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Full text of "Memoires de la Société (Royale) des sciences, de l'agriculture et des arts à Lille"

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SOCIÈTÉ ROYALE 


DES SCIENCES, 


DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS: 


DE LILLE, 


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ais aovreunrsoau à 
ARE aa: - 


MÉMOIRES 


DE LA 


SOCRATÉ BOLAME 
des Griences, 


DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS, 


DE LILLE. 


1834. 


A LILLE, 
DE L'IMPRIMERIE DE L. DANEL, GRANDE PLACE. 


1835. 


4 


PEL 


) 


KA à 


S 
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Fa 
#. 


S'EFDEADAN 


ï 


( ») 


PHYSIQUE ET MATHÉMATIQUES. 


Rss 
MÉMOIRE 


SUR LA RÉSOLUTION DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES, 


Par M. Vincent, Membre correspondant. 


7 NOVEUBRE 1834. 


N.o 1.— Dans une note qui m'est commune avec M, Bournon, 
et qui fait partie de la sixième edition de son Algèbre il a été 
démontré que Sz dans une équation numérique rationnelle en 
x dépourvue de racines égales, on fait successivement, et 
conformément au procédé de Lacnaxce, 


: I I I 
L—=a+—; a = b + — LC — Miss 
TL ZT 


1? Per 

on parvient toujours par la suile des transformations , et quels 
que soient d’ailleurs les nombres a, b, c...., à une équation 
transformée qui se trouve dans l’un de ces deux cas : ou de 
ne plus avoir que des permanences, ou de ne plus offrir qu'uxe 
variation; dans ce second cas, l'équation en x a une racine 
réelle positive représentée par la fraction continue 


L 9 
À ts —— 


(2) 
et n’en à qu'une seule de cette valeur ; le premier cas, au con- 
traire, arrive toutes les fois que late n’a aucune racine 
susceptible de l’expression indiquée. 

Non seulement cette propriété des équations numériques, 
propriété exclusivement inhérente à la réduction de leurs racines 
réelles en fractions continues, est tout-à-fait suffisante , ainsi 
qu’on peut le voir, pour conduire à la séparation de ces racines, 
comme naturellement, c’est-à-dire sans que l’on soit obligé de 
déterminer à priori leur quotité ou de leur assigner des limites (*}, 
ct pourvu seulement qu’afin de s'épargner nne infinité d'essais 
inutiles, on se laisse diriger dans le choix des nombres a, b, c.….. 
par le théorème de M, Bupax (**) ; mais en outre la même propriété 


(*) Qui ne connaït aujourd’hui le beau théorème découvert par M. Srurm 
sur les limites des racines ?.,.. Bien que la méthode de résolution proposée 
dans ce qui vasuivre en soit absolument indépendante, toute complète et rigou- 
reuse qu’elle nous paraisse, le théorème de M. STruRM n’en est pas moins d’une 
extrême importance à nos yeux, pour la facilité avec laquelle il permet de 
recennaître à priori le nombre et les limites des racines réelles; et sous ce 
rapport il offrira toujours un puissant auxiliaire à toutes les méthodes de réso- 
lution , quelques avantages qu’elles puissent d’ailleurs présenter. Il ne faut pas 
perdre de vue , au surplus, que l'emploi du procédé de M. SrurM se trouve tout 
préparé par les opérations nécessaires à la séparation préalable des racines 
égales. 

(**) Ce théorème peut être énoncé comme il suit : 

Si, dans une équation en x que nous représenterons par f (x) = 0, on fait 
alternativement x = p+x,x= q“+x”, p et q étant deux nombres réels 
de signes quelconques, et tels que l’on ait p <q [c’est-à-dire que p soit le 
plus rapproché de l'infini négatif, et q le plus rapproché de l'infini positif] : — 
1.0 La transformée en x —x — p ze peut avoir moins de variations que 
la transformée en x” —x— q; — 2.° le nombre des racines réelles de 
l’équation f(x) = 0, comprises entre p et q, ne peut jamaïs surpasser celui 
des variations perdues dans le passage de la transformée en (x—p) à La 
transformée en (x— q); — 3.° quand il en est surpassé, il l’est toujours 
d'un nombre pair. — [Dans le cas particulier où l’un des nombres p, q, serait 


(3) 

fournit un caractère au moyen duquel on peut reconnaître d'une 
manière certaine quand celte séparation est complétement effec. 
tuée. Pour ces deux raisons, j'ai pensé qu’il ne serait pas sans 
intérêt de reprendre ici la proposition énoncée, et de faire voir 
comment elle peut se déduire de la théorie des fonctions dérivées, 
indépendamment de l'algorithme particulier sur lequel reposait 
sa première démonstralion. 

Ensuite, m'appuyant sur la propriété citée et profitant des 
travaux de M, Bupan et de ceux de Fourrrer > j'indiquerai, pour 


—— — 


nul, la transformée correspondante devrait être remplacée par la proposée 
elle-même], 

FouRRIER, qui était parvenu de son côté au même théorème , et qui en a 
donné dans son Analyse des équations, ouvrage publié après sa mort par 
M. Navier, une démonstration différente de celle de M. Bupan, l’énonce 
d’une autre manière qui revient à-peu-près à la suivante : 

Si dans la suite des (m + 1) fonctions f(x), f(x), f” (x)-...., ftm) ),, 
on substitue alternativement deux nombres réels quelconques p, q [ p étant 
<q], et que l’on représente par P, Q, les deux suites de nombres résultant 
respectivement de ces substitutions : — 1.0 La suite P ne peut présenter 
moins de variations que la suite Q ; — 2,0 Je nombre des racines réelles de 
l’équation f(x) — 0, comprises entre pet q, ne Peut jamais surpasser celui 
des variations perdues dans le passage de l'hypothèse X—Pp à l’hypothèse 
X—4{; — 3.° quand il en est surpassé, il l’est toujours d’un nombre pair. 

Pour l'historique de ce théorème, ainsi que pour l’examen des avantages 
qu’il présente dans les applications et des points de vue sous lesquels il pouvait 
laisser quelque chose à désirer, nous renverrons aux Lecons d’Algèbre de 
M. LEF&BURE DE Fourcy. 

Il estsurprenant que FOURRIER n'ait pas cherché, dans son ouvrage, à démon- 
trer la proposition qui fait l’objet principal du présent mémoire, et qui seule, 
à ce qu’il nous semble, pouvait donner à sa méthode tout le degré de rigueur et 
de précision dont elle était susceptible. Jl a bien, à la vérilé, dans les Mémoires 
de l’Institut (année 1827), énoncé que la réduction en fractions continues 
devait toujours effectuer la distinction des racines réelles et des racines imagi- 
naires ; mais il n’a donné aucune preuve de cette assertion, et n’a pas non plus 
expliqué de quelle manière ce départ pouvait s’opérer. : 


(4) 


résoudre les équations , un procédé mixte qui, réunissant autant 
que possible la rapidité de la méthode de Newrox avec la sûreté 
de celle de Lacnaxes , me paraît offrir les avantages de l’une et 
de l’autre sans en avoir les inconvéniens. | 

N:0 2. — Supposons donc, pour démontrer la! proposition 
énoncée ci-dessus (N.o 1}, que l’on ait effectué les substitutions 
successives 


1 I 
; d'—=b+—, L' = CH esse; 
TX T 


P 


soient— , “ ; deux réduites consécutives de la fraction con- 


tinue qui résulte, de ces transformations , et y le dénominateur 
complet de la fraction intégrante qui vient immédiatement après, 
de sorte que l’on ait 


l'équation transformée en y pourra alors étre considérée comme 
le résultat de la substitution immédiate de cette valeur de x 
dans l'équation proposée en x; de même que réciproquement , 
en éliminant + entre cette transformée et la valeur de x, on 
retomberait sur l'équation primitive. 

Cela posé, considérons les facteurs réels du premier et du 
second degré de l'équation en x; examinons les facteurs en y 
qui leur correspondent respectivement dans l'équation en y; et 
par suite voyons quelle forme prendra cette dernière équation 
elle-même. 

Soit d’abord un facteur réel da premier degré (x — #). Ilen 
résullera 


2 Br vs 
PPT OR 


Or, pour que ce facteur du premier degré en y puisse avoir 
une variation [et, par conséquent, en introduire au moins une 
dans l'équation en y], il faut et il suffit que la racine 4 soit com- 


prise entre les deux réduites consécutives Le et =? ; et comme 


ces réduites, quelles que soient les fractions intégrantes succes- 
sives avec lesquelles on les forme , tendent continuellement vers 
l'égalité puisque leurs différences consécutives vont sans cesse en 
diminuant, il s'ensuit qu'après un certain nombre de transfor- 
mations , une seule des valeurs de x [ supposées toutes inégales 
entr’elles |, pourra rester comprise entre deux réduites consé- 
cutives, lesquelles représenteront alors des valeurs de plus en 
plus approchées de cette racine. 
Soit maintenant un facteur réel du second degré, tel que 


2 
A 
correspondant à un couple de racines imaginaires 


T—uEpV/—1, 


Il en résultera 


+ a 
RE LE VE 


ce qui donnera le facteur double du premier degré : 


q LE (« Fa sy) rerf-(æi=s)} 


(6) 


et par suite le facteur réel du second degré : 


==) (Een te 


Or, pour que ce facteur puisse introduire des variations dans 
l'équation en y, il faut nécessairement que l’on ait : 


G-)G--)-r<e 


ce qui exige deux conditions : la première, que « ou la partie 
réelle des deux racines, soit comprise entre les deux réduites con- 


P 


sécutives — et # ; la seconde, que le carré de f ou du coef. 
P 7 


ficient de j/— 1 dans ces deux racines, soit inférieur à la valeur 
numérique du produit 


« » . . 1 - 
et à plus forte raison, que & soit << —— , puisque les valeurs 
: Ch | 
numériques des facteurs 


=(£-.) et +(E-.) 
g F 


(7%) 


La première de ces deux conditions pourrait bien être remplie 
indéfiniment, et alors la série des réduites convergerait vers un 
nombre égal à la quantité ; mais la seconde finira tôt ou tard 
par ne l’être plus, puisque, les dénominateurs des réduites erois- 
sant indéfiniment, la différence de deux réduites consécutives 
peut devenir moindre que toute quantité donnée, 

Il résulte de là que, par la suite des calculs, on parviendra 
toujours à une équation qui se trouvera dans l’un de ces deux cas : 
ou que {ous ses facteurs réels, tant du premier degré que du 
second, seront composés de termes entièrement positifs ; ou 
bien que ces facteurs seront positifs à l'exception d’un seul de 
la forme (y —% ), 9 étant un nombre positif et > 1. Dans le 
premier cas, l'équation n'aura évidemment que des permanences; 
dans le second, on sait déjà qu’elle doit avoir un nombre impair 
de variations, et nous allons prouver que ce nombre impair finit 
toujours par se réduire à un. 

N.o 3. — Pour cela, faisons un moment abstraction du facteur 
(y — ) et de tous ceux qui lui correspondaient dans les équa- 
tions en x, x’, x",.,.3 puis, dans le produit des autres facteurs 
de l'équation en x, produit que nous appellerons X et que nous 
supposerons du degré »m, remplaçons x par 


ER Re EE ——— 


PER P ne 2e PRISE 1 
jar +p) 


5 


ou simplement faisons x — #+u, en posant , pour abréger, 


:q == L 
——À et + — à. 
q ACL ES DD 


Alors, en représentant par K, K', K'”..... K(n), ce que devien- 
nent respectivement le polynome X et ses dérivés successifs 


(8) 


jusqu'à l'ordre inclusivement quand on y fait æ — 4, nous 


aurons : 
KG@) ur 


TT OO 


K'u K''u° 
trossssseses Ge ml 
Le 2e Drossvocs VB 


X—K+— + 
1 


1.2 


Or, la valeur de & peut se mettre sous la forme suivante : 


I 
u = 7 : == y+r ? 
y+ È 
q 


en posant encore, pour abréger, 


= 0 : k p’ 
= —= 1 et = = r; 


g 


Ds 


donc nous aurons pour le développement de X, 


Z K’/ Fes 


GS > 
Y+r 1.2 (Y+r) 


+. Su... 


K 
X—K+-. 
L 


K{x) ze 


posser. + eg — er #0 7 


= mo 
1.203...  (Y+r)" 


d'où résultera , après la multiplication par (y +r)", l'équation 
suivante en y : 


n 
(Y HT) pousse 


Ki 
K(yær)e+ — (y er) + 
I 1, 2 


Km) jm 


— == 0. 


Le2e Dev M 


. 0e + 


(9) 


Elx 
Maintenant , la fraction 1 — —— quientre dans cette équa- 
q 
tion , diminue à mesure que le nombre des transformations se 
multiplie ; et elle peut devenir, par la suite du calcul, moindre 
que toute quantité donnée; par conséquent, les premiers 
membres des équations transformées tendent sans cesse vers une 
limite de la forme 


K(y+r)"; 
c’est-à-dire [abstraction faite du coefficient K], qu'ils approchent 


continuellement de la puissance me d’un binome dont le premier 
terme est l’inconnue y de l'équation transformée , et le second 


4 
terme une quantité numérique [ RE 5 | égale au rapport 


du dénominateur d’une réduite au dénominateur de la réduite 
suivante, rapport qui, par conséquent, est toujours moindre 
que l'unité. 

Mais on sait : 1.0 que dans le développement de toute puissance 
entière d’un binome, les coefliciens vont en augmentant depuis 
les deux termes extrêmes jusqu’au milieu. Donc, dans le déve- 
loppement de K(y+r)", en tenant compte des puissances 
successives de r, puissances qui vont en diminuant puisque r est 
< 1, plus de la moitié des coefficiens des puissances succes- 
sives et ascendantes de ÿ vont en augmentant. 

2.0 On sait encore que dans ce même développement de 
(y +r}", le rapport de chaque coefficient au précédent, en avan- 
çant d’un quelconque des deux termes extrêmes vers l’autre 
Mm—n+i, 


terme extrême, va en diminuant, puisque la fraction 
8 n 


qui représente le rapport du (7 + 1)e coefficient au ne, va elle- 
même en diminuant à mesure que 7 augmente ; ou bien, ce qui 
est la même chose, le rapport de chaque coefficient au suivant 
va en augmentant, 


(10) 

Donc, en effectuant sur le polynome X [ que nous suppose- 

rons , pour fixer les idées, du 6.e degré ], la série des opérations 

indiquées, et poussant le calcul suffisamment loin, on arrivera 
toujours à un polynome en y, tel que le suivant: 


Py + Qy° + Ry* + Sy + Ty + Uy + V, 


dans lequel , les coefficiens P, Q, R...... étant tous positifs , on 
aura en outre les deux inégalités continues : 

1.° Entre plus de la moitié de ces coefficiens depuis V jus- 
qu'à P: 


d'-N PQ QI RTE PER 


2.0 Depuis le dernier terme jusqu’au premier : 


cp l'OrACe Mat LAS dell 
L OD DRE tes DT LS D 


Cela posé, en multipliant le polynome en y par le facteur 
(y — 9), on aura pour produit : 


Py' 
+(Q —Py)-#° 
+ (R—Q) 7° 
+ (S— Ro) y° 
+ (T—Sy) 7° 
+ (U— Te) »° 

+ (V— Us) y 

— Vo = 


Or, puisque d’ailleurs > 1, on a d’abord 


V<U<U», 
U<T<T?; 
TS LS pre re 


(nu) 
d’où il résulte que toujours au moins la moitié des termes du 
produit total, à commencer par le dernier, sont négalÿfs ; et 
quant aux termes de degrés plus élevés en y, un ou plusieurs 
d’entr'eux peuvent encore être négatifs ; mais dès que l’un d'eux 
est positif, les autres de degrés plus élevés le sont aussi. Par 


exemple , si 
S>œRpyY, d’où PCR 


il en résulte à fortiori : 


<3 


RAT ET 


d'où R >> Qy: 


et de même des autres termes s'il y en avait davantage. 

Ainsi, comme il fallait le démontrer , l'équation que l’on 
obtient en égalant à zéro le polynome en y, ne peut avoir plus 
d'une variation ; et d’ailleurs, à cause du premier terme qui 
est positif, on voit qu’elle en aura nécessairement une. 

N.o 4. — Examinons maintenant comment cette propriété des 
équations peut servir à faciliter et à simplifier la recherche de 
leurs racines ; et pour cela , expliquons d’abord en peu de mots 
le procédé auquel on est naturellement conduit par le théorème 
de M. Buran , lorsqu'on veut exprimer ces racines en fractions 
continues. 

Soit, pour cela , l'équation générale : 

SJ (x) = A+Bx + Cri Da + Exf........ = 0. 


En posant x — a + x', on aura pour transformée : 


24 x"? 
fla+x) = f (a+ (QE +S" (0) À 
+ f!"! (a) PUETE Fe (a) nn sssoses = 0e 


Alors, si l’on fait fa) : .—'à#, 


| 
ty 


EPA 


1.2 


FE LA 


1.2.3 


oué (a) 


a 
F2: De 


morose seems ses sons sesvsee 
l'équation en x’ pourra s’écrire ainsi : 
A! 4 Ba! + Ca"? me D'att  Ealt.. == 0, 


De plus , si l'on suppose a— 1 , on aura simplement : 


f(a) == A! == A + B + C + D a nl EEE, 
M Se pr — B+2C+3D + 4E...... 
1 
11 
ee nat CH ITHCE...S 
1.2 
(114 ç 
Med. y — D+4E....., 
19378 
11 
AE PEN = Bscerass 
1.2.3.4 
photon esse tee one resete eee s 


et généralement, quel que soit le degré de l'équation en x, on 


(13) 

obtiendra toujours facilement et à la seule inspection, les coet- 
ficiens de la transformée en x —= (x — 1), d'après la formule 
du Triangle arithmétique. 

La même règle qui sert à passer de l'équation en x à l’équa- 
tion en (x—1}), conduira de celle-ci à la transformée en (x—2), 
de là à la transformée en (x — 3).......3 et ainsi de suite. 

On obtiendra, pour la même équation et par un procédé 
pareil , les transformées en (x + 1), (x+ 2), (x+ 3), ete., 
en observant seulement de changer, dans chacune des sommes 
qu'exige le calcul des coefliciens A’, B’, C’, D’... , les signes de 
tous les termes de rang pair. 

N.05.— Cela posé, admettons que l’on ait déterminé les coef- 
ficiens des transformées successives en (x Æ 1), en (x Æ2), 
en(x 3) ......,etque l’on soit parvenu ainsi, d'une part 
à une transformée en (æ— /) qui n'ait plus que des perma- 
nences , et d’autre part à une transformée en (x +/') qui n'ait 
plus que des variations. 

Cette opération faite , on connaît les parties entières de toutes 
les racines réelles que l’équation en x a ou peut avoir, 

En effet [ les racines entières étant supposées déjà extraites], 
pour que deux nombres entiers consécutifs, + a, + (a+1) 
[a pouvant d’ailleurs être nul |, comprennent une racine ou pla- 
sieurs, 2! est nécessaire, relativement aux racines positives, 
que la transformée en (x—a) ait plus de variations que la 
transformée suivante en (x — a — 1), et pour les racines né- 
gatives , que la transformée en (x + a) ait moins de variations 
que la transformée en (x + a+ 1). Mais ne nous occupons 
que des racines positives. 

Si donc, dans le passage de la transformée en (x — a) à la 
transformée en (x— à — 1 ), un certain nombre de variations 
ont disparu , alors seulement il y a lieu de sypposer l'existence 
de racines réelles comprises entre a et (a+ 1}, en nombre 
égal au plus à celui de ces variations perdues. 


C14) 


I 
Dans cette hypothèse, on pose x —a — —; et les coeffi- 
x 


ciens de l'équation en x’ s’obtiennent en renversant simplement 
l'ordre des coefliciens de l'équation en (x — a) [ et changeant, 
s’il y a lieu , tous les signes, afin de rendre le premier positif ] ; 
puis on calcule les coefficiens des transformées en (x! — 1),en 
(x'— 2), en (x’— 3), …., jusqu’à ce qu'on arrive à une trans- 


formée qui n'ait plus que des permanences. 


La valeur de x’ devant être plus grande que l’unite pour 
toute valeur réelle de x comprise entre aet(a+ 1), ils’en- 
suit qu'il ne saurait exister de pareilles valeurs de æ si l’équa- 
tion en (x’— 1) n'avait déjà plus que des permanences; et 
généralement, le nombre des racines réelles de l'équation pro- 
posée, comprises entre a et (a+ 1), peut être tout au plus 


égal à celui des variations de l'équation en (x! — 1 }. 
q 


Maintenant, pour qu'une valeur de x’ [ ou plusieurs ] soit 
comprise entre à et (b+ 1), b étant un nombre entier positif 
au moins égal à l'unité’, il faut que, dans le passage de l’équa- 
tion en (x'—b}) à l'équation en (x/— b— 1), un certain 
nombre de variations aient disparu; et c’est seulement dans 
cette hypothèse que l’on peut supposer des valeurs de x’, en 
nombre égal au plus à celui de ces variations , comprises entre 
bet(b+1). 


I 
On fait alors x — b — — ; les coefliciens de l'équation en 
æ 


x" s'obtiennent en renversant simplement l'ordre des coefficiens 
de l'équation en (x' — b ); et l’on calcule de même les coef- 
ciens des transformées en (x" — 1), en (x"”— 2), en (x”— 3), 
+... , jusqu'à ce que l'on parvienne à une transformée qui n'ait 
plus que des permanences. 


! 


En raisonnant sur x” comme on a raisonné sur x’, on fait, 


( 15 ) 
sil y.alieu,; x ! — c — PES uis a"! — d — Fa el 
J ? Th PAR ter Sin 0 nl 
ainsi de suite. 


On opère, d’ailleurs, comme il vient d’être développé, pour 
tout système de deux équations ou de deux transformées consé- 
cutives en x, en x’, en x”, en x"”, …, entre lesquelles il a 
disparu des variations [ en ne tenant pas compte, toutefois, de 
celles qui disparaissent entre les transformées en x’ et (x'— 1), 
æ!'et(x" — 1), |; et l’on pousse chacune de ces séries ou 
branches d'opérations, jusqu’à ce que l’on parvienne à une 
équation en æ () , telle que la transformée en (x (%) — 1), qui 
s’en déduit, ou n’ait plus que des permanences , ou ne présente 
plus qu'une seule variation. Toute série d'opérations qui se 
trouve dans le premier cas , est terminée, et ne donne aucune 
racine réelle. Dans le second cas, au contraire, les valeurs déjà 
obtenues dans cette série d'opérations, pour æ, x’, x", x", 
æ",……, forment une fraction continue dont les réduites suc- 
cessives représentent des valeurs de plus en plus approchées de 
l'une des racines réelles de l'équation proposée. 

N.o 6. — Ces racines se trouvant ainsi complètement sépa- 
rées, soit y l’inconnue de la dernière transformée relative à l'une 
d'elles. Pour approcher davantage de la valeur de cette racine, 
nous pourrions continuer le calcul en suivant toujours la même 
marche; et nous serions sûrs de n'avoir, dans toutes les transfor- 
mées subséquentes, qu’une seule variation, et par conséquent 
une seule racine positive, laquelle, de plus, serait toujours 
nécessairement plus grande que l'unité, 

Mais les approximations successives fournies par la réduction 
en fraction continue ne croissant que très-lentement, chan- 
geons maintenant notre marche, et exprimons en décimales la 
valeur cherchée de y , suivant le procédé de Newrox. 

Ce procédé, dans le cas actuel, et vu la forme particulière à 
laquelle nous avons ramené l'équation à résoudre, se trouve 


(16) 
affranchi des inconvéniens qu’il présente dans le cas général ; 
et en outre , comme on va le voir, il n’exige nullement ici la 
considération des différentes hypothèses que Fournier a dû dis- 
cuter dans son ouvrage (1). 


Notre équation en y n'ayant qu’une variation, deux conditions 
faciles à remplir sont seules nécessaires pour assurer la régula- 
rité, la simplicité, et la rapidité du calcul qu’exige sa résolution ; 
et ces deux conditions peuvent même se réduire à une seule, 
savoir : Que l’on connaisse une première valeur suffisamment 
approchée de y et moindre que sa valeur exacte, pour 
laquelle il suffira souvent de prendre sa partie entière. 


Afin d'expliquer ceci, faisons y — g+h, g étant Ia valeur 
approchée et déjà connue de y , et h la quantité positive incon- 
nue qu'il faut ajouter à g pour avoir la valeur totale. En repré- 
sentant par f (y) — 0 l'équation en y, on aura : 


F(8+h)—o, 


ou , en développant, 


k h2 # 13 
DCENTCEENIO ENCRES 


hum 
.….. + f M) (g EGTE re 


== O0, 


équation qui, d’après le théorème de M. Burax , ne pourra non 
plus avoir qu'une seule variation. 


(1) Voyez sur cet objet, outre les Lecons d’algèbre de M. LEFEBURE DE 
Fovrey ,le Traité élémentaire d’algèbre de MM. MAYER et CHOQuET. 


(17) 


Maintenant , de l'équationprécédente on tire : 


DEAR (9) sde CN NT NC EE sus 
ter: Mere Po rss te 


F (8) R” 


SR —— îe 
. nm 


ANR Ed 


Or, on sait que dans un pareil développement, il est toujours 
possible de prendre X assez petit pour que le signe de la somme 
ne dépende que de celle de son premier terme ; donc puisque X 
doit être positif, les deux quantités f(g) et f” (g) seront de 
signes contraires, c'est-à-dire que f (8) étant négatif, f! (g) sera 
positif; et alors /a variation unique de l'équation en h se 
trouvera située entre le terme tout connu f (8) et le terme du 
premier degré hf'(g). Telle est la première condition que 
nous exigeons avant de procéder à l’approximation newtonniène; 
et cette condition sera toujours aisée à remplir : quand la partie 
entière de y, prise pour g;, ne suflira pas, on cherchera le 
chiffre des déxièmes par les moyens usités, le chiffre des cen- 
tèmes si cela était nécessaire, et ainsi de suite; mais, nous le 
répétons , frès-souvent la partie entière suflira, et elle ne sera 
même pas toujours indispensable. 


Cette première condition remplie, les fonctions dérivées 
S (8) F" (8) ..…..., etc., seront toutes posilives; et en pre- 


8) 


nant F@ pour la valeur de 2, on aura nécessairement une 
£ 


quantité trop forte. 


Quant à la limite de l'erreur , il est clair que si l'on nomme 
M la plus grande valeur que puisse prendre le plus grand des 


2 


(18) 
coefficiens de h9, h3, .:... dans l'accolade, cette erreur sera 
moindre que la somme des termes de ia progression 


M(k+h3+h4+,...,. am), 


_— Ji 


ou M A2 


1—h 


ou enfin, plus simplement, en négligeant la très-petite fraction 


M 2 


I1— 


h®°\, elle sera moindre que . 


Quoique la valeur numérique de cette expression soit très- 
facile à calculer , nous pouvons encore, à l'exemple de Founmer, 
obtenir une évaluation plas simple de la lhnite de l'erreur, en 
ne considérant que le coefficient de 22: car il résulte d’une 
proposition démontrée par Lacrance, que si g et g' sont deux 
nombres comprenant y,et ne différant , par exemple, que d'une 
seule unité d’un certain ordre décimal , le premier nombre g 
étant ainsi une limite inférieure de y, et le second g’ une limite 


supérieure , l'erreur commise lorsqu'on fait = sera 
5 
L/4 L 
LIRE h2+ Par conséquent , la frac- 
2 JS" (8) 


[/E que nous représenterons maintenant par M, 


toujours moindre que 


Re) 
2 f° (8) 
étant déterminée une fois pour toutes dès le commencement du 
caleul en ÿ mettant deux valeurs de get g qui ne diffèrent 
que d'une unité, d'un dixième, ....., pourra servir dans toute 
Ja suite des opérations à apprécier l'erreur commise sur l’éva- 
luation de A: il suffira pour cela de multiplier M par la fraction 
variable 3, ou simplement par l'unité de l’ordre immédiate- 
ment supérieur au premier chiffre significatif de X. 


(19) 
Ainsi, tant que l’on ne connaîtra que la partie entière de a 
racine, on devra faire À 1; et pour que l’on puisse alors 
passer sans recherche intermédiaire à la détermination des 


: I * 
chiffres décimaux , il faudra que M sort << — : c'est la seconde 
10 


condition dont nous avons parlé; quand elle ne sera pas rem 
plie , on déterminera par des essais directs, comme nous l'avons 
dit plus haut, le chiffre des dixièmes. On pourra ensuite cher- 
cher le chiffre des centièmes en divisant — f (g) par f'(g), 
pourvu toutefois que M soit << 1; sans quoi il faudra aussi 
déterminer directement le chiffre des centièmes, .,,,.,3 et 
ainsi de suite. 

Généralement, représentons par n le nombre des chiffres 
décimaux déjà déterminés , et par » le nombre des chiffres de 
la partie entière de M. Quand M sera compris entre 1 et o,1, 
» sera égal à zéro ; quand M sera moindre que 0,1, » deviendra 
négatif, et sa valeur absolue représentera le nombre de zéros 
placés entre la virgule décimale et le premier chiffre significatif; 
enfin , dans Le cas particulier où M serait une puissance exacte 
de 10 ou de 0,1, la valeur de », positive ou négative, sera 
l'exposant de cette puissance (1). 

Cela posé, pour que l’on puisse obtenir une nouvelle valeur 
approchée de la racine avec »! chiffres décimaux exacts, n' 
étant > n, et (x! — n}) étant le nombre des nouveaux chiffres 
décimaux , il faudra que l’on ait 


10 % i 

- ou = —— 

1o2n Lou! 
ou POP PET UE ee PAIE 
ou enfin 2R—1—nN > ou — o. 


(x) Le nombre n est également susceptible de devenir négatif, ce qui 


pourrait arriver si tous les chiffres de la partie entière même n'étaient pas 
encore déterminés, 


(20 ) 

Par conséquent , le nombre (x! — n) des nouveaux chiffres 
décimaux qu'il sera permis de calculer , est égal à (7 — » ); ou 
bien, le nombre total des chiffres alors connus , ou », est égal à 
2 n — »; et ainsi il est constamment le double du nombre des 
chiffres connus par l’approximation précédente , plus ou moins 
[ suivant la valeur de M ] je nombre constant » (1). 

Au reste, tout ceci a été complètement expliqué par Fournier 
dans son Analyse des équations. Seulement ici, nous le répé- 
tons, à cause de la forme particulière à laquelle l'équation a 
été ramenée, le quotient de — f(g) par f' (g) est toujours 
une limile supérieure de la racine, et ce nombre diminué 
d’une unité du dernier ordre décimal, toujours une limite 
inférieure; et c'est cette dernière qu'il faut prendre pour valeur 
de g dans l’approximation suivante. 

Une remarque est encore nécessaire relativement à la valeur 
du quotient dont nous parlons : ce quotient n’est ordinairement 
pas exact ; et lorsqu'on en a déterminé les »’ chiffres cherchés, 
on néglige les suivans. Or, si cette partie négligée approche 
beaucoup d’une unité de l’ordre précédent , on devra | la limite 
de l'erreur ayant été prise nécessairement au-dessus de sa valeur 
exacte | on devra regarder comme probable que la partie res- 
tante est inférieure à la véritable valeur de la racine ; et alors 
on prendra cette partie pour la valeur suivante de g. Il n’y 
aurait qu’un très-petit inconvénient à se tromper sur ce point, 
et l’on reconnaitrait immédiatement l'erreur à l'approximation 
suivante : car alors f (g) se trouverait positif au lieu d’être né- 
gatif comme il le devrait, la nouvelle équation en A ayant perdu 


(1) Dans les cas ordinaires, les chiffres qui exigent une détermination 
directe sont les deux premiers de la racine, quel que soit d’ailleurs le nombre 
de ceux qui composent la partie entière; quant aux nombres de chiffres 
déterminés après ces deux là dans les approximations subséquentes , ils suivent 
la loi de la progression : = 1 : 3 : 4 : 8 : 16: ....... ete. 


(21) 
sa variation. Au contraire, lorsque la partie du quotient que 
l'on aura négligée ne sera qu’une petite fraction de l’unité de 
l'ordre précédent , il sera probable que la partie restante n'est 
pas inférieure à la véritable valeur de la racine; et on devra 
retrancher une unité. Dans ce cas, une fausse induction se re- 
connaîtrait encore à l’approximation suivante, parce que l’on 
retrouverait dans la nouvelle valeur de A l’unité supprimée à 
tort. On pourrait alors, soit continuer la résolution avec cette 
dernière valeur de k, soit reprendre le calcul de l’approximation 
précédente après y avoir rectifié la valeur de g ; et ce second 
parti sera toujours à préférer afin de ne pas compromettre le 
degré d’exactitude des approximations ultérieures. — Ainsi, dans 
la règle que l'on vient de donner pour la détermination de la 
valeur de 2, on peut sousentendre que le quotient de — f par 
f' est calculé à une demi-unité près du dernier ordre décimal, 
sauf à vérifier la limite inférieure prise en conséquence pour 
valeur de 2, afin de s’assurer que cette valeur n’est pas (rop 
petite ou trop grande d’une unité du dernier ordre (1). 

N.o 7. — Maintenant, l'équation en y étant supposée com- 
plètement résolue, il reste à savoir avec quel degré d’approxi- 
mation l’on pourra obtenir la valeur de x lorsqu'on ÿ aura 
introduit celle de y. 

Pour cela, rappelons que l’on a 


SET NX 7 
gY + P 


désignons par y la valeur approchée de y, déterminée au moyen 


(x) Dans le cas où la rectification dont nous parlons ici serait nécessaire, 
il est facile de voir que les calculs déjà faits donnent un moyen très-simple de 
l’effectuer, sans que l’on ait besoin pour cela de recommencer toutes les opé, 
ralions ; il est sans doute inutile que nous insistions là-dessus. 


(22) 
du calcul précédent, et supposée, comme nous l’avons dit, 
inférieure à la véritable ; et soit : l'unité du dernier ordre dé- 
cimal de y : la véritable valeur de cette inconnue sera comprise 
entre y et y+c; celle de x le sera entre 


di poire} Par 
gitP g(1+s)+pe 


et ainsi l'erreur commise sur la valeur de æ en la supposant 
égale à la première de ces deux fractions , sera moindre que leur 
différence , ou que 


DE Bree (ES) EP, uns: 2 (PT ER) tas .el 

gitp g'Cyi+s)+p  (gy+p')(q1+pr +) 
(g'y+p) (gy+p'+p'e)” 

et par conséquent , à fortiori, cette erreur sera moindre que la 


£ 
(g1+p} 


Donc , pour avoir la valeur de x réduite en décimales, on 


valeur numérique de la fraction 


appréciera à vue le nombre des chiffres contenus dans le carré 
de la partie entière de (g'y +p'); et ce nombre de chiffres 
diminue d'un sera celui des chiffres décimaux exacts que l’on 
pourra obtenir dans la valenr de x, de plus que dans celle de y. 

Quant au sens de l'erreur , il dépend du rang de la transfor- 
mée, toute valeur approchée de la racine de cette équation, 
pourvu qu'elle le soit par défaut et non par excès, jouissant 
à cet égard des mêmes propriétés que le quotient entier incom- 
plet qu’elle remplace. Cette erreur est donc de sens contraire à 


celle que produit la réduite précédente 4 , en supposant {oute- 
q 


(25) 


fois que l’on n'ait apporté aucune altération au quotient de 

gY + P par g'y + pe à 
N.o 8. — Pour faire une application de ce qui précède, je 

prendrai l'équation suivante, déjà traitée par LaGnance : 


Xi — 7XxH+7 —= 0. 


Je forme le tableau des coefficiens des différentes transfor- 
mées, d’après la méthode du numéro 4 ; et j'obtiens ainsi 


À B CG D 


— 4 | — 29 + 41 — 12 +1 z=—(:5+2) 
— 3| + 1# 20 — 9 +1 x" 
— 2] +135 + 5 — 6 +1 

— 1|+13— 4 — 3 +1 
Fol+7— 77 0 +1 

+il+ 1 44 3 +1 HT, Ji u) 
+ 2] + 14 5 + 6 +17 7: ANR 


D'où je conclus que l'équation proposée a nécessairement une 
racine réelle négative comprise entre — 3 et — 4 ; et que les 
deux autres racines, si elles sont réelles, ce qui est encore 
douteux , ne peuvent être que positives et comprises en #1 
et + 2. 

Occupons-nous d’abord de ces dernières. 

Pour reconnaître leur nature et en obtenir une première 
valeur approchée si elles sont réelles, je fais d’abord, comme il a 


I . 
été dit au numéro 5 ,x —1+— , d'où résulte l'équation 
æ 


di — 4x2 + 3x + 1 —= 0, 


qui donne de même, pour les coefliciens de ses transformées, 


À B C D 
0 + OL + 3 — 4 + 1 
1 
1 + 1 2 ue À fs 
: Xe 
— 1 — 1 + 2 + 1 s 
te eZ E 
3 Hi + 6 + 5 + 17 AE re 


Ainsi, l'on voit que les deux racines cherchées sont réelles , 
et que x’ est compris , pour l’une entre 1 et 2, et pour l’autre 
entre 2 et 3. Les racines se trouvent donc déjà complètement 
séparées ; les deux premières valeurs approchées de chacune 


d'elles sont : 


et pour en avoir une troisième , je fais alternativement les deux 


hypothèses 
F I I 
LU en —; x = 24 —; 
x" xl. 


d’où résultent les deux équations en x” : 


o (x); 


x — 2 xl — 2" +1 


© 
Lan) 
b 
D nd 


x"3 Es æx!'a — x! — ] 


La première de ces équations n'étant pas encore ramenée à 
n'avoir pas plus d’une variation, je continue la réduction des 
racines en fraction continue ; et je forme pour cela les deux 
tableaux (1) et (2) qui suivent : 


(1) A B C D 

o M OI — 1  — 2 + 1 

1 — 1 — 2 HO 1 + 1 
2 | — 1 + 3 + 4 + 1 fie get tx 
"3 + 7 + 14 7 + 1 “ x''e 

(2) À B C D 

Oo [— 1 — 2 + 1 + 1 
AN pe fe A me 10 ou Rs #4 

2 + 7 HI4 + 7 + 1 


d'où il résulte que la valeur de x” est comprise, pour x, entre 
2et 3, et pour x, entre 1 et 2; ce qui donne les deux nouvelles 
réduites : 


Quant aux équations en x” qui s'en déduisent, elles sont 
identiques ; et ainsi la détermination des deux racines positives 
de l'équation proposée est ramenée à la résolution d’une seule 
transformée qui est la suivante : 


dB — 3 als — 4 2 — 1 — 0. 


Cette équation en x” n’ayant plus qu'une variation , on pour- 
rait passer à la résolution en décimales, suivant la méthode 
indiquée au numéro 6. Mais rien n’obligeant à adopter cette nou- 
velle marche pour la première équation qui se présente avec une 
seule variation; et, de plus, les dernières réduites obtenues 
n'ayant encore que de très-petits dénominateurs , circonstance 
qui ne permettrait pas d'élever de beaucoup le degré d’approxi- 


(26) 
mation fourni par la résolution en décimales ( voyez le N.o 7), 
je cherche encore une valeur réduite de chaque racine; il y a 
d’ailleurs pour cela, dans l'exemple actuel, une raison que l'on 
comprendra dans un instant. 
Je forme donc le tableau des coefficiens pour les transformées 


en (x"— 1), (x//—2),,..,3et j'ai ainsi : 


B 
o 4 
1 7 
2 4 
3 5 
: Gr = ER 


ce qui me donne une valeur de x”” comprise entre 4 et 5, et 


par suite les deux nouvelles réduites 


22 5129 
13 É Fa 14 


TX, = 


1 


toutes deux exactes à moins d'un centième près. 


Alors je fais 


x" —= 4 + ne 


et l'équation à résoudre sera la suivante, à laquelle je m’arrêterai 
pour chercher en décimales la valeur de sa racine positive : 


5 


Y° — 207 — 9Yÿ — 1 = 0. 


Mais auparavant, j'observerai encore que cette équation est 
également propre à donner la racine négative de la proposée : 


( 27 ) 


I 
en effet, si dans cette dernière on fait x — — ( 3 = à , 
14 


on obtient de nouveau la même équalion en y ; et telle est la 
raison de préférence que j’ai indiquée tout à l’heure. Ainsi, la 
racine positive de cette seule équation en y donnera les trois 
racines de la proposée (1), au moyen des trois formules suivantes : 


22. + 5 19 Y +4 37 +1 
Ti => ls = ——— 3 —=— ———-°e 
13 Y + 3 14 Y + 3 Y 


Cherchons donc cette valeur de y. 

N.0 9. — Sans avoir besoin de développer le tableau complet 
des transformées en (y — 1), (y — 2); esse) OX VOÏÉ SRE: 
le-champ, en mettant les deux premiers termes sous la forme 
(y — 20)y?, que la racine cherchée est comprise entre 20 
et 21 (2). 

Je fais done y — 20 + z; et en nommant f (y )le premier 


membre de l’équation en y, et f' (y), f" (Y }2 1!" (r)uses 
dérivés , j'exécute le calcul suivant (voyez le N.o 6): 


f(20+ h)— 


Lo) + (20) à +" (20) À à (20) 


== QE 


1.2.3 
F(20)=—=, 26-5626. 9-20! — 1 —=— 181 (3); 


a RQ ba sme-oÙ0 jee Ko 


(x) Cette propriété de l'équation en ÿ mériterait peut-être un examen 
spécial, 

(2) Une abréviation analogue peut être employée pour l'équation cei- 
dessus en +”. 

(3) Cette réduction peut s'effectuer très-simplement et & vue, de la ma- 
nière suivante : 
30 — 230—0;j 0X30—0; 0—9 —=—9; —9X20—— 180; 
— 180 — 1 —— 181 —f. 


( 28 ) 


ï 

rl F' (20) — 3.20° — 40.20! —9 = MCE 
1 

es] F!" (20) —= 3.50! — 20 = 4o ; 
L 


JS"! (20) = 1 


Î 


1.2.3 
D'où résulte l'équation en X : 


R3 + 40 h2 + 391 h— 181 —0; 


et par suite 


pe RE où 49 PAPE ALUR Eu 
991 391 391 


Pour voir si le premier terme de cette valeur de h est sufi- 
sant pour m'en faire connaître, sans erreur, le chiffre des 
dixièmes , je remplace dans le coefficient de A2, le numérateur 
40 —= ? f" (20), par le nombre 43 = £ f" (21) (1): et 
j'obtiens ainsi pour la valeur de M (voyez le N.0 6) réduite 
en décimales, 


De même pour f’ : 
20X3—60; 60—/40—30; 20x20 — 400; 400 — 9 — 39r. 

Et ainsi des autres. 

Cette marche, que j'emploierai dans les transformations suivantes, me 
paraît préférable à celle de FouRRIER , en ce qu’outre l'avantage d’une 
grande simplicité, elle présente encore celui de donner les diverses fonctions 


f,f/, f7...... indépendamment les unes des autres. 


(x) Le numérateur de M s’obtiendra constamment, dans une équation du 
troisième degré, en ajoutant à la valeur numérique déjà calculée pour 
+ f” (&g), trois unités du dernier ordre décimal. — On peut établir pour 
chaque degré une règle analogue. 


( 29 ) 
M == Lu — 0,11, à très-peu près. 
391 
A la rigueur il faudrait, pour remplir la seconde condition 
exigée au numéro 6, que M ne dépassât pas un dixième; mais 
comme l'excès est peu considérable, et que d’ailleurs MAs 
n’est pas la valeur exacte de l'erreur, mais une limite supérieure 
de cette erreur, je puis me permettre , sauf vérification du 
résultat obtenu en conséquence, et sauf les observations faites 
au rzuméro 6, de prendre pour la valeur de À à un dixième 


près, la fraction _ Or, cette fraction, réduite en décimales, 
donne hi or 

donc 4 est la valeur probable du chiffre des dixièmes de y, ce 
qui se vérifiera en effet à l'approximation suivante ; et d’ailleurs, 
on voit dès à présent que le produit o, 11 X(0, 4)2 est moindre 
que o, 02, et que par conséquent la valeur de Z dépasse o, 44. 
Mais nous devons, pour le moment, nous en tenir au premier 
chiffre. 

Je fais donc maintenant y — 20, 4 + k'; et pour obtenir 
les coefliciens des diverses puissances de X’ qui entrent dans le 
développement de f (20, 4 + h! ), j'effectue le calcul suivant, 
profitant ainsi des valeurs déjà calculées de f'( 20), f” (20), 


et f” (20 ): 

f (20,4) — (0,4 }3 + 40 (0,4) + 397 (0,41 — 181; 
F7 (20,4) = 3 (04) + 80 (0,4) + 391; 
a" (20,4) = 3 (0,4): + 40; 


—/" (20,4) — 1} 


1? 


(x) Les quantités désignées par 3 étant constantes et égales à r 
I 


dans toute la suite du caleul , je me dispenserai dorénavant de les indiquer. 


0,4 3, 3, 
+ 40 x 0,4 x 0,4 
40,4 1,2 a 
x _o,4 +. 60, + 40, 
16,16 81,2 +42 + f" 
+ 391, Mise dé 
40716 32,48 
* 0,4 + 391, 
162,864 + 423,48 — + f! 
— iBr, 


— . 18:36 = f 


Je divise ensuite — 18,136 par + 423,48 ; le quotient, à ur 
demi-millième près, étant 0,043, je fais » — 0,042, et j'ai 
ainsi pour nouvelle valeur de y, 


Y == 20,442. 


Observons en passant que l'incertitude dont la valeur de la 
limite M restait affectée dans le calcul de la première approxi- 
mation , se trouve maintenant détruite ; car on a 


VE 


120209) 41,5 I 
Aa) 25 ar pd =-0,09e Gé si. e'e\5 
et ainsi la valeur de M est bien réellement et pour toute la suite 
du calcul , inférieure à 0,1. 

Je fais actuellement y — 20,442 + W!; et je développe 
comme ci-dessus les valeurs de f (20,442), de f', de 1f"...,, 


(3) 
en y faisant servir les valeurs déjà obtenues pour f (20,4), 
folies. « etes 


f(cot4e) — 
(0,042) + 41,2 (0,0 42)° + 423,48 (0, o 42) — 18,136 


+ f'(20,442)=3(0,042)" + 82,4 (0, 0 42)" + 423,48 


+= /" (20,442)=3 (0,042) + 41,2 


0,042 9, 3, 
+ 41,2 X - 0,042 x 0,042 
41,242 0,126 0,126 
x 0,042 + 82,4 + 41,2 
82 484 82,526 + 41,326 = + f" 
1 649 68 X 0,042 
1,732 164 165 052 
+ 423,48 330 104 
425,212 164 3,466 092 
x 0,042 + 423,48 
850 424 328 + 426,946 092 = f”’ 
17 008 486 56 
17,858 910 888 
— 18,136 


— 0,277 089 112=f 


(32) 
Maintenant je divise cette valeur de f, par celle de f’; et le 
quotient, à une demi-unilé près du septième ordre , étant 


0, o oo 6490, 
je fais k'—= o, 0 oo 6489, 
d'où ÿ = 20; 4 42 6489; 
et je continue le calcul de la même manière. 


J'obtiens ainsi les valeurs suivantes que je ne fais que rapporter : 


SF (20,4 42 6489) — (0,0 00 6489 }° 
+ 41, 3 26 (0,0 oo 6489 )* 
+ 426,9 46 o 92 (0,0 00 6489 )' 


— 0,2 77 0 89 1 12 
— 0,0 00 02 639 14 3914 2 43 1831 


+ 82, 6 52 (0,0 00 6489) 


+ f! (20.4 42 6489) —= 3 (0,0 00 6489) 
+ 426,9 46 o 92 


426,9 99 7261 4 60 1363 


ts J' (20,4 42 6489) — 3 (0,0 oo 6489 )' 
+ 41, 3 26 


41, 5 27 9467 


“ 


à 
ÈS 


0, 0 oo 0000 6180668g 
k!!= o, o oo 0000 61306688 


20, 4 42 6,89 61806688. 


S 
I 


(33) 
Continuant , et abrégeant encore , j'obtiens pour dernière 
approximation de la valeur de y : 


Îf = — 0, 0 00 0000 00000134 
5 6; 2116 86046287 1 57 5556 72547328 


f'—= 426, 9 99 7312 57000656 1 95 2592 44588032 
EN 41, 3 27 9468 85420064 
—f:f" = 0, o 00 0000 00000000 315138867396:020 
h'"Æ= 0, © 00 0000 06000000 3151388673961019 
ÿ = 30, 4 42 6489 61806688 3151388673961019, 
valeur exacte jusqu’à la trente et unième décimale. 


Une approximation de plus me donnerait soirante-trois 
décimales ; mais j'abandonne ce calcul qui ne présente d'autre 
difficulté que celle de trouver un espacé suffisant pour y placer 
tous les chiffres à leurs rangs respectifs. 

N.o 10. — Reste à substituer ce résultat dans les expressions 
trouvées au rzuméro 8 pour x, , &, , et x; 3 ce qui donne 


__ 454 454 753 38 2771 59747142 9330550827142418 
17 268 75 7 54 4365 03486948 0968052761493247 ; 


392 4 10 3302 74327077 9876384805259361 
289 1 97 0854 65293636 41 19441435454266 


ee. G2 3 27 9468 85420064 9459166021883057 
57 20 4 42 6489 61806688 3151388673961019 

Enfin, si l'on veut exprimer les valeurs de x, , x, , x;, en 
décimales , il faut observer que la valeur de y remplace le 
dénominateur incomplet 20 dans les réduites 


3 


(34) 


22.20 HD 445 
13,20 + 3 


19:20 +4 __ 384 
. MENTSE ns 283 


3.20%# 1 Gr 
= Ty Um 


20 20 


Or, les deux premières pouvant être calculées exactement avec 
quatre décimales , et la troisième avec deux, il s’ensuit que 
si l'on remplace le nombre entier 20 par la valeur trouvée de y, 
x, et x, pourront être obtenues exactement jusqu’à la trente- 
cinquième décimale inclusivement, et x, jusqu’à la trente- 
troisième. Au reste, on peut aussi obtenir exactement les deux 
dernières décimales de x; , en observant que la valeur absolue 
de ectte racine doit être égale à la somme des deux autres ; et 
l’on a ainsi : 

mi 
1, 692 o21 471 650 095 869 627 814 897 002 069 14 


Xs = 


1, 396 89 867 892 209 443 894 399 510 o21 300 58 


— TL; —= 


3, 048 917 339 522 305 313 522 214 407 023 369 72 


valeurs exactes jusqu’à la ente-cinquième décimale inclusive- 
ment; l’approximation suivante eût conduit jusqu'à la soixante- 
seplième. 


VIS D’ARCHIMÉDE. 


Détermination de la surface hélicoïdele donnant l’espace 


hy drophore maximum , 


Par M. Dave, Ingénieur de l'arrondissement de Lille , 


e 
Membre résidant. 


La vis d’Archimède a sur les autres machines à épuisement 
une supériorité incontestable , quand il ne faut opérer qu'à de 
faibles profondeurs ; elle prend sans secousse et presque sans 
vitesse l’eau du bassin inférieur, pour la déposer doucement et 
sans perte dans le bassin supérieur ; son jeu n’exige qu'un mou- 
vement de rotation continu, celui que procurent le plus géné- 
ralement les moteurs animés et inanimés et que transmettent 
les appareils les plus simples; enfin elle n’engendre d'autre 
frottement que celui des deux tourillons , car il n’est pas besoin 
de tenir compte du frottement de l’eau glissant sur les parois de 
l’espace hydrophore. 

Les nombreuses applications que l’on a faites de la vis en 
Flandre et en Hollande pour le dessèchement des polders, et 
la préférence qu'on lui accorde généralement dans les épuise- 
mens pour fondations , donnent quelqu'intérêt aux recherches 
qui ont pour but d’en perfectionner la construction. 

L'objet de cette note est d'indiquer quelle est la surface 
hélicoïdale qui rendra l'espace hydrophore un maximum, l’in- 
clinaison de la vis étant donnée. 


(36) 

La détermination analytique de cette surface donnant lieu à 
des calculs un peu compliqués, on a préféré leur substituer ici 
des raisonnemens qui, bien que disparates, semblent mener 
plus directement au but. 

Quelle que soit la surface dont il s’agit, son intersection 
par des surfaces cylindriques à bases circulaires concentriques 
avec la vis donnera autant d’héhices d’un pas constant. On se 
figurera aisément quelle sera sur chaque surface cylindrique la 
portion comprise dans l'espace hyÿdrophore , car elle sera limitée 
à sa partie inférieure par l’hélice et à sa partie supérieure par la 
surface de l’eau qui coupera cette hélice en deux points. Si donc 
on abaisse cette surface cylindrique en la faisant glisser paral- 
lèlement à son axe jusqu'à ce que la surface de l’eau devienne 
tangente à l'hélice, on rendra cet élément de l'espace hydro- 
phore un maximum, donc l'espace hydrophoresera un maximum 
quand toutes les hélices et par suite la surface hélicoïdale seront 
langentes à la surface de l’eau. 

Comme ce contact pourrait avoir lieu de deux manières diffé- 
rentes, il convient d'ajouter que dans le cas présent la surface 
hélicoïdale près de la ligne de contact doit être en entier au- 
dessous de la surface de l’eau et non au-dessus. 

Pour plus de clarté prenons pour plan de projection un plan 
vertical passant par l'axe de Ja vis; 

Soient dans ce plan : 

d'A l'axe de la vis ; 
XE, X'E’ les arêles extrèmes de celle des surfaces cylindriques 
que nous considérons ; 


STS’ la projection de l’hélice qui résulte de l'intersection 
de cettesurface cylindrique avec l'hélicoïde cherché. 

EE’ la trace du plan horizontal représentant la surface 
de l’eau. 


L'observation faite ci-dessus revient à dire que l’hélice sera 
tangente à EE’, en T et z. 


(37) 

Ces deux points T et £ sont symétriquement placés dans la 
figure, c’est-à-dire à égale distance des sommets SS' ; ils sont 
donc à égale distance du plan vertical passant par l'axe de la 
vis ; cette distance , que nous représentons par z, peut se déter- 
miner assez simplement. 

En effet , le point 4 est le plus bas de la spire. Si la vis ne se 
composait que de l'hélice STS’ et que sur cette hélice glissät un 
point pesant, il parcourrait une droite parallèle à l’axe de la 
vis et passant par ce point £, 

Soit p le poids de ce point matériel ; 

Soit F; la force qui, appliquée à une manivelle de rayon R, 
maintiendrait la vis en équilibre, : l'angle que fait l'axe de la 
vis avec l'horizontale EE! , P le pas de l’hélice. 


L4 


La condition de l'équilibre de la vis au rèpos sera : 
REF — z, p cosi.; 
la vis étanten mouvement on aura : 


28 RF — pP sini; 


en divisant membre à membre ces deux équations en entier : 
284, = lang. ï; : (x) 


P. tang. z 


ou 3, 


2 æ. 

Cette valeur de 3, est remarquable ; on voit qu'elle ne dépend 
que du pas et de l’inclinaison de la vis; donc elle sera con- 
stante pour toutes les hélices de la même vis : donc l’hélicoïde 
cherché touchera la surface de l’eau suivant une droite parallèle 
au plan vertical passant par l’axe de la vis. Si l’on imagine lap- 
pareil en mouvement , on verra que tous les points de l’hélicoïde 
viendront successivement passer par cctte droite qui s’élèvera 


(38) 

parallèlement à elle-même et à l’axe; on peut donc prendre 
cette droite pour génératrice; l’hélicoïde serait donné par le 
mouvement de cette droite tournant autour de l’axe de manière 
que chacun de ses points décrivit une hélice. Mais on peut ex- 
primer cette génération d’une manière plus simple ; en effet, le 
point de la génératrice le plus rapproché de l’axe en sera à la 
distance z, ; ce point décrira une hélice tangente à la génératrice, 
ainsi qu'il résulte de l'équation ( PL. r.re, fig. 1.re); donc l’héli- 
coïde donnant l’espace hydrophore maximum est engendré par 
le développement d’une hélice sur sa tangente. Cette hélice a le 
même pas que la vis, et ses élémens font avec l’axe de cette vis 
le même angle que cet axe avee l'horizon. 

Pour compléter cette note nous ajouterons ici l'équation de 
l’hélicoïde rapportée aux axes XX’, YY’ et à un axe zz’ perpen- 
diculaire à ceux-ci. 

Cette équation est : 


P FE 


Y = — AC SIN, 7 ——— == Va + 


LH 7 tang. 2 


Ve D as) = Le arc sin.W, -( P tang. z ) 


25 Va + S 2rV/x°?+2? 


Cette équation se simplifie en y introduisant la valeur trouvée 
ci-dessus pour z, ; elle devient alors 


p ST 22 
= — HO es Eye we 
27% 


— +7 


VAE or À is EN ( Z; : 
; pe + =) 


V2 + 2 2? 


Enfin elle prend une forme très-simple en supposant 


( 39 ) 


: V” Z —— rh@iirs | 
arc sin, 1 — rs WE ner DA 


1 
V2 + 7° 


Ces valeurs, substituées dans l’équation de la surface , donnent 


P | | z 6 
he me CS —— = + 
27 V2 + Fyr+e 
tang. cr. 
V'x° + 7° 
En y faisant x — 0 on aura l'intersection de cette surface 


par un plan passant par l'axe ; savoir : 


b 
ÿ 
ù | 
b 


Cette équation est celle d’une courbe à deux branches selon 
que l'on prend le signe + ou le signe — ; pour la solution du 
problème dont il s’agit il faut prendre le signe — ; cette courbe 
pourrait être prise pour génératrice de l’hélicoïde ; mais comme 
elle est moins facile à construire que la droite , il paraît inutile 
de s’y arrêter. 

Pour juger de l'augmentation de l’espace hydrophore qui résul- 
{erait de cette nouvelle construction de la vis, on a représenté, 
(PI. 1.fig. 2),le développement de l'élément donné par la surface 


(40) 
cylindrique de la fig. 1. Pl.1. La courbe sinusoïdale est l'intersec- 
tion du cylindre par la surface de l'eau ; la droite O/A est le déve- 
loppement de l’hélice de la vis ordinaire, la droite T’ A’ est celui 
de l'hélice de la fig. 1 ; on voit combien l'élément T' # A’ a plus 
de superficie que l'élément o’ £' A. 

On a donné, fig. 1, le rabattement de la section B B’ normale 
à l'axe de la vis avec la construction de la projection T, £, de la 
droite de contact d'après l'équation 2 x 2, = P tang. ?, et la 
détermination des points T, £, etc. | 


(41) 


PREMIER MÉMOIRE 
SUR LES PLANTATIONS D’ARBRES, 
Par M. Marzrière , 


Docteur-ès-sciences , Membre correspondant. 


25 SEPTEMBRE 1834. 


AVANT-PROPOS. 


Ce premier mémoire, entrepris à l’occasion d’une vente d’ar- 
bres opérée sous mes yeux, et dont le résultat m'a frappé, fait 
partie d’un travail plus considérable qui contient , sur les plan- 
tations, des vues d'intérêt particulier et des vues qui concernent 
spécialement l'intérêt et la prospérité publics. La matière, avec 
le temps , s'étant considérablement éclaircie et développée, j'ai 
profité de ces vacances pour refondre totalement mon premier 
écrit, et même j'ai dù le diviser et je n’ai pu achever que la partie 
relative aux vues du premier ordre, 

Quoiqu'il ne soit étayé que sur un petit nombre de faits bien 
circonstanciés et authentiques, cet essai n’en aura pas moins 
uns utilité notable si ces faits renferment un enseignement im- 
mense ; si, que cet écrit soit dépourvu encore de l'appui 
d’une pratique générale , le seul propre à entrainer irrésistible- 
ment les esprits les moins méditatifs et les moins accessibles aux 
indications de la théorie, j'ai pu offrir aux amis de la science 
une suite de raisonnemens inattaquables, de calculs rigoureux 
et de déduclions justes et modérées ; si, enfin, je puis obtenir 
le commencement d'une suite d'observalions agronomiques sur 


(42) 
les relations ignorées entre les terrains, les espèces d'arbres, les 
nombres d'années , les accroissemens et les valeurs progressives 
locales. 

Les considérations que nous allons exposer se déduisant des 
principes sur les intérêts accumulés , nous en plaçons ici les for- 
mules principales , et à la fin de cet ouvrage nous donnons deux 
petites tables où l’on trouvera, dans l’une le remboursement 
après x années du capital 1f une fois placé, et de ses intérêts 
composés ; dans l’autre, le montant après z années, tant de 
l’annuité 1f placée au commencement de chaque année , que de 
ses intérêts accumulés. Au moyen de ces deux tables et de deux 
petites règles qui les accompagnent avec des exemples , une seule 
opération de multiplication ou de division fera connaître soit la 
valeur finale, étant connu le capital ou l’annuité, soit le capital 
unique, soit le capital annuel placé, étant connue la valeur finale 
lorsque le nombre des années sera compris dans la table. 

Formule du remboursement R, (1) d'un capital C, (2) placé 
pour z années à intérêts composés :  R, — G, x (1,05 }”, le 
taux de l’intérêt étant de 5 pour °/,, ou du vingtième, ou de 


5 centimes par franc du principal. 
Formule du remboursement p, (3) de » annuités «, (4) et de 


105[(1,05)"- 1] 


— X Un 


leurs intérêts cumulés à 5 pour 04, p —= a 
1,05 — 1 


OÙ Pn = 21 En [ (1,05) — 1]. 
On voit que ces formules sont simples, du 1x degré et 
monomes en R,C,p, «. + 


(x) Lisez R, indice » ; et souvent : remboursement après 7 années. 

(2) Lisez C, indice » , et souvent capital placé pour x années , en intérêts 
accumulés. 

(3) Lisez P, indice », et souvent remboursement après » années. 

(4) Lisez 4, indice », et souvent l'annuité ç continuée pendant » 
années, 


(43) 
CINQ QUESTIONS RELATIVES A DES FUTAIES. 
Premier probléme. 


De quel côté est l'avantage à laisser en fermage un terrain 
médiocre ou à le planter en arbres ? 

Données de détails : un champ carré d’un hectare était loué 
25f net, l'impôt de 6f étant à la charge du fermier; on l’a planté 
en peupliers à 3 mètres d'intervalle, à raison de of,5o par pied 
tout planté; on a entouré le massif d'un fossé à of,15 le mètre ; 
et à 30 ans Les arbres ont été vendus of la pièce. 

Commencons par réprouver l’ancienne coutume, encore suivie 
par plusieurs personnes, de ne pas faire entrer en compte les 
intérêts de toute quantité d'argent ; soit qu’on la donne, qu’on 
la reçoive, qu’on la dépense, ou qu'on en soit privé. 

Suivant cette manière abusive de calculer, la dépense serait : 

1° Labour, achat, plantations de 1111 arbres 


m.q 
CE à: dobhoste oh net» UP dL FA) SEReSS 
91 
2.0 Le fossé de 40 chaînes , ou 4oom, à of,15.. 6o, 00 


3.0 La privation du loyer net, 25f, pendant 


nes ab des OA Sn ati à à 750, 00 
4.0 La contribution de 6f pendant les 30 années. 180, 00 


pd ob ER 
Passir rorar., ,.,... 1545, 50 


Le produit brut étant 11110f, le bénéfice serait 9964f,50. 

Et comme le 30.e de cette valeur est 318881, on dirait que 
le revenu net de 25f a été changé par la plantation en celui de 
318881. 

L'intérêt particulier et le bien général prescrivent de donner 
aux Capitaux la plus grande activité. Laisser les produits dans 
un état de mort ou de sommeil , lorsque , par les mains de l'in- 
dustrie ils peuvent étre employés à créer de nouvelles valeurs, 


(44) 
c'est causer volontairement à sa famille et à la société une perte 
dont l'accroissement est rapide, c'est ignorer le prix da temps 
et les moyens légitimes que la nature offre, que la morale éclairée 
avoue et que l’humanité réelame , de faire valoir les fonds qui 
outrepassent nos besoins actuels et ceux indiqués par la pré- 
voyance. 

Depuis long-temps cette manière étroite d'envisager les pro- 
duits et les dépenses est bannie des contrées qui ne sont plus 
dans l’enfance du commerce et de l'industrie ; l’activité des capi- 
taux est une loi observée par les spéculateurs éclairés ; elle est 
saisie par les vrais amis de la société. C’est en partie à la déve- 
lopper et à la rendre palpable qu'est consacré cet ouvrage, en 
la dépouillant des accessoires inutiles qui , sous le nom d'usure, 
ont pu si long-temps , et souvent avec raison , la rendre odieuse 
et dédaignée. 

D'après cette loi, appliquée au problème proposé, chaque 
dépense effective ou chaque produit dont on se prive doit être 
envisagé comme un capital produisant intérêt, et des intérêts 
composés jusqu’à la 30.€ année de notre plantation , époque où 
naturellement se fait le compte général des frais et de la recette, 

Calcul exact : la dépense, 

1.0 Les deux premiers articles de la plantation et du fossé 
sont une valeur de 615f,50 ; c’est un principal qui , avec ses inté- 
rêts accumulés pendant 30 ans, se monte à 615,50 x (1,05)°° 
OL OLD X 4922 —=yyr hate sooscocesce 20008619 

2.0 La privation du revenu annuel 25f et l’ac- 
quittement de l’impôt annuel 6f, formant une de- 
pense aussi annuelle de 31f qui, avec les intérêts 
composés , offre à la 30.e année le montant 31 fuis 
Gabaf2 Qu. soma elec atee one oo d d0i8 8 8 os; 2102503 


Toraz de la dépense réelle... 4822, 81 
Le produit brut est toujours 1 11 rof. 
Le bénéfice pour la plantation est de 6287£,19. 


(45) 
Observations. 


E Tel est le fait authentique d’ane plantation effectuée à 
Calais, sur un mauvais sol. La vente des arbres a eu lieu pen- 
dant ma résidence à Boulogne, C'est sur les notes que j'en ai 
prises alors que j'ai ébauché ce mémoire, en me conformant aux 
mesures métriques , et en exagérant seulement , ct à dessein, le 
loyer du champ et toute la dépense initiale. 

IT. Le résultat du caleal est bien digne de notre attention : 
les frais de plantation et Pimpôt sont couverts; l'équivalent du 
revenu annuel 25f est obtenu; et à la vente notre futaie offre 
en outre le bénéfice comptant 6287f,r9. 

C'est-à-dire que si, d'un côté, le propriétaire de l'hectare 
avait pu placer à 5 pour cent chez un banquier le capital dispo- 
vible 6:5f,50 de la plantation, il se trouverait avoir après les 
30 années, 1.0 le remboursement ordinaire des Gr15650, ou 
2660f,19; 2.0 l’hectare de terre, et 3.0 il aurait touché les 
30 annuités de 31f, 

Tandis que par l'effet de notre plantation, il a les deux mêmes 
premiers avantages , le remboursement des 615£,50 ( où 2660f, 
19), et son champ ; qu’il a aussi l'équivalent des 30 années du 
revenu de 31f, dans leur remboursement 2162f,62 ; maïs que 
de plus il a eomptant le bénéfice 6287f, 19. 

C’est là une création de capital ; un pur don de la nature, à 
raison de 5f, 639 par arbre. 

TT. La valeur de l’hectare était 833,33, en regardant le 
revenu net 25f comme en éfant les 3 pour 100. 

IV. On se représente facilement l'emploi que l’on saura faire 
en pareil cas du bénéfice G6287/,19 ; soit en acquisition de 
terre, soit en le plaçant en rente, soit en Vutilisant en planta- 
tion , lorsque ce bénéfice sera échu, où dans 30 ans. Maïs cette 
valeur n'est pas disponible aujourd'hui; c'est une obligation 
légale qui infailliblement sera acquittée dans 30 ans ; c'est la 
nu -propriété d’un contrat hien hypothéqué, et à 30 ans de 


( 46 ) 
date. Et pour se faire une idée plus précise de ce boni, on peut 
se proposer et résoudre les trois questions suivantes : 
ire Si le propriétaire du champ, continuant de le louer 25f 


x 


net, eût pu trouver à placer son capital 615f,50 à un taux 
assez élevé r, pour se trouver à la 30.me année dans l’état où le 
met notre plantation, c’est-à-dire , pour avoir, indépendamment 
des revenus annuels du champ , un remboursement —(2660f,19 
+ 6287f,19 ) avec l’hectare ; quel est le tauxr de ce placement ? 
on trouve r = 9,34 par la formule R=—C (1+r )°°. 

2.2 Quelle est l’annuité « qui, étant reçue par le propriétaire 
pendant les 30 ans, aurait pour remboursement le bénéfice 
G287f19. La formule e— «x 21 (1:05 °° —1]oup—=a x 
69,762; donne æ — gof,12. C'est la rente annuelle créée dès 
aujourd’hui par le seul fait de la plantation. 

3.e Quelle est aujourd'hui la valeur comptant C du bénéfice 
6287f,19 escompté 30 ans avant son échéance ? La formule 
_6287f 319 

WA 
c’est 1 fois 3/4 le fonds 833°,33. C'est aussi 15,3 par arbre. 

En comparant C avec la dépense primitive 615f,50, on trouve 
<<- le capital dépensé 615,50. 

Ce troisième point de vue étant le plus propre à faire apprécier 
un bénéfice ou une perte , dont l'échéance est à un terme 


R= Cx(1,05 )*° donne C— s G = 1494570; 


que C vaut 2 fois et £& 


lointain, dans la suite de ce mémoire nous nous contenterons 
le plus souvent d’escompter ainsi chaque résultat final à l’époque 
. même de la plantation. 

V. Afin de réduire à zéro le bénéfice de la plantation , il eût 
fallu ne vendre les 1111 arbres que 4822f,8r1, montant du passif. 
Cela eût mis chaque arbre à 4,34. Mais bien loin que la vente 
ait été favorisée en quelque circonstance au prix de zof la pièce 
après 30 ans, c'est au contraire un adage universellement admis 
qu’en un terrain ordinaire, un peuplier planté vaut 20 sous par 
an à 50n possesseur. 


(47) 


Le bénéfice 6287}, 19 qui a été réalisé sur une qualité inférieure 
de terrain, permet de conclure qu'il n’est pas de sol si ingrat 
que la plantation n’en élève sensiblement le revenu, pour peu 
qu'un arbre y puisse prendre racine. 

: Et même sur le sol où chaque arbre ne vaudrait à 30 ans 
que 4f,34 , il y aurait encore dans la plantation ce bénéfice, 
qu’elle assurerait à un hectare le revenu net annuel de 25f, ce 
qui excéderait de beaucoup le loyer d’un aussi mauvais terrain. 

VI. De notre calcul bien compris, il résulte encore que pour 
obtenir les avantages de notre plantation il n’est pas nécessaire 
d’avoir en sa possession le capital initial 615f,50, ni l’annuité 
trentenaire 31f. Par exemple si un homme avait la nue propriété 
d’un hectare, il lui suffirait d'emprunter d’une banque ou d’un 
ami le capital 6:5f,50, et les revenus annuels 31f, puisqu’à la 
30e année le produit de la vente réaliserait le remboursement 
complet du principal 615f, et des annuités 31°, et en outre lui 
laisserait comptant le boni 6287f,19. 

Et même il ne sera pas indispensable d’avoir la possession 
d’un hectare de terrain ; seulement le boni 6287,19 sera dimi- 
nué du remboursement trentenaire 3601f,65 de la valeur 833, 
33 du terrain qu'il aura dû aussi emprunter. Ainsi notre planteur 
aura liquide le résidu 2685f,54 ; tandis qu’au commencement 
des 30 ans il ne possédait absolument rien que le crédit qui 
aurait pu lui procurer l’emprunt convenable. 

Tout cet article renferme en substance une grande moralité. 

VIL. De tous les biens la futaie est celui le moins exposé aux 
fléaux de la gelée, de la grêle, des sécheresses, des pluies et 
des animaux dévastateurs. C’est un bien qui, selon le proverbe, 
nous vient en dormant. On n'aura pas non plus éprouvé les 
pertes occasionées plusieurs fois en trente ans par les mortes- 
payes ou les autres accidens. Enfin, après avoir arraché les arbres, 
le terrain sera sensiblement bonifié. 

VII, L'avantage général et celui particulier se trouvent l’un 


(48) 

et l’autre dans l'emploi bien dirigé des fonds disponibles. Tout 
bon économe, tout sage administrateur doit chercher à tirer de 
ses capitaux le plus de parti possible. II serait donc à désirer 
qu'entre tant de manières de faire valoir les fruits de son éco- 
nomie , l'on distinguât celle qui est le sujet de ce mémoire : la 
plantation des terres médioeres. 

IX. Notre vœu ne tend point à diminuer la prodaction des 
grains, ni des bestiaux. Car admettons qu'un propriétaire mette 
en futaie le 12.e de ses terres à labour, on comprend qué loin 
d'affaiblir sa récolte effective, il économise des travaux, des 
fumiers , du temps et des frais, dont la valeur étant reportée 
sur les aatres champs en élève le produit au niveau de Ia ré- 
colte ordinaïre totale. Maïs ce n'est pas tout : Après les 30 ans 
de plantation, le revenu total du domaine se trouve doublé , si 
seulement on vent placer dans une banque le bénéfice de la 
vente des arbres sur sa douzième partie ; le sol du douzième 
arraché est amélioré , et l’on peut améliorer semblablement ün 
second douzième. 

Quant aux troupeaux , dès que la futaie a acquis une dizaine 
d'années , ils y trouvent un ombrage salntaire avec un pâturage 
supérieur à celui que leur procure le simple parcours ordinaire. 

X. Je pourrais borner ici ce mémoire , persuadé que, dans les 
seuls aperçus qui précèdent, j'aurais au moins signalé une source 
légitime et inépuisable de richesses nouvelles. 

Toutefois comme les élémens nécessaires à l’exploitation de 
cette mine peuvent n'être que partiellement à la portée de 
quelques familles, et afin de satisfaire les esprits curieux qui, 
dès-à-présent, souhaiteraient pour fixer leur choix des résultats 
variés et des données plus positives sur les spécialités de terrains 
et de natures d’arbres; je ne crois pas inutile de soumettre au 
caleul quelques autres faits aussi authenfiques, et quelques 

questions qui s’y rattachent, et d'indiquer les observations 
| expérimentales à suivre sur toute cette matière, pour par- 


(49) 
venir un jour à un ouvrage didactique pleinement instructif et 
satisfaisant. 
Second probléme. 

Les données initiales sont celles du 1.er problème ; mais l’on 
suppose que les 1111 arbres parvenus à douze ans soient vendus 
à raison de 2f la tige, et qu’ensuite on rentre dans l'ancien 
état de fermage. 

Le compte se faisant naturellement à la 12.e année , les élé- 
mens de la dépense D sont 1.0 le remboursement R,, du capital 
(615f,50) de la plantation; 2.0 le remboursement p,, de l'an- 
nuité (25F-+ 6). 

Or, R,, = (615f,50) x 1,796 — 1105f, 438 
Pis = St fois 16f,, 695— : : 517, 545 

Le produit se borne à la vente 2fx 1111; = 2222f; 
d’où le bénéfice B — 599fo17. 

Ce bénéfice est créé par le seul fait de la plantation, qui l’a 


D — 1622: 983. 


opéré en 12 ans. 

Ce même bénéfice , qui ne devait être touché que dans douze 
années, pouvait être escompté dès le jour de la plantation , et 
n’en avait pas moins une valeur initiale G, donnée par la re- 
lation : 599f017 = C(1,05)'*, C = 334,54. 

Ainsi l’état de notre planteur est le même que si, conservant 
les revenus 25f net de son hectare, il plaçait à 5 pour 0/0 les 
6156,50, il conservait son fonds, et recevait aujourd’hui de la 
nature en pur don et comptant le capital C — 334154. C'est 
comme une prime obtenue par la plantation. 

1.re variante. Supposons qu’à 9 ans on ait vendu tons les 
arbres à raison de 1f,40. 

Calcul. 

Dépense D. 
Le Ride (615850 )= 0. SU 954 E 64: 
Le de (3afy me SUN OT TES TON 


D = Sessscuoereorsesenes 14131,34. 
4 


( 50 ) 
Produit brut P. 
OU O NN TTL ee nee 0.4 die OO O 


Bénéfice B. 
B = P?P —D. ne 34 0 54 < 142f,06 


Ce bénélice 142f,06 à réaliser dans 9 ans, étant escompté le 
jour de la plantation , sa valeur initiale est C — 9rf,65. 


2.€ variante. Calcul d’une plantation pareille, en supposant 
qu'à 8 ans tous les arbres aient été vendus à raison de 1f. 


Dépense D. 


Le R, du capital (615,50) — ...... yogf,og 
Le p, de l’annuité ( 31f)est......... 310, 53 


ds nor 


Produit brut P. 


9 de la plantation. 
— D—P à — 108,62. 


En séparant du produit brut P, ou 111 1f, la partie £a» Ou 
310f,53 qui doit couvrir les revenus annuels 31 f de l’hectare, le 
reste P’ — 800f,47 ; ce reste est, par le fait de la plantation, 
le remboursement du principal (615,50) après 8 ans. Or, à 5 
pour 100, ce remboursement R, eût été 909f,09 qui, surpasse 
le remboursement 800f,47, opéré par la plantation, de d — 
108,62. 

Le déficit 9 — 108f,62 opéré par notre plantation , compa- 
rativement au placement à 5 pour 100, est une perte imputable 
à l’arrachement prématuré des arbres. 

La perte r08/,62 qui ne sera réalisée que dans 8 ans, étant 


(51) 
escomptée aujourd’hui, moment de la plantation, sa valeur ac. 
1061,62 
1477 
à arracher les arbres à la 8.e année, on s'impose la perte du 


capital 73154. 


tuelle y — » 1 = 73,54. Ainsi, en s’engageant 


Troisième probléme. 


Les données primordiales sont comme aux problèmes précé- 
dens : un hectare de médiocre terre, loué brut 31f, planté de 
1111 arbres, avec une dépense primitive de 615/,50. Et main- 
tenant on suppose qu'à 12 ans on vende à raison de »f les troi 
quarts des arbres, ou 834 arbres ; que les 277 autres laissés jus- 
qu'à 30 ans soient vendus, savoir : 200 à raison de 16, et 97 à 
raison de 1of. On demande le calcul du champ, en évaluant tout 
à la 30.e année. 

La dépense totale D est la même qu’au 1.er probléme. Elle a 
deux élémens d, , d,.  d, est le remboursement R,, du prin- 
CPL COMBO PEL, 2 Just où, brqu d, — 2660fr9 

d, est le remboursement »,, de l'annuité 


Cara 10 buom no son 98 L'—= 2162, 62 


Le passif ou la dépense totale... D — 4822, 81 


L’actif, ou le produit total P, a deux élémens : Pr Par 

P, Se rapporte aux 834 arbres vendus à la 12.e année; leur 
valeur 2° x 834 — 1668, qui est un principal portant intérêt 
pendant les 18 dernières années ; p, est le remboursement R “i 
dec prneipal. . 4. A eds e Pi —= 4014188 

p: est le prix de la vente à 30 ans 


20oarbres à 16° 


des = 
Ps À TO 


où p, —=3200f + 770! ; p, — 3970 
Le produit brut P— p, FPi = oo 7084, 88 


(52) 
Le bénéfice B—P—D; B — 3162107. C'est une 
valeur assurée à recevoir dans 30 ans. 
L'escompte de B au moment de la plantation donne C — 
3:162°0 
Em 207, — 73 1‘,63. 

4,322 

1.re variante. À 12 ans on vend, à raison de 2°, 1051 arbres, 
et à 30 ans les 6o derniers sont vendus 21r pièce, 

La dépense totale D est toujours la même que dans le pro- 
blème premier. D — 482281. 

Le produit brut P a les deux élémens p, , p.. 

P, se rapporte aux arbres vendus à 12 ans 2°X 1051 ou 2102". 
Ce prix est ensuite capitalisé pendant 18 ans ; etp, enest leR,.. 
P, = 2102°X (2,407) = 0.0. 5059f,51 

p, est la valeur des 60 arbres à 21°; p, —.. 1260 


P—p,+p, = 631951. ............... 6319, 51 

Le bénéfice B—P —D; B— 1/496',70. 

Ce bénéfice , escompté au moment de la plantation, a pour 
valeur initiale C — 346,30. 

2.e variante. À la 8.e année on vend 911 arbres à 1f, et à la 
30.e année on vend les 200 de surplus , savoir : 50 à 18f, 100 à 
16°, et 5o à if. 

Toujours la dépense D — 482281. 

Le produit brat P a les deux élémens principaux p,, p, relatifs 
aux deux époques de vente. Les 911 arbres ont été vendus gr1f, 
et cette valeur est capitalisée pendant 22 ans ; p, en est le rem- 
PunfeemEnt Hi rescaussliomececscnes D) 2 AIO 

50 arbres à 18f...,.,..,. 900 

p a les 3 élémens {100 :..... 16.,........ 1600 


Hogunints Mis ceseccs MIO 


Le produit brut... ,,.zereessersos.s P = 5713, 76 


(53) 
Le bénéfice B = P — D —5713r,76 — 482af,81 ; 
B— 890,95. Cette! valeur escomptée à la 1.re année donne 
C = 20567. 
Quatrième probléme. 


Les données primitives restant encore les mêmes, on suppose 
qu'après avoir arraché les trois quarts des arbres à 12 ans, on 
laisse croître jusqu'à 100 ans les 277 autres arbres, qui sont à 
Gm d'intervalle , et qu’alors on en vende 200 à 8ofet 77 à 50°. 

Pour établir le compte de notre hectare, nous évaluerons à la 
centième année les dépenses et les recettes. 

On sent qu’au lieu de peupliers , on pourra considérer la plan- 
tation effectuée en arbres qui vivent au moins un siècle : en 
ormes , frênes ou mérisiers. Et cette considération est d'autant 
plus légitime que nous avons à dessein porté les frais de planta- 
tion assez haut, en partie pour convenir à ces autres espèces 
d'arbres, en les prenant plus jeunes, 

Actif de la plantation à cent ans. 

Le produit brut a deux élémens principaux p, , p,, relatifs 
aux deux ventes. 

P cst la valeur finale à la 100.e année du prix 2° x 854 ou 
1668", ce prix capitalisé pendant les 88 dernières années, p, — 
ADO NX 70,22. PU diese Pi 122199! 


200 arbres à 8of ou...... 16000 


p, a les 2 parties qu... à 00005 dt : 3850 


Le produit brut P—p,+p,....:..... P — 141989 
Passif de la plantation D. 


D a toujours deux élémens d,, d,. 
d,estleR,,, du capital 615',50... d, = 80938',250 
d, estle p,,, de l'annuité (31°)... d, = 84956151 


D= d, + d, D 165894",4o1 


154) 
Balance à la 100.° année. 
Passif D — 165894',401 
Actif P — 141989, 
Passif final à — 23305401. 
Cette perte, qui sera réalisée après 100 ans, étant escomptée à 
23905',401 
131,5 
181,37; c’est une diminution dans la valeur 833°,33 de l'hectare. 


la 1.re année, a pour capital initial C — 


_— 


Cinquième probléme. 


On suppose un hectare de 8of de loyer net et payant 15° 
d'impôt , planté à 4m de distance, en peupliers vendus 16° à la 
vingtième année; la plantation avait d’abord eoûté 60of. On 
demande à 20 ans le rompte de ce champ. 

Le passif D a encore les deux élémens 4, , d,. 

d, se rapporte au principal 60of capitalisé 


pendant 20 ans,....,....... Apeianke sl du 159158 
d, est le p,, des fermages brut 95°. .... d, = ,:, 9208.23 
Tout le passif D — d, + d,...... D —  4889,9 
Le nombre des arbres plantés — ee = 62 
L'actif P = 625 fois 16h sux. ; P. — 10g60f. 


Le bénéfice B = P — D ; B = 51101. 

Le bénéfice 5110',1 est à réaliser dans 20 ans. En l’escomptant 
à la première année, sa valeur initiale est G — 19281. 

C'est une prime obtenue par toute la plantation. La prime A 
pour chaque arbre est 308. 

Variante. Supposons les arbres à la distance de 3m, et vendus 
à 10° après les 20 an. 

Le passif est encore D — 4889f,9; le nombre d'arbres 1111; 
l'acüfP= 11110°; le bénéfice B = 6220',1 ; son escompte à la 


(55 ) 
ire année GC = 2344",5; la prime À pour chaque arbre est 


À = 2/12. 
DEUX QUESTIONS RELATIVES A DES BORDURES. 
Sixième probléme. 


625 peupliers sont plantés pour 4oof, à la distance de 4 mètres, 
en bordures de champs loués net 8of l’hectare ; à 20 ans, les 
arbres sont vendus sur le pied de 20; on suppose que l’on a 
fait au fermier la remise d’un quart du loyer du terrain sous les 
arbres, dans une bande de 3 mètres de largeur. On demande à 
20 ans le compte de la plantation. 

La longueur plantée égale 2500; la bande indemnisée — 
3m x 2500m , — 0!475 ; son loyer est les 3/4 de 8of = Go ; 
l'indemnité annuelle = 15°. 

La dépense D = d, + d,; d, est le R,, du 


nn los ne nie date tele 1 nono Ge 
d, est leb,, des vingtindemnités de 15°. d, — 520, 8 
PR ADIAR Te desvssoscees I) = 17e 
Le produit brut P = 20° x 625.,,... P — 12500 


5# 
d 


Le bénéfice B—P—D............ B — 1oy18 
Cette valeur 109+8° à recevoir à la 20. année, étant es- 
comptée à la 1.re année, son capital C — EU = 41195: 
2,653 
La valeur initiale CG, 4119'5 vaut plus d'une fois et demic le 
fonds 2666° de l'hectare. Q 
C'est une prime obtenue par toute la plantation. 


La prime pour un seul arbre est À = 6,59. 


Observation particulière. 


Ce mode de plantation est fréquemment exécuté par des 
propriétaires cultivateurs, qui en ont vivement senti l'avantage. 
Je me souviens d'en avoir connu un, père d'une nombreuse 


(56) 

famille , qui disait qu’à la naissance de chaque enfant il plantait 
mille arbres, lui assurant ainsi une dot de 20 mille francs dans 
vingt ans, sans toucher à son capital. Sa propriété était d’une 
qualité un peu supérieure à celle admise dans le problème 6e. 


Septième probléme. 


Calculer une plantation de 200 peupliers , à raison de 0',50 
le pied, à la distance de 4m, en bordure d’un champ, dont 
l’hectare valait 500, le loyer net 16° et l'impôt 4°; sans qu’il y 
ait eu d’indemnité demandée par le fermier, les arbres à 12 ans 
ont été vendus 6 pièce. Bon nombre avaient 10° de valeur ? 

Tout le passif D consiste dans le remboursement à 12 ans de 
la'dépense initiale "100". 4 MOT DE 179,6 

Tout l’actif — 200 fois 6°, .......... P — 1200 

Le bénéfice B — 1020f,4 réalisé après les 12 ans. 

Son escompte au commencement de la plantation est 
C = 567',93. 

La prime À pour chaque arbre est 2,83. 


Observation particulière. 


Ce septième problème est fondé sur un fait passé sous mes 
yeux ; toutes les données en sont strictement réelles. 


Résumé des sept problémes précédens. 


L. La plantation d'une futaie peut être éminemment profitable. 
IT, 11 ne faut pas couper les arbres trop jeunes ni trop vieux. 
IT, Il ne faut pas trop les éclaircir. 

IV. Pour une même étendue de terre plantée de la même 
manière, le profit augmente avec la qualité du sol , mais non pas 
proportionnellement à la qualité, qui est assez bien représentée 
par la valeur du fonds ou par la valeur du loyer. 

C'est-à-dire que si deux qualités de terrain sont dans le rap- 
port de x à 3, et que l’on plante trois hectares du terrain infé- 


(57) 
rieur, on en obtiendra une prime beaucoup plus forte qne sur 
l'hectare de qualité supérieure. 

V. C’est surtout relativement aux bordures que l'avantage des 
plantations d'arbres est manifeste. La prime augmente aussi avec 
la qualité du sol, mais non pas proportionnellement à la qualité. 

Ainsi, deux.qualités de terrain étant dans le rapport de 5 à 1; 
si l’on plante sur le second terrain cinq fois plus d’arbres à la 
même distance que sur le premier sol, on obtiendra une prime 
notablement plus forte que sur le sol supérieur. 

Afin de comparer les deux plantations de bordures des deux 
problèmes 6 et 7, il faut supposer deux propriétés équivalentes, 
l’une de 1 hectare, l’autre de 5 hectares isolés, plantés sembla- 
blement dans leurs bordures. Les primes A, , A, sont À, —6f,59; 
et À, — 2,83. Donc 5 À, — 14f,15; sur quoi il y a à remar- 
quer que le dernier résultat a en outre l'avantage d’être acquis 
en douze ans, tandis que l’autre a eu besoin de vingt ans. ( Voyez 
VIIT, page 64.) 

Ce résultat et le précédent sont des indications de la nature 
pour nous porter à planter surtout les terrains de qualités 
moindres. + 

VI. On doit planter toutes ses bordures sans nulle exception. 

VIL. Pendant long-temps il y aura avantage à planter en futaie 
une grande étendue de terrain; et il sera profitable d'accroître 
l'étendue des terrains peu fertiles de sa propriété. 

VIIL. Il y a une multitude d'observations bien instructives à 
recueillir sur les diverses espèces d'arbres, sur les qualités des 
terrains , sur les divers modes de plantation, sur la distance entre. 
les arbres, sur les dimensions progressives des arbres, sur leurs 
valeurs finales respectives ; mais particulièrement sur la prime 
ou valeur initiale correspondante à chaque hectare planté ou à 
chaque arbre. 

IX. Tels sont les élémens indispensables à la fondation d’une 
théorie aussi utile que curieuse. 


L 
( 580) 

X. On peut entrevoir que les valeurs respectives des petits et 
des gros arbres ne sont pas encore établies d'une manière con- 
forme à l'intérêt pablic. 

XI. L'état de choses actuel est en grande partie fondé sur 
l'ignorance générale, sur le manque de communications maté- 
rielles et intellectuelles, xt aussi sur la vanité des anciens pos- 
sesseurs des grandes forêts, L’aperçu d’un meilleur avenir est 
le résultat du progrès opéré de nos jours dans toute l’organisation 
sociale, 


TROIS QUESTIONS RELATIVES AUX GRANDS BOIS ORDINAIRES. 
Huitième probléme. 


Calculer le revenu d’un hectare de boïs , en coupe réglée tous 
les vingt ans ; la vente étant d’un taillis de Goof et de vingt gros 
arbres de 48F: l'impôt annuel étant de Gf, la garde et l'entretien 
de 4£. n 
Le total de la vente est de 60of + 48fx 20; où (600 + g6of) 
où 15Cof, L 

[ n’y a d’autres articles de dépense que ceux annuels cités à 
l'énoncé, et dont il sera tenu compte sur le revenu annuel brut. 

Le revenu brat est l’annuité af, qui a 1560of pour rembourse- 
ment de vingt ans. 

1560 
34;717 

Défalcation faite de 1of pour l'impôt , la garde et l'entretien, 

le revenu net est de 34f,y3. 


Dong « —= . af —= 448,93. 


Neuième probléme. 


Calcul de l'établissement opéré en cent ans du bois du pro- 
blème précédent, 

Nous supposons qu'un hectare de terre, qui jusque-là était 
affermé 25f net et payait 6f d'impôt, a été planté de la manière 
suivante en châtaigniers ou en acacias. 


7 


1 


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Numéros 


des années remarquables 


O 


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g bis 


TABLE 


AU 


£ lors / ctabloe ner d4 7 ke 12) 


Arbres vendus 


Prix unitaires 


s arbres 


Pris des arbres de la coupe 


ARBRES LAISSES APRES LA VENTE AVEC LEURS AGES ET LEURS PRIX UNITAIRES 


4/5 du prix des 
arbres plantés 


Valeur totale de la superficie 


ment de la vente 


1360! 


Nombre total des arbres 


P 


Superficie da sol 


sous chaque arbre 


G66m4 1004 


Distance moyenne 


On a 
1°, 4 po 
de6off 

On d 
loyer ne 
niers mm 

Nous 

D'ap: 
ds ds: 


d,e 


d, - 
d, es 
taliséen 
Le mor 
trois a 
199,08 
Don 
d,e 


nuités : 


Tou 


Les 
No 1. 
l'étude 


( 59 ) 

On a défoncé le terrain et planté les graines à la distance de 
1", 4 pour 300f. On a fait biner les trois premières années à raison 
de 6of par an. 

On devra porter en dépense l'imposition 6f, la privation du 
loyer net, 25f, et 4f pour la garde et l'entretien. Ces trois der- 
niers motifs forment une annuité «,,, —= 35. 

Nous évaluons les produits et les dépenses à la 100.e année. 

D'après l'exposé, la dépense D a trois parties principales d, , 
d,; di. 

d, est le R,,, du principal 30of, prix de la plantation. 
dj = 300f(131,5)..........,......... d, — 3y45of. » 

d, est le montant des trois binages capi- 
talisé ensuite pendant les 97 dernières années. 

Le montant des trois binages est le », des 
trois annuités 6of; c’est 6of x 3,318; on 
199,08. 

Donc d, — 199,08 x 113,609. ..,,.,. d, — 22617, 27 

d, est le remboursement p,,, des 100 an- 
nuités 35f; d, —35fx2740,521....,. d, — 95918, 23 


Tout le passif ou la dépense totale... D — 15798550 


Les produits partiels respectifs sont compris dans le tableau 
No 1, où se trouvent en outre plusieurs nombres utiles à 
l'étude d’une plantation de cette espèce. 


4 


( 60 ) ; * 

Nous aurons l'actif total P,,, en ajoutant à 2800f, valeur de 

toute la superficie au moment de la dernière coupe, les prix des 
six ventes antérieures, évalués chacun à la 100.€ année. 


Pr, HT HT Tite M 


T2 


1600X2,653|1500X7,040|1450x14,645|1200x30,42 
2809 


2400X 49,500 


4344,8 | 11968 | sssss | 36504 69300 | 72980 


P—219032,05 
P — 32,05 
balance | Se Ps le bénéfice B —61046f,55. 


En escomptant la première année ce bénéfice qui n’est réali- 
sable qu'à la 100.° année, 
61046,55 | 
131,50 ? 
moitié de 833,33, valeur du fonds. 
Telle est la prime obtenue par la plantation d’un hectare de 
bois. 


ona C— 


C—4641,23. C'est plus de la 


Cette prime étant capitalisée, sa rente est d'abord de 23f26 
et va en croissant. Ainsi on peut dire que le revenu net de l’hec- 
tare est augmenté de 23f et au-delà. Dès la première année, ce 
revenu net est de 48f. 

Il n’était que de 34l93 pour un hectare de vieux bois; on voit 
un avantage manifeste à remplacer un hectare de vieux bois par 
un hectare de bois planté, seulement pour cent ans. 

Au fond, dans le calcul des deux hectares que l’on vient de 
mentionner, ils ne sont pas traités sur le même pied : le jeune 
bois est accompagné de tout son boni depuis la plantation, tandis 


904X80,73 


(got) 


885 “AS in 
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<. -91d mb saruoa son ‘2 soreurr sanorea 


Elémens d 


ù 1 812 : 59996 
ou d. 5 Poe 


Elément d, — ler 
de l’annuité 3 


l'annuité 1f. 


Dépense totale D. 


Gr bis 
ES TABLEAU 
Cp, 77 mbres utile z nolré Compare ” 
Accens de notation Û . 
Elément d, de la dépense D, jusqu'à 1 , | : 1 DU E 
la vente. d,—3oofx(no5). | ; : | | 


Prix des ventes V 


Constant 


Valeurs des réserves r 


Constant 


Valeurs totales +, de la superficie au Constant 
moment de la vente 


Valeurs finales +, des ventes qui pré 


cédent d'un rang les ventes V,. 


Valeurs finales x, des ventes qui pré- 


11968 10098 
cédent de deux rangs V... À ù 


| Valeurs finales +, des ventes antérieures 


det rangs à V. 


193650 


Produit total P,. 


14912 618156 


(Gr) 
que le vieux bois, envisagé seulement dans sa coupe, est dé- 
pouillé, 1.0 de la valeur des arbres réservés ; 2.0 du boni des 
premières coupes. Nous devons revenir plus loin sur cette com- 
paraison, 


Dixième probléme. 


Comparementr’elles les valeurs effectives totales d’un bois 
planté, aux époques dés coupes successives , dans la vue de con- 
naître la durée la plus avantageuse à donner à la plantation. 

En exécutant, pour chaque époque désignée, un calcul ana- 
logue à celui du problème précédent , on aura pour l’année ».e, 
1.0 le passif ou D, ; 2.0 l’actif ou P, ; 3.0 le boni ou le déficit, 
B, ou à, ; 4.0 la valeur initiale C, ou y, , calculée , à la première 
année de la plantation, du boni B, ou du déficit à,. 

Et la plus grande valeur de G, ou de la prime initiale indi- 
quera suffisamment le moment le plus avantageux pour abattre 
la plantation. 

Cela sera démontré un peu plus bas, 


( 62 ) 

Les résultats de ce laborieux calcul sont assez curieux. 

I. La valeur initiale du boni à l’époque de chaque vente n'est 
pas une quantité constante. 

IT. La marche de ses variations n’est pas non plus progressive. 

YIT. Passé la première coupe, où il y a perte, il y a constam- 
ment bénéfice, B , à l'instant de la vente. Il vaut toujours mieux 
avoir planté que d’avoir continué à affermer. 

IV. Ces bénéfices B à l'époque de chaque coupe paraissent 
croissans ; mais il ne faut pas se borner à ce premier aperçu. 

V. Les valeurs 2nitiales CG, eroissantes avant trente ans, dimi- 
nuent ensuite jusqu'à cent ans. Bientôt après elles remontent 
jusque vers la 120.e année , où elles se trouvent à la valeur de 
la 40e; puis elles redescendent, probablement pour remonter 
encore et redescendre. 

VI. Les conséquences de ces documens semblent assez claires. 
L'époque la plus avantageuse pour détruire et remplacer la plan- 
tation paraît être trente ans; car, en plaçant à la 30.€ année le bé- 
néfice 2649 dont la valeur initiale est le maximum 613, ce héné- 
fice 2649 se conserve par le placcment ordinaire à 5 p.?; aussi 
la valeur initiale C se conserve, ce qui n'arriverait pas à une 
toute autre époque où l’on n’aurait à faire le placement ordinaire 
que d’un bénéfice final B dont l'escompte à l’origine fût moindre 
que 613, Mais si on a laissé passer quarante-cinq ans, il y aura 
plus d'avantage à différer l’arrachement jusqu'à cent vingt ans. 

VIL. Malgré l’évidence palpable de ces assertions, on éprouve 
une inquiétude vague sur ce que l’on semble ne tenir pas assez 
de compte du temps employé à acquérir chaque bénéfice. Toute 
incertitude disparaîtrait si l’on pouvait comparer les bénéfices en 
des temps égaux. Or, nous concevons une même durée de 120 
ans , par exemple, formée de 6 périodes de 20 ans, ou de 4 pé- 
riodes de 30 ans, ou de 3 périodes de 40 ans, ou de 2 périodes 
de 60 ans, ou d’une seule période de 120 ans; et il est évident 
que la période la plus avantageuse sera celle qui donnera lieu à 


(63) 
la plus grande somme finale de bénéfices. Rien ne faisant pres- 
sentir que ce soit la même période qui, prise isolément , a pro- 
duit le plus grand bénéfice, il y a donc ici lieu à faire encore le 
calcul du bénéfice total d’une succession de chacune des périodes 
simples et égales à comparer. 

Soit B, le bénéfice de la période simple de 7 années, et con- 
sidérant la succession de 2, de 3, de 4..,, de À périodes sem- 
blables, soient B,, B:, B;, .... By les bénéfices successifs 
correspondans , on a : 


B,—B,(105)"+B, B,—B, (1,05)"+B, (1,05)"+B, 
B, Lg, toSr B,(1,05)"+B, (1,05) +B,, 


et en général B, — B, (1,05)tM4 B, (1,05ÿt-2n +, 
... B, (10548, (105 +B, 


BB, [r+(r,05) + (1,05) (1,08)... (1,05)01] 


Le multiplicateur est la somme s des termes d’une progression 
par quotient dont le premier terme a = +; la raison 9 —(1,05)"; 
le nombre des termes — 2; le dernier terme / — (05) ; 


gi a 


et la somme s — 


gi 
_ (05). (1,05) — _ (05)M— : 
D En 
la vateur finale 
B x à 5 hum B, 
B, — Pa AU nes 3 à B, et [(r05)m-1] 


(1,09)" — 1 2? (1:05)°- 


Le multiplicateur [ (1,05) — 1 ] est constant (4.n étant le 
nombre des années de la grande période qui a pour parties ali- 
quotes les périodes simples à comparer ). 


( 64 ) 
Donc la plus grande valeur B, de la succession de périodes 


de n années répond au plus grand multiplicande — * 
(1,05})° — 17 


qui diffère , comme on le prévoyait, de G — Nota- 


B 
(1,05)" 


B, pen 
(05 =: Q. 


tion : quotient 


En calculant le quotient Q pour #—20, n—=30, n=45, 
n=60, n—=120, on trouve 


Qu = 943; Q= 797 M5 617 Q60= 558, Qi = 568. 


Ici le maximum de produits est déplacé. Ce n’est plus la pé- 
riode de 30 ans, c’est celle de 20 qui est la plus profitable. 

Il sera bon, dans une application effective, de calculer les 
bénéfices B pour les nombres d'années voisins de 20, afin de 
connaître le maximum absolu des valeurs correspondantes du 

B 
(1,05} — 1 * 

VIIL. On peut appliquer la considération des successions de 
périodes aux deux plantations de bordures des problèmes 6 et 7. 
D'abord, pour ramener les deux bénéfices à la même étendue 
de terrain 4", il faut substituer aux deux bénéfices respectifs 


. 10918 10204, 
B,— 10918, B, — 1020,4, les fractions _ SRI , 


quotient Q = 


25 200 
puis les diviser respectivement par les nombres [ (1,05)°— 1 ], 
[(1:05)°2— 1], ce qui donne les deux quotiens 


2 10918 , 0, — 1020,4 
a 625x (1,653) * “7  200X0,796 9 


et ensuite Q, — 10,568; Q, — 6,57. 


Si donc on suppose les deux propriétés équivalentes 1 hectare 


(65) 
du revenu 8vr, et 5"4 du revenu 16", en 5 pièces isolées de 1l'A ; 
le bénéfice de la seconde plantation sera à celui dé la première, 
dans le rapport de 32,85 à 10,568; ce qui corroboré notre pre- 
mier aperçu, page 57, V. 

IX. L’étendue de terrain qu’il est préférable à un particulier, 
dans l'état actuel des choses, de planter en boïs ordinaire où en 
taillis avec des arbres de réserve, est la plus grande possible re- 
lativement aux terres affermées ct peu fertiles; c’est la moindre 
possible relativement aux plantations de futaies pures, 

X. Pour d’autres élémens primitifs de fertilité du sol, de frais 
de plantation et de fermage, les résultats calculés et ceux observés 
pourront différer sensiblement de ce qui précède. L'essentiel est 
que l’on soit bien pénétré de ces deux choses : 1.0 Il y a à faire, 
sur les accroissemens des dimensions des végétaux, des obser- 
vations importantes pour diriger nos plantalions; 2.0 chaque 
spéculation exige à l'avance un calcul pour en déterminer la 


durée la plus avantageuse. 
QUATRE QUESTIONS RELATIVES A LA PLANTATION D'ARBRES FRUITIERS. 
Onzième probléme. 


Calculer, au moment de la plantation, en noyers à 10 mètres 
d'intervalle, 1 hectare qui, en culture ordinaire, était loué net 
4o° et payait 8' d'impôt. On suppose la plantation protégée par 
un fossé ; que les frais de la plantation se sont portés à 232" pour 
1000071 


les centarbres ( 


EEE } que, durant 10 ans, on ne compte 


pour rien la récolte des noix; que, durant 20 années, le sol entre 
les arbres soit loué 20° brut ou 12f net; que le produit annuel de 
la récolte d'un noyer offre les valeurs suivantes : 0,50 de 10 à 
20 ans; 0f75 de 20 à 30; 2° de 30 à 403 3f de 4o à 503 4f de 
50 à 60; 5fde 60 à803 et:6f-de 80 à 100 ans; et qu'à cctte 
époque les arbres soient vendus 5of la pièce, 


( 66 ) 

Nous admettons que dans l’hectare on exécute les 100 fosses 
de 1°; que dans chacune on plante 3 noix dont on ne conser- 
vera que la plus belle pousse. Nous préférons planter les noix elles- 
mêmes à de jeunes tiges, et pour diminuer la dépense initiale ; 
et afin que chaque plante puisse former son pivot et que la plan- 
tation soit mieux assurée. 


Enfin , au besoin, nous fixons aux époques déjà signalées : 
20 ans; 30; 4o3 5o; 6o; 80, et 100 ans, 
les valeurs respectives des arbres à 
1of,! 10f, 208, « 25°, : 30f, of,» 5of, 


À la 100.€ année, la dépense totale D a deux élémens d, , d, ; 
d, est le remboursement R,,, du principal 232r dela plantation; 
d, est le p,,, des cent annuites 48, dans chacune desquelles 
entrent la privation du revenu net 40° et l'obligation d’acquitter 
l'impôt 8°. 


di 2%24 457,500 d, = 84508 
d, —=48x270,)21 da 91040 


Tout le passif D = 162053. 


La recette brute P a trois élémens a, b, c. a se rapporte aux 
loyers bruts des premiers 20 ans, dont le total , à la 20.e année, 
devient un capital pendant les 80 dernières années; b est relatif 
aux récoltes de noix. Entre deux des époques fixées les valeurs 
des récoltes sont des annuités connues dont le montant , à la 
2.e des époques, est un capital placé jusqu'à la 100.e année; € 
est la valeur finale des arbres. 


b a sept élémens relatifs aux époques fixées, Nous les désignons 
pacier/accens ‘, ”, 0 Sme 


( 67 ) 


a = (20X 34,717) X 49,500,..,,,-..4« nnecrreue at d4900,00 

D’ exo à20— (0,50 X 100)X 13,207 X49,500...... D — 32687, 33 

D” 20h30 (0,75 X 100)X13,207X30,420...... b° — 30130, 77 

D? 30140 —(200 X 13,207) X 18,68............ b”— 49341, 35 

b {D 40450 —(300 X 13,207) X 11,77... EEE bv— 45473, 02 

bv 50160 == (400x 13,207) X7,040......... .. bv = 37190, 97 

DV Goa8o —=(500X 34,717) X 2,653........., . bV — 46052, 10 

b"” goar0o (600 X 34,717)KX1.....,....... « bv”— 90830, 20 

D DD TOO nee 15 ele/ee ete ets en 0 EL ad 0 0 OUE de © —}  6ooo » 

Tout l'actif ou le produit brut....... resp ER -NSOTC) ON 48 
Balance ER nl HAE où le bénéfice final B — 139023,48. 


Ce bénéfice B sera dans 100 ans un capital disponible, en 
sus de la propriété de l’hectare et de son loyer net annuel 40f, 
jusque-là B est une inscription solide au grand livre de la 
nature; c'est la nu-propriété à terme fixe d’un contrat sur 


hypothèque. 


En escomptant au commencement de la plantation le béné- 
fice B — 139023',48, dont l'échéance est dans 100 ans, on 
trouve la valeur initiale GC — 10571. Cette valeur est un pur 
don , une prime que la nature accorde de suite au planteur. 


Le rapport de la valeur initiale G = 1057", à 1333f, prix du 
fonds de l'hectare — 0,79. 


Son rapport à 232°, principal de la dépense initiale, est 4,55. 


L'annuité, 4 qui aurait pour remboursement p,,, , le bénéfice 
B, est 5of. 


La prime À oblenue à l’origine pour un seul arbre est 105,57. 


Douzième Probléme. 


Les données étant les mêmes que pour le problème 11°, on 


(68 ) 
propose de comparer les résultats de la plantation aux époques 
désignées : 20 ans, 30, 40, 50, 60, 80 et 100 ans? 

On voit qu'il s’agit de faire pour chaque époque des calculs 
semblables à ceux déjà effectués pour la 100.e année. La théorie 
en ayant été suffisamment exposée, nous allons seulement trans- 
crire les nombres obtenus. 


( 6y ) 


TABLEAU de différens nombres à considérer dans le cours de la plantation , etensuite dans une 


es années, 


uméros d 


N 


80 


100 


Accents ou notations, 


y! 


4/4 


succession de périodes égales à 


d, | d, 
Pipe Dépese 
au relative 
principal He 
23a fr. 
Late annuités 
anta- 
le HBfre 
f. jf. 
616| :666 
1003| 3349 
1633| 6088 
2663| 1055# 
4334| 19226 
11484| 48955 


30508/131545 


D 


Dépense 


totale, 


2223 


4351 


7722 


12214 


21560 


60439 


162053 


a SP 
Recette 
mie Reeette 
relative 
ras 
bruts des Ps 
20 prem| récoltes 
FETES | de noix 
années, = 
% 
694 660 
1191 2066 
1842 6007 
3007 13725 
ne 
4889 27647 
I 297 I 90688 


34417| 260920 


C 


Valeurs 
respec— 
tives des 


arbres. 


1000 


1500 


2000 


2500 


3000 


4000 


5000 


P 


Produit 
brut 


total. 


107658 


300333 


B 


Bénéfice 


(P-D) 


346 


2128 


7013 


a — 


13971 


47230 


138280 


C 


Valeur 
initiale 
du 
bénéfice 
total. 


£ 


10b2 


« A 
Aunuité | Prime 
quiaurait| obtenne 

pour |pourcha: 
rembour-| quearbre 
sement | à l'ori- 
Pn le 
bénéfice “planta- 
B. tiôn, 
f f. 
2 0, 28 
5 o, 88 

17 3, 02 

32 6, r1 

39 | 7: 48 

46 54 

50 |:10, 52 


chacune de celles considérées. 


Q; 


Coefficient variable 
du maximum 
de bénéfice 


ginede la! en un même temps, 


=. B 
(05) — 1 
44, 162 
104, 15 
352, 32 
669, 37 
AT 
97%, 67 
1060, 60 


(70) 

Remarque de calcul. Les différences entre les valeurs ac- 
tuelles de P'’, B'”, Cr”, et celles obtenues dans le pro- 
blème 11 pour P, B, C qui sont les mêmes nombres, sont peu 
importantes, et ne doivent pas scandaliser. Sans doute, il n’est 
pas impossible qu’il y ait eu erreur dans quelque opération de 
détail ; mais, pour expliquer les anomalies , il suffit de dire que 
les deux procédés de calcul sont un peu différens ; et que pour 
prendre le logarithme d'un nombre même considérable, je me 
suis borné à en considérer les cinq premières figures, afin d’abré- 
ger sensiblement le calcul, qui, pour être instructif, n’a pas 
besoin de plus de précision. 


Conséquences de nos résultats. 


I. Les bénéfices véritablement comparables sont ceux rap- 
portés à une époque éloignée, arbitraire , qui répond à une suc- 
cession de plusieurs périodes égales à chacune de celles consi- 
dérées isolément. Les valeurs finales F de ces bénéfices ne sont 
pas insérées dans le tableau, qui offre seulement les quotients 
Q, qui leur sont proportionnels. Dans chaque cas il sera facile 
de calculer les valeurs finales F des bénéfices à l’époque 


B 
(1:05) — 1 


1,05)b-8— 1}: où le multiplicande est le facteur variable 
P 


h fois n, (page 63), par la relation F — x 


Q, et le multiplicateur un facteur constant et connu; k étant 
connue pour chaque période simple. 

IT. Les vrais valeurs initiales utiles 1 à ealculer sont celles 
obtenues en escomptant à l’origine de la plantation les valeurs 
finales F. Les nombres I diffèrent peu des nombres G calculés 
au tableau, excepté pour les courtes périodes. 

IT. Les quotients Q allant toujours en augmentant , on voit 
que dans notre problème la période du maximum de bénéfice a 
au moins cent ans. 


(71) 

IV. En considérant la plantation suffisamment prolongée, il 
arrivera toujours une époque où la valeur initiale L cessera de 
croître , car la production des noix doit un jour diminuer , et 
c’est l'élément le plus influent dans la recette; tandis que l’an- 
nuité 48f, l'élément prépondérant du passif , demeure inva- 
riable. 

V. Alors on sera arrivé au maximum de bénéfice. Le nombre 
n des années depuis la plantation est la période la plus profi- 
table ; c’est alors qu'il faut arracher la plantation et la renou- 
veler. 

VI. Une fois la plantation résolue et effectuée, il y aura lieu 
à modifier le compte général préalablement établi et à y 
insérer : 

1.0 La dépense effective D, , considérée comme un emprunt 
fait à une caisse M. 2.0 Le produit brut P,, en partie réalisé, 
et considéré comme un prêt fait à une autre caisse N. 3.° Les 
quotients Q. 4.0 Les valeurs initiales 1, considérées comme un 
prêt fait à la nature. 


Treizième probléme. 


Les données étant celles des deux derniers problèmes, on se 
propose de garder la plantation jusqu’à la 150.€ année , en abat- 
tant au besoin jusqu’à une vingtaine des arbres les moins pro- 
ductifs, afin qu'ajoutant leur rente à l’actif, la récolte ulté— 
rieure des autres soit maintenue à sa dernière valeur 6oof; ce 
qui est la cause la plus influente dans le bénéfice B et dans sa 
valeur initiale. À la 150. année, on vend les 80 arbres restant 
100f la pièce, et on demande le compte de l'hectare ? 


(Plus bas on démontrera la possibilité du maintien du revenu 
annuel 6oof par le moyen indiqué.) 


Le calcul actuel est simplifié par l'emploi des nombres connus 


(72) 
de là 1o0€ année, où de la ligne *” du tableau du probléme 
12; ét d’après les termes de l'énoncé actuel. 
La dépense D à toujours les deux élémens : d,, d, relatifs 
au principal 232f de la plañtation , et à l’annuité 48f. Ces deux 
quantités sont faciles à troûver directement. 


d, —232 x 1508 d, 
d, — 48 x 31642 d, 
D — :865660. 


549 860 


1518 800 DE 5 


I | 


Le produit brut P a les trois élémens a,b,e, relatifs aux 
20 premiers loyers de 20f, aux récoltes de noix et à la valeur 
vénale des arbres. P7 — ar” + br! + orl', (Lisez : P 
accent octave, ou P octave, ou le produit brut à la 150.e an- 
née, .... etc.) Les trois élémens a°”’, br”, e*”' peuvent, 
au moÿen de nos petites tables, se déduire des nombrés connus 
a”, b, ce" (Lisez a septime, b seplime, c septime}), el 
au moyen des hypothèses de l’énoncé. 


a a (1 ob} a = 34413 X 185477 
a"! — 594 960. 


b'"! a les deux élémens b"”/, b'/' ; le 1.er relatif au capi- 


tal b"”, placé à 5 pour cent péndant les 50 dernières années ; 
le 2e, D", relatif aus 50 annuités dé 6oof d'après l'énoncé 


{ Lisez b'”!, b octave un point .....) 


Des DUR 115477 D"! — 600 x 219,807 


pb"! = 260920 X 11,477 b""! — 2994 Goo 
b”! — Goo x 219,807 pr = 1510084 


pr — 3126484. 


(738) 


cv! — 100f x 80. ec"! — Boool 


Tout l'actif P —= 3529 444. 
al! — 394960 ‘ FE : 
br — 3126484 On a trouvé D — 1868 660 

|, LEE 
BAPE éspe Le bénéfice B — 1660 754 


Ge bénéfice B, à la 150. année , a pour escompte à l’origine 


de la plantation C — TEE G æ£ ator. 
1508 


La prime 1101 pour les 100 arbres primitifs revient pour une 
seule tige à 11f. 
1660784 


Pour le maximum du bénéfice, le quotient Q — sr 
190 


= 1102, 


Observations. 


I. Sans entrer dans tous les détails du calcul promis, en voici 
les résultats : La vente d’un seul arbre à 5of équivaut à huit 
récoltes de Gf; cette seule vente suflit pendant 11 ans à main- 
tenir la valeur de la récolte annuelle Goof, quand même l'arbre 
vendu aurait lui-même 6f de fruits; et ce maintien s’étend à 
36 ans, quand l'arbre abattu ne rend de noix que pour 3f, la 
récolte moyenne des 99 autres arbres restant de Gf. On a porté 
à 20 le nombre des arbres vendus utilement pour obvier même 
à une diminution dans la récolle moyenne des arbres conservés. 

IT. En considérant une durée assez prolongée, on sent qu'il 
arrivera toujours une époque où le produit moyen d'un arbre 
sera au-dessous de 6f, et où la recette annuelle 6oof ne pourra 
plus être maintenue. On ne pourra manquer de s’apercevoir de 
ce résultat, de même que du fait du dépérissement des arbres. 


(74) 
La tenue des notes annuelles et l'inspection du compte général 
montreront dans le quotient Q une diminution qui fera connaître 
le moment précis de la vente totale. 


Quatorzième probléme. 


Calculer une plantation de 100 noyers à 8m de distance, en 
bordure d’un terrain pareil à celui des trois questions qui pré- 
cèdent ; le mode d'établissement est le même; seulement on 
accorde au fermier, en indemnité, le quart du loyer du terrain 
sous les arbres , sur une largeur de 3 mètres. 

Nous considérons les recettes comme ne différant pas de celles 
déjà obtenues. 

Dans la dépense le 1.er élément d, veste 232 x R, , comme 
dans les problèmes précédens. 

L'élément 4, , relatif aux revenus bruts annuels n’est plus 
que 21,4 x m3 au lieu de 48f x ph. Car la longueur plantée 
— 8" x 100 — 800"; la bande indemnisée — 800" x 3" — 
24004 — 0,H8 24 : l'indemnité =— 4of xo,24 = 2f,4. 

4 
La nouvelle annuité 2f,4 est le 20. de la première 48!, 


= 2,24 — 20,2f,4, ainsi nous aurons la nouvelle dépense D, , 
en réduisant au 20.€ son élément d, trouvé précédemment , ou 


I 
en diminuant l’ancien D, des 9 de l’ancien élément d,. Et 
20 

comme ‘dans une soustraction (P, — D, ) — B,, diminuer le 

soustractif D, de K, revient à augmenter le reste B, de la même 

quantité K, nous aurons de suite chaque nouveau bénéfice B, 
L 

en ajoutant au B, déjà trouvé, la quantité K — 23 de l'élément 
20 

connu (d, ) . 

De là résulte le tableau des nombres du probléme 14. 


(7) 


Nouveaux | Nouvelles valeurs Aa RUE 
initiales C,, Nouvelles | quotients 
variables 
dans le 


Anciens Nouveaux Lhrnt K PS ARE 


, élémens d 
é 2 bénéfices e 
letras ou (ds );4 élémens ou nouveaux bénéfices] primes 


ou (Ba )14 escomptés initiales 


du problème 
T 
Le ou pe de Ba ou(B+kK) à l’origine. par arbre. 


bénéfices. 


Numéros des années. 


1666 73 1656 
3349 346 3528 8,16 


6088 a8 | gs A 

10551 7013 | 17037 14,84 

17226 13971 | 30336 16,24 

80 | 48955 2447 47220 | 93728 19:94 


100 | 131545 6577 138280 | 263248 20,02 
150 | 1518800 | 75940 | 1442860 | 1660784 | 3103644 20,58 


"AE 
Conséquences de ces résultais. 


I. Les nouvelles valeurs initiales 1, qui, ainsi que les valeurs 
finales V, sont proportionnelles aux quotients variables Q, vont 
en croissant de 20 à 100 ans, puis en décroissant; donc il y 
aurait perte à détruire la plantation de 20 à 100 ans ; et la 
période la plus avantageuse de celles considérées est celle de 
100 années. 


IL. En rapprochant les questions G.e et 14.°, où il s’agit de 
‘ plantations de bordures, on forme le tableau 


VALEUR ESPACE PRIME 


PROBLÈME. OCCUPÉ D'UN ARBRE 
DU SOL. 


par 1 arbre. de 20 ans. 


4m 6,59 


6,24 


et on trouve même valeur pour le terrain occupé par un arbre, 
et à peu près la même prime initiale À, pour un arbre jusqu'à 
20 ans. 

Mais pour un peuplier, cette prime est probablement voisine 
da maximum , tandis que pour le noyer la prime centenaire est 
trois fois plus considérable. 


III. Il faut se garder de croire que parce que la prime de 
20 ans s’oblient cinq fois en 100 ans elle puisse avoir l’avantage 
sur celle-ci, à moins que la dernière ne soit cinq fois plus forte. 
Pour se convaincre de l'erreur de cet aperçu, calculons les 


(77 ) 


valeurs effectivement obtenues dans les deux cas à la centième 
année, 
6f,59 reçus au commencement de chaque période de 20 an- 
| *“ 
nées donne à 100 ans la valeur totale 


61,59 1,65 nv: tobt. a à + RS erria 108! + d8 D 


et la prime 20of,02 reçue au commencement de la période cen- 


tenaire vaut à la centième année 20/02 x ; on 

Conrparons donc ces deux valeurs finales : la 1.re est 61,59 
(131,500 + HAE mt 18,680 + 7,041 + 2,653) ou 61,59 
X 209,373; la 2.6 est 2of,02 x 131,500, ou la ire est 1380 et 
la 2.0 2633. 


Ainsi, dans sa période de 100 ans , la plantation de noyers 
offre un bénéfice presque double de celui de la succession des 
cinq périodes de 20 ans, quoique la 1.re prime initiale 20,02 
ne soit pas cinq fois la seconde 6,24. 


IV. À ces avantages ajoutons que la noix est un fruit dont 
l'importance privée et publique est loin d’avoir été suffisam- 
ment appréciée sous les rapports de l’époque , de la facilité et de 
la certitude de sa récolte , de sa conservation, de sa vente et de 
la qualité de son huile, sous le rapport de la possibilité d’obte- 
nir ainsi presque toute l’huile nécessaire à la consommation et 
au commerce, en poussant à leur limite les conséquences de la 
plantation des noyers ; et sous le rapport de la production des 
céréales, à laquelle production l’on pourrait rendre la plupart 
des champs employés maintenant à la calture du colza et de la 
navette , plantes d'une récolte assez incertaine et d'une culture 
dispendieuse. 


V. Enfin on connaît la prééminence du bois de noyer dans 
les arts. 


(78) 
Conclusions de cet essai. 


I. Il me paraît utile et digne des Sociétés d'Agriculture et 
des Arts de populariser les notions sur la considération et la 
légitimité des intérêts accumulés ; sur l'avantage qui résulte de 
l'activité des capitaux ; sur les divers modes de plantation où 
l’on peut placer des fonds avec fruit pour soi, pour sa famille, 
pour des actes de bienfaisance , pour l’intérêt général. 

IT. Les personnes riches, qui ont la faculté d'économiser et 
d'attendre, peuvent à leur gré se préparer pour des époques 
déterminées , soit des capitaux considérables, soit de notables 
accroissemens dans leur revenu annuel, sans s'imposer beau- 
coup de soins, sans employer le ministère des banquiers, des 
compagnies d'assurances sur la vie, ni des économes infidèles ; 
sans avance de grands capitaux primitifs ; sans courir les chances 
des non-valeurs, des avaries , des incendies , des vols, des intem- 
péries des saisons ; ni les risques du commerce, de la mer, des 
faillites. 

IL leur suffira de faire les frais modiques d’une plantation 
d'arbres et d'attendre le terme prescrit. 

UT. Les hommes laborieux, honnêtes, industrieux , qui, sans 
posséder de champs ni de capitaux, auraient acquis du crédit, 
peuvent se créer des fonds de terre et des revenus , indépen- 
damment des fruits matériels de leur industrie journalière. 

IV. Il est digne des sociétés scientifiques, et de se concilier 
les bénédictions de la multitude des hommes de bon sens qui ne 
demandent qu’à être éclairés, et de prendre l'initiative d’un 
mouvement infaillible dans l'esprit public et dans l’économie 
française, en invitant instamment leurs membres propriétaires 
à suivre avec réflexion, ardeur et persévérance, les expériences 
si importantes relativement aux facultés productives des divers 
sols , soit naturellement, soit à l’aide de cultures et d'engrais, 


(79) 


et aux accroissemens annuels dans les dimensions et dans les 
prix des différentes natures d'arbres ; expériences dont la seule 
publication entraînera la conviction des hommes les moins médi- 
tatifs , et en même temps fournira aux calculateurs les élémens 
indispensables à l'établissement solide d’une théorie aussi pro- 
fitable que curieuse. 

V. On voit qu'il ne s’agit pas ici, comme dans la météoro- 
logie , d'observations jour par jour, et même plusieurs chaque 
jour, tenues à l’aide d’instrumens délicats, par des physiciens 
dévoués aux progrès de la science, mais seulement de deux 
mesures par an vers les deux équinoxes, prises avec des instru- 
mens simples et familiers comme le compas sphérique, le mètre 
et le cordeau , puis inscrites sur un livre, des dimensions pro- 
gressives de quelques sujets, désignés et mis en expériences. 

VI. Non-seulement ces notes agronomiques l’emportent en 
simplicité , en facilité sur celles que nous voyons tenir aux savans 
physiciens , mais leur enseignement sera incomparablement plus 
rapide. Il est une multitude de questions de météorologie dont 
la solution exigera plusieurs siècles d'observations pareilles à 
celles qui se poursuivent depuis long-temps ; tandis que la durée 
d’une génération suflirait à recueillir, et à la fois sur tous les 
terrains, naturels ou aidés par la culture, et sur toutes les espèces 
d’arbres , les données les plus instructives et complètes pour les 
questions capitales usuelles. 

VIT. Dès que l’on aura pu former une collection , même par- 
telle, de faits précis sur les grands végétaux , à l’aide de calculs 
assez simples (dont je me chargerai volontiers et avec toute 
l'exactitude convenable, parce qu'alors il s'agira de données 
positives et effectives ), il sera possible de rédiger une instruc- 
tion utile sur les plantations de même nature. 

VIII. Jusqu'à nos jours tout a conspiré à faire présager la 
disette future du bois, et un accroissement progressif dans le 
prix de cette denrée , et par conséquent un avenir d'autant plus 


(8) 
favorable aux vues exposées dans ce mémoire ;" mais dût-il arri- 
ver des évènemens capables d'opérer une diminution dans la 
valeur de ce combustible , nos résultats sont tellement en faveur 
des plantations, que pendant long-temps encore il serait avan- 
tageux d’acquiescer au mode que nous offrons d'accroître 
comme indéfiniment ses capitaux. 

IX. Le genre de placement que nous préconisons diffère de 
ceux les plus accrédités, par exemple , du jeu de la bourse , dont 
les capitaux ne sont quelquefois que des valeurs fictives, dont 
les opérations, qui n’ajoutent rien à la circulation réelle du 
numéraire, à notre industrie générale, à notre prospérité effec- 
tive, tendent au contraire à détourner de toutes les villes de 
l'intérieur les capitaux, pour les faire affluer sur un seul point 
où ils sont entassés et frappés de stérilité, et dont les résultats 
les moins déplorables sont de ne pas dépouiller une foule de 
petits capitalistes , au profit de quelques gros banquiers ; tandis 
que nos conseils tendent à disséminer les capitaux sur tous les 
points de la France, à y accroître la propriété , le travail, l’in- 
dustrie, l’aisance et la morale publique. 

Nos spéculations ne ressemblent pas non plus à celles dont les 
matières premières viennent à grands frais de contrées lointaines, 
dont les effets, quels qu'ils soient , occasionnent dans le numé- 
raire existant des variations brusques, funestes à la masse des 
travailleurs et des rentiers; dont les produits, dépendant du 
pur caprice, peuvent être anéantis par la mode, amoindris ‘par 
la concurrence et vaincus sur les grands marchés par une indus- 
trie étrangère. C’est chez nous que nos capitaux sont placés; 
c'est chez nous que se fait tout le travail. Les produits de notre 
industrie sont de première et absolue nécessité, de consomma- 
tion croissante ; ils peuvent être en partie expédiés à l'étranger 
en huile, en meubles , vaisseaux et armes ; et les profits peuvent 
être utilement employés à perfectionner indéfiniment la calture 
et l’industrie nationales. 


(8) 

X. Le terrain sous les arbres d'une futaie a été, presque dans 
tous nos calculs, considéré comme de nul rapport ; cependant il 
est un moyen d’en tirer un produit immense pour la nation : 
c’est d’en abandonner la culture avec la récolte à la classe des 
journaliers cultivateurs. Le travail à la charrue de ces vastes 
terrains devient-il peu praticable , la culture à bras sera exempte 
d’inconvéniens et une source nouvelle d’abondantes récoltes, 
tout en favorisant l'accroissement des futaies de la classe riche. 
Bien plus, le pauvre robuste acceptera la condition de partager 
le fruit de son travail avec un vieillard ou un infirme, et la 
destruction de la mendicité sera un nouveau bienfait du riche, 
un autre résultat des travaux des sociétés savantes. 


( 82 ) 
ELEC 
Ï. TABLE DES REMBOURSEMENS ÎT. TABLE DES REMBOURSEXMENS 


Pn des annuités 1 franc, 


k * et de leurs intérêts accumulés 
une fois placé à 5 pour cent. à 5 pour 100. 


RS SR 
Rembour- Ia d'il Rembour- 


Ra du capital 1 franc, 


Fin d'année, 


sement. sement. 
Francs. Frances. 
Première. 1,050 3.e 3,318 
2.° 1,103 5.e 5,796 
3.e 1,158 6.e 7,140 
4.° 1,216 8. 10,017 
5° 1,276 9.° 11,591 
G.e 1,340 10. 13,207 
7. 1,407 12.° 16,699 
8.- 1,477 15.° 22,659 
9° 1,551 18.° 27,258 
10,° 1,629 20.° 34,717 
xx: 1,710 p22 = 40,406 
12.° 1,796 25.° 50,113 
13.° 1,886 30.° 69,762 
14.c 1,980 35.° 94,836 
14 ans 3 mois 12 jours, 72 2,000 4o. 136,840 
15.° 2,07 45. 161,685 
16.e 2,18 5o.° 219,807 
17. 2,292 55.e 286,335 
18. 2,407 60.e 371,280 
19.° 2,527 65.° 479,640 
20, 2,653 70.° 618,946 
Re — 2,786 75. 794,487 
Res — 2,924 80.° 1019,789 
Vingt-cinquième. 3,386 85.e 1307,334 
30. 4,322 90. 1674,336 
35.e 5,516 95.e 2142,714 
40. 7,040 100.° 2740,521 
45.e 8,985 150.° 31647,000 
50.° 11,499 
55. 14,645 
6o.e 18,680 
65.e 23,840 
vo: 30,420 
79. 38,830 
80.° 49,500 
85,e 63,250 
88. 73,295 
90.° 80,730 
95.* 103,000 
97.° 113,609 | 
100. 131,500 


190." 1508,000 


(83) 
Usage de la table I. 


1.re Question. Un capital C — 1000 étant donné, trouver, 
après 25 ans, son remboursement R, , ? 


R,, — 1000 fois 31,386; (31,386 étant le R,, 
du capital 1fet de ses intérêts accumulés ) 
— 3386f. 


ILe Question. 7000f étant connu pour un remboursement 
après 20 ans, trouver le capital C primitivement placé? 


On a la relation R,, — 2653 x C. 


ou 7000 — 2653 x C; donc 
7000 

= +. — 263852. 

PE DRE à 


Emploi de la table W. 


Lre Question. Etant connue l'annuité 1000, pendant 25 
ans , ou le placement 1000f au commencement de chacune des 
25 années , en trouver le remboursement p, , ? 


pe, = 1000 fois 5of,113 ; (50,113 étant le rem- 


boursement des 25 placemens annuels 1°; en ayant rat aux 
intérêts accumulés. ) 


fautes DOTIE, 


Ile Question. Étant connue la valeur finale 7000f de 20 
placemens annuels égaux « , trouver cette annuité «. 


On a la relation p,, — 44,717 X «, d'où 


Fe > Ro. 2 4 2 PT Ou 
ai 2 


34,717 A Said 43717 
« — 201,66. 


( 84) 
Autres emplois des deux tables X, KI. 


Lre Question. Etant 3465° pour une annuité de 13 ans, en 

+ P 2 
trouver Je p,,3 le nombre 13 n'étant pas dans la 2.e table, 
mais étant compris dans la 1,re ? 


Pa3=3365 fois 21 (105 5— 1) p,,— 3465 x 21 (1,886 — 1). 
Pis=2109:21 X 0,086 P15 = 64460f,79. 


ÎL.e Question. Etant connu p,, = 40000, trouver le place- 
ment annuel «. 


ES ER US | 
pur ax (rot —i)xase= 17 \ 5 
21 
(05 —:1) 


40000 40000 


CR te RE A= — , 
21 (2,292— 1) 27,132 


ILe Question. Valeurs de x pour certains rapports R, : C? 


Rapports R, : G 4 8 


Valeurs de » 14 om) 20 {ul as Gn| 56:68" 


IV.e Question. Valeurs de r pour quelques rapports 
(Ph:n fois x). 


Rapports(pn:#2foisx)| 2 4 8 16 etc. 


Valeurs de » 25 48 68 86 


(85) 


EYIIITITFYTTSS-------TDODOSE————————"——————————— 


ESSAI 


SUR L'APPLICATION DU CALCUL DES PROBABILITÉS 
Aux assurances contre l'incendie, 


Par M. Tu. Bannois, Membre résidant. 


22 JUILLET 1934. 


Instructions préliminaires. 


Depuis l’année 1815 on a vu se former en France des com- 
pagnies d'assurances contre l'incendie. Ces établissemens si utiles 
laissent encore beaucoup de choses à désirer sous le rapport de 
la juste appréciation des risques qu'ils assurent. [ls n'ont eu jus- 
qu'ici aucun égard ni à la forme des édifices , ni à la position 
relative des divers corps de bâtimens qui les composent, et se 
sont bornés à considérer l’usage de ces édifices. Les assurances 
contre la grêle et contre les chances de la navigation n'avaient 
pris d'autre guide que l’expérience ; celles sur l’incendie les ont 
imitées. C’est un tort suivant nous, parce que les incendies étant 
très-rares , ceux qui ont lieu dans des circonstances semblables 
ne se présentent presque jamais , et qu'il faudrait un grand nom- 
bre de faits semblables pour apprécier les chances avec quelque 
certitude. L’incendie d’un bâtiment peut n'être que partiel, il 
résulte d’un grand nombre d'effets différens et successifs ; les 
parties qui le composent courent des chances fort différentes 
qu'il est nécessaire d'apprécier pour déterminer la prime totale. 

Cette prime dépend donc d'un grand nombre d’élémens dis- 


(86 ) 
tinets susceptibles d'une infinité de combinaions, et elle doit 
presque toujours différer d'un édifice à l'autre. Les dangers de 
la navigation, et surtout ceux de la grêle, ne présentent pas cette 
complication. 

Les assurances contre l'incendie sont de deux espèces , savoir : 
celles à primes et celles mutuelles. Pour que ces dernières fussent 
bien administrées, il faudrait , outre l'intégrité des agens et 
l'exactitude nécessaire dansune comptabilité très-minutieuse, que 
chaque sociétaire payât la part de frais d'administration que son 
assurance exige, frais qui sont à peu près égaux pour chaque 
assurance , et que , dans le remboursement des sinistres , la part 
de chacun füt réglée en raison des dangers auxquels il expose 
la société. Il suffit ici de connaître les rapports entre ces dan- 
gers, tandis que les assurances à primes ont besoin de connaître 
leur valeur absolue. 

Nous avons vu également s'élever divers genres d'assurances 
sur la vie des hommes. lei les faits ne manquaïent plus et plu- 
sieurs géomètres célèbres firent sur cet objet des travaux im- 
portans qui ont été adoptés par les tontines et les compagnies 
d'assurances sur la vie. Ces établissemens sont les seuls qui con- 
naissent convenablement les chances qu'ils assurent. 

Nous avons pensé que les assurances contre l'incendie pou- 
vaient aussi s’étayer du calcul. Les études auxquelles nous nous 
sommes livré pour rechercher les méthodes convenables pour 
cela nous ont prouvé que les questions les plus simples étaient 
seules à notre portée. Toutefois , leurs formules seront souvent 
d’une application tellement laborieuse , que nous ne pensons pas 
que la solution des questions élevées soit utile pour la pratique. 
C’est ce qui nous a décidé à présenter un travail aussi incomplet. 

Les primes d’assurances dont nous allons parler ne sont pré- 
cisément que celles que doivent exiger les compagnies pour les 
risques courus , sans avoir égard à aucun de leurs frais ni aû 
bénéfice qu’elles doivent se réserver ; elles supposent enlin que 


(87) 
les assurances , étant faites sans frais sur un très-grand nombre 
de bâtimens, ne donnent ni perte ni gain. 

La mauvaise répartition des primes d'incendie ne doit pas être 
envisagée seulement sous le rapport de l'intérêt des compagnies, 
mais encore sous celui de l'intérêt général. Gar ceux qui bâtissent 
n’ignorent pas l'utilité de certaines dispositions : par exemple , 
de séparer les grands édifices par des maîtres murs; mais la faci- 
lité qu'ils trouvent d'assurer au même taux tous les bâtimens 
servant aux mêmes usages leur fera bientôt abandonner les pré- 
cautions de la prudence commune ; ils auront d’ailleurs pour 
cela double motif, puisqu'il faudrait qu'ils payassent la prime 
d'assurance sur l’excédant des dépenses qu'une meiïlleure dispo 
silion aurait occasioné. 

Il n’est personne qui ne sente que , toutes choses égales d’ail- 
leurs, il est plus facile d'arrêter les progrès d’un incendie dans 
un bâtiment étroit que dans un large, dans un bâtiment coupé 
par des murs que dans un autre semblable où ces murs n'’exis- 
teraient pas, dans un bâtiment en ligne non fermée que dans 
un autre de même étendue formant un contour fermé, dont les 
extrémités se joignent, etc. Ge que le sens commun indique si 
clairement, comment se fait-il que les compagnies d’assurances 
n’y aient aucun égard , quoiqu’elles soient si intéressées à le con- 
naître ? Sans doute cela tient à ce que, pour de semblables admi- 
nistrations , le bon sens a besoin d’être réduit à un calcul qui 
donne d’une manière fixe ce que notre jugement n'indique que 
trop vaguement , et c’est au calcul des probabilités qu'il faut 
demander la formule : car, dit Lariace dans son introduction à 
la Théorie analytique des probabilités (Introduction, page cv), 
« la théorie des probabilités n’est, au fond, que le bon sens 
» réduit au calcul ; elle fait apprécier avec exactitude ce que les 
» esprits justes sentent par unc sorte d’instinct, sans qu'ils 
» puissent souvent s’en rendre comple. » 

Voici un exemple propre à faire juger combien les primes des 


(88) 

compagnies sont peu proportionnées aux risques. Supposons qu'il 
s'agisse d'assurer un grand bâtiment dont les diverses parties sont 
occupées par différentes familles : suivant les réglemens des com- 
pagnies existantes , si les occupeurs précédens font assurer sépa- 
rément les parties qu'ils habitent , ils paieront la même prime 
que si le propriétaire assurait en masse loute sa maison ; cepen- 
dant , dans ce second cas, tous les incendies seraient remboursés 
en totalité , au lieu que , dans le premier , la partie dans laquelle 
le feu aurait éclaté serait seule remboursée , et son occupeur de- 
vrait payer à ses voisins les pertes que très-probablement son 
incendie leur aurait occasionées. Or, la prime qu'il devrait 
payer pour s’assurer contre le risque qu'il court de mettre le feu 
aux parties voisines , dont on ne tient pas compte , est très- 
considérable dans les grands édifices ayant beaucoup d'étages, 
et peut être souvent beaucoup plus grande que celle qu'il devrait 
payer pour se garantir de l'incendie qui aurait éclaté chez lui. 

Si la prime d’assurance doit, dans certains cas, augmenter 
avec la grandeur des édifices , elle doit au contraire diminuer 
dans d'autres, Car , supposons un bâtiment très-long occupé, 
dans une extrémité seulement, par un ménage qui donne 
les mêmes chances d'incendie que ceux dont nous venons de 
parler. Tandis qu'il est très-probable qu’un incendie qui aura 
une fois éclaté dans une petite habitation la consunera entiè- 
rement, il est fort à croire, au contraire, que s’il en éclate un 
dans l'extrémité habitée du bâtiment dont nous parlons, les 
secours qu'on apportera pourront l'arrêter avant qu'il ait atteint 
l’autre extrémité. Si c'était le milieu de l'édifice qui fût occupé 
l’assurance devrait être plus grande. 

Les cultivateurs assurent souvent leurs récoltes contre l’in- 
cendie ; mais celui qui assure un groupe de 50 meules de grain 
placées le long d’un chemin devrait payer une prime peut-être 
trente fois aussi forte que celui qui assure une meule isolée 
placée de la même manière ; car il y a dans le premier cas 50 


(89) 
fois autant de causes d'incendie que dans le second, et la 
matière assurée étant très-combustible, il est fort à craindre 
qu'un incendie, une fois qu’il aura éclaté, ne consume une grande 
partie des 50 meules. 

Les dangers d'incendie varient beaucoup suivant la grandeur 
des bâtimens , leur nombre d’étages, leur disposition, leurs 
usages, la prudence de leurs habitans et leur position relative- 
ment aux secours. Tous ces élémens , d’où dépendent les primes 
d'assurance, peuvent se réduire à la probabilité que l'incendie 
éclate et à celle de sa communication d’un lieu à un autre. Ces 
deux élémens sont essentiellement distincts et doivent nécessai- 
rement entrer dans l'évaluation des primes d’assurance; c’est pour 
cela qu’on a eu tort, suivant nous, d’assimiler les assurances 
contre l'incendie à celles sur les risques de mer, sur la vie des 
hommes et sur la grêle , qui ne dépendent que d’une seule chose; 
car, quelles que soient la forme d’un champ et la nature de sa 
récolte dans la même localité, il sera toujours également exposé 
à la grêle et devra aussi toujours payer la même prime pour se 
garantir de ce risque. 

Comme parmi les élémens dont dépendent les primes d'assu- 
rances contre l'incendie, il en est plusieurs sur lesquels on ne 
peut avoir que des données très-vagues , il est presqu'inutile de 
dire qu’on ne peut non plus espérer que des approximations des 
chances d'incendie; mais ces approximations peuvent suflire aux 
compagnies et à l'assuré, parce que, dans les assurances, les deux 
parties trouvent ordinairement avantage au marché. Le particulier 
qui connaît les chances contre lesquelles on l’assure et le bénéfice 
probable qu'il va procurer à la compagnie trouve, outre l’avan- 
tage matériel de l'assurance , celui moral de ne pas avoir sa for- 
tune exposée à une trop grande perte qui pourrait , en changeant 
son état, lui imposer des privations pénibles. La compagnie 
trouve au marché l’avantage de recevoir la prime , avantage qui 
n'est balancé que par la crainte matérielle de l'incendie de la 


( 90 ) 

propriété et par ses frais d'administration ; elle n’épouve point , 
comme le particulier, la crainte d’une grande perte qui pourrait 
exercer sur elle une fâcheuse influence morale, parce qu’elle a 
des fonds considérables qui forment le gage des assurés et qui 
sont destinés à payer des sinistres qui se succéderaient d’une ma- 
nière malheureuse. Mais comme elle étend ses opérations sur un 
grand nombre de bâtimens dont les incendies sont absolument 
indépendants, il est extrémement probable que les chances favo- 
rables et contraires se balanceront et amèneront ainsi des résul- 
tats réguliers et des bénéfices aussi certains que eeux de l'agri- 
culture; de même que les jeux publics et les loteries, dont les 
bénéfices ne dépendent absolument que du hasard et sont cepen- 
dant à peu près réguliers. * 

Les compagnies d’assurances doivent donc calculer les primes 
qu'elles exigent d’après les principes de l'espérance mathéma- 
tique, et par conséquent la somme qu’elles doivent demander 
pour assurer un édifice doit être égale à la somme des valeurs 
des diverses parties de cet édifice, multipliées chacune par la 
probabilité qu’elle sera brûlée dans l’année ; plus la part des frais 
d'administration, plus le bénéfice légitime, 

Le propriétaire doit calculer différemment, et c'est le prin- 
cipe de Daniel Bennouur, sur l'espérance morale, qui lui fera 
connaître l'importance qu'il y a pour lui d'assurer sa maison. 
Cette importance, ou la somme qu'il pourrait lui convenir de 
payer pour qu'il cessât de trouver avantage à l'assurance , sera 
d'autant plus grande, que la propriété sera une plus grande 
partie de sa fortune. Pour que l'assurance ait lieu avec avantage 
réciproque , il faudra done que la différence entre la crainte mo- 
rale et la crainte mathématique de l'incendie suflise pour payer 
les frais d'administration de la compagnie et son bénéfice. Nous 
reviendrons plus tard sur cet objet important. 

Il ÿ a deux manières d'assurer un édifice contre l'incendie : ou 
l'assurance cesse après qu’un incendie total ou partiel a éclaté, ou 


(g1) 
l'édifice assuré est, immédiatement après un incendie , recon- 
struit sur le même plan, contmue à courir les mêmes chances et 
à être assuré, Cet édifice devrait, par conséquent , être encore 
rémboursé si un ou plusieurs nouveaux sinistres avaient lieu dans 
la même année. Les compagnies d'assurances ne paraissent pas 
avoir distingué ces deux cas, sur lesquels leurs conditions ne 
s'expliquent pas. Cela tient sans doute à l'extrême petitesse de 
la différence qui devrait exister entre les primes dans ces deux 
modes, Cependant , pour la simplicité des calculs, il y a an 
très-grand avantage à supposer qu'une partie quelconque d’un 
pe: lorsqu'elle est incendiée, est rétablie à l'instant dans 

‘état primitif et continue à courir les mêmes chances, qui sont 
assurées comme précédemment : sans cela il serait impraticable 
d'avoir égard à l'effet d'un incendie partiel , qui changerait 
toutes les communications des parties d’un édifice, la partie 
incéridiéé pourrait contenir encore des élémens combustibles 
et les incendies partiels pourraient se sucééder de toutes sortes 
de manières, qui changeraient absolument l'édifice et auxquelles 
il faudrait cependant avoir égard pour appliquer le calcul des 
probabilités. 

Les compagniés se réservent ordinairement la faculté d’an- 
nuler la police aussitôt après un incendie total ou partiel, en 
ne recevant Ja prime que jusqu’au jour où l'incendie a éclaté. 
En soumettant les assurances au calcul, il est nécessaire de sup- 
poser qu'elles usént toujours de cette faculté où que l'assurance 
n'est faite que jusqu’au premier incendie. Dans le calcul on 
peut supposer, au lieu de cela, que l’assurance est faite pour 
l’année entière et qu'aussitôt après un incendie total ou partiel 
Fédifice est rétab'i comme auparavant , et qu’il continue, par 
conséquent , à courir les mêmes chances. La probabilité qu'un 
incendie né dans un point quelconque se communiquera à un 
autre aussi quelconque reste alors la même pendant toute 
l'année , et on peut supposer que chaque partie d’un édifice court 


(92) 
en un seul instant la chance d’explosion d'incendie qu'il court 
pendant tous les instans de l’année. 

Les assurances contre l'incendie sont encore essentiellement 
distinctes de celles contre des risques maritimes, ou contre la 
grêle, en ce qu'elles garantissent contre une infinité d'événe- 
mens qui peuvent arriver à chaque instant, tandis que les autres 
touchent toujours leur prime entière et ne peuvent rembourser 
le vaisseau ou la récolte qu'une seule fois. Ainsi, en supposant 
des risques excessifs , les primes d'assurances contre l'incendie 
peuvent surpasser la valeur de l’objet assuré, ce qui ne saurait 
avoir lieu dans les autres assuranees. 


Probabilité d'explosion d'incendie. 


Nous avons déjà remarqué qu'il était impraticable de recueillir 
un assez grand nombre d'observations pour juger par l’expé- 
rience seule les primes d'incendie qu’on doit exiger des divers 
établissemens. Nous chercherons donc en mettant à profit tout 
ce que l'expérience a pu faire connaître, à suppléer ce qui nous 
manque par le calcul. Pour cela nous remarquerons que les 
primes d'incendie dépendent de ces deux élémens distincts, la 
probabilité de la naissance du feu dans un lieu quelconque et 
celle de sa propagation d’un endroit à un autre. En appréciant 
séparément ces deux élémens, nous parviendrons à déduire du 
peu de données que l’on a sur les incendies des évaluations 
aussi exactes que celles que l’on possède sur les risques de mer, 
qui sont ceux qu'on a assurés depuis le plus long-temps. Cher- 
chons d’abord le moyen d'obtenir la probabilité que le feu se 
manifestera dans un endroit désigné. 

Pour cela remarquons que dans la pratique des assurances 
on ne peut entrer dans l'examen détaillé de tous les motifs qui 
peuvent en chaque point d’un édifice donner naissance à un 


(95) 

incendie , parce qu'on ne connaît pas même ordinairement tous 
les usages des bâtimens. Les primes ne sont pas d’ailleurs assez 
élevées pour permettre un long travail dans l'appréciation des 
risques. On n’a donc aucun motif de croire que dans des bâti- 
mens de même espèce , une partie combustible quelconque soit 
plus exposée qu'une autre à donner naissance à l'incendie. Ce- 
pendant, il existe des cas où l'on peut désirer avoir égard à 
certaines causes particulières d'incendie qui menacent certains 
points des bâtimens. Nous montrerons la manière d’avoir égard 
à ces risques particuliers, dont nous appellerons l'assurance 
assurances particulières , et nous désignerons sous le nom 
d'assurances générales celles des incendies dont la cause est 
inconnue et telle que l’on n’a à l’avance aucun motif de croire 
que le feu prendra plutôt en un point qu’en un autre. 

Les assurances particulières sont donc une augmentation de 
prime exigée à raison de certains dangers qui menacent des 
parties connues des bâtimens de chances d’incendies supposées 
connues à priori, et les assurances générales sont celles exigées 
pour tous les risques inconnus et dans le détail desquels la 
compagnie ne peut ou ne veut pas entrer. Nous allons d’abord 
nous en occuper. 

Si l’on conçoit un bâtiment partagé en un certain nombre 7 
de parties égales, d’après la remarque précédente , on ne con— 
naîtra pas de motif pour que le feu éclate plutôt dans l’une que 
dans l'autre, et il résulte de cette ignorance que toutes les 
parties doivent être regardées comme également exposées à 
devenir le berceau d’un incendie , et que la probabilité que le 
feu éclate dansle courant d'une année dans une partie quelconque 
d’entre-elles est égale à la moyenne arithmétique des proba- 
bilités réelles inconnues que le feu se manifestera dans cha- 
cune des parties. 

En effet, À désignant cette probabilité moyenne, » À sera la 
somme des probabilités d’explosion d'incendie dans les x parties. 


( 94 ) 

Regardons cette somme comme composée d'une infinité d'élémens 
infiniment petits, qui sont les probabilités que le feu éelatera 
pendant l’année dans l'édifice considéré. La probabilité que 
chacun de ces élémens du risque total sera couru par une 
partie désignée sera =, puisqu'on n’a aucun motif de croire 
qu'elle est plus ou anoins exposée qu’une autre. Ce qui a lieu 
pour cet élément a également lieu pour tous les autres. Donc, 
dans l'hypothèse actuelle, la probabilité qu'une partie désignée 
donnera lieu à un incendie dans le courant de l’année est 
1 

n : n À — À comme nous l’avons annoncé. 

Cela posé, la probabilité de la naissance du feu en un point 
désigné d'un bâtiment est facile à connaître d’après les obser- 
vations qui ont été recueillies, car on tient note dans les pré- 
fectures des incendies qui arrivent; le cadastre possède aussi 
dans plusieurs départemens des plans détaillés des villes et des 
campagnes, au moyen desquels on peut connaître le nombre 
d'habitations et leur étendue ; on peut facilement connaître aussi 
leurs usages. On pourra classer les bâtimens suivant le danger 
présumé qui résulte de leurs usages, de leur construction, etc. ; 
et noter pour chaque classe le nombre des sinistres observés , le 
nombre des bâtimens, leur aire et le nombre d’années pendant 
lesquelles ces observations ont eu lieu. On formera ensuite pour 
chaque classe les produits du nombre de bâtimens et de la somme 
de leurs aires par le nombre d'années. Ces produits seront le 
nombre d'observations faites sur les bätimens entiers et sur une 
aire unitaire de leur étendue. 

Le calcul des probabilités fait connaître la probabilité des 
événemens futurs d’après l'observation des évènemens anté- 
rieurs; il fait voir que si d’une urne ne renfermant que des 
boules blanches et noires, mais dont le nombre est complètement 
imconnu, on a extrait au hasard » boules noires et n boules 


LS 


( 95 ) 
blanches, en remettant la boule extraite après chaque tirage , 


la probabilité qu'au tirage suivant on extraira une boule noire 


nm + I 
sera 


m+n+2° 


La naissance des incendies provenant de causes dans lesquelles 
les compagnies ne veulent ou ne peuvent entrer doit être re- 
gardée comme dépendant uniquement du hasard ; et si dans le 
courant d’une année il y a eu "2 incendies sur m2 +72 maisons 
d’une certaine classe, on doit en conclure que la probabilité 
qu'une maison de la même classe brûlera l’année suivante est 

m1 


la même que celle de la sortie d'une boule noire 
Mm+n+2 


d'une urne sur le contenu de laquelle on sait uniquement qu'on 
en a extrait au hasard m2 boules noires et 7 boules blanches, en 
y remettant la boule après chaque tirage. 

