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SOCIÈTÉ ROYALE
DES SCIENCES,
DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS:
DE LILLE,
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MÉMOIRES
DE LA
SOCRATÉ BOLAME
des Griences,
DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS,
DE LILLE.
1834.
A LILLE,
DE L'IMPRIMERIE DE L. DANEL, GRANDE PLACE.
1835.
4
PEL
)
KA à
S
=
Fa
#.
S'EFDEADAN
ï
( »)
PHYSIQUE ET MATHÉMATIQUES.
Rss
MÉMOIRE
SUR LA RÉSOLUTION DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES,
Par M. Vincent, Membre correspondant.
7 NOVEUBRE 1834.
N.o 1.— Dans une note qui m'est commune avec M, Bournon,
et qui fait partie de la sixième edition de son Algèbre il a été
démontré que Sz dans une équation numérique rationnelle en
x dépourvue de racines égales, on fait successivement, et
conformément au procédé de Lacnaxce,
: I I I
L—=a+—; a = b + — LC — Miss
TL ZT
1? Per
on parvient toujours par la suile des transformations , et quels
que soient d’ailleurs les nombres a, b, c...., à une équation
transformée qui se trouve dans l’un de ces deux cas : ou de
ne plus avoir que des permanences, ou de ne plus offrir qu'uxe
variation; dans ce second cas, l'équation en x a une racine
réelle positive représentée par la fraction continue
L 9
À ts ——
(2)
et n’en à qu'une seule de cette valeur ; le premier cas, au con-
traire, arrive toutes les fois que late n’a aucune racine
susceptible de l’expression indiquée.
Non seulement cette propriété des équations numériques,
propriété exclusivement inhérente à la réduction de leurs racines
réelles en fractions continues, est tout-à-fait suffisante , ainsi
qu’on peut le voir, pour conduire à la séparation de ces racines,
comme naturellement, c’est-à-dire sans que l’on soit obligé de
déterminer à priori leur quotité ou de leur assigner des limites (*},
ct pourvu seulement qu’afin de s'épargner nne infinité d'essais
inutiles, on se laisse diriger dans le choix des nombres a, b, c.…..
par le théorème de M, Bupax (**) ; mais en outre la même propriété
(*) Qui ne connaït aujourd’hui le beau théorème découvert par M. Srurm
sur les limites des racines ?.,.. Bien que la méthode de résolution proposée
dans ce qui vasuivre en soit absolument indépendante, toute complète et rigou-
reuse qu’elle nous paraisse, le théorème de M. STruRM n’en est pas moins d’une
extrême importance à nos yeux, pour la facilité avec laquelle il permet de
recennaître à priori le nombre et les limites des racines réelles; et sous ce
rapport il offrira toujours un puissant auxiliaire à toutes les méthodes de réso-
lution , quelques avantages qu’elles puissent d’ailleurs présenter. Il ne faut pas
perdre de vue , au surplus, que l'emploi du procédé de M. SrurM se trouve tout
préparé par les opérations nécessaires à la séparation préalable des racines
égales.
(**) Ce théorème peut être énoncé comme il suit :
Si, dans une équation en x que nous représenterons par f (x) = 0, on fait
alternativement x = p+x,x= q“+x”, p et q étant deux nombres réels
de signes quelconques, et tels que l’on ait p <q [c’est-à-dire que p soit le
plus rapproché de l'infini négatif, et q le plus rapproché de l'infini positif] : —
1.0 La transformée en x —x — p ze peut avoir moins de variations que
la transformée en x” —x— q; — 2.° le nombre des racines réelles de
l’équation f(x) = 0, comprises entre p et q, ne peut jamaïs surpasser celui
des variations perdues dans le passage de la transformée en (x—p) à La
transformée en (x— q); — 3.° quand il en est surpassé, il l’est toujours
d'un nombre pair. — [Dans le cas particulier où l’un des nombres p, q, serait
(3)
fournit un caractère au moyen duquel on peut reconnaître d'une
manière certaine quand celte séparation est complétement effec.
tuée. Pour ces deux raisons, j'ai pensé qu’il ne serait pas sans
intérêt de reprendre ici la proposition énoncée, et de faire voir
comment elle peut se déduire de la théorie des fonctions dérivées,
indépendamment de l'algorithme particulier sur lequel reposait
sa première démonstralion.
Ensuite, m'appuyant sur la propriété citée et profitant des
travaux de M, Bupan et de ceux de Fourrrer > j'indiquerai, pour
—— —
nul, la transformée correspondante devrait être remplacée par la proposée
elle-même],
FouRRIER, qui était parvenu de son côté au même théorème , et qui en a
donné dans son Analyse des équations, ouvrage publié après sa mort par
M. Navier, une démonstration différente de celle de M. Bupan, l’énonce
d’une autre manière qui revient à-peu-près à la suivante :
Si dans la suite des (m + 1) fonctions f(x), f(x), f” (x)-...., ftm) ),,
on substitue alternativement deux nombres réels quelconques p, q [ p étant
<q], et que l’on représente par P, Q, les deux suites de nombres résultant
respectivement de ces substitutions : — 1.0 La suite P ne peut présenter
moins de variations que la suite Q ; — 2,0 Je nombre des racines réelles de
l’équation f(x) — 0, comprises entre pet q, ne Peut jamais surpasser celui
des variations perdues dans le passage de l'hypothèse X—Pp à l’hypothèse
X—4{; — 3.° quand il en est surpassé, il l’est toujours d’un nombre pair.
Pour l'historique de ce théorème, ainsi que pour l’examen des avantages
qu’il présente dans les applications et des points de vue sous lesquels il pouvait
laisser quelque chose à désirer, nous renverrons aux Lecons d’Algèbre de
M. LEF&BURE DE Fourcy.
Il estsurprenant que FOURRIER n'ait pas cherché, dans son ouvrage, à démon-
trer la proposition qui fait l’objet principal du présent mémoire, et qui seule,
à ce qu’il nous semble, pouvait donner à sa méthode tout le degré de rigueur et
de précision dont elle était susceptible. Jl a bien, à la vérilé, dans les Mémoires
de l’Institut (année 1827), énoncé que la réduction en fractions continues
devait toujours effectuer la distinction des racines réelles et des racines imagi-
naires ; mais il n’a donné aucune preuve de cette assertion, et n’a pas non plus
expliqué de quelle manière ce départ pouvait s’opérer. :
(4)
résoudre les équations , un procédé mixte qui, réunissant autant
que possible la rapidité de la méthode de Newrox avec la sûreté
de celle de Lacnaxes , me paraît offrir les avantages de l’une et
de l’autre sans en avoir les inconvéniens. |
N:0 2. — Supposons donc, pour démontrer la! proposition
énoncée ci-dessus (N.o 1}, que l’on ait effectué les substitutions
successives
1 I
; d'—=b+—, L' = CH esse;
TX T
P
soient— , “ ; deux réduites consécutives de la fraction con-
tinue qui résulte, de ces transformations , et y le dénominateur
complet de la fraction intégrante qui vient immédiatement après,
de sorte que l’on ait
l'équation transformée en y pourra alors étre considérée comme
le résultat de la substitution immédiate de cette valeur de x
dans l'équation proposée en x; de même que réciproquement ,
en éliminant + entre cette transformée et la valeur de x, on
retomberait sur l'équation primitive.
Cela posé, considérons les facteurs réels du premier et du
second degré de l'équation en x; examinons les facteurs en y
qui leur correspondent respectivement dans l'équation en y; et
par suite voyons quelle forme prendra cette dernière équation
elle-même.
Soit d’abord un facteur réel da premier degré (x — #). Ilen
résullera
2 Br vs
PPT OR
Or, pour que ce facteur du premier degré en y puisse avoir
une variation [et, par conséquent, en introduire au moins une
dans l'équation en y], il faut et il suffit que la racine 4 soit com-
prise entre les deux réduites consécutives Le et =? ; et comme
ces réduites, quelles que soient les fractions intégrantes succes-
sives avec lesquelles on les forme , tendent continuellement vers
l'égalité puisque leurs différences consécutives vont sans cesse en
diminuant, il s'ensuit qu'après un certain nombre de transfor-
mations , une seule des valeurs de x [ supposées toutes inégales
entr’elles |, pourra rester comprise entre deux réduites consé-
cutives, lesquelles représenteront alors des valeurs de plus en
plus approchées de cette racine.
Soit maintenant un facteur réel du second degré, tel que
2
A
correspondant à un couple de racines imaginaires
T—uEpV/—1,
Il en résultera
+ a
RE LE VE
ce qui donnera le facteur double du premier degré :
q LE (« Fa sy) rerf-(æi=s)}
(6)
et par suite le facteur réel du second degré :
==) (Een te
Or, pour que ce facteur puisse introduire des variations dans
l'équation en y, il faut nécessairement que l’on ait :
G-)G--)-r<e
ce qui exige deux conditions : la première, que « ou la partie
réelle des deux racines, soit comprise entre les deux réduites con-
P
sécutives — et # ; la seconde, que le carré de f ou du coef.
P 7
ficient de j/— 1 dans ces deux racines, soit inférieur à la valeur
numérique du produit
« » . . 1 -
et à plus forte raison, que & soit << —— , puisque les valeurs
: Ch |
numériques des facteurs
=(£-.) et +(E-.)
g F
(7%)
La première de ces deux conditions pourrait bien être remplie
indéfiniment, et alors la série des réduites convergerait vers un
nombre égal à la quantité ; mais la seconde finira tôt ou tard
par ne l’être plus, puisque, les dénominateurs des réduites erois-
sant indéfiniment, la différence de deux réduites consécutives
peut devenir moindre que toute quantité donnée,
Il résulte de là que, par la suite des calculs, on parviendra
toujours à une équation qui se trouvera dans l’un de ces deux cas :
ou que {ous ses facteurs réels, tant du premier degré que du
second, seront composés de termes entièrement positifs ; ou
bien que ces facteurs seront positifs à l'exception d’un seul de
la forme (y —% ), 9 étant un nombre positif et > 1. Dans le
premier cas, l'équation n'aura évidemment que des permanences;
dans le second, on sait déjà qu’elle doit avoir un nombre impair
de variations, et nous allons prouver que ce nombre impair finit
toujours par se réduire à un.
N.o 3. — Pour cela, faisons un moment abstraction du facteur
(y — ) et de tous ceux qui lui correspondaient dans les équa-
tions en x, x’, x",.,.3 puis, dans le produit des autres facteurs
de l'équation en x, produit que nous appellerons X et que nous
supposerons du degré »m, remplaçons x par
ER Re EE ———
PER P ne 2e PRISE 1
jar +p)
5
ou simplement faisons x — #+u, en posant , pour abréger,
:q == L
——À et + — à.
q ACL ES DD
Alors, en représentant par K, K', K'”..... K(n), ce que devien-
nent respectivement le polynome X et ses dérivés successifs
(8)
jusqu'à l'ordre inclusivement quand on y fait æ — 4, nous
aurons :
KG@) ur
TT OO
K'u K''u°
trossssseses Ge ml
Le 2e Drossvocs VB
X—K+— +
1
1.2
Or, la valeur de & peut se mettre sous la forme suivante :
I
u = 7 : == y+r ?
y+ È
q
en posant encore, pour abréger,
= 0 : k p’
= —= 1 et = = r;
g
Ds
donc nous aurons pour le développement de X,
Z K’/ Fes
GS >
Y+r 1.2 (Y+r)
+. Su...
K
X—K+-.
L
K{x) ze
posser. + eg — er #0 7
= mo
1.203... (Y+r)"
d'où résultera , après la multiplication par (y +r)", l'équation
suivante en y :
n
(Y HT) pousse
Ki
K(yær)e+ — (y er) +
I 1, 2
Km) jm
— == 0.
Le2e Dev M
. 0e +
(9)
Elx
Maintenant , la fraction 1 — —— quientre dans cette équa-
q
tion , diminue à mesure que le nombre des transformations se
multiplie ; et elle peut devenir, par la suite du calcul, moindre
que toute quantité donnée; par conséquent, les premiers
membres des équations transformées tendent sans cesse vers une
limite de la forme
K(y+r)";
c’est-à-dire [abstraction faite du coefficient K], qu'ils approchent
continuellement de la puissance me d’un binome dont le premier
terme est l’inconnue y de l'équation transformée , et le second
4
terme une quantité numérique [ RE 5 | égale au rapport
du dénominateur d’une réduite au dénominateur de la réduite
suivante, rapport qui, par conséquent, est toujours moindre
que l'unité.
Mais on sait : 1.0 que dans le développement de toute puissance
entière d’un binome, les coefliciens vont en augmentant depuis
les deux termes extrêmes jusqu’au milieu. Donc, dans le déve-
loppement de K(y+r)", en tenant compte des puissances
successives de r, puissances qui vont en diminuant puisque r est
< 1, plus de la moitié des coefficiens des puissances succes-
sives et ascendantes de ÿ vont en augmentant.
2.0 On sait encore que dans ce même développement de
(y +r}", le rapport de chaque coefficient au précédent, en avan-
çant d’un quelconque des deux termes extrêmes vers l’autre
Mm—n+i,
terme extrême, va en diminuant, puisque la fraction
8 n
qui représente le rapport du (7 + 1)e coefficient au ne, va elle-
même en diminuant à mesure que 7 augmente ; ou bien, ce qui
est la même chose, le rapport de chaque coefficient au suivant
va en augmentant,
(10)
Donc, en effectuant sur le polynome X [ que nous suppose-
rons , pour fixer les idées, du 6.e degré ], la série des opérations
indiquées, et poussant le calcul suffisamment loin, on arrivera
toujours à un polynome en y, tel que le suivant:
Py + Qy° + Ry* + Sy + Ty + Uy + V,
dans lequel , les coefficiens P, Q, R...... étant tous positifs , on
aura en outre les deux inégalités continues :
1.° Entre plus de la moitié de ces coefficiens depuis V jus-
qu'à P:
d'-N PQ QI RTE PER
2.0 Depuis le dernier terme jusqu’au premier :
cp l'OrACe Mat LAS dell
L OD DRE tes DT LS D
Cela posé, en multipliant le polynome en y par le facteur
(y — 9), on aura pour produit :
Py'
+(Q —Py)-#°
+ (R—Q) 7°
+ (S— Ro) y°
+ (T—Sy) 7°
+ (U— Te) »°
+ (V— Us) y
— Vo =
Or, puisque d’ailleurs > 1, on a d’abord
V<U<U»,
U<T<T?;
TS LS pre re
(nu)
d’où il résulte que toujours au moins la moitié des termes du
produit total, à commencer par le dernier, sont négalÿfs ; et
quant aux termes de degrés plus élevés en y, un ou plusieurs
d’entr'eux peuvent encore être négatifs ; mais dès que l’un d'eux
est positif, les autres de degrés plus élevés le sont aussi. Par
exemple , si
S>œRpyY, d’où PCR
il en résulte à fortiori :
<3
RAT ET
d'où R >> Qy:
et de même des autres termes s'il y en avait davantage.
Ainsi, comme il fallait le démontrer , l'équation que l’on
obtient en égalant à zéro le polynome en y, ne peut avoir plus
d'une variation ; et d’ailleurs, à cause du premier terme qui
est positif, on voit qu’elle en aura nécessairement une.
N.o 4. — Examinons maintenant comment cette propriété des
équations peut servir à faciliter et à simplifier la recherche de
leurs racines ; et pour cela , expliquons d’abord en peu de mots
le procédé auquel on est naturellement conduit par le théorème
de M. Buran , lorsqu'on veut exprimer ces racines en fractions
continues.
Soit, pour cela , l'équation générale :
SJ (x) = A+Bx + Cri Da + Exf........ = 0.
En posant x — a + x', on aura pour transformée :
24 x"?
fla+x) = f (a+ (QE +S" (0) À
+ f!"! (a) PUETE Fe (a) nn sssoses = 0e
Alors, si l’on fait fa) : .—'à#,
|
ty
EPA
1.2
FE LA
1.2.3
oué (a)
a
F2: De
morose seems ses sons sesvsee
l'équation en x’ pourra s’écrire ainsi :
A! 4 Ba! + Ca"? me D'att Ealt.. == 0,
De plus , si l'on suppose a— 1 , on aura simplement :
f(a) == A! == A + B + C + D a nl EEE,
M Se pr — B+2C+3D + 4E......
1
11
ee nat CH ITHCE...S
1.2
(114 ç
Med. y — D+4E.....,
19378
11
AE PEN = Bscerass
1.2.3.4
photon esse tee one resete eee s
et généralement, quel que soit le degré de l'équation en x, on
(13)
obtiendra toujours facilement et à la seule inspection, les coet-
ficiens de la transformée en x —= (x — 1), d'après la formule
du Triangle arithmétique.
La même règle qui sert à passer de l'équation en x à l’équa-
tion en (x—1}), conduira de celle-ci à la transformée en (x—2),
de là à la transformée en (x — 3).......3 et ainsi de suite.
On obtiendra, pour la même équation et par un procédé
pareil , les transformées en (x + 1), (x+ 2), (x+ 3), ete.,
en observant seulement de changer, dans chacune des sommes
qu'exige le calcul des coefliciens A’, B’, C’, D’... , les signes de
tous les termes de rang pair.
N.05.— Cela posé, admettons que l’on ait déterminé les coef-
ficiens des transformées successives en (x Æ 1), en (x Æ2),
en(x 3) ......,etque l’on soit parvenu ainsi, d'une part
à une transformée en (æ— /) qui n'ait plus que des perma-
nences , et d’autre part à une transformée en (x +/') qui n'ait
plus que des variations.
Cette opération faite , on connaît les parties entières de toutes
les racines réelles que l’équation en x a ou peut avoir,
En effet [ les racines entières étant supposées déjà extraites],
pour que deux nombres entiers consécutifs, + a, + (a+1)
[a pouvant d’ailleurs être nul |, comprennent une racine ou pla-
sieurs, 2! est nécessaire, relativement aux racines positives,
que la transformée en (x—a) ait plus de variations que la
transformée suivante en (x — a — 1), et pour les racines né-
gatives , que la transformée en (x + a) ait moins de variations
que la transformée en (x + a+ 1). Mais ne nous occupons
que des racines positives.
Si donc, dans le passage de la transformée en (x — a) à la
transformée en (x— à — 1 ), un certain nombre de variations
ont disparu , alors seulement il y a lieu de sypposer l'existence
de racines réelles comprises entre a et (a+ 1}, en nombre
égal au plus à celui de ces variations perdues.
C14)
I
Dans cette hypothèse, on pose x —a — —; et les coeffi-
x
ciens de l'équation en x’ s’obtiennent en renversant simplement
l'ordre des coefliciens de l'équation en (x — a) [ et changeant,
s’il y a lieu , tous les signes, afin de rendre le premier positif ] ;
puis on calcule les coefficiens des transformées en (x! — 1),en
(x'— 2), en (x’— 3), …., jusqu’à ce qu'on arrive à une trans-
formée qui n'ait plus que des permanences.
La valeur de x’ devant être plus grande que l’unite pour
toute valeur réelle de x comprise entre aet(a+ 1), ils’en-
suit qu'il ne saurait exister de pareilles valeurs de æ si l’équa-
tion en (x’— 1) n'avait déjà plus que des permanences; et
généralement, le nombre des racines réelles de l'équation pro-
posée, comprises entre a et (a+ 1), peut être tout au plus
égal à celui des variations de l'équation en (x! — 1 }.
q
Maintenant, pour qu'une valeur de x’ [ ou plusieurs ] soit
comprise entre à et (b+ 1), b étant un nombre entier positif
au moins égal à l'unité’, il faut que, dans le passage de l’équa-
tion en (x'—b}) à l'équation en (x/— b— 1), un certain
nombre de variations aient disparu; et c’est seulement dans
cette hypothèse que l’on peut supposer des valeurs de x’, en
nombre égal au plus à celui de ces variations , comprises entre
bet(b+1).
I
On fait alors x — b — — ; les coefliciens de l'équation en
æ
x" s'obtiennent en renversant simplement l'ordre des coefficiens
de l'équation en (x' — b ); et l’on calcule de même les coef-
ciens des transformées en (x" — 1), en (x"”— 2), en (x”— 3),
+... , jusqu'à ce que l'on parvienne à une transformée qui n'ait
plus que des permanences.
!
En raisonnant sur x” comme on a raisonné sur x’, on fait,
( 15 )
sil y.alieu,; x ! — c — PES uis a"! — d — Fa el
J ? Th PAR ter Sin 0 nl
ainsi de suite.
On opère, d’ailleurs, comme il vient d’être développé, pour
tout système de deux équations ou de deux transformées consé-
cutives en x, en x’, en x”, en x"”, …, entre lesquelles il a
disparu des variations [ en ne tenant pas compte, toutefois, de
celles qui disparaissent entre les transformées en x’ et (x'— 1),
æ!'et(x" — 1), |; et l’on pousse chacune de ces séries ou
branches d'opérations, jusqu’à ce que l’on parvienne à une
équation en æ () , telle que la transformée en (x (%) — 1), qui
s’en déduit, ou n’ait plus que des permanences , ou ne présente
plus qu'une seule variation. Toute série d'opérations qui se
trouve dans le premier cas , est terminée, et ne donne aucune
racine réelle. Dans le second cas, au contraire, les valeurs déjà
obtenues dans cette série d'opérations, pour æ, x’, x", x",
æ",……, forment une fraction continue dont les réduites suc-
cessives représentent des valeurs de plus en plus approchées de
l'une des racines réelles de l'équation proposée.
N.o 6. — Ces racines se trouvant ainsi complètement sépa-
rées, soit y l’inconnue de la dernière transformée relative à l'une
d'elles. Pour approcher davantage de la valeur de cette racine,
nous pourrions continuer le calcul en suivant toujours la même
marche; et nous serions sûrs de n'avoir, dans toutes les transfor-
mées subséquentes, qu’une seule variation, et par conséquent
une seule racine positive, laquelle, de plus, serait toujours
nécessairement plus grande que l'unité,
Mais les approximations successives fournies par la réduction
en fraction continue ne croissant que très-lentement, chan-
geons maintenant notre marche, et exprimons en décimales la
valeur cherchée de y , suivant le procédé de Newrox.
Ce procédé, dans le cas actuel, et vu la forme particulière à
laquelle nous avons ramené l'équation à résoudre, se trouve
(16)
affranchi des inconvéniens qu’il présente dans le cas général ;
et en outre , comme on va le voir, il n’exige nullement ici la
considération des différentes hypothèses que Fournier a dû dis-
cuter dans son ouvrage (1).
Notre équation en y n'ayant qu’une variation, deux conditions
faciles à remplir sont seules nécessaires pour assurer la régula-
rité, la simplicité, et la rapidité du calcul qu’exige sa résolution ;
et ces deux conditions peuvent même se réduire à une seule,
savoir : Que l’on connaisse une première valeur suffisamment
approchée de y et moindre que sa valeur exacte, pour
laquelle il suffira souvent de prendre sa partie entière.
Afin d'expliquer ceci, faisons y — g+h, g étant Ia valeur
approchée et déjà connue de y , et h la quantité positive incon-
nue qu'il faut ajouter à g pour avoir la valeur totale. En repré-
sentant par f (y) — 0 l'équation en y, on aura :
F(8+h)—o,
ou , en développant,
k h2 # 13
DCENTCEENIO ENCRES
hum
.….. + f M) (g EGTE re
== O0,
équation qui, d’après le théorème de M. Burax , ne pourra non
plus avoir qu'une seule variation.
(1) Voyez sur cet objet, outre les Lecons d’algèbre de M. LEFEBURE DE
Fovrey ,le Traité élémentaire d’algèbre de MM. MAYER et CHOQuET.
(17)
Maintenant , de l'équationprécédente on tire :
DEAR (9) sde CN NT NC EE sus
ter: Mere Po rss te
F (8) R”
SR —— îe
. nm
ANR Ed
Or, on sait que dans un pareil développement, il est toujours
possible de prendre X assez petit pour que le signe de la somme
ne dépende que de celle de son premier terme ; donc puisque X
doit être positif, les deux quantités f(g) et f” (g) seront de
signes contraires, c'est-à-dire que f (8) étant négatif, f! (g) sera
positif; et alors /a variation unique de l'équation en h se
trouvera située entre le terme tout connu f (8) et le terme du
premier degré hf'(g). Telle est la première condition que
nous exigeons avant de procéder à l’approximation newtonniène;
et cette condition sera toujours aisée à remplir : quand la partie
entière de y, prise pour g;, ne suflira pas, on cherchera le
chiffre des déxièmes par les moyens usités, le chiffre des cen-
tèmes si cela était nécessaire, et ainsi de suite; mais, nous le
répétons , frès-souvent la partie entière suflira, et elle ne sera
même pas toujours indispensable.
Cette première condition remplie, les fonctions dérivées
S (8) F" (8) ..…..., etc., seront toutes posilives; et en pre-
8)
nant F@ pour la valeur de 2, on aura nécessairement une
£
quantité trop forte.
Quant à la limite de l'erreur , il est clair que si l'on nomme
M la plus grande valeur que puisse prendre le plus grand des
2
(18)
coefficiens de h9, h3, .:... dans l'accolade, cette erreur sera
moindre que la somme des termes de ia progression
M(k+h3+h4+,...,. am),
_— Ji
ou M A2
1—h
ou enfin, plus simplement, en négligeant la très-petite fraction
M 2
I1—
h®°\, elle sera moindre que .
Quoique la valeur numérique de cette expression soit très-
facile à calculer , nous pouvons encore, à l'exemple de Founmer,
obtenir une évaluation plas simple de la lhnite de l'erreur, en
ne considérant que le coefficient de 22: car il résulte d’une
proposition démontrée par Lacrance, que si g et g' sont deux
nombres comprenant y,et ne différant , par exemple, que d'une
seule unité d’un certain ordre décimal , le premier nombre g
étant ainsi une limite inférieure de y, et le second g’ une limite
supérieure , l'erreur commise lorsqu'on fait = sera
5
L/4 L
LIRE h2+ Par conséquent , la frac-
2 JS" (8)
[/E que nous représenterons maintenant par M,
toujours moindre que
Re)
2 f° (8)
étant déterminée une fois pour toutes dès le commencement du
caleul en ÿ mettant deux valeurs de get g qui ne diffèrent
que d'une unité, d'un dixième, ....., pourra servir dans toute
Ja suite des opérations à apprécier l'erreur commise sur l’éva-
luation de A: il suffira pour cela de multiplier M par la fraction
variable 3, ou simplement par l'unité de l’ordre immédiate-
ment supérieur au premier chiffre significatif de X.
(19)
Ainsi, tant que l’on ne connaîtra que la partie entière de a
racine, on devra faire À 1; et pour que l’on puisse alors
passer sans recherche intermédiaire à la détermination des
: I *
chiffres décimaux , il faudra que M sort << — : c'est la seconde
10
condition dont nous avons parlé; quand elle ne sera pas rem
plie , on déterminera par des essais directs, comme nous l'avons
dit plus haut, le chiffre des dixièmes. On pourra ensuite cher-
cher le chiffre des centièmes en divisant — f (g) par f'(g),
pourvu toutefois que M soit << 1; sans quoi il faudra aussi
déterminer directement le chiffre des centièmes, .,,,.,3 et
ainsi de suite.
Généralement, représentons par n le nombre des chiffres
décimaux déjà déterminés , et par » le nombre des chiffres de
la partie entière de M. Quand M sera compris entre 1 et o,1,
» sera égal à zéro ; quand M sera moindre que 0,1, » deviendra
négatif, et sa valeur absolue représentera le nombre de zéros
placés entre la virgule décimale et le premier chiffre significatif;
enfin , dans Le cas particulier où M serait une puissance exacte
de 10 ou de 0,1, la valeur de », positive ou négative, sera
l'exposant de cette puissance (1).
Cela posé, pour que l’on puisse obtenir une nouvelle valeur
approchée de la racine avec »! chiffres décimaux exacts, n'
étant > n, et (x! — n}) étant le nombre des nouveaux chiffres
décimaux , il faudra que l’on ait
10 % i
- ou = ——
1o2n Lou!
ou POP PET UE ee PAIE
ou enfin 2R—1—nN > ou — o.
(x) Le nombre n est également susceptible de devenir négatif, ce qui
pourrait arriver si tous les chiffres de la partie entière même n'étaient pas
encore déterminés,
(20 )
Par conséquent , le nombre (x! — n) des nouveaux chiffres
décimaux qu'il sera permis de calculer , est égal à (7 — » ); ou
bien, le nombre total des chiffres alors connus , ou », est égal à
2 n — »; et ainsi il est constamment le double du nombre des
chiffres connus par l’approximation précédente , plus ou moins
[ suivant la valeur de M ] je nombre constant » (1).
Au reste, tout ceci a été complètement expliqué par Fournier
dans son Analyse des équations. Seulement ici, nous le répé-
tons, à cause de la forme particulière à laquelle l'équation a
été ramenée, le quotient de — f(g) par f' (g) est toujours
une limile supérieure de la racine, et ce nombre diminué
d’une unité du dernier ordre décimal, toujours une limite
inférieure; et c'est cette dernière qu'il faut prendre pour valeur
de g dans l’approximation suivante.
Une remarque est encore nécessaire relativement à la valeur
du quotient dont nous parlons : ce quotient n’est ordinairement
pas exact ; et lorsqu'on en a déterminé les »’ chiffres cherchés,
on néglige les suivans. Or, si cette partie négligée approche
beaucoup d’une unité de l’ordre précédent , on devra | la limite
de l'erreur ayant été prise nécessairement au-dessus de sa valeur
exacte | on devra regarder comme probable que la partie res-
tante est inférieure à la véritable valeur de la racine ; et alors
on prendra cette partie pour la valeur suivante de g. Il n’y
aurait qu’un très-petit inconvénient à se tromper sur ce point,
et l’on reconnaitrait immédiatement l'erreur à l'approximation
suivante : car alors f (g) se trouverait positif au lieu d’être né-
gatif comme il le devrait, la nouvelle équation en A ayant perdu
(1) Dans les cas ordinaires, les chiffres qui exigent une détermination
directe sont les deux premiers de la racine, quel que soit d’ailleurs le nombre
de ceux qui composent la partie entière; quant aux nombres de chiffres
déterminés après ces deux là dans les approximations subséquentes , ils suivent
la loi de la progression : = 1 : 3 : 4 : 8 : 16: ....... ete.
(21)
sa variation. Au contraire, lorsque la partie du quotient que
l'on aura négligée ne sera qu’une petite fraction de l’unité de
l'ordre précédent , il sera probable que la partie restante n'est
pas inférieure à la véritable valeur de la racine; et on devra
retrancher une unité. Dans ce cas, une fausse induction se re-
connaîtrait encore à l’approximation suivante, parce que l’on
retrouverait dans la nouvelle valeur de A l’unité supprimée à
tort. On pourrait alors, soit continuer la résolution avec cette
dernière valeur de k, soit reprendre le calcul de l’approximation
précédente après y avoir rectifié la valeur de g ; et ce second
parti sera toujours à préférer afin de ne pas compromettre le
degré d’exactitude des approximations ultérieures. — Ainsi, dans
la règle que l'on vient de donner pour la détermination de la
valeur de 2, on peut sousentendre que le quotient de — f par
f' est calculé à une demi-unité près du dernier ordre décimal,
sauf à vérifier la limite inférieure prise en conséquence pour
valeur de 2, afin de s’assurer que cette valeur n’est pas (rop
petite ou trop grande d’une unité du dernier ordre (1).
N.o 7. — Maintenant, l'équation en y étant supposée com-
plètement résolue, il reste à savoir avec quel degré d’approxi-
mation l’on pourra obtenir la valeur de x lorsqu'on ÿ aura
introduit celle de y.
Pour cela, rappelons que l’on a
SET NX 7
gY + P
désignons par y la valeur approchée de y, déterminée au moyen
(x) Dans le cas où la rectification dont nous parlons ici serait nécessaire,
il est facile de voir que les calculs déjà faits donnent un moyen très-simple de
l’effectuer, sans que l’on ait besoin pour cela de recommencer toutes les opé,
ralions ; il est sans doute inutile que nous insistions là-dessus.
(22)
du calcul précédent, et supposée, comme nous l’avons dit,
inférieure à la véritable ; et soit : l'unité du dernier ordre dé-
cimal de y : la véritable valeur de cette inconnue sera comprise
entre y et y+c; celle de x le sera entre
di poire} Par
gitP g(1+s)+pe
et ainsi l'erreur commise sur la valeur de æ en la supposant
égale à la première de ces deux fractions , sera moindre que leur
différence , ou que
DE Bree (ES) EP, uns: 2 (PT ER) tas .el
gitp g'Cyi+s)+p (gy+p')(q1+pr +)
(g'y+p) (gy+p'+p'e)”
et par conséquent , à fortiori, cette erreur sera moindre que la
£
(g1+p}
Donc , pour avoir la valeur de x réduite en décimales, on
valeur numérique de la fraction
appréciera à vue le nombre des chiffres contenus dans le carré
de la partie entière de (g'y +p'); et ce nombre de chiffres
diminue d'un sera celui des chiffres décimaux exacts que l’on
pourra obtenir dans la valenr de x, de plus que dans celle de y.
Quant au sens de l'erreur , il dépend du rang de la transfor-
mée, toute valeur approchée de la racine de cette équation,
pourvu qu'elle le soit par défaut et non par excès, jouissant
à cet égard des mêmes propriétés que le quotient entier incom-
plet qu’elle remplace. Cette erreur est donc de sens contraire à
celle que produit la réduite précédente 4 , en supposant {oute-
q
(25)
fois que l’on n'ait apporté aucune altération au quotient de
gY + P par g'y + pe à
N.o 8. — Pour faire une application de ce qui précède, je
prendrai l'équation suivante, déjà traitée par LaGnance :
Xi — 7XxH+7 —= 0.
Je forme le tableau des coefficiens des différentes transfor-
mées, d’après la méthode du numéro 4 ; et j'obtiens ainsi
À B CG D
— 4 | — 29 + 41 — 12 +1 z=—(:5+2)
— 3| + 1# 20 — 9 +1 x"
— 2] +135 + 5 — 6 +1
— 1|+13— 4 — 3 +1
Fol+7— 77 0 +1
+il+ 1 44 3 +1 HT, Ji u)
+ 2] + 14 5 + 6 +17 7: ANR
D'où je conclus que l'équation proposée a nécessairement une
racine réelle négative comprise entre — 3 et — 4 ; et que les
deux autres racines, si elles sont réelles, ce qui est encore
douteux , ne peuvent être que positives et comprises en #1
et + 2.
Occupons-nous d’abord de ces dernières.
Pour reconnaître leur nature et en obtenir une première
valeur approchée si elles sont réelles, je fais d’abord, comme il a
I .
été dit au numéro 5 ,x —1+— , d'où résulte l'équation
æ
di — 4x2 + 3x + 1 —= 0,
qui donne de même, pour les coefliciens de ses transformées,
À B C D
0 + OL + 3 — 4 + 1
1
1 + 1 2 ue À fs
: Xe
— 1 — 1 + 2 + 1 s
te eZ E
3 Hi + 6 + 5 + 17 AE re
Ainsi, l'on voit que les deux racines cherchées sont réelles ,
et que x’ est compris , pour l’une entre 1 et 2, et pour l’autre
entre 2 et 3. Les racines se trouvent donc déjà complètement
séparées ; les deux premières valeurs approchées de chacune
d'elles sont :
et pour en avoir une troisième , je fais alternativement les deux
hypothèses
F I I
LU en —; x = 24 —;
x" xl.
d’où résultent les deux équations en x” :
o (x);
x — 2 xl — 2" +1
©
Lan)
b
D nd
x"3 Es æx!'a — x! — ]
La première de ces équations n'étant pas encore ramenée à
n'avoir pas plus d’une variation, je continue la réduction des
racines en fraction continue ; et je forme pour cela les deux
tableaux (1) et (2) qui suivent :
(1) A B C D
o M OI — 1 — 2 + 1
1 — 1 — 2 HO 1 + 1
2 | — 1 + 3 + 4 + 1 fie get tx
"3 + 7 + 14 7 + 1 “ x''e
(2) À B C D
Oo [— 1 — 2 + 1 + 1
AN pe fe A me 10 ou Rs #4
2 + 7 HI4 + 7 + 1
d'où il résulte que la valeur de x” est comprise, pour x, entre
2et 3, et pour x, entre 1 et 2; ce qui donne les deux nouvelles
réduites :
Quant aux équations en x” qui s'en déduisent, elles sont
identiques ; et ainsi la détermination des deux racines positives
de l'équation proposée est ramenée à la résolution d’une seule
transformée qui est la suivante :
dB — 3 als — 4 2 — 1 — 0.
Cette équation en x” n’ayant plus qu'une variation , on pour-
rait passer à la résolution en décimales, suivant la méthode
indiquée au numéro 6. Mais rien n’obligeant à adopter cette nou-
velle marche pour la première équation qui se présente avec une
seule variation; et, de plus, les dernières réduites obtenues
n'ayant encore que de très-petits dénominateurs , circonstance
qui ne permettrait pas d'élever de beaucoup le degré d’approxi-
(26)
mation fourni par la résolution en décimales ( voyez le N.o 7),
je cherche encore une valeur réduite de chaque racine; il y a
d’ailleurs pour cela, dans l'exemple actuel, une raison que l'on
comprendra dans un instant.
Je forme donc le tableau des coefficiens pour les transformées
en (x"— 1), (x//—2),,..,3et j'ai ainsi :
B
o 4
1 7
2 4
3 5
: Gr = ER
ce qui me donne une valeur de x”” comprise entre 4 et 5, et
par suite les deux nouvelles réduites
22 5129
13 É Fa 14
TX, =
1
toutes deux exactes à moins d'un centième près.
Alors je fais
x" —= 4 + ne
et l'équation à résoudre sera la suivante, à laquelle je m’arrêterai
pour chercher en décimales la valeur de sa racine positive :
5
Y° — 207 — 9Yÿ — 1 = 0.
Mais auparavant, j'observerai encore que cette équation est
également propre à donner la racine négative de la proposée :
( 27 )
I
en effet, si dans cette dernière on fait x — — ( 3 = à ,
14
on obtient de nouveau la même équalion en y ; et telle est la
raison de préférence que j’ai indiquée tout à l’heure. Ainsi, la
racine positive de cette seule équation en y donnera les trois
racines de la proposée (1), au moyen des trois formules suivantes :
22. + 5 19 Y +4 37 +1
Ti => ls = ——— 3 —=— ———-°e
13 Y + 3 14 Y + 3 Y
Cherchons donc cette valeur de y.
N.0 9. — Sans avoir besoin de développer le tableau complet
des transformées en (y — 1), (y — 2); esse) OX VOÏÉ SRE:
le-champ, en mettant les deux premiers termes sous la forme
(y — 20)y?, que la racine cherchée est comprise entre 20
et 21 (2).
Je fais done y — 20 + z; et en nommant f (y )le premier
membre de l’équation en y, et f' (y), f" (Y }2 1!" (r)uses
dérivés , j'exécute le calcul suivant (voyez le N.o 6):
f(20+ h)—
Lo) + (20) à +" (20) À à (20)
== QE
1.2.3
F(20)=—=, 26-5626. 9-20! — 1 —=— 181 (3);
a RQ ba sme-oÙ0 jee Ko
(x) Cette propriété de l'équation en ÿ mériterait peut-être un examen
spécial,
(2) Une abréviation analogue peut être employée pour l'équation cei-
dessus en +”.
(3) Cette réduction peut s'effectuer très-simplement et & vue, de la ma-
nière suivante :
30 — 230—0;j 0X30—0; 0—9 —=—9; —9X20—— 180;
— 180 — 1 —— 181 —f.
( 28 )
ï
rl F' (20) — 3.20° — 40.20! —9 = MCE
1
es] F!" (20) —= 3.50! — 20 = 4o ;
L
JS"! (20) = 1
Î
1.2.3
D'où résulte l'équation en X :
R3 + 40 h2 + 391 h— 181 —0;
et par suite
pe RE où 49 PAPE ALUR Eu
991 391 391
Pour voir si le premier terme de cette valeur de h est sufi-
sant pour m'en faire connaître, sans erreur, le chiffre des
dixièmes , je remplace dans le coefficient de A2, le numérateur
40 —= ? f" (20), par le nombre 43 = £ f" (21) (1): et
j'obtiens ainsi pour la valeur de M (voyez le N.0 6) réduite
en décimales,
De même pour f’ :
20X3—60; 60—/40—30; 20x20 — 400; 400 — 9 — 39r.
Et ainsi des autres.
Cette marche, que j'emploierai dans les transformations suivantes, me
paraît préférable à celle de FouRRIER , en ce qu’outre l'avantage d’une
grande simplicité, elle présente encore celui de donner les diverses fonctions
f,f/, f7...... indépendamment les unes des autres.
(x) Le numérateur de M s’obtiendra constamment, dans une équation du
troisième degré, en ajoutant à la valeur numérique déjà calculée pour
+ f” (&g), trois unités du dernier ordre décimal. — On peut établir pour
chaque degré une règle analogue.
( 29 )
M == Lu — 0,11, à très-peu près.
391
A la rigueur il faudrait, pour remplir la seconde condition
exigée au numéro 6, que M ne dépassât pas un dixième; mais
comme l'excès est peu considérable, et que d’ailleurs MAs
n’est pas la valeur exacte de l'erreur, mais une limite supérieure
de cette erreur, je puis me permettre , sauf vérification du
résultat obtenu en conséquence, et sauf les observations faites
au rzuméro 6, de prendre pour la valeur de À à un dixième
près, la fraction _ Or, cette fraction, réduite en décimales,
donne hi or
donc 4 est la valeur probable du chiffre des dixièmes de y, ce
qui se vérifiera en effet à l'approximation suivante ; et d’ailleurs,
on voit dès à présent que le produit o, 11 X(0, 4)2 est moindre
que o, 02, et que par conséquent la valeur de Z dépasse o, 44.
Mais nous devons, pour le moment, nous en tenir au premier
chiffre.
Je fais donc maintenant y — 20, 4 + k'; et pour obtenir
les coefliciens des diverses puissances de X’ qui entrent dans le
développement de f (20, 4 + h! ), j'effectue le calcul suivant,
profitant ainsi des valeurs déjà calculées de f'( 20), f” (20),
et f” (20 ):
f (20,4) — (0,4 }3 + 40 (0,4) + 397 (0,41 — 181;
F7 (20,4) = 3 (04) + 80 (0,4) + 391;
a" (20,4) = 3 (0,4): + 40;
—/" (20,4) — 1}
1?
(x) Les quantités désignées par 3 étant constantes et égales à r
I
dans toute la suite du caleul , je me dispenserai dorénavant de les indiquer.
0,4 3, 3,
+ 40 x 0,4 x 0,4
40,4 1,2 a
x _o,4 +. 60, + 40,
16,16 81,2 +42 + f"
+ 391, Mise dé
40716 32,48
* 0,4 + 391,
162,864 + 423,48 — + f!
— iBr,
— . 18:36 = f
Je divise ensuite — 18,136 par + 423,48 ; le quotient, à ur
demi-millième près, étant 0,043, je fais » — 0,042, et j'ai
ainsi pour nouvelle valeur de y,
Y == 20,442.
Observons en passant que l'incertitude dont la valeur de la
limite M restait affectée dans le calcul de la première approxi-
mation , se trouve maintenant détruite ; car on a
VE
120209) 41,5 I
Aa) 25 ar pd =-0,09e Gé si. e'e\5
et ainsi la valeur de M est bien réellement et pour toute la suite
du calcul , inférieure à 0,1.
Je fais actuellement y — 20,442 + W!; et je développe
comme ci-dessus les valeurs de f (20,442), de f', de 1f"...,,
(3)
en y faisant servir les valeurs déjà obtenues pour f (20,4),
folies. « etes
f(cot4e) —
(0,042) + 41,2 (0,0 42)° + 423,48 (0, o 42) — 18,136
+ f'(20,442)=3(0,042)" + 82,4 (0, 0 42)" + 423,48
+= /" (20,442)=3 (0,042) + 41,2
0,042 9, 3,
+ 41,2 X - 0,042 x 0,042
41,242 0,126 0,126
x 0,042 + 82,4 + 41,2
82 484 82,526 + 41,326 = + f"
1 649 68 X 0,042
1,732 164 165 052
+ 423,48 330 104
425,212 164 3,466 092
x 0,042 + 423,48
850 424 328 + 426,946 092 = f”’
17 008 486 56
17,858 910 888
— 18,136
— 0,277 089 112=f
(32)
Maintenant je divise cette valeur de f, par celle de f’; et le
quotient, à une demi-unilé près du septième ordre , étant
0, o oo 6490,
je fais k'—= o, 0 oo 6489,
d'où ÿ = 20; 4 42 6489;
et je continue le calcul de la même manière.
J'obtiens ainsi les valeurs suivantes que je ne fais que rapporter :
SF (20,4 42 6489) — (0,0 00 6489 }°
+ 41, 3 26 (0,0 oo 6489 )*
+ 426,9 46 o 92 (0,0 00 6489 )'
— 0,2 77 0 89 1 12
— 0,0 00 02 639 14 3914 2 43 1831
+ 82, 6 52 (0,0 00 6489)
+ f! (20.4 42 6489) —= 3 (0,0 00 6489)
+ 426,9 46 o 92
426,9 99 7261 4 60 1363
ts J' (20,4 42 6489) — 3 (0,0 oo 6489 )'
+ 41, 3 26
41, 5 27 9467
“
à
ÈS
0, 0 oo 0000 6180668g
k!!= o, o oo 0000 61306688
20, 4 42 6,89 61806688.
S
I
(33)
Continuant , et abrégeant encore , j'obtiens pour dernière
approximation de la valeur de y :
Îf = — 0, 0 00 0000 00000134
5 6; 2116 86046287 1 57 5556 72547328
f'—= 426, 9 99 7312 57000656 1 95 2592 44588032
EN 41, 3 27 9468 85420064
—f:f" = 0, o 00 0000 00000000 315138867396:020
h'"Æ= 0, © 00 0000 06000000 3151388673961019
ÿ = 30, 4 42 6489 61806688 3151388673961019,
valeur exacte jusqu’à la trente et unième décimale.
Une approximation de plus me donnerait soirante-trois
décimales ; mais j'abandonne ce calcul qui ne présente d'autre
difficulté que celle de trouver un espacé suffisant pour y placer
tous les chiffres à leurs rangs respectifs.
N.o 10. — Reste à substituer ce résultat dans les expressions
trouvées au rzuméro 8 pour x, , &, , et x; 3 ce qui donne
__ 454 454 753 38 2771 59747142 9330550827142418
17 268 75 7 54 4365 03486948 0968052761493247 ;
392 4 10 3302 74327077 9876384805259361
289 1 97 0854 65293636 41 19441435454266
ee. G2 3 27 9468 85420064 9459166021883057
57 20 4 42 6489 61806688 3151388673961019
Enfin, si l'on veut exprimer les valeurs de x, , x, , x;, en
décimales , il faut observer que la valeur de y remplace le
dénominateur incomplet 20 dans les réduites
3
(34)
22.20 HD 445
13,20 + 3
19:20 +4 __ 384
. MENTSE ns 283
3.20%# 1 Gr
= Ty Um
20 20
Or, les deux premières pouvant être calculées exactement avec
quatre décimales , et la troisième avec deux, il s’ensuit que
si l'on remplace le nombre entier 20 par la valeur trouvée de y,
x, et x, pourront être obtenues exactement jusqu’à la trente-
cinquième décimale inclusivement, et x, jusqu’à la trente-
troisième. Au reste, on peut aussi obtenir exactement les deux
dernières décimales de x; , en observant que la valeur absolue
de ectte racine doit être égale à la somme des deux autres ; et
l’on a ainsi :
mi
1, 692 o21 471 650 095 869 627 814 897 002 069 14
Xs =
1, 396 89 867 892 209 443 894 399 510 o21 300 58
— TL; —=
3, 048 917 339 522 305 313 522 214 407 023 369 72
valeurs exactes jusqu’à la ente-cinquième décimale inclusive-
ment; l’approximation suivante eût conduit jusqu'à la soixante-
seplième.
VIS D’ARCHIMÉDE.
Détermination de la surface hélicoïdele donnant l’espace
hy drophore maximum ,
Par M. Dave, Ingénieur de l'arrondissement de Lille ,
e
Membre résidant.
La vis d’Archimède a sur les autres machines à épuisement
une supériorité incontestable , quand il ne faut opérer qu'à de
faibles profondeurs ; elle prend sans secousse et presque sans
vitesse l’eau du bassin inférieur, pour la déposer doucement et
sans perte dans le bassin supérieur ; son jeu n’exige qu'un mou-
vement de rotation continu, celui que procurent le plus géné-
ralement les moteurs animés et inanimés et que transmettent
les appareils les plus simples; enfin elle n’engendre d'autre
frottement que celui des deux tourillons , car il n’est pas besoin
de tenir compte du frottement de l’eau glissant sur les parois de
l’espace hydrophore.
Les nombreuses applications que l’on a faites de la vis en
Flandre et en Hollande pour le dessèchement des polders, et
la préférence qu'on lui accorde généralement dans les épuise-
mens pour fondations , donnent quelqu'intérêt aux recherches
qui ont pour but d’en perfectionner la construction.
L'objet de cette note est d'indiquer quelle est la surface
hélicoïdale qui rendra l'espace hydrophore un maximum, l’in-
clinaison de la vis étant donnée.
(36)
La détermination analytique de cette surface donnant lieu à
des calculs un peu compliqués, on a préféré leur substituer ici
des raisonnemens qui, bien que disparates, semblent mener
plus directement au but.
Quelle que soit la surface dont il s’agit, son intersection
par des surfaces cylindriques à bases circulaires concentriques
avec la vis donnera autant d’héhices d’un pas constant. On se
figurera aisément quelle sera sur chaque surface cylindrique la
portion comprise dans l'espace hyÿdrophore , car elle sera limitée
à sa partie inférieure par l’hélice et à sa partie supérieure par la
surface de l’eau qui coupera cette hélice en deux points. Si donc
on abaisse cette surface cylindrique en la faisant glisser paral-
lèlement à son axe jusqu'à ce que la surface de l’eau devienne
tangente à l'hélice, on rendra cet élément de l'espace hydro-
phore un maximum, donc l'espace hydrophoresera un maximum
quand toutes les hélices et par suite la surface hélicoïdale seront
langentes à la surface de l’eau.
Comme ce contact pourrait avoir lieu de deux manières diffé-
rentes, il convient d'ajouter que dans le cas présent la surface
hélicoïdale près de la ligne de contact doit être en entier au-
dessous de la surface de l’eau et non au-dessus.
Pour plus de clarté prenons pour plan de projection un plan
vertical passant par l'axe de Ja vis;
Soient dans ce plan :
d'A l'axe de la vis ;
XE, X'E’ les arêles extrèmes de celle des surfaces cylindriques
que nous considérons ;
STS’ la projection de l’hélice qui résulte de l'intersection
de cettesurface cylindrique avec l'hélicoïde cherché.
EE’ la trace du plan horizontal représentant la surface
de l’eau.
L'observation faite ci-dessus revient à dire que l’hélice sera
tangente à EE’, en T et z.
(37)
Ces deux points T et £ sont symétriquement placés dans la
figure, c’est-à-dire à égale distance des sommets SS' ; ils sont
donc à égale distance du plan vertical passant par l'axe de la
vis ; cette distance , que nous représentons par z, peut se déter-
miner assez simplement.
En effet , le point 4 est le plus bas de la spire. Si la vis ne se
composait que de l'hélice STS’ et que sur cette hélice glissät un
point pesant, il parcourrait une droite parallèle à l’axe de la
vis et passant par ce point £,
Soit p le poids de ce point matériel ;
Soit F; la force qui, appliquée à une manivelle de rayon R,
maintiendrait la vis en équilibre, : l'angle que fait l'axe de la
vis avec l'horizontale EE! , P le pas de l’hélice.
L4
La condition de l'équilibre de la vis au rèpos sera :
REF — z, p cosi.;
la vis étanten mouvement on aura :
28 RF — pP sini;
en divisant membre à membre ces deux équations en entier :
284, = lang. ï; : (x)
P. tang. z
ou 3,
2 æ.
Cette valeur de 3, est remarquable ; on voit qu'elle ne dépend
que du pas et de l’inclinaison de la vis; donc elle sera con-
stante pour toutes les hélices de la même vis : donc l’hélicoïde
cherché touchera la surface de l’eau suivant une droite parallèle
au plan vertical passant par l’axe de la vis. Si l’on imagine lap-
pareil en mouvement , on verra que tous les points de l’hélicoïde
viendront successivement passer par cctte droite qui s’élèvera
(38)
parallèlement à elle-même et à l’axe; on peut donc prendre
cette droite pour génératrice; l’hélicoïde serait donné par le
mouvement de cette droite tournant autour de l’axe de manière
que chacun de ses points décrivit une hélice. Mais on peut ex-
primer cette génération d’une manière plus simple ; en effet, le
point de la génératrice le plus rapproché de l’axe en sera à la
distance z, ; ce point décrira une hélice tangente à la génératrice,
ainsi qu'il résulte de l'équation ( PL. r.re, fig. 1.re); donc l’héli-
coïde donnant l’espace hydrophore maximum est engendré par
le développement d’une hélice sur sa tangente. Cette hélice a le
même pas que la vis, et ses élémens font avec l’axe de cette vis
le même angle que cet axe avee l'horizon.
Pour compléter cette note nous ajouterons ici l'équation de
l’hélicoïde rapportée aux axes XX’, YY’ et à un axe zz’ perpen-
diculaire à ceux-ci.
Cette équation est :
P FE
Y = — AC SIN, 7 ——— == Va +
LH 7 tang. 2
Ve D as) = Le arc sin.W, -( P tang. z )
25 Va + S 2rV/x°?+2?
Cette équation se simplifie en y introduisant la valeur trouvée
ci-dessus pour z, ; elle devient alors
p ST 22
= — HO es Eye we
27%
— +7
VAE or À is EN ( Z; :
; pe + =)
V2 + 2 2?
Enfin elle prend une forme très-simple en supposant
( 39 )
: V” Z —— rh@iirs |
arc sin, 1 — rs WE ner DA
1
V2 + 7°
Ces valeurs, substituées dans l’équation de la surface , donnent
P | | z 6
he me CS —— = +
27 V2 + Fyr+e
tang. cr.
V'x° + 7°
En y faisant x — 0 on aura l'intersection de cette surface
par un plan passant par l'axe ; savoir :
b
ÿ
ù |
b
Cette équation est celle d’une courbe à deux branches selon
que l'on prend le signe + ou le signe — ; pour la solution du
problème dont il s’agit il faut prendre le signe — ; cette courbe
pourrait être prise pour génératrice de l’hélicoïde ; mais comme
elle est moins facile à construire que la droite , il paraît inutile
de s’y arrêter.
Pour juger de l'augmentation de l’espace hydrophore qui résul-
{erait de cette nouvelle construction de la vis, on a représenté,
(PI. 1.fig. 2),le développement de l'élément donné par la surface
(40)
cylindrique de la fig. 1. Pl.1. La courbe sinusoïdale est l'intersec-
tion du cylindre par la surface de l'eau ; la droite O/A est le déve-
loppement de l’hélice de la vis ordinaire, la droite T’ A’ est celui
de l'hélice de la fig. 1 ; on voit combien l'élément T' # A’ a plus
de superficie que l'élément o’ £' A.
On a donné, fig. 1, le rabattement de la section B B’ normale
à l'axe de la vis avec la construction de la projection T, £, de la
droite de contact d'après l'équation 2 x 2, = P tang. ?, et la
détermination des points T, £, etc. |
(41)
PREMIER MÉMOIRE
SUR LES PLANTATIONS D’ARBRES,
Par M. Marzrière ,
Docteur-ès-sciences , Membre correspondant.
25 SEPTEMBRE 1834.
AVANT-PROPOS.
Ce premier mémoire, entrepris à l’occasion d’une vente d’ar-
bres opérée sous mes yeux, et dont le résultat m'a frappé, fait
partie d’un travail plus considérable qui contient , sur les plan-
tations, des vues d'intérêt particulier et des vues qui concernent
spécialement l'intérêt et la prospérité publics. La matière, avec
le temps , s'étant considérablement éclaircie et développée, j'ai
profité de ces vacances pour refondre totalement mon premier
écrit, et même j'ai dù le diviser et je n’ai pu achever que la partie
relative aux vues du premier ordre,
Quoiqu'il ne soit étayé que sur un petit nombre de faits bien
circonstanciés et authentiques, cet essai n’en aura pas moins
uns utilité notable si ces faits renferment un enseignement im-
mense ; si, que cet écrit soit dépourvu encore de l'appui
d’une pratique générale , le seul propre à entrainer irrésistible-
ment les esprits les moins méditatifs et les moins accessibles aux
indications de la théorie, j'ai pu offrir aux amis de la science
une suite de raisonnemens inattaquables, de calculs rigoureux
et de déduclions justes et modérées ; si, enfin, je puis obtenir
le commencement d'une suite d'observalions agronomiques sur
(42)
les relations ignorées entre les terrains, les espèces d'arbres, les
nombres d'années , les accroissemens et les valeurs progressives
locales.
Les considérations que nous allons exposer se déduisant des
principes sur les intérêts accumulés , nous en plaçons ici les for-
mules principales , et à la fin de cet ouvrage nous donnons deux
petites tables où l’on trouvera, dans l’une le remboursement
après x années du capital 1f une fois placé, et de ses intérêts
composés ; dans l’autre, le montant après z années, tant de
l’annuité 1f placée au commencement de chaque année , que de
ses intérêts accumulés. Au moyen de ces deux tables et de deux
petites règles qui les accompagnent avec des exemples , une seule
opération de multiplication ou de division fera connaître soit la
valeur finale, étant connu le capital ou l’annuité, soit le capital
unique, soit le capital annuel placé, étant connue la valeur finale
lorsque le nombre des années sera compris dans la table.
Formule du remboursement R, (1) d'un capital C, (2) placé
pour z années à intérêts composés : R, — G, x (1,05 }”, le
taux de l’intérêt étant de 5 pour °/,, ou du vingtième, ou de
5 centimes par franc du principal.
Formule du remboursement p, (3) de » annuités «, (4) et de
105[(1,05)"- 1]
— X Un
leurs intérêts cumulés à 5 pour 04, p —= a
1,05 — 1
OÙ Pn = 21 En [ (1,05) — 1].
On voit que ces formules sont simples, du 1x degré et
monomes en R,C,p, «. +
(x) Lisez R, indice » ; et souvent : remboursement après 7 années.
(2) Lisez C, indice » , et souvent capital placé pour x années , en intérêts
accumulés.
(3) Lisez P, indice », et souvent remboursement après » années.
(4) Lisez 4, indice », et souvent l'annuité ç continuée pendant »
années,
(43)
CINQ QUESTIONS RELATIVES A DES FUTAIES.
Premier probléme.
De quel côté est l'avantage à laisser en fermage un terrain
médiocre ou à le planter en arbres ?
Données de détails : un champ carré d’un hectare était loué
25f net, l'impôt de 6f étant à la charge du fermier; on l’a planté
en peupliers à 3 mètres d'intervalle, à raison de of,5o par pied
tout planté; on a entouré le massif d'un fossé à of,15 le mètre ;
et à 30 ans Les arbres ont été vendus of la pièce.
Commencons par réprouver l’ancienne coutume, encore suivie
par plusieurs personnes, de ne pas faire entrer en compte les
intérêts de toute quantité d'argent ; soit qu’on la donne, qu’on
la reçoive, qu’on la dépense, ou qu'on en soit privé.
Suivant cette manière abusive de calculer, la dépense serait :
1° Labour, achat, plantations de 1111 arbres
m.q
CE à: dobhoste oh net» UP dL FA) SEReSS
91
2.0 Le fossé de 40 chaînes , ou 4oom, à of,15.. 6o, 00
3.0 La privation du loyer net, 25f, pendant
nes ab des OA Sn ati à à 750, 00
4.0 La contribution de 6f pendant les 30 années. 180, 00
pd ob ER
Passir rorar., ,.,... 1545, 50
Le produit brut étant 11110f, le bénéfice serait 9964f,50.
Et comme le 30.e de cette valeur est 318881, on dirait que
le revenu net de 25f a été changé par la plantation en celui de
318881.
L'intérêt particulier et le bien général prescrivent de donner
aux Capitaux la plus grande activité. Laisser les produits dans
un état de mort ou de sommeil , lorsque , par les mains de l'in-
dustrie ils peuvent étre employés à créer de nouvelles valeurs,
(44)
c'est causer volontairement à sa famille et à la société une perte
dont l'accroissement est rapide, c'est ignorer le prix da temps
et les moyens légitimes que la nature offre, que la morale éclairée
avoue et que l’humanité réelame , de faire valoir les fonds qui
outrepassent nos besoins actuels et ceux indiqués par la pré-
voyance.
Depuis long-temps cette manière étroite d'envisager les pro-
duits et les dépenses est bannie des contrées qui ne sont plus
dans l’enfance du commerce et de l'industrie ; l’activité des capi-
taux est une loi observée par les spéculateurs éclairés ; elle est
saisie par les vrais amis de la société. C’est en partie à la déve-
lopper et à la rendre palpable qu'est consacré cet ouvrage, en
la dépouillant des accessoires inutiles qui , sous le nom d'usure,
ont pu si long-temps , et souvent avec raison , la rendre odieuse
et dédaignée.
D'après cette loi, appliquée au problème proposé, chaque
dépense effective ou chaque produit dont on se prive doit être
envisagé comme un capital produisant intérêt, et des intérêts
composés jusqu’à la 30.€ année de notre plantation , époque où
naturellement se fait le compte général des frais et de la recette,
Calcul exact : la dépense,
1.0 Les deux premiers articles de la plantation et du fossé
sont une valeur de 615f,50 ; c’est un principal qui , avec ses inté-
rêts accumulés pendant 30 ans, se monte à 615,50 x (1,05)°°
OL OLD X 4922 —=yyr hate sooscocesce 20008619
2.0 La privation du revenu annuel 25f et l’ac-
quittement de l’impôt annuel 6f, formant une de-
pense aussi annuelle de 31f qui, avec les intérêts
composés , offre à la 30.e année le montant 31 fuis
Gabaf2 Qu. soma elec atee one oo d d0i8 8 8 os; 2102503
Toraz de la dépense réelle... 4822, 81
Le produit brut est toujours 1 11 rof.
Le bénéfice pour la plantation est de 6287£,19.
(45)
Observations.
E Tel est le fait authentique d’ane plantation effectuée à
Calais, sur un mauvais sol. La vente des arbres a eu lieu pen-
dant ma résidence à Boulogne, C'est sur les notes que j'en ai
prises alors que j'ai ébauché ce mémoire, en me conformant aux
mesures métriques , et en exagérant seulement , ct à dessein, le
loyer du champ et toute la dépense initiale.
IT. Le résultat du caleal est bien digne de notre attention :
les frais de plantation et Pimpôt sont couverts; l'équivalent du
revenu annuel 25f est obtenu; et à la vente notre futaie offre
en outre le bénéfice comptant 6287f,r9.
C'est-à-dire que si, d'un côté, le propriétaire de l'hectare
avait pu placer à 5 pour cent chez un banquier le capital dispo-
vible 6:5f,50 de la plantation, il se trouverait avoir après les
30 années, 1.0 le remboursement ordinaire des Gr15650, ou
2660f,19; 2.0 l’hectare de terre, et 3.0 il aurait touché les
30 annuités de 31f,
Tandis que par l'effet de notre plantation, il a les deux mêmes
premiers avantages , le remboursement des 615£,50 ( où 2660f,
19), et son champ ; qu’il a aussi l'équivalent des 30 années du
revenu de 31f, dans leur remboursement 2162f,62 ; maïs que
de plus il a eomptant le bénéfice 6287f, 19.
C’est là une création de capital ; un pur don de la nature, à
raison de 5f, 639 par arbre.
TT. La valeur de l’hectare était 833,33, en regardant le
revenu net 25f comme en éfant les 3 pour 100.
IV. On se représente facilement l'emploi que l’on saura faire
en pareil cas du bénéfice G6287/,19 ; soit en acquisition de
terre, soit en le plaçant en rente, soit en Vutilisant en planta-
tion , lorsque ce bénéfice sera échu, où dans 30 ans. Maïs cette
valeur n'est pas disponible aujourd'hui; c'est une obligation
légale qui infailliblement sera acquittée dans 30 ans ; c'est la
nu -propriété d’un contrat hien hypothéqué, et à 30 ans de
( 46 )
date. Et pour se faire une idée plus précise de ce boni, on peut
se proposer et résoudre les trois questions suivantes :
ire Si le propriétaire du champ, continuant de le louer 25f
x
net, eût pu trouver à placer son capital 615f,50 à un taux
assez élevé r, pour se trouver à la 30.me année dans l’état où le
met notre plantation, c’est-à-dire , pour avoir, indépendamment
des revenus annuels du champ , un remboursement —(2660f,19
+ 6287f,19 ) avec l’hectare ; quel est le tauxr de ce placement ?
on trouve r = 9,34 par la formule R=—C (1+r )°°.
2.2 Quelle est l’annuité « qui, étant reçue par le propriétaire
pendant les 30 ans, aurait pour remboursement le bénéfice
G287f19. La formule e— «x 21 (1:05 °° —1]oup—=a x
69,762; donne æ — gof,12. C'est la rente annuelle créée dès
aujourd’hui par le seul fait de la plantation.
3.e Quelle est aujourd'hui la valeur comptant C du bénéfice
6287f,19 escompté 30 ans avant son échéance ? La formule
_6287f 319
WA
c’est 1 fois 3/4 le fonds 833°,33. C'est aussi 15,3 par arbre.
En comparant C avec la dépense primitive 615f,50, on trouve
<<- le capital dépensé 615,50.
Ce troisième point de vue étant le plus propre à faire apprécier
un bénéfice ou une perte , dont l'échéance est à un terme
R= Cx(1,05 )*° donne C— s G = 1494570;
que C vaut 2 fois et £&
lointain, dans la suite de ce mémoire nous nous contenterons
le plus souvent d’escompter ainsi chaque résultat final à l’époque
. même de la plantation.
V. Afin de réduire à zéro le bénéfice de la plantation , il eût
fallu ne vendre les 1111 arbres que 4822f,8r1, montant du passif.
Cela eût mis chaque arbre à 4,34. Mais bien loin que la vente
ait été favorisée en quelque circonstance au prix de zof la pièce
après 30 ans, c'est au contraire un adage universellement admis
qu’en un terrain ordinaire, un peuplier planté vaut 20 sous par
an à 50n possesseur.
(47)
Le bénéfice 6287}, 19 qui a été réalisé sur une qualité inférieure
de terrain, permet de conclure qu'il n’est pas de sol si ingrat
que la plantation n’en élève sensiblement le revenu, pour peu
qu'un arbre y puisse prendre racine.
: Et même sur le sol où chaque arbre ne vaudrait à 30 ans
que 4f,34 , il y aurait encore dans la plantation ce bénéfice,
qu’elle assurerait à un hectare le revenu net annuel de 25f, ce
qui excéderait de beaucoup le loyer d’un aussi mauvais terrain.
VI. De notre calcul bien compris, il résulte encore que pour
obtenir les avantages de notre plantation il n’est pas nécessaire
d’avoir en sa possession le capital initial 615f,50, ni l’annuité
trentenaire 31f. Par exemple si un homme avait la nue propriété
d’un hectare, il lui suffirait d'emprunter d’une banque ou d’un
ami le capital 6:5f,50, et les revenus annuels 31f, puisqu’à la
30e année le produit de la vente réaliserait le remboursement
complet du principal 615f, et des annuités 31°, et en outre lui
laisserait comptant le boni 6287f,19.
Et même il ne sera pas indispensable d’avoir la possession
d’un hectare de terrain ; seulement le boni 6287,19 sera dimi-
nué du remboursement trentenaire 3601f,65 de la valeur 833,
33 du terrain qu'il aura dû aussi emprunter. Ainsi notre planteur
aura liquide le résidu 2685f,54 ; tandis qu’au commencement
des 30 ans il ne possédait absolument rien que le crédit qui
aurait pu lui procurer l’emprunt convenable.
Tout cet article renferme en substance une grande moralité.
VIL. De tous les biens la futaie est celui le moins exposé aux
fléaux de la gelée, de la grêle, des sécheresses, des pluies et
des animaux dévastateurs. C’est un bien qui, selon le proverbe,
nous vient en dormant. On n'aura pas non plus éprouvé les
pertes occasionées plusieurs fois en trente ans par les mortes-
payes ou les autres accidens. Enfin, après avoir arraché les arbres,
le terrain sera sensiblement bonifié.
VII, L'avantage général et celui particulier se trouvent l’un
(48)
et l’autre dans l'emploi bien dirigé des fonds disponibles. Tout
bon économe, tout sage administrateur doit chercher à tirer de
ses capitaux le plus de parti possible. II serait donc à désirer
qu'entre tant de manières de faire valoir les fruits de son éco-
nomie , l'on distinguât celle qui est le sujet de ce mémoire : la
plantation des terres médioeres.
IX. Notre vœu ne tend point à diminuer la prodaction des
grains, ni des bestiaux. Car admettons qu'un propriétaire mette
en futaie le 12.e de ses terres à labour, on comprend qué loin
d'affaiblir sa récolte effective, il économise des travaux, des
fumiers , du temps et des frais, dont la valeur étant reportée
sur les aatres champs en élève le produit au niveau de Ia ré-
colte ordinaïre totale. Maïs ce n'est pas tout : Après les 30 ans
de plantation, le revenu total du domaine se trouve doublé , si
seulement on vent placer dans une banque le bénéfice de la
vente des arbres sur sa douzième partie ; le sol du douzième
arraché est amélioré , et l’on peut améliorer semblablement ün
second douzième.
Quant aux troupeaux , dès que la futaie a acquis une dizaine
d'années , ils y trouvent un ombrage salntaire avec un pâturage
supérieur à celui que leur procure le simple parcours ordinaire.
X. Je pourrais borner ici ce mémoire , persuadé que, dans les
seuls aperçus qui précèdent, j'aurais au moins signalé une source
légitime et inépuisable de richesses nouvelles.
Toutefois comme les élémens nécessaires à l’exploitation de
cette mine peuvent n'être que partiellement à la portée de
quelques familles, et afin de satisfaire les esprits curieux qui,
dès-à-présent, souhaiteraient pour fixer leur choix des résultats
variés et des données plus positives sur les spécialités de terrains
et de natures d’arbres; je ne crois pas inutile de soumettre au
caleul quelques autres faits aussi authenfiques, et quelques
questions qui s’y rattachent, et d'indiquer les observations
| expérimentales à suivre sur toute cette matière, pour par-
(49)
venir un jour à un ouvrage didactique pleinement instructif et
satisfaisant.
Second probléme.
Les données initiales sont celles du 1.er problème ; mais l’on
suppose que les 1111 arbres parvenus à douze ans soient vendus
à raison de 2f la tige, et qu’ensuite on rentre dans l'ancien
état de fermage.
Le compte se faisant naturellement à la 12.e année , les élé-
mens de la dépense D sont 1.0 le remboursement R,, du capital
(615f,50) de la plantation; 2.0 le remboursement p,, de l'an-
nuité (25F-+ 6).
Or, R,, = (615f,50) x 1,796 — 1105f, 438
Pis = St fois 16f,, 695— : : 517, 545
Le produit se borne à la vente 2fx 1111; = 2222f;
d’où le bénéfice B — 599fo17.
Ce bénéfice est créé par le seul fait de la plantation, qui l’a
D — 1622: 983.
opéré en 12 ans.
Ce même bénéfice , qui ne devait être touché que dans douze
années, pouvait être escompté dès le jour de la plantation , et
n’en avait pas moins une valeur initiale G, donnée par la re-
lation : 599f017 = C(1,05)'*, C = 334,54.
Ainsi l’état de notre planteur est le même que si, conservant
les revenus 25f net de son hectare, il plaçait à 5 pour 0/0 les
6156,50, il conservait son fonds, et recevait aujourd’hui de la
nature en pur don et comptant le capital C — 334154. C'est
comme une prime obtenue par la plantation.
1.re variante. Supposons qu’à 9 ans on ait vendu tons les
arbres à raison de 1f,40.
Calcul.
Dépense D.
Le Ride (615850 )= 0. SU 954 E 64:
Le de (3afy me SUN OT TES TON
D = Sessscuoereorsesenes 14131,34.
4
( 50 )
Produit brut P.
OU O NN TTL ee nee 0.4 die OO O
Bénéfice B.
B = P?P —D. ne 34 0 54 < 142f,06
Ce bénélice 142f,06 à réaliser dans 9 ans, étant escompté le
jour de la plantation , sa valeur initiale est C — 9rf,65.
2.€ variante. Calcul d’une plantation pareille, en supposant
qu'à 8 ans tous les arbres aient été vendus à raison de 1f.
Dépense D.
Le R, du capital (615,50) — ...... yogf,og
Le p, de l’annuité ( 31f)est......... 310, 53
ds nor
Produit brut P.
9 de la plantation.
— D—P à — 108,62.
En séparant du produit brut P, ou 111 1f, la partie £a» Ou
310f,53 qui doit couvrir les revenus annuels 31 f de l’hectare, le
reste P’ — 800f,47 ; ce reste est, par le fait de la plantation,
le remboursement du principal (615,50) après 8 ans. Or, à 5
pour 100, ce remboursement R, eût été 909f,09 qui, surpasse
le remboursement 800f,47, opéré par la plantation, de d —
108,62.
Le déficit 9 — 108f,62 opéré par notre plantation , compa-
rativement au placement à 5 pour 100, est une perte imputable
à l’arrachement prématuré des arbres.
La perte r08/,62 qui ne sera réalisée que dans 8 ans, étant
(51)
escomptée aujourd’hui, moment de la plantation, sa valeur ac.
1061,62
1477
à arracher les arbres à la 8.e année, on s'impose la perte du
capital 73154.
tuelle y — » 1 = 73,54. Ainsi, en s’engageant
Troisième probléme.
Les données primordiales sont comme aux problèmes précé-
dens : un hectare de médiocre terre, loué brut 31f, planté de
1111 arbres, avec une dépense primitive de 615/,50. Et main-
tenant on suppose qu'à 12 ans on vende à raison de »f les troi
quarts des arbres, ou 834 arbres ; que les 277 autres laissés jus-
qu'à 30 ans soient vendus, savoir : 200 à raison de 16, et 97 à
raison de 1of. On demande le calcul du champ, en évaluant tout
à la 30.e année.
La dépense totale D est la même qu’au 1.er probléme. Elle a
deux élémens d, , d,. d, est le remboursement R,, du prin-
CPL COMBO PEL, 2 Just où, brqu d, — 2660fr9
d, est le remboursement »,, de l'annuité
Cara 10 buom no son 98 L'—= 2162, 62
Le passif ou la dépense totale... D — 4822, 81
L’actif, ou le produit total P, a deux élémens : Pr Par
P, Se rapporte aux 834 arbres vendus à la 12.e année; leur
valeur 2° x 834 — 1668, qui est un principal portant intérêt
pendant les 18 dernières années ; p, est le remboursement R “i
dec prneipal. . 4. A eds e Pi —= 4014188
p: est le prix de la vente à 30 ans
20oarbres à 16°
des =
Ps À TO
où p, —=3200f + 770! ; p, — 3970
Le produit brut P— p, FPi = oo 7084, 88
(52)
Le bénéfice B—P—D; B — 3162107. C'est une
valeur assurée à recevoir dans 30 ans.
L'escompte de B au moment de la plantation donne C —
3:162°0
Em 207, — 73 1‘,63.
4,322
1.re variante. À 12 ans on vend, à raison de 2°, 1051 arbres,
et à 30 ans les 6o derniers sont vendus 21r pièce,
La dépense totale D est toujours la même que dans le pro-
blème premier. D — 482281.
Le produit brut P a les deux élémens p, , p..
P, se rapporte aux arbres vendus à 12 ans 2°X 1051 ou 2102".
Ce prix est ensuite capitalisé pendant 18 ans ; etp, enest leR,..
P, = 2102°X (2,407) = 0.0. 5059f,51
p, est la valeur des 60 arbres à 21°; p, —.. 1260
P—p,+p, = 631951. ............... 6319, 51
Le bénéfice B—P —D; B— 1/496',70.
Ce bénéfice , escompté au moment de la plantation, a pour
valeur initiale C — 346,30.
2.e variante. À la 8.e année on vend 911 arbres à 1f, et à la
30.e année on vend les 200 de surplus , savoir : 50 à 18f, 100 à
16°, et 5o à if.
Toujours la dépense D — 482281.
Le produit brat P a les deux élémens principaux p,, p, relatifs
aux deux époques de vente. Les 911 arbres ont été vendus gr1f,
et cette valeur est capitalisée pendant 22 ans ; p, en est le rem-
PunfeemEnt Hi rescaussliomececscnes D) 2 AIO
50 arbres à 18f...,.,..,. 900
p a les 3 élémens {100 :..... 16.,........ 1600
Hogunints Mis ceseccs MIO
Le produit brut... ,,.zereessersos.s P = 5713, 76
(53)
Le bénéfice B = P — D —5713r,76 — 482af,81 ;
B— 890,95. Cette! valeur escomptée à la 1.re année donne
C = 20567.
Quatrième probléme.
Les données primitives restant encore les mêmes, on suppose
qu'après avoir arraché les trois quarts des arbres à 12 ans, on
laisse croître jusqu'à 100 ans les 277 autres arbres, qui sont à
Gm d'intervalle , et qu’alors on en vende 200 à 8ofet 77 à 50°.
Pour établir le compte de notre hectare, nous évaluerons à la
centième année les dépenses et les recettes.
On sent qu’au lieu de peupliers , on pourra considérer la plan-
tation effectuée en arbres qui vivent au moins un siècle : en
ormes , frênes ou mérisiers. Et cette considération est d'autant
plus légitime que nous avons à dessein porté les frais de planta-
tion assez haut, en partie pour convenir à ces autres espèces
d'arbres, en les prenant plus jeunes,
Actif de la plantation à cent ans.
Le produit brut a deux élémens principaux p, , p,, relatifs
aux deux ventes.
P cst la valeur finale à la 100.e année du prix 2° x 854 ou
1668", ce prix capitalisé pendant les 88 dernières années, p, —
ADO NX 70,22. PU diese Pi 122199!
200 arbres à 8of ou...... 16000
p, a les 2 parties qu... à 00005 dt : 3850
Le produit brut P—p,+p,....:..... P — 141989
Passif de la plantation D.
D a toujours deux élémens d,, d,.
d,estleR,,, du capital 615',50... d, = 80938',250
d, estle p,,, de l'annuité (31°)... d, = 84956151
D= d, + d, D 165894",4o1
154)
Balance à la 100.° année.
Passif D — 165894',401
Actif P — 141989,
Passif final à — 23305401.
Cette perte, qui sera réalisée après 100 ans, étant escomptée à
23905',401
131,5
181,37; c’est une diminution dans la valeur 833°,33 de l'hectare.
la 1.re année, a pour capital initial C —
_—
Cinquième probléme.
On suppose un hectare de 8of de loyer net et payant 15°
d'impôt , planté à 4m de distance, en peupliers vendus 16° à la
vingtième année; la plantation avait d’abord eoûté 60of. On
demande à 20 ans le rompte de ce champ.
Le passif D a encore les deux élémens 4, , d,.
d, se rapporte au principal 60of capitalisé
pendant 20 ans,....,....... Apeianke sl du 159158
d, est le p,, des fermages brut 95°. .... d, = ,:, 9208.23
Tout le passif D — d, + d,...... D — 4889,9
Le nombre des arbres plantés — ee = 62
L'actif P = 625 fois 16h sux. ; P. — 10g60f.
Le bénéfice B = P — D ; B = 51101.
Le bénéfice 5110',1 est à réaliser dans 20 ans. En l’escomptant
à la première année, sa valeur initiale est G — 19281.
C'est une prime obtenue par toute la plantation. La prime A
pour chaque arbre est 308.
Variante. Supposons les arbres à la distance de 3m, et vendus
à 10° après les 20 an.
Le passif est encore D — 4889f,9; le nombre d'arbres 1111;
l'acüfP= 11110°; le bénéfice B = 6220',1 ; son escompte à la
(55 )
ire année GC = 2344",5; la prime À pour chaque arbre est
À = 2/12.
DEUX QUESTIONS RELATIVES A DES BORDURES.
Sixième probléme.
625 peupliers sont plantés pour 4oof, à la distance de 4 mètres,
en bordures de champs loués net 8of l’hectare ; à 20 ans, les
arbres sont vendus sur le pied de 20; on suppose que l’on a
fait au fermier la remise d’un quart du loyer du terrain sous les
arbres, dans une bande de 3 mètres de largeur. On demande à
20 ans le compte de la plantation.
La longueur plantée égale 2500; la bande indemnisée —
3m x 2500m , — 0!475 ; son loyer est les 3/4 de 8of = Go ;
l'indemnité annuelle = 15°.
La dépense D = d, + d,; d, est le R,, du
nn los ne nie date tele 1 nono Ge
d, est leb,, des vingtindemnités de 15°. d, — 520, 8
PR ADIAR Te desvssoscees I) = 17e
Le produit brut P = 20° x 625.,,... P — 12500
5#
d
Le bénéfice B—P—D............ B — 1oy18
Cette valeur 109+8° à recevoir à la 20. année, étant es-
comptée à la 1.re année, son capital C — EU = 41195:
2,653
La valeur initiale CG, 4119'5 vaut plus d'une fois et demic le
fonds 2666° de l'hectare. Q
C'est une prime obtenue par toute la plantation.
La prime pour un seul arbre est À = 6,59.
Observation particulière.
Ce mode de plantation est fréquemment exécuté par des
propriétaires cultivateurs, qui en ont vivement senti l'avantage.
Je me souviens d'en avoir connu un, père d'une nombreuse
(56)
famille , qui disait qu’à la naissance de chaque enfant il plantait
mille arbres, lui assurant ainsi une dot de 20 mille francs dans
vingt ans, sans toucher à son capital. Sa propriété était d’une
qualité un peu supérieure à celle admise dans le problème 6e.
Septième probléme.
Calculer une plantation de 200 peupliers , à raison de 0',50
le pied, à la distance de 4m, en bordure d’un champ, dont
l’hectare valait 500, le loyer net 16° et l'impôt 4°; sans qu’il y
ait eu d’indemnité demandée par le fermier, les arbres à 12 ans
ont été vendus 6 pièce. Bon nombre avaient 10° de valeur ?
Tout le passif D consiste dans le remboursement à 12 ans de
la'dépense initiale "100". 4 MOT DE 179,6
Tout l’actif — 200 fois 6°, .......... P — 1200
Le bénéfice B — 1020f,4 réalisé après les 12 ans.
Son escompte au commencement de la plantation est
C = 567',93.
La prime À pour chaque arbre est 2,83.
Observation particulière.
Ce septième problème est fondé sur un fait passé sous mes
yeux ; toutes les données en sont strictement réelles.
Résumé des sept problémes précédens.
L. La plantation d'une futaie peut être éminemment profitable.
IT, 11 ne faut pas couper les arbres trop jeunes ni trop vieux.
IT, Il ne faut pas trop les éclaircir.
IV. Pour une même étendue de terre plantée de la même
manière, le profit augmente avec la qualité du sol , mais non pas
proportionnellement à la qualité, qui est assez bien représentée
par la valeur du fonds ou par la valeur du loyer.
C'est-à-dire que si deux qualités de terrain sont dans le rap-
port de x à 3, et que l’on plante trois hectares du terrain infé-
(57)
rieur, on en obtiendra une prime beaucoup plus forte qne sur
l'hectare de qualité supérieure.
V. C’est surtout relativement aux bordures que l'avantage des
plantations d'arbres est manifeste. La prime augmente aussi avec
la qualité du sol, mais non pas proportionnellement à la qualité.
Ainsi, deux.qualités de terrain étant dans le rapport de 5 à 1;
si l’on plante sur le second terrain cinq fois plus d’arbres à la
même distance que sur le premier sol, on obtiendra une prime
notablement plus forte que sur le sol supérieur.
Afin de comparer les deux plantations de bordures des deux
problèmes 6 et 7, il faut supposer deux propriétés équivalentes,
l’une de 1 hectare, l’autre de 5 hectares isolés, plantés sembla-
blement dans leurs bordures. Les primes A, , A, sont À, —6f,59;
et À, — 2,83. Donc 5 À, — 14f,15; sur quoi il y a à remar-
quer que le dernier résultat a en outre l'avantage d’être acquis
en douze ans, tandis que l’autre a eu besoin de vingt ans. ( Voyez
VIIT, page 64.)
Ce résultat et le précédent sont des indications de la nature
pour nous porter à planter surtout les terrains de qualités
moindres. +
VI. On doit planter toutes ses bordures sans nulle exception.
VIL. Pendant long-temps il y aura avantage à planter en futaie
une grande étendue de terrain; et il sera profitable d'accroître
l'étendue des terrains peu fertiles de sa propriété.
VIIL. Il y a une multitude d'observations bien instructives à
recueillir sur les diverses espèces d'arbres, sur les qualités des
terrains , sur les divers modes de plantation, sur la distance entre.
les arbres, sur les dimensions progressives des arbres, sur leurs
valeurs finales respectives ; mais particulièrement sur la prime
ou valeur initiale correspondante à chaque hectare planté ou à
chaque arbre.
IX. Tels sont les élémens indispensables à la fondation d’une
théorie aussi utile que curieuse.
L
( 580)
X. On peut entrevoir que les valeurs respectives des petits et
des gros arbres ne sont pas encore établies d'une manière con-
forme à l'intérêt pablic.
XI. L'état de choses actuel est en grande partie fondé sur
l'ignorance générale, sur le manque de communications maté-
rielles et intellectuelles, xt aussi sur la vanité des anciens pos-
sesseurs des grandes forêts, L’aperçu d’un meilleur avenir est
le résultat du progrès opéré de nos jours dans toute l’organisation
sociale,
TROIS QUESTIONS RELATIVES AUX GRANDS BOIS ORDINAIRES.
Huitième probléme.
Calculer le revenu d’un hectare de boïs , en coupe réglée tous
les vingt ans ; la vente étant d’un taillis de Goof et de vingt gros
arbres de 48F: l'impôt annuel étant de Gf, la garde et l'entretien
de 4£. n
Le total de la vente est de 60of + 48fx 20; où (600 + g6of)
où 15Cof, L
[ n’y a d’autres articles de dépense que ceux annuels cités à
l'énoncé, et dont il sera tenu compte sur le revenu annuel brut.
Le revenu brat est l’annuité af, qui a 1560of pour rembourse-
ment de vingt ans.
1560
34;717
Défalcation faite de 1of pour l'impôt , la garde et l'entretien,
le revenu net est de 34f,y3.
Dong « —= . af —= 448,93.
Neuième probléme.
Calcul de l'établissement opéré en cent ans du bois du pro-
blème précédent,
Nous supposons qu'un hectare de terre, qui jusque-là était
affermé 25f net et payait 6f d'impôt, a été planté de la manière
suivante en châtaigniers ou en acacias.
7
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TABLE
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Arbres vendus
Prix unitaires
s arbres
Pris des arbres de la coupe
ARBRES LAISSES APRES LA VENTE AVEC LEURS AGES ET LEURS PRIX UNITAIRES
4/5 du prix des
arbres plantés
Valeur totale de la superficie
ment de la vente
1360!
Nombre total des arbres
P
Superficie da sol
sous chaque arbre
G66m4 1004
Distance moyenne
On a
1°, 4 po
de6off
On d
loyer ne
niers mm
Nous
D'ap:
ds ds:
d,e
d, -
d, es
taliséen
Le mor
trois a
199,08
Don
d,e
nuités :
Tou
Les
No 1.
l'étude
( 59 )
On a défoncé le terrain et planté les graines à la distance de
1", 4 pour 300f. On a fait biner les trois premières années à raison
de 6of par an.
On devra porter en dépense l'imposition 6f, la privation du
loyer net, 25f, et 4f pour la garde et l'entretien. Ces trois der-
niers motifs forment une annuité «,,, —= 35.
Nous évaluons les produits et les dépenses à la 100.e année.
D'après l'exposé, la dépense D a trois parties principales d, ,
d,; di.
d, est le R,,, du principal 30of, prix de la plantation.
dj = 300f(131,5)..........,......... d, — 3y45of. »
d, est le montant des trois binages capi-
talisé ensuite pendant les 97 dernières années.
Le montant des trois binages est le », des
trois annuités 6of; c’est 6of x 3,318; on
199,08.
Donc d, — 199,08 x 113,609. ..,,.,. d, — 22617, 27
d, est le remboursement p,,, des 100 an-
nuités 35f; d, —35fx2740,521....,. d, — 95918, 23
Tout le passif ou la dépense totale... D — 15798550
Les produits partiels respectifs sont compris dans le tableau
No 1, où se trouvent en outre plusieurs nombres utiles à
l'étude d’une plantation de cette espèce.
4
( 60 ) ; *
Nous aurons l'actif total P,,, en ajoutant à 2800f, valeur de
toute la superficie au moment de la dernière coupe, les prix des
six ventes antérieures, évalués chacun à la 100.€ année.
Pr, HT HT Tite M
T2
1600X2,653|1500X7,040|1450x14,645|1200x30,42
2809
2400X 49,500
4344,8 | 11968 | sssss | 36504 69300 | 72980
P—219032,05
P — 32,05
balance | Se Ps le bénéfice B —61046f,55.
En escomptant la première année ce bénéfice qui n’est réali-
sable qu'à la 100.° année,
61046,55 |
131,50 ?
moitié de 833,33, valeur du fonds.
Telle est la prime obtenue par la plantation d’un hectare de
bois.
ona C—
C—4641,23. C'est plus de la
Cette prime étant capitalisée, sa rente est d'abord de 23f26
et va en croissant. Ainsi on peut dire que le revenu net de l’hec-
tare est augmenté de 23f et au-delà. Dès la première année, ce
revenu net est de 48f.
Il n’était que de 34l93 pour un hectare de vieux bois; on voit
un avantage manifeste à remplacer un hectare de vieux bois par
un hectare de bois planté, seulement pour cent ans.
Au fond, dans le calcul des deux hectares que l’on vient de
mentionner, ils ne sont pas traités sur le même pied : le jeune
bois est accompagné de tout son boni depuis la plantation, tandis
904X80,73
(got)
885 “AS in
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Elémens d
ù 1 812 : 59996
ou d. 5 Poe
Elément d, — ler
de l’annuité 3
l'annuité 1f.
Dépense totale D.
Gr bis
ES TABLEAU
Cp, 77 mbres utile z nolré Compare ”
Accens de notation Û .
Elément d, de la dépense D, jusqu'à 1 , | : 1 DU E
la vente. d,—3oofx(no5). | ; : | |
Prix des ventes V
Constant
Valeurs des réserves r
Constant
Valeurs totales +, de la superficie au Constant
moment de la vente
Valeurs finales +, des ventes qui pré
cédent d'un rang les ventes V,.
Valeurs finales x, des ventes qui pré-
11968 10098
cédent de deux rangs V... À ù
| Valeurs finales +, des ventes antérieures
det rangs à V.
193650
Produit total P,.
14912 618156
(Gr)
que le vieux bois, envisagé seulement dans sa coupe, est dé-
pouillé, 1.0 de la valeur des arbres réservés ; 2.0 du boni des
premières coupes. Nous devons revenir plus loin sur cette com-
paraison,
Dixième probléme.
Comparementr’elles les valeurs effectives totales d’un bois
planté, aux époques dés coupes successives , dans la vue de con-
naître la durée la plus avantageuse à donner à la plantation.
En exécutant, pour chaque époque désignée, un calcul ana-
logue à celui du problème précédent , on aura pour l’année ».e,
1.0 le passif ou D, ; 2.0 l’actif ou P, ; 3.0 le boni ou le déficit,
B, ou à, ; 4.0 la valeur initiale C, ou y, , calculée , à la première
année de la plantation, du boni B, ou du déficit à,.
Et la plus grande valeur de G, ou de la prime initiale indi-
quera suffisamment le moment le plus avantageux pour abattre
la plantation.
Cela sera démontré un peu plus bas,
( 62 )
Les résultats de ce laborieux calcul sont assez curieux.
I. La valeur initiale du boni à l’époque de chaque vente n'est
pas une quantité constante.
IT. La marche de ses variations n’est pas non plus progressive.
YIT. Passé la première coupe, où il y a perte, il y a constam-
ment bénéfice, B , à l'instant de la vente. Il vaut toujours mieux
avoir planté que d’avoir continué à affermer.
IV. Ces bénéfices B à l'époque de chaque coupe paraissent
croissans ; mais il ne faut pas se borner à ce premier aperçu.
V. Les valeurs 2nitiales CG, eroissantes avant trente ans, dimi-
nuent ensuite jusqu'à cent ans. Bientôt après elles remontent
jusque vers la 120.e année , où elles se trouvent à la valeur de
la 40e; puis elles redescendent, probablement pour remonter
encore et redescendre.
VI. Les conséquences de ces documens semblent assez claires.
L'époque la plus avantageuse pour détruire et remplacer la plan-
tation paraît être trente ans; car, en plaçant à la 30.€ année le bé-
néfice 2649 dont la valeur initiale est le maximum 613, ce héné-
fice 2649 se conserve par le placcment ordinaire à 5 p.?; aussi
la valeur initiale C se conserve, ce qui n'arriverait pas à une
toute autre époque où l’on n’aurait à faire le placement ordinaire
que d’un bénéfice final B dont l'escompte à l’origine fût moindre
que 613, Mais si on a laissé passer quarante-cinq ans, il y aura
plus d'avantage à différer l’arrachement jusqu'à cent vingt ans.
VIL. Malgré l’évidence palpable de ces assertions, on éprouve
une inquiétude vague sur ce que l’on semble ne tenir pas assez
de compte du temps employé à acquérir chaque bénéfice. Toute
incertitude disparaîtrait si l’on pouvait comparer les bénéfices en
des temps égaux. Or, nous concevons une même durée de 120
ans , par exemple, formée de 6 périodes de 20 ans, ou de 4 pé-
riodes de 30 ans, ou de 3 périodes de 40 ans, ou de 2 périodes
de 60 ans, ou d’une seule période de 120 ans; et il est évident
que la période la plus avantageuse sera celle qui donnera lieu à
(63)
la plus grande somme finale de bénéfices. Rien ne faisant pres-
sentir que ce soit la même période qui, prise isolément , a pro-
duit le plus grand bénéfice, il y a donc ici lieu à faire encore le
calcul du bénéfice total d’une succession de chacune des périodes
simples et égales à comparer.
Soit B, le bénéfice de la période simple de 7 années, et con-
sidérant la succession de 2, de 3, de 4..,, de À périodes sem-
blables, soient B,, B:, B;, .... By les bénéfices successifs
correspondans , on a :
B,—B,(105)"+B, B,—B, (1,05)"+B, (1,05)"+B,
B, Lg, toSr B,(1,05)"+B, (1,05) +B,,
et en général B, — B, (1,05)tM4 B, (1,05ÿt-2n +,
... B, (10548, (105 +B,
BB, [r+(r,05) + (1,05) (1,08)... (1,05)01]
Le multiplicateur est la somme s des termes d’une progression
par quotient dont le premier terme a = +; la raison 9 —(1,05)";
le nombre des termes — 2; le dernier terme / — (05) ;
gi a
et la somme s —
gi
_ (05). (1,05) — _ (05)M— :
D En
la vateur finale
B x à 5 hum B,
B, — Pa AU nes 3 à B, et [(r05)m-1]
(1,09)" — 1 2? (1:05)°-
Le multiplicateur [ (1,05) — 1 ] est constant (4.n étant le
nombre des années de la grande période qui a pour parties ali-
quotes les périodes simples à comparer ).
( 64 )
Donc la plus grande valeur B, de la succession de périodes
de n années répond au plus grand multiplicande — *
(1,05})° — 17
qui diffère , comme on le prévoyait, de G — Nota-
B
(1,05)"
B, pen
(05 =: Q.
tion : quotient
En calculant le quotient Q pour #—20, n—=30, n=45,
n=60, n—=120, on trouve
Qu = 943; Q= 797 M5 617 Q60= 558, Qi = 568.
Ici le maximum de produits est déplacé. Ce n’est plus la pé-
riode de 30 ans, c’est celle de 20 qui est la plus profitable.
Il sera bon, dans une application effective, de calculer les
bénéfices B pour les nombres d'années voisins de 20, afin de
connaître le maximum absolu des valeurs correspondantes du
B
(1,05} — 1 *
VIIL. On peut appliquer la considération des successions de
périodes aux deux plantations de bordures des problèmes 6 et 7.
D'abord, pour ramener les deux bénéfices à la même étendue
de terrain 4", il faut substituer aux deux bénéfices respectifs
. 10918 10204,
B,— 10918, B, — 1020,4, les fractions _ SRI ,
quotient Q =
25 200
puis les diviser respectivement par les nombres [ (1,05)°— 1 ],
[(1:05)°2— 1], ce qui donne les deux quotiens
2 10918 , 0, — 1020,4
a 625x (1,653) * “7 200X0,796 9
et ensuite Q, — 10,568; Q, — 6,57.
Si donc on suppose les deux propriétés équivalentes 1 hectare
(65)
du revenu 8vr, et 5"4 du revenu 16", en 5 pièces isolées de 1l'A ;
le bénéfice de la seconde plantation sera à celui dé la première,
dans le rapport de 32,85 à 10,568; ce qui corroboré notre pre-
mier aperçu, page 57, V.
IX. L’étendue de terrain qu’il est préférable à un particulier,
dans l'état actuel des choses, de planter en boïs ordinaire où en
taillis avec des arbres de réserve, est la plus grande possible re-
lativement aux terres affermées ct peu fertiles; c’est la moindre
possible relativement aux plantations de futaies pures,
X. Pour d’autres élémens primitifs de fertilité du sol, de frais
de plantation et de fermage, les résultats calculés et ceux observés
pourront différer sensiblement de ce qui précède. L'essentiel est
que l’on soit bien pénétré de ces deux choses : 1.0 Il y a à faire,
sur les accroissemens des dimensions des végétaux, des obser-
vations importantes pour diriger nos plantalions; 2.0 chaque
spéculation exige à l'avance un calcul pour en déterminer la
durée la plus avantageuse.
QUATRE QUESTIONS RELATIVES A LA PLANTATION D'ARBRES FRUITIERS.
Onzième probléme.
Calculer, au moment de la plantation, en noyers à 10 mètres
d'intervalle, 1 hectare qui, en culture ordinaire, était loué net
4o° et payait 8' d'impôt. On suppose la plantation protégée par
un fossé ; que les frais de la plantation se sont portés à 232" pour
1000071
les centarbres (
EEE } que, durant 10 ans, on ne compte
pour rien la récolte des noix; que, durant 20 années, le sol entre
les arbres soit loué 20° brut ou 12f net; que le produit annuel de
la récolte d'un noyer offre les valeurs suivantes : 0,50 de 10 à
20 ans; 0f75 de 20 à 30; 2° de 30 à 403 3f de 4o à 503 4f de
50 à 60; 5fde 60 à803 et:6f-de 80 à 100 ans; et qu'à cctte
époque les arbres soient vendus 5of la pièce,
( 66 )
Nous admettons que dans l’hectare on exécute les 100 fosses
de 1°; que dans chacune on plante 3 noix dont on ne conser-
vera que la plus belle pousse. Nous préférons planter les noix elles-
mêmes à de jeunes tiges, et pour diminuer la dépense initiale ;
et afin que chaque plante puisse former son pivot et que la plan-
tation soit mieux assurée.
Enfin , au besoin, nous fixons aux époques déjà signalées :
20 ans; 30; 4o3 5o; 6o; 80, et 100 ans,
les valeurs respectives des arbres à
1of,! 10f, 208, « 25°, : 30f, of,» 5of,
À la 100.€ année, la dépense totale D a deux élémens d, , d, ;
d, est le remboursement R,,, du principal 232r dela plantation;
d, est le p,,, des cent annuites 48, dans chacune desquelles
entrent la privation du revenu net 40° et l'obligation d’acquitter
l'impôt 8°.
di 2%24 457,500 d, = 84508
d, —=48x270,)21 da 91040
Tout le passif D = 162053.
La recette brute P a trois élémens a, b, c. a se rapporte aux
loyers bruts des premiers 20 ans, dont le total , à la 20.e année,
devient un capital pendant les 80 dernières années; b est relatif
aux récoltes de noix. Entre deux des époques fixées les valeurs
des récoltes sont des annuités connues dont le montant , à la
2.e des époques, est un capital placé jusqu'à la 100.e année; €
est la valeur finale des arbres.
b a sept élémens relatifs aux époques fixées, Nous les désignons
pacier/accens ‘, ”, 0 Sme
( 67 )
a = (20X 34,717) X 49,500,..,,,-..4« nnecrreue at d4900,00
D’ exo à20— (0,50 X 100)X 13,207 X49,500...... D — 32687, 33
D” 20h30 (0,75 X 100)X13,207X30,420...... b° — 30130, 77
D? 30140 —(200 X 13,207) X 18,68............ b”— 49341, 35
b {D 40450 —(300 X 13,207) X 11,77... EEE bv— 45473, 02
bv 50160 == (400x 13,207) X7,040......... .. bv = 37190, 97
DV Goa8o —=(500X 34,717) X 2,653........., . bV — 46052, 10
b"” goar0o (600 X 34,717)KX1.....,....... « bv”— 90830, 20
D DD TOO nee 15 ele/ee ete ets en 0 EL ad 0 0 OUE de © —} 6ooo »
Tout l'actif ou le produit brut....... resp ER -NSOTC) ON 48
Balance ER nl HAE où le bénéfice final B — 139023,48.
Ce bénéfice B sera dans 100 ans un capital disponible, en
sus de la propriété de l’hectare et de son loyer net annuel 40f,
jusque-là B est une inscription solide au grand livre de la
nature; c'est la nu-propriété à terme fixe d’un contrat sur
hypothèque.
En escomptant au commencement de la plantation le béné-
fice B — 139023',48, dont l'échéance est dans 100 ans, on
trouve la valeur initiale GC — 10571. Cette valeur est un pur
don , une prime que la nature accorde de suite au planteur.
Le rapport de la valeur initiale G = 1057", à 1333f, prix du
fonds de l'hectare — 0,79.
Son rapport à 232°, principal de la dépense initiale, est 4,55.
L'annuité, 4 qui aurait pour remboursement p,,, , le bénéfice
B, est 5of.
La prime À oblenue à l’origine pour un seul arbre est 105,57.
Douzième Probléme.
Les données étant les mêmes que pour le problème 11°, on
(68 )
propose de comparer les résultats de la plantation aux époques
désignées : 20 ans, 30, 40, 50, 60, 80 et 100 ans?
On voit qu'il s’agit de faire pour chaque époque des calculs
semblables à ceux déjà effectués pour la 100.e année. La théorie
en ayant été suffisamment exposée, nous allons seulement trans-
crire les nombres obtenus.
( 6y )
TABLEAU de différens nombres à considérer dans le cours de la plantation , etensuite dans une
es années,
uméros d
N
80
100
Accents ou notations,
y!
4/4
succession de périodes égales à
d, | d,
Pipe Dépese
au relative
principal He
23a fr.
Late annuités
anta-
le HBfre
f. jf.
616| :666
1003| 3349
1633| 6088
2663| 1055#
4334| 19226
11484| 48955
30508/131545
D
Dépense
totale,
2223
4351
7722
12214
21560
60439
162053
a SP
Recette
mie Reeette
relative
ras
bruts des Ps
20 prem| récoltes
FETES | de noix
années, =
%
694 660
1191 2066
1842 6007
3007 13725
ne
4889 27647
I 297 I 90688
34417| 260920
C
Valeurs
respec—
tives des
arbres.
1000
1500
2000
2500
3000
4000
5000
P
Produit
brut
total.
107658
300333
B
Bénéfice
(P-D)
346
2128
7013
a —
13971
47230
138280
C
Valeur
initiale
du
bénéfice
total.
£
10b2
« A
Aunuité | Prime
quiaurait| obtenne
pour |pourcha:
rembour-| quearbre
sement | à l'ori-
Pn le
bénéfice “planta-
B. tiôn,
f f.
2 0, 28
5 o, 88
17 3, 02
32 6, r1
39 | 7: 48
46 54
50 |:10, 52
chacune de celles considérées.
Q;
Coefficient variable
du maximum
de bénéfice
ginede la! en un même temps,
=. B
(05) — 1
44, 162
104, 15
352, 32
669, 37
AT
97%, 67
1060, 60
(70)
Remarque de calcul. Les différences entre les valeurs ac-
tuelles de P'’, B'”, Cr”, et celles obtenues dans le pro-
blème 11 pour P, B, C qui sont les mêmes nombres, sont peu
importantes, et ne doivent pas scandaliser. Sans doute, il n’est
pas impossible qu’il y ait eu erreur dans quelque opération de
détail ; mais, pour expliquer les anomalies , il suffit de dire que
les deux procédés de calcul sont un peu différens ; et que pour
prendre le logarithme d'un nombre même considérable, je me
suis borné à en considérer les cinq premières figures, afin d’abré-
ger sensiblement le calcul, qui, pour être instructif, n’a pas
besoin de plus de précision.
Conséquences de nos résultats.
I. Les bénéfices véritablement comparables sont ceux rap-
portés à une époque éloignée, arbitraire , qui répond à une suc-
cession de plusieurs périodes égales à chacune de celles consi-
dérées isolément. Les valeurs finales F de ces bénéfices ne sont
pas insérées dans le tableau, qui offre seulement les quotients
Q, qui leur sont proportionnels. Dans chaque cas il sera facile
de calculer les valeurs finales F des bénéfices à l’époque
B
(1:05) — 1
1,05)b-8— 1}: où le multiplicande est le facteur variable
P
h fois n, (page 63), par la relation F — x
Q, et le multiplicateur un facteur constant et connu; k étant
connue pour chaque période simple.
IT. Les vrais valeurs initiales utiles 1 à ealculer sont celles
obtenues en escomptant à l’origine de la plantation les valeurs
finales F. Les nombres I diffèrent peu des nombres G calculés
au tableau, excepté pour les courtes périodes.
IT. Les quotients Q allant toujours en augmentant , on voit
que dans notre problème la période du maximum de bénéfice a
au moins cent ans.
(71)
IV. En considérant la plantation suffisamment prolongée, il
arrivera toujours une époque où la valeur initiale L cessera de
croître , car la production des noix doit un jour diminuer , et
c’est l'élément le plus influent dans la recette; tandis que l’an-
nuité 48f, l'élément prépondérant du passif , demeure inva-
riable.
V. Alors on sera arrivé au maximum de bénéfice. Le nombre
n des années depuis la plantation est la période la plus profi-
table ; c’est alors qu'il faut arracher la plantation et la renou-
veler.
VI. Une fois la plantation résolue et effectuée, il y aura lieu
à modifier le compte général préalablement établi et à y
insérer :
1.0 La dépense effective D, , considérée comme un emprunt
fait à une caisse M. 2.0 Le produit brut P,, en partie réalisé,
et considéré comme un prêt fait à une autre caisse N. 3.° Les
quotients Q. 4.0 Les valeurs initiales 1, considérées comme un
prêt fait à la nature.
Treizième probléme.
Les données étant celles des deux derniers problèmes, on se
propose de garder la plantation jusqu’à la 150.€ année , en abat-
tant au besoin jusqu’à une vingtaine des arbres les moins pro-
ductifs, afin qu'ajoutant leur rente à l’actif, la récolte ulté—
rieure des autres soit maintenue à sa dernière valeur 6oof; ce
qui est la cause la plus influente dans le bénéfice B et dans sa
valeur initiale. À la 150. année, on vend les 80 arbres restant
100f la pièce, et on demande le compte de l'hectare ?
(Plus bas on démontrera la possibilité du maintien du revenu
annuel 6oof par le moyen indiqué.)
Le calcul actuel est simplifié par l'emploi des nombres connus
(72)
de là 1o0€ année, où de la ligne *” du tableau du probléme
12; ét d’après les termes de l'énoncé actuel.
La dépense D à toujours les deux élémens : d,, d, relatifs
au principal 232f de la plañtation , et à l’annuité 48f. Ces deux
quantités sont faciles à troûver directement.
d, —232 x 1508 d,
d, — 48 x 31642 d,
D — :865660.
549 860
1518 800 DE 5
I |
Le produit brut P a les trois élémens a,b,e, relatifs aux
20 premiers loyers de 20f, aux récoltes de noix et à la valeur
vénale des arbres. P7 — ar” + br! + orl', (Lisez : P
accent octave, ou P octave, ou le produit brut à la 150.e an-
née, .... etc.) Les trois élémens a°”’, br”, e*”' peuvent,
au moÿen de nos petites tables, se déduire des nombrés connus
a”, b, ce" (Lisez a septime, b seplime, c septime}), el
au moyen des hypothèses de l’énoncé.
a a (1 ob} a = 34413 X 185477
a"! — 594 960.
b'"! a les deux élémens b"”/, b'/' ; le 1.er relatif au capi-
tal b"”, placé à 5 pour cent péndant les 50 dernières années ;
le 2e, D", relatif aus 50 annuités dé 6oof d'après l'énoncé
{ Lisez b'”!, b octave un point .....)
Des DUR 115477 D"! — 600 x 219,807
pb"! = 260920 X 11,477 b""! — 2994 Goo
b”! — Goo x 219,807 pr = 1510084
pr — 3126484.
(738)
cv! — 100f x 80. ec"! — Boool
Tout l'actif P —= 3529 444.
al! — 394960 ‘ FE :
br — 3126484 On a trouvé D — 1868 660
|, LEE
BAPE éspe Le bénéfice B — 1660 754
Ge bénéfice B, à la 150. année , a pour escompte à l’origine
de la plantation C — TEE G æ£ ator.
1508
La prime 1101 pour les 100 arbres primitifs revient pour une
seule tige à 11f.
1660784
Pour le maximum du bénéfice, le quotient Q — sr
190
= 1102,
Observations.
I. Sans entrer dans tous les détails du calcul promis, en voici
les résultats : La vente d’un seul arbre à 5of équivaut à huit
récoltes de Gf; cette seule vente suflit pendant 11 ans à main-
tenir la valeur de la récolte annuelle Goof, quand même l'arbre
vendu aurait lui-même 6f de fruits; et ce maintien s’étend à
36 ans, quand l'arbre abattu ne rend de noix que pour 3f, la
récolte moyenne des 99 autres arbres restant de Gf. On a porté
à 20 le nombre des arbres vendus utilement pour obvier même
à une diminution dans la récolle moyenne des arbres conservés.
IT. En considérant une durée assez prolongée, on sent qu'il
arrivera toujours une époque où le produit moyen d'un arbre
sera au-dessous de 6f, et où la recette annuelle 6oof ne pourra
plus être maintenue. On ne pourra manquer de s’apercevoir de
ce résultat, de même que du fait du dépérissement des arbres.
(74)
La tenue des notes annuelles et l'inspection du compte général
montreront dans le quotient Q une diminution qui fera connaître
le moment précis de la vente totale.
Quatorzième probléme.
Calculer une plantation de 100 noyers à 8m de distance, en
bordure d’un terrain pareil à celui des trois questions qui pré-
cèdent ; le mode d'établissement est le même; seulement on
accorde au fermier, en indemnité, le quart du loyer du terrain
sous les arbres , sur une largeur de 3 mètres.
Nous considérons les recettes comme ne différant pas de celles
déjà obtenues.
Dans la dépense le 1.er élément d, veste 232 x R, , comme
dans les problèmes précédens.
L'élément 4, , relatif aux revenus bruts annuels n’est plus
que 21,4 x m3 au lieu de 48f x ph. Car la longueur plantée
— 8" x 100 — 800"; la bande indemnisée — 800" x 3" —
24004 — 0,H8 24 : l'indemnité =— 4of xo,24 = 2f,4.
4
La nouvelle annuité 2f,4 est le 20. de la première 48!,
= 2,24 — 20,2f,4, ainsi nous aurons la nouvelle dépense D, ,
en réduisant au 20.€ son élément d, trouvé précédemment , ou
I
en diminuant l’ancien D, des 9 de l’ancien élément d,. Et
20
comme ‘dans une soustraction (P, — D, ) — B,, diminuer le
soustractif D, de K, revient à augmenter le reste B, de la même
quantité K, nous aurons de suite chaque nouveau bénéfice B,
L
en ajoutant au B, déjà trouvé, la quantité K — 23 de l'élément
20
connu (d, ) .
De là résulte le tableau des nombres du probléme 14.
(7)
Nouveaux | Nouvelles valeurs Aa RUE
initiales C,, Nouvelles | quotients
variables
dans le
Anciens Nouveaux Lhrnt K PS ARE
, élémens d
é 2 bénéfices e
letras ou (ds );4 élémens ou nouveaux bénéfices] primes
ou (Ba )14 escomptés initiales
du problème
T
Le ou pe de Ba ou(B+kK) à l’origine. par arbre.
bénéfices.
Numéros des années.
1666 73 1656
3349 346 3528 8,16
6088 a8 | gs A
10551 7013 | 17037 14,84
17226 13971 | 30336 16,24
80 | 48955 2447 47220 | 93728 19:94
100 | 131545 6577 138280 | 263248 20,02
150 | 1518800 | 75940 | 1442860 | 1660784 | 3103644 20,58
"AE
Conséquences de ces résultais.
I. Les nouvelles valeurs initiales 1, qui, ainsi que les valeurs
finales V, sont proportionnelles aux quotients variables Q, vont
en croissant de 20 à 100 ans, puis en décroissant; donc il y
aurait perte à détruire la plantation de 20 à 100 ans ; et la
période la plus avantageuse de celles considérées est celle de
100 années.
IL. En rapprochant les questions G.e et 14.°, où il s’agit de
‘ plantations de bordures, on forme le tableau
VALEUR ESPACE PRIME
PROBLÈME. OCCUPÉ D'UN ARBRE
DU SOL.
par 1 arbre. de 20 ans.
4m 6,59
6,24
et on trouve même valeur pour le terrain occupé par un arbre,
et à peu près la même prime initiale À, pour un arbre jusqu'à
20 ans.
Mais pour un peuplier, cette prime est probablement voisine
da maximum , tandis que pour le noyer la prime centenaire est
trois fois plus considérable.
III. Il faut se garder de croire que parce que la prime de
20 ans s’oblient cinq fois en 100 ans elle puisse avoir l’avantage
sur celle-ci, à moins que la dernière ne soit cinq fois plus forte.
Pour se convaincre de l'erreur de cet aperçu, calculons les
(77 )
valeurs effectivement obtenues dans les deux cas à la centième
année,
6f,59 reçus au commencement de chaque période de 20 an-
| *“
nées donne à 100 ans la valeur totale
61,59 1,65 nv: tobt. a à + RS erria 108! + d8 D
et la prime 20of,02 reçue au commencement de la période cen-
tenaire vaut à la centième année 20/02 x ; on
Conrparons donc ces deux valeurs finales : la 1.re est 61,59
(131,500 + HAE mt 18,680 + 7,041 + 2,653) ou 61,59
X 209,373; la 2.6 est 2of,02 x 131,500, ou la ire est 1380 et
la 2.0 2633.
Ainsi, dans sa période de 100 ans , la plantation de noyers
offre un bénéfice presque double de celui de la succession des
cinq périodes de 20 ans, quoique la 1.re prime initiale 20,02
ne soit pas cinq fois la seconde 6,24.
IV. À ces avantages ajoutons que la noix est un fruit dont
l'importance privée et publique est loin d’avoir été suffisam-
ment appréciée sous les rapports de l’époque , de la facilité et de
la certitude de sa récolte , de sa conservation, de sa vente et de
la qualité de son huile, sous le rapport de la possibilité d’obte-
nir ainsi presque toute l’huile nécessaire à la consommation et
au commerce, en poussant à leur limite les conséquences de la
plantation des noyers ; et sous le rapport de la production des
céréales, à laquelle production l’on pourrait rendre la plupart
des champs employés maintenant à la calture du colza et de la
navette , plantes d'une récolte assez incertaine et d'une culture
dispendieuse.
V. Enfin on connaît la prééminence du bois de noyer dans
les arts.
(78)
Conclusions de cet essai.
I. Il me paraît utile et digne des Sociétés d'Agriculture et
des Arts de populariser les notions sur la considération et la
légitimité des intérêts accumulés ; sur l'avantage qui résulte de
l'activité des capitaux ; sur les divers modes de plantation où
l’on peut placer des fonds avec fruit pour soi, pour sa famille,
pour des actes de bienfaisance , pour l’intérêt général.
IT. Les personnes riches, qui ont la faculté d'économiser et
d'attendre, peuvent à leur gré se préparer pour des époques
déterminées , soit des capitaux considérables, soit de notables
accroissemens dans leur revenu annuel, sans s'imposer beau-
coup de soins, sans employer le ministère des banquiers, des
compagnies d'assurances sur la vie, ni des économes infidèles ;
sans avance de grands capitaux primitifs ; sans courir les chances
des non-valeurs, des avaries , des incendies , des vols, des intem-
péries des saisons ; ni les risques du commerce, de la mer, des
faillites.
IL leur suffira de faire les frais modiques d’une plantation
d'arbres et d'attendre le terme prescrit.
UT. Les hommes laborieux, honnêtes, industrieux , qui, sans
posséder de champs ni de capitaux, auraient acquis du crédit,
peuvent se créer des fonds de terre et des revenus , indépen-
damment des fruits matériels de leur industrie journalière.
IV. Il est digne des sociétés scientifiques, et de se concilier
les bénédictions de la multitude des hommes de bon sens qui ne
demandent qu’à être éclairés, et de prendre l'initiative d’un
mouvement infaillible dans l'esprit public et dans l’économie
française, en invitant instamment leurs membres propriétaires
à suivre avec réflexion, ardeur et persévérance, les expériences
si importantes relativement aux facultés productives des divers
sols , soit naturellement, soit à l’aide de cultures et d'engrais,
(79)
et aux accroissemens annuels dans les dimensions et dans les
prix des différentes natures d'arbres ; expériences dont la seule
publication entraînera la conviction des hommes les moins médi-
tatifs , et en même temps fournira aux calculateurs les élémens
indispensables à l'établissement solide d’une théorie aussi pro-
fitable que curieuse.
V. On voit qu'il ne s’agit pas ici, comme dans la météoro-
logie , d'observations jour par jour, et même plusieurs chaque
jour, tenues à l’aide d’instrumens délicats, par des physiciens
dévoués aux progrès de la science, mais seulement de deux
mesures par an vers les deux équinoxes, prises avec des instru-
mens simples et familiers comme le compas sphérique, le mètre
et le cordeau , puis inscrites sur un livre, des dimensions pro-
gressives de quelques sujets, désignés et mis en expériences.
VI. Non-seulement ces notes agronomiques l’emportent en
simplicité , en facilité sur celles que nous voyons tenir aux savans
physiciens , mais leur enseignement sera incomparablement plus
rapide. Il est une multitude de questions de météorologie dont
la solution exigera plusieurs siècles d'observations pareilles à
celles qui se poursuivent depuis long-temps ; tandis que la durée
d’une génération suflirait à recueillir, et à la fois sur tous les
terrains, naturels ou aidés par la culture, et sur toutes les espèces
d’arbres , les données les plus instructives et complètes pour les
questions capitales usuelles.
VIT. Dès que l’on aura pu former une collection , même par-
telle, de faits précis sur les grands végétaux , à l’aide de calculs
assez simples (dont je me chargerai volontiers et avec toute
l'exactitude convenable, parce qu'alors il s'agira de données
positives et effectives ), il sera possible de rédiger une instruc-
tion utile sur les plantations de même nature.
VIII. Jusqu'à nos jours tout a conspiré à faire présager la
disette future du bois, et un accroissement progressif dans le
prix de cette denrée , et par conséquent un avenir d'autant plus
(8)
favorable aux vues exposées dans ce mémoire ;" mais dût-il arri-
ver des évènemens capables d'opérer une diminution dans la
valeur de ce combustible , nos résultats sont tellement en faveur
des plantations, que pendant long-temps encore il serait avan-
tageux d’acquiescer au mode que nous offrons d'accroître
comme indéfiniment ses capitaux.
IX. Le genre de placement que nous préconisons diffère de
ceux les plus accrédités, par exemple , du jeu de la bourse , dont
les capitaux ne sont quelquefois que des valeurs fictives, dont
les opérations, qui n’ajoutent rien à la circulation réelle du
numéraire, à notre industrie générale, à notre prospérité effec-
tive, tendent au contraire à détourner de toutes les villes de
l'intérieur les capitaux, pour les faire affluer sur un seul point
où ils sont entassés et frappés de stérilité, et dont les résultats
les moins déplorables sont de ne pas dépouiller une foule de
petits capitalistes , au profit de quelques gros banquiers ; tandis
que nos conseils tendent à disséminer les capitaux sur tous les
points de la France, à y accroître la propriété , le travail, l’in-
dustrie, l’aisance et la morale publique.
Nos spéculations ne ressemblent pas non plus à celles dont les
matières premières viennent à grands frais de contrées lointaines,
dont les effets, quels qu'ils soient , occasionnent dans le numé-
raire existant des variations brusques, funestes à la masse des
travailleurs et des rentiers; dont les produits, dépendant du
pur caprice, peuvent être anéantis par la mode, amoindris ‘par
la concurrence et vaincus sur les grands marchés par une indus-
trie étrangère. C’est chez nous que nos capitaux sont placés;
c'est chez nous que se fait tout le travail. Les produits de notre
industrie sont de première et absolue nécessité, de consomma-
tion croissante ; ils peuvent être en partie expédiés à l'étranger
en huile, en meubles , vaisseaux et armes ; et les profits peuvent
être utilement employés à perfectionner indéfiniment la calture
et l’industrie nationales.
(8)
X. Le terrain sous les arbres d'une futaie a été, presque dans
tous nos calculs, considéré comme de nul rapport ; cependant il
est un moyen d’en tirer un produit immense pour la nation :
c’est d’en abandonner la culture avec la récolte à la classe des
journaliers cultivateurs. Le travail à la charrue de ces vastes
terrains devient-il peu praticable , la culture à bras sera exempte
d’inconvéniens et une source nouvelle d’abondantes récoltes,
tout en favorisant l'accroissement des futaies de la classe riche.
Bien plus, le pauvre robuste acceptera la condition de partager
le fruit de son travail avec un vieillard ou un infirme, et la
destruction de la mendicité sera un nouveau bienfait du riche,
un autre résultat des travaux des sociétés savantes.
( 82 )
ELEC
Ï. TABLE DES REMBOURSEMENS ÎT. TABLE DES REMBOURSEXMENS
Pn des annuités 1 franc,
k * et de leurs intérêts accumulés
une fois placé à 5 pour cent. à 5 pour 100.
RS SR
Rembour- Ia d'il Rembour-
Ra du capital 1 franc,
Fin d'année,
sement. sement.
Francs. Frances.
Première. 1,050 3.e 3,318
2.° 1,103 5.e 5,796
3.e 1,158 6.e 7,140
4.° 1,216 8. 10,017
5° 1,276 9.° 11,591
G.e 1,340 10. 13,207
7. 1,407 12.° 16,699
8.- 1,477 15.° 22,659
9° 1,551 18.° 27,258
10,° 1,629 20.° 34,717
xx: 1,710 p22 = 40,406
12.° 1,796 25.° 50,113
13.° 1,886 30.° 69,762
14.c 1,980 35.° 94,836
14 ans 3 mois 12 jours, 72 2,000 4o. 136,840
15.° 2,07 45. 161,685
16.e 2,18 5o.° 219,807
17. 2,292 55.e 286,335
18. 2,407 60.e 371,280
19.° 2,527 65.° 479,640
20, 2,653 70.° 618,946
Re — 2,786 75. 794,487
Res — 2,924 80.° 1019,789
Vingt-cinquième. 3,386 85.e 1307,334
30. 4,322 90. 1674,336
35.e 5,516 95.e 2142,714
40. 7,040 100.° 2740,521
45.e 8,985 150.° 31647,000
50.° 11,499
55. 14,645
6o.e 18,680
65.e 23,840
vo: 30,420
79. 38,830
80.° 49,500
85,e 63,250
88. 73,295
90.° 80,730
95.* 103,000
97.° 113,609 |
100. 131,500
190." 1508,000
(83)
Usage de la table I.
1.re Question. Un capital C — 1000 étant donné, trouver,
après 25 ans, son remboursement R, , ?
R,, — 1000 fois 31,386; (31,386 étant le R,,
du capital 1fet de ses intérêts accumulés )
— 3386f.
ILe Question. 7000f étant connu pour un remboursement
après 20 ans, trouver le capital C primitivement placé?
On a la relation R,, — 2653 x C.
ou 7000 — 2653 x C; donc
7000
= +. — 263852.
PE DRE à
Emploi de la table W.
Lre Question. Etant connue l'annuité 1000, pendant 25
ans , ou le placement 1000f au commencement de chacune des
25 années , en trouver le remboursement p, , ?
pe, = 1000 fois 5of,113 ; (50,113 étant le rem-
boursement des 25 placemens annuels 1°; en ayant rat aux
intérêts accumulés. )
fautes DOTIE,
Ile Question. Étant connue la valeur finale 7000f de 20
placemens annuels égaux « , trouver cette annuité «.
On a la relation p,, — 44,717 X «, d'où
Fe > Ro. 2 4 2 PT Ou
ai 2
34,717 A Said 43717
« — 201,66.
( 84)
Autres emplois des deux tables X, KI.
Lre Question. Etant 3465° pour une annuité de 13 ans, en
+ P 2
trouver Je p,,3 le nombre 13 n'étant pas dans la 2.e table,
mais étant compris dans la 1,re ?
Pa3=3365 fois 21 (105 5— 1) p,,— 3465 x 21 (1,886 — 1).
Pis=2109:21 X 0,086 P15 = 64460f,79.
ÎL.e Question. Etant connu p,, = 40000, trouver le place-
ment annuel «.
ES ER US |
pur ax (rot —i)xase= 17 \ 5
21
(05 —:1)
40000 40000
CR te RE A= — ,
21 (2,292— 1) 27,132
ILe Question. Valeurs de x pour certains rapports R, : C?
Rapports R, : G 4 8
Valeurs de » 14 om) 20 {ul as Gn| 56:68"
IV.e Question. Valeurs de r pour quelques rapports
(Ph:n fois x).
Rapports(pn:#2foisx)| 2 4 8 16 etc.
Valeurs de » 25 48 68 86
(85)
EYIIITITFYTTSS-------TDODOSE————————"———————————
ESSAI
SUR L'APPLICATION DU CALCUL DES PROBABILITÉS
Aux assurances contre l'incendie,
Par M. Tu. Bannois, Membre résidant.
22 JUILLET 1934.
Instructions préliminaires.
Depuis l’année 1815 on a vu se former en France des com-
pagnies d'assurances contre l'incendie. Ces établissemens si utiles
laissent encore beaucoup de choses à désirer sous le rapport de
la juste appréciation des risques qu'ils assurent. [ls n'ont eu jus-
qu'ici aucun égard ni à la forme des édifices , ni à la position
relative des divers corps de bâtimens qui les composent, et se
sont bornés à considérer l’usage de ces édifices. Les assurances
contre la grêle et contre les chances de la navigation n'avaient
pris d'autre guide que l’expérience ; celles sur l’incendie les ont
imitées. C’est un tort suivant nous, parce que les incendies étant
très-rares , ceux qui ont lieu dans des circonstances semblables
ne se présentent presque jamais , et qu'il faudrait un grand nom-
bre de faits semblables pour apprécier les chances avec quelque
certitude. L’incendie d’un bâtiment peut n'être que partiel, il
résulte d’un grand nombre d'effets différens et successifs ; les
parties qui le composent courent des chances fort différentes
qu'il est nécessaire d'apprécier pour déterminer la prime totale.
Cette prime dépend donc d'un grand nombre d’élémens dis-
(86 )
tinets susceptibles d'une infinité de combinaions, et elle doit
presque toujours différer d'un édifice à l'autre. Les dangers de
la navigation, et surtout ceux de la grêle, ne présentent pas cette
complication.
Les assurances contre l'incendie sont de deux espèces , savoir :
celles à primes et celles mutuelles. Pour que ces dernières fussent
bien administrées, il faudrait , outre l'intégrité des agens et
l'exactitude nécessaire dansune comptabilité très-minutieuse, que
chaque sociétaire payât la part de frais d'administration que son
assurance exige, frais qui sont à peu près égaux pour chaque
assurance , et que , dans le remboursement des sinistres , la part
de chacun füt réglée en raison des dangers auxquels il expose
la société. Il suffit ici de connaître les rapports entre ces dan-
gers, tandis que les assurances à primes ont besoin de connaître
leur valeur absolue.
Nous avons vu également s'élever divers genres d'assurances
sur la vie des hommes. lei les faits ne manquaïent plus et plu-
sieurs géomètres célèbres firent sur cet objet des travaux im-
portans qui ont été adoptés par les tontines et les compagnies
d'assurances sur la vie. Ces établissemens sont les seuls qui con-
naissent convenablement les chances qu'ils assurent.
Nous avons pensé que les assurances contre l'incendie pou-
vaient aussi s’étayer du calcul. Les études auxquelles nous nous
sommes livré pour rechercher les méthodes convenables pour
cela nous ont prouvé que les questions les plus simples étaient
seules à notre portée. Toutefois , leurs formules seront souvent
d’une application tellement laborieuse , que nous ne pensons pas
que la solution des questions élevées soit utile pour la pratique.
C’est ce qui nous a décidé à présenter un travail aussi incomplet.
Les primes d’assurances dont nous allons parler ne sont pré-
cisément que celles que doivent exiger les compagnies pour les
risques courus , sans avoir égard à aucun de leurs frais ni aû
bénéfice qu’elles doivent se réserver ; elles supposent enlin que
(87)
les assurances , étant faites sans frais sur un très-grand nombre
de bâtimens, ne donnent ni perte ni gain.
La mauvaise répartition des primes d'incendie ne doit pas être
envisagée seulement sous le rapport de l'intérêt des compagnies,
mais encore sous celui de l'intérêt général. Gar ceux qui bâtissent
n’ignorent pas l'utilité de certaines dispositions : par exemple ,
de séparer les grands édifices par des maîtres murs; mais la faci-
lité qu'ils trouvent d'assurer au même taux tous les bâtimens
servant aux mêmes usages leur fera bientôt abandonner les pré-
cautions de la prudence commune ; ils auront d’ailleurs pour
cela double motif, puisqu'il faudrait qu'ils payassent la prime
d'assurance sur l’excédant des dépenses qu'une meiïlleure dispo
silion aurait occasioné.
Il n’est personne qui ne sente que , toutes choses égales d’ail-
leurs, il est plus facile d'arrêter les progrès d’un incendie dans
un bâtiment étroit que dans un large, dans un bâtiment coupé
par des murs que dans un autre semblable où ces murs n'’exis-
teraient pas, dans un bâtiment en ligne non fermée que dans
un autre de même étendue formant un contour fermé, dont les
extrémités se joignent, etc. Ge que le sens commun indique si
clairement, comment se fait-il que les compagnies d’assurances
n’y aient aucun égard , quoiqu’elles soient si intéressées à le con-
naître ? Sans doute cela tient à ce que, pour de semblables admi-
nistrations , le bon sens a besoin d’être réduit à un calcul qui
donne d’une manière fixe ce que notre jugement n'indique que
trop vaguement , et c’est au calcul des probabilités qu'il faut
demander la formule : car, dit Lariace dans son introduction à
la Théorie analytique des probabilités (Introduction, page cv),
« la théorie des probabilités n’est, au fond, que le bon sens
» réduit au calcul ; elle fait apprécier avec exactitude ce que les
» esprits justes sentent par unc sorte d’instinct, sans qu'ils
» puissent souvent s’en rendre comple. »
Voici un exemple propre à faire juger combien les primes des
(88)
compagnies sont peu proportionnées aux risques. Supposons qu'il
s'agisse d'assurer un grand bâtiment dont les diverses parties sont
occupées par différentes familles : suivant les réglemens des com-
pagnies existantes , si les occupeurs précédens font assurer sépa-
rément les parties qu'ils habitent , ils paieront la même prime
que si le propriétaire assurait en masse loute sa maison ; cepen-
dant , dans ce second cas, tous les incendies seraient remboursés
en totalité , au lieu que , dans le premier , la partie dans laquelle
le feu aurait éclaté serait seule remboursée , et son occupeur de-
vrait payer à ses voisins les pertes que très-probablement son
incendie leur aurait occasionées. Or, la prime qu'il devrait
payer pour s’assurer contre le risque qu'il court de mettre le feu
aux parties voisines , dont on ne tient pas compte , est très-
considérable dans les grands édifices ayant beaucoup d'étages,
et peut être souvent beaucoup plus grande que celle qu'il devrait
payer pour se garantir de l'incendie qui aurait éclaté chez lui.
Si la prime d’assurance doit, dans certains cas, augmenter
avec la grandeur des édifices , elle doit au contraire diminuer
dans d'autres, Car , supposons un bâtiment très-long occupé,
dans une extrémité seulement, par un ménage qui donne
les mêmes chances d'incendie que ceux dont nous venons de
parler. Tandis qu'il est très-probable qu’un incendie qui aura
une fois éclaté dans une petite habitation la consunera entiè-
rement, il est fort à croire, au contraire, que s’il en éclate un
dans l'extrémité habitée du bâtiment dont nous parlons, les
secours qu'on apportera pourront l'arrêter avant qu'il ait atteint
l’autre extrémité. Si c'était le milieu de l'édifice qui fût occupé
l’assurance devrait être plus grande.
Les cultivateurs assurent souvent leurs récoltes contre l’in-
cendie ; mais celui qui assure un groupe de 50 meules de grain
placées le long d’un chemin devrait payer une prime peut-être
trente fois aussi forte que celui qui assure une meule isolée
placée de la même manière ; car il y a dans le premier cas 50
(89)
fois autant de causes d'incendie que dans le second, et la
matière assurée étant très-combustible, il est fort à craindre
qu'un incendie, une fois qu’il aura éclaté, ne consume une grande
partie des 50 meules.
Les dangers d'incendie varient beaucoup suivant la grandeur
des bâtimens , leur nombre d’étages, leur disposition, leurs
usages, la prudence de leurs habitans et leur position relative-
ment aux secours. Tous ces élémens , d’où dépendent les primes
d'assurance, peuvent se réduire à la probabilité que l'incendie
éclate et à celle de sa communication d’un lieu à un autre. Ces
deux élémens sont essentiellement distincts et doivent nécessai-
rement entrer dans l'évaluation des primes d’assurance; c’est pour
cela qu’on a eu tort, suivant nous, d’assimiler les assurances
contre l'incendie à celles sur les risques de mer, sur la vie des
hommes et sur la grêle , qui ne dépendent que d’une seule chose;
car, quelles que soient la forme d’un champ et la nature de sa
récolte dans la même localité, il sera toujours également exposé
à la grêle et devra aussi toujours payer la même prime pour se
garantir de ce risque.
Comme parmi les élémens dont dépendent les primes d'assu-
rances contre l'incendie, il en est plusieurs sur lesquels on ne
peut avoir que des données très-vagues , il est presqu'inutile de
dire qu’on ne peut non plus espérer que des approximations des
chances d'incendie; mais ces approximations peuvent suflire aux
compagnies et à l'assuré, parce que, dans les assurances, les deux
parties trouvent ordinairement avantage au marché. Le particulier
qui connaît les chances contre lesquelles on l’assure et le bénéfice
probable qu'il va procurer à la compagnie trouve, outre l’avan-
tage matériel de l'assurance , celui moral de ne pas avoir sa for-
tune exposée à une trop grande perte qui pourrait , en changeant
son état, lui imposer des privations pénibles. La compagnie
trouve au marché l’avantage de recevoir la prime , avantage qui
n'est balancé que par la crainte matérielle de l'incendie de la
( 90 )
propriété et par ses frais d'administration ; elle n’épouve point ,
comme le particulier, la crainte d’une grande perte qui pourrait
exercer sur elle une fâcheuse influence morale, parce qu’elle a
des fonds considérables qui forment le gage des assurés et qui
sont destinés à payer des sinistres qui se succéderaient d’une ma-
nière malheureuse. Mais comme elle étend ses opérations sur un
grand nombre de bâtimens dont les incendies sont absolument
indépendants, il est extrémement probable que les chances favo-
rables et contraires se balanceront et amèneront ainsi des résul-
tats réguliers et des bénéfices aussi certains que eeux de l'agri-
culture; de même que les jeux publics et les loteries, dont les
bénéfices ne dépendent absolument que du hasard et sont cepen-
dant à peu près réguliers. *
Les compagnies d’assurances doivent donc calculer les primes
qu'elles exigent d’après les principes de l'espérance mathéma-
tique, et par conséquent la somme qu’elles doivent demander
pour assurer un édifice doit être égale à la somme des valeurs
des diverses parties de cet édifice, multipliées chacune par la
probabilité qu’elle sera brûlée dans l’année ; plus la part des frais
d'administration, plus le bénéfice légitime,
Le propriétaire doit calculer différemment, et c'est le prin-
cipe de Daniel Bennouur, sur l'espérance morale, qui lui fera
connaître l'importance qu'il y a pour lui d'assurer sa maison.
Cette importance, ou la somme qu'il pourrait lui convenir de
payer pour qu'il cessât de trouver avantage à l'assurance , sera
d'autant plus grande, que la propriété sera une plus grande
partie de sa fortune. Pour que l'assurance ait lieu avec avantage
réciproque , il faudra done que la différence entre la crainte mo-
rale et la crainte mathématique de l'incendie suflise pour payer
les frais d'administration de la compagnie et son bénéfice. Nous
reviendrons plus tard sur cet objet important.
Il ÿ a deux manières d'assurer un édifice contre l'incendie : ou
l'assurance cesse après qu’un incendie total ou partiel a éclaté, ou
(g1)
l'édifice assuré est, immédiatement après un incendie , recon-
struit sur le même plan, contmue à courir les mêmes chances et
à être assuré, Cet édifice devrait, par conséquent , être encore
rémboursé si un ou plusieurs nouveaux sinistres avaient lieu dans
la même année. Les compagnies d'assurances ne paraissent pas
avoir distingué ces deux cas, sur lesquels leurs conditions ne
s'expliquent pas. Cela tient sans doute à l'extrême petitesse de
la différence qui devrait exister entre les primes dans ces deux
modes, Cependant , pour la simplicité des calculs, il y a an
très-grand avantage à supposer qu'une partie quelconque d’un
pe: lorsqu'elle est incendiée, est rétablie à l'instant dans
‘état primitif et continue à courir les mêmes chances, qui sont
assurées comme précédemment : sans cela il serait impraticable
d'avoir égard à l'effet d'un incendie partiel , qui changerait
toutes les communications des parties d’un édifice, la partie
incéridiéé pourrait contenir encore des élémens combustibles
et les incendies partiels pourraient se sucééder de toutes sortes
de manières, qui changeraient absolument l'édifice et auxquelles
il faudrait cependant avoir égard pour appliquer le calcul des
probabilités.
Les compagniés se réservent ordinairement la faculté d’an-
nuler la police aussitôt après un incendie total ou partiel, en
ne recevant Ja prime que jusqu’au jour où l'incendie a éclaté.
En soumettant les assurances au calcul, il est nécessaire de sup-
poser qu'elles usént toujours de cette faculté où que l'assurance
n'est faite que jusqu’au premier incendie. Dans le calcul on
peut supposer, au lieu de cela, que l’assurance est faite pour
l’année entière et qu'aussitôt après un incendie total ou partiel
Fédifice est rétab'i comme auparavant , et qu’il continue, par
conséquent , à courir les mêmes chances. La probabilité qu'un
incendie né dans un point quelconque se communiquera à un
autre aussi quelconque reste alors la même pendant toute
l'année , et on peut supposer que chaque partie d’un édifice court
(92)
en un seul instant la chance d’explosion d'incendie qu'il court
pendant tous les instans de l’année.
Les assurances contre l'incendie sont encore essentiellement
distinctes de celles contre des risques maritimes, ou contre la
grêle, en ce qu'elles garantissent contre une infinité d'événe-
mens qui peuvent arriver à chaque instant, tandis que les autres
touchent toujours leur prime entière et ne peuvent rembourser
le vaisseau ou la récolte qu'une seule fois. Ainsi, en supposant
des risques excessifs , les primes d'assurances contre l'incendie
peuvent surpasser la valeur de l’objet assuré, ce qui ne saurait
avoir lieu dans les autres assuranees.
Probabilité d'explosion d'incendie.
Nous avons déjà remarqué qu'il était impraticable de recueillir
un assez grand nombre d'observations pour juger par l’expé-
rience seule les primes d'incendie qu’on doit exiger des divers
établissemens. Nous chercherons donc en mettant à profit tout
ce que l'expérience a pu faire connaître, à suppléer ce qui nous
manque par le calcul. Pour cela nous remarquerons que les
primes d'incendie dépendent de ces deux élémens distincts, la
probabilité de la naissance du feu dans un lieu quelconque et
celle de sa propagation d’un endroit à un autre. En appréciant
séparément ces deux élémens, nous parviendrons à déduire du
peu de données que l’on a sur les incendies des évaluations
aussi exactes que celles que l’on possède sur les risques de mer,
qui sont ceux qu'on a assurés depuis le plus long-temps. Cher-
chons d’abord le moyen d'obtenir la probabilité que le feu se
manifestera dans un endroit désigné.
Pour cela remarquons que dans la pratique des assurances
on ne peut entrer dans l'examen détaillé de tous les motifs qui
peuvent en chaque point d’un édifice donner naissance à un
(95)
incendie , parce qu'on ne connaît pas même ordinairement tous
les usages des bâtimens. Les primes ne sont pas d’ailleurs assez
élevées pour permettre un long travail dans l'appréciation des
risques. On n’a donc aucun motif de croire que dans des bâti-
mens de même espèce , une partie combustible quelconque soit
plus exposée qu'une autre à donner naissance à l'incendie. Ce-
pendant, il existe des cas où l'on peut désirer avoir égard à
certaines causes particulières d'incendie qui menacent certains
points des bâtimens. Nous montrerons la manière d’avoir égard
à ces risques particuliers, dont nous appellerons l'assurance
assurances particulières , et nous désignerons sous le nom
d'assurances générales celles des incendies dont la cause est
inconnue et telle que l’on n’a à l’avance aucun motif de croire
que le feu prendra plutôt en un point qu’en un autre.
Les assurances particulières sont donc une augmentation de
prime exigée à raison de certains dangers qui menacent des
parties connues des bâtimens de chances d’incendies supposées
connues à priori, et les assurances générales sont celles exigées
pour tous les risques inconnus et dans le détail desquels la
compagnie ne peut ou ne veut pas entrer. Nous allons d’abord
nous en occuper.
Si l’on conçoit un bâtiment partagé en un certain nombre 7
de parties égales, d’après la remarque précédente , on ne con—
naîtra pas de motif pour que le feu éclate plutôt dans l’une que
dans l'autre, et il résulte de cette ignorance que toutes les
parties doivent être regardées comme également exposées à
devenir le berceau d’un incendie , et que la probabilité que le
feu éclate dansle courant d'une année dans une partie quelconque
d’entre-elles est égale à la moyenne arithmétique des proba-
bilités réelles inconnues que le feu se manifestera dans cha-
cune des parties.
En effet, À désignant cette probabilité moyenne, » À sera la
somme des probabilités d’explosion d'incendie dans les x parties.
( 94 )
Regardons cette somme comme composée d'une infinité d'élémens
infiniment petits, qui sont les probabilités que le feu éelatera
pendant l’année dans l'édifice considéré. La probabilité que
chacun de ces élémens du risque total sera couru par une
partie désignée sera =, puisqu'on n’a aucun motif de croire
qu'elle est plus ou anoins exposée qu’une autre. Ce qui a lieu
pour cet élément a également lieu pour tous les autres. Donc,
dans l'hypothèse actuelle, la probabilité qu'une partie désignée
donnera lieu à un incendie dans le courant de l’année est
1
n : n À — À comme nous l’avons annoncé.
Cela posé, la probabilité de la naissance du feu en un point
désigné d'un bâtiment est facile à connaître d’après les obser-
vations qui ont été recueillies, car on tient note dans les pré-
fectures des incendies qui arrivent; le cadastre possède aussi
dans plusieurs départemens des plans détaillés des villes et des
campagnes, au moyen desquels on peut connaître le nombre
d'habitations et leur étendue ; on peut facilement connaître aussi
leurs usages. On pourra classer les bâtimens suivant le danger
présumé qui résulte de leurs usages, de leur construction, etc. ;
et noter pour chaque classe le nombre des sinistres observés , le
nombre des bâtimens, leur aire et le nombre d’années pendant
lesquelles ces observations ont eu lieu. On formera ensuite pour
chaque classe les produits du nombre de bâtimens et de la somme
de leurs aires par le nombre d'années. Ces produits seront le
nombre d'observations faites sur les bätimens entiers et sur une
aire unitaire de leur étendue.
Le calcul des probabilités fait connaître la probabilité des
événemens futurs d’après l'observation des évènemens anté-
rieurs; il fait voir que si d’une urne ne renfermant que des
boules blanches et noires, mais dont le nombre est complètement
imconnu, on a extrait au hasard » boules noires et n boules
LS
( 95 )
blanches, en remettant la boule extraite après chaque tirage ,
la probabilité qu'au tirage suivant on extraira une boule noire
nm + I
sera
m+n+2°
La naissance des incendies provenant de causes dans lesquelles
les compagnies ne veulent ou ne peuvent entrer doit être re-
gardée comme dépendant uniquement du hasard ; et si dans le
courant d’une année il y a eu "2 incendies sur m2 +72 maisons
d’une certaine classe, on doit en conclure que la probabilité
qu'une maison de la même classe brûlera l’année suivante est
m1
la même que celle de la sortie d'une boule noire
Mm+n+2
d'une urne sur le contenu de laquelle on sait uniquement qu'on
en a extrait au hasard m2 boules noires et 7 boules blanches, en
y remettant la boule après chaque tirage.
S'il était possible de faire un assez grand nombre de classes
dans les risques des bâtimens pour ne faire entrer dans chacune
d’elles que des bâtimens à peu près de même étendue, de même
forme et courant des risques égaux à raison de leurs usages et de
leur construction, on aurait directement, par la seule expérience,
la probabilité d'incendie de chacune de ces classes de maisons ;
mais les incendies sont très-rares, par conséquent les obser-
vations recueillies sont peu nombreuses ét il faut , au contraire ,
pour déduire avec quelque certitude la probabilité des événe-
mens futurs de l'observation des événemens antérieurs, un très-
grand nombre d'observations. Pour trouver dans chaque classe
ce grand nombre d'observations , nous ne ferons que très-peu de
classes en les composant des bätimens de toute sorte de forme et
de grandeur qui, à surface égale, courent à peu près les mêmes
risques , par les usages auxquels ils servent et les matériaux qui
les composent; alors nous ne calculerons plus la probabilité
que le feu éclatera dans une des maisons , mais celle qu'il
( 96 )
éclatera dans une étendue unitaire désignée d’un des bâtimens,
et on obtiendra cette probabilité d’après le tableau dont nous
venons de parler; elle sera égale à une fraction dont le numé-
rateur sera le nombre des sinistres augmenté de un, et le déno-
minateur le produit du total des aires des bâtimens, par le
nombre d'années , augmenté de deux. Lorsque le nombre des
observations devient très-considérable , cette probabilité tend
sans cesse à se confondre avec le rapport du nombre des sinistres
à celui des observations.
