v- Ho
fi U )
n
ISSN 0078-9747
MÉMOIRES
DU
MUSÉUM NATIONAL
D’HISTOIRE NATURELLE
NOUVELLE SÉRIE
Série A, Zoologie
TOME LXXVIII
Marie-Yvonne MOREL
Chargée de Recherches au C.N.R.S.
CONTRIBUTION À L’ÉTUDE DYNAMIQUE DE LA
POPULATION DE LACONOSTICTA SENEGALA L. (ESTRILDIDES)
À RICHARD-TOLL (SÉNÉGAL).
INTERRELATIONS AVEC LE PARASITE
HYPOCHERA CHALYBEATA (Müller) (VIDUINES).
PARIS
ÉDITIONS DU MUSÉUM
38, rue Geoffroy-Saint-Hilaire (V e )
1973
Source : MNHN, Paris
Source : MNHN, Paris
Bibliothèque Centrale fluséum
Source : MNHN, Paris
MÉMOIRES DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE
Série A, Tome LXXVIII
CONTRIBUTION À L’ÉTUDE DYNAMIQUE DE LA
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA L. (ESTRILDIDES)
À RICHARD-TOLL (SÉNÉGAL).
INTERRELATIONS AVEC LE PARASITE
HYPOCHERA CHALYBEATA (Müller) (VIDUINES).
par
Marie-Yvonne MOREL
Chargée de Recherches au C.N.R.S.
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS. 6
AVANT-PROPOS. 7
Chapitre I — GÉNÉRALITÉS. 9
A. — Définition géographique et climatique de la région étudiée. 9
1) Position géographique de Richard-Toll. 9
2) Climat de Richard-Toll. 9
B. Biotopes fréquentés par l’Amarante. 17
C. Définition des espèces étudiées. 17
D. Méthodes de travail. 20
Chapitre II — STRUCTURE ET DYNAMIQUE DE LA POPULATION D'AMARANTE A
RICHARD-TOLL.
A. Évolution annuelle de la structure de la population.
1) Population juvénile.
2) Population adulte.
3) Population totale.
4 MARIE-YVONNE MOREL
B. Mue de l’Amarante. 28
1) Chez l’adulte. 29
2) Chez le juvénile. 32
C. Dynamique de la reproduction de l’Amarante. 35
1) Dates de la saison de reproduction. 36
2) Succession des nidifications. 36
3) Taille de la ponte. 42
4) Succès à l’éclosion et à l’envol. 43
5) Taux de natalité et de productivité. 44
D. Discussion de quelques-uns des problèmes soulevés. 46
1) Relation entre mue et reproduction. 46
2) Causes de mortalité. 49
3) Déterminisme de la reproduction et de la mue. 53
4) Concurrence avec les autres oiseaux granivores de la savane. 57
Chapitre III — PARASITISME DE LAGONOSTICTA SENEGALA PAR IIYPOCHERA CHA-
LYBEATA . 60
A. Importance du parasitisme à Richard-Toll. 60
1) A la ponte. 61
2) A l’éclosion et à l’envol. 62
B. Conditions du parasitisme. 63
C. Résultats du parasitisme. 66
1) Ponte. 70
o) Distribution des couvées. 70
b) Réactions mutuelles de l’hôte et du parasite. 71
2) Éclosion. 74
a) Lagonosticta senegala . 74
1) Succès des couvées à l’éclosion, le comportement incubateur des
parents. 74
2) Succès de l’éclosion des œufs. 76
Résultats. 76
Quelques causes de succès. 76
b) Ilypochera chalybeata . 77
Résultats. 77
Quelques causes des échecs. 77
3) Envol. 80
a) Lagonosticta senegala . 81
Résultats. 81
b) Hypochera chalybeata . 83
Résultats. 83
Discussion. 84
D. Discussion de quelques-uns des problèmes soulevés. 87
1) Taille de la ponte en fonction du nombre de jeunes que les parents peuvent nourrir. 87
2) Hypothèse d’explication pour Lagonosticta senegala . 89
3) Quelques traits de la biologie A'Hypochera chalybeata . 90
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
Chapitre IV — DOCUMENTS ÉTHOLOGIQUES SUR LAGONOSTICTA SENEGALA . 91
A. Activités individuelles. 91
1) Locomotion. 91
2) Alimentation. gj
3) Boisson. gg
4) Frottement du bec. 93
5) Bain. 93
6) Bains de soleil. 93
7) Sommeil. 93
B. Comportements interindividuels (sauf reproduction). 94
1) Distance interindividuelle. 94
2) Combats. 94
3) Réflexe d’immobilisation. 95
4) Toilette mutuelle. 95
5) Émissions sonores. 96
6) Parade de la plume. gg
a) Parade typique. gg
b) Parade incomplète. 9g
C. Comportement reproducteur. 100
1) Formation et stabilité du couple. 100
2) Nidification. 101
a) Situation du nid. 101
b) Choix de l’emplacement. 102
c) Forme du nid. 104
d) Matériaux utilisés. 106
e) Construction du nid. 109
f ) Utilisation répétée d’un même nid. 113
3) Accouplement. Hg
4 ) Pon t e . 116
5) Incubation. H7
6) Éclosion des œufs. H9
7) Rapports entre parents et jeunes. 120
a) Comportement pendant la période du nid. 120
1) Fréquence des nourrissages. 120
2) Modalités du nourrissage. 123
3) Reconnaissance réciproque des parents et des jeunes. 125
4) Soins de propreté du nid. 125
5) Comportement du couple devant un nid déplacé ou détruit. 125
6) Croissance et régime de l’oisillon. 126
b) Comportement à l’envol et après. 129
1) Modalités du départ. 129
2) Reconnaissance auditive et visuelle. 131
3) Évolution des comportements après l'envol. 132
CONCLUSION. 136
RÉSUMÉ. i43
ENGLISH SUMMARY. 1 48
BIBLIOGRAPHIE.
Source : MNHN, Paris
MARIE-YVONNE MOREL
REMERCIEMENTS
C’est un plaisir pour moi de remercier :
Monsieur le Professeur Richard, de la Faculté des Sciences de Rennes de l’honneur qu’il nous
a fait en présidant le jury de notre thèse et pour sa contribution à la rédaction du manuscrit ;
les autres Membres du jury, Messieurs Villeret, Professeur à la Faculté des Sciences de Rennes,
Dorst, Professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle et Bourlière, Professeur à la Faculté de
Médecine de Paris, qui ne cessa de nous conseiller et de nous encourager depuis notre arrivée à Richard-
Toll, en 1954 ;
Messieurs les Membres de la Commission de Biologie Animale du Centre National de la Recherche
Scientifique et, en particulier, Monsieur P. Pesson, Professeur à l’Institut National Agronomique de
Paris et Monsieur H. Saint-Girons, Directeur de Recherches au C.N.R.S., pour leur compréhension des
difficultés rencontrées au cours de ce travail ;
Monsieur H. Friedmann, Directeur du Muséum de Los Angeles, Monsieur le Professeur et Madame
Collias (Los Angeles), Messieurs les Professeurs Marier (New-York) et Crook (Bristol) pour les fructueuses
discussions que nous avons eues avec eux ;
Monsieur R. Roy, Agrégé de Sciences Naturelles, Chargé des Publications à l’I.F.A.N. (Dakar),
dont les conseils nous furent utiles pour l’établissement des tableaux et des graphiques ainsi que Mon¬
sieur Cornes, Chef du Service Cartographique de l’I.F.A.N. ;
Monsieur P. L. Gifîard, Directeur du Centre Technique Forestier Tropical, Centre du Sénégal
(Dakar), pour les facilités de secrétariat qu’il nous a données ;
le Centre National de la Recherche Scientifique qui subventionna le travail et l’Office de la
Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer qui nous accueillit dans sa Station d’Ornithologie à
Richard-Toll ;
tous ceux, enfin, qui ont facilité le piégeage des oiseaux et la recherche des nids dans leurs
concessions à Richard-Toll.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA K RICHARD-TOLL
7
AVANT PROPOS
Le présent travail se propose d’étudier quelques-uns des problèmes posés par la vio d’un petit
Passereau tropical, Lagonosticta senegala (L.) ou Amarante des oiseliers, dans son habitat. Il est fondé
sur dix années d'observations menées exclusivement sur le terrain dans une petite localité de la Répu¬
blique du Sénégal, Richard-Toll, où nous résidons presque continuellement depuis 1954 et où cet oiseau
est très commun. Il est bien connu des Ouolofs sous le nom de Ramatou.
La sédentarité et l’anthropophilie de l’Amarante nous permirent de tirer le maximum de profit
des renseignements recueillis par les méthodes classiquement employées dans ce genre de recherches :
observations k la jumelle, piégeage et marquage des oiseaux, recherche des nids.
Malgré sa petite taille, l’Amarante s’observe aisément dans les cours et les jardins, qu’il fréquente
avec beaucoup d’assiduité. Les observations à la jumelle et l’écoute des différents cris, répétées tous les
jours pendant des années, nous ont servi à tracer un portrait de cet oiseau et à décrire ses activités.
Le piégeage de l’Amarante à l’aide de nasses et de filets japonais, poursuivi lui aussi quotidiennement
pendant des années, a procuré des milliers d’individus qui furent bagués avant d’être relâchés et qui
souvent furent contrôlés par la suite. L’existence d’un dimorphisme sexuel et d’un plumage juvénile
différent du plumage adulte facilite grandement l’identification des oiseaux capturés, en permettant
de connaître leur sexe et leur âge. Grâce à l’examen du plumage de l’animal tenu en main, après sa
capture et avant son relâcher, nous avons suivi le déroulement de la mue chez les juvéniles et les adultes.
A l'égard de celle-ci, les juvéniles présentent un comportement curieux qu’il fallait élucider : quoique
nés k des mois différents, ils achèvent tous leur mue en même temps et parviennent ainsi à s'aligner
sur le cycle des adultes au cours de la première année. La mue des adultes, de son côté, posait aussi
un problème en rapport avec la reproduction.
Le taux de renouvellement de cette population avienne à Richard-Toll put être calculé à partir
des données fournies par les contrôles des individus. Ce taux de renouvellement est une question de
grande importance ; mais, alors qu’il est actuellement connu pour bon nombre d’espèces dns latitudes
tempérées, il est pratiquement ignoré pour les espèces tropicales.
La plus grande difficulté de ce travail tint à la nidification de l’Amarante : certes, les nids sont assez
faciles à trouver dans les habitations humaines où ils sont construits, mais notre but était plus ambi¬
tieux : nous voulions suivre pendant toute une saison de reproduction, qui dure un peu plus de neuf
mois, une population nidi ficatrice d’Amarante, dans l’espoir que, parmi les centaines de parents bagués
sur les nids, quelques-uns seraient capturés à chacune de leurs nidifications. Après plusieurs années
de prospection, nous trouvâmes enfin le village répondant parfaitement aux conditions requises : de
nombreuses maisons traditionnelles, serrées les unes contre les autres et où nous pouvions pénétrer
à tout moment grâce à un accueil compréhensif de la part des villageois qui veillèrent d’ailleurs à ce
qu’aucun nid ne fût détruit entre nos visites. Les informations obtenues donnent la fréquence avec
laquelle un couple se reproduit pendant une année, le comportement nidificateur des adultes et le
taux de succès à l’envol.
L’Amarante offre encore un autre sujet de curiosité : un parasitisme d’un genre un peu spécial,
puisque le parasite, Hypochera c. chalybeala (Müller) ou Combassou du Sénégal, ne détruit ni les œufs,
ni les poussins de son hôte et qu’il oblige ainsi ce dernier à élever en même temps les jeunes des deux
espèces.
Source : MNHN, Paris
MARIE-YVONNE MOREL
Fautes d’études comparatives menées sous d’autres latitudes, il est impossible de dire pour
l’instant si les conclusions données dans ce travail caractérisent Lagonosticta senegala et Hypochera
chalybeata en général ou si au contraire elles reflètent les conditions particulières offertes par Richard-
Toll qui se trouve situé à la limite septentrionale de l’aire géographique de ces espèces.
O.R.S.T.O.M., Station d’Écologie,
Richard-Toll, février 1970
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
9
CHAPITRE I
GÉNÉRALITÉS
A. — DÉFINITION GÉOGRAPHIQUE ET CLIMATIQUE DE LA RÉGION ÉTUDIÉE
1. Position géographique de Richard-Toll.
Richard-Toll (16°25'N — 15°42'W), République du Sénégal, est situé en zone tropicale éthio¬
pienne, à 800 km environ au sud du Tropique du Cancer, en région sahélienne. 11 jouit de la proximité
du littoral atlantique (à moins de 100 km à l’ouest) et de sa situation sur la rive gauche du fleuve Séné¬
gal, à une altitude très faible : 6 mètres au-dessus du niveau de la mer. Localité fameuse dans les annales
de la botanique Ouest-Africaine (Richard-Toll veut dire en ouolof « Le Jardin de Richard », allusion
au fameux jardin d’essais établi au début du xix® siècle par Richard près de la Résidence située sur
une île de la Taoué), c’est actuellement une agglomération de 4000 personnes environ vivant de la
culture industrielle du riz. La plupart des habitations sont encore des huttes traditionnelles, bien qu’il
existe quelques constructions de style européen, des entrepôts et des hangars (fig. 1 et 2).
2. Climat de Richard-Toll.
Le climat de Richard-Toll (fig. 3) se caractérise par les moyennes annuelles suivantes : tempé¬
rature 27,5°C et pluviosité 317 mm. Ces moyennes générales reflètent mal l’originalité de ce climat
qui tient à deux points : variations importantes des températures mensuelles et courte saison des
pluies (« en été » *, de juillet à octobre). Il importe également de noter que le soleil passe au zénith
les 7 mai et 8 août.
Durée de l'éclairement journalier : les tableau 1 et figure 3 indiquent la durée de l’éclairement
journalier. Il existe une différence non négligeable de deux heures entre les jours les plus longs (21 juin,
13 h. 06) et les jours les plus courts (21 décembre, 11 h. 06).
Variations des températures en cours d'année : le tableau 2a, donnant les températures moyennes
mensuelles, montre qu’elles passent par un minimum (24°C) pendant les mois d’« hiver » (de décembre
à février ) et atteignent leur maximum (30°C) en juin.
L’examen des températures moyennes diurnes et nocturnes, consignées dans les tableaux 2b
et 2c et la figure 3 fournit une idée de leurs variations annuelles. Leurs points le plus bas s’enregistrent
en « hiver » (décembre et janvier : 15°C et 31°C). Les températures diurnes (moyenne des maximums)
passent par deux maximums, l’un au « printemps » avant la saison des pluies (mai et juin : 39°C), l’autre
après celle-ci (octobre : 35°C). Les températures nocturnes (moyennes des minimums) sont les plus
élevées en été (août et septembre : 24°C) au moment de la saison des pluies. Il en résulte que les écarts
entre températures diurnes et nocturnes (tableau 2d) sont eux-mêmes sujets à variation : maximum
en avril (20,7°C) et minimum en septembre (10,3°C).
* Les termes « printemps, été » sont pris dans un sens purement chronologique pour mieux permettre la compa¬
raison avec les régions tempérées boréales.
Source : MNHN, Paris
J
!
5
I’Afriqi
Source : MNHN, Paris
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LA GONOST1CTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
11
Source : MNHN, Paris
12
MARIE-YVONNE MOREL
TABLEAU I
HEURES DU LEVER ET DU COUCHER DU SOLEIL A RICHARD-TQLL
POUR 1964
Nota. - Ces heures sont exprimées en temps universel (T. U. )
15 Janvier
1er Février
d'éclairement
13, 06
14, 04
Ier Décembre 7. 17
15 Décembre 7. 25
31 Décembre 7. 32
18. 27
18.31
18.40
Source : MNHN, Paris
TABLEAU 2/a
TEMPERATURES MENSUELLES MOYENNES (en *C.)
à RICHARD-TOLL
entre 1957 et 1964
Février
Mars
Mai
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Moyenne
annuelle
1957 1958
24,0
24.5
28.6
29,1
31, 4
31. 2
28, 5 30. 4
28. 7 29, 7
29, 2 30,4
28, 8 29, 3
26. 4 27, 8
23.7 24,6
28. 4
1959 1960
22, 9 24. 9
23.2 25.4
26. 0 25. 5
28. 3 28. 1
28. 7 30. 3
30. 6 30, 6
29.5 29.4
28. 2 29. 5
29. 1 29.2
28. 1 26. 3
25,7 26,9
22 . 1 22 , 6
26, 8 27, 3
1961 1962
21. 5
23. 8 23, 9
25. 2 26. 2
28. 2 27, 5
28. 0 29. 7
31,2 29.8
29. 3 30. 2
28. 4 29, 6
29.6
30,4
28,1
24
1963 1964
24. 6 23, 5
26. 2 26. 5
28. 6 28, 2
27. 6 28, 4
29 .6 30,5
31.0 30,6
39.8 29 .8
29.9 28,6
30, 5 28. 6
28. 8 29, 2
28, 6 27, 2
22.6
28. 1
23.4
24, 8
27, 0
28.1
29.7
30.7
29.4
29,0
29.5
28.7
27.4
23.2
27.5
TABLEAU 2/b
TEMPERATURES MINIMALES MOYENNES ENREGISTREES
à RICHARD-TOLL entre 1957 et 1965
Mois 1957
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet 22, 8
Août 23,4
Septembre 24.0
Octobre 23, 3
Novembre 20, 2
Décembre 17, 1
Moyenne
1958 1959 1960
15.2 14,8 14,0
15.9 14,2 15.4
17.9 17,0 15,0
18.3 16.6 17.6
23.1 21,9 19,9
22.9 21,9 21,3
24. 0 23. 6 23. 5
23, 4 23, 6 24. 0
24, 3 23,2 23,5
23, 0 26, 2 22,1
21.1 17,7. 17.4
16.1 14,0 13,7
21,8 19.2 19,0
1961 1962 1963
13.2 - 16,5
14,0 16,6 18,4
16,1 16,8 19,4
16.3 17,6 17.8
19.3 19.8 20,1
25.3 21,7 22,6
22,7 24, 7 24. 5
24. 1 25, 2 25.1
24, 8 25. 0
24. 3 23, 9
22 . 2 20 . 8
14. 1 14. 8
20, 7
1964 1965 moy.
15.7 13.7 14,7
17.2 15,9 15.9
18.1 17,7 17,4
19.5 16.9 17,5
22.5 19.4 20,7
23.2 - 22,7
24, 6 - 23, 8
24.2 - 24. 1
24. 5 - 24, 1
23.3 - 23,7
21.3 -- 20,1
15,5
20 , 0
Source : MNHN, Paris
TABLEAU 2/<
TEMPERATURES MAXIMALES MOYENNES ENREGISTREES
à RICHARD-TOLL entre 1957 et 1965
Moi 8
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Moyenne
annuelle
1957 1958
32.9
33, 2
39,3
39.9
39, 8
39. 5
34, 3 36. 8
34.1 38,0
34. 5 36. 5
34. 3 35, 7
32, 6 34, 5
30,4 29.2
36, 2
1959 I960
31,0 31,9
32.2 35,4
35,0 36,0
40, 0 36. 6
37,5 40.8
39. 3 40. 0
35,4 35, 3
32, 8 35, 1
35, 1 34,9
38. 0 38, 5
33, 8 36, 5
30.3 31,6
35,0 35,9
1961 1962
29,9
33,6 31,3
35.8 36,7
40. 2 37, 4
36, 8 39.7
37,2 37,9
33.9 35,7
32, 8 34, 0
34,4
36, 6
34, 1
30, 6
1963 1964
32.7 31,3
34, 1 35,9
37.8 38,4
37, 5 37, 4
39. 2 38. 8
39. 4 38. 0
35, 2 35,1
34. 7 33, 1
36, 0 32, 8
33, 8 35,1
36,4 33,1
30, 5
35,6
1965 Moy.
27.7 31,0
32, 6 34, 7
37.8 37,1
37, 2 38, 2
40.4 39.1
38.7
35.2
34,4
34.8
36,0
34.4
30.4
35.3
TABLEAU 2/d
VARIATIONS DES ECARTS DE TEMPERATURES DIURNES
ET NOCTURNES AU COURS DE L'ANNEE
à RICHARD-TOLL
Températures
moyennes
Température i
minimales
moyennes
Ecart entre c
Janvier 31,0
Février 34,7
Mars 37,1
Avril 38,2
Mai 39.1
Juin 38,7
Juillet 35,2
Août 34,4
Septembre 34,8
Octobre 36.0
Novembre 34,4
Décembre 30.4
14.7
15.9
17.4
17, 5
20.7
22.7
23.8
24, 1
24, 1
23,7
20,1
15.5
16.3
18,8
19.7
20.7
18.4
16.0
11.4
10.3
10.7
12.3
14.3
14,9
Moyenne
annuelle
Source : MNHN, Paris
TABLEAU 3
PLUVIOMETRIE POUR LES ANNEES 1953 à 1964 à RICHARD-TOLL
Mois
JUIN
Nbre
mm de
AOUT SEPTEMBRE
Nbre Nbre
m de mm de
OCTOBRE
Nbre
mm de
jours
Nbre
total
de
jours
1953
1954
1955
1956
1957
1958
1959
1960
1961
1962
1963
1964
18.9 3
1 , 8 1
82.9 4
29,0 2
12,0 4
0. 3 1
32,3 4
90,5 4
9,8 2
5,3 1
0
85,7 6 71,4
30,6 2 231,6
91,0 6 80,7
42.5 7 212,0
13,0 3 275,8
77,1 3 235,1
35,9 2 45, 7
86.6 8 164,3
45.6 4 59,9
12,4 2 117,5
69, 1 6 48, 5
74.7 5 144,0
8 114,3 10
13 - 0
12 123,5 6
10 36,7 3
10 60,8 5
11 3,1 1
7 84,2 8
6 2, 5 1
7 213,3 6
11 10,0 2
5 84,0 7
11 76,1 8
57,9 3
0 12,4
24,0 1
0 43.5
71.4 7 4,6
0
0
0
0,7 1
32.5 3
91.5 7
0.5 1
0 384,2 30
3 276,4 19
0 402, 1 29
7 363.7 29
4 437,6 33
0 315,6 16
0 198. 1 21
0 343,9 19
0 329.3 20
0 177,7 19
0 293, 1 25
0 295, 3 25
En 1956 et 57 les pluies de saison sèche ont eu lieu en décembre alors qu'eïi 1954 elles avaient eu lieu
en février.
DIAGRAMME OKBRO - THERMIQUE
D
Fie. 4.
Source : MNHN, Paris
16
MARIE-YVONNE MOREL
Régime des pluies : les pluies tombent seulement en été (de juin à octobre), déterminant une seule
saison humide qui se présente différemment suivant les années (tableau 3 et figures 4 et 5). 11 pleut
toujours en juillet et en août, souvent en septembre. La pluviosité varie du simple au double avec
les années : minimum en 1962 avec 177 mm et maximum en 1957 avec 442 mm. Le nombre de jours
de pluies n’est pas plus constant : il oscille entre un minimum de 16 jours et un maximum de 33 jours.
Hauteur des pluies et nombre de jours de pluies ne présentent aucune concordance : en 1959 et 1962,
il y eut approximativement un nombre identique de jours de pluie, en même temps qu’une pluviosité
très différente.
L’étude de ces éléments climatiques fait ressortir que, contrairement aux régions paléarctiques,
le printemps est à Richard-Toll la saison la plus défavorisée : les températures sont excessives, les points
d’eau rares, la végétation appauvrie. L 'automne est, en revanche, une période privilégiée : la faible
Nombre de jours de pluie
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOI.L
17
durée de l’éclairement est compensée par des températures relativement fraîches, par un tapis herbacé
encore abondant qui s’est développé à la faveur des pluies récentes et par les nombreuses flaques laissées
par les pluies et la crue du fleuve (celle-ci a beu à la fin de la saison humide).
B. — BIOTOPES FRÉQUENTÉS PAR L’AMARANTE
Les biotopes naturels occupés par l’Amarante sont constitués par les forêts inondées lors de la
crue du Sénégal et où poussent principalement Acacia nilotica, Ziziphus mucronata et Salvadora persica ;
par la savane arbustive où dominent Balanites aegyptiaca, Acacia tortilis, Acacia senegal et Acacia
seyal, enfin par les bords des mares où croissent Typha sp. et Tamarix sp. Le sol est recouvert d’un
tapis graminéen ( Panicum sp., Brachiaria sp., Dactyloctenium aegyptiacum sp.).
Outre ces biotopes naturels, l’Amarante vit dans les agglomérations, en particulier les villages
traditionnels et les jardins. La seule limite imposée à son commensalisme humain est la possibilité de
trouver, à proximité, des graines sauvages. Ceci expliquerait qu’il est absent du centre des grandes
villes (Saint-Louis, Dakar) mais déjà à leur périphérie.
Remarquons enfin que l’Amarante partage ces biotopes avec d’autres Estrildidés : Orlygospiza
atricollis, Estrilda troglodytes, E. subflava, Uraeginthus bengalus, Euodice cantons. Il est cependant
seul à nicher dans les habitations humaines. L’utilisation du biotope par l’Amarante est directement
liée à l'intrication des facteurs thermique, hygrométrique et d’ensoleillement. Nous avons déjà souligné
que l’Amarante se tient toujours dans des endroits couverts. Il semble mal supporter l’ensoleillement,
ce qui réduit considérablement les périodes d’alimentation dans son cycle nycthéméral et ce qui donne
un caractère particulier à son cycle annuel.
C. — DÉFINITION DES ESPÈCES ÉTUDIÉES
Lagonosticta senegala.
Des neuf races de Lagonosticta senegala recensées pour l’Afrique intertropicale et acceptées
par le Systema avium, c’est la race nominale qui est connue au Sénégal. Elle fut décrite pour la première
fois en 1766 sous le nom de Fringilla senegala par Linné. Elle fut l’objet d’une planche dans les « Oiseaux
chanteurs » de Vieillot (1790). Sharpe (1890) en modifia le nom et l’appela Lagonosticta. Cette dénomi¬
nation est discutée depuis que Delacour (1936) groupa dans le genre Estrilda plusieurs groupes jus¬
qu alors séparés : Lagonosticta, qui était l’un deux, passa au rang de sous-genre dans le nouvel arran¬
gement proposé. Ce point de vue ne fut toutefois pas retenu par les systématiciens contemporains :
Wolters (1957), Steiner (1960) et Harrison (1962) rétablirent le genre Lagonosticta. Dans la classifica¬
tion de Wolters, Lagonosticta senegala est classé dans le sous-genre Rhodopyga. White (1963) sépare
lui aussi Lagonosticta du genre Estrilda, mais uniquement pour des raisons de commodité. Par sa colo¬
ration et son aspect général, le genre Lagonosticta se distingue nettement des autres genres et répond
bien au nom anglais qui lui est donné « Firc-finch ».
Le rattachement de ce genre à la famille des Estrildidés fut l’objet d’hésitations analogues :
Lagonosticta fut tout d’abord rangé parmi les Fringillidés, puis, en 1847, détaché, en même temps qu’un
groupe d’oiseaux avec lesquels il présentait beaucoup d’affinités, et placé par Cabanis dans une sous-
famille, nouvellement créée, les Estrildinés ou Spermestinés, elle-même subdivision de la famille des
Plocéidés. Cette opinion fut, par la suite, reprise par tous les auteurs, en particuber Chapin (1917)
et Delacour (1936). Chapin, bien qu’il ait reconnu cette sous-famille, n’avait pas manqué de faire
remarquer les différences entre Plocéidés et Estrildinés.
Il fallut attendre 1953 pour que Beecher considère que ces dernières étaient suffisamment impor¬
tantes pour définir une famille : celle-ci est appelée, selon les auteurs, Spermestidés (Steiner, 1955
et 1960 ; Ziswiller, 1959 ; Immelmann, 1959) ou Estrildidés (Beecher, 1953 ; Tordofï, 1954). White,
toutefois, maintient les Estrildinés dans la famille des Plocéidés en leur donnant le rang de sous-famille.
3 564 010 6 2
Source : MNHN, Paris
18
MARIE-YVONNE MOREL
Tout Lien pesé, l’oiseau que nous avons étudié à Richard-Toll est un Lagonosticla senegala
senegala (L.) de la tribu des Estrildinés et de la familles des Estrildidés. Son nom vernaculaire est :
Amarante en français et Ramatou en ouolof.
Distribution Géographique : La distribution géographique de cet oiseau est connue par les récits
de voyages d’ornithologues en Afrique Occidentale (Adanson, 1757 ; Desfontaines, 1789 ; de Roche-
brune, 1884 ; Shelley, 1896 ; Reichenow, 1902 ; Bâtes, 1930). La race nominale est répandue du Sénégal
au Nigéria et dans les îles du Cap-Vert. Elle est connue au Mali (Malzy, 1962), dans les villes côtières
du Sicrra-Leone et du Ghana (Bannermann, 1949) et je l’ai observée dans celle de Saint-Louis et de
Dakar. Sa limite géographique a été récemment remontée légèrement vers le Nord, et à présent, elle
coïncide approximativement avec celle de la zone sahélienne située, pour la région s’étendant de l’Atlan¬
tique à l’Aïr, entre les latitudes 18° et 20° (Heim de Balsac et Mayaud, 1962). En Mauritanie, cette
race reste un peu en-deçà de cette frontière et ne dépasse pas la hauteur du Lac de R’Kiz (17°N. 15°
50' W). Plus à l’Est, elle atteint ou même dépasse cette ligne théorique : parties méridionales des
massifs de l’Ennedi (17° N. 22 à 24° E.), du Borkou (18° à 19° N. 18° à 20° 30' E.) et de l’Aïr (17° 21' N.
7° 10' E.). Enfin, cet oiseau a été récemment introduit (vers 1940) dans le Hoggar à Tamanrasset
(22° 50' N. 5° 31' E.) où il prolifère actuellement (Laenen, 1940, Etchecopar et Hüe, 1964).
Description :
Plumages. L’Amarante revêt successivement trois plumages : le duvet néoptile, le plumage juvénile
et le plumage adulte. Seuls, les adultes présentent un dimorphisme sexuel. Il n’y a pas de dimor¬
phisme saisonnier.
Le duvet néoptile : L’Amarante naît, le corps recouvert d’un duvet blanc. Dans la famille des Estril¬
didés, ce caractère n’a aucune valeur systématique. D’autres espèces naissent nues — telle
Estrilda troglodytes à Richard-Toll.
Le plumage juvénile : 11 ressemble à celui de la femelle adulte ; il s’en différencie par la couleur du bec
qui est noir, par l’absence de tache rouge devant l’œil et de ponctuations sur les flancs.
Le plumage adulte.
Le Mâle : tête rouge carmin, passant au brun jaune-rosâtre en arrière sur le manteau et le dos.
Croupion et sus-caudales rouge carmin. Ailes brunes à couvertures lavées de rouge. Rectrices noires
lavées de rouge sur les côtés et à la base. Dessous rouge, sauf le milieu du ventre, les cuisses et les sous-
caudales qui sont brun-ocreux, les côtés du corps et les flancs étant teintés de rouge. Plusieurs très
petites taches blanches sur les côtés de la poitrine.
La Femelle : plumage brun-marron dessus, brun-jaunâtre dessous, marqué de rouge seulement
en avant de l’œil et au niveau des sus-caudales. Iris brun ou brun rougeâtre. Bordure des paupières
jaune chez le mâle et grise chez la femelle. Bcc rose-rouge, plus gris à la base, culmen et gonys noirs.
Mesures moyennes (en mm) mâle et femelle : 80-90 ; ailes : mâle : 47-51 ; femelle : 45-51 ; queue : mâle :
32-35 ; femelle 31-37 ; tarses : 12-13 mm.
Nota. — Quelques individus de cette race portent au lieu d’un plumage rouge, un plumage orange
(Booscry, 1962). Un exemplaire a été trouvé dans la région de Kédougou (12° 30' N. 13° 50' W.)
et figure maintenant dans la collection de la Station d’Ornithologie de Richard-Toll. Il s’agirait
là d’une véritable mutation, et non d’un accident de malnutrition (Harrison. comm. pers.).
Un des caractères de plumage adulte de l’Amarante est l’existence de plumes ponctuées de blanc
sur les flancs et la poitrine. A Richard-Toll, le nombre de ces plumes varie d’un individu à l’autre et peut
même devenir nul chez quelques-uns. Chez le mâle, ces plumes sont habituellement localisées sur les
flancs alors que chez la femelle elles peuvent décorer également la poitrine. Les dessins portés par ces
plumes se présentent sous forme de taches circulaires blanches, plus petites chez le mâle que chez la
femelle. Chez le mâle, ils sont tantôt doubles, disposés symétriquement par rapport au rachis, tantôt
uniques, par disparition de l’autre point ou très rarement jumelés, mais de taille différente. Chez la
femelle, ces taches sont généralement doubles.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA A RICHARD-TOLL
19
Cette description ne correspond pas exactement à celle qu’a donnée Harrison (1963) d’après
les peaux conservées au British Muséum, la plupart appartenant, il est vrai, aux races orientales, en
particulier à L. s. ruberrima. « Males of Lagonosticla senegala hâve a few tiny spots and these are single,
the other spot having disappeared ». Il semblerait que chez la race la plus occidentale, les tâches jumelées
soient de règle. Par conséquent, les mâles de Lagonosticla senegala montrent un large éventail de types
(pattern) de plumage allant des taches jumelées à leur disparition complète.
Dans la famille des Estrildidés, ces marques sont largement répandues et ont même une valeur
spécifique. Elles se présentent de deux façons, soit comme de fines barres, soit comme des taches circu¬
laires variant par leur nombre et leur taille. Les systéinaticiens admettent que les marques ponctuées
sont devenues des signaux de reconnaissance entre espèces et indiqueraient, de ce fait, une évolution
plus avancée que les dessins barrés (Wolters, 1944 ; Harrison, 1963). La pigmentation d’un modèle
initial barré aurait été modifiée en même temps epie son arrangement serait devenu de plus en plus
complexe. Cette hypothèse présente l’avantage de suggérer des filiations dans une même tribu et des
comparaisons entre tribus. Dans le genre Lagonosticla, on peut ainsi suivre, d’une espèce à l’autre, la
réduction du modèle ponctué. Ce genre lui-même trouve sa place à l’intérieur d’une série évolutive
où Estrilda aslrild serait la forme primitive au plumage barré. Enfin, l’espèce Lagonosticla senegala
serait analogue à une espèce australienne de la tribu des Erythruridinés, Poëphila phaëton : identité
de la coloration générale du plumage, de la ponctuation des plumes et du mode d’acquisition de celle-ci.
Seule, la forme de la queue diffère dans ces deux espèces, mais ce caractère n’a, dans cette famille, aucune
valeur systématique (Harrison, 1963). Cette ressemblance serait due à un phénomène de convergence :
les espèces africaines et australiennes, ayant une origine génétique commune, auraient évolué parallè¬
lement sous la pression exercée sur elle par des milieux similaires (Harrison, 1967).
Hypochera chalybeata
C’est la race nominale qui est connue au Sénégal. Elle fut décrite pour la première fois en 1776
par Müller sous la désignation FringiUa chalybeata ; son nom fut ensuite changé plusieurs fois : il devint
Hypochera aena en 1890 avec Sharpe, H. chalybeata en 1904 avec Reichenow et enfin Vidua chalybeata
en 1934 avec Delacour et Edmond-Blanc. Depuis lors, les systématiciens, hormis Bannermann (1949)
et Nicolaï (1964), se rallient à l’opinion de Delacour qui groupe, malgré la différence de la longueur
des rectrices médianes du mâle en tenue nuptiale, Vidua et Hypochera dans le même genre, à l’intérieur
duquel sont créés deux sous-genres : Vidua et Hypochera.
Le genre Vidua est placé parmi les Viduinés, sous-famille exclusivement éthiopienne, uniquement
composée d’oiseaux parasites. Sa position systématique reste encore discutée de nos jours. Les Viduinés
furent tout d’abord classés dans la famille des Plocéidés où ils formaient une sous-famille à côté des
Spermestinés et des Plocéinés (Shelley, 1880) ; en 1913, Reichenow rattacha les Viduinés aux Estril-
dinés (ou Spermestinés) ; puis, en 1929, Neunzig détacha les Viduinés des Estrildinés et les plaça à
côté des Plocéinés. A l’heure actuelle, il y a les tenants de ces deux positions : pour Beecher (1953)
qui considère que les Estrildinés forment une famille indépendante, les Viduinés seraient desPlocéidés
typiques ; pour Wolters (1957), les Viduinés seraient au contraire une sous-famille des Estrildidés.
Friedmann (1960) pensant que les Viduinés ont des liens avec les Estrildinés mais aussi avec les Plo¬
céinés, préférerait que les Estrildinés et les Viduinés restent atttachés aux Plocéidés. Nicolaï (1964)
reconnaît la famille des Estrildidés et place les Viduinés dans les Plocéidés à côté des Euplectinés.
White (1963) se range à cette opinion.
Le sous-genre Hypochera pose à son tour un difficile problème aux systématiciens, car les femelles
des différentes espèces présentent une grande similitude de plumage alors que les mâles en plumage
nuptial montrent eux de légères variations dans la couleur du plumage, du bec et des pattes et dans
la taille : Friedmann (1960) compte au moins dix formes morphologiquement différentes.
L’arrangement proposé par Delacour (1951) et accepté de Friedmann (I960) reconnaît trois espèces :
amauropteryx, chalybeata et funerea ; Wolters (1960) n’en accepte plus que deux : chalybeata et funerea ;
Nicolaï (1964) au moins deux : chalybeata et nigerrima et sans doute plus ; Traylor (1966) enfin une seule :
chalybeata, avec, toutefois, beaucoup de restrictions car selon lui, aucune classification ne permet de
Source : MNHN, Paris
20
MARIE-YVONNE MOREI.
rendre compte actuellement des deux faits suivants : la coexistence de deux taxons dans l’Afrique
au sud de l’Équateur et de trois, au nord de l’Équateur, sans croisement possible, alors que des formes
hybrides entre ces différents taxons s’observent dans le centre de l’Afrique.
Plus récemment, Payne (1968) a proposé une classification basée sur les caractéristiques du
chant du mâle : appartiennent à la même espèce les mâles qui miment la même espèce d’Estrildidés,
ce qui conduit cet auteur à admettre l’existence de quatre espèces, au moins, d’ Hypochera pour l’Ouest
africain : ckalybeata, camerunensis, wilsoni et funerea.
Les peaux collectées à Richard-Toll et aimablement examinées par le Professeur Berlioz (Paris)
et Traylor (Chicago) appartiennent à une seule race : Hypochera chalybeala chalybeata. Celle-ci se dis¬
tingue des autres races A'Hypochera par les ailes noires et la coloration irisée bleu nuit ou verte du mâle
en tenue nuptiale. Sur la vingtaine de peaux adressées au Dr Traylor, celui-ci note des variations
individuelles considérables dans l’intensité des reflets bleus ou verts en même temps que tous les inter¬
médiaires entre ces deux reflets.
Distribution géographique.
Hypochera chalybeata habite les steppes boisées qui s’étendent à l’ouest du Mali, c’est-à-dire
essentiellement du Sénégal à la Sierra-Leone (Traylor, 1966), sans que sa distribution soit nettement
connue : il semble bien que sa limite septentrionale coïncide avec la vallée du Sénégal.
Description.
Le Combassou du Sénégal se caractérise par un dimorphisme sexuel et saisonnier très accentué
en même temps que par une ressemblance étonnante de ses juvéniles avec ceux de son hôte.
Mâle en plumage nuptial : tête et corps, scapulaires et tertiaires noires avec reflets veloutés bleus
ou verts ; touffe cachée de plumes blanches de chaque côté du croupion ; rémiges et rectrices noires ;
sous-alaires claires tachées de brun ; bec chair ; pattes rose-orangé ; iris brun. Mesures en mm : aile :
59-65, queue : 36-40, culmen à partir de la base : 9,4-10,8 et tarse : 12,5-13,5.
(Pour Traylor, la longueur de l’aile est comprise entre 62 et 66 mm avec une moyenne do 63,8-
— 21 échantillons. A Richard-Toll, la moyenne sur 22 spécimens est seulement de 63,3 mm).
Mâle en plumage d’éclipse : front, milieu de la couronne, lores et large sourcil chamois clair ;
côtés de la tête, joues, gorge, poitrine et flancs cannelle clair ; ventre et sous-caudales blancs ; dessus
de la tête, nuque, manteau et sus-alaires striés brun foncé ; plumes aux liserés chamois ou cannelle
et centre marron foncé ; dos, croupion et sus-caudales striés brun clair avec liseré brun-olivâtre clair
et centre brun olivâtre foncé ; rémiges et rectrices brun foncé avec liseré chamois.
Femelles adultes : se distinguent des mâles adultes en plumage d’éclipse par une couleur générale
plus claire, une gorge et une poitrine tirant davantage sur le gris que sur le brun.
Dimensions (en mm) : aile : 58-62 ; queue : 34-37,5 ; culmen à partir de la base : 9-10,3 ; tarses :
12-13.
Jeunes (sexes semblables) : semblables aux femelles adultes, mais dessus très légèrement plus
roux ; liserés des plumes du dos, des sus-alaires et des rémige9 légèrement plus pâles, roux-olivâtre ;
joues, menton, gorge et poitrine légèrement plus roux.
Poussins : différents de ceux de l’Amarante par une taille légèrement plus grande, un ventre
blanchâtre, le dessus un peu plus cannelle et des scapulaires au liseré plus clair que le centre et l’absence
de rouge au croupion.
D. — MÉTHODES DE TRAVAIL
Ce travail fut mené exclusivement à Richard-Toll. Les méthodes utilisées furent : observation
à la jumelle, piégeage suivi de baguage, recherche des nids en vue de leur recensement, du marquage
des parents et du comptage des œufs et des jeunes à l’envol.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
21
Deux moyens de capture furent successivement employés : d’abord des nasses posées à terre et
régulièrement agrainées, puis des filets japonais. En général, les nasses prennent davantage de jeunes.
Comme ces piégages étaient destinés à évaluer la dynamique de la population d’Amarante à Richard-
Toll, il était indispensable qu’ils fussent conduits avec le maximum de régularité. C’est pourquoi nasses
ou filets, en même nombre, étaient posés le matin seulement, de 8 à 12 heures, tous les jours de la semaine.
Pour empêcher les oiseaux de s’habituer aux pièges, ceux-ci étaient régulièrement changés de place
tous les deux jours et remis aux mêmes endroits tous les huit jours. Ces précautions ne peuvent empêcher
que le piégage dépende de facteurs extérieurs : heures du lever du soleil, température, vent et pluie qui
modifient l’activité des oiseaux et, par conséquent, le taux de leur capture. La cohérence des résultats
obtenus montre toutefois que ces facteurs n’ont pas joué de rôle important.
Après avoir été examinés et bagués, les oiseaux étaient relâchés. La pose de bagues colorées
sur chaque oiseau fut rapidement abandonnée car l’importance numérique de la population et la rapi¬
dité de son renouvellement en rendirent l’utilisation impossible.
La recherche des nids se fit uniquement dans le village de Richard-Toll où leur concentration
est beaucoup plus importante que dans les milieux naturels : elle eut d’abord lieu dans divers bâtiments
puis, pendant deux saisons de reproduction (1963/64 et 1964/65), elle fut limitée à un seul quartier.
Les maisons furent alors visitées à intervalles réguliers. Nous savons toutefois n'avoir pas recensé la
totalité des nids occupés, faute de temps et d’aide. Le nid une fois trouvé exigeait en effet qu’on le
suive pendant toute la durée de la nidification ; les parents devaient être capturés, puis marqués avec
deux bagues, l’une métallique, l’autre de couleur. A chaque famille était attribuée une combinaison
de couleurs qui permettait d’observer les nichées après leur envol. Les œufs étaient mesurés, puis
recevaient des marques de vernis à ongle ; enfin, les poussins, à leur naissance, avaient leur duvet
teint avec divers colorants non toxiques. Ces manipulations ne paraissent avoir en rien affecté le succès
de la reproduction.
Enfin, les observations à la jumelle étaient le plus souvent répétées aux mêmes heures et aux mêmes
endroits.
Source : MNHN, Paris
22
MARIE-YVONNE MOREL
CHAPITRE II
STRUCTURE ET DYNAMIQUE DE LA POPULATION
D’AMARANTE A RICHARD-TOLL
A Richard-Toll, la population de I-Mgonosticta senegala se caractérise par sa jeunesse et sa fécon¬
dité élevée, liées à une très forte mortalité. Ces particularités impliquent pour l’espèce une grande
dépense énergétique. Lagonosticta senegala semble avoir réagi au milieu par des « solutions » originales,
rares dans l’avifaune éthiopienne et apparemment peu économiques.
Nous nous proposons de mettre en évidence et de discuter ces importants problèmes écologiques
dans le présent chapitre.
A. — ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA STRUCTURE DE LA POPULATION
1. Population juvénile
Trois événements marquants s’observent au cours d’une année :
— le premier, en novembre, quand les premiers jeunes de la saison, devenus indépendants ou
sur le point de l’être, se dispersent : on compte chaque jour davantage d’individus en plumage marron
qui, chez le mâle, se teinte discrètement de rouge.
— le second se situe en mars lorsque la mue juvénile s’accélère ; on assiste alors à un change¬
ment rapide de la couleur de la livrée des mâles qui passe bientôt à un rouge éclatant.
_ le troisième a lieu en août au moment où la totalité des oiseaux porte un plumage adulte.
Combinée à la capture au filet ou au piège, l’observation directe permet d’apporter des préci¬
sions sur les causes de ces variations. Une partie de l’élude sera limitée à la population mâle, car, si cette
évolution paraît semblable pour les deux sexes, il est difficile de donner les résultats obtenus chez les
femelles pour lesquelles la distinction entre plumage juvénile et plumage adulte est délicate dans bien
des cas. Or, pour diverses raisons, nous avons dû nous borner à classer les Amarantes d’après leur
aspect extérieur, et non d’après leur état physiologique.
