qu'il se rappelle que les dé- 
couvertes importantes en géographie sont aussi 
durables que la terre elle-même, au lieu que 
les plus heureuses étymologies ont souvent à 
peine la durée d’un bon mot. 

Autant l'instruction qu’on trouve dans ce re- 
cueil est neuve, générale et importante, autant il 
est au fond peu connu , surtout en France , où ila 
été plus vanté que lu ; et ob rien n’est plus commun 
que d’affecter un grand enthousiasmé pour cette 
société et pour ses fondateurs , sans avoir com- 
plétement approfondi ou entendu leurs ouvrages. 


Asie. 389 
Peut-être cela doit-il être attribué à ce que la 
langue anglaise étoit assez peu connue en France 
il y a quelque temps , et surtout à la nécessité d'a- 
voir déjà quelque intelligence des langues orien- 
tales pour comprendre les mémoires mêmes les 
plus faciles , puisqu'il faut presque être aussi 
versé dans les idiômes de l'Orient que l'étoit 
M. Jones lui-même, pour entendre les disser- 
tations et les mémoires qu'il a publiés. En effet, 
il cache presque toujours, sous les apparences 
d’une prose aussi facile qu'élégante , des obser- 
vations d'une grande profondeur et d'une extrême 
finesse. 

Toutes ces difficultés ont été levées par les 
travaux d'un homme qui saisit avidement toutes 
les occasions de servir et d'avancer les sciences. 
On s'occupe d’une traduction soignée de ce re- 
cueil , et les noms de MM. Cuvier, Delambre, 
Gosselin, Lamarck et Olivier , qui sont annoncés 
comme travaillant à éclaircir le texte de l'ou-' 
vrage, ne peuvent que nous inspirer la plus haute 
idée de la perfection d'un pareil travail, parce 
qu'on est accoutumé à attacher à ces noms l’idée 
de ce qu'il y a de plus distingué dans les sciences. 
La plus grande partie des notes, et tout ce qui 
a rapport aux langues orientales, appartient en 
entier à M. Langlès, à qui le monde savant doit 
déjà tant de lumières sur l'Orient. Ce savant 
distingué possède au même degré de perfection 
le persan , l'arabe et le tartare mantchoux; et 
quoique la connoissance de ces langues embrasse 
une portion immense de l'Asie, néanmoins une 


314 Litiérature orientale. 


critique exercée et la comparaison d'un grand 
nombre d'analogies l’a mis à même d'étendre en- 
core infiniment plus loin le cercle des objets qu'il 
envisage. Lui seul est en état de satisfaire notre 
curiosité sur les contrées si peu connues du nord- 
est de l'Asie ; l'Europe peut même légitimement 
attendre de lui des lumières satisfaisantes sur la 
littérature chinoise , qui désormais lui est ou- 
verte par le secours de la langue tartare, et sur 
la religion la plus extraordinaire de nos temps 
modernes, religion que personne n’a bien connue 
encore, et sur laquelle on a tant écrit. Dans les 
notes nombreuses qu'il a jointes aux déux premiers 
vol. des Recherches asiatiques, que nous avons 
sous les yeux 3 a développé toute l'étendue de 
son érudition , et il n’a rien négligé de ce qui pou- 
yoit servir à l’éclaircissement du texte. Une col- 
lection de livres aussi précieuse que complète 
sur ces matières, l'a mis en état d'enrichir cette 
traduction d’un grand nombre de citations tout- 
à-fait neuves et de rapprochemens également cu- 
rieux et propres à produire la ha Parmi 
ces citations , nous croyons devoir indiquer plus 
spécialement aux lecteurs celles qui sont tirées 
du manuscrit autographe du ÆAyin. Acbery , tra: 
duites par M. Langlés , souvent avec plus de fi- 
dékté et de correction que ne l’a fait M. Glad- 
win, puisque ce sont là les premiers passagos 
publiés qui nous fassent connoître ce dialecte du 
persan , qui s’est formé dans l'Inde, et surtout 
sous la plume du singulier Abul Fazel. Nous re- 
marquerons, parmi les autres citations, le récit 


| A$sie. 315 
de l'assassinat de ce fameux ministre de l'Orient, 
un passage de Mohsan Fani sur le culte des pla- 
nètes , et une fable fort intéressante du Bostan 
de Sady , qui n’est pas encore traduit. Nous indi- 
querons surtout , parmi les notes de M. Langlés, 
celles qui accompagnent les mémoires VIII et 
XVII sur la mythologie et la littérature indienne, 
qui sont sans contredit les plus nombreusés et les 
plus importantes, et qui contiennent un extrait 
à peu près complet de tout ce qui a été écrit sur 
ce sujet ; ce sont celles qui sont plus propres à 
donner une idée de la brillante érudition de l’au- 
teur et de l'étendue des moyens qui sont entre ses 
mains ; en un mot elles sont dignes de l’homme à 
qui le gouvernement a confié la plusriche collec- 
tion des manuscrits qui soit au monde. 

À ce sujet je crois devoir avertir le lecteur 
qu'il ne doit pas confondre ce qui, dans les 
notes , appartient à M. Langlès , avec ce qu'il 
cite des opinions du P. Paulin, qui a attaqué, 
avec une virulence déplacée , jus hommes les 
plus respectables. 

Un nom qui me paroït véritablement digne de 
figurer auprès de celui de l'illustre président de 
la société asiatique, est celui de M. Alexandre 
Hamilton, à qui je me plairois à rendre ici un 
hommage éclatant, si l'amitié intime dont il m'a 
honoré et son extrême modestie ne me faisoient 
une loi de rerfermer en moi-même l'expression 
de mon admiration. Au reste ses travaux parlent 
assez en sa faveur , et ne sauroïeht manquer de 
lui acquérir une solide gloire , si c'est y avoir 


516 Littérature orientale. 


acquis un titre que d’avoir donné , sur l’histoire 
des premières et des plus anciennes monarchies 
de l'Orient, des éclaircissemens plus complets 
qu'on n’auroit osé les espérer, et tirés de sources 
authentiques où personne n’avoit encore puisé 
aucunes lumières (2). 

Une chose qui nous paroît devoir surtout fixer 
l'attention des lecteurs , est un caractère Bengali 
avec lequel on a imprimé , au commencement du 
premier volume, treize stances de Sancarachary a ; 
c'est M. Ch. Wilkins qui, le premier, a gravé 
cette espèce de caractère dans l'Inde même; mais 
il reste toujours à M. Langlès la gloire d’être le 
Premier qui les ait fait graver en France, et d’a- 
voir surpassé son modèle sous le double rapport 
de la netteté, et de la correction. Les carac- 
tères ont été dessinés et exécutés avec beaucoup 
de précision, particulièrement les bha , sa, ma, 
Ya, ta, da, ku; mais d’autres s’éloignent trop 
de la forme des caractères écrits à la main, et 
sont quelquefois surchargés de traits et de con- 
tours qui ne se trouvent pas dans les manuscrits ; 
tels sont les 2da, shna, mpa, dya, gha, csha, 
et les ya, ri et longs, joints aux consonnes. 
Dans les manuscrits les plus parfaits, ce carac- 
tère tient le milieu entre le petit caractère des 
Scholies et un autre caractère d’une exécution 
plus large, et c'est à cause de sa forme plus 
élégante qu'il a été adopté dans les copies des 

(2) M. Hamilton a lu une partie de cet excellent mémoire 


à la Classe d'histoire et de littéralure ancienne de l'Institut 
nalional. 


Asie. 317 
pièces de théâtre et d’autres poésies du moyen 
âge de la poésie indienne , tandis qu'on à em- 
ployé le grand pour les Purana’s et pour les 
deux grands poèmes épiques. Accoutumé à la 
lecture continuelle des manuscrits indiens , je 
préférerois de beaucoup le grand caractère ; on 
n'y trouve point ces contrastes affectés de traits 
tantôt extrêmement larges , et tantôt d’une finesse 
“excessive. Mais une fonte des caractères Déva- 
nagari, qui surpassent infiniment les Bengali , 
rempliroit tous les vœux des Orientalistes ; et 
quelle perfection ne pourroit acquérir un carac- 
tère si pittoresque sous la main d'un artiste dis- 
tingué comme M. Firmin Didot, qui, dans le 
dernier ouvrage qu'il vient de publier, s’est mon- 
tré aussi bon littérateur qu'habile typographe , 
et a prouvé qu'il n'y a point, dans son art, de 
difhicultés insurmontables pour lui. 


G. Hacrmanx. 


mg 
V'OY A CS 


Voracs en Italie et en Sicile, fait en 
1801 ét 1602, par M. CREUZÉ DE Lrs- 
sER, membre du Corps législatif. Paris , 
de l’imprimerie de P. Didotl'ainé. 1806 ; 
xi) et 572 pages in-8°. Prix, 5 {r. «et 6 Fe 
par la poste. 


Luves Cor Er , bel esprit de boudoir , écrivit 
à je ne sais quelle Aspasie, ‘des lettres sur p Italie, 
qu il n'avoit pas visitée : on sent quel: doit étre le 
mérite d’un pareil ouvrage. Celui du président 
Dupaty est d’un autre genre’et un peu meilleur. 
C’est le genre-admiratif, le grandiose de l'enthou- 
siasme. Du moins notre vieux Montaigne est plus 
naïf et plus aimable. Quant à l'abbé Richard, 
je ne le connois point, et ne le jugerai pas ; 
je ne connois pas non plus la savante descrip- 
tion de M. de Lalande. M. de Creuzé, sur- 
pris de ne pas éprouver ces émotions profondes, 
ces extases sentimentales à la vue d’un sol dont 
on exagéra trop long-temps et la beauté et les 
richesses , a pris la plume pour détruire l’'enchan- 
tement. Dans sa préface , il nous dit modeste- 
ment : « Le plus grand mérite de mon Voyage, 
» supposé qu’il en ait deux, sera d’avoir été écrit 


Italie. 319 


» sans aucune des prétentions , ni des préventions 
» d’un voyageur. » Ce qu'il a voulu prouver, 
c’est que la moîtié de l'Iralie est dans l’imagi- 
nation de ceux qui la parcourent. A-t-il raison 
ou tort? Nous ne prononcerons point ; ces belles 
contrées nous sont: inconnues : d’un côté, nous 
voyons un troupeau de louangeurs ; de l’autre, 
un frondeur'se présente ; il écrit bien , et paroît 
juger sainement. Qui croire ? s’il est vrai, commé 
le dit Voltaire, 

"EE 

Que vers la vérité le doute nous conduit. 


Avant de rien décider, attendons que le juge- 
ment de M. de Creuzé soit confirmé par de nou- 
veaux ouvrages; mais lisons le sien. Nous ne 
dirons rien de son style. Ce n’est plus un pro- 
blème aujourd'hui de savoir si nôs bons poëtes 
écrivent bien en:prose ; je ne crois pas qu'on 
puisse me citer une ‘seule exception. 


Mais si la diction.en est brillante, pure et con- 
cise, nous l'avouerons avec se nous ne 
partageons pas toujours les opinions 4 l’auteur. 


Ses gaietés sont quelquefois #e9p gaies, et ses 
plaisanteries trop libres. 


Pourquoi a-t-on si souvent blâämé cette foi- 
blesse des voyageurs, qui veulent faire partager 
au lecteur leurs surprises, leur repos, leurs oc- 
éupations ? Suivant moi, tout cela attache. M. 
“Creuzé s'exprime d’une manière originale et cor- 


320 Voyages. 


recte ; cependant, si je ne me trompe, il manque 
quelque chose à son Voyage. L'homme. n’est 
point en scène, du moins n'y est-il qu’indirec- 
tement; et, à quelques traits près, comme un 
auteur dans la dissertation qu’il compose. Ces 
détails minutieux de départ, d’arrivée, d’aven- 
tures douces ou fâcheuses, qui plaisent tant, 
quoi qu'on die, ne viennent point soulager l’at- 
tention et fixer la curiosité. En évitant toutes les 
transitions, l’auteur a supprimé un grand char- 
me. Mais ne nous plaignons pas de ce qui man- 
que ; soyons justes envers l’auteur qui nous pré- 
vient de deux choses : « Si l’on me demande dans 
» cet ouvrage plus que je n’ai voulu donner, si 
» l’on cherche tout ce qui auroit pu y être, on y 
» trouvera beaucoup de lacunes ; si l’on se borne 
» à juger ce qui y est, on sera peut-être moins 
» mécontent. » M. de Creuzé ne se trompe point. 
Son excursion contre Sterne, écrivain injuste, 
caustique , et, quelquefois ridicule , malgré; sa 
grande réputation , sa peinture d' Young et d’Ar- 
tur Young, la réception très-gaie qu’on lui fait 
chez de bons capucins de Sicile, confirmeront la 
justice de son espérance. 

Mais il est temps de citer quelques passages 
agréables ; ce livre en fourmille. Bodoni , célèbre 
imprimeur à Parme, raconta à M. de Creuzé, 
qu'un capitaine de la nation autrichienne «lui 
» étant venu demander à voir un de ses plus beaux 
« livres, eut la patience de feuilleter jusqu’à la 
> fin tout Horace, et lui demanda ensuite ce que 

« c’étoit 


. Tale: G2i 

» c'étoit qu'Horace. Il est facile de dire ce que 
» c'étoit que ce capitaine. » Changeons de cou- 
leurs. À la grande Chartreuse , qui est devenue 
une manufacture de tabac, il alla parcourir le 
cimetière, employé aujourd’hui à faire sécher les 
feuilles de cette plante. Il ajoute cette réflexion 
sensée : « Un cimetière ne devroit, ce me sem- 
» ble, être jamais destiné à un autre usage. Il y 
» a dans le mépris de cette convenance une sorte 
» de profanation qui froisse l'âme. » Plus loin 
on trouve cette judicieuse observation. « On voit 
» à Naples beaucoup de tabatières et autres pe- 
» tits meubles fabriqués avec la lave du Vésuve, 
» et il y a peu d'étrangers qui n'en emportent. 
» On aime à jouer avec ce qui a été redoutable ; 
c’est un enfantillage naturel à l’homme. » 

À côté des noms de Virgile, d'Horace, de Ci- 
céron, on retrouve ceux de Scipion , de César, 
de Titus, de Marc-Aurèle. Voici ce qui concerne 
ce dernier. L’auteur vient de louer et de critiquer 
ce cheval à qui Carle Maratte disoit, Marche 
donc , et tout de suite il s’écrie : « Mais le cheval 
» de Marc-Aurèle fût-il sans défauts, que seroit-il 
» auprès de l’image dé Marc-Aurèle , de ce prince 
» qui, en gouvernant tant d'hommes, s’est placé 
» au rang des princes quiles ontles mieux gouver- 
» nés? On regarde avec attendrissement l’image 
» mélancolique de ce génie bienfaisant que le 
» ciel prêta à la terre; on aime à croire que le 
» hasard seul n'a pas conservé la statue, et l’on 
» se félicite que l’amour des arts lui ait érigé, 
» dans son ancienne capitale, un monument 


T. III. Juin 1806. X 


ÿ 


322 Voyages. 

» qu'il mériteroit de la reconnoissance des hom- 
» mes. » Ce ton est noble; mais l’auteur en 
change pour peindre la compagne de cet empe- 
reur célèbre ; « Faustine, cette épouse du sage 
Marc-Aurèle , et qui ne fut pas à beaucoup 
» près aussi sage que lui. Son buste n’offre point 
ces grands traits si communs aux Romaines de 
» son temps; il offre au contraire toute la déli- 
» catesse des traits d’une jolie Française, jointe 
» à la régularité des traits antiques. En voyant 
» Faustine, si on ne l’excuse pas , on excuse du 
» moins les complices de ses torts qui exercèrent 
la philosophie de Marc-Aurèle. » 

M. de Creuzé a des aperçus fins et profonds 
sur les arts. Son Æssai sur le beau et le joli est 
un très-joli chapitre, où l'esprit semble avoir 
servi de secrétaire aux Grâces. Sa dissertation 
sur le ru en sculpture , est pleine de finesse, 
de convenance et de ce qu'on appelle du tact. 
Nous avons dans nos manières plus de décence 
que les Anciens , nos arts doivent s’en ressen- 
tir, et nos artistes se soumettre aux lois que le 
changement moral leur impose. « Le costume 
» moderne, appliqué à une statue moderne, sera 
» toujours moins ridicule que le costume d’un 
» empereur romain appliqué à un roi de Prusse 
» ou d'Angleterre : là, les yeux souffrent peut- 
» être; mais ici la raison est au supplice. Tout 
» ce qu’on dira sur le style monumental et sur 
» le genre grandiose, ne répondra pas à cette 
» difficulté. Ce seroit bien pis, si l’on en venoit 
» à représenter sans aucuns vêtemens un prince 


CA 


LA 


œ 


| Italie. 323 


» encore vivant. Je ne ferai point de réflexions 
» sur toutes celles que peut inspirer un pareil 
» oubli de notre siècle et de nos mœurs. Il me 
» semble que, dans les convenances modernes, 
» il doit y avoir un voile sur la personne comme 
» sur la dignité des princes. » J'avoue que je suis 
trop ignorant pour savoir ce qu’on peut répondre 
à cela; mais je sais ce qu’on ne pourra pas y ré- 
pondre. 

M. Auguste Creuzé publia , il y a quelques an- 
nées , un poëme qui fut très-goûté à cette époque, 
et qui le seroit encore si l’on en retranchoit quel- 
ques fictions qui ne devroient pas y être, et qui 
gâtent ce chef-d'œuvre de gaieté , de badinage et 
d'esprit. Dans un voyage en Italie, il lui étoit 
impossible d'oublier cette tentative. Voici comme 
il en parle : « Presque tous les voyageurs qui 
» passent à Modène, vont dans une vieille tour 
» voir ce vieux seau enlevé aux Bolonnais, qui 
» a fourni à Tassoni le sujet d’un poëme un peu 
» vieux aussi, qu’on a assez récemement cherché 
» à rajeunir en France. C’étoit bien mon inten- 
» tion de voir ce monument respectable de la 
» gloire des Modenois'; et j'avois même des rai- 
» sons particulières pour cela. (Je le crois). Mais 
» il tomboit une pluie trop forte ; la tour où l’on 
» montre le sceau étoit assez loin ; le diner étoit 
» tout prêt; il falloit partir dans un quart d’heure. 
» Je me suis contenté de constater l'existence du 
» personnage; j'ai su qu'il étoit plus vermoulu 
» que jamais , et je suis parti sans le voir, en étouf- 
» fant indignement mes remords. » Tel est en 


524 Voyages. 

général le style aimable et léger de ce charmant 
ouvrage. Dès les premières pages on y trouve 
ces paroles : « Chambéry n’a rien de remarqua- 
» ble que l'abondance de ses eaux et la sociabilité 
» de ses habitans. Les femmes y sont aimables 
» et jolies : cette ville appartenoit de droit à la 
» France. » Je pensois bien que cela ne se pas- 
seroit pas sans quelque madrigal. 


Aug. De L. 


POÉSIE. 


Le Vorace du Poëte, poème par J. B. 
DE SAINT-VICTOR. Paris, chez Collin, 
libraire, rue Gît-le-Cœur, n°. 4; impres- 
sion de Didot. Papier vélin, prix, 1 fr. 
80 cent., et 2 fr. par la poste. 


D. puisque M. ne Sainr-Vicron le 
désire. Il a défendu généreusement /a Poésie des- 
criptive, contre les reproches qu’on lui a adres- 
sés. Peut-être auroit-il dû se dispenser de com- 
battre pour elle. Son poëme n'a rien de commun 
avec ce genre monotone et fatigant, introduit 
par l’impuissance. Si quelques hommes d’esprit 
l'ont soutenu par leurs exemples ; si MM. De- 
lille, Castel, Esmenard , Michaud, Lalanne, etc. 
etc., séduits par la facilité, peut-être aussi par 
l'abondance qu’il présente à un génie heureux, 
sont parvenus par de brillans succès à désarmer 
les critiques , il n’en est pas moins vrai de dire, 
que la muse descriptive est une muse bâtarde , 
introduite mal à propos sur le parnasse , et dont 
M. de Saint-Victor n’auroit pas dû aspirer à ètre 
le protecteur. Qu'a-t-il à démèler avec elle? Les 
descriptions l’attachent à tout; elles font parüe 
et parure de tous les ouvrages de poésie ; mais 
seules elles ne peuvent former un bon ouyrage, 
ou du moins faire un ouvrage amusant et com: 


326 Poésie. 
plet. Dans Homère , Virgile , le Tasse, Milton, 


le Camoëns , ce qui anime leur épopée, je 
l'avoue, c’est le charme continuel des descrip- 
cions. C’est lui encore qui ajoute un grand mérite 
à.nos idylles, à nos éclogues, qui plaisent par la 
peinture fidèle de ces pittoresques paysages, où 
des bergers dignes de l’âge d’or se disputent le 
prix de la flûte, du chant ou de la course. Les 
descriptions se mêlent aussi très- agréablement 
aux sentimens décrits dans nos élégies amou- 
reuses ; mais, séparées du secours des actions 
principales dont elles ne doivent être que l’ac- 
cessoire , elles ne sont plus qu’un vain entasse- 
ment de richesses ou, pour mieux dire , qu’une 
confusion. « Dans tous les écrits, quels qu'ils 
» soient, disoit M. Wals à M. Pope, la nature 
» doit être suivie: et rien n’est plus contraire à 
» la nature. que cette fureur d’entasser des des- 
» criptions , et de chercher à dire ce qu’on ap- 
» pelle de belles choses. » 

Qu'a-t-il à démèler, ai-je dit, avec messieurs 
les descriptifs ? Cependant ce poëme n'est qu’un 
tissu de belles et de sublimes descriptions. Ex- 
pliquons-nous : je ne veux pas qu’on interprète 
ma pensée d’une manière qui pût la rendre ridi- 
cule. Je crois que M. de Saint-Victor n’a écrit 
qu’une épître et non pas un poëme, malgré la 
sublimité de son exorde. Un poëte veut par- 
courir la carrière de l'épopée ; il s'engage à vi- 
siter les lieux qu'il veut peindre, et ceux qu'Ho- 
mère et Virgile rendirent célèbres. Tout cela ne 
s’écarte point du style didactique qui convient 


Poésie française. 327 
à l'épître ; et les épitres je les admets, parce qu'il 
faut donner des bornes à ce genre si parfait dans 
celles de Boileau. J’admets aussi les prétendus 
poëmes qui n’ont pas plus d'étendue que les 
Hommes de Frométhée de Corarpeau ; la Forét 
de Windsor, si bien traduite par M. Boisson ; 
la Forét de Fontainebleau de M. Casrez ; les 
Plaisirs d'un Poëte de M. Mizzevoye; l’Illusion 
et les Hôpitaux de M. Turvenrau ; le Printemps. 
d'un Proscrit de M. Micuaup, tel qu’il étoit la 
première fois dans l'Ælmanach des Muses : voilà 
les opuscules descriptifs que mon goût adopte ; 
tous les autres me paroïssent surchargés , em- 
barrassés et interminables. 

La mode peut soutenir pendant quelque temps 
les poëmes descriptifs ; mais la mode est fugitive, 
et le souvenir du sort de l’héroïde doit faire trem- 
bler ceux qui s’exercent dans un genre pareil. 
Car, qu’on ne s’y trompe pas, ce sont les descrip- 
tions, précédées et suivies de descriptions, qui ont 
tué les héroïdes. 

M. de Saint-Victor, peu fidèle à la doctrine 
qu’il défend , veut que le poëte sache se borner, 
et qu’il ne dépasse pas une juste longueur ; mots 
que lui-même a soulignés. Il veut encore 


Que toujours, au milieu de ces belles images, 


L'homme et ses passions animent les ouvrages. 


Ah! que j'en suis bien aise! Pourquoi dispute- 
rions-nous encore ? nous sommes d'accord. J'ai 
dit le plan du poëme. Peut-être remarquera-t-on 
que l’homme et ses passions ne sont en scène que 


3528 Poësie. 


d'une manière passive; que ce charmant ou- 
vrage n'est qu’une suite de préceptes; que la 
marche n’en est pas assez caractéristique. C’est 
le genre didactique marié au genre descriptif ; 
c'est l’alliance de la modestie et de l’orgueil. 
Mais ce défaut pardonné, que le lecteur verra 
avec plaisir un talent qui avoit donné de si dou- 
ces espérances, grandi et porté à sa maturité par 
l’âge et par l'expérience. 

Ces vers sont si riches, leur facture est si bril- 
lante , leur harmonie si. agréable , qu'embarrassé 
sur le choix des citations , nous ne savons, parmi 
tant de belles images , lesquelles doivent enrichir 
cet extrait. Mais pourquoi être embarrassé ? 
Commençons par le commencement. . 


Le poite divin qui sur sa lyre d’or 

D’Achille aux pieds légers et du vaillant Hector, 
Dit aux siècles la gloire et la noble querelle; 
Méditant de ses chants la pensée immortelle, 
Consulte d’Ilion la plaine et les débris ; 

Mais bientôt pour orner de si nobles récits, 

Dans la nature entière il chercha des images ; 

T1 osa du Melès, quittant les doux rivages, 
Emporté sur les eaux vers des climats lointains, 
Aux Déités des mers confier ses destins. 

Appelés par Thétis de leurs grottes humides, 

Les farouches Titons , les blanches Néréïides 
Entouroient le vaisseau du chantre aimé des Dieux. 
Des flots qui se courboient sous ce poids précieux , 
Un vent léger , ridant la surface azurée, 

Le portoit sans péril sur cette mer sacrée. 

Et dans l’heureux accord des ondes et des airs, 


Poësie française. 329 
Le poëte, à ses yeux, sous mille aspects divers, : 
Voyoit se déployer les ports, les monts, les îles. 


Dans le cours de sa marche, le poëte peint 
Rome, ses fêtes et ses mœurs. Il passe au Vé- 
suve dont les feux étoient assoupis. 


Dans ce calme trompeur la montagne effroyable 
Soudain rend un bruit sourd , lugubre, épouvantable ; 
Typhon, l’affreux Typhon de ses flancs caverneux 
Sort lançant les rochers, les cendres et les feux ; 
S'élève jusqu'aux cieux en gerbes menaçantes, 
Précipite en forrens ses laves dévorantes, 

Engloutit les cités, fait reculer les mers, 

Et soulevant la terre et les eaux et les airs, 

Porlant partout la mort, l'horreur et les ravages, 
S’abime dans les flots au milieu des orages. 

Il expire. Aussitôt les peuples ranimés 

Vont reporter le soc sur leurs champs consumés ; 
Bientôt sur les cités au tombeau descendues, 

De nouvelles cités s'élèvent suspendues ; 

Dans ces lieux qu’ébranla tout l’enfer en courroux, 
Les cieux semblent plus purs, les airs semblent plus doux, 
Et sur les noirs forrens des laves refroidies, 

Flore jette en riant l'émail de ses prairies. 


M. de Saint-Victor emprunte tour à tour des 
comparaisons ou des images à David , Isaïe, Vir- 
gile, à M. Bernardin de Saint-Pierre et à M. de 
Châteaubriant, qui lui a fourni ce trait charmant, 
où il parle des peuples sauvages de l'Afrique : 


Long-temps de ces déserts, paisibles possesseurs, 
Ces peuples, que de nous la mer en vain sépare, 
Depuis ont vu souvent l’Européen barbare, 


230: Poésie. 
Leur demander la terre où dormoient leurs aleux ; 
Aussitôt recueillant ces restes précieux , 
Loin des champs paternels, plaintive, désolée , 
Voyage tristement la peuplade exilée, 
Les guerriers, les enfans, les femmes, les vieillards ; 
Et saluant encor de ses derniers regards 
Son fleuve, son boccage et ses chères cabanes, 
S’éloigne lentement à travers les Savanes ; 
Aborde avec respect ces pieux voyageurs, 
Ecoute leurs récits, prend part à leurs douleurs ; 
Et si tu sens combien la patrie a de charmes, 
À ces fils de l'exil tu donneras des larmes. 


Il me semble que voilà une belle prose rendue 
par de beaux vers. Qu'il y a d'esprit et d'inven- 
tion dans ce siècle ! disoit madame de Sévigné, 
que tout est nouveau, galant, diversifié; je ne 
crois pas qu'on puisse aller plus loin. Je n’en 
disconviens point, on ne peut point effacer le 
siècle de Louis XIV ; mais n’en déplaise aux 
déclamations modernes, plusieurs de nos écri- 
vains et M. de Saint-Victor entre autres, peuvent 
fort bien supporter le danger du parallèle. Mais 
finissons. 


Reviens, crains d’irriter et les vents et Neptune : 
Trop d’audace a souvent fatigué la fortune ; 

Elle à comblé d’ailleurs tes poétiques vœux. 

C’est assez d’avoir vu dans ton voyage heureux, 
Ou parcourant la terre, on navigant sur l'onde, 
Le monde déjà vieux et l'enfance du monde. 


Reviens, el dis alors tout ce qu'ont vu tes yeux. 


M. de Saint-Victor exige qu'il interroge Clio, 
pour lui emprunter ses héros fameux. 


Poësie francaise. 331 
C'est peu de charmer l'œil, il faut toucher le cœur ; 
En peignant la nature imite son auteur : 
Quand la main dans l’espace eut suspendu la terre, 
Que sa voix eut sur elle appelé la lumière, 
Enchainé l'océan, ombragé les coteaux, 
Et des cieux ordonné les merveilleux tableaux, 
Sa sagesse voulut, par un plus grand miracle, 
Créer l’'admirateur d’un aussi beau spectacle : 
L'homme fut le dernier de ses travaux divins. 
Sans cet être nouveau , chef-d'œuvre de ses mains, 
Fait pour connoître, aimer, qu’un feu céleste anime, 
Seul et silencieux dans le triste univers, 
Eût été roi sans peuple et le dieu des déserts. 


On en conviendra , ces vers sont excellens, 
Mais ce qui m'en plaït le plus, c’est que si les 
poëtes descriptifs ont raison de triompher des 
images qu’ils renferment, ils doivent être con- 
fondus des préceptes qu'ils y trouvent. 


Aug. DE L. 


RD SCC CE A CE SD DCI DRE DETTE 


PL EE RIEE 


CORRECTIONS et ADDITIONS pour ur 
ouvrage de M. FTORILLO(:), lues dans 
les séances particulières de la quatrième 
Classe de l’Institut le 11 mai 1806. 


M. le professeur Froricro a publié, il y a 
quelque temps à Gættingue, le troisième volume 
de son Histoire de l'Art en allemand ; il contient 
l'Histoire de la Peinture en France. 

L'auteur dit, dans son avant- propos, « qu’il 
» n'avoit eu d'abord l’idée que de parler de l’an- 
» cienne école française, et qu'il est encore 
» trop tôt pour écrire sur l’école moderne. » 
Je ne suis pas de son avis; je crois que l’école 
moderne a déjà produit et produit encore tous 
les jours d’assez grands hommes , pour que son 
histoire mérite d’être écrite; mais je pense que 
l'auteur auroit beaucoup mieux fait de ne pas 
céder aux désirs de ses amis, en publiant ses ob- 
servations sur cette école. Il auroit sans doute 
mieux fait encore d'attendre quelques années 
pour se procurer des notes plus exactes, et 
visiter , s’il lui eut été possible, la France : L’au- 
teur demande excuse, «s’il a quelquefois oublié 
» un talent naissant. » J’observe qu'il a même 


(1) L’Art de Dessin en France depuis son rétablissement 
jusqu’à nos jours. Gœttingue , 1805; 1 vol. in-8°. en alle- 
mand. 


Histoire. 553 
souvent oublié des talens supérieurs ; etqu'iln’a 
pas rendu assez de justice à d’autres. 

M. Fiorillo, à en juger d’après la préface de 
son volume sur l'Ecole italienne, paroïît croire 
qu'il n'y a que les artistes qui puissent bien écrire 
sur l'art; je ne veux pas ici renouveler cette an- 
cienne discussion ; mais son ouvrage, que j'ai 
sous les yeux, me démontre qu'un artiste peut 
faire un livre plein de fautes, même sur les ar- 
tistes modernes, et qu'il peut mal juger leurs pro- 
ductions , surtout quand il n’a pas eu l’occasion 
de visiter leur pays (2). D'après ma manière de 
voir, quand on ne veut travailler que pour son 
honneur et pour être utile, on ne doit parler que 
des objets qu’on peut avoir été à portée de con- 
noïître ; c'est alors au moins notre propre juge- 
ment que nous publions, et non pas celui des 
autres que nous suivons en copiant leurs écrits 
et en nous fiant aux relations des voyageurs. 

Dans l’ancienne école francaise de notre au- 
teur, il y aura peut-être encore quelques dé- 
fauts à relever; mais je laisserai ce soin à d’au- 
tres ; je me contenterai de citer quelques-uns de 
ceux qui se trouvent dans l’école moderne, c'est- 
à-dire les artistes morts depuis 1750. Les cor- 
riger tous exigeroit plus de recherches que le 
temps ne me permet d'en faire pour le présent. 

L'ouvrage de M. Fiorillo devoit être clas- 
sique , mais il en est bien loin ; plusieurs de ses 

(2) 11 me semble que le fait dont il s’agit ne prouve rien 


dans la question, car on ne peut parler perlinemment d’une 
chose qu’on n’a pas vue. A. L. M. 


334 Peinture. 


jugemens , copiés sur des critiques des exposi- 
tions, ne peuvent quelquefois qu'être nuisibles à 
des talens distingués. Il a fréquemment oublié de 
citer leurs meilleurs ouvrages ; il ne veut que 
trop souvent trouver de la ressemblance entre 
des maîtres ; trop souvent il juge d'après des 
traits gravés , qui ne peuvent guider notre juge- 
ment que sur la composition. Il place enfin dans 
l'Histoire de la peinture moderne en France, 
des noms d'artistes dont les ouvrages sont pres- 
que ignorés,. 

Je relèverai premièrement les erreurs que je 
crois avoir aperçues dans plusieurs articles; j'y 
ferai des additions ; je présenterai mes opinions, 
quelquefois différentes de celles de l’auteur ; et 
je finirai par nommer les artistes qu’il a tout-à- 
fait oubliés. 

Avant de commencer , je dirai que ce n'est 
pas l'envie de critiquer qui me fait entreprendre 
ces observations; c'est l'amour des arts et de la 
vérité qui me les a dictées. Je déteste les querelles 
littéraires , et je donne mes notes pour que M. 
Fiorillo puisse, à une seconde édition, rendre 
son ouvrage plus utile, en le rendant exact et 
plus complet, 

Je commencerai par Franzesca Casanova, que 
j'ai connu dans mon premier voyage à Vienne. 
Fiorillo dit qu'il est élève de Simonini, qu'il pre- 
noit Jacob Courtois pour modèle, et qu'il étudia 
Wouvermans; tout ceci ne lui fait qu'honneur ; 
mais je ne puis pas m'associer à l'opinion de 
l’auteur, quand il dit « qu’il n’étoit, dans le 


Histoire. 335 


» vrai sèns du mot, qu'un plagiaire, qui pre- 
» noit tantôt un groupe, tantôt un autre dans 
» les ouvrages de Bourguignon, et le plaçoit 

dans ses ouvrages, » Dans les peintres de 
‘bataille, plusieurs choses peuvent se ressembler, 
sans qu'on puisse dire pour cela que l’un vole 
l'autre. On se bat, on se tue souvent de la même 
manière. Casanova étoit un homme de génie, 
et je crois que l'accusation de notre auteur est 
mal fondée, Il ne dit que peu de choses sur les 
talens et sur les ouvrages de cet artiste, qui 
avoit pourtant acquis en France une juste ré-) 
putation : il compte publier sa vie conjointe- 
ment avec celle de son frère, qui étoit direc- 
teur de la galerie de Dresde ; il oublie plusieurs 
de ses élèves connus en France. Franzesca Ca- 
sanova fit encore dans son dernier temps plu- 
sieurs petits tableaux d'animaux d’une compo- 
sition agréable et d'une touche légère qui lui 
furent bien payés. 

En parlant avec l'éloge qui lui est dû du ta- 
lent de Charles Verne, il ne cite que son dessin 
d'Hippolyte et celui du conducteur de char qui 
retourne avec ses compagnons. Il dit que, d’a- 
près les dernières nouvelles, Darcis devoit les 
graver. On pourroit exiger que l’auteur sût que 
l'un , la mort d'Hippolyte, a été commencé par 
Darcis, il y a déjà quelques années, et que cet 
artiste n'a pu finir celui-ci, ni commencer l’au- 
tre, puisque la mort l’a enlevé. Il cite encore 
la bar que Vernet a eue dans le grand dessin de 
Ja Parade des Tuileries. 


336 | Peinture. 


Charles Vernet a travaillé beaucoup dans les 
dernières années. Une trentaine de ses dessins 
appartiennent à Roland, marchand d’estampes, 
qui en a déjà fait très-bien graver plusieurs, sur- 
tout quatorze au lavis par Debucours, qui excelle 
dans ce genre; il étoit autrefois très-habile pein- 
tre de genre. Cinq autres grands dessins ne sont 
pas aussi bien gravés. Il y en a à l'encre de la 
Chine , au bistre , et quelques-uns coloriés d'une 
grande beauté, entre autres un départ de chasse. 
* Vernet s'occupe de finir son grand tableau de 
trente-quatre pieds de la bataille de Maringo. 
Son fils, quoique très-jeune , annonce du talent 
dans le genre de son père. 

RoserrT n’est que nommé ; l’auteur ne connoit 
donc pas son talent ; cependant la France n'a 
jamais eu de peintre tel que Robert, pour re- 
présenter des intérieurs et pour donner du goût 
à l'architecture qui sort de son pinceau. Il sent 
aussi bien la perspective que Panini, et la rend 
d’une manière beaucoup plus agréable à l'œil. 
Il y a eu un temps où l’on ne pouvoit pas ha- 
biter un hôtel, sans avoir une chambre à cou- 
cher ou un salon décoré des grands tableaux de 
Robert. Ses ouvrages sont de différentes qualités; 
il alloit quelquefois trop vite, en voulant trop 
faire. On a quelquefois voulu qu'il finit davan- 
tage; mais peut-être, en finissant plus, n'au- 
roit-il pas su conserver l'esprit qui règne tou- 
jours dans ses paysages et dans son architecture : 
c’est dommage que son talent n'ait pas été em- 


ployé pour les décorations de théâtre. Ses bgures 
ne 


Hisioire. 337 
ne sont pas correctes, mais elles ne manquent 
jamais d'esprit. Les meilleurs tableaux de ce 
maître sont une partie de ses études d'Italie. Il 
grava à Rome, à l'eau-forte, un petit cahier 
d'architecture qu’il appela ses Soirées , et qui 
fait regretter qu’il n'en ait pas fait davantage. 
Robert a traité son genre avec d'autant plus de 
prépondérance, qu'il n'a jamais eu de rivaux : 
et la France attendra long-temps après un se- 
cond Robert, surtout dans un siècle où presque 
tous les hommes de génie s’élancent vers l’histoire, 
et ne se donnent guère au genre que quand la fière 
Clio a refusé de les accueillir. Robert a peut-être 
fait trop de dessins, mais non pour ceux qui 
aiment le goût et l'agréable : il y en a de bien 
jolis à l’aquarelle ; j'en possède un des plus beaux. 
1] traitoit largement le crayon rouge et noir. 