S'il était possible de faire un assez grand nombre de classes 
dans les risques des bâtimens pour ne faire entrer dans chacune 
d’elles que des bâtimens à peu près de même étendue, de même 
forme et courant des risques égaux à raison de leurs usages et de 
leur construction, on aurait directement, par la seule expérience, 
la probabilité d'incendie de chacune de ces classes de maisons ; 
mais les incendies sont très-rares, par conséquent les obser- 
vations recueillies sont peu nombreuses ét il faut , au contraire , 
pour déduire avec quelque certitude la probabilité des événe- 
mens futurs de l'observation des événemens antérieurs, un très- 
grand nombre d'observations. Pour trouver dans chaque classe 
ce grand nombre d'observations , nous ne ferons que très-peu de 
classes en les composant des bätimens de toute sorte de forme et 
de grandeur qui, à surface égale, courent à peu près les mêmes 
risques , par les usages auxquels ils servent et les matériaux qui 
les composent; alors nous ne calculerons plus la probabilité 
que le feu éclatera dans une des maisons , mais celle qu'il 


( 96 ) 

éclatera dans une étendue unitaire désignée d’un des bâtimens, 
et on obtiendra cette probabilité d’après le tableau dont nous 
venons de parler; elle sera égale à une fraction dont le numé- 
rateur sera le nombre des sinistres augmenté de un, et le déno- 
minateur le produit du total des aires des bâtimens, par le 
nombre d'années , augmenté de deux. Lorsque le nombre des 
observations devient très-considérable , cette probabilité tend 
sans cesse à se confondre avec le rapport du nombre des sinistres 
à celui des observations. 

Ceci suppose que toute les parties d’égale étendue, dans des 
bâtimens de même classe, sont également exposées à donner 
naissance à un incendie. De ce qu'une ferme, par exemple, est 
double d’une autre, il est naturel de conclure qu’elle renferme 
en général le double de matériaux combustibles, qu'elle est ha 
bitée par un nombre double d'individus qui commettent le 
double d’imprudences propres à l'exposer à un danger double 
d’explosion d'incendie. D'ailleurs il n’est pas nécessaire de ranger 
dans la même classe les bâtimens servant aux mêmes usages; 
mais bien ceux qui courent à peu près , à étendue égale, les 
mêmes dangers d’explosion d'incendie. 

En calculant l'aire des bâtimens compris dans les observations 
dont nous venons de parler, il sera nécessaire de prendre pour 
unité une aire assez grande pour que, en brülant seule, elle 
constitue ce qu’on appelle un incendie; car il y a des incendies 
minimes qui restent ignorés et qui ne figurent pas dans les 
observations recueillies. 

Ce qui précède suppose que la loi de production des incendies 
est constante, de même que la composition de l’urne , et le bon 
sens indique qu’elle l’est effectivement. S'il existait des obser- 
vations recueillies depuis un assez grand nombre d'années, on 
pourrait juger par la régularité du nombre de sinistres comparé 
à celui des bâtimens existans, de la constance des causes d’in- 
cendies ; mais, quoique ces observations manquent, on peut 


( 97 ) 


regarder comme certain que les causes de la production des 
incendies sont constantes , toutes choses égales d’ailleurs. Car ces 
causes sont l'imprudenee ou la méchanceté des hommes , et les 
causes contraires sont le désir de conserver et l'horreur qu'in- 
spirent les incendies. Or, l'histoire nous montre dans tous les 
temps les hommes agités des mêmes passions et ne se modifiant 
qu’à raison de changemens dans leur situation , qui résultent des 
variations dans la civilisation et les institutions sociales. Ils ont 
donc aujourd'hui la même incurie, la même imprudence, la 
même méchanceté et la même horreur du feu qu'ils ont eue dans 
tous les temps, et par suite les incendies quien dépendent, suivent 
encore la même loi, toutes les circonstances restant les mêmes. 
Nous disons toutes les eirconstances restant les mêmes, parce 
qu'elles ne sont plus les mêmes dans les maisons assurées et dans 
celles qui ne le sont pas. D'abord les particuliers jugent mieux 
que les agens des compagnies des risques que courent leurs 
maisons ; ensuite , étant à l'abri des pertes que leur occasionerait 
l'incendie, ils deviennent plus négligens ; il est arrivé aussi que 
les valeurs assurées étant portées à un prix trop élevé , des par- 
ticuliers ont eux-mêmes mis le feu à leur maison ; d'un autre 
côté s’il existait des incendiaires qui voulussent se venger d’un 
particulier en brûlant sa maison, ils n'auraient plus les mêmes 
moyens de nuire et la maison ne serait pas incendiée. 

Depuis 15 à 20 ans que les compagnies d'assurances sont 
établies en France , cette belle institution y est loin d'avoir 
produit les heureux résultats qu'on pouvait en espérer, et le 
nombre des incendies a paru augmenter considérablement. Cela 
tient-il à une eause qui facilite l'incendie des bâtimens assurés, 
ou au plus grand nombre de journaux qui enregistrent les si- 
nistres ? Voilà une question qu'il serait fort intéressant de ré- 
soudre , mais dont la solution exigerait, pour prononcer avec 
quelque certitude , un grand nombre d'observations qui nous 
manquent encore; il nous suffit, pour le moment, de faire 


7 
/ 


( 98 ) 

remarquer qu'on ne doit point évaluer les primes d'après des 
observations faites sur des maisons non assurées. Dans les tontines 
et dans tous les établissemens fondés sur la vie des hommes , on 
a remarqué que les individus sur la tète desquels on payait des 
rentes vivaient beaucoup plus long-temps que la généralité des 
hommes; sans doute parce qu'on peut connaître avec quelque 
probabilité les individus qui doivent atteindre un âge avancé et 
que les gens aisés, qui seuls ont des rentes, vivent plus long- 
temps que les autres. 

Quant aux dangers particuliers d'incendie , qui sont ceux qui 
menacent certains points connus des bâtimens, nous supposerons 
qu'ils seront estimés suivant les cas. Il sera possible cependant 
encore de les estimer d’après les observations existantes , par la 
même méthode que les risques généraux , lorsqu'on en trouvera 
d'assez détaillés pour cela. Au reste, nous ne pensons pas que 
dans la pratique ordinaire des assurances , il convienne d’avoir 
égard aux risques particuliers. Nous ne ferons voir la manière 
d'y avoir égard que pour de grands édifices d'une valeur consi- 
dérable et en inème temps pour rendre notre théorie plus 
complète. 

Quoique la méthode que nous avons donnée dans ce chapitre 
pour déterminer la probabilité d’explosion d'incendie soit la 
plus régulière, puisqu'elle résulte de l'observation du nombre 
des incendies et de celui des bâtimens , nous ne croyons pas que 
les observations aient été recueillies avec assez de soin pour 
qu'on puisse encore en tirer des résultats suflisamment exacts, 
et nous pensons qu'en aftendant qu’on possède un assez grand 
sombre de renseignemens, il vaudra mieux juger des chances 
par les sommes payées et perçues par les compagnies pour 
l'assurance des diverses classes d'édifices et déterminer les 
constantes qui entreront dans les formules que nous allons 
donner pour les assurances , de manière à ce que ces formules 
donnent des résullats conformes à ceux des tableaux statistiques 


(99 ) 
que doivent tenir les compagnies d'assurances ou seulement aux 
primes généralement exigées. Les constantes, ainsi déterminées, 
devraient ensuite être changées à mesure que des observations 
plus nombreuses seraient recueillies. 

Cette méthode empirique a l'avantage de ne recueillir les 
observations que sur des bâtimens assurés qui paraissent courir 
de plus grandes chances que les autres et d'éviter de tomber dans 
des erreurs graves en calculant les probabilités d’après un 
nombre trop petit d’événemens, ou d’après des observations 
inexactes. 

Dans ce qui précède nous avons supposé , 

1.0 Que la naissance des incendies devait être regardée comme 
ne dépendant absolument que du hasard, et cette supposition à 
été appuyée de motifs puissans ; 

2.0 Que les observations faites sur les incendies qui ont eu 
lieu dans l’espace d’une année parmi un certain nombre de 
maisons peuvent être assimilées à celles faites sur l'estraction de 
boules noires et blanches d’une urne qui n'en contiendrait que 
de ces deux couleurs en nombre inconnu de chacune et dans 
laquelle on remettrait la boule extraite après chaque tirage, et 
ilest clair aussi que cela peut être, pourvu que les maisons 
soumises aux observations soient en très-grand nombre, égal à 
celui des boules renfermées dans l’urne. Pourvu encore que les 
maisons incendiées soient rebâties ou remplacées ailleurs par 
d’autres, pour que le nombre des maisons exposées soit 
toujours le même. Il est même clair que quand cela ne serait 
pas, il n’en résulterait aucune différence sensible, parce qu'il y a 
un grand nombre de maisons soumises aux observations , et qu'il 


n’en brüle jamais assez pour que le nombre en soit sensiblement 
diminué. 


( 100 ) 
$ HE — De la propagation du feu. 


Après avoir donné les moyens d'estimer la probabilité que le 
feu prendra naissance en un lieu désigné d’un bâtiment d'une 
certaine classe, il ne nous reste plus à apprécier , pour avoir les 
deux élémens nécessaires à nos calculs, que la probabilité de 
la propagation d’un incendie d'un point à un autre ; ou toutes 
celles que l'incendie, dévorant une partie désignée d’un bâti- 
ment, se communiquera à toutes les autres parties du même 
bâtiment et de ceux adjacens. 


C’est sur l'ignorance où l’on est des causes qui peuvent pro- 
duire les incendies que nous avons basé nos premiers principes 
sur la probabilité de la naissance du feu, et ils ne supposent 
rien autre que celte ignorance et la constance de la cause qui 
produit les incendies. Nous ne serons pas aussi heureux en trai- 
tant de la propagation du feu ; ici les observations sont bien 
difficiles à faire et elles ne sont pas recueillies ; nous serons donc 
réduits à supposer une loi qui donne la probabilité des divers 
ravages que peut produire un incendie éclaté en un lieu donné. 
Au surplus, la loi que nous allons admettre n’est pas nécessaire 
à notre système , nos calculs définitifs devraient seuls être repris 
en yintroduisant une loi nouvelle que l'expérience aurait in- 
diquée comme plus exacte. 


Quoique les causes de la communication du feu dans les bâti- 
mens soient évidentes, et que les lois de la distribution de la 
chaleur soient connues au moins approximativement ; comme il 
est impraticable d'entrer , pour assurer un édifice , dans le détail 
de sa construction intime et souvent occulte, et comme il le serait 
bien plus encore de calculer les probabilités de tous les ravages 
que l'incendie qui aura éclaté en un point donné, pourrait pro- 
duire dans (outes les parties d'un édifice , surtout lorsqu'on doit 


( ox } 

avoir égard à l'effet des secours et à toutes les causes physiques 
et morales dont ils dépendent, nous regarderons comme une 
chose impossible le calcul des assurances contre l'incendie 
fondé sur la liaison intime des parties occultes des bâtimens, 
sur les lois de la distribution de la chaleur et sur l'effet qu'on 
peut , dans chaque localité, attendre des secours ;, et nous nous 
contenterons de les baser sur l’observation de ce qui se passe 
ordinairement. 

Gommençons par examiner ce qui se passe dans l'incendie 
d'un bâtiment simple , de base rectangulaire ; sans étage et de 
développement unitaire. Par développement, nous entendons 
ici la longueur en matériaux combustibles que présente la coupe 
perpendiculaire à la longueur du bâtiment. Il est essentiel de 
se rappeler que la longueur prise pour unité de développement 
doit être assez grande nour que l'incendie d'une aire unitaire 
soit assez notable pour figurer dans les registres où les incendies 
sont inscrits, [| me semble qu'il serait convenable de prendre le 
décamètre pour cette unité de développement. 

Nous n’esaminons pas ici les circonstances extrêémement com- 
pliquées de la naissance des incendies. La connaissance de cc 
qui se passe alors n'est pas nécessaire pour résoudre la question 
qui nous occupe : parce que nous ne donnons le nom d'incendie 
qu'au feu déjà développé, brûlant à la fois, dans le bâtiment 
simple et sans étage que nous considérons, tous les matériaux 
combustibles dans le sens de la largeur , et marchant à droite et 
à gauche dans le sens de la longueur de l’édilice ; car les incen- 
dies minimes, n'étant point notés, ne peuvent être comptés ici. 
Cela posé, il est clair que l'incendie développé dont nous par- 
lons , marchera en continuant à brûler à la fois toute la hauteur 
et la largeur du bâtiment , jusqu'à ce qu'on parvienne à l’étein- 
dre, et qu'il s’avancerait avec une vitesse accélérée si les secours 
que l’on apporte ne ralentissaient sa marche : car plus la partie 
qui est menacée de brüler reçoit de calorique rayonnant des 


( 102 }) 
matières embrâsées qui l'avoisinent , plus vite elle aura atteint 
le degré de chaleur auquel elle s'enflamme; mais cette vitesse 
accélérée de l'incendie tendra toujours à devenir uniforme. 

Que cet incendie, libre dans l’origine, vienne ensuite à être 
combattu par des secours, sa vitesse, d'accélérée qu'elle était, 
deviendra décroissante après un certain temps; bientôt, les 
secours augmentant toujours, et l'ardeur du feu étant déjà 
diminuée sera nulle : l'incendie sera fixé dans la partie que les 
flammes ont déjà commencé à dévorer. Ceux qui ont su com- 
battre l'incendie dans toute sa force l’empêcheront facilement 
de s'étendre et ne tarderont pas à l’éteindre. 

Lorsque les incendies sont considérables et que les secours 
dont on peut disposer ne sont pas suflisans pour les combattre 
directement , on fait ordinairement la part des flammes et on ne 
s'occupe qu'à couper les communications entre cette part et le 
reste qu'on s'efforce de conserver ; c’est même ce qui arrive le 
plus souvent. C'est pourçuoi nous nous sommes fort étendu sur 
le cas dans lequel on peut considérer chaque partie comme 
entièrement consumée lorsqu'elle est atteinte par l'incendie. 
Dans ces deux cas, plus il y a de matières actuellement en com- 
bustion , plus il y a de danger que le feu se propage aux parties 
voisines ; mais aussi, en général, plus l'incendie a déjà fait de 
ravages, plus il y a de temps écoulé depuis sa découverte, et 
plus il est arrivé de personnes qui travaillent, tant à éteindre 
les matières enflammées qu'à couper et à garder les voies que 
l'incendie pourrait prendre pour s'étendre. 

Le calorique rayonnant des matières déjà embrâsées et l'effet 
des secours sont donc deux causes qui produisent des effets 
inverses sur la marche du feu, Nous admettrons que l'effet des 
secours allant toujours croissant , comme celui du feu, la pro- 
babilité que l'incendie, ayant brülé un certain élément de maison, 
se communiquera à l'élément suivant reste loujours la même, 


quel que soit le lieu où l'incendie ait pris naissance. 


( 1 3 } 

Examinons maintenant la manière dont se propage un incen- 
die dans un bâtiment rectangulaire , simple et sans étage, comme 
le précédent, mais d'un développement quelconque D. 

IL est clair que plus les planchers , la toiture et les autres 
parties combustibles de ce bâtiment auront de développement 
ou de longueur totale dans le sens de la largeur de l'édifice, 
plus l'incendie qui brûle à la fois toute cette largeur aura de 
force; plus chaque partie qui est sur le point de prendre few 
recevra de chaleur , et moins au contraire elle éprouvera l'effet 
des secours, puisque l’eau ou les autres moyens employés à 
combattre l'incendie devront être partagés sur un plus grand 
nombre de parties prêtes à brûler. Désignons maintenant par a 
la probabilité supposée connue par l'observation des sinistres 
antérieurs, que dans un bâtiment de développement unitaire , 
l'incendie arrivé à un certain point se propagera à une longueur 
unitaire de plus ; et par « la probabilité semblable pour le bâti- 
ment actuel qui a un développement quelconque D. % devra 
être une fonction de a et de D, telle que 


10 à a — o corresponde x — 0 
20 DAIDE oies ro ee 
3.60pa0r DE +440 ed idee ny vg 
40 à D = œ —;id == x —=1…1 
5.0 «x doit croître en même temps que a 

6G.o id. id. —— D 


et enfin, que, quels que soient D'et a, la probabilité 4 ne puisse 
surpasser l’unité, qui est l'expression de la certitude, Si l’on 
regarde « et D comme les ordonnées et les abcisses d’une courbe, 
les trois dernières conditions reviendront à trouver l'équation 
q 
d’une courbe qui passe par l’origine, dont l'ordonnée corres- 
qui p P ; 
pondante à l’abeisse 1, soit a et qui ait pour asimptote une 
droite dont l'équation serait = 1.1] yaunc infinité de courbes 


(164) 

qui satisfont à cés rois conditions; mais la plus simple des 
courbes ayant une ashnptote rectiligne étant une hÿperbolé équi- 
latère , c'ést par uné de ces courbes que nous réprésentérôns la 
relation qui existe entré « et L). 

Pour cela désignons par K chacun des axes d’une hyperbole 
équilatère , et par æ, y les coordonnées de cette courbe rap- 
portée à ses asimptotés , prises pour axes dés x positives et dés 
y négatives, son équation sera 


æy = — K*°. 


Pour faire remplir à cette courbe la condition que l’équa- 
tion de son asimptote parallèle aux x soit y'= 1 il faut la 
rapporter à un nouvel axe des x’ tel que y = y" — 1, ce qui 
donnera l'équation 


o 


z(y—1) = — K° 


dans laquelle à y' — o correspond x — K?. 


Enfin, pour que la courbe passe par l’origine ; il faut encore 
transporter l’axe des y parallèlement à lui-même , de K° vers 
les x positives, en faisant x — x" + K°?, ce qui transforme 
l'équation de l’hyperbole en 


(z'+K°) (y'— 1) = — K:° 
ou en mettant D pour x’ et « pour y’ 
(D +K°) (a 1) = — K° 


Cette équation satisfait aux 2.e et 4.e conditions et hous 
allons déterminer K de manière à ce qu'elle satisfasse à la 3.t ; 
il suffit pour cela de remplacer D par 1 et z par a, ce qui 
donne l'équation 


( 105 }) 
(1 +K')(a—1)=—kK 


d'où l'on tire K? — 
a 


Ce qui donne pour la relation cherchée entre D et & 


(v+—=) CES El 


a 


d'où l’on tire 
aD 


2 
1—a+aD 


XL — 


équation qui satisfait aux quatre premières conditions, et qui 
satisfait aussi aux deux dernières, ainsi qu'on peut le recon- 
naître en différentiant par rapport à a et par rapport à D. On 
a en effet après les réductions 


A D | 
da (1—a+aD} 
8 8 dl a(i—a) 
dy  (i=a+aD*) 


Or, à étant une fraction plus pelite que l'unité 1 — à est 
üné quantité positive. Ainsi ces deux coefficiens différentiels 
sont toujours positifs , et par conséquent « croît toujours avec & 
et avéc D, ce qu'il fallait prouver. 

La formule ci-déssus de u , quoique trouvée d'une manière 
empirique, satisfaisant à toutes les conditions et étant la plus 
simple dé toutes les formules analogues qui jouissent de ces 
proptiétés , doit être choisie de préférence à toute autre, 


( 106 ) 


Nous exprimerofs donc par la formule 


a D 
Nes 
la probabilité que dans un bâtiment de développement D, 
le feu, parvenu à un point quelconque, avancera d'une longueur 
unitaire de plus : à désignant la probabilité semblable pour un 
bâtiment de développement unitaire. 

Nous ne nous sommes pas dissimulé que dans une théorie 
spéculative il aurait été préférable de ne supposer aucune loi 
dans la probabilité de propagation du feu, ou plutôt de supposer 
que cette probabilité suit une progression quelconque, crois- 
sante ou décroissante avec la distance déjà incendiée: de sorte 
que x représentant la longueur déjà brûlée, la probabilité que 
l'incendie arrivé à une distance x du lieu où il a pris nais- 
sance se communiquera à une distance unitaire de plus, soit 
a+ ux. a et étant deux constantes , et « pouvant être posi- 
tive ou négative , suivant que la progression serait croissante ou 
décroissante. Nous avons fait des calculs dans cette hypothèse, 
mais ils ne pourraient que satisfaire la curiosité des lecteurs, 
car les formules qui en résultent sont inapplicables, par leur 
extrême complication , et nous tenons à présenter des méthodes 
praticables ; il n’est point probable d’ailleurs qu’on connaisse 
assez , d'ici à longtemps , la marche des incendies, pour pouvoir 
déterminer les deux constantes a et x. ; c’est déjà beaucoup que 
de déterminer à-peu-près la première a en regardant la seconde 
comme nulle, ou de déterminer la probabilité de la communi- 
cation du feu en la regardant comme constante pendant toute 
la durée de l'incendie. Quand cela ne serait pas nécessaire pour 
ne pas sortir de ce qui est praticable, il est à croire que serait 
encore regardé comme nul; parce que , si cette quantité n'est 
pas telle, elle est toujours extrémement petite. En effet, dans 


(107) 

les édifices ruraux, où il y a peu de secours à espérer, on en a 
peu aussi au premier instant, de sorte que la propagation du 
feu est toujours fort probable dans tous les instans et peut être 
regardée comme constante; dans les grandes villes, le grand 
nombre d’habitans qui circulent à toute heure fait croire que 
l'incendie à peine déclaré sera découvert et combattu avec eflica- 
cité, de sorte que la probabilité de la propagation y restera 
toujours petite et à peu près constante aussi, pendant toute la 
durée de l'incendie. Elle serait constante encore dans un incen- 
die abandonné à lui-même ; car dans ce cas il est fort probable 
que le feu ne s’arréterait que lorsqu'il ne trouverait plus de 
matière combustible ; la probabilité de la communication serait 
donc toujours à peu près égale à l’unité, et par conséquent 
constante pendant toute la durée de l'incendie. 

Cette loi de la constance dans la probabilité de propagation 
d'incendie, nous l’admettrons également pour un bâtiment 
séparé en différentes parties par des cloisons. Ges cloisons, outre 
qu’elles peuvent arrêter l'incendie, fournissent aux travailleurs 
un moyen commode de le combattre en le coupant ou en em- 
ployant tous leurs efforts à empêcher seulement la communica- 
tion au-delà de la cloison ; dans ce cas, qui est celui ordinaire 
des bâtimens d'habitation, on peut considérer l'incendie comme 
marchant par sauts brusques d’une pièce à la voisine, et pour les 
assurances générales, dans lesquelles on néglige les différences 
qui peuvent exister dans les chances de propagation au-delà de 
diverses cloisons , nous supposerons encore qu’à chaque cloison 
il y a une probabilité égale d'éteindre le feu, quelle que soit 
la grandeur de la partie déjà consumée depuis l’origine de 
l'incendie. 

Ce que nous venons de dire sur la propagation des incendies 
ne doit s'entendre que de la propagation dans le sens horizontal ; 
pour le sens vertical, on ne peut plus admettre que la probabi- 
lité de communication d'un étage à l’autre reste la même, 


( 108 ) 

quel que soit le nombre des étages en feu. La flamme , et plus 
encore là fûmée, empêchent de porter secours dans les parties 
supérieures à l'incendie ; la chute des matériaux en feu produit 
un effet semblable pour les parties inférieures ; ensuite les édi- 
fices élevés font , lorsque la flamme les a percés, l'office d'un 
tuyau de cheminée, et le tirage qu'ils produisent augmente l'in- 
tensité du feu. La probabilité de propagation augmente donc 
toujours ici avec le nombre des étages en feu , et cette probabi- 
lité est beaucoup plus grande de bas en haut que dans le sens 
opposé. 

Nous désignerons par a et b respectivement la probabilité de 
communication d'incendie de l'étage ‘dans lequel l'incendie a 
pris naissance à celui supérieur et à celui inférieur. 1 — a et 
1 — à seront donc respectivement les espérances d'éteindre le 
feu avant qu’il se soit communiqué à l’un ou à l'autre de ces 
étages. Dès que plusieurs étages seront en feu à la fois, le danger 
augmentera et nous admettrons qu’au-dessus comme au-dessous, 
les espérances qu'on a d'éteindre l'incendie avant qu'il ait 
atteint un nouvel étage sont en raison inverse du nombre des 
étages en feu. Ainsi, par exemple, le feu prenant au deuxième 
élage, les espérances qu'on a de l'éteindre avant qu'il se soit 
communiqué au troisième et au premier sont 1 — a et 1 — b. 
Si ensuite les deuxième, troisième et quatrième étages brülent 
à la fois, les espérances que le feu ne ‘se communiquera pas au 


- AA : 1 4 1 — b 
cinquième et au premier seront TE et TB 


Nous avons démontré dans le chapitre précédent qu'en par- 
tageant an édifice en un certain nombre de parties égales, 
loutes doivent être regardées comme également exposées aux 
dangers généraux de naissance d'incendie. Néanmoins elles 
courent des risques très-différens, parce qu'il faut compter 


( 109 } 


aussi les risques de l'incendie communiqué, qui diffèrent suivant 
la position des parties. Malgré cette différence, si l’on représente 
les valeurs assurées dans les parties 1, 2, 3,....,n, par 
S,3 Say... S\ dont la somme égales, et les probabilités 
d'incendie des diverses parties par une cause quelconque, sont 
Par Pas Par vente Pas dont la somme est n'; je dis 1.0 que si 
l'on ignore la position des objets assurés on devra payer l’assu- 
rance d'une quelconque des parties une somme égale au produit 
de la probabilité d'incendie de cette partie par le 7.me de la 
somme totale des parties assurées, ou par la moyenne des sommes 
assurées. 


2.° Que si l’on ignore aussi la probabilité d'incendie de la 
partie qu'il est question d'assurer, son assurance est égale au 
produit de la probabilité moyenne, par la somme moyenne ; 


3.0 Que l'assurance de toutes les parties réunies est égale à 
la probabilité moyenne par la somme totale des objets assurés. 


Dans le premier cas, celui où il est question d’assurer une 
partie quelconque, celle N.0 K, par exemple, si l’on connaissait 
la somme s, pour laquelle elle est assurée, on devrait donner 
pour l’assurance, suivant le principe de l’espérance mathéma- 
tique, px. sx; mais comme on connaît seulement la somme 
totale s des objets assurés, et que ces objets peuvent n'être 
détruits qu’en partie, on doit les concevoir partagés en un 
nombre infini de parties de valeur infiniment petite ds. Il n'y 
a, par hypothèse , aucun motif de croire que l'objet élémentaire 
se trouvera plutôt dans une des x parties que dans l’autre; 


I 
par conséquent — est la probabilité qu'il se trouvera dans la 
n 


ds 
partie N.o K ; ainsi son assurance sera 7, — et si l'on désigne 


ALL 


par z l'assurance cherchée, on aura 


( 110 ) 


PR. ds 
= fr# 


L'intégrale étant prise entre les limites o et s. En intégrant, 
s 4 
il vient z— px — , ce qu'il fallait premièrement démontrer. 
n 


2.0 Si l’on ignorait et la position des objets assurés et la pro- 
bahilité d'incendie px de la partie qu'il est question d’assurer 
pour déterminer l'assurance z à payer pour la partie désignée, 
nous remarquerons d’abord que si la somme totale s des objets 
assurés vient à augmenter de ds, comme on n’a aucun motif 
de croire que le nouvel objet infiniment petit se trouve plutôt 
dans la partie À que dans une des 7 — 1 autres, on a 


SE DOUTE 


n 


Supposons maintenant que la probabilité moyenne p augmente 
d'une quantité infiniment petite dp, à raison de l’augmentation 
n dp des chances d'incendie d'une seuledes parties : comme on 
n’a pas non plus aucun motif de croire que c’est celle No K 
plutôt qu’une autre, on a 


I 
dal vai 
Pr ca ndp 


qui donne en intégrant 4j —: p; en substituant cette valeur de 
px dans celle de dz il vient 


dz —=p. — 
n 


d'où l’on tire enfin en intégrant depuis s = o jusqu'à s = S 


ce qu’il fallait secondement démontrer. 
Enfin, comme d'après ce qui précède l'assurance de chaque 


> S 
artie est MERS celles des 7 parties ou l'assurance totale est 
P x B 


égale à p S ; c’est-à-dire au produit de la probabilité moyenne 
par la somme totale, ce qu'il fallait troisièmement démontrer. 

Nous avons cru devoir appuyer sur les notions préliminaires 
parce qu’elles renferment les bases des calculs qui vont suivre, 
et que ces bases consistent dans des hypothèses plus ou moins 
susceptibles de contestation, qu’on ne saurait distinguer trop 
soigneusement des vérités mathématiques. Avant d’entrer dans 
notre théorie nous allons rappeler ici les principes posés dans 
ces préliminaires et les hypothèses que nous avons dû faire. 

1.r€ Hypothèse.— Les compagnies, en assurant contre l’incen- 
die, ne peuvent pas ou ne veulent pas entrer dans l’examen 
détaillé de la construction intime des édifices ni des causes qui 
pourraient rendre plus ou moins facile la naissance ou la com- 
munication du feu dans une partie d’un bâtiment plutôt que 
dans une autre, non plus que dans l'examen du lieu qu’occupe 
chaque objet assuré. 

2.me Hypothèse. — Les incendies proviennent uniquement du 
hasard et leur cause est constante ; ou l’on n’a aucun motif de 
croire que toute chose égale d’ailleurs, l'incendie d’un bâtiment 
sera plus ou moins facile qu'il l’a été précédemment. Il résulte 
de là que l'observation des sinistres antérieurs peut faire con- 
naître la probabilité que le feu éclatera dans une partie de gran- 
deur donnée d’un bâtiment de la même nature et qui doit 
servir aux mêmes usages que ceux qui ont été soumis aux 
observations. 


( 112) 

3.me Hypothèse. — Dans un bâtiment simple ct sans étage 
l'incendie marche dans le sens de la longueur, en consumant 
toute la largeur, et lorsqu'on ignore l’ardeur qu’aura le feu en 
arrivant à un point donné, l'espérance qu'on a de l’éteindre 
avant qu'il se soit avancé d’une certaine longueur reste toujours 
la même pendant toute la durée de l'incendie. 

Si le bâtiment est coupé par des cloisons, l'espérance qu'on 
a d’éteindre le feu à chacune d'elles sera la même quel que soit 
le lieu où l'incendie ait pris naissance. 

Définition. — Dans un bâtiment simple et sans étage, nous 
appelons developpement la longueur totale de la largeur de ses 
planchers, de sa toiture et de ses autres parties combustibles, 
largeur que l'on voit dans la coupe du bâtiment faite dans le 
sens de sa largeur. 

4e Hypothèse. — a exprimant la probabilité de propagation 
d'incendie dans un bâtiment de développement unitaire, la pro- 
babilité semblable « pour un bâtiment de développement quel- 
conque D sera 


a D 


1—a+aD 


A — 


ou dans un bâtiment composé de plusieurs corps que l’on regarde 
comme devant être brûlés par sauts brusques sans qu'il y ait 
d'espérance d’éteindre le feu ailleurs qu'aux eloisons qui séparent 
ces corps de bâtiment , et a désignant la probabilité du passage 
à une cloison dans un bâtiment de développement unitaire; la 
probabilité semblable pour un bâtiment de même nature et de 
développement quelconque D, sera donnée par la mème expres- 
sion que ci-dessus. La légitimité de eette hypothèse est suffisam- 
ment prouvée ci-dessus. 

5.me Hypothèse.— Dans l'incendie d'un bâtiment à plusieurs 
étages , assez petit pour que chaque étage brûle entièrement en 
même temps, nous regarderons comme différentes les probabi- 


(#13) 
lités de propagation du feu de bas en haut et de haut en bas, 
et nous admettrons que lorsqu'un nombre quelconque ? d'étages 
brûlent à la fois, l'espérance qu’on a d’empécher l'incendie de 
consumer un nouvel étage est la z"° partie de ce qu’elle était 
lorsqu'un seul étage était en feu. 


PREMIÈRE PARTIE. 


Assurance des édifices dans lesquels une pièce peut étre con- 
sidérée comme brülée entièrement dès que l'incendie a 
entame une de ses parties. 


Quoique les parties qui composent les édifices ne brûlent point 
tout d’un coup, la méthode qu’on emploie pour combattre les 
incendies et la réverbération de la chaleur contre les murs, font 
que, dans les édifices ordinaires, les diverses pièces sunt très 
souvent , ou sauvées de l'incendie, ou brülées entièrement. Ainsi 
le cas que nous considérons ici trouvera beaucoup d'applications. 

Considérons une maison très-petite qui brûle entièrement dès 
que l'incendie y éclate, et supposons d'abord qu’elle soit isolée 
ou qu'elle ne puisse être brûlée par un incendie déclaré ailleurs. 
Donnons-lui le N.0 o et représentons par À, la probabilité que le 
feu y éclatera dans le cours d’une année, et par $, la partie de la 
somme pour laquelle la maison et son mobilier sont assurés qu’il 
faudrait rembourser en cas d'incendie. Il est essentiel d'observer 
que , comme il y a des matériaux et de meubles incombustibles , 
et qu'on parvient ordinairement à sauver une parlie des meubles, 
la somme à rembourser en cas de sinistre est presque toujours 
moindre que celle pour laquelle l'édifice et le mobilier qu'il ren- 
ferme sont assurés. Nous nous contenterons à ce sujet d’avoir fait 
cette remarque, et, pour abréger, nous dirons quelquefois la 
somme assurée ; mais il sera entendu que c'est seulement la partie 
de cette somme qu'il faudrait rembourser en cas de sinistre que 
nous désignons ainsi. 


(416 ? 

Nous avons fait voir au chapitre Ler que c'est d’après le prin- 
cipe de l'espérance mathématique que les compagnies doivent 
calculer leurs primes, et qu'ainsi la somme qu’elles doivent exiger 
pour l'assurance annuelle de la maison considérée est Ao Se. Il 
est encore entendu que cette somme n’est que la partie de la 
prime destinée à payer les sinistres, et que la compagnie devra 
en outre demander ce qui lui est nécessaire pour ses frais de 
gestion et son bénéfice. Il faut encore se rappeler, avant d’aller 
plus loin, que la probabilité d'incendie d’une maison dans le 
cours d’une année n’est point un évènement simple. Nous sup- 
posons ici qu'immédiatement après un incendie total ou partiel 
la maison est rebâtie sur le même plan et continue à courir les 
mêmes chances, Ào est donc la somme des probabilités que l’in- 
cendie aura lieu à chacun des instans de l’année; par conséquent, 
cette quantité, quoique très-petite dans les cas ordinaires , peut 
être supérieure à l'unité. C’est ce qui aurait lieu si le nombre des 
incendies qui éclatent annuellement étaitordinairement supérieur 
à celui des maisons existantes. 

Supposons maintenant que la maison No o, que nous avons 
considérée, soit contiguë à une autre de même espèce N.0 r placée 
à sa droite. À, indiquant la probabilité que le feu éclatera dans 
l’année dans celte nouvelle maison , et 4, celle que le feu , ayant 
éclaté au No r, se cominuniquera au N.0 0. La probabilité de 
l'évènement composé, savoir que le feu éclatera dans l'année au 
No 1, et que s’y étant déclaré il se communiquera au No, est 
À, a, ,et comme la maison N.o o est toujours soumise aux chances 
d'incendie par le fait de la maison voisine , puisqu'en tous cas 
les édifices incendiés sont censés reconstruits immédiatement ; 
l'existence de la maison N,o 1 est une nouvelle cause indépen- 
dante de celles qu’elle porte en elle-même, par laquelle elle peut 
être brûlée. La probabilité de son incendie dans l'année, qui est 
la somme des probabilités des deux causes indépendantes, est 
et son assurance doit être S, (À, +AÀ, a,). 


donc À, + À, a, 


( 116 ) 

Supposons maintenant qu’à côté de la maison N.o 1 il s'en 
trouve encore une N.o 2. À, désignant la probabilité que le feu 
éclatera dans l'année dans cette maison , et a, la probabilité que 
le feu, y étant allumé, se propagera au No 1. L'existence de cette 
nouvelle maison sera pour celle N.o o une nouvelle cause d'in- 
cendie indépendante des deux autres. La probabilité d'incendie 
du Nc o sera donc accrue de la probabilité de l'évènement com- 
posé de ceux-ci : 1.0 que le feu éclate au N.0 2; 2.0 qu'il se com- 
munique du N.o 2 au No 1, et 3.0 qu'il se communique encore 
du No 1 au No o, probabilité qui est À,.a,.a,. La probabilité 
d'incendie de la maison considérée est donc, dans ce cas, 
A,+A,a,+A,a a, et son assurance est égale au produit 
de cette dernière quantité par $, . 

Les raisonnemens que nous venons de faire s’appliquent faci- 
lement à un nombre quelconque de petites maisons contiguës 
placées sur une ligne non fermée. Ainsi , si à droite de la maison 
N.0 o considérée se trouve un nombre quelconque 2 de maisons 
contiguës ; en désignant en général par À, la probabilité de nais- 
sance d'incendie dans une quelconque N.o x de ces maisons , et 
par a, la probabilité que le feu , étant dans cette maison, se pro- 
pagera à la voisine N.o x— 1. La probabilité d'incendie dans 
l'année de la maison N.0 0 sera 
Aç+A,a,+A,a. a, +Aja, a,a;.....+A, a a,a3...4, 
puisque, pour que la maison considérée brûle par le fait de l’une 
quelconque N° x du groupe, il faut le concours de tous ces 
évènemens indépendans : 

La naissance du feu en x, dont la probabilité est A°, 
La propagation du N.0 x au N.o x — 1, dont la prob. est a, 

Mare Le Leeds Aie Don Uisue 448 MODES 
saloleis nigine eee a,s.0 0/0 819 0 0 0 8e )0.0 à + 07e oo ele se + a nos 
ME lee ee ee dome JU fe oo ee DE 

een Lena e oo due es COR 


| |. ei UN PNR Lo nine cet OU ee sets idoles a, 


(711) 
La probabilité de l'évènement composé est donc À, a, (ACT 3e 
qui est précisément le terme général de l'expression ci-dessus. 

On arriverait au même résultat en désignant en général par 
gx la probabilité que le feu se communiquera du N.ox au Noo, 
xx, sera celle du N.o x + 1 : Or, pour que l'incendie se com- 
munique de x+1 à o, il faut d'abord qu'il se propage du 
No x + 1 au No x; évènement dont la probabilité est L'AP AE 
el ensuite du N.o x au N.o o, évènement dont la probabilité est 
g;5 et comme ces deux évènemens sont indépendans, on a 
Jar = Ayys y En intégrant cette équation aux différences, 
ou en multipliant membre à membre la série d'équations qui ré- 
sulteraient des différentes valeurs de l'indice, on aurait 
fx —= 4, 4, 43..... 4,5 puis, en multipliant cette probabilité 
de propagation par celle de naissance d'incendie, on aurait la 
même valeur que ci-dessus. Je ne donne cette solution analytique 
que comme un exemple de la méthode qui conviendra pour ré- 
soudre des questions plus élevées. 

Si la même maison avait encore à sa gauche un nombre » de 
inaisons contiguës , en exprimant les probabilités relatives à leur 
incendie par le même symbole que précédemment; mais dan s 
lesquels les indices seront à la gauche au lieu de la droite, la 
probabilité d'incendie de la maison considérée , probabilité que 
je désigne par ,P,, , sera 
A+ A, a,+Â,a,a,+A3a,a,a;…..+AÀ a a,as.a, 


Ps 
+ À a+, A a,a+3À a asa….+ À a as;a…. a 


n m 


En désignant également par ,U,, l'assurance de la maison con- 

sidérée qui est contiguë à une ligne de »2 autres à droite et de n 

autres à gauche , et en désignant toujours par So la somme qu'il 

faudrait payer en cas de sinistre, on a 

Aç+A,a,+A,a,a,+A3a, a, a3..,... 

.…....+AÀ,4aa,....a, 

a Um = So +, a+, À a, a+ 3 a aa... (a). 
RL EU PU EU TETE 


(118 ) 

Supposons qu'outre les maisons du problème précédent il se 
trouve en contact avec les maisons N.0 7»/ à droite et n! à gauche, 
un embranchement perpendiculaire de y maisons à droite et de » 
à gauche. En employant les mêmes symboles que précédemment , 
dans lesquels les lettres porteront un accent pour désigner les 
probabilités d'incendie des maisons de ces embranchemens et en 
leur donnant les Nos 1, 2,.... pu à partir de m'etr,2,.... 
à partir de »/, il est clair que l'existence de ces embranchemens 
rendra la chance d'incendie du N.0 o la même que si les FRobax 
bilités À, A étaient accrues de 

A',a,+A,a,a,...... +pÂ'aa.....a 
Le ere lb 
et de JA ,a'+ À a ,a...... +, a a". a (3) 


qui sont les probabilités d'incendie des maisons N.0 2! à droite et 
n' à gauche de la ligne principale par le fait des embranchemens. 
Il faudra donc , dans ce cas, ajouter ces probabilités respective 
ment à celles À, A de la formule (1). 

En général , lorsqu’à une ligne principale viendront aboutir 
des embranchemens à certaines maisons, il suflira d'ajouter aux 
probabilités de naissance d'incendie dans ces maisons les pro- 
babilités qu’elles seront incendiées par un incendie allumé dans 
chacune de celles de leurs embranchemens respectifs. 

Dans les expressions ci-dessus les divers termes se rapportent 
aux chances d'incendie que font courir à la maison considérée 
N.0 o les maisons de la ligne principale dont le numéro à drvite 
ou à gauche est indiqué par l'indice aussi à droite ou à gauche 
des lettres À et celles des embranchemens désignées par les in- 
dices des lettres A’. Si la compagnie d'assurance pouvait exercer 
efficacement son recours contre les propriétaires ou locataires des 
maisons qui auraient causé l'incendie, il est clair qu'il ne fau- 
drait pas tenir compte des termes représentant les chances d'in 
cendie provenant de l'existence de ces maisons ; et, en général, 


Card ) 
si le groupe de maisons! appartient à différens propriétaires, 
chaque terme Ai a; a; :..!, ax devra être multiplié par la 
probabilité que la maison No o étant incendiée par un incendie 
provenant de celle N.o k, on ne sera pas remboursé par le pré 
priétaire ou le locataire de cette maison N.°%. 

Il faut considérer les maisons dont nous avons parlé jusqu'ici 
comme des élémens de maison dont l’ensemble ne forme le plus 
souvent qu’une seule propriété qu'il est question d'assurer entié- 
rement ; alors il n'y a point de recours à exercer, et pour avoir 
l'assurance totale, il faut prendre la somme des assurances de: 
toutes les parties élémentaires que nous avons appelées maisons. 
Ainsi, par exemple, pour assurer des édifices ruraux, il faut 
d’abord avoir déterminé les probabilités qu'un incendie éclatera 
dans l’année dans les différens corps de bâtiment, tels que grange, 
écurie, étables de diverses espèces, remises, habitations , etc., 
ce sera les quantités À; puis il faudra estimer les probabilités 
que le feu, étant dans un des corps ; se communiquera à celui 
contigu. On estimera pour cela les probabilités moyennes de com- 
munication d'incendie d’un bâtiment d’une construction à un bà- 
timent d’une autre; par exemple, d’un bâtiment en pierre et cou- 
vert en chaume à un autre en {orchis et couvert en pannes. On 
aura ainsi la quantité a et il ne s’agira plus que d'appliquer la for- 
mule (2) à chaque corps de bâtiment de l'édifice et de prendre 
la somme des assurances de tous les corps. 

Il est un cas qui se présente souvent dans les bâtimens des 
fermes et auquel les formules précédentes ne peuvent s'appliquer. 
C’est celui où les bâtimens sont construits autour d'une cour et 
forment une ligne fermée. Dans ce cas, l'incendie déclaré sur un 
point quelconque peut se communiquer à chacun des autres de 
deux manières, en se propageant dans l’un et l’autre sens ; les 
dangers y sont donc plus grands, et il serait à d‘sirer qu'une 
juste appréciation des chances fit élever la prime dans ce cas 
et modifier cetté manière de bâtir. 


( 120 } 

Cherchons l'assurance d'un corps quelconque Ne o dans un 
édifice bâti autour d’une cour et se rejoignant par les deux bout s. 
Soit S, la somme qui serait à rembourser en cas de sinistre et 
le nombre des corps analogues que nous supposons numérotés de 
gauche à droite 1, 2, 3....(m— 1). Désignons encore par À, 
en général la probabilité que le feu prendr a dans l’année dans 
le corps Nozx; par a, celle que le feu, après avoir brûlé le 
No x, se communiquera à celui æ— 1, et enfin par 4a celle 
que le feu, après avoir brûlé x, se communiquera de l’autre sens 
auNezx+ 1. 


Dans le cas actuel , l'incendie éclaté dans un corps quelconque 
N.o x pourra brûler celui N.o o en marchant de droite à gauche 
ou en sens inverse. Les probabilités de ces deux évènemens sont 


A a 


T Li 2 


= («49 x+s4 434 ..s.. n@ 


Comme le corps considéré peut être brûlé de deux manières 
par l’effet d’un évènement unique, que dans le cas où il serait 
brûlé de l’une des manières , on ne reconstruirait pas immédia- 
tement assez vite pour qu’il pût encore être brûlé par l'incendie 
marchant de l’autre sens; il faut, pour avoir la chance prove- 
nant de la case x, déduire de la somme des deux probabilités ei- 
dessus celle que l'incendie se propagera jusqu’au N.o o dans les 
deux sens à la fois. Or, cette dernière probabilité est celle du 
concours de trois évènemens indépendans; savoir : 1.0 la nais- 
sance du feu en x’; 2.0 la propagation du feu de x à o de droite 
à gauche, dont la probabilité esta, a,....., a, ; 3.0 sa propa-, 
gation dans l’autre sens , dont la probabilité est . “4 


1 +2 
La probabilité de l'évènement composé est donc 


nl 


Au. ma: 


À,. a, Ai lyoroues a, . æ+aZ gastro ma; 


( 121 ) 
et celle de l'incendie du No o par la cause du N.o x est 


A, A, Ag Agovenoe Ge pr ppadese ose mA 


Gi G Bpuin se ue qu à store 0 | (4) 


Pour avoir maintenant la probabilité que le corps N.0 o sera 
incendié par une quelconque des causes qui le menacent; comme 
l'édifice est censé rebâti immédiatement après un incendie quel- 
conque , et qu’ainsi toutes les causes agissent indépendamment 
les unes des autres, il faut prendre la somme des expressions 
semblables formées en donnant à l'indice x tous les numéros. On 
a donc, en désignant par le symbole (P,,) la probabilité que, 
dans un groupe d'édifices formant une ligne fermée et composée 
de m corps, le corps N.0 o sera brûlé dans l’année. 


(P 


om) —= 


A 


+ À, (a, COCO 


0 


sons + ge fle ml À, A JA jlerrere mt) 

AOC men. SUHE US sn al ed Cur te 0e 
vos GA Glen A A, GA pleeree mA) 

+ À; (a, a, CÉDRIC E EEE (5) 
os H GA glisse pl — A Ag Ag pa sers mA) 

Mo ls sein bel vleSle his es eee sole s ele latence Le e sin ee °°» 

PERS ses orale ne nie s ses ee ec 9e celine se aie e eo : © + e ele 


510 Ne (a, a, Agerrossssssesossesee ae, 


+ mé, 4 d..see na me) 

Si on suppose, ainsi que cela est exact en général, que la pro- 
babilité de communication de l'incendie au-delà des cloisons qui 
séparent les corps de bâtiment, est la même lorsque l'incendie 


(22 ) 
marche dans un sens où dans l’autre, il en résultera en général 


Ayyx —= ça et expression ci-dessus deviendra 
CPAS 
A5 
PE CE + 4, A3 pere Am) 
" +A, (a a, + dde sn 14m) 
= +A; (a, a, a3..,., + Age see, Am) (6) 
Hu... 
+... 


DA (A, A, Gi us ce a, Ne MUR) 


— |A, +A, Ass... À, a, a, ass à 
L'assurance du corps N. o sera So (P,m). On calculera de 
même celle de tous les autres corps de l'édifice, puis on prendra 
leur somme pour avoir l'assurance totale. 
Supposons maintenant qu'à l’une ou à plusieurs des maisons 
No m',n!,etc., viennent aboutir des embranchemens com- 
posés dev”, v', etc; maisons. Il suffira, pour trouver l'assurance, 


m ? A 


d'incendie dans ces maisons , de la chance qu'elles courent par 


d'augmenter les probabilités À etc., de la naissance 


n ? 
le fait de l'existence de toutes celles qui composent lestembran: 
chemens qui viennent les joindre; c’est-à-dire que À, par 
exemple, devra étre augmenté de 


A',a,+A,a,a,+A';a, «a, d'y Al, aa: dE (7) 


en désignant comme précédemment par un accent les probabi-: 
lités relatives aux maisons du premier embranchement. 

Enfin , s'il était question d’assurer une maison d’un des em- 
branchemens, celle N.0 0’, je désigne par /” le nombre de 
maisons depuis o’ jusqu'au bout de l'embranchement , et par 
! le nombre de celles qui séparent le N.0 o’ de l'édifice cireu- 
laire; je calcule comme précédemment la probabilité d'incendie 


( 125 ) 

par le fait de tous les corps de bâtiment ; hormis ceux de l’emi- 
branchement dont la maison à assurer fait partie. On n'aura plus 
égard alors qu'aux maisons de l’embranchement et à celle de 
l'édifice circulaire auquel elles aboutissent, et le problème sera 
ramené à assurer dans un groupe d’édifices en ligne une maison 
qui en a f' à sa gauche et k+1 à sa droite. La probabilité 
Ak,, sera (P,,,,) donnée par la formule (6). 

On résoudrait avec la même facilité tous les cas analogues. 

Les formules qui précèdent font connaître les assurance: que 
nous avons appelées particulières, dans lesquelles on a égard à 
la valeur de chaque partie des édifices et des meubles qu'ils ren- 
ferment. Ces formules ont l'inconvénient d’être fort compliquées 
et de dépendre d’un grand nombre d'élémens que souvent on 
ne connaîtra pas suffisamment. C’est pour cela que lorsqu'on 
n'aura point de motif de croire qu'un des corps soit plus exposé 
qu'un autre à donner naissance à l'incendie , et que les cloisons 
présenteront toutes à peu près le même obstacle à la propagation 
de l'incendie, il conviendra, dans la pratique, de regarder 
comme égales toutes les probabilités À,, À,.... etc. de nais- 
sance d'incendie , ainsi que toutes celles a, &, a3,... etc. de 
propagation d’un corps à celui voisin. En faisant 


À À 


I 2 
et a 


I 


À ——Netts 
1 a, — 


La formule (2) donnera alors 


& 


az SHerCe 


3 ni 
LR M AN Ends falae Les 
Un =$, À | 


ESS ACE ASUS A 


Chaque ligne de l’accolade forme la somme d’une progression 
géométrique qui peut ètre écrite sous forme finie au moyen d’un 
théorème connu ; ce qui donne 


af Wi+ 1 SL n+1i 
se He ( TRS Jen 


1—4 


(124) 
Cette expression étanl en fonction de "= et n fait voir que l'as- 
surance doit varier avec la position dans le groupe d’édifices de 
la maison à assurer. En faisant le nombre total des maisons 


MmHn+1—=p, On peut mettre la formule sous la forme 
S, A 
CE 


dans laquelle le terme soustractif (e* + =") seul con- 
tient 7». 

Si la maison à assurer était d’un rang plus avancé vers la 
gauche , #2 aurait une unité de plus et ce terme serait 


(a + abt-m-1 ) 


dont le rapport avec le premier est 


ant? D mt Rs a” 
—————— EE 


T1+ 1 


a —2m 


+ am 1 + a 


Supposons que la maison à assurer soit située vers la droite 
ou que l’on ait m<{n; comme p—1—m+n onaura 
p—1>2m, c'est-à-dire que l'exposant de a au dénomina- 
teur de la seconde fraction sera positif. a étant un nombre plus 
petit que l'unité, et son exposant y — 1 au numérateur étant 
plus grand de 2» que celui de dénominateur, la fraction 


1 + ab! 


aura son numérafteur plus petit que son déno- 


Li 1 Eos 


minateur, et sera elle-même inférieure à l'unité. D'une 
autre part, le facteur a est aussi plus petit que l’unité ; donc le 
produit est inférieur à l'unité; donc, lorsque la maison est plus 
rapprochée du milieu du groupe de maisons, les termes additifs 
qui entrent dans le calcul de son assurance restant les mêmes » 
les termes soustractifs sont moindres; donc, lorsque les chances 


( 125 ) 

de naissance d'incendie et de communication sont les mêmes 
pour tous les corps de bâtiment qui composent un édifice en 
ligne, l’assurance d’un certain corps est à son minimum lors- 
qu'il est placé à l'une des extrémités; elle augmente toujours à 
mesure qu'il se rapproche du milieu, et est à son maximum 
lorsqu'il est au milieu ou qu’il a autant d’autres corps à droite 
qu’à gauche. 

On voit par la formule (8) que, lorsque les nombres » et » 
de maisons contiguës à celle à assurer croiïssent, l'assurance 


m+t, at! qui seuls 


augmente, puisque les termes soustractifs a 
contiennent ces nombres, diminuent, et il est clair que la for- 
mule devait l'indiquer ici, puisque chaque nouvelle maison est 
une nouvelle cause d'incendie. Cependant il ne faudrait point se 
faire une idée exagérée de l’augmentation de danger qui résulte 
d’édifices placés à une certaine distance de ceux à assurer. En 
effet, ne considérons les maisons contiguës que d’un seul côté en 


faisant 7 — o, nous aurons 


LL — sos 1 — a 
NE 1I—4a 


Si le nombre m de maisons était infini, on aurait pour la 


+1 


limite des assurances, a devenant infiniment pelit, 


S,.A 
Un = 
1— a 
d'où on Re NS ab 
oU 


Tel est le rapport des assurances de la maison dans les deux 
cas où elle a 72 maisons à sa droite et un nombre infini. Si l’on 


se borne à demander l'assurance à moins de = près, et il serait 


ridicule de demander davantage , il suffit de faire a°*' — 1, 


et de résoudre cette équation par rapport à m pour connaitre 


( 126 ) 
jusqu’à quel nombre de maisons il y a lieu de compter les chances 
d'incendie provenant du dehors. Passé ce nombre , on pourra 
toujours regarder le nombre de maisons contiguës comme 
aË 


1 — € 


infini et prendre 


-_ pour l'assurance; c’est-à.dire qu’il 


Saut diviser l'assurance que païeraït la maison si elle était 
isolée, par l'espérance gw'on a d’éteindre l'incendie à chaque 
cloison qu'il doit franchir. 

Dans de grandes villes, comme Paris, où les secours contre 
l'incendie sont très-prompts et très-grands , il n’arrive peut-être 
qu'une fois sur cent que le feu se communique d’une maison à 


l’autre. En le supposant ainsi; il faut poser 1 —a— 1. 
Alors l’assurance de la maison isolée étant représentée par l'u- 
nité, celle de la maison contiguë à un nombre indéfini de mai- 
sons d’un même côté serait 1,01. Pour une seule maison con- 
tiguë, l'assurance serait 1 + +, qui diffère très-peu de celle 
pour un nombre indéfini de maisons. 

Lorsque les maisons sont bâties en pierre et qu'elles sont dans 
des villes où les secours sont organisés, je suppose qu'il arrive 
une fois sur neuf que l'incendie se propage d’une maison à la 
voisine , alors l’assurance de la maison isolée étant 1 , celle dans 
le cas où il y a une maison contiguë est 1,1 pour deux maisons 
du même coté 1,11, pour trois 1,111, et enfin pour un nombre 
indéfini 4 ou 1,11111.... Cet exemple est propre à faire 
sentir que, sur les assurances, l'effet des maisons contiguës 
ajoutées les unes à la suite des autres est le même que celui des 
chiffres décimaux mis à la droite d’une première fraction déci- 
male sur la valeur de cette fraction. Quoique la fraction soit 
augmentée par chaque chiffre comme l'assurance par chaque 
nouvelle maison , il y a dans les deux cas une limite qui ne peut 
être dépassée et qui diffère très-peu de l'expression des premiers 
chiffres, ou de l'assurance ; en ayant égard aux premières 


maisons. 


( 127 ) 

Dans les édifices ruraux, qui sont ordinairement éloignés de 
tout secours et où les bâtimens sont très-combustibles, il est au 
contraire nécessaire d’avoir égard aux risques provenant de 
maisons éloignées. Ainsi, par exemple, si a —* et qu'on 
veuille avoir l'assurance à = près, il faudra compter par la 
formule (8) tant que le nombre 7» de maisons ne sera pas au 
moins égal à celui déterminé par l'équation a"*=— +, ou 
7 t)—= +, on trouve m— 42,7. Ainsi, dans ce cas, il 
faudrait compter jusqu'à la 43.me maison. Si elles sont en plus 
grand nombre on pourra, sans erreur d’un centime, supposer 


À 


qu'il y en a indéfiniment, et employer la formule ser On 
1— 4 


trouvera que , dans ce cas , l’assurance doit être 10 .S, A, dix 
fois celle que devrait payer la même maison si elle était isolée. 
Enfin , si le nombre de maisons contiguës était de chaque côté 
de plus de 43, l'assurance serait 19. S, À — 19 fois celle de 
la maison supposée isolée. 


Ces résultats, en faisant voir qu'il est inutile d'avoir égard aux 
édifices qui sont un peu éloignés de celui qu'il est question d’as_ 
surer lorsque la probabilité de propagation est petite, font voir 
aussi que, dans le cas contraire , il est nécessaire de compter les 
chances qui proviennent d'édifices fort éloignés. 


Supposons maintenant qu'il soit question d’assurer un édifice 
composé de & corps de bâtiment placés en ligne, dans lesquels 
A et a soient respectivement les probabilités d’explosion d’in- 
cendie et de propagation, et S,, S,, S3.... Su indiquent les 
sommes qu'il faudrait rembourser en cas de sinistres des divers 
corps Nos 1,2, 3,....u, à partir de la gauche vers la droite. 


L'assurance demandée, que je désignerai par > U, , est 
évidemment la somme des quantités que l’on obtiendra en met- 
tant successivement dans la formule (8) 


( 128 ) 


LP T CRPAUAPSENRRESS- 


Pour la 1.re maison à gauche... 
Id. 2e id. INSERT 


Il viendra donc. en faisant, pour abréger, la somme totale des , 
sommes à rembourser S,+S,+S3....4+S, —=S. 


S, (1—at) +a—a) 


S, (1—atT + a — a°) 

A S3 (1—at? + a — a) 

ss als, (a —at + a a) 
Le h É 53 


SALE + a — a) 


 . 
x Uu =) (1+a) —[s, (a+ al )+S, (a+ au) 
1— 


RME ES cest Su (at + a) |] (4) 


Si les valeurs S,, S,, S3, etc., étaient égales, ou plutôt si 
l’on assurait l'édifice en bloc sans se donner la peine de faire 
une évaluation de chaque corps, cas dans lequel il faudrait en- 
core (voyez l'introduction) calculer en faisant S,  —5, 


S 
S3.....ete. — —. La formule deviendrait 
ä 


( 129 ) 


us see (ET) | 


u \i—a 
= (: a ia) ).…. (10) 


Telle est la formule de l'assurance d’un groupe de y maisons 


de même valeur exposées aux mêmes chances d’explosion d'in- 
cendie et dont toutes les cloisons présentent le même obstacle à 
la propagation. 

Le nombre des cloisons est ici &— 1, et la formule donne 
l'assurance en fonction de ce nombre. 

Dans cette formule, À est la probabilité que le feu prendra 
dans l’année à chacune des maisons élémentaires, et, par consé= 
quent, g À est la probabilité qu'il prendra dans le groupe entier 
considéré comme un seul édifice. En désignant cette probabilité 


8 , : 
par g, nous aurons À — = , et l'assurance d’un édifice en- 


F 
tier dont g exprime toutes les chances d’explosion d'incendie, 


sera, d’après la formule (10), 


Sg 24a 
NU 
AT BG a) Ê L A #)| ça 
ou, en développant et exécutant la division par (1—«)° 


s: 
2 Un — vs (+e- 1)aHu— 2) a #(u—3) a. 


scoot 24H? je ant)... (x1) 


Dans les applications, il faut arrêter la suite au terme où a 
a l’exposant p — 1, puisque c'est af#7” qui est son dernier terme. 


3 


( 130 ) 


Ainsi, pour u=—=1, 2, 3, 4, ©, On trouvera successivement 
1 
2U, = 28g - — Sg 
2 
1+4a 
SU: — 286 n 
3 2 
+24+a 
> U3 = 2Sg Æ 
9 
a + 3 aa 4% a 
EU, = 25g = = 
16 


3/,+h4a+3 a +20 + af 


LU —= 258$ 25 


Ces formules me paraissent devoir être utiles dans la pratique. 
Elles donnent l'assurance d'un édifice partagé en un nombre y 
de parties supposées de même valeur et donnant lieu aux mêmes 
chances d’explosion d'incendie, les séparations étant faites par 
des cloisons qui sont censées présenter toutes le même obstacle 
à la propagation de l'incendie : l'assurance est donnée en fonction 
du nombre de parties dans lequel l'édifice est partagé. Ainsi, 
par exemple, supposons qu'il s'agisse d'assurer deux grandes 
usines semblables, de même valeur et courant les mêmes chances 
d’explosion d'incendie; la première, sans aucune cloison, et la 
seconde avec trois cloisons qui la partagent en quatre parties 
d'égale valeur et courant les mêmes chances ; l’effet de chaque 
cloison, à raison de sa construction et de la localité, étant supposé 
tel qu'il y ait quatre à parier contre un qu'elle arrêtera l'in- 
cendie; l'assurance de la seconde usine devra être 3,36 fois 
moindre que celle de la première. 

Les incendies dépendant d’un grand nombre de causes, il est 
à craindre qu’on ne possède jamais la connaissance des probabi- 
lités élémentaires qui doivent servir à calculer directement les 


(131) 
assurances ; mais nous espérons qu’au moyen de notre théorie on 
pourra, dans un grand nombre de cas, les calculer, en prenant 
pour base celles d’autres édifices analogues. Nos formules peuvent 
aussi donner facilement la solution d’une foule de questions qu’il 
serait trop long de traiter ici. Ainsi, par exemple, supposons 
qu'on ne sache pas si l'édifice est tout d’une ou s'il a une cloison 
au milieu, et qu'on regarde ces deux cas comme également 


3+a 
probables, l'assurance sera À 2 ÜU, + 2 5 U, — SG. — 


? 
c’est-à-dire la somme des assurances dans les divers cas, multi- 
pliées chacune par la probabilité du cas dans lequel elle est 
calculée. 

Si les cloisons partageaient l'édifice en parties de valeurs dif- 
férentes et ne courant pas les mêmes chances de naissance d’in- 
cendie , les formules (11) ne seraient plus applicables. Dans les 
assurances que nous avons appelées générales , comme on n’entre 
pas dans l'examen détaillé du lieu et de la valeur de chaque objet, 
on doit supposer que les valeurs et les chances de naissance d’in- 
cendie sont proportionnelles aux longueurs des diverses parties. 
Ainsi, en désignant par æ,, x 


2 ? CEREEE CAE 


des n parties dans lesquelles l'édifice est partagé et en prenant 


les longueurs 


la longueur totale pour unité, on aura x, +x,+æ3..... 
....+%,—=1. En désignant toujours par S la somme à rem- 
bourser en cas d'incendie de l'édifice entier, les sommes ana- 
logues pour les diverses parties seront S.x,,S.x,..... S.x. 
Enfin G désignant encore la probabilité que le feu prendra dans 
l’année dans l'édifice entier, Gx,, Gx,, Gx3...... Gx, 
seront les probabilités semblables pour les diverses parties. 

Désignons maintenant par > U, l'assurance inconnue de 
toutes les parties. Suivant notre notation on aura 


È U, = Us + + PT + A SE + AA 1) : 


En appliquant la formule (2) nous aurons , en écrivant dans 


(11329 
une même colonne les termes qui proviennent des chances d’une 
même partie et en mettant en facteur commun le produit SG, 
qui se trouve à tous les termes : 


AU PS 


2 n—1 
LT, HA LA, HAL, Laye EL 

n—2 
HA LA + ZX, + Lyon  Loln 
+ É OX3L HA LR oh Halo La, 


3 2 n—4 (12) 
+ A XGA, HA LT HA Lplyer A Xp En 
nn stores... 

n—1 n—2 n—3 
+ A LLA HA LL HA Lil nn 
Puis, en ordonnant > U, — 2SG 


Va GP HL) Hat Ha. +Xn) 
HA (LL, HE, La HT 3 Ty HG Dre eee + Enr X,) 
HA (TL LL, Li Hg Tr HT Lprre En Tn) (2) 
+ (TX Ti+a LE La TG TT pre ln 3 FA | 


n—1£ 
+ a TL, x, 


La loi que suivent ces (ermes est facile à saisir : la première ligne 
est la demi somme des carrés des longueurs des parties; la se- 
conde est le produit de a puissance un par la somme des produits 
de deux facteurs x, dont l'indice du second est supérieur de un 
à celui du premier, et, en général, la parenthèse qui multiplie 
ax est la somme des produits de deux facteurs x dont les indices 
diffèrent de X unités. 


I 
Lorsque toutes les parties sont égales et deviennent —, la for- 


& 
mule devient celle N.o (11). 


Proposons-nous maintenant de déterminer la manière de sé- 
parer un édifice par des cloisons en deux, trois ou quatre parties, 


(153 ) 

de manière à ce que l'assurance soit un minimum. En regardant 
toujours les sommes à rembourser en cas de sinistre et les proba- 
bilités d’explosion d'incendie comme proportionnelles aux lon- 
gueurs des parties. 

Soit X la longueur de l’édifice et pour le cas d’une seule cioison, 
soit x la longueur d’une des parties et À — x celle de la seconde. 
L'assurance, d'après la formule (2), est 


0, = += EE + — 


+ RE à + ES) 


Sx (xG  (k—x) G 
— + ——— a 


k 
ou 
S G 
PUL = F5 2° + 2 ax (kK— x) #4 (k—x) 
e Se dŒU,) 
pour que l'assurance soit un minimum , il faut que pe PT PE GA 
æ 


on a donc, en différentiant et égalant à o le coefficient différentiel, 


2x + 24(k—x)— 2ax — 2 (k—x) —= 0, 


k 
équation qui donne x — -—, c’est-à-dire que la cloison doit 
2 


être au milieu pour que l'assurance soit un minimum. L'’assu- 


I1+a 
rance, dans ce cas, est égale à SG 


2 

Pour deux cloisons, comme il est clair que les deux parties 
extrêmes courent les mêmes chances, puisqu'on ne suppose aucun 
motif pour que l’une brûle plutôt que l’autre, je nomme x la 
longueur de chacune de ces parties; celle du milieu sera 4 — 2x. 
Pour appliquer commodément la formule (2), je forme le ta- 
bleau suivant des quantités qui doivent y remplacer S,, À,m et n. 


(134) 


1.re partie à gauche. 


S(k—2x) | G(kA— 2x) 


a.e partie id, Php. Mount 1 1 
3.e partie id... Le ss o 2 
k k 
Ù : S G 
On a, en faisant sortir le facteur commun T° 


x (x+a(k—a2x)+ax) 

:Uy= +(k—2x) (ax+(—22)+ax) 
+ x (ax+a(k—ax)+x) 

5G 


— (sv # ha (k—az)+ (Emo) ) 


d Us) 


En prenant pour la condition demandée 3 
æ 


——0/,ton 


trouve x —= 


; c’est-à-dire que pour que l'assurance 


soit un minimum, il faut que les deux parties extrêmes soient 


——— et que, par conséquent, celle du milieu soit égale 
a 


Be 
1—4a 


b 3 4° 


( 135 ) 
Dans le cas particulier où a = ‘/,, les parties extrêmes 
doivent être les ? et celle du milieu + de la longueur totale. 
En supposant le bâtiment construit de la manière la plus 
avantageuse , d’après la formule (12), l'assurance sera, en 


faisant comme dans cette formule À = 1, 


Dans ce cas le plus favorable, lorsque a — ‘/, , l'assurance 
est les 5 de SG, ou les © de l'assurance du même bâtiment s’il 
n'avait pas de cloisons. 

Si les parties dans lesquelles le bâtiment est partagé étaient 
égales, l'assurance serait peu différente de ce qu’elle est dans le 
cas le plus favorable , car la formule (11) donne pour le cas de 
a — ‘/, l'assurance — À ou 0,61111.SG. 

Passons maintenant au cas où l'édifice doit être divisé en 
quatre parties et cherchons la manière la plus avantageuse , sous 
le rapport de l'incendie, de placer les trois cloisons. Nous sup- 
posons toujours que les sommes à payer en cas de sinistre et les 
probabilités de naissance d'incendie sont proportionnelles aux 
longueurs des diverses parties, et nous continuerons à désigner 
par S et G les mêmes quantités que dans le probléme précédent. 
Comme il n’y a aucun motif pour que les parties extrêmes soient 
plus grandes l’une que l'autre, elles seront égales dans le cas 
actuel et nous les appellerons toutes les deux x, les deux parties 


( 136 ) 
intermédiaires devant aussi être égales seront chacune de(i—x), 
en prenant toujours la longueur totale de l'édifice pour unité. 
En appliquant la formule (12)il vient , en remarquant que les 
lignes des termes relatives aux troisième et quatrième parties 


sont égales à celles des deuxième et première. 


EU; —286G 


x + ax (4 —x) + ax (:—x) + dx 


+ ax t—x) + (x) +a (x) +ax(/-x) 


Puis, en développant et réduisant 
2042280 }(2—a— 2& +4) (ia )z+t (+2)! 


dŒU;) _ 


Pour que l'assurance soit un minimum , il faut que EC 
æ 


ce qui donne , en différentiant l'équation ci-dessus, 
2 (2—a—2a + )x— ( I — a ) 1 


d'où l’on tire x — LULA de Eee pi —— Va "1 
2(2—a—2a+a) 2(2—a) 


Ainsi, pour que l'assurance soit un minimum , il faut que les 


1 
deux parties extrêmes soient —— de la longueur totale 
2(2—a) 


1 
et que les deux autres soient —— de cette même lon- 


2(2—a) 


gueur. 


Dans le cas particulier où a —"/, , les parties extrêmes sont 
"/3 et celles du milieu + de la longueur totale. 


(137) 


L'assurance est dans ce cas, en appliquant la formule (12) 


2 
I 
et faisant sortir le facteur commun ( ) : 


2(2— a) 
4 (2— a) 


I (i+aG—a)+aæ(i1—a)+à) 
+ (1—a) (a+(i—a)+a(i—a)+ à) 


2SG : RSR 


— 4(e—a (1—a) (1+a) 


SR A pee Rae 


2 (2— a) 


z U, — 


2 (2— à) 


dans le cas particulier de tout à l'heure où a — + l'assurance 


3 
— SG— — — c'est-à-dire précisément moitié de ce 
2 


6 
qu'elle serait s’il n’y avait pas de cloisons. 


1 


a étant toujours — }, on trouve que l'assurance est pour 


l'édifice sans cloisons, 


3 

ou en une seule partie, SG Ki 
: 3 

en deux parties, SE 

4 

De 3 

en trois parties, SG ru 

en quatre parties , SG à 


Il est remarquable que les numérateurs de ces fractions res- 


( 138 ) 
tant constans, les dénominateurs augmentent d’une même quan- 
tité à chaque cloison. Cela n’est point particulier à la valeur = 
que nous avons prise : en effet, les assurances minimum sont 
pour l'édifice 


j + 1+a 
en une seule partie, SG on 
1+ 4 
; } 14+ 4 14+ 4 
en deux id., une cloison, SG —$SG —— 
2 1+4+4+(1—a) 
(13) 
A + 1+ a 1+a 
en trois id., deux cloisons, SG - = a 
3—a 1+4+2(1-4) 
L re 1+4a 1+a 
en quatre id., trois cloisons, SG——=SfG — 
2(2-a) 1+a+5(1-a) 


d'où nous croyons pouvoir conclure par analogie qu'en général, 

l'assurance, lorsqu'il y a un nombre c de cloisons placées le plus 

avantageusement possible , est er (14) 
1 + ac (1—a) 

Nous ne nous étendrons pas davantage sur ces questions de 
minimum, dont la solution nous conduirait trop loin, et nous 
passerons au cas où l’on ignore la position des cloisons en résol- 
vant la question suivante : 

Quelle est l'assurance d’un édifice séparé en deux parties par 
une cloison dont on ignore la position ? Nous supposons que la 
plus petite des deux parties a au moins la longueur donnée L, 
et qu'il n’y a aucun motif de croire que la cloison soit plutôt 
à une des places qui ne font pas de partie plus petite que L 
qu’à une autre. Nous désignerons par  l’assurance cherchée ; & 
sera toujours la probabilité que le feu, étant d’un côté, se propa- 


( 139 ) 
gera à l’autre en franchissant la cloison, et nous prendrons 
encore la longueur de l'édifice pour unité. 

Il pent se présenter ici une infinité de cas correspondant à 
toutes les positions que peut avoir la cloison ; w est la somme 
des assurances dans tous ces cas. Les deux ‘extrémités du bàti- 
ment dans la longueur L ne pouvant être le lieu de la cloison, 
il ne reste pour ce lieu que la longueur 1 — 2 L. Soit x la dis- 
tance variable de la cloison à l'extrémité gauche du bâtiment ; 
cette cloison pouvant occuper sans aucune préférence toutes les 
parties de la longueur 1 — 2L , la probabilité qu’elle se trouvera 


; dx 
comprise entre les longueurs x et x + dx est ———— et dans 


Lu 2 


ce cas l'assurance calculée par la formule (12) est : 


SG (= +2ax(1— x) # (i—x)) 
== 96 (: —2(1—a)x+#+2(1 — a)a*) 0 
quantité qui, multipliée par la probabilité de ce cas, donne 
pour un élément de l’assurance cherchée : 


G 
du = Um (ax — 2 (10) x dx 4 2 (1—a) x° de), 


1—2L 
En intégrant il vient : 


SG 2 3 
Ai (2 79 Rite = (Se) 2 + const, ) 


1—2L 


L'intégrale devant être prise entre les limites L et 1: —L 
on trouve : 


3 


Const. — — (u—c BL. a PEL «1) 


(140) 
En substituant cette valeur, mettant pour x l'autre limite 
(1 — L) et réduisant , on a pour la valeur définie de l'assurance 
cherchée : 


b2 56 a+ +q-o( (DE) } (25) 


1 — 2 L 


Dans le cas particulier où la cloison peut être indifféremment 
à toutes les places comprises entre le quart et les trois quarts 
du bâtiment , on a L— {, En supposant en outre «a — +, on 


trouve : 


LS: e —= 0,7708. s6 


Ce nombre 0,7708 diffère bien peu de celui de 0,75 que 
nous avons trouvé pour l'assurance minimum dans le cas d'une 
cloison et de a — +, ce qui fait voir qu'il ÿ a peu d'importance 
à compter avec exactitude la position des cloisons. 

Revenons à l'assurance d’un édifice formant une ligne fermée, 
ou d’un édifice que nous appellerons simplement fermé, et 
cherchons ce qu'elle devient lorsque les probabilités de nais- 
sance et de propagation d'incendie sont partout les mêmes. En 
appelant À et a ces deux probabilités, on a, d’après la formule 
(6) pour la probabilité d'incendie de la partie N.o o : 


(Pom )=A+24 (a+ a+ a... at ) 


mm 
ss = — (m—1) a 


—— m — 
(m—1)Aa a 14a 


L'assurance de cette partie est égale à cette quantité par la 
somme S, qu'il faudrait rembourser en cas d'incendie ; il en 
serait de même de toutes les autres parties de l'édifice; de sorte 


( 141 ) 
qu’en désignant par S la somme qu'il faudrait rembourser en 
cas d'incendie de l’édifice entier, on a pour son assurance, que 


je désigne par (z H 


Gu)=is + D Sn 


Ta 


expression qui est indépendante des valeurs particulières des 
parties. À désigne ici la probabilité de naissance d'incendie dans 
une seule des parties ; il est plus convenable de mettre au lieu 


G 
de cette lettre —, G exprimant la probabilité de naissance d'’in- 
m 


cendie dans l'édifice entier, on a alors : 


m 
a— a 
(: LS FER 1+2 — (m—a)a.$,,. (16) 
1—4 

Formule qui donne l'assurance en fonction du nombre » de 
cloisons} dans le cas où toutes les parties courent les mêmes 
chances d’explosion d'incendie. 


Occupons nous maintenant du cas où dans un bâtiment 
fermé , on regarde les probabilités de naissance d'incendie et la 
somme à rembourser comme proportionnelles aux longueurs 
des diverses parties. Désignons , comme pour les bâtimens en 
ligne, la longueur totale par l'unité; par G la probabilité de nais-— 
sance d'incendie dans l'édifice entier , et par x, , x,, æ3...æ, 
les longueurs des parties Nos 1, 2, 3... m; les probabilités 
A,,À,,...,. À, de la formule (6) seront remplacées ici par 
Gx, , Gx,, Gr, ...., Gx,,, et les sommes S,,5,,....S, 
par Sx,,Sx,,..... Sx,,, l'assurance de la partie N.o 1 sera, 
d’après la formule (6) 


ZT 


I 
+ x, (a+avt) 


2 mi—3 
(U,m)=S6x, ae Se re ) (17) 


ess cousesnese 


M—T 
Ci LC a + da ) 


— (1x ) 


Pour avoir l'assurance de l'édifice entier il faut prendre la 
somme de », formules semblables à celle ci-dessus, prises avec 
les indices convenables à chacune des parties. En prenant cette 
somme de la mêine manière que nous avons fait pour obtenir 
la formule (12) on trouve : 


(lé RS AA 


(rat) (rt, Ha, Has. +æ) 

(a+ a) (XX, +, Lg A3 Ty + Tin Li) 

+ (a +0) (2, L3 Hs Lf HG Tree + Tim Te) 

+ (+ a) (x, Lg + Le Tr HT LG + Lm X3) (18) 

+ (a + a) (X, Ln HA Ds TS Loue + Lin Lx) 

— a 

Si les corps de bâtiment formant l'édifice qu'il est question 

d'assurer avaient une largeur différente, et si l'on supposait 


que leur valeur et leur probabilité d'incendie sont proportion- 
nelles à leur aire au lieu de l'être à leur longueur, la formule 


(143) 
ci-dessus serait encore applicable, en prenant pour unité l'aire 
totale de tous les corps de bâtiment, et en désignant par x", 
æ? ....,ete., les aires de ces corps au lieu de leur longueur. 
Si l’on voulait avoir égard à ce que la propagation de l'incendie 
au-delà d’une cloison large est plus facile qu'au delà d’une 
étroite , il faudrait avoir recours à la formule (6). 


Si dans un bâtiment fermé d’égale largeur on avait à placer 
un certain nombre de cloisons de manière à rendre l'assurance 
un minimum , il faudrait les placer à distance égale. En effet, 
considérons une cloison quelconque qui sépare la partie Non 
de la suivante, il n'y a aucune raison pour que dans le cas de 
l'assurance minimum les parties situées à sa droite soient diffé- 
rentes de celles situées à sa gauche; elles seront donc symé- 
triques par rapport à la cloison et l’on aura x, —=x,,,; en 
donnant maintenant à l'indice 2 toutes les valeurs de 1 à 72, 


ON AUrA L, —X, = Ly-sss re —= Lmy Ce qui prouve l'énoncé. 


De l'assurance d’un bâtiment à plusieurs étages , dans lequel 
chaque étage entamé par l'incendie est regardé comme 


entièrement détruit. 


Occupons-nous maintenant de l'assurance d’un bâtiment à 
plusieurs étages , dans lequel chaque étage brûle entièrement à 
la fois et puisse être considéré comme entièrement détruit dès 
qu'il a été entamé par l'incendie ; c’est le cas d’un grand nombre 
de bâtimens de viile qui n’ont qu’une petite façade et beaucoup 
d’étages. Numérotons les étages à partir du rez-de-chaussée, qui 
s’appellera N.o 1 , jusqu’au grenier qui sera N.o c, et représen- 
tons comme précédemment par S,,S, , S3..., S. les sommes 
à rembourser en cas d'incendie des étages No 1,2,3.,..,,c, 


(144) 
et par À,, À,, À3...., À les probabilités que le feu éclatera 
dans l’année dans ces mêmes étages. 

D'après ce que nous avons dit chapitre II] ,en traitant de la 
propagation de l'incendie dans un édifice de l'espèce qui nous 
occupe, a et b désignant respectivement les probabilités de 
propagation du feu de bas en haut et de haut en bas, de l’étage 
où l’incendiea pris naissance à celui voisin.L’espérance d'éteindre 
le feu lorsqu'il a déjà brûlé, en montant, un nombre quelconque 


e I — a 3 
ë d'étages est — et la même espérance lorque le feu, en 
z 


— bd. 


I 
descendant , a déjà brûlé un nombre £’ d’étages est ——— 
b 


Désignons maintenant par 2; la probabilité de propagation 


lorsqu’en montant il y a déjà un nombre z d’étages de brûlés. 
D’après ce que nous venons de dire l’espérance 1 — a; qu'on 


à à : 1— a 
a d’éteindre le feu à cet étage est ———; on a donc : 
L 


1— 4 ! ? I—1+4a 
1—a; = ——— d'où l'ontire 43 = ——— 
L z 

Par la même raison on a , en désignant par b; la probabilité 
de propagation en descendant : 


'— 1 +0 
LT rer 
z 


En donnant aux indices # et z’ leurs différentes valeurs, on 
a pour les probabilités de propagation : 


Cx45) 


en montant en descendant 
après 1 étage a b 
| sé 
> id. Ées ne 
2 2 
3 id. FA ie 
3 
à 3+a 3+b 
4 ïid ER 
4 4 
ce “ie ee 
5 5 


et ainsi de suite. 

Cherchons maintenant l'assurance de l'étage N.o x de notre 
édifice; pour cela cherchons d’abord l'assurance de cet étage 
contre la chance qu'il court d’être brûlé par un incendie allumé 
à un étage quelconque N° y. 

Si y est plus grand que x il faudra que le feu se commu- 
nique en descendant à (y — x ) étages successifs, et pour que 
cet évènement composé ait lieu, il faudra 


Évènement dont la 
probabilité est 


moque leeu prenne au N°75. 07 0 À, 
2.° qu'ilse communique du N.° y à celui (y—t).… b 
b 
3.0 sd: detp—mar Ypo), 272 
2 
: à ! 2+b 
4. id. de(y—2) à (y—3).. ee 
3 +0 
5.° id. de(y—3)à (74). e 
ge 14h 
id. de (x+1) à JUS cePocmE Sus 


( 146) 
La probabilité de l'incendie du N.° æ par le fait de l'existence 
da N° y, qui est celle de l'évènement composé résultant du 
concours de tous les évènemens ci-dessus est donc : 


DEN as 3+b y—x—1+b 
2 


3 4 Y— x 


Si y avait été plus petit que x on aurait eu par la même 
raison , pour la même probabilité de l'incendie du N.° x, par 
le fait du N° y: 


ROUE DA RE A (20) 
2 3 4 T—Y 


Désignons maintenant par le symbole 1 l'assurance de 
l'étage N.° x dans un édifice de e étages. Gette assurance étant 
la somme de toutes celles qui proviennent de l'existence de tous 
les étages de l'édifice, on aura en donnant à y dans les formules 
(19) et (20) toutes les valeurs qu’il peut avoir et en multipliant 
le tout par la somme Sx qu'il faudrait rembourser en cas de 
sinistres : 


USE. 

1 + D 1+b 2+b 

Lethnbtnueb—— + Anse. 3 … 
à Ad d 24H b e—x—2+b 
CEE € à at .. ACER 
(21) 

1 HG I+a 2+a 

A,_,a+A, ,a. +À,_34a -mr L:. 


I+ 4 2-4. L— 2404 
+ À, a ——, QD DT 
2 3 TX —1 


en prenant par cette formule l'assurance de tous les étages, on 
aura celle de l'édifice entier, qui est égale à leur somme. 


(147) 

Dans le plus grand nombre de cas les probabilités de nais- 
sance d'incendie et les sommes assurées diffèrent d’un étage à 
l’autre et il faudra opérer comme ci-dessus; cependant il y a aussi 
des cas où toutes les quantités À et S pourront être regardées 
comune égales. Dans bien des fabriques, telles que les filatures, 
les sommes assurées et les chances de naissance d'incendie sont 
à peu près les mêmes à chaque étage. Faisons donc, pour ce 
cas, toutes les probabilités À, , À,..... À. — À et toutes les 


Ni] 


sommes S,;, 5, 93°... Se égales chacune à —, S étant la 
e 


somme à rembourser pour l'incendie de l'édifice entier, en 


désignant par = 1 l'assurance d’un bâtiment de e étages et en 
prenant la somme des e formules qu’on obtient en donnant 
dans la formule (21) toutes les valeurs possibles à l'indice x, on a 


e+(e—1)(a+b)+(e—2) (« SET on b. =) 
2 


2 


Re ee TADES 5 


es LT. $ b(1+b) +) 
a(i+a)(2+a)(3+a)  D(1+b)24+b)3+b) ce 
sole dr el 
08 a(i+a)(2+a)...(e-2+a)  b(i+b).(e-2+b) 
parents. Lie (eer) 1 . 2. (e—1) 


En appliquant cette formule on remarque que les primes 
d'assurance doivent croître avec une grande rapidité à mesure 
que le nombre des étages augmente. Pour en donner une idée 
nous présentons ici un tableau calculé pour le cas particulier 


où 4 —= 0,8 et b — 0,4: nous trouvons que pour e = 1, ce 


(148) 

] L] LA ‘ L] . . 
qui est le cas d'un rez-de-chaussée pavé couvert d'un toit qui 
peut seul brüler; on a 


NOMBRE D'ÉTAGES. TAUX DE L'ASSURANCE. 
DR ET Me a hiate de net 2 DRE 
A RE Le eee nie se Le UNE LOU 
ee br eh AU core es 
Ka à 2,624 


e eee À ocre eneroiese jee ere o e16.6 « À — 2,918 


A 214 © bb 
L1 
L2 


one ae nrecs Soie à duree ee D 
M nr SEE 2 I MO mr De: Se 
8 ns esse À — 4,342 


Ces nombres sont les taux ou les prix de l'assurance, et doi- 
vent être multipliés par les sommes qui seraient à rembourser 
en cas d'incendie des édifices entiers pour donner l'assurance. 
Ainsi, si dans un bâtiment de six étages, qui est dans les condi- 
tions de notre application, on demande 3 + du mille , il faudrait 
pour l'assurance d'un bâtiment semblable employé aux mêmes 
usages ou courant les mêmes chances et qui n'aurait qu'un rez- 
de-chaussée ne demander que 1 du mille. 


Jusqu'ici, en traitant de l'assurance des maisons contiguës, 
nous ayons supposé que l'incendie marchait en brûlant les mai- 
sons entières. Cette supposition n'étant pas toujours légitime, 
nous allons calculer l’assurance d’une maison avec étage, faisant 
partie d’un groupe de maisons semblables, dans chacune des- 
quelles le feu peut prendre soit au rez-de-chaussée soit au pre- 
mier et se communiquer à la maison désignée. Au lieu d’un 
groupe de maisons, ce pourra être si l'on veut une partie d’un 
édifice d'un étage, partagé par un certain nombre de cloisons. 


Supposons qu'il s'agisse d'assurer la maison N.° 0, ayant un 
rez-de-chaussée B, et un premier À,, et étant placée entre »2 


( 149 ) 
maisons semblables à sa droite et r à sa gauche , ainsi que le 
représente la figure ci-dessous : 


Dans cette figure les maisons sont désignées par des N.os qui, 
partant de la maison à assurer N.° 0, vont à droite jusqu’à la 
dernière N.0 7» et à gauche jusqu'à la première N.o #. Les cases 
dela ligne du bas, marquées B, représentent les rez-de-chaussée ; 
celles du haut, marquées À, représentent les premiers. Les lettres 
À et B, avec le N.o de la maison pour indice, qui désignent les 
cases, représenteront dans nos caleuls les probabilités de nais- 
sance d'incendie dans ces mêmes cases. 


Cette question présenté un cas que nous n'avons pas rencontré 
jusqu'ici. Celui , en quelque sorte, de deux incendies simultanés ; 
d’un incendie qui, par exemple, ayant pris naissance dans une 
maison de N.° supérieur à x, brülerait à la fois les deux cases 
du N.° x. Il est clair qu'il en résulte de grands obstacles pour 
ceux qui combattent l'incendie et que leurs secours doivent alors 
se partager des deux côtés, en s’attachant de préférence et avec 
plus de facilité à la partie où l'incendie est le plus avancé. Ce 
n’est donc pas deux incendies marchant au hasard comme sur 
les cases d’un damier; la chaleur extrême qui enflammérait 
bientôt les parties qui seraient entre eux > €tla manière dont les 
secours sont dirigés, en font un incendie unique plus fort que 
le premier. Conformément à ce que nous avons dit plus haut 
en traitant de la propagation du feu dans des bâtimens de déve- 
loppemens différens, nous admettrons que dans ce cas , le feu 


{ 150 ) 
continuera à marcher en brûlant à la fois les deux lignes, ou 
qu'il sera éteint des deux côtés à la fois et nous assimilerons 
l'incendie de ces deux lignes contiguës à celui d’un bâtiment 
sans étage , de développement double. a devant dans nos calculs 
désigner la probabilité de propagation dans le sens horizontal, 
soit aux cloisons du haut soit à celles du bas, LES 
I—a+24a 
24 


représentera la probabilité de propagation dans l'incendie 
1+a 


simultané du haut et du bas; puisque, d'après ce que nous avons 
dit chapitre IT, a étant la probabilité de propagation dans un 


, re a D 
bâtiment de développement unitaire, ————- 
LE 0 


babilité semblable, dans un édifice de méme nature et de déve: 
loppement quelconque D. 


r 
sera!la pro- 
aD P 


Nous désignerons par à la probabilité de propagation dans le 
sens vertical , soit en montant soit en descendant. 


Pour résoudre le probléme nous allons d’abord chercher, 
comme précédemment, la probabilité que la partie À, de la 
maison à assurer sera brûlée par un incendie qui aura éclaté 
déjà dans une des cases du N.o x. Nous désignerons cette proba . 
bilité par Z,. En la multipliant par À, , nous aurons la proba- 
bilité de l'incendie de À, , par un incendie qui viendrait à écla- 
ter dans l’année dans la maison N.o x. 

Nous désignerons aussi par p,, q,, respectivement, les 
probabilités que le feu ayant éclaté en À, et B,, brülera la par- 
tie à assurer À,,. On aura donc p, + q, = 2,. 


Ceci posé, supposons l'incendie déclaré dans la case hd et 


cherchons la probabilité p,.,, qu'il se communiquera de là en A... 


T+1I 


I peut d’abord arriver quatre cas, savoir : 


+ I 
Le CRE 7 7 0... Ce." 5 ge y ; 
NX #5 9 « ape s'ÿ 
Ur) 1+ V 
*d @-1)90 | “avr "g 
æ 14 
2h (D-1) gp |... FR q (b-1) q 2ye 1 HP LE 1e Ste 
4 e I+7 , ci à Y D 
0 «(@-1) q ae ‘a 
142 147 æ 147 ve 
4 (g-1)» TÉPETR QE Tel 
1+ 1+æ 
e 
o (g-1) (D-1) Ra 2 « D'I 
l'A Y 
Ï 
Mania le 218 “le 2 on a En ee 
wi S So] sup ‘Seo np ‘UOTJEOIUNMUON St np *UOTBOTUNMUOD "aTpUaour p "SE s9p 
nw à, ‘UOTOTUNUULO") 
Ce] V 9P 2TPUSUT,p AUOT CD | uoN Q aunrqeqorgq uonN UONOTUNUUO") o'N 
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‘880 anbeyo ap saymiqeqoid say oo4e JuëAmMs neojqe ne anbreur 350 eç00 onb rsure {*q wo eJonbrunuwos 25 no 


1+7 . . 
sed eronbrunutmos as ou 4 u9 759 mb no} 97 no xnoo : roues ‘XN9p U9 UNOEY9 JUOSIAIP 98 se9 h Jo 2 € ST 


gv crreeereeeee Qu uogeotumunmos jo ‘y uo “pr 0h 
(D—1)3g RE EE RUE ‘pr 79 ‘Tpus ‘pr o'€ 
(g— 1)» ortceee eq ue uonvorunuwos uou 32 y % uonvorunmmon ‘7 


(g—1) (D — 1) EE PR de VE CUT iu y u9 uOt]B9IUNUITUOY UON 2h. 
——————_—_—_—_—_—_—— ie 
SY9 ANG ALITIAVAOUd 


(:152 ) 

La dernière colonne contient les probabilités de l'incendie de 
À, dans chacun des cas du tableau. Pour reconnaître son exac- 
titude , il suffit de remarquer que quand l'incendie est commu- 
niqué en À, sans l'être en B,, c'est comme s’il avait éclaté en 
À ,, et la probabilité d'incendie pour À, est alors P. Il en est 
de même pour B, , lorsque cette case est atteinte par l'incendie 
sans que celle supérieure le soit; c’est, relativement au danger 
que court À,, la même chose que si le feu était éclaté en B, ; 
et enfin , d’après ce que nous avons admis tout à l'heure lorsque 
le feu est à la fois en À, et B,,, il marche comme un incendie 
unique et la probabilité de propagation à chaque cloison étant 


2 


T 
24 
celle pour le passage à x cloisons est | —— 
a 1+4a 


En prenant maintenant, d'après les principes du caleul des 

probabilités, la somme des produits des probabilités de chaque 

cas par celles de la dernière colonne; que le cas existant, 
l'évènement aura lieu, on a l’équation aux différences finies 


Pan = a (1—6)p, + ab(1— a) q, + ab(1— a)p, 


TC 
> 24 
+ «ab 
1+a 


ou en réduisant 


. 2a \* 
Pass =A4a(s — ab)p,+a(b — ab)q,+a*b 2) Le (a) 


Si lon avait cherché g,,, par le mème moyen que celui 
ci-dessus, on aurait formé un tableau qui ne différerait du pre- 
mier qu'en ce que tous les À seraient changés en B ct lesp, en 
q, ©t réciproquement. 


On a donc, en changeant dans (a) lesp en g et réciproquement, 


(153) 


Quai — a) ga (ab) pe saetd [EN 


1+a 


puis en ajoutant (a) et (b) et substituant àZ,,, et Z, Pour pour 
+ Gr Et Pr + I» il vient 


Li, =a(i —ab)Z, + a(b— ab)L, + a°b ( os ) 


1+4d 


où Z,,, =(a+ab — 2 ab)L,+ 2 a°b 22) ce 
HI æ 1+4a 


Pour intégrer cette équation aux différences finies, nous 

x - LA LA LA La 
allons la comparer à celle y, = R y + Q qui a été intégrée par 
Lacnawce et qui, dans le cas où R est constant, est résolue par 


= À >; —— 
on a donc ici en faisant 


R—a(1+b— 2 ab) 


F 2 a T 
== «à (2£) 


EDPAARANTE 
se (2) 
VAR RE à (1 b By MENT ENS 2 D NCA 
= + b — 2 ab) 2 Tri (+ 2ab;" + const. 


2 ab 
en faisant sortir du signe > le facteur constant 
a(1+b— 2 ab) 
L,= 2 b(1+b — 2 ab}! 
2 T 


EE — *onst. 
(1#4a)(1#+ 0 — 2 ab) 7 Coup 


(154) 


mais 


mere 06 


2T ; 
LR {2 —(1+0) (14 — 2 ab)| (: + a) (+5 2 ab) 


On a donc en supprimant le facteur (1 + b — 2 ab)" qui se 
trouve au numérateur et au dénominateur du premier terme 


j fa—G+a(G+é—zat)}(i+a) 


+28 a%* ( 1+b— 2 ab Ÿ— const. (d) 


Pour déterminer la constante, nous remarquerons que lorsque 
la maison N.o o existe seule, ou que x — 0, la probabilité d'in- 
cendie de À, lorsqu'on suppose successivement l'incendie allumé 
en À,et en B,est 1+b; on a donc en faisant x — 0 dans 
l’équatio n(d) 


2 ab b 
PNR EE pe LR 
2— (140) (1+b—2 ab)  14+b — 2 ab 


d'où l’on tire 


(i+b) G+b—aab) (1#+a)(1+b— 2 ab) 


Const. — EE, 
2 ab 2—(1+a)(1+b—2ab) 


En substituant dans (d) il devient 


oT+I b at*! 


2b a *" (140) (14 b — 2 ab)ÿ" 


2 — (140) (1+b— 2 ab) 


+ Q7 (id) (1+ 0 — 2 ab) — 


(- #99) 


Cette expression peut être simplifiée. En faisant les espérances 


de non propagation 1: — au et 1 — b f on trouve que 


2—(1+a)(1+b—2ab) =uf+2 ab 
On a alors 


1 
L EE ———— 
F. u B+2ab 


4a° b (=) + LG B+2a°b)—2ab(1+a) 
14 (e) 
x ( a+ ab— 2 ab ÿ 


Telle est la probabilité que la case À, serait brûlée par ‘deux 
incendies allumés successivement en À, et B, : en la multipliant 
par À,+B,, qui est la probabilité de naissance d'incendie dans 
les deux cases du N.ooxet en multipliant le produit par$,,, 
somme à rembourser en cas d'incendie de À,,, on aura l’assurance 
cherchée de cette case contre les dangers qu'elle court par le 
fait du N.o x. Cette assurance sera donc 


4 &b (2) + te +b)(a G+2a*b)—2ab(i+a) 


1+da 


(22) 
x (a+ab—2a 5) a 


La case inférieure B, étant placée de la même manière, par 
rapport à toutes les autres , que celle supérieure , et les dangers 


de propagation de haut en bas étant ici regardés comme égaux à 


( 156 ) 
ceux dans le sens opposé, la formule de son assurance sera 
semblabie et n’en différera qu'en ce que S/,, lettre par laquelle 
je désigne la valeur de la case actuelle B, remplacera S,. 


On pourra au moyen de la formule (22) calculer l'assurance 
de toutes les parties de l'édifice contre les risques que leur 
font courir chacune des autres , et par conséquent calculer l’as- 
surance de l’édifice entier ; mais s'il y avait beaucoup de parties 
ce serait un travail impraticable. 


Pour les assurances que nous avons appelées générales, 
dans lesquelles on n'entre point dans l'examen détaillé des 
chances de naissance d'incendie et de la valeur particulière des 
différentes parties, on regarde toutes les probabilités À, +B,. 
de naissance d'incendie dans tous les numéros comme égales 
entre elles , et toutes les sommes S, + S', assurées dans chaque 
numéro comme égales aussi. Désignons donc par À la probabi- 
lité de naissance d'incendie dans l'une ou l’autre des cases d'un 
des numéros , et par S la somme à rembourser en cas d'incendie 
des deux cases d'un numéro quelconque; nous aurons pour 
l'assurance du N.o o contre toutes les chances qu'il court de la 


part des parties qui seront prises dans les limites de l'intégrale 


AS 


a B+2ab 


> 
pr 


1+4a 


4 ab (=) e Ci) (a B+2a "CS 


x (a+ab — 2 2} 


(157) 


b—2a b\ 
Et EGU Aube auvpy re (REF 2a° b) 


= —— + Const. 
a+ ab —2 a b—1 


Ainsi l'assurance cherchée est en général 


8 ab 24 pr \ 
ALI a 
AS 


ET (+0) G-Haa b)— 2 ab(1+ a) 
& Tone à Sal 


(a+ ab — 2 à° bÿ° + Const. 


En ne comptant pas d'abord les chances que la maison N.0 o 
court de son propre fait, il faudra prendre l'intégrale de 1 à » 
pour les risques provenant des maisons à droite ct de 1 à 
pour ceux provenant des maisons à gauche. 


L'intégrale devant alors s’évanouir quand x = 0 on a 


8 33 2 
Const, — — Fe (5 


CN 24 


LM L (1-8) (a B+ 2 a° b) —2ab(1 +a)} 


1—(a+ab— 2x b) 


et l'assurance prise du N.o 1 au N.o x sera, en mettant — « 
pour (a — 1) 


AS 
Doc (t {+0 GB+2a%) — 2ab(1+a)} 
1— (a + ab — 2 a bÿ | 
dE RE à nn 


1—(a+ab— 2 à b 


( 158 ) 

En mettant m et x pour x dans cette formule , prenant la 
somme des deux résultats et ajoutant à cette somme AS (1 +b) 
pour l'assurance de la maison N.o o contre les risques qu'elle 
court par son fait propre; on trouve pour l'assurance de la 
maison o qui en a » semblables à droite et z autres à gauche; 


us 
assurance que je désigne par ,Ù,,; 


AS 
au B+2a b 


2 ab == | 2 — En 


x + ÉG +0) G6+ 20 8) —2ab (1 +0) | (23) 


Un —= AS (1+ 8) + 


D (a+ab—2a b)"—(a+ab— 2 ab) 


( 1—(a+ab— 2 ab 


Si l’on voulait avoir l'assurance du groupe entier des 
n + 1 + parties doubles, il faudrait fairen +i+m—y 
etn+i=y,d'oùnr — y — 1etm—=p—7y; et considérer 
la maison N.° o de tout à l'heure, comme celle N.° y dans un 
groupe de # maisons, sur lesquelles les numéros seraient mis de 
1 à en commençant par la gauche. Il faudrait ensuite intégrer 
cetle expression , aux différences finies , entre les limites ret y, 
par rapport à y. Pour effectuer cette intégration, nous ne 


m 
24 
nous occuperons d’abord que des deux polynomes 2— (Æ ) 
1+a 


n 
24 
— ta— D 2 ab) er 27n 
(- .) et2—(a+a ab)" (a+ ab—2a b) 


qui seuls contiendront la variable y. 


(159) 


Le premier devient, en faisant 


I 


+a 


2 — alT — d 
et le second en faisant a + ab — 2 & b —=b 
2 — br — D 


qni ne diffère du premier que par le changement de a en b. 
Occupons nous d'intégrer le premier, ce qui nous donnera en 
mème temps l'intégrale du second. 


sb. 2 a 
T — I I— à 
a 
a?-: 
EE DIi —— 
a —— 1 


_" +Gonst., 


GI 
> (2 = her D) = 2y — DARAE nee En 


1 — 
L'intégrale de la formule (23) est donc en faisant 


QG +0) 2) (GG B+2 4° B)—sab(G+a) 
Ui—(ra4— 23 Br 


1—a + Const. 


b£-(-1) _}7- 
+: Y— — + Const., ) | 


2 ab (1 +a) aB-(-1) ay 
AS D ————— (2 RES ) (24) 


IL — 


Lorsque y — 1 ou qu'on ne prend l'assurance que de la 
maison N.° 1, on a 


j2 LIEN TE LES 
500 a B+ 2 a b 


2 
AG jee (= + Const. a 


œ T'——)a 


bH— 
+0( 2 == RCE UE I ï | 
1—b 


En calculant cette assurance de la maison N.° t par la formule 
(23), on aurait en 


b REP ARRETE 
GE MR Se 


AL NA TEETS 1) +02 :) 


[e2 


AS 


Pour que ces deux expressions s'accordent il faut que 


me Er Const: —— à" pad 
1—a 
by. — 1 
Const BAS Nu — 1 


1—Db 


( 161 ) 


d’où l'on tire 


—( at + 1) Ur 
Const., — a ca am, 


Eee ve — (+ ps ) (: MS r ce 


Ces expressions étant substituées dans les parenthèses qui 
contiennent les constantes à la formule (24), les transforment en 


aB- (7-3) DE (ab-1 bi) (1 — a) — ap + 1 


I —1a 


LS 


bé-(y-1) DT LE (bB-1 + 1) (x —b) — DE +1 
_1—b 
Pour prendre l’assurance de l'édifice entier, il faut faire y—p, 
ce qui réduit ces expressions à 


7 4 dibaan 


En substituant dans la formule (24) et faisant toujours y —, 
il vient 


Le I 
D NE ai * 


PC fine (EE )) 
a 1— a 1+a 


( 162 ) 
Telle est enfin l'assurance cherchée d'un édifice avec étage, 
partagé en 4 parties égales. On y a fait pour abréger : 


«—=Ii—Aa y — 


a+ab—2a b—b 


(1+D) («B+2ab) —2ab(i+a) C 
APR TRES PR ERNEST", 


Dans le cas particulier où à, qui est la probabilité de propa- 
gation de l'incendie dans le sens vertical, — + et où &, qui 
exprime cette probabilité dans le sens horizontal, — { on a 
pour l’assurance d’un édifice composé de y parties semblables 
ayant chacune un étage : 


AS LEua8,5(u— 34 (G#) 2 (e—2+2 (4) 


Formule qui est commode pour les applications. Mais il n’en 
serail pas de même si les chances d’explosion d'incendie dans 
les diverses parties où les valeurs de ces parties étaient inégales. 
Il faudrait alors avoir recours à la formule (22) pour caleuler 
séparément les assurances de chaque partie contre les risques 
provenant pour chacune d'elles de l'existence de chacune des 
autres, ce qui serait presque impraticable si le nombre des par- 
ties était considérable. 


( 163) 
DEUXIÈME PARTIE. 


Des assurances contre l'incendie des édifices où le feu doit 
étre considéré comme marchant par degrés infiniment 
petits, et où l'incendie peut étre arrété à un point quelconque. 


S [er 
Assurance dun bâtiment rectangle. 


Lorsqu'un bâtiment long brüle, on cherche à éteindre l'in- 
cendie avant qu'il soit arrivé aux murs où on pourrait plus faci- 
lement l'arrêter; la réverbération de la chaleur, qui contribuait 
à faire brûler comme d’un seul coup les pièces de grandeur ordi- 
naire que nous avons considérées, ne produit ici le même effet 
que sur les parties les plus voisines du feu. Les incendies des 
édifices longs doivent donc être considérés comme marchant 
par degrés infiniment pelits et pouvant être arrêtés en un point 
quelconque. 

Cherchons d'abord l'assurance Z d’un bâtiment simple, d’égale 
largeur partout, qui, par sa nature, doive brûler à la fois dans 
toute sa largeur et sa hauteur, et dans lequel l'incendie marche 
dans le sens de la longueur comme sur une ligne droite. 

Soit s la somme que devraient rembourser les assureurs si 
l'édifice entier venait à brüler. 

K la longueur du bâtiment. 

D le développement ou la longueur en matériaux combustibles 
qui se trouve dans la coupe faite perpendiculairement à la lon- 
gueur du bâtiment. 

Æ la probabilité que dans le cours d’une année le feu prendra 
naissance dans une aire unitaire des parties combustibles du bà- 
timent. L’aire combustible du bâtiment entier est ici DK. 


(164) 

a la probabilité supposée connue par l’expérience que, dans 
un bâtiment de développement unitaire et de même nature que 
celui dont il s’agit, l'incendie, étant arrivé à un point quelconque, 
se communiquera à une longueur unitaire de plus. 

« la probabilité que dans notre bâtiment de développement D, 
le feu , étant arrivé à un point quelconque, se propagera à une 
longueur unitaire plus avant. D’après ce que nous avons dit Ç III 
des préliminaires, on peut estimer que 


a D 


= a'pa D 


l— 


TI 


—— —— —————— ——— 
À Mm Nu B 


_ 


Représentons le bâtiment à assurer par la ligne AB, qui a la 
même longueur #, et regardons-le comme composé d'une infi- 
nité de tranches infiniment étroites qui seront représentées par 
les élémens infiniment petits de la ligne. Soit Mn un quelconque 
de ces élémens, placé à la distance y de l’extrémité À, que je 
prends pour origine. d y étant la longueur de cet élément, son 
aire dans le bâtiment, en matériaux combustibles, est D.dy. 
Comme il s’agit ici d'assurances générales, dans lesquelles on n’a 
point égard à la valeur particulière des parties intégrantes des 
édifices, la somme à rembourser en cas d'incendie de l'élément 


Min doit être comptée comme égale à la valeur moyenne K dy. 


La tranche considérée Mn peut brûler par l'effet d’un incendie 
survenu dans une quelconque des autres : soit Nn cette tranche, 
dans laquelle on suppose l'incendie éclaté , et soit x sa distance 
à l’origine ; dx étant sa largeur, son aire en matériaux combus- 


tibles est D dx , et par conséquent AD dx est la probabilité de 


( 165 ) 
l'événement supposé que le feu éclate dans l'année dans la 
tranche Nn. 
Le feu étant en N, à la distance x de l’origine, la probabilité 
quil s’avancera vers M d’une longueur unitaire est 


et comme nous admettons que les probabilités de propagation 
restent constantes pendant tout le cours de l'incendie, la pro- 
babilité que de là il s'avancera encore d’une longueur unitaire 
est encore « et ainsi de suite; de sorte que les probabilités qu'il 
s’avancera des longueurs 1,2,3, 4, etc., sont & ,«°, 4 2 2: 
et enfin que la probabilité qu'il viendra brûler la tranche Mn, 
éloignée de x — y, est «° 7”, et que la probabilité de l'évé- 
nement composé, que le feu prendra dans l’année dans la tranche 
Nu, et qu'il viendra consumer la tranche Mn, est AD 4° 9 dx. 

Il est essentiel d'observer que dans cette expression, l'expo 
sant æ — y doit être positif, ou qu'il ne doit être pris que jus- 
qu'à ce qu'il ait la valeur o : car il est clair qu’une tranche qui 
serait placée à gauche de M à la même distance y — x que 
celle Nn l’est à droite ferait courir les mêmes chances et que 
la probabilité d'incendie de Nn par son fait serait également 
AD 4° dx, et non AD ne Ar T) dx; comme la donnerait la 
différentielle si on l’appliquait à la partie située à gauche de M 
pour lesquels x — y est négatif. Pour les tranches situées de ce 
côté, y — zx devra donc remplacer x — y. 

La somme à payer en cas d'incendie de la tranche Mn étant 


S' dy: 3 
> l'assurance de cette tranche contre les risques qu’elle 


S d 
court de la part de celle Nn est —— AD «77 dx. 


L'intégrale de cette expression sera l'assurance de Mm contre 
les risques que lui font courir les parties du bâtiment placées 


( 166) 
entre les limites de l'intégrale , et en prenant pour ces limites les 
extrémités du bâtiment , on aura l'assurance de la tranche Mn 
contre tous les dangers auxquels elle est exposée. 

En intégrant de nouveau l'expression obtenue, par rapport à 
Yet prenant l'intégrale entre les limites de la partie qu'il est 
question d'assurer, on aura l'assurance de cette partie. Désignons 
par z l'assurance d’une certaine partie de l'édifice, partie qui 
sera déterminée plus tard par les limites de l'intégrale, En tra- 
duisant ce qui précède en langage analytique, on a 

d z SAD 


dy = —— 47) dx.d a). 
FT dx.dy r_* dx.dy (a) 


Cette équation est facile à intégrer, car 


ErT 


+ Const. 
a 
cn désignant par / la caractéristique des logarithmes naturels (*). 
On a donc pour l’assurance de la tranche Mn, 
dz a SA Dil or » 


IS GE re + Const. ; dy (b); 


mais quand x — y l'assurance est nulle : on a donc 


o 


[4 
— + Const. — 0; d’où Const. — — -—. 
la lu 


E 


Il faut ensuite mettre 4 pour x afin d'avoir l'assurance de Mm 
contre tous les risques provenant de toutes les tranches situées 
à sa droite ; ce qui donne 


(*) Nous désignerons toujours dans ce mémoire par cette même caracté- 
ristique , les logarithmes naturels ou hyperboliques. Ceux dont les tables ne 


les donnent pas pourront Les obtenir en multipliant les logarithmes tabulaires 
par 2,302585. 


(167 ) 
dép «zut 
mors * er (c)> 


et comme les tranches placées à gauche entre À et M font courir 
en Mn les mêmes chances d'incendie que si elles étaient placées 
à droite, on a pour l'assurance de ces tranches de gauche une 
expression qui ne diffère de celle-ci qu'en ce que la longueur y 
de la partie gauche OM remplacera celle k— y de l’autre partie, 
cette expression sera donc 


SAD 
kla 


(a) — 1) dy. 


L'assurance de tous les risques que court Ja tranche Mn est 
donc 


d SAD 
À dd = —— PE DE SE AE dy (d). 
dy 72 


En intégrant maintenant par rapport à y, il vient 


SAD on nl A 
= —— {—— + — — 2,7 + Lonst. 
RTa LE PES PARA 
Pour avoir l'assurance z du bâtiment entier, il faut prendre 
cette intégrale entre les limites o et À. z étant o à la première 

limite, on a 


En 


a 
Const. = — — — 
lu 


lu 


Substituant cette valeur et mettant # pour y , on oblient pour 
l'assurance demandée du bâtiment entier 


SAD 1 a" ee I 
SENTE DUT lu < lu lu 
SAD ,, 
ou De ds à (dt —1—%klu) (1), 


{ 168 ) 
formule qui résout la question proposée. En y remplaçant ak pat 
sa valeur en série 


2 45 
1+(la)k+ (la) — (la sv ete. il vient 
2 A 
22 —— — LuY ——— 
3 2SAD paru be PUR + ( u) nc PE 
k 
(la) PSN TRE AE US 


formule dont la série ne deviendra convergente que quand le 
nombre de ses termes moins un sera supérieur à À (Z«), et qui 
ne pourrait servir aux applications que dans le cas où la proba- 
bilité de propagation « serait très-grande, c'est-à-dire très-peu 
inférieure à l’unilé. 

Proposons-nous maintenant de calculer l'assurance d’une lon- 
gueur 2, à partir d’une des extrémités du même bâtiment. En 
désignant par S; la somme assurée, la valeur de la tranche Mm 


S, : 
sera = dy , par conséquent l'expression générale de z ne dif- 


férera de celle du premier problème que par le changement 

S, S sx nr ; 

Fu Les limites de l'intégrale étant o et À, au lieu de 
L 

o etk, la constante qui est déterminée par la première limite 
sera la même, et il faudra ensuite remplacer y par À, ce qui 


donnera pour l’assurance demandée 


S, AD 
en Pole ER liant} (2) 
œ 


S'il était question de prendre l'assurance d’une partie du 
même bâtiment comprise entre les longueurs k et 2, prises à 
partir d’une des extrémités, on y parviendrait facilement en pre- 


( 169 ) 


nant l'intégrale entre les limites y —= k et y — h'. La cons- 
tante serait 
k—h k 
[72 
SN RS E k, 
la lu 


et on trouverait pour l'assurance demandée, en désignant par 


Sz-x la somme assurée , 


Sur À D 


Ds pée=to Ce x — Th QE h 3). 
LL Qi m)ta— (a — di) (8) 


Lorsque a — o, c’est-à-dire lorsque la probabilité de propa- 
gation d'incendie est nulle, ou que le bâtiment est incombus- 
tible, l'assurance est nulle. C’est là une proposition évidente ; 
mais il est intéressant de faire voir comment elle est indiquée 
par la formule. 

a étant égal à zéro, « est aussi nul, puisque sa valeur est 

a D 


, et en faisant « — 0 dans la formule (1),ona 
I—a+a 


SA D 1 k 
Het 


or, & étant nul, Zu —— « et l’assurance exprimée par la 


bb 


formule ci-dessus est nulle. 
Il est facile de voir qu'à mesure que la longueur X du bâtiment 
augmente, l'assurance augmente aussi. Cependant cette augmen- 


L SAD 
tation a une limite, quiest — ii . Pour le prouver, fai- 
LA 
I 
sons À — — la formule (1) qui est 
S 
2SAD k 
—— le —i—klu$s 


( 170 ) 


se changera en 


1 
2S8AD (fd f 
Pere TPS lu o 


Or, à la limite que nous cherchons, 4 est in fini et f'nulle, et 
1 
comme « f'est inférieur à l'unité, quelque grand que soit l’ex- 


I 
posant F ; la supposition de f — o réduit la formule à son 


; "HEPION PRE 2 SAD ‘ 
dernier terme, c’est-à-dire à — CHATS comme nous l’avons 
œ 


annoncé ; donc cette quantité est la limite des assurances des 
bâtimens dont la longueur augmente indéfiniment. 


SAD 


a AUS EEE i 
FU) (a TH & 2) dy, qui 


d 
L'expression . dé — 


donne l'assurance de l’élément Mm placé à la distance y de l'ori- 
gine , n'étant point indépendante de y, fait voir que l'assurance 
des diverses tranches doit varier avec leur position. Si donc le 
bâtiment renfermait des objets assurés, il faudrait, pour calculer 
avec exactitude , avoir égard à leur situation. Il est aisé de re- 
connaître que le milieu du bâtiment est la partie la plus exposée; 
il ne s’agit pour cela que de déterminer les valeurs de y qui 
rendent la fonction ci-dessus un maximum. En égalant pour 
cela le coefficient différentiel de cette fonction à o,on a 


= it alu a —= 0; 
£e k 
doù £A—y —=7Yy et y —=-, 

2 


ainsi que nous l'avons dit. Il est facile de reconnaître encore par 
des applications numériques que les extrémités sont les parties 


(171) 
qui courent le moins de risques, quoique l'assurance ne soit pas 
pour ces points un »27'rtmum, analytiquement parlant. 
L'assurance de la tranche du milieu étant 


k 
SAD — 
En (24 —2)#, 


et celle de chacune des tranches des extrémités 


Le rapport de ces deux assurances extrêmes est égal à 


2 
k ? 
1 + 2 
qui est toujours plus grand que l’unité, puisque « est une fraction 
plus petite que un, et ce rapport va toujours en augmentant à 
mesure que À augmente. 

Dans le cas où le bâtiment dont nous nous occupons renferme 
des matières extrêmement combustibles, telles que la poudre, 
la résine, des matières grasses, du sucre , des liqueurs spiri- 
tueuses , etc. , il y a certitude que le feu se propagera. On a donc 

a D 


a—1 ta ——> — 1 également. La formule 
1—a+aD 


(1) prend alors la forme indéterminée 


2SAD £ 

De I— 1—0 } —=— 

k.(o)° L 
Pour obtenir la véritable valeur de cette fonction, il faut, 
suivant les principes connus, différentier par rapport à « les 
deux termes de la fraction, tant que l’un des deux au moins 


cesse de s’évanouir par la supposition de 4 —= 1, En différentiant 


( 172 ) 


une première fois les deux termes de la fraction 


Es D A De 
(la) E 
Real — 
AE ï d k (oë rx) 
il vient —— —— ; 
2 la 204 
œ 


fraction dont les deux termes s’évanouissent encore lorsqu'on 


fait x — 1. En différenciant de nouveau ses deux termes par 
rapportäx,ona 
12 k—x k2 PL 
— === ——/ 
2 : 
ca 
2 2 
fraction qui devient — lorsqu'on y fait — 1; c'est done — 
2 2 


qui est la véritable valeur de la fraction dans ce cas. L'assurance 
est donc, lorsqu'il y a certitude que le feu une fois éclaté con- 


sumera tout le bâtiment, 
SADK (4) 


quantité qui croît proportionnellement à la somme assurée et à 
l'aire en matériaux combustibles D K. 

Si, comme cela arrive ordinairement , la somme assurée croît 
en proportion de l'aire du bâtiment, l'assurance doit croître 
comme le carré de celte même aire. 

L'assurance donnée par la formule {3), d’une partie déter- 
minée du bâtiment , prend aussi la forme indéterminée +, lors- 
qu'on y fait x —= 1. En différentiant deux fois de suite par rapport 
à & comme ci-dessus , on trouve que l'assurance est dans ce cas 

S;»A DK, 


(175 ) 

Sa-r désignant la valeur de la partie assurée. Ainsi quelle que soit 
la partie qu'on assure dans un bâtiment où la propagation de 
l'incendie est certaine , l'assurance doit toujours être en raison 
composée de la somme assurée et de l'aire combustible de l’édi- 
fice entier. Ces résultats pouvaient s'obtenir de même par la for- 
inule (1), dont la série se réduit à son premier terme lorsque 
4 —= 1, mais il était utile de lever les difficultés que pouvait 
présenter l'application de la formule (1). 

Dans la théorie qui précède nous avons supposé que les chances 
d’explosion d'incendie sont dans chaque tranche proportion 
nelles à l’étendue des matériaux combustibles qui s’y trouvent. 
Cette supposition , convenable lorsqu'on ne considère qu'un 
édifice, cesse de l'être dans certains cas, lorsqu'il s’agit de com- 
parer les assurances de divers édifices de même construction , 
servant aux mêmes usages, mais de grandeur différente, Ainsi L 
par exemple, de ce qu'un atelier de filature serait dix fois aussi 
grand qu'un autre de même construction, il ne faudrait point 
conclure que les chances d’explosion d'incendie y sont dix fois 
aussi grandes; car il arrive quelquefois qu’elles y sont moindres, 
parce que cet atelier, à raison de son importance , est constam- 
ment surveillé: Si donc on admet qu’une salle de bâtiment d’une 
certaine espèce court, quelle que soit sa grandeur, une certaine 
crainte & d’explosion d'incendie, cette même crainte élant ex- 
primée dans les formules précédentes par À K D, il faudrait, 


pour les rendre applicables au cas actuel, remplacer À par 


G 
K D’ ce qui donnerait pour l'assurance de l'édifice entier 


28 G L 
APS (- ik), (5) 
Klx (ka) « (klaŸ 
G Lena LE 1 ——— +... ete. $(5) 
ou S : AT CE FRE 3.4 3.4.5 +...., etc ler, 


formules qui se réduisent à S G lorsque «x — r. 


(174) 
Il est facile de reconnaître que les assurances calculées par la 
formule (1) croissent avec les longueurs X des bâtimens , et que 
l'inverse a lieu pour celles calculées au moyen de la formule (5). 


KR EP 


” 


De l'assurance d'un bâtiment formant une ligne fermée dans 
lequel on considère l'incendie comme marchant par degrés 
infiniment petits. 


Lorsque les deux extrémités du bâtiment se rejoignent , ou que 
ces bâtimens renferment un certain espace en faisant le tour 
d’une cour, ils sont de ceux que nous avons déjà appelés fermés 
et dans lesquels les chances d'incendie sont différentes, puisque 
le feu, étant éclaté dans une partie quelconque, peut se commu- 
niquer à chacune des autres dans deux sens différens. 

Soit O MN le plan de la ligne, milieu d’un bâtiment fermé, 
qui ne contient aucune cloison et qui est tel qu'un incendie 
consumerait à la fois toute sa hauteur et sa largeur, en brülant 
des élémens perpendiculaires aux façades, de manière à ce que 
son mouvement puisse être assimilé à celui d’un point sur la 
ligne milieu. 

Désignons par À la longueur de cette ligne milieu OMN, et 
maintenons d’ailleurs toutes les dénominations posées dans le 
problème précédent. 

Le bâtiment représenté par la figure (PL. 2) est de forme an- 
nulaire ; mais quoique les angles changent un peu les chances de 
propagation du feu , on pourra ; sans inconvénient, appliquer la 
théorie qui va suivre à l'assurance des bâtimens fermés de forme 
polygonale ou autre , pourvu que la largeur soit régulière, ainsi 
que nous le supposons. 

Prenons arbitrairement sur la ligne milieu un point o pour 
origine des longueurs , et regardons le bâtiment comme com- 
posé d’élémens infiniment petits, terminés par des plans ver- 


(175) 
ticaux perpendiculaires à la ligne milieu. Soit , comme dans le 
premier problème, Mw un élément dont nous allons d’abord 
chercher l'assurance et y la distance O M de l’origine à cet élé- 
ment, et soit Nn un autre élément dans lequel nous supposons 
l'incendie éclaté, et x sa distance N O à l’origine. 

La longueur que le feu doit consumer en allant de N à M est 
æ— y, de sorte que, de même que dans le premier problème, 
la probabilité que l'élément M sera incendié par le fait de celui 
N et par un incendie marchant dans le sens N M est 
AD 4° d x. La longueur M A N que l'incendie aurait à par- 
courir pour aller brüler M de l’autre sens est À —(x— 7). 
Ainsi la probabilité que l'élément Mn sera brülé dans ce sens par 
uu incendie éclaté dans celui Nn, est À D Xe») dzx;,et la 


probabilité que Mm sera brûlé par l’une ou l’autre des causes est 
ADR E ee D)), 


Quoique l'incendie puisse venir de N en M dans deux sens 
différens , l'élément Mm ne serait remboursé qu’une fois s’il 
était brûlé par les deux causes. Il faut donc déduire de la pro- 
babilité ci-dessus celle que la tranche Mn sera brûlée par les deux 
causes , ou le produit des deux probabilités ci-dessus. 


La somme à payer en cas d'incendie de la tranche y, est 


S d 
—Z : on a donc d’après le principe de l'espérance mathé- 


matique 

æ z 5 dy 

1 TH AD: ay a KEY) E 

En LE % dx x + 0. a (e) 


ft à 2 + Com) 
ly £ ; 


Pour obtenir l'assurance de la tranche y contre les risques 


(478) 
provenant de toutes les parties du bâtiment, il faut prendre l’in- 
tégrale depuis x —= y jusqu'à x — k + y ; on a done 

L a 


Const. = — — + — + dy, 
lu lu 


ce qui donne pour l’assurance de la tranche y 


SAD dy a I k a L 
— — — — 0" (k+ — + — 
& Fe TP A ES M 
SAD 4 
= + à étage HG. aé « 


En intégrant par rapport à y, on a 


SAD 


Pa ya — 2 — klaal) + Const. 
[r4 


Quand on prend l’assurance de l'édifice entier, la constante 
est nulle et on a . 


S A D 
D (a ef = PORT Let (6), 
l'a 
et enfin l'assurance d'une longueur quelconque du même 
bâtiment 
SADA À 
= (2 — 3— klua) (7). 
k la 


On trouverait encore ici de la même manière que dans le pro- 
blême précédent , que dans le cas où «x — 1 , l'assurance d'une 
longueur quelconque k de l'édifice est S À D z. 

Dans le cas de la formule (5), où au lieu de supposer la pro- 
babilité d’explosion d'incendie proportionnelle à l'étendue des 


x 


parties combustibles , on admet qu’elle est égale à une cons- 


(177 ) 


tante G dans l'édifice entier, quelle que soit sa longueur, il faut 


encore remplacer À par —— , et l'expression de l’assurance 


D 4 


d’une longueur quelconque k de l'édifice devient 


SG » : 
pp (tra) is 


Lorsque la probabilité à est nulle, ou que le bâtiment est 


incombustible, celle «, qui est —— — , €st aussi nulle 
1—a+aD 

et l'assurance d’une partie quelconque de bâtiment , calculée 

dans l'hypothèse de la formule (7), ou dans celle de la formule 

(8), est nulle. En effet, la parenthèse divisée par /4, qui est 


la même dans ces deux formules, peut être mise sous la forme 


k 


a —1: 
D ee 77. 
lu 
k 
k s IN. 
Or, lorsque x — 0 , À x” égale o, et le terme 2 ——— ; 
4 

ayant pour diviseur /4 qui —= —  , est nul aussi. Ainsi les 
* 


deux formules (7) et (8), ayant pour facteur cette parenthèse, 
sont nulles dans le cas de 4 — o. C’est là une chose évidente, 
mais il convenait de faire voir comment el'e est indiquée par 
l'analyse. 

Dans les bâtimens dont les extrémités $e rejoignent , comme 
dans les autres, l'assurance augmente avec la longueur et elle a 
aussi une limite. Nous allons faire voir que cette valeur que 


. 2, #4. 2 SAD 
l'assurance ne saurait dépasser est — — » la même que 
(4 
pour les bâtimens en ligne droite. 
1 
En effet, faisons « — 7 , « élant plus petit que un, £ sera 
2 


12 


C 78 ) 
plus grand que 1, et son logarithme sera additif; la formule (6), 


savoir : 
SAD 
lu 


Læ (te) — | 


£K étant développé en série est d'après un théoréme connu 


atatisN ati 


deviendra 


gi — 1+/6.k+ — (6x) + — (LE £ ke) +..ete 


(5) 
6° ? 


I 


14 LB + — (18.x) + — (26.x)° + ete. 


et 


I 
PR HRRS LE (ER) sa 


expression dans laquelle les deux dénominateurs deviennent 

ce tels 2 sup k la 

infinis par la supposition de 4 infini. On a donc «°| 1-— }—=0o 
S 


Es k est infini, et il ne reste plus dans la formule que 


SAD 


— ———— comme nous l’avons annoncé. Telle est la limite 
[24 


des assurances pour les bâtimens dont les extrémités se rejoi- 
gnent comme pour les autres. 


(179) 

Cette égalité des deux limites se concoit facilement ; car dans 
un bâtiment fermé infiniment long , il est infiniment peu pro- 
bable, ou il est impossible que l'incendie se communique d’un 
point à un autre en faisant le grand tour ou en brûlant une 
longueur infinie, et les chances auxquelles chaque point est 
exposé se trouvent les mêmes que dans un bâtiment en ligne 
droite, IL est clair aussi que le désavantage, sous le rapport des 
dangers d'incendie, qu'il y a à faire des édifices fermés diminue 
à mesure que les chances de propagation d'incendie sont moin- 
dres et que l'édifice est plus long. 


De l'assurance d'un bâtiment contigu à plusieurs autres et 
d'un groupe de bäâtimens dans lesquels on considère le 


feu comme marchant par degrés infiniment petits. 


Proposons-nous maintenant de chercher l’assurance d’un bâti- 
ment rectangle, qui a à sa droite m bâtimens de même espèce 
et n à sa gauche. Les cloisons ne présentant au feu qu’un ob- 
stacle qui n’est point insurmontable et l'incendie étant considéré 
comme devant marcher par degrés infiniment petits pris dans 
le sens de la longueur seulement; de sorte que nous regardons 
l'incendie comme devant brûler à la fois les tranches formées 
par des plans verticaux infiniment voisins, perpendiculaires à 
la longueur. 

Désignons la maison à assurer par le N.° o, celle à sa droite, 
par les Nos 1,2,3, .... m, en allant de la maison à assurer 
vers l'extrémité droite, et celles à gauche par les N.os 1, 2,.., 7, 
à gauche, en commençant de la maison o vers l’extrémité gauche. 

Nous conserverons toutes les dénominations prises pour l'as- 
surance d’un bâtiment isolé et pour distinguer les quantités 
relatives aux différentes maisons, nous placerons au bas de la 


( 180 }) 

lettre, en indice, à droite ou à gauche respectivement, le numéro 
de la maison à droite ou à gauche ; ainsi par exemple : 

nd noyer do os A y Ageee Ans désigneront les pro- 
babilités de propagation d'incendie dans des bâtimens de déve- 
loppement unitaire, qui seraient combustibles au même degré 
que ceux dont ils portent le numéro. 

péresorss 1 Goo Up Bgveeress Un, désigneront les proba- 
bilités que dans les bâtimens dont ils portent le numéro, le feu, 
étant parvenu en un point quelconque, avancera encore d’une 
longueur unitaire, et on a toujours 


GA D, 


Go 


I —a+a D, 
et en général dans un quelconque des bâtimens : 


a; D; 


1—a;+a; D; 


Œ: == 


t 


Les assurances des diverses maisons seront désignées par z 
avec le numéro de la maison pour indice. Il en sera de même 
des longueurs et des développemens de chaque maison, qui 
seront désignés par # et D avec le numéro de la maison pour 
indice. 

De plus, nous désignerons par ,c, ,_,c;,C, ,C, les probabi- 
lités respectives que l'incendie franchirait les cloisons entre les 
Nosnetn— 1,n—1etn—2,2ct1, 1 et 0 à gauche s'il 
les atteignait ,et par c,, ©, , .. ©, les probabilités semblables 
pour les cloisons entre les N.os o et 1,1 ct 2, (m1) et m. 


Nous avons vu que l'assurance du N.° o contre les risques 
qui ne proviennent que de lui-même est, conformément à la 
formule (x) : 


k (las) 


no — 1— 4 la Lors (ao) 


28, À, D, k 


(1821) 


Considérons maintenannt une tranche infiniment étroite du 
bâtiment o, placée à la distance y de l'extrémité gauche de ce 
bâtiment , extrémité que nous prenons pour origine des lon- 
gueurs. d y étant la largeur infiniment petite de cette tranche, 


o dy 


o 


la somme à rembourser , si elle venait à brûler serait 


Nous allons maintenant chercher son assurance contre les 
risques qu’elle court du fait d’une autre tronche que nous sup- 
poserons successivement placée dans les bâtimens 1, 2..., ete. 
Nous désignerons toujours par æ la distance de cette tranche 
à l’origine. 

La probabilité que la tranche dy sera brûlée par un incendie 
éclaté dans celle dx, que nous supposons d’abord placée dans 
bâtiment N° 1, est un évènement composé des quatre suivans, 
qui sont indépendans : 


PROBABILITÉS 


DE L'ÉVÈNEMENT, 
1.” Que l'incendie naisse dans l'élément dx... À, D, dx 


2.° L'incendie supposé éclaté en dx atteigne la 


æ-k, 
Fe. Te) I SON ee A RAS “, 
Je Id. arrivé contre la cloison N.° 1, 
la franchisse ....::1....2, ce 
4 Id. passe au-delà de la cloison, se 
. ‘“ RS-Y 
communique à dy......... 4 


La probabilité de l'évènement composé est donc 


ky x-k, 
DA CS RE LE 


I 


( 182 ) 
ainsi l'assurance de la tranche dy contre les risques provenant 
de celle dx est 


d 3 S k=y x-k 
TS CNE RENE ENTRE 


En intégrant par rapport à x il vient, en désignant par / la 
caractéristique des logarithmes naturels, 


dz S, A, D _C AY z-k, 
rs dy == re Lo es + Cons ) 


L'assurance contre tous les risques provenant du bâtiment 
N.° 1 devant être prise entre les limites x — 4, pour laquelle 
l'assurance est nulle et x — 4, + &,, pour laquelle elle est 
complète, on a 


k—k 


o Le 


Const. = — «, == — I 


Et l'assurance complète de la tranche dy contre tous les 
risques provenant du N.° x: sera 


S A, D, C, ï KE k 
K, (Zx,) U. Ce 1) K< 


En intégrant par rapport à y il vient 


k = 
re (es %o 4 CRE ée, —_ se 


Pour avoir l'assurance de toutes les parties du N.° o contre 
les risques provenant du N.° 1, il faut prendre cectte intégrale 


(183 ) 
k, 
entre les limites y — 0 ety — #,. La constante est donc , 
et l'intégrale complète est 


SG A:D C k k 
ne Gr) CD 


Supposons maintenant la tranche dx placée dans le bâtiment 
N.° 2, toujours à la distance x de l’origine et cherchons encore 
l'assurance du N.° o contre les risques provenant du premier 
bâtiment N.o 2. 


Pour que la tranche dy soit brülée par un incendie éclaté 
dans celle dx, il faut le concours de ces six évènemens indé- 
pendans : 

PROBABILITÉS 


DES ÉVÉNEMENS. 
1.° Naissance du feu dans l’année dans l'élé- 
A M Re ete dt ame ses lue ME 
2. Propagation de l'incendie jusqu’à la cloison 


z-(Ko+k;) 


o 
N. Lors ses La 


3.° Passage de l’incendie à la cloison N° ,... c, 


4. Propagation de l'incendie dans toute la 
k 


I 


longueur du bâtiment N° r.......+.. «, 


5.° Passage de l'incendie au-delà de la cloison 


oO 
N. Loose Cr 


k=Y 
6.° Propagation jusqu’à la tranche dy....... w 


L'assurance de l'élément dy contre les risques provenant de 
celui dx est donc 


( 184 ) 


pos DUR, A 
2 4, D, CC a, Le Le ONE. Lele 


o 


En intégrant par rapport à x et prenant l’assurance pour les 
risques du bâtiment N.° 2 entier, c’est-à-dire entre les limites 
k,+k,etk, +k. +k,,;ona 


KO k—y( Got) 
So 4, D, C ER & € 6 A 0 : + Const. dy 
K, la, k 
La const, — — 1 et l'intégrale complète est 


De cr sv 
So. — —— 4, É 4o pre ) dy 
LCR M : 


En intégrant maintenant par rapport à y nous avons 


S:'A; DS CRC. ja (ii PE ( de in ) 


10 
Kite: des 


L'intégrale devant être prise entre les limites o et #,, la 


constante —w,/° et l'intégrale complète ou l'assurance du N.° o 
les risques provenant du N.° 2 est 


es GG LE (ae | Ne AR 


o la. las 


La loi des expressions des assurances contre les risques pro- 
venant des maisons voisines est ici manifeste. Îl y aura pour 
ï o GE ,. . 
facteurs, 1.” les probabilités c,, c,, c3, cte., que l'incendie 
franchira les diverses cloisons qui sont sur son passage; 2.° 


PA 


( 185 ) 

k, k; k3 { jé 
celles x, 4, 43 ,ete., qu'il se propagera d'une extrémité 
à l’autre des bâtimens qu'il doit brûler pour arriver à celui 
qu'il est question d'assurer. On trouverait donc en général pour 
l'assurance du N.° o contre les risques provenant d’un numéro 


quelconque à, 


k. k k1 [a Roy No Ladisi 
& À; D,C, C, G3... C; PAR RER : us ee 
0 


Ou en faisant , en général, pour abréger 


FRS ONE 
dé Tu NE 
La, 
a Rx — EF, 
4e D CU ONU ROME FE 


Lo] 


C’est ce qu'il serait très-facile de démontrer rigoureusement. 
L'assurance du bâtiment N.° o contre tous les risques qu'il 
court étant la somme des assurances (a o),(a 1),(a 2),etc., 
contre les risques provenant de toutes les parties, est donnée 
par l'expression 


2. (E —K,) 


a; E, C,+a, E, C, C, F, +as EC, C, EI Ê AAA 
2 7 AR D PE 


m-1 
+ E, 


+ ji Ë 1G+ ,a Ë de GC F+ 3a3E APE 64 2 1 aie 
CNE 155 QC PO LA CR do 0 ) 


DE 


( 186 ) 

Il est utile pour prendre l'assurance d’un groupe de maisons 
d’avoir cette expression en fonction du numéro qu'aurait la 
maison à assurer si les numéros étaient mis à partir de la pre- 
mière maison à gauche qui s’appellerait N.° 1. Alors en désignant 
par Z le numéro dans la nouvelle série de la maison à assurer, 
qui portait le N.° o, et par p le nombre n + 1 + m des 
maisons, On a 


I—n+I ou n —=i— 1 
= pi 
On aura les nouveaux numéros en ajoutant À aux anciens à 
droite. Quant aux numéros à gauche, qui sont négatifs, il fau- 
dra au contraire déduire de z l’ancien numéro à gauche. On 


aura ainsi pour l'assurance de la maison N.° z dans un groupe 
de # maisons en ligne 


(9) 


2a, (E —K;) 


dx Les Gr + Aa LR ee 2 LÉ 


+ a;,3 E;,3 Ge CG. C;,3 pa p;, 


+ E, o.+ du E, Ci; ARE CF Fire Fo 


+a;_,E,,G; ,#+a,,86,G ,C,F;2,-+2... 


0.2 am. 00 EF TRLAEER 


2 


S'il était question d'assurer le groupe entier de nr + 1 +m 
maisons considéré comme un édifice unique , ou seulement d'une 


(187) 
partie de ce groupe, il sufbrait de prendre la somme des assu- 
rances de toutes les maisons qu'on se proposerait d’assurer. 

S'il s'agissait d'assurer un bâtiment de largeur uniforme sé- 
paré en n+1-+m parties par =+m cloisons également espa- 
cées , et si, comme cela a lieu dans les assurances que nous avons 
appelées générales, on n'avait point égard aux causes qui peu- 
vent exposer certaines parties à de plus grands dangers d’ex- 
plosion d'incendie, ou rendre certaines parties ou certaines 
cloisons plus combustibles , il faudrait regarder toutes les quan- 
tités désignées par la même lettre diversement numérotée comme 
égales entr’elles et en les désignant par la même lettre sans nu- 
méro , il viendra, en remplaçant , pour abréger, ar par F, 


2 k 
PR ANR 7 
(La) (- ; +) 
Cu CAR AIO EC CE ES 


k 2 CRC HO Er 
G 1 
+0 (—) 
LC OC F + C panne 


is EL CRC RES 


ou 


7 90 k k à 
RES Dec PU LCL Fe 
+ C ———— 
1 — CF 
Telle est l'assurance de la partie N.o o, qui en a m à sa droite 
et » à sa gauche. Il serait convenable de substituer à ce numéro 
celui 2-12 qu'elle aurait si on marquait les numéros à 


( 188 ) 
partir de la gauche en commençant par 1 et faisant le nombre 
n+ 1+m des maisons égal &, on aurait 


RL + et mu —i 


et la formule (10) deviendrait 
(ce) 


ns 2 (- 1 — klu) 


Car) FA A1 
+ PONT ET 2 — (CH _ (Cat) ) | 


Pour avoir l'assurance d'un groupe de parties , il faut consi= 
dérer cette valeur comme la différence de l'assurance et l’inté- 
grer aux différences finies, ce qui donne, pour l'assurance des 
& parties ou de l'édifice entier, 


1—Cuk 


RTS 


S est ici la somme à rembourser en cas d'incendie de chacune 
des parties et # la pme partie de la longueur totale. 

Il est facile de reconnaitre qu'ici comme lorsque l'incendie est 
regardé comme marchant par sauts brusques, c’est la partie du 
milieu qui est la plus exposée. En effet, en prenant avec la for- 
diZy 

di 


mule (10) —0, ona,en faisant pour abréger 


( 189 ) 


d’où l’on tire i — PRE 
2 

Lorsque est impair, cette valeur de z, qui correspond à 
l'assurance maximum, indique bien la case du milieu; mais 
lorsque y est pair, cette expression donne pour le numéro cherché 
un nombre fractionnaire qui correspond au milieu de l’édilice. 
Cela tient à ce que ? ne varie que par différences de un et non 
par différences infiniment petites, comme on le suppose impli- 
citement en différentiant par rapport à z. Il faut done s'assurer 
par un autre moyen si effectivement ce sont les deux cases du 
milieu qui courent le plus de dangers. 

L'assurance donnée par la formule (10) pour la case N.07 n'a 
que deux termes qui contiennent z : c'est le binome 


Ce ER pi 
— (4 HÉRSE ) 


et comme il est soustractif, l'assurance diminue lorsqu'il aug- 
mente. 


Supposons maintenant impair de la forme 2.0+1: le 
numéro de la case du milieu étant (0 +1), le binome sera 


— (+) = — 2, 


le binome pour la case suivante N,o 0 + 2 sera 


Fa ( [Re w:) 


Le rapport de ces deux binomes sera 


(:xg0: ) 
Or, » est égal à c.«*, qui est le produit de deux fractions plus 
petites que l'unité; il est donc lui-même plus petit que un. 


En faisant »—1—9, 9 sera positif et le rapport 


2 v à 2— 20 (2— 20) 
———; deviendra ————© 2 = ——— 
Ivy IHI—20+0 (2—29)+9 


rapport dans lequel le numérateur excède le dénominateur de 
9°; le binome est donc plus grand pour la case qui suit celle 
du milieu, et, par conséquent, l'assurance de cette case est 
moindre que celle du milieu. 


Les assurances des diverses cases sont d'autant moindres- 
qu'elles sont plus éloignées du milieu, En effet , le binome re- 
latüf à l'assurance de la case quelconque N.° o+x est 


—2+1 o+æ— 
EU ( œ+i DE 042 ) 


celui de la case suivante No ox est 


2 (re me re) 


le rapport de ces deux binomes est 


o—x+1 O+x—1 2æ—1 2X—I 
+ » Y y LH y — d 

© 0+x 22 2T—1 22X—T 

Ve EU roy 1 Hy 0 


Les deux premiers termes du numérateur et da dénominateur 
de cette fraction sont identiques. Le troisième, qui est sous- 
tractif des deux côtés, est plus grand au numérateur qu’au dé- 
nominateur, puisque celui du dénominateur est égal au premier, 
multiplié par un nombre plus petit que l'unité. Donc le numé- 


(Cigr ) 
rateur est moindre que le dénominateur ; donc l’assurance d’une 
case qui est plus éloignée du milieu est moindre que celle de la 


case précédente. 


Cette proposition se démontrerait de la même manière pour 
le cas où y est un nombre pair. 


Il est encore facile de reconnaître que les assurances des cases 
également éloignées du milieu sont égales. En effet, dans le cas 
où # est pair et égal à 20, les deux parties du milieu ont les 
Nos o et o + 1 ; deux autres cases également éloignées de x rangs 
de celles-là porteraient les Nos o—x et o-H1-+æ. Or, le 
binome pour le N.o 0 —x est 


‘ 


on GET) en Se, (+ 


et pour celui N.o o+xæ+t 


O—-x— Le) 
— (: Fe LH y ) 


qui est égal au précédent, et on se rappelle que ces binomes 
sont les seuls termes qui, dans la formule de l'assurance , Con 
tiennent le numéro des cases. 


Dans le cas où £. est impair — 2041, la case du milieu 
porte le N.o o+ 1 ; celles qui sont de chaque côté à x numéros 
de distance ont les Nos or —zx et or +x, pour les- 
quels les binomes sont — (,°*7.4,9-x) ct — (HSE SET 
et par conséquent égaux. 


( 192 ) 


Assurance d'un bätiment qui est partout d’égale largeur et 
q P 8 8 
qui est séparé en diverses parties par des cloisons inégale- 


ment espacées. 


Supposons maintenant qu'il s'agisse d'assurer un bâtiment 
qui ait partout la même largeur, qui soit divisé par des cloisons 
inégalement espacées, qu’on n'entre point dans l'examen de la 
valeur particulière de chaque partie , ni des chances d'incendie 
qu’elle court et qu'on ne recherche point non plus si une cloison 
pourra plus facilement qu'une autre arrêter l'incendie. 

Alors , en désignant par S la somme totale à rembourser pour 
l'incendie de l'édifice entier, par K la longueur totale des diverses 
parties que je suppose , comme dans la formule (9'), numérotées 
de 1 à p à partir de la gauche, par G la probabilité d’explosion 
d'incendie dans l'édifice entier. En appelant toujours K, , K,, 
K3...... K, les longueurs particulières des diverses parties, 
alors, disons-nous , toutes les probabilités G,, C,.... etc. que 
l'incendie franchirait les diverses cloisons, doivent être regardées 
comme égales entr’elles, et nous les désignerons toutes par c. 

Il en est de même des probabilités &,, «, , CS EL LE 
propagation d'incendie dans les diverses parliés, qui seront 
tontes égales à x, et de celles À,, À,, A3.... etc. d’explosion 
d'incendie sur chaque surface unitaire, qui seront toutes égales 
à A. 

Les lettres a, E et F qui entrent dans la formule (9!) pour 


l’abréger deviendront ici 


et la valeur S, de la partie quelconque No x sera SK. 
La formule (9’), qui donne comme l'on sait l'assurance de la 


(195) 
partie N.0 : dans un groupe de 4 bâtimens en ligne, deviendra 
ici, en mettant pour a E et F, leurs valeurs 


SAD 
(12) L, — Ty 


a (eh: — k;la) 
c (2 fus) +0 (a _— iri 


LC (: ka" :) LANCIA 


C4 (-' (+4 1) « den 


+ Hs Cr (À ur) 4 PAS lue Kiss hu 


+C (x his) +0 (4À rar) 4 i—1 
+0 (a en) Moins ah réeph 
me OT (afin) ah +À; ar °° + Æ, 


On obtiendra facilement , au moyen de cette formule, l'assu- 


rance de l'édifice entier en prenant la somme 
rl + 3, + L,...... + plu 


ou la somme des assurances de toutes les parties. Le résultat que 
l'on obtiendrait pourrait servir à résoudre pour le cas actuel, où 
l'incendie est regardé comme pouvant être arrêté en chaque 
point , les questions résolues dans la première partie pour le cas 
où il est regardé comme ne pouvant s'arrêter qu'aux cloisons. 
Larésolution de ces questions amènerait une grande complication 
de signes et nous ferait sortir des bornes de cet opuscule. 


13 


( 194 ) 


De lassurance d'un groupe de bâtimens formant une ligne 
dont les deux extrémités se rejoignent. 


Cherchons maintenant à résoudre, pour l’assurance des bâti 
mens formant une ligne dont les deux extrémités se rejoignent, 
les questions que nous avons résolues pour les bâtimens en ligne 
droite. Beaucoup d'édifices sont dans le cas dont il s’agit ici. Il 
y a surtout un grand nombre de fermes bâties autour d’une 
grande cour, pour lesquelles il sera d’autant plus nécessaire 
d'employer les formules qui vont suivre, que les probabilités 
de propagation d'incendie y sont très-grandes , et qu’alors il est 
nécessaire d’avoir égard, dans le calcul de l'assurance de chaque 
corps, aux dangers qui proyiennent des parties éloignées. 

Soient 1, 2, 3, 4....(n—1) nr les numéros de différens 
corps de bâtimens construits les uns à la suite des autres de 
manière à renfermer un certain espace, ces bâtimens étant 
séparés par les cloisons G,, C,, G3....C,,, G,. 

Nous conserverons ici les dénominations précédentes. Les lon- 
gueurs K des divers corps, qui seront de plus distinguées par le N.o 
de la partie mise en indice, devront être prises sur la ligne qui, 
placée vers le milieu des bâtimens , peut être considérée comme 
celle que parcourt l'incendie, telle que la ligne ponctuée tracée 
sur la figure. (Voyez fig. 2, pl. 2.) 

Proposons-nous d’abord de trouver l'assurance de la partie 
N.o 1. Pour cela prenons le point À à gauche du No 1 pour 
origine des longueurs qui se mesureront sur la ligne ponctuée 
tracée vers le milieu des bâtimens. 

Soit M2 une tranche quelconque du corps N° 1 placée à la 
distance y de l'origine, dy étant sa largeur infiniment petite 


d à ; 
etoS;s 4 la somme à rembourser dans le cas où elle vien- 
I 
drait à brüler. 


( 196 ) 

Nous allons chercher d'abord la probabilité d'incendie de 
cette tranche par l'effet d’un incendie qui aurait éclaté dans une 
autre tranche quelconque N, placée à la distance x de l’origine 
et dans le même N.o 1. Deux intégrations de l’équation obtenue 
nous feront connaître l’assurance du N.o 1 contre les dangers 
qui proviennent de lui-même. Nous supposerons ensuite la tranche 
Na dans la partie N.o 2. Nous chercherons encore la probabilité 
que la même tranche Mn sera brûlée par l’effet d'un incendie 
éclaté dans la première, et deux nouvelles intégrations nous 
donneront l’assurance du N.0 1 contre les dangers provenant des 
incendies qui éclateraient dans le N.o 2, En faisant la même 
chose pour chacun des corps de bâtimens et prenant la somme 
des assurances contre les risques provenant de toutes les parties, 
on aura l'assurance demandée. 

Soit donc Nz une tranche du N° 1, de largeur infiniment 
petite dx, placée à la distance x de l'origine, L'aire des maté- 
riaux combustibles de cette tranche est D, dx, et comme A, 
représente la probabilité de naissance d'incendie sur une surface 
unitaire de matériaux combustibles du N.o 1, À, D, dx est la 
probabilité que le feu éclatera dans l’année dans la tranche Nx. 

La probabilité que l'incendie une fois éclaté en N se commu- 
niquera en M dans le sens NM est..,........,.. «77. 

L’incendie éclaté en N peut encore se communiquer en M 
dans l’autre sens NC, C,..... C, M et la probabilité de cet 
évènement est celle du concours des évènemens indépendans 
qui suivent. 


Probabilité 
de l’évènement. 


1.0 Que le feu se propagera de N en C, dans le sens 


2.0 Qu'il franchira la cloison C,...,.,.,......... CG 


3.0 Qu'il brûlera la partie N.o 2 et atteindra la 
ju 


cloison Te EN eo el dense Ko ? 


( 196 ) 


4 Qu'il franchira la cloison N.6 2......,,,.,,... C. 


sodeodsreneete sets es nettes eee ses 


k 


n 


OMS Déätara 12 patte NII ZUNE LOS Jap UL GP 


Qu'il franchira la cloison C........,.4..... C. 


Et enfin qu'il brûlera la longueur C, M du N°1. 4,7. 


La probabilité que l'incendie éclaté en N se communiquera 
en M dans le sens NC,.... CM est donc C, C, C3... 
... (Be fs An œ d 


14+Ÿ—2 
n 2 az .…... Cu I . 


Pour avoir la probabilité que My sera brûlée par l'effet de 
l'incendie éclaté en Na, il faut ajouter les deux probabilités ei- 
dessus des deux cas favorables à l'évènement et déduire de la 
somme la probabililé que la tranche My» sera brülée dans les 
déux sens par l'effet du même incendie éclaté en N, Or, la pro- 
babilité que M sera brûlée par ces deux causes est le produit de 
leurs probabilités, savoir : 


k, À 


CORRE 1% 


k,, À k. 


9 CRC EC] 


HA, — G; Gie Cry 


Pour abréger, nous ferons en général 


NC ee. = ( C ) 


ka À k 
Fe 09" ages a = 4 ) 
2. 


..n 


ME OC. à Cas es tie = c \( J )= 
Toss.71 Losvelt 


Donc la probabilité que le feu éclatera dans la tranche Nn 


( 197 ) 
(corps N.° 1} et qu'il brülera M2 d’une manière quelconque est 


À, D, dx ar FA (9) ga) c Fr Ch 


En intégrant cette différentielle entre les limites x —y et 
æ—=k,, nous aurons la probabilité de l'incendie de la tranche 
Mr par le fait d’un incendie éclaté dans la partie MC. Or, 
l'intégrale est 


A, D, 


La, 


æ 


“, TN — PES _ vla, æ + Const, 


qui doit être nulle quand x —y ; ce qui donne 
Const. = — 1 + y + y lu, y. 