Le tableau 4 présente le bilan total des captures des mâles'd’Amarante effectuées pendant
plusieurs années. Ce tableau et la figure 6 montrent l’évolution de la population juvénile au long des
mois : sa fréquence globale augmente régulièrement d’octobre a février, puis décroît lentement jusqu en mai
et brusquement en juin; elle reste enfin à peu près stationnaire jusqu’en septembre. Cette distribution
traduit évidemment la longue saison de reproduction de 1 Amarante qui fournit régulièrement chaque
mois un nouveau contingent d’oiseaux pendant les 3/4 de l’année. Elle traduit aussi le fait que c’est
entre mai et juillet que la plupart des juvéniles changent de catégorie pour devenir « adultes ».
Le tableau 5 et la figure 7 donnent le bilan mensuel des captures des mâles juvéniles d après l état
de leur plumage ; leur répartition dans les diverses catégories (n’ayant pas commencé leur mue juvé¬
nile ou l’ayant commencée) est remarquable puisqu’elle passe par plusieurs maximums successifs dans
la saison.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE G AL A À RICHARD-TOLL
23
i
!
I
'op réguliè
POPULATION DE LAGONOST1CTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
25
NOMBRE MOYEN DE MALES JUVENILES ET
ADULTES CAPTURÉS CHAQUE MOIS
Nombre moyen
Le nombre de juvéniles n’ayant pas commencé à muer demeure faible en dépit de ses variations
si on le compare à celui des autres catégories. Ceci s’explique par le fait que nos méthodes de capture
ne nous permettent d’atteindre qu’une partie de ces jeunes et surtout par la très faible durée du port
de ce plumage (à 6 semaines environ, les jeunes débutent leur mue).
Dans cette succession de maximums et dans la comparaison de leurs valeurs relatives, nous
trouvons l’expression d’un autre phénomène que nous devons souligner : à peu près tous les juvéniles
nés au cours de cette longue saison de reproduction achèvent simultanément leur mue ; tout se passe
donc pour eux comme s'ils étaient nés à la même époque. Il s’ensuit que l’examen du plumage d’un juvé¬
nile renseigne très imparfaitement sur son âge. L’importance de cette remarque se dégagera mieux lors
de l’établissement de la table de survie de l’Amarante.
2. Population adulte
L’évolution de la population adulte (tabl. 4 et fig. 6) se caractérise par une lente diminution
des effectifs pendant 10 mois de l’année (août d’une année et mai de l’année suivante) suivie d’une remon¬
tée rapide (juin à août) dont nous avons déjà dit qu’elle correspondait à la prise de plumage adulte
par l’ensemble de la population juvénile.
Il nous a paru intéressant d’évaluer la mortalité annuelle des adultes. Nous avons utilisé deux
méthodes : celle de Lack (1954) et celle de Hickey (1952), ce qui nous conduit à estimer cette morta¬
lité à 70 % environ.
Source : MNHN, Paris
MARIE-YVONNE MOREL
EVOLUTION DE LA MUE DANS UNE POPULATION
JUVENILE DE L. s.
Mlles juvéniles
—- Mue non encore commencer
La méthode de Lack : si une population est stable, le nombre d’adultes mourant chaque année
est égal au nombre de nouveaux individus se reproduisant pour la première fois. Par conséquent, le
pourcentage de ces derniers dans une population en reproduction correspond au taux de mortalité
des adultes.
Elle ne s’applique évidemment qu’à des espèces où les adultes d’âges différents se reconnaissent
morphologiquement. Pour l’Amarante, chez lequel cette reconnaissance est impossible, la difficulté
fut tournée en considérant que l’échantillonnage fourni par la population contrôlée déjà connue * est
représentatif de la population totale :
TABLEAU 6
Nombre et pourcentage de Lagonosticta senegala âgés de moins d'un an
dans une population en plumage adulte au début d'une saison de reproduction.
Sexe des A
oiseaux Nbre d'oiseaux contrôlés
juste avant le début de la
saison de reproduction
d 115
? 77
Totaux 192
* On appelle « contrôle » la capture suivie
B %
Nbre d'oiseaux âgés B. A.
de moins d'un an
87 73
48 62
135 70
lu relâcher d'un oiseau porteur d’une bague.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
27
La méthode composite de Hickey (1952) est fondée sur le calcul du pourcentage de disparition
d’oiseaux bagués survenant chaque année dans une population d’âge connu. La disparition d’un indi¬
vidu est aisée à connaître si on récupère la bague après sa mort, qu’elle soit naturelle ou causée par
un chasseur. Pour l’Amarante, comme pour la plupart des oiseaux de petite taille, il ne peut être ques¬
tion de retrouver le corps des oiseaux morts. Aussi, avons-nous considéré que la date du dernier contrôle
d’un individu donnerait l’approximation la plus précise de la date de sa disparition réelle. Pour des
raisons données ailleurs (Morel M. Y., 1964), seule la population mâle fut étudiée. Le taux moyen
annuel de disparition des adultes mâles calculé par cette méthode (tabl. 7) est égal à 72,3 %.
54/54 55/56 56/57 57/58 58/59 59/60 60/61 61/62
TABLEAU 7
Table de survie des môles bagués au stade juvénile
a) - Résultats bruts
Année Nombre Année de disparition (= du dernier contrôle)
baguage bagués
1954/55 134
1955/56 135
1956/57 468
1957/58 311
1958/59 134
1959/60 311
1960/61 899
1961/62 470
Total 2. 862
Année Nombre
de d'oiseaux
baguage bagués 0 à X X à
X+l
1954/55 134 14 7
1955/56 135' 8 22
1956/57 468 145 32
1957/58 311 70 46
1958/59 134 23 5
1959/60 311 60 55
1960/61 899 146 134
1961/62 470 89
b) - Résultats i
Nombre d'oiseaux dispari
sgroupés par clai
Nombre
total
+ 5 X + 6 d'oiseaux
X+6 à X+7 disparus
Nombre d'oiseaux
bagués pour chaque
classe d'Sge 2862
19.3 12,5
(l'x) de vivants a.
début de l'inter¬
valle considéré
(q'x) taux de
53.9 75.7
îuel de disparitio
65. 8 57. 1 50.0
luîtes : 16. 5/22, 8 = 72, 3
58,6
61,0
Source : MNHN, Paris
28
MARIE-YVONNE MOREL
Dans des conditions aussi différentes que celles régnant en Grande-Bretagne, des taux de mor¬
talité similaires ont été également calculés pour deux petits Passereaux de poids comparable à celui
de l’Amarante : 72 % chez la Mésange bleue, Parus caeruleus et 62 % chez le Rouge-gorge, Erythacus
rubecula (d’après Lack, 1954).
La comparaison avec d’autres espèces tropicales est à l’heure actuelle encore impossible, faute
de données. A notre connaisance, une seule espèce fut étudiée sous ce jour : le Pipridé, Manacus manacus
à l’île de la Trinité. Son taux de mortalité est de 11 % seulement (Snow, 1962).
3. Population totale
Ainsi, l'étude de l'évolution de la population juvénile et de la population adulte permet de comprendre
celle de la population totale mâle capturée au filet (tabl. 4, fig. 6) car il est bien évident qu’on englobe
sous ce nom les seuls Amarantes qui sont émancipés. Si on avait voulu également tenir compte des
oisillons encore au nid ou pas encore indépendants, on aurait constaté que l’augmentation de la popu¬
lation se fait sentir dès le mois d’août.
La population d’Amarante ainsi définie atteint son maximum en février, puis décroît lentement
jusqu’en mai et rapidement ensuite. C’est là une courbe peu habituelle pour une population avienne.
Elle tient au mode de reproduction très particulier de cette espèce qui niche dix mois par an. Tant
que dure la nidification, la natalité contrebalance la mortalité. Jusqu’en février, les naissances sont
excédentaires et la population s’accroît. Après février, la situation se renverse pour deux raisons prin¬
cipales : tout d’abord, le nombre de naissances tend à décroître par diminution du nombre de couples
reproducteurs, car une partie d’entre eux est déjà morte. Le nombre de décès au sein de cette popula¬
tion s’est au contraire continuellement élevé au fur et à mesure de l’augmentation des effectifs. La
natalité ne parvient plus à équilibrer la mortalité. Cette dernière devient excédentaire. Et la popula¬
tion décroît. Enfin, à partir de mai, la reproduction cesse. Seule joue la mortalité. La population diminue
très vite.
En conclusion, les variations annuelles de la population d'Amarante à Richard-ToU suivent celles
des ressources alimentaires fournies par la savane où cet oiseau se nourrit. La savane est, en effet, un
énorme magasin à grainos qui se remplit une seule fois par an à la fin de la saison des pluies ; ses réserves
sont ensuite régulièrement exploitées. Parallèlement, la population d’Amarante est en expansion au
moment où les graines redeviennent abondantes ; elle diminue après pour tomber à son plus bas effectif
en fin de saison sèche quand il ne reste plus grand chose à picorer sur le sol. On peut penser que l’éta¬
lement de la saison de reproduction sur plusieurs mois est liée à la longue période pendant laquelle les
graines sont toujours nombreuses et aisées à trouver. Ce mode de reproduction serait même « avantageux »
pour cet oiseau prolifique qui ne dispose, en réalité, que de faibles ressources : tenu à boire tous les
jours et, de surcroît, mauvais voilier, l’Amarante trouve peu d’endroits convenant à ses besoins. Il est
finalement contraint à n’occuper qu’une surface restreinte de cette savane immense et à y demeurer
pendant toute sa vie.
B. — MUE CHEZ L’AMARANTE
Depuis la découverte par les ornithologues d’une longue période de reproduction chez certaines
espèces tropicales (Goodwin, 1960 ; Miller, 1962 ; Snow et Snow, 1964), la question des rapports entre
la mue et le cycle annuel de reproduction retient l’attention de nombreux auteurs.
Dans la zone sahélienne, à Richard-Toll, d’autres espèces que celles de la familles de Estrildidés
ont également une reproduction étalée (Morel et Morel, 1962). Toutefois, 1 absence d un nombre suffi¬
sant de données ne permettait d’établir aucun schéma d’ensemble. L’étude menée plusieurs années
de suite sur des centaines de Lagonoslicta senegala a mis en évidence un certain nombre de faits ori¬
ginaux qui jettent une vive lumière sur le cycle annuel de cet Estrildidé. Il est vraisemblable que d’autres
espèces tropicales à longue saison de reproduction ont un cycle annuel du même type.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
29
1 .Mue des adultes
Les Amarantes adultes font une mue par an : celle-ci a lieu simultanément pour l’ensemble du
plumage. En même temps que la première rémige tombe, les plumes de la tète et du corps commencent
à muer ; la mue des rémiges secondaires suit la chute de la 5 e primaire ; enfin, quand la 9 e primaire
a fini de repousser (la 10 e est résiduelle dans cette espèce), le plumage est entièrement renouvelé. La
concordance, chez cet oiseau, entre la mue des primaires et du reste du plumage nous a incitée à fonder
l’étude de sa mue sur celle de ses primaires. Cette méthode d’analyse offre l’intérêt d’une plus grande
précision, en permettant de mieux chiffrer l’état d’avancement de la mue.
Deux points seront successivement étudiés : la durée de la mue pour l’ensemble de la population,
puis la durée de la mue pour un individu.
Durée de la mue pour l'ensemble de la population.
La durée de la mue pour l’ensemble de la population adulte est établie sur 628 Amarantes adultes
capturés au filet. Suivant l’état de leur plumage, ils ont été répartis en deux catégories :
— dans la première, ceux qui ne sont pas en mue, soit parce qu’elle n’est pas encore commencée,
soit parce qu’elle est terminée ;
— dans la deuxième catégorie, ceux qui sont en mue. Nous avons distingué deux stades : le pre¬
mier comprend les adultes muant une des quatre premières primaires ; le deuxième les autres, c’est-à-
dire ceux muant de la 5 e à la 9 e primaire.
Les résultats consignés dans le tableau 8 et la figure 8 font apparaître les trois points suivants :
1° une longue période de mue qui s’étend sur 7 mois : entre février et août ;
EVOLUTION DE LA MUE CHEZ LES ADULTES
DE LAGONOSTICTA SENEGALA
Pourcentage de
Fig- ®
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOST1CTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
31
2° à aucun moment, la mue n'intéresse la totalité de la population adulte : pour les mois de
mai et de juin, les maximums enregistrés, quoique très élevés, n’atteignent jamais 100 % : 89,7 en mai
et 83,7 en juin ;
3° la mue des quatre premières primaires a lieu entre février et juin : le maximum d’oiseaux
dans cet état se compte au mois d’avril. La mue des autres primaires commence et finit nécessairement
un peu plus tard : entre mars et août. Un maximum important est noté pour juin quand 70 % de la
population est parvenue à ce deuxième stade.
L’étalement de cette mue fait que, pendant plusieurs mois de l’année, les mâles capturés pré¬
sentent tous les états de mue : au mois de mai, par exemple, la situation est spécialement nette : un
dixième de la population n’est pas en mue ; un peu plus du tiers mue une des quatre premières primaires
et le reste (la moitié environ), les autres primaires.
Durée de la mue pour un individu.
Les précédents résultats font penser à une durée de mue plus courte pour un individu que pour
l’espèce. C’est elle qu’il fallait ensuite chercher à évaluer.
Ce problème est plus difficile à résoudre qu’il semblerait à première vue, car il nécessite la cap¬
ture suivie du contrôle d’un nombre suffisant d’oiseaux en début et en fin de mue. Deux mâles seule¬
ment remplirent ces conditions : l’un, piégé le 26 mars et l’autre, le 10 avril, furent repris respectivement
les 29 et 21 juillet. Entre la repousse de la l re et de la 9 e primaire il s’était écoulé 91 et 102 jours,
différences qui s’expliquent par le fait que l’état de repousse des plumes n’était pas exactement le même
pour ces deux oiseaux au moment de leurs captures. La durée moyenne prise par ces oiseaux pour
renouveler UNE primaire est donc de 12 jours (11,3 et 12,7 respectivement). La durée moyenne totale
de leur mue est de trois mois et demi environ.
TABLEAU 9
Durée de la mue chez les adultes de Lagonosticta senegala contrôlés plusieurs lois de suite
N* du
mSle
Date des
Ier
contrôle s
2ème
Etat du plumage
1er
contrôle
(primaires)
2feme
Nombre de
rémiges muées
Nombre de
jours entre les
2 contrôles
Durée moyenne
de la mue
d'une primaire
(en jours)
1
29 févrie
28 avril
1
5
4
59
14.7
2
2 mars
19 mai
1
5
4
78
19,5
3
18 mars
28 avril
1
4
3
41
13,6
4
26 mars
29 juin
1
9
8
91
11.4
5
6 avril
16 juin
1
6
5
71
14,2
6
10 avril
21 juillet
1
9
8
102
12.7
7
2 mars
6 avril
2
4
2
35
17.5
8
29 mars
10 avril
2
3
1
12
12.0
9
21 avril
14 mai
2
4
2
23
11.5
10
5 mars
10 mai
3
5
2
66
33.0
11
28 mars
26 juin
3
7
4
90
22. 5
12
15 avril
11 mai
3
5
2
26
13,0
13
8 avril
19 mai
4
6
2
41
20.5
14
30 avril
29 juin
4
8
4
60
15,0
15
11 mai
3 juillet
4
9
5
53
10.6
16
29 mai
24 juillet
5
9
4
56
14.0
TOTAUX
60
904
15.0
Source : MNHN, Paris
32
MARIE-YVONNE MOREL
Cette moyenne pour une primaire semble un peu faible, comparée à celle obtenue (15 jours)
sur un lot de 16 Amarantes qui furent capturés plusieurs fois en cours de mue (tabl. 9). Cette diffé¬
rence provient de la durée très inégale do la mue chez les individus : un maximum de 33 jours pour
la mue d’une primaire est enregistré pour un oiseau muant la 3 e primaire le 5 mars et la 5 e le 10 mai,
soit 66 jours après. Dans ces conditions, le temps pris par un oiseau pour renouveler son plumage varie
dans de larges proportions. Si on admet une durée moyenne de 15 jours pour la repousse d’une primaire,
la mue totale s’étendrait sur une moyenne de 4 mois et demi.
La durée totale de la mue de l'Amarante adulte est donc légèrement supérieure à celle admise
pour les Passereaux chez lesquels on considère qu’une mue complète dure de 80 à 90 jours. A l’île de
la Trinité, une Grive, Turdus fumigatus, renouvela son plumage en 91 jours et un Manakin, Pipra
erythrocephala, en 96 jours (Snow et Snow, 1964).
2. Mue des juvéniles
La presque totalité des juvéniles nés au cours d’une saison de reproduction revêt la livrée adulte
au début de la saison de reproduction suivante. La mue unique au cours de laquelle ils troquent leur
plumage juvénile contre un plumage adulte est de durée variable, accordée à leur date de naissance,
si bien que très rapidement toute la population juvénile se met à l’unisson. C’est le déroulement de
cette mue pour chacune des cohortes qui sera l’objet de ce paragraphe.
Son étude offre une difficulté particulière : il est pratiquement impossible de capturer le même
juvénile le jour qui précède et le jour qui suit le début de la mue d’une plume. C’est pourquoi il fut
considéré que tous les juvéniles d’une même cohorte avaient un comportement identique, ce qui per¬
mettait d’étendre à toute la cohorte l’observation faite sur un des oiseaux de cette cohorte. L’homo¬
généité des résultats obtenus par cette méthode justifie sa valeur.
Début de la mue juvénile
Dans le tableau 10, figurent les contrôles successifs d’oiseaux appartenant à une même cohorte
avant et après le début do la mue juvénile. Comme le dernier contrôle enregistré en plumage juvénile
se fait toujours sur des individus âgés de moins do 7 semaines (49 jours) et, le premier, après le commen¬
cement de la mue juvénile, sur ceux âgés do plus de 6 semaines (42 jours), on peut en déduire que c’est
à l'âge de 6 semaines environ que commence cette mue. Elle apparaît, à quelques jours près, constante
pour toutes les cohortes.
Durée de la mue juvénile
La mue juvénile, dont la durée varie avec les cohortes, se décompose en deux périodes : dans
une première, le mue intéresse uniquement le plumage de contour ; dans une seconde, tout le plumage :
celui de contour aussi bien que les ailes.
TABLEAU 10
Evaluation de l'âge du début de la mue juvénile chez Lagonosticta senegala
Cohc
rte a
Age du juvénile à
dernier contrôle en plumage juvénile
(en jours)
premier contrôle en mue
juvénile (en jours)
Août 28
Septembre
Octobre 35
Novembre
Décembre
Janvier 40
Février 48
Mars 48
Avril/mai 42
52
63
54
49
59
56
47
42
44
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
33
Comme l’observation a montré que la mue alaire commence à un âge variable suivant les cohortes
alors que la mue du plumage de contour débute au même âge pour toutes, il s’ensuit que la durée
qui s’écoule entre le moment où tombent les premières plumes de contour et celui où tombe la première
rémige est lui-même variable. Les différences ainsi mises en évidence sont suffisamment importantes
pour mériter d’être mentionnées.
Dans le tableau 11 et la figure 9, l’évolution de la mue juvénile est notée pour chacune des
cohortes. Elle se caractérise par les points suivants :
1) Cohorte d’août : de toutes les cohortes, c’est celle qui acquiert le plumage adulte le plus tar¬
divement : au bout de 10 mois environ, c’est-à-dire en mai-juin de l’année qui suit la naissance. Quoique
le début de la mue alaire soit précoce (2 mois), sa durée est très longue. Elle se décompose en trois
phases : une première entre octobre et décembre où les premières primaires sont remplacées, puis un
temps d’arrêt qui sc poursuit jusqu’en février, et enfin la reprise du renouvellement des primaires qui
s’achève courant juin. La mue du plumage de contour se déroule également sur le même rythme : elle
est d’abord lente jusqu’en février, puis augmente ensuite de vitesse.
2) Les cohortes nées entre septembre et février, bien qu’elles commencent leur mue juvénile à
l’âge de 6 semaines environ, entreprennent leur mue générale (mue des ailes qui s’ajoute à celle des
plumes de contour déjà commencée) à des dates voisines pour toutes : entre février et avril.
Cohortes de septembre et d’octobre : l’acquisition du plumage se fait plus rapidement, puisque
la mue juvénile s’achève approximativement au même moment que celle des deux cohortes déjà nées :
aux mois de mai et juin de l’année qui suit leur naissance. A la fin de cette mue, la cohorte d’octobre
est donc seulement âgée de 9 mois environ. La mue alaire se déroule régulièrement sans marquer aucun
temps d’arrêt, mais elle commence beaucoup plus tard, à l’âge de 4 mois environ. La durée de la mue
générale est légèrement plus courte que pour la cohorte d’août, mais le temps pendant lequel le plu¬
mage de contour est seul en mue est plus long.
TABLEAU 11
Evolution de la mue juvénile chez les mâles de Lagonosticta senegala
Age en jours des mâles juvéniles lors de leur capture Acquisi-
tion du
n'ayant ayant commencé la mue alaire . plumage
pas Mue des primaires adulte
mencé lfcre 2éme 3éme 4feme Sime 6éme 7tme 8éme 9ème
la mue
Août 69
Septembre 91
Octobre 98
Novembre 76
Décembre 65
Février 56
Mars 39
Avril 55
85
160
148 159
121 173
104 115 126
75 90 108 117
80 92 106 125
55 64 81 91
69 65 81 98
183
144
141
113
182
163 190
167
143 158
105
118
323
230 236 266
211 268
226 208 220
239
160 177 192
137 192
Les chiffres indiquent la durée en jours à partir de la date de naissance
connue ou calculée.
3
Source : MNHN, Paris
34
MARIE-YVONNE MOREL
Cohortes de novembre et décembre : on retrouve, en plus accentués, les caractères des deux pré¬
cédentes cohortes : la mue juvénile s’achève toujours en juillet, c’est-à-dire quand la cohorte de décembre
est âgée de 7 mois ; elle a donc un mois de moins que la cohorte de novembre et 3 mois de moins que
celle d’août. La mue générale (mue des plumes de contour et des ailes) commence en mars, par consé¬
quent, à un âge plus précoce que pour les deux précédentes cohortes. Le temps pendant lequel le plu¬
mage de contour est seul en mue a donc raccourci.
Pour choque cohorte
|-1 Adultes
WMA Juvéniles en n
s du corps et des ailes
Igml Juvéniles en mue du corps, mais non des ailes
Juvéniles n'ayont pas encore commencé à muer
_ Acquisition de la maturité sexuelle.
Arril de lo saison
de reproduction
I I I
i 1 I
1 I
IL I J
L
T i
I
L
Période défovoroble
à la mue olaire
EVOLUTION DE LA MUE
JUVENILE CHEZ LES DIFFERENTES
COHORTES DE L.s.
Début do lo saison de I
reproduction A
Fig. 9
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
35
Cohortes de janvier et février : toujours les mêmes caractères : nouveau raccourcissement de la
durée qui s’écoule entre le début de la mue des plumes de contour et celui de la mue générale, puisque
celle-ci commence en mars-avril. La durée totale de la mue diminue encore, car elle s’achève toujours
en juillet-août.
3) Cohortes de mars, avril et mai : elles effectuent leur changement de plumage d’une façon
un peu différente, car si la mue générale commence à un âge encore plus précoce, sa durée totale aug¬
mente beaucoup du fait d’un net ralentissement à partir d’août ; elle s’achève seulement en novembre
ou décembre. Toutefois, dès le mois d’août, l’aspect du plumage est déjà presque celui d’un adulte.
Cette analyse permet de comprendre comment la mue juvénile se termine au même moment
pour presque toutes les cohortes ; elle montre aussi que la mue devient générale pour la plupart des
juvéniles à partir de février et de mars : ceci a été particulièrement bien mis en évidence dans les recen¬
sements des juvéniles capturés au filet et classés mensuellement d’après l’aspect de leur plumage (tabl. 5
et fig. 7). Comme pour les adultes, il fut distingué plusieurs catégories : d’abord, les juvéniles n’ayant
pas commencé leur mue et ceux l’ayant commencée. Dans cette deuxième catégorie, les divisions sui¬
vantes furent introduites :
— mue des plumes de contour uniquement ;
— mue des plumes de contour et des ailes,
+ mue des quatre premières primaires,
+ mue des autres primaires.
Il ressort de ces observations que les juvéniles synchronisent leur mue avec celle des adultes
dès la première année. En effet, la mue générale a lieu pour la totalité des adultes et un pourcentage
très élevé de juvéniles au même moment, entre février et août. Les adultes, toutefois, entreprennent
simultanément la mue de leur plumage de contour et de leurs ailes, tandis que les juvéniles commencent
celles de leurs plumes de contour indépendamment de celles de leurs ailes. Tout se passe comme si les
cohortes en âge de la faire « attendaient » le mois de février ou de mars pour commencer leur mue géné¬
rale et la poursuivaient ensuite ensemble comme s’il s’agissait d’une population de même âge. Il reste
cependant la possibilité aux juvéniles n’ayant pas terminé leur mue en août de la continuer après,
car la mue juvénile est possible toute l’année (sauf en décembre-janvier). Le pourcentage d’oiseaux
intéressés reste toutefois très faible en dehors de la période de mue générale commune aux adultes
et aux juvéniles (c’est-à-dire entre février et août).
Ainsi se trouve résolu pour Lagonosticla senegala le problème que Snow et Snow (1964) avaient
posé sans avoir pu le débrouiller.
En conclusion, la mue offre :
1° une correspondance étroite avec les conditions climatiques ; arrêt presque total de la mue pen¬
dant les jours les plus courts et les plus frais ; accélération de la mue pendant les jours les plus longs
et les plus chauds ( «le printemps » ).
2° en même temps qu’une relation inverse avec les réserves alimentaires : la période « privilégiée »
de la mue se situe au moment où les réserves alimentaires deviennent rares (les pluies dont elles dépendent
sont estivales).
Ces conclusions viennent à l’encontre de l’hypothèse de Lack (1966) qui voudrait que les oiseaux
fassent leur mue au moment du maximum de nourriture disponible.
C. — DYNAMIQUE DE LA REPRODUCTION DE L’AMARANTE
Les résultats précédents mettent en évidence la jeunesse de la population d'Amarante de
Richard-Toll ; ils nous ont incitée à étudier de manière plus précise les caractéristiques écoétholo-
giques de la reproduction de cet oiseau et nous en donnons ci-dessous les principaux résultats.
Source : MNHN, Paris
36
MARIE-YVONNE MOREL
1) Dates des premières et des dernières pontes
La saison de reproduction commence et finit toujours aux mêmes dates malgré les changements
survenant dans le milieu d’une année sur l’autre. Le recensement des œufs et des poussins au cours
des inspections de nids et l’observation du comportement des familles après leur envol, en particulier
des cris caractéristiques de demande de becquée qu’on entend de loin, permettant de fixer d’une façon
précise les dates des premières et des dernières pontes.
C’est donc au cours de la dernière décade de juillet que pondent les premières femelles.
Ainsi, l’éclosion du premier œuf enregistrée pour la saison 1963/64 le 10 août et pour la saison
1964/65 le 7 août, fait remonter la ponte du premier œuf dans chacun de ces nids aux 26 et 23 juillet
respec ti vement.
Ces dates peuvent être légèrement avancées car il est certain que les tout premiers nids nous
ont échappé.
Pour preuve, les cris d’une famille retentissent pour la première fois de la saison dans le jardin
do la Station le 27 août (saison 1960/61). Comme ces jeunes ont vraisemblablement quitté le nid depuis
plusieurs jours déjà, la ponte du premier œuf remonterait au plus tard le 23 juillet.
De même, en attribuant à un jeune mordillant une feuille le 30 août (saison 1963/64) un âge
approximatif de 26 jours, nous concluons que la ponte a été déposée autour du 20 juillet, soit une semaine
avant la date fournie par la femelle trouvée sur son nid pour la même saison de reproduction.
Les pontes de la première décade de mai sont les dernières que nous ayons enregistrées. Elles
sont rares et échouent généralement.
Toutefois, nous avons noté l’envol do l’une d’elles dans les derniers jours de mai (saison 64/65)
et nous pensons attribuer une date semblable pour l’envol d’une famille dont nous avons entendu
les cris de demande de becquée le 13 juin (saison 60/61).
Autour du 20 mai, les envols sont encore nombreux : ils correspondent aux pontes de la deuxième
quinzaine d’avril.
Un envol pour la saison 56/57 (23 mai), trois pour la saison 62/63 (16, 20 et 25 mai), trois autres
encore pour la saison 64/65 (2 le 18 mai et 1 le 20 mai).
2) Succession des nidifications
Nos recensements de nids et d’oiseaux nicheurs poursuivis pendant plusieurs saisons de repro¬
duction et, en particulier, pendant la saison 1964/65 fournissent de nombreux renseignements. Pen¬
dant la saison 1964/65, nous avons trouvé 261 nids au stade œufs et identifié les couples nicheurs de 213
d’entre eux, soit 81 % (tabl. 12).
Le premier point intéressant à souligner est l'âge auquel la population commence à se reproduire :
la maturité sexuelle est acquise à moins d'un an : nous avons contrôlé, nichant, des oiseaux que nous
avions bagués cinq mois auparavant, au nid comme poussins !
Un deuxième point, lié d’ailleurs au premier, est le fait qu’à certaines périodes de l’année (hiver),
ces jeunes oiseaux portent encore le plumage juvénile. Plus loin (p. 50), nous exposerons comment,
selon nous, cette maturité sexuelle précoce serait cause de mortalité et comment les différences de
comportement reproducteur entre mâles de même âge, mais porteurs d’un plumage différent, pour¬
raient s’expliquer à la lumière de l’hypothèse de Wynne-Edwards (1962).
En conséquence, la composition de la population nicheuse se modifie au cours de 1 année. Exclu¬
sivement formée d’oiseaux en plumage adulte au début de la saison, elle s’adjoint à partir de décembre
quelques nouveaux éléments en plumage juvénile (nés au début de la saison et déjà sexuellement mûrs).
Ces derniers ont tantôt un partenaire de même âge, tantôt un partenaire né lors d’une précédente sai¬
son de reproduction. Leur pourcentage reste toutefois faible : 10 % de la population nicheuse recensée
en 1964/65.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
TABLEAU 12
RECENSEMENT DES COUPLES NICHEURS DE LAGONOSTICTA SENEGALA PENDANT
LA SAISON DE REPRODUCTION 1964/65
MOIS DE PONTE
Nombre de nids
- dont les parents furent
capturés
Juil. Août Sept. Oct.. Nov. Déc. Janv. Fév. Mars Avril Mai
32 33
26 33
Couples nichant en
- plumage juvénile
(au moins 1 partenaire)' '
- plumage adulte
- et qui ne seront plus jamais
repris 1 3
- capturés pour la 1ère fois et
qui seront repris formant des
couples :
- stables (a) - 3
- instables (b) par
- disparition d'I partenaire - 1
- divorce suivi d'un remari¬
age de chacun des partenaires 1
Totaux Z 7
Couples qui ont déjà été capturés
et nichent une nouvelle fois
formant des couples :
- stables (a)
- instables (b)
Totaux
12 10
58 48
39 32
9 7
4 3
122 100
(l) Un de ces couples nicha 2 fois
Les autres 90 % des nidifications sont assurés par des couples en plumage adulte : 110 couples
capturés sur 201 nids. En moyenne, chaque couple fait donc 1,8 nidification par saison de reproduc¬
tion. Il en assure certainement davantage, car nous n’avons pas trouvé tous les nids, ni identifié tous
les couples sur notre parcelle d’études.
Nos comptages nous apprennent que sur 110 couples capturés adultes, 58 ne sont pris qu’une
seule fois (48 % de la population nicheuse, responsables de 26 % des nidifications) puis disparaissent,
soit qu’ils meurent (nous connaissons le taux élevé de la mortalité pour cette population), soit que
leurs autres nids nous aient échappé.
Les 52 autres couples sont capturés plusieurs fois : dans la majorité des cas (39 couples, soit
32 % de la population nicheuse), les couples sont formés des mêmes partenaires pendant toute la
saison de reproduction. Mais il arrive aussi que les couples se dissocient après une nidification (10 %) :
un des partenaires peut ne plus jamais être repris (par suite de sa mort sans doute : 7 %), ou bien les
deux partenaires, toujours vivants, peuvent chacun de leur côté former un nouveau couple (3 %).
Quelques-unes de ces nouvelles unions resteront stables et les autres seront temporaires.
Le nombre de nidifications par couple vivant durant toute une saison de reproduction peut atteindre 5 :
il semble bien que 4 au moins soit la règle générale, car, malgré les difficultés à faire nos recensements,
nous avons suivi pendant la saison de reproduction 1964/65 deux couples pendant cinq nidifications
et cinq couples pendant quatre nidifications. Nous avons également observé un mâle et une femelle
nichant quatre fois. Il est enfin sûr qu’un certain nombre de couples que nous avons capturés deux
Source : MNHN, Paris
MARIE-YVONNE MOREL
ou trois fois en train de nicher firent encore d’autres nidifications comme les dates de leur capture le
laissent suggérer (fig. 10).
Tous les couples ne sont évidemment pas aussi productifs. Nous observons que quelques-uns
sont incapables d’élever une famille (tabl. 13). Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question
quand nous calculerons les taux théoriques de natalité et de productivité à Richard-Toll.
La comparaison du succès à l’envol entre les couples stables et les oiseaux ayant changé de
partenaire au cours de la saison de reproduction (tabl. 13) ne laisse apparaître aucune différence impor¬
tante. Peut-être, l’échantillonnage est-il trop faible.
Les couples qui se sont reproduits avec succès quatre ou cinq fois nous apprennent comment leurs
nidifications se succèdent au long d’une saison de reproduction et le temps pris par chacune d’elles (fig. 10).
Deux mois environ s’écoulent entre la construction d’un nid et l’indépendance des jeunes. Il faut, en
moyenne, compter quelques jours pour la construction du nid, un jour par œuf pondu, 13 jours d’incu¬
bation, un jour pour l’éclosion qui est donc simultanée malgré la durée de la ponte, 18 jours pour l’éle¬
vage au nid et 2 à 3 semaines entre l’envol et l’indépendance des jeunes. Hormis la construction du
nid faite uniquement par le mâle, mais toujours en présence de la femelle, tous les autres soins de la
nidification sont assurés par les deux parents. Dans ces conditions, les couples nichent en août, octobre,
décembre, février et quelquefois avril ou encore en septembre, novembre, janvier et mars. Ces obser¬
vations nous ont incitée à diviser la saison de reproduction en cinq périodes théoriques, chacune d’une
durée moyenne de deux mois qui représente le temps nécessaire à un couple pour mener à bien une
de ses nichées. La première période couvre les mois d’août et de septembre, en débordant légèrement
sur juillet où les premières pontes sont enregistrées ; la deuxième période englobe les mois d’octobre
et de novembre ; la troisième, décembre et janvier ; la quatrième, les mois de février et mars ; la cin¬
quième, les mois d’avril et mai. Ce calendrier théorique de la reproduction n’est évidemment pas suivi
par tous les couples car les échecs en cours de nidification, compensés par des pontes de remplacement,
compliquent beaucoup ce schéma.
Les comptages mensuels (tabl. 14 ) des nids nous montrent encore que toute la population ne commence
pas à se reproduire simultanément : le nombre de nids trouvés augmente régulièrement de juillet à sep¬
tembre. Nous aboutissons chez Lagonosticta senegala aux même conclusions que Coulson et White
(d’après Lack, 1966) sur Rissa tridactyla. Pour les espèces dont le début de la nidification a toujours
lieu à la même date d’une année sur l’autre les premiers parents nicheurs sont ceux qui se sont déjà
reproduits ensemble à la précédente saison : le premier couple nicheur de la saison de reproduction
1964/65 avait déjà niché à la fin de la saison de reproduction 1963/64.
Lack (1966) attribue la précocité de ponte chez les femelles plus âgées à leur expérience à trouver
la nourriture qui leur est indispensable pour la formation des œufs. 11 faut remarquer à ce propos que,
chez Lagonosticta senegala, le début de la saison de reproduction se place à une période critique où les
conditions alimentaires sont les plus mauvaises de l’année. L’expérience acquise par les femelles plus
âgées pourrait donc jouer un rôle important. Chez ces femelles, pourtant, peu de semaines séparent
la dernière ponte de la saison de reproduction précédente et cette première ponte de la nouvelle saison
de reproduction. Ainsi, pour le premier couple nicheur de la saison 1964/65 un peu plus de quatre mois
s’écoule entre ces deux pontes ; cette femelle commença de pondre le 7 mars 1964, les jeunes envolés
le 8 avril furent sans doute encore nourris par leurs parents jusqu’à la fin de ce mois. Elle pondit de
nouveau le 23 juillet et la nichée prit l’envol. Peut-être la fatigue occasionnée par ces nidifications
répétées explique-t-elle son divorce, suivi sans doute de sa mort, car elle ne fut plus jamais reprise.
Le mâle fut suivi pendant toute la saison de reproduction, nicha quatre autres fois et changea de femelle
trois fois. Le nombre total de poussins qu’il éleva est de onze.
Il faut encore insister sur l’habitude de certains couples de réutiliser des nids : les nids construits
et utilisés par un couple peuvent resservir une ou plusieurs fois. Pendant la saison de reproduction
1963/64, sur les 136 nids recensés, 125 ne servirent qu’une fois (92 %), 10 une deuxième fois et 1 trois
fois. Malgré le peu de renseignements recueillis, on peut dire que les nids ne sont pas toujours réoccupés
par les couples qui les ont construits et habités la première fois. Pour cette saison 1963/64, les couples
furent identifiés dans six cas : pour les nids servant une deuxième fois, mêmes couples dans deux cas ;
couples différents dans un cas ; un seul des deux partenaires assurant les deux nidifications avec chan-
Source : MNHN, Paris
Source : MNHN, Paris
SAISON DE REPRODUCTION 1964/65 s SUCCES DES NIDIFICATIONS ASSUREES PAR DES COUPLES NICHANT PLUSIEURS FOIS
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA A RICHARD-TOLL
40
MARIE-YVONNE MOREL
TABLEAU 14
BILAN DES COMPTAGES MENSUELS DES NIDS DE LAGONOSTICTA SENEGALA
a) Résultats 'bruta
Saison 1963/64
Sai
son .1964/65
Saisons 1963/64
et 1964/65
Nombre
de
Nombre
de
ombre
de
Nias
L.s.
H.c.
L.s.
H.c.
L.s.
H.c.
Oeufs
Oeufs
Juv.
envol
envoi
Nids
Oeufs
pendus
Oeufs
éclos
envoi
Juv.
envol
Nids
Oeufs
pondus
Oeufs
éclos
er^l
envoi
Juillet
1
4
3
_
_
2
6
3
3
_
3
10
6
3
_
Août
5
20
12
5
-
7
26
22
14
-
12
46
34
19
-
Septembre
26
86
42
17
-
41
158
64
38
3
67
244
106
55
3
Octobre
22
74
35
28
1
27
100
58
34
il
49
174
97
62
12
Novembre
10
33
13
13
1
28
110
36
32
7
38
143
49
45
8
Décembre
12
44
20
10
-
32
106
59
44
7
44
150
79
54
7
Janvier
14
48
17
13
2
33
113
60
22
2
47
161
77
35
4
Février
6
19
8
4
-
36
125
68
49
4
42
144
76
53
4
Mars
15
52
22
19
2
30
106
32
19
-
45
158
54
38
2
Avril
2
8
-
-
-
22
65
24
H
1
24
73
24
14
1
Mai
-
-
-
-
-
3
15
3
2
-
3
15
3
2
-
Totaux
113
388
176
109
6
261
S30
429
271
35
374
1 318
605
380
41
ï>) 'Nombre a moyens par nid
Saison 1963/64
Saison 1964/65
Saisons 1963/64 et 1964/65
Nombre de
Nombre de
Nombre de
L.s.
H.c.
L.s.
H.c.
L.s.
H.c.
Oonf-p
Oeufs
Oeufs
Juv.
Juv.
Oeufs
Oeufs
Juv.
.Tu»,
pondus
éclos
envol
envol
pondus
éclos
:nvol
envol
pondus
éclos
envol
envol
Juillet
4,0
3,0
0,0
0,0
3,0
1,5
1,5
0,0
3,3
2,0
1 ,0
0,0
Août
4,0
2,4
1,0
0,0
3,1
3,0
2,0
0,0
3,5
2,8
1.5
0,0
Septembre
3,3
1,6
0,6
0,0
ii1
1,5
0,9
0,07
3,6
1,5
0,8
0,04
Octobre
3,3
1.7
1,2
0,04
U
2.1
1 ,2
0,4
3,5
1,3
1 ,2
0,2
Novembre
3,6
liA
1.4
0,1
lii
1 .1
0,2
3,4
1,3
1,2
0,2
Décembre
ixê
1,6
0,8
0,0
3,3
1.8
lii
0,2
3,4
1,7
1,2
0,1
Janvier
3,4
1,2
0,9
0,1
3,4
1,8
0,6
0,06
3,4
1,6
0,7
0,08
Février
3,1
1.3
0,6
0,0
3,4
1,8
1 ,3
0,1
3,4
1,8
1,2
0,09
Mar s
3,4
1,6
1,4
0,1
3,5
1 ,o
0,6
0,0
3,5
1.2
0,9
0,03
Avril
4,0
0,0
0,0
0,0
2iS
1,5
0,6
0,04
3,0
1,0
0,5
0,04
Mai
0,0
0,0
0,0
0,0
5,0
1,0
0,6
0,0
5,0 +
1 .0
0,6
0,0
Moyenne généra¬
le
3,4
1,5
0,96
0,05
3,5
1,6
1,03
0,15
3,5
1,6
1 ,o
0,1
+ s 3 nids seulement furent recensés et il ne fut pas possible de savoir si une ou plusieurs femelles
avaient pondu dans le même nid
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA A RICHARD-TOLI.
41
gemenl de partenaire entre les deux dans un cas ; enfin, un cas douteux par manque d'information
pour un des partenaires, l’autre restant le même. Pour le nid occupé trois fois, il y eut changement
d’un partenaire entre la première et la deuxième nidification et changement de couple pour la troisième
nidification.
Certains nids servent pendant plusieurs saisons de reproduction (tabl. 15). L’observation la plus
longue que nous ayons faite commença en novembre 1959 pour s’achever en février 1964, date où ce
nid fut démoli, c’est-à-dire qu’elle s’étendit sur cinq saisons de reproduction ! Nous avons donc recensé
17 nids dans lesquels se succédèrent les pontes, soit un total de 53 nidifications dont 10 seulement
échouèrent. En revanche, le nombre moyen de jeunes à l’envol par nid réussi est le même que celui
calculé pour l’ensemble des nichées : 2,6 poussins Lagonosticta senegala. Cette diminution très impo¬
tente du nombre d’abandon des nids pendant la nidification (18 % contre 50 %) est difficile à rattacher
à une cause précise. On peut évidemment penser que ces nids sont mieux construits que les autres,
placés dans un endroit plus sûr qui leur évite la prédation ; mais on doit aussi remarquer que les couples
qui occupent ces nids ont davantage de chance de réussir du fait de leur âge (un des partenaires est
âgé d’un an dans les cas connus). C’est peut-être aussi l’expérience acquise par les parents qui les conduit
vers de tels emplacements. La réoccupation d’un nid constituerait un gain d’énergie pour le couple.
Ce pourrait être encore le résultat de la stimulation du comportement incubateur des parents par la
présence d’œufs excédentaires. En effet, la femelle pond toujours la même quantité d’œufs, même
si le nid contient encore les œufs non éclos des pontes précédentes, ce qui est souvent le cas pour les
nids réutilisés.
TABLEAU 15
RELEVE DES NIDS OCCUPES PLUSIEURS FOIS DE SUITE ET TROUVES PENDANT LA PONTE OU L'INCUBATION
DES OEUFS DE LAGONOSTICTA SENEGALA
MUe
Femelle Date de
la ponte
Nbre de poussins à
L.S . H. C.
SA 2 322 42 280
42 463 42 494
42 463 42 494
Nov. 1960 2
Déc. 1960 1
Fév. I960 3
Chambre de
VUlage
Ouoloff
SA 1 700 ?
64 988 21 397
42 504 21 289
42 504 21 289
Boite de
connection électrique
dans un hangar
Village
Ouoloff
Cuisine
SA 2 207 SA 2 211
JC 8 325 JC 8324
Sept. 1961 5
Nov. 1961 3
Janv. 1962 1
Fév. 1963 3
Nov. 1959 0
Janv. I960 3
Août 1961 4
Sept. 1961 3
Oct. 1961 0
Déc. 1961 3
Fév. 1962 3
Fév. 1963 1
Avr. 1963 3
0
1
0
0
0
0
Village de pécheurs
Débarras
21 447 407 634
21 447 407 634
21 447 407 634
21 447 407 634
Sept. 1964 4
Oct. 1964 0
Nov. 1964 3
Janv.1965 3
Autre botte de connection ? ?
dans un hangar SA 2 207 SA 2 211
42 828 42 837
42 828 68 313
42 828 68 313
Nov. 1959 4 0
Janv. 1960 2 0
Nov. 1960 - 2 0
Janv.1961 2 0
Marsl961 1 0
Nov. 1961 . abandonné pour cause
Déc. 1963 4 0
Fév. 1964 4 0
Source : MNHN, Paris
MARIE-YVONNE MOREL
Toit d'ur
Toit d'ur
Totaux
SC 4 905 SC
TABLEAU 15 (Suite)
Mars 1964
Août 1964
Déc. 1964
e de poussins à
l'envol
.S. H. C.
à bêtes
Toit d'une maison
SC 4 237 SC
SC 4 222 68 264
63 931 SC 4 216
67 7 47
42 691 68 616
Déc. 1963
Janv. 1964
Fév. 1964
3) Taille de la ponte
Lagonosticta senegala pond habituellement de 1 à 5 œufs : les couvées de 3 et 4 œufs sont les
plus fréquentes et représentent à elles seules les 3/4 du total des couvées. Les pontes de 4 œufs sont
les plus communes de toutes.