Les Français rendent plus de justice que l’au- 
teur, à GREUzZE, quoique sa manière de faire et de 
dessiner n'ait rien de commun avec l’école ac- 
tuelle. Il trouve extraordinaire qu'on l'appelle 
peintre de genre ; il voudroit plutôt qu’on l'appe- 
lât « peintre du peuple ou de la nation, parce que 
» ses tableaux représentent fort souvent les traits 
» les plus caractéristiques de la manière entière 
» «de penser et de sentir des Français. » Je crois 
que les bonnes et les mauvaises actions qui 
occupèrent le pinceau du célèbre Greuze, n'ap- 
partiennent pas exclusivement à la nation fran- 
çaise : elles sont à toutes les nations. On trouve 
dans tous les pays des hommes qui, en mourant 


T°, III. Juin 1806. 


‘338 Peinture. 

ne peuvent léguer à leur famille que leur bonne 
réputation ; il y a partout des mères qui aiment 
leurs enfans ; des malades qui sont consolés par 
leur fils ; aussi bien qu'il y a des fils qui cher- 
chent à déchirer le testament de leur père, quand 
ils craignent qu'il ne leur soit pas favorable, et 
des enfans qui attentent même à la vie de celui 
qui leur donna le jour. Il accorde à Greuze plus 
de noblesse qu'à Cornelius Troust età Hogarth; 
je ne sais pas d'où naït cette comparaison. M. Fio- 
rillo croit que Diderot a loué Greuze avec trop 
d'enthousiasme ; pourquoi ne pas aussi bien en 
croire Diderot, quand il parle bien de quelques 
artistes, qu’en copier des pages entières, lors- 
qu'il parle mal de Boucher et d’autres ? Il trouve 
le coloris de Greuze maniéré; il n’a donc vu au- 
cune de ses têtes ? il n’en parle pas. Peu d'ar- 
tistes ont peint avec autant de sentiment et de 
vérité que lui; en France, il passe encore au- 
jourd'hui pour un bon coloriste. L'auteur dit: 
« que Greuze cherchoiït à ne jamais perdre de 
» vue la simplicité de la nature ; mais la naturé 
» même est maniérée à Paris. » Rien n'est plus 
facile que de dire des injures à une nation en- 
tière , rien n’est plus difficile que de se montrer 
supérieur à elle. Greuze a fait une quantité de 
dessins qui, généralement, ne peuvent être re- 
gardés que comme des esquisses ou des études , 
toutes pleines de sentiment ;on en a quelques-unes 
de coloriées de sa jeunesse, mais elles sont rares. 
Greuze eréa son école, et son école meurt avec 
lui. 


Histoire. 359 
"Notre auteur dit que la plus grande partié 
des dessins du Paon sont à l'aquarelle; je n’en 
ai jamais vu; mais je ne nie pas pour cela leur 
existence ; ce qui est sûr, c'est qu'il en existé 
beaucoup au bistre et à l'encre de la Chine. 


Je ne crois pas que Desmarez soit mort : of 
dit qu'il est professeur de dessin à Florence. 

Les Allemands, les Italiens et les Anglais né 
crient tant contre l’école moderne francaise que 
parce qu’ils redoutent sa supériorité. L'homme 
qui, sans partialité, a vu l’Europe dans les dix 
dernières années, ne peut penser qu'il existe 
d'autres écoles que l’école française : aucun pays 
ne possède un aussi grand nombre de peintres 
d'histoire, ni d'aussi habiles maîtres que la France. 
Chez les autres nations on a des talens distingués; 
un Füger ,un West ,un Abildgaard , un Hetsch 
feront toujours honneur à leur pays ; mais iln y 
a pas pour cela une école allemande, une école 
anglaise , une école danoise. 


11 faut que je cite quelques passages de l’in- 
troduction de M. Fiorillo à l'histoire de la nou- 
velle école française. Il prétend « que les artistes 
» modernes prennent David pour modèle, et 
» exagèrent ses défauts, sans posséder ses ta- 
» lens ; » il trouve cependant que l’école actuelle 
a la préférence sur l’ancienne école francaise, et 
il continue ainsi : « La plupart des ouvrages de 
» l’école moderne ressemblent à des statues 
» ou des bas-reliefs coloriés ; les contours des 


940 Peinture. 


» figures sont tranchans; l'expression parlante ; 
» mais la composition vide, froide et sèche ; 
» enfin, le coloris dur, comme s'ils ne choisis- 
», soient dans la nature que la couleur locale , et 
» qu'ils ne cherchassent à relever l'effet que 
» par des ombres forcées qui tombent dans le 
» noir. Les artistes modernes francais croient 
» ayoir fait passer la simplicité des Grecs dans 
» leurs ouvrages ; mais ils confondent la sim- 
» plicité avec le vide, et travaillent avec peine 
» pour devenir plats et ennuyeux. Comme ils 
» ne sont pas pénétrés d'un sentiment pur et 
» classique , ils restent à l'entrée du temple du 
» goût, sans en trouver le principe fondamental ; 
» et il paroït véritablement que le génie du 
» temps les éloigne de l'idéal de l’art, etc. » 
Ce sont les mauvais artistes français dont M. 
Fiorillo a voulu parler, car il n’a pas réussi à 
faire le portrait des bons ; mais qu'importe : il 
n'a jamais vu leurs ouvrages , il juge d’après les 
autres. Il dit enfin, « qu'on doit bien étudier 
» l'antique ; que Raphaël et Michel Ange l'étu- 
» dioient ; mais qu'ils cherchoient , entourés 
» de formes nobles, grandes et spirituelles , à 
» idéaliser les formes supposées de la nature. » 
L'auteur ignore donc que les bons peintres 
francais étudient beaucoup la nature, et qu'on 
ne l’a jamais plus étudiée; comme peintre, il 
doit savoir qu’on la voit quelquefpis avec des 
yeux différens. 

M. Fiorillo dit que le tableau de Saint Roch 
qui guérit les pestiférés posa le fondement de 


Histoire. 344. 
la réputation de David ; il pourroit ajouter à cela 
ce qu'il dit des Æoraces, que ce tableau seul auroit 
suffi pour lui assurer l'immortalité. Je n’aime à 
parler que de ce que j'ai vu, car alors c’est au 
moins mon Jugement que je-prononce; et je n'ai 
fait que nommer ce tableau, quand j'écrivis sur 
les ouvräges de David ; n'ayant pas encore alors 
été à Marseille, où j'ai été depuis, et où j'ai pu 
admirer différentes fois un des chefs-d'œuvres 
de ce grand artiste. J’ose être prophète : dans 
les siècles à venir, on fera des pélerinages pour 
l’admirer. Je demande à en dire quelques mots 
que M. Fiorillo peut ajouter à une autre édition 
de son ouvrage, s'il a Re confiance dans 
mes jugemens. 

Le tableau de Saint-Roch fut commandé à 
David pour l'administration de la Quarantaine à 
Marseille; il le fit à Rome en 1780 Cette ad- 
ministration, en le recevant, lé trouva trop beau 
pour en priver les connoisseurs et les amateurs; 
elle renonca à son premier projet de le placer 
à la Quarantaine même, ét le mit au Bureau 
de Consigne, où il est toujours resté. Le sujet 
du tableau est St.-Roch quiadresse des prières à 
la Vierge pour qu'elle fasse cesser la’peste; il.est 
sur son genou droit , et appuñe le bout de son pied 
gauche sur un: des pestiférés. I'élôve ses mains 
jointes vers la Vierge, qui est assise avec l'enfant 
Jésus. En bas, dans toute sa longueur , est un 
corps mourant qui s'appuie sur sôn bras gauche ; 
plus haut sont deux jeunes-sensexpirans. L'ex- 
pression dela tête de St.-Rochest belle; le dessin. 


342 Peinture. 
de l'ensemble de sa figure est admirable ; on peut 
aussi examiner en détailses bras , ses mains et ses 
jambes, et on sera satisfait. La composition est 
simple et bien liée dans toutes ses parties. L’ex- 
pression n'est pas manquée : on croit voir des 
mourans en regardant les pestiférés. La Vierge 
m a le moins satisfait ; son coloris ne m'afpas paru 
aussi beau que le reste du tableau. David paroît 
dans cet ouvrage aussi grand coloriste que grand 
dessinateur. iet il détruit l'opinion de quelques-uns 
de ses élèves, qui prétendent que le dessin et le 
coloris ne peuvent, jamais se doriner la main. 
Après avoir vu le Saint-Roch, je ne sais pas 
si c'est aux Horaces ou à Saint-Roch qu'il faut 
donner la préférence. Heureux le maître qui a 
uné lutte aussi: honorable à soutenir avec lui- 
même ! | 

Fiorillo parle avec estime du Bélisaire ; ilrap- 
porte les mêmes anecdotes que j'ai déjà impri- 
mées ; il ne trouve, pas la tête du Bélisaire noble. 
«. Tout le monde, dit-il, le prendroit pour un 
». invalide français.» Je n'ai pas éprouvé la même 
sensation en: voyant ce tableau , et je n'ai jamais 
entendu faire ce reproche par aucun artiste fran- 
çais. Ce tableau appartient à présent au séna- 
teur Lucien Bonaparte. 

-Il loue beaucoup le dessin des Æ/oraces ; mais, 
selon lui, la composition en est défectueuse. Il 
trouve la pose du fils aîné gênée. « Le père, dit- 
».il, qui est au milieu du tableau, ressemble 
» à un vieux bas-officier qui cherche à exercer 
» trois recrues d'après les formules militaires un; 


Histoire. 345 
» deux et trois, etc.» Le père des Horaces ne 
m'a jamais inspiré ce sentiment. Fiorillo con- 
tinue ainsi : Dans la tête du père , aucun trait 
» de son visage ne caractérise un homme qui 
» expose ses enfans au plus grand péril, et 
« qui les voit peut-être pour la dernière fois. » 
Ce jugement ne an’étonneroit pas s’il ne sor- 
toit pas de la bouche d'un peintre, qui doit 
autant sentir les différens sentimens de l'homme, 
qu'il doit connoître l'effet que produit le mélange 
des différentes couleurs. A-t-il jamais été possible 
de mieux exprimer, dans la même tête, la joie 
de sauver sa patrie et la crainte d'exposer ses 
enfans au danger ? La passion la plus puissante 
doit naturellement emporter la victoire sur le 
père le plus sensible. 

L'auteur dit, à la fin de son article sur Brutus, 
» que beaucoup de personnes préfèrent ce ta- 
» bleau à celui des Horaces. » On trouve, en 
France, de grandes beautés dans tous les deux, 
mais on accorde généralement la préférence aux 
Horaces. 

On lit, dans une note, que MoreL a gravé 
les Æoraces , le Brutus et les Sabines ; tout cela 
est faux ; aucune des trois gravures n’a encore 
paru. Ce qui est sûr, c’est qu'il s'occupe des 
Horaces , mais il a au moins encore pour une 
année à y travailler. Le burin du graveur ne va 
pas aussi vite que la plume de l’auteur. 

Le porirait de mademoiselle Brognard est 
nommé sans aucune distinction entré les autres 
portraits de Grranp; il en mérite cependant bien 


544 Peinture. 


une : on peut le placer à côté de la Joconde de 
Léonard de Vinci. 

Tout ce qui sort du pinceau de Gerard est 
beau ; tout est sagement pensé ; il peint sans 
avoir l'air de DUhAEE ; son portrait en pied de 
madame Récamier lui a fait beaucoup d'honneur. 
Il a fait quelques portraits de ses amis dans une 
séance ou deux. Il me sera permis de nommer 
celui du célèbre Ducis ; jamais aucun pinceau 
ne sut produire plus en moins de temps. 

Gerard a aussi fait quelques portraits d'amis, 
dessinés dans une séance, qui peuvent servir de 
modèle à ceux qui veulent dessiner dans ce genre. 
Je citerai ceux de madame Redouité et de sa fille, 
de mademoiselle Coliquert , et le mien, dont je 
ne suis pas peu glorieux. 

IxcRE doit aller à Rome; mais il n'est pas 
encore parti, comme dit l’auteur. On désire 
qu'il parte. On a droit d'attendre de belles choses 
de lui. Le dessin de Stratonice , qu’il vient de 
faire pour moi, est bien composé, bien dessiné ; 
on espère en voir un tableau. Il vient de finir 
plusieurs portraits ; entre lesquels on distingue 
celui de mademoiselle Rivière , âgée de quatorze 
ans. 

M. Fiorillo trouve que Gros a du talent ; maisil 
oublie d'assigner à cet artiste la place distinguée 
qu'on lui accorde dans sa patrie , entre les élèves 
- de David, et qu’il mérite à si juste titre. Il trouve 
étonnant qu'un sujet aussi terrible que la Peste 
d'Égypte de ce peintre puisse avoir excité tant 
d'enthousiasme. Je suis au contraire très-content 


Histoire. 349 


qu'on ait rendu justice à un beau tableau, bien 
peint, bien pensé, bien dessiné et d’un beau co- 
loris. Gros est un des premiers coloristes de l'é- 
cole moderne. Notre auteur ne se rappelle donc 
pas que de tels sujets ont été représentés par les 
premiers talens? Il ne connoît donc pas la Peste 
de Micnanp, le Massacre des Innocens et le 
Déluge du Poussin , et tant d’autres. 

Je ne crois pas que madame Barsiern-Vat- 
BONNE peigne , ainsi que le dit l’auteur. 

Je ne connois, ou pour mieux dire il n'existe 
aucun tableau de Meynier qui représente Epa- 
minondas chassé par les Thébains ; il n'existe 
de cette belle composition que le dessin au bistre 
que j'ai cité dans mon ouvrage sur les beaux- 
arts en France. Meynier dessine bien le paysage 
et l'architecture. 

En parlant de Robert Lerevre, l'auteur auroit 
bien pu dire que c’est un des premiers peintres 
de portraits en France ; je n’en citerai pour preuve 
que le Portrait en genoux de Vernet. 

J. J. Lacrenée, ordinairement connu sous le 
nom de Lagrenée le jeune, n'est pas fils de Za- 
grence l’ainé, mais son frère. Il n’a pas eu d’aussi 
belles places que ce dernier , maisil a beaucoup 
plus de talent et de goût. 

L'auteur auroit pu citer quelques-unes des mi- 
niatures d'Isagey plus grandes qu'on ne les fait 
ordinairement , telles que le 7ïeïllard avec les 
mains pliées, le Portrait de Constantin , et d'au- 
tres. 

Dire que madame Caauper peint dans le goût 


346 Peinture, 

de Greuze , est donner une fausse idée de son 
talent. 

- Le nom de mademoiselle Gérarp est mélé, 
sans miséricorde, à une foule d'autres , entre les- 
quels il y en a qu'on connoiït à peine. Le sien 
mérite une place distinguée. Ses tableaux de 
genre sont agréablement composés, les sujets 
bien choisis, d’un pinceau soigné et d’un joli 
coloris. On a gravé beaucoup d'après elle. 

L'auteur n’est pas très-content des miniatures 

D AuGusTin; il n’en a peut-être jamais vu; il ne 
connoît pas sans doute le Portrait de Charder. 
Il parle de T'aunay comme d’un peintre d’his- 
toire. IL est vrai qu'il a fait quelques tableaux 
historiques ; mais son nom se confondra dans la 
foule. Il est principalement peintre de genre ; 
Taunay peut se mettre même à la tête de cette 
classe , et personne n’osera lui disputer le rang. 
Il fait bien la figure , le paysage et l'architec- 
ture ; il compose bien et d’une manière variée; il 
peint bien ; personne n’a plus travaillé que lui; 
il y a de l'esprit dans tout ce qu'il entreprend. Il 
faisoit autrefois quelques gouaches ; mais depuis 
un nombre d'années il a abandonné ce genre : il 
a eu l'amitié de m'en faire une qui surpasse tout 
ce qu'on a vu dans ce genre; elle représente la 
Jarretière de la mariée. On voit chez lui un char- 
mant tableau du même sujet, pas encore tout-à- 
fait fini, mais traité d'une manière variée. Il me 
permettra de citer son petit Tableau de l'enfant 
prodigue, où la figure, l'architecture et le pay- 
sage égalent le coloris. 


Histoire. 347 
-Gapsors est nommé , sans dire qu'il est un des 
paysagistes les plus habiles pour la gouache. 


Cnauper, le sculpteur, est cité avec éloge pour 
son tableau représentant la Fuite d'Enée; mais 


. on auroit pu parler de ses dessins : le Triomphe 
de Psyché esttrès-beau ; il a fait plusieurs dessins 


pour la grande édition ‘du Racine de Dipor ; il 
grave à l'eau-forte. Ses dessins sont bien com- 
posés et bien exécutés. 


On ne cite de Trusauzr l'architecte que quel- 
ques petits tableaux qu'il a faits, il y a dix ans; 
l'auteur n’a donc jamais entendu parler de son 
grand et beau paysage ; appartenant au prince 
Louis, où fienaud et Armide sont représentés ; 
mais il est: vrai que M. Fiorillo n’est pas venu 
en France, Il ne connoît pas les aquarelles de 
ce maître ; il ne sait pas que, dans ce genre, 
il à surpassé tous ceux qui étoient avant lui, 
et. qu’on le surpasseroit difficilement. J'en cite- 
rai une d'une vue près de Tivoli, et celle de la 
ville d'Est. M. Fiorillo ignore aussi ses connois- 
sances dans l'architecture et la perspective; il 
ne faut que regarder mon intérieur de l'église de 
Saint-Paul hors des murs de Rome, pour voir 
que le savant a conduit l'architecte. Cet artiste 
a commencé un ouvrage sur la perspective; il 
est fâcheux qu'il ne le publie pas; c’est un trésor 
qu’il cache. $es études au bistre et à la sepia sont 
pleines de vérité; je me félicite d'en posséder. 


-En nommant Bourcrois, il auroit bien pu 
ajouter un mot sur ses dessins au bistre qui sont 


348 Peinture. 


très-bien lavés. Bourgeois compose bien et dés- 
sine.bien les fabriques ; ; il a fait pour moi le pont 
de Sèvres , où il s’est surpassé. Il vient de graver 
plusieurs planches à l’eau-forte. 

« Les tableaux de Demanxe, dit-il, ont l'air 
_.» d'avoir été faits à la chambre noire. » Voilà 
une accusation qu'il auroit pu s'épargner , ainsi 
que celle : « que ses compositions ne sont que 
» plates et communes. » Il auroit beaucoup 
mieux fait de parler des beautés qu'on trouve 
dans les paysages de Demarne, et de dire qu'il 
fait bien les animaux, et que son pinceau est 
très-soigné. 

On y trouve le nom d'Ommrcancxk, mais on 
est. étonné de ne pas y voir qu'il peint très-bien, 
et qu’on feroit difficilement mieux les brebis que 
lui. Re fs 

Je ne crois pas que le plus jeune des RenouTé 
peigne ou dessine généralement les fleurs; il étoit 
de l'expédition d'Egypte, et a porté l’art dé des- 
siner à l'aquarelle les poissons , à unê perfection 
qui ne laisse rien à désirer. 

M. Fiorillo pare it craindre, d’après l’ exposition 
de l’an 12, qu'il juge par oui-dire, que l’art ne 
dégénère en France ; j'espère que sa' crainte ‘est 
mal fondée. Il doute aussi que l’art y feurisse! 
jamais d’une manière originale : on voit bien qu'il 
est Italien. 

11 dit « que Swrvacu imite les batailles de Van- 
» DER- MEuLEN en petit. » Ils ont tous les deux 
fait des batailles , ils ont tous les deux été obli- 
gés de faire des chevaux ; voilà leur plus grande 


4 


Histoire. 349 


ressemblance. Il auroit pu ajouter que Swebach 
a une grande facilité pour peindre sur la por- 
celaine. 


« Les tableaux de Mazrer sont, d'après lui, 
» tout-à-fait exécutés dans l'esprit des Flamands, 
» d'un Zéniers et Ostade. » Cela est faux. il re- 
présente des scènes domestiques; et. de cette 
manière , si on le veut, il peint dans le genre fla- 
mand; mais Mallet n'a jamais voulu copier per- 
sonne , il a trop de génie pour cela. On auroit 
dû remarquer que ses gouaches sont plus vigou- 
reuses que ses tableaux à l'huile , et que personne 
n'a poussé plus loin ce genre. J’en possède une 
des plus belles qu'il ait jamais exécutées. 

« Pour prouver, dit-il, si cela a encore besoin 
» de l'être, que les artistes français ont vaine- 
» ment cherché à imiter les Flamands, »il cite 
Borczy ; tout ce qu'il ditsur son compte est faux. 
Voici son jugement : « Ses tableaux sont finis 
« avec la plus grande patience , et par là durs et 
» secs. Il cherche à peindre dans le style de 
» Rembrandt, et dans quelques portraits, il a 
» cherché à concentrer le clair sur un point ; 
» mais On ne peut pas même lui accorder les 
» défauts de Rembrandt. » Boilly n'a générale- 
ment pas assez de patience pour finir ; ses plus 
grands ennemis ne peuvent pas lui reprocher 
d’avoir voulu imiter Rembrandt ; il ne peut donc 
‘pas avoir copié ses défauts. 


Boilly a fait une quantité de petits portraits 


550 Peinture. 

dans une séance ; il ne manque presque jamais 
là ressemblance. Son dernier tableau de /a Di- 
ligence est bien peint, et un 1 des plus jolis qu'il 
ait faits. 

Tant mieux si les Français n'ont pas réussi à 
imiter les Flamands ; ils n'en ont pas besoin. 
Taunay , Demarne, Drolling, Swebach, made- 
moiselle Gerard, Boilly, et d’autres, ont pro- 
duit des tableaux qui, sans être copiés d’après 
les flamands , feront honneur à leur génie dans 
la postérité. , 

On pourroit joindre à l’article sur Durerrre, 
qu'il dessine aussi très-joliment le paysage, et 
qu'il a fait les meilleurs dessins pour le Voyage 
en Espagne que M. de La Borde va bientôt pu- 
blier. 

En rendant justice aux talens de Sauvacer, il 
dit que ses ORXFAGES sont excessivement chers. 
Comme ceci pourroit, faire tort à cet estimable 
artiste , il faut que je le démente, et que je dise 
que chaque homme à son aise est en état, si cela 
lui fait plaisir, de pouvoir s’en procurer. 

Je n'ai corrigé que les défauts que j'ai trouvés 
en parcourant l'ouvrage de M. Fiorillo ; je ne 
doute pas qu'avec du temps et des recherches, 
je n’en eusse trouvé un plus grand nombre. Il 
faut cependant lui rendre cette justice, qu'il y a 
des articles très-bien faits, et qu'il connoït la 
littérature ; mais il travaille à la hâte. Pour un 
ouvrage sur la situation des arts d'un pays, il 
faut long-temps rassembler des matériaux, sur- 


Histoire. 351 


tout lorsqu'on n’est pas dans le pays même (3). 

Il seroit trop long de vouloir parler en détail 
des artistes qui ont été oubliés par M. Fiorillo; 
je vais seulement indiquer leurs noms avec quel- 
ques notes pour qu'il puisse faire des recherches 
sur leurs productions, s'il donne jamais , ce qui 
est à désirer, une nouvelle édition de son ou- 
yrage, 

Entre les élèves de Casanova, on cherche vai- 
nement les noms de ÂMNorblin, de Mayer, de 
Duverger, de Duvivier. NoreLin est un des pre- 
miers artistes pour les batailles; ila séjourné long- 
temps en Pologne ; il peint bien; sa composi- 
tion est agréable. Je possède de beaux dessins 
de lui à l'encre de la Chine et au bistre. Mayer 
est mort très-jeune , etest enterré à Ermenon- 
ville, à côté de J. J. Rousseau. Il ne passa pas 
la première jeunesse ; il avoit de grandes dispo- 
sitions ; on a de jolies gouaches de lui. Duver- 
GER est mort jeune; je connois de lui de jolis 
dessins. Duvivier qui est resté avec son maître 
jusqu'à sa mort, vit à Vienne, où il peint avec 
succès. 

LanrarA peignoit et dessinoit dans le goût de 
Claude Lorrain ; ses tableaux sont d’un effet 
agréable; ses dessins, ordinairement au crayon 
noir , sont, avec raison, très-recherchés. 


(3) Sans vouloir réfuter les justes observations de M. Néer- 
gaard , je crois devoir ajouter que l'ouvrage de M. Fiorillo 
peut être regardé comme la meilleure histoire des arts du 
dessin que nous possédions, et qu’il mériteroit d’être traduit 
en français. A. L. M. 


302 Peinture. 


M. de Boussreu , de Lyon, véritable amateur, 
est un des premiers dessinateurs que je con- 
noisse ; il lave onne peut pas mieux à l'encre de 
la Chine ; presque tous les dessinateurs au lavis 
se sont formés sur lui; ses paysages sont de vrais 
portraits de la nature ; l'heure du jour y est 
observée ; ses figures , ses animaux , tout est bien 
dans ses dessins ; il dessine parfaitement à la 
mine de plomb. Je me suis procuré, à mes dif- 
férens passages par Lyon, une belle suite des 
dessins de cé maître, et je dois à son amitié un 
livre d'études qui me sera toujours précieux. 
M. de Boissieu grave à l’eau forte avec une per- 
fection qui lui laisse peu de rivaux entre les mo- 
dernes. 


Les artistes de Genève sont tout-à-fait oubliés 
par l'auteur ; s'il avoit connu ma petite brochure 
publiée en'1802 , « de l’état actuel des arts à 
» Genève », il auroit vu que les ouvrages de Sr.- 
Ours, de Vaucer, de Toprer, de LARRIVE, 
de Lincx et d'autrés, méritoient son attention. 


Le professeur Jay, à Grenoble , auroit peut- 
être aussi bien mérité d’être nommé que d’autres 
professeurs des départemens. Il a séjourné en 
Italie , et dessine bien la figure et le paysage. 


GameuiN, qui demeure à Carcassonne, dans le 
midi, a beaucoup de talent pour les batailles ; 
c'est dommage qu'il ne soit pas resté dans une 
grande ville Lil a peint plusieurs tableaux d’his- 
toire : ce n’est pas son genre; mais dans la 

province, 


Histoire. 393 
province , un seul homme doit tout faire. H fait 
bien des dessins sur papier bleu. 


Gaspard de Fonraine , à Marseille, peint 
bien le paysage. 

Desrricues, à Orléans , quiest mort , dessinoit 
agréablement le paysage à la mine de plomb. 


Piremenr le père, qui vit encore à/Lyon, 
pouvoit bien avoir été connu par l'auteur; on a 
tant gravé d'après ses dessins ; Wollet même l’a 
rendu immortel ; les dessins les plus facilement 
faits par lui sont toujours les meilleurs. 


Lens , à Bruxelles, est un peintre d'histoire 
qui a cherché à réunir dans ses tableaux le style 
de l’école italienne à celui de l'école flamande ; 
son coloris est bon; il a fait sur les costumes un 
ouvrage qui devroit être entre les mains de tous 
les peintres d'histoire (2). 

Fasre et Wicar sont deux peintres d'histoire, 
qui vivent en ltalie depuis plusieurs années. Le 
dernier dessine parfaitement d'après des tableaux 


et l'antique. Les dessins pour la galerie de Flo- 
rence sont de lui. 


La Rue, le peintre d'histoire , et son frère 
La Rue le sculpteur, sont tous les deux des 


(5) Je ne puis en ceci adopter l'opinion de mon ami M. 
Neergaard. Je crois que l’ouvrage de Lens, même avec les 
commentaires de Martini, est plus propre à donner aux ar- 
tistes des idées fausses , qu’à les diriger. Nous avons de bons 
recueils de costume; mais il n’exisle pas encore un oux ragé 
bien fait sur ce sujets A. L, M. 


T°, III, Juin. 1806 Z 


394 Peinture. 


hommes inconnus à l’auteur, Peu de personnes 
cependant dessinent comme eux. Je possède du 
premier deux dessins de batailles coloriés , qui 
peuvent justement passer pour ses chefs-d'œu- 
vres. Bourguignon n'auroit pas mieux fait. J'ai du 
même maitre, au bistre , un philosophe mourant 
près de sa lampe ; on le voitexpirer. 


PERIGNON a fait des aquarelles d’une touche 
extrèémement agréable ; les dessins pour le grand 
voyage de M. de la Borde en Suisse , sont de 
lui. Ils appartiennent à présent tous à M. Jan 
der Null, à Vienne. Ils sont bien faits, mais 
peut-être n'avoit-il pas assez de génie pour saisir 
les grandes masses de ce pays majestueux. La na- 
ture champètre et la nature sauvage veulent étre 
reorésentées d'une manière différente. Si celle-ci 
ne vous impose pas, vous ne la rendrez jamais. 


Larrenz a été un peintre de genre suédois, qui 
a passé tout son beau temps en France; il est à 
présent à Stockholm ; ses aquarelles ont eu de la 
réputation ; elles en auroient peut-être conservé 
d'avantage aujourd'hui si leur auteur n’y avoit pas 
trop souvent voulu immortaliser des modes qui, 
par leur bizarrerie , ne pouvoient être que passa- 
gères. 

CarEME a dessiné le genre ; ses gouaches et ses 
aquarelles sont bien composées ; il connoissoit 
bien la nature qu'il représentoit. 

Moreau le jeune n’est pas nommé. Son talent 
pouvoit cependant être connu en Allemagne ; 
les ouvrages nombreux de cet homme unique 


Histoire. 399 
dans son genre, ont présque tous été gravés. 
Je citerai ses dessins pour deux éditions de 
Voltaire. Son génie fécond fait qu'on ne peut 
pas l’accuser de se copier lui-même, encore moins 
de voler les autres; son sujet le pénètre toujours, 
tellement que son dessin ne manque pas de de- 
venir un tableau. Ses compositions sont sages , 
ses figures bien faites; ses dessins , qui sont or- 
dinairement au bistre ou à l'encre de la Chine, 
ne sont ni trop ni trop peu finis. J'espère que 
la France gardera encore long-temps cet homme 
inappréciable. L'avenir ne concevra pas com- 
ment un seul homme a pu trouver le temps de 
faire tous les dessins sous lesquels on voit son 
nom, L'homme laborieux , doué de génie, pro- 
duit ; il ne sait pas même comment. 

Son frère, connu sous le nom de Moreau le 
paysagiste , est mort il n'y a pas longtemps. Il 
avoit beaucoup de facilité ; il y a des goùaches 
de lui qui sont bien faites ; il ne soignoit pas tou- 
jours assez ses ouvrages; son ton n'est peut-être 
pas toujours le plus vrai. 

We le graveur vit encore. C’est le patriarche 
des artistes ; il a g2 ans. La révolution a dé- 
truit sa fortune ; elle n’a respecté que sa vie ; 
siavoir bien et beaucoup travaillé, si avoir rendu 
service aux arts, mérite récompense , C'estsüre- 
ment Wille qui l'a méritée. Il est le restaurateur 
de la gravure en France , qui , depuis le siècle 
d'Edelinck , d'Audran ; àe Drevet , et d'autres, 
paroissoit se perdre. Les musiciens ambulans 
et sa Cléopätre lui feront toujours donner ce 


356 : Peinture. 


titre. Tout ce que l'Europe a de plus fameux 
en graveurs sort de son école. Je nommerai Ber- 
wick, Clemens , Müller, et d'autres dont la liste 
occupera un jour son biographe. L'amitié et le 
respect que j'ai pour le vieux Wille m'éloignent 
de mon sujet. J'ai voulu seulement dire ici que 
ses loisirs furent employés au dessin , et ordi- 
nairement à étudier des scènes champêtres ; ils 
auroient peut-être suffi pour faire la réputation 
d'un homme, si Wille en avoit eu besoin. 

Wiice le fils a fait quelques tableaux; mais 
depuis plusieurs années il ne peint plus; il fait 
des dessins, et manie la plume d'une manière 
merveilleuse. Ses dessins au crayon noir sont 
soignés ; il y en a quelques-uns de coloriés. 

La FonTaine est un des meilleurs peintres d’in- 
térieur. Scuazz compose agréablement le genre 
et a une jolie couleur. Moxarx fait en paysage 
de jolies gouaches ; c'est dommage qu’elles sont 
quelquefois un peu violettes. Ganpa auroit été 
loin comme peintre de paysage, s’il n’étoit pas 
mort ; je possède de lui une chose précieuse pour 
les artistes : c’est son Voyage d'Italie, composé 
de plus de 400 dessins études. Banks est élève 
de Cassas, et a voyagé pour lui en Italie; il fait 
très-bien l’aquarelle. Smrru, élève de Lantara, 
est mort. LAURENTY dessine bien les animaux et 
saisit bien les effets; sa plume est étonnante. 
Mawpewan fait des gouaches ; il est principale- 
ment connu pour la manière agréable et légère 
dont il travaille la mine de plomb. BEra des- 
sine très-bien l’histoire naturelle; il est élève de 


Histoire. 357 


Redoute , et il tâche de marcher sur les traces 
de son maître. Brisaxper , paysagiste habile, est 
mort. On observe , dans ses arbres, qu'il avoit 
beaucoup vu la nature, et qu'il l'avoit bien vue. 
W ALLIN peint on ne peut pas mieux une tête; 
c’est dommage qu'il n'ait pas suivi l'étude de la 
nature : ses incorrections auroient peut-être dis- 
paru. Les deux Ozanses sont très-habiles pour 
dessiner des marines; l'un d'eux a beaucoup et 
bien gravé à l'eau-forte. Ils connoissent les vais- 
seaux et savent les rendre d'une manière agreable. 
Bercevin dessine bien à la plame et compose des 
bas-reliefs avec facilité. Misrsacx donnoit les plus 
grandes espérances. Il dessinoit bien le paysage 
et exécutoit avec soin les détails de l'architecture. 
Il étoit élève de Belanger. Le voyage qu’il avoit 
fait avec M, Bianco de Brant, ans le midi de la 
France , l'avoit beaucoup formé. Il est mort 
l'année dernière. 

Percrer l'architecte a fait de beaux dessins à 
l'aquarelle, composés d’antiquités et d'architec- 
tecture ; il a un goût exquis pour l'ameublement. 

Barranp l'architecte, favorablement connu par 
. plusieurs ouvrages (1), dessine très - bien l’archi- 
ture et le paysage. 

Berraux, qu’on distingue ordinairement sous 
. le nom du Callot moderne , dessine avec une fa- 
cilité étonnante. J'ai vu de lui, avec un grand 
. plaisir, son dessin à la plume de la bataille d'Aus- 


(1) Paris et ses Monumens, l Athénœum, dont il y à 
des notices dans le Magasin. A. L M. 


358 Peinture. 


terlitz, qu'il grave pour mettre en bas du por- 
trait de l'Empereur des Français. 

Piiiemenr le fils, que j'ose appeler ii le pre- 
mier graveur en paysage, dessine aussi parfai- 

tement ce genre. 

Plusieurs sculpteurs se distinguent par leurs 
dessins. Le nom de Morrre est depuis long-temps 
favorablement connu parmi les amateurs de 
dessins ; on a beaucoup gravé d’après lui. Ses 
dessins sont bien composés et bien dessinés; il 
a une facilité étonnante pour laver. Taunay le 
sculpteur, son élève, n'a pas fait beaucoup de 
dessins, mais ils sont beaux. J’en possède deux, 
l'un représentant Caron à qui Mercure a livré 
les ombres pour passer le Styx : toutes ont envie 
de retourner. Les petites têtes sont pleines d’ex- 
pression; la composition est agréable; le Mer- 
cure est d’une légèreté étonnante. L'autre est une 
grande figure représentant le Temps qui éteint 
le flambeau de l'Amour. Un des premiers pein- 
tres a dit qu'il étoit digne de Jules-Romain; je 
n'ai donc plus rien à ajouter. Borcmor dessine 
très-bien dans le genre des Anciens ; il aime beau- 
coup l'Ecole florentine. , Bornor et Rumay des- 
sinent bien. 

Entre les peintres en miniature, on s'étonne 
de ne pas trouver le nom de GuErin, de Stras- 
bourg. 

Nauper est un des artistes qui réunissent, dans 
une seule personne, toutes les qualités d’un pein- 
tre voyageur. Il m'accompagne depuis cinq ans 


dans mes voyages. Les cine cent dessins qui e: 
‘ 


Histoire. 359 


sont les fruits servent de témoins à mon juge- 
ment. 

Je peux bien avoir omis quelques artistes dis- 
tingués que Fiorillo a oubliés ; mais c’est du moins 
contre ma volonté. Je finirai mes additions comme 
j ai terminé mes corrections, en disant que je n'ai 
pas eu le temps de faire des recherches pour les 
composer ; ma mémoire seule m'a servi de guide, 
et je n'ai qu'un désir, c’est de ne m'être pas trop 
souvent trompé. 

T. C. Bruun Nrrrcaann. 


GRAVURE. 


. EXTRAIT d’une Notice sur la Vie et les 
Ouvrages de Joseph FRATREL, peintre 
français; lue et présentée le 12 avril, 
dans la séance de la Classe des Beaux- 
Arts, par À. le conseiller intime DE 
KLEIN, de Manheim , correspondant de 
l’Institut. 4 


\ 


k tee FRATREL naquit à Épinal, ville de 
Lorraine, en 1750. Ses parens l'ayant destiné 
au barreau, il ne put d’abord employer à l’é- 
tude du dessin que ses heures de loisir. Le gé-. 
nie de l’art l’éleva bientôt à un tel degré de 
supériorité, qu'il excita l'admiration de tous les 
connoisseurs. 

Quoique distingué dans son pays par son 
savoir en jurisprudence , il ne l’abandonna pas 
moins pour aller étudier à Paris les chefs-d’œu- 
vres des grands maitres qui ont été exposés 
au public. Baudoin, peintre en histoire, qu’il 
avoit choisi quelque temps pour son guide, fut 
étonné du talent et de la masse des connois- 
sances qu'il trouva dans un homme qui n’avoit 
travaillé jusque-là qu’en miniature. Le premier 
emploi que ses talens lui méritèrent, fut celui 
de peintre de la Cour du roi Stanislas, à Nancy. 
Plusieurs portraits historiques en miniature, que 


/ Joseph F ratrel. 361 


Charles Théodore, électeur palatin, eut occa- 
sion de voir, furent ensuite cause que ce prince 
l'attacha à son service en qualité de peintre de 
la Cour. 