Ceci suppose que toute les parties d’égale étendue, dans des
bâtimens de même classe, sont également exposées à donner
naissance à un incendie. De ce qu'une ferme, par exemple, est
double d’une autre, il est naturel de conclure qu’elle renferme
en général le double de matériaux combustibles, qu'elle est ha
bitée par un nombre double d'individus qui commettent le
double d’imprudences propres à l'exposer à un danger double
d’explosion d'incendie. D'ailleurs il n’est pas nécessaire de ranger
dans la même classe les bâtimens servant aux mêmes usages;
mais bien ceux qui courent à peu près , à étendue égale, les
mêmes dangers d’explosion d'incendie.
En calculant l'aire des bâtimens compris dans les observations
dont nous venons de parler, il sera nécessaire de prendre pour
unité une aire assez grande pour que, en brülant seule, elle
constitue ce qu’on appelle un incendie; car il y a des incendies
minimes qui restent ignorés et qui ne figurent pas dans les
observations recueillies.
Ce qui précède suppose que la loi de production des incendies
est constante, de même que la composition de l’urne , et le bon
sens indique qu’elle l’est effectivement. S'il existait des obser-
vations recueillies depuis un assez grand nombre d'années, on
pourrait juger par la régularité du nombre de sinistres comparé
à celui des bâtimens existans, de la constance des causes d’in-
cendies ; mais, quoique ces observations manquent, on peut
( 97 )
regarder comme certain que les causes de la production des
incendies sont constantes , toutes choses égales d’ailleurs. Car ces
causes sont l'imprudenee ou la méchanceté des hommes , et les
causes contraires sont le désir de conserver et l'horreur qu'in-
spirent les incendies. Or, l'histoire nous montre dans tous les
temps les hommes agités des mêmes passions et ne se modifiant
qu’à raison de changemens dans leur situation , qui résultent des
variations dans la civilisation et les institutions sociales. Ils ont
donc aujourd'hui la même incurie, la même imprudence, la
même méchanceté et la même horreur du feu qu'ils ont eue dans
tous les temps, et par suite les incendies quien dépendent, suivent
encore la même loi, toutes les circonstances restant les mêmes.
Nous disons toutes les eirconstances restant les mêmes, parce
qu'elles ne sont plus les mêmes dans les maisons assurées et dans
celles qui ne le sont pas. D'abord les particuliers jugent mieux
que les agens des compagnies des risques que courent leurs
maisons ; ensuite , étant à l'abri des pertes que leur occasionerait
l'incendie, ils deviennent plus négligens ; il est arrivé aussi que
les valeurs assurées étant portées à un prix trop élevé , des par-
ticuliers ont eux-mêmes mis le feu à leur maison ; d'un autre
côté s’il existait des incendiaires qui voulussent se venger d’un
particulier en brûlant sa maison, ils n'auraient plus les mêmes
moyens de nuire et la maison ne serait pas incendiée.
Depuis 15 à 20 ans que les compagnies d'assurances sont
établies en France , cette belle institution y est loin d'avoir
produit les heureux résultats qu'on pouvait en espérer, et le
nombre des incendies a paru augmenter considérablement. Cela
tient-il à une eause qui facilite l'incendie des bâtimens assurés,
ou au plus grand nombre de journaux qui enregistrent les si-
nistres ? Voilà une question qu'il serait fort intéressant de ré-
soudre , mais dont la solution exigerait, pour prononcer avec
quelque certitude , un grand nombre d'observations qui nous
manquent encore; il nous suffit, pour le moment, de faire
7
/
( 98 )
remarquer qu'on ne doit point évaluer les primes d'après des
observations faites sur des maisons non assurées. Dans les tontines
et dans tous les établissemens fondés sur la vie des hommes , on
a remarqué que les individus sur la tète desquels on payait des
rentes vivaient beaucoup plus long-temps que la généralité des
hommes; sans doute parce qu'on peut connaître avec quelque
probabilité les individus qui doivent atteindre un âge avancé et
que les gens aisés, qui seuls ont des rentes, vivent plus long-
temps que les autres.
Quant aux dangers particuliers d'incendie , qui sont ceux qui
menacent certains points connus des bâtimens, nous supposerons
qu'ils seront estimés suivant les cas. Il sera possible cependant
encore de les estimer d’après les observations existantes , par la
même méthode que les risques généraux , lorsqu'on en trouvera
d'assez détaillés pour cela. Au reste, nous ne pensons pas que
dans la pratique ordinaire des assurances , il convienne d’avoir
égard aux risques particuliers. Nous ne ferons voir la manière
d'y avoir égard que pour de grands édifices d'une valeur consi-
dérable et en inème temps pour rendre notre théorie plus
complète.
Quoique la méthode que nous avons donnée dans ce chapitre
pour déterminer la probabilité d’explosion d'incendie soit la
plus régulière, puisqu'elle résulte de l'observation du nombre
des incendies et de celui des bâtimens , nous ne croyons pas que
les observations aient été recueillies avec assez de soin pour
qu'on puisse encore en tirer des résultats suflisamment exacts,
et nous pensons qu'en aftendant qu’on possède un assez grand
sombre de renseignemens, il vaudra mieux juger des chances
par les sommes payées et perçues par les compagnies pour
l'assurance des diverses classes d'édifices et déterminer les
constantes qui entreront dans les formules que nous allons
donner pour les assurances , de manière à ce que ces formules
donnent des résullats conformes à ceux des tableaux statistiques
(99 )
que doivent tenir les compagnies d'assurances ou seulement aux
primes généralement exigées. Les constantes, ainsi déterminées,
devraient ensuite être changées à mesure que des observations
plus nombreuses seraient recueillies.
Cette méthode empirique a l'avantage de ne recueillir les
observations que sur des bâtimens assurés qui paraissent courir
de plus grandes chances que les autres et d'éviter de tomber dans
des erreurs graves en calculant les probabilités d’après un
nombre trop petit d’événemens, ou d’après des observations
inexactes.
Dans ce qui précède nous avons supposé ,
1.0 Que la naissance des incendies devait être regardée comme
ne dépendant absolument que du hasard, et cette supposition à
été appuyée de motifs puissans ;
2.0 Que les observations faites sur les incendies qui ont eu
lieu dans l’espace d’une année parmi un certain nombre de
maisons peuvent être assimilées à celles faites sur l'estraction de
boules noires et blanches d’une urne qui n'en contiendrait que
de ces deux couleurs en nombre inconnu de chacune et dans
laquelle on remettrait la boule extraite après chaque tirage, et
ilest clair aussi que cela peut être, pourvu que les maisons
soumises aux observations soient en très-grand nombre, égal à
celui des boules renfermées dans l’urne. Pourvu encore que les
maisons incendiées soient rebâties ou remplacées ailleurs par
d’autres, pour que le nombre des maisons exposées soit
toujours le même. Il est même clair que quand cela ne serait
pas, il n’en résulterait aucune différence sensible, parce qu'il y a
un grand nombre de maisons soumises aux observations , et qu'il
n’en brüle jamais assez pour que le nombre en soit sensiblement
diminué.
( 100 )
$ HE — De la propagation du feu.
Après avoir donné les moyens d'estimer la probabilité que le
feu prendra naissance en un lieu désigné d’un bâtiment d'une
certaine classe, il ne nous reste plus à apprécier , pour avoir les
deux élémens nécessaires à nos calculs, que la probabilité de
la propagation d’un incendie d'un point à un autre ; ou toutes
celles que l'incendie, dévorant une partie désignée d’un bâti-
ment, se communiquera à toutes les autres parties du même
bâtiment et de ceux adjacens.
C’est sur l'ignorance où l’on est des causes qui peuvent pro-
duire les incendies que nous avons basé nos premiers principes
sur la probabilité de la naissance du feu, et ils ne supposent
rien autre que celte ignorance et la constance de la cause qui
produit les incendies. Nous ne serons pas aussi heureux en trai-
tant de la propagation du feu ; ici les observations sont bien
difficiles à faire et elles ne sont pas recueillies ; nous serons donc
réduits à supposer une loi qui donne la probabilité des divers
ravages que peut produire un incendie éclaté en un lieu donné.
Au surplus, la loi que nous allons admettre n’est pas nécessaire
à notre système , nos calculs définitifs devraient seuls être repris
en yintroduisant une loi nouvelle que l'expérience aurait in-
diquée comme plus exacte.
Quoique les causes de la communication du feu dans les bâti-
mens soient évidentes, et que les lois de la distribution de la
chaleur soient connues au moins approximativement ; comme il
est impraticable d'entrer , pour assurer un édifice , dans le détail
de sa construction intime et souvent occulte, et comme il le serait
bien plus encore de calculer les probabilités de tous les ravages
que l'incendie qui aura éclaté en un point donné, pourrait pro-
duire dans (outes les parties d'un édifice , surtout lorsqu'on doit
( ox }
avoir égard à l'effet des secours et à toutes les causes physiques
et morales dont ils dépendent, nous regarderons comme une
chose impossible le calcul des assurances contre l'incendie
fondé sur la liaison intime des parties occultes des bâtimens,
sur les lois de la distribution de la chaleur et sur l'effet qu'on
peut , dans chaque localité, attendre des secours ;, et nous nous
contenterons de les baser sur l’observation de ce qui se passe
ordinairement.
Gommençons par examiner ce qui se passe dans l'incendie
d'un bâtiment simple , de base rectangulaire ; sans étage et de
développement unitaire. Par développement, nous entendons
ici la longueur en matériaux combustibles que présente la coupe
perpendiculaire à la longueur du bâtiment. Il est essentiel de
se rappeler que la longueur prise pour unité de développement
doit être assez grande nour que l'incendie d'une aire unitaire
soit assez notable pour figurer dans les registres où les incendies
sont inscrits, [| me semble qu'il serait convenable de prendre le
décamètre pour cette unité de développement.
Nous n’esaminons pas ici les circonstances extrêémement com-
pliquées de la naissance des incendies. La connaissance de cc
qui se passe alors n'est pas nécessaire pour résoudre la question
qui nous occupe : parce que nous ne donnons le nom d'incendie
qu'au feu déjà développé, brûlant à la fois, dans le bâtiment
simple et sans étage que nous considérons, tous les matériaux
combustibles dans le sens de la largeur , et marchant à droite et
à gauche dans le sens de la longueur de l’édilice ; car les incen-
dies minimes, n'étant point notés, ne peuvent être comptés ici.
Cela posé, il est clair que l'incendie développé dont nous par-
lons , marchera en continuant à brûler à la fois toute la hauteur
et la largeur du bâtiment , jusqu'à ce qu'on parvienne à l’étein-
dre, et qu'il s’avancerait avec une vitesse accélérée si les secours
que l’on apporte ne ralentissaient sa marche : car plus la partie
qui est menacée de brüler reçoit de calorique rayonnant des
( 102 })
matières embrâsées qui l'avoisinent , plus vite elle aura atteint
le degré de chaleur auquel elle s'enflamme; mais cette vitesse
accélérée de l'incendie tendra toujours à devenir uniforme.
Que cet incendie, libre dans l’origine, vienne ensuite à être
combattu par des secours, sa vitesse, d'accélérée qu'elle était,
deviendra décroissante après un certain temps; bientôt, les
secours augmentant toujours, et l'ardeur du feu étant déjà
diminuée sera nulle : l'incendie sera fixé dans la partie que les
flammes ont déjà commencé à dévorer. Ceux qui ont su com-
battre l'incendie dans toute sa force l’empêcheront facilement
de s'étendre et ne tarderont pas à l’éteindre.
Lorsque les incendies sont considérables et que les secours
dont on peut disposer ne sont pas suflisans pour les combattre
directement , on fait ordinairement la part des flammes et on ne
s'occupe qu'à couper les communications entre cette part et le
reste qu'on s'efforce de conserver ; c’est même ce qui arrive le
plus souvent. C'est pourçuoi nous nous sommes fort étendu sur
le cas dans lequel on peut considérer chaque partie comme
entièrement consumée lorsqu'elle est atteinte par l'incendie.
Dans ces deux cas, plus il y a de matières actuellement en com-
bustion , plus il y a de danger que le feu se propage aux parties
voisines ; mais aussi, en général, plus l'incendie a déjà fait de
ravages, plus il y a de temps écoulé depuis sa découverte, et
plus il est arrivé de personnes qui travaillent, tant à éteindre
les matières enflammées qu'à couper et à garder les voies que
l'incendie pourrait prendre pour s'étendre.
Le calorique rayonnant des matières déjà embrâsées et l'effet
des secours sont donc deux causes qui produisent des effets
inverses sur la marche du feu, Nous admettrons que l'effet des
secours allant toujours croissant , comme celui du feu, la pro-
babilité que l'incendie, ayant brülé un certain élément de maison,
se communiquera à l'élément suivant reste loujours la même,
quel que soit le lieu où l'incendie ait pris naissance.
( 1 3 }
Examinons maintenant la manière dont se propage un incen-
die dans un bâtiment rectangulaire , simple et sans étage, comme
le précédent, mais d'un développement quelconque D.
IL est clair que plus les planchers , la toiture et les autres
parties combustibles de ce bâtiment auront de développement
ou de longueur totale dans le sens de la largeur de l'édifice,
plus l'incendie qui brûle à la fois toute cette largeur aura de
force; plus chaque partie qui est sur le point de prendre few
recevra de chaleur , et moins au contraire elle éprouvera l'effet
des secours, puisque l’eau ou les autres moyens employés à
combattre l'incendie devront être partagés sur un plus grand
nombre de parties prêtes à brûler. Désignons maintenant par a
la probabilité supposée connue par l'observation des sinistres
antérieurs, que dans un bâtiment de développement unitaire ,
l'incendie arrivé à un certain point se propagera à une longueur
unitaire de plus ; et par « la probabilité semblable pour le bâti-
ment actuel qui a un développement quelconque D. % devra
être une fonction de a et de D, telle que
10 à a — o corresponde x — 0
20 DAIDE oies ro ee
3.60pa0r DE +440 ed idee ny vg
40 à D = œ —;id == x —=1…1
5.0 «x doit croître en même temps que a
6G.o id. id. —— D
et enfin, que, quels que soient D'et a, la probabilité 4 ne puisse
surpasser l’unité, qui est l'expression de la certitude, Si l’on
regarde « et D comme les ordonnées et les abcisses d’une courbe,
les trois dernières conditions reviendront à trouver l'équation
q
d’une courbe qui passe par l’origine, dont l'ordonnée corres-
qui p P ;
pondante à l’abeisse 1, soit a et qui ait pour asimptote une
droite dont l'équation serait = 1.1] yaunc infinité de courbes
(164)
qui satisfont à cés rois conditions; mais la plus simple des
courbes ayant une ashnptote rectiligne étant une hÿperbolé équi-
latère , c'ést par uné de ces courbes que nous réprésentérôns la
relation qui existe entré « et L).
Pour cela désignons par K chacun des axes d’une hyperbole
équilatère , et par æ, y les coordonnées de cette courbe rap-
portée à ses asimptotés , prises pour axes dés x positives et dés
y négatives, son équation sera
æy = — K*°.
Pour faire remplir à cette courbe la condition que l’équa-
tion de son asimptote parallèle aux x soit y'= 1 il faut la
rapporter à un nouvel axe des x’ tel que y = y" — 1, ce qui
donnera l'équation
o
z(y—1) = — K°
dans laquelle à y' — o correspond x — K?.
Enfin, pour que la courbe passe par l’origine ; il faut encore
transporter l’axe des y parallèlement à lui-même , de K° vers
les x positives, en faisant x — x" + K°?, ce qui transforme
l'équation de l’hyperbole en
(z'+K°) (y'— 1) = — K:°
ou en mettant D pour x’ et « pour y’
(D +K°) (a 1) = — K°
Cette équation satisfait aux 2.e et 4.e conditions et hous
allons déterminer K de manière à ce qu'elle satisfasse à la 3.t ;
il suffit pour cela de remplacer D par 1 et z par a, ce qui
donne l'équation
( 105 })
(1 +K')(a—1)=—kK
d'où l'on tire K? —
a
Ce qui donne pour la relation cherchée entre D et &
(v+—=) CES El
a
d'où l’on tire
aD
2
1—a+aD
XL —
équation qui satisfait aux quatre premières conditions, et qui
satisfait aussi aux deux dernières, ainsi qu'on peut le recon-
naître en différentiant par rapport à a et par rapport à D. On
a en effet après les réductions
A D |
da (1—a+aD}
8 8 dl a(i—a)
dy (i=a+aD*)
Or, à étant une fraction plus pelite que l'unité 1 — à est
üné quantité positive. Ainsi ces deux coefficiens différentiels
sont toujours positifs , et par conséquent « croît toujours avec &
et avéc D, ce qu'il fallait prouver.
La formule ci-déssus de u , quoique trouvée d'une manière
empirique, satisfaisant à toutes les conditions et étant la plus
simple dé toutes les formules analogues qui jouissent de ces
proptiétés , doit être choisie de préférence à toute autre,
( 106 )
Nous exprimerofs donc par la formule
a D
Nes
la probabilité que dans un bâtiment de développement D,
le feu, parvenu à un point quelconque, avancera d'une longueur
unitaire de plus : à désignant la probabilité semblable pour un
bâtiment de développement unitaire.
Nous ne nous sommes pas dissimulé que dans une théorie
spéculative il aurait été préférable de ne supposer aucune loi
dans la probabilité de propagation du feu, ou plutôt de supposer
que cette probabilité suit une progression quelconque, crois-
sante ou décroissante avec la distance déjà incendiée: de sorte
que x représentant la longueur déjà brûlée, la probabilité que
l'incendie arrivé à une distance x du lieu où il a pris nais-
sance se communiquera à une distance unitaire de plus, soit
a+ ux. a et étant deux constantes , et « pouvant être posi-
tive ou négative , suivant que la progression serait croissante ou
décroissante. Nous avons fait des calculs dans cette hypothèse,
mais ils ne pourraient que satisfaire la curiosité des lecteurs,
car les formules qui en résultent sont inapplicables, par leur
extrême complication , et nous tenons à présenter des méthodes
praticables ; il n’est point probable d’ailleurs qu’on connaisse
assez , d'ici à longtemps , la marche des incendies, pour pouvoir
déterminer les deux constantes a et x. ; c’est déjà beaucoup que
de déterminer à-peu-près la première a en regardant la seconde
comme nulle, ou de déterminer la probabilité de la communi-
cation du feu en la regardant comme constante pendant toute
la durée de l'incendie. Quand cela ne serait pas nécessaire pour
ne pas sortir de ce qui est praticable, il est à croire que serait
encore regardé comme nul; parce que , si cette quantité n'est
pas telle, elle est toujours extrémement petite. En effet, dans
(107)
les édifices ruraux, où il y a peu de secours à espérer, on en a
peu aussi au premier instant, de sorte que la propagation du
feu est toujours fort probable dans tous les instans et peut être
regardée comme constante; dans les grandes villes, le grand
nombre d’habitans qui circulent à toute heure fait croire que
l'incendie à peine déclaré sera découvert et combattu avec eflica-
cité, de sorte que la probabilité de la propagation y restera
toujours petite et à peu près constante aussi, pendant toute la
durée de l'incendie. Elle serait constante encore dans un incen-
die abandonné à lui-même ; car dans ce cas il est fort probable
que le feu ne s’arréterait que lorsqu'il ne trouverait plus de
matière combustible ; la probabilité de la communication serait
donc toujours à peu près égale à l’unité, et par conséquent
constante pendant toute la durée de l'incendie.
Cette loi de la constance dans la probabilité de propagation
d'incendie, nous l’admettrons également pour un bâtiment
séparé en différentes parties par des cloisons. Ges cloisons, outre
qu’elles peuvent arrêter l'incendie, fournissent aux travailleurs
un moyen commode de le combattre en le coupant ou en em-
ployant tous leurs efforts à empêcher seulement la communica-
tion au-delà de la cloison ; dans ce cas, qui est celui ordinaire
des bâtimens d'habitation, on peut considérer l'incendie comme
marchant par sauts brusques d’une pièce à la voisine, et pour les
assurances générales, dans lesquelles on néglige les différences
qui peuvent exister dans les chances de propagation au-delà de
diverses cloisons , nous supposerons encore qu’à chaque cloison
il y a une probabilité égale d'éteindre le feu, quelle que soit
la grandeur de la partie déjà consumée depuis l’origine de
l'incendie.
Ce que nous venons de dire sur la propagation des incendies
ne doit s'entendre que de la propagation dans le sens horizontal ;
pour le sens vertical, on ne peut plus admettre que la probabi-
lité de communication d'un étage à l’autre reste la même,
( 108 )
quel que soit le nombre des étages en feu. La flamme , et plus
encore là fûmée, empêchent de porter secours dans les parties
supérieures à l'incendie ; la chute des matériaux en feu produit
un effet semblable pour les parties inférieures ; ensuite les édi-
fices élevés font , lorsque la flamme les a percés, l'office d'un
tuyau de cheminée, et le tirage qu'ils produisent augmente l'in-
tensité du feu. La probabilité de propagation augmente donc
toujours ici avec le nombre des étages en feu , et cette probabi-
lité est beaucoup plus grande de bas en haut que dans le sens
opposé.
Nous désignerons par a et b respectivement la probabilité de
communication d'incendie de l'étage ‘dans lequel l'incendie a
pris naissance à celui supérieur et à celui inférieur. 1 — a et
1 — à seront donc respectivement les espérances d'éteindre le
feu avant qu’il se soit communiqué à l’un ou à l'autre de ces
étages. Dès que plusieurs étages seront en feu à la fois, le danger
augmentera et nous admettrons qu’au-dessus comme au-dessous,
les espérances qu'on a d'éteindre l'incendie avant qu'il ait
atteint un nouvel étage sont en raison inverse du nombre des
étages en feu. Ainsi, par exemple, le feu prenant au deuxième
élage, les espérances qu'on a de l'éteindre avant qu'il se soit
communiqué au troisième et au premier sont 1 — a et 1 — b.
Si ensuite les deuxième, troisième et quatrième étages brülent
à la fois, les espérances que le feu ne ‘se communiquera pas au
- AA : 1 4 1 — b
cinquième et au premier seront TE et TB
Nous avons démontré dans le chapitre précédent qu'en par-
tageant an édifice en un certain nombre de parties égales,
loutes doivent être regardées comme également exposées aux
dangers généraux de naissance d'incendie. Néanmoins elles
courent des risques très-différens, parce qu'il faut compter
( 109 }
aussi les risques de l'incendie communiqué, qui diffèrent suivant
la position des parties. Malgré cette différence, si l’on représente
les valeurs assurées dans les parties 1, 2, 3,....,n, par
S,3 Say... S\ dont la somme égales, et les probabilités
d'incendie des diverses parties par une cause quelconque, sont
Par Pas Par vente Pas dont la somme est n'; je dis 1.0 que si
l'on ignore la position des objets assurés on devra payer l’assu-
rance d'une quelconque des parties une somme égale au produit
de la probabilité d'incendie de cette partie par le 7.me de la
somme totale des parties assurées, ou par la moyenne des sommes
assurées.
2.° Que si l’on ignore aussi la probabilité d'incendie de la
partie qu'il est question d'assurer, son assurance est égale au
produit de la probabilité moyenne, par la somme moyenne ;
3.0 Que l'assurance de toutes les parties réunies est égale à
la probabilité moyenne par la somme totale des objets assurés.
Dans le premier cas, celui où il est question d’assurer une
partie quelconque, celle N.0 K, par exemple, si l’on connaissait
la somme s, pour laquelle elle est assurée, on devrait donner
pour l’assurance, suivant le principe de l’espérance mathéma-
tique, px. sx; mais comme on connaît seulement la somme
totale s des objets assurés, et que ces objets peuvent n'être
détruits qu’en partie, on doit les concevoir partagés en un
nombre infini de parties de valeur infiniment petite ds. Il n'y
a, par hypothèse , aucun motif de croire que l'objet élémentaire
se trouvera plutôt dans une des x parties que dans l’autre;
I
par conséquent — est la probabilité qu'il se trouvera dans la
n
ds
partie N.o K ; ainsi son assurance sera 7, — et si l'on désigne
ALL
par z l'assurance cherchée, on aura
( 110 )
PR. ds
= fr#
L'intégrale étant prise entre les limites o et s. En intégrant,
s 4
il vient z— px — , ce qu'il fallait premièrement démontrer.
n
2.0 Si l’on ignorait et la position des objets assurés et la pro-
bahilité d'incendie px de la partie qu'il est question d’assurer
pour déterminer l'assurance z à payer pour la partie désignée,
nous remarquerons d’abord que si la somme totale s des objets
assurés vient à augmenter de ds, comme on n’a aucun motif
de croire que le nouvel objet infiniment petit se trouve plutôt
dans la partie À que dans une des 7 — 1 autres, on a
SE DOUTE
n
Supposons maintenant que la probabilité moyenne p augmente
d'une quantité infiniment petite dp, à raison de l’augmentation
n dp des chances d'incendie d'une seuledes parties : comme on
n’a pas non plus aucun motif de croire que c’est celle No K
plutôt qu’une autre, on a
I
dal vai
Pr ca ndp
qui donne en intégrant 4j —: p; en substituant cette valeur de
px dans celle de dz il vient
dz —=p. —
n
d'où l’on tire enfin en intégrant depuis s = o jusqu'à s = S
ce qu’il fallait secondement démontrer.
Enfin, comme d'après ce qui précède l'assurance de chaque
> S
artie est MERS celles des 7 parties ou l'assurance totale est
P x B
égale à p S ; c’est-à-dire au produit de la probabilité moyenne
par la somme totale, ce qu'il fallait troisièmement démontrer.
Nous avons cru devoir appuyer sur les notions préliminaires
parce qu’elles renferment les bases des calculs qui vont suivre,
et que ces bases consistent dans des hypothèses plus ou moins
susceptibles de contestation, qu’on ne saurait distinguer trop
soigneusement des vérités mathématiques. Avant d’entrer dans
notre théorie nous allons rappeler ici les principes posés dans
ces préliminaires et les hypothèses que nous avons dû faire.
1.r€ Hypothèse.— Les compagnies, en assurant contre l’incen-
die, ne peuvent pas ou ne veulent pas entrer dans l’examen
détaillé de la construction intime des édifices ni des causes qui
pourraient rendre plus ou moins facile la naissance ou la com-
munication du feu dans une partie d’un bâtiment plutôt que
dans une autre, non plus que dans l'examen du lieu qu’occupe
chaque objet assuré.
2.me Hypothèse. — Les incendies proviennent uniquement du
hasard et leur cause est constante ; ou l’on n’a aucun motif de
croire que toute chose égale d’ailleurs, l'incendie d’un bâtiment
sera plus ou moins facile qu'il l’a été précédemment. Il résulte
de là que l'observation des sinistres antérieurs peut faire con-
naître la probabilité que le feu éclatera dans une partie de gran-
deur donnée d’un bâtiment de la même nature et qui doit
servir aux mêmes usages que ceux qui ont été soumis aux
observations.
( 112)
3.me Hypothèse. — Dans un bâtiment simple ct sans étage
l'incendie marche dans le sens de la longueur, en consumant
toute la largeur, et lorsqu'on ignore l’ardeur qu’aura le feu en
arrivant à un point donné, l'espérance qu'on a de l’éteindre
avant qu'il se soit avancé d’une certaine longueur reste toujours
la même pendant toute la durée de l'incendie.
Si le bâtiment est coupé par des cloisons, l'espérance qu'on
a d’éteindre le feu à chacune d'elles sera la même quel que soit
le lieu où l'incendie ait pris naissance.
Définition. — Dans un bâtiment simple et sans étage, nous
appelons developpement la longueur totale de la largeur de ses
planchers, de sa toiture et de ses autres parties combustibles,
largeur que l'on voit dans la coupe du bâtiment faite dans le
sens de sa largeur.
4e Hypothèse. — a exprimant la probabilité de propagation
d'incendie dans un bâtiment de développement unitaire, la pro-
babilité semblable « pour un bâtiment de développement quel-
conque D sera
a D
1—a+aD
A —
ou dans un bâtiment composé de plusieurs corps que l’on regarde
comme devant être brûlés par sauts brusques sans qu'il y ait
d'espérance d’éteindre le feu ailleurs qu'aux eloisons qui séparent
ces corps de bâtiment , et a désignant la probabilité du passage
à une cloison dans un bâtiment de développement unitaire; la
probabilité semblable pour un bâtiment de même nature et de
développement quelconque D, sera donnée par la mème expres-
sion que ci-dessus. La légitimité de eette hypothèse est suffisam-
ment prouvée ci-dessus.
5.me Hypothèse.— Dans l'incendie d'un bâtiment à plusieurs
étages , assez petit pour que chaque étage brûle entièrement en
même temps, nous regarderons comme différentes les probabi-
(#13)
lités de propagation du feu de bas en haut et de haut en bas,
et nous admettrons que lorsqu'un nombre quelconque ? d'étages
brûlent à la fois, l'espérance qu’on a d’empécher l'incendie de
consumer un nouvel étage est la z"° partie de ce qu’elle était
lorsqu'un seul étage était en feu.
PREMIÈRE PARTIE.
Assurance des édifices dans lesquels une pièce peut étre con-
sidérée comme brülée entièrement dès que l'incendie a
entame une de ses parties.
Quoique les parties qui composent les édifices ne brûlent point
tout d’un coup, la méthode qu’on emploie pour combattre les
incendies et la réverbération de la chaleur contre les murs, font
que, dans les édifices ordinaires, les diverses pièces sunt très
souvent , ou sauvées de l'incendie, ou brülées entièrement. Ainsi
le cas que nous considérons ici trouvera beaucoup d'applications.
Considérons une maison très-petite qui brûle entièrement dès
que l'incendie y éclate, et supposons d'abord qu’elle soit isolée
ou qu'elle ne puisse être brûlée par un incendie déclaré ailleurs.
Donnons-lui le N.0 o et représentons par À, la probabilité que le
feu y éclatera dans le cours d’une année, et par $, la partie de la
somme pour laquelle la maison et son mobilier sont assurés qu’il
faudrait rembourser en cas d'incendie. Il est essentiel d'observer
que , comme il y a des matériaux et de meubles incombustibles ,
et qu'on parvient ordinairement à sauver une parlie des meubles,
la somme à rembourser en cas de sinistre est presque toujours
moindre que celle pour laquelle l'édifice et le mobilier qu'il ren-
ferme sont assurés. Nous nous contenterons à ce sujet d’avoir fait
cette remarque, et, pour abréger, nous dirons quelquefois la
somme assurée ; mais il sera entendu que c'est seulement la partie
de cette somme qu'il faudrait rembourser en cas de sinistre que
nous désignons ainsi.
(416 ?
Nous avons fait voir au chapitre Ler que c'est d’après le prin-
cipe de l'espérance mathématique que les compagnies doivent
calculer leurs primes, et qu'ainsi la somme qu’elles doivent exiger
pour l'assurance annuelle de la maison considérée est Ao Se. Il
est encore entendu que cette somme n’est que la partie de la
prime destinée à payer les sinistres, et que la compagnie devra
en outre demander ce qui lui est nécessaire pour ses frais de
gestion et son bénéfice. Il faut encore se rappeler, avant d’aller
plus loin, que la probabilité d'incendie d’une maison dans le
cours d’une année n’est point un évènement simple. Nous sup-
posons ici qu'immédiatement après un incendie total ou partiel
la maison est rebâtie sur le même plan et continue à courir les
mêmes chances, Ào est donc la somme des probabilités que l’in-
cendie aura lieu à chacun des instans de l’année; par conséquent,
cette quantité, quoique très-petite dans les cas ordinaires , peut
être supérieure à l'unité. C’est ce qui aurait lieu si le nombre des
incendies qui éclatent annuellement étaitordinairement supérieur
à celui des maisons existantes.
Supposons maintenant que la maison No o, que nous avons
considérée, soit contiguë à une autre de même espèce N.0 r placée
à sa droite. À, indiquant la probabilité que le feu éclatera dans
l’année dans celte nouvelle maison , et 4, celle que le feu , ayant
éclaté au No r, se cominuniquera au N.0 0. La probabilité de
l'évènement composé, savoir que le feu éclatera dans l'année au
No 1, et que s’y étant déclaré il se communiquera au No, est
À, a, ,et comme la maison N.o o est toujours soumise aux chances
d'incendie par le fait de la maison voisine , puisqu'en tous cas
les édifices incendiés sont censés reconstruits immédiatement ;
l'existence de la maison N,o 1 est une nouvelle cause indépen-
dante de celles qu’elle porte en elle-même, par laquelle elle peut
être brûlée. La probabilité de son incendie dans l'année, qui est
la somme des probabilités des deux causes indépendantes, est
et son assurance doit être S, (À, +AÀ, a,).
donc À, + À, a,
( 116 )
Supposons maintenant qu’à côté de la maison N.o 1 il s'en
trouve encore une N.o 2. À, désignant la probabilité que le feu
éclatera dans l'année dans cette maison , et a, la probabilité que
le feu, y étant allumé, se propagera au No 1. L'existence de cette
nouvelle maison sera pour celle N.o o une nouvelle cause d'in-
cendie indépendante des deux autres. La probabilité d'incendie
du Nc o sera donc accrue de la probabilité de l'évènement com-
posé de ceux-ci : 1.0 que le feu éclate au N.0 2; 2.0 qu'il se com-
munique du N.o 2 au No 1, et 3.0 qu'il se communique encore
du No 1 au No o, probabilité qui est À,.a,.a,. La probabilité
d'incendie de la maison considérée est donc, dans ce cas,
A,+A,a,+A,a a, et son assurance est égale au produit
de cette dernière quantité par $, .
Les raisonnemens que nous venons de faire s’appliquent faci-
lement à un nombre quelconque de petites maisons contiguës
placées sur une ligne non fermée. Ainsi , si à droite de la maison
N.0 o considérée se trouve un nombre quelconque 2 de maisons
contiguës ; en désignant en général par À, la probabilité de nais-
sance d'incendie dans une quelconque N.o x de ces maisons , et
par a, la probabilité que le feu , étant dans cette maison, se pro-
pagera à la voisine N.o x— 1. La probabilité d'incendie dans
l'année de la maison N.0 0 sera
Aç+A,a,+A,a. a, +Aja, a,a;.....+A, a a,a3...4,
puisque, pour que la maison considérée brûle par le fait de l’une
quelconque N° x du groupe, il faut le concours de tous ces
évènemens indépendans :
La naissance du feu en x, dont la probabilité est A°,
La propagation du N.0 x au N.o x — 1, dont la prob. est a,
Mare Le Leeds Aie Don Uisue 448 MODES
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ME lee ee ee dome JU fe oo ee DE
een Lena e oo due es COR
| |. ei UN PNR Lo nine cet OU ee sets idoles a,
(711)
La probabilité de l'évènement composé est donc À, a, (ACT 3e
qui est précisément le terme général de l'expression ci-dessus.
On arriverait au même résultat en désignant en général par
gx la probabilité que le feu se communiquera du N.ox au Noo,
xx, sera celle du N.o x + 1 : Or, pour que l'incendie se com-
munique de x+1 à o, il faut d'abord qu'il se propage du
No x + 1 au No x; évènement dont la probabilité est L'AP AE
el ensuite du N.o x au N.o o, évènement dont la probabilité est
g;5 et comme ces deux évènemens sont indépendans, on a
Jar = Ayys y En intégrant cette équation aux différences,
ou en multipliant membre à membre la série d'équations qui ré-
sulteraient des différentes valeurs de l'indice, on aurait
fx —= 4, 4, 43..... 4,5 puis, en multipliant cette probabilité
de propagation par celle de naissance d'incendie, on aurait la
même valeur que ci-dessus. Je ne donne cette solution analytique
que comme un exemple de la méthode qui conviendra pour ré-
soudre des questions plus élevées.
Si la même maison avait encore à sa gauche un nombre » de
inaisons contiguës , en exprimant les probabilités relatives à leur
incendie par le même symbole que précédemment; mais dan s
lesquels les indices seront à la gauche au lieu de la droite, la
probabilité d'incendie de la maison considérée , probabilité que
je désigne par ,P,, , sera
A+ A, a,+Â,a,a,+A3a,a,a;…..+AÀ a a,as.a,
Ps
+ À a+, A a,a+3À a asa….+ À a as;a…. a
n m
En désignant également par ,U,, l'assurance de la maison con-
sidérée qui est contiguë à une ligne de »2 autres à droite et de n
autres à gauche , et en désignant toujours par So la somme qu'il
faudrait payer en cas de sinistre, on a
Aç+A,a,+A,a,a,+A3a, a, a3..,...
.…....+AÀ,4aa,....a,
a Um = So +, a+, À a, a+ 3 a aa... (a).
RL EU PU EU TETE
(118 )
Supposons qu'outre les maisons du problème précédent il se
trouve en contact avec les maisons N.0 7»/ à droite et n! à gauche,
un embranchement perpendiculaire de y maisons à droite et de »
à gauche. En employant les mêmes symboles que précédemment ,
dans lesquels les lettres porteront un accent pour désigner les
probabilités d'incendie des maisons de ces embranchemens et en
leur donnant les Nos 1, 2,.... pu à partir de m'etr,2,....
à partir de »/, il est clair que l'existence de ces embranchemens
rendra la chance d'incendie du N.0 o la même que si les FRobax
bilités À, A étaient accrues de
A',a,+A,a,a,...... +pÂ'aa.....a
Le ere lb
et de JA ,a'+ À a ,a...... +, a a". a (3)
qui sont les probabilités d'incendie des maisons N.0 2! à droite et
n' à gauche de la ligne principale par le fait des embranchemens.
Il faudra donc , dans ce cas, ajouter ces probabilités respective
ment à celles À, A de la formule (1).
En général , lorsqu’à une ligne principale viendront aboutir
des embranchemens à certaines maisons, il suflira d'ajouter aux
probabilités de naissance d'incendie dans ces maisons les pro-
babilités qu’elles seront incendiées par un incendie allumé dans
chacune de celles de leurs embranchemens respectifs.
Dans les expressions ci-dessus les divers termes se rapportent
aux chances d'incendie que font courir à la maison considérée
N.0 o les maisons de la ligne principale dont le numéro à drvite
ou à gauche est indiqué par l'indice aussi à droite ou à gauche
des lettres À et celles des embranchemens désignées par les in-
dices des lettres A’. Si la compagnie d'assurance pouvait exercer
efficacement son recours contre les propriétaires ou locataires des
maisons qui auraient causé l'incendie, il est clair qu'il ne fau-
drait pas tenir compte des termes représentant les chances d'in
cendie provenant de l'existence de ces maisons ; et, en général,
Card )
si le groupe de maisons! appartient à différens propriétaires,
chaque terme Ai a; a; :..!, ax devra être multiplié par la
probabilité que la maison No o étant incendiée par un incendie
provenant de celle N.o k, on ne sera pas remboursé par le pré
priétaire ou le locataire de cette maison N.°%.
Il faut considérer les maisons dont nous avons parlé jusqu'ici
comme des élémens de maison dont l’ensemble ne forme le plus
souvent qu’une seule propriété qu'il est question d'assurer entié-
rement ; alors il n'y a point de recours à exercer, et pour avoir
l'assurance totale, il faut prendre la somme des assurances de:
toutes les parties élémentaires que nous avons appelées maisons.
Ainsi, par exemple, pour assurer des édifices ruraux, il faut
d’abord avoir déterminé les probabilités qu'un incendie éclatera
dans l’année dans les différens corps de bâtiment, tels que grange,
écurie, étables de diverses espèces, remises, habitations , etc.,
ce sera les quantités À; puis il faudra estimer les probabilités
que le feu, étant dans un des corps ; se communiquera à celui
contigu. On estimera pour cela les probabilités moyennes de com-
munication d'incendie d’un bâtiment d’une construction à un bà-
timent d’une autre; par exemple, d’un bâtiment en pierre et cou-
vert en chaume à un autre en {orchis et couvert en pannes. On
aura ainsi la quantité a et il ne s’agira plus que d'appliquer la for-
mule (2) à chaque corps de bâtiment de l'édifice et de prendre
la somme des assurances de tous les corps.
Il est un cas qui se présente souvent dans les bâtimens des
fermes et auquel les formules précédentes ne peuvent s'appliquer.
C’est celui où les bâtimens sont construits autour d'une cour et
forment une ligne fermée. Dans ce cas, l'incendie déclaré sur un
point quelconque peut se communiquer à chacun des autres de
deux manières, en se propageant dans l’un et l’autre sens ; les
dangers y sont donc plus grands, et il serait à d‘sirer qu'une
juste appréciation des chances fit élever la prime dans ce cas
et modifier cetté manière de bâtir.
( 120 }
Cherchons l'assurance d'un corps quelconque Ne o dans un
édifice bâti autour d’une cour et se rejoignant par les deux bout s.
Soit S, la somme qui serait à rembourser en cas de sinistre et
le nombre des corps analogues que nous supposons numérotés de
gauche à droite 1, 2, 3....(m— 1). Désignons encore par À,
en général la probabilité que le feu prendr a dans l’année dans
le corps Nozx; par a, celle que le feu, après avoir brûlé le
No x, se communiquera à celui æ— 1, et enfin par 4a celle
que le feu, après avoir brûlé x, se communiquera de l’autre sens
auNezx+ 1.
Dans le cas actuel , l'incendie éclaté dans un corps quelconque
N.o x pourra brûler celui N.o o en marchant de droite à gauche
ou en sens inverse. Les probabilités de ces deux évènemens sont
A a
T Li 2
= («49 x+s4 434 ..s.. n@
Comme le corps considéré peut être brûlé de deux manières
par l’effet d’un évènement unique, que dans le cas où il serait
brûlé de l’une des manières , on ne reconstruirait pas immédia-
tement assez vite pour qu’il pût encore être brûlé par l'incendie
marchant de l’autre sens; il faut, pour avoir la chance prove-
nant de la case x, déduire de la somme des deux probabilités ei-
dessus celle que l'incendie se propagera jusqu’au N.o o dans les
deux sens à la fois. Or, cette dernière probabilité est celle du
concours de trois évènemens indépendans; savoir : 1.0 la nais-
sance du feu en x’; 2.0 la propagation du feu de x à o de droite
à gauche, dont la probabilité esta, a,....., a, ; 3.0 sa propa-,
gation dans l’autre sens , dont la probabilité est . “4
1 +2
La probabilité de l'évènement composé est donc
nl
Au. ma:
À,. a, Ai lyoroues a, . æ+aZ gastro ma;
( 121 )
et celle de l'incendie du No o par la cause du N.o x est
A, A, Ag Agovenoe Ge pr ppadese ose mA
Gi G Bpuin se ue qu à store 0 | (4)
Pour avoir maintenant la probabilité que le corps N.0 o sera
incendié par une quelconque des causes qui le menacent; comme
l'édifice est censé rebâti immédiatement après un incendie quel-
conque , et qu’ainsi toutes les causes agissent indépendamment
les unes des autres, il faut prendre la somme des expressions
semblables formées en donnant à l'indice x tous les numéros. On
a donc, en désignant par le symbole (P,,) la probabilité que,
dans un groupe d'édifices formant une ligne fermée et composée
de m corps, le corps N.0 o sera brûlé dans l’année.
(P
om) —=
A
+ À, (a, COCO
0
sons + ge fle ml À, A JA jlerrere mt)
AOC men. SUHE US sn al ed Cur te 0e
vos GA Glen A A, GA pleeree mA)
+ À; (a, a, CÉDRIC E EEE (5)
os H GA glisse pl — A Ag Ag pa sers mA)
Mo ls sein bel vleSle his es eee sole s ele latence Le e sin ee °°»
PERS ses orale ne nie s ses ee ec 9e celine se aie e eo : © + e ele
510 Ne (a, a, Agerrossssssesossesee ae,
+ mé, 4 d..see na me)
Si on suppose, ainsi que cela est exact en général, que la pro-
babilité de communication de l'incendie au-delà des cloisons qui
séparent les corps de bâtiment, est la même lorsque l'incendie
(22 )
marche dans un sens où dans l’autre, il en résultera en général
Ayyx —= ça et expression ci-dessus deviendra
CPAS
A5
PE CE + 4, A3 pere Am)
" +A, (a a, + dde sn 14m)
= +A; (a, a, a3..,., + Age see, Am) (6)
Hu...
+...
DA (A, A, Gi us ce a, Ne MUR)
— |A, +A, Ass... À, a, a, ass à
L'assurance du corps N. o sera So (P,m). On calculera de
même celle de tous les autres corps de l'édifice, puis on prendra
leur somme pour avoir l'assurance totale.
Supposons maintenant qu'à l’une ou à plusieurs des maisons
No m',n!,etc., viennent aboutir des embranchemens com-
posés dev”, v', etc; maisons. Il suffira, pour trouver l'assurance,
m ? A
d'incendie dans ces maisons , de la chance qu'elles courent par
d'augmenter les probabilités À etc., de la naissance
n ?
le fait de l'existence de toutes celles qui composent lestembran:
chemens qui viennent les joindre; c’est-à-dire que À, par
exemple, devra étre augmenté de
A',a,+A,a,a,+A';a, «a, d'y Al, aa: dE (7)
en désignant comme précédemment par un accent les probabi-:
lités relatives aux maisons du premier embranchement.
Enfin , s'il était question d’assurer une maison d’un des em-
branchemens, celle N.0 0’, je désigne par /” le nombre de
maisons depuis o’ jusqu'au bout de l'embranchement , et par
! le nombre de celles qui séparent le N.0 o’ de l'édifice cireu-
laire; je calcule comme précédemment la probabilité d'incendie
( 125 )
par le fait de tous les corps de bâtiment ; hormis ceux de l’emi-
branchement dont la maison à assurer fait partie. On n'aura plus
égard alors qu'aux maisons de l’embranchement et à celle de
l'édifice circulaire auquel elles aboutissent, et le problème sera
ramené à assurer dans un groupe d’édifices en ligne une maison
qui en a f' à sa gauche et k+1 à sa droite. La probabilité
Ak,, sera (P,,,,) donnée par la formule (6).
On résoudrait avec la même facilité tous les cas analogues.
Les formules qui précèdent font connaître les assurance: que
nous avons appelées particulières, dans lesquelles on a égard à
la valeur de chaque partie des édifices et des meubles qu'ils ren-
ferment. Ces formules ont l'inconvénient d’être fort compliquées
et de dépendre d’un grand nombre d'élémens que souvent on
ne connaîtra pas suffisamment. C’est pour cela que lorsqu'on
n'aura point de motif de croire qu'un des corps soit plus exposé
qu'un autre à donner naissance à l'incendie , et que les cloisons
présenteront toutes à peu près le même obstacle à la propagation
de l'incendie, il conviendra, dans la pratique, de regarder
comme égales toutes les probabilités À,, À,.... etc. de nais-
sance d'incendie , ainsi que toutes celles a, &, a3,... etc. de
propagation d’un corps à celui voisin. En faisant
À À
I 2
et a
I
À ——Netts
1 a, —
La formule (2) donnera alors
&
az SHerCe
3 ni
LR M AN Ends falae Les
Un =$, À |
ESS ACE ASUS A
Chaque ligne de l’accolade forme la somme d’une progression
géométrique qui peut ètre écrite sous forme finie au moyen d’un
théorème connu ; ce qui donne
af Wi+ 1 SL n+1i
se He ( TRS Jen
1—4
(124)
Cette expression étanl en fonction de "= et n fait voir que l'as-
surance doit varier avec la position dans le groupe d’édifices de
la maison à assurer. En faisant le nombre total des maisons
MmHn+1—=p, On peut mettre la formule sous la forme
S, A
CE
dans laquelle le terme soustractif (e* + =") seul con-
tient 7».
Si la maison à assurer était d’un rang plus avancé vers la
gauche , #2 aurait une unité de plus et ce terme serait
(a + abt-m-1 )
dont le rapport avec le premier est
ant? D mt Rs a”
—————— EE
T1+ 1
a —2m
+ am 1 + a
Supposons que la maison à assurer soit située vers la droite
ou que l’on ait m<{n; comme p—1—m+n onaura
p—1>2m, c'est-à-dire que l'exposant de a au dénomina-
teur de la seconde fraction sera positif. a étant un nombre plus
petit que l'unité, et son exposant y — 1 au numérateur étant
plus grand de 2» que celui de dénominateur, la fraction
1 + ab!
aura son numérafteur plus petit que son déno-
Li 1 Eos
minateur, et sera elle-même inférieure à l'unité. D'une
autre part, le facteur a est aussi plus petit que l’unité ; donc le
produit est inférieur à l'unité; donc, lorsque la maison est plus
rapprochée du milieu du groupe de maisons, les termes additifs
qui entrent dans le calcul de son assurance restant les mêmes »
les termes soustractifs sont moindres; donc, lorsque les chances
( 125 )
de naissance d'incendie et de communication sont les mêmes
pour tous les corps de bâtiment qui composent un édifice en
ligne, l’assurance d’un certain corps est à son minimum lors-
qu'il est placé à l'une des extrémités; elle augmente toujours à
mesure qu'il se rapproche du milieu, et est à son maximum
lorsqu'il est au milieu ou qu’il a autant d’autres corps à droite
qu’à gauche.
On voit par la formule (8) que, lorsque les nombres » et »
de maisons contiguës à celle à assurer croiïssent, l'assurance
m+t, at! qui seuls
augmente, puisque les termes soustractifs a
contiennent ces nombres, diminuent, et il est clair que la for-
mule devait l'indiquer ici, puisque chaque nouvelle maison est
une nouvelle cause d'incendie. Cependant il ne faudrait point se
faire une idée exagérée de l’augmentation de danger qui résulte
d’édifices placés à une certaine distance de ceux à assurer. En
effet, ne considérons les maisons contiguës que d’un seul côté en
faisant 7 — o, nous aurons
LL — sos 1 — a
NE 1I—4a
Si le nombre m de maisons était infini, on aurait pour la
+1
limite des assurances, a devenant infiniment pelit,
S,.A
Un =
1— a
d'où on Re NS ab
oU
Tel est le rapport des assurances de la maison dans les deux
cas où elle a 72 maisons à sa droite et un nombre infini. Si l’on
se borne à demander l'assurance à moins de = près, et il serait
ridicule de demander davantage , il suffit de faire a°*' — 1,
et de résoudre cette équation par rapport à m pour connaitre
( 126 )
jusqu’à quel nombre de maisons il y a lieu de compter les chances
d'incendie provenant du dehors. Passé ce nombre , on pourra
toujours regarder le nombre de maisons contiguës comme
aË
1 — €
infini et prendre
-_ pour l'assurance; c’est-à.dire qu’il
Saut diviser l'assurance que païeraït la maison si elle était
isolée, par l'espérance gw'on a d’éteindre l'incendie à chaque
cloison qu'il doit franchir.
Dans de grandes villes, comme Paris, où les secours contre
l'incendie sont très-prompts et très-grands , il n’arrive peut-être
qu'une fois sur cent que le feu se communique d’une maison à
l’autre. En le supposant ainsi; il faut poser 1 —a— 1.
Alors l’assurance de la maison isolée étant représentée par l'u-
nité, celle de la maison contiguë à un nombre indéfini de mai-
sons d’un même côté serait 1,01. Pour une seule maison con-
tiguë, l'assurance serait 1 + +, qui diffère très-peu de celle
pour un nombre indéfini de maisons.
Lorsque les maisons sont bâties en pierre et qu'elles sont dans
des villes où les secours sont organisés, je suppose qu'il arrive
une fois sur neuf que l'incendie se propage d’une maison à la
voisine , alors l’assurance de la maison isolée étant 1 , celle dans
le cas où il y a une maison contiguë est 1,1 pour deux maisons
du même coté 1,11, pour trois 1,111, et enfin pour un nombre
indéfini 4 ou 1,11111.... Cet exemple est propre à faire
sentir que, sur les assurances, l'effet des maisons contiguës
ajoutées les unes à la suite des autres est le même que celui des
chiffres décimaux mis à la droite d’une première fraction déci-
male sur la valeur de cette fraction. Quoique la fraction soit
augmentée par chaque chiffre comme l'assurance par chaque
nouvelle maison , il y a dans les deux cas une limite qui ne peut
être dépassée et qui diffère très-peu de l'expression des premiers
chiffres, ou de l'assurance ; en ayant égard aux premières
maisons.
( 127 )
Dans les édifices ruraux, qui sont ordinairement éloignés de
tout secours et où les bâtimens sont très-combustibles, il est au
contraire nécessaire d’avoir égard aux risques provenant de
maisons éloignées. Ainsi, par exemple, si a —* et qu'on
veuille avoir l'assurance à = près, il faudra compter par la
formule (8) tant que le nombre 7» de maisons ne sera pas au
moins égal à celui déterminé par l'équation a"*=— +, ou
7 t)—= +, on trouve m— 42,7. Ainsi, dans ce cas, il
faudrait compter jusqu'à la 43.me maison. Si elles sont en plus
grand nombre on pourra, sans erreur d’un centime, supposer
À
qu'il y en a indéfiniment, et employer la formule ser On
1— 4
trouvera que , dans ce cas , l’assurance doit être 10 .S, A, dix
fois celle que devrait payer la même maison si elle était isolée.
Enfin , si le nombre de maisons contiguës était de chaque côté
de plus de 43, l'assurance serait 19. S, À — 19 fois celle de
la maison supposée isolée.
Ces résultats, en faisant voir qu'il est inutile d'avoir égard aux
édifices qui sont un peu éloignés de celui qu'il est question d’as_
surer lorsque la probabilité de propagation est petite, font voir
aussi que, dans le cas contraire , il est nécessaire de compter les
chances qui proviennent d'édifices fort éloignés.
Supposons maintenant qu'il soit question d’assurer un édifice
composé de & corps de bâtiment placés en ligne, dans lesquels
A et a soient respectivement les probabilités d’explosion d’in-
cendie et de propagation, et S,, S,, S3.... Su indiquent les
sommes qu'il faudrait rembourser en cas de sinistres des divers
corps Nos 1,2, 3,....u, à partir de la gauche vers la droite.
L'assurance demandée, que je désignerai par > U, , est
évidemment la somme des quantités que l’on obtiendra en met-
tant successivement dans la formule (8)
( 128 )
LP T CRPAUAPSENRRESS-
Pour la 1.re maison à gauche...
Id. 2e id. INSERT
Il viendra donc. en faisant, pour abréger, la somme totale des ,
sommes à rembourser S,+S,+S3....4+S, —=S.
S, (1—at) +a—a)
S, (1—atT + a — a°)
A S3 (1—at? + a — a)
ss als, (a —at + a a)
Le h É 53
SALE + a — a)
 .
x Uu =) (1+a) —[s, (a+ al )+S, (a+ au)
1—
RME ES cest Su (at + a) |] (4)
Si les valeurs S,, S,, S3, etc., étaient égales, ou plutôt si
l’on assurait l'édifice en bloc sans se donner la peine de faire
une évaluation de chaque corps, cas dans lequel il faudrait en-
core (voyez l'introduction) calculer en faisant S, —5,
S
S3.....ete. — —. La formule deviendrait
ä
( 129 )
us see (ET) |
u \i—a
= (: a ia) ).…. (10)
Telle est la formule de l'assurance d’un groupe de y maisons
de même valeur exposées aux mêmes chances d’explosion d'in-
cendie et dont toutes les cloisons présentent le même obstacle à
la propagation.
Le nombre des cloisons est ici &— 1, et la formule donne
l'assurance en fonction de ce nombre.
Dans cette formule, À est la probabilité que le feu prendra
dans l’année à chacune des maisons élémentaires, et, par consé=
quent, g À est la probabilité qu'il prendra dans le groupe entier
considéré comme un seul édifice. En désignant cette probabilité
8 , :
par g, nous aurons À — = , et l'assurance d’un édifice en-
F
tier dont g exprime toutes les chances d’explosion d'incendie,
sera, d’après la formule (10),
Sg 24a
NU
AT BG a) Ê L A #)| ça
ou, en développant et exécutant la division par (1—«)°
s:
2 Un — vs (+e- 1)aHu— 2) a #(u—3) a.
scoot 24H? je ant)... (x1)
Dans les applications, il faut arrêter la suite au terme où a
a l’exposant p — 1, puisque c'est af#7” qui est son dernier terme.
3
( 130 )
Ainsi, pour u=—=1, 2, 3, 4, ©, On trouvera successivement
1
2U, = 28g - — Sg
2
1+4a
SU: — 286 n
3 2
+24+a
> U3 = 2Sg Æ
9
a + 3 aa 4% a
EU, = 25g = =
16
3/,+h4a+3 a +20 + af
LU —= 258$ 25
Ces formules me paraissent devoir être utiles dans la pratique.
Elles donnent l'assurance d'un édifice partagé en un nombre y
de parties supposées de même valeur et donnant lieu aux mêmes
chances d’explosion d'incendie, les séparations étant faites par
des cloisons qui sont censées présenter toutes le même obstacle
à la propagation de l'incendie : l'assurance est donnée en fonction
du nombre de parties dans lequel l'édifice est partagé. Ainsi,
par exemple, supposons qu'il s'agisse d'assurer deux grandes
usines semblables, de même valeur et courant les mêmes chances
d’explosion d'incendie; la première, sans aucune cloison, et la
seconde avec trois cloisons qui la partagent en quatre parties
d'égale valeur et courant les mêmes chances ; l’effet de chaque
cloison, à raison de sa construction et de la localité, étant supposé
tel qu'il y ait quatre à parier contre un qu'elle arrêtera l'in-
cendie; l'assurance de la seconde usine devra être 3,36 fois
moindre que celle de la première.
Les incendies dépendant d’un grand nombre de causes, il est
à craindre qu’on ne possède jamais la connaissance des probabi-
lités élémentaires qui doivent servir à calculer directement les
(131)
assurances ; mais nous espérons qu’au moyen de notre théorie on
pourra, dans un grand nombre de cas, les calculer, en prenant
pour base celles d’autres édifices analogues. Nos formules peuvent
aussi donner facilement la solution d’une foule de questions qu’il
serait trop long de traiter ici. Ainsi, par exemple, supposons
qu'on ne sache pas si l'édifice est tout d’une ou s'il a une cloison
au milieu, et qu'on regarde ces deux cas comme également
3+a
probables, l'assurance sera À 2 ÜU, + 2 5 U, — SG. —
?
c’est-à-dire la somme des assurances dans les divers cas, multi-
pliées chacune par la probabilité du cas dans lequel elle est
calculée.
Si les cloisons partageaient l'édifice en parties de valeurs dif-
férentes et ne courant pas les mêmes chances de naissance d’in-
cendie , les formules (11) ne seraient plus applicables. Dans les
assurances que nous avons appelées générales , comme on n’entre
pas dans l'examen détaillé du lieu et de la valeur de chaque objet,
on doit supposer que les valeurs et les chances de naissance d’in-
cendie sont proportionnelles aux longueurs des diverses parties.
Ainsi, en désignant par æ,, x
2 ? CEREEE CAE
des n parties dans lesquelles l'édifice est partagé et en prenant
les longueurs
la longueur totale pour unité, on aura x, +x,+æ3.....
....+%,—=1. En désignant toujours par S la somme à rem-
bourser en cas d'incendie de l'édifice entier, les sommes ana-
logues pour les diverses parties seront S.x,,S.x,..... S.x.
Enfin G désignant encore la probabilité que le feu prendra dans
l’année dans l'édifice entier, Gx,, Gx,, Gx3...... Gx,
seront les probabilités semblables pour les diverses parties.
Désignons maintenant par > U, l'assurance inconnue de
toutes les parties. Suivant notre notation on aura
È U, = Us + + PT + A SE + AA 1) :
En appliquant la formule (2) nous aurons , en écrivant dans
(11329
une même colonne les termes qui proviennent des chances d’une
même partie et en mettant en facteur commun le produit SG,
qui se trouve à tous les termes :
AU PS
2 n—1
LT, HA LA, HAL, Laye EL
n—2
HA LA + ZX, + Lyon Loln
+ É OX3L HA LR oh Halo La,
3 2 n—4 (12)
+ A XGA, HA LT HA Lplyer A Xp En
nn stores...
n—1 n—2 n—3
+ A LLA HA LL HA Lil nn
Puis, en ordonnant > U, — 2SG
Va GP HL) Hat Ha. +Xn)
HA (LL, HE, La HT 3 Ty HG Dre eee + Enr X,)
HA (TL LL, Li Hg Tr HT Lprre En Tn) (2)
+ (TX Ti+a LE La TG TT pre ln 3 FA |
n—1£
+ a TL, x,
La loi que suivent ces (ermes est facile à saisir : la première ligne
est la demi somme des carrés des longueurs des parties; la se-
conde est le produit de a puissance un par la somme des produits
de deux facteurs x, dont l'indice du second est supérieur de un
à celui du premier, et, en général, la parenthèse qui multiplie
ax est la somme des produits de deux facteurs x dont les indices
diffèrent de X unités.
I
Lorsque toutes les parties sont égales et deviennent —, la for-
&
mule devient celle N.o (11).
Proposons-nous maintenant de déterminer la manière de sé-
parer un édifice par des cloisons en deux, trois ou quatre parties,
(153 )
de manière à ce que l'assurance soit un minimum. En regardant
toujours les sommes à rembourser en cas de sinistre et les proba-
bilités d’explosion d'incendie comme proportionnelles aux lon-
gueurs des parties.
Soit X la longueur de l’édifice et pour le cas d’une seule cioison,
soit x la longueur d’une des parties et À — x celle de la seconde.
L'assurance, d'après la formule (2), est
0, = += EE + —
+ RE à + ES)
Sx (xG (k—x) G
— + ——— a
k
ou
S G
PUL = F5 2° + 2 ax (kK— x) #4 (k—x)
e Se dŒU,)
pour que l'assurance soit un minimum , il faut que pe PT PE GA
æ
on a donc, en différentiant et égalant à o le coefficient différentiel,
2x + 24(k—x)— 2ax — 2 (k—x) —= 0,
k
équation qui donne x — -—, c’est-à-dire que la cloison doit
2
être au milieu pour que l'assurance soit un minimum. L'’assu-
I1+a
rance, dans ce cas, est égale à SG
2
Pour deux cloisons, comme il est clair que les deux parties
extrêmes courent les mêmes chances, puisqu'on ne suppose aucun
motif pour que l’une brûle plutôt que l’autre, je nomme x la
longueur de chacune de ces parties; celle du milieu sera 4 — 2x.
Pour appliquer commodément la formule (2), je forme le ta-
bleau suivant des quantités qui doivent y remplacer S,, À,m et n.
(134)
1.re partie à gauche.
S(k—2x) | G(kA— 2x)
a.e partie id, Php. Mount 1 1
3.e partie id... Le ss o 2
k k
Ù : S G
On a, en faisant sortir le facteur commun T°
x (x+a(k—a2x)+ax)
:Uy= +(k—2x) (ax+(—22)+ax)
+ x (ax+a(k—ax)+x)
5G
— (sv # ha (k—az)+ (Emo) )
d Us)
En prenant pour la condition demandée 3
æ
——0/,ton
trouve x —=
; c’est-à-dire que pour que l'assurance
soit un minimum, il faut que les deux parties extrêmes soient
——— et que, par conséquent, celle du milieu soit égale
a
Be
1—4a
b 3 4°
( 135 )
Dans le cas particulier où a = ‘/,, les parties extrêmes
doivent être les ? et celle du milieu + de la longueur totale.
En supposant le bâtiment construit de la manière la plus
avantageuse , d’après la formule (12), l'assurance sera, en
faisant comme dans cette formule À = 1,
Dans ce cas le plus favorable, lorsque a — ‘/, , l'assurance
est les 5 de SG, ou les © de l'assurance du même bâtiment s’il
n'avait pas de cloisons.
Si les parties dans lesquelles le bâtiment est partagé étaient
égales, l'assurance serait peu différente de ce qu’elle est dans le
cas le plus favorable , car la formule (11) donne pour le cas de
a — ‘/, l'assurance — À ou 0,61111.SG.
Passons maintenant au cas où l'édifice doit être divisé en
quatre parties et cherchons la manière la plus avantageuse , sous
le rapport de l'incendie, de placer les trois cloisons. Nous sup-
posons toujours que les sommes à payer en cas de sinistre et les
probabilités de naissance d'incendie sont proportionnelles aux
longueurs des diverses parties, et nous continuerons à désigner
par S et G les mêmes quantités que dans le probléme précédent.
Comme il n’y a aucun motif pour que les parties extrêmes soient
plus grandes l’une que l'autre, elles seront égales dans le cas
actuel et nous les appellerons toutes les deux x, les deux parties
( 136 )
intermédiaires devant aussi être égales seront chacune de(i—x),
en prenant toujours la longueur totale de l'édifice pour unité.
En appliquant la formule (12)il vient , en remarquant que les
lignes des termes relatives aux troisième et quatrième parties
sont égales à celles des deuxième et première.
EU; —286G
x + ax (4 —x) + ax (:—x) + dx
+ ax t—x) + (x) +a (x) +ax(/-x)
Puis, en développant et réduisant
2042280 }(2—a— 2& +4) (ia )z+t (+2)!
dŒU;) _
Pour que l'assurance soit un minimum , il faut que EC
æ
ce qui donne , en différentiant l'équation ci-dessus,
2 (2—a—2a + )x— ( I — a ) 1
d'où l’on tire x — LULA de Eee pi —— Va "1
2(2—a—2a+a) 2(2—a)
Ainsi, pour que l'assurance soit un minimum , il faut que les
1
deux parties extrêmes soient —— de la longueur totale
2(2—a)
1
et que les deux autres soient —— de cette même lon-
2(2—a)
gueur.
Dans le cas particulier où a —"/, , les parties extrêmes sont
"/3 et celles du milieu + de la longueur totale.
(137)
L'assurance est dans ce cas, en appliquant la formule (12)
2
I
et faisant sortir le facteur commun ( ) :
2(2— a)
4 (2— a)
I (i+aG—a)+aæ(i1—a)+à)
+ (1—a) (a+(i—a)+a(i—a)+ à)
2SG : RSR
— 4(e—a (1—a) (1+a)
SR A pee Rae
2 (2— a)
z U, —
2 (2— à)
dans le cas particulier de tout à l'heure où a — + l'assurance
3
— SG— — — c'est-à-dire précisément moitié de ce
2
6
qu'elle serait s’il n’y avait pas de cloisons.
1
a étant toujours — }, on trouve que l'assurance est pour
l'édifice sans cloisons,
3
ou en une seule partie, SG Ki
: 3
en deux parties, SE
4
De 3
en trois parties, SG ru
en quatre parties , SG à
Il est remarquable que les numérateurs de ces fractions res-
( 138 )
tant constans, les dénominateurs augmentent d’une même quan-
tité à chaque cloison. Cela n’est point particulier à la valeur =
que nous avons prise : en effet, les assurances minimum sont
pour l'édifice
j + 1+a
en une seule partie, SG on
1+ 4
; } 14+ 4 14+ 4
en deux id., une cloison, SG —$SG ——
2 1+4+4+(1—a)
(13)
A + 1+ a 1+a
en trois id., deux cloisons, SG - = a
3—a 1+4+2(1-4)
L re 1+4a 1+a
en quatre id., trois cloisons, SG——=SfG —
2(2-a) 1+a+5(1-a)
d'où nous croyons pouvoir conclure par analogie qu'en général,
l'assurance, lorsqu'il y a un nombre c de cloisons placées le plus
avantageusement possible , est er (14)
1 + ac (1—a)
Nous ne nous étendrons pas davantage sur ces questions de
minimum, dont la solution nous conduirait trop loin, et nous
passerons au cas où l’on ignore la position des cloisons en résol-
vant la question suivante :
Quelle est l'assurance d’un édifice séparé en deux parties par
une cloison dont on ignore la position ? Nous supposons que la
plus petite des deux parties a au moins la longueur donnée L,
et qu'il n’y a aucun motif de croire que la cloison soit plutôt
à une des places qui ne font pas de partie plus petite que L
qu’à une autre. Nous désignerons par l’assurance cherchée ; &
sera toujours la probabilité que le feu, étant d’un côté, se propa-
( 139 )
gera à l’autre en franchissant la cloison, et nous prendrons
encore la longueur de l'édifice pour unité.
Il pent se présenter ici une infinité de cas correspondant à
toutes les positions que peut avoir la cloison ; w est la somme
des assurances dans tous ces cas. Les deux ‘extrémités du bàti-
ment dans la longueur L ne pouvant être le lieu de la cloison,
il ne reste pour ce lieu que la longueur 1 — 2 L. Soit x la dis-
tance variable de la cloison à l'extrémité gauche du bâtiment ;
cette cloison pouvant occuper sans aucune préférence toutes les
parties de la longueur 1 — 2L , la probabilité qu’elle se trouvera
; dx
comprise entre les longueurs x et x + dx est ———— et dans
Lu 2
ce cas l'assurance calculée par la formule (12) est :
SG (= +2ax(1— x) # (i—x))
== 96 (: —2(1—a)x+#+2(1 — a)a*) 0
quantité qui, multipliée par la probabilité de ce cas, donne
pour un élément de l’assurance cherchée :
G
du = Um (ax — 2 (10) x dx 4 2 (1—a) x° de),
1—2L
En intégrant il vient :
SG 2 3
Ai (2 79 Rite = (Se) 2 + const, )
1—2L
L'intégrale devant être prise entre les limites L et 1: —L
on trouve :
3
Const. — — (u—c BL. a PEL «1)
(140)
En substituant cette valeur, mettant pour x l'autre limite
(1 — L) et réduisant , on a pour la valeur définie de l'assurance
cherchée :
b2 56 a+ +q-o( (DE) } (25)
1 — 2 L
Dans le cas particulier où la cloison peut être indifféremment
à toutes les places comprises entre le quart et les trois quarts
du bâtiment , on a L— {, En supposant en outre «a — +, on
trouve :
LS: e —= 0,7708. s6
Ce nombre 0,7708 diffère bien peu de celui de 0,75 que
nous avons trouvé pour l'assurance minimum dans le cas d'une
cloison et de a — +, ce qui fait voir qu'il ÿ a peu d'importance
à compter avec exactitude la position des cloisons.
Revenons à l'assurance d’un édifice formant une ligne fermée,
ou d’un édifice que nous appellerons simplement fermé, et
cherchons ce qu'elle devient lorsque les probabilités de nais-
sance et de propagation d'incendie sont partout les mêmes. En
appelant À et a ces deux probabilités, on a, d’après la formule
(6) pour la probabilité d'incendie de la partie N.o o :
(Pom )=A+24 (a+ a+ a... at )
mm
ss = — (m—1) a
—— m —
(m—1)Aa a 14a
L'assurance de cette partie est égale à cette quantité par la
somme S, qu'il faudrait rembourser en cas d'incendie ; il en
serait de même de toutes les autres parties de l'édifice; de sorte
( 141 )
qu’en désignant par S la somme qu'il faudrait rembourser en
cas d'incendie de l’édifice entier, on a pour son assurance, que
je désigne par (z H
Gu)=is + D Sn
Ta
expression qui est indépendante des valeurs particulières des
parties. À désigne ici la probabilité de naissance d'incendie dans
une seule des parties ; il est plus convenable de mettre au lieu
G
de cette lettre —, G exprimant la probabilité de naissance d'’in-
m
cendie dans l'édifice entier, on a alors :
m
a— a
(: LS FER 1+2 — (m—a)a.$,,. (16)
1—4
Formule qui donne l'assurance en fonction du nombre » de
cloisons} dans le cas où toutes les parties courent les mêmes
chances d’explosion d'incendie.
Occupons nous maintenant du cas où dans un bâtiment
fermé , on regarde les probabilités de naissance d'incendie et la
somme à rembourser comme proportionnelles aux longueurs
des diverses parties. Désignons , comme pour les bâtimens en
ligne, la longueur totale par l'unité; par G la probabilité de nais-—
sance d'incendie dans l'édifice entier , et par x, , x,, æ3...æ,
les longueurs des parties Nos 1, 2, 3... m; les probabilités
A,,À,,...,. À, de la formule (6) seront remplacées ici par
Gx, , Gx,, Gr, ...., Gx,,, et les sommes S,,5,,....S,
par Sx,,Sx,,..... Sx,,, l'assurance de la partie N.o 1 sera,
d’après la formule (6)
ZT
I
+ x, (a+avt)
2 mi—3
(U,m)=S6x, ae Se re ) (17)
ess cousesnese
M—T
Ci LC a + da )
— (1x )
Pour avoir l'assurance de l'édifice entier il faut prendre la
somme de », formules semblables à celle ci-dessus, prises avec
les indices convenables à chacune des parties. En prenant cette
somme de la mêine manière que nous avons fait pour obtenir
la formule (12) on trouve :
(lé RS AA
(rat) (rt, Ha, Has. +æ)
(a+ a) (XX, +, Lg A3 Ty + Tin Li)
+ (a +0) (2, L3 Hs Lf HG Tree + Tim Te)
+ (+ a) (x, Lg + Le Tr HT LG + Lm X3) (18)
+ (a + a) (X, Ln HA Ds TS Loue + Lin Lx)
— a
Si les corps de bâtiment formant l'édifice qu'il est question
d'assurer avaient une largeur différente, et si l'on supposait
que leur valeur et leur probabilité d'incendie sont proportion-
nelles à leur aire au lieu de l'être à leur longueur, la formule
(143)
ci-dessus serait encore applicable, en prenant pour unité l'aire
totale de tous les corps de bâtiment, et en désignant par x",
æ? ....,ete., les aires de ces corps au lieu de leur longueur.
Si l’on voulait avoir égard à ce que la propagation de l'incendie
au-delà d’une cloison large est plus facile qu'au delà d’une
étroite , il faudrait avoir recours à la formule (6).
Si dans un bâtiment fermé d’égale largeur on avait à placer
un certain nombre de cloisons de manière à rendre l'assurance
un minimum , il faudrait les placer à distance égale. En effet,
considérons une cloison quelconque qui sépare la partie Non
de la suivante, il n'y a aucune raison pour que dans le cas de
l'assurance minimum les parties situées à sa droite soient diffé-
rentes de celles situées à sa gauche; elles seront donc symé-
triques par rapport à la cloison et l’on aura x, —=x,,,; en
donnant maintenant à l'indice 2 toutes les valeurs de 1 à 72,
ON AUrA L, —X, = Ly-sss re —= Lmy Ce qui prouve l'énoncé.
De l'assurance d’un bâtiment à plusieurs étages , dans lequel
chaque étage entamé par l'incendie est regardé comme
entièrement détruit.
Occupons-nous maintenant de l'assurance d’un bâtiment à
plusieurs étages , dans lequel chaque étage brûle entièrement à
la fois et puisse être considéré comme entièrement détruit dès
qu'il a été entamé par l'incendie ; c’est le cas d’un grand nombre
de bâtimens de viile qui n’ont qu’une petite façade et beaucoup
d’étages. Numérotons les étages à partir du rez-de-chaussée, qui
s’appellera N.o 1 , jusqu’au grenier qui sera N.o c, et représen-
tons comme précédemment par S,,S, , S3..., S. les sommes
à rembourser en cas d'incendie des étages No 1,2,3.,..,,c,
(144)
et par À,, À,, À3...., À les probabilités que le feu éclatera
dans l’année dans ces mêmes étages.
D'après ce que nous avons dit chapitre II] ,en traitant de la
propagation de l'incendie dans un édifice de l'espèce qui nous
occupe, a et b désignant respectivement les probabilités de
propagation du feu de bas en haut et de haut en bas, de l’étage
où l’incendiea pris naissance à celui voisin.L’espérance d'éteindre
le feu lorsqu'il a déjà brûlé, en montant, un nombre quelconque
e I — a 3
ë d'étages est — et la même espérance lorque le feu, en
z
— bd.
I
descendant , a déjà brûlé un nombre £’ d’étages est ———
b
Désignons maintenant par 2; la probabilité de propagation
lorsqu’en montant il y a déjà un nombre z d’étages de brûlés.
D’après ce que nous venons de dire l’espérance 1 — a; qu'on
à à : 1— a
a d’éteindre le feu à cet étage est ———; on a donc :
L
1— 4 ! ? I—1+4a
1—a; = ——— d'où l'ontire 43 = ———
L z
Par la même raison on a , en désignant par b; la probabilité
de propagation en descendant :
'— 1 +0
LT rer
z
En donnant aux indices # et z’ leurs différentes valeurs, on
a pour les probabilités de propagation :
Cx45)
en montant en descendant
après 1 étage a b
| sé
> id. Ées ne
2 2
3 id. FA ie
3
à 3+a 3+b
4 ïid ER
4 4
ce “ie ee
5 5
et ainsi de suite.
Cherchons maintenant l'assurance de l'étage N.o x de notre
édifice; pour cela cherchons d’abord l'assurance de cet étage
contre la chance qu'il court d’être brûlé par un incendie allumé
à un étage quelconque N° y.
Si y est plus grand que x il faudra que le feu se commu-
nique en descendant à (y — x ) étages successifs, et pour que
cet évènement composé ait lieu, il faudra
Évènement dont la
probabilité est
moque leeu prenne au N°75. 07 0 À,
2.° qu'ilse communique du N.° y à celui (y—t).… b
b
3.0 sd: detp—mar Ypo), 272
2
: à ! 2+b
4. id. de(y—2) à (y—3).. ee
3 +0
5.° id. de(y—3)à (74). e
ge 14h
id. de (x+1) à JUS cePocmE Sus
( 146)
La probabilité de l'incendie du N.° æ par le fait de l'existence
da N° y, qui est celle de l'évènement composé résultant du
concours de tous les évènemens ci-dessus est donc :
DEN as 3+b y—x—1+b
2
3 4 Y— x
Si y avait été plus petit que x on aurait eu par la même
raison , pour la même probabilité de l'incendie du N.° x, par
le fait du N° y:
ROUE DA RE A (20)
2 3 4 T—Y
Désignons maintenant par le symbole 1 l'assurance de
l'étage N.° x dans un édifice de e étages. Gette assurance étant
la somme de toutes celles qui proviennent de l'existence de tous
les étages de l'édifice, on aura en donnant à y dans les formules
(19) et (20) toutes les valeurs qu’il peut avoir et en multipliant
le tout par la somme Sx qu'il faudrait rembourser en cas de
sinistres :
USE.
1 + D 1+b 2+b
Lethnbtnueb—— + Anse. 3 …
à Ad d 24H b e—x—2+b
CEE € à at .. ACER
(21)
1 HG I+a 2+a
A,_,a+A, ,a. +À,_34a -mr L:.
I+ 4 2-4. L— 2404
+ À, a ——, QD DT
2 3 TX —1
en prenant par cette formule l'assurance de tous les étages, on
aura celle de l'édifice entier, qui est égale à leur somme.
(147)
Dans le plus grand nombre de cas les probabilités de nais-
sance d'incendie et les sommes assurées diffèrent d’un étage à
l’autre et il faudra opérer comme ci-dessus; cependant il y a aussi
des cas où toutes les quantités À et S pourront être regardées
comune égales. Dans bien des fabriques, telles que les filatures,
les sommes assurées et les chances de naissance d'incendie sont
à peu près les mêmes à chaque étage. Faisons donc, pour ce
cas, toutes les probabilités À, , À,..... À. — À et toutes les
Ni]
sommes S,;, 5, 93°... Se égales chacune à —, S étant la
e
somme à rembourser pour l'incendie de l'édifice entier, en
désignant par = 1 l'assurance d’un bâtiment de e étages et en
prenant la somme des e formules qu’on obtient en donnant
dans la formule (21) toutes les valeurs possibles à l'indice x, on a
e+(e—1)(a+b)+(e—2) (« SET on b. =)
2
2
Re ee TADES 5
es LT. $ b(1+b) +)
a(i+a)(2+a)(3+a) D(1+b)24+b)3+b) ce
sole dr el
08 a(i+a)(2+a)...(e-2+a) b(i+b).(e-2+b)
parents. Lie (eer) 1 . 2. (e—1)
En appliquant cette formule on remarque que les primes
d'assurance doivent croître avec une grande rapidité à mesure
que le nombre des étages augmente. Pour en donner une idée
nous présentons ici un tableau calculé pour le cas particulier
où 4 —= 0,8 et b — 0,4: nous trouvons que pour e = 1, ce
(148)
] L] LA ‘ L] . .
qui est le cas d'un rez-de-chaussée pavé couvert d'un toit qui
peut seul brüler; on a
NOMBRE D'ÉTAGES. TAUX DE L'ASSURANCE.
DR ET Me a hiate de net 2 DRE
A RE Le eee nie se Le UNE LOU
ee br eh AU core es
Ka à 2,624
e eee À ocre eneroiese jee ere o e16.6 « À — 2,918
A 214 © bb
L1
L2
one ae nrecs Soie à duree ee D
M nr SEE 2 I MO mr De: Se
8 ns esse À — 4,342
Ces nombres sont les taux ou les prix de l'assurance, et doi-
vent être multipliés par les sommes qui seraient à rembourser
en cas d'incendie des édifices entiers pour donner l'assurance.
Ainsi, si dans un bâtiment de six étages, qui est dans les condi-
tions de notre application, on demande 3 + du mille , il faudrait
pour l'assurance d'un bâtiment semblable employé aux mêmes
usages ou courant les mêmes chances et qui n'aurait qu'un rez-
de-chaussée ne demander que 1 du mille.
Jusqu'ici, en traitant de l'assurance des maisons contiguës,
nous ayons supposé que l'incendie marchait en brûlant les mai-
sons entières. Cette supposition n'étant pas toujours légitime,
nous allons calculer l’assurance d’une maison avec étage, faisant
partie d’un groupe de maisons semblables, dans chacune des-
quelles le feu peut prendre soit au rez-de-chaussée soit au pre-
mier et se communiquer à la maison désignée. Au lieu d’un
groupe de maisons, ce pourra être si l'on veut une partie d’un
édifice d'un étage, partagé par un certain nombre de cloisons.
Supposons qu'il s'agisse d'assurer la maison N.° 0, ayant un
rez-de-chaussée B, et un premier À,, et étant placée entre »2
( 149 )
maisons semblables à sa droite et r à sa gauche , ainsi que le
représente la figure ci-dessous :
Dans cette figure les maisons sont désignées par des N.os qui,
partant de la maison à assurer N.° 0, vont à droite jusqu’à la
dernière N.0 7» et à gauche jusqu'à la première N.o #. Les cases
dela ligne du bas, marquées B, représentent les rez-de-chaussée ;
celles du haut, marquées À, représentent les premiers. Les lettres
À et B, avec le N.o de la maison pour indice, qui désignent les
cases, représenteront dans nos caleuls les probabilités de nais-
sance d'incendie dans ces mêmes cases.
Cette question présenté un cas que nous n'avons pas rencontré
jusqu'ici. Celui , en quelque sorte, de deux incendies simultanés ;
d’un incendie qui, par exemple, ayant pris naissance dans une
maison de N.° supérieur à x, brülerait à la fois les deux cases
du N.° x. Il est clair qu'il en résulte de grands obstacles pour
ceux qui combattent l'incendie et que leurs secours doivent alors
se partager des deux côtés, en s’attachant de préférence et avec
plus de facilité à la partie où l'incendie est le plus avancé. Ce
n’est donc pas deux incendies marchant au hasard comme sur
les cases d’un damier; la chaleur extrême qui enflammérait
bientôt les parties qui seraient entre eux > €tla manière dont les
secours sont dirigés, en font un incendie unique plus fort que
le premier. Conformément à ce que nous avons dit plus haut
en traitant de la propagation du feu dans des bâtimens de déve-
loppemens différens, nous admettrons que dans ce cas , le feu
{ 150 )
continuera à marcher en brûlant à la fois les deux lignes, ou
qu'il sera éteint des deux côtés à la fois et nous assimilerons
l'incendie de ces deux lignes contiguës à celui d’un bâtiment
sans étage , de développement double. a devant dans nos calculs
désigner la probabilité de propagation dans le sens horizontal,
soit aux cloisons du haut soit à celles du bas, LES
I—a+24a
24
représentera la probabilité de propagation dans l'incendie
1+a
simultané du haut et du bas; puisque, d'après ce que nous avons
dit chapitre IT, a étant la probabilité de propagation dans un
, re a D
bâtiment de développement unitaire, ————-
LE 0
babilité semblable, dans un édifice de méme nature et de déve:
loppement quelconque D.
r
sera!la pro-
aD P
Nous désignerons par à la probabilité de propagation dans le
sens vertical , soit en montant soit en descendant.
Pour résoudre le probléme nous allons d’abord chercher,
comme précédemment, la probabilité que la partie À, de la
maison à assurer sera brûlée par un incendie qui aura éclaté
déjà dans une des cases du N.o x. Nous désignerons cette proba .
bilité par Z,. En la multipliant par À, , nous aurons la proba-
bilité de l'incendie de À, , par un incendie qui viendrait à écla-
ter dans l’année dans la maison N.o x.
Nous désignerons aussi par p,, q,, respectivement, les
probabilités que le feu ayant éclaté en À, et B,, brülera la par-
tie à assurer À,,. On aura donc p, + q, = 2,.
Ceci posé, supposons l'incendie déclaré dans la case hd et
cherchons la probabilité p,.,, qu'il se communiquera de là en A...
T+1I
I peut d’abord arriver quatre cas, savoir :
+ I
Le CRE 7 7 0... Ce." 5 ge y ;
NX #5 9 « ape s'ÿ
Ur) 1+ V
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(g—1) (D — 1) EE PR de VE CUT iu y u9 uOt]B9IUNUITUOY UON 2h.
——————_—_—_—_—_—_—— ie
SY9 ANG ALITIAVAOUd
(:152 )
La dernière colonne contient les probabilités de l'incendie de
À, dans chacun des cas du tableau. Pour reconnaître son exac-
titude , il suffit de remarquer que quand l'incendie est commu-
niqué en À, sans l'être en B,, c'est comme s’il avait éclaté en
À ,, et la probabilité d'incendie pour À, est alors P. Il en est
de même pour B, , lorsque cette case est atteinte par l'incendie
sans que celle supérieure le soit; c’est, relativement au danger
que court À,, la même chose que si le feu était éclaté en B, ;
et enfin , d’après ce que nous avons admis tout à l'heure lorsque
le feu est à la fois en À, et B,,, il marche comme un incendie
unique et la probabilité de propagation à chaque cloison étant
2
T
24
celle pour le passage à x cloisons est | ——
a 1+4a
En prenant maintenant, d'après les principes du caleul des
probabilités, la somme des produits des probabilités de chaque
cas par celles de la dernière colonne; que le cas existant,
l'évènement aura lieu, on a l’équation aux différences finies
Pan = a (1—6)p, + ab(1— a) q, + ab(1— a)p,
TC
> 24
+ «ab
1+a
ou en réduisant
. 2a \*
Pass =A4a(s — ab)p,+a(b — ab)q,+a*b 2) Le (a)
Si lon avait cherché g,,, par le mème moyen que celui
ci-dessus, on aurait formé un tableau qui ne différerait du pre-
mier qu'en ce que tous les À seraient changés en B ct lesp, en
q, ©t réciproquement.
On a donc, en changeant dans (a) lesp en g et réciproquement,
(153)
Quai — a) ga (ab) pe saetd [EN
1+a
puis en ajoutant (a) et (b) et substituant àZ,,, et Z, Pour pour
+ Gr Et Pr + I» il vient
Li, =a(i —ab)Z, + a(b— ab)L, + a°b ( os )
1+4d
où Z,,, =(a+ab — 2 ab)L,+ 2 a°b 22) ce
HI æ 1+4a
Pour intégrer cette équation aux différences finies, nous
x - LA LA LA La
allons la comparer à celle y, = R y + Q qui a été intégrée par
Lacnawce et qui, dans le cas où R est constant, est résolue par
= À >; ——
on a donc ici en faisant
R—a(1+b— 2 ab)
F 2 a T
== «à (2£)
EDPAARANTE
se (2)
VAR RE à (1 b By MENT ENS 2 D NCA
= + b — 2 ab) 2 Tri (+ 2ab;" + const.
2 ab
en faisant sortir du signe > le facteur constant
a(1+b— 2 ab)
L,= 2 b(1+b — 2 ab}!
2 T
EE — *onst.
(1#4a)(1#+ 0 — 2 ab) 7 Coup
(154)
mais
mere 06
2T ;
LR {2 —(1+0) (14 — 2 ab)| (: + a) (+5 2 ab)
On a donc en supprimant le facteur (1 + b — 2 ab)" qui se
trouve au numérateur et au dénominateur du premier terme
j fa—G+a(G+é—zat)}(i+a)
+28 a%* ( 1+b— 2 ab Ÿ— const. (d)
Pour déterminer la constante, nous remarquerons que lorsque
la maison N.o o existe seule, ou que x — 0, la probabilité d'in-
cendie de À, lorsqu'on suppose successivement l'incendie allumé
en À,et en B,est 1+b; on a donc en faisant x — 0 dans
l’équatio n(d)
2 ab b
PNR EE pe LR
2— (140) (1+b—2 ab) 14+b — 2 ab
d'où l’on tire
(i+b) G+b—aab) (1#+a)(1+b— 2 ab)
Const. — EE,
2 ab 2—(1+a)(1+b—2ab)
En substituant dans (d) il devient
oT+I b at*!
2b a *" (140) (14 b — 2 ab)ÿ"
2 — (140) (1+b— 2 ab)
+ Q7 (id) (1+ 0 — 2 ab) —
(- #99)
Cette expression peut être simplifiée. En faisant les espérances
de non propagation 1: — au et 1 — b f on trouve que
2—(1+a)(1+b—2ab) =uf+2 ab
On a alors
1
L EE ————
F. u B+2ab
4a° b (=) + LG B+2a°b)—2ab(1+a)
14 (e)
x ( a+ ab— 2 ab ÿ
Telle est la probabilité que la case À, serait brûlée par ‘deux
incendies allumés successivement en À, et B, : en la multipliant
par À,+B,, qui est la probabilité de naissance d'incendie dans
les deux cases du N.ooxet en multipliant le produit par$,,,
somme à rembourser en cas d'incendie de À,,, on aura l’assurance
cherchée de cette case contre les dangers qu'elle court par le
fait du N.o x. Cette assurance sera donc
4 &b (2) + te +b)(a G+2a*b)—2ab(i+a)
1+da
(22)
x (a+ab—2a 5) a
La case inférieure B, étant placée de la même manière, par
rapport à toutes les autres , que celle supérieure , et les dangers
de propagation de haut en bas étant ici regardés comme égaux à
( 156 )
ceux dans le sens opposé, la formule de son assurance sera
semblabie et n’en différera qu'en ce que S/,, lettre par laquelle
je désigne la valeur de la case actuelle B, remplacera S,.
On pourra au moyen de la formule (22) calculer l'assurance
de toutes les parties de l'édifice contre les risques que leur
font courir chacune des autres , et par conséquent calculer l’as-
surance de l’édifice entier ; mais s'il y avait beaucoup de parties
ce serait un travail impraticable.
Pour les assurances que nous avons appelées générales,
dans lesquelles on n'entre point dans l'examen détaillé des
chances de naissance d'incendie et de la valeur particulière des
différentes parties, on regarde toutes les probabilités À, +B,.
de naissance d'incendie dans tous les numéros comme égales
entre elles , et toutes les sommes S, + S', assurées dans chaque
numéro comme égales aussi. Désignons donc par À la probabi-
lité de naissance d'incendie dans l'une ou l’autre des cases d'un
des numéros , et par S la somme à rembourser en cas d'incendie
des deux cases d'un numéro quelconque; nous aurons pour
l'assurance du N.o o contre toutes les chances qu'il court de la
part des parties qui seront prises dans les limites de l'intégrale
AS
a B+2ab
>
pr
1+4a
4 ab (=) e Ci) (a B+2a "CS
x (a+ab — 2 2}
(157)
b—2a b\
Et EGU Aube auvpy re (REF 2a° b)
= —— + Const.
a+ ab —2 a b—1
Ainsi l'assurance cherchée est en général
8 ab 24 pr \
ALI a
AS
ET (+0) G-Haa b)— 2 ab(1+ a)
& Tone à Sal
(a+ ab — 2 à° bÿ° + Const.
En ne comptant pas d'abord les chances que la maison N.0 o
court de son propre fait, il faudra prendre l'intégrale de 1 à »
pour les risques provenant des maisons à droite ct de 1 à
pour ceux provenant des maisons à gauche.
L'intégrale devant alors s’évanouir quand x = 0 on a
8 33 2
Const, — — Fe (5
CN 24
LM L (1-8) (a B+ 2 a° b) —2ab(1 +a)}
1—(a+ab— 2x b)
et l'assurance prise du N.o 1 au N.o x sera, en mettant — «
pour (a — 1)
AS
Doc (t {+0 GB+2a%) — 2ab(1+a)}
1— (a + ab — 2 a bÿ |
dE RE à nn
1—(a+ab— 2 à b
( 158 )
En mettant m et x pour x dans cette formule , prenant la
somme des deux résultats et ajoutant à cette somme AS (1 +b)
pour l'assurance de la maison N.o o contre les risques qu'elle
court par son fait propre; on trouve pour l'assurance de la
maison o qui en a » semblables à droite et z autres à gauche;
us
assurance que je désigne par ,Ù,,;
AS
au B+2a b
2 ab == | 2 — En
x + ÉG +0) G6+ 20 8) —2ab (1 +0) | (23)
Un —= AS (1+ 8) +
D (a+ab—2a b)"—(a+ab— 2 ab)
( 1—(a+ab— 2 ab
Si l’on voulait avoir l'assurance du groupe entier des
n + 1 + parties doubles, il faudrait fairen +i+m—y
etn+i=y,d'oùnr — y — 1etm—=p—7y; et considérer
la maison N.° o de tout à l'heure, comme celle N.° y dans un
groupe de # maisons, sur lesquelles les numéros seraient mis de
1 à en commençant par la gauche. Il faudrait ensuite intégrer
cetle expression , aux différences finies , entre les limites ret y,
par rapport à y. Pour effectuer cette intégration, nous ne
m
24
nous occuperons d’abord que des deux polynomes 2— (Æ )
1+a
n
24
— ta— D 2 ab) er 27n
(- .) et2—(a+a ab)" (a+ ab—2a b)
qui seuls contiendront la variable y.
(159)
Le premier devient, en faisant
I
+a
2 — alT — d
et le second en faisant a + ab — 2 & b —=b
2 — br — D
qni ne diffère du premier que par le changement de a en b.
Occupons nous d'intégrer le premier, ce qui nous donnera en
mème temps l'intégrale du second.
sb. 2 a
T — I I— à
a
a?-:
EE DIi ——
a —— 1
_" +Gonst.,
GI
> (2 = her D) = 2y — DARAE nee En
1 —
L'intégrale de la formule (23) est donc en faisant
QG +0) 2) (GG B+2 4° B)—sab(G+a)
Ui—(ra4— 23 Br
1—a + Const.
b£-(-1) _}7-
+: Y— — + Const., ) |
2 ab (1 +a) aB-(-1) ay
AS D ————— (2 RES ) (24)
IL —
Lorsque y — 1 ou qu'on ne prend l'assurance que de la
maison N.° 1, on a
j2 LIEN TE LES
500 a B+ 2 a b
2
AG jee (= + Const. a
œ T'——)a
bH—
+0( 2 == RCE UE I ï |
1—b
En calculant cette assurance de la maison N.° t par la formule
(23), on aurait en
b REP ARRETE
GE MR Se
AL NA TEETS 1) +02 :)
[e2
AS
Pour que ces deux expressions s'accordent il faut que
me Er Const: —— à" pad
1—a
by. — 1
Const BAS Nu — 1
1—Db
( 161 )
d’où l'on tire
—( at + 1) Ur
Const., — a ca am,
Eee ve — (+ ps ) (: MS r ce
Ces expressions étant substituées dans les parenthèses qui
contiennent les constantes à la formule (24), les transforment en
aB- (7-3) DE (ab-1 bi) (1 — a) — ap + 1
I —1a
LS
bé-(y-1) DT LE (bB-1 + 1) (x —b) — DE +1
_1—b
Pour prendre l’assurance de l'édifice entier, il faut faire y—p,
ce qui réduit ces expressions à
7 4 dibaan
En substituant dans la formule (24) et faisant toujours y —,
il vient
Le I
D NE ai *
PC fine (EE ))
a 1— a 1+a
( 162 )
Telle est enfin l'assurance cherchée d'un édifice avec étage,
partagé en 4 parties égales. On y a fait pour abréger :
«—=Ii—Aa y —
a+ab—2a b—b
(1+D) («B+2ab) —2ab(i+a) C
APR TRES PR ERNEST",
Dans le cas particulier où à, qui est la probabilité de propa-
gation de l'incendie dans le sens vertical, — + et où &, qui
exprime cette probabilité dans le sens horizontal, — { on a
pour l’assurance d’un édifice composé de y parties semblables
ayant chacune un étage :
AS LEua8,5(u— 34 (G#) 2 (e—2+2 (4)
Formule qui est commode pour les applications. Mais il n’en
serail pas de même si les chances d’explosion d'incendie dans
les diverses parties où les valeurs de ces parties étaient inégales.
Il faudrait alors avoir recours à la formule (22) pour caleuler
séparément les assurances de chaque partie contre les risques
provenant pour chacune d'elles de l'existence de chacune des
autres, ce qui serait presque impraticable si le nombre des par-
ties était considérable.
( 163)
DEUXIÈME PARTIE.
Des assurances contre l'incendie des édifices où le feu doit
étre considéré comme marchant par degrés infiniment
petits, et où l'incendie peut étre arrété à un point quelconque.
S [er
Assurance dun bâtiment rectangle.
Lorsqu'un bâtiment long brüle, on cherche à éteindre l'in-
cendie avant qu'il soit arrivé aux murs où on pourrait plus faci-
lement l'arrêter; la réverbération de la chaleur, qui contribuait
à faire brûler comme d’un seul coup les pièces de grandeur ordi-
naire que nous avons considérées, ne produit ici le même effet
que sur les parties les plus voisines du feu. Les incendies des
édifices longs doivent donc être considérés comme marchant
par degrés infiniment pelits et pouvant être arrêtés en un point
quelconque.
Cherchons d'abord l'assurance Z d’un bâtiment simple, d’égale
largeur partout, qui, par sa nature, doive brûler à la fois dans
toute sa largeur et sa hauteur, et dans lequel l'incendie marche
dans le sens de la longueur comme sur une ligne droite.
Soit s la somme que devraient rembourser les assureurs si
l'édifice entier venait à brüler.
K la longueur du bâtiment.
D le développement ou la longueur en matériaux combustibles
qui se trouve dans la coupe faite perpendiculairement à la lon-
gueur du bâtiment.
Æ la probabilité que dans le cours d’une année le feu prendra
naissance dans une aire unitaire des parties combustibles du bà-
timent. L’aire combustible du bâtiment entier est ici DK.
(164)
a la probabilité supposée connue par l’expérience que, dans
un bâtiment de développement unitaire et de même nature que
celui dont il s’agit, l'incendie, étant arrivé à un point quelconque,
se communiquera à une longueur unitaire de plus.
« la probabilité que dans notre bâtiment de développement D,
le feu , étant arrivé à un point quelconque, se propagera à une
longueur unitaire plus avant. D’après ce que nous avons dit Ç III
des préliminaires, on peut estimer que
a D
= a'pa D
l—
TI
—— —— —————— ———
À Mm Nu B
_
Représentons le bâtiment à assurer par la ligne AB, qui a la
même longueur #, et regardons-le comme composé d'une infi-
nité de tranches infiniment étroites qui seront représentées par
les élémens infiniment petits de la ligne. Soit Mn un quelconque
de ces élémens, placé à la distance y de l’extrémité À, que je
prends pour origine. d y étant la longueur de cet élément, son
aire dans le bâtiment, en matériaux combustibles, est D.dy.
Comme il s’agit ici d'assurances générales, dans lesquelles on n’a
point égard à la valeur particulière des parties intégrantes des
édifices, la somme à rembourser en cas d'incendie de l'élément
Min doit être comptée comme égale à la valeur moyenne K dy.
La tranche considérée Mn peut brûler par l'effet d’un incendie
survenu dans une quelconque des autres : soit Nn cette tranche,
dans laquelle on suppose l'incendie éclaté , et soit x sa distance
à l’origine ; dx étant sa largeur, son aire en matériaux combus-
tibles est D dx , et par conséquent AD dx est la probabilité de
( 165 )
l'événement supposé que le feu éclate dans l'année dans la
tranche Nn.
Le feu étant en N, à la distance x de l’origine, la probabilité
quil s’avancera vers M d’une longueur unitaire est
et comme nous admettons que les probabilités de propagation
restent constantes pendant tout le cours de l'incendie, la pro-
babilité que de là il s'avancera encore d’une longueur unitaire
est encore « et ainsi de suite; de sorte que les probabilités qu'il
s’avancera des longueurs 1,2,3, 4, etc., sont & ,«°, 4 2 2:
et enfin que la probabilité qu'il viendra brûler la tranche Mn,
éloignée de x — y, est «° 7”, et que la probabilité de l'évé-
nement composé, que le feu prendra dans l’année dans la tranche
Nu, et qu'il viendra consumer la tranche Mn, est AD 4° 9 dx.
Il est essentiel d'observer que dans cette expression, l'expo
sant æ — y doit être positif, ou qu'il ne doit être pris que jus-
qu'à ce qu'il ait la valeur o : car il est clair qu’une tranche qui
serait placée à gauche de M à la même distance y — x que
celle Nn l’est à droite ferait courir les mêmes chances et que
la probabilité d'incendie de Nn par son fait serait également
AD 4° dx, et non AD ne Ar T) dx; comme la donnerait la
différentielle si on l’appliquait à la partie située à gauche de M
pour lesquels x — y est négatif. Pour les tranches situées de ce
côté, y — zx devra donc remplacer x — y.
La somme à payer en cas d'incendie de la tranche Mn étant
S' dy: 3
> l'assurance de cette tranche contre les risques qu’elle
S d
court de la part de celle Nn est —— AD «77 dx.
L'intégrale de cette expression sera l'assurance de Mm contre
les risques que lui font courir les parties du bâtiment placées
( 166)
entre les limites de l'intégrale , et en prenant pour ces limites les
extrémités du bâtiment , on aura l'assurance de la tranche Mn
contre tous les dangers auxquels elle est exposée.
En intégrant de nouveau l'expression obtenue, par rapport à
Yet prenant l'intégrale entre les limites de la partie qu'il est
question d'assurer, on aura l'assurance de cette partie. Désignons
par z l'assurance d’une certaine partie de l'édifice, partie qui
sera déterminée plus tard par les limites de l'intégrale, En tra-
duisant ce qui précède en langage analytique, on a
d z SAD
dy = —— 47) dx.d a).
FT dx.dy r_* dx.dy (a)
Cette équation est facile à intégrer, car
ErT
+ Const.
a
cn désignant par / la caractéristique des logarithmes naturels (*).
On a donc pour l’assurance de la tranche Mn,
dz a SA Dil or »
IS GE re + Const. ; dy (b);
mais quand x — y l'assurance est nulle : on a donc
o
[4
— + Const. — 0; d’où Const. — — -—.
la lu
E
Il faut ensuite mettre 4 pour x afin d'avoir l'assurance de Mm
contre tous les risques provenant de toutes les tranches situées
à sa droite ; ce qui donne
(*) Nous désignerons toujours dans ce mémoire par cette même caracté-
ristique , les logarithmes naturels ou hyperboliques. Ceux dont les tables ne
les donnent pas pourront Les obtenir en multipliant les logarithmes tabulaires
par 2,302585.
(167 )
dép «zut
mors * er (c)>
et comme les tranches placées à gauche entre À et M font courir
en Mn les mêmes chances d'incendie que si elles étaient placées
à droite, on a pour l'assurance de ces tranches de gauche une
expression qui ne diffère de celle-ci qu'en ce que la longueur y
de la partie gauche OM remplacera celle k— y de l’autre partie,
cette expression sera donc
SAD
kla
(a) — 1) dy.
L'assurance de tous les risques que court Ja tranche Mn est
donc
d SAD
À dd = —— PE DE SE AE dy (d).
dy 72
En intégrant maintenant par rapport à y, il vient
SAD on nl A
= —— {—— + — — 2,7 + Lonst.
RTa LE PES PARA
Pour avoir l'assurance z du bâtiment entier, il faut prendre
cette intégrale entre les limites o et À. z étant o à la première
limite, on a
En
a
Const. = — — —
lu
lu
Substituant cette valeur et mettant # pour y , on oblient pour
l'assurance demandée du bâtiment entier
SAD 1 a" ee I
SENTE DUT lu < lu lu
SAD ,,
ou De ds à (dt —1—%klu) (1),
{ 168 )
formule qui résout la question proposée. En y remplaçant ak pat
sa valeur en série
2 45
1+(la)k+ (la) — (la sv ete. il vient
2 A
22 —— — LuY ———
3 2SAD paru be PUR + ( u) nc PE
k
(la) PSN TRE AE US
formule dont la série ne deviendra convergente que quand le
nombre de ses termes moins un sera supérieur à À (Z«), et qui
ne pourrait servir aux applications que dans le cas où la proba-
bilité de propagation « serait très-grande, c'est-à-dire très-peu
inférieure à l’unilé.
Proposons-nous maintenant de calculer l'assurance d’une lon-
gueur 2, à partir d’une des extrémités du même bâtiment. En
désignant par S; la somme assurée, la valeur de la tranche Mm
S, :
sera = dy , par conséquent l'expression générale de z ne dif-
férera de celle du premier problème que par le changement
S, S sx nr ;
Fu Les limites de l'intégrale étant o et À, au lieu de
L
o etk, la constante qui est déterminée par la première limite
sera la même, et il faudra ensuite remplacer y par À, ce qui
donnera pour l’assurance demandée
S, AD
en Pole ER liant} (2)
œ
S'il était question de prendre l'assurance d’une partie du
même bâtiment comprise entre les longueurs k et 2, prises à
partir d’une des extrémités, on y parviendrait facilement en pre-
( 169 )
nant l'intégrale entre les limites y —= k et y — h'. La cons-
tante serait
k—h k
[72
SN RS E k,
la lu
et on trouverait pour l'assurance demandée, en désignant par
Sz-x la somme assurée ,
Sur À D
Ds pée=to Ce x — Th QE h 3).
LL Qi m)ta— (a — di) (8)
Lorsque a — o, c’est-à-dire lorsque la probabilité de propa-
gation d'incendie est nulle, ou que le bâtiment est incombus-
tible, l'assurance est nulle. C’est là une proposition évidente ;
mais il est intéressant de faire voir comment elle est indiquée
par la formule.
a étant égal à zéro, « est aussi nul, puisque sa valeur est
a D
, et en faisant « — 0 dans la formule (1),ona
I—a+a
SA D 1 k
Het
or, & étant nul, Zu —— « et l’assurance exprimée par la
bb
formule ci-dessus est nulle.
Il est facile de voir qu'à mesure que la longueur X du bâtiment
augmente, l'assurance augmente aussi. Cependant cette augmen-
L SAD
tation a une limite, quiest — ii . Pour le prouver, fai-
LA
I
sons À — — la formule (1) qui est
S
2SAD k
—— le —i—klu$s
( 170 )
se changera en
1
2S8AD (fd f
Pere TPS lu o
Or, à la limite que nous cherchons, 4 est in fini et f'nulle, et
1
comme « f'est inférieur à l'unité, quelque grand que soit l’ex-
I
posant F ; la supposition de f — o réduit la formule à son
; "HEPION PRE 2 SAD ‘
dernier terme, c’est-à-dire à — CHATS comme nous l’avons
œ
annoncé ; donc cette quantité est la limite des assurances des
bâtimens dont la longueur augmente indéfiniment.
SAD
a AUS EEE i
FU) (a TH & 2) dy, qui
d
L'expression . dé —
donne l'assurance de l’élément Mm placé à la distance y de l'ori-
gine , n'étant point indépendante de y, fait voir que l'assurance
des diverses tranches doit varier avec leur position. Si donc le
bâtiment renfermait des objets assurés, il faudrait, pour calculer
avec exactitude , avoir égard à leur situation. Il est aisé de re-
connaître que le milieu du bâtiment est la partie la plus exposée;
il ne s’agit pour cela que de déterminer les valeurs de y qui
rendent la fonction ci-dessus un maximum. En égalant pour
cela le coefficient différentiel de cette fonction à o,on a
= it alu a —= 0;
£e k
doù £A—y —=7Yy et y —=-,
2
ainsi que nous l'avons dit. Il est facile de reconnaître encore par
des applications numériques que les extrémités sont les parties
(171)
qui courent le moins de risques, quoique l'assurance ne soit pas
pour ces points un »27'rtmum, analytiquement parlant.
L'assurance de la tranche du milieu étant
k
SAD —
En (24 —2)#,
et celle de chacune des tranches des extrémités
Le rapport de ces deux assurances extrêmes est égal à
2
k ?
1 + 2
qui est toujours plus grand que l’unité, puisque « est une fraction
plus petite que un, et ce rapport va toujours en augmentant à
mesure que À augmente.
Dans le cas où le bâtiment dont nous nous occupons renferme
des matières extrêmement combustibles, telles que la poudre,
la résine, des matières grasses, du sucre , des liqueurs spiri-
tueuses , etc. , il y a certitude que le feu se propagera. On a donc
a D
a—1 ta ——> — 1 également. La formule
1—a+aD
(1) prend alors la forme indéterminée
2SAD £
De I— 1—0 } —=—
k.(o)° L
Pour obtenir la véritable valeur de cette fonction, il faut,
suivant les principes connus, différentier par rapport à « les
deux termes de la fraction, tant que l’un des deux au moins
cesse de s’évanouir par la supposition de 4 —= 1, En différentiant
( 172 )
une première fois les deux termes de la fraction
Es D A De
(la) E
Real —
AE ï d k (oë rx)
il vient —— —— ;
2 la 204
œ
fraction dont les deux termes s’évanouissent encore lorsqu'on
fait x — 1. En différenciant de nouveau ses deux termes par
rapportäx,ona
12 k—x k2 PL
— === ——/
2 :
ca
2 2
fraction qui devient — lorsqu'on y fait — 1; c'est done —
2 2
qui est la véritable valeur de la fraction dans ce cas. L'assurance
est donc, lorsqu'il y a certitude que le feu une fois éclaté con-
sumera tout le bâtiment,
SADK (4)
quantité qui croît proportionnellement à la somme assurée et à
l'aire en matériaux combustibles D K.
Si, comme cela arrive ordinairement , la somme assurée croît
en proportion de l'aire du bâtiment, l'assurance doit croître
comme le carré de celte même aire.
L'assurance donnée par la formule {3), d’une partie déter-
minée du bâtiment , prend aussi la forme indéterminée +, lors-
qu'on y fait x —= 1. En différentiant deux fois de suite par rapport
à & comme ci-dessus , on trouve que l'assurance est dans ce cas
S;»A DK,
(175 )
Sa-r désignant la valeur de la partie assurée. Ainsi quelle que soit
la partie qu'on assure dans un bâtiment où la propagation de
l'incendie est certaine , l'assurance doit toujours être en raison
composée de la somme assurée et de l'aire combustible de l’édi-
fice entier. Ces résultats pouvaient s'obtenir de même par la for-
inule (1), dont la série se réduit à son premier terme lorsque
4 —= 1, mais il était utile de lever les difficultés que pouvait
présenter l'application de la formule (1).
Dans la théorie qui précède nous avons supposé que les chances
d’explosion d'incendie sont dans chaque tranche proportion
nelles à l’étendue des matériaux combustibles qui s’y trouvent.
Cette supposition , convenable lorsqu'on ne considère qu'un
édifice, cesse de l'être dans certains cas, lorsqu'il s’agit de com-
parer les assurances de divers édifices de même construction ,
servant aux mêmes usages, mais de grandeur différente, Ainsi L
par exemple, de ce qu'un atelier de filature serait dix fois aussi
grand qu'un autre de même construction, il ne faudrait point
conclure que les chances d’explosion d'incendie y sont dix fois
aussi grandes; car il arrive quelquefois qu’elles y sont moindres,
parce que cet atelier, à raison de son importance , est constam-
ment surveillé: Si donc on admet qu’une salle de bâtiment d’une
certaine espèce court, quelle que soit sa grandeur, une certaine
crainte & d’explosion d'incendie, cette même crainte élant ex-
primée dans les formules précédentes par À K D, il faudrait,
pour les rendre applicables au cas actuel, remplacer À par
G
K D’ ce qui donnerait pour l'assurance de l'édifice entier
28 G L
APS (- ik), (5)
Klx (ka) « (klaŸ
G Lena LE 1 ——— +... ete. $(5)
ou S : AT CE FRE 3.4 3.4.5 +...., etc ler,
formules qui se réduisent à S G lorsque «x — r.
(174)
Il est facile de reconnaître que les assurances calculées par la
formule (1) croissent avec les longueurs X des bâtimens , et que
l'inverse a lieu pour celles calculées au moyen de la formule (5).
KR EP
”
De l'assurance d'un bâtiment formant une ligne fermée dans
lequel on considère l'incendie comme marchant par degrés
infiniment petits.
Lorsque les deux extrémités du bâtiment se rejoignent , ou que
ces bâtimens renferment un certain espace en faisant le tour
d’une cour, ils sont de ceux que nous avons déjà appelés fermés
et dans lesquels les chances d'incendie sont différentes, puisque
le feu, étant éclaté dans une partie quelconque, peut se commu-
niquer à chacune des autres dans deux sens différens.
Soit O MN le plan de la ligne, milieu d’un bâtiment fermé,
qui ne contient aucune cloison et qui est tel qu'un incendie
consumerait à la fois toute sa hauteur et sa largeur, en brülant
des élémens perpendiculaires aux façades, de manière à ce que
son mouvement puisse être assimilé à celui d’un point sur la
ligne milieu.
Désignons par À la longueur de cette ligne milieu OMN, et
maintenons d’ailleurs toutes les dénominations posées dans le
problème précédent.
Le bâtiment représenté par la figure (PL. 2) est de forme an-
nulaire ; mais quoique les angles changent un peu les chances de
propagation du feu , on pourra ; sans inconvénient, appliquer la
théorie qui va suivre à l'assurance des bâtimens fermés de forme
polygonale ou autre , pourvu que la largeur soit régulière, ainsi
que nous le supposons.
Prenons arbitrairement sur la ligne milieu un point o pour
origine des longueurs , et regardons le bâtiment comme com-
posé d’élémens infiniment petits, terminés par des plans ver-
(175)
ticaux perpendiculaires à la ligne milieu. Soit , comme dans le
premier problème, Mw un élément dont nous allons d’abord
chercher l'assurance et y la distance O M de l’origine à cet élé-
ment, et soit Nn un autre élément dans lequel nous supposons
l'incendie éclaté, et x sa distance N O à l’origine.
La longueur que le feu doit consumer en allant de N à M est
æ— y, de sorte que, de même que dans le premier problème,
la probabilité que l'élément M sera incendié par le fait de celui
N et par un incendie marchant dans le sens N M est
AD 4° d x. La longueur M A N que l'incendie aurait à par-
courir pour aller brüler M de l’autre sens est À —(x— 7).
Ainsi la probabilité que l'élément Mn sera brülé dans ce sens par
uu incendie éclaté dans celui Nn, est À D Xe») dzx;,et la
probabilité que Mm sera brûlé par l’une ou l’autre des causes est
ADR E ee D)),
Quoique l'incendie puisse venir de N en M dans deux sens
différens , l'élément Mm ne serait remboursé qu’une fois s’il
était brûlé par les deux causes. Il faut donc déduire de la pro-
babilité ci-dessus celle que la tranche Mn sera brûlée par les deux
causes , ou le produit des deux probabilités ci-dessus.
La somme à payer en cas d'incendie de la tranche y, est
S d
—Z : on a donc d’après le principe de l'espérance mathé-
matique
æ z 5 dy
1 TH AD: ay a KEY) E
En LE % dx x + 0. a (e)
ft à 2 + Com)
ly £ ;
Pour obtenir l'assurance de la tranche y contre les risques
(478)
provenant de toutes les parties du bâtiment, il faut prendre l’in-
tégrale depuis x —= y jusqu'à x — k + y ; on a done
L a
Const. = — — + — + dy,
lu lu
ce qui donne pour l’assurance de la tranche y
SAD dy a I k a L
— — — — 0" (k+ — + —
& Fe TP A ES M
SAD 4
= + à étage HG. aé «
En intégrant par rapport à y, on a
SAD
Pa ya — 2 — klaal) + Const.
[r4
Quand on prend l’assurance de l'édifice entier, la constante
est nulle et on a .
S A D
D (a ef = PORT Let (6),
l'a
et enfin l'assurance d'une longueur quelconque du même
bâtiment
SADA À
= (2 — 3— klua) (7).
k la
On trouverait encore ici de la même manière que dans le pro-
blême précédent , que dans le cas où «x — 1 , l'assurance d'une
longueur quelconque k de l'édifice est S À D z.
Dans le cas de la formule (5), où au lieu de supposer la pro-
babilité d’explosion d'incendie proportionnelle à l'étendue des
x
parties combustibles , on admet qu’elle est égale à une cons-
(177 )
tante G dans l'édifice entier, quelle que soit sa longueur, il faut
encore remplacer À par —— , et l'expression de l’assurance
D 4
d’une longueur quelconque k de l'édifice devient
SG » :
pp (tra) is
Lorsque la probabilité à est nulle, ou que le bâtiment est
incombustible, celle «, qui est —— — , €st aussi nulle
1—a+aD
et l'assurance d’une partie quelconque de bâtiment , calculée
dans l'hypothèse de la formule (7), ou dans celle de la formule
(8), est nulle. En effet, la parenthèse divisée par /4, qui est
la même dans ces deux formules, peut être mise sous la forme
k
a —1:
D ee 77.
lu
k
k s IN.
Or, lorsque x — 0 , À x” égale o, et le terme 2 ——— ;
4
ayant pour diviseur /4 qui —= — , est nul aussi. Ainsi les
*
deux formules (7) et (8), ayant pour facteur cette parenthèse,
sont nulles dans le cas de 4 — o. C’est là une chose évidente,
mais il convenait de faire voir comment el'e est indiquée par
l'analyse.
Dans les bâtimens dont les extrémités $e rejoignent , comme
dans les autres, l'assurance augmente avec la longueur et elle a
aussi une limite. Nous allons faire voir que cette valeur que
. 2, #4. 2 SAD
l'assurance ne saurait dépasser est — — » la même que
(4
pour les bâtimens en ligne droite.
1
En effet, faisons « — 7 , « élant plus petit que un, £ sera
2
12
C 78 )
plus grand que 1, et son logarithme sera additif; la formule (6),
savoir :
SAD
lu
Læ (te) — |
£K étant développé en série est d'après un théoréme connu
atatisN ati
deviendra
gi — 1+/6.k+ — (6x) + — (LE £ ke) +..ete
(5)
6° ?
I
14 LB + — (18.x) + — (26.x)° + ete.
et
I
PR HRRS LE (ER) sa
expression dans laquelle les deux dénominateurs deviennent
ce tels 2 sup k la
infinis par la supposition de 4 infini. On a donc «°| 1-— }—=0o
S
Es k est infini, et il ne reste plus dans la formule que
SAD
— ———— comme nous l’avons annoncé. Telle est la limite
[24
des assurances pour les bâtimens dont les extrémités se rejoi-
gnent comme pour les autres.
(179)
Cette égalité des deux limites se concoit facilement ; car dans
un bâtiment fermé infiniment long , il est infiniment peu pro-
bable, ou il est impossible que l'incendie se communique d’un
point à un autre en faisant le grand tour ou en brûlant une
longueur infinie, et les chances auxquelles chaque point est
exposé se trouvent les mêmes que dans un bâtiment en ligne
droite, IL est clair aussi que le désavantage, sous le rapport des
dangers d'incendie, qu'il y a à faire des édifices fermés diminue
à mesure que les chances de propagation d'incendie sont moin-
dres et que l'édifice est plus long.
De l'assurance d'un bâtiment contigu à plusieurs autres et
d'un groupe de bäâtimens dans lesquels on considère le
feu comme marchant par degrés infiniment petits.
Proposons-nous maintenant de chercher l’assurance d’un bâti-
ment rectangle, qui a à sa droite m bâtimens de même espèce
et n à sa gauche. Les cloisons ne présentant au feu qu’un ob-
stacle qui n’est point insurmontable et l'incendie étant considéré
comme devant marcher par degrés infiniment petits pris dans
le sens de la longueur seulement; de sorte que nous regardons
l'incendie comme devant brûler à la fois les tranches formées
par des plans verticaux infiniment voisins, perpendiculaires à
la longueur.
Désignons la maison à assurer par le N.° o, celle à sa droite,
par les Nos 1,2,3, .... m, en allant de la maison à assurer
vers l'extrémité droite, et celles à gauche par les N.os 1, 2,.., 7,
à gauche, en commençant de la maison o vers l’extrémité gauche.
Nous conserverons toutes les dénominations prises pour l'as-
surance d’un bâtiment isolé et pour distinguer les quantités
relatives aux différentes maisons, nous placerons au bas de la
( 180 })
lettre, en indice, à droite ou à gauche respectivement, le numéro
de la maison à droite ou à gauche ; ainsi par exemple :
nd noyer do os A y Ageee Ans désigneront les pro-
babilités de propagation d'incendie dans des bâtimens de déve-
loppement unitaire, qui seraient combustibles au même degré
que ceux dont ils portent le numéro.
péresorss 1 Goo Up Bgveeress Un, désigneront les proba-
bilités que dans les bâtimens dont ils portent le numéro, le feu,
étant parvenu en un point quelconque, avancera encore d’une
longueur unitaire, et on a toujours
GA D,
Go
I —a+a D,
et en général dans un quelconque des bâtimens :
a; D;
1—a;+a; D;
Œ: ==
t
Les assurances des diverses maisons seront désignées par z
avec le numéro de la maison pour indice. Il en sera de même
des longueurs et des développemens de chaque maison, qui
seront désignés par # et D avec le numéro de la maison pour
indice.
De plus, nous désignerons par ,c, ,_,c;,C, ,C, les probabi-
lités respectives que l'incendie franchirait les cloisons entre les
Nosnetn— 1,n—1etn—2,2ct1, 1 et 0 à gauche s'il
les atteignait ,et par c,, ©, , .. ©, les probabilités semblables
pour les cloisons entre les N.os o et 1,1 ct 2, (m1) et m.
Nous avons vu que l'assurance du N.° o contre les risques
qui ne proviennent que de lui-même est, conformément à la
formule (x) :
k (las)
no — 1— 4 la Lors (ao)
28, À, D, k
(1821)
Considérons maintenannt une tranche infiniment étroite du
bâtiment o, placée à la distance y de l'extrémité gauche de ce
bâtiment , extrémité que nous prenons pour origine des lon-
gueurs. d y étant la largeur infiniment petite de cette tranche,
o dy
o
la somme à rembourser , si elle venait à brûler serait
Nous allons maintenant chercher son assurance contre les
risques qu’elle court du fait d’une autre tronche que nous sup-
poserons successivement placée dans les bâtimens 1, 2..., ete.
Nous désignerons toujours par æ la distance de cette tranche
à l’origine.
La probabilité que la tranche dy sera brûlée par un incendie
éclaté dans celle dx, que nous supposons d’abord placée dans
bâtiment N° 1, est un évènement composé des quatre suivans,
qui sont indépendans :
PROBABILITÉS
DE L'ÉVÈNEMENT,
1.” Que l'incendie naisse dans l'élément dx... À, D, dx
2.° L'incendie supposé éclaté en dx atteigne la
æ-k,
Fe. Te) I SON ee A RAS “,
Je Id. arrivé contre la cloison N.° 1,
la franchisse ....::1....2, ce
4 Id. passe au-delà de la cloison, se
. ‘“ RS-Y
communique à dy......... 4
La probabilité de l'évènement composé est donc
ky x-k,
DA CS RE LE
I
( 182 )
ainsi l'assurance de la tranche dy contre les risques provenant
de celle dx est
d 3 S k=y x-k
TS CNE RENE ENTRE
En intégrant par rapport à x il vient, en désignant par / la
caractéristique des logarithmes naturels,
dz S, A, D _C AY z-k,
rs dy == re Lo es + Cons )
L'assurance contre tous les risques provenant du bâtiment
N.° 1 devant être prise entre les limites x — 4, pour laquelle
l'assurance est nulle et x — 4, + &,, pour laquelle elle est
complète, on a
k—k
o Le
Const. = — «, == — I
Et l'assurance complète de la tranche dy contre tous les
risques provenant du N.° x: sera
S A, D, C, ï KE k
K, (Zx,) U. Ce 1) K<
En intégrant par rapport à y il vient
k =
re (es %o 4 CRE ée, —_ se
Pour avoir l'assurance de toutes les parties du N.° o contre
les risques provenant du N.° 1, il faut prendre cectte intégrale
(183 )
k,
entre les limites y — 0 ety — #,. La constante est donc ,
et l'intégrale complète est
SG A:D C k k
ne Gr) CD
Supposons maintenant la tranche dx placée dans le bâtiment
N.° 2, toujours à la distance x de l’origine et cherchons encore
l'assurance du N.° o contre les risques provenant du premier
bâtiment N.o 2.
Pour que la tranche dy soit brülée par un incendie éclaté
dans celle dx, il faut le concours de ces six évènemens indé-
pendans :
PROBABILITÉS
DES ÉVÉNEMENS.
1.° Naissance du feu dans l’année dans l'élé-
A M Re ete dt ame ses lue ME
2. Propagation de l'incendie jusqu’à la cloison
z-(Ko+k;)
o
N. Lors ses La
3.° Passage de l’incendie à la cloison N° ,... c,
4. Propagation de l'incendie dans toute la
k
I
longueur du bâtiment N° r.......+.. «,
5.° Passage de l'incendie au-delà de la cloison
oO
N. Loose Cr
k=Y
6.° Propagation jusqu’à la tranche dy....... w
L'assurance de l'élément dy contre les risques provenant de
celui dx est donc
( 184 )
pos DUR, A
2 4, D, CC a, Le Le ONE. Lele
o
En intégrant par rapport à x et prenant l’assurance pour les
risques du bâtiment N.° 2 entier, c’est-à-dire entre les limites
k,+k,etk, +k. +k,,;ona
KO k—y( Got)
So 4, D, C ER & € 6 A 0 : + Const. dy
K, la, k
La const, — — 1 et l'intégrale complète est
De cr sv
So. — —— 4, É 4o pre ) dy
LCR M :
En intégrant maintenant par rapport à y nous avons
S:'A; DS CRC. ja (ii PE ( de in )
10
Kite: des
L'intégrale devant être prise entre les limites o et #,, la
constante —w,/° et l'intégrale complète ou l'assurance du N.° o
les risques provenant du N.° 2 est
es GG LE (ae | Ne AR
o la. las
La loi des expressions des assurances contre les risques pro-
venant des maisons voisines est ici manifeste. Îl y aura pour
ï o GE ,. .
facteurs, 1.” les probabilités c,, c,, c3, cte., que l'incendie
franchira les diverses cloisons qui sont sur son passage; 2.°
PA
( 185 )
k, k; k3 { jé
celles x, 4, 43 ,ete., qu'il se propagera d'une extrémité
à l’autre des bâtimens qu'il doit brûler pour arriver à celui
qu'il est question d'assurer. On trouverait donc en général pour
l'assurance du N.° o contre les risques provenant d’un numéro
quelconque à,
k. k k1 [a Roy No Ladisi
& À; D,C, C, G3... C; PAR RER : us ee
0
Ou en faisant , en général, pour abréger
FRS ONE
dé Tu NE
La,
a Rx — EF,
4e D CU ONU ROME FE
Lo]
C’est ce qu'il serait très-facile de démontrer rigoureusement.
L'assurance du bâtiment N.° o contre tous les risques qu'il
court étant la somme des assurances (a o),(a 1),(a 2),etc.,
contre les risques provenant de toutes les parties, est donnée
par l'expression
2. (E —K,)
a; E, C,+a, E, C, C, F, +as EC, C, EI Ê AAA
2 7 AR D PE
m-1
+ E,
+ ji Ë 1G+ ,a Ë de GC F+ 3a3E APE 64 2 1 aie
CNE 155 QC PO LA CR do 0 )
DE
( 186 )
Il est utile pour prendre l'assurance d’un groupe de maisons
d’avoir cette expression en fonction du numéro qu'aurait la
maison à assurer si les numéros étaient mis à partir de la pre-
mière maison à gauche qui s’appellerait N.° 1. Alors en désignant
par Z le numéro dans la nouvelle série de la maison à assurer,
qui portait le N.° o, et par p le nombre n + 1 + m des
maisons, On a
I—n+I ou n —=i— 1
= pi
On aura les nouveaux numéros en ajoutant À aux anciens à
droite. Quant aux numéros à gauche, qui sont négatifs, il fau-
dra au contraire déduire de z l’ancien numéro à gauche. On
aura ainsi pour l'assurance de la maison N.° z dans un groupe
de # maisons en ligne
(9)
2a, (E —K;)
dx Les Gr + Aa LR ee 2 LÉ
+ a;,3 E;,3 Ge CG. C;,3 pa p;,
+ E, o.+ du E, Ci; ARE CF Fire Fo
+a;_,E,,G; ,#+a,,86,G ,C,F;2,-+2...
0.2 am. 00 EF TRLAEER
2
S'il était question d'assurer le groupe entier de nr + 1 +m
maisons considéré comme un édifice unique , ou seulement d'une
(187)
partie de ce groupe, il sufbrait de prendre la somme des assu-
rances de toutes les maisons qu'on se proposerait d’assurer.
S'il s'agissait d'assurer un bâtiment de largeur uniforme sé-
paré en n+1-+m parties par =+m cloisons également espa-
cées , et si, comme cela a lieu dans les assurances que nous avons
appelées générales, on n'avait point égard aux causes qui peu-
vent exposer certaines parties à de plus grands dangers d’ex-
plosion d'incendie, ou rendre certaines parties ou certaines
cloisons plus combustibles , il faudrait regarder toutes les quan-
tités désignées par la même lettre diversement numérotée comme
égales entr’elles et en les désignant par la même lettre sans nu-
méro , il viendra, en remplaçant , pour abréger, ar par F,
2 k
PR ANR 7
(La) (- ; +)
Cu CAR AIO EC CE ES
k 2 CRC HO Er
G 1
+0 (—)
LC OC F + C panne
is EL CRC RES
ou
7 90 k k à
RES Dec PU LCL Fe
+ C ————
1 — CF
Telle est l'assurance de la partie N.o o, qui en a m à sa droite
et » à sa gauche. Il serait convenable de substituer à ce numéro
celui 2-12 qu'elle aurait si on marquait les numéros à
( 188 )
partir de la gauche en commençant par 1 et faisant le nombre
n+ 1+m des maisons égal &, on aurait
RL + et mu —i
et la formule (10) deviendrait
(ce)
ns 2 (- 1 — klu)
Car) FA A1
+ PONT ET 2 — (CH _ (Cat) ) |
Pour avoir l'assurance d'un groupe de parties , il faut consi=
dérer cette valeur comme la différence de l'assurance et l’inté-
grer aux différences finies, ce qui donne, pour l'assurance des
& parties ou de l'édifice entier,
1—Cuk
RTS
S est ici la somme à rembourser en cas d'incendie de chacune
des parties et # la pme partie de la longueur totale.
Il est facile de reconnaitre qu'ici comme lorsque l'incendie est
regardé comme marchant par sauts brusques, c’est la partie du
milieu qui est la plus exposée. En effet, en prenant avec la for-
diZy
di
mule (10) —0, ona,en faisant pour abréger
( 189 )
d’où l’on tire i — PRE
2
Lorsque est impair, cette valeur de z, qui correspond à
l'assurance maximum, indique bien la case du milieu; mais
lorsque y est pair, cette expression donne pour le numéro cherché
un nombre fractionnaire qui correspond au milieu de l’édilice.
Cela tient à ce que ? ne varie que par différences de un et non
par différences infiniment petites, comme on le suppose impli-
citement en différentiant par rapport à z. Il faut done s'assurer
par un autre moyen si effectivement ce sont les deux cases du
milieu qui courent le plus de dangers.
L'assurance donnée par la formule (10) pour la case N.07 n'a
que deux termes qui contiennent z : c'est le binome
Ce ER pi
— (4 HÉRSE )
et comme il est soustractif, l'assurance diminue lorsqu'il aug-
mente.
Supposons maintenant impair de la forme 2.0+1: le
numéro de la case du milieu étant (0 +1), le binome sera
— (+) = — 2,
le binome pour la case suivante N,o 0 + 2 sera
Fa ( [Re w:)
Le rapport de ces deux binomes sera
(:xg0: )
Or, » est égal à c.«*, qui est le produit de deux fractions plus
petites que l'unité; il est donc lui-même plus petit que un.
En faisant »—1—9, 9 sera positif et le rapport
2 v à 2— 20 (2— 20)
———; deviendra ————© 2 = ———
Ivy IHI—20+0 (2—29)+9
rapport dans lequel le numérateur excède le dénominateur de
9°; le binome est donc plus grand pour la case qui suit celle
du milieu, et, par conséquent, l'assurance de cette case est
moindre que celle du milieu.
Les assurances des diverses cases sont d'autant moindres-
qu'elles sont plus éloignées du milieu, En effet , le binome re-
latüf à l'assurance de la case quelconque N.° o+x est
—2+1 o+æ—
EU ( œ+i DE 042 )
celui de la case suivante No ox est
2 (re me re)
le rapport de ces deux binomes est
o—x+1 O+x—1 2æ—1 2X—I
+ » Y y LH y — d
© 0+x 22 2T—1 22X—T
Ve EU roy 1 Hy 0
Les deux premiers termes du numérateur et da dénominateur
de cette fraction sont identiques. Le troisième, qui est sous-
tractif des deux côtés, est plus grand au numérateur qu’au dé-
nominateur, puisque celui du dénominateur est égal au premier,
multiplié par un nombre plus petit que l'unité. Donc le numé-
(Cigr )
rateur est moindre que le dénominateur ; donc l’assurance d’une
case qui est plus éloignée du milieu est moindre que celle de la
case précédente.
Cette proposition se démontrerait de la même manière pour
le cas où y est un nombre pair.
Il est encore facile de reconnaître que les assurances des cases
également éloignées du milieu sont égales. En effet, dans le cas
où # est pair et égal à 20, les deux parties du milieu ont les
Nos o et o + 1 ; deux autres cases également éloignées de x rangs
de celles-là porteraient les Nos o—x et o-H1-+æ. Or, le
binome pour le N.o 0 —x est
‘
on GET) en Se, (+
et pour celui N.o o+xæ+t
O—-x— Le)
— (: Fe LH y )
qui est égal au précédent, et on se rappelle que ces binomes
sont les seuls termes qui, dans la formule de l'assurance , Con
tiennent le numéro des cases.
Dans le cas où £. est impair — 2041, la case du milieu
porte le N.o o+ 1 ; celles qui sont de chaque côté à x numéros
de distance ont les Nos or —zx et or +x, pour les-
quels les binomes sont — (,°*7.4,9-x) ct — (HSE SET
et par conséquent égaux.
( 192 )
Assurance d'un bätiment qui est partout d’égale largeur et
q P 8 8
qui est séparé en diverses parties par des cloisons inégale-
ment espacées.
Supposons maintenant qu'il s'agisse d'assurer un bâtiment
qui ait partout la même largeur, qui soit divisé par des cloisons
inégalement espacées, qu’on n'entre point dans l'examen de la
valeur particulière de chaque partie , ni des chances d'incendie
qu’elle court et qu'on ne recherche point non plus si une cloison
pourra plus facilement qu'une autre arrêter l'incendie.
Alors , en désignant par S la somme totale à rembourser pour
l'incendie de l'édifice entier, par K la longueur totale des diverses
parties que je suppose , comme dans la formule (9'), numérotées
de 1 à p à partir de la gauche, par G la probabilité d’explosion
d'incendie dans l'édifice entier. En appelant toujours K, , K,,
K3...... K, les longueurs particulières des diverses parties,
alors, disons-nous , toutes les probabilités G,, C,.... etc. que
l'incendie franchirait les diverses cloisons, doivent être regardées
comme égales entr’elles, et nous les désignerons toutes par c.
Il en est de même des probabilités &,, «, , CS EL LE
propagation d'incendie dans les diverses parliés, qui seront
tontes égales à x, et de celles À,, À,, A3.... etc. d’explosion
d'incendie sur chaque surface unitaire, qui seront toutes égales
à A.
Les lettres a, E et F qui entrent dans la formule (9!) pour
l’abréger deviendront ici
et la valeur S, de la partie quelconque No x sera SK.
La formule (9’), qui donne comme l'on sait l'assurance de la
(195)
partie N.0 : dans un groupe de 4 bâtimens en ligne, deviendra
ici, en mettant pour a E et F, leurs valeurs
SAD
(12) L, — Ty
a (eh: — k;la)
c (2 fus) +0 (a _— iri
LC (: ka" :) LANCIA
C4 (-' (+4 1) « den
+ Hs Cr (À ur) 4 PAS lue Kiss hu
+C (x his) +0 (4À rar) 4 i—1
+0 (a en) Moins ah réeph
me OT (afin) ah +À; ar °° + Æ,
On obtiendra facilement , au moyen de cette formule, l'assu-
rance de l'édifice entier en prenant la somme
rl + 3, + L,...... + plu
ou la somme des assurances de toutes les parties. Le résultat que
l'on obtiendrait pourrait servir à résoudre pour le cas actuel, où
l'incendie est regardé comme pouvant être arrêté en chaque
point , les questions résolues dans la première partie pour le cas
où il est regardé comme ne pouvant s'arrêter qu'aux cloisons.
Larésolution de ces questions amènerait une grande complication
de signes et nous ferait sortir des bornes de cet opuscule.
13
( 194 )
De lassurance d'un groupe de bâtimens formant une ligne
dont les deux extrémités se rejoignent.
Cherchons maintenant à résoudre, pour l’assurance des bâti
mens formant une ligne dont les deux extrémités se rejoignent,
les questions que nous avons résolues pour les bâtimens en ligne
droite. Beaucoup d'édifices sont dans le cas dont il s’agit ici. Il
y a surtout un grand nombre de fermes bâties autour d’une
grande cour, pour lesquelles il sera d’autant plus nécessaire
d'employer les formules qui vont suivre, que les probabilités
de propagation d'incendie y sont très-grandes , et qu’alors il est
nécessaire d’avoir égard, dans le calcul de l'assurance de chaque
corps, aux dangers qui proyiennent des parties éloignées.
Soient 1, 2, 3, 4....(n—1) nr les numéros de différens
corps de bâtimens construits les uns à la suite des autres de
manière à renfermer un certain espace, ces bâtimens étant
séparés par les cloisons G,, C,, G3....C,,, G,.
Nous conserverons ici les dénominations précédentes. Les lon-
gueurs K des divers corps, qui seront de plus distinguées par le N.o
de la partie mise en indice, devront être prises sur la ligne qui,
placée vers le milieu des bâtimens , peut être considérée comme
celle que parcourt l'incendie, telle que la ligne ponctuée tracée
sur la figure. (Voyez fig. 2, pl. 2.)
Proposons-nous d’abord de trouver l'assurance de la partie
N.o 1. Pour cela prenons le point À à gauche du No 1 pour
origine des longueurs qui se mesureront sur la ligne ponctuée
tracée vers le milieu des bâtimens.
Soit M2 une tranche quelconque du corps N° 1 placée à la
distance y de l'origine, dy étant sa largeur infiniment petite
d à ;
etoS;s 4 la somme à rembourser dans le cas où elle vien-
I
drait à brüler.
( 196 )
Nous allons chercher d'abord la probabilité d'incendie de
cette tranche par l'effet d’un incendie qui aurait éclaté dans une
autre tranche quelconque N, placée à la distance x de l’origine
et dans le même N.o 1. Deux intégrations de l’équation obtenue
nous feront connaître l’assurance du N.o 1 contre les dangers
qui proviennent de lui-même. Nous supposerons ensuite la tranche
Na dans la partie N.o 2. Nous chercherons encore la probabilité
que la même tranche Mn sera brûlée par l’effet d'un incendie
éclaté dans la première, et deux nouvelles intégrations nous
donneront l’assurance du N.0 1 contre les dangers provenant des
incendies qui éclateraient dans le N.o 2, En faisant la même
chose pour chacun des corps de bâtimens et prenant la somme
des assurances contre les risques provenant de toutes les parties,
on aura l'assurance demandée.
Soit donc Nz une tranche du N° 1, de largeur infiniment
petite dx, placée à la distance x de l'origine, L'aire des maté-
riaux combustibles de cette tranche est D, dx, et comme A,
représente la probabilité de naissance d'incendie sur une surface
unitaire de matériaux combustibles du N.o 1, À, D, dx est la
probabilité que le feu éclatera dans l’année dans la tranche Nx.
La probabilité que l'incendie une fois éclaté en N se commu-
niquera en M dans le sens NM est..,........,.. «77.
L’incendie éclaté en N peut encore se communiquer en M
dans l’autre sens NC, C,..... C, M et la probabilité de cet
évènement est celle du concours des évènemens indépendans
qui suivent.
Probabilité
de l’évènement.
1.0 Que le feu se propagera de N en C, dans le sens
2.0 Qu'il franchira la cloison C,...,.,.,......... CG
3.0 Qu'il brûlera la partie N.o 2 et atteindra la
ju
cloison Te EN eo el dense Ko ?
( 196 )
4 Qu'il franchira la cloison N.6 2......,,,.,,... C.
sodeodsreneete sets es nettes eee ses
k
n
OMS Déätara 12 patte NII ZUNE LOS Jap UL GP
Qu'il franchira la cloison C........,.4..... C.
Et enfin qu'il brûlera la longueur C, M du N°1. 4,7.
La probabilité que l'incendie éclaté en N se communiquera
en M dans le sens NC,.... CM est donc C, C, C3...
... (Be fs An œ d
14+Ÿ—2
n 2 az .…... Cu I .
Pour avoir la probabilité que My sera brûlée par l'effet de
l'incendie éclaté en Na, il faut ajouter les deux probabilités ei-
dessus des deux cas favorables à l'évènement et déduire de la
somme la probabililé que la tranche My» sera brülée dans les
déux sens par l'effet du même incendie éclaté en N, Or, la pro-
babilité que M sera brûlée par ces deux causes est le produit de
leurs probabilités, savoir :
k, À
CORRE 1%
k,, À k.
9 CRC EC]
HA, — G; Gie Cry
Pour abréger, nous ferons en général
NC ee. = ( C )
ka À k
Fe 09" ages a = 4 )
2.
..n
ME OC. à Cas es tie = c \( J )=
Toss.71 Losvelt
Donc la probabilité que le feu éclatera dans la tranche Nn
( 197 )
(corps N.° 1} et qu'il brülera M2 d’une manière quelconque est
À, D, dx ar FA (9) ga) c Fr Ch
En intégrant cette différentielle entre les limites x —y et
æ—=k,, nous aurons la probabilité de l'incendie de la tranche
Mr par le fait d’un incendie éclaté dans la partie MC. Or,
l'intégrale est
A, D,
La,
æ
“, TN — PES _ vla, æ + Const,
qui doit être nulle quand x —y ; ce qui donne
Const. = — 1 + y + y lu, y.
Et en mettant ensuite 4, pouf æ, on a pour la probabilité
de l'incendie de My , par le fait de la partie MC,,
Be coeur
et comme les tranches placées à gauche entre C, et M font courir
à la tranche My les mêmes chances que si elles étaient de l’autre
côté, il faut, pour avoir la probabilité de l'incendie de M2 par
le fait d’un incendie éclaté dans un lieu quelconque de la partie
No 1, ajouter à l’expression ci-dessus une autre semblable, dans
laquelle À — y sera remplacé par y; ce qui donnera
So (Ces a7—2) — y (2,07 Ha —2)—h La]
La somme à rembourser pour l'incendie de la tranche Mm
d
étant en 4 ; l'assurance de cette tranche est le produit de
x
(198)
la probabilité ci-dessus par cette somme. En intégrant ce produit
il vient
S, A, D a TR
He nt (- — — 27 + Const)
I % ?
à A = G
= (i HET Qur À — 27 + Const, = (avt, (+ Const
lu, La,
Pour avoir l'assurance de la partie N.o 1 entière contre les
dangers provenant du N.o r seul , il faut prendre cette intégrale
entre les limites o et Æ,, ce qui donnera (a 1):
2$S AD É=
k —k
FR Ga) “% Es Louer (a LE = + À, La)
Il est à remarquer que si l’une quelconque des probabilités
C du passage du feu aux cloisons est nulle, » sera nul et l’assu-
rance ci-dessus deviendra la même que si le bâtiment était en
ligne droite. Il en serait de même si l’une quelconque des pro-
babilités « de propagation d'incendie dans les diverses parties
était nulle ; » serait encore égal à zéro, et l'expression serait ré
duite comme ci-dessus à ses trois premiers termes, qui sont
précisément ceux que nous avons trouvés pour l’assurance d'un
bâtiment en ligne droite.
Cherchons maintenant l'assurance de la partie N.o 1 contre
les dangers provenant du N.o 2. Pour cela nous allons chercher
comme précédemment l'assurance de la tranche M2, que nous
supposons toujours placée dans le N.° x à la distance y de l'ori-
gine, contre les dangers provenant de celle Nz que nous sup-
posons maintenant dans le N.o 2 et à la distance x de l’origine.
La probabilité que l'incendie éclatera dans l'année en Na est
( 199 )
À, D, dx, et celle qu'il brülera alors l'élément M en allant dans
le sens
C, C, est sATTh
Ke
CAR 25 et en allant dans l'autre sens,
3 —?T
Ditn..:. GC a + pa se ee Fi «,”, et enfin
la probabilité de cet évènement par les deux causes à la fois est
le produit des deux probabilités ci-dessus ; c’est-à-dire encore ».