La moyenne annuelle d’œufs pondus par nid (tabl. 14b) s’élève à 3,5 et ne. varie pas d’une saison
à l’autre (3,4 pour 1963/64 et 3,5 pour 1964/65).
A l'opposé, les moyennes mensuelles montrent des variations non négligeables, d’une interprétation
difficile.
La saison de reproduction 1964/65 est la mieux connue des deux saisons considérées, grâce
à un recensement plus complet des nids. La moyenne mensuelle d’œufs par nid passe de 3,0 œufs en
août à un maximum de 3,7-3,9 en septembre, octobre et novembre puis se stabilise autour de 3,3 les
mois suivants et tombe enfin à 2,9 en avril. Pour la saison de reproduction 1963/64, on retrouve le
même type de courbe, mais le maximum est décalé vers les mois de novembre et décembre.
Lack (1954) avait déjà signalé l’existence de telles variations de taille des pontes, pouvant aller
jusqu’à un œuf, chez les oiseaux nichant plusieurs fois en une saison. Il postulait aussi que la ponte
d’un plus grand nombre d’œufs par nid se produisait, grâce au jeu d’une adaptation sélective, au moment
où les conditions alimentaires seraient les meilleures pour le poussin qui naîtrait. Depuis, révisant
son point de vue initial, Lack (1966) pense que l’abondance de nourriture constatée au moment de
ces pontes sert d’abord à la femelle pour former ses œufs, puis accessoirement à ses jeunes.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
43
TABLEAU 16
Distribution des pontes de 3 et 4 oeufs de Lagonosticta senegala
Saisons de reproduction
1963/64
1964/65
Nombre total de
Bontés
113
261
Nombre de pontes
- de 3 oeufs
31
83
- de 4 oeufs
56
109
87
192
Pourcentage de pontes
- de 3 oeufs
27
31
- de 4 oeufs
49
41
- de 3 et 4 oeufs
76
72
Ensemble des 2
374
114
165
279
Cette nouvelle hypothèse de Lack paraît mieux s’adapter au cas de Lagonosticta senegala : il
est en effet intéressant de noter une corrélation entre la fin de la saison des pluies et la date du maxi¬
mum d’œufs par nid pour cette espèce ; pendant les étés 1963 et 1964, pluviosité et nombre de jours de
pluie sont égaux, mais répartis différemment. En 1963, une saison des pluies longue de quatre mois
à peu près également pluvieux (juillet-octobre) ; en 1964, une saison courte seulement de trois mois
(juillet-septembre) avec un mois d’août totalisant à lui seul la moitié de la pluviosité totale. Malgré
l’absence de données agrostologiques quantitatives, nous pensons qu’en 1964, une poussée plus rapide
des Graminées renouvela le tapis graminéen à une date plus précoce qu’en 1963 et expliquerait ainsi
la date du maximum d’œufs par nid constatée pour cette année.
4) Succès à l’éclosion et à renvoi
Pour les saisons de reproduction 1963/64 et 1964/65, la moyenne annuelle de jeunes à l’envol
est de 0,96 par nid en 1963/64 et 1,03 en 1964/65.
Il ressort de l’ensemble de nos comptages regroupés par « périodes » définies plus haut :
1) le succès à l’envol est maximum pour les pontes d'octobre et de novembre ; il est semblable pour
les deux saisons considérées : 1,2. Les jeunes sont donc élevés plus aisément s'ils naissent entre la mi-
octobre et la mi-décembre. Cela revient à dire que pendant les mois d’octobre, novembre et décembre
(« l’automne »), les parents rencontrent un ensemble de conditions plus favorables que pendant le reste
de l’année. Et pourtant, à ce même moment, comme nous le verrons plus loin, leur tâche est alourdie
par la présence de poussins Hypochera chalybeata eux-mêmes à leur maximum numérique (tabl. 39).
2) le succès de l’envol est variable d'un été sur l'autre. Seulement 0,6 poussin par nid pour les
mois de juillet, août et septembre 1963 ; 1,1 pour les mêmes mois en 1964. Comme le succès à l’éclosion
est à peu près semblable dans les deux cas (1,7 et 1,9), on doit attribuer les plus faible succès de 1963
à une mortalité plus élevée pendant la période d’élevage au nid (61 % contre 38 %). Nous pouvons
penser que les parents ont rencontré quelque difficulté à trouver la quantité de nourriture suffisante
et que cette gêne proviendrait de la date de la saison des pluies. Sa longueur aurait entraîné une plus
lente maturation des graines, rendant particulièrement critique pour les espèces typiquement grani¬
vores les mois d’août et de septembre.
Le succès des premières pontes tiendrait donc essentiellement à la précocité de la saison des
pluies et à la répartition de la pluviosité. De ce succès dépendrait le taux de productivité de la population
nicheuse : il serait, en effet, plus grandies années où les couvées nées en été réussissent, comme le suggère
Source : MNHN, Paris
44 MARIE-YVONNE MOREL
le calcul théorique suivant. Si nous supposons qu’un couple sc reproduit cinq fois en une saison et que
la mortalité chez les adultes est constante tout au long de l’année (taux moyen annuel de 70 %), les
jeunes nés d’une population nicheuse de 100 couples au 1 er août se répartissent comme suit :
TABLEAU 17
Tan* de productivité de Laeonosticta senegala en 1963/64 et
Saisons de reproduction 1963/1964
en 1964/65
1964/1965
Au 1er aoQt,
100 couples élèvent :
60, 0 jeunes
110, 0 jeunes
Au 1er octobre.
les 81.8 couples encore vivants
élèvent :
98,1 jeunes
98,1 jeunes
Au 1er décembre,
les 66, 8 couples encore vivants
élèvent :
53. 4 jeunes
66, 8 jeunes
Au 1er février.
les 54,7 couples encore vivants
élèvent :
59,6 jeunes
56, 3 jeunes
Au 1er avril,
les 44,9 couples encore vivants
élèvent :
28, 7 jeunes
26. 5 jeunes
Total de jeunes élevés par 100 couples
300, 8 jeunes
357, 7 jeunes
Total de jeunes élevés par un couple
3, 0 jeunes
3, 5 jeunes
En résumé, le succès à l'éclosion et à l'envol s’établit donc ainsi : succès jusqu’à l’envol d’un
quart environ des œufs pondus (28 %), un tiers (37 %) des parents sont capables de mener à bien leur
nichée. Le maximum d'échecs se produit pendant l'incubation où l’on enregistre l’abandon de la moitié
des œufs pondus (53 %). Ce succès à l’envol est un des plus faibles jusqu’ici connus pour les petits
Passereaux. En zone tempérée, on observe une réussite de la moitié des œufs pondus pour les espèces
nichant dans les nids ouverts et des deux tiers pour celles nichant dans des trous (Lack, 1966). Le
nid de l’Amarante n’appartient exactement à aucune de ces catégories : il est polymorphe, fermé ou
ouvert ou intermédiaire entre ces deux formes, généralement caché à terre ou à faible hauteur dans
les buissons et les toits en paille. Il apparaît cependant mieux protégé qu’un nid ouvert et sa réussite
à l’envol devrait être meilleure si on s’en réfère à cette classification.
5) Taux de natalité et de productivité
Le taux de natalité (nombre moyen d’œufs pondus par couple au cours d’une saison de repro¬
duction) et le taux de productivité (nombre moyen de jeunes élevés jusqu’à l’envol par couple au cours
d’une saison de reproduction) dépendent à la fois du nombre de couvées assurées par ce couple pendant
une saison de reproduction, du nombre d’œufs pondus et de jeunes à l’envol pour chacune des couvées.
Chez Laeonosticta senegala, ces deux taux théoriques sont aisément calculables à partir des moyennes
obtenues pendant les deux saisons de reproduction 1963/64 et 1964/65. Le tableau 18 indique un taux
moyen de natalité de 12,0 œufs et un taux de productivité de 3,3 jeunes. C’est sans doute là un maximum
car le calcul repose sur l’hypothèse de 5 nidifications par an. Pour quatre nidifications, le taux de natalité
serait de 10,5 œufs et celui de productivité de 3,1 jeunes. Ces résultats sont légèrement plus faibles que
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOST1CTA SENECALA À RICHARD-TOLL
45
TABLEAU
18
SUCCES A L'ENVOL DES PONTES POUR LES SAISONS 1963/64 ET 1964/65 - TAUX DE
NATALITE ET DE PRODUCTIVITE D'UN COUPLE DE LAGONOSTICTA SENEGALA
I - Noabrea totaux de aida, d'oeufs pondus, d'oeufs éclos et de jeunes à
Période de la ponte
Nids
“Oeufs-
Oeufs
Juvéniles
Juillet/Septembre
Obtobre/Novembre
Décembre/Janvier
Février/Mars
Avril/Mai
82
87
91
87
27
300
317
311
302
88
146
146
156
130
27
77
107
89
91
16
Nombres totaux
374
1 318
605
380
11 “ Nombres moyens d'oeufs pondus, d'oeufs éclos et de juvéniles à l'envol
Période de la ponte
Oeufs
Oeufs-
Juvéniles
JuilLet/Septembre
Octobre/Novembre
Décerabre/Janvier
Février/Mars
Avril/Mai
3,60
3,55
3,40
3,47
3,25
1,78
1,67
1,71
1,49
1,00
0,85
1,20
0,90
0,93
0,59
Nombres moyens
3,52
1,64
1,01
III - Taux de natalité et de productivité
Période de la ponte
?> de couple
se repro¬
duisant *
dTàüx — 3e—
natalité
Taux d'
éolo-
-ductivité
Juillet/Septembre
Octobre/Novembre
Décembre/Janvier
Février/Mars
Avril/Mai
1,00
0,81
0,66
0,54
0,44
3,60
2.87
2,24
1.87
1,43
1,78
1,36
1,12
0,73
0,44
0,85
1,09
0,66
0,51
0,26
12,01
5 ,43
3 ,37
+ : Compte tenu de la mortalité sévissant continuellement pendant la saison
de reproduction.
ceux connus chez d’autres petits Passereaux de zone tempérée. A titre d’exemple et d’après Lack (1966),
pour Ficedula hypoleuca, une seule ponte dont le nombre moyen d’œufs varie entre 6,5 et 7,5 selon l’année,
taux de productivité : 4 à 7 jeunes ; pour Turdus merula, 2 à 3 pontes par an avec un nombre moyen
d’œufs par nid compris entre 2,7 et 4,6 ; taux de productivité : 4,1 jeunes.
Une autre valeur intéressante est le pourcentage de jeunes nés dans une année et encore vivants
au début de la nouvelle saison de reproduction. Dans une population animale en équilibre, ceux-ci viennent
remplacer les adultes morts au cours de cette même année : chez Lagonosticta senegala où le taux de
mortalité annuelle des adultes est de 70 %, cet équilibre est réalisé par la mort d’un peu plus de la
moitié des jeunes qui se sont envolés. La descendance d’un couple ayant pondu 12,0 œufs dans une
saison de reproduction tombe à 1,6 au début d’une nouvelle saison de reproduction, soit un succès
de 14 % des œufs pondus. Lack (1966) a établi que ce taux de réussite est compris entre 8 et 18 %
pour différentes espèces d’oiseaux. Nos résultats concordent donc bien avec les siens.
Source : MNHN, Paris
46
MARIE-YVONNE MOREL
Pour cet auteur, toutefois, la mortalité chez les jeunes ayant acquis l’indépendance est pins
élevée que celle des adultes. C’est le contraire qui se produit chez Lagonosticta senegala : la mortalité
des jeunes est estimée à 50 % environ à partir du départ du nid, c’est-à-dire que ce taux de morta¬
lité recouvre deux périodes distinctes pour Lack : élevage des oisillons par les parents après le départ
du nid jusqu’à leur indépendance, puis vie autonome jusqu’à la nouvelle saison de reproduction. En
réalité, les taux de mortalité calculés respectivement par Lack et nous-même s’appliquent à deux
modes de reproduction différents. Lack a seulement étudié les espèces ayant une seule saison de repro¬
duction ou plusieurs, mais à des dates suffisamment rapprochées pour que l’ensemble des jeunes com¬
mencent à se nourrir par eux-mêmes à peu près au même moment. La mortalité s’exerce donc pendant
la même durée sur l’ensemble de la population juvénile. Du fait de la reproduction étagée sur dix mois
du Lagonostica senegala, la mortalité calculée est la moyenne de la somme des taux de mortalité pour
chacune des cohortes. Il est très vraisemblable qu’au 1 er août (date du début d’une nouvelle saison
de reproduction), le pourcentage de morts chez les jeunes nés au mois d’août de l’année précédente
est beaucoup plus élevé que celui des jeunes appartenant aux cohortes qui naissent plus tard. Il faut
donc retenir qu’un même succès des pontes au début d’une nouvelle saison de reproduction est acquis par
Lagonosticta senegala par une voie différente de celle analysée jusqu’à maintenant : mortalité beaucoup
plus élevée pendant l’incubation des œufs et beaucoup plus faible chez les oisillons une fois envolés.
Table de suroie : la connaissance des taux de mortalité aux différentes périodes de la vie de
Lagonosticta senegala nous permet de dresser la table de survie de cette espèce vivant à Richard-Toll
(tabl. 19 et fig. 11).
TABLEAU 19
TABLE DE SURVIE DE LAGONOSTICTA SENEGALA
à RICHARD-TOLL
Nombr
e d'oiseaux
Catégorie d'âge
en vie au début de
mourant pendant la
Encore en vie
la période considé¬
période considérée
à la fin de la
rée
période considérée
Incubation (0-13 jours)
1 000
550
450
Elevage (14-30 jours)
450
170
280
De l'envol au Ier août
2S0
140
140
XàXtl
140
106
034
X + 1 à X + 2
34
.21
13
X+ 2 à X+ 3
13
7
6
X + 3 à X + 4
6
3
3
X + 4 à X + 5
3
-
-
(1) Compte-tenu de l'étalement des naissances et de l'acquisition du plumage adulte
au Ier août, la première classe d'âge est dénommée 0 - X au lieu de 0 - 1 an, comme
on le fait habituellement.
D. — DISCUSSION DE QUELQUES-UNS DES PROBLÈMES POSÉS
1) Relation entre mue et reproduction
A la différence de la plupart des espèces aviennes dont la mue a lieu avant ou après la saison
de reproduction, ces deux états peuvent coïncider dans la vie de l’Amarante, à la fois chez les juvéniles
et les adultes.
Source : MNHN, Paris
POPULATION
LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
47
Nombre d'oiseaux vivants
Source : MNHN, Paris
48
MARIE-YVONNE MOREL
chez les juvéniles
Il est d’abord nécessaire de rappeler les deux points suivants de la biologie de l’Amarante :
— sa reproduction commence à 4 mois en plumage juvénile,
— sa ponte est arrêtée pendant une courte période de l’année (entre la deuxième décade de
mai et la troisième décade de juillet) : cette période sera appelée « période défavorable à la reproduc¬
tion » par opposition à la « période défavorable à la mue » constatée en décembre-janvier.
Ces observations permettent de répartir les cohortes en trois catégories :
— dans la première, on trouve les cohortes premières-nées aptes à se reproduire dans la saison
de reproduction même où elles sont nées : elles nichent en plumage juvénile ;
— dans la seconde, on recense les cohortes suivantes qui auraient l'âge de se reproduire à la
période défavorable à la reproduction : elles continuent de muer si bien que leur mue juvénile est achevée
au moment où la reproduction reprend : elles nichent pour la première fois en plumage adulte ;
— dans la troisième enfin, les dernières cohortes de la saison deviennent sexuellement mûres au
moment où débute une nouvelle saison de reproduction : elles aussi se reproduisent en plumage juvénile.
Or, une relation entre durée de mue et aptitude à se reproduire se dégage immédiatement : cette
durée est minimum pour les Amarantes appartenant à la deuxième catégorie, c’est-à-dire pour ceux
dont la mue alajre se déroule presque entièrement pendant la période défavorable à la reproduction.
L’allongement de la durée de la mue en rapport avec l’aptitude des juvéniles à se reproduire est bien
mise en évidence dans le cas des cohortes dernières-nées : la vitesse de leur mue commencée pendant
la période défavorable à la reproduction est beaucoup plus rapide que pour les autres cohortes ; mais
dès la reprise de la reproduction, elle diminue considérablement. Ce ralentissement ne semble pas devoir
être attribué aux conditions climatiques, car, soumise à ces memes conditions, la cohorte nouvellement
née (celle d’août qui est encore trop jeune pour se reproduire) mue beaucoup plus vite que son aînée.
Les rapports entre mue et reproduction chez les juvéniles laissent néanmoins une question en
suspens, car, les recensements ont montré le faible nombre de juvéniles nichant. Il faudrait donc déduire
que même si les oiseaux d’une cohorte ne parviennent pas à nicher, il existerait chez eux un début
d’activité sexuelle qui serait suffisant pour exercer une action partiellement antagoniste sur la vitesse
de la mue.
chez les adultes
L’arrêt de la reproduction (deux mois environ) pendant un temps inférieur à la durée indivi¬
duelle de la mue (trois mois et demi au moins) en même temps que le fait d’une nidification assurée
continuellement par les mêmes parents conduisent à la conclusion qu’il y a chevauchement des deux
activités ; on en trouve confirmation dans l’examen du plumage des adultes en train de nicher : leur
pourcentage augmente au fur et à mesure de l’avancement de la saison de reproduction et d’une façon
parallèle à celle constatée dans les captures fournies par les filets (tabl. 20).
Le problème posé par l’examen des peaux d’Estrildidés conservées dans les musées trouve donc
ici sa solution. Cet examen avait, en effet, conduit à penser à la simultanéité possible de ces deux
activités mais on s’interrogeait néanmoins sur la signification à donner à l’état des gonades : repro¬
duction effective, développement incomplet ou régression inachevée (Payne, 1969).
Ces observations ne sont pas suffisantes pour connaître l’influence mutuelle de ces activités :
les durées particulièrement longues de la mue constatées chez certains individus pourraient y trouver
une explication et peut-être la mue interfèrcrait-elle de son côté sur la reproduction en étant respon¬
sable de l’échec de certaines couvées en cours.
Les espèces tropicales à longue saison de reproduction se classent en deux catégories distinctes
suivant leur comportement vis-à-vis de la mue : pour les unes, la reproduction est uniquement assurée
par les individus qui ne muent pas, comme cela se produit sur 2 Manakins de l’îlo de la Trinité : Manacus
manacus et Pipra erylhrocephala (Snow et Snow, 1964) ; pour les autres, mue et reproduction sont simul¬
tanées : en Australie, chez Stomiopera unicolor, Meliphaga virescens et Artamus melanops, Ptero-
podocys maxime et Struthidea cinerea (Immelmann, 1963b). Mais là encore, la mue peut s arrêter pen-
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA A RICHARD-TOLL
49
TABLEAU 20
COMPARAISON DE L'AVANCEMENT DE LA MUE CHEZ LES ADULTES DE
LAGONOSTICTA SENEGALA CAPTURES SUR LES NIDS OU DANS LES FILETS
Mois
Pourcentage d'oiseaux
- capturés dans les
filets 10,2
Etat de la mue des
oiseaux nidificateurs :
Mars Avril Mai
45 39 6
4 17 5
8,8 43,2 83,3
27,5 66.6 89.7
1 1 et 2 1,2 et 3
N. B. - En juillet, 3 parents sur 6 finissaient leur mue ; en août,' 1 male d'âge
parfaitement connu (de plus d'un an) était encore en mue.
dant la reproduction chez Pycnonotus xanthopygos (Moreau, 1947), Columba gallina talpacoti (Snow
et Snow, 1964), Amandava amandava (Goodwin, 1960) et Zonotrichia capensis (Miller, 1962), ou se
poursuivre chez Melopsittacus undulatus, Artamus melanops, Taenopygia castanotis et Emblema picla
(Immelmann, 1963). Ce serait donc dans ce dernier groupe qu’il faudrait classer Lagonosticta senegala.
2) Causes de mortalité chez Lagonosticta senegala
Le taux de mortalité si élevé, tant au nid que chez les adultes, demande qu’on en recherche
les causes. Nous étudierons d’abord le rôle joué par certains facteurs généralement invoqués dans
ces conditions (nourriture, prédation, maladies), puis nous examinerons si la principale raison ne tien¬
drait pas au type de reproduction du Lagonosticta senegala.
a) Nourriture. Elle peut jouer par la quantité disponible et sa qualité :
Abondance et disponibilité : la nourriture est uniquement constituée de petites graines, ce qui
met théoriquement cet oiseau en concurrence directe avec les autres oiseaux granivores de la savane.
Dès 1934, Gause écrivait : « As a resuit of compétition two similar species scarcely ever occupy similar
niches, but displace each other in such a manner that each takes possession of certain peculiar kinds
of foods and modes oflife in which it has an advantage over its competitor ». Nous développerons dans
un chapitre ultérieur les raisons qui nous font penser que c’est par son mode de vie que Lagonosticta
senegala échapperait à une trop forte pression des autres oiseaux granivores. Cependant, l’absence de
toute donnée quantitative sur la production des Graminées en savane ne nous permet d’établir aucune corré¬
lation dûment fondée, comme Lack et ses élèves ont tenté de la faire pour différentes espèces en zone tem¬
pérée.
3 564 010 6 4
Source : MNHN, Paris
50
MARIE-YVONNE MOREL
Qualité : chez cette espèce strictement granivore de la naissance à la mort, on peut se demander
comment sont couverts les besoins en protides, surtout au cours de la croissance. On doit évidemment
admettre que les graines de graminées dont elle se nourrit contiennent les protides nécessaires, en
quantité et en qualité. Mais toutes les espèces de graines ont-elles la même valeur nutritive ? Leur
composition change-t-elle avec la maturation et la dessiccation ?... Faute d’analyse biochimiques des
graines et ignorant les besoins alimentaires de Lagonosticta senegala, nous ne pouvons conclure si ce
régime n’est pas, d'une manière ou d’une autre, un facteur limitant.
b) Maladies. Aucune maladie ne semble sévir dans la population de Richard-Toll.
c) Prédation. Même en absence de tout comptage, nous pouvons croire à son importance d’autant
plus qu’elle joue aussi bien de jour et de nuit, à terre que dans les buissons. Les prédateurs sont nom¬
breux ; les Mammifères indigènes de petite taille abondent, protégés de l’homme par leur mœurs noc¬
turnes. Le plus sérieux nous paraît être la Genette, Genetta senegalensis dont l’agilité lui permet de
se glisser aisément dans les buissons où précisément Lagonosticta senegala dort et niche. Des oiseaux,
ceux-là diurnes, leur font la chasse : Centropus senegalensis, Falco chiquera ruficollis et Accipiler badius
sphenurus. Accidentellement, deux Reptiles, Psammophis sp. et Varanus niloticus et un Amphibien,
Rana ligrina les capturent au sol. A tous ces prédateurs sauvages s’ajoutent les Chats harets dont
le pullulement est lié à la présence d’une nombreuse population humaine dans des conditions qui leur
semblent par ailleurs favorables.
Enfin, dans certaines régions du Sénégal, mais non pas à Richard-Toll même, la prédation
humaine intervient également : les oiseleurs capturent Lagonosticta senegala et beaucoup d’autres
Estrildidés à des fins commerciales.
d) La principale cause de mortalité pourrait dépendre du mode même de reproduction du Lagonos¬
ticta senegala. On sait que trois couples sur quatre nichant au début d’une saison de reproduction
sont nés dans la saison précédente et qu’un certain nombre d’oiseaux se reproduisent, âgés seulement
de quelques mois. Cette étude est la première qui soit consacrée à une espèce commençant à nidifier à moins
d’un an. Pour nous, ce serait la précocité de la reproduction qui serait responsable d’une bonne partie
des échecs survenant pendant la nidification (donc de la mort des poussins dans l’œufs ou tout juste nés).
Avancer cette hypothèse nous oblige à prendre position dans la discussion qui oppose actuelle¬
ment deux écoles anglaises : celle de Lack (1954) et celle de Wynne-Edwards (1962). Si on admet à la
suite de ces deux ornithologistes que dans un milieu stable, «me population animale reste en équilibre,
il s’ensuit qu’au début d’une nouvelle saison de reproduction, les couples adultes morts au cours de
la précédente année sont remplaéés par un nombre équivalent de couples qui ne se sont jamais encore
reproduits.
Pour Lack, partisan de la « reproduction maximum », cet équilibre serait obtenu par le jeu
des facteurs liés à la densité et agissant sur la mortalité (density-dependant factors) tels que limitation
de nourriture, maladies, prédation. Pour cet auteur, (1966, p. 174) la forte mortalité du Lagonosticta
senegala serait une conséquence inévitable de sa productivité élevée. Une espèce nicherait pour la
première fois à un âge tel qu’elle puisse élever ses jeunes sans risque excessif pour elle-même. S’il n’en
était pas ainsi, la reproduction serait inefficace (moindre succès de l’élevage des jeunes quand il est
assuré par de je«ines parents) et dangereux (chances de survie de ces jeunes parents diminuées).
Wynne-Edwards, partisan de la « reproduction ajustée », considère que la popidation exercerait
«me sorte de contrôle des naissances tel que celles-ci soient ajustées à la mortalité ; chez «me espèce,
l’âge de la première nidification serait celui qui permettrait le renouvellement de la population sans
créer pour autant d’excédents. Pour étayer son hypothèse, Wynne-Edwards a eu le grand mérite,
selon Lack (1966, p. 308), d’établir une relation entre la longévité d’une espèce, son poids, l’âge de sa
maturité sexuelle et son taux de natalité. Pour les espèces à grande longévité, qui ont généralement
«in poids élevé, il a été démontré que la natalité est généralement faible et le nombre de géniteurs réduit ;
dans ces populations, on trouve toujours une « réserve » d’individus relativement jeunes et théorique¬
ment aptes à se reproduire, mais qui ne le font pas, car occupant une position sociale inférieure, ils en
seraient empêchés par ceux qui leur sont hiérarchiquement supérieurs. Le cas offert par l’Amarante
et jamais encore étudié est exactement à l’opposé : cette espèce à très courte longévité devrait donc avoir
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOST1CTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
51
une très forte mortalité qu elle compenserait par une natalité élevée et la « mobilisation » de tous les individus
disponibles pour une reproduction accélérée.
Nous allons exposer la réalité des risques mentionnés par Lack et la façon dont la population
pourrait intervenir, selon Wynne-Edwards, sur la reproduction des jeunes cohortes :
Bisques d'une reproduction trop précoce : ils ne présentent sans doute pas la gravité à laquelle
Lack songeait mais n’en existent pas moins. S’il est impossible de déterminer exactement l’influence
d’une reproduction précoce sur les chances de survie des parents, il est beaucoup plus facile de parler
de l’inefficacité — relative — de cette reproduction. Au cours de notre étude sur la nidification, nous
avons montré que les pertes les plus importantes se produisaient pendant l'incubation. Or, c’est un
fait connu, rappelé par Lack (1966), que la taille des pontes est plus faible chez les femelles les plus
jeunes. Nous avons par ailleurs constaté que le succès à l’éclosion est nettement plus important pour
les pontes contenant un nombre plus grand d’œufs — que ces pontes soient pures, c’est-à-dire composées
uniquement d’œufs de Lagonosticta senegala ou parasitées. Nous en avons déduit que ce meilleur succès
serait dû à une stimulation du comportement incubateur chez les parents (cf. parasitisme). Nous pen¬
sons donc pouvoir conclure que bon nombre de pontes sont abandonnées en cours d’incubation parce
que leur trop faible taille, conséquence de la précocité des femelles pondeuses, ne fournit pas le
stimulus nécessaire aux parents.
A partir de décembre et de janvier, quelques oiseaux nés au début de cette même saison de
reproduction nichent eux aussi. A l’occasion de nos comptages sur les nids (tabl. 21), nous avons pu
les dénombrer et noter la plus faible taille de leur ponte et leur succès dérisoire à l’envol. L’effort de
reproduction fourni par ces cohortes à cette période de l’année n’apporte pratiquement rien à l’espèce.
Un recensement identique est impossible à faire au début d’une nouvelle saison de reproduction, car,
pour obtenir un nombre suffisant de contrôles sur les nids, il exigerait le marquage d'un grand nombre
d’oiseaux d’âge connu dans les mois qui précèdent la nidification.
Rôle joué par la population sur les éléments les plus jeunes : le rôle joué par la population sur les
éléments les plus jeunes est illustré, nous semble-t-il, par le comportement des cohortes âgées de cinq
à six mois, lesquelles peuvent être déjà sexuellement mûres. Or, les cohortes nées au début de la saison
de reproduction (à partir d’août) atteignent cet âge vers janvier, au moment où la population adulte
est en pleine reproduction : peu d’individus jeunes nichent. Au contraire, les cohortes nées en fin de
saison de reproduction (mars-avril) parviennent à ce même âge au début d’une nouvelle saison de
reproduction : tous les individus entrent en nidification.
Certes, on pourrait penser que cette différence de comportement tient à une raison physiolo¬
gique : concurrence entre mue et reproduction pour les cohortes nées au début de la saison de repro¬
duction. Mais, nous croyons, pour notre part, que la principale raison tient à une différence de plumage
entre les mâles de ces différentes cohortes. En effet, les chohortes qui pourraient être sexuellement mûres
en décembre-janvier portent toujours un plumage juvénile : tous les mâles nicheurs de cotte catégorie
que nous avons capturés ne se distinguent guère des femelles, sinon par la présence de quelques plumes
rouges éparses sur le corps, alors qu’en août (début d’une nouvelle saison de reproduction) tous les
mâles portent le même plumage d’adulte.
Le rôle du plumage de l'adulte ne peut donc plus être celui que lui attribue Morris (1954) lors de
la parade de la plume, puisque des mâles en plumage féminin et dépourvus de tout point blanc sur
les flancs peuvent s’apparier et se reproduire (le stimulus-signal visuel pour la femelle serait à recher¬
cher dans les marques buccales du mâle). Ce plumage rouge d’adulte aurait une valeur sociale confé¬
rant à celui qui en est porteur une position plus élevée dans la hiérarchie. Or, justement Wynne-Edwards
(1962) pense que la moindre fertilité des éléments les plus jeunes tiendrait à leur position sociale inférieure.
En janvier-février, le port d’un plumage juvénile mettrait ces jeunes mâles virtuellement matures dans une
situation encore plus basse. En août, au début d’une nouvelle saison de reproduction, il en est tout
autrement : la concurrence entre mâles de différents âges est beaucoup plus faible, parce que les mâles
âgés de plus d’un an sont devenus minoritaires du fait de la mortalité, et aussi parce que les mâles
les plus jeunes portent le même plumage d’adulte. Quant aux femelles dont les plumages juvénile
et adulte sont presque semblables, celles-ci sont le plus souvent dans l’impossibilité de rencontrer un
partenaire sexuellement mûr car les mâles de leur âge ont moins de chance d’être en état de se repro-
Source : MNHN, Paris
52
MARIE-YVONNE MOREL
TABLEAU 21
SUCCES A L'ENVOL DES PONTES DE LAGONOSTICTA SENEGALA POUR LES COUPLES DONT
UN PARTENAIRE AU .MOINS NICHE PENDANT LA SAISON DE REPRODUCTION OU IL EST NE
lire décade décembre
34me " décembre
24me " janvier
lire " janvier
24me " janvier
Ad. Juv. pondus '
Observations
née le 5. 9. 1964
mime couple
née le 7. 8. 1964
24me " février
3ime " février
lire " mars x
34me " mars
lire " mars ?
1ère " mars
Nombres totaux 6
Nombre moyen par nid
Nombre moyen pour l'ensemble
de la population nicheuse
né le 24.9.1964, conlrôle
le 16.5.1965 achevant la
mue de ses primaires
non capturée
né le 8 P 11. 196
duire et les autres restent fidèles à leur partenaire. C’est donc à l’occasion d’un décès ou d’un divorce
que le mâle en plumage d’adulte prendra parfois une nouvelle partenaire beaucoup plus jeune.
Cette hypothèse expliquerait pourquoi nos recensements aux mois de janvier et février des couples
nicheurs de moins d’un an font apparaître une plus forte proportion de femelles : 13 femelles contre
8 mâles.
La théorie de \V ynrie-Edwards nous aide encore à comprendre les différences de comportement obser¬
vées entre ces cohortes de même âge. Au mois de janvier, au moment où les cohortes-nées au début de la
saison de reproduction pourraient se reproduire, la situation se présente ainsi : la population totale
est proche de son maximum numérique, tandis que la population adulte est approximativement réduite
à la moitié de ce qu’elle était en août ; le nombre de jeunes qu’elle élèvera ne peut donc plus être très
grand, il servira à maintenir la population totale à son niveau. Si les jeunes cohortes se mettaient à
nicher aussi avec succès, leur descendance augmenterait d’autant la population totale au moment
précisément où les ressources alimentaires commencent à diminuer. O 11 risquerait alors la surpopu¬
lation et, par là-même, une mort par famine. Au lieu de cela, ces cohortes, échappant aux risques
d'une reproduction trop précoce, poursuivent un développement normal de jeunes et on peut supposer
qu’elles atteindront le début de la nouvelle saison de reproduction dans de bonnes conditions, ayant
sans doute déjà constitué des couples.
Au mois d’août, quand les cohortes nées à la fin de la saison de reproduction parviennent au
même âge, les conditions sont très différentes : la population totale est à son minimum ; les oiseaux
de plus d’un an ne forment plus que le quart des effectifs. En outre, les ressources alimentaires rede¬
viendront bientôt abondantes. Toutes les conditions semblent réunies pour que la reproduction du
Lagonosticta senegala soit assurée par le plus grand nombre.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
53
3) Déterminisme de la mue et de la reproduction
A Richard-Toll, cette saison de reproduction, longue de dix mois, confère au cycle annuel de
1 Amarante une physionomie particulière. Bien que ce trait soit inconnu chez les espèces de zone tem¬
pérée, il n’est pas rare chez celles de zone tropicale (Miller, 1962 ; Morel et Morel, 1962 ; Snow et Snow,
1963 ; Immelmann, 1963 et 1967 ; Wolf, 1969). Les problèmes relatifs à la mue et la reproduction doivent,
de ce fait, être reconsidérés.
Si, jusqu ici, il est admis que la mue est reléguée, par voie évolutive, à une période défavorable
à la reproduction, cette hypothèse est maintenant controversée pour les zones tropicales. Tandis que
Wolf (1969) pense qu’elle garde toute sa valeur, Miller (1962), Snow et Snow (1964) la rejettent en
attribuant le rôle principal à la mue. Cette dernière serait déclenchée par quelque facteur récurrent
du milieu.
Sans prendre nettement partie dans cette discussion, nous voudrions passer en revue les diffé¬
rents facteurs qui peuvent jouer un rôle dans le déterminisme de la mue et de la reproduction et con¬
naître ainsi ceux qui paraissent prépondérants dans la vie de l’Amarante.
Cycle annuel.
Il importe tout d’abord de définir le cycle annuel de l’Amarante par rapport à celui des autres
espèces de zone tropicale, ayant elles-mêmes une longue saison de reproduction.
En Amérique Centrale, par exemple (Miller, 1962 ; Wolf, 1969), les deux pics de reproduction
notes au coins de l’année correspondent à deux périodes de pontes séparées chacune par une période
d’inactivité sexuelle avec régression des gonades : il existe donc pour ces espèces deux saisons de repro¬
duction dans une seule année.
A Richard-Toll, l’Amarante se comporte différemment ; nous avons montré que ce sont les
mêmes parents qui assurent les quatre ou cinq nidifications annuelles. Il y a donc une seule saison de
reproduction par an.
Facteurs de régulation.
Ils ont diverses origines : l’oiseau lui-même (son cycle interne) et le milieu dans lequel il vit.
Ce dernier peut agir de différentes façons : les facteurs climatiques, botaniques, etc. ayant une action
lointaine ou immédiate sur la reproduction (« Ultimate et proximate factors » de Baker, 1938) ; les
facteurs sociaux, venant des congénères et aidant à la synchronisation des activités des membres d’une
population (Immelmann, 1963 ; Kunkel, 1966) ; enfin, les facteurs concurrentiels, tenant à la présence
de plusieurs espèces dans le même milieu.
Cycle interne.
A Richard-Toll, le cycle interne de l’Amarante paraît jouer un rôle prépondérant.
En effet, malgré les notables changements climatiques et botaniques au cours d’une année et
leurs variations d'une année sur l’autre, la reproduction des individus en plumage adulte a toujours
lieu aux mêmes dates (p. 36). Quant à celle des individus en plumage juvénile, elle dépend essentielle¬
ment de leur âge.
Par ailleurs, l’étude de la mue a bien mis en évidence que les mêmes facteurs climatiques
ne provoquent pas une réponse identique sur l’ensemble de la population : la mue des adultes n’est
pas parfaitement synchrone. Quant aux juvéniles, ils la commencent toujours âgés de six semaines.
Ces conclusions ne manquent pas d’être surprenantes quand on connaît l'alternance marquée
des saisons dans le Sahel. Elles viennent à l'encontre de cette règle généralement admise que le cycle
annuel d un oiseau est d’autant plus tributaire de sa régulation interne que les écarts climatiques sont
plus faibles (Immelmann, 1963).
Source : MNHN, Paris
54
MARIE-YVONNE MOREL
Facteurs externes à action lointaine (« Ultimate Factors » de Baker)
Depuis Baker, ou a l’habitude de classer sous cette rubrique : nourriture, disponibilité des lieux
de nidification et des matériaux de construction. Ces facteurs conditionnent le succès de la reproduc¬
tion et ont été sélectionnés par l’évolution.
Nourriture : c’est le facteur le mieux étudié depuis que Lack (1954) a insisté sur sa nécessité dans
la formation des œufs et / ou le nourrissage des jeunes par les parents. Cette influence, bien prouvée pour
les régions de zone tempérée, devient plus contestable pour certaines espèces des zones tropicales qui
disposent toute l’année d’une nourriture abondante.
C’est le cas de l’Amarante qui profiterait, semble-t-il, toute l’année d’un approvisionnement
en graines satisfaisant.
Cette hypothèse mérite toutefois d’être discutée. Ward (1965) objecterait qu’au début de la
saison humide, les pluies provoquent la levée des graines, entraînant leur disparition complète du sol.
Sans vouloir nier le bien fondé de cette remarque, nous pensons qu’elle n’est pas aussi absolue que le
voudrait son auteur et ceci pour plusieurs raisons :
1° tout d’abord, le calendrier de germination des espèces botaniques s’étend sur plusieurs semaines,
2° le cycle de certaines plantes dans ces régions subdésertiques est si court qu’elles arrivent
à fructification au moment où d’autres commencent à germer,
3° il est enfin probable qu’il reste dans le sol des graines qui ont perdu tout pouvoir germi¬
natif mais qui sont toujours bonnes à la consommation. Nous-mème avons constaté qu’à la fin juillet,
Passer luleus et Amadina fasciala se nourrissent encore de graines dans une savane pourtant verdoyante
grâce à la poussée des premières Graminées.
La quantité de graines disponibles varie donc au cours de l’année : minimum au début de la
saison humide, elle atteint rapidement son maximum à la fin de cette même saison, c’est-à-dire deux
à trois mois après. C’est à ce moment que les graines tombent à terre, constituant une réserve qui ne
sera plus renouvelée que l’année suivante. Ces fluctuations quantitatives ne sont pas sans intervenir
sur les modalités de la reproduction de l’Amarante : une production plus importante de jeunes coïncide
avec les mois de nourriture pléthorique (octobre-novembre). Le succès des premières pontes (juillet-
août) dépend de la précocité des pluies qui permettent la reconstitution du stock graminéen.
L’Amarante, toutefois, s’oppose aux espèces dont la saison de reproduction est exactement
adaptée aux conditions extérieures, tel le Mange-mil, Quelea quelea. Le début de sa reproduction a
toujours lieu dans la dernière décade de juillet, au moment précisément où les conditions alimentaires
sont les plus mauvaises. Quant à la mue, celle-ci paraît dépendre d’autres conditions que la nourriture.
Disponibilité des lieux de nidification et des matériaux de construction. On ne peut attribuer aucun
rôle essentiel à ces deux facteurs car l’Amarante établit son nid dans des endroits variés et les maté¬
riaux qu'il utilise pour sa construction n’offrent aucune spécificité. L’herbe sèche, les feuilles mortes
et les plumes dont il se sert se trouvent aisément à n’importe quel moment de l’année (tabl. 42).
Dans le cas de l'Amarante vivant à Richard-Toll, il n’est donc pas possible de mettre en évidence
un facteur à action lointaine qui réglerait son cycle annuel. En Australie, au contraire, l’abondance
de la nourriture pour la plupart des Estrildidés et la disponibilité des matériaux de construction pour
quelques autres jouent ce rôle (Immelmann, 1963).
Facteurs à action immédiate (« Proximate Factors »)
Agissant comme déclencheurs de la reproduction, ils regroupent : durée de l’éclairement jour¬
nalier, pluies, changements de température.
Durée de l’éclairement journalier. L’influence de l’allongement de la durée d éclairement, prouvée
pour les espèces de zone tempérée, est beaucoup plus discutée pour les espèces tropicales.
11 semble bien qu’en Amérique Centrale (10°N) elles ne sont pas directement responsables des
pics de reproduction notés au printemps. De toute façon, certaines espèces y sont insensibles. Zonotri-
chia coslariciencis, par exemple, niche au Costa Rica toute l’année, même pendant les jours les plus
courts (moins de douze heures d’éclairement) (Wolf, 1969). Nous retrouverons un fait semblable à
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
55
Richard- loll avec 1 Amarante : sa nidification cesse quand les jours sont les plus longs pour reprendre
après ; quant aux juvéniles, ils se mettent à nicher au solstice d’hiver.
Au laboratoire, le cycle annuel d’un autre Estrildidé, Estrilda amandava, n’est pas perturbé
par les variations de durée d’éclairement journalier (Thapliyal et Tewary, 1964). Tout au plus, une
diminution trop importante de cette dernière intervient sur le processus de la mue en l’arrêtant. On
pourrait, sans doute, rapprocher ce fait de celui observé chez l’Amarante de Richard-ToU : les mois
où la mue cesse presque complètement (décembre-janvier) sont ceux où les jours sont les plus courts.
La durée de l’éclairement journalier serait alors tombée en-dessous du seuil nécessaire à l’excitation
de I hypothalamus sous la dépendance duquel se trouve la mue (Thapliyal et Saxena, 1964).
En Australie, les Estrildidés ont un comportement semblable pour la mue et différent pour la
reproduction, puisque, pendant les jours courts et frais de l’hiver austral, ils ne muent ni ne se repro¬
duisent (Immelmann, 1963).
Pluies. C est encore un facteur climatique dont l’action est très discutée pour les oiseaux tro¬
picaux. Pour certains auteurs (Serventy et Marshall, 1957), elle déclenche la reproduction. Pour d'autres,
comme Miller (1963), qui pensent que l’agent régulateur du cycle annuel d’un oiseau est la mue, celle-ci
serait provoquée par quelque facteur récurrent associé à l’assèchement des mares et à l’augmentation
de la duree de 1 ensoleillement. On peut se demander si ces mêmes facteurs n’interviennent pas dans
le cas de l’Amarante car si celui-ci peut muer toute l’année (sauf en décembre et janvier) c’est pendant
la deuxième partie de la saison sèche (où de telles conditions sont réalisées) que la population en plu¬
mage adulte mue en totalité et qu’on assiste à une accélération de la mue pour la population en plu¬
mage juvénile.
Changements de température. En Colombie (Miller, 1963) et au Costa Rica (Wolf, 1969) on ne
note aucune influence des changements de température sur la reproduction. Il est vrai que dans ces
régions tropicales humides, les moyennes des températures mensuelles sont relativement faibles et
subissent peu de variations au cours de l’année (min. 13°C et max. 17°4 C). A Richard-Toll, au contraire,
situé à une latitude voisine, les moyennes mensuelles sont beaucoup plus élevées (min. 23,2 et max.
30,7°) et les températures diurnes atteignent parfois des maximums proches de la température interne
de l’oiseau (moyenne pour mai : 39,1°).
Autre facteurs.
Depuis une décennie environ, l'attention s’est portée sur l’importance des facteurs éthologiques
dans le déterminisme do la reproduction des oiseaux tropicaux (Immelmann, 1963; Kunkel, 1966).
Certains facteurs auraient pour but d’assurer une réponse rapide et synchronisée de la part des couples
et des troupes d’oiseaux face à une situation précise.
La longue saison de reproduction de l’Amarante pourrait être le résultat de la compétition entre
espèces granivores de la savane qui s’exerce depuis des milliers d’années.
Wynne-Edwards attribue, de son côté, une place importante à la pression sociale exercée par
les individus plus âgés sur les plus jeunes. Nous verrons comment pourrait jouer cette pression dans
le cas de l’Amarante.
Conclusions : bilan énergétique.
Dans la vie d’un oiseau, deux activités exigent de lui un supplément d'énergie : la mue et la
reproduction. Leurs caractéristiques sont toutefois diamétralement opposées. Lors de la reproduction,
une grande partie de l'énergie dépensée par les parents sert à nourrir les jeunes. Au contraire, la mue
tire les calories nécessaires à son déroulement du métabolisme de l’oiseau qui la subit.
Reproduction.
L analyse des facteurs expliquant le succès de la reproduction de l’Amarante à Richard-Toll
est rendue complexe par la longueur même de cette saison de reproduction et par les variations impor¬
tantes du milieu extérieur entre son début et sa fin (tabl. 22). Ce succès dépend du rapport entre les
Source : MNHN, Paris
56
MARIE-YVONNE MOREL
besoins en nourriture des jeunes pour leur croissance et la façon dont les parents parviennent à satis¬
faire cette demande.
— les besoins en calories des jeunes sont largement tributaires de la température extérieure.
C’est évidemment pendant les mois les plus frais (décembre, janvier et février) qu’ils sont les plus
élevés,
— la quantité de nourriture donnée par les parents tient aux facilités de sa collecte sur le sol
et au nombre d’allées-et-venues entre le lieu de gagnage et le nid.