Et en mettant ensuite 4, pouf æ, on a pour la probabilité 
de l'incendie de My , par le fait de la partie MC,, 


Be coeur 


et comme les tranches placées à gauche entre C, et M font courir 
à la tranche My les mêmes chances que si elles étaient de l’autre 
côté, il faut, pour avoir la probabilité de l'incendie de M2 par 
le fait d’un incendie éclaté dans un lieu quelconque de la partie 
No 1, ajouter à l’expression ci-dessus une autre semblable, dans 
laquelle À — y sera remplacé par y; ce qui donnera 


So (Ces a7—2) — y (2,07 Ha —2)—h La] 


La somme à rembourser pour l'incendie de la tranche Mm 


d 
étant en 4 ; l'assurance de cette tranche est le produit de 


x 


(198) 
la probabilité ci-dessus par cette somme. En intégrant ce produit 
il vient 


S, A, D a TR 
He nt (- — — 27 + Const) 
I % ? 
à A = G 
= (i HET Qur À — 27 + Const, = (avt, (+ Const 
lu, La, 


Pour avoir l'assurance de la partie N.o 1 entière contre les 
dangers provenant du N.o r seul , il faut prendre cette intégrale 
entre les limites o et Æ,, ce qui donnera (a 1): 


2$S AD É= 
k —k 
FR Ga) “% Es Louer (a LE = + À, La) 


Il est à remarquer que si l’une quelconque des probabilités 
C du passage du feu aux cloisons est nulle, » sera nul et l’assu- 
rance ci-dessus deviendra la même que si le bâtiment était en 
ligne droite. Il en serait de même si l’une quelconque des pro- 
babilités « de propagation d'incendie dans les diverses parties 
était nulle ; » serait encore égal à zéro, et l'expression serait ré 
duite comme ci-dessus à ses trois premiers termes, qui sont 
précisément ceux que nous avons trouvés pour l’assurance d'un 
bâtiment en ligne droite. 

Cherchons maintenant l'assurance de la partie N.o 1 contre 
les dangers provenant du N.o 2. Pour cela nous allons chercher 
comme précédemment l'assurance de la tranche M2, que nous 
supposons toujours placée dans le N.° x à la distance y de l'ori- 
gine, contre les dangers provenant de celle Nz que nous sup- 
posons maintenant dans le N.o 2 et à la distance x de l’origine. 

La probabilité que l'incendie éclatera dans l'année en Na est 


( 199 ) 


À, D, dx, et celle qu'il brülera alors l'élément M en allant dans 
le sens 


C, C, est sATTh 


Ke 
CAR 25 et en allant dans l'autre sens, 


3 —?T 
Ditn..:. GC a + pa se ee Fi «,”, et enfin 


la probabilité de cet évènement par les deux causes à la fois est 
le produit des deux probabilités ci-dessus ; c’est-à-dire encore ». 
Si donc on désigne par Z, l'assurance que nous cherchons, nous 
aurons, d'après les mêmes raisonnemens que dans le cas pré- 
cédent, 

Ca / S, A 


D 
> dr dy = ER SR | . d 
dx dy“ Ÿ A tee 


À 2 
C, ., Fate f ia Fs pe CT a : Te À 


Pour avoir Z, , il faut intégrer par rapport à x, entre les 
limites x — 4, et x — k,+%k,, ce qui donnera 


d.2, S, A,D, dy NZ 
ALI P AT OR 


ia Riu 150 a (. Ky 1) PET k, lu, 


Puis en intégrant par rapport à y entre les limites o et h: 
on trouvera, pour l'assurance du N:o 1 contre les risqués pro- 
venant du N.o 2, 


S, A, D. z k 
SÉRIE) 


+ Lips fi («- ) (ut ) a: ; e * ù 


( 200 ) 
Plaçons maintenant la tranche Na dans le corps Ne 3, et 
désignons par Z3 l'assurance du N.o 1 contre les dangers pro- 
venant du N.o 3. Il est facile de voir par ce qui précède que 


S 


En intégrant entre les limites x — k,+ 4, et x — k, 
+k,+/k;, on trouve 


d73 S, A3 Da dy pit. : RUN 
2 D us 7 «Je Chess En (ut) 


Le 


_ GE .) (3) a (* a. .) — »k;laz 


Puis, en intégrant par rapport à y entre les limites o et 4, 
on a pour l'assurance cherchée, 


(CNE) 


La loi que suivent ces expressions des assurances du N.o r 
contre les dangers provenant des diverses parties est maintenant 


( 20r ) 
évidente. En désignant, comme précédeminent, par ( 12) 
l'assurance du corps N.o 1 dans un édifice fermé composé de x 
parties, et faisant aussi pour abréger 


3 


MAP LUE ñ —À, I 
SRI SET ; I as ms (a, Ne à +kta,) 


A, D, E, G ni] (as) Gil 
+A;D;E; GG, (:) +(,°,) (Az) 


Ps +AD,E, | 6) fée) a a Gt) 
? I 


+A,D,E, (62) CN EN 
ot { A, D, &, + A3 Da kye.e. A, D, 4, } 


En prenant la somme des expressions semblables pour toutes les 
parties de 1 à #2, on aura l'assurance de l'édifice entier. 

Si, au lieu de connaître les probabilités A d’explosion d’in- 
cendie sur chaque surface unitaire de chacune des parties, on 
connaissait les probabilités LAN DANONE AR G, que le feu 


( 202 ) 
éclatera dans l'année dans les parties respectives 1, 2, 3....nr 
entières; comme on aurait en général AKD —G, il suffirait 


G 
de remplacer les produits AD de la formule (13) par res les 


mêmes indices. 


Supposons maintenant que le bâtiment fermé qu'il est question 
d'assurer soit composé de 7 parties égales en longueur, en lar- 
geur, en valeur, en combustibilité, et faisant courir les mêmes 
chances d’explosion d'incendie; et supposons encore que toutes 
les probabilités du passage du feu aux diverses cloisons soient 
égales , de sorte que toutes les lettres K, D, S, « et C portant 
pour indice le numéro de chaque partie soient respectivement 
égales à K, D, S, « et C. L'assurance donnée par la formule 
(13) viendra alors indépendante du numéro de la maison; on 
aura donc l'assurance de l'édifice entier en la multipliant par n. 
On trouvera ainsi, après avoir sommé deux séries de termes qui 
sont en progression géométrique, pour l'assurance (Z,) d’an 
édifice fermé composé de n parties égales de longueur #, 


7 Ve 2n SAD 
BE er 


k nb EUR 
NE A: A a de — — +kle 
2 
EU cr! ACL (14) 
PCT Re 


1 Cuk 2 


(203) 


‘Assurance d'un bätiment fermé qui a partout une égale 
largeur et qui est séparé en un certain nombre n de parties 
par autant de cloisons placées d’une manière quelconque. 


Cherchons maintenant l'assurance d’un bâtiment fermé ayant 
partout la même largeur et séparé en un certain nombre 
parties par un nombre égal de cloisons, et supposons que l'as- 
surance doive être faite sans examiner la valeur particulière et 
les chances d'explosion et de propagation des diverses parties, 
non plus que la probabilité de passage du feu aux diverses cloisons. 


Désignons par S la somme totale à rembourser pour l'incendie 
de l'édifice entier ; par Æ la longueur totale des parties qui por- 


teront les numéros 1 à 3; par 4, k,..... k, leurs lon- 


il 
gueurs particulières, et par G la probabilité d’explosion d'in- 
cendie dans l’édifice entier. 


Pour appliquer ici la formule (13), il faudra remplacer toutes 


les probabilités À, À,..... A, d’explosion d'incendie par 


G G k 
FE à er RE, 2 Ed , toutes les probabilités &, &,... «, 


de propagation par «, toutes les lettres C, C,.... G, par C, 
toutes les lettres D par D, et enfin toutes les somines particu- 
SA, Sk, S4, 


lières S, S,\ +. 5S,.par DC FNAC UE Il faudra 


encore remplacer les symboles généraux (, c 1) LAS Rs 


OS. (5 :) (rs por C, Ci 


et EE, — 


(204 ) 


R sera égal à hihi #+k, et nous le repré- 
senterons encore par le même signe (. & ke 
lo..7 


En faisant ces substitutions dans la formule (13), on trouve 


(5) 


2SGDX 
(7) FF -——" 
(Ta) 
Le 2 
(4 a qe Dé 4iOP cd (rh aid + À, 1«)) 
2 


ë E, (C +e (x) 
+ À Es (c, ) Gt (ED) 


SGDE, 
DENT 3 n—3 
et 4° #r k, E, (cs (7) +0 (51) 
+. 
ar k, E, (er: Per Sins) + C ) 
\ 
SGD &, C" 4" 
A —— CRETE +?) 


En augmentant tous les indices d’une unité et comptant 
l'indice (7 + 1) comme 1, on aura l'assurance de la partie 
N.° 2. En augmentant tous les indices de 2,3....(27— 1) et 
écrivant en général 2 au lieu de 727, on aura de méme les 
assurances de toutes les autres parties 3, 4.... 73; et en pre- 
nant leur somme , on aura l’assurance de l'édifice entier. 

L'expression générale de celte somme est facile à trouver; 


( 205 ) 
mais elle est trop compliquée pour que nous l’écrivions ici. 
Nous nous contenterons de donner la formule de l’assurance de 
l'édifice entier dans le cas où cet édifice forme un parallélo- 
gramme ayant une cloison à chaque angle. Nous mettons d’au— 
tant plus d'intérêt à cela , que c’est à-peu-près le cas de beaucoup 
d’édifices ruraux, qui sont fort exposés à l'incendie et à l'assu- 
rance desquels on ne saurait mettre trop d’altention. 
Dans le cas dont nous parlons on a 

n {4 KR, et k, —k, ; 
ensuite les parties Nos 1 et 5 et 2 et 4, étant égales et placées 
de la même manière, ont des assurances respectivement égales. 
En appliquant ici la formule (15), on trouve 


(124) + (344) —= _— 
Re jui a Cfa C0) 
k, («be —i) (c+e +R) 
Hi) er, (ei) (C4) 
+8, (ai) (GE +R sc) 
—k, Ci (287+4) 
sd 
FE (La) 
2h, fat ii las Cfa (CT 


Re 
q. 
à thyn) 


: k (451) (c+ca) 
+ 2 »—:1) +8, (45) © A 


— k, Cd (or 4 rt) 


( 206 ) 

En ajoutant ces deux expressions, on aura, pour l'assurance 
d'un édifice entier bâti en parallélogramme et séparé en quatre 
parties par autant de cloisons placées aux quatre angles, ou de 
manière à ce que les parties opposées soient égales, on aura, 
disons-nous, pour cette assurance, 


2 k, Lahtmr x da 


x? 
+ C4 af (oi -— +k, 12) | 
+24, TELE 


2SGD k 4° 
F (La) + Ch dt (= + la) | (16) 


+R (ch CIC + Ca) 
+28, Cao( ai 1) + 2k, Cf ak) 


— Cho LA, (45-227) +4, (a+)! 


Si l'édifice, ayant toujours une cloison à chaque angle, était 
bâti autour d’une cour carrée ou en losange, en désignant par 
b la longueur de chaque côté, la formule ci-dessus donnerait , 
en faisant k, —= À, —= b et k—=4b, 


SGD 
2b(lu) 
b La 2 
ST PEN TE (- His +bte) 
2 


s (17) 
+C (“—) (: DC, A0 #)- è cé ee ) 
2 


pour l'assurance de l'édifice carré ci-dessus. 


( 207 ) 

Il est facile de reconnaître qu'entre tous les édifices de même 
longueur et de même largeur, bâtis autour d’une cour en paral- 
lélogramme et ayant une cloison à chaque angle, c’est, toutes 
choses égales d’ailleurs , l'édifice construit autour d’un losange 
dont l’assarance est la moindre. En effet, en faisant dans la for- 


mule (16) 4, — + À — k,, prenant la diflérentielle par rap- 


port à 4, , et l’égalant à zéro , on aura la condition de l’assurance 
minimum ; or, tous les termes de cette équation, que je n’écris 
pas à cause de sa longueur, se détruisent deux à deux par la sup- 
position de 4, +4 —k%,. 

Lorsque le nombre de côtés de l’édifice est quelconque, on 
prouverait par un raisonnement semblable à celui que nous avons 
employé dans la première partie pour les cas où l'incendie est 
considéré comme marchant par sauts brusques, que l’assurance 
minimum a lieu lorsque toutes les parties sont égales. 


De l'assurance d’un bâtiment de largeur inégale. 


Les bâtimens que nous avons considérés jusqu'ici avaient tou- 
jours dans chaque corps la même largeur, de sorte que partout 
le développement D de la longueur totale des parties combus- 
tibles était le même ; mais lorsque la largeur est irrégulière , le 
développement varie proportionnellement à cette largeur. Dé 
signons par } la largeur variable du bâtiment en un point quel- 
conque N , par D le développement aussi variable du bâtiment 
au même point, et par x la distance de l’origine au point con- 
sidéré. La forme du bâtiment étant donnée, on a1=f(x), f 
désignant une fonction connue, et comme on a D —C}, C étant 
une constante, on a D — c f(x) ou D — (x) en faisant 
f(x) =? @). 

Ici, comme dans les bâtimens rectangles, nous supposons 
toujours que la construction est telle que l'incendie brüle néces- 
sairement à la fois toute la largeur et la hauteur. 


, { 208 }) 

Considérons le bâtiment comme composé d'une infinité de 
tranches , séparées par des plans verticaux infiniment voisins et 
perpendiculaires à la longueur du bâtiment. Soit Mm une de ces 
tranches placée à la distance y de l’origine et dont il est question 
de déterminer l'assurance. (Voyez fig. 3, pl. 2.) 

Soit toujours S la somme à rembourser pour l'incendie du 
bâtiment entier, et E l’aire du bâtiment en matériaux com- 
bustibles. Le développement du bâtiment en M étant D — (y)? 


S à 
l'aire combustible de Mm est 9 (y) dy, et sa valeur PE AM ES 4 va EG 


Cette tranche peut être brülée par l’effet d’un incendie éclaté 
dans une quelconque des autres. Soit Nn cette tranche et x sa 
distance à l’origine. À désignant toujours la probabilité que le 
feu éclatera dans une étendue unitaire quelconque du bâtiment, 
À y dy sera la probabilité qu'il éclatera dans la tranche Nn. 


Dans les bâtimens d’égale largeur, lorsque l'incendie est arrivé 
en un point quelconque, la probabilité qu'il parcourra encore 
une longueur unitaire de plus reste toujours la même; savoir : 

a D 
u — ——————— et celle que l'incendie éclaté en Nn vien- 
1—a+a 
dra brûler M est &*>. Cette expression ne convient pas au cas 
actuel, puisque, D étant variable , « l’est aussi. Pour obtenir la 
probabilité que l'incendie éclaté en Nn brûlera Mn , probabilité 
que nous désignerons par p , supposons que l'incendie soit arrivé 
de Nen O après avoir parcouru la distance NO — +, p + dp sera 
la probabilité qu'il brûlera encore la tranche suivante dt; or, 


au point O le développement étant + £, la probabilité de propa- 


: : a y [A 
gation à une distance quelconque t serait | — 
L—d+ay t 


si le développement restait le même; mais comme ce dévelop- 
pement ne varie qu'infiniment peu d’une tranche à la voisine, 
la probabilité de propagation à la tranche d { ne varie que d'un 


( 209 ) 


infiniment pelit du second ordre d’une tranche à la voisine , et 


at di 
est ———— ————— 
l—aH+aot 


Pour brûler la tranche 41 par l'incendie éclaté en x, il faut 
le concours de ces deux événemens indépendans : 1.0 propa- 
gation jusqu'en y, dont la probabilité est P 3 2.° propagation 
de £ en {+ dt, dont la probabilité est ( PAS ATRES a 

I—a+aot 
On à donc pour déterminer P l'équation différentielle 


ayt de 
+ dp — ——— ; 
P à (ES) à 
(ape 
mais on a en général a° nn due ZX + LT He » 9 CÉC. 
1 1,2 


Donc on a ici, en développant et supprimant les termes où 
di se trouve à une puissance supérieure à la première , 


aot 
dp— + dt. L ES 
PTE F (: ne 
d’où l’on tire 


d avt 
<' YU Lions à ir 


P l—a+apl 


puis en intégrant ct désignant par e la base des logarithmes 
naturels 


P —= 


Lorsque la forme du bâtiment sera donnée, on connaîtra pt 
et on pourra obtenir exactement, ou Par approximation, l'inté- 


14 


( 210 ) 
grale ci-dessus. En la prenant entre les limites { — 0 et 
t—x— 7, la constante arbitraire se déterminera par la 
condition qu’à { — o correspond p — 1. puisque le feu étant 
supposé éclaté en Nn, il y a certitude que cette tranche sera 
brûlée, ou que l'incendie se propagera à la distance o. 
Nous aurons donc en employant une notation usitée 


Le) 


EE PINS RARES 


1—a+apgpt 
2—=E 


Pour que l'incendie éclate dans l'élément Nn et se commu- 
nique à celui Mw, il faut le concours de ces deux événemens 


indépendans : 
PROBABILITÉ DE L'ÉVÉNEMENT. 
1.° Que le feu éclate en Nn..,..... Avx. dx. 
2.0 Qu'il se communique * a.pt 
ge EE ——————— 
de Nn en Mn. ....... p—e] 7 1i—a+a.pt 


La probabilité de l'événement composé est donc 


o 


at 
far ESS 
FT 1—a+avot 


À ox dx.e 
et comme la somme à rembourser pour l'incendie de la tranche 
S.yy.dy Je r 
PUB SPP on a, en désignant toujours par z L'assu- 


rance cherchée, 


y est 


d 3 
dx dy — 
dx .dy pe 
o a? 
f POUR PRES ER 
D EAST Pi x. 1—a+apt 


E 


( 211 ) 

L'intégrale par rapport à æ devant être prise depuis x = y 
jusqu'à x = À, longueur de l'édifice , pour les tranches à droite 
de Mn ; il faudra ensuite ajouter à cette intégrale une autre 
semblable, dans laquelle K — y de la première sera remplacé 
par y ; pour exprimer l'assurance du même élément Mn contre 
les chances qui proviennent de la partie située à gauche. 

L'intégrale par rapport à æ étant ainsi complète, il faudra 
intégrer par rapport à y entre les limites o et k, pour avoir 
l'assurance du bâtiment entier , ou entre les limites d’une partie 
désignée , si on ne veut que l’assurance de cette partie. 

On peut au moyen de la formule (19) trouver quelle est la 
forme d’un bâtiment pour laquelle l'assurance est la moindre, 
Il suffit pour cela de déterminer par le calcul des variations 
quelle doit être la fonction + pour rendre z un minimum. Mais 
nous ne nous arrêterons pas à ce calcul, qui serait excessivement * 
compliqué ; car déjà le plus souvent, les intégrations indiquées 
par la formule (19) seront impraticables, On pourra en juger par 
l'application suivante, faite pour le cas le plus simple, celui où 
le plan du bâtiment est un trapèze. 


Application de la formule precedente à l'assurance d’un 


bâtiment dont le plan est un trapèze. 


Soit d le plus petit développement du bâtiment à une estré- 
mité et d'le plus grand. Pour fixer les idées je suppose que la 
petite largeur est à gauche à l’origine des coordonnées. Le déve- 
loppement de la tranche Nr, qui est placée à la distance x de 
l'origine, est, d’après l’équation de la droite, qui représente une 


d'— d 
des façades, d+ Mr ei d+ x en faisant pour abréger 


El à) 


k 


( 212) 

La largeur en un autre point quelconque o (fig. précédente) 
plus rapproché de l'origine d’une distance £, largeur que nous 
avons désignée en général par 9 #, est d+ » (x —t). On a 
donc pour le cas actuel 


gpt—= d+y(x —t) 


Nous allons d’abord nous occuper de chercher l'expression de p. 


L'équation (17) donnant lorsqu'on prend le logarithme des 
deux membres 


fes CA 
Bb —= LS AE SU OENE EE 
dates ee vo € 


En intégrant cette équation par les procédés connus, et en 
faisant pour abréger 
a(d+» x) —= 
a(d+rrr)=Y 
il vient 


&æ y 


a-1 


p —=1+(1—a) 


I 


, $5 a ve ul 
=) 


En tirant p de cette équation et substituont son expression à 


: t 
a 
FAR panier 
X—Y I—a+apt 


( 213 ) 

dans la formule (19) on obtiendrait après deux nouvelles inté- 
grations l’assurance cherchée; mais ce seraient des opéralions que 
je regarde comme impraticables et ne pouvant d’ailleurs conduire 
qu'à des résultats inutiles à cause de leur extrême complication. 
Nous allons donc chercher à obtenir paï un autre moyen l’as- 
surance d’un bâtiment dont les largeurs aux deux extrémités 
sont inégales. Pour cela nous admettrons que la probabilité p de 
Propagation de N en M est la même que si le bâtiment avait 
Partout la largeur moyenne. Cette hypothèse diminnera les 
chances de propagation Pour certaines parties et en augmentera 
d’autres, de sorte que l'expression de l'assurance totale à 
laquelle elle conduira différera peu de la véritable. 


Cela posé, 9 et 9’ désignant les développemens du bâtiment 
aux deux extrémités ; savoir : d pour le petit côté et 9’ pour 
l'autre, le développement moyen, que nous désignerons par D, 


Dot 
est 


et notre hypothèse consiste à faire pour toutes 


les parties 


ce qui donne 


d — à d—9 
EY —=0+ 1 NCUTE IN) SEE 
À : d— 9 
ou en faisant pour abréger Men’ 


PF =d+sy pL=Ü Hi 


( 214 ) 


L'équation (19) sera pour le cas actuel 


= (5+:r) dy (5+x) AE NE 


. a Y y 
or f\ 5+rx) RS LE : (ose) #eonst. 
24 [4 


Cette intégrale, prise depuis x = y jusqu'à x — 4 pour tous 


les dangers que court la tranche y par le fait des tranches qui 
sont à sa droite, est 


As de k y 1 5 » 
— (d+ok—— |] — —| Huy — — 
re La) La AT 
Il faut ajouter à cette dernière expression celle qui est relative 
aux dangers résultant des tranches à gauche, et il est clair 


qu’elle ne diffère de la précédente que par le changement de 
k— y en y, c'est-à-dire qu'elle est 


La somme de ces deux expressions est 


r- | (re) (sur =)—(a+ 7) | 


On a donc 


(+ vk— #) (: + 7) ( pee a) 


ee (25 Fe) (+ vr) 


Or en remarquant que 


dy 


f (Ce + a?) dy— _ (— do + a) 


on trouve, en intégrant par parties , que 


fe+n +) &= 


—; GC + »y) (> — a) + 5 (+47) 


puis, que 


d + vk— Fe 


l 


72 
Le +vy) (> + a) + me (0) | 
DT 


+ Const 


( 216 ) 
En prenant l'intégrale entre les limites y — oety —À 
pour avoir l’assurance du bâtiment entier , on a 


SA 
E es | 


d —9 
D— 5 
# k 
on a 2dmyk—= #9 


JHyk— )d 
on trouve définitivement pour l'assurance d’un trapèze 


4 : 2SA 
y k (la) 


L ! 

\(e ° =) (' — 1) Ce + — 9\(20) 

En faisant dans cette formule 9, qui est le petit côté, égal à 
zéro, on trouvera pour l'assurance d’un bâtiment triangulaire 
isocèle dans lequel 4’ ou 2 D est le développement du petit 
côté du triangle, et Æ la hauteur du triangle ou la longueur du 
bâtiment dans le sens qui serait parcouru par l'incendie; on 
trouve, disons-nous , pour l'assurance d’un triangle isocèle, 


2SA 9 { k La 1 
a 1 — and ar ES EE (2 
KE Ga) |“ k La 2 LETAN CS 


(217) 
On peut facilement exprimer ces deux assurances en fonction 
du développement moyen D et de la différence 9’ — 9 des deux 
développemens aux extrémités ; pour cela faisons 


= à tt AR 
comme on a d'ailleurs 9/+9—2D, 


il viendra d'— D+aA. 


La première formule (20) donne successivement 


2SA 2 À 
== DE RP DIE PRE 2 à 
k (La) ( Con) 7) (: 1) CE | 


2 


2SAD A LEE 
M LG pitt (4 —2 — =) 


La formule (21), qui donne l'assurance d’un bâtiment trian- 


gulaire , devient , par la substitution de à — 2 D, 
2 SAD : : 2 
— — — kla ts —> ?}....(23 
K (Ca) À (: rr) | (ee 


On obtiendrait le même résultat en faisant dans (22)A = D. 


Nous avons trouvé pour l'assurance d’an bâtiment rectangle 
de développement D et de longueur k, et par conséquent de 
même aire XD que le trapèze et le triangle ci-dessus, 


2SAD 
re (é—i— ka)... 


2 SAD 


Les facteur 
s facteurs ET 


sont les mêmes aux trois formules ct, ainsi 


2 


( 218 ) 
que cela devait être, la partie 4 —1 — klu, qui est indépen— 
dante de A dans la parenthèse de la formule (22), est la même 
que pour le bâtiment rectangle formule (1). Il s'en suit que 
suivant que le polynome GER = a —— , qui multiplie 

x 

A 
D ’‘"2 positif ou négatif, l'assurance d'un bâtiment en trapèze 
sera plus grande ou plus petite que celle d'un bâtiment rec- 
tangle de même longueur et de même aire : or nous allons 
démontrer qu'il est toujours additif. 


Dans le cas où x — 0 le polynome devient 


IHI—2 — 
o 


Quantité qui est indéterminée ; mais en différentiant par rap- 


HO 


L 
port à « les deux termes de la fraction » il vient pour 


[4 
sa véritable valeur dans le cas ci-dessus 


La véritable valeur du polynome dans le cas où 4 —= 1 est 
done o . On reconnaitrait aussi que pour toutes les valeurs de 
« , intermédiaires entre celles o et 1 ci-dessus , le polynome est 
toujours additif. Or, «, étant la probabilité de propagation à 


(19) 

une distance unitaire, ne peut avoir que des valeurs entre 0 
et 1; donc toujours le polynome sera additif, et toujours aussi 
l’assurance d’un bâtiment en trapèze sera plus grande que celle 
d’un autre bâtiment rectangle de même longueur, de même 
aire et dans lequel tout sera d'ailleurs égal. 

Il en est de même d’un bâtiment triangulaire de même lon- 
gueur qu'un bâtiment rectangle, puisqu’un triangle peut être 
considéré comme un trapèze dont le petit côté est nul. 

L'assurance des bâtimensirréguliers étant, toutes choses égales 
d'ailleurs, plus grande que celle des bâtimens rectangles, c'est 
un motif à joindre à ceux du bon goût, de la facilité de con- 
straction et de la solidité, pour faire les bâtimens rectangles. 

Pour faire apprécier la différence qui existe entre les assu- 
rances des bâtimens également combustibles, de même lon- 
gueur et de même superficie, nous avons fait l'application des 
formules (1), (22) et (23), au cas où « — À,4 —10etD—5, 
où pour le trapèze 9 —3,9' —7, et par conséquent À — 2 
et D— 5, et où pour le triangle la base d'— 20 et D — 5. 


Ces trois bâtimens ayant la même superficie 50, nous avons 
trouvé : 


Pour l'assurance du bâtiment rectangle, 
ne uen ne ace. 20 Ds Cité 
Pour l'assurance du bâtiment en trapèze, 
Maui (anni, robes sreeces) A Di: 0,902 
Pour l’assurance du bâtiment triangulaire, 


DIE se ne at ee ee su au DORA 113028 


Les applications de ces formules demandent beaucoup d’atten- 
tion, à cause des logarithmes de la fraction «, qui sont soustrac- 
tifs, et de la distinction qu'il faut faire entre les logarithmes 
naturels ou hyperboliques, qui sont ceux indiqués par la formule 
et les logarithmes vulgaires dont on doit se servir pour calculer 
u* et d'autres quantités. 


( 220 ) 


De l'assurance des édifices auxquels viennent aboutir des 


embranchemens. 


Le cas où à la ligne principale de maisons viendraient abou- 
tir un ou plusieurs embranchemens se ramène facilement aux 
précédens par le mème moyen que dans la première partie. En 
effet soit o le numéro de la maison de la ligne principale, à 
laquelle vient aboutir un embranchement composé de 7’ maisons. 
Désignons ces maisons par les Nos 1, 2..,.n',que nous sup- 
posons placés. en commencant à donner le N.c x à la maison qui 
est en contact avec la ligne principale, et représentons par les 
mêmes lettres que pour les premières maisons, et avec un accent 
pour les distingaer, les quantités relatives à l'incendie des 
maisons de l'embranchement. 


La probabilité À, K, D, d’explosion d'incendie dans le N.o o 
se trouve acerue par l'existence de l’embranchement de la pro- 
babilité que cette maison ‘sera brûlée par le fait d’un incendie 
éclaté dans une quelconque des maisons de l'embranchement ou 
de la somme des probabilités de toutes les causes qui peuvent 
produire cet événement. 


Pour trouver cette somme, nous allons comme précédemment 
chercher sa différentielle en considérant les chances provenant 
d’une tranche quelconque placée dans la maison N.° ? de l’em- 
branchement et à la distance x de la cloison qui sépare le N.o z 
du précédent. 


L'évènement de l'incendie du N.° o par le fait de la tranche 
considérée exige le concours des évènemens indépendans ci- 
après : 


(sa) 


PROBABILITÉ 


DES ÉVÈNEMENS, 


Que le feu prenne naissance dans la tranche... A: D, dx 


Propagation jusqu'à la cloison i.....,.,..... x 


Passage à la cloison N.o z,.........,...... c: 


Propagalion à travers toute la maison N.° (i—1). ai 
i—x 


ses. ons nes .e 


Passage à la cloison No 2,...,,.,.......... ©, 


Propagation à travers la maison N.0 1.,..,.., «, 


Passage à la cloison N.° 1 entre 1 eto....,,. c, 


La probabilité que le N.° o sera brûlé par un incendie éclaté 
dans la tranche infiniment petite considérée, probabilité qui est 
égale à dp;, en désignant par p, la probabilité que l'incendie 
aura lieu par une quelconque des tranches du N.° 7, est donc 


ne al be) fi" CA aÿ 


En faisant comme précédemment pour abréger 
en 
Cr Cy Cgosre Ci = (5) 
: REP ki ( fui à) 
Et an F Ga u3 ÿ .….. + === Te. ce (L-Ù) 
On trouve , en intégrant entre les limites x — o et x — À; 


Pre (5) (re Srae ris 1) 


La probabilité de l'incendie du N.° o par une quelconque 
des maisons de l'embranchement, étant la somme des expressions 


(:232:) 
semblables que l'on peut former en donnant à l'indice # toutes 
les valeurs de 1 à n°, est 


AD 


Re (59 (ere (CE — 1) Sutele (24) 


en désignant par la caractéristique > la somme de toutes les 


Z 


expressions que l’on peut former en mettant pour z dans la 
fonction soumise au signe tous les numéros de 1 à »' . 


Lors donc qu'on calculera l'assurance des maisons de la ligne, 
il faudra, dans le cas actuel, ajouter à la probabilité À, K, D, 
d’explosion d'incendie dans le N.° o, auquel l’embranchement 
aboutit , la quantité ci-dessus ; on opérerait de même pour d’au- 
. tres embranchemens analogues. Ceci s'applique aux bâtimens 
fermés comme à ceux en ligne. 


On n'éprouverait pas plus de difficultés à trouver l'assurance 
d'une maison faisant partie d’un embranchement quelconque. 


De l'assurance d'un bâtiment long avec étage ou d'un 
bâtiment double sans étage, dans lesquels l'incendie ne 


. , . 0] PPS }] 
se propage point nécessairement d'un côté à l’autre. 


Il arrive très-souvent que les incendies brülent les bâtimens 
dans toute leur hauteur. Ainsi, pour les cas ordinaires où les 
édifices avec étages ne sont point très-longs et où les dangers 
de propagation dans le sens vertical sont très-grands, l’assu- 
rance pourra être prise comme s'il n’y avait pas d'étage. Le 
développement D étant alors la somme des développemens des 
diverses parties, l'assurance augmentera beaucoup avec le nom- 
bre d’étages. Lorsque le bâtiment à assurer a une petite base et 
est fort élevé, ainsi que cela a souvent lieu dans les grandes 


( 223 ) 

villes, chaque étage peut être considéré comme brûlant en- 
tièrement tout à la fois, et c’est alors les formules de notre 
Première partie qu'il faudra appliquer ; mais s’il était question 
d’assurer un bâtiment long avec un étage qui serait construit 
de manière à présenter quelque obstacle à la propagation de 
l'incendie dans le sens vertical, il serait possible que le feu par- 
Courût un espace notable d’un côté, sans se communiquer de 
l’autre et cette circonstance doit influer sur le prix de l’assu- 
rance. Îl en serait de même si un bâtiment était séparé en deux 
Parties par une cloison dans le sens de la longueur, qui ne 
serait point un obstacle insurmontable à la propagation de l'in- 
cendie. Nous allons donc résoudre le problème suivant pour un 
bâtiment d’un seul étage. 


Déterminer l'assurance d’un bâtiment rectiligne , d’égale 
largeur dans toutes ses parties et ayant un étage et dans lequel 
l'incendie est considéré comme pouvant marcher par degrés 
infiniment petits, soit dans le bas, soit dans le haut séparément, 
soit dans ces deux parties réunies. (Voy. fig. 4, pl. 2.) 


Soit À, A, B, B, le bâtiment proposé, dans lequel toutes les 
lettres relatives au rez-de-chaussée portent le N.o o et celles 
relatives au premier étage le N.o 1. Soit comme précédemment 
k la longueur commune du haut et du bas et en outre soient : 


DANS LE BAS. DANS LE HAUT, 


La somme à rembourser en cas 
d'incendie, .,... 


Le développement en matériaux 
mb Vi NU 2 ae De El 


La probabilité de naissance d'in- 
cendie sur chaque surface unitaire. J ot dires oi 


La probabilité que , dans un bâti- 


(224) 
DANS LE BAS. DANS LE HAUT. 
ment de développement également 
combustible et n'ayant qu’une seule 
des parties, le feu arrivé en un point 
quelconque se communiquera à une 
longueur unitaire de plus......,.. CADET TEE. 5 


D'après ce que nous avons dit dans les préliminaires, si le 
feu brûlait séparément le bas et le haut de notre bâtiment, les 
probabilités qu’étant arrivé en un point quelconque il s’avance- 
rait encore d'une longueur unitaire sont 


% D, 


1 — a +4), 


sr D, 


1—a,+a, D, 


| 


x 


Lorsque le feu s’est communiqué d’un côté à l’autre nous 
admettons ici, comme dans la première partie, qu'il continue 
à marcher en brülant le haut et le bas à la fois, et que quand 
il est arrêté c'est aussi des deux côtés à la fois, que l'incen- 
die double consumant un plus grand développement (D, + D, ) 
marchera avec plus de force et que la probabilité de sa propa- 
gation a une distance unitaire, probabilité que je désignerai 


par E, sera 


IR Va a, | LES D, +D,) Va a, 


Si les probabilités a, et a, avaient été égales il aurait fallu 


d'après nos principes mettre a à la place qu'occupe ici 


Va a, | mais ces quantités étant différentes en général ;, nous 


( AA 

ayons mis la moyenne proportionnelle entre elles, et il est facile 
de voir que l'expression ainsi écrite représente bien les circon- 
stances de la question. En effet, les dangers de propagation 
augmentant avec les longueurs des développenens D, et D,, 
nous poserons pour les probabilités de propagation verticale 
dans un bâtiment de développemens quelconques pendant le 
temps que l'incendie çonsume la première longueur unitaire : 


b D, 
B, EE) RE 
1 — b, + b, D, 

B, b, D, 


LE +6, D, 


en désignant par B, et B, ces probabilités de propagation 
verticale de bas en haut et de haut en bas. Les probabilités 
inverses ou celles que l'incendie, après avoir brülé la première 
longueur unitaire, ne s'est pas encore communiqué d’un côté à 


l’autre seront 


B 1—b, 
 dnnnrar ee reg 3 M 
B 1—b, 

1—B, — 
", 14, +8, D, 


Pour passer de là aux probabilités de non propagation 
lorsque l'incendie à brûlé une longueur # à partir du point 
où il a pris naissance, on ne peut faire usage des lois physiques 
connues sur la distribution de la chaleur. Le grand nombre de 
causes internes et externes qui influent sur la propagation des 
incendies s’y oppose; mais il est évident que la probabilité de 
propagation de l'incendie double doit augmenter avec les 


15 


( 226 } 

quatre quantités a, a, D, et D, sans que jamais elle puisse 
surpasser l’unité. Elle ne peut non plus, dans aucun cas, être 
négative ; elle est égale à la certitude lorsque la sommeD, + D, 
estinfinie ou que a, a, sont égaux à l'unité en même temps. 
Enfin, si l’une ou l’autre des probabilités 4, et a, était nulle, 
on aurait E— o, et cela doit être, puisqu'alors il est impos- 
sible que les deux parties se brülent en même temps. 

Quant à la probabilité de propagation de l'incendie dans le 
sens vertical, on ne peut la regarder comme constante pendant 
tout le cours de l’incendie , sans s’écarter beaucoup de la vérité: 
car il est évident que le danger augmente avec le nombre de 
matériaux embräsés, qui sont autant de causes qui peuvent 
communiquer l'incendie d’un côté à l’autre. La probabilité de 
propagation dans le sens vertical variant avec la longueur 
embrâsée , il faut, avant de déterminer son expression générale, 
la connaitre dans une situation où l'incendie a déjà parcouru 
une certaine longueur, une longueur unitaire, par exemple. 
Soient donc D, et b, les probabilités de propagation de bas en 
haut et de haut en bas respectivement dans un bâtiment de 
de même nature que celui à assurer, mais de développement 
unitaire ; tout ce qu’on peut raisonnablement désirer , c’est que 
la probabilité de non propagation dans le sens vertical soit 
exprimée par une fonction qui devienne, 1.° 1 quand  — 0; 


293 —B—= ———— quand 4 — 1; 3° qu'elle 


diminue constamment quand # augmente ; 4.° qu’elle ait pour 
limite o quand £ augmente indéfiniment ; 5.° qu’elle devienne 
1 quand b — 0 et o quand b, —7+r; 6.0 quelle devienne r 
quand D, — 0 et (1 — b) quand D — 1. 


Toutes ces conditions penvent être remplies par un nombre 
infini de fonctions, dont la plus simple est 


(227) 


1 — b 
1— b + bDit 


Mais en admettant cette expression la résolution se ramène 
à l'intégration d’une différentielle du troisième ordre dans 
laquelle (1 —b+bD LF se trouve au dénominateur, tandis 
que le numérateur contient des quantités exponentielles, et 
dans ce cas l’intégration dépend de la transcendante 


a dx 
d ; ; 1 à 
———— , qui ne peut s’ubtenir sous forme finie. La question 
æ 


ne pourrait donc être résolue que par une série contenant une 
infinité de termes très-compliqués. On évite cet inconvénient en 
prenant une fonction qui se prête facilement aux intégrations. 
En désignant par B, et B, les probabilités que le feu ne s’est 
point encore communiqué du bas au haut et du haut au bas 
respectivement lorsque l'incendie a brülé la longueur quel- 


conque #}, on satisfait à toutes les conditions exigées ci-dessus 
en posant 


Bo 


H. 1 — b, t 
Hs 1— D, + b 5.) 


Ou en faisant pour abréger 


I 

Re 
IL. 
SE 
+1 
ete. 
Le] 

(=) 
ee 


1 —b, 


on à 


Cela posé, considérons le hâtiment comme décomposé en 
tranches infiniment étroites par des plans verticaux perpendir 
culaires à la longueur, Chacune de ces tranches sera composée 
d’un élément dans le bas et d’un dans le haut, Nous supposons 
que l'incendie marche en brûlant, dans toute la largeur du bäti- 
ment, chacun de ces élémens et, de même que dans les problêmes 
précédens, nous allons chercher l'expression différentielle de l’as- 
sürance demandée en prenant l'assurance d’une tranche quel- 
conque M, 7», M, m, placée à la distance y de l'origine À, 
contre les dangers provenant d'un élément quelconque N, », 
placé dans le bas, et de celui supérieur N, #,, placés tous deux 
à la distance x de l'origine. Par un incendie éclaté dans le bas, 
la tranche M», M, #2, peut n’avoir que son élément inférieur 
de brûlé ou ses deux élémens peuvent l'être. De même un incen- 
die éclaté dans le haut peut ou brûler l'élément supérieur seul , 
ou les deux de la tranche. L'assurance de l'édifice est donc 
composée de quatre parties ; SAVOIr : 


CONTRE LES RISQUES PROVENANT DU BAS DU BATIMENT : 


1.0 Î a somme des assurances de tous les élémens o du bas, 
contre le danger de brüler seuls. Nous la désignerons par [Z, |, . 


2.0 La somme des assurances de toutes les tranches compo- 
sées de deux élémens o et 1, contre le danger de brûler tous 
deux par un même ingendie. Nous la désignerons par [Z, Z,], . 


ET CONTRE LES RISQUES PROVENANT DU HAUT DU BATIMENT : 


3.0 La somme des assurances de tous les élémens du haut, 


( 229 ) 
ôu N.6 1, contre le danger de brûler seuls; somme que nous 


appellerons [Z,], ; 

4.° La somme des assurances de toutes les tranches o et 1 ; 
contre le risque que leurs deux élémens soient brûlés par un 
même incendie. Nous la désignerons par [Z,  p) dx 


L'assurance du bâtiment sera donc : 


AR + [2 2] En [2] 4: [z 2, | 


le numéro en dehors des parenthèses indiquant l'étage dans 
lequel l'incendie à commencé, et céux dans les parenthèses in- 
diquant les étages des élémens brülés en même temps par suite 
de cet incendie, 

Cherchons d’abord l'assurance [Z, Z,], contre les risques que 
les deux élémens d'une méine tranche courent d’être brülés 
par l'effet du même incendie éclaté dans le bas. Supposons pour 
cela que le feu éclate dans l'élément N, n, à la distance x de 
l’origine À, , pais, qu'il brûle dans le sens horizontal la partie 
N, 0, de longueur #, avant de se communiquer à la partie supé- 
ricure , et que, pendant qu'il parcourt l’espace infiniment petit 
0,0, — dt, la communication ait lieu soit en 0,, soit dans 
un point quelconque de la ligne N,,0, . Alors nous admettons 
que loute la partie N, o, supérieure à celle incendice se brûle 
bientôt, et que l'incendie continue à marcher en brûlant le haut 
ct le bas en même temps et cela avec une force telle que la 
probabilité de propagation à une distance unitaire soit toujours 
E ; et supposons enfin que du point o, l’incendie double vienne 
brûler à la fois lés deux élémens y considérés. 

Pour avoir la probabilité de la supposition ci-dessus, il faut 
connaître les probabilités de tous les évènemens simples dont 
elle se compose. C'est ce qui sera facile lorsqu'on connaîtra la 
probabilité que la communication du feu de bas en haut aura 


( 230 ) 
lieu pendant que l'incendie parcourra l’espace infiniment petit 
dt — 0,0, Pour cela j'observe que 6! élant la probabilité 
que la communication n'a pas eu lieu pendant que l'incendie 
faisait le trajet No, , 1 — 6! est la probabilité inverse; c’est-à- 
dire, celle que la communication a eu lieu. Par la même raison 


t+ dt Mar. ere ; 
1—6 est la probabilité que cet événement a eu lieu 


lorsque l'incendie est arrivé en o, ; la probabilité que la com- 
munication a eu lieu pendant le trajet Oo est la différence de 
celles ci-dessus, c'est-à-dire : 


(G—ct+4) — (—5°) Æ= d(i—ct) = —16,.6,' dt 


Nous pouvons maintenant exprimer la probabilité de l'incen- 
die simultané des deux élémens de la tranche y ; car cet événe- 
ment composé exige le concours des événemens simples suivans: 


PROBABILITÉS 
DES ÉVÉNEMENS. 


1.0 Naissance du feu dans l’élément Non, Dvd 


2.0 Propagation horizontale de l'incendie de 


t 
DR 0 a raie dif diplouiéhnus Lo 


3.0 Communication au-dessus pendant que le 


feu fait le trajet Oo... ses cc 6, é. de 
4.° Propagation horizontale de l'incendie dou- 


ble de o en M..... Ha * 


sonne © 


La probabilité de l'incendie simultané des deux élémens de 
la tranche My, par le fait d’un incendie éclaté en N, n, et 
communiqué au-dessus pendant le trajet infiniment petit de 
Oo, est donc, en omettant les indices pour la facilité des 
calculs : 


(254) 
AD dr. ut (—46. € dt) AY 


La valeur à rembourser en cas d'incendie de la tranche M2 


S 
Q 


. , " S, 
entière étant K— dy , on a 


{fs +s ta," 
CAEETI ETAPE TE haie 


Pour intégrer cette expression, faisons 


il viendra 


S,+S ( x- L 
[2], = — AD eff] “Ydy.dxa dt 


En intégrant par rapport à t entre les limites {= o et — x, 
ainsi qu'on doit le faire, puisque tant que l'incendie du, bas 
n’est point arrivé au bout, il peut encore, après avoir passé la 
tranche M2, se communiquer dans le dessus en quelque endroit 
et qu'alors, d’après notre hypothèse, le dessus suivrait le sort 
du dessous, et la tranche My entière serait brülée, on a 


S S 16 _ 
(21, = — AD m/f ste — 1) dx. dy 
a 


En intégrant cette expression par rapport à x entre les limites 
æ = y etx — k pour avoir l'assurance contre les dangers pro- 
venant de la partie M, B, il vient 


(:252 ) 


S,+S [6 
” AD et 
k la 


[° dy | TE (Ga) — Gap) = 2 (mr) 


On aurait de même pour l'assurance contre les risques prove- 
nant de la partie AM, en changeant 4 — y en y et réciproque- 
ment 


So +S; 16 
— — AD — 
k À la 


j' ie res (Ga (ay) — + (id) 


L'assurance totale est la somme de ces deux expressions, 
c’est-à-dire 


__ So+$, +s, ap *° 
k la 


: d 
x 1 = (ae Ta a au af aus af y us si (CL CE 2) 
(ca) Le 


En intégrant maintenant par rapport à y entre les limites 
ÿ =0 et y —=k pour avoir l'assurance du bâtiment entier , il 
vient 


A 
Pop AD cd 2 
k la 


peine) (te) 


Puis enfin, en rétablissant les indices, 


( 233 ) 


a AD, (So S:) 26, 
[Z LI res PT. TONER 


a,* (: —c,/}) TE nes st Les 


le + E(ages) da + E{aycs) TESE 


6 
formule dans laquelle à, remplace Ep Fa] 
£o 


On äürait eu de même , en faisant également pour abréger 


2 À; D, (Ss + S,) l6, 
k La 


F | 
(ic) 1 — a À é rm kde 


a 
M iles) Ze, Ge) (Zap 


[Z ZT, = 


Cherchons maintenant [Z JL. Pour obtenir son expression 
différentielle, nous allons chercher l'assurance de l'élément 
M, m, contre les risques qu'il court de brûler seul par l’effet 
d’un incendie éclaté en N7,: Supposons donc que le feu éclate 
effectivement dans ce dernier élément. La probabilité qu'il ira 
au moins jusqu’en M, "2, et que dans ce trajet il ne se commu- 
niquera pas au-déssus est 2°) E%-Y Ce serait 1à la probabi- 
lité de l'incendie de l'élément M,,1,, seul, s’il n’était possible 
que dans le reste du trajet M À, jusqu’au bout du bâtiment, le 
feu ne se communiquât quelque part dans le dessus > CE qui en- 
trainerait l'incendie de l’élément supérieur et ferait rentrer dans 
le cas de [Z, Z, ],. 1 faut donc déduire de (x 6% Ja pro- 
babilité que pendant le trajet que l'incendie peut parcourir au— 
delà de M, il né se communiquera pas quelque part dans le 
dessus. Or, nous avons déjà trouvé que la probabilité que le feu 


(234 ) 

se communiquera au-dessus pendant le trajet infiniment petit 
de et lorsqu'il a déjà parcouru l’espace t était — 26.6:. dt; 
d'une autre part la probabilité que le feu arrivera jusqu’à la 
distance £ dans le cas de l'incendie du bas seul étant 4‘, celle 
que le feu se communiquera au-dessus pendant le trajet M, À, est 


J'ui(— 16.6 d) 


prise entre les limites x — 7 et 1—=2x, c'est-à-dire 


Ainsi, la probabilité que l'élément M, 72, sera brûlé sans 
celui du dessus par un incendie venant de gauche à droite , si le 
feu prend en N, 7, est 


Re ETS das) Le COR 
FT. _— LETONCO 


La probabilité que le feu prendra dans l’année en N, », étant 
S 
À, D, dx, et la valeur de l'élément M, 1, étant Fe dy, on 


a, en omettant les indices, pour l’assurance contre le feu venant 
de gauche à droite, 


ff ++ AD dx rater («6)) 


En intégrant par rapport à x entre les limites x=y et 
æ—=k,ona 


( 235 ) 


ADS, 
k.1(x6) 


[! La CEE 1) + 16 (ca EG — (x y) dy 


Puis en intégrant par rapport à y depuis o jusqu’à 4, on a, 
pour l'assurance du bâtiment entier contre les incendies de 
gauche à droite, 

ADS 
Kl(46) 


Te CETTE) 


Le 
T(«€) 


(a ER (ue ÿ (6) 


En doublant cette quantité pour avoir l'assurance contre les 
chances d'incendie des deux sens, rétablissant les indices et 
remarquant que la formule de [Z, ], ne doit différer de celle de 


[Zol, que par les indices , on a 


2A,D,S, 
k AA 6) 


CHERE) 


[Zl = 


lu 


l(x065) 


L6, k k ) 
LEE ACER a 6 la, 6 
EYE 8.) C 60) I k (x &) (a 0) 
À D 
CARRE 
Ka, 6,) 


lu, k 
Tes (ni ris) 


6, k k 
TG ty CG) — ik (4, 6,) 1002) 


( 236 ) 

En ajoutant ces deux expressions à celles de [Z, Z, |, et 
[Z, Z,], ci-dessus, on aura ta formule de l'assurance entière 
d’un bâtiment rectiligne à un étage. Ce sera la formule (25), que 
noûs nous dispensons d'écrire à cause de sa léngueur. | 

On peut remarquer dans les formules de [Z, ], et [Z,],, 
que dans le cas où 6 =1 ; e”"est-à dire où la communication d'un 
étage à l’autre est impossible, ces formules se réduisent à celle 
(1), ainsi que cela doit être. | 


Assurance des bâtimens fermés à un etage. 


Proyosons-rious maintenant de trouver l'assurance d’un bâti- 
ment avec étage dans lequel le feu ne se communique pas immé- 
diatemént d’un côté à l’autre, ee bâtiment étant de forme 
annulaire ou de ceux que nous avons appelés férmés. Dans ce 
cas l’incendie allumé dans un point quelcorniqué peut se com- 
muniquer à chacun dés autres dans les deux sens, et par consé- 
quent les dangers sont plus grands que dans les bâtimens recti- 
lignes. La résolution de ce probléme ayant beaucoup d’analogie 
avec celle du précédent, nous conserverons toutes les dénomi- 
nations de ce dernier. #, qui désignait la longueur du bâtiment 
rectiligne , désignera ici la longueur de la ligne courbe ou brisée 
formant le milieu du bâtiment fermé, et nous désignerons par 
(2), ,), CZ), (Lo Z,) avec des parenthèses rondes , les 
différentes parties dont l'assurance se compose , et qui, dans le 
bâtiment rectiligne , étaient désignées de la même manière avec 
des parenthèses carrées, 

Cherchons d’abord (Z,Z;),. Représentons par À, M, O0, 
N, B, le contour extérieur du bâtiment proposé, et par A, M, 
0, N, B, celui de son premier étage. Ce bâtiment étant toujours 
considéré comme partagé en tranches infiniment étroites par des 
plans verticaux normaux à la ligne milieu du bâtiment, et le 


point À pris arbitrairement étant l’origine des longueurs qui se 


(257) 
mesurent sur cette ligne milieu. en allant de gauche à droite. 
(Foyez Pl. 2,/f8, 5) 

De méme que dans Les hâtimens rectilignes, pour trouver 
l'expression différentielle de l'assurance, nous supposons le feu 
éclaté dans un élément quelconque N,2, du bas, placé à la 
distance + de l'origine À, et nous cherchons l'assurance des 
deux élémens de la tranche M, placée à la distance y de l’ori- 
gine, contre le risque d'être brûlés tous deux par l'effet du 
même incendie, Cela Peut avoir lieu, soit par l’incendie mar- 
chant de droite à gauche, soit dans le sens Opposé, et dans 
chacun de ces sens il ÿ a à distinguer une infinité de Cas corres- 
pondant à tous les points auxquels l'incendie était arrivé lorsque 
la Communication du bas au haut a eu lieu, Soit N0O—; l’espace 
que l'incendie, allant de droite à gauche, avait parcouru au 
moment de la Communication, et NQ'— l’espace analogue 
Pour l'incendie marchant dans l’autre sens. Quoique la tranche 
considérée puisse être brûlée deux fois par l’effet du même in- 
cendie par la Propagation dans l'un et l’autre sens >ilne serait 
jamais remboursé qu'une fois si cet évènement avait lieu. Ainsi 
il faudra déduire de la somme des probabilités que l’incendie de 
la tranche aura lieu dans chacun des deux sens la probabilité 
qu'elle brûlera des deux manières à la fois, c’est-à-dire le pro- 
duit des deux premières probabilités de l'incendie dans chacun 
des sens. 

Nous allons d’abord chercher la probabilité de l'incendie ve- 
nant de gauche à droite. Alors le feu , étant supposé éclaté dans 
l'élément N, %5: la probabilité qu'il brülera entièrement la 
tranche My est le produit des probabilités des évènemens simples 
suivans. 


Probabilité 
€ l'évènement. 
1,9 Propagation horizontale de l'incendie simple 


de N en D Ne LES APRES at 
2.9 Communication de bas en haut pendant que 


(:258') 
l'incendie parcourt l’espaceinfinimentpetit 
OR dt... ss ques ose de ARE Tera 
3.0 Propagation de l'incendie double de Oen M. ,*7"#, 


La probabilité de l'incendie de la tranche considérée dans le 
cas actuel où la communication a lieu lorsque l’espace £ est in 
cendié dans le dessous est donc 


— 16, .at6te td —16,.: 7 (= =} dt. 
o 

La probabilité de cet évènement dans tous les cas est l’inté— 
grale de cette expression prise entre les limites £—0 et t—X, 
et nous mettons £— À parce que, tant que l'incendie dans un 
sens n’a point parcouru un tour entier du bâtiment, on n'est 
point certain qu'il ne se communiquera pas à la partie supérieure 
et ne viendra pas brûler l’élément supérieur M, 7, en revenant 
en sens contraire. 

La probabilité de l'incendie de gauche à droite de la tranche 
My est donc , en faisant comme précédemment, 


et en omettant les indices, 


Ê 16 e°TY at 
Lsd6 TT) f* d= = ——— + const. 
a 


[6 
= Ta EE d (x All) 
On aurait de même, pour la probabilité de l'incendie mar- 
chant de l’autre sens , en changeant x — y en k—(x—7y), 
16 


_. Ci ae D LS 


( 259 ) 
Donc la probabilité de l'incendie de M2 par l’une ou l’autre 
des causes seulement est 


16 } [6 
m (1— al) EAN re à AE, LA vs (x Let ak) ex l 
a 


Et comme la probabilité de la supposition que nous avons 
faite que l'incendie éclate dans l’élément N, »#, est À D, dx, 
et que la valeur des deux élémens de la tranche Mme est 
S +S 

- - = dy, ona 


S,+S u 
(Z, Z,), = Fe: E dy .AD de. (1 — a) 
a 


16 
— (res ar) 


ET 2 + 3. 


En intégrant par rapport à x entre les limites y et À + y, il 
vient ÿ 


(CAVAREE 
S,+S, , AD:Z6( , 16. lé.kæ C 
F À dy re fat 2— Farnliq sf) 


Et enfin en intégrant par rapport à y entre les limites y — o 
et y — k et rétablissant les indices 


16 
(HZ A, D, ras FRERE 

Le, . 
ÉD TT) 


On aurait de même 


(240) 


[6 
(Z,Z,), = AD, (S+8,) 4 


le, . la, 
Heu 
2 Ft —2a—kc (a a) 


J 


Cherchons maintenant (Z,), . En nous reportant à ce qui a 
été dit ci-dessus au sujet de [Z, |, et de (Z, Z,),, nous verrons 
que la probabilité d'incendie de gauche à droite de l'élément 
M, 2, sans celui supérieur, lorsque le feu éclate en N, #,, est, 
en omettant les indices, 


(x ET — fui (—216,6 dt) 


Pintégrale étant prise entre les limites x — y et A; parce qu'il 
faut que l'incendie ait fait un tour entier pour qu’on soit certain 
qu'il ne se communiquera pas plus tard dans le dessus. En effec- 
tuant l'intégration on trouve, pour la probabilité ci-dessus , 


lu+l6. (x 6)° 


PR Ne 


On trouve de même, en changeant x y en À—{(x—7), 
pour la probabilité de l'incendie de M, 4, dans l’autre sens, 


ba Le («6° 


k=x + 
TG 8) what Sa huuasl 


en faisant pour abréger 


lu + l6 (x 6) 


Tu 8) e «6 e 


La probabilité que l'élément M, "1, sera brûlé sans celui su- 


(241) 
périeur , au moins une fois, par un incendie venant de gauche 
à droite ou dans l’autre sens, sera 


Eef-r 4 Eekrt+y __ Ep: e* 


par conséquent , on a 


er = ff 54 an dx 


E ef) H Ee-t+y __ pe e* 


En intégrant par rapport à x depuis x = y depuis æ =k+7y, 
on trouve 


SADE 
(Z)= nn 7 2 —2—RE. le .e | 
k .le 


, 


Puis , en intégrant Par rapport à y entre les limites y— o et 
Y = et rétablissant les indices et mettant pour E et e leur 
valear 


: S, À D, (ao 16, (es 6) 
2 x l (%o 6) 


| dan E (2 tot L6, , (to 60) ) (CAR | 
On aurait de même 
S, A, D, (4e, + 16,.(2,6,)) 
La 6,) 
| 2 CG, 6,} — 2— k (ea, +6, 7 (a, 5,)) CG, 6,)* 


16 


(2), = 


( 242) 

Et enfin, en ajoutant ces deux expressions avec celles de 
(2, 2, ), et (Z, Z, ), trouvées précédemment, nous aurons l'as- 
surance demandée d'un bâtiment fermé avec étage. Cette somme 
sera la formule (26), que nous nous dispensons d'écrire à cause 


de sa longueur. 


Assurance d'un bâtiment à deux ou à un plus grand nombre 
détages , lorsqu'on considère l'incendie comme marchant 
par degrés infiniment petits et ne se communiquant pas 
nécessairement d'un étage à celui voisin. 


Re RON RENITS ve RTE 


La théorie ci-dessus peut s'étendre sans grande difficulté, 
mais non sans grande complication , au cas de deux ou d’un plus 
grand nombre d’étages. Comme il arrive bien rarement que 
lorsque deux étages sont en feu ceux qui sont en dessus et en 
dessous puissent être sauvés, nous nous bornerons à l’assurance 
d'un bâtiment à deux étages, et comme les bâtimens que nous 
avons appelés fermés ne se font guère qu’autour des cours de 
ferme et avec un étage au plus, nous ne nous occuperons pas 
du cas où un bâtiment de cette espèce aurait deux étages. 

Nous désignerons par l'indice o toutes les quantités relatives 
au rez-de-chaussée , et par les indices 1 et 2 celles relatives aux 
premier ef second étages , el nous adopterons, pour désigner les 


(243) 
données du problème , les mèmes lettres que pour le cas d’un 
seul étage. L'existence du deuxième étage donnera lieu à des 
combinaisons nouvelles qui exigeront de nouveaux symboles que 
nous allons indiquer. 

Nous désignerons toujours par ét la probabilité que lorsque 
l'incendie a déjà parcouru l'espace £ depuis le point où il a pris 
naissance , il ne s’est point encore communiqué dans le sens ver- 
tical d’un étage à celui voisin , et nous indiquerons de la manière 
suivante les étages dont il s'agira, savoir : 

La probabilité de non communication, du N.o o brûlant seul 
au N.° 1 par ét 


01° 
Da No r brûlant seul au No o par 6t,,: 
Da No : id. au No 2 par 61, 
Du No 2 id. au No 1 par 6t,,,. 


La probabilité de non communication au No 2 lorsque o et 1 
sont en feu à la fois et que la longueur parcourue par l'incendie 
depuis son origine est £, par 6,/*, et par 6, la probabilité de 
non propagation au Ne o lorsque les N.os 1 et 2 sont en feu à 
la fois. 

D'après les hypothèses et les principes posés précédemment, 
on aura, en désignant par à la probabilité de propagation dans 
le sens vertical, dans un bâtiment de même nature que celui à 
assurer et de développement unitaire, lorsque l'incendie a par- 
couru horizontalement une longueur unitaire, on aura , disons- 
nous, en mettant aux lettres 2 les mêmes indices qu’à celles €, 


RS LE 


Lie Bon + bd D, 


O1 


ER b,,5 


1—b,,,+b,,) D 


1/0 1 
Ne D, 


Où 
= 
= 
[e} 


| 


l'a b,, qu 15 D, 
Pre AT 
2/1 F2 b + b 


2/1 


Où 


LA 


2/7 


(244) 


Nous aurons parcillement 


1— D 


gl; = ns GRECE AUDE Enter ee 
; z NON Or (D,+D,) 
fl — PA nm ane 
c Li — b,,0 + Bb, (D, +D,) 


Quant aux probabilités que l'incendie, arrivé à un point quel- 
conque en brülant un ou plusieurs étages et ne faisant point de 
progrès dans le sens vertical , se propagera horizontalement à 
une longueur unitaire de plus, nous les désignerons par «,, &,, 
«, lorsque les étages o, 1, 2 brüleront seul, 2, et :, lorsque les 
étages o et r et 1 et 2 brüleront ensemble, et enfin par £ sans 
indices lorsque les trois étages brûleront à la fois. 

Nous aurons toujours, pour les trois quantités «, l'expression 


aD 


1— a + aD 


TM = 


dans lesquels on mettra à toutes les lettres les trois indices 
Os I 9 2. 
Va, ai (D, +D,) 
1—Va, al + Va, al (D,+D,) 
V’a, a, (D, + D,) 
’ 1—Va, al + Va, a,l (D, +D,) 


et enfin 
3 
V’aça, a,\ (D,+D,+D,) 
3 3 
1—Va,a, a, \+Va, a, al (D, +D,+D,) 


€ 


L'assurance totale du bâtiment sera composée de dix parties 


(245) 
que nous désignerons par des symboles semblables à ceux adoptés 
dans le cas d’un seul étage. Les indices de 3 dans les parenthèses 
sont les numéros des étages dont les élémens d’une même tranche 
verticale brûlent par l'effet du même incendie, et le symbole 
exprime l'assurance de la combinaison de ces élémens contre les 
risques qu'ils courent d’être brûlés par un incendie qui a pris 
naissance dans l'étage dont le numéro est l'indice extérieur de la 
parenthèse, l'assurance totale sera la somme des dix quantités 


#1 À 


ù 


Lolo + [rl + + [colo + (Go 2 +5, 3) 0, 


FA ER 8; Zalo Ci ER 3; z, |, Se [Zo 3; CA À 


Par la même raison que nous avons eu la formule de [z,,|, 
dans le cas d’un seul étage, nous aurons ici pour [z,], et [z, |, 
deux expressions semblables aux indices près , puisque dans l’un 
et l’autre cas il s’agit d’un incendie qui reste constamment dans 
l'étage où il a pris naissance, sans se communiquer au seul étage 
qui l’avoisine. Quant à [z,|, , on pourra aussi conclure son ex- 
pression de celle citée; car il est clair qu’il suffira pour cela de 
changer &, 6, en &, 6,,0 619 + En effet, la probabilité que l’in- 
cendie éclaté en N, 7, viendra brûler l'élément M, #21, avant de 
se communiquer aux autres étages est (x, 6,,6-6,, )” *, et on 
verrait de même que la probabilité que, pendant le reste de son 
cours, l'incendie se communiquera en dessus ou en dessous, est 
composée en w,.6,,5» 6,7 COMme la probabilité pour le cas 
d’un seul étage l’est en 4 6. On a donc d’abord, en faisant pour 


abréger 
2 
Ko or ACo 
2 an gi 
Cris 6,,0 Te er A 
Dan n6 C4} 


(246) 


TES 2A,D,5, 
Re 
l 16 
(TE (est — 1 —kle)— 5: RE —1—Àk ci Le, )| 
ci 1,2 
2 AD Sr 
EAP FEI k(Le) 
I 
u 6 
De =": (c, Er kle ne usine 11) (ci ke 1) | 
ce E, 
2A,D,S 
[z L = KG > 


pe (aire) Tu (oi—imheite.)| 


Les formules des autres parties de l'assurance sont encore 
beaucoup plus compliquées, tellement qu’elles seraient d’une 
application impraticable. Cependant, pour satisfaire la curiosité 
de nos lecteurs, nous allons faire voir comment se trouve l’ex- 
pression de [z, 2, ], - 

Pour cela, supposons 1.0 l'incendie naissant au rez-de-chaussée 
dans l'élément N, ,,; 2.0 qu'il parcoure vers la gauche l'espace 
t, et que pendant qu'il s’avance de l’espace infiniment petit dé 
suivant, la communication de l'incendie ait lieu. La probabilité 
de cette supposition est de même que dans un bâtiment à un seul 
élage, 


A, D, dx y LE - Eton À) 


D'après notre hypothèse cette communication ayant lieu, le 
dessus partage le sort de la partie inférieure , de sorte que l'in- 
cendie double menace de se communiquer au second étage par 


(247) 
tous les points de la partie en combustion et marche en brûlant 
à la fois le rez-de-chaussée et le premier. La probabilité qu'à 
partir de o cet incendie double ira jusqu’à la tranche à assurer 
My sans se communiquer an deuxième étage est 


T—ÿ=-n play 
CR . 6, . 


Ainsi la probabilité de l'évènement composé que l'incendie 
éclatera dans l'élément N, n, et qu'après avoir parcouru dans. le 
rez-de-chaussée l'espace £ il se communiquera au premier, puis 
que , sans se communiquer au second , il viendra brûler les deux 
élémens M", et M m,, est. 


—A,D,. dr. lé (ao A) ER 


Mais comme il serait possible que dans le reste de sa course 
jusqu’en À l'incendie se communiquât au second étage et que 
l'assurance appartiendrait alors au cas de [z,,z,, 3, |,» il faut 
déduire de la probabilité ci-dessus celle de cet évènement. Pour 
la connaître, supposons l'incendie double des Nos o et 1 arrivé au 
point F entre M et À , sans s'être propagé au deuxième, et sup- 
posons que cette communication ait lieu pendant le trajet infini- 
ment petit F7, en faisant NF — x et Ff — du; la probabilité 
de cette supposition est 


— A, Do de à Léusx (moon) 50 (— 16! 6" du) 


En intégrant cette expression par rapport à w entre les limites 
æetx—ÿ, on aura la probabilité cherchée que la communi- 
cation au second étage aura lieu après que l'incendie double sera 
passé à la tranche My. En effectuant cette intégration par les 
procédés connus, on trouve 


07 À, D, dx l Go (CA CAL (GC 30) — Co 60 )°Y 


CE, TEA 


( 248 ) 
La probabilité d'incendie des deux élémens M», et M, mn, 
à la fois et sans que celui M, », soit brülé est donc 


— À, D, dx 16 


oyx (to 6 L 


= 7) [se 60 ÿ” ES (5 é y] di 


De Lea 


et par conséquent 


pen Us Bo, og D, dx 16, Go) 


RAA RS CA F [GC = C, ec»? dt 


En intégrant cette expression par rapport 


& entre les lnites o et x, 
met id. retk, 
Y id. o et k, 


on aura l'assurance contre tous les dangers d'incendie venant de 
droite à gauche. Si l’origine des longueurs avait été placée à 
l'extrémité à droite au lieu de celle à gauche, on aurait eu la 
même expression pour l’assurance contre les dangers d'incendie 
venant de l’autre sens. Il faudra donc doubler l'intégrale pour 
avoir l'assurance contre les dangers d'incendie dans les deux 
sens. On trouvera , après avoir effectué toutes les opérations in- 
diquées , doublé le résultat et fait pour abréger 


( 249 ) 


age bee nS) 1e, 
CON T110 k Le 


16, c' L 1 L 
5 Te rt )- At") 


Le, [= = | 


a ns rue AN 


I dé6!, [ L 
pe EP be —e"+kl 
+ sus) k} NE ) 
e 


Cette formule donne aussi[z, z, |, en changeantconvenablement 
les indices. Quant aux cinq autres parties qui composent l’assu- 
rance totale, on pourra les obtenir par un moÿen tout-à-fait sem- 
blable à celui qui précède ; mais nous nous abstiendrons de les 
donner, d'autant plus qu’à l'inconvénient d’être trop compliquées 
elles joignent celui beaucoup plus grave de s’écarter peut-être 
trop de la vérité. En effet, pour ne point amener une complica- 
tion excessive , nous nous sommes permis de ne point avoir égard, 
dans le calcul des effets de l'incendie marchant à gauche du 
point où il a pris naissance, à cc qui pouvait se passer à droite 
de ce point. Or, dans cette partie droite, l'incendie peut se 
communiquer aux étages voisins et revenir ensuite vers la gauche 
en brûlant ces étages, ce qui changerait entièrement l’état de 
l'incendie de gauche dont nous avons calculé les effets comme 
s’il existait seul. 


Si toute cette théorie sur l'assurance d'un bâtiment à deux 


( 250 ) 
étages est inapplicable, elle servira du moins à faire connaître 
l'extrême complication de la question et la presqu'impossibilité 
de la résoudre lorsqu'on veut avoir égard à la marche de l'in- 
cendie par degrés infiniment petits. 


Des assurances particulères. 


Ce sont, comme nous l'avons dit dans les préliminaires, celles 
des parties de l'édifice ou de certains objets qu’il contient et 
dont on connait la valeur et la position, contre les risques géné- 
raux d'incendie et contre ceux qui proviendraient de points 
particulièrement exposés à donner naissance à l'incendie. 

Lorsque l’on suppose , comme dans la première partie, qu’un 
corps de bâtiment brûle entièrement dès qu'il est atteint par 
le feu , les risques provenant de certains points particulièrement 
dangereux sont les mêmes pour toutes les parties du même 
corps , indépendamment de leur position. Alors les formules de 
notre première partie suflisent au calcul des assurances dans 
tous les cas dont elle traite; mais il arrive le plus souvent qu'outre 
que toutes les parties combustibles d’un édifice peuvent donner 
naissance à un incendie, il y a certains points plus exposés que 
les autres, qui font courir à eux mêmes et au reste de l’édifice 
des risques particuliers dont l'effet peut être apprécié séparé- 
ment. Supposer, comme nous l'avons fait, que la probabilité de 
naissance d'incendie est la même pour toutes les parties, c’est 
admettre qu'on ne connaît pas de motifs pour que le feu prenne 
plutôt en un lieu qu’en un autre : mais lorsqu'on veut calculer 
aussi juste que possible et qu'on connaît des causes qui facilitent 
la naissance du feu en certains points connus, il faut, dans l'éva- 
luation des probabilités À , ne point tenir compte de l'influence 
de ces causes et ajouter à l’assurance des risques généraux qui 
est donnée par nos formules celle de toutes les parties de l’édi- 
lice à raison des risques provenant de ces causes particulières. 


( 23w2) 

Nous avons supposé encore que toutes les parties du bâtiment 
avaient, à surface égale, une égale valeur, et nous avons démontré 
dans les préliminaires que c’est ainsi qu'on doit le faire, lors 
même que cela n'est pas; mais qu’on ignore absolument les dif- 
férences qui existent , comme lorsqu'il y a des objets meubles 
assurés et qu'on n’a aucun motif de croire qu'ils sont plutôt en 
un lieu qu’en un autre. Cependant le milieu des édifices étant 
plus exposé que les extrémités, il faut, pour calculer avec toute 
l'exactitude possible , avoir égard à la position des objets assurés 
et il y a d’autant plus d'intérêt à le faire, que ces objets ont 
plus de valeur et qu'ils sont plus inégalement répartis. Nous 
allons donc résoudre le probléme suivant. 


Assurance particulière dans un bâtiment rectangle isole. 


Déterminer l'assurance d’un bâtiment rectangle isolé, de 
nature telle qu’un incendie brülerait à la fois toute sa hauteur 
et sa largeur ; ce bâtiment étant garni d’objets assurés dont la 
valeur et la position sont données, et qui doivent suivre le sort 
du lieu qu’ils occupent en courant indépendamment des risques 
qui proviennent des causes générales des risques particuliers , 
provenant de ce qu'il existe dans l'édifice des points connus qui 
font courir des dangers connus d’explosion d'incendie. 

Soient V5 Ve. 14 4 Y, les distances à l'extrémité gauche, 
que nous prenons pour origine, des objets assurés en nombre n, 
que contient, l'édifice, et S,, S,..... S, respectivement les 
sommes à rembourser en cas d'incendie de ces objets. Soient 
encore X,,X,..... X,, les distances à l'origine des points qui 
font courir des dangers particuliers, et À,, À,.... À,, respec- 
tivement, les probabilités qu’ils donneront dans l’année naissance 
à l'incendie, Nous conserverons ensuite toutes les dénominations 
que nous avons posées au commencement de cette partie, en 
traitant de l'assurance générale d’un bâtiment de l'espèce dont 
il s'agit. 


( 252 7 

Il est clair que l'assurance demandée se compose de quatre 
parties, savoir : 

1.° L'assurance générale, ou de toutes les parties dont la 
valeur n’est pas eomptée à part, contre les risques généraux ou 
provenant de la généralité des parties combustibles et sans com- 
prendre les risques connus que font courir certains points connus. 
Cette assurance est celle dont la formule (1) donne l’expres- 
sion et que nous avons avons appelée Z; 

2.0 L'assurance générale contre les risques particuliers ou 
provenant uniquement des points dangereux ci-dessus ; nous la 
désignerons par Z’; 

3.° L'assurance particulière ou des objets particuliers, contre 
les risques généraux; nous la désignerons par » ; 

4. L'assurance particulière contre les risques particuliers ; 
assurance que nous désignerons par w”. 

La première assurance nous est déjà donnée par la formule 
(1) et les autres peuvent s’obtenir facilement au moyen des 
équations différentielles qui {y ont conduit. Il suffit, pour les 
assurances particulières, de substituer à la distance y et à la 


d 
valeur n de la tranche dy la distance Lo et la valeurs, d'un 


quelconque N.° des objets assurés, et pour les dangers parti- 
culiers, de substituer X; à la distance x de la tranche dx à 
l'origine ;, et À;, probabilité d’explosion d'incendie en un point 
particulier quelconque No z, à AD dx qui représente la même 
probabilité par les causes générales dans la tranche dx. Ensuite 
pour les risques particuliers , l'intégration par rapport à x devra 
être remplacée par une sommation relative à tous les points 


d 
dangereux et __ devenant alors la différence finie de Z' par 
I 


A Z', et pour les assurances particulières l'intégration par rap- 
port à y devra être remplacée par une sommation relative à tous 


( 2521} 


dz 
les objets particuliers, et A Aw. Enfin, en changeant à 
em 


S d 
la fois —7 enS,,y en Y,, À D dx en À; et x en X,, 


d wo .AX.AY 
D dx dy deviendra ie JS 


les différences finies une notation semblable à celle usitée pour 
les différences infiniment petites. 


en employant pour 


Nous aurons donc en reprenant l'équation (a) ,que nous avons 
trouvée en traitant de l’assurance générale du bâtiment dont il 


est question et en y faisant successivement les changemens 
ci-dessus : 


d 3 S dy 
re Ad. a 1.10. 
dr à x dy 7 CAT” (a z) 
S d X,- 
d(AZ) =. À, UE nd ce 


ANA STAR de 4 0e , (Hu) 


2 ! 
Mu. AX;. AY, X_Y 
—— —=$S,.AÀ, . au h.... (a) 
AX;. AY, 
En prenant l'intégrale de (a z') , entre les limites y — o et 
Y —=X;, pour avoir l'assurance de toutes les tranches situées à 
gauche du point dangereux N.° ?, il vient : 


Hiver = a (à —i) 


L'assurance des tranches placées à droite du même point 
étant composée en K — X; comme celle-ci l’est en X,, on a 
pour l'assurance de toutes les tranches du bâtiment : 


T7 aitu 
[4 
S 
est enfin V= A (ai+ai 2) (2) 


Le signe > indiquant ici que l’on doit prendre la somme des 


&-X,; 


expressions semblables à A: ( é Ha ii — 2) , qu'on peut 
former en donnant à l’indice z toutes les valeurs de 1 à 2 dont 
il est susceptible. 

Eu opérant sur l’équation (a w) de la même manière que sur 


la précédente, on trouve 
À D r 
ON rene A Sarre) (3) 
a 


Enfin en intégrant la quatrième équation (a w' ), d'abord par 
rapport à l'indice ?, il vient 


Aw —5S;, | A, sh -Y, PQ ce peu —Y} 
et ensuite , par rapport à l'indice X, on a 
w ==> S; a, dou d +A, a Yh ME 4 à mA Et) 


Le signe > indiquant qu'il faut prendre la somme des expres- 
sions semblables à celle qui lui est soumise , que l’on peut former 
en donnant à l'indice k les n valeurs dont il est susceptible. Il 
faut observer en appliquant cette formule (4) que tous les expo- 
sans X — Y sont censés positifs, ct que lorsqu'ils seront négatifs 
il faudra toujours les regarder comme positifs en remplaçant 


X— Ypar Y —X. 


( 255 } 
L'assurance demandée, étant la somme des quatre expressions 
(x) du & rer et (2) (3) et (4) de celui-ci, est 


TS (1x4) 


+ :4 (À + œ KE) 


+ = > S (CET RS — 2) 


1.21) 


18 fascx,-%: DE Re COR sh | 


Nous avons supposé dans cette théorie que les objets particu- 
liers assurés partagaient nécessairement le sort du lieu qu'ils 
occupaient. Lorsque ces objets sont des meubles que l'on peut 
sauver , le contraire a souvent lieu ; ainsi cette supposition n’est 
point exacte. Alors il faudra remplacer la valeur S; d’un objet 
particulier quelconque par cette même valeur multipliée par la 
probabilité qu’en cas d'incendie du lieu qu'il occupe, il serait 


brûlé. 
Assurance particulière d’un bâtiment fermé. 


En opérant de la même manière que ci-dessus, on trouve 
facilement l'assurance particulière d’un bâtiment fermé de l’es- 
pèce de ceux considérés $ IT. En conservant toutes les déno- 
minalions de ce paragraphe, qui sont aussi celles du fer, et 
toutes celles précédentes relatives à l'assurance particulière d'un 
bâtiment rectiligne , on trouve d'abord que l'équation différen- 


( 256 ) 


tielle de l'assurance générale contre les risques généraux étant 


on a en faisant les mêmes changemens que ci-dessus , de 
L 1 


ee pour les risques particuliers , 
É 11: 
etde $ dy ? ©n pour les objets particuliers; 
Are S, 
k 


sue / sr A. REED) XL ruse (eg) 


Litesf se PA BÈZE À eV 4 RCD Le 


Déjà la formule '(6) nous donne pour l'intégrale de la pre- 
mière équation (e 1) 


SAD 
Aves ". (ad —2—klau).. PR RIT (e z) 


Les deux équations (e 2) et (e 3) s'intégrent sans difficulté, 
les opérations étant tout-à-fait semblables à celles de la première 
intégration de l'équation (e). Elles donnent : 


( 257 ) 


L' — Fa (2 d—amklad) ZA, (e z') 
= (aé—2=R la) :6, (e w) 


Et enfin la quatrième équation (e 4) donne : 
ic = 5? S, À; | Ra dh ar XX) PL (e w') 


Expression dans laquelle après avoir, en laissant subsister 
l'indice X, pris la somme des expressions formées en donnant à 
ë les m valeurs dont il est susceptible , il faudra encore prendre 
la somme de toutes les expressions qu'on pourra former en don- 
nant dans cette première somme à l'indice À ses n valeurs. Il 
faudra aussi faire abstraction du signe des exposans X — Y et 
les considérer tous comme positifs. 


L'assurance demandée des objets généraux ct particuliers 
est la somme Z + 2 +4 + 0, c'est-à-dire > en désignant par 
u la sommeS, + S, ..,.... + S, des valeurs des objets 
particuliers : 


PV DRE 1e NE 


CAR 


k 


A D (5+) + : (+A4,+a, +) | 
+2°S, À; ( a Xi Yn + ak = (X;-Y5) _— d* ) formule. ... (28) 


Les assurances particulières dans les cas où il y aurait plu- 
sieurs édifices contigus ne présenteraient pas plus de difficultés 
que dans ceux que nous avons traités. Il suffira toujours de rem- 


V7 


( 356) 

placer certaines longueurs, certaines probabilités d'explosion 
d'incendie et'certaines sommes, dans l'équation différentielle 
déjà connue de l'assurance générale contre les risques généraux , 
par les quantités analogues des objets et des risques particuliers. 
Les intégrations aux différences infiniment petites se trouveront 
alors réduites à des sommations de termes semblables, qu'on 
indiquera par le signe >. Nous nous abstiendrons donc de donner 
les formules des assurances particulières pour le cas de plusieurs 
édifices contigus , d'autant plus qu’elles seraient fort embarras- 
santes à écrire et d’une application très-laborieuse, 


( 259 ) 


TROISIÈME PARTIE. 


Des assurances morales. 


Nous avons vu dans l'introduction que les compagnies d’assu- 
rance devaient calculer les risques qu'elles courent d’après le 
principe de l'espérance mathématique, tandis que les parti- 
culiers devaient estimer l'intérêt qu'il y a pour eux à se faire 
assurer par le principe de l’espérance morale, et nous avons 
donné le nom d'assurances morales à celles calculées par ce 
dernier principe. Quoique la crainte morale qu'un individu a de 
perdre une partie notable de sa fortune dépende d'une foule 
de circonstances particulières que le calcul ne peut apprécier, 
les géomètres ont adopté à ce sujet un principe proposé par 
Dauer Bervouu, qui convient dans un grand nombre de cas et 
que nous prendrons pour base de nos calculs, en laissant aux 
individus le soin d'apprécier mieux cette crainte morale, d’après 
leur position ou leurs affections particulières. 


Ce principe de Dane Benvouzur est celui-ci : « La valeur 
» relative d’une somme infiniment petite est égale à sa valeur 
» absolue divisée par le bien total de la personne intéressée. 
» Cela suppose que tout homme a. un bien quelconque dont la 
» valeur ne peut jamais être supposée nulle. En effet, celui qui 
» ne possède rien donne toujours à son existence une valeur 
» au moins égale à ce qui lui est rigoureusement nécessaire 
» pour vivre. » (Théorie analytique des probabilités. — 
Introduction. ) 

Si l’on applique l’analÿse à ce "principe on obtient la règle 
suivante : 


Soit F la fortune ou le bien d’un individu , en ayant égard à 


( 260 } 
ses ressources de toute espèce et sans compler ses expectalives, 
dont il s’agit de calculer la valeur morale, 

Soient E, ,E,,E3...... E,, des sommes qu'il a en expec- 
tative dans »2 cas divers, dans lesquels sa fortune sera respee- 
tivement F+E,, F+E,.....F+ E,, les probabilités res- 
pectives de ces cas étant, , D, » Pace... Pm * 

La fortune physique + qui mettrait l'individu dans le même 
état de fortune morale que celle où il se trouve à raison de sa 
fortune et de ses expectatives est 


e=(F +E,)? s (F + E, )P (F + En ) Pa: 


CE Cugni a. (F+E,,)?n Formule (1) 


d’où l'on tire en prenant les logarithmes 


Log. y —=,p, Log. (F + E') + p, Log. (e — E,) 
+ p3 Log.(F — Es) PCT ES Log.(F — E,, )Form. (1) 


Ainsi À désignant la probabilité d'incendie dans l’année 
d’une maison de valeur S et F, la fortune de son propriétaire, 
indépendamment de cette maison , 1 — À , sera la probabilité 
que la maison ne sera point incendiée. 

Si le particulier court la chance d'incendie et ne se fait point 


assurer , l'état de sa fortune sera (F + 9) (F + " ; Si au 
contraire il se fait assurer moyennant une somme w;, son état 
sera (F+S — )'. En égalant ces deux quantités on trouvera 
qu'il y a égalité entre les deux états lorsque 


DEA 6 — 4H (r+s)'"À PARA, 


( 261 ) 

Telle est l'assurance morale de la maison. L'analyse fait voir 
que cette somme est toujours supérieure à l'assurance mathé- 
matique SA et qu'elle se confond avec elle lorsque la fortune 
F du propriétaire est infinie relativement à la somme éven- 
tuelle S . 

Désignons par À la différence w — z entre les assurances 
morale et mathématique, et faisons la probabilité : — À que la 
maison ne sera pas incendiée dans l’année — A 


comme z—= ÀS — (1 —A)S 


et © —3+A—(1—A')S+A 


LA e 
l'équation se changera en 


(G—A)s+a=r+s—(r+s)" FG-À") 
d’où s=F+A—S(r+s)t REA) (5) 


C’est l'expression du sacrilice qu’un propriétaire doit raison- 
nablement faire pour assurer sa maison, ou de la somme qu'il 
peut convenablement payer en sus du prix de l’assurance cal- 
culée par nos formules. Il faut donc pour que les assurances se 
fassent avec un avantage réciproque que les frais et les bénéfices 
des compagnies soient inférieurs à cette somme. 

La formule (3) se simplifie lorsqu'on prend pour unité la for- 

S A 
tune antérieure F: set Jreprésentant respectivement Fr * F on 
a alors 


d—) + A 5 — G+s) DRE 02) 


qui est l'expression donnée dans la théorie analytique des pro- 
babilités. 


( 262 ) 

En caleulant l'expectative du propriétaire dans le cas où il 
n'assure pas, nous avons considéré l'incendie du bâtiment pro- 
posé comme un événement qui ne pouvait exisier qu’une seule 
lois dans l’année. C’est bien ainsi que cela a effectivement lieu 
dans la pratique, parce qu'il est bien difficile qu'un édifice soit 
brülé, reconstruit et brülé une seconde fois dans la même an- 
année; mais , parce que les incendies partiels, qui peuvent avoir 
lieu d’une infinité de manières différentes, changent l’état des 
lieux, nous avons dû dans les deux premières parties supposer 
qu’immédiatement après un incendie, l'édifice était rebâti et 
continuait à courir les mêmes dangers jusqu'à la fin de l’année. 
L’extrême petitesse des probabilités d'incendie est cause qu'il 
n'existe qu’une différence très-petite, qu'on peut négliger sans 
inconvénient , entre les assurances calculées dans l'une et l’autre 
hypothèse; mais cette différence cesserait d'être négligeable si 
dans des suppositions spéculatives on faisait les probabilités 
d'incendie extrêmement grandes. Notre formule, ainsi que celles 
qui vont suivre, deviendrait même absurde si ces probabi- 
lités étaient plus grandes que l'unité. La probabilité d'un évé- 
nement unique est nécessairement fractionnaire , mais lorsque, 
comme nous l'avons fait, on donne par extension le nom de 
probabilité à la somme des probabilités d'un certain événement 
dans une infinité d'épreuves , cette somme peut être supérieure 
à l’unité, et il n’est plus exact de dire que dans le courant 
de l’année il ne peut arriver que l'incendie ou l'événement 
contraire. 

Pour apprécier la différence qui existe entre les assurances 
calculées dans les deux hypothèses , supposons que le bâtiment, 
au lieu de courir une seule fois dans l’année la chance d’in- 
cendie À, court au commencement de chaque mois la chance 
a et soit rétabli immédiatement s’il venait à être brûlé. Il 


pourra dans ce second mode être brûlé 12, 11, 10,.,. 1,0 


( 263 ) 
fois ,et les probabilités de ces événemens seront respective- 
ment les treize lermes du développement du binome 


Si maintenant on désigne par P la probabilité que le bâti- 
ment sera brûlé au moins une fois dans l'année, P sera la 
somme des douze premiers termes du développement ci-dessus, et 
sera ainsi égal au développement total, qui est l’unité, moins le 


À 12 
dernier terme, qui est (: — —}) c'est-à-dire que 
12 


ou en développant, que 


EUR S OP: Ve 12.11.10 AS 
P— A —— = + ÈS 
16272 TMC PU TE 


12.11.10.9 A4 


als stost eLC: 
EU. Jo 124 


Dans les assurances contre l'incendie la probabilité À étant 
loujours très-petite, on peut sans erreur sensible omettre tous 
les termes où cette quantité est élevée à une puissance supé- 


rieure à l’unité et poser 
LR 
C'est ce que l'application suivante va nous prouver. Pour 


10 


Le 


les termes du développement sont 
1000 


( 264 ) 


Le 1er + 0, 0012 
2.° — o, 0000 0066 
ace + O0, 0000 0000 0220 
4e — 0, 0000 0000 0000 0499 
5.e — 0, 0000 0000 0000 0000 0792 


Les termes successifs diminuant très-rapidement et devant 
diminuer davantage encore après le 7.e, la somme des termes 
que nous proposons de négliger est à très-peu près égale à 
celle des quatre derniers termes écrits; c’est-à-dire à 


— o, 0000 006 9780 0494 9208. 


or cette somme n'étant que du premier terme, le dé- 


1819 


veloppement peut être sans inconvénient réduit à ce terme seul, 
ainsi que nous l'avons annoncé. 

On arriverait à des conclusions tout-à-fait semblables si l’on 
supposait que le bâtiment subit à chaque instant infiniment 
petit une certaine chance d'incendie , et est rebâti immédiate- 
ment en cas de sinistre. En effet, en désignant par 7 le nombre 


des épreuves, par — la chance d'incendie pendant chaque 


instant , et par P la probabilité que sur les y épreuves l'incendie 
aura lieu au moins une fois, on aura comme ci-dessus 


SSSR LE Éc Ce 
et P— À — LAS don | PA D A me Poche 
EU D TON 3! VER 5 


, ph pes y—1  y—2 
Dans le cas où est infini, les rapports à , 


ÿ: 2 


sTÉLC: 


( 265 ) 


sont égaux à l’unité ct il vient siinplement 


A° A af 
P—A— + ——> — TH or. etc. 
15 CE PEpUSTE 
L 
Série dont l'expression exacte est 1 — —- en désignant par 
e 
e la base des logarithmes naturels. 
On a donc 
P = 1 — ei es... (5) 
d’où 
It) et 
et 


Lt —P)=—A 


En désignant par / la caractéristique des logarithmes naturels. 
Dans le cas de l'application précédente où A — 0, 0012 on a 


lt —P) —= — 0, 0012 


d'où 
1 — P — 0, 995 807 197 
et 
P — 0, oo1 192 803 
et enfin 
P— À — — 0, 000 007 197 


Différence qui n'est que = de À et peut être négligée. 
7 


On peut donc, suivant que la simplicité des calculs le 
demande, supposer que l'édifice court en un instant toutes les 


chances d'incendie auxquelles il est exposé pendant toute l'an- 


( 266 ) 
née, et qu'il n’a ainsi à subir qu'une épreuve unique dans 
laquelle il ne peut être brülé qu'une fois, ou que l'incendie 
peut avoir lieu à chacun des instans et qu'immédiatement après 
un incendie quelconque l'édifice rétabli continue à courir les 
mêmes chances et peut être brûlé un nombre indéfini de fois. 


Il était nécessaire de donner ces explications pour éviter le 
reproche d’inexactitude ou même d’absurdité qu'on aurait pu 
faire à nos formules. 


C’est un précepte de la prudence commune qu'il faut diviser 
ses risques et c’est aussi ce que la théorie des espérances morales 
indique. Larsace démontre en effet (page 436 ) qu'on a mora- 
lement de l'avantage à partager une somme sur plusieurs vais- 
Seaux, au lieu de la transporter sur un seul. Il y démontre 
aussi que l'avantage moral s’accroit avec le nombre de vais- 
seaux , et que lorsque ce nombre devient infini, l'assurance 
morale se confond avec celle mathématique. Ceci s'applique 
également aux assurances morales contre l'incendie. 


L'assurance morale donnée formule (2) pour le propriétaire 
d'un bâtiment unique de valeur $ et courant le risque À ne 
peut s'appliquer au cas où le même individu posséderait plu- 
sieurs bâtimens dont l'assurance mathématique AS serait néan- 
moins la même. Il est clair en effet que les incendies de ces 
bâtimens divers étant des événemens indépendans, il y a un 
avantage moral à ce’ que le même risque total soit couru par 
plusieurs maisons ayant ensemble la même valeur. Supposons 
qu'un individu possède au lieu du bâtiment unique ci-dessus un 
cerlain nombre x de maisons dont les incendies soient indé- 

S 
pendans, chacune d'elles valant a et courant la même 
chance À. Alors les probabilités d'incendie dans l’année seront 


les suivantes : 


(267 ) 


Probab. d'incendie den maisons.. p" 

Id. de(n-1) id. … n(1-p) p°" 

n (n-1 d 

nl de(n-2) id. RTS AER J 

-1) (n-2 7 

Id de(r-3) id. … (ur nGr2) ons FA 

NN) 
Id. de o db; rs Gp} 


n 
qui sont les termes du développement du binome {p + (-p)} 


La fortune physique, qui correspond à la situation morale du 
propriétaire, sera donc (formule (1)),en désignant par y cette 


fortune, 


2 2 =p\t 
x (e+ 2: RAS ES NL 
d'où 


Log. 9 — p" Log. F + n (1—p) p°7" Log. (r + =) 
n 


_ 25 
—— ( —p°) DU Log (r cn =) .. 
2 n 


ss... + (1—p) Log. (F+S) Formule (6) 


( 268 ) 
Si le propriétaire se fait assurer moyennant ‘une certaine 
somme «w, sa situation sera 


(F+S—) 


et pour que cette situation soit la même des deux manières, il 
faudra que 


FE F+S— 9» ee. (7) 


9 devant être calculé par la formule (6). sera l'assurance 
morale demandée, ou la somme que le propriétaire des x mai- 
sons doit raisonnablement payer pour son assurance. Outre 
qu'on trouvera ici « moindre que pour un seul corps de bâti- 
ment du même prix, l'avantage moral qui existe en général à 
diviser les risques sera beaucoup plus grand dans la question 
des assurances contre l’incendie, par la raison que le danger 
diminue avec la’grandeur des édifices. Dans la fquestion précé- 
dente, si l'on admet que le danger est proportionné à l'étendue 
des édifices, il faudra remplacer À par = dans l'expression 
de la fortune physique +. Cette quantité sera plus grande et 
par conséquent l'assurance morale diminuera. 

Les formules (6) et (7) s'appliquent également à l'assurance 
morale d'un groupe de bälimens semblables de même valeur et 
courant les mêmes chances d’explosion et de propagation d'in- 
cendie, construits en ligne fermée autour d’une cour, puisqu'on 
avu (1.re partie) que les probabilités d'incendie de tous les 
corps de cet édifice sont les mêmes. 

Dans toutes les questions sur les assurances morales, si on 
continue à désigner par F la fortune antérieure, par S la somme 
totale à assurer, par # la fortune physique du propriétaire, en 
ayant égard à ses expectatives, et par « l'assurance morale cher- 
chée, on aura toujours l'équation (7) 


( 269 ) 
o —=F+S—» 


puisqu'elle a été obtenue par des considérations tout-à-fait indé- 
pendantes de la question particulière que nous résolvions. Ainsi 
nous nous bornerons à l'avenir à donner l'expression de # pour 
chaque question. Il suffira ensuite de déduire cette quantité de 
F #5 pour avoir l'assurance morale demandée. 

Pour appliquer la formule (1)', il faut déterminer les expec- 
tatives E,, E,...... E, du propriétaire et les probabilités 


Pris Passe... p, de les obtenir, c'est ce qui sera souvent fort 
compliqué. 


De l'assurance morale de plusieurs bätimens indépendans , 
appartenant au même propriétaire. 


Si un propriétaire dont la fortune est F possédait un nombre 
quelconque n de maisons n’ayant point de communication entre 
elles; A,, À,..... À, étant les probabilités qu'elles brüleront 
dans l’année, et Sp» Save. 5, leurs valeurs respectives pour 
lesquelles il est question de les assurer. 

Supposons d'abord qu’il n’y ait que deux maisons Nos « et 2 ; 
il pourra se présenter les quatre cas suivans dont nous avons 
besoin de connaître les probabilités et dans lesquels 


Re 


PROBABILITÉ P EXPECTATIVE Ë 


DU CAS. DU PROPRIÉTAIRE. 


————————— 2 


Les Nos 1 et 2 brüleront.....| À, A, F 
1 sera brülé et 2 conservé, | A, (1-A,) F+s, 
2 sera brûlé et 1 conservé... | A, G-A) |F+ s, 


1 et 2 seront conservés, ..., | (1-A,)(1-A,)| F+s+s, 


(270) 


La formule (1) donne 


Log. = A, À, Log. F+ À, (1 —AÀ,) Log. (F +.) 
+ À, (1 — À, Log. (F + s,) + (1 — A,) (1 — À,) 
Log. (F + 5, + 5,) Formule (8) 


Les probabilités des divers cas sont, suivant un principe 
général du calcul des probabilités, les termes du développement 
du produit 


A+ (14) | Ja, + (ia) 


et l'expression de Log. + est le développement de ce polynome, 
dans lequel chaque terme a été multiplié par le logarithme de 
F , plus la valeur conservée dans Te cas de l'événement dont il 
exprime la probabilité, et cette valeur est toujours celle des 
maisons dont les numéros sont placés en indice aux facteurs 
(1 — A). 

IL est clair que cela est général , et que dans le cas proposé de 
n maisons ,! on obtiendra Log. + en formant d’abord le déve- 
loppement du produit 


{A+(i—A,) | {A,+(1—A,) | {Asæ(1— A5)}... 
see fn + A) | (9) 


puis en multipliant chaque terme du développement par le 
logarithme de la fortune antérieure F, augmentée des valeurs 
de toutes les maisons dont les nuinéros seront placés en indice 
aux facteurs (1 — À) de ce terme. 


( 271) 

Dans ce développement les termes expriment les probabilités 
de l'incendie des corps dont les numéros se trouvent à ses fac- 
teurs À et de la conservation des autres dont les numéros sont 
aux facteurs (1 — A). L’expectative du propriétaire, dans le 
cas dont la probabilité est indiquée par un d'eux, sera donc la 
fortune antérieure F, plus la somme des valeurs S dont les nu- 
méros sont aux facteurs 1 — À. Les termes du développement 
présentent toutes les combinaisons qu'il est possible de faire avec 
les facteurs 1 — À, ‘auxquelles correspondent toutes les expec- 
tatives qui peuvent résulter des combinaisons semblables des 
sommes S. Or, ces expectatives seront au nombre de 2," puis- 
qu'elles résultent de la multiplication de n facteurs ayant chacun 
deux termes. Ainsi , en général , l'expression de Log. », contien- 
dra 2° termes, multipliés par des logarithmes de quantités dif- 
férentes et ne seront susceptibles d'aucune réduction. Mais dans 
le cas où toutes les sommes S, , S,.... S, deviennent égales à 
S, les seules expectatives sont F,F+S,F+28S....F+n S, 
et l'expression de #, peut être réduite à 7 + 1 termes, comme 
cela a lieu dans la formule (6). 

En appliquant ce qui précède , on trouve pour le cas ‘de trois 
bâtimens indépendans appartenant au même propriétaire, en 
désignant par L les logarithmes dans un système quelconque, 


(ni) 
L'y3 — A, A, A3LF+ A, A,(1—A3)L(F+S3) 
+ À, A3 (1— A.) L(F+S,) 


+ A° A3 (1— A.) L(F+S,) 
+A,(1—A,)(1—43)L(F+S, + S3) 


RU CRT ACT EE 
+A3(i—A)(t—1A3)L(F+S, +S,) 


“is (1 si A,) (x A) ( — À;) L(F+S,+S, +5) 


( 272) 


De l'assurance morale de plusieurs bälimens contigus faisant 


partie d'une même proprieté. 


Lorsque les bâtimens appartenant à un même propriétaire sont 
contigus , ou tels que le feu peut se communiquer de l’un à 
l’autre, leurs incendies n’étant plus indépendans, les formules 
(8), (ro) et (11) ne sont plus applicables. Nous allons les modi- 
fier de manière à convenir à ce cas. 


Supposons d’abord qu'il s'agisse de l'assurance morale de deux 
bâtimens contigus N.os 1 ct 2, séparés par une cloison telle que 
les probabilités de propagation du feu du N.o 1 au N.o 2’, et du 
N.o 2 au N° 1, soient respectivement a et a’. Conservons toutes 
les dénominations du précédent et reportons-nous à la formule 
(8); qui donne la valeur de Log. y dans le cas de deux bâtimens 
indépendans. Les termes de cette formule, tels que celui-ci 


A,(1—A,) Log. (F+8,) 
sont le produit de deux facteurs , dont le premier A, (1—A,) 
est la probabilité que dans l’année le No 1 sera brülé et le 
N.v 2 ne le sera pas, et le second est le logarithme de l’expec- 
tative du propriétaire dans ce cas. 


Ici les maisons étant contiguës, il ne sufit plus que l'incendie 
n'ait pas éclaté au N.o 2 pour que sa valeur S, soit conservée et 
figure à l'expectative du propriétaire, il faut encore que le N.o 
2 ne soit point brûlé par l'effet de l'incendie qui est supposé 
éclaté au N.0 1 : Or, la probabilité de cette non propagation est 
(1 — a), et dans ce cas seulement S, doit rester au facteur 
logarithmique. Dans celui inverse, dont la probabilité est a, le 
N.0 2 étant brûlé, S, ne fait plus partie de l'expectative da pro- 
priétaire et ne doit plus paraître au facteur logarithmique. Le 


(273) 
terme ci-dessus de la formule (8) doit donc , dans le cas dont il 
s’agit , être remplacé par 


À, (1—A,) (1 — a) Log. (F+S,)+ a Log. F 


En répétant ce raisonnement pour chacun des termes de la 
formule (8), on trouve pour le cas de deux bâtimens contigus 


(x) 
Log. +, — A, À, Log. F+(1— A,)(1 —A,) Log. (F+S, +5.) 


+ À, (1—A,) (1 — a) Log. (F +5.) + a Log.F 
+A,(1—A,) (1 — a')Log.(F+S,)+ a’ Log. F 


Dans le cas particulier où toutes les probabilités À et a 
d’explosion et de propagation d'incendie sont égales entre elles, 
cette formule se simplifie beaucoup et devient 


Log. 9, — À A+2a(1— A) Log. F 


+ A (1 — À) (1 — a) Log. (F+S,)(F +5.) 


+ (Gi — A) Log. (F+S,+5,) 


On peut modifier par un moyen analogue la formule No 11, 
de manière à ce qu’elle donne l'expression de Log. #3, pour le 
cas de trois bâtimens contigus ne se rejoignant pas par les deux 
bouts. Pour cela , en conservant toutes les dénominations de la 
formule (11), nous désignerons les probabilités de propagation 
d'incendie d’un étage à l’autre par a avec un indice à gauche 
et un à droite; le premier indiquant le numéro du bâtiment qui 
est en feu, et le second celui du bâtiment menacé, de sorte que 
34, désignera la probabilité que le feu, étant au N.o 3, se propa- 

18 


( 274) 

gera aû N0 2. Nous résolverons la question par un raisonnement 
analogue à celui employé pour le cas précédent ; ainsi, par 
exemple, pour le cas du terme À, (1—A,) (1 — A3) Log. 
(F+S,+ 53), dont la probabilité est exprimée par le coefficient 
du logarithme , et dans lequel le N.o 1 est brûlé et les deux autres 
-conservés, il peut arriver , lorsque les bâtimens sont contigus , 
tous les cas dont les probabilités sont les termes da développe- 
ment de 


(1—,a,)+ ,a, (1 — ,a3) + ,43 


Or, les termes de ce développement, dans lesquels se trou- 
vera le facteur a, , correspondront à des cas dans lesquels le 
N.o 2 sera incendié et dans lesquels $, ne devra point se trouver 
au facteur logarithmique et le terme où se trouvera ,43 Corres- 
pondra à un cas dans lequel le N.o 3 sera brûlé et où par consé- 
quent S3 ne devra point figurer à l'expectative du propriétaire : 
ainsi le terme 

A, (1—A,)(1— A3) Log. (F+S, + S3) 
de la formule (11) devra être remplacé ici par 
A, (re À,) (x Fi À;) 
(1 — ,a,) Log. (F+S, +5) 
+ ,4, (1 — ,4a3) Log. (F +S3) + az Log. F 


149 2 
Par la même raison le cas du terme 
A,(t—A,)(1 — A3) Log. (F+S, +S,) 


se divisera dans ceux dont les probabilités sont les termes du 
développement de 


LG — a) + 4 Ga) + ,03 } 


(275) 
et ce terme devra se changer en 
A, (1 —À,) (1 Ta A3) 
G—,a,)(1— ,a3) Log.(F+S, + S3 
+ ,a, (1 — ,a3) Log. (F +S3) 


3 I 
A-a#3 (@: FT * A) Log. (F+ S,) nas Log F 
Les termes de la formule (11) qui correspondent à des cas 
dans lesquels le feu prend dans deux des bâtimens peuvent 


aussi se modifier de manière à être applicables au cas de la 
contiguité : Ainsi, par exemple, le terme 


A, A, (a EX A3) Log. (F+ S3) 


correspond à un cas dans lequel le feu a pris aux Nos 1 et 2, 
et qui ici doit se diviser dans ceux dont les probabilités sont les 
termes du développement de 


te — 243) + ,43 


Go ,a,) + 18, [G— 303) + 6 | 


Ces termes devront se séparer en deux groupes ; le premier de 
ceux qui ne contiennent pas ,a3, qui devra être multiplié par 
Log. (F + S;) et le second des termes qui contiennent cette 
quantité et qui devra être multiplié par Log. F seulement, puis- 

2 


qu'il correspondra à des cas dans lesquels le N.o 3 sera brûlé. 
Enfin le terme 


A, A3 (1 — AÀ,) Log. (F +S,) 


correspond à un cas qui se divise dans ceux dont les proba- 
bilités sont les termes du développement de 


(ra) 143 | (1 — 3a,) + 30, 


(276 ) 
Le terme (1 — ,a,) (1 — 3a,) correspondra seul à un cas dans 
lequel le N.o » sera conservé et où S, devra figurer jau facteur 
logarithmique à l’expectative du propriétaire. On a donc 


Log. y; — À, À, À; Log. F 
+ (1 A,) (1 — A,)(1 — A3) Log. (F +S, +S, +S3) 


Re (x A0): — À3) 
(1—,a,) Log. (F+S, +S3) + ,a,(1—,43) Log. (F+S3) 
az Log. F 


+ ,4 2 3 


a A3 (r 2) (x —À,) 


(1—3a,) Log. (F+S, +S,) +34, (1—,a,) Log. (F+S,) 
+ 31 Tog. F 


2 34 L 
+A,(1—A,) (x — À;) 
(r Su ad) (e: ais 43) Log. (F a S, +53) 
a, (1 — ,a3) Log. (F + S3) + ,43 (1 — ,a,)Log.(F+S,) 
az Log. F 


—. 2 


me A À, (1 — A3) 
| (x — 243) (= 14 9 az) Log. (F+S;) 
+ fi —(i — as) (1 — a, 03) Le | 


+A, A3(1—A) 
( (i—,a,)(1— 50, ,a a;) Log. (F+S,) 
+ a,)(1 —3a, ,a ,) ] Los. F 
+A, A3 (1 —A,) 
(1— ,a,) (1 —3a,) Log. (F + ï 


À — (1 — ,a,)(1 — ;a,)| Log. F 


(277) 

Il serait inutile de pousser plus loin ces formules ; il suflira 
ordinairement d’avoir, d’après les formules (3) ou (4), l'excédant 
de l’assurance morale sur l'assurance mathématique pour le cas 
d’un risque provenant d'un événement unique et de savoir que 
plus les risques seront divisés , soit parce qu'ils porteront sur un 
plus grand nombre de corps indépendans, soit parce que l'édifice 
sera partagé par des cloisons, plus la différence entre les assu- 
rances morale et mathématique diminuera ; tellement qu'elle 
finirait par être nulle si les risques étaient infiniment peuits rela- 
tivement à la fortune du propriétaire. 

On obtiendra en général les assurances morales avec toute 
l'exactitude désirable, en calculant par les formules des première 
et seconde partie, l'assurance mathématique z de chaque corps 
de bâtiment. Cette assurance , divisée par la somme S, qui serait 
remboursée en cas d'incendie total, est la probabilité moyenne 
d'incendie du corps considéré, et un, moins cette probabilité 
moyenne, pourra être regardé comme la quantité A des formules 
(3) et (4). Comme on connaît d’ailleurs la fortune F du proprié- 
taire indépendamment de l’objet à assurer et la valeur S de cet 
objet, on pourra appliquer ces formules , qui feront connaître 
quelle somme le propriétaire doit raisonnablement payer au- 
dessus de l’assurance mathématique 3, pour jouir des avantages 
moraux de l’assurance. 

Les assurances morales, dont les formules sont si compliquées 
lorsqu'il s’agit de plusieurs corps de bâtiment, dont chacun est 
censé complètement brûlé dès qu'il est atteint par l'incendie, le 
sont bien plus encore lorsqu'on veut avoir égard , comme nous 
l'avons fait dans la seconde partie , à la marche du feu par degrés 
infiniment petits et à tout ce qui peut être sauvé. Alors les 
expeclatives du propriétaire sont en nombre infini et les intégra- 
tions ne sont pas praticables,même dans le cas d’un bâtiment rec- 
tiligne isolé. Ainsi qu'on va le voir par la théorie suivante. 


(256 ) 


De lPassurance morale d'un bâtiment rectangle dans le cas 
où l’on considère l'incendie comme marchant par degrés 
infiniment petits et où l’on a egard aux parties de bâtiment 
qui peuvent étre sauvées. 


A B 


1 
o0 Nn 0'o' 


Représentons le bâtiment par la ligne AB et considérons-le 
comme décomposé en tranches infiniment petites par des plans 
verticaux perpendiculaires à sa longueur. Désignons toujours 
par S la valeur du bâtiment, valeur qui est celle pour 
laquelle il est question de l’assurer; par # sa longueur , par À la 
probabilité d’explosion d'incendie sur chaque surface unitaire, 
par D le développement du bâtiment, par « la probabilité que 
l’incendie arrivé à un point quelconque s’avancera encore d’une 
longueur unitaire; toutes ces dénominations étant celles du 
1.er de la seconde partie, et de plus désignons par F le bien du 
propriétaire sans y comprendre la maison à assurer. 

Supposons que l'incendie éclate dans la tranche Nn de lar- 
geur dx située à la distance x de l'extrémité gauche A, que 
nous prenons pour origine. Le feu éclaté en x se propagera à 
gauche et à droite. Supposons que sur la gauche il s'arrête en 
O après avoir brülé la partie NO que nous désignerons par £ 
et que sur la droite il s'arrête en 0’, après avoir brûlé la partie 
NO’ que nous désignerons par #’. Alors l’expectative du pro- 
prictaire est 


S 
F — (Kit 
+ (Ait) 


puisqu'on sauvera du bâtiment une longueur k — 1 —t. 


( 279 ) 


La probabilité que l'incendie éclaté en Nan sera éteint avant 


; t %. 
d’avoir parcouru la longueur £ est 1 — x et celle qu'il le 


PE À t+ dt 
sera avant d'avoir parcouru la longueur £ + dt est 1 — & 


La différence de ces deux quantités, savoir : 
(: — 4 +4) (1) = — la. di. 


est la probabilité que le feu sera éteint pendant qu'il parcourra 
l’espace infiniment petit Oo , ou qu'il s’arrêtera après avoir brülé 
à gauche la longueur ! . 

Par la même raison la probabilité que l'incendie consumera 


! 

à droite la longueur # est — 2x a dé 

Il peut se présenter d’abord deux cas principaux, que voici 
avec leurs probabilités et les expectatives du propriétaire : 

Probabilité du cas. Ne 

1.0 Que l'incendie n'’é- 

clate point dans l'an- 

TAHOE UE À TRAD E+sS 
2.9 Que l'incendie éclate. 

Ce second cas exige que 
d’abord il éclate dans une 
tranche quelconque Nn de 
largeur infiniment petite 
dx et placée à une dis- 
tance quelconque x de 
Porigine À : la probabilité 
de ce premier événement 
est AD dx 

Cette explosion d’incen- 
die est nécessairement sui- 


vie de l’un des quatre éve- 
nemens suivans : 


1.0 L’incendie brûle entiè- 
rement les deux parties 
NA et NB à sa gauche 
et à sa droite..,..... 


2.0 Il brûle entièrement 
la partie gauche NA et 
une partie quelconque 
NO’ — x de celle qui 
est à sa droite. ...... 

3.0 Il brûle entièrement 
la partie droite NB et 
seulement une longueur 
quelconque NO — 1 à 
M'EAGUE ce de 2e m0 


4.0 Il ne brûle à droite 
et à gauche que les 
longueurs quelconques 


( 280 }) 


Probabilité Expectative 
du cas. du propriétaire. 


al REZ = oh... F 


ZT d' ' S ' 
œ (- lu x dt) F + G-x-t) 


FE (la dt dt) |F +2 (0 


NO'— #' et NO —:.. (ue al dt')(-u al dt) F +2 (A-E-0 


Nous aurons, d'après la formule ( 1”), en désignant tou- 
jours par + la fortune physique équivalente à la fortune morale 


du propriétaire , 


( 281 ) 


le=(i— kan) (Ps) +fan À dx LE 


ff ae tE dx dt l [rs] 
ffioud-staarrex(s) ] 
+{ffwty nr CP afre<(-r-)] 


La première intégrale prise entre les limites du bâtiment, 
savoir : x — 0 et x — k est KAD ZF. En substituant cette 
expression et faisant pour abréger 


ES —""# 


F 
il vient en remarquant que ADK (2F —/f) — ADK he 


F 
Lg = If+ ADK 1 — 


— AD «ff TE le dll | f—c(x+t)} 
aff Find dæ del} f— ce (k —x +1) 
+ AD cofff Aa dx d' detft—c(t+0) 


( 282 } 
t'et 4 étant les longueurs incendiées à partir du point N, qui 
est éloigné de l’origine À d’une distance x, ces deux variables 
sont implicitement des fonctions de la troisième, et il faudra 
commencer à intégrer par rapport à £’ entre les limites o et k—x 
et par rapport à £ entre celles o et x . On intégrera ensuite 
par rapport à x entre les limites o et 4. Malheureusement ces 
a dx 
intégrations dépendent de celle de la transcendante a 
qui ne peut s'exprimer que par une série d’un nombre infini de 
termes. Comme il ne s'agit ici que d’une évaluation morale, 
nous ne donnerons pas les séries très-compliquées qui représen- 
tent la valeur des intégrales ci-dessus, parce qu'elles n’appren- 
draient rien sur la question et ne seraient jamais appliquées. 
Il nous suflit d’avoir montré l'extrême complication de la 
question et l'impossibilité d'en donner une solution utile dans 
la pratique. 


( 283) 


NOTES 


SUR LA POLARISATION, 


Par M. Derezexe, Membre résidant. 


17 ocToBRE 1834. 


Avertissement, —- Beaucoup de personnes aiment à observer 
les brillans phénomènes de l’optique moderne , si dignes de fixer 
l'attention. Faute de loisirs, elles ne pénètrent point dans les 
profondeurs de la théorie qui les explique; elles se bornent aux 
notions indispensables, et dans le petit nombre de traités que 
nous possédons sur cette matière, elles cherchent moins des 
calculs que des détails sur des procédés d’expérimentation 
simples et économiques. Pour cette classe d'amateurs, ces dé- 
tails ne sauraient être trop longs ni les exemples trop nombreux : 
c'est exclusivement à elle que s'adressent ces notes. 

J’appellerai : 

1.0 Axe principal d'un cristal à deux axes optiques, la bis- 
sectrice des angles aigus que font les axes en se croisant. Cette 
bissectrice se nomme aussi /?gne intermédiaire. Elle est ordi- 
nairement perpendiculaire aux plans de clivage ou aux faces 
travaillées dans les cristaux préparés pour l’observation. 

2.0 Axe secondaire , la bissectrice des angles oblus que font 
les axes optiques en se croisant. Cette bissectrice se nomme aussi 
l'gne supplémentaire. Elle est ordinairement dans le plan des 


(284) 
faces du cristal, et elle passe toujours par les pôles des deux 
systèmes d’anneaux. 

3.0 Axe tertiaire, la perpendiculaire au plan des deux axes 
optiques. Elle est ordinairement parallèle aux faces et toujours 
perpendiculaire à l'axe principal et à l’axe secondaire, 

4.0 Section principale, le plan perpendiculaire aux faces d’un 
cristal et qui passe soit par l’axe unique, soit par l’axe principal. 
Elle comprend souvent les deux axes optiques. 

5.0 Azimut, l'angle qu'un plan ou une droite fait avec le plan 
de polarisation ; le plan de cet angle étant d’ailleurs perpendi- 
culaire à celui de polarisation. 

J'avertis enfin , et pour n’avoir pas à le répéter trop souvent, 
que les observations sont faites indifféremment devant une 
grande glace noire horizontale ou une pile de carreaux qui reçoit 
et polarise la lumière du ciel, et qu'on vise à travers une tour- 
maline dont l’axe est perpendiculaire aux rayons polarisés et la 
section principale dans le plan de polarisation. On peut aussi 
généraliser le mot tourmaline en l'appliquant à tout autre ins- 
trument d'analyse remplissant les mêmes fonctions que la tour- 
maline proprement dite. 


Appareils d'observation. 


Soit AD (fig. 1, pl. 3) une glace noircindéfinie; O le centre d'une 
tourmaline à travers laquelle on regarde la glace, l'axe dans le 
plan de polarisation AOD et perpendiculaire sur BO. L'angle de 
polarisation OBD — a est de 34° environ pour le verre ordi- 
naire. OB est la bissectrice de l’angle quelconque AOC — 24. 
Le point B est le seul sur la ligne AD pour lequel l’angle OBD 
puisse être égal à l'angle a de polarisation : il est donc le plus 
obscur. Pour les points voisins autour de B, l'angle étant peu 
différent de a, l'obscurité est encore fort sensible; c'est l’en- 
semble de ces points qui forme la tache obscure. Les quantités 


( 285 } 

de lumière qui arrivent à l'œil par les rayons réfléchis CO , AO 
sont égales, d'après les observations de M. Araco, et comine les 
distances BA, BC sont proportionnelles aux distances inégales 
OA, OC, la tache paraît d’un noir plus foncé du côté BA que 
du côté BC, pour des distances égales de chaque côté du point 
B. Il importe, pour certaines expériences, qu'on ne se trompe 
point sur la vraie position du point B, et pour qu’on puisse le 
supposer au centre de la tache , il faut que les distances inégales 
de ce point aux limites de la tache soient vues sous des angles 
b égaux, ce qui exige qu'on observe à travers un trou fait dans 
un papier noir qui recouvre la tourmaline. Ce trou ne doit pas 
être tout-à-fait aussi grand que la pupille. 

Les dimensions de la tache sont proportionnelles aux diverses 
distances de l’œil au point B ; ainsi, en éloïgnant suffisamment 
la tourmaline avec l’œil, on pourra toujours voir la glace entière 
dans une obseurité convenable à certaines expériences. Cela 
explique en partie pourquoi les anneaux colorés des derniers 
ordres, par exemple , sont plus ternes que ceux voisins du centre 
commun mis sur le point B. C’est que la lumière est moins 
complètement polarisée loin de ce point. Quand la glace est 
grande et les anneaux étroits, on les voit plus larges et on en 
voit un plus grand nombre en éloignant l’œil ; les couleurs sont 
aussi plus vives, 

Une glace carrée horizontale paraît plus large que longue, 
parce que les deux dimensions sont vues, dans les expériences, 
sous des angles inégaux. Ainsi, quand on aura à faire choix d’une 
glace, on pourra s'arrêter à 50 centimètres de longueur sur 30 
à 35 de largeur. On couvrira d’un vernis noir la moins belle des 
deux faces; mais si ces faces sont passablement parallèles, on 
la posera sur du drap ou du papier d’un noir foncé et mat, en 
laissant néanmoins entr'eux une couche d'air épaisse de 1 à » 
millimètres. La lumière étant réfléchie et polarisée par les deux 
surfaces d'une pareille glace et seulement par une face d’nne 


( 286 ) 
glace noire, est plus abondante; les expériences y gagnent, et 
si la lumière du ciel est très-vive, la tache noire paraît plus 
petite et moins mal terminée, ce qui aide à déterminer avec 
moins d'incertitude la position du point B, milieu apparent de 
cette tache, car on juge mieux de la position du centre d'une 
petite figure que d'une grande. 

Pour toutes les expériences où l’on n’a pas de mesures à 
prendre, on peut, avec économie et avantage, remplacer la 
glace nue ou noircie par une pile de 8 à 10 carreaux de verre à 
vitres choisis parmi les mieux dressés. À défaut de ces appareils, 
on peut se servir d’une table d'acajou ou de marbre polie et 
vernie; plus le vernis est brillant, mieux la lumière est polarisée 
Une toile cirée, vernie au noir et tendue sur une planche, pro- 
duit un bon effet. Enfin on peut profiter , au besoin, de l’eau 
calme et propre d'un bassin, ou bien encore d’une terrasse 
mouillée. 

Si l’on voulait que la ligne AD (fig. 1) parût partout aussi 
noire qu'au point B , il faudrait la courber selon la forme d’une 
spirale dont la construction par points est très-simple. D'un 
point O (fig. 2).on tire des lignes quelconques OA ,00, OR... 
Par le point À quelconque on tire AZ, faisant avec AO un angle 
ZAO de 3,0. Cette ligne rencontre OQ en Q. Par ce point on 
tire une ligne OV qui fait avec QO un angle OQV de 340... 
et ainsi de suite. Enfin l'on fait passer une courbe par les points 
A, 0, R.... et cette courbe se rapprochera d'autant plus de 
la spirale voulue que les lignes parties du point O feront entr'elles 
des angles plus petits. 

On trace cette courbe sur un grand papier épais, ou mieux 
sur une feuille de zinc, pour servir de patron. On en prend une 
portion quelconque , GRK , par exemple, et l’on fait tailler deux 
planches de la forme GRKIHG. On les maintient parallèlement 
au moyen d'un fond et de quelques traverses sur les bords de la 
courbe. Sur.ces courhes et les traverses on dépose une lame de 


( 287 ) 


zine poncée dont on maintient la courbure au moyen des têtes 
de quelques petits cloux. Gette lame, peinte de deux couches 
noir, puis poncée, est enfin vernic. 


Avec moins de six francs on peut ainsi se procurer un appareil 
équivalent et même préférable à une très-grande glace, On peut 
de plas mettre sous la plaque courbe des tiroirs contenant les 
cristaux d'étude. Cet appareil a néanmoins l'inconvénient fati- 
gant d’assujettir l'observateur à placer constamment la tour- 
maline et son œil au point fixe O, sans pouvoir faire varier à 
volonté , comme devant une glace, la position de cet œil. 


Cet inconvénient se reproduit dans l'appareil de M. Nonren- 
sec, avec celui bien plus grave, dans certains cas, de réduire 
l'étendue des images à une petite portion du champ de la vision ; 
mais cet appareil a des avantages qui compensent et au-delà ces 
inconvéniens. Comme il est peu répandu encore, j’en donnerai 
une courte description. 


CA (fig. 3) est une mince glace nue à faces parallèles et in- 
clinée de 560 sur l'horizon. Elle entre dans un châssis mobile 
autour d’un axe horizontal passant par le point B, ce qui permet 
de varier l’inclinaison que mesure un arc de cercle gradué. Si 
l'on place l'œil au point O, où vont concourir les rayons réfléchis 
en À,B,C..., on retrouve exactement l’appareil de la fig. 1.re 
Mais si les rayons polarisés AO, BO, CO.,.. rencontrent une 
mince glace étamée GL perpendiculaire sur BO , ils suivront le 
chemin ALO’, BEO’, GGO', etc. , traverseront la glace et iront 
concourir au point O’ où l’on doit maintenant placer l'œil. 


Au-dessus de la glace nue est un anneau qu'on peut approcher 
ou éloigner de l'œil et qu'on peut faire tourner, avec le verre 
parallèle qu'il porte , autour d’un axe horizontal ; son inclinaison 
est mesurée par un axe de cercle. On dépose sur ce verre mince 
les cristaux d'observation. Enfin une glace noire, dépendance 


( 288 ) 
ordinaire de tous les appareils de polarisation , est aussi adaptée 
à celui de M. NonnemsenG (*). 

Si l’on dépose sur la glace étamée GL un cristal à faces paral- 
lèles, la lumière polarisée le traversera une première fois pour 
arriver au miroir, puis une seconde fois à son retour; c’est comme 
si elle avait traversé une seule fois un cristal d’une épaisseur 
double, et les phénomènes sont modifiés en conséquence. Cette 
propriété de l’appareiïl peut avoir de très-utiles applications. 

Au reste, quand le cristal ne doit pas être déposé sur la glace 
étamée , quand on veut le placer contre la tourmaline , avoir des 
images étendues et varier à volonté la position de l’œil, on réduit 
l'appareil à une grande glace d'Allemagne , horizontale, carrée, 
mince, étamée, qui reçoit la lumière du ciel polarisée par une 
mince glace rectangulaire non étamée et inclinée de 56° sur la 
première. 

Revenons encore à la figure 1.re — Si l’on pouvait déterminer 
avec exactitude la position du point B, centre apparent de la 
tache obscure, il n’y aurait qu’à mesurer avec soin les lignes 
OD et BD pour avoir l'angle a de polarisation, et, par suite, 
l'indice de réfraction de la glace ou de toute autre matière plane 
et brillante donnant aussi une tache noire; car, par le triangle 
rectangle BDO , on a 


; R x OD Le BD'ux R __cos.a 
mu VIE BD ? Ps TC PUTE (ang. a RTE 


cot.a 1.54 ; , MA 4 
—— — indice de réfraction, d’après la loi de M. Bnewsren. 


R 


(*) On peut se procurer tous les appareils etles cristaux pour l'étude de Ja 
polarisation, chez M. Soleil fils, opticien, rue de l’Odéon, à Paris. 11 con- 
struit également avec soin l'appareil nouveau de M. BABINET pour les expé- 
riences sur la diffraction, expériences qu'on peut faire maintenant à la simple 
lumière d'une bougie, 


( 289 ) 
Voici maintenant, pour mesurer OD et BD, un procédé éco- 
numique, presque grossier , mais susceptible pourtant de quel- 
qu'exactitude. 


Faites dresser une épaisse équerre en bois de noyer. Que 
toutes les faces soient planes et bien perpendiculaires les unes 
sur les autres. Chaque côté de l’angle droit doit avoir de 20 à 
25 centimètres. À une plus grande hauteur correspondrait une 
tache trop grande qui ferait mal juger de la position du centre ; 
une.plus pelile exigcrait une extrême précision dans les me- 
sures. Mesurez les côtés des deux triangles rectangles de l'équerre 
et assurez-vous que la somme des carrés des côtés de l'angle 
droit est égale au carré du troisième côté. Collez sur un côté 
de l'angle droit et près de l’angle aigu un morceau de liège que 
vous aurez limé en prisme d’un angle de 34 degrés environ. 
Sur ce liège, fixez avec une épingle celui qui porte une bonne 
tourmaline , et de manière que son centre, ou mieux celui du 
petit trou de papier noir, soit dans le prolongement du côté de 
l'angle droit et de l’une des grandes faces de l’équerre. Mesurez 
de nouveau ce côté jusqu'à ce centre. Cela fait, dans le prolon- 
gement d’une règle fixée sur la glace avec un peu de cire molle, 
collez sur cette glace un carré de papier de 1 millimètre de côté. 
Faites glisser l'équerre le long de cette règle jusqu'à ce qu’en 
visant par la tourmaline le fragment de papier paraisse bien au 
centre de la tache. Enfin mesurez la distance du centre du papier 
à l'extrémité voisine de l'équerre. — Pour avoir une imageplus 
petite et micux juger de la position de son centre , et si cela con- 
vient à votre œil, fixez sur la tourmaline une lentille bi-concave 
d’un foyer convenable. — Entre la tourmaline et la glace pré- 
sentez un papier noir percé d’un trou de 5 à 8 millimètres de 
rayon. Pour une distance bien choisie, la lumière inutile sera 
interceptée, celle qui arrive des bords de la tache paraissant 
plus vive, la tache sera plus petite. Enfin il faut faire un peu 


19 


( 299 ) 
tourner la tourmaline autour de son épingle, à droite et à gauche, 
pour déplacer la tache et mieux juger de sa position. 


mil 
Exemple. Les côtés d'une semblable équerre sont 211,51 ; 
211,76 et 299,30. 


Or, 
(211,51) — 44736,4801 
(211,76) — 44842,2976 


Somme. ..... 89578;7777 


dont la racine est 299,297 au lieu de 299,30. Si l'angle n’est 
pas droit, on calcule la perpendiculaire et la distance de son 
pied à l’autre extrémité de l’équerre. Ce calcul n’est pas néces- 
saire pour l’équerre ci-dessus, et à sa hauteur, 211,54, il faut 
ajouter 20,30 pour avoir la distance du sommet de l'angle droit 
au centre de la tourmaline que j'y ai adaptée. Ainsi (figure 1), 
OD — 251,81. 

. En opérant en hiver, à midi, sur une glace noire, devant une 
fenêtre fermée, par la pluie et un ciel très-obseur, j'ai eu 
BD — 211,76 + 135,727 — 347,487 pour une moyenne 
entre douze observations faites successivement ; mais en dépla- 
çant l’équerre à chaque fois. Cela donne a — 33° 42! 30". Les 
valeurs extrêmes sont BD — 543,06, d'où a — 34° 2’ 50”, 
et 350,06; d'où a — 33° 30’ 40". La lumière trop faible pro- 
duisait une grande tache mal terminée. Ayant ouvert la fenêtre, 
j'ai fait immédiatement douze autres observations aussi peu sûres. 
Les extrêmes sont BD —3/2,06 et 347,06 d'où a — 34° 7' 30" 
et a — 33° 44! 20”. La moyenne est 344,218 d'où a — 33° 
57’ 20”. L'influence de la vitre, quand la croisée était fermée, 
s’est fait sentir sur presque toutes les valeurs de BD ; elles sont 
plus grandes que celles faites à ciel découvert. 


- On voit aussi que, par cette méthode, et en se bornant à une 


(291) 
seule observation , l'erreur sur la valeur de l’angle a ne s’élevera 
guère qu’à 12 ou 15 minutes, même dans les circonstances 
extrêmement défavorables que j'ai choisies. 

Un ciel faiblement et uniformément couvert est le plus avan- 
tageux à ces observations. Il faut éviter les nuages, à moins qu'ils 
ne soient d'une teinte blanche uniforme. 

Par une moyenne entre vingt observations consécutives faites 
par un ciel favorable, j'ai trouvé a — 34° 7! 50/ pour la même 
glace d’ancienne fabrication. Les valeurs extrêmes ne différent 
de cette moyenne que de 14 et 15 minutes. 

Une glace de Saint-Gobin adaptée à l’appareil dispendieux de 
Fnesez est bien perpendiculaire au rayon qui aboutit au zéro 
du cercle gradué. Faisant successivement usage des deux tuyaux 
de lunettes, j'ai obtenu de chaqne côté 56°, d’où «a — 34° pour 
cette glace. 

La mince glace d'Allemagne qui polarise la lumière dans 
l'appareil de M. Nosreusence m'a donné un angle de 33° 36’. 
Cet angle ne peut étre en erreur de plus de dix minutes. L'ap- 
pareil est en bois et bien construit ; il est fort long, ce qui rend 
la tache fort grande; elle couvre le miroir, qui est fort grand 
aussi; mais en mettant la tourmalinc au haut d'un tube noir 
long de 50 millimètres et d'une ouverture de 10 millimètres, 
la tache se réduit à un diamètre apparent de 5 à 6 centimètres, 
et elle est environnée de lumière assez vive pour la bien dessiner. 
J'ai pris d’ailleurs la précaution de m’assurer que la glace pola- 
risante était exactement perpendiculaire au miroir quand l’ai- 
guille était à zéro, etc. — Le rayon du cercle gradué est de 175 
millimètres. 

I parait done , par ces observations directes, que l’angle de 
35° 25! assigné par Mas est trop grand pour la glace ordinaire. 
Gette conclusion vient appuyer au besoin la loi de M. Brewsrer, 
savoir, que le rayon réfléchi sous l'angle de polarisation est per- 
pendiculaire au rayon réfracté. 


( 292 ) 
Les observations faites à l’équerre peuvent être utiles, dans 
certains cas, pour obtenir en peu d'insfans une première appro- 


ximation. En voici quelques exemples. 


Sur un morceau de papier noir mis sur une table ou sur une 
glace je dépose une plaque de cristal de roche perpendiculaire 
à l'axe ct épaisse de 3,35, par conséquent OD — 231,81 — 
3,35 — 228,46. J'avance ou recule l’équerre sur le mtme plan 
jusqu'à ce que le cristal me paraisse d’un noir foncé auquel 
succède de la lumière si je fais un peu balancer la tourmaline 
autour de son épingle. J'ai ainsi BD = 211,76 + 135 = 346,76 


cot.a 
d'où a = 33° 19! 30” et 


— 1,521 pour l'indice de ré- 


fraction. 


J'opère de même sur une belle plaque de carbonate de plomb 
dont je parlerai plus loin. L'observation est incertaine parce que 
la tache noire a une surface beaucoup plus grande que celle du 
cristal. Les deux observations qui s’écartent le plus l’une de 
l'autre donnent a = 29° 34! 30!” et a — 28° 23 40". La moyenne 
entre les deux indices correspondans est 1,8059. Le plan des 
axes du carbonate était confondu avec celui de polarisation. 


J'ai noirei à l'encre de Chine l'une des faces d'une topaze in- 
colore et je l'ai déposée sur la glace en mettant l'axe secondaire 
dans le plan de polarisation. J'ai eu à l'épreuve, correction faite 
de l'épaisseur de 4 "1, 41 du cristal, un angle de polarisation de 
30° 20! 10/; c’est une moyenne entre dix valeurs dont les ex- 
trèmes diffèrent de près de deux degrés , parce que la surface de 
la topaze étant plus petite que celle de la tache noire, il y a 
incertitude sur la vraie distance de l'équerre. Divisant par le 
rayon la cotangente de cet angle, j'ai 1,7088 pour l'indice de 
réfraction. D’après une table qu'on trouve dans le traité de M. 
Henscuëz , cet indice, mesuré par M, Bior, est 1,6102, ce qui 
répond à un angle de polarisation de 31° 50’ 30”, et, par suite, 


(295) 

l'angle ci-dessus est trop faible de 1° 30! 20”. M, Rusenc (sup- 
plément au même traité) trouve pour indice, dans le sens de 
Vaxe secondaire, 1,61576 ; qui répond à un angle de 31° 45" 10”. 

J'ai ensuite lavé la topaze et l'ai déposée sur un mince papier 
noir mat. Avançant ou reculant l’équerre jusqu’à ce que le centre 
du premier anneau soit couvert par un pelit fragment de papier 
collé sur la topaze, j'ai eu pour angle d'incidence avec la sur- 
face, 25° 0° 50’; divisant donc le cosinus de cet angle, suscep- 
tible d’une assez grande exactitude, par l'indice 1,7088 il vient 
32° 1° 35” pour l'angle que fait l'axe correspondant avee la 
perpendiculaire aux faces, Faisant faire ensuite un mouvement 
de 180° au cristal et observant de même le pôle correspondant 
à l’autre système d’anneanx, j'ai eu 29° 37’ 0”. La différence 
2° 24 35" prouve que les faces non parallèles et travaillées de 
celte (opaze ne sont pas perpendiculaires à l'axe principal. 
L'angle des axes serait done 61° 38° 35/, tandis que M. Bor le 
porte à 64° 14/ 2°, M, Brewsren à 65° et M. Rungenc à 56° 38 
57" seulement. Si je fais usage de l'indice 1,6102, je trouve 
65° 53 5”, et enfin 65° 37’ 30/ avec l'indice 1,61576. 

Dans l'hypothèse d’un angle de 65°, j'ai fait tailler une topaze 
à faces perpendiculaires sur l’un de ses axes, m'appuyant sur 
ce que les faces naturelles de clivage sont perpendiculaires à 
l'axe principal. D'après les angles, mesurés au goniomètre, la 
taille répond à un angle de 66° entre les axes. Cependant, à 
l'observation à travers un verre rouge, les cinq ou six premiers 
anneaux paraissent parfaitement circulaires. Un second essai sur 
une autre topaze n'a pas mieux réussi sous le rapport de la taille. 
Ayant à faire diviser une topaze de 13 millimètres d'épaisseur, 
pour d’autres vérifications dont je parlerai plus loin, j'en ai fait 
extraire une plaque ABCD (fig. 4) épaisse de 3,2. On l'a sciée 
dans la forme du losange EFGH, dont les côtés GF , GH font, 
ayec la face naturelle AB, un angle de 32° 30’, ce qui doit les 
rendre, ainsi que EF, EH, perpendiculaires aux deux axes, si 


( 294 ) 

l'angle de ceux-ci est de 65°. J'ai lieu de croire le travail fidé- 
lement exécuté, puisque, mesurés au goniomètre , les angles F, 
H sont bien de 65°, et les angles G, E de 115. L’axe principal 
est, à l'observation, exactement dirigé suivant la diagonale GE. 
Les formes et tous les autres détails des deux systèmes d’anneaux, 
successivement observés à travers les couples de faces parallèles 
GF, HE; GH, EF paraissent identiques. Les premiers anneaux, 
vus au verre rouge, ainsi qu'à la lampe monochromatique , pa- 
raissent bien circulaires ; mais ceux des ordres élevés, vus avec 
leurs couleurs ou à la lampe, affectent un peu la forme ellip- 
tique , ce que l’on doit attribuer à l'influence de l’autre axe et aux 
directions différentes des axes correspondans aux diverses cou- 
leurs. Assurément, je ne conclus pas de ces dernières observations 
que l'angle des axes de cette topaze est de 65°, puisque je pourrais 
également conclure qu'il est de 66° ; c’est dans un autre but 
que j'ai desiré avoir une topaze taillée bien perpendiculairement 
à l’un des axes. Je fais seulement remarquer à l'amateur dé- 
pourvu d’instrumens précis qu'il peut obtenir, avec une simple 
équerre et en peu d’instans, une première approximation sur 
l'angle que font entre eux les axes des cristaux dont on peut voir 
les anneaux sans polarisation préalable. 


Lampe monochromatique. 


La lampe à alcool, qu'on trouve dans tous les cabinets de 
physique, peut servir; la suivante est plus commode et d'un 
meilleur effet. On recouvre un verre à boire d'un couvercle en 
fer-blanc traversé par un tuyau rectangulaire de même métal, 
ayant 1 centimètre de largeur intérieurement sur 3 à 6 de lon- 
gueur. Ce tuyau dépasse d'environ 2 ‘centimètres le dessus et le 
dessous du couvercle. Il est rempli par une mèche de coton qui 
descend jusqu'au fond du verre et qui s'élève de 2 centimètres 


( 29° ) 

au-dessus du tuyau. Le verre est rempli de quatre parties d’al- 
cool mêlées avec une partie d’eau saturée de sel de cuisine. Quand 
la lampe est allumée pour les observations, on arrange la mèche 
Pour avoir une flamme haute et large; ce qui peut exiger que la 
liqueur soit préalablement chauffée si elle contient une quantité 
d’eau beaucoup plus grande. Cette flamme émet une couleur à peu 
près simple, jaune paille, dont elle colore les objets qu’elle éclaire. 
On éteint la lampe et l’on évite la perte de l'alcool par évapora- 
tion en recouvrant la mèche d’un autre verre plus petit. 

Les cristaux qu'on observe à la lampe monochromatique doi- 
vent être placés entre deux tourmalines claires. On approche de la 
flamme autant que possible pour avoir un plus grand champ ct 
une plus vive lumière. On peut observer en plein jour en tour- 
nant le dos aux croisées. 


Faisons maintenant quelques observations. 


Je place entre deux tourmalines croisées une plaque d’arra- 
gonite perpendiculaire à l’axe principal et épaisse de 0,8, par 
exemple, et j'observe d’abord à la lumière du ciel. Si le plan 
des axes divise en deux parties égales l’un des angles droits 
que font les axes des tourmalines, je vois deux branches noires 
hyperboliques ; des lemnicastes qui, sous la forme d’ovales, 
entourent les pôles, et d’autres lemnicastes qui enveloppent les 
deux pôles. Par leur superposition partielle, les teintes de ces 
courbes s’affaiblissent de plus en plus à mesure qu’elles s’é- 
loignent de leur pôle; les dernières sont rouges et vertes et 
très-pâles. Enfin, les couleurs, se mêlant de plus en plus, finis- 
sent par former de la lumière blanche qui se répand unifor- 
mément dans tout le reste du champ de la vision. Pour em- 
pêcher cette formation du blanc et voir un plus grand nombre 
‘de courbes, on observe à travers un verre qui ne laisse passer 
qu'une couleur, le rouge, par exemple; mais comme il absorbe 


beaucoup de lumière, et comme d'ailleurs la couleur jaune à; 


( 296 ) 
un plus grand pouvoir éclairant, on observe de préférence à la 
lampe monochromatique, ce qui permet de voir un nombre 
illimité de lemnicastes noires et jaunes qui couvrent tout le 
champ de la vision. 

Lorsque le cristal est plus épais , les courbes se serrent davan- 
tage et des ovales en plus grand nombre se forment autour de 
chaque pôle. Quand l'angle des axes d’un autre cristal observé 
est plus petit, toutes les lemnicastes prennent des formes plus 
rapprochées de celle du cercle. Enfin, quand cet angle est nul, 
c’est-à-dire, quand le cristal est à un seul axe perpendiculaire, 
toutes les lemnicastes sont transformées en cercles , ainsi que le 
montrent le spath d'Islande, la tourmaline, etc. , etc. Si au con- 
traire on choisit successivement des cristaux dont l'angle des 
axes est de plus en plus grand, et si on les observe d’abord à la 
lumière du ciel, les couleurs des lemnicastes qui entourent les 
pôles se mêlent de plus en plus et une plage de plus en plus 
grande entre les deux pôles se couvre de lumière blanche, ce 
qui oblige d’incliner le cristal entre les deux tourmalines pour 
amener les courbes colorées dans le champ de la vision. Les ares 
traversés par l'axe tertiaire sont alors tout-à-fait invisibles, 
quelque inclinaison qu’on donne au cristal dans ce sens ; mais 
toutes les courbes reparaissent dans tout le champ de la vision 
si on observe à la flamme monochromatique. Tel pourrait être 
l'angle des deux axes d’un cristal, qu’à la lumière blanche et 
composée du ciel on ne püt voir aucune couleur, aucune courbe, 
de quelque manière qu’on inclinât le cristal ; mais à la flamme 
de l'alcool salé, ces courbes seront toujours visibles , même sous 
l'incidence perpendiculaire, pourvu que le cristal ne soit pas 
extrimement mince, car dans ce cas il faudrait l'incliner pour 
apercevoir les premières courbes. Enfin, si l'angle des axes, 
grandissant toujours, devenait égal à deux angles droits, on 
retomberait dans le cas d’un seul axe situé cette fois dans les 
faces du cristal. Les lemnicastes sont alors transformées en 


( 297 ) 


hyperboles équilatères , absolument invisibles à la lumière com- 
posée, mais toutes visibles à la flamme monochromatique. En 
général , un cristal à deux axes, taillé perpendiculairement à 
Fun de ses trois axes rectangulaires, montre à la flamme mo- 
nochromatique des courbes dans tout le champ de la vision ct 
sous l'incidence perpendiculaire. Ces courbes sont des lemni- 
castes si c'est l'axe principal qui est perpendiculaire aux faces ; 
ce sont des hyperboles si c'est l'axe secondaire ou l’axe tertiaire 
qui est perpendiculaire aux faces. Les cristaux à un axe unique 
situé dans le plan des faces , comme le spath d’Islande, la tour- 
maline claire, le cristal de roche, le béril, ete., laissent voir 
aussi à la flamme de l'alcool, et sous l'incidence perpendicu- 
laire, quatre groupes d'hyperboles équilatères d'autant plus ser- 
rées que le cristal est plus épais et qu'il a une plus grande force 
de polarisation. Les cristaux obliques donnent également des 
courbes visibles à la lampe monochromatique, lors même qu'ils 
n'en laissent voir aucune à la lumière blanche. Un très-gros 
pendant de lustre en cristal de roche me montre ainsi des 
courbes très-fines, extrèmement serrées et en nombre infini. 

On peut prévoir, d'après cela, que des phénomènes de pola- 
risation peuvent se produire à la lampe monochromatique et dis- 
paraître complètement à la lumière composée. Au contraire, 
ceux qui se manifestent à la lumière blanche sont visibles à la 
lumière simple, mais en éprouvant les modifications qui résul- 
tent de la disparution de toutes les couleurs moins une. Par cette 
remarque, l'amateur doit se tenir pour bien averti qu'il faut 
répéter à la lampe monochromatique les expériences que nous 
ferons désormais à la lumière du ciel. En prenant soin de 
varier les détails des observations; en opérant non seulement 
sur l’ensemble des cristaux combinés, mais encore sur chacun 
pris isolément, il recueillera une foule de faits curieux qui 
deviennent insignifians ou nuls à la lumière composée. Un exem- 
ple donné en peu de mots sufhra. 


( 298 ) 

Je superpose deux plaques de quartz inelinées sur l’axe comme 
celles qui forment l'appareil de M. Savarr et dont je parlerai 
bientôt. Après les avoir observées isolément, je fais faire à leurs 
sections principales, et successivement , des angles de 22° 1/2, 
45° 3 67° 1/2, 90°, 112° 1/2, et ainsi de suite. Pour chacune 
de ces positions je fais tourner lentement, à droite et à gauche, 
l’ensemble des deux plaques mises entre les tourmalines dont les 
axes sont ou parallèles ou croisés. Je vois ainsi tantôt des courbes 
continues , tantôt des mailles de réseaux; des tissus, des échi- 
quiers, des alvéoles; j'assiste aux diverses transformations de 
ces images les unes dans les autres ,et qui pour la plupart sont 
invisibles à la lumière composée. 

Quand on a à faire des combinaisons de cristaux et qu'on 
doit les incliner les uns sur les autres ou sur le rayon de lumière, 
les observations à la lampe deviennent incommodes ou même 
impossibles , si l’on veut faire usage de deux tourmalines. Dans 
ce cas on ne conservera que la tourmaline oculaire et l’on rem- 
placera la tourmaline objective par une pile de glaces, sur 
laquelle on déposera la lampe. Il faut alors mettre la pile pres- 
qu'à la hauteur de l'œil et approcher autant que possible de 
l’image de la flamme, qui doit être haute, large et vive. Il faut 
avoir une chambre obscure ou attendre Ja nuit pour observer 
ainsi, 

M. Bamwer ayant mesuré la longueur d’une ondulation Iumi- 
neuse pour la flamme de l'alcool salé, l’a trouvée égale à celle 
qui correspond à la ligne D dans le spectre de Frauxnoren. 

Cette flamme n'est pas d’une couleur simple, car en l’obser- 
vant à travers un prisme de verre d’un angle de Go degrés, on la 
voit bordée d’une large bande colorée dans laquelle on peut dis- 
tinguer le vert, le bleu, l’indigo et le violet, couleurs qui ne 
disparaissent pas, bien qu'on ajoute de l’eau à la liqueur et qu'on 
saupoudre de sel le sommet et les côtés de la mèche. Le bleu 
foncé qui résulte du mélange de ces couleurs colore la tache 


( 299 ) 

centrale et les anneaux sombres que montre un quartz perpen= 
diculaire observé à la lampe, soit entre deux analyseurs croisés, 
soit entre deux tourmalines claires , d’un bleu faible et légère- 
ment verdâtre. Si les tourmalines sont vertes ou brunes les 
courbes et la tache sont d’un bleu presque noir, et les courbes 
jaunes prennent une teinte fort sombre. À l’avenir je considére- 
rai la lumière jaune paille de l'alcool salé comme simple et les 
courbes bleues comme noires. 


Appareil propre à remplacer la tourmaline. 


Les brillantes couleurs qu'on observe quand la lumière pola- 
risée à lraversé un cristal sont toujours altérées par leur mé- 
lange avec la couleur propre de la tourmaline employée. Si, 
pour diminuer cet inconvénient, on fait usage d’une tourmaline 
mince ou peu colorée , elle n’absorbe point assez de lumière et 
les couleurs, moins impures à la vérité, sont trop affaiblies par 
leur mélange avec la couleur blanche. Pour les voir dans tout 
leur éclat, dans toute leur pureté, on substitue à la tourmaline, 
une glace noire faisant un angle de 34 degrés avec le rayon 
transmis, et dont l'intersection avec la glace polarisante est 
parallèle au plan de polarisation, On voit les couleurs complé- 
mentaires quand l'intersection est perpendiculaire à ce plan. 
Mais cette méthode, excellente pour observer une couleur uni- 
forme , devient insuffisante pour observer des images compli- 
quées. Dans ce cas on est obligé de réduire les dimensions de 
cette glace à environ deux centimètres de longueur sur un de 
largeur et il faut approcher l'œil le plus près possible. Comme 
on ne retrouve pas immédiatement sa position quand elle est 
dérangée , on la fixe, ce qui fixe aussi la position de l’œil et rend 
les observations nombreuses fatigantes à faire. Voici un petit 


procédé pour rendre à l'œil la liberté de ses mouvemens. Je 


suppose les cristaux à étudier, encastrés dans des disques 


( 300 }) 

de liège de 4 centimètres de diamètre. DFEG (fig. 5) est la pro- 
jection horizontale d’un pareil disque, et HKI une coupe ver- 
tivale suivant DE. La partie ABC ou KP est vide ; HMLK est un 
morceau de liège collé sur le disque ; il est limé en biseau sui- 
vant KL, et l'angle LKI est de 57.° La petite glace noire est 
collée contre cette face inclinée. Enfin, on trace à l’encre le 
diamètre FG, parallèle à la glace, et le diamètre DE perpendicu- 
laire sur le premier. Pour observer, on applique le disque HI sur 
ceux des cristaux, comme s’il portait unc tourmaline dont l'axe 
serait Je diamètre FG. Pour avoir plus de lumière, on remplace 
la glace noire par une très-mince glace nue à faces parallèles , 
en la posant contre un papier noir mat MK collé sur le liège. 
Cette glace doit être assez mince pour que les deux images 
d’un petit trou d’aiguille fait dans un papier noir et observées 
avec l'instrument soient à peine séparées. On ne voit qu'une 
image de ce trou avec les verres extrèmement minces et parfai- 
tement polis qu’on trouve chez M. Charles Cnevauer fils, au 
Palais-Royal, à Paris. Il faut choisir, parmi ces verres destinés 
aux observations microscopiques, ceux dont les faces sont 
parallèles. 

S'il s’agit seulement d'explorer une image composée, cet 
instrument l'emporte sur la tourmaline, malgré une réduction 
notable dans le champ de la vision, provenant de ce que la 
petite glace ne peut pas, comme la tourmaline , être appliquée 
contre le cristal à étudier ; mais si l’on a à combiner plusieurs 
cristaux , à les faire mouvoir les uns sur les autres, à les incliner 
en divers sens, alors les inconvéniens se multiplient , et à moins 
d'une grande habitude, on est exposé à mal observer ou à per- 
dre beaucoup de temps. Si l'on veut faire le sacrilice d’un peu 
de lumière, il est facile de modifier cet instrument de manière 
à l'employer absolament comme une tourmaline. La modifica- 
tion se réduit à faire réfléchir la lumière reçue sur la glace nue 
KL par une seconde glace parallèle à KL. Cette nouvelle glace 


( 301) 

peut être noireie sur la face postérieure. Une glace nue à faces 
parallèles est préférable : on perd moins de lumière ; elle peut 
être étamée ; si elle est mince ct si ses faces sont bien parallèles, 
les images sont très-nettes et la perte de lumièré est encore heau- 
Coup diminuée. Si les glaces étaient épaisses on verrait au moins 
trois images d’un trou d'aiguille fait dans un papier noir. On en 
verrait davantage si les faces et les glaces n'étaient pas exacte- 
ment parallèles et si elles étaient plus nombreuses. Au lieu d’une 
seule glace nuc on peut employer une pile de 3 à 6 très-minces 
glaces à faces parallèles, alors il Ja gain et non plus perte de 
lumière; mais l’image n’est plus aussi nette, parce que ses 
diverses parties empiètent un peu les unes sur les autres par la 
raison qui vient d’être donnée. 

Pour éviter les périphrases, je donnerai provisoirement le 
nom d’analyseur à cct instrument, Sa construction exige quel- 
ques petits soins ; je crois devoir les indiquer. 