Ici son génie prit un essor plus élevé. Il voulut 
devenir peintre d'histoire. La riche salle des An- 
tiques de Manheim lui fournit les formes. Il fit 
avec goût une petite collection de gravures, no- 
tamment de celles d’après Raphaël et Pous- 
sin, et se proposa pour but d'imiter ces grands 
maitres. Ses compositions sont simples , nobles 
et grandes. La vérité de l'expression, son co- 
loris énergique prouvent l'étude profonde qu'il 
a faite de la nature. Ses têtes sont du style an- 
tique ; leur caractère est bien prononcé, et les 
contours sont exacts. Ce qui est d’autant plus 
remarquable, c'est que ses maîtres et tous les 
peintres d'histoire de l'Allemagne étoient alors 
maniérés. Tous ses tableaux portent l'empreinte 
d’un extrême fini, et peut-être, si l’on vouloit 
y critiquer quelque chose, diroit-on que ce fini 
se fait un peu trop sentir dans les draperies. Il 
n’a peint qu'un petit nombre de grands tableaux, 
ne s'étant livré que dix ans à peu près avant sa 
mort au genre de l’histoire. Ce fut au moment 
le plus brillant de sa carrière que l’art le perdit. 
Il mourut en 1785, âgé de 55 ans. Cornélie, un 
de ses plus beaux tableaux , orne la galerie royale 
de Munich. M. de Dies acquit Fa V’estales. 
Sa Cora appartient à S. ca S. Ma. l'Électeur- 
Archichancelier baron de Dalberg, zélé protec- 
teur des talens , qui fait encore aujourd'hui une 


562 Gravure. 


pension à la famille de cet artiste célèbre. Son 
plus riche tableau , la Fuite en Egypte, a été 
acheté par M. le comte de Truchsess. 

Dans un hôtel à Manheim , appartenant à S. 
M. le Roi de Bavière, se trouve un cabinet dont 
la boiserie est peinte par lui. Les sujets sont les 
Vertus , les Sciences et les Arts. 

Il laissa à sa famille Ze Fils du Meunier , son 
morceau favori, qu’elle possède encore. On a 
aussi de lui 17 planches gravées à l'eau-forte , 
dont 16 représentent ses propres compositions, 
et une, Ze Songe de saint Joseph , beau tableau 
de M. Kraur, directeur de la galerie de Dus- 
seldorf. Les gens de l’art ne méconnoîtront point, 
dans ces différentes pièces , l’'émule des grands 
maitres qu'il étudioit. La plupart de ces planches 
sont détruites, ou ont été gâtées par des impri- 
meurs mal-adroits. Il n’y a qu'un petit nombre 
d'exemplaires de cet ouvrage qui aient été sau- 
vés (1). Cet œuvre contient : 


1. Les Arts et les Sciences se dévouant à leur 
protecteur , Charles Théodore. 

2. Le méme sujet, avec des variations. 

3. La Science. 

4. La Sagesse, 

9. La même pièce, variée. 

6 


. Le Fils du Meunier. 


(1) M. de Klein a présenté à l’Institut des eaux-forles de 
quelques planches qui se sont perdues et de celles qui ont 
été conservées par ses soins, Elles ont reçu toute l’approba- 
tion qu’elles méritent. 


Joseph Fratrel. 365 


. Le Songe de saint Joseph. 

. Le prince Frédéric de Deux-Ponts. 
. Portrait du chevalier de Caux. 

. Lambert Krahe. 

. Le baron de Hubers. 

. Jesus amabilis. 

. Saint Nicolas protégeant l'innocence. 
. La même pièce, variée. 

. La Navigation. 

. L'Agriculture. 

. Le Commerce. 


ART VÉTÉRINAIRE. 


OO a distribué à la Classe d'Histoire et de 
Littérature ancienne de l'Institut , à une des 
dernières séances , le Compte rendu des travaux 
de l'Académie de Lyon pendant l'an 12 etpendani 
l'année 1805, par MM. Dusois, DEeLANDINE, 
correspondant de la Classe, et Perir (1). Le se- 
cond de ces rapports, par M. DeranDiNe, contient 
l'extrait d’un mémoire historique de M. Gro- 
GNIER , professeur à l'Ecole vétérinaire de Lyon, 
sur les progrès de l'Art vétérinaire. Cet extrait 
renferme presque autant d'erreurs que de lignes; 
ces erreurs appartiennent, ou au rédacteur de 
l'extrait, ou à l'auteur du mémoire; si elles sont 
au premier, le second ne doit pas en ètre res- 
ponsable ; si elles sont de celui-ci, le premier 
ne doit pas non plus en rester chargé comme 
rapporteur; mais la réputation de tous les deux, 
et la place que M. Grognier occupe à l'Ecole 
vétérinaire, ne permettent pas de les laisser sub- 
sister. 


l'EXTE, page 24. OBs£ZRVATIONS. 


1. M. GROGNIER, dans un 1. D'après ce préambule, 

mémoire où le savoir s’unit les erreurs dont cet article 
La ., ? . . L] 

à la clarté et l’érudition aux est rempli, pourroient etre 


vues neuves, parcourt les mises sur le comple du rap- 


(1) À Lyon, de l'imprimerie de Ballanche père et fils, aux 
Halles de la Grenette. 1806. In-8°. de 61 pages. 


w 


Histoire. 


progrès successifs de l’art vé- 


térinaire. 


2. Les Grecs le cultivè- 
rent, mais sans laisser des 
notions précises sur aucun 


des objets qu’il embrasse. 


3. Chez les Romains, 4b- 
syrthus compila le peu qui 
avoit élé écrit jusqu’à son 
temps. 


4. Dans le troisième sie- 
cle, Vécece publia un traité 


sur cette parlie. 


5. Depuis lui jusqu’à RuI- 
NI, plusieurs siècles s’écou- 
lèrent. Ce dernier se distin- 
gua par ses profondes con- 
noissances anatomiques, 


6. SozeyseL publia long- 


365 
porteur; il est de son intérêt 
de les rendre à l’auteur, si 
elles sont de lui; il est de 
l'intérêt de la vérité qu’elles 
soient indiquées pour qu’el- 
les ne se propagent pas. 

2. Les deux recueils qui 
nous restent des Grecs sur 
cel objet, contiennent des 
notions précises sur plusieurs 
points , notions auxquelles 
nous n'avons rien ajoulé en- 
core depuiseux, et quilaissent 
regreller ce qui esl perdu. 

3. Absyrthus n’a. jamais 
été Romain, il éloit Grec. 
11 n'a jamais rien compilé : 
il fait partie, avec beaucoup 
d’autres, des deux collec- 
tions grecques sur l'Art vété- 
rinaire. 

4. L'époque est au moins 
incertaine ; et quel est le VÉ- 
GECE qui a écrit, il y en a 
deux ? Les Romains ont écrit 
sur l'Art vétérinaire à des 
époques antérieures plus cer- 
taines, 

5. Si VÉGECE a écrit au 
troisième siècle, il y a plus 
que plusieurs siècles entre lui 
el Rurnt, qui n'écrivoit qu’à 
la fin du 16°.; il y en a lreizé. 


6. Long-temps, oui près 


366 


temps après son Parfait Ma- 
réchal, que Gaspard Sau- 
NIER COpia. 


7. En 1750, BOURGELAT, 
notre illusire compairiole, 
plein de zele et de savoir, 
devint le véritable créateur 
de l’art. 


8. Ses Elémens d'Hippia- 
trique sont un fanal qui réu- 
nit à sa lumière une foule de 
disciples. 

9. La GUÉRINIÈRE , Gar- 
SAULT, La Fosse-LE-PÂRE, 
s’empressèrent de.le suivre. 


ÆAré vétérinaire. 


de 200 ans après Ruinr. C# 
n'est point SOLEYSEL que 
SAUNIER a copié, mais bien 
RuIxT. 

7. Le créateur, non ; il y 
avoit avant lui des ouvrages 
sur l'Art vétérinaire, et sur 
l'Hippialrique ; mais Le res- 
taurateur ; et malheureuse- 
ment il a laissé son plan in- 
complet. 

8. Il auroit au moins fallu 
en ciler un ou deux seule- 


ment. 


9- La première édition de 
l'Ecole de Cavalerie de LA 
GuÉRINIÈRE, a paru en 1720. 

La première édition du zou- 
veau Parfait Maréchal de 
GARSAULT , a paru en 1741. 

LA Foss£-LE-Père a écrit 
en 1749. 

Tous ces auteurs-là n’ont 
pas suivi BOURGELAT, qui n’a 
écrit ses Elémens d'Iippia- 
trique qu’en 1750, qui a sou- 
vent copié les deux premiers, 
et que le troisième , dans un 
ouvrage postérieur aux Ælé- 
mens d'Hippiatrique, accuse 


de Vavoir copié. 


Je m'arrête. Pour faire l'histoire des progrès 
d'une science, il faut être mieux instruit. 


POÉSIE. 


TRADUCTION de la onzième Elégie de 
Tibulle. 


Quis fuit horrendos, etc. 


Q: L homme au cœur de fer, et né pour les alarmes, 
À forgé le premier de parricides armes ? 

Il fit maître la guerre et les sanglans combals ; 

Le chemin de la mort s’élargit sons ses pas. 

Mais non, ce malheureux ne fut point si coupable. 
C’est nous plutôt, c’est nous, dont la rage implacable 
Sur nous-même essaya l’usage de ces traits 

Qui n’éloient destinés qu'aux monstres des forêts. 
C’est le crime de l'or : plus heureux, plus lranquille , 
Le siècle où l’on buvoit dans des coupes d’argile! 

On ne voyoit ni forts, ni remparts : le berger, 

Au milieu des brebis, reposoit sans danger. 

J'aurois pu vivre alors dans ma douce relraile ; 

Mon cœur ne battroit point au son de la trompette. 
Aujourd’hui, malgré moi, l’on m’entraîne en un camp. 
Je vois briller le fer qui menace mon flanc. 

Dieux Lares! gsardez-moi, vous, qui de mon enfance 
Daignâles protéger les jeux et l’innocence ! 

Qu'un tronc: de ‘bois grossier ne blesse point vos yeux ! 
Cette simplicité vous plut chez mes ayeux. 

C’est lorsqu'ils observoient les lois de la nature 

Que les mortels aux Dieux gardoient une foi pure. 
L’autel éloit rustique, et les tributs légers : 

Des épis, des raisins, les trésors des vergers, 


568 Poéste. 


De l’heureux laboureur composoient les offrandes ; 

Sa fille, encore enfant, y joignoil des guirlandes, 

Et des rayons de miel chargeoient ses foibles mains. 
Repoussez loin de nous ces glaivés inhumains, 

Dicux protecteurs ! brisez ces lances ennemies ! 

Je veux vous immoler des victimes choisies. 

Moi-même , revêtu d’un long habit de lin, 

De myrthe couronné, la corbeille à la main, 

Je suivrai le corlége ; et par mes sacrifices, 

Puissé-je réussir à vous rendre propices | 
Qu'un autre, triomphant des plus vaillans guerriers, 

Dans les champs du dieu Mars moissonne des lauriers ; 

Jaime mieux que, traçant le plan de ses batailles, 

IL barbouille de vin ma table et mes murailles. 

Quelle fureur nous jetie à travers les combais ! 

Pourquoi chercher la mort qui suit partout nos pas ? 

On ne voit point Bacchus dans les royaumes sombres ; 

On n’y voit que Cerbère , et Caron, et les Ombres, 

Qui, pâles, l'œil hagard, s’arrachant les cheveux, 

Errent sans cesse aux bords d’un marais ténébreux. 
Heureux qui, près des siens, dans une humble chaumikre, 

Achève lentement une longue carrière ! 

Il garde les troupeaux à ses soins confiés ; 

Son épouse, le soir, vient Jui laver les pieds. 

Je veux ainsi finir! Je veux que la vieillesse 

Me surprenne coniant les faits de ma jeunesse. 
Cependant que la Paix rende nos champs féconds | 

La Paix apprit aux bœufs à tracer des sillons : 

La paix nourrit la vigne ; à son ombre prospère 

Dans la cave müûrit un vin hérédilaire. 

Si du soldat farouche elle rouille les traits, 

Elle aiguise la bêche et le soc de Cérès. 

Des fêtes, sur son char, ramenant sa famille, 


Le rustre, pris de vin, et chancelle et babille, 


Poésie francaise. 369 
Vénus succède à Mars, et des combats plus doux 
Toürmentent une Belle, excitent son courroux. 
Elle pleure ; à son tour, pleurant sa violence, 
Le Vainqueur en accuse un excès de démence. 
L'Amour folâtre alors dicle les mots piquans; 
Juge facile, il siége entre les deux amans. 
Ah! malheur à qui peut, même dans la colère, 
Lever sur son amante une main téméraire ! 
C'est s'attaquer au Ciel, c’est en chasser les Dieux. 
N'est-ce pas trop d’avoir, dans un transport fougueux , 
Dénoué son ruban, délaché sa ceinture, 
Dérangé ses cheveux, et gâté sa parure? 
N'est-ce pas trop d’un mot qui l’a pu désoler ? 
Heureux , qui, pour un mot, voit ses larmes couler ! 
Mais au monsire odieux, dont la fureur extrême, 
Sans égards, sans pitié, frappe l’objet qu’il aime, 
Il ne faut que du fer, il ne faut que des traits. 
Que Vénusle bannisse !.. Et toi, charmante Paix, 
Les mains pleines d’épis, viens, sur un peuple immense, 
Répandre tes bienfaits, la joie et l'abondance ! 


KÉRIVALANT. 


T, II, Juin 1806. Aa 


à 
VARIÉTÉS, NOUVELLES 
ET | 


CORRESPONDANCES LITTERAIRES. 


NOUVELLES ETRANGÈRES. 


r 
ETATS PRUSSIENS. 


L’on a donné le g mai, au théâtre royal de Beruiw, 
la Fiancée de Messine , tragédie de Schiller ; le Roi 
avoit ordonné que Ja recette en seroit remise aux 
héritiers de ce grand poëte. Elle a été considérable, 
vu l’affluence prodigieuse des spectateurs et les en- 
vois d'argent particuliers. Le directeur de l'orchestre, 
M. Weser, avoit composé, pour cette représenta- 
tion, une symphonie funèbre qui a produit une 
grande sensation.—La pièce de Prcarp, monsieur et 
madame Tatillon , se joue depuis quelque temps sous 
le titre des Brouillons pacifiques. Cet ouvrage attire 
peu de monde : les personnés qui connoissent l'ori- 
ginal français assurent qu’il a beaucoup perdu dans 
la traduction, surtout pour la partie du dialogue. 


Le théâtre de Berlin est en possession d’un drame 
nouveau en cinq actes, intitulé Ze Retour dans la 
patrie , dont le sujet a paru fort touchant, et qui a 
été accueilli avec enthousiasme. Un homme a quitté 
fort jeune sa patrie ; devenu vieux, et seul au monde, 
il désire revoir le lieu desa naissance. Il eut la conso- 
lation, après trente-cinq ans d’absence , d’y retrouver | 


Nouvelles littéraires. 371 


ün arcien ami, plusieurs connoissances et la femme 
qu'il avoit aimée. De tendres souvenirs le rappro- 
chent de sa maîtresse, qui consent à l’épouser ; mais 
Vassiduité d’un jeune homme lui porte ombrage : il 
veut rompre et reuoncer à toute saciélé. Heureuse 
ment on le désabuse, et celui qu’il a pris pour l'a- 
mant de sa Julie se trouve être un fils qu’il a eu 
d'elle autrefois. Ainsi, loin d’être seul au monde, 
il devient tout-à-coup heureux père, heureux époux. 


La traduction de la Phèdre de Racine, par Scwrr- 
LER, a eu un très-grand succès sur le même théâtre, 
Madame Bethmann , ci- devant madame Unzel- 
mann, y a joué le principal rôle avec un talent su- 
périeur. 

On y a repris aussi, tout récemment, l’opéra de 
Richard Cœur-de-Lion. Quelques chœurs , qui ont 
été ajoutés par M. Wr&rr, n’ont point rompu son . 
ensemble, et ont fort bien soutenu le parallèle avec 
la musique de GRéTR y. 


- Le voyage aérostatique entrepris à Berlin par M, 
Juxcerus a paru assez intéressant pour que la Ga- 
zette de la Cour en donnûât la relation suivante : 
M. Jungius employa quatre heures et demie et 3,c00 
livres d’acide sulphurique pour remplir son ballon, 
A une heure moins un quart il lança son éc/aireur, 
ou petit globe de reconnoissance , auquel étoit sus- 
pendue une corbeille avec deux pigeons (ce qui 
avoit été faussement pris d’abord pour un para- 
chüte). Une heure après, son ballon étant rempli 
aux deux tiers de sa capacité, le professeur s’em- 
barqua , animé par la présence du Roi, de la Reine 
ét de toute la famille royale. IL avoit avec lui le 
jeune Kæœls, âgé de 15 ans, fils d’un boulanger de 
Berlin. Son lest étoit de 68 livres, et il s’éleya avec 


572 Nouvelles littéraires. 


üne force ascendante d’environ 300. Parvenu à urie 
hauteur d'environ 3,900 pieds, M. Jungius lächa une», 
oie qui descendit à terre, près dela ménagerie, plu- . 
tôt en planant qu’en volant, L’hygromètre de Saus- 
sure , observé à 8,650 pieds, donnoit 71°. L’aéro- 
naute , ayant atteint une élévation de 15,000 pieds, 
ouvrit la soupape pour remettre son jeune compagnon 
à terre, selon sa promesse. Il descendit donc à 2 
heures 35 minutes, entre Grosbeeren et Heinersdorf, … 
remonta aussitôt seul, et se perdit à une hauteur 
immense, mais qu’on ne peut exprimer en nombre, 
le baromètre ayant été brisé dans sa première des- 
cente. Enfin il se rabattit sûr la terre entre Trebbin 
et Neundorf, à 5 milles et demi de Berlin. Mardi 
après midi, M. Jungius revint dans la capitale, et 
il se rendit aussitôt à Charlottembourg, où le Roi 
et la Reine voulurent entendre de sa bouche le récit 
de son voyage et de ses expériences. Le jeune Kœls 
avoit été présenté la veille à LL. MM. — M. Jungius 
est professeur de physique au collége de Frédéric- 
Guillaume. Xl avoit déja exécuté une très-belle ascen- 
sion aérostatique le 16 septembre dernier. E 


Feu M. Scuuzz, conseiller de guerre à Berlin, étoit 
propriétaire d’une collection considérable de cartes . 
géographiques qui contenoit, non-seulement des cartes 
géographiques proprement dites, tant anciennes que 
modernes, et dans le nombre beaucoup de pièces rares, 
mais encore des vues et des plans de’villes ; de châ-. 
teaux et d’églises, beaucoup de plans déssinés de siè- 
ges , de camps, etc. , enfin des ouvrages de géographie, ! 
de topographie, etc., accompagnés de nombreuses : 
gravures. Depuis long-temps on avoit désiré qu’une 
collection aussi précieuse ne fut pas dispersée : ce 
vœu vient d’être accompli. Le fils aîné du posses- 


Nouvelles littéraires. 375 


seur, qui, pendant quelque temps, a été ministre 
du Roi de Prusse auprès du cercle de la Basse-Saxe, 
l’a offerte au Roi pour être placée dans quelque éta- 
blissement de la monarchie prussienne. Ce don a été 
accepté par le souverain, qui en même temps a chargé 
le département de la direction générale des études de 
lui faire un rapport sur la destination à donner à 
cette précieuse collection. D’après ce rapport, il a 
été décidé qu’on la déposeroit dans une bibliothéque 
publique. Le Roi ayant chargé le donateur de dé- 
signer celle à laquelle il désiroit que ce dépôt fût 
confié, M. de Schulz a proposé la bibliothéque de 
l’Université de Æalle, où cette collection aura déjà 
été transportée. 

La même bibliothéque a depuis peu recu une 
autre augmentation considérable par la munificence 
de la veuve de feu M. le chancelier de Hofmann, qui 
lui a fait don de tous les livres de la riche biblio- 
théque de son mari qui ne se trouvoient pas dans 
celle de PUniversité. 


*- D'après une ordonnanee de S. M. prussienne, la 
distribution des prix de l’Université de G@TriNGuE 
aura lieu telle qu’elle a été ordonnée par le Roi 
Georges ITE; mais le jour de cette distribution est 
fixé au jour anniversaire de la naissance du Roi de 
Prusse, au mois d’août ; les médailles porteront l’ef- 
figie et le nom de S. M. P. Celles qui étoient déjà 
frappées pour la distribution qui devoit avoir lieu 
le 4 juin, jour de la naissanee du Roi Georges, se- 
ront conservées au Musée de Goettingue. 


374 Nouvelles littéraires. 


Suite de la notice sur les travaux des membres de 
l'Université et de l’ Académie de Gættingue(i), 
pendant le cours de l'année 1805. 


Le 4 juin fut consacré à célébrer le jour de la nais- 
sance du fondateur d’une solennité académique, aussi 


honorable pour l'Université que glorieuse pour le” 


fondateur lui - même, et qui passera à la postérité 
puisqu'elle est jointe à la distribution des prix pour 
les étudians. La générosité de l'Empereur des Français 
conserve toujours, à notre Université et à ses insti- 
tuts, la protection qu’il a eu la bonté de leur pro- 
mettre, M. le maréchal Bernadotte a confirmé les 
avantages qui nous ont été accordés; ainsi il nous a 
été permis de célébrer ce jour de fête à la manière 
accoutumée, et d'exprimer tout haut les vœux que 
nous dictent le respect et la reconnoissance. Cet 
exemple de la générosité des Français étoit réservé 
à notre siècle ; il prouve que l'humanité a fait un 
pas de plus, et qu’au milieu même du bruit des ar- 
mes , les sciences doivent et peuvent suivre leur 
marche accoutumée. Si cette maxime importante se 
soutient et se répand. parmi les peuples de l'Europe, 
la postérité n’a plus à craindre de retomber dans la 
barbarie. 

Les différentes facultés avoient proposé les ques- 
tions suivantes. La faculié de théologie : Quantum 
valoris eé momenti tum in adstruenda veritate his- 
toriæ Christi, tum in demonstranda authentiæ et in- 
tegritate librorum Novi Testamenti, testimonia ad- 
versariorum qui fidem christianam et hæreticorum 
qui fidem catholicam-primis tribus sœculis impugna- 
runt, habeant et habere possint? 


(1) Supra, année 1805, tom. V, p. 145. 


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Nouvelles littéraires. 379 


La question avoit été proposée pour la seconde 
fois. Le prix fut adjugé à l’auteur qui avoit déjà 
concouru l’année dernière, à M. Zouis-Henri PLank 
de Goettingue; M. Jean-Jacques Sacx , de Hanovre, 
a eu l’accessit. ; 

Le prix komilétique, ou du meilleur sermon, dont 
le texte étoit que /a véritable humilité chrétienne peut 
fort bien se concilier avec une noble estime de soi- 
même , Saint-Mathieu, XI, 29, a été décerné à M. 
Georges- Émile - Guillaume Arnor» de Lippe, et le 
même M. Sacx , d'Hanovre, a eu encore l’accessit. 

La Faculté de Jurisprudence avoit demandé, pour 
la seconde fois : Exponantur effectus actuum juris- 
dictionis voluntariæ et mixtæ in alieno territorio se- 
cundum principia juris civilis, publici, Germanici et 
gentium. La Faculté n’a reçu qu'un mémoire, qui ne 
manque pas de mérite, mais auquel cependant elle 
ne pouvoit décerner le prix. 

La Faculté de Médecine avoit proposé : An prin- 
cipii azotici sive nitrogenit atmospherico aeri nun- 
quam non inhærentis, dum hic per respirationem atque 
inhalationem corpus animale intrat, nihil in ejus 
interioribus deponatur. 

‘ Le mémoire recu n’a pas répondu tout-à-fait à 
la question ; mais cet ouvrage a recueilli, coor- 
donné et jugé le pour et le contre avec tant de sa- 
gacité et d'intelligence , que le prix a été adjugé à 
l’auteur. Il se nomme François Scumirz, de Cologne. 

La question de la Faculté de Philosophie étoit : 
Ut religionum latii veteris domesticarum notitiæ à 
libris Fastorum Ovidii eruerentur et ex aliis scrip- 
toribus illustrarentur. La Faculté a recu un mémoire 
qui annonce , dans l’auteur, beaucoup de lecture, 
d’érudition et de connoissance des anciens classiques ; 
mais le but étoit dépassé et le style étoit très-né- 


376 Nouvelles littéraires. 


gligé. Ainsi la faculté a remis la question à l’année 
prochaine. | 

Les quatre facultés ont proposé, pour le mois de 
juin 1806, les questions suivantes. 

La Faculté de Théologie: Doctrinæ de jure jurando 
in ecclesiä christian& historia exponalur. 

Ft pour le prix du meilleur sermon, le texte sui- 
vant : Quantum fides in Jesum Chrisitum ex sensu 
Scriplurarum sacrarum valeat ad virtutem humanams 
p'omovendam. 

La Faculté de Jurisprudence : Queæ sint jure novis- 
simo, hæreditatis civilis et bonorum possessionis tums 
convenientiæ tum differentiæ principes ? 

La Faculté de Médecine : Cum certo constet , quæ- 
dam tum alimentorum tum medicaminum genera s 
corumve partes, per vasa absorbentia i ipsi SAnguinis 
Jluento admisceri, alia contra quæ ab iis quasi res- 
Puuntur, nunçquam eidem hac via affundi; nrsrpe- 
RAT ORDO MEDICUS , plenum quantum fieri potest ef 
accuratum recensum eorum, quibus, sive tubo ali- 
ruentario sint ingesla , sive communibus corporis 1n= 
tegumentis applicata, ingressus in syslema vasorurr» 
sanguiferorum aut concessus @ natur& aut negalus 
sc£. 

La Faculté de Philosophie propose la question de 
l’année dernière, et elle y en joint une autre : Zn- 
terpretationis pe Philonianæ principia et ele- 
menta ex ipso Philone elicere et declarare. 


Le programme que M. Heyxe à fait paroître pour 
annoncer Ja distribution des prix, contient d’abord 
l’expression de la reconnoiïssance que notre Univer- 
sité doit à la puissance qui occupe le pays d'Hanovre. 
fl combat ensuite l’opinion paradoxale que les guerres 
ont contribué à étendre les arts et les seiences et à 


Nouvelles littéraires. 377 


perfectionner le genre humain, et que les conquêtes 
d'Alexandre en sont un exemple frappant. Cette 
question exigeroit un très - grand développement. 
L'auteur du mémoire traite seulement de la confu- 
sion d'idées qu’elle présente , parce qu’on ne sépare 
pas le bien accidentel du mal nécessaire, et que l’on 
ne remarque pas que ce bien est seulement la suite 
et l'effet de la paix. Le pillage et la désolation ne 
peuvent produire aucune civilisation ; et la destruc- 
tion du bonheur de l’homme, de son industrie, de 
tout ordre social, ne peut amener un perfectionne- 
ment moral ou intellectuel. L'ancienne mythologie 
grecque nous montre Bacchus voyageant aux Indes 
pour policer les hommes. La fable contient quelque 
chose de semblable des campagnes de Sésostris; mais 
il y a dans la fable beaucoup d’autres choses qui 
ne s'accordent pas du tout avec la véritable his- 
toire des peuples. Les courses d’Hercule, armé de 
sa massue , ont encore plus d’analogie avec l’his- 
toire véritable qui nous offre les croisades, la des- 
traction des Caraïbes, l’inquisition , les dragonades 
et les guerres de religion; mais l’histoire ne fait 
aucune mention de guerres entreprises pour étendre 
la civilisation des hommes, pour propager les arts 
et les sciences , et entreprises dans ce véritable des- 
sein. Quelques savans veulent compter, parmi de 
semblables expéditions, celle d'Alexandre aux Indes, 
et lui prêtent l’idée d’avoir voulu civiliser le monde 
entier, réunir tous les peuples ertre eux , et faire 
dominer généralement la langue et la littérature grec- 
que. L'idée eût été grande et belle, mais est-elle 
vraie ? Est-elle fondée sur des titres historiques ? Cette 
recherche pourroit bien amener un résultat qui prou- 
veroit qu'Alexandre n’a jamais pensé à toutes les belles 
choses qu’on lui prête. Il y a deux objets principaux 


378 Nouvelles littéraires. 


à examiner : ce qu’a fait Alexandre pendant sa vie, 
et ce qu'il avoit le projet d’exécuter ayant sa mort. 
Pour la première question, elle n’a pas besoin d’être 
discutée très-longuement. Dans toutes les campagnes 
d'Alexandre, on ne trouve rien qui se rapporte à la 
civilisation et à la littérature, et qui annonce le plan 
de les répandre dans l'Asie et dans l’Inde. La seconde 
question , développée et discutée avec la critique de 
l’histoire, offre une solution tout aussi peu satisfai- 
sante, Un faux enthousiasme n’égare que trop sou- 
vent l'historien. On prend une sorte de prédilection 
pour un héros, on le pare de tous les dons que 
nous présente notre imagination, on en fait enfin 
un héros poétique. C’est un des foibles de l’homme 
d'aimer à voir quelque chose de gigantesque et de 
se figurer , dans une image qu'il s’est créée à plaisir, 
la grandeur qu’il voudroit croire propre au genre 
humain. On veut qu'Alexandre offre l'idéal d’une 
pareille rêverie. Tous les peuples réunis sous un 
seul héros, par conséquent une même culture, une 
mème littérature , la même religion, le même droit 
des gens, la paix générale, et surtont il ne faut pas 
oublier un commerce universel entre tous les peu- 
ples : quelles helles spéculations commerciales l’on 
peut faire ! — Mais opposons la vérité à ce tableau. 
Le fond de tout, comme on le voit en remontant 
aux sources et en les interprétant exactement, est 
seulement qu’'Alexandre avoit résolu de faire la guerre 
aux Carthaginois. Voisins de l'Égypte, près d’Ale- 
xandrie, ville dont il devoit chercher à assurer la 
communication avec la Grèce , les Carthaginoïsétoient 
dangereux pour lui. I] pouvoit fort bien aussi devi- 
ner leurs intentions, puisqu'il avoit détruit Tyr, 
leur ville natale , et qu’ils avoient toujours fait cause 
commune contre lui avec les Perses; car la haine 


Nouvelles littéraires. 379 


nalionale, un des maux les plus terribles qui aient 
désolé le genre humain, étoit aussi en jeu dans ce 
combat. Tous les autres sa qu’ou lui suppose ont 
été inventés par des historiens et des hommes d'état 
soit anciens , soit modernes ; on a formé ces plans 
d’après les idées politiques et commerciales de nos 
jours, mais destituées de fondement ; on ne peut les 
présenter comme des vérités tatrque 


GEscicxrTe der Poesie und Beredsamkeit seit dem 
Ende des dreyzehnten Jahrhunderts von, Friedrich 
Bourerwecx. Vierter Band. Histoire de la Poésie et 
de l’Eloquence depuis la fin du 13°. siècle, par Frédé- 
rie Bourerweck. Quatrième volume. Chez Ræœwer. 
Goettingue. 

Ce volume contient l’histoire de la littérature, de 
la poésie et de l’éloquence portugaise. 


AnranceserunDs der Naturlehre zum Behuf der 
Vorlesungen über die Experimental-Physik, von Jok. 
Tob. Mayer. Élémens de Physique expérimentale , 
par Jean-Tobie Mayer, professeur à Goettingue. Se- 
conde édition. Goettingue, Dieterich. 

LEHRrsucH über die physische Astronomie, T'heo- 
rie der Erde und Meteorologie, von Joh. Tob. MAyer. 
Essai sur l’ Astronomie physique, la Théorie de la 
terre et la Météorologie, par le mème. Également 
chez Dieterich. 

RePERTORIUM commentationum a Societatibus lit- 
terariis editarum, secundum disciplinarum ordinem 
digessit J. D. Revss. Scientia naturalis. Physica. 
1805. Quatrième volume. 

En annonçant la partie de l’As#ronomie, qui doit 
faire le 5°. volume , nous avons dit que ce volume 
étoit mis au jour avant le 4°., parce que les astro- 
nomes l’avoient désiré. A présent nous voilà rentrés 


380 Nouvelles littéraires. 


dans l’ordre , et le 6°. vol. ; qui doit suivre celui-ci, 
contiendra l'Économie, 


Gescurcnre der Schrifterklærung seit der Wieder- 
herstellung der issenschaften. Histoire de l’interpré- 
tation des écritures depuis la renaissance des sciences , 
par Gotlob-Guillaume Msyer, professeur de théolo- 
gie à Altdorf, auparavant à Goettingue. Quatrième 
vol., aussi sous le titre ÆZistoire des Sciences depuis 
leur renaissance. 


Le huitième cahier des Dessins pour servir à l’His- 
toire naturelle, par M. Biumexsacu, contient les ob- 
jets suivans. 71. Le polatouche (sciurus volans ), avec 
l'indication particulière de l’os singulier, en forme 
d’arête, qu'il a à ses pates de devant , et qui lui sert 
à déployer sa peau latérale. 72. La musaraigne d'eau, 
avec sa soupape dans l'ouverture du conduit auditif 
extérieur , pour pouvoir le fermer quand elle plonge, 
et les soies roides et plattes qu’elle a au bord de ses 
orteils, et qui lui servent pour ainsi dire de mem- 
brane natatoire. 73. Le veau marin. 74. La balæna 
boops , d’après une baleine femelle de cette espèce, 
longue de 52 pieds, que M. Blumenbach a vue échouée 
sur les côtes d’Hollande. 75. Le Aiïbou de neige, du 
musée de l’Université. 76. Le martiret. 77. Une au- 
truche au moment de sortir de l’œuf , de la collection 
de la princesse douairière de Waldeck. 78. Le su- 
cet du musée de l’Université. 79. Æ{ydatis erratica. 
Un macaque (Simia cynomolgus) que M. Blumen- 
bach disséqua il y a quelque temps; il avoit les pou- 
mons, le foie, le réseau , etc. couverts de vessies 
Iymphatiques qui, à l'extérieur, n’offroient aucune 
trace de bouche ou de suçoir, mais qui contenoient 
dans leur lymphe une quantité de petites hydatides 
errantes et armées d’un véritable sucoir, 80. Wadre- 


Nouvelles littéraires. 38: 
porites lenticularis, pétrification remarquable de la 
perte du Rhône, que M. de Luc jeune a examinée 


dernièrement, et que M. de Saussure a prise pour une 
mine lenticulaire. 


GEscHIcHTE der neueren Philosophie. Histoire de 
la Philosophie moderne, par J. G. Buuvr. Seconde 
moitié du sixième volume. Ce volume finit l’ou- 
vrage. 

IDEEzN über die Politik und den Verkehr der vor- 
nehmsten Vœlker der alten Welt. Idées sur la poli- 
‘tique et les, relations commerciales des principaux 
peuples de l’ancien monde, par M. Hsrren, Seconde 
édition, corrigée et augmentée. La seconde partie , 
qui contient l'Afrique, avoit paru la première. Main- 
tenant paroît l'Asie, qui forme la première partie. 
L'auteur, sans compter les augmentations qu'il a in- 
tercalées dans le courant de l’ouvrage, a ajouté à la fin 
quelques appendices, parmi lesquels on en remarque 
particulièrement qui lui ont été communiqués par 
deux de ses amis. L’un est sur l’explication des écri- 
tures à coin, et particulièrement des inscriptions de 
Persépolis, par M. Grotefend, et l’autre contient un 
essai de M. 7ychsen pour expliquer, d’aprèsle persan, 
les mots indiens qui se trouvent chez les Grecs. Un 
des appendices offre aussi un aperçu critique sur les 
anciennes routes commerciales de l'Asie. Ces routes 
sont indiquées sur la carte jointe à l’ouvrage. 


LizreNrHALziscuz Beobach tungen der neuentdeck- 
ten Planeten, Ceres, Pallas und Juno zur genauen und 
richtigen Kenntnis ihrer wahren Græsse, Atmosphære 
und übrigen merkwürdigen Natur - Verhælinissen 
im Sonnen Gebiete, von D’. Joh. Hieron. SCHR&GTER. 
Observations faites à Lilienthal des planètes nouvel- 
lement découvertes , Cérès, Pallas et Junon ( Piazza, 


582 Nouvelles littéraires. 


Olbers et Harding) pour connoître exactement leur 
réritable grandeur , leur atmosphère .et leurs autres 
relations remarquables avec notre système solaire , 
par le docteur Jean-Jérôme Scur&rer, conseiller de 
justice du Roi d'Angleterre , et grand bailly à Li- 
lienthal. Goettingue , chez Fandenhoek-Ruprecht. 

Cet ouvrage montre la cause de l’erreur d’Herschel 
dans les observations des planètes, Pallas et Junon, 
et l’attribue à l’instrument dont il s’est servi, et à 
la manière dont il l’a employé. L'auteur, après avoir 
comparé l’atmosphère et la grandeur de ces planètes 
avec celles de la terre , de la lune ; etc., ajoute à ses 
observations plusieurs réflexions cosmogénétiques 
qui ont rapport à son travail et qui donnent infini- 
ment d'intérêt à l’ouvrage. 


PuirosorærscxE und biblische Moral. Ein Aca- 
demisches Lehrbuch von D. C.S. Sræupzin. — Mo- 
rALE philosophique et de la Bible ; par C.S. Sræun- 
LIN, docteur en théologie, Gottingue, Ruprecht. 

Hisrorr4 jurisjurandi biblica, par le même. 
Dieterich, 1805. 

Geschichte der christlich-kirehlichen Gesellschafts- 
Verfassung , von D. J. Pranx.—/fisrorre de l’é- 
glise chrétienne ; par J. PLaxk , docteur en théologie, 
3°. vol., 1805, Hanovre. 


KLEINE historische Schriften von A. H.L.HEEREN, 
Professor der Geschichte in Gœtiingen.— Mélanges 
historiques ; par À. L. Hrerex , professeur d’histoire 
à Gættingue, seconde partie. Gœttingue, Rœwer. 