La collecte des graines, d’autant plus aisée et rapide que les graines sont plus nombreuses sur
le sol, se fait dans les meilleures conditions pour l’Amarante au moment de leur pléthore, c’est-à-dire
entre octobre et décembre.
La recherche des graines par les parents et leurs allées-et-venues entre le lieu de gagnage et le nid
les contraignent à de nombreux déplacements sur le sol et à des vols fréquents vers le nid. L’Amarante
ne peut exercer ces activités aux heures de la journée à fort ensoleillement et à température élevée
car il souffre de ces conditions climatiques excessives. Or, c’est ce qui a lieu entre avril et juin. La
température monte très rapidement tôt le matin pour ne tomber que tard en fin d’après-midi. Il en
est de même pour l’ensoleillement. L’Amarante ne peut donc mettre à profit l’allongement du jour
qui se produit à cette époque de l'année comme le font les oiseaux de zone tempérée.
Pendant les mois de novembre, décembre et janvier, au contraire, les températures sont devenues
plus fraîches et l’ensoleillement a baissé si bien que l’Amarante n’est plus gêné pour se mouvoir. C'est
paradoxalement pendant les mois à faible durée d’éclairement que cet oiseau dispose du maximum de temps
pour nourrir ces jeunes. Toutefois, à cause de l’allongement des nuits, la becquée du soir doit être copieuse
puisque l’oiseau peut rester jusqu’à 13 heures sans prendre de nourriture pour lui-même ou sans en
donner à sa progéniture.
Connaissant ces différents facteurs, il nous est maintenant facile de comprendre les succès divers
des pontes de l’Amarante au long de sa saison do reproduction.
Le succès des pontes d'octobre et de novembre tient à la fois de l’abondance des graines dans le
sol et de leur exploitation rendue facile aux parents grâce aux conditions climatiques : températures
relativement fraîches et faible ensoleillement. Ces avantages compensent largement les désavantages
qui proviennent de l’abaissement de la température et de la longueur des nuits (se traduisant par une
consommation accrue, à la fois, des parents et de leurs jeunes). Ce sont des mois privilégiés pour la
reproduction.
Pour les pontes du début de la saison de reproduction (de juillet à septembre), il semble bien que
le facteur critique soit la nourriture : nous avons déjà dit que le renouvellement du stock graminéen
dépend de la date des pluies.
Pour les pontes de la fin de la saison de reproduction, bien que les besoins en calories des jeunes
diminuent avec l’augmentation de la température, leur élevage devient de plus en plus difficile. Car
la quantité des graines s’amoindrit chaque jour en même temps que l’activité de l’oiseau décroît conti¬
nuellement du fait de l’élévation de la température et de l’ensoleillement.
Mue.
C’est la deuxième activité qui exige de l’oiseau un supplément énergétique. C’est pourquoi
Lack (1954) pense qu’une nourriture abondante est nécessaire à ce moment-là et que la mue a lieu
quand cette condition est réalisée. Cette hypothèse ne se vérifie pas complètement dans le cas de l’Ama¬
rante dont le schéma de mue est très complexe (fig. 8 et 9), comme on le sait. Nous avons déjà distingué
deux périodes : l’une (entre février et juillet) « favorable », où la totalité de la population, aussi bien
adidte que jeune, est en mue et l’autre (entre août et novembre) où seuls quelques juvéniles sont en
mue. Or, il apparaît que les conditions climatologiques à Richard-Toll à la période favorable à la mue
pourraient contre balancer les effets nocifs d’une nourriture défectueuse (tabl. 22).
L’examen des températures à Richard-Toll pendant les mois d’avril, mai et juin montre que
la moyenne des températures diurnes est très proche de la température interne de l’oiseau. Celui-ci
a donc besoin d’un nombre très faible de calories pour maintenir son isothermie. Nous souhaiterions
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOST1CTA SENE GALA À RJCHARD-TOLL
57
TABLEAU 22
Comparaii
son des
conditions du milieu extérieur a
vec les périodes de mut
et de reproduction
Mois J
F
M
A
M J
J
A
S O
N
D
Durée d'éclairement
(au 15 du mois) 1U!
! 11,36
12,00
12, 28
12, 52 13, 06
13, 00
12, 38
12,12 11.46
11,20
11, 06
Températures moyennes
mensuelles
- minimales 14. 7
15,9
17,4
17,5
20,7 22,7
23, 8
24, 1
24,1 23,7
20, 1
15, 5
-maximales 31,0
34,7
37, 1
38,2
39, 1 38,7
35,2
34,4
34,8 36,0
34,4
30,4
- moyennes 23. 4
24, 8
27,0
28, 1
29,7 30,7
29.4
29. 0
29, 5 28, 7
27,4
23,7
Nourriture abondante X
Période favorable à la :
X
X X
X
X
X
- reproduction
X
X
X
Période défavorable à la:
- mue X
X
- reproduction (arrêt)
X X
X
Saison des pluies
X
X
X
que des études en laboratoire permettent de mieux préciser ce point. La nuit, les températures, quoique
plus basses, sont encore comprises entre 17,5 °et 22,7° C.
Les fortes températures de ces journées, comme nous l’avons expliqué, limitent considérable¬
ment l’activité de l’oiseau (et par contre-coup son métabolisme). L’Amarante passe le reste du temps,
immobile, caché sous le couvert des buissons, ce qui le protège en même temps des rayons ardents du
soleil, alors à son zénith. Ses besoins en calories pour se maintenir en vie sont donc à cette période de
l’année minimums. Il lui est donc relativement facile de trouver les calories nécessaires au déroulement
de sa mue, d’autant plus que celle-ci s’étend sur un laps de temps beaucoup plus long que celui connu
pour d’autres petits Passereaux (tabl. 9).
En automne, la mue de l’Amarante se déroule dans les conditions définies par Lack, c’est-à-dire
au moment du maximum de nourriture disponible. Il est à remarquer que, par suite de l’abaissement
de la température, une partie des calories ingérées est nécessairement utilisée par l’oiseau au maintien
de sa température.
En conclusion, à Richard-Toll, il semble bien que ce soit l'ensemble des facteurs : nourriture,
durée et intensité de l’ensoleillement, durée de la longueur du jour, qui ont déterminé les périodes pri¬
vilégiées de la mue et de la reproduction de l’Amarante.
Immelmann (1963) et Wolf (1969) avaient également conclu de leurs études menées par l'un
en Australie et par l’autre en Amérique que la régulation des saisons de reproduction ne tient pas à
un facteur unique, mais à l’action conjuguée de plusieurs.
4) Concurrence avec les autres oiseaux granivores de la Savane
De la naissance à la mort, Lagonosticta senegala est un oiseau granivore et, plus précisément,
graminivore : sa principale source de nourriture est constituée par les graines de Graminées sauvages.
Source : MNHN, Paris
58
IARIE-YVONNE MOREL
Celles-ci lui sont tellement indispensables qu'il lui est actuellement impossible de vivre dans les centres
des grandes villes, telles que Dakar.
Sous les conditions climatiques de Richard-Toll, les Graminées sauvages viennent à épiaison
une seule fois dans l’année (de septembre à novembre) à la fin de la saison des pluies. On admet géné¬
ralement que les oiseaux se reproduisent au moment du maximum de nourriture disponible ; ainsi,
sous les Tropiques, les oiseaux granivores se reproduiraient après la fin de la saison des pluies. Dans
les savanes du Nord du Sénégal, il ne semble pas que cette loi s’applique exactement. Les familles
granivores savanicoles sont représentées principalement par les Plocéidés, les Colombidés, les Ptéro-
clididés, les Estrildidés (auxquels il faudrait adjoindre les Viduinés qui leur sont d’ailleurs inféodés).
L’examen de leurs dates de reproduction (Morel et Morel, 1962) laisse alors apparaître deux types
distincts : le premier se caractérise par une saison do reproduction limitée à la saison des pluies : ce
sont les Plocéidés sensu stricto. Le deuxième type est, au contraire, défini par une saison de reproduction
toujours longue, mais de durée toutefois variable : les Colombidés nichent toute l’année, les Estrildidés
évitent les deux mois qui précèdent la saison des pluies ; les Ptéroclididés nidifient dans la deuxième
partie de la saison sèche par conséquent après la période privilégiée du maximum de nourriture dispo¬
nible.
L’examen de ccs données nous conduit à la conclusion qu'il n'existerait aucune saison préféren¬
tielle pour la reproduction des granivores : celle-ci est possible toute l’année ! Il ne semble donc pas que
la pénurie alimentaire qui doit se produire en fin de saison sèche par raréfaction des graines et au début
de la saison des pluies de leur germination soit aussi dramatique pour les oiseaux que Ward (1965)
l’ait écrit. Lagonoslica senegala commence précisément à nicher au moment où le déficit en graines
devient important : fin juillet.
Néanmoins, cette période critique existe : la réserve de graines diminue constamment. C’est
pourtant l’époque de la reproduction des Plocéidés. La masse des consommateurs augmente alors
d’une façon considérable, par millions d'individus. La subsistance des parents et l'élevage des jeunes
au nid sont rendus possible par un changement de régime alimentaire qui devient mixte (Quelea) ou même
totalement insectivore (jeunes de Passer luleus). Au moment de l’indépendance de ces jeunes, la popu¬
lation a atteint son maximum d’effectifs. Les énormes besoins alimentaires, qui ont été satisfaits au
nid grâce à l’irruption massive mais temporaire des insectes, peuvent être de nouveau couverts par les
seules graines, car celles-ci sont redevenues abondantes ; elles ont mûri pendant la période de nidifi¬
cation. L'adaptation du régime alimentaire des Plocéidés aux ressources du moment leur permet donc de
profiter des deux maximums trophiques de l'année : les insectes d'abord, puis les graines. C’est sans doute
une raison supplémentaire à celles déjà invoquées par G. Morel (1968) pour expliquer le « succès » de
Quelea.
La période de l'année où il y a pléthore de graines (« automne », octobre-novembre,) correspond
aussi à une population maximum d'oiseaux granivores : des espèces indigènes sc sont reproduites les
Plocéidés en savane, la plupart des Anatidés en milieu aquatique ; en outre, les espèces migratrices
palêarctiques sont arrivées du nord et, sans toujours occuper exactement les mêmes milieux, n’en créent
pas moins, par le jeu même de leur présence, une pression importante. Cette multitude crée un gêne
entre les individus pour l’exploitation des ressources naturelles.
Dans cette compétition, les Granivores sédentaires du deuxième type — Estrildidés, Ptérocli¬
didés, Colombidés — paraissent moins bien armés. Pour ce qui est des Estrildidés, une taille moindre
une moins bonne capacité voilière, un régime strictement granivore constituent de sérieux handicaps.
Dans cette famille, les espèces sont nombreuses : chacune d’elles paraît exactement adaptée à des
conditions écologiques très nettement définies, bien que souvent l’habitat de plusieurs espèces che¬
vauche partiellement. Lagonosticta habite, par exemple, des régions plus proches des points d’eau
qu’ Uraeginthus bengalus. Dans cette savane immense, Lagonosticta n’occupe qu’une faible surface
où, de plus, il demeure toute sa vie, étant parfaitement sédentaire. La quantité de nourriture dont
il disposera pour se nourrir, lui et ses descendants, toute une année, est déjà définie, limitée. Une saison
de reproduction étagée sur dix mois (entre le mois de juillet d’une année et le mois de mai de l’année
suivante) paraît répondre à une exploitation rationnelle de ses ressources et éviter une compétition
trop sévère avec les autres oiseaux granivores.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGOSOST1CTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
59
Chaque mois, donc, pendant la durée de la saison de reproduction, des jeunes Lagonosticta
prennent leur envol. Nous savons que, quelle que soit leur date de naissance, tous ces oisillons atteignent
la maturité sexuelle au I er août suivant. (Nous faisons exception de ceux qui se reproduisent au cours
de la saison de reproduction pendant laquelle ils sont nés). Il en résulte que l’âge moyen des adultes
de première année est très inférieur à celui d’espèces à courte saison de reproduction, puisque certains
Lagonoslicta nés en mars-avril ou mai sont seulement âgés de 5, 4 ou 3 mois au moment où ils vont
nidifier pour la première fois; il en résulte que la quantité moyenne de nourriture consommée par
un oisillon pour devenir adulte est très inférieure à celle dont il aurait eu besoin si tous les oisillons
étaient de meme âge. Toutefois, nous nous sommes déjà demandée si cette grande précocité n’expli¬
querait pas un certain nombre d’échecs au cours de la nidification. Cette succession de cohortes dans
le temps évite une « surpopulation » périodique qui, dans les conditions où vit Lagonoslicta, condui¬
rait fatalement à la mort de nombreux individus. Chaque mois, en effet, une partie des jeunes vient
prendre la place de ceux de la (ou des) cohorte née précédemment qui sont morts au cours de ce mois.
La population augmente donc, mais lentement, puisque son maximum numérique n'est atteint qu’en
février, alors que la saison de reproduction a commencé en juillet de l’année précédente, c’est-à-dire
six mois avant. Pour Quelea, par exemple, ce maximum se place dès la sortie du nid, c’est-à-dire un
mois environ après le début de la nidification. En outre, ce maxiumm correspond à un nombre d’indi¬
vidus beaucoup plus élevé, puisque la mortalité n’a pas encore sévi dans les rangs de ces jeunes.
Si maintenant, nous considérons de nouveau l'ensemble des granivores de la savane, nous cons¬
tatons que le maximum de population a lieu pour les Plocéidés à la fin de la saison des pluies (octobre) ;
pour les Estrildidés, en février et pour les Ptéroclididés en mai, tandis que les effectifs restent vraisem¬
blablement constants toute l’année pour les Colombidés. De cette façon, une concurrence alimentaire
trop vive entre espèces de même régime est évitée. En effet, en octobre, moment d’une grande abondance
de graines, les Plocéidés (par millions d’individus) sont en concurrence avec les migrateurs, tandis que
les Estrildidés n’ont pas encore eu le temps d’augmenter beaucoup leur population et que celle des
Ptéroclididés continue de diminuer. En février, les effectifs des populations de migrateurs, de Plocéidés
et de Ptéroclididés ont beaucoup baissé sous l’effet de la mortalité. Les Estrildidés sont alors au maxi¬
mum de leur population. Enfin, en juin-juillet, époque où les graines commencent à devenir rares,
où les migrateurs sont partis et où les populations d’Estrildidés et de Plocéidés ne sont pas loin de
leur minimum, les Ptéroclididés sont alors les plus nombreux. Ce schéma ne tient pas encore compte
des différences existant dans les tailles des populations de ces différentes familles.
Il faut aussi remarquer que Y équilibre entre ces espèces n'a pas été obtenu par l'établissement de
territoires alimentaire . Pour tous ces granivores, le territoire est en effet limité au nid et à ses abords,
au moment de la reproduction. Comme Crook (1965) l’a fait observer, les espèces granivores des savanes
recherchent toujours leur nourriture en groupe dont l’importance varie avec chaque espèce.
Enfin, pour les tenants de l’hypothèse de Wy nne-Edwards , le mode de reproduction de l'Ama¬
rante permettrait un ajustement continuel des effectifs de sa population aux conditions changeantes
du milieu et lui donnerait un excellent atout dans la compétition pour la vie : il faut, en effet, remarquer
qu’à cause de sa sédentarité, cette population ne peut pas se régulariser, ni par appel d’éléments exté¬
rieurs (immigration) en cas de pléthore de nourriture, ni par refoulement de ceux-ci (émigration) en
cas de disette. Dans de telles conditions, la natalité devient un facteur prépondérant de cet équilibre
d’autant mieux réalisé si le taux de cette natalité peut épouser les variations du milieu ambiant.
Source : MNHN, Paris
60
MARIE-YVONNE MOREL
CHAPITRE III
PARASITISME DE LAGONOSTICTA SENEGALA
PAR HYPOCHERA CHALYBEATA
Bien que soupçonné depuis longtemps (Friedmann, 1950 ; Chapin, 1954), le parasitisme du
Lagonosticta senegala par Hypochera chalybeala fut définitivement prouvé à Richard-Toll, en 1955,
par G. Morel et M. Y. Morel.
La caractéristique de ce parasitisme est l’absence de destruction des œufs ou des poussins de
l’hôte : ceux du parasite viennent en surnombre. Dans ces conditions, il est intéressant de connaître
comment le parasite est supporté par son hôte. Cela supposait pendant plusieurs saisons de reproduc¬
tion le recensement de nids de l’hôte, le comptage des œufs, des poussins à l’éclosion et des jeunes à
l’envol et l’observation du comportement des parents et des jeunes. L’analyse des résultats apporte
une solution à quelques-uns des problèmes soulevés par Friedmann au sujet du parasitisme des Cou¬
cous (1963) : intensité du parasitisme pour une population donnée ; modifications survenant par suite
de la présence d’œufs surnuméraires dans la couvaison et le comportement incubateur des parents ;
actions réciproques des jeunes de l’hôte et du parasite et relations entre les parents nourriciers et les
jeunes du parasite ; réactions mutuelles des parents de l’hôte avec la femelle du parasite.
Pour ce travail, Richard-Toll présente plusieurs avantages :
1° existence d’une seule race de Veuve, Hypochera c. chalybeala dont la principale espèce-hôte,
sinon l’unique, est commune : Lagonosticta senegala.
2° facilité de trouver les nids de l’hôte : pendant les deux saisons 1963/64 et 1964/65, 374 couvées
ont été trouvées et pour la période comprise entre 1959 et 1965, 316 nichées prêtes à l’envol.
3° importance numérique de ces deux populations aviennes : eu huit ans, 7 759 Lagonosticta
senegala et 821 Hypochera chalybeala ont été bagués. Ces chiffres ne permettent pas d’établir un rapport
numérique exact entre les deux espèces, car les difficultés de capture sont plus grandes pour l’espèce
parasite : elle vole à une plus grande hauteur et se prend donc moins aisément dans les filets ; elle occupe
aussi un plus large biotope, ce qui diminue ses chances de capture *.
A _ IMPORTANCE DU PARASITISME DANS LA POPULATION DE
LAGONOSTICTA SENEGALA A RICIIARD-TOLL
L’abondance de ces deux populations aviennes laisse penser qu'une fraction non négligeable
de couvées doit être parasitée. L’estimation de celle-ci peut être faite avec l'indice de pression du para¬
sitisme des McGeens (1960).
* Pour une meilleure compréhension du texte et afin d’alléger sa rédaction, nous utiliserons les mots ponte, convie
et nichée dans les sens suivants : ponte : quantité d’œufs pondus ; couvée : ensemble des œufs qu un oiseau couve en même
temps et nichée : tous les oiseaux d’une même couvée encore au nid. De même, poussin : jeune oiseau venant d’éclore.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL 61
1) A la ponte
Cet indice comporte :
1“ pourcentage de couvées parasitées pour l'ensemble des couvées recensées.
1 pourcentage de couvées parasitées contenant plus d’un œuf du parasite pour l’ensemble
des couvees parasitées.
Pour les McGeens, la pression exercée par le parasite sur son hôte est d’autant plus importante
que le pourcentage de couvees à pontes multiples du parasite est plus élevé. La valeur biologique à
ultériem-ement ^ 038 dU P arasitisme de l’Amarante par la Veuve Combassou sera discutée
Pourcentage de couvées parasitées dans les couvées recensées
iar/ J‘ ourcentfl8e annuel : les comptages effectués pendant les saisons de reproduction 1963/64 et
. 64/65 des couvees montrent que 133 d’entre elles sont parasitées sur un total de 374, soit un pour¬
centage annuel de 35 %.
Pourcentage mensuel : au cours de l’année, le pourcentage de couvées parasitées n’est pas
constant. Leurs variations sont consignées dans le tableau 23. L’activité reproductrice d'Hypochera
chalybeata ^commence à se manifester en août, atteint son maximum en novembre, époque à laquelle
la moitié des couvees est parasitée, puis diminue régulièrement pour devenir nulle en mai. La période
de reproduction du parasite est donc légèrement plus courte que celle de son hôte.
Pourcentage de couvées parasitées contenant plus d'un œuf du parasite dans l'ensemble des couvées parasitées
Pourcentage annuel : les couvées parasitées comptant un œuf du parasite constituent un peu
plus de la moitié de l’ensemble des couvées parasitées (54 %). Un quart d’entre elles (27 %) contient
deux œufs du parasite.
TABLEAU 23
DISTRIBUTION DES OEUFS D'HYPOCHERA CHALYBEATA DANS LES COUVEES DE LAGONOSTICTA
a ) D istribution annuelle des oeufs du parasite dans les couvées de son hôte
Nombre d'oeufs H. c. par ponte de L. s. 1 ? -, . N .
- Nombre de couvées
- Distribution des couvées
54. 9 27.1
sitées pour les sa
Mois de la ponte
a) Résultats bruts
. - Nombre de couvées -recensées
-parasitées
-parasitées conten:
plus d'un oeuf du parasite
- Nombre d'oeufs du parasite
b) Pourcentages
- Couvées parasitées/couvées recensées
- Couvées parasitées contenant plus d'un
oeuf du parasite/couvées parasitées
- Nombre moyen d'oeufs du parasite par
couvée parasitée
s de repro duction 1963/64 et 1Q64/6S
Juil. Août Sept.
Octob. Décem.
Novem. Janv.
Source : MNHN, Paris
62
MARIE-YVONNE MOREL
Pourcentage mensuel. Là encore, des variations mensuelles sont mises en évidence. L’examen
du tableau 23 montre que la pression exercée par le parasite est maximum en octobre et en novembre.
Pour cette période de l’année, en effet, les pourcentages calculés font apparaître un maximum à la
fois pour la quantité de couvées parasitées et le nombre de couvées parasitées contenant plus d’un
œuf du parasite. La moyenne d’œufs du parasite par couvée parasitée y est, de ce fait, la plus élevée.
La pointe de la reproduction d’Hypochera se place donc au moment de la pléthore de nourriture (graines)
qui se produit, on s’en souvient, peu apres la fin de la saison des pluies.
2) A l'éclosion et à l'envol
Le tableau 24 donne les principaux résultats : il y apparaît que le nombre de couvées qui par¬
viennent à l'éclosion ainsi que le nombre de poussins sont plus élevés quand les couvées sont parasitées.
Il en résulte une plus grande production d’oiseaux. Cet excédent ainsi obtenu compense exactement
les pertes subies pendant l’élevage du fait du parasitisme : un même nombre moyen d'oisillons s'envole
des couvées pures et des couvées parasitées : un jeune Amarante dans les deux cas. Le parasite ne cause
donc pas de préjudice a son hôte. Ce résultat est extrêmement important car c’est la première
fois qu’est chiffrée l’action d’un oiseau parasite sur sa population hôte considérée dans son ensemble.
Il vient à l’encontre de l’opinion généralement admise que les poussins du parasite sont élevés au détri¬
ment des poussins de l’espèce-hôte (Hamilton et Orians, 1965), bien qu’elle commence à être discutée.
Neal Griffith-Smith (1968) présente le résultat de ses observations sur le parasite Scaphidura oryzivora
(Ictéridé) dans un article au titre suggestif « l’avantage d’être parasité ». Pour l’Amarante, il n’y a
ni avantage, ni désavantage à être parasité, car comme le pense Wyune-Edwards (1962, p. 389), dans
le cas très spécial de l’association hôte-parasite, il s’est produit à travers le temps des adaptations de
la part de l’hôte et du parasite telles qu’un équilibre satisfaisant s’établisse entre les deux parties,
faute de quoi, cela est bien évident, cette association serait tôt ou tard réduite à néant.
TABLEAU 24
SUCCES COMPARE DES COUVEES PURES ET DES COUVEES
PARASITEES A L'ECLOSION ET A L'ENVOL PENDANT LES
SAISONS DE REPRODUCTION 1963/64 et 1964/65
a) NOMBRES BRUTS
- de couvée (stade oeufs)
- de couvées écloses
- de nichées à l'envol
- d'oeufs pondus par L. s.
- d'oeufs de L. s . éclos
- de jeunes L^. à l'envol
COUVEES COUVEES
PURES PARASITEES
241 133
no 75
85 57
854 464
363 242
243 137
b) POURCENTAGE
- couvées écloses/couvées stade oeufs
- nichées à l'envol/couvées écloses
-œufs éclos/oeufs pondus de L. s .
- jeunes à l'envol/oeufs pondus de L^s.
- nombre moyen de jeunes L. s . par couvée
(stade oeufs)
45,7
77.2
42. 5
28. 4
76. oM
52, 1
29.7
1 L 0
1 L 0
ix) ce succès à l'envol englobe toutes les nichées issues de couvées parasitées
(c'est à dire qu'elles soient ou non parasitée à l'éclosion et à l'envol).
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGOXOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
63
Le sort des couvées parasitées est mis en évidence dans le diagramme annexe (tabl. 25).
A l éclosion, les couvées parasitées donnent trois combinaisons possibles : des nichées constituées
uniquement de poussins d’Amarante et des nichées comptant des poussins des deux espèces (nichées
mixtes). Une troisième combinaison qui no fut observée qu’une seule fois au cours de nos recensements,
est la naissance de poussins de Combassou exclusivement. L’élevage fut normalement assuré par les
parents-hôtes. 1
Les nichées pures (constituées uniquement de poussins d’Amarante) représentent environ le
quart des couvees parasitées et un peu moins de la moitié des nichées à l’éclosion (33 nichées sur 75).
Ulles furent parasitées pendant l’incubation, mais ne le sont pas à l’éclosion. Pour elles, tout se passe
exactement comme si elles n avaient jamais été parasitées : même nombre moyen de naissance et d'envol
par nid ; meme pourcentage d'abandon de nids pendant l'élevage.
Les nichées mixtes représentent un peu moins du tiers des couvées parasitées et un peu plus
de la moitié des nichées à l’éclosion. La nichée totale moyenne compte, outre toujours le même nombre
moyen de poussins d’Amarante, 1,7 poussin du parasite.
A l’envol, ces nichées donnent les combinaisons suivantes :
— la plus fréquente (59,5 %) est la nichée mixte où les deux espèces vivent ensemble : le nombre
moyen de jeunes Amarantes (2,7) n'est pas modifié par la présence du parasite,
— dans les deux autres cas (21,4 %), la nichée est pure, comptant une SEULE espèce, soit l’espèce
parasite, soit 1 espèce hôte, par mort pendant l’élevage des poussins de l’autre espèce.
— il y a enfin 19,1 % de nichées abandonnées pendant l’élevage : c’est le même taux que celui
calcule pour les nichées non parasitées.
Les nichées réussies à l'envol se partagent donc en nichées mixtes (73,5 %), nichées pures de
Lombassou (17,6%) et nichées pures d'Amarante (8,9%).
Les conclusions suivantes qui seront discutées dans les prochains paragraphes se dégagent
de ces résultats : B s
— la présence d'œufs surnuméraires (ceux du parasite dans une couvée) semble stimuler le com¬
portement incubateur des parents sans modifier le pourcentage d’éclosion des œufs de l’hôte dans
chacune de ces couvées : le nombre de poussins de cette espèce se trouve de ce fait augmenté, ce qui
lui permet de ne pas être victime de son parasite,
— l’existence d’un nombre plus grand de poussins à nourrir dans les nichées parasitées à l’éclo¬
sion ne provoque pas leur abandon, mais oblige les parents à un effort supplémentaire. Dans 75 %
des nichees réussies à l’envol, le nombre de jeunes élevés par un parent est supérieur à celui qu’il a cou-
tume de nourrir : il serait soumis aux super-stimulus donnés par les nichées plus nombreuses qu’à
1 ordinaire,
— la diminution du nombre moyen de jeunes Amarantes par nichée parasitée (ensemble des nichées
parasitées) à 1 envol tient à l’échec total de l’élevage des poussins de cette espèce dans quelques cas,
et non pas à une diminution du nombre moyen des jeunes Amarantes dans les nichées mixtes,
77 ^’ assoc ^ at ^ on Amarante-Combassou, telle qu’elle est réalisée actuellement, demeure toujours
en équilibré instable : c’est pourquoi lorsque nous serons amenée à considérer les relations qui sont
établies entre ces deux espèces, il nous arrivera de noter, le cas échéant, celles qui paraissent favorables
ou défavorables à l’une ou l’autre.
B. CONDITIONS DU PARASITISME
Pour qu’une espèce puisse en parasiter une autre, il faut quelle remplisse certaines conditions,
rie mann (1929) en a défini quatre : même type de poussins, comportement de nourrissage et régime
alimentaire similaires, taille légèrement supérieure des œufs.
Do ces quatre conditions réunies par Hypochem cltalybeala, et d’ailleurs par tous les Viduinés
qui parasitent les Estrildidés, l’une d'elles est tout à fait remarquable : l’adaptation au comportement
Source : MNHN, Paris
64
MARIE-YVONNE MOREL
nourricier si particulier de la famille hôte en même temps qu’une étonnante convergence des dessins
buccaux des poussins.
L’origine de ces deux groupes aviens est encore inconnue, malgré les nombreuses hypothèses
quelle a suscitées (Delacour, 1943 ; Friedmann, 1950 ; Nicolaï, 1964 ; Hamilton et Orians, 1965).
Pour les deux premiers, il y aurait un ancêtre commun ; pour les autres, ce serait un cas de mimétisme.
Un fait important mérite d’être rappelé ici : alors que les Estrildidés sont communs en Afrique et en
Australie et sont représentés en Extrême-Orient, les Viduinés sont seulement connus d’Afrique ; par
conséquent, ce parasitisme intéresse uniquement les Estrildidés d'Afrique. Cette différence biologique
essentielle devrait permettre d’utiles comparaisons entre les espèces africaines et australiennes qui,
par ailleurs, présentent beaucoup de traits communs (Immelmann, 1968).
Viduinés et Estrildidés étant tous deux des Passériformes, leurs poussins sont de type nidicole ; leur
régime alimentaire, confirmé par des analyses de jabots, est le même : strictement granivore dès la naissance.
Les œufs de ces deux espèces présentent de telles ressemblances qu’on ne s’étonne pas des diffi¬
cultés éprouvées par les ornithologues à les reconnaître. Seuls, l’examen de nombreuses pontes, leur
mensuration et leur marquage nous ont appris à les distinguer : ce sont de petits œufs d’un poids voisin
d’un gramme et de couleur blanchâtre. Leur forme est légèrement plus globuleuse chez le parasite.
Les mensurations faites sur 235 œufs de Lagonosticla senegala et 126 d 'Hypochera chalybeata appar¬
tenant aux mêmes couvées (tabl. 26 et fig. 12) donnent les dimensions moyennes suivantes (en mm).
Œufs de Lagonosticla senegala : 13,6 ± o,58 X 10,8 ± 0,41 ; œufs à'Hypochera chalybeata : 15,1 ± 0 62
X 11,8 ± 0,38.
DIMENSIONS COMPAREES DES ŒUFS DE L.s. et H.c.
- Lagonosticla senegoie
— — —• — Hypochera chalybeata
Nombre d’oeuf»
Source : MNHN, Paris
site à l'éclosion
Amarantes s 2,1 Com bas sous : 1,3 I Nombre moyen
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
65
TABLEAU 26
DIMENSIONS COMPAREES DES OEUFS DE LAGONOSTICTA SENEGALA
ET D'HYPOCHERA CHAL YBEATA PRELEVES DANS LES MEMES NIDS
PENDANT LES SAISONS DE REPRODUCTION 1963/64 et 1964/65
. Longueur comparée des o
Oeufs de Lagonoscticta senegala Oeufs d' Hypocher;
12.1 - 12,5
12.6 - 13,0
13.1 - 13,5
13.6 - 14,0
14, 1 - 14, 5
14.6 - 15,0
15, 1-15,5
15.6 - 16,0
16, 1 - 16, 5
16. 6 - 17, 0
TOTAUX
Moy. arithmétique
Ecart-type
Coefficient de
variation
Erreur standard
Différence
significative
(P = 0,05)
1,5>1, 3
0. 62
4, 12
II. Diamètre comparé des oeufs des deux espèce
Diamètre
(Classe
Oeufs de Lagonost
11 . 6 - 12
12 . 1 -
12,6 -
TOTAUX
Moy. arithmétique
Ecart-type
Coef. de variation
Erreur standard
Diff. significative
(P = 0, 05)
19,6
43, 4
33,2
10. 8
0, 41
3, 82
0. 43
1 . 0 > 0 , 8
Oeufs d' Hypochei
Nombre
11,8
0, 38
3.26
L’étonnante ressemblance entre les poussins des deux espèces a été une fois encore vérifiée à Richard-
loll : en liberté, les jeunes des deux espèces se comportent comme ceux d’une même espèce. Après
le départ du nid et jusqu’à leur indépendance, ils partagent la même vie, mangent côte à côte ou re¬
çoivent la becquée sans se manifester d’agressivité, dorment le soir les uns contre les autres et se
font mutuellement leur toilette. Les familles mixtes réagissent exactement comme les familles pures.
Des observations, rapportées ailleurs, nous ont montré que le Combassou répond de la même façon
que le jeune de son hôte à l’appel lancé par les parents nourriciers. Il s’est donc établi entre eux les
mêmes réflexes visuels et acoustiques qu’avec les poussins de l’espèce hôte.
3 564 010 6
Source : MNHN, Paris
66
E-YVONNE MOREL
MA
Cette ressemblance de comportement entre les poussins des deux espèces ne doit pas faire oublier
qu’à la naissance, le parasite pèse un tiers de plus que son hôte et que sa croissance est plus rapide. Le
poussin est donc plus vigoureux, plus apte à se défendre. Ses stimulus visuel et acoustique seraient peut-
être aussi plus efficaces à déclencher chez les parents hôtes la réaction appropriée. L’ensemble de ces carac¬
tères traduit un long phénomène adaptatif toujours en cours. L’acceptation d’une espèce par une autre
suppose une modification des signaux de communication pour l’espèce parasite (Payne, 1967).
L’aspect des oiseaux est d’une importance capitale comme moyen de communication à l’inté¬
rieur d’une espèce et entre les espèces (Marier, 1957) et, comme tel, est soumis à de fortes pressions
sélectives. Payne (1967) rappelle que ces pressions jouent d’une façon complexe sur le plumage : le
choix des partenaires et l’identification des espèces pousseraient celles-ci à perpétuer les plumages
les plus distinctifs et souvent brillants tandis que l’hostilité entre les couples et la prédation auraient
une action contraire. Le parasitisme aurait entraîné, de son côté, une modification de l'aspect extérieur
telle que les espèces parasites ne puissent être reconnues de leur hôte à aucun de leur stade : jeune, adulte
ou œuf.
Envisagée sous cet angle, la comparaison des plumages de l’Amarante et du Combassou est
fort instructive :
Plumage de l'Amarante : chez l’Amarante, il existe un dimorphisme sexuel, mais pas de dimor¬
phisme saisonnier : le mâle adulte porte continuellement un plumage rouge qui le fait voir de loin ;
quant aux femelles et aux jeunes, leur plumage, quoique terne, se signale par une grosse tache rouge
à la hauteur du croupion. Ainsi, à tout moment, une population d’Amarantes se distingue des autres
populations aviennes en même temps qu’elle est capable de s'identifier.
Plumage du Combassou : l'alternance saisonnière du plumage des Viduinés les oppose aux Estril-
didés et les rapproche des Euplectinés et des Plocéinés. A l’exception du mâle qui porte une tenue
éclatante au moment de sa reproduction, tous les Combassous ont un plumage terne, manquant de marque
colorée (on sait le rôle de stimulus déclencheur de l’agressivité attribué à ces taches). Or, Wynne-Edwards
(1962) a noté qu’au moment où les Euplectinés et les Plocéinés se groupent en bandes mixtes pour
parcourir la savane, ils ont tous des plumages très peu différents, ternes et dépourvus de marque colorée
et il en conclut que la neutralité de ce plumage favoriserait la vie de l’ensemble de cette population
qui se comporterait exactement comme si elle était formée d’une seule espèce.
Dans ces conditions, la neutralité du plumage du Combassou pourrait jouer un double rôle :
1) vis-à-vis des autres oiseaux granivores (Plocéidés) avec lesquels il partage le même biotope, le Com¬
bassou serait accepté d’eux sans aucune manifestation d’hostilité ; 2) vis-à-vis de son hôte qui serait
incapable de le reconnaître des autres Plocéidés granivores en tenue d'éclipse ; le seid « signal » qui lui indi¬
querait l’existence de son parasite et l’importance de sa population lui serait fourni par le mâle lorsque
celui-ci est en plumage nuptial.
S’il est vrai, comme le pense Nicolaï (1964), après ses observations en volière du comportement
des adultes des Viduinés, que ceux-ci ont un ancêtre commun avec les Euplectinés, il faudrait recon¬
naître que le caractère de leur plumage aurait constitué une préadaptation au parasitisme ; toutefois,
comme le souligne Payne (1967) une pression sélective ne cesse de jouer depuis le moment où le para¬
sitisme s’installe dans un groupe. Le caractère primitif devient nécessairement adaptatif en même temps
qu’il y a évolution vers le mimétisme des œufs et des poussins (chez les Euplectinés, les œufs sont colorés
et le plumage des poussins, rayé).
C. — RÉSULTATS DU PARASITISME
Les résultats des recensements effectués sur les couvées pures et les couvées parasitées de Lago-
nosticta senegala à la période de l’éclosion et de l’envol sont présentés dans les tableaux 27 et 28.
Source : MNHN, Paris
TABLEAU 27
SUCCES DES PONTES NPN = P^SIÏEES. DE LAGONOSTICTA SENECALA
(Saisons de reproduction 1963/64- et 1964/65)
I - SUCCES DES NIDS D'APRES LA TAILLE DE LA PONTE DE L. 3 .
Taille de la ponte de L. s.
a) Résultat» bruts
- Nombre de pontes
— Nomb._ de nichées
- à l'éclosion
«■ 3f l'envol
b) Pourcentages
- Nichées réussies/
total des pontes
- à l'éclosion
- à l'envol
1 2 3
7 29 69
7 27
5 18
24 39
17 26
- Nichées réussies à
l'envol/nichées réussies
à l'éclosion - 71 66
- Nichées totalement réus ¬
sies/nichées réussies
- à l'éclosion - 86 70
- à l'envol - 80 39
II - SUCCES DES PONTES D'APRES LEUR TAILLE
i) Résultats bruts
- Nombre
- d'oeufs pondus
- d'oeufs éclos
- de jeunes à l'envol
b) Pourcentages
- Oeufs éclos/oeufs pondus - 22
- Jeunes à l'envol/oeufs éclos - 69
- Jeunes à l'envol/oeufs pondus - 15
34
55
19
c) Nombres moyens
- Oeufs éclos par nid réussi
-à la ponte 0.0 0.4 1,0
- à l'éclosion 0,0 1,8 2,6
- Jeunes à l'envol par nid
réuss i
- à l'éclosion
- à l'envol
111
60
54
43
58
43
444
207
150
47
72
34
20
60
55
60
60
100 38
57 15
37 8
57 39
65 53
37 21
2,8 3,0
4.3 5,0
1.8 1.6
2 . 8 2,6
3, 3 2, 6
241
85
46
35
63
39
854
363
243
43
67
28
2 . 2
2 , 8
- Nids totalement réussis •. les nids où la totalité des oeufs pondus
ont éclos ou donné des jeunes à l'envol.
- Succës/nids à la ponte t le pourcentage de nids réussis à l'éclosion
ou à l'envol est calculé par rapport au
nombre de nids recensés au moment de la
- Succëa/nids à l'éclosion : ce même pourcentage est calculé par rap¬
port au nombre de nids réussis à 1* éclo¬
sion.
Source : MNHN, Paris
TABLEAU 28
SUCCES DES PONTES PARASITEES DE LACONOSTICTA SENEOALA
(Saisons de reprodudtion 1963/64 et 1964/65)
I - SUCCES DES NIDS PARASITES D'APRES LA TAILLE DE LA PONTE DE
LAGONOSTICTA SBNEGALA
II - SUCCES DES PONTES SE LAGONOSTICTA SBNEGALA D'APRES LEUR TAILLE .
Taille de la ponte de L.a.
1
2
3
4
5
>5
Totaux
a). Résultats bruts
- Nombre
- d'oeufs pondus
5
30
135
216
50
28
464
- d'oeuf8 éclos
65
119
40
9
242
- de jeunes à l'envol
4
35
69
27
2
137
b). Pourcentages
- Oeufs éclos/oeufs pondus
20
27
48
55
80
32
52
- Jeunes à 1'envol/oeufs
_
50
54
58
67
22
57
- Jeunes à l'envol/oeufs
pondus
-
13
26
32
54
7.
30
c). Nombres moyens
- Oeufs éclos par nid réussi
- à la ponte
0,2
1 ,4
2,9
4,0
4,2
1,8
- à l'éclosion
1,0
2,0
2,7
3,4
4,4
4,5
3,2
- Jeunes à l'envol par nid
réussi
0,0
0,2
0,7
1,2
0,2
0,5
1,0
- à l'éclosion
0,0
1 ,0
1 ,4
1,9
5,0
1,0
1,8
- à l'envol
0,0
1 ,3
2,0
2,6
3,0
1,0
2,4
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
TABLEAU 28 (suite)
III - SUCCBS DES PONTES PARASITEES PB LAGONOSTICTA SENEGALA D'APRBS
LE SUCCES DU PARASITE A L'i
Taille de la ponte de L.e.
1
2
3
4
5
> 5
Totaux
a). Résultats bruts
Succès des pontes parasitée!
- Nombre
- de pontes
l
11
àl
H
12
4
éclosion
1
8
20
1
- parasitées
1
1S
2
6
?
envol
- non parasitées à l'é¬
closion
- parasitées à l'éclosion
-
1
5
13
3
1
23
mais
a- non parasitées à 1'
envol
-
-
2
-
1
-
3
Ensemble de ces nichées
-
1
1
13
i
1
26
b- parasitées à l'envol
et contenant
-les 2 espèces de ju¬
véniles
-uniquement le para-
-
1
9
11
4
-
25
site
1
1
2
1
1
6
Ensemble de ces- nichées
"
g
10
n
l
1
11
Succès des- oeufs à l'éclosio
et
à l'e
nvol
- Nombre de poussins dans ces
nichées
- nichées non parasitées
L.s.
2
21
13
5
109
- nichées parasitées
L.s.
1
6
44
51
27
4
133
ÏÏTcT
-
6
27
26
H
1
75
- à l'envol
- nichées non parasitées
à l'éclosion L.s.
- nichées parasitées à
-
2
11
37
7
2
59
l'éclosion mais
- non parasitées à l'en-
—
-
10
- parasitées & l'envol
et contenant
-les 2 espèces de ju-
véniles L.s.
-
2
19
32
15
_
68
“
1
13
12
5
-
31
- uniquement le juvénile H.c.
"
1
1
5
2
1
10
Source : MNHN, Paris
70
MARIE-YVONNE MOREL
1
2
3
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5
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M
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2,7
3,4
4 , 5
4,0
3,1
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hl
0,0
2,0
2 . 1
2.9
3,7
0,0
2.7
0.0
1,0
1.4
1.0
1.2
0,0
1,2
Si!
lu»
hi
hl
Ul
M
0,0
2.0
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2.8
3,0
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2 . 6
0,0
1.0
hl
hl
3 , 0
0,0
2 . 1
0.0
1 , 0
1.4
1.3
1,4
1.0
1.3
Ce paragraphe traitera successivement de la distribution des couvées parasitées et des couvées
non parasitées en fonction de leur taille et du comportement de la femelle du parasite à l’époque de
la ponte et des réactions de l’hôte vis-à-vis d’elle.
a) Distribution des couvées
Le tableau 29 montre que la distribution des couvées parasitées et des couvées non parasitées
en fonction de la taille de la ponte de l’Amarante est semblable dans les deux cas : on doit en conclure
que le parasite pond au hasard des nids découverts, indépendamment du nombre d’œufs déjà contenus
dans ces nids.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
71
Comme le parasite ne détruit pas les œufs de son hôte, la taille moyenne d’une couvée parasitée
est égale à la taille d une ponte d’Amarante à laquelle s’ajoutent les œufs du Combassou : la moyenne d’œufs
pondus s élève à 3,4 œufs d’Amarante et 1,7 de Combassou, soit une moyenne générale de 5,1 œufs.
La taille d une ponte parasitée d’Amarante est comprise entre 3,2 et 7,4 œufs et celle d’une ponte de
Combassou contenant des œufs d’Amarante entre 4,5 et 9,0.
TABLEAU 29
REPARTITION COMPAREE DES OEUFS DU PARASITE
ET DE L'HOTE DANS LES COUVEES PURES ET LES
COUVEES PARASITEES
A - Couvées de Lagonos
Pourcentage de
- non parasitées
Nombre moyen
B - Couvées d' Hypochera chalvbeat
Nombre d'oeufs j ,
d'H. c. par nid
- Pourcentage des
couvées 54,9 27. 1
- Nombre moyen
100,0
b) Réactions mutuelles de l'hôte et du parasite
La ponte de la femelle du parasite dans les nids de son hôte pose un double problème : pour le
parasite, comment la femelle trouve-t-elle les nids de son hôte ? Quand y pond-t-elle ? comment y
pond-t-elle ? pour l’hôte, quelles sont ses réactions envers le parasite ?
1) Pour trouver un nid où pondre, car le mâle ne prend aucune part à cette recherche, la femelle
Combassou dispose de plusieurs moyens.
— Tout d’abord, celui qui est adopté par la plupart des espèces parasites : les mouvements
d allées-et-venues du mâle de l’hôte (seul ce dernier construit chez Lagonosticta senegala) constituent
un bon indice. Toutefois, l’emplacement exact n’est pas pour autant connu car le nid, souvent de cou¬
leur cryptique avec son milieu, est habituellement bien caché dans le touffu de la végétation ou l’épais¬
seur des toits en paille des huttes africaines : il nous est arrivé d’observer des Combassous femelles
recherchant pendant trois jours un nid que l’activité constructrice d’un mâle leur avait pourtant signalé.