Si donc on désigne par Z, l'assurance que nous cherchons, nous
aurons, d'après les mêmes raisonnemens que dans le cas pré-
cédent,
Ca / S, A
D
> dr dy = ER SR | . d
dx dy“ Ÿ A tee
À 2
C, ., Fate f ia Fs pe CT a : Te À
Pour avoir Z, , il faut intégrer par rapport à x, entre les
limites x — 4, et x — k,+%k,, ce qui donnera
d.2, S, A,D, dy NZ
ALI P AT OR
ia Riu 150 a (. Ky 1) PET k, lu,
Puis en intégrant par rapport à y entre les limites o et h:
on trouvera, pour l'assurance du N:o 1 contre les risqués pro-
venant du N.o 2,
S, A, D. z k
SÉRIE)
+ Lips fi («- ) (ut ) a: ; e * ù
( 200 )
Plaçons maintenant la tranche Na dans le corps Ne 3, et
désignons par Z3 l'assurance du N.o 1 contre les dangers pro-
venant du N.o 3. Il est facile de voir par ce qui précède que
S
En intégrant entre les limites x — k,+ 4, et x — k,
+k,+/k;, on trouve
d73 S, A3 Da dy pit. : RUN
2 D us 7 «Je Chess En (ut)
Le
_ GE .) (3) a (* a. .) — »k;laz
Puis, en intégrant par rapport à y entre les limites o et 4,
on a pour l'assurance cherchée,
(CNE)
La loi que suivent ces expressions des assurances du N.o r
contre les dangers provenant des diverses parties est maintenant
( 20r )
évidente. En désignant, comme précédeminent, par ( 12)
l'assurance du corps N.o 1 dans un édifice fermé composé de x
parties, et faisant aussi pour abréger
3
MAP LUE ñ —À, I
SRI SET ; I as ms (a, Ne à +kta,)
A, D, E, G ni] (as) Gil
+A;D;E; GG, (:) +(,°,) (Az)
Ps +AD,E, | 6) fée) a a Gt)
? I
+A,D,E, (62) CN EN
ot { A, D, &, + A3 Da kye.e. A, D, 4, }
En prenant la somme des expressions semblables pour toutes les
parties de 1 à #2, on aura l'assurance de l'édifice entier.
Si, au lieu de connaître les probabilités A d’explosion d’in-
cendie sur chaque surface unitaire de chacune des parties, on
connaissait les probabilités LAN DANONE AR G, que le feu
( 202 )
éclatera dans l'année dans les parties respectives 1, 2, 3....nr
entières; comme on aurait en général AKD —G, il suffirait
G
de remplacer les produits AD de la formule (13) par res les
mêmes indices.
Supposons maintenant que le bâtiment fermé qu'il est question
d'assurer soit composé de 7 parties égales en longueur, en lar-
geur, en valeur, en combustibilité, et faisant courir les mêmes
chances d’explosion d'incendie; et supposons encore que toutes
les probabilités du passage du feu aux diverses cloisons soient
égales , de sorte que toutes les lettres K, D, S, « et C portant
pour indice le numéro de chaque partie soient respectivement
égales à K, D, S, « et C. L'assurance donnée par la formule
(13) viendra alors indépendante du numéro de la maison; on
aura donc l'assurance de l'édifice entier en la multipliant par n.
On trouvera ainsi, après avoir sommé deux séries de termes qui
sont en progression géométrique, pour l'assurance (Z,) d’an
édifice fermé composé de n parties égales de longueur #,
7 Ve 2n SAD
BE er
k nb EUR
NE A: A a de — — +kle
2
EU cr! ACL (14)
PCT Re
1 Cuk 2
(203)
‘Assurance d'un bätiment fermé qui a partout une égale
largeur et qui est séparé en un certain nombre n de parties
par autant de cloisons placées d’une manière quelconque.
Cherchons maintenant l'assurance d’un bâtiment fermé ayant
partout la même largeur et séparé en un certain nombre
parties par un nombre égal de cloisons, et supposons que l'as-
surance doive être faite sans examiner la valeur particulière et
les chances d'explosion et de propagation des diverses parties,
non plus que la probabilité de passage du feu aux diverses cloisons.
Désignons par S la somme totale à rembourser pour l'incendie
de l'édifice entier ; par Æ la longueur totale des parties qui por-
teront les numéros 1 à 3; par 4, k,..... k, leurs lon-
il
gueurs particulières, et par G la probabilité d’explosion d'in-
cendie dans l’édifice entier.
Pour appliquer ici la formule (13), il faudra remplacer toutes
les probabilités À, À,..... A, d’explosion d'incendie par
G G k
FE à er RE, 2 Ed , toutes les probabilités &, &,... «,
de propagation par «, toutes les lettres C, C,.... G, par C,
toutes les lettres D par D, et enfin toutes les somines particu-
SA, Sk, S4,
lières S, S,\ +. 5S,.par DC FNAC UE Il faudra
encore remplacer les symboles généraux (, c 1) LAS Rs
OS. (5 :) (rs por C, Ci
et EE, —
(204 )
R sera égal à hihi #+k, et nous le repré-
senterons encore par le même signe (. & ke
lo..7
En faisant ces substitutions dans la formule (13), on trouve
(5)
2SGDX
(7) FF -——"
(Ta)
Le 2
(4 a qe Dé 4iOP cd (rh aid + À, 1«))
2
ë E, (C +e (x)
+ À Es (c, ) Gt (ED)
SGDE,
DENT 3 n—3
et 4° #r k, E, (cs (7) +0 (51)
+.
ar k, E, (er: Per Sins) + C )
\
SGD &, C" 4"
A —— CRETE +?)
En augmentant tous les indices d’une unité et comptant
l'indice (7 + 1) comme 1, on aura l'assurance de la partie
N.° 2. En augmentant tous les indices de 2,3....(27— 1) et
écrivant en général 2 au lieu de 727, on aura de méme les
assurances de toutes les autres parties 3, 4.... 73; et en pre-
nant leur somme , on aura l’assurance de l'édifice entier.
L'expression générale de celte somme est facile à trouver;
( 205 )
mais elle est trop compliquée pour que nous l’écrivions ici.
Nous nous contenterons de donner la formule de l’assurance de
l'édifice entier dans le cas où cet édifice forme un parallélo-
gramme ayant une cloison à chaque angle. Nous mettons d’au—
tant plus d'intérêt à cela , que c’est à-peu-près le cas de beaucoup
d’édifices ruraux, qui sont fort exposés à l'incendie et à l'assu-
rance desquels on ne saurait mettre trop d’altention.
Dans le cas dont nous parlons on a
n {4 KR, et k, —k, ;
ensuite les parties Nos 1 et 5 et 2 et 4, étant égales et placées
de la même manière, ont des assurances respectivement égales.
En appliquant ici la formule (15), on trouve
(124) + (344) —= _—
Re jui a Cfa C0)
k, («be —i) (c+e +R)
Hi) er, (ei) (C4)
+8, (ai) (GE +R sc)
—k, Ci (287+4)
sd
FE (La)
2h, fat ii las Cfa (CT
Re
q.
à thyn)
: k (451) (c+ca)
+ 2 »—:1) +8, (45) © A
— k, Cd (or 4 rt)
( 206 )
En ajoutant ces deux expressions, on aura, pour l'assurance
d'un édifice entier bâti en parallélogramme et séparé en quatre
parties par autant de cloisons placées aux quatre angles, ou de
manière à ce que les parties opposées soient égales, on aura,
disons-nous, pour cette assurance,
2 k, Lahtmr x da
x?
+ C4 af (oi -— +k, 12) |
+24, TELE
2SGD k 4°
F (La) + Ch dt (= + la) | (16)
+R (ch CIC + Ca)
+28, Cao( ai 1) + 2k, Cf ak)
— Cho LA, (45-227) +4, (a+)!
Si l'édifice, ayant toujours une cloison à chaque angle, était
bâti autour d’une cour carrée ou en losange, en désignant par
b la longueur de chaque côté, la formule ci-dessus donnerait ,
en faisant k, —= À, —= b et k—=4b,
SGD
2b(lu)
b La 2
ST PEN TE (- His +bte)
2
s (17)
+C (“—) (: DC, A0 #)- è cé ee )
2
pour l'assurance de l'édifice carré ci-dessus.
( 207 )
Il est facile de reconnaître qu'entre tous les édifices de même
longueur et de même largeur, bâtis autour d’une cour en paral-
lélogramme et ayant une cloison à chaque angle, c’est, toutes
choses égales d’ailleurs , l'édifice construit autour d’un losange
dont l’assarance est la moindre. En effet, en faisant dans la for-
mule (16) 4, — + À — k,, prenant la diflérentielle par rap-
port à 4, , et l’égalant à zéro , on aura la condition de l’assurance
minimum ; or, tous les termes de cette équation, que je n’écris
pas à cause de sa longueur, se détruisent deux à deux par la sup-
position de 4, +4 —k%,.
Lorsque le nombre de côtés de l’édifice est quelconque, on
prouverait par un raisonnement semblable à celui que nous avons
employé dans la première partie pour les cas où l'incendie est
considéré comme marchant par sauts brusques, que l’assurance
minimum a lieu lorsque toutes les parties sont égales.
De l'assurance d’un bâtiment de largeur inégale.
Les bâtimens que nous avons considérés jusqu'ici avaient tou-
jours dans chaque corps la même largeur, de sorte que partout
le développement D de la longueur totale des parties combus-
tibles était le même ; mais lorsque la largeur est irrégulière , le
développement varie proportionnellement à cette largeur. Dé
signons par } la largeur variable du bâtiment en un point quel-
conque N , par D le développement aussi variable du bâtiment
au même point, et par x la distance de l’origine au point con-
sidéré. La forme du bâtiment étant donnée, on a1=f(x), f
désignant une fonction connue, et comme on a D —C}, C étant
une constante, on a D — c f(x) ou D — (x) en faisant
f(x) =? @).
Ici, comme dans les bâtimens rectangles, nous supposons
toujours que la construction est telle que l'incendie brüle néces-
sairement à la fois toute la largeur et la hauteur.
, { 208 })
Considérons le bâtiment comme composé d'une infinité de
tranches , séparées par des plans verticaux infiniment voisins et
perpendiculaires à la longueur du bâtiment. Soit Mm une de ces
tranches placée à la distance y de l’origine et dont il est question
de déterminer l'assurance. (Voyez fig. 3, pl. 2.)
Soit toujours S la somme à rembourser pour l'incendie du
bâtiment entier, et E l’aire du bâtiment en matériaux com-
bustibles. Le développement du bâtiment en M étant D — (y)?
S à
l'aire combustible de Mm est 9 (y) dy, et sa valeur PE AM ES 4 va EG
Cette tranche peut être brülée par l’effet d’un incendie éclaté
dans une quelconque des autres. Soit Nn cette tranche et x sa
distance à l’origine. À désignant toujours la probabilité que le
feu éclatera dans une étendue unitaire quelconque du bâtiment,
À y dy sera la probabilité qu'il éclatera dans la tranche Nn.
Dans les bâtimens d’égale largeur, lorsque l'incendie est arrivé
en un point quelconque, la probabilité qu'il parcourra encore
une longueur unitaire de plus reste toujours la même; savoir :
a D
u — ——————— et celle que l'incendie éclaté en Nn vien-
1—a+a
dra brûler M est &*>. Cette expression ne convient pas au cas
actuel, puisque, D étant variable , « l’est aussi. Pour obtenir la
probabilité que l'incendie éclaté en Nn brûlera Mn , probabilité
que nous désignerons par p , supposons que l'incendie soit arrivé
de Nen O après avoir parcouru la distance NO — +, p + dp sera
la probabilité qu'il brûlera encore la tranche suivante dt; or,
au point O le développement étant + £, la probabilité de propa-
: : a y [A
gation à une distance quelconque t serait | —
L—d+ay t
si le développement restait le même; mais comme ce dévelop-
pement ne varie qu'infiniment peu d’une tranche à la voisine,
la probabilité de propagation à la tranche d { ne varie que d'un
( 209 )
infiniment pelit du second ordre d’une tranche à la voisine , et
at di
est ———— —————
l—aH+aot
Pour brûler la tranche 41 par l'incendie éclaté en x, il faut
le concours de ces deux événemens indépendans : 1.0 propa-
gation jusqu'en y, dont la probabilité est P 3 2.° propagation
de £ en {+ dt, dont la probabilité est ( PAS ATRES a
I—a+aot
On à donc pour déterminer P l'équation différentielle
ayt de
+ dp — ——— ;
P à (ES) à
(ape
mais on a en général a° nn due ZX + LT He » 9 CÉC.
1 1,2
Donc on a ici, en développant et supprimant les termes où
di se trouve à une puissance supérieure à la première ,
aot
dp— + dt. L ES
PTE F (: ne
d’où l’on tire
d avt
<' YU Lions à ir
P l—a+apl
puis en intégrant ct désignant par e la base des logarithmes
naturels
P —=
Lorsque la forme du bâtiment sera donnée, on connaîtra pt
et on pourra obtenir exactement, ou Par approximation, l'inté-
14
( 210 )
grale ci-dessus. En la prenant entre les limites { — 0 et
t—x— 7, la constante arbitraire se déterminera par la
condition qu’à { — o correspond p — 1. puisque le feu étant
supposé éclaté en Nn, il y a certitude que cette tranche sera
brûlée, ou que l'incendie se propagera à la distance o.
Nous aurons donc en employant une notation usitée
Le)
EE PINS RARES
1—a+apgpt
2—=E
Pour que l'incendie éclate dans l'élément Nn et se commu-
nique à celui Mw, il faut le concours de ces deux événemens
indépendans :
PROBABILITÉ DE L'ÉVÉNEMENT.
1.° Que le feu éclate en Nn..,..... Avx. dx.
2.0 Qu'il se communique * a.pt
ge EE ———————
de Nn en Mn. ....... p—e] 7 1i—a+a.pt
La probabilité de l'événement composé est donc
o
at
far ESS
FT 1—a+avot
À ox dx.e
et comme la somme à rembourser pour l'incendie de la tranche
S.yy.dy Je r
PUB SPP on a, en désignant toujours par z L'assu-
rance cherchée,
y est
d 3
dx dy —
dx .dy pe
o a?
f POUR PRES ER
D EAST Pi x. 1—a+apt
E
( 211 )
L'intégrale par rapport à æ devant être prise depuis x = y
jusqu'à x = À, longueur de l'édifice , pour les tranches à droite
de Mn ; il faudra ensuite ajouter à cette intégrale une autre
semblable, dans laquelle K — y de la première sera remplacé
par y ; pour exprimer l'assurance du même élément Mn contre
les chances qui proviennent de la partie située à gauche.
L'intégrale par rapport à æ étant ainsi complète, il faudra
intégrer par rapport à y entre les limites o et k, pour avoir
l'assurance du bâtiment entier , ou entre les limites d’une partie
désignée , si on ne veut que l’assurance de cette partie.
On peut au moyen de la formule (19) trouver quelle est la
forme d’un bâtiment pour laquelle l'assurance est la moindre,
Il suffit pour cela de déterminer par le calcul des variations
quelle doit être la fonction + pour rendre z un minimum. Mais
nous ne nous arrêterons pas à ce calcul, qui serait excessivement *
compliqué ; car déjà le plus souvent, les intégrations indiquées
par la formule (19) seront impraticables, On pourra en juger par
l'application suivante, faite pour le cas le plus simple, celui où
le plan du bâtiment est un trapèze.
Application de la formule precedente à l'assurance d’un
bâtiment dont le plan est un trapèze.
Soit d le plus petit développement du bâtiment à une estré-
mité et d'le plus grand. Pour fixer les idées je suppose que la
petite largeur est à gauche à l’origine des coordonnées. Le déve-
loppement de la tranche Nr, qui est placée à la distance x de
l'origine, est, d’après l’équation de la droite, qui représente une
d'— d
des façades, d+ Mr ei d+ x en faisant pour abréger
El à)
k
( 212)
La largeur en un autre point quelconque o (fig. précédente)
plus rapproché de l'origine d’une distance £, largeur que nous
avons désignée en général par 9 #, est d+ » (x —t). On a
donc pour le cas actuel
gpt—= d+y(x —t)
Nous allons d’abord nous occuper de chercher l'expression de p.
L'équation (17) donnant lorsqu'on prend le logarithme des
deux membres
fes CA
Bb —= LS AE SU OENE EE
dates ee vo €
En intégrant cette équation par les procédés connus, et en
faisant pour abréger
a(d+» x) —=
a(d+rrr)=Y
il vient
&æ y
a-1
p —=1+(1—a)
I
, $5 a ve ul
=)
En tirant p de cette équation et substituont son expression à
: t
a
FAR panier
X—Y I—a+apt
( 213 )
dans la formule (19) on obtiendrait après deux nouvelles inté-
grations l’assurance cherchée; mais ce seraient des opéralions que
je regarde comme impraticables et ne pouvant d’ailleurs conduire
qu'à des résultats inutiles à cause de leur extrême complication.
Nous allons donc chercher à obtenir paï un autre moyen l’as-
surance d’un bâtiment dont les largeurs aux deux extrémités
sont inégales. Pour cela nous admettrons que la probabilité p de
Propagation de N en M est la même que si le bâtiment avait
Partout la largeur moyenne. Cette hypothèse diminnera les
chances de propagation Pour certaines parties et en augmentera
d’autres, de sorte que l'expression de l'assurance totale à
laquelle elle conduira différera peu de la véritable.
Cela posé, 9 et 9’ désignant les développemens du bâtiment
aux deux extrémités ; savoir : d pour le petit côté et 9’ pour
l'autre, le développement moyen, que nous désignerons par D,
Dot
est
et notre hypothèse consiste à faire pour toutes
les parties
ce qui donne
d — à d—9
EY —=0+ 1 NCUTE IN) SEE
À : d— 9
ou en faisant pour abréger Men’
PF =d+sy pL=Ü Hi
( 214 )
L'équation (19) sera pour le cas actuel
= (5+:r) dy (5+x) AE NE
. a Y y
or f\ 5+rx) RS LE : (ose) #eonst.
24 [4
Cette intégrale, prise depuis x = y jusqu'à x — 4 pour tous
les dangers que court la tranche y par le fait des tranches qui
sont à sa droite, est
As de k y 1 5 »
— (d+ok—— |] — —| Huy — —
re La) La AT
Il faut ajouter à cette dernière expression celle qui est relative
aux dangers résultant des tranches à gauche, et il est clair
qu’elle ne diffère de la précédente que par le changement de
k— y en y, c'est-à-dire qu'elle est
La somme de ces deux expressions est
r- | (re) (sur =)—(a+ 7) |
On a donc
(+ vk— #) (: + 7) ( pee a)
ee (25 Fe) (+ vr)
Or en remarquant que
dy
f (Ce + a?) dy— _ (— do + a)
on trouve, en intégrant par parties , que
fe+n +) &=
—; GC + »y) (> — a) + 5 (+47)
puis, que
d + vk— Fe
l
72
Le +vy) (> + a) + me (0) |
DT
+ Const
( 216 )
En prenant l'intégrale entre les limites y — oety —À
pour avoir l’assurance du bâtiment entier , on a
SA
E es |
d —9
D— 5
# k
on a 2dmyk—= #9
JHyk— )d
on trouve définitivement pour l'assurance d’un trapèze
4 : 2SA
y k (la)
L !
\(e ° =) (' — 1) Ce + — 9\(20)
En faisant dans cette formule 9, qui est le petit côté, égal à
zéro, on trouvera pour l'assurance d’un bâtiment triangulaire
isocèle dans lequel 4’ ou 2 D est le développement du petit
côté du triangle, et Æ la hauteur du triangle ou la longueur du
bâtiment dans le sens qui serait parcouru par l'incendie; on
trouve, disons-nous , pour l'assurance d’un triangle isocèle,
2SA 9 { k La 1
a 1 — and ar ES EE (2
KE Ga) |“ k La 2 LETAN CS
(217)
On peut facilement exprimer ces deux assurances en fonction
du développement moyen D et de la différence 9’ — 9 des deux
développemens aux extrémités ; pour cela faisons
= à tt AR
comme on a d'ailleurs 9/+9—2D,
il viendra d'— D+aA.
La première formule (20) donne successivement
2SA 2 À
== DE RP DIE PRE 2 à
k (La) ( Con) 7) (: 1) CE |
2
2SAD A LEE
M LG pitt (4 —2 — =)
La formule (21), qui donne l'assurance d’un bâtiment trian-
gulaire , devient , par la substitution de à — 2 D,
2 SAD : : 2
— — — kla ts —> ?}....(23
K (Ca) À (: rr) | (ee
On obtiendrait le même résultat en faisant dans (22)A = D.
Nous avons trouvé pour l'assurance d’an bâtiment rectangle
de développement D et de longueur k, et par conséquent de
même aire XD que le trapèze et le triangle ci-dessus,
2SAD
re (é—i— ka)...
2 SAD
Les facteur
s facteurs ET
sont les mêmes aux trois formules ct, ainsi
2
( 218 )
que cela devait être, la partie 4 —1 — klu, qui est indépen—
dante de A dans la parenthèse de la formule (22), est la même
que pour le bâtiment rectangle formule (1). Il s'en suit que
suivant que le polynome GER = a —— , qui multiplie
x
A
D ’‘"2 positif ou négatif, l'assurance d'un bâtiment en trapèze
sera plus grande ou plus petite que celle d'un bâtiment rec-
tangle de même longueur et de même aire : or nous allons
démontrer qu'il est toujours additif.
Dans le cas où x — 0 le polynome devient
IHI—2 —
o
Quantité qui est indéterminée ; mais en différentiant par rap-
HO
L
port à « les deux termes de la fraction » il vient pour
[4
sa véritable valeur dans le cas ci-dessus
La véritable valeur du polynome dans le cas où 4 —= 1 est
done o . On reconnaitrait aussi que pour toutes les valeurs de
« , intermédiaires entre celles o et 1 ci-dessus , le polynome est
toujours additif. Or, «, étant la probabilité de propagation à
(19)
une distance unitaire, ne peut avoir que des valeurs entre 0
et 1; donc toujours le polynome sera additif, et toujours aussi
l’assurance d’un bâtiment en trapèze sera plus grande que celle
d’un autre bâtiment rectangle de même longueur, de même
aire et dans lequel tout sera d'ailleurs égal.
Il en est de même d’un bâtiment triangulaire de même lon-
gueur qu'un bâtiment rectangle, puisqu’un triangle peut être
considéré comme un trapèze dont le petit côté est nul.
L'assurance des bâtimensirréguliers étant, toutes choses égales
d'ailleurs, plus grande que celle des bâtimens rectangles, c'est
un motif à joindre à ceux du bon goût, de la facilité de con-
straction et de la solidité, pour faire les bâtimens rectangles.
Pour faire apprécier la différence qui existe entre les assu-
rances des bâtimens également combustibles, de même lon-
gueur et de même superficie, nous avons fait l'application des
formules (1), (22) et (23), au cas où « — À,4 —10etD—5,
où pour le trapèze 9 —3,9' —7, et par conséquent À — 2
et D— 5, et où pour le triangle la base d'— 20 et D — 5.
Ces trois bâtimens ayant la même superficie 50, nous avons
trouvé :
Pour l'assurance du bâtiment rectangle,
ne uen ne ace. 20 Ds Cité
Pour l'assurance du bâtiment en trapèze,
Maui (anni, robes sreeces) A Di: 0,902
Pour l’assurance du bâtiment triangulaire,
DIE se ne at ee ee su au DORA 113028
Les applications de ces formules demandent beaucoup d’atten-
tion, à cause des logarithmes de la fraction «, qui sont soustrac-
tifs, et de la distinction qu'il faut faire entre les logarithmes
naturels ou hyperboliques, qui sont ceux indiqués par la formule
et les logarithmes vulgaires dont on doit se servir pour calculer
u* et d'autres quantités.
( 220 )
De l'assurance des édifices auxquels viennent aboutir des
embranchemens.
Le cas où à la ligne principale de maisons viendraient abou-
tir un ou plusieurs embranchemens se ramène facilement aux
précédens par le mème moyen que dans la première partie. En
effet soit o le numéro de la maison de la ligne principale, à
laquelle vient aboutir un embranchement composé de 7’ maisons.
Désignons ces maisons par les Nos 1, 2..,.n',que nous sup-
posons placés. en commencant à donner le N.c x à la maison qui
est en contact avec la ligne principale, et représentons par les
mêmes lettres que pour les premières maisons, et avec un accent
pour les distingaer, les quantités relatives à l'incendie des
maisons de l'embranchement.
La probabilité À, K, D, d’explosion d'incendie dans le N.o o
se trouve acerue par l'existence de l’embranchement de la pro-
babilité que cette maison ‘sera brûlée par le fait d’un incendie
éclaté dans une quelconque des maisons de l'embranchement ou
de la somme des probabilités de toutes les causes qui peuvent
produire cet événement.
Pour trouver cette somme, nous allons comme précédemment
chercher sa différentielle en considérant les chances provenant
d’une tranche quelconque placée dans la maison N.° ? de l’em-
branchement et à la distance x de la cloison qui sépare le N.o z
du précédent.
L'évènement de l'incendie du N.° o par le fait de la tranche
considérée exige le concours des évènemens indépendans ci-
après :
(sa)
PROBABILITÉ
DES ÉVÈNEMENS,
Que le feu prenne naissance dans la tranche... A: D, dx
Propagation jusqu'à la cloison i.....,.,..... x
Passage à la cloison N.o z,.........,...... c:
Propagalion à travers toute la maison N.° (i—1). ai
i—x
ses. ons nes .e
Passage à la cloison No 2,...,,.,.......... ©,
Propagation à travers la maison N.0 1.,..,.., «,
Passage à la cloison N.° 1 entre 1 eto....,,. c,
La probabilité que le N.° o sera brûlé par un incendie éclaté
dans la tranche infiniment petite considérée, probabilité qui est
égale à dp;, en désignant par p, la probabilité que l'incendie
aura lieu par une quelconque des tranches du N.° 7, est donc
ne al be) fi" CA aÿ
En faisant comme précédemment pour abréger
en
Cr Cy Cgosre Ci = (5)
: REP ki ( fui à)
Et an F Ga u3 ÿ .….. + === Te. ce (L-Ù)
On trouve , en intégrant entre les limites x — o et x — À;
Pre (5) (re Srae ris 1)
La probabilité de l'incendie du N.° o par une quelconque
des maisons de l'embranchement, étant la somme des expressions
(:232:)
semblables que l'on peut former en donnant à l'indice # toutes
les valeurs de 1 à n°, est
AD
Re (59 (ere (CE — 1) Sutele (24)
en désignant par la caractéristique > la somme de toutes les
Z
expressions que l’on peut former en mettant pour z dans la
fonction soumise au signe tous les numéros de 1 à »' .
Lors donc qu'on calculera l'assurance des maisons de la ligne,
il faudra, dans le cas actuel, ajouter à la probabilité À, K, D,
d’explosion d'incendie dans le N.° o, auquel l’embranchement
aboutit , la quantité ci-dessus ; on opérerait de même pour d’au-
. tres embranchemens analogues. Ceci s'applique aux bâtimens
fermés comme à ceux en ligne.
On n'éprouverait pas plus de difficultés à trouver l'assurance
d'une maison faisant partie d’un embranchement quelconque.
De l'assurance d'un bâtiment long avec étage ou d'un
bâtiment double sans étage, dans lesquels l'incendie ne
. , . 0] PPS }]
se propage point nécessairement d'un côté à l’autre.
Il arrive très-souvent que les incendies brülent les bâtimens
dans toute leur hauteur. Ainsi, pour les cas ordinaires où les
édifices avec étages ne sont point très-longs et où les dangers
de propagation dans le sens vertical sont très-grands, l’assu-
rance pourra être prise comme s'il n’y avait pas d'étage. Le
développement D étant alors la somme des développemens des
diverses parties, l'assurance augmentera beaucoup avec le nom-
bre d’étages. Lorsque le bâtiment à assurer a une petite base et
est fort élevé, ainsi que cela a souvent lieu dans les grandes
( 223 )
villes, chaque étage peut être considéré comme brûlant en-
tièrement tout à la fois, et c’est alors les formules de notre
Première partie qu'il faudra appliquer ; mais s’il était question
d’assurer un bâtiment long avec un étage qui serait construit
de manière à présenter quelque obstacle à la propagation de
l'incendie dans le sens vertical, il serait possible que le feu par-
Courût un espace notable d’un côté, sans se communiquer de
l’autre et cette circonstance doit influer sur le prix de l’assu-
rance. Îl en serait de même si un bâtiment était séparé en deux
Parties par une cloison dans le sens de la longueur, qui ne
serait point un obstacle insurmontable à la propagation de l'in-
cendie. Nous allons donc résoudre le problème suivant pour un
bâtiment d’un seul étage.
Déterminer l'assurance d’un bâtiment rectiligne , d’égale
largeur dans toutes ses parties et ayant un étage et dans lequel
l'incendie est considéré comme pouvant marcher par degrés
infiniment petits, soit dans le bas, soit dans le haut séparément,
soit dans ces deux parties réunies. (Voy. fig. 4, pl. 2.)
Soit À, A, B, B, le bâtiment proposé, dans lequel toutes les
lettres relatives au rez-de-chaussée portent le N.o o et celles
relatives au premier étage le N.o 1. Soit comme précédemment
k la longueur commune du haut et du bas et en outre soient :
DANS LE BAS. DANS LE HAUT,
La somme à rembourser en cas
d'incendie, .,...
Le développement en matériaux
mb Vi NU 2 ae De El
La probabilité de naissance d'in-
cendie sur chaque surface unitaire. J ot dires oi
La probabilité que , dans un bâti-
(224)
DANS LE BAS. DANS LE HAUT.
ment de développement également
combustible et n'ayant qu’une seule
des parties, le feu arrivé en un point
quelconque se communiquera à une
longueur unitaire de plus......,.. CADET TEE. 5
D'après ce que nous avons dit dans les préliminaires, si le
feu brûlait séparément le bas et le haut de notre bâtiment, les
probabilités qu’étant arrivé en un point quelconque il s’avance-
rait encore d'une longueur unitaire sont
% D,
1 — a +4),
sr D,
1—a,+a, D,
|
x
Lorsque le feu s’est communiqué d’un côté à l’autre nous
admettons ici, comme dans la première partie, qu'il continue
à marcher en brülant le haut et le bas à la fois, et que quand
il est arrêté c'est aussi des deux côtés à la fois, que l'incen-
die double consumant un plus grand développement (D, + D, )
marchera avec plus de force et que la probabilité de sa propa-
gation a une distance unitaire, probabilité que je désignerai
par E, sera
IR Va a, | LES D, +D,) Va a,
Si les probabilités a, et a, avaient été égales il aurait fallu
d'après nos principes mettre a à la place qu'occupe ici
Va a, | mais ces quantités étant différentes en général ;, nous
( AA
ayons mis la moyenne proportionnelle entre elles, et il est facile
de voir que l'expression ainsi écrite représente bien les circon-
stances de la question. En effet, les dangers de propagation
augmentant avec les longueurs des développenens D, et D,,
nous poserons pour les probabilités de propagation verticale
dans un bâtiment de développemens quelconques pendant le
temps que l'incendie çonsume la première longueur unitaire :
b D,
B, EE) RE
1 — b, + b, D,
B, b, D,
LE +6, D,
en désignant par B, et B, ces probabilités de propagation
verticale de bas en haut et de haut en bas. Les probabilités
inverses ou celles que l'incendie, après avoir brülé la première
longueur unitaire, ne s'est pas encore communiqué d’un côté à
l’autre seront
B 1—b,
dnnnrar ee reg 3 M
B 1—b,
1—B, —
", 14, +8, D,
Pour passer de là aux probabilités de non propagation
lorsque l'incendie à brûlé une longueur # à partir du point
où il a pris naissance, on ne peut faire usage des lois physiques
connues sur la distribution de la chaleur. Le grand nombre de
causes internes et externes qui influent sur la propagation des
incendies s’y oppose; mais il est évident que la probabilité de
propagation de l'incendie double doit augmenter avec les
15
( 226 }
quatre quantités a, a, D, et D, sans que jamais elle puisse
surpasser l’unité. Elle ne peut non plus, dans aucun cas, être
négative ; elle est égale à la certitude lorsque la sommeD, + D,
estinfinie ou que a, a, sont égaux à l'unité en même temps.
Enfin, si l’une ou l’autre des probabilités 4, et a, était nulle,
on aurait E— o, et cela doit être, puisqu'alors il est impos-
sible que les deux parties se brülent en même temps.
Quant à la probabilité de propagation de l'incendie dans le
sens vertical, on ne peut la regarder comme constante pendant
tout le cours de l’incendie , sans s’écarter beaucoup de la vérité:
car il est évident que le danger augmente avec le nombre de
matériaux embräsés, qui sont autant de causes qui peuvent
communiquer l'incendie d’un côté à l’autre. La probabilité de
propagation dans le sens vertical variant avec la longueur
embrâsée , il faut, avant de déterminer son expression générale,
la connaitre dans une situation où l'incendie a déjà parcouru
une certaine longueur, une longueur unitaire, par exemple.
Soient donc D, et b, les probabilités de propagation de bas en
haut et de haut en bas respectivement dans un bâtiment de
de même nature que celui à assurer, mais de développement
unitaire ; tout ce qu’on peut raisonnablement désirer , c’est que
la probabilité de non propagation dans le sens vertical soit
exprimée par une fonction qui devienne, 1.° 1 quand — 0;
293 —B—= ———— quand 4 — 1; 3° qu'elle
diminue constamment quand # augmente ; 4.° qu’elle ait pour
limite o quand £ augmente indéfiniment ; 5.° qu’elle devienne
1 quand b — 0 et o quand b, —7+r; 6.0 quelle devienne r
quand D, — 0 et (1 — b) quand D — 1.
Toutes ces conditions penvent être remplies par un nombre
infini de fonctions, dont la plus simple est
(227)
1 — b
1— b + bDit
Mais en admettant cette expression la résolution se ramène
à l'intégration d’une différentielle du troisième ordre dans
laquelle (1 —b+bD LF se trouve au dénominateur, tandis
que le numérateur contient des quantités exponentielles, et
dans ce cas l’intégration dépend de la transcendante
a dx
d ; ; 1 à
———— , qui ne peut s’ubtenir sous forme finie. La question
æ
ne pourrait donc être résolue que par une série contenant une
infinité de termes très-compliqués. On évite cet inconvénient en
prenant une fonction qui se prête facilement aux intégrations.
En désignant par B, et B, les probabilités que le feu ne s’est
point encore communiqué du bas au haut et du haut au bas
respectivement lorsque l'incendie a brülé la longueur quel-
conque #}, on satisfait à toutes les conditions exigées ci-dessus
en posant
Bo
H. 1 — b, t
Hs 1— D, + b 5.)
Ou en faisant pour abréger
I
Re
IL.
SE
+1
ete.
Le]
(=)
ee
1 —b,
on à
Cela posé, considérons le hâtiment comme décomposé en
tranches infiniment étroites par des plans verticaux perpendir
culaires à la longueur, Chacune de ces tranches sera composée
d’un élément dans le bas et d’un dans le haut, Nous supposons
que l'incendie marche en brûlant, dans toute la largeur du bäti-
ment, chacun de ces élémens et, de même que dans les problêmes
précédens, nous allons chercher l'expression différentielle de l’as-
sürance demandée en prenant l'assurance d’une tranche quel-
conque M, 7», M, m, placée à la distance y de l'origine À,
contre les dangers provenant d'un élément quelconque N, »,
placé dans le bas, et de celui supérieur N, #,, placés tous deux
à la distance x de l'origine. Par un incendie éclaté dans le bas,
la tranche M», M, #2, peut n’avoir que son élément inférieur
de brûlé ou ses deux élémens peuvent l'être. De même un incen-
die éclaté dans le haut peut ou brûler l'élément supérieur seul ,
ou les deux de la tranche. L'assurance de l'édifice est donc
composée de quatre parties ; SAVOIr :
CONTRE LES RISQUES PROVENANT DU BAS DU BATIMENT :
1.0 Î a somme des assurances de tous les élémens o du bas,
contre le danger de brüler seuls. Nous la désignerons par [Z, |, .
2.0 La somme des assurances de toutes les tranches compo-
sées de deux élémens o et 1, contre le danger de brûler tous
deux par un même ingendie. Nous la désignerons par [Z, Z,], .
ET CONTRE LES RISQUES PROVENANT DU HAUT DU BATIMENT :
3.0 La somme des assurances de tous les élémens du haut,
( 229 )
ôu N.6 1, contre le danger de brûler seuls; somme que nous
appellerons [Z,], ;
4.° La somme des assurances de toutes les tranches o et 1 ;
contre le risque que leurs deux élémens soient brûlés par un
même incendie. Nous la désignerons par [Z, p) dx
L'assurance du bâtiment sera donc :
AR + [2 2] En [2] 4: [z 2, |
le numéro en dehors des parenthèses indiquant l'étage dans
lequel l'incendie à commencé, et céux dans les parenthèses in-
diquant les étages des élémens brülés en même temps par suite
de cet incendie,
Cherchons d’abord l'assurance [Z, Z,], contre les risques que
les deux élémens d'une méine tranche courent d’être brülés
par l'effet du même incendie éclaté dans le bas. Supposons pour
cela que le feu éclate dans l'élément N, n, à la distance x de
l’origine À, , pais, qu'il brûle dans le sens horizontal la partie
N, 0, de longueur #, avant de se communiquer à la partie supé-
ricure , et que, pendant qu'il parcourt l’espace infiniment petit
0,0, — dt, la communication ait lieu soit en 0,, soit dans
un point quelconque de la ligne N,,0, . Alors nous admettons
que loute la partie N, o, supérieure à celle incendice se brûle
bientôt, et que l'incendie continue à marcher en brûlant le haut
ct le bas en même temps et cela avec une force telle que la
probabilité de propagation à une distance unitaire soit toujours
E ; et supposons enfin que du point o, l’incendie double vienne
brûler à la fois lés deux élémens y considérés.
Pour avoir la probabilité de la supposition ci-dessus, il faut
connaître les probabilités de tous les évènemens simples dont
elle se compose. C'est ce qui sera facile lorsqu'on connaîtra la
probabilité que la communication du feu de bas en haut aura
( 230 )
lieu pendant que l'incendie parcourra l’espace infiniment petit
dt — 0,0, Pour cela j'observe que 6! élant la probabilité
que la communication n'a pas eu lieu pendant que l'incendie
faisait le trajet No, , 1 — 6! est la probabilité inverse; c’est-à-
dire, celle que la communication a eu lieu. Par la même raison
t+ dt Mar. ere ;
1—6 est la probabilité que cet événement a eu lieu
lorsque l'incendie est arrivé en o, ; la probabilité que la com-
munication a eu lieu pendant le trajet Oo est la différence de
celles ci-dessus, c'est-à-dire :
(G—ct+4) — (—5°) Æ= d(i—ct) = —16,.6,' dt
Nous pouvons maintenant exprimer la probabilité de l'incen-
die simultané des deux élémens de la tranche y ; car cet événe-
ment composé exige le concours des événemens simples suivans:
PROBABILITÉS
DES ÉVÉNEMENS.
1.0 Naissance du feu dans l’élément Non, Dvd
2.0 Propagation horizontale de l'incendie de
t
DR 0 a raie dif diplouiéhnus Lo
3.0 Communication au-dessus pendant que le
feu fait le trajet Oo... ses cc 6, é. de
4.° Propagation horizontale de l'incendie dou-
ble de o en M..... Ha *
sonne ©
La probabilité de l'incendie simultané des deux élémens de
la tranche My, par le fait d’un incendie éclaté en N, n, et
communiqué au-dessus pendant le trajet infiniment petit de
Oo, est donc, en omettant les indices pour la facilité des
calculs :
(254)
AD dr. ut (—46. € dt) AY
La valeur à rembourser en cas d'incendie de la tranche M2
S
Q
. , " S,
entière étant K— dy , on a
{fs +s ta,"
CAEETI ETAPE TE haie
Pour intégrer cette expression, faisons
il viendra
S,+S ( x- L
[2], = — AD eff] “Ydy.dxa dt
En intégrant par rapport à t entre les limites {= o et — x,
ainsi qu'on doit le faire, puisque tant que l'incendie du, bas
n’est point arrivé au bout, il peut encore, après avoir passé la
tranche M2, se communiquer dans le dessus en quelque endroit
et qu'alors, d’après notre hypothèse, le dessus suivrait le sort
du dessous, et la tranche My entière serait brülée, on a
S S 16 _
(21, = — AD m/f ste — 1) dx. dy
a
En intégrant cette expression par rapport à x entre les limites
æ = y etx — k pour avoir l'assurance contre les dangers pro-
venant de la partie M, B, il vient
(:252 )
S,+S [6
” AD et
k la
[° dy | TE (Ga) — Gap) = 2 (mr)
On aurait de même pour l'assurance contre les risques prove-
nant de la partie AM, en changeant 4 — y en y et réciproque-
ment
So +S; 16
— — AD —
k À la
j' ie res (Ga (ay) — + (id)
L'assurance totale est la somme de ces deux expressions,
c’est-à-dire
__ So+$, +s, ap *°
k la
: d
x 1 = (ae Ta a au af aus af y us si (CL CE 2)
(ca) Le
En intégrant maintenant par rapport à y entre les limites
ÿ =0 et y —=k pour avoir l'assurance du bâtiment entier , il
vient
A
Pop AD cd 2
k la
peine) (te)
Puis enfin, en rétablissant les indices,
( 233 )
a AD, (So S:) 26,
[Z LI res PT. TONER
a,* (: —c,/}) TE nes st Les
le + E(ages) da + E{aycs) TESE
6
formule dans laquelle à, remplace Ep Fa]
£o
On äürait eu de même , en faisant également pour abréger
2 À; D, (Ss + S,) l6,
k La
F |
(ic) 1 — a À é rm kde
a
M iles) Ze, Ge) (Zap
[Z ZT, =
Cherchons maintenant [Z JL. Pour obtenir son expression
différentielle, nous allons chercher l'assurance de l'élément
M, m, contre les risques qu'il court de brûler seul par l’effet
d’un incendie éclaté en N7,: Supposons donc que le feu éclate
effectivement dans ce dernier élément. La probabilité qu'il ira
au moins jusqu’en M, "2, et que dans ce trajet il ne se commu-
niquera pas au-déssus est 2°) E%-Y Ce serait 1à la probabi-
lité de l'incendie de l'élément M,,1,, seul, s’il n’était possible
que dans le reste du trajet M À, jusqu’au bout du bâtiment, le
feu ne se communiquât quelque part dans le dessus > CE qui en-
trainerait l'incendie de l’élément supérieur et ferait rentrer dans
le cas de [Z, Z, ],. 1 faut donc déduire de (x 6% Ja pro-
babilité que pendant le trajet que l'incendie peut parcourir au—
delà de M, il né se communiquera pas quelque part dans le
dessus. Or, nous avons déjà trouvé que la probabilité que le feu
(234 )
se communiquera au-dessus pendant le trajet infiniment petit
de et lorsqu'il a déjà parcouru l’espace t était — 26.6:. dt;
d'une autre part la probabilité que le feu arrivera jusqu’à la
distance £ dans le cas de l'incendie du bas seul étant 4‘, celle
que le feu se communiquera au-dessus pendant le trajet M, À, est
J'ui(— 16.6 d)
prise entre les limites x — 7 et 1—=2x, c'est-à-dire
Ainsi, la probabilité que l'élément M, 72, sera brûlé sans
celui du dessus par un incendie venant de gauche à droite , si le
feu prend en N, 7, est
Re ETS das) Le COR
FT. _— LETONCO
La probabilité que le feu prendra dans l’année en N, », étant
S
À, D, dx, et la valeur de l'élément M, 1, étant Fe dy, on
a, en omettant les indices, pour l’assurance contre le feu venant
de gauche à droite,
ff ++ AD dx rater («6))
En intégrant par rapport à x entre les limites x=y et
æ—=k,ona
( 235 )
ADS,
k.1(x6)
[! La CEE 1) + 16 (ca EG — (x y) dy
Puis en intégrant par rapport à y depuis o jusqu’à 4, on a,
pour l'assurance du bâtiment entier contre les incendies de
gauche à droite,
ADS
Kl(46)
Te CETTE)
Le
T(«€)
(a ER (ue ÿ (6)
En doublant cette quantité pour avoir l'assurance contre les
chances d'incendie des deux sens, rétablissant les indices et
remarquant que la formule de [Z, ], ne doit différer de celle de
[Zol, que par les indices , on a
2A,D,S,
k AA 6)
CHERE)
[Zl =
lu
l(x065)
L6, k k )
LEE ACER a 6 la, 6
EYE 8.) C 60) I k (x &) (a 0)
À D
CARRE
Ka, 6,)
lu, k
Tes (ni ris)
6, k k
TG ty CG) — ik (4, 6,) 1002)
( 236 )
En ajoutant ces deux expressions à celles de [Z, Z, |, et
[Z, Z,], ci-dessus, on aura ta formule de l'assurance entière
d’un bâtiment rectiligne à un étage. Ce sera la formule (25), que
noûs nous dispensons d'écrire à cause de sa léngueur. |
On peut remarquer dans les formules de [Z, ], et [Z,],,
que dans le cas où 6 =1 ; e”"est-à dire où la communication d'un
étage à l’autre est impossible, ces formules se réduisent à celle
(1), ainsi que cela doit être. |
Assurance des bâtimens fermés à un etage.
Proyosons-rious maintenant de trouver l'assurance d’un bâti-
ment avec étage dans lequel le feu ne se communique pas immé-
diatemént d’un côté à l’autre, ee bâtiment étant de forme
annulaire ou de ceux que nous avons appelés férmés. Dans ce
cas l’incendie allumé dans un point quelcorniqué peut se com-
muniquer à chacun dés autres dans les deux sens, et par consé-
quent les dangers sont plus grands que dans les bâtimens recti-
lignes. La résolution de ce probléme ayant beaucoup d’analogie
avec celle du précédent, nous conserverons toutes les dénomi-
nations de ce dernier. #, qui désignait la longueur du bâtiment
rectiligne , désignera ici la longueur de la ligne courbe ou brisée
formant le milieu du bâtiment fermé, et nous désignerons par
(2), ,), CZ), (Lo Z,) avec des parenthèses rondes , les
différentes parties dont l'assurance se compose , et qui, dans le
bâtiment rectiligne , étaient désignées de la même manière avec
des parenthèses carrées,
Cherchons d’abord (Z,Z;),. Représentons par À, M, O0,
N, B, le contour extérieur du bâtiment proposé, et par A, M,
0, N, B, celui de son premier étage. Ce bâtiment étant toujours
considéré comme partagé en tranches infiniment étroites par des
plans verticaux normaux à la ligne milieu du bâtiment, et le
point À pris arbitrairement étant l’origine des longueurs qui se
(257)
mesurent sur cette ligne milieu. en allant de gauche à droite.
(Foyez Pl. 2,/f8, 5)
De méme que dans Les hâtimens rectilignes, pour trouver
l'expression différentielle de l'assurance, nous supposons le feu
éclaté dans un élément quelconque N,2, du bas, placé à la
distance + de l'origine À, et nous cherchons l'assurance des
deux élémens de la tranche M, placée à la distance y de l’ori-
gine, contre le risque d'être brûlés tous deux par l'effet du
même incendie, Cela Peut avoir lieu, soit par l’incendie mar-
chant de droite à gauche, soit dans le sens Opposé, et dans
chacun de ces sens il ÿ a à distinguer une infinité de Cas corres-
pondant à tous les points auxquels l'incendie était arrivé lorsque
la Communication du bas au haut a eu lieu, Soit N0O—; l’espace
que l'incendie, allant de droite à gauche, avait parcouru au
moment de la Communication, et NQ'— l’espace analogue
Pour l'incendie marchant dans l’autre sens. Quoique la tranche
considérée puisse être brûlée deux fois par l’effet du même in-
cendie par la Propagation dans l'un et l’autre sens >ilne serait
jamais remboursé qu'une fois si cet évènement avait lieu. Ainsi
il faudra déduire de la somme des probabilités que l’incendie de
la tranche aura lieu dans chacun des deux sens la probabilité
qu'elle brûlera des deux manières à la fois, c’est-à-dire le pro-
duit des deux premières probabilités de l'incendie dans chacun
des sens.
Nous allons d’abord chercher la probabilité de l'incendie ve-
nant de gauche à droite. Alors le feu , étant supposé éclaté dans
l'élément N, %5: la probabilité qu'il brülera entièrement la
tranche My est le produit des probabilités des évènemens simples
suivans.
Probabilité
€ l'évènement.
1,9 Propagation horizontale de l'incendie simple
de N en D Ne LES APRES at
2.9 Communication de bas en haut pendant que
(:258')
l'incendie parcourt l’espaceinfinimentpetit
OR dt... ss ques ose de ARE Tera
3.0 Propagation de l'incendie double de Oen M. ,*7"#,
La probabilité de l'incendie de la tranche considérée dans le
cas actuel où la communication a lieu lorsque l’espace £ est in
cendié dans le dessous est donc
— 16, .at6te td —16,.: 7 (= =} dt.
o
La probabilité de cet évènement dans tous les cas est l’inté—
grale de cette expression prise entre les limites £—0 et t—X,
et nous mettons £— À parce que, tant que l'incendie dans un
sens n’a point parcouru un tour entier du bâtiment, on n'est
point certain qu'il ne se communiquera pas à la partie supérieure
et ne viendra pas brûler l’élément supérieur M, 7, en revenant
en sens contraire.
La probabilité de l'incendie de gauche à droite de la tranche
My est donc , en faisant comme précédemment,
et en omettant les indices,
Ê 16 e°TY at
Lsd6 TT) f* d= = ——— + const.
a
[6
= Ta EE d (x All)
On aurait de même, pour la probabilité de l'incendie mar-
chant de l’autre sens , en changeant x — y en k—(x—7y),
16
_. Ci ae D LS
( 259 )
Donc la probabilité de l'incendie de M2 par l’une ou l’autre
des causes seulement est
16 } [6
m (1— al) EAN re à AE, LA vs (x Let ak) ex l
a
Et comme la probabilité de la supposition que nous avons
faite que l'incendie éclate dans l’élément N, »#, est À D, dx,
et que la valeur des deux élémens de la tranche Mme est
S +S
- - = dy, ona
S,+S u
(Z, Z,), = Fe: E dy .AD de. (1 — a)
a
16
— (res ar)
ET 2 + 3.
En intégrant par rapport à x entre les limites y et À + y, il
vient ÿ
(CAVAREE
S,+S, , AD:Z6( , 16. lé.kæ C
F À dy re fat 2— Farnliq sf)
Et enfin en intégrant par rapport à y entre les limites y — o
et y — k et rétablissant les indices
16
(HZ A, D, ras FRERE
Le, .
ÉD TT)
On aurait de même
(240)
[6
(Z,Z,), = AD, (S+8,) 4
le, . la,
Heu
2 Ft —2a—kc (a a)
J
Cherchons maintenant (Z,), . En nous reportant à ce qui a
été dit ci-dessus au sujet de [Z, |, et de (Z, Z,),, nous verrons
que la probabilité d'incendie de gauche à droite de l'élément
M, 2, sans celui supérieur, lorsque le feu éclate en N, #,, est,
en omettant les indices,
(x ET — fui (—216,6 dt)
Pintégrale étant prise entre les limites x — y et A; parce qu'il
faut que l'incendie ait fait un tour entier pour qu’on soit certain
qu'il ne se communiquera pas plus tard dans le dessus. En effec-
tuant l'intégration on trouve, pour la probabilité ci-dessus ,
lu+l6. (x 6)°
PR Ne
On trouve de même, en changeant x y en À—{(x—7),
pour la probabilité de l'incendie de M, 4, dans l’autre sens,
ba Le («6°
k=x +
TG 8) what Sa huuasl
en faisant pour abréger
lu + l6 (x 6)
Tu 8) e «6 e
La probabilité que l'élément M, "1, sera brûlé sans celui su-
(241)
périeur , au moins une fois, par un incendie venant de gauche
à droite ou dans l’autre sens, sera
Eef-r 4 Eekrt+y __ Ep: e*
par conséquent , on a
er = ff 54 an dx
E ef) H Ee-t+y __ pe e*
En intégrant par rapport à x depuis x = y depuis æ =k+7y,
on trouve
SADE
(Z)= nn 7 2 —2—RE. le .e |
k .le
,
Puis , en intégrant Par rapport à y entre les limites y— o et
Y = et rétablissant les indices et mettant pour E et e leur
valear
: S, À D, (ao 16, (es 6)
2 x l (%o 6)
| dan E (2 tot L6, , (to 60) ) (CAR |
On aurait de même
S, A, D, (4e, + 16,.(2,6,))
La 6,)
| 2 CG, 6,} — 2— k (ea, +6, 7 (a, 5,)) CG, 6,)*
16
(2), =
( 242)
Et enfin, en ajoutant ces deux expressions avec celles de
(2, 2, ), et (Z, Z, ), trouvées précédemment, nous aurons l'as-
surance demandée d'un bâtiment fermé avec étage. Cette somme
sera la formule (26), que nous nous dispensons d'écrire à cause
de sa longueur.
Assurance d'un bâtiment à deux ou à un plus grand nombre
détages , lorsqu'on considère l'incendie comme marchant
par degrés infiniment petits et ne se communiquant pas
nécessairement d'un étage à celui voisin.
Re RON RENITS ve RTE
La théorie ci-dessus peut s'étendre sans grande difficulté,
mais non sans grande complication , au cas de deux ou d’un plus
grand nombre d’étages. Comme il arrive bien rarement que
lorsque deux étages sont en feu ceux qui sont en dessus et en
dessous puissent être sauvés, nous nous bornerons à l’assurance
d'un bâtiment à deux étages, et comme les bâtimens que nous
avons appelés fermés ne se font guère qu’autour des cours de
ferme et avec un étage au plus, nous ne nous occuperons pas
du cas où un bâtiment de cette espèce aurait deux étages.
Nous désignerons par l'indice o toutes les quantités relatives
au rez-de-chaussée , et par les indices 1 et 2 celles relatives aux
premier ef second étages , el nous adopterons, pour désigner les
(243)
données du problème , les mèmes lettres que pour le cas d’un
seul étage. L'existence du deuxième étage donnera lieu à des
combinaisons nouvelles qui exigeront de nouveaux symboles que
nous allons indiquer.
Nous désignerons toujours par ét la probabilité que lorsque
l'incendie a déjà parcouru l'espace £ depuis le point où il a pris
naissance , il ne s’est point encore communiqué dans le sens ver-
tical d’un étage à celui voisin , et nous indiquerons de la manière
suivante les étages dont il s'agira, savoir :
La probabilité de non communication, du N.o o brûlant seul
au N.° 1 par ét
01°
Da No r brûlant seul au No o par 6t,,:
Da No : id. au No 2 par 61,
Du No 2 id. au No 1 par 6t,,,.
La probabilité de non communication au No 2 lorsque o et 1
sont en feu à la fois et que la longueur parcourue par l'incendie
depuis son origine est £, par 6,/*, et par 6, la probabilité de
non propagation au Ne o lorsque les N.os 1 et 2 sont en feu à
la fois.
D'après les hypothèses et les principes posés précédemment,
on aura, en désignant par à la probabilité de propagation dans
le sens vertical, dans un bâtiment de même nature que celui à
assurer et de développement unitaire, lorsque l'incendie a par-
couru horizontalement une longueur unitaire, on aura , disons-
nous, en mettant aux lettres 2 les mêmes indices qu’à celles €,
RS LE
Lie Bon + bd D,
O1
ER b,,5
1—b,,,+b,,) D
1/0 1
Ne D,
Où
=
=
[e}
|
l'a b,, qu 15 D,
Pre AT
2/1 F2 b + b
2/1
Où
LA
2/7
(244)
Nous aurons parcillement
1— D
gl; = ns GRECE AUDE Enter ee
; z NON Or (D,+D,)
fl — PA nm ane
c Li — b,,0 + Bb, (D, +D,)
Quant aux probabilités que l'incendie, arrivé à un point quel-
conque en brülant un ou plusieurs étages et ne faisant point de
progrès dans le sens vertical , se propagera horizontalement à
une longueur unitaire de plus, nous les désignerons par «,, &,,
«, lorsque les étages o, 1, 2 brüleront seul, 2, et :, lorsque les
étages o et r et 1 et 2 brüleront ensemble, et enfin par £ sans
indices lorsque les trois étages brûleront à la fois.
Nous aurons toujours, pour les trois quantités «, l'expression
aD
1— a + aD
TM =
dans lesquels on mettra à toutes les lettres les trois indices
Os I 9 2.
Va, ai (D, +D,)
1—Va, al + Va, al (D,+D,)
V’a, a, (D, + D,)
’ 1—Va, al + Va, a,l (D, +D,)
et enfin
3
V’aça, a,\ (D,+D,+D,)
3 3
1—Va,a, a, \+Va, a, al (D, +D,+D,)
€
L'assurance totale du bâtiment sera composée de dix parties
(245)
que nous désignerons par des symboles semblables à ceux adoptés
dans le cas d’un seul étage. Les indices de 3 dans les parenthèses
sont les numéros des étages dont les élémens d’une même tranche
verticale brûlent par l'effet du même incendie, et le symbole
exprime l'assurance de la combinaison de ces élémens contre les
risques qu'ils courent d’être brûlés par un incendie qui a pris
naissance dans l'étage dont le numéro est l'indice extérieur de la
parenthèse, l'assurance totale sera la somme des dix quantités
#1 À
ù
Lolo + [rl + + [colo + (Go 2 +5, 3) 0,
FA ER 8; Zalo Ci ER 3; z, |, Se [Zo 3; CA À
Par la même raison que nous avons eu la formule de [z,,|,
dans le cas d’un seul étage, nous aurons ici pour [z,], et [z, |,
deux expressions semblables aux indices près , puisque dans l’un
et l’autre cas il s’agit d’un incendie qui reste constamment dans
l'étage où il a pris naissance, sans se communiquer au seul étage
qui l’avoisine. Quant à [z,|, , on pourra aussi conclure son ex-
pression de celle citée; car il est clair qu’il suffira pour cela de
changer &, 6, en &, 6,,0 619 + En effet, la probabilité que l’in-
cendie éclaté en N, 7, viendra brûler l'élément M, #21, avant de
se communiquer aux autres étages est (x, 6,,6-6,, )” *, et on
verrait de même que la probabilité que, pendant le reste de son
cours, l'incendie se communiquera en dessus ou en dessous, est
composée en w,.6,,5» 6,7 COMme la probabilité pour le cas
d’un seul étage l’est en 4 6. On a donc d’abord, en faisant pour
abréger
2
Ko or ACo
2 an gi
Cris 6,,0 Te er A
Dan n6 C4}
(246)
TES 2A,D,5,
Re
l 16
(TE (est — 1 —kle)— 5: RE —1—Àk ci Le, )|
ci 1,2
2 AD Sr
EAP FEI k(Le)
I
u 6
De =": (c, Er kle ne usine 11) (ci ke 1) |
ce E,
2A,D,S
[z L = KG >
pe (aire) Tu (oi—imheite.)|
Les formules des autres parties de l'assurance sont encore
beaucoup plus compliquées, tellement qu’elles seraient d’une
application impraticable. Cependant, pour satisfaire la curiosité
de nos lecteurs, nous allons faire voir comment se trouve l’ex-
pression de [z, 2, ], -
Pour cela, supposons 1.0 l'incendie naissant au rez-de-chaussée
dans l'élément N, ,,; 2.0 qu'il parcoure vers la gauche l'espace
t, et que pendant qu'il s’avance de l’espace infiniment petit dé
suivant, la communication de l'incendie ait lieu. La probabilité
de cette supposition est de même que dans un bâtiment à un seul
élage,
A, D, dx y LE - Eton À)
D'après notre hypothèse cette communication ayant lieu, le
dessus partage le sort de la partie inférieure , de sorte que l'in-
cendie double menace de se communiquer au second étage par
(247)
tous les points de la partie en combustion et marche en brûlant
à la fois le rez-de-chaussée et le premier. La probabilité qu'à
partir de o cet incendie double ira jusqu’à la tranche à assurer
My sans se communiquer an deuxième étage est
T—ÿ=-n play
CR . 6, .
Ainsi la probabilité de l'évènement composé que l'incendie
éclatera dans l'élément N, n, et qu'après avoir parcouru dans. le
rez-de-chaussée l'espace £ il se communiquera au premier, puis
que , sans se communiquer au second , il viendra brûler les deux
élémens M", et M m,, est.
—A,D,. dr. lé (ao A) ER
Mais comme il serait possible que dans le reste de sa course
jusqu’en À l'incendie se communiquât au second étage et que
l'assurance appartiendrait alors au cas de [z,,z,, 3, |,» il faut
déduire de la probabilité ci-dessus celle de cet évènement. Pour
la connaître, supposons l'incendie double des Nos o et 1 arrivé au
point F entre M et À , sans s'être propagé au deuxième, et sup-
posons que cette communication ait lieu pendant le trajet infini-
ment petit F7, en faisant NF — x et Ff — du; la probabilité
de cette supposition est
— A, Do de à Léusx (moon) 50 (— 16! 6" du)
En intégrant cette expression par rapport à w entre les limites
æetx—ÿ, on aura la probabilité cherchée que la communi-
cation au second étage aura lieu après que l'incendie double sera
passé à la tranche My. En effectuant cette intégration par les
procédés connus, on trouve
07 À, D, dx l Go (CA CAL (GC 30) — Co 60 )°Y
CE, TEA
( 248 )
La probabilité d'incendie des deux élémens M», et M, mn,
à la fois et sans que celui M, », soit brülé est donc
— À, D, dx 16
oyx (to 6 L
= 7) [se 60 ÿ” ES (5 é y] di
De Lea
et par conséquent
pen Us Bo, og D, dx 16, Go)
RAA RS CA F [GC = C, ec»? dt
En intégrant cette expression par rapport
& entre les lnites o et x,
met id. retk,
Y id. o et k,
on aura l'assurance contre tous les dangers d'incendie venant de
droite à gauche. Si l’origine des longueurs avait été placée à
l'extrémité à droite au lieu de celle à gauche, on aurait eu la
même expression pour l’assurance contre les dangers d'incendie
venant de l’autre sens. Il faudra donc doubler l'intégrale pour
avoir l'assurance contre les dangers d'incendie dans les deux
sens. On trouvera , après avoir effectué toutes les opérations in-
diquées , doublé le résultat et fait pour abréger
( 249 )
age bee nS) 1e,
CON T110 k Le
16, c' L 1 L
5 Te rt )- At")
Le, [= = |
a ns rue AN
I dé6!, [ L
pe EP be —e"+kl
+ sus) k} NE )
e
Cette formule donne aussi[z, z, |, en changeantconvenablement
les indices. Quant aux cinq autres parties qui composent l’assu-
rance totale, on pourra les obtenir par un moÿen tout-à-fait sem-
blable à celui qui précède ; mais nous nous abstiendrons de les
donner, d'autant plus qu’à l'inconvénient d’être trop compliquées
elles joignent celui beaucoup plus grave de s’écarter peut-être
trop de la vérité. En effet, pour ne point amener une complica-
tion excessive , nous nous sommes permis de ne point avoir égard,
dans le calcul des effets de l'incendie marchant à gauche du
point où il a pris naissance, à cc qui pouvait se passer à droite
de ce point. Or, dans cette partie droite, l'incendie peut se
communiquer aux étages voisins et revenir ensuite vers la gauche
en brûlant ces étages, ce qui changerait entièrement l’état de
l'incendie de gauche dont nous avons calculé les effets comme
s’il existait seul.
Si toute cette théorie sur l'assurance d'un bâtiment à deux
( 250 )
étages est inapplicable, elle servira du moins à faire connaître
l'extrême complication de la question et la presqu'impossibilité
de la résoudre lorsqu'on veut avoir égard à la marche de l'in-
cendie par degrés infiniment petits.
Des assurances particulères.
Ce sont, comme nous l'avons dit dans les préliminaires, celles
des parties de l'édifice ou de certains objets qu’il contient et
dont on connait la valeur et la position, contre les risques géné-
raux d'incendie et contre ceux qui proviendraient de points
particulièrement exposés à donner naissance à l'incendie.
Lorsque l’on suppose , comme dans la première partie, qu’un
corps de bâtiment brûle entièrement dès qu'il est atteint par
le feu , les risques provenant de certains points particulièrement
dangereux sont les mêmes pour toutes les parties du même
corps , indépendamment de leur position. Alors les formules de
notre première partie suflisent au calcul des assurances dans
tous les cas dont elle traite; mais il arrive le plus souvent qu'outre
que toutes les parties combustibles d’un édifice peuvent donner
naissance à un incendie, il y a certains points plus exposés que
les autres, qui font courir à eux mêmes et au reste de l’édifice
des risques particuliers dont l'effet peut être apprécié séparé-
ment. Supposer, comme nous l'avons fait, que la probabilité de
naissance d'incendie est la même pour toutes les parties, c’est
admettre qu'on ne connaît pas de motifs pour que le feu prenne
plutôt en un lieu qu’en un autre : mais lorsqu'on veut calculer
aussi juste que possible et qu'on connaît des causes qui facilitent
la naissance du feu en certains points connus, il faut, dans l'éva-
luation des probabilités À , ne point tenir compte de l'influence
de ces causes et ajouter à l’assurance des risques généraux qui
est donnée par nos formules celle de toutes les parties de l’édi-
lice à raison des risques provenant de ces causes particulières.
( 23w2)
Nous avons supposé encore que toutes les parties du bâtiment
avaient, à surface égale, une égale valeur, et nous avons démontré
dans les préliminaires que c’est ainsi qu'on doit le faire, lors
même que cela n'est pas; mais qu’on ignore absolument les dif-
férences qui existent , comme lorsqu'il y a des objets meubles
assurés et qu'on n’a aucun motif de croire qu'ils sont plutôt en
un lieu qu’en un autre. Cependant le milieu des édifices étant
plus exposé que les extrémités, il faut, pour calculer avec toute
l'exactitude possible , avoir égard à la position des objets assurés
et il y a d’autant plus d'intérêt à le faire, que ces objets ont
plus de valeur et qu'ils sont plus inégalement répartis. Nous
allons donc résoudre le probléme suivant.
Assurance particulière dans un bâtiment rectangle isole.
Déterminer l'assurance d’un bâtiment rectangle isolé, de
nature telle qu’un incendie brülerait à la fois toute sa hauteur
et sa largeur ; ce bâtiment étant garni d’objets assurés dont la
valeur et la position sont données, et qui doivent suivre le sort
du lieu qu’ils occupent en courant indépendamment des risques
qui proviennent des causes générales des risques particuliers ,
provenant de ce qu'il existe dans l'édifice des points connus qui
font courir des dangers connus d’explosion d'incendie.
Soient V5 Ve. 14 4 Y, les distances à l'extrémité gauche,
que nous prenons pour origine, des objets assurés en nombre n,
que contient, l'édifice, et S,, S,..... S, respectivement les
sommes à rembourser en cas d'incendie de ces objets. Soient
encore X,,X,..... X,, les distances à l'origine des points qui
font courir des dangers particuliers, et À,, À,.... À,, respec-
tivement, les probabilités qu’ils donneront dans l’année naissance
à l'incendie, Nous conserverons ensuite toutes les dénominations
que nous avons posées au commencement de cette partie, en
traitant de l'assurance générale d’un bâtiment de l'espèce dont
il s'agit.
( 252 7
Il est clair que l'assurance demandée se compose de quatre
parties, savoir :
1.° L'assurance générale, ou de toutes les parties dont la
valeur n’est pas eomptée à part, contre les risques généraux ou
provenant de la généralité des parties combustibles et sans com-
prendre les risques connus que font courir certains points connus.
Cette assurance est celle dont la formule (1) donne l’expres-
sion et que nous avons avons appelée Z;
2.0 L'assurance générale contre les risques particuliers ou
provenant uniquement des points dangereux ci-dessus ; nous la
désignerons par Z’;
3.° L'assurance particulière ou des objets particuliers, contre
les risques généraux; nous la désignerons par » ;
4. L'assurance particulière contre les risques particuliers ;
assurance que nous désignerons par w”.
La première assurance nous est déjà donnée par la formule
(1) et les autres peuvent s’obtenir facilement au moyen des
équations différentielles qui {y ont conduit. Il suffit, pour les
assurances particulières, de substituer à la distance y et à la
d
valeur n de la tranche dy la distance Lo et la valeurs, d'un
quelconque N.° des objets assurés, et pour les dangers parti-
culiers, de substituer X; à la distance x de la tranche dx à
l'origine ;, et À;, probabilité d’explosion d'incendie en un point
particulier quelconque No z, à AD dx qui représente la même
probabilité par les causes générales dans la tranche dx. Ensuite
pour les risques particuliers , l'intégration par rapport à x devra
être remplacée par une sommation relative à tous les points
d
dangereux et __ devenant alors la différence finie de Z' par
I
A Z', et pour les assurances particulières l'intégration par rap-
port à y devra être remplacée par une sommation relative à tous
( 2521}
dz
les objets particuliers, et A Aw. Enfin, en changeant à
em
S d
la fois —7 enS,,y en Y,, À D dx en À; et x en X,,
d wo .AX.AY
D dx dy deviendra ie JS
les différences finies une notation semblable à celle usitée pour
les différences infiniment petites.
en employant pour
Nous aurons donc en reprenant l'équation (a) ,que nous avons
trouvée en traitant de l’assurance générale du bâtiment dont il
est question et en y faisant successivement les changemens
ci-dessus :
d 3 S dy
re Ad. a 1.10.
dr à x dy 7 CAT” (a z)
S d X,-
d(AZ) =. À, UE nd ce
ANA STAR de 4 0e , (Hu)
2 !
Mu. AX;. AY, X_Y
—— —=$S,.AÀ, . au h.... (a)
AX;. AY,
En prenant l'intégrale de (a z') , entre les limites y — o et
Y —=X;, pour avoir l'assurance de toutes les tranches situées à
gauche du point dangereux N.° ?, il vient :
Hiver = a (à —i)
L'assurance des tranches placées à droite du même point
étant composée en K — X; comme celle-ci l’est en X,, on a
pour l'assurance de toutes les tranches du bâtiment :
T7 aitu
[4
S
est enfin V= A (ai+ai 2) (2)
Le signe > indiquant ici que l’on doit prendre la somme des
&-X,;
expressions semblables à A: ( é Ha ii — 2) , qu'on peut
former en donnant à l’indice z toutes les valeurs de 1 à 2 dont
il est susceptible.
Eu opérant sur l’équation (a w) de la même manière que sur
la précédente, on trouve
À D r
ON rene A Sarre) (3)
a
Enfin en intégrant la quatrième équation (a w' ), d'abord par
rapport à l'indice ?, il vient
Aw —5S;, | A, sh -Y, PQ ce peu —Y}
et ensuite , par rapport à l'indice X, on a
w ==> S; a, dou d +A, a Yh ME 4 à mA Et)
Le signe > indiquant qu'il faut prendre la somme des expres-
sions semblables à celle qui lui est soumise , que l’on peut former
en donnant à l'indice k les n valeurs dont il est susceptible. Il
faut observer en appliquant cette formule (4) que tous les expo-
sans X — Y sont censés positifs, ct que lorsqu'ils seront négatifs
il faudra toujours les regarder comme positifs en remplaçant
X— Ypar Y —X.
( 255 }
L'assurance demandée, étant la somme des quatre expressions
(x) du & rer et (2) (3) et (4) de celui-ci, est
TS (1x4)
+ :4 (À + œ KE)
+ = > S (CET RS — 2)
1.21)
18 fascx,-%: DE Re COR sh |
Nous avons supposé dans cette théorie que les objets particu-
liers assurés partagaient nécessairement le sort du lieu qu'ils
occupaient. Lorsque ces objets sont des meubles que l'on peut
sauver , le contraire a souvent lieu ; ainsi cette supposition n’est
point exacte. Alors il faudra remplacer la valeur S; d’un objet
particulier quelconque par cette même valeur multipliée par la
probabilité qu’en cas d'incendie du lieu qu'il occupe, il serait
brûlé.
Assurance particulière d’un bâtiment fermé.
En opérant de la même manière que ci-dessus, on trouve
facilement l'assurance particulière d’un bâtiment fermé de l’es-
pèce de ceux considérés $ IT. En conservant toutes les déno-
minalions de ce paragraphe, qui sont aussi celles du fer, et
toutes celles précédentes relatives à l'assurance particulière d'un
bâtiment rectiligne , on trouve d'abord que l'équation différen-
( 256 )
tielle de l'assurance générale contre les risques généraux étant
on a en faisant les mêmes changemens que ci-dessus , de
L 1
ee pour les risques particuliers ,
É 11:
etde $ dy ? ©n pour les objets particuliers;
Are S,
k
sue / sr A. REED) XL ruse (eg)
Litesf se PA BÈZE À eV 4 RCD Le
Déjà la formule '(6) nous donne pour l'intégrale de la pre-
mière équation (e 1)
SAD
Aves ". (ad —2—klau).. PR RIT (e z)
Les deux équations (e 2) et (e 3) s'intégrent sans difficulté,
les opérations étant tout-à-fait semblables à celles de la première
intégration de l'équation (e). Elles donnent :
( 257 )
L' — Fa (2 d—amklad) ZA, (e z')
= (aé—2=R la) :6, (e w)
Et enfin la quatrième équation (e 4) donne :
ic = 5? S, À; | Ra dh ar XX) PL (e w')
Expression dans laquelle après avoir, en laissant subsister
l'indice X, pris la somme des expressions formées en donnant à
ë les m valeurs dont il est susceptible , il faudra encore prendre
la somme de toutes les expressions qu'on pourra former en don-
nant dans cette première somme à l'indice À ses n valeurs. Il
faudra aussi faire abstraction du signe des exposans X — Y et
les considérer tous comme positifs.
L'assurance demandée des objets généraux ct particuliers
est la somme Z + 2 +4 + 0, c'est-à-dire > en désignant par
u la sommeS, + S, ..,.... + S, des valeurs des objets
particuliers :
PV DRE 1e NE
CAR
k
A D (5+) + : (+A4,+a, +) |
+2°S, À; ( a Xi Yn + ak = (X;-Y5) _— d* ) formule. ... (28)
Les assurances particulières dans les cas où il y aurait plu-
sieurs édifices contigus ne présenteraient pas plus de difficultés
que dans ceux que nous avons traités. Il suffira toujours de rem-
V7
( 356)
placer certaines longueurs, certaines probabilités d'explosion
d'incendie et'certaines sommes, dans l'équation différentielle
déjà connue de l'assurance générale contre les risques généraux ,
par les quantités analogues des objets et des risques particuliers.
Les intégrations aux différences infiniment petites se trouveront
alors réduites à des sommations de termes semblables, qu'on
indiquera par le signe >. Nous nous abstiendrons donc de donner
les formules des assurances particulières pour le cas de plusieurs
édifices contigus , d'autant plus qu’elles seraient fort embarras-
santes à écrire et d’une application très-laborieuse,
( 259 )
TROISIÈME PARTIE.
Des assurances morales.
Nous avons vu dans l'introduction que les compagnies d’assu-
rance devaient calculer les risques qu'elles courent d’après le
principe de l'espérance mathématique, tandis que les parti-
culiers devaient estimer l'intérêt qu'il y a pour eux à se faire
assurer par le principe de l’espérance morale, et nous avons
donné le nom d'assurances morales à celles calculées par ce
dernier principe. Quoique la crainte morale qu'un individu a de
perdre une partie notable de sa fortune dépende d'une foule
de circonstances particulières que le calcul ne peut apprécier,
les géomètres ont adopté à ce sujet un principe proposé par
Dauer Bervouu, qui convient dans un grand nombre de cas et
que nous prendrons pour base de nos calculs, en laissant aux
individus le soin d'apprécier mieux cette crainte morale, d’après
leur position ou leurs affections particulières.
Ce principe de Dane Benvouzur est celui-ci : « La valeur
» relative d’une somme infiniment petite est égale à sa valeur
» absolue divisée par le bien total de la personne intéressée.
» Cela suppose que tout homme a. un bien quelconque dont la
» valeur ne peut jamais être supposée nulle. En effet, celui qui
» ne possède rien donne toujours à son existence une valeur
» au moins égale à ce qui lui est rigoureusement nécessaire
» pour vivre. » (Théorie analytique des probabilités. —
Introduction. )
Si l’on applique l’analÿse à ce "principe on obtient la règle
suivante :
Soit F la fortune ou le bien d’un individu , en ayant égard à
( 260 }
ses ressources de toute espèce et sans compler ses expectalives,
dont il s’agit de calculer la valeur morale,
Soient E, ,E,,E3...... E,, des sommes qu'il a en expec-
tative dans »2 cas divers, dans lesquels sa fortune sera respee-
tivement F+E,, F+E,.....F+ E,, les probabilités res-
pectives de ces cas étant, , D, » Pace... Pm *
La fortune physique + qui mettrait l'individu dans le même
état de fortune morale que celle où il se trouve à raison de sa
fortune et de ses expectatives est
e=(F +E,)? s (F + E, )P (F + En ) Pa:
CE Cugni a. (F+E,,)?n Formule (1)
d’où l'on tire en prenant les logarithmes
Log. y —=,p, Log. (F + E') + p, Log. (e — E,)
+ p3 Log.(F — Es) PCT ES Log.(F — E,, )Form. (1)
Ainsi À désignant la probabilité d'incendie dans l’année
d’une maison de valeur S et F, la fortune de son propriétaire,
indépendamment de cette maison , 1 — À , sera la probabilité
que la maison ne sera point incendiée.
Si le particulier court la chance d'incendie et ne se fait point
assurer , l'état de sa fortune sera (F + 9) (F + " ; Si au
contraire il se fait assurer moyennant une somme w;, son état
sera (F+S — )'. En égalant ces deux quantités on trouvera
qu'il y a égalité entre les deux états lorsque
DEA 6 — 4H (r+s)'"À PARA,
( 261 )
Telle est l'assurance morale de la maison. L'analyse fait voir
que cette somme est toujours supérieure à l'assurance mathé-
matique SA et qu'elle se confond avec elle lorsque la fortune
F du propriétaire est infinie relativement à la somme éven-
tuelle S .
Désignons par À la différence w — z entre les assurances
morale et mathématique, et faisons la probabilité : — À que la
maison ne sera pas incendiée dans l’année — A
comme z—= ÀS — (1 —A)S
et © —3+A—(1—A')S+A
LA e
l'équation se changera en
(G—A)s+a=r+s—(r+s)" FG-À")
d’où s=F+A—S(r+s)t REA) (5)
C’est l'expression du sacrilice qu’un propriétaire doit raison-
nablement faire pour assurer sa maison, ou de la somme qu'il
peut convenablement payer en sus du prix de l’assurance cal-
culée par nos formules. Il faut donc pour que les assurances se
fassent avec un avantage réciproque que les frais et les bénéfices
des compagnies soient inférieurs à cette somme.
La formule (3) se simplifie lorsqu'on prend pour unité la for-
S A
tune antérieure F: set Jreprésentant respectivement Fr * F on
a alors
d—) + A 5 — G+s) DRE 02)
qui est l'expression donnée dans la théorie analytique des pro-
babilités.
( 262 )
En caleulant l'expectative du propriétaire dans le cas où il
n'assure pas, nous avons considéré l'incendie du bâtiment pro-
posé comme un événement qui ne pouvait exisier qu’une seule
lois dans l’année. C’est bien ainsi que cela a effectivement lieu
dans la pratique, parce qu'il est bien difficile qu'un édifice soit
brülé, reconstruit et brülé une seconde fois dans la même an-
année; mais , parce que les incendies partiels, qui peuvent avoir
lieu d’une infinité de manières différentes, changent l’état des
lieux, nous avons dû dans les deux premières parties supposer
qu’immédiatement après un incendie, l'édifice était rebâti et
continuait à courir les mêmes dangers jusqu'à la fin de l’année.
L’extrême petitesse des probabilités d'incendie est cause qu'il
n'existe qu’une différence très-petite, qu'on peut négliger sans
inconvénient , entre les assurances calculées dans l'une et l’autre
hypothèse; mais cette différence cesserait d'être négligeable si
dans des suppositions spéculatives on faisait les probabilités
d'incendie extrêmement grandes. Notre formule, ainsi que celles
qui vont suivre, deviendrait même absurde si ces probabi-
lités étaient plus grandes que l'unité. La probabilité d'un évé-
nement unique est nécessairement fractionnaire , mais lorsque,
comme nous l'avons fait, on donne par extension le nom de
probabilité à la somme des probabilités d'un certain événement
dans une infinité d'épreuves , cette somme peut être supérieure
à l’unité, et il n’est plus exact de dire que dans le courant
de l’année il ne peut arriver que l'incendie ou l'événement
contraire.
Pour apprécier la différence qui existe entre les assurances
calculées dans les deux hypothèses , supposons que le bâtiment,
au lieu de courir une seule fois dans l’année la chance d’in-
cendie À, court au commencement de chaque mois la chance
a et soit rétabli immédiatement s’il venait à être brûlé. Il
pourra dans ce second mode être brûlé 12, 11, 10,.,. 1,0
( 263 )
fois ,et les probabilités de ces événemens seront respective-
ment les treize lermes du développement du binome
Si maintenant on désigne par P la probabilité que le bâti-
ment sera brûlé au moins une fois dans l'année, P sera la
somme des douze premiers termes du développement ci-dessus, et
sera ainsi égal au développement total, qui est l’unité, moins le
À 12
dernier terme, qui est (: — —}) c'est-à-dire que
12
ou en développant, que
EUR S OP: Ve 12.11.10 AS
P— A —— = + ÈS
16272 TMC PU TE
12.11.10.9 A4
als stost eLC:
EU. Jo 124
Dans les assurances contre l'incendie la probabilité À étant
loujours très-petite, on peut sans erreur sensible omettre tous
les termes où cette quantité est élevée à une puissance supé-
rieure à l’unité et poser
LR
C'est ce que l'application suivante va nous prouver. Pour
10
Le
les termes du développement sont
1000
( 264 )
Le 1er + 0, 0012
2.° — o, 0000 0066
ace + O0, 0000 0000 0220
4e — 0, 0000 0000 0000 0499
5.e — 0, 0000 0000 0000 0000 0792
Les termes successifs diminuant très-rapidement et devant
diminuer davantage encore après le 7.e, la somme des termes
que nous proposons de négliger est à très-peu près égale à
celle des quatre derniers termes écrits; c’est-à-dire à
— o, 0000 006 9780 0494 9208.
or cette somme n'étant que du premier terme, le dé-
1819
veloppement peut être sans inconvénient réduit à ce terme seul,
ainsi que nous l'avons annoncé.
On arriverait à des conclusions tout-à-fait semblables si l’on
supposait que le bâtiment subit à chaque instant infiniment
petit une certaine chance d'incendie , et est rebâti immédiate-
ment en cas de sinistre. En effet, en désignant par 7 le nombre
des épreuves, par — la chance d'incendie pendant chaque
instant , et par P la probabilité que sur les y épreuves l'incendie
aura lieu au moins une fois, on aura comme ci-dessus
SSSR LE Éc Ce
et P— À — LAS don | PA D A me Poche
EU D TON 3! VER 5
, ph pes y—1 y—2
Dans le cas où est infini, les rapports à ,
ÿ: 2
sTÉLC:
( 265 )
sont égaux à l’unité ct il vient siinplement
A° A af
P—A— + ——> — TH or. etc.
15 CE PEpUSTE
L
Série dont l'expression exacte est 1 — —- en désignant par
e
e la base des logarithmes naturels.
On a donc
P = 1 — ei es... (5)
d’où
It) et
et
Lt —P)=—A
En désignant par / la caractéristique des logarithmes naturels.
Dans le cas de l'application précédente où A — 0, 0012 on a
lt —P) —= — 0, 0012
d'où
1 — P — 0, 995 807 197
et
P — 0, oo1 192 803
et enfin
P— À — — 0, 000 007 197
Différence qui n'est que = de À et peut être négligée.
7
On peut donc, suivant que la simplicité des calculs le
demande, supposer que l'édifice court en un instant toutes les
chances d'incendie auxquelles il est exposé pendant toute l'an-
( 266 )
née, et qu'il n’a ainsi à subir qu'une épreuve unique dans
laquelle il ne peut être brülé qu'une fois, ou que l'incendie
peut avoir lieu à chacun des instans et qu'immédiatement après
un incendie quelconque l'édifice rétabli continue à courir les
mêmes chances et peut être brûlé un nombre indéfini de fois.
Il était nécessaire de donner ces explications pour éviter le
reproche d’inexactitude ou même d’absurdité qu'on aurait pu
faire à nos formules.
C’est un précepte de la prudence commune qu'il faut diviser
ses risques et c’est aussi ce que la théorie des espérances morales
indique. Larsace démontre en effet (page 436 ) qu'on a mora-
lement de l'avantage à partager une somme sur plusieurs vais-
Seaux, au lieu de la transporter sur un seul. Il y démontre
aussi que l'avantage moral s’accroit avec le nombre de vais-
seaux , et que lorsque ce nombre devient infini, l'assurance
morale se confond avec celle mathématique. Ceci s'applique
également aux assurances morales contre l'incendie.
L'assurance morale donnée formule (2) pour le propriétaire
d'un bâtiment unique de valeur $ et courant le risque À ne
peut s'appliquer au cas où le même individu posséderait plu-
sieurs bâtimens dont l'assurance mathématique AS serait néan-
moins la même. Il est clair en effet que les incendies de ces
bâtimens divers étant des événemens indépendans, il y a un
avantage moral à ce’ que le même risque total soit couru par
plusieurs maisons ayant ensemble la même valeur. Supposons
qu'un individu possède au lieu du bâtiment unique ci-dessus un
cerlain nombre x de maisons dont les incendies soient indé-
S
pendans, chacune d'elles valant a et courant la même
chance À. Alors les probabilités d'incendie dans l’année seront
les suivantes :
(267 )
Probab. d'incendie den maisons.. p"
Id. de(n-1) id. … n(1-p) p°"
n (n-1 d
nl de(n-2) id. RTS AER J
-1) (n-2 7
Id de(r-3) id. … (ur nGr2) ons FA
NN)
Id. de o db; rs Gp}
n
qui sont les termes du développement du binome {p + (-p)}
La fortune physique, qui correspond à la situation morale du
propriétaire, sera donc (formule (1)),en désignant par y cette
fortune,
2 2 =p\t
x (e+ 2: RAS ES NL
d'où
Log. 9 — p" Log. F + n (1—p) p°7" Log. (r + =)
n
_ 25
—— ( —p°) DU Log (r cn =) ..
2 n
ss... + (1—p) Log. (F+S) Formule (6)
( 268 )
Si le propriétaire se fait assurer moyennant ‘une certaine
somme «w, sa situation sera
(F+S—)
et pour que cette situation soit la même des deux manières, il
faudra que
FE F+S— 9» ee. (7)
9 devant être calculé par la formule (6). sera l'assurance
morale demandée, ou la somme que le propriétaire des x mai-
sons doit raisonnablement payer pour son assurance. Outre
qu'on trouvera ici « moindre que pour un seul corps de bâti-
ment du même prix, l'avantage moral qui existe en général à
diviser les risques sera beaucoup plus grand dans la question
des assurances contre l’incendie, par la raison que le danger
diminue avec la’grandeur des édifices. Dans la fquestion précé-
dente, si l'on admet que le danger est proportionné à l'étendue
des édifices, il faudra remplacer À par = dans l'expression
de la fortune physique +. Cette quantité sera plus grande et
par conséquent l'assurance morale diminuera.
Les formules (6) et (7) s'appliquent également à l'assurance
morale d'un groupe de bälimens semblables de même valeur et
courant les mêmes chances d’explosion et de propagation d'in-
cendie, construits en ligne fermée autour d’une cour, puisqu'on
avu (1.re partie) que les probabilités d'incendie de tous les
corps de cet édifice sont les mêmes.
Dans toutes les questions sur les assurances morales, si on
continue à désigner par F la fortune antérieure, par S la somme
totale à assurer, par # la fortune physique du propriétaire, en
ayant égard à ses expectatives, et par « l'assurance morale cher-
chée, on aura toujours l'équation (7)
( 269 )
o —=F+S—»
puisqu'elle a été obtenue par des considérations tout-à-fait indé-
pendantes de la question particulière que nous résolvions. Ainsi
nous nous bornerons à l'avenir à donner l'expression de # pour
chaque question. Il suffira ensuite de déduire cette quantité de
F #5 pour avoir l'assurance morale demandée.
Pour appliquer la formule (1)', il faut déterminer les expec-
tatives E,, E,...... E, du propriétaire et les probabilités
Pris Passe... p, de les obtenir, c'est ce qui sera souvent fort
compliqué.
De l'assurance morale de plusieurs bätimens indépendans ,
appartenant au même propriétaire.
Si un propriétaire dont la fortune est F possédait un nombre
quelconque n de maisons n’ayant point de communication entre
elles; A,, À,..... À, étant les probabilités qu'elles brüleront
dans l’année, et Sp» Save. 5, leurs valeurs respectives pour
lesquelles il est question de les assurer.
Supposons d'abord qu’il n’y ait que deux maisons Nos « et 2 ;
il pourra se présenter les quatre cas suivans dont nous avons
besoin de connaître les probabilités et dans lesquels
Re
PROBABILITÉ P EXPECTATIVE Ë
DU CAS. DU PROPRIÉTAIRE.
————————— 2
Les Nos 1 et 2 brüleront.....| À, A, F
1 sera brülé et 2 conservé, | A, (1-A,) F+s,
2 sera brûlé et 1 conservé... | A, G-A) |F+ s,
1 et 2 seront conservés, ..., | (1-A,)(1-A,)| F+s+s,
(270)
La formule (1) donne
Log. = A, À, Log. F+ À, (1 —AÀ,) Log. (F +.)
+ À, (1 — À, Log. (F + s,) + (1 — A,) (1 — À,)
Log. (F + 5, + 5,) Formule (8)
Les probabilités des divers cas sont, suivant un principe
général du calcul des probabilités, les termes du développement
du produit
A+ (14) | Ja, + (ia)
et l'expression de Log. + est le développement de ce polynome,
dans lequel chaque terme a été multiplié par le logarithme de
F , plus la valeur conservée dans Te cas de l'événement dont il
exprime la probabilité, et cette valeur est toujours celle des
maisons dont les numéros sont placés en indice aux facteurs
(1 — A).
IL est clair que cela est général , et que dans le cas proposé de
n maisons ,! on obtiendra Log. + en formant d’abord le déve-
loppement du produit
{A+(i—A,) | {A,+(1—A,) | {Asæ(1— A5)}...
see fn + A) | (9)
puis en multipliant chaque terme du développement par le
logarithme de la fortune antérieure F, augmentée des valeurs
de toutes les maisons dont les nuinéros seront placés en indice
aux facteurs (1 — À) de ce terme.
( 271)
Dans ce développement les termes expriment les probabilités
de l'incendie des corps dont les numéros se trouvent à ses fac-
teurs À et de la conservation des autres dont les numéros sont
aux facteurs (1 — A). L’expectative du propriétaire, dans le
cas dont la probabilité est indiquée par un d'eux, sera donc la
fortune antérieure F, plus la somme des valeurs S dont les nu-
méros sont aux facteurs 1 — À. Les termes du développement
présentent toutes les combinaisons qu'il est possible de faire avec
les facteurs 1 — À, ‘auxquelles correspondent toutes les expec-
tatives qui peuvent résulter des combinaisons semblables des
sommes S. Or, ces expectatives seront au nombre de 2," puis-
qu'elles résultent de la multiplication de n facteurs ayant chacun
deux termes. Ainsi , en général , l'expression de Log. », contien-
dra 2° termes, multipliés par des logarithmes de quantités dif-
férentes et ne seront susceptibles d'aucune réduction. Mais dans
le cas où toutes les sommes S, , S,.... S, deviennent égales à
S, les seules expectatives sont F,F+S,F+28S....F+n S,
et l'expression de #, peut être réduite à 7 + 1 termes, comme
cela a lieu dans la formule (6).
En appliquant ce qui précède , on trouve pour le cas ‘de trois
bâtimens indépendans appartenant au même propriétaire, en
désignant par L les logarithmes dans un système quelconque,
(ni)
L'y3 — A, A, A3LF+ A, A,(1—A3)L(F+S3)
+ À, A3 (1— A.) L(F+S,)
+ A° A3 (1— A.) L(F+S,)
+A,(1—A,)(1—43)L(F+S, + S3)
RU CRT ACT EE
+A3(i—A)(t—1A3)L(F+S, +S,)
“is (1 si A,) (x A) ( — À;) L(F+S,+S, +5)
( 272)
De l'assurance morale de plusieurs bälimens contigus faisant
partie d'une même proprieté.
Lorsque les bâtimens appartenant à un même propriétaire sont
contigus , ou tels que le feu peut se communiquer de l’un à
l’autre, leurs incendies n’étant plus indépendans, les formules
(8), (ro) et (11) ne sont plus applicables. Nous allons les modi-
fier de manière à convenir à ce cas.
Supposons d’abord qu'il s'agisse de l'assurance morale de deux
bâtimens contigus N.os 1 ct 2, séparés par une cloison telle que
les probabilités de propagation du feu du N.o 1 au N.o 2’, et du
N.o 2 au N° 1, soient respectivement a et a’. Conservons toutes
les dénominations du précédent et reportons-nous à la formule
(8); qui donne la valeur de Log. y dans le cas de deux bâtimens
indépendans. Les termes de cette formule, tels que celui-ci
A,(1—A,) Log. (F+8,)
sont le produit de deux facteurs , dont le premier A, (1—A,)
est la probabilité que dans l’année le No 1 sera brülé et le
N.v 2 ne le sera pas, et le second est le logarithme de l’expec-
tative du propriétaire dans ce cas.
Ici les maisons étant contiguës, il ne sufit plus que l'incendie
n'ait pas éclaté au N.o 2 pour que sa valeur S, soit conservée et
figure à l'expectative du propriétaire, il faut encore que le N.o
2 ne soit point brûlé par l'effet de l'incendie qui est supposé
éclaté au N.0 1 : Or, la probabilité de cette non propagation est
(1 — a), et dans ce cas seulement S, doit rester au facteur
logarithmique. Dans celui inverse, dont la probabilité est a, le
N.0 2 étant brûlé, S, ne fait plus partie de l'expectative da pro-
priétaire et ne doit plus paraître au facteur logarithmique. Le
(273)
terme ci-dessus de la formule (8) doit donc , dans le cas dont il
s’agit , être remplacé par
À, (1—A,) (1 — a) Log. (F+S,)+ a Log. F
En répétant ce raisonnement pour chacun des termes de la
formule (8), on trouve pour le cas de deux bâtimens contigus
(x)
Log. +, — A, À, Log. F+(1— A,)(1 —A,) Log. (F+S, +5.)
+ À, (1—A,) (1 — a) Log. (F +5.) + a Log.F
+A,(1—A,) (1 — a')Log.(F+S,)+ a’ Log. F
Dans le cas particulier où toutes les probabilités À et a
d’explosion et de propagation d'incendie sont égales entre elles,
cette formule se simplifie beaucoup et devient
Log. 9, — À A+2a(1— A) Log. F
+ A (1 — À) (1 — a) Log. (F+S,)(F +5.)
+ (Gi — A) Log. (F+S,+5,)
On peut modifier par un moyen analogue la formule No 11,
de manière à ce qu’elle donne l'expression de Log. #3, pour le
cas de trois bâtimens contigus ne se rejoignant pas par les deux
bouts. Pour cela , en conservant toutes les dénominations de la
formule (11), nous désignerons les probabilités de propagation
d'incendie d’un étage à l’autre par a avec un indice à gauche
et un à droite; le premier indiquant le numéro du bâtiment qui
est en feu, et le second celui du bâtiment menacé, de sorte que
34, désignera la probabilité que le feu, étant au N.o 3, se propa-
18
( 274)
gera aû N0 2. Nous résolverons la question par un raisonnement
analogue à celui employé pour le cas précédent ; ainsi, par
exemple, pour le cas du terme À, (1—A,) (1 — A3) Log.
(F+S,+ 53), dont la probabilité est exprimée par le coefficient
du logarithme , et dans lequel le N.o 1 est brûlé et les deux autres
-conservés, il peut arriver , lorsque les bâtimens sont contigus ,
tous les cas dont les probabilités sont les termes da développe-
ment de
(1—,a,)+ ,a, (1 — ,a3) + ,43
Or, les termes de ce développement, dans lesquels se trou-
vera le facteur a, , correspondront à des cas dans lesquels le
N.o 2 sera incendié et dans lesquels $, ne devra point se trouver
au facteur logarithmique et le terme où se trouvera ,43 Corres-
pondra à un cas dans lequel le N.o 3 sera brûlé et où par consé-
quent S3 ne devra point figurer à l'expectative du propriétaire :
ainsi le terme
A, (1—A,)(1— A3) Log. (F+S, + S3)
de la formule (11) devra être remplacé ici par
A, (re À,) (x Fi À;)
(1 — ,a,) Log. (F+S, +5)
+ ,4, (1 — ,4a3) Log. (F +S3) + az Log. F
149 2
Par la même raison le cas du terme
A,(t—A,)(1 — A3) Log. (F+S, +S,)
se divisera dans ceux dont les probabilités sont les termes du
développement de
LG — a) + 4 Ga) + ,03 }
(275)
et ce terme devra se changer en
A, (1 —À,) (1 Ta A3)
G—,a,)(1— ,a3) Log.(F+S, + S3
+ ,a, (1 — ,a3) Log. (F +S3)
3 I
A-a#3 (@: FT * A) Log. (F+ S,) nas Log F
Les termes de la formule (11) qui correspondent à des cas
dans lesquels le feu prend dans deux des bâtimens peuvent
aussi se modifier de manière à être applicables au cas de la
contiguité : Ainsi, par exemple, le terme
A, A, (a EX A3) Log. (F+ S3)
correspond à un cas dans lequel le feu a pris aux Nos 1 et 2,
et qui ici doit se diviser dans ceux dont les probabilités sont les
termes du développement de
te — 243) + ,43
Go ,a,) + 18, [G— 303) + 6 |
Ces termes devront se séparer en deux groupes ; le premier de
ceux qui ne contiennent pas ,a3, qui devra être multiplié par
Log. (F + S;) et le second des termes qui contiennent cette
quantité et qui devra être multiplié par Log. F seulement, puis-
2
qu'il correspondra à des cas dans lesquels le N.o 3 sera brûlé.
Enfin le terme
A, A3 (1 — AÀ,) Log. (F +S,)
correspond à un cas qui se divise dans ceux dont les proba-
bilités sont les termes du développement de
(ra) 143 | (1 — 3a,) + 30,
(276 )
Le terme (1 — ,a,) (1 — 3a,) correspondra seul à un cas dans
lequel le N.o » sera conservé et où S, devra figurer jau facteur
logarithmique à l’expectative du propriétaire. On a donc
Log. y; — À, À, À; Log. F
+ (1 A,) (1 — A,)(1 — A3) Log. (F +S, +S, +S3)
Re (x A0): — À3)
(1—,a,) Log. (F+S, +S3) + ,a,(1—,43) Log. (F+S3)
az Log. F
+ ,4 2 3
a A3 (r 2) (x —À,)
(1—3a,) Log. (F+S, +S,) +34, (1—,a,) Log. (F+S,)
+ 31 Tog. F
2 34 L
+A,(1—A,) (x — À;)
(r Su ad) (e: ais 43) Log. (F a S, +53)
a, (1 — ,a3) Log. (F + S3) + ,43 (1 — ,a,)Log.(F+S,)
az Log. F
—. 2
me A À, (1 — A3)
| (x — 243) (= 14 9 az) Log. (F+S;)
+ fi —(i — as) (1 — a, 03) Le |
+A, A3(1—A)
( (i—,a,)(1— 50, ,a a;) Log. (F+S,)
+ a,)(1 —3a, ,a ,) ] Los. F
+A, A3 (1 —A,)
(1— ,a,) (1 —3a,) Log. (F + ï
À — (1 — ,a,)(1 — ;a,)| Log. F
(277)
Il serait inutile de pousser plus loin ces formules ; il suflira
ordinairement d’avoir, d’après les formules (3) ou (4), l'excédant
de l’assurance morale sur l'assurance mathématique pour le cas
d’un risque provenant d'un événement unique et de savoir que
plus les risques seront divisés , soit parce qu'ils porteront sur un
plus grand nombre de corps indépendans, soit parce que l'édifice
sera partagé par des cloisons, plus la différence entre les assu-
rances morale et mathématique diminuera ; tellement qu'elle
finirait par être nulle si les risques étaient infiniment peuits rela-
tivement à la fortune du propriétaire.
On obtiendra en général les assurances morales avec toute
l'exactitude désirable, en calculant par les formules des première
et seconde partie, l'assurance mathématique z de chaque corps
de bâtiment. Cette assurance , divisée par la somme S, qui serait
remboursée en cas d'incendie total, est la probabilité moyenne
d'incendie du corps considéré, et un, moins cette probabilité
moyenne, pourra être regardé comme la quantité A des formules
(3) et (4). Comme on connaît d’ailleurs la fortune F du proprié-
taire indépendamment de l’objet à assurer et la valeur S de cet
objet, on pourra appliquer ces formules , qui feront connaître
quelle somme le propriétaire doit raisonnablement payer au-
dessus de l’assurance mathématique 3, pour jouir des avantages
moraux de l’assurance.
Les assurances morales, dont les formules sont si compliquées
lorsqu'il s’agit de plusieurs corps de bâtiment, dont chacun est
censé complètement brûlé dès qu'il est atteint par l'incendie, le
sont bien plus encore lorsqu'on veut avoir égard , comme nous
l'avons fait dans la seconde partie , à la marche du feu par degrés
infiniment petits et à tout ce qui peut être sauvé. Alors les
expeclatives du propriétaire sont en nombre infini et les intégra-
tions ne sont pas praticables,même dans le cas d’un bâtiment rec-
tiligne isolé. Ainsi qu'on va le voir par la théorie suivante.
(256 )
De lPassurance morale d'un bâtiment rectangle dans le cas
où l’on considère l'incendie comme marchant par degrés
infiniment petits et où l’on a egard aux parties de bâtiment
qui peuvent étre sauvées.
A B
1
o0 Nn 0'o'
Représentons le bâtiment par la ligne AB et considérons-le
comme décomposé en tranches infiniment petites par des plans
verticaux perpendiculaires à sa longueur. Désignons toujours
par S la valeur du bâtiment, valeur qui est celle pour
laquelle il est question de l’assurer; par # sa longueur , par À la
probabilité d’explosion d'incendie sur chaque surface unitaire,
par D le développement du bâtiment, par « la probabilité que
l’incendie arrivé à un point quelconque s’avancera encore d’une
longueur unitaire; toutes ces dénominations étant celles du
1.er de la seconde partie, et de plus désignons par F le bien du
propriétaire sans y comprendre la maison à assurer.
Supposons que l'incendie éclate dans la tranche Nn de lar-
geur dx située à la distance x de l'extrémité gauche A, que
nous prenons pour origine. Le feu éclaté en x se propagera à
gauche et à droite. Supposons que sur la gauche il s'arrête en
O après avoir brülé la partie NO que nous désignerons par £
et que sur la droite il s'arrête en 0’, après avoir brûlé la partie
NO’ que nous désignerons par #’. Alors l’expectative du pro-
prictaire est
S
F — (Kit
+ (Ait)
puisqu'on sauvera du bâtiment une longueur k — 1 —t.
( 279 )
La probabilité que l'incendie éclaté en Nan sera éteint avant
; t %.
d’avoir parcouru la longueur £ est 1 — x et celle qu'il le
PE À t+ dt
sera avant d'avoir parcouru la longueur £ + dt est 1 — &
La différence de ces deux quantités, savoir :
(: — 4 +4) (1) = — la. di.
est la probabilité que le feu sera éteint pendant qu'il parcourra
l’espace infiniment petit Oo , ou qu'il s’arrêtera après avoir brülé
à gauche la longueur ! .
Par la même raison la probabilité que l'incendie consumera
!
à droite la longueur # est — 2x a dé
Il peut se présenter d’abord deux cas principaux, que voici
avec leurs probabilités et les expectatives du propriétaire :
Probabilité du cas. Ne
1.0 Que l'incendie n'’é-
clate point dans l'an-
TAHOE UE À TRAD E+sS
2.9 Que l'incendie éclate.
Ce second cas exige que
d’abord il éclate dans une
tranche quelconque Nn de
largeur infiniment petite
dx et placée à une dis-
tance quelconque x de
Porigine À : la probabilité
de ce premier événement
est AD dx
Cette explosion d’incen-
die est nécessairement sui-
vie de l’un des quatre éve-
nemens suivans :
1.0 L’incendie brûle entiè-
rement les deux parties
NA et NB à sa gauche
et à sa droite..,.....
2.0 Il brûle entièrement
la partie gauche NA et
une partie quelconque
NO’ — x de celle qui
est à sa droite. ......
3.0 Il brûle entièrement
la partie droite NB et
seulement une longueur
quelconque NO — 1 à
M'EAGUE ce de 2e m0
4.0 Il ne brûle à droite
et à gauche que les
longueurs quelconques
( 280 })
Probabilité Expectative
du cas. du propriétaire.
al REZ = oh... F
ZT d' ' S '
œ (- lu x dt) F + G-x-t)
FE (la dt dt) |F +2 (0
NO'— #' et NO —:.. (ue al dt')(-u al dt) F +2 (A-E-0
Nous aurons, d'après la formule ( 1”), en désignant tou-
jours par + la fortune physique équivalente à la fortune morale
du propriétaire ,
( 281 )
le=(i— kan) (Ps) +fan À dx LE
ff ae tE dx dt l [rs]
ffioud-staarrex(s) ]
+{ffwty nr CP afre<(-r-)]
La première intégrale prise entre les limites du bâtiment,
savoir : x — 0 et x — k est KAD ZF. En substituant cette
expression et faisant pour abréger
ES —""#
F
il vient en remarquant que ADK (2F —/f) — ADK he
F
Lg = If+ ADK 1 —
— AD «ff TE le dll | f—c(x+t)}
aff Find dæ del} f— ce (k —x +1)
+ AD cofff Aa dx d' detft—c(t+0)
( 282 }
t'et 4 étant les longueurs incendiées à partir du point N, qui
est éloigné de l’origine À d’une distance x, ces deux variables
sont implicitement des fonctions de la troisième, et il faudra
commencer à intégrer par rapport à £’ entre les limites o et k—x
et par rapport à £ entre celles o et x . On intégrera ensuite
par rapport à x entre les limites o et 4. Malheureusement ces
a dx
intégrations dépendent de celle de la transcendante a
qui ne peut s'exprimer que par une série d’un nombre infini de
termes. Comme il ne s'agit ici que d’une évaluation morale,
nous ne donnerons pas les séries très-compliquées qui représen-
tent la valeur des intégrales ci-dessus, parce qu'elles n’appren-
draient rien sur la question et ne seraient jamais appliquées.
Il nous suflit d’avoir montré l'extrême complication de la
question et l'impossibilité d'en donner une solution utile dans
la pratique.
( 283)
NOTES
SUR LA POLARISATION,
Par M. Derezexe, Membre résidant.
17 ocToBRE 1834.
Avertissement, —- Beaucoup de personnes aiment à observer
les brillans phénomènes de l’optique moderne , si dignes de fixer
l'attention. Faute de loisirs, elles ne pénètrent point dans les
profondeurs de la théorie qui les explique; elles se bornent aux
notions indispensables, et dans le petit nombre de traités que
nous possédons sur cette matière, elles cherchent moins des
calculs que des détails sur des procédés d’expérimentation
simples et économiques. Pour cette classe d'amateurs, ces dé-
tails ne sauraient être trop longs ni les exemples trop nombreux :
c'est exclusivement à elle que s'adressent ces notes.
J’appellerai :
1.0 Axe principal d'un cristal à deux axes optiques, la bis-
sectrice des angles aigus que font les axes en se croisant. Cette
bissectrice se nomme aussi /?gne intermédiaire. Elle est ordi-
nairement perpendiculaire aux plans de clivage ou aux faces
travaillées dans les cristaux préparés pour l’observation.
2.0 Axe secondaire , la bissectrice des angles oblus que font
les axes optiques en se croisant. Cette bissectrice se nomme aussi
l'gne supplémentaire. Elle est ordinairement dans le plan des
(284)
faces du cristal, et elle passe toujours par les pôles des deux
systèmes d’anneaux.
3.0 Axe tertiaire, la perpendiculaire au plan des deux axes
optiques. Elle est ordinairement parallèle aux faces et toujours
perpendiculaire à l'axe principal et à l’axe secondaire,
4.0 Section principale, le plan perpendiculaire aux faces d’un
cristal et qui passe soit par l’axe unique, soit par l’axe principal.
Elle comprend souvent les deux axes optiques.
5.0 Azimut, l'angle qu'un plan ou une droite fait avec le plan
de polarisation ; le plan de cet angle étant d’ailleurs perpendi-
culaire à celui de polarisation.
J'avertis enfin , et pour n’avoir pas à le répéter trop souvent,
que les observations sont faites indifféremment devant une
grande glace noire horizontale ou une pile de carreaux qui reçoit
et polarise la lumière du ciel, et qu'on vise à travers une tour-
maline dont l’axe est perpendiculaire aux rayons polarisés et la
section principale dans le plan de polarisation. On peut aussi
généraliser le mot tourmaline en l'appliquant à tout autre ins-
trument d'analyse remplissant les mêmes fonctions que la tour-
maline proprement dite.
Appareils d'observation.
Soit AD (fig. 1, pl. 3) une glace noircindéfinie; O le centre d'une
tourmaline à travers laquelle on regarde la glace, l'axe dans le
plan de polarisation AOD et perpendiculaire sur BO. L'angle de
polarisation OBD — a est de 34° environ pour le verre ordi-
naire. OB est la bissectrice de l’angle quelconque AOC — 24.
Le point B est le seul sur la ligne AD pour lequel l’angle OBD
puisse être égal à l'angle a de polarisation : il est donc le plus
obscur. Pour les points voisins autour de B, l'angle étant peu
différent de a, l'obscurité est encore fort sensible; c'est l’en-
semble de ces points qui forme la tache obscure. Les quantités
( 285 }
de lumière qui arrivent à l'œil par les rayons réfléchis CO , AO
sont égales, d'après les observations de M. Araco, et comine les
distances BA, BC sont proportionnelles aux distances inégales
OA, OC, la tache paraît d’un noir plus foncé du côté BA que
du côté BC, pour des distances égales de chaque côté du point
B. Il importe, pour certaines expériences, qu'on ne se trompe
point sur la vraie position du point B, et pour qu’on puisse le
supposer au centre de la tache , il faut que les distances inégales
de ce point aux limites de la tache soient vues sous des angles
b égaux, ce qui exige qu'on observe à travers un trou fait dans
un papier noir qui recouvre la tourmaline. Ce trou ne doit pas
être tout-à-fait aussi grand que la pupille.
Les dimensions de la tache sont proportionnelles aux diverses
distances de l’œil au point B ; ainsi, en éloïgnant suffisamment
la tourmaline avec l’œil, on pourra toujours voir la glace entière
dans une obseurité convenable à certaines expériences. Cela
explique en partie pourquoi les anneaux colorés des derniers
ordres, par exemple , sont plus ternes que ceux voisins du centre
commun mis sur le point B. C’est que la lumière est moins
complètement polarisée loin de ce point. Quand la glace est
grande et les anneaux étroits, on les voit plus larges et on en
voit un plus grand nombre en éloignant l’œil ; les couleurs sont
aussi plus vives,
Une glace carrée horizontale paraît plus large que longue,
parce que les deux dimensions sont vues, dans les expériences,
sous des angles inégaux. Ainsi, quand on aura à faire choix d’une
glace, on pourra s'arrêter à 50 centimètres de longueur sur 30
à 35 de largeur. On couvrira d’un vernis noir la moins belle des
deux faces; mais si ces faces sont passablement parallèles, on
la posera sur du drap ou du papier d’un noir foncé et mat, en
laissant néanmoins entr'eux une couche d'air épaisse de 1 à »
millimètres. La lumière étant réfléchie et polarisée par les deux
surfaces d'une pareille glace et seulement par une face d’nne
( 286 )
glace noire, est plus abondante; les expériences y gagnent, et
si la lumière du ciel est très-vive, la tache noire paraît plus
petite et moins mal terminée, ce qui aide à déterminer avec
moins d'incertitude la position du point B, milieu apparent de
cette tache, car on juge mieux de la position du centre d'une
petite figure que d'une grande.
Pour toutes les expériences où l’on n’a pas de mesures à
prendre, on peut, avec économie et avantage, remplacer la
glace nue ou noircie par une pile de 8 à 10 carreaux de verre à
vitres choisis parmi les mieux dressés. À défaut de ces appareils,
on peut se servir d’une table d'acajou ou de marbre polie et
vernie; plus le vernis est brillant, mieux la lumière est polarisée
Une toile cirée, vernie au noir et tendue sur une planche, pro-
duit un bon effet. Enfin on peut profiter , au besoin, de l’eau
calme et propre d'un bassin, ou bien encore d’une terrasse
mouillée.
Si l’on voulait que la ligne AD (fig. 1) parût partout aussi
noire qu'au point B , il faudrait la courber selon la forme d’une
spirale dont la construction par points est très-simple. D'un
point O (fig. 2).on tire des lignes quelconques OA ,00, OR...
Par le point À quelconque on tire AZ, faisant avec AO un angle
ZAO de 3,0. Cette ligne rencontre OQ en Q. Par ce point on
tire une ligne OV qui fait avec QO un angle OQV de 340...
et ainsi de suite. Enfin l'on fait passer une courbe par les points
A, 0, R.... et cette courbe se rapprochera d'autant plus de
la spirale voulue que les lignes parties du point O feront entr'elles
des angles plus petits.
On trace cette courbe sur un grand papier épais, ou mieux
sur une feuille de zinc, pour servir de patron. On en prend une
portion quelconque , GRK , par exemple, et l’on fait tailler deux
planches de la forme GRKIHG. On les maintient parallèlement
au moyen d'un fond et de quelques traverses sur les bords de la
courbe. Sur.ces courhes et les traverses on dépose une lame de
( 287 )
zine poncée dont on maintient la courbure au moyen des têtes
de quelques petits cloux. Gette lame, peinte de deux couches
noir, puis poncée, est enfin vernic.
Avec moins de six francs on peut ainsi se procurer un appareil
équivalent et même préférable à une très-grande glace, On peut
de plas mettre sous la plaque courbe des tiroirs contenant les
cristaux d'étude. Cet appareil a néanmoins l'inconvénient fati-
gant d’assujettir l'observateur à placer constamment la tour-
maline et son œil au point fixe O, sans pouvoir faire varier à
volonté , comme devant une glace, la position de cet œil.
Cet inconvénient se reproduit dans l'appareil de M. Nonren-
sec, avec celui bien plus grave, dans certains cas, de réduire
l'étendue des images à une petite portion du champ de la vision ;
mais cet appareil a des avantages qui compensent et au-delà ces
inconvéniens. Comme il est peu répandu encore, j’en donnerai
une courte description.
CA (fig. 3) est une mince glace nue à faces parallèles et in-
clinée de 560 sur l'horizon. Elle entre dans un châssis mobile
autour d’un axe horizontal passant par le point B, ce qui permet
de varier l’inclinaison que mesure un arc de cercle gradué. Si
l'on place l'œil au point O, où vont concourir les rayons réfléchis
en À,B,C..., on retrouve exactement l’appareil de la fig. 1.re
Mais si les rayons polarisés AO, BO, CO.,.. rencontrent une
mince glace étamée GL perpendiculaire sur BO , ils suivront le
chemin ALO’, BEO’, GGO', etc. , traverseront la glace et iront
concourir au point O’ où l’on doit maintenant placer l'œil.
Au-dessus de la glace nue est un anneau qu'on peut approcher
ou éloigner de l'œil et qu'on peut faire tourner, avec le verre
parallèle qu'il porte , autour d’un axe horizontal ; son inclinaison
est mesurée par un axe de cercle. On dépose sur ce verre mince
les cristaux d'observation. Enfin une glace noire, dépendance
( 288 )
ordinaire de tous les appareils de polarisation , est aussi adaptée
à celui de M. NonnemsenG (*).
Si l’on dépose sur la glace étamée GL un cristal à faces paral-
lèles, la lumière polarisée le traversera une première fois pour
arriver au miroir, puis une seconde fois à son retour; c’est comme
si elle avait traversé une seule fois un cristal d’une épaisseur
double, et les phénomènes sont modifiés en conséquence. Cette
propriété de l’appareiïl peut avoir de très-utiles applications.
Au reste, quand le cristal ne doit pas être déposé sur la glace
étamée , quand on veut le placer contre la tourmaline , avoir des
images étendues et varier à volonté la position de l’œil, on réduit
l'appareil à une grande glace d'Allemagne , horizontale, carrée,
mince, étamée, qui reçoit la lumière du ciel polarisée par une
mince glace rectangulaire non étamée et inclinée de 56° sur la
première.
Revenons encore à la figure 1.re — Si l’on pouvait déterminer
avec exactitude la position du point B, centre apparent de la
tache obscure, il n’y aurait qu’à mesurer avec soin les lignes
OD et BD pour avoir l'angle a de polarisation, et, par suite,
l'indice de réfraction de la glace ou de toute autre matière plane
et brillante donnant aussi une tache noire; car, par le triangle
rectangle BDO , on a
; R x OD Le BD'ux R __cos.a
mu VIE BD ? Ps TC PUTE (ang. a RTE
cot.a 1.54 ; , MA 4
—— — indice de réfraction, d’après la loi de M. Bnewsren.
R
(*) On peut se procurer tous les appareils etles cristaux pour l'étude de Ja
polarisation, chez M. Soleil fils, opticien, rue de l’Odéon, à Paris. 11 con-
struit également avec soin l'appareil nouveau de M. BABINET pour les expé-
riences sur la diffraction, expériences qu'on peut faire maintenant à la simple
lumière d'une bougie,
( 289 )
Voici maintenant, pour mesurer OD et BD, un procédé éco-
numique, presque grossier , mais susceptible pourtant de quel-
qu'exactitude.
Faites dresser une épaisse équerre en bois de noyer. Que
toutes les faces soient planes et bien perpendiculaires les unes
sur les autres. Chaque côté de l’angle droit doit avoir de 20 à
25 centimètres. À une plus grande hauteur correspondrait une
tache trop grande qui ferait mal juger de la position du centre ;
une.plus pelile exigcrait une extrême précision dans les me-
sures. Mesurez les côtés des deux triangles rectangles de l'équerre
et assurez-vous que la somme des carrés des côtés de l'angle
droit est égale au carré du troisième côté. Collez sur un côté
de l'angle droit et près de l’angle aigu un morceau de liège que
vous aurez limé en prisme d’un angle de 34 degrés environ.
Sur ce liège, fixez avec une épingle celui qui porte une bonne
tourmaline , et de manière que son centre, ou mieux celui du
petit trou de papier noir, soit dans le prolongement du côté de
l'angle droit et de l’une des grandes faces de l’équerre. Mesurez
de nouveau ce côté jusqu'à ce centre. Cela fait, dans le prolon-
gement d’une règle fixée sur la glace avec un peu de cire molle,
collez sur cette glace un carré de papier de 1 millimètre de côté.
Faites glisser l'équerre le long de cette règle jusqu'à ce qu’en
visant par la tourmaline le fragment de papier paraisse bien au
centre de la tache. Enfin mesurez la distance du centre du papier
à l'extrémité voisine de l'équerre. — Pour avoir une imageplus
petite et micux juger de la position de son centre , et si cela con-
vient à votre œil, fixez sur la tourmaline une lentille bi-concave
d’un foyer convenable. — Entre la tourmaline et la glace pré-
sentez un papier noir percé d’un trou de 5 à 8 millimètres de
rayon. Pour une distance bien choisie, la lumière inutile sera
interceptée, celle qui arrive des bords de la tache paraissant
plus vive, la tache sera plus petite. Enfin il faut faire un peu
19
( 299 )
tourner la tourmaline autour de son épingle, à droite et à gauche,
pour déplacer la tache et mieux juger de sa position.
mil
Exemple. Les côtés d'une semblable équerre sont 211,51 ;
211,76 et 299,30.
Or,
(211,51) — 44736,4801
(211,76) — 44842,2976
Somme. ..... 89578;7777
dont la racine est 299,297 au lieu de 299,30. Si l'angle n’est
pas droit, on calcule la perpendiculaire et la distance de son
pied à l’autre extrémité de l’équerre. Ce calcul n’est pas néces-
saire pour l’équerre ci-dessus, et à sa hauteur, 211,54, il faut
ajouter 20,30 pour avoir la distance du sommet de l'angle droit
au centre de la tourmaline que j'y ai adaptée. Ainsi (figure 1),
OD — 251,81.
. En opérant en hiver, à midi, sur une glace noire, devant une
fenêtre fermée, par la pluie et un ciel très-obseur, j'ai eu
BD — 211,76 + 135,727 — 347,487 pour une moyenne
entre douze observations faites successivement ; mais en dépla-
çant l’équerre à chaque fois. Cela donne a — 33° 42! 30". Les
valeurs extrêmes sont BD — 543,06, d'où a — 34° 2’ 50”,
et 350,06; d'où a — 33° 30’ 40". La lumière trop faible pro-
duisait une grande tache mal terminée. Ayant ouvert la fenêtre,
j'ai fait immédiatement douze autres observations aussi peu sûres.
Les extrêmes sont BD —3/2,06 et 347,06 d'où a — 34° 7' 30"
et a — 33° 44! 20”. La moyenne est 344,218 d'où a — 33°
57’ 20”. L'influence de la vitre, quand la croisée était fermée,
s’est fait sentir sur presque toutes les valeurs de BD ; elles sont
plus grandes que celles faites à ciel découvert.
- On voit aussi que, par cette méthode, et en se bornant à une
(291)
seule observation , l'erreur sur la valeur de l’angle a ne s’élevera
guère qu’à 12 ou 15 minutes, même dans les circonstances
extrêmement défavorables que j'ai choisies.
Un ciel faiblement et uniformément couvert est le plus avan-
tageux à ces observations. Il faut éviter les nuages, à moins qu'ils
ne soient d'une teinte blanche uniforme.
Par une moyenne entre vingt observations consécutives faites
par un ciel favorable, j'ai trouvé a — 34° 7! 50/ pour la même
glace d’ancienne fabrication. Les valeurs extrêmes ne différent
de cette moyenne que de 14 et 15 minutes.
Une glace de Saint-Gobin adaptée à l’appareil dispendieux de
Fnesez est bien perpendiculaire au rayon qui aboutit au zéro
du cercle gradué. Faisant successivement usage des deux tuyaux
de lunettes, j'ai obtenu de chaqne côté 56°, d’où «a — 34° pour
cette glace.
La mince glace d'Allemagne qui polarise la lumière dans
l'appareil de M. Nosreusence m'a donné un angle de 33° 36’.
Cet angle ne peut étre en erreur de plus de dix minutes. L'ap-
pareil est en bois et bien construit ; il est fort long, ce qui rend
la tache fort grande; elle couvre le miroir, qui est fort grand
aussi; mais en mettant la tourmalinc au haut d'un tube noir
long de 50 millimètres et d'une ouverture de 10 millimètres,
la tache se réduit à un diamètre apparent de 5 à 6 centimètres,
et elle est environnée de lumière assez vive pour la bien dessiner.
J'ai pris d’ailleurs la précaution de m’assurer que la glace pola-
risante était exactement perpendiculaire au miroir quand l’ai-
guille était à zéro, etc. — Le rayon du cercle gradué est de 175
millimètres.
I parait done , par ces observations directes, que l’angle de
35° 25! assigné par Mas est trop grand pour la glace ordinaire.
Gette conclusion vient appuyer au besoin la loi de M. Brewsrer,
savoir, que le rayon réfléchi sous l'angle de polarisation est per-
pendiculaire au rayon réfracté.
( 292 )
Les observations faites à l’équerre peuvent être utiles, dans
certains cas, pour obtenir en peu d'insfans une première appro-
ximation. En voici quelques exemples.
Sur un morceau de papier noir mis sur une table ou sur une
glace je dépose une plaque de cristal de roche perpendiculaire
à l'axe ct épaisse de 3,35, par conséquent OD — 231,81 —
3,35 — 228,46. J'avance ou recule l’équerre sur le mtme plan
jusqu'à ce que le cristal me paraisse d’un noir foncé auquel
succède de la lumière si je fais un peu balancer la tourmaline
autour de son épingle. J'ai ainsi BD = 211,76 + 135 = 346,76
cot.a
d'où a = 33° 19! 30” et
— 1,521 pour l'indice de ré-
fraction.
J'opère de même sur une belle plaque de carbonate de plomb
dont je parlerai plus loin. L'observation est incertaine parce que
la tache noire a une surface beaucoup plus grande que celle du
cristal. Les deux observations qui s’écartent le plus l’une de
l'autre donnent a = 29° 34! 30!” et a — 28° 23 40". La moyenne
entre les deux indices correspondans est 1,8059. Le plan des
axes du carbonate était confondu avec celui de polarisation.
J'ai noirei à l'encre de Chine l'une des faces d'une topaze in-
colore et je l'ai déposée sur la glace en mettant l'axe secondaire
dans le plan de polarisation. J'ai eu à l'épreuve, correction faite
de l'épaisseur de 4 "1, 41 du cristal, un angle de polarisation de
30° 20! 10/; c’est une moyenne entre dix valeurs dont les ex-
trèmes diffèrent de près de deux degrés , parce que la surface de
la topaze étant plus petite que celle de la tache noire, il y a
incertitude sur la vraie distance de l'équerre. Divisant par le
rayon la cotangente de cet angle, j'ai 1,7088 pour l'indice de
réfraction. D’après une table qu'on trouve dans le traité de M.
Henscuëz , cet indice, mesuré par M, Bior, est 1,6102, ce qui
répond à un angle de polarisation de 31° 50’ 30”, et, par suite,
(295)
l'angle ci-dessus est trop faible de 1° 30! 20”. M, Rusenc (sup-
plément au même traité) trouve pour indice, dans le sens de
Vaxe secondaire, 1,61576 ; qui répond à un angle de 31° 45" 10”.
J'ai ensuite lavé la topaze et l'ai déposée sur un mince papier
noir mat. Avançant ou reculant l’équerre jusqu’à ce que le centre
du premier anneau soit couvert par un pelit fragment de papier
collé sur la topaze, j'ai eu pour angle d'incidence avec la sur-
face, 25° 0° 50’; divisant donc le cosinus de cet angle, suscep-
tible d’une assez grande exactitude, par l'indice 1,7088 il vient
32° 1° 35” pour l'angle que fait l'axe correspondant avee la
perpendiculaire aux faces, Faisant faire ensuite un mouvement
de 180° au cristal et observant de même le pôle correspondant
à l’autre système d’anneanx, j'ai eu 29° 37’ 0”. La différence
2° 24 35" prouve que les faces non parallèles et travaillées de
celte (opaze ne sont pas perpendiculaires à l'axe principal.
L'angle des axes serait done 61° 38° 35/, tandis que M. Bor le
porte à 64° 14/ 2°, M, Brewsren à 65° et M. Rungenc à 56° 38
57" seulement. Si je fais usage de l'indice 1,6102, je trouve
65° 53 5”, et enfin 65° 37’ 30/ avec l'indice 1,61576.
Dans l'hypothèse d’un angle de 65°, j'ai fait tailler une topaze
à faces perpendiculaires sur l’un de ses axes, m'appuyant sur
ce que les faces naturelles de clivage sont perpendiculaires à
l'axe principal. D'après les angles, mesurés au goniomètre, la
taille répond à un angle de 66° entre les axes. Cependant, à
l'observation à travers un verre rouge, les cinq ou six premiers
anneaux paraissent parfaitement circulaires. Un second essai sur
une autre topaze n'a pas mieux réussi sous le rapport de la taille.
Ayant à faire diviser une topaze de 13 millimètres d'épaisseur,
pour d’autres vérifications dont je parlerai plus loin, j'en ai fait
extraire une plaque ABCD (fig. 4) épaisse de 3,2. On l'a sciée
dans la forme du losange EFGH, dont les côtés GF , GH font,
ayec la face naturelle AB, un angle de 32° 30’, ce qui doit les
rendre, ainsi que EF, EH, perpendiculaires aux deux axes, si
( 294 )
l'angle de ceux-ci est de 65°. J'ai lieu de croire le travail fidé-
lement exécuté, puisque, mesurés au goniomètre , les angles F,
H sont bien de 65°, et les angles G, E de 115. L’axe principal
est, à l'observation, exactement dirigé suivant la diagonale GE.
Les formes et tous les autres détails des deux systèmes d’anneaux,
successivement observés à travers les couples de faces parallèles
GF, HE; GH, EF paraissent identiques. Les premiers anneaux,
vus au verre rouge, ainsi qu'à la lampe monochromatique , pa-
raissent bien circulaires ; mais ceux des ordres élevés, vus avec
leurs couleurs ou à la lampe, affectent un peu la forme ellip-
tique , ce que l’on doit attribuer à l'influence de l’autre axe et aux
directions différentes des axes correspondans aux diverses cou-
leurs. Assurément, je ne conclus pas de ces dernières observations
que l'angle des axes de cette topaze est de 65°, puisque je pourrais
également conclure qu'il est de 66° ; c’est dans un autre but
que j'ai desiré avoir une topaze taillée bien perpendiculairement
à l’un des axes. Je fais seulement remarquer à l'amateur dé-
pourvu d’instrumens précis qu'il peut obtenir, avec une simple
équerre et en peu d’instans, une première approximation sur
l'angle que font entre eux les axes des cristaux dont on peut voir
les anneaux sans polarisation préalable.
Lampe monochromatique.
La lampe à alcool, qu'on trouve dans tous les cabinets de
physique, peut servir; la suivante est plus commode et d'un
meilleur effet. On recouvre un verre à boire d'un couvercle en
fer-blanc traversé par un tuyau rectangulaire de même métal,
ayant 1 centimètre de largeur intérieurement sur 3 à 6 de lon-
gueur. Ce tuyau dépasse d'environ 2 ‘centimètres le dessus et le
dessous du couvercle. Il est rempli par une mèche de coton qui
descend jusqu'au fond du verre et qui s'élève de 2 centimètres
( 29° )
au-dessus du tuyau. Le verre est rempli de quatre parties d’al-
cool mêlées avec une partie d’eau saturée de sel de cuisine. Quand
la lampe est allumée pour les observations, on arrange la mèche
Pour avoir une flamme haute et large; ce qui peut exiger que la
liqueur soit préalablement chauffée si elle contient une quantité
d’eau beaucoup plus grande. Cette flamme émet une couleur à peu
près simple, jaune paille, dont elle colore les objets qu’elle éclaire.
On éteint la lampe et l’on évite la perte de l'alcool par évapora-
tion en recouvrant la mèche d’un autre verre plus petit.
Les cristaux qu'on observe à la lampe monochromatique doi-
vent être placés entre deux tourmalines claires. On approche de la
flamme autant que possible pour avoir un plus grand champ ct
une plus vive lumière. On peut observer en plein jour en tour-
nant le dos aux croisées.
Faisons maintenant quelques observations.
Je place entre deux tourmalines croisées une plaque d’arra-
gonite perpendiculaire à l’axe principal et épaisse de 0,8, par
exemple, et j'observe d’abord à la lumière du ciel. Si le plan
des axes divise en deux parties égales l’un des angles droits
que font les axes des tourmalines, je vois deux branches noires
hyperboliques ; des lemnicastes qui, sous la forme d’ovales,
entourent les pôles, et d’autres lemnicastes qui enveloppent les
deux pôles. Par leur superposition partielle, les teintes de ces
courbes s’affaiblissent de plus en plus à mesure qu’elles s’é-
loignent de leur pôle; les dernières sont rouges et vertes et
très-pâles. Enfin, les couleurs, se mêlant de plus en plus, finis-
sent par former de la lumière blanche qui se répand unifor-
mément dans tout le reste du champ de la vision. Pour em-
pêcher cette formation du blanc et voir un plus grand nombre
‘de courbes, on observe à travers un verre qui ne laisse passer
qu'une couleur, le rouge, par exemple; mais comme il absorbe
beaucoup de lumière, et comme d'ailleurs la couleur jaune à;
( 296 )
un plus grand pouvoir éclairant, on observe de préférence à la
lampe monochromatique, ce qui permet de voir un nombre
illimité de lemnicastes noires et jaunes qui couvrent tout le
champ de la vision.
Lorsque le cristal est plus épais , les courbes se serrent davan-
tage et des ovales en plus grand nombre se forment autour de
chaque pôle. Quand l'angle des axes d’un autre cristal observé
est plus petit, toutes les lemnicastes prennent des formes plus
rapprochées de celle du cercle. Enfin, quand cet angle est nul,
c’est-à-dire, quand le cristal est à un seul axe perpendiculaire,
toutes les lemnicastes sont transformées en cercles , ainsi que le
montrent le spath d'Islande, la tourmaline, etc. , etc. Si au con-
traire on choisit successivement des cristaux dont l'angle des
axes est de plus en plus grand, et si on les observe d’abord à la
lumière du ciel, les couleurs des lemnicastes qui entourent les
pôles se mêlent de plus en plus et une plage de plus en plus
grande entre les deux pôles se couvre de lumière blanche, ce
qui oblige d’incliner le cristal entre les deux tourmalines pour
amener les courbes colorées dans le champ de la vision. Les ares
traversés par l'axe tertiaire sont alors tout-à-fait invisibles,
quelque inclinaison qu’on donne au cristal dans ce sens ; mais
toutes les courbes reparaissent dans tout le champ de la vision
si on observe à la flamme monochromatique. Tel pourrait être
l'angle des deux axes d’un cristal, qu’à la lumière blanche et
composée du ciel on ne püt voir aucune couleur, aucune courbe,
de quelque manière qu’on inclinât le cristal ; mais à la flamme
de l'alcool salé, ces courbes seront toujours visibles , même sous
l'incidence perpendiculaire, pourvu que le cristal ne soit pas
extrimement mince, car dans ce cas il faudrait l'incliner pour
apercevoir les premières courbes. Enfin, si l'angle des axes,
grandissant toujours, devenait égal à deux angles droits, on
retomberait dans le cas d’un seul axe situé cette fois dans les
faces du cristal. Les lemnicastes sont alors transformées en
( 297 )
hyperboles équilatères , absolument invisibles à la lumière com-
posée, mais toutes visibles à la flamme monochromatique. En
général , un cristal à deux axes, taillé perpendiculairement à
Fun de ses trois axes rectangulaires, montre à la flamme mo-
nochromatique des courbes dans tout le champ de la vision ct
sous l'incidence perpendiculaire. Ces courbes sont des lemni-
castes si c'est l'axe principal qui est perpendiculaire aux faces ;
ce sont des hyperboles si c'est l'axe secondaire ou l’axe tertiaire
qui est perpendiculaire aux faces. Les cristaux à un axe unique
situé dans le plan des faces , comme le spath d’Islande, la tour-
maline claire, le cristal de roche, le béril, ete., laissent voir
aussi à la flamme de l'alcool, et sous l'incidence perpendicu-
laire, quatre groupes d'hyperboles équilatères d'autant plus ser-
rées que le cristal est plus épais et qu'il a une plus grande force
de polarisation. Les cristaux obliques donnent également des
courbes visibles à la lampe monochromatique, lors même qu'ils
n'en laissent voir aucune à la lumière blanche. Un très-gros
pendant de lustre en cristal de roche me montre ainsi des
courbes très-fines, extrèmement serrées et en nombre infini.
On peut prévoir, d'après cela, que des phénomènes de pola-
risation peuvent se produire à la lampe monochromatique et dis-
paraître complètement à la lumière composée. Au contraire,
ceux qui se manifestent à la lumière blanche sont visibles à la
lumière simple, mais en éprouvant les modifications qui résul-
tent de la disparution de toutes les couleurs moins une. Par cette
remarque, l'amateur doit se tenir pour bien averti qu'il faut
répéter à la lampe monochromatique les expériences que nous
ferons désormais à la lumière du ciel. En prenant soin de
varier les détails des observations; en opérant non seulement
sur l’ensemble des cristaux combinés, mais encore sur chacun
pris isolément, il recueillera une foule de faits curieux qui
deviennent insignifians ou nuls à la lumière composée. Un exem-
ple donné en peu de mots sufhra.
( 298 )
Je superpose deux plaques de quartz inelinées sur l’axe comme
celles qui forment l'appareil de M. Savarr et dont je parlerai
bientôt. Après les avoir observées isolément, je fais faire à leurs
sections principales, et successivement , des angles de 22° 1/2,
45° 3 67° 1/2, 90°, 112° 1/2, et ainsi de suite. Pour chacune
de ces positions je fais tourner lentement, à droite et à gauche,
l’ensemble des deux plaques mises entre les tourmalines dont les
axes sont ou parallèles ou croisés. Je vois ainsi tantôt des courbes
continues , tantôt des mailles de réseaux; des tissus, des échi-
quiers, des alvéoles; j'assiste aux diverses transformations de
ces images les unes dans les autres ,et qui pour la plupart sont
invisibles à la lumière composée.
Quand on a à faire des combinaisons de cristaux et qu'on
doit les incliner les uns sur les autres ou sur le rayon de lumière,
les observations à la lampe deviennent incommodes ou même
impossibles , si l’on veut faire usage de deux tourmalines. Dans
ce cas on ne conservera que la tourmaline oculaire et l’on rem-
placera la tourmaline objective par une pile de glaces, sur
laquelle on déposera la lampe. Il faut alors mettre la pile pres-
qu'à la hauteur de l'œil et approcher autant que possible de
l’image de la flamme, qui doit être haute, large et vive. Il faut
avoir une chambre obscure ou attendre Ja nuit pour observer
ainsi,
M. Bamwer ayant mesuré la longueur d’une ondulation Iumi-
neuse pour la flamme de l'alcool salé, l’a trouvée égale à celle
qui correspond à la ligne D dans le spectre de Frauxnoren.
Cette flamme n'est pas d’une couleur simple, car en l’obser-
vant à travers un prisme de verre d’un angle de Go degrés, on la
voit bordée d’une large bande colorée dans laquelle on peut dis-
tinguer le vert, le bleu, l’indigo et le violet, couleurs qui ne
disparaissent pas, bien qu'on ajoute de l’eau à la liqueur et qu'on
saupoudre de sel le sommet et les côtés de la mèche. Le bleu
foncé qui résulte du mélange de ces couleurs colore la tache
( 299 )
centrale et les anneaux sombres que montre un quartz perpen=
diculaire observé à la lampe, soit entre deux analyseurs croisés,
soit entre deux tourmalines claires , d’un bleu faible et légère-
ment verdâtre. Si les tourmalines sont vertes ou brunes les
courbes et la tache sont d’un bleu presque noir, et les courbes
jaunes prennent une teinte fort sombre. À l’avenir je considére-
rai la lumière jaune paille de l'alcool salé comme simple et les
courbes bleues comme noires.
Appareil propre à remplacer la tourmaline.
Les brillantes couleurs qu'on observe quand la lumière pola-
risée à lraversé un cristal sont toujours altérées par leur mé-
lange avec la couleur propre de la tourmaline employée. Si,
pour diminuer cet inconvénient, on fait usage d’une tourmaline
mince ou peu colorée , elle n’absorbe point assez de lumière et
les couleurs, moins impures à la vérité, sont trop affaiblies par
leur mélange avec la couleur blanche. Pour les voir dans tout
leur éclat, dans toute leur pureté, on substitue à la tourmaline,
une glace noire faisant un angle de 34 degrés avec le rayon
transmis, et dont l'intersection avec la glace polarisante est
parallèle au plan de polarisation, On voit les couleurs complé-
mentaires quand l'intersection est perpendiculaire à ce plan.
Mais cette méthode, excellente pour observer une couleur uni-
forme , devient insuffisante pour observer des images compli-
quées. Dans ce cas on est obligé de réduire les dimensions de
cette glace à environ deux centimètres de longueur sur un de
largeur et il faut approcher l'œil le plus près possible. Comme
on ne retrouve pas immédiatement sa position quand elle est
dérangée , on la fixe, ce qui fixe aussi la position de l’œil et rend
les observations nombreuses fatigantes à faire. Voici un petit
procédé pour rendre à l'œil la liberté de ses mouvemens. Je
suppose les cristaux à étudier, encastrés dans des disques
( 300 })
de liège de 4 centimètres de diamètre. DFEG (fig. 5) est la pro-
jection horizontale d’un pareil disque, et HKI une coupe ver-
tivale suivant DE. La partie ABC ou KP est vide ; HMLK est un
morceau de liège collé sur le disque ; il est limé en biseau sui-
vant KL, et l'angle LKI est de 57.° La petite glace noire est
collée contre cette face inclinée. Enfin, on trace à l’encre le
diamètre FG, parallèle à la glace, et le diamètre DE perpendicu-
laire sur le premier. Pour observer, on applique le disque HI sur
ceux des cristaux, comme s’il portait unc tourmaline dont l'axe
serait Je diamètre FG. Pour avoir plus de lumière, on remplace
la glace noire par une très-mince glace nue à faces parallèles ,
en la posant contre un papier noir mat MK collé sur le liège.
Cette glace doit être assez mince pour que les deux images
d’un petit trou d’aiguille fait dans un papier noir et observées
avec l'instrument soient à peine séparées. On ne voit qu'une
image de ce trou avec les verres extrèmement minces et parfai-
tement polis qu’on trouve chez M. Charles Cnevauer fils, au
Palais-Royal, à Paris. Il faut choisir, parmi ces verres destinés
aux observations microscopiques, ceux dont les faces sont
parallèles.
S'il s’agit seulement d'explorer une image composée, cet
instrument l'emporte sur la tourmaline, malgré une réduction
notable dans le champ de la vision, provenant de ce que la
petite glace ne peut pas, comme la tourmaline , être appliquée
contre le cristal à étudier ; mais si l’on a à combiner plusieurs
cristaux , à les faire mouvoir les uns sur les autres, à les incliner
en divers sens, alors les inconvéniens se multiplient , et à moins
d'une grande habitude, on est exposé à mal observer ou à per-
dre beaucoup de temps. Si l'on veut faire le sacrilice d’un peu
de lumière, il est facile de modifier cet instrument de manière
à l'employer absolament comme une tourmaline. La modifica-
tion se réduit à faire réfléchir la lumière reçue sur la glace nue
KL par une seconde glace parallèle à KL. Cette nouvelle glace
( 301)
peut être noireie sur la face postérieure. Une glace nue à faces
parallèles est préférable : on perd moins de lumière ; elle peut
être étamée ; si elle est mince ct si ses faces sont bien parallèles,
les images sont très-nettes et la perte de lumièré est encore heau-
Coup diminuée. Si les glaces étaient épaisses on verrait au moins
trois images d’un trou d'aiguille fait dans un papier noir. On en
verrait davantage si les faces et les glaces n'étaient pas exacte-
ment parallèles et si elles étaient plus nombreuses. Au lieu d’une
seule glace nuc on peut employer une pile de 3 à 6 très-minces
glaces à faces parallèles, alors il Ja gain et non plus perte de
lumière; mais l’image n’est plus aussi nette, parce que ses
diverses parties empiètent un peu les unes sur les autres par la
raison qui vient d’être donnée.
Pour éviter les périphrases, je donnerai provisoirement le
nom d’analyseur à cct instrument, Sa construction exige quel-
ques petits soins ; je crois devoir les indiquer.
Usez sur une large lime plate une face HI (fig. 6) d'une plaque
épaisse de liège ; sciez la obliquement, sous un angle de 57 de-
grés environ, Limez les deux faces de la seclion pour qu’elles
joignent exactement et qu'elles soient inclinées de 57 et 123
degrés sur la face HI que vous aurez à cet effet dressée de nou-
veau, Au moyen de 4 épingles , attachez l'un à l'autre les deux
morceaux. Dressez alors la face supérieure MQ pour réduire
l'épaisseur à étre partout de 16 millimètres. D'un point de Ja
ligne de jonction comme centre et d'un rayon de 20 millimètres
décrivez sur la face inférieure HI un ceréle dont on voit Ja pro-
jection en DFEG. Les projections de la section sont FG,YTU.
Tirez deux parallèles aux deux lignes de jonction et à la distance
de l'épaisseur de la glace augmentée de 4 millimètres. À deux
distances du centre, égales à la moitié de la longueur de la glace,
tirez les perpendiculaires AV, CX sur les deux faces. Taillez au
canif, puis limez le contour du disque perpendiculairement aux
faces. Enfin, entre les lignes projetées en AV, CX, cnlevez au
( 302 )
canif, puis à la lime, la partie LKRS, dont vous aurez achevé
de tracer le périmètre sur les faces de jonction des morceaux
séparés. À mesure que ce travail avance il faut s'assurer si les
faces bien planes qu'on prépare ainsi font constamment avec la
face inférieure HI un angle de 57 degrés pour la face RS et de
123 degrés pour la face KL. Si vous suivez minutieusement
cette instruction , vos glaces mises à leur place, où elles entrent
à frottement, seront parallèles et convenablement inclinées sur
les faces du disque dont vous aurez rejoint les parties. Voici d’ail-
leurs comment vous pourrez vous assurer que ce parallélisme utile
a été obtenu. Visez au loin l’arête horizontale d’un toit, direc-
tement entre ces deux glaces et par réflexion sur l’une d'elles.
Les deux images doivent toujours paraître dans le prolongement
l’une de l’autre de quelque manière que l’analyseur soit posé ou
tourné. Il en doit ètre de même pour toute autre ligne, soit
oblique, soit verticale.
Les très-minces glaces parallèles d’un verre tout-à-fait inco-
lore ne doivent point dépasser le liège. Sur les faces RS, KL du
liège on aura collé un mince papier noir mat. Quand l'œil est
placé trop près du point L , il recoit la lumière directe qui passe
par les lignes voisines de R. Si cela incommode, on colle un
papier noir sur ML et on le fait avancer jusqu'à peu près le
milieu de LU. L'instrument posé comme dans la figure 6, est
très-commode pour observer de l'œil gauche. On lui fait faire un
demi-tour pour observer de l'œil droit.
Pour observer avec l'analyseur comme avec une tourmaline,
on place l'œil entre les glaces dont les bords sont parallèles au
plan de polarisation. Le diamètre du disque parallèle aux glaces
sera considéré comme un axe. Si l’une des glaces est nue et
l’autre étamée, on aura autant de lumière qu'avec une bonne
tourmaline verte ; mais, comme je l'ai dit ,le champ de la vision
sera un peu plus restreint. On peut encore augmenter cette
lumière en remplacant la glace étamée par un prisme abRK d’un
( 303 )
verre pur , parfaitement poli et tout-à-fait incolore, Les angles à
la base aK sont de 57 degrés. Dans ce dernier état, l'analyseur
est de beaucoup préférable aux meilleures tourmalines, surtout
lorsqu'on est intéressé à voir toutes les couleurs et dans toute
leur pureté. Les expériences suivantes justifieront cette préfé-
rence.
Devant la glace noire, ou mieux, fdevant la pile de carreaux,
j'incline une topaze blanche , épaisse de 5,25, et j'observe l’un
de ses deux systèmes d'ovales avec une excellente tourmaline
brune. Les ares situés du côté de l’autre pôle sont générale-
ment rouges et verts ; quelques-uns des premiers sont bordés de
couleurs variées dont les nuances exigent une attention sou-
tenue pour être distinguées et qui disparaissent si j'observe
avec une tourmaline verte, Ces nuances, bien plus marquées
entre les pôles qu’en dehors, où les arcs plus serrés se super-
posent en partie, font reconnaître que la topaze, ainsi que
presque tous les cristaux , a des axes différens pour différentes
couleurs. L’analyseur , substitué à la tourmaline, rend à ces
nuances leurs véritables teintes et en fait découvrir d’autres
que la tourmaline éteignait. Elles disparaissent toutes et de
nombreux ovales, invisibles jusqu'ici, se montrent si j'interpose
un verre rouge. Tous les ovales sont nécessairement noirs et
rouges. J'en vois une infinité à la lampe si j'incline la topaze
entre les deux tourmalines.