Cette seconde partie contient comme la première 
trois mémoires. [. La continuation du développement 
historique de l’intérét continental de l Angleterre, 
qui avoit été interrompu dans le premier volume à la 
mort de la reine Anne. Ainsi nous avons à présent 


Nouvelles littéraires. 383 


la période de la maison d'Hanoyre, mais continuée 
seulement jusqu’au commencement de la guerre de 
la révolution, parce que, comme dit l’auteur avec 
raison , les Étéemiebs qui viennent de se passer 
sous nos yeux, ne sont pas encore mûrs pour l’his- 
toire. II. Sur l’origine , le développement et lin- 
Jfluence pratique des théories politiques dans l'Eu- 
rope moderne. Tous les écrivains politiques depuis 
Bodin jusqu’à Rousseau, sont appréciés et leurs théo- 
ries développées. L’auteur donne ainsi le résultat de 
ses recherches : « Le monde est persuadé à présent 
» que la simple spéculation n’offrira pas les moyens 
» de perfectionner les constitutions. Tout ce qu’elle 
» peut faire, c’est d'établir seulement une théorie, 
» indépendante de toutes les conditions que la réa- 
» lité demande toute’ autre dans un état particulier. 
» Mais cette théorie ne sert pas à grand’chose. Heu- 
» reusement que les vérités desquelles dépend le per- 
» fectionnement interne desétats, ne sont pas si ca- 
» chées et si profondes que l’on ait besoin d’une telle 
» abstraction pour les trouver. Si l’on considère les 
» états comme des instituts qui se sont formés d’a- 
» bord et perfectionnés ensuite sans principes méta- 
» physiques; si l’on se persuade que le but général 
» de ces instituts est le développement des disposi- 
» tions de notre nature; lequel ne peut s’obtenir que 
» par la réunion sociale ; si l’on ne restreint pas ce 
» but à l’idée étroite de sûreté, et si on ne l’étend pas 
» à l’idée vague de félicité, Vo verra bientôt que 
» ces vérités peuvent se trouver beaucoup plutôt par 
» l’expérience que par la spéculation. — Toutes les 
» formes politiques sont peu importantes, si elles ne 
» sont pas soutenues par la moralité et les lumières 
» du gouvernement et de la nation. Vouloir former 
» une constitution politique qui porte en soi-même 


584 Nouvelles littéraires. 


» la garantie de sa durée, c’est une idée encore plus 
» singulière que cellede vouloirtrouverle mouvement 
»- perpétuel. » IL. Sur /a colonisation de l'Egypte 
et sur les suites de cette colonisalion pour le système 
politique européen en général, et particulièrement 
pour la Russie. 


GEscHICHTE der philosophischen, ebræischen und 
christlichen Moral im Grundrisse von D. STÆUDLIN; 
Histoire de la morale philosophique, juive et che 


tienne, par C. F. Sræuoriw, docteur en théologie , 
1806, Hanovre, Æahn. 


BEyrrxcE zur Geschichte der Erfindungen von 
Johann Bzrcxmanx ; Mémoires pour servir à l’his- 
toire des Tébcneries et des inventions, per Jean 
BEckmanx ,w4°. n°. du 5°. vol. 

Ce volume contient un seul article , mais fort inté- 


ressant, sur le salpètre, la poudre à canon et l’eau 
forte. ! 


Le 12 octobre M. Tycnsew lut à la société un mé- 
moire de commertiis et navigationibus hebræoruin 
ante exilium Babylonicum. 

L'auteur prend pour texte le passage de Josephe 
où cet écrivain paroît refuser à sa nalion toutes les 
relations commerciales avec les autres peuples, et 
remarque que cette assertion est exprimée trop gé- 
néralement , puisqué sans doute les hébreux com- 
merçoient ; seulement ils n’avoient pas de commerce 
maritime, comme les phéniciens. Il est certain que 
malgré la situation avantageuse de la Palestine pour 
le commerce, plusieurs raisons concoururent pour 
détruire les avantages de cette position. Cependant, 
1°. ils avoient un commerce intérieur que les assem- 
blées générales-du peuple, prescrites par leur reli- 
gion, pouvoient favoriser. En second lieu ils avoien 

un 


Nouvelles littéraires. 3585 


ün commerce passifassez considérable avec les Egyp- 
tiens et les Phéniciens. Les tribus septentrionales pa- 
roissent avoir eu dés relations commerciales avec les 
Phénicieus , et les méridionales avec l'Egypte. Plu- 
sieurs causes doivent faire croire que ce commerce 
étoit très-avantageux pour les Hébreux. Ce peuple 
n'eut de commerce maritime que pendant très-peu 
de temps sous Salomon, qui entreprit le voyage 
d’Ophir. Mais on a très-peu de détails sur cette ex- 
pédition , et elle laisse beaucoup d’obscurités. M. 
Tychsen cherche dans son mémoire à l’éclaircir au- 
tant que lui permettent les notices que nous en avons. 

Dans cette même séance, M. le professeur Srrou- 
MEYER , associé résident de la société, lui soumit une 
partie des résultats ‘de ses recherches chymiques sur 
l'union de l'hydrogène avec les métaux. Al a particu- 
lièrement examiné dans ce mémoire l’union de l’hy- 
drogène avec l’arsenic. Il fit plusieurs expériences sur 
les phénomènes les plus frappans qu'offre le gaz 
hydrogène-arsénical. 

M. le professeur Osranprr donna ensuite pour le 
Muséum de Gottingue, une petite fiole remplie de 
sable de la mine.de diamant de Banser-Massing, dans 
’ile de Bornéo, qu’il avoit reçue d’un de ses com- 
patriotes , M. Haas, revenu des Indes en 1802. M. 
Haas'avoit suivi comme aumônier un régiment wir- 
tembergeois à la solde de Hollande, qui avoit été 
envoyé au cap de Bonne-Espérance, et de là à Java 
et à Ceylan. Lorsqu'il entreprit ce voyage, George 
Forster, qui séjournoit alors à Mayence, lui donna 
plusieurs instructions verbales ét par écrit sur la 
manière de vivre, et notamment sur des objets 
d'histoire naturelle, D’après l'indication de Forster, . 
M. Haas chercha entre autres à se procurer du sable 
desminesde diamant de Bornéo, inaccessibles encore 


T°. III. Juin 1806. Bb 


386 Nouvelles littéraires 


- aux européens. Il s’adressa pour cet objet à un de 
ses compatriotes au service des Hollandais dans 
les Indes. Ce dernier trouva le moyen d’obtenir du 
sultan de Bornéo une quantité de sable de ces mines 
qu’il partagea avec M. Haas. Sur-le-champ Haas en 
envoya à l’Institut national et à un gouverneur espa- 
gnol, Emmanuel d’Agota; le reste, à l'exception d’une 
petite partie qu’il avoit mise dans une boîte à thé, 
lui fut enlevé avec d’autres objets par un corsaire 
français qui prit le vaisseau lorsqu'il revenoit à l’[le- 
de-France. C’est ce petit reste que M. Haas, à son 
retour du cap, envoya à M. Osiander son compa- 
triote et son ami, et dont ce dernier a donné la plus 
grande partie au Musée de Goettingue , comme une 
rareté digne de l’attention du naturaliste. Ce sable 
est comme celui qu’on trouve dans les autres mines 
de diamant, par exemple ; à Golconde , à Visapour, 
etc., d’un jaune rougeâtre et ferrugineux. 

M. Osiander montra en second lieu à la société 
quelques préparations anatomiques de nerfs qu’il 
avoit injectés avec du mercure. Ion sait déjà par 
l'ouvrage intéressant de M. Reiz, de structura nervo- 
rum, que les nerfs optiques peuvent, après une cer- 
taine préparation, être injectés avec du mercure; 
c’est-à-dire, qu'après avoir exprimé et fait sortir des 
petits canaux (canaliculi) la moelle amollie , on peut 
y injecter du mercure au moyen d’une seringue par- 
ticulière, parce que ces canaliculi s’anastomosent , 
par conséquent on ne doit les injecter que par un seul 
çanal. Depuis plusieurs années M. Osiander s’est oc- 
cupé de ces injections d’une manière qui lui est 
propre, et il a montré des nerfs optiques des bœufs et 
des veaux ressemblant à des fils d'argent enlacés et 
‘qui étoient conservés dans de lesprit-de-vin. Il fit 
remarquer en même temps que Correr de Nurem- 


Nouvelles littéraires. 587 


- berg , dans son ouvrage assez rare à présent: Exéer- 
narum et internarum principalium humani corporis 
partium tabulæ. Norib. 1572, fol. avoit dit à la 
p. 87. « Opticus nervus minime, ut Galenus aliique 
ejus asseclæ voluerunt , ex solido corpore eoque per- 
forato constat, verum non aliter atque ceteri omnes 
nervi, ex multis nervosis fibris sive filamentis sibi 
mutuo membranarum beneficio connatis conflatur. 
Hoc in bovino optico nervo luce clarius est, nam si 
medullarem frusti cujusdam nervi optici humidita- 
tem digitis expresseris, filamenta nervosa conspicies. 
Idem attestatur Eustachius in examine ossium ubi 
sic inquié : nervus visorius veluti tenuissimum ma- 
tronarum linteum, in innumeras rugas œæquales e£ 
pari serie distributas complicatus, tuniculaque illas 
ambiente coacius hac eadem incisa eyolvi sese per- 
mittebat et in amplam membranam totum explicari 
atque intendi.» Par conséquent Coiter connoissoit déjà 
la structure et la texture des nerfs optiques, et c’est 
sur cette connoiïssance que se fonde la possibilité ré- 
yoquée en doute par plusieurs d'injecter ces nerfs 
avec du vif-argent. Mais jusqu’à présent on n’avoit 
pas essayé d’injecter d’autres nerfs que les nerfs op- 
tiques, surtout en liaison avec tout le corps, parce 
qu'on ne savoit pas comment la moelle des nerfs 
permettroit Vintroduction du mercure, Mais M. 
Osiander profila de l’occasion que la nature lui of- 
frit en préparant elle-même ce travail. Il y a quelque 
temps qu'il naquit deux jumeaux à l’hospice d’ac- 
couchement ; l’un d’eux étoit mort et hydrocéphaie. 
M. Osiander examina le cerveau, et trouva la sub- 
stance moellense très-diminuée , celle corticale au 
contraire étendue par l’eau avec les pellicules fines 
du cerveau, et offrant cette substance membraneuse, 
que, d’après le docteur Gall, l’art peut faire prendre 


588 Nouvelles littéraires. 

à chaque cerveau. Cela lui donna l’idée que la sub- 
stance moelleuse des nerfs de cet enfant mort pou- 
voit être également diminuée et consommée dans les 
canaux des nerfs , et permettre au mercure d’entrer. 
Il essaya en conséquence d’injecter différens nerfs 
du corps , et son expérience réussit fort bien. M. 
Osiander montra cette préparation unique dans son 
espèce, dans laquelle le nervus phrenicus du côté 
gauche, le #runcus communis pro nervo mediano , 
cubitali et cutaneo, les nervi cubitalis, culaneus major, 
palmaris , medianus et les rami digitales ex mediano 
étoient injectés en partie jusqu’au bout dés doigts avec 
du vif-argent. Au pied gauche, les rervi Bimbalis à 
cruralis, saphenus avec plusieurs de leurs rameaux 
étoient démonirés clairement et sans une étendue 
variqueuse. M. Osiander croit que de cette manière 
et d’après une expérience qui a si bien réussi, on 
pourra dans la suite injecter avec du vif-argent les 
cadavres dans lesquels la moelle des nerfs aura été 
diminuée par la maladie, et-exposer ainsi le sys- 
ième nerveux aussi bien qu’on expose le système 


lymphatique. Certains procédés font croire que de 


pareilles injections sont également possibles dans 
d’autres cadavres. 

M. Himzy montra encore à la société, dans cette 
même séance, un mémoire enrichi de quatre gra- 
vures de M. le docteur OKex, dans lequel ce dernier 
communique quelques découvertes importantes sur 
la fonction de la unica erythroides et la position et la 
nature du éractus intestinalis dans les embryons dé- 
licats. Il trouva, en anatomisant cinq embryons-de 
cochons d'environ vingt-quatre jours, que non-seu- 
lement Les sasa omphalomesenterica s’étendoient à la 
tunica erythroides, comme DAUBENTON, F'ABRICIUS 
ABAQUAPENDENTS,et NEgDHAM l’avoient trouvé dans 


C 


- Nouvelles littéraires. 389 


les chats, À. de Gr44r dans les lapins, Frrn1EYEN 
dans-la souris, Th, Barrorinus dans le veau et les 
lions, M. Brumens41cx dans le hérisson , ete. ; mais 
que dans la première période aussi les intestins passent 
réellement à cêtte membrane. Seulement quand Vem- 
bryon est plus avancé, les intestins se séparent de 
la tunica erythroides , et se retirent dans la cavité du 
ventre; mais les vaisseaux restent encore quelque 
temps, c'est pourquoi on les y a trouvés encore fré- 
quemment. Plus tard, c’est-à-dire, lorsque les vais- 
seaux se forment plus dans le mesenterium rentré, 
ces vaisseaux se détachent aussi , et vers le temps de 
la naissance , on ne les retrouve plus. Alors la funica 
erythroides elle - même se sépare dans le milieu , et 
flotte comme les appendices et l’allantois dans l’al- 
Jautois ou bien , par un trou dans la cicatrice par 
laquelle elle se, réunit avec l’allantoïde, elle est ex- 
pulsée par la pesanteur de la liqueur. L’erythroides 
est ensuite, pour ainsi dire, un estomac du fétus dé- 
Jicat ; alors lorsque celui-ci, plus tard, se sépare , la 
partie supérieure et inférieure du éractus intestinalis 
passent directement l’une dans lautre ; la place où 
cela arrive paroît être celle du bout de l'intestin 
grele et du commencement des gros intestins, où 
alors le passage en biais de l’un dans l’autre s’ex- 
plique par la position précédente; et le processus 
vermiformis semble être le dernier point d’adhésion 
à l’érythroïde. Dans la première période: on trouve 
dans le cordon ombilical disséqué huit vaisseaux , 
c’est-à-dire, 1°. un morceau d’intestin descendant 
d'en haut, que l’auteur appelle l'intestin estomac ; 
2° un montant d’en bas qu’il nomme l'intestin rec- 
tum; 3°. une veine omphalomesenterica ; 4°. une 
arlere omphalomesenterica ; 5°. la veine omphalohe- 
pafica; 6°. et 70. les deux arteriæ omphalo-iliacæ : 


390 Nouvelles littéraires. 


et 8°. l'urachus. Entre les intestins et la moelle épi- 
niere on trouve une membrane fine étendue, le mé- 
sentérium , dans Je milieu duquel est la veine om- 
phalo-mesenterica. M. Himly affirma avoir vu lui- 
même dans ces préparations de M. Oken cette posi- 
tion des intestins et leur conjonction avec l’éry- 
throïdes. L'auteur étoit fâché de n’avoir pas encore 
trouvé celte particularité dans le fétus humain, parce 
que depuis il n’avoit pu avoir de fétus humain aussi 
jeune ( d’environ six semaines); mais comme dans le 
fétus la vésicule ombilicale est hors de l’amnios, et que 
les vaisseaux mésenteriques y vont, on peut croire que 
dans une période antérieure les intestins ÿ vont aussi. 
L'auteur est persuadé que la vésieule ombilicale n’est 
ni l’allantois, ni un organe particulier à l’homme, 
mais la tunique eryéhroides des animaux; que ce petit 
fil blanc qu'Albin vit courir de la vésicule ombili- 
cale au nombril, et qu’il prit pour l’urachus, parce 
qu’il ne dissèqua pas le fétus , aînsi que les vaisseaux 
succiferes formés de plusieurs, ne sont rien autre que 
des vasesomphalo-mesenteriques pas encore oblitérés. 
Dans des embryons de chiens un peu plus âgés, et 
examinés attentivement, Ja position s’est montrée 
pareille à celle du fétus humain de dix semaines, dis- 
séqué et décrit par M. Wrisberg, de sorte que l’au- 
teur croit que si ce félus humain eût été plus jeune 
de quelques semaines, l’adhésion des intestins avec 
la vésicule ombilicale eût été déja démontrée; cette 
position premiere des intestins explique très-facile- 
ment pourquoi l’on trouve tant de fétus avec les in- 
testins avant le nombril , et mème beaucoup qui les 
ont pendus au ventre dans un sac particulier ; les in- 
testins alors ne sont ‘pas sortis des cavités du ventre, 
mais, au contraire, ils ont été empêchés par un ob- 
stacle quelconque d’entrer dans la cavité du ventre; 


Nouvelles littéraires. 391 


c’est pour cela que proprement on ne peut pas l’ap- 
peler une descente. — Les recherches de l’auteur 
s'étendent aussi à l’urachus, sur les glandes acces 
soires, etc. M. Oken compte incessamment faire im-. 
primer son mémoire. 

Nesror, Russische Annalen in ihrer slavonischen 
Grund-Sprache. Annales de Russie, par Nesror, dans 
la langue originale, comparées, corrigées, expli- 
quées et traduites par Z. 4. px Sonræzer, chevalier 
de l’ordre de Saint-Vladimir , et professeur à Gœttin- 
gue, troisième partie ; Oleg, depuis 879-913, second 
grand duc et second fondateur de l’Empire russe ; 
1805, troisième partie. C’est la continuation de l’ou- 
vrage dont les deux premières parties ont déja nee 
il y a trois ans. 

Dans la séance de la Société royale des sciences, 
où l’on célébra le 54°. anniversaire de sa fondation 
M. Merxens lut un mémoire sur les Dignités des 
Chanceliers dans les Universités, et nommément sur 
les Droits et les Devoirs des Chanceliers dans les Uni- 
versités allemandes et anglaises, où les dignités 
étoient tout autrés qu’en France et en Italie. 


La question proposée par la Classe physique, pour 
le mois de novembre de cette année, étoit : 

Quum physiologi de vaseuloso vegetabilium contextu 
diversa prorsus statuant, aliis , iisque antiquioribus , 
illum asserentibus , recentioribus contra in alia om- 
nia euntibus ; novis experimentis, Ope MICROSCOPTI 
comPos1Tr curate inslituendis, elici probarique cu- 
pit Societas : utrum omnino a Malprishii, Greswir , 
Duhamelii, Mustelii, Hedwigiique observationibus 
ac placitis standur sit, an vegetabilium natura ab 
animali fabrica prorsus differat, omninôque vel fibra- 
rum fibrillarumque, quæ Medici est sententia, vel 


292 Nouvelles littéraires. 


cellularum ac tubulorum (tissu tubulaire) contextw 
ac structura continu@tur. 

La Société eut le plaisir de recevoir trois ouvrages 
sur ce sujet, dont chacun, sans la concurrence, eût : 
mérité le prix. Le premier avoit pour épigraphe : 
Die Natur wird, in der Natur langsam gesucht, am 
geschwindesten sefunden. Man sieht sie in ikrem 
wahren Lichte, sobald man sie durch kein System 
sieht. Le second : Equidem tunc naturæ rerum gra- 
tias ago, cum illam non ab hac parte video quæ pu- 
blica est, sed cum in interiora ejus intravi. Le troi- 
sième : Quo allius in naturæ arcana nos insinuare 
conamur, eo magis patet , nos ad ultimum ejus myste- 
rium nunquan perventuros. Les auteurs des mémoires 
n°*, 1 et 2, ayant épuisé la question sous la plupart des 
rapports d’une manière presque également salisfai- 
sante, la Société crut devoir partager le prix entre 
les deux concurrens, puisque tous deux le méri- 
toient. Lorsqu'on eut décacheté les billets, le n°. x 
offrit le nom du docteur Charles-Asmund Ruporvut 
à Greifswalde , et le n°. 2 celui de Æenri-Frédérie 
Linx , professeur de physique, chymie et botanique 
à Rostock , tous deux déjà connus et estimés comme 
naturalistes ; l’accessit, avec une mention très-hono- 


rable, fut décerné au n°. 3, dont l’auteur est M.Tre- 
VISANUS. 


La question économique, pour le mois de novem- 
bre de cette année, étoit : 

« Quelle influence et quel effet ont les différentes 
» sortes d'impôts sur la moralité, l’activité et l’in- 
» dustrie du peuple ? » | 

Trois mémoires parvinrent à la Société. Le pre- 
mier, avec l’épigraphe : Znsita mortalibus industria 
violenticæ resistere. Le second : Non intelligunt ho- 


Nouvelles littéraires. 395 


mines quam magnum sit vectigal parcimonia. Le troi- 
sième : Quæ propter necessitatem recepta sunt , etc. 
Le premier mémoire expose fort bien les regles con- 
nues pour le choix et la fixation des impôts ; le troi- 
sième offre des remarques très-bonnes et néuvelles 
d’un auteur familiarisé avec son sujet; le second 
(écrit en français ) donne un bon apercu des impôts 
qui existoient en France avant la révolution , et une 
exposition de tout le système de finances actuel : 
comme ce système contient tous les impôts imagi- 
nables, l’auteur éloit sûr de n’en pas omettre un 
seul ; il démontre clairement les effets des impôts; 
cependant ces effets ne sont exposés qu'en général, 
et les conséquences des impôts relatives à la mora- 
lité sont touchées trop légèrement ; seulement les 
défauts connus des impôts sont remarqués : mais 
la question demandoit l'influence et l'effet des diffé- 
rentes sortes d'impôts sur la moralité, Pactivité et 
Vindustrie du peuple. L'auteur du n°. 3 a considéré 
les derniers objets, mais point du tout le premier, 
tout aussi peu que les deux autres auteurs. Le mé- 
moire français d’ailleurs peut être plutôt considéré 
comme un livre sur les finances en général, et en 
particulier sur les finances dès Français; mais on 
trouve peu d'idées et de vues propres à l’auteur. 
Comme donc aucun des mémoires n’a répondu par- 
failement aux vues de la Société, elle a cru qu'il 
seroit agréable pour les auteurs, encourageant pour 
d’autres, et utile même pour le public, si elle re- 
mettoit la question à l’année prochaine. 

Voici les questions que la Société propose pour 
les années suivantes : pour novembre 1806 , la Classe 
de mathématiques a donné la question qui suit : 

Queæ est gaz oxygenii, azotici, aliorumique fluido- 


294 Nouvelles littéraires. 


run @eriformium , seu eorum basium vis et efficaciæ 
ad excitandam electricitatem ope attritus. 

Cum, quid illa fluida ad hanc operationem confe- 
rant, nullis ferè experimentis huc usque constet, hæc 
autem quæstio ad naturam fluidi electrici penitus 
cognoscendam omnino magni moment esse videatur , 
Societas regia scientiarum cupit : 

Æxhiberi non modo descriptionem idoneæ suppel- 
lectilis, sub campanis vitreis , quæ his vel illis flui- 
dis aeriformibus ope forsan antliæ pneumaticæ re- 
plentur electricitatem satis notabilem per attritum 
excitandi, illam conducendi et ratione qualitatis 
examinandi ; sed quoque 

Institui quandarn seriem experimentorum, ad quæs- 
tionem propositam spectantium , Simulque notari quæ 
sint alia phænomena electrica ex: gr. attractionis , re- 
pulsionis, scintillarum , lucis radiantis , et sic:porro , 
in præcipuis quibusdam gaz illorum speciebus. 

Pour le mois de novembre 1807, la Classe histo- 
rique demande :. 

Que fuerit natura et ambitus commerciorum urbis 
Constantinopolis expeditionum sacrarum vel crucia- 
tarumm tempore ; adeoque et ante et post urbem & 
francis captam. Optat itaque Societas ut exponatur, 
1°..quæ fuerit ratio mercaturæ Byzantinæ illa ætate 
in universum, eË quas vicissitudines subierit? 2°. quæ 
merces maxtrie tum ex Asia tum ex Europa ir 
commune hoc utriusque emporium illatæ et exportatæ 
Juerint ; 3°. quibus sis tum per Asian, tum per 
£uropam iliud factum fuerit ? 

Le prix fixé pour chacune de ces questions est de 
50 ducats. Les mémoires ne sont admis an concours 
que jusqu’au commencement de septembre des années 
1806 et 1807. 


Nouvelles littéraires. 399 


Voici les questions économiques pour juillet 1806. 

La Société désire un recueil d'observations sûres 
sur les effets que produisent les différentes sortes de 
nourriture sur la viande, la graisse, le lait, le poil, 
la peau, la laine et les autres parties utiles du corps 
de ces animaux dont on se sert dans l’économie ru- 
rale en Allemagne. Le prix sera adjugé au mémoire 
qui offrira le plus complétement toutes les véritables 
observations déjà faites, et qui enrichira ces obser- 
vations de nouvelles expériences. 

Pour novembre 1806, la Société remet la question 
qui avoit déjà été donnée pour lé mois de juillet 
1805 : 

« La meilleure histoire de l'exploitation des biens 
» domaniaux en Allémagne , depuis les temps an- 
» ciens jusqu'aux plus modernes. » 

La Société avoit reçu un seul mémoire qui paroît 
intéressant, mais quelques circonstances empêchè- 
rent de le juger. Ce mémoire sera considéré au nou- 
veau concours comme le premier parvenu; peut-être 
aussi l’auteur a-t-il quelque chose à ajouter. 

Pour juillet 1807, la Société propose une seconde 
fois la question : « Quelle influence et quel effet ont 
» les impôts, etc.? » 

Le prix fixé pour chacune de ces questions est de 
12 ducats, et le terme d’envoi des mémoires est mai 
pour Îles questions pour juillet, et septembre pour 
celles pour novembre. 

Dans cétte même séance où l’on avoit adjugé les 
prix et proposé les nouvelles questions, M. HeyxE, 
après que M. Miiners eût lu son mémoire sur 
les Chanceliers des Universités, fit, suivant l’usage, 
le récit des travaux de la Société depuis le mois de 
novembre de l’année dernière jusqu’au moment ac- 
tuel. Ces détails furent précédés de quelques obser- 


396 Nouvelles litléraires. 


vations tirées du but des Sociétés savantes, sur l'usage 
de la langue, latine dans leurs mémoires. Après cette 
intr ne tian si tIéyne exposa les détails qui sui- 
vent : | 

Le Directoire de la Société a passé, , depuis le jour 
de la Saint-Michel, dans la Classe mathématique, et 
a été confié à M. Mayer. | 

La Société a recu parmi ses membres ordinaires 
résidens, M. le pr ofesseur Tuipaur, auparavant as- 
socié résident, M. Osranner , M. Himzy et M. Scura- 
per; M. le professeur Frédéric. STROMEYER a été 
nommé associé résident. 

La Société a à regretter la perte d’un de ses mem- 
bres nationaux, M. Leberecht-Frédéric - Benjamin 
LENTIN, néleeih ordinaire du Roi. à Hannovre, et 
ensuite de quelques membres et correspondans étran- 
gers dont voici les noms : Pierre-François- André 
Mécnain , astronome, et Jean - Baptiste - Gaspard 
D’Ansse pe VicLoison, tous deux membres de J’Insti- 
tut national; Charles Arxionr, médecin ordinaire 
du roi de FRERES à Turin; Tobie Lowirz, con- 
seiller-d’état, de l’empereur de Russie, ER er de 
VPAcadémie impériale de Pétershourg ; Tean-Ceb 4 
Kocx, consciller-d’état de l’empereur de Russie, et 
directeur de l’Institut pædagogique. à Pétersbourg ; 
Félix FonxTAnA, directeur du cabinet d'histoire na- 
turelle à Florence ,; et Jean -Frédéric - Guillaume 
CHARPENTIER, professeur à l’Académie de Freyberg: 

Elle a recu comme membres ordinaires dans le 
pays d'Hanovre, M. Jean Srreezxrz, médecin à Han- 
novre; et parmi les étrangers, Jean-Baptiste- Antoine 
Suarp, membre de l’Institut national et secrétaire 
perpétuel de la Classe de littérature française ; Æenri 


Grécoire, sénateur, membre de l’Institut national; 


Ricmes-Prony, membre de l’Institut national, ins- 


n 
{ 


À 
\ 


2 7 nn IP tes gd, 


Nouvelles littéraires. 397 


pecleur général de l’école des ponts et chaussées, et 
Alexandre VNozta, professeur à Pavie. 

Elle a nommé correspondans, M. »’Acincourr à 
Rome; Rodolphe Bosse , secrétaire privé da cabinet 
du duc de Brunswick ; Georges-Louis KœuLer, pro- 
fesseur :en médecine à Mayence; Joachim-Lobo or 
SiLveirA , ambassadeur de Portugal à Stockholm ; 
Charles- Antoine GaizLArRpor, médecin en chef de 
l’armée française; Denis-François Doxnaxr, homme 
de lettres; François-Joseph Garz, docteur en mé- 
decine;, Michel Lrennossrk , médecin en Hongrie; 
Chrétien pe Scurezer, professeur à Moscow; Fré- 
déric HicresranD, également professeur à Moscow; 
Louis-Guillaume Girserr , professeur de chymie à 
Halle, et Georges- Frédéric ne Weurs , conseiller 
privé de légation du duc de Meklenbourg-Strélitz. 


C. 7. ParTz, prolusio de vera librorum juris feu- 
dalis longobardici origine. Dieierich , 1805. 


M. Schraœter de Lilienthal a écrit à M. le profes- 
seur Hardiug, que le 8 décembre au soir, il avoit 
observé, par un temps favorable, la seconde comète 
découverte par M. Huth, lorsque, d’après le calcul 
de M. Bessel , elle étoit justement dans son périgée. 

La comète paroïssoit à l'œil nu presque de la gran- 
deur de la pleine lune, et dans le milieu le téles- 
cope à miroir de 13 et de 15 pieds, montroit un 
noyau très-éclairé. La chevelure étoit sans queue , 
paroissoit arrondie, et offroit avec toute l’ouverture 
de l'excellent télescope de 15 pieds — 6 minutes de 
diamètre, Il étoit assez difficile de mesurer le noyau 
qui brilloit très-clairement, parce que, semblable 
à une lueur éloignée, tremblotante à travers un 
brouillard , il ne paroissoit pas rond, mais. terminé 
d'une manière très-indistincte. Cependant l’obser- 


398 Nouvelles littéraires. 


valeur exercé trouva, après une comparaison plus 
sieurs fois répétée avec un micromètre éclairé de 
2,5 lignes décimales , sous un grossissement de 136 
fois du télescope de 13 pieds, que la partie la plus 
claire du noyau avoit 1,25 lignes de diamètre. 

Mais, avec la chevelure la plus claire qui entou- 
roit immédiatement le noyau, que dans ce cas , d’a- 
près des raisons d'optique, on doît prendre pour 
tout le noyau, elle se trouva, après plusieurs me- 
sures, avoir 1,98 décim. , où l’éloignement du disque 
du micromètre de l’œil faisait 468 lignes. Cela 
explique la grandeur apparente du diamètre de ce 
noyau de comète = 6412, d’où M. Bessel, d’après 
les élémens de l'orbite qu'il a calculés, et la dis- 
tance de la comète de la terre qu’il en a conclu, a 
trouvé que le véritable diamètre = 30,068 milles 
géographiques. 

Pendant tout le temps que cette comète a été vi- 
sible, le ciel a été toujours couvert de nuages, et 
seulement le 8 décembre on a pu la voir pendant 
quelques secondes à l’horizon entre des nuages. 


Dans la séance de la Société royale des sciences 
du 25 janvier, M. Mayer a lu un mémoire De ad- 
Jfinitate chymica corporum cœlestium ; disquisitionum 
meteorologicarum, fasciculus 1. 


A l’Observatoire de Gæœttingue, M. Harpine a fait 
les observations suivantes sur Cérès : 


1806. Ascension directe  Déclin. boréale 
apparente. apparente. 

Nov. 13.a11h 4 51, 5 111°421 34, 4 9429151, 6 

14 9 22 59 , 8 ! 111 44 56 , 9 ‘24 52 28 , 2 

16. 11 29 19 , 6 111 49 3 ,9 24 40 55 , 7 

18.10 38 5g , 3 111 50 59 , 4 24 50 48 , 3 


Nouvelles littéraires. 399 


180. Ascension directe Déclin. boréale 
apparente. apparente. 

Déc. 2. 10h22! 55!, 2 111°14 6/, 8 26° 2029", 2 

D. 14 98 INR .107 0 111 193. LLG (60 MOV NOO), 9 

10. 10 7 97 , 5 . 110, 12 33 , 4 26/48 58 , 8 

12 21040 42024. 1100.00 25 , dj MI2MIUILEZ, LE 

21. 20 314%, 8 1108, -7 127 ; S 127197 50 ,17 
1806. 

Janv. 17. 10 58 40 , 4* 101 18 42 , 9 50 21 19 , 0 

*19:/10,48 68, , .1*. :100 $1::0:,-7/ "30 29 24 ; O 


21. 10 54 18 , 6 100 25 48 , 7 


Les observations marquées d’une * ont été faites 
au quart de cercle, et sont les seules que le mau- 
vais temps, depuis quelques mois, ait permis de faire 
au méridien. 

L’éclipse de lune partielle qui a eu lieu le 4 jan- 
vier n’a pu être observée qu’imparfaitement à l'Ob- 
servatoire de Gœttingue, parce que pendant toute 
sa durée des nuages couvroient la lune , lesquels 
représentoient lombre de la terre très-indistincie- 
ment, Les immersions suivantes qui ont été obser- 
vées avec un grossissement de 42 fois d’un télescope 
de 3 pieds, sont celles qui, entre plusieurs autres, 
pourroient être les plus justes. 


Temps solaire moyen. 
Aristarque®t}. »..:.... 11h, 90! 50/:.:2 


GRmaIQuur Ce ne de 24 a an 
Héraclides verus... ..... 25 8 sd 
— Haleus es ee 3 20e 


1 
Grimaldi 2 ........, de 22.53 0 
Reppler ee 2y 43, 7 
Mytheas, hs eihe ve Saut AY 2 
LOUE AS RE PARU PTE SCT B3é 28 te dl 


400 Nouvelles littéraires. 


til Temps solaire moyen, 
PT a A memes es 0 > ET ., : À 


Copérmious 1... 1. 34 #2, o 
Copernicus 2.:.,....., 56 "49% 5 
Aristoteles . 7.5: 40 10, 9 
Eudoxus 2....:.....4.. 41 7:18 118 
Cappus 2.0.2 Se. LL. 4» © 12 , 6 
DRAOS  nmens se 46" 30, 9 
— 2e ADopeuhtes 47 1098-,147 
Menelaus. 7. store: 49 :, 24 , :5 
POSITOMIUS diese dope 50: 42, 3 
Menelaus 2......,..... Le A NET 
PMU. UN OEM 50" MO UE 
Mare Grise Tr. CRE TARN TE CS 
Proclasgt eee AL ER sé M VD 
Mare ns 20.02. 2.0 127,00 40 
Étmersions. Temps solaire moyen. 
ETUDE AN RE LS La. Lite An 
ei, Diverses se cn PRE: 


L'ombre de la terre avoit une couleur gris de 
cendre foncé, dans laquelle les différentes taches 
de la lune ne pouvoient plus être reconnues. Au 
bord occidental , la lune dans l’ombre offroit une 
lueur rougeâtre matte qui s’étendoit jusqu'au bord 
boréal, et à plusieurs degrés, sur le disque de la 
lune. 


Le soir du 24 janvier, passé 7 heures, M. Harpinc 
remarqua à l'Observatoire de Gættingue un phéno- 
mènesassez rare qu’offroit la planète’ de Vénus; tout 
son côté point éclairé se montra sous une Jueur gris 
cendré mat , justement comme on a coutume de voir 
la lune avant et après la nouvelle lune. Cette obser- 
vation fut faite avec le télescope à miroir d’'Herr- 
schell sous plusieurs grossissemens ; ‘et les mesures 

les 


Nouvelles littéraires. 4OI 


les plus sûres furent prises pour ‘éviter toute illu- 
sion. Egalement le 28 février et le 1°. mars, le côté 
obscur dé Vénus se montra, quoique celte fois sous 
une lueur d’un gris rougeâtre, avec une clarté si 
extraordinaire, que plusieurs personnes la remar- 
quèrent au premier regard. 

. Ce qui confirme encore plus la certitude de cette 
observation ; c’est que M. Scurogrer à Lilienthal, 
a remarqué aussi ce rare phénomène le 17 février, 
pour la première fois, et Va observé très-exactement 
au moyen de son télescope à miroir de 15 pieds. 


Soulange ArTAUD. 


DATE 


L'Académie des Beaux-Arts de DrEsDE a com- 

mencé son exposition le 3 mars dernier, au palais 
de Brüuhl. Le salon étoit riche, mais peu fourni. On 
cite entre autres les paysages de MM. Mecuav, 
Krexcrc et Frépéric; le portrait de Grarr, peint 
par lui-même, celui du docteur Gall, par Grassi ; 
quelques tableaux en pastel , par mademoiselle Srocx, 
et une grande composition qui représente la mort 
d'Hyacinthe. 
- Une nouveauté; Blanche de Torédo , de M. Théo- 
dore Herr, vient de paroïître sur le théâtre de la 
-même ville. On vante beaucoup ce poëme drama- 
+ique en cinq actes. 


- ANGLETERRE, 


L’ Académie royale de Peinture, à Lonpres, vient de 
“perdre un de ses membres les plus distingués , un des 
peiutres qui auroit pu faire le plus d’honneur à l’é- 
cole anglaise, M. Barry, mort d’une attaque d’apo- 
plexie. IL étoit né en Irlande en 1738. Ses parens 


T. III, Juin 1806. Ce 


402 Nouvelles littéraires. 


l’avoient destiné à l’état ecclésiastique, mais un pen- 
chant irrésistible le portoit à la peinture. Les pro- 
grès rapides qu'il y fit l’engagèrent à venir à Lon- 
dres, où ses premiers essais furent bien accueillis. 
Il voyagea en [italie pour perfectionner son talent. 
A son retour, en 1770, il fit un tableau qui le fit 
admettre sur-le-champ à l’Académie royale; le sujet 
étoit J'énus sortant de la mer. Ce tableau passe en 
core pour le meilleur de ses ouvrages. On trouve, 
en général, dans ses compositions de l'originalité, 
de l'imagination et du feu, quelquefois même de la 
grâce; mais il en soignoit peu l’exécution. Son dessin 
n’est ni pur, ni correct; sa couleur manque de vé- 
rité ; il n’avoit ni la science, ni la patience néces- 
saire pour exécuter ses idées avec un certain degré 
de perfection. Son talent lui avoit procuré des amis 
chauds et des protecteurs généreux; mais la bizar- 
rerie de son caractère, la rudesse de ses manières et 
un orgueil insociable, avoient fini par éloigner de lui 
ceux qui lui avoient montré le er d'intérêt. 


On a trouvé récemment en Angleterre, dans le 
comté de Glocester, ua grand squelette pétrifié , sem- 
blable à celui d’un crocodile; on l’a découvert dans 
une couche de pierre calcaire, à 25 pieds de pro- 
fondeur. Ce squelette, encore entier ;, a 10 pieds et 
demi de longueur; les mâchoires sont bien conser- 
vées ; les dents ont encore leur émail. Une des mâ- 
choires, qui a été cariée, ressembloit si fort à un 
morceau de bois pétrifié, qu’on seroïit tenté de croire 
que la majeure partie des fossiles, qui ont été con- 
sidérés jusqu’à présent comme faisant partie du règne 
végétal, appartiennent au règne animal. 


Nouvelles littéraires. 405 
HoLzLzLaANDer. 


La Sociéte de Vaccine, à AMsTERDAM, à tenu, le 
1°. novembre 1805,Ma séance publique de sa se- 
conde année. Le président, M. À Roy , prononca un 
discours sur les préservatifs de la petite vérole, et 
rendit compte du succès des travaux de la Société 
pendant l’année qui venoit de s’écouler. — Dans Les 
deux années pendant lesquelles la Société existe, 1800 
individus ont été vaccinés. Toutes les vaccinations 
ont eu le plus grand succès; pas un seul :des indi- 
vidus yaccinés n’a. été atteint de la petite vérole. — 
M. le professeur Vrozir a été élu président de la So- 
ciété pour l’année suivante. 