[Posé sur la hampe d’un régime de bananier, à une hauteur approximative de 1 m 50 et caché
par les feuilles qui le recouvrent, un nid d’Amarante fraîchement construit contient, le 14 octobre,
trois œufs couvés par les parents.
Source : MNHN, Paris
72
MARIE-YVONNE MOREL
Depuis plusieurs jours déjà, alertée sans doute par les mouvements de va-et-vient des parents,
une Combassou femelle recherche dans le touffu de la végétation l’emplacement de ce nid. Ce matin-là,
elle se rapproche du bananier abritant le nid, mais, comme elle vole tout d’abord au-dessus de la plante,
elle ne peut rien voir ; elle pénètre ensuite à l’intérieur du feuillage, se posant près de la hampe du
régime, multipliant les gestes d’inspection, se dressant sur les pattes, étirant le cou, remuant la tête
en tous sens ... jusqu’au moment où elle découvre un brin de paille apporté là par l’Amarante et qui
sera pour elle le fil d’Ariane, car, en le suivant, elle arrive devant le nid sans pourtant encore trouver
l’entrée... Bientôt, d’ailleurs, un bruit la fait s’envoler. Dans la journée, elle reviendra plusieurs fois
sur les lieux, se heurtera aux parents auxquels elle livrera bataille et finira par pénétrer dans le nid
pour y pondre.]
— Ensuite, l’observation de l’activité. La relève des parents devant un nid (elle se fait à l’exté¬
rieur dans cette espèce) s’accompagne d’un rituel, certes très discret, mais qui n’échappe certainement
pas au parasite.
— Enfin, la méthode la plus souvent utilisée : l’exploration systématique des emplacements
de nids possibles. Une grande partie de la journée, les Combassous femelles furètent, soit seules, soit
par petits groupes de 4 à 5. Les nichoirs, visibles de loin et aisément repérables, les attirent particu¬
lièrement : elles s’y retrouvent à plusieurs, allant même jusqu’à se bousculer sur le perchoir. Lors de
la visite de ces nichoirs par un Amarante, celui-ci se heurte le plus souvent à l’une d’elles, ce qui déclenche
une courte bataille qui se limite généralement à des cris et des menaces, mais son effet semble bien d’éloi¬
gner les Amarantes de ces lieux, car ils l’occupent rarement. S’ils le font, leur nid a toutes chances
d’être parasité. Peut-être sous la pression du parasite, l'Amarante aurait-il été conduit, au cours de
son évolution, à éviter les endroits trop facilement repérables ou tout au moins à rechercher ceux plus
tranquilles.
Dans les villages africains où la concentration des nids est importante, on aurait pu penser
que le parasite y pondrait plus volontiers. Or, il n’en est rien, car l’Amarante a l’habitude de s’installer
dans les toitures en chaume où son nid est si bien camouflé qu’il est difficilement repérable.
La visite des haies et des huttes par la femelle parasite a lieu pendant une bonne partie de la
journée, généralement à la même heure pour un emplacement donné. Que quelque chose retienne
son attention, elle se dresse sur ses pattes et inspecte longuement ; elle recherche, semble-t-il, un « signal
visuel » qui lui indiquerait qu’un nid est réellement occupé et que l’occupant est bien l’espèce-hôte
recherchée.
Que les œufs du parasite soient pondus dans les nids contenant soit des œufs en cours d’incu¬
bation, soit des jeunes d’un ou deux jours et encore couvés par leurs parents nous laisse penser que ce
signal est associé à la couvaison.
Ce signal ne peut être fourni par les œufs, car ceux-ci sont continuellement couvés, et de ce fait, cachés
de la vue. Il pourrait être donné par les parents eux-mêmes qui occupent constamment leur nid, une
fois la ponte achevée. Si l’entrée du nid n’est pas fermée par une plume, le parasite voit une forme
couchée au dos brun sans marque distinctive. S’il persiste à rester devant le nid, sa présence ne tardera
pas à déclencher de la part de l’occupant une réaction de défense : celui-ci se dressera, se présentera
à l’entrée du nid, le bec menaçant et si ce geste d’intimidation ne suffit pas, il prendra en chasse l’intrus ;
ainsi, le propriétaire du nid s’est-il découvert et son identification devient facile. Celle-ci s’impose
dans les cas où plusieurs espèces voisines se partagent le même biotope ou bien ont des formes de nid
voisines (par exemple, ceux à terre). Une Combassou se « trompa » une fois d’hôte en pondant dans un
nid de Cordon bleu ( Uraeginthus bengalus) dans une volière à Richard-Toll. Il est vrai que cet oiseau
couvait dans un nichoir identique à tous ceux qui y étaient installés et qui étaient occupés par des
couples d’Amarante en train de nicher. En outre, la forme parallélépipédique du nichoir avait empêché
le Cordon bleu de construire son nid globuleux habituel. Ce jeune fut élevé avec succès par cet hôte occa¬
sionnel, en dépit des différences des marques buccales.
De leur étude sur le parasitisme des Coucous en Afrique du Sud, Payne et Payne (1967) ont
conclu que la spécialisation d’un Coucou dans une région donnée pour une espèce qui y est toujours
abondante pouvait favoriser la découverte des nids nécessaires. En effet, les chances de trouver un
nid adéquat sont multipliées si ces nids sont nombreux et appartiennent à une espèce déterminée.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOST1CTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
73
Cette « connaissance » serait acquise très tôt, sans doute au stade poussin par le jeu de « l’imprinting ».
Il semble bien qu’il en soit de même pour le Combassou qui parasite à Richard-Toll une espèce d'Estril-
didés très abondante : l’Amarante. L’adaptation du Combassou aux différents emplacements de nidi¬
fication de l’Amarante (à terre ou en hauteur, dans les villages ou les arbustes) et aux formes de nids
(ouverts ou fermés) pourrait sans doute s’expliquer de la même manière. Par le jeu de « l’imprinting »,
le parasite garderait la mémoire des beux où il est né en sorte qu’une fois devenu adulte, il retrouverait
des endroits similaires pour y pondre à son tour ; il existerait en quelque sorte plusieurs « races écolo¬
giques » dont l’une pondrait seulement dans les nids d’Amarante construits à terre, l’autre, dans les
nids des habitations humaines, etc.
2) un deuxième problème concerne le moment de la ponte du parasite par rapport à celui de son
hôte, car ce mode de reconnaissance des nids cause une incertitude au parasite : la date du début de
la ponte de son hôte. Tout se passe, comme si l’Amarante avait adopté un comportement constructeur
qui déroute le parasite en le privant de tout signal visuel ou acoustique annonciateur de sa ponte.
En effet, beaucoup d’espèces parasites surveillent la construction du nid de leur hôte, laquelle s’achève
habituellement à la ponte ; il leur suffit donc de pondre eux aussi à ce moment pour que, si les durées
d’incubation des deux espèces sont voisines, leurs jeunes aient toutes les chances d’être élevés.
Chez l'Amarante, il en va tout autrement. La construction du nid, toujours menée par le mâle
seul, commence peu avant la ponte, se poursuit pendant celle-ci et se prolonge parfois jusqu’à l’éclo¬
sion des œufs ; le transport d’une plume par un mâle peut tout au plus indiquer au parasite l’exis¬
tence d’un nid, mais ne le renseigne pas sur l’état d’incubation des œufs.
Ce mode de ponte demeure un lourd handicap pour le parasite. Certes, il a développé, de son
côté, plusieurs mécanismes lui permettant de s’adapter à ces conditions difficiles : une durée d’incu¬
bation plus courte (10 jours contre 13), un poids à la naissance plus élevé et une croissance plus rapide
du poussin sont autant d'atouts qui le favorisent dans la compétition pour la vie. Ils ne sont pas suffi¬
sants, car le taux de mortalité du parasite est plus élevé que celui de son hôte : 82 contre 62 %.
Cette augmentation du taux de mortalité n’est pas liée à la présence d’une plus grande proportion
d’œufs clairs car la composition moyenne des nichées parasitées à l’éclosion est la même que celle des
couvées : 3,4 œufs d’Amarante et 1,7 de Combassou ; 3,1 poussins d’Amarante et 1,7 poussins de
Combassou pour les nichées d’un jour.
— le troisième problème concerne la façon de pondre d’une femelle Combassou. Elle est très
curieuse. On sait que la couvaison est ininterrompue chez l’Amarante, une fois la ponte achevée, et
que les séjours des parents dans les nids sont toujours d’une assez longue durée (moyenne : 1 heure 30).
Il arrive fréquemment qu’au bout d’un certain temps l’oiseau s’assoupisse : c’est à ce moment-là que
la femelle Combassou pénètre dans le nid, y pond aussi rapidement que possible, puis ressort. Dérangé,
l’oiseau couveur se réveille et sursaute. Cette observation, relatée une première fois par G. Morel (1959),
fut répétée ensuite maintes fois. Elle ne constitue donc pas une exception. Mais il n’est pas toujours
possible à la femelle Combassou de tromper la vigilance de l’oiseau couveur. Elle multiplie alors ses
visites au nid jusqu’à ce que le parent, mis en état d’alerte, finisse par l’abandonner. Elle profite de
cette absence pour pondre.
Cette ponte a toujours lieu à une heure plus tardive que celle de l’Amarante, mais non fixée :
des pontes furent enregistrées aussi bien à 10 heures du matin qu’à 6 heures du soir.
Elle ne s’accompagne jamais de la destruction des œufs déjà présents dans le nid.
Les recensements journabers des œufs dans les nids jettent une lumière sur l'origine des pontes
multiples dans un même nid : les unes sont l’œuvre de plusieurs femelles pondant le même jour, comme
le prouve l’augmentation anormalement rapide de la taille d’une couvée en une journée ; d’autres
proviennent d’une même femelle, car les œufs, pondus à plusieurs jours d’intervalle, présentent des
dimensions homogènes, ce qui laisse penser qu’ils ont été pondus par une même femelle ; enfin, un
écart trop grand entre les dates des pontes et des variations trop importantes entre les dimensions des
œufs font croire à la ponte de plusieurs femelles découvrant un même nid au hasard de leurs recherches
individuelles. Une fois sa ponte achevée, la femelle Combassou se désintéresse complètement
du (ou des) nid (s) où elle a pondu.
Sans doute, l’état physiologique de la femelle Combassou rend compte de certaines différences
Source : MNHN, Paris
74
MARIE-YVONNE MOREI.
de comportement. L’insistance avec laquelle des femelles se tiennent devant un nid jusqu’au moment
où elles peuvent y pénétrer fait penser à des oiseaux prêts à pondre. Et rien n’interdit de croire que
si la découverte d’un lieu propice n’a pu se faire à temps, l’oiseau dépose son œuf n’importe où. Pour¬
tant, la recherche d'un nid commence bien avant la ponte. Et une fois que l’un deux est reconnu il
est généralement inspecté tous les jours qui précèdent la ponte. Ces inspections auraient pour but d’aider
la femelle à retrouver l’emplacement du nid et à s’assurer qu’il est toujours bien occupé, car chacune
de ses visites déclencheune réaction de défense de la part des parents, s’ils sont encore dans ce nid
pour couver.
L'Amarante ne considère pas le Combassou comme un visiteur indésirable. Le plumage de celui-ci
terne et dépourvu de toute tache de couleur, n’inciterait pas à l’agressivité (Payne, 1967). Cependant'
une fois, nous avons assisté h une scène où la femelle Amarante demeura « figée » sur place un quart
d’heure à la vue d’une femelle Combassou pénétrant dans son nid contenant une ponte fraîche : c’est
là une réaction bien connue provoquée par un prédateur. Elle est décrite on détail plus loin (p. 95).
On peut se demander si la couvaison continue des Amarantes, qui n’est pas un fait général pour
les Estrildidés, ne serait pas liée au parasitisme. De cette façon, l’oiseau couvour assurerait une meil¬
leure protection de son nul contre l’intrusion d’oiseaux étrangers, tout particulièrement du parasite.
Il protégerait également sa ponte contre les dommages que risque de provoquer le parasite en
son absence. Il serait donc habituellement impossible au parasite de commettre dos dégâts au* muta
de son hôte, comme cela est connu dans d’autres cas de parasitisme.
L’acceptation des œufs du parasite par l’Amaranto paraît se faire sans difficulté. A ce sujet
il est bon de se rappeler l’habitude contractée par l’Amarante d’utiliser dos nids précédemment occupés
où il reste toujours les œufs non éclos des pontes antérieures : la femelle d’Amarante pond sur ceux-ci
le même nombre d’œufs que dans n’importe quel autre nid.
2) Éclosion
L’étude du succès à l’éclosion des couvées comprendra deux parties. Une première traitera du
succès à l’éclosion des pontes d’Amarante : l’influence du parasite pourra être précisée par la compa¬
raison des réussites à l'éclosion des couvées non parasitées. Une deuxième partie concernera le succès
à l’éclosion des pontes du parasite et montrera la pression exercée par les poussins du parasite sur ceux
de son hôte. Il paraît nécessaire de rappeler ici que toutes les couvées parasitées pendant l’incubation
ne le sont plus nécessairement à l’éclosion.
a) Lagonosticta senegala
Le comportement des parents pendant la couvaison et le succès à l’éclosion dos œufs, dans le
cas des couvées plus nombreuses que la normale, ont déjà intrigué plusieurs ornithologues qui ont
cherché à résoudre expérimentalement ce problème sans parvenir à des résultats concordants (Lack
1966). Le parasitisme de l’Amarante offre l’intérêt exceptionnel d’une expérience naturelle à grande
échelle.
1) Succès des couvées à l'éclosion : comportement des parents
Par la suite de l’addition d’œufs à une ponte normale (ou le remplacement d’œufs par d’autres
plus gros), une ponte parasitée peut être considérée comme une ponte super-normale pour reprendre
une expression de Tinbergen (1951). L’auteur, on le sait, a montré expérimentalement sur l’Huitrier
que cet oiseau semblait « choisir » les pontes plus nombreuses ou celles qui comptaient des œufs plus
gros que ceux qu’il pond normalement ; Baerends a obtenu des résultats similaires sur le Goéland
I’riedmann (1963), reprenant cette hypothèse, suggère que la tolérance de l'hôte au parasitisme pour¬
rait s expliquer par une stimulation plus grande du comportement incubateur des parents. Hamilton
et Orians (1965) pensent trouver dans ces super-stimulus une des raisons qui auraient permis le para¬
sitisme. Toutefois, il n’existait jusqu’ici aucune preuve d’une modification dans ce sens du compor-
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOST1CTA SENEGALA À RICHA
J-TOLL
75
tement incubateur des petits Passereaux. L’examen du succès de l’éclosion des couvées parasitées
et des couvées non parasitées de l’Amarante (tabl. 29 et 30) montre la justesse de vue de ces auteurs,
puisque le taux moyen de succès à l’éclosion est supérieur de 10 % pour les couvées parasitées : 56,3 %
au lieu de 45,6 %. Les œufs additionnels du parasite jouent exactement le même rôle de stimulus
que les œufs d’Amarante. Le succès à l’éclosion des pontes pures de 4 œufs d'Amarante est semblable à
TABLEAU 30
SUCCES COMPARE DE L'ECLOSION DANS LES COUVEES PURES
ET LES COUVEES PARASITEES DE LAGONOSTICTA SENEGALA
a) d'aprfes la taille de la couvée
Nombre d'oeufs par couvée
1, 0 à
1.9
2. 0 à
2.9
3, 0 à
3.9
4,0 à
4.9
5, 0 à
5,9
5.9
Moyenne i
Couvée non parasitée
- oeufs de L. s.
1.0
2, 0
3.0
4.0
5,0
6.0
3,4
Couvée parasitée
- oeufs de L. s.
1,0
2, 0
3.0
4, 0
5,0
3,4
- oeufs d'H.c-
1,7
1,7
1,7
1,7
1.7
1,7
- non parasitées
0. 0
24, 0
39. 0
54, 0
65, 0
60,0
45,6
* Parasitées
20. 0
26. 6
53. 3
64,7
78.5
56. 3
osticta s
icneeala
Taille de la ponte de L. s.
1
2
3
4
5
Moy. générales
Nichées totalement réussies/
Total des nichées réussies :
- couvées non parasitées
0,0
85,7
70, 3
58. 3
56.2
62,7
- couvées parasitées
100. 0
1Q0, 0
75,0
54,2
45,4
62,6
Pourcentage d'oeufs de L. s.
- perdus par abandon de nids
100, 0
75. 8
60, 8
45.9
35,0
50,3
- perdus par éclosion partielle
de la ponte
! 0.0
1. 8
5,0
7, 5
8.0
7.2
0,0
22,4
34, 2
46. 6
57,0
42. 5
Couvées parasitées :
Pourcentage d'oeufs de L. s.
- perdus par abandon de nids
- perdus par éclosion partielle
80,0
73. 3
46,6
35, 1
30. 8
40,7
de la ponte
0,0
0, 0
5, 3
9.9
6.4
7,2
- éclos
20,0
26,7
48, 1
55,0
62, 8
52, 1
Nombre moyen de poussins
L. s . par nichée provenant de
couvée :
- non parasitées 0,0 1,8
2,6
3.4
4. 5
3.3
-parasitées 1,0 2,0
2,7
3.4
4,4
3.2
c) Nombre moyen comparé des poussins par nichée parasitée et
non parasitée prov
toutes de couvées parasitées (les nichées non
parasitées sont dues à un
défaut d'éclosion d
oeufs du parasite).
Taille de la ponte de L. s. (oeufs) 1 2
3
4
5
5 Moy. g.
Nombre moyen de poussins
non parasitée
- poussins L. s. 0 2,0
2,6
3. 3
4, 3
4.5 3,3
parasitée
- poussins L. s. 1,0 2,0
2,7
3,4
4, 5
4,0 3,1
- poussins H. c. 1.0 2.0
1.7
1.7
2. 3
1,0 1,7
- totalité des poussins 2, 0 4, 0
4,4
5, 1
6, 8
5,0 4, 8
Source : MNHN, Paris
76
MARIE-YVONNE MOREL
celui des pontes parasitées de 3 œufs d'Amarante dont la taille moyenne est devenue égale à 4,7 œufs
du fait du parasitisme ; il existe une correspondance similaire entre les pontes pures de 5 œufs d'Amarante
et les pontes parasitées de 4 œufs d,'Amarante (taille moyenne de la couvée : 5,7).
Ces résultats étaient d’ailleurs prévisibles car, contrairement à ce qui se passe pour A pus affinis
(Lack, 1966), le succès à l’éclosion des couvées non parasitées d’Amarante augmente avec la taille
de la ponte.
2) Succès de l’éclosion des œufs de Lagonoslicta senegala.
Résultats
Le bilan des couvées d’Amarante à l’éclosion (tabl. 30 b) fait apparaître deux causes de pertes
d’œufs :
1° L'abandon des nids qui représente la part la plus importante et qui est influencée par le
parasitisme ;
2° L'échec partiel dans les couvées réussies : son taux reste inchangé, qu’il y ait ou non parasi¬
tisme, et s’accorde avec les données recueillies sur d’autres petits Passereaux (Pinowski, 1968).
Les œufs d'Amarante éclosent donc aussi bien dans les couvées parasitées que dans les couvées
non parasitées.
Le tableau 30 b montre aussi que le nombre moyen d’œufs éclos par nichée ne subit aucune varia¬
tion du fait du parasitisme : 3,3 contre 3,2 poussins. De même, le pourcentage de nichées totalement réussies
pour l’ensemble des nichées réussies reste inchangé : 62,7 % contre 62,6 %. La répartition des nichées
en fonction du nombre de poussins d’A marante est donc semblable, quelle que soit l’origine des couvées •
les nichées de 3 et 4 poussins groupent à elles seules les 3/4 des nichées réussies à l’éclosion.
On doit enfin remarquer que les nichées parasitées à l’éclosion comptent un nombre supérieur
de poussins : 4,8 au lieu de 3,3 car les poussins du Combassou s’ajoutent à ceux de son hôte. Le
tableau 30 c, permet de se rendre compte aussi que les naissances d'Amarante sont aussi nombreuses
dans toutes les nichées provenant de couvées parasitées, même s’il y a échec d’éclosion des œufs de
Combassou dans ces couvées (33 nichées non parasitées dans nos recensements).
Causes du succès identique à l’éclosion des couvées pures et parasitées
La condition du succès à l’éclosion des œufs (si rien ne l’entrave : infertilité, dommage à l’œuf)
est leur maintien à température constante pendant toute la durée de l’incubation. C’est habituellement
le corps de l’oiseau qui fournit la chaleur nécessaire. Si la taille de la ponte est augmentée par addition
d’œufs, ce qui arrive précisément dans le cas du parasitisme, les besoins en énergie calorifique augmentent
nécessairement (Friedmann, 1963).
Deux raisons peuvent être invoquées pour expliquer le succès identique de l’éclosion des œufs
d’Amarante dans les couvées parasitées et les couvées non parasitées :
1) D’abord, les conditions climatiques existant à Richard-Toll pendant une bonne partie de l’année
sont telles que la couvaison pourrait être supprimée dans la journée, tant les températures diurnes
y sont élevées (tabl. 2). Le comportement incubateur du Quelea quelea s’est modifié dans ce sens, puisque
cet oiseau vient sporadiquement dans la journée couver ses œufs (Morel G. et Bourlière F., 1955)
De jour, Estrilda troglodytes ne demeure jamais longtemps à l’intérieur de son nid, comme nous l’avons
observé à Richard-Toll.
2° Ensuite, l'augmentation du volume de la ponte est relativement faible.
Les œufs du parasite n’étant guère plus gros que ceux de son hôte, il se trouve que lorsque le
parasite pond ses œufs dans des pontes de 1,2 ou 3 œufs do Lagonoslicta senegala, la taille moyenne
de ces pontes parasitées (48,9 % de cas) est encore inférieure à la taille maximum d’une ponte pure
de l’hôte (5 œufs). La taille moyenne générale d’une ponte parasitée est elle-même à peine supérieure
(5,2 œufs) à cette taille maximum. Dans 40,4 % de cas (ponte de l’hôte égale à 4 œufs), la taille moyenne
de la ponte parasitée ne dépasse encore que d’un demi-œuf (5,5, œufs) la taille maximum d’une ponte
pure. Enfin, le nombre maximum d’œufs d’une ponte parasitée ne dépasse jamais 9 œufs, soit 1,8 fois
la taille maximum de la ponte pure.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL 77
Ces donné es concordent avec celles d’autres auteurs (Friedmann, 1963) : chez le Fournier, (Hann,
1947), le volume maximum d’œufs que cet oiseau parvient à couver avec succès correspond à 1,8 fois
le volume normal de sa ponte.
b) Hypochera chalybeata
Les résultats du succès à l’éclosion et à l’envol des couvées parasitées, en fonction du nombre
d’œufs d 'Hypochera chalybeata pondus par nid, figurent dans le tableau 31.
Le succès à 1 éclosion des œufs d 'Hypochera chalybeata dépend pour une bonne part du nombre
que le parasite a pondu dans un nid d’Amarante : plus il y a d’œufs du parasite, meilleure est
leur réussite. Cette constatation est fondamentale pour comprendre le succès à l'envol des nichées
parasitées.
Résultats
Les résultats regroupés dans le tableau 32 mettent en évidence l’influence du nombre d’œufs
pondus par le parasite dans un nid sur le pourcentage de couvées réussies et d’œufs éclos.
Pourcentage de nichées réussies à l’éclosion.
Ce pourcentage augmente légèrement avec la taille de la ponte du parasite : il passe de 56,1 % pour
les couvées contenant 1 œuf du parasite à 70 % pour celles en comptant 4. Cette augmentation n’est pas
aussi importante que celle calculée pour les pontes d’Ainarante, car une couvée contenant un œuf
du parasite a une taille moyenne de 4,5 œufs qui est déjà presque égale à la taille maximum d’une
ponte pure d Amarante (5 œufs) ; par conséquent, le comportement incubateur des parents est déjà
très fortement stimulé dans le cas des couvées contenant un œuf du parasite.
Pourcentage de nichées parasitées.
Plus une couvée compte d’œufs du parasite, plus elle a de chance d’être parasitée à l’éclosion
et de contenir un nombre élevé de poussins du parasite.
Si le nombre d’œufs du parasite recensé dans une ponte d’Amarantc passe de 1 à 4, le pourcen¬
tage de nichées parasitées augmente de 41,5 % à 100 %. De même, le nombre moyen de poussins par
nichée passe de 1 à 3,5. Il faut en particulier souligner que 4 œufs de Combassou pondus dans un même
nid peuvent tous éclore. Étant donné que le nombre moyen de poussins d’Amarante reste constant,
quel que soit le nombre d’œufs du parasite contenus dans les couvées, la taille moyenne d’une nichée
parasitée s’accroît d’une façon importante : elle est comprise entre 4,2 et 6,7 poussins.
Plus de la moitié des poussins du parasite naissent dans le quart des nichées parasitées, traduisant
une pression importante du parasite dans ces nichées au moment de l’éclosion.
Causes des échecs
Ces résultats s'expliquent aisément par la façon de pondre des femelles du parasite :
— celles-ci ne « savent » jamais exactement la date de la ponte de leur hôte, si bien qu'une
ponte trop tardive cause l'échec de l’éclosion des œufs.
C’est pourquoi certaines couvées qui furent parasitées pendant l’incubation contiennent seule¬
ment des poussins d’Amarante à l’éclosion. Ces nichées ne sont donc plus parasitées. Le nombre d'œufs
ainsi pondus en pure perte s’élève environ au 1/3 des œufs pondus dans les couvées réussies à l’éclosion
(131 œufs). Ces 45 œufs, non éclos, représentent le cinquième de la totalité des œufs pondus.
— Le fait que les œufs à' Hypochera chalybeata sont souvent pondus à peu près en même temps
explique qu'en cas de réussite, une grande partie ou la totalité des œufs pondus par le parasite éclôt.
Ces œufs ont été déposés par la même femelle à quelques jours d’intervalle ou bien par plusieurs femelles
le même jour. Si donc, la date de ponte du premier œuf fut « bonne », toute la ponte éclôt « à temps ».
Les pertes subies par le parasite pendant l'incubation (tabl. 32 b) ont 3 causes : l’abandon du nid
par les parents nourriciers cause de la perte la plus importante (43 %) ; ensuite, l’absence totale d’éclo-
sion dans les nichées réussies (19 %) et enfin, l’échec partiel de l’éclosion des œufs (5 %). Dans le cas
de désertion des nids, il est bien évident que même les œufs pondus « à temps » ne peuvent éclore, ce
qui diminue encore les chances de réussite de l’éclosion des œufs de Combassou.
Source : MNHN, Paris
78
MARIE-YVONNE MOREL
TABLEAU 31
SUCCES DES COUVEES PARASITEES D'APRES LE NOMBRE D'OEUFS LU
PARASITE PONDUS
(Saisons de reproduction 1963/64 et 1964/65)
I - SUCCES DES NIDS
Nombre
d'oeufs H. c. par nid
a) Résultats bruts
- Nombre de nids contenant des
oeufs du parasite
- Nombre de nichées réussies à
l'éclosion
- sans oeuf du parasite éclos
- avec oeuf du parasite éclos
Ensemble de
nichées
- Nombre de nichées réussies à
l'envol
- n'étant pas parasitées à
l'éclosion
- parasitées à l'éclosion et
contenant à l'envol
uniquement des jeunes L. s .
uniquement des jeunes H. c .
des jeunes Uj. et H.'c .
Totalité de ces nichées
Ensemble de ces nichées
b) Pourcentages
- Nichées réussies A l'éclosion /
total des pontes
- nichées non parasitées
- nichées parasitées
Ensemble de ces nichées
- Nichées réussies A l'envol/
nichées réussies à l'éclosion
non parasitées à l'éclosion
parasitées à l'éclosion
Ensemble de ces nichées
- Nichées réussies à l'envol/total
des pontes
- non parasitées à l'envol
- parasitées à l'envol
Ensemble de ces nichées
1 2
73 36
24 6
17 13
41_ 19
2 1
11 10
_14 11
31_ 15
33 16
23 37
56 53
41 21
35 58
76 12
25 11
18 30
_4_3 _4_1
- Pourcentage de nichées parasitées
- à l'éclosion 41 68
- à l'envol /pontes 18 30
/ nichées à l'éclosion 32 58
/ nichées à l'envol 42 73
3 4 >4
Totaux
20
23
67
23
41
54
Source : MNHN, Paris
. TABLEAU 31
II - SUCCES DES OEUFS D'HYPOCHERA CHALYBEATA
Nombre d'oeufs H. c. par nid 1
a) Résultats bruts
1/ Hypochera chaiybe ata
Nombre
- d'oeufs pondus 73
- d'oeufs éclos 17
- de jeunes à l'envol 13
2/ Lagonosticta senegala
Nombre
- d'oeufs pondus 257
- d'oeufs éclos dans les nichées
- non parasitées 78
- parasitées 56
Ensemble de ces nichées 134
- de jeunes & l'envol dans les
nichées
- non parasitées à l'éclosion46
- parasitées à l'éclosion et
-non parasitées à l'envol 3
- parasitées à l'envol 30
Ensemble de ces nichées 79
b) Pourcentages
1/ Hypochera chalvbeata
- Oeufs éclos/oeufs pondus 23
- Jeunes à l'envol/oeufs éclos 76
- Jeunes à l'envol/oeufs pondus 18
2/ Lagonosticta senegala
- Oeufs éclos/oeufs pondus 52
- Jeunes à l'envol/oeufs éclos 59
- Jeunes à l'envol/oeufs pondus 31
c) Nombre moyens
1/ Hypochera chalvbeata
- Oeufs éclos par nid parasité
- à la ponte 0. 2
-à l'éclosion 1.0
- Jeunes à l'envol par nid parasité
- à la ponte 0,1
- à l'éclosion 0.7
- à l'envol 1* 0
2/ Lagonosticta senegala
Oeufs éclos par nid réussi
- à la ponte } • 8
- à l'éclosion 3. 2
Jeunes à l'envol par nid réussi
- à la ponte 1.0
-à l'éclosion 1.9
- à l'envol 2,- 5
1-21.
22
41
26
74
19
52
59
31
36 40 11
14 25
6 8
îk II l
9
13 23
2§ 23
5
7
3 6
8 13
51
36
18
57
46
26
2.0
3,0
464
109
133
59
10
68
52
57
30
1.8
3. 2
1.0
1.8
2,4
Source : MNHN, Paris
80
MARIE-YVONNE MOREL
TABLEAU 32
SUCCES A L'ECLOSION DES COUVEES PARASITEES D'APRES LE NOMBRE D’ OEUFS
D' HYPOCHERA CHALYBEATA PAR NID
a) Succès à l'éclosion
Nombre d'oeufs H, c. par nid
(stade oeufs)
Succès à l'éclosion des couvées
parasitées
Nichées parasitée s/nombre total
de nichées à l'éclosion
Nombre moyen de poussins par
nichées parasitée
- L. s .
- H. c .
Nombre moyen total
Distribution des nichées
56, 1 52, 7
41,5 68.5
3. 2 3. 1
1,0 1,4
4, 2 4, 5
40,5 31,0
4 >4 + Totaux
68,1 0.0 56,3
80,0 0,0 66,0
3,0 0.0 3,1
3.2 0,0 1.7
6.2 0,0 4, 8
28,5 0,0 100,0
Pourcentage de poussins du para¬
site dans ces nichées 23, 1 24, 8 52, 1
b) Répartition des pertes d'oeufs pendant l'incubation
Ensemble
Couvées à
l'éclosion
des
abandonnées
réussies
couvées
sans
des
parasite
couvées
Nombre d'oeufs H. c. pondus
232
101
131
45
86
Nombre d'oeufs H. c. non éclos
157
101
56
45
11
Pourcentage de pertes d'oeufs par
100, 0
- abandon de nids
- défaut d'éclosion dans une ponte
- de tous les oeufs H. c.
19, 3
-
- d'une partie des oeufs
H. c.
4,7
8.3
12,7
Totaux
67, 5
100,0
42. 8
100,0
12,7
+ : Ces couvées représentent 1,5% du total des couvées parasitées.
La perte causée au parasite par le comportement de ponte de son hôte est en partie contrebalancée
par son meilleur comportement incubateur. En créant des conditions plus favorables, le parasite diminue
de 10,6 % le nombre d’échecs subis pendant l’incubation. Comme la perte moyenne en œufs dans l’en¬
semble des couvées parasitées est de 1,18 œufs (157 œufs pour 133 couvées), la perte due à l’insuccès
de ces 10,6 % des couvées correspond à 11,9 % d’œufs. La perte totale en œufs du parasite s’élèverait
alors aux 4/5 des œufs pondus (79,4 %).
3. Envol
Le plan suivi pour étudier le succès à l’envol sera le même que celui adopté pour le succès à
l’éclosion : tout d’abord, réussite des pontes du Lagonosticta senegala, ensuite celle A'Hypochera cha-
lybeata.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SES EGALA À R ICI 1A R D-TOLL
81
a) Lagonoslicla senegala
Résultats
Ces résultats (tabl. 33) montrent comment le meilleur succès à l’éclosion des couvées parasitées
permet à l’espèce de subir pendant l’élevage une mortalité plus importante (en particulier, dans les nichées
ayant pour origine les pontes de 4 œufs) sans en supporter de conséquences fâcheuses.
1° Grâce à une réussite identique de toutes les nichées pendant l’élevage (77 %), les couvées
parasitées gardent le bénéfice acquis à l’éclosion d'un succès supérieur de leurs nichées : celles-ci donnent
42,8 % de nichées prêtes à l’envol contre 35,2.
2° Le meilleur succès à l’envol de ces nichées est compensé par un nombre moyen de jeunes
Amarantes par nichée plus faible (1,8 contre 2,2) si bien que le nombre moyen de jeunes à l’envol par
couvée redevient le même pour tous : 1,0.
3° Les couvées et les nichées à l’éclosion, qu’elles soient ou non parasitées pendant l’incubation,
montrent une distribution semblable en fonction du nombre d’œufs ou de poussins qu’elles comptent.
TABLEAU 33
SUCCES COMPARE A L'ENVOL DES COUVEES PURES ET DES COUVEES PARASITEES
DE LAGONOSTICTA SENEGALA
Taille de la ponte de L. s.
>5
Succès à l'envol
a - des nichées réussies
l'éclosion venant des
- non parasitées
- parasitées
71 66
75 71
87 100 77
100 100 76
17 26 43 55
20 38 48 90
60
50
35
43
Pourcentage de nichées tota ¬
lement réussies / nombre total
de nichées réussies
- couvées non parasitées
- couvées parasitées
80 39 43 9
67 41 23 11
39
28
4° Il n’en est plus de même à l’envol pour les nichées issues des pontes parasitées comptant
4 œufs d’Amarante. On recense moitié moins de nichées de 4 jeunes Amarantes (17,6 contre 31,8 %).
En outre, 10,5 d’entre elles ne comptent plus que des Combassous à l’exclusion de tout Amarante
(tabl. 34 et fig. 13). Le nombre moyen de jeunes Amarantes par nichée passe de 2,5 à 1,9.
La conclusion qui s'impose à la lecture de ces tableaux est la suivante : tandis que toutes les couvées
de 3 œufs d’Amarante, parasitées ou non, donnent à l’envol des nichées de composition identique,
celles de 4 œufs d’Amarante et plus accusent à l’envol une nette diminution du nombre de jeunes Ama¬
rantes quand elles ont été parasitées.
L’hypothèse de Hamilton et Orians (1965) — selon laquelle les poussins surnuméraires du para¬
site, en demandant la becquée en même temps que ceux de leurs hôtes, joueraient le rôle d’un super-
stimulus qui déclencherait chez les parents un réflexe amplifié pour la recherche de la nourriture —
ne se trouve donc pas vérifiée dans tous les cas. Il est évident que les parents ne peuvent élever
3 564 010 6 6
Source : MNHN, Paris
82
MARIE-YVONNE MORE1.
une quantité illimitée de jeunes. Une fois cette limite franchie, le nombre de poussins mourant
pendant l’élevage augmente considérablement. C’est cette limite qu’il faut chercher à définir, en étu¬
diant successivement la réussite des pontes d’Amarante, puis celle de Combassou. Il sera considéré
que, dans une nichée mixte, le poussin de Combassou occupe la même place qu’un poussin d’Amarante
si bien que seul le nombre de poussins dans une nichée importe et non leur identité.
Les couvées parasitées de 3 œufs d.'Amarante donnent, à l’éclosion, des nichées parasitées moyennes
de 4,4 poussins. Ce nombre est évidemment supérieur à la moyenne générale calculée pour l’ensemble
des nichées pures (3,3), mais encore égal à la taille moyenne d’une nichée née des couvées pures de
5 œufs d’Amarante. Dans ces conditions, les poussins de Combassou ne créent pas de charge supplé¬
mentaire aux parents nourriciers : tous les jeunes sont correctement élevés.
DISTRIBUTION DES COUVEES ET DES NICHEES DE L.s.
Nichées non porasitees Niche»» parasitée»
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LA GONOST JCTA SENE GALA A RICHARD-TOLL
83
TABLEAU 34
DISTRIBUTION DES NICHEES EN FONCTION DU NOMBRE D'OEUFS,
DE POUSSINS OU DE JEUNES DE LAGONOSTICTA SENEGALA QU'ELLES
COMPTENT.
Nombre d'oeufs de poussins
ou de jeunes contenus dans 01 2 3 4 5 > 5 Totaux
Couvées non parasitées
- à la ponte
- à l'éclosion
- à l'envol
Couvées parasitées ^
- à la ponte
- à l'éclosion
- à l'envol
11.7 24,7
28, 6
35,4
30,6
2 , 1
0, 0
100 , 0
100 , 0
100 , 0
10,5 14,0 21, 1
33, 8
40. 0
35, 1
100 , 0
100 , 0
100, 0
(+) toutes ces couvées ne donneront pas nécessairement de nichées parasitées à l'envol.
Il n'en est plus de même pour les couvées parasitées de 4 œufs d’Amarante : à l’éclosion, les nichées
parasitées comptent une moyenne de 5,1 poussins. Certes, une nichée aussi nombreuse ne constitue
pas encore une exception pour les parents nourriciers, car, à l’éclosion des couvées non parasitées, les
nichées de 5 poussins représentent 8,2 % de l’ensemble de ces nichées. Toutefois, ce qui est une moyenne
pour les nichées parasitées constitue un maximum pour les nichées non parasitées. Il existe donc un
certain nombre de cas où la quantité totale de poussins dans une nichée est encore plus élevée : leur
sort s’éclaire à la lumière des données recueillies sur le succès à l’envol des pontes de Combassou.
b) Hypochera chalybeata
Résultats
Tandis que le pourcentage de nichées abandonnées pendant l’élevage n’est pas modifié par le
parasitisme, la mortalité des poussins en est très affectée : ce sont les nichées les plus nombreuses à l'éclo¬
sion gui souffrent le plus du parasitisme. On se souvient que la moitié de la population de jeunes para¬
sites était concentrée dans le quart des nichées parasitées à l’éclosion. A l’envol, celles-ci n’en possèdent
plus que le tiers. La population Amarante est, elle aussi, sujette à de nombreux décès.
La composition des nichées à l'envol en est donc transformée : une plus forte proportion de nichées
comptant seulement un jeune Combassou et une proportion beaucoup plus faible de 3 ou plus. Le
tableau 35 donne la composition des couvées parasitées (stade œufs) et des nichées à l’éclosion et prêtes
à s’envoler. La diminution du nombre moyen de jeunes dans les nichées qui furent les plus nombreuses
à l’éclosion conduit à la formation de nichées comptant uniquement des Amarantes ou des Combas-
sous. Sur les 34 nichées parasitées à l’éclosion et réussies à l’envol, 3 comptent des Amarantes et 6 autres
des Combassous seulement. Ces 9 nichées représentent le quart des nichées réussies à l’envol (28,5 %).
La pression exercée par le parasite sur l’espèce-hôte joue d’une façon importante dans tous ces cas.
Elle se traduit par un abaissement du taux de réussite pour les deux espèces : l’hôte et le parasite.
Cependant, l’étude du taux général du succès à l’envol des œufs pondus révèle un résultat qui
mérite d’être commenté : ce taux de succès est indépendant de la taille de la ponte : il est toujours égal
au cinquième des œufs pondus par le parasite.
Source : MNHN, Paris
MARIE-YVONNE MOREL
TABLEAU 35
SUCCES A L'ENVOL DES COUVEES PARASITEES
a) D'après le nombre d'oeufs d' HYPOCHERA CHALYBEATA par nid
. dans une . -
Taux de s
'envol des
Distribution des nichées à l'envol 41,2
Pourcentage de jeunes H. c. dans
>4
Pourcentage de mortalité pendant
l'élevage
- des poussins L. s .
- des poussins H. c .
Pourcentage total de mortalité
23. 5
36,9
82, 1
b) D'après le nombre d'oeufs, de poussii
Nombre de parasites dans un nid 1
Distribution des nids comptant
- à l'éclosion, des poussin*
H. c .
- à l'envol, des jeunes H. c
61, 1
64, 1
62, 6
81, 5
54,9 27,1 9.0 7.5
45, 3
43, 5
100,0
Discussion
Ces résultats s’expliquent assez bien si ou se souvient des modalités d’éclosion des couvées
EN FONCTION DU NOMBRE d’œUFS QU’ELLES CONTIENNENT.
— pour les couvées parasitées par un ou deux œufs, les pertes sont importantes pendant l’incu¬
bation, mais les nichées réussies à l’éclosion comptent un nombre raisonnable de poussins que les parents
peuvent nourrir sans difficulté. Dans ces conditions, le succès à l’envol est bon. A un taux de mortalité
élevé pendant l'incubation succède un taux faible pendant P élevage;
— pour les couvées plus nombreuses, c'est exactement le contraire qui se passe. Les faibles pertes
subies pendant l’incubation ont entraîné la réussite de nombreuses couvées, chacune comptant un
nombre élevé de poussins. Les parents ne peuvent plus satisfaire tous les appétits. II s’instaure entre
les poussins une compétition sévère pour la nourriture qui cause dans les premiers jours de l’élevage
la mort d’une partie de ceux-ci. Mrs Nice (1937) fait remarquer que, dans ces conditions, ce sont les
parents eux-mêmes qui enlèvent du nid leurs jeunes moribonds, alors qu’habituellement, c’est le para¬
site qui rejette son hôte.
Les poussins les plus forts survivent seuls. Ils ont une double origine. Ils peuvent être nés les
premiers si bien qu’au moment de la naissance des autres poussins, ils sont déjà tous vigoureux, et en
cas de difficulté, ont davantage de chance de survivre ; ils peuvent aussi naître avec un poids plus élevé
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
85
et croître plus vite : ce sont là les caractères du poussin du parasite qui lui permettent de s’imposer
dans bien des cas.
De nouveau, la date de la ponte du parasite par rapport à celle de son hôte et la façon de pondre
des femelles jouent un rôle important, (on sait que la durée d'incubation des œufs de Combassou est
de dix jours et celle des œufs d’Amarante de treize).
L’éclosion des œufs du parasite peut avoir lieu avant, pendant ou après celle de son hôte. Il faut
immédiatement souligner que les parents commencent à nourrir les poussins du parasite même si ceux-ci
naissent avant la date normale de l’éclosion de leurs propres œufs. Un décalage do plusieurs jours peut
donc s observer entre le début de la période de nourrissage des poussins du parasite et la fin théorique
d’incubation des œufs de l’hôte.
Né le premier, les meilleures conditions sont réalisées pour le parasite qui a toutes les chances
de parvenir à l’envol.
Né le dernier, le poussin du parasite est généralement condamné à mourir.
Né en même temps, il doit soutenir une lutte âpre et si la nichée est très nombreuse, la nourriture
apportée par les parents est insuffisante et cause la mort des plus faibles ; si la nichée est moins nom¬
breuses, poussins du parasite et de l’hôte sont élevés simultanément, constituant les familles mixtes.
Des observations analogues sont relatées par Friedmann (1964) pour Clamator glan darius.
La réussite des pontes de 3 œufs ou plus de Combassou s’explique encore par la façon de pondre
des femelles :
— si les œufs sont pondus le même jour par plusieurs femelles et à une date telle qu’ils éclosent
avant ou en même temps que les œufs d’Amarante, tous les poussins de Combassou sont élevés norma¬
lement, au détriment des poussins d’Amarante qui disparaissent, incapables de lutter contre ces pous¬
sins mieux armés pour la vie. Contrairement à ce que pensait Friedmann (1963), il est possible que plu¬
sieurs œufs pondus par le parasite dans un même nid donnent des jeunes. Ce cas n’est pas fréquent :
dans un recensement de 76 nichées parasitées à l’envol (tabl. 36, fig. 14), il a été relevé que sur les
18,4 % de nichées composées uniquement de Combassou, 3,9 % comptaient 3 jeunes et 1,3 %, 4 jeunes.
TABLEAU 36
REPARTITION DES NICHEES D'APRES LE NOMBRE DE JEUNES DE LAGONOSTICTA SENEGALA
ET D 'HYPOCHERA CHALYBEATA QU'ELLES CONTIENNENT PEU AVANT L'ENVOL
L. = Nombre de jeunes de LAGONOSTICTA SENEGALA
H. = Nombre de jeunes d' HYPOCHERA CHALYBEATA
Nombre de nichées contenant :
nichées non parasitées
nichées parasitées
Pourcentage de nichées
12 3 4
~IÔ 61 80 66"
8 8 20 8
4 6 4 2
0 0 0 0
0 0 0 0
12 14 24 10
12 3 4
11.7 25.4 33.3 27,5
j Nombres
1 240
2 52
0 20
0 3
0 1
2 76
Nombres
5 totaux
2.1 100,0
nichées parasitées
1 7,9 10. 5 10, 5 26. 3 10. 6
2 5.3 5. 3 7.9 5.3 2. 6
3 3,9 0 0 0 0
4 1,3 0 0 0 0
Nombres
totaux 18,4 15,8 18,4 31,6 13,2
68.4
26.4
Source : MNHN, Paris
MARIE-YVONNE MOREL
DISTRIBUTION DES NICHEES A L'ENVOL
Nichtts non porosité»* Niché»* parasitée»
— si les pontes multiples de Combassou sont le fait de plusieurs femelles pondant à quelques
jours d’intervalle dans le même nid ou celui d’une même femelle dont la ponte s étale sur plusieurs
jours, l’éclosion des œufs sera échelonnée. Elle a lieu pour les premiers œufs pondus, avant ou en même
temps que celle des œufs de l’hôte et le plus souvent après cette dernière pour ceux pondus plus tardi¬
vement. Les poussins de Combassou nés les premiers ou en même temps ont toutes les chances d’être
correctement élevés, tandis que ceux nés ensuite n’en ont plus guère.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
87
D. — DISCUSSION DE QUELQUES-UNS DES PROBLÈMES SOULEVÉS
1) Taille de la ponte en fonction du nombre de jeunes
que les parents peuvent nourrir.