Une plaque de carbonate de plomb, travaillée par feu M.
Lesauur , est épaisse de 1 millimètre; observée devant la pile à
la tourmaline verte, et en mettant le plan de ses axes successi-
vement dans les azimuts zéro et 45 degrés, on ne voit guère
que du rouge sale et du vert. La diffusion des barres noires fait
soupconner l'existence de couleurs tendres salies par celle de
la tourmaline, Elles se montrent en effet si l’on se sert d’une
très-mince tourmaline brune et elles prennent tout leur éclat
vues à l’analyseur. IL y a peu d’arcs colorés autour des pôles,
(304 ) |
au-delà de la ligne qui les joint ; mais on en voit une très-grande
quantité à la lampe monochromatique. Chaque pôle est alors
entouré de 3 lemnicastes; les autres, en nombre illimité, enve-
loppent les deux pôles.
La nature de la lumière reçue à travers une plaque bi-réfrin-
gente, l'épaissenr du cristal, la séparation des axes pour les
diverses couleurs et la séparation des plans de ces axes, sont
autant de causes qui peuvent modifier singulièrement les détails
et les teintes des images. Je vais en donner un bel exemple
sur une plaque longue de 26 millimètres , large de 18 et épaisse
de 3, De tous les échantillons connus de carbonate de plomb
taillé, celui-ci est le plus beau; et de toutes les expériences de
l'optique, la plus belle, pour les yeux, est celle que nous
allons faire avec ce morceau unique qui appartient à M. Bamier.
Ce savant a bien voulu me le confier.
Plaçons d’abord le cristal entre deux tourmalines croisées
pour l’observer à la flamme de l'alcool salé; ici la couleur de
la tourmaline n’a d'autre influence que d'affaiblir un peu la
lumière, qui reste simple et assez vive. Chaque pôle est entouré
de 8 lemnicastes noires: les autres lemnicastes noires, en nombre
infini, enveloppent les deux pôles. Il ya, par conséquent, un nom-
bre également infini de lemnicastes jaune paille. Les branches
de la croix noire qui se forme quand la ligne des pôles est
parallèle à l'axe de l’une des tourmalines sont pareilles à celles
du spath d'Islande perpendiculaire vu à la lumière blanche.
Observons maintenant le cristal à la lamière du ciel ‘et entre
deux tourmalines vertes. Les branches de la croix noire sont
plus diffuses; celles qui s'éloignent des pôles sont bordées
d'un nuage brun rougeâtre qui annonce l'existence de couleurs
salies par les tourmalines. Quand le cristal seul fait un mouve-
ment de 45 degrés, les branches de la croix se transforment en
hyperboles bordées en dedans des pôles de cette couleur brune
devenue plus vive, et.en dehors d’une couleur verte assez belle.
( 305 )
— Remettons la ligne des pôles dans la direction parallèle à
l’axe d’une des tourmalines et observons les autres parties de
l'image. Cette image n’est plus qu'un segment de celle ob-
servée à la lampe monochromatique. Elle est renfermée dans
un losange dont la petite diagonale est sur la ligne des pôles;
tout le reste est effacé, sauf les branches prolongées de la croix.
L'image renfermée dans le losange n’est guère composée que de
rouge pâle et de vert assez beau. Le rouge s'améliore quand il
est dégagé des branches de la croix en imprimant au cristal un
mouvement de 45 degrés. Alors les lemnicastes rouges et vertes
qui entourent ou enveloppent les pôles sont fort belles.
Supprimons l’une des tourmalines pour avoir des couleurs
moins impures et faire ressortir un peu celles qu'elles éteignent ;
recevons à travers le cristal la lumière polarisée par une pile
de glaces. Alors, quelques anneaux rouges autour des pôles
s'étendent hors du losange jusqu'aux branches noires bordées
d’une (einte rousse plus vive et plus étendue qu'avant. Une
teinte de bleu assez beau, quoique un peu sale, se répand sur
l'image en prenant la forme d’un carré dont l’une ‘des dia-
gonales est aussi sur la ligne des pôles. Cette teinte bleue modifie :
les couleurs des courbes qu’elle couvre, et laisse conséquem-
ment dans leur état primitif les parties de ces courbes comprises
entre les bords des deux losanges. Ces franges extérieures au
carré bleu sont presque rectilignes et parallèles à la ligne des
pôles. Si la plaque fait un mouvement de 45 degrés, la couleur
bleue , emportée par les branches de la croix , borde celles-ci en
dehors des pôles où l’on ne voit quelques anneaux qu’en inter-
posant un verre rouge. La partie de l’image entre les pôles est
renfermée dans un carré d’où la lumière bleue ayant disparu
laisse voir les lemnicastes d’un beau vert et d'un rouge sale qui
qui s’avive beaucoup dans le voisinage des pôles.
Remettons la ligne des pôles dans le plan de polarisation et
répétons les mêmes observations avec l’analyseur formé d’un
20
( 306 )
prisme et d'une glace nue. Alors toutes les couleurs , plus nom-
breuses autour des pôles, sont vives et pures. Le bleu d'azur
est de la plus grande magnificence ; le vert , près des pôles , est
aussi d’une grande beauté; il se propage plus loin sur l’image
intérieure ; il entraine avec lui quelques arcs qui se rectifient
parallèlement à la ligne des pôles.
Faisons maintenant quelques observations pour reconnaître
et non mesurer les différences entre les angles des axes corres-
pondans aux diverses couleurs. La distribution de ces couleurs
dans l’image indique assez que l’angle est plus grand pour la
couleur rouge , plus petit pour le bleu et intermédiaire pour le
vert; et comme de plus cette distribution est parfaitement sy-
métrique des deux côtés de la barre noire située dans le plan de
polarisation, tous Les axes sont aussi dans ce plan. C’est ce qu'il
est facile de vérifier en prenant la petite précaution suivante.
Je dépose sur la pile de glaces un petit carré de papier blanc,
ou mieux, un fragment d’une mince glace étamée, et j'amène
le pôle de la couleur rouge de l’image sur le miroir, La lumière
polarisée a traversé un verre rouge avant d’arriver au carbonate
de plomb; comme cette couleur est presqu’absolument simple,
elle efface toutes les autres; il ne reste que des courbes rouges
et noires plus nombreuses que celles qu’elles remplacent , et un
grand nombre environnent les pôles de toute part. Si je rem-
place le verre rouge par un vert, tout s’efface; il ne reste que
les courtes franges presque rectilignes comprises entre les bords
des deux losanges dont j'ai parlé. Le miroir n’est plus au pôle
visible; celui-ci paraît s'être approché de l’autre système d'’an-
neaux ; il semble qu’on a maladroitement dérangé l’image : inais
le miroir reparaît au pôle quand on reprend le verre rouge.
Un verre d’un beau bleu de cobalt produit les mêmes effets
avec un déplacement plus étendu dans le même sens et dans
le plan de polarisation.
11 résulte de ces observations que dansle carbonate de plomb
( 307 )
les angles des axes correspondans aux rayons des diverses co
leurs sont situés dans un même plan et décroissent depuis la
couleur rouge, la moins réfrangible , jusqu'à la violette, la plus
réfrangible. Cet ordre de décroissement dans les angles des axes
s'observe également dans la topaze incolore, plusieurs micas,
le diopside, le borax. .... ; et il est contraire dans le nitrate
de potasse , le sucre, l’arragonite ; c’est-à-dire que dans ces der-
niers cristaux les angles des axes relatifs aux diverses couleurs
croissent avec la réfrangibilité de ces couleurs.
Pour presque tous les cristaux, les plans de ces angles se con-
fondent dans celui des deux axes secondaire et principal. Le
borax présente une exception sur laquelle je m'arrêterai, parce
qu’elle est très-intéressante et qu’elle me fournira l’occasion d'’in-
diquer aux commençans quelques petites manipulations insigni-
fiantes , mais indispensables quand on est dépourvu d'appareils.
Une lame de liège large de 45 à 50 millimètres est percée vers
l’un de ses bouts d’un trou de 15 à 25 millimètres. Autour de
l'analyseur mis sur ce trou , je passe un crayon, et en trois ou
quatre points de la circonférence ainsi décrite sur la lame » je
plante des épingles destinées à contenir les cristaux et l’analy-
seur , qui peuvent ainsi tourner dans leur plan au moyen d’une
épingle fichée dans leur épaisseur. Un bouchon de liège est collé
à un support mobile quelconque. Une grande aiguille à coudre,
perpendiculaire au plan de polarisation, est fichée par la tête
dans ce bouchon et par la pointe dans l'épaisseur de la lame de
liège qui peut ainsi tourner autour de l'aiguille comme axe pour
devenir perpendiculaire ou oblique aux rayons polarisés et réflé-
chis par la pile de glaces. Enfin, entre les quatre épingles je place
le liège qui porte un cristal de borax ct par-dessus l'analyseur.
Les deux sections principales doivent être dans le plan de pola-
risation.
J'observe l'image de l'un des deux systèmes d’anneaux :
elle est singulièrement compliquée; elle n’a presque rien de
( 308 })
symétrique, et il serait bien long d'en donner une description
complète. Les couleurs sont bizarrement distribuées et dirigées;
on croirait que le cristal est très-défectueux ; mais à la lamière
rouge comme à celle de la flamme monochromatique toutes les
irrégularités disparaissent. Si j'observe l'autre système d’an-
neaux , en tenant toujours exactement dans le plan de polarisa-
tion les barres noires qui joignent les pôles, je retrouve exacte-
ment la même distribution des couleurs, avec cette seule diffé-
rence, qu’on devait prévoir, que tout ce qu’on remarque à gauche
dans la première image, par exemple , se retrouve à droite dans
la seconde. Cela posé, j'abaisse vers la pile la lame de liège en
la faisant tourner autour de l’aiguille horizontale qui l’attache
au support jusqu'à ce que je revoie le premier système, Je fais
usage d’un verre rouge et je place le petit miroir exactement
au centre du premier ovale; puis je fais passer la lumière pola-
risée à travers un verre de vitraux d'un vert franc un peu
foncé. Le nôle des rayons verts est descendu au-dessous du mi-
roir; il a marché vers l’autre pôle en obliquant vers la droite.
Je me sers enfin d'un verre bleu de cobalt à faces parallèles,
comme les deux précédens. Le pôle de cette couleur est consi-
dérablement descendu au-dessous du miroir; il est également
transporté à droite et à une distance bien plus grande que pour
le pôle des rayons verts. On observe des mouvenens égaux, mais
en sens inverse, si l’on répète cette expérience sur l’autre sys-
tème d’ovales.
Lorsque les lignes noires des deux systèmes d’ovales sont en-
semble dans le plan de polarisation RR' (fig. A), elles ne di-
visent point les courbes colorées de chaque système en deux
parties symétriques ; mais si l’on fait faire au borax un mouve-
ment de 25 degrés environ, dans son plan, elles prennent des
directions parallèles RB , R'B et alors les formes des courbes et
la distribution des couleurs sont exactement les mêmes des deux
côtés de chacune de ces lignes. De plus, si l’on net les pôles
( 309 )
R, R’ des rayons rouges dans le plan de polarisation , on trouve
les pôles V, V’ des rayons verts, et les pôles B, B’ des rayons
bleus dans la direction précise des lignes noires. Ces dernières
observations se font plus commodément sur un cristal taillé de
manière à montrer l’un de ses deux systèmes d’ovales sous l’in-
cidence perpendiculaire.
De ces expériences faites sur le borax négatif, nous con-
cluons que :
1.0 Les angles des axes relatifs aux diverses couleurs décruis-
sent dans l’ordre inverse des réfrangibilités de ces couleurs.
2.0 Le plan des axes des diverses couleurs tourne dans le
même sens depuis le rouge jusqu’au violet.
3.0 Les pôles des diverses couleurs sont situés sur deux droites
parallèles qui divisent les systèmes d'anneaux en deux parties
symétriques.
Selon le côté par lequel on observe un cristal de borax, on a
la figure À , ou la même figure vue par transparence après avoir
retourné le papier sens dessus dessous.
M. Henscuez a le premier fait remarquer que dans beaucoup
de cristaux les angles des axes correspondans aux diverses cou-
leurs sont inégaux, et que, dans le borax, les plans de ces
axes ne sont pas confondus. M. Bamiwer est aussi l'un des premiers
observateurs qui aient reconnu l'important phénomène de la
séparation des axes.
Comme les cristaux de borax sont très-intéressans à étudier,
je dirai comment on peut les préparer soi-même et sans frais.
On trouve chez tous les droguistes du borax en gros fragmens
sur lesquels on peut souvent reconnaître une ou plusieurs faces
planes naturelles. La rupture à petits coups de marteau fait
d’ailleurs presque toujours découvrir de ces faces alors beaucoup
moins étendues. Avec une petite scie d’horloger et dont la lame
est un ressort de montre, on taille des plaques tantôt parallèles,
tantôt perpendiculaires, ou même obliques à ces faces. Le trait
(. 310.)
de scie doit être entretenu plein d’eau. On peut se borner à
abattre au canif tout ce qui excède la plaque qu'on veut obtenir
et qui doit avoir de 3 à 5 millimètres d'épaisseur. On frotte
légèrement ces plaques sur une lime un peu rude, piane et bien
mouillée, jusqu’à ce que l'épaisseur soit réduite à un ou deux
millimètres au plus. On les frotte ensuite, et plus légèrement
encore, sur un verre dépoli très-doux et très-mouillé. Gette der-
nière opération a pour objet d’user un peu la plaque et d'opérer
une dissolution partielle et uniforme. On rince enfin la plaque
en la tenant par un bout, et quand elle est égoutée on la pose
horizontalement en l’appuyant par ses extrémités sur deux petits
supports. Sa surface cristallise en séchant et elle prend un poli
et unc transparence convenables. On peut augmenter cette
transparence en faisant succéder une glace polie au verre dépoli.
Pour conserver le cristal qui manque de dureté et augmenter
encore sa transparence, on le colle avec de la térébenthine
chaude entre deux verres minces et incolores.
En une journée, on peut préparer ainsi une trentaine de
plaques parmi lesquelles on choisit celles dont les faces sont
perpendiculaires à l'axe principal. On s assure que cette con-
dition est remplie lorsqu'en observant sous l’incidence perpen-
diculaire on reconnait les formes qu’affectent les lemnicastes
autour du milieu de la ligne des pôles. Il vaut mieux observer
à la lampe et entre deux tourmalines croisées. L’image est coupée
en deux parties symétriques par deux lignes droites qui se
croisent à angles droits au centre du champ de la vision quand
les faces de la plaque sont perpendiculaires à l’un des trois axes
rectangulaires. Les autres plaques serviront aux diverses études
que nous ferons bientôt. Des plaques de sel de La Rochelle,
préparées de la même manière, sont fort intéressantes à observer :
la séparation des axes y est très-prononcée.
Lorsque les sels préparés par la méthode ci-dessus sont très-
solubles dans l’eau, comme l'acide citrique , par exemple, on se
sert d’eau presque saturée du méme sel.
( 311 )
Le centre des anneaux colorés que montre le spath d'Islande
perpendiculaire étant noir, et toutes les courbes isochromatiques
qui entourent le centre étant des cercles parfaits, les axes cor-
respondans aux diverses couleurs sont tous confondus en un seul
perpendiculaire aux faces du cristal. Or, il est très-facile de sépa-
rer ces axes , de faire prendre une forme elliptique aux anneaux
et d'imiter ainsi dans leurs formes et la distribution des cou-
leurs les ovales de l’arragonite , de la topaze blanche, etc. etc.
Il suffit pour cela d’interposer entre l'œil et l’analÿseur un prisme
de verre dont l’arète de l'angle réfringent, de 50 à Go degrés,
soit perpendiculaire au plan de polarisation primitive.
Réciproquement, au moyen d'un prisme convenablement
choisi ou présenté, on peut faire disparaître d’un système d'o-
vales, et plus ou moins complètement , les phénomènes de cole-
ration qui résultent de la séparation des axes dans certains cris
taux, quand tous ces axes sont dans un même plan.
Le petil appareil de la figure 5, mis comme objectif devant
un cristal à étudier, suflit pour polariser la lumière et donner,
à cause de sa proximité, un champ aussi étendu qu'une grande
glace. D'après cela, on peut supprimer cette glace. L'amateur
qui possède l'appareil aux deux tourmalines de M. Henscuez verra
bien ce qui reste à faire pour en construire un semblable sans
tourmalines. L'une sera remplacée par l’analyseur , l’autre par
l'appareil fig. 5. Pour ce cas , la glace nue KL pourra être pro-
longée jusqu'au prolongement de BP. Une petite pile de cinq à
dix glaces minces, d’un verre bien blanc, placées derrière KL
dans l'épaisseur du liège , est d’un excellent effet,
Quand l’analÿseur est composé de deux glaces un peu épaisses,
nues ct à faces parallèles , il est nécessaire qu'elles soient elles-
mémes bien parallèles pour éviter la production de phénomènes
(-8x2 )
étrangers à ceux que l'on veut observer et qui les modifient.
Ils consistent en des franges colorées produites par l'interférence
des rayons réfléchis par les deux faces des deux glaces. Pour les
faire naître à volonté, en obtenir de plus ou moins serrées et les
soumettre à diverses épreuves, il est nécessaire de modifier un
peu la construction. Au lieu d’être coupé obliquement et en deux
parties inégales, le disque de liège est coupé par son milieu per-
pendiculairement aux faces. Chacune des deux parties symé-
triques porte une glace nue de 1 à 3 millimètres d'épaisseur ,
inclinée de 57 degrés sur les faces du disque. On réunit les deux
partics par un peu de cire molle et si le parallélisme n’est pas
exact on l'obtient aisément en appuyant sur la cire an peu plus
d’un côté que de l’autre. Faites alors tourner l’une des deux
moitiés autour d’une perpendiculaire au plan de séparation. Ce
mouvement doit être fort peu étendu; il suffit qu'une ligne droite
éloignée paraisse brisée. Un petit mouvement de plus, s'il est
nécessaire, fera paraître les franges hyperboliques à peu près
perpendiculaires à l’axe de l'instrument. Elles sont d'autant plus
serrées que le mouvement a été plus étendu; et on les voit
beaucoup plus nombreuses, si on les regarde dans le ciel à
travers un verre rouge; on en a une infinité à la flamme mono-
chromatique.
L'analyseur étant ainsi préparé pour donner des franges, je
m'en sers comme d’une tourmaline pour le combiner successi-
vement avec divers cristaux à un ou à deux axes, comme des
spaths d'Islande ou des quartz perpendiculaires; des topazes , des
micas, etc., ou bien avec des cristaux parallèles ou obliques,
croisés ou séparés et dont on fait varier les épaisseurs, les azi-
muts et les inclinaisons. Je vois ainsi, généralement, que les
franges subsistent et qu’il se forme deux systèmes de cercles
colorés dont les diamètres varient avec la nature du cristal, son
épaisseur ou son inclinaison. Les circonférences s'éloignent plus
ou moins de la masse des franges, et, dans certains cas, elles
( 313)
sont d'un si grand diamètre, qu'on croit voir trois systèmes
séparés de franges tantôt parallèles, tantôt croisés sous divers
- angles, etc.
Il y a une autre manière d'observer ces franges découvertes
par M. Bnewsten. Je dirai ici comment l’amateur peut les obtenir
à coup sûr. Ayez un tube ouvert, de carton noir, long de 25 à
30 centimètres, large de 5 à 6. Fermez l’un des deux bouts
avec un carton noir dans lequel vous aurez percé une fenêtre
rectangulaire lungue de 30 à 35 millimètres et large de 10 à
15. Ayez aussi deux glaces à faces parallèles , longues, par exem-
ple, de 50 millimètres , larges de 30 à 40 et épaisses de 2 à 5.
Il est bon qu'elles soient tirées d'une même plaque. Joignez-les
par le bord du petit côté et par l'autre bout introduisez entre
elles une petite bande de carton ou plusieurs bandes de cartes,
jusqu'à ce qu’en regardant la fenêtre ouverte au fond du tube
dirigé au ciel, vous puissiez voir à travers les glaces appuyées
contre l’ouverture l’image de cette fenêtre et tout à côté l’image
entière réfléchie dans laquelle les bandes colorées doivent se
montrer si le bord du tube est un cercle bien découpé. Si elles
n'y sont pas, vous les y amènerez en inclinant de diverses ma-
nières, très-peu et très-doucement, l’ensemble des deux glaces. Il
est utile de masquer par les cartes interposées la vue directe de
la fenêtre pour ne voir que l'image réfléchie. Les bandes ainsi
observées sont parallèles à la longueur de la fenêtre et à la ligne
de jonction des glaces. Pour avoir à la fois des couleurs plus
vives et des franges moins serrées, on fait tourner l'ensemble
des deux glaces autour d’une perpendiculaire à leur ligne de
jonction.
Les deux glaces étant disposées comme dans l'expérience
précédente, on les tient horizontalement et l’on observe par
réflexion l'image du ciel. Les franges se montrent immédiate-
ment. En écartant un peu plus les glaces par l'addition d'une
ou deux épaisseurs de carte ct recevant la lumière du ciel à tra-
( 314
vers la fenêtre du tube noir , on a plusieurs images latérales de
cette fenêtre dans chacune desquelles les franges paraissent plus
vives et plus nombreuses,
Répétez ces trois expériences à la lumière d’une lampe d’Ar-
gand, et même à la vive lumière du suleil, modérée par un
verre dépoli appliqué contre la fenêtre. Observez aussi à tra-
vers un verre rouge, et mieux encore à la lampe monochroma-
tique, pour avoir un nombre infini de franges.
Procédé pour reconnaître si un quartz perpendiculaire
tourne à droïle ou à gauche.
Observez les anneaux à travers un verre rouge. Faites tourner
la tourmaline de gauche à droite (comme on fait tourner un
tire-bouchon pour l’enfoncer dans le liège, ou une vis pour la
serrer ), vous verrez alors se former une tache noire centrale ;
elle grandira; bientôt le rouge paraît au milieu de la tache qui
s'étale et se transforme en un cercle noir. Le rouge s’étale à son
tour et se transforme aussi en cercle rouge auquel succède un
nouveau cercle noir, et ainsi de suite. Quand cela arrive en
tournant la tourmaline à droite, quand les cercles naissent au
centre et vont prendre la place de ceux qui le fuient, alors le
quartz tourne à droite, et dans ce cas, si l’on tournait la tour-
maline à gauche, le premier cercle diminuerait de diamètre et
viendrait se fondre en une tache noire; alors viendrait le cercle
rouge qui, à son tour , arrivant de la circonférence au centre,
viendrait se fondre en une tache rouge, et ainsi de suite.
Si les phénomènes ci-dessus sont inverses, c'est que le cristal
tourne à gauche. En général le cristal tourne comme la tourma-
line quand le mouvement de celle-ci fait naître au centre des
taches qui grandissent et se transforment en cercles marchant
du centre à la circonférence.
( 315)
Quand on supprime le verre rouge et que le quartz tourne à
droite, par exemple, on voit la tache centrale, quelle que soit
sa couleur, s’étaler et se former en un cercle, si la tourmaline
tourne aussi à droite. S'il faut la tourner à gauche pour que les
cercles qui naissent au centre s’étalent de ce centre à la circon-
férence, c'est qu'alors le quartz tourne à gauche.
Mettez l'axe de la tourmaline dans le plan de polarisation
comme pour refaire l'expérience précédente. Examinez et notez
les couleurs qui, à partir du centre , forment le premier anneau.
En tournant doucement la tourmaline dans le sens de la rotation
du quartz, les couleurs qui partent du centre iront successive-
ment se former en cercles qui complèteront bientôt un anneau.
En la tournant en sens contraire, toutes les couleurs du premier
anneau , comptées du centre à la circonférence, viendront suc-
cessivement , et dans le même ordre ; occuper le centre. — Ob-
servez , par exemple, le rouge du sixième anneau et ne le perdez
pas de vue pendant que la tourmaline tourne en sens contraire
de la rotation du quartz; ce rouge du sixième anneau deviendra
celui du cinquième anneau, puis du quatrième, et jusqu'à venir
occuper le centre. Si la tourmaline tourne dans le même sens
que le quartz, alors en suivant de l'œil le rouge , par exemple,
du deuxième anneau, on le verra passer au troisième , au qua-
trième , etc. Cet anneau grandira toujours jusqu’à ce qu'il dis-
paraisse ; mais comme il s’en forme de nouveaux, ils sont tou-
jours en même nombre.
Si la plaque est très-mince, en l’inclinant un peu on pourra
toujours reconnaitre si le mouvement de transport se fait du
centre à la circonférence (et alors le quartz tourne dans le sens
de la tourmaline }, ou de la circonférence au centre (et alors le
quartz tourne en sens contraire de la tourmaline). Quand la
plage centrale est blanche, pour reconnaitre le sens du mouve-
ment de transport des anneaux, remarquez l’une des quatre
taches à l'origine des branches de la croix dont le centre est sup-
( 3:16)
primé , vous verrez bien si les couleurs de cette tache marchent
successivement vers le centre ou si elles le fuient.
Au reste, pour toutes les épaisseurs depuis un jusqu'à cinq
millimètres, on trouvera toujours une position de la tourmaline
pour laquelle l’image sera une croix bleue à branches de plus en
plus courtes à mesure que la plaque sera de plus en plus épaisse.
Le centre de cette croix bleue passe au violet quand la tourmaline
tourne très-peu dans le sens du quartz. Pour des plaques très-
minces ce bleu est très-sombre, il est presque noir, et le moindre
mouvement de la tourmaline le fait passer au violet très-sombre,
peu appréciable, puis au jaune sale.
À égales distances de la glace noire et d’une tourmaline d’é-
preuve, mettez perpendiculairement aux rayons réfléchis une
plaque de cristal de roche un peu épaisse et montrant des an-
neaux ; Vous verrez que pour beaucoup de plaques la tache cen-
trale n’est pas d’une couleur uniforme ; vous remarquerez des
plages plus ou moins étendues où la cristallisation est manifeste-
ment troublée. Dans certains échantillons, ces plages envahissent
plus de la moitié de l'aire totale; elles paraissent couvertes de
stries nombreuses bizarrement dirigées. Dans ces plages le cristal
ne paraît plus rotatif, car en observant à travers on distingue
parfaitement la croix noire bien formée.
Appareil de M. Savarr.
On divise en deux parties une lame de quartz (cristal de roche)
épaisse de 1 à 2 millimètres et parallèle à l’une des faces natu-
relles de la pyramide qui termine le cristal ; on superpose les
deux parties en croïsant exactement à angles droits les deux
lignes de séparation. On superpose encore l’analyseur, ou , selon
les cas , une bonne tourmaline d'épreuve, bien transparente. La
section principale de Ja tourmaline doit diviser en deux parties
(317)
égales l'angle dièdre formé par les sections principales des deux
lames de quartz. Ces trois lames sont encastrées dans de minces
disques de liège et forment ensemble’ une épaisseur de 6 à 10
millimètres.
Si l’on met la section principale de la tourmaline dans le plan
de polarisation , et par conséquent la section principale de chaque
quartz dans un azimut de 45°, on voit des franges ou bandes
colorées hyperboliques. La bande centrale , alors contenue dans
le plan de polarisation , est noire et elle est comprise entre deux
blanches. On aura toujours une noire entre deux blanches, mais
différemment dirigées, si l’on fait tourner dans son plan l'ensemble
seul des deux quartz pour changer l'azimut de leur section prin-
cipale. On reconnait donc ainsi, avec les quartz croisés, dans
quel plan la lumière était polarisée avant de les traverser. Si la
tourmaline fait un mouvement azimutal de 90°, on a les cou-
leurs complémentaires , et par conséquent une blanche centrale
entre deux noires, quels que soient les azimuts de 45° où l’on
amène les sections principales des deux quartz.
ABS 2 noire
Ainsi, l'apparition d'une centrale entre deux
‘ PE blanche
blanches ,.
"EP fait connaître qu'avant de traverser les deux quartz
parallèle ;
la lumière était polarisée dans un plan RENE MA ©
perpendiculaire
section principale de la tourmaline.
Nous disposerons l'appareil de manière que l’axe de la tour-
maline étant dans le plan de polarisation, la bande noire cen-
trale y soit aussi, et que de plus les branches hyperboliques co-
lorées semblent devoir concourir en un point du ciel au-delà de
l'observateur, La tourmaline étant alors fixée à l’ensemble des
deux quartz, si l'on fait tourner tout l’appareil de 90°, on aura,
d’après ce qui précède , une blanche entre deux noires, et toutes
les bandes, ainsi que l’axe de la tourmaline, seront perpendi-
{ 318)
culaires au plan de polarisation primitive. Un nouveau mouve-
ment de 90° donnera une noire entre deux blanches, et les
bandes sembleront concourir vers le centre de la terre.
Presque tous les corps plus ou moins diaphanes, soumis à
l'épreuve de cet appareil ou de tout autre analogue, donnent des
traces de polarisation dans la lumière qu'ils réfléchissent ou
qu'ils réfractent ; il n'est même pas bien nécessaire de chercher
l’angle convenable. Voici des exemples.
Entre l'appareil de M. Savanr et la flamme d’une bougie, ou
un ciel très-couvert , je place, perpendiculairement à la direc-
tion de la lumière, un copeau de bois enlevé à la varlope, et soit
que je mette l’axe de la tourmaline parallèlement ou perpendi-
culairement à la direction des fibres, j'obtiens des signes de
double réfraction plus ou moins forte, selon la nature du bois et
l'épaisseur du copeau. À 45° les bandes colorées disparaissent.
Cette double réfraction est presque nulle pour le frêne et le chêne;
faible pour l’orme, le peuplier et le cerisier ; médiocre pour le
hètre, et forte, relativement , pour le sapin et le hois-blanc. Elle
est plus sensible à la lampe monochromatique.
Le papier et le verre dépoli disposés de même donnent aussi
des traces de double réfraction , mais excessivement faibles.
Perpendiculairement à l'axe d’une corne de bœuf, je détache
un disque de 2 millimètres d'épaisseur. Il devient transparent
par le poli. Si l'axe de la tourmaline est tangent à la courbure
circulaire des fibres, on observe une bande noire centrale entre
deux bandes blanches, et au contraire une blanche entre deux
noires si l'appareil fait un mouvement de 90°. À 45° les bandes
disparaissent. À l'appareil ordinaire de polarisation, cette corne
laisse passer une couleur d’une mince lame de chaux sulfatée et
disperse la couleur complémentaire comme le ferait une agathe
de mauvais choix.
Si l'on fait à la bougie de semblables observations à travers
les barbes d’une plume de perdreau, de geai, de moineau , on
mn ne
(319)
voit tout à la fois le spectre dû à l’action du réseau et celui dü à
la double réfraction. Il en est de même avec des tissus de soie,
Un large ruban ayant des parties diverses dont les réseaux sont
plus ou moins ouverts donne des bandes colorées plus brillantes
là où le tissu est plus serré. Elles disparaissent à 45° de la
direction de la trame ou de la chaine.
Enfin, la polarisation par une seule réfection sur les métaux
polis, bien qu’extrêmement faible, surtout pour l'argent , est
rendue très-sensible par l’appareil de M. Savanr. Cette observation
demande néanmoins quelques précautions pour éviter les causes
d'erreur. Les métaux polis faisant les fonctions de miroir réflé-
chissent la lumière polarisée par l’air. Ainsi, quand le soleil est
à l'horizon , par exemple, et qu’on observe le ciel serein ou peu
couvert en mettant l’axe de la tourmaline dans le méridien, on
voit au milieu du spectre une ligne blanche entre deux noires, et
si l'on interpose une lame d’argent poli, elle réfléchit la même
image. tandis que dans les mêmes circonstances le zinc donne
une ligne noire entre deux blanches. C’est donc la lumière nue
d’une bougie qu’il faut faire réfléchir par les métaux polis et
c'est l'image de la flamme qu'il faut observer après qu'on s’est
bien assuré que les objets environnans sont assez éloignés pour
n’exercer aucune influence sur le phénomène par la lumière qu'ils
réfléchissent.
Polarisation de la lumière lunaire réfléchie par l'air serein.
En 1825, j'ai donné la loi générale de la polarisation de la
lumière solaire réfléchie par l’air serein (*). J'ai dit alors qu’elle
(*) Recueil des travaux de la société, année 1835, page 34. J'ignorais
alors que M. ArAGo eût fait de semblables observations, comme j'ignore
aujourd'hui si quelque physicien a vérifié le fait de la polarisation de la
lumière lunaire.
( 320 )
devait être la même pour la lumière lunaire; mais je n’ai rap-
porté aucune observation propre à vérifier cette assertion. J'ob-
servais avec un prisme biréfringent qui donne la double image
d’un trou percé au fond d’un tube, et cet instrument est loin
d'être assez délicat ou assez sûr et commode pour faire cette
vérilication , sujette d’ailleurs à une difficulté que l'appareil
très-sensible de M. Ssvanr ne permet pas de lever avec une pleine
satisfaction, parce que dans l'obscurité les bandes cessent d’être
colorées et qu’il est difficile de s'assurer si elles sont en nombre
pair ou impair. Voici d’ailleurs quelle est la difhculté dont je
parle.
Supposons que ie soleil et la lune plerne n'aient qu'une faible
déclinaison, et qu’étant sous la ligne, le spectateur veuille ob-
server le phénomène optique une heure après le coucher du
soleil. Dans ces circonstances, s’il met l’axe de la tourmaline à-
peu-près dans le méridien, il verra une image composée de lignes
blanches et noires, et assez prononcées pour reconnaître que le
milieu est occupé par une ligne blanche. Mais à quel astre devra-
t-il attribuer cet effet qui pourrait n'être dû qu’au soleil et qui
l’est aux deux astres si le fait à vérifier est réel? La difficulté
reste la même s’il met l'axe de la tourmaline dans un plan
passant par les deux astres. Si le spectateur observe à l’époque
du premier quartier de la lune, par exemple, et si l'axe de la
tourmaline est mis dans le méridien après le coucher du soleil,
il devra observer au milieu de l’image une ligne noire entre deux
blanches si l'effet est dû à la lune seule; mais il devra observer
üne ligne blanche entre deux noires si le soleil seul produit l'effet.
Par conséquent il n’apercevrait rien si, dans le moment de l’ob-
servation , l'influence des deux astres était la même au lieu où il
vise. Et s’il observe ailleurs des traces de polarisation dues à la
différence dans l'intensité des causes, elles pourront être trop
faibles pour qu'il puisse compter les lignes noires et s'assurer
qu'elles sont en nombre pair ou impair.
( 321 )
Ces détails montrent assez cominent la polarisation due à la
lune et celle due au soleil s'inflaencent mutuellement, et qu'il
estnécessaire de choisir le moment de l'observation pour décider
la question. Le 11 octobre, deux jours après le premier quartier
et trois quarts d'heure après le coucher du soleil, le ciel était
serein ; la polarisation était très-forte, et dans presque toute la
demi-circonférence, à 90 degrés du soleil, j'avais des bandes
colorées d'une vivacité presque égale à celle que la lumière recue
sur une glace noire aurait pu donner. En mettant l’axe de la
tourmaline à-peu-près dans le plan passant par l'œil et les deux
astres , les bandes s’étendaient au-delà de la lune. En observant
l'image complémentaire qui se décolorait , se déplaçait et s'ef-
façait sensiblement à mesure que le soleil descendait sous l’ho-
rizon, je pouvais la distinguer de celle due à la lune et qui
commençait à poindre, à 90° de cet astre, cinq quarts d’heure
après le coucher du soleil. Deux heures juste après ce coucher,
la supériorité de l’action de la lunc sur celle du soleil était ma-
nifeste , ct en mettant l'axe de la tourmaline à angle droit avec
la ligne tirée de l’œil à la lune, je pouvais compter les bandes
noires dans presque toute la moitié EST du ciel. Plus tard j'ai
pu les compter dans le reste de la demi-circonférence. Un petit
déplacement azimutal diminuait l’intensité de l’inage qui dis-
paraissait un peu plus loin. Pour compter les bandes, lorsque
l'axe de la tourmaline était dans le vertical passant par la lune,
j'observais à 90° de cet astre et je mettais sur une étoile la bande
noire qui me paraissait occuper le milieu du spectre, j'en trou-
vais un nombre égal de chaque côté. Pour vérification, je mettais
une bande blanche sur l’étoile et j'en trouvais une de plus d’un
côté que de l’autre. Cette énumération des bandes n'est pas bien
sûre, parce qu'elle est difficile à faire à cause de la trop faible
intensité des bandes extrêmes et parce qu'on ne peut se défendre
d’un peu de prévention ; aussi convient-il de faire tourner l’'ap-
pareil dans son plan en variant les points du ciel où l’on vise
21
( 323 )
pour obtenir d'autres indices qui aident à tirer la conclusion.
Le 13 au soir j'ai pu répéter les observations par un ciel né-
buleux qui ne laissait voir que les étoiles de première et seconde
grandeur. À dix heures il s'est presqu’entièrement couvert;
néanmoins j'observais encore des traces non équivoques de pola-
risation à 90° de la lune.
Par un ciel uniformément couvert et une pluie fine continue ;
mais peu abondante, j'ai obtenu des traces de polarisation de la
lumière solaire par l'air. C’est encore à 90° de l’astre que ces
traces sont plus sensibles en plein jour; par conséquent, cette
polarisation observée est opérée par l'air et non par l’eau ou les
nuages. Quand le soleil est entièrement caché par les nuages,
les traces de polarisation disparaissent tout-à-fait, même sans
plaie, sur tous les points couverts du ciel; mais elles sont vives
sur les points découverts. Dès qu'une clarté plus vive en un point
du ciel couvert ou nuageux permet de reconnaître le disque blane
du soleil, les traces de polarisation reparaissent sur les nuages
à 90° de l’astre. Ainsi la polarisation de la lumière du soleil
s'opère jusque dans les couches d’air inférieures à celles des
nuages.
Pour les observations de la polarisation de la lumière réfléchie
par l'air et pour d’autres observations encore, l'appareil de M.
Savarrt est très-avantageusemen#t remplacé par le suivant, qui
présente un caractère saillant propre à dissiper les doutes qui
naissent de la difficulté de s’assurer dans l’obscurité si les bandes
observées avec le premier sont en nombre pair ou impair. Il
suit de substituer aux deux plaques de cristal de roche inclinées
à l'axe, deux plaques parallèles un peu plus grandes et d’une
épaisseur égale de 3 à 8 millimètres. L'image, vue sur une glace
noire quand l’axe de la tourmaline est dans le plan de polari-
salion, se compose en général de quatre systèmes d'hyperboles
colorées, séparées par une ligne noire entre deux blanches.
Quand le parallélisme des plaques n'est pas absolu, le centre
( 323»)
commun de ces courbes est entouré d’une plage blanche qui est
remplacée par une plage obscure dans l’image complémentaire
obtenue en donnant un mouvement de 90° à tout l'appareil. Si
donc on met l’axe de la tourmaline dans un plan passant par la
lune, on voit la plage blanche autour du centre commun des
courbes, ou une plage noire si cet axe fait un mouvement de
90°. Les observations faites avec cet appareil au moyen de
l’unique distinction entre une grande tache blanche et une tache
noire, ne laissent plus le moindre doute sur le fait évident à
priori, mais que j'ai voulu vérifier. Je ne doute pas que cet
apparcil ou tout autre équivalent, comme le spath d'Islande
perpendiculaire , ne rende sensible la polarisation par les couches
inférieures de l'air, d’une vive lumière artificielle, comme celle
d’un incendie ou d’un bouquet de feu d'artifice.
Détermination du signe des cristaux.
L’axe de l’analyseur est mis dans le plan de polarisation de la
lumière réfléchie par une grande glace noire horizontale. On
interpose une mince lame de chaux sulfatée tenue à une distance
convenable de l'œil. En la faisant tourner dans son plan perpen-
diculaire ou faisceau de lumière, on trouve une position pour
laquelle la couleur est à son maximum d'intensité. Il s’agit d’as-
signer cette couleur, Avec l'appareil de M, Savarr, disposé pour
donner une bande noire centrale entre deux blanches parallèles
au plan de polarisation, observez cette lame tournant dans son
plan jusqu'à ce que le spectre reprenne toute son intégrité.
Faites-la alors tourner lentement, vous verrez toutes les parties
des bandes couvertes par la mince lame changer de couleurs,
et il y aura une position, à 45 degrés, où elles paraîtront avoir
pris un mouvement commun de transport vers la droite ou vers
la gauche ; la ligne noire bien nette sera alors placée sur la bande
( 324 )
de l'ordre cherché et sur une couleur identique à celle de la lame
vue à l’analyseur seul. La couleur complémentaire se détermine
de même après avoir fait faire un mouvement azimutal de 90° à
l'appareil d'analyse. La portion transportée de la bande blanche
éteint cette couleur.
Quant à la direction de l’axe principal de la lame, voici
comment on peut la déterminer, sachant que la chaux sulfatée
est posilive.
Tournez l'appareil aux deux quartz croisés de M. Savanr , de
manière que les bandes hyperboliques paraissent devoir se ren-
contrer en un point du ciel quand l'axe de l’analyseur est dans
le plan de polarisation. Sur un disque troué , fixez avec un peu
de cire très-molle la mince lame à bords irréguliers ; appliquez
cette jame contre l'appareil et faites-la tourner jusqu'à ce qu'elle
ne modifie en rien le spectre (*). Marquez sur l'épaisseur du liège
qui la porte deux points correspondans à l’axe de la tourmaline
ou de l’analyseur. Faites alors tourner le disque de manière que
son point culminant se meuve, je suppose, de la gauche vers la
droite et jusqu’à ce que la bande noire et toutes les autres bandes
paraissent déplacées. Si ce déplacement a eu lieu dans le même
sens, c’est-à-dire vers la droite, la ligne tirée par les points de
repère est la direction de l’axe principal. Si le mouvement de
gauche à droite imprimé à la lame détermine dans les bandes un
déplacement en sens contraire, c’est-à-dire, dans le cas actuel,
vers la gauche, alors c’est le diamètre perpendiculaire qui marque
la direction de l'axe principal. Je donnerai le nom de lignes
neutres à ces deux diamètres,
Comme la chaux sulfatée est un cristal à deux axes compris
(*) I est bon de conserver une ouverture par où la lumière puisse passer
sans rencontrer la lame, afin de mieux reconnaitre la position primitive du
spectre.
( 325 )
dans le plan des lames, l’une des deux lignes neutres est l'axe
principal, l’autre est l’axe secondaire.
Si la lame a une épaisseur d'un demi-millimètre ou plus, elle
ne donne à l'analyseur ou à la tourmaline aucune couleur bien
appréciable; néanmoins, par le procédé ci-dessus, on peut
définir exactement cette couleur et trouver la direction de l’axe
Principal, même lorsque cette épaisseur atteint un millimètre.
Lorsque l'épaisseur est plus grande encore, il faut avoir recours
à d’autres moyens pour déterminer la direction de l’axe prin-
cipal ; mais le procédé suivant donnera, pour toutes les épaisseurs
et pour tous les cristaux, la direction des lignes neutres. Contre
la tourmaline dont la section principale est dans le plan de po-
larisation on applique le cristal et on le fait tourner dans son
plan jusqu’à ce que le centre de la tache noire que montre la
tourimaline seule reparaisse exactement à la même place marquée
par un petit fragment de papier blanc déposé sur la gl.ce; on
marque, comme tout-à-l'heure, sur les bords du liège qui porte
le cristal, les points correspondans à l’axe de la tourimaline ; la
droite qui joint ces points est la direction de l’une des deux
lignes neutres. L'autre lui est perpendiculaire et peut d’ailleurs
se déterminer de même en faisant tourner le cristal,
La ligne neutre qui est située dans le plan de polarisation est
noire : Lu parallèle x
TRS quand l’axe de la tourmaline est derpendienluite à ce
plan. La raison en est que la portion de lumière polarisée qui
traverse le cristal le long de cette ligne neutre ne subit aucune
modification de la part de ce cristal à double réfraction, et que
absorbe
de plus la tourmaline | .
laisse passer
la lumicre polarisée quand
parallèle
son axe est : :
perpendiculaire
au plan de polarisation.
Au lieu de l'appareil de M. Savanr, ct en suivant les mêmes
détails du procédé, on peut se servir de celui à deux quartz
( 326 )
parallèles et à axes croisés; mais comme il faut l’incliner vers la
glace pour bien voir les branches hyperboliques qui se dirigent
vers un point du ciel, l'observation se fait un peu moins com-
modément. Si l’inclinaison a lieu en sens contraire, on a des
branches hyperboliques qui semblent se diriger au centre de la
terre, et c'est vers la gauche que les bandes se transportent
quand le point culminant de la mince lame se meut vers la
droite. Cela doit être. Le haut de l’axe principal ne peut se
mouvoir vers la droite et emporter les bandes avec lui sans que
le bas ne se meuve vers la gauche en emportant aussi les bandes
de son côté.
Quand le système des deux quartz parallèles est , avec sa tour-
maline ou l'analyseur, perpendiculaire aux rayons réfléchis , l'axe
principal de la chaux sulfatée, dans l’azimut de 45 degrés, est
parallèle aux grands axes géométriques des hyperboles qu'il tra-
verse, et ces hyperboles sont, de chaque côté du plan de pola-
risalion, transportées loin du centre dans la direction de leurs
grands axes. L'observation se fait alors très-commodément, si les
quartz parallèles sont suffisamment grands et épais. En les incli-
nant, on pourra voir les courbes transportées par une plaque de
chaux sulfatée, épaisse de un millimètre. À voir l'image de gau-
che, par exemple, il semble qu'elle se soit formée d’abord, et
à l'extrême gauche, des hyperboles de ce côté, transportées plus
loin , et ensuite des branches d’hyperboles voisines de la droite
et de la gauche, qui seraient successivement venues s'approcher
des premières en changeant leur courbure pour s’y réunir. Obser-
vation analogue pour l’image de droite.
Pour distinguer ce système hyperbolique double du système
simple qu'il remplace et surtout pour abréger le discours, je
donnerai à ces courbes composées le nom d’Ayperboles colorées
doubles , ovales doubles , anneaux doubles , etc.
Ce double mouvement apparent de transport est plus étendu
quand la chaux sulfatée est plus épaisse, et il se réaliserait si l’é-
(327)
paisseur de la mince lame pouvait croître sous les yeux de l'obser-
vateur. On l’observe très-bien par l'expérience suivante.
Ayez une plaque de pâte de jujube (*), longue de 4 à 6 cen-
timètres, large de 2 à 3 et épaisse de 3 à 8 millimètres. Placez-là
devant l'appareil aux deux quartz croisés et parallèles, et dirigez
la longueur dans l’azimut de 450. Pressez alors également et
lentement les plus longs bords, comme pour les rapprocher en
les conservant parallèles. À mesure que l'épaisseur de la plaque
augmentera, vous verrez les branches hyperbolyÿques opposées et
que la longueur de la plaque ne traverse pas, se rapprocher
tour-à-tour du eentre, où une fois arrivées, leur courbure se
changera en celle des branches traversées qui fuient le centre.
Sans rien changer aux dispositions de l'appareil, étirez cette
plaque dans le sens de sa longueur , ou mieux, une plaque plus
large et trois fois plus longue, vous verrez précisément le même
phénomène qui donne ainsi des hyperboles doubles. La gomme
arabique , la colle forte, les gelées animales, la gomme élas-
tique..... font le même effet, ainsi qu'un carré de verre
commun ou de phosphate de chaux vitrifié et comprimé.
La chaux sulfatée étant positive, il s'ensuit que la pâte de
jujube comprimée se comporte ici comme un cristal biréfringent
ayant un axe positif dans le plan de la plaque et dirigé dans le
sens de la longueur, ou perpendiculairement à la direction des
forces comprimantes.
Nous avons remplacé les quartz obliques de M. Savant par des
quartz parallèles ; remplaçons maintenant ceux- ci par un spath
d'Islande perpendiculaire à l'axe, épais de 3 à 4 millimètres,
afin d'avoir des anneaux suffisamment étalés et répétons les
expériences précédentes.
(*) C’est une dissolution concentrée de gomme et de sucre, coulée dans
une forme plate. On la trouve chez tous les pharmaciens.
( 328 )
L'axe principal d'une mince lame de chaux sulfatée traverse
les arcs où quadrans de deux quarts de cercle opposés, et ces
ares sont transportés plus loin du centre dans la direction de
l'axe. Un arc noir couvre la couleur de la lame et la croix prend
cette couleur. Si la lame est de plus en plus épaisse, le mouve-
ment de transport s'étend plus loin; bientôt on ne voit que des
quadrans doubles, d'autant plus serrés qu'ils ont un p'us grand
rayon et que la lame est plus épaisse. Ces quadrans doubles sont
formés des quadrans simples que l'axe principal porte plus loin
du centre en les traversant, et des arcs non traversés qui s'ap-
prochent d’abord du centre où ils se concentrent pour s’élaler
ensuite, en changeant de courbure et poursuivre les ares qui
laient le centre. C'est ce que montre une plaque de pâte de
jujube incolore, comprimée ou étrée.
Il est utile de faire remarquer ici que l'axe principal de la
chaux sulfatée déplace les quadrans qu'il traverse comme il
déplace les hyperbo!es qu'il traverse aussi dans l'expérience avec
les quartz croisés. C’est que pour ces quar{z l'axe positif est paral-
lèle aux faces des plaques , tandis que l’axe négatif du spath est
perpendiculaire. C'est cette double opposition dans les signes des
cristaux comparés et dans la position des axes relativement aux
faces qui amène des résultats semblables.
Quand la plaque de chaux sulfatée est assez cpaisse pour effa-
cer la croix et les anneaux en transportant dans les deux qua-
drans que son axe traverse les quadrans qu'il ne traverse pas ;
quand toute l’image que le spath donne isolément est ainsi
transformée en deux quarts d’anneaux doubles. il suffit d'impri-
mer à celle chaux sulfatée un mouvement azimutal de 220 1/2
pour avoir des anneaux doubles entiers, mais moins brillans.
Que la chaux sulfatée soit mise dessous ou dessus le spath
d'Islande, les effets observés restent les mêmes et cette remarque
donne l'explication d’une jolie expérience que voici.
On place le spath entre deux plaques également épaisses de
(523)
chaux sulfatée dont les axes principaux sont dans deux azimuts
différens et de 45 degrés. Il suit de cette disposition que les arcs
transportés dans le premier azimut par l'axe principal de la
plaque inférieure sont ramenés à leur position pranitive par
l'action contraire de la plaque supérieure, qui seule aurait porté
les arcs dans l’autre azimut. On reconstitue donc ainsi les an-
neaux. La croix noire disparait, parce qu'aucun axe n'est dans
le plan de polarisation ; mais elle reparait dès que par un mou-
vement azimutal à droite ou à gauche et de 45 degrés, l’un des
axes vient se placer dans ce plan. On peut répéter l'expérience
avec des plaques beaucoup moins épaisses ; avec des quartz, des
bérils parallèles à l’axe ; avec des micas; avec des topazes. . ...
Nous venons de combiner les quartz croisés, puis le spath
perpendiculaire, successivement avec la chaux sulfatée , qui est
positive. Combinons-les maintenant, et tour-à-tour, avec un
cristal négatif à un ou deux axes également situés dans le plan
des lames, et nous trouverons que l'axe unique, ainsi que l'axe
principal, transporte loin du centre les hyperboles ou les qua-
drans qu’il ne traverse pas.
Les deux quartz parallèles croisés positifs, ainsi que le spath
d'Islande négatif des expériences précédentes , pourraient être
respectivement remplacés par deux cristaux à un axe négatif,
parallèles et eroïsés, et un cristal perpendiculaire à son axe po-
sitif. On arriverait à des résultats analogues ; seulement il y
aurait à changer, dans les résultats correspondans , les mots
{raverse . , ne traverse pas
en ceux-Cl : F
ne traverse pas traverse
Enfin , dans toutes ces expériences, on peut , sans rien changer
aux résultats, remplacer les cristaux parallèles, croisés ou non,
à un axe positif ou négatif, par des cristaux de même signe, à
deux axes situés dans le plan des faces et vice versa.
I est sous-entendu que ces plaques croisées sont de même
épaisseur, ct, pour plus de sûreté, tirées du même morceau. Je
( 330 )
les suppose assez épaisses pour donner des hyperboles nom-
breuses, mais non trop serrées.
Pour faire ces épreuves et une foule d’autres, il faut avoir
des lames de chaux sulfatée de diverses épaisseurs et choisir
celle qui convient le mieux à chaque expérience. Cela exige des
préparations et des tätonnemens qu’on évite de la manière sui-
vante. On a une plaque de cristal de roche parallèle à l'axe,
longue de 40 millimètres dans le sens de l’axe et dont l’épais-
seur décroit dans le même sens depuis un millimètre jusqu'à
trois dixièmes de millimètre tout au plus. En suivant ces dimen-
sions, l'angle réfringent de ce prisme, dû à M. Bior, sera de
un degré. Pour bien observer , il est souvent avantageux de tenir
le prisme éloigné de l'œil. On le retourne bout pour bout si
l'observation n'est pas satisfaisante.
Selon l'angle des axes et leur position; selon la nature et
l'épaisseur du cristal soumis à l'épreuve du prisme, on pourra
ou on ne pourra pas observer le déplacement des courbes. Dans
le dernier cas il faut avoir recours à un prisme plus épais. Il
aura encore 40 millimètres de longueur ; l'épaisseur de son plus
mince bord sera de 0,8 millimètres, et celle du bord opposé de
2 millimètres ; avec ces dimensions son angle sera de 10 43" 6”.
S’il n’est pas encore assez épais, on l’ajoute au précédent par
superposition.
L'un ou l’autre de ces prismes ou leur ensemble donne tou-
jours des résultats très-satisfaisans et intelligibles quand son axe
éloigne du centre les courbes qu'il traverse, et des résultats
équivoques quand cet axe éloigne les courbes qu'il ne traverse
pas. Dans ce dernier cas, et pour n’avoir point à interprêter le
résultat, on a recours à un pareil prisme, dont le inince bord
est parallèle à l'axe au lieu de lui être perpendiculaire.
Dans les expériences faites avec la chaux sulfatée , nous avons
fictivement attribué à l'axe principal la propriété d'attirer vers
(331 )
hyperboles
le centre les quadrans
qu'il ne traverse pas, puis de faire
hyperboles u'il
œ r ur les transformer en
changer leur courbure pour les quadrans
traverse et qu'il éloigne enfin du centre à la suite des
hyperboles
E À à WP À
qu'il traverse et qu'il éloigne aussi. Tous ces effets
quadrans ‘ sd q 5
peuvent également et fictivement aussi être attribués à l'axe
secondaire situé avec l'axe principal dans le plan des faces.
Aïnsi on dirait : l’axe secondaire transporte loin du centre les
hyperboles
qu'il ne traverse pas; il transporte vers le centre
quadrans
les courbes qu'il traverse, et lorsqu'elles y sont arrivées il
change leur courbure pour les transporter ensuite loin du cen-
tre, à la suite des premières, et former des Fee doubles.
On pourrait encore plus simplement attribuer les effets observés
à l’action simultanée des deux axes, et l’on dirait : l'axe prin-
cipal de la chaux sulfatée transporte loin du centre les courbes
qu'il traverse, comme l'axe secondaire transporte vers le centre
les courbes qu’il traverse aussi.
Je négligerai souvent de décrire une seconde fois ces effets
en les attribuant à l’axe secondaire, ou simultanément aux deux
axes principal et secondaire.
Si l'on remplace la chaux sulfatée, qui est positive, par un
cristal dont l'axe principal est négatif, on verra que l’action
attribuée à l'axe secondaire de celui-ci est la même que celle de
l’axe principal et positif de la chaux sulfatée et vice versd.
Ainsi donc , en considérant les choses sous ce point de vue, on
positif
HRbte son axe
négatif
positil”
peut dire que si l’axe principal d’un cristal est
secondaire, situé aussi dans le plan des faces, est
( 382 }
L'expérience suivante fera mieux comprendre encore dans
ex-
, . #
à L négatif
quel sens nous disons que l'axe secondaire est "8 g quand l’axe
positi
principal est POSiUT 4 situé comme lui dans le plan des faces,
négatif
Âyez une plaque parallèle au plan de ses deux axes. L’axe
principal et l’axe secondaire seront dans ce même plan. Sur
l'un des bords de la plaque faites un petit plan incliné de 40 à
5o degrés sur l’une des faces, mais dont l'intersection avec cette
face soit parallèle à l'axe principal, et par conséquent perpen-
diculaire à la direction de l’axe secondaire. Faites un autre plan
incliné dont l'intersection avec la même face soit perpendicu-
laire à l'axe principal et par conséquent parallèle à l'axe secon-
daire. Tenez verticalement l'axe principal de la plaque devant
une chandelle éloignée ou un trou fait dans une feuille de papier
noir collée sur un carreaw, et observez par le premier angle
réfringent, celui dont l’arète du sommet est parallèle à l'axe
principal. Si cet axe est pose une tourmaline dont l'axe est
négatif
vertical aussi fera disparaître l’image la Es déviée. Il en
sera encore de même si vous observez par l’autre angle réfringent,
sans rien changer aux dispositions ci-dessus. Mais, dès que l'on
veut rapporter les effets observés à l’action supposée de l’axe
secondaire, il faut mettre l’axe de la tourmaline dans une direc-
tion parallèle à cet axe secondaire, c'est-à-dire qu'il faut faire
tourner la tourmaline de go degrés dans son plan pour observer
par ce second angle réfringent; or, par ce changement, c'est
L plus RTE MAR À à ;
l'image la Er déviée qui doit disparaître, et c’est ce qui
fait dire que l’axe secondaire , alors parallèle au biseau et à l'axe
négalif
de la tourmaline, est ?..e.
positif
(333)
positif
, _.-c est situé dans le
négatif
Avec un cristal dont l’axe unique
plan des faces, auquel cas il se confond avec l’une des deux
lignes neutres, répétons les expériences d'épreuves propres à
déterminer le signe de cet axe. Nous trouverons qu'il opère les
| positif d
négatif ’un cristal à deux
mêmes effets que l’axe principa
axes situés aussi dans les faces. Nous pouvons donc considérer
négatif
l’autre li ñ mi ét n axe secondaire ne
e ligne neutre comme étant u positif ”
D'ailleurs, en pratiquant deux biseaux parallèles à ces lignes
neutres et opérant comme précédemment, on trouvera les der-
nières de signes contraires.
Un cristal à deux axes optiques n’a qu’un seul axe principal,
un seul axe secondaire et un seul axe tertiaire ; il n’en est pas
de même d’un cristal à un seul axe optique perpendiculaire
aux faces. On peut, dans ce cas, le considérer comme ayant
deux axes confondus en un seul; dès-lors il a une infinité
secondaires
tertiaires ? situés dans les faces. IL a donc aussi une
>
d’axes
infinilé de lignes neutres; c’est ce qui fait naître la croix
noire qui paraît toujours de quelque manière que le eris-
tal tourne dans son plan. Toutes ces lignes neutres ou axes
secondaires
nYE sont signe contraire à celui de l’axe perpendi-
tertiaires de signe © perpend
culaire. C’est ce qu’on peut justifier par l'expérience suivante,
D’un prisme de cristal de roche extrayez une plaque. perpen-
diculaire à l'axe; sur chacun des six bords faites un plan incliné
pour avoir autant de prismes bi-réfringens, et observez le trou
du papier noir ou la lumière d'une bougie très-éloignée. Si l'axe
de la tourmaline est successivement parallèle à l’arète de chaque
le. : M: secondaire
angle réfringent , il sera partout parallèle à une axe tre
et partout perpendiculaire à un autre; maïs aussi il sera tou-
jours perpendiculaire à la direction de l’axe principal confondu
avec l'axe optique du cristal. Voilà pourquoi l’image la plus
secondaire
A
ces arailra
tertiaire E
déviée sera effacée et pourquoi chaque axe
négatif. D'après cela, si l'on veut considérer un cristal à un
positif
axe !,..- perpendiculaire aux faces, comme ayant trois axes
négatif
rectangulaires, il faut admettre qu'il a une infinité d’axes secon-
négali(s
daires positifs
et qu’il a une infinité d’axes tertiaires, perpen-
négatifs
diculaires aux axes secondaires et comme eux ?... puisqu'ils
positifs
se confondent avec autant d'axes secondaires.
Ayez une plaque perpendiculaire à l'axe principal Les
d'un cristal à deux axes optiques. Qu'elle ait un bord à biseau
parallèle à l’axe secondaire et un autre parallèle à l’axe tertiaire.
Le long du biseau parallèle à l'axe secondaire, et conséquem -
ment perpendiculaire à l’axe tertiaire , mettez l’axe de la tour-
maline pour observer directement le signe de cet axe secondaire
Re
négatif _. :
(*), vous le trouverez sar puisque l'axe de la tourmaline
positif
est perpendiculaire à l'axe principal supposé positif
négatif" Observez
(*) Il est sous-entendu que l'angle bi-réfringent sera achromatisé par un
prisme de verre toutes les fois que les deux images du trou dans le papier noir
ou de la flamme d'une bougie éloignée ne seront pas complètement séparées.
( 385)
de même par l’autre biseau. Comme il est perpendiculaire au
précédent, la tourmaline fera un mouvement de go, et par cette
cause l’axe tertiaire, moins intimement lié que les deux autres
s 1 positif , s
aux axes optiques, pourra paraître négatif ? mais cet axe de
la tourmaline est encore ici perpendiculaire à l'axe principal;
ainsi, par cette autre cause l’axe tertiaire pourra paraitre me
La déviation sera donc faible le long de ce biseau ; cela dépen-
dra des intensités relatives des deux causes contraires, et si ces
intensités étaient égales le cristal ne paraîtrait pas bi-réfringent
le long de ce biseau parallèle à l’axe tertiaire. Je reviendrai
plus loin sur cette matière.
Cristaux perpendiculaires à l'axe principal.
Une topaze incolore ayant deux axes également inclinés sur
ses faces de clivage a été taillée en prismes dont les arètes
sont perpendiculaires à ces faces et par suite parallèles à l'axe
principal, Des deux images de la flamme d’une chandelle ob-
servée avec le prisme achromatisé, c’est la moins déviée, la plus
éloignée du sommet de l’angle dièdre réfringent , qui s'éteint par
l’interposition d’une tourmaline dont l’axe est parallèle à la lon-
gueur du prisme. Par conséquent l’axe principal de cette topaze
est positif.
Une pareille topaze, à faces parallèles aux plans de clivage,
et dont le plan des axes est confondu avec le plan de polari-
sation , montre ce que nous conviendrons d’appeler un premier
système d’ovales colorés quand on la présente à peu près paral-
lèlement à la glace noire, et un second système quand on l'a
relevée et inclinée dans l’autre sens.
Observant le premier système et interposant une lame de
(3535)
chaux sulfatée épaisse de 3 à 5 dixièmes de millimètre, l'image con-
serve son intégrité tant que l’axe principal de la lame reste dans
le plan de polarisation ; maïs si le point culminant se meut de
la droite
les courbes ‘anspor rs
a gauche ? es se transportent ve
45 degrés vers l
la gauche
A V 1 ù 4 Se . #
Fit C’est le contraire pour le second système. — Si la
chaux sulfatée est plus épaisse, toutes les courbes d’un côté du
plan de polarisation se transportent de l’autre côté; l’image
primitive disparaît et l’on ne voit plus que des ares doubles. On
obtient cet effet, par exemple , avec une lame épaisse de 16 à
20 dixièmes de millimètre et une lopaze incolore épaisse de 13
millimètres.
Ce mouvement de transport peut s’observer avec une plaque
de gomme arabique , de gomme élastique, de pâte de jujube..….
En faisant les mêmes expériences sur les deux systèmes d'an-
neaux ovales d’un cristal négatif, on a précisément des résultats
opposés ; en observant les ovales da premier système, le point
culhninant de l'axe principal de la chaux sulfatée emporte les
courbes avec lai et les transporte du côté où il se meut de 450;
mais en observant les ovales du second système , les courbes se
transportent de l’autre côté; où si lon veut, le bas de lPaxe
principal emporte les courbes avec lui et les transporte da côté
où il se meut de 45”.
La ligne des pôles , ou l'axe secondaire d'une topaze incolore
épaisse de 3,35, est mise dans l’azimut de 45 degrés, et l'on
présente, dans le même azimut, Vaxe principal d'une lame de
chaux sulfatée, épaisse de 0,3. Les courbes qui entourent les
pôles sont transportées vers le milieu de Ja ligne des pôles, et l’on
peut déjà apercevoir quelques hyÿperboles naissantes dans l'au-
tre azimut de 450, où se trouve l’axe tertiaire de la topaze. Par
une plus grande épaisseur de chaux sulfatée , les courbes les plus
rapprochées du centre général s’avancent jusqu’à ce centre en
(537)
prenant une forme qu’on pourrait croire hyperbolique ; une plus
grande épaisseur encore transforme ces hyberboles apparentes
en d’autres hyperboles (*) appartenant au système traversé par
l'axe tertiaire. Une épaisseur de 0,85 fait naître quatre sys-
tèmes égaux d’hyperboles, et une autre de 1,5 transporte et
double toutes les courbes dans les deux angles droits traversés
par l’axe tertiaire.
La transformation des anneaux en courbes hyperboliques et
celles-ci en hyÿperboles, transportées dans l’autre azimut (*),
peut s’observer au moyen d’une plaque prismatique dont le bord
mince, perpendiculaire à l’axe , est parallèle à l’axe tertiaire de
la topaze. On fait glisser doucement le prisme contre la topaze,
qu'on peut prendre un peu plus épaisse. Si l’on éloigne de l'œil
la plaque prismatique, donf l’axe peut être alors indifféremment
parallèle ou perpendiduls/te au mince bord, on voit des portions
moins grandes des courbes colorées qui se serrent de plus en
plus , se rectilient et deviennent des franges parallèles pour une
distance déterminée , au-delà de laquelle les franges se courbent
de nouveau , mais en sens contraire.
Lorsqu'on remplace la chaux sulfatée par un cristal à un ou
à deux axes contenus dans les faces et lorsque l'axe unique ou
Vaxe principal est négatif, on observe les effets décrits ci-dessus
en dirigeant cet axe négatif, non plus parallèlement, mais per-
pendiculairement à la ligne des pôles. IL agit enfin comme on
peut supposer qu'agit l'axe secondaire et négatif de la chaux
sulfatée ec vice versd.
Je croise maintenant les lignes des pôles de deux topazes
(*) Ces courbes ne sont ici que des arcs de lemnicastes; mais comme elles
ont l'apparence d'autant de branches d'hyperboles, je continuerai à les dési-
gner sous ce dernier nom, pour rendre la description plus claire et plus rapide.
Par la même raison je désignerai sous le nom d'anneaux ou d'ovales les lem-
nicastes qui environnent un seul pôle.
22
( 338 )
également épaisses; comme l'angle des axes optiques est fort
grand, j'obtiens les quatre systèmes d’hyperboles colorées que
donnent deux quartz parallèles et croisés. Pour ceux-ci l’axe
principal et positif ; DAT
Éénndaire et népalif de la chaux sulfatée transporte au-delà
traverse
. G'est le contraire
ne traverse pas
du centre les hyperboles qu'il
pour les deux topazes dont l'axe principal est cependant positif
comme celui des quartz; mais il est ici perpendiculaire aux
faces tandis qu’il est parallèle dans les quartz. L'effet observé
sur les topazes est le même que celui observé sur deux cristaux
unique négatif
croisés à un axe S 2
secondaire positif
situé dans le plan des faces,
ou à deux axes situés aussi dans le plan des faces, mais dont
l'a principal t négatif
ve .…e. Or, dans les deux topazes combi-
secondaire positif
nées, les axes secondaires sont aussi dans le plan des faces ct ils
y sont croisés ; donc on doit les considérer comme négatifs si l’on
veut leur attribuer les effets observés ; résultats qu’on pouvait
prévoir d'après les expériences précédentes.
Le système de ces deux topazes croisées peut donc remplacer
dans les épreuves le système de deux parties croisées d’un cristal
à un axe unique négatif situé dans le plan des faces.
Nous verrons plus loin que cette conséquence peut être géné
ralisée comme il suit :
Le système de deux parties croisées d’une topaze taillée per-
principal
pendieulairement à l’axe à 3.)
secondaire ou tertiaire
peut rempla-
cer dans les épreuves le système de deux parties croisées d'un
négatif
cristal à un seul axe E
positif
situé dans le plan des faces.
( 339 )
Répétons , mais en abrégeant, sur un cristal négatif, sur le
mica de Calcutta, par exemple, les expériences que nous venons
de faire sur la topaze.
La ligne des pôles mise dans l’azimut de 45 degrés est paral-
lèle à l'axe principal d'ane lame de chaux sulfatée un pen
épaisse , ou à l'axe unique perpendiculaire au mince bord d’an
quartz prismatique. Toutes les courbes sont transportées et vont
se doubler loin des pôles en dehors de la ligne qui les joint.
L'axe unique et négatif parallèle aux faces d'une plaque dé
béril , par exemple, transporte au contraire toutes les courbes
loin du centre et les double dans les deux autres angles droits
que traverse l'axe tertiaire du mica. Ce dernier effet est aussi
produit par l’axe secondaire et négatif de la chaux sulfatée,
substitué à l'axe du béril.
Si l’on croise deux parties d’une plaque de ce mica, les hy-
perboles s'étendent peu, parce que l'angle des axes n’est pas
très-grand. Les ovales des deux systèmes se mélent et compli-
quent un peu l’image à une certaine distance autour du centre.
L’axe principal de la chaux sulfatée, ou l’axe d’un prisme de
quartz, transporte au-delà du centre les hyperboles qu'il traverse
comme il le ferait sur deux quartz parallèles croisés, d’où il
suit que les axes secondaires croisés du mica sont positifs.
À la règle qui se déduit des expériences de la page 336, on
peut ajouter, d’après ce qui précède, la règle suivante pour
déterminer le signe de l'axe principal perpendiculaire aux faces
d'un cristal à deux axes:
Mettez le plan des axes dans l'azimut de 45 degrés et dirigez
l'axe principal de la chaux sulfatée dans le même azimut. Si le
cristal est négatif et la chaux sulfatée assez épaisse, vous verrez
des ares doubles en dehors de la ligne des pôles. S'il est positif
les ares doubles se formeront entre les deux pôles avec une mince
lame, et loin du centre dans la direction de l'axe tertiaire, si la
lame est suffisamment épaisse, En général le cristal est négatif
( 340 )
quand les courbes sont transportées loin du centre de figure
(milieu de la ligne des pôles), dans la direction de l'axe positif
de la lame suflisamment épaisse , et il est positif quand l'effet
est contraire. Si les arcs doubles se forment dans les deux angles
droits traversés par la ligne des pôles et s'ils se forment loin du
milieu de cette ligne et en dehors de ces pôles, si de plus l'angle
des axes du cristal étudié est grand, il faudra incliner le cristal
pour voir ces arcs doubles, et même ils pourraient être portés
hors du champ de la vision; dans ce cas on fera faire un mouve-
ment de go° à la lame d'épreuve, et, à moins qu'elle ne soit
par trop épaisse , les arcs doubles se verront dans les deux autres
angles droits. Si la lame d'épreuve est suffisamment mince , les
courbes sont transportées vers le centre et restent traversées par
la ligne des pôles ; elles passeraient dans les deux autres angles
droits si la lame devenait plus épaisse.
Cette expérience d'épreuve faite avec la pâte de jujube inco-
lore devient très-curieuse. On choisit un cristal négatif laissant
voir à la fois les deux pôles et les lemnicastes qui les envelop-
pent, et l'on étire la pâte de jujube dans la direction de la ligne
des pôles mise dans l’azimut de 45°. On voit alors les ares que
cette ligne traverse s'éloigner de son milieu, tandis que les autres
arcs traversés par l’axe tertiaire s’avancent vers ce milieu, où
une fois arrivés ils changent de courbure, puis se mettent à la
suite de ceux qui le fuient. Quand l'angle des axes est un peu
grand, on ne peut observer qu'un système à la fois ; on voit dans
chacun les demi-ovales qui montrent leur convexité au milieu
de la ligne des pôles diminuer de diamètre en avançant vers
leur pôle, se fondre à ce pôle en une tache colorée pour chan-
ger ensuite de courbure et aller se ranger à la suite des autres
demi-ovales qui s’éloignent de ce pôle. Les phénomènes opposés
ont lieu si l'on comprime le jujube dans la même direction.
On voit bien qu'un cristal négatif à un ou deux axes compris
dans le plan des faces conduira à des résultats opposés, en le
substituant à la chaux sulfatée qui est positive.
(341)
L'appareil aux deux quartz parallèles et croisés fournit un
procédé fort commode aussi, dans certain cas, pour déterminer
le signe d'un cristal à deux axes. Si le plan des axes transporte
traverse
plus loin du centre les hyperboles qu’il ne traversé pas
, le cris-
négatif
tal est Dont
Lorsque le cristal est épais, les hyperboles dou-
bles sont éloignées , et pour les voir il peut être nécessaire d'in-
cliner l'appareil d'analyse du côté où on les cherche.
Les résultats sont contraires si les plaques croisées d'analyse
sont négatives, comme , par exemple , deux bérils parallèles , ou
deux topazes perpendiculaires à l’axe principal.
Si l’appareil d'analyse est un cristal négatif à un seul axe per-
positif
pendiculaire, les résultats sont les mêmes que pour le cas de
osit
. « ; if
deux plaques croisées et à un seul axe Régatif dans le plan des
faces.
J'ai concentré dans deux tableaux les formules auxquelles on
est conduit par les observations qui précèdent. J'y rapporte tout
à l’axe principal. Dans le premier tableau , j'entends par un
cristal croisé un cristal à faces parallèles entre-elles et à l’axe
unique ou au plan des deux axes; ce cristal est divisé en deux
parties qu'on superpose en croisant exactement à angles droits
les lignes de séparation, Dans le second , j'entends par centre le
milieu de la ligne des pôles.
Parini les axes en nombre infini que renferme un cristal, on
portera particulièrement l’attention , dans les expériences, sur
celui qui divise l'image observée en deux parties symétriques ;
de cette manière on évitera toute équivoque ou toute fausse
interprétation des formules énoncées dans les deux tableaux.
Dans le premier, on pourra aux mots : que cet axe ne traverse
( 342)
. . Pl .
pas, substituer ceux-ci : que l’axe secondaire traverse. Dans
le second, aux mots: vers le centre, où pourra substituer
ceux-ci : au-delà du centre; mais alors il faudra changer
traverse ne traverse pas
ne traverse pas rs traverse
À l'inspection des deux tableaux on voit que toutes les cir-
constances relatives aux cristaux qui y sont combinés étant don-
nées, moins une , on pourra découvrir celle qui manque.
au plan des axes,
| parallèles
cir- rosiTir, dont les fac
run, | l
lon. perpendiculaires
à l'axe principal,
oa un cristal
est conbiné
pendieul avce un deuxième oristal
perpendiculaire
dl
NÉGATIF, dont les faces sont
parallèles
au plan des axes,
|
l
| perpendiculaires
à l'axe principal,
Si on eristal croisé
parallèles
au plan des axes,
plan à
rosrrie, dont les faces sont
en) |
est combiné
perpendiculaires
à l'axe principal
perpendiculaire
ivec un deuxième cristal
parallèles
POSITIA au plan des axes
NÉGATIF, dont les faces sont €
| perpendiculaires
à l'axe principal
l'axe unique ou l'axe principal
le plan des duux axes
l'axe unique on l'axe principal
le plan des deux axes
l'axe uniqne ou l'axe principal
le plan des deux axes
l'axe unique ou l'axe principal
le plan des deux axes
de ce deuxième cristal
traverse,
transporte
au-delà du centre
les hyperboles
ou les quadrants
“ ne traverse pas
qu'il P
de ce deuxième cristal
transporte ne lraverse pas
au-delà da centre
les hyperboles
(ou les quadrants)
CA traverse
qu'il
de ce deuxième cristal
transporte ne traverse pas
au-delà du centre
les hyperboles
| (ou les quadrants)
traverse
qu'il
de ce deuxième cristal /
traverse
au-delà da centre
les hyperboles
ou les quadrants
qu'il
ne traverse pas
22
(342 ter)
Les faces d'un eristal à deux axes
sont perpendiculaires
à l'axe principal
et le plan des ‘deux axes est mis
dans l'arimut de 45 degrés
Si ce cristal est
POSITIF dont les faces sont parallèles au plan des axes, l'axe | traverre.
D ol et s'il est combiné unique où l'axe principal de ce denxidine cristal,
| © ! |} avec un deuxième cristal mis dans le même azimut,
NÉGATIF transporte vers le centre les courbes qu'il | ne traverse pas
POSITIF dont les faces sont parallèles au plan des axes, l'axe ne lraverse pas
et #illest combiné | l unique ou l'axe principal de ce deuxième cristal, |
NÉFATE | avec un deuxième cristal ( mis dans le même azinut,
| NÊGATIE | transporte vers le centre les aourbes qu'il | traverse.
Les appar
pourraient «
vrir le signe
naisons faite
tout ce que :
quelques-un
de vais d'
épais de 6,7
1° Una
Les cercles
systèmes d'l
clics se dirig
autre change
tiques sont d
sont confont
Le spath :
faces; il y 0
positi( trans
hyperboliqu
l'autre azim
hyperboles «
éloignées; il
forme
2.9 Un qu
lats que ci-c
Répétez c
perpendieul
les azimuls
fications ct
propres à f
des cristau
(343.)
Les appareils d'analyse combinés entre eux et avec eux-mêmes
pourraient également fournir des indices propres à faire décou-
vrir le signe de l’un si celui de l’autre est connu. Les combi-
naisons faites dans celte vue ne présentent guère d'utilité après
tout ce que nous avons déjà dit. Cependant j'en ferai brièvement
quelques-unes, mais dans un autre but.
Je vais d’abord combiner l'appareil aux deux quartz croisés,
épais de 6,75, successivement avec :
1.° Un spath d'Islande perpendiculaire et épais de 2,8. —
Les cercles et la croix noire subsistent, ainsi que les quatre
systèmes d'hyperboles. Il ÿ a une croix blanche dont les bran-
ches se dirigent dans les azimuts de 45°. On n’apercoit aucun
autre changement notable si les deux franges noires asympto-
tiques sont droites, et si les centres des croix et des hyperboles
sont confondus.
Le spath a ici une infinité d'axes secondaires positifs dans ses
faces ; il y en a donc un dans l’azimut de 45° à a Cet axe
gauche
positif transporte loir du centre les deux systèmes de branches
hyperboliques qu'il traverse. Mais l’axe secondaire situé dans
gauche
l’ 3 . 0 à <
autre azimut de 45° à dite
transporte vers le centre les
hyperboles qu'il ne traverse pas, celles que le premier axe avait
éloignées; il rétablit donc l'image primitive, au moins dans sa
forme.
2.° Un quartz perpendiculaire épais de 30. — Mêmes résul-
tats que ci-dessus et explication analogue.
Répétez ces deux expériences en variant l'épaisseur du cristal
perpendiculaire et transportez-en l'image successivement dans
les azimuts 0°, 45° et 90°. L'image totale éprouvera des modi-
fications curieuses à observer et qui offriront des caractères
propres à faire déterminer le signe supposé inconnu de l'un
des cristaux combinés.
(344)
3.° Deux quartz parallèles croisés de 3 millimètres d’épais-
seur, — En répétant l'explication ci-dessus, on verra que les
hyperboles décomposées par l'axe de l’un des deux nouveaux
quartz sont reconslituées par l’axe de l’autre, et qu'ainsi la
forme générale de l'image ne change pas; mais il y a une cir-
constance qui en fait changer les dimensions. À chaque quartz
ajouté et épais de 3, en correspond un autre épais de 6,75 et
dont l'axe a la même direction. L’ensemble des quatre quartz
revient donc au croisement de deux quartz épais de 9,75, et en
conséquence les hyperboles sont plus serrées.
4.0 Deux cristaux parallèles négatifs et croisés, ou, ce qui
revient au même , deux cristaux positifs perpendiculaires à l'axe
principal, comme par exemple deux topazes. — On fera voir
encore que l’image décomposée par l’axe situé dans le plan des
faces de l’un des cristaux se reconstitue par celui de l’autre.
L’axe de chaque cristal ajouté, étant de signe contraire avec
l'axe de même dénomination auquel il est parallèle dans le
quartz correspondant, produit sur le quartz le même effet
qu’une diminution d'épaisseur, ainsi qu’on le verra plus loin.
On doit donc avoir et l'on a en effet des hyperboles moins
serrées.
Je combine maintenant un spath d'Islande perpendiculaire,
épais de 2,8 successivement avec :
1.° Un spath d'Islande perpendiculaire. — Je répéterai ici
l'explication déjà donnée. Ce spath a dans ses faces une infinité
loin du
d’axes secondaires positifs. L'un d’eux transporte vers Le centre
traverse L
ne traverse pas ?
angles droits qui produit précisément l'effet contraire. Les an-
neaux décomposés par l’un sont reconstitués par l’autre. D'un
autre côté, ces deux spaths s'ajoutent, c'est comme si l’épais-
seur de l’un était augmentée de toute l'épaisseur de l'autre; ainsi
les anneauz seront plus étroits.
les quadrans qu’il inais il en est un autre à
(345)
2.° Un quartz perpendiculaire épais de 6 millimètres. — Les
anneaux concentriques doivent paraître plus larges, car le quartz,
ayant un signe contraire à celui du spath, agit comme s’il dimi-
nuait l'épaisseur de ce dernier. — L'image est curieusement
modifiée ; les couleurs sont éclatantes. La croix noire est rem-
placée pat une crois colorée qui tourne et dont les couleurs
changent quand la tourmaline tourne. Les branches de la croix
ne sont point droïtes, elles ressemblent à deux S croisés dont
les crochets sont contournés dans le sens de la rotation du
quartz, quand celui-ci est placé au-dessous du spath, et con-
tourné en sens contraire quand le quartz est placé au-dessus.
Cette brillante expérience doit être répétée avec des spaths
et des quartz d’épaisseurs très-variées. Lorsqu'on incline l’un
des cristaux combinés pour séparer les deux systèmes d’an-
neaux, on yoit entre eux un système d’arcs doubles dont la
courbure varie avec l’inclinaison, etc.
Les formules du premier tableau font bien ressortir , pour les
cristaux à deux axes optiques, l’opposition constante des signes
de l’axe principal et de l’axe secondaire. Selon que l’axe prin-
cipal est parallèle ou perpendiculaire aux faces, les courbes
transportées au-delà du centre changent d'azimut ; mais comme
pour les deux cas l’axe secondaire est parallèle aux faces, ce
changement n'aurait pas lieu si on lui attribuait les effets
observés.
positif
négatif?
compris avec lui dans les faces d’un cristal devra y paraître
négatif
positif ”
L'’axe principal étant constamment l'axe tertiaire
Le signe de l'axe secondaire élant constant aussi et
négatif
contraire à celui de l’axe principal, sera positif.” et l’axe ter-
positif
négati{” F
il ne saurait avoir deux signes à la fois. I] parait donc que l'axe
tiaire situé avec lui dans les faces devra y paraître
( 346 )
terUaire peut changer de signe en changeant de position rela-
tivement aux faces du cristal,
Nous allons sur ee point consulter l'expérience,
D'une grande topaze incolore épaisse de 13 millimètres, et
dont deux faces polies sont perpendiculaires à l’axe priacipal ;
j'ai fait extraire des plaques rectangulaires dont les bords en
biseaux sont parallèles aux axes qu’elles contiennent. Les unes
sont perpendiculaires à l'axe tertiaire, les autres sont perpendi-
culaires à l’axe secondaire. Les angles réfriugens sont successive-
ment achromatisés par un prisme de verre pour observer la vive
lumière du ciel qui passe par un trou plus ou moins petit fait
dans une feuille de papier noir collée sur une vitre.
1.° Première plaque perpendiculaire à l'axe tertiaire. — Ses
faces contiennent donc l'axe principal et l'axe secondaire. Le
premier est posilif, le second est négatif; la séparation des
images est fort prononcée, il n’est pas nécessaire d’achro-
matiser.
Je croise deux parties de cette plaque divisée. L'axe de la
chaux sulfatée transporte les hyperboles qu'il traverse; donc ces
plaques sont positives. On voit qu'ici c'est l'action de l'axe prin-
cipal qui prédomine.
2.° Seconde plaque perpendiculaire à l'axe tertiaire. — C'est
celle qui est taillée en losange et dont il a été parlé. L'arète de
l'angle GFE (PL. 1.re, fig. 4) est parallèle à l'axe tertiaire. Il faut
soigneusement choisir le prisme achromatisant et observer de
loin la vive lumière passant par un petit trou pour obtenir la
séparation des images. On trouve pour ce cas l'axe tertiaire
positif,
3.° Plaque perpendiculaire à l'axe secondaire. — Sans devoir
achromatiser l'angle réfringent parallèle à l’axe principal on a
des images très-séparces et cet axe est posilif. Cette plaque a un
angle de 27 degrés, dont l'arête est parallèle à l’axe secondaire
qu'on trouve négatif en achromatisant ; la séparation des deux
( 347)
images n'est pas facile à obtenir, vu la petitesse de l'angle.
4.° Seconde plaque perpendiculaire à l’axe secondaire. — Le
biseau parallèle à l'axe principal n’a pas besoin d'être achroma-
tisé pour rendre très-sensible le signe positif de cet axe; il en
est de même pour l'axe tertiaire qui est manifestement négatif,
bien que la séparation des images, pour des angles réfringens
égaux , ne soit pas aussi prononcée. Le spath perpendiculaire
vérifie ce signe. Croisant deux parties de cette plaque , elles sont
positives, ce qui vient de l’action prédominante de l'axe prin-
cipal.
5.° Une plaque épaisse de 3,35 d’une autre topaze incolore
est perpendiculaire à l'axe principal. Il faut achromatiser le bi-
seau parallèle à l'axe secondaire pour reconnaître le signe néga-
tif. L’angle est de 45 degrés. Il faut achromatiser avec plus de
soins l'autre angle de 45 degrés pour obtenir deux images sépa-
rées d'un petit trou et reconnaitre le signe positif de l'axe
tertiaire.
On voit, d'après ces observations, que :
1. L'axe principal et l'axe secondaire ne changent jamais
de signe ;
2.° L’axe tertiaire peut changer de signe ;
3.° Lorsque deux des trois axes rectangulaires sont dans le
plan des faces du cristal, ils y ont des signes con-
traires (*),
Si nous remarquons de plus que les axes optiques sont des
directions suivant lesquelles la lumière se propage dans le cristal
sans se diviser, tandis que l’action bi-réfringente est la plus
forte le long des axes rectangulaires, nous serons naturellement
conduits à admettre ou à supposer que c’est principalement dans
here db de AA is cd die tnirt ctcdi Get tah idem héntadets
Faut FA
sous-entend que l'épithète s'applique à l'axe unique ou à l'axe principal.
(*) D'après cela, lorsqu'en parlant d'un cristal on dit qu'il est
(348)
ces trois directions que résident les résistances , les forces ou les
causes, quelles qu'elles soient, qui produisent les phénomènes
optiques. Selon cette manière de voir, les directions des deux
axes optiques, toujours comprises dans le plan de deux des trois
axes rectangulaires , ne seraient plus que des conséquences de
l’action simultanée de ces trois axes rectangulaires. Si donc la
résistance que le cristal oppose à la propagation de la lumière,
ou l’action qu’il exerce sur elle pour la diviser, pouvait être
égale dans ces trois directions rectangulaires , il n’y aurait plus
de raison pour que les deux axes optiques se trouvassent plutôt
dans l’un que dans l'autre des trois plans rectangulaires; ils
devraient donc se trouver à la fois dans ces trois plans, c’est-à-
dire, qu'il y aurait au moins frois axes optiques, résultat ab-
surde puis qu’il est prouvé par l'expérience qu’un cristal régulié-
rement cristallisé ne contient , au plus, que deux axes optiques.
Il n’y aura donc pas d’axes optiques dans cette supposition, ni
par conséquent de cause à leur existence; ainsi il n’y aura pas
de directions rectangulaires suivant lesquelles la force bi-réfrin-
gente puisse être égale et réelle, à moins qu'elle ne soit nulle ;
c'est-à-dire, qu'il n’y aura pas de directions suivant lesquelles la
lumière puisse se diviser en rayons ordinaires et extraordinaires.
C'est-à-dire, enfin, que le cristal ne sera pas bi-réfringent. Or,
il y a des classes entières de cristaux réguliers qui se trouvent
dans ce cas.
Si l'intensité des modifications qu'éprouve la lumière était
égale dans deux des trois directions rectangulaires , il n’y aurait
pas de raison pour que l’un des deux axes optiques fût plus
incliné que l’autre sur le plan de ces deux directions et sur les
directions elles-mêmes. Ils seront donc alors parallèles ou per-
pendiculaires à ce plan. Dans le premier cas , commeils doivent
faire des angles égaux et de 45 degrés avec les deux directions
dans le plan desquelles ils se trouvent, ils font entre eux un
angle droit. On ne connait guère, jusqu'à présent, que l'acide
( 349 )
succinique et le sulfate de fer qui approchent de réaliser ce cas
de position dans les axes optiques. Dans le second cas, les axes
optiques seront perpendiculaires au plan des deux directions
rectangulaires exerçant des actions égales, c'est-à-dire qu'ils se
confondront en un seul axe. Or, il existe de nombreux cristaux
à un seul axe optique. Lorsque les faces sont perpendiculaires à
cet axe, nons avons vu qu'elles contiennent en effet une infinité
de couples d’axes secondaires et tertiaires égaux et de même
signe.
Puisque les directions des axes opliques dépendent de l’in-
tensité relative des actions exercées sur la lumière suivant les
axes rectangulaires , il s'ensuit que la grandeur de l'angle que
font ces axes optiques dépend des mêmes causes. Cet angle
paraît, du reste, tout-à-fait indépendant du signe de chacun
des trois axes rectangulaires; néanmoins je ferai remarquer ici
que pour les nombreux cristaux examinés jusqu’à présent, et
pour des angles plus grands que zéro et plus petits que 19 de-
grés , l’axe principal est négatif; mais le sulfate de nickel, dont
l'angle des axes est de 3 degrés, présente une exception; on en
découvrira probablement beaucoup d'autres.
—6e—-
Quand on croise deux parties d'un cristal dont le plan des
faces contient l’un des trois axes rectangulaires et est oblique
à chacun des deux autres, l'épreuve par la chaux sulfatée peut
faire connaître le signe de cet axe; ce qui suffit pour déterminer
le signe de l’axe principal si c’est celui-ci, ou l'axe secondaire
qui se trouve dans les faces. Mais si c'était l'axe tertiaire qui s’y
trouvât sans qu’on sût rien de la position extérieure des deux
autres axes, comment alors déterminer le signe de l’axe princi-
pal, d'après ce que nous avons vu que le signe de l’axe tertiaire
est sujet à varier? Nous verrons plus loin que l'axe principal
( 350 })
étant alors oblique aux faces, il est ‘possible d'apercevoir au
moins l’un des deux systèmes d'anneaux , et d’après son inspec=
tion, de déterminer le signe de l'axe principal.
Les expériences d'épreuve formulées dans les deux tableaux
supposent que les cristaux combinés ont des épaisseurs relatives
telles. que les courbes déplacées ne sont point transportées hors
du champ de la vision comme cela arrive quand le deuxième
cristal , que je suppose à un ou à deux axes situés dans le plan
des lames , est trop épais, auquel cas on n’en saurait découvrir
le signe si l’on sait la direction de l'axe unique ou principal, on
cette direction si le signe est connu. Cette circonstance exige
donc une nouvelle étude. Nous allons la faire en prenant divers
exemples pour mieux fixer les idées.
Prenons d'abord deux quar{z épais de 7 millimètres et dont
les faces soient parfaitement parallèles entre elles et à l'axe
unique. Les plaques étant croisées laissent voir quatre groupes
de branches hyperboliques dont les grands axes géométriques
sont , ainsi que les axes optiques, dans l'azimut de 45 degrés.
Les courbes ont pour asymptotes deux lignes noires, droites,
se coupant à angles droits au centre de l'image. Remplaçons
maintenant le cristal inférieur par un autre également bien tra-
vaillé, mais d’une épaisseur très-peu plus grande. On voit encore
les quatre groupes d'hyperboles ; mais les lignes droites asymto-
tiques sont transformées en hyperboles traversées par l'axe optique
de ce quartz inférieur plus épais. Une épaisseur plus grande pro-
duit d'une manière plus prononcée l'effet déjà décrit : les hyper-
boles que l'axe optique du cristal le plus épais ne traverse pas
sont rapprochées du centre commun ; plusieurs sont passées dans
les deux autres groupes et se sont mises à la suite de celles que
cet axe traverse et a éloignées du centre. Il résulte de cet examen
que le cristal plus épais, supposé inférieur , peut être considéré
comme composé de deux cristaux dont l’un, aussi épais que le
cristal supérieur, est eroisé avec lui; ce qui reproduit le cristal
( 3517)
croisé d'analyse employé dans la première formule da premier
tableau , et dont l'autre a une épaisseur égale à la différence
des deux épaisseurs et tient lieu du deuxième cristal, L’axe de
ce dernier transporte donc au-delà du centre les hyperboles qu'il
traverse. Ainsi, ce cas rentre évidemment dans l’un de ceux du
premier tableau.
Si la plus grande épaisseur, celle de la plaque supposée
inférieure, diminue, les courbes éloignées du centre s’en rap-
prochent , celles rapprochées du centre s'en éloignent, et quand
l'égalité des épaisseurs est rétablie, les lignes noires sont droites
ct croisées à angles droits, On voit bien qu'en continuant à faire
décroître au-delà de ce terme lépaisseur de la plaque infé-
rieure, le double mouvement des courbes continuera et que le
cristal supérieur, devenu plus épais à son tour, transportera loin
du centre les courbes que son axe traverse.
Au lieu de diminuer l'épaisseur de la plaque inférieure, après
l'égalité rétablie, augmentons-la de l'épaisseur d’un cristal né-
gatif dont l'axe unique, parallèle aux faces, se confond avec
cclui de cette plaque inférieure. Cette addition produira le même
effet qu'une diminution d'épaisseur. Les courbes que traverse
l'axe du nouveau cristal se rapprocheront du centre, et celles
qu'il ne traverse pas seront (ransportées au-delà de ce centre,
conformément aux formules relatives à ce cas.
On arriverait à des conséquences analogues si l’on opérait
avec deux plaques négalives au lieu de deux quartz.
Exemple. — On a extrait d’un cristal à un axe deux plaques
parallèles à cet axe; l’une est épaisse de 3 millimètres, l’autre
de 2,7. L'aspect vitreux, les bords à pans, la forme même des
plaques indiquent suffisamment qu'elles sont tirées d'un cristal
de roche, et la direction de l’axe est également facile à recon-
naître ; mais faisant abstraction de ces données, je veux cher-
cher et le signe et la direction de l’axe de ces plaques. Après
avoir déterminé par expérience la direction des lignes neutres
(352 )
dont l’une contient l'axe, je pose la plus mince plaque, par
exemple, sur la plus épaisse, les lignes neutres les unes sur les
autres. Comme on n’observe point de couleurs ;' c’est probable-
ment que les axes sont confondus;'car la différence des épaisseurs
n’est pas grande. Je les croise donc; je vois alors des hyperboles
doubles nécessairement traversées par l'axe de la plaque la plus
épaisse, quel que soit le signe du cristal. J’ai donc ainsi la direc-
tion de l’axe de la plaque la plus épaisse et par conséquent la
direction à angles droits de l’axe de l’autre plaque. Reste à dé-
terminer le signe. Pour cela, contre la plaque inférieure , j’ap-
plique une mince lame de chaux sulfatée dont l’axe est parallèle
à celui de cette plaque. Les courbes étant transportées plus loin,
les cristaux croisés sont positifs. Une lame de chaux sulfatée,
épaisse de 0,35, mais dont l'axe croise celui de la plaque infé-
rieure , ce qui revient à augmenter l'épaisseur de la plaque supé-
rieure ou diminuer celle de l’inférieure , ramène au contraire
vers le centre les hyperboles éloignées et éloigne celles qu'il tra-
verse. On obtient ainsi deux hyperboles noires peu éloignées du
centre dans les deux autres groupes, ce qui prouve tout à la fois
que les trois cristaux sont de même signe et que la force de
polarisation de la chaux sulfatée est égale ou presque égale à
celle du eristal étudié, qui dès-lors est positif, et doit être du
cristal de roche d’après sa dureté, son aspect , etc.
Autre exemple sur deux plaques à un axe parallèle aux faces
et tirées d’un même cristal. Les épaisseurs 2,82 et 2,76 peuvent
être en erreur de 3 à 4 centièmes de millimètre, parce qu'on
ne peut guère répondre :que de -E de millimètre avec l’instru-
ment que j'ai employé (*) et parce que les faces ne sont pas
absolument planes; mais certainement l’une des plaques est
(*) J'ai même dû calculer une table de correction pour le vernier qui
n'était pas exact, ce qui explique pourquoi le chiffre des centièmes n’est pas
toujours un 5 ou un Zéro.
(353
plus épaisse que l'autre. Croisées comme dans l'exemple précé-
dent , elles me montrent deux systèmes d'hyperboles doubles,
très-serrées , éloignées du centre et nécessairement formées des
hyperboles simples que traverse l'axe de la plaque la plus épaisse,
êt des hyperboles qu'il ne traverse pas , hyperboles quisont toutes
venues se ranger à la suite des premières. J'ai donc ainsi la di-
rection de l’axe de la plaque la plus épaisse , et conséquemment
la direction de l'axe de l’autre plaque. La multitude et l'extrême
proximité des hyperboles , leur éloignement du centre et la faible
différence dans les épaisseurs des plaques disent assez que ce
cristal jouit d’une grande force de polarisation , et cette circon-
stance , jointe à l'aspect perlé , à la forme même des plaques, le
font reconnaître pour être de la chaux carbonatée. Le signe du
cristal vient justifier cette conclusion; car l'axe d’une plaque
prismatique de cristal de roche, étant dirigé parallèlement à l'axe
de la plaque la plus épaisse, décompose les hyperboles doubles
qu'il traverse et rétablit les quatre groupes d'hyperboles simples,
ce qui est un effet dû au signe contraire du quartz. Un prisme
plus épais, ou une plaque de cristal de roche parallèle à l'axe et
épaisse de 1 millimètre , non seulement dédouble les hyperboles;
mais les transporte toutes dans les deux autres angles droits où
il les double.
Ces deux plaques parallèles et croisées de spath d'Islande
montrent une multitude infinie de courbes hyperboliques très-
serrées quand on observe à la lampe monochromatique.
Deux cristaux en cabochon et vendus pour des girasols {opale),
ont un aspect laileux , sans reflets. J'ai fait faire une face paral-
lèle à leur table, Ainsi travaillés, l'un, d'une épaisseur de 5,82,
est parfaitement limpide; l'autre, épais de 5,10 , est fort légère-
ment jaunâtre. Je place celui-ci sur le plus épais en faisant
coïncider les lignes neutres. J'obtiens des hyperboles doubles
dans l’un des quatre angles droits, et il faut incliner l’ensemble
j 23
(354)
des deux cristaux pour voir quelques branches des hyperboles
doubles situées dans l'angle opposé. Un mouvement de 18°
donné à la plaque supérieure n'altère en rien l'image qui se
renverse quand le mouvement de 180° est imprimé au cristal
inférieur. Cela prouve que l'axe unique ou principal du girasol
le plus épais est légèrement incliné sur les faces et qu'il est pa-
rallèle dans le plas mince. Quel que soit le signe de ces cristaux,
l'axe du plus épais traverse les hyperboles qu'il déplace, ce qui
détermine sa direction. Quant au signe, il est le même que celui
d’une lame prismatique de cristal de roche dont l’axe transporte
plus loin du centre les hyperboles doubles qu'il traverse.
Le plus mince de ces deux girasols positifs, combiné avec le
spath perpendiculaire, fait naître des arcs doubles dans les
deux cadrans que son axe traverse; ils sont concentriques aux
anneaux et ils ne se déplacent pas quand on fait tourner le cristal
autour d’une perpendiculaire à l'axe. Le plus épais , soumis à la
même épreuve, donne des arcs doubles non concentriques aux
anneaux du spath, et ils se déplacent quand le cristal balance
autour de la perpendiculaire à l'axe. Cette observation fournit
un caractère souvent ulile pour reconnaître si un axe qui pro-
duit des courbes doubles est ou n’est pas parallèle aux faces. La
lampe monochromatique fournit un caractère encore plus sûr.
Si le centre commun des hyperboles que donne le cristal seul
entre deux tourmalines est au milieu de l'image observée sous
l'incidence perpendiculaire, l'axe unique ou principal est paral-
lèle aux faces; il est plus ou moins oblique s’il faut incliner le
cristal pour voir le centre.
La différence des épaisseurs de deux plaques croisées d’un
même cristal peut aussi être assez grande pour que les hyper-
boles doubles soient transportées hors du champ de la vision. Ce
qu'il y a à faire alors pour déterminer le signe, si l’on sait la
direction de l’axe de l’une des plaques, ou pour trouver cette
direction si l’on sait le signe, c'est d’ajouter à la plaque infé-
(355)
riéure la plus épaisse une pile de plaques prismaliques, ou bien,
si cela ne réussit pas, une plaque connue assez épaisse pour faire
naître des hyperboles. On considérera alors les trois cristaux
comme n'en faisant plus que deux d’une épaisseur égale ou à-
peu-près égale , et l'on rentrera ainsi dans l’un des cas précédens ;
car, au moyen d’une plaque prismatique, on verra quelle est
l’action de son axe sur les courbes colorées.
Si la différence des épaisseurs est la plus grande possible ,
c'est-à-dire s'il s’agit d’une seule plaque, on opérera de même.
Exemple : le plus mince des deux girasols examinés plus haut,
croisé avec une plaque de quartz parallèle épaisse de 2,7, ne
donne pas de courbes colorées ; mais en ajoutant une seconde
et pareille plaque , on obtient quatre systèmes d'hyperboles très-
régulières et brillantes. Ce qui prouve de nouveau que ce girasol,
qui d'ailleurs est une pierre siliceuse , est positif comme le quartz.
Les hyperboles noires traversées par l'axe du quartz sont lrès-peu
éloignées du centre, d’où il suit qu'à cause de l'épaisseur 5,1 du
girasol et de l'épaisseur 5,4 du double quartz, les forces pola-
risantes des cristaux combinés sont égales ou presqu’égales.
Autre exemple : J'ai une plaque de baryte sulfatée d'Auvergne
perpendiculaire à l'axe tertiaire. Je voudrais déterminer et le
signe et la direction de l'axe principal de ce cristal épais de 4,6r.
Le moindre effort rompt cette substance. J'en détache dont un
fragment que je pose sur le reste en croisant les lignes de rup-
ture. La chaux sulfatée ou le prisme de quartz dont l'axe est
perpendiculaire au mince bord éloigne du centre les byperboles
que l’axe traverse. Donc la baryte sulfatée est positive. En la
combinant avec les deux quartz de l'exemple précédent, j'ai des
courbes colorées ; Par conséquent la direction cherchée de l'axe
principal est indiquée par celle de la ligne neutre , qui est per-
pendiculaire à l'axe du quartz.
Il est évident que tout ce qui précède est applicable aux cris-
{aux à deux axes situés dans les faces parallèles,
( 356 )
Si je n'ai point inséré dans le deuxième tableau les formutes
relatives aux cas où les cristaux combinés sont à deux axes et ont
les faces perpendiculaires à l'axe principal, c'est que, pour de
semblables cristaux, le plan des axes passe par les pôles des deux
systèmes d'anneaux, que sa direction est indiquée par la branche
noire mise dans le plan de polarisation , et que le second tableau
fournit divers procédés pour déterminer le signe de chacun de
ces cristaux.
Il reste donc à étudier le cas des faces obliques, soit à l'axe
unique , soit à l'axe principal.
Supposons le cas d’un axe unique très-oblique. Il est néces-
sairement compris dans un plan perpendiculaire aux faces. Si,
sous des incidences très-obliques , le cristal ne laisse apercevoir
aucun vestige d’anneaux ou seulement quelques anneaux des
derniers ordres, on pourra le traiter comme un cristal parallèle
à l'axe. S'il laisse apercevoir au contraire quelques arcs des pre-
miers anneaux, ou même des anneaux entiers, on le combinera
avec un quartz oblique à l'axe et suffisamment mince ou épais.
Si les axes croisés font paraître des courbes colorées, ils sont de
même signe. Si les couleurs naissent de la superposition des axes,
ils ont des signes différens.
Passons au cas plus embarrassant et plus fréquent d'un cristal
à deux axes laissant voir tout ou partie d’un système d'anneaux
observés sous une incidenee oblique et ne laissant rien voir de
plus, de quelque manière qu’on le présente à la lumière blanche
polarisée. La barre noire étant dans le plan de polarisation, le
plan des axes y est également. Si les anneaux vus appartenaient
à ce que nous avons appelé le premier système ( page 335), ou
au second système, il serait facile de déterminer le signe de
l'axe principal. La difficulté se réduit donc à découvrir un ca-
ractère propre à faire connaître le rang du système observé.
Cela posé, supposons que l'image soit visible quand on incline
(357)
le cristal vers la glace noire comme pour amener ses faces dans
une position horizontale qui peut être dépassée; si le système
devenu visible par ce mouvement était le premrer, en relevant
la plaque et l'inclinant en sens contraire, comme pour la
rendre verticale et même dépasser cette position, on pourrait
observer tout ou partie du second système, lors même que les
axes feraient entr'eux un grand angle; et puisque rien ne paraît
ainsi, c’est que les anneaux vus dans la première position ap-
partiennent au second système, le premier étant hors du
champ de la vision et correspondant à un axe parallèle aux
faces ou faisant d’un côté ou de l’autre du cristal un petit angle
avec elles.
Supposons au contraire que dans la position à-peu-près hori-
zontale on n’'aperçoive pas d’anneaux, et que pour les voir il
faille relever le cristal dans une position verticale. C’est alors le
premier système que l'on voit, car si c'était le second on verrait
le premier en faisant revenir la plaque à sa première position,
On a donc ainsi un caractère pour reconnaître de quel côté
du milieu de la ligne des pôles se trouve le système des anneaux
observés, et il n’y a plus alors qu'à suivre l'un des procédés
indiqués. je ÿ
Ces suppositions se réalisent dans les cristaux taillés fort obli-
quement à l'axe principal.
Le raisonnement ci-dessus suppose que le rayon visuel mené
de l’œil au pôle des anneaux observés est dans la direction même
de l'axe correspondant à ce système d’anneaux ; c'est une erreur;
mais généralement elle ne nuit point à la conséquence. Cepen-
dant, comme cette matière n’est pas sans importance, on excusera
facilement la longueur des détails dans lesquels je vais entrer,
s'ils peuvent convenir à quelques-uns des lecteurs que j'ai choisis.
Je prends la topaze incolore ADET (fig. 7 ) de 13 millimètres
d'épaisseur et dont j'ai parlé à la page 346. Ses faces AD, IE,
tenues horizontalement devant la glace noire, sont perpendicu-
( 358 })
laires à l'axe principal. Soit KH le rayon incident et polarisé,
Arrivé au point I il se réfracte en entrant dans le cristal , et tels
sont l'incidence , l'indice de réfraction du cristal et la direction
de l'axe, que ce rayon prendra la route HL marquée par ce
dernier. Il émergera suivant une parallèle LO à KH et l'œil placé
en O, sur sa direction, verra dans le prolongement de OL un
système d’anneaux que, par convention, nous avons dit être le
Lremier.
Prenons maintenant dans ce cristal une tranche BCFG épaisse
de 1 à 3 millimètres, par exemple, et dont les faces verticales
BG, CF, soient perpendiculaires à l’axe secondaire. Les parties
BI, CE du cristal étant supprimées, le rayon incident KH se
continuera jusqu'à la face BG en N ; mais en se réfractant, bien
loin de suivre l’axe du cristal , il s’en éloignera et prendra une
direction NM presque horizontale, puis il émergera suivant
MP parallèle à KH. L’œil placé en P ne verra point d’anneaux,
puisque le rayon réfracté n’a pas suivi la direction de l'axe. Il
faudrait donc changer la position de cette tranche pour obliger
la lumière à prendre la route de cet axe. Ce changement peut
être plus ou moins étendu , selon l'indice de réfraction du cristal
et la direction de l'axe. Pour la topaze, aucun changement
d'incidence , aucune position de la tranche BF, ne peut amener
ce résultat. Il y a nécessité de forcer la lumière à changer de
route avant qu'elle atteigne la face verticale BG. Cela se fait en
remplaçant momentanément les parties BI, CE du cristal par
des parallélipipèdes ou des cubes de verre; mais comme l'indice
de réfraction du verre est un peu plus petit que celui de la
topaze, il faudra encore quelque peu changer l'incidence, c’est-
àä-dire. la position de la tranche, pour que la lumière réfractée
suive la direction de l'axe et rende visible le premier système
d’anneaux qui correspond à cet axe.
Quoique momentanée, la jonction des deux parallélipipèdes
avec la plaque de topaze doit être intime, sans interposition
( 359 )
d'air, ce à quoi on parvient au moyen d'une goutte d’un liquide
quelconque transparent. Si l'on veut coller les trois pièces à de-
meure , on les chauffe assez pour faire fondre un peu de mastic
en larmes, ou un peu de térébenthine de Venise, ou de baume
de Canada, de copahu.
Maintenant , réintégrons la topaze entière et relevons-la verti-
calement. Le système d'anneaux visible dans cette position sera
le second , d'après nos conventions , et si l'on remplace encore
les deux parties AG, DF, par du verre, la tranche CG, quoique
horizontale , laissera voir ce second système. C’est ce que l'on
prouvera aisément en faisant faire un quart de tour à la figure
pour donner au rayon incident TU la direction qu’il avait dans
la première expérience. On le suivra à travers le cristal, le long
da nouvel axe, et en raisonnant comme précédemment on verra
bien qu'il faudra un peu changer la position horizontale de la
tranche pour que la lumière, changée de route par le verre ;
soit obligée de suivre ce nouvel axe,
Si l’on ne désire voir que le premier système, par exemple,
il suffira des deux prismes de verre BPG, CRF. Si c’est le second
qu'on veut voir exclusivement, il sulhra des deux prismes LES,
OBG. Souvent même, et cela a lieu pour la tranche de topaze
prise pour exemple, il suffit de coller deux prismes rectangles
isoscèles (pl. 4, fig. 8); mais la plaque devra être un peu plus
ou un peu moins inclinée dans un sens et dans l’autre pour mon-
trer successivement les deux systèmes d’anneaux.
Autre exemple : — Cassez à coups de marteau, adroitement
ménagés et dirigés, un cristal de spath d'Islande. Les fragmens
seront, en général, des parallélogrammes à faces planes, brillantes
et parallèles. Mettez dans le plan de polarisation la ligne neutre
CE (pl. 4, fig. 8) qui passe par le sommet de l’un des angles
obtus de la plaque mise entre deux prismes rectangulaires de
verre : vous verrez les anneaux et la croix,
L'angle des axes d'un cristal, taillé perpendiculairement à
( 360 )
l'axe principal, peut être assez grand pour qu'on ne puisse pas
voir successivement et en entier les deux systèmes d’ovales, même
sous des incidences très-obliques. Ces ovales, vus directement
en totalité ou en partie , sont souvent très-allongés , comme dans
la topaze blanche. Dans tous ces cas on les obtiendra beaucoup
moins allongés et on les observera sous des incidences beaucoup
moins obliques en faisant usage des deux prismes de la figure 8.
On peut même calculer quels angles il faut donner à ces prismes ,
collés momentanément au cristal avec une goutte d'essence de
térébenthine, pour que l’image soit celle que l’on obtiendrait
directement si le cristal avait ses faces taillées, comme à la
figure 4, perpendicalairement aux axes optiques. Réciproque-
ment, en essayant successivement des couples de prismes de di-
vers angles jusqu’à ce que les premiers anneaux du système ob-
servé paraissent sous la forme de cercles parfaits, on pourrait
calculer très-approxinativement l'angle des axes du cristal.
Très-fréquemment l'indice de réfraction et l'angle que l'axe
fait avec les faces sont tels que sous une certaine incidence le
rayon réfracté peut suivre la direction de cet axe sans qu'on
doive recourir aux cubes ou aux prismes de verre.
Si l’on ne peut voir qu'un seul système entier d’anneaux sans
rien apercevoir de ce qui appartient à l'autre système où qui
pôurrait en indiquer la position relative, et s’il est vu sous une
incidence peu oblique , on ne peut plus raisonner comme pré-
cédemment pour reconnaître de quel côté du pôle visible se
trouve le milieu de la ligne des pôles. Cependant , comme les
ovales, ou plus exactement les lemnicastes qui entourent le pôle
visible, sont ordinairement plus allongées du côté intérieur aux
pôles que du côté extérieur où elles sont plus serrées; comme
leurs centres de figure ne sont point confondus avec le pôle et
se distribuent le long de la ligne des pôles en allant vers le mi-
lieu de cette ligne , on pourra encore, à l'aide de ces caractères,
trouver le signe du cristal.
( 561 )
Exemple : — J'ai fait tailler à deux faces parallèles une pierre
de lune (feld-spath ) primitivement en cabochon. Sous une in-
cidence peu oblique, on voit un système d’ovales colorés qui,
dans la direction de la barre noire mise dans le plan de polari-
sation, s'étendent sensiblement plus d’un côté que de l’autre du
pôle. De plus, en variant l’inclinaison , on reconnaît quelques
faibles indices des formes et de la distribution des couleurs des
courbes qui avoisinent ordinairement le milieu de la ligne des
pôles; milieu qui ne doit pas être fort loin hors du champ de Ja
vision, ce qui indique aussi que l'angle des axes ne doit pas être
extrèmement grand. Soumettant donc ce cristal à l'une quel-
conque des épreuves indiquées aux pages 336 et 337, on recon-
naît qu'il est négatif.
La détermination du signe d'un cristal à deux axes, par la
seule inspection du système d’anneaux qu'il laisse voir sous une
incidence peu oblique , n’est fondée, comme on vient de le voir,
que sur des caractères, des symptômes peu prononcés qu’on peut
craindre de mal interpréter. C’est pourquoi je donnerai encore
quelques exemples comme exercice et comme offrant d’ailleurs
des accidens de cristallisation fort curieux à observer.
ABCD (pl. 4, fig. 9) est une section faite perpendiculairement
à la longueur d’un prisme rectangulaire de diopside passablement
pur et d’un blanc grisâtre. Parallèlement à cette section on a taillé
trois plaques épaisses de 0,5, 1,0 et 2,15. Parallèlement à la face
étroite BC on a taillé une plaque IK épaisse de 1,56. Enfin on
a encore extrait deux plaques comme FG parallèles à la grande
face DC; l’une est épaisse de 1,10, l’autre de 1,46.
Vues à l’œil nu, les trois plaques perpendiculaires montrent
une cloison ab qui se prolonge dans toute la longueur du crista!,
puisqu'on la retrouve en cd le long de la plaque IK. Perpendi-
culairement à cette cloison ab, et sous un jour convenable , on
voit sur les trois plaques AC et les deux plaques FG une multi-
tude de stries inégalement cspacées, mais parallèles, ayant toutes
( 362 )
les apparences extérieures des stries régulièrement tracées sur le
verre des micromètres de microscope, et produisant, comme
ces dernières, le phénomène des réseaux si bien expliqué par
M. Bamier, au tome 4o des Annales de chimie et de physique.
À en juger par la cassure GL, on prendrait le cristal pour une
masse fibreuse, une agglomération de fines aiguilles cristallisées.
Observée à la loupe, devant une glace noire et sous une inci-
dence convenable, la plaque EL laisse voir, parallèlement à EG,
et sur un tiers de la largeur à partir du bord EG, des stries éga-
lement espacées qui font naître des franges très-faiblement colo-
rées. Ces franges , observées loin de l’œil armé d'une tourmaline
et sous diverses incidences, se parent des plus vives couleurs.
Elles sont plus ou moins serrées, plus ou moins éclatantes, selon
l'azimut et l'inclinaison de la plaque.
Voyons maintenant quels sont les phénomènes de polarisation
que vont produire dans les diverses plaques ces accidens de cris-
tallisation.
La plaque perpendiculaire épaisse de 0,5, observée à travers
la partie abBA en avant de l'observateur, montre un second
système d'anneaux, dont la barre noire, mise dans le plan de
polarisation, est perpendiculaire à la cloison ab. C’est du côté
du bord AB que doit se trouver le milieu de la ligne des pôles,
et c'est aussi de ce côté que l'axe d'une plaque prismatique
transporte les courbes, quand cet axe, perpendiculaire au mince
bord , est mis dans le plan de polarisation. Par conséquent, cette
partie du cristal est positive. La section principale de l’autre
partie abCD de la plaque un peu relevée est aussi perpendicu-
laire à la cloison ab. À travers cette partie, on voit un premier
système d'anneaux ct le milieu de la ligne qui joint son pôle avec
celui du second système invisible correspondant doit être placé
du côté du bord DC. Enfin ce système est également positif,
Si la cloison ab divise la pupille, on voit à la fois ces deux
systèmes ; mais ils sont indépendans l'un de l’autre, car ils sont
( 363 )
disposés en sens contraire de leur véritable rang, et l’un ou l'autre
disparaît quand l'œil se déplace; de plus , les anneaux presque
circulaires de l’un et de l’autre s'arrêtent nettement à la cloison
ab où ceux du même ordre se coupent, comme l'indique la
figure imparfaite ( pl. 4, fig. 10).
Il est très-présumable, d'après cela, que les axes optiques
correspondans à ces deux systèmes d’anneaux sont peu, mais
également inclinés sur la plaque ABCD , ou , en d’autres termes ,
qu'ils font des angles égaux avec la cloison cd,
Cette même plaque, éloignée de l'œil, paraît comme un prisme
dont l’arète saillante se confondrait avec ab. Sous diverses inci-
dences , si la lumière est dépolarisée par l’une des deux parties,
elle ne l’est pas par l'autre, qui paraît obscure. Tout prouve
enfin que ce diopside est formé de deux cristaux distincts réunis
par la cloison abcd.
C’étaient, si l’on veut considérer la chose ainsi, deux cris-
taux identiques dans leur constitution et leur position, mais
dont l’un, avant de se réunir à l'autre, aura fait un demi-tour
autour d’une droite parallèle à la cloison ; ou bien encore autour
d'une perpendiculaire à cette cloison, pour se réunir bout pour
bout avec l’autre. Ce dernier mode de jonctivn , ou plus exacte-
ment de cristallation, se nomme hémitropie; il se rencontre
très-fréquemment dans beaucoup de cristaux. On le reconnaît,
en cristallographie , aux formes extérieures; et quand ces formes
manquent, on le découvre, comme on vient de le voir, par des
observations optiques.
Les deux autres plaques perpendiculaires étant plus épaisses
ne laissent pas voir à la fois et en entier les deux systèmes d'an-
neaux; mais à l'inspection il est plus facile d’assigner le rang de
chacun.
L'une des plaques longitudinales FG, horizontalement placée
devant la glace noire, laisse voir un second système positif
d'ovales colorés , et rien de plus, sous quelqu’incidence qu'on la
( 564 )
présente à la lumière blanche polarisée. Faisant faire ensuite à
cette plaque un mouvement de 180° autour de son bord EG, il faut
la dresser presque verticalement pour qu’elle montre un premier
système d'ovales également positif et correspondant au même
axe. Cela prouve que le plan de cette plaque ne divise pas l’angle
de ses deux axes. Mèmes observations pour la seconde plaque
parallèle à EL.
La plaque latérale IK, étant parallèle au plan des quatre axes,
ne donne pas d’anneaux, sous quelqu'’incidence qu'on la pré-
sente aux rayons polarisés ; et comme on peut conclure des ob-
servations précédentes que ies axes principaux des deux cristaux
soudés ne sont point parallèles, il doit arriver qu’en mettant la
cloison cd dans le plan de polarisation , les deux parties Id, cK
ne sauraient paraître obscures à la fois. L'expérience prouve que
dans cette position elles changent le plan de polarisation de la
lumière qu'elles laissent passer, et, par conséquent, qu'aucun
des deux axes principaux n’est parallèle à la cloison cd. A l’ap-
pareil gradué de Faesxez , j'ai trouvé que les axes principaux mp,
mn , font des angles égaux et de 37° 15’ avec la direction de la
cloison cd, et qu'ainsi ces axes sont inclinés l'an sur l’autre de
74° 30’ environ. Je dis environ , parce que le cercle, imparfai-
tement gradué, n’a que 21 millimètres de rayon, et qu'il y a
quelqu'incertitude sur la position fixe correspondante au maxi-
mum d’obscurité.
Aucun des deux axes de chaque cristal du couple hémitrope
n'est donc situé dans le plan de la cloison, puisque d'ailleurs il
faut incliner la plaque perpendiculaire BD dans un sens, puis
dans un autre , sur le rayon po'arisé, pour voir en entier chacun
des deux systèmes d'anneaux.
Par un trait perpendiculaire à cd j'ai divisé la plaque IK , qui
contient les quatre axes, en deux parties que j'ai superposées en
croisant les cloisons à angles droits, Comme cd n’est pas située
au milieu de la largeur , le carré qui résulte du croisement des
( 365 )
plaques est partagé en quatre compartimens dont deux carrés
inégaux opposés , et deux rectangles égaux aussi opposés l’un à
l'autre, J'observe cet assemblage à la lumière polarisée, en le
tenant à la portée de la vue pour en voir toutes les parties, et je
le fais tourner dans son plan jusqu'à ce que le petit carré, par
exemple, paraisse obscur. Alors le grand carré laisse voir des
bandes colorées et les deux rectangles laissent passer la lumière
blanche. Pour savoir la cause de ce phénomène, dont la compli-
cation n’est qu’apparente, il suffit de séparer les plaques ; toutes
les lignes de la plaque qu’on fait mouvoir à cet effet restent exac-
tement parallèles à elles-mêmes pendant ce mouvement. On ob-
serve alors ce qui suit :
° Les deux parties étroites qui en se recouvrant forment le
petit carré sont obscures. L’axe principal de l’une est dans le
plan de polarisation, et celui de l’autre est perpendiculaire à ce
plan, ce qui explique l'obscurité du petit carré, obscurité à la-
quelle succéderaient des couleurs de plus en plus vives si l'ensemble
des plaques faisait un mouvement de rotation dans son plan,
jusqu’à 45 degrés , où l’on aurait le maximum des teintes.
2.° Les deux parties larges qui forment le grand carré laissent
passer séparément la lumière , et comme l’un des axes principaux
fait un angle azimutal de 15° 30’ et que l'autre lui est perpen-
diculaire , on voit des bandes peu colorées; mais cette coloration
devient de plus en plus vive si l’angle azimutal de 15° 30’ croît
jusqu'à 45. Si au contraire il diminue jusqu’à zéro, les couleurs
disparaissent, ce carré devient obscur et les couleurs naissent
dans le petit carré.
° La blancheur à-peu-près constante des deux rectangles
vient de ce qu'une partie étroite el obscure est croisée avec une
partie large et blanche , et de ce que les axes principaux de ces
deux parties sont presque confondus, puisqu'ils ne jus entr’eux
qu'un angle de 15° 30°.
En combinant la plaque IK avec un spath d'Islande perpendi-
( 366 )
culaire, chacun des deux axes principaux, mis successivement
dans l’azimut de 45 degrés, transporte loin du centre les arcs
qu'il traverse, ce qui prouve de nouveau que les deux cristaux
soudés sont positifs. La croix noire et les anneaux sont totalement
effacés ; les arcs doubles sont très-serrés et portés fort loin du
centre, ce qui témoigne de la grande force bi-réfringente de ce
diopside.
Un autre échantillon de 0,7 environ d'épaisseur est long de 7
millimètres et large de 5. Il provient de M. Lerauur, qui l’a
préparé pour l'observation. Tout indique qu'il a été taillé per-
pendiculairement à la longueur du cristal. Une cloison perpen-
diculaire à la section principale et au plan de polarisation, divise
aussi la largeur en deux parties inégales, et les observations faites,
soit à travers chacune des parties, soit à travers les deux à la
fois, prouvent que la plaque, ainsi observée, provient aussi d’un
cristal formé de deux autres par hémitropie.
Ce n'est pas toujours ainsi que les cristaux de diopside se réu-
nissent; la cloison n’est pas toujours un plan perpendiculaire à
celui qui contient les quatre axes , il lui est quelquefois parallèle,
comme je l'ai observé sur l'échantillon suivant. Il est inégalement
vert, épais de 3,76 et taillé perpendiculairement à la longueur
du prisme cristallisé. À la lumière du ciel, on observe une foule
de glaces et particulièrement une cloison verte qui sépare le
cristal en deux cristaux accolés ( et non hémitropes), à travers
chacun desquels on n’aperçoit qu'un seul système positif d’ovales
colorés. Le plan des axes est parallèle à la cloison pour les deux
cristaux soudés , et l’on voit à la fois les deux systèmes quand on
met la cloison au milieu de la pupille. Chaque système est yre-
mier ou second, selon la face par laquelle on observe; mais
comme la ligne qui joint les pôles de ce couple de systèmes est
un peu oblique au plan de polarisation , les axes principaux des
deux cristaux accolés ne sont pas parallèles.
Une autre cloison, perpendiculaire à la première, mais située
( 367 )
très-près du bord de la plaque, sépare un fragment hémitrope à
l'an des cristaux accolés. Je dis hémitrope parce que le système
d’anneaux qu'on voit à travers ce fragment, qui a à peine 1 mil-
limètre de largeur, m'a paru être un premier système, tandis
que celui qui lui correspond et qu'on voit en abaissant la plaque
est un second système.
Soit ABCD (pl. 4, fig. 11) un eristal de diopside composé de
deux cristaux hénitropes réunis par la cloison EF. Soient GI, GH
les axes principaux ; KL, ST les deux axes optiques du cristal AF ;
KM, UV ceux de l’autre cristal. Présentons la plaque AC à-peu-
près parallèlement à la glace noire. Le rayon incident polarisé
OM se réfractera suivant l'axe MK, continuera sa route KZ à
travers l’autre cristal, émergera suivant ZN , et l’œil placé en N
verra un second système d’anneaux. Relevons la plaque presque
verticalement, le rayon incident RX se réfractera suivant XK,
poursuivra sa route suivant l’axe KL, émergera suivant LP et
portera à l'œil P l’image d’un premier système. Si les cristaux
hémitropes sont également épais , les anneaux des deux systèmes
paraïtront également serrés ; mais si EC, par exemple, est moins
épais que BE, les anneaux de l’image observée la première,
l'œil étant en N, paraitront moins serrés que ceux de l’autre
image correspondante.
Soit encore ABFG (pl. 4, fig. 12) un diopside composé comme
il suit :
1.0 Un cristal HEFG dont celui des deux axes qui rend visible’
un second système ait pour direction IK.
2.0 Un cristal plus épais DCEH, superposé au précédent. L’axe
qui rendra visible le second système aura sa direction KL dans
le prolongement de IK.
3.0 Un cristal ABCD hémitrope avec le précédent, et dont
celui des deux axes qui rend visible le premier système ait pour
direction SR.
Au lieu de supposer le plus épais des trois cristaux entre les
( 368 )
deux plus minces, on peut supposer l’un de ceux-ci entre les
deux autres. Cette nouvelle disposition ne changera rien aux
phénomènes que nous allons décrire.
Mettons donc ce cristal triple dans une position horizontale
vis-à-vis la glace noire. Le rayon incident OI se réfractera suivant
l'axe IK ; il continuera sa route suivant l'axe KL du cristal su-
perposé, traversera le troisième cristal et émergera suivant MN.
Il portera à l'œil placé en N l’image aux anneaux larges du cristal
mince HEFG et l’image circompolaire aux anneaux serrés du
cristal épais DE. Relevons verticalement ce triple cristal. Le
rayon incident PQ traversera les deux premiers cristaux suivant
QR, qui n’est la direction d'aucun de leurs axes; mais il suivra
l'axe RS du cristal ABCD , et en émergeant suivant ST, il portera
à l'œil placé en T l’image du premier système, que ce mince
cristal montrerait seul. Que l'on fasse faire maintenant au triple
cristal (pl. 4, fig. 12) un mouvement de 180 degrés autour de sa
longueur. Il prendra la position horizontale de la fig. 13. Le rayon
incident TS suivra l'axe SR , traversera Je reste du cristal sans
suivre aucun autre axe, et l'œil placé en P verra le système
correspondant à l'axe SR. La plaque relevée verticalement re-
cevra le rayon incident NM qui traversera DB sans suivre aucun
axe; mais il suivra ensuite les deux axes LK, KI, et l'œil placé
en O verra à la fois, et superposés l’un sur l'autre, les deux
systèmes d’anneaux correspondans à ces axes.
Tels sont effectivement les phénomènes optiques que j'ai ob-
servés sur un échantillon de diopside, avec cette légère différence
que les deux systèmes d'anneaux superposés n'étaient pas exac-
tement circompolaires, ce qui indique que Îes axes de deux des
trois cristaux ne sont pas exactement parallèles. M. Bamner, qui
avait donné un coup-d'æil sur cet échantillon avant qu'il me fût
envoyé, ÿ avait reconnu les trois systèmes d’anneaux, et, par
conséquent, la constitution cristallographique de ce cristal re-
marquable. Pour en compléter l'étude , il n’y a plus qu'à couper
( 369 )
une tranche perpendiculaire à la longueur, observer les anneaux
correspondans aux trois aufres axes ct reconnaitre, par leurs
situations relatives, quelle est la véritable disposition des trois
cristaux soudés.
Cette tranche, un peu inclinée vers la glace, montre un sys-
tème dont on peut à peine reconnaître quelques anneaux. Le pôle
seal est bien distinct, ainsi que les deux branches de la barre
noire qui y aboutissent. Il est impossible d’assigner le rang de ce
système. En relevant un peu la tranche, on voit de nombreux
et brillans anneaux presque circulaires; celui du sixième ordre
passe par le pôle d’un autre système de méme rang et dont on
ne distingue que quatre anneaux qui disparaissent dès que la
pupille n’est plus coupée par une cloison invisible, mais dont on
peut très-bien assigner la position et dont la direction est per-
pendiculaire à la section principale mise dans le plan de pola-
risation.
Il résulte de ces observations que ce diopside est composé
d’un cristal épais hémitrope d’un côté à un mince cristal et
accolé de l’autre côté à un mince cristal dont les avez ne sont
pas exaclement parallèles aux siens. Il y a donc en tout trois
cristaux, six axes et autant de systèmes d'anneanx visibles,
L'une des nombreuses plaques de borax que j'ai préparées par la
méthode de la page 310 m’a montré deux systèmes d’anneaux du
même rang, peu distans l’un de l’autre, et dont la ligne des
pôles était perpendiculaire au plan de polarisation, tandis que
l'axe secondaire de chaque système était parallèle à ce plan.
Deux arragonites provenant de M. Lesauur, et probablement
tirées du même cristal, présentent des phénomènes analogues.
On est tenté d'abord de leur donner quatre axes, parce que,
pour certaines positions de l'œil et sous diverses incidences, on
peut voir à la fois quatre systèmes d’anneaux différens ; mais par
la direction des lignes noires et par les formes des lemnicastes,
on reconnait bientôt que ces cristaux doivent être considérés
24
( 570 )
comme composés chacun de deux autres réunis par une cloison
visible à l'œil nu. Ges arragonites sont négatives.
On observe de semblables phénomènes sur le nitrate de potasse
et généralement sur les cristaux qui cristallisent en aiguilles ou
en prismes qui s'agglomèrent. Les tranches extraites de prismes
séparés ne montrent que deux systèmes d'anneaux liés à un seul
axe principal.
Il me reste enfin à examiner le cas d’un cristal dont l’un des
axes est naturellement ou artificiellement perpendiculaire aux
faces. Les courbes nombreuses qui entourent les pôles paraissent
alors circulaires au premier coup-d’œil; mais en les observant
avec attention, même à la lumière simple, on reconnaît bientôt
qu’elles n'ont point la régularité, la symétrie parfaite des an-
neaux que montrent les cristaux à un axe. L'influence du second
axe s'y fait sentir, surtout si l'angle des axes n’est pas très-
grand. Si cet angle était de go degrés, l’un des axes étant per-
pendiculaire et l’autre parallèle aux faces du eristal , l'influence
de l'axe parallèle , sur la forme des ovales, s’exercerait symétri-
quement le long de leurs diamètres dans la section principale,
et si les axes relatifs aux diverses couleurs n'étaient pas séparés,
il ne serait probablement pas possible de découvrir de diffé-
rence d’un côté à l’autre du pôle le long de ce diamètre et à la
lamière simple ou composée ; mais dans les autres cas, avec de
l'attention et l'habitude de voir, il est encore possible et parfois
assez facile de distinguer de quel côté du pôle observé se trouve le
pôle invisible. De ce côté, les arcs de chacun des anneaux da sys-
tème, vus à la lumière simple ou composée, sont aussi ur peu
plus larges, un peu plus séparés. A la lumière blanche, on voit
des couleurs à une plus grande distance du pôle visible , sur-
tout si en faisant très-peu tourner la plaque dans son plan on
déplace un peu aussi la barre noire qui semble masquer ces
couleurs.
Du sucre cristallisé, préparé par M. Lesauur , laisse assez faci-
(371)
lement déterminer son signe, d'après ces symptômes, soit à la
lumière simple , soit à la lumière composée. Il en est de même
des cristaux de sucre candi. Il en est de même aussi des trois
topazes incolores que j'ai fait tailler perpendiculairement à l'un
des axes , pour celte expérience délicate.
Un petit cristal de bi-chromate de potasse, épais de 1,5 en-
viron, a été aussi usé et poli par M. Lesanur. Observé sous
l'incidence perpendiculaire, à l’aide d’une très-mince et très-
bonne tourmaline brune bien transparente, il montre des an-
neaux dont les premiers sont sensiblement circulaires ; mais les
plus éloignés prennent une furme un peu allongéee dans la direc-
tion de l'axe secondaire. Ils sont plus visibles, plus nombreux
et un peu moins serrés du côté du pôle au-delà de l'observa-
teur que de l’autre côté, en suivant toujours la direction de la
barre noire. Ce serait donc là un second système d’anneaux.
Pour vérifier cette conséquence, je fais faire au cristal un mou-
vement de 180 degrés autour de la barre noire comme char-
nière; observant ainsi par l’autre face, j'ai précisément les
mêmes symptômes mais renversés et qui annoncent un premier
système. D'après ces indications, l'épreuve par la plaque prisma-
tique me dit que le bi-chromate de potasse est positif.
Une plaque de bi-chromate de potasse plus grande, épaisse
de 2,5 et tirée d’un cristal par un clivage facile, reproduit,
mais d’une manière bien plus prononcée, le phénomène d'hé-
mitropie observé sur le diopside. Sous l'incidence perpendi-
culaire, je vois deux systèmes d’anneaux , l’un supérieur, l’au-
tre inférieur , ayant une barre noire commune. Pour le système
supérieur les anneaux sont fort serrés; pour le système infé-
rieur ils sont relativement fort séparés les uns des autres. Celui-ci
montre les symptômes d'un second système et l'épreuve par
la plaque prismatique me donne le signe positif, Les anneaux
les plus serrés m'offrent , mais moins bien , les symptômes d’un
premier système, et l'épreuve donne encore le signe positif.
(572)
Ges deux systèmes sont voisins l’un de l'autre et leurs derniers
anneaux s’atteignent sans former de lemnicastes, ce qui prouve
qu'ils ne sont pas dus aux deux axes différens d'un seul cristal.
Si je fais tourner lentement la plaque dans son plan, les
changemens ordinaires à un seul système s’observent sans chan-
ger la forme des anneaux, sans rendre visibles les forines par-
ticulières que les courbes affectent ordinairement autour du
milieu de la ligne des deux pôles, milieu que la barre noire
cachait dans sa première position. Enfin, si je renverse la plaque
autour du diamètre horizontal, on n’observe rien de nouveau;
mais si je lui fais faire 180 degrés autour de la ligne noire
comme charnière, c'est-à-dire autour de l'intersection de son
plan avec celui de polarisation, les deux systèmes changent de
place; le plus serré, qui était supérieur , est devenu inférieur ,
et réciproquement. Si alors j'ai recours aux symptômes ordi-
naires, je trouve encore que ces deux systèmes, évidemment
indépendans l’un de l'autre, ne dépendant que des circon-
stances de la cristallisation, sont positifs.
D'après ce que nous avons dit du diopside, cette plaque de
bi-chromate de potasse serait accidentellement composée de
deux cristaux hémitropes, l’un des deux beaucoup plus mince
que l’autre.
Crisitaux colorés.
Indépendamment des méthodes ci-dessus pour déterminer le
signe d'un cristal à un ou deux axes, on peut dans quelques
cas particuliers reconnaître ce signe par un caractère propre
aux cristaux dont la limpidité n’est pas parfaite.
Présentez, par exemple, à la lumière polarisée, une mince
tourmaline peu colorée, bien transparente, et mettez l’axe dans
le plan de polarisation; elle laissera passer en partie cette lu-
mière et en absorbera une autre partie d'autant plus grande
(373)
que le cristal sera plus épais et plus coloré. Faites-la tourner
de 90 degrés dans son plan, elle laissera passer beaucoup plus
de lumière. Les effets inverses ont lieu avec un quartz légèrement
posilifs
enfumé. En général, les cristaux colorés !,” .. laissent passer
négatifs
avec plus d’abondance la lumière polarisée dans un plan
parallèle Lich ; 1he dei tt
perpendiculaire soit à leur axe unique ou principal situé
dans les faces, soit au plan des deux axes. C’est la loi de
M. Bamner. Dans quelques cas particuliers l'expérience très-
simple que nous venons de faire suffira, au moyen de la loi
ci-dessus, pour faire découvrir le signe d'un cristal quand la
direction de l’axe sera connue , et réciproquement ; mais quand
le cristal est très-peu coloré, il peut y avoir incertitude, et
pour la faire disparaître il est bon de vérifier un premier aperçu
par quelques autres épreuves. C’est dans ce but que je rapporte
avec détails les expériences suivantes.
Prenez un quartz enfumé qui ait ses faces parallèles à l'axe.
Si l’on recoit à travers ses faces la lumière polarisée par une
glace noire, son axe étant dans le plan de polarisation, la glace
paraît légèrement brune, mais moins brune que le cristal.
Quand l'axe est perpendiculaire au plan de polarisation, la
glace parait d'un brun plus foncé. L'axe secondaire de ce quartz
étant dans le plan de polarisation se comporte donc à l'égard
de la lumière polarisée à peu près comme l'axe unique de la
tourmaline et, en conséquence, en substituant ce quartz enfumé
à la tourmaline dans les combinaisons de celle-ci avec les quartz
limpides obliques ou parallèles et croisés, ou avec les cristaux
offrant des anneaux colorés, on doit obtenir les mêmes résultats ;
mais avec une modification dans la coloration des images, dé-
pendante de la quantité et de la nature de la lumière que ce
quartz enfumé absorbe ou laisse passer dans ses diverses posi-
tions. Ainsi, avec un spath d'Islande perpendiculaire, il laisse
( 374 )
voir les anneaux colorés et la croix noire quand son axe positif
est perpendiculaire au plan de polarisation, ou, ce qui revient
au même, quand son axe secondaire est dans ce plan. Cet axe
secondaire, étant négatif comme l'axe unique de la tourmaline,
produit les mêmes effets à l'intensité près. Ainsi, par exemple
encore, avec les quartz obliques de M. Savanr, disposés pour
montrer par une tourmaline une ligne noire entre deux blan-
ches dans le plan de polarisation , l'axe unique de ce quartz étant
mis dans ce plan fera voir au contraire une blanche centrale
entre deux noires, et à ce caractère on reconnaitra que cet
axe est positif ou de signe contraire à celui de la tourmaline.
Si peu colorés que soient certains cristaux, ils laissent aper-
cevoir plus ou moins bien les bandes de l'appareil Savanr, ou
les courbes de tout autre appareil équivalent, comme, par
exemple, le spath d'Islande perpendiculaire ; et si l'axe unique
ou le plan des axes du cristal ainsi étudié est parallèle aux
faces on pourra en déterminer le signe si la direction de l'axe
unique ou principal est connue, ou cette direction si le signe du
eristal est connu. En voici des exemples.
Une plaque de spath d'Islande parallèle à l'axe et épaisse de
2,76 n’est pas d'une limpidité aussi parfaite que le cristal de
roche ou la topaze incolore ; néanmoins en la tournant dans son
plan perpendiculaire aux rayons polarisés on ne trouve aucune
position pour laquelle la lumière paraisse plus ou moins absor-
bée; mais sous une incidence très-oblique elle absorbe un peu
plus de lumière dans une position que dans l’autre. Mettant son
axe dans le plan de polarisation et la combinant avec le spath
perpendiculaire ou avec l'appareil Savanr, elle donne, dans le
premier cas, les anneaux et la croix noire, dans le second , une
bande noire centrale entre deux blanches , comme le ferait l’axe
unique de la tourmaline. Donc l'axe de cette plaque est négatif
comme celui de la tourmaline, le: autre plaque de spath dont
(375)
l'épaisseur n'est que de 0,4, laisse encore apercevoir la croix
noire et les anneaux,
Sous l'incidence perpendiculaire, une plaque de baryte sul-
fatée parallèle au plan de ses axes et épaisse de 4,61 donne unc
teinte légèrement jaunâtre à la lumière polarisée, et cette teinte
augmente un peu d'intensité quand on augmente l'épaisseur en
inclinant le cristal vers la glace noire, en conservant l'axe prin-
cipal dans le plan de polarisation. Par un mouvement de 90
degrés le cristal donne à la lumière polarisée qui le traverse
une teinte gris-bleuâtre. Combiné avec le spath perpendicu-
laire, il montre la croix blanche quand son axe principal est
dans le plan de polarisation ; done cet axe est positif.
Le diopside étudié aux pages 361, 362... ne montre rien
de la croix ni des anneaux quand on observe le spath perpen-
diculaire à travers sa partie incolore; toutes les parties de
l'image deviennent au contraire visibles quand on observe par
la partie verte, à l’un des bouts du cristal ; et comme la section
principale est alors perpendiculaire au plan de polarisation, ce
cristal est positif. Au reste c’est encore dans cette position qu'il
absorbe une plus grande quantité de lumière polarisée par la
glace noire.
C’est toujours sous l'incidence perpendiculaire qu'il faut faire
ces observations propres à déterminer le signe, car sous des inci-
dences obliques , une simple lame de verre substituée au cristal
à étudier polarise la lumière par réfraction et montre la croix
noire
perpendiculaire
blanche
quand on l’ineline autour d'une droite parslläle
au plan de polarisation.
Ce mode d'observation peut fournir des indications utiles sur
la direction de l’axe unique ou principal d'un eristal coloré ct
taillé à facettes, comme des quartz enfumés, des améthystes
users. Où travaillé en cabochon, comme des pierres de
lune, des girasols...,.. ou enfin des cristaux bruts qu'on se
(356)
propose de faire tailler pour l’étude. IL peut servir à distingaer
une pierre fine bi-réfringente d’une imitation en verre coloré.
Cependant, pour tous ces cas le procédé renversé est préférable ;
il consiste, comme nous l'avons déjà vu, à exposer le cristal,
soit à la lumière du ciel non polarisée, soit à la lumière d’une
chandelle, et à l’observer avec l’appareil complet de M. Savanr.
Si dans certaines positions il fait paraître des bandes colorées,
c'est qu'il est bi-réfringent et son axe unique ou principal est
dans un plan parallèle ou perpendiculaire aux bandes, alors que
les couleurs de celles-ci sont à Jeur maximum de vivacité. Enfin
la meilleure méthode, celle qu’on peut appliquer aux corps colo-
rés ou limpides, travaillés ou bruts, est la suivante.
L'œil armé de l'appareil complet de M. Savanr , 'observez le
corps à la lumière polarisée. Si le spectre n'est pas plus modifié
par une posilion que par une autre, ce corps n'est pas bi-
réfringent. Ainsi, par exemple, un cristal jaune doré de zinc
sulfuré, laisse voir les bandes qu'il ne modifie pas, de quelque
manière qu’on le présente à la glace. Un cristal jaune citron de
enaux fluatée, à faces travaillées, se comporte de méme; ces
corps ne sont donc pas bi-réfringens ; mais si l’on trouve une
position qui efface ou allère sensiblement l'image , on en trou-
vera une autre pour laquelle les couleurs seront à leur plus
grande vivacité, et alors l’axe unique ou principal du cristal
bi-réfrigent est ou parallèle ou perpendiculaire au plan de
polarisation.
L'application de cette dernière méthode à des cristaux bruts
prouve que la lumière réfléchie par la glace ne se dépolarise pas
en lraversant les surfaces dépolics; il faut qu'elle pénètre dans
le cristal pour qu'elle se partage en deux parties polarisées dans
deux plans rectangulaires ; il y a seulement perte de la lumière
dispersée par le dépoli. Cette perte est moins grande quand la
surface d'émergence est brillante, et dans ce cas l'emploi d'une
tourmaline peut faire découvrir les annçaux et conséquemment
(377)
la direction de la section principale, ce qui sert de guide pour
effectuer dans le cristal une taille déterminée. — Exemple,
D'un coup de marteau je détache d'une topaze blanche brute et
roulée un fragment qui met à nu une face de clivage plane et
brillante. Avec l'appareil Savarr je détermine sur le champ la
direction des lignes neutres, et la tourmaline, qui d’ailleurs
pouvait être immédiatement employée, me fait voir, sous une
incidence convenable, successivement les deux systèmes d’an-
neaux.
À celte occasion je rapporterai l'expérience suivante, faite
par M. Basner. On dépolit l’une des deux faces perpendiculaires
à l’axe d’un spath d'Islande qu’on met ensuite entre deux tour-
malines, la face polie tournée du côté de l’œil. A la lumière la
plus vive d’un quinquet , même à celle du soleil, on peut ob-
server les anneaux, la surface dépolie tenant lieu d'écran. — On
peut répéter cette expérience sur d’autres cristaux à un ou
deux axes.
La propriété d'absorber certains rayons dans les cristaux dont
nous venons de parler, est remplacée dans d’autres par la pro-
priété de les disperser, ce qui ne change rien aux résultats des
expériences que nous venons de faire quand on substitue ces
derniers cristaux aux premiers. Par l’expérience suivante on
aura sur ce point des détails suffisans.