Usez sur une large lime plate une face HI (fig. 6) d'une plaque 
épaisse de liège ; sciez la obliquement, sous un angle de 57 de- 
grés environ, Limez les deux faces de la seclion pour qu’elles 
joignent exactement et qu'elles soient inclinées de 57 et 123 
degrés sur la face HI que vous aurez à cet effet dressée de nou- 
veau, Au moyen de 4 épingles , attachez l'un à l'autre les deux 
morceaux. Dressez alors la face supérieure MQ pour réduire 
l'épaisseur à étre partout de 16 millimètres. D'un point de Ja 
ligne de jonction comme centre et d'un rayon de 20 millimètres 
décrivez sur la face inférieure HI un ceréle dont on voit Ja pro- 
jection en DFEG. Les projections de la section sont FG,YTU. 
Tirez deux parallèles aux deux lignes de jonction et à la distance 
de l'épaisseur de la glace augmentée de 4 millimètres. À deux 
distances du centre, égales à la moitié de la longueur de la glace, 
tirez les perpendiculaires AV, CX sur les deux faces. Taillez au 
canif, puis limez le contour du disque perpendiculairement aux 
faces. Enfin, entre les lignes projetées en AV, CX, cnlevez au 


( 302 ) 

canif, puis à la lime, la partie LKRS, dont vous aurez achevé 
de tracer le périmètre sur les faces de jonction des morceaux 
séparés. À mesure que ce travail avance il faut s'assurer si les 
faces bien planes qu'on prépare ainsi font constamment avec la 
face inférieure HI un angle de 57 degrés pour la face RS et de 
123 degrés pour la face KL. Si vous suivez minutieusement 
cette instruction , vos glaces mises à leur place, où elles entrent 
à frottement, seront parallèles et convenablement inclinées sur 
les faces du disque dont vous aurez rejoint les parties. Voici d’ail- 
leurs comment vous pourrez vous assurer que ce parallélisme utile 
a été obtenu. Visez au loin l’arête horizontale d’un toit, direc- 
tement entre ces deux glaces et par réflexion sur l’une d'elles. 
Les deux images doivent toujours paraître dans le prolongement 
l’une de l’autre de quelque manière que l’analyseur soit posé ou 
tourné. Il en doit ètre de même pour toute autre ligne, soit 
oblique, soit verticale. 

Les très-minces glaces parallèles d’un verre tout-à-fait inco- 
lore ne doivent point dépasser le liège. Sur les faces RS, KL du 
liège on aura collé un mince papier noir mat. Quand l'œil est 
placé trop près du point L , il recoit la lumière directe qui passe 
par les lignes voisines de R. Si cela incommode, on colle un 
papier noir sur ML et on le fait avancer jusqu'à peu près le 
milieu de LU. L'instrument posé comme dans la figure 6, est 
très-commode pour observer de l'œil gauche. On lui fait faire un 
demi-tour pour observer de l'œil droit. 

Pour observer avec l'analyseur comme avec une tourmaline, 
on place l'œil entre les glaces dont les bords sont parallèles au 
plan de polarisation. Le diamètre du disque parallèle aux glaces 
sera considéré comme un axe. Si l’une des glaces est nue et 
l’autre étamée, on aura autant de lumière qu'avec une bonne 
tourmaline verte ; mais, comme je l'ai dit ,le champ de la vision 
sera un peu plus restreint. On peut encore augmenter cette 
lumière en remplacant la glace étamée par un prisme abRK d’un 


( 303 ) 
verre pur , parfaitement poli et tout-à-fait incolore, Les angles à 
la base aK sont de 57 degrés. Dans ce dernier état, l'analyseur 
est de beaucoup préférable aux meilleures tourmalines, surtout 
lorsqu'on est intéressé à voir toutes les couleurs et dans toute 
leur pureté. Les expériences suivantes justifieront cette préfé- 
rence. 

Devant la glace noire, ou mieux, fdevant la pile de carreaux, 
j'incline une topaze blanche , épaisse de 5,25, et j'observe l’un 
de ses deux systèmes d'ovales avec une excellente tourmaline 
brune. Les ares situés du côté de l’autre pôle sont générale- 
ment rouges et verts ; quelques-uns des premiers sont bordés de 
couleurs variées dont les nuances exigent une attention sou- 
tenue pour être distinguées et qui disparaissent si j'observe 
avec une tourmaline verte, Ces nuances, bien plus marquées 
entre les pôles qu’en dehors, où les arcs plus serrés se super- 
posent en partie, font reconnaître que la topaze, ainsi que 
presque tous les cristaux , a des axes différens pour différentes 
couleurs. L’analyseur , substitué à la tourmaline, rend à ces 
nuances leurs véritables teintes et en fait découvrir d’autres 
que la tourmaline éteignait. Elles disparaissent toutes et de 
nombreux ovales, invisibles jusqu'ici, se montrent si j'interpose 
un verre rouge. Tous les ovales sont nécessairement noirs et 
rouges. J'en vois une infinité à la lampe si j'incline la topaze 
entre les deux tourmalines. 

Une plaque de carbonate de plomb, travaillée par feu M. 
Lesauur , est épaisse de 1 millimètre; observée devant la pile à 
la tourmaline verte, et en mettant le plan de ses axes successi- 
vement dans les azimuts zéro et 45 degrés, on ne voit guère 
que du rouge sale et du vert. La diffusion des barres noires fait 
soupconner l'existence de couleurs tendres salies par celle de 
la tourmaline, Elles se montrent en effet si l’on se sert d’une 
très-mince tourmaline brune et elles prennent tout leur éclat 
vues à l’analyseur. IL y a peu d’arcs colorés autour des pôles, 


(304 ) | 
au-delà de la ligne qui les joint ; mais on en voit une très-grande 
quantité à la lampe monochromatique. Chaque pôle est alors 
entouré de 3 lemnicastes; les autres, en nombre illimité, enve- 
loppent les deux pôles. 

La nature de la lumière reçue à travers une plaque bi-réfrin- 
gente, l'épaissenr du cristal, la séparation des axes pour les 
diverses couleurs et la séparation des plans de ces axes, sont 
autant de causes qui peuvent modifier singulièrement les détails 
et les teintes des images. Je vais en donner un bel exemple 
sur une plaque longue de 26 millimètres , large de 18 et épaisse 
de 3, De tous les échantillons connus de carbonate de plomb 
taillé, celui-ci est le plus beau; et de toutes les expériences de 
l'optique, la plus belle, pour les yeux, est celle que nous 
allons faire avec ce morceau unique qui appartient à M. Bamier. 
Ce savant a bien voulu me le confier. 

Plaçons d’abord le cristal entre deux tourmalines croisées 
pour l’observer à la flamme de l'alcool salé; ici la couleur de 
la tourmaline n’a d'autre influence que d'affaiblir un peu la 
lumière, qui reste simple et assez vive. Chaque pôle est entouré 
de 8 lemnicastes noires: les autres lemnicastes noires, en nombre 
infini, enveloppent les deux pôles. Il ya, par conséquent, un nom- 
bre également infini de lemnicastes jaune paille. Les branches 
de la croix noire qui se forme quand la ligne des pôles est 
parallèle à l'axe de l’une des tourmalines sont pareilles à celles 
du spath d'Islande perpendiculaire vu à la lumière blanche. 

Observons maintenant le cristal à la lamière du ciel ‘et entre 
deux tourmalines vertes. Les branches de la croix noire sont 
plus diffuses; celles qui s'éloignent des pôles sont bordées 
d'un nuage brun rougeâtre qui annonce l'existence de couleurs 
salies par les tourmalines. Quand le cristal seul fait un mouve- 
ment de 45 degrés, les branches de la croix se transforment en 
hyperboles bordées en dedans des pôles de cette couleur brune 
devenue plus vive, et.en dehors d’une couleur verte assez belle. 


( 305 ) 

— Remettons la ligne des pôles dans la direction parallèle à 
l’axe d’une des tourmalines et observons les autres parties de 
l'image. Cette image n’est plus qu'un segment de celle ob- 
servée à la lampe monochromatique. Elle est renfermée dans 
un losange dont la petite diagonale est sur la ligne des pôles; 
tout le reste est effacé, sauf les branches prolongées de la croix. 
L'image renfermée dans le losange n’est guère composée que de 
rouge pâle et de vert assez beau. Le rouge s'améliore quand il 
est dégagé des branches de la croix en imprimant au cristal un 
mouvement de 45 degrés. Alors les lemnicastes rouges et vertes 
qui entourent ou enveloppent les pôles sont fort belles. 

Supprimons l’une des tourmalines pour avoir des couleurs 
moins impures et faire ressortir un peu celles qu'elles éteignent ; 
recevons à travers le cristal la lumière polarisée par une pile 
de glaces. Alors, quelques anneaux rouges autour des pôles 
s'étendent hors du losange jusqu'aux branches noires bordées 
d’une (einte rousse plus vive et plus étendue qu'avant. Une 
teinte de bleu assez beau, quoique un peu sale, se répand sur 
l'image en prenant la forme d’un carré dont l’une ‘des dia- 
gonales est aussi sur la ligne des pôles. Cette teinte bleue modifie : 
les couleurs des courbes qu’elle couvre, et laisse conséquem- 
ment dans leur état primitif les parties de ces courbes comprises 
entre les bords des deux losanges. Ces franges extérieures au 
carré bleu sont presque rectilignes et parallèles à la ligne des 
pôles. Si la plaque fait un mouvement de 45 degrés, la couleur 
bleue , emportée par les branches de la croix , borde celles-ci en 
dehors des pôles où l’on ne voit quelques anneaux qu’en inter- 
posant un verre rouge. La partie de l’image entre les pôles est 
renfermée dans un carré d’où la lumière bleue ayant disparu 
laisse voir les lemnicastes d’un beau vert et d'un rouge sale qui 
qui s’avive beaucoup dans le voisinage des pôles. 

Remettons la ligne des pôles dans le plan de polarisation et 
répétons les mêmes observations avec l’analyseur formé d’un 

20 


( 306 ) 
prisme et d'une glace nue. Alors toutes les couleurs , plus nom- 
breuses autour des pôles, sont vives et pures. Le bleu d'azur 
est de la plus grande magnificence ; le vert , près des pôles , est 
aussi d’une grande beauté; il se propage plus loin sur l’image 
intérieure ; il entraine avec lui quelques arcs qui se rectifient 
parallèlement à la ligne des pôles. 

Faisons maintenant quelques observations pour reconnaître 
et non mesurer les différences entre les angles des axes corres- 
pondans aux diverses couleurs. La distribution de ces couleurs 
dans l’image indique assez que l’angle est plus grand pour la 
couleur rouge , plus petit pour le bleu et intermédiaire pour le 
vert; et comme de plus cette distribution est parfaitement sy- 
métrique des deux côtés de la barre noire située dans le plan de 
polarisation, tous Les axes sont aussi dans ce plan. C’est ce qu'il 
est facile de vérifier en prenant la petite précaution suivante. 
Je dépose sur la pile de glaces un petit carré de papier blanc, 
ou mieux, un fragment d’une mince glace étamée, et j'amène 
le pôle de la couleur rouge de l’image sur le miroir, La lumière 
polarisée a traversé un verre rouge avant d’arriver au carbonate 
de plomb; comme cette couleur est presqu’absolument simple, 
elle efface toutes les autres; il ne reste que des courbes rouges 
et noires plus nombreuses que celles qu’elles remplacent , et un 
grand nombre environnent les pôles de toute part. Si je rem- 
place le verre rouge par un vert, tout s’efface; il ne reste que 
les courtes franges presque rectilignes comprises entre les bords 
des deux losanges dont j'ai parlé. Le miroir n’est plus au pôle 
visible; celui-ci paraît s'être approché de l’autre système d'’an- 
neaux ; il semble qu’on a maladroitement dérangé l’image : inais 
le miroir reparaît au pôle quand on reprend le verre rouge. 
Un verre d’un beau bleu de cobalt produit les mêmes effets 
avec un déplacement plus étendu dans le même sens et dans 
le plan de polarisation. 

11 résulte de ces observations que dansle carbonate de plomb 


( 307 ) 


les angles des axes correspondans aux rayons des diverses co 
leurs sont situés dans un même plan et décroissent depuis la 
couleur rouge, la moins réfrangible , jusqu'à la violette, la plus 
réfrangible. Cet ordre de décroissement dans les angles des axes 
s'observe également dans la topaze incolore, plusieurs micas, 
le diopside, le borax. .... ; et il est contraire dans le nitrate 
de potasse , le sucre, l’arragonite ; c’est-à-dire que dans ces der- 
niers cristaux les angles des axes relatifs aux diverses couleurs 
croissent avec la réfrangibilité de ces couleurs. 

Pour presque tous les cristaux, les plans de ces angles se con- 
fondent dans celui des deux axes secondaire et principal. Le 
borax présente une exception sur laquelle je m'arrêterai, parce 
qu’elle est très-intéressante et qu’elle me fournira l’occasion d'’in- 
diquer aux commençans quelques petites manipulations insigni- 
fiantes , mais indispensables quand on est dépourvu d'appareils. 

Une lame de liège large de 45 à 50 millimètres est percée vers 
l’un de ses bouts d’un trou de 15 à 25 millimètres. Autour de 
l'analyseur mis sur ce trou , je passe un crayon, et en trois ou 
quatre points de la circonférence ainsi décrite sur la lame » je 
plante des épingles destinées à contenir les cristaux et l’analy- 
seur , qui peuvent ainsi tourner dans leur plan au moyen d’une 
épingle fichée dans leur épaisseur. Un bouchon de liège est collé 
à un support mobile quelconque. Une grande aiguille à coudre, 
perpendiculaire au plan de polarisation, est fichée par la tête 
dans ce bouchon et par la pointe dans l'épaisseur de la lame de 
liège qui peut ainsi tourner autour de l'aiguille comme axe pour 
devenir perpendiculaire ou oblique aux rayons polarisés et réflé- 
chis par la pile de glaces. Enfin, entre les quatre épingles je place 
le liège qui porte un cristal de borax ct par-dessus l'analyseur. 
Les deux sections principales doivent être dans le plan de pola- 
risation. 

J'observe l'image de l'un des deux systèmes d’anneaux : 
elle est singulièrement compliquée; elle n’a presque rien de 


( 308 }) 

symétrique, et il serait bien long d'en donner une description 
complète. Les couleurs sont bizarrement distribuées et dirigées; 
on croirait que le cristal est très-défectueux ; mais à la lamière 
rouge comme à celle de la flamme monochromatique toutes les 
irrégularités disparaissent. Si j'observe l'autre système d’an- 
neaux , en tenant toujours exactement dans le plan de polarisa- 
tion les barres noires qui joignent les pôles, je retrouve exacte- 
ment la même distribution des couleurs, avec cette seule diffé- 
rence, qu’on devait prévoir, que tout ce qu’on remarque à gauche 
dans la première image, par exemple , se retrouve à droite dans 
la seconde. Cela posé, j'abaisse vers la pile la lame de liège en 
la faisant tourner autour de l’aiguille horizontale qui l’attache 
au support jusqu'à ce que je revoie le premier système, Je fais 
usage d’un verre rouge et je place le petit miroir exactement 
au centre du premier ovale; puis je fais passer la lumière pola- 
risée à travers un verre de vitraux d'un vert franc un peu 
foncé. Le nôle des rayons verts est descendu au-dessous du mi- 
roir; il a marché vers l’autre pôle en obliquant vers la droite. 
Je me sers enfin d'un verre bleu de cobalt à faces parallèles, 
comme les deux précédens. Le pôle de cette couleur est consi- 
dérablement descendu au-dessous du miroir; il est également 
transporté à droite et à une distance bien plus grande que pour 
le pôle des rayons verts. On observe des mouvenens égaux, mais 
en sens inverse, si l’on répète cette expérience sur l’autre sys- 
tème d’ovales. 

Lorsque les lignes noires des deux systèmes d’ovales sont en- 
semble dans le plan de polarisation RR' (fig. A), elles ne di- 
visent point les courbes colorées de chaque système en deux 
parties symétriques ; mais si l’on fait faire au borax un mouve- 
ment de 25 degrés environ, dans son plan, elles prennent des 
directions parallèles RB , R'B et alors les formes des courbes et 
la distribution des couleurs sont exactement les mêmes des deux 
côtés de chacune de ces lignes. De plus, si l’on net les pôles 


( 309 ) 
R, R’ des rayons rouges dans le plan de polarisation , on trouve 
les pôles V, V’ des rayons verts, et les pôles B, B’ des rayons 
bleus dans la direction précise des lignes noires. Ces dernières 
observations se font plus commodément sur un cristal taillé de 
manière à montrer l’un de ses deux systèmes d’ovales sous l’in- 
cidence perpendiculaire. 

De ces expériences faites sur le borax négatif, nous con- 
cluons que : 

1.0 Les angles des axes relatifs aux diverses couleurs décruis- 
sent dans l’ordre inverse des réfrangibilités de ces couleurs. 

2.0 Le plan des axes des diverses couleurs tourne dans le 
même sens depuis le rouge jusqu’au violet. 

3.0 Les pôles des diverses couleurs sont situés sur deux droites 
parallèles qui divisent les systèmes d'anneaux en deux parties 
symétriques. 

Selon le côté par lequel on observe un cristal de borax, on a 
la figure À , ou la même figure vue par transparence après avoir 
retourné le papier sens dessus dessous. 

M. Henscuez a le premier fait remarquer que dans beaucoup 
de cristaux les angles des axes correspondans aux diverses cou- 
leurs sont inégaux, et que, dans le borax, les plans de ces 
axes ne sont pas confondus. M. Bamiwer est aussi l'un des premiers 
observateurs qui aient reconnu l'important phénomène de la 
séparation des axes. 

Comme les cristaux de borax sont très-intéressans à étudier, 
je dirai comment on peut les préparer soi-même et sans frais. 

On trouve chez tous les droguistes du borax en gros fragmens 
sur lesquels on peut souvent reconnaître une ou plusieurs faces 
planes naturelles. La rupture à petits coups de marteau fait 
d’ailleurs presque toujours découvrir de ces faces alors beaucoup 
moins étendues. Avec une petite scie d’horloger et dont la lame 
est un ressort de montre, on taille des plaques tantôt parallèles, 
tantôt perpendiculaires, ou même obliques à ces faces. Le trait 


(. 310.) 
de scie doit être entretenu plein d’eau. On peut se borner à 
abattre au canif tout ce qui excède la plaque qu'on veut obtenir 
et qui doit avoir de 3 à 5 millimètres d'épaisseur. On frotte 
légèrement ces plaques sur une lime un peu rude, piane et bien 
mouillée, jusqu’à ce que l'épaisseur soit réduite à un ou deux 
millimètres au plus. On les frotte ensuite, et plus légèrement 
encore, sur un verre dépoli très-doux et très-mouillé. Gette der- 
nière opération a pour objet d’user un peu la plaque et d'opérer 
une dissolution partielle et uniforme. On rince enfin la plaque 
en la tenant par un bout, et quand elle est égoutée on la pose 
horizontalement en l’appuyant par ses extrémités sur deux petits 
supports. Sa surface cristallise en séchant et elle prend un poli 
et unc transparence convenables. On peut augmenter cette 
transparence en faisant succéder une glace polie au verre dépoli. 

Pour conserver le cristal qui manque de dureté et augmenter 
encore sa transparence, on le colle avec de la térébenthine 
chaude entre deux verres minces et incolores. 

En une journée, on peut préparer ainsi une trentaine de 
plaques parmi lesquelles on choisit celles dont les faces sont 
perpendiculaires à l'axe principal. On s assure que cette con- 
dition est remplie lorsqu'en observant sous l’incidence perpen- 
diculaire on reconnait les formes qu’affectent les lemnicastes 
autour du milieu de la ligne des pôles. Il vaut mieux observer 
à la lampe et entre deux tourmalines croisées. L’image est coupée 
en deux parties symétriques par deux lignes droites qui se 
croisent à angles droits au centre du champ de la vision quand 
les faces de la plaque sont perpendiculaires à l’un des trois axes 
rectangulaires. Les autres plaques serviront aux diverses études 
que nous ferons bientôt. Des plaques de sel de La Rochelle, 
préparées de la même manière, sont fort intéressantes à observer : 
la séparation des axes y est très-prononcée. 

Lorsque les sels préparés par la méthode ci-dessus sont très- 
solubles dans l’eau, comme l'acide citrique , par exemple, on se 
sert d’eau presque saturée du méme sel. 


( 311 ) 

Le centre des anneaux colorés que montre le spath d'Islande 
perpendiculaire étant noir, et toutes les courbes isochromatiques 
qui entourent le centre étant des cercles parfaits, les axes cor- 
respondans aux diverses couleurs sont tous confondus en un seul 
perpendiculaire aux faces du cristal. Or, il est très-facile de sépa- 
rer ces axes , de faire prendre une forme elliptique aux anneaux 
et d'imiter ainsi dans leurs formes et la distribution des cou- 
leurs les ovales de l’arragonite , de la topaze blanche, etc. etc. 
Il suffit pour cela d’interposer entre l'œil et l’analÿseur un prisme 
de verre dont l’arète de l'angle réfringent, de 50 à Go degrés, 
soit perpendiculaire au plan de polarisation primitive. 

Réciproquement, au moyen d'un prisme convenablement 
choisi ou présenté, on peut faire disparaître d’un système d'o- 
vales, et plus ou moins complètement , les phénomènes de cole- 
ration qui résultent de la séparation des axes dans certains cris 
taux, quand tous ces axes sont dans un même plan. 


Le petil appareil de la figure 5, mis comme objectif devant 
un cristal à étudier, suflit pour polariser la lumière et donner, 
à cause de sa proximité, un champ aussi étendu qu'une grande 
glace. D'après cela, on peut supprimer cette glace. L'amateur 
qui possède l'appareil aux deux tourmalines de M. Henscuez verra 
bien ce qui reste à faire pour en construire un semblable sans 
tourmalines. L'une sera remplacée par l’analyseur , l’autre par 
l'appareil fig. 5. Pour ce cas , la glace nue KL pourra être pro- 
longée jusqu'au prolongement de BP. Une petite pile de cinq à 
dix glaces minces, d’un verre bien blanc, placées derrière KL 
dans l'épaisseur du liège , est d’un excellent effet, 

Quand l’analÿseur est composé de deux glaces un peu épaisses, 
nues ct à faces parallèles , il est nécessaire qu'elles soient elles- 
mémes bien parallèles pour éviter la production de phénomènes 


(-8x2 ) 

étrangers à ceux que l'on veut observer et qui les modifient. 
Ils consistent en des franges colorées produites par l'interférence 
des rayons réfléchis par les deux faces des deux glaces. Pour les 
faire naître à volonté, en obtenir de plus ou moins serrées et les 
soumettre à diverses épreuves, il est nécessaire de modifier un 
peu la construction. Au lieu d’être coupé obliquement et en deux 
parties inégales, le disque de liège est coupé par son milieu per- 
pendiculairement aux faces. Chacune des deux parties symé- 
triques porte une glace nue de 1 à 3 millimètres d'épaisseur , 
inclinée de 57 degrés sur les faces du disque. On réunit les deux 
partics par un peu de cire molle et si le parallélisme n’est pas 
exact on l'obtient aisément en appuyant sur la cire an peu plus 
d’un côté que de l’autre. Faites alors tourner l’une des deux 
moitiés autour d’une perpendiculaire au plan de séparation. Ce 
mouvement doit être fort peu étendu; il suffit qu'une ligne droite 
éloignée paraisse brisée. Un petit mouvement de plus, s'il est 
nécessaire, fera paraître les franges hyperboliques à peu près 
perpendiculaires à l’axe de l'instrument. Elles sont d'autant plus 
serrées que le mouvement a été plus étendu; et on les voit 
beaucoup plus nombreuses, si on les regarde dans le ciel à 
travers un verre rouge; on en a une infinité à la flamme mono- 
chromatique. 

L'analyseur étant ainsi préparé pour donner des franges, je 
m'en sers comme d’une tourmaline pour le combiner successi- 
vement avec divers cristaux à un ou à deux axes, comme des 
spaths d'Islande ou des quartz perpendiculaires; des topazes , des 
micas, etc., ou bien avec des cristaux parallèles ou obliques, 
croisés ou séparés et dont on fait varier les épaisseurs, les azi- 
muts et les inclinaisons. Je vois ainsi, généralement, que les 
franges subsistent et qu’il se forme deux systèmes de cercles 
colorés dont les diamètres varient avec la nature du cristal, son 
épaisseur ou son inclinaison. Les circonférences s'éloignent plus 
ou moins de la masse des franges, et, dans certains cas, elles 


( 313) 
sont d'un si grand diamètre, qu'on croit voir trois systèmes 
séparés de franges tantôt parallèles, tantôt croisés sous divers 
- angles, etc. 

Il y a une autre manière d'observer ces franges découvertes 
par M. Bnewsten. Je dirai ici comment l’amateur peut les obtenir 
à coup sûr. Ayez un tube ouvert, de carton noir, long de 25 à 
30 centimètres, large de 5 à 6. Fermez l’un des deux bouts 
avec un carton noir dans lequel vous aurez percé une fenêtre 
rectangulaire lungue de 30 à 35 millimètres et large de 10 à 
15. Ayez aussi deux glaces à faces parallèles , longues, par exem- 
ple, de 50 millimètres , larges de 30 à 40 et épaisses de 2 à 5. 
Il est bon qu'elles soient tirées d'une même plaque. Joignez-les 
par le bord du petit côté et par l'autre bout introduisez entre 
elles une petite bande de carton ou plusieurs bandes de cartes, 
jusqu'à ce qu’en regardant la fenêtre ouverte au fond du tube 
dirigé au ciel, vous puissiez voir à travers les glaces appuyées 
contre l’ouverture l’image de cette fenêtre et tout à côté l’image 
entière réfléchie dans laquelle les bandes colorées doivent se 
montrer si le bord du tube est un cercle bien découpé. Si elles 
n'y sont pas, vous les y amènerez en inclinant de diverses ma- 
nières, très-peu et très-doucement, l’ensemble des deux glaces. Il 
est utile de masquer par les cartes interposées la vue directe de 
la fenêtre pour ne voir que l'image réfléchie. Les bandes ainsi 
observées sont parallèles à la longueur de la fenêtre et à la ligne 
de jonction des glaces. Pour avoir à la fois des couleurs plus 
vives et des franges moins serrées, on fait tourner l'ensemble 
des deux glaces autour d’une perpendiculaire à leur ligne de 
jonction. 

Les deux glaces étant disposées comme dans l'expérience 
précédente, on les tient horizontalement et l’on observe par 
réflexion l'image du ciel. Les franges se montrent immédiate- 
ment. En écartant un peu plus les glaces par l'addition d'une 
ou deux épaisseurs de carte ct recevant la lumière du ciel à tra- 


( 314 
vers la fenêtre du tube noir , on a plusieurs images latérales de 
cette fenêtre dans chacune desquelles les franges paraissent plus 
vives et plus nombreuses, 

Répétez ces trois expériences à la lumière d’une lampe d’Ar- 
gand, et même à la vive lumière du suleil, modérée par un 
verre dépoli appliqué contre la fenêtre. Observez aussi à tra- 
vers un verre rouge, et mieux encore à la lampe monochroma- 
tique, pour avoir un nombre infini de franges. 


Procédé pour reconnaître si un quartz perpendiculaire 
tourne à droïle ou à gauche. 


Observez les anneaux à travers un verre rouge. Faites tourner 
la tourmaline de gauche à droite (comme on fait tourner un 
tire-bouchon pour l’enfoncer dans le liège, ou une vis pour la 
serrer ), vous verrez alors se former une tache noire centrale ; 
elle grandira; bientôt le rouge paraît au milieu de la tache qui 
s'étale et se transforme en un cercle noir. Le rouge s’étale à son 
tour et se transforme aussi en cercle rouge auquel succède un 
nouveau cercle noir, et ainsi de suite. Quand cela arrive en 
tournant la tourmaline à droite, quand les cercles naissent au 
centre et vont prendre la place de ceux qui le fuient, alors le 
quartz tourne à droite, et dans ce cas, si l’on tournait la tour- 
maline à gauche, le premier cercle diminuerait de diamètre et 
viendrait se fondre en une tache noire; alors viendrait le cercle 
rouge qui, à son tour , arrivant de la circonférence au centre, 
viendrait se fondre en une tache rouge, et ainsi de suite. 

Si les phénomènes ci-dessus sont inverses, c'est que le cristal 
tourne à gauche. En général le cristal tourne comme la tourma- 
line quand le mouvement de celle-ci fait naître au centre des 
taches qui grandissent et se transforment en cercles marchant 
du centre à la circonférence. 


( 315) 

Quand on supprime le verre rouge et que le quartz tourne à 
droite, par exemple, on voit la tache centrale, quelle que soit 
sa couleur, s’étaler et se former en un cercle, si la tourmaline 
tourne aussi à droite. S'il faut la tourner à gauche pour que les 
cercles qui naissent au centre s’étalent de ce centre à la circon- 
férence, c'est qu'alors le quartz tourne à gauche. 

Mettez l'axe de la tourmaline dans le plan de polarisation 
comme pour refaire l'expérience précédente. Examinez et notez 
les couleurs qui, à partir du centre , forment le premier anneau. 
En tournant doucement la tourmaline dans le sens de la rotation 
du quartz, les couleurs qui partent du centre iront successive- 
ment se former en cercles qui complèteront bientôt un anneau. 
En la tournant en sens contraire, toutes les couleurs du premier 
anneau , comptées du centre à la circonférence, viendront suc- 
cessivement , et dans le même ordre ; occuper le centre. — Ob- 
servez , par exemple, le rouge du sixième anneau et ne le perdez 
pas de vue pendant que la tourmaline tourne en sens contraire 
de la rotation du quartz; ce rouge du sixième anneau deviendra 
celui du cinquième anneau, puis du quatrième, et jusqu'à venir 
occuper le centre. Si la tourmaline tourne dans le même sens 
que le quartz, alors en suivant de l'œil le rouge , par exemple, 
du deuxième anneau, on le verra passer au troisième , au qua- 
trième , etc. Cet anneau grandira toujours jusqu’à ce qu'il dis- 
paraisse ; mais comme il s’en forme de nouveaux, ils sont tou- 
jours en même nombre. 

Si la plaque est très-mince, en l’inclinant un peu on pourra 
toujours reconnaitre si le mouvement de transport se fait du 
centre à la circonférence (et alors le quartz tourne dans le sens 
de la tourmaline }, ou de la circonférence au centre (et alors le 
quartz tourne en sens contraire de la tourmaline). Quand la 
plage centrale est blanche, pour reconnaitre le sens du mouve- 
ment de transport des anneaux, remarquez l’une des quatre 
taches à l'origine des branches de la croix dont le centre est sup- 


( 3:16) 
primé , vous verrez bien si les couleurs de cette tache marchent 
successivement vers le centre ou si elles le fuient. 

Au reste, pour toutes les épaisseurs depuis un jusqu'à cinq 
millimètres, on trouvera toujours une position de la tourmaline 
pour laquelle l’image sera une croix bleue à branches de plus en 
plus courtes à mesure que la plaque sera de plus en plus épaisse. 
Le centre de cette croix bleue passe au violet quand la tourmaline 
tourne très-peu dans le sens du quartz. Pour des plaques très- 
minces ce bleu est très-sombre, il est presque noir, et le moindre 
mouvement de la tourmaline le fait passer au violet très-sombre, 
peu appréciable, puis au jaune sale. 

À égales distances de la glace noire et d’une tourmaline d’é- 
preuve, mettez perpendiculairement aux rayons réfléchis une 
plaque de cristal de roche un peu épaisse et montrant des an- 
neaux ; Vous verrez que pour beaucoup de plaques la tache cen- 
trale n’est pas d’une couleur uniforme ; vous remarquerez des 
plages plus ou moins étendues où la cristallisation est manifeste- 
ment troublée. Dans certains échantillons, ces plages envahissent 
plus de la moitié de l'aire totale; elles paraissent couvertes de 
stries nombreuses bizarrement dirigées. Dans ces plages le cristal 
ne paraît plus rotatif, car en observant à travers on distingue 
parfaitement la croix noire bien formée. 


Appareil de M. Savarr. 


On divise en deux parties une lame de quartz (cristal de roche) 
épaisse de 1 à 2 millimètres et parallèle à l’une des faces natu- 
relles de la pyramide qui termine le cristal ; on superpose les 
deux parties en croïsant exactement à angles droits les deux 
lignes de séparation. On superpose encore l’analyseur, ou , selon 
les cas , une bonne tourmaline d'épreuve, bien transparente. La 
section principale de Ja tourmaline doit diviser en deux parties 


(317) 
égales l'angle dièdre formé par les sections principales des deux 
lames de quartz. Ces trois lames sont encastrées dans de minces 
disques de liège et forment ensemble’ une épaisseur de 6 à 10 
millimètres. 

Si l’on met la section principale de la tourmaline dans le plan 
de polarisation , et par conséquent la section principale de chaque 
quartz dans un azimut de 45°, on voit des franges ou bandes 
colorées hyperboliques. La bande centrale , alors contenue dans 
le plan de polarisation , est noire et elle est comprise entre deux 
blanches. On aura toujours une noire entre deux blanches, mais 
différemment dirigées, si l’on fait tourner dans son plan l'ensemble 
seul des deux quartz pour changer l'azimut de leur section prin- 
cipale. On reconnait donc ainsi, avec les quartz croisés, dans 
quel plan la lumière était polarisée avant de les traverser. Si la 
tourmaline fait un mouvement azimutal de 90°, on a les cou- 
leurs complémentaires , et par conséquent une blanche centrale 
entre deux noires, quels que soient les azimuts de 45° où l’on 
amène les sections principales des deux quartz. 


ABS 2 noire 
Ainsi, l'apparition d'une centrale entre deux 
‘ PE blanche 
blanches ,. 
"EP fait connaître qu'avant de traverser les deux quartz 


parallèle ; 


la lumière était polarisée dans un plan RENE MA © 
perpendiculaire 


section principale de la tourmaline. 


Nous disposerons l'appareil de manière que l’axe de la tour- 
maline étant dans le plan de polarisation, la bande noire cen- 
trale y soit aussi, et que de plus les branches hyperboliques co- 
lorées semblent devoir concourir en un point du ciel au-delà de 
l'observateur, La tourmaline étant alors fixée à l’ensemble des 
deux quartz, si l'on fait tourner tout l’appareil de 90°, on aura, 
d’après ce qui précède , une blanche entre deux noires, et toutes 
les bandes, ainsi que l’axe de la tourmaline, seront perpendi- 


{ 318) 
culaires au plan de polarisation primitive. Un nouveau mouve- 
ment de 90° donnera une noire entre deux blanches, et les 
bandes sembleront concourir vers le centre de la terre. 

Presque tous les corps plus ou moins diaphanes, soumis à 
l'épreuve de cet appareil ou de tout autre analogue, donnent des 
traces de polarisation dans la lumière qu'ils réfléchissent ou 
qu'ils réfractent ; il n'est même pas bien nécessaire de chercher 
l’angle convenable. Voici des exemples. 

Entre l'appareil de M. Savanr et la flamme d’une bougie, ou 
un ciel très-couvert , je place, perpendiculairement à la direc- 
tion de la lumière, un copeau de bois enlevé à la varlope, et soit 
que je mette l’axe de la tourmaline parallèlement ou perpendi- 
culairement à la direction des fibres, j'obtiens des signes de 
double réfraction plus ou moins forte, selon la nature du bois et 
l'épaisseur du copeau. À 45° les bandes colorées disparaissent. 
Cette double réfraction est presque nulle pour le frêne et le chêne; 
faible pour l’orme, le peuplier et le cerisier ; médiocre pour le 
hètre, et forte, relativement , pour le sapin et le hois-blanc. Elle 
est plus sensible à la lampe monochromatique. 

Le papier et le verre dépoli disposés de même donnent aussi 
des traces de double réfraction , mais excessivement faibles. 

Perpendiculairement à l'axe d’une corne de bœuf, je détache 
un disque de 2 millimètres d'épaisseur. Il devient transparent 
par le poli. Si l'axe de la tourmaline est tangent à la courbure 
circulaire des fibres, on observe une bande noire centrale entre 
deux bandes blanches, et au contraire une blanche entre deux 
noires si l'appareil fait un mouvement de 90°. À 45° les bandes 
disparaissent. À l'appareil ordinaire de polarisation, cette corne 
laisse passer une couleur d’une mince lame de chaux sulfatée et 
disperse la couleur complémentaire comme le ferait une agathe 
de mauvais choix. 

Si l'on fait à la bougie de semblables observations à travers 
les barbes d’une plume de perdreau, de geai, de moineau , on 


mn ne 


(319) 

voit tout à la fois le spectre dû à l’action du réseau et celui dü à 
la double réfraction. Il en est de même avec des tissus de soie, 
Un large ruban ayant des parties diverses dont les réseaux sont 
plus ou moins ouverts donne des bandes colorées plus brillantes 
là où le tissu est plus serré. Elles disparaissent à 45° de la 
direction de la trame ou de la chaine. 

Enfin, la polarisation par une seule réfection sur les métaux 
polis, bien qu’extrêmement faible, surtout pour l'argent , est 
rendue très-sensible par l’appareil de M. Savanr. Cette observation 
demande néanmoins quelques précautions pour éviter les causes 
d'erreur. Les métaux polis faisant les fonctions de miroir réflé- 
chissent la lumière polarisée par l’air. Ainsi, quand le soleil est 
à l'horizon , par exemple, et qu’on observe le ciel serein ou peu 
couvert en mettant l’axe de la tourmaline dans le méridien, on 
voit au milieu du spectre une ligne blanche entre deux noires, et 
si l'on interpose une lame d’argent poli, elle réfléchit la même 
image. tandis que dans les mêmes circonstances le zinc donne 
une ligne noire entre deux blanches. C’est donc la lumière nue 
d’une bougie qu’il faut faire réfléchir par les métaux polis et 
c'est l'image de la flamme qu'il faut observer après qu'on s’est 
bien assuré que les objets environnans sont assez éloignés pour 
n’exercer aucune influence sur le phénomène par la lumière qu'ils 
réfléchissent. 


Polarisation de la lumière lunaire réfléchie par l'air serein. 


En 1825, j'ai donné la loi générale de la polarisation de la 
lumière solaire réfléchie par l’air serein (*). J'ai dit alors qu’elle 


(*) Recueil des travaux de la société, année 1835, page 34. J'ignorais 
alors que M. ArAGo eût fait de semblables observations, comme j'ignore 


aujourd'hui si quelque physicien a vérifié le fait de la polarisation de la 
lumière lunaire. 


( 320 ) 

devait être la même pour la lumière lunaire; mais je n’ai rap- 
porté aucune observation propre à vérifier cette assertion. J'ob- 
servais avec un prisme biréfringent qui donne la double image 
d’un trou percé au fond d’un tube, et cet instrument est loin 
d'être assez délicat ou assez sûr et commode pour faire cette 
vérilication , sujette d’ailleurs à une difficulté que l'appareil 
très-sensible de M. Ssvanr ne permet pas de lever avec une pleine 
satisfaction, parce que dans l'obscurité les bandes cessent d’être 
colorées et qu’il est difficile de s'assurer si elles sont en nombre 
pair ou impair. Voici d’ailleurs quelle est la difhculté dont je 
parle. 

Supposons que ie soleil et la lune plerne n'aient qu'une faible 
déclinaison, et qu’étant sous la ligne, le spectateur veuille ob- 
server le phénomène optique une heure après le coucher du 
soleil. Dans ces circonstances, s’il met l’axe de la tourmaline à- 
peu-près dans le méridien, il verra une image composée de lignes 
blanches et noires, et assez prononcées pour reconnaître que le 
milieu est occupé par une ligne blanche. Mais à quel astre devra- 
t-il attribuer cet effet qui pourrait n'être dû qu’au soleil et qui 
l’est aux deux astres si le fait à vérifier est réel? La difficulté 
reste la même s’il met l'axe de la tourmaline dans un plan 
passant par les deux astres. Si le spectateur observe à l’époque 
du premier quartier de la lune, par exemple, et si l'axe de la 
tourmaline est mis dans le méridien après le coucher du soleil, 
il devra observer au milieu de l’image une ligne noire entre deux 
blanches si l'effet est dû à la lune seule; mais il devra observer 
üne ligne blanche entre deux noires si le soleil seul produit l'effet. 
Par conséquent il n’apercevrait rien si, dans le moment de l’ob- 
servation , l'influence des deux astres était la même au lieu où il 
vise. Et s’il observe ailleurs des traces de polarisation dues à la 
différence dans l'intensité des causes, elles pourront être trop 
faibles pour qu'il puisse compter les lignes noires et s'assurer 
qu'elles sont en nombre pair ou impair. 


( 321 ) 

Ces détails montrent assez cominent la polarisation due à la 
lune et celle due au soleil s'inflaencent mutuellement, et qu'il 
estnécessaire de choisir le moment de l'observation pour décider 
la question. Le 11 octobre, deux jours après le premier quartier 
et trois quarts d'heure après le coucher du soleil, le ciel était 
serein ; la polarisation était très-forte, et dans presque toute la 
demi-circonférence, à 90 degrés du soleil, j'avais des bandes 
colorées d'une vivacité presque égale à celle que la lumière recue 
sur une glace noire aurait pu donner. En mettant l’axe de la 
tourmaline à-peu-près dans le plan passant par l'œil et les deux 
astres , les bandes s’étendaient au-delà de la lune. En observant 
l'image complémentaire qui se décolorait , se déplaçait et s'ef- 
façait sensiblement à mesure que le soleil descendait sous l’ho- 
rizon, je pouvais la distinguer de celle due à la lune et qui 
commençait à poindre, à 90° de cet astre, cinq quarts d’heure 
après le coucher du soleil. Deux heures juste après ce coucher, 
la supériorité de l’action de la lunc sur celle du soleil était ma- 
nifeste , ct en mettant l'axe de la tourmaline à angle droit avec 
la ligne tirée de l’œil à la lune, je pouvais compter les bandes 
noires dans presque toute la moitié EST du ciel. Plus tard j'ai 
pu les compter dans le reste de la demi-circonférence. Un petit 
déplacement azimutal diminuait l’intensité de l’inage qui dis- 
paraissait un peu plus loin. Pour compter les bandes, lorsque 
l'axe de la tourmaline était dans le vertical passant par la lune, 
j'observais à 90° de cet astre et je mettais sur une étoile la bande 
noire qui me paraissait occuper le milieu du spectre, j'en trou- 
vais un nombre égal de chaque côté. Pour vérification, je mettais 
une bande blanche sur l’étoile et j'en trouvais une de plus d’un 
côté que de l’autre. Cette énumération des bandes n'est pas bien 
sûre, parce qu'elle est difficile à faire à cause de la trop faible 
intensité des bandes extrêmes et parce qu'on ne peut se défendre 
d’un peu de prévention ; aussi convient-il de faire tourner l’'ap- 
pareil dans son plan en variant les points du ciel où l’on vise 


21 


( 323 ) 
pour obtenir d'autres indices qui aident à tirer la conclusion. 

Le 13 au soir j'ai pu répéter les observations par un ciel né- 
buleux qui ne laissait voir que les étoiles de première et seconde 
grandeur. À dix heures il s'est presqu’entièrement couvert; 
néanmoins j'observais encore des traces non équivoques de pola- 
risation à 90° de la lune. 

Par un ciel uniformément couvert et une pluie fine continue ; 
mais peu abondante, j'ai obtenu des traces de polarisation de la 
lumière solaire par l'air. C’est encore à 90° de l’astre que ces 
traces sont plus sensibles en plein jour; par conséquent, cette 
polarisation observée est opérée par l'air et non par l’eau ou les 
nuages. Quand le soleil est entièrement caché par les nuages, 
les traces de polarisation disparaissent tout-à-fait, même sans 
plaie, sur tous les points couverts du ciel; mais elles sont vives 
sur les points découverts. Dès qu'une clarté plus vive en un point 
du ciel couvert ou nuageux permet de reconnaître le disque blane 
du soleil, les traces de polarisation reparaissent sur les nuages 
à 90° de l’astre. Ainsi la polarisation de la lumière du soleil 
s'opère jusque dans les couches d’air inférieures à celles des 
nuages. 

Pour les observations de la polarisation de la lumière réfléchie 
par l'air et pour d’autres observations encore, l'appareil de M. 
Savarrt est très-avantageusemen#t remplacé par le suivant, qui 
présente un caractère saillant propre à dissiper les doutes qui 
naissent de la difficulté de s’assurer dans l’obscurité si les bandes 
observées avec le premier sont en nombre pair ou impair. Il 
suit de substituer aux deux plaques de cristal de roche inclinées 
à l'axe, deux plaques parallèles un peu plus grandes et d’une 
épaisseur égale de 3 à 8 millimètres. L'image, vue sur une glace 
noire quand l’axe de la tourmaline est dans le plan de polari- 
salion, se compose en général de quatre systèmes d'hyperboles 
colorées, séparées par une ligne noire entre deux blanches. 


Quand le parallélisme des plaques n'est pas absolu, le centre 


( 323») 

commun de ces courbes est entouré d’une plage blanche qui est 
remplacée par une plage obscure dans l’image complémentaire 
obtenue en donnant un mouvement de 90° à tout l'appareil. Si 
donc on met l’axe de la tourmaline dans un plan passant par la 
lune, on voit la plage blanche autour du centre commun des 
courbes, ou une plage noire si cet axe fait un mouvement de 
90°. Les observations faites avec cet appareil au moyen de 
l’unique distinction entre une grande tache blanche et une tache 
noire, ne laissent plus le moindre doute sur le fait évident à 
priori, mais que j'ai voulu vérifier. Je ne doute pas que cet 
apparcil ou tout autre équivalent, comme le spath d'Islande 
perpendiculaire , ne rende sensible la polarisation par les couches 
inférieures de l'air, d’une vive lumière artificielle, comme celle 
d’un incendie ou d’un bouquet de feu d'artifice. 


Détermination du signe des cristaux. 


L’axe de l’analyseur est mis dans le plan de polarisation de la 
lumière réfléchie par une grande glace noire horizontale. On 
interpose une mince lame de chaux sulfatée tenue à une distance 
convenable de l'œil. En la faisant tourner dans son plan perpen- 
diculaire ou faisceau de lumière, on trouve une position pour 
laquelle la couleur est à son maximum d'intensité. Il s’agit d’as- 
signer cette couleur, Avec l'appareil de M, Savarr, disposé pour 
donner une bande noire centrale entre deux blanches parallèles 
au plan de polarisation, observez cette lame tournant dans son 
plan jusqu'à ce que le spectre reprenne toute son intégrité. 
Faites-la alors tourner lentement, vous verrez toutes les parties 
des bandes couvertes par la mince lame changer de couleurs, 
et il y aura une position, à 45 degrés, où elles paraîtront avoir 
pris un mouvement commun de transport vers la droite ou vers 
la gauche ; la ligne noire bien nette sera alors placée sur la bande 


( 324 ) 
de l'ordre cherché et sur une couleur identique à celle de la lame 
vue à l’analyseur seul. La couleur complémentaire se détermine 
de même après avoir fait faire un mouvement azimutal de 90° à 
l'appareil d'analyse. La portion transportée de la bande blanche 
éteint cette couleur. 

Quant à la direction de l’axe principal de la lame, voici 
comment on peut la déterminer, sachant que la chaux sulfatée 
est posilive. 

Tournez l'appareil aux deux quartz croisés de M. Savanr , de 
manière que les bandes hyperboliques paraissent devoir se ren- 
contrer en un point du ciel quand l'axe de l’analyseur est dans 
le plan de polarisation. Sur un disque troué , fixez avec un peu 
de cire très-molle la mince lame à bords irréguliers ; appliquez 
cette jame contre l'appareil et faites-la tourner jusqu'à ce qu'elle 
ne modifie en rien le spectre (*). Marquez sur l'épaisseur du liège 
qui la porte deux points correspondans à l’axe de la tourmaline 
ou de l’analyseur. Faites alors tourner le disque de manière que 
son point culminant se meuve, je suppose, de la gauche vers la 
droite et jusqu’à ce que la bande noire et toutes les autres bandes 
paraissent déplacées. Si ce déplacement a eu lieu dans le même 
sens, c’est-à-dire vers la droite, la ligne tirée par les points de 
repère est la direction de l’axe principal. Si le mouvement de 
gauche à droite imprimé à la lame détermine dans les bandes un 
déplacement en sens contraire, c’est-à-dire, dans le cas actuel, 
vers la gauche, alors c’est le diamètre perpendiculaire qui marque 
la direction de l'axe principal. Je donnerai le nom de lignes 
neutres à ces deux diamètres, 

Comme la chaux sulfatée est un cristal à deux axes compris 


(*) I est bon de conserver une ouverture par où la lumière puisse passer 
sans rencontrer la lame, afin de mieux reconnaitre la position primitive du 
spectre. 


( 325 ) 
dans le plan des lames, l’une des deux lignes neutres est l'axe 
principal, l’autre est l’axe secondaire. 

Si la lame a une épaisseur d'un demi-millimètre ou plus, elle 
ne donne à l'analyseur ou à la tourmaline aucune couleur bien 
appréciable; néanmoins, par le procédé ci-dessus, on peut 
définir exactement cette couleur et trouver la direction de l’axe 
Principal, même lorsque cette épaisseur atteint un millimètre. 

Lorsque l'épaisseur est plus grande encore, il faut avoir recours 
à d’autres moyens pour déterminer la direction de l’axe prin- 
cipal ; mais le procédé suivant donnera, pour toutes les épaisseurs 
et pour tous les cristaux, la direction des lignes neutres. Contre 
la tourmaline dont la section principale est dans le plan de po- 
larisation on applique le cristal et on le fait tourner dans son 
plan jusqu’à ce que le centre de la tache noire que montre la 
tourimaline seule reparaisse exactement à la même place marquée 
par un petit fragment de papier blanc déposé sur la gl.ce; on 
marque, comme tout-à-l'heure, sur les bords du liège qui porte 
le cristal, les points correspondans à l’axe de la tourimaline ; la 
droite qui joint ces points est la direction de l’une des deux 
lignes neutres. L'autre lui est perpendiculaire et peut d’ailleurs 
se déterminer de même en faisant tourner le cristal, 


La ligne neutre qui est située dans le plan de polarisation est 


noire : Lu parallèle x 
TRS quand l’axe de la tourmaline est derpendienluite à ce 


plan. La raison en est que la portion de lumière polarisée qui 
traverse le cristal le long de cette ligne neutre ne subit aucune 
modification de la part de ce cristal à double réfraction, et que 


absorbe 


de plus la tourmaline | . 
laisse passer 


la lumicre polarisée quand 


parallèle 


son axe est : : 
perpendiculaire 


au plan de polarisation. 


Au lieu de l'appareil de M. Savanr, ct en suivant les mêmes 
détails du procédé, on peut se servir de celui à deux quartz 


( 326 ) 

parallèles et à axes croisés; mais comme il faut l’incliner vers la 
glace pour bien voir les branches hyperboliques qui se dirigent 
vers un point du ciel, l'observation se fait un peu moins com- 
modément. Si l’inclinaison a lieu en sens contraire, on a des 
branches hyperboliques qui semblent se diriger au centre de la 
terre, et c'est vers la gauche que les bandes se transportent 
quand le point culminant de la mince lame se meut vers la 
droite. Cela doit être. Le haut de l’axe principal ne peut se 
mouvoir vers la droite et emporter les bandes avec lui sans que 
le bas ne se meuve vers la gauche en emportant aussi les bandes 
de son côté. 

Quand le système des deux quartz parallèles est , avec sa tour- 
maline ou l'analyseur, perpendiculaire aux rayons réfléchis , l'axe 
principal de la chaux sulfatée, dans l’azimut de 45 degrés, est 
parallèle aux grands axes géométriques des hyperboles qu'il tra- 
verse, et ces hyperboles sont, de chaque côté du plan de pola- 
risalion, transportées loin du centre dans la direction de leurs 
grands axes. L'observation se fait alors très-commodément, si les 
quartz parallèles sont suffisamment grands et épais. En les incli- 
nant, on pourra voir les courbes transportées par une plaque de 
chaux sulfatée, épaisse de un millimètre. À voir l'image de gau- 
che, par exemple, il semble qu'elle se soit formée d’abord, et 
à l'extrême gauche, des hyperboles de ce côté, transportées plus 
loin , et ensuite des branches d’hyperboles voisines de la droite 
et de la gauche, qui seraient successivement venues s'approcher 
des premières en changeant leur courbure pour s’y réunir. Obser- 
vation analogue pour l’image de droite. 

Pour distinguer ce système hyperbolique double du système 
simple qu'il remplace et surtout pour abréger le discours, je 
donnerai à ces courbes composées le nom d’Ayperboles colorées 
doubles , ovales doubles , anneaux doubles , etc. 

Ce double mouvement apparent de transport est plus étendu 
quand la chaux sulfatée est plus épaisse, et il se réaliserait si l’é- 


(327) 
paisseur de la mince lame pouvait croître sous les yeux de l'obser- 
vateur. On l’observe très-bien par l'expérience suivante. 

Ayez une plaque de pâte de jujube (*), longue de 4 à 6 cen- 
timètres, large de 2 à 3 et épaisse de 3 à 8 millimètres. Placez-là 
devant l'appareil aux deux quartz croisés et parallèles, et dirigez 
la longueur dans l’azimut de 450. Pressez alors également et 
lentement les plus longs bords, comme pour les rapprocher en 
les conservant parallèles. À mesure que l'épaisseur de la plaque 
augmentera, vous verrez les branches hyperbolyÿques opposées et 
que la longueur de la plaque ne traverse pas, se rapprocher 
tour-à-tour du eentre, où une fois arrivées, leur courbure se 
changera en celle des branches traversées qui fuient le centre. 
Sans rien changer aux dispositions de l'appareil, étirez cette 
plaque dans le sens de sa longueur , ou mieux, une plaque plus 
large et trois fois plus longue, vous verrez précisément le même 
phénomène qui donne ainsi des hyperboles doubles. La gomme 
arabique , la colle forte, les gelées animales, la gomme élas- 
tique..... font le même effet, ainsi qu'un carré de verre 
commun ou de phosphate de chaux vitrifié et comprimé. 

La chaux sulfatée étant positive, il s'ensuit que la pâte de 
jujube comprimée se comporte ici comme un cristal biréfringent 
ayant un axe positif dans le plan de la plaque et dirigé dans le 
sens de la longueur, ou perpendiculairement à la direction des 
forces comprimantes. 

Nous avons remplacé les quartz obliques de M. Savant par des 
quartz parallèles ; remplaçons maintenant ceux- ci par un spath 
d'Islande perpendiculaire à l'axe, épais de 3 à 4 millimètres, 
afin d'avoir des anneaux suffisamment étalés et répétons les 
expériences précédentes. 


(*) C’est une dissolution concentrée de gomme et de sucre, coulée dans 
une forme plate. On la trouve chez tous les pharmaciens. 


( 328 ) 

L'axe principal d'une mince lame de chaux sulfatée traverse 
les arcs où quadrans de deux quarts de cercle opposés, et ces 
ares sont transportés plus loin du centre dans la direction de 
l'axe. Un arc noir couvre la couleur de la lame et la croix prend 
cette couleur. Si la lame est de plus en plus épaisse, le mouve- 
ment de transport s'étend plus loin; bientôt on ne voit que des 
quadrans doubles, d'autant plus serrés qu'ils ont un p'us grand 
rayon et que la lame est plus épaisse. Ces quadrans doubles sont 
formés des quadrans simples que l'axe principal porte plus loin 
du centre en les traversant, et des arcs non traversés qui s'ap- 
prochent d’abord du centre où ils se concentrent pour s’élaler 
ensuite, en changeant de courbure et poursuivre les ares qui 
laient le centre. C'est ce que montre une plaque de pâte de 
jujube incolore, comprimée ou étrée. 

Il est utile de faire remarquer ici que l'axe principal de la 
chaux sulfatée déplace les quadrans qu'il traverse comme il 
déplace les hyperbo!es qu'il traverse aussi dans l'expérience avec 
les quartz croisés. C’est que pour ces quar{z l'axe positif est paral- 
lèle aux faces des plaques , tandis que l’axe négatif du spath est 
perpendiculaire. C'est cette double opposition dans les signes des 
cristaux comparés et dans la position des axes relativement aux 
faces qui amène des résultats semblables. 

Quand la plaque de chaux sulfatée est assez cpaisse pour effa- 
cer la croix et les anneaux en transportant dans les deux qua- 
drans que son axe traverse les quadrans qu'il ne traverse pas ; 
quand toute l’image que le spath donne isolément est ainsi 
transformée en deux quarts d’anneaux doubles. il suffit d'impri- 
mer à celle chaux sulfatée un mouvement azimutal de 220 1/2 
pour avoir des anneaux doubles entiers, mais moins brillans. 

Que la chaux sulfatée soit mise dessous ou dessus le spath 
d'Islande, les effets observés restent les mêmes et cette remarque 
donne l'explication d’une jolie expérience que voici. 

On place le spath entre deux plaques également épaisses de 


(523) 
chaux sulfatée dont les axes principaux sont dans deux azimuts 
différens et de 45 degrés. Il suit de cette disposition que les arcs 
transportés dans le premier azimut par l'axe principal de la 
plaque inférieure sont ramenés à leur position pranitive par 
l'action contraire de la plaque supérieure, qui seule aurait porté 
les arcs dans l’autre azimut. On reconstitue donc ainsi les an- 
neaux. La croix noire disparait, parce qu'aucun axe n'est dans 
le plan de polarisation ; mais elle reparait dès que par un mou- 
vement azimutal à droite ou à gauche et de 45 degrés, l’un des 
axes vient se placer dans ce plan. On peut répéter l'expérience 
avec des plaques beaucoup moins épaisses ; avec des quartz, des 
bérils parallèles à l’axe ; avec des micas; avec des topazes. . ... 

Nous venons de combiner les quartz croisés, puis le spath 
perpendiculaire, successivement avec la chaux sulfatée , qui est 
positive. Combinons-les maintenant, et tour-à-tour, avec un 
cristal négatif à un ou deux axes également situés dans le plan 
des lames, et nous trouverons que l'axe unique, ainsi que l'axe 
principal, transporte loin du centre les hyperboles ou les qua- 
drans qu’il ne traverse pas. 

Les deux quartz parallèles croisés positifs, ainsi que le spath 
d'Islande négatif des expériences précédentes , pourraient être 
respectivement remplacés par deux cristaux à un axe négatif, 
parallèles et eroïsés, et un cristal perpendiculaire à son axe po- 
sitif. On arriverait à des résultats analogues ; seulement il y 


aurait à changer, dans les résultats correspondans , les mots 


{raverse . , ne traverse pas 
en ceux-Cl : F 
ne traverse pas traverse 


Enfin , dans toutes ces expériences, on peut , sans rien changer 
aux résultats, remplacer les cristaux parallèles, croisés ou non, 
à un axe positif ou négatif, par des cristaux de même signe, à 
deux axes situés dans le plan des faces et vice versa. 

I est sous-entendu que ces plaques croisées sont de même 
épaisseur, ct, pour plus de sûreté, tirées du même morceau. Je 


( 330 ) 
les suppose assez épaisses pour donner des hyperboles nom- 
breuses, mais non trop serrées. 


Pour faire ces épreuves et une foule d’autres, il faut avoir 
des lames de chaux sulfatée de diverses épaisseurs et choisir 
celle qui convient le mieux à chaque expérience. Cela exige des 
préparations et des tätonnemens qu’on évite de la manière sui- 
vante. On a une plaque de cristal de roche parallèle à l'axe, 
longue de 40 millimètres dans le sens de l’axe et dont l’épais- 
seur décroit dans le même sens depuis un millimètre jusqu'à 
trois dixièmes de millimètre tout au plus. En suivant ces dimen- 
sions, l'angle réfringent de ce prisme, dû à M. Bior, sera de 
un degré. Pour bien observer , il est souvent avantageux de tenir 
le prisme éloigné de l'œil. On le retourne bout pour bout si 
l'observation n'est pas satisfaisante. 


Selon l'angle des axes et leur position; selon la nature et 
l'épaisseur du cristal soumis à l'épreuve du prisme, on pourra 
ou on ne pourra pas observer le déplacement des courbes. Dans 
le dernier cas il faut avoir recours à un prisme plus épais. Il 
aura encore 40 millimètres de longueur ; l'épaisseur de son plus 
mince bord sera de 0,8 millimètres, et celle du bord opposé de 
2 millimètres ; avec ces dimensions son angle sera de 10 43" 6”. 
S’il n’est pas encore assez épais, on l’ajoute au précédent par 
superposition. 

L'un ou l’autre de ces prismes ou leur ensemble donne tou- 
jours des résultats très-satisfaisans et intelligibles quand son axe 
éloigne du centre les courbes qu'il traverse, et des résultats 
équivoques quand cet axe éloigne les courbes qu'il ne traverse 
pas. Dans ce dernier cas, et pour n’avoir point à interprêter le 
résultat, on a recours à un pareil prisme, dont le inince bord 
est parallèle à l'axe au lieu de lui être perpendiculaire. 


Dans les expériences faites avec la chaux sulfatée , nous avons 
fictivement attribué à l'axe principal la propriété d'attirer vers 


(331 ) 
hyperboles 


le centre les quadrans 


qu'il ne traverse pas, puis de faire 


hyperboles u'il 


œ r ur les transformer en 
changer leur courbure pour les quadrans 


traverse et qu'il éloigne enfin du centre à la suite des 


hyperboles 


E À à WP À 
qu'il traverse et qu'il éloigne aussi. Tous ces effets 
quadrans ‘ sd q 5 


peuvent également et fictivement aussi être attribués à l'axe 
secondaire situé avec l'axe principal dans le plan des faces. 
Aïnsi on dirait : l’axe secondaire transporte loin du centre les 


hyperboles 


qu'il ne traverse pas; il transporte vers le centre 
quadrans 


les courbes qu'il traverse, et lorsqu'elles y sont arrivées il 
change leur courbure pour les transporter ensuite loin du cen- 
tre, à la suite des premières, et former des Fee doubles. 
On pourrait encore plus simplement attribuer les effets observés 
à l’action simultanée des deux axes, et l’on dirait : l'axe prin- 
cipal de la chaux sulfatée transporte loin du centre les courbes 
qu'il traverse, comme l'axe secondaire transporte vers le centre 
les courbes qu’il traverse aussi. 

Je négligerai souvent de décrire une seconde fois ces effets 
en les attribuant à l’axe secondaire, ou simultanément aux deux 
axes principal et secondaire. 

Si l'on remplace la chaux sulfatée, qui est positive, par un 
cristal dont l'axe principal est négatif, on verra que l’action 
attribuée à l'axe secondaire de celui-ci est la même que celle de 
l’axe principal et positif de la chaux sulfatée et vice versd. 
Ainsi donc , en considérant les choses sous ce point de vue, on 
positif 
HRbte son axe 
négatif 
positil” 


peut dire que si l’axe principal d’un cristal est 


secondaire, situé aussi dans le plan des faces, est 


( 382 } 


L'expérience suivante fera mieux comprendre encore dans 


ex- 


, . # 
à L négatif 
quel sens nous disons que l'axe secondaire est "8 g quand l’axe 


positi 


principal est POSiUT 4 situé comme lui dans le plan des faces, 


négatif 

Âyez une plaque parallèle au plan de ses deux axes. L’axe 
principal et l’axe secondaire seront dans ce même plan. Sur 
l'un des bords de la plaque faites un petit plan incliné de 40 à 
5o degrés sur l’une des faces, mais dont l'intersection avec cette 
face soit parallèle à l'axe principal, et par conséquent perpen- 
diculaire à la direction de l’axe secondaire. Faites un autre plan 
incliné dont l'intersection avec la même face soit perpendicu- 
laire à l'axe principal et par conséquent parallèle à l'axe secon- 
daire. Tenez verticalement l'axe principal de la plaque devant 
une chandelle éloignée ou un trou fait dans une feuille de papier 
noir collée sur un carreaw, et observez par le premier angle 


réfringent, celui dont l’arète du sommet est parallèle à l'axe 
principal. Si cet axe est pose une tourmaline dont l'axe est 
négatif 
vertical aussi fera disparaître l’image la Es déviée. Il en 
sera encore de même si vous observez par l’autre angle réfringent, 
sans rien changer aux dispositions ci-dessus. Mais, dès que l'on 
veut rapporter les effets observés à l’action supposée de l’axe 
secondaire, il faut mettre l’axe de la tourmaline dans une direc- 
tion parallèle à cet axe secondaire, c'est-à-dire qu'il faut faire 
tourner la tourmaline de go degrés dans son plan pour observer 
par ce second angle réfringent; or, par ce changement, c'est 


L plus RTE MAR À à ; 
l'image la Er déviée qui doit disparaître, et c’est ce qui 
fait dire que l’axe secondaire , alors parallèle au biseau et à l'axe 


négalif 


de la tourmaline, est ?..e. 
positif 


(333) 
positif 


, _.-c est situé dans le 
négatif 


Avec un cristal dont l’axe unique 


plan des faces, auquel cas il se confond avec l’une des deux 
lignes neutres, répétons les expériences d'épreuves propres à 
déterminer le signe de cet axe. Nous trouverons qu'il opère les 
| positif d 


négatif ’un cristal à deux 


mêmes effets que l’axe principa 


axes situés aussi dans les faces. Nous pouvons donc considérer 


négatif 


l’autre li ñ mi ét n axe secondaire ne 
e ligne neutre comme étant u positif ” 


D'ailleurs, en pratiquant deux biseaux parallèles à ces lignes 
neutres et opérant comme précédemment, on trouvera les der- 
nières de signes contraires. 


Un cristal à deux axes optiques n’a qu’un seul axe principal, 
un seul axe secondaire et un seul axe tertiaire ; il n’en est pas 
de même d’un cristal à un seul axe optique perpendiculaire 
aux faces. On peut, dans ce cas, le considérer comme ayant 
deux axes confondus en un seul; dès-lors il a une infinité 


secondaires 


tertiaires ? situés dans les faces. IL a donc aussi une 
> 


d’axes 


infinilé de lignes neutres; c’est ce qui fait naître la croix 
noire qui paraît toujours de quelque manière que le eris- 
tal tourne dans son plan. Toutes ces lignes neutres ou axes 


secondaires 


nYE sont signe contraire à celui de l’axe perpendi- 
tertiaires de signe © perpend 


culaire. C’est ce qu’on peut justifier par l'expérience suivante, 


D’un prisme de cristal de roche extrayez une plaque. perpen- 
diculaire à l'axe; sur chacun des six bords faites un plan incliné 
pour avoir autant de prismes bi-réfringens, et observez le trou 
du papier noir ou la lumière d'une bougie très-éloignée. Si l'axe 
de la tourmaline est successivement parallèle à l’arète de chaque 


le. : M: secondaire 
angle réfringent , il sera partout parallèle à une axe tre 
et partout perpendiculaire à un autre; maïs aussi il sera tou- 
jours perpendiculaire à la direction de l’axe principal confondu 
avec l'axe optique du cristal. Voilà pourquoi l’image la plus 
secondaire 


A 
ces arailra 
tertiaire E 


déviée sera effacée et pourquoi chaque axe 


négatif. D'après cela, si l'on veut considérer un cristal à un 


positif 


axe !,..- perpendiculaire aux faces, comme ayant trois axes 
négatif 


rectangulaires, il faut admettre qu'il a une infinité d’axes secon- 


négali(s 


daires positifs 


et qu’il a une infinité d’axes tertiaires, perpen- 


négatifs 


diculaires aux axes secondaires et comme eux ?... puisqu'ils 
positifs 


se confondent avec autant d'axes secondaires. 


Ayez une plaque perpendiculaire à l'axe principal Les 
d'un cristal à deux axes optiques. Qu'elle ait un bord à biseau 
parallèle à l’axe secondaire et un autre parallèle à l’axe tertiaire. 
Le long du biseau parallèle à l'axe secondaire, et conséquem - 
ment perpendiculaire à l’axe tertiaire , mettez l’axe de la tour- 


maline pour observer directement le signe de cet axe secondaire 
Re 
négatif _. : 
(*), vous le trouverez sar puisque l'axe de la tourmaline 
positif 


est perpendiculaire à l'axe principal supposé positif 


négatif" Observez 


(*) Il est sous-entendu que l'angle bi-réfringent sera achromatisé par un 
prisme de verre toutes les fois que les deux images du trou dans le papier noir 
ou de la flamme d'une bougie éloignée ne seront pas complètement séparées. 


( 385) 
de même par l’autre biseau. Comme il est perpendiculaire au 
précédent, la tourmaline fera un mouvement de go, et par cette 
cause l’axe tertiaire, moins intimement lié que les deux autres 


s 1 positif , s 
aux axes optiques, pourra paraître négatif ? mais cet axe de 


la tourmaline est encore ici perpendiculaire à l'axe principal; 
ainsi, par cette autre cause l’axe tertiaire pourra paraitre me 
La déviation sera donc faible le long de ce biseau ; cela dépen- 
dra des intensités relatives des deux causes contraires, et si ces 
intensités étaient égales le cristal ne paraîtrait pas bi-réfringent 
le long de ce biseau parallèle à l’axe tertiaire. Je reviendrai 


plus loin sur cette matière. 


Cristaux perpendiculaires à l'axe principal. 


Une topaze incolore ayant deux axes également inclinés sur 
ses faces de clivage a été taillée en prismes dont les arètes 
sont perpendiculaires à ces faces et par suite parallèles à l'axe 
principal, Des deux images de la flamme d’une chandelle ob- 
servée avec le prisme achromatisé, c’est la moins déviée, la plus 
éloignée du sommet de l’angle dièdre réfringent , qui s'éteint par 
l’interposition d’une tourmaline dont l’axe est parallèle à la lon- 
gueur du prisme. Par conséquent l’axe principal de cette topaze 
est positif. 

Une pareille topaze, à faces parallèles aux plans de clivage, 
et dont le plan des axes est confondu avec le plan de polari- 
sation , montre ce que nous conviendrons d’appeler un premier 
système d’ovales colorés quand on la présente à peu près paral- 
lèlement à la glace noire, et un second système quand on l'a 
relevée et inclinée dans l’autre sens. 

Observant le premier système et interposant une lame de 


(3535) 
chaux sulfatée épaisse de 3 à 5 dixièmes de millimètre, l'image con- 
serve son intégrité tant que l’axe principal de la lame reste dans 
le plan de polarisation ; maïs si le point culminant se meut de 


la droite 


les courbes ‘anspor rs 
a gauche ? es se transportent ve 


45 degrés vers l 


la gauche 


A V 1 ù 4 Se . # 
Fit C’est le contraire pour le second système. — Si la 


chaux sulfatée est plus épaisse, toutes les courbes d’un côté du 
plan de polarisation se transportent de l’autre côté; l’image 
primitive disparaît et l’on ne voit plus que des ares doubles. On 
obtient cet effet, par exemple , avec une lame épaisse de 16 à 
20 dixièmes de millimètre et une lopaze incolore épaisse de 13 
millimètres. 

Ce mouvement de transport peut s’observer avec une plaque 
de gomme arabique , de gomme élastique, de pâte de jujube..…. 

En faisant les mêmes expériences sur les deux systèmes d'an- 
neaux ovales d’un cristal négatif, on a précisément des résultats 
opposés ; en observant les ovales da premier système, le point 
culhninant de l'axe principal de la chaux sulfatée emporte les 
courbes avec lai et les transporte du côté où il se meut de 450; 
mais en observant les ovales du second système , les courbes se 
transportent de l’autre côté; où si lon veut, le bas de lPaxe 
principal emporte les courbes avec lui et les transporte da côté 
où il se meut de 45”. 

La ligne des pôles , ou l'axe secondaire d'une topaze incolore 
épaisse de 3,35, est mise dans l’azimut de 45 degrés, et l'on 
présente, dans le même azimut, Vaxe principal d'une lame de 
chaux sulfatée, épaisse de 0,3. Les courbes qui entourent les 
pôles sont transportées vers le milieu de Ja ligne des pôles, et l’on 
peut déjà apercevoir quelques hyÿperboles naissantes dans l'au- 
tre azimut de 450, où se trouve l’axe tertiaire de la topaze. Par 
une plus grande épaisseur de chaux sulfatée , les courbes les plus 
rapprochées du centre général s’avancent jusqu’à ce centre en 


(537) 

prenant une forme qu’on pourrait croire hyperbolique ; une plus 
grande épaisseur encore transforme ces hyberboles apparentes 
en d’autres hyperboles (*) appartenant au système traversé par 
l'axe tertiaire. Une épaisseur de 0,85 fait naître quatre sys- 
tèmes égaux d’hyperboles, et une autre de 1,5 transporte et 
double toutes les courbes dans les deux angles droits traversés 
par l’axe tertiaire. 

La transformation des anneaux en courbes hyperboliques et 
celles-ci en hyÿperboles, transportées dans l’autre azimut (*), 
peut s’observer au moyen d’une plaque prismatique dont le bord 
mince, perpendiculaire à l’axe , est parallèle à l’axe tertiaire de 
la topaze. On fait glisser doucement le prisme contre la topaze, 
qu'on peut prendre un peu plus épaisse. Si l’on éloigne de l'œil 
la plaque prismatique, donf l’axe peut être alors indifféremment 
parallèle ou perpendiduls/te au mince bord, on voit des portions 
moins grandes des courbes colorées qui se serrent de plus en 
plus , se rectilient et deviennent des franges parallèles pour une 
distance déterminée , au-delà de laquelle les franges se courbent 
de nouveau , mais en sens contraire. 

Lorsqu'on remplace la chaux sulfatée par un cristal à un ou 
à deux axes contenus dans les faces et lorsque l'axe unique ou 
Vaxe principal est négatif, on observe les effets décrits ci-dessus 
en dirigeant cet axe négatif, non plus parallèlement, mais per- 
pendiculairement à la ligne des pôles. IL agit enfin comme on 
peut supposer qu'agit l'axe secondaire et négatif de la chaux 
sulfatée ec vice versd. 

Je croise maintenant les lignes des pôles de deux topazes 


(*) Ces courbes ne sont ici que des arcs de lemnicastes; mais comme elles 
ont l'apparence d'autant de branches d'hyperboles, je continuerai à les dési- 
gner sous ce dernier nom, pour rendre la description plus claire et plus rapide. 
Par la même raison je désignerai sous le nom d'anneaux ou d'ovales les lem- 
nicastes qui environnent un seul pôle. 


22 


( 338 ) 
également épaisses; comme l'angle des axes optiques est fort 
grand, j'obtiens les quatre systèmes d’hyperboles colorées que 
donnent deux quartz parallèles et croisés. Pour ceux-ci l’axe 
principal et positif ; DAT 
Éénndaire et népalif de la chaux sulfatée transporte au-delà 


traverse 


. G'est le contraire 
ne traverse pas 


du centre les hyperboles qu'il 


pour les deux topazes dont l'axe principal est cependant positif 
comme celui des quartz; mais il est ici perpendiculaire aux 
faces tandis qu’il est parallèle dans les quartz. L'effet observé 
sur les topazes est le même que celui observé sur deux cristaux 


unique négatif 


croisés à un axe S 2 
secondaire positif 


situé dans le plan des faces, 


ou à deux axes situés aussi dans le plan des faces, mais dont 
l'a principal t négatif 


ve .…e. Or, dans les deux topazes combi- 
secondaire positif 


nées, les axes secondaires sont aussi dans le plan des faces ct ils 
y sont croisés ; donc on doit les considérer comme négatifs si l’on 
veut leur attribuer les effets observés ; résultats qu’on pouvait 
prévoir d'après les expériences précédentes. 


Le système de ces deux topazes croisées peut donc remplacer 
dans les épreuves le système de deux parties croisées d’un cristal 
à un axe unique négatif situé dans le plan des faces. 


Nous verrons plus loin que cette conséquence peut être géné 
ralisée comme il suit : 


Le système de deux parties croisées d’une topaze taillée per- 


principal 


pendieulairement à l’axe à 3.) 
secondaire ou tertiaire 


peut rempla- 


cer dans les épreuves le système de deux parties croisées d'un 


négatif 


cristal à un seul axe E 
positif 


situé dans le plan des faces. 


( 339 ) 

Répétons , mais en abrégeant, sur un cristal négatif, sur le 
mica de Calcutta, par exemple, les expériences que nous venons 
de faire sur la topaze. 

La ligne des pôles mise dans l’azimut de 45 degrés est paral- 
lèle à l'axe principal d'ane lame de chaux sulfatée un pen 
épaisse , ou à l'axe unique perpendiculaire au mince bord d’an 
quartz prismatique. Toutes les courbes sont transportées et vont 
se doubler loin des pôles en dehors de la ligne qui les joint. 
L'axe unique et négatif parallèle aux faces d'une plaque dé 
béril , par exemple, transporte au contraire toutes les courbes 
loin du centre et les double dans les deux autres angles droits 
que traverse l'axe tertiaire du mica. Ce dernier effet est aussi 
produit par l’axe secondaire et négatif de la chaux sulfatée, 
substitué à l'axe du béril. 

Si l’on croise deux parties d’une plaque de ce mica, les hy- 
perboles s'étendent peu, parce que l'angle des axes n’est pas 
très-grand. Les ovales des deux systèmes se mélent et compli- 
quent un peu l’image à une certaine distance autour du centre. 
L’axe principal de la chaux sulfatée, ou l’axe d’un prisme de 
quartz, transporte au-delà du centre les hyperboles qu'il traverse 
comme il le ferait sur deux quartz parallèles croisés, d’où il 
suit que les axes secondaires croisés du mica sont positifs. 

À la règle qui se déduit des expériences de la page 336, on 
peut ajouter, d’après ce qui précède, la règle suivante pour 
déterminer le signe de l'axe principal perpendiculaire aux faces 
d'un cristal à deux axes: 

Mettez le plan des axes dans l'azimut de 45 degrés et dirigez 
l'axe principal de la chaux sulfatée dans le même azimut. Si le 
cristal est négatif et la chaux sulfatée assez épaisse, vous verrez 
des ares doubles en dehors de la ligne des pôles. S'il est positif 
les ares doubles se formeront entre les deux pôles avec une mince 
lame, et loin du centre dans la direction de l'axe tertiaire, si la 
lame est suffisamment épaisse, En général le cristal est négatif 


( 340 ) 

quand les courbes sont transportées loin du centre de figure 
(milieu de la ligne des pôles), dans la direction de l'axe positif 
de la lame suflisamment épaisse , et il est positif quand l'effet 
est contraire. Si les arcs doubles se forment dans les deux angles 
droits traversés par la ligne des pôles et s'ils se forment loin du 
milieu de cette ligne et en dehors de ces pôles, si de plus l'angle 
des axes du cristal étudié est grand, il faudra incliner le cristal 
pour voir ces arcs doubles, et même ils pourraient être portés 
hors du champ de la vision; dans ce cas on fera faire un mouve- 
ment de go° à la lame d'épreuve, et, à moins qu'elle ne soit 
par trop épaisse , les arcs doubles se verront dans les deux autres 
angles droits. Si la lame d'épreuve est suffisamment mince , les 
courbes sont transportées vers le centre et restent traversées par 
la ligne des pôles ; elles passeraient dans les deux autres angles 
droits si la lame devenait plus épaisse. 

Cette expérience d'épreuve faite avec la pâte de jujube inco- 
lore devient très-curieuse. On choisit un cristal négatif laissant 
voir à la fois les deux pôles et les lemnicastes qui les envelop- 
pent, et l'on étire la pâte de jujube dans la direction de la ligne 
des pôles mise dans l’azimut de 45°. On voit alors les ares que 
cette ligne traverse s'éloigner de son milieu, tandis que les autres 
arcs traversés par l’axe tertiaire s’avancent vers ce milieu, où 
une fois arrivés ils changent de courbure, puis se mettent à la 
suite de ceux qui le fuient. Quand l'angle des axes est un peu 
grand, on ne peut observer qu'un système à la fois ; on voit dans 
chacun les demi-ovales qui montrent leur convexité au milieu 
de la ligne des pôles diminuer de diamètre en avançant vers 
leur pôle, se fondre à ce pôle en une tache colorée pour chan- 
ger ensuite de courbure et aller se ranger à la suite des autres 
demi-ovales qui s’éloignent de ce pôle. Les phénomènes opposés 
ont lieu si l'on comprime le jujube dans la même direction. 

On voit bien qu'un cristal négatif à un ou deux axes compris 
dans le plan des faces conduira à des résultats opposés, en le 
substituant à la chaux sulfatée qui est positive. 


(341) 

L'appareil aux deux quartz parallèles et croisés fournit un 
procédé fort commode aussi, dans certain cas, pour déterminer 
le signe d'un cristal à deux axes. Si le plan des axes transporte 


traverse 


plus loin du centre les hyperboles qu’il ne traversé pas 


, le cris- 


négatif 


tal est Dont 


Lorsque le cristal est épais, les hyperboles dou- 


bles sont éloignées , et pour les voir il peut être nécessaire d'in- 
cliner l'appareil d'analyse du côté où on les cherche. 


Les résultats sont contraires si les plaques croisées d'analyse 
sont négatives, comme , par exemple , deux bérils parallèles , ou 
deux topazes perpendiculaires à l’axe principal. 

Si l’appareil d'analyse est un cristal négatif à un seul axe per- 

positif 
pendiculaire, les résultats sont les mêmes que pour le cas de 
osit 


. « ; if 
deux plaques croisées et à un seul axe Régatif dans le plan des 


faces. 


J'ai concentré dans deux tableaux les formules auxquelles on 
est conduit par les observations qui précèdent. J'y rapporte tout 
à l’axe principal. Dans le premier tableau , j'entends par un 
cristal croisé un cristal à faces parallèles entre-elles et à l’axe 
unique ou au plan des deux axes; ce cristal est divisé en deux 
parties qu'on superpose en croisant exactement à angles droits 
les lignes de séparation, Dans le second , j'entends par centre le 
milieu de la ligne des pôles. 


Parini les axes en nombre infini que renferme un cristal, on 
portera particulièrement l’attention , dans les expériences, sur 
celui qui divise l'image observée en deux parties symétriques ; 
de cette manière on évitera toute équivoque ou toute fausse 
interprétation des formules énoncées dans les deux tableaux. 


Dans le premier, on pourra aux mots : que cet axe ne traverse 


( 342) 
. . Pl . 
pas, substituer ceux-ci : que l’axe secondaire traverse. Dans 
le second, aux mots: vers le centre, où pourra substituer 
ceux-ci : au-delà du centre; mais alors il faudra changer 
traverse ne traverse pas 
ne traverse pas rs traverse 
À l'inspection des deux tableaux on voit que toutes les cir- 
constances relatives aux cristaux qui y sont combinés étant don- 
nées, moins une , on pourra découvrir celle qui manque. 


au plan des axes, 


| parallèles 


cir- rosiTir, dont les fac 


run, | l 


lon. perpendiculaires 


à l'axe principal, 
oa un cristal 
est conbiné 


pendieul avce un deuxième oristal 
perpendiculaire 


dl 


NÉGATIF, dont les faces sont 


parallèles 


au plan des axes, 


| 
l 


| perpendiculaires 


à l'axe principal, 


Si on eristal croisé 


parallèles 


au plan des axes, 
plan à 


rosrrie, dont les faces sont 


en) | 


est combiné 


perpendiculaires 


à l'axe principal 


perpendiculaire 


ivec un deuxième cristal 
parallèles 


POSITIA au plan des axes 


NÉGATIF, dont les faces sont € 


| perpendiculaires 


à l'axe principal 


l'axe unique ou l'axe principal 


le plan des duux axes 


l'axe unique on l'axe principal 


le plan des deux axes 


l'axe uniqne ou l'axe principal 


le plan des deux axes 


l'axe unique ou l'axe principal 


le plan des deux axes 


de ce deuxième cristal 

traverse, 

transporte 

au-delà du centre 
les hyperboles 

ou les quadrants 


“ ne traverse pas 
qu'il P 


de ce deuxième cristal 
transporte ne lraverse pas 
au-delà da centre 
les hyperboles 
(ou les quadrants) 


CA traverse 
qu'il 


de ce deuxième cristal 
transporte ne traverse pas 
au-delà du centre 


les hyperboles 
| (ou les quadrants) 


traverse 


qu'il 


de ce deuxième cristal / 


traverse 
au-delà da centre 
les hyperboles 
ou les quadrants 
qu'il 


ne traverse pas 


22 


(342 ter) 


Les faces d'un eristal à deux axes 
sont perpendiculaires 
à l'axe principal 
et le plan des ‘deux axes est mis 
dans l'arimut de 45 degrés 


Si ce cristal est 


POSITIF dont les faces sont parallèles au plan des axes, l'axe | traverre. 
D ol et s'il est combiné unique où l'axe principal de ce denxidine cristal, 
| © ! |} avec un deuxième cristal mis dans le même azimut, 
NÉGATIF transporte vers le centre les courbes qu'il | ne traverse pas 
POSITIF dont les faces sont parallèles au plan des axes, l'axe ne lraverse pas 
et #illest combiné | l unique ou l'axe principal de ce deuxième cristal, | 
NÉFATE | avec un deuxième cristal ( mis dans le même azinut, 
| NÊGATIE | transporte vers le centre les aourbes qu'il | traverse. 


Les appar 
pourraient « 
vrir le signe 
naisons faite 
tout ce que : 
quelques-un 

de vais d' 
épais de 6,7 

1° Una 
Les cercles 
systèmes d'l 
clics se dirig 
autre change 
tiques sont d 
sont confont 


Le spath : 
faces; il y 0 


positi( trans 
hyperboliqu 


l'autre azim 


hyperboles « 
éloignées; il 
forme 

2.9 Un qu 
lats que ci-c 

Répétez c 
perpendieul 
les azimuls 
fications ct 
propres à f 


des cristau 


(343.) 

Les appareils d'analyse combinés entre eux et avec eux-mêmes 
pourraient également fournir des indices propres à faire décou- 
vrir le signe de l’un si celui de l’autre est connu. Les combi- 
naisons faites dans celte vue ne présentent guère d'utilité après 
tout ce que nous avons déjà dit. Cependant j'en ferai brièvement 
quelques-unes, mais dans un autre but. 

Je vais d’abord combiner l'appareil aux deux quartz croisés, 
épais de 6,75, successivement avec : 


1.° Un spath d'Islande perpendiculaire et épais de 2,8. — 
Les cercles et la croix noire subsistent, ainsi que les quatre 
systèmes d'hyperboles. Il ÿ a une croix blanche dont les bran- 
ches se dirigent dans les azimuts de 45°. On n’apercoit aucun 
autre changement notable si les deux franges noires asympto- 
tiques sont droites, et si les centres des croix et des hyperboles 
sont confondus. 

Le spath a ici une infinité d'axes secondaires positifs dans ses 


faces ; il y en a donc un dans l’azimut de 45° à a Cet axe 
gauche 


positif transporte loir du centre les deux systèmes de branches 
hyperboliques qu'il traverse. Mais l’axe secondaire situé dans 


gauche 


l’ 3 . 0 à < 
autre azimut de 45° à dite 


transporte vers le centre les 


hyperboles qu'il ne traverse pas, celles que le premier axe avait 
éloignées; il rétablit donc l'image primitive, au moins dans sa 
forme. 

2.° Un quartz perpendiculaire épais de 30. — Mêmes résul- 
tats que ci-dessus et explication analogue. 

Répétez ces deux expériences en variant l'épaisseur du cristal 
perpendiculaire et transportez-en l'image successivement dans 
les azimuts 0°, 45° et 90°. L'image totale éprouvera des modi- 
fications curieuses à observer et qui offriront des caractères 
propres à faire déterminer le signe supposé inconnu de l'un 
des cristaux combinés. 


(344) 

3.° Deux quartz parallèles croisés de 3 millimètres d’épais- 
seur, — En répétant l'explication ci-dessus, on verra que les 
hyperboles décomposées par l'axe de l’un des deux nouveaux 
quartz sont reconslituées par l’axe de l’autre, et qu'ainsi la 
forme générale de l'image ne change pas; mais il y a une cir- 
constance qui en fait changer les dimensions. À chaque quartz 
ajouté et épais de 3, en correspond un autre épais de 6,75 et 
dont l'axe a la même direction. L’ensemble des quatre quartz 
revient donc au croisement de deux quartz épais de 9,75, et en 
conséquence les hyperboles sont plus serrées. 

4.0 Deux cristaux parallèles négatifs et croisés, ou, ce qui 
revient au même , deux cristaux positifs perpendiculaires à l'axe 
principal, comme par exemple deux topazes. — On fera voir 
encore que l’image décomposée par l’axe situé dans le plan des 
faces de l’un des cristaux se reconstitue par celui de l’autre. 
L’axe de chaque cristal ajouté, étant de signe contraire avec 
l'axe de même dénomination auquel il est parallèle dans le 
quartz correspondant, produit sur le quartz le même effet 
qu’une diminution d'épaisseur, ainsi qu’on le verra plus loin. 
On doit donc avoir et l'on a en effet des hyperboles moins 
serrées. 

Je combine maintenant un spath d'Islande perpendiculaire, 
épais de 2,8 successivement avec : 

1.° Un spath d'Islande perpendiculaire. — Je répéterai ici 
l'explication déjà donnée. Ce spath a dans ses faces une infinité 


loin du 


d’axes secondaires positifs. L'un d’eux transporte vers Le centre 


traverse L 
ne traverse pas ? 
angles droits qui produit précisément l'effet contraire. Les an- 
neaux décomposés par l’un sont reconstitués par l’autre. D'un 
autre côté, ces deux spaths s'ajoutent, c'est comme si l’épais- 
seur de l’un était augmentée de toute l'épaisseur de l'autre; ainsi 
les anneauz seront plus étroits. 


les quadrans qu’il inais il en est un autre à 


(345) 

2.° Un quartz perpendiculaire épais de 6 millimètres. — Les 
anneaux concentriques doivent paraître plus larges, car le quartz, 
ayant un signe contraire à celui du spath, agit comme s’il dimi- 
nuait l'épaisseur de ce dernier. — L'image est curieusement 
modifiée ; les couleurs sont éclatantes. La croix noire est rem- 
placée pat une crois colorée qui tourne et dont les couleurs 
changent quand la tourmaline tourne. Les branches de la croix 
ne sont point droïtes, elles ressemblent à deux S croisés dont 
les crochets sont contournés dans le sens de la rotation du 
quartz, quand celui-ci est placé au-dessous du spath, et con- 
tourné en sens contraire quand le quartz est placé au-dessus. 
Cette brillante expérience doit être répétée avec des spaths 
et des quartz d’épaisseurs très-variées. Lorsqu'on incline l’un 
des cristaux combinés pour séparer les deux systèmes d’an- 
neaux, on yoit entre eux un système d’arcs doubles dont la 
courbure varie avec l’inclinaison, etc. 

Les formules du premier tableau font bien ressortir , pour les 
cristaux à deux axes optiques, l’opposition constante des signes 
de l’axe principal et de l’axe secondaire. Selon que l’axe prin- 
cipal est parallèle ou perpendiculaire aux faces, les courbes 
transportées au-delà du centre changent d'azimut ; mais comme 
pour les deux cas l’axe secondaire est parallèle aux faces, ce 


changement n'aurait pas lieu si on lui attribuait les effets 
observés. 

positif 
négatif? 
compris avec lui dans les faces d’un cristal devra y paraître 
négatif 
positif ” 


L'’axe principal étant constamment l'axe tertiaire 


Le signe de l'axe secondaire élant constant aussi et 


négatif 


contraire à celui de l’axe principal, sera positif.” et l’axe ter- 


positif 
négati{” F 
il ne saurait avoir deux signes à la fois. I] parait donc que l'axe 


tiaire situé avec lui dans les faces devra y paraître 


( 346 ) 
terUaire peut changer de signe en changeant de position rela- 
tivement aux faces du cristal, 

Nous allons sur ee point consulter l'expérience, 

D'une grande topaze incolore épaisse de 13 millimètres, et 
dont deux faces polies sont perpendiculaires à l’axe priacipal ; 
j'ai fait extraire des plaques rectangulaires dont les bords en 
biseaux sont parallèles aux axes qu’elles contiennent. Les unes 
sont perpendiculaires à l'axe tertiaire, les autres sont perpendi- 
culaires à l’axe secondaire. Les angles réfriugens sont successive- 
ment achromatisés par un prisme de verre pour observer la vive 
lumière du ciel qui passe par un trou plus ou moins petit fait 
dans une feuille de papier noir collée sur une vitre. 

1.° Première plaque perpendiculaire à l'axe tertiaire. — Ses 
faces contiennent donc l'axe principal et l'axe secondaire. Le 
premier est posilif, le second est négatif; la séparation des 
images est fort prononcée, il n’est pas nécessaire d’achro- 
matiser. 

Je croise deux parties de cette plaque divisée. L'axe de la 
chaux sulfatée transporte les hyperboles qu'il traverse; donc ces 
plaques sont positives. On voit qu'ici c'est l'action de l'axe prin- 
cipal qui prédomine. 

2.° Seconde plaque perpendiculaire à l'axe tertiaire. — C'est 
celle qui est taillée en losange et dont il a été parlé. L'arète de 
l'angle GFE (PL. 1.re, fig. 4) est parallèle à l'axe tertiaire. Il faut 
soigneusement choisir le prisme achromatisant et observer de 
loin la vive lumière passant par un petit trou pour obtenir la 
séparation des images. On trouve pour ce cas l'axe tertiaire 
positif, 

3.° Plaque perpendiculaire à l'axe secondaire. — Sans devoir 
achromatiser l'angle réfringent parallèle à l’axe principal on a 
des images très-séparces et cet axe est posilif. Cette plaque a un 
angle de 27 degrés, dont l'arête est parallèle à l’axe secondaire 
qu'on trouve négatif en achromatisant ; la séparation des deux 


( 347) 

images n'est pas facile à obtenir, vu la petitesse de l'angle. 

4.° Seconde plaque perpendiculaire à l’axe secondaire. — Le 
biseau parallèle à l'axe principal n’a pas besoin d'être achroma- 
tisé pour rendre très-sensible le signe positif de cet axe; il en 
est de même pour l'axe tertiaire qui est manifestement négatif, 
bien que la séparation des images, pour des angles réfringens 
égaux , ne soit pas aussi prononcée. Le spath perpendiculaire 
vérifie ce signe. Croisant deux parties de cette plaque , elles sont 
positives, ce qui vient de l’action prédominante de l'axe prin- 
cipal. 

5.° Une plaque épaisse de 3,35 d’une autre topaze incolore 
est perpendiculaire à l'axe principal. Il faut achromatiser le bi- 
seau parallèle à l'axe secondaire pour reconnaître le signe néga- 
tif. L’angle est de 45 degrés. Il faut achromatiser avec plus de 
soins l'autre angle de 45 degrés pour obtenir deux images sépa- 
rées d'un petit trou et reconnaitre le signe positif de l'axe 
tertiaire. 

On voit, d'après ces observations, que : 

1. L'axe principal et l'axe secondaire ne changent jamais 
de signe ; 

2.° L’axe tertiaire peut changer de signe ; 

3.° Lorsque deux des trois axes rectangulaires sont dans le 
plan des faces du cristal, ils y ont des signes con- 
traires (*), 

Si nous remarquons de plus que les axes optiques sont des 
directions suivant lesquelles la lumière se propage dans le cristal 
sans se diviser, tandis que l’action bi-réfringente est la plus 
forte le long des axes rectangulaires, nous serons naturellement 
conduits à admettre ou à supposer que c’est principalement dans 
here db de AA is cd die tnirt ctcdi Get tah idem héntadets 
Faut FA 


sous-entend que l'épithète s'applique à l'axe unique ou à l'axe principal. 


(*) D'après cela, lorsqu'en parlant d'un cristal on dit qu'il est 


(348) 

ces trois directions que résident les résistances , les forces ou les 
causes, quelles qu'elles soient, qui produisent les phénomènes 
optiques. Selon cette manière de voir, les directions des deux 
axes optiques, toujours comprises dans le plan de deux des trois 
axes rectangulaires , ne seraient plus que des conséquences de 
l’action simultanée de ces trois axes rectangulaires. Si donc la 
résistance que le cristal oppose à la propagation de la lumière, 
ou l’action qu’il exerce sur elle pour la diviser, pouvait être 
égale dans ces trois directions rectangulaires , il n’y aurait plus 
de raison pour que les deux axes optiques se trouvassent plutôt 
dans l’un que dans l'autre des trois plans rectangulaires; ils 
devraient donc se trouver à la fois dans ces trois plans, c’est-à- 
dire, qu'il y aurait au moins frois axes optiques, résultat ab- 
surde puis qu’il est prouvé par l'expérience qu’un cristal régulié- 
rement cristallisé ne contient , au plus, que deux axes optiques. 
Il n’y aura donc pas d’axes optiques dans cette supposition, ni 
par conséquent de cause à leur existence; ainsi il n’y aura pas 
de directions rectangulaires suivant lesquelles la force bi-réfrin- 
gente puisse être égale et réelle, à moins qu'elle ne soit nulle ; 
c'est-à-dire, qu'il n’y aura pas de directions suivant lesquelles la 
lumière puisse se diviser en rayons ordinaires et extraordinaires. 
C'est-à-dire, enfin, que le cristal ne sera pas bi-réfringent. Or, 
il y a des classes entières de cristaux réguliers qui se trouvent 
dans ce cas. 

Si l'intensité des modifications qu'éprouve la lumière était 
égale dans deux des trois directions rectangulaires , il n’y aurait 
pas de raison pour que l’un des deux axes optiques fût plus 
incliné que l’autre sur le plan de ces deux directions et sur les 
directions elles-mêmes. Ils seront donc alors parallèles ou per- 
pendiculaires à ce plan. Dans le premier cas , commeils doivent 
faire des angles égaux et de 45 degrés avec les deux directions 
dans le plan desquelles ils se trouvent, ils font entre eux un 
angle droit. On ne connait guère, jusqu'à présent, que l'acide 


( 349 ) 

succinique et le sulfate de fer qui approchent de réaliser ce cas 
de position dans les axes optiques. Dans le second cas, les axes 
optiques seront perpendiculaires au plan des deux directions 
rectangulaires exerçant des actions égales, c'est-à-dire qu'ils se 
confondront en un seul axe. Or, il existe de nombreux cristaux 
à un seul axe optique. Lorsque les faces sont perpendiculaires à 
cet axe, nons avons vu qu'elles contiennent en effet une infinité 
de couples d’axes secondaires et tertiaires égaux et de même 
signe. 

Puisque les directions des axes opliques dépendent de l’in- 
tensité relative des actions exercées sur la lumière suivant les 
axes rectangulaires , il s'ensuit que la grandeur de l'angle que 
font ces axes optiques dépend des mêmes causes. Cet angle 
paraît, du reste, tout-à-fait indépendant du signe de chacun 
des trois axes rectangulaires; néanmoins je ferai remarquer ici 
que pour les nombreux cristaux examinés jusqu’à présent, et 
pour des angles plus grands que zéro et plus petits que 19 de- 
grés , l’axe principal est négatif; mais le sulfate de nickel, dont 
l'angle des axes est de 3 degrés, présente une exception; on en 
découvrira probablement beaucoup d'autres. 


—6e—- 


Quand on croise deux parties d'un cristal dont le plan des 
faces contient l’un des trois axes rectangulaires et est oblique 
à chacun des deux autres, l'épreuve par la chaux sulfatée peut 
faire connaître le signe de cet axe; ce qui suffit pour déterminer 
le signe de l’axe principal si c’est celui-ci, ou l'axe secondaire 
qui se trouve dans les faces. Mais si c'était l'axe tertiaire qui s’y 
trouvât sans qu’on sût rien de la position extérieure des deux 
autres axes, comment alors déterminer le signe de l’axe princi- 
pal, d'après ce que nous avons vu que le signe de l’axe tertiaire 
est sujet à varier? Nous verrons plus loin que l'axe principal 


( 350 }) 
étant alors oblique aux faces, il est ‘possible d'apercevoir au 
moins l’un des deux systèmes d'anneaux , et d’après son inspec= 
tion, de déterminer le signe de l'axe principal. 

Les expériences d'épreuve formulées dans les deux tableaux 
supposent que les cristaux combinés ont des épaisseurs relatives 
telles. que les courbes déplacées ne sont point transportées hors 
du champ de la vision comme cela arrive quand le deuxième 
cristal , que je suppose à un ou à deux axes situés dans le plan 
des lames , est trop épais, auquel cas on n’en saurait découvrir 
le signe si l’on sait la direction de l'axe unique ou principal, on 
cette direction si le signe est connu. Cette circonstance exige 
donc une nouvelle étude. Nous allons la faire en prenant divers 
exemples pour mieux fixer les idées. 

Prenons d'abord deux quar{z épais de 7 millimètres et dont 
les faces soient parfaitement parallèles entre elles et à l'axe 
unique. Les plaques étant croisées laissent voir quatre groupes 
de branches hyperboliques dont les grands axes géométriques 
sont , ainsi que les axes optiques, dans l'azimut de 45 degrés. 
Les courbes ont pour asymptotes deux lignes noires, droites, 
se coupant à angles droits au centre de l'image. Remplaçons 
maintenant le cristal inférieur par un autre également bien tra- 
vaillé, mais d’une épaisseur très-peu plus grande. On voit encore 
les quatre groupes d'hyperboles ; mais les lignes droites asymto- 
tiques sont transformées en hyperboles traversées par l'axe optique 
de ce quartz inférieur plus épais. Une épaisseur plus grande pro- 
duit d'une manière plus prononcée l'effet déjà décrit : les hyper- 
boles que l'axe optique du cristal le plus épais ne traverse pas 
sont rapprochées du centre commun ; plusieurs sont passées dans 
les deux autres groupes et se sont mises à la suite de celles que 
cet axe traverse et a éloignées du centre. Il résulte de cet examen 
que le cristal plus épais, supposé inférieur , peut être considéré 
comme composé de deux cristaux dont l’un, aussi épais que le 
cristal supérieur, est eroisé avec lui; ce qui reproduit le cristal 


( 3517) 
croisé d'analyse employé dans la première formule da premier 
tableau , et dont l'autre a une épaisseur égale à la différence 
des deux épaisseurs et tient lieu du deuxième cristal, L’axe de 
ce dernier transporte donc au-delà du centre les hyperboles qu'il 
traverse. Ainsi, ce cas rentre évidemment dans l’un de ceux du 
premier tableau. 

Si la plus grande épaisseur, celle de la plaque supposée 
inférieure, diminue, les courbes éloignées du centre s’en rap- 
prochent , celles rapprochées du centre s'en éloignent, et quand 
l'égalité des épaisseurs est rétablie, les lignes noires sont droites 
ct croisées à angles droits, On voit bien qu'en continuant à faire 
décroître au-delà de ce terme lépaisseur de la plaque infé- 
rieure, le double mouvement des courbes continuera et que le 
cristal supérieur, devenu plus épais à son tour, transportera loin 
du centre les courbes que son axe traverse. 

Au lieu de diminuer l'épaisseur de la plaque inférieure, après 
l'égalité rétablie, augmentons-la de l'épaisseur d’un cristal né- 
gatif dont l'axe unique, parallèle aux faces, se confond avec 
cclui de cette plaque inférieure. Cette addition produira le même 
effet qu'une diminution d'épaisseur. Les courbes que traverse 
l'axe du nouveau cristal se rapprocheront du centre, et celles 
qu'il ne traverse pas seront (ransportées au-delà de ce centre, 
conformément aux formules relatives à ce cas. 

On arriverait à des conséquences analogues si l’on opérait 
avec deux plaques négalives au lieu de deux quartz. 

Exemple. — On a extrait d’un cristal à un axe deux plaques 
parallèles à cet axe; l’une est épaisse de 3 millimètres, l’autre 
de 2,7. L'aspect vitreux, les bords à pans, la forme même des 
plaques indiquent suffisamment qu'elles sont tirées d'un cristal 
de roche, et la direction de l’axe est également facile à recon- 
naître ; mais faisant abstraction de ces données, je veux cher- 
cher et le signe et la direction de l’axe de ces plaques. Après 
avoir déterminé par expérience la direction des lignes neutres 


(352 ) 

dont l’une contient l'axe, je pose la plus mince plaque, par 
exemple, sur la plus épaisse, les lignes neutres les unes sur les 
autres. Comme on n’observe point de couleurs ;' c’est probable- 
ment que les axes sont confondus;'car la différence des épaisseurs 
n’est pas grande. Je les croise donc; je vois alors des hyperboles 
doubles nécessairement traversées par l'axe de la plaque la plus 
épaisse, quel que soit le signe du cristal. J’ai donc ainsi la direc- 
tion de l’axe de la plaque la plus épaisse et par conséquent la 
direction à angles droits de l’axe de l’autre plaque. Reste à dé- 
terminer le signe. Pour cela, contre la plaque inférieure , j’ap- 
plique une mince lame de chaux sulfatée dont l’axe est parallèle 
à celui de cette plaque. Les courbes étant transportées plus loin, 
les cristaux croisés sont positifs. Une lame de chaux sulfatée, 
épaisse de 0,35, mais dont l'axe croise celui de la plaque infé- 
rieure , ce qui revient à augmenter l'épaisseur de la plaque supé- 
rieure ou diminuer celle de l’inférieure , ramène au contraire 
vers le centre les hyperboles éloignées et éloigne celles qu'il tra- 
verse. On obtient ainsi deux hyperboles noires peu éloignées du 
centre dans les deux autres groupes, ce qui prouve tout à la fois 
que les trois cristaux sont de même signe et que la force de 
polarisation de la chaux sulfatée est égale ou presque égale à 
celle du eristal étudié, qui dès-lors est positif, et doit être du 
cristal de roche d’après sa dureté, son aspect , etc. 

Autre exemple sur deux plaques à un axe parallèle aux faces 
et tirées d’un même cristal. Les épaisseurs 2,82 et 2,76 peuvent 
être en erreur de 3 à 4 centièmes de millimètre, parce qu'on 
ne peut guère répondre :que de -E de millimètre avec l’instru- 
ment que j'ai employé (*) et parce que les faces ne sont pas 
absolument planes; mais certainement l’une des plaques est 


(*) J'ai même dû calculer une table de correction pour le vernier qui 


n'était pas exact, ce qui explique pourquoi le chiffre des centièmes n’est pas 
toujours un 5 ou un Zéro. 


(353 

plus épaisse que l'autre. Croisées comme dans l'exemple précé- 
dent , elles me montrent deux systèmes d'hyperboles doubles, 
très-serrées , éloignées du centre et nécessairement formées des 
hyperboles simples que traverse l'axe de la plaque la plus épaisse, 
êt des hyperboles qu'il ne traverse pas , hyperboles quisont toutes 
venues se ranger à la suite des premières. J'ai donc ainsi la di- 
rection de l’axe de la plaque la plus épaisse , et conséquemment 
la direction de l'axe de l’autre plaque. La multitude et l'extrême 
proximité des hyperboles , leur éloignement du centre et la faible 
différence dans les épaisseurs des plaques disent assez que ce 
cristal jouit d’une grande force de polarisation , et cette circon- 
stance , jointe à l'aspect perlé , à la forme même des plaques, le 
font reconnaître pour être de la chaux carbonatée. Le signe du 
cristal vient justifier cette conclusion; car l'axe d’une plaque 
prismatique de cristal de roche, étant dirigé parallèlement à l'axe 
de la plaque la plus épaisse, décompose les hyperboles doubles 
qu'il traverse et rétablit les quatre groupes d'hyperboles simples, 
ce qui est un effet dû au signe contraire du quartz. Un prisme 
plus épais, ou une plaque de cristal de roche parallèle à l'axe et 
épaisse de 1 millimètre , non seulement dédouble les hyperboles; 
mais les transporte toutes dans les deux autres angles droits où 


il les double. 


Ces deux plaques parallèles et croisées de spath d'Islande 
montrent une multitude infinie de courbes hyperboliques très- 
serrées quand on observe à la lampe monochromatique. 


Deux cristaux en cabochon et vendus pour des girasols {opale), 
ont un aspect laileux , sans reflets. J'ai fait faire une face paral- 
lèle à leur table, Ainsi travaillés, l'un, d'une épaisseur de 5,82, 
est parfaitement limpide; l'autre, épais de 5,10 , est fort légère- 
ment jaunâtre. Je place celui-ci sur le plus épais en faisant 
coïncider les lignes neutres. J'obtiens des hyperboles doubles 
dans l’un des quatre angles droits, et il faut incliner l’ensemble 


j 23 


(354) 

des deux cristaux pour voir quelques branches des hyperboles 
doubles situées dans l'angle opposé. Un mouvement de 18° 
donné à la plaque supérieure n'altère en rien l'image qui se 
renverse quand le mouvement de 180° est imprimé au cristal 
inférieur. Cela prouve que l'axe unique ou principal du girasol 
le plus épais est légèrement incliné sur les faces et qu'il est pa- 
rallèle dans le plas mince. Quel que soit le signe de ces cristaux, 
l'axe du plus épais traverse les hyperboles qu'il déplace, ce qui 
détermine sa direction. Quant au signe, il est le même que celui 
d’une lame prismatique de cristal de roche dont l’axe transporte 
plus loin du centre les hyperboles doubles qu'il traverse. 

Le plus mince de ces deux girasols positifs, combiné avec le 
spath perpendiculaire, fait naître des arcs doubles dans les 
deux cadrans que son axe traverse; ils sont concentriques aux 
anneaux et ils ne se déplacent pas quand on fait tourner le cristal 
autour d’une perpendiculaire à l'axe. Le plus épais , soumis à la 
même épreuve, donne des arcs doubles non concentriques aux 
anneaux du spath, et ils se déplacent quand le cristal balance 
autour de la perpendiculaire à l'axe. Cette observation fournit 
un caractère souvent ulile pour reconnaître si un axe qui pro- 
duit des courbes doubles est ou n’est pas parallèle aux faces. La 
lampe monochromatique fournit un caractère encore plus sûr. 
Si le centre commun des hyperboles que donne le cristal seul 
entre deux tourmalines est au milieu de l'image observée sous 
l'incidence perpendiculaire, l'axe unique ou principal est paral- 
lèle aux faces; il est plus ou moins oblique s’il faut incliner le 
cristal pour voir le centre. 

La différence des épaisseurs de deux plaques croisées d’un 
même cristal peut aussi être assez grande pour que les hyper- 
boles doubles soient transportées hors du champ de la vision. Ce 
qu'il y a à faire alors pour déterminer le signe, si l’on sait la 
direction de l’axe de l’une des plaques, ou pour trouver cette 
direction si l’on sait le signe, c'est d’ajouter à la plaque infé- 


(355) 

riéure la plus épaisse une pile de plaques prismaliques, ou bien, 
si cela ne réussit pas, une plaque connue assez épaisse pour faire 
naître des hyperboles. On considérera alors les trois cristaux 
comme n'en faisant plus que deux d’une épaisseur égale ou à- 
peu-près égale , et l'on rentrera ainsi dans l’un des cas précédens ; 
car, au moyen d’une plaque prismatique, on verra quelle est 
l’action de son axe sur les courbes colorées. 

Si la différence des épaisseurs est la plus grande possible , 
c'est-à-dire s'il s’agit d’une seule plaque, on opérera de même. 

Exemple : le plus mince des deux girasols examinés plus haut, 
croisé avec une plaque de quartz parallèle épaisse de 2,7, ne 
donne pas de courbes colorées ; mais en ajoutant une seconde 
et pareille plaque , on obtient quatre systèmes d'hyperboles très- 
régulières et brillantes. Ce qui prouve de nouveau que ce girasol, 
qui d'ailleurs est une pierre siliceuse , est positif comme le quartz. 
Les hyperboles noires traversées par l'axe du quartz sont lrès-peu 
éloignées du centre, d’où il suit qu'à cause de l'épaisseur 5,1 du 
girasol et de l'épaisseur 5,4 du double quartz, les forces pola- 
risantes des cristaux combinés sont égales ou presqu’égales. 

Autre exemple : J'ai une plaque de baryte sulfatée d'Auvergne 
perpendiculaire à l'axe tertiaire. Je voudrais déterminer et le 
signe et la direction de l'axe principal de ce cristal épais de 4,6r. 
Le moindre effort rompt cette substance. J'en détache dont un 
fragment que je pose sur le reste en croisant les lignes de rup- 
ture. La chaux sulfatée ou le prisme de quartz dont l'axe est 
perpendiculaire au mince bord éloigne du centre les byperboles 
que l’axe traverse. Donc la baryte sulfatée est positive. En la 
combinant avec les deux quartz de l'exemple précédent, j'ai des 
courbes colorées ; Par conséquent la direction cherchée de l'axe 
principal est indiquée par celle de la ligne neutre , qui est per- 
pendiculaire à l'axe du quartz. 

Il est évident que tout ce qui précède est applicable aux cris- 
{aux à deux axes situés dans les faces parallèles, 


( 356 ) 

Si je n'ai point inséré dans le deuxième tableau les formutes 
relatives aux cas où les cristaux combinés sont à deux axes et ont 
les faces perpendiculaires à l'axe principal, c'est que, pour de 
semblables cristaux, le plan des axes passe par les pôles des deux 
systèmes d'anneaux, que sa direction est indiquée par la branche 
noire mise dans le plan de polarisation , et que le second tableau 
fournit divers procédés pour déterminer le signe de chacun de 
ces cristaux. 


Il reste donc à étudier le cas des faces obliques, soit à l'axe 
unique , soit à l'axe principal. 

Supposons le cas d’un axe unique très-oblique. Il est néces- 
sairement compris dans un plan perpendiculaire aux faces. Si, 
sous des incidences très-obliques , le cristal ne laisse apercevoir 
aucun vestige d’anneaux ou seulement quelques anneaux des 
derniers ordres, on pourra le traiter comme un cristal parallèle 
à l'axe. S'il laisse apercevoir au contraire quelques arcs des pre- 
miers anneaux, ou même des anneaux entiers, on le combinera 
avec un quartz oblique à l'axe et suffisamment mince ou épais. 
Si les axes croisés font paraître des courbes colorées, ils sont de 
même signe. Si les couleurs naissent de la superposition des axes, 
ils ont des signes différens. 


Passons au cas plus embarrassant et plus fréquent d'un cristal 
à deux axes laissant voir tout ou partie d’un système d'anneaux 
observés sous une incidenee oblique et ne laissant rien voir de 
plus, de quelque manière qu’on le présente à la lumière blanche 
polarisée. La barre noire étant dans le plan de polarisation, le 
plan des axes y est également. Si les anneaux vus appartenaient 
à ce que nous avons appelé le premier système ( page 335), ou 
au second système, il serait facile de déterminer le signe de 
l'axe principal. La difficulté se réduit donc à découvrir un ca- 
ractère propre à faire connaître le rang du système observé. 
Cela posé, supposons que l'image soit visible quand on incline 


(357) 

le cristal vers la glace noire comme pour amener ses faces dans 
une position horizontale qui peut être dépassée; si le système 
devenu visible par ce mouvement était le premrer, en relevant 
la plaque et l'inclinant en sens contraire, comme pour la 
rendre verticale et même dépasser cette position, on pourrait 
observer tout ou partie du second système, lors même que les 
axes feraient entr'eux un grand angle; et puisque rien ne paraît 
ainsi, c’est que les anneaux vus dans la première position ap- 
partiennent au second système, le premier étant hors du 
champ de la vision et correspondant à un axe parallèle aux 
faces ou faisant d’un côté ou de l’autre du cristal un petit angle 
avec elles. 

Supposons au contraire que dans la position à-peu-près hori- 
zontale on n’'aperçoive pas d’anneaux, et que pour les voir il 
faille relever le cristal dans une position verticale. C’est alors le 
premier système que l'on voit, car si c'était le second on verrait 
le premier en faisant revenir la plaque à sa première position, 

On a donc ainsi un caractère pour reconnaître de quel côté 
du milieu de la ligne des pôles se trouve le système des anneaux 
observés, et il n’y a plus alors qu'à suivre l'un des procédés 
indiqués. je ÿ 

Ces suppositions se réalisent dans les cristaux taillés fort obli- 
quement à l'axe principal. 

Le raisonnement ci-dessus suppose que le rayon visuel mené 
de l’œil au pôle des anneaux observés est dans la direction même 
de l'axe correspondant à ce système d’anneaux ; c'est une erreur; 
mais généralement elle ne nuit point à la conséquence. Cepen- 
dant, comme cette matière n’est pas sans importance, on excusera 
facilement la longueur des détails dans lesquels je vais entrer, 
s'ils peuvent convenir à quelques-uns des lecteurs que j'ai choisis. 

Je prends la topaze incolore ADET (fig. 7 ) de 13 millimètres 
d'épaisseur et dont j'ai parlé à la page 346. Ses faces AD, IE, 
tenues horizontalement devant la glace noire, sont perpendicu- 


( 358 }) 

laires à l'axe principal. Soit KH le rayon incident et polarisé, 
Arrivé au point I il se réfracte en entrant dans le cristal , et tels 
sont l'incidence , l'indice de réfraction du cristal et la direction 
de l'axe, que ce rayon prendra la route HL marquée par ce 
dernier. Il émergera suivant une parallèle LO à KH et l'œil placé 
en O, sur sa direction, verra dans le prolongement de OL un 
système d’anneaux que, par convention, nous avons dit être le 
Lremier. 

Prenons maintenant dans ce cristal une tranche BCFG épaisse 
de 1 à 3 millimètres, par exemple, et dont les faces verticales 
BG, CF, soient perpendiculaires à l’axe secondaire. Les parties 
BI, CE du cristal étant supprimées, le rayon incident KH se 
continuera jusqu'à la face BG en N ; mais en se réfractant, bien 
loin de suivre l’axe du cristal , il s’en éloignera et prendra une 
direction NM presque horizontale, puis il émergera suivant 
MP parallèle à KH. L’œil placé en P ne verra point d’anneaux, 
puisque le rayon réfracté n’a pas suivi la direction de l'axe. Il 
faudrait donc changer la position de cette tranche pour obliger 
la lumière à prendre la route de cet axe. Ce changement peut 
être plus ou moins étendu , selon l'indice de réfraction du cristal 
et la direction de l'axe. Pour la topaze, aucun changement 
d'incidence , aucune position de la tranche BF, ne peut amener 
ce résultat. Il y a nécessité de forcer la lumière à changer de 
route avant qu'elle atteigne la face verticale BG. Cela se fait en 
remplaçant momentanément les parties BI, CE du cristal par 
des parallélipipèdes ou des cubes de verre; mais comme l'indice 
de réfraction du verre est un peu plus petit que celui de la 
topaze, il faudra encore quelque peu changer l'incidence, c’est- 
àä-dire. la position de la tranche, pour que la lumière réfractée 
suive la direction de l'axe et rende visible le premier système 
d’anneaux qui correspond à cet axe. 

Quoique momentanée, la jonction des deux parallélipipèdes 
avec la plaque de topaze doit être intime, sans interposition 


( 359 ) 
d'air, ce à quoi on parvient au moyen d'une goutte d’un liquide 
quelconque transparent. Si l'on veut coller les trois pièces à de- 
meure , on les chauffe assez pour faire fondre un peu de mastic 
en larmes, ou un peu de térébenthine de Venise, ou de baume 
de Canada, de copahu. 

Maintenant , réintégrons la topaze entière et relevons-la verti- 
calement. Le système d'anneaux visible dans cette position sera 
le second , d'après nos conventions , et si l'on remplace encore 
les deux parties AG, DF, par du verre, la tranche CG, quoique 
horizontale , laissera voir ce second système. C’est ce que l'on 
prouvera aisément en faisant faire un quart de tour à la figure 
pour donner au rayon incident TU la direction qu’il avait dans 
la première expérience. On le suivra à travers le cristal, le long 
da nouvel axe, et en raisonnant comme précédemment on verra 
bien qu'il faudra un peu changer la position horizontale de la 
tranche pour que la lumière, changée de route par le verre ; 
soit obligée de suivre ce nouvel axe, 

Si l’on ne désire voir que le premier système, par exemple, 
il suffira des deux prismes de verre BPG, CRF. Si c’est le second 
qu'on veut voir exclusivement, il sulhra des deux prismes LES, 
OBG. Souvent même, et cela a lieu pour la tranche de topaze 
prise pour exemple, il suffit de coller deux prismes rectangles 
isoscèles (pl. 4, fig. 8); mais la plaque devra être un peu plus 
ou un peu moins inclinée dans un sens et dans l’autre pour mon- 
trer successivement les deux systèmes d’anneaux. 

Autre exemple : — Cassez à coups de marteau, adroitement 
ménagés et dirigés, un cristal de spath d'Islande. Les fragmens 
seront, en général, des parallélogrammes à faces planes, brillantes 
et parallèles. Mettez dans le plan de polarisation la ligne neutre 
CE (pl. 4, fig. 8) qui passe par le sommet de l’un des angles 
obtus de la plaque mise entre deux prismes rectangulaires de 
verre : vous verrez les anneaux et la croix, 


L'angle des axes d'un cristal, taillé perpendiculairement à 


( 360 ) 

l'axe principal, peut être assez grand pour qu'on ne puisse pas 
voir successivement et en entier les deux systèmes d’ovales, même 
sous des incidences très-obliques. Ces ovales, vus directement 
en totalité ou en partie , sont souvent très-allongés , comme dans 
la topaze blanche. Dans tous ces cas on les obtiendra beaucoup 
moins allongés et on les observera sous des incidences beaucoup 
moins obliques en faisant usage des deux prismes de la figure 8. 
On peut même calculer quels angles il faut donner à ces prismes , 
collés momentanément au cristal avec une goutte d'essence de 
térébenthine, pour que l’image soit celle que l’on obtiendrait 
directement si le cristal avait ses faces taillées, comme à la 
figure 4, perpendicalairement aux axes optiques. Réciproque- 
ment, en essayant successivement des couples de prismes de di- 
vers angles jusqu’à ce que les premiers anneaux du système ob- 
servé paraissent sous la forme de cercles parfaits, on pourrait 
calculer très-approxinativement l'angle des axes du cristal. 

Très-fréquemment l'indice de réfraction et l'angle que l'axe 
fait avec les faces sont tels que sous une certaine incidence le 
rayon réfracté peut suivre la direction de cet axe sans qu'on 
doive recourir aux cubes ou aux prismes de verre. 

Si l’on ne peut voir qu'un seul système entier d’anneaux sans 
rien apercevoir de ce qui appartient à l'autre système où qui 
pôurrait en indiquer la position relative, et s’il est vu sous une 
incidence peu oblique , on ne peut plus raisonner comme pré- 
cédemment pour reconnaître de quel côté du pôle visible se 
trouve le milieu de la ligne des pôles. Cependant , comme les 
ovales, ou plus exactement les lemnicastes qui entourent le pôle 
visible, sont ordinairement plus allongées du côté intérieur aux 
pôles que du côté extérieur où elles sont plus serrées; comme 
leurs centres de figure ne sont point confondus avec le pôle et 
se distribuent le long de la ligne des pôles en allant vers le mi- 
lieu de cette ligne , on pourra encore, à l'aide de ces caractères, 
trouver le signe du cristal. 


( 561 ) 

Exemple : — J'ai fait tailler à deux faces parallèles une pierre 
de lune (feld-spath ) primitivement en cabochon. Sous une in- 
cidence peu oblique, on voit un système d’ovales colorés qui, 
dans la direction de la barre noire mise dans le plan de polari- 
sation, s'étendent sensiblement plus d’un côté que de l’autre du 
pôle. De plus, en variant l’inclinaison , on reconnaît quelques 
faibles indices des formes et de la distribution des couleurs des 
courbes qui avoisinent ordinairement le milieu de la ligne des 
pôles; milieu qui ne doit pas être fort loin hors du champ de Ja 
vision, ce qui indique aussi que l'angle des axes ne doit pas être 
extrèmement grand. Soumettant donc ce cristal à l'une quel- 
conque des épreuves indiquées aux pages 336 et 337, on recon- 
naît qu'il est négatif. 

La détermination du signe d'un cristal à deux axes, par la 
seule inspection du système d’anneaux qu'il laisse voir sous une 
incidence peu oblique , n’est fondée, comme on vient de le voir, 
que sur des caractères, des symptômes peu prononcés qu’on peut 
craindre de mal interpréter. C’est pourquoi je donnerai encore 
quelques exemples comme exercice et comme offrant d’ailleurs 
des accidens de cristallisation fort curieux à observer. 

ABCD (pl. 4, fig. 9) est une section faite perpendiculairement 
à la longueur d’un prisme rectangulaire de diopside passablement 
pur et d’un blanc grisâtre. Parallèlement à cette section on a taillé 
trois plaques épaisses de 0,5, 1,0 et 2,15. Parallèlement à la face 
étroite BC on a taillé une plaque IK épaisse de 1,56. Enfin on 
a encore extrait deux plaques comme FG parallèles à la grande 
face DC; l’une est épaisse de 1,10, l’autre de 1,46. 

Vues à l’œil nu, les trois plaques perpendiculaires montrent 
une cloison ab qui se prolonge dans toute la longueur du crista!, 
puisqu'on la retrouve en cd le long de la plaque IK. Perpendi- 
culairement à cette cloison ab, et sous un jour convenable , on 
voit sur les trois plaques AC et les deux plaques FG une multi- 
tude de stries inégalement cspacées, mais parallèles, ayant toutes 


( 362 ) 

les apparences extérieures des stries régulièrement tracées sur le 
verre des micromètres de microscope, et produisant, comme 
ces dernières, le phénomène des réseaux si bien expliqué par 
M. Bamier, au tome 4o des Annales de chimie et de physique. 
À en juger par la cassure GL, on prendrait le cristal pour une 
masse fibreuse, une agglomération de fines aiguilles cristallisées. 
Observée à la loupe, devant une glace noire et sous une inci- 
dence convenable, la plaque EL laisse voir, parallèlement à EG, 
et sur un tiers de la largeur à partir du bord EG, des stries éga- 
lement espacées qui font naître des franges très-faiblement colo- 
rées. Ces franges , observées loin de l’œil armé d'une tourmaline 
et sous diverses incidences, se parent des plus vives couleurs. 
Elles sont plus ou moins serrées, plus ou moins éclatantes, selon 
l'azimut et l'inclinaison de la plaque. 

Voyons maintenant quels sont les phénomènes de polarisation 
que vont produire dans les diverses plaques ces accidens de cris- 
tallisation. 

La plaque perpendiculaire épaisse de 0,5, observée à travers 
la partie abBA en avant de l'observateur, montre un second 
système d'anneaux, dont la barre noire, mise dans le plan de 
polarisation, est perpendiculaire à la cloison ab. C’est du côté 
du bord AB que doit se trouver le milieu de la ligne des pôles, 
et c'est aussi de ce côté que l'axe d'une plaque prismatique 
transporte les courbes, quand cet axe, perpendiculaire au mince 
bord , est mis dans le plan de polarisation. Par conséquent, cette 
partie du cristal est positive. La section principale de l’autre 
partie abCD de la plaque un peu relevée est aussi perpendicu- 
laire à la cloison ab. À travers cette partie, on voit un premier 
système d'anneaux ct le milieu de la ligne qui joint son pôle avec 
celui du second système invisible correspondant doit être placé 
du côté du bord DC. Enfin ce système est également positif, 

Si la cloison ab divise la pupille, on voit à la fois ces deux 
systèmes ; mais ils sont indépendans l'un de l’autre, car ils sont 


( 363 ) 
disposés en sens contraire de leur véritable rang, et l’un ou l'autre 
disparaît quand l'œil se déplace; de plus , les anneaux presque 
circulaires de l’un et de l’autre s'arrêtent nettement à la cloison 
ab où ceux du même ordre se coupent, comme l'indique la 
figure imparfaite ( pl. 4, fig. 10). 

Il est très-présumable, d'après cela, que les axes optiques 
correspondans à ces deux systèmes d’anneaux sont peu, mais 
également inclinés sur la plaque ABCD , ou , en d’autres termes , 
qu'ils font des angles égaux avec la cloison cd, 

Cette même plaque, éloignée de l'œil, paraît comme un prisme 
dont l’arète saillante se confondrait avec ab. Sous diverses inci- 
dences , si la lumière est dépolarisée par l’une des deux parties, 
elle ne l’est pas par l'autre, qui paraît obscure. Tout prouve 
enfin que ce diopside est formé de deux cristaux distincts réunis 
par la cloison abcd. 

C’étaient, si l’on veut considérer la chose ainsi, deux cris- 
taux identiques dans leur constitution et leur position, mais 
dont l’un, avant de se réunir à l'autre, aura fait un demi-tour 
autour d’une droite parallèle à la cloison ; ou bien encore autour 
d'une perpendiculaire à cette cloison, pour se réunir bout pour 
bout avec l’autre. Ce dernier mode de jonctivn , ou plus exacte- 
ment de cristallation, se nomme hémitropie; il se rencontre 
très-fréquemment dans beaucoup de cristaux. On le reconnaît, 
en cristallographie , aux formes extérieures; et quand ces formes 
manquent, on le découvre, comme on vient de le voir, par des 
observations optiques. 

Les deux autres plaques perpendiculaires étant plus épaisses 
ne laissent pas voir à la fois et en entier les deux systèmes d'an- 
neaux; mais à l'inspection il est plus facile d’assigner le rang de 
chacun. 

L'une des plaques longitudinales FG, horizontalement placée 
devant la glace noire, laisse voir un second système positif 


d'ovales colorés , et rien de plus, sous quelqu’incidence qu'on la 


( 564 ) 

présente à la lumière blanche polarisée. Faisant faire ensuite à 
cette plaque un mouvement de 180° autour de son bord EG, il faut 
la dresser presque verticalement pour qu’elle montre un premier 
système d'ovales également positif et correspondant au même 
axe. Cela prouve que le plan de cette plaque ne divise pas l’angle 
de ses deux axes. Mèmes observations pour la seconde plaque 
parallèle à EL. 

La plaque latérale IK, étant parallèle au plan des quatre axes, 
ne donne pas d’anneaux, sous quelqu'’incidence qu'on la pré- 
sente aux rayons polarisés ; et comme on peut conclure des ob- 
servations précédentes que ies axes principaux des deux cristaux 
soudés ne sont point parallèles, il doit arriver qu’en mettant la 
cloison cd dans le plan de polarisation , les deux parties Id, cK 
ne sauraient paraître obscures à la fois. L'expérience prouve que 
dans cette position elles changent le plan de polarisation de la 
lumière qu'elles laissent passer, et, par conséquent, qu'aucun 
des deux axes principaux n’est parallèle à la cloison cd. A l’ap- 
pareil gradué de Faesxez , j'ai trouvé que les axes principaux mp, 
mn , font des angles égaux et de 37° 15’ avec la direction de la 
cloison cd, et qu'ainsi ces axes sont inclinés l'an sur l’autre de 
74° 30’ environ. Je dis environ , parce que le cercle, imparfai- 
tement gradué, n’a que 21 millimètres de rayon, et qu'il y a 
quelqu'incertitude sur la position fixe correspondante au maxi- 
mum d’obscurité. 

Aucun des deux axes de chaque cristal du couple hémitrope 
n'est donc situé dans le plan de la cloison, puisque d'ailleurs il 
faut incliner la plaque perpendiculaire BD dans un sens, puis 
dans un autre , sur le rayon po'arisé, pour voir en entier chacun 
des deux systèmes d'anneaux. 

Par un trait perpendiculaire à cd j'ai divisé la plaque IK , qui 
contient les quatre axes, en deux parties que j'ai superposées en 
croisant les cloisons à angles droits, Comme cd n’est pas située 
au milieu de la largeur , le carré qui résulte du croisement des 


( 365 ) 

plaques est partagé en quatre compartimens dont deux carrés 
inégaux opposés , et deux rectangles égaux aussi opposés l’un à 
l'autre, J'observe cet assemblage à la lumière polarisée, en le 
tenant à la portée de la vue pour en voir toutes les parties, et je 
le fais tourner dans son plan jusqu'à ce que le petit carré, par 
exemple, paraisse obscur. Alors le grand carré laisse voir des 
bandes colorées et les deux rectangles laissent passer la lumière 
blanche. Pour savoir la cause de ce phénomène, dont la compli- 
cation n’est qu’apparente, il suffit de séparer les plaques ; toutes 
les lignes de la plaque qu’on fait mouvoir à cet effet restent exac- 
tement parallèles à elles-mêmes pendant ce mouvement. On ob- 
serve alors ce qui suit : 

° Les deux parties étroites qui en se recouvrant forment le 
petit carré sont obscures. L’axe principal de l’une est dans le 
plan de polarisation, et celui de l’autre est perpendiculaire à ce 
plan, ce qui explique l'obscurité du petit carré, obscurité à la- 
quelle succéderaient des couleurs de plus en plus vives si l'ensemble 
des plaques faisait un mouvement de rotation dans son plan, 
jusqu’à 45 degrés , où l’on aurait le maximum des teintes. 

2.° Les deux parties larges qui forment le grand carré laissent 
passer séparément la lumière , et comme l’un des axes principaux 
fait un angle azimutal de 15° 30’ et que l'autre lui est perpen- 
diculaire , on voit des bandes peu colorées; mais cette coloration 
devient de plus en plus vive si l’angle azimutal de 15° 30’ croît 
jusqu'à 45. Si au contraire il diminue jusqu’à zéro, les couleurs 
disparaissent, ce carré devient obscur et les couleurs naissent 
dans le petit carré. 

° La blancheur à-peu-près constante des deux rectangles 
vient de ce qu'une partie étroite el obscure est croisée avec une 
partie large et blanche , et de ce que les axes principaux de ces 
deux parties sont presque confondus, puisqu'ils ne jus entr’eux 
qu'un angle de 15° 30°. 

En combinant la plaque IK avec un spath d'Islande perpendi- 


( 366 ) 

culaire, chacun des deux axes principaux, mis successivement 
dans l’azimut de 45 degrés, transporte loin du centre les arcs 
qu'il traverse, ce qui prouve de nouveau que les deux cristaux 
soudés sont positifs. La croix noire et les anneaux sont totalement 
effacés ; les arcs doubles sont très-serrés et portés fort loin du 
centre, ce qui témoigne de la grande force bi-réfringente de ce 
diopside. 

Un autre échantillon de 0,7 environ d'épaisseur est long de 7 
millimètres et large de 5. Il provient de M. Lerauur, qui l’a 
préparé pour l'observation. Tout indique qu'il a été taillé per- 
pendiculairement à la longueur du cristal. Une cloison perpen- 
diculaire à la section principale et au plan de polarisation, divise 
aussi la largeur en deux parties inégales, et les observations faites, 
soit à travers chacune des parties, soit à travers les deux à la 
fois, prouvent que la plaque, ainsi observée, provient aussi d’un 
cristal formé de deux autres par hémitropie. 

Ce n'est pas toujours ainsi que les cristaux de diopside se réu- 
nissent; la cloison n’est pas toujours un plan perpendiculaire à 
celui qui contient les quatre axes , il lui est quelquefois parallèle, 
comme je l'ai observé sur l'échantillon suivant. Il est inégalement 
vert, épais de 3,76 et taillé perpendiculairement à la longueur 
du prisme cristallisé. À la lumière du ciel, on observe une foule 
de glaces et particulièrement une cloison verte qui sépare le 
cristal en deux cristaux accolés ( et non hémitropes), à travers 
chacun desquels on n’aperçoit qu'un seul système positif d’ovales 
colorés. Le plan des axes est parallèle à la cloison pour les deux 
cristaux soudés , et l’on voit à la fois les deux systèmes quand on 
met la cloison au milieu de la pupille. Chaque système est yre- 
mier ou second, selon la face par laquelle on observe; mais 
comme la ligne qui joint les pôles de ce couple de systèmes est 
un peu oblique au plan de polarisation , les axes principaux des 
deux cristaux accolés ne sont pas parallèles. 

Une autre cloison, perpendiculaire à la première, mais située 


( 367 ) 
très-près du bord de la plaque, sépare un fragment hémitrope à 
l'an des cristaux accolés. Je dis hémitrope parce que le système 
d’anneaux qu'on voit à travers ce fragment, qui a à peine 1 mil- 
limètre de largeur, m'a paru être un premier système, tandis 
que celui qui lui correspond et qu'on voit en abaissant la plaque 
est un second système. 

Soit ABCD (pl. 4, fig. 11) un eristal de diopside composé de 
deux cristaux hénitropes réunis par la cloison EF. Soient GI, GH 
les axes principaux ; KL, ST les deux axes optiques du cristal AF ; 
KM, UV ceux de l’autre cristal. Présentons la plaque AC à-peu- 
près parallèlement à la glace noire. Le rayon incident polarisé 
OM se réfractera suivant l'axe MK, continuera sa route KZ à 
travers l’autre cristal, émergera suivant ZN , et l’œil placé en N 
verra un second système d’anneaux. Relevons la plaque presque 
verticalement, le rayon incident RX se réfractera suivant XK, 
poursuivra sa route suivant l’axe KL, émergera suivant LP et 
portera à l'œil P l’image d’un premier système. Si les cristaux 
hémitropes sont également épais , les anneaux des deux systèmes 
paraïtront également serrés ; mais si EC, par exemple, est moins 
épais que BE, les anneaux de l’image observée la première, 
l'œil étant en N, paraitront moins serrés que ceux de l’autre 
image correspondante. 

Soit encore ABFG (pl. 4, fig. 12) un diopside composé comme 
il suit : 

1.0 Un cristal HEFG dont celui des deux axes qui rend visible’ 
un second système ait pour direction IK. 

2.0 Un cristal plus épais DCEH, superposé au précédent. L’axe 
qui rendra visible le second système aura sa direction KL dans 
le prolongement de IK. 

3.0 Un cristal ABCD hémitrope avec le précédent, et dont 
celui des deux axes qui rend visible le premier système ait pour 
direction SR. 


Au lieu de supposer le plus épais des trois cristaux entre les 


( 368 ) 
deux plus minces, on peut supposer l’un de ceux-ci entre les 
deux autres. Cette nouvelle disposition ne changera rien aux 
phénomènes que nous allons décrire. 

Mettons donc ce cristal triple dans une position horizontale 
vis-à-vis la glace noire. Le rayon incident OI se réfractera suivant 
l'axe IK ; il continuera sa route suivant l'axe KL du cristal su- 
perposé, traversera le troisième cristal et émergera suivant MN. 
Il portera à l'œil placé en N l’image aux anneaux larges du cristal 
mince HEFG et l’image circompolaire aux anneaux serrés du 
cristal épais DE. Relevons verticalement ce triple cristal. Le 
rayon incident PQ traversera les deux premiers cristaux suivant 
QR, qui n’est la direction d'aucun de leurs axes; mais il suivra 
l'axe RS du cristal ABCD , et en émergeant suivant ST, il portera 
à l'œil placé en T l’image du premier système, que ce mince 
cristal montrerait seul. Que l'on fasse faire maintenant au triple 
cristal (pl. 4, fig. 12) un mouvement de 180 degrés autour de sa 
longueur. Il prendra la position horizontale de la fig. 13. Le rayon 
incident TS suivra l'axe SR , traversera Je reste du cristal sans 
suivre aucun autre axe, et l'œil placé en P verra le système 
correspondant à l'axe SR. La plaque relevée verticalement re- 
cevra le rayon incident NM qui traversera DB sans suivre aucun 
axe; mais il suivra ensuite les deux axes LK, KI, et l'œil placé 
en O verra à la fois, et superposés l’un sur l'autre, les deux 
systèmes d’anneaux correspondans à ces axes. 

Tels sont effectivement les phénomènes optiques que j'ai ob- 
servés sur un échantillon de diopside, avec cette légère différence 
que les deux systèmes d'anneaux superposés n'étaient pas exac- 
tement circompolaires, ce qui indique que Îes axes de deux des 
trois cristaux ne sont pas exactement parallèles. M. Bamner, qui 
avait donné un coup-d'æil sur cet échantillon avant qu'il me fût 
envoyé, ÿ avait reconnu les trois systèmes d’anneaux, et, par 
conséquent, la constitution cristallographique de ce cristal re- 
marquable. Pour en compléter l'étude , il n’y a plus qu'à couper 


( 369 ) 
une tranche perpendiculaire à la longueur, observer les anneaux 
correspondans aux trois aufres axes ct reconnaitre, par leurs 
situations relatives, quelle est la véritable disposition des trois 
cristaux soudés. 

Cette tranche, un peu inclinée vers la glace, montre un sys- 
tème dont on peut à peine reconnaître quelques anneaux. Le pôle 
seal est bien distinct, ainsi que les deux branches de la barre 
noire qui y aboutissent. Il est impossible d’assigner le rang de ce 
système. En relevant un peu la tranche, on voit de nombreux 
et brillans anneaux presque circulaires; celui du sixième ordre 
passe par le pôle d’un autre système de méme rang et dont on 
ne distingue que quatre anneaux qui disparaissent dès que la 
pupille n’est plus coupée par une cloison invisible, mais dont on 
peut très-bien assigner la position et dont la direction est per- 
pendiculaire à la section principale mise dans le plan de pola- 
risation. 

Il résulte de ces observations que ce diopside est composé 
d’un cristal épais hémitrope d’un côté à un mince cristal et 
accolé de l’autre côté à un mince cristal dont les avez ne sont 
pas exaclement parallèles aux siens. Il y a donc en tout trois 
cristaux, six axes et autant de systèmes d'anneanx visibles, 

L'une des nombreuses plaques de borax que j'ai préparées par la 
méthode de la page 310 m’a montré deux systèmes d’anneaux du 
même rang, peu distans l’un de l’autre, et dont la ligne des 
pôles était perpendiculaire au plan de polarisation, tandis que 
l'axe secondaire de chaque système était parallèle à ce plan. 

Deux arragonites provenant de M. Lesauur, et probablement 
tirées du même cristal, présentent des phénomènes analogues. 
On est tenté d'abord de leur donner quatre axes, parce que, 
pour certaines positions de l'œil et sous diverses incidences, on 
peut voir à la fois quatre systèmes d’anneaux différens ; mais par 
la direction des lignes noires et par les formes des lemnicastes, 
on reconnait bientôt que ces cristaux doivent être considérés 


24 


( 570 ) 
comme composés chacun de deux autres réunis par une cloison 
visible à l'œil nu. Ges arragonites sont négatives. 

On observe de semblables phénomènes sur le nitrate de potasse 
et généralement sur les cristaux qui cristallisent en aiguilles ou 
en prismes qui s'agglomèrent. Les tranches extraites de prismes 
séparés ne montrent que deux systèmes d'anneaux liés à un seul 
axe principal. 

Il me reste enfin à examiner le cas d’un cristal dont l’un des 
axes est naturellement ou artificiellement perpendiculaire aux 
faces. Les courbes nombreuses qui entourent les pôles paraissent 
alors circulaires au premier coup-d’œil; mais en les observant 
avec attention, même à la lumière simple, on reconnaît bientôt 
qu’elles n'ont point la régularité, la symétrie parfaite des an- 
neaux que montrent les cristaux à un axe. L'influence du second 
axe s'y fait sentir, surtout si l'angle des axes n’est pas très- 
grand. Si cet angle était de go degrés, l’un des axes étant per- 
pendiculaire et l’autre parallèle aux faces du eristal , l'influence 
de l'axe parallèle , sur la forme des ovales, s’exercerait symétri- 
quement le long de leurs diamètres dans la section principale, 
et si les axes relatifs aux diverses couleurs n'étaient pas séparés, 
il ne serait probablement pas possible de découvrir de diffé- 
rence d’un côté à l’autre du pôle le long de ce diamètre et à la 
lamière simple ou composée ; mais dans les autres cas, avec de 
l'attention et l'habitude de voir, il est encore possible et parfois 
assez facile de distinguer de quel côté du pôle observé se trouve le 
pôle invisible. De ce côté, les arcs de chacun des anneaux da sys- 
tème, vus à la lumière simple ou composée, sont aussi ur peu 
plus larges, un peu plus séparés. A la lumière blanche, on voit 
des couleurs à une plus grande distance du pôle visible , sur- 
tout si en faisant très-peu tourner la plaque dans son plan on 
déplace un peu aussi la barre noire qui semble masquer ces 
couleurs. 


Du sucre cristallisé, préparé par M. Lesauur , laisse assez faci- 


(371) 
lement déterminer son signe, d'après ces symptômes, soit à la 
lumière simple , soit à la lumière composée. Il en est de même 
des cristaux de sucre candi. Il en est de même aussi des trois 
topazes incolores que j'ai fait tailler perpendiculairement à l'un 
des axes , pour celte expérience délicate. 

Un petit cristal de bi-chromate de potasse, épais de 1,5 en- 
viron, a été aussi usé et poli par M. Lesanur. Observé sous 
l'incidence perpendiculaire, à l’aide d’une très-mince et très- 
bonne tourmaline brune bien transparente, il montre des an- 
neaux dont les premiers sont sensiblement circulaires ; mais les 
plus éloignés prennent une furme un peu allongéee dans la direc- 
tion de l'axe secondaire. Ils sont plus visibles, plus nombreux 
et un peu moins serrés du côté du pôle au-delà de l'observa- 
teur que de l’autre côté, en suivant toujours la direction de la 
barre noire. Ce serait donc là un second système d’anneaux. 
Pour vérifier cette conséquence, je fais faire au cristal un mou- 
vement de 180 degrés autour de la barre noire comme char- 
nière; observant ainsi par l’autre face, j'ai précisément les 
mêmes symptômes mais renversés et qui annoncent un premier 
système. D'après ces indications, l'épreuve par la plaque prisma- 
tique me dit que le bi-chromate de potasse est positif. 

Une plaque de bi-chromate de potasse plus grande, épaisse 
de 2,5 et tirée d’un cristal par un clivage facile, reproduit, 
mais d’une manière bien plus prononcée, le phénomène d'hé- 
mitropie observé sur le diopside. Sous l'incidence perpendi- 
culaire, je vois deux systèmes d’anneaux , l’un supérieur, l’au- 
tre inférieur , ayant une barre noire commune. Pour le système 
supérieur les anneaux sont fort serrés; pour le système infé- 
rieur ils sont relativement fort séparés les uns des autres. Celui-ci 
montre les symptômes d'un second système et l'épreuve par 
la plaque prismatique me donne le signe positif, Les anneaux 
les plus serrés m'offrent , mais moins bien , les symptômes d’un 
premier système, et l'épreuve donne encore le signe positif. 


(572) 
Ges deux systèmes sont voisins l’un de l'autre et leurs derniers 
anneaux s’atteignent sans former de lemnicastes, ce qui prouve 
qu'ils ne sont pas dus aux deux axes différens d'un seul cristal. 

Si je fais tourner lentement la plaque dans son plan, les 
changemens ordinaires à un seul système s’observent sans chan- 
ger la forme des anneaux, sans rendre visibles les forines par- 
ticulières que les courbes affectent ordinairement autour du 
milieu de la ligne des deux pôles, milieu que la barre noire 
cachait dans sa première position. Enfin, si je renverse la plaque 
autour du diamètre horizontal, on n’observe rien de nouveau; 
mais si je lui fais faire 180 degrés autour de la ligne noire 
comme charnière, c'est-à-dire autour de l'intersection de son 
plan avec celui de polarisation, les deux systèmes changent de 
place; le plus serré, qui était supérieur , est devenu inférieur , 
et réciproquement. Si alors j'ai recours aux symptômes ordi- 
naires, je trouve encore que ces deux systèmes, évidemment 
indépendans l’un de l'autre, ne dépendant que des circon- 
stances de la cristallisation, sont positifs. 

D'après ce que nous avons dit du diopside, cette plaque de 
bi-chromate de potasse serait accidentellement composée de 
deux cristaux hémitropes, l’un des deux beaucoup plus mince 
que l’autre. 


Crisitaux colorés. 


Indépendamment des méthodes ci-dessus pour déterminer le 
signe d'un cristal à un ou deux axes, on peut dans quelques 
cas particuliers reconnaître ce signe par un caractère propre 
aux cristaux dont la limpidité n’est pas parfaite. 

Présentez, par exemple, à la lumière polarisée, une mince 
tourmaline peu colorée, bien transparente, et mettez l’axe dans 
le plan de polarisation; elle laissera passer en partie cette lu- 
mière et en absorbera une autre partie d'autant plus grande 


(373) 
que le cristal sera plus épais et plus coloré. Faites-la tourner 
de 90 degrés dans son plan, elle laissera passer beaucoup plus 
de lumière. Les effets inverses ont lieu avec un quartz légèrement 
posilifs 


enfumé. En général, les cristaux colorés !,” .. laissent passer 
négatifs 


avec plus d’abondance la lumière polarisée dans un plan 

parallèle Lich ; 1he dei tt 
perpendiculaire soit à leur axe unique ou principal situé 
dans les faces, soit au plan des deux axes. C’est la loi de 
M. Bamner. Dans quelques cas particuliers l'expérience très- 
simple que nous venons de faire suffira, au moyen de la loi 
ci-dessus, pour faire découvrir le signe d'un cristal quand la 
direction de l’axe sera connue , et réciproquement ; mais quand 
le cristal est très-peu coloré, il peut y avoir incertitude, et 
pour la faire disparaître il est bon de vérifier un premier aperçu 
par quelques autres épreuves. C’est dans ce but que je rapporte 
avec détails les expériences suivantes. 


Prenez un quartz enfumé qui ait ses faces parallèles à l'axe. 
Si l’on recoit à travers ses faces la lumière polarisée par une 
glace noire, son axe étant dans le plan de polarisation, la glace 
paraît légèrement brune, mais moins brune que le cristal. 
Quand l'axe est perpendiculaire au plan de polarisation, la 
glace parait d'un brun plus foncé. L'axe secondaire de ce quartz 
étant dans le plan de polarisation se comporte donc à l'égard 
de la lumière polarisée à peu près comme l'axe unique de la 
tourmaline et, en conséquence, en substituant ce quartz enfumé 
à la tourmaline dans les combinaisons de celle-ci avec les quartz 
limpides obliques ou parallèles et croisés, ou avec les cristaux 
offrant des anneaux colorés, on doit obtenir les mêmes résultats ; 
mais avec une modification dans la coloration des images, dé- 
pendante de la quantité et de la nature de la lumière que ce 
quartz enfumé absorbe ou laisse passer dans ses diverses posi- 
tions. Ainsi, avec un spath d'Islande perpendiculaire, il laisse 


( 374 ) 

voir les anneaux colorés et la croix noire quand son axe positif 
est perpendiculaire au plan de polarisation, ou, ce qui revient 
au même, quand son axe secondaire est dans ce plan. Cet axe 
secondaire, étant négatif comme l'axe unique de la tourmaline, 
produit les mêmes effets à l'intensité près. Ainsi, par exemple 
encore, avec les quartz obliques de M. Savanr, disposés pour 
montrer par une tourmaline une ligne noire entre deux blan- 
ches dans le plan de polarisation , l'axe unique de ce quartz étant 
mis dans ce plan fera voir au contraire une blanche centrale 
entre deux noires, et à ce caractère on reconnaitra que cet 
axe est positif ou de signe contraire à celui de la tourmaline. 


Si peu colorés que soient certains cristaux, ils laissent aper- 
cevoir plus ou moins bien les bandes de l'appareil Savanr, ou 
les courbes de tout autre appareil équivalent, comme, par 
exemple, le spath d'Islande perpendiculaire ; et si l'axe unique 
ou le plan des axes du cristal ainsi étudié est parallèle aux 
faces on pourra en déterminer le signe si la direction de l'axe 
unique ou principal est connue, ou cette direction si le signe du 
eristal est connu. En voici des exemples. 


Une plaque de spath d'Islande parallèle à l'axe et épaisse de 
2,76 n’est pas d'une limpidité aussi parfaite que le cristal de 
roche ou la topaze incolore ; néanmoins en la tournant dans son 
plan perpendiculaire aux rayons polarisés on ne trouve aucune 
position pour laquelle la lumière paraisse plus ou moins absor- 
bée; mais sous une incidence très-oblique elle absorbe un peu 
plus de lumière dans une position que dans l’autre. Mettant son 
axe dans le plan de polarisation et la combinant avec le spath 
perpendiculaire ou avec l'appareil Savanr, elle donne, dans le 
premier cas, les anneaux et la croix noire, dans le second , une 
bande noire centrale entre deux blanches , comme le ferait l’axe 
unique de la tourmaline. Donc l'axe de cette plaque est négatif 
comme celui de la tourmaline, le: autre plaque de spath dont 


(375) 
l'épaisseur n'est que de 0,4, laisse encore apercevoir la croix 
noire et les anneaux, 

Sous l'incidence perpendiculaire, une plaque de baryte sul- 
fatée parallèle au plan de ses axes et épaisse de 4,61 donne unc 
teinte légèrement jaunâtre à la lumière polarisée, et cette teinte 
augmente un peu d'intensité quand on augmente l'épaisseur en 
inclinant le cristal vers la glace noire, en conservant l'axe prin- 
cipal dans le plan de polarisation. Par un mouvement de 90 
degrés le cristal donne à la lumière polarisée qui le traverse 
une teinte gris-bleuâtre. Combiné avec le spath perpendicu- 
laire, il montre la croix blanche quand son axe principal est 
dans le plan de polarisation ; done cet axe est positif. 


Le diopside étudié aux pages 361, 362... ne montre rien 
de la croix ni des anneaux quand on observe le spath perpen- 
diculaire à travers sa partie incolore; toutes les parties de 
l'image deviennent au contraire visibles quand on observe par 
la partie verte, à l’un des bouts du cristal ; et comme la section 
principale est alors perpendiculaire au plan de polarisation, ce 
cristal est positif. Au reste c’est encore dans cette position qu'il 
absorbe une plus grande quantité de lumière polarisée par la 
glace noire. 

C’est toujours sous l'incidence perpendiculaire qu'il faut faire 
ces observations propres à déterminer le signe, car sous des inci- 
dences obliques , une simple lame de verre substituée au cristal 
à étudier polarise la lumière par réfraction et montre la croix 


noire 


perpendiculaire 
blanche 


quand on l’ineline autour d'une droite parslläle 
au plan de polarisation. 

Ce mode d'observation peut fournir des indications utiles sur 
la direction de l’axe unique ou principal d'un eristal coloré ct 
taillé à facettes, comme des quartz enfumés, des améthystes 
users. Où travaillé en cabochon, comme des pierres de 


lune, des girasols...,.. ou enfin des cristaux bruts qu'on se 


(356) 

propose de faire tailler pour l’étude. IL peut servir à distingaer 
une pierre fine bi-réfringente d’une imitation en verre coloré. 
Cependant, pour tous ces cas le procédé renversé est préférable ; 
il consiste, comme nous l'avons déjà vu, à exposer le cristal, 
soit à la lumière du ciel non polarisée, soit à la lumière d’une 
chandelle, et à l’observer avec l’appareil complet de M. Savanr. 
Si dans certaines positions il fait paraître des bandes colorées, 
c'est qu'il est bi-réfringent et son axe unique ou principal est 
dans un plan parallèle ou perpendiculaire aux bandes, alors que 
les couleurs de celles-ci sont à Jeur maximum de vivacité. Enfin 
la meilleure méthode, celle qu’on peut appliquer aux corps colo- 
rés ou limpides, travaillés ou bruts, est la suivante. 