S il est vrai, comme le pense Lack (1954), que la taille de la ponte d’un oiseau est adaptée au
nombre maximum do jeunes que les parents peuvent correctement nourrir, le cas offert par l’Amarante
parasité par le Combassou présente beaucoup d’intérêt, car les jeunes du parasite ne sont pas élevés
à la place des poussins de l’hôte, mais en supplément. La production de jeunes est augmentée d’un
dixième si on considère le succès à l’envol de l’ensemble des couvées et de davantage encore, presque 1/3,
si on envisage seulement le succès des couvées parasitées.
TABLEAU 37
Proportion respectives des Amarantes et Combassous juvéniles dans les
nichées à l'envol.
*
Ensemble des
Nombre d'Amarantes juvéniles
à l'envol 380
Nombre de Combassous juvéniles
à l'envol 41
Nichées
parasitées
137
41
Combassous/Amarantei
La composition des nichées parasitées à l’envol montre aussi que lorsque la taille moyenne
de la ponte passe de 3,5 œufs (moyenne générale pour les couvées non parasitées) à 5,3 (moyenne d’œufs
pondus dans les couvées contenant 2 œufs du parasite et qui donnent le maximum de jeunes à l’envol),
le nombre de poussins à l’envol est augmenté d’une unité. Ceci ne constitue pas une exception, car
75 % des nichées parasitées à l’envol comptent un nombre moyen total de poussins supérieur de 0,7
à celui calculé pour les nichées non parasitées. Ces nichées contenaient au stade œufs 1 ou 2 œufs du
parasite si bien que la taille moyenne de ces couvées est de 4,7. Étant donné les meilleurs résultats
obtenus à l’envol avec ces couvées, nous serions tentée de les appeler « couvées idéales ».
TABLEAU 38
Variations de la taille moyenne des nichées à L'envol suivant la taille de la couvée.
Taille moyenne
- des couvées
- des nichées à l'envol
parasitées
Couvées parasitées
avec Moyenne pour
1 oeuf 2 oeufs 2 catégories
du parasite
3,5
4,5 5,3
4,7
2, 8
3,2 3,9
3. 5
Source : MNHN, Paris
MARIE-YVONNE MOREL
Tout porte donc à croire que, dans certaines conditions, les parents Amarantes qui seraient
soumis à un super-stimulus peuvent nourrir davantage de jeunes qu’ils ne le font habituellement.
Déjà, un précédent résultat avait révélé la tendance des parents à nourrir des nichées nombreuses
puisque le taux de succès (entre l’éclosion et l’envol) est le plus élevé pour les pontes non parasitées
de 4 œufs d’Amarante.
Ceci nous amène à soulever le problème important posé par Lack (1954). Pour cet auteur, en
effet, la taille de la ponte est adaptée au nombre de jeunes que les parents peuvent correctement nourrir
en sorte que les couvées donnent le maximum de survivants dans les mois qui suivent l’envol.
Le poids moyen de ces nichées plus nombreuses n est-il pas abaissé ? S’il en était ainsi, cela condui¬
rait inévitablement à une mortalité plus importante après le départ du nid. La difficulté de faire des
pesées suffisamment précises sur ces oisillons pesant moins de 7 grammes et assez nombreuses pour mettre
en évidence une différence significative ne nous permet pas de répondre à cette question, mais il nous
a semblé que les jeunes de ces nichées prêts à s’envoler présentaient généralement un état satisfaisant.
Les captures de ces jeunes après le départ du nid n’ont pas été suffisamment nombreuses pour
établir une table de mortalité en fonction de la taille des nichées.
Il n’est pas davantage possible de prouver que les parents, en intensifiant leurs activités de nour-
TABLEAU 39
REPARTITION MENSUELLE DES COUVEES ET NICHEES PARASITEES
DE LAGONOSTICTA SENEGALA
Mois de ponte
COUVEES^
Nombre de couvées
Juil. Août Sept.
Oct. Déc.
Mars Mai
moyen d'oeufs
jée parasitée
NICHEES A L'ENVOL v
Nombre de nichées
Nombre moyen de
jeunes par nichée
parasitée
0, 9 37, 3 45,9
0,0 16,0 34,7
(+) Recensées pendant les saisons 1963/64 et 1964/65 (cf. tabl. 27 et 28).
(-1+) Recensées pendant plusieurs saisons de reproduction (cf. tabl. 36).
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOI.L
89
rissage, ne se sont pas « usés » prématurément. Plusieurs raisons nous font croire cependant qu’il n’en
est généralement pas ainsi :
— tout d’abord, l’accroissement de la taille de la nichée causée par la présence du parasite
n’est pas aussi grand qu’on pourrait l’imaginer puisqu’il a été déjà dit que la taille moyenne d’une
nichée parasitée ne dépassait pas la taille maximum d’une nichée pure d’Amarante dans 75 % des
cas et que dans les autres, une mortalité importante sévissait chez les poussins dès la naissance,
— les besoins alimentaires des poussins n’augmentent pas non plus proportionnellement à
leur nombre, car certaines dépenses énergétiques (telle la déperdition de chaleur due à l’absence d’iso¬
thermie dans les premiers jours de leur vie) deviennent moins importantes (Royama, 1967),
— enfin, le mode de nourrissage par régurgitation n’oblige pas les parents à multiplier leurs
visites au nid (comme c’est le cas des insectivores), mais seulement à emmagasiner dans leur jabot
davantage de graines. Ils doivent donc développer une activité plus grande pour les picorer à terre.
Or, le pourcentage de nichées parasitées et le nombre moyen de jeunes du parasite à l’envol (tabl.39)
passe par un maximum à l’époque de l’année où précisément les graines sont les plus abondantes et
par conséquent les plus faciles à trouver. L’effort exigé des parents pour l’élevage du poussin du para¬
site est alors réduit à son minimum. En effet, ce sont les pontes d’ Hypochera chalybeata des mois d’oc¬
tobre et de novembre qui donnent à elles seules la moitié de la population de jeunes qui s’envolent
au cours d’une saison de reproduction. Les pontes d’Amarante en fournissent pendant ces mêmes
mois un peu moins du tiers (260 jeunes pour un total de 841, soit 31 %).
Quelles que soient les objections qui puissent être faites sur l’espérance de vie des poussins
élevés dans des nichées plus nombreuses ou des parents qui les nourrisent, les pontes normales d'Ama¬
rante ne correspondent pas au nombre maximum de jeunes que les parents peuvent nourrir au nid.
Pourtant, si celles-ci comptaient en moyenne un œuf de plus, trois nidifications seraient suffisantes
pour assurer le renouvellement de la population, au lieu de cinq, comme c’est le cas actuellement.
L’espèce pourrait alors bénéficier d’une période de « repos » plus longue, ce qui pourrait entraîner une
plus grande longévité.
2) Lagonosticta senegala
Dans un précédent chapitre, il a déjà été souligné que la population nidificatrice d'Amarante se
caractérise par son extrême jeunesse : au début d’une saison de reproduction, 3 parents sur 4 ont moins
d’un an. On sait aussi que chez toutes les espèces aviennes, les jeunes femelles se distinguent des femelles
plus âgées par une ponte plus faible et, par conséquent, par une productivité moindre. Ces femelles
élèvent-elles moins de jeunes parce qu’elles pondent moins d’œufs ou bien la taille de leur ponte est-
elle en relation avec leurs possibilités d’élevage plus restreintes ?
Dans la première hypothèse, la productivité plus faible en poussins tiendrait uniquement à
une déficience dans la ponte, laquelle est à son tour responsable d’une carence de l’incubation (puisque
une petite ponte est un plus faible stimulus à couver). Il serait alors logique de penser que si la cause
de cette carence était supprimée (c’est-à-dire si les femelles pondaient plus d’œufs), les parents, quoique
jeunes, nourriraient un nombre de poussins équivalent à celui des parents plus âgés. Les espèces para¬
sites s’installeraient alors chez ces espèces qui, naturellement, élèvent moins de jeunes qu’elles ne le
pourraient, ce qui laisse une marge pour l’élevage du parasite.
Dans la deuxième hypothèse, la taille de la ponte des jeunes femelles est en relation avec leurs
possibilités physiques, la présence des poussins surnuméraires du parasite provoque une fatigue exces¬
sive des parents qui se terminerait par une mortalité précoce anormalement élevée, ce qui nécessite¬
rait un renouvellement rapide de la population et expliquerait sa jeunesse.
On a également remarqué qu’après leur indépendance, les jeunes des deux espèces ne partagent
plus le même biotope. Celui du parasite englobe une plus large fraction de la savane si bien que les
deux espèces ne sont plus en compétition directe pour la nourriture, ce qui ne serait pas le cas s’il s'agissait
de jeunes de la même espèce. Il a déjà été suggéré que le système de reproduction de l’Amarante serait
peut-être celui qui assurerait l’exploitation la plus rationnelle de son milieu : la succession des cohortes
Source : MNHN, Paris
90
MARIE-YVONNE MOREL
au cours de l’année éviterait une surpopulation momentanée (qui ne manquerait jamais de se produire
si tous les jeunes sortaient du nid à la même date) et un épuisement rapide du milieu. Il y aurait donc
eu adaptation, de la part des parents, de la taille de leur ponte à la quantité de jeunes que le milieu
peut supporter à un moment donné. Il y aurait eu multiplication des pontes au détriment du nombre
d’œufs par ponte. Ces parents pourraient donc élever en même temps davantage de jeunes. C’est ce
qu’ils feraient quand l’occasion se présente, c’est-à-dire quand le parasite pond dans leur nid. Ce serait
les conditions écologiques qui auraient déterminé la taille actuelle de la ponte de l'Amarante et permis l’éta¬
blissement du parasitisme dans cette espèce.
3) Hypochera chalybeata
On peut enfin essayer de dégager quelques traits de la biologie du parasite Hypochera chalybeata.
C’est un oiseau des savanes tropicales qui se nourrit exclusivement de graines dès sa naissance ; il ne
vit jamais en colonie et ne parasite pas une espèce coloniale. La durée de sa saison de reproduction
adaptée à celle de son hôte, est une des plus longues que l’on connaisse. Le polymorphisme des nids
de son hôte l’oblige à trouver des nids de formes variées (en coupe ou en dôme) dans divers endroits
à terre ou en hauteur. Le stimulus déclencheur de la ponte n’est pas constitué par la vue d’un nid vide'
ou contenant des œufs, mais par la présence d'un oiseau installé pour y couver. Sa ponte n’est jamais
parfaitement synchronisée avec celle de son hôte, ce qui est pour lui une cause importante d’échecs
malgré un temps d’incubation plus court et une croissance plus rapide de son jeune. Elle peut être
multiple dans un même nid, provenant soit de la même femelle, soit de plusieurs. Enfin, le Combassou
n’enlève ni les œufs, ni les jeunes de son hôte, mais son jeune est élevé en même temps qu’eux sans
prendre leur place. La famille ainsi réalisée est habituellement mixte et se maintient jusqu’à l’indépen¬
dance des jeunes. Il semble bien qu’un équilibre entre hôte et parasite (Friedmann, 1960 ; Wynne-
Edwards, 1962) se soit établi et que l’hôte ait acquis par voie évolutive des moyens de limiter l’em¬
prise du parasite. La méthode de construction du nid pourrait ainsi, chez Lagonosticta senegala, contri¬
buer à réduire les chances du parasite, car l’Amarante ne manifeste généralement pas d’agressivité
envers le Combassou.
La saison de reproduction de l’hôte déborde légèrement celle du parasite : de juillet à mai pour
l’Amarante et d’août à avril pour le Combassou. En effet, la répartition mensuelle des œufs pondus
par le parasite pendant une saison de reproduction de l’hôte s’établit ainsi : juillet : 0 ; août : 4 ; sep¬
tembre : 18 ; octobre/novembre : 36 ; décembre/janvier : 22 ; février/mars : 19 ; avril : 2 ; mai : 0 (pour¬
centage calculé sur 232 œufs). Par ailleurs, le pourcentage de couvées parasitées et d’œufs du parasite
pondus par couvée (tabl. 23) est plus élevé pour les mois d’octobre/novembre, au moment précisément
du pic de reproduction de l’Amarante. Par conséquent, contrairement à ce qu’écrit Payne dans un
article trop récent pour figurer dans la bibliographie ( Condor , 1973, 80-99), il n’y a pas de synchroni¬
sation parfaite des reproductions de la Veuve et de son hôte, tout au moins à Richard-Toll où nous
les avons étudiés. Le comportement reproducteur serait donc semblable à celui de Molothrus aler (Icté-
ridés) dans le centre de la Californie, bien que ces deux espèces diffèrent par le nombre de leurs hôtes •
un seul pour Vidua chalybeata et plusieurs pour Molothrus ater. Si on peut penser que le déclenchement
de la reproduction du parasite est provoqué par un (ou plusieurs) signal associé à l’activité nidifica-
trice de l’hôte, il est difficile pour l’instant de trouver le facteur responsable de l’arrêt de la reproduc¬
tion chez le Combassou.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
91
CHAPITRE IV
DOCUMENTS ÉTHOLOGIQUES
SUR LAGONOSTICTA SENEGALA
Les différents schémas moteurs du comportement de l’Amarante ont été jusqu’ici décrits sur
des animaux de volière en Europe (Harrison, 1956; Kunkel, 1959; Nicolaï, 1964). A la différence
de ces travaux, nos observations ont habituellement porté sur des oiseaux vivant dans leur habitat
naturel, et quand celles-ci avaient lieu en volière, c’était bien entendu encore sous climat tropical.
A. — ACTIVITÉS INDIVIDUELLES
1) Locomotion
L’observateur, regardant un Amarante, est frappé par les incessants mouvements de sa queue.
Au repos et dans les situations calmes, celle-ci est régulièrement levée, puis abaissée en décrivant un
léger arc de côté, elle est tenue fermée et ses mouvements demeurent lents et de faible amplitude.
Un Amarante en proie à l’excitation causée par un bruit, un danger ... agite sa queue violemment de
droite à gauche, l’ouvre plus ou moins complètement, exhibant ainsi les dessins bicolores des caudales,
rouges à leur base et noires à leur extrémité qui, dans les autres positions, n’apparaissent pas avec
autant d’ostentation. La tête n’est pas davantage immobile : il la tourne en tous sens, en haut, en bas,
sur le côté, en même temps qu’il regarde attentivement ce qui se passe autour de lui, l’œil grand ouvert.
Il avance par petits sauts en s'arrêtant souvent pour changer chaque fois de direction, même en terrain
découvert où pourtant aucun obstacle ne s’opposerait à un déplacement en ligne droite. Il garde tou¬
jours une démarche zigzagante. En savane, il ne pénètre jamais à l’intérieur des touffes d’herbes, mais
les contourne. Il lui arrive de sauter par-dessus un ou plusieurs congénères, ou même d’effectuer un
court vol qui le fait se poser à quelques mètres plus loin. Il se faufile adroitement dans les buissons
touffus et se tien aussi volontiers sur les branches dégagées. Toutefois, comme il ne sait ni grimper,
ni se tenir en équilibre sur un épi, encore moins la tête en bas, il ne se perche jamais sur une tige ou
une branche verticale, se distinguant en cela d'Estrilda troglodytes. C’est un oiseau humicole qui n’est
dépassé dans cette adaptation que par Ortygospiza atricollis, lequel se perche rarement. Ses vols sont
toujours effectués à faible hauteur, sur de courtes distances et sont ondulants.
2) Alimentation
L’Amarante se nourrit essentiellement de graines uniquement ramassées sur le sol, auxquelles
il ajoute quelques fragments de feuilles et très rarement des insectes. L’analyse de quelques jabots
d’Amarante prélevés à différentes dates donne un aperçu de sa nourriture (tabl. 40). Pendant la saison
Source : MNHN, Paris
92
MARIE-YVONNE MOREL
TABLEAU 40
ANALYSE DU CONTENU DE QUELQUES JABOTS DE LAGONOSTICTA SENEGALA A
RICHARD-TOLL
La détermination des graines a été faite par Monsieur le Professeur BODARD à
qui j'exprime mes vifs remerciements.
prélèvemer
Age et Sexe
ît du
senegala
Nombre de
graines
dans le
Identification des graines
28.11. 1961
i i mma ture
240
66% grains de riz
9% Dactvloctenium aeevptium
17% Panicées div. : Panicum.
Setaria.
dont 2 à 3% Panicum loneijubatum
3% feuilles
5% divers
4. IV. 196!
♦ immature
ovaire granu¬
leux
Mue de la 3°
primaire
276
56% brisures de riz
15% Panicum aohanorum
12% Pennisetum asperifolium (fide Berhau)
5% Panicum subalbidum
3% Echinochloa colona
2% Pennisetum violaceum
traces Soporobtilus coromandelianus
6% débris plumes
5. IV. 1961
344
2% Dactvloctenium aeevptium
7% Chloris puisa
40% Dieitaria velutina
41% Echinochloa colona
+ Sporobulus coromandelianus
VI. 1961
ï immature
145
82% Echinochloa colona
7% Digitaria velutina
11% Chloris pilosa
VI. 1961
î
451
29% Panicum subalbidum
31% Digitaria velutina
31% Cypéracées
4% Chloris pilosa
2% Dactvloctenium aeevptium
+ Sporobulus coromandelianus
+ beaucoup de sable
?
182
1% brisures de riz
64% Dieitaria velutina
11% Dactvloctenium aeevptium
13% Echinochloa colona
3% Chloris prieuri
4% Indéterminés
?
167
72% brisures de riz
9% Dactvloctenium aeevptium
10% Panicum subalbidum
+ Pennisetum asperifolium
5% Débris divers
des pluies, il doit se nourrir de graines fraîches qu’il fait tomber en secouant les épis, à moins qu’il ne
trouve par hasard un perchoir qui le mette à bonne hauteur. Il déchire 1 extrémité des feuilles en tirant
sur elles par petits sauts. Il happe aussi à quelques centimètres du sol les Termites ailés et d’autres minus¬
cules insectes qui volent après une pluie, mais il ne consomme habituellement aucune proie animale.
En volière, toutefois, l’équilibre alimentaire semble imparfaitement réalisé avec les mélanges de graines
achetées dans le commerce. La reproduction y est favorisée par l’apport de Termites Trinervitermes sp.).
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LA GONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
93
Au sol, des groupes serrés d Amarante d’ages différents se forment et explorent lentement un
terrain. A la moindre alerte, les plus âgés s envolent vers les buissons le plus proche, tandis que les jeunes,
récemment sortis du nid, restent habituellement sur place.
3) Boisson
Pour boire, 1 Amarante se tient tout près du bord de la flaque et paraît redouter de s’aventurer
au-delà, s opposant ainsi à beaucoup d’espèces ( Larnprocolins , Quelea). Il absorbe rapidement quelques
gorgées et s'éloigne. Dans les jardins, il préfère l’eau fraîchement renouvelée, mais il peut se contenter
de gouttelettes déposées par l’arrosage sur les feuilles ou dans de minuscules excavations.
En savane, les Amarantes s’égaillent pendant la saison des pluies à quelques kilomètres des
points d’eau permanents et y retournent ensuite.
4) Frottement du bec
Après avoir picoré ou bu, l’Amarante se nettoie le bec en le frottant rapidement de la base au
sommet contre un object dur. Il utilise aussi ce geste dans certaines situations particulièrement sti¬
mulantes.
5) Bain
Quand il le peut, l’Amarante se baigne. A cet effet, il choisit une flaque peu profonde où il entre
prudemment jusqu’à ce que ses pieds soient juste recouverts d’eau, puis il penche le corps en avant,
plonge le bec et s’asperge en remuant les ailes. Il se redresse ensuite pour recommencer encore plusieurs
fois, puis vole rapidement vers un perchoir où il se sèche. Dans les jardins de Richard-Toll, l’Amarante
recherche pour se baigner les flaques fraîchement renouvelées et, si l’eau coule en permanence, les heures
les plus chaudes. Le choix de la flaque dépend essentiellement de sa profondeur, de la présence à proxi¬
mité d’un arbuste où il puisse se sécher tranquillement et peu de l’ensoleillement. Une flaque exposée
au soleil, même à midi, retient aussi bien l’Amarante qu’une autre placée à l’ombre, pourvu que les
autres conditions soient remplies. S’il est dans une cage où la petitesse de l’abreuvoir ne lui permet pas de
prendre un bain, il effectue tout de même, après s’y être rendu pour boire, les mouvements d’ailes
qu’il exécuterait normalement pour se faire sécher.
6) Bains de soleil
L’Amarante prend aussi des bains de soleil. Il expose son dos au soleil, la tête légèrement dressée,
les plumes hérissées, le bec entrouvert, la queue largement étalée touchant le perchoir ou le sol, les
deux ailes à moitié ouvertes dégageant parfaitement le croupion. Il se livre à cette activité même aux
heures les plus chaudes alors qu’habituellement il préfère l’ombre. Quant aux bains de poussière, il
ne nous a jamais été donné d’en observer.
7) Sommeil
Enfin, le soii, l’Amarante s’installe pour dormir. Il choisit un buisson à feuillage épais consti¬
tuant une protection contre les inclusions des prédateurs nocturnes. Un nid ne lui sert jamais de refuge
pour la nuit ; c’est seulement pendant la couvaison et pendant les premiers jours de l’élevage des jeunes
que la femelle y dormira.
La recherche d’un endroit pour passer la nuit commence bien avant le coucher du soleil et offre
Source : MNHN, Paris
MARIE-YVONNE MOREL
l’occasion d'un grand déploiement d’activités. L’Amarante picore avec hâte des graines à terre, puis
monte dans un buisson d’où il redescend peu après, reprend d’autres graines, va quelquefois boire,
puis vole vers un autres buisson dont il explore les branches jusqu’à ce qu’il ait trouvé une place. Il
doit alors se défendre contre de nouveaux venus, car chacun est évidemment à la recherche d’un endroit
pour dormir. Tous ces va-et-vient s’accompagnent de multiples cris : cris de contact, cris d'alarme ou
cris de bataille.
A la lumière de l’hypothèse de Wynne-Edwards (1962), ces activités seraient peut-être chargées
d’une fonction épidéictique.
Les Amarantes montent les uns après les autres dans les arbustes. Ce sont en général les jeunes
venant de quitter leur nid et leurs parents qui sont déjà en place une heure avant la tombée de la nuit ;
d’autres s’attardent à terre en activité alimentaire jusqu’à ce que l’obscurité soit presque complète :
il s’agit le plus souvent de mâles couveurs qui, ayant dû attendre la relève de la femelle pour laisser le
nid, n’ont plus guère de temps pour trouver leur nourriture. Le lendemain, au soleil levant, tous les Ama¬
rantes descendent rapidement de leurs perchoirs et commencent aussitôt à rechercher quelques graines.
L’Amarante ne manifeste aucune fidélité à un point donné ; il n’a pas de perchoir attitré pour
chanter ou faire sa toilette. Dans le jardin de la Station, d’une superficie voisine d’un quart d’hectare,
il nous a toujours été impossible de suivre des individus marqués plusieurs semaines de suite.
B. — COMPORTEMENT INTERINDIVIDUELS
1) Distance interindwiduelle
C’est la distance minimum qui sépare deux oiseaux de même espèce au moment où l’un vient
se poser à côté de l’autre sur un perchoir horizontal sans provoquer de réaction agressive de sa part.
Une fois ensemble, ils peuvent encore se rapprocher l’un de l’autre jusqu’à une nouvelle distance, plus
courte par conséquent que la précédente et nommée distance après accoutumance (settle distance, Crook,
1958).
Il arrive néanmoins que cette distance soit encore franchie au point que les oiseaux se trouvent
côte à côte : c’est là une caractéristique de beaucoup d’espèces d’Estrildidés et de quelques autres
familles. Elle est limitée chez les Amarantes aux oisillons d’une même nichée avant leur indépendance
et au couple.
Les oisillons d’une même nichée conservent après l’envol l’habitude acquise au nid de se serrer
les uns contre les autres et forment des groupes de deux ou de trois, composés aussi bien d’Amarante
que d’Amarante et de Combassou, puisque les jeunes de ces deux espèces n’établissent encore aucune
différence entre eux. Ils se placent généralement les uns contre les autres dans le même sens, quoiqu'il
leur arrive, surtout quand ils sont trois ensemble, de se mettre tête-bêche.
Les couples sont, eux, exclusifs. Us ne tolèrent jamais à leurs côtés la présence d’un troisième
oiseau. Ils prennent le plus fréquemment cette attitude au moment de la mue. On les voit alors, l’un
près de l’autre, sans nécessairement se toucher, soit à terre le matin et le soir, soit perchés à l’ombre
d’un épais feuillage aux heures les plus chaudes. C’est l’époque pour eux d’une moins grande activité,
puisque la nidification a cessé. Ce comportement s’observe tout au long de l’année, mais devient plus
rare au moment de la reproduction, il disparaît même complètement pendant l’incubation des œufs,
puisque les partenaires couveurs se croisent à l’extérieur du nid sans jamais se toucher.
2) Combats
L’Amarante défend les abords de son nid dès le début de sa construction et pendant toute la
nidification. En outre, il manifeste des réactions agressives envers ses congénères et envers les prédateurs.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA A RICHARD-TOLL 95
L Amarante, qu’il soit à terre ou perché sur une branche, redresse légèrement la tête, étire un
peu le cou et dirige son bec fermé vers un congénère qui s'approche trop près de lui. Ce geste est habi¬
tuellement suffisant pour que l’intrus modifie son chemin, mais s’il s’obstine, il est aussitôt poursuivi,
rejoint et a bourré de coups » à la tète, au cou et sur le dos, par l’autre oiseau qui a maintenant la queue
ouverte et violemment agitée de mouvements latéraux et verticaux. Bientôt, l’un des deux se retire
et le combat cesse. Ces disputes se renouvellent tout au long des journées et demeurent habituellement
bemgnes, elles peuvent parfois devenir violentes et conduire à la mort d’un combattant.
[L introduction d’un mâle étranger en plumage juvénile dans une grande volière habitée par un
couple déclenchait le premier jour une poursuite acharnée de la part du mâle installé dans la volière :
le jeune intrus ne pouvait se poser nulle part sans être immédiatement rejoint par l'autre mâle qui
l’en délogeait aussitôt et le poursuivait à travers toute la volière. Cette hostilité s’éteint généralement
d elle-même lorsque la volière est suffisamment grande pour permettre aux deux mâles de s’y tailler
chacun un territoire].
Kunkel (1959) a décrit un combat similaire dans une volière où vivait un couple et où fut intro¬
duite une femelle : celle-ci fut prise en chasse par le mâle.
Dans un lieu dont il veut s’assurer la « propriété » pour y nidifier, l’Amarante se tient immobile,
le plumage de la poitrine et du dos légèrement soulevé, la queue pendante, les ailes dégageant le crou¬
pion et le bec pointé en avant. Il tourne constamment la tête, surveillant tout ce qui se passe autour
de lui. L’approche d’un nid est interdite à tout intrus de son espèce qui est éventuellement poursuivi
jusqu’aux frontières du territoire.
Devant l’attaque d’un prédateur beaucoup plus gros que lui, l’Amarante n’engage pas le combat,
mais cherche à s’esquiver et se pose un peu plus loin, multipliant les cris d’alarme, les mouvements
de queue, s’essuyant nerveusement le bec, faisant une toilette désordonnée, soulevant légèrement
l’une ou l’autre aile repliée.
3) Réflexe d’immobilisation
Il a été observé une fois dans les conditions que voici :
[Dans une hutte africaine, un couple d’Amarante cherchait, le 20 mars 1964, à établir son nid
dans un rouleau de nattes. Au moment où il redescendait à terre pour picorer quelques graines, entre
une Combassou femelle qui s’installa sur le rebord d’une fenêtre, juste à proximité des nattes. Tandis
que le mâle poursuivait son activité, la femelle s’arrêta aussitôt de manger et alla se cacher dans un
coin obscur, derrière un mortier à mil et se figea : invisible, grâce à la couleur de son plumage, elle était
absolument immobile et le demeura pendant les dix minutes qui suivirent. Elle était appuyée sur le
flanc gauche, les pattes fléchies, la queue à moitié relevée, la tête légèrement dressée en même temps
que tournée de biais si bien qu’elle regardait d’un seiü œil, le bec dirigé obliquement vers le sol].
Ce réflexe d’immobilisation avait été rarement observé jusqu’ici chez les Estrildidés. Moynihan
et Hall (1954) l’avaient décrit pour Lonchura punctulata, mais n’avaient pu découvrir le stimulus res¬
ponsable de cette réaction, car elle semblait indiquer la présence d’un prédateur, cause improbable
puisque les Lonchura se trouvaient dans des volières isolées du monde extérieur. Il est alors tout à fait
remarquable que le Combassou puisse être parfois considéré de cette façon par l’Amarante, d’autant
plus qu’il ne lui témoigne habituellement aucune hostilité. Sans doute, la femelle, qui assistait au début
de la construction de son nid, se trouvait-elle dans un état de grande excitation. On peut admettre
que la parfaite immobilité de la femelle détourne le parasite de la recherche du nid. Cette observation
montre de quelle complexité sont les relations entre un hôte et son parasite.
4) Toilette mutuelle
Pour ce comportement, un des oiseaux s’approche très près de l’autre, souvent le bec pointé
en avant comme pour lui donner un coup de bec, mais l’autre lui répond en dressant les plumes de la
Source : MNHN, Paris
96
MARIE-YVONNE MOREL
tête, et alors commence un long cérémonial au cours duquel le patient, les yeux habituellement fermés,
se laisse lisser les plumes de la tête, celles du cou, de la poitrine et parfois meme les caudales. Au cours
des fréquentes interruptions provoquées par la poursuite d’un autre Amarante qui s’approche, l’oiseau
toiletté garde la même position si l’attente n’est pas trop longue ; sinon, il reprend sa toilette person¬
nelle pour l’arrêter immédiatement dès que le toilettant revient. Tant que dure cette toilette, il change
continuellement d’attitude, dressant le cou, tournant la tête de droite à gauche et présente au parte¬
naire les divers endroits à lisser. Généralement, le toilettant finit par quitter son poste et il s’installe
un peu plus loin où il est bientôt rejoint. C’est alors lui qui reçoit les soins de son partenaire.
En volière, il est possible de voir un troisième Amarante, mâle ou femelle, s’approcher d’un couple
qui se livre à cette activité et s’y adonner lui-même sans provoquer de réaction de la part du toilettant,
mais il semble bien que ceci soit dû à un relâchement de vigilance, car dès que ce dernièr s’en aperçoit,
il s’arrête aussitôt pour prendre l’intrus en chasse.
On ne peut pas limiter cette toilette mutuelle aux seules plumes qu’un oiseau ne peut atteindre
lui-même. A la suite de beaucoup d’autres auteurs, nous avons observé que, chez l’Amarante, les plumes
lissées ne sont pas seulement celles de la tête et du cou. Sparks (1964) a d’ailleurs récemment montré
qu’un Estrildidé asiatique, Ainandava amandava, dont la tête avait été saupoudrée de farine, n’avait
pas reçu de son partenaire une meilleure toilette mutuelle qu’à l’ordinaire.
Comme la toilette mutuelle a lieu pendant la mue, mais aussi pendant la reproduction, on peut
penser qu’elle contribuerait à la solidité du lien du couple. Trois observations qui se complètent viennent
à l’appui de cette interprétation.
[Au mois d’août, quand les Amarantes qui n’ont pas encore commencé à nidifier, sont toujours
groupés en couples, nous avons vu, une fois, un mâle en parfait plumage adulte, faire la toilette de sa
femelle, puis s’en éloigner pour prendre une plume à terre et revenir près d’elle pour exécuter la parade
de la plume, qui était certainement dans ces conditions une parade sexuelle, préalable à l’accouplement.
Une autre fois, une femelle qui venait de constater la disparition de ses jeunes du nid où elle
venait les nourrir, se rapprocha peu après de son mâle (qui était comme elle reconnaissable à sa
bague de couleur), lui fit une longue toilette de la tête, du cou et de la poitrine, puis tourna deux fois
autour de lui avant de s’envoler avec lui.
Enfin, en volière cette fois, un jeune mâle, ayant seulement quelques plumes rouges à la gorge,
cherchait à former un couple avec une femelle. Il s'en approcha à la façon d’un Estrildidé en excitation
sexuelle, la démarche oblique, les plumes plaquées sur le corps. La femelle, au lieu de se sauver ou de
le menacer du bec, dressa les plumes de la tête, puis, quand il fut à côté d’elle, il lui lissa les plumes
de la tête, celles du cou, du dos et même les caudales, il sautait par-dessus elle lorsqu’il changeait de
côté, enfin, une fois, il posa les pieds sur son dos, déclenchant les vibrations de la queue qui précèdent
habituellement un accouplement.]
Ces observations sont en accord avec celles faites sur d’autres Estrildidés australiens et une
espèce africaine, Amadina fasciata (Immelmann, 1962) où la toilette mutuelle a lieu aussi au moment
de la formation des couples et des accouplements. Kunkel (1966) avance la même interprétation.
5) Emissions sonores
a) Cris simples
Au cours de ses activités, l’Amarante émet un certain nombre de cris. Les uns sont communs
aux deux sexes : ce sont les cris do cohésion, d'alarme ou d'excitation, de bataille, de détresse, le cri au
nid et le chant solitaire, tandis que le chant sexuel est réservé au seul mâle.
Le cri de cohésion est formé chez l’Amarante d’une seule note répétée à la suite un certain nombre
de fois. On pourrait le décrire comme un « uit ». Il est agréable à entendre bien qu aigu et présente
de nombreuses modulations. L’Amarante l’émet fréquemment quand il vaque à ses occupations habi¬
tuelles surtout s’il est à terre en train de picorer ou bien s’il vole d’un point à un autre. Il ouvre à peine
le bec quand il le lance, mais les mouvements de la gorge sont nettement visibles. Ce cri sert à main¬
tenir les Amarantes en contact les uns avec les autres.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
97
Le cri d alarme ou d excitation est constitué d’une seule note grave et abrupte, un « cluc », répétée
aussi un certain nombre de fois sans cependant ressembler à une série de cris de contact. L’Amarante
1 émet quand il se trouve en proie à diverses émotions, soit qu’un ennemi franchisse les limites du terri¬
toire de son nid, soit qu’il vienne relayer son partenaire qui couve, soit qu’il se trouve en danger. La
durée de la pause qui sépare l’émission de deux cris dépend naturellement de l’état d’excitation de l’oiseau,
mais elle est en règle générale constante.
Le cri de bataille est court, aigu, de faible portée et distinct, semble-t-il, du cri de cohésion.
Le cri de détresse, portant au contraire loin, est plaintif, long et aigu ; il est entendu de parents
constatant que leurs jeunes ont disparu du nid depuis leur dernière visite.
Le cri au nid est un son extrêmement doux, audible seulement à proximité du lieu où il est émis
et répété un certain nombre de fois, ce qui le fait ressembler à un chuchotement. Jusqu’ici, il était
connu du seul mâle qui cherchait ainsi à attirer l’attention de sa femelle sur un endroit qu’il jugeait
convenable pour un nid ou sur un nid en cours de construction. L’observation d’un couple élevé dans
une petite cage placée dans notre bureau nous permit d’entendre également ce cri de la part de la
femelle quand elle était installée dans une ébauche de nid et cachée aux yeux de son mâle resté à l’exté¬
rieur. Lui-même répétait à ces moments la parade incomplète de la plume et le chant solitaire. Il apparait
donc que le mâle et la femelle au moment de la construction d’un nid disposent de plusieurs moyens
de se communiquer les informations sur leurs activités mutuelles.
b) Chants
Le genre Lagonosticta est le seul des Estrildidés à posséder deux chants distincts (Harrison,
1956 ; Hall, 1962 et Nicolaï, 1964).
Le chant solitaire (Nicolaï, 1964) est mélodieux, flûté, relativement simple, il est constitué par
la répétition d’une strophe introduite par une note du cri d’excitation et comprend deux à six syllabes
identiques se succédant au même rythme et sur la même tonalité sauf à la fin où celle-ci monte légè¬
rement si bien que l’ensemble de la phrase a un tour interrogatif. On le reconnaît aisément, quoique
le nombre de syllabes émises varie d’un oiseau à l’autre. Ces différences individuelles signalées d’un
oiseau à l’autre pourraient, peut-être, servir à l’identification des individus entre eux, comme cela
a déjà été suggéré pour d’autres espèces (Marier et Hamilton, 1967). Chaque strophe dure 1,1 à 1,2 se¬
condes. Ce chant bien connu chez le mâle est juste signalé pour la femelle (Kunkel, 1959), alors que
nous l’avons fréquemment entendu en volière, et quelquefois, dans la nature.
[Une Amarante femelle élevée dans une petite cage installée dans notre bureau ne manquait
jamais de faire entendre ce chant, en particulier au début de la matinée, tant qu’elle fut seule. Du jour
où nous introduisîmes dans cette pièce une autre petite cage contenant un mâle et malgré la distance
d’environ un mètre qui séparait les deux cages, ce chant s’arrêta pour ne plus jamais reprendre. Elle
ne le fit pas davantage entendre quand elle se trouva cette fois avec un mâle dans la même cage où un
nid fut construit et une ponte déposée.]
Dans la nature, le mâle qui chante accomplit généralement la parade incomplète de la plume
ou bien, tenant parfois un brin de paille ou une plume dans le bec, se poste dans un endroit dégagé ou
sur une branche d’arbre, les pattes repliées sous le ventre, la queue ouverte et pendante, la poitrine
bombée, remuant la tête du haut en bas, et de bas en haut et parfois légèrement sur le côté. Il tourne
lentement sur place, tout en continuant de chanter.
[Toutes les fois qu’un mâle en liberté chantait près du bureau où vivait, captive dans une cage,
une Amarante femelle, celle-ci paraissait s’y intéresser et se tournait dans la direction du chant bien
qu’elle ne pût voir son auteur.]
Chez les genres africains, Estrilda, Lagonosticta et Uraeginthus, ce chant est inhibé en volière
par la présence d’un congénère, d’un conjoint ou d’un oiseau d’une espèce voisine et, au contraire,
provoqué par la séparation visuelle de celui-ci.
[En volière, un Amarante mâle se met à chanter à la mort de la femelle avec laquelle il vivait
et continuera tant qu’elle ne sera pas remplacée ; il chante de même pendant tout le temps que dure
la visite d’un nid par la femelle qui, de ce fait, lui est invisible. Nous n’avons pas entendu la femelle
chanter de cette façon quand le mâle se trouvait dans le nid.]
3 564 010 6 7
Source : MNHN, Paris
98
MARIE-YVONNE MOREL
Ce chant a son homologue chez les espèces australiennes ; appelé par Immelmann (dans Harri-
son et al., 1962) « Ungerichtetegesang », il présente des caractères différents. En volière, en effet, il
n’est pas inhibé par la présence d’un congénère ou d’un conjoint ou d’un oiseau d’espèce voisine, mais
au contraire stimulé si bien que sa fonction serait d’aider les oiseaux à se regrouper.
Enfin, une étape intermédiaire de cette évolution serait représentée dans la tribu des Amadinés
où ce chant n’est pas complètement inhibé par la présence d’un conjoint, d’un oiseau d’une même
espèce ou d’une espèce différente (Wolters, dans Harrison, 1962).
Le chant de la parade sexuelle accompagne la parade sexuelle de la plume. Il est extrêmement
doux, difficilement audible à plus d’un mètre et de structure simple et stéréotypée : il ressemble à un
cliquement que le mâle fait entendre à la fin de la parade de la plume devant sa femelle ou bien en
absence de celle-ci quand il est seul et qu’il esquisse un début de salutation (parade incomplète de la
plume) (Nicolaï, 1964.)
Son interprétation est délicate car ses propriétés acoustiques l’opposent au chant des autres
Passereaux émis dans les mêmes conditions. Autant l’un est bruyant et audible à grande distance
autant l’autre est discret et porte mal. Il y aurait tout lieu de penser que leur origine est différente
d’autant plus que chez les Estrildidés, il est également entendu en dehors de la période de reproduc¬
tion. Or, la définition du chant donnée par Andrew (1961) précise qu’il est émis par un oiseau en état
de se reproduire. Certes, Immelmann (1962) a cherché à l’adapter au cas des Estrildidés en pensant
que ce chant n’était pas sous contrôle hormonal ou bien que les secrétions des glandes sexuelles n’étaient
jamais complètement arrêtées. Hall (1962) après avoir rejeté ces explications, s’est tournée vers la
définition du chant donnée par Thorpe (1962) qui ne tient plus compte de sa fonction, mais de ses
propriétés physiques. Il est alors possible, à partir de celles-ci, de considérer que les deux chants n’ont
pas une origine différente, mais ont évolué de façon divergente. Du fait que le chant de la plupart
des Passereaux est un chant territorial avec lequel un mâle cherche à s’attirer des femelles et à repousser
des mâles rivaux, il a dû nécessairement devenir un chant qui porte loin et développer les propriétés
acoustiques qui lui permettent de remplir cette fonction. Au contraire, chez les Estrildidés, rien de
tel n’est nécessaire, puisque le mâle le fait entendre à la fin de la parade de la plume, quand il se trouve
tout à côté de sa femelle. Son chant garde alors la propriété d’être stéréotypé, comme celui des autres
Passereaux, mais il est devenu doux et sans tonalité. Il est remarquable, à ce sujet, que l’on retrouve
ces derniers caractères dans le chant mineur (« subsong ») des Passereaux qui, lui non plus, n’a pas
besoin de porter loin.
6) Parade de la plume
La parade de la plume est connue depuis longtemps, puisque dès 1790, Vieillot la décrivait.
Chez l’Amarante, elle est exécutée par le mâle depuis son indépendance jusqu’à sa mort. Son rôle est
important, aussi bien dans sa forme complète que sous son aspect atténué.
a) Parade typique de la plume : le mâle d’Amarante ramasse à terre une plume ou un brin de
paille, puis, après plusieurs essais, il en met l’extrémité bien en place dans le bec et en même temps,
il redresse la tête, bombe la poitrine, en gonfle le plumage si bien que les ponctuations latérales appa¬
raissent nettement. A un autre Amarante portant un plumage de femelle, il se présente de biais et
dirige vers lui la queue, maintenant ouverte, qui forme alors un angle accusé avec son corps ; puis,
il exécute plusieurs fois de suite des mouvements de flexion des jambes qui ont pour effet d’abaisser
et de relever alternativement le corps. L’objet tenu dans le bec est lui-même entraîné dans ce dépla¬
cement vertical qui acquiert de ce fait une plus grande importance et fonctionne sans doute comme
un signal, car il est visible de loin. Enfin, le mâle s’incline profondément devant l’oiseau demeuré immo¬
bile pendant tout ce temps, en tournant la tête vers lui pour lui présenter à la hauteur de sa poitrine
l’objet qu’il tient dans le bec.
b) Parade incomplète de la plume : elle dérive de celle-ci et se présente sous une forme beaucoup
plus simple : le mâle, ne tenant plus rien dans le bec, exécute un début de salutation jusqu’à ce que
le cou étiré au maximum soit à l’horizontale et le bec tourné vers le bas.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LA GOS'OSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
99
Suivant les circonstances variées où elle est employée, cette parade est qualifiée de parade
précopulatoire (Mating Courtship ou Paarungsbalz, de Kunkel, 1959) ou de parade solitaire (General
Display ou Schaubalz, de Kunkel, 1959).
Dans une parade précopulatoire, c’est la femelle qui est invitée à venir rejoindre son mâle en le
voyant « sauter », une plume dans le bec. Cette parade, qui peut être répétée plusieurs fois de suite
prend fin avec la chute de la plume. Alors, suit un accouplement à moins que la femelle s'en aille,
pour revenir auprès du mâle. Quoi qu’il en soit, la fin de la salutation n’est pas nécessairement accom¬
pagnée du chant sexuel et ni sa fréquence ni son intensité ne dépendent de celles de la parade (Kunkel.
1959). IV.
Dans une parade solitaire, c est au contraire le mâle à la recherche d'une partenaire qui s’approche
d un oiseau en plumage femelle, et, suivant son degré d’intérêt, s’arrête devant lui pour parader ou
continue son chemin. Ces mouvements s’accompagnent du chant sexuel ou du chant solitaire.
La plume est toujours, pour ces oiseaux, un objet très stimulant : un mâle d’Amarante en plu¬
mage adulte cherche souvent à la faire tomber du bec d’un mâle en plumage juvénile pour se l’appro¬
prier. Par ailleurs, si dans un arbre où plusieurs oiseaux sont réunis, elle échappe du bec de l’un, elle
est aussitôt attrapée par un autre avant même qu’elle ait touché le sol. C’est ainsi qu’elle peut passer
d’un Amarante à un Cordon bleu, puis à un autre encore.
Donnée par le seul mâle, la parade de la plume aide sans doute à la reconnaissance des sexes :
[En volière, un mâle, qui ressemblait à s’y méprendre à une femelle puisqu’il avait seulement
quelques plumes rouges à la tête, s’approcha, en paradant avec une plume, d’un autre oiseau dont le
plumage était lui-même identique à celui d’une femelle, à l’exception de quelques plumes rouges au
cou. La réaction de ce dernier fut immédiate et brutale : il prit en chasse l’intrus qui perdit sa plume
et lui livra une bataille telle qu’on en observe entre mâles rivaux.]