Je noircis à l'encre l’intérieur d'une boîte de carton, pro-
fonde de 20 à 50 millimètres et d’un diamètre plus petit que
celui du liége dans lequel est fixé le cristal à étudier. Une mince
lame de chaux sulfatée, dont l’axe principal sera mis dans
l'azimut de 45 degrés, est appliquée contre un trou de 4 à 8
millimètres fait au fond de la boîte. Vue à travers une tourma-
parallèle
dont l’axe cst È :
perpendiculaire
au plan de polarisalion, cette
verte
mince lame parait rouge®
Cela posé, je remplace la tourma-
(378)
line par une pierre de lune épaisse de 2,25 et dont les faces
contiennent les axes. Pour une même position de l’axe principal
j'ai la même couleur, donc cet axe est négatif comme celui de
la tourmaline. Si la couleur eût été opposée j'en aurais conclu
l'opposition des signes. Cette pierre de lune (feld-spath) jouit
de la propriété de laisser passer les rayons de diverses couleurs
polarisés dans un sens, d’absorhber quelques rayons et de dis-
perser les rayons polarisés dans l’autre sens. La couleur disper-
sée paraît autour du tron comme une nébulosité qui affecte ici
la forme d'une lentille dont le grand diamètre est parallèle à
l’axe principal. Pour d’autres échantillons et d'autres épaisseurs
cette forme est moins décidée et la couleur dispersée elle-même
n'est pas bien constante, non plus, par conséquent, que la
couleur régulièrement transmise, car elles sont toujours com-
plémentaires l’une de l’autre.
La couleur régulièrement transmise et la couleur nuageuse
composée de rayons dispersés dans toutes les directions, se
mélent en partie, ce qui compose une certaine quantité de
lumière blanche qui fait pâlir les couleurs. Cet inconvénient
s'aggrave quand la mince lame s'approche de la pierre de lune;
il diminue jusqu'à disparaître, quand au contraire elle s'éloigne.
S'il n'existait pas, cette pierre de lune pourrait remplacer la
tourmaline dans toutes les observations où l’on est intéressé
à voir des couleurs plus pures que celles mêlées avec la couleur
propre de la tourmaline, et elle aurait sur l’analyseur l'avantage
d'un champ plus vaste et d’une lumière plus vive.
Il est d’autres cristaux, comme certaines plaques d’agate peu
colorées, de cornalines blanches, d’arragonites. ..., qui jouis-
sent des propriétés décrites sur la pierre de lune, mais qui ne
peuvent pas plus qu'elle remplacer la tourmaline ou l’analyseur
dans les expériences où l’on a des cuurbes colorées et non des
couleurs uniformes à observer. Les meilleurs de ces appareils ne
donnent pas la tache noire sur la glace polarisante ; la croix noire
( 379 )
du spath est diffuse, peu intense et mal terminée; la lumière
blanche en excès lave les couleurs, les fait pâlir et éteint les
plus tendres. Ce magnifique bleu d'azur que montre le carbo-
nate de plomb dont j'ai parlé disparaît presqu'en totalité par
celte cause.
De tous les appareils de ce genre, celui que je vais décrire
n'est pas exempt de ces défauts, néanmoins il a sur tous les
autres une supériorité décidée. J'en dois la connaissance et
l'explication à M. Bamwer.
Dans un cristal bien pur d’arragonite on taille un parallèlipi-
pède, on le divise en,gleux petits prismes triangulaires égaux que
l'on colle par les mêmes faces bien dressees, mais gardant leur
dépoli. L'arragonite étant négative , la réfraction extraordinaire
est la plus faible ; elle diffère beaucoup de la réfraction ordi-
naire el très-peu de celle de la térébenthine qui réunit les deux
prismes. Ce mastic rétablit donc en quelque sorte, pour le rayon
extraordinaire, la continuité du cristal. C’est comme si les faces
étaient polies et confondues; le rayon extraordinaire passera
donc tout entier ; mais ces mêmes faces restent dépolies pour le
rayon ordinaire dont la réfraction est très-différente de celle de
la térébenthine; il sera donc dispersé par les inégalités des
surfaces dépolies. Par conséquent on n'aura qu'une seule image
distincte , point de couleurs étrangères , beaucoup de lumière et
un champ vaste. C'est à M, Bnewsren que l’on doit cet instru-
ment d'analyse.
Lorsqu'une image peut sans inconvéniens être observée d’un
peu loin, ce qui arrive quand elle est d’une couleur uniforme,
par exemple, le double prisme d’arragonite l'emporte sur les
meilleures tourmalines, et même sur l’analÿseur quant à la
vivacité des couleurs, C'est ce que va prouver l'expérience
suivante.
Entre les épingles du liége troué mobile autour d'une forte
aiguille horisontale, déposez une plaque de quartz perpendicu-
( 300 })
laire à l'axe et épaisse de cinq millimètres. Par-dessus mettez
une tourmaline et faites tourner l’ensemble jusqu'à ce que le
milieu de la tache centrale soit couvert par le petit fragment de
glace lui-même au centre de la tache noire, que la tourmaline
seule montrerait. Le rayon polarisé ayant ainsi la direction de
l’axe/du quartz, ôtez la tourimaline et observez le cristal avec
un prisme de spath d'Islande achromatisé ; observez d'assez loin
et dans unc direction convenable pour que l’image ordinaire et
l'image extraordinaire soient presqu'entièrement séparées, et
que le miroir soit vu à leur centre. Dans les portions superpo-
sées des deux images la couleur est blanche parce que les couleurs
séparées ct uniformes sont complémentaires l'une de l’autre.
Faites alors tourner le prisme très lentement jusqu'à 180°,
vous verrez les plus belles, les plus brillantes couleurs se suc-
céder dans un ordre déterminé pour chaque image. Maintenant
remplacez le prisme par l'analyseur; vous ne verrez plus que
l'image extraordinaire et ses couleurs successives, qui seront
encore très-pures, mais un peu moins vives à cause d’un peu
de lumière perdue. Vues à travers une tourmaline, elles devien-
nent sombres et s'altèrent pour la plupart ; mais elles reprennent
leur premier éclat , leur première pureté si vous les observez de
loin à travers le double prisme d'arragonite.
Bandes parallèles.
Les faces d'une plaque de quartz épaisse de deux millimètres
sont perpendiculaires à un plan passant par l'axe du cristal et
inclinées de Go degrés sur cet axe. Je divise cette plaque en
deux autres que je superpose en tenant parallèles les lignes de
séparation. En cet état , les axes des deux plaques sont confon-
dus. Je fais faire à l’une des deux un mouvement de 180 degrés
dans son plan ; alors les axes ne sont plus confondus; ils font
entre eux un angle de 6o degrés ct je dirai qu'ils sont ren-
( 381 )
versés. L'ensemble des deux cristaux ainsi combinés a quelque
analogie avec un cristal à deux axes faisant entre eux un angle
de 60 degrés, ou moins inexactement, avec un cristal hémitrope.
Quand le plan de ces deux axes est maintenu dans celui de
polarisation et qu'on incline un peu l’ensemble, on voit suc-
cessivement les deux systèmes d’anneaux que montreraient sépa-
rément les deux plaques. Au contraire , en inclinant l’ensemble
sur le plan de polarisation, on voit de chaque côté un système
de bandes parallèles colorées dont le milieu est occupé par
une ligne noire entre deux blanches. Par un mouvement de
90 degrés on amène les bandes noires centrales dans le plan
de polarisation, et dans cette dernière position il faut incliner
le système jusqu'à le rendre horziontal ou vertical pour voir les
parties des bandes où les couleurs sont plus vives. Inclinez
alors les deux quartz l’un sur l’autre, autour d’une perpendicu-
laire aux rayons réfléchis par la glace, et dans le sens propre
à diminuer l'angle que font entre-eux les deux axes. Les centres
des deux systèmes d’anneaux se rapprocheront: les parties des
bandes plus vivement colorées se rapprocheront de la ligne des
centres, en un anot vous aurez un ensemble équivalent à celui
de deux quartz superposés face contre face, mais dont l'incli-
naison sur l’axe serait moindre que Go degrés. Au contraire si
l’on inclinait les deux quartz autour d’une ligne placée de l’au-
tre côté du plan de polarisation, on aurait un ensemble équi-
valent à celui de deux quartz superposés face contre face, mais
dont l’inclinaison sur l’axe serait plus grande que 6o degrés;
les centres des deux systèmes d’anneaux s’éloigneraient, et les
parties vives des bandes s’éloigneraient de la ligne des centres.
Tout cela se vérifie en effet avec des couples de quartz taillés
sous des angles divers. Si donc l’on combinait de cette manière
un couple de quartz dont les faces seraient parallèles aux axes,
les centres des deux systèmes d’anneaux seraient infiniment
éloignés, ainsi que les parties brillantes des bandes parallèles ;
( 382 )
c’est-à-dire qu'on n'observerait pas de couleurs ; résultat con-
forme à l'expérience faite à la lumière composée.
Mais au lieu d'un couple de quartz obliques ou parallèles,
prenons un couple de quartz perpendiculaires et d’une épais-
seur de 3 à 4 millimètres. Par la superposition de ces plaques,
les axes sont confondus. Pour les séparer et faire rentrer ce cas
dans l’un des précédens , il suffit d'incliner les plaques l’une sur
l’autre autour d’une ligne parallèle au plan de polarisation et
perpendiculaire à la direction des rayons réfléchis. Supposons
l’angle de 45 degrés, celui des deux axes sera de 105 degrés
dans l’angle aigu des plaques; mais de 45 degrés seulement
dans l’angle obtus. On a ainsi des bandes parallèles très-nettes
et très-vives. L’angle des plaques devenant de plus en plus
grand , les centres des anneaux s’éloignent de plus en plus, ainsi
que les parties vives des bandes, qui, à la fin, disparaissent
tout-à-fait.
Les bandes se serrent de plus en plus quand les plaques per-
pendiculaires deviennent plus épaisses et leur angle peut alors
diminuer. Avec des quartz de 8 millimètres d'épaisseur, par
exemple , on voit s’opérer la formation des bandes à mesure
que l’angle augmente , depuis zéro jusqu’à 30 degrés ‘environ.
Quand on combine ainsi deux quartz perpendiculaires ayant
des épaisseurs différentes, par exemple de 4 et 30 millimètres ,
les bandes parallèles se transforment en anneaux doubles qui
enveloppent les anneaux simples du quartz le plus épais et aux-
quels ils sont excentriques. La bande noire passe par le point où
la ligne des centres des deux systèmes d'anneaux simples paraît
divisée en deux parties inversement proportionnelles aux dia-
mètres des anneaux du même ordre. Deux spaths d'Islande per-
pendiculaires présentent le même résultat, On observera avec
intérêt les effets des combinaisons faites avec des cristaux de
signes différens et d'épaisseurs variées.
En combinant de même un quartz oblique avec un quartz
( 385 )
perpendiculaire on saura les incliner l’un sur l'autre de manière
à faire naître à volonté des anneaux doubles ou des bandes
parallèles.
On peut obtenir aussi, et dans certains cas, des bandes pa-
rallèles avec des cristaux à deux axes. J'en citerai un exemple.
Une topaze jaune a ses faces perpendiculaires au plan des axes,
mais inclinées sur l'axe principal, de manière qu'on ne peut voir
qu'environ la moitié de l’un des deux systèmes d’ovales. On l'a
sciée en deux parties, épaisses chacune de un millimètre et
démi. Renversant les axes et opérant avec ces plaques comme
avec deux quartz obliques , on a les mêmes phénomènes.
Au lieu de renverser les axes, soit de ces topazes, soit des
quartz obliques , si l'on se borne à les croiser, selon l'expression
reçue , on a des bandes hyperboliques ; mais les parties vivement
colorées s’observent alors sous l'incidence perpendiculaire. C’est
l'appareil de M. Savanr.
Reprenons un couple de quartz obliques à axes reversés
et mettons les sections principales à 45 degrés du plan de pola-
risation. La branche noire disparaît et fait place aux prolonge-
mens des bandes parallèles vues dans un azimut de 45 degrés.
Ces bandes sont fort ternes, et, sous l'incidence perpendicu-
laire, elles sont invisibles au milieu de l’image (*}. Entre les
plaques on place soit des quartz ou des spaths d'Islande per-
pendiculaires , soit des cristaux dont le plan des deux axes se
confond avec le plan de polarisation; soit enfin des cristaux à
oo,
(*) Pour découvrir la cause de l'absence des couleurs au milieu de l'image
et de leur faiblesse dans les franges visibles, on examinera les couples à la
lampe entre deux tourmalines croisées et en mettant les sections principales
des quartz dans les azimuts de 45 degrés. Il serait trop long de décrire ici
l'image curieusement compliquée qu'on observe ainsi, et encore plus de décrire
celles qui lui succèdent quand on fait tourner lentement la tourmaline objective
ou l’oculaire.
(384)
un ou deux axes parallèles aux faces. En variant les épaisseurs
et les inclinaisons des axes des quartz, ainsi que les épaisseurs
des cristaux interposés, on obtient des images compliquées très-
intéressantes à observer , mais dont la description serait super—
flue. Pour beaucoup de ces combinaisons, les bandes parallèles
invisibles au milieu de l'image et ternes dans le reste, devien-
nent brillantes au milieu, et elles sont accompagnées de divers
systèmes d’anneaux doubles. Je rapporterai seulement, et avec
brièveté, un petit nombre d'observations faites avec un couple
de quartz obliques, épais de 5 millimètres et inclinés de 40°
sur l'axe.
1.° Quartz perpendiculaire épais de 30 millimètres. — Belles
bandes parallèles, et de chaque côté un système d’anneaux dou-
bles. — Bandes hyperboliques, plus vives duns le plan de pola-
risation et accompagnées de deux magnifiques systèmes d’an-
neaux, quand les axes des deux quartz sont croisés et non
renversés.
2.° Quartz perpendiculaire moins épais. — Bandes parallèles
visibles. On voit des arcs d'anneaux doubles d'un grand dia-
mètre. Quand le quartz perpendiculaire n’a plus qu'un milli-
mètre d'épaisseur, on ne voit des fragmens d'arcs doubles qu’en
inclinant fortement le système des trois cristaux combinés.
3.° Quartz parallèle épais. — Bandes parallèles brillantes ,
deux systèmes d’anneaux doubles à #rès-grands diamètres.
4° Baryte sulfatée, 4,6
“ie NES - (—Belles bandes
Béril ,. parallèles épais de4 3,5 RTE
L parallèles.
Girasol , 5,1
5.° Béril parallèle, épais de 1,15. — Belles bandes parallèles
et arcs doubles d'un si grand diamètre qu’on croit voir trois
systèmes séparés de bandes parallèles.
6.° Topaze incolore parallèle au plan des axes et épaisse de
un millimètre. — Méme résultat que le précédent.
7. Topaze incolore perpendiculaire à l'axe principal et
( 385 )
épaisse de 4 millimètres. — Même résultat qu'avec le quartz
épais et parallèle, ou un mica épais.
8.° Spath d'Islande parallèle à son axe et épais de 2,75. —
Belles bandes parallèles seules.
9° Spath d'Islande perpendiculaire, épais de 2,82. — Il
faut incliner l’ensemble des trois cristaux pour voir les bandes
parallèles. Sans l’incliner, on voit deux systèmes d’anneaux
doubles dont la ligne blanche des centres est perpendiculaire à
la direction des bandes. Au milieu du spectre on voit une croix
blanche et des cercles blancs. ....
Une topaze perpendiculaire à son axe principal est épaisse de
5,25. Je la combine avec un quartz perpendiculaire à son axe
_et épais de 30 millimètres. Le plan des axes de la topaze trans-
porte loin du centre les arcs qu'il traverse. Le diamètre des arcs
transportés augmente à mesure que le quartz diminue d’épais-
seur. Avec un quartz de 5 millimètres la courbure des arcs est
renversée, Il y a donc une épaisseur à donner au quartz telle
que les arcs transportés, se trouvant sur le passage de la cour-
bure concave à la courbure convexe, prendront une direction
rectiligne ; au moins y a-t-il une semblable limite pour un arc
donné du système. J'obtiens d’une manière satisfaisante des
bandes parallèles avec un quartz épais de 11 millimètres. D’au-
tres combinaisons conduisent au même résultat.
On peut encore obtenir des bandes parallèles par la méthode
suivante, qui m'a éte indiquée par M. Baswer. Dans l’azimut de
45 degrés mettez l'axe d'une plaque prismatique de quartz;
vous verrez vers l'arète , ou sommet de l’angle dièdre réfringent,
d’autant plus de bandes parallèles que cette arète sera plus
mince ou l’angle plus petit. Elles sont très-nombreuses à la
lampe monochromatique et sans tourmalines. Groisez l’axe de
celte plaque prismatique avec l'axe unique ou principal d'un
cristal quelconque ayant ses axes dans le plan des faces; si
ce cristal est d’une épaisseur convenable, vous verrez de magni-
25
( 386 )
fiques bandes colorées parallèles. Il convient ici de tenir le
prisme éloigné de l'œil.
Ces bandes s’observent également bien, et peut-être mieux,
avec une plaque prismatique dont l’axe est parallèle à la plus
mince arète. C'est ainsi que M. Basier obtient des bandes paral-
lèles, que dans certaines expériences il substitue à celles que
donne l'appareil de M. Savarr.
Enfin, j'obtiens les plus belles bandes parallèles en croisant
les axes de deux plaques prismatiques de même angle. Le mince
bord de l’une est parallèle à l'axe, il est perpendiculaire pour
l'autre plaque, et je pose le bord épais de l’une sur le bord
mince de l’autre.
(387 )
GÉOLOGIE.
DISCOURS
SUR LES PROGRÈS DE LA GÉOLOGIE,
Prononcé par M. Mancer. DE SERRES, Ze 12 avril 1832, à
l'ouverture du Cours de Mineralogie et de Géologie de la
Faculté des Sciences de Montpellier.
Messieurs,
Dans le discours qui a précédé l'ouverture du cours de l'année
dernière, j'ai appelé votre attention sur la direction récemment
imprimée aux sciences, direction toute nouvelle qui leur a fait
prendre un grand et si rapide essor. Un aussi beau sujet ne peut
plus être la matière du discours de cette année. Un noble devoir
m'en empêche, car je dois enfin fixer votre atiention sur l’une
des sciences auxquelles ce cours est consacré; science dont le
nom est encore si nouveau que la plupart de ceux qui m'é-
coutent n'en connaissent peut-être pas encore le but ni l'objet.
Long-temps, Messieurs, la science qui s'occupe des corps
inorganiques, ou de ceux privés de cette faculté incompréhen-
sible nommée la vie, a uniquement étudié ces corps en eux-
mêmes, et sans que l’on se doutât que leur position relative
pourrait nous éclairer sur le mode de formation de la terre que
nous habitons. Cependant dès les premiers siècles de l'his-
toire , et peut-être avant la naissance de l'histoire elle-même, les
premiers peuples, en promenant leurs regards sur les astres
( 3588 )
nombreux qui composent l'univers, s'étaicnt fait des idées
assez justes sur le système du monde. La science de l'univers
ou l'astronomie, la plus ancienne et la plus avancée de nos
connaissances positives, a de beaucoup précédé celle qui s'oc-
cupe d'objets plus à notre portée et plus directement liés à
nos besoins les plus indispensables. L'histoire des corps qui com-
posent notre globe semblait cependant devoir attirer de meilleure
heure et notre intérêt et notre attention. Mais comment les pre-
miers peuples , qui furent tous des peuples pasteurs, auraient-ils
pu resler insensibles au spectacle de l'univers. Leur première
occupation fut donc de chercher à reconnaitre les causes qui en
entretenaient l'ordre et l'harmonie. Il ne leur fallut que s’élan-
cer dans l’immensité des cieux pour créer la science de l'univers,
tandis qu'ils auraicnt dù descendre dans la profondeur de la
terre, et en pénétrer les entrailles pour se faire une idée des
lois qui avaient présidé à sa formation , et qui l'avaient peu à peu
amenée à l’état de stabilité où elle était parvenue.
Ne soyons donc pas surpris que l'astronomie ait été la pre-
mière des sciences que les hommes aient connue, et que la géo-
logie ou la science de l'histoire de la terre soit la plus récente
de nos connaissances. Mais le charme et l'intérêt que cette étude
nous inspire sont tels, que si naguère encore son nom était
inconnu , même à plusieurs savans, de toute parts elle est
cultivée aujourd'hui avec une ardeur sans exemple. En effet,
les prosélytes de la géologie s'étendent déjà depuis l'extrémité
de l'Asie jusqu'à la Nouvelle-Hollande , et depuis les confins de
l'Europe jusqu'au fond des forêts de l'Amérique. Heureux effets
de la civilisation, comine des progrès toujours croissans des
lumières, les connaissances qui agrandissent le domaine de la
pensée , et dont le but est réellement utile, attirent promptement
les regards et deviennent bientôt populaires, d'inconnues qu'elles
étaient auparavant.
Tel a été le sort de la géologie ou pour mieux dire de la
( 589 )
géognosie, science toute positive que l’on peut considerer
comme l'histoire de la structure de la terre, dont la géologie
n'est que le système.
Cette dernière science, en cherchant à remonter jusqu'aux
causes qui ont concouru à la formation de notre globe, ne peut
par cela même se passer de la géognosie qui, étudiant le mode
de structure et les diverses formations dont l'écorce de la terre
est composée, lui fournit les faits propres à embrasser l’ensemble
des phénomènes naturels et à en saisir les rapports.La géologie est
done une science de raisonnemens et d'applications, tandis que
la géognosie , dont elle recoit toutes les lumières, est une science
toute de faits et tout aussi positive que le sont les autres bran-
ches des sciences naturelles, c'est-à-dire, la minéralogie, la
botanique, la zoologie et même certaines branches de la physique.
Aussi peut-on dire avec fondement que les idées scientifiques
d'un siècle sont concentrées en quelque sorte dans le système
géologique généralement adopté, En effet, quoique la géologie,
que l'on confond souvent et à tort avec la géognosie, soit une
science toute spéculative, puisqu'elle cherche à démèler les
causes sous l'influence desquelles se sont opérés les changemens
que la terre a subies depuis l’origine du monde jusqu'aux temps
présens, elle n'en emprunte pas moins ses principales idées aux
diverses connaissances humaines. Sous ce rapport, les systèmes
géologiques coincident presque toujours avec les idées du siècle
où ils ont été inventés.
La géognosie , science toute de faits et d'observations, a un
but bien différent. Elle ne se propose point d'inventer des sys-
tèmes ni de remonter à l'origine des choses; mais uniquement
de reconnaître quelle est la structure de l'écorce du globe et
l'ordre de superposition des divers matériaux qui composent
cette même écorce. Cet ordre de superposition une fois reconnu,
elle détermine , d’après la nature et l'espèce des corps organisés
que les couches terrestres renferment, quel a été le mode de
formation de ces couches et quel est leur âge relatif.
( 590 )
Pour parvenir à ce but, la géognosie appelle à son aide la
plupart des sciences physiques et surtout des sciences naturelles.
Ainsi à l'aide de l'astronomie, elle cherche à déméler les diverses
causes des changemens que notre planète a éprouvés. La géogra-
phic lui fournit égatement des idées utiles sur la configuration,
les limites des divers continens , ainsi que sur celles des îles qui
s'y rattachent. Cette; science lui donne encore les moyens de
fixer l'étendue et la position des mers , tant intérieures qu'exté-
rieures, et cela à différentes époques, comme de tracer d'une
manière exacte la direction des grandes chaînes et des pics éle-
vés qui les couronnent et les dominent. Par la minéralogie elle
détermine la nature des matériaux qui forment la croûte du
globe, matériaux que la chimie lui fait encore mieux connaître
à l'aide de ses procédés analytiques. La zoologie, la botanique
et même l'anatomie lui donnent les moyens de comparer les
espèces organiques ensevelies dans les entrailles de la terre, à
celles qui ont survécu à toates les révolutions du globe, et dont
les races se sont perpéluées jusqu'à nous.
La géognosie se trouve donc liée aux autres branches des
sciences physiques , et par cela même l'on peut, par ses progrès,
juger d'une manière assez certaine du point auquel ces sciences
sont arrivées à une époque quelconque, puisque la ‘géognosie
s’appuie sur les faits qui lui sont fournis par nos autres connais-
sances. Aussi ne pourrait-on pas présenter aujourd'hui et encorc
moins faire adopter un système géologique qui ne concorderait
pas avec les faits découverts par les autres sciences physiques ou
naturelles , ou qui ne se trouverait pas d'accord avec l’ensemble
de nos autres connaissances.
Mais pour vous donner, Messieurs, une juste idée de l'état
actuel de la géognosie et des applications de cette science à des
objets positifs, il est essentiel de vous exposer, tout au moins
d'une manière sommaire, les principales conséquences auxquelles
cette branche de nos connaissances nous a conduit.
(3gr )
La terre, comme la plupart des corps planétaires, paraît être
un globe en partie refroidi, qui a perdu, du moins vers sa sur-
face , la plus grande partie de la chaleur qu'il possédait dans le
principe de sa formation. Comme le centre de la terre possède
encore une température très-élevée, reste de la température
primitive du globe, les climats terrestres sont, jusqu'à un cer-
{ain point, modifiés par cette chaleur intérieure, mais ces mo-
difications , quoique réelles , sont à peu près insensibles et nulles
à la surface, le calorique se propageant très-dificilement à
travers les couches solides. La terre ne reçoit donc plus vers
sa surface d'autre chaleur que celle qui lui est envoyée par le
soleil et celle qui lui est fournie par l'irradiation des astres
nombreux dont l'univers est composé.
La géognosie ayant reconnu que la terre, globe à demi vitrifié,
avait eu une température très-élevée, s'est également assurée
par des faits multipliés et bien constatés que celle température
avait été assez grande pour liquéfier les matériaux aujourd’hui
solides qui composent la croûte du globe. Les matières les plus
fixes et celles qui résistent le plus à la chaleur , l'or, le platine
et le fer, ont donc été jadis liquides comme les couches plus
fusibles dans le centre desquelles ces métaux se trouvent logés. IL
paraît même que, par suite de cette liquidité ignée que les maté-
riaux terrestres ont éprouvée, leur arrangement a suivi en grande
partie l'ordre de leur densité comme celui de leur fixité,
Ainsi dans l'état primitif et liquide du globe terrestre, les
matières les plus pesantes se sont rapprochées du centre et cette
condition a singulièrement déterminé la stabilité des mers. Nous
en avons une preuve évidente dans la nature des matériaux ar-
rachés par les volcans aux profondeurs de la terre, matériaux
qui sont tous plus fixes et plus pesans que ceux qui composent
la croûte la plus superficielle de notre planète. En outre Ie
globe terrestre ayant une densité moyenne que l'on évalue au
moins au ‘louble de la densité des couches de sa surface , néces-
( 392 )
sairement les matériaux du centre sont plus pesans que ceux de
la croûte extérieure. Ce fait de la liquidité ignée et primitive
des couches solides se vérifie aussi bien par les grands phéno-
mènes que nous présente le globe terrestre que par les faits de
détails ; et ici l’on n’est en quelque sorte embarrassé que sur le
choix des faits qui démontrent l'énorme chaleur qu'ont éprouvée
les matériaux aujourd'hui solides qui composent l'écorce de notre
planète. La croûte de la terre ayant été dans le principe de sa
formation complètement liquéfiée, les matériaux qui la compo-
sent ont dà se solidifier d’abord vers sa surface, en sorte que les
matériaux aujourd’hui solides sont d’autant plus anciens qu’ils
en sont plus rapprochés. Les couches les plus superficielles des
terrains liquéfiés sont par conséquent les plus anciennes, comme
les plus profondes doivent être les plus récentes, puisque leur
solidification a marché de l'extérieur à l'intérieur. Cette solidi-
fication est loin d'être parvenue à son dernier terme: elle con-
tinue au contraire sans cesse, mais avec une lenteur d’autant
plus grande que l’excès de la chaleur propre de la terre se
transmet difficilement à travers les masses déjà solidifiées, et
dont l'épaisseur, quoique bien faible relativement au diamètre
terrestre, est cependant considérable relativement à chaque
point de ces couches considéré isolément.
La terre possède donc une chaleur propre et intérieure; et
cette supposilion d’un feu central admise par les hautes prévi-
sions du génie n’est point une de ces hypothèses gratuites, plutôt
le fruit d’une imagination brillante que l'expression de la vérité.
Gloire soit rendue à l'immortel auteur des époques de la na-
ture qui a vu si juste et de si haut. Buffon a deviné l’un des
secrets les plus importans de la création , comme Newton la
grande loi qui préside à l’ordre et à l’harmonie de l'univers.
La vérité lui a apparu comme en songe, et ce que ce beau
génie a avancé sans preuves a été, par la force des choses,
reconnu comme un fait certain , démontré par les expériences
( 395 )
les plus nombreuses et les plus variées. Partout et dans quel-
que lieu que ce soit, pourvu que l'on s'enfonce dans les en-
trailles de la terre, la température intérieure, au lieu de diminuer,
va croissant, .et à tel point que la loi de cet accroissement n’est
pas moindre de 40 mètres ; en sorte qu’à la faible profondeur de
2,500 mètres, c'est-à-dire à environ une demi-lieue de la sur-
face, les couches intérieures ont déjà la température de l'eau
bouillante.
Par suite de cette excessive chaleur qui maintient liquides les
matières centrales, la croûte extérieure de la terre est si peu
épaisse que sa solidification ne s'étend probablement pas au-delà
de 25 ou 30 lieues à partir de sa surface.
Cette faible épaisseur de la croûte du globe, qui se lie à la
haute température de l'intérieur de la terre, nous permet de
concevoir facilement et même d'expliquer les grands effets qui
se produisent encore à la surface de notre planète, et qui sont
pour nous de continuels sujets d’étonnement. Les volcans, dont
les phénomènes ont quelque chose de merveilleux et de si ter-
rible, ne sont en dernier résultat aux yeux du naturaliste qui les
juge et les comprend que de purs effets thermométriques. La
conslance de la chaleur des eaux thermales n’est également
pour lui qu'une preuve nouvelle de la lenteur avec laquelle
s'opère le refroidissement du globe. I1 n’est pas jusqu'aux trem-
blemens de terre, sortes de convulsions intérieures aussi ef-
frayantes par leurs désastres qu’étonnantes par la rapidité de
leur marche, qui n'annoncent la haute température de notre
planète et qui ne nous apprennent à quel point les couches qui
la composent sont flexibles et inégales dans leurs divers degrés
d'épaisseur.
Par suite de cette chaleur que possèdent ou que reçoivent les
différentes couches dont la terre est composée, tout est sur le
globe dans un mouvement continuel. En considérant cette agi-
talion permanente de la matière et particulièrement celle qui
(394 )
existe entre les divers matériaux dont notre globe est formé,
plusieurs philosophes modernes ont tenté de comparer la terre
à un être animé, à un corps vivant; mais ces comparaisons ne
peuvent plus aujourd’hui nous paraitre fondées, car à la hauteur
à laquelle les sciences sont parvenues , il ne peut plus être ques-
tion pour elles et de chimères et d'illusions.
Si l'atmosphère est continuellement agitée de mouvemens
divers dont plusieurs ont une certaine constance à raison du
cours que suit notre terre , une grande cause les produit et les
maintient. Si les mers, cette autre partie fluide du globe, ne
sont pas plus en repos, et si comme l'atmosphère elles ont aussi
leurs marées, elles le doivent en partie à l’inégale chaleur dont
leurs couches ressentent les effets. Mais ces marées agitent éga-
lement la masse centrale , qui, comme la plus grande partie des
couches extérieures , est maintenue à l’état liquide par l’excessive
chaleur qu'elle éprouve. Ces marées intérieures, ou cette agitation
dans laquelle se trouve la masse liquide dans le centre de la terre,
sont du reste rendues sensibles par les irrégularités des effets
magnétiques , ainsi que par l'intermittence des phénomènes qui
accompagnent ou qui produisent les éruptions volcaniques.
Tels sont, Messieurs, les principaux phénomènes qui n'ont
jamais cessé de se produire sur notre globe et qui semblent un
résultat nécessaire de son mode de formation, ainsi que de la
chaleur qu'il possède encore, chaleur qui est une faible partie
de celle qu'il a eue dans le principe de sa formation; car, quelle
température élevée devait avoir notre globe, puisque la moins
grande partie des masses solides qui composent nos montagnes,
et les chaines les plus étendues comme les plus élevées, a été
liquéfiée par elle! Il existe bien d’autres matériaux, et ce sont
les plus superficiels et les moins épais, qui ont été produits d’une
tout autre manière. Ceux-ci tenus non en dissolution dans le
calorique , mais bien en suspension dans un liquide aqueux, se
composent de dépôts successifs séparés par des tranches ou des
( 395 )
couches qui indiquent que leur précipitation , bien différente de
celle des terrains non stratifiés et liquéfiés, n’a pas eu lieu d’une
manière instantanée. Ces derniers , jamais cristallisés, à texture
terreuse plas ou moins compacte, sont faciles à distinguer des
premiers, non seulement par leur structure, mais encore par
leur'position. Constamment superficiels, on les voit toujours
recouvrir les terrains liquéfés , et en être d'autant plus rappro-
chés qu'ils sont plus anciens. Ainsi, contrairement aux fer-
rains en masse, ces (errains slralifiés sont d’une ancienneté
d'autant plus grande qu’ils se montrent plus profondément
ensevelis. Leur position fixe en effet assez bien leur âge, ou, ce
qui revient au même, permet de déterminer l’époque relative à
laquelle ils ont été déposés.
Ces terrains, tenus en suspension dans un liquide et qui com-
posent la pellicule la plus superficielle et la plus incomplète de
l'écorce du globe, n'ont du reste commencé à se produire qu'à
l’époque où la terre a pu recevoir quelques habitans. D'abord
en petit nombre et d'une organisation peu compliquée, les
premiers êtres ont élé fort peu répandus ; ils n’ont même com-
mencé à se multiplier d'une manière sensible que lorsque, la
température du globe considérablement abaissée, ils ont pu
remplir leurs conditions d'existence. L'apparition des êtres
vivans coïncide donc avec la formation ou la précipitation des
matériaux de sédiment, et de là le nom de terrains zootiques
qui leur a été donné, afin de les distinguer de ceux liquéfiés et
privés de débris de la vie qui avaient été désignés sous la déno-
imination de terrains azootiques.
Les terrains de sédiment présentent ainsi un intérêt nouveau,
puisqu'ils nous apprennent de quelle manière la terre a été suc-
cessivement habitée, et quelle est l’époque où les êtres vivans
ont pu s’y établir. C’est ici qu'à l’aide d'observations aussi rigou-
reuses que mullipliées, la géognosie a pu parvenir à reconnaître
quelques faits généraux qui nous annoncent qu’à toutes les
( 396 )
époques et dans tous les lieux, la nature a agi par des lois aussi
simples qu’universelles.
Elle s'est d'abord assurée, par l'examen des fossiles ou des
êtres dont les couches de la terre nous ont conservé les restes,
que la corrélation des formes avait été dans tous les temps Ja
condition la plus nécessaire et la plus indispensable à la durée
et à l'existence des corps vivans.
En effet, chacun des êtres qui existe a une condition à rem-
plir, et pour ÿ satisfaire, il est de toute nécessité que son orga-
nisalion soit conforme au but pour lequel il a été créé. Gette
corrélation des formes, liée au but que l'être vivant doit rem-
plir, a fait également reconnaître des plans principaux dans la
structure des êtres organisés, ou un certain nombre de types
ou de formes génératrices dans l’organisation. Ce principe une
fois trouvé, principe dont on n'aurait peut être pas pu, sans les
fossiles , constater la réalité, les applications ont été aussi fé-
condes qu'étonnantes. À l'aide de quelques parties isolées d’un
être tout-à-fait inconnu dans la nature vivante, cet être a été
reproduit comme s'il s'était offert à nos regards; et cette imita-
tion, due au génie de l’homme , s’est trouvée conforme au mo-
dèle, lorsque par an bonheur dont la science s’est énorgueillie,
l’animal que l’on avait reconstruit s'est reproduit tel que
l’homme se l'était représenté. De même le dessinateur habile
que l’amour des arts amène dans ces régions où ont été élevés
les plus grands et les plus beaux monumens des arts, nous les
reproduit, non tels que le temps nous les a transmis , mais tels
qu'ils étaient dans leur première splendeur; et par cet heureux
stratagème nous jugecons à-la-fois des effets du temps et de
l’'tonnante perfection à laquelle les anciens avaient porté les
arts d'imagination. Ainsi sans la géognosie et ses heureuses appli-
cations, nous n'aurions jamais su que les êtres vivans n'avaient
pas été produits d’un seul jet, et que leur création avait eu
lieu d'une manière successive et dans un ordre progressif ,rela-
( 397 )
tivement à la complication de leur organisation. Elle seule à
proclamé cette grande loi de la nature, que les êtres les plus
simples ont été créés les premiers et les plus compliqués les der-
niers, et que la vie a marché sur la terre du simple au composé.
Le principe de la coordination des formes ou de la nécessité
de leurs relations a donc été un principe fécond , et il doit être
vrai puisqu'il nous a fait pressentir tant de faits nouveaux. Re-
marquez en effet, Messieurs, que les théories vraies font seules
découvrir des faits nouveaux; seules elles permettent de conce-
voir et de saisir les rapports de ceux qui ont déjà été reconnus
et observés. C’est même là un moyen certain de reconnaître si
les théories sont fondées, et si elles sont expression générale
des faits, car les théories fausses n’ont jamais permis de rien
deviner à priort.
Newton n'eût certainement pas admis que l’eau renfermait un
principe éminemment combustible et que le diamant était le
corps le plus inflammable de la nature, s’il ne s'était assuré
par avance qu'il existait un rapport évident entre la puissance
réfractive des corps et leur combustibilité. Haüy n'aurait pas
également pressenti qu'il existait un principe particulier dans
l'émeraude, la célestine et Le schorl rouge, s’il n’avait antérieure-
ment reconnu qu'il y avait un rapport constant entre la nature
chimique des corps et leur forme cristalline.
La science, en proclamant la nécessité des relations des formes
et la possibilité de reconstruire certains êtres vivans à l'aide de
quelques-unes de leurs parties, a saisi toutes les conséquences de
ce grand principe. Ainsi elle a démontré que les êtres vivans
n'avoient pas été conformés de la même manière à tous les âges
du globe. Les plus étranges, les plus disparates comme les plus
gigantesques, lui ont paru constamment restreints aux plus
anciennes couches de sédiment , tandis que les espèces dont la
structure et l'organisation commencent à se rapprocher de celles
de nos races actuelles, sont bornées aux couches les plus récentes
( 398 )
des terrains sédimentaires , tout comme celles qui ne diffèrent
pas de nos espèces vivantes aux dépôts les plus épars et les plus
superficiels ; poursuivant ce même genre de recherches, elle a
enfin reconnu que parmi les êtres dont les entrailles de la terre
nous ont conservé les traces , ceux qui différaient le plus de nos
races vivantes exigeaient, d'après leur organisation, une tem-—
pérature très-élevée et que presque tous avaient dû vivre dans
de grandes masses d’eau et par conséquent dans le sein des
mers, ou dans des îles brûlantes de peu d’étendue.
En effet, porlons-nous nos regards sur les premiers végé-
taux qui ont vécu sur le globe, nous trouvons qu'ils se rappor-
tent tous à des espèces non-seulement de l’organisation la plus
simple, inais encore à des plantes qui vivaient dans le bassin
des mers. Les couches les plus anciennes ne nous montrent que
des conferves, des fucus ou des algues dont la structure est en
tout semblable à des genres qui ne vivent aujourd’hui que dans
des eaux salées. D'autres végétaux leur succèdent, et ceux-ci se
rapportent presque uniquement à des mnonocotylédons, c’est-
à-dire à des fougères , des prêles et des roseaux, dont les ana-
logues habitent constamment des îles ou des continens entourés
de grandes masses d’eau et jouissant de la température Ja plus
élevée. Ce n’est enfin que dans les couches les plus superficielles
et les plus récentes, que l'on découvre des dicotylédons dont
l’organisation est beaucoup plus compliquée, se rapportant
d'abord à des espèces totalement différentes des nôtres , et puis
à d'autres végétaux qui semblent peu éloignés de ceux qui font
partie de notre végétation actuelle.
De même les animaux terrestres étaient fort rares à l’époque
de la précipitation des premiers terrains de sédiment; en ellet,
ces terrains en offrent à peine quelques traces. Les animaux
aquatiques composent à peu près à eux seuls la population de
celte époque ; en sorte que d’après leurs espèces, comme d'après
celles des végétaux qui leur sont mêlés , on est forcé d'admettre
( 399 )
qu'à l'époque où les uns et les autres ont vécu, les continens
devaient avoir peu d'étendue, et être pour ainsi dire comme
noyés au milieu du grand Océan.
Les mers occupaient donc pour lors un plus grand espace
qu'actuellement ; et comment en douter lorsqu'on voit les di-
verses couches des terrains de sédiment les plus anciens, ou
celles des terrains secondaires, remplies de débris de corps
organisés marins, souvent même des plus grandes dimensions.
Quelle surprise n’éprouverions-nous pas, Messieurs, si dans
quelques mers éloignées nous apercevions ces premiers habi-
tans de l'antique Océan ; si tout-à-coup nous voyions apparaître
ces monstrueux plesiosaures, ces étranges ichtyosaures, ces
lézards grands comme des baleines dont les couches de la terre
nous ont conservé les restes et nous ont perinis de connaître
la singulière généalogie.
Mais vain espoir, tous dorment à jamais sous le poids des
matériaux qui les ont engloutis, et avec eux tout a changé sur
la scène du monde. Oui, tout y a changé depuis que nos conti-
nens ont pris leur forme actuelle, que la température du globe
s'est abaissée, et que l'Océan, en se restreignant dans des limites
plus étroites, a abandonné dans l'intérieur des terres ces bras de
mer inconnus aux premières époques des dépôts de sédimens, et
qui, séparées du grand Océan, ont permis aux animaux terrestres
de s'établir sur les terres qu’elles avaient laissées à découvert.
Tous ces effets, quelque singuliers et quelque extraordinaires
qu'ils nous paraissent , ne sont cependant qu'une suite naturelle
de la destinée de notre terre. Comme les autres globes plané-
taires , la terre devait passer successivement de l’état aériforme
à l'état liquide et de celui-ci à l’état solide, du moins en partie.
Dés-lors dans le principe, les mers ont dû occuper une plus
grande étendue qu'actuellement. Notre globe, habité primitive-
ment et presque uniquement par des animaux aquatiques, n’a
reçu des espèces terrestres qu’à mesure que les continens se sont
(400 )
élevés hors du sein des eaux, que des terres sèches ont été
mises à découvert et qu'enfin l'Océan a été séparé des mers
intérieures. Cette séparation, dont il n'est pas facile d'assigner la
cause, semble cependant avoir eu lieu par l’exhaussement du
sol secondaire qui a fait refluer les eaux de l'Océan vers les
points les plus bas. La séparation des mers se rattache done à
une époque géologique aussi remarquable que bien caractérisée.
En effet, depuis lors, des dépôts particuliers, tout-à-fait différens
de ceux qui avaient déjà eu lieu, ont été produits; de nom-
breux mammifères terrestres ont apparu ; de nouvelles espèces
de plus en plus semblables à nos races actuelles venues sur la
scène du monde ont succédé aux premières générations, qui
ont été en grande partie détruites. Depuis lors aussi les terrains
de sédiment se sont formés , non comme auparavant dans le sein
d'une seule mer, mais partie dans le bassin de l'Océan et partie
dans celui des mers intérieures nouvellement produites. Par
suite de cette diversité de formation, l'on ne voit plus que dans
ces dépôts l’uniformité et la généralité que l'on observe dans les
terrains secondaires. Bornés à des espaces circonscrits et dissé-
minés d’une manière partielle, ces terrains qui ont succédé aux
secondaires, et qui par rapport à ce ont été nommés tertiaires,
abondent encore plus que ceux-ci en débris de la vie. Le nom-
bre de ces débris y est même si considérable qu'il faut néces-
sairement que les terres sèches aient pris alors une grande
étendue, puisque tant d'êtres divers les habitaient et y avaient
fixé leur séjour. Les mers n’étaient pourtant point encore ren-
trées à cette époque dans leurs bassins respectifs, l’exhausse-
ment du sol tertiaire n’ayant pas encore eu lieu; c'est en effet
par suite du soulèvement des terrains tertiaires que les mers,
soit l'Océan, soit les mers intérieures , ont été occuper les points
les plus bas du globe et se sont fixées dans les limites que
nous leurs voyons aujourd'hui. Gette époque , non moins remar-
quable que celle qui la précède, a terminé pour toujours le
( 4o1
dépôt des terrains marins stratifiés et en grande partie celui
des dépôts fluviatiles ou lacustres. Une fois les mers rentrées
dans leurs bassins respectifs , les dépôts de sédiment ont diminué
de plus en plus de puissance et détendue, et la nature inerte,
devenue comme impuissante, n'a presque plus laissé de ses maté-
riaux sur la surface du globe, La nature animée, prenant au
contraire un nouvel essor , s’est de plus en plus étendue, et a
embelli de toutes parts une terre d’abord aride et par consé-
quent strile. Ainsi, par unc particularité digne d’être signalée ,
les Œux natures ont constamment marché dans un sens inverse
et contraire ; l'on dirait que la nature brute et la nature ani-
née ont élé constamment en opposition comme les deux
principes qui, d’après quelques philosophes , régissent et dirigent
le monde. Les dépôts quaternaires, produits après que les mers
sont rentrées dans leurs bassins respectifs, sont bornés, da reste,
à des terrains d’alluvion ou déplacés. Une fois opérées, les modi-
fications que la surface du globe a éprouvées, à l’exception de
celles relatives aux changemens survenus dans son relief, se sont
” bornées à des déplacemens de terrains et à quelques effets dus
aux eaux courantes, dont l’action n’a jamais cessé depuis qu'elle
a commencé à s'exercer.
En résumé les terrains de sédiment, précipités pour la plus
part dans le sein des eaux des mers, appartiennent à plusieurs
époques distinctes : les principales sont la période secondaire et
les périodes tertiaires et quaternaires. Un grand nombre de carac-
tères permet de reconnaître à quelles époques géologiques se
rattache tel ou tel terrain , ou tel ou tel système de couches.
Les plus importans dépendent de la position de ces terrains, de
l'étendue des dépôts qui en font partie, et enfin de la nature
des corps organisés qu'ils recèlent.
Les terrains de sédiment formés dans le sein des eaux et
d’une manière lente et successive, ont dû se précipiter en couches
horizontales comme les dépôts qui s'opèrent encore dans le fond
26
(402)
des eaux, quelle que soit l'irrégularité du sol sur lequel ils
s'appuient. Cependant ces terrains se montrent souvent redres-
sés et inclinés sous des angles divers et à des élévations auxquelles
les mers ne sont certainement jamais arrivées. Quelle cause a
donc été assez puissante pour porter du fond des mers des cou-
ches sédimentaires à deux ou trois mille mètres de hauteur et
les exhausser ainsi au-dessus de leur niveau primitif?
La cause d’un pareil soulèvement peut être obscure, mais les
effets sont trop réels et trop sensibles pour que la géognosie
reste muette devant de pareils phénomènes. Sans doute l’on ne
peut qu'être étonné que des masses de matières solides pareilles
à celles qui composent l'Himalaya, le Chimboraço ou le Mont-
Blanc aient été complétement redressées, et à tel point que leurs
sommets ressemblent à d'immenses aiguilles, ou si l'on veut à
ces flèches aiguës dont nous couronnons nos grands monumens.
A la vérité le soulèvement des masses qui ont formé les grandes
chaînes de montagnes ne doit pas être uniquement considéré
comme ces phénomènes que nous mesurons à l'échelle de nos
dimensions ordinaires. Merveilleux par rapport à nous, de pareils
cffets cessent d'être surprenans, si nous les comparons à la masse
totale du globe, dont en effet ils n'ont déplacé qu’une très-
faible partie, si faible méme qu'elle est moindre par rapport au
globe terrestre que le sont relativement à une orange les iné-
galités qui en couvrent la surface. Et d’ailleurs le fil des opéra-
tions de la nature n’est nullement interrompu à cet égard; des
effets analogues, à la vérité moins intenses et moins considé-
rables , ont encore lieu dans notre époque, remarquable pour-
tant par sa stabilité. En effet , les volcans brûlans nous donnent
parfois de pareils exemples de redressemens de couches solides.
Leurs résultats sont sans doute bien petits à côté de ces grandes
opérations de la nature ; mais remarquons qu’elles ont eu lieu à
une époque où les masses exhaussées n'avaient point encore
acquis toute leur solidité, et où le globe n'était point parvenu
(403 )
à l’état de fixité auquel il est maintenant arrivé, et qui était
nécessaire à la durée comme à la facile propagation de l'homme
qui a couronné l’œuvre de la création. :
Les chaînes de montagnes qui hérissent et sillonnent nos
continens, dont l'influence paraît entretenir un juste équilibre
entre l’évaporation et les autres phénomènes météorologiques,
sont donc les points du globe que la force expansive des vapeurs
a exhaussés et redressés plus ou moins au-dessus de leur niveau
primitif. Mais ce soulèvement, qui probablement a eu lieu lorsque
les masses minérales n'étaient point encore complètement soli-
difiées, ne s’est point opéré d’une manière instantanée. Comme
les autres phénomènes de la nature, ce soulèvement a eu lieu
successivement et à différens intervalles. Ces intervalles sont du
moins indiqués par un certain nombre de chronomètres qui ne
peuvent nous tromper, et dont la précision deviendra de plus
en plus certaine , à mesure que nous en connaîtrons mieux la
valeur et l'importance. Mais ce qui n’est pas moins remarquable,
c’est que chaque évènement de ce genre ou chaque soulèvement
n'a pas changé l'ordre de la nature; car après un instant de
trouble que de pareils effets peuvent avoir produit, les choses
paraissent avoir repris leur ordre habituel et accoutumé.
Pour mieux vous en assurer et vous en former une idée pré-
cise, veuillez, Messieurs , faire un pas en arrière et vous rappeler
ce que nous vous avons dit au sujet des terrains zootiques ou
des dépôts de sédiment. Nous vous avons déjà fait sentir que
suivant que leurs couches sont redressées ou se trouvent dans
leur horizontalité première, l’on pouvait juger de l'âge ou de
l’époque à laquelle tel ou tel système de montagnes a été sou-
levé. Si, comme nous l'avons déjà observé , les couches sédimen-
taires ont été précipitées dans le fond des eaux , elles ont dû par
suite de ce genre de formation prendre une position horizontale,
et dès-lors ce ne peut être que lorsqu'elles se montrent redres-
sées ou inclinées , parce que les bases sur lesquelles elles se sont
( 404)
appuyées les ont soulevées postérieurement à leur dépôt. Or,
lorsqu'une chaîne de montagnes présente l'entière série secon-
daire, en couches redressées , tandis que les terrains tertiaires
qui la recouvrent également conservent au contraire leur hori-
zontalité primitive, l'on peut dire, avec une sorte de certitude ,
que cette chaîne a dû être soulevée postérieurement aux dépôts
secondaires, puisqu'elle les a déplacés, mais antérieurement aux
dépôts tertiaires , ceux-ci n'ayant éprouvé aucune sorte de chan-
gement dans leur position ; ce qui n'aurait certainement pas
manqué d'arriver si, comme les premiers , ils avaient été poussés
par une force venant de l'intérieur de la terre et agissant de
bas en haut. À l’aide de ce moyen facile et certain, l’on juge
de l’âge des différentes chaines de montagnes, ainsi que de
l'époque à laquelle les volcans aujourd’hui éteints ont cessé
leurs éruptions. Comme les grands principes des sciences , celui-
ei est d’une telle simplicité et pourtant d’une application si
féconde et si facile, qu'il semble étonnant qu'il n'ait pas été
trouvé plutôt. Mais Messieurs, ce n'est pas à ce seul point que
s'est arrètée la géognosie; portant ses regards plus haut et ju-
geant de ce qu'elle pouvait entreprendre par ce qu'elle avait
déjà obtenu , elle s'est demandé si l'état de la surface du globe
avait réellement pris sa forme actuelle depuis des temps pro-
pres à effrayer l'imagination, ou si au contraire les dernières
modifications que son relief avait éprouvées ne remontaient qu'à
une époque peu reculée, fixée en quelque sorte par les tradi-
tions et l'histoire de toutes les nations ?
Cette question est d'un si grand intérêt qu’elle a dù exciter à
la fois l'attention des physiciens et des géologues, et même des
divers écrivains qui se sont occupés de l'histoire des premiers
peuples qui ont apparu sur la scène du monde. S'il ÿ a quelque
gloire à rétablir, à l'aide de monumens imparfaits ou de mé-
dailles peu significatives , l'histoire des nations qui ont disparu
de la surface de la terre , n'y en a-t-il pas également à remonter,
( 405)
à l'aide des monumens de la nature » jusqu’à ces temps où
l'homme n'existant Pas encore, notre globe couvert de végétaux
qui en ont disparu pour toujours était peuplé d'animaux aussi
étranges que bizarres , et dont les formes n'ont rien d’analogue
avec celles de nos espèces actuelles.
Pour fixer cette époque des dernières modifications que nolre
planète paraît avoir subies, modifications probablement la suite
nécessaire de la manière dont elle a été formée, la science a dû
chercher à reconnaître sur quels chronomètres elle devait s’ap-
puyer. Ces chronomitres ne peuvent être que ceux dont il nous
est possible d'apprécier les effets, leur action ayant toujours
lieu. Les Principaux se rapportent à l’action des eaux sur le
globe , qui n'ont cessé de modifier sa surface depuis qu'elle a été
solidifiée , et que de nombreuses inégalités y ont été produites,
inégalités qui seules ont donné lien aux eaux courantes et à
toute la violence de leur action. Mais pour bien apprécier les
diverses modifications que la surface du globe a éprouvées, il est
nécessaire de bien distinguer les effets qui se sont opérés lorsque
nos continens étaient encore sous les eaux, ou pendant la période
d'immersion de ceux qui se sont passés depuis que nos continens
ont été mis à nu et tont-à-fait à découvert.
Remarquez en effet, Messieurs, que les terrains les plus récem-
ment produits ou les plus rapprochés des temps présens ont tous
été formés dans deux périodes distinctes, ou par suite de deux
ordres de phénomènes différens. Certains de ces terrains nommés
de sédiment à raison de leur origine se sont formés sous l’eau +
c'est-à-dire pendant l'immersion du sol qu'ils ont recouvert,
tandis que d’autres ont été produits lorsque les continens sur
lesquels ils se sont étendus étaient déjà découverts et tout-à-fait
à sec. Ainsi pour apprécier à leur juste valeur les différens phéno-
mènes qui se sont passés pendant la première de ces périodes
ou celle d'immersion, il faudrait pouvoir reconnaître les divers
dépôts qui se précipitent dans le fond des mers, des lacs ct des
(406)
eaux courantes. Comme ce genre d’observation ou de reconnais-
sance n’est pas toujours facile, nous sommes beaucoup moins
éclairés sur tout ce qui se rapporte à cette période que relative-
ment aux effets qui ont eu lieu depuis que partie de nos conti-
nens a été mise à sec, et que des dunes, des atterrissemens , des
éboulemens , des stalactites, des tourbières, de l'humus, seuls
produits qui puissent recouvrir an sol émergé, se sont étendus
sur la surface de la terre. Faute d’avoir distingué ces deux ordres
de phénomènes, pendant long-temps l’on a cru que le fil des
opérations de la nature était rompu et que certaines des causes
qui avaient exercé leur action sur le globe avaient cessé pour tou-
jours. Comment pouvait-il ne pas le paraître, puisque l’on com-
parait sans cesse les effets produits pendant la période d’immer-
sion à ceux que l'on voit s’opérer sur nos terres sèches et sur
nos continens mis à nu; c'est-à-dire, depuis la période d'é-
mersion, Cette erreur une fois reconnue, l'on s'est convaincu
que les mêmes genres de phénomènes s'étaient succédé sur le
globe et presque sans interruption. En effet, les mêmes causes y
agissent constamment , et si quelques désordres et quelques
accidens ont interrompu le cours ordinaire des évènemens , ces
désordres passagers, qui n’ont rien changé à la nature des choses,
ont encore moins troublé le système de l’univers.
Les effels qui ont eu lieu sur la terre depuis que partie de
notre planète est sortie du sein des eaux, sont donc les plus
faciles à évaluer et ceux qui fournissent les chronomètres les
plus certains et les plus appréciables. C’est aussi sur eux que je
dois porter votre attention, afin que vous puissiez estimer , au
moins d'une manière approximalive, l’époque depuis laquelle,
nos continens ayant pris leur forme actuelle, des phénomènes
nouveaux s’y sont succédé sans interruption , et se continueront
de même, tant que l’ordre des choses se maintiendra et que
l'équilibre admirable de la nature ne sera pas troublé.
Les alluvions ou les atterrissemens, comme les éboulemens
( 407 )
qui en sont souvent la suite, les falaises , les dunes, les dépôts
sous les eaux , auxquels il faut joindre les incrustations de tout
genre, comme le travail souterrain qui produit les stalactites et
les stalagmites modifient tous plus ou moins la surface des conti-
nens. Comme leur action a dû commencer dès qu’il y a eu des
eaux courantes sur le globe, on peut juger par les effets pro-
duits du temps qu'ils ont mis à les opérer. Ainsi en calculant
la marche des atterrissemens dans les régions les plus différentes,
et par exemple en Égypte , où ce genre de dépôts a une si
grande étendue, ainsi qu’en Italie et sur les côtes de la Baltique
tous les observateurs se sont accordés à penser qu'ils ne dataient
pas d’une époque bien reculée. Ainsi en supposant que dans le
principe des choses les alluvions marchaient le double plus vite
que dans les temps présens, leur commencement ne remonte
pas à une époque bien éloignée des temps présens.
Le calcul de la marche des éboulemens et de la formation
des falaises, comme celui des progrès constans des dunes vers
l’intérieur des terres et de l'accroissement progressif des stalac-
tites et des stalagmites dans les cavités souterraines, a donné
également des nombres fort rapprochés des premiers. Ne croyez
pas , Messieurs, que ces calculs reposent sur l’autorité de quel-
ques hommes obscurs, qui pour faire triompher des idées pré
conçues se seraient entendus dans le dessein d’obscurcir la vérité
en tronquant les faits, qui du reste sont à la portée de tout le
monde. Tels ne sont plus les savans de notre époque; le triomphe
de la vérité est le but constant de leurs efforts comme le terme
glorieux de leurs travaux. Oui, la vérité vous était chère, à vous,
Doromu, à vous, Dezuc, à vous, Brémontier, qui n’aspiriez qu’à la
faire briller de tout son éclat et à la rendre sensible à tous les
yeux. Et, Messieurs , n’en a-t-il pas été de même des Gran», des
Wassecxine , des Pronx, qui se sont livrés aux mêmes recherches
et sur l'autorité desquels les Larsace et les Cuvien ont admis que
la surface du globe n’était arrangée telle qu'elle est actuelle-
(408 )
ment que depuis une époque assez rapprochée de nous. Il est
encore d’autres moyens d'évaluer l’espace de temps qui s’est
écoulé depuis l’époque où les mers et les eaux lacustres ont
cessé de déposer des terrains en couches régulières et distincte-
ment stratiliés. Ces moyens, également appréciés et étudiés avec
soin, ont toujours conduit au méme résultat. Tels sont premiè-
rement ces dépôts de lithophytes, que les polypes, par une sin-
gulière propriété, accumulent avec une extrême rapidité
dans les mers des régions les plus chaudes de la terre. Malgré
cette fécondité, éternel sujet d’étonnement pour les naviga-
teurs, en supposant que le travail des polypes a été dans le
principe plus actif et plus prompt qu'il ne l'est actuellement,
on ne voit pas qu'il ait encore produit des continens de quelque
étendue , ni même des îles un peu considérables. Tout ce que
cette accumulation de matière calcaire a opéré de plus extraor-
dinaire, ce sont quelques écueils et quelques récifs, qui en
s'élevant peu-à -peu au-dessus des eaux, dans le sein desquelles
ils se forment , finiront par produire des ilots sur lesquels s’élè-
vera un jour une végétation brillante , lorsque les courans y
auront apporté assez de terreau pour couvrir la nudité du rocher
et permettre aux végétaux de s’y établir.
Cette création toute nouvelle est donc bien restreinte dans
ses effets, quoiqu'étonnante par la cause qui l’a produite et la
prodigieuse promptitude avec laquelle elle s'opère. Si elle est
aussi bornée, n'est-ce point que malgré la rapidité de sa marche,
son commencement ne remonte pas à une époque bien reculée,
ou en d’autres termes que les mers ne nourrissent pas les z00-
phytes qui forment les polypiers pierreux depuis de longs inter-
valles de temps.
Si nous portons également notre attention sur les matériaux
lancés par les volcans, nous les voyons peu considérables,
quelque terribles et quelque violentes que. soient leurs érup-
tions. Ces matériaux ne paraissent pas non plus occuper de
( 409 )
grands espaces, lorsqu'on les étudie dans les volcans éteints
dont les foyers paraissent cependant avoir eu une plus grande
activité que ceux de nos volcans brûlans. Les déjections volca-
niques, soit anciennes, soit modernes, ont si peu de masses,
qu’en supposant que tous les volcans ont eu jusqu’à cinq érup-
tions par an, la différence entre la contraction de l'écorce
consolidée et celle de la masse interne ne raccourcit pas cetle
masse d'un millimètre par siècle. Ce raccourcissement serait en-
core moins considérable , si l’on admettait , ainsi que l'indiquent
les faits, que le nombre des éruptions est encore plus restreint.
Dans tous les cas, les résultats généraux des éruptions volca-
niques ont exercé une influence presque insensible sur notre
globe considéré dans son ensemble. Si les déjections des volcans
cteints ou brülans sont si restreintes et si bornées, cette circon-
stance ne peut tenir qu’à ce que les éruptions de leurs foyers
ne remontent pas à une époque bien reculée ni bien éloignée des
temps présens.
Du reste, Messieurs, les volcans dont les éruptions nous parais-
sent si étonnantes et les phénomènes si extraordinaires, ne sont,
ainsi que nous l'avons déjà dit, qu’un résultat tout simple d'effets
thermométriques, ou des sortes d’évents qui épanchent au dehors
les matières qui, par suite de la température propre du globe,
y sont maintenues constamment liquides. Les volcans, par cela
même, indiquent une communication continuelle entre l'inté-
rieur de notre globe, qui est fluide, et l’atmosphère entourant sa
surface durcie et oxidée. Aussi ceux qui continuent encore leur
action, sont-ils en général placés près du lit des mers, c’est-à-
dire , dans les points du globe où l'épaisseur des couches soli-
difiées est la moins considérable.
Remarquez, Messieurs, combien est grande et frappante la
concordance qui existe entre les faits que nous venons de rappe-
ler à votre attention ; une pareille concordance est trop remar-
quable pour ne pas être l’expression de la vérité. Comment pour-
(4ro)
rait-il en être autrement, lorsque les faits les plus indépendans
les uns des autres conduisent tous aux mêmes conséquences et
annoncent les mêmes résultats.
Ainsi, par exemple, comparons-nous les espèces ensevelies
dans les derniers dépôts, ou les plus récens de ceux qui se sont
opérés dans la période géologique, aux races qui vivent encore,
nous leur trouvons la plus grande analogie et souvent une simi-
litude presque complète. Cette analogie surprend d'autant plus
que jusqu'alors les espèces ensevelies dans les entrailles de la
terre semblaient entièrement différentes de nos races vivantes,
et à tel point que leur existence devait exiger des conditions
assez dissemblables de celles qu’elles auraient pu trouver dans
Pordre des choses actuel. Aussi les espèces des temps géologiques
ne sont-elles en rapport avec les nôtres que depuis l’époque où
la température de la terre, considérablement abaissée, leur a
offert des climats analogues à ceux qui ont favorisé l'existence
de nos espèces vivantes et en ont assuré la durée. Or, comme
les derniers temps géologiques ne sont pas très-éloignés des
temps historiques, il s'en suit que les dernières modifications
de la surface du globe ne sont pas non plus séparées de notre
époque par des intervalles de temps bien considérables.
L'ensemble des espèces ensevelies dans les entrailles de la
terre , depuis que les mers sont rentrées dans leurs bassins res-
pectifs , ou depuis la période d’émersion, offre donc un caractère
et un aspect particuliers. Leur caractère tient à l’analogie, et
l'on peut dire presque à la similitude que ces espèces présentent
avec nos races vivantes, rapport qui n'est sensible que parce que
les unes et les autres ont vécu sous l'influence des mêmes cir-
constances ct des mêmes conditions. Aussi n’ont-elles rien de
commun avec les races ensevelies dans les terrains secondaires
et tertiaires ; en sorte que ces différentes espèces différent à-la-
fois par leurs caractères et leur gissement, différence qui a
dépendu des changemens survenus sur la surface du globe.
(4)
Les restes des corps organisés qui ont péri pendant la pé-
riode d'émersion, ou depuis que les mers sont rentrées dans
leurs bassins respectifs, doivent donc être distingués de ceux
que l’on voit ensevelis dans les couches déposées pendant la
période d'immersion. Ils le doivent d'autant plus, qu'il paraît
que la plupart d'entr'eux ont cessé d'exister depuis l'apparition
de l’homine, et depuis que nos continens ont pris leur forme
actuelle, Aussi ne les rencontre-t-on que dans les dépôts qua-
ternaires et diluviens, c’est-à-dire, dans les dépôts les plus
récens de ceux qui ont été produits sur la terre. Pour les distin-
guer des véritables fossiles, que l'on ne découvre que dans les
terrains précipités antérieurement à la rentrée des mers dans
leurs bassins respectifs , l'on pourrait les désigner sous le nom
d'humatiles, qui s'entend également des corps ensevelis dans
le sein de la terre.
À vrai dire, Messieurs, les espèces humatiles lient en quel-
que sorte les débris de ces espèces qui depuis les temps histo-
riques se conservent dans les dépôts meubles ou solides qui
n'ont jamais cessé de s’opérer sur la surface du globe. Déposés
depuis des temps peu éloignés de ceux que l’on est convenu
d'appeler historiques, les restes humatiles annoncent qu'un
grand nombre d'espèces vivantes peut se perdre par l'effet des
causes les plus simples, comme un abaissement dans la tempé-
rature, des inondations plus ou moins violentes, une diminution
dans la quantité de la nourriture, par suite de la fixation d’un
grand nombre d'espèces dans un lieu circonscrit. Ces causes,
opérant plus ou moins rapidement un excès de mortalité relati-
vement aux naissances, finissent par déterminer l'extinction
totale des races soumises à de pareilles influences,
Si les faits physiques que nous pouvons apprécier nous ap-
prennent la nouveauté de l’homme sur la terre , et que les der-
nières modifications que la surface du globe a éprouvées ne
remontent pas à une époque bien reculée, peut-être vous
(412)
demanderez-vous si les monumens et les traditions historiques ne
contrarient pas ces faits et ne sont point en opposition avec eux.
Sans doute, ce que peuvent nous apprendre et les traditions et
les monumens que l'homme nous a laissés de son existence, n’ont
pas la même valeur pour la solution de la question qui nous
occupe; on ne saurait en contester l'importance et encore moins
les passer sous silence, s'ils ne coïncidaient pas avec les données
fournies par l'observation de la nature.
Vous Je savez, Messieurs, l’homme est ami du merveilleux ;
son ame, toute de feu pour le mensonge, est de glace pour la
vérité, IL se complait à se donner tous les genres d'illustration,
et par un de ces préjugés dont la source naît, il faut le dire, du
noble désir de perpétuer les grandes actions, toutes les nalions,
même les plus sauvages, semblent s'être entendues comme à
plaisir pour se donner une longue et haute antiquité. Aussi
lorsque nous interrogeons les traditions ou l'histoire des peuples
qui se disputent l'honneur d'être les plus anciens , est-il néces-
saire d'en discuter les titres et d'examiner les preuves sur les-
quelles ils fondent l'antiquité qu'ils s’attribuent.
Une sévère critique a donc été nécessaire pour apprécier à
leur juste valeur les monumens et les traditions des plus anciens
peuples ; et à l'aide de son flambeau , l’on a bientôt reconnu
que la plupart de ceux qui s'étaient donné une longue anti-
quité, faute d’avoir à raconter des évènemens réels, avaient
rempli les premières pages de leur histoire de faits merveilleux
et surnaturels. Ainsi la fable, cette passion des premiers âges,
est venue se mêler à l’histoire, qui ne demande et ne réclame
que la vérité. Pendant que certaines nations se forgcaient une
haute antiquité, d’autres, tourmentées par le même désir, refai-
saient après coup leurs premières annales'qu’elles avaient perdues.
Pour mieux les faire cadrer avec les monumens de la nature,
qui ne peuvent nous tromper ; leurs lettrés , par une ruse que la
science scule nous a permis de reconnaître, calculaient, en
(413)
rétrogradant , la marche des divers astres qui servent à fixer
l'année et à déterminer la position dans le ciel des différentes
constellations.
Oui, Messieurs , s'il est une vérité démontrée, c’est celle qui
nous apprend que la terre peut être très-ancienne, mais que
l'homme y est très-nouveau. Sortie du plateau de l'Asie, point
le plus élevé du monde, et en même temps le plus favorable à
sa facile dispersion, l'espèce humaine n'a commencé à paraître
sur Ja scène du monde que lorsque nos continens avaient pris
leurs formes actuelles et que les mers étaient rentrées dans
leurs limites respectives. Si l’on pouvait se former quelques
doutes à cet égard, l’histoire ancienne des animaux nous ap-
prendrait encore que la plus grande partie de nos animaux
domestiques est originaire de l’Asie, parce que l’homme, dont
cette contrée a été le berceau, a exercé sur eux une influence
que lui seul peut produire. Mais ce qu'il y a de plus remarquable,
cette époque que l’on avait crue très-éloignée de nous d’après
des idées systématiques dont les savans même n’ont pas toujours
su se garantir, ne remonte guère à plus de 6,000 ans avant les
temps présens. Si l'homme eût existé auparavant, on en retrou-
verait certainement les dépouilles ailleurs que dans les dépôts
diluviens. Ces dépôts, les plus récens de ceux opérés sur la sur-
face du globe, rappellent, comme l’on sait ; la grande et der-
nière catastrophe que la terre a éprouvée. Et cette époque est
aussi bien fixée par les monumens de la nature que par ceux de
l'histoire.
Or, Messieurs, les traditions et les annales de tous les peuples
s’accordant sur ce point, n'est-ce pas le cas de s'écrier avec
l'orateur romain : Consensus omnium lex naturæ putanda
est ? Oui, le consentement de tous les peuples d'accord avec
les faits naturels nous annonce la nouveauté du genre humain
et son renouvellement après une violente inondation , et ce cri
unanime ne peut nous tromper, la vérité l’a inspiré.
(414)
Depuis cette epoque mémorable dans l’histoire de la terre,
et peut-être dans celle du système de l'univers dont elle fait par-
tie, un admirable équilibre et une parfaite harmonie se sont
établis entre les choses créées. Cette stabilité des grands phéno-
mèênes de l'univers, comme l’étonnante fixité des causes qui
agissent sur notre globe, est un des objets les plus dignes de
notre surprise comme de notre admiration. Et, par exemple,
les causes fortuites ou constantes qui troublent l'équilibre des
mers et qui dans les temps géologiques peuvent avoir produit
les divers mélanges des dépôts marins et fluviatiles, sont elles-
mêmes assujelties à des limites qui ne peuvent être franchies.
La pesanteur spécifique des eaux étant beaucoup moindre que
celle de la terre solide, les oscillations de l'Océan sont par cela
même comprises entre des limites fort étroites, ce qui n'arrive-
rait certainement pas si le liquide répandu sur le globe était
beaucoup plus pesant.
La nature tient donc comme en réserve des forces conserva-
trices et toujours présentes, qui agissent dès que le trouble
commence et d'autant plus que l'aberration est plus grande. Ces
puissances préservatrices que l'on trouve dans toutes les parties
de l’univers ne tardent pas à rétablir l’ordre accoutumé dès
qu'il est troublé. Ainsi la forme des grands orbites planétaires,
leurs inclinaisons varient et s’altèrent dans le cours des siècles;
mais ces changemens sont eux-mêmes limités. Les dimensions
principales subsistent toujours , et cet immense assemblage des
corps célestes oscille autour d'un état moyen , vers lequel il est
sans cesse ramené. Tout dans l'univers, comme dans notre globe,
qui en fait partie, est disposé pour l'ordre, la perpétuité et
l'harmonie.
Ce n’est point, comme Newron lui-même et Eucer l'avaient
soupçonné, une force adventive qui doit un jour réparer ou
prévenir le trouble que le temps aurait causé dans la marche
des corps de l'univers; c’est la loi elle-même de la gravitation
(45)
qui règle tout, qui suffit à tout et qui maintient à jamais l'ordre
et la variété. Emanée une fois de la sagesse suprême, elle pré-
side depuis l’origine des temps à la stabilité et à l'harmonie des
choses créées et y rend tout désordre impossible. Loi admirable
comme la divinité dont elle émane, et qui, aperçue par le génie
de l’homme , est devenue plus merveilleuse encore depuis que
l'on en a mieux saisi les rapports. Newron et Eurer ne connais-
saient donc pas encore toutes les perfections de l’univers.
La géognosie, fière de ses découvertes et des résultats aux-
quels elle est parvenue, mérite donc d'être rangée au nombre
de nos connaissances posilives. Si, comme la science de l’uni-
vers, elle ne se perd pas dans la nuit des temps , sa nouveauté
ne doit pas non plus nous en faire rejeter l’étude. Quelle
science fut jamais plus capable d’émouvoir et d'’intéresser que
celle qui a pour objet l’histoire du globe sur lequel nous avons
été jetés, lorsque déjà les premiers habitans en avaient disparu,
À l’aide de son flambeau, nous pouvons maintenan( nous former
quelque idée sur l’origine de notre terre et sur la stabilité des
phénomènes qui en assurent la durée et en maintiennent la
conservalion.
Ainsi s’est réalisé le vœu exprimé par le plus éloquent des
naturalistes modernes. La géognosie, quoique nouvelle parmi
les sciences, a donc, ainsi que le désirait Burron, fixé quelques
points dans l’immensité de l'espace et placé un certain nombre
de pierres numéraires sur la route éterncile du temps. Les
puissantes ct profondes investigations des géologues modernes
ont lié en quelque sorte les temps historiques aux temps géo-
logiques, qui pour n’avoir pas eu l’homme pour témoin, n’en
ont pas moins été appréciés comme suivis dans leurs périodes
successives. La science a presque tout embrassé dès son premier
essor; son vol a été si rapide, que par les progrès qu'elle à
obtenus, l'on peut juger de ceux qu'elle doit se promettre
encore.
C4H6)
Puisse, Messieurs, l'aperçu sommaire des principaux résul-
tats auxquels la géognosie, science encore à son berceau, est
déjà arrivée, vous avoir inspiré le desir de nous suivre dans les
détails dans lesquels nous serons obligés d’entrer pour vous
donner une idée de la formation de notre terre, sur laquelle
nous sommes aussi des êtres fugitifs et passagers, comme les
habitans inconnus de l’ancien monde, dont les couches du
globe nous ont conservé et transmis la singulière et étonnante
généalogie.
(417)
NOTICE
SUR LA CARBONISATION DU BOIS
Li . .
Résultant de son séjour prolongé dans un terrain de troisième
Jour p
Jormation ,
Par M. A. Brnanr,
Médecin, à Pas (Pas-de-Calais), Membre correspondant.
18 auiLrer 1834.
Si tous les êtres organisés puisent les matériaux de leur nu-
trition dans l'enveloppe terreuse qui revêt le globe de toutes
parts, celle-ci reçoit, en échange, leur dépouille matérielle
lorsque la vie les abandonne. Tous les débris d'animaux et de
végétaux, tous les restes plus ou moins hideux d'organisation
alimentent donc à leur tour la terre végétale, ce réservoir com-
mun où chaque être vivant prend les rudimens de sa forme, les
conditions physiques de son existence. C'est dans cette fusion
générale de tous les principes élémentaires et sous l'empire des
affinités chimiques que ces corps se décomposent et passent iné-
vitablement à des combinaisons nouvelles. Toutefois, avant d’at-
teindre le terme de leur dissociation totale , leurs élémens su-
bissent des modifications qui caractérisent les diverses phases de
leur décomposition. C’est ainsi que nous avons pu observer tout
récemment une de ces transformations importantes, la carboni-
af
(418)
sation du bois résultant de son séjour prolongé dans un terrain
de troisième formation.
On travaillait à niveler le sol attenant à une tour antique dont
l’origine et la destination ne sont connues d’aucune tradition.
Parvenus environ à deux mètres de profondeur, les ouvriers
rencontrent des ossemens épars qui ne les intéressent nullement
d'abord. Mais, arrivant un peu plus bas, la découverte d’un
squelette humain les frappe et les fait agir avec plus de circon-
spection. Appelé près d'eux en ce moment, je les engageai à
fouiller les terres latérales, sous lesquelles nous vimes bientôt
deux nouveaux squelettes semblables au premier et dans une
position tout-à-fait parallèle; puis un quatrième fut également
mis à jour à un pied environ au-dessus des trois autres.
Ces squelettes étaient entiers, d’une friabilité extrême et sem-
blaient appartenir à des sujets adultes.
Une couche régulière d’une substance noire, de quatre à six
lignes d'épaisseur, circonscrivait chacun d'eux et était interposée
entre leurs ossemens et les terrains qui les recouvraient immé-
diatement. Cette malière, recueillie et examinée attentivement,
m'offrit toutes les propriétés du charbon végétal.
Soupçonnant dès-lors qu’elle pouvait provenir de la décom-
position des cercueils destinés à renfermer les squelettes qui
gisaient devant moi, je continuai d’en explorer successivement
toutes les couches. Je rencontrai, dans leur continuité, de petites
masses de charbon où l'on observait facilement des traces d’or-
ganisation végétale, et dont plusieurs n'étaient carbonisées que
dans la partie correspondante à la face interne de ces couches.
Puis, quelques minces portions de planches aussi partiellement
carbonisées, et au centre desquelles des fibres ligneuses étaient
encore intactes, achevèrent de convertir mes doutes en certitude
sur la destination primitive de ces débris.
Mais le phénomène de la carbonisation des bois m'a paru
beaucoup plus prononcé dans le sol calcaire, où le charbon était
(419)
presque pulvérulent, que vers les points terreux où j'ai principa-
lement rencontré les portions demi-carbonisées. La couche qui
enveloppait le quatrième squelette , placée dans un terrain demi-
terreux, demi-caleaire , était celle qui contenait les fragmens
de bois les moins altérés.
L'arrangement régulier des couches charbonneuses qui affec-
taient une disposition d'enveloppe manifeste, les restes évidéns
de tissu ligneux qui avaient échappé à une entière carbonisation
vers leur face externe et les différens degrés de cette transfor-
mation végétale suivant la nature du sol où on l’observait nous
conduisent done à admettre, 1.° que le charbon environnant les
ossemens mentionnés plus haut ne pouvait être que le résidu de
l’altération des bières qui les avaient autrefois renfermés ; 2.° que
le phénomène de la carbonisation du bois s'était opéré du centre
à la circonférence; 3.° et qu’enfin le terrain , composé exclusi-
vement de carbonate calcaire, paraissait lavoir produit plus
facilement que celui qui contenait quelques substances terreuses.
La carbonisation végétale, considérée comme phénomène géo-
logique, me paraît susceptible de recevoir ultérieurement une
application utile à la médecine légale. En effet, si la géologie
possède un jour assez de faits pour déterminer d’une manière
positive l’espace de temps et la nature du milieu qui entraînent
cette modification du corps végétal, elle fournira une donnée de
plus au médecin légiste pour estimer les époques des inhumations
anciennes.
(420)
NOTICE
SUR UNE ROCHE DITE ROCHE BRULÉE,
Située à Fumay, département des Ardennes,
Par feu M. J.-F. Crere,
Ingénieur en chef au corps royal des mines, Membre correspondant.
20 auix 1834.
Ms trouvant à Fumay, département des Ardennes, en juin
1833, on me parla d’un rocher qui avait subi l’action du feu et
qu'on nomme maintenant rocher brüle'; il est situé en face de
l'ardoisière du moulin Sainte-Anne, rive gauche de la Meuse,
sur le revers occidental de la montagne de divers monts, près de
la borne limitrophe qui indique les frontières respectives des
royaumes de France et de Belgique. Ce rocher, dont une faible
portion de la masse supérieure porte seule des traces évidentes
de fusion, n'était alors connu que depuis deux ans, et l’on igno-
rait absolument la cause qui avait pu produire cet étrange acci-
dent, d'autant plus extraordinaire qu'il ne se montre que sur un
très-petit solide qui avait dû former autrefois deux pointes peu
élevées au-dessus du sol environnant; tandis que d’un autre côté
on n’observe aucune espèce de dérangemens circonvoisins , si ce
n'est toutefois à quelques décimètres au-dessous du roc même ;
après quoi les assises se retrouvent intacles et dans leurs allures
ordinaires.
(4m)
Quelques voyageurs géologues, ayant eu l’occasion d'examiner
ce singulier phénomène, ont prétendu, m'a-t-on dit, qu'il était
le résultat d'un feu souterrain; et il faut convenir qu’à la pre-
mière vue on est tenté de lui attribuer une semblable origine;
car assurément rien ne ressemble mieux à des laves récentes que
la plupart des débris épars et sur place de ce massif, dont voici
la description en résumé. -
On sait que la constitution géologique de cette contrée se
compose en général, comme dans toute l’étendue de la chaîne
des Ardennes , de bancs alternatifs de schistes argileux ardoisiers
et de grawackes. La masse brûlée qui nous occupe appartient à
cette dernière espèce; elle est encaissée entre deux séries de
couches schisteuses qui , ainsi que le reste de ses propres assises
inférieures, n’annoncent pas avoir éprouvé le moindre mouve-
ment ni la plus légère altération ; en sorte qu'il n'existe aujour-
d’hui sur place qu'un fragment portant encore des caractères
certains de fusion, lequel ne tardera sûrement point à dispa-
raître; mais tout autour de ce noyau gisent une multitude de
morceaux détachés, brisés et amoncelés, dont les uns sont plus
ou moins modifiés et les autres dans leur état naturel. Au-dessous
du rocher la terre est presque meuble , et l’on peut sans peine la
déblayer au meyen de la pelle et de la pioche, de manière à
parvenir en peu d'instans aux endroits qui n'ont nullement souf-
fert ; du reste, on observe en outre qu’au fur et à mesure qu’on
s'enfonce la grawacke reprend successivement son facres pri-
mitif. Quant aux parties qui ont subi l'effet du feu, voici sous
quels aspects elles se montrent.
D'abord les couleurs sont fort variées, et néanmoins se nuan-
cent le plus communément de blanc, de rouge, de brun foncé
et clair et de violet. Les échantillons bruns sont légers , spongieux
et bulleux ; quelques-uns offrent des filets d’un noir brillant,
entrecoupant assez régulièrement les feuillets de la roche et la
récouvrant aussi sur certains espaces d'un enduit solide tout-à-
(422)
fait semblable à de la scorie vitreuse. On trouve ensuite cà et là
de petits amas fondus, qui indiquent par leur position avoir
coulé de haut en bas, et qui d’ailleurs n'ont aucune connexité
entr'eux, ne se montrant que très-irrégulièrement séparés les
uns des autres sur la surface du rocher.
D'après ces considérations il résulte , ce me semble, qu'on ne
saurait attribuer ce phénomène particulier aux efforts d’un feu
souterrain :
1.° Parce qu'à peu de profondeur les couches du terrain gisent
dans leur état normal et leur composition primordiale. ‘
2.° Parce qu'à la surface du sol on ne remarque aucun des
caractères extérieurs qui dénotent la présence d'un volcan.
3.° Parce que les parties qui ont coulé sont absolument éparses,
très-courtes, et qu'elles affectent des situations qui varient entre
la verticale et des directions plus ou moins obliques.
4. Parce que ces mêmes coulées paraissent s’être faites de
haut en bas.
5.9 Enfin, parce que l'altération de la roche diminue de la
surface au centre de la pierre.
Il y aurait lieu de croire, je pense, que la véritable cause de-
vrait être attribuée à des coups de foudre réitérés. Ge qui parait
justifier cette opinion, c'est que ces traces de fusion ne s’ob-
servent plas à la base autour du rocher; l'électricité, arrivée au
sol imbibé d’eau par la pluie qui accompagne presque toujours
les orages , se sera disséinée dans la terre. Pent-être a-t-elle
produit des tubes vitreux comme ceux qu'on a observés ailleurs ;
mais dans tout état de choses, le sol très-meuble de la petite
vallée qui entoure la base du rocher cest souvent entrainé et re-
nouvelé ensuite par les terres supérieures que les eaux trans-
portent en se précipitant, en sorte qu'on ne peut constater le fait.
A
(423)
NOTE
Sur les eaux jaillissantes du puits foré pratique chez
M. Bancal, à Celleneuve, près Montpellier,
Par M. Mancer ne Sennes, Membre correspondant.
20 wars 1835.
La société royale et centrale d'agricullure de Paris a appris
que l’on avait obtenu des eaux jaillissantes dans les environs de
Montpellier. Ce succès lui a fait désirer de connaître les circon-
stances relatives à leur ascension; mais avant de décerner un
prix d'encouragement à M. Baxcaz, qui a pratiqué le puits artésien
daquel s’échappent les eaux jaillissantes , elle a engagé M. Mancer.
ve Serres de répondre aux questions dont nous allons nous occuper.
M. Mances ve Serres, flalté d'une pareille marque de confiance,
a cru ne pouvoir mieux y répondre qu’en s’adjoignant MM, Lex-
Tueric et Bararn, dont le mérite ct l'habileté sont généralement
reconnus. Les observations que l’on va lire sont donc le résultat
de recherches faites en commun pour résoudre les questions pro-
posées et dont voici le sommaire.
La société d'agriculture de Paris a désiré connaître :
1.° Les instrumens eunployés dans le forage;
2.° La nature minéralogique, l'épaisseur relative, le degré
approximatif de dureté, de cohésion ou de consistance des dif-
férens terrains et roches traversés par la-sonde ;
3.° Les difficultés que l’opération a. pu éprouver suivant Ja
nature des couches;
(424)
4.° Le nombre de jours nécessaires pour terminer l'opération
du sondage;
5.° La profondeur à laquelle l'eau à été rencontrée, soit à
partir de la surface du sol, soit au-dessus ou au-dessous du
niveau de la mer et de la rivière la plus voisine;
6.° La hauteur à laquelle le jet s'élève au-dessus de la surface
du sol;
7 La quantité d’eau qu'il fournit dans vingt-quatre heures;
8.° Les qualités physiques de l'eau et particulièrement sa
température à sa sortie de la terre;
9.° Les usages auxquels elle est employée.
Relativement à la première demande, nous ferons observer
que les instrumens employés dans le sondage ont été fournis par
M. Faure, que l’un de nous a signalé comme l’agronome de nos
contrées méridionales qui s’est occupé avec le plus de zèle du
forage des puits artésiens. Ces instrumens avaient été fabriqués
en grande partie dans les ateliers de M. Farez; les tiges seules
avaient été adressées à ce dernier par M. Fracuar.
L'un de nous avait déjà indiqué la nature minéralogique da
sol traversé dans les recherches faites chez M. Baxcaz, mais
comme de nouvelles explications peuvent être nécessaires , nous
ferons remarquer que la campagne de M. Baxcas, située dans la
grande vallée du Lez, au centre de laquelle Montpellier est bâti,
se trouve séparée de celle de la Mosson par une colline tertiaire
assez élevée (*). C’est au pied de cette colline, dont la direction
coïncide en quelque sorte avec celle de la rivière de la Mosson,
que s’écoulent les eaux remontant de fond qui alimentent le
grand canal de M. Baxcar et les eaux jaillissantes sur lesquelles
nous devons porter notre attention. Ces eaux sont sur le revers
(*) Bulletin de la société d'agriculture du département de l'Hérault, sei-
zième année.
(425)
oriental de la colline de Bionne, tandis que la belle source qui
porte ce nom est sur le revers opposé ou occidental. Les eaux
jaillissantes de la campagne de M. Bancaz ne feront probablement
pas éprouver de diminution sensible à la source de Bionne , qui
n’est distante de la rivière de la Mosson que de 300 mètres,
quoïque le niveau des eaux du puits foré soit supérieur à celui
de la source de Bionne.
Le niveau du sol duquel sortent les eaux jaillissantes da puits
foré de M. Baxcaz est de 55",50 au-dessus de la Méditerranée,
tandis que celui de la source de Bionne est seulement de 28",44
au-dessus de ce même niveau. Il en résulte qu'il y a une diffé-
rence de 27",06 en plus pour le point d'où s’échappent les eaux
jaillissantes.
Quant au niveau de la rivière de la Mosson, qui est la plus
rapprochée du puits foré de M. Baxcaz, il est de 48" au-dessous
de celui du puits foré, ou de 7",50 au-dessus de la Méditerranée,
Si nous avons rapporté ces niveaux, c’est afin de répondre à la
cinquième des questions qui nous ont été adressées par la société
d'agriculture de Paris.
D'après ce premier aperçu , il parait que les eaux jaillissantes
et remontant de fond de la campagne Baxca, comme celles de
la source de Bionne , ont leurs réservoirs dans la même colline
tertiaire. C’est aussi des flancs de cette colline que s'échappent
les eaux dont nous nous occupons, eaux qui, superficielles, pa-
raissent avoir leurs réservoirs peu au-dessous du niveau du sol.
Ces eaux, considérées par l’un de nous comme des eaux d'infil-
tration, sont en général fort inégales dans leur quantité et leur
température. Presque toutes ont des intermittences de crue et
d’abaissement qui paraissent en harmonie avec les phénomènes
atmosphériques. La source qui alimentele puits foré de M. Bancar
a éprouvé en effet depuis sa découverte des variations qui ont
suivi celles des diverses saisons. Abondantes pendant l'hiver, les
eaux ont grandement diminué pendant la sécheresse de Pété,
> ( 426 )
En effet, ces eaux qui ont jailli presque spontanément pendant
. l'hiver de 1831 ont fourni, jusqu’à l’époque des grandes séche-
resses , 21,000 litres d’eau par vingt-quatre heures. Aujourd'hui,
17 juillet 1831, elles n'en donnent plas que deux litres par
minute ou 120 litres par heure, ce qui ferait 2,880 litres par
vingt-quatre heures; mais comme les résultats de nos observa-
tions peuvent être un peu faibles, en évaluant cette quantité à
3,000 litres on s'éloigne probablement peu de la vérité, Ainsi
l'écoulement des eaux du puits foré aurait diminué de 6 septièmes
dans l'espace de quelques mois. À la vérité, il parait probable
qu'il redeviendra ce qu'il a été lors de la saison des pluies.
Cette différence paraît donc dépendre de la diversité des sai-
sons et de ce que les réservoirs intérieurs , recevant moins d'eau
pendant la sécheresse de l'été, ne peuvent par cela même dé-
verser une aussi grande quantité d’eau. Du reste, nous ferons
remarquer que les sondages pratiqués jusqu'à présent dans le
midi de la France-n'ont point encore fait traverser la totalité &es
terrains tertiaires ; aussi les seules caux remontant de fond que
l'on ait obtenues sont toutes des eaux d'infiltration plus ou moins
superficielles. Celles du puits foré de M. Baxcas le sont tellement
qu'elles ont été rencontrées à la faible profondeur de 15 mètres
au-dessous du sol. Nulle part l'on n’est done arrivé jusqu'à ces
nappes d'eaux souterraines placées entre les couches des terrains
secondaires et dont l'écoulement au dehors a lieu avec une con-
stance et une abondance que présentent bien rarement les eaux
qui proviennent des terrains tertiaires.
Le sol traversé lors du sondage opéré chez M. Baxcar a pré-
senté au-dessous de la terre végétale dont l’épaisseur est d’en-
viron 0,40 ;
1.0 Une couche trèsirrégulière de diluvium formé de nom-
breux cailloux roulés, pour la plupart pugillaires, dissémninés
dans un lit de gravier. L’épaisseur de ces dépôts diluviens varie
de 1 mètre à 2 mètres 50. Les cailloux roulés qui font partie de
( 427 )
ce diluvium appartiennent pour la plupart à des calcaires d’eau
douce dont quelques-uns sont siliceux, ayant une couleur blan-
châtre toute particulière; certains cependant sont entièrement
siliceux ou quartzeux ; mais c'est le plus petit nombre, et ceux-ci
ne se raltachent pas aux terrains d'eau douce. D'autres enfin
dépendent de ces calcaires marins supérieurs désignés depuis peu
sous le nom de calcaire moëllon. Ces derniers y sont les plus
rares, probablement en raison de leur peu de tenacité, cette
faible tenacité ne leur ayant pas permis de résister au choc et
au transport que les uns et les autres ont éprouvé.
2.° Sables marins tertiaires jaunâtres en bancs plus ou moins
épais renfermant de nombreux cailloux roulés. Ces cailloux, pour
la plupart calcaires , appartiennent en général aux formations
d’eau douce. Les sables marins sur lesquels reposent les dépôts
diluviens ont ane assez grande puissance dans la partie supérieure
de la colline au pied de laquelle coule la grande source de
Bionne et d’où s'échappent les eaux du puits foré de M. Baxca ;
mais il n’en est pas de même auprès du puits foré, car dans cette
partie ces sables ont à peine 1 mètre de puissance.
3.° Marnes calcaires jaunâtres marines tertiaires dont l’épais-
scur moyenne est de 4 mètres. ‘
4.° Marnes argileuses marines tertiaires. Ges marnes, ana-
logues aux marnes suhapennines , offrent généralement une cou-.
leur bleuâtre. Elles ont paru séparées des marnes jaunâtres cga-
lement marines par des lits peu épais de graviers calcaires chariés
probablement par les fleuves dans Ie bassin de l’ancienne mer,
où toutes ces conches, à l'exception des dépôts diluviens, ont
été évidemment précipitées. Comme les eaux remontant de fond
ont été rencontrées à environ 15 mètres au-dessous du sol, l'on
juge aisément que, d'après la grande épaisseur que ces marnes
présentent , on est loin d'être parvenu à l'extrémité de leurs
couches. …
Le sol supérieur de cette partie de Ja vallée du Lez n'offrant
( 428 )
pas des bancs du calcaire pierreux qui repose ordinairement sur
les marnes argileuses bleuâtres, on n’a pas trouvé d'obstacle
réel dans le forage du puits de M. Baxcaz. Aussi le travail a-t-il
élé terminé dans l’espace de six jours.
Dans les premiers momens du jaillissement des caux, celles-ci
s’élevèrent jusqu'à 2",599 /8 pieds) au-dessus du sol; inais
plus tard, et lorsque les autorités locales furent vérifier le point
où les eaux s'élevaient sans effort, on ne l'estima que de 1,624
(5 pieds). Le 17 juillet 1831, lorsque nous nous sommes rendus
à la campagne de M. Baxcaz, les eaux du puits foré ne s’élevaient
qu'à 0,45 au-dessus du sol.
Il est à remarquer qu'à la distance de 4 mètres du trou foré
existe un puits construit d’après les procédés ordinaires, dont
l’eau n’est que 0",65 au-dessous du sol, en sorte qu'il n’existe
entre les deux niveaux qu’une différence d'un mètre. Quant aux
réservoirs qui alimentent les deux courans, quoique très-rap-
prochés, ils ne paraissent pas être les mêmes ; du moins le niveau
du puits ordinaire n’a nullement varié depuis l'ascension des
eaux jaillissantes.
On arrive à la même conséquence en considérant la nature et
la teinpérature des deux sources, qui sont loin d'être égales en-
tr'elles. En effet, nous avons trouvé, le 17 juillet 1831, la tem-
pérature de l’eau du puits foré de 15°,75 et celle du puits ordi-
naire de 17°,50, d'où la différence 1°,75 , la température de
l'air variant de 25 à 26°,10 du thermomètre cenligrade. Quant
à la température de la source de Bionne, elle était également
plus élevée que celle du puits foré et à peu près d’un degré,
car elle se maintenait vers 16°,2. Aussi les habitans du village
de Celleneuve regardent-ils l’eau du puits foré comme la plus
agréable et la meilleure de toutes celles qui les entourent , indé-
pendamment de ce qu’elle est la plus fraiche.
Les épreuves chimiques faites sur l’eau du puits foré justifient
la préférence que lui donnent les habitans de la campagne de
(429)
M. Bancaz. Soumise à une analÿse d'indication, cette eau s'est
montrée tout-à-fait analogue à celle de l’eau de la source de
Saint-Clément qui alimente les fontaines de Montpellier. Comme
cette dernière, l’eau du puits foré contient des proportions assez
notables d'acide carbonique, de carbonate de chaux et d’hydro-
chlorate de soude. Elle ne renferme qu'une (rès-petite quantité
d'hydro-chlorate de chaux et des traces à peine appréciables de
sels magnésiens ; mais ce qu'il importe de faire remarquer, c'est
qu'elle est entièrement dépourvue de sulfate de chaux.
Les proportions de sels magnésiens (hydro-chlorate et sulfate)
ainsi que d'hydro-chlorate de chaux » Paraissent beaucoup
moindres dans l'eau du puits foré que dans celle de la source de
Saint-Clément. La première est donc d’une qualité supérieure à
celle-ci, qui passe cependant pour la meilleure des eaux qui
sourdent dans les environs de Montpellier.
Quant à l'eau de la source inférieure de Bionne, elle présente,
lorsqu'on la traite par les réactifs, les mêmes phénomènes que
l'eau du puits foré, ce qui justifie ce que nous avons dit sur
l'origine commune des deux sources.
En résumé, les eaux jaillissantes obtenues par M. Bancaz sont
sans contredit les plus fraîches et les plus pures de toutes celles
que l’on a découvertes jasqu’à présent dans les environs de Mont-
pellier. Elles doivent avoir leurs réservoirs au moins à 30 mètres
au-dessous du sol , puisque leur température est à-peu-près égale
à celle de la température moyenne annuelle de Montpellier. Sous
tous ces rapports, M. Baxcaz a rendu un véritable service à son
pays, et les travaux qu'il a entrepris pour y parvenir méritent
d'autant plus d’être encouragés que les tentatives infructueuses
que l’on avait faites pour obtenir des eaux jaillissantes dans nos
environs avaient persuadé à Ja plupart des agronomes de nos
contrées que l’on ne pouvait pas espérer de réussir, même dans
nos bas fonds, à raison de leur éloignement des hautes montagnes.
Détruire une pareille supposition est toujours une chose utile,
(430)
même lorsque relativement à la position où les eaux jaillissent
elles ne peuvent être employées à l’abreuvage des bestiaux et aux
besoins des habitans d’un village. C’est en effet à ces seuls usages
que l’on a employé les eaux du puits foré de M. Baxcaz ; mais l'on
ne doit pas perdre de vue que les eaux fraiches et salubres ne
sont pas extrèmement communes dans les environs de Mont-
pellier, et que, par conséquent, leur découverte y a plus de
prix qu'ailleurs.
Il ne nous reste plus maintenant qu’à établir quelques distinc-
tions relatives aux puits forés ou puits artésiens considérés en
général. Dans le langage ordinaire, on entend par puits foré les
trous ou canaux verticaux pratiqués dans la terre , canaux dont
le diamètre ne dépasse guère un décimètre, et qui ramènent
vers l'extérieur des eaux souterraines. Ces eaux jaiilissent parfois
au-dessus du sol, ou bien, remontant de fond, elles s’élèvent
plus ou moins dans les tuyaux du trou foré, sans cependant
surgir au-dessus du niveau du terrain dans lequel le puits a été
creusé, Ces dernières ne sont utilisées que lorsque les eaux obte-
nues par ce moyen, quoique ne s’élevant pas au-dessus du sol,
ont cependant un niveau supérieur à celui de la plus grande
partie des terrains qui s’en trouvent rapprochés. Mais pour les
mettre à profit, il faut nécessairement construire des canaux
qui puissent en faciliter l'écoulement au dehors.
Les eaux remontant de fond et que l'on obtient à l’aide d’un
trou foré sont encore utiles lorsque ce trou a été pratiqué dans
un puits construit selon les procédés ordinaires, car alors elles
augmentent la masse de celles qui y existaient.
Quant aux eaux jaillissantes et qui s’écoulent par l'ouverture
du trou foré, elles paraissent être entretenues par les infiltrations
qui s'opèrent dans les terrains les plus superficiels, ou être ali-
mentées à la fois par ces infiltrations et les nappes d'eaux sou-
terraines. Celles-ci semblent les restes des anciennes eaux qui
ont tenu en suspension les matériaux secondaires; aussi ne se
(431)
trouvent-elles que dans les terrains ammonéens ou au-dessous
de ces mêmes terrains.
Nulle part l’on n’est encore parvenu jusqu’à ces nappes d’eau
dans nos contrées méridionales , les tentatives exécutées pour
obtenir des eaux jaillissantes n'ayant point fait pénétrer au-
dessous des terrains tertiaires. En effet, on est loin d'être par-
venu au-dessous de ces terrains, puisque l’on n'a pas même les
marnes bleues subapennines, généralement supérieures aux
formations d'eaux douces tertiaires. Les eaux jaillissantes obte-
nues dans nos régions sont donc peu abondantes; d’ailleurs, on
les voit sujettes à des intermittences de crue et d’abaissement
qui suivent assez bien celles des phénomènes atmosphériques,
ce qui serait peu sensible si l'on était descendu jusqu'à ces
nappes d’eau logées entre les masses des terrains secondaires.
En résumé, comme l'épaisseur de nos terrains tertiaires paraît
très-considérable , le procédé du forage n'est avantageux dans
nos contrées méridionales que pour obtenir des eaux remontant
de fond et améliorer les puits pratiqués selon les procédés ordi-
naires. Du moins des eaux jaillissantes n'ont été rencontrées que
dans deux seules localités du midi de la France, localités dont
la position faisait présumer que l’on pourrait avoir quelques
succès. Cependant de nombreuses tentatives ont été faites de
tous côtés, dans l'espoir de voir surgir d'abondantes eaux sou-
terraines. C’est donc à ce but que doivent tendre les efforts de
nos agronomes, et dans des pays comme le nôtre, où l'eau est
d'un si grand prix, cet avantage vaut bien la peine d'être re-
cherché.
OBSERVATIONS GÉOLOGIQUES
SUR LE DÉPARTEMENT DE L'AUDE,
Par M. Marcez DESERRES , Membre correspondant.
9 JANVIER 1039.
Les observations que l’on va lire ont été recueillies dans le
courant de l'été de 1832, dans des excursions que nous avons
faites avec MM. Fowns-Lamorue, de Limoux, et Rozcaxo ou Rocax,
de Carcassonne. Elles ont eu pour but, de déterminer la posi-
tion géologique du calcaire qui compose les montagnes élevées
des arrondissemens de Limoux et de Quillan, ainsi que celle des
macignos compactes, connus généralement dans le midi de la
France sous le nom de grès de Carcassonne. Sous ce rapport,
nos observations seront peut-être utiles à la connaissance du
bassin parcouru par l'Aude, bassin qui a acquis une certaine
célébrité géologique, depuis qu'un habile observateur, M. Tourxaz,
l’a exploré avec autant de zèle que de succès.
Ce qui nous a encouragé dans nos recherches, c'est que, plus
que personne, nous sommes convaincu que les travaux spéciaux
qui n’embrassent qu'un petit espace sont les plus importans
pour la science , et les seuls peut-être qui ne soient pas à refaire.
Les observations qui se rattachent à des espaces peu étendus
sont, relativement aux travaux généraux, ce que sont les mono-
graphies comparativement aux faunes ou aux flores ; elles sont
le type duquel celles-ci émanent. Puissions-nous , dans le cadre
(433)
étroit que nous nous sommes fait, et qui n'est autre que le
tracé de notre route, avoir évité ces erreurs, où tombent si
souvent ceux qui, forcés de voir beaucoup, voient tout sous le
faux jour d'un système, ou voient mal, parce qu'ils n’ont ni le
temps ni la volonté de tout observer:
Ainsi que nous venons de le dire, nous ne suivrons d'autre
plan dans ces observations que celui qui nous est tracé par la
route que nous avons suivie; aussi décrirons-nous les licux que
nous avons traversés dans l'ordre où ils se sont présentés à nous.
J. Route de Montpellier à Narbonne , par Mèze, Pézenas et
À Béziers.
Le bassin de Montpellier, essentiellement tertiaire, appar—
tient aux furmations immergées, quoiqu’au nord et à l’est de
cette ville , les bassins de Montferrier et de Grabels, qui en sont
très-rapprochés, ne présentent plus que des formations tertiaires
émergées. Ces deux bassins n'étaient donc plus sous les eaux de
l'ancienne mer, lorsque celle-ci recouvrait encore le bassin de
Montpellier , et les contreforts qui les séparent de ce dernier le
font aisément concevoir, ces contreforts ayant été soulevés anté-
rieurement au dépôt des couches terliaires émergées.
Les terrains terliaires immnergés qui constituent le sol des
environs de Montpellier sont composés de sables marins ,’alter-
nant parfois avec des marnes calcaires d’eau douce, après les-
quelles paraissent des bancs pierreux de calcaire marin ; ceux-ci,
souvent divisés en plusieurs masses distinctes, sont quelquefois
séparés par des marnes calcaires marines ou d’eau douce. Des
lits de cailloux roulés de calcaire d'eau douce, percés par des
coquilles perforantes marines , accompagnent ces bancs pierreux
qui surmontent des marnes argileuses bleues, analogues à celles
nommées en Îlalie marnes sub-apennines. Au-dessous de ces
marnes bleues d’origine marine, quoique souvent chargées d’une
28
(434)
grande quantité de sable de rivière , l'on voit parfois des lits de
gros cailloux roulés de roches secondaires et même primitives,
telles que des pegmatites et des granits, ou, ce qui est plus
commun, des macignos compactes ou des molasses superposés sur
des calcaires d’eau douce , au-dessous desquels on n’a pas encore
pénétré, au moins d’une manière directe.
Ces diverses couches reposent probablement sur le terrain
secondaire, quoiqu’aucune coupe n'ait encore démontré cette
superposition. Mais cette superposition étant évidente pour les
formations tertiaires émergées des bassins les plus rapprochés de
celni de Montpellier, il doit, ce semble, en être de même des
formations immergées , déposées dans le sein de l’ancienne mer,
et par cela même plus puissante que les émergées, dont les
dépôts ont eu lieu lorsque la mer avait abandonné les bassins
où ils ont été opérés.
Ces formations tertiaires immergées s'étendent dans toute la
plaine, depuis Montpellier jusqu’au-delà de Narbonne, éprou-
vant cependant par intervalle d’assez grandes interruptions que
nous allons détailler avec plus de soin. Nous ne ferons connaître
que celles qui sont sensibles sur la route que l’on suit. Ainsi,
les formations tertiaires immergées s'étendraient presque sans
interruption et parallèlement aux côtes de la Méditerranée, jus-
qu'à la chaîne des Albères, bien après Perpignan, si après Nar-
bonne elles n'étaient remplacées par les formations tertiaires
émergées pendant plusieurs lieues, c'est-à-dire, depuis cette
ville jusqu'au-delà de Sigean.
La première interruption qu’éprouvent les formations ter-
tiaires immergées a lieu à la descente de St.-Jean-de-Vedas, à
une lieue au sud de Montpellier. Les formations secondaires
s'étendent jusque sur la route, en plongeant au-dessous des
premières. La seconde se voit avant la grande montée de Mëze ;
des gompholites et des calcaires secondaires l’opèrent. Mais sur
la hauteur, les formations tertiaires immergées reparaissent
( 435)
bientôt. Ge sont des sables marins tertiaires avec des bancs pier-
reux ; soit marins, soit d’eau douce, lesquels sont accompagnés
de marnes calcaires des deux origines. Le contrefort qui con-
stitue la butte en avant et au-dessus de Montagnac forme éga-
lement une barrière naturelle entre les terrains immergés des
bassins de Mèze et de Montagnac. Ce contrefort est formé par
un calcaire secondaire qu’accompagnent des marnes de la même
nature. Depuis la montée de Montagnac jusqu'à Valros, les
formations immergées n'éprouvent pas d'autre interruption;
mais dans ce dernier licu, elles sont remplacées par les forma-
tions volcaniques , si abondantes dans les environs de ce village
et de Pézénas. De Valros jusqu'au-delà de la Bégude , des dépôts
diluviens puissans recouvrent les terrains tertiaires immergés,
et ceux-ci ne sont presque plus visibles que dans un petit nom-
bre de localités, où l’on reconnait les sables marins, des marnes
d’eau douce, ainsi que des bancs puissans de calcaire moëllon.
Au-dessus et au sud de la Bégude, les formations volcaniques
reparaissent de nouveau;elles n’y sont plus caractérisées, comme
à Valros, par des laves compactes et scoriacées, mais par des
pépérines grisâtres qui y sont même exploitées, fournissant
d'excellentes pierres de taille dont on fait un grand usage dans
les constructions du pays. Ces pépérines se montrent également
supérieures aux laves dans une infinité d’autres localités des
environs de Pézénas. L’on sait qu'Herculanum a été en grande
parlie recouvert par une pépérine analogue à celle des environs
de la Bégude et de St.-Adrien, mais qui n’a pas à la vérité la
même solidité que cette dernière.
À la première descente après la Bégude reparaissent de nou-
veau à l’extérieur les formations tertiaires immergées, formations
qui composent la colline sur laquelle Béziers est bâti. Cette col-
line présente bien clairement la superposition immédiate des
calcaires marins tertiaires sur les calcaires compactes et les ma-
cignos d’eau douce. Cette superposition concordante est surtout
( 456 )
apparente auprès de la pompe à feu, et cela à raison des grands
travaux que l’on y a faits. Elle est si claire dans cette localité,
que nous sommes à concevoir comment elle a pu être contestée.
Ïl a bien fallu cependant finir par se rendre à l'évidence des faits.
En effet, outre que cette superposition des bancs pierreux ma-
rins sur les terrains d’eau douce a lieu d’une manière immé-
diate auprès de la pompe à feu , comme sur les rives de l'Orb,
auprès de la ville de Béziers, on la voit encore dans les car-
rières exploitées auprès du torrent de Bagnols. Ces carrières,
peu distantes de Béziers, fournissent à cette ville, depuis des
siècles, d'excellentes pierres de taille d’un caïcaire d'eau douce
compacte, sur lequel s'appuient les bancs pierreux marins et
terliaires. Ges calcaires d’eau douce, généralement caractérisés
par de nombreuses hélices, offrent aussi dans certaines de leurs
couches de petiles espèces de cérites, lesquelles annoncent que
leurs masses, comme celles des calcaires marins, ont été dépo-
sées dans le bassin de l’ancienne mer.
La présence de ces nombreuses coquilles de mer dans un
calcaire d'eau douce nous a prouvé que les espèces fossiles ne
suffisaient pas à elles seules pour en déterminer l’origine.
En effet, la pâte d’une roche est le point essentiel sur lequel
doit se porter l'attention de l'observateur, puisqu'elle seule
peut permettre de fixer d’une manière certaine leur nature.
Ainsi, il arrive assez souvent qu’une roche d'eau douce des ter-
rains immergés offre des coquilles marines ou d’autres produits
de mer, tout comme une ruche marine des coquilles d'eau douce ;
dès-lors, la nature de leur pâte est le seul caractère avec celui
de leur texture qui puisse faire décider quelle a été leur pre-
mière origine, En un mot, lorsque la pâte d'une roche cest celle
des roches des eaux douces, il importe peu qu'elle recèle ou
non des produits marins pour se prononcer sur son origine ;
tout comme quand leur pâte est marine, la présence des
coquilles terrestres ou fluviatiles ne peut pas la faire considérer
(437)
comme des eaux douces ; seulement on doit en conclure qu'elle
a été produite dans le sein d'une mer qui recevait des courans
d'eau douce. Dans le premier cas, c’est-à-dire lorsque des roches
à pâte d’eau douce offrent des coquilles marines (*), la présence
de ces coquilles annonce que les dépôts fluviatiles ont été préci-
pités dans le sein de la mer. Pareils effets ne se rencontrent, du
reste, que dans les bassins immergés; car il ne peut s’en être
opéré de pareils dans les dépôts des bassins émergés, ces dépôts
ayant eu lieu lorsque la mer les avait déjà abandonnés.
L'on nous pardonnera sans doute la longueur de cette digres-
sion à raison de l'intérêt du sujet. L’on ne saurait trop insister
sur la distinction qui existe entre les formations tertiaires im-
mergées et émergées, puisque celte distinction n'a pas encore
été faite dans des cartes publiées depuis peu par d’excellens
géologues.
La superposition du terrain marin tertiaire, caractérisé dans
le midi de la France par des bancs pierreux sur le terrain d’eau
douce , est tellement sensible dans les environs de Béziers, qu'à
mesure que l'on s'éloigne du torrent de Bagnols, et dès que l’on
arrive à la hauteur de la pompe à feu, c’est-à-dire à celle où se
maintiennent les formations marines, on voit celles-ci reparaitre
successivement. En poursuivant sa route vers le nord-ouest,
l'on retrouve l’ensemble des couches marines, qui se présentent
à l'observateur qui suit le grand chemin de Béziers à Narbonne.
Ces couches se montrent superposées immédiatement sur les
macignos, les poudingues et les calcaires d'eau douce qui, dans
ces localités, constituent le terrain fluviatile tertiaire.
De Béziers au Pas-du-Loup les formations tertiaires immer-
gées éprouvent peu d'interruption. Les bancs pierreux marins
term ent ne AE COUR RE Lot OL
(*) Tels sont les calcaires d'eau douce de Cruzy, près de Bize; les marnes
d’eau douce de Lebrette, près Narbonne, et les calcaires fluviatiles de Béziers,
qui recèlent, les premiers des huîtres et les derniers des cérites,
(438)
y composent les basses collines qui entourent Béziers, et ces
bancs pierreux s’y montrent souvent au niveau du sol, surtout
auprès des magnifiques carrières de Brégines. Depuis le Pas-du-
Loup jusqu’à Narbonne, il en est à peu près de même; seule-
ment dans les environs de Nissan les terrains d’eau douce y
sont très-bien caractérisés.
Les formations tertiaires immergées se rencontrent de nou-
veau auprès de ce village, comme sur toute la route. Essentiel-
lement composées de sables marins en couches puissantes, on y
trouve un grand nombre de débris organiques, parmi lesquels
on distingue une grande quantité d'huîtres, et principalement
les Ostræa undala, virginiana et longirostria. On a découvert
dans les mêmes sables des débris d'éléphant, et particulière-
ment une grande partie d’une défense. C'est donc sur les ter-
tiaires immergés que la ville de Narbonne est bâtie. Du reste les
bancs pierreux marins ou le calcaire moellon qui appartiennent
à cette formation y sont peu développés ; ces bancs ne fournis-
sent guère des pierres de construction.
La ville de Narbonne se trouve entourée de terrains tertiaires
émergés à l'est, au sud et à l’ouest. Les formations émergées y
commencent vers l’est, à une petite lieue vers Arnissan; il en
est à peu près de même dans les deux autres directions. Seulez
ment vers le sud les terrains tertiaires immergés qui composent
l'ile de Sainte-Lucie, ainsi que les iles de Bages, qui en sont fort
rapprochées , s'étendent plus au-dessus de Narbonne que dans
les deux autres directions. Quant aux formations tertiaires émer-
gées, elles prennent un grand développement au sud de Nar-
bonne, bien avant d'arriver au lieu nommé dans le pays le Lac,
en raison probablement de ce qu'il a été jadis occupé par un
lac , ainsi que l’annonce sa disposition générale et la nature des
dépôts que l’on y découvre. On sait que l’on exploite depuis des
siècles des gypses tertiaires, soit au Lac, soit auprès du village
de Portel, qui n'en est distant que de trois quarts de licue au
(439 )
plus. Ceux de cette dernière localité donnent du plâtre de meil-
leure qualité que ceux du Lac; mais ceux-ci sont bien plus
intéressans à raison des nombreux poissons et des débris de
végétaux qui les accompagnent. Ils ne paraissent pas avoir
éprouvé un soulèvement bien violent, car leurs couches conser-
vent leur horizontalité et leur parallélisme.
Au-dessous des dépôts diluviens , l’on observe dans les car-
rières du Lac des marnes calcaires jaunâtres, en lits nombreux,
mais peu épais. La nature de la pâte de ces inarnes nous les a
fait juger d'eau douce, quoiqu’elles ne renferment aucune trace
de, corps organisés. L'épaisseur totale de ces couches marneuses
est de dix ou douze mètres. À ces marnes en succèdent d'autres
qui n’en diffèrent que par leurs nuances. Ces marnes sont tou-
jours calcaires et effervescentes, L'épaisseur de ces dernières est
d'environ un mètre. Des marnes jaunâtres viennent ensuite;
celles-ci sont plus ou moins mélangées avec les précédentes.
Leur puissance est d’environ deux mètres. Enfin paraît le gynse
en bancs horizontaux assez minces, et dont l'épaisseur varie
depuis 4 jusqu'à 12 ou 15 centimètres. Entre ces lits gypseux
existent des bancs marneux chargés de débris de végétaux et de
petits poissons, malheureusement trop brisés pour être détermi-
nables. Nous nous sommes seulement convaincus qu'ils appar-
tenaient à l’ordre des malacoptérygiens abdominaux, ordre qui
fournit le plus d’espèces des caux douces.
Enfin entre les lits peu épais de ces marnes, l’on observe
le dusodyle ou houille papyracée de M. Cordier. Comme le
dusodyle de Sicile, celui du Lac se présente en masses
feuilletées, à feuillets minces papyracés, tendres et flexibles ,
avec une nuance grisâtre ou verdâtre. Il brûle également très.
facilement répandant une odeur infecte. Il offre encore ce rap-
prochement avec celui de Sicile , de renfermer entre ses feuil-
lets des empreintes de poissons ct de plantes qui paraissent
apparlenir aux dicotylédones. La quantité des petits poissons
(440)
dont les empreintes et quelquefois même la propre substance
se trouvent entre les couches marneuses et les feuillets du duso-
dyle , est réellement prodigicuse. Ce nombre surprend d'autant
plus que les eaux où ils ont vécu devaient être fort chargées de
sélénite.
Quant à l'épaisseur de la masse gypseuse , elle ne dépasse pas
4 où 5 mètres, en y comprenant les lits marneux qui alternent
avec ces gypses. Nous ferons enfin observer que dans d’autres
parties de la vallée , les gypses sont surmontés par des couches
puissantes de calcaire d’eau douce et de marnes fluviatiles. Cette
superposition des calcaires sur les gypses est évidente dans les
carrières de plâtre que l’on exploite dans les environs du village
de Portel , près de Narbonne. ,
Nulle part , dans les environs de cette dernière ville, comme
dans tout le midi de la France, on ne voit la moindre liaison
entre le sol secondaire et le sol tertiaire. Non-seulement il ne
s'opère pas entre ces deux natures de sol le moindre passage,
par les roches qui en font partie, mais ce passage, s'il avait
lieu , serait en opposition avee leur mode de gissement ; car les
roches tertiaires se montrent constamment en superposition
contrastante ou discordante sur les roches secondaires. Ceei a
aussi bien lieu pour les formations tertiaires émergées que pour
les immergées. Nous pourrions même en trouver des exemples
dans les environs de Narbonne; pour les premières les carrières
de Portel nous les fourniraient comme pour les secondes, la
formation marine de Burgadelles, près Fleury, dans la Clape,
à un quart de lieue de la Méditerranée.
On pourrait en quelque sorte comparer cette dernière forma-
tion à une espèce de culot de terrain warin tertiaire , lequel s’est
déposé entre les couches d’un calcaire secondaire , et se trouve
ainsi isolé de toute autre formation analogue. Le calcaire moellon
se voit également en gissement contrastant sur la route qui de
Pont-Royal conduit à Lambesc ( Provence); ainsi que dans les
Caér)
environs de Lasfoux ( Gard }). Du reste, nous n'en finirions pas si
nous voulions citer tous les lieux où l’on observe les {errains
tertiaires en superposition discordante sur les formations secon-
daires. Aussi n’avons-nous vu rien de semblable à cette liaison
que MM. Coxsraxr Prévost et Horrmanx ont cru reconnaître entre
le sol secondaire et le sol tertiaire, soit au cap Passaro, soit
auprès de Girgenti, en Sicile. Il y a au contraire solution de
continuité entre les deux natures de sol dans le midi de la
France; solution de continuité encore évidente, même lorsque
le terrain tertiaire a éprouvé des bouleversemens postérieurement
à son dépôt. C'est un des faits géologiques les plus remarquables
et dont une foule de localités, et particulièrement la vallée de
la Cesse, nous ont offert de nombreux exemples.
Outre ces gypses tertiaires, dont les bancs horizontaux et
parallèles annoncent des dépôts opérés d’une manière lente,
tranquille et successive, il en est d’une toute autre formation
dans les environs de Narbonne. Ceux-ci se distinguent des pre-
miers par leurs nuances très-variées, par leurs lits flexueux et
contournés , par la présence des cristaux de quartz hyalin, et
enfin par leur liaison avec des roches volcaniques et secondaires.
Ces gypses se montrent ailleurs que dans les environs de Pey-
riach et de Ste.-Eugénie, près de Narbonne; ils sont en effet
tout aussi abondans et en dépôts encore plus puissans auprès de
Cazouls-les Béziers, particulièrement dans le lieu nommé le
Roucan. Dans toutes ces localités les gypses secondaires se mon-
trent adossés à des calcaires secondaires grisâtres , ou à des dolo-
mites compactes également grises. Partout ces gypses se mon-
trent percés par des roches pyroxéniques , qui se sont fait jour
à travers leurs masses. Enfin , dans certaines localités, ces gypses
sont liés en quelque sorte à des montagnes de porphyÿre argileux
et accompagnés d’anhydrite, tout comme certains des gypses
tertiaires des environs de Narbonne renferment de petites masses
&e soufre compacte.
Pan.)
+.
ra
€
Le
Il. Route de Narbonne à Carcassonne.
Nous n'avons presque rien dit des formations que l'on tra-
verse en se rendant de Montpellier à Narbonne, ayant l’intention
de porter toute l'attention de nos lecteurs sur celles du bassin
de l'Aude ou de ses dépendances. Avant d’entrer dans les détails
que notre route nous a fait connaître, exposons d’une manière
générale la manière dont les diverses formations y sont coordon-
nées, et quelle est leur importance relative.
Les terrains tertiaires, principalement les dépôts qui se rap-
portent aux formations émergées , ont la plus grande étendue
dans le bassin de l'Aude, particulièrement dans la direction du
sud au nord ; aussi comme ces formations se prolongent peu à
l'ouest, elles cessent en quelque sorte au-delà de Carcassonne,
dans cette même direction , tandis qu'elles s'étendent considéra-
blement soit au sud, soit au nord, soit à l'est de cette ville.
Quant aux formations tertiaires marines ou immergées, elles
n’ont quelque importance et ne présentent un certain dévelop-
pement que vers la partie orientale de ce département. On ne les
voit guères ailleurs que dans la vallée ou bassin de l'Orb, et
dans quelques localités où elles sont complètement isolées,
comme l'ile de Ste.-Lucic, par exemple. Là ces formations ma-
rines, encore baignées par des eaux salées, se montrent peu
éloignées des mers actuelles.
Partout ailleurs, la disposition des bassins secondaires a été
un obstacle au séjour des eaux de l’ancienne mer, pendant la
période tertiaire sur le sol de ce département. Cet obstacle nous
explique comment les formations tertiaires immergées y sont
si peu développées, surtout comparativement à l’extension
qu'ont prise ces mêmes formations dans les bassins de l'Orb, de
l'Hérault, ainsi que dans les vallées de la Têt et du Thec
( Pyrénées-Orientales ), qui en sont extrémement rapprochées.
(445 )
Dans ce dernier département ou dans le bassin du Roussillon,
les formations tertiaires immergées sont non-seulement domi-
nantes relativement aux formations émergées , mais elles occu-
pent à peu près à elles seules la partie la plus basse de ce bassin.
Il y a plus, les eaux douces qui se rendaient dans le bassin de
l’ancienne mer, étant trop rapides pour pouvoir y accumuler
de vastes dépôts , y ont mêlé leurs troubles avec les sables et les
limons marins. Aussi lorsqu'on examine les formations immer-
gées du bassin du Roussillon , on les voit composées de couches
formées par des limons ou des sables marins et fluviatiles. Il en
est tout différemment du bassin occidental du département de
l'Aude; barré, bien avant la Méditerranée, par des montagnes
plus ou moins élevées , ce bassin ayant pu retenir les eaux douces
qui s’y précipitaient , n'offre que des dépôts des eaux douces ou
des formations émergces.
Les dépôts des eaux douces les plus rapprochées des mers
actuelles se rapportent à des calcaires d'eau douce, lesquels
calcaires sont parfois accompagnés de dépôts gypseux, quelque-
fois assez abondans pour être l’objet d'exploitations régulières.
Les plus éloignées de la Méditerranée, quelle que soit leur
direction, sont formées non plus essentiellement de calcaires
d’eau douce, mais de grès à grains fins quartzeux, réunis par
un ciment calcaire, sorte de macignos compactes verdâtres
connus généralement sous le nom de grès de Carcassonne (*),
parce qu’à raison de leur solidité l'on s'en sert comme de
pierres de taille. Ges macignos constituent des bancs de la plus
grande étendue et d'une puissance des plus considérables, Aucune
roche, si ce n’est des gompholites monogéniques, n'est super-
posée à ces macignos dans la plus grande partie du bassin de
l'Aude. Cependant dans un petit nombre de localités, comme,
eo
(*) Traité de Géognosie de M. Dausuisson , Lom. IX, page 437.
C4)
par exemple, à Cesseras, ces macignos sont recouverts par des
calcaires d'eau douce plus où moins compactes et plus ou moins
chargés de planorbes et de lymnées. Mais le plus généralement
ces roches de grès ne sont accompagnées et n'allernent qu'avec
des gompholites, des marnes argileuses ou calcaires et quelques
bancs sableux. Aussi leur exploitation est-elle des plus faciles ; il
sufñt de pratiquer une ouverture et de creuser dans leur masse
pour enlever de magnifiques pierres de taille, qui sont d’autant
plus précieuses qu'elles prennent un assez beau poli et offrent le
grand avantage de ne point s’altérer à l'air.
Ces macignos , ou grès de Carcassonne, parviennent parfois
à une assez grande élévation; ils la doivent au soulèvement
qu'ils ont éprouvé postérieurement à leurs dépôts. Ge soulève-
nent leur a fait prendre une position plus ou moins rapprochée
de la verticale. Quelquefois même leurs assises ont été tellement
redressées, qu'ils forment comme d'immenses aiguilles sur le
sommet des montagnes qui en sont composées. Ces roches se pré-
sentent ainsi dans les collines de Fossan ou Fauzan, près Cesseras.
Ces formations émergées du bassin de l’Aude peuvent très-
bien être comparées au nagelfluhe ou aux molasses de la Suisse,
soit par leur position, soit par rapport aux animaux que les ans
el les autres renferment, animaux qui se rapportent à des mam-
mifères terrestres et à des reptiles. Dans les macignos de la
vallée de l'Aude, comme dans les molasses de la Suisse, ces
mammifères terrestres sont à peu près tous de l'ordre des pa-
chydermes, appartenant aux genres lophiodon, palæotherium
et tapir. I] parait même que l'on y a également découvert des
débris d’anoplotherium. Nous n’avions point reconnu des restes
d'animaux de ce genre, ni même dans les collections de
M. Desrnen, lorsque M. Pironne, qui a examiné ces terrains
d’une manière toute particulière, nous a montré un fragment de
maxillaire inférieur , qui se rapporte à une espèce de ce genre.
Parmi les différentes espèces de palæotherium que nous avons
(445)
pu déterminer, nous citerons d’abord le palæotherium medium
de M. Cuve et une autre espèce nouvelle beaucoup plus petite
que le palæotherium minus , et qu’à raison de sa petite taille
M. Pironne se propose de décrire sous le nom de parvulum.
Quant aux lophiodons, nous possédons celle que M. Cuvier a
désignée sous le nom de la grande espèce de Batsberg (Tom. IT,
pag. 197, pl. VIT, fig. 1, 3 et 5), et que nous nommerons
magnum , pour la distinguer de la plus grande et de la moyenne,
que l’on pourrait désigner sous les noms de g'ganteum et de
medium. Nous avons cette dernière que M. Cuver a signalée
comme l'espèce moyenne déterrée à [ssel. (Tom. IT, pag. 177,
pl I, fig. 1.) Mais ces espèces sont loin d’être les seules qui
existent dans les macignos de Carcassonne.
Quant aux reptiles ils se rapportent à des chéloniens et à des
sauriens. Les débris des chéloniens y sont les plus nombreux ;
ils appartiennent aux trois genres, savoir : celui des tortues,
des trionyx et des émydes. Nous avons vu dans un torrent rap-
proché de Cesseras une carapace tout entière d'un individu de
ce dernier genre, carapace que M. Prronre avait découverte et
que les auvriers s'étaient amuvis à briser. Les sauriens se rappor-
tent principalement aux crocodiles. Des coprolites, probable-
ment de grands sauriens, se trouvent également dans ces grès
verts ou macignos. Les coquilles sont fort rares dans ces roches ;
cependant, ainsi que s’en est assuré M. Prronre , les couches sur
lesquelles s'appuient les calcaires d’eau douce offrent comme
ces calcaires des planorbes et des lÿmnées. M. Raynal, ingénieur
du canal du midi, en a même observé dans des bancs de ma-
cignos sur lesquels n'existait aucune trace de calcaire d’eau
douce. Ces observations prouvent à quel point les coquilles y
sont rares ; on le conçoit très-bien , pour des roches qui ne sont
formées que par des grains de sable quartzeux ct de calcaire
réunis par agrégation mécanique.
En un mot, l’ensemble des calcaires d'eau douce du bassin
(446)
de l'Aude est caractérisé par de nombreuses coquilles fluviatiles,
lacustres ou terrestres. Les macignos, qui y constituent des for-
mations de la plus grande étendue, abondent au contraire en
débris de mammifères terrestres et de reptiles qui jusqu’à pré-
sent n'ont offert que des espèces des deux grandes familles,
celles des chéloniens et des sauriens. Mais dans toutes ces for-
mations , l’on ne voit nulle trace d’un corps organisé marin. Par
conséquent ces calcaires et ces macignos appartiennent aux for-
mations émergées , puisqu’à l'époque de leurs dépôts le bassin
de l'Aude avait été abandonné par l'ancienne mer, lorsqu’au
contraire à la même époque ou à une époque postérieure les
eaux de l’ancienne mer recouvraient encore la partie la plus
orientale de ce même bassin.
S'il fallait se prononcer sur l’antériorité des formations émer-
gées de la partie occidentale du bassin de l'Aude , relativement
aux formations immergées de la partie orientale de ce même
bassin, nous le ferions presque sans hésitation. En elfet, les
macignos ne se trouvent dans le midi de la France, lorsqu'ils
sont en contact avec les formations immergées, qu’au-dessous
de ces formations et parfois même en gissement contrastant,
ce qui prouve l’antériorité de leurs dépôts. Enfin, l’on ne
trouve pas, comme espèces caractéristiques des terrains im-
mergés du midi de la France, les palæotheriam et les lophio-
dons, tandis que ces genres se rencontrent presque seuls dans les
macignos du bassin de l'Aude. Ces genres n’y sont donc pas
accompagnés de cette foule d’espèces dont plusieurs ne diffèrent
pas de nos races actuelles, et qui pourtant abondent dans nos
formations immergées. Or, ces espèces analogues à nos races
vivantes annoncent un plus grand rapport avec les temps pré-
sens que ne peuvent le faire des genres dont rien ne rappelle
les formes ni le mode d’organisation dans notre monde actuel.
Aussi est-il plus essentiel dans la comparaison des espèces
fossiles de faire attention aux espèces caractéristiques des for-
(447)
mations que d'en déterminer les proportions. En efet, pour ne
pas sortir de l'exemple des macignos de la vallée occidentale de
l'Aude, ces macignos présentent comme caractéristiques les
espèces de deux genres perdus, des palæotherium et des lophio-
dons; mais ces genres se trouvent dans anc infinité d’autres
localités, et ce qui est plus remarquable encore, dans d’autres
formations. Ainsi on les découvre dans le bassin de Paris, aussi
bien dans le calcaire grossier que dans le gypse ; en Auvergne ct
aux pieds de la Montagne-Noire, ainsi que dans les environs de
Castelnaudary, dans les calcaires d’eau douce ; tandis que dans
les environs de Montpellier on les observe dans le calcaire
moellon et les sables marins tertiaires qui alternent ou qui
recouvrent ces bancs pierreux. Enfin, les molasses et les nagel-
flühe de la Suisse ont également présenté ces genres inconnus
dans la nature vivante.
Les palæotherium et les lophiodons ne caractérisent donc
essentiellement que nos macignos, les gypses du bassin de Paris
et enfin les molasses de la Suisse. Dans les autres terrains que
nous venons de signaler, ces genres n'y sont ni assez nombreux
ni assez isolés pour être considérés comme caractérisant la popu-
lation de l’époque à laquelle ils ont appartenu, pour ainsi dire
accidentellement , ceux-ci étant sur le point de s'éteindre tandis
que les autres, au contraire, arrivaient sur la scène du monde.
Du reste ces genres paraissent avoir péri plutôt dans les lieux
dont la température était la plus basse , et cette influence de la
température sur la prolongation de leur vie explique très-bien
leur présence dans des terrains d’une date aussi récente que
le sont nos sables marins tertiaires.
Un second ordre de collines plus élevées, ou, pour mieux dire,
de montagnes, appartient à des formations toutes différentes ;
celles-ci se composent de calcaires secondaires qui se rapportent
à la craic compacte inférieure. Cette roche, fort répandue dans
le midi de la France, est assez généralement placée comme la
(448)
craie tufau ou la glauconie crayeuse. Elle abonde, et surtout les
marnes qui les accompagnent, en corps organisés, principale-
ment en mollusques et en zoophytes marins. Leurs espèces ont
assez de constance pour caractériser ces lerrains, qui n'ont
de commun avec les véritables formations crayeuses que leur
position , d’être très-stériles et de renfermer une assez grande
quantité de nummulites, de bélemnites, d'ammonites et de
spalangues.
Le troisième ordre de montagnes des montagnes de l'Aude se
compose encore de calcaire, mais d’une époque plus ancienne,
Ce second système calcaire se rattache aux formations juras-
siques et, à ce qu'il paraît, à l'étage le plus supérieur de ces
formations. Les formations de cette, époque n'y prennent un
certain développement qu'au sud de Narbonne ; elles ÿ consti-
tuent un petit chaînon particulier connu dans le pays sous le
nom de la Clape. Quelques accidens de terrains pyroïdes ou
volcaniques se montrent disséminés, soit dans cet ordre de
montagnes, soit dans le système précédent. L'on y voit aussi
quelques ainas gypseux ; caractérisés par la présence de cristaux
de quartz hyalin prismé, cristaux que l’on ne voit jamais dans la
masse de gypses lerliaires, Ces amas gypseux ont été probable-
ment produits par des causes du même ordre que celles aux-
quelles il faut attribuer les terrains pyroïdes. L'irrégularité de
ces amas en lits contournés et fortement flexueux, le fait du
moins aisément supposer. Quoiqu'il en soit, ces deux genres de
dépôts paraissent intimement liés l’un à l’autre, car ils s’accom-
pagnent à peu près constamment; ils n'ont pris nulle part une
grande extension , même dans les environs de Cazouls-les-Béziers
(Hérault }, où ils sont le plus développés.
Le quatrième ordre de montagnes du bassin de Aude appar-
tient à une époque plus ancienne. Un calcaire compacte, noi-
râtre ou grisitre, traversé ou non par des veines spathiques
blanchätres, le compose. Ce calcaire, susceptible de recevoir un
(449)
beau poli, pourrait être exploité comme marbre, surtout celui
qui compose les montagnes qui bordent la route de Limoux à
Alet. Dans certaines cavités qui existent entre les couches de ce
calcaire, sur la même route, l’on découvre de petits amas de
marnes noirâtres , bitwmineuses, lesquelles marnes offrent de
nombreuses coquilles pyritifiées des genres orbulite et arca. Ces
coquilles y sont accompagnées de fer sulfuré en rognons arron-
dis et parfois de lignites.
Ces marnes noirâtres paraissent d’une date plus récente que
les calcaires dans îles cavités desquels elles se montrent, puis-
qu'évidemment elles ont rempli ces cavités postérieurement à
leur formation. Aussi, malgré la présence de ces corps orga-
nisés , l’on doit, ce semble, rapporter les marbres ou les cal-
caires de la partie la plus occidentale du bassin de l’Aude aux
formations secondaires les plus inférieures , ou aux terrains dits
de transition. Ces calcaires composent les plus hautes mon-
tagnes de l'arrondissement de Limoux et partie de celui de
Quillan. Il paraît également que les marbres de Caunes, dont
nous aurons plus tard occasion de parler, se rattachent aux
mêmes formations, quoique l’on y découvre parfois de nom-
breuses petites orbulites, et rarement des bélemnites remar-
quables par leur peu de largeur et leur longueur, ce qui leur
donne des formes très-aiguës.
Ce calcaire de transition a percé les masses de craie compacte
et celle des calcaires jurassiques, et par suite du soulèvement
qu'il a éprouvé, il est parvenu à une hauteur qui dépasse sou-
vent 2,000 mètres. On le voit parfois reposer immédiatement
sur des roches de schiste argileux ou de phyllade micacé, les-
quelles roches ont été également soulevées. Probablement le
soulèvement de ces schistes et de ces phyllades n’a pas été sans
influence sur la hauteur à laquelle sont parvenues les roches
calcaires de transition. ,
Les roches schisteuses ou phylladiennes composent bien à elles
29
(450)
seules des montagnes (environs de Quillan) ; mais ces montagnes
n'atteignent jamais une élévation aussi grande que celle à laquelle
sont arrivées les roches calcaires. Ces roches sont terminées par
de vastes plateaux, sur lesquels sont établies les grandes forèts
de pins et de sapins, si étendues dans l'arrondissement de
Quillan.
Les schistes argileux et les phyllades micacés reposent à leur
_ tour sur des roches cristallines primitives, et cela d’une ma-
nière immédiate. C’est soit sur des gneiss, soit sur des granits
que s'appuient ces roches schisteuses ; l’on observe distincte-
ment cette superposition dans les environs des forges de Ginela,
comme aussi dans les environs de St.-Pons et de la Salvetat
(Hérault), où les mêmes formations se reproduisent avec à peu
près les mêmes roches.
Des grès secondaires composent aussi quelques montagnes
qui se rattachent au bassin de l'Aude. Tels sont ceux que l’on
aperçoit dans les environs des baïns de Rennes. Ces grès ne se
rapportent pas cependant à la craie compacte inférieure , quoique
cette roche compose la plus grande partie des montagnes qui
entourent ces bains. On les voit au contraire constamment subor-
donnés aux calcaires liassiques et jurassiques. Ces grès sont le
plus généralement d’an blanc jaunätre à grains fins , et comme
ils ne contiennent pas des grains de feld-spath, on ne peut
guère les assimiler aux arkoses. Ils rentrent plutôt parmi les
psammites quartzeux chargés de grains calcaires, que de toute
autre roche.
Quant aux grès ferrugineux et aux grès verts proprement
dits, ceux-ci, généralement peu développés dans le bassin de
l'Aude , si ce n’est entre Narbonne ct Fontfroïide, se rattachent
constamment à la craie compacte inférieure , à laquelle ils sont
presque toujours subordonnés.
Telles sont les principales formations qui composent les basses
collines et les plus hautes montagnes du bassin de l'Aude. Ainsi
(451)
les collnesles moins élevées et les plus rapprochées des mers
actuelles se composent des formations {ertiaires immergées,
lesquelles se composent de calcaires, de marnes et de sables
marins. À celles-ci succèdent des collines plus élevées, les.
quelles s’écartent davantage des mers, et que l’on voit unique-
ment formées de terrains tertiaires émergés. Ces terrains sont
composés uniquement de roches des eaux douces, telles que
des calcaires, des marnes et des macignos, caractérisés princi-
palement par des ossemens de pachydermes et de reptiles.
Quant aux amas gypseux, soit qu'ils appartiennent aux for-
malions tertiaires, soit qu'ils dépendent des formations secon-
daires, ils ne sont jamais assez abondans pour constituer à eux
seuls des collines et encore moins des montagnes. Il en est de
même des formations volcaniques que l’on observe dans le
département ou dans le bassin de l'Aude.
Enfin les montagnes les plus élevées appartiennent aux cal-
caires noirs de transition, ainsi qu'aux schistes argileux et aux
phyllades micacés. Celles qui sont composées de roches calcaires
atteignent souvent une hauteur de 2,000 à 2,500 mètres, tandis
que les collines formées par les terrains tertiaires immergés ne
dépassent pas la faible élévation de 200 mètres. Cette élévation
est bien surpassée par celles qui sont composées par les terrains
tertiaires émergés ; celles-ci atteignent souvent jusqu'à 500 et
même 60o mètres de hauteur.
Ces premiers points fixés, l’on saisira plus facilement les
détails dans lesquels nous allons entrer, en décrivant les lieux
que nous avons parcourus.
De Narbonne à Carcassonne la route se dirige constamment à
l’ouest ; elle passe d’abord auprès de Montredon, village bâti
au milieu d’un bassin où se montrent les terrains tertiaires,
et que parcourent l’Aude et l'Orbieu. Avant ce bassin la craie
compacte inférieure, sans aucune autre roche recouvrante,
avait composé la masse des montagnes. Mais une fois que l'on
(452)
est sorti la craie reparaît de nouveau et se prolonge jusqu'au-
delà de Lezignam. On ne quitte plus ensuite les terrains ter-
tiaires émergés dont le macigno ou grès dit de Carcassonne
est la base, en même temps que la roche dominante.
Ces terrains se composent à partir des dépôts diluviens : 1.0
de gompholites monogéniques ou poudingues calcaires, accom-—
pagnés parfois de psaminites quartzo-calcaires ou grès blanchâtres
à trés-petits grains ; 2.0 de marnes calcaires verdâtres , lesquelles
alternent avecles gompholites, les dernières couches se trouvant
à peu près constamment des marnes; 3.0 de macignos compactes
verdâtres ou grès de Carcassonne, dont les parties les plus supé-
rieures se montrent en couches distinctes et parallèles. Des
marnes sans coquilles alternent avec les parties les plus supé-
rieures de ces grès. Lorsque ceux-ci deviennent rompactes, ils
prennent une telle solidité qu'ils semblent ne plus former
qu'une seule masse. Ils offrent, ainsi que nous l'avons déjà
observé, une assez grande quantité de débris de mammifères
terrestres et de reptiles.
Les masses de macignos exploitées près de Carcassonne ont
été peu soulevées; du moins leur inclinaison est extrêmement
faible , ne dépassant guère 15 ou 20 degrés; il n’en est pas de
même de ceux que l’on observe dans la vallée de St.-Michel,
formant une série de collines élevées, au pied desquelles sont
bâties les villages de Cesseras et d’Azillanet. Iei les couches de
grès tertiaire émergé ont éprouvé ün soulèvement si violent
qu'elles sont devenues presque verticales, formant au sommet
des collines où elles se montrent comme des aiguilles analogues
à celles des granits. Par suite de ce redressement , les macignos
ont formé des collines élevées, surtout dans la vallée de St.
Michel, ainsi que dans diverses parties de la vallée de l'Aude.
Ces collines, quelquefois terminées par des plateaux d'une assez
grande étendue, se montrent couronnées de calcaire et de silex
d'eau douce.
(453)
Les parties les plus inférieures de ce système tertiaire re-
posent le plus souvent d’une manière immédiate sur la craie
compacte inférieure ; ce système offre cà et là des dépôts de
lignites assez abondans pour être exploités. Les principaux lieux
où ce combustible est l'objet d'exploitations régulières sont
Cesseras , Azillanet, Minerve, la Caunette, Oupia, Maillac et
Agel. Outre ces localités, où les lignites ont été le sujet de tra-
vaux plus ou moins réguliers’, il en est encore d'autres où des
tentatives d'exploitations ont été faites à différentes époques.
Ainsi à Siran, à La Livinière, à Félines, à Bize et à Cabezac,
de pareilles tentatives ont eu lieu, mais elles n'ont pas été
conlinuées.
Quant aux formations que l’on observe dans ces mines, elles
sont toutes à peu près les mêmes ; aussi prendrons-nous celles
que l'on voit à la Caunette comme un exemple qui peut à Jui
seul faire connaître toutes les autres.
Ainsi, à la Caunette, en partant du niveau du sol vers le bas
de la montagne, on observe :
1.0 Un grès calcaire offrant parfois des grains quartzeux assez
gros et se rapportant aux macignos compactes grisätres. Ces
macignos , d’un gris plus ou moins foncé, se rattachent à la
même formation que les verdâtres dont nous nous sommes déjà
occupé. La terre végétale seule les recouvre par intervalles des
gompholites monogéniques. L'on n’y voit nulle part, si ce n’est
à Bize et à Cabezac, des traces de dépôts diluviens.
2.° Un calcaire d’eau douce, fissile, blanchâtre, sans traces
de corps organisés.
3.0 Un calcaire d’eau compacte, renfermant de nombreuses
coquilles fluviatiles , parmi lesquelles les planorbes et les lyin-
nées sont les plus abondants. La puissance de ce calcaire est
assez variable, puisqu'elle est tantôt de 10 mètres, tantôt de
plus du double. Il en est de même de celle des macignos, qui
(454) |
ont souvent une épaisseur plus considérable que 40 ou 50
mètres.
4. Un calcaire argileux , passant presqu’aux macignos d'un
gris jaunâtre ou gris bleuâtre , exploité par les ouvriers comme
pierres de taille. L’épaisseur de ce calcaire est de 2 à 4 mètres ;
5.° Calcaire d’eau douce fortement bitumineux , séparé par
des veinules d’un lignite pierreux, d’un noir aussi vif que bril-
lant. La puissance de cette couche calcaire varie entre 10 à
12 mètres,
G.o Schiste carburé, noirâtre, nommé le nerf par les ouvriers.
Il offre de nombreux planorbes et lymnées. Sa puissance varie
de 2 à 12 mètres,
7° Première couche de lignite friable, généralement d’une
qualité inférieure aux lignites, que celui-ci surmonte. Ce lignite,
dont la puissance est de 0”,50 à 1 mètre, offre souvent dans
la partie la plus supérieure de ses couches des planorbes et des
lymnées.
8.° Schiste noirâtre carburé, mêlé plus ou moins confusé-
ment avec des rognons de calcaire d’eau douce, chargé de
coquilles fluviatiles. Son épaisseur varie depuis 1 mètre jusqu’à
4 mètres.
9° Seconde couche de lignite plus compacte et plus beau
que le lignite supérieur. Son épaisseur très-variable n’est guère
au-delà de 0°",50 ; mais sa couche s’étrangle au point de dis-
paraître assez souvent. Ce lignite fournit celui de la meilleure
qualité.
10.° Schiste carburé noirâtre , mêlé plus ou moins confusé-
ment avec le calcaire d’eau douce, dit roc bleu par les ouvriers.
Sa puissance varie entre 0,50 à 2 mètres. Les coquilles fluviatiles
se montrent ici au contact des deux systèmes de couches du
schiste et du calcaire, soit les planorbes, soit les lymnées , soît
‘nfin les unio.