L'œil armé de l'appareil complet de M. Savanr , 'observez le 
corps à la lumière polarisée. Si le spectre n'est pas plus modifié 
par une posilion que par une autre, ce corps n'est pas bi- 
réfringent. Ainsi, par exemple, un cristal jaune doré de zinc 
sulfuré, laisse voir les bandes qu'il ne modifie pas, de quelque 
manière qu’on le présente à la glace. Un cristal jaune citron de 
enaux fluatée, à faces travaillées, se comporte de méme; ces 
corps ne sont donc pas bi-réfringens ; mais si l’on trouve une 
position qui efface ou allère sensiblement l'image , on en trou- 
vera une autre pour laquelle les couleurs seront à leur plus 
grande vivacité, et alors l’axe unique ou principal du cristal 
bi-réfrigent est ou parallèle ou perpendiculaire au plan de 
polarisation. 

L'application de cette dernière méthode à des cristaux bruts 
prouve que la lumière réfléchie par la glace ne se dépolarise pas 
en lraversant les surfaces dépolics; il faut qu'elle pénètre dans 
le cristal pour qu'elle se partage en deux parties polarisées dans 
deux plans rectangulaires ; il y a seulement perte de la lumière 
dispersée par le dépoli. Cette perte est moins grande quand la 
surface d'émergence est brillante, et dans ce cas l'emploi d'une 
tourmaline peut faire découvrir les annçaux et conséquemment 


(377) 

la direction de la section principale, ce qui sert de guide pour 
effectuer dans le cristal une taille déterminée. — Exemple, 
D'un coup de marteau je détache d'une topaze blanche brute et 
roulée un fragment qui met à nu une face de clivage plane et 
brillante. Avec l'appareil Savarr je détermine sur le champ la 
direction des lignes neutres, et la tourmaline, qui d’ailleurs 
pouvait être immédiatement employée, me fait voir, sous une 
incidence convenable, successivement les deux systèmes d’an- 
neaux. 

À celte occasion je rapporterai l'expérience suivante, faite 
par M. Basner. On dépolit l’une des deux faces perpendiculaires 
à l’axe d’un spath d'Islande qu’on met ensuite entre deux tour- 
malines, la face polie tournée du côté de l’œil. A la lumière la 
plus vive d’un quinquet , même à celle du soleil, on peut ob- 
server les anneaux, la surface dépolie tenant lieu d'écran. — On 
peut répéter cette expérience sur d’autres cristaux à un ou 
deux axes. 


La propriété d'absorber certains rayons dans les cristaux dont 
nous venons de parler, est remplacée dans d’autres par la pro- 
priété de les disperser, ce qui ne change rien aux résultats des 
expériences que nous venons de faire quand on substitue ces 
derniers cristaux aux premiers. Par l’expérience suivante on 
aura sur ce point des détails suffisans. 


Je noircis à l'encre l’intérieur d'une boîte de carton, pro- 
fonde de 20 à 50 millimètres et d’un diamètre plus petit que 
celui du liége dans lequel est fixé le cristal à étudier. Une mince 
lame de chaux sulfatée, dont l’axe principal sera mis dans 
l'azimut de 45 degrés, est appliquée contre un trou de 4 à 8 
millimètres fait au fond de la boîte. Vue à travers une tourma- 


parallèle 


dont l’axe cst È : 
perpendiculaire 


au plan de polarisalion, cette 


verte 


mince lame parait rouge® 


Cela posé, je remplace la tourma- 


(378) 

line par une pierre de lune épaisse de 2,25 et dont les faces 
contiennent les axes. Pour une même position de l’axe principal 
j'ai la même couleur, donc cet axe est négatif comme celui de 
la tourmaline. Si la couleur eût été opposée j'en aurais conclu 
l'opposition des signes. Cette pierre de lune (feld-spath) jouit 
de la propriété de laisser passer les rayons de diverses couleurs 
polarisés dans un sens, d’absorhber quelques rayons et de dis- 
perser les rayons polarisés dans l’autre sens. La couleur disper- 
sée paraît autour du tron comme une nébulosité qui affecte ici 
la forme d'une lentille dont le grand diamètre est parallèle à 
l’axe principal. Pour d’autres échantillons et d'autres épaisseurs 
cette forme est moins décidée et la couleur dispersée elle-même 
n'est pas bien constante, non plus, par conséquent, que la 
couleur régulièrement transmise, car elles sont toujours com- 
plémentaires l’une de l’autre. 

La couleur régulièrement transmise et la couleur nuageuse 
composée de rayons dispersés dans toutes les directions, se 
mélent en partie, ce qui compose une certaine quantité de 
lumière blanche qui fait pâlir les couleurs. Cet inconvénient 
s'aggrave quand la mince lame s'approche de la pierre de lune; 
il diminue jusqu'à disparaître, quand au contraire elle s'éloigne. 
S'il n'existait pas, cette pierre de lune pourrait remplacer la 
tourmaline dans toutes les observations où l’on est intéressé 
à voir des couleurs plus pures que celles mêlées avec la couleur 
propre de la tourmaline, et elle aurait sur l’analyseur l'avantage 
d'un champ plus vaste et d’une lumière plus vive. 

Il est d’autres cristaux, comme certaines plaques d’agate peu 
colorées, de cornalines blanches, d’arragonites. ..., qui jouis- 
sent des propriétés décrites sur la pierre de lune, mais qui ne 
peuvent pas plus qu'elle remplacer la tourmaline ou l’analyseur 
dans les expériences où l’on a des cuurbes colorées et non des 
couleurs uniformes à observer. Les meilleurs de ces appareils ne 
donnent pas la tache noire sur la glace polarisante ; la croix noire 


( 379 ) 
du spath est diffuse, peu intense et mal terminée; la lumière 
blanche en excès lave les couleurs, les fait pâlir et éteint les 
plus tendres. Ce magnifique bleu d'azur que montre le carbo- 
nate de plomb dont j'ai parlé disparaît presqu'en totalité par 
celte cause. 

De tous les appareils de ce genre, celui que je vais décrire 
n'est pas exempt de ces défauts, néanmoins il a sur tous les 
autres une supériorité décidée. J'en dois la connaissance et 
l'explication à M. Bamwer. 

Dans un cristal bien pur d’arragonite on taille un parallèlipi- 
pède, on le divise en,gleux petits prismes triangulaires égaux que 
l'on colle par les mêmes faces bien dressees, mais gardant leur 
dépoli. L'arragonite étant négative , la réfraction extraordinaire 
est la plus faible ; elle diffère beaucoup de la réfraction ordi- 
naire el très-peu de celle de la térébenthine qui réunit les deux 
prismes. Ce mastic rétablit donc en quelque sorte, pour le rayon 
extraordinaire, la continuité du cristal. C’est comme si les faces 
étaient polies et confondues; le rayon extraordinaire passera 
donc tout entier ; mais ces mêmes faces restent dépolies pour le 
rayon ordinaire dont la réfraction est très-différente de celle de 
la térébenthine; il sera donc dispersé par les inégalités des 
surfaces dépolies. Par conséquent on n'aura qu'une seule image 
distincte , point de couleurs étrangères , beaucoup de lumière et 
un champ vaste. C'est à M, Bnewsren que l’on doit cet instru- 
ment d'analyse. 

Lorsqu'une image peut sans inconvéniens être observée d’un 
peu loin, ce qui arrive quand elle est d’une couleur uniforme, 
par exemple, le double prisme d’arragonite l'emporte sur les 
meilleures tourmalines, et même sur l’analÿseur quant à la 
vivacité des couleurs, C'est ce que va prouver l'expérience 
suivante. 

Entre les épingles du liége troué mobile autour d'une forte 
aiguille horisontale, déposez une plaque de quartz perpendicu- 


( 300 }) 

laire à l'axe et épaisse de cinq millimètres. Par-dessus mettez 
une tourmaline et faites tourner l’ensemble jusqu'à ce que le 
milieu de la tache centrale soit couvert par le petit fragment de 
glace lui-même au centre de la tache noire, que la tourmaline 
seule montrerait. Le rayon polarisé ayant ainsi la direction de 
l’axe/du quartz, ôtez la tourimaline et observez le cristal avec 
un prisme de spath d'Islande achromatisé ; observez d'assez loin 
et dans unc direction convenable pour que l’image ordinaire et 
l'image extraordinaire soient presqu'entièrement séparées, et 
que le miroir soit vu à leur centre. Dans les portions superpo- 
sées des deux images la couleur est blanche parce que les couleurs 
séparées ct uniformes sont complémentaires l'une de l’autre. 
Faites alors tourner le prisme très lentement jusqu'à 180°, 
vous verrez les plus belles, les plus brillantes couleurs se suc- 
céder dans un ordre déterminé pour chaque image. Maintenant 
remplacez le prisme par l'analyseur; vous ne verrez plus que 
l'image extraordinaire et ses couleurs successives, qui seront 
encore très-pures, mais un peu moins vives à cause d’un peu 
de lumière perdue. Vues à travers une tourmaline, elles devien- 
nent sombres et s'altèrent pour la plupart ; mais elles reprennent 
leur premier éclat , leur première pureté si vous les observez de 
loin à travers le double prisme d'arragonite. 


Bandes parallèles. 


Les faces d'une plaque de quartz épaisse de deux millimètres 
sont perpendiculaires à un plan passant par l'axe du cristal et 
inclinées de Go degrés sur cet axe. Je divise cette plaque en 
deux autres que je superpose en tenant parallèles les lignes de 
séparation. En cet état , les axes des deux plaques sont confon- 
dus. Je fais faire à l’une des deux un mouvement de 180 degrés 
dans son plan ; alors les axes ne sont plus confondus; ils font 
entre eux un angle de 6o degrés ct je dirai qu'ils sont ren- 


( 381 ) 
versés. L'ensemble des deux cristaux ainsi combinés a quelque 
analogie avec un cristal à deux axes faisant entre eux un angle 
de 60 degrés, ou moins inexactement, avec un cristal hémitrope. 
Quand le plan de ces deux axes est maintenu dans celui de 
polarisation et qu'on incline un peu l’ensemble, on voit suc- 
cessivement les deux systèmes d’anneaux que montreraient sépa- 
rément les deux plaques. Au contraire , en inclinant l’ensemble 
sur le plan de polarisation, on voit de chaque côté un système 
de bandes parallèles colorées dont le milieu est occupé par 
une ligne noire entre deux blanches. Par un mouvement de 
90 degrés on amène les bandes noires centrales dans le plan 
de polarisation, et dans cette dernière position il faut incliner 
le système jusqu'à le rendre horziontal ou vertical pour voir les 
parties des bandes où les couleurs sont plus vives. Inclinez 
alors les deux quartz l’un sur l’autre, autour d’une perpendicu- 
laire aux rayons réfléchis par la glace, et dans le sens propre 
à diminuer l'angle que font entre-eux les deux axes. Les centres 
des deux systèmes d’anneaux se rapprocheront: les parties des 
bandes plus vivement colorées se rapprocheront de la ligne des 
centres, en un anot vous aurez un ensemble équivalent à celui 
de deux quartz superposés face contre face, mais dont l'incli- 
naison sur l’axe serait moindre que Go degrés. Au contraire si 
l’on inclinait les deux quartz autour d’une ligne placée de l’au- 
tre côté du plan de polarisation, on aurait un ensemble équi- 
valent à celui de deux quartz superposés face contre face, mais 
dont l’inclinaison sur l’axe serait plus grande que 6o degrés; 
les centres des deux systèmes d’anneaux s’éloigneraient, et les 
parties vives des bandes s’éloigneraient de la ligne des centres. 
Tout cela se vérifie en effet avec des couples de quartz taillés 
sous des angles divers. Si donc l’on combinait de cette manière 
un couple de quartz dont les faces seraient parallèles aux axes, 
les centres des deux systèmes d’anneaux seraient infiniment 
éloignés, ainsi que les parties brillantes des bandes parallèles ; 


( 382 ) 
c’est-à-dire qu'on n'observerait pas de couleurs ; résultat con- 
forme à l'expérience faite à la lumière composée. 

Mais au lieu d'un couple de quartz obliques ou parallèles, 
prenons un couple de quartz perpendiculaires et d’une épais- 
seur de 3 à 4 millimètres. Par la superposition de ces plaques, 
les axes sont confondus. Pour les séparer et faire rentrer ce cas 
dans l’un des précédens , il suffit d'incliner les plaques l’une sur 
l’autre autour d’une ligne parallèle au plan de polarisation et 
perpendiculaire à la direction des rayons réfléchis. Supposons 
l’angle de 45 degrés, celui des deux axes sera de 105 degrés 
dans l’angle aigu des plaques; mais de 45 degrés seulement 
dans l’angle obtus. On a ainsi des bandes parallèles très-nettes 
et très-vives. L’angle des plaques devenant de plus en plus 
grand , les centres des anneaux s’éloignent de plus en plus, ainsi 
que les parties vives des bandes, qui, à la fin, disparaissent 
tout-à-fait. 

Les bandes se serrent de plus en plus quand les plaques per- 
pendiculaires deviennent plus épaisses et leur angle peut alors 
diminuer. Avec des quartz de 8 millimètres d'épaisseur, par 
exemple , on voit s’opérer la formation des bandes à mesure 
que l’angle augmente , depuis zéro jusqu’à 30 degrés ‘environ. 

Quand on combine ainsi deux quartz perpendiculaires ayant 
des épaisseurs différentes, par exemple de 4 et 30 millimètres , 
les bandes parallèles se transforment en anneaux doubles qui 
enveloppent les anneaux simples du quartz le plus épais et aux- 
quels ils sont excentriques. La bande noire passe par le point où 
la ligne des centres des deux systèmes d'anneaux simples paraît 
divisée en deux parties inversement proportionnelles aux dia- 
mètres des anneaux du même ordre. Deux spaths d'Islande per- 
pendiculaires présentent le même résultat, On observera avec 
intérêt les effets des combinaisons faites avec des cristaux de 
signes différens et d'épaisseurs variées. 

En combinant de même un quartz oblique avec un quartz 


( 385 ) 
perpendiculaire on saura les incliner l’un sur l'autre de manière 
à faire naître à volonté des anneaux doubles ou des bandes 
parallèles. 

On peut obtenir aussi, et dans certains cas, des bandes pa- 
rallèles avec des cristaux à deux axes. J'en citerai un exemple. 
Une topaze jaune a ses faces perpendiculaires au plan des axes, 
mais inclinées sur l'axe principal, de manière qu'on ne peut voir 
qu'environ la moitié de l’un des deux systèmes d’ovales. On l'a 
sciée en deux parties, épaisses chacune de un millimètre et 
démi. Renversant les axes et opérant avec ces plaques comme 
avec deux quartz obliques , on a les mêmes phénomènes. 

Au lieu de renverser les axes, soit de ces topazes, soit des 
quartz obliques , si l'on se borne à les croiser, selon l'expression 
reçue , on a des bandes hyperboliques ; mais les parties vivement 
colorées s’observent alors sous l'incidence perpendiculaire. C’est 
l'appareil de M. Savanr. 

Reprenons un couple de quartz obliques à axes reversés 
et mettons les sections principales à 45 degrés du plan de pola- 
risation. La branche noire disparaît et fait place aux prolonge- 
mens des bandes parallèles vues dans un azimut de 45 degrés. 
Ces bandes sont fort ternes, et, sous l'incidence perpendicu- 
laire, elles sont invisibles au milieu de l’image (*}. Entre les 
plaques on place soit des quartz ou des spaths d'Islande per- 
pendiculaires , soit des cristaux dont le plan des deux axes se 
confond avec le plan de polarisation; soit enfin des cristaux à 


oo, 


(*) Pour découvrir la cause de l'absence des couleurs au milieu de l'image 
et de leur faiblesse dans les franges visibles, on examinera les couples à la 
lampe entre deux tourmalines croisées et en mettant les sections principales 
des quartz dans les azimuts de 45 degrés. Il serait trop long de décrire ici 
l'image curieusement compliquée qu'on observe ainsi, et encore plus de décrire 
celles qui lui succèdent quand on fait tourner lentement la tourmaline objective 
ou l’oculaire. 


(384) 
un ou deux axes parallèles aux faces. En variant les épaisseurs 
et les inclinaisons des axes des quartz, ainsi que les épaisseurs 
des cristaux interposés, on obtient des images compliquées très- 
intéressantes à observer , mais dont la description serait super— 
flue. Pour beaucoup de ces combinaisons, les bandes parallèles 
invisibles au milieu de l'image et ternes dans le reste, devien- 
nent brillantes au milieu, et elles sont accompagnées de divers 
systèmes d’anneaux doubles. Je rapporterai seulement, et avec 
brièveté, un petit nombre d'observations faites avec un couple 
de quartz obliques, épais de 5 millimètres et inclinés de 40° 
sur l'axe. 

1.° Quartz perpendiculaire épais de 30 millimètres. — Belles 
bandes parallèles, et de chaque côté un système d’anneaux dou- 
bles. — Bandes hyperboliques, plus vives duns le plan de pola- 
risation et accompagnées de deux magnifiques systèmes d’an- 
neaux, quand les axes des deux quartz sont croisés et non 
renversés. 

2.° Quartz perpendiculaire moins épais. — Bandes parallèles 
visibles. On voit des arcs d'anneaux doubles d'un grand dia- 
mètre. Quand le quartz perpendiculaire n’a plus qu'un milli- 
mètre d'épaisseur, on ne voit des fragmens d'arcs doubles qu’en 
inclinant fortement le système des trois cristaux combinés. 

3.° Quartz parallèle épais. — Bandes parallèles brillantes , 
deux systèmes d’anneaux doubles à #rès-grands diamètres. 


4° Baryte sulfatée, 4,6 
“ie NES - (—Belles bandes 
Béril ,. parallèles épais de4 3,5 RTE 
L parallèles. 
Girasol , 5,1 


5.° Béril parallèle, épais de 1,15. — Belles bandes parallèles 
et arcs doubles d'un si grand diamètre qu’on croit voir trois 
systèmes séparés de bandes parallèles. 

6.° Topaze incolore parallèle au plan des axes et épaisse de 
un millimètre. — Méme résultat que le précédent. 

7. Topaze incolore perpendiculaire à l'axe principal et 


( 385 ) 
épaisse de 4 millimètres. — Même résultat qu'avec le quartz 
épais et parallèle, ou un mica épais. 

8.° Spath d'Islande parallèle à son axe et épais de 2,75. — 
Belles bandes parallèles seules. 

9° Spath d'Islande perpendiculaire, épais de 2,82. — Il 
faut incliner l’ensemble des trois cristaux pour voir les bandes 
parallèles. Sans l’incliner, on voit deux systèmes d’anneaux 
doubles dont la ligne blanche des centres est perpendiculaire à 
la direction des bandes. Au milieu du spectre on voit une croix 
blanche et des cercles blancs. .... 

Une topaze perpendiculaire à son axe principal est épaisse de 
5,25. Je la combine avec un quartz perpendiculaire à son axe 
_et épais de 30 millimètres. Le plan des axes de la topaze trans- 
porte loin du centre les arcs qu'il traverse. Le diamètre des arcs 
transportés augmente à mesure que le quartz diminue d’épais- 
seur. Avec un quartz de 5 millimètres la courbure des arcs est 
renversée, Il y a donc une épaisseur à donner au quartz telle 
que les arcs transportés, se trouvant sur le passage de la cour- 
bure concave à la courbure convexe, prendront une direction 
rectiligne ; au moins y a-t-il une semblable limite pour un arc 
donné du système. J'obtiens d’une manière satisfaisante des 
bandes parallèles avec un quartz épais de 11 millimètres. D’au- 
tres combinaisons conduisent au même résultat. 

On peut encore obtenir des bandes parallèles par la méthode 
suivante, qui m'a éte indiquée par M. Baswer. Dans l’azimut de 
45 degrés mettez l'axe d'une plaque prismatique de quartz; 
vous verrez vers l'arète , ou sommet de l’angle dièdre réfringent, 
d’autant plus de bandes parallèles que cette arète sera plus 
mince ou l’angle plus petit. Elles sont très-nombreuses à la 
lampe monochromatique et sans tourmalines. Groisez l’axe de 
celte plaque prismatique avec l'axe unique ou principal d'un 
cristal quelconque ayant ses axes dans le plan des faces; si 
ce cristal est d’une épaisseur convenable, vous verrez de magni- 


25 


( 386 ) 
fiques bandes colorées parallèles. Il convient ici de tenir le 
prisme éloigné de l'œil. 

Ces bandes s’observent également bien, et peut-être mieux, 
avec une plaque prismatique dont l’axe est parallèle à la plus 
mince arète. C'est ainsi que M. Basier obtient des bandes paral- 
lèles, que dans certaines expériences il substitue à celles que 
donne l'appareil de M. Savarr. 

Enfin, j'obtiens les plus belles bandes parallèles en croisant 
les axes de deux plaques prismatiques de même angle. Le mince 
bord de l’une est parallèle à l'axe, il est perpendiculaire pour 
l'autre plaque, et je pose le bord épais de l’une sur le bord 
mince de l’autre. 


(387 ) 


GÉOLOGIE. 


DISCOURS 
SUR LES PROGRÈS DE LA GÉOLOGIE, 


Prononcé par M. Mancer. DE SERRES, Ze 12 avril 1832, à 
l'ouverture du Cours de Mineralogie et de Géologie de la 
Faculté des Sciences de Montpellier. 


Messieurs, 


Dans le discours qui a précédé l'ouverture du cours de l'année 
dernière, j'ai appelé votre attention sur la direction récemment 
imprimée aux sciences, direction toute nouvelle qui leur a fait 
prendre un grand et si rapide essor. Un aussi beau sujet ne peut 
plus être la matière du discours de cette année. Un noble devoir 
m'en empêche, car je dois enfin fixer votre atiention sur l’une 
des sciences auxquelles ce cours est consacré; science dont le 
nom est encore si nouveau que la plupart de ceux qui m'é- 
coutent n'en connaissent peut-être pas encore le but ni l'objet. 

Long-temps, Messieurs, la science qui s'occupe des corps 
inorganiques, ou de ceux privés de cette faculté incompréhen- 
sible nommée la vie, a uniquement étudié ces corps en eux- 
mêmes, et sans que l’on se doutât que leur position relative 
pourrait nous éclairer sur le mode de formation de la terre que 
nous habitons. Cependant dès les premiers siècles de l'his- 
toire , et peut-être avant la naissance de l'histoire elle-même, les 
premiers peuples, en promenant leurs regards sur les astres 


( 3588 ) 

nombreux qui composent l'univers, s'étaicnt fait des idées 
assez justes sur le système du monde. La science de l'univers 
ou l'astronomie, la plus ancienne et la plus avancée de nos 
connaissances positives, a de beaucoup précédé celle qui s'oc- 
cupe d'objets plus à notre portée et plus directement liés à 
nos besoins les plus indispensables. L'histoire des corps qui com- 
posent notre globe semblait cependant devoir attirer de meilleure 
heure et notre intérêt et notre attention. Mais comment les pre- 
miers peuples , qui furent tous des peuples pasteurs, auraient-ils 
pu resler insensibles au spectacle de l'univers. Leur première 
occupation fut donc de chercher à reconnaitre les causes qui en 
entretenaient l'ordre et l'harmonie. Il ne leur fallut que s’élan- 
cer dans l’immensité des cieux pour créer la science de l'univers, 
tandis qu'ils auraicnt dù descendre dans la profondeur de la 
terre, et en pénétrer les entrailles pour se faire une idée des 
lois qui avaient présidé à sa formation , et qui l'avaient peu à peu 
amenée à l’état de stabilité où elle était parvenue. 

Ne soyons donc pas surpris que l'astronomie ait été la pre- 
mière des sciences que les hommes aient connue, et que la géo- 
logie ou la science de l'histoire de la terre soit la plus récente 
de nos connaissances. Mais le charme et l'intérêt que cette étude 
nous inspire sont tels, que si naguère encore son nom était 
inconnu , même à plusieurs savans, de toute parts elle est 
cultivée aujourd'hui avec une ardeur sans exemple. En effet, 
les prosélytes de la géologie s'étendent déjà depuis l'extrémité 
de l'Asie jusqu'à la Nouvelle-Hollande , et depuis les confins de 
l'Europe jusqu'au fond des forêts de l'Amérique. Heureux effets 
de la civilisation, comine des progrès toujours croissans des 
lumières, les connaissances qui agrandissent le domaine de la 
pensée , et dont le but est réellement utile, attirent promptement 
les regards et deviennent bientôt populaires, d'inconnues qu'elles 
étaient auparavant. 

Tel a été le sort de la géologie ou pour mieux dire de la 


( 589 ) 
géognosie, science toute positive que l’on peut considerer 
comme l'histoire de la structure de la terre, dont la géologie 
n'est que le système. 

Cette dernière science, en cherchant à remonter jusqu'aux 
causes qui ont concouru à la formation de notre globe, ne peut 
par cela même se passer de la géognosie qui, étudiant le mode 
de structure et les diverses formations dont l'écorce de la terre 
est composée, lui fournit les faits propres à embrasser l’ensemble 
des phénomènes naturels et à en saisir les rapports.La géologie est 
done une science de raisonnemens et d'applications, tandis que 
la géognosie , dont elle recoit toutes les lumières, est une science 
toute de faits et tout aussi positive que le sont les autres bran- 
ches des sciences naturelles, c'est-à-dire, la minéralogie, la 
botanique, la zoologie et même certaines branches de la physique. 

Aussi peut-on dire avec fondement que les idées scientifiques 
d'un siècle sont concentrées en quelque sorte dans le système 
géologique généralement adopté, En effet, quoique la géologie, 
que l'on confond souvent et à tort avec la géognosie, soit une 
science toute spéculative, puisqu'elle cherche à démèler les 
causes sous l'influence desquelles se sont opérés les changemens 
que la terre a subies depuis l’origine du monde jusqu'aux temps 
présens, elle n'en emprunte pas moins ses principales idées aux 
diverses connaissances humaines. Sous ce rapport, les systèmes 
géologiques coincident presque toujours avec les idées du siècle 
où ils ont été inventés. 

La géognosie , science toute de faits et d'observations, a un 
but bien différent. Elle ne se propose point d'inventer des sys- 
tèmes ni de remonter à l'origine des choses; mais uniquement 
de reconnaître quelle est la structure de l'écorce du globe et 
l'ordre de superposition des divers matériaux qui composent 
cette même écorce. Cet ordre de superposition une fois reconnu, 
elle détermine , d’après la nature et l'espèce des corps organisés 
que les couches terrestres renferment, quel a été le mode de 
formation de ces couches et quel est leur âge relatif. 


( 590 ) 

Pour parvenir à ce but, la géognosie appelle à son aide la 
plupart des sciences physiques et surtout des sciences naturelles. 
Ainsi à l'aide de l'astronomie, elle cherche à déméler les diverses 
causes des changemens que notre planète a éprouvés. La géogra- 
phic lui fournit égatement des idées utiles sur la configuration, 
les limites des divers continens , ainsi que sur celles des îles qui 
s'y rattachent. Cette; science lui donne encore les moyens de 
fixer l'étendue et la position des mers , tant intérieures qu'exté- 
rieures, et cela à différentes époques, comme de tracer d'une 
manière exacte la direction des grandes chaînes et des pics éle- 
vés qui les couronnent et les dominent. Par la minéralogie elle 
détermine la nature des matériaux qui forment la croûte du 
globe, matériaux que la chimie lui fait encore mieux connaître 
à l'aide de ses procédés analytiques. La zoologie, la botanique 
et même l'anatomie lui donnent les moyens de comparer les 
espèces organiques ensevelies dans les entrailles de la terre, à 
celles qui ont survécu à toates les révolutions du globe, et dont 
les races se sont perpéluées jusqu'à nous. 

La géognosie se trouve donc liée aux autres branches des 
sciences physiques , et par cela même l'on peut, par ses progrès, 
juger d'une manière assez certaine du point auquel ces sciences 
sont arrivées à une époque quelconque, puisque la ‘géognosie 
s’appuie sur les faits qui lui sont fournis par nos autres connais- 
sances. Aussi ne pourrait-on pas présenter aujourd'hui et encorc 
moins faire adopter un système géologique qui ne concorderait 
pas avec les faits découverts par les autres sciences physiques ou 
naturelles , ou qui ne se trouverait pas d'accord avec l’ensemble 
de nos autres connaissances. 

Mais pour vous donner, Messieurs, une juste idée de l'état 
actuel de la géognosie et des applications de cette science à des 
objets positifs, il est essentiel de vous exposer, tout au moins 
d'une manière sommaire, les principales conséquences auxquelles 
cette branche de nos connaissances nous a conduit. 


(3gr ) 

La terre, comme la plupart des corps planétaires, paraît être 
un globe en partie refroidi, qui a perdu, du moins vers sa sur- 
face , la plus grande partie de la chaleur qu'il possédait dans le 
principe de sa formation. Comme le centre de la terre possède 
encore une température très-élevée, reste de la température 
primitive du globe, les climats terrestres sont, jusqu'à un cer- 
{ain point, modifiés par cette chaleur intérieure, mais ces mo- 
difications , quoique réelles , sont à peu près insensibles et nulles 
à la surface, le calorique se propageant très-dificilement à 
travers les couches solides. La terre ne reçoit donc plus vers 
sa surface d'autre chaleur que celle qui lui est envoyée par le 
soleil et celle qui lui est fournie par l'irradiation des astres 
nombreux dont l'univers est composé. 

La géognosie ayant reconnu que la terre, globe à demi vitrifié, 
avait eu une température très-élevée, s'est également assurée 
par des faits multipliés et bien constatés que celle température 
avait été assez grande pour liquéfier les matériaux aujourd’hui 
solides qui composent la croûte du globe. Les matières les plus 
fixes et celles qui résistent le plus à la chaleur , l'or, le platine 
et le fer, ont donc été jadis liquides comme les couches plus 
fusibles dans le centre desquelles ces métaux se trouvent logés. IL 
paraît même que, par suite de cette liquidité ignée que les maté- 
riaux terrestres ont éprouvée, leur arrangement a suivi en grande 
partie l'ordre de leur densité comme celui de leur fixité, 

Ainsi dans l'état primitif et liquide du globe terrestre, les 
matières les plus pesantes se sont rapprochées du centre et cette 
condition a singulièrement déterminé la stabilité des mers. Nous 
en avons une preuve évidente dans la nature des matériaux ar- 
rachés par les volcans aux profondeurs de la terre, matériaux 
qui sont tous plus fixes et plus pesans que ceux qui composent 
la croûte la plus superficielle de notre planète. En outre Ie 
globe terrestre ayant une densité moyenne que l'on évalue au 
moins au ‘louble de la densité des couches de sa surface , néces- 


( 392 ) 

sairement les matériaux du centre sont plus pesans que ceux de 
la croûte extérieure. Ce fait de la liquidité ignée et primitive 
des couches solides se vérifie aussi bien par les grands phéno- 
mènes que nous présente le globe terrestre que par les faits de 
détails ; et ici l’on n’est en quelque sorte embarrassé que sur le 
choix des faits qui démontrent l'énorme chaleur qu'ont éprouvée 
les matériaux aujourd'hui solides qui composent l'écorce de notre 
planète. La croûte de la terre ayant été dans le principe de sa 
formation complètement liquéfiée, les matériaux qui la compo- 
sent ont dà se solidifier d’abord vers sa surface, en sorte que les 
matériaux aujourd’hui solides sont d’autant plus anciens qu’ils 
en sont plus rapprochés. Les couches les plus superficielles des 
terrains liquéfiés sont par conséquent les plus anciennes, comme 
les plus profondes doivent être les plus récentes, puisque leur 
solidification a marché de l'extérieur à l'intérieur. Cette solidi- 
fication est loin d'être parvenue à son dernier terme: elle con- 
tinue au contraire sans cesse, mais avec une lenteur d’autant 
plus grande que l’excès de la chaleur propre de la terre se 
transmet difficilement à travers les masses déjà solidifiées, et 
dont l'épaisseur, quoique bien faible relativement au diamètre 
terrestre, est cependant considérable relativement à chaque 
point de ces couches considéré isolément. 

La terre possède donc une chaleur propre et intérieure; et 
cette supposilion d’un feu central admise par les hautes prévi- 
sions du génie n’est point une de ces hypothèses gratuites, plutôt 
le fruit d’une imagination brillante que l'expression de la vérité. 

Gloire soit rendue à l'immortel auteur des époques de la na- 
ture qui a vu si juste et de si haut. Buffon a deviné l’un des 
secrets les plus importans de la création , comme Newton la 
grande loi qui préside à l’ordre et à l’harmonie de l'univers. 

La vérité lui a apparu comme en songe, et ce que ce beau 
génie a avancé sans preuves a été, par la force des choses, 
reconnu comme un fait certain , démontré par les expériences 


( 395 ) 

les plus nombreuses et les plus variées. Partout et dans quel- 
que lieu que ce soit, pourvu que l'on s'enfonce dans les en- 
trailles de la terre, la température intérieure, au lieu de diminuer, 
va croissant, .et à tel point que la loi de cet accroissement n’est 
pas moindre de 40 mètres ; en sorte qu’à la faible profondeur de 
2,500 mètres, c'est-à-dire à environ une demi-lieue de la sur- 
face, les couches intérieures ont déjà la température de l'eau 
bouillante. 

Par suite de cette excessive chaleur qui maintient liquides les 
matières centrales, la croûte extérieure de la terre est si peu 
épaisse que sa solidification ne s'étend probablement pas au-delà 
de 25 ou 30 lieues à partir de sa surface. 

Cette faible épaisseur de la croûte du globe, qui se lie à la 
haute température de l'intérieur de la terre, nous permet de 
concevoir facilement et même d'expliquer les grands effets qui 
se produisent encore à la surface de notre planète, et qui sont 
pour nous de continuels sujets d’étonnement. Les volcans, dont 
les phénomènes ont quelque chose de merveilleux et de si ter- 
rible, ne sont en dernier résultat aux yeux du naturaliste qui les 
juge et les comprend que de purs effets thermométriques. La 
conslance de la chaleur des eaux thermales n’est également 
pour lui qu'une preuve nouvelle de la lenteur avec laquelle 
s'opère le refroidissement du globe. I1 n’est pas jusqu'aux trem- 
blemens de terre, sortes de convulsions intérieures aussi ef- 
frayantes par leurs désastres qu’étonnantes par la rapidité de 
leur marche, qui n'annoncent la haute température de notre 
planète et qui ne nous apprennent à quel point les couches qui 
la composent sont flexibles et inégales dans leurs divers degrés 
d'épaisseur. 

Par suite de cette chaleur que possèdent ou que reçoivent les 
différentes couches dont la terre est composée, tout est sur le 
globe dans un mouvement continuel. En considérant cette agi- 
talion permanente de la matière et particulièrement celle qui 


(394 ) 
existe entre les divers matériaux dont notre globe est formé, 
plusieurs philosophes modernes ont tenté de comparer la terre 
à un être animé, à un corps vivant; mais ces comparaisons ne 
peuvent plus aujourd’hui nous paraitre fondées, car à la hauteur 
à laquelle les sciences sont parvenues , il ne peut plus être ques- 
tion pour elles et de chimères et d'illusions. 

Si l'atmosphère est continuellement agitée de mouvemens 
divers dont plusieurs ont une certaine constance à raison du 
cours que suit notre terre , une grande cause les produit et les 
maintient. Si les mers, cette autre partie fluide du globe, ne 
sont pas plus en repos, et si comme l'atmosphère elles ont aussi 
leurs marées, elles le doivent en partie à l’inégale chaleur dont 
leurs couches ressentent les effets. Mais ces marées agitent éga- 
lement la masse centrale , qui, comme la plus grande partie des 
couches extérieures , est maintenue à l’état liquide par l’excessive 
chaleur qu'elle éprouve. Ces marées intérieures, ou cette agitation 
dans laquelle se trouve la masse liquide dans le centre de la terre, 
sont du reste rendues sensibles par les irrégularités des effets 
magnétiques , ainsi que par l'intermittence des phénomènes qui 
accompagnent ou qui produisent les éruptions volcaniques. 

Tels sont, Messieurs, les principaux phénomènes qui n'ont 
jamais cessé de se produire sur notre globe et qui semblent un 
résultat nécessaire de son mode de formation, ainsi que de la 
chaleur qu'il possède encore, chaleur qui est une faible partie 
de celle qu'il a eue dans le principe de sa formation; car, quelle 
température élevée devait avoir notre globe, puisque la moins 
grande partie des masses solides qui composent nos montagnes, 
et les chaines les plus étendues comme les plus élevées, a été 
liquéfiée par elle! Il existe bien d’autres matériaux, et ce sont 
les plus superficiels et les moins épais, qui ont été produits d’une 
tout autre manière. Ceux-ci tenus non en dissolution dans le 
calorique , mais bien en suspension dans un liquide aqueux, se 
composent de dépôts successifs séparés par des tranches ou des 


( 395 ) 

couches qui indiquent que leur précipitation , bien différente de 
celle des terrains non stratifiés et liquéfiés, n’a pas eu lieu d’une 
manière instantanée. Ces derniers , jamais cristallisés, à texture 
terreuse plas ou moins compacte, sont faciles à distinguer des 
premiers, non seulement par leur structure, mais encore par 
leur'position. Constamment superficiels, on les voit toujours 
recouvrir les terrains liquéfés , et en être d'autant plus rappro- 
chés qu'ils sont plus anciens. Ainsi, contrairement aux fer- 
rains en masse, ces (errains slralifiés sont d’une ancienneté 
d'autant plus grande qu’ils se montrent plus profondément 
ensevelis. Leur position fixe en effet assez bien leur âge, ou, ce 
qui revient au même, permet de déterminer l’époque relative à 
laquelle ils ont été déposés. 

Ces terrains, tenus en suspension dans un liquide et qui com- 
posent la pellicule la plus superficielle et la plus incomplète de 
l'écorce du globe, n'ont du reste commencé à se produire qu'à 
l’époque où la terre a pu recevoir quelques habitans. D'abord 
en petit nombre et d'une organisation peu compliquée, les 
premiers êtres ont élé fort peu répandus ; ils n’ont même com- 
mencé à se multiplier d'une manière sensible que lorsque, la 
température du globe considérablement abaissée, ils ont pu 
remplir leurs conditions d'existence. L'apparition des êtres 
vivans coïncide donc avec la formation ou la précipitation des 
matériaux de sédiment, et de là le nom de terrains zootiques 
qui leur a été donné, afin de les distinguer de ceux liquéfiés et 
privés de débris de la vie qui avaient été désignés sous la déno- 
imination de terrains azootiques. 

Les terrains de sédiment présentent ainsi un intérêt nouveau, 
puisqu'ils nous apprennent de quelle manière la terre a été suc- 
cessivement habitée, et quelle est l’époque où les êtres vivans 
ont pu s’y établir. C’est ici qu'à l’aide d'observations aussi rigou- 
reuses que mullipliées, la géognosie a pu parvenir à reconnaître 
quelques faits généraux qui nous annoncent qu’à toutes les 


( 396 ) 
époques et dans tous les lieux, la nature a agi par des lois aussi 
simples qu’universelles. 

Elle s'est d'abord assurée, par l'examen des fossiles ou des 
êtres dont les couches de la terre nous ont conservé les restes, 
que la corrélation des formes avait été dans tous les temps Ja 
condition la plus nécessaire et la plus indispensable à la durée 
et à l'existence des corps vivans. 

En effet, chacun des êtres qui existe a une condition à rem- 
plir, et pour ÿ satisfaire, il est de toute nécessité que son orga- 
nisalion soit conforme au but pour lequel il a été créé. Gette 
corrélation des formes, liée au but que l'être vivant doit rem- 
plir, a fait également reconnaître des plans principaux dans la 
structure des êtres organisés, ou un certain nombre de types 
ou de formes génératrices dans l’organisation. Ce principe une 
fois trouvé, principe dont on n'aurait peut être pas pu, sans les 
fossiles , constater la réalité, les applications ont été aussi fé- 
condes qu'étonnantes. À l'aide de quelques parties isolées d’un 
être tout-à-fait inconnu dans la nature vivante, cet être a été 
reproduit comme s'il s'était offert à nos regards; et cette imita- 
tion, due au génie de l’homme , s’est trouvée conforme au mo- 
dèle, lorsque par an bonheur dont la science s’est énorgueillie, 
l’animal que l’on avait reconstruit s'est reproduit tel que 
l’homme se l'était représenté. De même le dessinateur habile 
que l’amour des arts amène dans ces régions où ont été élevés 
les plus grands et les plus beaux monumens des arts, nous les 
reproduit, non tels que le temps nous les a transmis , mais tels 
qu'ils étaient dans leur première splendeur; et par cet heureux 
stratagème nous jugecons à-la-fois des effets du temps et de 
l’'tonnante perfection à laquelle les anciens avaient porté les 
arts d'imagination. Ainsi sans la géognosie et ses heureuses appli- 
cations, nous n'aurions jamais su que les êtres vivans n'avaient 
pas été produits d’un seul jet, et que leur création avait eu 
lieu d'une manière successive et dans un ordre progressif ,rela- 


( 397 ) 
tivement à la complication de leur organisation. Elle seule à 
proclamé cette grande loi de la nature, que les êtres les plus 
simples ont été créés les premiers et les plus compliqués les der- 
niers, et que la vie a marché sur la terre du simple au composé. 

Le principe de la coordination des formes ou de la nécessité 
de leurs relations a donc été un principe fécond , et il doit être 
vrai puisqu'il nous a fait pressentir tant de faits nouveaux. Re- 
marquez en effet, Messieurs, que les théories vraies font seules 
découvrir des faits nouveaux; seules elles permettent de conce- 
voir et de saisir les rapports de ceux qui ont déjà été reconnus 
et observés. C’est même là un moyen certain de reconnaître si 
les théories sont fondées, et si elles sont expression générale 
des faits, car les théories fausses n’ont jamais permis de rien 
deviner à priort. 

Newton n'eût certainement pas admis que l’eau renfermait un 
principe éminemment combustible et que le diamant était le 
corps le plus inflammable de la nature, s’il ne s'était assuré 
par avance qu'il existait un rapport évident entre la puissance 
réfractive des corps et leur combustibilité. Haüy n'aurait pas 
également pressenti qu'il existait un principe particulier dans 
l'émeraude, la célestine et Le schorl rouge, s’il n’avait antérieure- 
ment reconnu qu'il y avait un rapport constant entre la nature 
chimique des corps et leur forme cristalline. 

La science, en proclamant la nécessité des relations des formes 
et la possibilité de reconstruire certains êtres vivans à l'aide de 
quelques-unes de leurs parties, a saisi toutes les conséquences de 
ce grand principe. Ainsi elle a démontré que les êtres vivans 
n'avoient pas été conformés de la même manière à tous les âges 
du globe. Les plus étranges, les plus disparates comme les plus 
gigantesques, lui ont paru constamment restreints aux plus 
anciennes couches de sédiment , tandis que les espèces dont la 
structure et l'organisation commencent à se rapprocher de celles 
de nos races actuelles, sont bornées aux couches les plus récentes 


( 398 ) 

des terrains sédimentaires , tout comme celles qui ne diffèrent 
pas de nos espèces vivantes aux dépôts les plus épars et les plus 
superficiels ; poursuivant ce même genre de recherches, elle a 
enfin reconnu que parmi les êtres dont les entrailles de la terre 
nous ont conservé les traces , ceux qui différaient le plus de nos 
races vivantes exigeaient, d'après leur organisation, une tem-— 
pérature très-élevée et que presque tous avaient dû vivre dans 
de grandes masses d’eau et par conséquent dans le sein des 
mers, ou dans des îles brûlantes de peu d’étendue. 

En effet, porlons-nous nos regards sur les premiers végé- 
taux qui ont vécu sur le globe, nous trouvons qu'ils se rappor- 
tent tous à des espèces non-seulement de l’organisation la plus 
simple, inais encore à des plantes qui vivaient dans le bassin 
des mers. Les couches les plus anciennes ne nous montrent que 
des conferves, des fucus ou des algues dont la structure est en 
tout semblable à des genres qui ne vivent aujourd’hui que dans 
des eaux salées. D'autres végétaux leur succèdent, et ceux-ci se 
rapportent presque uniquement à des mnonocotylédons, c’est- 
à-dire à des fougères , des prêles et des roseaux, dont les ana- 
logues habitent constamment des îles ou des continens entourés 
de grandes masses d’eau et jouissant de la température Ja plus 
élevée. Ce n’est enfin que dans les couches les plus superficielles 
et les plus récentes, que l'on découvre des dicotylédons dont 
l’organisation est beaucoup plus compliquée, se rapportant 
d'abord à des espèces totalement différentes des nôtres , et puis 
à d'autres végétaux qui semblent peu éloignés de ceux qui font 
partie de notre végétation actuelle. 

De même les animaux terrestres étaient fort rares à l’époque 
de la précipitation des premiers terrains de sédiment; en ellet, 
ces terrains en offrent à peine quelques traces. Les animaux 
aquatiques composent à peu près à eux seuls la population de 
celte époque ; en sorte que d’après leurs espèces, comme d'après 
celles des végétaux qui leur sont mêlés , on est forcé d'admettre 


( 399 ) 
qu'à l'époque où les uns et les autres ont vécu, les continens 
devaient avoir peu d'étendue, et être pour ainsi dire comme 
noyés au milieu du grand Océan. 

Les mers occupaient donc pour lors un plus grand espace 
qu'actuellement ; et comment en douter lorsqu'on voit les di- 
verses couches des terrains de sédiment les plus anciens, ou 
celles des terrains secondaires, remplies de débris de corps 
organisés marins, souvent même des plus grandes dimensions. 
Quelle surprise n’éprouverions-nous pas, Messieurs, si dans 
quelques mers éloignées nous apercevions ces premiers habi- 
tans de l'antique Océan ; si tout-à-coup nous voyions apparaître 
ces monstrueux plesiosaures, ces étranges ichtyosaures, ces 
lézards grands comme des baleines dont les couches de la terre 
nous ont conservé les restes et nous ont perinis de connaître 
la singulière généalogie. 

Mais vain espoir, tous dorment à jamais sous le poids des 
matériaux qui les ont engloutis, et avec eux tout a changé sur 
la scène du monde. Oui, tout y a changé depuis que nos conti- 
nens ont pris leur forme actuelle, que la température du globe 
s'est abaissée, et que l'Océan, en se restreignant dans des limites 
plus étroites, a abandonné dans l'intérieur des terres ces bras de 
mer inconnus aux premières époques des dépôts de sédimens, et 
qui, séparées du grand Océan, ont permis aux animaux terrestres 
de s'établir sur les terres qu’elles avaient laissées à découvert. 

Tous ces effets, quelque singuliers et quelque extraordinaires 
qu'ils nous paraissent , ne sont cependant qu'une suite naturelle 
de la destinée de notre terre. Comme les autres globes plané- 
taires , la terre devait passer successivement de l’état aériforme 
à l'état liquide et de celui-ci à l’état solide, du moins en partie. 
Dés-lors dans le principe, les mers ont dû occuper une plus 
grande étendue qu'actuellement. Notre globe, habité primitive- 
ment et presque uniquement par des animaux aquatiques, n’a 
reçu des espèces terrestres qu’à mesure que les continens se sont 


(400 ) 
élevés hors du sein des eaux, que des terres sèches ont été 
mises à découvert et qu'enfin l'Océan a été séparé des mers 
intérieures. Cette séparation, dont il n'est pas facile d'assigner la 
cause, semble cependant avoir eu lieu par l’exhaussement du 
sol secondaire qui a fait refluer les eaux de l'Océan vers les 
points les plus bas. La séparation des mers se rattache done à 
une époque géologique aussi remarquable que bien caractérisée. 
En effet, depuis lors, des dépôts particuliers, tout-à-fait différens 
de ceux qui avaient déjà eu lieu, ont été produits; de nom- 
breux mammifères terrestres ont apparu ; de nouvelles espèces 
de plus en plus semblables à nos races actuelles venues sur la 
scène du monde ont succédé aux premières générations, qui 
ont été en grande partie détruites. Depuis lors aussi les terrains 
de sédiment se sont formés , non comme auparavant dans le sein 
d'une seule mer, mais partie dans le bassin de l'Océan et partie 
dans celui des mers intérieures nouvellement produites. Par 
suite de cette diversité de formation, l'on ne voit plus que dans 
ces dépôts l’uniformité et la généralité que l'on observe dans les 
terrains secondaires. Bornés à des espaces circonscrits et dissé- 
minés d’une manière partielle, ces terrains qui ont succédé aux 
secondaires, et qui par rapport à ce ont été nommés tertiaires, 
abondent encore plus que ceux-ci en débris de la vie. Le nom- 
bre de ces débris y est même si considérable qu'il faut néces- 
sairement que les terres sèches aient pris alors une grande 
étendue, puisque tant d'êtres divers les habitaient et y avaient 
fixé leur séjour. Les mers n’étaient pourtant point encore ren- 
trées à cette époque dans leurs bassins respectifs, l’exhausse- 
ment du sol tertiaire n’ayant pas encore eu lieu; c'est en effet 
par suite du soulèvement des terrains tertiaires que les mers, 
soit l'Océan, soit les mers intérieures , ont été occuper les points 
les plus bas du globe et se sont fixées dans les limites que 
nous leurs voyons aujourd'hui. Gette époque , non moins remar- 
quable que celle qui la précède, a terminé pour toujours le 


( 4o1 

dépôt des terrains marins stratifiés et en grande partie celui 
des dépôts fluviatiles ou lacustres. Une fois les mers rentrées 
dans leurs bassins respectifs , les dépôts de sédiment ont diminué 
de plus en plus de puissance et détendue, et la nature inerte, 
devenue comme impuissante, n'a presque plus laissé de ses maté- 
riaux sur la surface du globe, La nature animée, prenant au 
contraire un nouvel essor , s’est de plus en plus étendue, et a 
embelli de toutes parts une terre d’abord aride et par consé- 
quent strile. Ainsi, par unc particularité digne d’être signalée , 
les Œux natures ont constamment marché dans un sens inverse 
et contraire ; l'on dirait que la nature brute et la nature ani- 
née ont élé constamment en opposition comme les deux 
principes qui, d’après quelques philosophes , régissent et dirigent 
le monde. Les dépôts quaternaires, produits après que les mers 
sont rentrées dans leurs bassins respectifs, sont bornés, da reste, 
à des terrains d’alluvion ou déplacés. Une fois opérées, les modi- 
fications que la surface du globe a éprouvées, à l’exception de 
celles relatives aux changemens survenus dans son relief, se sont 
” bornées à des déplacemens de terrains et à quelques effets dus 
aux eaux courantes, dont l’action n’a jamais cessé depuis qu'elle 
a commencé à s'exercer. 

En résumé les terrains de sédiment, précipités pour la plus 
part dans le sein des eaux des mers, appartiennent à plusieurs 
époques distinctes : les principales sont la période secondaire et 
les périodes tertiaires et quaternaires. Un grand nombre de carac- 
tères permet de reconnaître à quelles époques géologiques se 
rattache tel ou tel terrain , ou tel ou tel système de couches. 
Les plus importans dépendent de la position de ces terrains, de 
l'étendue des dépôts qui en font partie, et enfin de la nature 
des corps organisés qu'ils recèlent. 

Les terrains de sédiment formés dans le sein des eaux et 
d’une manière lente et successive, ont dû se précipiter en couches 
horizontales comme les dépôts qui s'opèrent encore dans le fond 

26 


(402) 

des eaux, quelle que soit l'irrégularité du sol sur lequel ils 
s'appuient. Cependant ces terrains se montrent souvent redres- 
sés et inclinés sous des angles divers et à des élévations auxquelles 
les mers ne sont certainement jamais arrivées. Quelle cause a 
donc été assez puissante pour porter du fond des mers des cou- 
ches sédimentaires à deux ou trois mille mètres de hauteur et 
les exhausser ainsi au-dessus de leur niveau primitif? 

La cause d’un pareil soulèvement peut être obscure, mais les 
effets sont trop réels et trop sensibles pour que la géognosie 
reste muette devant de pareils phénomènes. Sans doute l’on ne 
peut qu'être étonné que des masses de matières solides pareilles 
à celles qui composent l'Himalaya, le Chimboraço ou le Mont- 
Blanc aient été complétement redressées, et à tel point que leurs 
sommets ressemblent à d'immenses aiguilles, ou si l'on veut à 
ces flèches aiguës dont nous couronnons nos grands monumens. 
A la vérité le soulèvement des masses qui ont formé les grandes 
chaînes de montagnes ne doit pas être uniquement considéré 
comme ces phénomènes que nous mesurons à l'échelle de nos 
dimensions ordinaires. Merveilleux par rapport à nous, de pareils 
cffets cessent d'être surprenans, si nous les comparons à la masse 
totale du globe, dont en effet ils n'ont déplacé qu’une très- 
faible partie, si faible méme qu'elle est moindre par rapport au 
globe terrestre que le sont relativement à une orange les iné- 
galités qui en couvrent la surface. Et d’ailleurs le fil des opéra- 
tions de la nature n’est nullement interrompu à cet égard; des 
effets analogues, à la vérité moins intenses et moins considé- 
rables , ont encore lieu dans notre époque, remarquable pour- 
tant par sa stabilité. En effet , les volcans brûlans nous donnent 
parfois de pareils exemples de redressemens de couches solides. 
Leurs résultats sont sans doute bien petits à côté de ces grandes 
opérations de la nature ; mais remarquons qu’elles ont eu lieu à 
une époque où les masses exhaussées n'avaient point encore 
acquis toute leur solidité, et où le globe n'était point parvenu 


(403 ) 
à l’état de fixité auquel il est maintenant arrivé, et qui était 
nécessaire à la durée comme à la facile propagation de l'homme 
qui a couronné l’œuvre de la création. : 

Les chaînes de montagnes qui hérissent et sillonnent nos 
continens, dont l'influence paraît entretenir un juste équilibre 
entre l’évaporation et les autres phénomènes météorologiques, 
sont donc les points du globe que la force expansive des vapeurs 
a exhaussés et redressés plus ou moins au-dessus de leur niveau 
primitif. Mais ce soulèvement, qui probablement a eu lieu lorsque 
les masses minérales n'étaient point encore complètement soli- 
difiées, ne s’est point opéré d’une manière instantanée. Comme 
les autres phénomènes de la nature, ce soulèvement a eu lieu 
successivement et à différens intervalles. Ces intervalles sont du 
moins indiqués par un certain nombre de chronomètres qui ne 
peuvent nous tromper, et dont la précision deviendra de plus 
en plus certaine , à mesure que nous en connaîtrons mieux la 
valeur et l'importance. Mais ce qui n’est pas moins remarquable, 
c’est que chaque évènement de ce genre ou chaque soulèvement 
n'a pas changé l'ordre de la nature; car après un instant de 
trouble que de pareils effets peuvent avoir produit, les choses 
paraissent avoir repris leur ordre habituel et accoutumé. 

Pour mieux vous en assurer et vous en former une idée pré- 
cise, veuillez, Messieurs , faire un pas en arrière et vous rappeler 
ce que nous vous avons dit au sujet des terrains zootiques ou 
des dépôts de sédiment. Nous vous avons déjà fait sentir que 
suivant que leurs couches sont redressées ou se trouvent dans 
leur horizontalité première, l’on pouvait juger de l'âge ou de 
l’époque à laquelle tel ou tel système de montagnes a été sou- 
levé. Si, comme nous l'avons déjà observé , les couches sédimen- 
taires ont été précipitées dans le fond des eaux , elles ont dû par 
suite de ce genre de formation prendre une position horizontale, 
et dès-lors ce ne peut être que lorsqu'elles se montrent redres- 
sées ou inclinées , parce que les bases sur lesquelles elles se sont 


( 404) 

appuyées les ont soulevées postérieurement à leur dépôt. Or, 
lorsqu'une chaîne de montagnes présente l'entière série secon- 
daire, en couches redressées , tandis que les terrains tertiaires 
qui la recouvrent également conservent au contraire leur hori- 
zontalité primitive, l'on peut dire, avec une sorte de certitude , 
que cette chaîne a dû être soulevée postérieurement aux dépôts 
secondaires, puisqu'elle les a déplacés, mais antérieurement aux 
dépôts tertiaires , ceux-ci n'ayant éprouvé aucune sorte de chan- 
gement dans leur position ; ce qui n'aurait certainement pas 
manqué d'arriver si, comme les premiers , ils avaient été poussés 
par une force venant de l'intérieur de la terre et agissant de 
bas en haut. À l’aide de ce moyen facile et certain, l’on juge 
de l’âge des différentes chaines de montagnes, ainsi que de 
l'époque à laquelle les volcans aujourd’hui éteints ont cessé 
leurs éruptions. Comme les grands principes des sciences , celui- 
ei est d’une telle simplicité et pourtant d’une application si 
féconde et si facile, qu'il semble étonnant qu'il n'ait pas été 
trouvé plutôt. Mais Messieurs, ce n'est pas à ce seul point que 
s'est arrètée la géognosie; portant ses regards plus haut et ju- 
geant de ce qu'elle pouvait entreprendre par ce qu'elle avait 
déjà obtenu , elle s'est demandé si l'état de la surface du globe 
avait réellement pris sa forme actuelle depuis des temps pro- 
pres à effrayer l'imagination, ou si au contraire les dernières 
modifications que son relief avait éprouvées ne remontaient qu'à 
une époque peu reculée, fixée en quelque sorte par les tradi- 
tions et l'histoire de toutes les nations ? 

Cette question est d'un si grand intérêt qu’elle a dù exciter à 
la fois l'attention des physiciens et des géologues, et même des 
divers écrivains qui se sont occupés de l'histoire des premiers 
peuples qui ont apparu sur la scène du monde. S'il ÿ a quelque 
gloire à rétablir, à l'aide de monumens imparfaits ou de mé- 
dailles peu significatives , l'histoire des nations qui ont disparu 
de la surface de la terre , n'y en a-t-il pas également à remonter, 


( 405) 
à l'aide des monumens de la nature » jusqu’à ces temps où 
l'homme n'existant Pas encore, notre globe couvert de végétaux 
qui en ont disparu pour toujours était peuplé d'animaux aussi 
étranges que bizarres , et dont les formes n'ont rien d’analogue 
avec celles de nos espèces actuelles. 

Pour fixer cette époque des dernières modifications que nolre 
planète paraît avoir subies, modifications probablement la suite 
nécessaire de la manière dont elle a été formée, la science a dû 
chercher à reconnaître sur quels chronomètres elle devait s’ap- 
puyer. Ces chronomitres ne peuvent être que ceux dont il nous 
est possible d'apprécier les effets, leur action ayant toujours 
lieu. Les Principaux se rapportent à l’action des eaux sur le 
globe , qui n'ont cessé de modifier sa surface depuis qu'elle a été 
solidifiée , et que de nombreuses inégalités y ont été produites, 
inégalités qui seules ont donné lien aux eaux courantes et à 
toute la violence de leur action. Mais pour bien apprécier les 
diverses modifications que la surface du globe a éprouvées, il est 
nécessaire de bien distinguer les effets qui se sont opérés lorsque 
nos continens étaient encore sous les eaux, ou pendant la période 
d'immersion de ceux qui se sont passés depuis que nos continens 
ont été mis à nu et tont-à-fait à découvert. 

Remarquez en effet, Messieurs, que les terrains les plus récem- 
ment produits ou les plus rapprochés des temps présens ont tous 
été formés dans deux périodes distinctes, ou par suite de deux 
ordres de phénomènes différens. Certains de ces terrains nommés 
de sédiment à raison de leur origine se sont formés sous l’eau + 
c'est-à-dire pendant l'immersion du sol qu'ils ont recouvert, 
tandis que d’autres ont été produits lorsque les continens sur 
lesquels ils se sont étendus étaient déjà découverts et tout-à-fait 
à sec. Ainsi pour apprécier à leur juste valeur les différens phéno- 
mènes qui se sont passés pendant la première de ces périodes 
ou celle d'immersion, il faudrait pouvoir reconnaître les divers 
dépôts qui se précipitent dans le fond des mers, des lacs ct des 


(406) 

eaux courantes. Comme ce genre d’observation ou de reconnais- 
sance n’est pas toujours facile, nous sommes beaucoup moins 
éclairés sur tout ce qui se rapporte à cette période que relative- 
ment aux effets qui ont eu lieu depuis que partie de nos conti- 
nens a été mise à sec, et que des dunes, des atterrissemens , des 
éboulemens , des stalactites, des tourbières, de l'humus, seuls 
produits qui puissent recouvrir an sol émergé, se sont étendus 
sur la surface de la terre. Faute d’avoir distingué ces deux ordres 
de phénomènes, pendant long-temps l’on a cru que le fil des 
opérations de la nature était rompu et que certaines des causes 
qui avaient exercé leur action sur le globe avaient cessé pour tou- 
jours. Comment pouvait-il ne pas le paraître, puisque l’on com- 
parait sans cesse les effets produits pendant la période d’immer- 
sion à ceux que l'on voit s’opérer sur nos terres sèches et sur 
nos continens mis à nu; c'est-à-dire, depuis la période d'é- 
mersion, Cette erreur une fois reconnue, l'on s'est convaincu 
que les mêmes genres de phénomènes s'étaient succédé sur le 
globe et presque sans interruption. En effet, les mêmes causes y 
agissent constamment , et si quelques désordres et quelques 
accidens ont interrompu le cours ordinaire des évènemens , ces 
désordres passagers, qui n’ont rien changé à la nature des choses, 
ont encore moins troublé le système de l’univers. 

Les effels qui ont eu lieu sur la terre depuis que partie de 
notre planète est sortie du sein des eaux, sont donc les plus 
faciles à évaluer et ceux qui fournissent les chronomètres les 
plus certains et les plus appréciables. C’est aussi sur eux que je 
dois porter votre attention, afin que vous puissiez estimer , au 
moins d'une manière approximalive, l’époque depuis laquelle, 
nos continens ayant pris leur forme actuelle, des phénomènes 
nouveaux s’y sont succédé sans interruption , et se continueront 
de même, tant que l’ordre des choses se maintiendra et que 
l'équilibre admirable de la nature ne sera pas troublé. 

Les alluvions ou les atterrissemens, comme les éboulemens 


( 407 ) 


qui en sont souvent la suite, les falaises , les dunes, les dépôts 
sous les eaux , auxquels il faut joindre les incrustations de tout 
genre, comme le travail souterrain qui produit les stalactites et 
les stalagmites modifient tous plus ou moins la surface des conti- 
nens. Comme leur action a dû commencer dès qu’il y a eu des 
eaux courantes sur le globe, on peut juger par les effets pro- 
duits du temps qu'ils ont mis à les opérer. Ainsi en calculant 
la marche des atterrissemens dans les régions les plus différentes, 
et par exemple en Égypte , où ce genre de dépôts a une si 
grande étendue, ainsi qu’en Italie et sur les côtes de la Baltique 
tous les observateurs se sont accordés à penser qu'ils ne dataient 
pas d’une époque bien reculée. Ainsi en supposant que dans le 
principe des choses les alluvions marchaient le double plus vite 
que dans les temps présens, leur commencement ne remonte 
pas à une époque bien éloignée des temps présens. 

Le calcul de la marche des éboulemens et de la formation 
des falaises, comme celui des progrès constans des dunes vers 
l’intérieur des terres et de l'accroissement progressif des stalac- 
tites et des stalagmites dans les cavités souterraines, a donné 
également des nombres fort rapprochés des premiers. Ne croyez 
pas , Messieurs, que ces calculs reposent sur l’autorité de quel- 
ques hommes obscurs, qui pour faire triompher des idées pré 
conçues se seraient entendus dans le dessein d’obscurcir la vérité 
en tronquant les faits, qui du reste sont à la portée de tout le 
monde. Tels ne sont plus les savans de notre époque; le triomphe 
de la vérité est le but constant de leurs efforts comme le terme 
glorieux de leurs travaux. Oui, la vérité vous était chère, à vous, 
Doromu, à vous, Dezuc, à vous, Brémontier, qui n’aspiriez qu’à la 
faire briller de tout son éclat et à la rendre sensible à tous les 
yeux. Et, Messieurs , n’en a-t-il pas été de même des Gran», des 
Wassecxine , des Pronx, qui se sont livrés aux mêmes recherches 
et sur l'autorité desquels les Larsace et les Cuvien ont admis que 
la surface du globe n’était arrangée telle qu'elle est actuelle- 


(408 ) 

ment que depuis une époque assez rapprochée de nous. Il est 
encore d’autres moyens d'évaluer l’espace de temps qui s’est 
écoulé depuis l’époque où les mers et les eaux lacustres ont 
cessé de déposer des terrains en couches régulières et distincte- 
ment stratiliés. Ces moyens, également appréciés et étudiés avec 
soin, ont toujours conduit au méme résultat. Tels sont premiè- 
rement ces dépôts de lithophytes, que les polypes, par une sin- 
gulière propriété, accumulent avec une extrême rapidité 
dans les mers des régions les plus chaudes de la terre. Malgré 
cette fécondité, éternel sujet d’étonnement pour les naviga- 
teurs, en supposant que le travail des polypes a été dans le 
principe plus actif et plus prompt qu'il ne l'est actuellement, 
on ne voit pas qu'il ait encore produit des continens de quelque 
étendue , ni même des îles un peu considérables. Tout ce que 
cette accumulation de matière calcaire a opéré de plus extraor- 
dinaire, ce sont quelques écueils et quelques récifs, qui en 
s'élevant peu-à -peu au-dessus des eaux, dans le sein desquelles 
ils se forment , finiront par produire des ilots sur lesquels s’élè- 
vera un jour une végétation brillante , lorsque les courans y 
auront apporté assez de terreau pour couvrir la nudité du rocher 
et permettre aux végétaux de s’y établir. 

Cette création toute nouvelle est donc bien restreinte dans 
ses effets, quoiqu'étonnante par la cause qui l’a produite et la 
prodigieuse promptitude avec laquelle elle s'opère. Si elle est 
aussi bornée, n'est-ce point que malgré la rapidité de sa marche, 
son commencement ne remonte pas à une époque bien reculée, 
ou en d’autres termes que les mers ne nourrissent pas les z00- 
phytes qui forment les polypiers pierreux depuis de longs inter- 
valles de temps. 

Si nous portons également notre attention sur les matériaux 
lancés par les volcans, nous les voyons peu considérables, 
quelque terribles et quelque violentes que. soient leurs érup- 
tions. Ces matériaux ne paraissent pas non plus occuper de 


( 409 ) 

grands espaces, lorsqu'on les étudie dans les volcans éteints 
dont les foyers paraissent cependant avoir eu une plus grande 
activité que ceux de nos volcans brûlans. Les déjections volca- 
niques, soit anciennes, soit modernes, ont si peu de masses, 
qu’en supposant que tous les volcans ont eu jusqu’à cinq érup- 
tions par an, la différence entre la contraction de l'écorce 
consolidée et celle de la masse interne ne raccourcit pas cetle 
masse d'un millimètre par siècle. Ce raccourcissement serait en- 
core moins considérable , si l’on admettait , ainsi que l'indiquent 
les faits, que le nombre des éruptions est encore plus restreint. 
Dans tous les cas, les résultats généraux des éruptions volca- 
niques ont exercé une influence presque insensible sur notre 
globe considéré dans son ensemble. Si les déjections des volcans 
cteints ou brülans sont si restreintes et si bornées, cette circon- 
stance ne peut tenir qu’à ce que les éruptions de leurs foyers 
ne remontent pas à une époque bien reculée ni bien éloignée des 
temps présens. 

Du reste, Messieurs, les volcans dont les éruptions nous parais- 
sent si étonnantes et les phénomènes si extraordinaires, ne sont, 
ainsi que nous l'avons déjà dit, qu’un résultat tout simple d'effets 
thermométriques, ou des sortes d’évents qui épanchent au dehors 
les matières qui, par suite de la température propre du globe, 
y sont maintenues constamment liquides. Les volcans, par cela 
même, indiquent une communication continuelle entre l'inté- 
rieur de notre globe, qui est fluide, et l’atmosphère entourant sa 
surface durcie et oxidée. Aussi ceux qui continuent encore leur 
action, sont-ils en général placés près du lit des mers, c’est-à- 
dire , dans les points du globe où l'épaisseur des couches soli- 
difiées est la moins considérable. 

Remarquez, Messieurs, combien est grande et frappante la 
concordance qui existe entre les faits que nous venons de rappe- 
ler à votre attention ; une pareille concordance est trop remar- 
quable pour ne pas être l’expression de la vérité. Comment pour- 


(4ro) 


rait-il en être autrement, lorsque les faits les plus indépendans 
les uns des autres conduisent tous aux mêmes conséquences et 
annoncent les mêmes résultats. 

Ainsi, par exemple, comparons-nous les espèces ensevelies 
dans les derniers dépôts, ou les plus récens de ceux qui se sont 
opérés dans la période géologique, aux races qui vivent encore, 
nous leur trouvons la plus grande analogie et souvent une simi- 
litude presque complète. Cette analogie surprend d'autant plus 
que jusqu'alors les espèces ensevelies dans les entrailles de la 
terre semblaient entièrement différentes de nos races vivantes, 
et à tel point que leur existence devait exiger des conditions 
assez dissemblables de celles qu’elles auraient pu trouver dans 
Pordre des choses actuel. Aussi les espèces des temps géologiques 
ne sont-elles en rapport avec les nôtres que depuis l’époque où 
la température de la terre, considérablement abaissée, leur a 
offert des climats analogues à ceux qui ont favorisé l'existence 
de nos espèces vivantes et en ont assuré la durée. Or, comme 
les derniers temps géologiques ne sont pas très-éloignés des 
temps historiques, il s'en suit que les dernières modifications 
de la surface du globe ne sont pas non plus séparées de notre 
époque par des intervalles de temps bien considérables. 

L'ensemble des espèces ensevelies dans les entrailles de la 
terre , depuis que les mers sont rentrées dans leurs bassins res- 
pectifs , ou depuis la période d’émersion, offre donc un caractère 
et un aspect particuliers. Leur caractère tient à l’analogie, et 
l'on peut dire presque à la similitude que ces espèces présentent 
avec nos races vivantes, rapport qui n'est sensible que parce que 
les unes et les autres ont vécu sous l'influence des mêmes cir- 
constances ct des mêmes conditions. Aussi n’ont-elles rien de 
commun avec les races ensevelies dans les terrains secondaires 
et tertiaires ; en sorte que ces différentes espèces différent à-la- 
fois par leurs caractères et leur gissement, différence qui a 
dépendu des changemens survenus sur la surface du globe. 


(4) 

Les restes des corps organisés qui ont péri pendant la pé- 
riode d'émersion, ou depuis que les mers sont rentrées dans 
leurs bassins respectifs, doivent donc être distingués de ceux 
que l’on voit ensevelis dans les couches déposées pendant la 
période d'immersion. Ils le doivent d'autant plus, qu'il paraît 
que la plupart d'entr'eux ont cessé d'exister depuis l'apparition 
de l’homine, et depuis que nos continens ont pris leur forme 
actuelle, Aussi ne les rencontre-t-on que dans les dépôts qua- 
ternaires et diluviens, c’est-à-dire, dans les dépôts les plus 
récens de ceux qui ont été produits sur la terre. Pour les distin- 
guer des véritables fossiles, que l'on ne découvre que dans les 
terrains précipités antérieurement à la rentrée des mers dans 
leurs bassins respectifs , l'on pourrait les désigner sous le nom 
d'humatiles, qui s'entend également des corps ensevelis dans 
le sein de la terre. 

À vrai dire, Messieurs, les espèces humatiles lient en quel- 
que sorte les débris de ces espèces qui depuis les temps histo- 
riques se conservent dans les dépôts meubles ou solides qui 
n'ont jamais cessé de s’opérer sur la surface du globe. Déposés 
depuis des temps peu éloignés de ceux que l’on est convenu 
d'appeler historiques, les restes humatiles annoncent qu'un 
grand nombre d'espèces vivantes peut se perdre par l'effet des 
causes les plus simples, comme un abaissement dans la tempé- 
rature, des inondations plus ou moins violentes, une diminution 
dans la quantité de la nourriture, par suite de la fixation d’un 
grand nombre d'espèces dans un lieu circonscrit. Ces causes, 
opérant plus ou moins rapidement un excès de mortalité relati- 
vement aux naissances, finissent par déterminer l'extinction 
totale des races soumises à de pareilles influences, 

Si les faits physiques que nous pouvons apprécier nous ap- 
prennent la nouveauté de l’homme sur la terre , et que les der- 
nières modifications que la surface du globe a éprouvées ne 
remontent pas à une époque bien reculée, peut-être vous 


(412) 
demanderez-vous si les monumens et les traditions historiques ne 
contrarient pas ces faits et ne sont point en opposition avec eux. 
Sans doute, ce que peuvent nous apprendre et les traditions et 
les monumens que l'homme nous a laissés de son existence, n’ont 
pas la même valeur pour la solution de la question qui nous 
occupe; on ne saurait en contester l'importance et encore moins 
les passer sous silence, s'ils ne coïncidaient pas avec les données 
fournies par l'observation de la nature. 

Vous Je savez, Messieurs, l’homme est ami du merveilleux ; 
son ame, toute de feu pour le mensonge, est de glace pour la 
vérité, IL se complait à se donner tous les genres d'illustration, 
et par un de ces préjugés dont la source naît, il faut le dire, du 
noble désir de perpétuer les grandes actions, toutes les nalions, 
même les plus sauvages, semblent s'être entendues comme à 
plaisir pour se donner une longue et haute antiquité. Aussi 
lorsque nous interrogeons les traditions ou l'histoire des peuples 
qui se disputent l'honneur d'être les plus anciens , est-il néces- 
saire d'en discuter les titres et d'examiner les preuves sur les- 
quelles ils fondent l'antiquité qu'ils s’attribuent. 

Une sévère critique a donc été nécessaire pour apprécier à 
leur juste valeur les monumens et les traditions des plus anciens 
peuples ; et à l'aide de son flambeau , l’on a bientôt reconnu 
que la plupart de ceux qui s'étaient donné une longue anti- 
quité, faute d’avoir à raconter des évènemens réels, avaient 
rempli les premières pages de leur histoire de faits merveilleux 
et surnaturels. Ainsi la fable, cette passion des premiers âges, 
est venue se mêler à l’histoire, qui ne demande et ne réclame 
que la vérité. Pendant que certaines nations se forgcaient une 
haute antiquité, d’autres, tourmentées par le même désir, refai- 
saient après coup leurs premières annales'qu’elles avaient perdues. 
Pour mieux les faire cadrer avec les monumens de la nature, 
qui ne peuvent nous tromper ; leurs lettrés , par une ruse que la 
science scule nous a permis de reconnaître, calculaient, en 


(413) 
rétrogradant , la marche des divers astres qui servent à fixer 
l'année et à déterminer la position dans le ciel des différentes 
constellations. 

Oui, Messieurs , s'il est une vérité démontrée, c’est celle qui 
nous apprend que la terre peut être très-ancienne, mais que 
l'homme y est très-nouveau. Sortie du plateau de l'Asie, point 
le plus élevé du monde, et en même temps le plus favorable à 
sa facile dispersion, l'espèce humaine n'a commencé à paraître 
sur Ja scène du monde que lorsque nos continens avaient pris 
leurs formes actuelles et que les mers étaient rentrées dans 
leurs limites respectives. Si l’on pouvait se former quelques 
doutes à cet égard, l’histoire ancienne des animaux nous ap- 
prendrait encore que la plus grande partie de nos animaux 
domestiques est originaire de l’Asie, parce que l’homme, dont 
cette contrée a été le berceau, a exercé sur eux une influence 
que lui seul peut produire. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, 
cette époque que l’on avait crue très-éloignée de nous d’après 
des idées systématiques dont les savans même n’ont pas toujours 
su se garantir, ne remonte guère à plus de 6,000 ans avant les 
temps présens. Si l'homme eût existé auparavant, on en retrou- 
verait certainement les dépouilles ailleurs que dans les dépôts 
diluviens. Ces dépôts, les plus récens de ceux opérés sur la sur- 
face du globe, rappellent, comme l’on sait ; la grande et der- 
nière catastrophe que la terre a éprouvée. Et cette époque est 
aussi bien fixée par les monumens de la nature que par ceux de 
l'histoire. 

Or, Messieurs, les traditions et les annales de tous les peuples 
s’accordant sur ce point, n'est-ce pas le cas de s'écrier avec 
l'orateur romain : Consensus omnium lex naturæ putanda 
est ? Oui, le consentement de tous les peuples d'accord avec 
les faits naturels nous annonce la nouveauté du genre humain 
et son renouvellement après une violente inondation , et ce cri 
unanime ne peut nous tromper, la vérité l’a inspiré. 


(414) 

Depuis cette epoque mémorable dans l’histoire de la terre, 
et peut-être dans celle du système de l'univers dont elle fait par- 
tie, un admirable équilibre et une parfaite harmonie se sont 
établis entre les choses créées. Cette stabilité des grands phéno- 
mèênes de l'univers, comme l’étonnante fixité des causes qui 
agissent sur notre globe, est un des objets les plus dignes de 
notre surprise comme de notre admiration. Et, par exemple, 
les causes fortuites ou constantes qui troublent l'équilibre des 
mers et qui dans les temps géologiques peuvent avoir produit 
les divers mélanges des dépôts marins et fluviatiles, sont elles- 
mêmes assujelties à des limites qui ne peuvent être franchies. 
La pesanteur spécifique des eaux étant beaucoup moindre que 
celle de la terre solide, les oscillations de l'Océan sont par cela 
même comprises entre des limites fort étroites, ce qui n'arrive- 
rait certainement pas si le liquide répandu sur le globe était 
beaucoup plus pesant. 

La nature tient donc comme en réserve des forces conserva- 
trices et toujours présentes, qui agissent dès que le trouble 
commence et d'autant plus que l'aberration est plus grande. Ces 
puissances préservatrices que l'on trouve dans toutes les parties 
de l’univers ne tardent pas à rétablir l’ordre accoutumé dès 
qu'il est troublé. Ainsi la forme des grands orbites planétaires, 
leurs inclinaisons varient et s’altèrent dans le cours des siècles; 
mais ces changemens sont eux-mêmes limités. Les dimensions 
principales subsistent toujours , et cet immense assemblage des 
corps célestes oscille autour d'un état moyen , vers lequel il est 
sans cesse ramené. Tout dans l'univers, comme dans notre globe, 
qui en fait partie, est disposé pour l'ordre, la perpétuité et 
l'harmonie. 

Ce n’est point, comme Newron lui-même et Eucer l'avaient 
soupçonné, une force adventive qui doit un jour réparer ou 
prévenir le trouble que le temps aurait causé dans la marche 
des corps de l'univers; c’est la loi elle-même de la gravitation 


(45) 
qui règle tout, qui suffit à tout et qui maintient à jamais l'ordre 
et la variété. Emanée une fois de la sagesse suprême, elle pré- 
side depuis l’origine des temps à la stabilité et à l'harmonie des 
choses créées et y rend tout désordre impossible. Loi admirable 
comme la divinité dont elle émane, et qui, aperçue par le génie 
de l’homme , est devenue plus merveilleuse encore depuis que 
l'on en a mieux saisi les rapports. Newron et Eurer ne connais- 
saient donc pas encore toutes les perfections de l’univers. 

La géognosie, fière de ses découvertes et des résultats aux- 
quels elle est parvenue, mérite donc d'être rangée au nombre 
de nos connaissances posilives. Si, comme la science de l’uni- 
vers, elle ne se perd pas dans la nuit des temps , sa nouveauté 
ne doit pas non plus nous en faire rejeter l’étude. Quelle 
science fut jamais plus capable d’émouvoir et d'’intéresser que 
celle qui a pour objet l’histoire du globe sur lequel nous avons 
été jetés, lorsque déjà les premiers habitans en avaient disparu, 
À l’aide de son flambeau, nous pouvons maintenan( nous former 
quelque idée sur l’origine de notre terre et sur la stabilité des 
phénomènes qui en assurent la durée et en maintiennent la 
conservalion. 

Ainsi s’est réalisé le vœu exprimé par le plus éloquent des 
naturalistes modernes. La géognosie, quoique nouvelle parmi 
les sciences, a donc, ainsi que le désirait Burron, fixé quelques 
points dans l’immensité de l'espace et placé un certain nombre 
de pierres numéraires sur la route éterncile du temps. Les 
puissantes ct profondes investigations des géologues modernes 
ont lié en quelque sorte les temps historiques aux temps géo- 
logiques, qui pour n’avoir pas eu l’homme pour témoin, n’en 
ont pas moins été appréciés comme suivis dans leurs périodes 
successives. La science a presque tout embrassé dès son premier 
essor; son vol a été si rapide, que par les progrès qu'elle à 
obtenus, l'on peut juger de ceux qu'elle doit se promettre 
encore. 


C4H6) 

Puisse, Messieurs, l'aperçu sommaire des principaux résul- 
tats auxquels la géognosie, science encore à son berceau, est 
déjà arrivée, vous avoir inspiré le desir de nous suivre dans les 
détails dans lesquels nous serons obligés d’entrer pour vous 
donner une idée de la formation de notre terre, sur laquelle 
nous sommes aussi des êtres fugitifs et passagers, comme les 
habitans inconnus de l’ancien monde, dont les couches du 
globe nous ont conservé et transmis la singulière et étonnante 


généalogie. 


(417) 


NOTICE 


SUR LA CARBONISATION DU BOIS 


Li . . 
Résultant de son séjour prolongé dans un terrain de troisième 
Jour p 
Jormation , 


Par M. A. Brnanr, 


Médecin, à Pas (Pas-de-Calais), Membre correspondant. 


18 auiLrer 1834. 


Si tous les êtres organisés puisent les matériaux de leur nu- 
trition dans l'enveloppe terreuse qui revêt le globe de toutes 
parts, celle-ci reçoit, en échange, leur dépouille matérielle 
lorsque la vie les abandonne. Tous les débris d'animaux et de 
végétaux, tous les restes plus ou moins hideux d'organisation 
alimentent donc à leur tour la terre végétale, ce réservoir com- 
mun où chaque être vivant prend les rudimens de sa forme, les 
conditions physiques de son existence. C'est dans cette fusion 
générale de tous les principes élémentaires et sous l'empire des 
affinités chimiques que ces corps se décomposent et passent iné- 
vitablement à des combinaisons nouvelles. Toutefois, avant d’at- 
teindre le terme de leur dissociation totale , leurs élémens su- 
bissent des modifications qui caractérisent les diverses phases de 
leur décomposition. C’est ainsi que nous avons pu observer tout 
récemment une de ces transformations importantes, la carboni- 


af 


(418) 
sation du bois résultant de son séjour prolongé dans un terrain 
de troisième formation. 

On travaillait à niveler le sol attenant à une tour antique dont 
l’origine et la destination ne sont connues d’aucune tradition. 
Parvenus environ à deux mètres de profondeur, les ouvriers 
rencontrent des ossemens épars qui ne les intéressent nullement 
d'abord. Mais, arrivant un peu plus bas, la découverte d’un 
squelette humain les frappe et les fait agir avec plus de circon- 
spection. Appelé près d'eux en ce moment, je les engageai à 
fouiller les terres latérales, sous lesquelles nous vimes bientôt 
deux nouveaux squelettes semblables au premier et dans une 
position tout-à-fait parallèle; puis un quatrième fut également 
mis à jour à un pied environ au-dessus des trois autres. 

Ces squelettes étaient entiers, d’une friabilité extrême et sem- 
blaient appartenir à des sujets adultes. 

Une couche régulière d’une substance noire, de quatre à six 
lignes d'épaisseur, circonscrivait chacun d'eux et était interposée 
entre leurs ossemens et les terrains qui les recouvraient immé- 
diatement. Cette malière, recueillie et examinée attentivement, 
m'offrit toutes les propriétés du charbon végétal. 

Soupçonnant dès-lors qu’elle pouvait provenir de la décom- 
position des cercueils destinés à renfermer les squelettes qui 
gisaient devant moi, je continuai d’en explorer successivement 
toutes les couches. Je rencontrai, dans leur continuité, de petites 
masses de charbon où l'on observait facilement des traces d’or- 
ganisation végétale, et dont plusieurs n'étaient carbonisées que 
dans la partie correspondante à la face interne de ces couches. 
Puis, quelques minces portions de planches aussi partiellement 
carbonisées, et au centre desquelles des fibres ligneuses étaient 
encore intactes, achevèrent de convertir mes doutes en certitude 
sur la destination primitive de ces débris. 

Mais le phénomène de la carbonisation des bois m'a paru 
beaucoup plus prononcé dans le sol calcaire, où le charbon était 


(419) 
presque pulvérulent, que vers les points terreux où j'ai principa- 
lement rencontré les portions demi-carbonisées. La couche qui 
enveloppait le quatrième squelette , placée dans un terrain demi- 
terreux, demi-caleaire , était celle qui contenait les fragmens 
de bois les moins altérés. 

L'arrangement régulier des couches charbonneuses qui affec- 
taient une disposition d'enveloppe manifeste, les restes évidéns 
de tissu ligneux qui avaient échappé à une entière carbonisation 
vers leur face externe et les différens degrés de cette transfor- 
mation végétale suivant la nature du sol où on l’observait nous 
conduisent done à admettre, 1.° que le charbon environnant les 
ossemens mentionnés plus haut ne pouvait être que le résidu de 
l’altération des bières qui les avaient autrefois renfermés ; 2.° que 
le phénomène de la carbonisation du bois s'était opéré du centre 
à la circonférence; 3.° et qu’enfin le terrain , composé exclusi- 
vement de carbonate calcaire, paraissait lavoir produit plus 
facilement que celui qui contenait quelques substances terreuses. 

La carbonisation végétale, considérée comme phénomène géo- 
logique, me paraît susceptible de recevoir ultérieurement une 
application utile à la médecine légale. En effet, si la géologie 
possède un jour assez de faits pour déterminer d’une manière 
positive l’espace de temps et la nature du milieu qui entraînent 
cette modification du corps végétal, elle fournira une donnée de 
plus au médecin légiste pour estimer les époques des inhumations 


anciennes. 


(420) 


NOTICE 


SUR UNE ROCHE DITE ROCHE BRULÉE, 
Située à Fumay, département des Ardennes, 


Par feu M. J.-F. Crere, 


Ingénieur en chef au corps royal des mines, Membre correspondant. 


20 auix 1834. 


Ms trouvant à Fumay, département des Ardennes, en juin 
1833, on me parla d’un rocher qui avait subi l’action du feu et 
qu'on nomme maintenant rocher brüle'; il est situé en face de 
l'ardoisière du moulin Sainte-Anne, rive gauche de la Meuse, 
sur le revers occidental de la montagne de divers monts, près de 
la borne limitrophe qui indique les frontières respectives des 
royaumes de France et de Belgique. Ce rocher, dont une faible 
portion de la masse supérieure porte seule des traces évidentes 
de fusion, n'était alors connu que depuis deux ans, et l’on igno- 
rait absolument la cause qui avait pu produire cet étrange acci- 
dent, d'autant plus extraordinaire qu'il ne se montre que sur un 
très-petit solide qui avait dû former autrefois deux pointes peu 
élevées au-dessus du sol environnant; tandis que d’un autre côté 
on n’observe aucune espèce de dérangemens circonvoisins , si ce 
n'est toutefois à quelques décimètres au-dessous du roc même ; 


après quoi les assises se retrouvent intacles et dans leurs allures 
ordinaires. 


(4m) 

Quelques voyageurs géologues, ayant eu l’occasion d'examiner 
ce singulier phénomène, ont prétendu, m'a-t-on dit, qu'il était 
le résultat d'un feu souterrain; et il faut convenir qu’à la pre- 
mière vue on est tenté de lui attribuer une semblable origine; 
car assurément rien ne ressemble mieux à des laves récentes que 
la plupart des débris épars et sur place de ce massif, dont voici 
la description en résumé. - 

On sait que la constitution géologique de cette contrée se 
compose en général, comme dans toute l’étendue de la chaîne 
des Ardennes , de bancs alternatifs de schistes argileux ardoisiers 
et de grawackes. La masse brûlée qui nous occupe appartient à 
cette dernière espèce; elle est encaissée entre deux séries de 
couches schisteuses qui , ainsi que le reste de ses propres assises 
inférieures, n’annoncent pas avoir éprouvé le moindre mouve- 
ment ni la plus légère altération ; en sorte qu'il n'existe aujour- 
d’hui sur place qu'un fragment portant encore des caractères 
certains de fusion, lequel ne tardera sûrement point à dispa- 
raître; mais tout autour de ce noyau gisent une multitude de 
morceaux détachés, brisés et amoncelés, dont les uns sont plus 
ou moins modifiés et les autres dans leur état naturel. Au-dessous 
du rocher la terre est presque meuble , et l’on peut sans peine la 
déblayer au meyen de la pelle et de la pioche, de manière à 
parvenir en peu d'instans aux endroits qui n'ont nullement souf- 
fert ; du reste, on observe en outre qu’au fur et à mesure qu’on 
s'enfonce la grawacke reprend successivement son facres pri- 
mitif. Quant aux parties qui ont subi l'effet du feu, voici sous 
quels aspects elles se montrent. 

D'abord les couleurs sont fort variées, et néanmoins se nuan- 
cent le plus communément de blanc, de rouge, de brun foncé 
et clair et de violet. Les échantillons bruns sont légers , spongieux 
et bulleux ; quelques-uns offrent des filets d’un noir brillant, 
entrecoupant assez régulièrement les feuillets de la roche et la 


récouvrant aussi sur certains espaces d'un enduit solide tout-à- 


(422) 

fait semblable à de la scorie vitreuse. On trouve ensuite cà et là 
de petits amas fondus, qui indiquent par leur position avoir 
coulé de haut en bas, et qui d’ailleurs n'ont aucune connexité 
entr'eux, ne se montrant que très-irrégulièrement séparés les 
uns des autres sur la surface du rocher. 

D'après ces considérations il résulte , ce me semble, qu'on ne 
saurait attribuer ce phénomène particulier aux efforts d’un feu 
souterrain : 

1.° Parce qu'à peu de profondeur les couches du terrain gisent 
dans leur état normal et leur composition primordiale. ‘ 

2.° Parce qu'à la surface du sol on ne remarque aucun des 
caractères extérieurs qui dénotent la présence d'un volcan. 

3.° Parce que les parties qui ont coulé sont absolument éparses, 
très-courtes, et qu'elles affectent des situations qui varient entre 
la verticale et des directions plus ou moins obliques. 

4. Parce que ces mêmes coulées paraissent s’être faites de 
haut en bas. 

5.9 Enfin, parce que l'altération de la roche diminue de la 
surface au centre de la pierre. 

Il y aurait lieu de croire, je pense, que la véritable cause de- 
vrait être attribuée à des coups de foudre réitérés. Ge qui parait 
justifier cette opinion, c'est que ces traces de fusion ne s’ob- 
servent plas à la base autour du rocher; l'électricité, arrivée au 
sol imbibé d’eau par la pluie qui accompagne presque toujours 
les orages , se sera disséinée dans la terre. Pent-être a-t-elle 
produit des tubes vitreux comme ceux qu'on a observés ailleurs ; 
mais dans tout état de choses, le sol très-meuble de la petite 
vallée qui entoure la base du rocher cest souvent entrainé et re- 
nouvelé ensuite par les terres supérieures que les eaux trans- 
portent en se précipitant, en sorte qu'on ne peut constater le fait. 

A 


(423) 


NOTE 


Sur les eaux jaillissantes du puits foré pratique chez 
M. Bancal, à Celleneuve, près Montpellier, 


Par M. Mancer ne Sennes, Membre correspondant. 


20 wars 1835. 


La société royale et centrale d'agricullure de Paris a appris 
que l’on avait obtenu des eaux jaillissantes dans les environs de 
Montpellier. Ce succès lui a fait désirer de connaître les circon- 
stances relatives à leur ascension; mais avant de décerner un 
prix d'encouragement à M. Baxcaz, qui a pratiqué le puits artésien 
daquel s’échappent les eaux jaillissantes , elle a engagé M. Mancer. 
ve Serres de répondre aux questions dont nous allons nous occuper. 

M. Mances ve Serres, flalté d'une pareille marque de confiance, 
a cru ne pouvoir mieux y répondre qu’en s’adjoignant MM, Lex- 
Tueric et Bararn, dont le mérite ct l'habileté sont généralement 
reconnus. Les observations que l’on va lire sont donc le résultat 
de recherches faites en commun pour résoudre les questions pro- 
posées et dont voici le sommaire. 

La société d'agriculture de Paris a désiré connaître : 

1.° Les instrumens eunployés dans le forage; 

2.° La nature minéralogique, l'épaisseur relative, le degré 
approximatif de dureté, de cohésion ou de consistance des dif- 
férens terrains et roches traversés par la-sonde ; 

3.° Les difficultés que l’opération a. pu éprouver suivant Ja 
nature des couches; 


(424) 

4.° Le nombre de jours nécessaires pour terminer l'opération 
du sondage; 

5.° La profondeur à laquelle l'eau à été rencontrée, soit à 
partir de la surface du sol, soit au-dessus ou au-dessous du 
niveau de la mer et de la rivière la plus voisine; 

6.° La hauteur à laquelle le jet s'élève au-dessus de la surface 
du sol; 

7 La quantité d’eau qu'il fournit dans vingt-quatre heures; 

8.° Les qualités physiques de l'eau et particulièrement sa 
température à sa sortie de la terre; 

9.° Les usages auxquels elle est employée. 

Relativement à la première demande, nous ferons observer 
que les instrumens employés dans le sondage ont été fournis par 
M. Faure, que l’un de nous a signalé comme l’agronome de nos 
contrées méridionales qui s’est occupé avec le plus de zèle du 
forage des puits artésiens. Ces instrumens avaient été fabriqués 
en grande partie dans les ateliers de M. Farez; les tiges seules 
avaient été adressées à ce dernier par M. Fracuar. 

L'un de nous avait déjà indiqué la nature minéralogique da 
sol traversé dans les recherches faites chez M. Baxcaz, mais 
comme de nouvelles explications peuvent être nécessaires , nous 
ferons remarquer que la campagne de M. Baxcas, située dans la 
grande vallée du Lez, au centre de laquelle Montpellier est bâti, 
se trouve séparée de celle de la Mosson par une colline tertiaire 
assez élevée (*). C’est au pied de cette colline, dont la direction 
coïncide en quelque sorte avec celle de la rivière de la Mosson, 
que s’écoulent les eaux remontant de fond qui alimentent le 
grand canal de M. Baxcar et les eaux jaillissantes sur lesquelles 
nous devons porter notre attention. Ces eaux sont sur le revers 


(*) Bulletin de la société d'agriculture du département de l'Hérault, sei- 
zième année. 


(425) 

oriental de la colline de Bionne, tandis que la belle source qui 
porte ce nom est sur le revers opposé ou occidental. Les eaux 
jaillissantes de la campagne de M. Bancaz ne feront probablement 
pas éprouver de diminution sensible à la source de Bionne , qui 
n’est distante de la rivière de la Mosson que de 300 mètres, 
quoïque le niveau des eaux du puits foré soit supérieur à celui 
de la source de Bionne. 

Le niveau du sol duquel sortent les eaux jaillissantes da puits 
foré de M. Baxcaz est de 55",50 au-dessus de la Méditerranée, 
tandis que celui de la source de Bionne est seulement de 28",44 
au-dessus de ce même niveau. Il en résulte qu'il y a une diffé- 
rence de 27",06 en plus pour le point d'où s’échappent les eaux 
jaillissantes. 

Quant au niveau de la rivière de la Mosson, qui est la plus 
rapprochée du puits foré de M. Baxcaz, il est de 48" au-dessous 
de celui du puits foré, ou de 7",50 au-dessus de la Méditerranée, 
Si nous avons rapporté ces niveaux, c’est afin de répondre à la 
cinquième des questions qui nous ont été adressées par la société 
d'agriculture de Paris. 

D'après ce premier aperçu , il parait que les eaux jaillissantes 
et remontant de fond de la campagne Baxca, comme celles de 
la source de Bionne , ont leurs réservoirs dans la même colline 
tertiaire. C’est aussi des flancs de cette colline que s'échappent 
les eaux dont nous nous occupons, eaux qui, superficielles, pa- 
raissent avoir leurs réservoirs peu au-dessous du niveau du sol. 
Ces eaux, considérées par l’un de nous comme des eaux d'infil- 
tration, sont en général fort inégales dans leur quantité et leur 
température. Presque toutes ont des intermittences de crue et 
d’abaissement qui paraissent en harmonie avec les phénomènes 
atmosphériques. La source qui alimentele puits foré de M. Bancar 
a éprouvé en effet depuis sa découverte des variations qui ont 
suivi celles des diverses saisons. Abondantes pendant l'hiver, les 
eaux ont grandement diminué pendant la sécheresse de Pété, 


> ( 426 ) 

En effet, ces eaux qui ont jailli presque spontanément pendant 
. l'hiver de 1831 ont fourni, jusqu’à l’époque des grandes séche- 
resses , 21,000 litres d’eau par vingt-quatre heures. Aujourd'hui, 
17 juillet 1831, elles n'en donnent plas que deux litres par 
minute ou 120 litres par heure, ce qui ferait 2,880 litres par 
vingt-quatre heures; mais comme les résultats de nos observa- 
tions peuvent être un peu faibles, en évaluant cette quantité à 
3,000 litres on s'éloigne probablement peu de la vérité, Ainsi 
l'écoulement des eaux du puits foré aurait diminué de 6 septièmes 
dans l'espace de quelques mois. À la vérité, il parait probable 

qu'il redeviendra ce qu'il a été lors de la saison des pluies. 

Cette différence paraît donc dépendre de la diversité des sai- 
sons et de ce que les réservoirs intérieurs , recevant moins d'eau 
pendant la sécheresse de l'été, ne peuvent par cela même dé- 
verser une aussi grande quantité d’eau. Du reste, nous ferons 
remarquer que les sondages pratiqués jusqu'à présent dans le 
midi de la France-n'ont point encore fait traverser la totalité &es 
terrains tertiaires ; aussi les seules caux remontant de fond que 
l'on ait obtenues sont toutes des eaux d'infiltration plus ou moins 
superficielles. Celles du puits foré de M. Baxcas le sont tellement 
qu'elles ont été rencontrées à la faible profondeur de 15 mètres 
au-dessous du sol. Nulle part l'on n’est done arrivé jusqu'à ces 
nappes d'eaux souterraines placées entre les couches des terrains 
secondaires et dont l'écoulement au dehors a lieu avec une con- 
stance et une abondance que présentent bien rarement les eaux 
qui proviennent des terrains tertiaires. 

Le sol traversé lors du sondage opéré chez M. Baxcar a pré- 
senté au-dessous de la terre végétale dont l’épaisseur est d’en- 
viron 0,40 ; 

1.0 Une couche trèsirrégulière de diluvium formé de nom- 
breux cailloux roulés, pour la plupart pugillaires, dissémninés 
dans un lit de gravier. L’épaisseur de ces dépôts diluviens varie 
de 1 mètre à 2 mètres 50. Les cailloux roulés qui font partie de 


( 427 ) 

ce diluvium appartiennent pour la plupart à des calcaires d’eau 
douce dont quelques-uns sont siliceux, ayant une couleur blan- 
châtre toute particulière; certains cependant sont entièrement 
siliceux ou quartzeux ; mais c'est le plus petit nombre, et ceux-ci 
ne se raltachent pas aux terrains d'eau douce. D'autres enfin 
dépendent de ces calcaires marins supérieurs désignés depuis peu 
sous le nom de calcaire moëllon. Ces derniers y sont les plus 
rares, probablement en raison de leur peu de tenacité, cette 
faible tenacité ne leur ayant pas permis de résister au choc et 
au transport que les uns et les autres ont éprouvé. 

2.° Sables marins tertiaires jaunâtres en bancs plus ou moins 
épais renfermant de nombreux cailloux roulés. Ces cailloux, pour 
la plupart calcaires , appartiennent en général aux formations 
d’eau douce. Les sables marins sur lesquels reposent les dépôts 
diluviens ont ane assez grande puissance dans la partie supérieure 
de la colline au pied de laquelle coule la grande source de 
Bionne et d’où s'échappent les eaux du puits foré de M. Baxca ; 
mais il n’en est pas de même auprès du puits foré, car dans cette 
partie ces sables ont à peine 1 mètre de puissance. 

3.° Marnes calcaires jaunâtres marines tertiaires dont l’épais- 
scur moyenne est de 4 mètres. ‘ 

4.° Marnes argileuses marines tertiaires. Ges marnes, ana- 
logues aux marnes suhapennines , offrent généralement une cou-. 
leur bleuâtre. Elles ont paru séparées des marnes jaunâtres cga- 
lement marines par des lits peu épais de graviers calcaires chariés 
probablement par les fleuves dans Ie bassin de l’ancienne mer, 
où toutes ces conches, à l'exception des dépôts diluviens, ont 
été évidemment précipitées. Comme les eaux remontant de fond 
ont été rencontrées à environ 15 mètres au-dessous du sol, l'on 
juge aisément que, d'après la grande épaisseur que ces marnes 
présentent , on est loin d'être parvenu à l'extrémité de leurs 


couches. … 


Le sol supérieur de cette partie de Ja vallée du Lez n'offrant 


( 428 ) 
pas des bancs du calcaire pierreux qui repose ordinairement sur 
les marnes argileuses bleuâtres, on n’a pas trouvé d'obstacle 
réel dans le forage du puits de M. Baxcaz. Aussi le travail a-t-il 
élé terminé dans l’espace de six jours. 

Dans les premiers momens du jaillissement des caux, celles-ci 
s’élevèrent jusqu'à 2",599 /8 pieds) au-dessus du sol; inais 
plus tard, et lorsque les autorités locales furent vérifier le point 
où les eaux s'élevaient sans effort, on ne l'estima que de 1,624 
(5 pieds). Le 17 juillet 1831, lorsque nous nous sommes rendus 
à la campagne de M. Baxcaz, les eaux du puits foré ne s’élevaient 
qu'à 0,45 au-dessus du sol. 

Il est à remarquer qu'à la distance de 4 mètres du trou foré 
existe un puits construit d’après les procédés ordinaires, dont 
l’eau n’est que 0",65 au-dessous du sol, en sorte qu'il n’existe 
entre les deux niveaux qu’une différence d'un mètre. Quant aux 
réservoirs qui alimentent les deux courans, quoique très-rap- 
prochés, ils ne paraissent pas être les mêmes ; du moins le niveau 
du puits ordinaire n’a nullement varié depuis l'ascension des 
eaux jaillissantes. 

On arrive à la même conséquence en considérant la nature et 
la teinpérature des deux sources, qui sont loin d'être égales en- 
tr'elles. En effet, nous avons trouvé, le 17 juillet 1831, la tem- 
pérature de l’eau du puits foré de 15°,75 et celle du puits ordi- 
naire de 17°,50, d'où la différence 1°,75 , la température de 
l'air variant de 25 à 26°,10 du thermomètre cenligrade. Quant 
à la température de la source de Bionne, elle était également 
plus élevée que celle du puits foré et à peu près d’un degré, 
car elle se maintenait vers 16°,2. Aussi les habitans du village 
de Celleneuve regardent-ils l’eau du puits foré comme la plus 
agréable et la meilleure de toutes celles qui les entourent , indé- 
pendamment de ce qu’elle est la plus fraiche. 

Les épreuves chimiques faites sur l’eau du puits foré justifient 
la préférence que lui donnent les habitans de la campagne de 


(429) 

M. Bancaz. Soumise à une analÿse d'indication, cette eau s'est 
montrée tout-à-fait analogue à celle de l’eau de la source de 
Saint-Clément qui alimente les fontaines de Montpellier. Comme 
cette dernière, l’eau du puits foré contient des proportions assez 
notables d'acide carbonique, de carbonate de chaux et d’hydro- 
chlorate de soude. Elle ne renferme qu'une (rès-petite quantité 
d'hydro-chlorate de chaux et des traces à peine appréciables de 
sels magnésiens ; mais ce qu'il importe de faire remarquer, c'est 
qu'elle est entièrement dépourvue de sulfate de chaux. 

Les proportions de sels magnésiens (hydro-chlorate et sulfate) 
ainsi que d'hydro-chlorate de chaux » Paraissent beaucoup 
moindres dans l'eau du puits foré que dans celle de la source de 
Saint-Clément. La première est donc d’une qualité supérieure à 
celle-ci, qui passe cependant pour la meilleure des eaux qui 
sourdent dans les environs de Montpellier. 

Quant à l'eau de la source inférieure de Bionne, elle présente, 
lorsqu'on la traite par les réactifs, les mêmes phénomènes que 
l'eau du puits foré, ce qui justifie ce que nous avons dit sur 
l'origine commune des deux sources. 

En résumé, les eaux jaillissantes obtenues par M. Bancaz sont 
sans contredit les plus fraîches et les plus pures de toutes celles 
que l’on a découvertes jasqu’à présent dans les environs de Mont- 
pellier. Elles doivent avoir leurs réservoirs au moins à 30 mètres 
au-dessous du sol , puisque leur température est à-peu-près égale 
à celle de la température moyenne annuelle de Montpellier. Sous 
tous ces rapports, M. Baxcaz a rendu un véritable service à son 
pays, et les travaux qu'il a entrepris pour y parvenir méritent 
d'autant plus d’être encouragés que les tentatives infructueuses 
que l’on avait faites pour obtenir des eaux jaillissantes dans nos 
environs avaient persuadé à Ja plupart des agronomes de nos 
contrées que l’on ne pouvait pas espérer de réussir, même dans 
nos bas fonds, à raison de leur éloignement des hautes montagnes. 
Détruire une pareille supposition est toujours une chose utile, 


(430) 

même lorsque relativement à la position où les eaux jaillissent 
elles ne peuvent être employées à l’abreuvage des bestiaux et aux 
besoins des habitans d’un village. C’est en effet à ces seuls usages 
que l’on a employé les eaux du puits foré de M. Baxcaz ; mais l'on 
ne doit pas perdre de vue que les eaux fraiches et salubres ne 
sont pas extrèmement communes dans les environs de Mont- 
pellier, et que, par conséquent, leur découverte y a plus de 
prix qu'ailleurs. 

Il ne nous reste plus maintenant qu’à établir quelques distinc- 
tions relatives aux puits forés ou puits artésiens considérés en 
général. Dans le langage ordinaire, on entend par puits foré les 
trous ou canaux verticaux pratiqués dans la terre , canaux dont 
le diamètre ne dépasse guère un décimètre, et qui ramènent 
vers l'extérieur des eaux souterraines. Ces eaux jaiilissent parfois 
au-dessus du sol, ou bien, remontant de fond, elles s’élèvent 
plus ou moins dans les tuyaux du trou foré, sans cependant 
surgir au-dessus du niveau du terrain dans lequel le puits a été 
creusé, Ces dernières ne sont utilisées que lorsque les eaux obte- 
nues par ce moyen, quoique ne s’élevant pas au-dessus du sol, 
ont cependant un niveau supérieur à celui de la plus grande 
partie des terrains qui s’en trouvent rapprochés. Mais pour les 
mettre à profit, il faut nécessairement construire des canaux 
qui puissent en faciliter l'écoulement au dehors. 

Les eaux remontant de fond et que l'on obtient à l’aide d’un 
trou foré sont encore utiles lorsque ce trou a été pratiqué dans 
un puits construit selon les procédés ordinaires, car alors elles 
augmentent la masse de celles qui y existaient. 

Quant aux eaux jaillissantes et qui s’écoulent par l'ouverture 
du trou foré, elles paraissent être entretenues par les infiltrations 
qui s'opèrent dans les terrains les plus superficiels, ou être ali- 
mentées à la fois par ces infiltrations et les nappes d'eaux sou- 
terraines. Celles-ci semblent les restes des anciennes eaux qui 


ont tenu en suspension les matériaux secondaires; aussi ne se 


(431) 
trouvent-elles que dans les terrains ammonéens ou au-dessous 
de ces mêmes terrains. 

Nulle part l’on n’est encore parvenu jusqu’à ces nappes d’eau 
dans nos contrées méridionales , les tentatives exécutées pour 
obtenir des eaux jaillissantes n'ayant point fait pénétrer au- 
dessous des terrains tertiaires. En effet, on est loin d'être par- 
venu au-dessous de ces terrains, puisque l’on n'a pas même les 
marnes bleues subapennines, généralement supérieures aux 
formations d'eaux douces tertiaires. Les eaux jaillissantes obte- 
nues dans nos régions sont donc peu abondantes; d’ailleurs, on 
les voit sujettes à des intermittences de crue et d’abaissement 
qui suivent assez bien celles des phénomènes atmosphériques, 
ce qui serait peu sensible si l'on était descendu jusqu'à ces 
nappes d’eau logées entre les masses des terrains secondaires. 

En résumé, comme l'épaisseur de nos terrains tertiaires paraît 
très-considérable , le procédé du forage n'est avantageux dans 
nos contrées méridionales que pour obtenir des eaux remontant 
de fond et améliorer les puits pratiqués selon les procédés ordi- 
naires. Du moins des eaux jaillissantes n'ont été rencontrées que 
dans deux seules localités du midi de la France, localités dont 
la position faisait présumer que l’on pourrait avoir quelques 
succès. Cependant de nombreuses tentatives ont été faites de 
tous côtés, dans l'espoir de voir surgir d'abondantes eaux sou- 
terraines. C’est donc à ce but que doivent tendre les efforts de 
nos agronomes, et dans des pays comme le nôtre, où l'eau est 
d'un si grand prix, cet avantage vaut bien la peine d'être re- 
cherché. 


OBSERVATIONS GÉOLOGIQUES 
SUR LE DÉPARTEMENT DE L'AUDE, 


Par M. Marcez DESERRES , Membre correspondant. 


9 JANVIER 1039. 


Les observations que l’on va lire ont été recueillies dans le 
courant de l'été de 1832, dans des excursions que nous avons 
faites avec MM. Fowns-Lamorue, de Limoux, et Rozcaxo ou Rocax, 
de Carcassonne. Elles ont eu pour but, de déterminer la posi- 
tion géologique du calcaire qui compose les montagnes élevées 
des arrondissemens de Limoux et de Quillan, ainsi que celle des 
macignos compactes, connus généralement dans le midi de la 
France sous le nom de grès de Carcassonne. Sous ce rapport, 
nos observations seront peut-être utiles à la connaissance du 
bassin parcouru par l'Aude, bassin qui a acquis une certaine 
célébrité géologique, depuis qu'un habile observateur, M. Tourxaz, 
l’a exploré avec autant de zèle que de succès. 

Ce qui nous a encouragé dans nos recherches, c'est que, plus 
que personne, nous sommes convaincu que les travaux spéciaux 
qui n’embrassent qu'un petit espace sont les plus importans 
pour la science , et les seuls peut-être qui ne soient pas à refaire. 
Les observations qui se rattachent à des espaces peu étendus 
sont, relativement aux travaux généraux, ce que sont les mono- 
graphies comparativement aux faunes ou aux flores ; elles sont 
le type duquel celles-ci émanent. Puissions-nous , dans le cadre 


(433) 

étroit que nous nous sommes fait, et qui n'est autre que le 
tracé de notre route, avoir évité ces erreurs, où tombent si 
souvent ceux qui, forcés de voir beaucoup, voient tout sous le 
faux jour d'un système, ou voient mal, parce qu'ils n’ont ni le 
temps ni la volonté de tout observer: 

Ainsi que nous venons de le dire, nous ne suivrons d'autre 
plan dans ces observations que celui qui nous est tracé par la 
route que nous avons suivie; aussi décrirons-nous les licux que 


nous avons traversés dans l'ordre où ils se sont présentés à nous. 


J. Route de Montpellier à Narbonne , par Mèze, Pézenas et 


À Béziers. 


Le bassin de Montpellier, essentiellement tertiaire, appar— 
tient aux furmations immergées, quoiqu’au nord et à l’est de 
cette ville , les bassins de Montferrier et de Grabels, qui en sont 
très-rapprochés, ne présentent plus que des formations tertiaires 
émergées. Ces deux bassins n'étaient donc plus sous les eaux de 
l'ancienne mer, lorsque celle-ci recouvrait encore le bassin de 
Montpellier , et les contreforts qui les séparent de ce dernier le 
font aisément concevoir, ces contreforts ayant été soulevés anté- 
rieurement au dépôt des couches terliaires émergées. 

Les terrains terliaires immnergés qui constituent le sol des 
environs de Montpellier sont composés de sables marins ,’alter- 
nant parfois avec des marnes calcaires d’eau douce, après les- 
quelles paraissent des bancs pierreux de calcaire marin ; ceux-ci, 
souvent divisés en plusieurs masses distinctes, sont quelquefois 
séparés par des marnes calcaires marines ou d’eau douce. Des 
lits de cailloux roulés de calcaire d'eau douce, percés par des 
coquilles perforantes marines , accompagnent ces bancs pierreux 
qui surmontent des marnes argileuses bleues, analogues à celles 
nommées en Îlalie marnes sub-apennines. Au-dessous de ces 
marnes bleues d’origine marine, quoique souvent chargées d’une 


28 


(434) 
grande quantité de sable de rivière , l'on voit parfois des lits de 
gros cailloux roulés de roches secondaires et même primitives, 
telles que des pegmatites et des granits, ou, ce qui est plus 
commun, des macignos compactes ou des molasses superposés sur 
des calcaires d’eau douce , au-dessous desquels on n’a pas encore 
pénétré, au moins d’une manière directe. 

Ces diverses couches reposent probablement sur le terrain 
secondaire, quoiqu’aucune coupe n'ait encore démontré cette 
superposition. Mais cette superposition étant évidente pour les 
formations tertiaires émergées des bassins les plus rapprochés de 
celni de Montpellier, il doit, ce semble, en être de même des 
formations immergées , déposées dans le sein de l’ancienne mer, 
et par cela même plus puissante que les émergées, dont les 
dépôts ont eu lieu lorsque la mer avait abandonné les bassins 
où ils ont été opérés. 

Ces formations tertiaires immergées s'étendent dans toute la 
plaine, depuis Montpellier jusqu’au-delà de Narbonne, éprou- 
vant cependant par intervalle d’assez grandes interruptions que 
nous allons détailler avec plus de soin. Nous ne ferons connaître 
que celles qui sont sensibles sur la route que l’on suit. Ainsi, 
les formations tertiaires immergées s'étendraient presque sans 
interruption et parallèlement aux côtes de la Méditerranée, jus- 
qu'à la chaîne des Albères, bien après Perpignan, si après Nar- 
bonne elles n'étaient remplacées par les formations tertiaires 
émergées pendant plusieurs lieues, c'est-à-dire, depuis cette 
ville jusqu'au-delà de Sigean. 

La première interruption qu’éprouvent les formations ter- 
tiaires immergées a lieu à la descente de St.-Jean-de-Vedas, à 
une lieue au sud de Montpellier. Les formations secondaires 
s'étendent jusque sur la route, en plongeant au-dessous des 
premières. La seconde se voit avant la grande montée de Mëze ; 
des gompholites et des calcaires secondaires l’opèrent. Mais sur 
la hauteur, les formations tertiaires immergées reparaissent 


( 435) 


bientôt. Ge sont des sables marins tertiaires avec des bancs pier- 
reux ; soit marins, soit d’eau douce, lesquels sont accompagnés 
de marnes calcaires des deux origines. Le contrefort qui con- 
stitue la butte en avant et au-dessus de Montagnac forme éga- 
lement une barrière naturelle entre les terrains immergés des 
bassins de Mèze et de Montagnac. Ce contrefort est formé par 
un calcaire secondaire qu’accompagnent des marnes de la même 
nature. Depuis la montée de Montagnac jusqu'à Valros, les 
formations immergées n'éprouvent pas d'autre interruption; 
mais dans ce dernier licu, elles sont remplacées par les forma- 
tions volcaniques , si abondantes dans les environs de ce village 
et de Pézénas. De Valros jusqu'au-delà de la Bégude , des dépôts 
diluviens puissans recouvrent les terrains tertiaires immergés, 
et ceux-ci ne sont presque plus visibles que dans un petit nom- 
bre de localités, où l’on reconnait les sables marins, des marnes 
d’eau douce, ainsi que des bancs puissans de calcaire moëllon. 

Au-dessus et au sud de la Bégude, les formations volcaniques 
reparaissent de nouveau;elles n’y sont plus caractérisées, comme 
à Valros, par des laves compactes et scoriacées, mais par des 
pépérines grisâtres qui y sont même exploitées, fournissant 
d'excellentes pierres de taille dont on fait un grand usage dans 
les constructions du pays. Ces pépérines se montrent également 
supérieures aux laves dans une infinité d’autres localités des 
environs de Pézénas. L’on sait qu'Herculanum a été en grande 
parlie recouvert par une pépérine analogue à celle des environs 
de la Bégude et de St.-Adrien, mais qui n’a pas à la vérité la 
même solidité que cette dernière. 

À la première descente après la Bégude reparaissent de nou- 
veau à l’extérieur les formations tertiaires immergées, formations 
qui composent la colline sur laquelle Béziers est bâti. Cette col- 
line présente bien clairement la superposition immédiate des 
calcaires marins tertiaires sur les calcaires compactes et les ma- 
cignos d’eau douce. Cette superposition concordante est surtout 


( 456 ) 

apparente auprès de la pompe à feu, et cela à raison des grands 
travaux que l’on y a faits. Elle est si claire dans cette localité, 
que nous sommes à concevoir comment elle a pu être contestée. 
Ïl a bien fallu cependant finir par se rendre à l'évidence des faits. 
En effet, outre que cette superposition des bancs pierreux ma- 
rins sur les terrains d’eau douce a lieu d’une manière immé- 
diate auprès de la pompe à feu , comme sur les rives de l'Orb, 
auprès de la ville de Béziers, on la voit encore dans les car- 
rières exploitées auprès du torrent de Bagnols. Ces carrières, 
peu distantes de Béziers, fournissent à cette ville, depuis des 
siècles, d'excellentes pierres de taille d’un caïcaire d'eau douce 
compacte, sur lequel s'appuient les bancs pierreux marins et 
terliaires. Ges calcaires d’eau douce, généralement caractérisés 
par de nombreuses hélices, offrent aussi dans certaines de leurs 
couches de petiles espèces de cérites, lesquelles annoncent que 
leurs masses, comme celles des calcaires marins, ont été dépo- 
sées dans le bassin de l’ancienne mer. 

La présence de ces nombreuses coquilles de mer dans un 
calcaire d'eau douce nous a prouvé que les espèces fossiles ne 
suffisaient pas à elles seules pour en déterminer l’origine. 

En effet, la pâte d’une roche est le point essentiel sur lequel 
doit se porter l'attention de l'observateur, puisqu'elle seule 
peut permettre de fixer d’une manière certaine leur nature. 
Ainsi, il arrive assez souvent qu’une roche d'eau douce des ter- 
rains immergés offre des coquilles marines ou d’autres produits 
de mer, tout comme une ruche marine des coquilles d'eau douce ; 
dès-lors, la nature de leur pâte est le seul caractère avec celui 
de leur texture qui puisse faire décider quelle a été leur pre- 
mière origine, En un mot, lorsque la pâte d'une roche cest celle 
des roches des eaux douces, il importe peu qu'elle recèle ou 
non des produits marins pour se prononcer sur son origine ; 
tout comme quand leur pâte est marine, la présence des 
coquilles terrestres ou fluviatiles ne peut pas la faire considérer 


(437) 


comme des eaux douces ; seulement on doit en conclure qu'elle 
a été produite dans le sein d'une mer qui recevait des courans 
d'eau douce. Dans le premier cas, c’est-à-dire lorsque des roches 
à pâte d’eau douce offrent des coquilles marines (*), la présence 
de ces coquilles annonce que les dépôts fluviatiles ont été préci- 
pités dans le sein de la mer. Pareils effets ne se rencontrent, du 
reste, que dans les bassins immergés; car il ne peut s’en être 
opéré de pareils dans les dépôts des bassins émergés, ces dépôts 
ayant eu lieu lorsque la mer les avait déjà abandonnés. 

L'on nous pardonnera sans doute la longueur de cette digres- 
sion à raison de l'intérêt du sujet. L’on ne saurait trop insister 
sur la distinction qui existe entre les formations tertiaires im- 
mergées et émergées, puisque celte distinction n'a pas encore 
été faite dans des cartes publiées depuis peu par d’excellens 
géologues. 

La superposition du terrain marin tertiaire, caractérisé dans 
le midi de la France par des bancs pierreux sur le terrain d’eau 
douce , est tellement sensible dans les environs de Béziers, qu'à 
mesure que l'on s'éloigne du torrent de Bagnols, et dès que l’on 
arrive à la hauteur de la pompe à feu, c’est-à-dire à celle où se 
maintiennent les formations marines, on voit celles-ci reparaitre 
successivement. En poursuivant sa route vers le nord-ouest, 
l'on retrouve l’ensemble des couches marines, qui se présentent 
à l'observateur qui suit le grand chemin de Béziers à Narbonne. 
Ces couches se montrent superposées immédiatement sur les 
macignos, les poudingues et les calcaires d'eau douce qui, dans 
ces localités, constituent le terrain fluviatile tertiaire. 

De Béziers au Pas-du-Loup les formations tertiaires immer- 
gées éprouvent peu d'interruption. Les bancs pierreux marins 


term ent ne AE COUR RE Lot OL 
(*) Tels sont les calcaires d'eau douce de Cruzy, près de Bize; les marnes 


d’eau douce de Lebrette, près Narbonne, et les calcaires fluviatiles de Béziers, 
qui recèlent, les premiers des huîtres et les derniers des cérites, 


(438) 

y composent les basses collines qui entourent Béziers, et ces 
bancs pierreux s’y montrent souvent au niveau du sol, surtout 
auprès des magnifiques carrières de Brégines. Depuis le Pas-du- 
Loup jusqu’à Narbonne, il en est à peu près de même; seule- 
ment dans les environs de Nissan les terrains d’eau douce y 
sont très-bien caractérisés. 

Les formations tertiaires immergées se rencontrent de nou- 
veau auprès de ce village, comme sur toute la route. Essentiel- 
lement composées de sables marins en couches puissantes, on y 
trouve un grand nombre de débris organiques, parmi lesquels 
on distingue une grande quantité d'huîtres, et principalement 
les Ostræa undala, virginiana et longirostria. On a découvert 
dans les mêmes sables des débris d'éléphant, et particulière- 
ment une grande partie d’une défense. C'est donc sur les ter- 
tiaires immergés que la ville de Narbonne est bâtie. Du reste les 
bancs pierreux marins ou le calcaire moellon qui appartiennent 
à cette formation y sont peu développés ; ces bancs ne fournis- 
sent guère des pierres de construction. 

La ville de Narbonne se trouve entourée de terrains tertiaires 
émergés à l'est, au sud et à l’ouest. Les formations émergées y 
commencent vers l’est, à une petite lieue vers Arnissan; il en 
est à peu près de même dans les deux autres directions. Seulez 
ment vers le sud les terrains tertiaires immergés qui composent 
l'ile de Sainte-Lucie, ainsi que les iles de Bages, qui en sont fort 
rapprochées , s'étendent plus au-dessus de Narbonne que dans 
les deux autres directions. Quant aux formations tertiaires émer- 
gées, elles prennent un grand développement au sud de Nar- 
bonne, bien avant d'arriver au lieu nommé dans le pays le Lac, 
en raison probablement de ce qu'il a été jadis occupé par un 
lac , ainsi que l’annonce sa disposition générale et la nature des 
dépôts que l’on y découvre. On sait que l’on exploite depuis des 
siècles des gypses tertiaires, soit au Lac, soit auprès du village 
de Portel, qui n'en est distant que de trois quarts de licue au 


(439 ) 
plus. Ceux de cette dernière localité donnent du plâtre de meil- 
leure qualité que ceux du Lac; mais ceux-ci sont bien plus 
intéressans à raison des nombreux poissons et des débris de 
végétaux qui les accompagnent. Ils ne paraissent pas avoir 
éprouvé un soulèvement bien violent, car leurs couches conser- 
vent leur horizontalité et leur parallélisme. 

Au-dessous des dépôts diluviens , l’on observe dans les car- 
rières du Lac des marnes calcaires jaunâtres, en lits nombreux, 
mais peu épais. La nature de la pâte de ces inarnes nous les a 
fait juger d'eau douce, quoiqu’elles ne renferment aucune trace 
de, corps organisés. L'épaisseur totale de ces couches marneuses 
est de dix ou douze mètres. À ces marnes en succèdent d'autres 
qui n’en diffèrent que par leurs nuances. Ces marnes sont tou- 
jours calcaires et effervescentes, L'épaisseur de ces dernières est 
d'environ un mètre. Des marnes jaunâtres viennent ensuite; 
celles-ci sont plus ou moins mélangées avec les précédentes. 
Leur puissance est d’environ deux mètres. Enfin paraît le gynse 
en bancs horizontaux assez minces, et dont l'épaisseur varie 
depuis 4 jusqu'à 12 ou 15 centimètres. Entre ces lits gypseux 
existent des bancs marneux chargés de débris de végétaux et de 
petits poissons, malheureusement trop brisés pour être détermi- 
nables. Nous nous sommes seulement convaincus qu'ils appar- 
tenaient à l’ordre des malacoptérygiens abdominaux, ordre qui 
fournit le plus d’espèces des caux douces. 

Enfin entre les lits peu épais de ces marnes, l’on observe 
le dusodyle ou houille papyracée de M. Cordier. Comme le 
dusodyle de Sicile, celui du Lac se présente en masses 
feuilletées, à feuillets minces papyracés, tendres et flexibles , 
avec une nuance grisâtre ou verdâtre. Il brûle également très. 
facilement répandant une odeur infecte. Il offre encore ce rap- 
prochement avec celui de Sicile , de renfermer entre ses feuil- 
lets des empreintes de poissons ct de plantes qui paraissent 
apparlenir aux dicotylédones. La quantité des petits poissons 


(440) 
dont les empreintes et quelquefois même la propre substance 
se trouvent entre les couches marneuses et les feuillets du duso- 
dyle , est réellement prodigicuse. Ce nombre surprend d'autant 
plus que les eaux où ils ont vécu devaient être fort chargées de 
sélénite. 

Quant à l'épaisseur de la masse gypseuse , elle ne dépasse pas 
4 où 5 mètres, en y comprenant les lits marneux qui alternent 
avec ces gypses. Nous ferons enfin observer que dans d’autres 
parties de la vallée , les gypses sont surmontés par des couches 
puissantes de calcaire d’eau douce et de marnes fluviatiles. Cette 
superposition des calcaires sur les gypses est évidente dans les 
carrières de plâtre que l’on exploite dans les environs du village 
de Portel , près de Narbonne. , 

Nulle part , dans les environs de cette dernière ville, comme 
dans tout le midi de la France, on ne voit la moindre liaison 
entre le sol secondaire et le sol tertiaire. Non-seulement il ne 
s'opère pas entre ces deux natures de sol le moindre passage, 
par les roches qui en font partie, mais ce passage, s'il avait 
lieu , serait en opposition avee leur mode de gissement ; car les 
roches tertiaires se montrent constamment en superposition 
contrastante ou discordante sur les roches secondaires. Ceei a 
aussi bien lieu pour les formations tertiaires émergées que pour 
les immergées. Nous pourrions même en trouver des exemples 
dans les environs de Narbonne; pour les premières les carrières 
de Portel nous les fourniraient comme pour les secondes, la 
formation marine de Burgadelles, près Fleury, dans la Clape, 
à un quart de lieue de la Méditerranée. 

On pourrait en quelque sorte comparer cette dernière forma- 
tion à une espèce de culot de terrain warin tertiaire , lequel s’est 
déposé entre les couches d’un calcaire secondaire , et se trouve 
ainsi isolé de toute autre formation analogue. Le calcaire moellon 
se voit également en gissement contrastant sur la route qui de 
Pont-Royal conduit à Lambesc ( Provence); ainsi que dans les 


Caér) 

environs de Lasfoux ( Gard }). Du reste, nous n'en finirions pas si 
nous voulions citer tous les lieux où l’on observe les {errains 
tertiaires en superposition discordante sur les formations secon- 
daires. Aussi n’avons-nous vu rien de semblable à cette liaison 
que MM. Coxsraxr Prévost et Horrmanx ont cru reconnaître entre 
le sol secondaire et le sol tertiaire, soit au cap Passaro, soit 
auprès de Girgenti, en Sicile. Il y a au contraire solution de 
continuité entre les deux natures de sol dans le midi de la 
France; solution de continuité encore évidente, même lorsque 
le terrain tertiaire a éprouvé des bouleversemens postérieurement 
à son dépôt. C'est un des faits géologiques les plus remarquables 
et dont une foule de localités, et particulièrement la vallée de 
la Cesse, nous ont offert de nombreux exemples. 

Outre ces gypses tertiaires, dont les bancs horizontaux et 
parallèles annoncent des dépôts opérés d’une manière lente, 
tranquille et successive, il en est d’une toute autre formation 
dans les environs de Narbonne. Ceux-ci se distinguent des pre- 
miers par leurs nuances très-variées, par leurs lits flexueux et 
contournés , par la présence des cristaux de quartz hyalin, et 
enfin par leur liaison avec des roches volcaniques et secondaires. 
Ces gypses se montrent ailleurs que dans les environs de Pey- 
riach et de Ste.-Eugénie, près de Narbonne; ils sont en effet 
tout aussi abondans et en dépôts encore plus puissans auprès de 
Cazouls-les Béziers, particulièrement dans le lieu nommé le 
Roucan. Dans toutes ces localités les gypses secondaires se mon- 
trent adossés à des calcaires secondaires grisâtres , ou à des dolo- 
mites compactes également grises. Partout ces gypses se mon- 
trent percés par des roches pyroxéniques , qui se sont fait jour 
à travers leurs masses. Enfin , dans certaines localités, ces gypses 
sont liés en quelque sorte à des montagnes de porphyÿre argileux 
et accompagnés d’anhydrite, tout comme certains des gypses 
tertiaires des environs de Narbonne renferment de petites masses 
&e soufre compacte. 


Pan.) 
+. 
ra 
€ 
Le 


Il. Route de Narbonne à Carcassonne. 


Nous n'avons presque rien dit des formations que l'on tra- 
verse en se rendant de Montpellier à Narbonne, ayant l’intention 
de porter toute l'attention de nos lecteurs sur celles du bassin 
de l'Aude ou de ses dépendances. Avant d’entrer dans les détails 
que notre route nous a fait connaître, exposons d’une manière 
générale la manière dont les diverses formations y sont coordon- 
nées, et quelle est leur importance relative. 

Les terrains tertiaires, principalement les dépôts qui se rap- 
portent aux formations émergées , ont la plus grande étendue 
dans le bassin de l'Aude, particulièrement dans la direction du 
sud au nord ; aussi comme ces formations se prolongent peu à 
l'ouest, elles cessent en quelque sorte au-delà de Carcassonne, 
dans cette même direction , tandis qu'elles s'étendent considéra- 
blement soit au sud, soit au nord, soit à l'est de cette ville. 
Quant aux formations tertiaires marines ou immergées, elles 
n’ont quelque importance et ne présentent un certain dévelop- 
pement que vers la partie orientale de ce département. On ne les 
voit guères ailleurs que dans la vallée ou bassin de l'Orb, et 
dans quelques localités où elles sont complètement isolées, 
comme l'ile de Ste.-Lucic, par exemple. Là ces formations ma- 
rines, encore baignées par des eaux salées, se montrent peu 
éloignées des mers actuelles. 

Partout ailleurs, la disposition des bassins secondaires a été 
un obstacle au séjour des eaux de l’ancienne mer, pendant la 
période tertiaire sur le sol de ce département. Cet obstacle nous 
explique comment les formations tertiaires immergées y sont 
si peu développées, surtout comparativement à l’extension 
qu'ont prise ces mêmes formations dans les bassins de l'Orb, de 
l'Hérault, ainsi que dans les vallées de la Têt et du Thec 
( Pyrénées-Orientales ), qui en sont extrémement rapprochées. 


(445 ) 

Dans ce dernier département ou dans le bassin du Roussillon, 
les formations tertiaires immergées sont non-seulement domi- 
nantes relativement aux formations émergées , mais elles occu- 
pent à peu près à elles seules la partie la plus basse de ce bassin. 
Il y a plus, les eaux douces qui se rendaient dans le bassin de 
l’ancienne mer, étant trop rapides pour pouvoir y accumuler 
de vastes dépôts , y ont mêlé leurs troubles avec les sables et les 
limons marins. Aussi lorsqu'on examine les formations immer- 
gées du bassin du Roussillon , on les voit composées de couches 
formées par des limons ou des sables marins et fluviatiles. Il en 
est tout différemment du bassin occidental du département de 
l'Aude; barré, bien avant la Méditerranée, par des montagnes 
plus ou moins élevées , ce bassin ayant pu retenir les eaux douces 
qui s’y précipitaient , n'offre que des dépôts des eaux douces ou 
des formations émergces. 

Les dépôts des eaux douces les plus rapprochées des mers 
actuelles se rapportent à des calcaires d'eau douce, lesquels 
calcaires sont parfois accompagnés de dépôts gypseux, quelque- 
fois assez abondans pour être l’objet d'exploitations régulières. 
Les plus éloignées de la Méditerranée, quelle que soit leur 
direction, sont formées non plus essentiellement de calcaires 
d’eau douce, mais de grès à grains fins quartzeux, réunis par 
un ciment calcaire, sorte de macignos compactes verdâtres 
connus généralement sous le nom de grès de Carcassonne (*), 
parce qu’à raison de leur solidité l'on s'en sert comme de 
pierres de taille. Ges macignos constituent des bancs de la plus 
grande étendue et d'une puissance des plus considérables, Aucune 
roche, si ce n’est des gompholites monogéniques, n'est super- 
posée à ces macignos dans la plus grande partie du bassin de 
l'Aude. Cependant dans un petit nombre de localités, comme, 


eo 


(*) Traité de Géognosie de M. Dausuisson , Lom. IX, page 437. 


C4) 

par exemple, à Cesseras, ces macignos sont recouverts par des 
calcaires d'eau douce plus où moins compactes et plus ou moins 
chargés de planorbes et de lymnées. Mais le plus généralement 
ces roches de grès ne sont accompagnées et n'allernent qu'avec 
des gompholites, des marnes argileuses ou calcaires et quelques 
bancs sableux. Aussi leur exploitation est-elle des plus faciles ; il 
sufñt de pratiquer une ouverture et de creuser dans leur masse 
pour enlever de magnifiques pierres de taille, qui sont d’autant 
plus précieuses qu'elles prennent un assez beau poli et offrent le 
grand avantage de ne point s’altérer à l'air. 

Ces macignos , ou grès de Carcassonne, parviennent parfois 
à une assez grande élévation; ils la doivent au soulèvement 
qu'ils ont éprouvé postérieurement à leurs dépôts. Ge soulève- 
nent leur a fait prendre une position plus ou moins rapprochée 
de la verticale. Quelquefois même leurs assises ont été tellement 
redressées, qu'ils forment comme d'immenses aiguilles sur le 
sommet des montagnes qui en sont composées. Ces roches se pré- 
sentent ainsi dans les collines de Fossan ou Fauzan, près Cesseras. 

Ces formations émergées du bassin de l’Aude peuvent très- 
bien être comparées au nagelfluhe ou aux molasses de la Suisse, 
soit par leur position, soit par rapport aux animaux que les ans 
el les autres renferment, animaux qui se rapportent à des mam- 
mifères terrestres et à des reptiles. Dans les macignos de la 
vallée de l'Aude, comme dans les molasses de la Suisse, ces 
mammifères terrestres sont à peu près tous de l'ordre des pa- 
chydermes, appartenant aux genres lophiodon, palæotherium 
et tapir. I] parait même que l'on y a également découvert des 
débris d’anoplotherium. Nous n’avions point reconnu des restes 
d'animaux de ce genre, ni même dans les collections de 
M. Desrnen, lorsque M. Pironne, qui a examiné ces terrains 
d’une manière toute particulière, nous a montré un fragment de 
maxillaire inférieur , qui se rapporte à une espèce de ce genre. 

Parmi les différentes espèces de palæotherium que nous avons 


(445) 

pu déterminer, nous citerons d’abord le palæotherium medium 
de M. Cuve et une autre espèce nouvelle beaucoup plus petite 
que le palæotherium minus , et qu’à raison de sa petite taille 
M. Pironne se propose de décrire sous le nom de parvulum. 
Quant aux lophiodons, nous possédons celle que M. Cuvier a 
désignée sous le nom de la grande espèce de Batsberg (Tom. IT, 
pag. 197, pl. VIT, fig. 1, 3 et 5), et que nous nommerons 
magnum , pour la distinguer de la plus grande et de la moyenne, 
que l’on pourrait désigner sous les noms de g'ganteum et de 
medium. Nous avons cette dernière que M. Cuver a signalée 
comme l'espèce moyenne déterrée à [ssel. (Tom. IT, pag. 177, 
pl I, fig. 1.) Mais ces espèces sont loin d’être les seules qui 
existent dans les macignos de Carcassonne. 

Quant aux reptiles ils se rapportent à des chéloniens et à des 
sauriens. Les débris des chéloniens y sont les plus nombreux ; 
ils appartiennent aux trois genres, savoir : celui des tortues, 
des trionyx et des émydes. Nous avons vu dans un torrent rap- 
proché de Cesseras une carapace tout entière d'un individu de 
ce dernier genre, carapace que M. Prronre avait découverte et 
que les auvriers s'étaient amuvis à briser. Les sauriens se rappor- 
tent principalement aux crocodiles. Des coprolites, probable- 
ment de grands sauriens, se trouvent également dans ces grès 
verts ou macignos. Les coquilles sont fort rares dans ces roches ; 
cependant, ainsi que s’en est assuré M. Prronre , les couches sur 
lesquelles s'appuient les calcaires d’eau douce offrent comme 
ces calcaires des planorbes et des lÿmnées. M. Raynal, ingénieur 
du canal du midi, en a même observé dans des bancs de ma- 
cignos sur lesquels n'existait aucune trace de calcaire d’eau 
douce. Ces observations prouvent à quel point les coquilles y 
sont rares ; on le conçoit très-bien , pour des roches qui ne sont 
formées que par des grains de sable quartzeux ct de calcaire 
réunis par agrégation mécanique. 


En un mot, l’ensemble des calcaires d'eau douce du bassin 


(446) 

de l'Aude est caractérisé par de nombreuses coquilles fluviatiles, 
lacustres ou terrestres. Les macignos, qui y constituent des for- 
mations de la plus grande étendue, abondent au contraire en 
débris de mammifères terrestres et de reptiles qui jusqu’à pré- 
sent n'ont offert que des espèces des deux grandes familles, 
celles des chéloniens et des sauriens. Mais dans toutes ces for- 
mations , l’on ne voit nulle trace d’un corps organisé marin. Par 
conséquent ces calcaires et ces macignos appartiennent aux for- 
mations émergées , puisqu’à l'époque de leurs dépôts le bassin 
de l'Aude avait été abandonné par l'ancienne mer, lorsqu’au 
contraire à la même époque ou à une époque postérieure les 
eaux de l’ancienne mer recouvraient encore la partie la plus 
orientale de ce même bassin. 

S'il fallait se prononcer sur l’antériorité des formations émer- 
gées de la partie occidentale du bassin de l'Aude , relativement 
aux formations immergées de la partie orientale de ce même 
bassin, nous le ferions presque sans hésitation. En elfet, les 
macignos ne se trouvent dans le midi de la France, lorsqu'ils 
sont en contact avec les formations immergées, qu’au-dessous 
de ces formations et parfois même en gissement contrastant, 
ce qui prouve l’antériorité de leurs dépôts. Enfin, l’on ne 
trouve pas, comme espèces caractéristiques des terrains im- 
mergés du midi de la France, les palæotheriam et les lophio- 
dons, tandis que ces genres se rencontrent presque seuls dans les 
macignos du bassin de l'Aude. Ces genres n’y sont donc pas 
accompagnés de cette foule d’espèces dont plusieurs ne diffèrent 
pas de nos races actuelles, et qui pourtant abondent dans nos 
formations immergées. Or, ces espèces analogues à nos races 
vivantes annoncent un plus grand rapport avec les temps pré- 
sens que ne peuvent le faire des genres dont rien ne rappelle 
les formes ni le mode d’organisation dans notre monde actuel. 

Aussi est-il plus essentiel dans la comparaison des espèces 
fossiles de faire attention aux espèces caractéristiques des for- 


(447) 

mations que d'en déterminer les proportions. En efet, pour ne 
pas sortir de l'exemple des macignos de la vallée occidentale de 
l'Aude, ces macignos présentent comme caractéristiques les 
espèces de deux genres perdus, des palæotherium et des lophio- 
dons; mais ces genres se trouvent dans anc infinité d’autres 
localités, et ce qui est plus remarquable encore, dans d’autres 
formations. Ainsi on les découvre dans le bassin de Paris, aussi 
bien dans le calcaire grossier que dans le gypse ; en Auvergne ct 
aux pieds de la Montagne-Noire, ainsi que dans les environs de 
Castelnaudary, dans les calcaires d’eau douce ; tandis que dans 
les environs de Montpellier on les observe dans le calcaire 
moellon et les sables marins tertiaires qui alternent ou qui 
recouvrent ces bancs pierreux. Enfin, les molasses et les nagel- 
flühe de la Suisse ont également présenté ces genres inconnus 
dans la nature vivante. 

Les palæotherium et les lophiodons ne caractérisent donc 
essentiellement que nos macignos, les gypses du bassin de Paris 
et enfin les molasses de la Suisse. Dans les autres terrains que 
nous venons de signaler, ces genres n'y sont ni assez nombreux 
ni assez isolés pour être considérés comme caractérisant la popu- 
lation de l’époque à laquelle ils ont appartenu, pour ainsi dire 
accidentellement , ceux-ci étant sur le point de s'éteindre tandis 
que les autres, au contraire, arrivaient sur la scène du monde. 
Du reste ces genres paraissent avoir péri plutôt dans les lieux 
dont la température était la plus basse , et cette influence de la 
température sur la prolongation de leur vie explique très-bien 
leur présence dans des terrains d’une date aussi récente que 
le sont nos sables marins tertiaires. 

Un second ordre de collines plus élevées, ou, pour mieux dire, 
de montagnes, appartient à des formations toutes différentes ; 
celles-ci se composent de calcaires secondaires qui se rapportent 
à la craic compacte inférieure. Cette roche, fort répandue dans 
le midi de la France, est assez généralement placée comme la 


(448) 

craie tufau ou la glauconie crayeuse. Elle abonde, et surtout les 
marnes qui les accompagnent, en corps organisés, principale- 
ment en mollusques et en zoophytes marins. Leurs espèces ont 
assez de constance pour caractériser ces lerrains, qui n'ont 
de commun avec les véritables formations crayeuses que leur 
position , d’être très-stériles et de renfermer une assez grande 
quantité de nummulites, de bélemnites, d'ammonites et de 
spalangues. 

Le troisième ordre de montagnes des montagnes de l'Aude se 
compose encore de calcaire, mais d’une époque plus ancienne, 
Ce second système calcaire se rattache aux formations juras- 
siques et, à ce qu'il paraît, à l'étage le plus supérieur de ces 
formations. Les formations de cette, époque n'y prennent un 
certain développement qu'au sud de Narbonne ; elles ÿ consti- 
tuent un petit chaînon particulier connu dans le pays sous le 
nom de la Clape. Quelques accidens de terrains pyroïdes ou 
volcaniques se montrent disséminés, soit dans cet ordre de 
montagnes, soit dans le système précédent. L'on y voit aussi 
quelques ainas gypseux ; caractérisés par la présence de cristaux 
de quartz hyalin prismé, cristaux que l’on ne voit jamais dans la 
masse de gypses lerliaires, Ces amas gypseux ont été probable- 
ment produits par des causes du même ordre que celles aux- 
quelles il faut attribuer les terrains pyroïdes. L'irrégularité de 
ces amas en lits contournés et fortement flexueux, le fait du 
moins aisément supposer. Quoiqu'il en soit, ces deux genres de 
dépôts paraissent intimement liés l’un à l’autre, car ils s’accom- 
pagnent à peu près constamment; ils n'ont pris nulle part une 
grande extension , même dans les environs de Cazouls-les-Béziers 
(Hérault }, où ils sont le plus développés. 

Le quatrième ordre de montagnes du bassin de Aude appar- 
tient à une époque plus ancienne. Un calcaire compacte, noi- 
râtre ou grisitre, traversé ou non par des veines spathiques 
blanchätres, le compose. Ce calcaire, susceptible de recevoir un 


(449) 

beau poli, pourrait être exploité comme marbre, surtout celui 
qui compose les montagnes qui bordent la route de Limoux à 
Alet. Dans certaines cavités qui existent entre les couches de ce 
calcaire, sur la même route, l’on découvre de petits amas de 
marnes noirâtres , bitwmineuses, lesquelles marnes offrent de 
nombreuses coquilles pyritifiées des genres orbulite et arca. Ces 
coquilles y sont accompagnées de fer sulfuré en rognons arron- 
dis et parfois de lignites. 

Ces marnes noirâtres paraissent d’une date plus récente que 
les calcaires dans îles cavités desquels elles se montrent, puis- 
qu'évidemment elles ont rempli ces cavités postérieurement à 
leur formation. Aussi, malgré la présence de ces corps orga- 
nisés , l’on doit, ce semble, rapporter les marbres ou les cal- 
caires de la partie la plus occidentale du bassin de l’Aude aux 
formations secondaires les plus inférieures , ou aux terrains dits 
de transition. Ces calcaires composent les plus hautes mon- 
tagnes de l'arrondissement de Limoux et partie de celui de 
Quillan. Il paraît également que les marbres de Caunes, dont 
nous aurons plus tard occasion de parler, se rattachent aux 
mêmes formations, quoique l’on y découvre parfois de nom- 
breuses petites orbulites, et rarement des bélemnites remar- 
quables par leur peu de largeur et leur longueur, ce qui leur 
donne des formes très-aiguës. 

Ce calcaire de transition a percé les masses de craie compacte 
et celle des calcaires jurassiques, et par suite du soulèvement 
qu'il a éprouvé, il est parvenu à une hauteur qui dépasse sou- 
vent 2,000 mètres. On le voit parfois reposer immédiatement 
sur des roches de schiste argileux ou de phyllade micacé, les- 
quelles roches ont été également soulevées. Probablement le 
soulèvement de ces schistes et de ces phyllades n’a pas été sans 
influence sur la hauteur à laquelle sont parvenues les roches 
calcaires de transition. , 

Les roches schisteuses ou phylladiennes composent bien à elles 


29 


(450) 
seules des montagnes (environs de Quillan) ; mais ces montagnes 
n'atteignent jamais une élévation aussi grande que celle à laquelle 
sont arrivées les roches calcaires. Ces roches sont terminées par 
de vastes plateaux, sur lesquels sont établies les grandes forèts 
de pins et de sapins, si étendues dans l'arrondissement de 
Quillan. 

Les schistes argileux et les phyllades micacés reposent à leur 
_ tour sur des roches cristallines primitives, et cela d’une ma- 
nière immédiate. C’est soit sur des gneiss, soit sur des granits 
que s'appuient ces roches schisteuses ; l’on observe distincte- 
ment cette superposition dans les environs des forges de Ginela, 
comme aussi dans les environs de St.-Pons et de la Salvetat 
(Hérault), où les mêmes formations se reproduisent avec à peu 
près les mêmes roches. 

Des grès secondaires composent aussi quelques montagnes 
qui se rattachent au bassin de l'Aude. Tels sont ceux que l’on 
aperçoit dans les environs des baïns de Rennes. Ces grès ne se 
rapportent pas cependant à la craie compacte inférieure , quoique 
cette roche compose la plus grande partie des montagnes qui 
entourent ces bains. On les voit au contraire constamment subor- 
donnés aux calcaires liassiques et jurassiques. Ces grès sont le 
plus généralement d’an blanc jaunätre à grains fins , et comme 
ils ne contiennent pas des grains de feld-spath, on ne peut 
guère les assimiler aux arkoses. Ils rentrent plutôt parmi les 
psammites quartzeux chargés de grains calcaires, que de toute 
autre roche. 

Quant aux grès ferrugineux et aux grès verts proprement 
dits, ceux-ci, généralement peu développés dans le bassin de 
l'Aude , si ce n’est entre Narbonne ct Fontfroïide, se rattachent 
constamment à la craie compacte inférieure , à laquelle ils sont 
presque toujours subordonnés. 

Telles sont les principales formations qui composent les basses 
collines et les plus hautes montagnes du bassin de l'Aude. Ainsi 


(451) 

les collnesles moins élevées et les plus rapprochées des mers 
actuelles se composent des formations {ertiaires immergées, 
lesquelles se composent de calcaires, de marnes et de sables 
marins. À celles-ci succèdent des collines plus élevées, les. 
quelles s’écartent davantage des mers, et que l’on voit unique- 
ment formées de terrains tertiaires émergés. Ces terrains sont 
composés uniquement de roches des eaux douces, telles que 
des calcaires, des marnes et des macignos, caractérisés princi- 
palement par des ossemens de pachydermes et de reptiles. 

Quant aux amas gypseux, soit qu'ils appartiennent aux for- 
malions tertiaires, soit qu'ils dépendent des formations secon- 
daires, ils ne sont jamais assez abondans pour constituer à eux 
seuls des collines et encore moins des montagnes. Il en est de 
même des formations volcaniques que l’on observe dans le 
département ou dans le bassin de l'Aude. 

Enfin les montagnes les plus élevées appartiennent aux cal- 
caires noirs de transition, ainsi qu'aux schistes argileux et aux 
phyllades micacés. Celles qui sont composées de roches calcaires 
atteignent souvent une hauteur de 2,000 à 2,500 mètres, tandis 
que les collines formées par les terrains tertiaires immergés ne 
dépassent pas la faible élévation de 200 mètres. Cette élévation 
est bien surpassée par celles qui sont composées par les terrains 
tertiaires émergés ; celles-ci atteignent souvent jusqu'à 500 et 
même 60o mètres de hauteur. 

Ces premiers points fixés, l’on saisira plus facilement les 
détails dans lesquels nous allons entrer, en décrivant les lieux 
que nous avons parcourus. 

De Narbonne à Carcassonne la route se dirige constamment à 
l’ouest ; elle passe d’abord auprès de Montredon, village bâti 
au milieu d’un bassin où se montrent les terrains tertiaires, 
et que parcourent l’Aude et l'Orbieu. Avant ce bassin la craie 
compacte inférieure, sans aucune autre roche recouvrante, 
avait composé la masse des montagnes. Mais une fois que l'on 


(452) 
est sorti la craie reparaît de nouveau et se prolonge jusqu'au- 
delà de Lezignam. On ne quitte plus ensuite les terrains ter- 
tiaires émergés dont le macigno ou grès dit de Carcassonne 
est la base, en même temps que la roche dominante. 

Ces terrains se composent à partir des dépôts diluviens : 1.0 
de gompholites monogéniques ou poudingues calcaires, accom-— 
pagnés parfois de psaminites quartzo-calcaires ou grès blanchâtres 
à trés-petits grains ; 2.0 de marnes calcaires verdâtres , lesquelles 
alternent avecles gompholites, les dernières couches se trouvant 
à peu près constamment des marnes; 3.0 de macignos compactes 
verdâtres ou grès de Carcassonne, dont les parties les plus supé- 
rieures se montrent en couches distinctes et parallèles. Des 
marnes sans coquilles alternent avec les parties les plus supé- 
rieures de ces grès. Lorsque ceux-ci deviennent rompactes, ils 
prennent une telle solidité qu'ils semblent ne plus former 
qu'une seule masse. Ils offrent, ainsi que nous l'avons déjà 
observé, une assez grande quantité de débris de mammifères 
terrestres et de reptiles. 

Les masses de macignos exploitées près de Carcassonne ont 
été peu soulevées; du moins leur inclinaison est extrêmement 
faible , ne dépassant guère 15 ou 20 degrés; il n’en est pas de 
même de ceux que l’on observe dans la vallée de St.-Michel, 
formant une série de collines élevées, au pied desquelles sont 
bâties les villages de Cesseras et d’Azillanet. Iei les couches de 
grès tertiaire émergé ont éprouvé ün soulèvement si violent 
qu'elles sont devenues presque verticales, formant au sommet 
des collines où elles se montrent comme des aiguilles analogues 
à celles des granits. Par suite de ce redressement , les macignos 
ont formé des collines élevées, surtout dans la vallée de St. 
Michel, ainsi que dans diverses parties de la vallée de l'Aude. 
Ces collines, quelquefois terminées par des plateaux d'une assez 
grande étendue, se montrent couronnées de calcaire et de silex 
d'eau douce. 


(453) 

Les parties les plus inférieures de ce système tertiaire re- 
posent le plus souvent d’une manière immédiate sur la craie 
compacte inférieure ; ce système offre cà et là des dépôts de 
lignites assez abondans pour être exploités. Les principaux lieux 
où ce combustible est l'objet d'exploitations régulières sont 
Cesseras , Azillanet, Minerve, la Caunette, Oupia, Maillac et 
Agel. Outre ces localités, où les lignites ont été le sujet de tra- 
vaux plus ou moins réguliers’, il en est encore d'autres où des 
tentatives d'exploitations ont été faites à différentes époques. 
Ainsi à Siran, à La Livinière, à Félines, à Bize et à Cabezac, 
de pareilles tentatives ont eu lieu, mais elles n'ont pas été 
conlinuées. 

Quant aux formations que l’on observe dans ces mines, elles 
sont toutes à peu près les mêmes ; aussi prendrons-nous celles 
que l'on voit à la Caunette comme un exemple qui peut à Jui 
seul faire connaître toutes les autres. 


Ainsi, à la Caunette, en partant du niveau du sol vers le bas 
de la montagne, on observe : 


1.0 Un grès calcaire offrant parfois des grains quartzeux assez 
gros et se rapportant aux macignos compactes grisätres. Ces 
macignos , d’un gris plus ou moins foncé, se rattachent à la 
même formation que les verdâtres dont nous nous sommes déjà 
occupé. La terre végétale seule les recouvre par intervalles des 
gompholites monogéniques. L'on n’y voit nulle part, si ce n’est 
à Bize et à Cabezac, des traces de dépôts diluviens. 