Le célèbre auteur de l’Oromasticon, Christophe 
Sax®, professeur d'histoire, d’antiquités , etc. à l'U- 
niversité d'Utrecht, est mort dans cette ville le 3. 
mai 1806, à l’âge de 92 ans. 


M. Mathias Van Geuxs, professeur de médecine 

et de botanique à la même Université, en résigna 

le rectorat le 24 avril dernier, et le remit au savant 

philologue M. Phil.-Guill. Van Hevsps. Il prononça 

en cette occasion une harangue de optatissim& niorbi 

variolost exstirpatione, a vaccin& insitione aliquando 
sperandé. 


La crânologie du docteur Gazz, professée par lui- 
même à Amsterdam et à Leide, ya eu plus de suc- 
cès qu’on auroit pensé. On assure que rien ne res- 
semble moins à un crâne que ce docteur, à qui l’on 
a trouvé de la simplicité et de la modestie, en même 
temps que du savoir et de l'esprit. D'après les der- 
nières nouvelles, il se disposoit à aller passer quel- 
ques jours à la campagne du digne fils de l'illusire 


404 Nouvelles littéraires. 


Camper, située à une petite distance de Franeker en 
Frise : il trouvera, dans le riche cabinet de ce natu- 
raliste, un vaste champ pour ses observations. 


M. le professeur Te Warenprononca , à la séance 
générale annuelle de la Société de littérature hollan- 
däise à Line, le 2 juillet dernier, un discours sur 
la culture de l'histoire littéraire. Il n’eut pas de peine 
à établir combien elle est utile et agréable. Tout en 
$'énorgucillissant à bon droit de la gloire littéraire 
de sa patrie, M. Te Water a regretté qu'on y ait 
laissé tomber en désuétude quelqués institutions pro- 
pres à consacrer la mémoire des hommes de mérite, 
Au nombre de ces institutions est celle des Oraisons 
funèbres dans les Académies. — Pourquoi la Biblio- 
theca. Belgica de Horrens ; les Athenæ Frisiacæ \de 
Vriemoer, les Vitæ professorum Gronnigensiurm, le 
Trajectum eruditum de Gaspar Burmar , les 4thenæ 
Batavæ de Meursius n’ont-ils pas trouyé de conti- 
nuateurs ? M. Te Water nous donne quelque espoir 
qu’il pourra entreprendre cette dernière continuation 
comme il a continué la Z#/ande littéraire ( het Ge- 
letterd Zeeland') de De ra Rur,; et enfin tous ces dé- 
tails l’ont conduit à offrir à la Société, devant la- 
quelle il parloit, quelques détails biographiques sur 
deux de ses membres qu’elle venoit de perdre, savoir 
M. Herman Cannegieter et M. J. P. Klein. 


Herman Cannrorerer , fils du célèbre Henri Can- 
negieter, maqüit à Arnhém en 1723. Formé dès sa 


. plus tendre enfance par’ les soïnis paternels , il fut 


ensuite envoyé à Leidé pour y suivre ses études sous 
Burman, Oudendorp, Hemsterhuys, Vitriarius , etc. 
A l’âge de 20 ans il y soutint une thèse publique 
de sa composition, ad legem Numæ Pompilii, de 
ar4 Junonis pelliéi. non tangenda , et l’année sui- 


Nouvelles littéraires. 405 
vante (1744) il y prit avec distinction ses degrés 
en droit. 

Il ne tarda pas à être appelé professeur en droit 
à l’Académie de Franeker , et bien qu’itérativement 
appelé depuis à d’autres Universités , et qu’il eût été 
spécialement recherché par celle de Leide, il n’a pas 
quitté sa première station académique, et y est resté 
depuis 1750 jusqu’à 1804, où il y est mort le 8 sep- 
tembre , âgé de 81 ans. Son principal ouvrage est 
Observationum juris Romani libri IV; Leide, 1772, 
in-4°. Herman Cannegieter avoit préparé une nou- 
velle édition de F'estus. Le monde littéraire l’a inu- 
tilement attendue de son fils ZZenri. M. Jean Canne- 
gieter , frère de celui dont nous venons de parler, 
et professeur à Groningue, ne pourroit-il pas acquit- 
ter cette dette ? 


M. J. P. Kigix, conseiller de la Cour de justice 
départementale de Gueldre , est mort à Arnhem, 
âgé d'environ 45 ans, le 20 février 1805. Ses pre- 
mières études furent consacrées à la théologie, et il 
fut bon disciple d'Albert Schultens pour les langues 
orientales. La foiblesse de sa poitrine le fit renoncer 
au ministère sacré, et 1l se voua, mais avec moins 
d'affection , à la jurisprudence. La poésie et la mu- 
sique furent ses délassemens favoris. Le savant tra- 
ducteur et commentateur hollandais de la Théorie 
des Beaux-Arts , écrite en allemand par J. #. Rirvez, 
M. Jérôme Van Alphen dirigea son goût naissant 
pour les Muses, et il ne pouvoit tomber en de meil- 
leures mains. Les premiers échantillons de son ta- 
lent pour la poésie hollandaise parurent dans le 2°. 
volume du Recueil de la Société, connue sous la 
devisé : Dulces anle omnia Muse. I à publié depuis 
diverses Odes, Cantates, etc. Sa dernière production 


406 Nouvelles littéraires. 


fut une Ode alcaïque ( toujours dans sa langue ma- 
ternelle) sur la mort de son maître et de son ami 
M. Van Alphen. Parmi d’autres opuscules, on lui 
doit aussi quelques traductions de l’allemand , comme 
des Sympathies de Wircaxp, de la Pie chambéde 
et de Théodore Von der Endèn du professeur Eune, 
plus connu sous le nom de Æenri Srirrine. Son 
épouse, Antoinette OckErse , partageoïit' ses goûts 
littéraires, et a concouru à quelques-unes de ses pu- 
blications. Il écrivit en 1798 une brochure qui fat 
très-goûtée, sous le titre de Pensées libres sur les 
devoirs d’un juge. La Société de littérature hollan- 


daise de Leide espère enrichir le recueil de ses 


mémoires de quelques - unes de ses productions 


posthumes. P. H. M. 
SuEpe. 


Le médecin du Roi, M. Ruxe, est mort à la fleur 
de son âge; il est généralement regretté. 


Il s’est fait à Stockhoïm, daus le courant du mois 
d'avril, une vente de tableaux et pièces de sculpture, 
faisant partie du mobilier du feu prince d’Ostrogo- 
thie, Une Vénus en marbre, par SrnceL, a été ven- 
due 1,200 rixdalers de banque, environ 7,200 fr. 


DANNEMmMARCxK. 


Le programme de l'Université de Copenhague, du 
29 janvier dernier, composé par M. Taorcacius, offre 
une question intéressante à résoudre. Deux temples 
avoient été élevés dans Rome, Pun à la Vertu, par_ 
Marius, et l'autre à Hs ,; par Marcellus. 11 

aroit constant que, d’après une disposition toute 
particulière, celui qui vouloit rendre hommage à ces 
deux divinités n’arrivoit au sanctuaire de la seconde 
qu'après s'être arrêté dans celui de la première. Il 


ce 


r 
= 
À 
mn 
. 
+ 
| 


Nouvelles littéraires. 407 


s’agit donc de savoir quel étoit la construction de 
ces deux temples, c’est-à-dire si les deux ce//& étoient 
réunies sous un même toit. pourroit espérer de. 
trouver des éclaircissemens das les auteurs anciens, 
et surtout dans Vitruve; mais l'endroit de eet écri- 
vain qui promettoit le plus de secours, l’avant-pro- 
pos du septième livre, paroissant avoir été mutilé, 
on est réduit à des conjectures. L’aukeur du pro- 
gramme embrasse l’opinion la plus commune, c’est 
que l’Honneur et la Vertu avoient chacune leur tem- 
ple; les preuves qu’il en a données n’ont pas géné- 
ralement satisfait en Allemagne. Cette question im- 
portante pour l’architecte et l’antiquaire est soumise 
de nouveau aux recherches des savans. 


Un Danois, fonctionnaire public ,a fait, en moi 
rant , un legs de 5,000 écus, dont les intérêts seront 
employés à donner tous les ans deux prix aux meil- 
leurs sermons composés sur deux textes qu’il a dési- 
gnés dans son testament. Les sermons des concurrens 
seront jugés par l’évêque de Seelande et deux ou trois 
assesseurs qu’il pourra s’adjoindre. 


M. Scuow a lu, dans les séances du 15 novembre 
et 6 décembre 1806 de la Société royale des Sciences 
de Copenhague, un mémoire dans lequel il a rap- 
porté tous les mythes des Grecs à un système fondé 
sur la plus ancienne histoire des Grecs et sur les 
différentes méthodes des poëtes de les présenter. 


Le 20 décembre, M. le professeur Bucerz a lu, 
dans une séance de la même Société, un mémoire 
sur la réfraction terrestre et son application à la me- 
sure de lélévation des montagnes. 


M. Philippe-Gabriel Henscer, savant professeur 
de médecine à Kiel, et médecin du Roi de Danne- 


408 Nouvelles littéraires. 


marck, est mort le 31 décembre 1805, à l’âge de 
75 ans. “1 a publié plusieurs ouvrages curieux sur 
l'origine de la ma vénérienne , sur la lèpre des 
anciens Juifs, etc. à 


M. Gurcrecp, médecin distingué d’Altona, a rem- 
porté le prix proposé par lAcadémie impériale 
d'Erlangen , pour le meilleur mémoire sur la nature 
et le méille®f traitement des maladies de langueur. 
Six mémoires seulement ont été envoyés au concours. 
Celui de M. Guilfeld portoit pour épigraphe : La 


raison finira par avoir raison. 
Russre. 


dé: chambellan Birtow. attaché à l'ambassade en 
ine, est revenu à Pétersbourg d’Urga, ville fron- 
tière de l'Empire Chinois. On apprend par lui que 
l'ambassadeur russe, comte Golowkin, a rencontré, 
de la part de la Cour de Pékin, des obstacles qui 
ne lui permettent point de continuer son voyage avant 
que le Gouvernement russe n’ait trouvé le moyen de 
les lever. 


La Courlande offre dans ce moment un de ces phé- 
nomènes qui servent à prouver que la poésie peut 
être un don naturel, nascitur poeta. Un paysan , 
nommé Anpré, aveugle dès son plus bas âge, fait 
des chansons qu’il adapte à des airs connus, et qu’il 
chante avec goût. Son curé se propose de recueillir 
celles qu’il a déjà faites et de les publier à son profit, 
par souscription. La traduction de l’une de ces chan- 
sons, par M. le baron de Schlipenbach, a été publiée 
dine le Sincère ( der Freimüthige), journal publié à 
Berlin. 

La langue russe est une des langues d'Europe la 
moins répandue. Le peu de cours qu’elle a occa- 


Nouvelles littéraires. 408 
sionne des erreurs nombreuses dans l'orthographe ou 
la prononciation des mots, et surtout des noms pro- 
pres. C’est ce qu’on a remarqué depuis quelque temps 
dans les journaux d'Allemagne, où les noms propres 
russes sont étrangement défigurés. Cette innovation 
dangereuse a frappé l’ Académie des Sciences de Pé- 
tersbourg , et c’est peut-être ce qui l’engage à hâter 
la publication d’un projet de Règle pour la manière 
d'écrire les mots russes avec des caractères étrangers, 
et les mots étrangers avec les caractères russes. Ce vo- 
cabulaire., dressé par un comité de la même Acadé- 
mie, se compose de deux alpbabets, allemand et 
français, au moyen desquels on rend intelligible aux 
étrangers la véritable prononciation et la bonne or- 
thographe des mots de-la langne russe. 


Histoire de l’Académie impériale des sciences de 
Pétersbourg pendant l'année 1804 (1). 


Parmi les 68 ouvrages qui lui ont été adressés dans 
le courant de cette année, soit par des-Académies 
ou Sociétés savantes étrangères, soit par des particu- 
liers; il y en avoit 18 en langue allemande, 17 en 
français, 14 en italien, 11 en latin, 3 en langue 
russe, 2 en anglais, 1 en hoïlandais, 1 en suédois 
et 1 en polonais. , 

Les discours et mémoires lus dans les séances de 
l'Académie sont : 1°. KæezreuTEerR, Dissertatio de an- 
therarum pulvere, sectio 1 et 2. — 2°. C. P. Taux- 
BERG, Âfermas, plantæ genus , descriptionibus , ani- 
madversionibus , et iconibus illusératum. — 3°. Se- 


(1) D’après un extrait du 20°. cahier de l'ouvrage de 
M. SrorcH, intitulé : Russland unter Alexander I (la Rus- 
sie sous Alexandre I), inséré dans le Journal général de 
littérature publié à Halle; 1805 , Iutelligenzblatt, n°. 29. 


410 Nouvelles littéraires. 


WERCIN, Réflexions sur l’origine:, les progrès et l'uti- 
lité de la Technologie { en allemand}. — 4°. Mémoire 
sommaire sur la nature et l’objet de l’économie polis 
tique ; par le marquis de MEsmon.— 5°. Description 
du Sparus ornatus, nouvelle espèce de poisson thora- 
chique ; par M. Sewasrianow. — 6% Wozkow, sur 
Les morceaux de succin trouvés dans la Prusse ‘orièn- 
tale. — 7°. Sewasrianow, Notice sur le Didelphis 
ursina, découvert depuis peu dans la Nouvelle Hol- 
lande. — 8°. P. Fnocuonzow ; Observatio magnæ ec. ! 
clipsis solaris, die 30 januarii 1804.—09°. F.T. Scnu- 
BERT , Obsérvationes nonnullæ astronomicæ in specula 
Academic institutæ.— 10°.Keuxer , Lettres.sur quel- 
ques médailles de la Sarmatie européenne et de la Cher- 
sonèse taurique. — 11°. KuKkoLKkNiIK ; Dissentatio tech- 
nologica de lanificio carpatico, etc. — 12°. T. Kavs- 
LER, Demonstratio theorematis ; nec SumINAM ,; TLC 
differentiam duorum cubo-cuborum cubo-cubum esse 
posse. — 13°. Ozerrskowskti, de l’Usage des peaux 
et du duvet des oiseaux , en allemand. — 14°. Srorcn, 
Discours de réception et réponse du secrétaire. — 15°. 
C. P: Tanunsrere, Plantæ contortæ in promontorio 
bonæ spei Africæ olim collectæ jamque descriptæ. — 
16°. Inocuonzow, Instruction sur la manière de bras- 
ser de la bonne bierre (en allemand ).— 17°. Berruer, 
Sur Le calcul des variations des étoiles. — 18°. N. Fuss, 
Observationes quædam circa resolutionem arcuum Cir= 
cularium. — 19°. Essai d’une preuve nouvelle et in- 
contestable de la proposition de mécanique sur les. 
\ Jorces qui se dirigent suivant les côtés d’un paral- 
lélogramme (en allemand ). — 20°. T. Kausrer , Novæ 
disquisitiones super numeris formeæ v x + n y ? — 21°. 
F.'T. Scausent, Observations sur. l’éclipse du soleil 
le 11 février, et sur celle des Pléiades le 12 avril 180% 
(nouveau style ), faites à l'Observatoire de lAcadé- 


Nouvelles littéraires. 411 


mie. — 22°. N. Fuss, Solutions de quelques problèmes 
relatifs au développement des lignes courbes & double 
courbure. — 23°. 1. de Crexx, An ad Ætherum natu- 
ram constituendam necessaria sint acida ? — 24°. 
Berrrer, Essai sur une synthèse des équations du 5°. 
degré. — 25°. Smrecowsky, De l'emploi de la soude 
dans l’économie domestique ( en‘ allemand ). — 26°. 
Wozkow , Nouvelle manière de.garantir les métaux 
de la rouille (en allemand ). — 27°. L. de Crerz; 
Experimenta quædam novum salis sedativi acidum 
spectantia instituta. — 28°. Kæzreurer, Dissertatio 
de Antherarum pulvere et de colore Antherarum pul= 
veris. — 29°. F. T. Sonueerr, Ænimadyersiones de 
methodo determinandi locum cometæ ope projectiontis. 
— 30°. Is. Af Derezcr, Mémoire sur la manière d'ap- 
privoiser les élans (en langue suédoise ).— 31°. Kaus- 
LER, Expositio methodi series quascunque datas in 
fractiones continuas convertendi if 32°.L. de WaxeL, 
-Mémoire sur les pierres météoriques tombées des nues 
dans différentes parties du monde (traduit de Pan- 
glais ). — 33°. Krarrr, Continuation d'un mémoire 
sur le perfectionnement d’une . méthode de trouver; 
sur mer, la latitude d’un vaisseau. — 34°. Jxocxov+ 
zoW , Sur le nouveau thermomètre de M. DE La- 
BANDE (en allemand }). — 35°. Sewercin , Con- 
-sidérations sur la métallurgie, sur les travaux qui 
y ont rapport et des règles à suivre à cet égand (en 
allemand ).— 36°. Osrrezrowser, Observatio de ca- 
tulis felinis in utero connexis: — 37°. Quelques dé- 
tails sur les voyages de M. de Humboldé ( en alke- 
mand ). — 38°. F. T. Scauserr, Détermination de 
la latitude et de la longitude de quelques endroits de 
PEmpire de Russie. — 39°. d. A:Mrvyer ; Observa- 
tiones meteorologicæ per annum 1799 in urbe Sara- 
fovia institutæ. — 40°, SEWASTIANOW Sur les cou 


412% Nouvelles littéraires. 


leurs préparées de demi-métaux , et qui sont durables 
sur l'émail. — 41°. Vesrer ; Observations pour servir. 
à lhistoire naturelle ‘des oiseaux, — 42°. FoRTUNA- 
row , Description d’une nouvelle espèce de saule, dont 
voici la description : Salix enneandra , foliis serratis , 
£glabris ovato-lanceolatis ; petiolis dentato-glandulo- 
sis, floribus enneandris. — 43°. Sms£rowskx, He- 
merocallis Japonica, varieias alba. — 44°. KRAFFT, 
Avis aux inspecteurs des poudreries. \— 45°, Wis- 
NIEFSK1, Observatio Veneris et Saturni Aabita'in spe- 
cula Academiæ. —46°, Krarrr, {nstruction sur les 
moyens les plus efficaces contre les épidémies. — 47°, 
K@LrEuTER, Avis sur l'usage d’un agent très-abon- 
dant dans la nature, dont l’emploi promet un heu- 
reux résultat pour. l'extinction des incendies. — 48°: 
JF. Anaus, Faunæ caucasicæ Prodromus ; icones 
et descriptiones insectorum variorum. exhibens.— 49°. 
Ejusd. Dissertatioffotanica exhibens definitiones et 
descriptiones plantarum variarum Caucasi. — 50°. 
Ejusd: Descriptio novi plantarum. generis. — 51°. 
Hermaxx, Mémoire sur l’idée, l’objet et l'utilité de 
la statistique. —= 5%. Description statistique des fo- 
rêts de la couronne dans la Russie européenne , par le 
même. 53°. — W. Nasser, Observations sur le gaz 
acide muriatique , et conséquences qui. en résultent 
pour la théorie des gaz en général.—54°. Ph. Kruc, 
Antroduction. à histoire métallique de l'Empire 
Russe, première période depuis l’origine de d'état 
jusqu'au règne de Waldimir I. — 65°, Senerer , Sur 
lé préparation deW’acide sulfurique sans nitre (Ces 
cinq mémoires ‘sont écrits en allemand ). — 56°. J. 
Rpvowsker, Additiones quedam ad Catalogum plan- 
tarum septentrionalium. 

* Les observations, expériences el autres objets qui 


-ont été soumis à l'Académie, pour en faire l’objet . 


nn RENE EEE 


Nouvelles littéraires. 419 


de ses discussions, sont : 1°. Une Mosrce de M. Her- 
MANN sur la nouvelle mine d’or de Krylatow, dé- 
couverte sur la rive gauche de la Tschussowaja ; 2°. 
Un mémoire du même sur une parélie remarquable 
par sa père autant que par la vivacité de ses 
couleurs , ge on &@ té le même jour à Catheri- 
nebourg et à Werchne Jwinzk ; 3°. Une Notice, par 
le même, sur deux enfans monstrueux qui ont été 
mis au monde dans des villages appartenants à la 
direction des mines de Catharinenbourg, qui vivent 
encore, et qui se portent parfaitement bien ; 4°. Dé- 
tails sur les ravages causés par une nüée de saute- 
relles dans le Cuban, l’île de Taämän et la Crimée, 
par M. Parras; 5°. Détails communiqués par Le comte 
de Korscnuser, ministre de l’intérieur , sur l’érupz 
tion d’un feu souterrain qui a eu lieu le 4 juillet près 
de la forteresse Phanagoria ; ; 6°. Des Observations mé- 
téorologiques. | : 

© Les rapports faits dans les édhféreloës et les juge- 
mens portés par l'Académie sont : 1°. Scuu8err, Sur 
les observations astronomiques dé M. Brücknre à 
Riga, pour déterminer la latitude de cette ville avec 
plus d’exactitude qu’on a fait jusqu’à présent. 2°. Lo- 
WiTz , Sur les principes constituars des pierres mé- 
téorologiques tombées à V'Aigle en Franée et à Char- 
kow en Russie, et sur ceux de la pièce de minéral, 
connue sous le nom de la masse de fer natif de Pal- 
las: — 3°, Runozrw, Sur l’état actuel du jardin de 
botanique et les végetaux qui s’y trouvent.— 4°. Lo- 
Wirz, Sur un vernis qui doit garantir lé fer et l’a- 
cier contre la rouille, qu’un nommé Soaurz, à Lon- 
dres, prétend avoir inventé, et qwil appelle Anti- 
Ærugo.— 5°.KrArrr, Sur l'invention de faire sécher, 
dans une espèce de bain-marie , les bois destinés paur 
‘lés constructions de la marine ; dont le projet a été 


àt4 Nouvelles littéraires. 


présenté à l'Empereur par M. RoëcEenNsrucKk. — 6°, 
Æapport de MM. Krarrr et Fuss sur une roue de 
l'invention du’ capitaine SoaWANENSACH, ét qui est 
destiné à creuser le lit de la Newa;, dans quelques 
endroits où on désire que des barques puissent abor- 
der. — 7°. GURIEW ; Sur un mémoire de mathéma- 
tiques de M. Sacorskir à Moscow. — 8°. Ruvorrs, 
Sur un ouvrage de M. Son weLnuss, sur l’anatomie 
du cheval , que l’auteur avoit adressé à l'Empereur. 
— 9°. Srorcu, surun ouvrage politique de M. Mos- 
KRESSENSK 1, dédié à l’'Empereur.— 10°.Fuss, Surl'ou 
vrage de M. Du-Virrann, intitulé: Recherches sur les 
Rentes , eic.— 110. Un rapport du même sur P£s- - 
sai de géométrie analytique de M. LEFrANÇOIs. — 
12°. ScauBerT, Sur les observations astronomiques 
du contre-amiral SARYTSCHEWs — 13°. SEWERGIN ;, 
Sur le mémoire de M. de Waxzx, relativement aux 
pierres météorologiques.— 14°. Sur la graine du Hol- 
eus Sorghum de là Chine, adressée à l’Académie par 
le ministre du commerce. — 15°. SacHarow , Sur le 
voyage aérien qu’il a entrepris le So juin de l’année 
précédente. — 16°. Wisniewsxr,, Sur le calcul de 
Lobservation de l’éclipse du, soleil du 14 août, par le 
contre-amiral SARYISCHEW. —+ 17°. SrorcH, Sur la 
réforme du Calendrier d'état de da. Russie. — 180. 
SEwERrGIN, Sur son voyage. dans la Finlande. — 
19°. Fuss, Sur les deux programmes qu’il a rédigés 
et publiés au nom. de l’Académie. —.20°. Inocaop- 
zoW , Sur de Journal des observations astronomiques 
de M. SARYTSCHEW. — 21°. SMJIELOWSKI5, Sur son 
voyage au Gouvernement d’Orel. — 22°, SoHUBERT , 
Sur les ouvrages doubles de la. Bibliothèque royale 
de Copenhague, qui sont mis en vente, avec une lisie 
de 130 volumes qui seroient à acquérir pour la Bi- 
bliothéque., — 23%, SEWASTIANOW, Sur le cabinet de 


- 


D 


Nouvelles littéraires. 419 


Conchyliologie de feu M. Chemnitz.— 24°. Rapport 
de M: OsererzxoWsky sur] le dernier examen des 
élèves du Gymnase académique. — 25°. Fuss, Sur le 
inéme examen. — 26°. Srorcx , Sur la meilleure dis- 
position qu'on pourroit donner à la feuille d'annonce 
lu Journal de Petersbourg. — 27°. KnArFr, Sur un 
mémoire du professeur Yne à Moscow , concernant la 
mesure des hauteurs au moyen du baromètre. — 28°. 
Rapport du même sur une nouvelle espèce de pompes 
à vapeur inventées par le mécanicien anglais MAsor. 
Pendant l’année 1804 , l’Académie a été en rela- 
tion épistolaire avec l’Institut de France, avec l'A-, 
cadémie royale de Berlin et celle de Stockholm , avec 
les Sociétés royales des Sciences de Londres, de Co- 
penhague et de Goettingue ; avec la Société italienne 
des Sciences à Modène , celle de Médecine à Mayence, 
le Conseil de l'intérieur de la République Batave, et 
avec les savans suivans : MM. De Laranne, Cuvrer, 
Fauras ne Sarwr-Fonp, Burkiarpr, Guxron-Mor- 
veau, Du-Vicrarn et GroëerT à Paris; M. le ba- 
roñet Banks, le docteur PLanra et M. de Wixez à 
Londres ; MM. Bone, KLarrora et Ricurer à Ber- 
Hin; MM. Mrraxoermiezm , Norgeré et le baron 
Paykuzz à Stockholm ; M. ne Zimm£trMaxx et M. 
Gauss à Brunswick ; M. ve Creze et M. Prarr à 
Helmstædt ; M. le coté de Mussin Puscuxix à Ti- 
flis; les profésitirs Frsemer et Reuss à Moscow ; 
MM. Taunsrne à Upsal; RocHon à Bré$t; ALpini 
à Bologne; Carcaëxt à Naples ; Cacnozt à Modène ; 
Bucce à Copenhague; Herscaez à Slough; Kecreu- 
TER à Carlsrouhe; Sæmmertne à Francfort-sur-le- 
Mein; Kauscer à Stuttgard; PAizas à Symphero- 
polis, MaracarN£ à Padoue. 
‘Les ouvrages publiés par des membres de l’Aca- 
démie, peudant l’année 1804, sont : 1°. Prodols- 


416 Nouvelles littéraires. 


schenije zapisok puteschestvija po zapadaym provin- 
zijan Rossiiskago sosudanstva, *ete. (C'est-à-dire, 
Continuation des observations recueillies pendant. ur 
voyage entrepris en 1803 dans les provinces occiden- 
tales de la Russie), par M. Sewençan. — 2°. Xrat- 
koije natschertanije Mineralogit ,  Sotschinennoje + 
polzu Gubernskich Gimnazii ( Élémens de minéra- 
dogie pour les CG ymnases de. Gouvernement ), par M. 
SEWwERGIN. — 30. T'echnologitscheskij Shurnal, etc. 
(Journal de Technologie ), publié par d Académie im 
périale des Sciences. Volume I, 1 à 4° cahier, — 
4°. Linnejevoj Systema prirodi, etc. ( Lie Système de 
la nature de Linné}), traduit par M. SEwAsTIANOW: 
Tome I. — 5°. Useobschschaja i ischasnaja jestest- 
vennaja Istorija Gr. de Bufjona. ( Histoire naturelle 
générale et particulière de M, de Buffon }. VILL vol. 
Traduit par. M. Lrevromin. — 6°, Nastoulenije o ver: 
nejschich predochranitel nych rredstvach protiv sa- 
razy ; etc. (Instruction sur les meilleurs préservatifs 
contre les maladies épidémiques , extrait de l'ouvrage 
de M. Guyronw-Monrr eau sur le même objet ); par 
M. Krarrr.—7".ZLa Russie sous Alexandre [; par 
H. Srorcu (en allemand). Tom. IL à IV. — 8°. 4s- 
tronomie populaire ; ou mise à: la portée de tout le 
monde ; par Scuuserr. Tome [.—g°. Nat’ schalnijæ 
osnovanija plaskoi Trigonometrij, etc. ( Elémens! de 
Trigonométrie élémentaire, de Géométrie trariscen- 
dante ; et ducaleul différentiel et intégral, à l'usage 
des élèves nobles du premier corps des cadets ; 5) par 
Fuss. 

Les deux ouvrages suivans ont été soumis aux 
conférences de l’Académie , et; sout destinés à lim 
pression : 1°. Oserrzkowski;! Continuation de son 
voyage à la. mer blanche et à la mer glaciale ; 2°. 
Coup-d’œil 


Nouvelles littéraires. 417 


Coup-d’œil sur la Finlande russe ; par M. SEewErcin. 

Plusieurs membres de l’Aeadémie ont entrepris 
des voyages scientifiques. M. Smsecowsky a fait un 
voyage dans le Gonvernement d’Orel pour exami- 
‘mer une plante qu'on y avoit employée avec succès 
contre les suites des morsures de chiens enragés. 
MM. Sewercix et Ruporrx ont fait un voyage dans 
la partie de la Finlande qui appartient à la Rus- 
sie, et M. Sacrarow a fait un voyage aérien: 

Dans le courant de l’année 1804, l’Académie de 
Pétersbourg a perdu , par la mort, les membres sui- 
vans : J. Lenmanx, I. Kanr, J. Priesrzey , À. C. Ca- 
VANILLES , J. F. Guen, T. Lowrrz. 

Elle a recu au nombre des académiciens ordinaires 
le conseiller d'état Srorcx et M. le professeur Ru- 
DOLPH. s 

Comme adjoint elle a nommé M. Wisniewsxy, 
observateur astronome de l’Académie, et M. Jules 
Kzarrorx. — M. de Sucaraen , général du corps 
des ingénieurs, a été nommé membre honoraire in- 
digène. 

L'Académie a aussi nommé plusieurs correspon- 
dans. Parmi les indigènes : J. F. Buxce , assesseur 
du Collége et pharmacien à Kiew ; J. F. Anaws, 
conseiller titulaire et naturaliste attaché à l’expédi- 
tion du comte Mussix Puscuxin. Parmi les étran- 
gers : M. F. Nicoraï à Berlin, et M. le baron de 
Wozzocen , conseiller intime du Duc de Saxe-Wei- 
mar. 


SUISSE. 


Des ingénieurs francais sont arrivés en Suisse, 
. pour continuer les opérations relatives à la levée 
d’une carte topographique de ce pays, suivant les 


T. III, Juin 1806. D d 


{18 Nouvelles littéraires. 


conventions arrêtées entre les deux gouvernemens ; 


‘en 1802. 


Rome. 


L'Académie de France à Rome, qui, sous les aus- 
pices du gouvernement français et par le zèle infati- 


:gable de son directeur actuel M. Joseph Benoît Su- 


‘ vÉE, avoit été rétablie dans le palais du Corso, a été 


depuis peu transférée dans le beau palais de la Villa 
Médicis , que le gouvernement français a acquis du 
roi d'Etrurie, et elle vient de prendre le titre d’Ecole 
Française des Beaux-Arts à Rome. 

A forcé de soin et de travail , M. Suvée a réussi à 
y faire loger commodément cinq élèves en architec- 
ture , cinq en peinture , cinq en sculpture, un pour 
la gravure en taille douce, un pour la gravure en 
pierres dures, et suftout en camnées ; et un pour la 


‘ composition musicale ; ces élèves ayant remporté à 


Paris les grands prix, vont à Rome pour se perfec- 


‘ tionner , etils y trouvent tous les moyens pour faci= 


liter leurs progrès. En effet, outre l'Académie du 
Nud qui se tient en été depuis 6 heures du matin 
jusqu'a 8, et en hiver, de 6 à 8 heures du soir, et 
dont par conséquent les élèves peuvent profiter tous 
les jours, M. Suvée a placé, dans l’ancienne galerie du 
palais, où il y avoit dejà une belle collection, des plä- 
tres des plus belles statues, bustes, vases, bas-reliefs, 
ornemens et fragmens, dont les originaux en marbre 
se trouvent dans le Musée Pio-Clémentin, le Musée 
Capitolin, et dans différens palais de Rome, de Flo- 
rence , et même en France. Cette collection est si 
nombreuse et si bien arrangée qu’on peut assurer que 
c’est la plus riche et la plus belle du monde; et ce 
qui mérite encore d’être remarqué, c’est qu'elle sert 
également aux artistes francais et à ceux de Rome, 


Nouvelles littéraires. 419 


qui obtiennent facilement de M. Suvée la permission 

d'y travailler. Pour soigner l’instruction des élèves, 
sous tous les rapports, l’infatigable directeur a établi 
dans le palais une bibliothèque choisie; et pour 
-qw’ils aient toujours sous les yeux les meilleures for- 
Ames antiques , il a orné des plus belles statués, bas- 
reliefs et bustes , non-seulement la salle et les cham- 
-bres du premiertétage, mais encore le portique, ou 
le vestibule qui forme l’entrée du palais, où il a fait 
placer le buste de Raphaël et celui du Poussin; de 
sorte qu’à chaque pas l'esprit des élèves est frappé 
par quelque monument qui leur offre l’occasion de 
réfléchir sur le beaz dans les arts de dessin. 

M. Suvée n’a pas mis moins d’empressement à faire 
rétablir le jardin et les allées ; 11 a fait de ce lieu un 
véritable Zycée , dans lequel les jeunes élèves pour- 
vont, après le travail, se délasser et ranimer leur 
imagination. Il en a embelli l’abord par une planta- 
tation d’arbres, qui, dans quelques années, rendra 
._ce lieu un des plus délicieux et des plus Préaiontes de 
toute la ville de Rome. Tant de zèle, tant de soins 
n'ont pas été inutiles ni perdus. Rome entière a pu se 
convaincre des heureux progrès que l’école française 
a faits dans les beaux-arts, par la belle exposition 
publique que les élèves d’architecturè, de peinture et 
de sculpture ont faite de leurs productions dans les 
derniers mois de l’année passée. Tous les amis des 
arts ont plaint la mort prématurée de M. YZarriet et 
de M. Godard, dont celte exposition .offroit quelques 
ouvrages non terminés (1). 

L'ensemble de cette exposition a pu faire apprécier 
iout ce qu’on peut attendre du zèle infatigable ei des 


(») Voy. Magasin Encyclopédique, année 1806, tom. VI, 
p.171 et suiv., et p. 375 et suiv. 


420 Nouvelles littéraires. 


lumières de M. Suvée pour porter l’école française 
des beaux-arts à Rome au plus haut degré de per- 
fection. 


Le corridor qui mène à la bibliothéque et au Mu- 
séum du Vatican , deviendra le plus beau du monde. 
Depuis l’entrée actuelle du Muséum jusqu’à Pendroit 
où etoit la grille de fer, près de la perte de la biblio- 
théque, on place les statues, les bustes et les bas 
reliefs qui se trouvent dans les divers magasins du 
Vatican. Les tablettes sur lesquelles on met les bustes 
en évidence, sont composées de morceaux de frises et 
d’entablemens autiques, et elles reposent sur des 
cippes et sur des fragmens de colonnes qui jadis or- 
nèrent Jes édifices de Rome ancienne; et, au 
moyen de cet arrangement, la galerie deviendra de 
quelque utilité à larchitecture, cette branche im- 
portante des arts, malheureusement trop négligée 
dans tous les Muséum des souverains et des curieux. 
Depuis l'endroit où étoit la grille de fer, jusqu’à celui : 
où l’on descend dans les loges , on incruste dans les 
murs de la galerie les inscriptions innombrables des 
payens et des premiers chrétiens. M. le chevalier C4- 
nova place les objets d'art, et monseigneur Cajetan 
Marins classe les inscriptions. Le mur qui séparoit 
jadis les loges et le corridor n'existe plus; et à l’en- 
droit où il étoit, on fait un beau vestibule , qui sera 
orné de colonnes, et d’autres restes de l’antiquité. 
De cette facon , toute la longueur d’une partie des 
loges s'ajoute à celle du corridor , et cela l’augmente 
de près de 225 pieds de France. Ce sera un coup-d’æil 
magnifique et digne de Rome. Dans le vestibule ac- 
tuel du Muséum on voit plusieurs épilaphes de la fa- 
mille Cornelia, et le célèbre sarcophage de Scipion 
Barbatus, Ainsi sur une étendue de 1200 pieds de 


Nouvelles littéraires. 427 


long , on aura une série de monumens authentiques, 
tant dans la partie des arts que dans celle des sciences , 
de plus de douze siècles, à commencer de la première 
guerre punique. Cette galerie, la plus grande du 
monde, mènera à la bibliothéque et au Muséum äu 
Vatican, ou, pour parler plus correctement , cette 
superbe galerie fera partie intégrante d’un ensemble 
sans égal, exclusivement consacré aux arts et aux 
sciences. En jetant les yeux sur l'édifice merveilleux 
du Vatican, on se persuade aisément que son his- 
toire et sa description doivent confondre ces préten- 
dus savans qui soutiennent que les prêtres n’ont ja- 
mais cessé et ne cessent point de vouloir plonger les 
hommes dans l'ignorance et la barbarie. 


Royaume DITALIE. 


L'Académie royale des Beaux-Arts établie à Mi- 
LAN, invite tous les artistes étrangers et nationaux, 
à enrichir des nobles productions de leur génie le 
concours qu'elle a ouvert pour l’année prochaine, et 
dont suit un extrait du programme : 

Architecture. Le sujet est une maison de plaisance 
royale, accompagnée de jardins et de tous les ac- 
cessoires convenables. Le caractère dominant de cet 
édifice sera une élégante simplicité. Le prix, une 
médaille d’or de la valeur de 60 sequins (environ 30 
louis ). 

Peinture. Le sujet est une Médée furieuse et prête 
à égorger ses deux enfans qui lui sourient avec grâce, 
parce qu’ils ignorent le sort qui les attend. Le tableau 
sera au moins de 5 pieds de haut suy 7 de large. Le 
prix , une médaille d’or de 120 sequins. 


Sculpture. Le sujet est un Thémistocle qui, ayant 
convoqué ses amis dans sa maison de Magnesie, et 


422 Nouvelles littéraires. 


après avoir offert un sacrifice aux dieux, boït une 
coupe de poison , plutôt que de combattre contre sa 
patrie, Le prix sera une médaille d’or de 4o sequins. 

Gravure. Le sujet sera pris d’un bon auteur; la 
superficie du travail au moins de 60 pouces carrés. 
Le prix, une médaille d’or de 30 sequins. 