11.° Calcaire d'eau douce compacte plus ou moins chargé de
(455)
lignites, mais le devenant bien moins à mesure que l’on en
étudie les couches inférieures. Sa puissance fort considérable
varie de 10 à 15 mètres.
12.° Troisième couche de lignite généralement très-étranglée
à la Caunette; aussi y est-elle peu l'objet d’une exploitation
régulière.
13.° Des couches de calcaire d’eau douce terminent cette
série tertiaire. La puissance de ce calcaire est fort inégale;
tantôt elle est très-considérable et tantôt elle est fort faible. À
la Caunette ces couches d’eau douce reposent immédiatement
sur le calcaire blanchâtre secondaire, où craie compacte infc-
rieure, caractérisée dans celte localité par de nombreuses num-
mulites d'une petite dimension. Il paraît qu'il en est de même
à Bize.
Ce calcaire évidemment soulevé repose sur un calcaire de
transition assez compacte, à texture semi-cristalline, souvent
noirâtre ou d'un vert sombre ; ce qui l’a fait considérer par
certains géologues comme une roche verte amphibolique. Ail-
leurs que dans la vallée de la Gesse , le calcaire à nummulites
est superposé à un calcaire volitique ou jurassique. Quant aux
unto , que l’on observe dans les mines à lignites de ces localités,
principalement dans celles de la Caunette, elles se rapportent
au moins à deux espèces différentes. Les plus grandes se rappro-
chent par l’ensemble de leurs caractères , soit à l’unio crassis-
sima , soit à l’unio margaritifera. Les plus pelites, assez voisines
par leur forme , des unio littoralis et pictorum, surtout de la
première, se rencontrent soit dans les calcaires, soit dans les
schistes qui sont en contact avec les lignites, principalement
dans les couches supérieures à celles de ces combustibles. Quel-
quefois l’on en découvre dans les couches de lignites; mais ce
cas est le plus rare. Du reste, d’après M. Narbonne, propriétaire
des mines de la Caunette , ces bivalves se trouvent surtout dans
les parties qui ont été le plus bouleversées ou le plus violem-
ment soulevées,
(456)
En embrassant le système entier de tous ces dépôts à lignite,
dépôts riches et puissans, et qui ont recu dans le pays le nom de
Charbonnitres, on remarque qu'il forme comme un vaste éven-
tail, dont les bancs, qui commencent à Cabezac, ont leur pente
générale du sud-est au nord-ouest. Les couches de lignite de
Bize ont été reconnues sur plus de douze points différens ; cer-
taines ont été exploitées, et cette exploitation a permis de
reconnaître qu'elles appartiennent à la même direction. Le sys-
tème moyen offre des couches assez rapprochées de la verticale;
mais cette verticalité n’a lieu que d’une manière progressive et
presque insensible. Auprès de la métairie de l'Andure , la verti-
calité des couches de lignite est réellement remarquable, tant
cette verticalité y est prononcée. Aussi les couches de lignite
exploitées , soit à Mailhac, soit à Agel, y sont presque perpen-
diculaires. Après Agel, la direction des couches de lignite
change complètement. Leur direction devient alors du nord-
ouest au sud-est, et parfois du nord au sud. Par suite ces der-
nières couches, comme celles qui les précèdent, sont coupées
par la rivière de Cesse.
Parmi les mines de lignites de ce système septentrional , l’on
peut comprendre les mines d'Aigues-Vives , du Caillol , ainsi que
l'extrémité septentrionale de la concession d’Agel , et en remon-
tant les mines supérieures de la Caunette, de Minerve, d’Azil-
lanet, de Cesseras, de Siran , de La Livinière et de Felines. Le
même système se prolonge vers St.-Chinian et Cessenon; là il
traverse la rivière de l'Orb et s'étend jusqu'au village de Causse
qui, comme les précédens , se trouve dans le département de
l'Hérault, et est bâti sur le dernier chainon de cette chaîne
calcaire dont il a reçu le nom.
On comprend donc dans le pays sous le nom de charbon-
nières toutes les couches de lignites dont la direction est du
sud-est au nord-ouest. Cependant les mines de Cabezas, qui en
font partie, sont toul-à-fait en opposition, par leur direction,
(457)
avec celle propre aux couches de lignite de Mailhac et d’Agel,
lesquelles sont placées sur le point le plus élevé des montagnes.
Celles-ci, d’abord perpendiculaires, deviennent insensiblement
horizontales, à mesure qu'elles s'étendent dans la plaine de
Ginestas, de Mirepeisset et d’Argeliés; en sorte qu’un change-
ment de niveau en opère un non moins considérable, soit dans
leur direction , soit dans leur inclinaison.
Quant aux lignites de Bize, qui se trouvent également dans la
vallée de la Cesse , on les voit bien traverser cette vallée; mais
ils sont bientôt arrêtés par la petite chaîne de calcaire olithique
dans lequel sont ouvertes les cavernes de Bize. Il est probable
que les mêmes dépôts de lignites, si abondans dans les diverses
localités que nous venons de signaler, le sont également dans
les terrains calcaires des environs de Castres, qui y sont connus
sous le nom de Causse. Nous croyons donc pouvoir avancer que
si on fait des fouilles dans ces localités, elles seront couronnées
de succès.
Enfin , nous avons découvert dans les mines de lignites de la
Caunette une cyclade fossile striée concentriquement et qui
nous paraît différer de toutes les espèces connues, et particu-
lièrement des cyclas concinna et aquæ sextiæ de Sowerby.
De Carcassonne nous avons été visiter la grotte de Limozy ou
Limouzis , qui a dans le pays une assez grande célébrité, Il faut
consacrer une journée entière à cette course, surtout si l’on
veut visiter les carrières de grès verts ou macignos de Malves et
de Conques, Limozy étant distant d'environ quatre lieues de
Carcassonne.
Les terrains tertiaires s'étendent depuis Carcassonne jusqu’à
Conques, étant recouverts par intervalles par des dépôts dilu-
viens. Après Conques, l’on traverse les terrains de craie com-
pacte, remarquables par leur couleur blanche, ainsi que par la
grande quantité de nummulites qu’ils renferment, Cette forma-
tion , très-développée auprès du hameau de Lassac , situé sur la
(458 )
rive droite de l'Orbiel , fournit du moellon, fort employé dans
les constructions.
Dès que l’on a traversé la petite rivière de l'Orbiel , et sur sa
rive gauche , l’on voit les formations changer tout-à-coup; des
schistes argileux de transition et des phyllades se montrent au-
dessous d’un calcaire noirâtre, veiné de blanc, le même qui
forme en partie les gorges d’Alet , ainsi que celles de Pierre-Lis ,
du Col-St.-Georges , enfin les hautes chaînes des environs des
bains de Rennes et de Quillan, dans l'arrondissement de Limoux,
au-dessus desquelles s’élève le pie de Bugarach. Ce calcaire
occupe également la rive droite de l’Orbiel, en amont de Lassac;
jadis on y a exploité une mine de fer spathique et peroxidé. Les
travaux sont abandonnés depuis long-temps; à peine en voit-on
quelques traces auprès du château de la Caunette. Celles de ce
château disparaîtront peut-être bientôt elles-mêmes, s'il faut en
juger par les ravages des ouragans auxquels ce château est
exposé, par suite de sa position sur un rocher presque isolé et
battu par les vents. Le 26 août 1826, une partie de la toiture
et des bâtimens du château furent emportés, et les modestes
habitations des villageois ne furent pas plus épargnées.
Après avoir visité les formations schisteuses qui s'élèvent au-
dessus des moulins d'Artigues et de Belfortés, nous reprimes notre
route et nous nous dirigeämes vers le nord-est, c’est-à-dire,
vers Limouzis. La route suit une montagne fort escarpée, par
suite du redressement qu'ont éprouvé les masses calcaires qui
la composent. La grotte se trouve à un gros quart de lieue à
l’est du village. Elle est grande , spacieuse et d’un accès facile ;
on ne peut cependant pas parvenir jusqu’à l'extrémité de ses
galeries. Les eaux abondantes qui y séjournent vous empêchent
d'y pénétrer. En effet, de toutes parts des eaux s’épanchent de
la voûte de cette caverne, entraînant avec elles des dépôts de
carbonate de chaux, qui s’y accumulent sans cesse et y produi-
sent ces belles stalagmites et stalactites, qui sont pour les curieux
( 459)
des sujets continuels d'étonnement. Malgré ce travail constant,
aucun des corridors de la caverne n’est obstrué, ni même les
plus étroits des boyaux qui reçoivent continuellement des dépôts
calcaires. Ainsi quoique la formation des stalactites et des sta-
lagmites s'opère avec la plus grande promptitude, nulle part
elle n’a encore obstrué les passages de'ces cavités. Il faut donc
qu'elle n'ait pas commencé depuis une époque bien reculée,
puisque ses résultats sont si faibles et si restreints; car l’on ne
peut pas supposer que partout les ouvertures par lesquelles l'eau
qui tenait en dissolution de la chaux carbonatée aient été com-
plètement obstruées.
Le sol de la caverne de Limouzis est recouvert par une
couche épaisse d’un limon argileux, rougeâtre, fort tenace,
dans lequel on ne voit ni ossemens ni cailloux roulés. Ce limon
est recouvert par un glacis stalagmitique calcaire , que surmonte
également un limon argileux moins épais que le limon inférieur.
Ainsi toutes les fois que des cavités souterraines sont éloignées
des lieux où existent des terrains tertiaires ou des dépôts dilu-
viens , et que leur élévation au-dessus des mers dépasse 400 ou
500 mètres, et qu’enfin des cailloux roulés ne se montrent plus
disséminés dans les limons, on peut être presque certain que
l’on n'y découvrira pas la moindre trace d’ossemens. Cette
absence de débris organiques est d'autant plus frappante, que
la grotte de Limouzis n'est pas très-distante de celle de Sal-
liles, où, de concert avec M. Pirrorre, nous en avons découvert
un assez grand nombre appartenant à des espèces de mœurs et
d'habitudes les plus disparates.
Quand au calcaire dans lequel sont ouvertes les cavernes de
Limouzis, il est semi-cristallin, d’un blanc bleuâtre , sans trace
de corps organisés. Ses couches sont parfois presque verticales,
tant le soulèvement qui les a exhaussées a été violent. Cette
roche repose sur des phyllades, et appartient, à ce qu'il paraït,
à la même période secondaire que les calcaires des gorges
(450 )
d’Alet et de Pierre-Lis, À l'extérieur, la roche calcaire dans
laquelle la grotte de Limouzis est ouverte est blanchâtre, par suite
de la décomposition qu'elle a éprouvée ; mais lorsqu'on enlève
sa croûte, alors on voit que son intérieur est d’un gris bleuitre
plus ou moins foncé, suivant les fragmens que l’on examine.
La décomposition qu'éprouvent en général les roches calcaires
à leur surface y produit souvent des différences d'aspect et de
formes qui en modifient singulièrement les caractères extérieurs ;
aussi pour reconnaitre ces modifications , est-il nécessaire de les
briser, car sans cela on aurait des idées très-fausses sur leurs
véritables caractères.
Excursion de Carcassonne au village de Caunes, en pas-
sant par Villalier et Villegier.
La route qui de Carcassonne conduit à Caunes est aussi
belle qu'agréable; elle traverse de fort belles plaines fertilisées
par les rivières du Fresquel et d’Argent-Double. La première de
ces rivières passe au-dessous du canal royal, qui se trouve ainsi
suspendu. Ce travail, nommé dans le pays le Pont-Rouge, est
digne de tous ceux qui distinguent d’une manière éminente le
canal du midi.
Toute la plaine que l’on traverse est composée à peu près
uniquement de dépôts diluviens, lesquels dépôts s'appuient
immédiatement sur les grès tertiaires ou macignos, dont Car-
cassonne est en grande partie bâtie, et dont nous avons déjà
parlé avec assez de détails pour ne pas être obligé d'y revenir.
Ce n’est que lorsqu'on arrive à Caunes que la route se rapproche
un peu des montagnes ; du moins jusqu'alors elle en était fort
écartée. Les montagnes au pied desquelles le bourg de Caunes se
trouve bâti appartiennent aux formations intermédiaires ou de
transition. d
Elles sont en effet composées de schistes argileux, et parfois
( 461 )
de phyllades micacés , sur lesquels reposent des calcaires com-
pactes en grandes masses, ou marbrés de diverses nuances.
Aussi les marbres de Caunes sont-ils inépuisables, formant à
eux seuls une chaine assez étendue qui va se joindre avec celle
qui compose les gorges d’Alet, de Pierre-Lis et de St.-Georges.
Quand aux carrières de marbre, elles sont ouvertes à peu de
distance et au nord-ouest du village. Ges carrières fournissent
plusieurs qualités de marbres colorés. On y distingue en effet :
1.0 Du marbre griotte, dont la beauté dépend de celle de ses
nuances et surtout du nombre de taches rouges qui se détachent
du fond plus sombre, particulier à cette variété. On aime encore
à y voir de belles veines de calcaire blanc spathique.
Ce marbre griotte offre parfois de nombreuses petites orbu-
lites blanches et spathifiées, ainsi que des bélemnites à forme
étroite et alongée. Mais ces dernières y sont des plus rares: Cette
variété est connue dans le commerce sous le nom d’ærl-de-per-
drix, à raison sans doute des orbulites, qui rappellent en quelque
sorte la forme de cet organe.
La seconde variété, dont on a extrait à plusieurs époques des
masses énormes, est le marbre incarnat. On peut en voir de
belles colonnes dans l’église de Notre-Dame-del-Cros, petit
ermitage situé dans une jolie position à une demi-lieue de
Caunes. Ce marbre incarnat offre également une autre variété
connue sous le nom de turquin. Cette variété se distingue du
marbre incarnat ordinaire, en raison des nombreuses taches ou
veines de spath calcaire blanchâtre ou grisâtre.
Le marbre incarnat est ordinairement réservé pour les grands
monumens et pour les églises. Aussi la plupart des colonnes des
autels des églises du midi de la France sont elles en marbre
incarnat, dont les nuances rouges et blanches ont beaucoup
d’éclat et de vivacité.
Le marbre cervelas , soit rouge, soit jaune, se distingue des
précédens par ses nuances et le mélange de diverses taches ou
(462)
veines disposées avec beaucoup d'irrégularité sur un fond d’un
gris plus ou moins sombre. Lorsque les taches ou veines qui en
varient le fond sont éclatantes , alors ce marbre est très-estimé ;
dans le cas contraire il l’est moins.
Enfin la qualité de marbre la plus abondante est le marbre
gris , lequel est distingué en deux variétés suivant ses nuances :
le marbre gris foncé et le marbre gris clair. Cette qualité de
marbre est la plus compacte; aussi fournit-elle des plaques et
des masses sans aucune fente et de la plus grande étendue, Mal-
heureusement les nuances de ce marbre ne sont pas assez belles
pour le faire rechercher, à moins qu’il ne présente des taches
d’un rose incarnat plus ou moins vif. Alors seulement cette
variété est très-estimée. On l'emploie du reste avec avantage
pour en faire des cheminées ou des dessus de commode ou de
table.
Le mode d'exploitation suivi à Caunes est des plus simples et
des plus curieux ; on est étonné de la dextérité des ouvriers qui
enlèvent des masses énormes taillées carrément, et cependant
sans autre guide que leur vue exercée. Ce genre d'industrie
s'est tellement étendu à Caunes , que presque tout le village en
est occupé. Aussi y compte-t-on jusqu’à cinq établissemens des-
tinés à préparer le marbre, que l’on répand ensuite dans tout le
midi de la France. Parmi ces établissemens nous citerons parti-
culièrement celui dirigé par MM. Grimes, dont les étrangers qui
visitent Cauncs ont tant à se louer.
Des établissemens d’un autre genre répandent également la
prospérité dans un pays où l'industrie fait tous les jours de
nouveaux progrès. C’est dans les ateliers de Caunes que les
fabricans de Carcassonne font teindre leurs draps en noir; soit
que le procédé qui y est suivi soit préférable à celui en usage à
Carcassonne, soit que la qualité des eaux y ait quelque influence,
il est certain que les draps teints en noir à Caunes sont pré-
férés par tous les négocians, et par suite par les consomma-
teurs, quoique leur prix soit généralement plus élevé.
(463 )
Route de Limoux à Alet et aux bains de Rennes.
Limoux est situé au confluent du Couyain et de l'Aude, dans
un vallon riant, que des collines assez élevées entourent de
toutes parts. À ces collines de craie compacte inférieure suc-
cèdent des montagnes calcaires de transition, dans la direction
du sud et de l’ouest. Les terrains tertiaires ne s’y montrent plus ;
il en est de même dans les arrondissemens de Rennes et de Quil-
lan , ainsi que dans ceux qui sont encore plus élevés. Seulement
des marnes et des gompholites paraissent en couches puissantes
auprès de Limoux; ces roches se rattachent aux formations
secondaires ; aussi les voit-on recouvrir immédiatement la craie
compacte et grisätre, à laquelle elles sont comme liées.
Ces gompholites sont tous polygéniques; des cailloux roulés
de roches primitives, empâtés par un ciment parfois calcaire
et parfois quartzeux, les composent. Leurs lits supérieurs offrent
des gilets d’un plus grand volume que ceux que l’on voit dans
les lits inférieurs. Il en est de même de ceux que les alluvions
actuelles entraînent tous les jours. Les plus rapprochés de la
surface y sont presque constamment ceux dont le volume est le
plus considérable.
Au-dessus de ces gompholites l'on découvre des marnes cal.
caires aussi bigarrées dans leurs nuances que celles qui ont recu
ce nom. Elles sont donc jaunâtres, violâtres on rougeâtres ,
selon les lieux où on les observe. Les lits les plus supérieurs ont
une stratification peu tranchée ; il n'en est pas de même des lits
inférieurs , qui se font encore remarquer par une grande solidité.
L'on n'y aperçoit aucune trace de corps organisés; il n’y en a
pas non plus dans les gompholites. Ces derniers alternent avec
des psammites quartzeux ou grès blancs en bancs puissans ,
lesquels sont accompagnés parfois de rognons de jaspe.
Ce premier terrain se montre assez développé dans les envi-
( 464)
rons de Limoux, surtout vers Alet, pendant l'espace d'une
demi-lieue.
La craie compacte inférieure succède aux marnes; cette craie
offre deux variétés principales. Les lits supérieurs sont formés par
un calcaire noirâtre, compacte, assez chargé de nummulites
généralement petites, mais très-abondantes, surtout dans les
fissures de séparation que l’on voit entre les couches. Les lits
inférieurs présentent un calcaire dont la dureté est plus consi-
dérable et les nuances plus sombres. Les nummulites qui s'y
trouvent sont plus grandes et plus aplaties. Ces corps orga-
nisés sont loin d’être les seuls que l'on y rencontre. Nous ne
citerons que les genres de ces débris organiques, la plupart
d’entr'eux, ayant perdu leur tête, ne peuvent guère être déter-
minés spécifiquement.
Nous nous bornerons donc à signaler, parmi les univalves, les
cerithiunts , les turbo , les trochus , les natica, les buccinunis,
les eburna et les pleurotomaria; parmi les bivalves : les £ere-
bratula, les plagiostoma, les podophi, les cordium , les venus,
les cytherea , les arca, les tellina et les radiolites. Parmi les
coquilles uniloculaires , les ammonites et les bélemnites carac-
térisent également ces terrains , ainsi que les stippurites, si tant
est que ces coquilles ne soient pas des bivalves.
Les zoophytes y sont aussi fort abondans, principalement
des polypiers des genres madrepora astrea, meandrisa, tur-
binolia, et, de plus, le cyathophyllum plicatum de Goldfuss, Les
mêmes terrains nous ont encore offert des zoophytes échino-
dernes, parmi lesquels nous citerons seulement les cidarites
subangularis et rotula, ainsi que les spatangus gubbus et
lievis.
La seconde variété de craie est un calcaire grisätre compacte,
caractérisé par un assez grand nombre de serpules. Ce calcaire
a quelques rapports avec les lumachelles à serpules des environs
de Montferrier, près de Montpellier. Seulement on n’y voit point
(465)
dans les couches minces supérieures, ces nérites, ces modioles,
ces limes si abondantes dans la craie de Montferrier.
Au-dessous de cette variété de craie, dont les couches sem-
blent constamment les plus inférieures, l’on découvre un cal-
caire noirâtre extrêmement tendre, à couches minces sans corps
organisés, qui semble opérer la liaison d’une formation à l’autre.
En effet , au-dessous de ces couches minces, apparaît un calcaire
noirâtre, compacte, à cassure brillante, et que des veines
blanchâtres extrêmement nombreuses traversent dans toutes
sortes de directions. Ce calcaire pourrait à raison de ses nuances
être employé comme marbre, dont il a du reste la finesse et la
dureté; mais il se brise trop facilement pour être enlevé en
grandes plaques. On n'y voit aucune trace de corps organisés ;
aussi parait-il se rattacher aux formations secondaires les plus
inféricures ou à celles dites de transition.
Bien qu’il soit dépourvu de débris organiques, l'on découvre
cependant entre ses masses des amas de marnes bitumineuses
d'un noir foncé, dans lesquels il existe des pyrites ferrugineuses en
globules arrondis , avec des orbulites et des area. Il se peut que
ces marnes y aient été entrainées postérieurement au dépôt du
calcaire, ce qui est assez probable, vu leur position et leur peu
de continuité. Les alternances entre le calcaire marbre et les
schistes coticules sont au contraire évidentes ; elles sont en effet
si nombreuses qu’elles ne laissent aucun doute sur la contem-
poranéité des uns et des autres.
Enfin au-dessous des calcaires noirâtres paraissent des schistes
argileux ou phyllades satinés en assises peu puissantes et parfois
brisées et contournées de la manière la plus bizarre. Aussi soit
la craie, soit le marbre noir, soit les phyllades que celui-ci
recouvre, tout a été redressé et soulevé ; c’est ce que nous aurons
plus tard l’occasion de mieux développer. En attendant, nous
nous bornerons à faire remarquer que la pente de ces mon-
tagnes suit celle de la vallée dans laquelle l'Aude a établi son
30
( 466 )
lit, lit que cette rivière est loin d'avoir elle-même creusé, mais
dans lequel elle a pris son cours comme dans le point le plus
bas. Nous citerons plus tard une preuve positive de ce fait, qui
du reste peut être généralisé et appliqué à la plupart des fleuves
et des rivières.
Alet, bâti sur la rive droite de l'Aude, offre des eaux ther-
males peu renommées, probablement à raison de celles beau-
coup plus actives et plus salutaires des bains de Rennes, Celles
d’Alet ont, les moins chaudes, 22° de Réaumur, et les plus
chaudes, nouvellement découvertes, 28°. Alet, ville autrefois
siège d’un évêéché, est encore remarquable par des restes de
monumens romains qui ne la lirent pas cependant de l'oubli ;
aussi sans commerce et sans industrie, cette ville a-t-elle perdu
la plus grande partie de sa population. Aux approches d’Alet la
craie prend le plus grand développement, et avec elle l’ensemble
des nombreux débris organiques qui la caractérisent. Depuis
long-temps les environs de cette ville fournissent aux curieux
les pétrifications, pour me servir d’une expression vulgaire,
dont ils ornent leurs cabinets. Nous fûmes fort étonnés d'en
trouver an assez grand nombre de réunies dans le modeste manoir
du cuisinier de l'auberge la plus accréditée. Notre surprise fut
plus grande encore d'y voir des échantillons de magnésie sul-
fatée, dont Les aiguilles avaient plus d’un demi-pied de longueur.
Ces échantillons , réellement magnifiques, venaient des grottes
de Calatagud , situées sur les frontières des royaumes d’Arragon
et de Castille, Cet amateur, qui avait demeuré assez long-temps
au service du capitaine-général de l’Arragon, se les était procurés
en Espagne.
Pour se rendre aux bains de Rennes, la route se dirige vers
le sud , suivant la gorge dans laquelle l'Aude a son cours. Cette
gorge est moins resserrée que celle que l'on suit de Limoux à
Alet. À l'embranchement de la route de Couiza et de celle des
bains de Rennes , on se dirige à l’est et l'on quitte tout-à-fait la
( 467 )
vallée de PAude. Le chemin suit des montagnes escarpées; leur
stérilité indique assez la roche qui les compose. La craie com-
pacte est très- développée sur toute cette route, lprincipalement
vers les rochers dits de Cascavel, à une demi-lieue au sud
d’Alet. Ces roches sont souvent redressées, offrant par intervalle
des cavernes plus ou moins spacieuses, dans lesquelles on dé-
couvre bien une grande quantité de limon rougeâtre, analogue
à celai qui remplit les cavernes à ossemens, mais dans lequel
l’on ne découvre nulle trace de cailloux roulés ni de débris
organiques. Ainsi partout se vérifie la loi que nous avons an-
noncée sur la dispersion des ossemens; nulle part en effet l’on
n’en découvre dans les cavités souterraines élevées de plus de
500 mètres au-dessus du niveau des mers, et qui sont séparées
par de grands espaces des terrains tertiaires ou des dépôts
diluviens.
Lorsqu'après l'embranchement des deux routes on suit une
direction vers l’est, on ne quitte plus la formation de la craie ;
entre Peyrolles et Lucques, les roches qui en font partie prennent
un développement tout particulier. Cependant, lorsqu'on a tra-
versé la petite rivière de la Salz après le village de Serres, l’on
retrouve les phyllades et les schistes argileux que l’on n'avait
plus revus depuis les gorges d’Alet. Ces phyllades durent peu ,
la craie et les marbres noirs les recouvrant dans la presque tota-
lité du bassin de Salz où se trouvent les fameuses sources ther-
males dites les bains de Rennes. Dès que l’on arrive au bain
doux, nommé ainsi parce que les eaux qui en sourdent sont
moins chaudes que celles du bain fort (elles n’ont que 32 ou
33 degrés du thermomètre de Réaumur), on voit la craie com-
pacte en bancs parallèles, lesquels n’ont qu’une faible inclinaison.
Le peu d'inclinaison de ces calcaires est d'autant plus remar-
quable que les montagnes qui bordent les rives de la Salz ont.
des flancs très-abruptes et des pentes par conséquent fort raides.
Par suite de cette disposition, le lit de cette rivière est très-encaissé
( 468 )
el fort resserré entre les roches escarpées au pied desquelles elle
s'écoule,
La température du bain de la Reine ne s'élève guère au-delà
de 30 à 3r degrés ; mais celle du bain fort parvient jusqu'à 41
ou 42 degrés. La température de ces diverses sources croît donc
avec celle de leur profondeur , fait qu'il est facile de concevoir
si l’on admet que le globe jouit d’une température qui lui est
propre , laquelle s'augmente à mesure que l’on pénètre dans son
intérieur. Relativement aux sources qui nous occupent, on est
frappé de la température qui règne dans le souterrain où s'é-
coulent les eaux du bain fort et où l’on a établi les douches. Elle
est si forte et si accablante qu’on ne peut guère la supporter;
incommode pour les personnes en santé, elle est salutaire à ceux
que de graves douleurs amènent au milieu de ces montagnes.
Les eaux qui alimentent les diverses sources des bains de
Rennes s’échappent toutes des rochers de craie. Il est probable
qu'eiles viennent de plus bas et que leurs réservoirs sont dans
les terrains de transition où peut-être dans les terrains primitifs.
Ces eaux, connues depuis une époque déjà fort reculée et dont
les Romains paraissent avoir fait un grand usage, d'après du
moins les médailles nombreuses et les divers monumens que l’on
y découvre chaque jour, ne paraissent point avoir varié, du moins
d’une manière sensible dans leur température ni dans leur com-
position. Elles guérissent aujourd'hui les mêmes maladies que du
temps de Jules-César, ce qui prouve la constance des causes
auxquelles sont dues les eaux chaudes intérieures plus ou moins
chargées de matières minérales.
De Rennes nous avons été visiter la montagne nommée dans
le pays le Barreng, sur le sommet de laquelle se trouve un lac
qui porte le même nom. Dès que l’on a quitté la vallée, on suit
un sentier fort escarpé en se dirigeant vers l’est, laissant à l’a-
quilon le Puech-Cardon , point culminant des territoires de
Serres et de Rennes. En traversant ces vastes terrains de craie,
( 469 )
l'on est frappé à la fois de leur stérilité et du grand nombre de
débris organiques répandus à la surface du sol. Ces débris se
rapportent principalement à des spatangues, des hippurites, des
cyclolites, des radiolites et des madrépores. L'on juge aisément
que ceux que l'on découvre ainsi à la surface du sol sont pour
la plupart brisés. Cependant, à l'aide de recherches minutieuses,
l’on finit par en distinguer d'assez entiers , dont nous avons déja
désigné les genres et auxquels nous ajouterons le pecten quinque
costatus , des plagtostoma, des buccinum, des cucultæa , des
podopsis, ainsi qu'un grand nombre de Zma, de lucina, de
terebratula et de cytherea. Parmi les espèces découvertes dans
cette localité, nous signalerons une grande cytherea, remar-
quable par de grosses siries transverses. Cette cytherea y a été
trouvée par M. Anamozt, Après une heure d'une marche pénible,
on arrive à une fondrière, sorte de puits, qui s'est formé tout-
à-coup au mois d'avril 1826. Cette fondrière, dont la circonfé-
rence est d'environ 30 mètres et la profondeur de 50, se pro-
longe vers sa base par une cavité dont l'étendue n’a pu encore
être appréciée, produite, comme il est aisé de le reconnaître,
par l’affaissement des rochers formant voûte qui supportaient le
sol et les arbres qui y étaient excrus, Elle deviendra plus consi-
dérable encore lorsque les rochers de la cavité par laquelle elle
se termine viendront à s’ébouler, ce qui peut arriver d’un mo-
ment à l’autre. Du reste, ces sortes de puits naturels sont assez
communs dans les terrains calcaires, quelle que soit leur for-
mation. Le plus considérable et le plus profond est celui que
l'on voit dans les environs de Bozouls ( Aveyron ). La profondeur
égale à sa circonférence est d’environ 100 mètres, Les environs
de Montpellier nous en présen!ent également dans la craie,
mais bien moins remarquables que ceux que nous venons de
citer.
De cette fondrière nous avons été visiter le petit lac du Bar-
reng, situe à peu de distance, presqu'au sommet de Ja montagne
(470)
du même nom et dont la position est des plus riantes. Ce lac n'a
guère plus de 60 à 65 mètres de circonférence ; sa profondeur
est, dit-on, fort considérable. Il se trouve comme au centre d'un
cirque calcaire formé par des couches calcaréo-marneuses dont
le parallélisme et l'horizontalité sont assez prononcés. Les habi-
tans de Montferrand et des campagnes voisines racontent les
choses les plus absurdes relativement à ce lac.
Du Barreng nous nous sommes dirigés sur Montferrand , village
bâti à mi-côte au milieu des rochers lacérés de craie compacte.
Sur la route et au nord du Barreng nous passämes aux pieds de
quelques rochers de craie, qui, par suite du soulèvement,
avaient une forme aussi pyramidale que les aiguilles de certains
granits. La descente jusqu'à Montferrand est des plus rapides ;
mais nulle part nous ne vimes la moindre trace des formations
volcaniques que l’on nous avait annoncées. Du reste, partout
où il existe des eaux thermales l’on suppose que des formations
volcaniques doivent se montrer. Quoique ces deux genres de
phénomènes aient entr'eux des rapports sensibles , relativement
du moins aux causes qui les ont produits , l’existence des uns
n’est nullement liée à celle des autres, comme semblent le croire
ceux qui ne se sont jainais occupés de sciences naturelles.
Des bains de Rennes nous avons fait une excursion à la source
de l’eau salée; on nomme ainsi une des sources de la rivière de
la Salz, assez chargée de sel de cuisine pour occuper quelques
villageois à son extraction, L'on suit d’abord la rivière de la Salz,
que l’on remonte sur la rive droite et puis sur la rive gauche.
Au confluent de cette rivière et de celle qui prend sa source au
pied du pic de Bugarach, l’on voit une coupe propre à faire
connaître la succession des couches des formations secondaires
inférieures à la craie. Ainsi, dans la partie supérieure , l’on ob-
serve la craie compacte en couches puissantes et très-développées
auxquelles succèdent des psammites quartzeux micacés ou grès le
plus généralement blanchâtres, quelquefois cependant rubanés
(471)
ou même rougeâtres. Ces grès offrent souvent des empreintes de
tiges végétales ; des calcaires plus ou moins compactes en couches
peu épaisses se présentent ensuite; lesquels calcaires alternent
soit avec des grès, soit avec des marnes calcaires bleuâtres.
Toutes ces roches reposent sur le calcaire marbre noirâtre
que nous avons déjà décrit, ou sur les mêmes phyllades dont
nous avons parlé. La route se continue à travers ces formations,
les grès blancs prenant le plus grand développement en avant
du village de Songragnes. Lorsqu'on y arrive, c’est au contraire
la craie compacte qui paraît la plus étendue. Les roches qui la
composent sont seulement plus marneuses et offrent une fort
grande quantité de coquilles fossiles. Nous avons remarqué prin-
cipalement des ostræa cytherea, lucina, des cerithium et de
petites espèces de {uritella.
Du village de Songragnes à la source de l’eau salée on suit un
sentier rapide qui s'élève à travers les roches calcaires , entre les-
quelles existent de nombreuses touffes d’arbres qui ombragent
la route d’une manière agréable. Enfin, après trois grandes
heures de marche, l'on arrive à la source de l’eau salée. Cette
eau sort des calcaires secondaires, sur lesquels repose la craie
compacte de ces contrées, craie analogue par sa position à la
craie tufau ou à la glauconie crayeuse. Des gypses secondaires
avec de nombreux cristaux de quartz accompagnent ces roches
de craie. L'eau qui découle de ces rochers est assez chargée de
sel pour que l’on en retire par ébullition. Cette extraction est
l'objet d’un petit commerce pour les fermiers peu fortunés d'une
grange qui en est fort rapprochée. Ce sel, composé en grande
partie de sel marin ou chlorure de sodium, retient pourtant
quelques petites quantités de chlorure de calcium et de magné-
sium. À l’ouest de la source salée ou de la petite rivière connue
dans le pays sous le nom de la Salz, existe une côte escarpée
qui conduit au passage del pas dal capella. Avant de parvenir
à ce col, on peut visiter une galerie ouverte sur la hauteur pour
(472)
extraire du jayet ou des lignites tertiaires inférieurs, lesquels
appartiennent aux formations tertiaires émergées. Ces lignites
sont accompagnés de marnes bitumineuses noirâtres , lesquelles
offrent constamment du fer sulfuré, qui passe au fer sulfaté dans
les lieux où il existe des courans d'air extérieur.
Ces lignites sont connus depuis fort long-temps. En effet, on
lit dans un dénombrement fait au roi en 1672, par le sieur de
Montesquieu , seigneur de Bugarach et de Songragnes : « En-
» semble je possède dans le debès des salines les mines de jayet
» et de couperose, qui me portent peu de revenu à cause du
» grand travail qu'il y convient et en cazuel. » Aussi ces lignites
ont-ils été exploités avec quelqu'avantage avant l'introduction
en France du jayet, et lorsque cette matière était plus prisée
qu’elle ne l’est aujourd'hui. Il existe encore des traces de ces
anciennes exploitations; plusieurs galeries bouchées par des
éboulemens l'attestent assez; enfin une nouvelle galerie y avait
été pratiquée il y a trois ou quatre années ; mais les circonstances
ont mis un terme à ces travaux. On y découvrit d'assez beaux
morceaux de succin ou ambre jaune.
Le lignite de Songragnes renferme donc de nombreux rognons
de succin ou ambre jaune d’un brun noirâtre. Les plus gros de
ces rognons atteignent à peine les dimensions d’an œuf de poule;
les uns sont translucides et les autres presque opaques ; tous les
fragmens jouissent des propriétés électriques à un assez haut
degré. Ce succin , dans lequel on ne voit pas de traces d'insectes,
donne de l'acide succinique à la distillation. Il brûle avec flamme
et famée, en fondant facilement et donnant une odeur aroma-
tique agréable. Les parties opaques, après avoir brülé, prennent
un poli assez vif et une translucidité toute particulière. Ges ca-
ractères annoncent assez que le succin de Songragnes n'est point
de la mème nature que celui que l'on découvre au milieu des
lignites de Saint-Paulet ( Gard ), lignites qui appartiennent aux
formations tertiaires immergées, Ge dernier en est un. Au-dessous
(473)
des lignites se trouve la craie compacte inférieure, caractérisée
dans cette localité par de nombreux corps organisés , parmi les-
quels nous mentionnerons spécialement une grande turitelle qui
nous paraît nouvelle, et qui, par ses proportions, mériterait
bien le nom de turitella gigantea. Elle n’a pas moins de 116
millimètres de diamètre. et les tours dont elle est formée ont,
d'un bord à l’autre, jusqu’à 55 millimètres. Malheureusement
celle coquille, qui devait être lisse d'après ce qu'il en reste,
était en grande partie brisée ; nous ne pouvons par conséquent
en donner les proportions d’une manière bien exacte. À en juger
d'après la dimension de ses tours, celte espèce pouvait avoir
environ 350 ou 360 millimètres de longueur (plus d’un pied).
Elle devait être tout au moins aussi grande que le cerithium
giganteum ; mais ses dimensions dans le sens de la largeur de-
vaient être près du double de celles de cette dernière espèce.
L’on se dirige donc vers l’ouest pour se rendre au pic de
Bugarach. Le chemin suit toujours les roches calcaires qui ont
surgi presqu'à plomb au-dessus de la vallée. Une fois que l’on est
arrivé à la crête de ces montagnes et que l’on a passé le col
nommé dans le pays le pas dal capella, on aperçoit le pic de
Bugarach, qui s'élève comme une immense muraille verticale
au-dessus des roches de craie qu’il a percées. Ce pic, formé par
le même calcaire que celui qui compose les gorges de Pierre-Lis
ou du col Saint-Georges, se raltache à une même chaîne sou-
levée postérieurement à la craie compacte inférieure , chaîne
qui court de l'est à l’ouest. Ce calcaire, tantôt d'un bleu noi-
râtre, tantôt d'un gris plus ou moins foncé, paraît presque dé-
pourvu de corps organisés, comme la plupart des calcaires de
transition ou des calcaires secondaires inférieurs.
Il faut environ deux petites heures pour gravir sur le sommet,
qui est élevé au-dessus de la vallée d'environ 1,500 mètres, et
de 1,900 au-dessus de la mer, Du haut de cette montagne,
remarquable par”sa forme et sa hauteur, on jouit d'une vue fort
( 474)
étendue, laquelle dédommage un peu des fatigues que l'on à
éprouvées pour y arriver. Sèche et stérile , à peine y voit-on par
intervalle quelques touffes d'arbres peu élevés. Rien ne peut
donc réjouir l'œil sur ce mont solitaire , si ce n’est l'aspect im-
posant de la vue dont on y jouit. Aussi s’empresse-t-on de le
quitter et de redescendre dans la vallée qui n'est guère plus
riante.
Si le pic de Bugarach est composé d’un calcaire de transition,
Les collines qui sont à ses pieds et au travers desquelles il a surgi
apparliennent {outes à la craie compacte inférieure. Cette craie,
en cuuches puissantes et dont certaines se montrent redressées
par suite du soulèvement des masses qu’elles revêtaient , est
caractérisée par de nombreux fossiles. L’on y voit des milliers
de spatangues, des buccinum, des natica, des cerithium , et
enfin de petites huîtres assez mal caractérisées et à peû près in-
déterminables.
Enfin, après une marche assez longue et fort fatigante, on
arrive au village de Bugarach, bâti au fond de la vallée. Depuis
ce village jusqu’au hameau de la Vialasse le chemin est peu
pénible. Une fois que l’on y est arrivé, il faut constamment
gravir une côte escarpée. De la hauteur, l’on admire l'immense
soulèvement qui a produit les deux murs verticaux à la base
desquels s'écoule la petite rivière de Bugarach. Cette rivière se
trouve donc encaissée entre des roches calcaires secondaires, re-
marquables non seulement par leur soulèvement, mais surtout
par l'irrégularité de ce même soulèvement, qui en a plié les
couches en demi-cercle ou en forme d'un grand S. Après une
heure de marche on descend à La Ferrière, et de ce lieu l’on se
dirige, en montant à peu près constamment, vers le terroir de
Servairon, toujours sur la rive droite de la petite rivière de
Bugarach.
Une fois arrivé à Servairon, l’on est frappé de l'étendue et du
grand développement des psammites sablonneux ou grès micacés
( 47 )
à cailloux quartzeux. Ces grès présentent, au sommet des mon-
tagnes qu'ils composent , des aiguilles prismatiques tout-à-fait
verticales comme les murailles d’un édifice. Des éboulemens
nombreux rompent ces aiguilles et les rendent encore plus aiguës
et plus étroites, Enfin on rejoint la rivière de la Salz ou de
Salies, on passe au haut de l’ermitage et au pied de la roche
calcaire de laquelle sort la source dite du Cercle, qui est une
dépendance des bains de Rennes et dont les eaux sont ferru-
gineuses,
Le village des Bains se trouve dans une gorge de montagnes
très-resserrées , lesquelles se dirigent du sud au nord et perpen-
diculairement à l'horizon. Ces montagnes appartiennent toutes
aux formations secondaires , et la plupart d’entr’elles à la craie
compacte inférieure. En général, cette roche forme dans ces
contrées ies montagnes qui ont de 800 à 1,000 mètres de hau-
teur, tandis que celles qui dépassent ce niveau appartiennent au
calcaire secondaire inférieur dit de transition , ou aux psammites
sablonneux (grès micacés ), ou aux phyllades et schistes argileux
de transition. Les autres roches intercalées par intervalle entre
celles-ci y ont généralement peu d'importance. Quoi qu'il en
soit, la rivière de la Salz traverse presque tout le territoire des
bains de Rennes et divise ce village en deux parties. La majeure
partie des maisons se trouve adossée à la montagne qui est à
l’est de la rivière, maisons dont l'auberge est la plus considérable.
Course des bains de Rennes à Quillan.
Pour nous rendre de ces bains à Quillan, nous primes des
chevaux et suivimes les montagnes en passant par les communes
de Granes et de Saint-Ferréol, Nous ne rejoignimes le grand
chemin qu'au-dessous de ce dernier village et à une petite lieue
de Quillan. En quittant Rennes, on gravit des montagnes fort
escarpées, soit de craie, soit de psammite ou de grès micacé.
( 476 )
De la hauteur il est facile de juger combien les pentes de toutes
ces montagnes sont abruptes, ct quelle en est la disposition la
plus générale.
Ainsi, les roches calcaires offrent en grand une forme semi-
circulaire, et lorsqu'elles couronnent les montagnes leur forme
est assez semblable à celle d'édifices qui tombent en ruines.
Les psammites ou Les roches de grès offrent au contraire vers
leur sommet une disposilion en aiguilles aiguës et distantes les
unes des autres, ce qui leur donne une forme comme lacérée.
Les montagnes, composées au contraire de phyllade ou de schiste,
sont généralement angulaires à leur sommet; fait assez remar-
quable, dans tout le territoire depuis Limoux jusqu'à Alet ces
schistes sont moins déchirés et moins lacérés que les autres
roches. Leurs nuances sont aussi généralement plus sombres ct
leur végétation plus rare et moins belle que celle qui existe sur
les rochers calcaires de transition.
En avant de Granes, la craie compacte grise se décompose en
marne blanche; la couleur de cette roche devient tout-à-fait
analogue à la craie blanche. Cette roche n'en a cependant pas
l'aspect, ni le mode de cristallisation, ni enfin les corps orga-
nisés particuliers à la craie, dont elle a pris la couleur, Le village
de Granes, bâti au fond de la vallée, se trouve dans un site peu
fertile. Une route assez triste conduit au village de Saint-Ferréol ,
bâti sur la hauteur et presque sur un col ou sur la crête d’une
montagne assez élevée. Aussi, après ce village, une descente
rapide conduit à la grande route, distante d'environ une demi-
lieue. Des marnes calcaires et fissiles composent les montagnes
que l’on traverse ; ces marnes secondaires ne paraissent pas ren-
fermer de débris organiques.
Dans une petite heure de marche, après avoir joint la grande
route, nous fûmes rendus à Quillan, petite ville bâtie sur la rive
gauche de l'Aude et au centre de la vallée. Cette ville n'a sien
de remarquable , si ce n'est peut-être sa position dans un vallon
(477)
riant surmonté par des montagnes d'une grande élévation , Mon-
lagnes couronnées par des forêts d’une verdure éternelle. La
plus rapprochée de Quillan est la forêt de Fanges.
Les établissemens du maréchal Cravzer se trouvent à un petit
quart de lieue au sud de Quillan. Ces établissemens se composent
de forges à la Catalane, d'un moulin. à foulon et d'une scierie.
Ils doivent beaucoup à feu M. Vanmer, qui fit une percée de
163 mètres dans la montagne , afin d’y faire passer la prise d’eau
qu'il avait obtenue. La rivière d'Aude arrive donc en partie dans
cet établissement, où non seulement elle fait mouvoir toutes les
machines que l’on y met en usage , mais en outre elle sert aux
trompes qui font aller la fonte et les forges.
Sur la route de Quillan à cet établissement , on voit les schistes
argileux noirâtres de transition passer souvent aux phyllades
micacés extrêmement développés. Ces schistes donnent une teinte
sombre aux montagnes qu'ils composent. Leur sommet est angu-
laire, non déchiré, mais fort aigu. La végétation qui les couvre
est toute particulière. En grand leur stratification est fort pro=
noncée et indépendante de la structure fissile qu'elle présente en
petit. Ces schistes passent par dessous les calcaires noirâtres de
transition qu'ils ont redressés. Aussi, quoique les schistes aient
une inclinaison fort grande, on ne les voit jamais verticaux
comme les masses calcaires qu'ils ont redressées.
La route qui conduit à l'établissement de Belyiane est des plus
agréables. Cet établissement est destiné au laminage du fer, ainsi
qu'à la fabrication des grandes barres ou lames du même métal.
Les laminoirs y sont beaux et bien lenus; aussi sort-il de cette
usine d’excellent fer. En effet, le fer forgé prend, en passant
sous les laminoirs , une homogénéité et une tenacité que ce métal
ne peut acquérir au moyen du martinet ni à l’aide d'aucun autre
procédé. Outre les laminoirs, il existe dans le même établisse-
ment une fonderie destinée à préparer pour le laminoir le fer
qui sort de dessous le marteau.
(478)
De Belviane nous avons été visiter l’usine de Ginela où existent
les forges si connues du même nom, forges qui long-temps ont
été possédées par MM. Rivaso , de Carcassonne. Il faut pour s’y
rendre traverser des montagnes assez élevées et suivre des sen-
tiers aussi rapides qu’escarpés. L’usine de Ginela est située à six
petites lieues au sud-est de Quillan, dans le canton de Roquefort,
où se trouve la Bouljanne , petite rivière dont les eaux sont peu
abondantes dans les temps secs. Cette forge serait dans une
position avantageuse s’il y avait un chemin praticable; mais l’on
est forcé de transporter à dos de mulet jusqu’à Quillan les pro-
duits que l’on y fabrique. Une grande route les conduit ensuite
à Carcassonne, d’où on les expédie dans les lieux de consom-
mation , qui sont principalement de Bordeaux à Toulouse.
Le minerai dont on fait usage à Ginela vient des mines de
Fillols , lesquelles sont situées dans les environs de Prades, au
pied du Canigou (Pyrénées - Orientales). Le transport de ces
minerais est des plus pénibles, à raison des chemins affreux qu'il
faut que les mulets traversent pour de Fillols se rendre à Ginela.
Il existe à Ginela une réunion presque complète de toutes les
parties dont se compose une usine à fer. Ces ateliers ont été créés
par M. Rivauo. Il ÿ a établi deux forges, deux martinets, dont
lun sert à corroyer les aciers; une fenderie, un tour à tourner
le fer et la fonte, et enfin un moulin à scie. On y voit encore
un four de cémentation, un four à réverbère destiné à fondre
les cylindres du iaminoir de la fenderie et un atelier de fabri-
cation pour les limes. Quant aux trompes qui servent aux deux
forges , elles sont alimentées par le même cours d’eau qui met en
mouvement les roues des marteaux et des martinets.
Les forges sont alimentées par le charbon de bois et par le
procédé dit à la Catalane. Le charbon dont on y fait usage pro-
vient des forêts de hêtre qui avoisinent l’établissement de Ginela,
et particulièrement de la forêt de Boucheville. On y emploie
également du charbon de bois de pin qui se distingue par sa
( 479 )
légèreté. Ce charbon exige un creuset plus ouvert et une plus
petite saillie de la tuyère que le charbon de bois dur comme est
celui de hêtre.
Quant au fer qui se fabrique à Ginela, il est nerveux et se
forge bien à toute température. Il a cependant l'inconvénient
de ne pas se laminer d'une manière bien égale, et ce, à raison
des grains aciéreux produits par le procédé dit à la Catalane. Le
fer fondu par ce procédé, se trouvant en contact avec du charbon
de boïs, s'en charge plus ou moins dans de certaines parties, et
de là l'inconvénient qu'il a ordinairement de présenter des por-
tions plus ou moins aciérées. Aussi les fers de Ginela ne peuvent-
ils pas servir aux ouvrages délicats; mais, d’un autre côté, on
les préfère pour les instrumens d'agriculture et les essieux de
charrette. Les mêmes formations de calcaire de transition, de
schiste argileux et de phyllade micacé se continuent après Bel-
viane; mais, avant d'arriver aux forges de Ginela, on les voit
remplacées par des gneiss et des granits, soit communs, soit
porphyroïdes. L'aspect de la végétation annonce , comme par-
tout ailleurs , le changement qui s'est opéré dans la constitution
du sol.
De Ginela nous sommes revenus à Quillan, et le lendemain
nous nous sommes mis en marche pour aller visiter les gorges
de Pierre-Lis. Ces gorges , si belles et si remarquables par l’im-
mense hauteur des montagnes qui les couronnent, se trouvent à
trois quarts de lieue au sud de Quillan. On reprend donc la
même route que l’on suit pour aller visiter l'établissement de
M. le maréchal Crauzer. La route passe ensuite à Belviane , petit
village bâti sur les schistes argileux de transition et sur une
petite colline. Une fois sorti du ‘village , on descend rapidement
jusqu'à ce que l’on ait atteint le niveau de l'Aude, Un gros quart
d'heure après le village on suit la rive gauche de la rivière, que
_ l’on remonte constamment. On pénètre ainsi dans les gorges de
Pierre-Lis. Ces gorges sont tellement étroites qu'elles n'ont que
( 480 )
la largeur nécessaire au cours des eaux de l'Aude. Le chemin
que lon y a pratiqué se trouve creusé dans le rocher. Des mon-
tagnes fort élevées bordent en effet ces gorges profondes , et à
les voir si verticales , on les prendrait, si ce n’était leur grande
hauteur, pour d'immenses murailles.
Un chemin pratiqué dans le rocher, sur la rive gauche de
l’Aude, et cela à force de temps et de patience, permet au voya-
geur de contempler la grandeur et l'aspect imposant de ce défilé.
Avant que l’on eût percé ce chemin à travers les roches calcaires
pour parvenir à Agat ct à Saint-Georges, on suivait la hauteur,
et ceux qui étaient assez hardis pour en contempler la profondeur
en avaient seuls l’idée. Mais depuis 1826, époque à laquelle les
travaux commencés en 1824 ont été terminés, sous la direction
de MM. Desrren et Cnamvacne , on peut y passer sans danger. Les
masses calcaires entre lesquelles s’écoule l’Aude ont été com-
plètement redressées. Elles forment comme des murailles im-
menses d’une nudité effrayante. Leur élévation, mesurée du bas
de la vallée à leur sommet, n’est pas moindre de 180 à 250
mètres dans les lieux où elle est le plus considérable, car cette
élévation est loin d’être égale partout par suite de l’irrégularité
du redressement. Les masses calcaires qui composent les gorges
de Pierre-Lis sont formées par une roche calcaire noirâtre ou
d'un gris cendré. Quelquefois, dans les parties inférieures , les
deux variétés se montrent réunies par un ciment de la même
nature que la masse de ces roches, en sorte qu’elles prennent
alors tout-à-fait l'aspect d'une brèche. À droite de la route, en
allant vers Axat, se trouve une grotte peu élevée au-dessus du
niveau de l'Aude, Cette grotte, dont l'étendue n’est pas consi-
dérable, n'offre point d'ossemens et par conséquent elle ne ren-
ferme aucune trace de dépôts diluviens.
Le défilé ou la gorge de Pierre-Lis est, pendant environ un
grand quart de lieue, aussi profond que resserré; mais au-delà
de cet espace le défilé s'agrandit et l'on arrive à Saint-Martin de
(48: )
Pierre-Lis, situé à mi-côte, sur la rive droite de l'Aude, Ce
village est la patrie du vénérable curé qui a eu la première idée
de la route exécutée plus tard par MM. Desrnen et Cuamraene. Le
chemin qui conduit à Axat continue toujours entre les mêmes
roches calcaires, qui s'élèvent à des hauteurs moins considérables
que celles qui composent les gorges de Pierre-Lis.
Après avoir traversé le Rebenti, petite rivière qui descend du
pays de Sault, on arrive à Axat, situé sur la rive droite de
l'Aude. Ce village, bâti dans le bas de la vallée, est disposé en
amphithéâtre à l'aspect du midi; un ancien château qui le do-
mine lui donne un coup-d’œil assez pittoresque. Un pont en pierre
établit une communication facile entre la rive gauche et la rive
droite. C’est sur cette rive que sont construites la plupart des
maisons du village, ainsi que les belles usines ou forges de
M. Dax. Ces usines se composent d’une forge, d’une aciérie et
de moulins à scie. Quant aux minerais dont on se sert dans cet
établissement , on les tire de Vicdessos (Arriège), de Fillols et
d'Escarro ( Pyrénées-Orientales ), et enfin de Villerouge et de
la Grasse (Aude). Ces minerais, en les mélangeant entr’eux,
donnent parfois de l'acier naturel ; mais à-peu-près constamment
ils donnent de l'acier de cémentation. Jamais on ne fait de
l'acier fondu dans cet établissement. L’acier de cémentation que
l'on y fabrique est d'excellente qualité. On en fait usage pour en
fabriquer des limes, des scies, des sabres, de grands couteaux
dont on se sert en Amérique pour couper le sucre, ainsi que
divers autres instrumens.
Get établissement a une magnifique prise d’eau dans la rivière
d’Aude, laquelle met en action six roues hydrauliques et six
martinets, Les seules machines soufflantes dont on se sert dans
cette usine sont produites par la pression de l’eau. L’aciérie
31
(482)
occupe six fourneaux, tandis que la forge à la Catalane a un
fourneau et deux marteaux (*).
En suivant la rive droite de l’Aude et à une demi-lieue en
amont d’Axat, on arrive aux gorges de Saint-Georges, remar-
quables par le rétrécissement du lit de la rivière et l'élévation
de ses roches. Celles-ci sont de la même nature que celles de la
gorge de Pierre-Lis. Comme toutes les roches calcaires de cette
contrée, celles qui forment les gorges de Saint-Georges pré-
sentent une surface uniforme d'un gris cendré tout particulier
Cependant leur intérieur est d’un bleu noirâtre plus ou moins
intense ou d'un brun roussâtre. La direction de ces roches est
verticale et abrupte par suite de l'effet du soulèvement qu’elles
ont éprouvé. Du reste, on n’y voit pas plus que dans celles de
Pierre-Lis des traces de corps organisés. Nos recherches ne nous
ayant pas fait découvrir le moindre débris qui ait appartenu à
un corps vivant, nous avons demandé aux ingénieurs et aux
ouvriers qui ont fait la route si dans leurs travaux ils en avaient
aperçu; mais tous nous ont dit n'y en avoir jamais vu.
Avant d'entrer dans les gorges de Saint-Georges, la rivière
d’Aude est tellement encaissée entre les roches calcaires, qu'elle
n'a pas plus d’un mètre et demi de largeur. Malgré la faible
barrière qui s'oppose à l'écoulement de ses eaux, barrière qui
n'a pas plus de deux mètres au-dessus de leur niveau, leur action
érosive est si faible, lorsqu'elle n’est pas aidée par l’action des
corps durs, qu’elle n’a pas encore enlevé l’obstacle qui s'oppose
à leur facile écoulement. Gependant l'Aude a une grande rapi-
dité dans cette partie de son cours, et ses eaux yÿ sont assez
abondantes, surtout après les orages.
Ce fait et une foule d’autres beaucoup trop connus prouvent
(*) Voyez les expériences faites sur la trompe du ventilateur des mines de
Rancié, par M. Dauguisson, Annales des mines, 2.° série, tome IV.
( 485 )
combien les eaux actuelles sont impuissantes pour avoir creusé
les vallées où elles s'écoulent , car il est impossible que l'Aude,
en lui supposant même un volume d’eau trois fois plus considé-
rable que celui qu'ont ses eaux maintenant, ne pourrait pas
creuser une gorge aussi profonde que celle de Saint-Georges et
celle de Pierre-Lis. De même le Rhône, comme les autres prinei-
paux fleuves de l’Europe, n'aurait jamais pu creuser les vallées
profondes dans lesquelles il s'écoule, en admettant même que
ses eaux eussent été plus considérables qu'elles le sont actuel-
lement.
Pour expliquer d'une manière plausible la formation des
grandes vallées , si fort en disproportion avec le volume des eaux
qui s’y épanehent, il faut admettre qu’à l’époque à laquelle des
soulèvemens ont eu lieu, soulèvemens qui ont produit les émni-
nences qui sillonnent nos continens, il s'est opéré des affaissemens
qui ont coïncidé avec ces soulèvemens; ou bien encore que les
vallées ne sont que les points du globe qui, n'ayant pas été
soulevés, ou soulevés seulement en partie, ont conservé, à peu de
choses près, leur niveau primitif, Évidemment , les soulèvemens
ont eu lieu avant que les roches eussent acquis la solidité qu’elles
ont actuellement ; dès-lors ces roches ont pu aussi être facilement
attaquées par les eaux dont la température et le volume étaient
beaucoup plus considérables que dans les temps présens. Mais
leur action érosive a été nécessairement plus faible sur les
roches , dont la solidité était déjà la plus complète ; aussi les
vallées ne s’agrandissent-t-elles et ne prennent-t-elles une certaine
étendue que dans les lieux recouverts par les terrains les plus
récens , ceux qui ont acquis le plus tard la solidité que nous leur
voyons aujourd'hui.
La largeur et l'étendue des vallées parait donc constamment
en rapport avec la nature des roches et des terrains où elles
sont placées. La vallée de l’Aude nous en fournit un exemple
trop remarquable pour ne pas en faire mention. Ce fleuve s'étend
(484)
avec une sorte de complaisance dans les plaines fertiles de la
partie orientale et méridionale de ce département , particulière-
ment dans celle de Coursan , formée de terrains tertiaires im-
mergés que recouvrent des dépôts diluviens; mais une fois qu'il
approche de la plaine de Carcassonne, dont le sol, composé de
macignos durs et solides, est moins attaquable que le sol infé-
rieur de la plaine de Coursan, son lit se resserre et ses eaux se
livrent aussi beaucoup moins à des incursions qui désolent et
fertilisent à la fois la belle plaine de Coursan. De même une fois
que cette rivière est parvenue dans les montagnes de craie com-
pacte inférieure des environs de Limoux , elle se resserre de
plus en plus, et son lit devient encore plus étroit en traversant
les montagnes de transition des gorges d’Alet. Il devient même
plus tard tellement resserré, lorsque cette rivière traverse les
gorges de Pierre-Lis et de Saint-Georges, que son lit finit par
n'avoir plus que quelques mètres de largeur. Il semblerait, en
comparant l'étendue de ce fleuve telle qu’on l’observe dans la
plaine de Coursan et les gorges de Saint-Georges, que cette
étendue ne peut pas être moindre ; mais il'en est bien autrement,
car cette rivière , lorsqu'elle arrive auprès des terrains primitifs,
est si faible qu'elle n’a bientôt plus que quelques pieds de lar-
geur, et enfin, se réduisant encore auprès de sa source , elle n’est
plus qu'un mince filet d’eau qui passerait inaperçu si le voyageur
qui le contemple n'y voyait la trace d’un fleuve assez important
pour avoir donné son nom au département qu'il traverse dans
la plus grande partie de son cours.
Nous avons remonté ce fleuve au lieu de le descendre, parce
qu'il nous a paru que de cette manière on saisissait mieux com-
bien grande a été l’influence de la nature des roches sur l’étendue
des vallées parcourues par des cours d’eaux. En effet, plus les
roches ont été solides à l’époque de leurs soulèvemens et moins
l'écartement'qui s’est opéré entre leurs masses a été considérable.
Cet écartement s'est pour lors borné à y produire de larges
( 485 )
fentes, ou , si l’on veut, de petites vallées, tandis qu'il en a éte
différemment pour les roches de sédiment. Cet effet a été surtout
sensible pour celles qui , appartenant aux terrains les plus récens,
avaient moins de solidité, et qui, par cela même, ont cédé plus
facilement aux efforts de l’impulsion qui les ont soulevées à leur
tour. Celles-ci sont en effet restées constamment les plus basses,
à raison d’ailleurs de ce qu’elles avaient moins de masse. Aussi
plus tard les fleuves ont pu s’y étendre avec plus de facilité et
les attaquer avec plus de succès qu'ils n'ont pu le faire de roches
en partie durcies. En un mot, ce n’est pas lorsque les terrains
de sédiment avaient acquis une grande dureté qu'ils ont été
érodés , l'exemple que nous avons cité prouve assez le contraire ;
cependant ces terrains ont été attaqués, mais seulement après
l'époque de leur soulèvement , lorsqu'ils conservaient encore une
certaine mollesse et une certaine malléabilité,
Les vallées ou les plaines, qui n’en sont, en quelque sorte, que
le développement, sont donc les points du globe qui ont été le
moins soulevés et ceux dont le niveau s’est maintenu le plus bas.
Dès lors les eaux courantes ont dù s'établir dans ces points les
plus abaissés de la surface du globe , et ces eaux les ont d'autant
plus attaqués qu'ils se trouvaient dans un état de mollesse ou
d’une certaine malléabilité, si cette expression est propre à
rendre l'état pâteux que durent avoir dans le principe de leur
formation les roches de sédiment. C’est par suite de cette dispo-
sition, qui est assez générale dans les vallées dont la largeur
coïncide assez bien avec la nature des roches , que l’on y a sup-
posé plusieurs étages, leur niveau baïssant successivement et par
intervalle d’une manière assez brusque, depuis leur naissance
jusqu’au point où elles se terminent. Ces étages ont été admis
particulièrement pour la rivière d’Aude, dont nous venons de
décrire le cours , et qui, comme la plupart des fleuves dont les
sources sont dans les terrains primitifs, vont se déboucher dans
la mer, offre par cela même de grandes variations daus son
(486 )
niveau, Ces variations sont d'autant plus considérables qu'avant
de se perdre dans la mer l’Aude traverse à peu près dans son
cours l'entière série des terrains de sédiment.
Ges variations dans les niveaux des vallées parcourues par des
fleuves ne sont presque plus sensibles dans les rivières dont les
sources, plus abondantes que les premières, se trouvent dans
les terrains de sédiment; si nous voulions en citer des exemples
pris dans le midi de la France , nous pourrions faire mention des
vallées parcourues par le Lez et la Sorgue, rivière fameuse par
la grandeur de sa source, la fontaine de Vaucluse.
L'étendue de la gorge de Saint-Georges est moins considérable
que celle de Pierre-Lis. Quant au chemin, il a été également
creusé dans le rocher et construit à grands frais par les mêmes
ingénieurs que ceux auxquels l’on doit le chemin de Pierre-
Lis. Ce chemin se trouve ici sur la rive droite de l’Aade,
ayant été pratiqué dans l'endroit le plus facile et le plus
commode.
On rencontre à deux lieues au sud de Saint - Georges les
terrains primitifs, et là, comme à Ginela, les phyllades micacés
ou les schistes argileux reposent immédiatement, soit sur les
gneiss communs ou porphyroïdes, soit enfin sur les mêmes va-
riétés des roches granitiques.
Nous revinmnes ensuite à Axat, ayant l'intention d’aller par-
courir la belle forêt des Fanges, dont les nuances sombres con-
trastent avec les tons clairs des calcaires de transition. Ces
nuances des calcaires tiennent autant à la décomposition de ces
roches qu'aux lichens qui les couvrent. En les cassant l’on recon-
naît aisément que ces nuances ne sont qu'extérieures et super-
ficielles. Nous gravimes la montagne de la Pinouse, située au
nord-est d’Axat , laissant à droite une belle forêt de sapins et de
pins , laquelle était bordée de grands hêtres (fagus sylvalica).
En général , dans ces cantons, les sapins végètent et prospèrent
dans les points les plas élevés, qui ne dépassent pourtant pas
( 487)
1,500 à 1,800 mètres. Les pins et les hètres, surtout ces der-
niers, s'élèvent beaucoup moins, ce qui est extrêmement sensible
dans la forêt de la Pinouse.
On se dirige après cette forêt vers le nord ; en suivant un sen-
lier rapide et mal tracé, l’on arrive à la forêt des Fanges après
deux heures d’une marche pénible. La maison royale, où sont
logés un brigadier et deux gardes-forestiers , est dans une vaste
clairière qui se trouve dans l’intériear de la forêt. Cette forêt
est imposante autant par la beauté des arbres que par le silence re-
ligieux qui y règne. Que l’on se figure l'impression que produisent
sur l'esprit des arbres séculaires, droits et élancés comme d'im-
menses pyramides, arbres tellement pressés les uns contre les
autres que la vue s'étend à peine à quelques pas. Aussi est-il
fort dangereux de s’écarter de la route tracée ; pour si peu que
l'on s’en écartât, l'on risquerait de s'égarer. Nous ne fimes donc
quelqu'excursion qu'accompagné par le brigadier qui dirige la
forêt, Cette forêt est réellement magnifique vers les points cul-
minans, là où seuls végètent des sapins qui se sont emparés d'un
sol où ne croissent plus que quelques herbes chétives. De retour
à la maison royale, nous avons traversé la forêt des Fanges en
nous dirigeant vers le nord-ouest. Nous somines ensuite arrivés
au point culminant de la montagne, d’où l’on jouit d'une vue
extrémement étendue. Après avoir long-temps contemplé le vaste
tableau qui s'offrait à nos regards, nous sommes descendus dans
la vallée par un chemin bien tracé au couchant de la montagne
des Fanges. Après deux heures de marche on traverse l’Aude sur
un pont de bois, en avant de Belviane, dont nous avons déjà
parlé. Enfin nous rentrâmes à Quillan, asséz (ôt pour éviter un
orage qui y fit de grands ravages.
Le lendemain nous revinmes à Limoux en passant par Cam-
pagne, Esperazza, Montazels et Alet. La route suit la rive droite
de l'Aude, laissant à gauche le village de Gampagne et à droite
les caux thermales qui portent le même nom. Plus loin on dé-
( 488 )
couvre sur la rive gauche les villages d'Esperazza et de Monta-
zels, et sur la rive droite ceux de Couiza et d’Alet. Ce sont tou-
jours les mêmes formations que l’on traverse ; ainsi nous retrou-
vâmes de la dolomie dans le calcaire noir de transition des
environs d'Alet, dolomie que l’on observe également dans ceux
qui composent les gorges de Pierre-Lis et des environs de Quillan,
Une circonstance générale, particulière aux diverses parties de
l'arrondissement de Limoux , c’est la rareté des dépôts diluviens
ou du diluvium proprement dit. On n'y en voit presque pas de
traces ; si ce n’est dans quelques basses vallées comme sont celles
des environs de Limoux. Les dépôts diluviens sont au contraire
fort abondans dans l’arrondissement de Carcassonne, où ils
acquièrent même souvent une assez grande puissance , comme
par exemple sur le chemin de Conques à Lassac, et dans la
plus grande partie de la-plaine dont Carcassonne est entourée.
Ces dépôts sont donc loin d’être généralement répandus, puis-
qu'il est tant de contrées qui en sont complètement dépourvues,
soit en raison de leur élévation au-dessus des mers, soit enfin en
raison des formations qui les composent.
( 489 )
CHIMIE.
RECHERCHES CHIMIQUES SUR LE MAÏS, DEVANT CONTRIBUER
AUX PROGRÈS DE LA FABRICATION DES SUCRES INDIGÈNES ;
Par M. E. Pazas,
Docteur en médecine, Médecin en chef de l’hôpital-militaire de Saint-Omer,
Membre correspondant.
22 mA 1835.
Depuis les beaux travaux de Parmentier sur le maïs, on ne
s’est pas occupé en France de cette plante comine étant suscep-
tible de fournir du sucre. Personne au moins n'a eu l'idée de
le fabriquer en grand , de manière à l’employer aux besoins de
la vie. Cette indifférence de la part de notre industrie tient pro-
bablement à ce qu’il fallait à la fois sacrifier le fruit et la tige
pour n’obtenir, en résumé, qu’une très-petite quantité de
matière sucrée.
Convaincu par quelques essais préliminaires que je fis sur la
tige de maïs, après en avoir récolté le fruit, que cette plante
contenait une quantité notable de matière sucrée, j'entrepris
avec plus de méthode une nouvelle expérience.
Le premier octobre 1834, ayant récolté du maïs de l'espèce
connue sous le nom de variété jaune qui était parvenu à sa par-
faite maturité, je fis un choix de tontes les tiges qui conservaient
( 490 )
encorc un reste de végétalion, état qui s'annoncait par la cou-
leur verte ou violacée de la plante, et la saveur sucrée de son
suc. Le lendemain , après les avoir dépouillées de leurs feuilles,
on pesa sept kilogrammes de ces tiges, dont les plus longues
avaient à peine trois pieds; on leur enleva la partie corticale
ligneuse. Ensuite la portion médullaire spongieuse , seule partie
de la tige qui renferme la matière sucrée, fut coupée par mor-
ceaux, pilée dans un mortier de marbre et soumise dans un sac
de toile à l’action de la presse. De cette première opération on
obtint 3 kilogrammes 130 grammes d’un suc sensiblement sucré,
dont la saveur avait de l’analogie avec celle de la réglisse verte.
La pesanteur spécifique de ce suc était de mille soixante, celle
de l’eau de fontaine étant de mille.
La partie parenchymateuse fut pilée de nouveau avec un demi-
litre d'eau de fontaine ; soumise à la presse elle a fourni à peu
près le même volume de liquide employé, qui était sensiblement
sucré, moins cependant que celui obtenu dans la première
opération.
Ces deux liquides furent réunis immédiatement dans un vase
4
de cuivre étamé et portés à l’ébullition à feu nu, avec 25
|
0]
grammes de chaux éteinte en poudre, jusqu'à réduction de moi-
tié environ. Dans cet état la liqueur avait totalement perdu le
goût particulier à la plante et possédait à un degré remarquable
la saveur particulière au sucre de canne.
Décantée , cette liqueur sirupeuse fut traitée avec 20 grammes
de charbon animal, clarifiée au blanc d'œuf et concentrée, elle
a donné après la filtration au travers d’une étamine de laine,
5oo grammes de sirop transparent, de couleur jaune fauve et
d’une densité de 34 degrés, sous la température atmosphérique
de 15 degrés du thermomètre centigrade.
Comme ce sirop présentait la plupart des caractères de celui
de canne, j'étais impatient de savoir s'il possédait aussi celui de
cristalliser, bien que généralement il arrive même pour les sirops
( 49r )
les plus riches en sucre qu'ils se refusent à cristalliser, lorsque
l'on opère sur des petites quantités. Après l'avoir clarifié de
nouveau et décoloré avec le charbon animal, on obtint une
clerse magnifique. Cependant le sirop, qui fut convenablement
cuit, ne put cristalliser immédiatement, et ce ne fut que trois
mois après qu'il laissa déposer au fond des verres à expérience
qui le contenaient une cristallisation formée de véritable sucre
ayant la plus grande analogie avec ceux de canne ou de bet-
terave. La rareté de la plante dans un pays où elle n'est pas
cultivée et qui ne se trouve que dans quelques jardins d’a-
mateurs , m'a fait remettre la suite de ces expériences à l'année
prochaine.
Le résidu de la tige, entassé dans un vase de terre vernissé,
laissait échapper le lendemain de l'opération des vapeurs alcoo-
liques très-prononcées , ce qui prouve que toute la matière sucrée
n’en avait pas été enlevée par les deux expériences successives.
Desséché à l’air, ce résidu, qui se trouve toujours enveloppé par
une substance mucilagineuse dont la présence se manifeste sur-
tout lorsqu'il est encore humide, doit être non seulement une
excellente nourriture pour les animaux herbivores, puisque le
cheval en mange avec avidité, mais encore il doit servir à faire
de très-bon papier d'emballage, dont un échantillon a été
fabriqué par M. Bezarr, fabricant de papier, à Wisernes, près
Saint-Omer.
Une portion de cette tige ainsi brisée, et dont la matière
sucrée avait été séparée, a donné à l’eau froide une viscosité
très-prononcée, et dont l’évaporation lente a fourni un résidu
gommeux qui atlirait l'humidité de l’air. C’est sans nulle
doute à la présence de cette matière gommeuse, que la tige de
la plante contient en abondance , que l’on doit attribuer la fer-
meté ct l'imperméabilité que l’on remarque au papier mais,
qui a été fabriqué sans addition d’aucunc matière collante,
comme le dit M, Bezcart dans une lettre qu'il m'écrivit en me
(492 )
faisant connaître les résultats de ses essais, et dont je crois
devoir faire connaître l'opinion , comme étant celle d'un homme
des plus distingués dans la fabrication du papier.
« Aucune matière collante, dit M. Becranr , n’est entrée dans
» la composition de ce papier ; il doit sa fermeté à la grande
» quantité de mucilage que la plante contient. Lorsque l’on opé-
» rera sur une plus grande quantité que celle qui a servi à
»
» l'échantillon , l’on obtiendra un papier moins cassant qui aura
ÿ
toute la qualité nécessaire à un bon papier d'emballage. »
De tout ce qui précède, il résulte que sept kilogrammes de
tiges de maïs, soumis à l'expérience après avoir récolté le fruit
arrivé à parfaite maturité, ont fourni :
1.0 500 grammes de sirop à 34 degrés, sous la température
atmosphérique de 15 degrés centigrades;
2.0 Un produit parenchymateux dont on n'a pu apprécier au
juste la quantité, et qui peut servir de nourriture aux bestiaux
et à remplacer le chiffon dans la fabrication du papier d’em-
ballage;
3.0 Enfin une matière gommeuse de moindre importance.
Ces résultats me paraissent bien plus avantageux que ceux
que l’on à obtenus en France précédemment, ear Paruennier ,
ainsi que tous ceux qui l’ont suivi ou imité, opérant sur la
plante avant la maturité de son fruit, étaient obligés, pour
rechercher le sucre, de sacrifier la graine, dont se nourrissent
des populations entières. Ils n’obtenaient, dans un cas, que 8
onces de liqueur sirupeuse sur 48 livres de tiges fraîches cueillies
long-temps avant la fructification, et dans l’autre, 18 onces de
liqueur sirupeuse pour 30 livres d’épis verts.
L'année prochaine , lorsque j’opérerai sur une plus grande
échelle, je compte obtenir des résultats qui seront pour le moins
aussi avantageux, car d'après M. »e Huwsoin, les Mexicains le
fabriquent avec avantage ; et selon d’autres auteurs , une grande
partie de sucre de canne que l'on introduit en Europe serait
( 495 )
mêlée à une grande quantité de sucre de mais. M. Lacanenxe
annoncé que dans les environs de Vienne on obtient d’une quan-
tité donnée de sirop de maïs le tiers de sucre cristallisé. J'ai
signalé également d'une manière toute particulière dans mon
mémoire adressé à l’Institut et dont celui-ci n’est que le résumé,
les travaux du docteur Nacunou, de Greitz, en Basse-Styrie,
comme offrant quelque analogie avec celui qui fait l’objet prin-
cipal de ce mémoire. J'ai lieu d'espérer que les résultats obtenus
dans le nord de l'Europe se réaliseront aussi dans notre belle
France , et plus particulièrement dans les départemens méridio-
naux , où le maïs est abondamment cultivé.
Déjà la connaissance de ce fait a excité le zèle d’un grand
nombre de fabricans de sucre de betterave et de quelques indus-
triels de l'arrondissement de Saint-Omer , qui forment le projet
de répéter en grand les expériences que je n’ai pu faire que sur
une trop petite échelle.
( 494)
HISTOIRE NATURELLE.
OBSERVATIONS
SUR LA LICORNE DES ANCIENS,
Par M. Marcel DE SERRES, Membre correspondant.
3 ocrosre 1834.
Toute l'antiquité a admis l'existence d’un animal à pieds
fourchus, qui aurait présenté cette particularité remarquable,
d’avoir une seule corne sur le milieu du front. Cet animal,
connu sous le nom de monocéros ou de licorne, aurait vécu,
suivant les anciens, à la fois dans l’Inde et dans l'Afrique. Ce-
pendant, malgré les traditions unanimes de l'antiquité et l’au-
torité d’Aristote, de Pline et d'OElien (qui, pour le dire en
passant , n’ont point vu cet animal), la plupart des naturalistes
modernes, à la tête desquels il nous sufira de citer Cawren et
Cuvn, ont généralement rejeté l'existence d'un ruminant à corne
unique alongée et rectiligne placée sur le milieu du front ; une
pareille corne ne pouvant tenir sur une suture.
Les cornes ou les prolongemens tubuleux de diverse nature
dont la tête de plusieurs mammifères Lerrestres est armée sont
ou osseux ou épidermiques. Lorsque ces prolongemens dépendent
du tissu osseux , ils prennent généralement un grand développe-
ment, surtout en longueur, tandis qu'il en est le contraire toutes
les fois que ces prolongemens appartiennent au système cutané.
( 495 )
11 y a plus, lorsque les cornes osseuses ou qui appartiennent à
cet ordre de tissu sont enveloppées par la peau, elles acquièrent
peu de développement, et par cela même elles restent plus
courtes que les cornes solides qu'aucun tissu épidermique ne
recouvre d’une manière constante.
Les ruminans ou les mammifères terrestres à pieds fourchus,
parmi lesquels la licorne devrait être classée, n’ont que des pro-
longemens osseux qui n'offrent une certaine étendue que chez les
espèces où ces prolongemens ne sont point recouverts par la
peau. Les cornes des antilopes , et par conséquent de la licorne,
sont dans ce cas ; dès-lors il est sensible que des cornes osseuses
solides et très-alongées ne peuvent être placées sur le milieu d'un
os qu’une suture divise, En effet, pour la solidité de là corne
épidermique et courte du rhinocéros des Indes, la nature a pris
la précaution de rendre les os du nez qui la supportent très-forts
et très-épais. De plus, ces os sont soudés de manière à présenter
une base convenable, L'on sait également que les espèces de ru-
minans qui ont de grands bois présentent les os du crâne pro-
portionnés au développement et au poids de ces parties. Ainsi
l'on ne peut guère admettre la réalité d’un mammifère terrestre
à pieds fourchus auquel on supposerait en même temps une corne
alongée placée sur le milieu de l'os frontal, lequel se trouve
divisé dans sa partie moyenne.
: Cest sur ces considérations anatomiques que les naturalistes
modernes se sont fondés pour rejeter l'existence de la licorne,
telle du moins que les anciens l'ont conçue. Cette discussion
paraissait {out-à-fait épuisée et comme fermée ; cependant, des
observateurs dont nous reconnaissons plus que personne le mé-
rite, l’ont tout récemment rouverte ; dès-lors il nous paraît utile
de ramener cette question à son véritable point de vue. Son
intérèt fera sans doute excuser les délails dans lesquels nous
allons entrer.
Les mammifères terrestres qui ont des bois ou des cornes sur
( 496 )
leurs têtes appartiennent à deux ordres différens, les pachy-
dermes et les ruminans. Ces derniers présentent les cornes les
plus solides et les plus alongées. Elles ne sont pas pour cela les -
plus persistantes ; l’on sait en effet que les bois des cerfs tombent
à des époques fixes et se renouvellent plusieurs fois pendant la
vie de l’animal. Seulement, comme les cornes des ruminans sont
généralement des prolongemens de l'os frontal, elles adhèrent
aussi constamment avec cet os. Le frontal fait même souvent
saillie à la base des bois, ce que l’on remarque surtout chez les
espèces qui font partie de la division du grand genre cerf nommé
anoglochis et qui comprend les genres élan (alces), chevreuil
(capreolus) et cervule ( cervulus).
Sous Le rapport de leur adhérence avec los frontal, les cornes
des raminans, lorsqu'elles sunt alongées ou très-développées,
n'offrent pas de grandes différences entr’elles. Elles n’en pré-
sentent que lorsqu'elles sont courtes, comme celles de la girafe ;
alors les prolongemens frontaux ou cornes, quoique solides,
sont enveloppées par une peau velue qui se continue avec celle
de la tête, peau qui subsiste pendant toute la vie de l'animal.
Relativement à leur structure , les cornes ou bois des rumi-
nans peuvent être divisés en plusieurs ordres ; 1.° les cornes ou
bois pleins ou solides ; 2.° les cornes creuses ou faisceaux tubu-
leux qui ont dans leur intérieur des chevilles, prolongemens de
l'os frontal.
Les cornes solides ou faisceaux pleins peuvent être sous-divisés
en deux sections, selon qu'ils sont revêtus ou non de peau velue
qui se continue avec celle de la tête. Les bois des cerfs rentrent
dans la première de ces sections, quoique dans le jeune âge les
proéminences osseuses qui les forment soient couvertes pendant
un temps d’une peau velue comme celle du reste de la tête, Mais
comme ces proéminences ont à leur base un anneau de tuber-
cules osseux, ces tubercules, en grossissant, compriment et
oblitérent les vaisseaux nourriciers de cette peau; celle-ci finit
( 497 )
done par se dessécher et tomber entièrement. Les cornes pure-
ment osseuses des cerfs, dont le tissu est continu et identique
avec l'os frontal, restent donc dénudées pendant la plus grande
partie de la vie de l’animal ; dès-lors elles doivent être distinguées
des cornes de la girafe, qui sont constamment enveloppées par
une peau velue.
Les prolongemens frontaux de la girafe appartiennent à la
seconde section; ces prolongemens sont en effet enveloppés par
une peau qui ne se détruit point, ainsi que nous l’avons déjà fait
observer, Par suite peut-être de cette particularité les proëmi-
nences frontales de la girafe ne tombent jamais.
Quoi qu'il en soit, on les voit composées de deux portions ;
l’une interne, très-réticulaire et spongieuse ; l’autre externe,
dense et compacte. Cependant, chez les vieux individus, la
masse entière de la corne prend une dureté et presque une con-
texture éburnée, Outre ces deux prolongemens frontaux, la
girafe offre encore un tubercule osseux ressemblant un peu à une
troisième corne. Ce tubercule, formé par une excroissance spon-
gieuse du frontal, occupe le milieu du chanfrein. On le voit
quelquefois calleux et garni de longs poils, surtout chez les jeunes
individus.
Telles sont les distinctions que l’on peut faire entre les cornes
solides des ruminans ou ces proéminences plus ou moins longues
des os frontaux qui ne se trouvent dans aucune autre famille
d’animaux.
Il ne nous reste plus maintenant qu'à dire quelques mots des
cornes creuses propres au grand nombre de ruminans , mais dont
les chevilles ou noyaux intérieurs sont toujours comme les cornes
solides des prolongemens de l'os frontal. Ce dernier caractère
paraît réellement propre et distinctif des proéminences des fissi-
pèdes. Aussi devrait-on les nommer des proéminences osseuses,
tandis que celles des pachydermes , dérivant constamment de la
peau ct n'ayant aucune adhérence avec l'os frontal, devraient
32
( 498 )
être désignées sous le nom de prolongemens épidermiques. Par
ce moyen, l’on éviterait toute confusion entre des organes dont
l’origine est si différente.
Les cornes creuses à cheville ou noyau osseux intérieur carac-
térisent les ruminans des genres Antilope (antilope), Ghèvre
(capra), Mouton {ovis) et Bœuf ( bos). Elles se trouvent donc
chez un plus grand nombre de genres de ruminans que les cornes
pleines ou solides uniquement propres aux diverses espèces de
cerf et à la girafe. Les cornes creuses sont du reste généralement
moins ramifiées que les cornes pleines et solides, qui sont presque
toujours multiples , tandis que les premières restent simples.
Ces cornes, outre leur noyau osseux, sont revêtues d'un étui
de substance élastique , composé comme de poils agglutinés. Cet
étui, auquel on donne plus particulièrement le nom de corne
creuse, à raison de sa nature et de sa conformation, croît par
couches et pendant toute la vie de l'animal. Il en est de même
de la proéminence osseuse qu'il enveloppe. L'une et l’autre de
ces parties sont permanentes.
Telles sont les particularités que présentent les cornes ou bois
des ruminans ; comme elles sont communes à tous, l’analogie
doit nous faire supposer que si l’on en rencontre du mème genre
dans des mammifères autres que ceux qui nous sont connus, elles
s’y montreront avec les mêmes rapports. On doit d'autant plus
le supposer, que ces parties ont des relations sensibles avec des
organes d'un ordre plus important. Et, par exemple, si l’exis-
tence des cornes des ruminans du genre Cerf n'exclut point la
présence des dents canines, ainsi qu’on l’a gratuitement avancé,
cette expression est du moins vraie pour les incisives supérieures.
Il en est de même de plusieurs autres genres de bifalques qui
ont des cornes ; on voit généralement les animaux à pieds four-
chus, qui ont pour la plupart des cornes sur le front, avoir
également un système dentaire extrèmement imparfait.
Les pachydermes, du moins certains d’entr'eux comme les ru-
( 499 )
minans, ont aussi des cornes sur la tête, Ces cornes n'ont du
reste que le nom de commun avec celles des ruminans ; elles en
différent en effet , autant par leur position que par leur nature.
Peu répandues chez les pachydermes, elles semblent bornées aux
rhinocéros ; comme l’une des espèces de ce genre, celui des Indes
n’a qu'ane seule corne; des observateurs même modernes l'ont
considérée comme l’analogue de la licorne des anciens, qui n’a
peut-être de fabuleux que la description qu’ils nous en ont laissée.
Les cornes des rhinocéros, quel qu’en soit le nombre, reposent
par l'intermédiaire du derme sur les os du nez, lesquels sont non
seulement fort épais, mais soudés ensemble, de manière à pré-
senter une base solide. De nature fibreuse ou cornée, elles sont
constamment persistantes, solides, coniques ; placées sur le nez,
ces cornes n’adhèrent point à l'os, n’étant qu'une continuation
de l'épiderme. Aussi, lorsqu'on les examine dans leur intérieur,
surtout après les avoir sciées transversalement , on reconnait
qu'elles sont formées de poils agglutinés.
Tels sont les seuls mammifères terrestres qui soient pourvus
de ces faisceaux plus ou moins tubuleux auxquels on a donné le
nom de cornes. D'après les détails dans lesquels nous sommes
entrés, on a pu saisir qu’il n’était guère possible qu'il existât un
animal portant sur la ligne médiane de l'os frontal une corne
formée par la réunion de deux de ces organes. À la vérité les
variétés de nos races domestiques, soit des chèvres, soit des
moutons, présentent accidentellement une pareille disposition ;
mais elle n’est qu’apparente. Une des deux cornes avorte ; l’autre,
prenant un développement plus considérable, se dévie de sa
position normale et finit par paraître partir de la ligne médiane
de l'os frontal. On assure qu'il en est de même chez l’antilope
cama; les cornes annelées de cette espèce, en abandonnant leur
position primitive, semblent ainsi provenir du milieu du front.
Ces différences dans la position des cornes, surtout chez des
animaux qui, comme les antilopes, offrent des variations fré-
( 500 )
quentes dans le nombre de ces parties, ont donné lieu à la
croyance d’un fissipède à une corne unique sur le milieu du front.
Aussi la licorne des anciens n’est probablement qu'une variété
unicorne de quelque espèce d’antilope, d'autant plus que le
nombre des cornes est loin d’être constant chez cet ordre d’ani-
maux, ainsi que nous l'avons déjà fait observer. L’oryx, qui se
trouve en Afrique, présente assez souvent cette particularité , et
les antilopes algazel et leucoryx deviennent aussi unicornes.
Ces cornes simples se tournent quelquefois en spirale; car,
ainsi que l’a fait remarquer Pazras, les antilopes qui, par ano-
malie, n’ont qu’une seule corne, l’ont extrémement alongée ;
par suite de cet excès de développement, la corne prend une
forme et une direction qui s’éloignent de l’état normal (*).
Les récits des anciens sur la licorne n’étaient donc pas tout-
à-fait dénués de fondement. Les antilopes unicornes les ont fait
naître; et qui sait si l'intérieur de l’Afrique ne recèle pas quel-
qu’espèce d’antilope qui , plus fréquemment que l’oryx, l’algazel
ou le leucoryx, soit réduite à n’avoir habituellement qu'une
seule corne. Cette particularité pourrait être en effet assez con-
stante pour avoir été considérée comme normale et spécifique.
Les défenses du narval ({ monodon monoceros , Liée) ont
été également invoquées comme une preuve de la possibilité de
l'existence de la licorne. Mais que l’on ne s'y méprenne point, il
n’y a rien de commun entre les défenses du narval, analogues aux
dents, et les cornes des ruminans. Les défenses longues et poin-
tues des narvals sont implantées dans l'os intermaxillaire et
dirigées dans le sens de l’axe du corps. Elles ne sont donc pas
placées sur la ligne médiane, comme le sont chez les autres
mammifères les organes impairs qui s’aperçoivent à l'extérieur,
mais bien sur les parties latérales.
(*) Pazzas, Spicilegia zoologica , fascicul. XII.
( 5or }
Gette anomalie n'est du reste qu’apparente, comme celle que
nous avons déjà signalée à l’égard des cornes uniques de certains
antilopes. Le narval a , dans le principe , deux défenses, comme
les antilopes deux cornes. Ces deux dents ou défenses sont dis-
posées symétriquement sur l’un et l’autre côté de la mâchoire.
La droite avorte ; la gauche acquiert au contraire des dimensions
qui surpassent celles que ces mêmes organes présentent chez tous
les autres animaux. Elle a en longueur la moitié du corps du
narval, en sorte que la diminution numérique des corps dentaires
semble ici compensée par l’augmentation en volume de celui qui
est demeuré seul.
Il arrive pourtant quelquefois que les deux défenses sortent
de l’alvéole et acquièrent l’une et l’autre des dimensions consi-
dérables. Quoique rentrant dans l'état normal, ce cas est pour-
tant le plus rare. Si donc l’on ne peut point invoquer les défenses
du narval en faveur de l'existence d’un ruminant à une seule
corne placée sur le milieu du front, l'anomalie ou le défaut de
symétrie produit par avortement de l'une de ces défenses peut
cependant jeter quelque lumière sur les circonstances qui ren-
dent certaines espèces d'antilopes unicornes. Des causes analogues
peuvent exercer leur action sur des organes aussi dissemblables
par leur structure et leur position que le sont les dents des nar-
vals et les prolongemens frontaux des antilopes.
Après ces faits, devons-nous être surpris que les anciens, ct
particulièrement Aristote, Pline et OElien , aient cru à l'existence
de la licorne, qu'aucun d'eux n'avait du reste jamais vue. Ds
y ont ajouté foi parce que leurs artistes, comme ceux de l’an-
cienne Égypte, auront représenté des oryx si exactement de
profil qu’une seule corne sera restée apparente, la seconde se
trouvant entièrement cachée par celle qui est da côté du spec-
tateur, Les modernes en ont fait autant; ainsi, d’après Sparmann,
les sauvages des environs du Cap ont dessiné sur les rochers des
antilopes qui, vus de profil, semblent n'avoir qu'une seule corne
comme la licorne des anciens.
( 502 )
Un Hollandais nommé Coëre a même prétendu qu’un de ces
antilopes à une seule corne avait été tué en 1791 dans les envi-
rons du Cap; et, d'un autre côté, la gazette du gouvernement
de Calcuta a fait mention d’une grande corne en spirale qui pro-
venait d’une licorne et aurait été adressée à la Société asiatique.
Ces faits semblaient confirmer le dire de l'italien Barruéa,
qui, dans son voyage publié en 1517, assurait avoir vu à la
Mecque deux licornes qui lui avaient été montrées comme de
grandes raretés. La lettre du voyageur Rurrez, datée d'Ambukol
(3 mai 1824), lettre insérée dans la correspondance de M. de
Zacu (tome XI, N° 111, page 269), semble également lever
tous les doutes sur l'existence d'un animal de la grandeur d’une
vache, ayant la forme svelte d’une gazelle et sur le front une
corne longue et droite. Cet animal serait connu dans certaines
parties de l'Asie sous le nom de nilukma , et dans d’autres sous
celui de chiro ou de tropo. Le major Larrar , qui avait un com-
mandement dans les montagnes de l’est du Népaul , a adressé en
1824 (Bulletin de Férussac, tome IV, page 418) un rapport ofli-
ciel pour prouver que la licorne existait réellement dans l’inté-
rieur du Thibet.
M. Larenane, directeur de la société linnéenne de Bordeaux,
a présenté à cette société, soit en 1826, soit en 1831 , des faits
nombreux qui tendraient à faire admettre l'existence de la licorne,
soit sur les côtes de Madagascar , soit dans l'Inde. Tout récem-
ment encore, M. Doneau »e 14 Mazze ( Annales des sciences natu-
relles, septembre 1832) a rappelé le dire de Rurrez, qui a vu
dans le Kordofan un quadrupède à une seule corne.
Aussi, d’après ces faits, un assez grand nombre de naturalistes
habiles , à la tête desquels on peut citer M. ne Fénussac, semblent
avoir admis l'existence d’un mammifère terrestre à pieds four-
chus, ayant une corne sur le milieu du front comme la licorne
des anciens.
Cependant, si l'on veut bien se rappeler les détails dans les-
(503)
quels nous venons d’entrer, on aura pu saisir qu'aucun de ceux
dont on invoque le témoignage en faveur de la réalité de la licorne
n'était assez éclairé en histoire naturelle pour connaître les
véritables caractères de l'animal qu'on lui assimilait. Aussi leurs
observations se rapportent, soit au rhinocéros unicorne dont la
corne est épidermique , soit à un antilope dont une des cornes
aurait avorté, soit enfin à des défenses du narval, qui, comme
nous l’avons déjà dit, sont des dents dont la longueur excessive
les a fait confondre avec les prolongemens frontaux.
Aussi , en nous résumant , il nous paraît démontré que l'exis-
tence d’un quadrupède unicorne et fissipède a quelque chose de
vrai et de réel, puisque les antilopes oryx, algazel et leucoryx nous
en fournissent presque chaque jour des exemples. D'un autre
côlé, d'après toutes les lois de l’analogie , il est extrêmement
probable , pour ne pas dire certain, qu'un animal à pieds four-
chus n’a jamais eu une corne unique placée sur le milieu du
front, car les fissipèdes n’ont que des prolongemens osseux , les-
quels ne pourraient tenir sur une suture. De pareilles cornes
devraient être épidermiques, et l’on sait qu'il n’est aucun rumi-
nant qui en ait de semblables. La licorne serait tout au plus
admissible si les anciens et les modernes qui ont cru à sa réalité
en avaient fait un pachyderme. À la vérité, une autre difficulté
se présenterait, difficulté relative à la longueur de la corne attri-
buée à celle de la licorne. En effet, les prolongemens épider-
miques qui, comme ceux des pachydermes, sont formés par la
réunion de poils agglutinés, se font remarquer par leur peu
d’étendue.
En définitive, la licorne, telle du moins que les anciens l’ont
dépeinte , n’a probablement jamais existé, quoiqu'il y ait quelque
chose de vrai et de réel dans la supposition de cet animal, dont
les oryx unicornes ont pu très-bien donner l’idée et être la cause
d’une erreur qui s’est propagée de siècle en siècle.
(504 )
DESCRIPTION
D'un nouveau genre d'insectes Diytères de la famille des
Notacanthes ,
Par M. J. Macquanr, Membre résidant.
19 DÉCEMBRE 1894.
La nouvelle espèce exotique d'insectes Diptères pour laquelle
nous proposons de former un genre particulier sous le nom de
Phyllophore, appartient à la famille des Notacanthes, et il a de
grands rapports avec le genre Ptilocère. Comme celui-ci il pré-
sente, indépendamment des caractères communs à tous les
membres de cette famiile, l'écusson armé de quatre pointes et
les ailes ont quatre cellules postérieures. Cependant, des diffé-
rences considérables l'en distinguent et ne nous permettent pas
de le comprendre dans la même coupe générique , quel que soit
notre désir de ne pas contribuer au débordement des genres
nouveaux qui viennent chaque jour surcharger la science. Le
corps est d’une forme plus alongée que dans les Ptilocères ;
l'abdomen est ovale au lieu d'être rond ; il est composé de cinq
segmens au lieu de quatre. La cornée des yeux est composée de
facettes ou lentilles plus grandes et égales entr’elles, tandis que
dans les Ptilocères, celles qui occupent la moitié supérieure de
ces organes sont plus grandes que dans la moitié inférieure. Le
front est plus alongé ct la face plus raccourcie par l'effet de
l'insertion plus basse des antennes, qui se rapprochent fort de la
cavité buccale. Enfin ces dernières n’offrent pas moins de diffé-
( 505 )
rences dans leur conformation et ressemblent fort au contraire
à celles des Herméties, genre très-éloigné d'ailleurs de celui qui
nous occupe. Formées sur un type fort singulier, elles sont com-
posées d’un premier article un peu alongé, d’un second fort
court , un peu velu, et d'une pièce terminale fort longue , parais-
sant formée de deux parties, dont la première présente, comme
dans tous les Notacanthes, plusieurs sillons circulaires, et la
deuxième est simple, comprimée en lame et ressemblant à une
petite feuille lancéolée. Ces antennes diffèrent beaucoup de celles
des Ptilocères, et surtout par l'absence des ramifications dont
ces dernières sont chargées.
La conformation de ces organes, dans le genre Phyllophorc
comme dans les Herméties, présente une modification insolite
d'un type anormal, et elle provoque sur la nature des parties
dont elles sont composées une digression d'autant plus utile
qu’il y a divergence d'opinions sur la manière de les considérer.
Les antennes, cette partie antérieure des insectes, dont nous
connaissons si bien l’admirable variété de formes, et si vague-
ment l’organisation intime et la destination, puisque nous igno-
rons encore de quels sens et de combien de sens elles sont les
organes ; les antennes sont formées dans les Diptères sur deux
modèles principaux. Dans la première division, comprenant les
Némocères , elles présentent un nombre d'articles considérable.
Dans la seconde, elles ne sont ou ne paraissent composées
que de trois, qui représentent , dans leur plus simple expression,
le Scapus , le Pedicellus et la Clavola, que Kmox reconnait
dans les antennes en général, quel que soit le nombre d’ar-
ticles dont elles sont formées. Cependant, parmi ces derniers
Diptères, deux familles, les Tabaniens et les Notacanthes, ont
le troisième article, quoique très-généralement sous l'apparence
de l'unité, sillonné transversalement par des lignes plus ou
moins nombreuses, qui le font paraître en même temps com-
posé d'autant d'articles soudés ensemble, de manière que ces
( 506 )
Diptères participent en quelque sorte des deux divisions et les
unissent par cette espèce de transition, quoique par les autres
parties de l’organisation ils appartiennent à la deuxième et qu'ils
y aient toujours été compris. Ils sont donc généralement reconnus
comme ayant les antennes de trois articles, et cependant il y a
de grandes raisons pour croire que le troisième est un assemblage
de plusieurs autres. Outre les sillons qui le coupent transversa-
lement et qui ont toute l’apparence de solutions de continuité,
toutes les fois que l’on brise un de ces articles annelés, il se rompt
à l’un des sillons. De plus, dans quelques-uns de ces Diptères,
tels que les Hexatomes, parmi les T'abaniens, ces subdivisions sont
tellement distinctes l’une de l’autre qu'on les considère comme
autant d'articles, et le nom générique l’atteste. Parmi les Nota-
canthes, dont les antennes abondent en modifications, les seg-
mens du troisième article sont aussi quelquefois moins intimement
unis. M. Wienemaxx considère les antennes des Ptilocères et des
Eudmètes comme formées de cinq articles; celles des Acanthines
de sept, tandis qu’il n’en admet que trois dans les autres genres.
Cependant, cette manière de les juger n’est pas rationnelle. Si
l’on reconnait plus de trois articles dans les uns, il faut le faire
dans tous , parce que toutes ces divisions sont de la même nature
et qu’elles ne différent entr’elles que par le plus ou le moins de
cohésion.
Dans le genre Phyllophore, la partie admise comme le troi-
sième article se subdivise d’une manière particulière ; elle pré-
sente d'abord une partie formée de quatre anneaux fort com-
pactes, et puis une seconde simple, alongée et déprimée en
forme de feuille. Cette disposition est semblable à celle qu’af-
fectent les antennes des Herméties ; mais la première partie y
est composée de sept divisions que M. Wiepemanx n'a pas vues,
de sorte qu'il considère ces organes comme composés de trois
articles dont le dernier présente un étranglement. Fasmcws a
également méconnu ces antennes en ne tenant pas compte du
(507)
deuxième article et en admettant pour tel la première division
du troisième.
Il résulte de cet examen des antennes dans les Notachantes,
que l’on ne peut guère se refuser à leur accorder un nombre
d'articles supérieur à trois, contre l'opinion généralement reçue
et contre l’analogie qui existe entre cette famille et les Diptères
à antennes réellement triarticulées. Nous y voyons une des dé-
gradations que suit cet organe. Les nombreux articles dont il est
composé dans les Némocères se resserrent graduellement ; ils se
soudent ensemble dans les Notacanthes et les Tabaniens , en
laissant entrevoir des vestiges de divisions qui disparaissent
bientôt. Il ne reste alors que trois articles qui, après avoir passé
eux-mêmes par tous les degrés d’affaiblissement , se réduisent
dans les derniers groupes à l’état d’un simple tubercule par
l’oblitération des deux premiers.
Genre PHYLLOPHORE , Payzropnora, Nob.
Caractère générique : Corps oblong. Tête hémisphérique, dé-
primée. Trompe un peu saillante. Antennes insérées à la partie
inférieure de la tête , près de l’ouverture buccale. Antennes plus
longues que la tête ; premier article un peu alongé, cylindrique,
dirigé horizontalement ; deuxième court, conique, un peu velu,
peu distinct du troisième, se dirigeant en dehors perpendicu-
lairement au premier; troisième foriné de cinq divisions distinctes
dont les quatre premières courtes et cylindriques; cinquième une
fois plus long que les quatre autres réunis, comprimé, terminé
en pointe. Yeux à facettes assez grandes, égales 1. Thorax un
peu alongé ; écusson à quatre pointes. Abdomen ovale, de cinq
segmens distincts. Ailes à quatre cellules postérieures.
( 508 )
Etymologie : Le nom de Phyllophore fait allusion à la forme
de feuille que prend la dernière division des antennes.
Puycrornors noire; Phyllophora nigra. Nob.
Long. 4 ‘/, lignes.
Noire. Premier article des antennes jaune; les autres bruns.
Thorax mat ; pointes de l’écusson jaunes. Abdomen luisant. Pieds
fauves. Ailes à bord extérieur brunâtre jusqu'à la cellule sous-
marginale 7.
D'Afrique. Nous avons pris cette description d'après un indi-
vidu qu’a bien voulu nous communiquer M. Vuro, de Paris.
( 509 )
EEE
EXPLICATION DES FIGURES.
Fig. 1. Phyllophore noire.
. Longueur du corps.
Tête.
. La Ph. vue de profil.
. Tête vue de profil.
. Aile.
. Ecusson.
+ © 8 p m
[ep]
( 510 )
— — sep ree-mteestegeennee
BOTANIQUE.
DESCRIPTION ET FIGURES
De six Hyphomy cètes inédites à ajouter à la Flore française,
Par M. J.-B.-H.-J. Desnazeres,
Membre résidant.
21 MARS 1834.
La famille des Byssoïdées , ou, pour nous servir de la déno-
mination des Naturalistes du Nord, la famille des Hyphomycètes
est, sans contredit, une des plus curieuses et encore une des
moins connues de toutes celles qui composent la vaste série des
Cryptogames. Bornée , au temps de Micueur, aux genres Botrytis,
Aspergillus et Mucor, elle ne s’accrut de nouvelles plantes et
son étude ne fit quelques progrès que par les recherches persé-
vérantes de Bozrano, de Pensoox et de plusieurs autres Mÿco-
logues. Ces savans signalèrent et décrivirent des groupes nou-
veaux ; de sorte que la plupart des petites productions comprises
dans les trois genres de Micueu en furent retirées, en même temps
qu'ils s’enrichirent d’un grand nombre d’espèces inconnues au
botaniste de Florence.
À l’époque où , dans toutes les parties des Sciences naturelles,
le champ des découvertes vint s'étendre avec le secours des ins-
tramens amplifians, Link et Nées, pour qui les recherches mi-
(Sami)
croscupiques eurent toujours beaucoup d’attraits, furent natu-
rellement entrainés dans l'étude des Byssoïdes : ils examinèrent
de nouveau, et avec le plus grand soin, ces petits êtres trop
négligés, et ils les décrivirent avec une rigoureuse exactitude.
Le professeur de Berlin fit paraître dans le Magasin des natura-
listes, pour les années 1809 à 1815, plusieurs Monographies ou
Mémoires importans, et en 1824 enfin, il réunit tous ses travaux
et ceux de ses devanciers en un volume qui fait suite au Species
Plantarum de Wuvsxow. C’est à l’heureuse époque de cette pu-
blication que l'on vit, avec étonnement, sortir comme du chaos
cette multitude d'espèces dont l'existence paraissait nouvelle.
L'ouvrage de cet observateur infatigable est encore aujourd’hui
le mieux fait et le plus complet que nous possédions sur la famille
des Byssoïdées. Depuis son apparition, aucun Mycologue ne s'est
probablement pas reconnu la patience, le talent, nous dirons le
courage nécessaire pour entreprendre une révision des recherches
considérables auxquelles s’est livré son auteur. Aucun n’a osé se
vouer, spécialement comme Link, à une famille qui, pour être
traitée convenablement , exigerait bien des années et des obser-
vations dépendantes de circonstances souvent rares à rencon-
trer (*).
Au nombre des causes qui, jusqu’à présent , ont éloigné les
Botanistes de l'étude des Byssoïdes , on doit placer le très-petit
nombre d'ouvrages dans lesquels on peut trouver ces plantes
décrites ; leur extrême petitesse, qui, échappant presque toujours
à la vue simple , nécessite l'emploi de verres grossissans et exige
beaucoup de temps dans les préparations; leur vie éphémère, la
délicatesse de leurs parties, que le plus léger souffle, le moindre
attouchement offense ou fait disparaître; leur fugacité enfin,
a ————_—_——
(*) Lorsque nous écrivions ce passage , la seconde partie du 3.e volume du
Syst. myc. de FRIES n’était pas encore parvenue en France,
( 512 )
qui ne permet pas au collecteur de les placer dans ses herbiers.
* Mais en présence de tous ces obstacles, le Cryptogamiste studieux
peut-il s’arrêter encore ? Toujours empressé de saisir et de mettre
au jour des vérités ou des découvertes importantes, il sentira
que, quelque petites, quelque peu durables que soïent presque
toujours ces productions, elles ne sont pas moins dignes d’être
connues et classées dans les livres, puisqu'elles font partie des
œuvres de la création. S'il ne nous est pas permis d'apprécier
entièrement le rôle qu’elles sont destinées à remplir dans la
nature, nous savons au moins qu’elles hâtent la décomposition
des substances sur lesquelles elles se développent, qu’elles servent
à nourrir des myriades d'insectes, et sous ce dernier point de
vue il est encore utile de les connaître. Que de jouissances ne
procure-t-elle pas à l'esprit, l'observation de ces petits êtres aussi
féconds en merveilles que les grands végétaux! « Si l'étude des
» moisissures, dit Poiner, ne présente d’abord rien d’important
» aux yeux du vulgaire, ou si elle rebute le Naturaliste par la
» petitesse des objets ou la difficulté des observations, d’un
» autre côté elle dédommage d'une manière bien agréable l’ob-
» servateur aux yeux de qui la nature n’est pas moins admirable
» dans les productions qui échappent à nos sens , que dans celles
» qui nous frappent par leur grandeur incalculable. En effet,
» que de jouissances pour le contemplateur de la nature, lorsque,
» l'œil armé d'un bon microscope, il aperçoit, dans un espace
» de quelques lignes , une forêt en miniature composée de petits
» végétaux rameux qui portent au haut de leur tronc de belles
» grappes de graines de différentes formes! Le sol, divisé en
» montagnes et en vallons, est revêtu d’un gazon mélangé de
» couleurs différentes. Le jaune y contraste avec le vert , le rouge
» avec le blanc, etc.; souvent de petits globules d’eau brillent
» comme autant de rubis sur ce parterre agréable. Que de mer-
» veilles vont s’opérer sous les yeux attentifs de l’observateur !
Bientôt les petites capsules s'entr'ouvrent, se déchirent ; il s'en
S
( 511520
» échappe avec élasticité un nuage séminifère qui porte au loin
» la fécondité. De petits insectes microscopiques se promènent
» au milieu de ces végétaux , comme les grands animaux dans
» les forêts. D'autres fois le sol s’entr’ouvre, des larves mons-
» trueuses se soulèvent , et bientôt, métamorphosées en insectes
» ailés, ils deviennent les aigles de ce petit monde. Dès que l'œil
» est désarmé, le charme disparait, et tous ces phénomènes se
» réduisent à un petit morceau de pain ou de fromage moisi et
» rongé par les vers. »
Quoiqu’il paraisse naturel de croire que tous les êtres que l’on
a fait entrer dans la famille des Byssoidées appartiennent réelle-
ment au règne végétal et qu'ils se perpétuent par des sporules
ou semences , si l’on considère les phénomènes singuliers qui ont
lieu dans le mode de développement , dans les diverses périodes
de l'existence et dans la reproduction de plusieurs d’entr'eux,
si l’on fait attention à l'extrême ressemblance que présentent
leurs prétendues sporules avec plusieurs animalcules infusoires
et avec les corpuscules monadaires des Mycodermes, on sera
disposé à convenir que plusieurs Byssoides, telles que notre
Oïdium leucoconium, la plupart des Mucor, des Penicillium,
etc., étant mieux observées, pourront un jour passer dans le
règne animal (*), dans lequel sont déjà passées, après un examen
plus rigoureux, un grand nombre de ces espèces aquatiques,
filamenteuses et vertes, connues autrefois sous la vague déno-
mination de Conferves. Sous ce dernier point de vue il reste sans
doute beaucoup à faire dans l'étude des Moisissures, dans celle
du genre Fumago et des Urédinées mêmes. Nous osons le pré-
(*) Depuis que cette Notice est écrite, nous avons recu de GAILLON ses
Tableaux des genres des Nemazoaires, dans lesquels figurent plusieurs espèces
des genres que nous venons de citer, ainsi que le Byssocladium fenestrale,
le Torula herbarum, et quelques autres Byssoïdes.
33
(514)
dire, les actes mystérieux de la vie de ces petits êtres exerccront
encore long-temps la perspicacité des Naturalistes.
La distinction spécifique de plusieurs des productions qui nous
occupent est encore aussi confuse, aussi problématique. Quel-
qües-unes ne paraissent être que les premiers développemens de
certains champignons charnus , de quelques mousses ou fougères.
L’Alvtosporium fuscum nous paraît avoir de grands rapports
avec le duvet bran de la Sphæria aquila, et les bases tomen-
teuses de quelques autres Cryptogames , étant mieux étudiées ,
pourront entrer dans la famille des Byssoïdées et être caracté-
risées comme des espèces distinctes. On sait aujourd'hui que
l_Ascophora ovalis de Tove n’est que l'œuf longuement pédicellé
du bel insecte connu sous le nom d'Hemerobius perla; enlin
quelques productions inorganiques, examinées superficiellement,
ont été prises pour des Byssoïdes, et nous possédons dans nos
collections la preuve matérielle que des macules blanches, occa-
sionées par un lait de chaux tombé accidentellement sur quelques
feuilles , ont été prises par un Botaniste instruit , mais qui n’em-
ploïe pas assez le microscope , pour une espèce du genre Spo-
rotrichum. W n’est pas jusqu'aux taches noires, petites et nom-
breuses, produites par la corde des scieurs de long, taches que
l'on aperçoit encore sur le bord des planches, qui n'aient été
prises pour l'état adulte de l'Æmphitrichum eflusum. Nous au-
rions encore beaucoup à dire, si nous voulions énumérer ici toutes
les espèces illusoires, tous les objets qui ont servi à créer dans
les livres des êtres différens : les Cryptogamistes les plus célèbres
se sont souvent trompés. tellement l'erreur est facile dans ce
grand monde de petites choses.
Les Byssoides ne végètent ordinairement que dans les lieux
ombragés et sur des corps humides souvent privés de l’action de
l'air. Elles sont peut-être les produetions organiques les plus
répandues. Chacun sait avec quelle étonnante rapidité elles se
développent en quantité prodigicuse sur tous les corps en putré-
(515 )
faction. Nos boissons , notre pain, nos légumes , nos confitures,
enfin tous nos mets, et même les fruits dans nos jardins, sont
attaqués par ces hôtes incommodes , qui leur communiquent un
goût désagréable et quelquefois des propriétés malfaisantes. Les
écorces et le bois des arbres, toutes les parties des plantes her-
bacées, plusieurs cryptogames même, ecrtains insectes, les murs
de nos souterrains, les planchers , les lambris et les meubles des
appartemens humides , le cuir des harnais ou de nos chaussures,
les excrémens d’un grand nembre d'animaux, l'encre dans les
cornets, la colle, différentes préparations chimiques , noslivres
et le papier sur lequel nous écrivons, sont envahis par d'innom-
brables peuplades de ces petites créatures.
C’est dans la famille qui nous occupe que l'on trouve les tissus
les plus délicats et la structure la plus variée. Ici, c'est une vil-
losité humide, mais légère, imitant des flocons d'une blancheur
éclatante ; là , d’une nature plus sèche, cette villosité ressemble
au coton ou à la soie. Les filamens qui la constituent, devenant
plus serrés, donnent naissance à un feutre compacte que l'on
prendrait pour de l’amadou ou pour un velours paré des plus
vives couleurs. Beaucoup de Byssoïdes ont un port plus régulier :
quelquefois éparses, quelquefois réunies en larges touffes, leurs
filamens dressés et leurs séminules ovoïdes ou globuleuses pré-
sentent souvent dans leur disposition les formes les plus élégantes:
tantôt un pédicule simple et hyalin, semblable à un filet de
verre, est terminé par une tête sphérique ou par de petits glo-
bules agglutinés en séries linéaires et divergentes qui imitent la
forme d'un pinceau ou celle d’une jolie aigrette ; tantôt ces
mêmes globules sont portés sur des pédicules dont les divisions
sont disposées comme les branches d’une ombrelle; quelquefois
ces divisions se subdivisent elles-mêmes en mille et mille petits
rameaux qui représententun arbre en miniature ; quelquefois des
pédicules plus où moïns rapprochés forment des épis ou des
corymbes, Des expansions comme satinées et raÿyonnantes rap-
( 516)
pellent la plame de l'oiseau ; d’autres fois encore la plante entière
est réduite à un certain nombre de sporules disposées les unes à
la suite des autres, comme les grains d’un chapelet, Toutes ces
productions, d’une ténuité extrême, ne peuvent être soumises
aux lentilles microscopiques sans éprouver quelque dérangement
dans la disposition de leurs parties ; alors les plus jolies formes
font souvent place au plus grand désordre. Un air sec, le plus
faible rayon du soleil, le plus léger zéphyr, qui pour elles est
une tempête, viennent enfin en détruire jusqu'aux vestiges.
Mais si le Mycologue ne peut observer ces petits êtres sans
éprouver beaucoup de difficultés, s'il ne peut les placer dans
ses collections, ou si ceux qu'il parvient à y introduire de-
viennent promptement la pâture de l'insecte des herbiers, il
sentira la nécessité de recourir au crayon et au pinceau pour en
retracer des images fidèles, qui rappelleront toujours leur forme
extérieure et leur organisation intime. Dans l'impossibilité de
conserver convenablement la plupart des Byssoïides pour notre
collection particulière et pour nos fascicules de Cryptogames
du nord de la France, nous nous sommes attachés depuis plu-
sieurs années à décrire et à figurer toutes celles qui se sont
présentées à notre investigation, et, dans ce nombre, ce sont
les espèces que nous avons reconnues pour nouvelles ou inédites
que nous extrayons aujourd'hui de nos cartons.
Neuarocoxum, Nob.
Char. gen. Flocci erecti aut decumbentes , simplices vel sub-
ramosi, seplati et articulati. Articulis remotis
inflatis. Sporidia vage inspersa, nuda (absque
appendiculo), simplicia (non septata), thallo non
agglutinata.
( 517)
Nematogonum aurantiacum, Nob. T'hallo tenur effusa ; floccis
J'errugineo - aurantiacis; sporidiis concoloribus,
ovalibus , circiter - millimetris longis. Habtlat in
ramis exsiccatis arborum emortuarum , in Gallid.
(rw
Le Nemalogonum se place dans l’ordre des Byssoïdées , divi-
sion des Sporotrichées, ou dans la première série des Hypho-
mycètes de Li, à côté des genres Sporotrichum et Alytos-
porium. I] se distingue du premier par ses flocons colorés, du
second par ses sporidies libres, et de tous deux par les nodosités
ou articulations renflées de ses filamens.
L'espèce charmante qui sert de type au genre que nous éta-
blissons , se développe en automne et en hiver sur l'écorce des
branches sèches de plusieurs arbres. Nous l'avons souvent ren-
contrée sur des fagots exposés en meule à l'humidité de l’atmos-
phère. Elle croît aussi sur le bois mort dénudé, et c’est en cet
état que nous en avons reçu un échantillon recueilli en Hollande
par M. Sruréerser. Vus au microscope , ses filamens sont très-gros
et presque hyalins. Ses sporidies, assez nombreuses, ne paraissent
pas toujours exactement ovales , et l’on remarque qu’elles sont
quelquefois inégales en grosseur.
PI. 6, fig. 1. a, Nematogonum aurantiacum de grandeur
naturelle. à, quelques filamens et quelques sporules vus au mi-
croscope.
IC
Hesmiruosrontum cravarianun , Nob. Floccis dense aggregatis,
simplicibus , brevissimis, rectis , obtusis, se; tatis,
nigris ; sporidits ad apices coacervatis , maxtmis,
oblongis , uni vel biseptalis, pellucis aut opacis.
Habitat super clavariam fuligineam vivam, in
Galli& boreali. (v. v.)
Nous avons rencontré plusieurs fois cet Helminthosporium ,
( 518 )
en automne, dans les taillis des environs de Lille. Il recouvrait
presque entièrement la surface de la Clavaria fuliginea vivante.
Ses sporidies ellipsoïdes offrent deux ou trois loges, mais le plus
souvent on n'en trouve que deux formées par une cloison trans-
versale très-apparente. Les unes sont opaques, les autres sont
presque hyalines et comme étranglées à la section des loges. Ges
sporidies sont assez grandes relativement à la longueur et à la
grosseur des filanens, que l’on ne peut apercevoir sans le secours
de la loupe.
L'espèce que nous publions ici forme le passage du genre
Helminthosporium au genre Diplosporium par ses sporidies, la
plupart à deux loges et toutes accumulées au sommet des filamens.
PI. 6, fig. 2. a, Helminthosporium clavariarum, couvrant
la Clavaria fuliginea, Vers. b, filamens et sporidies vus au
microscope.
III.
Bornyris émiseoza, Nob. Thallo denso, limitato , oblongo vel
subgloboso ; floccis hyalinis, griseo-pallidis, ra-
mosts, intricatis. Sporidiis globosis, albis. Habitat
in cortice arborum , in Galliä. ( v. v.)
Nous avons souvent trouvé cette espèce, en hiver, sur des
fagots réunis en meule. Ses petits boutons floconneux écartent
en naissant les lèvres de l’épiderme qui les recouvre. Ils sont
alors oblongs, mais ils deviennent ensuite presque globulenx et
assez semblables, pour la grosseur et la forme, à ceux du Botrytis
lignifraga. Leur couleur est d’un gris pâle, tirant légèrement sur
le rosé. Les filamens qui les composent sont rameux, denses,
très-entrecroisés, hyalins, cloisonnés à de longs intervalles et
recouverts, le long de leur sommet, de sporules blanchätres,
exactement globuleuses, qui n'ont pas plus de += de miilimètre
150
de grosseur.
(519)
Nous avons étudié le Botrytis griseola sur Je vivant, mais le
temps nous ayant manqué alors pour.en figurer les détails mi-
aroscopiques, nous nous bornons à représenter cette espèce vue
à l'œil nu, en a, (fig. 3, pl. 6), et à la loupe, en b.
IV.
Asrenczus cuavatus , Nob. Hyphasmate tenui ; floccis sporidi-
feris albis , simplicibus , sursüm incrassatis ; spo-
ridits glaucis, globosis, in capitulum claviforme
collectis. Habitat in variis corportbus putrescen-
tibus , in Galliä. (+. v.)
Cette espèce , très-élégante, forme de petites touffes cendrées
ou glauques sur plusieurs substances putréfiées. Elle doit être
placée à côté de l’Aspergillus glaucus , dont elle se distingue
parfaitement par la réunion de ses sporidies en têtes alongées ou
claviformes.
PL 7, Üg. 4. a, Aspergillus clavatus vu à la loupe;
b, vu au microscope.
c, filament dépourvu des sporules qu'il portait;
son sommet est claviforme.
Y.
Verrieuun ocunorusrun , Nob. Hyphasmate obsoleto; floceis
sporidiferis aggregatis , ochrorubris ; ramis paten-
libus , ternis, superioribus oppositis, brevibus.
Sporidis minutissimis , globosis , concoloribus.
Habitat in ligno putrido , in Gallié ; in Hollandit,
(Splitgerber).
Cette espèce, voisine, mais très-distincte du Ferticill'um a«l-
lochroum de Corva, se développe sur le bois pourri , qu'elle
recouvre d’une couche effuse de couleur orange rembrunie, ou
ferrugineuse ct rougeâtre. Ses filanens , denses et à peine visibles
( 520 )
à l'œil nu, donnent naissance à quelques rameaux courts, ou-
verts, verlicillés trois par trois inférieurement et opposés dans
le haut. Ces rameaux vont en diminuant de grandeur à mesure
qu'ils approchent du sommet du filament , et chacun d'eux est
terminé par une tuoufle de pédicelles excessivement petits et
ténus, portant des sporules globuleuses qui n’ont pas plus de
: RE
3 de millimètre.
PL 7, fig. 5. a, Verticillium ochrorubrum, à la vue simple ;
b, quelques filamens vus au microscope.
LA A
Tonuia cramms, Nob. Cæœspitibus minutissimis, subrotundis
ovalibusque, atrobrunnets ; filamentis simplicibus,
decumbentibus, opacis ; articulis globosis dein
deciduis. Habitat in foliis aridis graminum , in
Gaili& boreali.
Le Torula graminis, que nous ajoutons à cette Notice, a
déjà paru dans nos Plantes cryptogames de France, et MM.
Friss et Dusx l'ont mentionné dans leurs Ouvrages, d’après la
description et les échantillons publiés par nous. Toutefois, nous
avons pensé qu'il n'était pas inutile de donner ici une représen-
tation exacte de cette espèce, parce qu'elle n’a pas encore été
figurée.
Il n'est pas possible à la vue simple , et même à la loupe, de
distinguer cette production des Arthrinium caricicola et puc-
cinioides de Kuxz , parce qu’elle se présente, comme ces deux
plantes , sous la forme de petites pustules d’un noir mat et brun;
mais au microscope on voit qu’elle en diffère considérablement :
ce sont des filamens simples, décumbans, opaques, formés de
sporules ou d'articles parfaitement globuleux, de = de milli-
180
mètre de diamètre environ, et qui se séparentf acilement. Les
( Sax)
derniers articles , au sommet des filamens , sont quelquelois plus
petits que les autres. Nous avons trouvé cette espèce, en mars
et en avril, sur les feuilles sèches des Graminées.
PL 7, fig. 6. a, Torula graminis de grandeur naturelle.
b, filamens grossis.
(422})
MÉDECINE.
GASTRITE AIGUE; TUBERCULES DÉVELOPPÉS DANS L'OES0-
PHAGE; PERFORATIONS ÉTABLISSANT COMMUNICATION ENTRE
CE CONDUIT ET LA TRACHÉE — ARTÈRE; CARIE DE DEUX
VERTÈBRES DORSALES , &,
Par M. J. Gravis,
Médecin de l'hospice civil de Calais, Membre corres;ondant.
21 FÉVRIER 1034.
Monsieur M......, âgé de 60 ans, d’un lempérament san-
guin , avait depuis son enfance une dartre humide envahissant
le scrotum, le périnée et le pourtour de l'anus, et qui fournissait
une abondante exhalation, accompagnée d’un impérieux prurit
qui se manifestait surtout pendant la nuit. Il parvint jusqu'à
l’âge de 25 ans sans être affecté d'aucune maladie grave. À cet
âge, employé comme commis dans l'administration des hôpitaux
militaires français, à Breda, et désirant se débarrasser de son
affection dartreuse, il subit un traitement qui ne laissa aucune
trace de sa dartre, mais presqu'immédiatement après sa dispa-
rition’, il fut atteint d'une maladie qui le mit aux portes du
tombeau et que, d’après ses renseignemens , je pense avoir été
une gastro-entéro-céphalite très-intense. Le médecin aux soins
duquel il fut confié parvint à provoquer , au moyen de topiques
( 523)
irritans employés pendant le cours de cette maladie, le retour
de la dartre à son siège primitif, Peu d'années après il contracta
une urétrite dont il fut guéri par l'emploi d’un traitement con-
venable. Il fut, depuis lors et pendant les guerres de l'empire,
employé comme chirurgien à bord d’un navire armé en course,
jouissant d’une très-bonne santé, sa dartre existant toujours.
M. M......, après avoir mené une vic très-active, et à la suite
de revers de fortune qui lui occasionèrent de violens chagrins,
se vit contraint à entrer à l'hospice il y a environ six ans ; depuis
quelque temps déjà il s'adonnait à l’usage des hoissons alcoo-
liques et buvait surtout beaucoup d’eau-de-vie de grains. Il ÿ
a cinq ans le suintement de sa dartre étant diminué, il fut en
proie à une vive inflammation du foie, dont il fut complètement
guéri. Depuis lors il jouissait d’une bomne santé, se corrigeant
de la funeste habitude qu’il avait contractée de boire des liqueurs
spiritueuses, lorsque dans les premiers jours du mois d’août 1833,
il s’aperçut d’une légère difficulté,sans douleurs, qu’il éprouvait
pendant le troisième temps de la déglutition des alimens solides.
L’attribuant à la viande bouillie, dont il faisait principalement
usage dans l'établissement, il demanda qu'elle fût remplacée
par une autre plus tendre. Il vit alors que cette dernière lui
occasionait le même effet, et il était obligé aussi, afin que
l'aliment passât avec plus de facilité, de le faire accompagner
d'une certaine quantité de liquide. Le 18 du même mois , après
avoir diné chez un de ses parens, il eut des vomissemens et
sentit une douleur à la région épigastrique. L'emploi pendant
quelques jours d’un régime adoucissant fit disparaître cette ürri-
tation gastrique. Cependant il éprouvait toujours cette gène pen-
dant l'acte de la déglutition et ressentait au même instant une
douleur obtuse entre les deux omoplates; ce fut alors aussi qu'il
réclama mes soins. Quoique les digestions ne fussent ni pénibles
ni douloureuses, une certaine sensibilité de l'épigastre, à la pres-
sion , accompagnée de soif et de constipation, et la connaissance
(524)
que j'avais de l'abus que M.M..... avait fait des boissons fortes,
me convainquirent de l'existence d’une gastrite chronique. La
douleur dorsale, jointe à la difficulté de la déglutition , que ce
dernier acte exaspérait légèrement, me dénota une inflam-
malion de l’œsophage. Le bol alimentaire, arrivé au milieu de
ce canal, était quelquefois , par une contraction anormale de cet
organe, repoussé dans le pharynx et ne parvenait dans l'estomac
qu'après une seconde déglutition ; aucun autre désordre fonc-
tionnel ne se manifestait. Je prescrivis une application de quinze
sangsues sur le point douloureux de l’épine dorsale, un large
cataplasme émollient, boisson gommeuse, bouillon de veau,
vermicelle au lait pour aliment, un demi-lavement émollient
matin et soir. La douleur et la gène de la déglutition diminuè-
rent; mais au bout de quelques jours elles reparurent, Une nou-
velle application de sangsues les calma encore momentané-
ment. Toujours même régime adoucissant. Sous son influence
la gastrite parut guérie. Le malade avait bon appétit et désirait
ardemment prendre des alimens solides; cédant à son désir, je
lui permis un peu de viande blanche : au bout de quelques jours
je dus la lui interdire et le remettre à l'usage des panades et du
lait avec des fécules ; car la même difficulté était revenue quoi-
qu'avec absence de douleur. Le 29 septembre , ayant été soumis
à l'impression d’un froid humide, il se déclara un catarrhe
bronchique qui, au bout de quelques jours, céda à un traite-
ment approprié et ne laissa plus qu'une toux spasmodique qui
s'exaspérait le soir et la nuit sans expectoration. L'usage de
frictions de pommade stibiée sur le sternum secondé des opiacés
la fit disparaître. Cependant la gêne de la déglutition augmen-
{ait toujours insensiblement ; il arrivait quelquefois un jour ou
deux pendant lesquels M. M...... avalait sans la moindre
difficulté, comme en pleine santé, mais ce mieux ne durait
guère. Le 12 octobre je prescrivis un large vésicatoire entre les
deux épaules. Ce révulsif, entretenu avec soin, ne parut opérer
(. -58514
que très-peu d'effet ; il survint alors une céphalalgie intermit-
tente qui fut combattue avec succès par le sulfate de quinine.
Le vésicatoire fut toujours maintenu en action. Dès le début
de son affection, le malade m'avait dit que sa dartre ne lui
occasionait plus aucune démangeaison, et que l’exhalation ne
se faisait que faiblement; je la fis frotter avec de la pommade
épispastique au garou qui lui rendit son entière activité. Plu-
sieurs fois depuis lors elle était devenue sèche, et des frictions
semblables à celles que je lui avais prescrites d'abord, et qu'il
pratiquait de lui-même, lui rendaient son irritation dartreuse. Ce
fut ainsi qu'il parvint jusqu’au milieu de décembre, ayant de
courtes intermittences de mieux. À cette époque, chaque fois
que la déglutition des potages s'opérait et que l’aliment arrivait
à l'endroit malade, il sentait un petit picotement el aussitôt une
toux survenait et il rendait, par l’expectoration , l'aliment mêlé
à une certaine quantité de matière purulente. Depuis lors
chaque fois qu'il voulait ingérer , soit des alinens, soit des bois-
sons , le même phénomène avait lieu; je pensais qu’il y avait
érosion des parois antérieures de l’œsophage et postérieure de Ja
trachée-artère et communication directe entre ces deux conduits.
Je ne vis plus aucune indication à remplir, regardant M. M...
comme voué à une mort certaine; il ne souffrait nullement et
cependant il était tourmenté par une insomnie des plus pénibles.
Dans le but de lui adoucir le reste des jours qu'il avait à vivre
et lui procurer un peu de sommeil, je lui fis prendre tous les
soirs une préparation opiacée , au moyen de laquelle il passait de
très-bonnes nuits, dans un paisible sommeil. Depuis quelque
temps les urines étaient devenues très-rares et rougeâtres; le
malade ne pouvant plus avaler que quelques petites cuillerées
de boissons ; lamaigrissement et la faiblesse allaient progressi-
vement en augmentant, malgré l'usage des lavemens de bouillon;
et le 28 janvier 1834 , il termina sans agonie sa triste existence.
( 526 )
AuTorsre.
Habitude. Émaciation considérable, décoloration de la peau,
aucune infiltration.
Tête. Rien à noter qu’une toute petite quantité de sérosité
limpide dans les deux ventricules latéraux.
Portrine. Quelques adhérences anciennes à la face latérale
du poumon gauche, du reste ces deux organes très-sains, cré-
pitans dans toute leur étendue et n'offrant aucune trace de
tubercules ; leurs bords postérieurs gorgés de sang ( état cadavé-
rique). Le péricarde distendu par une grande quantité de séro-
sité citrine; le cœur plus petit que dans l’état normal, La mu-
queuse bronchique ne présenta rien de particulier , la droite un
peu phlogosée à son origine. La trachée-artère offrait à la partie
inférieure de sa paroi postérieure quatre ouvertures; une de
deux lignes de diamètre, les trois autres plus petites et commu-
niquant toutes avec la cavité de l'œsophage; du reste la muqueuse
trachéale dans l'état sain, ainsi que le larynx. L’œsophage pré-
sentait, à deux pouces de son extrémité supérieure , une ulcéra—
tion ne comprenant d’abord que la paroi antérieure de l'organe,
mais s’élargissant de plus en plus en descendant , au point qu'à
un pouce et demi de sa naissance, elle envahissait tout l'intérieur
de l’œsophage. La paroi postérieure de ce conduit était détruite
par la désorganisalion et remplacée par les 3.e et 4.e vertèbres
dorsales, dont la partie antérieure et latérale droite du corps
était cariée dans une profondeur de quatre lignes ; cette carie
descendait plus bas que l’érosion de la paroi postérieure de l’œso-
phage, de sorte que cette dernière partie formait une pelite
cloison derrière laquelle existait un foyer purulent, Quelques
lignes au-dessous du bord supérieur de cette cloison, l’ulcère se
terminait, mais se prolongeait encore sur la paroi antérieure,
en sorte que sur cette dernière portion il avait une étendue lon-
(527)
gitudinale de quatre pouces: $es bords étaient sinueux, n’of-
_ fraïent aucune dureté squirrheuse; bien qu'ils fussent épais, ils
faisaientune saillie plus ou moins prononcée dans l'intérieur du
conduit œsophagien. Sa surface avait quelque analogie avec
l'aspect granuleux d'une glande, tant par la couleur que par les
granulations. Les parois de l'organe avaient une épaisseur de
plus de six lignes dans le lieu de cette lésion. Immédiatement
au-delà de ses limites, la muqueuse n'offrait aucune trace d'in-
flammation. En enlevant avec le manche du scalpel les inégalités
de la surface de l’ulcère, on voyait que ces granulations étaient
constituées par une substance caséeuse plus ou moins solide,
exactement semblable à la matière tuberculeuse ; un tubercule
rempli de la même matière et de la grosseur d’un fort pois exis-
tait à l'extrémité inférieure de l’uleère. En bas et dans le fond
de ce dernier, on apercevait les quatre perforations dont il à
été question plus haut. Toute la portion de l'œsophage située au-
dessous de cette altération organique élait en bon état.
Abdomen. L'estomac, rétréci dans sa moitié pylorique, un
peu dilaté dans le grand cul-de-sac, contenait dans cette der-
nière portion, trois à quatre onces d'un liquide noirâtre. Sa
membrane muqueuse d’un rouge vif, puintillée ét ramollie dans
ses 4/5 droits; le 5.e gauche, ou grand cul-de-sac, offrait une
muqueuse d’un rouge violet, recouverte d'une exsudation san-
guine très-gluante. Les intestins grèles, parsemés de quelques
plaques phlogosées ;les gros intestins sains, La rate volumineuse,
son parenchyme ramolli et gorgé d’un sang poisseux. Le foie
foncé en couleur ; la vésicule biliaire très-volumineuse et rem-
plie de bile noire et épaisse. La vessie contractée sans présenter
de phlogose.
Cette observation est remarquable sous plusieurs rapports :
1." I est étonnant qu'une phlegmasie aussi intense de l’es-
( 528 )
tomac n'ait provoqué aucun phénomène indiquant son existence,
car à peine peut-on mentionner comme tels les symptômes obser-
vés pendant les premiers temps de la maladie. Gette exsndation
sanguine est le résultat d’une inflammation portée au plus haut
degré d’acuité ; c’est une hémorrhagie des capillaires de la mu-
queuse , et cette hémorrhagie ne peut être que la conséquence
d’une violente fluxion. Cependant aucun désordre fonctionnel ,
aucun phénomène sympathique , aucune réaction sur la circula-
tion , enfin aucune sensibilité de l’épigastre , même à une forte
pression , ne pouvaient la faire soupçonner. Et celte vive inflam-
mation elle-même à quelle cause peut-on l’attribuer ? Quels
agens ont pu faire passer une phlegmasie chronique à un état
aussi aigu ? Depuis deux mois M. M...... était soumis ‘à un
régime lacté, et pendant ses derniers jours à ‘peine quelques
cuillerées d'eau gommeuse sucrée ou de lait sont-elles parvenues
dans l'estomac. C’est donc d’un côté à l'absence de stimulus,
du moins de stimulus naturel de l'organe (laliment) qu'on
peut rationnellement attribuer la cause de’cette phlegmasie, car
c'est un ordre de causes admis par les nosologistes. D'un autre
côté cette gastrite a pu être aussi déterminée par une quantité
plus ou moins grande de matière purulente qui sera descendue
de la lésion de l’œsophage ; on conçoit que l'organe gastrique,
dont la sensibilité était exaltée par une diète presque absolue et
longt-temps prolongée, ait pu se phlogoser sous l'influence du
contact d’une matière irritante comme le pus.
2.0 Je crois qu'on peut rapporter en partie le développement
du tubercule ulcéré dans l’œsophage à la cessation ou du moins
à la diminution de l'irritation dartreuse; en effet, ces deux
affections n'ont-elles pas leur siège dans les glandes lÿympha-
tiques? Les tubercules sont le résultat de l'irritation du système
lymphatique et les dartres ont en partie pour siège les exhalans
de la peau; mais ce qui est surtout digne de remarque, c'est
l'existence de tubercules volumineux dans un organe aussi
(529)
proche des poumons, sans que ces derniers présentent aux inves-
tigations , même les plus minutieuses , la moindre trace de pro-
duits analogues, et certes l’anatomie pathologique nous a démon-
tré que leur siège de prédilection était dans les poumons; que
quand ils existent dans ces organes let sont passés à un état
d'irritation plus ou moins prononcé, le plus fréquemment on en
rencontre dans les autres viscères et notamment dans les gan-
glions mésentériques; tandis qu'il est rare d’en trouver dans ces
mêmes viscères , quand il n’en existe aucun, même à l’état d’in-
cubation dans les organes pulmonaires. L'état sain dans lequel
se trouvait la muqueuse œsophagienne, qui n'offrait aucun point
d’irritation au pourtour du tubercule, dénotait assez que cette
altération organique était purement locale, et que les vasculaires
sanguins n’y participaient en aucune manière.
[SE
CSS
MÉMOIRE
SUR L'USAGE EXTERNE DE LA PIERRE A CAUTÈRE,
Par M. Prouvrz,
Docteur en médecine, à St.-Omer, Membre correspondant.
20 MARS 1835.
L'usage externe de la potasse caustique est connu d'avance;
il est apprécié à sa juste valeur par beaucoup de praticiens ; son
mode d'emploi a fixé jadis l’attention d'un des corps les plus
savans , je veux parler de l’Académie royale de chirurgie ; mais
cette question ne m'a pas paru résolue. Il est vrai que de nos
jours on s’accorde généralement à penser que dans le plus
grand nombre des cas on doit préférer l'instrument tranchant
pour l'ouverture des abcès. Cependant il est encore quelques
médecins qui emploient exclusivement, pour remplir cette indi-
cation, la pierre à cautère, à laquelle ils attribuent des avantages
que je crois outrés. Ayant parcouru plusieurs hôpitaux, tant
civils que militaires, où l’on fait un usage presque exclusif,
soit de l'instrument tranchant , soit de la pierre à cautère, une
telle dissidence sur ce point de chirurgie attira bientôt mon
attention ; aussi je résolus d’éludier ce sujet pour me mettre à
même de mieux apprécier les avantages et les inconvéniens de
l'une et l’autre méthodes.
Afin d'envisager cette question dans tous ses points, nous
( 535)
parlerons 1.° des avantages attribués à l'emploi de la potasse
caustique; 2.0 de ses inconvéniens; 3.0 des avantages de l’in-
strument tranchant ; 4.0 nous examinerons si, dans un grand
nombre de cas où la potasse paraît indiquée, l'instrument tran-
chant ne pourrait pas la remplacer ; 5.0 enfin, s'il est des cas où
la pierre à cautère doit nécessairement être employée.
1.0 Avantages attribués à lemploë de la potasse caustique.
Les avantages de la potasse caustique sont en petit nombre :
ils se réduisent 1.0 à déterminer une espèce de fluxion locale
nécessaire, selon quelques praticiens, dans quelques cas : par
exemple, quand il importe de décider ou d'activer le travail de
la suppuration évidemment languissant , ou bien de procréer le
degré d'inflammation indispensable pour la formation de la
cicatrice; 2.0 elle agit comme à l’insçu des malades, quand ils
ne sont pas avertis des effets qu’elle va produire, et convient
par conséquent chez les individus méticuleux qui craignent
l'emploi du fer.
2.0 Inconvéniens de la pierre à cautère.
L'action de la pierre à cautère est lente, ordinairement accom-
pagnée de douleurs très-vives, de longue durée, quelquefois
d'accidens nerveux, et même de tétanos; je pourrais en citer
un exemple. Les douleurs qu'elle occasione sont beaucoup plus
fortes lorsqu'elle est appliquée sur une partie sensible et en-
flammée qu'elles ne le seraient si l’on avait fait usage de l'in-
strument tranchant. Elle produit toujours une déperdition de
substance, ce qui est inutile et quelquefois fort désagréable. Il
est difficile de préciser au juste les bornes de son action. On ne
peut pas la diriger avec assez de sûreté pour ne détruire préci-
sément que les parties qu’on a l'intention d'enlever. Elle peut
donc sans utilité prolonger les douleurs et retarder de cette
(5529
manière la guérison. L'escharre est toujours long-temps à se
séparer; aussi est-on obligé de plonger le bistouri à travers elle
pour évacuer le pus de la tumeur. La plaie résultant de sa chute
est inégale, l'inflammation qui suit est souvent plus violente
qu'on ne l'aurait désiré. Cette large plaie doit suppurer long-
temps; la cicatrice se fera donc avec lenteur, et ne sait-on pas
qu’en raison de leur étendue comme de leur persistance, les
solutions de continuité sont plus disposées, soit à s'infecter du
virus vénérien, si le sujet est atteint de cette affection, soit à
être attaquées de pourriture d'hôpital , lorsque les localités, les
encombremens, un état inconnu de l’air atmosphérique, etc., pré-
disposent à ce genre d'infection ? J’ai vu à Toulon, pendant les
premiers mois de l'année 1829, chez certains malades portant
engorgemens syphilitiques , des glandes inguinales sur lesquelles
on avait appliqué la potasse caustique; les plaies devenir bla-
fardes, s'ulcérer, puis une déperdition de peau considérable
survenir ; plus tard les chairs reprenaient un meilleur aspect et
marchaient vers la guérison. Pour cette catégorie, je vais rap-
porter succinetement une observation prise parmi beaucoup
d’autres pour faire voir la manière dont se comportaient les
plaies suites de l'application de la potasse caustique. Je ne
prétends pas qu'il arriverait constamment des accidens , pas plus
prouver qu'on les éviterait en se servant de l'instrument tran-
chant , mais je crois qu'ils seraient plus rares.
Liegand, sous-oflicier au 46.me régiment de ligne, entra à
l'hôpital le 9 mars 1820, atteint d'ulcères syphilitiques ; quelque
temps après, les glandes inguinales du côté gauche s’engorgèrent.
On fit sur elles des applications de 15 et 20 sangsues. Malgré
ces moyens, l'inflammation se termina par suppuration. Pour
donner issue au pus, on appliqua une traînée de potasse caus-
tique. La plaie s'enflamma beaucoup. Bientôt elle changea d’as-
pect; elle devint très-sensible, blafarde, saignant au moindre
attouchement; ses bards se renversèrent ; la suppuration devint
( 5539
sanieuse, félide ; elle faisait tous les jours des progrès en largeur
et en profondeur. On lui opposa deux applications de huit sang-
sues à son centre, et à deux ou trois lignes de ses bords. Ces
émissions sanguines, le régime adoucissant , les pansemens faits
avec de la charpie sèche, des cataplasmes émolliens renouvelés
deux fois par jour, ramenèrent peu-à-peu la plaie à un meilleur
état; les chairs devinrent vermeilles, la suppuration plus louable.
La cicatrice commença à se former, et elle était entièrement
terminée vers le G juillet, époque à laquelle il sortit. Il n'avait
point pris de mercure.
Chez d’autres sujets se trouvant en apparence dans des cir-
constances semblables , les plaies se couvraient d'un enduit
visqueux et blanchâtre, d’un gris tendre; elles saignaient au
moindre contact, faisaient des progrès en largeur et en profon-
deur; en un mot, elles acquéraient tous les caractères de la
pourriture d'hôpital. Plusieurs malades succombérent à cet épi-
phénomène redoutable. Nous allons en rapporter deux obser-
valions.
1.” Gilles, fusilier au 6.me régiment de ligne, entra à l'hô-
pital le 5 janvier 1829, ayant un engorgement des glandes
inguinales. Il fit un traitement mercuriel par les frictions. Le
6 vingt-cinq sangsues furent appliquées sur les glandes engor-
gées. Les 8 et 12 on fit deux nouvelles applications de vingt
sangsues. Vers la fin du mois, une collection purulente s'était
formée du côté gauche. On lui donna issue au moyen de la
potasse caustique. Le 2 février on ouvrit da côté droit de la
même manière. Les plaies s’enflammèrent, prirent bientôt un
nouvel aspect ; les bords se renversèrent , ete. Le 10 , le malade
se plaignit pour la première fois d'avoir mal au ventre, d'aller
souvent à la selle. Il y avait déjà six jours qu'il était dans cet
état ; il n'avait plus d’appétit , la langue était rouge , les organes
gastriques étaient le siège d'une inflammation assez vive; il y
avait de la fièvre. On mit le malade à une diète sévère. Le 13,
(534)
un gonflement de tout le bras droit se manifesta ct devint con-
sidérable dans l'espace de vingt-quatre heures. On fit une appli
cation de 25 sangsues sur toute son étendue ; le lendemain, de 15;
le surlendemain, de 12. On avait soin de l’envelopper avec des
flanelles imbibées de décoction émolliente que l’on renouvelait
très-souvent. Ces accidens disparurent au bout de quelques jours.