2.° Un calcaire d’eau douce, fissile, blanchâtre, sans traces 
de corps organisés. 

3.0 Un calcaire d’eau compacte, renfermant de nombreuses 
coquilles fluviatiles , parmi lesquelles les planorbes et les lyin- 
nées sont les plus abondants. La puissance de ce calcaire est 
assez variable, puisqu'elle est tantôt de 10 mètres, tantôt de 
plus du double. Il en est de même de celle des macignos, qui 


(454) | 
ont souvent une épaisseur plus considérable que 40 ou 50 
mètres. 

4. Un calcaire argileux , passant presqu’aux macignos d'un 
gris jaunâtre ou gris bleuâtre , exploité par les ouvriers comme 
pierres de taille. L’épaisseur de ce calcaire est de 2 à 4 mètres ; 

5.° Calcaire d’eau douce fortement bitumineux , séparé par 
des veinules d’un lignite pierreux, d’un noir aussi vif que bril- 
lant. La puissance de cette couche calcaire varie entre 10 à 
12 mètres, 

G.o Schiste carburé, noirâtre, nommé le nerf par les ouvriers. 
Il offre de nombreux planorbes et lymnées. Sa puissance varie 
de 2 à 12 mètres, 

7° Première couche de lignite friable, généralement d’une 
qualité inférieure aux lignites, que celui-ci surmonte. Ce lignite, 
dont la puissance est de 0”,50 à 1 mètre, offre souvent dans 
la partie la plus supérieure de ses couches des planorbes et des 
lymnées. 

8.° Schiste noirâtre carburé, mêlé plus ou moins confusé- 
ment avec des rognons de calcaire d’eau douce, chargé de 
coquilles fluviatiles. Son épaisseur varie depuis 1 mètre jusqu’à 
4 mètres. 

9° Seconde couche de lignite plus compacte et plus beau 
que le lignite supérieur. Son épaisseur très-variable n’est guère 
au-delà de 0°",50 ; mais sa couche s’étrangle au point de dis- 
paraître assez souvent. Ce lignite fournit celui de la meilleure 
qualité. 

10.° Schiste carburé noirâtre , mêlé plus ou moins confusé- 
ment avec le calcaire d’eau douce, dit roc bleu par les ouvriers. 
Sa puissance varie entre 0,50 à 2 mètres. Les coquilles fluviatiles 
se montrent ici au contact des deux systèmes de couches du 
schiste et du calcaire, soit les planorbes, soit les lymnées , soît 
‘nfin les unio. 


11.° Calcaire d'eau douce compacte plus ou moins chargé de 


(455) 
lignites, mais le devenant bien moins à mesure que l’on en 
étudie les couches inférieures. Sa puissance fort considérable 
varie de 10 à 15 mètres. 

12.° Troisième couche de lignite généralement très-étranglée 
à la Caunette; aussi y est-elle peu l'objet d’une exploitation 
régulière. 

13.° Des couches de calcaire d’eau douce terminent cette 
série tertiaire. La puissance de ce calcaire est fort inégale; 
tantôt elle est très-considérable et tantôt elle est fort faible. À 
la Caunette ces couches d’eau douce reposent immédiatement 
sur le calcaire blanchâtre secondaire, où craie compacte infc- 
rieure, caractérisée dans celte localité par de nombreuses num- 
mulites d'une petite dimension. Il paraît qu'il en est de même 
à Bize. 

Ce calcaire évidemment soulevé repose sur un calcaire de 
transition assez compacte, à texture semi-cristalline, souvent 
noirâtre ou d'un vert sombre ; ce qui l’a fait considérer par 
certains géologues comme une roche verte amphibolique. Ail- 
leurs que dans la vallée de la Gesse , le calcaire à nummulites 
est superposé à un calcaire volitique ou jurassique. Quant aux 
unto , que l’on observe dans les mines à lignites de ces localités, 
principalement dans celles de la Caunette, elles se rapportent 
au moins à deux espèces différentes. Les plus grandes se rappro- 
chent par l’ensemble de leurs caractères , soit à l’unio crassis- 
sima , soit à l’unio margaritifera. Les plus pelites, assez voisines 
par leur forme , des unio littoralis et pictorum, surtout de la 
première, se rencontrent soit dans les calcaires, soit dans les 
schistes qui sont en contact avec les lignites, principalement 
dans les couches supérieures à celles de ces combustibles. Quel- 
quefois l’on en découvre dans les couches de lignites; mais ce 
cas est le plus rare. Du reste, d’après M. Narbonne, propriétaire 
des mines de la Caunette , ces bivalves se trouvent surtout dans 
les parties qui ont été le plus bouleversées ou le plus violem- 
ment soulevées, 


(456) 

En embrassant le système entier de tous ces dépôts à lignite, 
dépôts riches et puissans, et qui ont recu dans le pays le nom de 
Charbonnitres, on remarque qu'il forme comme un vaste éven- 
tail, dont les bancs, qui commencent à Cabezac, ont leur pente 
générale du sud-est au nord-ouest. Les couches de lignite de 
Bize ont été reconnues sur plus de douze points différens ; cer- 
taines ont été exploitées, et cette exploitation a permis de 
reconnaître qu'elles appartiennent à la même direction. Le sys- 
tème moyen offre des couches assez rapprochées de la verticale; 
mais cette verticalité n’a lieu que d’une manière progressive et 
presque insensible. Auprès de la métairie de l'Andure , la verti- 
calité des couches de lignite est réellement remarquable, tant 
cette verticalité y est prononcée. Aussi les couches de lignite 
exploitées , soit à Mailhac, soit à Agel, y sont presque perpen- 
diculaires. Après Agel, la direction des couches de lignite 
change complètement. Leur direction devient alors du nord- 
ouest au sud-est, et parfois du nord au sud. Par suite ces der- 
nières couches, comme celles qui les précèdent, sont coupées 
par la rivière de Cesse. 

Parmi les mines de lignites de ce système septentrional , l’on 
peut comprendre les mines d'Aigues-Vives , du Caillol , ainsi que 
l'extrémité septentrionale de la concession d’Agel , et en remon- 
tant les mines supérieures de la Caunette, de Minerve, d’Azil- 
lanet, de Cesseras, de Siran , de La Livinière et de Felines. Le 
même système se prolonge vers St.-Chinian et Cessenon; là il 
traverse la rivière de l'Orb et s'étend jusqu'au village de Causse 
qui, comme les précédens , se trouve dans le département de 
l'Hérault, et est bâti sur le dernier chainon de cette chaîne 
calcaire dont il a reçu le nom. 

On comprend donc dans le pays sous le nom de charbon- 
nières toutes les couches de lignites dont la direction est du 
sud-est au nord-ouest. Cependant les mines de Cabezas, qui en 
font partie, sont toul-à-fait en opposition, par leur direction, 


(457) 

avec celle propre aux couches de lignite de Mailhac et d’Agel, 
lesquelles sont placées sur le point le plus élevé des montagnes. 
Celles-ci, d’abord perpendiculaires, deviennent insensiblement 
horizontales, à mesure qu'elles s'étendent dans la plaine de 
Ginestas, de Mirepeisset et d’Argeliés; en sorte qu’un change- 
ment de niveau en opère un non moins considérable, soit dans 
leur direction , soit dans leur inclinaison. 

Quant aux lignites de Bize, qui se trouvent également dans la 
vallée de la Cesse , on les voit bien traverser cette vallée; mais 
ils sont bientôt arrêtés par la petite chaîne de calcaire olithique 
dans lequel sont ouvertes les cavernes de Bize. Il est probable 
que les mêmes dépôts de lignites, si abondans dans les diverses 
localités que nous venons de signaler, le sont également dans 
les terrains calcaires des environs de Castres, qui y sont connus 
sous le nom de Causse. Nous croyons donc pouvoir avancer que 
si on fait des fouilles dans ces localités, elles seront couronnées 
de succès. 

Enfin , nous avons découvert dans les mines de lignites de la 
Caunette une cyclade fossile striée concentriquement et qui 
nous paraît différer de toutes les espèces connues, et particu- 
lièrement des cyclas concinna et aquæ sextiæ de Sowerby. 

De Carcassonne nous avons été visiter la grotte de Limozy ou 
Limouzis , qui a dans le pays une assez grande célébrité, Il faut 
consacrer une journée entière à cette course, surtout si l’on 
veut visiter les carrières de grès verts ou macignos de Malves et 
de Conques, Limozy étant distant d'environ quatre lieues de 
Carcassonne. 

Les terrains tertiaires s'étendent depuis Carcassonne jusqu’à 
Conques, étant recouverts par intervalles par des dépôts dilu- 
viens. Après Conques, l’on traverse les terrains de craie com- 
pacte, remarquables par leur couleur blanche, ainsi que par la 
grande quantité de nummulites qu’ils renferment, Cette forma- 
tion , très-développée auprès du hameau de Lassac , situé sur la 


(458 ) 
rive droite de l'Orbiel , fournit du moellon, fort employé dans 
les constructions. 

Dès que l’on a traversé la petite rivière de l'Orbiel , et sur sa 
rive gauche , l’on voit les formations changer tout-à-coup; des 
schistes argileux de transition et des phyllades se montrent au- 
dessous d’un calcaire noirâtre, veiné de blanc, le même qui 
forme en partie les gorges d’Alet , ainsi que celles de Pierre-Lis , 
du Col-St.-Georges , enfin les hautes chaînes des environs des 
bains de Rennes et de Quillan, dans l'arrondissement de Limoux, 
au-dessus desquelles s’élève le pie de Bugarach. Ce calcaire 
occupe également la rive droite de l’Orbiel, en amont de Lassac; 
jadis on y a exploité une mine de fer spathique et peroxidé. Les 
travaux sont abandonnés depuis long-temps; à peine en voit-on 
quelques traces auprès du château de la Caunette. Celles de ce 
château disparaîtront peut-être bientôt elles-mêmes, s'il faut en 
juger par les ravages des ouragans auxquels ce château est 
exposé, par suite de sa position sur un rocher presque isolé et 
battu par les vents. Le 26 août 1826, une partie de la toiture 
et des bâtimens du château furent emportés, et les modestes 
habitations des villageois ne furent pas plus épargnées. 

Après avoir visité les formations schisteuses qui s'élèvent au- 
dessus des moulins d'Artigues et de Belfortés, nous reprimes notre 
route et nous nous dirigeämes vers le nord-est, c’est-à-dire, 
vers Limouzis. La route suit une montagne fort escarpée, par 
suite du redressement qu'ont éprouvé les masses calcaires qui 
la composent. La grotte se trouve à un gros quart de lieue à 
l’est du village. Elle est grande , spacieuse et d’un accès facile ; 
on ne peut cependant pas parvenir jusqu’à l'extrémité de ses 
galeries. Les eaux abondantes qui y séjournent vous empêchent 
d'y pénétrer. En effet, de toutes parts des eaux s’épanchent de 
la voûte de cette caverne, entraînant avec elles des dépôts de 
carbonate de chaux, qui s’y accumulent sans cesse et y produi- 
sent ces belles stalagmites et stalactites, qui sont pour les curieux 


( 459) 


des sujets continuels d'étonnement. Malgré ce travail constant, 
aucun des corridors de la caverne n’est obstrué, ni même les 
plus étroits des boyaux qui reçoivent continuellement des dépôts 
calcaires. Ainsi quoique la formation des stalactites et des sta- 
lagmites s'opère avec la plus grande promptitude, nulle part 
elle n’a encore obstrué les passages de'ces cavités. Il faut donc 
qu'elle n'ait pas commencé depuis une époque bien reculée, 
puisque ses résultats sont si faibles et si restreints; car l’on ne 
peut pas supposer que partout les ouvertures par lesquelles l'eau 
qui tenait en dissolution de la chaux carbonatée aient été com- 
plètement obstruées. 

Le sol de la caverne de Limouzis est recouvert par une 
couche épaisse d’un limon argileux, rougeâtre, fort tenace, 
dans lequel on ne voit ni ossemens ni cailloux roulés. Ce limon 
est recouvert par un glacis stalagmitique calcaire , que surmonte 
également un limon argileux moins épais que le limon inférieur. 
Ainsi toutes les fois que des cavités souterraines sont éloignées 
des lieux où existent des terrains tertiaires ou des dépôts dilu- 
viens , et que leur élévation au-dessus des mers dépasse 400 ou 
500 mètres, et qu’enfin des cailloux roulés ne se montrent plus 
disséminés dans les limons, on peut être presque certain que 
l’on n'y découvrira pas la moindre trace d’ossemens. Cette 
absence de débris organiques est d'autant plus frappante, que 
la grotte de Limouzis n'est pas très-distante de celle de Sal- 
liles, où, de concert avec M. Pirrorre, nous en avons découvert 
un assez grand nombre appartenant à des espèces de mœurs et 
d'habitudes les plus disparates. 

Quand au calcaire dans lequel sont ouvertes les cavernes de 
Limouzis, il est semi-cristallin, d’un blanc bleuâtre , sans trace 
de corps organisés. Ses couches sont parfois presque verticales, 
tant le soulèvement qui les a exhaussées a été violent. Cette 
roche repose sur des phyllades, et appartient, à ce qu'il paraït, 
à la même période secondaire que les calcaires des gorges 


(450 ) 

d’Alet et de Pierre-Lis, À l'extérieur, la roche calcaire dans 
laquelle la grotte de Limouzis est ouverte est blanchâtre, par suite 
de la décomposition qu'elle a éprouvée ; mais lorsqu'on enlève 
sa croûte, alors on voit que son intérieur est d’un gris bleuitre 
plus ou moins foncé, suivant les fragmens que l’on examine. 
La décomposition qu'éprouvent en général les roches calcaires 
à leur surface y produit souvent des différences d'aspect et de 
formes qui en modifient singulièrement les caractères extérieurs ; 
aussi pour reconnaitre ces modifications , est-il nécessaire de les 
briser, car sans cela on aurait des idées très-fausses sur leurs 
véritables caractères. 


Excursion de Carcassonne au village de Caunes, en pas- 


sant par Villalier et Villegier. 


La route qui de Carcassonne conduit à Caunes est aussi 
belle qu'agréable; elle traverse de fort belles plaines fertilisées 
par les rivières du Fresquel et d’Argent-Double. La première de 
ces rivières passe au-dessous du canal royal, qui se trouve ainsi 
suspendu. Ce travail, nommé dans le pays le Pont-Rouge, est 
digne de tous ceux qui distinguent d’une manière éminente le 
canal du midi. 

Toute la plaine que l’on traverse est composée à peu près 
uniquement de dépôts diluviens, lesquels dépôts s'appuient 
immédiatement sur les grès tertiaires ou macignos, dont Car- 
cassonne est en grande partie bâtie, et dont nous avons déjà 
parlé avec assez de détails pour ne pas être obligé d'y revenir. 
Ce n’est que lorsqu'on arrive à Caunes que la route se rapproche 
un peu des montagnes ; du moins jusqu'alors elle en était fort 
écartée. Les montagnes au pied desquelles le bourg de Caunes se 
trouve bâti appartiennent aux formations intermédiaires ou de 
transition. d 

Elles sont en effet composées de schistes argileux, et parfois 


( 461 ) 
de phyllades micacés , sur lesquels reposent des calcaires com- 
pactes en grandes masses, ou marbrés de diverses nuances. 
Aussi les marbres de Caunes sont-ils inépuisables, formant à 
eux seuls une chaine assez étendue qui va se joindre avec celle 
qui compose les gorges d’Alet, de Pierre-Lis et de St.-Georges. 

Quand aux carrières de marbre, elles sont ouvertes à peu de 
distance et au nord-ouest du village. Ges carrières fournissent 
plusieurs qualités de marbres colorés. On y distingue en effet : 

1.0 Du marbre griotte, dont la beauté dépend de celle de ses 
nuances et surtout du nombre de taches rouges qui se détachent 
du fond plus sombre, particulier à cette variété. On aime encore 
à y voir de belles veines de calcaire blanc spathique. 

Ce marbre griotte offre parfois de nombreuses petites orbu- 
lites blanches et spathifiées, ainsi que des bélemnites à forme 
étroite et alongée. Mais ces dernières y sont des plus rares: Cette 
variété est connue dans le commerce sous le nom d’ærl-de-per- 
drix, à raison sans doute des orbulites, qui rappellent en quelque 
sorte la forme de cet organe. 

La seconde variété, dont on a extrait à plusieurs époques des 
masses énormes, est le marbre incarnat. On peut en voir de 
belles colonnes dans l’église de Notre-Dame-del-Cros, petit 
ermitage situé dans une jolie position à une demi-lieue de 
Caunes. Ce marbre incarnat offre également une autre variété 
connue sous le nom de turquin. Cette variété se distingue du 
marbre incarnat ordinaire, en raison des nombreuses taches ou 
veines de spath calcaire blanchâtre ou grisâtre. 

Le marbre incarnat est ordinairement réservé pour les grands 
monumens et pour les églises. Aussi la plupart des colonnes des 
autels des églises du midi de la France sont elles en marbre 
incarnat, dont les nuances rouges et blanches ont beaucoup 
d’éclat et de vivacité. 

Le marbre cervelas , soit rouge, soit jaune, se distingue des 
précédens par ses nuances et le mélange de diverses taches ou 


(462) 

veines disposées avec beaucoup d'irrégularité sur un fond d’un 
gris plus ou moins sombre. Lorsque les taches ou veines qui en 
varient le fond sont éclatantes , alors ce marbre est très-estimé ; 
dans le cas contraire il l’est moins. 

Enfin la qualité de marbre la plus abondante est le marbre 
gris , lequel est distingué en deux variétés suivant ses nuances : 
le marbre gris foncé et le marbre gris clair. Cette qualité de 
marbre est la plus compacte; aussi fournit-elle des plaques et 
des masses sans aucune fente et de la plus grande étendue, Mal- 
heureusement les nuances de ce marbre ne sont pas assez belles 
pour le faire rechercher, à moins qu’il ne présente des taches 
d’un rose incarnat plus ou moins vif. Alors seulement cette 
variété est très-estimée. On l'emploie du reste avec avantage 
pour en faire des cheminées ou des dessus de commode ou de 
table. 

Le mode d'exploitation suivi à Caunes est des plus simples et 
des plus curieux ; on est étonné de la dextérité des ouvriers qui 
enlèvent des masses énormes taillées carrément, et cependant 
sans autre guide que leur vue exercée. Ce genre d'industrie 
s'est tellement étendu à Caunes , que presque tout le village en 
est occupé. Aussi y compte-t-on jusqu’à cinq établissemens des- 
tinés à préparer le marbre, que l’on répand ensuite dans tout le 
midi de la France. Parmi ces établissemens nous citerons parti- 
culièrement celui dirigé par MM. Grimes, dont les étrangers qui 
visitent Cauncs ont tant à se louer. 

Des établissemens d’un autre genre répandent également la 
prospérité dans un pays où l'industrie fait tous les jours de 
nouveaux progrès. C’est dans les ateliers de Caunes que les 
fabricans de Carcassonne font teindre leurs draps en noir; soit 
que le procédé qui y est suivi soit préférable à celui en usage à 
Carcassonne, soit que la qualité des eaux y ait quelque influence, 
il est certain que les draps teints en noir à Caunes sont pré- 
férés par tous les négocians, et par suite par les consomma- 
teurs, quoique leur prix soit généralement plus élevé. 


(463 ) 
Route de Limoux à Alet et aux bains de Rennes. 


Limoux est situé au confluent du Couyain et de l'Aude, dans 
un vallon riant, que des collines assez élevées entourent de 
toutes parts. À ces collines de craie compacte inférieure suc- 
cèdent des montagnes calcaires de transition, dans la direction 
du sud et de l’ouest. Les terrains tertiaires ne s’y montrent plus ; 
il en est de même dans les arrondissemens de Rennes et de Quil- 
lan , ainsi que dans ceux qui sont encore plus élevés. Seulement 
des marnes et des gompholites paraissent en couches puissantes 
auprès de Limoux; ces roches se rattachent aux formations 
secondaires ; aussi les voit-on recouvrir immédiatement la craie 
compacte et grisätre, à laquelle elles sont comme liées. 

Ces gompholites sont tous polygéniques; des cailloux roulés 
de roches primitives, empâtés par un ciment parfois calcaire 
et parfois quartzeux, les composent. Leurs lits supérieurs offrent 
des gilets d’un plus grand volume que ceux que l’on voit dans 
les lits inférieurs. Il en est de même de ceux que les alluvions 
actuelles entraînent tous les jours. Les plus rapprochés de la 
surface y sont presque constamment ceux dont le volume est le 
plus considérable. 

Au-dessus de ces gompholites l'on découvre des marnes cal. 
caires aussi bigarrées dans leurs nuances que celles qui ont recu 
ce nom. Elles sont donc jaunâtres, violâtres on rougeâtres , 
selon les lieux où on les observe. Les lits les plus supérieurs ont 
une stratification peu tranchée ; il n'en est pas de même des lits 
inférieurs , qui se font encore remarquer par une grande solidité. 
L'on n'y aperçoit aucune trace de corps organisés; il n’y en a 
pas non plus dans les gompholites. Ces derniers alternent avec 
des psammites quartzeux ou grès blancs en bancs puissans , 
lesquels sont accompagnés parfois de rognons de jaspe. 

Ce premier terrain se montre assez développé dans les envi- 


( 464) 
rons de Limoux, surtout vers Alet, pendant l'espace d'une 
demi-lieue. 

La craie compacte inférieure succède aux marnes; cette craie 
offre deux variétés principales. Les lits supérieurs sont formés par 
un calcaire noirâtre, compacte, assez chargé de nummulites 
généralement petites, mais très-abondantes, surtout dans les 
fissures de séparation que l’on voit entre les couches. Les lits 
inférieurs présentent un calcaire dont la dureté est plus consi- 
dérable et les nuances plus sombres. Les nummulites qui s'y 
trouvent sont plus grandes et plus aplaties. Ces corps orga- 
nisés sont loin d’être les seuls que l'on y rencontre. Nous ne 
citerons que les genres de ces débris organiques, la plupart 
d’entr'eux, ayant perdu leur tête, ne peuvent guère être déter- 
minés spécifiquement. 

Nous nous bornerons donc à signaler, parmi les univalves, les 
cerithiunts , les turbo , les trochus , les natica, les buccinunis, 
les eburna et les pleurotomaria; parmi les bivalves : les £ere- 
bratula, les plagiostoma, les podophi, les cordium , les venus, 
les cytherea , les arca, les tellina et les radiolites. Parmi les 
coquilles uniloculaires , les ammonites et les bélemnites carac- 
térisent également ces terrains , ainsi que les stippurites, si tant 
est que ces coquilles ne soient pas des bivalves. 

Les zoophytes y sont aussi fort abondans, principalement 
des polypiers des genres madrepora astrea, meandrisa, tur- 
binolia, et, de plus, le cyathophyllum plicatum de Goldfuss, Les 
mêmes terrains nous ont encore offert des zoophytes échino- 
dernes, parmi lesquels nous citerons seulement les cidarites 
subangularis et rotula, ainsi que les spatangus gubbus et 
lievis. 

La seconde variété de craie est un calcaire grisätre compacte, 
caractérisé par un assez grand nombre de serpules. Ce calcaire 
a quelques rapports avec les lumachelles à serpules des environs 
de Montferrier, près de Montpellier. Seulement on n’y voit point 


(465) 
dans les couches minces supérieures, ces nérites, ces modioles, 
ces limes si abondantes dans la craie de Montferrier. 

Au-dessous de cette variété de craie, dont les couches sem- 
blent constamment les plus inférieures, l’on découvre un cal- 
caire noirâtre extrêmement tendre, à couches minces sans corps 
organisés, qui semble opérer la liaison d’une formation à l’autre. 
En effet , au-dessous de ces couches minces, apparaît un calcaire 
noirâtre, compacte, à cassure brillante, et que des veines 
blanchâtres extrêmement nombreuses traversent dans toutes 
sortes de directions. Ce calcaire pourrait à raison de ses nuances 
être employé comme marbre, dont il a du reste la finesse et la 
dureté; mais il se brise trop facilement pour être enlevé en 
grandes plaques. On n'y voit aucune trace de corps organisés ; 
aussi parait-il se rattacher aux formations secondaires les plus 
inféricures ou à celles dites de transition. 

Bien qu’il soit dépourvu de débris organiques, l'on découvre 
cependant entre ses masses des amas de marnes bitumineuses 
d'un noir foncé, dans lesquels il existe des pyrites ferrugineuses en 
globules arrondis , avec des orbulites et des area. Il se peut que 
ces marnes y aient été entrainées postérieurement au dépôt du 
calcaire, ce qui est assez probable, vu leur position et leur peu 
de continuité. Les alternances entre le calcaire marbre et les 
schistes coticules sont au contraire évidentes ; elles sont en effet 
si nombreuses qu’elles ne laissent aucun doute sur la contem- 
poranéité des uns et des autres. 

Enfin au-dessous des calcaires noirâtres paraissent des schistes 
argileux ou phyllades satinés en assises peu puissantes et parfois 
brisées et contournées de la manière la plus bizarre. Aussi soit 
la craie, soit le marbre noir, soit les phyllades que celui-ci 
recouvre, tout a été redressé et soulevé ; c’est ce que nous aurons 
plus tard l’occasion de mieux développer. En attendant, nous 
nous bornerons à faire remarquer que la pente de ces mon- 
tagnes suit celle de la vallée dans laquelle l'Aude a établi son 


30 


( 466 ) 

lit, lit que cette rivière est loin d'avoir elle-même creusé, mais 
dans lequel elle a pris son cours comme dans le point le plus 
bas. Nous citerons plus tard une preuve positive de ce fait, qui 
du reste peut être généralisé et appliqué à la plupart des fleuves 
et des rivières. 

Alet, bâti sur la rive droite de l'Aude, offre des eaux ther- 
males peu renommées, probablement à raison de celles beau- 
coup plus actives et plus salutaires des bains de Rennes, Celles 
d’Alet ont, les moins chaudes, 22° de Réaumur, et les plus 
chaudes, nouvellement découvertes, 28°. Alet, ville autrefois 
siège d’un évêéché, est encore remarquable par des restes de 
monumens romains qui ne la lirent pas cependant de l'oubli ; 
aussi sans commerce et sans industrie, cette ville a-t-elle perdu 
la plus grande partie de sa population. Aux approches d’Alet la 
craie prend le plus grand développement, et avec elle l’ensemble 
des nombreux débris organiques qui la caractérisent. Depuis 
long-temps les environs de cette ville fournissent aux curieux 
les pétrifications, pour me servir d’une expression vulgaire, 
dont ils ornent leurs cabinets. Nous fûmes fort étonnés d'en 
trouver an assez grand nombre de réunies dans le modeste manoir 
du cuisinier de l'auberge la plus accréditée. Notre surprise fut 
plus grande encore d'y voir des échantillons de magnésie sul- 
fatée, dont Les aiguilles avaient plus d’un demi-pied de longueur. 
Ces échantillons , réellement magnifiques, venaient des grottes 
de Calatagud , situées sur les frontières des royaumes d’Arragon 
et de Castille, Cet amateur, qui avait demeuré assez long-temps 
au service du capitaine-général de l’Arragon, se les était procurés 
en Espagne. 

Pour se rendre aux bains de Rennes, la route se dirige vers 
le sud , suivant la gorge dans laquelle l'Aude a son cours. Cette 
gorge est moins resserrée que celle que l'on suit de Limoux à 
Alet. À l'embranchement de la route de Couiza et de celle des 
bains de Rennes , on se dirige à l’est et l'on quitte tout-à-fait la 


( 467 ) 

vallée de PAude. Le chemin suit des montagnes escarpées; leur 
stérilité indique assez la roche qui les compose. La craie com- 
pacte est très- développée sur toute cette route, lprincipalement 
vers les rochers dits de Cascavel, à une demi-lieue au sud 
d’Alet. Ces roches sont souvent redressées, offrant par intervalle 
des cavernes plus ou moins spacieuses, dans lesquelles on dé- 
couvre bien une grande quantité de limon rougeâtre, analogue 
à celai qui remplit les cavernes à ossemens, mais dans lequel 
l’on ne découvre nulle trace de cailloux roulés ni de débris 
organiques. Ainsi partout se vérifie la loi que nous avons an- 
noncée sur la dispersion des ossemens; nulle part en effet l’on 
n’en découvre dans les cavités souterraines élevées de plus de 
500 mètres au-dessus du niveau des mers, et qui sont séparées 
par de grands espaces des terrains tertiaires ou des dépôts 
diluviens. 

Lorsqu'après l'embranchement des deux routes on suit une 
direction vers l’est, on ne quitte plus la formation de la craie ; 
entre Peyrolles et Lucques, les roches qui en font partie prennent 
un développement tout particulier. Cependant, lorsqu'on a tra- 
versé la petite rivière de la Salz après le village de Serres, l’on 
retrouve les phyllades et les schistes argileux que l’on n'avait 
plus revus depuis les gorges d’Alet. Ces phyllades durent peu , 
la craie et les marbres noirs les recouvrant dans la presque tota- 
lité du bassin de Salz où se trouvent les fameuses sources ther- 
males dites les bains de Rennes. Dès que l’on arrive au bain 
doux, nommé ainsi parce que les eaux qui en sourdent sont 
moins chaudes que celles du bain fort (elles n’ont que 32 ou 
33 degrés du thermomètre de Réaumur), on voit la craie com- 
pacte en bancs parallèles, lesquels n’ont qu’une faible inclinaison. 
Le peu d'inclinaison de ces calcaires est d'autant plus remar- 
quable que les montagnes qui bordent les rives de la Salz ont. 
des flancs très-abruptes et des pentes par conséquent fort raides. 
Par suite de cette disposition, le lit de cette rivière est très-encaissé 


( 468 ) 
el fort resserré entre les roches escarpées au pied desquelles elle 
s'écoule, 

La température du bain de la Reine ne s'élève guère au-delà 
de 30 à 3r degrés ; mais celle du bain fort parvient jusqu'à 41 
ou 42 degrés. La température de ces diverses sources croît donc 
avec celle de leur profondeur , fait qu'il est facile de concevoir 
si l’on admet que le globe jouit d’une température qui lui est 
propre , laquelle s'augmente à mesure que l’on pénètre dans son 
intérieur. Relativement aux sources qui nous occupent, on est 
frappé de la température qui règne dans le souterrain où s'é- 
coulent les eaux du bain fort et où l’on a établi les douches. Elle 
est si forte et si accablante qu’on ne peut guère la supporter; 
incommode pour les personnes en santé, elle est salutaire à ceux 
que de graves douleurs amènent au milieu de ces montagnes. 

Les eaux qui alimentent les diverses sources des bains de 
Rennes s’échappent toutes des rochers de craie. Il est probable 
qu'eiles viennent de plus bas et que leurs réservoirs sont dans 
les terrains de transition où peut-être dans les terrains primitifs. 
Ces eaux, connues depuis une époque déjà fort reculée et dont 
les Romains paraissent avoir fait un grand usage, d'après du 
moins les médailles nombreuses et les divers monumens que l’on 
y découvre chaque jour, ne paraissent point avoir varié, du moins 
d’une manière sensible dans leur température ni dans leur com- 
position. Elles guérissent aujourd'hui les mêmes maladies que du 
temps de Jules-César, ce qui prouve la constance des causes 
auxquelles sont dues les eaux chaudes intérieures plus ou moins 
chargées de matières minérales. 

De Rennes nous avons été visiter la montagne nommée dans 
le pays le Barreng, sur le sommet de laquelle se trouve un lac 
qui porte le même nom. Dès que l’on a quitté la vallée, on suit 
un sentier fort escarpé en se dirigeant vers l’est, laissant à l’a- 
quilon le Puech-Cardon , point culminant des territoires de 
Serres et de Rennes. En traversant ces vastes terrains de craie, 


( 469 ) 

l'on est frappé à la fois de leur stérilité et du grand nombre de 
débris organiques répandus à la surface du sol. Ces débris se 
rapportent principalement à des spatangues, des hippurites, des 
cyclolites, des radiolites et des madrépores. L'on juge aisément 
que ceux que l'on découvre ainsi à la surface du sol sont pour 
la plupart brisés. Cependant, à l'aide de recherches minutieuses, 
l’on finit par en distinguer d'assez entiers , dont nous avons déja 
désigné les genres et auxquels nous ajouterons le pecten quinque 
costatus , des plagtostoma, des buccinum, des cucultæa , des 
podopsis, ainsi qu'un grand nombre de Zma, de lucina, de 
terebratula et de cytherea. Parmi les espèces découvertes dans 
cette localité, nous signalerons une grande cytherea, remar- 
quable par de grosses siries transverses. Cette cytherea y a été 
trouvée par M. Anamozt, Après une heure d'une marche pénible, 
on arrive à une fondrière, sorte de puits, qui s'est formé tout- 
à-coup au mois d'avril 1826. Cette fondrière, dont la circonfé- 
rence est d'environ 30 mètres et la profondeur de 50, se pro- 
longe vers sa base par une cavité dont l'étendue n’a pu encore 
être appréciée, produite, comme il est aisé de le reconnaître, 
par l’affaissement des rochers formant voûte qui supportaient le 
sol et les arbres qui y étaient excrus, Elle deviendra plus consi- 
dérable encore lorsque les rochers de la cavité par laquelle elle 
se termine viendront à s’ébouler, ce qui peut arriver d’un mo- 
ment à l’autre. Du reste, ces sortes de puits naturels sont assez 
communs dans les terrains calcaires, quelle que soit leur for- 
mation. Le plus considérable et le plus profond est celui que 
l'on voit dans les environs de Bozouls ( Aveyron ). La profondeur 
égale à sa circonférence est d’environ 100 mètres, Les environs 
de Montpellier nous en présen!ent également dans la craie, 
mais bien moins remarquables que ceux que nous venons de 
citer. 

De cette fondrière nous avons été visiter le petit lac du Bar- 
reng, situe à peu de distance, presqu'au sommet de Ja montagne 


(470) 

du même nom et dont la position est des plus riantes. Ce lac n'a 
guère plus de 60 à 65 mètres de circonférence ; sa profondeur 
est, dit-on, fort considérable. Il se trouve comme au centre d'un 
cirque calcaire formé par des couches calcaréo-marneuses dont 
le parallélisme et l'horizontalité sont assez prononcés. Les habi- 
tans de Montferrand et des campagnes voisines racontent les 
choses les plus absurdes relativement à ce lac. 

Du Barreng nous nous sommes dirigés sur Montferrand , village 
bâti à mi-côte au milieu des rochers lacérés de craie compacte. 
Sur la route et au nord du Barreng nous passämes aux pieds de 
quelques rochers de craie, qui, par suite du soulèvement, 
avaient une forme aussi pyramidale que les aiguilles de certains 
granits. La descente jusqu'à Montferrand est des plus rapides ; 
mais nulle part nous ne vimes la moindre trace des formations 
volcaniques que l’on nous avait annoncées. Du reste, partout 
où il existe des eaux thermales l’on suppose que des formations 
volcaniques doivent se montrer. Quoique ces deux genres de 
phénomènes aient entr'eux des rapports sensibles , relativement 
du moins aux causes qui les ont produits , l’existence des uns 
n’est nullement liée à celle des autres, comme semblent le croire 
ceux qui ne se sont jainais occupés de sciences naturelles. 

Des bains de Rennes nous avons fait une excursion à la source 
de l’eau salée; on nomme ainsi une des sources de la rivière de 
la Salz, assez chargée de sel de cuisine pour occuper quelques 
villageois à son extraction, L'on suit d’abord la rivière de la Salz, 
que l’on remonte sur la rive droite et puis sur la rive gauche. 
Au confluent de cette rivière et de celle qui prend sa source au 
pied du pic de Bugarach, l’on voit une coupe propre à faire 
connaître la succession des couches des formations secondaires 
inférieures à la craie. Ainsi, dans la partie supérieure , l’on ob- 
serve la craie compacte en couches puissantes et très-développées 
auxquelles succèdent des psammites quartzeux micacés ou grès le 
plus généralement blanchâtres, quelquefois cependant rubanés 


(471) 
ou même rougeâtres. Ces grès offrent souvent des empreintes de 
tiges végétales ; des calcaires plus ou moins compactes en couches 
peu épaisses se présentent ensuite; lesquels calcaires alternent 
soit avec des grès, soit avec des marnes calcaires bleuâtres. 

Toutes ces roches reposent sur le calcaire marbre noirâtre 
que nous avons déjà décrit, ou sur les mêmes phyllades dont 
nous avons parlé. La route se continue à travers ces formations, 
les grès blancs prenant le plus grand développement en avant 
du village de Songragnes. Lorsqu'on y arrive, c’est au contraire 
la craie compacte qui paraît la plus étendue. Les roches qui la 
composent sont seulement plus marneuses et offrent une fort 
grande quantité de coquilles fossiles. Nous avons remarqué prin- 
cipalement des ostræa cytherea, lucina, des cerithium et de 
petites espèces de {uritella. 

Du village de Songragnes à la source de l’eau salée on suit un 
sentier rapide qui s'élève à travers les roches calcaires , entre les- 
quelles existent de nombreuses touffes d’arbres qui ombragent 
la route d’une manière agréable. Enfin, après trois grandes 
heures de marche, l'on arrive à la source de l’eau salée. Cette 
eau sort des calcaires secondaires, sur lesquels repose la craie 
compacte de ces contrées, craie analogue par sa position à la 
craie tufau ou à la glauconie crayeuse. Des gypses secondaires 
avec de nombreux cristaux de quartz accompagnent ces roches 
de craie. L'eau qui découle de ces rochers est assez chargée de 
sel pour que l’on en retire par ébullition. Cette extraction est 
l'objet d’un petit commerce pour les fermiers peu fortunés d'une 
grange qui en est fort rapprochée. Ce sel, composé en grande 
partie de sel marin ou chlorure de sodium, retient pourtant 
quelques petites quantités de chlorure de calcium et de magné- 
sium. À l’ouest de la source salée ou de la petite rivière connue 
dans le pays sous le nom de la Salz, existe une côte escarpée 
qui conduit au passage del pas dal capella. Avant de parvenir 
à ce col, on peut visiter une galerie ouverte sur la hauteur pour 


(472) 
extraire du jayet ou des lignites tertiaires inférieurs, lesquels 
appartiennent aux formations tertiaires émergées. Ces lignites 
sont accompagnés de marnes bitumineuses noirâtres , lesquelles 
offrent constamment du fer sulfuré, qui passe au fer sulfaté dans 
les lieux où il existe des courans d'air extérieur. 

Ces lignites sont connus depuis fort long-temps. En effet, on 
lit dans un dénombrement fait au roi en 1672, par le sieur de 
Montesquieu , seigneur de Bugarach et de Songragnes : « En- 
» semble je possède dans le debès des salines les mines de jayet 
» et de couperose, qui me portent peu de revenu à cause du 
» grand travail qu'il y convient et en cazuel. » Aussi ces lignites 
ont-ils été exploités avec quelqu'avantage avant l'introduction 
en France du jayet, et lorsque cette matière était plus prisée 
qu’elle ne l’est aujourd'hui. Il existe encore des traces de ces 
anciennes exploitations; plusieurs galeries bouchées par des 
éboulemens l'attestent assez; enfin une nouvelle galerie y avait 
été pratiquée il y a trois ou quatre années ; mais les circonstances 
ont mis un terme à ces travaux. On y découvrit d'assez beaux 
morceaux de succin ou ambre jaune. 

Le lignite de Songragnes renferme donc de nombreux rognons 
de succin ou ambre jaune d’un brun noirâtre. Les plus gros de 
ces rognons atteignent à peine les dimensions d’an œuf de poule; 
les uns sont translucides et les autres presque opaques ; tous les 
fragmens jouissent des propriétés électriques à un assez haut 
degré. Ce succin , dans lequel on ne voit pas de traces d'insectes, 
donne de l'acide succinique à la distillation. Il brûle avec flamme 
et famée, en fondant facilement et donnant une odeur aroma- 
tique agréable. Les parties opaques, après avoir brülé, prennent 
un poli assez vif et une translucidité toute particulière. Ges ca- 
ractères annoncent assez que le succin de Songragnes n'est point 
de la mème nature que celui que l'on découvre au milieu des 
lignites de Saint-Paulet ( Gard ), lignites qui appartiennent aux 
formations tertiaires immergées, Ge dernier en est un. Au-dessous 


(473) 

des lignites se trouve la craie compacte inférieure, caractérisée 
dans cette localité par de nombreux corps organisés , parmi les- 
quels nous mentionnerons spécialement une grande turitelle qui 
nous paraît nouvelle, et qui, par ses proportions, mériterait 
bien le nom de turitella gigantea. Elle n’a pas moins de 116 
millimètres de diamètre. et les tours dont elle est formée ont, 
d'un bord à l’autre, jusqu’à 55 millimètres. Malheureusement 
celle coquille, qui devait être lisse d'après ce qu'il en reste, 
était en grande partie brisée ; nous ne pouvons par conséquent 
en donner les proportions d’une manière bien exacte. À en juger 
d'après la dimension de ses tours, celte espèce pouvait avoir 
environ 350 ou 360 millimètres de longueur (plus d’un pied). 
Elle devait être tout au moins aussi grande que le cerithium 
giganteum ; mais ses dimensions dans le sens de la largeur de- 
vaient être près du double de celles de cette dernière espèce. 

L’on se dirige donc vers l’ouest pour se rendre au pic de 
Bugarach. Le chemin suit toujours les roches calcaires qui ont 
surgi presqu'à plomb au-dessus de la vallée. Une fois que l’on est 
arrivé à la crête de ces montagnes et que l’on a passé le col 
nommé dans le pays le pas dal capella, on aperçoit le pic de 
Bugarach, qui s'élève comme une immense muraille verticale 
au-dessus des roches de craie qu’il a percées. Ce pic, formé par 
le même calcaire que celui qui compose les gorges de Pierre-Lis 
ou du col Saint-Georges, se raltache à une même chaîne sou- 
levée postérieurement à la craie compacte inférieure , chaîne 
qui court de l'est à l’ouest. Ce calcaire, tantôt d'un bleu noi- 
râtre, tantôt d'un gris plus ou moins foncé, paraît presque dé- 
pourvu de corps organisés, comme la plupart des calcaires de 
transition ou des calcaires secondaires inférieurs. 

Il faut environ deux petites heures pour gravir sur le sommet, 
qui est élevé au-dessus de la vallée d'environ 1,500 mètres, et 
de 1,900 au-dessus de la mer, Du haut de cette montagne, 
remarquable par”sa forme et sa hauteur, on jouit d'une vue fort 


( 474) 


étendue, laquelle dédommage un peu des fatigues que l'on à 
éprouvées pour y arriver. Sèche et stérile , à peine y voit-on par 
intervalle quelques touffes d'arbres peu élevés. Rien ne peut 
donc réjouir l'œil sur ce mont solitaire , si ce n’est l'aspect im- 
posant de la vue dont on y jouit. Aussi s’empresse-t-on de le 
quitter et de redescendre dans la vallée qui n'est guère plus 
riante. 

Si le pic de Bugarach est composé d’un calcaire de transition, 
Les collines qui sont à ses pieds et au travers desquelles il a surgi 
apparliennent {outes à la craie compacte inférieure. Cette craie, 
en cuuches puissantes et dont certaines se montrent redressées 
par suite du soulèvement des masses qu’elles revêtaient , est 
caractérisée par de nombreux fossiles. L’on y voit des milliers 
de spatangues, des buccinum, des natica, des cerithium , et 
enfin de petites huîtres assez mal caractérisées et à peû près in- 
déterminables. 

Enfin, après une marche assez longue et fort fatigante, on 
arrive au village de Bugarach, bâti au fond de la vallée. Depuis 
ce village jusqu’au hameau de la Vialasse le chemin est peu 
pénible. Une fois que l’on y est arrivé, il faut constamment 
gravir une côte escarpée. De la hauteur, l’on admire l'immense 
soulèvement qui a produit les deux murs verticaux à la base 
desquels s'écoule la petite rivière de Bugarach. Cette rivière se 
trouve donc encaissée entre des roches calcaires secondaires, re- 
marquables non seulement par leur soulèvement, mais surtout 
par l'irrégularité de ce même soulèvement, qui en a plié les 
couches en demi-cercle ou en forme d'un grand S. Après une 
heure de marche on descend à La Ferrière, et de ce lieu l’on se 
dirige, en montant à peu près constamment, vers le terroir de 
Servairon, toujours sur la rive droite de la petite rivière de 
Bugarach. 

Une fois arrivé à Servairon, l’on est frappé de l'étendue et du 
grand développement des psammites sablonneux ou grès micacés 


( 47 ) 


à cailloux quartzeux. Ces grès présentent, au sommet des mon- 
tagnes qu'ils composent , des aiguilles prismatiques tout-à-fait 
verticales comme les murailles d’un édifice. Des éboulemens 
nombreux rompent ces aiguilles et les rendent encore plus aiguës 
et plus étroites, Enfin on rejoint la rivière de la Salz ou de 
Salies, on passe au haut de l’ermitage et au pied de la roche 
calcaire de laquelle sort la source dite du Cercle, qui est une 
dépendance des bains de Rennes et dont les eaux sont ferru- 
gineuses, 

Le village des Bains se trouve dans une gorge de montagnes 
très-resserrées , lesquelles se dirigent du sud au nord et perpen- 
diculairement à l'horizon. Ces montagnes appartiennent toutes 
aux formations secondaires , et la plupart d’entr’elles à la craie 
compacte inférieure. En général, cette roche forme dans ces 
contrées ies montagnes qui ont de 800 à 1,000 mètres de hau- 
teur, tandis que celles qui dépassent ce niveau appartiennent au 
calcaire secondaire inférieur dit de transition , ou aux psammites 
sablonneux (grès micacés ), ou aux phyllades et schistes argileux 
de transition. Les autres roches intercalées par intervalle entre 
celles-ci y ont généralement peu d'importance. Quoi qu'il en 
soit, la rivière de la Salz traverse presque tout le territoire des 
bains de Rennes et divise ce village en deux parties. La majeure 
partie des maisons se trouve adossée à la montagne qui est à 


l’est de la rivière, maisons dont l'auberge est la plus considérable. 
Course des bains de Rennes à Quillan. 


Pour nous rendre de ces bains à Quillan, nous primes des 
chevaux et suivimes les montagnes en passant par les communes 
de Granes et de Saint-Ferréol, Nous ne rejoignimes le grand 
chemin qu'au-dessous de ce dernier village et à une petite lieue 
de Quillan. En quittant Rennes, on gravit des montagnes fort 
escarpées, soit de craie, soit de psammite ou de grès micacé. 


( 476 ) 
De la hauteur il est facile de juger combien les pentes de toutes 
ces montagnes sont abruptes, ct quelle en est la disposition la 
plus générale. 

Ainsi, les roches calcaires offrent en grand une forme semi- 
circulaire, et lorsqu'elles couronnent les montagnes leur forme 
est assez semblable à celle d'édifices qui tombent en ruines. 

Les psammites ou Les roches de grès offrent au contraire vers 
leur sommet une disposilion en aiguilles aiguës et distantes les 
unes des autres, ce qui leur donne une forme comme lacérée. 
Les montagnes, composées au contraire de phyllade ou de schiste, 
sont généralement angulaires à leur sommet; fait assez remar- 
quable, dans tout le territoire depuis Limoux jusqu'à Alet ces 
schistes sont moins déchirés et moins lacérés que les autres 
roches. Leurs nuances sont aussi généralement plus sombres ct 
leur végétation plus rare et moins belle que celle qui existe sur 
les rochers calcaires de transition. 

En avant de Granes, la craie compacte grise se décompose en 
marne blanche; la couleur de cette roche devient tout-à-fait 
analogue à la craie blanche. Cette roche n'en a cependant pas 
l'aspect, ni le mode de cristallisation, ni enfin les corps orga- 
nisés particuliers à la craie, dont elle a pris la couleur, Le village 
de Granes, bâti au fond de la vallée, se trouve dans un site peu 
fertile. Une route assez triste conduit au village de Saint-Ferréol , 
bâti sur la hauteur et presque sur un col ou sur la crête d’une 
montagne assez élevée. Aussi, après ce village, une descente 
rapide conduit à la grande route, distante d'environ une demi- 
lieue. Des marnes calcaires et fissiles composent les montagnes 
que l’on traverse ; ces marnes secondaires ne paraissent pas ren- 
fermer de débris organiques. 

Dans une petite heure de marche, après avoir joint la grande 
route, nous fûmes rendus à Quillan, petite ville bâtie sur la rive 
gauche de l'Aude et au centre de la vallée. Cette ville n'a sien 
de remarquable , si ce n'est peut-être sa position dans un vallon 


(477) 


riant surmonté par des montagnes d'une grande élévation , Mon- 
lagnes couronnées par des forêts d’une verdure éternelle. La 
plus rapprochée de Quillan est la forêt de Fanges. 

Les établissemens du maréchal Cravzer se trouvent à un petit 
quart de lieue au sud de Quillan. Ces établissemens se composent 
de forges à la Catalane, d'un moulin. à foulon et d'une scierie. 
Ils doivent beaucoup à feu M. Vanmer, qui fit une percée de 
163 mètres dans la montagne , afin d’y faire passer la prise d’eau 
qu'il avait obtenue. La rivière d'Aude arrive donc en partie dans 
cet établissement, où non seulement elle fait mouvoir toutes les 
machines que l’on y met en usage , mais en outre elle sert aux 
trompes qui font aller la fonte et les forges. 

Sur la route de Quillan à cet établissement , on voit les schistes 
argileux noirâtres de transition passer souvent aux phyllades 
micacés extrêmement développés. Ces schistes donnent une teinte 
sombre aux montagnes qu'ils composent. Leur sommet est angu- 
laire, non déchiré, mais fort aigu. La végétation qui les couvre 
est toute particulière. En grand leur stratification est fort pro= 
noncée et indépendante de la structure fissile qu'elle présente en 
petit. Ces schistes passent par dessous les calcaires noirâtres de 
transition qu'ils ont redressés. Aussi, quoique les schistes aient 
une inclinaison fort grande, on ne les voit jamais verticaux 
comme les masses calcaires qu'ils ont redressées. 

La route qui conduit à l'établissement de Belyiane est des plus 
agréables. Cet établissement est destiné au laminage du fer, ainsi 
qu'à la fabrication des grandes barres ou lames du même métal. 
Les laminoirs y sont beaux et bien lenus; aussi sort-il de cette 
usine d’excellent fer. En effet, le fer forgé prend, en passant 
sous les laminoirs , une homogénéité et une tenacité que ce métal 
ne peut acquérir au moyen du martinet ni à l’aide d'aucun autre 
procédé. Outre les laminoirs, il existe dans le même établisse- 
ment une fonderie destinée à préparer pour le laminoir le fer 
qui sort de dessous le marteau. 


(478) 

De Belviane nous avons été visiter l’usine de Ginela où existent 
les forges si connues du même nom, forges qui long-temps ont 
été possédées par MM. Rivaso , de Carcassonne. Il faut pour s’y 
rendre traverser des montagnes assez élevées et suivre des sen- 
tiers aussi rapides qu’escarpés. L’usine de Ginela est située à six 
petites lieues au sud-est de Quillan, dans le canton de Roquefort, 
où se trouve la Bouljanne , petite rivière dont les eaux sont peu 
abondantes dans les temps secs. Cette forge serait dans une 
position avantageuse s’il y avait un chemin praticable; mais l’on 
est forcé de transporter à dos de mulet jusqu’à Quillan les pro- 
duits que l’on y fabrique. Une grande route les conduit ensuite 
à Carcassonne, d’où on les expédie dans les lieux de consom- 
mation , qui sont principalement de Bordeaux à Toulouse. 

Le minerai dont on fait usage à Ginela vient des mines de 
Fillols , lesquelles sont situées dans les environs de Prades, au 
pied du Canigou (Pyrénées - Orientales). Le transport de ces 
minerais est des plus pénibles, à raison des chemins affreux qu'il 
faut que les mulets traversent pour de Fillols se rendre à Ginela. 

Il existe à Ginela une réunion presque complète de toutes les 
parties dont se compose une usine à fer. Ces ateliers ont été créés 
par M. Rivauo. Il ÿ a établi deux forges, deux martinets, dont 
lun sert à corroyer les aciers; une fenderie, un tour à tourner 
le fer et la fonte, et enfin un moulin à scie. On y voit encore 
un four de cémentation, un four à réverbère destiné à fondre 
les cylindres du iaminoir de la fenderie et un atelier de fabri- 
cation pour les limes. Quant aux trompes qui servent aux deux 
forges , elles sont alimentées par le même cours d’eau qui met en 
mouvement les roues des marteaux et des martinets. 

Les forges sont alimentées par le charbon de bois et par le 
procédé dit à la Catalane. Le charbon dont on y fait usage pro- 
vient des forêts de hêtre qui avoisinent l’établissement de Ginela, 
et particulièrement de la forêt de Boucheville. On y emploie 
également du charbon de bois de pin qui se distingue par sa 


( 479 ) 
légèreté. Ce charbon exige un creuset plus ouvert et une plus 
petite saillie de la tuyère que le charbon de bois dur comme est 
celui de hêtre. 

Quant au fer qui se fabrique à Ginela, il est nerveux et se 
forge bien à toute température. Il a cependant l'inconvénient 
de ne pas se laminer d'une manière bien égale, et ce, à raison 
des grains aciéreux produits par le procédé dit à la Catalane. Le 
fer fondu par ce procédé, se trouvant en contact avec du charbon 
de boïs, s'en charge plus ou moins dans de certaines parties, et 
de là l'inconvénient qu'il a ordinairement de présenter des por- 
tions plus ou moins aciérées. Aussi les fers de Ginela ne peuvent- 
ils pas servir aux ouvrages délicats; mais, d’un autre côté, on 
les préfère pour les instrumens d'agriculture et les essieux de 
charrette. Les mêmes formations de calcaire de transition, de 
schiste argileux et de phyllade micacé se continuent après Bel- 
viane; mais, avant d'arriver aux forges de Ginela, on les voit 
remplacées par des gneiss et des granits, soit communs, soit 
porphyroïdes. L'aspect de la végétation annonce , comme par- 
tout ailleurs , le changement qui s'est opéré dans la constitution 
du sol. 

De Ginela nous sommes revenus à Quillan, et le lendemain 
nous nous sommes mis en marche pour aller visiter les gorges 
de Pierre-Lis. Ces gorges , si belles et si remarquables par l’im- 
mense hauteur des montagnes qui les couronnent, se trouvent à 
trois quarts de lieue au sud de Quillan. On reprend donc la 
même route que l’on suit pour aller visiter l'établissement de 
M. le maréchal Crauzer. La route passe ensuite à Belviane , petit 
village bâti sur les schistes argileux de transition et sur une 
petite colline. Une fois sorti du ‘village , on descend rapidement 
jusqu'à ce que l’on ait atteint le niveau de l'Aude, Un gros quart 
d'heure après le village on suit la rive gauche de la rivière, que 
_ l’on remonte constamment. On pénètre ainsi dans les gorges de 
Pierre-Lis. Ces gorges sont tellement étroites qu'elles n'ont que 


( 480 ) 
la largeur nécessaire au cours des eaux de l'Aude. Le chemin 
que lon y a pratiqué se trouve creusé dans le rocher. Des mon- 
tagnes fort élevées bordent en effet ces gorges profondes , et à 
les voir si verticales , on les prendrait, si ce n’était leur grande 
hauteur, pour d'immenses murailles. 

Un chemin pratiqué dans le rocher, sur la rive gauche de 
l’Aude, et cela à force de temps et de patience, permet au voya- 
geur de contempler la grandeur et l'aspect imposant de ce défilé. 
Avant que l’on eût percé ce chemin à travers les roches calcaires 
pour parvenir à Agat ct à Saint-Georges, on suivait la hauteur, 
et ceux qui étaient assez hardis pour en contempler la profondeur 
en avaient seuls l’idée. Mais depuis 1826, époque à laquelle les 
travaux commencés en 1824 ont été terminés, sous la direction 
de MM. Desrren et Cnamvacne , on peut y passer sans danger. Les 
masses calcaires entre lesquelles s’écoule l’Aude ont été com- 
plètement redressées. Elles forment comme des murailles im- 
menses d’une nudité effrayante. Leur élévation, mesurée du bas 
de la vallée à leur sommet, n’est pas moindre de 180 à 250 
mètres dans les lieux où elle est le plus considérable, car cette 
élévation est loin d’être égale partout par suite de l’irrégularité 
du redressement. Les masses calcaires qui composent les gorges 
de Pierre-Lis sont formées par une roche calcaire noirâtre ou 
d'un gris cendré. Quelquefois, dans les parties inférieures , les 
deux variétés se montrent réunies par un ciment de la même 
nature que la masse de ces roches, en sorte qu’elles prennent 
alors tout-à-fait l'aspect d'une brèche. À droite de la route, en 
allant vers Axat, se trouve une grotte peu élevée au-dessus du 
niveau de l'Aude, Cette grotte, dont l'étendue n’est pas consi- 
dérable, n'offre point d'ossemens et par conséquent elle ne ren- 
ferme aucune trace de dépôts diluviens. 

Le défilé ou la gorge de Pierre-Lis est, pendant environ un 
grand quart de lieue, aussi profond que resserré; mais au-delà 
de cet espace le défilé s'agrandit et l'on arrive à Saint-Martin de 


(48: ) 
Pierre-Lis, situé à mi-côte, sur la rive droite de l'Aude, Ce 
village est la patrie du vénérable curé qui a eu la première idée 
de la route exécutée plus tard par MM. Desrnen et Cuamraene. Le 
chemin qui conduit à Axat continue toujours entre les mêmes 
roches calcaires, qui s'élèvent à des hauteurs moins considérables 
que celles qui composent les gorges de Pierre-Lis. 


Après avoir traversé le Rebenti, petite rivière qui descend du 
pays de Sault, on arrive à Axat, situé sur la rive droite de 
l'Aude. Ce village, bâti dans le bas de la vallée, est disposé en 
amphithéâtre à l'aspect du midi; un ancien château qui le do- 
mine lui donne un coup-d’œil assez pittoresque. Un pont en pierre 
établit une communication facile entre la rive gauche et la rive 
droite. C’est sur cette rive que sont construites la plupart des 
maisons du village, ainsi que les belles usines ou forges de 
M. Dax. Ces usines se composent d’une forge, d’une aciérie et 
de moulins à scie. Quant aux minerais dont on se sert dans cet 
établissement , on les tire de Vicdessos (Arriège), de Fillols et 
d'Escarro ( Pyrénées-Orientales ), et enfin de Villerouge et de 
la Grasse (Aude). Ces minerais, en les mélangeant entr’eux, 
donnent parfois de l'acier naturel ; mais à-peu-près constamment 
ils donnent de l'acier de cémentation. Jamais on ne fait de 
l'acier fondu dans cet établissement. L’acier de cémentation que 
l'on y fabrique est d'excellente qualité. On en fait usage pour en 
fabriquer des limes, des scies, des sabres, de grands couteaux 
dont on se sert en Amérique pour couper le sucre, ainsi que 
divers autres instrumens. 


Get établissement a une magnifique prise d’eau dans la rivière 
d’Aude, laquelle met en action six roues hydrauliques et six 
martinets, Les seules machines soufflantes dont on se sert dans 
cette usine sont produites par la pression de l’eau. L’aciérie 


31 


(482) 
occupe six fourneaux, tandis que la forge à la Catalane a un 
fourneau et deux marteaux (*). 

En suivant la rive droite de l’Aude et à une demi-lieue en 
amont d’Axat, on arrive aux gorges de Saint-Georges, remar- 
quables par le rétrécissement du lit de la rivière et l'élévation 
de ses roches. Celles-ci sont de la même nature que celles de la 
gorge de Pierre-Lis. Comme toutes les roches calcaires de cette 
contrée, celles qui forment les gorges de Saint-Georges pré- 
sentent une surface uniforme d'un gris cendré tout particulier 
Cependant leur intérieur est d’un bleu noirâtre plus ou moins 
intense ou d'un brun roussâtre. La direction de ces roches est 
verticale et abrupte par suite de l'effet du soulèvement qu’elles 
ont éprouvé. Du reste, on n’y voit pas plus que dans celles de 
Pierre-Lis des traces de corps organisés. Nos recherches ne nous 
ayant pas fait découvrir le moindre débris qui ait appartenu à 
un corps vivant, nous avons demandé aux ingénieurs et aux 
ouvriers qui ont fait la route si dans leurs travaux ils en avaient 
aperçu; mais tous nous ont dit n'y en avoir jamais vu. 

Avant d'entrer dans les gorges de Saint-Georges, la rivière 
d’Aude est tellement encaissée entre les roches calcaires, qu'elle 
n'a pas plus d’un mètre et demi de largeur. Malgré la faible 
barrière qui s'oppose à l'écoulement de ses eaux, barrière qui 
n'a pas plus de deux mètres au-dessus de leur niveau, leur action 
érosive est si faible, lorsqu'elle n’est pas aidée par l’action des 
corps durs, qu’elle n’a pas encore enlevé l’obstacle qui s'oppose 
à leur facile écoulement. Gependant l'Aude a une grande rapi- 
dité dans cette partie de son cours, et ses eaux yÿ sont assez 
abondantes, surtout après les orages. 

Ce fait et une foule d’autres beaucoup trop connus prouvent 


(*) Voyez les expériences faites sur la trompe du ventilateur des mines de 
Rancié, par M. Dauguisson, Annales des mines, 2.° série, tome IV. 


( 485 ) 

combien les eaux actuelles sont impuissantes pour avoir creusé 
les vallées où elles s'écoulent , car il est impossible que l'Aude, 
en lui supposant même un volume d’eau trois fois plus considé- 
rable que celui qu'ont ses eaux maintenant, ne pourrait pas 
creuser une gorge aussi profonde que celle de Saint-Georges et 
celle de Pierre-Lis. De même le Rhône, comme les autres prinei- 
paux fleuves de l’Europe, n'aurait jamais pu creuser les vallées 
profondes dans lesquelles il s'écoule, en admettant même que 
ses eaux eussent été plus considérables qu'elles le sont actuel- 
lement. 

Pour expliquer d'une manière plausible la formation des 
grandes vallées , si fort en disproportion avec le volume des eaux 
qui s’y épanehent, il faut admettre qu’à l’époque à laquelle des 
soulèvemens ont eu lieu, soulèvemens qui ont produit les émni- 
nences qui sillonnent nos continens, il s'est opéré des affaissemens 
qui ont coïncidé avec ces soulèvemens; ou bien encore que les 
vallées ne sont que les points du globe qui, n'ayant pas été 
soulevés, ou soulevés seulement en partie, ont conservé, à peu de 
choses près, leur niveau primitif, Évidemment , les soulèvemens 
ont eu lieu avant que les roches eussent acquis la solidité qu’elles 
ont actuellement ; dès-lors ces roches ont pu aussi être facilement 
attaquées par les eaux dont la température et le volume étaient 
beaucoup plus considérables que dans les temps présens. Mais 
leur action érosive a été nécessairement plus faible sur les 
roches , dont la solidité était déjà la plus complète ; aussi les 
vallées ne s’agrandissent-t-elles et ne prennent-t-elles une certaine 
étendue que dans les lieux recouverts par les terrains les plus 
récens , ceux qui ont acquis le plus tard la solidité que nous leur 
voyons aujourd'hui. 

La largeur et l'étendue des vallées parait donc constamment 
en rapport avec la nature des roches et des terrains où elles 
sont placées. La vallée de l’Aude nous en fournit un exemple 
trop remarquable pour ne pas en faire mention. Ce fleuve s'étend 


(484) 

avec une sorte de complaisance dans les plaines fertiles de la 
partie orientale et méridionale de ce département , particulière- 
ment dans celle de Coursan , formée de terrains tertiaires im- 
mergés que recouvrent des dépôts diluviens; mais une fois qu'il 
approche de la plaine de Carcassonne, dont le sol, composé de 
macignos durs et solides, est moins attaquable que le sol infé- 
rieur de la plaine de Coursan, son lit se resserre et ses eaux se 
livrent aussi beaucoup moins à des incursions qui désolent et 
fertilisent à la fois la belle plaine de Coursan. De même une fois 
que cette rivière est parvenue dans les montagnes de craie com- 
pacte inférieure des environs de Limoux , elle se resserre de 
plus en plus, et son lit devient encore plus étroit en traversant 
les montagnes de transition des gorges d’Alet. Il devient même 
plus tard tellement resserré, lorsque cette rivière traverse les 
gorges de Pierre-Lis et de Saint-Georges, que son lit finit par 
n'avoir plus que quelques mètres de largeur. Il semblerait, en 
comparant l'étendue de ce fleuve telle qu’on l’observe dans la 
plaine de Coursan et les gorges de Saint-Georges, que cette 
étendue ne peut pas être moindre ; mais il'en est bien autrement, 
car cette rivière , lorsqu'elle arrive auprès des terrains primitifs, 
est si faible qu'elle n’a bientôt plus que quelques pieds de lar- 
geur, et enfin, se réduisant encore auprès de sa source , elle n’est 
plus qu'un mince filet d’eau qui passerait inaperçu si le voyageur 
qui le contemple n'y voyait la trace d’un fleuve assez important 
pour avoir donné son nom au département qu'il traverse dans 
la plus grande partie de son cours. 

Nous avons remonté ce fleuve au lieu de le descendre, parce 
qu'il nous a paru que de cette manière on saisissait mieux com- 
bien grande a été l’influence de la nature des roches sur l’étendue 
des vallées parcourues par des cours d’eaux. En effet, plus les 
roches ont été solides à l’époque de leurs soulèvemens et moins 
l'écartement'qui s’est opéré entre leurs masses a été considérable. 
Cet écartement s'est pour lors borné à y produire de larges 


( 485 ) 

fentes, ou , si l’on veut, de petites vallées, tandis qu'il en a éte 
différemment pour les roches de sédiment. Cet effet a été surtout 
sensible pour celles qui , appartenant aux terrains les plus récens, 
avaient moins de solidité, et qui, par cela même, ont cédé plus 
facilement aux efforts de l’impulsion qui les ont soulevées à leur 
tour. Celles-ci sont en effet restées constamment les plus basses, 
à raison d’ailleurs de ce qu’elles avaient moins de masse. Aussi 
plus tard les fleuves ont pu s’y étendre avec plus de facilité et 
les attaquer avec plus de succès qu'ils n'ont pu le faire de roches 
en partie durcies. En un mot, ce n’est pas lorsque les terrains 
de sédiment avaient acquis une grande dureté qu'ils ont été 
érodés , l'exemple que nous avons cité prouve assez le contraire ; 
cependant ces terrains ont été attaqués, mais seulement après 
l'époque de leur soulèvement , lorsqu'ils conservaient encore une 
certaine mollesse et une certaine malléabilité, 

Les vallées ou les plaines, qui n’en sont, en quelque sorte, que 
le développement, sont donc les points du globe qui ont été le 
moins soulevés et ceux dont le niveau s’est maintenu le plus bas. 

Dès lors les eaux courantes ont dù s'établir dans ces points les 
plus abaissés de la surface du globe , et ces eaux les ont d'autant 
plus attaqués qu'ils se trouvaient dans un état de mollesse ou 
d’une certaine malléabilité, si cette expression est propre à 
rendre l'état pâteux que durent avoir dans le principe de leur 
formation les roches de sédiment. C’est par suite de cette dispo- 
sition, qui est assez générale dans les vallées dont la largeur 
coïncide assez bien avec la nature des roches , que l’on y a sup- 
posé plusieurs étages, leur niveau baïssant successivement et par 
intervalle d’une manière assez brusque, depuis leur naissance 
jusqu’au point où elles se terminent. Ces étages ont été admis 
particulièrement pour la rivière d’Aude, dont nous venons de 
décrire le cours , et qui, comme la plupart des fleuves dont les 
sources sont dans les terrains primitifs, vont se déboucher dans 
la mer, offre par cela même de grandes variations daus son 


(486 ) 
niveau, Ces variations sont d'autant plus considérables qu'avant 
de se perdre dans la mer l’Aude traverse à peu près dans son 
cours l'entière série des terrains de sédiment. 

Ges variations dans les niveaux des vallées parcourues par des 
fleuves ne sont presque plus sensibles dans les rivières dont les 
sources, plus abondantes que les premières, se trouvent dans 
les terrains de sédiment; si nous voulions en citer des exemples 
pris dans le midi de la France , nous pourrions faire mention des 
vallées parcourues par le Lez et la Sorgue, rivière fameuse par 
la grandeur de sa source, la fontaine de Vaucluse. 

L'étendue de la gorge de Saint-Georges est moins considérable 
que celle de Pierre-Lis. Quant au chemin, il a été également 
creusé dans le rocher et construit à grands frais par les mêmes 
ingénieurs que ceux auxquels l’on doit le chemin de Pierre- 
Lis. Ce chemin se trouve ici sur la rive droite de l’Aade, 
ayant été pratiqué dans l'endroit le plus facile et le plus 
commode. 

On rencontre à deux lieues au sud de Saint - Georges les 
terrains primitifs, et là, comme à Ginela, les phyllades micacés 
ou les schistes argileux reposent immédiatement, soit sur les 
gneiss communs ou porphyroïdes, soit enfin sur les mêmes va- 
riétés des roches granitiques. 

Nous revinmnes ensuite à Axat, ayant l'intention d’aller par- 
courir la belle forêt des Fanges, dont les nuances sombres con- 
trastent avec les tons clairs des calcaires de transition. Ces 
nuances des calcaires tiennent autant à la décomposition de ces 
roches qu'aux lichens qui les couvrent. En les cassant l’on recon- 
naît aisément que ces nuances ne sont qu'extérieures et super- 
ficielles. Nous gravimes la montagne de la Pinouse, située au 
nord-est d’Axat , laissant à droite une belle forêt de sapins et de 
pins , laquelle était bordée de grands hêtres (fagus sylvalica). 
En général , dans ces cantons, les sapins végètent et prospèrent 
dans les points les plas élevés, qui ne dépassent pourtant pas 


( 487) 
1,500 à 1,800 mètres. Les pins et les hètres, surtout ces der- 
niers, s'élèvent beaucoup moins, ce qui est extrêmement sensible 
dans la forêt de la Pinouse. 

On se dirige après cette forêt vers le nord ; en suivant un sen- 
lier rapide et mal tracé, l’on arrive à la forêt des Fanges après 
deux heures d’une marche pénible. La maison royale, où sont 
logés un brigadier et deux gardes-forestiers , est dans une vaste 
clairière qui se trouve dans l’intériear de la forêt. Cette forêt 
est imposante autant par la beauté des arbres que par le silence re- 
ligieux qui y règne. Que l’on se figure l'impression que produisent 
sur l'esprit des arbres séculaires, droits et élancés comme d'im- 
menses pyramides, arbres tellement pressés les uns contre les 
autres que la vue s'étend à peine à quelques pas. Aussi est-il 
fort dangereux de s’écarter de la route tracée ; pour si peu que 
l'on s’en écartât, l'on risquerait de s'égarer. Nous ne fimes donc 
quelqu'excursion qu'accompagné par le brigadier qui dirige la 
forêt, Cette forêt est réellement magnifique vers les points cul- 
minans, là où seuls végètent des sapins qui se sont emparés d'un 
sol où ne croissent plus que quelques herbes chétives. De retour 
à la maison royale, nous avons traversé la forêt des Fanges en 
nous dirigeant vers le nord-ouest. Nous somines ensuite arrivés 
au point culminant de la montagne, d’où l’on jouit d'une vue 
extrémement étendue. Après avoir long-temps contemplé le vaste 
tableau qui s'offrait à nos regards, nous sommes descendus dans 
la vallée par un chemin bien tracé au couchant de la montagne 
des Fanges. Après deux heures de marche on traverse l’Aude sur 
un pont de bois, en avant de Belviane, dont nous avons déjà 
parlé. Enfin nous rentrâmes à Quillan, asséz (ôt pour éviter un 
orage qui y fit de grands ravages. 

Le lendemain nous revinmes à Limoux en passant par Cam- 
pagne, Esperazza, Montazels et Alet. La route suit la rive droite 
de l'Aude, laissant à gauche le village de Gampagne et à droite 


les caux thermales qui portent le même nom. Plus loin on dé- 


( 488 ) 

couvre sur la rive gauche les villages d'Esperazza et de Monta- 
zels, et sur la rive droite ceux de Couiza et d’Alet. Ce sont tou- 
jours les mêmes formations que l’on traverse ; ainsi nous retrou- 
vâmes de la dolomie dans le calcaire noir de transition des 
environs d'Alet, dolomie que l’on observe également dans ceux 
qui composent les gorges de Pierre-Lis et des environs de Quillan, 
Une circonstance générale, particulière aux diverses parties de 
l'arrondissement de Limoux , c’est la rareté des dépôts diluviens 
ou du diluvium proprement dit. On n'y en voit presque pas de 
traces ; si ce n’est dans quelques basses vallées comme sont celles 
des environs de Limoux. Les dépôts diluviens sont au contraire 
fort abondans dans l’arrondissement de Carcassonne, où ils 
acquièrent même souvent une assez grande puissance , comme 
par exemple sur le chemin de Conques à Lassac, et dans la 
plus grande partie de la-plaine dont Carcassonne est entourée. 
Ces dépôts sont donc loin d’être généralement répandus, puis- 
qu'il est tant de contrées qui en sont complètement dépourvues, 
soit en raison de leur élévation au-dessus des mers, soit enfin en 
raison des formations qui les composent. 


( 489 ) 


CHIMIE. 


RECHERCHES CHIMIQUES SUR LE MAÏS, DEVANT CONTRIBUER 


AUX PROGRÈS DE LA FABRICATION DES SUCRES INDIGÈNES ; 


Par M. E. Pazas, 


Docteur en médecine, Médecin en chef de l’hôpital-militaire de Saint-Omer, 
Membre correspondant. 


22 mA 1835. 


Depuis les beaux travaux de Parmentier sur le maïs, on ne 
s’est pas occupé en France de cette plante comine étant suscep- 
tible de fournir du sucre. Personne au moins n'a eu l'idée de 
le fabriquer en grand , de manière à l’employer aux besoins de 
la vie. Cette indifférence de la part de notre industrie tient pro- 
bablement à ce qu’il fallait à la fois sacrifier le fruit et la tige 
pour n’obtenir, en résumé, qu’une très-petite quantité de 
matière sucrée. 

Convaincu par quelques essais préliminaires que je fis sur la 
tige de maïs, après en avoir récolté le fruit, que cette plante 
contenait une quantité notable de matière sucrée, j'entrepris 
avec plus de méthode une nouvelle expérience. 

Le premier octobre 1834, ayant récolté du maïs de l'espèce 
connue sous le nom de variété jaune qui était parvenu à sa par- 
faite maturité, je fis un choix de tontes les tiges qui conservaient 


( 490 ) 
encorc un reste de végétalion, état qui s'annoncait par la cou- 
leur verte ou violacée de la plante, et la saveur sucrée de son 
suc. Le lendemain , après les avoir dépouillées de leurs feuilles, 
on pesa sept kilogrammes de ces tiges, dont les plus longues 
avaient à peine trois pieds; on leur enleva la partie corticale 
ligneuse. Ensuite la portion médullaire spongieuse , seule partie 
de la tige qui renferme la matière sucrée, fut coupée par mor- 
ceaux, pilée dans un mortier de marbre et soumise dans un sac 
de toile à l’action de la presse. De cette première opération on 
obtint 3 kilogrammes 130 grammes d’un suc sensiblement sucré, 
dont la saveur avait de l’analogie avec celle de la réglisse verte. 
La pesanteur spécifique de ce suc était de mille soixante, celle 
de l’eau de fontaine étant de mille. 

La partie parenchymateuse fut pilée de nouveau avec un demi- 
litre d'eau de fontaine ; soumise à la presse elle a fourni à peu 
près le même volume de liquide employé, qui était sensiblement 
sucré, moins cependant que celui obtenu dans la première 
opération. 

Ces deux liquides furent réunis immédiatement dans un vase 


4 


de cuivre étamé et portés à l’ébullition à feu nu, avec 25 
| 


0] 


grammes de chaux éteinte en poudre, jusqu'à réduction de moi- 
tié environ. Dans cet état la liqueur avait totalement perdu le 
goût particulier à la plante et possédait à un degré remarquable 
la saveur particulière au sucre de canne. 

Décantée , cette liqueur sirupeuse fut traitée avec 20 grammes 
de charbon animal, clarifiée au blanc d'œuf et concentrée, elle 
a donné après la filtration au travers d’une étamine de laine, 
5oo grammes de sirop transparent, de couleur jaune fauve et 
d’une densité de 34 degrés, sous la température atmosphérique 
de 15 degrés du thermomètre centigrade. 

Comme ce sirop présentait la plupart des caractères de celui 
de canne, j'étais impatient de savoir s'il possédait aussi celui de 


cristalliser, bien que généralement il arrive même pour les sirops 


( 49r ) 

les plus riches en sucre qu'ils se refusent à cristalliser, lorsque 
l'on opère sur des petites quantités. Après l'avoir clarifié de 
nouveau et décoloré avec le charbon animal, on obtint une 
clerse magnifique. Cependant le sirop, qui fut convenablement 
cuit, ne put cristalliser immédiatement, et ce ne fut que trois 
mois après qu'il laissa déposer au fond des verres à expérience 
qui le contenaient une cristallisation formée de véritable sucre 
ayant la plus grande analogie avec ceux de canne ou de bet- 
terave. La rareté de la plante dans un pays où elle n'est pas 
cultivée et qui ne se trouve que dans quelques jardins d’a- 
mateurs , m'a fait remettre la suite de ces expériences à l'année 
prochaine. 

Le résidu de la tige, entassé dans un vase de terre vernissé, 
laissait échapper le lendemain de l'opération des vapeurs alcoo- 
liques très-prononcées , ce qui prouve que toute la matière sucrée 
n’en avait pas été enlevée par les deux expériences successives. 
Desséché à l’air, ce résidu, qui se trouve toujours enveloppé par 
une substance mucilagineuse dont la présence se manifeste sur- 
tout lorsqu'il est encore humide, doit être non seulement une 
excellente nourriture pour les animaux herbivores, puisque le 
cheval en mange avec avidité, mais encore il doit servir à faire 
de très-bon papier d'emballage, dont un échantillon a été 
fabriqué par M. Bezarr, fabricant de papier, à Wisernes, près 
Saint-Omer. 

Une portion de cette tige ainsi brisée, et dont la matière 
sucrée avait été séparée, a donné à l’eau froide une viscosité 
très-prononcée, et dont l’évaporation lente a fourni un résidu 
gommeux qui atlirait l'humidité de l’air. C’est sans nulle 
doute à la présence de cette matière gommeuse, que la tige de 
la plante contient en abondance , que l’on doit attribuer la fer- 
meté ct l'imperméabilité que l’on remarque au papier mais, 
qui a été fabriqué sans addition d’aucunc matière collante, 
comme le dit M, Bezcart dans une lettre qu'il m'écrivit en me 


(492 ) 

faisant connaître les résultats de ses essais, et dont je crois 
devoir faire connaître l'opinion , comme étant celle d'un homme 
des plus distingués dans la fabrication du papier. 

« Aucune matière collante, dit M. Becranr , n’est entrée dans 
» la composition de ce papier ; il doit sa fermeté à la grande 
» quantité de mucilage que la plante contient. Lorsque l’on opé- 
» rera sur une plus grande quantité que celle qui a servi à 


» 


» l'échantillon , l’on obtiendra un papier moins cassant qui aura 


ÿ 


toute la qualité nécessaire à un bon papier d'emballage. » 
De tout ce qui précède, il résulte que sept kilogrammes de 
tiges de maïs, soumis à l'expérience après avoir récolté le fruit 
arrivé à parfaite maturité, ont fourni : 

1.0 500 grammes de sirop à 34 degrés, sous la température 
atmosphérique de 15 degrés centigrades; 

2.0 Un produit parenchymateux dont on n'a pu apprécier au 
juste la quantité, et qui peut servir de nourriture aux bestiaux 
et à remplacer le chiffon dans la fabrication du papier d’em- 
ballage; 

3.0 Enfin une matière gommeuse de moindre importance. 

Ces résultats me paraissent bien plus avantageux que ceux 
que l’on à obtenus en France précédemment, ear Paruennier , 
ainsi que tous ceux qui l’ont suivi ou imité, opérant sur la 
plante avant la maturité de son fruit, étaient obligés, pour 
rechercher le sucre, de sacrifier la graine, dont se nourrissent 
des populations entières. Ils n’obtenaient, dans un cas, que 8 
onces de liqueur sirupeuse sur 48 livres de tiges fraîches cueillies 
long-temps avant la fructification, et dans l’autre, 18 onces de 
liqueur sirupeuse pour 30 livres d’épis verts. 

L'année prochaine , lorsque j’opérerai sur une plus grande 
échelle, je compte obtenir des résultats qui seront pour le moins 
aussi avantageux, car d'après M. »e Huwsoin, les Mexicains le 
fabriquent avec avantage ; et selon d’autres auteurs , une grande 
partie de sucre de canne que l'on introduit en Europe serait 


( 495 ) 

mêlée à une grande quantité de sucre de mais. M. Lacanenxe 
annoncé que dans les environs de Vienne on obtient d’une quan- 
tité donnée de sirop de maïs le tiers de sucre cristallisé. J'ai 
signalé également d'une manière toute particulière dans mon 
mémoire adressé à l’Institut et dont celui-ci n’est que le résumé, 
les travaux du docteur Nacunou, de Greitz, en Basse-Styrie, 
comme offrant quelque analogie avec celui qui fait l’objet prin- 
cipal de ce mémoire. J'ai lieu d'espérer que les résultats obtenus 
dans le nord de l'Europe se réaliseront aussi dans notre belle 
France , et plus particulièrement dans les départemens méridio- 
naux , où le maïs est abondamment cultivé. 

Déjà la connaissance de ce fait a excité le zèle d’un grand 
nombre de fabricans de sucre de betterave et de quelques indus- 
triels de l'arrondissement de Saint-Omer , qui forment le projet 
de répéter en grand les expériences que je n’ai pu faire que sur 
une trop petite échelle. 


( 494) 


HISTOIRE NATURELLE. 


OBSERVATIONS 
SUR LA LICORNE DES ANCIENS, 


Par M. Marcel DE SERRES, Membre correspondant. 


3 ocrosre 1834. 


Toute l'antiquité a admis l'existence d’un animal à pieds 
fourchus, qui aurait présenté cette particularité remarquable, 
d’avoir une seule corne sur le milieu du front. Cet animal, 
connu sous le nom de monocéros ou de licorne, aurait vécu, 
suivant les anciens, à la fois dans l’Inde et dans l'Afrique. Ce- 
pendant, malgré les traditions unanimes de l'antiquité et l’au- 
torité d’Aristote, de Pline et d'OElien (qui, pour le dire en 
passant , n’ont point vu cet animal), la plupart des naturalistes 
modernes, à la tête desquels il nous sufira de citer Cawren et 
Cuvn, ont généralement rejeté l'existence d'un ruminant à corne 
unique alongée et rectiligne placée sur le milieu du front ; une 
pareille corne ne pouvant tenir sur une suture. 

Les cornes ou les prolongemens tubuleux de diverse nature 
dont la tête de plusieurs mammifères Lerrestres est armée sont 
ou osseux ou épidermiques. Lorsque ces prolongemens dépendent 
du tissu osseux , ils prennent généralement un grand développe- 
ment, surtout en longueur, tandis qu'il en est le contraire toutes 
les fois que ces prolongemens appartiennent au système cutané. 


( 495 ) 
11 y a plus, lorsque les cornes osseuses ou qui appartiennent à 
cet ordre de tissu sont enveloppées par la peau, elles acquièrent 
peu de développement, et par cela même elles restent plus 
courtes que les cornes solides qu'aucun tissu épidermique ne 
recouvre d’une manière constante. 

Les ruminans ou les mammifères terrestres à pieds fourchus, 
parmi lesquels la licorne devrait être classée, n’ont que des pro- 
longemens osseux qui n'offrent une certaine étendue que chez les 
espèces où ces prolongemens ne sont point recouverts par la 
peau. Les cornes des antilopes , et par conséquent de la licorne, 
sont dans ce cas ; dès-lors il est sensible que des cornes osseuses 
solides et très-alongées ne peuvent être placées sur le milieu d'un 
os qu’une suture divise, En effet, pour la solidité de là corne 
épidermique et courte du rhinocéros des Indes, la nature a pris 
la précaution de rendre les os du nez qui la supportent très-forts 
et très-épais. De plus, ces os sont soudés de manière à présenter 
une base convenable, L'on sait également que les espèces de ru- 
minans qui ont de grands bois présentent les os du crâne pro- 
portionnés au développement et au poids de ces parties. Ainsi 
l'on ne peut guère admettre la réalité d’un mammifère terrestre 
à pieds fourchus auquel on supposerait en même temps une corne 
alongée placée sur le milieu de l'os frontal, lequel se trouve 
divisé dans sa partie moyenne. 

: Cest sur ces considérations anatomiques que les naturalistes 
modernes se sont fondés pour rejeter l'existence de la licorne, 
telle du moins que les anciens l'ont conçue. Cette discussion 
paraissait {out-à-fait épuisée et comme fermée ; cependant, des 
observateurs dont nous reconnaissons plus que personne le mé- 
rite, l’ont tout récemment rouverte ; dès-lors il nous paraît utile 
de ramener cette question à son véritable point de vue. Son 
intérèt fera sans doute excuser les délails dans lesquels nous 
allons entrer. 


Les mammifères terrestres qui ont des bois ou des cornes sur 


( 496 ) 

leurs têtes appartiennent à deux ordres différens, les pachy- 
dermes et les ruminans. Ces derniers présentent les cornes les 
plus solides et les plus alongées. Elles ne sont pas pour cela les - 
plus persistantes ; l’on sait en effet que les bois des cerfs tombent 
à des époques fixes et se renouvellent plusieurs fois pendant la 
vie de l’animal. Seulement, comme les cornes des ruminans sont 
généralement des prolongemens de l'os frontal, elles adhèrent 
aussi constamment avec cet os. Le frontal fait même souvent 
saillie à la base des bois, ce que l’on remarque surtout chez les 
espèces qui font partie de la division du grand genre cerf nommé 
anoglochis et qui comprend les genres élan (alces), chevreuil 
(capreolus) et cervule ( cervulus). 

Sous Le rapport de leur adhérence avec los frontal, les cornes 
des raminans, lorsqu'elles sunt alongées ou très-développées, 
n'offrent pas de grandes différences entr’elles. Elles n’en pré- 
sentent que lorsqu'elles sont courtes, comme celles de la girafe ; 
alors les prolongemens frontaux ou cornes, quoique solides, 
sont enveloppées par une peau velue qui se continue avec celle 
de la tête, peau qui subsiste pendant toute la vie de l'animal. 

Relativement à leur structure , les cornes ou bois des rumi- 
nans peuvent être divisés en plusieurs ordres ; 1.° les cornes ou 
bois pleins ou solides ; 2.° les cornes creuses ou faisceaux tubu- 
leux qui ont dans leur intérieur des chevilles, prolongemens de 
l'os frontal. 

Les cornes solides ou faisceaux pleins peuvent être sous-divisés 
en deux sections, selon qu'ils sont revêtus ou non de peau velue 
qui se continue avec celle de la tête. Les bois des cerfs rentrent 
dans la première de ces sections, quoique dans le jeune âge les 
proéminences osseuses qui les forment soient couvertes pendant 
un temps d’une peau velue comme celle du reste de la tête, Mais 
comme ces proéminences ont à leur base un anneau de tuber- 
cules osseux, ces tubercules, en grossissant, compriment et 
oblitérent les vaisseaux nourriciers de cette peau; celle-ci finit 


( 497 ) 


done par se dessécher et tomber entièrement. Les cornes pure- 
ment osseuses des cerfs, dont le tissu est continu et identique 
avec l'os frontal, restent donc dénudées pendant la plus grande 
partie de la vie de l’animal ; dès-lors elles doivent être distinguées 
des cornes de la girafe, qui sont constamment enveloppées par 
une peau velue. 

Les prolongemens frontaux de la girafe appartiennent à la 
seconde section; ces prolongemens sont en effet enveloppés par 
une peau qui ne se détruit point, ainsi que nous l’avons déjà fait 
observer, Par suite peut-être de cette particularité les proëmi- 
nences frontales de la girafe ne tombent jamais. 

Quoi qu'il en soit, on les voit composées de deux portions ; 
l’une interne, très-réticulaire et spongieuse ; l’autre externe, 
dense et compacte. Cependant, chez les vieux individus, la 
masse entière de la corne prend une dureté et presque une con- 
texture éburnée, Outre ces deux prolongemens frontaux, la 
girafe offre encore un tubercule osseux ressemblant un peu à une 
troisième corne. Ce tubercule, formé par une excroissance spon- 
gieuse du frontal, occupe le milieu du chanfrein. On le voit 
quelquefois calleux et garni de longs poils, surtout chez les jeunes 
individus. 

Telles sont les distinctions que l’on peut faire entre les cornes 
solides des ruminans ou ces proéminences plus ou moins longues 
des os frontaux qui ne se trouvent dans aucune autre famille 
d’animaux. 

Il ne nous reste plus maintenant qu'à dire quelques mots des 
cornes creuses propres au grand nombre de ruminans , mais dont 
les chevilles ou noyaux intérieurs sont toujours comme les cornes 
solides des prolongemens de l'os frontal. Ce dernier caractère 
paraît réellement propre et distinctif des proéminences des fissi- 
pèdes. Aussi devrait-on les nommer des proéminences osseuses, 
tandis que celles des pachydermes , dérivant constamment de la 
peau ct n'ayant aucune adhérence avec l'os frontal, devraient 


32 


( 498 ) 
être désignées sous le nom de prolongemens épidermiques. Par 
ce moyen, l’on éviterait toute confusion entre des organes dont 
l’origine est si différente. 

Les cornes creuses à cheville ou noyau osseux intérieur carac- 
térisent les ruminans des genres Antilope (antilope), Ghèvre 
(capra), Mouton {ovis) et Bœuf ( bos). Elles se trouvent donc 
chez un plus grand nombre de genres de ruminans que les cornes 
pleines ou solides uniquement propres aux diverses espèces de 
cerf et à la girafe. Les cornes creuses sont du reste généralement 
moins ramifiées que les cornes pleines et solides, qui sont presque 
toujours multiples , tandis que les premières restent simples. 

Ces cornes, outre leur noyau osseux, sont revêtues d'un étui 
de substance élastique , composé comme de poils agglutinés. Cet 
étui, auquel on donne plus particulièrement le nom de corne 
creuse, à raison de sa nature et de sa conformation, croît par 
couches et pendant toute la vie de l'animal. Il en est de même 
de la proéminence osseuse qu'il enveloppe. L'une et l’autre de 
ces parties sont permanentes. 

Telles sont les particularités que présentent les cornes ou bois 
des ruminans ; comme elles sont communes à tous, l’analogie 
doit nous faire supposer que si l’on en rencontre du mème genre 
dans des mammifères autres que ceux qui nous sont connus, elles 
s’y montreront avec les mêmes rapports. On doit d'autant plus 
le supposer, que ces parties ont des relations sensibles avec des 
organes d'un ordre plus important. Et, par exemple, si l’exis- 
tence des cornes des ruminans du genre Cerf n'exclut point la 
présence des dents canines, ainsi qu’on l’a gratuitement avancé, 
cette expression est du moins vraie pour les incisives supérieures. 
Il en est de même de plusieurs autres genres de bifalques qui 
ont des cornes ; on voit généralement les animaux à pieds four- 
chus, qui ont pour la plupart des cornes sur le front, avoir 
également un système dentaire extrèmement imparfait. 

Les pachydermes, du moins certains d’entr'eux comme les ru- 


( 499 ) 


minans, ont aussi des cornes sur la tête, Ces cornes n'ont du 
reste que le nom de commun avec celles des ruminans ; elles en 
différent en effet , autant par leur position que par leur nature. 
Peu répandues chez les pachydermes, elles semblent bornées aux 
rhinocéros ; comme l’une des espèces de ce genre, celui des Indes 
n’a qu'ane seule corne; des observateurs même modernes l'ont 
considérée comme l’analogue de la licorne des anciens, qui n’a 
peut-être de fabuleux que la description qu’ils nous en ont laissée. 

Les cornes des rhinocéros, quel qu’en soit le nombre, reposent 
par l'intermédiaire du derme sur les os du nez, lesquels sont non 
seulement fort épais, mais soudés ensemble, de manière à pré- 
senter une base solide. De nature fibreuse ou cornée, elles sont 
constamment persistantes, solides, coniques ; placées sur le nez, 
ces cornes n’adhèrent point à l'os, n’étant qu'une continuation 
de l'épiderme. Aussi, lorsqu'on les examine dans leur intérieur, 
surtout après les avoir sciées transversalement , on reconnait 
qu'elles sont formées de poils agglutinés. 

Tels sont les seuls mammifères terrestres qui soient pourvus 
de ces faisceaux plus ou moins tubuleux auxquels on a donné le 
nom de cornes. D'après les détails dans lesquels nous sommes 
entrés, on a pu saisir qu’il n’était guère possible qu'il existât un 
animal portant sur la ligne médiane de l'os frontal une corne 
formée par la réunion de deux de ces organes. À la vérité les 
variétés de nos races domestiques, soit des chèvres, soit des 
moutons, présentent accidentellement une pareille disposition ; 
mais elle n’est qu’apparente. Une des deux cornes avorte ; l’autre, 
prenant un développement plus considérable, se dévie de sa 
position normale et finit par paraître partir de la ligne médiane 
de l'os frontal. On assure qu'il en est de même chez l’antilope 
cama; les cornes annelées de cette espèce, en abandonnant leur 
position primitive, semblent ainsi provenir du milieu du front. 

Ces différences dans la position des cornes, surtout chez des 
animaux qui, comme les antilopes, offrent des variations fré- 


( 500 ) 

quentes dans le nombre de ces parties, ont donné lieu à la 
croyance d’un fissipède à une corne unique sur le milieu du front. 
Aussi la licorne des anciens n’est probablement qu'une variété 
unicorne de quelque espèce d’antilope, d'autant plus que le 
nombre des cornes est loin d’être constant chez cet ordre d’ani- 
maux, ainsi que nous l'avons déjà fait observer. L’oryx, qui se 
trouve en Afrique, présente assez souvent cette particularité , et 
les antilopes algazel et leucoryx deviennent aussi unicornes. 

Ces cornes simples se tournent quelquefois en spirale; car, 
ainsi que l’a fait remarquer Pazras, les antilopes qui, par ano- 
malie, n’ont qu’une seule corne, l’ont extrémement alongée ; 
par suite de cet excès de développement, la corne prend une 
forme et une direction qui s’éloignent de l’état normal (*). 

Les récits des anciens sur la licorne n’étaient donc pas tout- 
à-fait dénués de fondement. Les antilopes unicornes les ont fait 
naître; et qui sait si l'intérieur de l’Afrique ne recèle pas quel- 
qu’espèce d’antilope qui , plus fréquemment que l’oryx, l’algazel 
ou le leucoryx, soit réduite à n’avoir habituellement qu'une 
seule corne. Cette particularité pourrait être en effet assez con- 
stante pour avoir été considérée comme normale et spécifique. 

Les défenses du narval ({ monodon monoceros , Liée) ont 
été également invoquées comme une preuve de la possibilité de 
l'existence de la licorne. Mais que l’on ne s'y méprenne point, il 
n’y a rien de commun entre les défenses du narval, analogues aux 
dents, et les cornes des ruminans. Les défenses longues et poin- 
tues des narvals sont implantées dans l'os intermaxillaire et 
dirigées dans le sens de l’axe du corps. Elles ne sont donc pas 
placées sur la ligne médiane, comme le sont chez les autres 
mammifères les organes impairs qui s’aperçoivent à l'extérieur, 
mais bien sur les parties latérales. 


(*) Pazzas, Spicilegia zoologica , fascicul. XII. 


( 5or } 

Gette anomalie n'est du reste qu’apparente, comme celle que 
nous avons déjà signalée à l’égard des cornes uniques de certains 
antilopes. Le narval a , dans le principe , deux défenses, comme 
les antilopes deux cornes. Ces deux dents ou défenses sont dis- 
posées symétriquement sur l’un et l’autre côté de la mâchoire. 
La droite avorte ; la gauche acquiert au contraire des dimensions 
qui surpassent celles que ces mêmes organes présentent chez tous 
les autres animaux. Elle a en longueur la moitié du corps du 
narval, en sorte que la diminution numérique des corps dentaires 
semble ici compensée par l’augmentation en volume de celui qui 
est demeuré seul. 

Il arrive pourtant quelquefois que les deux défenses sortent 
de l’alvéole et acquièrent l’une et l’autre des dimensions consi- 
dérables. Quoique rentrant dans l'état normal, ce cas est pour- 
tant le plus rare. Si donc l’on ne peut point invoquer les défenses 
du narval en faveur de l'existence d’un ruminant à une seule 
corne placée sur le milieu du front, l'anomalie ou le défaut de 
symétrie produit par avortement de l'une de ces défenses peut 
cependant jeter quelque lumière sur les circonstances qui ren- 
dent certaines espèces d'antilopes unicornes. Des causes analogues 
peuvent exercer leur action sur des organes aussi dissemblables 
par leur structure et leur position que le sont les dents des nar- 
vals et les prolongemens frontaux des antilopes. 

Après ces faits, devons-nous être surpris que les anciens, ct 
particulièrement Aristote, Pline et OElien , aient cru à l'existence 
de la licorne, qu'aucun d'eux n'avait du reste jamais vue. Ds 
y ont ajouté foi parce que leurs artistes, comme ceux de l’an- 
cienne Égypte, auront représenté des oryx si exactement de 
profil qu’une seule corne sera restée apparente, la seconde se 
trouvant entièrement cachée par celle qui est da côté du spec- 
tateur, Les modernes en ont fait autant; ainsi, d’après Sparmann, 
les sauvages des environs du Cap ont dessiné sur les rochers des 
antilopes qui, vus de profil, semblent n'avoir qu'une seule corne 
comme la licorne des anciens. 


( 502 ) 

Un Hollandais nommé Coëre a même prétendu qu’un de ces 
antilopes à une seule corne avait été tué en 1791 dans les envi- 
rons du Cap; et, d'un autre côté, la gazette du gouvernement 
de Calcuta a fait mention d’une grande corne en spirale qui pro- 
venait d’une licorne et aurait été adressée à la Société asiatique. 

Ces faits semblaient confirmer le dire de l'italien Barruéa, 
qui, dans son voyage publié en 1517, assurait avoir vu à la 
Mecque deux licornes qui lui avaient été montrées comme de 
grandes raretés. La lettre du voyageur Rurrez, datée d'Ambukol 
(3 mai 1824), lettre insérée dans la correspondance de M. de 
Zacu (tome XI, N° 111, page 269), semble également lever 
tous les doutes sur l'existence d'un animal de la grandeur d’une 
vache, ayant la forme svelte d’une gazelle et sur le front une 
corne longue et droite. Cet animal serait connu dans certaines 
parties de l'Asie sous le nom de nilukma , et dans d’autres sous 
celui de chiro ou de tropo. Le major Larrar , qui avait un com- 
mandement dans les montagnes de l’est du Népaul , a adressé en 
1824 (Bulletin de Férussac, tome IV, page 418) un rapport ofli- 
ciel pour prouver que la licorne existait réellement dans l’inté- 
rieur du Thibet. 

M. Larenane, directeur de la société linnéenne de Bordeaux, 
a présenté à cette société, soit en 1826, soit en 1831 , des faits 
nombreux qui tendraient à faire admettre l'existence de la licorne, 
soit sur les côtes de Madagascar , soit dans l'Inde. Tout récem- 
ment encore, M. Doneau »e 14 Mazze ( Annales des sciences natu- 
relles, septembre 1832) a rappelé le dire de Rurrez, qui a vu 
dans le Kordofan un quadrupède à une seule corne. 

Aussi, d’après ces faits, un assez grand nombre de naturalistes 
habiles , à la tête desquels on peut citer M. ne Fénussac, semblent 
avoir admis l'existence d’un mammifère terrestre à pieds four- 
chus, ayant une corne sur le milieu du front comme la licorne 
des anciens. 

Cependant, si l'on veut bien se rappeler les détails dans les- 


(503) 

quels nous venons d’entrer, on aura pu saisir qu'aucun de ceux 
dont on invoque le témoignage en faveur de la réalité de la licorne 
n'était assez éclairé en histoire naturelle pour connaître les 
véritables caractères de l'animal qu'on lui assimilait. Aussi leurs 
observations se rapportent, soit au rhinocéros unicorne dont la 
corne est épidermique , soit à un antilope dont une des cornes 
aurait avorté, soit enfin à des défenses du narval, qui, comme 
nous l’avons déjà dit, sont des dents dont la longueur excessive 
les a fait confondre avec les prolongemens frontaux. 

Aussi , en nous résumant , il nous paraît démontré que l'exis- 
tence d’un quadrupède unicorne et fissipède a quelque chose de 
vrai et de réel, puisque les antilopes oryx, algazel et leucoryx nous 
en fournissent presque chaque jour des exemples. D'un autre 
côlé, d'après toutes les lois de l’analogie , il est extrêmement 
probable , pour ne pas dire certain, qu'un animal à pieds four- 
chus n’a jamais eu une corne unique placée sur le milieu du 
front, car les fissipèdes n’ont que des prolongemens osseux , les- 
quels ne pourraient tenir sur une suture. De pareilles cornes 
devraient être épidermiques, et l’on sait qu'il n’est aucun rumi- 
nant qui en ait de semblables. La licorne serait tout au plus 
admissible si les anciens et les modernes qui ont cru à sa réalité 
en avaient fait un pachyderme. À la vérité, une autre difficulté 
se présenterait, difficulté relative à la longueur de la corne attri- 
buée à celle de la licorne. En effet, les prolongemens épider- 
miques qui, comme ceux des pachydermes, sont formés par la 
réunion de poils agglutinés, se font remarquer par leur peu 
d’étendue. 

En définitive, la licorne, telle du moins que les anciens l’ont 
dépeinte , n’a probablement jamais existé, quoiqu'il y ait quelque 
chose de vrai et de réel dans la supposition de cet animal, dont 
les oryx unicornes ont pu très-bien donner l’idée et être la cause 
d’une erreur qui s’est propagée de siècle en siècle. 


(504 ) 


DESCRIPTION 


D'un nouveau genre d'insectes Diytères de la famille des 
Notacanthes , 


Par M. J. Macquanr, Membre résidant. 


19 DÉCEMBRE 1894. 


La nouvelle espèce exotique d'insectes Diptères pour laquelle 
nous proposons de former un genre particulier sous le nom de 
Phyllophore, appartient à la famille des Notacanthes, et il a de 
grands rapports avec le genre Ptilocère. Comme celui-ci il pré- 
sente, indépendamment des caractères communs à tous les 
membres de cette famiile, l'écusson armé de quatre pointes et 
les ailes ont quatre cellules postérieures. Cependant, des diffé- 
rences considérables l'en distinguent et ne nous permettent pas 
de le comprendre dans la même coupe générique , quel que soit 
notre désir de ne pas contribuer au débordement des genres 
nouveaux qui viennent chaque jour surcharger la science. Le 
corps est d’une forme plus alongée que dans les Ptilocères ; 
l'abdomen est ovale au lieu d'être rond ; il est composé de cinq 
segmens au lieu de quatre. La cornée des yeux est composée de 
facettes ou lentilles plus grandes et égales entr’elles, tandis que 
dans les Ptilocères, celles qui occupent la moitié supérieure de 
ces organes sont plus grandes que dans la moitié inférieure. Le 
front est plus alongé ct la face plus raccourcie par l'effet de 
l'insertion plus basse des antennes, qui se rapprochent fort de la 
cavité buccale. Enfin ces dernières n’offrent pas moins de diffé- 


( 505 ) 

rences dans leur conformation et ressemblent fort au contraire 
à celles des Herméties, genre très-éloigné d'ailleurs de celui qui 
nous occupe. Formées sur un type fort singulier, elles sont com- 
posées d’un premier article un peu alongé, d’un second fort 
court , un peu velu, et d'une pièce terminale fort longue , parais- 
sant formée de deux parties, dont la première présente, comme 
dans tous les Notacanthes, plusieurs sillons circulaires, et la 
deuxième est simple, comprimée en lame et ressemblant à une 
petite feuille lancéolée. Ces antennes diffèrent beaucoup de celles 
des Ptilocères, et surtout par l'absence des ramifications dont 
ces dernières sont chargées. 

La conformation de ces organes, dans le genre Phyllophorc 
comme dans les Herméties, présente une modification insolite 
d'un type anormal, et elle provoque sur la nature des parties 
dont elles sont composées une digression d'autant plus utile 
qu’il y a divergence d'opinions sur la manière de les considérer. 

Les antennes, cette partie antérieure des insectes, dont nous 
connaissons si bien l’admirable variété de formes, et si vague- 
ment l’organisation intime et la destination, puisque nous igno- 
rons encore de quels sens et de combien de sens elles sont les 
organes ; les antennes sont formées dans les Diptères sur deux 
modèles principaux. Dans la première division, comprenant les 
Némocères , elles présentent un nombre d'articles considérable. 
Dans la seconde, elles ne sont ou ne paraissent composées 
que de trois, qui représentent , dans leur plus simple expression, 
le Scapus , le Pedicellus et la Clavola, que Kmox reconnait 
dans les antennes en général, quel que soit le nombre d’ar- 
ticles dont elles sont formées. Cependant, parmi ces derniers 
Diptères, deux familles, les Tabaniens et les Notacanthes, ont 
le troisième article, quoique très-généralement sous l'apparence 
de l'unité, sillonné transversalement par des lignes plus ou 
moins nombreuses, qui le font paraître en même temps com- 
posé d'autant d'articles soudés ensemble, de manière que ces 


( 506 ) 

Diptères participent en quelque sorte des deux divisions et les 
unissent par cette espèce de transition, quoique par les autres 
parties de l’organisation ils appartiennent à la deuxième et qu'ils 
y aient toujours été compris. Ils sont donc généralement reconnus 
comme ayant les antennes de trois articles, et cependant il y a 
de grandes raisons pour croire que le troisième est un assemblage 
de plusieurs autres. Outre les sillons qui le coupent transversa- 
lement et qui ont toute l’apparence de solutions de continuité, 
toutes les fois que l’on brise un de ces articles annelés, il se rompt 
à l’un des sillons. De plus, dans quelques-uns de ces Diptères, 
tels que les Hexatomes, parmi les T'abaniens, ces subdivisions sont 
tellement distinctes l’une de l’autre qu'on les considère comme 
autant d'articles, et le nom générique l’atteste. Parmi les Nota- 
canthes, dont les antennes abondent en modifications, les seg- 
mens du troisième article sont aussi quelquefois moins intimement 
unis. M. Wienemaxx considère les antennes des Ptilocères et des 
Eudmètes comme formées de cinq articles; celles des Acanthines 
de sept, tandis qu’il n’en admet que trois dans les autres genres. 
Cependant, cette manière de les juger n’est pas rationnelle. Si 
l’on reconnait plus de trois articles dans les uns, il faut le faire 
dans tous , parce que toutes ces divisions sont de la même nature 
et qu’elles ne différent entr’elles que par le plus ou le moins de 
cohésion. 

Dans le genre Phyllophore, la partie admise comme le troi- 
sième article se subdivise d’une manière particulière ; elle pré- 
sente d'abord une partie formée de quatre anneaux fort com- 
pactes, et puis une seconde simple, alongée et déprimée en 
forme de feuille. Cette disposition est semblable à celle qu’af- 
fectent les antennes des Herméties ; mais la première partie y 
est composée de sept divisions que M. Wiepemanx n'a pas vues, 
de sorte qu'il considère ces organes comme composés de trois 
articles dont le dernier présente un étranglement. Fasmcws a 
également méconnu ces antennes en ne tenant pas compte du 


(507) 
deuxième article et en admettant pour tel la première division 
du troisième. 

Il résulte de cet examen des antennes dans les Notachantes, 
que l’on ne peut guère se refuser à leur accorder un nombre 
d'articles supérieur à trois, contre l'opinion généralement reçue 
et contre l’analogie qui existe entre cette famille et les Diptères 
à antennes réellement triarticulées. Nous y voyons une des dé- 
gradations que suit cet organe. Les nombreux articles dont il est 
composé dans les Némocères se resserrent graduellement ; ils se 
soudent ensemble dans les Notacanthes et les Tabaniens , en 
laissant entrevoir des vestiges de divisions qui disparaissent 
bientôt. Il ne reste alors que trois articles qui, après avoir passé 
eux-mêmes par tous les degrés d’affaiblissement , se réduisent 
dans les derniers groupes à l’état d’un simple tubercule par 
l’oblitération des deux premiers. 


Genre PHYLLOPHORE , Payzropnora, Nob. 


Caractère générique : Corps oblong. Tête hémisphérique, dé- 
primée. Trompe un peu saillante. Antennes insérées à la partie 
inférieure de la tête , près de l’ouverture buccale. Antennes plus 
longues que la tête ; premier article un peu alongé, cylindrique, 
dirigé horizontalement ; deuxième court, conique, un peu velu, 
peu distinct du troisième, se dirigeant en dehors perpendicu- 
lairement au premier; troisième foriné de cinq divisions distinctes 
dont les quatre premières courtes et cylindriques; cinquième une 
fois plus long que les quatre autres réunis, comprimé, terminé 
en pointe. Yeux à facettes assez grandes, égales 1. Thorax un 
peu alongé ; écusson à quatre pointes. Abdomen ovale, de cinq 
segmens distincts. Ailes à quatre cellules postérieures. 


( 508 ) 
Etymologie : Le nom de Phyllophore fait allusion à la forme 
de feuille que prend la dernière division des antennes. 


Puycrornors noire; Phyllophora nigra. Nob. 


Long. 4 ‘/, lignes. 


Noire. Premier article des antennes jaune; les autres bruns. 
Thorax mat ; pointes de l’écusson jaunes. Abdomen luisant. Pieds 
fauves. Ailes à bord extérieur brunâtre jusqu'à la cellule sous- 
marginale 7. 

D'Afrique. Nous avons pris cette description d'après un indi- 
vidu qu’a bien voulu nous communiquer M. Vuro, de Paris. 


( 509 ) 
EEE 


EXPLICATION DES FIGURES. 


Fig. 1. Phyllophore noire. 

. Longueur du corps. 
Tête. 

. La Ph. vue de profil. 
. Tête vue de profil. 

. Aile. 


. Ecusson. 


+ © 8 p m 


[ep] 


( 510 ) 


— — sep ree-mteestegeennee 


BOTANIQUE. 


DESCRIPTION ET FIGURES 


De six Hyphomy cètes inédites à ajouter à la Flore française, 


Par M. J.-B.-H.-J. Desnazeres, 


Membre résidant. 


21 MARS 1834. 


La famille des Byssoïdées , ou, pour nous servir de la déno- 
mination des Naturalistes du Nord, la famille des Hyphomycètes 
est, sans contredit, une des plus curieuses et encore une des 
moins connues de toutes celles qui composent la vaste série des 
Cryptogames. Bornée , au temps de Micueur, aux genres Botrytis, 
Aspergillus et Mucor, elle ne s’accrut de nouvelles plantes et 
son étude ne fit quelques progrès que par les recherches persé- 
vérantes de Bozrano, de Pensoox et de plusieurs autres Mÿco- 
logues. Ces savans signalèrent et décrivirent des groupes nou- 
veaux ; de sorte que la plupart des petites productions comprises 
dans les trois genres de Micueu en furent retirées, en même temps 
qu'ils s’enrichirent d’un grand nombre d’espèces inconnues au 
botaniste de Florence. 

À l’époque où , dans toutes les parties des Sciences naturelles, 
le champ des découvertes vint s'étendre avec le secours des ins- 
tramens amplifians, Link et Nées, pour qui les recherches mi- 


(Sami) 

croscupiques eurent toujours beaucoup d’attraits, furent natu- 
rellement entrainés dans l'étude des Byssoïdes : ils examinèrent 
de nouveau, et avec le plus grand soin, ces petits êtres trop 
négligés, et ils les décrivirent avec une rigoureuse exactitude. 
Le professeur de Berlin fit paraître dans le Magasin des natura- 
listes, pour les années 1809 à 1815, plusieurs Monographies ou 
Mémoires importans, et en 1824 enfin, il réunit tous ses travaux 
et ceux de ses devanciers en un volume qui fait suite au Species 
Plantarum de Wuvsxow. C’est à l’heureuse époque de cette pu- 
blication que l'on vit, avec étonnement, sortir comme du chaos 
cette multitude d'espèces dont l'existence paraissait nouvelle. 

L'ouvrage de cet observateur infatigable est encore aujourd’hui 
le mieux fait et le plus complet que nous possédions sur la famille 
des Byssoïdées. Depuis son apparition, aucun Mycologue ne s'est 
probablement pas reconnu la patience, le talent, nous dirons le 
courage nécessaire pour entreprendre une révision des recherches 
considérables auxquelles s’est livré son auteur. Aucun n’a osé se 
vouer, spécialement comme Link, à une famille qui, pour être 
traitée convenablement , exigerait bien des années et des obser- 
vations dépendantes de circonstances souvent rares à rencon- 
trer (*). 

Au nombre des causes qui, jusqu’à présent , ont éloigné les 
Botanistes de l'étude des Byssoïdes , on doit placer le très-petit 
nombre d'ouvrages dans lesquels on peut trouver ces plantes 
décrites ; leur extrême petitesse, qui, échappant presque toujours 
à la vue simple , nécessite l'emploi de verres grossissans et exige 
beaucoup de temps dans les préparations; leur vie éphémère, la 
délicatesse de leurs parties, que le plus léger souffle, le moindre 
attouchement offense ou fait disparaître; leur fugacité enfin, 


a ————_—_—— 


(*) Lorsque nous écrivions ce passage , la seconde partie du 3.e volume du 
Syst. myc. de FRIES n’était pas encore parvenue en France, 


( 512 ) 
qui ne permet pas au collecteur de les placer dans ses herbiers. 
* Mais en présence de tous ces obstacles, le Cryptogamiste studieux 
peut-il s’arrêter encore ? Toujours empressé de saisir et de mettre 
au jour des vérités ou des découvertes importantes, il sentira 
que, quelque petites, quelque peu durables que soïent presque 
toujours ces productions, elles ne sont pas moins dignes d’être 
connues et classées dans les livres, puisqu'elles font partie des 
œuvres de la création. S'il ne nous est pas permis d'apprécier 
entièrement le rôle qu’elles sont destinées à remplir dans la 
nature, nous savons au moins qu’elles hâtent la décomposition 
des substances sur lesquelles elles se développent, qu’elles servent 
à nourrir des myriades d'insectes, et sous ce dernier point de 
vue il est encore utile de les connaître. Que de jouissances ne 
procure-t-elle pas à l'esprit, l'observation de ces petits êtres aussi 
féconds en merveilles que les grands végétaux! « Si l'étude des 
» moisissures, dit Poiner, ne présente d’abord rien d’important 
» aux yeux du vulgaire, ou si elle rebute le Naturaliste par la 
» petitesse des objets ou la difficulté des observations, d’un 
» autre côté elle dédommage d'une manière bien agréable l’ob- 
» servateur aux yeux de qui la nature n’est pas moins admirable 
» dans les productions qui échappent à nos sens , que dans celles 
» qui nous frappent par leur grandeur incalculable. En effet, 
» que de jouissances pour le contemplateur de la nature, lorsque, 
» l'œil armé d'un bon microscope, il aperçoit, dans un espace 
» de quelques lignes , une forêt en miniature composée de petits 
» végétaux rameux qui portent au haut de leur tronc de belles 
» grappes de graines de différentes formes! Le sol, divisé en 
» montagnes et en vallons, est revêtu d’un gazon mélangé de 
» couleurs différentes. Le jaune y contraste avec le vert , le rouge 
» avec le blanc, etc.; souvent de petits globules d’eau brillent 
» comme autant de rubis sur ce parterre agréable. Que de mer- 
» veilles vont s’opérer sous les yeux attentifs de l’observateur ! 
Bientôt les petites capsules s'entr'ouvrent, se déchirent ; il s'en 


S 


( 511520 
» échappe avec élasticité un nuage séminifère qui porte au loin 
» la fécondité. De petits insectes microscopiques se promènent 
» au milieu de ces végétaux , comme les grands animaux dans 
» les forêts. D'autres fois le sol s’entr’ouvre, des larves mons- 
» trueuses se soulèvent , et bientôt, métamorphosées en insectes 
» ailés, ils deviennent les aigles de ce petit monde. Dès que l'œil 
» est désarmé, le charme disparait, et tous ces phénomènes se 
» réduisent à un petit morceau de pain ou de fromage moisi et 


» rongé par les vers. » 

Quoiqu’il paraisse naturel de croire que tous les êtres que l’on 
a fait entrer dans la famille des Byssoidées appartiennent réelle- 
ment au règne végétal et qu'ils se perpétuent par des sporules 
ou semences , si l’on considère les phénomènes singuliers qui ont 
lieu dans le mode de développement , dans les diverses périodes 
de l'existence et dans la reproduction de plusieurs d’entr'eux, 
si l’on fait attention à l'extrême ressemblance que présentent 
leurs prétendues sporules avec plusieurs animalcules infusoires 
et avec les corpuscules monadaires des Mycodermes, on sera 
disposé à convenir que plusieurs Byssoides, telles que notre 
Oïdium leucoconium, la plupart des Mucor, des Penicillium, 
etc., étant mieux observées, pourront un jour passer dans le 
règne animal (*), dans lequel sont déjà passées, après un examen 
plus rigoureux, un grand nombre de ces espèces aquatiques, 
filamenteuses et vertes, connues autrefois sous la vague déno- 
mination de Conferves. Sous ce dernier point de vue il reste sans 
doute beaucoup à faire dans l'étude des Moisissures, dans celle 
du genre Fumago et des Urédinées mêmes. Nous osons le pré- 


(*) Depuis que cette Notice est écrite, nous avons recu de GAILLON ses 
Tableaux des genres des Nemazoaires, dans lesquels figurent plusieurs espèces 
des genres que nous venons de citer, ainsi que le Byssocladium fenestrale, 
le Torula herbarum, et quelques autres Byssoïdes. 


33 


(514) 
dire, les actes mystérieux de la vie de ces petits êtres exerccront 
encore long-temps la perspicacité des Naturalistes. 

La distinction spécifique de plusieurs des productions qui nous 
occupent est encore aussi confuse, aussi problématique. Quel- 
qües-unes ne paraissent être que les premiers développemens de 
certains champignons charnus , de quelques mousses ou fougères. 
L’Alvtosporium fuscum nous paraît avoir de grands rapports 
avec le duvet bran de la Sphæria aquila, et les bases tomen- 
teuses de quelques autres Cryptogames , étant mieux étudiées , 
pourront entrer dans la famille des Byssoïdées et être caracté- 
risées comme des espèces distinctes. On sait aujourd'hui que 
l_Ascophora ovalis de Tove n’est que l'œuf longuement pédicellé 
du bel insecte connu sous le nom d'Hemerobius perla; enlin 
quelques productions inorganiques, examinées superficiellement, 
ont été prises pour des Byssoïdes, et nous possédons dans nos 
collections la preuve matérielle que des macules blanches, occa- 
sionées par un lait de chaux tombé accidentellement sur quelques 
feuilles , ont été prises par un Botaniste instruit , mais qui n’em- 
ploïe pas assez le microscope , pour une espèce du genre Spo- 
rotrichum. W n’est pas jusqu'aux taches noires, petites et nom- 
breuses, produites par la corde des scieurs de long, taches que 
l'on aperçoit encore sur le bord des planches, qui n'aient été 
prises pour l'état adulte de l'Æmphitrichum eflusum. Nous au- 
rions encore beaucoup à dire, si nous voulions énumérer ici toutes 
les espèces illusoires, tous les objets qui ont servi à créer dans 
les livres des êtres différens : les Cryptogamistes les plus célèbres 
se sont souvent trompés. tellement l'erreur est facile dans ce 
grand monde de petites choses. 

Les Byssoides ne végètent ordinairement que dans les lieux 
ombragés et sur des corps humides souvent privés de l’action de 
l'air. Elles sont peut-être les produetions organiques les plus 
répandues. Chacun sait avec quelle étonnante rapidité elles se 
développent en quantité prodigicuse sur tous les corps en putré- 


(515 ) 

faction. Nos boissons , notre pain, nos légumes , nos confitures, 
enfin tous nos mets, et même les fruits dans nos jardins, sont 
attaqués par ces hôtes incommodes , qui leur communiquent un 
goût désagréable et quelquefois des propriétés malfaisantes. Les 
écorces et le bois des arbres, toutes les parties des plantes her- 
bacées, plusieurs cryptogames même, ecrtains insectes, les murs 
de nos souterrains, les planchers , les lambris et les meubles des 
appartemens humides , le cuir des harnais ou de nos chaussures, 
les excrémens d’un grand nembre d'animaux, l'encre dans les 
cornets, la colle, différentes préparations chimiques , noslivres 
et le papier sur lequel nous écrivons, sont envahis par d'innom- 
brables peuplades de ces petites créatures. 

C’est dans la famille qui nous occupe que l'on trouve les tissus 
les plus délicats et la structure la plus variée. Ici, c'est une vil- 
losité humide, mais légère, imitant des flocons d'une blancheur 
éclatante ; là , d’une nature plus sèche, cette villosité ressemble 
au coton ou à la soie. Les filamens qui la constituent, devenant 
plus serrés, donnent naissance à un feutre compacte que l'on 
prendrait pour de l’amadou ou pour un velours paré des plus 
vives couleurs. Beaucoup de Byssoïdes ont un port plus régulier : 
quelquefois éparses, quelquefois réunies en larges touffes, leurs 
filamens dressés et leurs séminules ovoïdes ou globuleuses pré- 
sentent souvent dans leur disposition les formes les plus élégantes: 
tantôt un pédicule simple et hyalin, semblable à un filet de 
verre, est terminé par une tête sphérique ou par de petits glo- 
bules agglutinés en séries linéaires et divergentes qui imitent la 
forme d'un pinceau ou celle d’une jolie aigrette ; tantôt ces 
mêmes globules sont portés sur des pédicules dont les divisions 
sont disposées comme les branches d’une ombrelle; quelquefois 
ces divisions se subdivisent elles-mêmes en mille et mille petits 
rameaux qui représententun arbre en miniature ; quelquefois des 
pédicules plus où moïns rapprochés forment des épis ou des 
corymbes, Des expansions comme satinées et raÿyonnantes rap- 


( 516) 

pellent la plame de l'oiseau ; d’autres fois encore la plante entière 
est réduite à un certain nombre de sporules disposées les unes à 
la suite des autres, comme les grains d’un chapelet, Toutes ces 
productions, d’une ténuité extrême, ne peuvent être soumises 
aux lentilles microscopiques sans éprouver quelque dérangement 
dans la disposition de leurs parties ; alors les plus jolies formes 
font souvent place au plus grand désordre. Un air sec, le plus 
faible rayon du soleil, le plus léger zéphyr, qui pour elles est 
une tempête, viennent enfin en détruire jusqu'aux vestiges. 

Mais si le Mycologue ne peut observer ces petits êtres sans 
éprouver beaucoup de difficultés, s'il ne peut les placer dans 
ses collections, ou si ceux qu'il parvient à y introduire de- 
viennent promptement la pâture de l'insecte des herbiers, il 
sentira la nécessité de recourir au crayon et au pinceau pour en 
retracer des images fidèles, qui rappelleront toujours leur forme 
extérieure et leur organisation intime. Dans l'impossibilité de 
conserver convenablement la plupart des Byssoïides pour notre 
collection particulière et pour nos fascicules de Cryptogames 
du nord de la France, nous nous sommes attachés depuis plu- 
sieurs années à décrire et à figurer toutes celles qui se sont 
présentées à notre investigation, et, dans ce nombre, ce sont 
les espèces que nous avons reconnues pour nouvelles ou inédites 


que nous extrayons aujourd'hui de nos cartons. 


Neuarocoxum, Nob. 


Char. gen. Flocci erecti aut decumbentes , simplices vel sub- 
ramosi, seplati et articulati. Articulis remotis 
inflatis. Sporidia vage inspersa, nuda (absque 
appendiculo), simplicia (non septata), thallo non 
agglutinata. 


( 517) 
Nematogonum aurantiacum, Nob. T'hallo tenur effusa ; floccis 
J'errugineo - aurantiacis; sporidiis concoloribus, 
ovalibus , circiter - millimetris longis. Habtlat in 
ramis exsiccatis arborum emortuarum , in Gallid. 
(rw 

Le Nemalogonum se place dans l’ordre des Byssoïdées , divi- 
sion des Sporotrichées, ou dans la première série des Hypho- 
mycètes de Li, à côté des genres Sporotrichum et Alytos- 
porium. I] se distingue du premier par ses flocons colorés, du 
second par ses sporidies libres, et de tous deux par les nodosités 
ou articulations renflées de ses filamens. 

L'espèce charmante qui sert de type au genre que nous éta- 
blissons , se développe en automne et en hiver sur l'écorce des 
branches sèches de plusieurs arbres. Nous l'avons souvent ren- 
contrée sur des fagots exposés en meule à l'humidité de l’atmos- 
phère. Elle croît aussi sur le bois mort dénudé, et c’est en cet 
état que nous en avons reçu un échantillon recueilli en Hollande 
par M. Sruréerser. Vus au microscope , ses filamens sont très-gros 
et presque hyalins. Ses sporidies, assez nombreuses, ne paraissent 
pas toujours exactement ovales , et l’on remarque qu’elles sont 
quelquefois inégales en grosseur. 

PI. 6, fig. 1. a, Nematogonum aurantiacum de grandeur 
naturelle. à, quelques filamens et quelques sporules vus au mi- 
croscope. 


IC 


Hesmiruosrontum cravarianun , Nob. Floccis dense aggregatis, 
simplicibus , brevissimis, rectis , obtusis, se; tatis, 
nigris ; sporidits ad apices coacervatis , maxtmis, 
oblongis , uni vel biseptalis, pellucis aut opacis. 
Habitat super clavariam fuligineam vivam, in 
Galli& boreali. (v. v.) 


Nous avons rencontré plusieurs fois cet Helminthosporium , 


( 518 ) 

en automne, dans les taillis des environs de Lille. Il recouvrait 
presque entièrement la surface de la Clavaria fuliginea vivante. 
Ses sporidies ellipsoïdes offrent deux ou trois loges, mais le plus 
souvent on n'en trouve que deux formées par une cloison trans- 
versale très-apparente. Les unes sont opaques, les autres sont 
presque hyalines et comme étranglées à la section des loges. Ges 
sporidies sont assez grandes relativement à la longueur et à la 
grosseur des filanens, que l’on ne peut apercevoir sans le secours 
de la loupe. 

L'espèce que nous publions ici forme le passage du genre 
Helminthosporium au genre Diplosporium par ses sporidies, la 
plupart à deux loges et toutes accumulées au sommet des filamens. 

PI. 6, fig. 2. a, Helminthosporium clavariarum, couvrant 
la Clavaria fuliginea, Vers. b, filamens et sporidies vus au 
microscope. 


III. 


Bornyris émiseoza, Nob. Thallo denso, limitato , oblongo vel 
subgloboso ; floccis hyalinis, griseo-pallidis, ra- 
mosts, intricatis. Sporidiis globosis, albis. Habitat 
in cortice arborum , in Galliä. ( v. v.) 

Nous avons souvent trouvé cette espèce, en hiver, sur des 
fagots réunis en meule. Ses petits boutons floconneux écartent 
en naissant les lèvres de l’épiderme qui les recouvre. Ils sont 
alors oblongs, mais ils deviennent ensuite presque globulenx et 
assez semblables, pour la grosseur et la forme, à ceux du Botrytis 
lignifraga. Leur couleur est d’un gris pâle, tirant légèrement sur 
le rosé. Les filamens qui les composent sont rameux, denses, 
très-entrecroisés, hyalins, cloisonnés à de longs intervalles et 
recouverts, le long de leur sommet, de sporules blanchätres, 
exactement globuleuses, qui n'ont pas plus de += de miilimètre 


150 
de grosseur. 


(519) 

Nous avons étudié le Botrytis griseola sur Je vivant, mais le 
temps nous ayant manqué alors pour.en figurer les détails mi- 
aroscopiques, nous nous bornons à représenter cette espèce vue 
à l'œil nu, en a, (fig. 3, pl. 6), et à la loupe, en b. 


IV. 


Asrenczus cuavatus , Nob. Hyphasmate tenui ; floccis sporidi- 
feris albis , simplicibus , sursüm incrassatis ; spo- 
ridits glaucis, globosis, in capitulum claviforme 
collectis. Habitat in variis corportbus putrescen- 
tibus , in Galliä. (+. v.) 

Cette espèce , très-élégante, forme de petites touffes cendrées 
ou glauques sur plusieurs substances putréfiées. Elle doit être 
placée à côté de l’Aspergillus glaucus , dont elle se distingue 
parfaitement par la réunion de ses sporidies en têtes alongées ou 
claviformes. 

PL 7, Üg. 4. a, Aspergillus clavatus vu à la loupe; 

b, vu au microscope. 
c, filament dépourvu des sporules qu'il portait; 
son sommet est claviforme. 


Y. 


Verrieuun ocunorusrun , Nob. Hyphasmate obsoleto; floceis 
sporidiferis aggregatis , ochrorubris ; ramis paten- 
libus , ternis, superioribus oppositis, brevibus. 
Sporidis minutissimis , globosis , concoloribus. 
Habitat in ligno putrido , in Gallié ; in Hollandit, 
(Splitgerber). 

Cette espèce, voisine, mais très-distincte du Ferticill'um a«l- 
lochroum de Corva, se développe sur le bois pourri , qu'elle 
recouvre d’une couche effuse de couleur orange rembrunie, ou 
ferrugineuse ct rougeâtre. Ses filanens , denses et à peine visibles 


( 520 ) 
à l'œil nu, donnent naissance à quelques rameaux courts, ou- 
verts, verlicillés trois par trois inférieurement et opposés dans 
le haut. Ces rameaux vont en diminuant de grandeur à mesure 
qu'ils approchent du sommet du filament , et chacun d'eux est 
terminé par une tuoufle de pédicelles excessivement petits et 
ténus, portant des sporules globuleuses qui n’ont pas plus de 


: RE 
3 de millimètre. 


PL 7, fig. 5. a, Verticillium ochrorubrum, à la vue simple ; 
b, quelques filamens vus au microscope. 


LA A 


Tonuia cramms, Nob. Cæœspitibus minutissimis, subrotundis 
ovalibusque, atrobrunnets ; filamentis simplicibus, 
decumbentibus, opacis ; articulis globosis dein 
deciduis. Habitat in foliis aridis graminum , in 
Gaili& boreali. 


Le Torula graminis, que nous ajoutons à cette Notice, a 
déjà paru dans nos Plantes cryptogames de France, et MM. 
Friss et Dusx l'ont mentionné dans leurs Ouvrages, d’après la 
description et les échantillons publiés par nous. Toutefois, nous 
avons pensé qu'il n'était pas inutile de donner ici une représen- 
tation exacte de cette espèce, parce qu'elle n’a pas encore été 
figurée. 

Il n'est pas possible à la vue simple , et même à la loupe, de 
distinguer cette production des Arthrinium caricicola et puc- 
cinioides de Kuxz , parce qu’elle se présente, comme ces deux 
plantes , sous la forme de petites pustules d’un noir mat et brun; 
mais au microscope on voit qu’elle en diffère considérablement : 
ce sont des filamens simples, décumbans, opaques, formés de 
sporules ou d'articles parfaitement globuleux, de = de milli- 


180 
mètre de diamètre environ, et qui se séparentf acilement. Les 


( Sax) 
derniers articles , au sommet des filamens , sont quelquelois plus 
petits que les autres. Nous avons trouvé cette espèce, en mars 
et en avril, sur les feuilles sèches des Graminées. 


PL 7, fig. 6. a, Torula graminis de grandeur naturelle. 
b, filamens grossis. 


(422}) 


MÉDECINE. 


GASTRITE AIGUE; TUBERCULES DÉVELOPPÉS DANS L'OES0- 
PHAGE; PERFORATIONS ÉTABLISSANT COMMUNICATION ENTRE 
CE CONDUIT ET LA TRACHÉE — ARTÈRE; CARIE DE DEUX 
VERTÈBRES DORSALES , &, 


Par M. J. Gravis, 


Médecin de l'hospice civil de Calais, Membre corres;ondant. 


21 FÉVRIER 1034. 


Monsieur M......, âgé de 60 ans, d’un lempérament san- 
guin , avait depuis son enfance une dartre humide envahissant 
le scrotum, le périnée et le pourtour de l'anus, et qui fournissait 
une abondante exhalation, accompagnée d’un impérieux prurit 
qui se manifestait surtout pendant la nuit. Il parvint jusqu'à 
l’âge de 25 ans sans être affecté d'aucune maladie grave. À cet 
âge, employé comme commis dans l'administration des hôpitaux 
militaires français, à Breda, et désirant se débarrasser de son 
affection dartreuse, il subit un traitement qui ne laissa aucune 
trace de sa dartre, mais presqu'immédiatement après sa dispa- 
rition’, il fut atteint d'une maladie qui le mit aux portes du 
tombeau et que, d’après ses renseignemens , je pense avoir été 
une gastro-entéro-céphalite très-intense. Le médecin aux soins 
duquel il fut confié parvint à provoquer , au moyen de topiques 


( 523) 
irritans employés pendant le cours de cette maladie, le retour 
de la dartre à son siège primitif, Peu d'années après il contracta 
une urétrite dont il fut guéri par l'emploi d’un traitement con- 
venable. Il fut, depuis lors et pendant les guerres de l'empire, 
employé comme chirurgien à bord d’un navire armé en course, 
jouissant d’une très-bonne santé, sa dartre existant toujours. 
M. M......, après avoir mené une vic très-active, et à la suite 
de revers de fortune qui lui occasionèrent de violens chagrins, 
se vit contraint à entrer à l'hospice il y a environ six ans ; depuis 
quelque temps déjà il s'adonnait à l’usage des hoissons alcoo- 
liques et buvait surtout beaucoup d’eau-de-vie de grains. Il ÿ 
a cinq ans le suintement de sa dartre étant diminué, il fut en 
proie à une vive inflammation du foie, dont il fut complètement 
guéri. Depuis lors il jouissait d’une bomne santé, se corrigeant 
de la funeste habitude qu’il avait contractée de boire des liqueurs 
spiritueuses, lorsque dans les premiers jours du mois d’août 1833, 
il s’aperçut d’une légère difficulté,sans douleurs, qu’il éprouvait 
pendant le troisième temps de la déglutition des alimens solides. 
L’attribuant à la viande bouillie, dont il faisait principalement 
usage dans l'établissement, il demanda qu'elle fût remplacée 
par une autre plus tendre. Il vit alors que cette dernière lui 
occasionait le même effet, et il était obligé aussi, afin que 
l'aliment passât avec plus de facilité, de le faire accompagner 
d'une certaine quantité de liquide. Le 18 du même mois , après 
avoir diné chez un de ses parens, il eut des vomissemens et 
sentit une douleur à la région épigastrique. L'emploi pendant 
quelques jours d’un régime adoucissant fit disparaître cette ürri- 
tation gastrique. Cependant il éprouvait toujours cette gène pen- 
dant l'acte de la déglutition et ressentait au même instant une 
douleur obtuse entre les deux omoplates; ce fut alors aussi qu'il 
réclama mes soins. Quoique les digestions ne fussent ni pénibles 
ni douloureuses, une certaine sensibilité de l'épigastre, à la pres- 
sion , accompagnée de soif et de constipation, et la connaissance 


(524) 
que j'avais de l'abus que M.M..... avait fait des boissons fortes, 
me convainquirent de l'existence d’une gastrite chronique. La 
douleur dorsale, jointe à la difficulté de la déglutition , que ce 
dernier acte exaspérait légèrement, me dénota une inflam- 
malion de l’œsophage. Le bol alimentaire, arrivé au milieu de 
ce canal, était quelquefois , par une contraction anormale de cet 
organe, repoussé dans le pharynx et ne parvenait dans l'estomac 
qu'après une seconde déglutition ; aucun autre désordre fonc- 
tionnel ne se manifestait. Je prescrivis une application de quinze 
sangsues sur le point douloureux de l’épine dorsale, un large 
cataplasme émollient, boisson gommeuse, bouillon de veau, 
vermicelle au lait pour aliment, un demi-lavement émollient 
matin et soir. La douleur et la gène de la déglutition diminuè- 
rent; mais au bout de quelques jours elles reparurent, Une nou- 
velle application de sangsues les calma encore momentané- 
ment. Toujours même régime adoucissant. Sous son influence 
la gastrite parut guérie. Le malade avait bon appétit et désirait 
ardemment prendre des alimens solides; cédant à son désir, je 
lui permis un peu de viande blanche : au bout de quelques jours 
je dus la lui interdire et le remettre à l'usage des panades et du 
lait avec des fécules ; car la même difficulté était revenue quoi- 
qu'avec absence de douleur. Le 29 septembre , ayant été soumis 
à l'impression d’un froid humide, il se déclara un catarrhe 
bronchique qui, au bout de quelques jours, céda à un traite- 
ment approprié et ne laissa plus qu'une toux spasmodique qui 
s'exaspérait le soir et la nuit sans expectoration. L'usage de 
frictions de pommade stibiée sur le sternum secondé des opiacés 
la fit disparaître. Cependant la gêne de la déglutition augmen- 
{ait toujours insensiblement ; il arrivait quelquefois un jour ou 
deux pendant lesquels M. M...... avalait sans la moindre 
difficulté, comme en pleine santé, mais ce mieux ne durait 
guère. Le 12 octobre je prescrivis un large vésicatoire entre les 
deux épaules. Ce révulsif, entretenu avec soin, ne parut opérer 


(. -58514 
que très-peu d'effet ; il survint alors une céphalalgie intermit- 
tente qui fut combattue avec succès par le sulfate de quinine. 
Le vésicatoire fut toujours maintenu en action. Dès le début 
de son affection, le malade m'avait dit que sa dartre ne lui 
occasionait plus aucune démangeaison, et que l’exhalation ne 
se faisait que faiblement; je la fis frotter avec de la pommade 
épispastique au garou qui lui rendit son entière activité. Plu- 
sieurs fois depuis lors elle était devenue sèche, et des frictions 
semblables à celles que je lui avais prescrites d'abord, et qu'il 
pratiquait de lui-même, lui rendaient son irritation dartreuse. Ce 
fut ainsi qu'il parvint jusqu’au milieu de décembre, ayant de 
courtes intermittences de mieux. À cette époque, chaque fois 
que la déglutition des potages s'opérait et que l’aliment arrivait 
à l'endroit malade, il sentait un petit picotement el aussitôt une 
toux survenait et il rendait, par l’expectoration , l'aliment mêlé 
à une certaine quantité de matière purulente. Depuis lors 
chaque fois qu'il voulait ingérer , soit des alinens, soit des bois- 
sons , le même phénomène avait lieu; je pensais qu’il y avait 
érosion des parois antérieures de l’œsophage et postérieure de Ja 
trachée-artère et communication directe entre ces deux conduits. 
Je ne vis plus aucune indication à remplir, regardant M. M... 
comme voué à une mort certaine; il ne souffrait nullement et 
cependant il était tourmenté par une insomnie des plus pénibles. 
Dans le but de lui adoucir le reste des jours qu'il avait à vivre 
et lui procurer un peu de sommeil, je lui fis prendre tous les 
soirs une préparation opiacée , au moyen de laquelle il passait de 
très-bonnes nuits, dans un paisible sommeil. Depuis quelque 
temps les urines étaient devenues très-rares et rougeâtres; le 
malade ne pouvant plus avaler que quelques petites cuillerées 
de boissons ; lamaigrissement et la faiblesse allaient progressi- 
vement en augmentant, malgré l'usage des lavemens de bouillon; 
et le 28 janvier 1834 , il termina sans agonie sa triste existence. 


( 526 ) 
AuTorsre. 


Habitude. Émaciation considérable, décoloration de la peau, 
aucune infiltration. 

Tête. Rien à noter qu’une toute petite quantité de sérosité 
limpide dans les deux ventricules latéraux. 

Portrine. Quelques adhérences anciennes à la face latérale 
du poumon gauche, du reste ces deux organes très-sains, cré- 
pitans dans toute leur étendue et n'offrant aucune trace de 
tubercules ; leurs bords postérieurs gorgés de sang ( état cadavé- 
rique). Le péricarde distendu par une grande quantité de séro- 
sité citrine; le cœur plus petit que dans l’état normal, La mu- 
queuse bronchique ne présenta rien de particulier , la droite un 
peu phlogosée à son origine. La trachée-artère offrait à la partie 
inférieure de sa paroi postérieure quatre ouvertures; une de 
deux lignes de diamètre, les trois autres plus petites et commu- 
niquant toutes avec la cavité de l'œsophage; du reste la muqueuse 
trachéale dans l'état sain, ainsi que le larynx. L’œsophage pré- 
sentait, à deux pouces de son extrémité supérieure , une ulcéra— 
tion ne comprenant d’abord que la paroi antérieure de l'organe, 
mais s’élargissant de plus en plus en descendant , au point qu'à 
un pouce et demi de sa naissance, elle envahissait tout l'intérieur 
de l’œsophage. La paroi postérieure de ce conduit était détruite 
par la désorganisalion et remplacée par les 3.e et 4.e vertèbres 
dorsales, dont la partie antérieure et latérale droite du corps 
était cariée dans une profondeur de quatre lignes ; cette carie 
descendait plus bas que l’érosion de la paroi postérieure de l’œso- 
phage, de sorte que cette dernière partie formait une pelite 
cloison derrière laquelle existait un foyer purulent, Quelques 
lignes au-dessous du bord supérieur de cette cloison, l’ulcère se 
terminait, mais se prolongeait encore sur la paroi antérieure, 
en sorte que sur cette dernière portion il avait une étendue lon- 


(527) 
gitudinale de quatre pouces: $es bords étaient sinueux, n’of- 
_ fraïent aucune dureté squirrheuse; bien qu'ils fussent épais, ils 
faisaientune saillie plus ou moins prononcée dans l'intérieur du 
conduit œsophagien. Sa surface avait quelque analogie avec 
l'aspect granuleux d'une glande, tant par la couleur que par les 
granulations. Les parois de l'organe avaient une épaisseur de 
plus de six lignes dans le lieu de cette lésion. Immédiatement 
au-delà de ses limites, la muqueuse n'offrait aucune trace d'in- 
flammation. En enlevant avec le manche du scalpel les inégalités 
de la surface de l’ulcère, on voyait que ces granulations étaient 
constituées par une substance caséeuse plus ou moins solide, 
exactement semblable à la matière tuberculeuse ; un tubercule 
rempli de la même matière et de la grosseur d’un fort pois exis- 
tait à l'extrémité inférieure de l’uleère. En bas et dans le fond 
de ce dernier, on apercevait les quatre perforations dont il à 
été question plus haut. Toute la portion de l'œsophage située au- 
dessous de cette altération organique élait en bon état. 
Abdomen. L'estomac, rétréci dans sa moitié pylorique, un 
peu dilaté dans le grand cul-de-sac, contenait dans cette der- 
nière portion, trois à quatre onces d'un liquide noirâtre. Sa 
membrane muqueuse d’un rouge vif, puintillée ét ramollie dans 
ses 4/5 droits; le 5.e gauche, ou grand cul-de-sac, offrait une 
muqueuse d’un rouge violet, recouverte d'une exsudation san- 
guine très-gluante. Les intestins grèles, parsemés de quelques 
plaques phlogosées ;les gros intestins sains, La rate volumineuse, 
son parenchyme ramolli et gorgé d’un sang poisseux. Le foie 
foncé en couleur ; la vésicule biliaire très-volumineuse et rem- 
plie de bile noire et épaisse. La vessie contractée sans présenter 


de phlogose. 


Cette observation est remarquable sous plusieurs rapports : 
1." I est étonnant qu'une phlegmasie aussi intense de l’es- 


( 528 ) 
tomac n'ait provoqué aucun phénomène indiquant son existence, 
car à peine peut-on mentionner comme tels les symptômes obser- 
vés pendant les premiers temps de la maladie. Gette exsndation 
sanguine est le résultat d’une inflammation portée au plus haut 
degré d’acuité ; c’est une hémorrhagie des capillaires de la mu- 
queuse , et cette hémorrhagie ne peut être que la conséquence 
d’une violente fluxion. Cependant aucun désordre fonctionnel , 
aucun phénomène sympathique , aucune réaction sur la circula- 
tion , enfin aucune sensibilité de l’épigastre , même à une forte 
pression , ne pouvaient la faire soupçonner. Et celte vive inflam- 
mation elle-même à quelle cause peut-on l’attribuer ? Quels 
agens ont pu faire passer une phlegmasie chronique à un état 
aussi aigu ? Depuis deux mois M. M...... était soumis ‘à un 
régime lacté, et pendant ses derniers jours à ‘peine quelques 
cuillerées d'eau gommeuse sucrée ou de lait sont-elles parvenues 
dans l'estomac. C’est donc d’un côté à l'absence de stimulus, 
du moins de stimulus naturel de l'organe (laliment) qu'on 
peut rationnellement attribuer la cause de’cette phlegmasie, car 
c'est un ordre de causes admis par les nosologistes. D'un autre 
côté cette gastrite a pu être aussi déterminée par une quantité 
plus ou moins grande de matière purulente qui sera descendue 
de la lésion de l’œsophage ; on conçoit que l'organe gastrique, 
dont la sensibilité était exaltée par une diète presque absolue et 
longt-temps prolongée, ait pu se phlogoser sous l'influence du 
contact d’une matière irritante comme le pus. 

2.0 Je crois qu'on peut rapporter en partie le développement 
du tubercule ulcéré dans l’œsophage à la cessation ou du moins 
à la diminution de l'irritation dartreuse; en effet, ces deux 
affections n'ont-elles pas leur siège dans les glandes lÿympha- 
tiques? Les tubercules sont le résultat de l'irritation du système 
lymphatique et les dartres ont en partie pour siège les exhalans 
de la peau; mais ce qui est surtout digne de remarque, c'est 
l'existence de tubercules volumineux dans un organe aussi 


(529) 

proche des poumons, sans que ces derniers présentent aux inves- 
tigations , même les plus minutieuses , la moindre trace de pro- 
duits analogues, et certes l’anatomie pathologique nous a démon- 
tré que leur siège de prédilection était dans les poumons; que 
quand ils existent dans ces organes let sont passés à un état 
d'irritation plus ou moins prononcé, le plus fréquemment on en 
rencontre dans les autres viscères et notamment dans les gan- 
glions mésentériques; tandis qu'il est rare d’en trouver dans ces 
mêmes viscères , quand il n’en existe aucun, même à l’état d’in- 
cubation dans les organes pulmonaires. L'état sain dans lequel 
se trouvait la muqueuse œsophagienne, qui n'offrait aucun point 
d’irritation au pourtour du tubercule, dénotait assez que cette 
altération organique était purement locale, et que les vasculaires 
sanguins n’y participaient en aucune manière. 


[SE 
CSS 


MÉMOIRE 
SUR L'USAGE EXTERNE DE LA PIERRE A CAUTÈRE, 
Par M. Prouvrz, 


Docteur en médecine, à St.-Omer, Membre correspondant. 


20 MARS 1835. 


L'usage externe de la potasse caustique est connu d'avance; 
il est apprécié à sa juste valeur par beaucoup de praticiens ; son 
mode d'emploi a fixé jadis l’attention d'un des corps les plus 
savans , je veux parler de l’Académie royale de chirurgie ; mais 
cette question ne m'a pas paru résolue. Il est vrai que de nos 
jours on s’accorde généralement à penser que dans le plus 
grand nombre des cas on doit préférer l'instrument tranchant 
pour l'ouverture des abcès. Cependant il est encore quelques 
médecins qui emploient exclusivement, pour remplir cette indi- 
cation, la pierre à cautère, à laquelle ils attribuent des avantages 
que je crois outrés. Ayant parcouru plusieurs hôpitaux, tant 
civils que militaires, où l’on fait un usage presque exclusif, 
soit de l'instrument tranchant , soit de la pierre à cautère, une 
telle dissidence sur ce point de chirurgie attira bientôt mon 
attention ; aussi je résolus d’éludier ce sujet pour me mettre à 
même de mieux apprécier les avantages et les inconvéniens de 
l'une et l’autre méthodes. 

Afin d'envisager cette question dans tous ses points, nous 


( 535) 
parlerons 1.° des avantages attribués à l'emploi de la potasse 
caustique; 2.0 de ses inconvéniens; 3.0 des avantages de l’in- 
strument tranchant ; 4.0 nous examinerons si, dans un grand 
nombre de cas où la potasse paraît indiquée, l'instrument tran- 
chant ne pourrait pas la remplacer ; 5.0 enfin, s'il est des cas où 
la pierre à cautère doit nécessairement être employée. 


1.0 Avantages attribués à lemploë de la potasse caustique. 


Les avantages de la potasse caustique sont en petit nombre : 
ils se réduisent 1.0 à déterminer une espèce de fluxion locale 
nécessaire, selon quelques praticiens, dans quelques cas : par 
exemple, quand il importe de décider ou d'activer le travail de 
la suppuration évidemment languissant , ou bien de procréer le 
degré d'inflammation indispensable pour la formation de la 
cicatrice; 2.0 elle agit comme à l’insçu des malades, quand ils 
ne sont pas avertis des effets qu’elle va produire, et convient 
par conséquent chez les individus méticuleux qui craignent 
l'emploi du fer. 


2.0 Inconvéniens de la pierre à cautère. 


L'action de la pierre à cautère est lente, ordinairement accom- 
pagnée de douleurs très-vives, de longue durée, quelquefois 
d'accidens nerveux, et même de tétanos; je pourrais en citer 
un exemple. Les douleurs qu'elle occasione sont beaucoup plus 
fortes lorsqu'elle est appliquée sur une partie sensible et en- 
flammée qu'elles ne le seraient si l’on avait fait usage de l'in- 
strument tranchant. Elle produit toujours une déperdition de 
substance, ce qui est inutile et quelquefois fort désagréable. Il 
est difficile de préciser au juste les bornes de son action. On ne 
peut pas la diriger avec assez de sûreté pour ne détruire préci- 
sément que les parties qu’on a l'intention d'enlever. Elle peut 
donc sans utilité prolonger les douleurs et retarder de cette 


(5529 

manière la guérison. L'escharre est toujours long-temps à se 
séparer; aussi est-on obligé de plonger le bistouri à travers elle 
pour évacuer le pus de la tumeur. La plaie résultant de sa chute 
est inégale, l'inflammation qui suit est souvent plus violente 
qu'on ne l'aurait désiré. Cette large plaie doit suppurer long- 
temps; la cicatrice se fera donc avec lenteur, et ne sait-on pas 
qu’en raison de leur étendue comme de leur persistance, les 
solutions de continuité sont plus disposées, soit à s'infecter du 
virus vénérien, si le sujet est atteint de cette affection, soit à 
être attaquées de pourriture d'hôpital , lorsque les localités, les 
encombremens, un état inconnu de l’air atmosphérique, etc., pré- 
disposent à ce genre d'infection ? J’ai vu à Toulon, pendant les 
premiers mois de l'année 1829, chez certains malades portant 
engorgemens syphilitiques , des glandes inguinales sur lesquelles 
on avait appliqué la potasse caustique; les plaies devenir bla- 
fardes, s'ulcérer, puis une déperdition de peau considérable 
survenir ; plus tard les chairs reprenaient un meilleur aspect et 
marchaient vers la guérison. Pour cette catégorie, je vais rap- 
porter succinetement une observation prise parmi beaucoup 
d’autres pour faire voir la manière dont se comportaient les 
plaies suites de l'application de la potasse caustique. Je ne 
prétends pas qu'il arriverait constamment des accidens , pas plus 
prouver qu'on les éviterait en se servant de l'instrument tran- 
chant , mais je crois qu'ils seraient plus rares. 

Liegand, sous-oflicier au 46.me régiment de ligne, entra à 
l'hôpital le 9 mars 1820, atteint d'ulcères syphilitiques ; quelque 
temps après, les glandes inguinales du côté gauche s’engorgèrent. 
On fit sur elles des applications de 15 et 20 sangsues. Malgré 
ces moyens, l'inflammation se termina par suppuration. Pour 
donner issue au pus, on appliqua une traînée de potasse caus- 
tique. La plaie s'enflamma beaucoup. Bientôt elle changea d’as- 
pect; elle devint très-sensible, blafarde, saignant au moindre 
attouchement; ses bards se renversèrent ; la suppuration devint 


( 5539 

sanieuse, félide ; elle faisait tous les jours des progrès en largeur 
et en profondeur. On lui opposa deux applications de huit sang- 
sues à son centre, et à deux ou trois lignes de ses bords. Ces 
émissions sanguines, le régime adoucissant , les pansemens faits 
avec de la charpie sèche, des cataplasmes émolliens renouvelés 
deux fois par jour, ramenèrent peu-à-peu la plaie à un meilleur 
état; les chairs devinrent vermeilles, la suppuration plus louable. 
La cicatrice commença à se former, et elle était entièrement 
terminée vers le G juillet, époque à laquelle il sortit. Il n'avait 
point pris de mercure. 

Chez d’autres sujets se trouvant en apparence dans des cir- 
constances semblables , les plaies se couvraient d'un enduit 
visqueux et blanchâtre, d’un gris tendre; elles saignaient au 
moindre contact, faisaient des progrès en largeur et en profon- 
deur; en un mot, elles acquéraient tous les caractères de la 
pourriture d'hôpital. Plusieurs malades succombérent à cet épi- 
phénomène redoutable. Nous allons en rapporter deux obser- 
valions. 