Dessin de figure. Le sujet représentera les âmes sur 
les bords de l’Achéron , d’après la description qu’en 
a fait le divin Alighieri. La grandeur du dessin sera 
abandonnée à la volonté de l’auteur. Le prix, une 
médaille d’or de 3o sequins. 

Dessin d'ornement. Le sujet est un trône royal, 
dont tons les ornemens feront aflusion à la fondation , 
du royaume d'Italie. La hauteur du dessin ne peut 
avoir moins d’un pied et demie de Paris. Le prix 
une médaille d’or de 20 sequins. 

‘Conditions. Tous les ouvrages seront adressés au se- 
crétaire de lPacadémie , avant la fin d’avril 1807. On 
n’en recevra plus passé ce terme. Chaque ouvrage 
sera contre-signé d’une épigraphe, et accompagné 
d’une lettre cachetée, qui contiendra le nom et la 
demeure de l’auteur , etc., etc. 


AFRIQUE. 


S'il faut en croire les dernières gazettes de Bowm- 
BAY, le lord Vazenria, chargé d’uue mission par. 
la Société qui s’est formée aux Indes pour explorer 
les côtes de l'Afrique et de l Arabie, a recu du roi 
d’Abyssinie linvitation d'envoyer une ambassade à 
Gondar. Lord Valentia a fait choix de M. Sazr , qui 
doit résider quatre mois dans cette capitale. C'est de 
Jui qu'il faut attendre aujourd'hui la confirmation 
ou la réfutation de tout ce que Bruce a écrit sur 
l’'Abyssinie. 


Nouvelles littéraires. 423 
AMÉRIQUE. 


Depuis plusieurs années il s’est formé aux îles de 
Bahama une société économique , qui , à l'instar de 
celles d'Europe, distribue des prix tous les ans. Le 
gouvernement anglais, toujours disposé à protéger 
les établissemens utiles, Jui a concédé cent acres de 
terre dans l’île de la Providence pour y bâtir une 
salle d’assemblée , et y former un jardin botanique. 


FRANCE 


Sur tous les points de la France on rivalise d’é- 
mulation pour propager tous les genres d’améliora- 
tion, et multiplier les productions territoriales. 

Un cultivateur du département.de Vaucluse, M. 
CarTaczini, vient d'introduire dans sa commune la 
culture de l’indigo, qui a parfaitement réussi, ainsi 
qu'il résulte d’un procès-verbal dressé par la mu- 
nicipalité. 

Dans nos /andes , nous devons à M. Louis Durox, 
colon de Saint-Domingue, maintenant contrôleur 
des droits réunis à Dax, l'introduction du coton. 
Echappé à la cruauté de Dessalines, et parvenu à 
la Nouvelle-Orléans sur un bâtiment américain, il 
a judicieusement pensé que le coton, qui se cultive 
avec tant de succès dans la Louisiane , pouvoit se 
naturaliser dans les pays méridionaux de sa patrie ; 
et dans la vue de faire des essais , il à rapporté des 
graines qu’il a distribuées l’année dernière à plu- 
sieurs membres de la Société d'Agriculture : le suc- 
cès a répondu à son attente, on a obtenu &e très- 
beau coton , et les graines sont parvenues à une 
parfaite maturité. Les premiers essais vont se renou- 
veler; et si on parvient à acclimater dans les'landes 


424 Nouvelles littéraires. 


« a 1 . . pe 
cet arbrisseau précieux , il n’y a point de doute qu’il 
ne réussisse mieux encore en Provence et en Lan- 
guedoc. 


M. le préfet a pris, le 24 du mois de mars, un 
arrêté par lequel il rétablit, à Touroust, l’Acadé- 
-mie des jeux floraux sur les bases, et en général avec 
les statuts donnés par l’édit de Compiègne du mots 
d’août 1773. Les anciens mainteneurs où académi- 
ciens sont invités à se réunir pour procéder à la no- 
mination de leurs officiers : ce rétablissement sera 
signalé par une séance solennelle. 

L'Académie des jeux floraux de Ia même ville, an- 
nonça dans sa séance du 3 mai , que l’année Re pa 
à pareil jour, elle feroit, suivant l'usage, la distri- 
bution des prix de poésie et d’éloquence; savoir : prix 
de l’ode, une amaranthe d’or de 400 fr.; d’une épi- 
tre, une violette d'argent de 250 fr. ; d une élégie, 
éclogue ou idylle, un souci d'argent de 200 fr.; d’un 
sonnet ou d’une hymne à la vierge, un lys d'argent 
de 60 fr.; d’un discours sur ce sujet : Quels ont été 
Les effets de la décadence des mœurs sur la littérature 
française, une églantine d’or de 450 fr. Tout ou- 
vrage qui blesseroit les mœurs, la religion ou le gou- 
vernement , sera rigoureusement exclus du concours. 


Toulouse , 6 juin 1806, 


À peine je venois de former le vœu de la restau- 
ration de l'Académie des jeux floraux à Tourouse, 
antique institution des mainteneurs de la gaie science, 
qu’elle à reparu sur la scène. Cette solennité aura 
lieu désormais, comme autrefois, le 3 mai de chaque 
année. 

M. Jaume a fait l’éloge de Clémence Isaure, qui 
fut restauratrice du collége du Gai savoir, joyeuse 


Nouvelles littéraires. 425 


affiliation des Troubadours. Il a prouvé l'existence 
de cette fille célèbre , et lui a payé le j tribut de 
reconnoissance que lui doivent tous le des let- 
tres. On sait qu’elle fonda des prix, qui viennent 
d’être rétablis par la munificence des citoyens de Tou- 
louse, Une amaranthe d’or est destinée à une ode; 
l’épitre ou le petit poëme concourent pour la violette; 
les poëtes érotiques et bucoliques ont pour partage 
le souci; le lys est consacré à un sonnet destiné à 
chanter les louanges de la vierge; ét léglantine est 
le prix du discours. Tous les sujets sont libres, ex- 
cepté les deux derniers. La question proposée aux 
prosateurs est ainsi conçue : Quels ont été les effets 
de la décadence des mœurs sur la littérature fran- 
gaise. Si la question est résolue par une bonne plume, 
Vauteur pourra prouver une.grande vérité, généra- 
lement sentie de nos jours, qui est que la décadence 
des mœurs commence la corruption des lettres (1), 
et qu’ensuite les lettres achèvent la corruption des 
mœurs. 

On a fait l'inauguration du buste de Clémence 
Isaure qu’on avoit orné d’une couronne de roses. 

M. l'abbé Jamme, mainteneur, lut une hymne de 
sa composition en l’honneur de la vierge, après avoir 
fait remarquer qu’un ouvrage du même genre avoit 
été couronné en 1324. 

M. pe Larresne lut la traduction en vers du 6°. 
chant de l’Enéide. C’est /a descente d’Enée aux en- 
Jers. Ce morceau , quoique un peu long pour une 


(1) Le siècle d’Auguste ne seroit pas une preuve en fa- 
veur de cette opinion, non plus qme celui de Périclès et 
de ses successeurs ; ce fut alors que les mœurs commencèrent 
à s’altérer chez les Grecs et chez les Romains, et ce ful alors 
que commença chez eux le plus beau temps des lettres. 

Li A. L. M. 


426 Nouvelles littéraires. 


séance académique ; fut couvert d’ applaudissemens. 
Nous ferogsuici une remarque. Un auteur très-esti- 
mier de nos poëtes, M, Delille, semble 
Sivement emparé de Virgile. J’admire 
ses traductions, mais l’admiration ne doit pas ren- 
dre injuste, Les Géorgiques sont le chef-d'œuvre 
du poëte latin et de son traducteur. Cependant les 
Géorgiques de Lefranc de Pompignan (qui ne mé- 
rite pas l’oubli auquel on semble l’avoir condamné ) 
se font lire avec plaisir. Et même dans lPEssai plus 
moderne de M. Raux, ce n’est pas sou audace qu’on 
a blâmé, on n’a blâmé que son injustice. Osons tout 
dire. Si les premiers succès de M. Delille ne doivent 
pas efrayer ses concurrens , ils doivent être bien 
moins timides en présence de l'Enéide. La traduc- 
tion de M. Raux est annoncée; M. Gaston a publié 
une grande partie de la sienne ; j’ai vu des morceaux 
manuscrits de M. Sailior, de Nantes, et de M. de 
C....; ils annoncent que ces littératenrs ne sont pas 
indignes d’une aussi glorieuse entreprise. Pour M. de 
Latresne, que nos lecteurs décident. Enée rencontre 
Anchise. 


Trois fois il tend les bras pour embrasser un père, 
Et trois fois il sent fuir cetle image si chere, 


Comme un songe mobile ou le souffle des airs. 


Cette citation est courte. J'ai réservé une plus lon- 
gue place pour un des meilleurs morceaux de Virgile. 


« Maïs quel est le jeune hommé à l'armure brillante, 
» Dit le héros lroyen, ses lraits sont gracieux, 

» Mais sa vuê est baissée et son front peu joyeux. 

» Pourquoi de Marcellus suil-il ainsi la trace, 


» Est-ce son fils, mon père , ou quelqu'un de sa race ? 


Nouvelles littéraires. 427 


» Une foule nombreuse accompagne ses pas , 

» Mais ses yeux sont voilés des ombres du trépas. 

» — Crains, dit Anchise en pleurs, que je ne te réponde. 
» Ignore, mon cher fils, el la douleur profonde, 

» Et le deuil dont sa mort couvrira les neveux. / 
» Le sort un seul instant doit Poffrir à leurs vœux. 

» Nul neut impunément provoqué sa vaillance. 

» Ah! si tu peux du Sort désarmer l’inclémence, 

» Enfant si malheureux et si cher aux Romains, 

» Tu seras Marcellus. Donnes à pleines mains, 


» Et répandons partout et Le Lys et la rose. » - 


Ces lectures ont été entremèlées de musique. Je ne 
sais si je me trompe; mais il me semble que des 
séances académiques ne devroient pas être des con- 
certs. Qu’un chant de triomphe se mêle à la distri- 
bution des prix, la chose me paroît convenable. 
Mais qu’une sonate suive ou précède un discours 
sur la morale, il y a dans ce contraste de frivolité 
et de profondeur, un mélange qui répugne, et lon 
est tenté de dire avec Fontenelle : Sonate, que me 
veux-tu ? Auy. DE L. 


L'Académie impériale de GÈènEs (nom qui rem- 
place celui d’Znstitut) a recu une nouvelle vie et 
de nouveaux réglemens , suivant l’un desquels elle 
tiendra ses séances tous les mois, savoir : la Classe 
des sciences physiques et mathématiques, le premier 
jour du mois; ceiles des sciences morales et de la lit- 
térature, le 15. Le prince archi-trésorier de l'Empire 
honora de sa présence celle qui eut lieu le 26 du mois 
dernier , et en présentant à l’Académie quelques vo- 
lumes de la statistique de France, S. A. en prit oc- 
casien d’inviler les membres à s'occuper de la sia- 


we 


428 Nouvelles littéraires. 


tistique des trois départemens qui formoient jadis 
les Etats liguriens. Nous espérons que ce travail sera 
promptement exécuté, et d'autant mieux que les trois 
préfets actuels de Gênes, de Montenotte et des Apen- 
nins, sont membres de ladite Académie, 


Une machine qui, pour se mouvoir et produire 
tout son eflet, n’auroit besoïn d’aucun agent étran- 
ger, pourroit se passer de l’action du feu, de l'air ou 
de l’eau , et trouveroit en elle-même le principe iné- 
puisable de son mouvement’, seroit une découverte 
bien utile aux arts et bien précieuse à l'humanité : 
or telle est celle dont M. Donsmanr, professeur de 
mathématiques à Low, se prétend l'inventeur. Sur 
la demande qu’il en a faite, M. le préfet a chargé 
deux commissaires de procéder à l'examen de cette 
machine. Ces commissaires sont MM. Carron , ingé- 
nieur en chef du département , et Mollet, professeur 
de physique et membre de l’Académie de Lyon. 


Un décret impérial ordonne l'établissement à 
Rourx, d’une école destinée à l’enseignement de 
Vart des préparations anatomiques modelées en cire, 
sous la direction de M. Laumoxrer. Six élèves suf- 
fisamment verbés dans les connoissances anatomiques 
et dans l’art de modeler, seront attachés à cette école, 
sur Ja nomination du ministre de l’intérieur. Ils ne 
pourront y résider plus de trois ans. 


Partis: 


Le 13 mai, est mort, à l’âge de 63 ans, M. J. M. 
Cezs, membre de la Classe des sciences physiques et 
mathématiques de l’Institut. On lui doit entre autres 
services celui d’avoir introduit en France et natura- 
lisé un grand nombre des arbres exotiques et pré- 


Ÿ 


Nouvelles littéraires. 429 


cieux qui ornent aujourd'hui nos jardins. Il en avoit 
formé dans la plaine de Mont-Rouge une riche pé- 
pinière qui étoit devenue un objet de curiosité et 
d'instruction. Un grand nombre de ses collègues de 
l'Institut ont accompagné son convoi. M. Cuvier et M. 
Sylvestre, secrétaire de la Société d'Agriculture, ont 
prononcé son éloge sur le lieu de sa sépulture. 


M. Remacle Lassoir , qui vient de mourir, étoit 
né à Bouillon en février 1730. Il entra jeune à Pab- 
baye de la Valdieu, ordre de Prémontré, à quelques 
lieues de Charleville, et y embrassa l'institut de cha- 
noine régulier, qui étoit celui de cette maison. Il y 
avoit apporté l’amour du travail. IL s’y instruisit 
d’abord dans les sciences qui concernoient son état, 
et y Joignit bientôt la culture des lettres, complé- 
ment de l'instruction , quel que soit le genre d’étude 
auquel on se soit voué. Il n’avoit que 36 ans, lorsque 
son mérite le fit élever à la dignité d’abhé. Dès lors 
il augmenta la bibliothéque de son abbaye d’un grand 
nombre d’excellens livres qui dans ses mains n’étoient 
pas des trésors oiseux. Les abbés de Prémontré cher- 
chèrent à mettre ses talens à profit; ils Passocièrent 
au gouvernement de ce corps, et depuis 1779 qu’il 
fut employé dans les affaires de son ordre, jusqu’au 
moment où la révolution l’anéantit avec tant d’au- 
tres choses , 1l Lui rendit d’importans services. Quand 
on formailes assemblées provinciales, il fut appelé 
à celle de Metz et fut nommé président de l’assem- 
blée du district de Sedan. Les connoissances qu’il 
avoit acquises en administration et en économie po- 
litique, lui firent remplir cette place avec une dis- 
tinction remarquable. IL fut, comme presque tous 
ceux de son état, persécuté pendant nos orages po 
litiques. Les prisons qui ont renfermé tant, d'excel- 


430 “Nouvelles littéraires. 
lens citoyens s’élant enfin ouvertes , il en sortit pour 
se rendre à Paris. 

L'homme instruit trouve toujours des richesses en 
lui-même, dit Phèdre (1), dans sa fable du naufrage 
de Simonide. Comme ce poëte, l'abbé de la Valdieu, 

‘après le sien, fit ressource des connoissances qu'il 
n’avoil acquises originairement que pour satisfaire 
un penchant naturel. Il vécut de sa plume, travailla 
‘au Journal de Paris, et, depuis plus de dix ans, il 
a enrichi cette feuille d’excellens articles. Dans ses 
derniers jours encore il y contribuoit utilement; et 
-quoique dans un âge avancé, ce qu'il écrivoit avoit 
toujours la même fraîcheur, le même goût, la 
-même raison , quelquefois assaisonnée d’une aimable 
gaieté, le même sel, la même délicatesse. 11 est 
auteur d'un livre intitulé : De l’Etat de l'Eglise et 
«de la Puissance légitime du Pontife romain. Wunriz- 
bourg, 1766, 2 Leo. in-12. Chargé de revoir, refondre 
et faire Dé Dr en les livres tie ques à l’usage 
de l’ordre de Prémontré, il fit preuve dans ce travail 
pénible, d'une profonde érudition accompagnée d’une 
saine et judicieuse critique. 

Au moment où le culte fut rétabli, M. Lissoir 
erut que ce qui lui restoit de force et de vie appar- 
tenoit aux devoirs du premier état qu’il avoit em- 
brassé. Il sollicita et obtint une place d’aumônier 
aux Invalides. Là, passant une grande partie de son 
temps dans les infirmeries, il portoit les consolations 
religieuses sur les Lits de douleur. Il continua ces 
exercices de charité presque jusqu’à son dernier sou- 
pir. C’est le 13 mai 1806 qu’il finit sa carrière, dans 
sa 77°. année, et la veille il exerçoit encore ses fonc- 
tions d’aumônier. 


(2) Homo doctus semper in se divitias habet. 
Paëpre , Liv. IV, fab. 20. 


Nouvelles littéraires. 451 


I] avoit mérité et obtenu l'estime de tout l'hôtel, 
Il emporte les regrets de cette multitude de braves, 
victimes des combats et soutiens de la gloire fran- 
çaise. M. le maréchal-gouverneur et son état-major 
ont honoré ses funérailles de leur présence. A. P. 


MM.Lacérëne et Cu vier ont été élus par la Société 
royale de Loxpres, en qualité de membres étrangers. 
Cette nomination a été annoncée à M. Delambre, l’un 
des secrétaires perpétuels de la Classe des sciences 
physiques et mathématiques de l’Institut, par une 
lettre de sir Joseph Banks, président actuel de la So- 
ciété royale, dont voici la substance: 

« Sir Joseph exprime à ses nouveaux collègues le 
plaisir qu’il éprouve à leur annoncer le choix qu'a 
fait d’eux la Société royale; il regarde cette nomi- 
nation comme un témoignage éclatant de la profonde 
considération de la Société royale pour l’Institut de 
France , et de la bienveillance qui unit les membres 
des deux Sociétés savantes ; sentiment, dit-il, qu’il 
espère ne devoir jamais être ni troublé par aucune 
querelle politique entre les deux nations, ni afloibli 
par aucune autre circonstance, » 


L'Empereur a daigné faire écrire, par un des pré- 
fets du palais, à M. PicarD, directeur du Théâtre 
de l’Impératrice, pour lui témoigner qu'il a été sa- 
tisfait de sa pièce intitulée : Un Jeu de Fortune, 
ou /es Marionnettes , jouée le jeudi 22 du mois de 
‘mai, sur le théâtre de Saint-Cloud, en présence de 
la Cour. S. M. a joint à cette marque de bienveillance 
l'envoi d’une boîte d’or ornée de son chiffre, avec 
une somme de 6000 fr. S. M. également satisfaite 
du jeu de M. Viexy dans la même pièce, lui a fait 
remettre une somme de 3000 fr. 


432 Nouvelles llttéraires. 


T'HEATRES. 
THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE. 


Un Jeu de Fortune, ou les Marionettes , comédie 
en à actes et en prose de Picarp. 


MonTaicne a dit que les hommes étoient des 
marionuettes que les circonstances faisoient agir. 
Prcarp a saisi cette idée; elle a servi de base à sa 
comédie nouvelle. En effet, on y voit des gens qui 
changent de conduite et même de facon de penser, 
selon les divers mouvemens de la roue de fortune. 

Dorville est propriétaire d’un château qu’il a ac- 
quis très-promptement , ainsi que toute sa fortune. 
Marcellin habite près de lui une petite maisonette. 
Il est maître d’école du village. Gaspard, jadis son 
camarade de collége, après avoir été comédien , s’est 
fait directeur de marionnettes. Les deux amis cau- 
sent ensemble et parlent de philosophie. Marcellin 
se pique d’en avoir, il se vante d’être assez fort pour 
résister aux coups de la fortune, dût -elle l’écraser 
de sa rigueur ou le combler de ses dons; il change 
bientôt de style. Un oncle qu’il avoit en Amérique, 
meurt et lui laisse un héritage considérable. IT ne 
se connoît plus, il ne rêve que châteaux, voitures, 
domestiques, et il méprise son état précédent. Par 
un autre coup du hasard, moins rare à la vérité, 
M. Dorville se trouve ruiné. Il veut vendre son chà- 
teau , Marcellin l’achète et lui offre même sa petite 
bicoque. Les honneurs changent les mœurs. Mar- 
cellin riche est bientôt entouré de parasites dont 


lun se dit Z’ami du château. Les femmes les plus 
aimables 


Nouvelles littéraires. 433 


aimables briguent sa main. La sœur de Dorville elle- 
même ne dédaigne pas de se laïsser faire la cour par 
celui qu’à peine elle honoroït d’un regard. Marcellin 
oublie dans tout ce tracas de fortune un jeuve per- 
sonne qui l'aime pour lui et que lui-Me chéris- 
Soit avant d’être riche. Il convient bien qu’il l'aime 
encore, mais il n’est plus pressé de l’épouser. Notre 
nouyeau riche est près de faire bien des sottises. Heu- 
reusement pour lui le directeur de marionnettes vient 
s'emparer de Vintrigue et en dirige les fils à son 
gré: Au moyen de plusieurs épreuves, il fait con- 

noître à Marcellin ses vrais et ses faux amis, et le 
force à se reconnoître lui-même. 

Cet aperçu ne peut donner de la pièce qu’une lé- 
gère idée. I seroit impossible d’entrer dans les dé- 
tails, et ce sont eux qui font le mérite de l’onvrage. 
Le dialogue est vif et animé, les caractères sont 
piquans, l’ensemble.est d’une grande gaieté : on voit 
surtout une peinture fidèle de nos mœurs, qui annonce 
combien Picarp est obervateur: La pièce a obtenu 
un grand succès, et sans doute elle le mérite. 


THÉATRE, DE L'OPÉRA-COMIQUE. 
Uthal, opéra imité des Poésies d'Ossian. 


Comme on refait tout, on a voulu refaire /es Bar- 
des. Dieu sait si les larmes de Malvina , la haine de 
Larmor, et les fureurs d’Uthal, sont bien un sujet 
d’opéra-comique , et si les gone de Fingal, les Cy- 
près, les nuages, le chant des Bardes, ont quelque 
chose d’amusant. Un roi détrôné, une fille qui court 
de son amant à son père et de son père à sop amant , 
et qui finit par les raccommoder, le tout assaisonné 
de chants, peut-être forffeaus » Mais toujours: à 


T', III. Juin 1806. Ee 


454 Nouvelles littéraires. 


contre-temps ; en un mot, un acte qui dure cinq 
quarts d’heure. Voilà la pièce nouvelle. 

On à rendu justice à la composition de M. Ménur; 
mais on eût désiré qu’en donnant à son ouvrage la 
teinte du Sujet, il ne fût pas tombé dans une mo- 
notonie fatigante. La suppression des violons dans 
l'orchestre produit moins d'effet qu’elle n’a semblé 
bizarre. À l'exception d’un fort beau chœur, on n’a 
remarqué aucun morceau saillant. 


THÉATRE DU VAUVDEVILLE. 


Brutal. 


La parodie d'Uthal a le même défaut que l'opéra. 
Longueurs et absence de comique. Quelques couplets 
décèlent des gens d’esprit qui auroient dû mieux em- 
ployer leur temps. Madame Be/mont et Laporte ont 
fait valoir cet ouvrage de MM. Parx et Vigtzcarn. 


]Voir et Blanc. 


Le genre des arlequinades est un peu passé de 
mode. Le travestissement d’Arlequin en Gilles a 
pourtant fait rire, et quelques couplets écrits avec 
facilité ont été anBRG de 

Les auteurs sont MM. Vreruranp et *** 


Voltaire chez Ninon. 


Cétoit un contraste bien piquant que celui d’une 
belle encore belle à son déclin, et d’un grand homme 
dont l'aurore annoncoit ce qu’il devoit être. On sait 
que Voltaire fut présenté à Ninon; qu'elle protégea 
ses essais ; qu’elle lui légua sa bibliothéque. Les au- 
teurs de la pièce nouvelle ont saisi cette anecdote; 
ils en ont fait un tableau agréable. Je dis un ta. 


Nouvelle®litiéraires. 439 


bleau , car il n’y a pas la moindre intention dra- 
matique. Un dialogue vif, des saillies piquantes, 
des couplets heureux, voilà le mérite de leur ou- 
vrage. On y a trouvé quelques disparates. Par exem- 
ple, se peut-il qu'un garcon de café se trouve dans 
le cabinet de Ninon avec le Père Porée, monsieur 
de Châteauneuf dont iis ont fait un Re et qui 
étoit un abbé, et avec M. du Jarry, qui vient en 
costume d’abbé faire la cour à la fille du portier. 
Tout cela est un peu bizarre, si ce n’est pas ridi- 
cule. On à trouvé aussi le style des personnages af- 
fecté, quelquefois même incompréhensible. Château- 
neuf dit que si Ninon lègue à quelqu'un son esprit 
et ses grâces légères , elle ne trouvera pas d’exécuteurs 
testamentaires. Ninon parle ensuite de son cabinet, 
où elle dit qu’il s’est passé plusieurs actes sans no- 
taires, etc. etc, Le dénoûment consiste dans le con- : 
sentement que doñne M. Arouet à son fils de se 
livrer à la poésie, lorsqu'il apprend que le jeune 
homme en a obtenu l’accessit à l’Académie. Le se- 
cond dénoûment est la pension qu’obtient le por- 
tier de Ninon , grâces aux vers que Voltaire a adressés 
au Dauphin; et le troisième est le mariage de la fille 
du portier avec le garcon limonadier. 

Les auteurs de cette bluette, sont MM. Moreau 
et LAFoRTELLE, qui ont assez d’espril pour en faire 
un meilleur usage. 


Eee 
LIVRES DIVERS (1). 


SCIENCES ET ARTS. 


JourNaz de Physique, de Chymie, d'Histoire na- 
turelle et des Arts, avec des planches en taille- 
douce; par J. C. ne Lamérmerte. Mars, avril et 
mai , 1806. Tome LXII. À Paris, chez Courcier, 
imprimeur-libraire, quai des Augustins, n°. 57. 
In-4°. 


Le cahier de mars renferme les articles suivans : 
Faits pour servir à l’histoire de l'argent ; par Le pro- 
Jfesseur Prousr. — Lettre du professeur Prousr & 
J. C. de Lamétherie. — Exposition du système cra- 
nologique de M. Gall; par M. FRIEDLÆNDER. — 
Des effets géologiques du tremblement de terre de la 
Calabre ; par M. Freurrau DE Berrevur. — De la 
téphrine ; par J. C. ve Laméruerte. — Lettre de 
Théodore pe SAussuRE sur le jade oriental et la saus- 
surite. — Lettre du docteur Boxvorsin sur plusieurs 
minéraux connus. — Observations météorologiques ; 
par Bouvarp. 

On trouve dans le cahier d'avril, un second mémoire 
sur l’étude du sol des environs de Paris ; par J. M. 
Couré. — Observations chymico - galvaniques ; par 
L. BrucnaTELLt, traduit par le professeur VEAU- 
Dscaunay. — Tableau des analyses chymiques des 
minéraux; et d’une nouvelle classification de ces 


(1) Les articles marqués d’un * sont ceux dont on don- 


nera un extrait. 
: 


Livres divers. 437 
substances, fondée sur ces analyses ; par J. C. de 


Lamétherie. — Observations tn : ; par 
Bouvano. 
: 


Le cahier de mai se compose des sujets qui suivent : 
Sur la propagation de l’électricité ; ; par le docteur 
Œrsren. — Suite du tableau de la classification des 
pierres ; par d. C. pr LaMmETRERtE. — Observations 
météorologiques ; par Bouvarp. — Note sur La com- 
Position du carbonate de chaux ; par Drscorirs. — 
Description du péridot idocrase , e£ de quatre autres 
substances lithologiques d'espèce nouvelle , nommées 


succinite, mussite , alalite ef topazolite; par B. Bo- 
VOISIN. | 


PHysiqQue. 


NourEAu. Dictionnaire de physique, rédigé d’après 
les découvertes les plus modernes ; par À. Lress, 
auteur d’un Traité de physique, et professeur aux 
Lycées de Paris. — Quatre gros vol. in-80., doni 
un de planches, en caractère petit texte. Prix , 24 f. 
À Paris, chez Giguet et Michaud, imprimeurs- 
libraires , rue des Bons-Enfans, n°. 34. 


T1 nous manquoit un ouvrage qui embrassât toutes 
les parties de la physique, et dont chacune fût por- 
tée.-au véritable niveau des découvertes modernes. 
L'auteur du Dictionnaire que nous annoncons a formé 
le projet de ce travail; il Pa exécuté avec succès. 
Toutes les parties de la science y sont traitées avec 
le détail que leur importance commande; plasieurs 
même sont enrichies de découvertes qui ne peuvent 
manquer d’intéresser les physiciens. 


L'article é/ectricité contient un grand nombre d’ex- 
périences nouvelles , qui ont conduit l’auteur à dé- 


438 Livres divers. 


velopper plusieurs propriétés jusqu'ici inconnues des 
matières résineuses. 

On trouvera dans cet ouvrage de nouvelles expli- 
cations de plusieurs phénomènes remarquables , tels 
que les aurores boréales , la pluie d’orage, le ton- 
nerre, l’élasticité des corps, soit solides, soit aéri- 
formes , etc. 

Les dictionnaires de physique, qui ont paru depuis 
l’époque de l’origine de la science, se composent d’é- 
lémens hétérogènes, tels que la physique, les ma- 
thématiques pures, l'anatomie, l’histoire naturelle, 
la chronologie. La physique est si riche aujourd’hui 
de ses propres fonds, qu’elle n’a plus besoin de pui- 
ser, dans des sciences étrangères , le sapplément des 
matériaux qui lui manquoient pour former un corps 
d'ouvrage. L’auteur du rouveau Dictionnaire de 
Physique Pa dégagée de toutes ces superfluités; il ne 
lui associe que la chymie générale, qu’il regarde, 
avec raison , comme une des branches importantes 
de la physique particulière. 

IL arrive souvent qu’on publie, sous le nom de 
Dictionnaire, une suite de compilations incohé- 
rentes et mal assorties; quelquefois même, une sim- 
ple nomenclature sèche, fastidieuse et dégoûtante. 
Le Dictionnaire qui nous occupe , est bien loin d’a- 
voir, avec ces sortes d'ouvrages, quelques traits de 
ressemblance. Le public, éclairé et impartial , le 
regardera comme une espèce de registre où sont dé- 
posées avec ordre et méthode les plus importantes 
découvertes, les théories les plus satisfaisantes et les 
plus solidement établies. Ce n’est point un Diction- 
naire de mots, c’est, à proprement parler, le Dic- 
lionnaïre de la science. hL. CG 


Livres divers. | 439 


MiINÉRALOGIE. 


Journ 41, des Mines, ou Recueil de mémoires sur 
l'exploitation des mines ; et sur les sciences et les 
arts qui s’y rapportent ; par MM. Coquerert- 
Moxrerer, Haüy, VauqueLcrn , Baizzer, Bro- 
cuanT, Fremery et Correr - Drscoriss , publié 

. par de conseil des mines de l'empire français. Jan- 
wier, février, mars et avril, n°. 109, 110, 111 
et 112.-—= À Paris, chez Croullebois, libraire, rue 
des Mathurins, n°. 17. 


Les deux numéros de janvier et février se com- 
posent des articles suivans : Analyse de l'ouvrage 
de M. G. A. H. Lucas, intitulé : Tableau méthodique 
des espèces minérales, etc. — Sratistique minéralo- 
gique du département de l'Aveyron; par M. Bra- 
VIER , ingénieur des mines. — Description et usage 
d’un calorimètre, ow appareil propre à déterminer 
le degré dé chaleur , æinsi que l’écamomie qui résulie 
de l’emploi du combustible ; par M. Moxreorrièr. 
— Analyse d'une chaux carbonatée. — Observations 
sur l'emploi du charbon de houille dans le traitement 
du minerai de fer, à la forge à la Catalane ; par 
M.Bravier. — Note sur la route souterraine qui « 
été percée dans le 15°. siècle à la base du Mont- Fiso , 
pou communiquer du Piémont en Dauphiné, etc. 

Les deux numéros de mars et avril contiennent les 
mémoires et articles suivans : Suite de la statistique 
minéralogique du département de lAveyron ; par 
M. Bravier, ingénieur des mines. — Analyse du 
jade, par Théodore ne Saussure. — Notice sur la 
nine de plomb du Sault, département du Mont- 
Blanc; par M. Héricant pe Tuvry, ingénieur des 
mines, — Votice sur quelques perfectionnemens à ap- 


430 Livres divers. 

porter au procédé. usité pour le tirage des mines ; par 
M. ze Livec De TRÉSURIN , ingénieur des mines. — 
Notes de M. Bercman sur lefer spathique. — Traité 
de géodésie, ou exposition des méthodes astronomi- 
ques , appliquées soit à la mesure de la terre, soit à 
la cônfection du canevas. des cartes et des plans ; par 
L. Puissant, professeur de mathématiques. — :4r- 
ticles fondamentaux de la jurisprudence des mines , 
dans les pays de l’Eürope où les mines sont exploi- 
tées avec le plus d'avantage ; et passent pour étre de 
mieux administrées ; par J. F. Daupuisson. — Table 
des articles de l'ordonnance des mines de Prusse. — 
Notice sur la casserie dé Framont ; par M. Ch. Hrr- 
FART! — Examen de la mine hépatique de mercure 
d’'Idria ; par KLArroTH. — Examen chymique du 
cinabre ati ÿ par x méme. 


GEOLOGTIE. 


* Prorosirionsgéologiques pour servir d'introduc— 
. ion à un ouvräge sur les élémens de la chorogra- 
phie , avec l’exposé de leur plan, et leur applica- 
tion à la description géognostique, économique et 
médicale du Ban de la Roche, accompagnée de 
cartes topographiques et minéralogiques.; et de trois 
gravures, représentant le tableau Panorama du 
Ban de la Roche, la pente douce de sdn: district 
de mines, et la plante de la pyrole à ombelles, 
sirouvée dans ces régions en 1800 ; par Henri-Got- 
fried OsEruiN , docteur en medecine; avec cette 


épigraphe : — 


Omnium rerum principia parva sunt ; sed suis progres- 
sionibus usa augentur. CIcERO, de Finib. lib. V, 


Strasbourg et Paris, chez les frères Levrault, et chez 


Livres divers. 443 


Martinet ; rue du Coq St.-Honoré, 1806, 195 pag. 
in-8°, Prix, 4 fr. 5oc. 


BoTAnIQuUE. 


Norx Hollandiæ plantarum specimen. Auctore Ja- 
cobosluliano LarrirarDière ; [nstituti nationalis 
socio. Tomus :secundus. Parisiis ;, ex typographià 
dominæ Æuzard. 1806. Fasciculus 15'ét 16. Pre- 

. tium cujusvis fasciculi, cum tabulis decem æneis, 
octo fr. 


Ce cahier formant le premier du tome IF°., ren- 
fere des plantes de ka dodécandrie, de licosan- 
drie et de la polyandrie. PzzwurANDRA acicularis; 
PrrUuRANDRA ovuta ; CePx4zorus follicularis ; C4- 
LYTRIX tetragona ; LeProsPrrmum sericeum ; LEP- 
TOSPERMUM marginatum ; PiLEANTHUS@ limacts ; 
ÆEvcazyYPTus incrassata; Evc4zxPTUSs viminalis ; 
EvcazyPrus cordata; Eucarzyrrus ovatà ; Ev- 
CALYPTUS amygdalina ; EzæcarPus peduncularis ; 
DiIzzZENrA procumbens. 


MaAMMIFÈRES. 
* 

Hisrorre naturelle de la Taupe, ses espèces et ses 
variétés , les dégâts qu’elle occasionne dans les 
prairies et les jardins , avec tous les moyens don- 
nés jusqu'à ce jodf, tant simples que composés ; 
pour parvenir à sa destruction, ét avec des dé- 
tails sur ses propriétés médicinales ét économiques. 
On y joint une notice sur l& Taupe-Grillon, es- 
pèce d’insecte qui a beaucoup de rapports avec la 
Taupe, etc. Second opusculé concernanttle règne 
végétal et l’économie champêtre ; par J. P.Bucno7, 


442 Livres divers. 


médecin-naturaliste. A Paris, rue de l'École de 
Médecine, n°. 20. Brochure in-8°. de 42 pages. 
Prix, 1 fr. 25 cent. 1806. 


PaysroLzocrtre. 


EssAr sur la structure et les fonctions du faie ; par 
Charles-Guillaume U5rrsaaL, docteur en méde- 
cine ; aide-amailomiste à l'École de Médecine de 
Strasbourg. À Strasbourg , chez Lévraulr. An XIII 
— 1805. 67 pag. in-4°. 


L’auteur donne, dans l'introduction de son Essai, 
d'abord un apercu général sur les propriétés et les 
fonctions du foie ; ensuite il fait un résumé des re- 
cherches qu’il a entreprises, et la termine par tracer 
le plan de distribution du corps de l'ouvrage... 


Il divise le résultat de ses recherehes en deux sec- 
tions principales; dans la première il examine tout 
ce qui est relatif à la description anatomique du fore, 
et dans la seconde il traite de tout ce qui a rapport 
à la sécrétion, à la conservation, à l’excrétion et aux 
usages de la bile dans l’économie animale. 