Au contraire les plaies s'étaient agrandies. Elles étaient très-
douloureuses , recouvertes d’un enduit visqueux et blanchâtre ;
le pus était grisâtre, d’une odeur très-fétide, suz generts. L'ulcéra-
tion faisait tous les jours des progrès; le tissu cellulaire tombait
en putrilage. La peau bleuâtre , noire, se détachait en lambeaux
gangréneux. On en enlevait des portions assez étendues à chaque
pansement. Le 23, on appliqua vingt-cinq sangsues à un demi-
pouce des bords ;le 25, douze sur les mêmes parties. On avait
déjà fait usage de chlorure, du quinquina en poudre, du cam-
phre uni au sucre, du suc de citron, etc., qui n'avaient amené
aucun changement favorable. Les plaies étaient tellement éten-
dues , surtout celle du côté gauche, que les cordons testiculaires,
les vaisseaux fémoraux, la partie supérieure du muscle couturier,
le grand oblique jusques un peu au-dessus de l’ombilic, étaient
à découvert. Il suecomba le 7 mars.
2.0 Barnier, soldat au 3.me régiment de ligne, entra à l’hô-
pital le 22 octobre 1828, pour se faire traiter d’un ulcère ct
d’un engorgement des glandes inguinales. Il fit un traitement
mercuriel à la suite duquel la plaie guérit.
On fit plusieurs applications de sangsues sur le bubon. Par-
venu à maturité, on l'ouvrit avec la potasse. La plaic avait un
bel aspect , le foyer se détergea ; bref, la guérison se fit assez
promptement. Quelque temps après il se plaignit de nouvelles
douleurs au-dessus de la cicatrice ; il s'y forma un nouvel abcès
que l’on ouvrit avec la lancette et un autre plus bas que l’on
ouvrit de la même manière. On s'aperçut bientôt que ces abcès
communiquaient ensemble au moyen d'un décollement. Le
( 535 )
malade resta dans cet état quelque temps. Les ouvertures des
abcès étant devenues fistuleuses , on résolut de les réunir par une
application de potasse caustique. Après la chute de l'escharre,
les bords de la plaie se boursoufllèrent, devinrent très-doulou-
reux, la suppuration devint grisâtre et d’une odeur très-fétide.
Il ÿ avait souvent des hémorrhagies, l'ulcération faisait sans cesse
des progrès. Le tissu cellulaire et la peau subirent le mème sort
que chez le sujet de l'observation précédente. Il mourut le
27 mars.
_ Le sujet de cette seconde observation aurait probablement
guéri comme les autres, si, au lieu d’avoir recours à la potasse
caustique dans un moment où la pourriture d'hôpital régnait, et
lorsque le malade de la première était déjà dans un état des plus
fâcheux, placé à quelques pas de lui, on avait employé le bis-
touri pour réunir les deux plaies fistuleuses. Ce qui le ferait
croire , c'est que jusqu’à l'application de la potasse, le malade
ne pouvait pas donner la moindre inquiétude. Il était dans un
état stationnaire depuis fort longtemps; c'est-à-dire qu'il avait
bon appétit, dormait bien , et ne ressentail aucune douleur. Ce
n’a été qu'après la chute de l’escharre que la large plaie donna
plus de prise aux miasmes contagieux. Peut-être que le mode
particulier d’irritation que la pierre à cautère détermina, et qui
fut porté à un très-haut degré d'intensité, la rendit plus suscep-
tible de s'infecter, Une remarque encore à faire, c’est que plu-
sieurs individus placés dans la même salle, mais qui avaient été
opérés avec le bistouri, n’ont éprouvé aucun de ces accidens,
Comment en effet se rendre autrement compte de cette diffé
rence ? je ne sais ; j'ai remarqué que tous les accidens disparurent
de cet hôpital du moment où l'on cessa l'emploi ‘des caustiques
pour se servir du bistouri ou de la lancette, Peut-être ne serait-
ce pas émettre une hypothèse que de dire, pour expliquer leur
apparition , lorsque l’air y prédispose , qu'une plaie est d'autant
plus impressionnable aux agens inconnus qui déterminent la
( 536 )
pourriture d'hôpital, soit d'autres complications éventuelles
analogues, qu’elle est plus enflammée et d'une plus grande
étendue.
Enfin, pour terminer ce qui regarde les inconvéniens de l’em-
ploi du caustique, ajoutons que la cicatrice est toujours assez
étendue, plus ou moins inégale, difforme , mince, exposée à se
rouvrir à la moindre violence extérieure. D'autres fois la cicatrice
est d’une grande consistance et sillonnée par des brides fort
dures, en sorte qu'il en résulte de la gêne , de la roideur et même
quelquefois l'impossibilité absolue de certains mouvemens.
3.° Avantages de l'instrument tranchant.
La promptitude avec laquelle on fait l'ouverture des abcès
avec l'instrument tranchant est déjà un avantage. L'opérateur
le dirige dans toutes les directions voulues, et fait par consé-
quent l'opération le plus avantageusement possible. Y a-t-il des
décollemens qui nécessitent l'enlèvement d'une portion de tégu-
ment, il excise en un instant et exactement, soit avec le bis-
touri , soit avec les ciseaux, tout ce qui tombe en mortification,
ou bien les lambeaux de peau qui entravent la marche de la cica-
trice. Mais lorsque cette membrane est intacte et qu’elle peut
être conservée, une simple incision de quelques lignes de lon-
gueur suffit pour permettre l’élimination de la matière purulente.
Il n’y a pas ainsi de déperdition de substance. La plaie produite
par l'instrument tranchant est linéaire ; aussi, dès que les par-
ties sont suffisamment dégorgées, la cicatrisation se fait-elle
rapidement et sans la moindre difformité. Au reste, ses avantages
sont tels, que je crois inutile d'en parler plus longuement.
4.0 Examiner si dans un grand nombre de cas, où la
potasse caustique paraît indiquée , l'instrument tranchant
ne pourrai pas avantageusement la remplacer.
Supposons des abcès ordinaires qui n’ont pas été amenés par
(537)
une inflammation bien violente, dans lesquels la fluctuation est
manifeste, la peau ayant cependant conservé assez d'épaisseur;
beaucoup de praticiens emploient dans ce cas la pierre à cau—
tère, dans le but, disent-ils, d’exciter les propriétés vitales des
parois de la tumeur. Quant à moi, je pense que lorsqu'il n'y à
pas d'indication plus urgente, l'instrument tranchant peut uti-
lement la remplacer: 1.° parce qu'il détermine par lui-même
une irritation suffisante pour l’incision qu'il produit; 2.0 parce
qu'il est toujours en notre pouvoir d'occasioner à posteriort
une inflammation plus ou moins vive par une foule de moyens
que nous avons à notre disposition , alors que l’incision n'a pas
suffi pour la procurer. En effet, ne pouvons-nous pas injecter
dans un foyer purulent les liqueurs que nous rendrons plus ou
moins énergiques, suivant les indications. N’avons-nous pas des
onguens auxquels nous pouvons donner plus ou moins d'activité.
Et les cas où l’on est obligé d’en venir à leur emploi sont rares;
s'ils offrent eux-mêmes des inconvéniens, il s’en faut bien qu'on
puisse les mettre en parallèle avec ceux de la pierre à cautère.
J'ai eu occasion plusieurs fois d'employer ce mode de panse-
ment, il m'a toujours réussi. Un officier fut atteint pendant son
séjour en Afrique d’ulcère et de bubon syphilitiques. L’ulcère
guérit en peu de jours. L’engorgement des glandes inguinales
parvint à suppuration. Le malade , craignant le bistouri et la
potasse, voulut attendre que l’abcès s’ouvrit naturellement. Le
décollement fat grand , la peau, bleuâtre , très-mince , menaçait
de tomber en mortification. J'employai en vain différens moyens
pour en obtenir le recollement. Bref, lorsque je crus que le foyer
était suffisamment dégorgé, j'y fis une injection de vin rouge
chaud , qui produisit beaucoup de chaleur et un peu de dou-
leur. Aussitôt après, j’appliquai des compresses préalablement
disposées de manière à former une pyramide, dont le sommet
devait répondre au centre du mal et le comprimer dans tous les
points, Un spica de l'aîne convenablement serré maintint très-
(538 )
bien l'appareil pendant quarante-huit heures. Au bout de ce
lemps, je vis avec un vif plaisir que plus des trois quarts de la
peau étaient recollés. Je fis de nouveau une injection avec le vin,
réappliquai le même bandage : quarante-huit heures après le tout
était guéri.
Maintenant, si nous avons égard à la position des abcès, il en
est pour lesquels on ne doit jamais employer la pierre à cautère,
quelleque soit leur nature. Par exemple, les abcès à la face, au
cou , aux seins, et principalement chez les femmes. Nous avons
va pourtant des parlisans outrés du caustique l'appliquer jusque
sur la face et des cicatrices difformes enlaidir ensuite le sujet.
Essayons de présenter des cas plus graves que celui plus
haut. Je supposerai un vaste abcès dans une région quelconque
avec décollement et amincissement: considérable de la peau ;
hé !' bien ! je erois encore qu’on doit proscrire le caustique, tantôt
parce qu’il est difficile de eirconscrire toute l'étendue des tégu-
mens qu'il importe d'enlever; d’autres fois parce qu’on pent
aller au-delà de ce qu'on s'était proposé de consumer par le
caustique. Or, dans le premier cas, on serait obligé d'extraire
le reste avec le bistouri ou les ciseaux, ou bien de faire une
nouvelle application de potasse caustique. Ge serait donc mul-
tiplier à plaisir les opérations. Dans le second cas, on aurait le
désagrément de voir en escharre une portion de peau qu'il est
toujours utile de conserver.Ges reproches, le praticien les évitera
en se servant de l'instrument tranchant ou en se conduisant
comme je l’ai fait chez l'oflicier dont je viens de parler.
5° Est-il des cas où la pierre à cautère doive étre
employée ?
Jusqu'ici je crois avoir suffisamment démontré qu'il n'est pas
de cas où l'emploi de la pierre à cautère soit indiqué; que
l'instrument a sur elle des avantages incontestables. En effct,
( 539)
Pourquoi avoir recours à un moyen qui est suivi quelquefois
d'accidens ou qui est accompagné de tant d’inconvéniens,
puisque nous pouvons les éviter par l'usage d’un autre beaucoup
plus simple, plus sûr et plus expéditif ? Quelques praticiens
pourraient m’objecter avec raison que la pâte caustique, formée
par le mélange de la potasse avec la chaux, présente moins
d’inconvéniens que la pierre à cautère (*). J'en conviens, on
devra même l'employer à l'exclusion de l’ancien procédé, lors-
qu’on sera obligé d’en faire usage chez quelques personnes crain-
tives; car c'est seulement dans ce cas que je crois qu'on peut
s’en perinettre l'emploi , ou tout au plus dans les suivans : 1.0
dans les tumeurs d’une indolence extrême, présentant à peine
(*) Tout le monde sait comment se fait cette pâte caustique. M. JourDan
en donne une recette dans sa Pharmacopée universelle. I vaut mieux cepen-
dant la faire plus forte, comme quelques-uns l'ont conseillé ; par exemple, de
la faire comme à l'hôpital de Vienne :
Chaux vive en poudre............., six parties.
Potasse caustique des pharmaciens.... cinq parties.
Pulvérisez la potasse dans un mortier de fer, en ajoutant peu à peu la
poudre de chaux. Conservez dans un flacon bouché à l’éméri. Si l'on veut
s’en servir, on en verse quantité suffisante dans une soucoupe , et on en forme
une pâte avec de l'esprit de vin ou de l’eau de Cologne; on la pétrit avec le
manche d’une petite cuiller. On applique ensuite sur la partie que l’on veut
cautériser, une couche de cette pâte de deux lignes environ d'épaisseur, en
ayant soin, d'en circonscrire nettement les bords avec la spatule ou la cuiller
légèrement mouillée d'esprit. ... ; au bout de cinq à six minutes, la peau est
cautérisée jusqu'au tissu cellulaire ; ce que l’on reconnaît à l'apparition d’une
petite ligne grise sur les bords de la pâte caustique. On peut dès-lors enlever
celle-ci et laver l’escharre avec un peu d’eau vinaigrée. Si l'on voulait cauté-
riser plus profondément, on laisserait la pâte dix, quinze et même vingt
minutes sur la peau. L'addition de Ja chaux à la potasse a pour avantage
d'empêcher la déliquescence de celle-ci, de lui donner la consistance pâteuse
et de lui enlever l'acide carbonique qui peut lui rester encore.
(540)
quelques gouttes de pus dans un long espace de temps, et dont
les parois intérieures ont besoin d'être excitées; 2.0 Dans les
abcès avec décollement considérable de la peau et atonie des
parties circonvoisines , dans la double vue de détruire entière-
ment la portion de tégument qui doit tomber en mortification,
et de produire un degré d’excitation désiré. Mais comme je l'ai
déjà dit, on peut s’en passer, même dans ces circonstances.
Voyons d’ailleurs quels sont les inconvéniens de cette pâte
caustique. Ses avantages sont incontestables ; elle produit une
escharre à contour régulier; elle lui donne la forme et les
dimensions que l’on désire; elle la fait exactement semblable
à la couche de pâte caustique que l'on applique, ce qu'il est
difficile d'espérer avec la pierre à cautère. D'un autre côté, j'y
vois toujours ces inconvéniens : 1.0 d'agir lentement; 2.° de
détruire une portion de peau qu'il vaut mieux conserver quand
on le peut; 3.0 d’occasioner beaucoup de douleurs; 4.0 de
donner une cicatrice plus ou moins désagréable. En résumé, les
avantages réels de la pâte caustique sur la pierre à cautère ne
pourront jamais être mis en regard avec ceux de l'instrument
tranchant.
(541)
"© min"
MÉDECINE VÉTEBRINAIRE.
DES AMULETTES CORPORELS,
CONSIDÉRÉS DANS LEUR INFLUENCE SUR LA CONSERVATION
DES ANIMAUX.
Par M. J.-B.-C. Ronxr,
Professeur à l’école royale vétérinaire de Toulouse ; Membre correspondant.
18 AVRIL 1834.
On nomme amulettes (1) des moyens divers auxquels on
attribue la faculté d'agir sur les êtres vivans, par une vertu
spéciale , variable néanmoins en ce qui concerne chacun d’eux,
Mais qui a toujours pour caractère générique d’être étrangère
aux lois physiques, chimiques et vitales.
L'état de nos connaissances ne nous permet plus d'admettre
des influences possibles sur l'organisme en dehors de ces lois ;
aussi, est-il généralement reconnu par les hommes instruits
que les amulettes ne peuvent exercer, en raison de leur préten-
due propriété extraordinaire, aucune influence directe > hygié-
RE — l
(x) Cet article est extrait d'un Cours manuscrit d'hygiène vétérinaire.
(542)
niqne ou autre , sur nos animaux ; et la foi en leur puissance se
perd à mesure que les lumières se répandent. Dans nos cam-
pagnes même elle n’est plus, ni si générale, ni si grande;
cependant, combien, entre leurs habitans, n’en est-il pas encure
qui ont besoin d’être désabusés à ce sujet? Et pourrait-on dire
que de nos jours la confian ce du peuple au pouvoir des amulettes
n’exerce plus aucune znfluence indirecte sux la conservation des
animaux domestiques? Mais s'il n’est que trop vrai qu'il n'en
est point ainsi , nous avons dès-lors un double motif pour nous
occuper de ces moyens.
Dans le principe on ne donnait le nom d'amulettes (de
amoliri, éloigner, écarter), qu'aux seuls moyens que l’on oppo-
sait aux maléfices ; et comme dans les temps d’ignorance où la
croyance à l'efficacité des amulettes était pour ainsi dire géné-
rale, tout accident, toute affection morbide étaient réputés
pouvoir être causés par l'insatiable malice des personnes que
l'on supposait adonnées à l’art cabalistique, on employait par
conséquent les amulettes, plus qu'aucun autre moyen, on pour-
rait même dire presque exclusivement, pour préserver de mala-
dies et d’enchantemens, non-seulement les homines, mais encore
les animaux. Plus tard ceux qui faisaient commerce d'amulettes,
trouvant l’esprit des peuples, alors plongés dans les ténèbres de
la barbarie, disposé à croire de plus en plus à la puissance
illimitée de ces moyens, ils leur supposèrent aussi une faculté
inverse , celle de pouvoir produire et les maux corporels et des
malheurs divers , en sorte que, confondant ainsi les maléfices
de tous genres avec les amulettes proprement dits, il y eut dès
cette époque deux classes de ces derniers, l’une pour faire le
mal, une autre supposée capable de l'empêcher, en prévenant
ou en annulant les effets des premiers. Alors, l'astuce en impo-
sant de plus belle à la stupide crédulité, qui tremblait devant la
toute puissance supposée des amulettes, souvent même les plus
ridicules , on vit des fourbes insignes dispenser et vendre d’une
(543)
main la source des plus redoutables calamités, et recevoir en
même temps, de l'autre, le salaire des vains secours qu'ils ,
promettaient à leurs dupes, ainsi doublement abusées, et ce-"
pendant toujours prêtes à payer chèrement ces décevantes res-
sources (1).
La médecine vétérinaire doit à M. Huzano père un excellent
mémoire sur ce sujet (2), mémoire où règne constamment la
plus saine philosophie, et où il s'élève avec les armes de la rai-
son, guidée par un jugement solide, éclairée par de grandes
connaissances, contre les préjugés sur lesquels se fonde la
croyance populaire au pouvoir des amulettes. Dans cet ouvrage,
dont nous ne saurions trop recommander la lecture, M. Huzann
a divisé les amulettes en profanes ou médicamenteux, en
surnalurels ou occultes et en sacrés ; et cette division était la
plus convenable au but qu'il se proposait, celui de parler simul-
tanément de tous les moyens de ce genre, auxquels on avait
recours, fant pour prévenir que pour guérir les maladies.
D'un autre côté, M. Guensewr a divisé les amulettes, 1.0 en
médicamenteux et magnétiques , 2.0 en superslitieux.
Pour moi, qui ne dois m'occuper que des amulettes corporels,
c’est-à-dire de ceux qui non-seulement, ayant un corps, tombent
Sous nos sens, mais encore peuvent , par cela même, s'appliquer
médiatement ou immédiatement » soit en substance, soit en
images ou en simulacres, soit par leurs noms écrits, etc., au
corps des animaux sur lesquels ils sont destinés à exercer l’in-
——— Gni6 sobre cena snnbr bitpu
(1) C'est pour cela que Lavorsren a dit qu'il ÿ avait beaucoup de rapport
eutre les amulettes et les charmes. (Dictionnaire portatif de médecine, etc.,
au mot Amulette ; Paris, 1793.)
(2) Znstructions et observations sur les maladies des animaux domes-
tiques, année 1793, page 181.
(544)
fluence qu’on leur attribue, je proposerai comme la plus propre
à faciliter l'exécution de la tâche qui m'est imposée par la
nature même de mon sujet, la division des amulettes en caba-
listiques , religieux et physiques.
Les amulettes cabalistiques sont ceux dont la connaissance
ou la possession est supposée pouvoir s’acquérir par un prétendu
commerce des hommes avec les esprits, les diables,les génies ;
les farfadets, etc., et qui comprennent les opérations magiques
et astrologiques, les talismans , les charmes, les sortilèges , les
enchantemens , les maléfices, les sorts, les pactes, les hippo-
manèës, les filtres, les parfums, les paroles et formules profanes,
les conjurations, l'influence des signatures, les amulettes sym-
pathiques, enfin, les choses diverses qui font toute la science
supposée des magiciens , des maiges, des devins, des sorciers,
ainsi que des leveurs de sorts. Les lumières de notre siècle nous
permettent , sans en alléguer d'autre raison que la nature chi-
mérique du pouvoir de ces amulettes, de les regarder et de les
signaler en masse comme incapables d'exercer par eux-mêmes
aucune action, soit bonne, soit mauvaise, sur les animaux.
Les amulettes relrgreux sont ceux qui émanent ou sont tirés
des objets que la religion même d'un peuple lui fait révérer. Ils
différent , par leur source , avec la diversité des croyances et les
sujets de la foi, particulièrement admis par chaque nation; les
objets qui, ou les constituent, ou sont réputés leur communi-
quer la puissance qu'on leur attribue, ne sont donc pas les
mêmes sur les diverses parties du globe; il y a plus, ils ont
varié, dans les mêmes contrées , suivant la différence des temps.
Cependant, partout où l'on croit que les amulettes religieux,
indépendamment des propriétés spéciales des choses matérielles
qui les forment quelquefois , peuvent , par leur puissance occulte
et surnaturelle , opérer des effets purement physiques ou médi-
caux ; ils n’en consistent pas moins toujours, tantôt en des noms
divins ou sacrés, tantôt en des prières ou paroles saintes, .soit
(545)
écrits, soit imprimés, soit encore simulés, pour être quel-
quefois portés par eux-mêmes, d’autres fois seulement récités
près des sujets sur lesquels ils doivent agir; tantôt en des péle-
rinages, des octaves, des neuvaines, des ex volo et autres
pratiques ou formules de piété (1) ; tantôt enfin dans l’apposition
d'objets corporels , les uns consacrés par leur usage pour le culte,
les autres rendus précieux par des pratiques ou des cérémonies
liturgiques. Mais, je le répète, ces choses ont varié et varient
encore de nos jours, pour les causes que j'en ai indiquées;
ainsi, la Mythologie grecque et latine (2), les prêtres de l'an-
tique Égypte (3), les anciens peuples de la Perse (4), et, dans
la Gaule, les Druides de nos ancêtres (5), avaient leurs amulettes
religieux ; ainsi, à l'égard des nations modernes, nous voyons
que , pour l'Indien , ce qu’il croit tenir de ses Pagodes; pour le
Nègre, ce qu'il regarde comme provenant de ses Fétiches ; pour
(x) En effet, les bénédictions , les exorcismes , le toucher des châsses des
Saints , l'usage des cierges bénits , la lecture des évangiles , les processions,
etc. , sont souvent aussi employés à la manière des amulettes.
(2) Sans compter les Pénates ou Lares qui veillaient sur le domicile; les
Viales qui avaient la garde des chemins ; les Compitales, qui présidaient
aux carrefours; les Urbani, qui veillaient sur chaque ville en particulier ;
n’y avait-il pas les Præstites, dont on implorait le secours dans les conjonc-
tures fâcheuses ; les Hostilir, pour obtenir l'éloignement des ennemis; Luperca
n'était-elle pas invoquée contre les loups ; la déesse Aobigo , contre la rouille
des blés , etc. ? Le laurier ne préservait-il pas de la foudre, etc. ?
(3) Ils avaient aussi leurs Lares, qu'ils appelaient 7ychis, Dymon, Heros
ct Anachis.
(4) Abraca, Abracas, Abracadabra, Abracalan, Abraxas, Abrasaxas,
que l’on regarde comme autant de noms donnés par les Perses à leur dieu
Mithra, sont des mots dont l'emploi comme amulettes est assez connu.
(5) On sait surtout combien de vertu ils attribnaient particulièrement au
gui, coupé ayec de certaines cérémonies.
35
C 546)
le Mahométan, les paroles du Coran; pour le Chrétien, des
oraisons à Dieu, à la Vierge ou aux Saints, sont ou deviennent
également des amulettes , quand on $e sert de ces choses de la
même manière et dans les mêmes intentions surtout que l’on
emploie ceux-ci. Ne rirait-on pas aujourd’hui de l’homme qui
recourrait sérieusement aux amulettes mythologiques ? L’Arabe
peut-il croire à l’efficacité ou hygiénique ou médicale des amu-
lettes des Nègres et des Indiens? Y pouvons-nous croire nous-
mêmes ? Pas plus qu’à l'efficacité des paroles du faux prophète
de la Mecque!....... Nous n'avons pas besoin de dire, par
conséquent, que, parmi les amulettes religieux de notre pays,
il n’y a que ceux qui sont matériels, comme, par exemple,
l'eau bénite, la clef de St.-Hubert , celle de la sainte chapelle
de l'église St.-Sévérin de Paris, etc., qui pourraient avoir des
effets physiques sur les animaux ; mais que rarement cependant
leur influence , quand on les emploie à titre d’amulettes, peut
avoir, si le hazard ne s'en mêle, une efficacité réelle, au moins
dans le sens où on les en croit capables; et que même encore,
dans ce dernier cas, on peut, sans profaner par cet usage les
objets du culte et de la juste vénération des fidèles , attendre et
obtenir les mêmes effets avantageux , souvent d’ailleurs beaucoup
plus actifs, plus directs et plus sûrs, par l'emploi d’autres
moyens, dont l’action n’a pourtant rien de mystique (1). D'un
(x) Et aux personnes qu’une véritable piété anime, ne pourrions-nous pas
demander si ce serait nier en rien l’omnipotence de Dieu, ou si ce serait man-
quer aucunement à la foi chrétienne , de soutenir que ce n’est point sans doute
à l'occasion d’un bœuf, d’un cheval, d’un chien, etc., que le Tout-Puissant vou-
drait sans cesse, au gré du caprice , des intérêts ou des ridicules souhaits des
hommes, intervertir les lois générales que lui-même a établies sur la nature
entière, et faire ainsi journellement des miracles au sujet des moindres choses ?
Car quel serait le pouvoir des amulettes religieux, si, absolument comme
pour les miracles, leurs effets n'étaient pas, d'une part en dehors de ces lois,
d'une autre part, supérieurs à leur action , pour Ja détruire ? D'ailleurs, leur
(947)
autre côlé, on peut affirmer aussi que parmi les amulettes reli-
gieux, tous ceux qui sont corporels ne sauraient avoir effective-
ment, quoi qu'on en ait dit (et on peut certes le penser sans
aucune impiété ), toutes les vertus qu’on leur attribuait, tels,
par exemple, que l’étole de St.-Hubert, dont la moindre par-
celle ; insérée sous la peau du front, préserverait les animaux de
la rage; que la dent de St.-Amable, dont l'application guéri-
rait la morsure de la vipère, etc.
Ainsi donc, ou les amulettes religieux sont aussi impuissans
que les amulettes cabalistiques, ou ils ne produisent que des
effets fortuits, rares, peu certains dès-lors, et que l’on peut
ordinairement , qui plus est, obtenir avec plus de certitude à
l’aide des moyens hygiéniques, pharmaceutiques ou chirurgi-
caux , appropriés aux différens cas. Repoussons, par conséquent,
de tous nos moyens le recours abusif et blämable du vulgaire
ignorant et superslitieux aux amulettes religieux, en raison de
leur sainteté, qui doit nous les faire respecter d'une part,
et de leur inutilité , de l’autre part, si nous les considérons sous
le point de vue qui nous occupe. Craignons qu’un tel usage ne dé-
crédite les objets d’un culte que le peuple ne saurait trop véné-
rer; mais que pourtant #/ n’est que trop porté, suivant les sages
paroles d’un respectable prélat, à confondre avec les remèdes
humains (x); et sous ce rapport, autant que pour son propre
intérêt, cherchons à l'éclairer assez pour le détourner d’y avoir
recours ou de leur accorder la préférence sur des moyens qu'il
néglige alors, quoiqu'ils aient des droits plus réels à sa con-
emploi dans les cas dont nous parlons n'est-il pas toujours ou une profana-
tion, même quand il est fait avec une ferme confiance en leur vertu, ou un
acte d'irréligion, s’il pouvait n'être point fait avec une intime conviction qu'il
ne peut manquer d'êlre suivi des bons résultats qu’on en attendait ?.....
(1) Lettre pastorale de monseigneur l’archevéque de Toulouse, au sujet
de la maladie épizoctique , Montpellier, 25 décembre 1774.
(548)
fiance, quand c’est aux maladies des animaux qu'il s'agit de
les opposer !
Les amulettes physiques sont ceux qui sont le plus exclusi-
vement corporels. S'ils ne sont pas toujours doués , à beaucoup
près , des propriétés que l'ignorance ou la fourberie leur sup-
posent ; ils pourraient néanmoins, en raison de leur nature ma-
térielle, déterminer souvent des effets positifs et plus ou moins
sensibles, sur les animaux auxquels on ‘en ferait l'application.
En raison du mode d'action qui pourrait résulter de leur em-
ploi, ils peuvent être très-naturellement subdivisés en znertes,
en médicamenteux et en electro-magnétiques.
Les amulettes corporels qui méritent le nom d'nertes, sont
tous ceux qui, par la nature de la substance qui les constitue,
ou bien encore par la manière d'en faire usage, ne sont sus-
ceptibles d'exercer aucune action , soit médicamenteuse, soit
magnéto-électrique.
On doit placer au rang des amulettes physiques, 2nertes par
leur nature même, les colliers de liége ou de marrons d'Inde
que l’on attache au col des femelles dans la vue de hâter la
suppression du lait ; les bouchons de paille que l’on met aux
extrémités des chevaux atteints de cette affection, pour empé-
cher la fourbure de descendre dans les pieds; le clou arraché du
pied d'un cheval piqué, et ensuite entouré d’un crin de l'ani-
mal, que tantôt l'on plante dans les planches de la boutique,
et que tantôt l'on jette dans le foyer de la forge, pour prévenir
les suites que pourrait avoir la blessure qu'ii vient de causer;
l'os naviculaire d’un pied postérieur, attaché au col ou au mors
d'un cheval, pour l'empêcher de devenir fourbu; les poules
noires et couveuses qui ont la prétendue propriété de préserver
les bestiaux malades des suites les plus fanestes, et surtout de
la mort, dans leurs plus redoutables affections; la peau d’un
serpent ; appliquée au pied non blessé du même bipède, et, au
contraire, Ou soit une carpe, soit une grosse araignée, soit la
(549)
tète d’un lézard , appliquées sur le pied blessé lui même , pour
faire sortir de suite et sans opération l'épine, le chicot ou le
tesson qui a pénétré accidentellement sous la corne; la courroie
de cuir de cerf dont on lie la queue d’un cheval pour guérir le
flux de ventre; la cendre de sarment qu'on répand sur le
cheval pour l'empêcher de tomber; la cendre de tête de chien
jetée sur la peau dépilée pour y faire croître les poils ; le cœur
de bœuf convenablement préparé, et dont on fait usage au
besoin, pour, avec un seul cheval, et impunément pour lui,
suivre la poste aussi long-temps qu'on le veut ; les feuilles de
platane regardées comme propres à empêcher les chauves-souris
d'entrer dans les habitations des animaux ; l'ongle d’un pied de
chèvre , l’armoise, la ronce ou un serpent rôti, pour en écarter
les serpens vivans; la peau de loup tannée, qui en écarte les
puces; le sang de cheyreau , mis dans un creux de l’écurie pour
attirer et tuer toutes les puces; la main gauche dans laquelle
on a étouffé une taupe qu’on aurait trouvée sans la chercher, et
qui conserve ensuite, pour toujours, la propriété de guérir les
tranchées du cheval sur le ventre duquel elle est passée ; l'arai-
gnée et le bouc qui assainissent les écuries, ele., (1). Et si j'ai
énuméré aussi longuement des moyens si dignes d'être tournés
en dérision, ce n’est pas pour avoir le vain plaisir d’en grossir
la liste, mais bien pour convaincre mieux les personnes qui croi-
raient encore de bonne foi à la puissance d’aussi ridicules amu-
lettes de la constante ineptie qui a pu seule présider au choix
de tels agens! Ensuite , il faut ranger au nombre des amulettes
physiques, qui ne demeurent znertes et par conséquent sans
aclion que par la manière dont ils sont employés, mais qui
par leur nature propre ne le seraient pas d’une façon absolue,
l’arsenic enfermé en toile crue et pendu avec une ficelle neuve
(x) Bien Join de les assainir, le second les infefte par l'odeur qu'il y répand.
(690) 27
aux crins de l'animal, proposé contre le farcin; l'urine d’ane
vache qui a été surprise couchée et que l’on a relevée par la
queue, pour dissiper l’enflure des jambes des chevaux; les
sachets de sel et de cendre placés sur les reins, pour guérir le
vertige; le safran pilé et le vinaigre mis dans la bouche du
cheval pour lui fasciner la vue, etc. Serait-il besoin d'insister
beaucoup de nos jours pour persuader toute personne de bon
sens que de semblables amulettes n'ont point et ne peuvent
avoir sur les animaux les effets singuliers qu’on leur attribuait ?
Les amulettes médicamenteux sont ceux qui, en raison de
certaines propriétés plus ou moins actives, peuvent (quoique
ce ne soit pas pour l'ordinaire d'une manière avantageuse à
l'effet qu’on voudrait produire ) agir sur les animaux, si non
toujours et exclusivement par eux-mêmes , au moins dans quel-
ques cas, par les émanations ou parties volatiles qu'ils fournis-
sent , tant quand elles sont introduites dans l’économie avec
l’air respiré , que lorsqu'elles sont absorbées par la peau; et l’on
peut regarder comme tels les sachets de plantes aromatiques,
ceux de campbhre, d'iris de Florence , d’assa _fœtida , qu’on fait
porter aux animaux en différentes circonstances ; les clous de
girofle, les aromates et le vinaigre brûlé, etc., l'ail, qui sont
réputés capables de chasser le mauvais aïr, etc.; et ne pour-
rait-on pas placer au rang de ces amulettes l'enceinte de cau-
térisation que l’on traçait autrefois autour de la partie affectée
de farcin, pour circonscrire en quelque sorte celui-ci en un
cercle magique, au-delà duquel il était supposé ne pouvoir
s'étendre ? Ces derniers amulettes, quoiqu'ils soient en quelque
sorte les seuls dont on ne puisse nier la vertu active autant
que réelle , étaient cependant, par une singulière disposition de
Vesprit humain à s’en laisser imposer de préférence par tout ce
qui a l'apparence du merveilleux, en même temps les moins
employés et aussi les moins vantés par les gens qui faisaient
métier de spéculer sur les faiblesses et les travers des hommes
(551)
privés d'instruction. Cependant, les amulettes médicamenteux,
quoique doués d'une action indubitable sur les animaux, ne
produisent presque jamais, comme je l'ai dit, lorsqu'ils sont
employés à ce titre, des effets exclusivement efficaces, et peu-
vent même, au contraire , en déterminer souvent de nuisibles,
La raison en est aisée à déduire ; car, pour qu'ils puissent pro-
duire des effets avantageux, il faudrait que la propriété spéciale
dont ils seraient pourvus par leur nature propre, se trouvât
convenir parfaitement à la circonstance pour laquelle on les
emploie, et ce n'est jamais qu’aveuglément, au hazard, sans
consulter ou les indications ou les exigences des cas divers, que
l'usage en est conseillé , que l’application en est faite ! Par con-
séquent , considérés dans la manière toute vicieuse dontle vul-
gaire y a recours, les amulettes qu’on appelle médicamenteux
ne peuvent pas être plus utiles et ne sauraient guëre ètre moins
dangereux que les autres, tant par leurs propres effets, obtenus
à contre-temps , que parce qu'ils détournent de recourir à des
moyens qui, bien raisonnés dans leur choix et dans leur usage,
seraient alors, et aussi souvent que possible , capables de pro-
curer des succès certains.
Enfin , les amulettes magnelo-électriques (1) sont ceux qui,
comme les aimans, les barreaux aimantés, les armures métal-
liques , etc. , peuvent , sous l'influence de l'électricité atmosphé-
rique et du magnétisme terrestre, ou encore en garantissant les
(x) « Et de nos jours et sous nos yeux, dit M. Huzanp, dans l'ouvrage
» précédemment cité, n’a-t-on pas aussi magnétisé nos animaux ? N’a-t-on
» pas prétendu que cet amulette guérissait le farcin, la morve, le vertige ?
» N’a-t-on pas cru avoir fait dormir des chevaux ?...» Quise serait attendu
à voir le mesmérisme jouer un rôle jusque dans de semblables choses? Mais
ce n’est point de ce magnélisme animal, malgré qu'il soit bien digne de
prendre rang parmi les amulettes les plus absurdes, que j'ai voulu parler
dans cet article.
( 552 )
animaux de leurs effets, jouir de propriétés physiques et bien
réelles ; on peut dans cette classe , relativement à l'hygiène et à
la médecine vétérinaires, placer les branches de fer dont on
entoure les vers à soie pour les préserver des effets de l’électri-
cité; celles que l’on met dans les laiteries pour empêeherde lait
de cailler dans les temps orageux , et aussi celles que l'on place
au milieu des œufs sous les poules couveuses , pour empêcher le
tonnerre de tuer les poussins. L’acuponcture, dont on a fait
dans ces derniers temps quelque usage en médecine vétérinaire,
et les toiles cirées que l'on pourrait employer dans quelques
circonstances particulières, pour isoler la partie malade contre
l'influence extérieure de l'électricité, etc., sont aussi des procé-
dés dont l’action ne reconnaît pas une autre source. Nul ne sau—
rait nier l’activité de semblables amulettes; mais encore ici,
comme à l'égard de ceux qui sont qualifiés de médicamenteux,
ils cessent, sous le point de vue médical, d'être des amulettes
à effets extra-physiques et occultes dans leur action , pour deve-
nir (exclusivement pourtant dans les mains du médecin vété-
rinaire assez instrait pour en bien régler l'emploi ), des moyens
rationnels de traitement, toutes les fois qu'ils sont bien choisis
autant que convenablement appliqués pour satisfaire aux indi-
cations pathologiques ou autres des cas pour lesquels on peut ÿ
avoir recours.
Ainsi donc, et pour nous résumer, nous dirons qué quoique
rien ne soit plus illusoire que la croyance aux bons effets des
amulettes , ils n'ont pourtant que deux mauvais effets constans
autant que communs , à l'égard de l'usage qu’on en peut faire
pour les animaux : le premier, c’est d'inspirer une confiance
trompeuse en des moyens qui détournent d'autant plus inévi-
tablement d'avoir recours à ceux qui pourraient avoir de l'effi-
cacité, que, quand on cest , ou assez borné , ou assez superslilieux
pour employer des amulettes, on ne doute ordinairement pas de
l'infaillibilité de la puissance particulière dont on s'est plu à les
( 538 )}
gratifier ; le second , c’est que les amulettes de tous les genres
ne profitent qu'à ceux qui les vendent, tandis que dans la plu
part des cas ils sont on directement, ou indirectement nuisibles
à ceux qui les mettent en usage, Et malheüreusement il n'arrive
que trop que les hommes qui , par leur position, par la confiance
qu'ils inspirent aux habitans des campagnes, par les lumières
même que leur état suppose, devraient chercher à les prémunir
contre les erreurs et contre les suites funestes de cette ridicule
croyance, ne sont que trop souvent , au contraire, ceux qui les
abusent à ce sujet et qui les abusent, dans quelques cas, uni-
quement pour cn profiter. À ceux qui ne sont mus en cela que
par de semblables motifs, que leur dirions-nous qui puisse les
toucher? Ne sont-ils pas de cette classe d'hommes qui s’avi-
lissent assez d'eux-mêmes, pour placer leur intérêt avant tout ?
Aux autres, et nous avons lieu de croire qu'ils forment le plus
grand nombre, nous leur ferons observer combien il y aurait
loin de cette conduite justement réprébensible, à ces sentimens
si nobles et si beaux, à ces sages conseils d’un vertueux et digne
archevêque français, si bien exprimés dans ces paroles qu'il
adressait aux curés de sa juridiction , dans un temps de calamité
publique : « Malheur à celui qui regarderait comme étranger à
notre ministère un soin quelconque utile au peuple !.....,
C’est à.vous, ..... à éclairer sa dévotion et à la diriger de
manière que, sans rien perdre de sa ferveur, elle n’aille pas,
par des pratiques superstitieuses, contrarier les vrais principes
du christianisme....,... Eu excitant les habitans de votre
paroisse à obtenir du ciel les salutaires effets de sa miséricorde,
je ne doute pas que vous ne soyez attentifs à les éloigner de ces
pratiques superstitieuses auxquelles le peuple, dans de semblables
occasions , n'est que trop porté à avoir recours. » (1)
SES
(1) Lettre pastorale déjà citée.
(554)
Peut-il par conséquent rester quelque doute sur la conduite
que, dans son intérêt bien entendu, devrait tenir tout homme
raisonnable auquel on pourrait encore proposer de recourir
avant tout, en fait de conservation des animaux qui sont sa
propriété , à l'emploi des amulettes ?
(555)
PHILOSOPHIE.
CONSIDÉRATIONS
SUR LE CARACTÈRE DE LA PHILOSOPHIE AU A9. SIÈCLE ,
Par M. Mauzer,
Professeur de philosophie au collège royal d'Amiens, Membre correspondant.
EE)
3 ocroBre 1034.
a
IL existe contre la philosophie deux genres de préjugés non
moins injustes l’un que l’autre. Les uns la considèrent comme
un assemblage de questions oiseuses, propres tout au plus à
exercer les esprits dans la frivole science de la dispute et des
subtilités scholastiques ; les autres s’obstinent à voir en elle la
vieille ennemie de ce qu'il y a de plus respectable et de plus saint.
— Voilà les deux genres de griefs dont on prétend se prévaloir
contre elle,
Nous ne craignons pas de le dire, ceux qui soulèvent aujour-
d'hui contre la philosophie de semblables accusations ne sont
pas de leur siècle et se trompent d'époque ; ils rétrogradent les
uns et les autres vers un passé qui ne saurait revenir.
Nous ne sommes à l'heure qu'il est ni au moyen-âge, ni au
temps de d'Holbach et d’Helvétius ; nous appartenons au dix-
neuvième siècle, et c'est ce que paraissent trop oublier les
hommes qui suscitent à la philosophie de si misérables querelles.
( 556 )
La philosophie , telle que le dis-neuvième siècle la comprend,
est un besoin sérieux et réel. Notre âge n’est point philosophe
par fantaisie ou par caprice ; c’est chez lui le résultat d’une loi
irrésistible , la loi du progrès, qui pousse hommes et choses vers
la fin que la Providence a assignée à tous.
Il ÿ a dans la vie des nations deux phases distinctes comme
dans la vie de l'individu. Au début des années, tout est poésie
chez l'enfant ; toutes ses facultés entrent en exercice et se déve-
loppent sans qu'il cherche la raison de ce développement. II
n'observe pas la vie intellectuelle : il la laisse aller, Plus tard, il
est vrai, la raison, faisant un retour sur elle-même, se deman-
dera compte de ses procédés ; mais toujours est-il que la spon-
tanéité est chez elle le premier moment du développement et
que la réflexion ne vient qu'ensuite. Eh bien, ce qui est vrai de
la vie de l’homme observé individuellement l'est également de
la vie des nations. Les nations ont aussi leur âge de spontanéité ,
leur âge de réflexion; en d’autres termes, leur âge poétique,
leur âge philosophique. La nôtre a subi, elle aussi, ces deux
phases : la poésie au moyen-âge, à l'âge moderne la philosophie.
Il ÿ a bien, si l'on veut , au moyen-âge, des hommes qui s'in-
titulent philosophes et des doctrines qu'on appelle philoso-
phiques ; mais ni hommes ni choses ne méritent véritablement
ce nom; car où n'est pas l'indépendance la philosophie ne sau-
rait être, ct ce qu'on appelle philosophie au moyen-âge était
quelque chose de subordonné à une autorité supérieure. La
philosophie. proprement dite, dans toute la rigueur du mot,
manque donc à l'époque dont nous parlons; mais en revanche
le moyen-âge, ce temps de la jeunesse des nations modernes,
eut sa poésie, suave de coloris et de fraicheur, énergique ct
vigoureuse comme les ames d'alors, imposante et hardie comme
ses cathédrales, empruntant à Ja religion ses ailes de flamme et
sestélans vers le ciel, à la chexalcrie sa {urbulence aventureuse ,
aux caraelères nationaux leur originalité vive et élincelante,
(557 )
Telle fat la poésie de ce moyen-äge, dont il nous reste encore
tant de choses à connaître. Au commencement du dix-septième
siècle, de nouveaux, d'impérieux besoins se font sentir. La
réflexion s'éveille de toutes parts; la vérilable philosophie est
mise au monde par Descartes, qui réclame poar la raison humaine
une indépendance absolue: et dès-lors commence le rôle de la
réflexion, moins brillant peut-être que celui de la poésié, mais
tout aufrement grave. On sent que l'âge viril à commencé pour
l'esprit humain , qui fait noble et glorieux emploi de cette faculté
nouvelle qui s'éveille en Jui. Son inquiète et dévorante sollici-
tude se porte sur tout ce qui peut être l'objet de son examen :
beaux-arts, littérature , politique , jurisprudence , la philosophie
exerce sur tout son contrôle, et à bon droit, car dans l'ordre
de développement de la pensée humaine tout relève d'elle ,
tandis qu’elle ne relève que d'elle-même: Arrive le dix‘huitième
siècle avec son allure sceptique et moqueuse , époque dé négation
qui semble avoir reçu la terrible mission d'en finir avec tout un
passé et qui remplit à merveille ce rôle de destraction. D'indé-
pendante qu'elle s'était montrée au siècle précédent , la philo-
sophie devient hostile à tout ce qui est : mœurs, croyances ,
lois, forme gouvernementale, il n’est rien qu’elle n’attaque et
ne sape. Deux hommes se partagent le vieux monde à détraire :
à Voltaire les dogmes religieux, à Rousseau les dogmes politiques.
Puis, quand ils ont tout miné, tout ébranlé par leurs écrits,
quand ils ont fait la révolution dans les ésprils, viennent d’autres
hommes qui la font dans les choses, philosophes d'action plus
encore que de théorie, colosses puissans de nerfs, terribles d’au-
dace jusqu'à la frénésie, et qui procèdent par la terreur à Ja
démolition du passé et à l'édification de l'ordre nouveau. Que
pouvait devenir la philosophie au milieu de l'ouragan qui em-
portait toutes choses ? Nécessairement elle devait Participer du
caractère de trouble et de violence dont tout alors était marqué,
Ce n'est plus ce langage si imposant de calme et de mesure
( 558 )
comme dans Montesquieu, ni si vif, si spirituel, si brillant comme
dans Voltaire , ni si puissant de génie et d'enthousiasme comme
dans Rousseau ; et pourtant le génie et l’enthousiasme ne lui
manquent point; mais c’est un enthousiasme faribond , un génie.
poussé jusqu’au délire. La philosophie descend alors, des régions
paisibles où toujours elle devrait planer, au milieu de la tem-
pète populaire et des orages de la place publique. Devenue peuple
elle-même et s’identifiant à tout ce qui est du peuple, elle tonne
à la Convention, elle hurle à la tribune des clubs, elle délire
aux fêtes de la Raison. Puis, quand la tourmente révolution-
naire est ralmée, elle tombe, elle aussi, avec toutes choses,
dans ce morne et silencieux abattement, qui, pour la pensée
comme pour les organes physiques, succède inévitablement à
l’orgie et aux escès; tellement que lorsqu’apparut le Soldat heu-
reux qui se servit contre la liberté du glaive que la liberté lui
avait confié contre les ennemis de la France , il trouva la philo-
sophie muette, paralysée , impuissante comme un cadavre. Elle,
qui avait ébranlé des croyances de dix-huit siècles et remué
jusque dans ses fondemens le vieil ordre social , est sans force
contre un homme né d’hier ; elle se voit par lui muselée, réduite
à se taire, tournée en ridicule, traitée de folle et de visionnaire.
Et, à vrai dire, il n'en pouvait être autrement. Les circonstances
étaient peu favorables pour lui concilier la sympathie des masses.
Elle, qui ne peut vivre que dans la paix et dans le calme, était
à tout instant distraite de ses laborieuses méditations par le canon
de nos batailles et de nos triomphes. Les noms de Marengo,
Austerlitz, léna , exercaient sur les ames une influence autre-
ment magique que ceux de Locke et de Condillac , les coryphées
de la philosophie d’alors. Mais lorsque, suivant la loi des choses
qui veut que tout ici-bas, même la gloire et le génie, ait son
expiation , le grand homme eut été précipité de ce trône qu'il
avait reconstruit sur le bord de l'abime toujours ouvert des ré-
volutions, la pensée, long-temps comprimée par cette main
(559)
puissante , se redressa, et, soit qu'elle l'ignorât, soit qu'elle le
voulût, la restauration fit à la philosophie une condition meil-
leure. On la vit alors, cette philosophie, devenue moins exclu-
sive , accueillir tout ce qu’il y a de raisonnable chez nos voisins,
et, appuyée sur ces données nouvelles, protester contre les
exagérations sensualistes de l’âge précédent. L'Écosse et l'Alle-
magne , l’une si admirable de bon sens , l’autre si supérieure de
raison, trouvent en France deux éloquens interprètes. Leurs
doctrines , qu'un patriotisme mesquin et mal entendu avait jus-
ques-là répudiées, sont accueillies avidement par des esprits
fatigués des théories désespérantes du dix-huitième siècle. Le
génie du passé lutta énergiquement contre cette tendance ; mais
en dépit de ses répugnances et de ses efforts, la victoire fut
acquise à l’esprit nouveau, et de cette fusion des doctrines écos-
saises et allemandes avec la saine partie des théories du dix-
huitième siècle, naquit la philosophie actuelle. En pouvait-il
être autrement? Assurément, non. C'était chose nécessaire
qu'après l’époque de dépendance vint pour la philosophie l’é-
mancipation , après celle-ci l'abus de la liberté, puis le retour
à la modération et à la sagesse. Maintenant que des jours meil-
leurs ont commencé pour la philosophie, maintenant qu’elle
peut tout à l'aise exposer ses théories et produire ses systèmes,
elle restera d'elle-même dans les limites d’une sage réserve ;
car l'excès et la licence ne vont qu’à l’esclave qui brise un instant
sa chaîne pour la reprendre ensuite, tandis que la modération
s'allie bien avec l’usage fréquent et soutenu de la liberté,
Maintenant il nous est facile d'apprécier le caractère de la
philosophie de notre âge. Ce caractère est double : caractère de
spiritualisme , caractère de conciliation. La philosophie spiritua-
liste est celle qui croit qu’il ÿ a en ce monde autre chose que de
la matière , autre chose après cette vie que la tombe et le néant,
Dans la pratique elle enseigne l’accomplissement du bien, le
dévouement à la patrie , l'obéissance aux lois et aux chefs char-
( 560 })
gés de leur exécûtion ; l'amour dé tout ce qui est bon et honnête;
elle‘apprend à sacrifier en toute rencontre la passion à la raison,
l'intérêt aa devoir. Le second caractère que nous avons à signaler
dans la philosophie de notre époque est un caractère de conci-
liation , et ce dernier se manifeste avec une non moins lumineuse
évidence. En psychologie, par exemple, où sont aujourd’hui les
théories exclusivement où sensüalistes ou rationalisies, et de
quelle faveur jouissent-elles ? N’est-il pas vrai qu'elles sont
tombées dans le plus complet discrédit, et se sont vu remplacer
par des théories qui ne vont chercher la vérité dans aucun sÿs-
tème exclusif, mais qui empruntent à {ous les systèmes ce qu'ils
ont de raisonnable et de légitime ? C’est qu'on a reconnu ; et à
bon droit, que nul système ne peut se dire en possession de la
vérité à l'exclusion de tous les autres ; mais qu'une part de
vérité se trouve dans tous. Voulons-nous un second exemple?
Dans l'application de la philosophie aux choses de la religion ,
ce même caractère se manifeste. Comment seraient accueillies
aujourd'hui les prétentions anti-religieuses du dix-huitième
siècle? Tout porte à croire qu’elles seraient repoussées avec
dédain si elles essayaient de se reproduire. Loin d’être hostile à
la religion , la philosophie de notre âge lui emprunte ses touchans
et sublimes enseignemens ; car si la philosophie parle à la raison ,
la religion parle au cœur , et la philosophie a compris qu'elle ne
pouvait se séparer de la religion sous peine de mutiler l’homme
en négligeant un des élémens constitutifs de son être. Si nous
voulions pousser plus loin la vérification et l'essayer sur les
beaux-arts, l'histoire, la littérature, les sciences politiques ,
dans chacune de ces sphères encore nous retrouverions le con-
cours pacifique de la philosophie et son intervention conciliatrice.
Dans ce rapide exposé nous avons essayé d'esquisser le carac-
tère de la philosophie telle que dans l’état actuel elle s'offre à
nos contémplations et à nos études. Nous avons entrepris d’éta-
blir qu’elle n’est pas une série de questions stériles et frivoles,
É ( 56r })
mais une science grave et sérieuse , féconde en résultats impor-
tans. Se livrer à l'étude de la philosophie, ce n’est plus tour-
menter des abstractions plus ou moins ingénieuses ; c’est discuter
des problèmes qui intéressent puissamment l’homme et la société.
La philosophie a aujourd'hui un but pratique; ce n’est point
une science uniquement de théorie, mais encore d'application.
Sans doute elle doit partir de la connaissance intime de l’homme
et de ses facultés, ct s'appuyer sur des données psychologiques,
sous peine de n’aboutir qu’à des hypothèses. Mais, ce point de
départ une fois adopté, elle ne se contente pas d'étudier les
facultés de l'homme en elles-mêmes, mais elle les suit encore
dans leur exércice ét leur application au vrai, au bon, au juste;
en d’autres termes, elle embrasse tout à la fois non seulement
les sciences psychologiques , mais encore les sciences morales ,
politiques , sociales. Elle touche à tout ; elle exerce sur tout son
contrôle et sa juridiction suprème ; mais, redisons-le, ce contrôle
est tout de conciliation , ct cette influence toute pacificatrice.
Et par exemple, sans vouloir ici le moins du monde empiéter
sur le domaine de la politique, le caractère que nous signalons
n’apparaît-il pas avec la dernière évidence depuis dix-huit annécs
dans les relations des grandes familles européennes ? N'en est-on
pas arrivé, ou à peu près, à dénouer pacifiquement des questions
politiques qui naguère encore n'auraient pu être {ranchées que
par le glaive ? On ne peut s’empêcher d’apercevoir ici l'influence
conciliatrice de la philosophie, et de reconnaitre dans ce fait un
immense progrès moral tendant à substituer dans l'application
la justice à la force et la raison à la brutalité. Faisons des vœux
pour que ce même esprit de conciliation, qui a déjà amené de si
heureux résultats dans les relations des peuples européens, en
produise de semblables dans les rapports politiques que sou-
tiennent entr'eux les membres d’une même nation, et vienne
répandre un peu de clémence et de mansuétude au milieu des
fureurs et de la violence qui divisent les partis. IL est dans tous des
36
( 562 }
hommes d'honneur et de cœur faits pour s’estimer, non pour se
maudire ; seulement ils ne se comprennent pas, parce qu'ils se
rattachent par leurs sympathies à des époques différentes. C’est à
la philosophie du dix-neuvième siècle qu’il appartient de récon-
cilier le présent avec le passé et l'avenir. Gette tâche lui est
réservée à elle seule, parce qu’elle seule saura mettre en lumière
ce qu'il y a dans chacun de légitime et de bon. Respect et véné-
ration pour le passé, amour du présent, sympathie pour l'avenir:
telle est la devise que la philosophie inscrit sur sa bannière ;
telle doit être aussi la nôtre à tous. Pénétrons-nous de cet esprit
de conciliation ; mais sachons éviter tout écueil et que la tolé-
rance ne devienne point de l'indifférence. Je ne me dissimule
pas que chez plusieurs esprits, très-distingués d’ailleurs, une
tendance que j'appellerai funeste s’est manifestée. On a voulu
faire du philosophe un être étranger en quelque sorte à tout ce
qui se passe autour de lui; on est allé jusqu'à dire qu'au milieu
des évènemens qui marquent la série des jours bons ou mauvais
pour les nations et pour l'humanité, le sage doit croiser les bras
et laisser faire. Pour notre part, nous éprouvons le besoin de
protester contre une maxime qui nous paraît destructive de tout
patriotisme et de toute philanthropie. Non, il n’est point d'une
vraie sagesse de se condamner à cette absolue immobilité , à cette
apathie toute orientale; ce n’est point là la fin que la Provi-
dence assigne à l'homme en ce monde. Loin d’être le spectateur
indifférent et froid des évènemens qui agitent la société, à l’image
‘du voyageur assis sur la rive qui regarde les flots couler , il doit
au contraire prendre à ces évènemens unc part énergique , y
mêler son action, les diriger autant qu'il est en lui; c’est pour
lui un impérieux devoir de consacrer tout ce qu'il a de vie et de
force au service de la patrie, et de travailler au bien-être de ses
concitoyens et des hommes ses semblables , par tous les moyens
que lui suggèrent la saine raison et les inspiralions de sa con-
science. La vie doit être pour l'homme et le citoyen une carrière
(563 )
de travail et d'épreuves, non une stérile contemplation. Sans
doute on a plus tôt fait de croiser les bras et de se laisser aller au
découragement; mais il est plus noble et plus digne de lutter
contre les difficultés, dût-on succomber à la tâche, et de pro-
tester par les œuvres contre le désordre , quelque part qu’il soit.
Ce sont là les résultats pratiques de la vraie philosophie, telle
que nous la concevons ; c’est cet esprit à la fois conservateur et
progressif qui anime ct dirige la philosophie du dix-neuvième
siècle.
( 564 )
HISTOIRE ET DIPLOMATIQUE,
—2<——
NOTICE
SUR LES ARCHIVES DE LA CHAMBRE DES COMPTES DE LILLE,
Par M. le docteur Le Guay,
Archiviste général du département du Nord, Inspecteur des archives commu-
nales, Membre résidant.
5 quin 1835.
On appelait Chambre des Comptes un tribunal ou plutôt
une cour souveraine qui était chargée d'entendre et examiner
les comptes de recettes et dépenses des agens du trésor public.
Ïl existait dans le moyen âge une Chambre des Comptes à
Paris pour toute la France. La Bourgogne en possédait une dont
le siége était à Dijon. On fait remonter à 1385 l’établissement
de la Chambre des Comptes de Lille, fondée par Philippe-le-
Hardi, comte de Flandre et duc de Bourgogne, mais il existe
des chartes de ladite année 1385 qui supposent déjà l'existence
de la Chambre. On trouve dans les Placarts de Flandre , in-fol.,
Gand , 1639. t. Ler, p. 234 et suiv., une instruction en forme
d'ordonnance, donnée par le même prince, le 15 février 1385
(1386), sur la manière de procéder dans la Chambre des Comptes.
Il résulte de cette instruction que la Chambre avait d'abord
(565)
aussi l'administration de la justice et qu'elle exercait un contrôle
sar les baillis, escouttètes, sergens et autres officiers du pays ;
«que les baillis et les lois des villes devaient y recourir en cas
doubteux ; que deux conseillers de la chambre avoient charge
de recevoir complaintes de tous ceux qui se vouldroient douloir
des dicts baïllis et officiers ; que s'il y a nobles hommes ou
Personnes puyssans qui oppriment églises, femmes vefves, pu-
pilles, povres laboureurs ou aultres personnes misérables, les
dicts conseillers feront appeler par-devant eulx telz puyssans
Personnes, et pourvoront aux opprimez de tel remède qu'il ap-
partiendra (1). » Bientôt on reconnut des inconvéniens à ce que
le même corps fût chargé tout à la fois de rendre la justice et
d'entendre les comptes. Une ordonnance de Jean-Sans-Peur,
donnée à Douai le 17 août 1409, insérée aussi dans les Placarts
de Flandre, tom. Ler, p.238, crée un conseil spécial pour
l'administration de la justice et lui assigne pour résidence la ville
de Gand.
J'insère dans la note ci-dessous l'acte qui nomme pour l’an-
née 1355 les personnes chargées de l'audition des comptes (2).
Le RES A CRAN S LRU PRSPEUR, QAR
(1) Louis de Male, prédécesseur de Philippe-le-Hardi, avait institué déjà
l'Audience de Flandre, pour informer des malversations commises par les
officiers des juridictions inférieures.
(2) « Ph.e, fils du roy de France, duc de Bourgoingne, conte de Flandre,
» d'Artois et de Bourg.re, palatin, sire de Salin, conte de Rethel et seign."
» de Malines, Savoir faisons à tous que nous confians à plain des sens loyaltés
» et diligences de nos amez et féaulx chlers et conseillrs mess. Colart de le
» Clite, le doyen de S.t-Donat de Bruges; mess. Jehan de Grispère ; mess,
» Henri Despierre et Gille du Castel ; yceulx, les quatre ou trois d'icenlx avons
» comis, ordenez et députez, comectons, ordenons'et députons pour tenir ec
» oïr ceste fois en n.'c ville de Lille, les comples des baillis et auts noz
» officiers de n.'° pays de Flandre qui se doivent tenir prochainent, de
» examiner bien et diligement les dix comptes , et chacun point contenu en
» iceulx, de les louer, où accepter en ce que sera de raison; les points moins
( 566 )
La Chambre des Comptes de Lille n’étendait d'abord sa juri-
diction que sur les comtés de Flandre et d'Artois, et sur la
seigneurie de Malines. En 1421, Philippe-le-Bon comprit aussi
dans son ressort le comté de Namur dont il venait de faire
acquisition; et en 1436, il y joignit le comté de Hainaut qui
lui était échu par la mort de Jacqueline de Bavière. Le receveur
général des finances de tous les Pays-Bas était aussi justiciable
de la même Chambre, aussi bien que les receveurs ou collecteurs
particuliers des villes de Péronne, Montdidier, Roye et autres,
qui avaient été cédées au duc de Bourgogne, en 1435, par le
traité d'Arras, et que Louis XI racheta en 1476.
La Chambre des Comptes formait huit divisions ; savoir :
La Chambre des finances ;
La Chambre d'Artois ;
La Chambre de Namur;
La petite Chambre de Flandre ;
La longue Chambre de Flandre ;
La Chambre de Hainaut;
La Chambre des villes de Flandre;
La Tour des chartes.
J'omets ici l'énumération de la multitude de pièces comp-
tables qui étaient déposées dans les dix-sept premières salles de
la Chambre des Comptes, pièces qui sont conservées encore
avec un grand soin, en raison des documens précieux qu’elles
» raisonnables ne passables debattre et reffuser et de faire tout ce qui y
» appartiendra estre fait, come il est accoutumé de ce faire; aux dess. diz nos
» conseillers, aux quatre outrois d’iceulx ayons donné et donnons plainpouvoix
» auctorité et mandement spécial, et mandons à tous qui il appartiendra,
» qu'à nos diz comis et députez aux quatre ou trois d’iceulx faisant, les choses
» dess. dites obéissent et entendent diligement. Donnée à Gand, le 5.e jour
» de janvier, l'an de grâce 1385. » A ces lettres pend un sceau en cire rouge
un peu mutilé et représentant le duc de Bourgogne à cheval.
(567)
peuvent offrir sur l'économie publique et privée du moyen-âge
dans nos contrées.
Suivant Denis Godefroy, tous les registres contenus dans les
diverses chambres pouvaient être évalués à dix mille environ,
sans y comprendre les liasses d'ordonnances, mandemens, lettres
et acquits, qui sont en quelque sorte innombrables.
Chambre des Depéches.
A la suite de la Chambre dite des villes de Flandre, il exis-
tait une pièce appelée Chambre des Dépéches, où étaient
conservées les lettres missives, tant originales que minutes, reçues
et envoyées par les officiers de la Chambre des Comptes.
Archives particulières des comtes de Flandre,
Outre les titres dont nous venons de donner ici une idée
sommaire et qui appartenaient à la Chambre des Comptes pro-
prement dite, on avait réuni dans le inême dépôt les archives
particulières des souverains du pays, comtes de Flandre et ducs
de Bourgogne. Ces archives, qui d'abord avaient été placées
dans les châteaux de Lille et de Rupelmonde, furent , par ordre
de Philippe IF, réunies vers la fin du 16.€ siècle dans le ur de
la Tour des chartes, à Lille.
Cette importante classe de nos archives consiste en plus de
12.000 litres originaux, vidimus ou copies anciennes et authen-
tiques , renfermés dans 92 boîtes ou layettes; ce sont des traités
de paix et d'alliance, de mariage et de commerce; les testamens
des comtes et comtesses de Flandre; les lois et priviléges accor-
dés par les souverains aux provinces et aux villes ; les donations
faites aux abbayes, chapitres, églises et hôpitaux, Ce sont en un
mot les originaux de presque tous les actes émanés des souverains
( 568 )
du pays et de divers princes avec lesquels ils étaient en relations. :
Il est permis de dire que cette collection de chartes est la plus
riche qui existe en France comme dépôt particulier.
Cartulaires.
La plus grande partie de ces actes se trouve transcrite, au
nombre environ de 3,500, dans 12 Cartulaires qui portent les
litres suivans :
Cartulaires de Flandre, au nombre de...,.....,...
Caunes AP unQut nn, es cee ose aile
D +
CM arte NERO. de sue. Dust s/e cle SEE
Cartultire de NA. Le 0e 4 os ane re paf ns UE
Castalaire Ale Leon ere sono ss USE
Ces Cartulaires embrassent l’espace compris entre les années
819 et 1395.
Inventaires.
Enfin les chartes originales et les cartulaires se trouvent
savamment résumés et analysés dans un bel inventaire chro-
nologique, dressé par M. Denis Godefroy, dernier garde des
archives de la Chambre des Comptes ; cet excellent travail, eom-
mencé au mois de janvier 1782, a été poursuivi, avec autant de
succès que de persévérance, jusqu’en 1790, et durant cet inter-
valle de huit années le laborieux archiviste est parvenu à explo-
rer tous les titres confiés à sa garde, depuis un acte de Childe-
bert HT, donné en l’an 706 (1) jusqu'à l’année 1314.
L'inventaire dont nous parlons se compose de cinq volumes,
(1) Ce titre et tous ceux que M. Godefroy a analysés antérieurement à
l'année 1068 ne s'étaient pas retrouvés jusqu'ici. Je viens enfin de les
exhumer d'un monceau de papiers où ils gisaient confondus. On trouvera la
charte de 706, traduite en roman, à la fin de cette notice, avec l'extrait de
l'inventaire qui s’y rapporte. J'y releverai en même-lemps une inexactitude
comnuse, je crois, par le savant Mabillon.
569 )
dont trois sont enrichis de tables alphabétiques fort bien faites (x ).
L'une des personnes qui furent préposées à la garde des archives,
après le dernier des Godefroy, voulut continuer cet utile travail ;
mais il faut convenir qu’elle est restée bien loin de son modèle :
cette suite de l’inventaire, qui consiste en quatre volumes ets’étend
jusqu’à l’année 1600, n’est qu'une maigre imitation de l’autre.
Une seule table générale a été faite pour les quatre volumes.
Au lien d’être conçue sur le plan de celles qui sont dues à
M, Godefroy, elle offre un arrangement qui n'est ni com-
mode ni bien raisonné, Toutefois, malgré de telles imperfections,
il faut savoir gré à l’auteur de ce travail » du zèle avec lequel il
s’y est adonné. Son inventaire, tel qu'il est, sera d’une utilité
réelle pour les recherches; et d’ailleurs il y aura toujours moyen
de le rendre plus clair et plus explicite.
Vicissitudes de la Chambre des Comptes et suite chronolo-
gique des Archivistes.
La Chambre des Comptes de Lille, fondée, comme nous
l'avons dit plus haut, vers 1385, avait, dès son origine,
un dépôt considérable de titres et documens » puisqu’en 1387,
Pierre Blanchet, maitre des requêtes de l'hôtel, et Thierry
Gherbode, secrétaire du duc de Bourgogne, dressèrent l'in-
ventaire de toutes les chartes qui se trouvaient à Rupelmonde.
En 1399, le même Thierry Gherbode fut nommé garde des
archives de Flandre , Artois , Rethel, Limbourg, pays d'Ontre-
Meuse, etc. ; dans l'acte de nomination > Philippe-le-Hardi fixe
ee rte en lens, ju. Cp Unes
(1) Le troisième volume ne s'étant Pas retrouvé, on y a suppléé en ras-
semblant les feuilles du brouillon manuscrit de M. Godefroy , et en les renfer-
mant dans un porte-feuille. Les tables manquent. C’est un lravail auquel nous
nous livrerons très-incessamment. Le cinquième et dernier volume est égalc-
ment dépourvu de tables que nous ayons dû rédiger aussi ayant d'entreprendre
la continuation des inventaires.
(570)
la résidence de Thierry Gherbode à Lille , lui assigne un (rai-
tement et le nomme à l'avance garde des chartes du Brabant,
pour l’époque où cette province lui sera échue.
Après Thierry Gherbode, nous trouvons que Jean de le Rey-
tule , George d'Ostende et Gérard Numan, furent créés sueces-
sivement gardes des chartes de Flandre.
En 1506 cette charge était confiée à Philippe Haneton, qui
remontra à Philippe-le-Beau, archiduc d'Autriche, qu'ayant exa-
miné et confronté la situation du dépôt avec plusieurs inven-
taires, il y manquait divers titres et laycttes. D'après cet avis,
l'archidue commit, par lettres du 17 septembre 1506, Mathieu
de l'Épine > Jean Ruffaut, Jean Gommer et Charles de Boulogne,
pour faire l'inventaire des chartes qui se trouvaient alors dans
le château de Lille.
Maximilien d'Autriche, devenu comte de Flandre par son
mariage avec Marie de Bourgogne, donna, le 22 septembre 1509,
des ordres aux ofliciers de la Chambre des Comptes pour la
conservation des Litres et chartes qu'on avait sauvés de l'incen-
die , jusqu'à ce que l'inventaire füt achevé: il le fut en 1512.
Le 10 août 1515, l'archidue Charles, depuis Charles-Quint,
nomma messire Willaume deWalle, garde des chartes de Flandre,
à la place de Philippe Haneton. Le 15 septembre suivant, quatre
commissaires, savoir: Jean Caulier, Antoine Meuteney, Jean et
Guillaume Le Blanc furent nommés pour recevoir tous les titres
qui se trouvaient dans les châteaux de Lille et de Rupelmonde,
et pour en faire la remise à Willaume de Walle. Ce fut à cette
époque que le même prince fit faire dans l'hôtel de la Chambre
des Comptes les constructions dont nous avons parlé plus haut.
Guillaume Le Blane fut revêtu plus tard des fonctions de garde
des chartes, puisque nous voyons que le 31 mai, l’empereur
Charles-Quint mande aux officiers de la Chambre des Comptes
de tenir les clefs des chartes déposées au château de Lille,
attendu que Le Blanc, qui en était le garde, ne pouvait plus
(571)
s'en occuper à cause de son grand âge. L'empereur défend en
même temps à ses officiers de pénétrer dans le dépôt des chartes,
à moins que d’être au nombre de trois. Le même empereur, par
lettres du 15 avril 1551, désigne Philibert de Bruxelles pour
recevoir de Viglius de Zwighem , nommé depuis peu garde des
chartes de Hollande , tous les titres du trésor de Rupelmonde,
et les remettre à Hermès de Vinghène, garde des chartes de
Flandre.
En 1580, les officiers de la Chambre des Comptes firent
reconstruire la tour des chartes , par ordre de Philippe I, roi
d'Espagne, et ce fut là qu’on déposa dès-lors tous les titres
des anciens comtes de Flandre et méme des ducs de Bourgogne,
pendant le temps qu'ils possédèrent les Pays-Bas.
Jusqu'ici nous n'avons pas trouvé les noms des gardes des
archives depuis Hermès de Vinghène jusqu’à ’époque de la
conquête de Lille par Louis XIV. C’est une lacune que proba-
blement nous parviendrons à remplir plus tard.
L'année 1667 fut signalée par la réunion de Tournai, Lille,
Douai et autres places à la domination française. Les officiers de
la Chambre des Comptes suivirent le parti du roi d’Espagne,
leur souverain, et se retirèrent à Bruges; mais ils ne purent
emporter tous les titres dont ils avaient la garde (1).
Denis Godefroy , consciller et historiographe ordinaire du roi,
fut nommé garde des archives de la Chambre des Comptes, par
commission du 11 décembre 1668. Un tel choix assura pour le
reste du 17.° siècle et pour tout le siècle suivant la bonne
conservation et la prospérité de l’un des dépôts diplomatiques
les plus importans de l'Europe. Denis Godefroy fut la souche de
a ,
(1) Des lettres patentes du 6 octobre 1667 établirent une Chambre des
Comptes à Bruges, mais par autres lettres du 26 septembre 1681, cette
chambre fut transférée à Bruxelles.
(572)
tous les savans du même nom qui ont été préposés à la garde
des archives de Flandre. IL mourut en juin 1681, après avoir
donné au public divers ouvrages estimés (1).
L'une des opérations essentielles de la gestion de Denis Gode-
froy fut le triage et l'inventaire des titres qui, sur la demande
da gouvernement , furent envoyés à Paris et déposés à la biblio-
thèque du roi. Ces titres étaient divisés en six classes, de la
manière suivante : |
1.0 Les titres qui sont relatifs à la France et à la souveraineté
de nos pays sur la Flandre et l’Artois.
(1) I fut inhumé dans l’église St.-Étienne de Lille, au-dessous de la
chaire de vérité. L’épitaphe suivante, composée par le baron de Vuoerden,
fut gravée sur sa tombe :
Nomen viri optimi, longævä nec matur& «œtate defuncti,
Cujuslibet MNEMOZYNH vicem expleat ;
Dionysius de Godefroy,
Regius consiliarius et historiographus,
Gothofredorum de jure meritissimorum filius et nepos
Jacobi ab nepos hic jacet.
Majorum gloria exteris gentibus, regi proprià fide inclaruit.
Accersitus Parisis, atque rationario Belgii Gallici,
Vulgo Cameræ computuum præpositus
Munus arcanum, munus fiduciä plenum ,
Summä humanitate , peritid, sedulitate, per annos XIII exercuit,
Principi, publico, privatis
Indagatione jurium regiorum , et officioso labore obsecutus;
Senium longius cum virtus, mens bona, bonorum vota præsagirent,
Insulis, tertio idus junias MDCLXXXTI, extinctus est.
Quietem æviternam, lector, apprecare.
Nicexon a inséré l'éloge de Denis Godefroy dans le 17. volume de ses
Mémoires , qui contient également des notices sur son aïeul Denis Godefroy,
son père Théodore et son oncle Jacques Godefroy.
(573)
2.° Ceux qui regardent les rois de France , leurs mères , enfans,
frères , oncles et neveux.
3.° Les bulles et brefs des papes.
4.0 Les titres qui intéressent les empereurs chrétiens de Cons-
tantinople et d'Allemagne, les rois de Hongrie , de Bohéme et de
Suède, les électeurs et princes de l'empire , quelques rois de
Sicile, Naples, Castille, Navarre ; Arragon ct Portugal ét les
ducs de Venise.
5.0 Ceux qui concernent les rois d'Angleterre , Écosse et Danc-
marck, la Castille et l’Arragon ; quelques princes de la maison
d'Autriche ; les villes de Besancon, Tournai , Cambrai et la pro-
vinee de Flandre.
6.0 Et enfin ceux qui regardent les évêques, chapitre et ville
de Liége.
L'ordre chronologique a été observé dans toutes les parties
différentes de ces inventaires.
Le 15 juillet 168r, Jean Godefroy, fils de Denis, écuyer,
seigneur de Maillart, conseiller du roi , fut nommé directeur et
garde des archives de la Chambre des Comptes, cn remplace-
ment de son père ; il fut employé aussi aux conférences pour le
règlement des limites après le traité de Nimèguc, de Riswick b
d'Utrecht et de Baden.
On lui doit deux nouvelles éditions des M émotres deComines,
que Denis son père avait déjà publiés en 1649 avec des pièces
justificatives.
Ma aussi fait imprimer les lettres de Louis XII > des notes sur
la satire Menippée et un volume intitulé Conférences et Traité
conclu à Lille le 3 décembre 1669. H mourut à Lille le 23 fe-
vrier 1732. Tandis que Jean Godefroy remplissait les fonctions
d’Archiviste de la Chambre des Comptes, Louis XIV voulut
reconstituer à Lille cette Chambre, qui de fait se trouvait sup
primée par l'émigration de ses officiers à Bruges, après la
conquête de Lille en 1667, bien qu'un article de la capitulation
(574)
leur eût garanti expressément la conservation de leurs charges
et de leurs privilèges. La Chambre des Comptes de Paris fit des
démarches pour empêcher que cette institution fût confirmée ,
et le roi, cédant aux représentations qui lui étaient faites, ne
donna pas suite à l’édit qu’il avait porté en 1690. L'année sui-
vante il institua à Lille un Bureau des finances , auquel il donna
la plupart des fonctions de l’ancienne Chambre.
À Jean Godefroy succéda son fils Jean-Baptiste-Achille, qui
occupa ce poste jusqu’à sa mort, arrivée en décembre 1799.
Louis XV s’étant rendu maître de Bruxelles le 2 février 1746,
J.-B.-A. Godefroy y fut envoyé pour examiner les titres, registres
et papiers qui pouvaient concerner les possessions francaises ; il
en fit remplir huit caisses qui furent envoyées à Lille et y res-
tèrent ; d’autres furent transportées à Paris.
Denis-Joseph Godefroy, fils du précédent, né le 5 juillet
1740, fut nommé pour succéder à son père le 11 janvier 1760.
Il n'avait donc pas 20 ans lorsqu'on lui confia la garde de ce
riche et précieux dépôt ; mais élevé au milieu des travaux diplo-
matiques et initié de bonne heure aux bonnes et salataires tradi-
tions qu'avaient laissées ses ancètres , il se montra bientôt leur
digne successeur.
Plusieurs conférences s'étaient déjà tenues pour régler les
limites respectives de la France et des Pays-Bas autrichiens, et
toujours elles avaient été sans succès ; elles furent enfin reprises
par suite d’une convention conclue le 16 mai 1769, entre le
duc de Choiseul, ministre de France, et le comte de Mercy-
Argenteau, ministre impérial.
L'article 38 portait 1.° que chacune des deux parties resterait
en possession des titres et documens communs aux lieux et pays
appartenant à l’une ou à l’autre; 2.0 que si, parmi les titres
originaux transportés en France dans la guerre par le traité
d'Aix-la-Chapelle, 1748, il s’en trouvait qui fussent communs
aux deux puissances , les originaux seraient restitués à l'impé-
(575 )
ratrice-reine ; 3.0 que les titres et documens qui inléresseraient
exelusivement les possessions et les droits d’une des deux puis-
sances resteraient au pouvoir de celle qu'ils concerneraient.
Trois mois après l'échange des ratifications , les deux souve-
rains nommèrent des commissaires pour se rendre à Lille, Douai,
Bruxelles, Luxembourg, Metz, Nancy, Mons et Tournai, et y
procéder à l’extradition des titres, papiers et documens men-
tionnés dans le traité. Le comte de Winants, garde des archives
du Brabant, fut désigné par le gouvernement des Pays-Bas ;
Frederick Pfefen. jurisconsulle du roi au département des
affaires étrangères, et Denis-Joseph Godefroy furent les commis-
saires du gouvernement français : l'acte qui les institue en cette
qualité est du 3 novembre 1769.
Ils commencèrent par examiner les caisses venues de Bruxelles
à Lille. Le procès-verbal de la remise fut signé le 15 juin 1770.
L'opération à laquelle ils se livrèrent ensuite fut beaucoup
plus longue et plus importante. Il s'agissait d'effectuer le triage
des archives de la Chambre des Comptes, de vérifier tous les
actes diplomatiques et les titres domaniaux que renfermait la
Tour des chartes,
Ce travail ne fut achevé et le procès verbal signé que le
14 novembre 1771. Des expéditions de ces actes furent, en jan-
vier 1772, adressées au duc d'Aiguillon, ministre des affaires
étrangères. Le prince évèque de Liége, persuadé qu'il se trou-
vait dans les archives de Lille et dans d’autres dépôts français
des titres et papiers qui pouvaient concerner les pays de sa
domination, s’adressa au roi pour en obtenir la remise. Gode-
froy fut nommé seul , par lettres patentes du 8 avril 1773,
pour faire ce travail avec le chv.cr d'Heusy, ministre de Liége
à Paris. Quelques années plus tard , Louis XVI ordonna à son
garde des sceaux de faire continuer les grands travaux litté-
raires commencés par les bénédictins et d’autres savans, pour
parvenir à la connaissance parfaite de l'histoire et du droit
(576 )
public de la France. Le ministre, M. de Miroménil, nomma pour
diriger ces travaux un Comité des chartes, dont les séances se
tenaient tous les 15 jours au ministère.
Denis-Joseph Godefroy fut dès-lors chargé particulièrement
de faire un inventaire détaillé des titres anciens dont la garde
lui était confiée. Trois commis nouveaux lui furent donnés aux
frais de l’état pour l’aider dans ce travail extraordinaire. Il se
mit à l’œuvre au mois de janvier 1782.
Cet inventaire peut et doit étre considéré comme un modèle
du genre. Voici comment procède toujours le judicieux et infa-
tigable rédacteur : sur la inarge gauche, indication en chiffres de
la date du diplôme; sur la marge droite, désignation de l’éta-
blissement ou du particulier en faveur de qui l’acte est délivré,
avec indication du lieu principal nommé dans le corps du titre.
L'analyse succincte de la charte et la désignation des personnes
rappelées comme témoins sont précédées de l'indication du lieu ,
du jour et de l’année où le titre a été délivré , sans omettre les
noms et qualités du prince ou autre personnage de qui émane
ce titre. L'auteur indique en outre si la charte est originale ou
si ce n’est qu'une copie ; si elle est sur parchemin ou sur papier ;
si elle est on non scellée, ét enfin si elle est inédite ou si elle a
été publiée. Dans ce dernier cas il cite scrupuleusement l'ou-
vrage , le tome et la page où elle se trouve. Geux qui ont quelque
idée des recherches de ce genre pourront se figurer combien un
pareil travail a dû coûter de soins, d'attention et d'étude; or,
Godefroy, dans l’espace de moins de huit ans, est parvenu à
analyser ainsi tous les diplômes de la Chambre des Comptes,
depuis l'année 706 jusqu'en 1307 inclusivement; cet inventaire
se compose, comme il a déjà été dit, de cinq volumes énormes,
dont les doubles ont été transportés à Paris et déposés à la biblio-
thèque du roi (*). Le talent et le zèle que montra Godefroy dans
ee ——
(*) Le comtedeSt.-Genois, à qui M. Godefroy avait obligeamment commu-
( 577)
cette circonstance furent appréciés par le gouvernement, et il
fat fait de lui un éloge tout particulier dans un mémoire imprimé
en 1787 par ordre du roi (1). Les Etats d'Artois prièrent le Garde-
des-sceaux de charger Denis Godefroy de faire aussi l'inventaire
des chartes de cette province, qui gisaient dans un grenier, en
proie au plus grand désordre. Des lettres-patentes furent déli-
vrées à cet effet le 2 février 1786; et à l’époque de la révolution,
Godefroy avait achevé le premier volume des chartes d'Artois,
commencant en 1102 et finissant en 1287.
En 1790 le garde-des-sceaux et le contrôleur-général des
finances firent suspendre ces travaux. En 1791 le laborieux
archiviste fut obligé de quitter un établissement auquel sa
famille s’était consacrée depuis plus d’un siècle; il émigra en
septembre 1792 avec toute sa famille.
Conservation des archives à l'époque de la révolution.
Dès-lors les archives cessèrent d’avoir la même importance
aux yeux du gouvernement, L’un des commis que Godefroy avait
appelés à le seconder, le sieur Ropra , fut chargé de veiller à la
conservation de ce dépôt, en attendant qu’on sût au juste ce
qu'il fallait en faire. Le nom de cet honnête employé ne doit
pas rester dans l'oubli. Sans lui, sans les soins désintéressés
qu'il donna à l'établissement , sans les énergiques réclamations
niqué son inventaire, l'a publié sous le titre : Monumens anciens essentiel.
lement utiles à la France, etc., in-folio, sans date, r.r° partie, imprimerie
de Saïllant, à Paris; 2.° partie, imprimerie de L, Danel, à Lille. St.-Génois a
cru pouvoir écourter un peu ce beau travail; mais ce qu’il faut surtout lui
reprocher, c’est d’avoir supprimé les belles tables des matières qui enrichissent
les tomes r, 2 et 4 de l'inventaire.
(x) Ce mémoire a pour tite Progrès des travaux littéraires ordonnés
par le roi. In-quarto , Imprimerie royale, 1787.
37
( 578 )
qu'il ose faire entendre, il est à croire que nos archives, les plus
importantes de la France après celles de Paris, n'existeraient
plus aujourd’hui.
Peu de jours après l’émigration de M. Godefroy, la ville de
Lille fut assiégée par les troupes impériales; les bombes écla-
tèrent plusieurs fois sur les bâtimens de la Chambre des Comptes
et y causèrent des dommages qui ne se répareront jamais. Pour
prévenir ou arrêter les progrès de ces incendies partiels, on
jeta une multitude de papiers dans la cour et le jardin, et ceux
qui survécurent à cette terrible épreuve furent après le bom-
bardement rejetés et entassés pêle-méle dans diverses salles.
Une loi du 24 juin 1792 ordonnait de brûler tous les papiers
qui faisaient mention de titres de noblesse. C'était proscrire en
masse {ous les documens de notre histoire nationale. Des ordres
pour l'exécution de cette loi frénétique furent signifiés au
gardien des archives, Ropra. Deux commissaires, nommés Top
et Salmon, se mirent à l’œuvre et arrachèrent, dans les 79
volumes des chartes, tous les actes qui conféraient quelque
titre de noblesse. Ropra se permit d'adresser quelques repré
sentations au ministre Garat, qui tenait alors par intérim le
portefeuille de l'Intérieur. La correspondance qui s'établit à
cette occasion entre le Ministre et le dépositaire de nos archives
est curieuse; elle appartient à l’histoire ; il est de mon devoir
de la consigner ici. Toutefois je crois inutile d'insérer la pre-
mière lettre de Ropra, dont le sujet est suffisamment expliqué
dans la réponse que voici :
«Paris, le 27 février 1793, an II de la république.
» Le ministre de l’intérieur par intérim au citoyen Ropre.
» Vous m'observez par votre lettre du 14 de ce mois que les
lois des 19 août et 3 octobre 1792 paraissent concerner les
Chambres des Comptes supprimées par l'Assemblée constituante,
et vous ne croyez pas qu'elles puissent être applicables à la
CS)
Chambre des Comptes de Lille, qui a cessé, dites-vous, ses
fonctions depuis près de 150 ans ; que les archives de cet ancien
tribunal renfermant nombre de pièces qui peuvent intéresser
différents établissemens, il serait nécessaire d'en faire faire l’exa-
men par des personnes qui aient l'habitude de lire les anciennes
écritures, et qui connaissent l’ancien droit public, la consti-
tution , les droits et la situation des différentes provinces des
Pays-Bas, pour pouvoir décider s’il peut résulter quelque avan-
tage de leur conservation.
»Je ne vois dans les papiers de l’ancienne Chambre des Comptes
de Lille rien à conserver que ce qui peut établir des créances
de la nation envers des comptables ; et cette vérification ne me
parait pas devoir exiger des recherches ni longues, ni pénibles.
Tous les papiers anciens et d'écriture gothique ne doivent, là
comme ailleurs, être que des titres de féodalité , d’assujettisse-
ment du faible au fort, et des réglemens politiques heurtant
presque toujours la raison, l'humanité et la justice; je pense
qu’il vaut mieux substituer à ces vieilles et ridicules pape-
rasses la Déclaration des droits de l’homme. C'est le meil-
leur titre qu'on puisse avoir. Je vous engage donc à vous con-
former à ces observations ; agir dans d’autres principes ne serait
pas de votre part se montrer digne de la confiance qui a déter-
miné le choix que l'administration a fait de vous.
» Signé, GAraAT. »
À cette missive étonnante Ropra répondit :
« Lille, le 2 mars 1793, an II.
» Lorsque j'ai sollicité de votre prédécesseur la place de garde
des archives de la Chambre des Comptes de Lille, c’était dans
la supposition que ces archives étaient utiles à la république.
Ma commission me charge de veiller à la conservation da dépôt
qui m'était confié: c’est pourquoi j'ai cru devoir vous prévenir
( 560 )
des dégâts que le commissaire de la comptabilité, celui da
département et leurs manœuvres y avaient commis. Je vous ai
observé'en même temps qu’on ne devait pas prendre des aveugles
pour juger les couleurs; vous me paraissez être d'une autre
opinion, puisque, sur le témoignage d’un administrateur de la
comptabilité qui ne connaît pas plus le prix des antiquités
diplomatiques que le coq de la fable ne connaissait celui du
diamant qu'il avait trouvé, vous décidez qu'il #}y a dans les
papiers de l’anciene Chambre de Lille rien à conserver, et
vous ordonnez la destruction de ces archives nationales, peut-
être les plus intéressantes que la République possède. Je n'ai
aucun moyen pour empêcher l'exécution de cette résolution
meurtrière ; ainsi je remettrai les clefs de ce dépôt aux personnes
qui seront chargées de le supprimer. En recommandant à ces
charticides de n’épargner aucun papier ancien et d'écriture
gothique, vous pouvez être assuré que vos intentions seront
remplies de la manière la plus complète, et qu'ils n’y laisseront
rien, si ce n’est peut-être des inventaires auxquels il faudra
bien faire subir le mème sort, puisqu'ils ne pourraient servir
qu'à faire connaître et-regrelter des pertes irréparables. J'espère,
citoyen ministre, que vous voudrez bien me permettre de ne
prendre aucune part à celte opération qui n'est comparable
qu'à l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, et qui ne me
paraît nécessitée par aucun motif raisonnable. Car quand il
serait vrai que ces papiers anciens el gothiques ne seraïent
que des titres de féodalité, d'assujettissement du faible au
fort , et des règlemens politiques heurtant presque toujours la
raison , l'humanité et la justice , je pense qu'on devrait encore
les conserver comme des monumens propres à faire aimer la
révolution. Mais lorsque l’on considère que ces titres contien-
nent la preuve de l'amour que les Belges ont toujours eu pour
la liberté et l'égalité; qu'ils attestent l'existence dans ces pays,
il y a plusieurs siècles, d'une constitution très-approchante de
( 581 )
la nôtre ; alors ils deviennent infiniment chers à tous les êtres
pensans et sentans.
» Ce dépôt était encore intéressant du côté de l'avantage maté-
riel qu'il pouvait procurer à la nation. J'avais commencé un
travail sur les domaines engagés; mais je ne le pousserai pas
plus loin et je l’adresserai au directoire du département tel qu'il
est. Je me proposais d’en faire un autre sur les titres primitifs
qui peuvent assurer à la nation la perception ou le rachat des
droits féodaux. Ces recherches étaient commandées par diffé-
rentes lois et désirées par l'administration des domaines; mais
comme elles doivent porter sur des pièces qui, ayant le malheur
d'être anciennes et d'écriture gothique, sont annihilées par
votre lettre du 27 février, elles deviennent désormais inutiles
et impossibles,
» Vous conviendrez, je crois, citoyen ministre, que votre ordre
destructeur va priver la République de ressources pécuniaires
bien nécessaires dans les circonstances actuelles. Il est vrai que
la suppression des archives et même des bibliothèques nationales
peut l’en dédommager par la vente des papiers, parchemins et
livres , et par celle des bâtimens qu'occupaient ces établisse-
mens gothiques. Elle profitera encore des traitemens de garde,
et il ne lui en coûtera pour remplacer tout cela que quelques
exemplaires de la Déclaration des droits de l’homme. Assu-
rément c’est une belle invention que la substitution de /a Deécla-
ration des droits aux chartes, aux titres et aux livres. Vous
faites de cette déclaration la science universelle, et je ne sais,
ciloyen ministre, comment les pauvres hommes pourront recon-
naître une découverte aussi importante.
» Signe’, Rorra. »
Garat eut alors le mérite de ne point s’offenser de la hardiesse
du commis des archives. Un peu ébranlé par les raisons solides
et peut-être par l'accent d’indignation de Ropra, ilécrivit en
ces termes aux Administrateurs du département.
( 82 )
« Paris, le 15 mars 1793, an Ile.
» Le ministre de l'interieur par intérim aux citoyens Admi-
nistrateurs du département du Nord.
» Je vous fais passer une lettre du citoyen Ropra, relativement
à la conservation de vieux papiers qu'il croit être de la plus
grande importance ; je vous prie de lui demander communica-
tion de ma lettre du 27 février à laquelle répond celle de cet
archiviste, et de vous procurer, soit par lui, soit par vous-mêmes,
des éclaircissemens qui vous mettent à portée de me faire par-
venir sur cet objet votre avis, dont je désire éclairer mon opinion
avant d’asseoir définitivement aucune résolution à cet égard.
» Signe, Garar. »
Les Administrateurs du Directoire séant à Douai prirent
Pavis des administrateurs du district de Lille, que ceux-ci don-
nèrent dans les termes suivants:
« Lille, le 3 juillet 1793, an II.
» Les Administrateurs du Directoire du District de Lille, aux
Administrateurs du Directoire du Département du Nord.
» Citoyens, nous vous renvoyons la lettre du ministre de l'in-
térieur, en date du 15 mars dernier, ainsi que celle écrite le 2
du même mois à ce ministre par le citoyen Ropra, en réponse à
la sienne du 27 février précédent, dont nous joignons ici une
copie certifiée dudit Ropra.
»Nous pensons que la conservation des archives de la Chambre
des Comptes de cette ville, qui fait l'objet de ces différentes
lettres, ne peut qu'être avantageuse à la République en général
et aux habitans de notre département et des départemens voi-
(:583 ;)
sins en particulier. Pour vous en convaincre, citoyens administra-
trateurs, nous nous bornerons à vous observer qu'après que ce
dépôt sera purgé de la masse énorme de registres, titres et pièces
qui ont été jugés inutiles par vos commissaires et celui de la
comptabilité , il sera encore considérable ; voici en bref l’'énumé-
ration des différentes espèces de titres dont il sera composé.
» Les comptes des domaines nationaux dans les ci-devant pro-
vinces de Flandre, Hainaut, Artois et Cambrésis; ceux des
recettes générales de Flandre, Artois et Hainaut.
» Ces comptes sont intéressants en ce qu'ils peuvent faire con-
naître les domaines nationaux qui ont été arrentés ou engagés.
» Ce dépôt renferme encoreplusieurs cartulaires et quatre-vingts
registres, dits des chartes, qui contiennent , entr’autres, des
lettres d’arrentement, d’inféodation, éclissement de fiefs et
autres titres primitifs propres à assurer à la nation ou aux par-
ticuliers la perception des droits féodaux.
» Des dénombremens antérieurs à la réunion de la ville de Lille
à l'empire français , et tous les dénombremens originaux reçus
par le bureau des finances de Lille. Il n’est pas inutile de remar-
quer que les expéditions de ces dénombremens qui étaient con-
servés au bureau des finances ont été supprimés par vos com-
missaires au mois d'octobre dernier.
» Enfin les archives des anciens souverains des Pays-Bas se
trouvent dans ce dépôt ; et si ces archives sont indifférentes du
côté du profit qu’elles peuvent produire, elles sont infiniment
intéressantes du côté des lumières qu'elles peuvent répandre
dans l'histoire.
» Nous espérons que vous jugerez comme nous que ce dépôt
mérite d’être conservé ; nous vous prions d'engager le ministre
à prendre les mesures nécessaires pour cet teffet. Veuillez bien,
citoyens administrateurs, rappeler au ministre qu'il doit fixer
le traitement du garde de ces archives; il y a plus de quatre
mois que neus vous avons adressé notre avis à ce sujet. Si on
(584 )
veut retirer de ce dépôt l'utilité dont il est susceptible, il est
nécessaire d’y rétablir l’ordre qui a été totalement dérangé par
le bombardement, et on ne peut y parvenir que par un travail
long, pénible , rebutant et dispendieux; or, on ne doit pas exi-
ger du citoyen Ropra qu'il entreprenne cette opération, tant qu’il
sera incertain sur son sort et même sur l’existence du dépôt dont
on lui a confié la garde. »
Suivent les signatures.
Il paraît que le ministre ne répondit plus et que les archives
furent épargnées. On prit un terme moyen entre leur destruction
totale et leur entière conservation. D’après un ordre supérieur, .
il se fit un triage de titres et de papiers qu'on jugea inutiles;
on vendit à l’encan une masse de parchemins qui produisit une
somme de 80,000 francs (en assignats peut-être ) et l’on envoya
à l’arsenal, pour le service militaire , 300 voitures de papiers.
Au mois de pluviôse an IT, Ropra fut placé dans un bureau,
à Paris, et l'administration du district de Lille confia le dépôt
des archives à M. Philibert-Joseph Poret, ancien bénédictin de
la congrégation de St.-Maur, successivement archiviste de Saint-
Valery-sur-Somme et de Samer-en-Boulonnais.
Ce nouvel archiviste était à peine en fonctions que des com-
missaires se présentèrent dans les salles de l'établissement pour
biffer tous les écussons, chiffres ou devises qui pouvaient s’y
trouver. Afin d'opérer plus à l'aise ils bouleversèrent tout. Un
quidam , qui se disait commandant de la citadelle , intervint au
milieu de ce désordre, s’empara des armoires et boiseries qui
garnissaient les greniers et jeta au vent tous les papiers qui lui
tombèrent sous la inain. Poret s’efforçait de réparer tous ces
désordres, quand le comité révolutionnaire de Lille jugea à pro-
pos de venir prendre possession du local de la Chambre des
Comptes; alors il fallut faire place à ce redoutable tribunal;
de là nouvelle confusion, nouveaux dégats.
( 585 )
Au mois de nivôse an III, ce fut une commission militaire ou
conseil de guerre qui s'installa à son tour au milieu de ces tristes
archives, qui ne furent pas plus ménagées que précédemment.
M. Poret, quand des temps meilleurs lui permirent de tra-
vailler paisiblement, s’attacha à continuer le travail de Denis-
Joseph Godefroy, qui était comme nous l’avons dit, resté à
l’année 1307, fin du cinquième volume, pour lequel il n’a point
été fait de table. L'inventaire de Dom Poret, qui devait com-
mencer à l'an 1308, ne date que de 1314, de sorte qu'il présente
dès le début une lacune de six années. Nous avons dit plus haut
au paragraphe des inventaires combien le travail de M. Poret
est inférieur à celui de M. Godefroy.
Translation des archives.
L'hôtel de la Chambre des Comptes ayant été aliéné
pendant la révolution, les papiers qui s’y trouvaient furent
transportés dans les greniers de la mairie, où ils furent amon-
celés plutôt que déposés. En l’an 12 , le département obtint que
les bâtimens de l’ancien Lombard fussent mis à sa disposition,
et ce fut alors que l’on plaça dans ce nouveau local tout ce
qui, de nos archives, est échappé au vandalisme et au malheur
des temps; là, on a commencé à rétablir un certain ordre à la
faveur des salles nombreuses qui composent cet ancien Mont-
de-Piété. Toutefois il est certain que, sous le rapport de la
sûreté et de la bonne conservation du dépôt, ce vaste local laisse
encore bien à désirer. Deux grands établissemens industriels
sont pour ainsi dire contigus à l'hôtel des archives, et la na-
ture de ces établissemens les expose au danger de l'incendie,
Un laboratoire de chimie se trouve placé dans l’hôtel même,
au rez-de-chaussée. Le bâtiment n’est muni ni de paratonnerre
ni de pompe à incendie. D'ailleurs, ce local, tout vaste qu'il
est, est devenu trop exigu , depuis qu’en 1827 on a transféré
dans notre dépôt douze voitures d'archives provenant des bu-
.
( 586 )
reaux de la préfecture. Cette nouvelle accumulation de papiers,
d'autant plus importants et plus souvent consultés qu'ils appar-
tiennent à l'administration contemporaine, est venue ajouter
encore à l'espèce de confusion qui résultait de l'encombrement
d'archives si diverses dans le même emplacement.
Quoi qu'il en soit, si le Conseil-général, d'accord avec l’auto-
torité administrative , est pénétré comme elle de l’urgente néces-
sité de classer, inventorier et explorer utilement le dépôt inap-
préciable que possède le département , l'archiviste de son côté
ne reculera pas devant les difficultés et les labeurs dont se trouve
hérissée la carrière où il vient d'entrer. Encouragé par d'hono-
rables suffrages, stimulé par l'exemple que lui ont laissé les
Godefroy , ces hommes dont on ne saurait assez louer la patience,
l’activité, le zèle consciencieux et la haate érudition , il consa-
crera tout ce qu'il a de moyens et de santé à l’accomplisse-
ment des devoirs qu'il s’est imposés.
La Chambre des Comptes, objet de la présente notice, ne
forme aujourd’hui qu'environ la dixième partie de nos archives :
c'est dire combien elles sont immenses ; il sera rédigé des notices
semblables pour les autres sections du dépôt.
( 587 )
SPÉCIMEN DE L'INVENTAIRE DES ARCHIVES DE LA CHAMBRE DES COMPTES,
rh
Abbaye de Saint-Denis. — Solesmes-en-Hainaut.
« À Confinuse, le 12 mars lan 12 du règne de Childebert
IIT , ce qui revient à l’année 706. — Lettres par lesquelles ce
roi donne à l'abbaye de St-Denis, en France , villam appeke
Solesmes , dédiée à St.-Martin, dans le quartier de Famars,
près Valenciennes, sur le fleuve de Save » avec tout ce qui ap-
partient ; dont Maldagis, son serf, était gardien.
» Le roy a signé cette charte, et Bralamo, chancelier , l’a
souscrite,
» Cette pièce se trouve ‘dans un rouleau de
plusieurs bandes de parchemin avec d’autres
pièces qui sont mises à leur date.
» À Ja suite se trouve la traduction française de cette charte.
» Imprimé dans Mabillon, Diplomatica, page
481; Miræus, Diplomat. Belg., tome I, page 244;
Histoire de St-Denis , par Doublet, page 688;
Annal. Ecclesiast., Coint, tome IV, page 447;
et Recueil des Historiens de France, tome IV,
page 682. »
Le texte de cette charte a été publié, comme on le voit ci-
dessus, par plusieurs écrivains, et entr’autres par Mabillon qui
l'a restitué d’après un original reposant aux archives de St.
Denis. Toutefois, comme ce texte présente ici des différences
notables avec les diverses leçons imprimées, j'ai cru devoir le
reproduire dans toute sa barbare simplicité et sans prétendre
lui attribuer plus d'autorité que n'en mérite une copie ancienne.
(588)
Quant à la version romane , je ne sache pas qu'elle ait jamais
été mise au jour ; elle est curieuse en ce qu’elle montre com-
ment on traduisait les actes anciens à l’époque où le latin cessa,
même dans les transactions légales, d'être l’idiome exclusif, Je
la crois de la fin du 13.e ou da commencement du 14. siècle.
TexTe LATIN.
« Chilcedebertus, rex Francorum, vir illustris. Si aliquis ad
loca sanctorum vel monasteriorum que pro opportunitatis
locis sanctorum ptinent pstamus vel concedimus, hoc nobis
ad Jlaudem vel ad etnam retributionem in Dei noie pvenire
cofidimus. Igitur cognoscat magnitudo seu utilitas vestra quod
nos villa nostra, nocupante Solemio , que ponitur in pago
Falmartinse, super fluvium Save unà .cum omne messeto ,
vel adjacentias suas quicquid fiseus noster, tam de Graranigä
quäm de Romerterié (1) ibidem tenuit, vel de quolibet at-
tractum ibidem possedit ; etiam et oratorio illo ad Crucem (2)
que subjungit ab ipso termino de ipsà villà So/emro, que est
constitutus in honore S.% Martini cum omnibus rebus, quic-
quid ibidem aspiciunt ubi Madelgiselus, servus noster, custos
præesse videtur, id est tam terris, domibus , ædificiis, acco-
lubus, mancipiis, vineis, sylvis, campis, pratis, pascuis,
aquis, aquarumve decursibus, pecculiis, præsidiis gregis
cum pastoribus, farinariis, mobilibus et immobilibus, re
exquisità , ad integrum , ut diximus, quidquid ad ipsain villam
videtur, et usque nunc ibidem fiscus noster fuit à basilicä
domni Dyonisii, martyris ubiipse pretiosus dominus in corpore
(x) Mabillon, qui n’a pulire ces deux mots dans l'original, les a laissés en
blanc. Romerteria est peut-être Romeries, village voisin de Solesmes,
{2) Croix, autre village des environs de Solesmes.
D
4
( 589 )
requiescit, ubi venerabilis virThayledus, (1) abbas, præesse vide-
tur, ut diximus , cum omni integritate , ad ipsain villam per-
tinente vel aspiciente , plenâ et integrà gratià, jure proprie-
tario, sub emunitatis nomine , cum omnis redubitionis sibimet
concessas ad opus ipsius domni Dyonisii velomni congregatione
suà ibidem consistente visi fuimus concessisse. Aded præsente
præceptione decernimus ordinandum quod in perpetuum vo-
lumus esse mansurum ut neque vos, neque juniores, seu suc—
cessores vestri, nec quilibet de judiciarià potestate, de præ-
dictà villà Sollemio , sicut usque nunc fiscus noster affuit, ad
partem prædicte basilice domni Dyonisii et ad agentes suos nullâ
requisitione, nec ullun impedimentum ex indé facere non pre-
sumalis , nisi, ut diximus, ex nostre munere largitatis, ipsa
villa Solemius cum omnibus integretate vel solidetur unà eum
adjacentias suas ad se pertinentes vel aspicientes, immoque
et suprà scripto oratorio sancti Martini ad Crucem cum quod
ibidem aspicit, pars ipsius basilice domni Dyonisii vel omnis
congregatio sua omni tempore, sub emunitatis nomine , jure
proprietario , absque cujuslibet refragatione aut impedi-
mento , habeat ut concessa atque indulta ad ipsam basilicam
domni Dyonisii nostris et futuris, Deo auxiliante, temporibus,
proficiat in augmentis. Et ut hæc preceptio firmior sit, manûs
nostre suscriptione subter eam decrevimus roborare. Datum
Corfartinse (2), martii die duodecimo, anno XII regni nostri. »
(1) Suivant le Gallia Christiana , c'était Chaïno et non T'hayledus qui
était abbé de Saint-Denis en 706.
(2) Mabillon, De re diplomat., p. 277 , considère ce Corfartinse ou Cor-
fintisce comme un lieu imaginaire, et il‘en attribue l'invention à Doublet,
auteur de l'Histoire de St.-Denis, qu, peu habile à lire les écritures méro-
vingiennes, aurait pris la formule quod ficit minsis pour Corfintisce, eten aurait
fait un nom de villa regia. Que ce soit là en effet une méprise occasionée par
l'extrême difficulté de déchiffrer les caractères franco-galliques, je veux bien
l’admettre et m'en rapporter à Mabillon, quisera toujours notre maitre à tous;
( 590 )
TRADUCTION ROMANE,
Chillebers Roys des Franchois, hom bien gentielx. Nous avons
grant fianche ens el non de Dieu, et que se nous donons
et otroions aucunes choses aus lieus des sains ou aus lieus, des
moiniages pour le convignableté et le pourfit de ces lieus que
che nous doïe estre converti et valoir à avoir loenge ou valoir à
avoir et à rechevoir don et rétribution permenable. Et pour ce
sache et conoïisse la grandeurs et li pourfit de tous que nous
somes efforchié davoir doné une ville qui a non Sollemes qui siet
an pays de Faumars seur un fleuve que on appielle Ses (1); et tous
les meissonages et toutes les aptenances et toutes les adiacences
et les appendances de la ville devant dite et toutes les coses qui
etoient cotenues en la ville devant dite les queiles nos boursiers
et nos recheveires tint et le oratore et la chapelete de la Crois ;
laqueïle Croiïs se joint et est près de la fin dou terroir de la ville
devant dite, laquelle chapellete est faite ens el non de mosign
Saint Martin. En laqueile ville Maldagis nos sers est mis et
establis à estre garde. En teil manière q quanq nos boursiers a
tenu en la ville et à la chapellete et à la Crois devant dite soit
en tres, en maisons, édifices, sers, vignes, fores, et bos,
campars , prés, paslures, yaues, decours, d'yaues, avoirs de
sers , en aides, fons de bestes , et pasteurs, nolins, et en toutes
autres choses soient moebles ou non moebles entirement à la
LR QRBMURR" Poe Jr DAS er,
mais que Doublet soit le premier auteur de la bévue, comme le maitre l’af-
firme, c’est ce qu’il n’est plus permis de penser, à la vue du texte et de la
traduction insérés ici. Ainsi donc, si Confartinse est un nom chimérique, il
y a long-temps que l'erreur subsiste; elle est le fait, non de Doublet, mais
de quelque copiste du 13.e siècle ou d’une époque plus reculée encore.
(r) Cette rivière Sapus , que le traducteur nomme Ses, est la Selle, qui
prend sa source dans la Tiérache, passe au Cateau-Cambrésis, à Solesmes,
Haspres, et Va se rendre dans l'Escaut au dessous de Bouchain.
(591)
chapelle mosign Saint Denys le martyr en laquele il repose en
cors. Et p. cest comandement nous avons mis à oevre lefforchemt
devat nomé. En tel manière que nous p. cest présent comandemt
la propriété et la seignorie de toutes les coses devant dites entire-
ment assenons et donons à la chapelle de mosign Saint Denis
devant dit et al assamblée des boines gens qui illueqs sont. En
laquele chapelle et assamblée, hounerables hom Thayledes est
abbes. Et volons ct ordenons que à tous jours la ville et les
choses desus dites soient sens nulle cotradiction entirement à
ladite chapelle et assamblée. Et volons et ordenons p- notre
grace que la ville devant dite et toutes les coses qui le regardent
soient franchemt à la chapelle et assamblée devant nomée. Et
nous qui nous efforchons dou don de nostre largesce, ordenons
et comandons que nus, ne viex ne jones, psens ne avenir, ne
nulle justice meche empeechmt en aucune manière à ce que la
ppriétés et la seignourie de la ville devant dite et tout ce qui
le regarde ne puist demnorer à tous jours franchmt à la chapelle
et à la congrégation devant nomée. Et volons et ordenons que
chis presens dons p. layde rostre seigneur porche pourfit à la
chapelle et à lassamblée devant dite tous les tens que nous
viverons et tous les tans q sunt avenir. Et pour che que chis
comandemans soit plus fmes et plus estables , nous avons esgardé
que il soit efforchiés et confermés p. l’escpture de nostre main
mis p. desous. Ches lettres furent donées à Confartinche le xume
jour de march le douzième an de nostre règne.
Nota. Un diplôme de Charles-le-Simple, traduit en roman
de la même époque, paraîtra dans les notes de la traduction de
Baldric, que vont publier à Valenciennes MM. Faverot et Petit.
( 592)
ANTIQUITÉS
TROUVÉES DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD,
Par M. C. Very fils, Membre titulaire.
SEPTIÈME CAHIER.
Ficune 41. VASE EN TERRE. ( PZ. 8.)
Vase antique en terre rouge et d’une pâte fine, au fond du-
quel on voit la marque du fabricant.
Ce vase appartient à la Société royale des sciences de Lille ;
il lui a été donné par M. Durant, maire de La Bassée, qui le
découvrit avec diverses médailles dans un champ situé à une
demi-lieue de cette commune.
Fins 42. MÉDAILLE EN BRONZE. (PZ. 8.)
La figure 42 représente une médaille en grand bronze du
règne de Postume père, décrite par M. Mionnet (tom. 2, p.66),
qui lui donne une valeur de huit francs.
Cette médaille vient des mêmes fouilles que le vase ci-dessus
et fait partie du médailler de la Société.
Ficuns 43. BAGUE EN OR. (PL. 6.)
Cette bague en or, garnie d’une pierre blanchâtre de peu de
valeur, a été trouvée à Famars, en 1833. Elle fait partie du
cabinet de M. Rousiere-Cavalier.
( 593 )
Ficune 44. DEUX PIERRES GRAVÉES. (PL. 8.)
Ces deux pierres gravées, représentées ici de grandeur natu-
relle, sont en lapis-lazuli; elles ont été trouvées à Famars, en
1828. Je les possède.
38
( 594)
ADDITION
AUX NOTES
SUR LA POLARISATION.
Page 2553 et suivantes.
Je reprends le bi-chromate de potasse épais de 1,5 et incom-
plètement examiné à la page 371.— La barre noire mise dans le
plan de polarisation n’est pas droite; elle ne partage pas l'image
en deux parties symétriques. Les couleurs sont dissemblablement
distribuées d’un côté à l’autre de cette barre. On voit d’un côté
un plus grand nombre de demi-cercles que de l'autre. Rien ne
change, si ce n’est le rang du système, si la plaque fait un mou-
vement de 180 degrés autour de son intersection avec le plan
de polarisation. Au contraire, le rang du système ne change pas
si le mouvement de 180 degrés s'exécute autour de la perpen-
diculaire au plan de polarisation, et alors les deux parties dis-
semblables de l’image ont changé de côté. Pour que la barre
soit droite et qu’elle divise l’image en deux parties bien symé-
triques dans leurs formes, leurs dimensions et la distribution des
couleurs, il faut faire tourner le cristal, dans son plan, de 20 à
23 degrés. Si alors on analyse l’image, comme on l’a fait aux
pages 308 et 309 pour le borax, on arrive exactement aux
conséquences rapportées page 309.
J'ai répété ces observations sur de nombreuses plaques de bi-
chromate telles qu’on les obtient par le clivage et sur d'autres
plaques préparées par le procédé rapporté à la page 310. Quand
la mince plaque a été travaillée avec très-peu d’eau non renou-
velée sur la glace polie, on achève de la polir en la frottant à
(595)
sec sur une peau très-douce où l’on a étendu un peu de rouge
d'Angleterre. Il faut ganter le doigt qui pousse le cristal.
En appliquant les mêmes moyens d'observation au feld-spath
et au carbonate de soude, j'arrive encore aux trois mêmes
conséquences.
L'exemple suivant m'a paru mériter aussi des détails circons-
tanciés. Une plaque d’acide tartrique, travaillée selon le procédé
indiqué à la p.310, n’a passes faces parallèles; elle est légèrement
prismatique ct son épaisseur moyenne est de 0,82. Elle est à peu
près perpendiculaire à l’un des axes optiques, puisque les pre-
miers anneaux du seul système qu’elle laisse voir sous l’incidence
perpendiculaire me paraissent parfaitement circulaires; les autres
prennent quelque peu la forme elliptique, ce qui permet, eu
égard aux autres symptômes, de reconnaître le signe négatif de
ce cristal.
La barre noire du second système que j'observe ainsi est
mise dans le plan de polarisation; ses branches sont diffuses ;
elles ne sont point droites; elles se courbent sensiblement vers la
gauche ; elles sont bordées, à droite, du côté légèrement convexe,
d’une teinte jaune-brunâtre qui s'étend assez loin sur les demi-
anneaux de droite. De ce côté les couleurs sont variées; on voit
plus d’arcs que du côté gauche où ils sont exclusivement rouges
et verts. On prévoit, sans que je m'y arrête, les renversemens
qui s’opèrent dans les parties de l’image quand on fait faire au
cristal une demi-révolution autour d'une parallèle ou d’une
perpendiculaire au plan de polarisation.
Maintenant si je fais tourner la plaque d’environ 30 degrés
dans son plan, la barre noire devient moins diffuse; elle divise
l'image en deux parties parfaitement symétriques, tant sous le
rapport des formes que sous celui de l’intensité et de l'égale
répartition des couleurs. Faisant alors usage de verres rouge,
vert et bleu, je reconnais que les pôles de ces couleurs sont dif-
férens et placés sur la ligne droite qui divise la barre noire et
( 596 )
toute l'image en deux parties parfaitement symétriques. D'où je
conclus encore que pour l’acide tartrique :
1. Les angles des axes relatifs aux diverses couleurs croissent
dans l’ordre des réfrangibilités de ces couleurs.
2.° Le plan des axes des diverses couleurs tourne dans le
même sens depuis le rouge jusqu’au violet.
3.° Les pôles des diverses couleurs sont situés sur deux droites
parallèles qui divisent les deux systèmes d'anneaux en deux par-
ties symétriques.
y q
J'ajoute que pour le borax , le feld-spath , le bi-chromate de
potasse , le carbonate de soude et l'acide tartrique, l'axe prin-
cipal est unique ; c'est la droite d’interseclion commune aux
plans des couples d'axes relatifs aux diverses couleurs; c'est
aussi la bissectrice commune à tous les angles que forment les
couples d’axes. Il n’y a également qu'un axe Fe a géné-
ral; mais il ÿ'a autant d'axes secondaires RR', VV’, BB'....
(Fig. À, pl. 4 bés), et par conséquent autant d'axes tertiaires,
tous éompris dans un même plan, qu'il y a de couleurs dans le
spectre solaire depuis le rouge jusqu’au violet. IL résulte de là
qu'en taillant dans ces cristaux une plaque perpendiculaire à l’on
des axes tertiaires et la combinant; par exemple, avec un quartz
parallèle, les couleurs des franges hyperboliques doivent être
symétriquement distribuées d'an:côté à l’autre da plan qui con-
tient les axes secondaires ef qui traverse suivant leur axe géo-
métrique commun deux: systèmes opposés d'hypérboles; elles
doivent être aussi symétriquement distribuées d'un eôté à l’autre
de l'axe principal, axe optique qui se confond avec les axes
géométriques des deux autres groupes d'hyperboles opposées;
mais cette distribution des couleurs dans le premier! double
système ne doit pas être la même que dans l'autre, C’est ce que
l'on prévoit en abaissant des points V, B...V',B,.,, des perpen-
( 597 )
diculaires sur RR', par exemple, si c’est l'axe tertiaire des rayons
rouges qui est perpendieulaire à la plaque.
C’est aussi ce que l'expérience confirme.
Ce que je viens de dire relativement à la distribution générale
des couleurs dans les images qui résultent de la combinaison
des cristaux parallèles, onu même perpendiculaires , avec des
quartz parallèles d’une épaisseur convenable, s'applique évi-
demment au cas où les axes séparés sont compris dans un même
plan. C'est d'ailleurs ce que justifie l'expérience. Mais si l’on
croise deux plaques d'un même cristal parallèle la compensa-
tion est exacte, et l'image totale est composée de quatre groupes
d'hyperboles opposés deux à deux et dans lesquels la distri
bution des couleurs est exactement la même, comine lorsqu'on
croise deux quartz parallèles, deux arragonites, deux topazes.…
parallèles ou perpendiculaires à l'axe principal. Au contraire,
dans l’image qui proviendra de la combinaison d’un quartz
parallèle avec l’un de ces cristaux dont les axes sont séparés, la
distribution des couleurs sera très-différente dans les deux sys-
tèmes des courbes opposées. Cette expérience faite avec un
quartz parallèle d'ane épaisseur convenable et un eristal paral-
lèle dont les axes sont fort séparés, comme le sel de La Rochelle,
ou même la topaze blanche, etc., donne une image extrème-
ment curieuse à observer par la richesse et la grande variété des
vives couleurs qui se distribuent comme je l'ai dit plus haut. Si
l’un des cristaux combinés est trop épais et produit des courbes
doubles , alors les couleurs des franges ne sont plus les mêmes
de chaque côté de la frange intermédiaire, celle qui occupe le
milieu du système et qui n’est pas toujours noire où blanche.
Réciproquement, lorsqu'un quartz parallèle, ou tout antre
cristal dont les axes ne sont pas séparés , est combiné avec un
second crisfal également parallèle et assez épais pour donner
quatre groupes d’hyperboles, si la distribution des couleurs
dans deux groupes opposés n'est pas la même que dans les deux
( 598 )
autres groupes, c'est que les axes sont séparés dans ce second
cristal. C’est ce qui arrive avec la chaux sulfatée de Montmartre
et avec le gypse laminaire limpide, qui est aussi une chaux
sulfatée.
Je n'ai pas pu réussir à tailler et polir une plaque de chaux
sulfatée de Montmartre’, perpendiculairement à l'axe principal,
c'est ce qui m'a empêché de vérifier par une observation directe
la séparation des axes pour ce cristal; mais cette séparation ,
qui ne doit pas être bien forte , est trop évidemment annoncée
par l'expérience ci-dessus pour que je doute de sa réalité. Bien
que dans le gypse, dont la consistance a quelque analogie avee
celle de la cire, les lames soient plas adhérentes que dans la
chaux sulfatée de Montmartre , il est encore difficile et presque
impossible de travailler cette substance sans troubler l’arrange-
ment des lames jusqu’à une certaine profondeur au-dessous de
la face que l’on prépare, quelque soin que l’on prenne pour
appuyer le moins possible sur la lime mouillée et sur le verre
dépoli. Après ce travail, la lame est lavée à grande eau, je la laisse
sécher pendant douze à vingt-quatre heures, puis je la frotte le
plus légèrement possible, et à sec, sur une glace polie. Pendant
le travail à la scie très-mouillée, il faut avoir soin de tenir la
plaque entre deux James épaisses de liége; mais il ne faut
pas trop la serrer de peur d’écraser le cristal et d’en troubler
la cristallisation.
Les cinq échantillons que j'ai préparés ainsi et qui ont
diverses épaisseurs, sont plus ou moins fendillés. Le désordre,
peut-être inévitable, est inanifeste ; cependant j'ai pu voir très-
distinctement les anneaux nombreux des deux systèmes, et
reconnaître avec certitude la séparation des axes. Le pôle général
des anneaux est un point noir bordé de diverses couleurs ; et
une singularité bien remarquable, c'est que la barre noire
manque absolument dans chaque système , alors que l’axe secon-
daire est dans le plan de polarisation; mais cette barre se montre
( 599 )
plus ou moins vite et dans sa courbure hyperbolique , si l'on
imprime à l’axe de la tourmaline ou à la ligne des pôles du
gypse un mouvement azimutal. Elle est à son maximum d'in-
tensité aux azimuts de 45° on 135 et nulle à zéro ou 180°.
Dans l’état d'imperfection où se trouvent mes cristaux de
gypse je ne saurais dire quelle est la véritable distribution des
couleurs dans les images pourtant assez régulières que j'ai
observées. En me confiant à quelques indices je pourrais soup-
çonner que les pôles des diverses couleurs sont situés sur deux
lignes parallèles à l’axe tertiaire; mais d'autres indices me font
penser au contraire que tous les axes sont dans le plan déterminé
par l’axe principal et l'axe secondaire, et que les angles des axes
relatifs aux diverses couleurs croisent lentement dans l’ordre des
réfrangibilités de ces couleurs. Des échantillons plus minces,
taillés avec plus de patience et d'adresse et dans une plaque de
gypse plus épaisse, permettront sans doute de décider la ques-
tion de la disposition des axes. Il faudra qu'on puisse faire usage
de verres colorés sans que les images s’éteignent, ou qu'on ait
recours, dans une chambre obscure, à la.vive lumière du soleil,
décomposée par le prisme.
Sur les lemniscates.
Quand les faces d’un cristal à deux axes optiques sont per-
pendiculaires à l'axe principal , les courbes isochromatiques vues
à la lumière composée et les courbes brillantes ou obscures vues
à la lumière simple sont des lemniscates, ainsi que M. Herschel
l'a prouvé par des mesures prises sur les images.
Pour que ces courbes soient des lemniscates planes, telles
que les géomètres les considèrent, il faut que les images soient
projetées sur un écran parallèle à un cristal dont l’angle des
axes soit petit, comme dans le nitrate de potasse, le carbonate
de plomb, le tale, le carbonate de strontiane, ...., Lors même
( 600 )
que l'angle des axes s'élève jusqu’à 18° 18, comme dans l’ar-
ragonite , il est difficile de reconnaître, à la première inspection,
une différence entre l'image projetée sur un plan et l'image
projetée, comme elle devrait l'être alors , sur une surface sphé-
rique dont le point éclairé du cristal occuperait le centre.
J'ai cru faire une chose agréable à quelques-uns des lecteurs
que j’ai choisis en traçant géométriquement ces lemniscates et
en évitant, autant que possible , les formes scientifiques dans le
développement de quelques-unes des propriétés les plus simples
de ces courbes, considérées sous le point de vue des observa-
tions optiques. La figure B représente l’image que montrerait |
un carbonate de plomb épais d'environ 5 de millimètre, ob-
servé entre deux tourmalines croisées et à la flainme de l’alcool
salé. Elle représente encore, mais moins rigoureusement, l’image
qu'offrirait une arragonite épaisse d'environ ün millimètre.
Pour abréger, j'appellerai première courbe , seconde courbe,
troisième courbe. ,..,.. ou plus simplement encore, courbe 1,
courbe 2, courbe 3..... celle qu'on rencontre la première,
la seconde , la troisième......... en partant de l’un des pôles
et en s’éloignant du centre général de la figure. De plus, je
diviserai l'ensemble total de toutes ces courbes en cinq variétés,
savoir :
3e Variété. — Les conrbes sous forme d’ovales qui entou-
rent un même pôle. Telles sont pour notre
figure B les courbes 1 , 2, 3 et 4.
ame Variété. — La courbe unique, ici la cinquième, qui
entoure chaque pôle et les enveloppe tous
les deux. Elle est sensiblement droite dans
le voisinage du centre où elle passe deux
fois.
3me Variété. — Les courbes 6, 7, 8 et 9 aui enveloppent
( 6or )
les deux pôles et qui subissent une dépres-
sion dans la partie traversée par l'axe ter-
tiaire perpendiculaire sur le milieu de la
ligne des pôles.
4e Variété. — La courbe unique, ici la dixième , qui parait
droite dans une partie notable de son
cours , près du point où elle est rencontrée.
par l'axe tertiaire.
5,me Variété, — Les courbes 11, 12, 13, 14, 15.... qui
enveloppent aussi les deux pôles, mais
qui ne subissent pas de dépression.
La courbe qui cunstitue à elle seule la seconde variété jouit
des propriétés de celles des première et troisième variétés; elle
est leur intermédiaire. La quatrième variété est aussi l’intermé-
diaire entre les troisième et cinquième variétés : elle sépare les
courbes convexes de celles qui ne le sont pas. Au-delà des pôles
et dans la direction de l’axe secondaire, les lemniscates sont
presque exactement cireulaires dans tout l'espace compris entre
deux droites menées du pôle, et faisant avec l'axe secondaire
des angles de plus de 59 degrés.
Nous représenterons par & la distance de chaque pôle au
centre général. Gette distance était de 100 millimètres dans la
figure manuscrite, nécessairement un peu altérée par le mouve-
ment du papier et le travail du lithographe.
Nous représenterons par 4 la distance de l’an des pôles à un
point pris arbitrairement sur l’une quelconque des courbes, et
par c la distance de l’autre pôle à ce même point. Le produit
de ces deux distances sera donc généralement représenté par
b x cou mieux par bc.
Un cristal donné ne montre pas toujours à la lampe les courbes
des deuxième et quatrième variétés; il faut pour cela qu'il ait
( 602 )
une épaisseur déterminée, à d'autres épaisseurs plus grandes ou
plus petites, mais également déterminées; variables avec la
nature du cristal, et qui suivent une eertaine loi, ces courbes
se montrent de nouveau, Or, lorsque les faces d’un cristal ont
été usées et polies par le lapidaire ou sur la lime et le verre
mouillés , il est rare qu’elles soient parallèles, et l'épaisseur peut
souvent assez varier d’une extrémité à l’autre, pour qu’en fai-
sant mouvoir le cristal entre les deux tourimalines, on trouve
une position, et par suite une épaisseur qui permette de voir
ces courbes. +
Par ces déplacemens lents du cristal , les courbes se modifient
et peuvent se transformer les unes dans les autres si ies faces
planes du cristal sont obliques l’une sur l'autre. Si au contraire
elles sont rigoureusement parallèles et si le cristal est bien pur
on n'’aperçoit aucun changement. Ce parallélisme n’est pas tou-
jours rigoureusement observé dans les cristaux qui se divisent
facilement en feuillets, comme les micas, la chaux sulfatée rousse
ou limpide, car j'ai observé de ces changemens sur plusieurs
échantillons en apparence très-purs et terminés par des surfaces
planes et continues.
Les courbes brillantes et les courbes obscures s’échangent les
unes dans les autres quand on fait faire un quart de tour à
l'une des deux tourmalines. Voilà pourquoi ce mouvement d’un
quart de tour suffit par fois pour faire naître les courbes obscures
des deuxième et quatrième variélés ; mais dans ce cas, et avant
le mouvement, c’élait une courbe lumineuse qui avait la forme
de ces variétés.
Quand l’axe principal d'un cristal est parallèle aux faces, la
figure B se décompose; elle se transforme en quatre groupes
d’hyperboles équilatères qui ont pour asymptotes communes
deux droites formant une croix dont les branches font des angles
de 45 degrés avec l'axe principal et avec l’axe secondaire.
Cette croix provient de la courbe de seconde variété qui reste
( 603 )
toujours ainsi l'intermédiaire entre les courbes de première et
troisième variétés, courbes qui sont devenues hyperboliques.
On voit donc que pour apercevoir cette croix noire, il faut
aussi que le cristal à faces parallèles ait de certaines épaisseurs
déterminées ; inais si les faces sont inclinées l’une sur l’autre,
on pourra obtenir la croix noire en promenant le cristal entre
les tourmalines croisées ou non.
La figure B, composée de lemniscates, représente donc l’image
vue à la lampe à travers deux tourmalines croisées, et qui pro-
viendrait d’un cristal à faces perpendieulaires sur l'axe principal,
ayant deux axes optiques formant un petit angle, et enfin d’une
nature et d’une épaisseur telles que l’image produirait quatre
courbes obscures de la première variété, celle de la seconde,
quatre de la troisième, celle de la quatrième et une infinité de
la cinquième.
Occupons-nous des propriétés de ces courbes. Prenons un
point quelconque sur l’une d'elles et mesurons ses distances à
et c aux deux pôles. Mesurons de semblables distances à partir
d’un autre point de la même courbe ; opérons de mème pour un
troisième point, un quatrième.... le produit bc de chaque
couple de ces distances reste toujours le même. Il est évident, à
la seule inspection de la figure, que ce produit, constant pour
tous les points d'une même courbe , ira en augmentant à mesure
que la courbe sera d’un numéro d'ordre plus élevé, eten dimi-
nuant pour les numéros d'ordre de moins en moins élevés. Au
pôle il sera nal, car bien que la distance D soit alors 2a, la
distance c de l'autre pôle à lui-même étant nulle, le produit bc
est zéro. On peut considérer les pôles comme une courbe réduite
à n'avoir plus que deux points. On voit done qu'à partir du
pôle et passant de chaque courbe à la suivante, le produit bc
va en croissant depuis zéro jusqu'à l'infini. Les mesures prises
sur l’image prouvent, comme la théorie, que ce produit étant
bc pour les points les plus sombres de la première courbe obs-
( 604 )
cure, il est 2bc, 3bc, 4be, 5bc, 6bc..... pour les courbes
obscures suivantes , e’est-à-dire enfin que ce produit croît depuis
le pôle où il est zéro jusqu'aux dernières courbes obseures ,
comme la série très-simple des nombres
Ou: 20 ah 50:17: 8:.0,.40, 1500
Il croît comme celle des nombres
21,41 08:41 8447
2
Dr 9 3% 9 9...
7.209
ko]
=
tof or
2
29]
pour les points les plus éclairés des courbes brillantes.
Dans l’un et l’autre cas ce produit be varie avec la nature de
la couleur simple qui éclaire le cristal; mais il suit toujours les
lois ci-dessus. Le produit bc est toujours plus petit que le carré
a” de la distance d’un pôle au centre général, pour les courbes
de la première variété. Il est égal à ce carré a? pour la courbe
de seconde variété. Il est plus grand que 4°, mais plus petit que
2a* pour la troisième variété ; égal à 24° pour la quatrième, et
enfin plus grand que 24° pour la cinquième variété. Pour notre
figure B, nous avons pris a — 100 millimètres , ainsi le produit
bc aura les valeurs suivantes
2000, 4000, 6ooo, 8000, 10000: 12009, 14000...,
pour les courbes dont les numéros d'ordre respectifs sont
es D, Se ‘5 de (5 Tontus
D’après cela, rien n’est plus facile que de construire géométri-
quement toutes ces courbes. Je me bornerai à indiquer la marche
générale à suivre en prenant pour exemple la cinquième courbe,
pour laquelle on a be — a° = 10000. |
De chaque pôle comme centre et avec des rayons suecessifs
de 5, 10, 15, 20, 25, 30, 35,.,.. millimètres, on décrira
Re
( 605 )
autant de cercles au crayon; quelques-uns de ces cercles, ceux
qui ont pour rayon depuis 45 jusqu’à 95 millimètres, serviront
pour la courbe 5; ces mêmes cercles et d’autres plus petits ou
plus grands serviront pour la construction des autres courbes.
Je divise 10000 — bc — a* successivement par
95, 90, 85, DUT DO LAS UL AO,
ce qui donne les quotients respectifs
105,26, 111,11, 117,04, 125,:... 200, 222,22, 260.
Avec le quotient 105,26 comme rayon, je décris de chaque pôle
comme centre de petits arcs de cercle qui coupent les cercles
du rayon 95 en quatre points qui appartiennent à la cinquième
courbe. Avec le rayon 111,11 je décris des arcs de cerele qui
coupent ceux qui ont pour rayon 90, ce qui donne quatre nou-
veaux points de la même courbe, et je continue ainsi. Je fais
enfin passer un trait à l'encre par tous ces points en suivant la
courbure que leur disposition indique suffisamment s'ils sont
assez mullipliés. On opère de même pour toutes les courbes.
En partant du centre et en parcourant la ligne des pôles, on
passe successivement sur les points où les courbes 5, 4, 3, 2,
1, 0 rencontrent cette ligne entre les pôles, puis ceux où cette
ligne est coupée une seconde fois par les courbes 1, 2, 3,4, 5,
puis une seule fois par les courbes 6, 7, 8,9, 10,11, 12.....
Il importe de bien déterminer la position de ces points en caleu-
lant les distances du centre à chacun d’eux. Ces distances sont,
pour les quatre premiers points, en allant du centre au pôle :
Va — be
ou
V/icooo — 8000, 10000 — 60001, V’ 10000 — 40001 :
V/ 10000 — 2000! , V/ 10000 — 0 ;
( 606 )
ou
2000, p/4000, 6000, y/8000, y/10000 ;
ces nombres , divisés par j/2000 leur facteur commun, croisent
comme les suivans :
VIRUS, V3, V4. MR
Pour les points de rencontre au-delà du pôle, les distances,
toujours comptées à partir du centre, sont généralement
Va + bc
et ont par conséquent pour valeurs la série des nombres
V/10000 + 2000, p/10000 44000, 10000 +6000,...
ou
12000, 14000, pr6000 2.882.
et en les divisant par le même facteur commun p/2000, on
verra qu'ils suivent la loi des nombres
v’6 ? V7 , VOS PERTE
Ainsi ces distances, en comptant le centre et le pôle pour des
points de rencontre, sont entr'elles comme les racines carrées
des termes de la progression
OPARE Re es 45 D: 6,7, 8, 0% 10, 114 12, 137 2400
( 6o7 )
Calculons de même les distances successives du centre aux
points où l’axe tertiaire coupe les courbes 6, 7, 8,9, 10, 11...
Leur valeur générale est
V'bc— à
ce qui donne successivement :
ad | pren,
V/ 12000 — 10000, p/14000 — 10000, j/16000 — 10000...
ou
2000 , 4000 , V/8000...,..,.
Ces valeurs étant égales à celles précédemment trouvées ; nous
en conclurons que les distances comptées sur l'axe tertiaire
sont respectivement égales aux distances comptées sur l'axe
secondaire.
Ce résultat est général et donne lieu à la remarque suivante
également générale :
Il y a toujours autant de courbes de la troisième variété que
de courbes de la première variété. Les distances du centre aux
premiers points de rencontre des courbes de la première variété
avec l'axe secondaire sont respectivement égales aux distances -
comptées sur l’axe tertiaire, depuis le centre jusqu'aux points
successifs de rencontre avec les courbes de la troisième. variété.
La courbe de la quatrième variété rencontre l'axe tertiaire à
une distance du centre égale à la distance à de ce même centre
au pôle. Ce point de rencontre est une sorte de pôle ou de
centre qui jouit de certaines propriétés dont nous parlerons.
Les distances de chaque pôle aux points où les courbes ren-
contrent l'axe tertiaire sont évidemment égales; elles ont pour
valeur Bec. En nous bornant au cas de la figure B, ces valeurs
sont
V/12000, p/14000, y/16000, 18000, V'20000..%
( 608 )
En les divisant encore par leur facteur commun j/2000, on
verra qu’elles suivent la loi des nombres
v#, V7 » V8, V9 : 10. ou
c'est-à-dire que les distances d’un pôle aux points d'inter-
section des courbes avec l’axe tertiaire croisent comme les
racines carrées des numéros d'ordre de ces courbes.
De ce que les distances du centre aux points de rencontre
successifs sur l’axe secondaire (en comptant le pôle pour un
point de rencontre), sont égales aux distances du centre jus-
qu'aux points de rencontre avec l'axe tertiaire, et de ce que la
distance du centre au pôle est égale à la distance du centre au
point où l'axe tertiaire rencontre la courbe de la quatrième
variété, il s'ensuit que les distances de ce dernier point aux
points successifs de rencontre de toutes les courbes avec l’axe
secondaire sont respectivement égales aux premières et sont
conséquemment entre elles comme les racines carrées des termes
de la progression 0, 1,2, 3, 4,5,6,7.......
Elevons à l’un des pôles une perpendiculaire sur l’axe secon-
daire. Elle rencontrera toutes les courbes en des points dont les
distances au pôle seront représentées par
DNS 29° ère nan e
106% 2515rut pr + 100,
n étant le numéro d'ordre de la courbe. Faisant successivement
n = 1,2, 3, 4,......., On aura pour ces distances des
nombres qui suivent une loi trop compliquée et trop différente
de celle que nous désirons rencontrer pour mériter plus de
détails.
Sur la distance des pôles comme diamètre décrivons une
circonférence ; elle coupera toutes les courbes des première,
seconde et troisième variétés, et elle sera tangente à celle de la
Fil
(609 )
quatrième variété. Les distances du point de tangence aux points
de rencontre successifs, comptées de ce point de tangence,
seront
V/ 24° — bc
jusqu’au pôle. Elles seront
V/ 24° + bc
au delà du pôle. En mettant pour bc ses valeurs successives ,
on verra que ces distances croissent comme les racines carrées
des termes de la progression
1; 2, 3) 4) ba 6, Tjvrososses
Les perpendiculaires abaissées des points d’intersection de la
. L4 La , bc
circonférence avec les courbes sont représentées par — , et
24
elles croissent, à partir du pôle, comme les nombres o, 1,
Mail a biscilés dut
Coupons maintenant toutes les courbes par une circonférence
de cercle décrite de l’un des pôles comme centre et avec un rayon
2 a égal à la distance des pôles. Les distances b des points d’inter-
section successifs au pôle qui sert de centre seront constamment
égales à 2 a; ainsi on a partout b — 200 et le produit bc devient
200 X c. Ces produits allant en croissant comme les nombres
1,23; 4393... il 8’en suit que les valeurs du facteur c
suivent la même loi et qu’ainsi les distances successives de
l’autre pôle aux points d’intersection suivent cette loi des nom-
bres 1, 2, 3, 4, 5,...... De même, si de l’un des pôles et
avec un rayon plus grand ou plus petit que 2 a, mais plus
grand que a, on décrit une circonférence de cercle, les dis-
tances de l’autre pôle aux points d’intersection de ce cercle avec
39
( Gro })
les courbes seront entre elles comme les numéros d'ordre de
ces courbes.
Il parait résulter de ces tentatives qu'aucune ligne droite
ou circulaire passant par l’un’ des pôles ne coupe les courbes
en des points tels que leurs distances à ce pôle soient entre
elles commes les racines carrées des termes de la progression
Oy Lo 25 304.0 5005 Tac sise PIS 10IN NORRIUEErONS
de ce résultat une conséquence relative à la distribution des
couleurs autour des pôles dans les cristaux à deux axes, com-
parée à celle des couleurs dans les anneaux de Newton.
Examinons maintenant quelles modifications éprouverait la
figure B, si le cristal qui la donne prenait tout -à-coup
une épaisseur plus grande. Par la théorie comme par des me-
sures prises sur l’image produite par le nitrate de potasse dont
l'angle des axes n’est que de 5° 20’, M. Herschel s’est assuré que
le produit bc décroîit comme l'épaisseur augmente. D'après cela,
si l'épaisseur devient double, le produit bc de 48000 pour la
courbe =4, se réduit à 24000 ; c’est-à-dire que cette courbe
vient prendre la place de la douzième. Par la même raison celle-
ei vient prendre la place de la sixième, qui elle-même prend la
place de la troisième. Et comme il ÿ a une infinité de courbes
de rang pair, elles trouveront à se placer sur des courbes soit de
rang pair soit de rang impair qui existaient avant que l'épaisseur
ne fut doublée. Ainsi les déplacemens des courbes de rang pair
n’apporteront aucun changement à la figure primitive. Le pro-
duit bc est de 26000 pour la courbe 13, il se réduit à sa moitié
13000 , nombre compris entre 14000 et 12000 , cette treizième
courbe viendra donc se placer entre la septième et la sixième.
On voit donc que les courbes de rang impair viennent se placer
entre les courbes déjà existantes. Par conséquent les courbes
actuelles de notre figure B, subsisteront ; mais il viendra s’en
former une entre le pôle et la courbe 1 ; une autre entre €
et 2, entre 2 et 3, entre 3 et 4...,..,... et le nombre
( Gix )
total des courbes des première et seconde variétés réunies sera
doublé ainsi que le nombre des courbes des seconde et troisième
variétés réunies, etc. Les courbes seront donc deux fois plus
serrées et on en verra deux fois plus dans la même partie du
champ de la vision.
Triplons l'épaisseur primitive du cristal. En raisonnant de la
même manière, on verra bien que les courbes d’un numéro
d'ordre divisible par 3 viendront se placer sur les courbes pri-
mitives dont le numéro d'ordre est trois fois plus petit. Ainsi,
par exemple, les courbes 27 et 30 viendront respectivement se
placer sur les neuvième et dixième. Quant aux courbes 28 et 29,
elles viendront se placer entre 9 et 10, parce que les nombres
et = sont plus grands que 9 et plus petits que 10. En défi-
nitive , le nombre des courbes sera triplé.
Si donc l'épaisseur du cristal pouvait croître lentement sous
les yeux de l'observateur, on verrait les courbes des cinquième,
quatrième et troisième variétés se rapprocher du centre et se
serrer de plus en plus. Les plus voisines du centre passeraient
successivement à la forme de la seconde variété, puis à la forme
des courbes de la première variété. Ces dernières s’accumule-
raient entre le centre et le pôle en s’éloignant du centre et mar-
chant vers le pôle pour faire place à de nouvelles courbes ; mais
aucune n’irait se perdre au pôle, qu’elles serreraient seulement
de plus près.
Si l'épaisseur diminuait , les courbes de la première variété se
dilateraient ; les plus voisines du centre s’en rapprocheraient
davantage ; elles passeraient tour à toar à la forme de la seconde
variété ; elles s’éloigneraient ensuite du centre, passeraient, en
se desserrant toujours, par les formes des troisième, quatrième
et cinquième variétés ; enfin elles disparaîtraient du champ de
la vision, Les courbes au-delà des pôles s’en éloigneraient en se
dilatant ct se desserrant, et sortiraient successivement du champ
de la vision.
( 612)
Nous avons encore à examiner ce que devient la figurcB,
quand la distance des pôles varie, ce qui revient à changer
l’angle des axes optiques.
Faire décroître a, c’est faire décroître aussi a *, mais bien
plus rapidement ; cela revient au fond à faire croître le produit
bc; et par conséquent, à opérer dans l’image un effet analogue
à celui qu'opère une diminution d'épaisseur. Quand &°, par
exemple , est réduit à sa moitié, ? «° est réduit à son quart + a *;
cela revient à quadrupler bc ou à réduire l'épaisseur primitive
à son quart. Si donc l'angle des axes pouvait décroître lente-
ment pendant qu’on observe le cristal à la lampe , on verrait les
courbes de la première variété s’élargir , se desserrer et marcher
avec les pôles vers le centre général ; elles disparaïîtraient une à
une. Après avoir passé successivement par la courbe de la seconde
variété dont les réapparitions seraient intermittentes , elles passe-
raient successivement aux formes suivantes ; bientôt on ne verrait
plus qu'un petit nombre de courbes de la troisième variété;
montrant à peine un reste de dépression. À mesure que les pôles
marchent vers le centre où ils vont bientôt se confondre, les dis-
tances à et c d’un point quelconque de l’une des courbes à ces
deux pôles déjà très-voisins , tendent de plus en plus vers l’éga-
lité , et lorsqu’enfin les deux pôles atteignent le centre , c’est-à-
dire, lorsque le cristal n’a plus qu’un axe optique perpendi-
culaire aux faces, le produit b c devient un carré R? , et toutes
les courbes se transforment en cercles parfaits. Les carrés des
rayons de ces cercles croissent donc comme les nombreso, 1,
2, 3, 4:5D3...... pour les cercles obscurs, et comme les
nombres +, £, +, 2,2...... pour les cercles brillans, Ainsi,
dans les images que montrent les cristaux à un axe perpendi-
ceulaire , les diamètres des cercles obscurs croissent d’un cercle
à l'autre , comme les racines carrées des nombres
dry, SP GI
et ceux des cercles brillans comme les racines carrées des nombres
1
3
29 2
?
19/x
rad ie 3 an, ques,
(613 )
On voit aussi, d'après ce qui précède, qu'une épaisseur devenue
un nombre quelconque de fois plus grande ou plus petite,
donne naissance à des cercles autant de fois plus ou moins nom-
breux et d’un diamètre autant de fois plus petit ou plus grand.
Des mouvemens opposés à ceux que nous venons de décrire
auront lieu si la distance des pôles augmente , ou , ce qui revient
au même , si l’angle des axes optiques augmente jusqu'à 180
degrés , pour ne plus former qu'un seul axe parallèle aux faces
du cristal. En effet, la distance a du centre au pôle devenant
plus grande , le produit à c deviendra relativement plus petit, et
l'effet produit sur l’image sera analogue à celui qui provien-
drait d’une augmentation d'épaisseur dans le cristal. La dépres-
sion augmentera dans les courbes de la troisième variété, parce
qu'elles se rapprocheront du centre; celles de la cinquième
variété passeront, successivement à la quatrième , à la troisième;
en même temps celles de la troisième variété passeront successi-
vement par la seconde , et viendront se ranger dans la première
variété, entre le centre et le pôle. Les courbes se serreront de
plus en plus, leur convexité dans les parties vues du centre , le
long de l’axe tertiaire , ira en augmentant , elle diminuera pour
les courbes de la première variété vue du centre dans la direc-
tion de la ligne des pôles. Dans cette même direction, la con-
cavité des courbes des troisième, quatrième et cinquième
variétés ira en diminuant ; bientôt on ne verra plus dans tout le
champ de la vision que des courbes tournant leur convexité
générale vers le centre, et qui n’appartiendront plus qu’aux
variétés troisième et première. Enfin , les parties de ces courbes
déjà transportées hors du champ de la vision , dans la direction
de la ligne des pôles , se diviseront à cette ligne ; leurs branches
éloignées changeront leur courbure concave en courbure con-
vexe , et quand les axes n’en feront plus qu’un seul parallèle aux
faces du cristal, éoutes les courbes se seront transformées en
hyperboles équilatères, les unes traversées par l’axe secondaire
(614)
devenu axe principal , les autres, en nombre égal, traversées par
l'axe tertiaire devenu axe secondaire. La courbe qui viendra
remplacer celle de la seconde variété se transformera en deux
lignes droites rectangulaires, faisant des angles égaux avec les
deux nouveaux axes. Ces droites seront les asymptotes des quatre
groupes d’hyperboles.