1.” Gilles, fusilier au 6.me régiment de ligne, entra à l'hô- 
pital le 5 janvier 1829, ayant un engorgement des glandes 
inguinales. Il fit un traitement mercuriel par les frictions. Le 
6 vingt-cinq sangsues furent appliquées sur les glandes engor- 
gées. Les 8 et 12 on fit deux nouvelles applications de vingt 
sangsues. Vers la fin du mois, une collection purulente s'était 
formée du côté gauche. On lui donna issue au moyen de la 
potasse caustique. Le 2 février on ouvrit da côté droit de la 
même manière. Les plaies s’enflammèrent, prirent bientôt un 
nouvel aspect ; les bords se renversèrent , ete. Le 10 , le malade 
se plaignit pour la première fois d'avoir mal au ventre, d'aller 
souvent à la selle. Il y avait déjà six jours qu'il était dans cet 
état ; il n'avait plus d’appétit , la langue était rouge , les organes 
gastriques étaient le siège d'une inflammation assez vive; il y 
avait de la fièvre. On mit le malade à une diète sévère. Le 13, 


(534) 
un gonflement de tout le bras droit se manifesta ct devint con- 
sidérable dans l'espace de vingt-quatre heures. On fit une appli 
cation de 25 sangsues sur toute son étendue ; le lendemain, de 15; 
le surlendemain, de 12. On avait soin de l’envelopper avec des 
flanelles imbibées de décoction émolliente que l’on renouvelait 
très-souvent. Ces accidens disparurent au bout de quelques jours. 
Au contraire les plaies s'étaient agrandies. Elles étaient très- 
douloureuses , recouvertes d’un enduit visqueux et blanchâtre ; 
le pus était grisâtre, d’une odeur très-fétide, suz generts. L'ulcéra- 
tion faisait tous les jours des progrès; le tissu cellulaire tombait 
en putrilage. La peau bleuâtre , noire, se détachait en lambeaux 
gangréneux. On en enlevait des portions assez étendues à chaque 
pansement. Le 23, on appliqua vingt-cinq sangsues à un demi- 
pouce des bords ;le 25, douze sur les mêmes parties. On avait 
déjà fait usage de chlorure, du quinquina en poudre, du cam- 
phre uni au sucre, du suc de citron, etc., qui n'avaient amené 
aucun changement favorable. Les plaies étaient tellement éten- 
dues , surtout celle du côté gauche, que les cordons testiculaires, 
les vaisseaux fémoraux, la partie supérieure du muscle couturier, 
le grand oblique jusques un peu au-dessus de l’ombilic, étaient 
à découvert. Il suecomba le 7 mars. 

2.0 Barnier, soldat au 3.me régiment de ligne, entra à l’hô- 
pital le 22 octobre 1828, pour se faire traiter d’un ulcère ct 
d’un engorgement des glandes inguinales. Il fit un traitement 
mercuriel à la suite duquel la plaie guérit. 

On fit plusieurs applications de sangsues sur le bubon. Par- 
venu à maturité, on l'ouvrit avec la potasse. La plaic avait un 
bel aspect , le foyer se détergea ; bref, la guérison se fit assez 
promptement. Quelque temps après il se plaignit de nouvelles 
douleurs au-dessus de la cicatrice ; il s'y forma un nouvel abcès 
que l’on ouvrit avec la lancette et un autre plus bas que l’on 
ouvrit de la même manière. On s'aperçut bientôt que ces abcès 
communiquaient ensemble au moyen d'un décollement. Le 


( 535 ) 

malade resta dans cet état quelque temps. Les ouvertures des 
abcès étant devenues fistuleuses , on résolut de les réunir par une 
application de potasse caustique. Après la chute de l'escharre, 
les bords de la plaie se boursoufllèrent, devinrent très-doulou- 
reux, la suppuration devint grisâtre et d’une odeur très-fétide. 
Il ÿ avait souvent des hémorrhagies, l'ulcération faisait sans cesse 
des progrès. Le tissu cellulaire et la peau subirent le mème sort 
que chez le sujet de l'observation précédente. Il mourut le 
27 mars. 

_ Le sujet de cette seconde observation aurait probablement 
guéri comme les autres, si, au lieu d’avoir recours à la potasse 
caustique dans un moment où la pourriture d'hôpital régnait, et 
lorsque le malade de la première était déjà dans un état des plus 
fâcheux, placé à quelques pas de lui, on avait employé le bis- 
touri pour réunir les deux plaies fistuleuses. Ce qui le ferait 
croire , c'est que jusqu’à l'application de la potasse, le malade 
ne pouvait pas donner la moindre inquiétude. Il était dans un 
état stationnaire depuis fort longtemps; c'est-à-dire qu'il avait 
bon appétit, dormait bien , et ne ressentail aucune douleur. Ce 
n’a été qu'après la chute de l’escharre que la large plaie donna 
plus de prise aux miasmes contagieux. Peut-être que le mode 
particulier d’irritation que la pierre à cautère détermina, et qui 
fut porté à un très-haut degré d'intensité, la rendit plus suscep- 
tible de s'infecter, Une remarque encore à faire, c’est que plu- 
sieurs individus placés dans la même salle, mais qui avaient été 
opérés avec le bistouri, n’ont éprouvé aucun de ces accidens, 
Comment en effet se rendre autrement compte de cette diffé 
rence ? je ne sais ; j'ai remarqué que tous les accidens disparurent 
de cet hôpital du moment où l'on cessa l'emploi ‘des caustiques 
pour se servir du bistouri ou de la lancette, Peut-être ne serait- 
ce pas émettre une hypothèse que de dire, pour expliquer leur 
apparition , lorsque l’air y prédispose , qu'une plaie est d'autant 
plus impressionnable aux agens inconnus qui déterminent la 


( 536 ) 
pourriture d'hôpital, soit d'autres complications éventuelles 
analogues, qu’elle est plus enflammée et d'une plus grande 
étendue. 

Enfin, pour terminer ce qui regarde les inconvéniens de l’em- 
ploi du caustique, ajoutons que la cicatrice est toujours assez 
étendue, plus ou moins inégale, difforme , mince, exposée à se 
rouvrir à la moindre violence extérieure. D'autres fois la cicatrice 
est d’une grande consistance et sillonnée par des brides fort 
dures, en sorte qu'il en résulte de la gêne , de la roideur et même 
quelquefois l'impossibilité absolue de certains mouvemens. 


3.° Avantages de l'instrument tranchant. 


La promptitude avec laquelle on fait l'ouverture des abcès 
avec l'instrument tranchant est déjà un avantage. L'opérateur 
le dirige dans toutes les directions voulues, et fait par consé- 
quent l'opération le plus avantageusement possible. Y a-t-il des 
décollemens qui nécessitent l'enlèvement d'une portion de tégu- 
ment, il excise en un instant et exactement, soit avec le bis- 
touri , soit avec les ciseaux, tout ce qui tombe en mortification, 
ou bien les lambeaux de peau qui entravent la marche de la cica- 
trice. Mais lorsque cette membrane est intacte et qu’elle peut 
être conservée, une simple incision de quelques lignes de lon- 
gueur suffit pour permettre l’élimination de la matière purulente. 
Il n’y a pas ainsi de déperdition de substance. La plaie produite 
par l'instrument tranchant est linéaire ; aussi, dès que les par- 
ties sont suffisamment dégorgées, la cicatrisation se fait-elle 
rapidement et sans la moindre difformité. Au reste, ses avantages 
sont tels, que je crois inutile d'en parler plus longuement. 


4.0 Examiner si dans un grand nombre de cas, où la 
potasse caustique paraît indiquée , l'instrument tranchant 
ne pourrai pas avantageusement la remplacer. 


Supposons des abcès ordinaires qui n’ont pas été amenés par 


(537) 

une inflammation bien violente, dans lesquels la fluctuation est 
manifeste, la peau ayant cependant conservé assez d'épaisseur; 
beaucoup de praticiens emploient dans ce cas la pierre à cau— 
tère, dans le but, disent-ils, d’exciter les propriétés vitales des 
parois de la tumeur. Quant à moi, je pense que lorsqu'il n'y à 
pas d'indication plus urgente, l'instrument tranchant peut uti- 
lement la remplacer: 1.° parce qu'il détermine par lui-même 
une irritation suffisante pour l’incision qu'il produit; 2.0 parce 
qu'il est toujours en notre pouvoir d'occasioner à posteriort 
une inflammation plus ou moins vive par une foule de moyens 
que nous avons à notre disposition , alors que l’incision n'a pas 
suffi pour la procurer. En effet, ne pouvons-nous pas injecter 
dans un foyer purulent les liqueurs que nous rendrons plus ou 
moins énergiques, suivant les indications. N’avons-nous pas des 
onguens auxquels nous pouvons donner plus ou moins d'activité. 
Et les cas où l’on est obligé d’en venir à leur emploi sont rares; 
s'ils offrent eux-mêmes des inconvéniens, il s’en faut bien qu'on 
puisse les mettre en parallèle avec ceux de la pierre à cautère. 

J'ai eu occasion plusieurs fois d'employer ce mode de panse- 
ment, il m'a toujours réussi. Un officier fut atteint pendant son 
séjour en Afrique d’ulcère et de bubon syphilitiques. L’ulcère 
guérit en peu de jours. L’engorgement des glandes inguinales 
parvint à suppuration. Le malade , craignant le bistouri et la 
potasse, voulut attendre que l’abcès s’ouvrit naturellement. Le 
décollement fat grand , la peau, bleuâtre , très-mince , menaçait 
de tomber en mortification. J'employai en vain différens moyens 
pour en obtenir le recollement. Bref, lorsque je crus que le foyer 
était suffisamment dégorgé, j'y fis une injection de vin rouge 
chaud , qui produisit beaucoup de chaleur et un peu de dou- 
leur. Aussitôt après, j’appliquai des compresses préalablement 
disposées de manière à former une pyramide, dont le sommet 
devait répondre au centre du mal et le comprimer dans tous les 
points, Un spica de l'aîne convenablement serré maintint très- 


(538 ) 
bien l'appareil pendant quarante-huit heures. Au bout de ce 
lemps, je vis avec un vif plaisir que plus des trois quarts de la 
peau étaient recollés. Je fis de nouveau une injection avec le vin, 
réappliquai le même bandage : quarante-huit heures après le tout 
était guéri. 

Maintenant, si nous avons égard à la position des abcès, il en 
est pour lesquels on ne doit jamais employer la pierre à cautère, 
quelleque soit leur nature. Par exemple, les abcès à la face, au 
cou , aux seins, et principalement chez les femmes. Nous avons 
va pourtant des parlisans outrés du caustique l'appliquer jusque 
sur la face et des cicatrices difformes enlaidir ensuite le sujet. 

Essayons de présenter des cas plus graves que celui plus 
haut. Je supposerai un vaste abcès dans une région quelconque 
avec décollement et amincissement: considérable de la peau ; 
hé !' bien ! je erois encore qu’on doit proscrire le caustique, tantôt 
parce qu’il est difficile de eirconscrire toute l'étendue des tégu- 
mens qu'il importe d'enlever; d’autres fois parce qu’on pent 
aller au-delà de ce qu'on s'était proposé de consumer par le 
caustique. Or, dans le premier cas, on serait obligé d'extraire 
le reste avec le bistouri ou les ciseaux, ou bien de faire une 
nouvelle application de potasse caustique. Ge serait donc mul- 
tiplier à plaisir les opérations. Dans le second cas, on aurait le 
désagrément de voir en escharre une portion de peau qu'il est 
toujours utile de conserver.Ges reproches, le praticien les évitera 
en se servant de l'instrument tranchant ou en se conduisant 
comme je l’ai fait chez l'oflicier dont je viens de parler. 


5° Est-il des cas où la pierre à cautère doive étre 


employée ? 


Jusqu'ici je crois avoir suffisamment démontré qu'il n'est pas 
de cas où l'emploi de la pierre à cautère soit indiqué; que 
l'instrument a sur elle des avantages incontestables. En effct, 


( 539) 
Pourquoi avoir recours à un moyen qui est suivi quelquefois 
d'accidens ou qui est accompagné de tant d’inconvéniens, 
puisque nous pouvons les éviter par l'usage d’un autre beaucoup 
plus simple, plus sûr et plus expéditif ? Quelques praticiens 
pourraient m’objecter avec raison que la pâte caustique, formée 
par le mélange de la potasse avec la chaux, présente moins 
d’inconvéniens que la pierre à cautère (*). J'en conviens, on 
devra même l'employer à l'exclusion de l’ancien procédé, lors- 
qu’on sera obligé d’en faire usage chez quelques personnes crain- 
tives; car c'est seulement dans ce cas que je crois qu'on peut 
s’en perinettre l'emploi , ou tout au plus dans les suivans : 1.0 
dans les tumeurs d’une indolence extrême, présentant à peine 


(*) Tout le monde sait comment se fait cette pâte caustique. M. JourDan 
en donne une recette dans sa Pharmacopée universelle. I vaut mieux cepen- 
dant la faire plus forte, comme quelques-uns l'ont conseillé ; par exemple, de 
la faire comme à l'hôpital de Vienne : 


Chaux vive en poudre............., six parties. 
Potasse caustique des pharmaciens.... cinq parties. 


Pulvérisez la potasse dans un mortier de fer, en ajoutant peu à peu la 
poudre de chaux. Conservez dans un flacon bouché à l’éméri. Si l'on veut 
s’en servir, on en verse quantité suffisante dans une soucoupe , et on en forme 
une pâte avec de l'esprit de vin ou de l’eau de Cologne; on la pétrit avec le 
manche d’une petite cuiller. On applique ensuite sur la partie que l’on veut 
cautériser, une couche de cette pâte de deux lignes environ d'épaisseur, en 
ayant soin, d'en circonscrire nettement les bords avec la spatule ou la cuiller 
légèrement mouillée d'esprit. ... ; au bout de cinq à six minutes, la peau est 
cautérisée jusqu'au tissu cellulaire ; ce que l’on reconnaît à l'apparition d’une 
petite ligne grise sur les bords de la pâte caustique. On peut dès-lors enlever 
celle-ci et laver l’escharre avec un peu d’eau vinaigrée. Si l'on voulait cauté- 
riser plus profondément, on laisserait la pâte dix, quinze et même vingt 
minutes sur la peau. L'addition de Ja chaux à la potasse a pour avantage 
d'empêcher la déliquescence de celle-ci, de lui donner la consistance pâteuse 
et de lui enlever l'acide carbonique qui peut lui rester encore. 


(540) 

quelques gouttes de pus dans un long espace de temps, et dont 
les parois intérieures ont besoin d'être excitées; 2.0 Dans les 
abcès avec décollement considérable de la peau et atonie des 
parties circonvoisines , dans la double vue de détruire entière- 
ment la portion de tégument qui doit tomber en mortification, 
et de produire un degré d’excitation désiré. Mais comme je l'ai 
déjà dit, on peut s’en passer, même dans ces circonstances. 

Voyons d’ailleurs quels sont les inconvéniens de cette pâte 
caustique. Ses avantages sont incontestables ; elle produit une 
escharre à contour régulier; elle lui donne la forme et les 
dimensions que l’on désire; elle la fait exactement semblable 
à la couche de pâte caustique que l'on applique, ce qu'il est 
difficile d'espérer avec la pierre à cautère. D'un autre côté, j'y 
vois toujours ces inconvéniens : 1.0 d'agir lentement; 2.° de 
détruire une portion de peau qu'il vaut mieux conserver quand 
on le peut; 3.0 d’occasioner beaucoup de douleurs; 4.0 de 
donner une cicatrice plus ou moins désagréable. En résumé, les 
avantages réels de la pâte caustique sur la pierre à cautère ne 
pourront jamais être mis en regard avec ceux de l'instrument 
tranchant. 


(541) 
"© min" 


MÉDECINE VÉTEBRINAIRE. 


DES AMULETTES CORPORELS, 


CONSIDÉRÉS DANS LEUR INFLUENCE SUR LA CONSERVATION 


DES ANIMAUX. 


Par M. J.-B.-C. Ronxr, 


Professeur à l’école royale vétérinaire de Toulouse ; Membre correspondant. 


18 AVRIL 1834. 


On nomme amulettes (1) des moyens divers auxquels on 
attribue la faculté d'agir sur les êtres vivans, par une vertu 
spéciale , variable néanmoins en ce qui concerne chacun d’eux, 
Mais qui a toujours pour caractère générique d’être étrangère 
aux lois physiques, chimiques et vitales. 

L'état de nos connaissances ne nous permet plus d'admettre 
des influences possibles sur l'organisme en dehors de ces lois ; 
aussi, est-il généralement reconnu par les hommes instruits 
que les amulettes ne peuvent exercer, en raison de leur préten- 
due propriété extraordinaire, aucune influence directe > hygié- 


RE —  l 


(x) Cet article est extrait d'un Cours manuscrit d'hygiène vétérinaire. 


(542) 

niqne ou autre , sur nos animaux ; et la foi en leur puissance se 
perd à mesure que les lumières se répandent. Dans nos cam- 
pagnes même elle n’est plus, ni si générale, ni si grande; 
cependant, combien, entre leurs habitans, n’en est-il pas encure 
qui ont besoin d’être désabusés à ce sujet? Et pourrait-on dire 
que de nos jours la confian ce du peuple au pouvoir des amulettes 
n’exerce plus aucune znfluence indirecte sux la conservation des 
animaux domestiques? Mais s'il n’est que trop vrai qu'il n'en 
est point ainsi , nous avons dès-lors un double motif pour nous 
occuper de ces moyens. 

Dans le principe on ne donnait le nom d'amulettes (de 
amoliri, éloigner, écarter), qu'aux seuls moyens que l’on oppo- 
sait aux maléfices ; et comme dans les temps d’ignorance où la 
croyance à l'efficacité des amulettes était pour ainsi dire géné- 
rale, tout accident, toute affection morbide étaient réputés 
pouvoir être causés par l'insatiable malice des personnes que 
l'on supposait adonnées à l’art cabalistique, on employait par 
conséquent les amulettes, plus qu'aucun autre moyen, on pour- 
rait même dire presque exclusivement, pour préserver de mala- 
dies et d’enchantemens, non-seulement les homines, mais encore 
les animaux. Plus tard ceux qui faisaient commerce d'amulettes, 
trouvant l’esprit des peuples, alors plongés dans les ténèbres de 
la barbarie, disposé à croire de plus en plus à la puissance 
illimitée de ces moyens, ils leur supposèrent aussi une faculté 
inverse , celle de pouvoir produire et les maux corporels et des 
malheurs divers , en sorte que, confondant ainsi les maléfices 
de tous genres avec les amulettes proprement dits, il y eut dès 
cette époque deux classes de ces derniers, l’une pour faire le 
mal, une autre supposée capable de l'empêcher, en prévenant 
ou en annulant les effets des premiers. Alors, l'astuce en impo- 
sant de plus belle à la stupide crédulité, qui tremblait devant la 
toute puissance supposée des amulettes, souvent même les plus 
ridicules , on vit des fourbes insignes dispenser et vendre d’une 


(543) 
main la source des plus redoutables calamités, et recevoir en 
même temps, de l'autre, le salaire des vains secours qu'ils , 
promettaient à leurs dupes, ainsi doublement abusées, et ce-" 
pendant toujours prêtes à payer chèrement ces décevantes res- 
sources (1). 


La médecine vétérinaire doit à M. Huzano père un excellent 
mémoire sur ce sujet (2), mémoire où règne constamment la 
plus saine philosophie, et où il s'élève avec les armes de la rai- 
son, guidée par un jugement solide, éclairée par de grandes 
connaissances, contre les préjugés sur lesquels se fonde la 
croyance populaire au pouvoir des amulettes. Dans cet ouvrage, 
dont nous ne saurions trop recommander la lecture, M. Huzann 
a divisé les amulettes en profanes ou médicamenteux, en 
surnalurels ou occultes et en sacrés ; et cette division était la 
plus convenable au but qu'il se proposait, celui de parler simul- 
tanément de tous les moyens de ce genre, auxquels on avait 
recours, fant pour prévenir que pour guérir les maladies. 


D'un autre côté, M. Guensewr a divisé les amulettes, 1.0 en 
médicamenteux et magnétiques , 2.0 en superslitieux. 


Pour moi, qui ne dois m'occuper que des amulettes corporels, 
c’est-à-dire de ceux qui non-seulement, ayant un corps, tombent 
Sous nos sens, mais encore peuvent , par cela même, s'appliquer 
médiatement ou immédiatement » soit en substance, soit en 
images ou en simulacres, soit par leurs noms écrits, etc., au 
corps des animaux sur lesquels ils sont destinés à exercer l’in- 


———  Gni6 sobre cena snnbr bitpu 


(1) C'est pour cela que Lavorsren a dit qu'il ÿ avait beaucoup de rapport 
eutre les amulettes et les charmes. (Dictionnaire portatif de médecine, etc., 
au mot Amulette ; Paris, 1793.) 


(2) Znstructions et observations sur les maladies des animaux domes- 
tiques, année 1793, page 181. 


(544) 
fluence qu’on leur attribue, je proposerai comme la plus propre 
à faciliter l'exécution de la tâche qui m'est imposée par la 
nature même de mon sujet, la division des amulettes en caba- 
listiques , religieux et physiques. 

Les amulettes cabalistiques sont ceux dont la connaissance 
ou la possession est supposée pouvoir s’acquérir par un prétendu 
commerce des hommes avec les esprits, les diables,les génies ; 
les farfadets, etc., et qui comprennent les opérations magiques 
et astrologiques, les talismans , les charmes, les sortilèges , les 
enchantemens , les maléfices, les sorts, les pactes, les hippo- 
manèës, les filtres, les parfums, les paroles et formules profanes, 
les conjurations, l'influence des signatures, les amulettes sym- 
pathiques, enfin, les choses diverses qui font toute la science 
supposée des magiciens , des maiges, des devins, des sorciers, 
ainsi que des leveurs de sorts. Les lumières de notre siècle nous 
permettent , sans en alléguer d'autre raison que la nature chi- 
mérique du pouvoir de ces amulettes, de les regarder et de les 
signaler en masse comme incapables d'exercer par eux-mêmes 
aucune action, soit bonne, soit mauvaise, sur les animaux. 

Les amulettes relrgreux sont ceux qui émanent ou sont tirés 
des objets que la religion même d'un peuple lui fait révérer. Ils 
différent , par leur source , avec la diversité des croyances et les 
sujets de la foi, particulièrement admis par chaque nation; les 
objets qui, ou les constituent, ou sont réputés leur communi- 
quer la puissance qu'on leur attribue, ne sont donc pas les 
mêmes sur les diverses parties du globe; il y a plus, ils ont 
varié, dans les mêmes contrées , suivant la différence des temps. 
Cependant, partout où l'on croit que les amulettes religieux, 
indépendamment des propriétés spéciales des choses matérielles 
qui les forment quelquefois , peuvent , par leur puissance occulte 
et surnaturelle , opérer des effets purement physiques ou médi- 
caux ; ils n’en consistent pas moins toujours, tantôt en des noms 
divins ou sacrés, tantôt en des prières ou paroles saintes, .soit 


(545) 
écrits, soit imprimés, soit encore simulés, pour être quel- 
quefois portés par eux-mêmes, d’autres fois seulement récités 
près des sujets sur lesquels ils doivent agir; tantôt en des péle- 
rinages, des octaves, des neuvaines, des ex volo et autres 
pratiques ou formules de piété (1) ; tantôt enfin dans l’apposition 
d'objets corporels , les uns consacrés par leur usage pour le culte, 
les autres rendus précieux par des pratiques ou des cérémonies 
liturgiques. Mais, je le répète, ces choses ont varié et varient 
encore de nos jours, pour les causes que j'en ai indiquées; 
ainsi, la Mythologie grecque et latine (2), les prêtres de l'an- 
tique Égypte (3), les anciens peuples de la Perse (4), et, dans 
la Gaule, les Druides de nos ancêtres (5), avaient leurs amulettes 
religieux ; ainsi, à l'égard des nations modernes, nous voyons 
que , pour l'Indien , ce qu’il croit tenir de ses Pagodes; pour le 
Nègre, ce qu'il regarde comme provenant de ses Fétiches ; pour 


(x) En effet, les bénédictions , les exorcismes , le toucher des châsses des 
Saints , l'usage des cierges bénits , la lecture des évangiles , les processions, 
etc. , sont souvent aussi employés à la manière des amulettes. 


(2) Sans compter les Pénates ou Lares qui veillaient sur le domicile; les 
Viales qui avaient la garde des chemins ; les Compitales, qui présidaient 
aux carrefours; les Urbani, qui veillaient sur chaque ville en particulier ; 
n’y avait-il pas les Præstites, dont on implorait le secours dans les conjonc- 
tures fâcheuses ; les Hostilir, pour obtenir l'éloignement des ennemis; Luperca 
n'était-elle pas invoquée contre les loups ; la déesse Aobigo , contre la rouille 
des blés , etc. ? Le laurier ne préservait-il pas de la foudre, etc. ? 


(3) Ils avaient aussi leurs Lares, qu'ils appelaient 7ychis, Dymon, Heros 
ct Anachis. 


(4) Abraca, Abracas, Abracadabra, Abracalan, Abraxas, Abrasaxas, 
que l’on regarde comme autant de noms donnés par les Perses à leur dieu 
Mithra, sont des mots dont l'emploi comme amulettes est assez connu. 


(5) On sait surtout combien de vertu ils attribnaient particulièrement au 
gui, coupé ayec de certaines cérémonies. 


35 


C 546) 
le Mahométan, les paroles du Coran; pour le Chrétien, des 
oraisons à Dieu, à la Vierge ou aux Saints, sont ou deviennent 
également des amulettes , quand on $e sert de ces choses de la 
même manière et dans les mêmes intentions surtout que l’on 
emploie ceux-ci. Ne rirait-on pas aujourd’hui de l’homme qui 
recourrait sérieusement aux amulettes mythologiques ? L’Arabe 
peut-il croire à l’efficacité ou hygiénique ou médicale des amu- 
lettes des Nègres et des Indiens? Y pouvons-nous croire nous- 
mêmes ? Pas plus qu’à l'efficacité des paroles du faux prophète 
de la Mecque!....... Nous n'avons pas besoin de dire, par 
conséquent, que, parmi les amulettes religieux de notre pays, 
il n’y a que ceux qui sont matériels, comme, par exemple, 
l'eau bénite, la clef de St.-Hubert , celle de la sainte chapelle 
de l'église St.-Sévérin de Paris, etc., qui pourraient avoir des 
effets physiques sur les animaux ; mais que rarement cependant 
leur influence , quand on les emploie à titre d’amulettes, peut 
avoir, si le hazard ne s'en mêle, une efficacité réelle, au moins 
dans le sens où on les en croit capables; et que même encore, 
dans ce dernier cas, on peut, sans profaner par cet usage les 
objets du culte et de la juste vénération des fidèles , attendre et 
obtenir les mêmes effets avantageux , souvent d’ailleurs beaucoup 
plus actifs, plus directs et plus sûrs, par l'emploi d’autres 
moyens, dont l’action n’a pourtant rien de mystique (1). D'un 


(x) Et aux personnes qu’une véritable piété anime, ne pourrions-nous pas 
demander si ce serait nier en rien l’omnipotence de Dieu, ou si ce serait man- 
quer aucunement à la foi chrétienne , de soutenir que ce n’est point sans doute 
à l'occasion d’un bœuf, d’un cheval, d’un chien, etc., que le Tout-Puissant vou- 
drait sans cesse, au gré du caprice , des intérêts ou des ridicules souhaits des 
hommes, intervertir les lois générales que lui-même a établies sur la nature 
entière, et faire ainsi journellement des miracles au sujet des moindres choses ? 
Car quel serait le pouvoir des amulettes religieux, si, absolument comme 
pour les miracles, leurs effets n'étaient pas, d'une part en dehors de ces lois, 
d'une autre part, supérieurs à leur action , pour Ja détruire ? D'ailleurs, leur 


(947) 


autre côlé, on peut affirmer aussi que parmi les amulettes reli- 
gieux, tous ceux qui sont corporels ne sauraient avoir effective- 
ment, quoi qu'on en ait dit (et on peut certes le penser sans 
aucune impiété ), toutes les vertus qu’on leur attribuait, tels, 
par exemple, que l’étole de St.-Hubert, dont la moindre par- 
celle ; insérée sous la peau du front, préserverait les animaux de 
la rage; que la dent de St.-Amable, dont l'application guéri- 
rait la morsure de la vipère, etc. 

Ainsi donc, ou les amulettes religieux sont aussi impuissans 
que les amulettes cabalistiques, ou ils ne produisent que des 
effets fortuits, rares, peu certains dès-lors, et que l’on peut 
ordinairement , qui plus est, obtenir avec plus de certitude à 
l’aide des moyens hygiéniques, pharmaceutiques ou chirurgi- 
caux , appropriés aux différens cas. Repoussons, par conséquent, 
de tous nos moyens le recours abusif et blämable du vulgaire 
ignorant et superslitieux aux amulettes religieux, en raison de 
leur sainteté, qui doit nous les faire respecter d'une part, 
et de leur inutilité , de l’autre part, si nous les considérons sous 
le point de vue qui nous occupe. Craignons qu’un tel usage ne dé- 
crédite les objets d’un culte que le peuple ne saurait trop véné- 
rer; mais que pourtant #/ n’est que trop porté, suivant les sages 
paroles d’un respectable prélat, à confondre avec les remèdes 
humains (x); et sous ce rapport, autant que pour son propre 
intérêt, cherchons à l'éclairer assez pour le détourner d’y avoir 
recours ou de leur accorder la préférence sur des moyens qu'il 
néglige alors, quoiqu'ils aient des droits plus réels à sa con- 


emploi dans les cas dont nous parlons n'est-il pas toujours ou une profana- 
tion, même quand il est fait avec une ferme confiance en leur vertu, ou un 
acte d'irréligion, s’il pouvait n'être point fait avec une intime conviction qu'il 
ne peut manquer d'êlre suivi des bons résultats qu’on en attendait ?..... 

(1) Lettre pastorale de monseigneur l’archevéque de Toulouse, au sujet 
de la maladie épizoctique , Montpellier, 25 décembre 1774. 


(548) 
fiance, quand c’est aux maladies des animaux qu'il s'agit de 
les opposer ! 

Les amulettes physiques sont ceux qui sont le plus exclusi- 
vement corporels. S'ils ne sont pas toujours doués , à beaucoup 
près , des propriétés que l'ignorance ou la fourberie leur sup- 
posent ; ils pourraient néanmoins, en raison de leur nature ma- 
térielle, déterminer souvent des effets positifs et plus ou moins 
sensibles, sur les animaux auxquels on ‘en ferait l'application. 
En raison du mode d'action qui pourrait résulter de leur em- 
ploi, ils peuvent être très-naturellement subdivisés en znertes, 
en médicamenteux et en electro-magnétiques. 

Les amulettes corporels qui méritent le nom d'nertes, sont 
tous ceux qui, par la nature de la substance qui les constitue, 
ou bien encore par la manière d'en faire usage, ne sont sus- 
ceptibles d'exercer aucune action , soit médicamenteuse, soit 
magnéto-électrique. 

On doit placer au rang des amulettes physiques, 2nertes par 
leur nature même, les colliers de liége ou de marrons d'Inde 
que l’on attache au col des femelles dans la vue de hâter la 
suppression du lait ; les bouchons de paille que l’on met aux 
extrémités des chevaux atteints de cette affection, pour empé- 
cher la fourbure de descendre dans les pieds; le clou arraché du 
pied d'un cheval piqué, et ensuite entouré d’un crin de l'ani- 
mal, que tantôt l'on plante dans les planches de la boutique, 
et que tantôt l'on jette dans le foyer de la forge, pour prévenir 
les suites que pourrait avoir la blessure qu'ii vient de causer; 
l'os naviculaire d’un pied postérieur, attaché au col ou au mors 
d'un cheval, pour l'empêcher de devenir fourbu; les poules 
noires et couveuses qui ont la prétendue propriété de préserver 
les bestiaux malades des suites les plus fanestes, et surtout de 
la mort, dans leurs plus redoutables affections; la peau d’un 
serpent ; appliquée au pied non blessé du même bipède, et, au 


contraire, Ou soit une carpe, soit une grosse araignée, soit la 


(549) 
tète d’un lézard , appliquées sur le pied blessé lui même , pour 
faire sortir de suite et sans opération l'épine, le chicot ou le 
tesson qui a pénétré accidentellement sous la corne; la courroie 
de cuir de cerf dont on lie la queue d’un cheval pour guérir le 
flux de ventre; la cendre de sarment qu'on répand sur le 
cheval pour l'empêcher de tomber; la cendre de tête de chien 
jetée sur la peau dépilée pour y faire croître les poils ; le cœur 
de bœuf convenablement préparé, et dont on fait usage au 
besoin, pour, avec un seul cheval, et impunément pour lui, 
suivre la poste aussi long-temps qu'on le veut ; les feuilles de 
platane regardées comme propres à empêcher les chauves-souris 
d'entrer dans les habitations des animaux ; l'ongle d’un pied de 
chèvre , l’armoise, la ronce ou un serpent rôti, pour en écarter 
les serpens vivans; la peau de loup tannée, qui en écarte les 
puces; le sang de cheyreau , mis dans un creux de l’écurie pour 
attirer et tuer toutes les puces; la main gauche dans laquelle 
on a étouffé une taupe qu’on aurait trouvée sans la chercher, et 
qui conserve ensuite, pour toujours, la propriété de guérir les 
tranchées du cheval sur le ventre duquel elle est passée ; l'arai- 
gnée et le bouc qui assainissent les écuries, ele., (1). Et si j'ai 
énuméré aussi longuement des moyens si dignes d'être tournés 
en dérision, ce n’est pas pour avoir le vain plaisir d’en grossir 
la liste, mais bien pour convaincre mieux les personnes qui croi- 
raient encore de bonne foi à la puissance d’aussi ridicules amu- 
lettes de la constante ineptie qui a pu seule présider au choix 
de tels agens! Ensuite , il faut ranger au nombre des amulettes 
physiques, qui ne demeurent znertes et par conséquent sans 
aclion que par la manière dont ils sont employés, mais qui 
par leur nature propre ne le seraient pas d’une façon absolue, 
l’arsenic enfermé en toile crue et pendu avec une ficelle neuve 


(x) Bien Join de les assainir, le second les infefte par l'odeur qu'il y répand. 


(690) 27 

aux crins de l'animal, proposé contre le farcin; l'urine d’ane 
vache qui a été surprise couchée et que l’on a relevée par la 
queue, pour dissiper l’enflure des jambes des chevaux; les 
sachets de sel et de cendre placés sur les reins, pour guérir le 
vertige; le safran pilé et le vinaigre mis dans la bouche du 
cheval pour lui fasciner la vue, etc. Serait-il besoin d'insister 
beaucoup de nos jours pour persuader toute personne de bon 
sens que de semblables amulettes n'ont point et ne peuvent 
avoir sur les animaux les effets singuliers qu’on leur attribuait ? 

Les amulettes médicamenteux sont ceux qui, en raison de 
certaines propriétés plus ou moins actives, peuvent (quoique 
ce ne soit pas pour l'ordinaire d'une manière avantageuse à 
l'effet qu’on voudrait produire ) agir sur les animaux, si non 
toujours et exclusivement par eux-mêmes , au moins dans quel- 
ques cas, par les émanations ou parties volatiles qu'ils fournis- 
sent , tant quand elles sont introduites dans l’économie avec 
l’air respiré , que lorsqu'elles sont absorbées par la peau; et l’on 
peut regarder comme tels les sachets de plantes aromatiques, 
ceux de campbhre, d'iris de Florence , d’assa _fœtida , qu’on fait 
porter aux animaux en différentes circonstances ; les clous de 
girofle, les aromates et le vinaigre brûlé, etc., l'ail, qui sont 
réputés capables de chasser le mauvais aïr, etc.; et ne pour- 
rait-on pas placer au rang de ces amulettes l'enceinte de cau- 
térisation que l’on traçait autrefois autour de la partie affectée 
de farcin, pour circonscrire en quelque sorte celui-ci en un 
cercle magique, au-delà duquel il était supposé ne pouvoir 
s'étendre ? Ces derniers amulettes, quoiqu'ils soient en quelque 
sorte les seuls dont on ne puisse nier la vertu active autant 
que réelle , étaient cependant, par une singulière disposition de 
Vesprit humain à s’en laisser imposer de préférence par tout ce 
qui a l'apparence du merveilleux, en même temps les moins 
employés et aussi les moins vantés par les gens qui faisaient 
métier de spéculer sur les faiblesses et les travers des hommes 


(551) 

privés d'instruction. Cependant, les amulettes médicamenteux, 
quoique doués d'une action indubitable sur les animaux, ne 
produisent presque jamais, comme je l'ai dit, lorsqu'ils sont 
employés à ce titre, des effets exclusivement efficaces, et peu- 
vent même, au contraire , en déterminer souvent de nuisibles, 
La raison en est aisée à déduire ; car, pour qu'ils puissent pro- 
duire des effets avantageux, il faudrait que la propriété spéciale 
dont ils seraient pourvus par leur nature propre, se trouvât 
convenir parfaitement à la circonstance pour laquelle on les 
emploie, et ce n'est jamais qu’aveuglément, au hazard, sans 
consulter ou les indications ou les exigences des cas divers, que 
l'usage en est conseillé , que l’application en est faite ! Par con- 
séquent , considérés dans la manière toute vicieuse dontle vul- 
gaire y a recours, les amulettes qu’on appelle médicamenteux 
ne peuvent pas être plus utiles et ne sauraient guëre ètre moins 
dangereux que les autres, tant par leurs propres effets, obtenus 
à contre-temps , que parce qu'ils détournent de recourir à des 
moyens qui, bien raisonnés dans leur choix et dans leur usage, 
seraient alors, et aussi souvent que possible , capables de pro- 
curer des succès certains. 

Enfin , les amulettes magnelo-électriques (1) sont ceux qui, 
comme les aimans, les barreaux aimantés, les armures métal- 
liques , etc. , peuvent , sous l'influence de l'électricité atmosphé- 
rique et du magnétisme terrestre, ou encore en garantissant les 


(x) « Et de nos jours et sous nos yeux, dit M. Huzanp, dans l'ouvrage 
» précédemment cité, n’a-t-on pas aussi magnétisé nos animaux ? N’a-t-on 
» pas prétendu que cet amulette guérissait le farcin, la morve, le vertige ? 
» N’a-t-on pas cru avoir fait dormir des chevaux ?...» Quise serait attendu 
à voir le mesmérisme jouer un rôle jusque dans de semblables choses? Mais 
ce n’est point de ce magnélisme animal, malgré qu'il soit bien digne de 
prendre rang parmi les amulettes les plus absurdes, que j'ai voulu parler 
dans cet article. 


( 552 ) 

animaux de leurs effets, jouir de propriétés physiques et bien 
réelles ; on peut dans cette classe , relativement à l'hygiène et à 
la médecine vétérinaires, placer les branches de fer dont on 
entoure les vers à soie pour les préserver des effets de l’électri- 
cité; celles que l’on met dans les laiteries pour empêeherde lait 
de cailler dans les temps orageux , et aussi celles que l'on place 
au milieu des œufs sous les poules couveuses , pour empêcher le 
tonnerre de tuer les poussins. L’acuponcture, dont on a fait 
dans ces derniers temps quelque usage en médecine vétérinaire, 
et les toiles cirées que l'on pourrait employer dans quelques 
circonstances particulières, pour isoler la partie malade contre 
l'influence extérieure de l'électricité, etc., sont aussi des procé- 
dés dont l’action ne reconnaît pas une autre source. Nul ne sau— 
rait nier l’activité de semblables amulettes; mais encore ici, 
comme à l'égard de ceux qui sont qualifiés de médicamenteux, 
ils cessent, sous le point de vue médical, d'être des amulettes 
à effets extra-physiques et occultes dans leur action , pour deve- 
nir (exclusivement pourtant dans les mains du médecin vété- 
rinaire assez instrait pour en bien régler l'emploi ), des moyens 
rationnels de traitement, toutes les fois qu'ils sont bien choisis 
autant que convenablement appliqués pour satisfaire aux indi- 
cations pathologiques ou autres des cas pour lesquels on peut ÿ 
avoir recours. 

Ainsi donc, et pour nous résumer, nous dirons qué quoique 
rien ne soit plus illusoire que la croyance aux bons effets des 
amulettes , ils n'ont pourtant que deux mauvais effets constans 
autant que communs , à l'égard de l'usage qu’on en peut faire 
pour les animaux : le premier, c’est d'inspirer une confiance 
trompeuse en des moyens qui détournent d'autant plus inévi- 
tablement d'avoir recours à ceux qui pourraient avoir de l'effi- 
cacité, que, quand on cest , ou assez borné , ou assez superslilieux 
pour employer des amulettes, on ne doute ordinairement pas de 
l'infaillibilité de la puissance particulière dont on s'est plu à les 


( 538 )} 

gratifier ; le second , c’est que les amulettes de tous les genres 
ne profitent qu'à ceux qui les vendent, tandis que dans la plu 
part des cas ils sont on directement, ou indirectement nuisibles 
à ceux qui les mettent en usage, Et malheüreusement il n'arrive 
que trop que les hommes qui , par leur position, par la confiance 
qu'ils inspirent aux habitans des campagnes, par les lumières 
même que leur état suppose, devraient chercher à les prémunir 
contre les erreurs et contre les suites funestes de cette ridicule 
croyance, ne sont que trop souvent , au contraire, ceux qui les 
abusent à ce sujet et qui les abusent, dans quelques cas, uni- 
quement pour cn profiter. À ceux qui ne sont mus en cela que 
par de semblables motifs, que leur dirions-nous qui puisse les 
toucher? Ne sont-ils pas de cette classe d'hommes qui s’avi- 
lissent assez d'eux-mêmes, pour placer leur intérêt avant tout ? 
Aux autres, et nous avons lieu de croire qu'ils forment le plus 
grand nombre, nous leur ferons observer combien il y aurait 
loin de cette conduite justement réprébensible, à ces sentimens 
si nobles et si beaux, à ces sages conseils d’un vertueux et digne 
archevêque français, si bien exprimés dans ces paroles qu'il 
adressait aux curés de sa juridiction , dans un temps de calamité 
publique : « Malheur à celui qui regarderait comme étranger à 
notre ministère un soin quelconque utile au peuple !....., 
C’est à.vous, ..... à éclairer sa dévotion et à la diriger de 
manière que, sans rien perdre de sa ferveur, elle n’aille pas, 
par des pratiques superstitieuses, contrarier les vrais principes 
du christianisme....,... Eu excitant les habitans de votre 
paroisse à obtenir du ciel les salutaires effets de sa miséricorde, 
je ne doute pas que vous ne soyez attentifs à les éloigner de ces 
pratiques superstitieuses auxquelles le peuple, dans de semblables 
occasions , n'est que trop porté à avoir recours. » (1) 


SES 


(1) Lettre pastorale déjà citée. 


(554) 

Peut-il par conséquent rester quelque doute sur la conduite 
que, dans son intérêt bien entendu, devrait tenir tout homme 
raisonnable auquel on pourrait encore proposer de recourir 
avant tout, en fait de conservation des animaux qui sont sa 
propriété , à l'emploi des amulettes ? 


(555) 


PHILOSOPHIE. 


CONSIDÉRATIONS 


SUR LE CARACTÈRE DE LA PHILOSOPHIE AU A9. SIÈCLE , 


Par M. Mauzer, 


Professeur de philosophie au collège royal d'Amiens, Membre correspondant. 


EE) 


3 ocroBre 1034. 


a 


IL existe contre la philosophie deux genres de préjugés non 
moins injustes l’un que l’autre. Les uns la considèrent comme 
un assemblage de questions oiseuses, propres tout au plus à 
exercer les esprits dans la frivole science de la dispute et des 
subtilités scholastiques ; les autres s’obstinent à voir en elle la 
vieille ennemie de ce qu'il y a de plus respectable et de plus saint. 
— Voilà les deux genres de griefs dont on prétend se prévaloir 
contre elle, 

Nous ne craignons pas de le dire, ceux qui soulèvent aujour- 
d'hui contre la philosophie de semblables accusations ne sont 
pas de leur siècle et se trompent d'époque ; ils rétrogradent les 
uns et les autres vers un passé qui ne saurait revenir. 

Nous ne sommes à l'heure qu'il est ni au moyen-âge, ni au 
temps de d'Holbach et d’Helvétius ; nous appartenons au dix- 
neuvième siècle, et c'est ce que paraissent trop oublier les 
hommes qui suscitent à la philosophie de si misérables querelles. 


( 556 ) 

La philosophie , telle que le dis-neuvième siècle la comprend, 
est un besoin sérieux et réel. Notre âge n’est point philosophe 
par fantaisie ou par caprice ; c’est chez lui le résultat d’une loi 
irrésistible , la loi du progrès, qui pousse hommes et choses vers 
la fin que la Providence a assignée à tous. 

Il ÿ a dans la vie des nations deux phases distinctes comme 
dans la vie de l'individu. Au début des années, tout est poésie 
chez l'enfant ; toutes ses facultés entrent en exercice et se déve- 
loppent sans qu'il cherche la raison de ce développement. II 
n'observe pas la vie intellectuelle : il la laisse aller, Plus tard, il 
est vrai, la raison, faisant un retour sur elle-même, se deman- 
dera compte de ses procédés ; mais toujours est-il que la spon- 
tanéité est chez elle le premier moment du développement et 
que la réflexion ne vient qu'ensuite. Eh bien, ce qui est vrai de 
la vie de l’homme observé individuellement l'est également de 
la vie des nations. Les nations ont aussi leur âge de spontanéité , 
leur âge de réflexion; en d’autres termes, leur âge poétique, 
leur âge philosophique. La nôtre a subi, elle aussi, ces deux 
phases : la poésie au moyen-âge, à l'âge moderne la philosophie. 
Il ÿ a bien, si l'on veut , au moyen-âge, des hommes qui s'in- 
titulent philosophes et des doctrines qu'on appelle philoso- 
phiques ; mais ni hommes ni choses ne méritent véritablement 
ce nom; car où n'est pas l'indépendance la philosophie ne sau- 
rait être, ct ce qu'on appelle philosophie au moyen-âge était 
quelque chose de subordonné à une autorité supérieure. La 
philosophie. proprement dite, dans toute la rigueur du mot, 
manque donc à l'époque dont nous parlons; mais en revanche 
le moyen-âge, ce temps de la jeunesse des nations modernes, 
eut sa poésie, suave de coloris et de fraicheur, énergique ct 
vigoureuse comme les ames d'alors, imposante et hardie comme 
ses cathédrales, empruntant à Ja religion ses ailes de flamme et 
sestélans vers le ciel, à la chexalcrie sa {urbulence aventureuse , 


aux caraelères nationaux leur originalité vive et élincelante, 


(557 ) 
Telle fat la poésie de ce moyen-äge, dont il nous reste encore 
tant de choses à connaître. Au commencement du dix-septième 
siècle, de nouveaux, d'impérieux besoins se font sentir. La 
réflexion s'éveille de toutes parts; la vérilable philosophie est 
mise au monde par Descartes, qui réclame poar la raison humaine 
une indépendance absolue: et dès-lors commence le rôle de la 
réflexion, moins brillant peut-être que celui de la poésié, mais 
tout aufrement grave. On sent que l'âge viril à commencé pour 
l'esprit humain , qui fait noble et glorieux emploi de cette faculté 
nouvelle qui s'éveille en Jui. Son inquiète et dévorante sollici- 
tude se porte sur tout ce qui peut être l'objet de son examen : 
beaux-arts, littérature , politique , jurisprudence , la philosophie 
exerce sur tout son contrôle, et à bon droit, car dans l'ordre 
de développement de la pensée humaine tout relève d'elle , 
tandis qu’elle ne relève que d'elle-même: Arrive le dix‘huitième 
siècle avec son allure sceptique et moqueuse , époque dé négation 
qui semble avoir reçu la terrible mission d'en finir avec tout un 
passé et qui remplit à merveille ce rôle de destraction. D'indé- 
pendante qu'elle s'était montrée au siècle précédent , la philo- 
sophie devient hostile à tout ce qui est : mœurs, croyances , 
lois, forme gouvernementale, il n’est rien qu’elle n’attaque et 
ne sape. Deux hommes se partagent le vieux monde à détraire : 
à Voltaire les dogmes religieux, à Rousseau les dogmes politiques. 
Puis, quand ils ont tout miné, tout ébranlé par leurs écrits, 
quand ils ont fait la révolution dans les ésprils, viennent d’autres 
hommes qui la font dans les choses, philosophes d'action plus 
encore que de théorie, colosses puissans de nerfs, terribles d’au- 
dace jusqu'à la frénésie, et qui procèdent par la terreur à Ja 
démolition du passé et à l'édification de l'ordre nouveau. Que 
pouvait devenir la philosophie au milieu de l'ouragan qui em- 
portait toutes choses ? Nécessairement elle devait Participer du 
caractère de trouble et de violence dont tout alors était marqué, 
Ce n'est plus ce langage si imposant de calme et de mesure 


( 558 ) 
comme dans Montesquieu, ni si vif, si spirituel, si brillant comme 
dans Voltaire , ni si puissant de génie et d'enthousiasme comme 
dans Rousseau ; et pourtant le génie et l’enthousiasme ne lui 
manquent point; mais c’est un enthousiasme faribond , un génie. 
poussé jusqu’au délire. La philosophie descend alors, des régions 
paisibles où toujours elle devrait planer, au milieu de la tem- 
pète populaire et des orages de la place publique. Devenue peuple 
elle-même et s’identifiant à tout ce qui est du peuple, elle tonne 
à la Convention, elle hurle à la tribune des clubs, elle délire 
aux fêtes de la Raison. Puis, quand la tourmente révolution- 
naire est ralmée, elle tombe, elle aussi, avec toutes choses, 
dans ce morne et silencieux abattement, qui, pour la pensée 
comme pour les organes physiques, succède inévitablement à 
l’orgie et aux escès; tellement que lorsqu’apparut le Soldat heu- 
reux qui se servit contre la liberté du glaive que la liberté lui 
avait confié contre les ennemis de la France , il trouva la philo- 
sophie muette, paralysée , impuissante comme un cadavre. Elle, 
qui avait ébranlé des croyances de dix-huit siècles et remué 
jusque dans ses fondemens le vieil ordre social , est sans force 
contre un homme né d’hier ; elle se voit par lui muselée, réduite 
à se taire, tournée en ridicule, traitée de folle et de visionnaire. 
Et, à vrai dire, il n'en pouvait être autrement. Les circonstances 
étaient peu favorables pour lui concilier la sympathie des masses. 
Elle, qui ne peut vivre que dans la paix et dans le calme, était 
à tout instant distraite de ses laborieuses méditations par le canon 
de nos batailles et de nos triomphes. Les noms de Marengo, 
Austerlitz, léna , exercaient sur les ames une influence autre- 
ment magique que ceux de Locke et de Condillac , les coryphées 
de la philosophie d’alors. Mais lorsque, suivant la loi des choses 
qui veut que tout ici-bas, même la gloire et le génie, ait son 
expiation , le grand homme eut été précipité de ce trône qu'il 
avait reconstruit sur le bord de l'abime toujours ouvert des ré- 
volutions, la pensée, long-temps comprimée par cette main 


(559) 


puissante , se redressa, et, soit qu'elle l'ignorât, soit qu'elle le 
voulût, la restauration fit à la philosophie une condition meil- 
leure. On la vit alors, cette philosophie, devenue moins exclu- 
sive , accueillir tout ce qu’il y a de raisonnable chez nos voisins, 
et, appuyée sur ces données nouvelles, protester contre les 
exagérations sensualistes de l’âge précédent. L'Écosse et l'Alle- 
magne , l’une si admirable de bon sens , l’autre si supérieure de 
raison, trouvent en France deux éloquens interprètes. Leurs 
doctrines , qu'un patriotisme mesquin et mal entendu avait jus- 
ques-là répudiées, sont accueillies avidement par des esprits 
fatigués des théories désespérantes du dix-huitième siècle. Le 
génie du passé lutta énergiquement contre cette tendance ; mais 
en dépit de ses répugnances et de ses efforts, la victoire fut 
acquise à l’esprit nouveau, et de cette fusion des doctrines écos- 
saises et allemandes avec la saine partie des théories du dix- 
huitième siècle, naquit la philosophie actuelle. En pouvait-il 
être autrement? Assurément, non. C'était chose nécessaire 
qu'après l’époque de dépendance vint pour la philosophie l’é- 
mancipation , après celle-ci l'abus de la liberté, puis le retour 
à la modération et à la sagesse. Maintenant que des jours meil- 
leurs ont commencé pour la philosophie, maintenant qu’elle 
peut tout à l'aise exposer ses théories et produire ses systèmes, 
elle restera d'elle-même dans les limites d’une sage réserve ; 
car l'excès et la licence ne vont qu’à l’esclave qui brise un instant 
sa chaîne pour la reprendre ensuite, tandis que la modération 
s'allie bien avec l’usage fréquent et soutenu de la liberté, 
Maintenant il nous est facile d'apprécier le caractère de la 
philosophie de notre âge. Ce caractère est double : caractère de 
spiritualisme , caractère de conciliation. La philosophie spiritua- 
liste est celle qui croit qu’il ÿ a en ce monde autre chose que de 
la matière , autre chose après cette vie que la tombe et le néant, 
Dans la pratique elle enseigne l’accomplissement du bien, le 
dévouement à la patrie , l'obéissance aux lois et aux chefs char- 


( 560 }) 

gés de leur exécûtion ; l'amour dé tout ce qui est bon et honnête; 
elle‘apprend à sacrifier en toute rencontre la passion à la raison, 
l'intérêt aa devoir. Le second caractère que nous avons à signaler 
dans la philosophie de notre époque est un caractère de conci- 
liation , et ce dernier se manifeste avec une non moins lumineuse 
évidence. En psychologie, par exemple, où sont aujourd’hui les 
théories exclusivement où sensüalistes ou rationalisies, et de 
quelle faveur jouissent-elles ? N’est-il pas vrai qu'elles sont 
tombées dans le plus complet discrédit, et se sont vu remplacer 
par des théories qui ne vont chercher la vérité dans aucun sÿs- 
tème exclusif, mais qui empruntent à {ous les systèmes ce qu'ils 
ont de raisonnable et de légitime ? C’est qu'on a reconnu ; et à 
bon droit, que nul système ne peut se dire en possession de la 
vérité à l'exclusion de tous les autres ; mais qu'une part de 
vérité se trouve dans tous. Voulons-nous un second exemple? 
Dans l'application de la philosophie aux choses de la religion , 
ce même caractère se manifeste. Comment seraient accueillies 
aujourd'hui les prétentions anti-religieuses du dix-huitième 
siècle? Tout porte à croire qu’elles seraient repoussées avec 
dédain si elles essayaient de se reproduire. Loin d’être hostile à 
la religion , la philosophie de notre âge lui emprunte ses touchans 
et sublimes enseignemens ; car si la philosophie parle à la raison , 
la religion parle au cœur , et la philosophie a compris qu'elle ne 
pouvait se séparer de la religion sous peine de mutiler l’homme 
en négligeant un des élémens constitutifs de son être. Si nous 
voulions pousser plus loin la vérification et l'essayer sur les 
beaux-arts, l'histoire, la littérature, les sciences politiques , 
dans chacune de ces sphères encore nous retrouverions le con- 
cours pacifique de la philosophie et son intervention conciliatrice. 

Dans ce rapide exposé nous avons essayé d'esquisser le carac- 
tère de la philosophie telle que dans l’état actuel elle s'offre à 
nos contémplations et à nos études. Nous avons entrepris d’éta- 
blir qu’elle n’est pas une série de questions stériles et frivoles, 


É ( 56r }) 
mais une science grave et sérieuse , féconde en résultats impor- 
tans. Se livrer à l'étude de la philosophie, ce n’est plus tour- 
menter des abstractions plus ou moins ingénieuses ; c’est discuter 
des problèmes qui intéressent puissamment l’homme et la société. 
La philosophie a aujourd'hui un but pratique; ce n’est point 
une science uniquement de théorie, mais encore d'application. 
Sans doute elle doit partir de la connaissance intime de l’homme 
et de ses facultés, ct s'appuyer sur des données psychologiques, 
sous peine de n’aboutir qu’à des hypothèses. Mais, ce point de 
départ une fois adopté, elle ne se contente pas d'étudier les 
facultés de l'homme en elles-mêmes, mais elle les suit encore 
dans leur exércice ét leur application au vrai, au bon, au juste; 
en d’autres termes, elle embrasse tout à la fois non seulement 
les sciences psychologiques , mais encore les sciences morales , 
politiques , sociales. Elle touche à tout ; elle exerce sur tout son 
contrôle et sa juridiction suprème ; mais, redisons-le, ce contrôle 
est tout de conciliation , ct cette influence toute pacificatrice. 
Et par exemple, sans vouloir ici le moins du monde empiéter 
sur le domaine de la politique, le caractère que nous signalons 
n’apparaît-il pas avec la dernière évidence depuis dix-huit annécs 
dans les relations des grandes familles européennes ? N'en est-on 
pas arrivé, ou à peu près, à dénouer pacifiquement des questions 
politiques qui naguère encore n'auraient pu être {ranchées que 
par le glaive ? On ne peut s’empêcher d’apercevoir ici l'influence 
conciliatrice de la philosophie, et de reconnaitre dans ce fait un 
immense progrès moral tendant à substituer dans l'application 
la justice à la force et la raison à la brutalité. Faisons des vœux 
pour que ce même esprit de conciliation, qui a déjà amené de si 
heureux résultats dans les relations des peuples européens, en 
produise de semblables dans les rapports politiques que sou- 
tiennent entr'eux les membres d’une même nation, et vienne 
répandre un peu de clémence et de mansuétude au milieu des 
fureurs et de la violence qui divisent les partis. IL est dans tous des 


36 


( 562 } 
hommes d'honneur et de cœur faits pour s’estimer, non pour se 
maudire ; seulement ils ne se comprennent pas, parce qu'ils se 
rattachent par leurs sympathies à des époques différentes. C’est à 
la philosophie du dix-neuvième siècle qu’il appartient de récon- 
cilier le présent avec le passé et l'avenir. Gette tâche lui est 
réservée à elle seule, parce qu’elle seule saura mettre en lumière 
ce qu'il y a dans chacun de légitime et de bon. Respect et véné- 
ration pour le passé, amour du présent, sympathie pour l'avenir: 
telle est la devise que la philosophie inscrit sur sa bannière ; 
telle doit être aussi la nôtre à tous. Pénétrons-nous de cet esprit 
de conciliation ; mais sachons éviter tout écueil et que la tolé- 
rance ne devienne point de l'indifférence. Je ne me dissimule 
pas que chez plusieurs esprits, très-distingués d’ailleurs, une 
tendance que j'appellerai funeste s’est manifestée. On a voulu 
faire du philosophe un être étranger en quelque sorte à tout ce 
qui se passe autour de lui; on est allé jusqu'à dire qu'au milieu 
des évènemens qui marquent la série des jours bons ou mauvais 
pour les nations et pour l'humanité, le sage doit croiser les bras 
et laisser faire. Pour notre part, nous éprouvons le besoin de 
protester contre une maxime qui nous paraît destructive de tout 
patriotisme et de toute philanthropie. Non, il n’est point d'une 
vraie sagesse de se condamner à cette absolue immobilité , à cette 
apathie toute orientale; ce n’est point là la fin que la Provi- 
dence assigne à l'homme en ce monde. Loin d’être le spectateur 
indifférent et froid des évènemens qui agitent la société, à l’image 
‘du voyageur assis sur la rive qui regarde les flots couler , il doit 
au contraire prendre à ces évènemens unc part énergique , y 
mêler son action, les diriger autant qu'il est en lui; c’est pour 
lui un impérieux devoir de consacrer tout ce qu'il a de vie et de 
force au service de la patrie, et de travailler au bien-être de ses 
concitoyens et des hommes ses semblables , par tous les moyens 
que lui suggèrent la saine raison et les inspiralions de sa con- 


science. La vie doit être pour l'homme et le citoyen une carrière 


(563 ) 

de travail et d'épreuves, non une stérile contemplation. Sans 
doute on a plus tôt fait de croiser les bras et de se laisser aller au 
découragement; mais il est plus noble et plus digne de lutter 
contre les difficultés, dût-on succomber à la tâche, et de pro- 
tester par les œuvres contre le désordre , quelque part qu’il soit. 
Ce sont là les résultats pratiques de la vraie philosophie, telle 
que nous la concevons ; c’est cet esprit à la fois conservateur et 
progressif qui anime ct dirige la philosophie du dix-neuvième 
siècle. 


( 564 ) 


HISTOIRE ET DIPLOMATIQUE, 


—2<—— 


NOTICE 


SUR LES ARCHIVES DE LA CHAMBRE DES COMPTES DE LILLE, 


Par M. le docteur Le Guay, 


Archiviste général du département du Nord, Inspecteur des archives commu- 


nales, Membre résidant. 


5 quin 1835. 


On appelait Chambre des Comptes un tribunal ou plutôt 
une cour souveraine qui était chargée d'entendre et examiner 
les comptes de recettes et dépenses des agens du trésor public. 

Ïl existait dans le moyen âge une Chambre des Comptes à 
Paris pour toute la France. La Bourgogne en possédait une dont 
le siége était à Dijon. On fait remonter à 1385 l’établissement 
de la Chambre des Comptes de Lille, fondée par Philippe-le- 
Hardi, comte de Flandre et duc de Bourgogne, mais il existe 
des chartes de ladite année 1385 qui supposent déjà l'existence 
de la Chambre. On trouve dans les Placarts de Flandre , in-fol., 
Gand , 1639. t. Ler, p. 234 et suiv., une instruction en forme 
d'ordonnance, donnée par le même prince, le 15 février 1385 
(1386), sur la manière de procéder dans la Chambre des Comptes. 
Il résulte de cette instruction que la Chambre avait d'abord 


(565) 

aussi l'administration de la justice et qu'elle exercait un contrôle 
sar les baillis, escouttètes, sergens et autres officiers du pays ; 
«que les baillis et les lois des villes devaient y recourir en cas 
doubteux ; que deux conseillers de la chambre avoient charge 
de recevoir complaintes de tous ceux qui se vouldroient douloir 
des dicts baïllis et officiers ; que s'il y a nobles hommes ou 
Personnes puyssans qui oppriment églises, femmes vefves, pu- 
pilles, povres laboureurs ou aultres personnes misérables, les 
dicts conseillers feront appeler par-devant eulx telz puyssans 
Personnes, et pourvoront aux opprimez de tel remède qu'il ap- 
partiendra (1). » Bientôt on reconnut des inconvéniens à ce que 
le même corps fût chargé tout à la fois de rendre la justice et 
d'entendre les comptes. Une ordonnance de Jean-Sans-Peur, 
donnée à Douai le 17 août 1409, insérée aussi dans les Placarts 
de Flandre, tom. Ler, p.238, crée un conseil spécial pour 
l'administration de la justice et lui assigne pour résidence la ville 
de Gand. 

J'insère dans la note ci-dessous l'acte qui nomme pour l’an- 
née 1355 les personnes chargées de l'audition des comptes (2). 
Le RES A CRAN S LRU PRSPEUR, QAR 

(1) Louis de Male, prédécesseur de Philippe-le-Hardi, avait institué déjà 
l'Audience de Flandre, pour informer des malversations commises par les 
officiers des juridictions inférieures. 

(2) « Ph.e, fils du roy de France, duc de Bourgoingne, conte de Flandre, 
» d'Artois et de Bourg.re, palatin, sire de Salin, conte de Rethel et seign." 
» de Malines, Savoir faisons à tous que nous confians à plain des sens loyaltés 
» et diligences de nos amez et féaulx chlers et conseillrs mess. Colart de le 
» Clite, le doyen de S.t-Donat de Bruges; mess. Jehan de Grispère ; mess, 
» Henri Despierre et Gille du Castel ; yceulx, les quatre ou trois d'icenlx avons 
» comis, ordenez et députez, comectons, ordenons'et députons pour tenir ec 
» oïr ceste fois en n.'c ville de Lille, les comples des baillis et auts noz 
» officiers de n.'° pays de Flandre qui se doivent tenir prochainent, de 


» examiner bien et diligement les dix comptes , et chacun point contenu en 
» iceulx, de les louer, où accepter en ce que sera de raison; les points moins 


( 566 ) 

La Chambre des Comptes de Lille n’étendait d'abord sa juri- 
diction que sur les comtés de Flandre et d'Artois, et sur la 
seigneurie de Malines. En 1421, Philippe-le-Bon comprit aussi 
dans son ressort le comté de Namur dont il venait de faire 
acquisition; et en 1436, il y joignit le comté de Hainaut qui 
lui était échu par la mort de Jacqueline de Bavière. Le receveur 
général des finances de tous les Pays-Bas était aussi justiciable 
de la même Chambre, aussi bien que les receveurs ou collecteurs 
particuliers des villes de Péronne, Montdidier, Roye et autres, 
qui avaient été cédées au duc de Bourgogne, en 1435, par le 
traité d'Arras, et que Louis XI racheta en 1476. 

La Chambre des Comptes formait huit divisions ; savoir : 


La Chambre des finances ; 

La Chambre d'Artois ; 

La Chambre de Namur; 

La petite Chambre de Flandre ; 
La longue Chambre de Flandre ; 
La Chambre de Hainaut; 

La Chambre des villes de Flandre; 
La Tour des chartes. 


J'omets ici l'énumération de la multitude de pièces comp- 
tables qui étaient déposées dans les dix-sept premières salles de 
la Chambre des Comptes, pièces qui sont conservées encore 
avec un grand soin, en raison des documens précieux qu’elles 


» raisonnables ne passables debattre et reffuser et de faire tout ce qui y 
» appartiendra estre fait, come il est accoutumé de ce faire; aux dess. diz nos 
» conseillers, aux quatre outrois d’iceulx ayons donné et donnons plainpouvoix 
» auctorité et mandement spécial, et mandons à tous qui il appartiendra, 
» qu'à nos diz comis et députez aux quatre ou trois d’iceulx faisant, les choses 
» dess. dites obéissent et entendent diligement. Donnée à Gand, le 5.e jour 
» de janvier, l'an de grâce 1385. » A ces lettres pend un sceau en cire rouge 
un peu mutilé et représentant le duc de Bourgogne à cheval. 


(567) 
peuvent offrir sur l'économie publique et privée du moyen-âge 
dans nos contrées. 

Suivant Denis Godefroy, tous les registres contenus dans les 
diverses chambres pouvaient être évalués à dix mille environ, 
sans y comprendre les liasses d'ordonnances, mandemens, lettres 
et acquits, qui sont en quelque sorte innombrables. 


Chambre des Depéches. 


A la suite de la Chambre dite des villes de Flandre, il exis- 
tait une pièce appelée Chambre des Dépéches, où étaient 
conservées les lettres missives, tant originales que minutes, reçues 
et envoyées par les officiers de la Chambre des Comptes. 


Archives particulières des comtes de Flandre, 


Outre les titres dont nous venons de donner ici une idée 
sommaire et qui appartenaient à la Chambre des Comptes pro- 
prement dite, on avait réuni dans le inême dépôt les archives 
particulières des souverains du pays, comtes de Flandre et ducs 
de Bourgogne. Ces archives, qui d'abord avaient été placées 
dans les châteaux de Lille et de Rupelmonde, furent , par ordre 
de Philippe IF, réunies vers la fin du 16.€ siècle dans le ur de 
la Tour des chartes, à Lille. 

Cette importante classe de nos archives consiste en plus de 
12.000 litres originaux, vidimus ou copies anciennes et authen- 
tiques , renfermés dans 92 boîtes ou layettes; ce sont des traités 
de paix et d'alliance, de mariage et de commerce; les testamens 
des comtes et comtesses de Flandre; les lois et priviléges accor- 
dés par les souverains aux provinces et aux villes ; les donations 
faites aux abbayes, chapitres, églises et hôpitaux, Ce sont en un 
mot les originaux de presque tous les actes émanés des souverains 


( 568 ) 
du pays et de divers princes avec lesquels ils étaient en relations. : 
Il est permis de dire que cette collection de chartes est la plus 
riche qui existe en France comme dépôt particulier. 


Cartulaires. 


La plus grande partie de ces actes se trouve transcrite, au 
nombre environ de 3,500, dans 12 Cartulaires qui portent les 
litres suivans : 

Cartulaires de Flandre, au nombre de...,.....,... 

Caunes AP unQut nn, es cee ose aile 


D + 


CM arte NERO. de sue. Dust s/e cle SEE 
Cartultire de NA. Le 0e 4 os ane re paf ns UE 
Castalaire Ale Leon ere sono ss USE 
Ces Cartulaires embrassent l’espace compris entre les années 


819 et 1395. 


Inventaires. 


Enfin les chartes originales et les cartulaires se trouvent 
savamment résumés et analysés dans un bel inventaire chro- 
nologique, dressé par M. Denis Godefroy, dernier garde des 
archives de la Chambre des Comptes ; cet excellent travail, eom- 
mencé au mois de janvier 1782, a été poursuivi, avec autant de 
succès que de persévérance, jusqu’en 1790, et durant cet inter- 
valle de huit années le laborieux archiviste est parvenu à explo- 
rer tous les titres confiés à sa garde, depuis un acte de Childe- 
bert HT, donné en l’an 706 (1) jusqu'à l’année 1314. 

L'inventaire dont nous parlons se compose de cinq volumes, 


(1) Ce titre et tous ceux que M. Godefroy a analysés antérieurement à 
l'année 1068 ne s'étaient pas retrouvés jusqu'ici. Je viens enfin de les 
exhumer d'un monceau de papiers où ils gisaient confondus. On trouvera la 
charte de 706, traduite en roman, à la fin de cette notice, avec l'extrait de 
l'inventaire qui s’y rapporte. J'y releverai en même-lemps une inexactitude 
comnuse, je crois, par le savant Mabillon. 


569 ) 
dont trois sont enrichis de tables alphabétiques fort bien faites (x ). 
L'une des personnes qui furent préposées à la garde des archives, 
après le dernier des Godefroy, voulut continuer cet utile travail ; 
mais il faut convenir qu’elle est restée bien loin de son modèle : 
cette suite de l’inventaire, qui consiste en quatre volumes ets’étend 
jusqu’à l’année 1600, n’est qu'une maigre imitation de l’autre. 
Une seule table générale a été faite pour les quatre volumes. 
Au lien d’être conçue sur le plan de celles qui sont dues à 
M, Godefroy, elle offre un arrangement qui n'est ni com- 
mode ni bien raisonné, Toutefois, malgré de telles imperfections, 
il faut savoir gré à l’auteur de ce travail » du zèle avec lequel il 
s’y est adonné. Son inventaire, tel qu'il est, sera d’une utilité 
réelle pour les recherches; et d’ailleurs il y aura toujours moyen 
de le rendre plus clair et plus explicite. 


Vicissitudes de la Chambre des Comptes et suite chronolo- 
gique des Archivistes. 


La Chambre des Comptes de Lille, fondée, comme nous 
l'avons dit plus haut, vers 1385, avait, dès son origine, 
un dépôt considérable de titres et documens » puisqu’en 1387, 
Pierre Blanchet, maitre des requêtes de l'hôtel, et Thierry 
Gherbode, secrétaire du duc de Bourgogne, dressèrent l'in- 
ventaire de toutes les chartes qui se trouvaient à Rupelmonde. 
En 1399, le même Thierry Gherbode fut nommé garde des 
archives de Flandre , Artois , Rethel, Limbourg, pays d'Ontre- 
Meuse, etc. ; dans l'acte de nomination > Philippe-le-Hardi fixe 


ee rte en lens, ju. Cp Unes 
(1) Le troisième volume ne s'étant Pas retrouvé, on y a suppléé en ras- 
semblant les feuilles du brouillon manuscrit de M. Godefroy , et en les renfer- 


mant dans un porte-feuille. Les tables manquent. C’est un lravail auquel nous 
nous livrerons très-incessamment. Le cinquième et dernier volume est égalc- 
ment dépourvu de tables que nous ayons dû rédiger aussi ayant d'entreprendre 
la continuation des inventaires. 


(570) 
la résidence de Thierry Gherbode à Lille , lui assigne un (rai- 
tement et le nomme à l'avance garde des chartes du Brabant, 
pour l’époque où cette province lui sera échue. 

Après Thierry Gherbode, nous trouvons que Jean de le Rey- 
tule , George d'Ostende et Gérard Numan, furent créés sueces- 
sivement gardes des chartes de Flandre. 

En 1506 cette charge était confiée à Philippe Haneton, qui 
remontra à Philippe-le-Beau, archiduc d'Autriche, qu'ayant exa- 
miné et confronté la situation du dépôt avec plusieurs inven- 
taires, il y manquait divers titres et laycttes. D'après cet avis, 
l'archidue commit, par lettres du 17 septembre 1506, Mathieu 
de l'Épine > Jean Ruffaut, Jean Gommer et Charles de Boulogne, 
pour faire l'inventaire des chartes qui se trouvaient alors dans 
le château de Lille. 

Maximilien d'Autriche, devenu comte de Flandre par son 
mariage avec Marie de Bourgogne, donna, le 22 septembre 1509, 
des ordres aux ofliciers de la Chambre des Comptes pour la 
conservation des Litres et chartes qu'on avait sauvés de l'incen- 
die , jusqu'à ce que l'inventaire füt achevé: il le fut en 1512. 

Le 10 août 1515, l'archidue Charles, depuis Charles-Quint, 
nomma messire Willaume deWalle, garde des chartes de Flandre, 
à la place de Philippe Haneton. Le 15 septembre suivant, quatre 
commissaires, savoir: Jean Caulier, Antoine Meuteney, Jean et 
Guillaume Le Blanc furent nommés pour recevoir tous les titres 
qui se trouvaient dans les châteaux de Lille et de Rupelmonde, 
et pour en faire la remise à Willaume de Walle. Ce fut à cette 
époque que le même prince fit faire dans l'hôtel de la Chambre 
des Comptes les constructions dont nous avons parlé plus haut. 

Guillaume Le Blane fut revêtu plus tard des fonctions de garde 
des chartes, puisque nous voyons que le 31 mai, l’empereur 
Charles-Quint mande aux officiers de la Chambre des Comptes 
de tenir les clefs des chartes déposées au château de Lille, 
attendu que Le Blanc, qui en était le garde, ne pouvait plus 


(571) 

s'en occuper à cause de son grand âge. L'empereur défend en 
même temps à ses officiers de pénétrer dans le dépôt des chartes, 
à moins que d’être au nombre de trois. Le même empereur, par 
lettres du 15 avril 1551, désigne Philibert de Bruxelles pour 
recevoir de Viglius de Zwighem , nommé depuis peu garde des 
chartes de Hollande , tous les titres du trésor de Rupelmonde, 
et les remettre à Hermès de Vinghène, garde des chartes de 
Flandre. 

En 1580, les officiers de la Chambre des Comptes firent 
reconstruire la tour des chartes , par ordre de Philippe I, roi 
d'Espagne, et ce fut là qu’on déposa dès-lors tous les titres 
des anciens comtes de Flandre et méme des ducs de Bourgogne, 
pendant le temps qu'ils possédèrent les Pays-Bas. 

Jusqu'ici nous n'avons pas trouvé les noms des gardes des 
archives depuis Hermès de Vinghène jusqu’à ’époque de la 
conquête de Lille par Louis XIV. C’est une lacune que proba- 
blement nous parviendrons à remplir plus tard. 

L'année 1667 fut signalée par la réunion de Tournai, Lille, 
Douai et autres places à la domination française. Les officiers de 
la Chambre des Comptes suivirent le parti du roi d’Espagne, 
leur souverain, et se retirèrent à Bruges; mais ils ne purent 
emporter tous les titres dont ils avaient la garde (1). 

Denis Godefroy , consciller et historiographe ordinaire du roi, 
fut nommé garde des archives de la Chambre des Comptes, par 
commission du 11 décembre 1668. Un tel choix assura pour le 
reste du 17.° siècle et pour tout le siècle suivant la bonne 
conservation et la prospérité de l’un des dépôts diplomatiques 
les plus importans de l'Europe. Denis Godefroy fut la souche de 


a  , 


(1) Des lettres patentes du 6 octobre 1667 établirent une Chambre des 
Comptes à Bruges, mais par autres lettres du 26 septembre 1681, cette 
chambre fut transférée à Bruxelles. 


(572) 
tous les savans du même nom qui ont été préposés à la garde 
des archives de Flandre. IL mourut en juin 1681, après avoir 
donné au public divers ouvrages estimés (1). 

L'une des opérations essentielles de la gestion de Denis Gode- 
froy fut le triage et l'inventaire des titres qui, sur la demande 
da gouvernement , furent envoyés à Paris et déposés à la biblio- 
thèque du roi. Ces titres étaient divisés en six classes, de la 
manière suivante : | 

1.0 Les titres qui sont relatifs à la France et à la souveraineté 
de nos pays sur la Flandre et l’Artois. 


(1) I fut inhumé dans l’église St.-Étienne de Lille, au-dessous de la 
chaire de vérité. L’épitaphe suivante, composée par le baron de Vuoerden, 
fut gravée sur sa tombe : 


Nomen viri optimi, longævä nec matur& «œtate defuncti, 
Cujuslibet MNEMOZYNH vicem expleat ; 
Dionysius de Godefroy, 

Regius consiliarius et historiographus, 
Gothofredorum de jure meritissimorum filius et nepos 
Jacobi ab nepos hic jacet. 

Majorum gloria exteris gentibus, regi proprià fide inclaruit. 
Accersitus Parisis, atque rationario Belgii Gallici, 
Vulgo Cameræ computuum præpositus 
Munus arcanum, munus fiduciä plenum , 

Summä humanitate , peritid, sedulitate, per annos XIII exercuit, 
Principi, publico, privatis 
Indagatione jurium regiorum , et officioso labore obsecutus; 
Senium longius cum virtus, mens bona, bonorum vota præsagirent, 
Insulis, tertio idus junias MDCLXXXTI, extinctus est. 
Quietem æviternam, lector, apprecare. 


Nicexon a inséré l'éloge de Denis Godefroy dans le 17. volume de ses 
Mémoires , qui contient également des notices sur son aïeul Denis Godefroy, 
son père Théodore et son oncle Jacques Godefroy. 


(573) 

2.° Ceux qui regardent les rois de France , leurs mères , enfans, 
frères , oncles et neveux. 

3.° Les bulles et brefs des papes. 

4.0 Les titres qui intéressent les empereurs chrétiens de Cons- 
tantinople et d'Allemagne, les rois de Hongrie , de Bohéme et de 
Suède, les électeurs et princes de l'empire , quelques rois de 
Sicile, Naples, Castille, Navarre ; Arragon ct Portugal ét les 
ducs de Venise. 

5.0 Ceux qui concernent les rois d'Angleterre , Écosse et Danc- 
marck, la Castille et l’Arragon ; quelques princes de la maison 
d'Autriche ; les villes de Besancon, Tournai , Cambrai et la pro- 
vinee de Flandre. 

6.0 Et enfin ceux qui regardent les évêques, chapitre et ville 
de Liége. 

L'ordre chronologique a été observé dans toutes les parties 
différentes de ces inventaires. 

Le 15 juillet 168r, Jean Godefroy, fils de Denis, écuyer, 
seigneur de Maillart, conseiller du roi , fut nommé directeur et 
garde des archives de la Chambre des Comptes, cn remplace- 
ment de son père ; il fut employé aussi aux conférences pour le 
règlement des limites après le traité de Nimèguc, de Riswick b 
d'Utrecht et de Baden. 

On lui doit deux nouvelles éditions des M émotres deComines, 
que Denis son père avait déjà publiés en 1649 avec des pièces 
justificatives. 

Ma aussi fait imprimer les lettres de Louis XII > des notes sur 
la satire Menippée et un volume intitulé Conférences et Traité 
conclu à Lille le 3 décembre 1669. H mourut à Lille le 23 fe- 
vrier 1732. Tandis que Jean Godefroy remplissait les fonctions 
d’Archiviste de la Chambre des Comptes, Louis XIV voulut 
reconstituer à Lille cette Chambre, qui de fait se trouvait sup 
primée par l'émigration de ses officiers à Bruges, après la 
conquête de Lille en 1667, bien qu'un article de la capitulation 


(574) 

leur eût garanti expressément la conservation de leurs charges 
et de leurs privilèges. La Chambre des Comptes de Paris fit des 
démarches pour empêcher que cette institution fût confirmée , 
et le roi, cédant aux représentations qui lui étaient faites, ne 
donna pas suite à l’édit qu’il avait porté en 1690. L'année sui- 
vante il institua à Lille un Bureau des finances , auquel il donna 
la plupart des fonctions de l’ancienne Chambre. 

À Jean Godefroy succéda son fils Jean-Baptiste-Achille, qui 
occupa ce poste jusqu’à sa mort, arrivée en décembre 1799. 
Louis XV s’étant rendu maître de Bruxelles le 2 février 1746, 
J.-B.-A. Godefroy y fut envoyé pour examiner les titres, registres 
et papiers qui pouvaient concerner les possessions francaises ; il 
en fit remplir huit caisses qui furent envoyées à Lille et y res- 
tèrent ; d’autres furent transportées à Paris. 

Denis-Joseph Godefroy, fils du précédent, né le 5 juillet 
1740, fut nommé pour succéder à son père le 11 janvier 1760. 
Il n'avait donc pas 20 ans lorsqu'on lui confia la garde de ce 
riche et précieux dépôt ; mais élevé au milieu des travaux diplo- 
matiques et initié de bonne heure aux bonnes et salataires tradi- 
tions qu'avaient laissées ses ancètres , il se montra bientôt leur 
digne successeur. 

Plusieurs conférences s'étaient déjà tenues pour régler les 
limites respectives de la France et des Pays-Bas autrichiens, et 
toujours elles avaient été sans succès ; elles furent enfin reprises 
par suite d’une convention conclue le 16 mai 1769, entre le 
duc de Choiseul, ministre de France, et le comte de Mercy- 
Argenteau, ministre impérial. 

L'article 38 portait 1.° que chacune des deux parties resterait 
en possession des titres et documens communs aux lieux et pays 
appartenant à l’une ou à l’autre; 2.0 que si, parmi les titres 
originaux transportés en France dans la guerre par le traité 
d'Aix-la-Chapelle, 1748, il s’en trouvait qui fussent communs 


aux deux puissances , les originaux seraient restitués à l'impé- 


(575 ) 
ratrice-reine ; 3.0 que les titres et documens qui inléresseraient 
exelusivement les possessions et les droits d’une des deux puis- 
sances resteraient au pouvoir de celle qu'ils concerneraient. 

Trois mois après l'échange des ratifications , les deux souve- 
rains nommèrent des commissaires pour se rendre à Lille, Douai, 
Bruxelles, Luxembourg, Metz, Nancy, Mons et Tournai, et y 
procéder à l’extradition des titres, papiers et documens men- 
tionnés dans le traité. Le comte de Winants, garde des archives 
du Brabant, fut désigné par le gouvernement des Pays-Bas ; 
Frederick Pfefen. jurisconsulle du roi au département des 
affaires étrangères, et Denis-Joseph Godefroy furent les commis- 
saires du gouvernement français : l'acte qui les institue en cette 
qualité est du 3 novembre 1769. 

Ils commencèrent par examiner les caisses venues de Bruxelles 
à Lille. Le procès-verbal de la remise fut signé le 15 juin 1770. 

L'opération à laquelle ils se livrèrent ensuite fut beaucoup 
plus longue et plus importante. Il s'agissait d'effectuer le triage 
des archives de la Chambre des Comptes, de vérifier tous les 
actes diplomatiques et les titres domaniaux que renfermait la 
Tour des chartes, 

Ce travail ne fut achevé et le procès verbal signé que le 
14 novembre 1771. Des expéditions de ces actes furent, en jan- 
vier 1772, adressées au duc d'Aiguillon, ministre des affaires 
étrangères. Le prince évèque de Liége, persuadé qu'il se trou- 
vait dans les archives de Lille et dans d’autres dépôts français 
des titres et papiers qui pouvaient concerner les pays de sa 
domination, s’adressa au roi pour en obtenir la remise. Gode- 
froy fut nommé seul , par lettres patentes du 8 avril 1773, 
pour faire ce travail avec le chv.cr d'Heusy, ministre de Liége 
à Paris. Quelques années plus tard , Louis XVI ordonna à son 
garde des sceaux de faire continuer les grands travaux litté- 
raires commencés par les bénédictins et d’autres savans, pour 
parvenir à la connaissance parfaite de l'histoire et du droit 


(576 ) 
public de la France. Le ministre, M. de Miroménil, nomma pour 
diriger ces travaux un Comité des chartes, dont les séances se 
tenaient tous les 15 jours au ministère. 

Denis-Joseph Godefroy fut dès-lors chargé particulièrement 
de faire un inventaire détaillé des titres anciens dont la garde 
lui était confiée. Trois commis nouveaux lui furent donnés aux 
frais de l’état pour l’aider dans ce travail extraordinaire. Il se 
mit à l’œuvre au mois de janvier 1782. 

Cet inventaire peut et doit étre considéré comme un modèle 
du genre. Voici comment procède toujours le judicieux et infa- 
tigable rédacteur : sur la inarge gauche, indication en chiffres de 
la date du diplôme; sur la marge droite, désignation de l’éta- 
blissement ou du particulier en faveur de qui l’acte est délivré, 
avec indication du lieu principal nommé dans le corps du titre. 
L'analyse succincte de la charte et la désignation des personnes 
rappelées comme témoins sont précédées de l'indication du lieu , 
du jour et de l’année où le titre a été délivré , sans omettre les 
noms et qualités du prince ou autre personnage de qui émane 
ce titre. L'auteur indique en outre si la charte est originale ou 
si ce n’est qu'une copie ; si elle est sur parchemin ou sur papier ; 
si elle est on non scellée, ét enfin si elle est inédite ou si elle a 
été publiée. Dans ce dernier cas il cite scrupuleusement l'ou- 
vrage , le tome et la page où elle se trouve. Geux qui ont quelque 
idée des recherches de ce genre pourront se figurer combien un 
pareil travail a dû coûter de soins, d'attention et d'étude; or, 
Godefroy, dans l’espace de moins de huit ans, est parvenu à 
analyser ainsi tous les diplômes de la Chambre des Comptes, 
depuis l'année 706 jusqu'en 1307 inclusivement; cet inventaire 
se compose, comme il a déjà été dit, de cinq volumes énormes, 
dont les doubles ont été transportés à Paris et déposés à la biblio- 
thèque du roi (*). Le talent et le zèle que montra Godefroy dans 


ee —— 


(*) Le comtedeSt.-Genois, à qui M. Godefroy avait obligeamment commu- 


( 577) 


cette circonstance furent appréciés par le gouvernement, et il 
fat fait de lui un éloge tout particulier dans un mémoire imprimé 
en 1787 par ordre du roi (1). Les Etats d'Artois prièrent le Garde- 
des-sceaux de charger Denis Godefroy de faire aussi l'inventaire 
des chartes de cette province, qui gisaient dans un grenier, en 
proie au plus grand désordre. Des lettres-patentes furent déli- 
vrées à cet effet le 2 février 1786; et à l’époque de la révolution, 
Godefroy avait achevé le premier volume des chartes d'Artois, 
commencant en 1102 et finissant en 1287. 

En 1790 le garde-des-sceaux et le contrôleur-général des 
finances firent suspendre ces travaux. En 1791 le laborieux 
archiviste fut obligé de quitter un établissement auquel sa 
famille s’était consacrée depuis plus d’un siècle; il émigra en 
septembre 1792 avec toute sa famille. 


Conservation des archives à l'époque de la révolution. 


Dès-lors les archives cessèrent d’avoir la même importance 
aux yeux du gouvernement, L’un des commis que Godefroy avait 
appelés à le seconder, le sieur Ropra , fut chargé de veiller à la 
conservation de ce dépôt, en attendant qu’on sût au juste ce 
qu'il fallait en faire. Le nom de cet honnête employé ne doit 
pas rester dans l'oubli. Sans lui, sans les soins désintéressés 
qu'il donna à l'établissement , sans les énergiques réclamations 


niqué son inventaire, l'a publié sous le titre : Monumens anciens essentiel. 
lement utiles à la France, etc., in-folio, sans date, r.r° partie, imprimerie 
de Saïllant, à Paris; 2.° partie, imprimerie de L, Danel, à Lille. St.-Génois a 
cru pouvoir écourter un peu ce beau travail; mais ce qu’il faut surtout lui 
reprocher, c’est d’avoir supprimé les belles tables des matières qui enrichissent 
les tomes r, 2 et 4 de l'inventaire. 

(x) Ce mémoire a pour tite Progrès des travaux littéraires ordonnés 
par le roi. In-quarto , Imprimerie royale, 1787. 


37 


( 578 ) 

qu'il ose faire entendre, il est à croire que nos archives, les plus 
importantes de la France après celles de Paris, n'existeraient 
plus aujourd’hui. 

Peu de jours après l’émigration de M. Godefroy, la ville de 
Lille fut assiégée par les troupes impériales; les bombes écla- 
tèrent plusieurs fois sur les bâtimens de la Chambre des Comptes 
et y causèrent des dommages qui ne se répareront jamais. Pour 
prévenir ou arrêter les progrès de ces incendies partiels, on 
jeta une multitude de papiers dans la cour et le jardin, et ceux 
qui survécurent à cette terrible épreuve furent après le bom- 
bardement rejetés et entassés pêle-méle dans diverses salles. 

Une loi du 24 juin 1792 ordonnait de brûler tous les papiers 
qui faisaient mention de titres de noblesse. C'était proscrire en 
masse {ous les documens de notre histoire nationale. Des ordres 
pour l'exécution de cette loi frénétique furent signifiés au 
gardien des archives, Ropra. Deux commissaires, nommés Top 
et Salmon, se mirent à l’œuvre et arrachèrent, dans les 79 
volumes des chartes, tous les actes qui conféraient quelque 
titre de noblesse. Ropra se permit d'adresser quelques repré 
sentations au ministre Garat, qui tenait alors par intérim le 
portefeuille de l'Intérieur. La correspondance qui s'établit à 
cette occasion entre le Ministre et le dépositaire de nos archives 
est curieuse; elle appartient à l’histoire ; il est de mon devoir 
de la consigner ici. Toutefois je crois inutile d'insérer la pre- 
mière lettre de Ropra, dont le sujet est suffisamment expliqué 
dans la réponse que voici : 


«Paris, le 27 février 1793, an II de la république. 
» Le ministre de l’intérieur par intérim au citoyen Ropre. 


» Vous m'observez par votre lettre du 14 de ce mois que les 
lois des 19 août et 3 octobre 1792 paraissent concerner les 
Chambres des Comptes supprimées par l'Assemblée constituante, 
et vous ne croyez pas qu'elles puissent être applicables à la 


CS) 

Chambre des Comptes de Lille, qui a cessé, dites-vous, ses 
fonctions depuis près de 150 ans ; que les archives de cet ancien 
tribunal renfermant nombre de pièces qui peuvent intéresser 
différents établissemens, il serait nécessaire d'en faire faire l’exa- 
men par des personnes qui aient l'habitude de lire les anciennes 
écritures, et qui connaissent l’ancien droit public, la consti- 
tution , les droits et la situation des différentes provinces des 
Pays-Bas, pour pouvoir décider s’il peut résulter quelque avan- 
tage de leur conservation. 

»Je ne vois dans les papiers de l’ancienne Chambre des Comptes 
de Lille rien à conserver que ce qui peut établir des créances 
de la nation envers des comptables ; et cette vérification ne me 
parait pas devoir exiger des recherches ni longues, ni pénibles. 
Tous les papiers anciens et d'écriture gothique ne doivent, là 
comme ailleurs, être que des titres de féodalité , d’assujettisse- 
ment du faible au fort, et des réglemens politiques heurtant 
presque toujours la raison, l'humanité et la justice; je pense 
qu’il vaut mieux substituer à ces vieilles et ridicules pape- 
rasses la Déclaration des droits de l’homme. C'est le meil- 
leur titre qu'on puisse avoir. Je vous engage donc à vous con- 
former à ces observations ; agir dans d’autres principes ne serait 
pas de votre part se montrer digne de la confiance qui a déter- 
miné le choix que l'administration a fait de vous. 


» Signé, GAraAT. » 
À cette missive étonnante Ropra répondit : 
« Lille, le 2 mars 1793, an II. 


» Lorsque j'ai sollicité de votre prédécesseur la place de garde 
des archives de la Chambre des Comptes de Lille, c’était dans 
la supposition que ces archives étaient utiles à la république. 
Ma commission me charge de veiller à la conservation da dépôt 
qui m'était confié: c’est pourquoi j'ai cru devoir vous prévenir 


( 560 ) 
des dégâts que le commissaire de la comptabilité, celui da 
département et leurs manœuvres y avaient commis. Je vous ai 
observé'en même temps qu’on ne devait pas prendre des aveugles 
pour juger les couleurs; vous me paraissez être d'une autre 
opinion, puisque, sur le témoignage d’un administrateur de la 
comptabilité qui ne connaît pas plus le prix des antiquités 
diplomatiques que le coq de la fable ne connaissait celui du 
diamant qu'il avait trouvé, vous décidez qu'il #}y a dans les 
papiers de l’anciene Chambre de Lille rien à conserver, et 
vous ordonnez la destruction de ces archives nationales, peut- 
être les plus intéressantes que la République possède. Je n'ai 
aucun moyen pour empêcher l'exécution de cette résolution 
meurtrière ; ainsi je remettrai les clefs de ce dépôt aux personnes 
qui seront chargées de le supprimer. En recommandant à ces 
charticides de n’épargner aucun papier ancien et d'écriture 
gothique, vous pouvez être assuré que vos intentions seront 
remplies de la manière la plus complète, et qu'ils n’y laisseront 
rien, si ce n’est peut-être des inventaires auxquels il faudra 
bien faire subir le mème sort, puisqu'ils ne pourraient servir 
qu'à faire connaître et-regrelter des pertes irréparables. J'espère, 
citoyen ministre, que vous voudrez bien me permettre de ne 
prendre aucune part à celte opération qui n'est comparable 
qu'à l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, et qui ne me 
paraît nécessitée par aucun motif raisonnable. Car quand il 
serait vrai que ces papiers anciens el gothiques ne seraïent 
que des titres de féodalité, d'assujettissement du faible au 
fort , et des règlemens politiques heurtant presque toujours la 
raison , l'humanité et la justice , je pense qu'on devrait encore 
les conserver comme des monumens propres à faire aimer la 
révolution. Mais lorsque l’on considère que ces titres contien- 
nent la preuve de l'amour que les Belges ont toujours eu pour 
la liberté et l'égalité; qu'ils attestent l'existence dans ces pays, 
il y a plusieurs siècles, d'une constitution très-approchante de 


( 581 ) 
la nôtre ; alors ils deviennent infiniment chers à tous les êtres 
pensans et sentans. 

» Ce dépôt était encore intéressant du côté de l'avantage maté- 
riel qu'il pouvait procurer à la nation. J'avais commencé un 
travail sur les domaines engagés; mais je ne le pousserai pas 
plus loin et je l’adresserai au directoire du département tel qu'il 
est. Je me proposais d’en faire un autre sur les titres primitifs 
qui peuvent assurer à la nation la perception ou le rachat des 
droits féodaux. Ces recherches étaient commandées par diffé- 
rentes lois et désirées par l'administration des domaines; mais 
comme elles doivent porter sur des pièces qui, ayant le malheur 
d'être anciennes et d'écriture gothique, sont annihilées par 
votre lettre du 27 février, elles deviennent désormais inutiles 
et impossibles, 

» Vous conviendrez, je crois, citoyen ministre, que votre ordre 
destructeur va priver la République de ressources pécuniaires 
bien nécessaires dans les circonstances actuelles. Il est vrai que 
la suppression des archives et même des bibliothèques nationales 
peut l’en dédommager par la vente des papiers, parchemins et 
livres , et par celle des bâtimens qu'occupaient ces établisse- 
mens gothiques. Elle profitera encore des traitemens de garde, 
et il ne lui en coûtera pour remplacer tout cela que quelques 
exemplaires de la Déclaration des droits de l’homme. Assu- 
rément c’est une belle invention que la substitution de /a Deécla- 
ration des droits aux chartes, aux titres et aux livres. Vous 
faites de cette déclaration la science universelle, et je ne sais, 
ciloyen ministre, comment les pauvres hommes pourront recon- 
naître une découverte aussi importante. 


» Signe’, Rorra. » 


Garat eut alors le mérite de ne point s’offenser de la hardiesse 
du commis des archives. Un peu ébranlé par les raisons solides 
et peut-être par l'accent d’indignation de Ropra, ilécrivit en 
ces termes aux Administrateurs du département. 


( 82 ) 
« Paris, le 15 mars 1793, an Ile. 


» Le ministre de l'interieur par intérim aux citoyens Admi- 
nistrateurs du département du Nord. 


» Je vous fais passer une lettre du citoyen Ropra, relativement 
à la conservation de vieux papiers qu'il croit être de la plus 
grande importance ; je vous prie de lui demander communica- 
tion de ma lettre du 27 février à laquelle répond celle de cet 
archiviste, et de vous procurer, soit par lui, soit par vous-mêmes, 
des éclaircissemens qui vous mettent à portée de me faire par- 
venir sur cet objet votre avis, dont je désire éclairer mon opinion 
avant d’asseoir définitivement aucune résolution à cet égard. 


» Signe, Garar. » 


Les Administrateurs du Directoire séant à Douai prirent 
Pavis des administrateurs du district de Lille, que ceux-ci don- 
nèrent dans les termes suivants: 


« Lille, le 3 juillet 1793, an II. 


» Les Administrateurs du Directoire du District de Lille, aux 
Administrateurs du Directoire du Département du Nord. 


» Citoyens, nous vous renvoyons la lettre du ministre de l'in- 
térieur, en date du 15 mars dernier, ainsi que celle écrite le 2 
du même mois à ce ministre par le citoyen Ropra, en réponse à 
la sienne du 27 février précédent, dont nous joignons ici une 
copie certifiée dudit Ropra. 

»Nous pensons que la conservation des archives de la Chambre 
des Comptes de cette ville, qui fait l'objet de ces différentes 
lettres, ne peut qu'être avantageuse à la République en général 
et aux habitans de notre département et des départemens voi- 


(:583 ;) 
sins en particulier. Pour vous en convaincre, citoyens administra- 
trateurs, nous nous bornerons à vous observer qu'après que ce 
dépôt sera purgé de la masse énorme de registres, titres et pièces 
qui ont été jugés inutiles par vos commissaires et celui de la 
comptabilité , il sera encore considérable ; voici en bref l’'énumé- 
ration des différentes espèces de titres dont il sera composé. 

» Les comptes des domaines nationaux dans les ci-devant pro- 
vinces de Flandre, Hainaut, Artois et Cambrésis; ceux des 
recettes générales de Flandre, Artois et Hainaut. 

» Ces comptes sont intéressants en ce qu'ils peuvent faire con- 
naître les domaines nationaux qui ont été arrentés ou engagés. 

» Ce dépôt renferme encoreplusieurs cartulaires et quatre-vingts 
registres, dits des chartes, qui contiennent , entr’autres, des 
lettres d’arrentement, d’inféodation, éclissement de fiefs et 
autres titres primitifs propres à assurer à la nation ou aux par- 
ticuliers la perception des droits féodaux. 

» Des dénombremens antérieurs à la réunion de la ville de Lille 
à l'empire français , et tous les dénombremens originaux reçus 
par le bureau des finances de Lille. Il n’est pas inutile de remar- 
quer que les expéditions de ces dénombremens qui étaient con- 
servés au bureau des finances ont été supprimés par vos com- 
missaires au mois d'octobre dernier. 

» Enfin les archives des anciens souverains des Pays-Bas se 
trouvent dans ce dépôt ; et si ces archives sont indifférentes du 
côté du profit qu’elles peuvent produire, elles sont infiniment 
intéressantes du côté des lumières qu'elles peuvent répandre 
dans l'histoire. 

» Nous espérons que vous jugerez comme nous que ce dépôt 
mérite d’être conservé ; nous vous prions d'engager le ministre 
à prendre les mesures nécessaires pour cet teffet. Veuillez bien, 
citoyens administrateurs, rappeler au ministre qu'il doit fixer 
le traitement du garde de ces archives; il y a plus de quatre 
mois que neus vous avons adressé notre avis à ce sujet. Si on 


(584 ) 

veut retirer de ce dépôt l'utilité dont il est susceptible, il est 
nécessaire d’y rétablir l’ordre qui a été totalement dérangé par 
le bombardement, et on ne peut y parvenir que par un travail 
long, pénible , rebutant et dispendieux; or, on ne doit pas exi- 
ger du citoyen Ropra qu'il entreprenne cette opération, tant qu’il 
sera incertain sur son sort et même sur l’existence du dépôt dont 
on lui a confié la garde. » 

Suivent les signatures. 


Il paraît que le ministre ne répondit plus et que les archives 
furent épargnées. On prit un terme moyen entre leur destruction 
totale et leur entière conservation. D’après un ordre supérieur, . 
il se fit un triage de titres et de papiers qu'on jugea inutiles; 
on vendit à l’encan une masse de parchemins qui produisit une 
somme de 80,000 francs (en assignats peut-être ) et l’on envoya 
à l’arsenal, pour le service militaire , 300 voitures de papiers. 

Au mois de pluviôse an IT, Ropra fut placé dans un bureau, 
à Paris, et l'administration du district de Lille confia le dépôt 
des archives à M. Philibert-Joseph Poret, ancien bénédictin de 
la congrégation de St.-Maur, successivement archiviste de Saint- 
Valery-sur-Somme et de Samer-en-Boulonnais. 

Ce nouvel archiviste était à peine en fonctions que des com- 
missaires se présentèrent dans les salles de l'établissement pour 
biffer tous les écussons, chiffres ou devises qui pouvaient s’y 
trouver. Afin d'opérer plus à l'aise ils bouleversèrent tout. Un 
quidam , qui se disait commandant de la citadelle , intervint au 
milieu de ce désordre, s’empara des armoires et boiseries qui 
garnissaient les greniers et jeta au vent tous les papiers qui lui 
tombèrent sous la inain. Poret s’efforçait de réparer tous ces 
désordres, quand le comité révolutionnaire de Lille jugea à pro- 
pos de venir prendre possession du local de la Chambre des 
Comptes; alors il fallut faire place à ce redoutable tribunal; 
de là nouvelle confusion, nouveaux dégats. 


( 585 ) 

Au mois de nivôse an III, ce fut une commission militaire ou 
conseil de guerre qui s'installa à son tour au milieu de ces tristes 
archives, qui ne furent pas plus ménagées que précédemment. 

M. Poret, quand des temps meilleurs lui permirent de tra- 
vailler paisiblement, s’attacha à continuer le travail de Denis- 
Joseph Godefroy, qui était comme nous l’avons dit, resté à 
l’année 1307, fin du cinquième volume, pour lequel il n’a point 
été fait de table. L'inventaire de Dom Poret, qui devait com- 
mencer à l'an 1308, ne date que de 1314, de sorte qu'il présente 
dès le début une lacune de six années. Nous avons dit plus haut 
au paragraphe des inventaires combien le travail de M. Poret 
est inférieur à celui de M. Godefroy. 


Translation des archives. 


L'hôtel de la Chambre des Comptes ayant été aliéné 
pendant la révolution, les papiers qui s’y trouvaient furent 
transportés dans les greniers de la mairie, où ils furent amon- 
celés plutôt que déposés. En l’an 12 , le département obtint que 
les bâtimens de l’ancien Lombard fussent mis à sa disposition, 
et ce fut alors que l’on plaça dans ce nouveau local tout ce 
qui, de nos archives, est échappé au vandalisme et au malheur 
des temps; là, on a commencé à rétablir un certain ordre à la 
faveur des salles nombreuses qui composent cet ancien Mont- 
de-Piété. Toutefois il est certain que, sous le rapport de la 
sûreté et de la bonne conservation du dépôt, ce vaste local laisse 
encore bien à désirer. Deux grands établissemens industriels 
sont pour ainsi dire contigus à l'hôtel des archives, et la na- 
ture de ces établissemens les expose au danger de l'incendie, 
Un laboratoire de chimie se trouve placé dans l’hôtel même, 
au rez-de-chaussée. Le bâtiment n’est muni ni de paratonnerre 
ni de pompe à incendie. D'ailleurs, ce local, tout vaste qu'il 
est, est devenu trop exigu , depuis qu’en 1827 on a transféré 
dans notre dépôt douze voitures d'archives provenant des bu- 


. 


( 586 ) 
reaux de la préfecture. Cette nouvelle accumulation de papiers, 
d'autant plus importants et plus souvent consultés qu'ils appar- 
tiennent à l'administration contemporaine, est venue ajouter 
encore à l'espèce de confusion qui résultait de l'encombrement 
d'archives si diverses dans le même emplacement. 

Quoi qu'il en soit, si le Conseil-général, d'accord avec l’auto- 
torité administrative , est pénétré comme elle de l’urgente néces- 
sité de classer, inventorier et explorer utilement le dépôt inap- 
préciable que possède le département , l'archiviste de son côté 
ne reculera pas devant les difficultés et les labeurs dont se trouve 
hérissée la carrière où il vient d'entrer. Encouragé par d'hono- 
rables suffrages, stimulé par l'exemple que lui ont laissé les 
Godefroy , ces hommes dont on ne saurait assez louer la patience, 
l’activité, le zèle consciencieux et la haate érudition , il consa- 
crera tout ce qu'il a de moyens et de santé à l’accomplisse- 
ment des devoirs qu'il s’est imposés. 

La Chambre des Comptes, objet de la présente notice, ne 
forme aujourd’hui qu'environ la dixième partie de nos archives : 
c'est dire combien elles sont immenses ; il sera rédigé des notices 
semblables pour les autres sections du dépôt. 


( 587 ) 
SPÉCIMEN DE L'INVENTAIRE DES ARCHIVES DE LA CHAMBRE DES COMPTES, 
rh 
Abbaye de Saint-Denis. — Solesmes-en-Hainaut. 


« À Confinuse, le 12 mars lan 12 du règne de Childebert 
IIT , ce qui revient à l’année 706. — Lettres par lesquelles ce 
roi donne à l'abbaye de St-Denis, en France , villam appeke 
Solesmes , dédiée à St.-Martin, dans le quartier de Famars, 
près Valenciennes, sur le fleuve de Save » avec tout ce qui ap- 
partient ; dont Maldagis, son serf, était gardien. 

» Le roy a signé cette charte, et Bralamo, chancelier , l’a 
souscrite, 


» Cette pièce se trouve ‘dans un rouleau de 
plusieurs bandes de parchemin avec d’autres 
pièces qui sont mises à leur date. 


» À Ja suite se trouve la traduction française de cette charte. 


» Imprimé dans Mabillon, Diplomatica, page 
481; Miræus, Diplomat. Belg., tome I, page 244; 
Histoire de St-Denis , par Doublet, page 688; 
Annal. Ecclesiast., Coint, tome IV, page 447; 
et Recueil des Historiens de France, tome IV, 
page 682. » 


Le texte de cette charte a été publié, comme on le voit ci- 
dessus, par plusieurs écrivains, et entr’autres par Mabillon qui 
l'a restitué d’après un original reposant aux archives de St. 
Denis. Toutefois, comme ce texte présente ici des différences 
notables avec les diverses leçons imprimées, j'ai cru devoir le 
reproduire dans toute sa barbare simplicité et sans prétendre 


lui attribuer plus d'autorité que n'en mérite une copie ancienne. 


(588) 


Quant à la version romane , je ne sache pas qu'elle ait jamais 


été mise au jour ; elle est curieuse en ce qu’elle montre com- 


ment on traduisait les actes anciens à l’époque où le latin cessa, 


même dans les transactions légales, d'être l’idiome exclusif, Je 


la crois de la fin du 13.e ou da commencement du 14. siècle. 


TexTe LATIN. 


« Chilcedebertus, rex Francorum, vir illustris. Si aliquis ad 
loca sanctorum vel monasteriorum que pro opportunitatis 
locis sanctorum ptinent pstamus vel concedimus, hoc nobis 
ad Jlaudem vel ad etnam retributionem in Dei noie pvenire 
cofidimus. Igitur cognoscat magnitudo seu utilitas vestra quod 
nos villa nostra, nocupante Solemio , que ponitur in pago 
Falmartinse, super fluvium Save unà .cum omne messeto , 
vel adjacentias suas quicquid fiseus noster, tam de Graranigä 
quäm de Romerterié (1) ibidem tenuit, vel de quolibet at- 
tractum ibidem possedit ; etiam et oratorio illo ad Crucem (2) 
que subjungit ab ipso termino de ipsà villà So/emro, que est 
constitutus in honore S.% Martini cum omnibus rebus, quic- 
quid ibidem aspiciunt ubi Madelgiselus, servus noster, custos 
præesse videtur, id est tam terris, domibus , ædificiis, acco- 
lubus, mancipiis, vineis, sylvis, campis, pratis, pascuis, 
aquis, aquarumve decursibus, pecculiis, præsidiis gregis 
cum pastoribus, farinariis, mobilibus et immobilibus, re 
exquisità , ad integrum , ut diximus, quidquid ad ipsain villam 
videtur, et usque nunc ibidem fiscus noster fuit à basilicä 
domni Dyonisii, martyris ubiipse pretiosus dominus in corpore 


(x) Mabillon, qui n’a pulire ces deux mots dans l'original, les a laissés en 


blanc. Romerteria est peut-être Romeries, village voisin de Solesmes, 


{2) Croix, autre village des environs de Solesmes. 


D 


4 


( 589 ) 


requiescit, ubi venerabilis virThayledus, (1) abbas, præesse vide- 
tur, ut diximus , cum omni integritate , ad ipsain villam per- 
tinente vel aspiciente , plenâ et integrà gratià, jure proprie- 
tario, sub emunitatis nomine , cum omnis redubitionis sibimet 
concessas ad opus ipsius domni Dyonisii velomni congregatione 
suà ibidem consistente visi fuimus concessisse. Aded præsente 
præceptione decernimus ordinandum quod in perpetuum vo- 
lumus esse mansurum ut neque vos, neque juniores, seu suc— 
cessores vestri, nec quilibet de judiciarià potestate, de præ- 
dictà villà Sollemio , sicut usque nunc fiscus noster affuit, ad 
partem prædicte basilice domni Dyonisii et ad agentes suos nullâ 
requisitione, nec ullun impedimentum ex indé facere non pre- 
sumalis , nisi, ut diximus, ex nostre munere largitatis, ipsa 
villa Solemius cum omnibus integretate vel solidetur unà eum 
adjacentias suas ad se pertinentes vel aspicientes, immoque 
et suprà scripto oratorio sancti Martini ad Crucem cum quod 
ibidem aspicit, pars ipsius basilice domni Dyonisii vel omnis 
congregatio sua omni tempore, sub emunitatis nomine , jure 
proprietario , absque cujuslibet refragatione aut impedi- 
mento , habeat ut concessa atque indulta ad ipsam basilicam 
domni Dyonisii nostris et futuris, Deo auxiliante, temporibus, 
proficiat in augmentis. Et ut hæc preceptio firmior sit, manûs 
nostre suscriptione subter eam decrevimus roborare. Datum 
Corfartinse (2), martii die duodecimo, anno XII regni nostri. » 


(1) Suivant le Gallia Christiana , c'était Chaïno et non T'hayledus qui 


était abbé de Saint-Denis en 706. 


(2) Mabillon, De re diplomat., p. 277 , considère ce Corfartinse ou Cor- 


fintisce comme un lieu imaginaire, et il‘en attribue l'invention à Doublet, 


auteur de l'Histoire de St.-Denis, qu, peu habile à lire les écritures méro- 


vingiennes, aurait pris la formule quod ficit minsis pour Corfintisce, eten aurait 


fait un nom de villa regia. Que ce soit là en effet une méprise occasionée par 


l'extrême difficulté de déchiffrer les caractères franco-galliques, je veux bien 
l’admettre et m'en rapporter à Mabillon, quisera toujours notre maitre à tous; 


( 590 ) 


TRADUCTION ROMANE, 


Chillebers Roys des Franchois, hom bien gentielx. Nous avons 
grant fianche ens el non de Dieu, et que se nous donons 
et otroions aucunes choses aus lieus des sains ou aus lieus, des 
moiniages pour le convignableté et le pourfit de ces lieus que 
che nous doïe estre converti et valoir à avoir loenge ou valoir à 
avoir et à rechevoir don et rétribution permenable. Et pour ce 
sache et conoïisse la grandeurs et li pourfit de tous que nous 
somes efforchié davoir doné une ville qui a non Sollemes qui siet 
an pays de Faumars seur un fleuve que on appielle Ses (1); et tous 
les meissonages et toutes les aptenances et toutes les adiacences 
et les appendances de la ville devant dite et toutes les coses qui 
etoient cotenues en la ville devant dite les queiles nos boursiers 
et nos recheveires tint et le oratore et la chapelete de la Crois ; 
laqueïle Croiïs se joint et est près de la fin dou terroir de la ville 
devant dite, laquelle chapellete est faite ens el non de mosign 
Saint Martin. En laqueile ville Maldagis nos sers est mis et 
establis à estre garde. En teil manière q quanq nos boursiers a 
tenu en la ville et à la chapellete et à la Crois devant dite soit 
en tres, en maisons, édifices, sers, vignes, fores, et bos, 
campars , prés, paslures, yaues, decours, d'yaues, avoirs de 
sers , en aides, fons de bestes , et pasteurs, nolins, et en toutes 
autres choses soient moebles ou non moebles entirement à la 


LR QRBMURR" Poe Jr DAS er, 
mais que Doublet soit le premier auteur de la bévue, comme le maitre l’af- 
firme, c’est ce qu’il n’est plus permis de penser, à la vue du texte et de la 
traduction insérés ici. Ainsi donc, si Confartinse est un nom chimérique, il 
y a long-temps que l'erreur subsiste; elle est le fait, non de Doublet, mais 
de quelque copiste du 13.e siècle ou d’une époque plus reculée encore. 


(r) Cette rivière Sapus , que le traducteur nomme Ses, est la Selle, qui 
prend sa source dans la Tiérache, passe au Cateau-Cambrésis, à Solesmes, 
Haspres, et Va se rendre dans l'Escaut au dessous de Bouchain. 


(591) 

chapelle mosign Saint Denys le martyr en laquele il repose en 
cors. Et p. cest comandement nous avons mis à oevre lefforchemt 
devat nomé. En tel manière que nous p. cest présent comandemt 
la propriété et la seignorie de toutes les coses devant dites entire- 
ment assenons et donons à la chapelle de mosign Saint Denis 
devant dit et al assamblée des boines gens qui illueqs sont. En 
laquele chapelle et assamblée, hounerables hom Thayledes est 
abbes. Et volons ct ordenons que à tous jours la ville et les 
choses desus dites soient sens nulle cotradiction entirement à 
ladite chapelle et assamblée. Et volons et ordenons p- notre 
grace que la ville devant dite et toutes les coses qui le regardent 
soient franchemt à la chapelle et assamblée devant nomée. Et 

nous qui nous efforchons dou don de nostre largesce, ordenons 
et comandons que nus, ne viex ne jones, psens ne avenir, ne 
nulle justice meche empeechmt en aucune manière à ce que la 
ppriétés et la seignourie de la ville devant dite et tout ce qui 
le regarde ne puist demnorer à tous jours franchmt à la chapelle 
et à la congrégation devant nomée. Et volons et ordenons que 
chis presens dons p. layde rostre seigneur porche pourfit à la 
chapelle et à lassamblée devant dite tous les tens que nous 
viverons et tous les tans q sunt avenir. Et pour che que chis 
comandemans soit plus fmes et plus estables , nous avons esgardé 
que il soit efforchiés et confermés p. l’escpture de nostre main 
mis p. desous. Ches lettres furent donées à Confartinche le xume 
jour de march le douzième an de nostre règne. 


Nota. Un diplôme de Charles-le-Simple, traduit en roman 
de la même époque, paraîtra dans les notes de la traduction de 
Baldric, que vont publier à Valenciennes MM. Faverot et Petit. 


( 592) 


ANTIQUITÉS 


TROUVÉES DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD, 
Par M. C. Very fils, Membre titulaire. 


SEPTIÈME CAHIER. 


Ficune 41. VASE EN TERRE. ( PZ. 8.) 


Vase antique en terre rouge et d’une pâte fine, au fond du- 
quel on voit la marque du fabricant. 

Ce vase appartient à la Société royale des sciences de Lille ; 
il lui a été donné par M. Durant, maire de La Bassée, qui le 
découvrit avec diverses médailles dans un champ situé à une 
demi-lieue de cette commune. 


Fins 42. MÉDAILLE EN BRONZE. (PZ. 8.) 


La figure 42 représente une médaille en grand bronze du 
règne de Postume père, décrite par M. Mionnet (tom. 2, p.66), 
qui lui donne une valeur de huit francs. 

Cette médaille vient des mêmes fouilles que le vase ci-dessus 
et fait partie du médailler de la Société. 


Ficuns 43. BAGUE EN OR. (PL. 6.) 


Cette bague en or, garnie d’une pierre blanchâtre de peu de 
valeur, a été trouvée à Famars, en 1833. Elle fait partie du 
cabinet de M. Rousiere-Cavalier. 


( 593 ) 
Ficune 44. DEUX PIERRES GRAVÉES. (PL. 8.) 


Ces deux pierres gravées, représentées ici de grandeur natu- 
relle, sont en lapis-lazuli; elles ont été trouvées à Famars, en 
1828. Je les possède. 


38 


( 594) 


ADDITION 
AUX NOTES 
SUR LA POLARISATION. 
Page 2553 et suivantes. 


Je reprends le bi-chromate de potasse épais de 1,5 et incom- 
plètement examiné à la page 371.— La barre noire mise dans le 
plan de polarisation n’est pas droite; elle ne partage pas l'image 
en deux parties symétriques. Les couleurs sont dissemblablement 
distribuées d’un côté à l’autre de cette barre. On voit d’un côté 
un plus grand nombre de demi-cercles que de l'autre. Rien ne 
change, si ce n’est le rang du système, si la plaque fait un mou- 
vement de 180 degrés autour de son intersection avec le plan 
de polarisation. Au contraire, le rang du système ne change pas 
si le mouvement de 180 degrés s'exécute autour de la perpen- 
diculaire au plan de polarisation, et alors les deux parties dis- 
semblables de l’image ont changé de côté. Pour que la barre 
soit droite et qu’elle divise l’image en deux parties bien symé- 
triques dans leurs formes, leurs dimensions et la distribution des 
couleurs, il faut faire tourner le cristal, dans son plan, de 20 à 
23 degrés. Si alors on analyse l’image, comme on l’a fait aux 
pages 308 et 309 pour le borax, on arrive exactement aux 
conséquences rapportées page 309. 

J'ai répété ces observations sur de nombreuses plaques de bi- 
chromate telles qu’on les obtient par le clivage et sur d'autres 
plaques préparées par le procédé rapporté à la page 310. Quand 
la mince plaque a été travaillée avec très-peu d’eau non renou- 
velée sur la glace polie, on achève de la polir en la frottant à 


(595) 
sec sur une peau très-douce où l’on a étendu un peu de rouge 
d'Angleterre. Il faut ganter le doigt qui pousse le cristal. 

En appliquant les mêmes moyens d'observation au feld-spath 
et au carbonate de soude, j'arrive encore aux trois mêmes 
conséquences. 

L'exemple suivant m'a paru mériter aussi des détails circons- 
tanciés. Une plaque d’acide tartrique, travaillée selon le procédé 
indiqué à la p.310, n’a passes faces parallèles; elle est légèrement 
prismatique ct son épaisseur moyenne est de 0,82. Elle est à peu 
près perpendiculaire à l’un des axes optiques, puisque les pre- 
miers anneaux du seul système qu’elle laisse voir sous l’incidence 
perpendiculaire me paraissent parfaitement circulaires; les autres 
prennent quelque peu la forme elliptique, ce qui permet, eu 
égard aux autres symptômes, de reconnaître le signe négatif de 
ce cristal. 

La barre noire du second système que j'observe ainsi est 
mise dans le plan de polarisation; ses branches sont diffuses ; 
elles ne sont point droites; elles se courbent sensiblement vers la 
gauche ; elles sont bordées, à droite, du côté légèrement convexe, 
d’une teinte jaune-brunâtre qui s'étend assez loin sur les demi- 
anneaux de droite. De ce côté les couleurs sont variées; on voit 
plus d’arcs que du côté gauche où ils sont exclusivement rouges 
et verts. On prévoit, sans que je m'y arrête, les renversemens 
qui s’opèrent dans les parties de l’image quand on fait faire au 
cristal une demi-révolution autour d'une parallèle ou d’une 
perpendiculaire au plan de polarisation. 

Maintenant si je fais tourner la plaque d’environ 30 degrés 
dans son plan, la barre noire devient moins diffuse; elle divise 
l'image en deux parties parfaitement symétriques, tant sous le 
rapport des formes que sous celui de l’intensité et de l'égale 
répartition des couleurs. Faisant alors usage de verres rouge, 
vert et bleu, je reconnais que les pôles de ces couleurs sont dif- 
férens et placés sur la ligne droite qui divise la barre noire et 


( 596 ) 
toute l'image en deux parties parfaitement symétriques. D'où je 
conclus encore que pour l’acide tartrique : 


1. Les angles des axes relatifs aux diverses couleurs croissent 
dans l’ordre des réfrangibilités de ces couleurs. 


2.° Le plan des axes des diverses couleurs tourne dans le 
même sens depuis le rouge jusqu’au violet. 


3.° Les pôles des diverses couleurs sont situés sur deux droites 
parallèles qui divisent les deux systèmes d'anneaux en deux par- 
ties symétriques. 
y q 


J'ajoute que pour le borax , le feld-spath , le bi-chromate de 
potasse , le carbonate de soude et l'acide tartrique, l'axe prin- 
cipal est unique ; c'est la droite d’interseclion commune aux 
plans des couples d'axes relatifs aux diverses couleurs; c'est 
aussi la bissectrice commune à tous les angles que forment les 


couples d’axes. Il n’y a également qu'un axe Fe a géné- 
ral; mais il ÿ'a autant d'axes secondaires RR', VV’, BB'.... 
(Fig. À, pl. 4 bés), et par conséquent autant d'axes tertiaires, 
tous éompris dans un même plan, qu'il y a de couleurs dans le 
spectre solaire depuis le rouge jusqu’au violet. IL résulte de là 
qu'en taillant dans ces cristaux une plaque perpendiculaire à l’on 
des axes tertiaires et la combinant; par exemple, avec un quartz 
parallèle, les couleurs des franges hyperboliques doivent être 
symétriquement distribuées d'an:côté à l’autre da plan qui con- 
tient les axes secondaires ef qui traverse suivant leur axe géo- 
métrique commun deux: systèmes opposés d'hypérboles; elles 
doivent être aussi symétriquement distribuées d'un eôté à l’autre 
de l'axe principal, axe optique qui se confond avec les axes 
géométriques des deux autres groupes d'hyperboles opposées; 
mais cette distribution des couleurs dans le premier! double 
système ne doit pas être la même que dans l'autre, C’est ce que 


l'on prévoit en abaissant des points V, B...V',B,.,, des perpen- 


( 597 ) 
diculaires sur RR', par exemple, si c’est l'axe tertiaire des rayons 
rouges qui est perpendieulaire à la plaque. 

C’est aussi ce que l'expérience confirme. 

Ce que je viens de dire relativement à la distribution générale 
des couleurs dans les images qui résultent de la combinaison 
des cristaux parallèles, onu même perpendiculaires , avec des 
quartz parallèles d’une épaisseur convenable, s'applique évi- 
demment au cas où les axes séparés sont compris dans un même 
plan. C'est d'ailleurs ce que justifie l'expérience. Mais si l’on 
croise deux plaques d'un même cristal parallèle la compensa- 
tion est exacte, et l'image totale est composée de quatre groupes 
d'hyperboles opposés deux à deux et dans lesquels la distri 
bution des couleurs est exactement la même, comine lorsqu'on 
croise deux quartz parallèles, deux arragonites, deux topazes.… 
parallèles ou perpendiculaires à l'axe principal. Au contraire, 
dans l’image qui proviendra de la combinaison d’un quartz 
parallèle avec l’un de ces cristaux dont les axes sont séparés, la 
distribution des couleurs sera très-différente dans les deux sys- 
tèmes des courbes opposées. Cette expérience faite avec un 
quartz parallèle d'ane épaisseur convenable et un eristal paral- 
lèle dont les axes sont fort séparés, comme le sel de La Rochelle, 
ou même la topaze blanche, etc., donne une image extrème- 
ment curieuse à observer par la richesse et la grande variété des 
vives couleurs qui se distribuent comme je l'ai dit plus haut. Si 
l’un des cristaux combinés est trop épais et produit des courbes 
doubles , alors les couleurs des franges ne sont plus les mêmes 
de chaque côté de la frange intermédiaire, celle qui occupe le 
milieu du système et qui n’est pas toujours noire où blanche. 

Réciproquement, lorsqu'un quartz parallèle, ou tout antre 
cristal dont les axes ne sont pas séparés , est combiné avec un 
second crisfal également parallèle et assez épais pour donner 
quatre groupes d’hyperboles, si la distribution des couleurs 
dans deux groupes opposés n'est pas la même que dans les deux 


( 598 ) 
autres groupes, c'est que les axes sont séparés dans ce second 
cristal. C’est ce qui arrive avec la chaux sulfatée de Montmartre 
et avec le gypse laminaire limpide, qui est aussi une chaux 
sulfatée. 

Je n'ai pas pu réussir à tailler et polir une plaque de chaux 
sulfatée de Montmartre’, perpendiculairement à l'axe principal, 
c'est ce qui m'a empêché de vérifier par une observation directe 
la séparation des axes pour ce cristal; mais cette séparation , 
qui ne doit pas être bien forte , est trop évidemment annoncée 
par l'expérience ci-dessus pour que je doute de sa réalité. Bien 
que dans le gypse, dont la consistance a quelque analogie avee 
celle de la cire, les lames soient plas adhérentes que dans la 
chaux sulfatée de Montmartre , il est encore difficile et presque 
impossible de travailler cette substance sans troubler l’arrange- 
ment des lames jusqu’à une certaine profondeur au-dessous de 
la face que l’on prépare, quelque soin que l’on prenne pour 
appuyer le moins possible sur la lime mouillée et sur le verre 
dépoli. Après ce travail, la lame est lavée à grande eau, je la laisse 
sécher pendant douze à vingt-quatre heures, puis je la frotte le 
plus légèrement possible, et à sec, sur une glace polie. Pendant 
le travail à la scie très-mouillée, il faut avoir soin de tenir la 
plaque entre deux James épaisses de liége; mais il ne faut 
pas trop la serrer de peur d’écraser le cristal et d’en troubler 
la cristallisation. 

Les cinq échantillons que j'ai préparés ainsi et qui ont 
diverses épaisseurs, sont plus ou moins fendillés. Le désordre, 
peut-être inévitable, est inanifeste ; cependant j'ai pu voir très- 
distinctement les anneaux nombreux des deux systèmes, et 
reconnaître avec certitude la séparation des axes. Le pôle général 
des anneaux est un point noir bordé de diverses couleurs ; et 
une singularité bien remarquable, c'est que la barre noire 
manque absolument dans chaque système , alors que l’axe secon- 
daire est dans le plan de polarisation; mais cette barre se montre 


( 599 ) 


plus ou moins vite et dans sa courbure hyperbolique , si l'on 
imprime à l’axe de la tourmaline ou à la ligne des pôles du 
gypse un mouvement azimutal. Elle est à son maximum d'in- 
tensité aux azimuts de 45° on 135 et nulle à zéro ou 180°. 

Dans l’état d'imperfection où se trouvent mes cristaux de 
gypse je ne saurais dire quelle est la véritable distribution des 
couleurs dans les images pourtant assez régulières que j'ai 
observées. En me confiant à quelques indices je pourrais soup- 
çonner que les pôles des diverses couleurs sont situés sur deux 
lignes parallèles à l’axe tertiaire; mais d'autres indices me font 
penser au contraire que tous les axes sont dans le plan déterminé 
par l’axe principal et l'axe secondaire, et que les angles des axes 
relatifs aux diverses couleurs croisent lentement dans l’ordre des 
réfrangibilités de ces couleurs. Des échantillons plus minces, 
taillés avec plus de patience et d'adresse et dans une plaque de 
gypse plus épaisse, permettront sans doute de décider la ques- 
tion de la disposition des axes. Il faudra qu'on puisse faire usage 
de verres colorés sans que les images s’éteignent, ou qu'on ait 
recours, dans une chambre obscure, à la.vive lumière du soleil, 
décomposée par le prisme. 


Sur les lemniscates. 


Quand les faces d’un cristal à deux axes optiques sont per- 
pendiculaires à l'axe principal , les courbes isochromatiques vues 
à la lumière composée et les courbes brillantes ou obscures vues 
à la lumière simple sont des lemniscates, ainsi que M. Herschel 
l'a prouvé par des mesures prises sur les images. 

Pour que ces courbes soient des lemniscates planes, telles 
que les géomètres les considèrent, il faut que les images soient 
projetées sur un écran parallèle à un cristal dont l’angle des 
axes soit petit, comme dans le nitrate de potasse, le carbonate 
de plomb, le tale, le carbonate de strontiane, ...., Lors même 


( 600 ) 
que l'angle des axes s'élève jusqu’à 18° 18, comme dans l’ar- 
ragonite , il est difficile de reconnaître, à la première inspection, 
une différence entre l'image projetée sur un plan et l'image 
projetée, comme elle devrait l'être alors , sur une surface sphé- 
rique dont le point éclairé du cristal occuperait le centre. 

J'ai cru faire une chose agréable à quelques-uns des lecteurs 
que j’ai choisis en traçant géométriquement ces lemniscates et 
en évitant, autant que possible , les formes scientifiques dans le 
développement de quelques-unes des propriétés les plus simples 
de ces courbes, considérées sous le point de vue des observa- 
tions optiques. La figure B représente l’image que montrerait | 
un carbonate de plomb épais d'environ 5 de millimètre, ob- 
servé entre deux tourmalines croisées et à la flainme de l’alcool 
salé. Elle représente encore, mais moins rigoureusement, l’image 
qu'offrirait une arragonite épaisse d'environ ün millimètre. 

Pour abréger, j'appellerai première courbe , seconde courbe, 
troisième courbe. ,..,.. ou plus simplement encore, courbe 1, 
courbe 2, courbe 3..... celle qu'on rencontre la première, 
la seconde , la troisième......... en partant de l’un des pôles 
et en s’éloignant du centre général de la figure. De plus, je 
diviserai l'ensemble total de toutes ces courbes en cinq variétés, 
savoir : 


3e Variété. — Les conrbes sous forme d’ovales qui entou- 
rent un même pôle. Telles sont pour notre 
figure B les courbes 1 , 2, 3 et 4. 


ame Variété. — La courbe unique, ici la cinquième, qui 
entoure chaque pôle et les enveloppe tous 
les deux. Elle est sensiblement droite dans 
le voisinage du centre où elle passe deux 
fois. 


3me Variété. — Les courbes 6, 7, 8 et 9 aui enveloppent 


( 6or ) 
les deux pôles et qui subissent une dépres- 
sion dans la partie traversée par l'axe ter- 
tiaire perpendiculaire sur le milieu de la 
ligne des pôles. 


4e Variété. — La courbe unique, ici la dixième , qui parait 
droite dans une partie notable de son 
cours , près du point où elle est rencontrée. 
par l'axe tertiaire. 


5,me Variété, — Les courbes 11, 12, 13, 14, 15.... qui 
enveloppent aussi les deux pôles, mais 
qui ne subissent pas de dépression. 


La courbe qui cunstitue à elle seule la seconde variété jouit 
des propriétés de celles des première et troisième variétés; elle 
est leur intermédiaire. La quatrième variété est aussi l’intermé- 
diaire entre les troisième et cinquième variétés : elle sépare les 
courbes convexes de celles qui ne le sont pas. Au-delà des pôles 
et dans la direction de l’axe secondaire, les lemniscates sont 
presque exactement cireulaires dans tout l'espace compris entre 
deux droites menées du pôle, et faisant avec l'axe secondaire 
des angles de plus de 59 degrés. 

Nous représenterons par & la distance de chaque pôle au 
centre général. Gette distance était de 100 millimètres dans la 
figure manuscrite, nécessairement un peu altérée par le mouve- 
ment du papier et le travail du lithographe. 

Nous représenterons par 4 la distance de l’an des pôles à un 
point pris arbitrairement sur l’une quelconque des courbes, et 
par c la distance de l’autre pôle à ce même point. Le produit 
de ces deux distances sera donc généralement représenté par 
b x cou mieux par bc. 

Un cristal donné ne montre pas toujours à la lampe les courbes 
des deuxième et quatrième variétés; il faut pour cela qu'il ait 


( 602 ) 

une épaisseur déterminée, à d'autres épaisseurs plus grandes ou 
plus petites, mais également déterminées; variables avec la 
nature du cristal, et qui suivent une eertaine loi, ces courbes 
se montrent de nouveau, Or, lorsque les faces d’un cristal ont 
été usées et polies par le lapidaire ou sur la lime et le verre 
mouillés , il est rare qu’elles soient parallèles, et l'épaisseur peut 
souvent assez varier d’une extrémité à l’autre, pour qu’en fai- 
sant mouvoir le cristal entre les deux tourimalines, on trouve 
une position, et par suite une épaisseur qui permette de voir 
ces courbes. + 

Par ces déplacemens lents du cristal , les courbes se modifient 
et peuvent se transformer les unes dans les autres si ies faces 
planes du cristal sont obliques l’une sur l'autre. Si au contraire 
elles sont rigoureusement parallèles et si le cristal est bien pur 
on n'’aperçoit aucun changement. Ce parallélisme n’est pas tou- 
jours rigoureusement observé dans les cristaux qui se divisent 
facilement en feuillets, comme les micas, la chaux sulfatée rousse 
ou limpide, car j'ai observé de ces changemens sur plusieurs 
échantillons en apparence très-purs et terminés par des surfaces 
planes et continues. 

Les courbes brillantes et les courbes obscures s’échangent les 
unes dans les autres quand on fait faire un quart de tour à 
l'une des deux tourmalines. Voilà pourquoi ce mouvement d’un 
quart de tour suffit par fois pour faire naître les courbes obscures 
des deuxième et quatrième variélés ; mais dans ce cas, et avant 
le mouvement, c’élait une courbe lumineuse qui avait la forme 
de ces variétés. 

Quand l’axe principal d'un cristal est parallèle aux faces, la 
figure B se décompose; elle se transforme en quatre groupes 
d’hyperboles équilatères qui ont pour asymptotes communes 
deux droites formant une croix dont les branches font des angles 
de 45 degrés avec l'axe principal et avec l’axe secondaire. 
Cette croix provient de la courbe de seconde variété qui reste 


( 603 ) 

toujours ainsi l'intermédiaire entre les courbes de première et 
troisième variétés, courbes qui sont devenues hyperboliques. 
On voit donc que pour apercevoir cette croix noire, il faut 
aussi que le cristal à faces parallèles ait de certaines épaisseurs 
déterminées ; inais si les faces sont inclinées l’une sur l’autre, 
on pourra obtenir la croix noire en promenant le cristal entre 
les tourmalines croisées ou non. 

La figure B, composée de lemniscates, représente donc l’image 
vue à la lampe à travers deux tourmalines croisées, et qui pro- 
viendrait d’un cristal à faces perpendieulaires sur l'axe principal, 
ayant deux axes optiques formant un petit angle, et enfin d’une 
nature et d’une épaisseur telles que l’image produirait quatre 
courbes obscures de la première variété, celle de la seconde, 
quatre de la troisième, celle de la quatrième et une infinité de 
la cinquième. 

Occupons-nous des propriétés de ces courbes. Prenons un 
point quelconque sur l’une d'elles et mesurons ses distances à 
et c aux deux pôles. Mesurons de semblables distances à partir 
d’un autre point de la même courbe ; opérons de mème pour un 
troisième point, un quatrième.... le produit bc de chaque 
couple de ces distances reste toujours le même. Il est évident, à 
la seule inspection de la figure, que ce produit, constant pour 
tous les points d'une même courbe , ira en augmentant à mesure 
que la courbe sera d’un numéro d'ordre plus élevé, eten dimi- 
nuant pour les numéros d'ordre de moins en moins élevés. Au 
pôle il sera nal, car bien que la distance D soit alors 2a, la 
distance c de l'autre pôle à lui-même étant nulle, le produit bc 
est zéro. On peut considérer les pôles comme une courbe réduite 
à n'avoir plus que deux points. On voit done qu'à partir du 
pôle et passant de chaque courbe à la suivante, le produit bc 
va en croissant depuis zéro jusqu'à l'infini. Les mesures prises 
sur l’image prouvent, comme la théorie, que ce produit étant 
bc pour les points les plus sombres de la première courbe obs- 


( 604 ) 
cure, il est 2bc, 3bc, 4be, 5bc, 6bc..... pour les courbes 
obscures suivantes , e’est-à-dire enfin que ce produit croît depuis 
le pôle où il est zéro jusqu'aux dernières courbes obseures , 
comme la série très-simple des nombres 


Ou: 20 ah 50:17: 8:.0,.40, 1500 


Il croît comme celle des nombres 


21,41 08:41 8447 
2 


Dr 9 3% 9 9... 


7.209 


ko] 
= 
tof or 
2 
29] 


pour les points les plus éclairés des courbes brillantes. 

Dans l’un et l’autre cas ce produit be varie avec la nature de 
la couleur simple qui éclaire le cristal; mais il suit toujours les 
lois ci-dessus. Le produit bc est toujours plus petit que le carré 
a” de la distance d’un pôle au centre général, pour les courbes 
de la première variété. Il est égal à ce carré a? pour la courbe 
de seconde variété. Il est plus grand que 4°, mais plus petit que 
2a* pour la troisième variété ; égal à 24° pour la quatrième, et 
enfin plus grand que 24° pour la cinquième variété. Pour notre 
figure B, nous avons pris a — 100 millimètres , ainsi le produit 


bc aura les valeurs suivantes 


2000, 4000, 6ooo, 8000, 10000: 12009, 14000..., 
pour les courbes dont les numéros d'ordre respectifs sont 


es D, Se ‘5 de (5 Tontus 


D’après cela, rien n’est plus facile que de construire géométri- 
quement toutes ces courbes. Je me bornerai à indiquer la marche 
générale à suivre en prenant pour exemple la cinquième courbe, 
pour laquelle on a be — a° = 10000. | 

De chaque pôle comme centre et avec des rayons suecessifs 
de 5, 10, 15, 20, 25, 30, 35,.,.. millimètres, on décrira 


Re 


( 605 ) 
autant de cercles au crayon; quelques-uns de ces cercles, ceux 
qui ont pour rayon depuis 45 jusqu’à 95 millimètres, serviront 
pour la courbe 5; ces mêmes cercles et d’autres plus petits ou 
plus grands serviront pour la construction des autres courbes. 
Je divise 10000 — bc — a* successivement par 


95, 90, 85, DUT DO LAS UL AO, 
ce qui donne les quotients respectifs 
105,26, 111,11, 117,04, 125,:... 200, 222,22, 260. 


Avec le quotient 105,26 comme rayon, je décris de chaque pôle 
comme centre de petits arcs de cercle qui coupent les cercles 
du rayon 95 en quatre points qui appartiennent à la cinquième 
courbe. Avec le rayon 111,11 je décris des arcs de cerele qui 
coupent ceux qui ont pour rayon 90, ce qui donne quatre nou- 
veaux points de la même courbe, et je continue ainsi. Je fais 
enfin passer un trait à l'encre par tous ces points en suivant la 
courbure que leur disposition indique suffisamment s'ils sont 
assez mullipliés. On opère de même pour toutes les courbes. 

En partant du centre et en parcourant la ligne des pôles, on 
passe successivement sur les points où les courbes 5, 4, 3, 2, 
1, 0 rencontrent cette ligne entre les pôles, puis ceux où cette 
ligne est coupée une seconde fois par les courbes 1, 2, 3,4, 5, 
puis une seule fois par les courbes 6, 7, 8,9, 10,11, 12..... 
Il importe de bien déterminer la position de ces points en caleu- 
lant les distances du centre à chacun d’eux. Ces distances sont, 
pour les quatre premiers points, en allant du centre au pôle : 


Va — be 
ou 


V/icooo — 8000, 10000 — 60001, V’ 10000 — 40001 : 


V/ 10000 — 2000! , V/ 10000 — 0 ; 


( 606 ) 


ou 


2000, p/4000, 6000, y/8000, y/10000 ; 


ces nombres , divisés par j/2000 leur facteur commun, croisent 
comme les suivans : 


VIRUS, V3, V4. MR 


Pour les points de rencontre au-delà du pôle, les distances, 
toujours comptées à partir du centre, sont généralement 


Va + bc 
et ont par conséquent pour valeurs la série des nombres 


V/10000 + 2000, p/10000 44000, 10000 +6000,... 


ou 


12000, 14000, pr6000 2.882. 


et en les divisant par le même facteur commun p/2000, on 
verra qu'ils suivent la loi des nombres 


v’6 ? V7 , VOS PERTE 


Ainsi ces distances, en comptant le centre et le pôle pour des 
points de rencontre, sont entr'elles comme les racines carrées 
des termes de la progression 


OPARE Re es 45 D: 6,7, 8, 0% 10, 114 12, 137 2400 


( 6o7 ) 


Calculons de même les distances successives du centre aux 
points où l’axe tertiaire coupe les courbes 6, 7, 8,9, 10, 11... 
Leur valeur générale est 

V'bc— à 
ce qui donne successivement : 


ad | pren, 
V/ 12000 — 10000, p/14000 — 10000, j/16000 — 10000... 


ou 


2000 , 4000 , V/8000...,..,. 


Ces valeurs étant égales à celles précédemment trouvées ; nous 
en conclurons que les distances comptées sur l'axe tertiaire 
sont respectivement égales aux distances comptées sur l'axe 
secondaire. 

Ce résultat est général et donne lieu à la remarque suivante 
également générale : 

Il y a toujours autant de courbes de la troisième variété que 
de courbes de la première variété. Les distances du centre aux 
premiers points de rencontre des courbes de la première variété 
avec l'axe secondaire sont respectivement égales aux distances - 
comptées sur l’axe tertiaire, depuis le centre jusqu'aux points 
successifs de rencontre avec les courbes de la troisième. variété. 
La courbe de la quatrième variété rencontre l'axe tertiaire à 
une distance du centre égale à la distance à de ce même centre 
au pôle. Ce point de rencontre est une sorte de pôle ou de 
centre qui jouit de certaines propriétés dont nous parlerons. 

Les distances de chaque pôle aux points où les courbes ren- 
contrent l'axe tertiaire sont évidemment égales; elles ont pour 

valeur Bec. En nous bornant au cas de la figure B, ces valeurs 
sont 


V/12000, p/14000, y/16000, 18000, V'20000..% 


( 608 ) 


En les divisant encore par leur facteur commun j/2000, on 
verra qu’elles suivent la loi des nombres 


v#, V7 » V8, V9 : 10. ou 


c'est-à-dire que les distances d’un pôle aux points d'inter- 
section des courbes avec l’axe tertiaire croisent comme les 
racines carrées des numéros d'ordre de ces courbes. 

De ce que les distances du centre aux points de rencontre 
successifs sur l’axe secondaire (en comptant le pôle pour un 
point de rencontre), sont égales aux distances du centre jus- 
qu'aux points de rencontre avec l'axe tertiaire, et de ce que la 
distance du centre au pôle est égale à la distance du centre au 
point où l'axe tertiaire rencontre la courbe de la quatrième 
variété, il s'ensuit que les distances de ce dernier point aux 
points successifs de rencontre de toutes les courbes avec l’axe 
secondaire sont respectivement égales aux premières et sont 
conséquemment entre elles comme les racines carrées des termes 
de la progression 0, 1,2, 3, 4,5,6,7....... 

Elevons à l’un des pôles une perpendiculaire sur l’axe secon- 
daire. Elle rencontrera toutes les courbes en des points dont les 
distances au pôle seront représentées par 


DNS 29° ère nan e 
106% 2515rut pr + 100, 


n étant le numéro d'ordre de la courbe. Faisant successivement 
n = 1,2, 3, 4,......., On aura pour ces distances des 
nombres qui suivent une loi trop compliquée et trop différente 
de celle que nous désirons rencontrer pour mériter plus de 
détails. 

Sur la distance des pôles comme diamètre décrivons une 
circonférence ; elle coupera toutes les courbes des première, 
seconde et troisième variétés, et elle sera tangente à celle de la 


Fil 


(609 ) 
quatrième variété. Les distances du point de tangence aux points 
de rencontre successifs, comptées de ce point de tangence, 
seront 


V/ 24° — bc 


jusqu’au pôle. Elles seront 
V/ 24° + bc 


au delà du pôle. En mettant pour bc ses valeurs successives , 
on verra que ces distances croissent comme les racines carrées 
des termes de la progression 


1; 2, 3) 4) ba 6, Tjvrososses 


Les perpendiculaires abaissées des points d’intersection de la 

. L4 La , bc 

circonférence avec les courbes sont représentées par — , et 
24 


elles croissent, à partir du pôle, comme les nombres o, 1, 
Mail a biscilés dut 

Coupons maintenant toutes les courbes par une circonférence 
de cercle décrite de l’un des pôles comme centre et avec un rayon 
2 a égal à la distance des pôles. Les distances b des points d’inter- 
section successifs au pôle qui sert de centre seront constamment 
égales à 2 a; ainsi on a partout b — 200 et le produit bc devient 
200 X c. Ces produits allant en croissant comme les nombres 
1,23; 4393... il 8’en suit que les valeurs du facteur c 
suivent la même loi et qu’ainsi les distances successives de 
l’autre pôle aux points d’intersection suivent cette loi des nom- 
bres 1, 2, 3, 4, 5,...... De même, si de l’un des pôles et 
avec un rayon plus grand ou plus petit que 2 a, mais plus 
grand que a, on décrit une circonférence de cercle, les dis- 
tances de l’autre pôle aux points d’intersection de ce cercle avec 

39 


( Gro }) 
les courbes seront entre elles comme les numéros d'ordre de 
ces courbes. 

Il parait résulter de ces tentatives qu'aucune ligne droite 
ou circulaire passant par l’un’ des pôles ne coupe les courbes 
en des points tels que leurs distances à ce pôle soient entre 
elles commes les racines carrées des termes de la progression 
Oy Lo 25 304.0 5005 Tac sise PIS 10IN NORRIUEErONS 
de ce résultat une conséquence relative à la distribution des 
couleurs autour des pôles dans les cristaux à deux axes, com- 
parée à celle des couleurs dans les anneaux de Newton. 

Examinons maintenant quelles modifications éprouverait la 
figure B, si le cristal qui la donne prenait tout -à-coup 
une épaisseur plus grande. Par la théorie comme par des me- 
sures prises sur l’image produite par le nitrate de potasse dont 
l'angle des axes n’est que de 5° 20’, M. Herschel s’est assuré que 
le produit bc décroîit comme l'épaisseur augmente. D'après cela, 
si l'épaisseur devient double, le produit bc de 48000 pour la 
courbe =4, se réduit à 24000 ; c’est-à-dire que cette courbe 
vient prendre la place de la douzième. Par la même raison celle- 
ei vient prendre la place de la sixième, qui elle-même prend la 
place de la troisième. Et comme il ÿ a une infinité de courbes 
de rang pair, elles trouveront à se placer sur des courbes soit de 
rang pair soit de rang impair qui existaient avant que l'épaisseur 
ne fut doublée. Ainsi les déplacemens des courbes de rang pair 
n’apporteront aucun changement à la figure primitive. Le pro- 
duit bc est de 26000 pour la courbe 13, il se réduit à sa moitié 
13000 , nombre compris entre 14000 et 12000 , cette treizième 
courbe viendra donc se placer entre la septième et la sixième. 
On voit donc que les courbes de rang impair viennent se placer 
entre les courbes déjà existantes. Par conséquent les courbes 
actuelles de notre figure B, subsisteront ; mais il viendra s’en 
former une entre le pôle et la courbe 1 ; une autre entre € 
et 2, entre 2 et 3, entre 3 et 4...,..,... et le nombre 


( Gix ) 
total des courbes des première et seconde variétés réunies sera 
doublé ainsi que le nombre des courbes des seconde et troisième 
variétés réunies, etc. Les courbes seront donc deux fois plus 
serrées et on en verra deux fois plus dans la même partie du 
champ de la vision. 

Triplons l'épaisseur primitive du cristal. En raisonnant de la 
même manière, on verra bien que les courbes d’un numéro 
d'ordre divisible par 3 viendront se placer sur les courbes pri- 
mitives dont le numéro d'ordre est trois fois plus petit. Ainsi, 
par exemple, les courbes 27 et 30 viendront respectivement se 
placer sur les neuvième et dixième. Quant aux courbes 28 et 29, 
elles viendront se placer entre 9 et 10, parce que les nombres 
et = sont plus grands que 9 et plus petits que 10. En défi- 
nitive , le nombre des courbes sera triplé. 

Si donc l'épaisseur du cristal pouvait croître lentement sous 
les yeux de l'observateur, on verrait les courbes des cinquième, 
quatrième et troisième variétés se rapprocher du centre et se 
serrer de plus en plus. Les plus voisines du centre passeraient 
successivement à la forme de la seconde variété, puis à la forme 
des courbes de la première variété. Ces dernières s’accumule- 
raient entre le centre et le pôle en s’éloignant du centre et mar- 
chant vers le pôle pour faire place à de nouvelles courbes ; mais 
aucune n’irait se perdre au pôle, qu’elles serreraient seulement 
de plus près. 

Si l'épaisseur diminuait , les courbes de la première variété se 
dilateraient ; les plus voisines du centre s’en rapprocheraient 
davantage ; elles passeraient tour à toar à la forme de la seconde 
variété ; elles s’éloigneraient ensuite du centre, passeraient, en 
se desserrant toujours, par les formes des troisième, quatrième 
et cinquième variétés ; enfin elles disparaîtraient du champ de 
la vision, Les courbes au-delà des pôles s’en éloigneraient en se 
dilatant ct se desserrant, et sortiraient successivement du champ 
de la vision. 


( 612) 

Nous avons encore à examiner ce que devient la figurcB, 
quand la distance des pôles varie, ce qui revient à changer 
l’angle des axes optiques. 

Faire décroître a, c’est faire décroître aussi a *, mais bien 
plus rapidement ; cela revient au fond à faire croître le produit 
bc; et par conséquent, à opérer dans l’image un effet analogue 
à celui qu'opère une diminution d'épaisseur. Quand &°, par 
exemple , est réduit à sa moitié, ? «° est réduit à son quart + a *; 
cela revient à quadrupler bc ou à réduire l'épaisseur primitive 
à son quart. Si donc l'angle des axes pouvait décroître lente- 
ment pendant qu’on observe le cristal à la lampe , on verrait les 
courbes de la première variété s’élargir , se desserrer et marcher 
avec les pôles vers le centre général ; elles disparaïîtraient une à 
une. Après avoir passé successivement par la courbe de la seconde 
variété dont les réapparitions seraient intermittentes , elles passe- 
raient successivement aux formes suivantes ; bientôt on ne verrait 
plus qu'un petit nombre de courbes de la troisième variété; 
montrant à peine un reste de dépression. À mesure que les pôles 
marchent vers le centre où ils vont bientôt se confondre, les dis- 
tances à et c d’un point quelconque de l’une des courbes à ces 
deux pôles déjà très-voisins , tendent de plus en plus vers l’éga- 
lité , et lorsqu’enfin les deux pôles atteignent le centre , c’est-à- 
dire, lorsque le cristal n’a plus qu’un axe optique perpendi- 
culaire aux faces, le produit b c devient un carré R? , et toutes 
les courbes se transforment en cercles parfaits. Les carrés des 
rayons de ces cercles croissent donc comme les nombreso, 1, 
2, 3, 4:5D3...... pour les cercles obscurs, et comme les 
nombres +, £, +, 2,2...... pour les cercles brillans, Ainsi, 
dans les images que montrent les cristaux à un axe perpendi- 
ceulaire , les diamètres des cercles obscurs croissent d’un cercle 
à l'autre , comme les racines carrées des nombres 

dry, SP GI 


et ceux des cercles brillans comme les racines carrées des nombres 
1 


3 
29 2 


? 


19/x 


rad ie 3 an, ques, 


(613 ) 

On voit aussi, d'après ce qui précède, qu'une épaisseur devenue 
un nombre quelconque de fois plus grande ou plus petite, 
donne naissance à des cercles autant de fois plus ou moins nom- 
breux et d’un diamètre autant de fois plus petit ou plus grand. 

Des mouvemens opposés à ceux que nous venons de décrire 
auront lieu si la distance des pôles augmente , ou , ce qui revient 
au même , si l’angle des axes optiques augmente jusqu'à 180 
degrés , pour ne plus former qu'un seul axe parallèle aux faces 
du cristal. En effet, la distance a du centre au pôle devenant 
plus grande , le produit à c deviendra relativement plus petit, et 
l'effet produit sur l’image sera analogue à celui qui provien- 
drait d’une augmentation d'épaisseur dans le cristal. La dépres- 
sion augmentera dans les courbes de la troisième variété, parce 
qu'elles se rapprocheront du centre; celles de la cinquième 
variété passeront, successivement à la quatrième , à la troisième; 
en même temps celles de la troisième variété passeront successi- 
vement par la seconde , et viendront se ranger dans la première 
variété, entre le centre et le pôle. Les courbes se serreront de 
plus en plus, leur convexité dans les parties vues du centre , le 
long de l’axe tertiaire , ira en augmentant , elle diminuera pour 
les courbes de la première variété vue du centre dans la direc- 
tion de la ligne des pôles. Dans cette même direction, la con- 
cavité des courbes des troisième, quatrième et cinquième 
variétés ira en diminuant ; bientôt on ne verra plus dans tout le 
champ de la vision que des courbes tournant leur convexité 
générale vers le centre, et qui n’appartiendront plus qu’aux 
variétés troisième et première. Enfin , les parties de ces courbes 
déjà transportées hors du champ de la vision , dans la direction 
de la ligne des pôles , se diviseront à cette ligne ; leurs branches 
éloignées changeront leur courbure concave en courbure con- 
vexe , et quand les axes n’en feront plus qu’un seul parallèle aux 
faces du cristal, éoutes les courbes se seront transformées en 
hyperboles équilatères, les unes traversées par l’axe secondaire 


(614) 
devenu axe principal , les autres, en nombre égal, traversées par 
l'axe tertiaire devenu axe secondaire. La courbe qui viendra 
remplacer celle de la seconde variété se transformera en deux 
lignes droites rectangulaires, faisant des angles égaux avec les 
deux nouveaux axes. Ces droites seront les asymptotes des quatre 
groupes d’hyperboles. 