Si divers auteurs, et en dernier lieu Kunkel (1959) et Immelmann (1962), ont insisté sur cette
valeur sexuelle, on n’a guère fait mention jusqu’ici du rôle épidéictique qu’elle pourrait remplir, ni
de sa fonction sociale. Cette parade, à laquelle s’essayent les mâles dès la sortie du nid, permet peut-
etre à une population d’Amarante de se mieux « connaître ». Il nous semble aussi que cette parade
a une action excitante sur tous les oiseaux de la même espèce ou d’espèces sympatriques d’Estrildidés.
Peut-être même, y aurait-il là une « barrière éthologique » empêchant l’hybridation des formes voisines.
Cette parade est en effet connue dans l’ensemble de cette famille où elle peut atteindre, chez les espèce
qui l’exécutent sans rien tenir dans le bec, un haut degré de ritualisation. Le fait que, dans les espèces
les plus primitives, ce soit le même objet qui serve à la construction du nid renforce aux yeux d’Immel¬
mann (1962) l’hypothèse de Kunkel (1959) qui considère que les mouvements ritualisés des pattes
accomplis à ce moment trouveraient leur origine dans ceux exécutés par un oiseau pendant la cons¬
truction de son nid. Il est, de plus, remarquable qu’elle est toujours faite par l’animal qui construit
le nid : chez l’Amarante, par exemple, elle est connue du mâle, à l’exclusion de la femelle qui ne bâtit
jamais.
Les descriptions récentes données de cette parade insistent sur le gonflement du plumage de
la poitrine dont les plumes ponctuées sont ainsi mises parfaitement en valeur. Sur le poitrail
écarlate de l’Amarante, les points blancs se détachent très bien. Ces dessins auraient pour Morris (1953)
une énorme importance dans la parade en remplissant le rôle de signal qui aiderait les espèces et les
individus à se reconnaître entre eux. Bien que cette hypothèse soit séduisante, elle ne rend malheureu¬
sement pas compte de tous les faits. Dans un certain nombre de cas, ces ponctuations blanches viennent
à manquer. Nous avons déjà dit que des mâles en plumage adulte pouvaient en être totalement dépour¬
vus. Pour les mâles nichant en plumage juvénile, le problème se pose un peu différemment car leur
mue est en cours si bien qu’ils portent encore le plumage beige chamois du juvénile, plus ou moins
maculé de rouge suivant l’état d’avancement de cette mue. Les dessins blancs, même s’ils ont déjà
apparu, n’offrent pas alors le même contraste blanc-rouge que sur un plumage mâle d’adulte.
Il faut donc rechercher un autre signal visuel capable de remplacer les « points blancs », chez
les reproducteurs, au moins chez les juvéniles. Nous pensons, pour notre part, que ce sont les dessins
qui décorent l’intérieur du bec, et dont le rôle a été jusqu’ici limité à la reconnaissance par les
parents de leurs oiseaux lors du nourrissage. Or, nous avons été amenée à faire l’observation suivante
Source : MNHN, Paris
100
MARIE-YVONNE MOREL
qui nous suggère que c’est également ainsi qu’une femelle parachève la reconnaissance d’un oiseau
de son espèce.
[Nous avons eu la chance de pouvoir observer cette parade dans la nature par le dessus : en effet,
l’Amarante mâle se tenait devant nous sur une branche à cinquante centimètres du sol. Après avoir
« sauté » sur place plusieurs fois avec une plume dans le bec, il fut rejoint par une femelle perchée non
loin et, peu après, il lui fit la révérence finale en lui présentant la plume. Le cou et la tête, tournés
du côté de la femelle, étaient dressés dans une position rappelant celle d’un jeune demandant la nourri¬
ture à ses parents. Nous fûmes alors frappée par le fait suivant : le bec du mâle qui était entrouvert
arrivait à peu près à la hauteur de la poitrine de la femelle si bien que celle-ci pouvait parfaitement
voir à l’intérieur les marques foncées du palais, comme nous les vîmes nous-même.]
Cette hypothèse s’appuie sur les variations de ces dessins qui sont aussi nombreuses dans la
famille des Estrildidés que celles observées jusqu’ici sur les plumes (Steiner, 1960). Elle rejoint les con¬
clusions de Goodwin (1965) qui attribue aux marques buccales d’un autre genre d’Estrildidé, Urae-
ginlhus, un rôle de signal visuel dans les parades et la « mandibulation ».
Il reste à savoir si ces différences ne jouent plus aucun rôle ou si, au contraire, elles ne facili¬
teraient pas la reconnaissance individuelle, d'autant plus importante pour cette espèce que les couples
sont formés pour la vie.
Des observations et des expériences récentes faites sur d’autres espèces et, en dernier heu sur
les espèces sympatriques de Goélands des régions arctiques (N. G. Smith, 1967), ont mis en évidence
l'importance de détails insignifiants pour la reconnaissance des mâles par les femelles. Chez ces Goélands
par exemple, les légères variations de taille en même temps que les faibles changements de coloration
des extrémités des ailes, ou de l’œil et de son anneau coloré perorbital sont suffisants pour éviter les
hybridations. P. Scott et ses collaborateurs (comm. pers.) ont, de leur côté, montré que, chez les Cygnes
Sauvages, les couples s’identifient grâce aux variations de l’extension des plaques jaunes et noires
du bec et au port du cou.
Cette reconnaissance individuelle chez l’Amarante est très vraisemblable, car il a été prouvé,
en volière, que chez d’autres espèces appartenant à la même famille, du genre Estrilda, les sujets étaient
capables de se reconnaître à l’intérieur de groupes formés par 20 à 40 d’entre eux (Kunkel, 1967).
C. — COMPORTEMENT REPRODUCTEUR
1) Formation et stabilité du couple
Le couple chez VAmarante se forme loin de tout territoire : le mâle célibataire, et en puissance
hormonale, tenant droit devant lui une plume dans le bec, la poitrine bombée, avance lentement vers
un groupe d’Amarante picorant à terre. Il s’approche d’abord de l'un d’eux, que ce soit un mâle en
plumage juvénile ou d’une femelle, tourne la queue largement ouverte vers lui et commence la parade
de la plume ; mais le plus souvent, il s’arrête presque aussitôt devant l’indifférence de l’oiseau sollicité
qui s’envole. Il continue d’avancer et s’envole vers un arbre où sont déjà perchés d’autres Amarantes.
Quand il est parvenu à retenir l’attention d’une femelle, il accomplit devant elle toute la parade de la
plume en décrivant autour d’elle, du moins s’il est à terre, une ronde qui le rapproche peu à peu de sa
partenaire ; puis tous deux s’envolent. A partir de ce moment, les deux oiseaux vivront ensemble si
le couple se consolide.
Les Amarantes forment donc leur couple de la même façon que la plupart des autres Estrildidés :
le mâle attire la femelle en utilisant des matériaux entrant dans la construction du nid.
Le couple demeure généralement stable : la preuve en fut apportée pendant la saison de reproduc¬
tion 1964/65 où 362 nids furent recensés. Les couples de 216 d’entre eux (soit 81 % du total des nids
trouvés) furent identifiés (tabl. 12, fig. 10). Sur les 42 % des parents capturés plusieurs fois pendant
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL 10i
la saison de reproduction 1964/65, 32 sont stables. Il arrive aussi que des couples, demeurés stable,
pendant plusieurs saisons de reproduction, divorcent.
42828 et la femelle 42 837, bagués en meme temps, en plumage juvénile en mue, en
mars 1961 nichèrent au début de la saison de reproduction 1961/62. Après avoir niché une dernière
fois ensemble en septembre 1963, ils se séparèrent. La femelle 42 837 nicha une nouvelle fois de son
côte avec le male 68 323 tandis que le mâle 42 828 forma un couple avec la femelle 68 318 et se reprodui¬
sit avec elle trois fois de suite.]
Ce cas n’est pas unique. Voici un autre exemple :
[Pendant les saisons de reproduction 1959/60 et 1960/61, le couple, formé par le mâle SA 2207 et la
femelle SA 2211, fut capturé sur un nid en novembre 1959, en janvier 1960 et en janvier 1961 \ la
saison de reproduction 1961/62, en octobre 1961, la femelle SA 2211 nichait avec un autre mâle 64 958.]
L’explication à donner de ce comportement est délicate : certes, on peut attribuer la plupart
des disparitions d’un des partenaires à son décès puisque la mortalité dans cette espèce a été estimée
à % par mois. Le survivant devra donc, s’il veut encore nicher, reformer un couple avec un nouveau
partenaire, qui sera un adulte veuf lui-même ou bien un jeune sexuellement mûr. Mais le cas de « divorces »
suivis de « remariages » pose un problème plus difficile, non encore résolu. On sait seulement que les
divorces surviennent aussi bien après la réussite que l’échec d’une précédente ponte. L'état physiolo¬
gique des conjoints pourrait intervenir : par suite d’un dérèglement dans la synchronisation homor-
nale du couple, le partenaire prêt pour un nouvel accouplement abandonnerait son partenaire non
réceptif et rechercherait un autre partenaire.
Immelmann (1962), à la suite de plusieurs autres auteurs (Moynihan et Hall, 1954 ; Kunkel,
1959, etc.), pensait que le couple dans la famille des Estrildidés était stable, mais n’avait pu en fournir
la preuve.
2) Nidification
) Situation du nid
Dans la région de Richard-Toll, l’Amarante niche dans les sites naturels, les jardins et dans
les habitations humaines.
Sites naturels et jardins : A terre, l’Amarante utilise les trous, par exemple ceux laissés par les
sabots du bétail sur le sol humide ; son nid peut être caché sous un tas de branches mortes ou appuyé
à une touffe d herbes ou de roseaux. Au-dessus du sol, il s’installe dans les fourches des haies et des
buissons, mais jamais dans les arbres, car il ne construit pas à plus de quatre mètres du sol. Les larges
pétioles engainants des feuilles de Bananiers et de Palmiers et les régimes de bananes abrités des rayons
du soleil sont devenus, depuis l’introduction de ces plantes, des endroits recherchés.
Nos observations sur les emplacements des nids ne nous permettent pas de mettre en évidence
les préférences de l’Amarante, car les nids à terre sont difficiles à trouver.
Constructions humaines : Dans les maisons traditionnelles africaines, l’Amarante loge son nid
dans les multiples recoins, et spécialement ceux des toitures en chaume. Il s’est également introduit
dans les constructions modernes, en particulier les hangars, les ateliers et les garages où il occupe les
angles obscurs des étagères, les tas de ferrailles, les replis des tissus, etc.
Les emplacements de ces nids, malgré leur diversité, présentent plusieurs caractères communs :
Robustesse et étendue du support : A cause de la structure même du nid qui est lâche, les
œufs risquent fort de passer à travers le fond si le support est défectueux. Plusieurs fois, nous avons
remédié à cette insuffisance en glissant délicatement sous le fond du nid un morceau de papier fort.
Non seulement le nid n’était pas abandonné, mais il était souvent réoccupé.
— Conditions de tranquillité : Pendant l’incubation, l’Amarante assure la défense de son nid :
il en sort dès qu’il voit un congénère s’en approcher trop près et n’y rentre qu’une fois l’intrus éloigné.
La présence de l’Homme envers qui il marque toujours de la méfiance paraît lui causer souvent une
gêne sérieuse. L’Amarante a une prédilection marquée pour les faîtes des toitures où il est certainement
plus en sécurité, masqué qu’il est par les poutres. Les nids construits dans des resserres, ou un coin
tranquille d’atelier, sont souvent réoccupés plusieurs années de suite.
Source : MNHN, Paris
102
MARIE-YVONNE MOREL
— Protection contre certains excès climatiques : Ceux-ci sont sévères sous le climat sahélien de
Richard-Toll : les rayons du soleil sont ardents certains mois de l’année. Les températures, fraîches
au milieu de l’hiver, deviennent excessives au printemps. L’Amarante recherche les endroits ombragés
et, plus spécialement, les habitations aux toits de chaume dotées d’un bon pouvoir isolant. Il est inté¬
ressant de noter que le remplacement progressif du chaume par la tôle ondulée a entraîné une désaf¬
fection de l’Amarante pour plusieurs quartiers du village africain de Richard-Toll.
— Défense contre les prédateurs : Les ennemis de cet oiseau sont nombreux et les plus redoutables
sont certainement les Genettes, les Chats et l’Homme. L’Amarante dispose de peu de moyens pour
s’en protéger : il camoufle son nid en utilisant des matériaux trouvés sur place ou bien le cache à l’inté¬
rieur d’un buisson ou sous un tas de branchage.
Le fait de nicher indifféremment à terre ou en hauteur est assez rare ; chez les Estrildidés, toute¬
fois, l’Amarante n’est pas le seiü à présenter ce comportement. On le rencontre chez Lonchura cucullata
(Chapin, 1954), Poephila personata et Zonaeginthus guttalus (Immelmann, 1962).
b) Choix de l'emplacement du nid
Aussitôt après sa formation, un couple d’Amarante s’intéresse aux endroits où il pourrait nicher :
[Dans les jardins de Richard-Toll, par exemple, les couples en plumage juvénile furetaient dans
les haies de Prosopis, s’attardant dans les fourches qui paraissaient les plus propices à recevoir un nid,
y apportaient parfois quelques matériaux plusieurs jours de suite, puis abandonnaient l’ébauche pour
continuer ailleurs leur exploration. Aux heures les plus chaudes, ils visitaient les Palmiers ornemen¬
taux dont le fût est couvert de redents laissées par l’élagage des feuilles. La hase de ces énormes pétioles
est abondamment garnie d’un feutrage de fibres brunes qui sont d’ailleurs recherchées par d’autres
espèces pour construire leur nid. Dans les cavités ainsi formées s’installaient de jeunes mâles : ils en
interdisaient l’accès à leurs congénères, les façonnaient en repoussant les fibres sur le haut et les côtés
avec le bec et s'y couchaient parfois comme s’ils couvaient. Dans ce cas, il n’y avait pas apport de maté¬
riaux, mais seulement mise en place de ceux déjà existants.]
L’emplacement d’un nid est recherché par le mâle , habituellement en présence de la femelle. Celle-ci
reste aux alentours jusqu’au moment où elle entend le cri du nid que lui lance le mâle. Après être demeurée
quelques instants à côté de lui, elle s’en va. Le mâle reprend ses recherches jusqu’à ce qu’il l’appelle
de nouveau à partir d’un autre emplacement.
[Dans le jardin de la Station, au pied d’une haie de Prosopis, un mâle se pose, bientôt rejoint
par sa femelle. Le mâle commença sa prospection, se faufilant entre les branches, lançant continuellement
son cri de contact. Pendant ce temps, la femelle lissait ses plumes ou bien circulait dans la haie où elle
prenait en chasse tout oiseau qu’elle rencontrait. Soudain, entendant le cri du nid que venait de lui
adresser le mâle, elle partit le rejoindre dans une fourche où il était installé et demeura quelques instants
à côté de lui. Puis elle le quitta. Le mâle reprit de nouveau ses recherches, et l’appella encore. Quand ce
manège se fut répété un certain nombre de fois, le mâle redescendit à terre, y picora quelques graines, puis
s’envola suivi de sa femelle.]
Ailleurs, un mâle demeurait longtemps à l’intérieur d’un nichoir qu’il visitait soigneusement ;
sa femelle qui se tenait dans la haie voisine s’y rendait aux appels du mâle.
On ne peut cependant pas écarter complètement une reconnaissance préalable du site par le
mâle seul, comme pourraient le suggérer les observations suivantes :
[— Le 28 février 1962, dans un hangar, un mâle non bagué, en plumage adulte, s’installa dans
un enchevêtrement de câbles électriques et en interdit l’approche à tout autre congénère, en parti¬
culier à un couple qui nourrissait ses jeunes dans un nid voisin. Il y passa seul l’après-midi et une partie
do la matinée suivante au cours de laquelle la femelle vint le rejoindre quelques instants.
— En février 1966, les premiers jours qui suivirent l’introduction d’un couple d’Amarante
dans une grande volière à Richard-Toll, seul le mâle prêta attention aux nichoirs qui y étaient installés ;
il en visita un avec un soin particulier, sans, pour autant, être accompagné de sa femelle.]
Ces visistes préliminaires se font toujours à la même heure pour un endroit donné : ainsi, une
haie do Prosopis, proche de notre bureau, était ordinairement visitée le matin par dos couples entre
8 heures et 9 heures 30.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA
V EGALA A RICHARD-TOLL
103
Dans le choix d un emplacement de nid, l’Amarante montre souvent de la fidélité au lieu où
il est né, ou à celui où il a vécu les premiers mois ou encore à celui où il a déjà niché :
[La $ SA 2245 nicha en novembre 1960, là même où elle était née la saison précédente, en janvier
1960, dans une collection de panicules de riz, à la Station d’Agriculture de Richard-Toll.
Le 68 270, né en septembre 1963 dans un magasin de la Station d’Agriculture, construisit
son nid à quelques centaines de mètres de là, au village do pêcheurs, on janvier 1965.
Le couple, (J 42 828 et $ 42 837, fut bagué en plumage juvénile dans une cour de la Station
d’Agriculture en juin 1961. Au début de la saison de reproduction 1961/62, en octobre, il construisit
son nid dans un hangar tout proche de cette cour ; puis nous le perdîmes de vue pendant deux ans.
A la saison de reproduction 1963/64, en septembre, il bâtit son nid dans un garage proche de ce hangar,
puis divorça. La femelle garda ce nid pour une nouvelle nidification tandis que le mâle retournait
dans le hangar où il construisit d’abord un nid qui servit à une nichée, puis occupa, pour deux autres
nichées, le nid qu’il avait construit en octobre 1961 !...]
Quand il choisit un emplacement de nid, l’Amarante reconnaît, entre différents chemins, celui,
toujours le même, qu’il suivra pendant la durée de la nidification. Un emplacement situé au faîte d’une
toiture ou dans un endroit quelque peu éloigné d’un perchoir, lui cause au début une certaine gêne,
car il lui faut adopter un vol ascensionnel presque vertical qu’il doit répéter un certain nombre de fois
avant d’être capable d’atteindre sans hésitation l’entrée de son nid.
Avant de s’établir dans un lieu, l'Amarante doit se mesurer à ceux qui occupent déjà les alen¬
tours, à moins qu’il n’oblige les occupants préalablement installés à modifier quelque peu leur parcours
d’accès :
[Dans une maison traditionnelle africaine, au faîte d’une toiture en chaume, un nid contenait
4 œufs proches de l’éclosion que couvaient des parents bagués en couleur. Le 16 mars 1961, une agita¬
tion anormale régnait dans cette demeure car un nouveau couple d’Amarante, non bagué celui-là,
l’inspectait à la recherche d’un emplacement de nid ; il se heurta plusieurs fois au premier couple.
A 13 heures 22, le mâle bagué venu relayer la femelle qui couvait prit en chasse le couple avant d’entrer
dans le nid. Ce couple se retira quelques instants dans un coin, mais recommença bientôt son inspec¬
tion. A 14 heures, la femelle baguée fut chassée par le mâle non bagué de la hutte où elle venait
de pénétrer, mais elle y entra par une autre issue et vola directement à son nid d’où sortit le mâle
qui, à son tour, s attaqua au couple et le fit sortir de la maison avant de la quitter lui-même. En
dépit de ces batailles, le couple non bagué, obstiné, y revint à 14 heures 30 pour y passer une partie
de l’après-midi sans reprendre toutefois ses recherches. A 15 heures 40, le mâle bagué, venu relayer
la femelle, fut encore une fois expulsé de la hutte par ce couple, mais il y rentra de nouveau par l’issue
empruntée précédemment par la femelle baguée et put ainsi assurer la relève. Le nid rival ne fut
jamais construit.]
Dans le hangar de la Station de l’Agricultime, le 28 février 1962, une femelle baguée qui nourri-
sait ses jeunes dut modifier quelque peu son parcours devant les attaques d’un mâle adulte qui s’installa
à proximité du nid de celle-ci, à un emplacement favorable à la construction d’un nid et qu’il défendit
sans désemparer pendant tout l’après-midi. Ce deuxième nid ne fut pas non plus construit.
Chez VAmarante, le territoire est de dimensions réduites, car il est limité au nid et à ses abords
immédiats. Il n’en joue pas moins un rôle certain dans la répartition des nids, en empêchant doux
mâles de construire simultanément dans un espace trop restreint. Dans les maisons traditionnelles
africaines d’une surface de quelques mètres carrés, il est rare de trouver plus d’un nid à la fois au même
stade.
Les Estrildidés australiens, selon Immelmann (1962), choisissent l’emplacement de leur nid
à la façon de l’Amarante ; cependant, ce dernier présente davantage d’affinités avec Zonaeginthus
oculatus, Neochmia phaëton, Lonchura castaneothorax et Chloebia gouldiae, chez lesquels le mâle, après
avoir prospecté les lieux, s’arrête à l’un d’eux d’où il appelle sa femelle qui va le rejoindre. L’Amarante
se rapproche davantage encore de Chloebia gouldiae chez lequel les deux oiseaux du couple, une fois réunis,
demeurent quelques minutes ensemble avant de se séparer de nouveau.
Source : MNHN, Paris
104
MARIE-YVONNE MOREL
c) Formes du Nid :
L’Amarante construit différentes sortes de nids que nous diviserons en trois types : le nid en
forme de coupe, le nid fermé, le troisième type est intermédiaire entre les deux premiers. Ce compor¬
tement se rencontre rarement chez les oiseaux et mérite donc d être souligné et discuté (tabl. 41).
TABLEAU 41
DIMENSIONS DE QUELQUES NIDS DE LAGONOSTICTA SENEGALA
TROUVES DANS LES MAISONS TRADITIONNELLES AFRICAINES
esquisse de
esquisse de
et côtés
fermés
et côtés
fermés
N. B. - Toutes
la coupe
6 2. 6 x 2. 9
a centimètres.
Nid en coupe : Tous ces nids ont un diamètre intérieur de la coupe voisin de 6 cm, mais ils dif¬
fèrent par leur forme extérieure, par l’épaisseur des parois et par le soubassement ; celui-ci est toujours
plus large que la coupe elle-même et sa hauteur varie de quelques millimètres à 9 centimètres.
Ces nids s’observent aussi bien à terre dans la savane (par exemple dans l’empreinte laissée
par le sabot d’une vache si elle est recouverte de quelques branchages) que dans les habitations humaines
(toits des maisons traditionnelles) et dans différents lieux parfois très inattendus : recoins d’étagères,
tableaux de bord de vieilles voitures, etc... Ce type de nid est le plus fréquent dans les villages africains.
Nid fermé : Il est en forme de boule, précédée ou non d’un tunnel et présente des variations
aussi importantes que les nids ouverts, comme en témoignent les observations suivantes faites sur
cinq nids :
[Un premier nid, construit dans une haie de Prosopis était une boule haute de 13,5 cm; l’entrée
était placée légèrement au-dessus de la coupe, laquelle mesurait intérieurement 3,7 cm ; un deuxième
nid était étroitement logé dans un papier d’emballage chiffonné : haut de 5 centimètres, large de 6 cen¬
timètres, son entrée avait un diamètre de 3 centimètres. Un troisième nid en haut d’une toiture assez
défraîchie, était précédé d’un seuil long de 4 centimètres constitué seulement par quelques brins de
paille (dimensions extérieures : 9 X 8 X 8 cm). L’entrée mesurait 3 centimètres environ. Un quatrième
nid dans une dépression d’un toit en chaume ressemblait à une outre dont la partie supérieure était
rétrécie et ouverte à son extrémité (diamètre : 3 cm) et dont la partie inférieure renflée abritait une
coupe (diamètre intérieur :6 cm — Dimensions extérieures : 12 X 9,5 cm). Un cinquième nid mimait
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
105
la forme des rameaux de Kinkélika ( I) serrés en quenouille auprès desquels il était bâti chez un commer¬
çant maure (dimensions extérieures : longueur 12 cm ; hauteur à la partie renflée, 8 cm ; diamètre
intérieur de l’entrée : 3 cm).]
En conclusion, un nid fermé de Lagonosticta senegala peut prendre la forme allongée du nid de
Zonaeginthus oc ululas, celle plus piriforme de Lonchura punctulata et celle plus ou moins sphérique
de Aidemosyne modesta (tous trois sont des espèces d’Estrildidés d’Australie, Immelmann, 1962).
Enfin, l’Amarante peut construire un troisième type de nid de forme intermédiaire entre le nid
ouvert et le nid fermé où l’on trouve les termes de transition de l’un à l’autre. La coupe est, en effet.,
surmontée d’une esquisse de toit qui peut être réduite à quelques brins de paille ou bien devenir un
véritable porche soutenu par des parois latérales, mais, même dans ce dernier cas, l’entrée demeure
large.
Ces nids diffèrent peu des nids en coupe tout en se rapprochant des nids fermés par une plus
faible épaisseur de l’assise, compensée par une hauteur habituellement plus grande de l’édifice et par
la présence de parois.
Ces trois types de nids rappellent les aspects successifs que prend un nid d’Estrildidés au cours
de sa construction, tels que N. E. Collias et E. C. Collias (1964) les ont décrits pour Lonchura cucullata.
Sur une assise de quelques herbes déposées entre les branches, cet oiseau construit d’abord une coupe
et des parois latérales, puis le toit lui-même et enfin, il rétrécit graduellement l’entrée et épaissit les
parois.
On pourrait penser que les nids en coupe, d’un type de construction apparemment plus facile,
sont 1 œuvre des jeunes mâles qui se reproduisent en plumage juvénile, mais cette hypothèse doit être
éliminée car les nids que nous avons trouvés construits par eux pouvaient être aussi élaborés que ceux
bâtis par des mâles en plumage adulte.
Peu d’oiseaux sont capables de construire des nids de différentes formes. Cependant, en Australie
centrale, (Immelmann, 1962), une espèce d’Estrildidé, Taenopygia caslanotis, construit tantôt un nid
fermé, comme c’est la règle générale, dans la famille, tantôt un nid dont le toit est incomplet ou même
parfois, s’il niche dans une cavité naturelle, un nid ouvert. Ce comportement est connu chez d’autres
espèces : Prinia substriata (Sylvidés) en Australie et les Pies en Europe construisent des nids ouverts
dans les buissons et des nids fermés dans les arbres (Lindsale, 1938). On explique ce comportement
par une adaptation de l’oiseau à un emplacement choisi. Cette hypothèse pourrait être étendue au cas
de l’Amarante.
L’observation des nids à Richard-Toll dans les situations les plus diverses montre comment
les individus modifient les détails de la construction d’un nid selon son emplacement. En voici deux
exemples :
[A l’ombre d’une haie de Prosopis, nous avions installé un nichoir dont l’entrée était de niveau
avec le plancher. Un mâle en plumage juvénile y construisit, dans le fond et tourné vers l’entrée, un
nid typique fermé. Il recouvrit également le plancher du nichoir d’un tapis d’herbes sèches, sauf devant
son entrée où il réserva une surface nue. Ce nid fut utilisé avec succès puisqu’une nichée y fut menée
à bien.
Un filtre d’une cartouche à huile, de forme conique, était posé sur une étagère d’un magasin
(fig. 15). Comme la partie proche de son sommet était très exigüe, un Amarante mâle la remplit de maté¬
riaux, puis la boucha d’une cloison, créant de cette façon un tronc de cône où il édifia un nid ouvert
dans lequel plusieurs nichées furent élevées avec succès.]
L’Amarante adapterait son nid au site choisi. Il construit des nids ouverts dans les cavités
de faible hauteur où il est souvent difficile d’introduire la main et dans les chaumes des toitures éclaircies
par l’usure ; leur texture lâche est renforcée grâce à l’épais soubassement qui caractérise le nid ouvert.
On a attribué un rôle important au toit du nid dans les régions tropicales. N. E. Collias et E. C. Col¬
lias (1964) pensent qu’il assurerait une protection contre les radiations lumineuses ; qu’en zone aride
ou en savane, il ferait écran aux rayons du soleil et qu’en zone humide, il abriterait de la pluie et ferait
1. Feuilles séchées de Combretum micranthum utilisées en infusion. Les rameaux fcuillés sont vendus serrés par
des lanières d'écorce en une sorte de quenouille.
Source : MNHN, Paris
106
MARIE-YVONNE MOREL
obstacle aux prédateurs. Aucune de ces raisons ne peut expliquer pourquoi l’Amarante construit dans
tel endroit un nid ouvert plutôt que fermé. En effet, un nid d’Amarante n’est jamais construit au soleil,
mais toujours dans un endroit où règne une ombre épaisse, à l’abri, par conséquent, des radiations
directes du soleil. La lumière ne paraît pas avoir d'influence sur cet oiseau, car, celui-ci, quoique affec¬
tionnant les endroits obscurs, bâtit indifféremment l’un ou l’autre type de nids dans des magasins bien
éclairés. L’exemple le plus étonnant que nous ayons rencontré est celui d’un nid en coupe sommaire¬
ment construit en haut d’une étagère. En dépit de la lumière à laquelle ils étaient exposés, les parents
couvèrent normalement et leurs jeunes prirent l’envol.
La protection contre la pluie ne paraît pas mieux assurée dans les nids fermés que dans les nids
ouverts : l’intérieur y est toujours trempé. Malgré ces mauvaises conditions, les parents, eux-mêmes
mouillés, demeurent sur le nid pour couver. On doit toutefois rappeler que les pluies surviennent seu¬
lement au début de la saison de reproduction et tombent peu de jours. Enfin, la protection contre
l’action directe des prédateurs paraît négligeable, car la structure est si lâche qu’aucune Genette
n’éprouve la moindre difficulté à démolir d’un coup de pattes un nid pour croquer les poussins. Et
il est difficile de déterminer lequel des trois types de nids assure un meilleur camouflage !
d) Matériaux utilisés dans la construction du nid :
Les nids d’Amarante sont faits extérieurement de pailles sèches et doublés intérieurement de
plumes. Cependant, les matériaux utilisés diffèrent quelque peu suivant le lieu où ils sont construits
En plein air, l’essentiel du nid est fait de tiges sèches de Graminées, quelquefois encore munies
de leur épi. Dans les fourches des arbustes, les feuilles sont entassées les unes sur les autres pour former
une plate-forme au nid proprement dit. Des plumes de Francolin et de Pintade garnissent ordinaire¬
ment l’intérieur du nid bien qu’exceptionnellement une plume blanche d’Aigrette y ait été trouvée.
A l'intérieur des habitations, l’Amarante adjoint aux tiges de Graminées des menus objets
(ficelle, papier, etc...) qu’il trouve à terre dans ces habitations. Les feuilles sèches sont absentes de
ces nids.
Dans plusieurs cases de villages ouolofs, furent prélevés des nids qui avaient été construits :
5 pendant la saison de reproduction 1963/64, 5 pendant la saison 1965/66 et 5 pendant la saison 1966/67.
Ils furent pesés, démontés brin à brin et leurs éléments comptés. A la lecture du tableau 42 où sont
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LA GONOST1CTA SENE GALA A RICHARD-TOLE
107
donnés les résultats de cette analyse, on est immédiatement frappé par les différences qui existent
dans la construction des nids :
Le poids des nids varie de 9 à 50 grammes ; dans ce dernier cas, il représente 7 fois le poids de
l’oiseau ! Le nombre total de matériaux utilisés passe d’un nid à l’autre de 190 à 600, sans qu’il soit pos¬
sible d’établir une relation entre le poids du nid et les matériaux utilisés. Le nombre de plumes de
contour est habituellement supérieur à 80 et inférieur à 333 ; le duvet peut y être abondant, mais il
est si fin qu’il est difficile de le compter. Aussi, s’est-on contenté de le peser. Au duvet sont mélangés
quelques cheveux et un peu de crin.
La paille est constituée par le chaume des Graminées et souvent aussi par des débris de tiges
de Carex, lesquelles servent à la construction des toits des cases. Le nombre de brins varie d’une tren¬
taine à 180.
Enfin, cet inventaire met en évidence la présence en petit nombre d’objets hétéroclites qui
traduit la tendance de l’Amarante à ramasser tout ce qu’il trouve à terre : morceaux de papier, bouts
TABLEAU 42
LISTE DES MATERIAUX ENTRANT DANS LA CONSTRUCTION DES NIDS
Numéros des nids
Poids (g)
Pailles
Plumes
Divers
Duvets, crins
Nombre de pièces comptées
Pailles
Plume s
Divers
Dimensions des pièces
Nombre de Pailles :
Longueur 0 1,9 cm
2. 0-3. 9
4, 0-3,9
6, 0-7,9
8, 0-9.9
10. 0-29.9
30,0-49.9
Nombre de Plumes :
Longueur 0-1,9 cm
1 2 3
15,0 14,5 14,0
4, 0 9,0 5,0
4.0 1,5 3,0
7,0 1,5 6,0
0,0 2,5 0,0
191 346 247
32 168 *82
136 168 142
23 10 23
0 n. cpté 0
32 168 82
0 0 0
0 21 7
0 41 12
9 44 21
12 26 9
11 36 28
0 0 5
136 168 142
1 48 11
11 70 18
54 40 72
58 8 33
12 2 8
4 5 6
21,5 18,5 32,0
4,0 5,0 5,0
4, 5 - 3.5
6,0 3.5 16.5
7,0 10,0 7,0
467 166 474
122 132 224
302 2 227
43 32 23
n. cpté n. cpté n. cpté
122 132 224
0 0 1
32 1 2
13 20 44
22 29 36
18 31 106
32 50 35
5 1 0
302 2 227
33 0 2
87 1 2
135 1 34
40 0 147
7 0 42
43 32 23
38 28 23
0 0 6
30 23 17
6 3 0
2 2 0
0 0 0
0 0 0
5 4 0
8.0 - 9,9
Divers : Nombre total
Nombre de morceaux de ficelle
Longueur 0 - 9,9 cm
10- 29,9
30 - 49. 9
50 - 99,9
100- 149,9
150 - 199.9
Nombre de morceaux de tissus
Source : MNHN, Paris
108
MARIE-YVONNR MOREL
TABLEAU 42 (fin)
Nids fermés
Numéros des nids
Poids (g)
Pailles
Plumes
Divers
Nombre de pièces comptées
Pailles
Plumes
Divers
Duvets, crins
Dimensions des pièces
Nombre de Pailles
Longueur 0- 1,9 cm
2.0- 3.9
4. 0 - 5. 9
6.0 - 7.9
8,0 - 9.9
10,0 - 29.9
1 2
15,0 19,0
11.0 13,0
4, 0 3,0
2,0
1.0
292 314
90 109
182 174
20 31
- n. cpté
90 109
1
11 5
25 15
26 28
27 61
8.0 9,0
5, 0 4, 0
3,0 3,0
291 359
82 81
209 178
n. cpté
82 81
7 3
13 7
26 20
14 23
32 28
Nombre de Pltime s
Longueur 0-1,9 cm
2,0 - 3, 9
4,0 - 5,9
6,0 - 7,9
8,0 - 9,9
182
18
38
77
14
174
14
44
24
6
209
29
47
81
18
Divers : Nombre total
Nombre de morceaux ficelle
Longueur 0 - 9. 9
10, 0-49,9
50,0 - 99,9
Nombre de morceaux de papier ou de tissu
de chiffons et de cuir et même... un bracelet fait d’une ficelle longue de 12 centimètres et enfilée de
39 perles de verroterie. Les morceaux de tissu sont plus abondants dans les nids bâtis chez un tailleur •
les morceaux de papier, dans ceux bâtis chez un commerçant.
Le nombre de plumes, variable d’un nid à l’autre, s’explique par la quantité disponible dans le
milieu où l’Amarante bâtit : un nid construit à terre dans une forêt était un de ceux qui en possédait
le moins : 98 d’un poids de 3 grammes. Par contre, les Amarantes des villages ouolofs ou des jardins
de Richard-Toll ont à leur disposition un gTand nombre de plumes fournies par les poules. Harrison
(1956) a observé aussi en volière que plus on donnait de plumes aux Amarantes, plus ils en utilisaient
pour leur nid, et Goodwin (1964) s’étonnait du nombre de plumes de pigeon qu’un couple de Lagonos-
ticta rubricata haematocephala pouvait accumuler en captivité dans un nid.
Les dimensions des matériaux présentent une plus grande homogénéité : la longueur des plumes
excède rarement 8 cm, celle de la presque totalité des brins de paille est inférieure à 20 cm, mais celle
de quelques objets hétéroclites leur est parfois supérieure : une lanière de cuir mesure 30 cm ; un mor¬
ceau de tulle de nylon, 25 cm ; deux morceaux de ficelle mesurent un mètre et demi et un autre, 2 mètres :
l’Amarante peut donc transporter un objet 25 fois plus long que lui !
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
109
La largeur des matériaux est toujours faible : celle de la presque totalité des tiges de Carex
est inférieure à 1 centimètre ; et celle des objets héréroclites ne dépasse ordinairement pas 3 cm. Leur
épaisseur ou leur diamètre est habituellement de quelques millimètres, ce qui en facilite la tenue, dans
le bec pendant la durée du transport.
La couleur des matériaux est toujours terne : c’est celle de la paille sèche ou de la feuille morte ;
les plumes restent dans les mêmes tons. Harirson (1956) a montré que les Amarantes élevés en volière
prenaient seulement les bouts de laine teints en vert terne et en gris et rejetaient tous les autres qui
leur étaient pourtant identiques, sauf par leurs couleurs. D’autres espèces de Lagonoslicla utilisent
également des plumes de couleur sombre : Chapin (1954) avait déjà identifié dans un nid de Lagonos-
ticla rara des plumes de Francolinus icterorhynchus et dans celui de Lagonoslicla j. jamesoni des plumes
de Tourterelle et de Francolin.
D'autres nids d’Estrildidés ont été également décrits (Chapin, 1954 ; Robert, 1958 ; Immelmann,
1962). Ceux des espèces australiennes ont été étudiés en détail et permettent de faire des comparaisons
avec les nids d’Amarante :
— Les poids des nids, en Australie, se placent dans la moyenne de ceux obtenus pour l'Ama¬
rante : un nid de Bathilda ruficauda pèse 25 grammes ; un de Neochmia phaëton, 38 grammes ; trois
de Stizoptera bichenovii, 10, 14 et 15 grammes.
— Le nombre d’éléments comptés dans un nid d’Estrildidé australien varie habituellement
beaucoup moins que chez l’Amarante, sauf chez Taenopygia castanotis chez lequel on a recensé de 180
à 500 pièces.
— Chez les espèces australiennes, la longueur do ces matériaux ne dépasse pas habituellement
deux fois celle de l’oiseau, mais peut être dans quelques cas huit fois plus grande que lui et atteindre 70
à 80 cm : ainsi chez Zonaeginthus oculatus et Z. guttalus ; Lonchura punctulala, L. castaneolhorax et
L. flaviprymna...
e) Construction du nid :
Une fois le choix d’un emplacement arrêté par un couple, commence la construction du nid
ou seulement son occupation s'il s’agit d’un nid ayant déjà servi.
Tant que la ponte n'a pas eu lieu, un emplacement de nid n'est pas continuellement gardé par le
couple ; il s’éloigne et revient de façon irrégulière. D’autres couples peuvent le visiter et éventuellement
y apporter des matériaux.
[Un nichoir, placé dans le jardin de la Station, fut d’abord visité par trois couples entre lesquels
eurent lieu de furieux combats avant que l’un d’eux ne s’y établît définitivement. Un premier couple
visita les 24 et 25 novembre, le soir, entre 17 heures et 17 heures 30, et les 26 et 27 novembre, entre
9 heures et 9 heures 30. Quelques matériaux furent apportés. Un deuxième couple arriva sur les fieux
le 27, peu après le départ du premier couple ; le mâle pénétra 3 fois dans le nichoir pendant les 45 minutes
qu'il resta sur les lieux et fut rejoint chaque fois par la femelle. Lorsqu’il sortit la troisième fois du
nichoir à 10 heures 17, il se trouva face à face avec la femelle du premier couple revenue sur les fieux
et un furieux combat s’engagea, à la suite duquel cette femelle s’en alla. Le couple resta sur les lieux
jusqu’à la fin de la matinée, moment où revint le mâle du premier couple qui l’en chassa. Ce deuxième
couple revint en fin d’après-midi et visita trois fois le nichoir entre 16 heures 15 et 17 heures 30. Le
lendemain matin, le couple 2 s’installa dans le nid et ses alentours entre 9 heures 30 et 10 heures 55,
puis se relira. A 11 heures 10, le mâle du premier couple retourna dans le nichoir, et, à sa sortie, retrouva
le mâle du couple 2 qui le vainquit... Dans l’après-midi, un troisième couple fut attiré par ce nichoir
et il y déposa quelques matériaux. Les jours qui suivirent, une grande confusion régna, mais le matin
du 3 décembre, le couple 1 prit possession définitivement du nichoir où un premier œuf fut pondu,
bien que le nid ne fût pas achevé.]
La construction se poursuit d'une manière très active pendant la période de la ponte, puis, d'une
façon plus irrégulière, pendant l’incubation et plus rarement pendant l'élevage des jeunes :
[Le jour de la ponte du deuxième œuf, le 4 décembre 1955, le mâle du couple 1, dont nous venons
de parler, faisait de fréquents voyages à son nid et apportait chaque fois une plume. Son nid était alors
Source : MNHN, Paris
110
MARIE-YVONNE MOREL
sommairement fait de quelques brindilles de Prosopis et de quelques plumes dispersées sur le plancher
du nichoir.
Le 21 février 1957, jour de la ponte du deuxième œuf, un mâle effectuait lui aussi de nombreuses
allées-et-venues entre le sol et son nid et transportait des feuilles sèches de Prosopis et des plumes.
Trois jours après la fin d’une ponte dans un nichoir placé dans une haie de Lauriers-roses, le
29 octobre 1963, le mâle vint le matin relayer la femelle, tenant une plume dans son bec et le soir du
même jour, peu avant le coucher du soleil, il fit plusieurs voyages à son nid pour y déposer des plumes.
Six jours après la fin d’une ponte dans un nid construit, cette fois, dans un site naturel, une
fourche d’une haie de Prosopis, le 21 février 1963, le mâle, en venant relayer la femelle à 17 heures,
apporta une plume et il en fit autant le 23 février exactement à la même heure. Le jour de l’éclosion
des œufs, à 17 heures ; puis, trois jours après à 9 heures 45, et 8 jours après à 17 heures 45, il arriva
à son nid avec une plume dans le bec.]
Chez un Estrildidé australien, Taenopygia caslanolis, le mâle continue de déposer des plumes
dans son nid pendant l’incubation (Immelmann, 1960) et pendant la première semaine de l’élevage
(Warham, 1954). Ces auteurs ont voulu voir dans ce comportement un reste de l’habitude qu’ont les
Fringillidés d’apporter de la nourriture à leur partenaire qui couve. Mais l’on peut aussi penser que,
dans certains cas au moins, le mâle utilise comme matériaux de construction les nouvelles plumes
qu’il apporte : c’est ce que nous avons plusieurs fois observé chez des Amarantes dont nous avions
quelque peu bouleversé l’ordonnance du nid.
La construction d’un nid se poursuit après la fin de la ponte chez plusieurs espèces d’Estril-
didés en Australie (Immelmann, 1962) Chloebia gouldiae, Taenopygia caslanolis et Slizoptera biche-
novii. Frith et Tilt (1959) avaient déjà montré que chez Taenopygia caslanotis, elle commençait en
moyenne 6 jours avant le début de la ponte du premier œuf et se poursuivait encore pendant 7 jours.
Cette habitude est également connue chez d’autres Passereaux : le Bruant des Neiges, Pleclrophenax
nivalis (Fringillidés), Parus atricapillus (Paridés), Euplectes hordacea (Plocéidés) et chez des non-Passe-
reaux, Cormorans, Poules d’eau, Hérons, certains Falconiformes (d’après Mrs Nice, 1943). En outre,
dix espèces d’Estrildidés en Australie (Immelmann, 1962) et quelques autres de cette famille en Afrique
construisent des nids qu’ils utilisent la nuit en dehors de la période de reproduction. Immelmann (1962)
insiste sur le fait que l’instinct constructeur qui se manifeste habituellement au début d’un cycle repro¬
ducteur à une période très précise la déborde largement dans le cas des Estrildidés et se demande
comment évoluent les facteurs internes sous la dépendance desquels se tient cet instinct.
La poursuite de la construction d’un nid après la ponte nous paraît liée à la façon dont les parents
s'occupent de leurs jeunes après leur envol : ceux-ci sont, en effet, nourris par leurs parents une quinzaine
de jours encore et quand ils deviennent indépendants, leurs parents recommencent souvent à nicher.
La date du début des pontes successives d’un même couple a été notée dans quelques cas où les jeunes
furent eux-mêmes contrôlés après leur indépendance. On est ainsi assuré que les parents n’ont pas
abandonné leurs jeunes en cours d’élevage et que, par conséquent, le début d’une nouvelle ponte corres¬
pond bien à un cycle normal.
[Le couple — 70 246 et Ç 70 247 — occupa trois fois de suite le même nid où il éleva trois nichées
successives : la première s’envola le 31 janvier 1965 et la ponte suivante commença le 14 février, soit
14 jours après. La deuxième nichée s’envola le 18 mars et la nouvelle ponte commença le 4 avril, soit
17 jours après. Les jeunes de la première couvée furent capturés dans des filets les 15 et 30 mars, ceux
de la deuxième nichée, les 30 mars et 1 er avril.
Un autre couple — S 70 138 et $ 70 321 — éleva deux nichées successives dans deux nids diffé¬
rents. Les jeunes de la première couvée s’envolèrent le 13 mars. Le 27 mars, soit 14 jours après, 3 œufs
d’une nouvelle couvée étaient déjà pondus. Les jeunes furent contrôlés le 29 mars.]