Nous avons vu que les distances successives du centre aux
points de rencontre de la ligne des pôles avec les lemniscates ,
pour les cristaux à deux axes, et tous les rayons pour les cris-
taux à un axe perpendiculaire, vont en croissant comme les
racines carrées des nombres 0,1, 2,3, 4..., pour les cour-
bes obscures ou des nombres ?,5,2,1..... pour les courbes
brillantes ; il en est de même quand les courbes sont devenues
hyperboliques ; ces distances également comptées du centre le
long de l'axe principal ou de l'axe secondaire suivent la même
loi. C’est pour cela que, dans les trois cas , il y a également au-
tour du centre général une plage vide de courbes, tandis qu’elles
sont accumulées autour de chaque pôle dans les cristaux à deux
axes.
La lumière simple qui éclaire le cristal venant à changer,
toutes les lois numériques énoncées jusqu'ici subsistent , il n‘y a
de changé que la place occupée par les courbes brillantes ou
obscures, parce que le produit 8 c varie avec la couleur, ou en
d’autres termes avec les longueurs des ondulations de la lumière
diversement colorée. Le produit b c sera d’ailleurs toujours nul
aux pôles, si, comme nous le supposons d’abord pour plus de
simplicité, les axes relatifs aux diverses couleurs sont confon-
dus en un seul, ce qui est extrémemnent rare.
Maintenant , construisons par la pensée toutes les lemniscates
correspondantes à chacune des couleurs du spectre solaire;
marquous les d’abord d’un trait fin sur notre fig. B; puis
grossissons ces traits en les peignant avec les couleurs précises
que les courbes doivent prendre ; étalons et superposons ces
( 615 }
couleurs dans les proportions convenables, nous aurons une
figure coloriée qui sera une copie plus ou moins fidèle de l’image
qu'on observerait en recevant la lumière blanche composée à
travers le cristal qui nous occupe.
Comparons l’un des deux systèmes d'ovales de cette image avec
celui que donne un spath perpendiculaire. Pour cela menons une
ligne droite quelconque par l’un des pôles. Nous avons vu que,
généralement , elle ne coupera pas la série des courbes colorées
d’une même teinte en des points dont les distances au pôle puis-
sent suivre la loi des racines carrées des nombres À, £, Ssquade
Mais nous avons vu aussi qu'une ligne droite quelconque tirée
du centre dans la seconde image coupe la série des courbes co-
lorées d’une même teinte en des points dont les distances au
centre devenu pôle suivent au contraire exactement cette loi des
racines carrées des nombres +, $,5,2; par conséquent , les
couleurs ne sont pas distribuées de la même manière dans les
deux images comparées. Les couleurs, abstraction faite de leur
mélange, se succèdent à la vérité dans le même ordre à partir du
pôle de l'une des images et du centre de l'autre ; mais elles y
occupent des espaces qui ne sont pas proportionnels ; elles ne se
superposent pas dans la même proportion de leur étendue en
largeur , et conséquemment elles produisent des mélanges assez
différens d’une image à l’autre pour que les deux séries des
teintes réelles qui en résultent ne puissent être les mêmes, bien
qu’elles aient encore quelqu’analogie, une certaine ressemblance
qui augmente quand le cristal à deux axes est taillé perpendi-
culairement à l’un de ses axes. Cependant la série des teintes
dans les anneaux donnés par le spath ( teintes qui sont celles des
anneaux de Newton ), et la série des teintes le long de la per-
pendiculaire menée par un pôle à la direction de l'axe secon-
daire mis dans le plan de polarisation , sont à-peu-près les
Imêrnes,
Cette dissemblance générale dans la distribution des couleurs
( 616 }
sur les deux images comparées est bien plus grande encore quand
les axes du cristal sont séparés. Elle est énorme quand on com-
pare cette distribution dans l’image du spath perpendiculaire
avec celle de l'un des systèmes d’anneaux que donne le sel de
La Rochelle , dont l'angle des axes pour les rayons rouges sur-
passe de 10 degrés l'angle des axes pour les rayons wiolets, selon
Jes observations de M. Herschel.
Pour construire l’image colorée que donne un semblable eris-
tal, il faudrait tenir compte du déplacement des pôles, qui se
rapprochent du centre dans le sel de La Rochelle, la topaze
blanche, le mica.... en allant du rouge au violet, et qui s’en
éloignent au contraire dans l’arragonite, le nitrate de potasse..…
Il suffit que l'amateur, à qui je m'adresse, ait reconnu par ces
longs détails la cause principale de la bizarrerie qu'il observe
dans les changemens qu'éprouvent les formes des images, le
nombre des courbes qui les composent et la distribution de
leurs couleurs quand il passe d’un cristal à un autre.
ERRATA POUR LES NOTES SUR LA POLARISATION.
PAGES LIGNES AU LIEU DE LISEZ
287 2,en remontant, axe, arc.
305 | 6,en remontant, bleue, bleue,
311 15, cris, cris-
333 9) les, ces.
Partout, j lemnicaste, lemniscate.
LITTÉRATURE.
LE PARADIS PERDU,
PoEME DE JOHN MILTON,
Traduction de M. L. Banné, Membre résidant.
a
1.€T JUILLET 1835.
a
LIVRE PREMIER.
Cuanrez la première désobéissance de l’homme et le fruit de
l'arbre défendu , ce fruit dont la saveur mortelle répandit par le
monde le trépas et tous les maux , ce fruit qui nous fit perdre
Éden, jusqu’à ce qu’un fils de l’homme , supérieur à l'humanité,
vint nous relever de notre chute et reconquérir pour nous le
séjour bienheureux : Muse céleste , chantez!
Dans les hautes retraites d'Oreb ou de Sina, vous avez inspiré
ce pasteur qui , le premier, apprit à la race choisie comment les
cieux et la terre sortirent du chaos : ou pent-être chérissez-vous
dayantage la colline de Sion et cette source de Siloë qui jaillit
près des lieux où parlaient les oracles. C'est là que mes vœux
iront vous chercher. Venez aider ces chants aventureux qui,
dans leur vol plein d’audace, aspirent à s'élever bien au-dessus
des monts d'Aonie : car ils vont célébrer des choses qu'aucun
. langage humain n'a tenté de décrire,
( 618 )
Et toi surtout, Esprit divin, toi qui préfères à tous les temples
le sanctuaire d’un cœur droit et pur, daigne m'instruire , Ô toi
qui sais! Dès la naissance des temps, tu étais là : déployant tes
ailes puissantes, tu te posas comme la colombe pour couver le
vaste abime ; et l’abime devint fécond. Illumine mes ténèbres ;
relève et soutiens ma bassesse : que toujours à la hauteur de ce
grand sujet, je puisse montrer à tous la Providence éternelle et
devant la face des hommes justifier les voies du Seigneur.
Dis-nous d’abord , car ni le ciel, ni les profondes régions de
l'enfer ne cachent rien à ta vue ; dis-nous comment nos premiérs
pères, dans cet état de parfait bonheur, si hautement favorisés
du ciel, se laissèrent déchoir des bontés du Créateur, et, pour
une seule entrave à leur liberté , osèrent violer les lois divines:
eux, les rois de ce monde terrestre ! Quel séducteur leur inspira
l'odieuse pensée de la révolte? — Ce fut le serpent de l'abime!
Ce fut lui dont la fourbe, aiguillonnée par la vengeance et l'envie,
trompa la mère des humains. Déjà son orgueil l'avait précipité
des cieux avec toute l’armée de ses anges rebelles. Fier de leur
appui, aspirant à établir sa gloire au-dessus de tous ses égaux,
il s'était flatté d’égaler le Très-Haut parce qu'il s’en déclarait le
rival ; son ambition avait allumé dans les cieux une guerre impie
contre le trône divin, contre la monarchie éternelle; il avait
livré enfin cette fière bataille, inutile tentative! — L'Omnipotent,
du haut des demeures éthérées, le lança, tout en flammes, la
tête la première, hideux débris, ruine embrasée, vers le gouffre
sans fond de la perdition éternelle. Là doit demeurer, fixé par
des chaines de diamant au sein des feux vengeurs, celui qui osa
défier son Dieu et l'appeler au combat.
Neuf fois s'écoula le temps qui mesure aux mortels une nuit
avec un jour; et, au milieu de ses horribles phalanges, il restait
étendu , ballotté sur l’abime de flammes, exterminé, mais tou-
(619)
jours immortel. La sentence divine le réservait à un plus horrible
sapplice : à la double pensée du bonheur perdu et de la souf-
france éternelle. Enfin , il promène autour de lui des regards
funestes où se peignent l’épouvante et la douleur sans bornes
mêlées à l’orgueil endurci et à la haine inflexible.
D'un seul coup-d'œil, aussi loin que peut porter la vue d'an
ange, il parcourt la lugubre demeure, immense, désolée. Tout
à l’entour, ce n’est qu’un horrible cachot , flamboyant comme
une grande fournaise : pourtant ces flammes ne donnent point
de lumière , mais plutôt de visibles ténèbres qui de toutes parts
font découvrir des spectacles de misère, des régions de deuil et
de sinistres ombrages où ne peuvent habiter la paix ni le repos.
Là ne descend jamais l'espérance, qui descend en tous lieux ;
mais la torture qui ne doit point finir y redouble sans cesse;
sans cesse y roule un déluge de feu alimenté par le souffre qui
ne se consume point. Cette demeure, l’éternelle justice l'avait
préparée pour les rebelles : elle avait construit leur prison dans
les ténèbres extérieures , régions trois fois aussi reçulées loin de
Dieu et de la lumière céleste que la dernière limite du monde
est distante du centre. Oh! combien était différent le séjour d'où
ils sont tombés!
Il aperçoit les compagnons de sa chute plongés dans les tour-
billons des flammes tempétueuses ; il voit, roulant à ses côtés
parmi les vagues de feu , le plus puissant après lui et après lui le
plus coupable, celui que la Palestine adora et qu’elle nomma
Beëlzebub.
Le chef des ennemis de Dieu, Satan { car, depuis son crime, le
ciel l’appela de ce nom qui veut dire ennemi), Satan rompt
par ces fières paroles le silence affreux de l’abime :
« Oh! situes celui, — mais alors combien déchu, combien
( 620 )
changé! — celui qui, dans les royaumes heureux de la lumière,
revêtu de splendeur, éclipsait tant de milliers d’esprits eux-
mêmes resplendissans ; — qui, naguère lié à mon sort par une
ligue mutuelle, par des pensers et des desseins complices, par
une espérance égale et par les mêmes hasards d’une glorieuse
entreprise, maintenant encore se trouve uni à moi par le malheur
et dans une ruine commune: — au fond de quel abime tu me
vois et de quelle hauteur tombé! Tant IL a dû, le lâche , aux
coups de son tonnerre, de cette arme terrible dont personne
_ jusque là ne connaissait la puissance! — Ni la foudre cependant,
ni ce que le vainqueur en courroux peut ajouter à nos souffrances,
rien ne me fera repentir; rien ne saura changer, — toute changée
qu’elle peut être dans son éclat apparent, — cette ame inébran-
lable ; rien ne brisera ce dédain altier, né de la conscience d’un
génie méconnu! Fort de cette conscience , je me suis levé pour
combattre un ennemi trop puissant ; j'ai su entraîner dans ces
fiers débats une foule innombrable d’Esprits en armes, tous
dédaignant son empire et préférant le mien, tous , résolus à
lutter de force avec lui, à livrer dans les plaines du ciel un
combat au moins douteux, et à briser enfin son trône. La bataille
est perdue , soit! tout n’est pas perdu avec elle. Cette volonté
qu’IL ne saurait conquérir , l'amour de la vengeance , la haine
imnortelle, ce courage qui ne veut point se soumettre ou fléchir,
mille sentiments enfin qui restent invincibles , voilà une gloire
que sa colère ni sa puissance ne me sauraient arracher. Nous
courber, implorer notre grace d’un genou suppliant, déifier le
pouvoir qui devant la terreur de ce bras a si long-temps douté
de lui-même: ah! ce serait bien abject, ce serait une ignominie,
une honte plus basse que notre chute. Non! par l’arrêt du destin,
cette force qui fait de nous des Dieux, cette substance céleste ne
saurait périr; d’ailleurs, l'expérience de ce grand évènement
nous laisse aussi forts par les armes , mieux éclairés pour le con-
seil. Soutenons donc avec un meilleur espoir, ou par force ou
( 6ar )
par ruse ; une guerre éternelle, irréconciliable, contre ce puis-
sant ennemi qui maintenant triomphe, heureux de régner seul
et en tyran dans les cieux. »
Ainsi parla l’ange apostat ; et il souffrait en parlant : il s’exal-
tait bien haut, mais il se sentait torturé par un profond désespoir.
Son fier compagnon lui répondit :
« © prince, à chef de tant de Trônes, de Puissances, qui,
sous tes drapeaux, guidèrent aux combats les bataillons des
Séraphins : guerriers intrépides, ils mirent en péril celui qui se
perpétue Roi des Cieux , et voulurent éprouver si sa haute supré-
matie a pour sanction la ferce, le hasard ou la destinée ! Va, j'ai
trop ressenti, trop déploré, ce cruel évènement, cette ruine
épouvantable. Une irréparable défaite nous a déshérités du Ciel.
Elle a précipité dans ce gouffre une puissante armée, tout en-
tière ensevelie dans la destruction , si toutefois la destruction
peut jamais atteindre des Dieux, de célestes essences : car l’es-
prit reste invincible , et bientôt sa vigueur se ranime, survivant
à une gloire éteinte, à une félicité engloutie dans la misère
sans fin.
» Maïs peut-être notre vainqueur, celui qu'il faut enfin nom-
mer le Tout-Puissant , car il devait l’être sans doute pour l'em-
porter sur nous, peut-être nous a-t-il laissé notre courage et
nos forces entières, pour suffire au fardeau de nos peines et de sa
colère; peut-être même devrons - nous le servir activement,
esclaves par le droit des armes, quelques travaux qu'il nous
impose au milieu des feux et dans les entrailles de l'Enfer, quel-
ques missions qu’il nous confie parmi les ténèbres de l’abime,
Triste consolation alors que de sentir en nous des forces inépui-
sées, et un être éternel pour l'éternel châtiment! »
Le Roi des Esprits infernaux s'empresse de répliquer :
« © Chérubin déchu, se sentir faible ce serait toujours vivre
( G22 }
plas misérable, fallüt-il travailler ou seulement souffrir. Sois-en
certain, d’ailleurs, faire le bien ne sera jamais notre tâche:
opposé à la volonté suprême de notre ennemi, le mal seul fera
nos délices. Que s’il prétend tirer quelque bien de ce mal qui est
à nous, entravons-le : cherchons, nous, dans le bien même,
des élémens de désordre. Nous en trouverons souvent, et IL se
sentira blessé, je l'espère, quand il verra ses plus intimes des-
seins détournés ainsi de leur but.
» Mais vois, le vainqueur irrité a rappelé vers les portes du
ciel les ministres de sa vengeance. Cette grêle de soufre, que la
tempête dardait après nous, a passé (@ut entière en tourbillons.
Déjà s’apaisent ces vagues de feu qui nous accueillirent tombant
du précipice. Le tonnerre, porté sur les ailes de l'éclair rou-
geâtre, et de l'aveugle fureur, a peut-être épuisé tous ses carreaux:
il cesse de mugir à travers les profondeurs sans bornes. Ne lais-
sons point échapper l’occasion que le mépris de notre ennemi ou
sa fureur enfin rassasiée nous présente! Vois-tu cette plaine
funeste et sauvage, séjour de désolation, que n’éclaire aucune
lumière, sauf le reflet que ces flammes livides y jettent, horrible-
ment pâle et sinistre ? Dirigeons-nous vers ce rivage; quittons
les vagues de feu dont nous sommes les jouets: là nous goûterons
le repos, si quelque repos y habite. Rassemblant les Puissances
abattues, nous chercherons comment à l’avenir blesser le plus
profondément notre ennemi, comment réparer nos propres
pertes, comment surmonter de si cruelles infortunes ; quel se-
cours enfin tirer de l'espérance, ou quelle résolution du dé-
sespoir ? »
En parlant ainsi à l’ange étendu près de lui, Satan élevait la
tète au-dessus des flots; et ses yeux enflammés étincelaient à
leur surface : mais le reste de son corps, couché et flottant sur
les vagues, dans sa largeur et sa longueur aurait couvert plusieurs
( 6233 )
arpents, — masse pareille à celle des monstres que nomme la
Fable, des Titans, fils de la Terre, qui firent la guerre au maître
des Dieux, de Briarée ou de Typhon, que renferment aujourd’hui
les cavernes de l'antique Tarsus : tel encore le géant des eaux,
Léviathan , la plus énorme des créatures que Dieu a faites pour
nager dans les flots de l'Océan. — Souvent, racontent les nau-
tonniers, Léviathan s’est endormi sur les ondes houleuses qui
battent la Norwège ; le pilote de quelque frêle esquif, surpris
par le soir, prend le monstre pour une île, et, fixant l’ancre
dans son enveloppe rugueuse , il mouille le long de ses flanes à
l’abri des tempêtes, tandis que la nuit plane sur les eaux et sus-
pend le retour du matin desiré. — Telle Roi des Esprits infer-
naux s’étendait immense , enchainé sur le lac brûlant. Et jamais
il n’aurait pu se lever, jamais il n’aurait même redressé son
front , si la tolérance du Ciel tout-puissant ne l’avait laissé
libre d'accomplir ses noirs desseins. Tandis qu’il méditerait la
ruine d'autrui, ses crimes réitérés devaient accumuler la dam-
nation sur sa propre tête; il devait voir un jour, en frémissant
de rage, que toute son horrible malice ne fait qu’appeler sur
l'homme indulgence et pardon, sur lui-même au contraire con-
fusion et vengeance éternelle.
Tout-à-coup, il_ dresse sur le lac sa formidable stature; de
chaque côté, les flammes , repoussées en arrière , ont replié leurs
flèches aiguës, et roulent sur elles-mêmes comme des vagues
croulantes : une effroyable vallée reste béante au milieu. Alors,
les ailes déployées , il prend son essor vers les voûtes : l'air téné-
breux qui le supporte gémit sous un poids inaccoutumé. Il s’abat
enfin sur la terre ferme , si toutefois on peut appeler terre ce qui
n’est qu’un feu solide, de même que de liquides flammes forment
les ondes du lac. — Quand la violence des vents souterrains
arrache un roc , une colline entière , des flancs déchirés du Pélore
ou du sein tonnant de l'Etna, aussitôt les entrailles du mont,
( 624 )
réservoirs de soufre et de bitume , se soulèvent tout en feu : la
fureur de l'incendie se joint au torrent d'air mugissant; et
bientôt il ne reste plus qu'un cratère vide, charbonneux, tout
fumant d’une vapeur empestée. Tel apparaît le sol de ces bords :
tel le lieu de repos où s’arrête le pied du maudit.— Son com-
pagnon l’a suivi; et tous deux se glorifient de s'être échappés
des flots stygiens, comme des Dieux qu’ils sont, par la seule
vertu de leurs forces renaissantes : ils ne sentent point que le
pouvoir suprême a daigné le souffrir.
« Voilà donc la contrée, le sol et le climat, dit l’Archange
anathème, voilà donc la demeure qu’il nous faut accepter en
échange des cieux ; cette obscurité funèbre, au lieu de la divine
clarté! Qu'il en soit donc ainsi, puisqu’un seul et souverain
arbitre peut maintenant prescrire ce qui sera le droit : nous
serons bien partout où nous serons loin de cet être que la raison
rabaissait au niveau commun, et que la force seule a placé au-
dessus de tous ses égaux. — Adieu donc , champs heureux qu’à
jamais habite la joie! — Salut, séjour d'horreur! monde infernal,
salut! Et toi, profond abime, reçois ton nouveau maitre. Il
t'apporte une ame que le lieu ni le temps ne sauraient changer :
l'ame n’habite qu'en elle-même; et là, elle se fait de l'enfer un
ciel, ou du ciel un enfer. Eh! qu'importe en quels lieux, si je
suis toujours le mêne, toujours ce que je dois être , tout excepté
l'esclave de Celui que la foudre a rendu maître? — Ici du moins
nous serons libres : le Tout-Puissant n’a point bâti ces demeures
pour nous les envier, pour nous en chasser un jour.lei nous pou-
vons régner en paix ; un pareil sort me semble encore désirable :
plutôt régner aux enfers que de servir dans les cieux! — Mais
pourquoi laissons-nous ces fidèles amis, les associés de notre
infortune, encore immobiles d’épouvante, étendus sur le lac
d’oubli ? Que ne les appelons-nous pour partager cette triste
demeure ; ou plutôt pour tenter, en ralliant leurs armes, si nous
pouvons remonter au ciel , ou tomber plus bas dans l'enfer. »
( 625 })
Âinsi parla Satan. Beëlzebub lui répondit :
« Chef de ces brillantes armées que l'Omnipotent seul pou-
vait vaincre, oh! s'ils viennent à entendre cette voix > gage
puissant d'espérance au sein des alarmes, cette voix qui a si
souvent retenti dans les plus rudes extrémités, dans la crise
périlleuse de la bataille en furie , cette voix, signal infaillible au
milieu des assauts, aussitôt ils prendront un nouveau courage
et consentiront à revivre : — bien que maintenant on les voie
rampans, prosternés sur cet étang de flammes comme nous-
mêmes nous y étions tout à l'heure, étourdis et confondus. Et
comment ne pas l'être après cette chute épouvantable ! »
À peine avait-il cessé de parler, quand celui qu'il appelait
son prince s’avança vers le rivage, Son bouclier pesant, d’une
trempe éthérée, massif et large dans sa rondeur, était rejeté
sur ses épaules. La vaste circonférence égalait le disque de la
lune, quand, des hauteurs de Fésolé ou du sein du Valdarno ;
l'astronome toscan le contemple à travers le savant cristal,
pour découvrir de nouvelles régions, des fleuves , des montagnes,
sur sa surface bigarrée. Sa lance, — le pin le plus élevé qui
jamais fut abattu sur les monts de Norwège pour fournir un mât
à quelque grand navire amiral, paraîtrait à peine auprès d’elle
un faible roseau , — sa lance, il la tenait à la main pour sou-
tenir ses pas laborieux sur l'arène brûlante. — Oh! ce n’est
point de ce pas qu'il foulait naguèëres les voûtes azurées. — Et
de toutes parts l'atmosphère torride le frappait de ses rudes
atteintes : un mur de feu l’écrasait.
Rien ne l'arrête : et bientôt il paraît debout sur la grève
qui borde la mer enflammée. De là, il va réveiller ses légions.
Ces formes encore angéliques étaient gisantes dans l’effroi,
pressées comme les feuilles d'automne qui jonchent ces ruis-
seaux de Vallombreuse, sur lesquels les bosquets étruriens
40
( 626 )
s'arrondissent en arches de verdure. Tels encore surnagent
entassés les joncs et les roseaux , quand les vents déchainés par
le fougueux Orion ont battu les côtes de la Mer-Rouge; là où
Busiris s’engloutit avec la cavalerie de Memphis, quand leur
haine perfide poursuivait les hôtes de Goshen : — cependant Israël,
en sûreté sur le rivage, put contempler les cadavres et les roues
brisées des chars qui flotitaient sur les ondes. Ainsi les Esprits
réprouvés , encore tout étourdis sous le poids d’un revers épou-
vantable , couvraient au loin les flots du lac. Leur roi les appelle,
et sa forte voix fait retentir les profondes cavités de l’abyme.
« Princes, potentats, guerriers, orgueil de ce ciel qui fut
à vous, de ce ciel que vous ne reverrez jamais , si vous, Esprits
éternels, vous persistez dans cet engourdissemement funeste!
Quoi donc, est-ce là le lieu que votre valeur fatiguée choisit
pour se reposer des labeurs de la bataille ? Et dormez-vous ici
paisibles comme dans les vallons de l'Empyrée? Ou bien, cette
posture abjecte, l'auriez-vous prise en jurant d'adorer le vain
queur? Maintenant à la vérité, ce vainqueur s'arrête pour
contempler les Chérubins, les Séraphins, roulant pêle-mêle
dans ces flots avec les débris de leurs armes et de leurs éten-
dards : mais bientôt, des portes du Firmament , ses éclaireurs
rapides vont apercevoir l'avantage que nous leur offrons : ils
vont descendre et nous fouler aux pieds dans notre lâche abat-
tement; ou plutôt nous perçant des traits de la foudre, nous
enlaçant des chaînes de l'éclair, ils nous cloueront au fond
du gouffre ? Courage donc, levez-vous, ou restez perdus à
jamais ! »
Ils entendent ces mots, et sont saisis de honte ; et aussitôt ils
s'élancent en secouant leurs ailes. Tels des hommes qui doivent
veiller pour accomplir un devoir; si le maître qu’ils redoutent
vient à les surprendre plongés dans le sommeil, à sa voix, ils
s’élancent , ils s’agitent encore tout endormis. Sans doute, les
( 627 )
Esprits déchus aperçoivent l'horreur de leur destinée ; ils sentent
leurs cruelles douleurs : mais avant tout , obéissant à la voix de
leur chef, ils accourent innombrables. Dans les jours néfastes
de l'Égypte, la baguette puissante du fils d'Amram, ayant
tracé les cercles magiques dans l'air , évoqua toute une sombre
nuée de sauterelles qui, poussée par les vents de l'Est, vint
planer comme la nuit sur le royaume du Pharaon et noircir
tout le sol arrosé par le Nil. Non moins difficiles à compter,
les Anges maudits demeurent suspendus à l'aide de leurs ailes
sous la coupole des enfers, entre les feux du sol, de la voûte,
des parois, jusqu’au moment où la lance de leur chef se dresse
comme un signal et décrit un arc dans l’espace pour diriger
leur course. Alors, d’un mouvement unanime, leur vol s'abat
sur la plaine sulfureuse. Ils la couvrent tout entière, multi-
tude comparable à tous les flots de barbares que le Nord
populeux versa de ses flancs glacés, pour aller franchir le Rhin
et le Danube, abonder comme un déluge vers les terres du Sud
et s’étaler depuis Gibraltar jusqu'aux sables lybiens.
Aussitôt les chefs de chaque escadron et de chaque bande
accoururent vers le lieu où se tenait le commandant suprême :
figures encore divines, formes au-dessus de l’humanité, Domi-
nations , Puissances , qui tout à l'heure occupaient les trônes
des cieux. Maintenant les célestes registres ne conservaient plus
aucune trace de leurs noms, tous effacés, retranchés du livre
de vie par leur rébellion ! Cependant ils n’avaient point encore
acquis leurs nouveaux titres parmi les enfans d'Êve. Plus tard,
errants sur la terre, {olérés par la haute sagesse de Dieu qui
veut éprouver l’homme, on les vit corrompre par la fraude et
le mensonge une immense portion de l’humanité : ils amenèrent
les mortels à oublier Dieu , leur Créateur, et sa gloire invisible,
pour transporter leur culte à l’image d’une brute qu’ils entou-
raient de rites joyeux et de pompes dorées, pour déilier enfin
( 628 )
les Démons. C’est alors que les mauvais Anges furent désignés
parmi les hommes sous des noms différents et sous les emblèmes
vatiés de ces idoles qui peuplèrent le monde païen.
Daigne donc, à Muse, te servir de ces dénominations main-
tenant connues. Parmi tous ces esprits que l’appel du monarque
a tirés de leur sommeil sur la couche de feu, dis-moi dans
quel ordre les plus distingués vinrent successivement le trouver,
sur le rivage aride; tandis qu’au loin le vulgaire formait une
masse confuse.
Les principaux chefs étaient ceux qui, long-temps après
sortis du fond de l’abîme pour chercher leur proie sur la terre,
osèrent élever leurs trônes en face du trône de Dieu, leurs
autels près de son autel. Ce furent les Dieux adorés parmi les
Cananéens. Ils tinrent tête à Jehova, qui, assis entre les deux
Chérubins , tonnait des hauteurs de Sion. Souvent même, on
les vit placer jusques dans le sanctuaire l’abomnination de leurs
images ; les choses maudites profanèrent les rites sacrés et les
fêtes solennelles : leurs ténèbres vinrent offasquer la lumière du
Seigneur.
Le premier est Moloch, horrible monarque : sa statue voit
couler devant elle le sang des victimes humaines et les larmes
maternelles ; et le bruit des timbales retentissantes étoufle
les cris des enfans qu’on expose à la flamme, aux pieds
de l’idole difforme. L'Ammonite l’adora dans les plaines de
Rabba la cité des eaux, dans Argob et Basan, et jusques
vers les sources d'Arnon. Non content de profaner les lieux
saints par son insolent vosinage, il séduisit le cœur du plus
sage des rois : Salomon lui éleva un temple sur la colline
infâme, en face du temple du vrai Dieu. Moloch s’empara éga-
lement des bocages riants de la vallée d'Hinnon, qui depuis fut
appellée le Tophet et la noire Gehenna, type de l'Enfer |
( 629)
Après lui vient Chémos. Son idole obscène est l’effroi des
enfans de Moab, depuis Aroar et Nebo jusqu'aux solitudes
méridionales d'Abarim ; dans Hésebon et dans Horonaïim, tom-
bés sous l’empire de l'amorrhéen Sehon ; au-delà des vallons
fleuris de Sibma, que couronne une enceinte de pampres, et
depuis Éléalé jusqu’au lac Asphaltique. Péor était son nom,
quand, vers les champs de Sittim , Israël échappé des bords du
Nil célébra ses rites impurs, crime payé par bien des larmes!
Depuis lors, il étendit ses lascives orgies jusques sur la mon-
tagne de scandale qui dominait les bocages de l’homicide
Moloch : le meurtre et la luxure se donnèrent la main; jusqu’au
jour où le pieux Josias renversa les deux monstres et les replon-
gea dans l'enfer.
Alors s'avancent mille Génies divers : depuis les flots de
l'antique Euphrate jusqu'au fleuve qui sépare l'Égypte de la
Syrie, ils furent appelés des noms génériques de Baal comme
Dieux, d’Astaroth comme Déesses ; car des Esprits immatériels
peuvent quand il leur plaît revêtir l’un ou l'autre des deux
sexes ou tous deux à Ja fois : tant leur pure essence est ductile
et sans parties déterminées! Ils ne sont point, comme nos
lourdes et charnelles enveloppes, formés par l'assemblage et
l’agencement d’articulations et de membres, moulés sur la fra-
gile charpente des os. Maïs ils choisissent à volonté la forme qui
leur convient : ils la dilatent ou la condensent , l’obscurcissent
ou l’illuminent, pour accomplir leurs magiques desseins , leurs
œuvres de haine ou d'amour. Pour eux, Israël oubliant la seule
Force vivante, laissa infréquenté son autel légitime et vint
lâchement courber la tête aux pieds de la brute déifiée : c'est
pourquoi Israël courba aussi la tête au milieu des batailles et
fléchit devant la lance des plus vils ennemis. — Avec ces Esprits
marche Astoreth, que la Phénicie appelait Astarté, reine du
ciel, couronnée de cornes naissantes : la nuit, sous les rayons
( 630 )
dé la’ lune, les filles de Sidon venaient offrir leurs vœux et
leurs chants à la planète brillante ; image de cette divinité. Elle
fut même célébrée dans Sion : son temple s’éleva sur le mont
d’iniquité, grace à ce roi au cœur magnanime, mais trop faible
auprès des femmes, qui, séduit par de belles idolâtres, s’avilit
dans les impiétés de leur culte.
Thammus paraît ensuite. C'est lui dont les blessures annuel-
lement rouvertes appelaient dans le Liban les filles de la Syrie :
là elles déploraient son sort, répétant leurs molles élégies,
durant tout un jour d'été; tandis que les flots paisibles de
l’Adonis sortaient du rocher natal et couraient jusqu’à la mer,
teints de la couleur purpurine du sang que Thammus, disait-
on, y versait chaque année. L’amoureuse complainte répandit
parmi les filles de Sion l’ardeur contagieuse de ces regrets.
Ézéchiel fut témoin de leurs lamentations impudiques , quand,
ravi par la vision sous le portique sacré, il y vit le tableau des
idolâtries et des profanations de Juda.
Voilà maintenant celui qui eut à répandre des pleurs véri-
tables, quand l’arche captive précipita sa grossière image, toute
mutilée, la tête et les mains séparées du tronc, sur le pavé
de son propre temple. Ses adorateurs l'y trouvèrent hon-
teusement couché; et ils rougirent de leur Dieu. Il s’appe-
lait Dagon : son buste était d'un homme, le reste d’un poisson
hideux. Et sous cette forme d'un monstre des mers, Azot lui
éleva un temple immense ; il fut redouté le long des côtes de
Palestine , dans Ascalon , dans Gath, vers les plaines d’Accaron
et sur les frontières de Gaza.
Rimmon, qui le suit, eut le délicieux séjour de la superbe
Damas, les bords fertiles de l’Abbana, du Pharphar, aux eaux
toujours limpides. Et lui aussi leva sa tête hardie contre la
maison du Seigneur. Renié par le lépreux Naaman , il conquit
( 631 )
les hommages d'un roi : Achaz, stupide conquérant de la Syrie,
remplaça l'autel avili du Seigneur par un autel syrien, pour
y brûler ses offrandes impies et adorer les Dieux qu'il avait
vaincus.
Alors vient une foule de mauvais Anges qui, sous les noms
long-temps célèbres d'Isis, d’Osiris, d'Orus et des Dieux subal-
ternes, revêtant des formes monstrueuses , déployant de faux
prodiges , trompèrent la fanatique Égypte et ses prêtres eux-
mêmes. Au lieu de les chercher sous la figure humaine, le
peuple du Nil crut trouver ses Dieux errants sous la forme
abjecte des brutes. Israël même ne put échapper à la contagion
de l'Égypte : avec le métal emprunté, il fondit le veau d'or
dans Oreb. Jéroboam rebelle commit deux fois le même crime
à Béthel et à Dan : il osa comparer un vil bœuf engraissé dans
les pâturages, à Jehovah, son divin créateur, à celui qui, dans
une seule nuit, en traversant l'Égypte, frappa du même coup
les premiers nés des hommes et tous leurs Dieux mugissants.
Le dernier est Bélial, de tous les esprits tombés des cieux le
plus abandonné, le plus enclin à aimer le vice grossier pour le
vice lui-même. Aucun temple ne fut élevé en son honneur :
nul autel ne fuma pour lui. Et pourtant quelle Divinité vit-on
plus souvent dans les temples et près des autels, quand le
prêtre se fait athée, comme les fils d’Héli qui remplirent de
fraude et de luxure la maison du Seigneur? Ii règne aussi
dans les cours, dans les palais, dans les cités adultères d’où
s’élèvent, jusqu'au sommet des tours, le tumulte des rixes , et
l'injure et l'outrage; et quand descend la nuit, les fils de
Bélial vont errant par les rues obscures, regorgeant d’insolence
et de vin : témoin les rues de Sodome, et cette nuit fatale de
la cité Benjamite , quand, pour éviter un plus infâme attentat,
la porte hospitalière livra la pudeur d’une femme!
Ceux que j'ai nommés et qui parurent les premiers étaient
( 632 )
les premiers en pouvoir. Bien d’autres vinrent encore qui ne
sont pas sans renom ; mais la muse se fatiguerait à les compter.
C’étaient les Dieux de l’Ionie : la race de Javan les célébrait
comme fils du Ciel et de la Terre : aveugle, elle adorait des
Divinités plus jeunes que la création! Titan, le premier né du
Ciel, avec son innombrable lignée, dépouillé de ses droits
d’aînesse par son frère Saturne ; Saturne renversé à son tour
par le fils qu'il avait eu de Rhéa, le puissant Jupiter ; toute
une race de Dieux menteurs, apparaissant d’abord dans la Crète
et sur l'Ida, de là s’élancant sur les hauteurs neigeuses de
l'Olympe glacé pour gouverner les moyennes régions de l'air,
le ciel le plus élevé qu'ils connussent; ou bien régnant à
Dodone, sur les collines Delphiques, dans les diverses parties
de la Doride; ou bien encore fugitifs avec le vieux Saturne,
traversant l’Adriatique, abordant les champs de l’Hespérie,
parcourant la Celtique entière et promenant leurs erreurs vaga-
bondes jusques dans les iles qui touchent au pôle.
Tous ces Dieux et bien d'autres encore arrivèrent par trou-
peaux. Leurs regards mornes étaient baissés vers la terre; et
cependant on y voyait briller intérieurement un obscur reflet
de joïe : car ils trouvaient leur chef inaccessible au désespoir ;
car ils se trouvaient eux-mêmes survivant à leur ruine. Un
moment leur aspect jeta également sur toute la contenance du
monarque quelque chose d'indécis; mais bientôt, rappelant son
orgueil accoutumé, à l’aide de mots sonores, qui portaient un
air de grandeur, maïs vides et sans substance, il sut relever
adroitement leur courage ébranlé et dissiper leurs craintes. Puis
il commande qu’au son guerrier des trompettes et des clairons,
on élève son puissant étendard. Azazel, chérubin d’une haute
stature, réclame comme son droit ce privilège glorieux. II
développe la bannière impériale roulée sur la pique étincelante
et la dresse dans les airs, où elle brille comme un météore : le
( 633 )
vent qui l’agite y fait resplendir les armes et les trophées des
Séraphins richement blasonnés d’or et de pierreries. Cependant
le métal sonore fait retentir son souflle martial. À ce signal, toute
l’armée pousse une longue clameur , qui, perçant les voùtes de
l'Enfer , va épouvanter l'empire du Chaos et de la Nuit antique.
En un instant, on voit à travers les ténèbres des milliers de
drapeaux déployer dans les airs les couleurs dont se revêt
l’Orient. Une épaisse forêt de dards s’est dressée; on aperçoit
des casques qui se pressent, des boucliers serrés en rangs épais
d’une profondeur immense. Enfin l’armée, formant une pha-
lange parfaite, s’ébranle en cadence au doux accord des flûtes
doriennes.
Jadis de pareils chants élevaient jusqu'au plus noble dévoue-
ment l’ame des héros qui s’armaient pour la bataille. Ces accords
n'inspiraient point une aveugle furie , mais une valeur délibérée,
constante et que la crainte de la mort ne pouvait pousser à la
faite. L'Harmonie aux touches solennelles apprivoisait les pen-
sées farouches ; par elle, les angoisses et le doute et la crainte
étaient bannis du sein des mortels, du sein même des êtres qui
ne sauraient mourir. — Ainsi les guerriers de l'Enfer, animés
comme d’une seule vie et d’une pensée fixe, marchaient en
silence au doux son des hautbois, qui charmaient leurs pas
douloureux sur le sol brûlant. Arrivés à distance, ils s'arrêtent
et présentent un front d’une effroyable longueur, hérissé
d’armes étincelantes : tels on nous peint les guerriers du vieil
âge alignant leurs piques et leurs boucliers. Ils attendent ainsi
les ordres de leur chef redoutable,
L'Archange darde son œil pénétrant le long de toutes les files
guerrières : il promène son regard expérimenté à travers tous
les rangs du bataillon immense. Tout est dans l’ordre conve-
nable : chaque soldat a le visage et la stature d’un Dieu. Enfin,
( 634 )
il résume l’ensemble de ses forces. Son cœur se gonfle d’orgueil
et se glorifie dans sa puissance. Car jamais depuis la création de
l’homme, il ne s’est réuni une armée qui, en face de celle-ci,
n'eût semblé un de ces bataillons nains dignes rivaux des esca-
drons des grues : non, quand même vous joindriez à la race
innombrable des géants de Phlégra tous ces héros qui combat-
tirent sous les murs de Thèbes et d'Ilium, ayant des deux parts
les Dieux pour auxiliaires ; quand vous ajouteriez tous les noms
qui retentissent dans la fable ou les romanesques légendes,
Arthus , le fils d'Uther , entouré des chevaliers de l’Armorique
et de la Bretagne, et tous ceux qui depuis, chrétiens ou infi-
dèles, joutèrent dans les tournois d'Aspremont ou de Montalban,
dans les lices de Damas, de Maroc ou de Trébizonde; et tous ces
guerriers enfin que Diserte envoya du rivage d’Afrique aux
bords de l’Ibérie quand Fontarabie vit tomber Charlemagne
avec ses paladins.
Ces guerriers, si supérieurs à toute vaillance humaine, atten-
daient , dociles , les ordres du chef redouté. Et lui, se distin-
guant au-dessus de tous les siens par ses formes et son attitude,
il était là, debout comme une tour. Son aspect n'avait point
encore perdu toute sa native splendeur : Archange déchu, mais
toujours Archange; gloire éclipsée, mais gloire sans égale!
Tel le soleil, à travers l'horizon brumeux, se lève dépouillé de
ses rayons; tel encore, éclipsé derrière le disque de la lune, il
ne projette sur la moitié du globe qu’un jour sinistre et douteux,
qui prophétise la chute des trônes aux monarques épouvantés :
tel l’Archange obscurci brille encore au-dessus de tous les siens.
Cependant le tonnerre a labouré sa face de cicatrices profondes ;
sur son visage abattu les soucis ont établi leur demeure : mais
son front est le siège du courage indomptable et de l’orgueil
déterminé à venger sa défaite. Dans son regard farouche, on
apercoit des signes de remords, de pitié, quand il s'arrête sur
( 635 )
les complices ou plutôt les imitateurs de son crime, eux que
jadis il voyait si heureux , condamnés maintenant à un supplice
éternel : ces milliers d'Esprits que sa faute a dépouillés de l'hé-
ritage des cieux, que sa révolte a précipités des immortelles
splendeurs, comme ils restent fidèles, même après que leur
gloire est à jamais flétrie! Ainsi, quand le feu du ciel a frappé
le chène des forêts ou le pin des montagnes, leur front
aduste , leur tronc inébranlé quoique nu, s'élèvent encore sur
la colline noircie.
Il va parler. Au signal bien connu, le front de l’armée
double ses rangs et replie ses deux ailes de manière à l’enve-
lopper à demi, lui et sa brillante escorte. L’attention commande
le silence. Trois fois il essaie de commencer, trois fois, en
dépit de son orgueil, des larmes, telles que les Anges en peu-
vent verser, des larmes étouffent sa voix : enfin ses paroles,
entrecoupées de soupirs, se sont ouvert un passage :
« Esprits immortels, rien ne pouvait lutter contre vous, si
ce n'est le Tout-Puissant : et cette lutte même n’a pas été sans
gloire, quelque funeste issue de nos efforts que nous atteste cet
horrible séjour et l’affreux changement que nous avons subi.
Quelle intelligence divinatrice, formée par une étude profonde
du présent et du passé, aurait pu redouter une défaite pour les
forces liguées de tant de Dieux? Et même après ce premier
échec, qui pourrait croire encore que tant de légions formi-
dables , dont l'exil a dépeuplé les cieux, ne se releveront point
par leur propre vertu , ne ressaisiront point leur séjour natal?
Si toutes nos espérances semblent ruinées, je vous en atteste,
à milice des Cieux! on ne peut m'accuser d'aucune hésitation
dans mes desseins, d'aucune faiblesse en face du danger. Une
autre cause nous a perdus : Celui qui règne en monarque dans
les Cieux affectait une pleine sécurité sur ce trône où il ne sem-
blait soutenu que par son antique renom , par l'indifférence ou
( 636 )
l'habitude : il déployait toute sa royale splendeur, mais il
cachait sa force réelle. C’est là ce qui provoqua notre attaque,
hélas ! et notre chute. Désormais , nous connaissons sa puissance
et la nôtre. Nous ne recommencerons point la guerre : nous ne
la craindrons pas. Cachons notre plan; confions à la fraude et
à la ruse ce que la violence n’a pu accomplir. Il recevra aussi
de nous cette lecon, qu’en réduisant un ennemi par la force,
on ne le réduit qu’à demi. — De nouveaux mondes peuvént se
produire dans l'espace : un bruit s’est accrédité parmi les Cieux
que dès long-temps notre ennemi songe à créer, à placer dans
une de ces demeures, une race que son amour doit favoriser
à l’égal des enfans de l’'Empyrée. De ce côté peut-être se
dirigera notre première sortie, eût-elle pour but unique de
sonder le terrain. Du reste, nous irons là, ou partout ailleurs:
car ce gouffre infernal ne pourra garder en servitude de célestes
Esprits; et l’abime ne les ensevelira pas long-temps sous ses
ténèbres. Mais de pareilles pensées doivent être mûrement médi-
tées. Nul ne songe à la paix, à la soumission. Comment pro-
cédera la guerre, ouverte où cachée, c'est ce que décidera le
conseil. Mais guerre, dans tous les cas ! j'en appelle à la
guerre! »
Il dit ; et pour appuyer ses paroles, mille glaives flamboyans
étincèlent, glaives que les puissans Chérubins portaient attachés
sur leur cuisse : leur éclat soudain illumine l'Enfer. Tous
exhalent leur rage contre le Très-Haut : du fer qu'ils ont saisi
frappant leurs boucliers sonores, ils font retentir un tocsin de
guerre, et les hurlemens de défi montent jusqu'aux voûtes des
Cieux.
Non loin, s'élevait une colline dont le sommet ;'hideux à voir,
vomissait par intervalles des flammes et des bouffées de fumée ;
ses flancs étaient couverts d’une lèpre écailleuse et lustrée, et ce
signe infaillible trahissait les veines métalliques que le souffre
(637)
élaborait dans son sein. Une troupe nombreuse s’y dirige ra-
pide, pareille aux bandes de pionniers qui, armés de la bêche
et de la pioche, s'empressent sur le front d’une armée royale pour
ouvrir une tranchée ou élever un rempart. Mammon les conduit,
Mammon le plus rampant de tous les Esprits déchus; car, même
dans les demeures saintes, ses regards et sa pensée étaient tou-
jours dirigés vers le sol: il admirait les richesses du parvis céleste
où les pieds foulaient l'or, tandis que, s’élevant aux visions béa-
tifiques, il aurait pu contempler face à face l'Essence même du
divin et du beau. Ce fut lui qui poussa les hommes à déchirer le
sein maternel de la terre, à y porter une main impie pour en
arracher des trésors. — Oh!que n’ont-ils pu tous y rester cachés
à jamais!
Bientôt, par l'immense blessure que les ouvriers de Mammon
ont ouverte dans ses entrailles, la colline vomit, comme ses osse-
inens, des masses énormes d’or. Que l'on ne s’étonne point de
voir tant de richesses produites par l'Enfer : un pareil sol
méritait de recéler ce précieux poison! Et vous qui vous glorifiez
dans des œuvres mortelles, vous qui admirez Babel et les travaux
des roïs de Memphis, apprenez combien les plus superbes monu-
ments de la gloire, combien la puissance et les arts des humains
sont facilement surpassés par les Esprits réprouvés; voyez comme
ils effacent en une heure ce qu'ont enfanté des milliers de bras et
des siècles de travail. Dans la plaine voisine, de nombreux creu-
sets sont disposés sur des ruisseaux de feu liquide que l'on a
dérivés du lac. Une seconde troupe y fond avec un art merveil-
leux le minerai massif: elle sépare chaque espèce de métal et
enlève les scories impures de la fonte. Cependant une troisième
bande de travailleurs a creusé dans le sol des moules de formes
variées. Par un habile artifice, le métal bouillant dans les creusets
vient remplir les cavités souterraines : ainsi, dans l'orgue de nos
temples, un seul souflle est donné; et le réservoir commun
inspire à plusieurs rangs de tuyaux l’haleine harmonieuse,
( 638 )
Et voilà qu'au bruit d’une douce symphonie et des accords
des voix, un immense édifice s'élève de la terre, comme une
exhalaison, C'est un temple, entouré de pilastres et de colonnes
doriques , que surmonte une architrave d'or : il a ses frises, ses
corniches ornées de sculptures : le toit est d'or ciselé. Non, dans
ces temps antiques où l'Égypte et l’Assyrie luttaient de luxe et
de richesse, ni Babylone, ni les cités du Nil, dans tout l'éclat
de leur gloire, n’ont égalé une pareille magnificence, soit pour
les temples de leurs Dieux Bélus on Sérapis, soit pour les palais
de leur rois.
L'édifice, qui s'élève en pyramide, s'arrête à une majestueuse
hauteur : et les portes, ouvrant leurs battants de bronze, laissent
voir dans l’intérieur l’espace des salles immenses et leur pavé
riche et poli. Du haut des voûtes, descendent par magie de
longues rangées de lampes étincelantes comme des étoiles, et des
lustres tout en feu, qui, alimentés par la naphte et l’asphalte,
répandent un éclat pareil à l'éclat du Firmament.
La multitude s’empresse, entre et admire. Les uns vantent
l'ouvrage , les autres l'architecte. Son art s'était déjà fait con-
naître dans le ciel par maint édifice couronné de dômes altiers,
résidences des Anges au sceptre d’or, de ces princes de l’Ether,
que le monarque suprême a commis pour gouverner, dans la sainte
hiérarchie, les cercles brillans des Esprits inférieurs. La Grèee
antique connut et adora son nom : la terre ausonienne l’appela
Mulciber, La fable raconte comment il tomba des Cieux, quand
Jupiter en courroux le lança par-dessus leurs créneaux de cristal.
Sa chute dura du matin au midi, du midi jusqu’à la nuit humide :
tout un long jour d'été. Vers le coucher du soleil, on le vit
descendre du Zénith comme une étoile qui se détache des Cieux
et s'arrêter dans l’île de Lemnos, que baigne la mer Égée. —
Frivoles récits de l'erreur ! — Long-temps auparavant, il était
tombé avec sa troupe rebelle. En vain il avait bâti des tours et
( 639 )
des voûtes hardies dans les cieux ; en vain il savait construire de
puissantes et ingénieuses machines: rien ne l’empècha de descen-
dre, la tête en avant, avec les industrieux compagnons de ses
travaux, pour bâtir désormais dans l'Enfer.
Cependant , par l'ordre du monarque, des héraults, portés
sur leur ailes rapides, parcourent tout le camp et proclament,
avec un appareil redoutable et au son des trompettes, qu'un
conseil général doit se tenir sur l'heure dans le Pandémonium :
tel est le nom que l'on donne à la royale résidence de Satan et
de ses pairs. L'ordre appelle, pour représenter chaque légion,
celui que désigne son rang ou un choix spécial. Bientôt ces
députés arrivent en foule , accompagnés chacun d’une escorte
qui marche par centaines, par milliers de soldats. [ls encom-
brent les abords de l'édifice ; ils occupent les portes et le vesti-
bule. Surtout la salle principale ( quoi qu’elle égale en étendue
un de ces champs clos où les hardis paladins se présentaient en
armes au pied du trône du Soudan pour défier l'élite de la
chevalerie de Panim, soit au combat mortel, soit seulement à
la course et à la lance ), cette salle immense est remplie d'une
multitude agglomérée en essaim, qui, à la fois, couvre le pavé
et remplit l’espace : on entend bruire l’air froissé par les batte-
mens d'ailes. Ainsi les abeilles, aux jours du printemps, quand
le soleil se lève avec le Taureau, donnent l'essor à leur popu-
leuse jeunesse qui se suspend en grappes à l’entour de la ruche,
pour elles, volant cà et là parmi la rosée et les fleurs nouvelles :
elles se posent parfois sur le seuil poli et récemment parfumé,
faubourg de leur cité de chaume; là, elles se promènent pai-
sibles en conférant des affaires de l’état. Ainsi la troupe aérienne
fourmillait de plus en plus entassée. — Mais, un signal est
donné , et soudain, à prodige! —
Ces êtres qui tantôt semblaient surpasser en hauteur les géants
fils de la terre, maintenant ils se rangent nombreux dans un
(640)
étroit espace, plus petits que les plus humbles nains, pareils à la
race des Pygmées qui habite au-delà des montagnes de l'Inde.
Tels encore ces Lutins , peuple de féerie, quand, vers l'heure de
minuit, le pasteur attardé les voit ou croit les voir célébrer
leurs joyeuses veillées, à l’orée d’un bois ou sur les mousses de
la fontaine; tandis qu'assise dans les Cieux, la Lune semble
assister à la fête, et roule plus près de la terre son char aux pâles
coursiers : tout occupés de leurs ébats et de leurs danses, les
Sylphes charment par de douces mélodies l'oreille attentive de
l’auditeur rustique , et son cœur tressaille à la fois de crainte et
de plaisir.
Les Esprits réprouvés ont ainsi réduit aux formes les plus
ténues leurs membres gigantesques; quoique toujours innom-
brables , ils se trouvent au large dans l’enceinte de la cour
infernale, Mais, conservant leur taille imposante, toujours et
partout les mêmes , les puissances Séraphiques, les fiers Chéru-
bins, se retirent, vers la partie la plus reculée de l'édifice, dans
un lieu interdit au vulgaire pour y former un conclave secret.
Là, mille demi-Dieux siègent sur leurs trônes d’or : le sénat est
nombreux et au complet. Le silence règne un moment : puis,
on lit les formules solennelles ; et le conseil commence.
PROGRAMME
Des Prix proposés en faveur de l’économie rurale, pour être
décernés au mois de juillet 1835.
La Société, dans sa séance publique qui aura lieu le 29 juillet
1835, décernera les prix suivans :
Houblon.
1.” Une médaille d'or de la valeur de 300 francs, à l’auteur
de la meilleure instruction pratique et détaillée sur la culture
du houblon dans le nord de la France et l’ouest de la Belgique.
2.° Une médaille d'argent ou des instrumens aratoires de La
valeur de 150 francs, au propriétaire de la houblonnière la mieux
cultivée, d’une étendue de 50 ares au moins, et qui, en 1834,
‘aura fourni les meilleurs et les plus abondans produits.
3.° Une médaille ou des instrumens aratoires de la valeur de
100 francs, au cultivateur possédant la plus belle houblonnière
après la précédente.
4° Une médaille de la valeur de 150 francs, au propriétaire
d’une houblonnière qui l’aura augmentée d’au moins 40 ares
pendant le courant de l’année 1834.
5.° Une médaille de 100 francs, au propriétaire d’une hou-
blonnière qui l’aura augmentée d’au moins 20 ares pendant le
courant de l'année 1834,
6.° Dix primes de 50 francs seront données aux agriculteurs
4x
(G4a )
qui, ne s'étant pas encore livrés à la culture du houblon, en
planteront 10 ares pendant le courant de l’année 1834.
Les houblonnières plantées exclusivement en houblon à tiges
blanches seront seules admises au concours.
EL,
Expériences agronomiques.
Une médaille de la valeur de 100 francs, à l’auteur des meil-
leures expériences comparatives sur l’action fertilisante du plâtre,
de la chaux, des cendres et de la suie, appliqués comme amen-
demens sur les prairies artificielles de luzerne, de sainfoin et
de trèfle.
La Société désire que le plâtre (*), la chaux, les cendres, etc.,
soient employés dans les expériences, sur des surfaces égales de
chacune des prairies artificielles citées ; qu'une même étendue
de prairie soit cultivée sans engrais, pour servir de terme de
comparaison ; que le poids de toutes les coupes fourragères re-
cueillies sur ces surfaces diversement amendces, soit noté avec
exactitude, et que les concurrens en déduisent le mérite res-
pectif des amendemens, sous les deux rapports principaux de
l'intensité d'action et de l’économie.
III.
Instrumens aratotres.
1.2 Une médaille de la valeur de 100 francs, à celui qui aura
inventé ou importé dans l’arrondissement de Lille un instrument
(*) Le plâtre doit être semé sur les prairies artificielles lorsque les tiges ont
déjà quelques pouces d’élévation; on doit choisir un temps humide. La pro-
portion employée est de deux à quatre hectolitres par hectare.
(643 )
aratoire propre aux grandes cultures, et dont l'introduction
dans l’arrondissement paraîtra la plus avantageuse.
Si on ne présente pas au concours un instrument nouvellement
inventé ou importé, la médaille sera accordée à celui qui aura
perfectionné l’un des instrumens aratoires déjà en usage dans
l’arrondissement.
2.° Une médaille de la valeur de 50 francs, à celui qui in:
ventera ou importera un instrument propre à déplanter les
perches des houblonnières.
Les concurrens seront tenus de déposer leurs machines ou
instrumens dans l’une des salles des séances de la Société, avant
le 1.er juillet 1835.
La Société décernera en 1835 une médaille d'or de la valeur
de 300 francs, à celui qui établira dans une exploitation rurale
de l’arrondissement de Lille un manège ou tout autre moteur
destiné à faire fonctionner un bat-beurre, un hache-paille , un
coupe-légumes, un moulin à écraser les tourteaux , une machine
à vanner, une machine à élever l’eau, et, si cela est possible,
une meule à broyer les graines.
Une prime de 500 francs est offerte pour l'établissement d'un
système d'irrigation ou de dessèchement par un agent mécanique
quelconque.
LV
Bergers, — Garcons de charrue.
1.° Une houlette d'argent de la valeur de 50 francs, à celui
des bergers de l’arrondissement de Lille qui présentera un cer-
tificat constatant x
1.0 Qu'il demeure depuis cinq ans au moins chez le pro-
priétaire du troupeau;
2.0 Que sa conduite est irréprochable ;
3.0 Qu'il n’a jamais commis de délits ruraus ;
(644)
Le certificat énonccra le nombre des brebis qui composent le
troupeau et celui des agneaux mis bas pendant l’année. À mérite
égal, la Société donnera la préférence au berger qui aura con-
servé le plus d’agneaux proportionnellement au nombre des
brebis confées à ses soins.
2.0 Une gerbe d'argent de la valeur de 5o francs, au maître-
valet de l'arrondissement de Lille qui présentera un certificat
constatant ,
1.0 Qu'il demeure depuis cinq ans au moins chez le
même fermier ;
2.0 Qu'il est de bonnes vie et mœurs, d'une conduite et
d'une probité irréprochables ;
3.0 Qu'il soigne bien les chevaux et économise les four-
rages ;
4.0 Qu'il trace bien un sillon et se fait remarquer par
son habileté à exécuter les différens travaux dont
il est chargé.
Les concurrens enverront, avant le 1.er mai 1835, au secré-
taire de la commission d'agriculture, les certilicats signés par
trois des principaux cultivateurs de la commune, et visés par le
maire.
Les maîtres-valets seront réunis dans le courant du mois de
mai pour tracer les sillons avec les diverses charrues qui leur
seront présentées. Une commission nommée par la société pré-
sidera ce concours.
V.
Taureaux. — Génisses.
1.0 Un prix de la valeur de 300 francs, au cultivateur qui
aura introduit ou élevé dans l’arrondissement le plus beau tau-
reau de race hollandaise, de race flamande, ou métis de ces
deux races.
(645)
2.0: Des primes seront accordées aux cultivateurs qui feront
saillir leurs vaches ou génisses par les taureaux qui ont obtenu
les prix au concours de 1834 (*). Les primes seront de 3 francs
pour chacune des trente premières vaches ou génisses habitant
au-delà d’une demi-lieue de la résidence du taureau; elles seront
payées par le trésorier de la Société, sur le certificat du pro-
priétaire du taureau et le visa du secrétaire de la commission
d'agriculture.
3. Un prix de la valeur de 150 francs, au cultivateur qui
aura élevé la plus belle génisse de race hollandaise pure , ou de
race croisée holiandaise-flamande.
4.0 Un prix de la valeur de 100 francs, au cultivateur qui
aura élevé la plus belle génisse après la précédente.
Les taureaux devront être âgés d’un à deux ans, et être des-
tinés à faire, pendant un an, le service de la monte. Les prix
seront mis en dépôt jusqu’à l’accomplissement de cette dernière
condition.
L'âge exigé pour les génisses est d'un à deux ans. La Société
désire qu’on les destine à la reproduction, et qu’elles ne soient
saillies qu'après l’âge de trois ans accomplis.
Des certificats en due forme devront constater que les élèves
sont nés chez le cultivateur qui les présente au concours.
VI.
Béliers.
1.° Une médaille d'argent de la valeur de 100 francs, au
propriétaire du troupeau faisant des élèves , qui introduira dans
l'arrondissement le plus beau bélier à longue laine, de pure race
anglaise, destiné, par le croisement , à améliorer la race ovine
indigène.
(*) Le taureau de M. Auguste Leclereq, brasseur, à Hem, a eule 1.7 prix.
(646 )
Les lauréats de l’année précédente ne pourront obtenir qu'une
mention honorable ; ils sont mis hors de concours pour un an.
2.0 Une médaille d'argent de la valeur de 75 francs , au pro-
priétaire qui, remplissant les conditions précitées, introduira
dans l'arrondissement , et pour le même usage, le plus beau
bélier à laine longue , de pure race hollandaise.
3.0 Des primes seront accordées aux propriétaires des trou-
peaux qui feront saillir leurs brebis par les béliers qui ont obtenu
des prix au concours de 1832 (*). Les primes seront d’un franc
pour chacune des quarante premières brebis habitant au-delà
d'une demi-lieue de la résidence du bélier. Chaque propriétaire
n'aura droit qu’à cinq primes.
Époque des vérifications des sujets de prix admis au
concours.
1.0 Pour les bêtes bovines et à laine, le jour, l'heure et le
lieu qui seront indiqués par le président de la Société.
2.0 Pour les houblonnières, dans la dernière quinzaine du
mois d'août , à l’époque de la récolte du houblon.
3.0 Pour les expériences comparatives sur les amendemens,
dans la dernière quinzaine de juillet.
CONDITIONS GÉNÉRALES.
Il ne sera admis au concours que les cultivateurs domiciliés
dans l’arrondissement de Lille.
Les personnes qui désirent concourir devront faire connaître
leur intention avant le 1.er mai 1835, par une lettre d’avis au
secrétaire de la commission d’agriculture.
{*) Le premier prix a été accordé à M. Alexis Lefehvre, de Lezennes, pour
avoir présenté un très-beau bélier de race hollandaise.
(647)
Des commissaires délégués par la Société seront appelés à
constater, en se transportant sur les lieux, l'état des cultures
admises au concours , et désigneront les bêtes bovines et ovines
qui mériteront les pris.
La Société se réserve le droit de donner, pour la valeur des
primes méritées, les instrumens aratoires dont elle veut propager
l'usage.
Le président de la Société,
Desmazieres,
Le secrétaire de la commission d'agriculture ,
À. Havrnive , D. M. P.
(648)
SÉANCE PUBLIQUE DU 28 JUILLET 1834.
Le 28 juillet 1834, la Société royale des sciences, de l’agri-
culture et des arts de Lille, réunie extraordinairement à la Société
d'horticulture du département du Nord, a procédé à la distri-
bution des prix accordés par ces deux Sociétés. M. Méchin, préfet
du Nord, M. le général Corbineau , commandant la 16.e division
militaire, M. le général de Rigny, commandant le département,
M. le maire de Lille, et un grand nombre de fonctionnaires
civils et militaires assistaient à cette solennité
M. le préfet ouvre la séance en prononçant le discours suivant :
« Messieurs ,
» Nous venons de jeter des fleurs sur la tombe de nos frères
morts pour la défense des lois, et les fêtes, suspendues pour
l’accomplissement de ce devoir pieux, reprennent leur cours.
Hier, nous avons contemplé avec un légitime orgueil nos pha-
langes civiques et leur vaillante avant-garde, et , le même jour,
à la même heure, sur tous les points de la France, nos bataillons
nombreux se sont montrés sous les armes à nos amis et à nos
ennemis.
» Ce développement des forces de l'armée, qui doit rester
nombreuse et puissante , et de la garde nationale, cette immense
création du patriotisme, et plus encore la modération après la
victoire, nous ont assuré cette paix à l'ombre de laquelle fleu-
rissent le commerce, l’industrie, l’agriculture et les arts.
» Ce n'est point au dieu des armées que s'adressent nos vœux
et nos actions de graces, c'est au Dieu qui donna aux hommes
( 649 )
un cœur sensible pour s'aimer et s’entr'aider , au Dieu qui nous
dota de l'intelligence, alluma en quelques-uns de ses Gls de
prédilection la flamme du génie, et prodigua pour tous à la
terre les dons qui la décorent et nourrissent les myriades de
créatures dont il a voulu qu'elle fût le domaine.
» Mais si fécond que soit le riche patrimoine de l’homme, il
n’ouvre son sein qu’au travail opiniâtre. Il n’est point de guérets
fertiles s'ils ne sont arrosés par nos sueurs; les douceurs de la
vie n’appartiennent qu’à ceux qui savent les conquérir, et si les
lois sociales transmettent par héritage les fruits des fatigues pae
ternelles, c’est à cette condition de consacrer sa vie à.éelairer
la société qui assure tant d'avantages, à l’enrichir de ses con-
naissances , à l'illustrer par ses vertus et à montrer l'exemple du
mépris de la vie le jour où il faudra combattre et mourir pour
la patrie; chacun a son poste assigné , il ne peut le déserter sans
honte et sans dommage pour lui-même.
» C’est donc un usage digne d’être applaudi et conservé, que
celui de décerner des couronnes aux mérites de tous les genres.
Il est juste qu'un laurier immortel couvre la cendre du guerrier
victime de son courage.
» Il ne l’est pas moins que l’homme industrieux à qui l’hu-
manité doit d’utiles découvertes, un accroissement de moyens
d'industrie ou de jouissances privées, reçoive un tribut d’hom-
mages et de reconnaissance.
» Il faut que le savant sente, au milieu de ses études pro-
fondes , palpiter son cœur à la pensée de vivre dans la mémoire
de ses semblables.
» Il faut que le poète inspiré s'enflamme à la pensée des cou-
ronnes qui lui sont préparées au jour de son triomphe;
» Que l’homme de lettres s'émeuve par l'espoir d'arriver à
cette considération qui rendra sa vie brillante et ses vieux jours
plus respectés.
» I faut que le négociant, dans son cabinet; le commerçant,
( 650 )
dans son comptoir; l'artisan , dans son atelier, sachent que leurs
succès, en les conduisant à l’aisance et à la fortune, ne les lais-
seront pas sans gloire parmi leurs concitoyens, s'ils ont pu se
faire distinguer dans leur profession.
» C’est ainsi qu’une émulation générale, s’emparant des
esprits, (endra incessamment à augmenter le bonheur et l’éclat
des sociétés humaines.
» Dans notre jeunesse, nous lisions avec attendrissement le
récit de cette belle cérémonie où le chef d'un grand empire de
l'Asie, descendu de son trône, ne dédaignait pas de s'appuyer
sur la charrue et de tracer quelques sillons. Sans nul doute,
dans ce touchant épisode de la représentation royale, il y avait
un noble enseignement; mais peut-être aussi n’admirions-nous
autant le diadéme descendant si bas que parce que nous n’avions
pas encore élevé à sa hauteur le premier de tous les arts.
» Les exemples généreux ne noùüs manquent pas au temps où
nous vivons, et nous pouvons presque tenir pour vertus vulgaires,
dans les rois, ce qu’autrefois nous regardions en eux comme un
effet sublime.
» Il ÿ a peu de semaines, peu de jours encore, que nous
avons vu le chef auguste de l’Etat , le roi des Français et sa belle
famille, mélés parmi les représentans de l'industrie française,
rassemblés au milieu des merveilles dont ils sont les créateurs.
Nous avons aimé à contempler ces illustres personnages , écar-
tant l'appareil du rang suprême , venir étudier dans leurs élé-
mens ou leurs parties diverses, ces brillantes créations, dont
l’ensemble rend leurs palais si resplendissans ; nous avons été
plus vivement émus encore, quand la main à qui il appartient
de répandre les récompenses nationales est venue peser les titres
de chacun , préluder à la décision du jury et puiser d'avance les
moyens de juger les juges du concours.
» Ges entretiens que notre roi, si digne de l'être, s'est complu
à prolonger des jours entiers avec nos fabricans les plus distin-
( 651 )
gués, comme avec l'artisan ingénieux, retentiront long-temps
dans nos ateliers, et déjà les médailles du concours de l’expo-
sition sont des titres d'honneur dans les familles.
» L’inventeur de la charrue, de la faucille, de la vis, du
levier, de la boussole, de l'imprimerie , des plantes qui ont étendu
les ressources de l'alimentation, de ces mécaniques qui multi-
plient les forces productives, de ces machines merveilleuses qui
font concourir les deux élémens les plus opposés, le feu et l’eau,
au service, au progrès, à la gloire de l’industrie, ces génies
privilégiés dont les veilles nous ont assuré une vie plus douce et
du soulagement dans nos souffrances, ces bienfaiteurs des nations,
dont les anciens faisaient des demi- dieux, peuvent appendre
leurs trophées à côté de ceux de la victoire, et nous aimons à
voir le manufacturier habile et le guerrier courageux, tous deux
ornés des mêmes marques d'honneur, confondre leurs félicita-
tions et leurs embrassemens fraternels.
» De hautes distinctions ont descendu du trône sur des ci-
toyens recommandables et dont jadis la profession, si relevée
aujourd’hui à nos yeux, était, par le plus inconcevable et Le plus
injuste dédain, considérée comme une éternelle exclusion de
toute noblesse à venir, comme une dérogation avilissante à la
noblesse acquise.
» Peu de jours avant notre grande révolution de 1789, une
ordonnance royale rendait encore tous les roturiers indignes des
grades militaires, même après que des Fabert et des Chevert
eussent forcé l’orgueil des rangs à fléchir devant leur mérite.
» Ce n’est plus un cordon noir qui récompense le savant et
le grand artiste, à côté du guerrier que décorait le ruban cou-
leur de feu. La patrie couvre de la même faveur et des mêmes
distinctions quiconque sait la servir et se dévouer pour elle. Dans
cette belle moisson de gloire, recueillie presque dans l’enceinte
du palais des rois , le département du Nord a obtenu une noble
part.
( 652 )
» L'un de vos fabricans a reçu au pied du trône , avec la mé-
daille d'or, la croix de la Légion- d'Honneur; c’est M. Scrive à
qui nous devons les admirables mécaniques qui semblent avoir
donné des doigts et de l’intelligence à l'acier.
» M. Vantroyen-Guvelier a également obtenu une médaille
d’or, pour avoir introduit des perfectionnemens remarquables
dans la filature du coton.
Après eux viennent :
MM. Casse, à Roubaix, médaille d'argent.
Blot, à Douai , idem.
Tesse-Petit, à Lille, idem.
Théodore Lefebvre et G.e, aux Moulins , idem.
Brame-Chevalier , à Lille, idem.
Malmazet ainé, à Lille, idem.
Prus-Grimonprez, à Roubaix, médaille de bronze.
Wacrenier-Delevinquier, à Roubaix, idem.
Pierre Wacrenier, à Roubaix , idem.
Debuchy ( François ), à Lille, idem.
Perrier-Favier , à Lille , idem.
Widdonzon-Bussel et Bailey, à Douai, idem.
Cortyl Van Merris, à Bailleul , idem
Grar-Woog, à Valenciennes, idem.
Descat-Crouset , à Roubaix , idem.
Debuchy (Désiré), à Tourcoing, diplôme portant rappel
de médaille de bronze.
Delacre-Snaude , à Dunkerque , idem.
» Plusieurs des honorables citoyens dont je viens de citer les
noms n'ayant pu recevoir des mains du roi les récompenses qu'ils
ont obtenues, la mission m'a été donnée de les leur remettre.
» J'aurais désiré la présence de tous à cette solennité, mais
quelques-uns sont retenus par des affaires qu'ils ne peuvent
abandonner, Il serait naturel d’ailleurs qu'ils attachassent de
( 653 )
l'intérêt à recevoir, sous les yeux des citoyens au milieu desquels
ils vivent , les prix qui leur ont été décernés.
» Revenons, Messieurs, à nos champs bien-aimés. .. Parlons
de nouveau quelques instans de cette terre féconde qui nous
nourrit, de ces hommes laborieux et si habiles dans la culture
qui fait de nos champs une terre classique.
Heureux les laboureurs, s’ils connaissaient leur bonheur,
disait un grand poète de l’antiquité.
» En effet, si nous voulons nous détacher quelques instans
par la pensée des plaisirs bruyans des villes, des fausses jouis-
sances dont ils ne nous énivrent que pour nous faire sentir plus
cruellement le poids des ennuis et des vices qui marchent à la
suite des folles dissipations, combien nous envierons la vie calme
et pleine de l’homme des champs ; dans un air presque toujours
pur, sa santé s’affermit et devient robuste; il grandit dans le
travail et par le travail, qui ne laisse que de bonnes pensées ;
cet ordre admirable des saisons qui ramène toujours les bienfaits
de la nature élève son ame vers son auteur; il l’aime comme
la source de tous les biens et il s'attache à la terre qu'il cultive
comme à la mère qui le nourrit. Bientôt père de famille, il voit
s'élever autour de lui les premiers, les plus chers compagnons
de son labeur , et, plein d'années et de bonnes œuvres, tranquille,
il meurt au milieu des siens dont il a assuré la destinée et amé
lioré la condition.
» Messieurs , je n'aime pas à m’égarer dans le champ des
illusions. Je pourrais transporter, malheureusement sans m'’écar-
ter de la vérité, dans les champs , une partie des malheurs, des
vices et des crimes dont nous accusons la corruption des villes.
» Hélas! sans doute, là où la candeur, les sentimens naturels,
le travail, la vertu semblent s'être réfugiés, souvent d’affreux
désordres viennent contrister l’ame et jeter les gens de bien dans
le découragement. Mais ces désordres, rares dans les champs ,
(654)
sont fréquens dans les villes. Pour que l'homme des champs soit
heureux, pour qu'il apprécie les biens qui l’enrichissent, comme
le dit si bien l’auteur dont la plume énergique brava les Domi-
tiens, il faut qu'il porte
Dans un corps toujours sain, une ame toujours saine.
» Et cette double condition ne se trouve-t-elle pas remplie
plus souvent au milieu des travaux de la campagne qu’au milieu
du luxe de nos cités?
» Lorsque les chagrins nous accablent, lorsque des pertes
récentes nous ont brisé le cœur, quand nous nous sentons ineur-
tris par l'injustice, quand nous succombons sous le poids des
affaires, quand nous pouvons nous soustraire un moment à leur
obsession, nous courons aux champs et nous ne leur demandons
pas en vain des consolations pour nos maux, du délassement
pour nos fätigues. Je vous répéterai donc ce que je vous disais
les années précédentes, ce que je répétais encore tout-à-l’heure :
aimons les champs, honorons le travail qui les féconde.
» Et d’ailleurs, Messieurs, ces champs enfantent aussi des
héros. C’est à eux que nous devons, en plus grand nombre, ces
grands capitaines qui ont montré au monde que la bravoure et
l’art de vaincre n'étaient pas l’apanage exclusif des illustrations
historiques. Les lauriers croissent auprès des épis, et les uns et
les autres croissent pour tout le monde. L'agriculture , près de
ses tableaux imposans et graves, offre des scènes riantes et
variées.
» La nature s’est complu avec un égal amour à la production
de ces grands et superbes végétaux qui nous donnent un doux
ombrage et des fruits exquis , et de ces légumes si savoureux, et
de ces fleurs dont sa main prodigue a semé sa surface , que nous
aimons à avoir sans cesse sous les yeux, à reproduire dans nos
tableaux, dans nos habits, dans nos ameublemens,. Il n’est pas
une grace que la fleur ne rehausse, pas une beauté que la fleur
(65)
ne rende plus touchante, pas de fêtes que les fleurs ne soient
appelées à embellir; à la vue d’une fleur, l'esprit trouble se
calme, un je ne sais quoi de suave pénètre dans notre ame, et
c’est des noms de fleurs que l’allégorie aime à parer cette autre
partie du genre humain à qui nous devons nos mères, nos
épouses, nos filles et nos sœurs. Pourquoi traiterait-on d’occu-
pations frivoles les soins donnés à la culture des fleurs, tandis
que nous nous unissons pour élever des temples à la peinture, à
la sculpture , à l'harmonie et aux muses scéniques ?...
» Les fleurs aussi portent leur enseignement avec elles. Elles
nous disent que Dieu a voulu que notre vie fût semée de quelques
joies, que nos jours ne s’écoulassent pas sans éclat. La tige des
fleurs est faible, leurs couleurs sont fugitives , leurs formes élé-
gantes, mais passagères comme le sont les plaisirs quand une
main imprudente les gaspille, quand une main brutale les flétrit,
et que le souffle impur du vice les corrompt ; ainsi le vent froid
du nord ou le souffle brûlant de l’orage renverse la fleur sur sa
tige et la fait mourir.
» Le goût des fleurs et les passions inoffensives qu’elles font
naître , le prix qu’on met à la production de la plus belle, à des
découvertes dans le domaine des parterres et des vergers , in-
diquent un peuple judicieux, ami de la vie domestique et qui
n’a pas su se créer le besoin funeste d'émotions saccadées ou
poignantes. La culture des fleurs ne donne que d’agréables
pensées et des jours sereins.
» Eh! qui de nous a pu se défendre d’admiration et d’un
certain attendrissement, en voyant cette magnifique tapisserie
de fleurs que déroule l'exposition que vous avez livrée aux
regards du public. L'œil peut-il être plus récréé? Et, vous le
voyez, il n’est pas de classe de la société qui ne se précipite
dans l’enceinte pour contempler ces aimables jeux de la nature.
» Le navigateur qui a apporté de l'Orient ses fleurs brillantes
et sa pêche veloutée, celui qui a découvert, cachée dans nos
( 656 })
prairies , la fleur long-temps négligée qui, aujourd'hui, fait
l’ornement de nos jardins les plus beaux, a bien mérité des
hommes, comme celui qui nous apporta la cerise et le tuber-
cule dont Parmentier nous a révélé l’inappréciable bienfait.
» Ces conquêtes, faites au loin et jetées sur le sol de la
patrie, ne meurent plus, et les plus faibles plantes, jusqu'alors
ignorées, ont fait sur le globe de plus grandes révolutions que
n'en ont opéré tout ensemble les plus grands conquérans et les
plus grands législateurs. Le roseau qui contient au plus haut
degré la matière sucrée, le faible végétal qui donne l’indigo, le
lin que nous avons dérobé aux climats les plus septentrionaux,
le coton si long-temps relégué en Amérique et dans l'Asie, ces
fleurs enfin qui inspirent toutes nos industries, et qui, sous la
main de l’ouvrier habile, font refluer dans les voies commer-
ciales des valeurs de plusieurs centaines de millions, n’ont-ils
pas changé les rapports commerciaux et rapproché des peuples
qui semblaient destinés à ne jamais se connaître ?
» Enfin, cette herbe fine et odorante qui a rendu l’Europe
tributaire de la Chine ne nous a-t-elle pas entraînés par delà la
grande muraille et le Thibet, et jusqu'aux extrémités du monde,
pour sa recherche et sa récolte? Tout est prodigieux dans la
nature, et quand les hommes amoncellent les causes pour obte-
nir quelque effet, Dieu, dans la plus imperceptible de ses
créations, place quelquefois le germe des révolutions qui chan-
gent le monde
» Il n’est donc pas de connaissances ni d'études qui n’ap-
pellent l'attention des hommes sages et amis du bien public. Je
rends grace à tout ce que le sujet du concours d’horticulture a
d’aimable , et, puisque je suis appelé à présider à la distribution
des récompenses qu'elle va décerner, je lui devrai quelques
adoucissemens aux chagrins et aux amertumes dont mes fonc-
tions ne sont pas affranchies, et ce n’est pas un petit privilège
que d’avoir à déposer, au milieu de l'auditoire que j'ai devant
( 657 )
moi, des couronnes de fleurs sur le front de ceux qui les cul-
tivent et qui savent en parer celles qui lés embellissent encore.
» Pardon si je viens de me permettre de terminer mon allo-
cution par une pensée de madrigal que repoussé le sérieux de
ma mission; je me replie sur les considérations que j'ai exposées
plus haut, dans un sujet qui ne paraît que d’une faible impor-
tance à ceux qui n’ont pas compris le prodigieux enchaïnement
des choses naturelles et leur influence sur lesort del’humanité. »
M. Desmazieres, Président de la Société royale des sciences;
prend la parole et s'exprime en ces termes :
« Messieurs et honorables collègues,
» Chaque année , aux jours à jamais mémorables de juillet,
nous venons, réunis extraordinairement à la Société d'Horticule
ture, et au milieu des fêtes célébrées dans cette ville, décerner
aux agriculteurs les palmes que nous avons accordées, et rendre
compte des efforts que nous ne cessons de faire pour répondre
au but de notre institution.
» Inspirer et propager le goût des sciences, des arts et des
lettres ; aider à la diffusion des lumières, telle est la mission
que nous nous sommes constamment proposée, convaincus que
toutes les branches des connaissances contribuent puissamment
au bien-être des hommes.
» L’Agriculture, parmi les arts, est toujours dans le sein de
la Société royale l’objet d’un culte particulier, parce qu’elle est
la base de la prospérité du pays; et quoique par la fécondité de
son sol et ses bonnes métliodes d’assolement, le département du
Nord soit peut-être le plus favorisé de tous , vous avez reconnu
qu'il pouvait encore s'enrichir, et que l’art de cultiver nos
terres ne devait pas rester slationnaire, au milieu du mouvement
progressif de toutes les industriés, de toutes les sciences. Pro
fondément pénétrés de cette vérité, souvent, Messieurs, vous
42
(658 )
trouvez les moyens d'être utiles , en signalant des végétaux exo
tiques et précieux, en faisant connaître les perfectionnemens
obtenus dans les instrumens aratoires, en combattant les habi-
tudes routinières, en indiquant enfin de nouveaux procédés à
l’homme des champs, qui, par un travail opiniâtre, par des
soins constans , obtient alors de nouveaux succès et de nouvelles
couronnes.
» Il serait superflu d'énumérer ici ce qu’a fait cette année
votre Commission d'agriculture pour le premier et le plus noble
des arts. Qu'il me soit permis seulement de fixer un moment
votre attention sur l'Histoire naturelle, qui vous occupe avec
non moins de persévérance, et qui prête à l’Agriculture un si
puissant appui, en éclairant sa marche quelquefvis incertaine.
» Quelle science plus intéressante et plus digne de nos médi-
tations que celle qui embrasse tous les corps de notre globe,
qui nous conduit de merveille en merveille, et nous dévoile une
parlie des secrets de la création, en détruisant une foule de
préjugés, une foule d'erreurs qui se sont long-temps opposés au
développement de notre raison ! Cette science est immense et il
n’en est pas de plus féconde en résultats utiles. Depuis le grain
de sable jusqu'aux rochers les plus élevés; depuis l’humble
mousse, ou la moisissure fugace , jusqu'aux grands végétaux de
nos forêts ; depuis la monade , véritable atome vivant, jusqu'à
l’homme enfin , tous les êtres ont des caractères propres que les
naturalistes doivent étudier ; mais comme il ne nous est accordé
que quelques instans pour rester sur celte terre, il s'en faut
bien , Messieurs, que chacun de ces confidens de la nature puisse
s'occuper des trois grandes modifications que nous distinguons
dans les corps : je veux dire l’état brut inanimé, l’état organisé
végétant , l'état organisé vivant et sentant; et, semblable à la
diligente abeille qui n’apporte à la ruche que sa part du butin,
il ne peut approfondir et faire connaître aux autres qu'une petite
partie de la vaste science : il est l’ouvrier intelligent qui vient
( 659 )
poser quelques pierres du grand édifice. Ce serait done une
tâche bien au-dessus de mes faibles moyens, que d’oser vous
entretenir plus spécialement sur les trois règnes reconnus dans
les êtres ; et me bornant aussi à l'étude de quelques branches de
l'Histoire naturelle, je vais parler un instant, parce que mes
goûts particuliers m'y ramènent, d'un groupe de productions ,
presque invisibles par leur exiguité, mais dont l'existence n'est
que trop bien démontrée par les ravages qu’elles occasionnent
dans les moïssons. Je veux vous désigner tous ces petits êtres pul-
vérulens que beaucoup d'agriculteurs considèrent encore comme
le résultat de diverses maladies des plantes céréales, maladies
qu'ils ont nommées Rouille, Charbon ou Nielle et Carie.
» Une question du plus haut intérêt en agriculture, et qui
occupe depuis long-temps les savans les plus éclairés, est ceile
de savoir quelle est la nature et la véritable cause de ces pro-
ductions , de couleur orangée ou brune, qui, dès le printemps,
couvrent les tiges et les feuilles du blé, de l’orge et de l’avoine,
en apportant une perturbation sensible dans leur végétation;
ou qui, un peu plus tard, attaquent toutes les parties de la fruc-
tification de ces plantes, et convertissent en une malière noire,
pulvérulente et infecte, le grain précieux destiné à nous servir
d'alinent.
» Plusieurs Naturalistes ont pensé, et beaucoup d'agriculteurs
croient encore aujourd'hui, que la cause de la rouille et du
charbon doit être attribuée aux brouillards, par la suppression
totale de la transpiration du végétal enveloppé dans une atmos-
phère humide, ou en supposant que ses parties âcres agissent
fortement sur les feuilles et les tiges, qu’elles en brisent les
tissus et occasionnent l’extravasion d'un suc qui se transforme
en poussière en se desséchant. D’autres observateurs ont supposé
que ces altérations sont produites par l'abondance d’une nour-
riture forte. Rozier croyait que les fumiers contribuaient à la
rouille et que la rosée en était la principale cause. La carie fut
( 660 )
attribuée au passage du chaud au froid, du see à l'humide , ou
bien encore à d’autres influences atmosphériques ou locales.
Enfin, deux chimistes célèbres, qui firent l'analyse de cette
substance, ont pensé qu’elle était une dégénérescence du gluten
de la farine.
» Adanson se fit une idée plus exacte de la poussière noire
qui se trouve dans l'épi du blé : en comparant cette poussière
à celle de plusieurs cryptogames, il soupçonna qu'elle était
due à une végétation analogue aux plantes de cette famille.
Tessier , cet habile agronome; s’est aussi convaincu que la pré-
tendue maladie du froment ne pouvait venir ni du sol, ni des
engrais, ni de l'humidité de l'air; et Bernard de Jussieu, en
cherchant quelle en était la cause première, a pensé que les grains
cariés renfermaient un Lycoperdon. Enfin, Bulliard, à qui la
science doit un grand nombre d'observations importantes,
croyait aussi que le charbon n’était point une maladie : il n’y
voyait qu'un amas de petites graines d’une cryptogame du genre
Réticulaire, genre dont la plupart des espèces s’attachent aux
végétaux vivans, et les font mourir en peu de temps.
» Jusque-là on ne s'était encore livré qu’à des recherches
assez incomplètes ; il fallait des observations plus convaincantes :
des naturalistes modernes les ont entreprises , l'œil armé de cet
admirable instrument qui fait découvrir la structure intime des
êtres qui échappent à nos sens. D’après leurs savantes investi-
gations , ils n'ont pas hésité à ranger le charbon et la rouille
parmi les champignons parasites qui naissent en groupes nom-—
breux dans les espaces intercellulaires des feuilles et des tiges;
en repoussant les tissus voisins , ils se forment une cavité propre
sous l’épiderme qu'ils soulèvent et déchirent pour parvenir à
l'air libre. La carie ne leur a paru avoir aussi d'autre cause que
le développement de petites plantes analogues ; à la place même
que devait occuper le grain.
» Telle est, Messieurs, l'explication donnée, et la plus géné-
( 66r }
ralement admise, sur la nature de ces productions qui, si sou-
vent, font éprouver de grandes pertes aux laboureurs. Toutefois,
deux savans, connus par l’exactitude de leurs observations, ont
émis depuis lors deux opinions différentes, et qu'il serait peut-
être assez difficile de combattre dans l’état actuel de nos con-
naissances. Suivant M. Turpin, la rouille et le charbon seraient
formés par une grande réunion de vésicules élémentaires, (qu'il
nomme globuline}, altérées et extravasées , en prenant un déve-
loppement monstrueux sous l'épiderme des céréales. Mais sui=
vant M. Gaillon, l’un de nos membres correspondans qui s'oc—
cupent le plus de recherches microscopiques, l’effusion de la
globuline du végétal serait produite par la piqüre d'une très-petite
larve qu'il observe depuis plus de trois ans, qu'il soupçonne ap-
païtenir à un diptère, mais qu’il n’a pas encore eu la satisfaction
de voir dans l’état d'insecte parfait,
» Si l’on veut admettre, Messieurs , que la piqûre d’une larve
soit l’origine de la rouille, il sera possible d'espérer l'explication
d'un fait important pour l'agriculture, et qui, jusqu’à ce jour,
a trouvé beaucoup d’incrédules , parce que nous ne pouvions en
démontrer la cause. Je veux parler de la fâcheuse influence
qu'exerce l'Epine-vinette placée dans le voisinage des moissons.
L'opinion émise par M. Yvart et par moi-même, il y a déjà plu-
sieurs années, n’était pas née de l'amour du merveilleux : elle
se trouvait appuyée sur des observations exactes et réitérées . et
bientôt elle sera de nouveau corroborée ; Si l’on découvre sur le
vinettier, ce qui n'est pas invraisemblable , l'insecte signalé par
M. Gaillon. Cet insecte se répandrait sur les champs de blé voi-
sins , il ÿ semerait une génération nombreuse qui attaquerait le
parenchyme des feuilles et des tiges des graminées pour y trou=
ver sa nourriture.
» Notre honorable collègue possède aussi sur la carie des
observations suivies, d'après lesquelles la poussière noire qui la
constitue serait composée de globules sphériques, sorte d'enve-
( 662 )
loppe-matrice transparente, qui lui a laissé apercevoir intérien-
rement des granules infiniment petits. Il a vu ces granules sortir
de leur ovule sphérique, voguer sur le champ du microscope,
se contracter, se dilater , et de ronds qu'ils étaient à la sortie
du globule, prendre une forme alongée et parallélogrammique.
L'animalité de ces granules, suivant M. Gaillon, étant bien
constatée , il considère la carie comme formée par de grandes
associations d’animalcules infusoires qu'il range dans les Néma-
zoaires, nouvelle classe d'êtres dont j'ai reconnu aussi l'existence
dans plusieurs productions que l’on avait, avant moi, placées
dans le règne végétal.
» Je ne m'étendrai pas davantage sur les différentes opinions
émises au sujet de la nature et des causes de la rouille, du
charbon et de la carie; seulement j'examinerai, dans un instant,
comment il est possible d'expliquer l'introduction de pelits
champignons ou d’animalcules dans le tissu des plantes ; mais
quoique cette explication n’ait pas été l’objet de moins de dis-
cussiuns et de controverses ; quoique l’origine de ces petits êtres,
et leur manière de pénétrer sous l'épiderme des végétaux soient
des choses dignes de piquer la curiosité du physiologiste, et
même de l’homme instruit qui cultive les champs , je n'en dirai
qu'un mot, après avoir reconnu l'existence de deux faits qui
intéressent plus directement l'agriculture.
» C’est une observation qui malheureusement n’est que trop
exacte, que si l’on sème une terre avec un blé dans lequel on a
remarqué la rouille ou la carie, cette terre produira une moisson
attaquée par le même fléau ; et que si dans un champ le froment
est infecté, cette plante ou d’autres céréales le seront encore
les années suivantes. Quelle que soit l’opinion que l'on adopte,
que l’on veuille voir dans la carie et la rouille des associations
de nombreux animalcules , ou une multitude de petits champi-
gnons réunis , on peut facilement se rendre compte de ces faits
en admettant, pour la première observation, que ces animal-
( 663 )
cules, ou les sporules de ces champignons, existent sur Îles
grains employés à la semaille, et en reconnaissant, pour la
seconde , qu'ils tombent sur la terre, s’y répandent , s’attachent
à la plante du blé pendant qu'elle est encore très-jeune, ou s’y
introduisent au moyen des racines, entraînés par la sève qu’elles
aspirent. Dans l’un ou l’autre cas, trouvant dans certaines par-
ties du froment une localité favorable à leur existence, ils y
produisent une nouvelle génération qui devient pour cette plante
ce que les vers intestinaux sont pour l'animal. Sa végétation
éprouve un trouble, un dérangement sensible; les individus
restent faibles ou languissans , et leurs produits les plus précieux
sont presque nuls ou tout-à-fait perdus.
» C'est ici, Messieurs, que l'explication du naturaliste ‘vient
éclairer l’agriculteur sur le mode de ses assolemens, sur le choix
de ses grains et sur les préparations qu'il doit leur faire subir
avant de les confier à la terre. Si une moisson est infectée, il
devra mettre sur le champ qui l’a produite des plantes d’une
autre famille. Les germes de la rouille, du charbon ou de la
carie répandus sur le sol, pourront peut-être encore s’implanter
sur les tiges naissantes du nouveau végétal, ou circuler dans ses
vaisseaux, mais n’y trouvant plus les conditions nécessaires à
leur développement, ils y périront, et le champ sera dépouillé
de ces êtres parasites.
» Dans le choix de ses semences , le laboureur devra rejeter
toutes celles qui pourraient provenir de la récolte de plantes
attaquées ; il leur fera subir une dépuralion quelconque, soit
par des lavages à l’eau simple, soit par le triage à la main. La
dépuration au moyen de moulins ou de cribles sera préférable,
en ce qu'elle économisera beaucoup de temps, mais elle devra
toujours précéder les immersions dont nous allons parler,
» On a remarqué depuis long-temps que beaucoup de subs-
tances, unies à l’eau , lui donnaient la propriété de détruire les
germes des productions délétéres qui nous occupent , et de cette
( 664)
importante observation sont venus les divers procédés d'immer-
sions employés pour les semences. Ces procédés sont connus
sous le, nom de chaulage, lorsque la chaux en est la base, et
sous le nom de sulfatation cuivreuse, lorsque le blé, l'orge on
l’avoine est plongée dans une eau où l’on a fait dissoudre une
quantité extrêmement petite de sulfate de cuivre.
» Ces méthodes préservatrices sont encore aujourd'hui celles
qui sont suivies dans les campagnes par les agriculteurs soigneux
et instruits ; mais l’expérience ayant démontré qu’elles n'étaient
pas constamment infaillibles, deux naturalistes philanthropes,
M. Gaillon, que j'ai déjà eu occasion de citer, et M. Dupont
d'Outreau , se sont livrés à de nouvelles recherches qui leur ont
fait reconnaître que le chlorure de chaux , employé dans la pro-
portion d'une once par litre d’eau, réunissait au plus haut degré
toutes les qualités d’un préservatif applicable aux grandes se-
mailles, Les produits obtenus par ces messieurs ont paru si
remarquables à plusieurs membres de votre commission d'agri-
culture, qu'ils se proposent de répéter cet automne l'expérience
dont je viens de vous entretenir, afin de s'assurer aussi de l’elli-
cacité de cette substance et pouvoir la signaler , avec la certitude
du succès, aux fermiers de notre département, En attendant
celte expérience, j'ai pensé, Messieurs, que je pouvais recom-
mander ici l'essai du chlorure de chaux à toutes les personnes
qui s’occupent de la culture des plantes céréales, parce que plus
une expérience de ce genre est mullipliée et entreprise sur des
terres, différentes par leur nature ou leur exposition, plus on
peut acquérir de notions cerlaines sur ses résultats.
» Si, dans le court aperçu que je viens de donner, je n'ai pu,
Messieurs, parvenir à fixer définitivement voire opinion sur la
nature de la rouille , du charbon et de la carie, il est au moins
consolant de pouvoir reconnaître que l'Histoire naturelle, vou-
lant porter le flambeau de ses observations dans les épaisses
ténèbres où se trouvait plongée cette partie du domaire de
( 665)
l'agriculiure, a su pourtant indiquer à l'homme des champs
ce qu’il devait faire pour écarter de ses moissons le fléau
destructeur.
» I] faut que je m’arrête ici, quoique je pourrais vous entre-
tenir long-temps encore sur ce sujet , bien attrayant pour moi,
puisqu'il se rattache aux études qui partagent tous les momens
de mon existence ; mais l'abondance de choses dont nous avons
à nous occuper ne m'a permis de vous exposer que très-rapide-
ment les principaux faits, les principales observations recueillis
sur les maladies des plantes céréales. Si j'ai éprouvé quelque
difficulté pour ne présenter qu’un aperçn concis , quelles formes
abréviatives pourrai-je trouver pour déplorer avec vous les pertes
que nous avons faites cette année ? La inort nous a enlevé snc-
cessivement plusieurs membres recommandables, dont les noms
sont restés chers aux sciences, aux arts et à nos souvenirs. Jean-
Baptiste Wicar, notre illustre compatriote, n'est plus, et sa
perte, Messieurs , est une de celles que vous avez le plus vive-
ment senties.
» Ce célèbre peintre d'histoire était né dans nos murs, mais il
s’en éloigna, il y a un grand nombre d'années, pour habiter
Vltalie. Il résida quelque temps à Naples, à Florence; enfin il
se fixa dans la capitale du monde chrétien, où il fit briller le
talent dont il avait puisé les germes dans nos écoles académiques.
Il fat nommé consciller et eenseur de l'insigne Académie romaine
de Saint-Luc , membre des principales Académies d'Italie , ainsi
que de celle des Arcades de Rome. Le 27 novembre 1809 , vous
décernâtes aussi à ce grand artiste le litre de Membre corres-
pondant de la Société des Sciences de Lille, et, en mars 1833,
vous lui adressätes un nouveau diplôme et la collection complète
de vos Mémoires. Le chevalier Wicar reçut cette marque de dis-
tinction avec l'enthousiasme le plus patriotique, et, après avoir
consacré ses veilles à l'honneur de la cité qui l’a vu naitre, il
voulut, dans ses derniers momens, lui donner encore, ainsi
( 666 )
qu'à vous, Messieurs, un témoignage durable de son attache-
ment , en faisant les donations suivantes :
» À la ville de Lille, son grand tableau représentant la Résur-
rection du fils de la veuve de Naïm.
» À la Société royale des Sciences, de l'Agriculture et des
Arts, plusieurs dessins de Raphaël d'Urbin, de Michel-Ange
Bonarotti et de quelques autres peintres célèbres. Un autre
dessin encadré représentant Virgile lisant l'Énéide devant
Auguste , et une esquisse à l'huile. Ces deux derniers ouvrages
sont de Wicar.
» Quelques objets antiques en bronze et en marbre, et une
décoration du royaume des Deux-Siciles, dont le défunt avait
été honoré lorsqu'il était Directeur de l'Académie royale de
Naples.
» Une lettre originale de François I.er, roi de France, écrite
à Michel-Ange.
» Une autre lettre originale, écrite au chevalier Wicar par le
général Bonaparte.
» À la bibliothèque de Lille, onze volumes du Musee Napoléon.
» À l’Académie de dessin de Lille, son portrait, en habit à
l’espagnole.
» Un dessin et huit cartons du tableau donné à la ville.
» Le carton du tableau représentant Notre-Sergneur Jésus-
Christ qui recoït le baptéme de la main de Saint-Tean-Bap-
liste, et six Académies, copiées d’après nature , par Wicar.
» Notre concitoyen, dans son testament, a ordonné ensuite
qu'avec ses autres biens meubles et immeubles il fût formé une
œuvre pie, et que les rentes des capitaux appartenant à cette
œuvre fussent employées à doter d’une pension de 25 écus par
mois autant de jeunes gens dédiés à l’étude de la peinture, de
la sculpture et de l'architecture que le permettrait le montant
de ces rentes. Le défunt a voulu que les premiers à jouir de
cette pension fussent deux Italiens , ses élèves et ses amis, et
( 667 )
que si le montant des revenus permettait de doter plus de deux
personnes , ce qui est très-probable , le conseil municipal de la
ville de Lille eût le droit de nommer les jeunes gens à la jouis-
sance de cette pension.
» Comblé d'années, comme de mérites, Wicar termina , le
27 février dernier , une vie consacrée à d'utiles travaux, une vie
qu'aucune tache n’a ternie et qui ne fut remplie que par de
bonnes actions et des bienfaits.
» Mais il est bien temps, Messieurs, de nous occuper de la
solennité qui nous rassemble; si jai pu l'oublier un instant,
j'ose en faveur du motif réclamer votre indulgence. Avant de
terminer, qu'il me soit encore permis de proclamer de nouveau
que le zèle qui vous anime vous fait remplir les obligations que
vous avez contractées. Par la lecture du recueil de vos travaux
depuis votre dernière séance publique, par les récompenses qui
vont être données, vous prouverez, je l’espère, que la Société
royale marche constamment vers le but qu'elle s’est proposé.
Puisse le suffrage des respectables magistrats qui lui accordent
leur bienveillante protection et celui de l'honorable assemblée
qui l'encourage par sa présence , la convaincre que ses efforts
sont accueillis ! »
Après M.Desmazieres , M. Borelli, vice-président de la Société
d'Horticulture , prononce un discours au nom de cette Société.
Enfin, M. le docteur Hautrive, secrétaire de la commission
d'agriculture , proclame, au bruit des fanfares et des applau-
dissemens, les noms des cultivateurs de l’arrondissement de
Lille qui ont mérité les récompenses promises.
HOUBLONNIÈRES.
La Société des Sciences mentionne honorablement MM. Des-
camps, de Croix, et Desurmont, de Tourcoing , qui ont obtenu
la grande médaille aux concours précédens,
( 665 )
Premier prix. — Une médaille de 150 francs à M. Charlet,
d'Houplines.
Deuxième prix. — Une médaille de 75 franes à M. Picavez,
brasseur , à Linselles.
Troisième prix. — Une médaille de 60 francs à M. Wares-
quelle, brasseur, à Lille, pour l'établissement d’une houblon-
nière de la contenance de 56 ares, plantée en 1834.
Quatrième prix. — Une médaille de 50 francs à M. Leclereq,
brasseur, à Hem, pour la plantation, en 1834, de 37 ares de
houblon à tiges blanches.
INSTRUMENS ARATOIRES.
Premier prix. — Une médaille de 50 franes à M. Prouvost ,
de Wazemmes , qui a présenté à la Société un déplantoir pour
les perches de houblon.
TAUREAUX, GÉNISSES.
1.° M. Auguste Leclerc, brasseur , à Hem, propriétaire du
plus beau taureau présenté au concours, a mérité la prime de
100 francs.
2.° La plus belle génisse , de race hollandaise pure , ayant été
présentée par M. Auguste Leclereq, déjà cité, une médaille de
la valeur de 50 franes lui est accordée.
3. Le second prix, de la valeur de 25 francs , est accordé à
M. Louis Lepers fils, cultivateur, à Wazemmes, qui a élevé la
plus belle génisse après la précédente.
4.0 Une médaille de la valeur de 25 francs est décernée à
M. Julien Lefebvre, propriétaire-cultivateur , à Hem , pour avoir
présenté au concours une génisse qui rivalisait avec celle de
M, Louis Lepers.
( 669 )
BÉLIERS NOLLANDAIS.
1.0 Le plus beau bélier à longue laine de race hollandaise
pure, destiné à améliorer l’espèce ovine indigène, ayant été
présenté par M. Alexis Lefebvre , de Lezennes, une médaille de
5o francs lui est accordée.
La Société voulant récompenser le zèle, l'intelligence et la
bonne conduite des bergers et des maîtres-valets de l’arrondis-
sement de Lille, a fondé différens prix pour être décernés dans
la séance publique de ce jour.
BERGERS.
Lé sieur Antoine Guilbert, berger, conduisant depuis trente-
sept ans le troupeau de M. Coget, propriétaire , à Thumeries ; a
mérité la récompense dûe à ses bons et loyaux services : une
houlette d'argent lui est accordée.
MAÏTRES-VALETS.
1.° Les épis d'argent proposés en prix au maitre-valet de
larrondissement de Lille, le plus habile à tracer un sillon et à
exécuter les travaux agricoles , ont été mérités par le sieur Jean-
Baptiste Bouche, maître-valet , demeurant depuis quaränt-huit
ans chez M. Bulteau, cultivateur et maître de poste, à Pont-
à-Marcq.
2.0 Une médaille d'encouragement est décernée au sieur
Fabien Coutelier , depuis trente-huit maître-valet chez M. Cons-
tant, cultivateur, à Péronne.
(670 )
OUVRAGES ENVOYÉS À LA SOCIÉTÉ
PENDANT L'ANNÉE 1834 ET LE PREMIER SEMESTRE DE 1835.
1.0 OUVRAGES IMPRIMÉS,
COMPOSÉS PAR LES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ.
BOUILLET. Description historique et scientifique de la Haute-
Auvergne.
CLÉMENT ( née Hemery). Histoire des fêtes civiles du dépar-
tement du Nord.
DESAYVE. Souvenirs de Pologne et scènes militaires de la
campagne de 18123 1 vol. in-8,0 Paris.
DUBRUNFAUT. L'agriculteur-manufacturier; tome 4 , N.0 2.
Novembre,
FÉE. Mémoire sur le groupe des Phyllériées , et notamment
sar le genre Erineum ; broch, , avec planches.
— Note sur trois espèces nouvelles de spkæria exotiques ; br.
FRANCOEUR. Traité élémentaire de mécanique; 1 vol.
GIRARDIN. Discours d'ouverture du cours d'application de
chimie, de Rouen, 1834.
— Observations sur lepoirier saugier et sur ses produits ; br.
GUÉRARD. Rapport sur le café avarié.
— Plan et généralités d'un cours de physique médicale.
JOBARD. L’Angleterre en 1833. Suite.
— Un coup d'œil sur l’état de l’industrie avant la révolution
française.
LEFEBVRE ( Alexandre ). Description de trois papillons nou
vellement observés.
— Caractère distinctif entre quelques satyres européens de
la section des leucomélaniens.
(671)
— Insertion de deux pattes surnuméraires au trochanter
de la patte supérieure gauche chez un Scaryte pyracmon.
( Bon. Dej.)
LEGRAND (Pierre ). Études sur la législation militaire.
LELEWEL {Joachim}. Les Polonais, les Lithuaniens et les
Russiens célébrant en France les premiers anniversaires de leur
révolution nationale du 29 novembre 1830 et du 25 mars 1831.
— Le comité national polonais au peuple russe.
— La Pologne et l'Angleterre.
— Adresse des réfugiés polonais en France à la chambre des
communes de la Grande-Bretagne et d'Irlande.
— Ustawy Komitetu Narodowego Polskiego.
LEROY ( Onésime }. Etudes morales et littéraires sur la
personne et les écrits de J.-F. Ducis, 1 vol. in-8.0
MAIZIÈRES. Développemens sur les nombres.
MICHAUD. Complément de l’histoire naturelle des coquilles
terrestres et fluviatiles.
— Description de plusieurs espèces de coquilles du genre
Rissoa. ( Fréminville. )
MANGON DE LALANDE. Mémoire sur l'antiquité des peuples
de Bayeux.
MARCHAND DE LA RIBELLERIE. Quelques observations
sur l’intendance militaire.
PLOUVIEZ. Quelques idées de philosophie médicale.
PRONY ( Baron de). Rapport sur la harpe à double mouve-
ment, de l'invention de S. Erard.
RODENBACH (Constantin). Episodes de la révolution dans
les Flandres, 182y , 1830, 1931 ; 1 vol. Bruxelles.
VANDERMAELEN. Un atlas universel,
— Tableaux statistiques des patentables de la Belgique.
VINCENT. Cours de géométrie élémentaire ; 3.e édition.
MATHIEU. Histoire de l’Astronomnie au 18.e siècle, par M.
Delambre, publiée par M. Mathieu, in-4.0 Paris , 1827.
( 672 )
2,0 OUVRAGES MANUSCRITS
COMPOSÉS PAR LES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ.
Mémoire sur la question dé savoir si des animaux terrestres
ont cessé d'exister depuis l'apparition de l’homme et si l'homme
a été contemporain des espèces aujourd'hui perdues ; par
M. Marcel de Serre, membre correspondant.
Observations sur les silicates en général et sur les silicatés non
alumineux à base de chaux et de magnésie, par le mêine. (1)
Notice sur les divers terrains des environs de Tours, par
M. Marchand de la Ribellerie, membre correspondant.
Note sur l'hépatite chronique , par M. Plouviez, membre
correspondant.
Mémoire sur les paratonnerres, par M. Jacquerye | membre
correspondant.
Épisode du Chardon, fleurs, chant premier, traduit de
l'anglais en vers français , par M. Moulas, membre résidant.
22
(x) C'est avec regret que la Société n'a pu déroger à ses usages en com-
prenant dans son recueil ces deux importans mémoires, déjà imprimés dans
ka Bibliothèque Universelle de Genève.
(673)
AUTRES OUVRAGES
ENVOYÉS A LA SOCIÉTÉ PAR DES ÉTRANGERS:
1.0 OUVRAGES IMPRIMÉS.
DINAUX (Arthur ). Notice sur Watteau , de Valenciennes.
HOMBRES ( le baron Firmas d'). Mémoire sur le mürier des
Philippines, morus sinensis.
— Notes sur quelques végétaux qui croissent spontanément
dans le département du Gard et qui mériteraient une culture
particulière, soit par leurs vertus médicinales , soit par leurs
‘usages dans les arts.
HENSMANS. Répertoire de chimie et de pharmacie.
— Mémoire sur le proportionnement chnnique pesé et mesuré
des corps.
— Annuaire à l'usage du chimiste, du médecin, du phar-
macien et du fabricant.
HUERNE DE POMMEUSE. Observations générales sur les
causes de l'existence des marais et sur les moyens de les assainir.
HUGUES. Rapports sur les résultats des expériences agricoles
faites avec le Semoir-Hugues.
MAURIZE (A. ). Dangers de la situation actuelle de la France.
Paris, 1832.
PERRIN ( l'abbé Théodore ). Revue de l’agriculture univer-
selle ; tome 1,er, 1.re et 2.e livraison.
LA SOCIÉTÉ DES MINES DITE DES CANONNIERS
Notes relatives aux forages de Loos et de Wattignies.
43
( 674 )
A
LEGS
FAIT À LA SOCIÉTÉ PAR FEU LE CHEVALIER WICAR, DE LILLE,
Peintre, à Rome, Membre correspondant.
Aux termes du testament et de l’acte de dépôt dressé par
M. l'ambassadeur de France à Rome, les objets suivans ont été
légués à la Société de Lille :
1.° Un dessin représentant Virgile lisant l’Enéide devant
Auguste.
2.6 Une esquisse à l'huile du même sujet. Ces deux ouvrages
sont de Wicar.
3.0 Un grand volume in-folio contenant cinquante et une
feuilles sur lesquelles sont collés divers dessins de plusieurs
maîtres, tels que Giotto , Raphaël , etc.
4° Grand volume in-folio contenant trente-six feuilles , avec
des dessins de Raphaël.
5.0 Grand volume in-folio contenant quarante-deux feuilles,
avec des dessins de plusieurs grands maitres.
6.o Autre volume in-folio, mais plus petit, renfermant
soixante-huit feuilles, avec des dessins de l’école florentine.
7. Autre volume in-folio, comme le précédent, renfermant
des dessins de plusieurs maîtres sur cent et une feuilles.
8.0 Un volume relié en maroquin rouge, dans un étui, ren-
fermant des dessins originaux de Michel-Ange Buonarotti, sur
quatre-vingt-onze feuilles. (Architecture. )
9° Un petit volume relié en rouge, renfermant des petits
dessins sur trente-neuf feuilles.
( 675 )
10.9 Un cahier de cinquante feuilles, avec des dessins dont
plusieurs sont des copies.
11.0 Cent cinquante-neuf feuilles, sur lesquelles sont collés
différens dessins de plusieurs maîtres.
12.0 Vingt-cinq gravures.
13.° Quelques objets antiques en bronze, en marbre et en
terre cuite.
14.0 Une décoration du royaume des Deux-Siciles, dont le
défunt avait été honoré lorsqu'il était directeur de l'académie
royale de Naples.
15.° Une lettre originale de François L.er, roi de France, à
Michel-Ange Buonarotti.
16.° Une lettre originale écrite au chevalier Wicar, par le
général Bonaparte.
Indépendamment des divers dons qu'il a faits à la ville de
Lille, à sa bibliothèque, à ses écoles académiques, Wicar a
voulu que ses biens meubles ou immeubles fussent consacrés
à former une œuvre-pie , qu’on nommerait Œuvre-Pie-Wicar.
& ++... Les rentes de cette œuvre-pie seront employées à
doter d’une pension de 25 écus romains par mois autant de
jeunes gens dédiés à l'étude de /a peinture, de la sculpture et de
l'architecture, que le permettra le montant net de ces rentes.
» «+ .4..Ces jeunes gens devront être natifs de Lille et appar-
tenir aux trois classes de peinture , de sculpture et darchi-
tecture; c’est-à-dire, un pour chaque classe, toutefois que les
revenus de l’œuvre-pie seront suffisans pour trois pensionnaires ;
s'ils n'étaient pas sufMisans, il devra toujours en être choisi un
pour la peinture et un autre tour-à-tour pour les deux autres
classes. le. oc
» ...... La nomination aura lieu en concours, et le corps
municipal , d'après le vote de l’Académie royale des Sciences,
( U76 )
de l'Agriculture et des Arts de la ville de Lille , choisira toujours
celui qui montrera le plus d’habileté, de dispositions, d'ins-
traction et de qualités pour faire honneur à la patrie et aux
beaux-arts. ....
» «...+... Les jeunes gens choisis devront se rendre à
Rome.....:.. et y rester quatre ans entiers ; pendant ce temps
ils jouiront de ladite pension, mais jamais au-delà. ....
» ....+. La maison sise à Rome, rue del Vantaggio, mar-
quée des Nos 5,6, 7 et 8, ne devra point être aliénée; mais
conservée pour l'avantage des pensionnaires, , ....
» ,..... Les objets en plâtre laissés par le testateur. .....
sont aussi destinés aux pensionnaires. »
(Extraits du testament.)
Dans le but d'assurer à jamais à la ville de Lille la posses-
sion du Legs-Wicar , la transaction suivante a été consentie
entre elle et la Société:
« La ville de Lille se chargera de payer les frais de succes-
sion , de transport , d'entretien, de conservation et aux condi-
tions suivantes :
» 1.0 La Société abandonnera à la ville la nue-propriété de
tous les objets à elle légués par le chevalier Wicar, de sorte
qu'en cas de dissolution de la Société, tous ces objets appar-
tiendront à la ville.
» 2.0 La Société aura la garde et l'administration de ces
objets. Un inventaire sera remis à la ville.
» 3.0 La Société déposera ces objets, suivant leur nature,
dans les établissemens publics existans , jusqu'à ce qu’elle soit
en position de les rassembler dans un local spécial, où le publie
sera librement et régulièrement admis.
» 4.0 Une inscription placée sur chacun de ces objets rap-
pellera qu'ils proviennent du legs fait par le chevalier Wicar
à la Société royale. »
( 677 )
Une ordonnance royale, en date du 26 janvier dernier,
autorise la ville de Lille et la Société royale à accepter, chacune
pour ce qui les concerne, le legs du chevalier Wicar. Cette
ordonnance approuve les conventions stipulées entre la ville et
la Évciété, pour régler les conditions d'usufruit, de nue-pro-
priété et le mode de conservation et de jouissance.
( 678 )
"OL LCL
ENVOIS
DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES
Pendant l'année 1834 et le premier trimestre de 1835.
ABBEVILLE. Mémoires de la Société royale d’émulation ;
1 vol. in-8.0 1833.
ANGOULÈÊME. Annales de la Société d'agriculture, arts et
commerce du département de la Charente.
BESANCON. Académie des sciences , belles-lettres et arts;
séance publique du 25 août 1834.
BORDEAUX. Académie royale des sciences, belles-lettres et
arts; séance publique du 28 août 1834.
DIJON. Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-
lettres, 1833.
EVREUX. Bulletin de l'Académie Ébroïcienne , suivant les
règlemens de l’ancienne Société d’agricullure , sciences , arts et
belles-lettres du département de l'Eure.
LILLE. Annales de la Société d’horticulture.
MANS (LE). Bulletin de la Société royale d'agriculture,
sciences et arts.
MACON. Compte rendu des travaux de la Société d’agricul-
ture , sciences et belles-lettres de Mâcon, pour l’année 1829 et
suivantes , jusqu’à la fin de l’année 1832.
— Rapport fait à la Société d'agriculture , sciences et belles-
lettres de Mâcon, par M. Cortambert,.
METZ. Sommaire des travaux de la Société des sciences mé-
dicales du département de la Moselle. 1830 à 1834.
MULHAUSEN. Bulletin de la Société industrielle.
NANCY. Précis des travaux de la Société royale des sciences,
lettres et arts de Nancy, de 1829 à 1832.
( 679)
NANTES. Journal de la section de médecine de la Société
académique du département de la Loire-Inférieure.
PARIS. Annales de la Société d'horticulture.
— Journal de la Société de la morale chrétienne.
— Bulletin de la Société géologique de France.
— Nouveau bulletin des sciences, par la Société philomathique.
— Annales des jardiniers amateurs, publiées par la Société
d’agronomie pratique.
— Bulletin de la Société de géographie.
— Athénée des arts, le Lycée, journal des sciences.
ROUEN. Précis analytique des travaux de l’Académie royale
des sciences, belles-lettres et arts, pendant l’année 1833.
SAINT-ÉTIENNE. Bulletin industriel, publié par la Société
d'agriculture, sciences et arts.
TOULOUSE. Recueil de l’Académie des jeux floraux. 1833.
— Journal des propriétaires ruraux pour le Midi de la France.
TOURS. Annales d'agriculture , publiées par la Société d’agri-
culture, des sciences, arts et belles-lettres du département
d’Indre-et-Loire.
TROYES. Mémoires de la Société d'agriculture , sciences ,
arts et belles-lettres du département de l'Aube.
————————————
La Société royale des sciences de Lille , désirant étendre ses
relations, accueillera avec empressement toutes les demandes
qui lui seront faites par les Sociétés académiques pour l'échange
des mémoires qu’elle publie.
( 680 )
RE D DR EL 7 |
OUVRAGES ENVOYÉS PAR LE GOUVERNEMENT.
Description des machines et procédés spécifiés dans les bre-
vets d'invention, de perfectionnement et d'importation dont la
durée est expirée; publiée d’après les ordres du ministre de
l'intérieur, par M. Christian, directeur du Conservatoire des
arts et méliers; 4 volumes in-4.0, avec planches; tomes 23,
24, 25 et 26.
Neuvième supplément du catalogue de spécifications des prin-
cipaux moyens et procédés pour lesquels il a été pris des brevets
d'invention ; brochure in-8.0 Paris, 1834.
Mémoires d'agriculture, d'économie rurale et domestique,
publiés par la Société royale et centrale d'agriculture ; 1 volume
in-8.°
Annales de l'industrie nationale, recueil industriel, manufac-
turier, agricole et commercial de la salubrité publique et des
beaux-arts , renfermant la description des expositions publiques
faites en France et à l'étranger, par M. de Moléon. Année 1834.
LA SOCIÉTÉ RECÇOIT PAR ABONNEMENT:
1.0 Annales de chimie et de physique, par MM. Gay-Lussac et
Arago.
2.° Annales des sciences naturelles, par MM. Audouin, Ad.
Brongniart et Dumas.
3.° La revue encyclopédique, par H. Carnot et P. Leroux.
4.0 La bibliothèque universelle des sciences, belles-lettres et
arts, rédigée à Genève.
5.0 Journal hebdomadaire des progrès des sciences et insti-
tutions médicales, par MM. Bouillaud , Forget, Vidal, etc., etc.
6.° Journal des connaissances usuelles et pratiques, publié
( 68: }
par MM. Gillet de Grandmont et le comte de Lasteyrie, faisant
suite à la bibliothèque physico-économique.
7.9 Journal des connaissances utiles.
8.° L'annuaire statistique du département du Nord.
9.0 Revue du Nord.
10.° Journal de la Société phrénologique de Paris.
Par décision de M. le maire de Lille, le bibliothécaire de la
ville met, pendant une année, à la disposition de la Société des
sciences, de l’agriculture et des arts, les ouvrages dont les
titres suivent :
Mémoires du Muséum d'histoire naturelle.
Le journal des voyages , découvertes, navigations.
Le journal d'agriculture et d'économie rurale du royaume des
Pays-Bas.
Annales de mathématiques, par M. Gergonne.
Bulletin des sciences naturelles et de géologie,
Id. des sciences historiques , antiquités, etc.,
Id. des sciences agricoles et économiques,
Id. des sciences technologiques, de M.
Id. des sciences mathématiques, Férussac.
Id. des sciences médicales,
Id. des sciences géographiques,
Id. des sciences militaires,
( 682 )
LISTE DES MEMBRES
DE
LA SOCIÉTÉ ROYALE DES SCIENCES,
DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS, DE LILLE.
1834.
MEMBRES HONORAIRES.
MM. le préfet du département du Nord.
Le maire de Lille.
GODIN, docteur en médecine ; admis le 3 février 1822.
MEMBRES TITULAIRES.
BUREAU,
Président, M. BAILLY , docteur en médecine ; admis le 2
octobre 1825.
Vice-président, M. DELEZENNE , professeur de physique ;
admis le 12 septembre 1806.
Secrétaire-général , M. DOURLEN fils, docteur en médecine;
admis le 3 décembre 1830.
Secrétaire de correspondance , M. LEGRAND , avocat; admis
le 3 février 1832.
Trésorier, M. VERLY fils, architecte ; admis le 18 avril 1823.
Bibliothécaire , M. HAUTRIVE, docteur en médecine; admis
le 7 novembre 1828.
( 683 )
MM. PEUVION fils, négociant; admis le 17 nivôse an 11.
CHARPENTIER , pharmacien en chef; admis le 15 plu-
viôse an 11.
MACQUART, propriétaire ; admis le 27 messidor an 11.
DEGLAND, docteur en médecine ; admis en 1811.
DESMAZIERES , naturaliste ; admis le 22 août 1817.
LIENARD , professeur de dessin ; admis le 5 sept. 1817.
LESTIBOUDOIS ( Thém.) , docteur en médecine ; admis
le 17 août 1821.
MUSIAS , notaire ; admis le 3 janvier 1822.
KUHLMANN, professeur de chimie; admis le 20 mars 1824.
MURVILLE , docteur en médecine ; admis le 18 févr. 1825.
HEEGMANN, négociant ; admis le 2 décembre 1825.
BARROIS , négociant ; admis le 16 décembre 1825.
LESTIBOUDOIS (J.-B.t), docteur en médecine ; admis
le 20 janvier 1826.
DAMBRICOURT, négociant ; admis le 17 février 1826.
DELATTRE, négociant ; admis le 3 mars 1826.
DECOURCELLES , propriétaire ; admis le 21 nov. 1828,
DANEL, imprimeur ; admis le 5 décembre 1828.
VAILLANT, docteur en médecine; admis le 6 avril 1831.
MOULAS , propriétaire ; admis le 29 avril 1831.
MARQUET-VASSELOT, directeur de la maison centrale
de détention de Loos, admis le 2 mars 1832.
BORELLY, inspecteur des douanes ; admis le 2 mars 1832.
MULLIÉ , chef d'institution ; admis le 20 avril 1832.
DAVAINE, ingénieur des ponts et chaussées ; admis le 3
août 1832.
BARRÉ, professeur au collège de Lille; admis le 7 sep-
tembre 1832.
LEGLAY, docteur en médecine, archiviste général du dé-
partemenf du Nord ; admis le 19 juin 1835.
|
(684 )
MEMBRES RÉSIDANS AGRICULTEURS.
MM. ADAM, cult. et propriét., à Aubers.
BÉGHIN, id. , à Faches.
BONTE, id. , à Flers.
BRULOIS { Vincent), ïd., à Croix.
CHARLET, id. , à Houplines.
CHUFFART (Jean-B.t), id., à Ascq.
COLLETTE (Louis), id., à Baisieux.
CORDONNIER, id. , à Anstaing.
DEBUCHY (François), id., à Noyelles.
DELECOURT ( Louis )» id., à Lomme.
DELECOURT (J.-Bte), id., à Lomme.
DELOBEL,, id., à Sailly-lez-Lannoy.
DESCAMPS, Id., à Croix.
DESPATURES , id. , à Marcq-en-Barœul.
DESURMONT (Fr.), brasseur, à Tourcoing.
D'HALLUIN (J3.-B.), briq.etcultiv., à Marcq-en-Barœul.
D'HESPEL, propr., cons. d'arrond.t, à Haubourdin.
DUHAYON, à Ronchin.
notaire ,
HAVEZ, : cultiv. et propriét., à Ascq.
HEDDEBAULT, id. , à Faches.
HOCHART fils aîné , id. , à Loos.
LECOMTE,, id. , à Bousbecques.
LEFEBVRE, id. , à Lezennes.
LEFEBVRE (Julien), id., à Hem.
LEPERS ( François), id., à Flers.
LIENARD, id. , à Annappes.
LORIDAN, id. , à Flers.
MASQUELIER (N.), id., à Sainghin-en-Mél.
MASQUILLIER , id. , à Willems.
POTTIER , id. , à Hallennes-lez-H.
WATTELLE , 14: à à Radinghem.
( 685 )
MEMBRES CORRESPONDANS.
MM. AJASSON DE GRANDSAGNE, naturaliste et homme de
lettres, à Paris.
AMPÈRE, membre de l'Institut, à Paris.
ALAVOINE, propriétaire, à La Bassée.
ARAGO, membre de l'institut et de la chambre des députés.
ARTAUD , inspecteur de l’Université, à Paris.
AUDOUIN, naturaliste , à Paris.
BABINET, professeur au collège St.-Louis, examinateur à
l'école polytechnique.
BAILLY DE MERLIEUX , directeur de l’Union encyclopé-
dique, à Paris.
BARR! , chef d'escadron d'artillerie, à Valenciennes.
BEAUDET-LAFARGE, naturaliste , à Maringue.
BECQUET DE MÉGILLE , à Douai.
BÉGIN, chirurgien en chef à l'hôpital militaire d’instruc-
tion de Strasbourg.
BIDART, médecin , à Pas ( Pas-de-Calais ).
BLOUFT, professeur d'hydrographie , à Dieppe.
BOINVILLIERS , correspondant de l'Institut, à Paris.
BONAFOUS, directeur du jardin royal d'agriculture, à
Turin.
BONARD, chirurgien-major au 5.e régiment de dragons.
BOTTIN , rédacteur de l'Almanach du commerce, à Paris.
BOSSON , pharmacien, à Mantes.
BOUILLET, naturaliste, à Clermont-Ferrand.
BOURDON, inspecteur de l’Académie de Paris.
BRA , statuaire, à Paris.
BRONGNIART, agrégé à la faculté de médecine de Paris.
BURETTE-MARTEL , propriétaire, à Haubourdin.
( 686 )
MM. CARETTE , chef de bataillon du génie, à Paris.
CHARPENTIER , docteur en médecine, à Valenciennes.
CHAUVENET, capitaine du génie, à Arras.
CLÉMENT (Mme veuve), née Hémery, à Cambrai.
COCHARD , pharmacien , à Sedan.
COCQ, commissaire des poudres et salpêtres , à Paris.
COGET ainé, propriétaire, à Thumeries.
COLLADON fils, à Genève.
COMHAIRE, littérateur, à Liège.
CORNE, président du tribunal de 1.re instance , à Douai.
COUPRANT, officier de santé, à Houplines,
DARGELAS , naturaliste , à Bordeaux.
DASSONNEVILLE , docteur en médecine, à Aire.
DEBAZOCHES , naturaliste, à Scez.
DE BREBISSON fils, naturaliste , à Falaise.
DE CANDOLLE , professeur, naturaliste , à Genève.
DE CONTENCIN, secrétaire du préfet de la Gironde, à
Bordeaux.
DEGEORGE ( Frédéric ), homme de lettres , à Arras.
DE KIRCHOFF ( le chevalier), docteur en médecine, à
Anvers.
DELARUE, secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture
du département de l'Eure , à Evreux.
DE LENZ (le baron}, conseiller-d'état , à léna.
DE MEUNYNCK , docteur en médecine, à Bourbourg.
DEPRONVILLE , bibliothécaire, à Versailles.
DE PRONY, membre de l’Institut, à Paris.
DEQUEUX-SAINT-HILAIRE , propriétaire, à Dunkerque.
DERHEIMS , pharmacien , à Saint-Omer.
DERODE ( Julien), à Loos.
DESAYVE , à Paris.
DESBRIÈRES , pharmacien-major, à Alger.
DESMARQOUOY, médecin, à Saint-Omer.
( 687 )
MM. DESMYTTÈRE , docteur en médecine , à Cassel.
DESPRETZ , professeur de physique au collège royal de
Henri IV, à Paris.
DESRUELLES , docteur en médecine, au Val-de-Grâce,
à Paris.
DESSALINES-D'ORBIGNY , professeur d'histoire natu-
relle, à La Rochelle,
DE VILLENEUVE-BARGEMONT ( le vicomte), proprié-
taire, à Nancy.
DE VILLENEUVE (le comte Alban }), ancien préfet du
Nord, à Paris.
DE WAPERS, peintre du roi , à Bruxelles.
DRAPIER , inspecteur divisionnaire des ponts et chaussées,
à Paris.
DUBRUNFAUT, professeur de chimie , à Paris.
DUBUISSON , ingénieur des mines , à Paris.
DUCELLIER , ingénieur, à Paris.
DUCHASTEL (le comte), à Versailles.
DUHAMEL , inspecteur général des mines, à Paris.
DUMÉRIL, membre de l’Institut, à Paris.
DUMORTIER , directeur du jardin botanique de Tournai.
DUSAUSSOY, inspecteur de la fonderie royale de Douai,
membre de la chambre des députés.
DUTHILLOEUL, propriétaire , à Douai.
DUVERNOY , professeur à la faculté des sciences de
Strasbourg.
ELIAS FRIES , naturaliste, à Lund (Suède).
FAREZ, procureur-général à la cour royale de Douai.
FÉE , professeur à la faculté de médecine de Strasbourg.
FLAVIER , à Strasbourg.
FRANCOEUR , officier de l’Université, membre de la société
philomathique, à Paris.
FONTEMOING , avocat , à Dunkerque.
( 688 )
MM. GAILLON . naturaliste, à Abbeville.
GARNIER, professeur de matémathiques à l'Université de
Gand.
GAY-LUSSAC, membre de l'Institut , à Paris.
GEOFFROY DE SAINT-HILAIRE fils , naturaliste au jardin
du Roi , à Paris.
GILGENCRANTZ , docteur en médecine , chirurgien-aide-
major au 43. régiment de ligne.
GILLET DE LAUMONT, inspecteur général des mines, à
Paris.
GIRARDIN , professeur de chimie , à Rouen.
GRAR , avocat, à Valenciennes.
GRAVIS , docteur en médecine, à Calais.
GUERARD , agrégé à la faculté de médecine de Paris.
GUÉRIN , membre de la Société d’histoiré naturelle, à Paris.
GUERRIER DE DUMAST fils, homme de lettres, à Nancy.
GUILLEMIN , naturaliste, à Paris.
GUILLOT, lieutenant-colonel d’artillerie , à Strasbourg.
HECART, secrétaire de la mairie de Valenciennes.
HÉRÉ, professeur de mathématiques , à Saint-Quentin.
HUOT, à Versailles.
HURTREL-D'ARBOVAL, médecin vétérinaire , à Montreuil.
JACQUEMYNS , docteur en médecine , à Louvain.
JACQUERYE , professeur de dessin et de mathématiques ,
à Armentières.
JAUFFRET, bibliothécaire en chef, à Marseille.
JOBARD , directeur de l’'Industriel , à Bruxelles.
JUDAS , docteur en médeçine ; à Aire.
JULLIEN , ancien rédacteur de la Revue encyelopédique ;
à Paris.
KUHLMANN, architecte , à Schelestadt.
KUNZE, professeur, à Leipsick.
LABARRAQUE,, pharmacien ; à Paris.
( 689 )
MM. LACARTERIE , pharmacien en chef à l'hôpital militaire
d'instruction de Metz.
LACROKX , membre de l'Institut, professeur de mathéma-
tiques transcendantes , à Paris.
LAGARDE (le baron ), ancien préfet , à Paris.
LAINE, professeur de mathématiques au collège de la ville
de Paris.
LAIR , à Caen.
LA ROCHEFOUCAULT ( le vicomte de), à Paris.
LECOCQ , professeur de minéralogie , à Clermont-Ferrand.
LEBLEU fils, docteur en médecine , à Dunkerque.
LEBONDIDIER , chimiste , à Béthune.
LEFEBVRE, Alexandre, secrétaire de la Société entomo-
logique de France, à Paris.
LEGAY, professeur, à Paris.
LEJEUNE, docteur en médecine, à Liège.
LELEWEL ( Joachim }), professeur d'histoire à l'Université
de Wilna , à Bruxelles.
LEMAIRE , agrégé de l'Université au collège Saint-Louis,
à Paris.
LEROY ( Onésime) , homme de lettres, à Senlis.
LHÉRIC, graveur, à Anvers.
LIBERT ( Melle Marie-Aimée ) , naturaliste, à Malmédy. en
Prusse.
LIÉBIG , chimiste, à Hiessen, grand-duché de Hesse.
LOISELEUR DES LONGCHAMPS , docteur en médecine ,
à Paris.
LONGER , inspecteur des domaines et de des
à Saint-Omer.
MALLET , professeur de philosophie au collège royal
d'Amiens.
MANGON DE LALANDE , directeur des domaines, à
Poitiers,
44
( 6go )
MM. MARCEL DE SERRES , naturaliste, à Montpellier.
MARCHANT DE LA RIBELLERIE, sous-intendant mili-
taire, à Tours. |
MARMIN , ex-inspecteuur des postes, à Boulogne-sur-Mer.
MARTIN-SAINT-ANGE , docteur en médecine, à Paris.
MAIZIÈRES , docteur ès-sciences ; aPParis:
MATHIEU , membre de l'Institut et du bureau des longi-
tudes , à Paris.
MATHIEU DE DOMBASLE , agronome, à Roville.
MEIGEN , naturaliste, à Stolberg.
MÉRAT, membre de l'Académie de médecine ; à Paris.
MICHAUD , naturaliste , lieutenant au 10. régiment d'in-
fanterie de ligne.
MILNE-EDWARDS, naturaliste, à Paris.
MIONNET, conservateur au cabinet des antiques, à Paris.
MOURONVAL , docteur en médecine, à Bapaume.
NICHOLSON , ingénieur-mécanicien , à Londres.
NOEL, officier de l'Université, à Paris.
NOUEL-MALINGIÉ , chimiste, à Eppe-Sauvage, dépar-
tement du Nord.
OZANEAUX , recteur de l’Université, à Toulouse.
PALLAS , médecin , à Saint-Omer.
PELOUZE, répétiteur de chimie à l'Ecole polytechnique.
PERSOONE, naturaliste , à Paris.
PIHOREL , docteur en médecine , à Rouen.
PLOUVIEZ, docteur en médecine, à Saint-Omer.
POIRET , naturaliste, à Paris.
POIRIER SAINT-BRICE , ingénieur des mines, à Paris.
POTTIER , directeur du jardin des plantes , à Douai.
REGNAULT, colonel du 66. régiment d'infanterie de ligne,
à Ancône.
REINARD , pharmacien, à Amiens.
RODENBACH ( Constantin ), membre de Ja Chambre des
représentans belges , à Bruxelles.
(691 )
MM. RODENBACH ( Alexandre }, membre de la Chambre des
représentans belges , à Bruxelles. -
RODET , professeur de médecine vétérinaire , à Toulouse.
SCHREIBER , naturaliste, à Vienne (Autriche ).
SINCLAIR ( John }, agronome, à Londres.
SCOUTTETEN , docteur en médecine , à Metz.
SOUDAN, docteur en médecine , professeur à l'hôpital
militaire d'instruction de Metz.
TANCHOU, docteur en médecine, à Paris.
TARANGET , docteur en médecine, à Douai.
TASSAERT, chimiste, à Anvers.
TESSIER , membre de l'Institut, à Paris.
TIMMERMANS , capitaine du génie, à Tournai.
TORDEUX, pharmacien, à Cambrai.
VANDERMAELEN , à Bruxelles.
VASSE DE SAINT-OUEN, inspecteur de l'académie de
Douai.
VANMONS, professeur de chimie à l’université de Louvain.
VILLENEUVE , membre de l'académie de médecine, à
Paris.
VILLERMÉ , membre de l’Académie de médecine, à Paris.
VINCENT , professeur de mathématiques , à Paris.
YVART, membre de l’Institut, à Paris.
( 692 )
LISTE
DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES.
ABBEVILLE. Société royale d'Émulation.
ALBY. Société d'agriculture du département du Tarn.
ANGERS. Société d'agriculture , sciences et arts.
ANGOULÈME. Société d'agriculture, des arts et du com-
merce du département de la Charente.
ARRAS. Société royale pour l'encouragement des sciences,
des lettres et des arts.
AVESNES. Société d'agriculture.
BESANCON. Société libre d’agricultare, arts et commerce
du département du Doubs.
BESANCON. Académie des sciences, belles-lettres et arts.
BESANCON. Société d'agriculture, des arts et du commerce.
BORDEAUX. Académie royale des sciences, belles-lettres et arts.
BORDEAUX. Société linnéenne.
BORDEAUX. Société philomathique.
BOULOGNE-SUR-MER. Société d'agriculture , du commerce
et des arts.
BOURGES. Société d'agriculture du département du Cher.
BRUXELLES. Société de Flore.
BRUXELLES,. Société des sciences médicales et naturelles.
BRUXELLES. Société agricole de Bruxelles.
CAEN. Société royale d'agriculture et de commerce.
CAMBRAI. Société d'émulation , agriculture , sciences et arts.
( G95 )
CHALONS-SUR-MARNE. Société d'agriculture , arts et com-
merce de la Marne.
CHARLEVILLE. Société centrale d'agriculture , sciences et
arts et commerce du département des Ardennes.
CHARTRES. Société d'agriculture d'Eure-et-Loire.
CHATEAUROUX. Société d'agriculture du département de
l'Indre.
CHAUMONT. Société d'agriculture, arts et commerce du
département de la Haute-Marne.
DIEPPE. Société archéologique.
DIJON. Académie des sciences et belles-lettres.
DOUAT. Société centrale d'agriculture, sciences et arts.
DOUAI. Société des amis des arts.
DOUAI. Société médicale.
DUNKERQUE. Société d'agriculture.
ÉVREUX. Société de médecine, chirurgie, chimie et pharmacie.
ÉVREUX. Société d'agriculture , de médecine , sciences et arts
du département de l'Eure.
FOIX. Société d'agriculture et des arts du département de
l'Ariège.
GAND. Société royale des beaux-arts , belles-lettres , agricul-
ture et botanique.
IÉNA. Société de minéralogie.
LIÈGE. Société libre d’émulation et d'encouragement pour
les sciences et arts.
LILLE. Société d’horticulture.
LONS-LE-SAULNIER. Société d’émulation du département
du Jura.
LYON. Académie royale des sciences , belles-lettres et arts.
LYON. Société de médecine.
MACON. Société d’agriculture, des sciences , arts et belles
lettres.
MANS (LE). Société royale d'agriculture , sciences ct arts.
( 694 )
MARSEILLE. Académie des sciences, belles-lettres et arts.
METZ. Société d'agriculture , des lettres, sciences et arts du
département de la Moselle.
METZ. Société des sciences médicales du département de la
Moselle.
MÉZIÈRES. Société libre d'agriculture , arts et commerce du
département des Ardennes.
MONTAUBAN. Société des sciences, agriculture et belles-
lettres du département de Tarn-et-Garonne.
MULHAUSEN. Société industrielle. *
NANCY. Société des sciences, lettres, arts et agriculture.
NANCY. Société royale des sciences, lettres et arts.
NANTES. Société académique du département de la Loire-
Inférieure.
NANTES, Société nantaise d'horticulture.
PARIS. Société d'agriculture du département de la Seine.
PARIS. Société des inventions et découvertes.
PARIS. Athénée des arts.
PARIS. Société royale d’agrieulture.
PARIS. Société d'encouragement et de l’industrie nationale.
PARIS. Société médicale d’émulation.
PARIS. Société d'encouragement pour l'industrie nationale.
PARIS. Société de géographie.
PARIS. Société de la morale chrétienne.
PARIS. Société d'histoire naturelle,
PARIS. Société d'horticulture.
PARIS. Société pour l'amélioration de l'enseignement élé-
mentaire.
PARIS. Société d’agronomie pratique.
PARIS. Société géologique de France.
PARIS. Société philomathique.
PARIS. Société linnéenne.
PARIS. Société libre des beaux-arts.
(CRE ©
POITIERS. Société d'agriculture , belles-lettres, sciences et
arts du département de la Vienne.
RIS. Institut horticole de Fromont.
RHODEZ. Société d'agriculture et de négocians du départe-
ment de l'Aveyron.
ROUEN. Société libre d’émulation.
ROUEN. Académie royale des sciences , belles-lettres et arts.
SAINT-ÉTIENNE. Société d'agriculture, arts et commerce
de la Loire-Inférieure.
SAINT-ÉTIENNE. Société industrielle.
SAINT-QUENTIN. Société des sciences, arts et belles-lettres.
STRASBOURG. Société d'agriculture, sciences et arts du
Bas-Rhin. :
TOULOUSE. Académie des jeux floraux.
TOULOUSE. Société royale d'agriculture.
TOULOUSE. Académie royale des sciences, inscriptions et
belles-lettres.
TOURS. Société d'agriculture, sciences et arts et belles-
lettres du département d’Indre-et-Loire.
TOURS. Société d'agriculture du département d’Indre-et-
Loire.
TROYES. Société d'agriculture, sciences et arts du départe-
ment de l’Aube.
VALENCIENNES. Société des sciences et arts de commerce.
VERSAILLES. Société d'agriculture et des arts du départe-
ment de Seine-et-Oise.
—"#2 © n—-—
( 696 )
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME.
Lee —
PHYSIQUE ET MATHÉMATIQUES.
Mémoire sur la résolution des équations numériques , par
M. Vincent, C. CR PRE TR ere
Vis d’Archimède. — Détermination de la surface hélicoï-
dale donnant l’espace hydrophore maximum, par M.
Davaine, À... : AMEL. 480 Mobiomomonboeco bé oe
Mémoire sur les plantations d'arbres, par M. Mai-
zière, G....... Con cs OR EE tic
TOR Oran EN EE A EE ES PTS
Essai sur l'application du calcul des probabilités aux assu-
rances contre l'incendie , par M. Th. Barroïs,R.,..
Notes sur la polarisation, par M. Delezenne,R........
Idem additions 36 si RE ET se
GÉOLOGIE.
Discours sur les progrès de la géologie, par M. Marcel
dendenres si: esse ae er deu distoie die ton eee SÉRIE
Notice sur la carbonisation du bois résultant de son séjour
prolongé dans un terrain de troisième formation, par
M A aa, C,...... Docs deal lot cle fois
Notice sur une roche dite Roche brülée , située à Fumay,
département des Ardennes , par feu M.7.-F. Clere, C.
(x) C. signifie membre correspondant , R, membre résidant.
Pages.
283
417
420
( 697 )
Note sur les eaux jaillissantes du puits foré pratiqué chez
M. Bancal, à Celleneuve, près Montpellier, par M.
Mafcelde: Serres Gi, 1000409. ba Ma:
Observations géologiques sur le département de l'Aude,
par M. Marcel de Serres, G................,..
CHIMIE.
Recherches chimiques sur le maïs, devant contribuer aux
progrès de la fabrication des sucres indigènes, par
M. E. Pallas D à RE ee Scan ed an ete US
HISTOIRE NATURELLE.
Observations sur la licorne des anciens , par M. Marcel
de Serres, G. ..…. Mnatetein tien es ee ei eo cie ei Se
Description d’un nouveau genre d'insectes diptères de la
famille des Notacanthes, par M. J. Macquart,R. ...
BOTANIQUE.
Description et figures de six hyphomycètesinédites à ajouter
à la Flore française, par M. J.-B.-H.-J. Desmazieres ,
R. ......... ....... ss ......
MÉDECINE.
Gastrite aiguë; tubercules développés. dans l'œsophage;
perforations établissant communication entre ce con-
duit et la trachée-artère ; carie de deux vertèbres dor-
sales; par M. J. Gravis, Q., ses es se see
Mémoire sur l'usage externe de la pierre à cautère, par
M. Plouyiez, QG. 4 «5 ee sachant ton ex
423
432
489
494
5o4
510
522
530
( 698 )
MEDECINE VÉTÉRINAIRE.
Des amulettes corporels, considérés dans leur influence
sur la conservation des animaux, par M. J.-B.-C.
L Rodet, C °...e eee ce 00... . b4x
PHILOSOPHIE,
Considérations sur le caractère de la philosophie au 19
siècle,:par-M: Mallet, Gi s ee se su eloni555
HISTOIRE ET DIPLOMATIQUE.
Notice sur les archives de la Chambre des Comptes de
Lille, par M. le docteur Leglay, R....... less I0E
LITTÉRATURE.
Le Paradis perdu, poème de Milton, traduit de l'anglais
par D Bars, Re cents he ST
ANTIQUITES.
Antiquités trouvées dans le département du Nord, par
MR PET MEN Res se rase es sde Fe SL
Programme des prix proposés en faveur de l’économie
rurale pour être décernés le 28 juillet 1835..,..... s “O4
Séance publique du 28 juillet 1834................. 648
Distribytion des prix... MAI UE. ........401607
Ouvrages envoyés à la Société.......,.. SRE LE ee 670
Legs fait à la Société par feu le chevalier Wicar, G..... 674
Envois des sociétés correspondantes... ..,... #3 AE TG TB
Ouvrages envoyés par le Gouvernement. ............ + 680
Ouvrages reçus par abonnement. ..........:........ 1bid.
Liste des membres de la Société. .......,.,..,. MT 682
Liste des sociétés correspondantes. .,,,,.... PMU “6092
( 699 )
: ERRATA
DU MEMOIRE SUR LES PLANTATIONS.
(Pages 41 et suivantes.)
Page 4 , ligne 22, 105 — lisez : 1,05
Page 7, dernière ligne , uu — lisez : nu
Page 8, ligne 4, trouver — lisez : réussir
Page 10, ligne 12, champs — lisez : champs,
Ibid. , ligne 31, . — lisez :,
Ibid., ligne 32, , — lisez: ;
Page 19 , ligne 17, 64 — lisez : 27
Page 27, ligne 4, 57 — lisez : 19
Page 23 bis, avant dernière ligne, d — lisez : 0 —
Ibid , ibid., B — sez : B —
Ibid., dernière ligne, CG, — lisez : C,,, —
Ibid. , ibid. Shi lisez : 9 —=
Ibid, , ibid,, 588 — lisez : C — 588
Page 25, ligne 10,+B, — lisez: +B,;
Ibid , ibid., +B, — Zisez:+ B,;
Ibid., ligne 11,+B,, — lisez:+B,;.......
Ibid. ligne 21, 1,09 — lisez : 1,05
Ibid. , ibid, (1,05), — disez : (1,05)
Page 32, ligne 2, P"’ — lisez: P'"
Page 40, ligne 26, éclairés, — éclairés ;
Ibid. ; ligne 28, , — lisez: ;
Ibid. , ligne 31, engrais, — engrais;
Page 41, ligne 10, , — lisez: ;
Ibid. , ligne 11, , — lisez: ;
Page 45, ligne 9, 2653 — lisez : 21,653
Ibid. , ligne 10, 2F653 — lisez : 21,653
Page 46, ligne 2, étant — lisez : étant connu
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