Dans la première section il décrit avec soin la si- 
tuation, la conformation et les enveloppes du foie; 
il reconnoît, comme Lænnec et d’autres, deux tu- 
niques au foie; une externe, qu'il nomme nique 
péritonéale , et qui est une continuation du péritoine, 
et, une interne, qu’il appelle #xnique propre, qui pré- 
sente une structure et des propriétés différentes de 
l’autre, Ensuite il passe à la description des, vais- 
seaux sanguins . du foie. I1 décrit d’abord les vais- 
seaux sanguins qui amènent le sang à cet organe, et 
ensuite ceux qui le ramènent de ce viscère. Après 


Livres divers. 443 


avoir examiné leur marche la plus ordinaire, il rap- 
porte les variétés que l’on a rencontrées jusqu'ici. 
L'auteur donne ensuite la description des vaisseaux 
lymphatiques du foie, qui ont principalement attiré 
son attention. Il les divise en vaisseaux superficiels 
et en vaisseaux profonds; il décrit la marche.et la 
terminaison des uns et des autres d’une manière plus 
exacte qu'on ne l’a fait jusqu’à présent, ayant fait 
plusieurs injections à ce sujet. Après cet exposé, 
l’auteur en vient aux nerfs qui animent le foie; il 
décrit leur origine, leur marche et la manière de 
se distribuer dans l’intérieur du foie, et il donne 
ensuite la description des conduits excréteurs de la 
bile. Dans le paragraphe suivant , il traite de la dis- 
tribution des vaisseaux et nerfs dans l’intérieur du 
foie , jusqu'aux petites glandes qui forment la sub- 
stance propre ( la chair) de: ce viscère; il prouve 
que ces petites glandes ne sont composées que de 
vaisseaux entrelacés de différentes manières, enve- 
loppées chacune, d’une continuation du tissu cellu- 
laire de la capsule de Glisson ; qui enveloppe aussi 
les paquets des vaisseaux. 11 décrit ensuite les ana- 
stomoses des différens vaisseaux qui ont lieu dans 
l’intérieur de ces glandes , et termine enfin l’expo- 
siton anatomique du foie par la description dé la 
vésicule du fiel; il examine d’abord sa conformation 
externe, et ensuite sa structure: En décrivant ses 
tuniques, il nie l’existence dela tunique musculeuse, 
qui n'existe pas dans l’homme, quoique plusieurs 
auteurs soient d’un avis contraire. Il décrit avec soin 
la structure de la membrane interne et de ses ré- 
seaux , sur lagmelle il à fait des récherches assidues ; 
il assure que les petites glandes que Vicq-d’Azir 
dit avoir vues à la surface interne de cette tuni- 
que n'existent pas dans Fhomme; il donne en- 


444 Livres divers: 
suite une description détaillée des vaisséaux et rierfs 
qui entrent dans la composition de la’ vésicule du 
fiel, et termine ce paragraphe par la désefiption du 
dirai cholédoque. 9 

Dans la seconde section, qui traité des fonctions 
du foie, l’auteur: prouve, dans son premier para 
graphe, que la bile est.sécrétée dans le foie, et non’ 
dans la vésicule du fiel; il donné ses argumens, et’ 
Jes prouve par des faits qui sont incontestables. T1 
parle ensuite des usages de la veine-portetet de l’ar- 
ière hépatique dans la sécrétion de la bile ét prouve” 
que l'artère, hépatique contribue aussi'en partie à la’ 
sécrétion de la bile. Il examine le'cours du sang” 
dans l’intérieur du foie, qui ; d'après lui, doit être 
très -lent ; mais accéléré par les mouvemens du 
diäphrägme et des muscles du: bas-ventre dans’ la 
respiration ; et par les mouvemens de la totalité du 
corps. Il entame aussi l’origine de la maladie by- 
pochondriaque. Dans le paragraphe suivant , il traite’ 
des! propriétés organiquesiet vitales du foie ; il exa-! 
mine, l’action plus ou moins énergique de cet or- 
gane suivant les divers témpéramens et les différens - 
climats, et décritiles principales sympathies de cet ” 
organe avec les autres viscères: Après cela ; l’auteur : 
fait exposé des phénomènes de la: sécrétion de la 
bile, de l'influence dé la raie sur cette sécrétion , de 
la quantité de, bile sécrétée dans un certain espace ? 
de temps, du chemin que la bile fait pour se rendre : 
dans le duodénum , des changemens qwelle éprouve 
dans la vésicule du fiel; il fait ensuite l'historique : 
des différentes opinions que l’on a eues sur Putilité 
de la ‘bile depuis Hippocrate jusqu’à mos temps; il 
examine les propriétés physiques et chymiques de 
la bile, et termine son traité par lPexposition des ? 
utilités de la bile dans la digestion. 


Livres divers. 449 


Ce petit traité fait connoïtre M. Ubersaal comme 
un observateur attentif, comme habile physiologiste 
et anatomiste, et justifie le choix que MM. les pro- 
fesseurs de l’École de Médecine de Strasbourg ont 
fait de lui pour seconder M. Lossrern dans É tra- 
vaux de l’amphithéâtre d'anatomie qu’il dirige avec 
tant d’habileté (1). C’est à sa place d’aide-anatomiste 
à l’amphithéâtre de Strasbourg, que M. Ubersaal est 
redevable de l’occasion d’avoir pu suivre les recher- 
ches dont il vient de publier les résultats dans l’ou- 
yrage que nous annonçons. Cette place lui a donné 
la facilité de disséquer la plupart des cadavres des- 
tinés à l’enseignement de Panatomie, et dont le nom- 
bre monte, chaque année, à plus de 300; depuis 
plus d’une année il s’est livré à l'examen particulier 
du foie, qui avoit surtout attiré son attention à cause 
des nombreuses maladies auxquelles il est sujet. Nous 
l'engageons à continuer de faire part au monde sa- 
vant du résultat de ses travaux. 


DEs MonsTruosiTÉs et bizarreries de la Nature, 
principalement de celles qui ont rapport à la géné- 
ration ; de leurs causes, de la manière dont elles 
s’opèrent , etc.; avec des réflexions philosophiques 
sur les monstrueux et dangereux empiétemens des 
sciences accessoires , telles que la chymie, la dro- 
guerie, etc., sur la vraie médecine ; ouvrage propre 
à mettre les mères à l'abri de l'influence et leur 
fruit à l’abri des effets des affections de l’âme, de 
limagination , des envies, des frayeurs, des ma- 
léfices , etc., et les jeunes praticiens à l’abri de la 
séduction des nouvelles théories médicales ; par G. 


(1) Voy. Magasin\ Encyclop. année 1805, t, VI, p. 419- 
424, 


446 Livres divers. 


Jouarn, docteur en médecine. Premier cahier. 
Tome L*. A Paris, chez Æ/lut, imprim.-librairé, 
rue de la Harpe, n°, 93. 


Der l'influence de la nuit sur les malades ; Recueïl de 
mémoires couronnés par la société de médecine de 
Bruxelles, en réponse à cette question qu’elle avoit 
mise au concours : La nuit exerce-t-elle une in- 
fluence sur les malades? Y a-t-il des maladies où 
cette influence est plus ou moins manifeste ? Quelle 
est la raison physique de cette influence ? publiés 
par ordre de la Société de médecine? À Bruxelles, 
chez /Veissenbruch, 1806, in-8°. 


Parmi les corps savans dissous et anéantis par la 
révolution , et que depuis peu on a vu renaître, en 
quelque sorte, de leurs cendres, on doit distinguer 
la Société de médecine de Bruxelles. Elle compte à 
peine deux ans d’existence , et déjà elle a honorable- 
ment prouvé le zèle qu’elle met à eneourager les pra- 
ticiens et à perfectionnér l’art de guérir. Un des prin- 
cipaux articles de son réglement oblige chacun de 
ses membres résidans à faire un rapport mensuel sur 
les maladies qu'il a eu occasion d’observer dans sa 
pratique. Ces rapports sont recueillis parle secrétaire 
général et rédigés sous la forme d’un journal. Ce Re- 
cueil, ainsi que les dissertations particulières qui 
seront adressées à la Société, et qu’elle fera imprimer 
dans ses actes, formera un corps de doctrine utile 
pour les praticiens en général , mais spécialement 
pour ceux du département de la Dyle. 

Ses efforts pour les progrès de l’art médical ne se 
bornent point à ces seuls travaux. Comme les autres 
académies, elle a trouvé encore un moyen d’être 
utile et de multiplier les lumières, en proposant des 


Livres divers. 447 
questions. La première qu’elle ait mise au concours 
étoit rédigée ainsi: 

1°. La nuit exerce-t-elle une influence sur les ma- 
lades ? 

2°. Y a-t-il des maladies où cette influence est plus 
ou moins manifeste ? 

3°. Quelle est la raison physique de cette influence ? 

Plusieurs mémoiresont concouru, mais six ont fixé 
particulièrement l'attention de la Société. Nous al- 
lons au surplus les analyser tous, d’après le rapport 
de M. Fournier , secrétaire-général. 

Le prix a été décerné à l’unanimité à l’auteur du 
mémoire enregistré n°. 9, portant pour devise: Quid 
est igitur quod me impediat, ea, quæ mihi probabi- 
lia*videantur, sequi ; quæ contra, improbare ; atque 
affimandi arrogantiam vitantem ; fugere temerita- 
tem, quæ a sapientia dissidet plurimum ? Cxcero, de 
Ofc. Lib. IL 

J’auteur de ce mémoire est M. Jacques -Julien-Ri- 
chard DE LA PrADE, , docteur en médecine, méde- 
cin-adjoint à l’hôpital civil et militaire de Montbri- 
son, département de la Loire , etc. Après avoir éta- 
bli et démontré l'influence de la nuit sur l’homme 
en santé comme sur lPhomme malade, l’auteur en 
explique, en physicien, toutes les raisons, dont les 
principales sont l’absence de la lumière solaire , celle 
du calorique qui en émane et par suite tous les phé- 
nomènes chymiques connus, dépendans de cette 
absence. Il prend en grande considération l’influence 
que la nuit exerce sur le moral ; ilen fait l’application 
aux malades ainsi qu'aux personnes privées de leur 
liberté, que lobscurité, le silence et la solitude, 
qui règnent pendant la nuit, livrent à des réflexions 
sombres et pénibles. M. de la Prade divise en deux 


classes les maladies où l'influence de la nuit est plus 
\ | 


448 Livres divers. 

manifeste ; après ayoir démontré que la nuit est une 
absence de plusieurs stimulansÿcomme la lumière, 
la chaleur , le bruit , etc., il la place parmi les puis- 
sances débilitantes; en conséquence, il la regarde 
comme favorable dans toutes les maladies qui sont 
éminemment caractérisées par l’exaltation des forces 
vitales. De même est-elle nuisible dans celles où ces 
forces sont afloiblies, comme les adynamies ou asthé- 
nies, etc. 

Ce mémoire, qui a le se complétement satisfait 
à la question, est écrit avec élégance , élévation, 
clarté et pureté; en un mot, c'est l'ouvrage d’un es- 

rit vraiment philosophique et versé dans tout ce 
qu’un habile médecin doit savoir. 

La Société, par son programme , n ’avoit SRRQR 
qu'un prix, mais le mérite éminent des n°. 7,6, 
1, 5 et 10, la nes He à décerner deux et 
prix et trois accessit. Les seconds prix, consistant 
chacun en une médaille d’or de la ÿaleur de 100 fr., 

4 . 
portant l’efligie de l'Empereur Napoléon, ont été 
obtenus par és auteurs des n°*.6 et 7 ; les accessit, 
par ceux des n°. 1, 5 et 10. 

Le mémoire qui, au jugement de la Société , a le 
mieux traité la question proposée , après celui Maps 
on vient de rendre compte, a été enregistré sous le 
n°. 6, et porte pour devise : Morbi omnes quidem in 
omnibus temporibus fiunt. Quidam tamen magis in 
quibusdam ipsorum et fiunt et exacerbantur. AE 
Aphor.19, sect. 3. 

C’est en général l'ouvrage d’un savant profondé- 
ment versé dans les sciences physiques: Il y développe 
une théorie chy mique , dont l application à à la ques- 
tion est trèsjudicieuse ; elle est traitée avec autant de 
méthode que d’ apres les idées sont sages et logi- 
Le de exposées ; les LA pe sont appuyées sur. 

des 


Livres divers. 449 


des faits presque toujours incontestables. L'auteur 
est M. Aymone, docteur-médecin à Chivasso , en 
Piémont. 

Le mémoire coté n°. 7, ayant pour divise cette 
sentence de Bâcon : Nos certe cogitationem suscepi- 
us et curam adhibuimus ut quæ à nobis proponen- 
‘ur , non tantum vera essent, sed etiam ad'animos 
Lominum non incommode et aspere accederent, est un 
traité ex professo sur les maladies nocturnes, L’au- 
teur, à l'exemple du grand Hippocrate , reconnoît 
une constitution diurne; il la divise, comme celle 
de l’année médicale, en quatre parties; il décrit 
chacune des maladies qui leur sont propres, et traite 
très-savamment de celles qui reconnoissent pour 
cause l'influence de la nuit, et celles dont l'invasion 
a lieu pendant les tinbbnes IL établit avec un ordre 
lumineux l’influence de la nuit sur les malades et sur 
les maladies; mais il s’est peu occupé de développer, 
d’une manière satisfaisante, les raisons physiques de 
eette influence. Entièrement livré à la classification 
très-méthodique des maladies nocturnes, l’auteur x 
négligé de donner l'explication de la théorie physico- 
chymique des causes qui les produisent , comme la 
Société l’exigeoit dans la troisième partie de son pro- 
blème. Ce mémoire est dû à M. MurarT, de la Dor- 
dogne ,. docteur-médecin à Montpellier , membre de 
plusieurs Sociétés savantes, et du jury médical de 
son département. 

Celui qui a mérité le premier accessit est coté sous 
le n°.1°°.; sa devise est : Ex aere salubritas. A quel- 
ques défauts près, on peut dire qu’il renferme, en 
abrégé , ce qu'il ya de plus important à dire sur la 
question proposée. 

Un autre accessit a été accordé au mémoire n°.5, 
portant pour marque 2440, et pour devise: Auters 


T. III, Juir 1806. FF 


490 Livres divers. 


omniurmn polissimum dux estet princeps natura. Hiv- 
voc. de probitate et honestate. L'auteur est un de ceux 
qui ont figuré le plus avantageusement dans la lice. 
11 a, en général, traité son sujet en médecin habile 
et fort éclairé. L 

Le mémoire, n°. 10, est un des trois qui ont ob- 
tenu un accessit. 1] avoit la devise suivante : Observa- 
tiones in medicina sunt veluli lapis Lydius quo 
omnis theoria explorari debet. Horrmaxns. L'auteur 
paroït avoir fixé toute son altention sur tout ce qui 
a rapport à la raison physique de l'influence de la nuit 
sur les malades ; mais le point dé la question pure- 
ment médical, est moins soigné, et n’est point à l’abri 
de quelque critique. En somme totale, ce mémoire 
honore le savoir de son jeune auteur, M. »’Hrmr- 
riNES , médecin à Jauche, dans le département de la - 
Dyle, et membre correspondant de la Société. 

Le mémoire, n°.'4, commençant par cette devise : 
Neque onnium rer ur afferre posse causas minus Mi 
rum est quam constare in aliquibus, PLiN., prouve 
dans son auteur des connoissances médicales et phy- 
sico-chymiques ; il laisse à désirer plus de méthode 
et de développement dans sa discussion et moins d’in- 
certitudes dans ses conclusions. 

Le n°. 3, portant pour devise : La nuit ne répand 
ses pavots que sur l’homme en santé, est une es- 
quisse où la question n’est qu’effleurée , mais elle est 
écrite dans les bons principes. 

Le n°. 8 a pour devise : 


Ille nocentior aer 
Semper erif, qui nocte, quem vespera mutat. 
HERENSTREIT , de Homine sano et 

ægroto carmen. 


Cé mémoire, élégamment écrit en latin, dé- 


Livres divers. 4ÿI 
monire un médecin expert dans la pratique ; mais 
| on s'aperçoit aisément que l’auteur n’a pas une 

grande NO de la physique et de Ja chymie 
modernes. 
La Société a porté le même jugement sur le n°. 2, 
qui a pour devise : 


Hinc quoniam variant morbi variabimus artes, 
Mille mali species mille salutis erunt. 


Enfin le n°. 11, ayant pour devise : Vincendo 
tutus eris, prouve que l’auteur connoît à fond l’an- 
cienne physique spéculative, mais qu’il est tout-à- 
fait étranger aux nouvelles découvertes physico-chy- 
miques. A. L. M. 


MÉDECINE. 


Journaz de Médecine , Chirurgie, Pharmacie , etc. ; 
par MM: Corvisarp, Leroux et Boyer. À Paris, 
chez Méquignon V'ainé, libraire, rue de l’Ecole 
de Médecine, n°. 5 et g, mai et avril, 1806. 


On trouve dans le numéro de mai les articles sui- 
vans : Observation sur une fièvre intermittente , d’a- 
bord irrégulière , puis quarte , «dynamique ; par M. 
Baye. — Observation sur une tuméfaction de la 
rate, à la suite de fièvres | re guérie par 
le geum urbanum , /a bénoite; par M. J. A. Bou- 
TEILLE. — Seconde opération césarienne faite sur le 
méme sujet ; par M. Bacqua. — Observations sur 
lemploi de l’huile de Ricni comme médicament in- 
terne , etc.; par M. Deyeux. — Tableau de la mé- 
decine hippocratique , ou essai sur la physiologie , 
l'hygiène , la séméiologie et la thérapeutique d’'Hip- 
pocrate; par M. Catrrau. — Pathologie chirurgi- 
cale ; par M. Lassus. 


402 Livres divers. 

On trouve dans le numéro d’avril les articles sui 
vans qui composent le cahier que nous annoncçons : 
De La constitution de l'air, et des ri observées 
à l’hépital des enfans malades, dans les ännées XIIT 
et XIV ; par M. Japerot. — Observation sur un 
dbcès dans le sinus frontal et dans le crâne, accom- 
pagné de la paralysie de la paupière supérieure, ete. ; 
par M. Cerrrer. — Observation sur un abcès qu 
avoit son siège à l’intérieur et à l'extérieur du crâne, 
etc. ; par M. Fizrau. — Observation sur un abcès 
dans l'orbite, ete. ; par le mème. — Essai sur les 
maladies et des lésions organiques du cœur et des gros 
vaisseaux, etc. — Suite de l'analyse des thèses de 
l'Ecole de Paris, etc. — Phytographie encyclopé- 
dique , ou Flore de l’ancienne Lorraine, par M. Wiz- 
LEMET. — Recherches et expérienees sur le diabète 
sucré, etc. 


IToxEens de conserver la santé des habitans des cam= 
pagnes, et de les préserver de maladies dans leurs 
maisons et dans les champs ; par madame Gacox- 
Durour , auteur de plusieurs ouvrages d'économie 
rurale et domestique, etc.; 1 vol. in-12 de 330 
pages. Prix, 2 fr. 50 cent. , broch., et 3 fr. par la 
poste, franc de port. À Paris, chez F. Buisson , 


rue Hautefeuille, NN: 


Les maladies qui affligent les campagnes ont des 
causes différentes que celles qui infestent les villes. 
Ces causes se trouvent dans la malpropreté , l’impré- 
voyance, l'exercice immodéré, l’intempérance , la 
crédulité, en un mot dans la vie routiniere des 
paysans. Ce sont autant de fléaux que l’auteur at- 
taque , et qu’elle cherche à repousser. Dans les obser- 
vations qui appliquent particulièrement aux vil- 
lageois, beaucoup peuvent servir aux diverses classes 


Livres divers. 453 
du peuple. Tous y recueilleront des préceptes utiles 
sur la manière de régler leur conduite, soit en santé, 
soit en maladie. Par ce petit ouvrage, madame Ga- 
con-Dufour s’est acquis un nouveau droit à la re- 
connoïissange des babitans descampagnes. J. L. G. 


ODONTOLOGIE. 


DE la Sémiologie buccale , ou exposé des signes qu’on 
trouve à la bouche, qui font connoître la cachexie, 
les nombreuses maladies qu’elle produit, celles 
qu’elle entrétient et celles qu’elle complique, tant 
aux dents qu’à toutes les parties du corps ; par L. 
LarorGuE, expert dentiste, in-8°. Prix, 2 francs 
50 cent., et 3 fr., franc de ‘port. À Paris, chez 
Croullebois , rue des Mathurins, n°. 17; et chez 
Pauteur, rue des Fossés Saint-Germain-des-Prés , 
n°.7, 1806. 

ART VÉTERINAIRE, 
“Mémoires vétérinaires sur la manière de réduire 
Les fractures des jambes des chevaux ef autres 

grands quadrupèdes ; sur les maladies épisootiques 
des bestiaux , sur la clavelée des brebis, sur les 
avantages de conserver les bêtes à laine en plein 
air pendant l’hiver, etc., premier opuscule ‘con- 

\  cernant le règne animal, l’art vétérinaire, etc. ; 
par 3. P. Buc’uoz, médecin-naturaliste. À Paris, 
rue de l'Ecole de Médecine, n°. 20, 1806, broch. 
in-8°. de 74 pages. 


CHyYmMre. 


_ANNazes de Chymie, ou Recueil de mémoires con- 
cernant la chymie , les arts qui en dépendent, et 
spécialement la pharmacie, rédigées par MM. Gux- 


454 Livres divers. 


TON , Moxcr, Berraozzer, Fourcroyx , Aprr, Has- 
SENFRATZ, VAUQUELIN, Prirur, CnAprar, PAR- 
MENTIER , Devrux, BouiLLon-Lacrancr, Cor- 
cer-Descorizs, SEGuInN , tom. VII. À Paris, chez 
Bernard, libraire de l’Ecole Polytechnique et de 
celle des Ponts et Chaussées , quai des Augustins , 


n°, 25. 


Ce volume, composé des cahiers du premier tri- 
mestre de 1806 , donne une nouvelle preuve du zèle 
des auteurs pour enrichir cette collection par leurs 
travaux et leurs correspondances. On remarque , 
entre autres morceaux importans ,; des expériences 
de MM. Fourcroy et Vauquelin,-sur l’isoire frais et 
V’ivoire. fossile ;:un rapport de M: Berthollet, sur un 
mémoire dé M. Descotils, concernant les mines de 
fer spathique; la découverte d’un nouveau principe 
dans les asperges , par MM. Vauquelin et, Robiquet ; 
un mémoire de M. Proust , sur le sucre de raisin ; 
des observations de M. Parmentier ; sur la nouvelle 
Pharmacopée balave ; un mémoire de M. Hatchett, 
surune nouvelle substance tannante ; notice des expé- 
riences faites à la Société Galvanique , par. M. Rif- 
fault; observations sur l'efficacité des fumigations 
antiputrides, par MM. Pinel , Desgenettes et Bona- 
foz; lettres de M. Proust, sur une porcelaine sans 
kaolin, sur la substance alimentaire d’un lychen (ex- 
trait du Journal dé chymie de Berlin ); sur l’éther 
acétique., sur la mine d’alun de Freienwald, etc. Une 
lettre de M. Dubuisson, sur quelques objets de mi- 
néralogie ; un mémoire sur l'outremer , par MM. Dé- 
sormes et Clément, et le rapport qui en a été fait par 
M. Chaptal à l’Institut national. 

L'abonnement, franc de port, est de 21 fr. par 
an pour les départemens, et de 24 fr. pour l'étranger. 


Livres divers. 499 
TECHNOLOGIE. 


ANNALES des arts et manufactures, par R. O’Reir- 
LY, de l’Académie de Bologne, etc. VI. année; 
N°. 69 et 70. À Paris, de l'imprimerie des An- 
nales, rue J. J. Rousseau, n°. 14. 


Le 69°. cahier, qui complète le Tome XXIIF°., 
contient : Suite du mémoire sur la fabrication du fer 
par le moyen de la houille ; par M. BonnanD. — 
Nouveau réverbère pour éclairer les villes et les éta- 
blissemens publics. — Nouveaux murs de terrasse. 
— Sur la distillation des esprits ardens et du kir- 
schenwasser, avec une notice sur la distillerie de Ver- 
soix. — Un moulin à méler le mortier. — Descrip- 
tion d’un instrument à planter les pommes de terre, 
— Procédé pour faire durer les voiles, les cordages 
et les filets. — Description d'un navire à cing mâts, 


Le numéro 70, premier du Tome XXIV, se compose 
des mémoires qui suivent: Sur le commerce et l’in- 
dustrie du département de l Eure ; par M. Masson Sr: 
AMaAND, préfet, — Fin du mémoire sur les procédés 
employés en Angleterre pour Le traitement du fer par 
le moyen de la houille ; par M. BoxnarD. — /?e- 
cherche des moyens d’obtenir la dessication la plus 
prompte et la moins dispendieuse pour les opérations 
de la teinture , avec les plans raisonnés d’une séche- 
rie; par L. DecaronTaINE. — Sur la fabrication des 
briques et des pierres artificielles. — Description 
d’une nouvelle serrure de sûreté. — Observations sur 
le scellement du fer dans la pierre, et proposition 
d'employer, pour cet objet, une matière résineuse ; 
par M. Giczer-Laumonr. — Sur le desséchement des 


terrains marécaseux et sur l'irrigation. 


456 Livres divers. 

Bvzzerin de la Société d’Encouragement pour l'in 
dustrie nationale. LV°, année. N°. XXEI. Avril 
1806. 


Ce numéro contient : L’éloge de M. Conté; par 
M. Deceranmæ. — {Notice sur ur nouveau métier & 
bas, exécuté par M. Daurry, mécanicien. — ÆRap- 
port sur les cartons moulés de M. GARDEUR, par 
MM. Guizer-Laumonr , Monrceozrier et MÉRIMÉE. 
— Extrait du mémoire de M. Poyréré, de Cère, sur 
l'amélioration des races de bêtes à laine dans le dé- 
partement des Landes. 


POLITIOUVE 


ConNsIDÉRATIONS relatives à un oUvrage qui a pour 
«titre : Essai de morale et de politique. Paris, chez 
Delaunay., palais du Fribunat, deuxième galerie 

de bois, n°. 248 , 1806, in-8°. de 41 pag. 


" MorRaALE. 


* Crerris Tabula sive vitæ human pictura ; græce. 
Collatis quatuor Codd. Mess. Pariss. cum lectioni- 
bus Cod. Meibom. iterum emendatam edidit, Jo- 
hannes Scuwricræuser. Adpersi sunt ad calcem 
hbelli ,tironum in usum , #/ores nonulli sræcorum 
poetaum. Argentorati apud Joh: Henr: Heitz, 
Academ. typogr. et apud societatem Bipontinam. 
MDCCCVI, 120 pag. Prix, 3 fr. papier fin, grand 
in-8° ; 2 fr. 25 cent., même papier, in-12,et 1 fr. 
50 cent., bon papier ordinaire, in-12. 


EssAr sur l'art d'être heureux; par Joseph Droz. À 
Paris, chez Ant. August. Renouard, 1806 , in-18 
de 246 pages, broch., pap. ordinaire, 1 fr. 80 c.; 
et grand pap. vélin , 6 fr. 


Livres -divérs. 497 
On ne croit pas en général que le bonheur peut 
faire l’objet d’une science; et l’on est tellement 
persuadé qu'il est le produit de limagination , du 
-caractère et des circonstances, que rarement on a le 
courage d'étudier les traités quienscigneut l’art d’être 
heureux. L'auteur ne se le dissimule point ; mais le 
désir de se rendre utile l’a emporté sur la crainte de 
voir son travail négligé. L’essai de M. Droz est di- 
visé en 22 chapitres, qui, presque tous, peuvent 
être considérés comme autant de petites dissertations 
séparées. Cette division a cela d’avantageux qu’elle 
favorisera la paresse du commun des hommes qui 
s’effraie d’une lecture soutenue , surtout lorsqu'il 
s’agit de morale. Si cet ouvrage, qui paroit être le 
fruit d’une longue expérience et d’une plume exer- 
cée , ne peut rendre positivement heureux, nous 
pensons qu’au moins il est propre à inspirer le goût 
dela vrai sagesse, et à rectifier les défauts, mérite 
que beaucoup de livres n’ont pas. J. L. M. 


LzerrTre du sieur Berr-Isaac-Berr, membre du 
conseil municipal de Nancy, à M, GRÉCOIRE:, 
sénateur à Paris. À Nancy. 1806. In-8°. 


Braux-ArRTSs. 


ANNALES du Musée et de l Ecole moderne des Beaux- 
Arts. Recueil de gravures au-trait, contenant la 
collection complète des peintures ‘et sculptures du 
Musée. Napoléon.; les principaux: ouvrages .de 
peinture ; sculpture ow projets d'architecture, qui 
chaque année ont remporté le prix aux concours 
publics ; ete. etc. ; rédigé par. C. P. LANDON, peintre. 
Tom. XI, 27°, 6°, livraisons. À Paris, chez l’au- 


teur, quai Bonaparte, n°. 1, au coin de la rue du 
Bacq. 1805. 


\ 


458 Livres divers. 


Ces six livraisons contiennent : /a Vierge du Ro- 
saire, par Le Dominiquin; — la Vierge, l'Enfant 
Jésus, S. Joseph et Ste. Catherine, par GarorALo; 
—5S. Roch dans la prison, par Le Guive; — la Sainte 
Famille, par le même; — Plan et Elévation de la 
Halle aux bleds de Paris, par Le Camus ne Mr- 
ZIÈRES; — /a Statue de Démosthènes , par LE Sueur ; 
— Hercule entre le Vice et la Vertu, par Latressr; 
— Laban cherchant des idoles, par La Hire; — Ste. 
Catherine, par BARTHÉLEMY ; — La Statue de Ci- 
céron, par Lemor; — /e jeune Spartiate, par Le- 
BARBIER aîné; — Délila livrant Samson aux Phi- 
listins , tableau de la galerie du Musée, par Ælexan- 
dre VÉRONÈSE; — Polymnie, par M. Meyxnier , — 
Plan et Elévation d'un projet de Boucheries pu- 
bliques, par M: Barthélemy Viewos , architecte’, — 
Loth et ses filles conduits par deux anges, et pré- 
servés de la destruction de Sodome , tableau de,la 
galerie du Musée , par Paul VÉRoNËSE ; — /°Her- 
mite endormi, tableau de la galerie du Luxembourg, 
par M. Vie; —/a Mort d’'Adonis, tableau de la 
galerie du Musée, par RorTENHAMER } — /a Résur- 
rection , émail du Musée des monumens français, 
exécutés par Léonard Limosix , d’après le Prima- 
tice ; — le Martyre de S. Processe et de S. Marti- 
nien , tableau de la galerie du Musée ; par Le Va- 
LENTIN; —/a Mort de Caton , tableau de la galerie 
du Musée , par Le Brun ; — /4 Mort de Démosthè- 
nes, par M. Borsseziter; — Deux Sratues , du Musée 
des monumens français, par Jean Cousix. 


ATHENÆUM, où Galerie française des productions 
de tous les arts ; journal entrepris par une société 
d'Hommes de lettrès et d’ Artistes, et publié par 
M, Bazrarp, architecle-grareur. N°°, IV et V. 


Livres divers. 459 


A Paris, à: la Chalcographie des monumens de Pa- 
ris, rue du Bacq, n°. 100. An 1806. 


Le quatrième cahier contient les sujets suivans : 

I. Salle du 14°. siècle au Musée des monumens 
français. Les décorations de cette salle sont en grande 
partie formées des, débris de la Sainte -Chapelle de 
Paris. Des ogives, des culs de-lampe gothiques, des 
figures bizarres, etc. composent ces décorations. On 
y voit aussi les douze apôtres de grandeur naturelle 
et dessimple pierre. Le monument le plus considé- 
rable de cette salle est le tombeau de Charles F, 
dit le Sage, et de Jeanne de Bourbon sa femme. L’un 
et l’autre sont couchés sur un cénotaphe composé de 
divers débris du même temps. Le véritable tombeau 
de Charles V n'existe plus ; on doit le regretter 
d'autant plus qu'il avoit été fait par ses “it et 
sous ses yeux. Au dessus du cénotaphe de Charles V 
se trouve le modèle en pierre d’un édifice gothique, 
surmonté d’un grand nombre de tours aigues. Ce 
modèle très-curieux a été tiré de l’église de Saint- 
Denis. Dans les murs de la salle sont incrustés 
plusieurs bas-reliefs, dont quelques-uns ont été re- 
couverts de peinture. De grandes statues de saints , 
en pierre de liais, sont placées des deux côtés des 
bas-reliefs, soutenues par des culs-de-lampe ornés 
d’ arabesques. Plusieurs niches formées par des ogives 
en pierre renferment des statues de chevaliers, de- 
bout. 

IL. Vue du Château de Saint-Cloud, prise des 
bauteurs. vis-à-vis le fer à cheval. 

HL Aonumens celtiques. 

IV. Un Pavé en mosaïque à la manière antique 
pour le palais des Tuileries. 

Les gravures qui composent ce numéro, et les dé- 


460 ‘Livres divers: 
tails qui les accompagnent , offrent le plus grand 
intérêt. 

Les sujets qui composent le cinquième cahier sont : 

L Projet d'un Elysée ou Monument sépuleral, Ce 
projet donné par M. J. NV. Jomarp, a concouru pour 
le prix proposé par l’Académie d° At iitectures Son 
plan paroît neuf et d’un effet très-pittoresque. 

IT. Vue du désert de la Grande-Chartreuse près de 
Grenoble ,en y allant par $.-Laurent-de-Pont. On voit 
sur le premier plan les cascades naturelles que fornre 
le Guyer-mort. On aperçoit ensuite quelques cabanes 
et le pont aui est appuyé de chaque côté sur un ro- 
cher ; enfin, dans le lointain les deux hautes mon 
re qui aan le lit du torrent. Des sapins ; 
aa pins et des hêtres couronnent ces montagnes. 
Le dessin ; qui est de M. Couturier ; artiste , a élé 
communiqué à l'éditeur par madame Fourcroy , 
épouse de M. le directeur- général de l'instruction 
publique. | 

LL. Les Arts. Le sujet a cètte gravure est le 
V°. chant du poëme de l’Imagination. On a essayé 
d’y retracer l’idée de M. Delille, qui se figure voir 
tous les chéfs-d’œuyres des arts réunis sous un por- 
tique. 

IV. Costume d’un Roi de la première race. La sta- 
tue que représente cette planche étoit placée à Cor- 
beille sur la porte d’une église. 


HISTOIRE. 


A. KzUIT, Historie der Hollandsche Staatsreperins , 
etc. C'est-à-dire, Histoire du Gouvernement hollan- 
dais jusqu’en 1395, où Examen hislorique et poli- 
tique , dans quel sens , durant le Gouvernément 
républicain , les États de Hollande ont été les repré- 


Livres divers. 461 
sentans souverains légitimes de tout le peuple hol- 
landais ou de l’universalité de la nation, avec 
beaucoup de pièces justificatives inédites ; par 
Adrien Kru1r. 3 vol in-8°., le 1°". de 520, le 2°. 


de 547, le 3°. de 556 pag. À Amsterdam, chez 
Brave. 1802 et 1803. 


Cet ouvrage est le fruit du loisir que procura à 
M. Kiuir, un des plus laborieux historiographes ba- 
taves, sa destitution de sa place de professeur d’his- 
toire, particulièrement diplomatique, des Provinces- 
Unies en 1795, destitution heureusement révoquée 
en 1802. M. Kluit ne veut pas que la véritable re- 
présention nationale appartienne exclusivement en 
Hollande- à ces derniers temps d’ larg révolu- 
tionnaire, et il la fait remonter jusqu’au 16°. siècle, 
peu après l’abjuration de Philippe IE, système qu’il 
prouve avoir professé dès 1784. Cet ouvrage est un 
tissu tellement serré de raisonnemens et de faits, 
que, dans la crainte de le démembrer, nous nous 
bornons à cette annonce, suffisante, eu égard surtout 
à la juste célébrité de Pauteur, pour exciter la cu 
riosité de ceux qu’il seroit capable d’intéresser. 


- PH M. 
ANTIQUITÉS. 


Gu1zErtE antique, où Collection'des Chefs-d’œuvres 
d’ Architecture, de Sculpture et de Peinture anti- 
ques ; gravée au trait par M. BouTrors, et accom- 
pagnée d’un texte historique et descriptif, par M. 
LEGRAND, architecte des monumens publics. In-fol. 
Première division. La Grèce. 2°. livraison. Paris, 
chez Treuttel et Iürtz, libraires , rue de Lille, 
n°. 17; et à Strasbourg, même maison de com- 
merce , rue des Serruriers, n°. 3. 


462 Livres divers. 


Nous avons annoncé le Prospectus et la première 
livraison de cet ouvrage, n°. de mai, p. 228. 

Cette seconde livraison contient , ainsi que la pre- 
mière, huit planches représentant 1°. une partie des 
bas-reliefs qui décoroient la CeZZa du Parthenon , ou 
temple de Minerve ; 2°. quatre des Métopés de sa 
façade; et 3°. ce qui existoit il y a 120 ans environ 
de la belle sculpture en ronde bosse de ses fron- 


tons. Toutes ces sculptures, exécutées sous la direc- 


tion de Phidias, sont du plus beau style grec et 
d’an grand intérêt pour les sujets qu’ils représen- 
tent , pour les costumes, la nature des chevaux et 
mille autres détails où les artistes peuvent trouver 
de l'instruction et des modeles. Le texte se com- 

ose de la traduction de la préface du livre des /n- 
tiquités d'Athènes, par S{uard et Revett, peintre et 
architecte anglais, dont les planches de la galerie 
antique sont une réduction fidèle. Cette préface ren- 
ferme tout le plan de Pouvrage et beaucoup d’éru- 
dition ; elle est suivie d’un abrégé de la vie de Pé- 
riclès, où ce grand homme est peint d’après Plutar- 
que, avec les couleurs propres à faire ressortir ses 
talens et l'énergie de son caractère, 

Cette partie du texte est terminée par une dis- 
sertation sur le Parthenon et sur les divers genres 
de beautés dont il offre le modèle aux artistes; ce 
morceau est entièrement neuf et contient des obser- 
vations curieuses et inédites sur plusieurs parties de 
cette belle sculpture ; il est rédigé d’après des ob- 
servations communiquées à M. Levrand , auteur de 
ce texte, par M. Fauvel qui a moulé lui-même ces 
bellestsculptures, dont une partie est à la salle des 
Antiques de l’école de peinture, et l’autre dans la 
belle collection de M. Cuoiseur-Gourrier, membre 
de l’Institut, cet amateur éclairé des beaux-arts, à 


Livres divers, 463 


qui l’on doit l'avantage de posséder à Paris, et ces 
plätres et plusieurs morceaux originaux que l’on 
admire au Musée Napoléon et dans son cabinet. 

La Galerie antique se publie par livraisons de 
huit planches et de quelque feuilles de texte; il en 
paroît une livraison tous les mois. Prix de chaque 
sur papier ordinaire, 8 fr., et sur papier d'Hol- 
lande, 12 fr. 11 y en a quelques exemplaires au lavis 
à l'encre de la Chine; prix, 40 fr. la livraison. 


ANTIQUITÉS d’Herculanum , gravées par Th. Prrozt, 
avec une explication par S. Ph. CHAuDÉ, et publiées 
par F. et P. Pinanesr frères. XXIV°. et XXV°. 
livraison. A Paris, chez Piranesi frères, place du 


Tribunat, n°. 1354. 


Le XXIV®. cahier fait : suite à la collection de 
Lampes, commencée dans le cahier précédent. Quel- 
ques planches offrent des Lampadaires et des Tré- 
pieds servant de support à des lampes. 

La XXV°. livraison comprend une suite de Lam= 
padaires et plusieurs planches de Candélabres. 


Les Monumens antiques du Musée Napoléon , gra- 
vés par Thomas Pirozt, avec une explication par 
M. Louis PeriT-Rapez, publiés par F. et P. Pira- 
nes frères. XXV°.et XXVI°. livraisons. A Paris, 
place du palais du Tribunat, rue Saint-Honoré, 
n°. 1354. 1806. 


Ce XXV°. cahier, qui commence le tome qua- 
trième, offre un Romain sacrifiant ; — deux Pré- 
tresses ou Vestales ; — un Ministre de Mithras ; — 
les Panathénées ; — un sacrifice appelé Szovetau- 
rilia ; — et des Chœurs musicaux. 

Le XXVI°. cahier contient : un Sacrifice à Mi- 


464 Livres divers. 


nerve; une Libation; — un Trépied d’ Apollon ; 
— un autre Zrépied tiré du Capitole; — un Autel 
de Mars ; — Trois Candélabres ; — un Siége de Cé- 
rès, et un autre de Bacchus. 