Nous avons vu que les distances successives du centre aux 
points de rencontre de la ligne des pôles avec les lemniscates , 
pour les cristaux à deux axes, et tous les rayons pour les cris- 
taux à un axe perpendiculaire, vont en croissant comme les 
racines carrées des nombres 0,1, 2,3, 4..., pour les cour- 
bes obscures ou des nombres ?,5,2,1..... pour les courbes 
brillantes ; il en est de même quand les courbes sont devenues 
hyperboliques ; ces distances également comptées du centre le 
long de l'axe principal ou de l'axe secondaire suivent la même 
loi. C’est pour cela que, dans les trois cas , il y a également au- 
tour du centre général une plage vide de courbes, tandis qu’elles 
sont accumulées autour de chaque pôle dans les cristaux à deux 
axes. 

La lumière simple qui éclaire le cristal venant à changer, 
toutes les lois numériques énoncées jusqu'ici subsistent , il n‘y a 
de changé que la place occupée par les courbes brillantes ou 
obscures, parce que le produit 8 c varie avec la couleur, ou en 
d’autres termes avec les longueurs des ondulations de la lumière 
diversement colorée. Le produit b c sera d’ailleurs toujours nul 
aux pôles, si, comme nous le supposons d’abord pour plus de 
simplicité, les axes relatifs aux diverses couleurs sont confon- 
dus en un seul, ce qui est extrémemnent rare. 

Maintenant , construisons par la pensée toutes les lemniscates 
correspondantes à chacune des couleurs du spectre solaire; 
marquous les d’abord d’un trait fin sur notre fig. B; puis 
grossissons ces traits en les peignant avec les couleurs précises 
que les courbes doivent prendre ; étalons et superposons ces 


( 615 } 
couleurs dans les proportions convenables, nous aurons une 
figure coloriée qui sera une copie plus ou moins fidèle de l’image 
qu'on observerait en recevant la lumière blanche composée à 
travers le cristal qui nous occupe. 

Comparons l’un des deux systèmes d'ovales de cette image avec 
celui que donne un spath perpendiculaire. Pour cela menons une 
ligne droite quelconque par l’un des pôles. Nous avons vu que, 
généralement , elle ne coupera pas la série des courbes colorées 
d’une même teinte en des points dont les distances au pôle puis- 
sent suivre la loi des racines carrées des nombres À, £, Ssquade 
Mais nous avons vu aussi qu'une ligne droite quelconque tirée 
du centre dans la seconde image coupe la série des courbes co- 
lorées d’une même teinte en des points dont les distances au 
centre devenu pôle suivent au contraire exactement cette loi des 
racines carrées des nombres +, $,5,2; par conséquent , les 
couleurs ne sont pas distribuées de la même manière dans les 
deux images comparées. Les couleurs, abstraction faite de leur 
mélange, se succèdent à la vérité dans le même ordre à partir du 
pôle de l'une des images et du centre de l'autre ; mais elles y 
occupent des espaces qui ne sont pas proportionnels ; elles ne se 
superposent pas dans la même proportion de leur étendue en 
largeur , et conséquemment elles produisent des mélanges assez 
différens d’une image à l’autre pour que les deux séries des 
teintes réelles qui en résultent ne puissent être les mêmes, bien 
qu’elles aient encore quelqu’analogie, une certaine ressemblance 
qui augmente quand le cristal à deux axes est taillé perpendi- 
culairement à l’un de ses axes. Cependant la série des teintes 
dans les anneaux donnés par le spath ( teintes qui sont celles des 
anneaux de Newton ), et la série des teintes le long de la per- 
pendiculaire menée par un pôle à la direction de l'axe secon- 
daire mis dans le plan de polarisation , sont à-peu-près les 
Imêrnes, 

Cette dissemblance générale dans la distribution des couleurs 


( 616 } 

sur les deux images comparées est bien plus grande encore quand 
les axes du cristal sont séparés. Elle est énorme quand on com- 
pare cette distribution dans l’image du spath perpendiculaire 
avec celle de l'un des systèmes d’anneaux que donne le sel de 
La Rochelle , dont l'angle des axes pour les rayons rouges sur- 
passe de 10 degrés l'angle des axes pour les rayons wiolets, selon 
Jes observations de M. Herschel. 

Pour construire l’image colorée que donne un semblable eris- 
tal, il faudrait tenir compte du déplacement des pôles, qui se 
rapprochent du centre dans le sel de La Rochelle, la topaze 
blanche, le mica.... en allant du rouge au violet, et qui s’en 
éloignent au contraire dans l’arragonite, le nitrate de potasse..… 
Il suffit que l'amateur, à qui je m'adresse, ait reconnu par ces 
longs détails la cause principale de la bizarrerie qu'il observe 
dans les changemens qu'éprouvent les formes des images, le 
nombre des courbes qui les composent et la distribution de 
leurs couleurs quand il passe d’un cristal à un autre. 


ERRATA POUR LES NOTES SUR LA POLARISATION. 


PAGES LIGNES AU LIEU DE LISEZ 
287 2,en remontant, axe, arc. 
305 | 6,en remontant, bleue, bleue, 
311 15, cris, cris- 
333 9) les, ces. 

Partout, j  lemnicaste, lemniscate. 


LITTÉRATURE. 


LE PARADIS PERDU, 


PoEME DE JOHN MILTON, 


Traduction de M. L. Banné, Membre résidant. 


a 


1.€T JUILLET 1835. 


a 


LIVRE PREMIER. 


Cuanrez la première désobéissance de l’homme et le fruit de 
l'arbre défendu , ce fruit dont la saveur mortelle répandit par le 
monde le trépas et tous les maux , ce fruit qui nous fit perdre 
Éden, jusqu’à ce qu’un fils de l’homme , supérieur à l'humanité, 
vint nous relever de notre chute et reconquérir pour nous le 
séjour bienheureux : Muse céleste , chantez! 


Dans les hautes retraites d'Oreb ou de Sina, vous avez inspiré 
ce pasteur qui , le premier, apprit à la race choisie comment les 
cieux et la terre sortirent du chaos : ou pent-être chérissez-vous 
dayantage la colline de Sion et cette source de Siloë qui jaillit 
près des lieux où parlaient les oracles. C'est là que mes vœux 
iront vous chercher. Venez aider ces chants aventureux qui, 
dans leur vol plein d’audace, aspirent à s'élever bien au-dessus 
des monts d'Aonie : car ils vont célébrer des choses qu'aucun 

. langage humain n'a tenté de décrire, 


( 618 ) 

Et toi surtout, Esprit divin, toi qui préfères à tous les temples 
le sanctuaire d’un cœur droit et pur, daigne m'instruire , Ô toi 
qui sais! Dès la naissance des temps, tu étais là : déployant tes 
ailes puissantes, tu te posas comme la colombe pour couver le 
vaste abime ; et l’abime devint fécond. Illumine mes ténèbres ; 
relève et soutiens ma bassesse : que toujours à la hauteur de ce 
grand sujet, je puisse montrer à tous la Providence éternelle et 
devant la face des hommes justifier les voies du Seigneur. 


Dis-nous d’abord , car ni le ciel, ni les profondes régions de 
l'enfer ne cachent rien à ta vue ; dis-nous comment nos premiérs 
pères, dans cet état de parfait bonheur, si hautement favorisés 
du ciel, se laissèrent déchoir des bontés du Créateur, et, pour 
une seule entrave à leur liberté , osèrent violer les lois divines: 
eux, les rois de ce monde terrestre ! Quel séducteur leur inspira 
l'odieuse pensée de la révolte? — Ce fut le serpent de l'abime! 
Ce fut lui dont la fourbe, aiguillonnée par la vengeance et l'envie, 
trompa la mère des humains. Déjà son orgueil l'avait précipité 
des cieux avec toute l’armée de ses anges rebelles. Fier de leur 
appui, aspirant à établir sa gloire au-dessus de tous ses égaux, 
il s'était flatté d’égaler le Très-Haut parce qu'il s’en déclarait le 
rival ; son ambition avait allumé dans les cieux une guerre impie 
contre le trône divin, contre la monarchie éternelle; il avait 
livré enfin cette fière bataille, inutile tentative! — L'Omnipotent, 
du haut des demeures éthérées, le lança, tout en flammes, la 
tête la première, hideux débris, ruine embrasée, vers le gouffre 
sans fond de la perdition éternelle. Là doit demeurer, fixé par 
des chaines de diamant au sein des feux vengeurs, celui qui osa 
défier son Dieu et l'appeler au combat. 


Neuf fois s'écoula le temps qui mesure aux mortels une nuit 
avec un jour; et, au milieu de ses horribles phalanges, il restait 
étendu , ballotté sur l’abime de flammes, exterminé, mais tou- 


(619) 
jours immortel. La sentence divine le réservait à un plus horrible 
sapplice : à la double pensée du bonheur perdu et de la souf- 
france éternelle. Enfin , il promène autour de lui des regards 
funestes où se peignent l’épouvante et la douleur sans bornes 
mêlées à l’orgueil endurci et à la haine inflexible. 


D'un seul coup-d'œil, aussi loin que peut porter la vue d'an 
ange, il parcourt la lugubre demeure, immense, désolée. Tout 
à l’entour, ce n’est qu’un horrible cachot , flamboyant comme 
une grande fournaise : pourtant ces flammes ne donnent point 
de lumière , mais plutôt de visibles ténèbres qui de toutes parts 
font découvrir des spectacles de misère, des régions de deuil et 
de sinistres ombrages où ne peuvent habiter la paix ni le repos. 
Là ne descend jamais l'espérance, qui descend en tous lieux ; 
mais la torture qui ne doit point finir y redouble sans cesse; 
sans cesse y roule un déluge de feu alimenté par le souffre qui 
ne se consume point. Cette demeure, l’éternelle justice l'avait 
préparée pour les rebelles : elle avait construit leur prison dans 
les ténèbres extérieures , régions trois fois aussi reçulées loin de 
Dieu et de la lumière céleste que la dernière limite du monde 
est distante du centre. Oh! combien était différent le séjour d'où 
ils sont tombés! 


Il aperçoit les compagnons de sa chute plongés dans les tour- 
billons des flammes tempétueuses ; il voit, roulant à ses côtés 
parmi les vagues de feu , le plus puissant après lui et après lui le 
plus coupable, celui que la Palestine adora et qu’elle nomma 
Beëlzebub. 


Le chef des ennemis de Dieu, Satan { car, depuis son crime, le 
ciel l’appela de ce nom qui veut dire ennemi), Satan rompt 
par ces fières paroles le silence affreux de l’abime : 


« Oh! situes celui, — mais alors combien déchu, combien 


( 620 ) 
changé! — celui qui, dans les royaumes heureux de la lumière, 
revêtu de splendeur, éclipsait tant de milliers d’esprits eux- 
mêmes resplendissans ; — qui, naguère lié à mon sort par une 
ligue mutuelle, par des pensers et des desseins complices, par 
une espérance égale et par les mêmes hasards d’une glorieuse 
entreprise, maintenant encore se trouve uni à moi par le malheur 
et dans une ruine commune: — au fond de quel abime tu me 
vois et de quelle hauteur tombé! Tant IL a dû, le lâche , aux 
coups de son tonnerre, de cette arme terrible dont personne 
_ jusque là ne connaissait la puissance! — Ni la foudre cependant, 
ni ce que le vainqueur en courroux peut ajouter à nos souffrances, 
rien ne me fera repentir; rien ne saura changer, — toute changée 
qu’elle peut être dans son éclat apparent, — cette ame inébran- 
lable ; rien ne brisera ce dédain altier, né de la conscience d’un 
génie méconnu! Fort de cette conscience , je me suis levé pour 
combattre un ennemi trop puissant ; j'ai su entraîner dans ces 
fiers débats une foule innombrable d’Esprits en armes, tous 
dédaignant son empire et préférant le mien, tous , résolus à 
lutter de force avec lui, à livrer dans les plaines du ciel un 
combat au moins douteux, et à briser enfin son trône. La bataille 
est perdue , soit! tout n’est pas perdu avec elle. Cette volonté 
qu’IL ne saurait conquérir , l'amour de la vengeance , la haine 
imnortelle, ce courage qui ne veut point se soumettre ou fléchir, 
mille sentiments enfin qui restent invincibles , voilà une gloire 
que sa colère ni sa puissance ne me sauraient arracher. Nous 
courber, implorer notre grace d’un genou suppliant, déifier le 
pouvoir qui devant la terreur de ce bras a si long-temps douté 
de lui-même: ah! ce serait bien abject, ce serait une ignominie, 
une honte plus basse que notre chute. Non! par l’arrêt du destin, 
cette force qui fait de nous des Dieux, cette substance céleste ne 
saurait périr; d’ailleurs, l'expérience de ce grand évènement 
nous laisse aussi forts par les armes , mieux éclairés pour le con- 
seil. Soutenons donc avec un meilleur espoir, ou par force ou 


( 6ar ) 
par ruse ; une guerre éternelle, irréconciliable, contre ce puis- 
sant ennemi qui maintenant triomphe, heureux de régner seul 
et en tyran dans les cieux. » 


Ainsi parla l’ange apostat ; et il souffrait en parlant : il s’exal- 
tait bien haut, mais il se sentait torturé par un profond désespoir. 
Son fier compagnon lui répondit : 


« © prince, à chef de tant de Trônes, de Puissances, qui, 
sous tes drapeaux, guidèrent aux combats les bataillons des 
Séraphins : guerriers intrépides, ils mirent en péril celui qui se 
perpétue Roi des Cieux , et voulurent éprouver si sa haute supré- 
matie a pour sanction la ferce, le hasard ou la destinée ! Va, j'ai 
trop ressenti, trop déploré, ce cruel évènement, cette ruine 
épouvantable. Une irréparable défaite nous a déshérités du Ciel. 
Elle a précipité dans ce gouffre une puissante armée, tout en- 
tière ensevelie dans la destruction , si toutefois la destruction 
peut jamais atteindre des Dieux, de célestes essences : car l’es- 
prit reste invincible , et bientôt sa vigueur se ranime, survivant 
à une gloire éteinte, à une félicité engloutie dans la misère 
sans fin. 


» Maïs peut-être notre vainqueur, celui qu'il faut enfin nom- 
mer le Tout-Puissant , car il devait l’être sans doute pour l'em- 
porter sur nous, peut-être nous a-t-il laissé notre courage et 
nos forces entières, pour suffire au fardeau de nos peines et de sa 
colère; peut-être même devrons - nous le servir activement, 
esclaves par le droit des armes, quelques travaux qu'il nous 
impose au milieu des feux et dans les entrailles de l'Enfer, quel- 
ques missions qu’il nous confie parmi les ténèbres de l’abime, 
Triste consolation alors que de sentir en nous des forces inépui- 
sées, et un être éternel pour l'éternel châtiment! » 


Le Roi des Esprits infernaux s'empresse de répliquer : 


« © Chérubin déchu, se sentir faible ce serait toujours vivre 


( G22 } 

plas misérable, fallüt-il travailler ou seulement souffrir. Sois-en 
certain, d’ailleurs, faire le bien ne sera jamais notre tâche: 
opposé à la volonté suprême de notre ennemi, le mal seul fera 
nos délices. Que s’il prétend tirer quelque bien de ce mal qui est 
à nous, entravons-le : cherchons, nous, dans le bien même, 
des élémens de désordre. Nous en trouverons souvent, et IL se 
sentira blessé, je l'espère, quand il verra ses plus intimes des- 
seins détournés ainsi de leur but. 


» Mais vois, le vainqueur irrité a rappelé vers les portes du 
ciel les ministres de sa vengeance. Cette grêle de soufre, que la 
tempête dardait après nous, a passé (@ut entière en tourbillons. 
Déjà s’apaisent ces vagues de feu qui nous accueillirent tombant 
du précipice. Le tonnerre, porté sur les ailes de l'éclair rou- 
geâtre, et de l'aveugle fureur, a peut-être épuisé tous ses carreaux: 
il cesse de mugir à travers les profondeurs sans bornes. Ne lais- 
sons point échapper l’occasion que le mépris de notre ennemi ou 
sa fureur enfin rassasiée nous présente! Vois-tu cette plaine 
funeste et sauvage, séjour de désolation, que n’éclaire aucune 
lumière, sauf le reflet que ces flammes livides y jettent, horrible- 
ment pâle et sinistre ? Dirigeons-nous vers ce rivage; quittons 
les vagues de feu dont nous sommes les jouets: là nous goûterons 
le repos, si quelque repos y habite. Rassemblant les Puissances 
abattues, nous chercherons comment à l’avenir blesser le plus 
profondément notre ennemi, comment réparer nos propres 
pertes, comment surmonter de si cruelles infortunes ; quel se- 
cours enfin tirer de l'espérance, ou quelle résolution du dé- 


sespoir ? » 


En parlant ainsi à l’ange étendu près de lui, Satan élevait la 
tète au-dessus des flots; et ses yeux enflammés étincelaient à 
leur surface : mais le reste de son corps, couché et flottant sur 
les vagues, dans sa largeur et sa longueur aurait couvert plusieurs 


( 6233 ) 

arpents, — masse pareille à celle des monstres que nomme la 
Fable, des Titans, fils de la Terre, qui firent la guerre au maître 
des Dieux, de Briarée ou de Typhon, que renferment aujourd’hui 
les cavernes de l'antique Tarsus : tel encore le géant des eaux, 
Léviathan , la plus énorme des créatures que Dieu a faites pour 
nager dans les flots de l'Océan. — Souvent, racontent les nau- 
tonniers, Léviathan s’est endormi sur les ondes houleuses qui 
battent la Norwège ; le pilote de quelque frêle esquif, surpris 
par le soir, prend le monstre pour une île, et, fixant l’ancre 
dans son enveloppe rugueuse , il mouille le long de ses flanes à 
l’abri des tempêtes, tandis que la nuit plane sur les eaux et sus- 
pend le retour du matin desiré. — Telle Roi des Esprits infer- 
naux s’étendait immense , enchainé sur le lac brûlant. Et jamais 
il n’aurait pu se lever, jamais il n’aurait même redressé son 
front , si la tolérance du Ciel tout-puissant ne l’avait laissé 
libre d'accomplir ses noirs desseins. Tandis qu’il méditerait la 
ruine d'autrui, ses crimes réitérés devaient accumuler la dam- 
nation sur sa propre tête; il devait voir un jour, en frémissant 
de rage, que toute son horrible malice ne fait qu’appeler sur 
l'homme indulgence et pardon, sur lui-même au contraire con- 
fusion et vengeance éternelle. 


Tout-à-coup, il_ dresse sur le lac sa formidable stature; de 
chaque côté, les flammes , repoussées en arrière , ont replié leurs 
flèches aiguës, et roulent sur elles-mêmes comme des vagues 
croulantes : une effroyable vallée reste béante au milieu. Alors, 
les ailes déployées , il prend son essor vers les voûtes : l'air téné- 
breux qui le supporte gémit sous un poids inaccoutumé. Il s’abat 
enfin sur la terre ferme , si toutefois on peut appeler terre ce qui 
n’est qu’un feu solide, de même que de liquides flammes forment 
les ondes du lac. — Quand la violence des vents souterrains 
arrache un roc , une colline entière , des flancs déchirés du Pélore 
ou du sein tonnant de l'Etna, aussitôt les entrailles du mont, 


( 624 ) 

réservoirs de soufre et de bitume , se soulèvent tout en feu : la 
fureur de l'incendie se joint au torrent d'air mugissant; et 
bientôt il ne reste plus qu'un cratère vide, charbonneux, tout 
fumant d’une vapeur empestée. Tel apparaît le sol de ces bords : 
tel le lieu de repos où s’arrête le pied du maudit.— Son com- 
pagnon l’a suivi; et tous deux se glorifient de s'être échappés 
des flots stygiens, comme des Dieux qu’ils sont, par la seule 
vertu de leurs forces renaissantes : ils ne sentent point que le 
pouvoir suprême a daigné le souffrir. 


« Voilà donc la contrée, le sol et le climat, dit l’Archange 
anathème, voilà donc la demeure qu’il nous faut accepter en 
échange des cieux ; cette obscurité funèbre, au lieu de la divine 
clarté! Qu'il en soit donc ainsi, puisqu’un seul et souverain 
arbitre peut maintenant prescrire ce qui sera le droit : nous 
serons bien partout où nous serons loin de cet être que la raison 
rabaissait au niveau commun, et que la force seule a placé au- 
dessus de tous ses égaux. — Adieu donc , champs heureux qu’à 
jamais habite la joie! — Salut, séjour d'horreur! monde infernal, 
salut! Et toi, profond abime, reçois ton nouveau maitre. Il 
t'apporte une ame que le lieu ni le temps ne sauraient changer : 
l'ame n’habite qu'en elle-même; et là, elle se fait de l'enfer un 
ciel, ou du ciel un enfer. Eh! qu'importe en quels lieux, si je 
suis toujours le mêne, toujours ce que je dois être , tout excepté 
l'esclave de Celui que la foudre a rendu maître? — Ici du moins 
nous serons libres : le Tout-Puissant n’a point bâti ces demeures 
pour nous les envier, pour nous en chasser un jour.lei nous pou- 
vons régner en paix ; un pareil sort me semble encore désirable : 
plutôt régner aux enfers que de servir dans les cieux! — Mais 
pourquoi laissons-nous ces fidèles amis, les associés de notre 
infortune, encore immobiles d’épouvante, étendus sur le lac 
d’oubli ? Que ne les appelons-nous pour partager cette triste 
demeure ; ou plutôt pour tenter, en ralliant leurs armes, si nous 
pouvons remonter au ciel , ou tomber plus bas dans l'enfer. » 


( 625 }) 
Âinsi parla Satan. Beëlzebub lui répondit : 


« Chef de ces brillantes armées que l'Omnipotent seul pou- 
vait vaincre, oh! s'ils viennent à entendre cette voix > gage 
puissant d'espérance au sein des alarmes, cette voix qui a si 
souvent retenti dans les plus rudes extrémités, dans la crise 
périlleuse de la bataille en furie , cette voix, signal infaillible au 
milieu des assauts, aussitôt ils prendront un nouveau courage 
et consentiront à revivre : — bien que maintenant on les voie 
rampans, prosternés sur cet étang de flammes comme nous- 
mêmes nous y étions tout à l'heure, étourdis et confondus. Et 
comment ne pas l'être après cette chute épouvantable ! » 


À peine avait-il cessé de parler, quand celui qu'il appelait 
son prince s’avança vers le rivage, Son bouclier pesant, d’une 
trempe éthérée, massif et large dans sa rondeur, était rejeté 
sur ses épaules. La vaste circonférence égalait le disque de la 
lune, quand, des hauteurs de Fésolé ou du sein du Valdarno ; 
l'astronome toscan le contemple à travers le savant cristal, 
pour découvrir de nouvelles régions, des fleuves , des montagnes, 
sur sa surface bigarrée. Sa lance, — le pin le plus élevé qui 
jamais fut abattu sur les monts de Norwège pour fournir un mât 
à quelque grand navire amiral, paraîtrait à peine auprès d’elle 
un faible roseau , — sa lance, il la tenait à la main pour sou- 
tenir ses pas laborieux sur l'arène brûlante. — Oh! ce n’est 
point de ce pas qu'il foulait naguèëres les voûtes azurées. — Et 
de toutes parts l'atmosphère torride le frappait de ses rudes 
atteintes : un mur de feu l’écrasait. 


Rien ne l'arrête : et bientôt il paraît debout sur la grève 
qui borde la mer enflammée. De là, il va réveiller ses légions. 
Ces formes encore angéliques étaient gisantes dans l’effroi, 
pressées comme les feuilles d'automne qui jonchent ces ruis- 
seaux de Vallombreuse, sur lesquels les bosquets étruriens 


40 


( 626 ) 

s'arrondissent en arches de verdure. Tels encore surnagent 
entassés les joncs et les roseaux , quand les vents déchainés par 
le fougueux Orion ont battu les côtes de la Mer-Rouge; là où 
Busiris s’engloutit avec la cavalerie de Memphis, quand leur 
haine perfide poursuivait les hôtes de Goshen : — cependant Israël, 
en sûreté sur le rivage, put contempler les cadavres et les roues 
brisées des chars qui flotitaient sur les ondes. Ainsi les Esprits 
réprouvés , encore tout étourdis sous le poids d’un revers épou- 
vantable , couvraient au loin les flots du lac. Leur roi les appelle, 
et sa forte voix fait retentir les profondes cavités de l’abyme. 


« Princes, potentats, guerriers, orgueil de ce ciel qui fut 
à vous, de ce ciel que vous ne reverrez jamais , si vous, Esprits 
éternels, vous persistez dans cet engourdissemement funeste! 
Quoi donc, est-ce là le lieu que votre valeur fatiguée choisit 
pour se reposer des labeurs de la bataille ? Et dormez-vous ici 
paisibles comme dans les vallons de l'Empyrée? Ou bien, cette 
posture abjecte, l'auriez-vous prise en jurant d'adorer le vain 
queur? Maintenant à la vérité, ce vainqueur s'arrête pour 
contempler les Chérubins, les Séraphins, roulant pêle-mêle 
dans ces flots avec les débris de leurs armes et de leurs éten- 
dards : mais bientôt, des portes du Firmament , ses éclaireurs 
rapides vont apercevoir l'avantage que nous leur offrons : ils 
vont descendre et nous fouler aux pieds dans notre lâche abat- 
tement; ou plutôt nous perçant des traits de la foudre, nous 
enlaçant des chaînes de l'éclair, ils nous cloueront au fond 
du gouffre ? Courage donc, levez-vous, ou restez perdus à 
jamais ! » 


Ils entendent ces mots, et sont saisis de honte ; et aussitôt ils 
s'élancent en secouant leurs ailes. Tels des hommes qui doivent 
veiller pour accomplir un devoir; si le maître qu’ils redoutent 
vient à les surprendre plongés dans le sommeil, à sa voix, ils 
s’élancent , ils s’agitent encore tout endormis. Sans doute, les 


( 627 ) 

Esprits déchus aperçoivent l'horreur de leur destinée ; ils sentent 
leurs cruelles douleurs : mais avant tout , obéissant à la voix de 
leur chef, ils accourent innombrables. Dans les jours néfastes 
de l'Égypte, la baguette puissante du fils d'Amram, ayant 
tracé les cercles magiques dans l'air , évoqua toute une sombre 
nuée de sauterelles qui, poussée par les vents de l'Est, vint 
planer comme la nuit sur le royaume du Pharaon et noircir 
tout le sol arrosé par le Nil. Non moins difficiles à compter, 
les Anges maudits demeurent suspendus à l'aide de leurs ailes 
sous la coupole des enfers, entre les feux du sol, de la voûte, 
des parois, jusqu’au moment où la lance de leur chef se dresse 
comme un signal et décrit un arc dans l’espace pour diriger 
leur course. Alors, d’un mouvement unanime, leur vol s'abat 
sur la plaine sulfureuse. Ils la couvrent tout entière, multi- 
tude comparable à tous les flots de barbares que le Nord 
populeux versa de ses flancs glacés, pour aller franchir le Rhin 
et le Danube, abonder comme un déluge vers les terres du Sud 
et s’étaler depuis Gibraltar jusqu'aux sables lybiens. 


Aussitôt les chefs de chaque escadron et de chaque bande 
accoururent vers le lieu où se tenait le commandant suprême : 
figures encore divines, formes au-dessus de l’humanité, Domi- 
nations , Puissances , qui tout à l'heure occupaient les trônes 
des cieux. Maintenant les célestes registres ne conservaient plus 
aucune trace de leurs noms, tous effacés, retranchés du livre 
de vie par leur rébellion ! Cependant ils n’avaient point encore 
acquis leurs nouveaux titres parmi les enfans d'Êve. Plus tard, 
errants sur la terre, {olérés par la haute sagesse de Dieu qui 
veut éprouver l’homme, on les vit corrompre par la fraude et 
le mensonge une immense portion de l’humanité : ils amenèrent 
les mortels à oublier Dieu , leur Créateur, et sa gloire invisible, 
pour transporter leur culte à l’image d’une brute qu’ils entou- 
raient de rites joyeux et de pompes dorées, pour déilier enfin 


( 628 ) 
les Démons. C’est alors que les mauvais Anges furent désignés 
parmi les hommes sous des noms différents et sous les emblèmes 
vatiés de ces idoles qui peuplèrent le monde païen. 


Daigne donc, à Muse, te servir de ces dénominations main- 
tenant connues. Parmi tous ces esprits que l’appel du monarque 
a tirés de leur sommeil sur la couche de feu, dis-moi dans 
quel ordre les plus distingués vinrent successivement le trouver, 


sur le rivage aride; tandis qu’au loin le vulgaire formait une 
masse confuse. 


Les principaux chefs étaient ceux qui, long-temps après 
sortis du fond de l’abîme pour chercher leur proie sur la terre, 
osèrent élever leurs trônes en face du trône de Dieu, leurs 
autels près de son autel. Ce furent les Dieux adorés parmi les 
Cananéens. Ils tinrent tête à Jehova, qui, assis entre les deux 
Chérubins , tonnait des hauteurs de Sion. Souvent même, on 
les vit placer jusques dans le sanctuaire l’abomnination de leurs 
images ; les choses maudites profanèrent les rites sacrés et les 
fêtes solennelles : leurs ténèbres vinrent offasquer la lumière du 


Seigneur. 


Le premier est Moloch, horrible monarque : sa statue voit 
couler devant elle le sang des victimes humaines et les larmes 
maternelles ; et le bruit des timbales retentissantes étoufle 
les cris des enfans qu’on expose à la flamme, aux pieds 
de l’idole difforme. L'Ammonite l’adora dans les plaines de 
Rabba la cité des eaux, dans Argob et Basan, et jusques 
vers les sources d'Arnon. Non content de profaner les lieux 
saints par son insolent vosinage, il séduisit le cœur du plus 
sage des rois : Salomon lui éleva un temple sur la colline 
infâme, en face du temple du vrai Dieu. Moloch s’empara éga- 
lement des bocages riants de la vallée d'Hinnon, qui depuis fut 
appellée le Tophet et la noire Gehenna, type de l'Enfer | 


( 629) 


Après lui vient Chémos. Son idole obscène est l’effroi des 
enfans de Moab, depuis Aroar et Nebo jusqu'aux solitudes 
méridionales d'Abarim ; dans Hésebon et dans Horonaïim, tom- 
bés sous l’empire de l'amorrhéen Sehon ; au-delà des vallons 
fleuris de Sibma, que couronne une enceinte de pampres, et 
depuis Éléalé jusqu’au lac Asphaltique. Péor était son nom, 
quand, vers les champs de Sittim , Israël échappé des bords du 
Nil célébra ses rites impurs, crime payé par bien des larmes! 
Depuis lors, il étendit ses lascives orgies jusques sur la mon- 
tagne de scandale qui dominait les bocages de l’homicide 
Moloch : le meurtre et la luxure se donnèrent la main; jusqu’au 
jour où le pieux Josias renversa les deux monstres et les replon- 
gea dans l'enfer. 


Alors s'avancent mille Génies divers : depuis les flots de 
l'antique Euphrate jusqu'au fleuve qui sépare l'Égypte de la 
Syrie, ils furent appelés des noms génériques de Baal comme 
Dieux, d’Astaroth comme Déesses ; car des Esprits immatériels 
peuvent quand il leur plaît revêtir l’un ou l'autre des deux 
sexes ou tous deux à Ja fois : tant leur pure essence est ductile 
et sans parties déterminées! Ils ne sont point, comme nos 
lourdes et charnelles enveloppes, formés par l'assemblage et 
l’agencement d’articulations et de membres, moulés sur la fra- 
gile charpente des os. Maïs ils choisissent à volonté la forme qui 
leur convient : ils la dilatent ou la condensent , l’obscurcissent 
ou l’illuminent, pour accomplir leurs magiques desseins , leurs 
œuvres de haine ou d'amour. Pour eux, Israël oubliant la seule 
Force vivante, laissa infréquenté son autel légitime et vint 
lâchement courber la tête aux pieds de la brute déifiée : c'est 
pourquoi Israël courba aussi la tête au milieu des batailles et 
fléchit devant la lance des plus vils ennemis. — Avec ces Esprits 
marche Astoreth, que la Phénicie appelait Astarté, reine du 
ciel, couronnée de cornes naissantes : la nuit, sous les rayons 


( 630 ) 
dé la’ lune, les filles de Sidon venaient offrir leurs vœux et 
leurs chants à la planète brillante ; image de cette divinité. Elle 
fut même célébrée dans Sion : son temple s’éleva sur le mont 
d’iniquité, grace à ce roi au cœur magnanime, mais trop faible 
auprès des femmes, qui, séduit par de belles idolâtres, s’avilit 
dans les impiétés de leur culte. 


Thammus paraît ensuite. C'est lui dont les blessures annuel- 
lement rouvertes appelaient dans le Liban les filles de la Syrie : 
là elles déploraient son sort, répétant leurs molles élégies, 
durant tout un jour d'été; tandis que les flots paisibles de 
l’Adonis sortaient du rocher natal et couraient jusqu’à la mer, 
teints de la couleur purpurine du sang que Thammus, disait- 
on, y versait chaque année. L’amoureuse complainte répandit 
parmi les filles de Sion l’ardeur contagieuse de ces regrets. 
Ézéchiel fut témoin de leurs lamentations impudiques , quand, 
ravi par la vision sous le portique sacré, il y vit le tableau des 
idolâtries et des profanations de Juda. 


Voilà maintenant celui qui eut à répandre des pleurs véri- 
tables, quand l’arche captive précipita sa grossière image, toute 
mutilée, la tête et les mains séparées du tronc, sur le pavé 
de son propre temple. Ses adorateurs l'y trouvèrent hon- 
teusement couché; et ils rougirent de leur Dieu. Il s’appe- 
lait Dagon : son buste était d'un homme, le reste d’un poisson 
hideux. Et sous cette forme d'un monstre des mers, Azot lui 
éleva un temple immense ; il fut redouté le long des côtes de 
Palestine , dans Ascalon , dans Gath, vers les plaines d’Accaron 
et sur les frontières de Gaza. 


Rimmon, qui le suit, eut le délicieux séjour de la superbe 
Damas, les bords fertiles de l’Abbana, du Pharphar, aux eaux 
toujours limpides. Et lui aussi leva sa tête hardie contre la 
maison du Seigneur. Renié par le lépreux Naaman , il conquit 


( 631 ) 
les hommages d'un roi : Achaz, stupide conquérant de la Syrie, 
remplaça l'autel avili du Seigneur par un autel syrien, pour 
y brûler ses offrandes impies et adorer les Dieux qu'il avait 
vaincus. 


Alors vient une foule de mauvais Anges qui, sous les noms 
long-temps célèbres d'Isis, d’Osiris, d'Orus et des Dieux subal- 
ternes, revêtant des formes monstrueuses , déployant de faux 
prodiges , trompèrent la fanatique Égypte et ses prêtres eux- 
mêmes. Au lieu de les chercher sous la figure humaine, le 
peuple du Nil crut trouver ses Dieux errants sous la forme 
abjecte des brutes. Israël même ne put échapper à la contagion 
de l'Égypte : avec le métal emprunté, il fondit le veau d'or 
dans Oreb. Jéroboam rebelle commit deux fois le même crime 
à Béthel et à Dan : il osa comparer un vil bœuf engraissé dans 
les pâturages, à Jehovah, son divin créateur, à celui qui, dans 
une seule nuit, en traversant l'Égypte, frappa du même coup 
les premiers nés des hommes et tous leurs Dieux mugissants. 


Le dernier est Bélial, de tous les esprits tombés des cieux le 
plus abandonné, le plus enclin à aimer le vice grossier pour le 
vice lui-même. Aucun temple ne fut élevé en son honneur : 
nul autel ne fuma pour lui. Et pourtant quelle Divinité vit-on 
plus souvent dans les temples et près des autels, quand le 
prêtre se fait athée, comme les fils d’Héli qui remplirent de 
fraude et de luxure la maison du Seigneur? Ii règne aussi 
dans les cours, dans les palais, dans les cités adultères d’où 
s’élèvent, jusqu'au sommet des tours, le tumulte des rixes , et 
l'injure et l'outrage; et quand descend la nuit, les fils de 
Bélial vont errant par les rues obscures, regorgeant d’insolence 
et de vin : témoin les rues de Sodome, et cette nuit fatale de 
la cité Benjamite , quand, pour éviter un plus infâme attentat, 
la porte hospitalière livra la pudeur d’une femme! 


Ceux que j'ai nommés et qui parurent les premiers étaient 


( 632 ) 

les premiers en pouvoir. Bien d’autres vinrent encore qui ne 
sont pas sans renom ; mais la muse se fatiguerait à les compter. 
C’étaient les Dieux de l’Ionie : la race de Javan les célébrait 
comme fils du Ciel et de la Terre : aveugle, elle adorait des 
Divinités plus jeunes que la création! Titan, le premier né du 
Ciel, avec son innombrable lignée, dépouillé de ses droits 
d’aînesse par son frère Saturne ; Saturne renversé à son tour 
par le fils qu'il avait eu de Rhéa, le puissant Jupiter ; toute 
une race de Dieux menteurs, apparaissant d’abord dans la Crète 
et sur l'Ida, de là s’élancant sur les hauteurs neigeuses de 
l'Olympe glacé pour gouverner les moyennes régions de l'air, 
le ciel le plus élevé qu'ils connussent; ou bien régnant à 
Dodone, sur les collines Delphiques, dans les diverses parties 
de la Doride; ou bien encore fugitifs avec le vieux Saturne, 
traversant l’Adriatique, abordant les champs de l’Hespérie, 
parcourant la Celtique entière et promenant leurs erreurs vaga- 
bondes jusques dans les iles qui touchent au pôle. 


Tous ces Dieux et bien d'autres encore arrivèrent par trou- 
peaux. Leurs regards mornes étaient baissés vers la terre; et 
cependant on y voyait briller intérieurement un obscur reflet 
de joïe : car ils trouvaient leur chef inaccessible au désespoir ; 
car ils se trouvaient eux-mêmes survivant à leur ruine. Un 
moment leur aspect jeta également sur toute la contenance du 
monarque quelque chose d'indécis; mais bientôt, rappelant son 
orgueil accoutumé, à l’aide de mots sonores, qui portaient un 
air de grandeur, maïs vides et sans substance, il sut relever 
adroitement leur courage ébranlé et dissiper leurs craintes. Puis 
il commande qu’au son guerrier des trompettes et des clairons, 
on élève son puissant étendard. Azazel, chérubin d’une haute 
stature, réclame comme son droit ce privilège glorieux. II 
développe la bannière impériale roulée sur la pique étincelante 
et la dresse dans les airs, où elle brille comme un météore : le 


( 633 ) 
vent qui l’agite y fait resplendir les armes et les trophées des 
Séraphins richement blasonnés d’or et de pierreries. Cependant 
le métal sonore fait retentir son souflle martial. À ce signal, toute 
l’armée pousse une longue clameur , qui, perçant les voùtes de 
l'Enfer , va épouvanter l'empire du Chaos et de la Nuit antique. 


En un instant, on voit à travers les ténèbres des milliers de 
drapeaux déployer dans les airs les couleurs dont se revêt 
l’Orient. Une épaisse forêt de dards s’est dressée; on aperçoit 
des casques qui se pressent, des boucliers serrés en rangs épais 
d’une profondeur immense. Enfin l’armée, formant une pha- 
lange parfaite, s’ébranle en cadence au doux accord des flûtes 
doriennes. 


Jadis de pareils chants élevaient jusqu'au plus noble dévoue- 
ment l’ame des héros qui s’armaient pour la bataille. Ces accords 
n'inspiraient point une aveugle furie , mais une valeur délibérée, 
constante et que la crainte de la mort ne pouvait pousser à la 
faite. L'Harmonie aux touches solennelles apprivoisait les pen- 
sées farouches ; par elle, les angoisses et le doute et la crainte 
étaient bannis du sein des mortels, du sein même des êtres qui 
ne sauraient mourir. — Ainsi les guerriers de l'Enfer, animés 
comme d’une seule vie et d’une pensée fixe, marchaient en 
silence au doux son des hautbois, qui charmaient leurs pas 
douloureux sur le sol brûlant. Arrivés à distance, ils s'arrêtent 
et présentent un front d’une effroyable longueur, hérissé 
d’armes étincelantes : tels on nous peint les guerriers du vieil 
âge alignant leurs piques et leurs boucliers. Ils attendent ainsi 
les ordres de leur chef redoutable, 


L'Archange darde son œil pénétrant le long de toutes les files 
guerrières : il promène son regard expérimenté à travers tous 
les rangs du bataillon immense. Tout est dans l’ordre conve- 
nable : chaque soldat a le visage et la stature d’un Dieu. Enfin, 


( 634 ) 

il résume l’ensemble de ses forces. Son cœur se gonfle d’orgueil 
et se glorifie dans sa puissance. Car jamais depuis la création de 
l’homme, il ne s’est réuni une armée qui, en face de celle-ci, 
n'eût semblé un de ces bataillons nains dignes rivaux des esca- 
drons des grues : non, quand même vous joindriez à la race 
innombrable des géants de Phlégra tous ces héros qui combat- 
tirent sous les murs de Thèbes et d'Ilium, ayant des deux parts 
les Dieux pour auxiliaires ; quand vous ajouteriez tous les noms 
qui retentissent dans la fable ou les romanesques légendes, 
Arthus , le fils d'Uther , entouré des chevaliers de l’Armorique 
et de la Bretagne, et tous ceux qui depuis, chrétiens ou infi- 
dèles, joutèrent dans les tournois d'Aspremont ou de Montalban, 
dans les lices de Damas, de Maroc ou de Trébizonde; et tous ces 
guerriers enfin que Diserte envoya du rivage d’Afrique aux 
bords de l’Ibérie quand Fontarabie vit tomber Charlemagne 
avec ses paladins. 


Ces guerriers, si supérieurs à toute vaillance humaine, atten- 
daient , dociles , les ordres du chef redouté. Et lui, se distin- 
guant au-dessus de tous les siens par ses formes et son attitude, 
il était là, debout comme une tour. Son aspect n'avait point 
encore perdu toute sa native splendeur : Archange déchu, mais 
toujours Archange; gloire éclipsée, mais gloire sans égale! 
Tel le soleil, à travers l'horizon brumeux, se lève dépouillé de 
ses rayons; tel encore, éclipsé derrière le disque de la lune, il 
ne projette sur la moitié du globe qu’un jour sinistre et douteux, 
qui prophétise la chute des trônes aux monarques épouvantés : 
tel l’Archange obscurci brille encore au-dessus de tous les siens. 
Cependant le tonnerre a labouré sa face de cicatrices profondes ; 
sur son visage abattu les soucis ont établi leur demeure : mais 
son front est le siège du courage indomptable et de l’orgueil 
déterminé à venger sa défaite. Dans son regard farouche, on 
apercoit des signes de remords, de pitié, quand il s'arrête sur 


( 635 ) 

les complices ou plutôt les imitateurs de son crime, eux que 
jadis il voyait si heureux , condamnés maintenant à un supplice 
éternel : ces milliers d'Esprits que sa faute a dépouillés de l'hé- 
ritage des cieux, que sa révolte a précipités des immortelles 
splendeurs, comme ils restent fidèles, même après que leur 
gloire est à jamais flétrie! Ainsi, quand le feu du ciel a frappé 
le chène des forêts ou le pin des montagnes, leur front 
aduste , leur tronc inébranlé quoique nu, s'élèvent encore sur 
la colline noircie. 


Il va parler. Au signal bien connu, le front de l’armée 
double ses rangs et replie ses deux ailes de manière à l’enve- 
lopper à demi, lui et sa brillante escorte. L’attention commande 
le silence. Trois fois il essaie de commencer, trois fois, en 
dépit de son orgueil, des larmes, telles que les Anges en peu- 
vent verser, des larmes étouffent sa voix : enfin ses paroles, 
entrecoupées de soupirs, se sont ouvert un passage : 


« Esprits immortels, rien ne pouvait lutter contre vous, si 
ce n'est le Tout-Puissant : et cette lutte même n’a pas été sans 
gloire, quelque funeste issue de nos efforts que nous atteste cet 
horrible séjour et l’affreux changement que nous avons subi. 
Quelle intelligence divinatrice, formée par une étude profonde 
du présent et du passé, aurait pu redouter une défaite pour les 
forces liguées de tant de Dieux? Et même après ce premier 
échec, qui pourrait croire encore que tant de légions formi- 
dables , dont l'exil a dépeuplé les cieux, ne se releveront point 
par leur propre vertu , ne ressaisiront point leur séjour natal? 
Si toutes nos espérances semblent ruinées, je vous en atteste, 
à milice des Cieux! on ne peut m'accuser d'aucune hésitation 
dans mes desseins, d'aucune faiblesse en face du danger. Une 
autre cause nous a perdus : Celui qui règne en monarque dans 
les Cieux affectait une pleine sécurité sur ce trône où il ne sem- 
blait soutenu que par son antique renom , par l'indifférence ou 


( 636 ) 

l'habitude : il déployait toute sa royale splendeur, mais il 
cachait sa force réelle. C’est là ce qui provoqua notre attaque, 
hélas ! et notre chute. Désormais , nous connaissons sa puissance 
et la nôtre. Nous ne recommencerons point la guerre : nous ne 
la craindrons pas. Cachons notre plan; confions à la fraude et 
à la ruse ce que la violence n’a pu accomplir. Il recevra aussi 
de nous cette lecon, qu’en réduisant un ennemi par la force, 
on ne le réduit qu’à demi. — De nouveaux mondes peuvént se 
produire dans l'espace : un bruit s’est accrédité parmi les Cieux 
que dès long-temps notre ennemi songe à créer, à placer dans 
une de ces demeures, une race que son amour doit favoriser 
à l’égal des enfans de l’'Empyrée. De ce côté peut-être se 
dirigera notre première sortie, eût-elle pour but unique de 
sonder le terrain. Du reste, nous irons là, ou partout ailleurs: 
car ce gouffre infernal ne pourra garder en servitude de célestes 
Esprits; et l’abime ne les ensevelira pas long-temps sous ses 
ténèbres. Mais de pareilles pensées doivent être mûrement médi- 
tées. Nul ne songe à la paix, à la soumission. Comment pro- 
cédera la guerre, ouverte où cachée, c'est ce que décidera le 
conseil. Mais guerre, dans tous les cas ! j'en appelle à la 
guerre! » 


Il dit ; et pour appuyer ses paroles, mille glaives flamboyans 
étincèlent, glaives que les puissans Chérubins portaient attachés 
sur leur cuisse : leur éclat soudain illumine l'Enfer. Tous 
exhalent leur rage contre le Très-Haut : du fer qu'ils ont saisi 
frappant leurs boucliers sonores, ils font retentir un tocsin de 
guerre, et les hurlemens de défi montent jusqu'aux voûtes des 
Cieux. 


Non loin, s'élevait une colline dont le sommet ;'hideux à voir, 
vomissait par intervalles des flammes et des bouffées de fumée ; 
ses flancs étaient couverts d’une lèpre écailleuse et lustrée, et ce 
signe infaillible trahissait les veines métalliques que le souffre 


(637) 

élaborait dans son sein. Une troupe nombreuse s’y dirige ra- 
pide, pareille aux bandes de pionniers qui, armés de la bêche 
et de la pioche, s'empressent sur le front d’une armée royale pour 
ouvrir une tranchée ou élever un rempart. Mammon les conduit, 
Mammon le plus rampant de tous les Esprits déchus; car, même 
dans les demeures saintes, ses regards et sa pensée étaient tou- 
jours dirigés vers le sol: il admirait les richesses du parvis céleste 
où les pieds foulaient l'or, tandis que, s’élevant aux visions béa- 
tifiques, il aurait pu contempler face à face l'Essence même du 
divin et du beau. Ce fut lui qui poussa les hommes à déchirer le 
sein maternel de la terre, à y porter une main impie pour en 
arracher des trésors. — Oh!que n’ont-ils pu tous y rester cachés 
à jamais! 


Bientôt, par l'immense blessure que les ouvriers de Mammon 
ont ouverte dans ses entrailles, la colline vomit, comme ses osse- 
inens, des masses énormes d’or. Que l'on ne s’étonne point de 
voir tant de richesses produites par l'Enfer : un pareil sol 
méritait de recéler ce précieux poison! Et vous qui vous glorifiez 
dans des œuvres mortelles, vous qui admirez Babel et les travaux 
des roïs de Memphis, apprenez combien les plus superbes monu- 
ments de la gloire, combien la puissance et les arts des humains 
sont facilement surpassés par les Esprits réprouvés; voyez comme 
ils effacent en une heure ce qu'ont enfanté des milliers de bras et 
des siècles de travail. Dans la plaine voisine, de nombreux creu- 
sets sont disposés sur des ruisseaux de feu liquide que l'on a 
dérivés du lac. Une seconde troupe y fond avec un art merveil- 
leux le minerai massif: elle sépare chaque espèce de métal et 
enlève les scories impures de la fonte. Cependant une troisième 
bande de travailleurs a creusé dans le sol des moules de formes 
variées. Par un habile artifice, le métal bouillant dans les creusets 
vient remplir les cavités souterraines : ainsi, dans l'orgue de nos 
temples, un seul souflle est donné; et le réservoir commun 
inspire à plusieurs rangs de tuyaux l’haleine harmonieuse, 


( 638 ) 

Et voilà qu'au bruit d’une douce symphonie et des accords 
des voix, un immense édifice s'élève de la terre, comme une 
exhalaison, C'est un temple, entouré de pilastres et de colonnes 
doriques , que surmonte une architrave d'or : il a ses frises, ses 
corniches ornées de sculptures : le toit est d'or ciselé. Non, dans 
ces temps antiques où l'Égypte et l’Assyrie luttaient de luxe et 
de richesse, ni Babylone, ni les cités du Nil, dans tout l'éclat 
de leur gloire, n’ont égalé une pareille magnificence, soit pour 
les temples de leurs Dieux Bélus on Sérapis, soit pour les palais 
de leur rois. 


L'édifice, qui s'élève en pyramide, s'arrête à une majestueuse 
hauteur : et les portes, ouvrant leurs battants de bronze, laissent 
voir dans l’intérieur l’espace des salles immenses et leur pavé 
riche et poli. Du haut des voûtes, descendent par magie de 
longues rangées de lampes étincelantes comme des étoiles, et des 
lustres tout en feu, qui, alimentés par la naphte et l’asphalte, 
répandent un éclat pareil à l'éclat du Firmament. 


La multitude s’empresse, entre et admire. Les uns vantent 
l'ouvrage , les autres l'architecte. Son art s'était déjà fait con- 
naître dans le ciel par maint édifice couronné de dômes altiers, 
résidences des Anges au sceptre d’or, de ces princes de l’Ether, 
que le monarque suprême a commis pour gouverner, dans la sainte 
hiérarchie, les cercles brillans des Esprits inférieurs. La Grèee 
antique connut et adora son nom : la terre ausonienne l’appela 
Mulciber, La fable raconte comment il tomba des Cieux, quand 
Jupiter en courroux le lança par-dessus leurs créneaux de cristal. 
Sa chute dura du matin au midi, du midi jusqu’à la nuit humide : 
tout un long jour d'été. Vers le coucher du soleil, on le vit 
descendre du Zénith comme une étoile qui se détache des Cieux 
et s'arrêter dans l’île de Lemnos, que baigne la mer Égée. — 
Frivoles récits de l'erreur ! — Long-temps auparavant, il était 
tombé avec sa troupe rebelle. En vain il avait bâti des tours et 


( 639 ) 


des voûtes hardies dans les cieux ; en vain il savait construire de 
puissantes et ingénieuses machines: rien ne l’empècha de descen- 
dre, la tête en avant, avec les industrieux compagnons de ses 
travaux, pour bâtir désormais dans l'Enfer. 


Cependant , par l'ordre du monarque, des héraults, portés 
sur leur ailes rapides, parcourent tout le camp et proclament, 
avec un appareil redoutable et au son des trompettes, qu'un 
conseil général doit se tenir sur l'heure dans le Pandémonium : 
tel est le nom que l'on donne à la royale résidence de Satan et 
de ses pairs. L'ordre appelle, pour représenter chaque légion, 
celui que désigne son rang ou un choix spécial. Bientôt ces 
députés arrivent en foule , accompagnés chacun d’une escorte 
qui marche par centaines, par milliers de soldats. [ls encom- 
brent les abords de l'édifice ; ils occupent les portes et le vesti- 
bule. Surtout la salle principale ( quoi qu’elle égale en étendue 
un de ces champs clos où les hardis paladins se présentaient en 
armes au pied du trône du Soudan pour défier l'élite de la 
chevalerie de Panim, soit au combat mortel, soit seulement à 
la course et à la lance ), cette salle immense est remplie d'une 
multitude agglomérée en essaim, qui, à la fois, couvre le pavé 
et remplit l’espace : on entend bruire l’air froissé par les batte- 
mens d'ailes. Ainsi les abeilles, aux jours du printemps, quand 
le soleil se lève avec le Taureau, donnent l'essor à leur popu- 
leuse jeunesse qui se suspend en grappes à l’entour de la ruche, 
pour elles, volant cà et là parmi la rosée et les fleurs nouvelles : 
elles se posent parfois sur le seuil poli et récemment parfumé, 
faubourg de leur cité de chaume; là, elles se promènent pai- 
sibles en conférant des affaires de l’état. Ainsi la troupe aérienne 
fourmillait de plus en plus entassée. — Mais, un signal est 
donné , et soudain, à prodige! — 


Ces êtres qui tantôt semblaient surpasser en hauteur les géants 
fils de la terre, maintenant ils se rangent nombreux dans un 


(640) 

étroit espace, plus petits que les plus humbles nains, pareils à la 
race des Pygmées qui habite au-delà des montagnes de l'Inde. 
Tels encore ces Lutins , peuple de féerie, quand, vers l'heure de 
minuit, le pasteur attardé les voit ou croit les voir célébrer 
leurs joyeuses veillées, à l’orée d’un bois ou sur les mousses de 
la fontaine; tandis qu'assise dans les Cieux, la Lune semble 
assister à la fête, et roule plus près de la terre son char aux pâles 
coursiers : tout occupés de leurs ébats et de leurs danses, les 
Sylphes charment par de douces mélodies l'oreille attentive de 
l’auditeur rustique , et son cœur tressaille à la fois de crainte et 
de plaisir. 


Les Esprits réprouvés ont ainsi réduit aux formes les plus 
ténues leurs membres gigantesques; quoique toujours innom- 
brables , ils se trouvent au large dans l’enceinte de la cour 
infernale, Mais, conservant leur taille imposante, toujours et 
partout les mêmes , les puissances Séraphiques, les fiers Chéru- 
bins, se retirent, vers la partie la plus reculée de l'édifice, dans 
un lieu interdit au vulgaire pour y former un conclave secret. 
Là, mille demi-Dieux siègent sur leurs trônes d’or : le sénat est 
nombreux et au complet. Le silence règne un moment : puis, 
on lit les formules solennelles ; et le conseil commence. 


PROGRAMME 


Des Prix proposés en faveur de l’économie rurale, pour être 
décernés au mois de juillet 1835. 


La Société, dans sa séance publique qui aura lieu le 29 juillet 
1835, décernera les prix suivans : 


Houblon. 


1.” Une médaille d'or de la valeur de 300 francs, à l’auteur 
de la meilleure instruction pratique et détaillée sur la culture 
du houblon dans le nord de la France et l’ouest de la Belgique. 

2.° Une médaille d'argent ou des instrumens aratoires de La 
valeur de 150 francs, au propriétaire de la houblonnière la mieux 
cultivée, d’une étendue de 50 ares au moins, et qui, en 1834, 

‘aura fourni les meilleurs et les plus abondans produits. 

3.° Une médaille ou des instrumens aratoires de la valeur de 
100 francs, au cultivateur possédant la plus belle houblonnière 
après la précédente. 

4° Une médaille de la valeur de 150 francs, au propriétaire 
d’une houblonnière qui l’aura augmentée d’au moins 40 ares 
pendant le courant de l’année 1834. 

5.° Une médaille de 100 francs, au propriétaire d’une hou- 
blonnière qui l’aura augmentée d’au moins 20 ares pendant le 
courant de l'année 1834, 

6.° Dix primes de 50 francs seront données aux agriculteurs 


4x 


(G4a ) 
qui, ne s'étant pas encore livrés à la culture du houblon, en 
planteront 10 ares pendant le courant de l’année 1834. 

Les houblonnières plantées exclusivement en houblon à tiges 
blanches seront seules admises au concours. 


EL, 
Expériences agronomiques. 


Une médaille de la valeur de 100 francs, à l’auteur des meil- 
leures expériences comparatives sur l’action fertilisante du plâtre, 
de la chaux, des cendres et de la suie, appliqués comme amen- 
demens sur les prairies artificielles de luzerne, de sainfoin et 
de trèfle. 

La Société désire que le plâtre (*), la chaux, les cendres, etc., 
soient employés dans les expériences, sur des surfaces égales de 
chacune des prairies artificielles citées ; qu'une même étendue 
de prairie soit cultivée sans engrais, pour servir de terme de 
comparaison ; que le poids de toutes les coupes fourragères re- 
cueillies sur ces surfaces diversement amendces, soit noté avec 
exactitude, et que les concurrens en déduisent le mérite res- 
pectif des amendemens, sous les deux rapports principaux de 
l'intensité d'action et de l’économie. 


III. 
Instrumens aratotres. 


1.2 Une médaille de la valeur de 100 francs, à celui qui aura 
inventé ou importé dans l’arrondissement de Lille un instrument 


(*) Le plâtre doit être semé sur les prairies artificielles lorsque les tiges ont 
déjà quelques pouces d’élévation; on doit choisir un temps humide. La pro- 
portion employée est de deux à quatre hectolitres par hectare. 


(643 ) 
aratoire propre aux grandes cultures, et dont l'introduction 
dans l’arrondissement paraîtra la plus avantageuse. 

Si on ne présente pas au concours un instrument nouvellement 
inventé ou importé, la médaille sera accordée à celui qui aura 
perfectionné l’un des instrumens aratoires déjà en usage dans 
l’arrondissement. 

2.° Une médaille de la valeur de 50 francs, à celui qui in: 
ventera ou importera un instrument propre à déplanter les 
perches des houblonnières. 

Les concurrens seront tenus de déposer leurs machines ou 
instrumens dans l’une des salles des séances de la Société, avant 
le 1.er juillet 1835. 

La Société décernera en 1835 une médaille d'or de la valeur 
de 300 francs, à celui qui établira dans une exploitation rurale 
de l’arrondissement de Lille un manège ou tout autre moteur 
destiné à faire fonctionner un bat-beurre, un hache-paille , un 
coupe-légumes, un moulin à écraser les tourteaux , une machine 
à vanner, une machine à élever l’eau, et, si cela est possible, 
une meule à broyer les graines. 

Une prime de 500 francs est offerte pour l'établissement d'un 
système d'irrigation ou de dessèchement par un agent mécanique 
quelconque. 


LV 
Bergers, — Garcons de charrue. 


1.° Une houlette d'argent de la valeur de 50 francs, à celui 
des bergers de l’arrondissement de Lille qui présentera un cer- 
tificat constatant x 
1.0 Qu'il demeure depuis cinq ans au moins chez le pro- 
priétaire du troupeau; 
2.0 Que sa conduite est irréprochable ; 
3.0 Qu'il n’a jamais commis de délits ruraus ; 


(644) 

Le certificat énonccra le nombre des brebis qui composent le 
troupeau et celui des agneaux mis bas pendant l’année. À mérite 
égal, la Société donnera la préférence au berger qui aura con- 
servé le plus d’agneaux proportionnellement au nombre des 
brebis confées à ses soins. 

2.0 Une gerbe d'argent de la valeur de 5o francs, au maître- 
valet de l'arrondissement de Lille qui présentera un certificat 
constatant , 

1.0 Qu'il demeure depuis cinq ans au moins chez le 
même fermier ; 

2.0 Qu'il est de bonnes vie et mœurs, d'une conduite et 
d'une probité irréprochables ; 

3.0 Qu'il soigne bien les chevaux et économise les four- 
rages ; 

4.0 Qu'il trace bien un sillon et se fait remarquer par 
son habileté à exécuter les différens travaux dont 
il est chargé. 

Les concurrens enverront, avant le 1.er mai 1835, au secré- 
taire de la commission d'agriculture, les certilicats signés par 
trois des principaux cultivateurs de la commune, et visés par le 
maire. 

Les maîtres-valets seront réunis dans le courant du mois de 
mai pour tracer les sillons avec les diverses charrues qui leur 
seront présentées. Une commission nommée par la société pré- 
sidera ce concours. 


V. 
Taureaux. — Génisses. 


1.0 Un prix de la valeur de 300 francs, au cultivateur qui 
aura introduit ou élevé dans l’arrondissement le plus beau tau- 
reau de race hollandaise, de race flamande, ou métis de ces 
deux races. 


(645) 

2.0: Des primes seront accordées aux cultivateurs qui feront 
saillir leurs vaches ou génisses par les taureaux qui ont obtenu 
les prix au concours de 1834 (*). Les primes seront de 3 francs 
pour chacune des trente premières vaches ou génisses habitant 
au-delà d’une demi-lieue de la résidence du taureau; elles seront 
payées par le trésorier de la Société, sur le certificat du pro- 
priétaire du taureau et le visa du secrétaire de la commission 
d'agriculture. 

3. Un prix de la valeur de 150 francs, au cultivateur qui 
aura élevé la plus belle génisse de race hollandaise pure , ou de 
race croisée holiandaise-flamande. 

4.0 Un prix de la valeur de 100 francs, au cultivateur qui 
aura élevé la plus belle génisse après la précédente. 

Les taureaux devront être âgés d’un à deux ans, et être des- 
tinés à faire, pendant un an, le service de la monte. Les prix 
seront mis en dépôt jusqu’à l’accomplissement de cette dernière 
condition. 

L'âge exigé pour les génisses est d'un à deux ans. La Société 
désire qu’on les destine à la reproduction, et qu’elles ne soient 
saillies qu'après l’âge de trois ans accomplis. 

Des certificats en due forme devront constater que les élèves 
sont nés chez le cultivateur qui les présente au concours. 


VI. 
Béliers. 


1.° Une médaille d'argent de la valeur de 100 francs, au 
propriétaire du troupeau faisant des élèves , qui introduira dans 
l'arrondissement le plus beau bélier à longue laine, de pure race 
anglaise, destiné, par le croisement , à améliorer la race ovine 
indigène. 


(*) Le taureau de M. Auguste Leclereq, brasseur, à Hem, a eule 1.7 prix. 


(646 ) 

Les lauréats de l’année précédente ne pourront obtenir qu'une 
mention honorable ; ils sont mis hors de concours pour un an. 

2.0 Une médaille d'argent de la valeur de 75 francs , au pro- 
priétaire qui, remplissant les conditions précitées, introduira 
dans l'arrondissement , et pour le même usage, le plus beau 
bélier à laine longue , de pure race hollandaise. 

3.0 Des primes seront accordées aux propriétaires des trou- 
peaux qui feront saillir leurs brebis par les béliers qui ont obtenu 
des prix au concours de 1832 (*). Les primes seront d’un franc 
pour chacune des quarante premières brebis habitant au-delà 
d'une demi-lieue de la résidence du bélier. Chaque propriétaire 
n'aura droit qu’à cinq primes. 


Époque des vérifications des sujets de prix admis au 
concours. 


1.0 Pour les bêtes bovines et à laine, le jour, l'heure et le 
lieu qui seront indiqués par le président de la Société. 

2.0 Pour les houblonnières, dans la dernière quinzaine du 
mois d'août , à l’époque de la récolte du houblon. 

3.0 Pour les expériences comparatives sur les amendemens, 
dans la dernière quinzaine de juillet. 


CONDITIONS GÉNÉRALES. 


Il ne sera admis au concours que les cultivateurs domiciliés 
dans l’arrondissement de Lille. 

Les personnes qui désirent concourir devront faire connaître 
leur intention avant le 1.er mai 1835, par une lettre d’avis au 
secrétaire de la commission d’agriculture. 


{*) Le premier prix a été accordé à M. Alexis Lefehvre, de Lezennes, pour 
avoir présenté un très-beau bélier de race hollandaise. 


(647) 

Des commissaires délégués par la Société seront appelés à 
constater, en se transportant sur les lieux, l'état des cultures 
admises au concours , et désigneront les bêtes bovines et ovines 
qui mériteront les pris. 

La Société se réserve le droit de donner, pour la valeur des 
primes méritées, les instrumens aratoires dont elle veut propager 
l'usage. 


Le président de la Société, 


Desmazieres, 


Le secrétaire de la commission d'agriculture , 


À. Havrnive , D. M. P. 


(648) 


SÉANCE PUBLIQUE DU 28 JUILLET 1834. 


Le 28 juillet 1834, la Société royale des sciences, de l’agri- 
culture et des arts de Lille, réunie extraordinairement à la Société 
d'horticulture du département du Nord, a procédé à la distri- 
bution des prix accordés par ces deux Sociétés. M. Méchin, préfet 
du Nord, M. le général Corbineau , commandant la 16.e division 
militaire, M. le général de Rigny, commandant le département, 
M. le maire de Lille, et un grand nombre de fonctionnaires 
civils et militaires assistaient à cette solennité 

M. le préfet ouvre la séance en prononçant le discours suivant : 


« Messieurs , 


» Nous venons de jeter des fleurs sur la tombe de nos frères 
morts pour la défense des lois, et les fêtes, suspendues pour 
l’accomplissement de ce devoir pieux, reprennent leur cours. 
Hier, nous avons contemplé avec un légitime orgueil nos pha- 
langes civiques et leur vaillante avant-garde, et , le même jour, 
à la même heure, sur tous les points de la France, nos bataillons 
nombreux se sont montrés sous les armes à nos amis et à nos 
ennemis. 

» Ce développement des forces de l'armée, qui doit rester 
nombreuse et puissante , et de la garde nationale, cette immense 
création du patriotisme, et plus encore la modération après la 
victoire, nous ont assuré cette paix à l'ombre de laquelle fleu- 
rissent le commerce, l’industrie, l’agriculture et les arts. 

» Ce n'est point au dieu des armées que s'adressent nos vœux 
et nos actions de graces, c'est au Dieu qui donna aux hommes 


( 649 ) 
un cœur sensible pour s'aimer et s’entr'aider , au Dieu qui nous 
dota de l'intelligence, alluma en quelques-uns de ses Gls de 
prédilection la flamme du génie, et prodigua pour tous à la 
terre les dons qui la décorent et nourrissent les myriades de 
créatures dont il a voulu qu'elle fût le domaine. 

» Mais si fécond que soit le riche patrimoine de l’homme, il 
n’ouvre son sein qu’au travail opiniâtre. Il n’est point de guérets 
fertiles s'ils ne sont arrosés par nos sueurs; les douceurs de la 
vie n’appartiennent qu’à ceux qui savent les conquérir, et si les 
lois sociales transmettent par héritage les fruits des fatigues pae 
ternelles, c’est à cette condition de consacrer sa vie à.éelairer 
la société qui assure tant d'avantages, à l’enrichir de ses con- 
naissances , à l'illustrer par ses vertus et à montrer l'exemple du 
mépris de la vie le jour où il faudra combattre et mourir pour 
la patrie; chacun a son poste assigné , il ne peut le déserter sans 
honte et sans dommage pour lui-même. 

» C’est donc un usage digne d’être applaudi et conservé, que 
celui de décerner des couronnes aux mérites de tous les genres. 
Il est juste qu'un laurier immortel couvre la cendre du guerrier 
victime de son courage. 

» Il ne l’est pas moins que l’homme industrieux à qui l’hu- 
manité doit d’utiles découvertes, un accroissement de moyens 
d'industrie ou de jouissances privées, reçoive un tribut d’hom- 
mages et de reconnaissance. 

» Il faut que le savant sente, au milieu de ses études pro- 
fondes , palpiter son cœur à la pensée de vivre dans la mémoire 
de ses semblables. 

» Il faut que le poète inspiré s'enflamme à la pensée des cou- 
ronnes qui lui sont préparées au jour de son triomphe; 

» Que l’homme de lettres s'émeuve par l'espoir d'arriver à 
cette considération qui rendra sa vie brillante et ses vieux jours 
plus respectés. 

» I faut que le négociant, dans son cabinet; le commerçant, 


( 650 ) 
dans son comptoir; l'artisan , dans son atelier, sachent que leurs 
succès, en les conduisant à l’aisance et à la fortune, ne les lais- 
seront pas sans gloire parmi leurs concitoyens, s'ils ont pu se 
faire distinguer dans leur profession. 

» C’est ainsi qu’une émulation générale, s’emparant des 
esprits, (endra incessamment à augmenter le bonheur et l’éclat 
des sociétés humaines. 

» Dans notre jeunesse, nous lisions avec attendrissement le 
récit de cette belle cérémonie où le chef d'un grand empire de 
l'Asie, descendu de son trône, ne dédaignait pas de s'appuyer 
sur la charrue et de tracer quelques sillons. Sans nul doute, 
dans ce touchant épisode de la représentation royale, il y avait 
un noble enseignement; mais peut-être aussi n’admirions-nous 
autant le diadéme descendant si bas que parce que nous n’avions 
pas encore élevé à sa hauteur le premier de tous les arts. 

» Les exemples généreux ne noùüs manquent pas au temps où 
nous vivons, et nous pouvons presque tenir pour vertus vulgaires, 
dans les rois, ce qu’autrefois nous regardions en eux comme un 
effet sublime. 

» Il ÿ a peu de semaines, peu de jours encore, que nous 
avons vu le chef auguste de l’Etat , le roi des Français et sa belle 
famille, mélés parmi les représentans de l'industrie française, 
rassemblés au milieu des merveilles dont ils sont les créateurs. 
Nous avons aimé à contempler ces illustres personnages , écar- 
tant l'appareil du rang suprême , venir étudier dans leurs élé- 
mens ou leurs parties diverses, ces brillantes créations, dont 
l’ensemble rend leurs palais si resplendissans ; nous avons été 
plus vivement émus encore, quand la main à qui il appartient 
de répandre les récompenses nationales est venue peser les titres 
de chacun , préluder à la décision du jury et puiser d'avance les 
moyens de juger les juges du concours. 

» Ges entretiens que notre roi, si digne de l'être, s'est complu 
à prolonger des jours entiers avec nos fabricans les plus distin- 


( 651 ) 
gués, comme avec l'artisan ingénieux, retentiront long-temps 
dans nos ateliers, et déjà les médailles du concours de l’expo- 
sition sont des titres d'honneur dans les familles. 

» L’inventeur de la charrue, de la faucille, de la vis, du 
levier, de la boussole, de l'imprimerie , des plantes qui ont étendu 
les ressources de l'alimentation, de ces mécaniques qui multi- 
plient les forces productives, de ces machines merveilleuses qui 
font concourir les deux élémens les plus opposés, le feu et l’eau, 
au service, au progrès, à la gloire de l’industrie, ces génies 
privilégiés dont les veilles nous ont assuré une vie plus douce et 
du soulagement dans nos souffrances, ces bienfaiteurs des nations, 
dont les anciens faisaient des demi- dieux, peuvent appendre 
leurs trophées à côté de ceux de la victoire, et nous aimons à 
voir le manufacturier habile et le guerrier courageux, tous deux 
ornés des mêmes marques d'honneur, confondre leurs félicita- 
tions et leurs embrassemens fraternels. 

» De hautes distinctions ont descendu du trône sur des ci- 
toyens recommandables et dont jadis la profession, si relevée 
aujourd’hui à nos yeux, était, par le plus inconcevable et Le plus 
injuste dédain, considérée comme une éternelle exclusion de 
toute noblesse à venir, comme une dérogation avilissante à la 
noblesse acquise. 

» Peu de jours avant notre grande révolution de 1789, une 
ordonnance royale rendait encore tous les roturiers indignes des 
grades militaires, même après que des Fabert et des Chevert 
eussent forcé l’orgueil des rangs à fléchir devant leur mérite. 

» Ce n’est plus un cordon noir qui récompense le savant et 
le grand artiste, à côté du guerrier que décorait le ruban cou- 
leur de feu. La patrie couvre de la même faveur et des mêmes 
distinctions quiconque sait la servir et se dévouer pour elle. Dans 
cette belle moisson de gloire, recueillie presque dans l’enceinte 
du palais des rois , le département du Nord a obtenu une noble 
part. 


( 652 ) 

» L'un de vos fabricans a reçu au pied du trône , avec la mé- 
daille d'or, la croix de la Légion- d'Honneur; c’est M. Scrive à 
qui nous devons les admirables mécaniques qui semblent avoir 
donné des doigts et de l’intelligence à l'acier. 

» M. Vantroyen-Guvelier a également obtenu une médaille 
d’or, pour avoir introduit des perfectionnemens remarquables 
dans la filature du coton. 

Après eux viennent : 


MM. Casse, à Roubaix, médaille d'argent. 
Blot, à Douai , idem. 
Tesse-Petit, à Lille, idem. 
Théodore Lefebvre et G.e, aux Moulins , idem. 
Brame-Chevalier , à Lille, idem. 
Malmazet ainé, à Lille, idem. 
Prus-Grimonprez, à Roubaix, médaille de bronze. 
Wacrenier-Delevinquier, à Roubaix, idem. 
Pierre Wacrenier, à Roubaix , idem. 
Debuchy ( François ), à Lille, idem. 
Perrier-Favier , à Lille , idem. 
Widdonzon-Bussel et Bailey, à Douai, idem. 
Cortyl Van Merris, à Bailleul , idem 
Grar-Woog, à Valenciennes, idem. 
Descat-Crouset , à Roubaix , idem. 
Debuchy (Désiré), à Tourcoing, diplôme portant rappel 

de médaille de bronze. 

Delacre-Snaude , à Dunkerque , idem. 


» Plusieurs des honorables citoyens dont je viens de citer les 
noms n'ayant pu recevoir des mains du roi les récompenses qu'ils 
ont obtenues, la mission m'a été donnée de les leur remettre. 

» J'aurais désiré la présence de tous à cette solennité, mais 
quelques-uns sont retenus par des affaires qu'ils ne peuvent 


abandonner, Il serait naturel d’ailleurs qu'ils attachassent de 


( 653 ) 
l'intérêt à recevoir, sous les yeux des citoyens au milieu desquels 
ils vivent , les prix qui leur ont été décernés. 

» Revenons, Messieurs, à nos champs bien-aimés. .. Parlons 
de nouveau quelques instans de cette terre féconde qui nous 
nourrit, de ces hommes laborieux et si habiles dans la culture 
qui fait de nos champs une terre classique. 


Heureux les laboureurs, s’ils connaissaient leur bonheur, 


disait un grand poète de l’antiquité. 

» En effet, si nous voulons nous détacher quelques instans 
par la pensée des plaisirs bruyans des villes, des fausses jouis- 
sances dont ils ne nous énivrent que pour nous faire sentir plus 
cruellement le poids des ennuis et des vices qui marchent à la 
suite des folles dissipations, combien nous envierons la vie calme 
et pleine de l’homme des champs ; dans un air presque toujours 
pur, sa santé s’affermit et devient robuste; il grandit dans le 
travail et par le travail, qui ne laisse que de bonnes pensées ; 
cet ordre admirable des saisons qui ramène toujours les bienfaits 
de la nature élève son ame vers son auteur; il l’aime comme 
la source de tous les biens et il s'attache à la terre qu'il cultive 
comme à la mère qui le nourrit. Bientôt père de famille, il voit 
s'élever autour de lui les premiers, les plus chers compagnons 
de son labeur , et, plein d'années et de bonnes œuvres, tranquille, 
il meurt au milieu des siens dont il a assuré la destinée et amé 
lioré la condition. 

» Messieurs , je n'aime pas à m’égarer dans le champ des 
illusions. Je pourrais transporter, malheureusement sans m'’écar- 
ter de la vérité, dans les champs , une partie des malheurs, des 
vices et des crimes dont nous accusons la corruption des villes. 

» Hélas! sans doute, là où la candeur, les sentimens naturels, 
le travail, la vertu semblent s'être réfugiés, souvent d’affreux 
désordres viennent contrister l’ame et jeter les gens de bien dans 
le découragement. Mais ces désordres, rares dans les champs , 


(654) 
sont fréquens dans les villes. Pour que l'homme des champs soit 
heureux, pour qu'il apprécie les biens qui l’enrichissent, comme 
le dit si bien l’auteur dont la plume énergique brava les Domi- 
tiens, il faut qu'il porte 


Dans un corps toujours sain, une ame toujours saine. 


» Et cette double condition ne se trouve-t-elle pas remplie 
plus souvent au milieu des travaux de la campagne qu’au milieu 
du luxe de nos cités? 

» Lorsque les chagrins nous accablent, lorsque des pertes 
récentes nous ont brisé le cœur, quand nous nous sentons ineur- 
tris par l'injustice, quand nous succombons sous le poids des 
affaires, quand nous pouvons nous soustraire un moment à leur 
obsession, nous courons aux champs et nous ne leur demandons 
pas en vain des consolations pour nos maux, du délassement 
pour nos fätigues. Je vous répéterai donc ce que je vous disais 
les années précédentes, ce que je répétais encore tout-à-l’heure : 
aimons les champs, honorons le travail qui les féconde. 

» Et d’ailleurs, Messieurs, ces champs enfantent aussi des 
héros. C’est à eux que nous devons, en plus grand nombre, ces 
grands capitaines qui ont montré au monde que la bravoure et 
l’art de vaincre n'étaient pas l’apanage exclusif des illustrations 
historiques. Les lauriers croissent auprès des épis, et les uns et 
les autres croissent pour tout le monde. L'agriculture , près de 
ses tableaux imposans et graves, offre des scènes riantes et 
variées. 

» La nature s’est complu avec un égal amour à la production 
de ces grands et superbes végétaux qui nous donnent un doux 
ombrage et des fruits exquis , et de ces légumes si savoureux, et 
de ces fleurs dont sa main prodigue a semé sa surface , que nous 
aimons à avoir sans cesse sous les yeux, à reproduire dans nos 
tableaux, dans nos habits, dans nos ameublemens,. Il n’est pas 
une grace que la fleur ne rehausse, pas une beauté que la fleur 


(65) 

ne rende plus touchante, pas de fêtes que les fleurs ne soient 
appelées à embellir; à la vue d’une fleur, l'esprit trouble se 
calme, un je ne sais quoi de suave pénètre dans notre ame, et 
c’est des noms de fleurs que l’allégorie aime à parer cette autre 
partie du genre humain à qui nous devons nos mères, nos 
épouses, nos filles et nos sœurs. Pourquoi traiterait-on d’occu- 
pations frivoles les soins donnés à la culture des fleurs, tandis 
que nous nous unissons pour élever des temples à la peinture, à 
la sculpture , à l'harmonie et aux muses scéniques ?... 

» Les fleurs aussi portent leur enseignement avec elles. Elles 
nous disent que Dieu a voulu que notre vie fût semée de quelques 
joies, que nos jours ne s’écoulassent pas sans éclat. La tige des 
fleurs est faible, leurs couleurs sont fugitives , leurs formes élé- 
gantes, mais passagères comme le sont les plaisirs quand une 
main imprudente les gaspille, quand une main brutale les flétrit, 
et que le souffle impur du vice les corrompt ; ainsi le vent froid 
du nord ou le souffle brûlant de l’orage renverse la fleur sur sa 
tige et la fait mourir. 

» Le goût des fleurs et les passions inoffensives qu’elles font 
naître , le prix qu’on met à la production de la plus belle, à des 
découvertes dans le domaine des parterres et des vergers , in- 
diquent un peuple judicieux, ami de la vie domestique et qui 
n’a pas su se créer le besoin funeste d'émotions saccadées ou 
poignantes. La culture des fleurs ne donne que d’agréables 
pensées et des jours sereins. 

» Eh! qui de nous a pu se défendre d’admiration et d’un 
certain attendrissement, en voyant cette magnifique tapisserie 
de fleurs que déroule l'exposition que vous avez livrée aux 
regards du public. L'œil peut-il être plus récréé? Et, vous le 
voyez, il n’est pas de classe de la société qui ne se précipite 
dans l’enceinte pour contempler ces aimables jeux de la nature. 

» Le navigateur qui a apporté de l'Orient ses fleurs brillantes 
et sa pêche veloutée, celui qui a découvert, cachée dans nos 


( 656 }) 
prairies , la fleur long-temps négligée qui, aujourd'hui, fait 
l’ornement de nos jardins les plus beaux, a bien mérité des 
hommes, comme celui qui nous apporta la cerise et le tuber- 
cule dont Parmentier nous a révélé l’inappréciable bienfait. 

» Ces conquêtes, faites au loin et jetées sur le sol de la 
patrie, ne meurent plus, et les plus faibles plantes, jusqu'alors 
ignorées, ont fait sur le globe de plus grandes révolutions que 
n'en ont opéré tout ensemble les plus grands conquérans et les 
plus grands législateurs. Le roseau qui contient au plus haut 
degré la matière sucrée, le faible végétal qui donne l’indigo, le 
lin que nous avons dérobé aux climats les plus septentrionaux, 
le coton si long-temps relégué en Amérique et dans l'Asie, ces 
fleurs enfin qui inspirent toutes nos industries, et qui, sous la 
main de l’ouvrier habile, font refluer dans les voies commer- 
ciales des valeurs de plusieurs centaines de millions, n’ont-ils 
pas changé les rapports commerciaux et rapproché des peuples 
qui semblaient destinés à ne jamais se connaître ? 

» Enfin, cette herbe fine et odorante qui a rendu l’Europe 
tributaire de la Chine ne nous a-t-elle pas entraînés par delà la 
grande muraille et le Thibet, et jusqu'aux extrémités du monde, 
pour sa recherche et sa récolte? Tout est prodigieux dans la 
nature, et quand les hommes amoncellent les causes pour obte- 
nir quelque effet, Dieu, dans la plus imperceptible de ses 
créations, place quelquefois le germe des révolutions qui chan- 
gent le monde 

» Il n’est donc pas de connaissances ni d'études qui n’ap- 
pellent l'attention des hommes sages et amis du bien public. Je 
rends grace à tout ce que le sujet du concours d’horticulture a 
d’aimable , et, puisque je suis appelé à présider à la distribution 
des récompenses qu'elle va décerner, je lui devrai quelques 
adoucissemens aux chagrins et aux amertumes dont mes fonc- 
tions ne sont pas affranchies, et ce n’est pas un petit privilège 
que d’avoir à déposer, au milieu de l'auditoire que j'ai devant 


( 657 ) 

moi, des couronnes de fleurs sur le front de ceux qui les cul- 
tivent et qui savent en parer celles qui lés embellissent encore. 

» Pardon si je viens de me permettre de terminer mon allo- 
cution par une pensée de madrigal que repoussé le sérieux de 
ma mission; je me replie sur les considérations que j'ai exposées 
plus haut, dans un sujet qui ne paraît que d’une faible impor- 
tance à ceux qui n’ont pas compris le prodigieux enchaïnement 
des choses naturelles et leur influence sur lesort del’humanité. » 


M. Desmazieres, Président de la Société royale des sciences; 
prend la parole et s'exprime en ces termes : 


« Messieurs et honorables collègues, 


» Chaque année , aux jours à jamais mémorables de juillet, 
nous venons, réunis extraordinairement à la Société d'Horticule 
ture, et au milieu des fêtes célébrées dans cette ville, décerner 
aux agriculteurs les palmes que nous avons accordées, et rendre 
compte des efforts que nous ne cessons de faire pour répondre 
au but de notre institution. 

» Inspirer et propager le goût des sciences, des arts et des 
lettres ; aider à la diffusion des lumières, telle est la mission 
que nous nous sommes constamment proposée, convaincus que 
toutes les branches des connaissances contribuent puissamment 
au bien-être des hommes. 

» L’Agriculture, parmi les arts, est toujours dans le sein de 
la Société royale l’objet d’un culte particulier, parce qu’elle est 
la base de la prospérité du pays; et quoique par la fécondité de 
son sol et ses bonnes métliodes d’assolement, le département du 
Nord soit peut-être le plus favorisé de tous , vous avez reconnu 
qu'il pouvait encore s'enrichir, et que l’art de cultiver nos 
terres ne devait pas rester slationnaire, au milieu du mouvement 
progressif de toutes les industriés, de toutes les sciences. Pro 
fondément pénétrés de cette vérité, souvent, Messieurs, vous 


42 


(658 ) 

trouvez les moyens d'être utiles , en signalant des végétaux exo 
tiques et précieux, en faisant connaître les perfectionnemens 
obtenus dans les instrumens aratoires, en combattant les habi- 
tudes routinières, en indiquant enfin de nouveaux procédés à 
l’homme des champs, qui, par un travail opiniâtre, par des 
soins constans , obtient alors de nouveaux succès et de nouvelles 
couronnes. 

» Il serait superflu d'énumérer ici ce qu’a fait cette année 
votre Commission d'agriculture pour le premier et le plus noble 
des arts. Qu'il me soit permis seulement de fixer un moment 
votre attention sur l'Histoire naturelle, qui vous occupe avec 
non moins de persévérance, et qui prête à l’Agriculture un si 
puissant appui, en éclairant sa marche quelquefvis incertaine. 

» Quelle science plus intéressante et plus digne de nos médi- 
tations que celle qui embrasse tous les corps de notre globe, 
qui nous conduit de merveille en merveille, et nous dévoile une 
parlie des secrets de la création, en détruisant une foule de 
préjugés, une foule d'erreurs qui se sont long-temps opposés au 
développement de notre raison ! Cette science est immense et il 
n’en est pas de plus féconde en résultats utiles. Depuis le grain 
de sable jusqu'aux rochers les plus élevés; depuis l’humble 
mousse, ou la moisissure fugace , jusqu'aux grands végétaux de 
nos forêts ; depuis la monade , véritable atome vivant, jusqu'à 
l’homme enfin , tous les êtres ont des caractères propres que les 
naturalistes doivent étudier ; mais comme il ne nous est accordé 
que quelques instans pour rester sur celte terre, il s'en faut 
bien , Messieurs, que chacun de ces confidens de la nature puisse 
s'occuper des trois grandes modifications que nous distinguons 
dans les corps : je veux dire l’état brut inanimé, l’état organisé 
végétant , l'état organisé vivant et sentant; et, semblable à la 
diligente abeille qui n’apporte à la ruche que sa part du butin, 
il ne peut approfondir et faire connaître aux autres qu'une petite 
partie de la vaste science : il est l’ouvrier intelligent qui vient 


( 659 ) 

poser quelques pierres du grand édifice. Ce serait done une 
tâche bien au-dessus de mes faibles moyens, que d’oser vous 
entretenir plus spécialement sur les trois règnes reconnus dans 
les êtres ; et me bornant aussi à l'étude de quelques branches de 
l'Histoire naturelle, je vais parler un instant, parce que mes 
goûts particuliers m'y ramènent, d'un groupe de productions , 
presque invisibles par leur exiguité, mais dont l'existence n'est 
que trop bien démontrée par les ravages qu’elles occasionnent 
dans les moïssons. Je veux vous désigner tous ces petits êtres pul- 
vérulens que beaucoup d'agriculteurs considèrent encore comme 
le résultat de diverses maladies des plantes céréales, maladies 
qu'ils ont nommées Rouille, Charbon ou Nielle et Carie. 

» Une question du plus haut intérêt en agriculture, et qui 
occupe depuis long-temps les savans les plus éclairés, est ceile 
de savoir quelle est la nature et la véritable cause de ces pro- 
ductions , de couleur orangée ou brune, qui, dès le printemps, 
couvrent les tiges et les feuilles du blé, de l’orge et de l’avoine, 
en apportant une perturbation sensible dans leur végétation; 
ou qui, un peu plus tard, attaquent toutes les parties de la fruc- 
tification de ces plantes, et convertissent en une malière noire, 
pulvérulente et infecte, le grain précieux destiné à nous servir 
d'alinent. 

» Plusieurs Naturalistes ont pensé, et beaucoup d'agriculteurs 
croient encore aujourd'hui, que la cause de la rouille et du 
charbon doit être attribuée aux brouillards, par la suppression 
totale de la transpiration du végétal enveloppé dans une atmos- 
phère humide, ou en supposant que ses parties âcres agissent 
fortement sur les feuilles et les tiges, qu’elles en brisent les 
tissus et occasionnent l’extravasion d'un suc qui se transforme 
en poussière en se desséchant. D’autres observateurs ont supposé 
que ces altérations sont produites par l'abondance d’une nour- 
riture forte. Rozier croyait que les fumiers contribuaient à la 
rouille et que la rosée en était la principale cause. La carie fut 


( 660 ) 
attribuée au passage du chaud au froid, du see à l'humide , ou 
bien encore à d’autres influences atmosphériques ou locales. 
Enfin, deux chimistes célèbres, qui firent l'analyse de cette 
substance, ont pensé qu’elle était une dégénérescence du gluten 
de la farine. 

» Adanson se fit une idée plus exacte de la poussière noire 
qui se trouve dans l'épi du blé : en comparant cette poussière 
à celle de plusieurs cryptogames, il soupçonna qu'elle était 
due à une végétation analogue aux plantes de cette famille. 
Tessier , cet habile agronome; s’est aussi convaincu que la pré- 
tendue maladie du froment ne pouvait venir ni du sol, ni des 
engrais, ni de l'humidité de l'air; et Bernard de Jussieu, en 
cherchant quelle en était la cause première, a pensé que les grains 
cariés renfermaient un Lycoperdon. Enfin, Bulliard, à qui la 
science doit un grand nombre d'observations importantes, 
croyait aussi que le charbon n’était point une maladie : il n’y 
voyait qu'un amas de petites graines d’une cryptogame du genre 
Réticulaire, genre dont la plupart des espèces s’attachent aux 
végétaux vivans, et les font mourir en peu de temps. 

» Jusque-là on ne s'était encore livré qu’à des recherches 
assez incomplètes ; il fallait des observations plus convaincantes : 
des naturalistes modernes les ont entreprises , l'œil armé de cet 
admirable instrument qui fait découvrir la structure intime des 
êtres qui échappent à nos sens. D’après leurs savantes investi- 
gations , ils n'ont pas hésité à ranger le charbon et la rouille 
parmi les champignons parasites qui naissent en groupes nom-— 
breux dans les espaces intercellulaires des feuilles et des tiges; 
en repoussant les tissus voisins , ils se forment une cavité propre 
sous l’épiderme qu'ils soulèvent et déchirent pour parvenir à 
l'air libre. La carie ne leur a paru avoir aussi d'autre cause que 
le développement de petites plantes analogues ; à la place même 
que devait occuper le grain. 

» Telle est, Messieurs, l'explication donnée, et la plus géné- 


( 66r } 

ralement admise, sur la nature de ces productions qui, si sou- 
vent, font éprouver de grandes pertes aux laboureurs. Toutefois, 
deux savans, connus par l’exactitude de leurs observations, ont 
émis depuis lors deux opinions différentes, et qu'il serait peut- 
être assez difficile de combattre dans l’état actuel de nos con- 
naissances. Suivant M. Turpin, la rouille et le charbon seraient 
formés par une grande réunion de vésicules élémentaires, (qu'il 
nomme globuline}, altérées et extravasées , en prenant un déve- 
loppement monstrueux sous l'épiderme des céréales. Mais sui= 
vant M. Gaillon, l’un de nos membres correspondans qui s'oc— 
cupent le plus de recherches microscopiques, l’effusion de la 
globuline du végétal serait produite par la piqüre d'une très-petite 
larve qu'il observe depuis plus de trois ans, qu'il soupçonne ap- 
païtenir à un diptère, mais qu’il n’a pas encore eu la satisfaction 
de voir dans l’état d'insecte parfait, 

» Si l’on veut admettre, Messieurs , que la piqûre d’une larve 
soit l’origine de la rouille, il sera possible d'espérer l'explication 
d'un fait important pour l'agriculture, et qui, jusqu’à ce jour, 
a trouvé beaucoup d’incrédules , parce que nous ne pouvions en 
démontrer la cause. Je veux parler de la fâcheuse influence 
qu'exerce l'Epine-vinette placée dans le voisinage des moissons. 
L'opinion émise par M. Yvart et par moi-même, il y a déjà plu- 
sieurs années, n’était pas née de l'amour du merveilleux : elle 
se trouvait appuyée sur des observations exactes et réitérées . et 
bientôt elle sera de nouveau corroborée ; Si l’on découvre sur le 
vinettier, ce qui n'est pas invraisemblable , l'insecte signalé par 
M. Gaillon. Cet insecte se répandrait sur les champs de blé voi- 
sins , il ÿ semerait une génération nombreuse qui attaquerait le 
parenchyme des feuilles et des tiges des graminées pour y trou= 
ver sa nourriture. 

» Notre honorable collègue possède aussi sur la carie des 
observations suivies, d'après lesquelles la poussière noire qui la 
constitue serait composée de globules sphériques, sorte d'enve- 


( 662 ) 

loppe-matrice transparente, qui lui a laissé apercevoir intérien- 
rement des granules infiniment petits. Il a vu ces granules sortir 
de leur ovule sphérique, voguer sur le champ du microscope, 
se contracter, se dilater , et de ronds qu'ils étaient à la sortie 
du globule, prendre une forme alongée et parallélogrammique. 
L'animalité de ces granules, suivant M. Gaillon, étant bien 
constatée , il considère la carie comme formée par de grandes 
associations d’animalcules infusoires qu'il range dans les Néma- 
zoaires, nouvelle classe d'êtres dont j'ai reconnu aussi l'existence 
dans plusieurs productions que l’on avait, avant moi, placées 
dans le règne végétal. 

» Je ne m'étendrai pas davantage sur les différentes opinions 
émises au sujet de la nature et des causes de la rouille, du 
charbon et de la carie; seulement j'examinerai, dans un instant, 
comment il est possible d'expliquer l'introduction de pelits 
champignons ou d’animalcules dans le tissu des plantes ; mais 
quoique cette explication n’ait pas été l’objet de moins de dis- 
cussiuns et de controverses ; quoique l’origine de ces petits êtres, 
et leur manière de pénétrer sous l'épiderme des végétaux soient 
des choses dignes de piquer la curiosité du physiologiste, et 
même de l’homme instruit qui cultive les champs , je n'en dirai 
qu'un mot, après avoir reconnu l'existence de deux faits qui 
intéressent plus directement l'agriculture. 

» C’est une observation qui malheureusement n’est que trop 
exacte, que si l’on sème une terre avec un blé dans lequel on a 
remarqué la rouille ou la carie, cette terre produira une moisson 
attaquée par le même fléau ; et que si dans un champ le froment 
est infecté, cette plante ou d’autres céréales le seront encore 
les années suivantes. Quelle que soit l’opinion que l'on adopte, 
que l’on veuille voir dans la carie et la rouille des associations 
de nombreux animalcules , ou une multitude de petits champi- 
gnons réunis , on peut facilement se rendre compte de ces faits 
en admettant, pour la première observation, que ces animal- 


( 663 ) 

cules, ou les sporules de ces champignons, existent sur Îles 
grains employés à la semaille, et en reconnaissant, pour la 
seconde , qu'ils tombent sur la terre, s’y répandent , s’attachent 
à la plante du blé pendant qu'elle est encore très-jeune, ou s’y 
introduisent au moyen des racines, entraînés par la sève qu’elles 
aspirent. Dans l’un ou l’autre cas, trouvant dans certaines par- 
ties du froment une localité favorable à leur existence, ils y 
produisent une nouvelle génération qui devient pour cette plante 
ce que les vers intestinaux sont pour l'animal. Sa végétation 
éprouve un trouble, un dérangement sensible; les individus 
restent faibles ou languissans , et leurs produits les plus précieux 
sont presque nuls ou tout-à-fait perdus. 

» C'est ici, Messieurs, que l'explication du naturaliste ‘vient 
éclairer l’agriculteur sur le mode de ses assolemens, sur le choix 
de ses grains et sur les préparations qu'il doit leur faire subir 
avant de les confier à la terre. Si une moisson est infectée, il 
devra mettre sur le champ qui l’a produite des plantes d’une 
autre famille. Les germes de la rouille, du charbon ou de la 
carie répandus sur le sol, pourront peut-être encore s’implanter 
sur les tiges naissantes du nouveau végétal, ou circuler dans ses 
vaisseaux, mais n’y trouvant plus les conditions nécessaires à 
leur développement, ils y périront, et le champ sera dépouillé 
de ces êtres parasites. 

» Dans le choix de ses semences , le laboureur devra rejeter 
toutes celles qui pourraient provenir de la récolte de plantes 
attaquées ; il leur fera subir une dépuralion quelconque, soit 
par des lavages à l’eau simple, soit par le triage à la main. La 
dépuration au moyen de moulins ou de cribles sera préférable, 
en ce qu'elle économisera beaucoup de temps, mais elle devra 
toujours précéder les immersions dont nous allons parler, 

» On a remarqué depuis long-temps que beaucoup de subs- 
tances, unies à l’eau , lui donnaient la propriété de détruire les 
germes des productions délétéres qui nous occupent , et de cette 


( 664) 
importante observation sont venus les divers procédés d'immer- 
sions employés pour les semences. Ces procédés sont connus 
sous le, nom de chaulage, lorsque la chaux en est la base, et 
sous le nom de sulfatation cuivreuse, lorsque le blé, l'orge on 
l’avoine est plongée dans une eau où l’on a fait dissoudre une 
quantité extrêmement petite de sulfate de cuivre. 

» Ces méthodes préservatrices sont encore aujourd'hui celles 
qui sont suivies dans les campagnes par les agriculteurs soigneux 
et instruits ; mais l’expérience ayant démontré qu’elles n'étaient 
pas constamment infaillibles, deux naturalistes philanthropes, 
M. Gaillon, que j'ai déjà eu occasion de citer, et M. Dupont 
d'Outreau , se sont livrés à de nouvelles recherches qui leur ont 
fait reconnaître que le chlorure de chaux , employé dans la pro- 
portion d'une once par litre d’eau, réunissait au plus haut degré 
toutes les qualités d’un préservatif applicable aux grandes se- 
mailles, Les produits obtenus par ces messieurs ont paru si 
remarquables à plusieurs membres de votre commission d'agri- 
culture, qu'ils se proposent de répéter cet automne l'expérience 
dont je viens de vous entretenir, afin de s'assurer aussi de l’elli- 
cacité de cette substance et pouvoir la signaler , avec la certitude 
du succès, aux fermiers de notre département, En attendant 
celte expérience, j'ai pensé, Messieurs, que je pouvais recom- 
mander ici l'essai du chlorure de chaux à toutes les personnes 
qui s’occupent de la culture des plantes céréales, parce que plus 
une expérience de ce genre est mullipliée et entreprise sur des 
terres, différentes par leur nature ou leur exposition, plus on 
peut acquérir de notions cerlaines sur ses résultats. 

» Si, dans le court aperçu que je viens de donner, je n'ai pu, 
Messieurs, parvenir à fixer définitivement voire opinion sur la 
nature de la rouille , du charbon et de la carie, il est au moins 
consolant de pouvoir reconnaître que l'Histoire naturelle, vou- 
lant porter le flambeau de ses observations dans les épaisses 
ténèbres où se trouvait plongée cette partie du domaire de 


( 665) 
l'agriculiure, a su pourtant indiquer à l'homme des champs 
ce qu’il devait faire pour écarter de ses moissons le fléau 
destructeur. 

» I] faut que je m’arrête ici, quoique je pourrais vous entre- 
tenir long-temps encore sur ce sujet , bien attrayant pour moi, 
puisqu'il se rattache aux études qui partagent tous les momens 
de mon existence ; mais l'abondance de choses dont nous avons 
à nous occuper ne m'a permis de vous exposer que très-rapide- 
ment les principaux faits, les principales observations recueillis 
sur les maladies des plantes céréales. Si j'ai éprouvé quelque 
difficulté pour ne présenter qu’un aperçn concis , quelles formes 
abréviatives pourrai-je trouver pour déplorer avec vous les pertes 
que nous avons faites cette année ? La inort nous a enlevé snc- 
cessivement plusieurs membres recommandables, dont les noms 
sont restés chers aux sciences, aux arts et à nos souvenirs. Jean- 
Baptiste Wicar, notre illustre compatriote, n'est plus, et sa 
perte, Messieurs , est une de celles que vous avez le plus vive- 
ment senties. 

» Ce célèbre peintre d'histoire était né dans nos murs, mais il 
s’en éloigna, il y a un grand nombre d'années, pour habiter 
Vltalie. Il résida quelque temps à Naples, à Florence; enfin il 
se fixa dans la capitale du monde chrétien, où il fit briller le 
talent dont il avait puisé les germes dans nos écoles académiques. 
Il fat nommé consciller et eenseur de l'insigne Académie romaine 
de Saint-Luc , membre des principales Académies d'Italie , ainsi 
que de celle des Arcades de Rome. Le 27 novembre 1809 , vous 
décernâtes aussi à ce grand artiste le litre de Membre corres- 
pondant de la Société des Sciences de Lille, et, en mars 1833, 
vous lui adressätes un nouveau diplôme et la collection complète 
de vos Mémoires. Le chevalier Wicar reçut cette marque de dis- 
tinction avec l'enthousiasme le plus patriotique, et, après avoir 
consacré ses veilles à l'honneur de la cité qui l’a vu naitre, il 
voulut, dans ses derniers momens, lui donner encore, ainsi 


( 666 ) 
qu'à vous, Messieurs, un témoignage durable de son attache- 
ment , en faisant les donations suivantes : 

» À la ville de Lille, son grand tableau représentant la Résur- 
rection du fils de la veuve de Naïm. 

» À la Société royale des Sciences, de l'Agriculture et des 
Arts, plusieurs dessins de Raphaël d'Urbin, de Michel-Ange 
Bonarotti et de quelques autres peintres célèbres. Un autre 
dessin encadré représentant Virgile lisant l'Énéide devant 
Auguste , et une esquisse à l'huile. Ces deux derniers ouvrages 
sont de Wicar. 

» Quelques objets antiques en bronze et en marbre, et une 
décoration du royaume des Deux-Siciles, dont le défunt avait 
été honoré lorsqu'il était Directeur de l'Académie royale de 
Naples. 

» Une lettre originale de François I.er, roi de France, écrite 
à Michel-Ange. 

» Une autre lettre originale, écrite au chevalier Wicar par le 
général Bonaparte. 

» À la bibliothèque de Lille, onze volumes du Musee Napoléon. 

» À l’Académie de dessin de Lille, son portrait, en habit à 
l’espagnole. 

» Un dessin et huit cartons du tableau donné à la ville. 

» Le carton du tableau représentant Notre-Sergneur Jésus- 
Christ qui recoït le baptéme de la main de Saint-Tean-Bap- 
liste, et six Académies, copiées d’après nature , par Wicar. 

» Notre concitoyen, dans son testament, a ordonné ensuite 
qu'avec ses autres biens meubles et immeubles il fût formé une 
œuvre pie, et que les rentes des capitaux appartenant à cette 
œuvre fussent employées à doter d’une pension de 25 écus par 
mois autant de jeunes gens dédiés à l’étude de la peinture, de 
la sculpture et de l'architecture que le permettrait le montant 
de ces rentes. Le défunt a voulu que les premiers à jouir de 
cette pension fussent deux Italiens , ses élèves et ses amis, et 


( 667 ) 


que si le montant des revenus permettait de doter plus de deux 
personnes , ce qui est très-probable , le conseil municipal de la 
ville de Lille eût le droit de nommer les jeunes gens à la jouis- 
sance de cette pension. 

» Comblé d'années, comme de mérites, Wicar termina , le 
27 février dernier , une vie consacrée à d'utiles travaux, une vie 
qu'aucune tache n’a ternie et qui ne fut remplie que par de 
bonnes actions et des bienfaits. 

» Mais il est bien temps, Messieurs, de nous occuper de la 
solennité qui nous rassemble; si jai pu l'oublier un instant, 
j'ose en faveur du motif réclamer votre indulgence. Avant de 
terminer, qu'il me soit encore permis de proclamer de nouveau 
que le zèle qui vous anime vous fait remplir les obligations que 
vous avez contractées. Par la lecture du recueil de vos travaux 
depuis votre dernière séance publique, par les récompenses qui 
vont être données, vous prouverez, je l’espère, que la Société 
royale marche constamment vers le but qu'elle s’est proposé. 
Puisse le suffrage des respectables magistrats qui lui accordent 
leur bienveillante protection et celui de l'honorable assemblée 
qui l'encourage par sa présence , la convaincre que ses efforts 
sont accueillis ! » 

Après M.Desmazieres , M. Borelli, vice-président de la Société 
d'Horticulture , prononce un discours au nom de cette Société. 

Enfin, M. le docteur Hautrive, secrétaire de la commission 
d'agriculture , proclame, au bruit des fanfares et des applau- 
dissemens, les noms des cultivateurs de l’arrondissement de 
Lille qui ont mérité les récompenses promises. 


HOUBLONNIÈRES. 
La Société des Sciences mentionne honorablement MM. Des- 


camps, de Croix, et Desurmont, de Tourcoing , qui ont obtenu 
la grande médaille aux concours précédens, 


( 665 ) 

Premier prix. — Une médaille de 150 francs à M. Charlet, 
d'Houplines. 

Deuxième prix. — Une médaille de 75 franes à M. Picavez, 
brasseur , à Linselles. 

Troisième prix. — Une médaille de 60 francs à M. Wares- 
quelle, brasseur, à Lille, pour l'établissement d’une houblon- 
nière de la contenance de 56 ares, plantée en 1834. 

Quatrième prix. — Une médaille de 50 francs à M. Leclereq, 
brasseur, à Hem, pour la plantation, en 1834, de 37 ares de 
houblon à tiges blanches. 


INSTRUMENS ARATOIRES. 


Premier prix. — Une médaille de 50 franes à M. Prouvost , 
de Wazemmes , qui a présenté à la Société un déplantoir pour 
les perches de houblon. 


TAUREAUX, GÉNISSES. 


1.° M. Auguste Leclerc, brasseur , à Hem, propriétaire du 
plus beau taureau présenté au concours, a mérité la prime de 
100 francs. 

2.° La plus belle génisse , de race hollandaise pure , ayant été 
présentée par M. Auguste Leclereq, déjà cité, une médaille de 
la valeur de 50 franes lui est accordée. 

3. Le second prix, de la valeur de 25 francs , est accordé à 
M. Louis Lepers fils, cultivateur, à Wazemmes, qui a élevé la 
plus belle génisse après la précédente. 

4.0 Une médaille de la valeur de 25 francs est décernée à 
M. Julien Lefebvre, propriétaire-cultivateur , à Hem , pour avoir 
présenté au concours une génisse qui rivalisait avec celle de 
M, Louis Lepers. 


( 669 ) 


BÉLIERS NOLLANDAIS. 


1.0 Le plus beau bélier à longue laine de race hollandaise 
pure, destiné à améliorer l’espèce ovine indigène, ayant été 
présenté par M. Alexis Lefebvre , de Lezennes, une médaille de 
5o francs lui est accordée. 

La Société voulant récompenser le zèle, l'intelligence et la 
bonne conduite des bergers et des maîtres-valets de l’arrondis- 
sement de Lille, a fondé différens prix pour être décernés dans 
la séance publique de ce jour. 


BERGERS. 


Lé sieur Antoine Guilbert, berger, conduisant depuis trente- 
sept ans le troupeau de M. Coget, propriétaire , à Thumeries ; a 
mérité la récompense dûe à ses bons et loyaux services : une 
houlette d'argent lui est accordée. 


MAÏTRES-VALETS. 


1.° Les épis d'argent proposés en prix au maitre-valet de 
larrondissement de Lille, le plus habile à tracer un sillon et à 
exécuter les travaux agricoles , ont été mérités par le sieur Jean- 
Baptiste Bouche, maître-valet , demeurant depuis quaränt-huit 
ans chez M. Bulteau, cultivateur et maître de poste, à Pont- 
à-Marcq. 

2.0 Une médaille d'encouragement est décernée au sieur 
Fabien Coutelier , depuis trente-huit maître-valet chez M. Cons- 
tant, cultivateur, à Péronne. 


(670 ) 


OUVRAGES ENVOYÉS À LA SOCIÉTÉ 


PENDANT L'ANNÉE 1834 ET LE PREMIER SEMESTRE DE 1835. 


1.0 OUVRAGES IMPRIMÉS, 


COMPOSÉS PAR LES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ. 


BOUILLET. Description historique et scientifique de la Haute- 
Auvergne. 

CLÉMENT ( née Hemery). Histoire des fêtes civiles du dépar- 
tement du Nord. 

DESAYVE. Souvenirs de Pologne et scènes militaires de la 
campagne de 18123 1 vol. in-8,0 Paris. 

DUBRUNFAUT. L'agriculteur-manufacturier; tome 4 , N.0 2. 
Novembre, 

FÉE. Mémoire sur le groupe des Phyllériées , et notamment 
sar le genre Erineum ; broch, , avec planches. 

— Note sur trois espèces nouvelles de spkæria exotiques ; br. 

FRANCOEUR. Traité élémentaire de mécanique; 1 vol. 

GIRARDIN. Discours d'ouverture du cours d'application de 
chimie, de Rouen, 1834. 

— Observations sur lepoirier saugier et sur ses produits ; br. 

GUÉRARD. Rapport sur le café avarié. 

— Plan et généralités d'un cours de physique médicale. 

JOBARD. L’Angleterre en 1833. Suite. 

— Un coup d'œil sur l’état de l’industrie avant la révolution 
française. 

LEFEBVRE ( Alexandre ). Description de trois papillons nou 
vellement observés. 

— Caractère distinctif entre quelques satyres européens de 
la section des leucomélaniens. 


(671) 

— Insertion de deux pattes surnuméraires au trochanter 
de la patte supérieure gauche chez un Scaryte pyracmon. 
( Bon. Dej.) 

LEGRAND (Pierre ). Études sur la législation militaire. 

LELEWEL {Joachim}. Les Polonais, les Lithuaniens et les 
Russiens célébrant en France les premiers anniversaires de leur 
révolution nationale du 29 novembre 1830 et du 25 mars 1831. 

— Le comité national polonais au peuple russe. 

— La Pologne et l'Angleterre. 

— Adresse des réfugiés polonais en France à la chambre des 
communes de la Grande-Bretagne et d'Irlande. 

— Ustawy Komitetu Narodowego Polskiego. 

LEROY ( Onésime }. Etudes morales et littéraires sur la 
personne et les écrits de J.-F. Ducis, 1 vol. in-8.0 

MAIZIÈRES. Développemens sur les nombres. 

MICHAUD. Complément de l’histoire naturelle des coquilles 
terrestres et fluviatiles. 

— Description de plusieurs espèces de coquilles du genre 
Rissoa. ( Fréminville. ) 

MANGON DE LALANDE. Mémoire sur l'antiquité des peuples 
de Bayeux. 

MARCHAND DE LA RIBELLERIE. Quelques observations 
sur l’intendance militaire. 

PLOUVIEZ. Quelques idées de philosophie médicale. 

PRONY ( Baron de). Rapport sur la harpe à double mouve- 
ment, de l'invention de S. Erard. 

RODENBACH (Constantin). Episodes de la révolution dans 
les Flandres, 182y , 1830, 1931 ; 1 vol. Bruxelles. 

VANDERMAELEN. Un atlas universel, 

— Tableaux statistiques des patentables de la Belgique. 

VINCENT. Cours de géométrie élémentaire ; 3.e édition. 

MATHIEU. Histoire de l’Astronomnie au 18.e siècle, par M. 
Delambre, publiée par M. Mathieu, in-4.0 Paris , 1827. 


( 672 ) 
2,0 OUVRAGES MANUSCRITS 
COMPOSÉS PAR LES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ. 


Mémoire sur la question dé savoir si des animaux terrestres 
ont cessé d'exister depuis l'apparition de l’homme et si l'homme 
a été contemporain des espèces aujourd'hui perdues ; par 
M. Marcel de Serre, membre correspondant. 

Observations sur les silicates en général et sur les silicatés non 
alumineux à base de chaux et de magnésie, par le mêine. (1) 

Notice sur les divers terrains des environs de Tours, par 
M. Marchand de la Ribellerie, membre correspondant. 

Note sur l'hépatite chronique , par M. Plouviez, membre 
correspondant. 

Mémoire sur les paratonnerres, par M. Jacquerye | membre 
correspondant. 

Épisode du Chardon, fleurs, chant premier, traduit de 
l'anglais en vers français , par M. Moulas, membre résidant. 


22 


(x) C'est avec regret que la Société n'a pu déroger à ses usages en com- 
prenant dans son recueil ces deux importans mémoires, déjà imprimés dans 
ka Bibliothèque Universelle de Genève. 


(673) 
AUTRES OUVRAGES 


ENVOYÉS A LA SOCIÉTÉ PAR DES ÉTRANGERS: 


1.0 OUVRAGES IMPRIMÉS. 


DINAUX (Arthur ). Notice sur Watteau , de Valenciennes. 

HOMBRES ( le baron Firmas d'). Mémoire sur le mürier des 
Philippines, morus sinensis. 

— Notes sur quelques végétaux qui croissent spontanément 
dans le département du Gard et qui mériteraient une culture 
particulière, soit par leurs vertus médicinales , soit par leurs 
‘usages dans les arts. 

HENSMANS. Répertoire de chimie et de pharmacie. 

— Mémoire sur le proportionnement chnnique pesé et mesuré 
des corps. 

— Annuaire à l'usage du chimiste, du médecin, du phar- 
macien et du fabricant. 

HUERNE DE POMMEUSE. Observations générales sur les 
causes de l'existence des marais et sur les moyens de les assainir. 

HUGUES. Rapports sur les résultats des expériences agricoles 
faites avec le Semoir-Hugues. 

MAURIZE (A. ). Dangers de la situation actuelle de la France. 
Paris, 1832. 

PERRIN ( l'abbé Théodore ). Revue de l’agriculture univer- 
selle ; tome 1,er, 1.re et 2.e livraison. 

LA SOCIÉTÉ DES MINES DITE DES CANONNIERS 
Notes relatives aux forages de Loos et de Wattignies. 


43 


( 674 ) 


A 


LEGS 


FAIT À LA SOCIÉTÉ PAR FEU LE CHEVALIER WICAR, DE LILLE, 


Peintre, à Rome, Membre correspondant. 


Aux termes du testament et de l’acte de dépôt dressé par 
M. l'ambassadeur de France à Rome, les objets suivans ont été 


légués à la Société de Lille : 


1.° Un dessin représentant Virgile lisant l’Enéide devant 
Auguste. 

2.6 Une esquisse à l'huile du même sujet. Ces deux ouvrages 
sont de Wicar. 

3.0 Un grand volume in-folio contenant cinquante et une 
feuilles sur lesquelles sont collés divers dessins de plusieurs 
maîtres, tels que Giotto , Raphaël , etc. 

4° Grand volume in-folio contenant trente-six feuilles , avec 
des dessins de Raphaël. 

5.0 Grand volume in-folio contenant quarante-deux feuilles, 
avec des dessins de plusieurs grands maitres. 

6.o Autre volume in-folio, mais plus petit, renfermant 
soixante-huit feuilles, avec des dessins de l’école florentine. 

7. Autre volume in-folio, comme le précédent, renfermant 
des dessins de plusieurs maîtres sur cent et une feuilles. 

8.0 Un volume relié en maroquin rouge, dans un étui, ren- 
fermant des dessins originaux de Michel-Ange Buonarotti, sur 
quatre-vingt-onze feuilles. (Architecture. ) 

9° Un petit volume relié en rouge, renfermant des petits 
dessins sur trente-neuf feuilles. 


( 675 ) 

10.9 Un cahier de cinquante feuilles, avec des dessins dont 
plusieurs sont des copies. 

11.0 Cent cinquante-neuf feuilles, sur lesquelles sont collés 
différens dessins de plusieurs maîtres. 

12.0 Vingt-cinq gravures. 

13.° Quelques objets antiques en bronze, en marbre et en 
terre cuite. 

14.0 Une décoration du royaume des Deux-Siciles, dont le 
défunt avait été honoré lorsqu'il était directeur de l'académie 
royale de Naples. 

15.° Une lettre originale de François L.er, roi de France, à 
Michel-Ange Buonarotti. 

16.° Une lettre originale écrite au chevalier Wicar, par le 
général Bonaparte. 


Indépendamment des divers dons qu'il a faits à la ville de 
Lille, à sa bibliothèque, à ses écoles académiques, Wicar a 
voulu que ses biens meubles ou immeubles fussent consacrés 
à former une œuvre-pie , qu’on nommerait Œuvre-Pie-Wicar. 


& ++... Les rentes de cette œuvre-pie seront employées à 
doter d’une pension de 25 écus romains par mois autant de 
jeunes gens dédiés à l'étude de /a peinture, de la sculpture et de 
l'architecture, que le permettra le montant net de ces rentes. 


» «+ .4..Ces jeunes gens devront être natifs de Lille et appar- 
tenir aux trois classes de peinture , de sculpture et darchi- 
tecture; c’est-à-dire, un pour chaque classe, toutefois que les 
revenus de l’œuvre-pie seront suffisans pour trois pensionnaires ; 
s'ils n'étaient pas sufMisans, il devra toujours en être choisi un 
pour la peinture et un autre tour-à-tour pour les deux autres 
classes. le. oc 


» ...... La nomination aura lieu en concours, et le corps 
municipal , d'après le vote de l’Académie royale des Sciences, 


( U76 ) 
de l'Agriculture et des Arts de la ville de Lille , choisira toujours 
celui qui montrera le plus d’habileté, de dispositions, d'ins- 
traction et de qualités pour faire honneur à la patrie et aux 
beaux-arts. .... 

» «...+... Les jeunes gens choisis devront se rendre à 
Rome.....:.. et y rester quatre ans entiers ; pendant ce temps 
ils jouiront de ladite pension, mais jamais au-delà. .... 

» ....+. La maison sise à Rome, rue del Vantaggio, mar- 
quée des Nos 5,6, 7 et 8, ne devra point être aliénée; mais 
conservée pour l'avantage des pensionnaires, , .... 

» ,..... Les objets en plâtre laissés par le testateur. ..... 
sont aussi destinés aux pensionnaires. » 

(Extraits du testament.) 


Dans le but d'assurer à jamais à la ville de Lille la posses- 
sion du Legs-Wicar , la transaction suivante a été consentie 
entre elle et la Société: 


« La ville de Lille se chargera de payer les frais de succes- 
sion , de transport , d'entretien, de conservation et aux condi- 
tions suivantes : 

» 1.0 La Société abandonnera à la ville la nue-propriété de 
tous les objets à elle légués par le chevalier Wicar, de sorte 
qu'en cas de dissolution de la Société, tous ces objets appar- 
tiendront à la ville. 

» 2.0 La Société aura la garde et l'administration de ces 
objets. Un inventaire sera remis à la ville. 

» 3.0 La Société déposera ces objets, suivant leur nature, 
dans les établissemens publics existans , jusqu'à ce qu’elle soit 
en position de les rassembler dans un local spécial, où le publie 
sera librement et régulièrement admis. 

» 4.0 Une inscription placée sur chacun de ces objets rap- 
pellera qu'ils proviennent du legs fait par le chevalier Wicar 
à la Société royale. » 


( 677 ) 


Une ordonnance royale, en date du 26 janvier dernier, 
autorise la ville de Lille et la Société royale à accepter, chacune 
pour ce qui les concerne, le legs du chevalier Wicar. Cette 
ordonnance approuve les conventions stipulées entre la ville et 
la Évciété, pour régler les conditions d'usufruit, de nue-pro- 
priété et le mode de conservation et de jouissance. 


( 678 ) 
"OL LCL 


ENVOIS 
DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES 


Pendant l'année 1834 et le premier trimestre de 1835. 


ABBEVILLE. Mémoires de la Société royale d’émulation ; 
1 vol. in-8.0 1833. 

ANGOULÈÊME. Annales de la Société d'agriculture, arts et 
commerce du département de la Charente. 

BESANCON. Académie des sciences , belles-lettres et arts; 
séance publique du 25 août 1834. 

BORDEAUX. Académie royale des sciences, belles-lettres et 
arts; séance publique du 28 août 1834. 

DIJON. Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles- 
lettres, 1833. 

EVREUX. Bulletin de l'Académie Ébroïcienne , suivant les 
règlemens de l’ancienne Société d’agricullure , sciences , arts et 
belles-lettres du département de l'Eure. 

LILLE. Annales de la Société d’horticulture. 

MANS (LE). Bulletin de la Société royale d'agriculture, 
sciences et arts. 

MACON. Compte rendu des travaux de la Société d’agricul- 
ture , sciences et belles-lettres de Mâcon, pour l’année 1829 et 
suivantes , jusqu’à la fin de l’année 1832. 

— Rapport fait à la Société d'agriculture , sciences et belles- 
lettres de Mâcon, par M. Cortambert,. 

METZ. Sommaire des travaux de la Société des sciences mé- 
dicales du département de la Moselle. 1830 à 1834. 

MULHAUSEN. Bulletin de la Société industrielle. 

NANCY. Précis des travaux de la Société royale des sciences, 
lettres et arts de Nancy, de 1829 à 1832. 


( 679) 

NANTES. Journal de la section de médecine de la Société 
académique du département de la Loire-Inférieure. 

PARIS. Annales de la Société d'horticulture. 

— Journal de la Société de la morale chrétienne. 

— Bulletin de la Société géologique de France. 

— Nouveau bulletin des sciences, par la Société philomathique. 

— Annales des jardiniers amateurs, publiées par la Société 
d’agronomie pratique. 

— Bulletin de la Société de géographie. 

— Athénée des arts, le Lycée, journal des sciences. 

ROUEN. Précis analytique des travaux de l’Académie royale 
des sciences, belles-lettres et arts, pendant l’année 1833. 

SAINT-ÉTIENNE. Bulletin industriel, publié par la Société 
d'agriculture, sciences et arts. 

TOULOUSE. Recueil de l’Académie des jeux floraux. 1833. 

— Journal des propriétaires ruraux pour le Midi de la France. 

TOURS. Annales d'agriculture , publiées par la Société d’agri- 
culture, des sciences, arts et belles-lettres du département 
d’Indre-et-Loire. 

TROYES. Mémoires de la Société d'agriculture , sciences , 
arts et belles-lettres du département de l'Aube. 


———————————— 


La Société royale des sciences de Lille , désirant étendre ses 
relations, accueillera avec empressement toutes les demandes 
qui lui seront faites par les Sociétés académiques pour l'échange 
des mémoires qu’elle publie. 


( 680 ) 


RE D DR EL 7 | 


OUVRAGES ENVOYÉS PAR LE GOUVERNEMENT. 


Description des machines et procédés spécifiés dans les bre- 
vets d'invention, de perfectionnement et d'importation dont la 
durée est expirée; publiée d’après les ordres du ministre de 
l'intérieur, par M. Christian, directeur du Conservatoire des 
arts et méliers; 4 volumes in-4.0, avec planches; tomes 23, 
24, 25 et 26. 

Neuvième supplément du catalogue de spécifications des prin- 
cipaux moyens et procédés pour lesquels il a été pris des brevets 
d'invention ; brochure in-8.0 Paris, 1834. 

Mémoires d'agriculture, d'économie rurale et domestique, 
publiés par la Société royale et centrale d'agriculture ; 1 volume 
in-8.° 

Annales de l'industrie nationale, recueil industriel, manufac- 
turier, agricole et commercial de la salubrité publique et des 
beaux-arts , renfermant la description des expositions publiques 
faites en France et à l'étranger, par M. de Moléon. Année 1834. 


LA SOCIÉTÉ RECÇOIT PAR ABONNEMENT: 


1.0 Annales de chimie et de physique, par MM. Gay-Lussac et 
Arago. 

2.° Annales des sciences naturelles, par MM. Audouin, Ad. 
Brongniart et Dumas. 

3.° La revue encyclopédique, par H. Carnot et P. Leroux. 

4.0 La bibliothèque universelle des sciences, belles-lettres et 
arts, rédigée à Genève. 

5.0 Journal hebdomadaire des progrès des sciences et insti- 
tutions médicales, par MM. Bouillaud , Forget, Vidal, etc., etc. 

6.° Journal des connaissances usuelles et pratiques, publié 


( 68: } 
par MM. Gillet de Grandmont et le comte de Lasteyrie, faisant 
suite à la bibliothèque physico-économique. 
7.9 Journal des connaissances utiles. 
8.° L'annuaire statistique du département du Nord. 
9.0 Revue du Nord. 
10.° Journal de la Société phrénologique de Paris. 


Par décision de M. le maire de Lille, le bibliothécaire de la 
ville met, pendant une année, à la disposition de la Société des 
sciences, de l’agriculture et des arts, les ouvrages dont les 
titres suivent : 

Mémoires du Muséum d'histoire naturelle. 

Le journal des voyages , découvertes, navigations. 

Le journal d'agriculture et d'économie rurale du royaume des 
Pays-Bas. 

Annales de mathématiques, par M. Gergonne. 

Bulletin des sciences naturelles et de géologie, 

Id. des sciences historiques , antiquités, etc., 

Id. des sciences agricoles et économiques, 

Id. des sciences technologiques, de M. 
Id. des sciences mathématiques, Férussac. 
Id. des sciences médicales, 

Id. des sciences géographiques, 

Id. des sciences militaires, 


( 682 ) 


LISTE DES MEMBRES 
DE 
LA SOCIÉTÉ ROYALE DES SCIENCES, 


DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS, DE LILLE. 


1834. 
MEMBRES HONORAIRES. 


MM. le préfet du département du Nord. 
Le maire de Lille. 
GODIN, docteur en médecine ; admis le 3 février 1822. 


MEMBRES TITULAIRES. 


BUREAU, 


Président, M. BAILLY , docteur en médecine ; admis le 2 
octobre 1825. 

Vice-président, M. DELEZENNE , professeur de physique ; 
admis le 12 septembre 1806. 

Secrétaire-général , M. DOURLEN fils, docteur en médecine; 
admis le 3 décembre 1830. 

Secrétaire de correspondance , M. LEGRAND , avocat; admis 
le 3 février 1832. 

Trésorier, M. VERLY fils, architecte ; admis le 18 avril 1823. 

Bibliothécaire , M. HAUTRIVE, docteur en médecine; admis 
le 7 novembre 1828. 


( 683 ) 
MM. PEUVION fils, négociant; admis le 17 nivôse an 11. 
CHARPENTIER , pharmacien en chef; admis le 15 plu- 
viôse an 11. 
MACQUART, propriétaire ; admis le 27 messidor an 11. 
DEGLAND, docteur en médecine ; admis en 1811. 
DESMAZIERES , naturaliste ; admis le 22 août 1817. 
LIENARD , professeur de dessin ; admis le 5 sept. 1817. 
LESTIBOUDOIS ( Thém.) , docteur en médecine ; admis 
le 17 août 1821. 
MUSIAS , notaire ; admis le 3 janvier 1822. 
KUHLMANN, professeur de chimie; admis le 20 mars 1824. 
MURVILLE , docteur en médecine ; admis le 18 févr. 1825. 
HEEGMANN, négociant ; admis le 2 décembre 1825. 
BARROIS , négociant ; admis le 16 décembre 1825. 
LESTIBOUDOIS (J.-B.t), docteur en médecine ; admis 
le 20 janvier 1826. 
DAMBRICOURT, négociant ; admis le 17 février 1826. 
DELATTRE, négociant ; admis le 3 mars 1826. 
DECOURCELLES , propriétaire ; admis le 21 nov. 1828, 
DANEL, imprimeur ; admis le 5 décembre 1828. 
VAILLANT, docteur en médecine; admis le 6 avril 1831. 
MOULAS , propriétaire ; admis le 29 avril 1831. 
MARQUET-VASSELOT, directeur de la maison centrale 
de détention de Loos, admis le 2 mars 1832. 
BORELLY, inspecteur des douanes ; admis le 2 mars 1832. 
MULLIÉ , chef d'institution ; admis le 20 avril 1832. 
DAVAINE, ingénieur des ponts et chaussées ; admis le 3 
août 1832. 
BARRÉ, professeur au collège de Lille; admis le 7 sep- 
tembre 1832. 
LEGLAY, docteur en médecine, archiviste général du dé- 
partemenf du Nord ; admis le 19 juin 1835. 


| 


(684 ) 
MEMBRES RÉSIDANS AGRICULTEURS. 


MM. ADAM, cult. et propriét., à Aubers. 


BÉGHIN, id. , à Faches. 

BONTE, id. , à Flers. 

BRULOIS { Vincent), ïd., à Croix. 
CHARLET, id. , à Houplines. 
CHUFFART (Jean-B.t), id., à Ascq. 
COLLETTE (Louis),  id., à Baisieux. 
CORDONNIER, id. , à Anstaing. 
DEBUCHY (François), id., à Noyelles. 
DELECOURT ( Louis )» id., à Lomme. 
DELECOURT (J.-Bte), id., à Lomme. 
DELOBEL,, id., à Sailly-lez-Lannoy. 
DESCAMPS, Id., à Croix. 
DESPATURES , id. , à Marcq-en-Barœul. 


DESURMONT (Fr.), brasseur, à Tourcoing. 
D'HALLUIN (J3.-B.), briq.etcultiv., à Marcq-en-Barœul. 
D'HESPEL, propr., cons. d'arrond.t, à Haubourdin. 
DUHAYON, à Ronchin. 


notaire , 


HAVEZ, : cultiv. et propriét., à Ascq. 
HEDDEBAULT, id. , à Faches. 
HOCHART fils aîné , id. , à Loos. 
LECOMTE,, id. , à Bousbecques. 
LEFEBVRE, id. , à Lezennes. 
LEFEBVRE (Julien), id., à Hem. 

LEPERS ( François),  id., à Flers. 
LIENARD, id. , à Annappes. 
LORIDAN, id. , à Flers. 
MASQUELIER (N.),  id., à Sainghin-en-Mél. 
MASQUILLIER , id. , à Willems. 
POTTIER , id. , à Hallennes-lez-H. 
WATTELLE , 14: à à Radinghem. 


( 685 ) 
MEMBRES CORRESPONDANS. 


MM. AJASSON DE GRANDSAGNE, naturaliste et homme de 

lettres, à Paris. 

AMPÈRE, membre de l'Institut, à Paris. 

ALAVOINE, propriétaire, à La Bassée. 

ARAGO, membre de l'institut et de la chambre des députés. 

ARTAUD , inspecteur de l’Université, à Paris. 

AUDOUIN, naturaliste , à Paris. 

BABINET, professeur au collège St.-Louis, examinateur à 
l'école polytechnique. 

BAILLY DE MERLIEUX , directeur de l’Union encyclopé- 
dique, à Paris. 

BARR! , chef d'escadron d'artillerie, à Valenciennes. 

BEAUDET-LAFARGE, naturaliste , à Maringue. 

BECQUET DE MÉGILLE , à Douai. 

BÉGIN, chirurgien en chef à l'hôpital militaire d’instruc- 
tion de Strasbourg. 

BIDART, médecin , à Pas ( Pas-de-Calais ). 

BLOUFT, professeur d'hydrographie , à Dieppe. 

BOINVILLIERS , correspondant de l'Institut, à Paris. 

BONAFOUS, directeur du jardin royal d'agriculture, à 
Turin. 

BONARD, chirurgien-major au 5.e régiment de dragons. 

BOTTIN , rédacteur de l'Almanach du commerce, à Paris. 

BOSSON , pharmacien, à Mantes. 

BOUILLET, naturaliste, à Clermont-Ferrand. 

BOURDON, inspecteur de l’Académie de Paris. 

BRA , statuaire, à Paris. 

BRONGNIART, agrégé à la faculté de médecine de Paris. 

BURETTE-MARTEL , propriétaire, à Haubourdin. 


( 686 ) 

MM. CARETTE , chef de bataillon du génie, à Paris. 
CHARPENTIER , docteur en médecine, à Valenciennes. 
CHAUVENET, capitaine du génie, à Arras. 

CLÉMENT (Mme veuve), née Hémery, à Cambrai. 

COCHARD , pharmacien , à Sedan. 

COCQ, commissaire des poudres et salpêtres , à Paris. 

COGET ainé, propriétaire, à Thumeries. 

COLLADON fils, à Genève. 

COMHAIRE, littérateur, à Liège. 

CORNE, président du tribunal de 1.re instance , à Douai. 

COUPRANT, officier de santé, à Houplines, 

DARGELAS , naturaliste , à Bordeaux. 

DASSONNEVILLE , docteur en médecine, à Aire. 

DEBAZOCHES , naturaliste, à Scez. 

DE BREBISSON fils, naturaliste , à Falaise. 

DE CANDOLLE , professeur, naturaliste , à Genève. 

DE CONTENCIN, secrétaire du préfet de la Gironde, à 
Bordeaux. 

DEGEORGE ( Frédéric ), homme de lettres , à Arras. 

DE KIRCHOFF ( le chevalier), docteur en médecine, à 
Anvers. 

DELARUE, secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture 
du département de l'Eure , à Evreux. 

DE LENZ (le baron}, conseiller-d'état , à léna. 

DE MEUNYNCK , docteur en médecine, à Bourbourg. 

DEPRONVILLE , bibliothécaire, à Versailles. 

DE PRONY, membre de l’Institut, à Paris. 

DEQUEUX-SAINT-HILAIRE , propriétaire, à Dunkerque. 

DERHEIMS , pharmacien , à Saint-Omer. 

DERODE ( Julien), à Loos. 

DESAYVE , à Paris. 

DESBRIÈRES , pharmacien-major, à Alger. 

DESMARQOUOY, médecin, à Saint-Omer. 


( 687 ) 
MM. DESMYTTÈRE , docteur en médecine , à Cassel. 

DESPRETZ , professeur de physique au collège royal de 
Henri IV, à Paris. 

DESRUELLES , docteur en médecine, au Val-de-Grâce, 
à Paris. 

DESSALINES-D'ORBIGNY , professeur d'histoire natu- 
relle, à La Rochelle, 

DE VILLENEUVE-BARGEMONT ( le vicomte), proprié- 
taire, à Nancy. 

DE VILLENEUVE (le comte Alban }), ancien préfet du 
Nord, à Paris. 

DE WAPERS, peintre du roi , à Bruxelles. 

DRAPIER , inspecteur divisionnaire des ponts et chaussées, 
à Paris. 

DUBRUNFAUT, professeur de chimie , à Paris. 

DUBUISSON , ingénieur des mines , à Paris. 

DUCELLIER , ingénieur, à Paris. 

DUCHASTEL (le comte), à Versailles. 

DUHAMEL , inspecteur général des mines, à Paris. 

DUMÉRIL, membre de l’Institut, à Paris. 

DUMORTIER , directeur du jardin botanique de Tournai. 

DUSAUSSOY, inspecteur de la fonderie royale de Douai, 
membre de la chambre des députés. 

DUTHILLOEUL, propriétaire , à Douai. 

DUVERNOY , professeur à la faculté des sciences de 
Strasbourg. 

ELIAS FRIES , naturaliste, à Lund (Suède). 

FAREZ, procureur-général à la cour royale de Douai. 

FÉE , professeur à la faculté de médecine de Strasbourg. 

FLAVIER , à Strasbourg. 

FRANCOEUR , officier de l’Université, membre de la société 
philomathique, à Paris. 

FONTEMOING , avocat , à Dunkerque. 


( 688 ) 
MM. GAILLON . naturaliste, à Abbeville. 

GARNIER, professeur de matémathiques à l'Université de 
Gand. 

GAY-LUSSAC, membre de l'Institut , à Paris. 

GEOFFROY DE SAINT-HILAIRE fils , naturaliste au jardin 
du Roi , à Paris. 

GILGENCRANTZ , docteur en médecine , chirurgien-aide- 
major au 43. régiment de ligne. 

GILLET DE LAUMONT, inspecteur général des mines, à 
Paris. 

GIRARDIN , professeur de chimie , à Rouen. 

GRAR , avocat, à Valenciennes. 

GRAVIS , docteur en médecine, à Calais. 

GUERARD , agrégé à la faculté de médecine de Paris. 

GUÉRIN , membre de la Société d’histoiré naturelle, à Paris. 

GUERRIER DE DUMAST fils, homme de lettres, à Nancy. 

GUILLEMIN , naturaliste, à Paris. 

GUILLOT, lieutenant-colonel d’artillerie , à Strasbourg. 

HECART, secrétaire de la mairie de Valenciennes. 

HÉRÉ, professeur de mathématiques , à Saint-Quentin. 

HUOT, à Versailles. 

HURTREL-D'ARBOVAL, médecin vétérinaire , à Montreuil. 

JACQUEMYNS , docteur en médecine , à Louvain. 

JACQUERYE , professeur de dessin et de mathématiques , 
à Armentières. 

JAUFFRET, bibliothécaire en chef, à Marseille. 

JOBARD , directeur de l’'Industriel , à Bruxelles. 

JUDAS , docteur en médeçine ; à Aire. 

JULLIEN , ancien rédacteur de la Revue encyelopédique ; 
à Paris. 

KUHLMANN, architecte , à Schelestadt. 

KUNZE, professeur, à Leipsick. 

LABARRAQUE,, pharmacien ; à Paris. 


( 689 ) 
MM. LACARTERIE , pharmacien en chef à l'hôpital militaire 

d'instruction de Metz. 

LACROKX , membre de l'Institut, professeur de mathéma- 
tiques transcendantes , à Paris. 

LAGARDE (le baron ), ancien préfet , à Paris. 

LAINE, professeur de mathématiques au collège de la ville 
de Paris. 

LAIR , à Caen. 

LA ROCHEFOUCAULT ( le vicomte de), à Paris. 

LECOCQ , professeur de minéralogie , à Clermont-Ferrand. 

LEBLEU fils, docteur en médecine , à Dunkerque. 

LEBONDIDIER , chimiste , à Béthune. 

LEFEBVRE, Alexandre, secrétaire de la Société entomo- 
logique de France, à Paris. 

LEGAY, professeur, à Paris. 

LEJEUNE, docteur en médecine, à Liège. 

LELEWEL ( Joachim }), professeur d'histoire à l'Université 
de Wilna , à Bruxelles. 

LEMAIRE , agrégé de l'Université au collège Saint-Louis, 
à Paris. 

LEROY ( Onésime) , homme de lettres, à Senlis. 

LHÉRIC, graveur, à Anvers. 

LIBERT ( Melle Marie-Aimée ) , naturaliste, à Malmédy. en 
Prusse. 

LIÉBIG , chimiste, à Hiessen, grand-duché de Hesse. 

LOISELEUR DES LONGCHAMPS , docteur en médecine , 
à Paris. 

LONGER , inspecteur des domaines et de des 
à Saint-Omer. 

MALLET , professeur de philosophie au collège royal 
d'Amiens. 

MANGON DE LALANDE , directeur des domaines, à 


Poitiers, 


44 


( 6go ) 
MM. MARCEL DE SERRES , naturaliste, à Montpellier. 

MARCHANT DE LA RIBELLERIE, sous-intendant mili- 
taire, à Tours. | 

MARMIN , ex-inspecteuur des postes, à Boulogne-sur-Mer. 

MARTIN-SAINT-ANGE , docteur en médecine, à Paris. 

MAIZIÈRES , docteur ès-sciences ; aPParis: 

MATHIEU , membre de l'Institut et du bureau des longi- 
tudes , à Paris. 

MATHIEU DE DOMBASLE , agronome, à Roville. 

MEIGEN , naturaliste, à Stolberg. 

MÉRAT, membre de l'Académie de médecine ; à Paris. 

MICHAUD , naturaliste , lieutenant au 10. régiment d'in- 
fanterie de ligne. 

MILNE-EDWARDS, naturaliste, à Paris. 

MIONNET, conservateur au cabinet des antiques, à Paris. 

MOURONVAL , docteur en médecine, à Bapaume. 

NICHOLSON , ingénieur-mécanicien , à Londres. 

NOEL, officier de l'Université, à Paris. 

NOUEL-MALINGIÉ , chimiste, à Eppe-Sauvage, dépar- 
tement du Nord. 

OZANEAUX , recteur de l’Université, à Toulouse. 

PALLAS , médecin , à Saint-Omer. 

PELOUZE, répétiteur de chimie à l'Ecole polytechnique. 

PERSOONE, naturaliste , à Paris. 

PIHOREL , docteur en médecine , à Rouen. 

PLOUVIEZ, docteur en médecine, à Saint-Omer. 

POIRET , naturaliste, à Paris. 

POIRIER SAINT-BRICE , ingénieur des mines, à Paris. 

POTTIER , directeur du jardin des plantes , à Douai. 

REGNAULT, colonel du 66. régiment d'infanterie de ligne, 
à Ancône. 

REINARD , pharmacien, à Amiens. 

RODENBACH ( Constantin ), membre de Ja Chambre des 


représentans belges , à Bruxelles. 


(691 ) 
MM. RODENBACH ( Alexandre }, membre de la Chambre des 
représentans belges , à Bruxelles. - 
RODET , professeur de médecine vétérinaire , à Toulouse. 
SCHREIBER , naturaliste, à Vienne (Autriche ). 
SINCLAIR ( John }, agronome, à Londres. 
SCOUTTETEN , docteur en médecine , à Metz. 
SOUDAN, docteur en médecine , professeur à l'hôpital 
militaire d'instruction de Metz. 
TANCHOU, docteur en médecine, à Paris. 
TARANGET , docteur en médecine, à Douai. 
TASSAERT, chimiste, à Anvers. 
TESSIER , membre de l'Institut, à Paris. 
TIMMERMANS , capitaine du génie, à Tournai. 
TORDEUX, pharmacien, à Cambrai. 
VANDERMAELEN , à Bruxelles. 
VASSE DE SAINT-OUEN, inspecteur de l'académie de 
Douai. 
VANMONS, professeur de chimie à l’université de Louvain. 
VILLENEUVE , membre de l'académie de médecine, à 
Paris. 
VILLERMÉ , membre de l’Académie de médecine, à Paris. 
VINCENT , professeur de mathématiques , à Paris. 
YVART, membre de l’Institut, à Paris. 


( 692 ) 


LISTE 


DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES. 


ABBEVILLE. Société royale d'Émulation. 

ALBY. Société d'agriculture du département du Tarn. 

ANGERS. Société d'agriculture , sciences et arts. 

ANGOULÈME. Société d'agriculture, des arts et du com- 
merce du département de la Charente. 

ARRAS. Société royale pour l'encouragement des sciences, 
des lettres et des arts. 

AVESNES. Société d'agriculture. 

BESANCON. Société libre d’agricultare, arts et commerce 
du département du Doubs. 

BESANCON. Académie des sciences, belles-lettres et arts. 

BESANCON. Société d'agriculture, des arts et du commerce. 

BORDEAUX. Académie royale des sciences, belles-lettres et arts. 

BORDEAUX. Société linnéenne. 

BORDEAUX. Société philomathique. 

BOULOGNE-SUR-MER. Société d'agriculture , du commerce 
et des arts. 

BOURGES. Société d'agriculture du département du Cher. 

BRUXELLES. Société de Flore. 

BRUXELLES,. Société des sciences médicales et naturelles. 

BRUXELLES. Société agricole de Bruxelles. 

CAEN. Société royale d'agriculture et de commerce. 

CAMBRAI. Société d'émulation , agriculture , sciences et arts. 


( G95 ) 

CHALONS-SUR-MARNE. Société d'agriculture , arts et com- 
merce de la Marne. 

CHARLEVILLE. Société centrale d'agriculture , sciences et 
arts et commerce du département des Ardennes. 

CHARTRES. Société d'agriculture d'Eure-et-Loire. 

CHATEAUROUX. Société d'agriculture du département de 
l'Indre. 

CHAUMONT. Société d'agriculture, arts et commerce du 
département de la Haute-Marne. 

DIEPPE. Société archéologique. 

DIJON. Académie des sciences et belles-lettres. 

DOUAT. Société centrale d'agriculture, sciences et arts. 

DOUAI. Société des amis des arts. 

DOUAI. Société médicale. 

DUNKERQUE. Société d'agriculture. 

ÉVREUX. Société de médecine, chirurgie, chimie et pharmacie. 

ÉVREUX. Société d'agriculture , de médecine , sciences et arts 
du département de l'Eure. 

FOIX. Société d'agriculture et des arts du département de 
l'Ariège. 

GAND. Société royale des beaux-arts , belles-lettres , agricul- 
ture et botanique. 

IÉNA. Société de minéralogie. 

LIÈGE. Société libre d’émulation et d'encouragement pour 
les sciences et arts. 

LILLE. Société d’horticulture. 

LONS-LE-SAULNIER. Société d’émulation du département 
du Jura. 

LYON. Académie royale des sciences , belles-lettres et arts. 

LYON. Société de médecine. 

MACON. Société d’agriculture, des sciences , arts et belles 
lettres. 

MANS (LE). Société royale d'agriculture , sciences ct arts. 


( 694 ) 

MARSEILLE. Académie des sciences, belles-lettres et arts. 

METZ. Société d'agriculture , des lettres, sciences et arts du 
département de la Moselle. 

METZ. Société des sciences médicales du département de la 
Moselle. 

MÉZIÈRES. Société libre d'agriculture , arts et commerce du 
département des Ardennes. 

MONTAUBAN. Société des sciences, agriculture et belles- 
lettres du département de Tarn-et-Garonne. 

MULHAUSEN. Société industrielle. * 

NANCY. Société des sciences, lettres, arts et agriculture. 

NANCY. Société royale des sciences, lettres et arts. 

NANTES. Société académique du département de la Loire- 
Inférieure. 

NANTES, Société nantaise d'horticulture. 

PARIS. Société d'agriculture du département de la Seine. 

PARIS. Société des inventions et découvertes. 

PARIS. Athénée des arts. 

PARIS. Société royale d’agrieulture. 

PARIS. Société d'encouragement et de l’industrie nationale. 

PARIS. Société médicale d’émulation. 

PARIS. Société d'encouragement pour l'industrie nationale. 

PARIS. Société de géographie. 

PARIS. Société de la morale chrétienne. 

PARIS. Société d'histoire naturelle, 

PARIS. Société d'horticulture. 

PARIS. Société pour l'amélioration de l'enseignement élé- 
mentaire. 

PARIS. Société d’agronomie pratique. 

PARIS. Société géologique de France. 

PARIS. Société philomathique. 

PARIS. Société linnéenne. 

PARIS. Société libre des beaux-arts. 


(CRE © 

POITIERS. Société d'agriculture , belles-lettres, sciences et 
arts du département de la Vienne. 

RIS. Institut horticole de Fromont. 

RHODEZ. Société d'agriculture et de négocians du départe- 
ment de l'Aveyron. 

ROUEN. Société libre d’émulation. 

ROUEN. Académie royale des sciences , belles-lettres et arts. 

SAINT-ÉTIENNE. Société d'agriculture, arts et commerce 
de la Loire-Inférieure. 

SAINT-ÉTIENNE. Société industrielle. 

SAINT-QUENTIN. Société des sciences, arts et belles-lettres. 

STRASBOURG. Société d'agriculture, sciences et arts du 
Bas-Rhin. : 

TOULOUSE. Académie des jeux floraux. 

TOULOUSE. Société royale d'agriculture. 

TOULOUSE. Académie royale des sciences, inscriptions et 
belles-lettres. 

TOURS. Société d'agriculture, sciences et arts et belles- 
lettres du département d’Indre-et-Loire. 

TOURS. Société d'agriculture du département d’Indre-et- 
Loire. 

TROYES. Société d'agriculture, sciences et arts du départe- 
ment de l’Aube. 

VALENCIENNES. Société des sciences et arts de commerce. 

VERSAILLES. Société d'agriculture et des arts du départe- 
ment de Seine-et-Oise. 


—"#2 © n—-— 


( 696 ) 


TABLE DES MATIÈRES 


CONTENUES DANS CE VOLUME. 


Lee — 


PHYSIQUE ET MATHÉMATIQUES. 


Mémoire sur la résolution des équations numériques , par 
M. Vincent, C. CR PRE TR ere 
Vis d’Archimède. — Détermination de la surface hélicoï- 
dale donnant l’espace hydrophore maximum, par M. 
Davaine, À... : AMEL. 480 Mobiomomonboeco bé oe 
Mémoire sur les plantations d'arbres, par M. Mai- 
zière, G....... Con cs OR EE tic 
TOR Oran EN EE A EE ES PTS 
Essai sur l'application du calcul des probabilités aux assu- 
rances contre l'incendie , par M. Th. Barroïs,R.,.. 
Notes sur la polarisation, par M. Delezenne,R........ 
Idem additions 36 si RE ET se 


GÉOLOGIE. 


Discours sur les progrès de la géologie, par M. Marcel 
dendenres si: esse ae er deu distoie die ton eee SÉRIE 
Notice sur la carbonisation du bois résultant de son séjour 
prolongé dans un terrain de troisième formation, par 
M A aa, C,...... Docs deal lot cle fois 
Notice sur une roche dite Roche brülée , située à Fumay, 
département des Ardennes , par feu M.7.-F. Clere, C. 


(x) C. signifie membre correspondant , R, membre résidant. 


Pages. 


283 


417 


420 


( 697 ) 
Note sur les eaux jaillissantes du puits foré pratiqué chez 
M. Bancal, à Celleneuve, près Montpellier, par M. 
Mafcelde: Serres Gi, 1000409. ba Ma: 
Observations géologiques sur le département de l'Aude, 
par M. Marcel de Serres, G................,.. 


CHIMIE. 


Recherches chimiques sur le maïs, devant contribuer aux 
progrès de la fabrication des sucres indigènes, par 
M. E. Pallas D à RE ee Scan ed an ete US 


HISTOIRE NATURELLE. 


Observations sur la licorne des anciens , par M. Marcel 

de Serres, G. ..…. Mnatetein tien es ee ei eo cie ei Se 
Description d’un nouveau genre d'insectes diptères de la 
famille des Notacanthes, par M. J. Macquart,R. ... 


BOTANIQUE. 


Description et figures de six hyphomycètesinédites à ajouter 
à la Flore française, par M. J.-B.-H.-J. Desmazieres , 
R. ......... ....... ss ...... 


MÉDECINE. 


Gastrite aiguë; tubercules développés. dans l'œsophage; 
perforations établissant communication entre ce con- 
duit et la trachée-artère ; carie de deux vertèbres dor- 
sales; par M. J. Gravis, Q., ses es se see 

Mémoire sur l'usage externe de la pierre à cautère, par 
M. Plouyiez, QG. 4 «5 ee sachant ton ex 


423 


432 


489 


494 


5o4 


510 


522 


530 


( 698 ) 
MEDECINE VÉTÉRINAIRE. 


Des amulettes corporels, considérés dans leur influence 
sur la conservation des animaux, par M. J.-B.-C. 


L Rodet, C °...e eee ce 00... . b4x 
PHILOSOPHIE, 


Considérations sur le caractère de la philosophie au 19 
siècle,:par-M: Mallet, Gi s ee se su eloni555 


HISTOIRE ET DIPLOMATIQUE. 


Notice sur les archives de la Chambre des Comptes de 


Lille, par M. le docteur Leglay, R....... less I0E 
LITTÉRATURE. 
Le Paradis perdu, poème de Milton, traduit de l'anglais 
par D Bars, Re cents he ST 
ANTIQUITES. 


Antiquités trouvées dans le département du Nord, par 
MR PET MEN Res se rase es sde Fe SL 


Programme des prix proposés en faveur de l’économie 


rurale pour être décernés le 28 juillet 1835..,..... s “O4 
Séance publique du 28 juillet 1834................. 648 
Distribytion des prix... MAI UE. ........401607 
Ouvrages envoyés à la Société.......,.. SRE LE ee 670 
Legs fait à la Société par feu le chevalier Wicar, G..... 674 
Envois des sociétés correspondantes... ..,... #3 AE TG TB 
Ouvrages envoyés par le Gouvernement. ............ + 680 
Ouvrages reçus par abonnement. ..........:........ 1bid. 
Liste des membres de la Société. .......,.,..,. MT 682 


Liste des sociétés correspondantes. .,,,,.... PMU “6092 


( 699 ) 


: ERRATA 
DU MEMOIRE SUR LES PLANTATIONS. 


(Pages 41 et suivantes.) 


Page 4 , ligne 22, 105 — lisez : 1,05 

Page 7, dernière ligne , uu — lisez : nu 

Page 8, ligne 4, trouver — lisez : réussir 

Page 10, ligne 12, champs — lisez : champs, 
Ibid. , ligne 31, . — lisez :, 

Ibid., ligne 32, , — lisez: ; 

Page 19 , ligne 17, 64 — lisez : 27 

Page 27, ligne 4, 57 — lisez : 19 

Page 23 bis, avant dernière ligne, d — lisez : 0 — 
Ibid , ibid., B — sez : B — 

Ibid., dernière ligne, CG, — lisez : C,,, — 
Ibid. , ibid. Shi lisez : 9 —= 

Ibid, , ibid,, 588 — lisez : C — 588 

Page 25, ligne 10,+B, — lisez: +B,; 

Ibid , ibid., +B, — Zisez:+ B,; 

Ibid., ligne 11,+B,, — lisez:+B,;....... 
Ibid. ligne 21, 1,09 — lisez : 1,05 

Ibid. , ibid, (1,05), — disez : (1,05) 

Page 32, ligne 2, P"’ — lisez: P'" 

Page 40, ligne 26, éclairés, — éclairés ; 

Ibid. ; ligne 28, , — lisez: ; 

Ibid. , ligne 31, engrais, — engrais; 

Page 41, ligne 10, , — lisez: ; 

Ibid. , ligne 11, , — lisez: ; 

Page 45, ligne 9, 2653 — lisez : 21,653 
Ibid. , ligne 10, 2F653 — lisez : 21,653 

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