* Monumens antiques inédits ou nouvellement ex 
pliqués.: Collection de statues, bas-reliefs, bustes , 
peintures, mosaiques , gravures ,' vases , insCrip= 
tions et instrumens , tirés des collections nationales 
et particulières , et accompagnés d’un texte expli- 
catif; par À. L. Mirzin, membre de l’Institut et 
de la Légion d'honneur, conservateur des médailles, 
des pierres gravées et des antiques de la Bibliothé- 
que impériale de France, professeur d'histoire et 
-d’antiquités , ete. Tome IT, 6°. livraison. A Paris, 


chez Laroche, rue Neuve-des-Petits-Champs, n°. - 


12, au coin de celle de la Loi; Z'Aurneisen, rue de 
- Seine, hôtel de la Rochefoucault ; 7reuttel et 
- Würtz, rue de Lille; Desray, rue Haute-feuille 
n°. 4. 


Cette livraison , qui termine le second volume de cet 
ouvrage de M. Mira, contient, 1°. une dissertation 
sur l’octogone de Montmorillon, situé à neuf lieues 
de Poitiers ; cet édifice, que Montfaucon, et d’autres 
auteurs ont cru être un temple de Druides, n’est 
qu’une église du 10°. ou du 11°. siècle; et les statues 
bizarres placées au-dessus de la porte d’entrée, re- 
gardées, selon l’opinion commune, comme gauloi- 
ses, sont des figures de saints et d’évangélistes , ainsi 
qu’on pourra s’en convaincre par les gravures fidèles 
de l'édifice, et de ces statues et de quelques-uns des 
modillons que M. Millin a fait figurer sur les sept 
planches jointes à ce mémoire ; 2°. la description 
d’un vase grec-de la collection de M, le chanoine 


PEN Los - rhone fi dt. 


Livres divers. 465 


Zuppi à Naples, dont la peinturé représente Oreste 
suppliant; 3°. la description d'un Diptyque curieux 
qui renferme un missel de la fête des fous, lequél est 
éonservé dans la bibliothéque de Sens : cette descrip 
tion est accompagnée d’une notice de ce missel et de 
la fête des fous ; outre les deux gravures qui offrent 
les deux faces du Diptyque, M. Millin a joint à cette 
dissertation la musique de la fameuse prose de l’âne. 
Gette livraison est terminée par quatre tables, celle 
destrente-un articles, celle des cinquante-deux plan- 
ches, celle des auteurset celle des matières que contient 
le second volume. A la tête de cette méme livraison 
se trouve la feuille qui comprend le titre du volume et 
la dédicace au savant ét célèbre antiquaire M, isconti. 
Ceite feuille doit être reliée en tête du volume. 

Chaque volume de cet ouvrage, imprimé à l’Zm- 
Primerie impériale, sur beau papier, est composé de 
Cinquante feuilles dé texte, d’au moins quarante 
planches, et distribué en sixlivraisons. Chaquelivrai= 
son coûte 6 fr. prise à Paris, et 6 fr. 6o cent. franche 
de’ port dans ies départemens. 


PEINTURE. 


Gazrrre de Rubens, dite du Luxembourg, de for- 
mat grand in-folio, avec Le texte hiothque et 
faisant suite aux Galeries de Florence et du Palais- 

” Royal. A Paris, chez Desève, dessinateur et gra- 
veur, rue des F ossés-Saint-Jacques, n°. 1, au coin 


de celle duF aubourgSt.-Jacques. [IL°. livraison ( 1). 


" (1) Le prix de chaque livraison est » pour les figures en 
noir avec le texte, de 8 fr: ; pour les épreuves en couleur, 
46 fr. ; pour les figures avant la lettre, en noir, dont il y a 
dôuze exemplaires, 18 fr:; pour les figures avant la lettre, 
en couleur, dont il y a également douze exemplaires, 36 fr. 

| On paye en retirant chaque livraison , et rien d'avance. 


T°. III. Juin 1806. Gg 


166 Livres divers. 


Cet ouvrage dont nous ayons déjà annoncé les deux 
premières livraisons, sera toujours mis au nombre 
des collections les plus précieuses, et nous paroît 
digne d’être recherché, soit pour ce qui en fait 
l’objet, soit pour la belle exécution des planches. 

Cette troisième livraison contient deux gravures : 
le Portrait de Rubens, avec une nolice très-hien 
faite sur la vie de ce peintre célèbre, sûr sa manière 
et sur ses défauts , ou du moins sur ceux qu’on a cru 
pouvoir lui reprocher. L'autre gravure représente 
le moment où deux Génies offrent le portrait de 
Marie de Médicis à Henri IV, qui paroit délibérer 
sur son choix. 

Cet ouvrage sera publié en treize kvraisons, qi 
paroîtront successivement de mois en mois, soit en. 
couleur, soit en noir; des estampes en couleur re- 
présentent, autamt que possible, les superbes cou- 
leurs de Rubens, -et donnent une juste idée des ta- 
bleaux déposés dis la Galerie du Luxembourg. 
Chaque livraison est composée de deux estampes et 
d’une feuille d'impression au moins. Le texte est ré- 
digé par M. Moithei, arliste, revu par M. Castel, 
auteur du Poëme ‘des Plantes, etc., et imprimé par 
Ch. Crapelet. ‘sur ses beaux caractères. L'impression 
des co: soit en couleur, soit en noir, est confiée 
à M. Finot, avantageusement connu. Le texte et les 


figures sont tirés sur de très-beau papier vélir ‘et 
saliné. 
Porstre. 


*, PoérieuE anglaise; par M. HEexNeT, membre de 

. da Légion d'honneur. 3 vol. in-8°. À Paris, chez 
Théophile Barrois , fils, libraire, quai Voltaire, 
n°. 3. Prix, 13 fr. 50 cent., et 18 fr. franc de port. 


La BarTaizzz d’Austerlit:, poëme en dix chants, 


um 


Livres divers. 467 


Paris, chez Allais , libraire, quai des Augustins, 
et La Jonehère, palais du Tribunat. 1 vol. in-8°. 
Prix, 2 fr., et 2 fr. 50 cent. franc de port. 


On pouvoit traiter mieux un si noble sujet. 
Romans. 


VoxAce d’'Almuza dans l’île de la Vérité ; imita- 
tion de l’allemand ; par J. B. Dusois et Girard 


Prorrrac; 2 vol. in-12. À Paris, chez Capelle et 
Renand, Libraires, rue J. J. Rousseau. 


Eh bien! lecteur, qu’en pensez-vous? Z’fle 
de la Vérité n’offre-t-elle pas un séjour effrayant ? 
chacun doit y trouver son compte. Vous hésitez ? 
allons, courage : et partons. 

Ailmusza ; fils du sultan de Charesmie , s’égare. IL 
rencontre un vieillard, c’est Mottalem , qui le con- 
duit dans sa chaumière pour y passer la nuit; il y 
trouve Héli. Almuza s’'enflamme pour elle, et je le 
crois; vous, mui , nous en eussions tous fait autant ; 
puisque cette Mél est le bonheur, est la félicité. — 
Vous vérrez! — Almuza revient à la Cour de son 
père; son cœur étoit troublé et brûlant; il ne son- 
geoit qu’à la chaumière du berger Motialemt Il s’é- 
chappe un jour pour la revoir; quelle fut sa sur- 
prise !. Mottalem et sa fille avoient fui; ils s’étoient 
retirés en Perse. Almuza obtient de son père la per- 
mission de voyager pour se distraire de sa douleur ; 
il s'embarque , fait nauffrage, et se sauve seul dans 
l'Ile de la Vérité. Le génie Orad lui fait présent 

d’une bague salutaire , qui doit l’avertir par une pi- 
qûre de ses mensonges et de ceux qu’on lui fera. Tan- 
tôt enlevé sur les aîles du bel-oiseau de l'Espérance; 
tantôt chevauchant sur le coursier des passions ; tan- 
tôt volant dans un nuage, Il seroit trop long de sui- 


468 Livres divers. 


vre ses courses et de répéter ses expériences. Les faux 
amis, les débauchés, les poëtes, les parvenus, les 
misérables; personne n’est oublié dans cette revue. 
Les disciples, d'Hippocrate qui n’écoutent trop | sou- 
vent que la mode dans les ordonnances qu’ils don- 
nent; les métaphysiciens qui expliquent tout sans 
rien comprendre., et beaucoup d’autres personnages, 
sont aperçus et Jugés. 

Le cadre de cette critique est, comme on voit, 
heureux et agréable. Peut-être , pour:le remplir en- 
tièrement , eût-il exigé la perspicacité de l’auteur de 
Gilblas , et surtout son style. 


La raison même à tort quand elle ne plait pas. 
LACHAUSSÉE. 


Cependant on ne peut pas dire que MM. Drois et 
Proprrac aient mal traité cet ouvrage, qu'ils pré- 
tendent avoir 2mité de Vallemand. Quelques peintures 
en sont vives et naturelles. IL seroit à désirer que la 
diction de ce romen fut aussi brillante que la fic- 
tion en est remarquable. Chacun de ses chapitres pré- 
sente de bonnes moralités et d'excellentes allégories. 
Quand Almuza a tout vu; tout apprécié, quand il a 
sondé tous les cœurs et consulté toutes les bouches; 
quand il à couru trop souvent après de trompeuses 
Héli, qui s’évanouissent dès que sa‘bague les touche; 
il prie le génie Orad, ministre de la vérité, de ter- 
iner les épreuves et de lui rendre celle qui doit 
faire son bonheur. A peine il achève sa prière, qu’il 
tombe sur la terre, et se retrouve dans sa patrie , où 
Motialem est revenu avec sa fille; il les revoit, dé: 
sire être berger, refuse:le trône , vaquant par la mort 
de sonpère, et épouse Pinnocente et modeste Héli, 
— La fête de l’hymen est simple et champêtre. Les 
époux restent seuls. « J’essayerois en vain ; dit l’an- 


» 


Livres divers. 469 
teur , de tracer la scène qui suivit : Almuza fixoit 
Héli, mais n’osoit en approcher; Héli restoit à 
l'endroit où Mottalem l’avoit quitiée. Voilà bien 
le tableau du véritable amour, respectueux et ti- 
mide; c’est alors qu’on arrive au bonheur par 
toutes les routes graduées du plaisir; l'embarras, 
la crainte , les refus, les combats qui mènent à la 
plus douce des victoires. » Le lendemain Héli ne 


2 A . 1 
peut s’empécher de rougir en revoyant son père ; Mot- 


talem fit semblant de ne pas s’en apercevoir ; et dans 


un discours qu'il adresse à son fils, il lui dit: « Tu as 


» 
.} 
2) 
» 
» 
» 
» 
» 


vu partout Héli dans ton voyage; c'est qu'Héli 
étoit pour toi le vrai bonheur, et que la Vérité, 
à chaque épreuve faite sur toi, ne pouvoit mieux 
choisir pour t’entrainer que l’image du seul objet 
de tes pensées. C’est ainsi que tout mortel séduit , 
soit-par la volupté, soit par des arts inutiles, voit 
toujours pour but le vrai bonheur qu'il désire, et 
chacun le voit sous la forme qui lui plaît le mieux. 
— Connois dès ce jour, Ô mon fils! le vrai bon- 
heur : ilest dans l’asyle de la vertu, sous le chaume; 
dans les bras d’une épouse vertüucuse, auprès d'un 
bon père , et loin du spectacle de toutes les folles 


- passions des hommes. Goûte la volupté pure de 


l'amour ; respecte un Dieu visible pour ton âme , 
suis la religion sacrée; aime les sciences et lesarts, 
mais.ne te donne exclusivement qu’à ton Héli, qui 
est pour toi la félicité, l’épouse du cœur. » 

Les livres ne font ni bien ni mal, disoit Voltaire: 


il est vrai qu’ils font peu de bien ,, mais ils peuvent 
faire beaucoup de mal. Heureux les auteurs dont on 
n’a point. à! se plaindre. Quel éloge pour leur ou- 
vrage ! celui-ci enseigne à être juste, à être bon, à 
aimer. la retraite, à être fidèle à la compagne qu'on 
s’est choisie, par qui on doit se voir revivre dans une 


470 Livres divers. 


nombreuse postérité. Aussi quoique le livre ne soit 
qu’un conte semblable à ceux des Mille et une Nuit , 
on peut sans crainte prédire avec Piron , que 


La mère en prescrira la lecture à sa fille. 


Du moins si elle ne la prescrit pas, elle la permettra ; 
et quel triomphe, digne d'envie, pour un romancier. 
Aug. »E L. 

MELANGES. 


Parsons and GazieNaNrs british library in verse 
and prose , etc. C'est-à-dire: BrrzI0THÉQUE Bri- 
tannique de PARSONS et GALIGNANT, en vers et en 
prose, ou Collection des meilleurs Auteurs anglais , 
la plus étendue qui ait paru jusqu'ici, même en 
Angleterre, N°. 41 et 42. In-12. Paris, chez Parsons, 
Galignani et C°., rue Vivienne. 


Le premier des deux numéros contient : /es Visions, 
poëme burlesque de Vathanaël Corron, et une No- 
tice biographique sur ce poëte. L'autre est une conti- 

_nuation des Æssais de Hüwe. 


Co.ne Civir. 


Cor Nuarozéon, 11°. partie, Procédure Civile , 
(seule Edition avec des Sommaires ) imprimé sur le 
éexte original et officiel de l’Tmprimerie Impériale , 
précédé de Sommaires à chaque article où numéro, 
qui en indiquent clairement le contenu , et terminé 
par une Table des Matières très-détaillée , par 
ordre alphabétique ; par M. Levasseur. Prix br., 
in-8°. , 3 fr., et franc de port 3 fr. 80 cent.; in-12, 
2 fr., et 2 fr. 60 cent. franc de port; 27-18, à fr. 
50 cent. , et 2 fr. franc de port. À Paris, chez la 
Veuve Gueffier, rue Gallande, n°. 61, et chez 
Delance, rue des Mathurins , hôtel Cluny. 


ex 


0 


TABLE DES MATIÈRES. 


ASTRONOMIE. 


Prix d'Astronomie décerné par l’Institut à M. Svanberg, 
suédois. 


200 
GÉoLoGtE. 


Proposilions géologiques pour servir d'introduction à un 
ouvrage sur les Elémens de la Chorographie, etc. etc. ; 
par Henri-Gottfried Oberlin. 

MINÉRALOGIE, 

Cabinet de Minéraux du docteur Kreylon. 


440 


169 
Journal des Mines, ou Recueil de Mémoires sur l'Exploi- 
tation des Mines, elc.; par MM. Coquebert-Montbret, 
Haüy, Vauquelin, Baillet, Brochant , Fremery et Collet- 
Descotils. 439 
BOTANIQUE. 
Vertu singulière d’une plante nommée Matrunka. 169 
Double Flore , ou Description des plantes qui croissent na- 
turellement aux environs de Paris ; par J. D. D.... 206 
Jardin de Berlin, où Figures et Descriplions des plantes 
rares et peu connues qui sont cullivées dans le jardin 
royal de botanique de Berlin ; par M. Willdenow. 208 
Novæ Hollandiæ plantarum specimen ; auciore Jacobo- 
Juliano Labillardière. 
Zo00LOGTE. 
Découverte d’un squelette complet d’éléphant. 169 
Squelette pétrifié, trouvé en Angleterre, dans le comté 
de Glocester. if 


44 


402 

.. L 
Histoire naturelle de la Taupe, ses espèces et ses varié- 
tés, par J. P. Buc’hoz. : 441 


IcCHTYOLOGIE 
Catalogue de quelques poissons du Japon. 182 


472 Table des matières. 
AR® VÉTÉRINAIRE. 4% | 

Observations sur un Mémoire relatif à PArtv VétErDaiTe. 364 
Mémoires vétérinaires sur la manière de réduire les frac- 

tures des jambes des chev aux , etc. ; par J.P. Buc hoz. 453 

Puy s1QUE.! 

Expériences relatives à la chaleur de l’intérieur de la 
_ terre, 160 


Journal de Physique, de Chymie et d'Histoire naturelle et 


des Arts; par J. C. de Lamétherie. 436 
Nouveau Dictionnaire de Physique, etc. ; par A: Libes. 457 
CHYMIE 
Anmales de Chymie, rédigées par MM. FAR Monge, 

Berthollet, Fourcroy, etc. etc. 45 
ANATOMIE. 

Sectiones Cadaverum Pathologicæ, eruditorum examini sub- 

mittit C. Joann. Xneppelhout. 209 

Ecole pour les préparations anatomiques, modelées en cire , 

établie à Rouen. | 428 
MÉDECINE. 

Journal de Médecine, Chirurgie, Pharmacie , etc. ; par MM. 


Corvisart, Le Roux et Boyer. 209. 451 
De l'influence de la nuit sur les malades, etc. 446 
Moyens de conserver la santé des habitans des campagries, 

etc.; pdr madamé Gacon-Dufour. 452 

MAGNÉTISME ç) 


Expériences relatives au Magnétisme ; par le professeur 


Ritter. 160 
VA CcCcINE. 


Séance publique de laSociété de Vaccine d'Amsterdam. 403 

Médaille frappée pour l’Encouragement de la Vaccine ; sa 

description. ; 162 
PHYs10LOGIE. à 

Essai sur la strugture et:les fonctions du foie ; ; par Charles- 
Guillaume Vbersaal. du 4&z 


BE ET TES ET ET RE 


DORE RTE DR UT ee OU TE 


Table des matières. 473 

Des Monstruosités et Bizarreries de là nature , etc. etc. ; 
* par G. Jouard. 445 

ODONTOLOGCIE 
De la Sémiologie buccale, ou Exposé des signes qu’on trouve 
à la bouche, etc. etc.; par L. Laforgue. 446 
MÉCANIQUE. 
Machine nouvelle inventée par M. Dodemant , professeur 
à Lyon. 428 
TECHNOLOGIE. 

Société d'Enconragement pour l'Industrie, nationale ; prix 
proposés par elle pour l’année 1807 et 1808. 187 
Annales des Arts et des Manufactures; par R. O’Reilly. 455 
Bulletin de la Société d'encouragement pour l’Induslriena- 
tionale. IV‘. année, n° 22e 456 


AGRICULTURE: 


Culture de YIndigo introduite dans le département de Vau'- 

cluse. 423 
PoLiTiquE. 

Considérations relatives à un ouvrage qui a pour titre : Essai 

de morale et de politique. 456 


FINANCES. 

Sur la Banque de France, les causes de la crise qu’elle a 
éprouvée, et les moyens d'en prévenir le retour; par 
M. Dupont ( de Nemours). 210 

Des différentes Banques de l’Europe. 211 


MORALE. 

Elémens de Morale à l’usage des maisons d'éducation; par 
M. l'abbé Cassegrain. 7 914 
Traité sur la Phÿsionomie par le sophiste Adamañtihs; suivi 
d’un éloge de Lavater, comparé avec Diderot; par M. 
Meister. 239 
Cebetis tabula sive vitæ humanæ pictura , etc. 486 
Essai sur l’art d’être heureux; par Joseph Droz. Hbid. 


474 Table des matières. 
MORALE RELIGIEUSE. à 


Ascétique, ou la Connoissance des moyens de vivre dans 


le bonheur et la sainteté ; par Ewald Xist. Lu, 240 

" GÉOGRAPHIE. 
Riche collection de Cartes géographiques de M. Schulz, dé- 
posée à la Bibliothéque de l’université de Halle, 372 


ToPOGRAPHIE. 
Carte topographique de la Suisse, levée par des Ingénieurs 
français. 417 
VoyaAces. 
Copie d’une Lettre écrite d'Athènes le, 20 frimaire an XIV, 
par M. Fauvel, à M. Barbié du Bocage. 116 
Voyage de M. Benjamin Bergmann dans le Thibet. 169 
Nouvelles de l'ambassade russe en Chine; vaccine propagée 
dans le Mogol par M. Rehmann; petité pharmacie porta- 


tive en usage au Thibet, 169. 170. 408 
Lettres du docteur Langsdorf. , relatives à son voyage au 
Japon. 171 


Voyages en Italie et en Sicile; par M. Creuzé de Lesser. 318 
CHRONOLOGIE. 

Concordance de lère des Français; décrétée le 5 octobre 
1795 , avec les années du Calendrier grégorien, depuis 
le 1°. vendémiaire an 11 jusqu'au 1°. pluviose an xxvI 
inclusivement ; par L. M***. 213 

HY3STOIRE. 

De la Demande du Consulat, où Essai sur la Candidature, 
adressé à Marcus Tullius Cicéron par son frère Quintus ; 
suivi des fragmens du discours prononcé par Cicéron sur 
sa Candidature ; traduits par Eusèbe Salverte. 5 

Monumens français inédits, pour servir à l’h’-toire des 
Arts , etc.; dessinés, coloriés, gravés et rédigés par N, X. 
Willemin. 223 

Description de Paris ct de ses Monumens , etc ete.; par J.G. 
Legrand. À 225 


hs mn) Lai srties ot ns. Cote del a Si à : : 


Table des matières. 475 

Notice sur les Poëtes Alsaciens ; par M. Arnold. 241" 

Histoire de la Chüûte de la:dynastie des Ommiades et de 
lavénement des Abbassides au Khalifat. 282 

Histoire du Gouvernement hollandais, etc.; par Adrien 
K luit. 460 

MYTHOLOGIE. 

Les Monumens antiques expliqués par la mythologie, en 
forme de dictionnaire ; publiés, dessinés et gravés par 
Laurent Guyot ; rédigé par Alexandre Lenoir. T.I. 214 

ANTIQUITÉS ET ARCHÆOLOGIE:. 

Galeri ie antique, où Collection des "chefs-d'œuvres d’archi- 
teclure , de sculpture et de peinture antiques. 228. 461 

Antiquités d'Herculanum, gravées par Th. Piroli. 229. 463 


Les Monumens antiques du Musée Napoléon, gravés par 


le même. Ibid. 
Question intéressante d’antiquité à résoudre, proposée par 
le programme de l’université de Copenhague. 406 
Note sur le Muséum du Vatican. 420 
Monumens autiques inédits ou nouvellement expliqués ; par 
M. À. L. Millin. 46% 


NÉCROLOGIE ET BIOGRAPHIE. 


Notice sur la Vie et les Ouvrages, tant imprimés que ma- 


nuscrits, du P. Houbigant , de l'Oratoire. 125 
Note biographique sur I. M. Cels , membre de l'Institut. 428 
Notice biographique sur M. Remacle Zsssoir. 429 
Mort de M. F. de Sonnenberg , poëte allemand. 159 
Mort de M. Côme Colini, directeur du cabinet d'histoire 
naturelle de Manheim, 159 
Notice biographique sur Frédéric-Auguste duc Cd R 

Œls ; note de ses ouvrages. 163 


Mort d’Elizabeth Carter, poëte anglais, et de la savante 
duchesse de Devonshire. 192 
Note biographique sur M. Barry, peintre de l’école an- 
glaise. 401 


476 Table des matières. 


‘Mort de M: Rung, médecin du roi de Stède! : 406: 


Mort du-professeur Philippe-Gabriel PE M médecin du 
roi de Danemarek. wi 407 
Mort de Jean. Nieuwénhuysen!, fondateur de la Société ba- 
tave. han 163 
Mort du professeur Frédéric-Guilltume Pestel, à Leyde ; 


noté sur ses ouvrages. . 155 
Mort de M. Piérre Van Damme ; vente de sa belle biblio- 
#théque et de son riche cabinet. 157 


Mort de M. Christian Brurings , fameux hydrauliste hol- 
- Jandaïs; son monument sépülcral, et sôn éloge proposé 
pour sujet de prix. 158 

Extrait d’une notice sur la vie et les ouvrages de Joseph 
* Fratrel, peintre français; par M. de Klein. 360 

Mort du célèbre professeur Christophe Saxe, a Utrecht. 403 


Mort de la savante düchesse Julienne Giovane. 162 


Détails biographiques sur M. Herman Cannegicter , et M.J. 


P. Klein ; par le professeur Te Water. 40% 
BiBLIOGRATHIE. 

Cours élémentaire de Bibliographie; par M. Æchard. 227 
HisToiRE LITTÉRAIRE. | 

Institut de France. Séance publique de la Classe d'histoire 
‘et de la littérature ancienne. 185 
76°. séance publique de l’Athénée des arts de Paris. 194 
Académie des jeux floraux rétablie à Toulouse ; prix pro- 
posés par elle. 424 
Inauguration du buste de Clémence Zsaure. 425 
MM. Lacépède et Cuvier nommés membres de la Société 
royalegle Londres. 431 
Lettre du sieur Berr-Isaac-Berr, à M. Grégoire, sénateur. 457 
L'Institut de Génes change son nom en celui d’Æcadémie 
impériale. 427 
Rentrée et succès du jeune Roscius au théâtre de Drury- 
Lane. 152 


»“ 


: 


Table des matières. 477 

Usage particulier établi dans V'école, de Saint-Pierre, à 
Westminsler. Le e Ibid. 
Société batave : prix décerné par ee à M. Visser : rappel 
du poële HAUUr el sOHsCrIELUR proposée en sa fa- 

| veur, à 153 
Société teylérienne de Harlem : prix proposé par elle. 154 
Société nationale d'Economie des Pays-Bas’ , séante à Har- 
ete prix adjugés par elle à M. Zuiscius, de Delft, ét 
à M. J. de Vries. . 155 
Séances de la Société de littérature hollandaise de Leyde. 
: : 157. 404 

- Résignalion du rectorat de l’aniversité d'Utrecht par M. Van 


* Geuns, à M. Phil. Guill. Van Heusde. "| 403 
Succès de la doctrine du docteur Gall ; à Amsterdam et à 
, Leyde. 403 
Prix proposés par la Société de Goerlitz. : 199 
Séance de l’Académie des sciences uliles à Erfort. 166 
Voyage aérostatique de M. Jungius, .de Berlin. 371 
Don fait à la bibliothéque de Halle par. la veuve de M. le 
chancelier Hofmann. 373 


Distribution des prix de l'université de Gœttingue , fixée 
au mois d'août. 373 
“Notice sur les Iravaux des membres de luniversité et de 
l'académie de Gættingue, pendant le cours de 1805. 374 
Séance de la Société royale des sciences de Copenhague. 407 


Legs fait par un Danois pour deux prix, annuels à adjuger 


aux deux meilleurs sermons. | L 407 
Prix adjugé par l’Académie impér jale d'Exlangen, à à M, Guil- 
feld, médecin. 408 
l'hs particulier établi par PAcadémie ire sciences de Pé- 
tersbourg. 3 169 


Histoire de l’Académie impériale des sciences de Péters- 
bourg , pendant l'année 1804. è . 409 
Paysan russe né aveugle et poète, ri 408 


478 Table des matières. 


Sociéié savante dé Bombay ; nole à son occasion. 422 
Société économique établie aux îles de Bahama. 423 
© LITTÉRATURE ORIENTALE. 
Recherches asiatiques , ox Mémoires de la Société établie au 
Bengale , etc. ; trad. de Panglais par A. Labaume, etc. 303 
LITTÉRATURE SACGRÉE. 
Commentaire de l'Epiître de saint Paul aux Romains; par 
Paul Bosveld. gs 216 
Ïsaie traduit et expliqué par J.:H. Jan der Palm. 217 
LANGUES SEPTENTRIONALES. 
Analyse de la nouvelle édition des Fragmens d’'Ulfilas , pu- 
bliée par M. Zahn. ! ! 61 
LANGUE ANGLAISE. 
À Dissertation on Language, etc. - 69 
LANGUE RUSSE. 

‘Projet de règles pour la manière d'écrire les mots russes avec 
des caractères étrangers. :° 7408 
POÉSIE LATINE. | 

Deliciæ poëticæ , edente Theodoro Fan Kooten. Fasc. 8. 230 

POÉSIE FRANÇAISE. 

Réponse de Voltaire à une dame qui reprochoit à La Dix- 
merié d’avoir maltraité dans ses Contes les femmes de 


quarante ans. L 150 
Le nouveau Parnasse chrétien, ou Choix des meilleures 
Poésies chrétiennes. 231 
Œuvres complètes de Gilbert. 283 


Le Voyage du Poëte, poëme ; par J. B. de Saint-Victor. 325 
Traduction de la onzième Elégie de Tibulle ; par M. Xéri- 
valant. 3 


La Bataille d’Austerlitz, poëme. 467 


POÉSIE ANGLAISE. 
Poëtique anglaise, par M. Hennet, 467 


Table des matièresi 47d 
: POÉSIE ALLEMANDE. 


Les Odes d’Horace, imilées en vers Nbr ur" par Pierre 


Van Winter. 237 
PHILOLOGIE.. 


Lettre deM.F.S, F.à M. Millin, sur les Lettres de Paie. a%. 
- BEAUx-ARTS. 
Sur la Galerie de Salzthalen, et l’état des Beaux-Arts à Bruns- 
wick; par M. Bruun-Neergaard. 83 
Riche et nombreuse collection de manuscrits, médailles , 
monnoies, armes et autres monumens orientaux du major 
* Ouseley. . ; 151 
Vies et Œuvres des Peintres les plus célèbres de toutes les 
éceles; publiées par C. P. Landon. 22%. 
Étiienæum, où Galerie française dés productions de tous les 
arts , publiée par M: Baltard. 222. 458 
Exposition par J Académie des Beaux-Arts de Dresde..404 
Vente à Stockholm'de tableauxetd’ouvrages de sculpture. 406 
Note sur l’Académie de France à Rome. 418 
Concours proposé par l’Académie royale des Beaux-Arts de 
Milan. 42x 
Annales du Musée et de l'Ecole moderne des beaux-arts; 
* par C. P. Landon. He 457 
PEINTURE. 
Tableau de M. Devosge, de Dijon ; sa descriplion. , 185 
Corrections ‘et additions pour un ouvrage de M.Fiorillo, sur 
l’histoire de la peintureen Francé'; par M. Neergaard. 532 
Galerie de Rubens, dite du Luxembourg, etc... + 465 
' Mus1QueE 
Nouvelle Composition de Chérubini; son succès à Vienne. 168 
Idées sur la Musique, et particulièrement sur le Mode hel- 
lénique, etc.; par M. Fabre-d’'Olivet. 297, 
THÉATRES DE PARIS. 
THÉATRE DE L'OPÉRA 
Nephtali, ou les Ammonites. 200 


480 Table des matières: 
© THÉATRE, DE L’'IMPRÉRAMRICE. 
Le Père rival, où l’Amant par vânité ; par M. Dupaty. 20% 


Ia Comédie aux Champs-Elysées. 202 
Un Jeu de fortune , ou: Lex Menanmes, comédie, par M. 

Picard." 432 
Témoignage de satisfaction. donné mass. M. l'Empereur à 
- M: Picard ; à Yotcasion de la pièce: précédente, : :434 

OPÉRA-ComiIQusz: / 
Uthäl , opéra-imité d’Ossian. 1) 648 
THÉATRE DU VAUDEVILLE. 

Rubens dans sa jeunesse. 203 
Ea Belle Hôtesse. |, 20% 
Agrès Sorel, par MM. Bouilly et dB Ibid. 
Brutal} parodie ;:par MM. Pain et Vieillard. 434 
Noir.et Blanc; par MM. Vreillard et ** * | Jbid. 


Voltaire chez Ninon; par MM. Moreau,el Lafortelle. Ibid. 
É THÉATRES ÉTRANGERS. 

BErz1N. — La Fiancée de Messine, tragédie de Schëller. 370 
M: et madame Tatillon ; de Picard, jouée sous le titre des 


:Brouillons pacifiques. Ibid. 
Le Retour dans la Patrie, drame.  ! Mb Ibid, 
Là Phèdre de Racine, traduile de Schiller ; et jouée sur 

le même théâtre. . | 371 
Richard.:Cœur-de-Lion ; opéra: Ibid. 
Drespde.—-Blänche de Torédo, drame; par Théod. ele. 401) 

: Rom 4 Nes. 

Madame de Maintenow, pour servir de suite à la Darhass 

de La Vallière ; par madame de Genlis. 108 
Vôyage d’Almuza dans l'ile de la Vérité ; par: 3,B. Dubois et 
- Girard Propriäc. 467 


MÉLANGE S: 
Bibliothéque brilannique de Parsons et Galignani. N°. 35 


# 57, “et 42. 240 el 47o 


DE L'IMPRIMERIE DE: DELA NCE, 
-rue des Mathurins, hôtel Cluny. 


. Mammiféres. 
Histoire naturelle de la Fan etc. ; 
par J. P. Buc’hoz. 441 
+ Physiologie. 


Essai : sur la structure et les fonctions 
du foie; par Chrarles-Guil, Uber- 
saal. : 449 

“Des Monstruosités ef Bizarreries de 
Ma nature, etc.; par G. Jouard. 445 


De l'influence de la nuit sur les ma- 


lades. 446 


RUE 
: Jo urnal de Médecine, Chirurgie, 
Pharmacie, etc.; par MM Cor- 
wisart, Le Roux et Boyer. Maï et 
‘Avril. 806. 451 


‘Moyens de conserŸer la santé des ha- 
bitans des campagnes ; par madame 
: Gacon-Dufour. 452 


Odontologie. 

De la Sémiologie buccale, ou Exposé 
des signes qu’on trouve à la bou- 
‘che, etc.; par L. Laforgue. 


Art vétérinaire. 
| Mémoires vétérinaires sur la manière 
de réduire les fractures des jambes 
des chevaux, elc, etc. ; paï J. P. 
Buc'hoz. Ibid. 
Chyÿmie, : 
Mntaies de Chymie, rédigées par 
* . MM. Guytor, Monge, Berthollet, 
- Fourcroy , etc. Tom. VII. Ibid. 


Technologie. 
Annales des Arts et Manufactures ; 
"par R. O’Reilly. N°. 69 et 70. 465 
Bulletin de la Société d’Encourage- 
ment pour l’Indusirie. nationale. 
N°. 22. Avril 1806. 436 


Politique. 
. Considérâtions relatives à un ou- 
 vrage qui à pour titre : Essai de 
morale et de politique. Jbid. 


.… Morale. 
: Cébetis Tabnla sive vitæ humanæ 
“  pictura, ed. Schweighœuser. Ibid. 
à Éssai sur VArt d’être heureux ; par 
. Joseph Droz. + . + Lbid. 
;  Létire du sieur Berr-Isaac-Berr à 
M. Grégoire, sénateur. 457 


2 Suite de la Table du Numéro. 


453" 


à Beaux - Arts, 
Annales du Musée et de l'Ecole me! 
derne des beaux-arts; par: C. P. 
Landon. Tome XL. *Tbid. 


‘Athenæum , ou Galerie française des 


productions: de tous les arts, pu- 
blié par M. Bültard. N°',4et5, 458: 


‘ Histoire. *: 
Histoire du Gouvernement hole 
dais, etc.; par Adrien X{uit. 46e” 


Antiquités. 

Galerie antique , 04 Collection des. 
éhofs-d'œuyres. d’ärchitecture , de 
sculpture et de peinture antiques. 
2°. livraison. » 461. 


Antiquités d'Herculanum, gravées 
par Th. Piroli. 24°. et 25%. liv. 463’ 


Les Monumens antiques du Musée 
Napoléon, gravés par Th. Piroir. 
25°. et 26°. livraisons. Ibid. 


Monumens antiques ou’ nouvelle 
ment expliqués, etc.; par À, L. 
Millin. Tom.Il, 6°. livraison. 464 


Peinture, 


Galene de Rubens, dite du Lüxem-. 
465 


bourg. 3°. livraison. 

Poésie, | 
Poétiqueanglaise par M. Hennet. 466 
La bataille d’Austerlitz, pe en 

dix chants, , 467 


. Roman. 
Voyage d'Atoss dans l’ile de la VE 
rilé, par 3. B. Dubois, Ibid. * 


Mél 
Bibliothéque bri itapnique de Parsons 
et Galignani. N°. 41 et 42. FA 


Code civil. 

Code Napoléon, Il°. partie, Te 
dure civile ( seule édition avec des 
sommaires), imprimé sur le texte 

. original et officiel de l’Imprimerie 

5 impériale ; ; précédé de sommaires 

à chaque article où numéro, qui 
en indiquent clairement le conte- 
nu, et terminé par une table des 
matières. très-détaillée , par ordre 
alphabétique ; par M. ’Levasseur.. 

Ibid. 


ET, 


200000000220 0000 000" 


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sDescenerres, DEsauzr, DEsronTAINss, Du RIL, FON- 
craNes, Fowronoy, GrorrroŸ, Hazcé, Haüy, HenmaNx, 
Basouisse, Dactrène, LAGRANGE, LALANDE, Lamanck,, 


à 2 Lt. t y” 


EPP 


Eanezès, Déerux , L’Herrrier , Lévernré, Mannon , 
Menrecut,; Monezuer, Noëz,; OsErin , Sainrr-CRôtx, 


Sonwrcnæuser, SIcaRD, SILVESPRE DE SACY, SUARD, | 


Travüzé, Vax-Mons; VenrEeNar, Visconti, VILLOISON; 

Usréri, Wiremèr, Wincxcer, et d’autres Savans ou 
Littératèurs estimables. 

Où y insère les Mémoires les plus importans sur toutes 
les parties des Aris et des Sciences; on choisit principa- 
Tement ceux qui sont propres à en accélérer des progrès. 

On y publie également les Découvertes ingénieuses, 
les Inventions utiles dans tous les genres. On y rend 


torhpie des Expériences nouvelles. On y donne un pré- 


eis de ce que les Séances des Sociétés littéraires ont oftert 
de plus intéressant ; une description de ce que les dépôts 


ra d’objets d'Arts ét de Sciences renferment de plus curieux, 
On y trouve des Notices sur la Vie et les Ouvrages 


‘des Savans, des Liltérateurs et des Artistes distingués 


| dont où regrette la perte ; enfin les Nouvelles littéraires 


de toute espèce. 
La correspondance que le Rédacteur entretient avec 
plusieurs Savans étrangers, et principalement en Alle- 


. magne, lui procure beaucoup de Notices qu'on ne trouve 


point'ailleurs. … ê 
On s’adrésse, pour l’abonnément, à Paris, chez Drcancer, 
Iraprimeur : Libraire, rue des Matburins, hôtel Cluny. 


chez la veuve Changuion et d'Henget. 
ARIANE $ chez Van-Gulik. 
À Bruxelles , chez Lemaire. 
A Florence, chez Molini. 
À Frañcfort-sur-le-Mein , chez Fleischer. 
2 chez Manget. 
2 CES $ chez Paschoud. 
A Hambourg, chez Hoffmann. 
A Leiïpsic, chez Wolf. 
À Leyde, chez lès frères Murray. ve, 
À Londres, chez de Boite, Gerard Streeks 
A Strasbourg, chez Levrault. 
A Vienne, chez Degen. 
A Wesel , chez Geisler, Directeur des Postes: 


«+ 71 faut affranchir les lettres. 


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