Certes, la succession de couvées dans un temps bref n’est pas propre à l’Amarante et se rencontre
également chez d’autres Passereaux de région tempérée élevant plusieurs nichées par an. En Suisse,
au Parc Imedee (Ribault, 1964), la femelle du Merle, Turdus merula, pond le premier œuf d’une nouvelle
ponte 7, 5 jours après l’envol des jeunes de la précédente couvée ; mais Snow (1958) a montré que la
femelle nourrissait ses jeunes un ou deux jours après la sortie du nid, puis en abandonnait le soin au
mâle, tandis qu'elle allait construire un autre nid ou en réparait un vieux. Toutes les observations
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LA GONOST1CTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
111
que nous avons faites sur l’Amarante montrent, au contraire, que les parents nourrisent ensemble
leurs jeunes jusqu’à l’indépendance.
La construction d’un nid d'Amarante est assurée par le mâle seul, en présence de sa femelle. Elle
se déroule en deux temps : d’abord, le mâle fait de fréquents voyages à l’emplacement de son nid,
transportant chaque fois des matériaux qu’il dépose à la hâte. Ensuite, il procède à leur arrangement
en demeurant longuement sur le lieu même. Des observations poursuivies pendant une journée con¬
tinue montrent l’activité d’un couple au moment de la construction de son nid :
[Dans une petite cage installée dans notre bureau, un couple d’Amarante se reproduisit. Une boîte,
posée sur le plancher, servait de nichoir. 22 jours avant la ponte du premier œuf au début de la matinée, le
mâle transporta beaucoup de matériaux, puis à 9 heures 40, fit une pause qui dura une demi-heure.
Quand il reprit ses activités, à 10 h. 10, il alla examiner son nid, puis s’approcha de sa femelle assoupie
sur un perchoir, lui donna quelques coups de bec, puis de nouveau apporta des matériaux à son nid.
La femelle devint active elle aussi et fit de fréquents voyages au nid, mais n’y déposa jamais rien.
Une fois, elle y pénétra la première, suivie de peu par le mâle qui tenait dans le bec une fine paille
par son milieu. Le couple demeura quelques instants dans le nid, puis la femelle, après avoir frappé
du bec les parois de la boîte, sortit, et le mâle peu après elle. Plusieurs fois, les oiseaux eurent quelque
peine à s’introduire dans le nid : son entrée était obstruée par les matériaux qui s’entassaient devant,
et il fallut que les Amarantes se glissent sous eux ou bien qu’ils en soulèvent quelques-uns du bec pour
pouvoir pénétrer. Une autre fois, la femelle était installée juste à l’entrée du nid, et, comme elle ne se déran¬
gea pas à l’approche du mâle, celui-ci dut sauter par dessus elle. Des cris étaient échangés par les oiseaux :
le mâle lançait le cri du nid toutes les fois qu’il se trouvait à l’intérieur du nid et que la femelle se
tenait à l’extérieur. La femelle faisait de même. L’activité de l’après-midi fut beaucoup plus réduite :
le couple ne fit que quelques visites à son nid et passa le reste de son temps à boire, manger ou dormir.]
Au début de la construction d'un nid, il y a donc entassement du matériel que le mâle apporte pen¬
dant une partie de la journée.
Un deuxième exemple de construction d’un nid fut observé dans une maison ouolof servant
de resserre ; les matériaux que le mâle pouvait utiliser étaient rares, car nous le vîmes plusieurs fois
saisir des objets hétéroclites — morceaux de carton ou de ficelle — qu’il transporta avec quelque diffi¬
culté. La femelle était présente, mais n’aidait pas le mâle.
[Le 20 mars, en arrivant le matin à 7 heures 30 dans cette hutte, notre attention fut attirée
par de légers bruits, provenant d’un rouleau de nattes posé horizontalement, à 1 mètre du sol environ,
sur des cordes tendues au travers de la pièce. A 9 heures 45, en sortit un mâle en plumage adulte, il
descendit à terre et fut attiré par un morceau de carton aussi gros que lui. Non sans difficulté, il parvint
à le saisir, vola avec lui jusqu’à une murette ; le carton lui échappa. Non découragé, il redescendit à
terre, ramassa une becquée de crin et vola directement vers son nid. A 9 heures 55, il explora de nouveau
le sol où il trouva un très long brin de ficelle qu’il saisit au tiers de sa longueur, vola jusqu’à son nid,
mais comme il ne put y entrer avec, il redescendit à terre, modifia quelque peu la position de la ficelle
dans le bec et remonta dans son nid où il réussit finalement à entrer. A 9 heures 58, nouveau voyage
à terre où il choisit d’abord un minuscule brin de paille, puis une plume qu’il transporta dans son nid.
Enfin, la femelle, que nous n’avions pas encore vue, sortit à son tour du rouleau de nattes où elle se
tenait donc depuis notre arrivée. La femelle, accompagnée du mâle, picora quelques brisures de riz
sur le sol et quitta la hutte la première à 10 heures 30. Le 26 mars, ce nid contenait une ponte aban¬
donnée de 4 œufs d’Amarante.]
L’apport des matériaux dans un nid a lieu aux heures les moins chaudes de la journée et se fait
à une cadence très rapide.
[Un mâle qui construisait le jour de la ponte du 2 e œuf, le 4 décembre 1955, effectua 13 voyages
entre 11 heures 10 et 11 heures 35, soit une moyenne d’un voyage toutes les deux minutes.
La cadence des visites peut être plus élevée.
Le jour de la ponte du deuxième œuf, le 21 février 1957, entre 16 heures 30 et 17 heures 20,
un mâle effectua 39 voyages vers son nid ; après y être resté 20 minutes, il reprit ses voyages et en fit
12 autres entre 17 heures 20 et 18 heures transportant chaque fois quelque chose. Un voyage eut lieu
en moyenne d’abord toutes les 76 secondes, et ensuite toutes les 100 secondes.]
Source : MNHN, Paris
112
MARIE-YVONNE MOREL
Pour maintenir une telle cadence, l’Amarante recherche des matériaux faciles à saisir dans un
rayon de cinq à six mètres autour de son nid, tout au moins pour la paille, les feuilles sèches et les
objets divers, car les plumes sont certainement ramassées à une plus grande distance et sont transportées
dans le bec, sans apparemment gêner l’oiseau dans son vol.
Pour prendre le matériel dont il a besoin, un mâle ne s’aide jamais des pattes pour dégager la paille
qu’il cherche de celles auxquelles elle est mêlée ; il ne coupe pas davantage avec son bec, si bien qu’il
ne peut prendre que ce qui est déjà tombé à terre. 11 explore donc systématiquement le sol sur lequel
il avance lentement, examinant les objets qui s’y trouvent, les saisit, les soupèse, les fait retomber,
soit pour les abandonner, soit pour les reprendre. Il en mâchonne l’extrémité pour l’aplatir, la fait
insensiblement tourner dans son bec jusqu’à ce qu’elle soit bien en place, puis il s’envole. Les plumes
sont habituellement tenues horizontalement devant lui, leur concavité tournée indifféremment d’un
côté ou de l’autre ; les pailles, surtout si elles sont longues, peuvent être rejetées sur le côté de l’oiseau ;
les fines plumes du duvet ou le crin sont transportés plusieurs à la fois. Si d’ordinaire, l’objet est tenu
par une extrémité, il peut arriver aussi qu’il soit porté par le milieu ou le tiers.
L’habileté à saisir les objets peut se traduire par le nombre de coups de bec donnés à terre pour
les ramasser.
[Le 30 août, un mâle ramassa entre 8 heures 10 et 8 heures 29,16 fois des feuilles sèches de Pro-
sopis et dut s’y reprendre à plusieurs fois dans deux cas seulement : une fois, il s’y essaya 5 fois ; une
autre fois, 6.]
Cette habileté diminue quand les objets sont mouillés par une forte pluie qui les souille de terre
et les colle entre eux.
[Après une pluie dans la nuit du 30 au 31 août, le mâle déjà cité eut beaucoup plus de mal que
la veille à saisir les feuilles de Prosopis. Gardant le même rythme des visites — 14 entre 8 heures et
8 heures 15 — il dut multiplier ses coups de bec : 72 furent nécessaires. Chaque feuille avait demandé
cette fois une moyenne de 5 coups de bec !]
Une autre difficulté que l’Amarante rencontre dans la construction de son nid est le transport
des matériaux.
[Le 30 août, toujours ce même mâle qui construisait son nid dans une haie de Prosopis à 1 mètre 50
du sol, perdit au cours des seize voyages qu’il fit le matin, une fois tout son chargement en cours de
route, et une autre fois la moitié seulement.]
Pour bâtir un nid avec les matériaux apportés à pied d'œuvre, le mâle exécute trois types de gestes :
le premier est celui de repousser : il façonne une cavité en repoussant sur les côtés et en soulevant au-
dessus de lui les brins de paille qui se trouvent au milieu. Il donne de nombreux coups de bec, dressé
sur les pattes, corps et cou étirés au maximum. En même temps, il glisse entre les matériaux déjà
présents ceux qu’il vient d’apporter. Le 2 e type de geste est celui de tirer latéralement : il saisit une paille par
l’extrémité et la place dans une paroi du nid après avoir fait un demi-tour sur lui-même. Le 3 e type de geste
est celui de tirer à soi : l’oiseau se penche à l’extérieur pour prendre une paille qui pend et la tire à lui.
Si le nid à construire est du type ouvert, le mâle en dessine d’abord les contours avec quelques
longs brins de paille qu’il incurve avec le bec, il en remplit l’intérieur de matériaux souvent placés
les uns à côté des autres ; ce sont habituellement des feuilles mortes ou des brins de paille ; si ces der¬
niers sont trop longs, ils sont pliés par le constructeur en deux ou trois, mais jamais coupés en plusieurs
morceaux. Sur cette plate-forme repose la coupe proprement dite faite principalement de plumes de
contour. Celles déposées au milieu sont placées horizontalement et se tasseront au fur et à mesure
sous le poids de l’oiseau ; celles des parois sont plantées obliquement ou verticalement, mais toujours
leur concavité tournée à l’intérieur ; elles sont parfois si serrées qu’elles tendent à refermer la coupe
du nid ; c’est là une transition avec le nid en boule. Souvent quelques longs brins de paille sont disposés
à l’extérieur de ces plumes, à la façon de cercles de tonneau.
Si le nid à construire est du type fermé, l’Amarante, après avoir édifié une assise, lance quelques
longs brins de paille d’abord latéralement, puis au-dessus pour dessiner les côtés et le toit. Dans cette
armature, souvent lâche, il fiche d’abord des brins de paille plus courts et des feuilles, puis il double
entièrement l’intérieur de plumes, enfin il en place quelques-unes juste devant l’ouverture du nid :
celles-ci ploieront au passage de l’oiseau.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA A RICHARD-TOU. 113
Le une fois achevé présente une texture lâche, puisque l’Amarante a seulement entassé
l’un sur l’autre des matériaux ; il tient, grâce au support sur lequel il repose.
La construction des nids d’Estrildidés a déjà été observée sur do nombreuses espèces en volière
(Harrison, 1956; Kunkel, 1959; Goodwin, 1960, 1964, 1966) et dans la nature (Immelmann, 1962).
Ces études permettent de comparer la manière de construire de ces espèces avec celle de l'Amarante.
Chez les Estrildidés, le rôle joué par le mâle et la femelle dans la construction d’un nid diffère
avec les espèces. Chez certaines, mâle et femelle y contribuent de la même façon : Immelmann (1962)
l’a observé par exemple chez Poëphila personata ; et nous l’avons vérifié à Richard-Toll pour Eslrilda
troglodytes. Chez d’autres, les charges sont réparties entre les deux : le mâle apporte à la femelle qui
se tient à l’intérieur du nid les matériaux avec lesquels elle construit ; c’est le comportement le plus
habituel des Estrildidés vivant en Australie (Immelmann, 1962). Chez Lagonosticla senegala, la femelle
assiste à la construction du nid, mais sans y participer directement : elle ne transporte rien et ne mani¬
pule rien à 1 intérieur du nid (Harrison, 1956). Le mâle de Taenopygia castanotis, d’après Immelmann
(1962), peut venir à son nid jusqu à 30 fois en 23 minutes en transportant chaque fois des matériaux ;
c’est là une cadence déjà observée chez l’Amarante. Mais, chez Taenopygia, la femelle aide le mâle
et s’occupe de l’ordonnance des matériaux, ce qui n’est pas le cas pour l’Amarante. Chez une espèce
voisine étudiée en volière par Goodwin (1964), Lagonosticla rubricata haematocephala, le mâle fait la
plus grosse partie de la construction, en particulier les parois extérieures ; mais la femelle l’aide à ramas¬
ser des plumes, et, si elle est dans le nid, les reçoit du mâle qui les lui apporte.
La façon de l’Amarante de ramasser à terre les matériaux secs qu’il utilisera pour construire
son nid est différente de celle de beaucoup d’espèces d’Estrildidés qui se servent de matériaux verts
qu ils coupent avec le bec en s’aidant souvent des pattes. A Richard-Toll, nous avons observé cette
technique chez Estrilda troglodytes.
Les gestes utilisés par les Estrildidés pour construire leur nid ont été décrits pour la première
fois en détail par Kunkel (1959). Ils confèrent une grande originalité à cette famille : pour commencer
leur nid, les Estrildidés soulèvent ou repoussent sur les côtés les matériaux qui se trouvent à l’empla¬
cement futur de leur nid, alors que la plupart des espèces nichant sur un endroit plat façonnent une
cavité grâce à un mouvement rotatif de la poitrine, aidé souvent d’un grattement do pattes. Les Estril¬
didés s opposent également aux Plocéinés et Plocépassorinés, lesquels lancent d’abord entre plusieurs
rameaux un pont, une arche renversée ou un anneau.
f) Utilisation répétée d'un même nid
Les couples d’Amarantes nichent parfois dans des nids qu’ils ont déjà utilisés ou qui ont servi
à d’autres couples, comme cela a déjà été noté.
Le tableau 15 a donné le relevé des nids trouvés pendant la ponte ou l’incubation des œufs
d’Amarante et occupés plusieurs fois de suite, des couples nicheurs et du succès à l’envol des nichées.
Ces nids sont tantôt utilisés, par les mêmes couples, tantôt par des couples différents.
— Un nid fut occupé successivement par plusieurs couples pendant la même saison de repro¬
duction :
[Pour la saison 1961/62, nous notâmes une première couvée en septembre par le mâle SA 1 700
et une femelle inconnue ; une deuxième en novembre par le $ 64 988 et la $ 21 397 et une troisième
en janvier par le c? 42 504 et la $ 21 289.
— Un nid fut occupé deux saisons de suite :
[Pour la saison de reproduction 1961/62, les pontes se succédèrent :
La première en août ; la seconde en septembre ; la troisième en octobre ; la quatrième en
décembre ; la cinquième en février.
Pour la saison de reproduction 1962/63 : une ponte en février et une ponte en avril.]
— Un nid fut occupé toute l’année par le même couple :
Le £ 21 447 et la $ 407 634 occupèrent toute l’année le même nid où ils élevèrent quatre couvées.
— Un nid fut occupé par le même couple pendant plusieurs saisons :
[Le couple SA 2 207 et $ SA 2 211 nicha dans la même boîte de connection dans un hangar,
3 564 010 6 g
Source : MNHN, Paris
114
MARIE-YVONNE MOREI
dans le coin droit pour les deux premières pontes et dans le coin gauche pour les autres, en janvier
1960 (saison de reproduction 1959/60) et pendant la saison de reproduction 1960/61, en novembre
1960, en janvier 1961, en mars 1961.]
Cette réutilisation des nids est connue chez d’autres espèces d’Estrildidés : quoique capables
de construire leurs nids, Lonchura cucullata (Friedmann, 1950) et Nesocharis ansorgei (Ruth Chapin,
1959) nichent dans les vieux nids de Tisserins. En Australie, Taenopygia castanotis pond dans les nids
fraîchement construits par Acanthiza chrysorrhoa et réoccupe ses nids d’une année sur l’autre (Frith
et Tilt, 1959). Au Tsavo National Park, Amadina fasciata rend de fréquentes visites aux nombreux
vieux nids de Tisserins (N. E. Collias et E. C. Collias, 1964). Ces derniers pensent trouver dans l’ensemble
de ces faits la vérification de l’hypothèse émise par Friedmann (1950, 1960) selon laquelle cette utili¬
sation du vieux nid serait due à une perte de l’instinct constructeur par les Estrildidés et ferait de cette
famille un chaînon dans l’évolution qui mène au parasitisme intégral des Viduinés.
Y a-t-il réellement perte « d’instinct constructeur » ? Nous ne le pensons pa6, car nous avons vu plu¬
sieurs exemples de couples d’Amarantes utilisant tour à tour un vieux nid ou en construisant un nouveau.
[Après avoir construit en août 1963 sur le moyeu d’une roue de tracteur un nid fermé où il éleva
3 jeunes, le mâle 42 828 divorça. Aussitôt remarié, il construisit d’abord dans un hangar proche un
nouveau nid fermé (octobre), puis utilisa pour les deux nichées suivantes (décembre 1963 et février 1964)
un vieux nid situé à une vingtaine de centimètres du sien et qui avait été régulièrement utilisé depuis
novembre 1959.]
Immelmann (1962) qui a poursuivi une minutieuse étude des nids d’Estrildidés australiens, et,
en particulier, de ceux de Taenopygia castanotis, partage notre opinion.
La réutilisation d’un nid n’est, par ailleurs, pas spéciale aux Estrildidés. Plusieurs couples de
Melospiza melodia (Nice, 1937) ont employé deux fois de suite le même nid. L’un d’eux construisit
ensuite un autre nid 30 cm plus loin ; enfin, un autre couple nidifia 4 fois de suite dans le même nid.
En Angleterre, Snow (1958) a signalé le cas de la réutilisation de vieux nids par le Merle Turdus merula,
et remarqua qu’il s’agissait toujours de nids où la première couvée avait réussi. Tel n’est pas le cas
en Suisse, au Parc Imede, où 3 % des nids de Merles ont été utilisés une deuxième fois (Ribaut,
1964), bien que certains d’entre eux aient eu leur couvée détruite pendant l’incubation (2 cas) et que
d’autres aient été pillés (4 cas). « Toutefois, ajoute l’auteur, le taux de réussite des nids utilisés deux
ou trois fois, à savoir 32 %, est supérieur à celui de l’ensemble des nids : 14 %. Il est donc possible que
l’oiseau fixe son choix sur un ancien nid parce que sa situation est particulièrement favorable. On pour¬
rait également croire que c’est un gain de temps dans la construction qui incite une femelle à pondre
dans un vieux nid. Or, comme ce sont en moyenne 12 jours qui séparent la fin d’une couvée du premier
œuf de la suivante (donc déposée dans le même nid), cette supposition n’est pas fondée ».
D. W. Snow et B. K. Snow (1963) constatent eux aussi qu’à la Trinidad à la latitude 10° N.
les nids de Turdus qui sont réutilisés sont habituellement ceux d’où se sont envolées des nichées :
chez Turdus fumigatus, oiseau des forêts ayant une longue saison de reproduction, ces auteurs ont
compté 26 cas de réemploi d’un nid : dans 18 d’entre eux, les couvées avaient réussi ; dans les 8 autres
cas où il y eut échec, les nids furent réutilisés seulement après plusieurs mois dans 7 cas et immédiate¬
ment après dans 1 cas. Au cours d’une même saison de reproduction, un même nid servit quatre fois
de suite, et un autre, trois fois de suite. Chez Turdus albicollis et T. nudigensis, ce même phénomène
existe, mais sans revêtir l’importance notée pour la précédente espèce.
Chez l’Amarante, une première remarque s’impose : le taux de succès à l’envol de ces nids est
beaucoup plus élevé que celui obtenu pour l’ensemble des nids recensés pendant cette même période.
Des 53 couvées déposées successivement dans les mêmes nids, 116 jeunes s’envolèrent, soit une moyenne
de 2,1 par nid trouvé à l’incubation alors que la moyenne habituelle est seulement d’un jeune. Le nombre
moyen de jeunes s’envolant de nids réussis reste toutefois le même dans deux cas : 2,6.
Dans le chapitre III, on a déjà noté que ce pourcentage d’abandon est plus faible quand la taille
de la ponte est supérieure à la normale. On pourrait alors penser que les œufs abandonnés des précé¬
dentes pontes — sur lesquels pondent les femelles — joueraient le même rôle stimulant que les œufs
du parasite. On aurait pu croire que la réutilisation des nids favoriserait le parasitisme : or, il n’en est
rien. Autant de jeunes de cette espèces s’envolent de ces nids que des autres : 0,1.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LA GONOST1CTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
115
Une autre hypothèse est à discuter : la réutilisation de vieux nids trahirait-elle une compétition
pour les lieux de nidification qui seraient devenus trop peu nombreux pour l’importance de la popula¬
tion d’Amarante vivant à Richard-ToU ? Aucune de nos observations ne permet, cependant, de tirer
une telle conclusion. D’abord, le réemploi d’un nid n’est pas un fait généralisé, car bien des nids qui
paraissent remplir de bonnes conditions ne servent pas une deuxième fois. Ensuite, des nids qui ont
été occupés plusieurs années de suite sont un jour subitement abandonnés : ce cas se présenta dans
des habitations humaines qui changèrent de locataire. L’Amarante préféra fuir plutôt que de s’habituer
aux conditions de vie et aux arrangements intérieurs introduits par les nouveaux arrivants. Enfin,
on observe souvent la construction successive de plusieurs nids à peu près au même endroit et non pas
la réutilisation du même :
[Dans un toit de chaume d’une hutte africaine, trois nids d’Amarante se touchaient. En-dessous
d un premier nid contenant encore des fèces, sans qu’on puisse dire à quelle date remontait l'occupa¬
tion, fut construit en février 1964 un deuxième nid qui réussit ; puis, en mars 1964, un troisième nid
touchant le premier fut bâti à son tour et réussit également.]
En conclusion, la réutilisation des nids par l’Amarante ne semble pas prouver l’existence d’une
compétition pour les emplacements de nidification ; il ne paraît pas non plus constituer nécessairement
une étape vers le parasitisme des Viduinés, bien que la théorie émise par Friedmann (1960) soit sédui¬
sante. Encore faudrait-il que la filiation suggérée par cet auteur entre Estrildidés et Viduinés soit
reconnue de tous les systématiciens. Ce comportement n’est pas spécial aux Estrildidés puisqu’on en
trouve d’autres exemples dans des familles aviennes qu’on ne peut soupçonner de tendance au para¬
sitisme : un Colibri, Glaucis hirsuta et une Tourterelle, Columbigallina lalpacote à la Trinidad ; Melos-
piza melodia, aux États-Unis d’Amérique ; des Turdidés : Tardas merula en Angleterre et en Suisse ;
T. fumigatus et T. nidigensis à la Trinidad ; T. leucomelas au Surinam.
3) L’accouplement
C’est au cours du choix de l’emplacement du nid et au début de sa construction que l'accouple¬
ment a lieu.
A la fin de la parade de la plume donnée par le mâle devant une femelle consentante, celle-ci
sollicite l’accouplement en se tenant couchée, plumage gonflé, ailes légèrement pendantes dégageant
le croupion, queue animée de vibrations verticales. Le mâle laisse alors tomber la plume qu’il tenait
dans le bec, s’approche de sa partenaire, puis lui donne plusieurs coups de bec sur la tête et la nuque :
chaque fois qu’elle en reçoit un, elle baisse davantage la tête si bien que le cloaque est finalement bien
dégagé et placé plus haut que la tête. A ce moment, la femelle rejette sur le côté gauche sa queue tenue
verticalement tandis que le mâle monte sur elle, agrippe ses pattes à la naissance de l’aile, et place sa
queue du même côté que sa partenaire ; il agite ensuite continuellement les ailes. La copulation terminée,
le mâle applique de nouveaux coups de bec sur le dos et le croupion de sa compagne et va se poser non
loin d’elle. Finalement, tous deux s’ébrouent.
En volière, il arrive que la femelle ne soit pas montée par le mâle immédiatement après qu’il
lui ait donné des coups de bec, mais qu’il saute plusieurs fois par-dessus elle ; ou bien que le mâle la
monte successivement plusieurs fois de suite, étalant davantage la queue et la tenant de plus en plus
verticalement.
Il ne semble pas que la parade de la plume soit indispensable au déroulement d’un accouple¬
ment d’Amarante. L’observation suivante faite en volière montre que la femelle peut solliciter un mâle
même d’espèce différente en l’absence de toute invite de celui-ci.
[En plein air, dans une grande volière, vivaient un mâle d’Amarante qui achevait sa mue juvé¬
nile et quelques Estrilda troglodytes. Leur comportement ne fut pas modifié pendant la quinzaine qui
suivit l’introduction d’une femelle d’Amarante adulte et d’un mâle de Combassou, en train d’acquérir
son plumage de noces. La femelle d’Amarante, toujours repoussée par le jeune mâle de son espèce,
demeurait dans un coin de la volière avec le mâle de Combassou. Le soir, peu avant le coucher, elle adop¬
tait une posture de sollicitation d’accouplement auquel répondait le mâle de Combassou qui lui piquait
Source : MNHN, Paris
MARIE-YVONNE MOREL
116
la tête exactement comme l’aurait fait un mâle d’Amarante ; elle prenait alors la position de l’accou¬
plement, mais elle s’esquiva le premier soir quand le mâle chercha à la monter ; les soirs suivants, le
mâle de Combassou, après lui avoir donné les coups de bec sur la tête, sautait simplement par-dessus
elle et se plaçait ensuite à côté d’elle.]
En volière, Goodwin (1964) a observé chez Lagonoslicta haemalocephala rubricala la demande
d’accouplement de la femelle en l’absence de parade de la plume faite par le mâle. Quelquefois dans
la nature, une femelle qui présente une attitude anormale, parce qu’elle est blessée ou malade, peut
être successivement montée par plusieurs mâles, sans que l’on puisse exactement déterminer quel est
le stimulus qui déclenche cette série de copulations. Goodwin (1965) suggère que l’agitation de la queue
dont une femelle est souvent atteinte quand elle est malade pourrait provoquer la réaction du mâle.
L’Amarante s’accouple à terre, ou bien sur une branche, et ceci à n’importe quelle heure de
la journée. Par là, il se distingue des espèces australiennes (Immelmann, 1962) qui s’accouplent soit
sur une branche, soit dans le nid. Morris (1954) a suggéré que, dans certains genres, ce seraient les
couples formés depuis un certain temps qui copuleraient dans les nids. Mais rien de tel n’a jamais été
observé chez l’Amarante (Kunkel, 1959).
4) Ponte
Le comportement de l’Amarante ne différerait pas de celui des autres Passereaux si la femelle
ne s’en distinguait en pondant soit dans un vieux nid, soit dans un nid fraîchement construit, comme
cela a déjà été mentionné dans le précédent chapitre, soit dans un nid contenant déjà des œufs prove¬
nant d’autres pontes. C’est là un comportement peu répandu qu’il convient de signaler et que certains
ont interprété comme un premier pas vers le parasitisme : en effet, si le nid est neuf, sa construction
est plus ou moins avancée, mais jamais complètement finie ; s’il est vieux, il est sale pour plusieurs
raisons. Le fond est garni des déjections desséchées déposées par les poussins des élevages antérieurs
car les parents n’ont pas l’habitude de les enlever. Il reste aussi parfois des œufs — jusqu’à 5 ou 6 ! —
des précédentes pontes qui n’ont pas éclos et parfois le corps desséché d’un poussin.
[Ainsi, le 28 novembre 1964, nous trouvâmes un nid contenant une ponte homogène de 5 œufs
d’Amarantes couvés par le couple : mâle 70 130 et femelle 70 131. Nos visites successives des 7, 8,
12, 16 et 22 décembre nous montrèrent que ces œufs régulièrement couvés n’étaient toujours pas éclos.
Le 28 décembre nous y comptâmes à côté de la précédente ponte, toujours dans le même état, 3 nouveaux
œufs d’Amarante, encore couvés par le même couple.]
Une Amarante femelle n’éprouve donc apparemment aucune gêne à trouver des œufs dans un
nid où elle n’a pas encore commencé de pondre. Ce cas n’est d’ailleurs pas limité aux vieux nids, car
il arrive que dans les nids neufs une Combassou femelle l’y ait précédée d’un ou de plusieurs jours et
qu’elle ait été la première à déposer ses œufs. Bien plus, en cours de ponte même, une ou plusieurs
femelles de Combassou peuvent apporter des œufs : l’Amarante n’en est pas troublée. L’émission des
œufs a toujours lieu le matin, peu après le lever du soleil.
[Le 11 février 1963, à 8 heures 25, nous fîmes partir d’un nid bâti dans une haie de Prosopis
une femelle qui y était arrivée au petit jour, à 7 heures 30, et nous y constatâmes la présence d’un pre¬
mier œuf frais pondu. Les 12 et 13 février 1963, un deuxième puis un troisième œufs furent pondus
à la même heure.
Dans le nid 67, construit, lui aussi, dans une haie de Prosopis, nous retrouvâmes le 24 octobre
1963, à 8 heures du matin, l’œuf qui y avait été pondu la veille, puis nous vîmes arriver la femelle ;
à 8 heures 45, un nouvel œuf était pondu.]
Pendant la période de ponte, ni la capture des parents, ni la manipulation des œufs n’entraînent
l’abandon d’un nid. Il ne semble pas que les désaffections constatées en cours d’incubation aient été
provoquées par ces interventions. Les taches voyantes que nous faisions sur les œufs avec du vernis
à ongle rouge ne modifiaient pas davantage le cours de la ponte. Malgré toutes les précautions dont
nous nous entourions, il nous arrivait parfois de casser un œuf. Si c’était le début de la ponte, le couple
abandonnait le nid pour recommencer aussitôt ailleurs.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
117
[Par exemple, le 5 avril 1964, nous provoquâmes l'abandon d’un nid en cassant un des deux
œufs frais pondus et nous retrouvâmes neuf jours après, le 14 avril, le même couple dans un nouveau
nid construit à quelques mètres du précédent où il couvait trois œufs. 6 jours tout au plus avaient
séparé la destruction de l’œuf de la précédente ponte et la ponte d’un nouvel œuf.]
Si au contraire, le bris survenait le dernier jour de la ponte, le couple continuait à couver.
5) Incubation
Le mâle et la femelle assurent tous les deux la couvaison, mais il est difficile de dire exactement
quand l’incubation des œufs commence, car elle est discontinue pendant la durée de la ponte. Puis,
il s’établit un roulement entre les deux parents en sorte que le nid ne reste jamais inoccupé. Les tem¬
pératures fraîches des nuits d’hiver, qui peuvent tomber à 10° C, ou celles excessives des mi-journées
de la fin de la saison sèche, qui atteignent 40° C ou plus, ne changent pas le comportement incubateur
des parents.
Pendant la période de la ponte, l’incubation est discontinue : l’Amarante passe une partie de la
journée sur le nid et l’abandonne la nuit ; le temps qu’il y consacre augmente chaque jour.
[Dans un nid placé dans une haie de Prosopis, le jour de la ponte du premier œuf, le 11 février
1963, le nid fut occupé alternativement par le mâle et la femelle depuis le matin jusque vers 14 heures 30 ;
le lendemain, le séjour des parents sur le nid, commencé le matin à la même heure, se prolongea jusque
vers 16 heures 30, et le surlendemain, jusque peu avant le coucher du soleil.]
La ponte achevée, les œufs continuent d’être couvés de jour tantôt par le mâle, tantôt par la
femelle, alors que la nuit, c’est la femelle qui reste sur les œufs. Il s’ensuit une modification d’horaire
pour les parents, puisque les premières heures de la matinée que la femelle passait jusqu’alors sur le
nid sont à présent assurées par le mâle.
[Le 14 février 1963, le lendemain de la ponte du troisième et dernier œuf, la femelle pénétra dans
son nid à 7 heures 30, y passa pour la première fois la nuit et le lendemain 15 février, elle fut relayée
par le mâle à 7 heures 40.]
L’horaire suivi par les parents et leurs modalités de couvaison varient d’un couple à
l’autre.
— Les uns se partagent équitablement les tâches le jour comme le couple du nid 68, construit
dans un nichoir à l’ombre de Lauriers-Roses.
[Sur la ponte de 4 œufs terminée le 25 octobre, le 29 octobre, chaque partenaire passa 5 heures 10
entre la relève de la femelle par le mâle le matin à 7 heures 40 et son retour au nid le soir à 18 heures ;
la durée moyenne du séjour au nid du mâle fut de 1 heure 43 minutes et celle de la femelle de
2 heures 05 minutes.
Les œufs furent couvés sans interruption, tantôt par le mâle :
de 7 heures 40 à 9 heures 20, soit 1 heure 40,
de 12 heures 20 à 14 heures, soit 1 heure 40,
de 16 heures 10 à 18 heures, soit 1 heure 50 ;
par la femelle :
de 9 heures 20 à 12 heures 20, soit 3 heures,
de 14 heures à 16 heures 10, soit 2 heures 10.]
— Chez d’autres couples, le mâle peut assurer le jour un plus grand nombre d’heures de pré¬
sence sur le nid que la femelle.
[Toujours dans le nid bâti dans la haie de Prosopis où la ponte du dernier œuf remontait au
13 février, le mâle passa le 23 février 6 heures 05 et la femelle, 3 heures 40 seulement ; la durée moyenne
du séjour au nid du mâle fut de 1 heure 35 minutes.
Source : MNHN, Paris
118
MARIE-YVONNE MOREL
Le mâle couva :
de 8 heures 15 à 11 heures, soit 2 heures 45,
de 11 heures 50 à 13 heures 40, soit 1 heure 50,
de 14 heures 40 à 15 heures 25, soit 0 heure 45,
de 17 heures 40 à 18 heures 40, soit 1 heure.
La femelle couva :
de 11 heures à 11 heures 50, soit 0 heure 50,
de 15 heures 40 à 14 heures 40, soit 1 heure,
de 15 heures 25 à 17 heures 15, soit 1 heure 50, mais dérangée, elle dut quitter le nid
avant le retour du mâle.]
— Cet horaire n’est pas respecté pendant toute la couvaison. Nous notâmes, par exemple,
que ce deuxième nid est couvé à midi : les 15, 18 et 22 frévrier par le mâle ; les 16 et 21 février, par
la femelle.
Le temps qu’une femelle passe la nuit sur son nid dépend évidemment de l’heure du lever et
du coucher du soleil et il est plus long pendant les mois d’hiver.
La relève a toujours lieu à Yextérieur du nid. Le parent, qui était parti à quelque distance, se
pose non loin de son nid, agitant la queue, légèrement ouverte, de rapides et amples mouvements
verticaux et horizontaux ; à la hâte, il picore encore, inspectant en même temps les lieux et lance plu¬
sieurs fois ses cris de cohésion. Si tout lui paraît normal, il emprunte le chemin, toujours le même, qui
le conduit à son nid et attend, sur un perchoir proche, que son partenaire lui laisse la place. Celui-ci,
alerté par ses cris, sort d’abord à moitié le corps du nid, puis d’un vol discret et rapide, s’en va. Si
l’Amarante qui vient couver ne voit pas son partenaire parce qu’il a dû s’en aller avant l’heure de la
relève, il montre de la nervosité, multipliant les cris et les vols d’approche et hésite avant d’entrer
dans le nid.
Quand il pressent un danger, il ne vole pas directement à son nid, mais suivant les circonstances,
adopte une position de combat ou d’attente : un congénère étranger installé sur son territoire déclenche
automatiquement chez lui un réflexe d’agressivité ; l’intrus est d’abord expulsé du territoire qu’il a
violé avant que le parent ne pénètre dans son nid. La présence inhabituelle d’un Homme dans une mai¬
son, d’ordinaire libre d’occupant, retarde la relève du partenaire jusqu’au départ de cette personne
avec laquelle il n’est pas familiarisé.
Nous avons observé, par exemple, que la relève sur un nid fut retardée d’une grande heure
parce que le moment où l’Amarante pénétra dans une hutte coïncidait avec celui où une Africaine
y effectuait des rangements.
Pendant cette attente qui peut être longue, une demi-heure, une heure quelquefois, le parte¬
naire couvcur reste à l’intérieur sans montrer de signe d’impatience, mais si le cas se présentait trop
souvent dans la journée, le nid serait abandonné. En voici un exemple :
[Un nid construit sur une feuille de Bananier poussant près d’un robinet d’eau où les Africaines
défilaient avec leur seau fut rapidement abandonné, car les va-et-vient des femmes empêchèrent le
couple d’assurer une couvaison normale.]
Plus le moment de l’éclosion se rapproche, plus l’Amarante devient nerveux : chassé de son nid,
il demeure dans son voisinage, criant et agitant la queue ou bien s’envole pour n’y revenir que beau¬
coup plus tard ; souvent même son partenaire s’est installé dans le nid pendant son absence.
Dans son nid, l’Amarante a toujours la tête tournée vers l’extérieur. Il se cache derrière un rideau
de plumes qu’il tire à lui pour fermer complètement l’entrée ou bien il la dégage. Quand il entend un
bruit suspect, il se dresse, sortant à moitié le corps. Parfois, il prend en chasse un de ses congénères
par trop entreprenant ; le plus souvent, il regarde furtivement, puis s’enfonce de nouveau dans son
nid et s’y assoupit. Il y dort quelquefois si profondément qu’il nous est arrivé de l’y capturer à la main
alors qu’habituellement il se sauve à notre approche.
Une fois relevé de sa faction, l’Amarante s’éloigne et part s’alimenter sur les lieux riches en
graines. Grâce au jabot qui lui permet d’en emmagasiner beaucoup, il passe une grande partie de son
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA K RICHARD-TOLL
119
temps libre à les picorer hâtivement ; il aura le loisir de les digérer pendant qu’il couvera. Cette façon
de se nourrir l’autorise à demeurer sur le nid jusqu’à 3 heures d’affilée alors que les Passereaux insec¬
tivores, pressés par la nécessité de s’alimenter, ne peuvent jamais rester longtemps. Ces repas abondants,
mais espacés, expliquent aussi certaines particularités de l’horaire de la couvaison. Ainsi, le matin,
le mâle ne relève pas la femelle au lever du jour, mais quelque temps plus tard et seulement après
avoir pris un premier repas. De même, la femelle se présente au nid le soir avant la tombée de la nuit
laissant au mâle le temps de se nourrir une dernière fois avant de gagner son gîte nocturne.
Même quand il fait 40° et plus à l’ombre, l’Amarante reste dans son nid. La question se pose
de savoir comment il peut supporter ces températures extrêmes. Estrilda troglodytes, qui avait cons¬
truit en mai dans une volière de Richard-Toll un nid typique, n’y demeurait jamais longtemps à l'inté¬
rieur quand il couvait. On le voyait souvent à l’extérieur, devant l’entrée. Immelmann (1962) a observé
que les espèces australiennes d’Estrildidés cessaient de couver quand la température intérieure de leur
nid dépassait 38° C. On peut expliquer ces différences en comparant les nids : celui d 'Estrilda troglo¬
dytes a une structure serrée et comporte un long et étroit couloir ; ceux des espèces australiennes,
Neochmia phaëton et Bathilda ruficauda, ont une structure compacte, un épais capitonnage et des maté¬
riaux en putréfaction du fait de l’humidité qui en rendent l’atmosphère suffocante. Au contraire, la
température qui règne à l’intérieur d’un nid d’Amarante n’est guère différente de celle existant au
même moment à l’extérieur : l’absence fréquente de couloir, les matériaux secs et lâchement entassés
et un faible capitonnage n’empêchent pas complètement l’air de circuler, à la différence des nids à
texture serrée. De plus, la construction est toujours placée à l’ombre d’un arbuste ou d’un toit. Pro¬
bablement, la nécessité de demeurer continuellement dans son nid (peut-être, rappelons-le, sous l’in¬
fluence du parasite) a-t-il conduit l’Amarante à rechercher les endroits les moins soumis aux variations
extrêmes de température (dans les habitations humaines, par exemple).
Le comportement incubateur de l’Amarante ne diffère pas sensiblement de celui des autres
espèces d’Estrildidés. Plusieurs espèces australiennes, Stizoptera bichenovii et Poephüia acuticauda
(Immelmann, 1962), attendent, comme lui, à l’extérieur du nid le départ du partenaire. Ce mode de
relève fut appelé par Immelmann (1959) indirect par opposition au mode direct où les deux partenaires
se relaient à l’intérieur du nid. La durée des séjours au nid des parents est toujours longue pour les
espèces australiennes (Immelmann, 1962). Sa moyenne varie de 54 minutes (Emblema picta) à 1 heure
58 minutes (Stizoptera bichenovii), mais son maximum peut être beaucoup plus élevé : 2 heures 55 mi¬
nutes chez Taenopygia castanotis et 3 heures 30 minutes chez Stizoptera bichenovii. Des chiffres compa¬
rables ont été obtenus avec l’Amarante.
L’Amarante se comporte comme les deux espèces, Zonaeginihus oculatus et Taenopygia casta¬
notis, en occupant continuellement son nid, alors que chez la plupart des autres espèces australiennes,
celui-ci reste vide pendant un certain temps, soit que les parents aillent chercher ensemble, le matin
et le soir, de la nourriture, soit qu’ils se retrouvent avec les autres couples à d’autres heures pour parti¬
ciper à la vie sociale de la colonie.
6) Éclosion des jeunes
Douze à treize jours après la 6n de la ponte, les jeunes naissent.
L’éclosion des œufs d’une couvée dure beaucoup moins longtemps que leur ponte : trente six
heures sont souvent suffisantes pour l’éclosion d’une ponte de quatre œufs alors qu’il a fallu 4 jours
pour qu’elle soit déposée. On peut voir là le résultat de l’absence d’une couvaison continue pendant
la durée de la ponte.
A titre d’exemple, nous citerons le nid 278 : il contenait le 24 février au soir un poussin tout
juste éclos et deux œufs. Le lendemain, à la même heure, les trois œufs étaient éclos.
La coquille des œufs éclos est aussitôt consommée par les parents :
[Le 27 février 1963, deux œufs éclosent en début de matinée à quelques heures d’intervalle :
le mâle avala à 7 heures 50 un morceau de coquille de l’œuf déjà éclos. A 8 heures 45, le poussin du
Source : MNHN, Paris
120
MARIE-YVONNE MOREL
deuxième œuf cherchait à se libérer de la coquille, déjà coupée en deux par son milieu. A 9 heures 55,
la femelle, de retour au nid, en mangea à son tour un morceau.]
La consommation de la coquille par les parents a été observée par Eisner (1961) sur Lonchura
striata qu’il avait fait se reproduire en volière dans des nichoirs en verre ; Goodwin (1965) pense qu’il
en est de même pour Uraeginthus angolensis, bengalus et cyanocephalus ; et Immelmann (1962) estime
que c’est la règle générale pour les Estrildidés australiens.
7) Rapports entre parents et jeunes
L’élevage du poussin dure cinq semaines environ. Il commence au nid et se termine au moment
de l’émancipation. Il comporte deux phases bien distinctes : la première, d’une durée de 17 à 18 jours,
que l’oisillon passe à l’intérieur d’un nid et qui s’achève par son envol ; la seconde, où tout en continuant
d’être nourri par ses parents, il commence à vivre sans eux, grâce à l’acquisition d’une thermorégula¬
tion satisfaisante et d’un plumage suffisant pour voler. L’émancipation se produit quand il a achevé
la croissance de ses plumes et est devenu capable de vivre par lui-même, sans recevoir d’aide extérieure.
Le bec des oisillons dès la naissance, est décoré, aux commissures, de « perles » blanches et bleues.
Brillantes les premiers jours, elles perdent peu à peu de leur éclat : le blanc se salit et le bleu se ternit.
En même temps, elles diminuent de taille ; encore visibles à l’indépendance, elles disparaîtront complè¬
tement peu après. Le bec lui-même acquiert graduellement sa couleur rose définitive qui se développe
à partir de la base. La voûte du palais est ornée de dessins d’un bleu profond ressortant d’autant mieux
qu’ils se trouvent placés sur un fond d’un blanc pur. Ces dessins sont au nombre de trois disposés en
croissant ; le dessin central est légèrement plus petit que les autres. Ils sont entourés par le noir de la
pointe du bec, le blanc et le bleu des perles et le rose clair de la gorge. La langue est, à sa partie termi¬
nale, d’un jaune vif. Cette description a été faite sur un oiseau vivant, car les couleurs se modifient
rapidement après la mort. Elle a déjà été donnée par divers auteurs (Neunzig, 1929 ; Friedmann, 1960).
Les variations de ces dessins, d’une espèces à l’autre, ont conduit Steiner (1960) à les utiliser dans sa
classification.
a) Comportement pendant la période au nid
1) Fréquence des nourrissages
Les deux parents nourrissent leurs jeunes par régurgitation. Le nourrissage commence aussitôt
après la naissance du poussin.
[Le 25 février 1963, un premier poussin né au cours de la matinée est nourri à 14 heures 55
16 heures 10, 17 heures 15 et 18 heures 10 ; un autre poussin né dans ce même nid très tôt le matin
du 27 février a déjà dans le jabot quelques graines au milieu de la matinée.]
Le nombre de visites journalières passe par un maximum entre le 10 e et le 15 e jour du poussin
pour diminuer les deux derniers jours qui précèdent l’envol : c’est ce qui ressort de nos observations
faites en février 1963 sur un nid construit dans une haie de Prosopis, puis complétées sur d’autres nids
surveillés au moins une demi-journée d'affilée. Elles sont données dans le graphique 16. Le maximum
noté à partir du dixième jour s’explique facilement par les besoins accrus des poussins ; quant à la
diminution avant l’envol, elle a déjà été constatée chez d’autres oiseaux. Certains (d’après Welthy,
1963) pensent que les parents, en affamant de cette façon leurs jeunes provoqueraient leur départ du
nid.
Les parents, dans les premiers jours de la oie de leurs poussins, continuent de les couver, tout en
commençant à les nourrir. Il en résulte que le rythme des visites est encore celui tenu pendant l’incu¬
bation et qu’il y a toujours relève d’un partenaire par l’autre. Le nid 141 en fournit un bon exemple :
Les observations furent faites le 20 mars 1964 alors qu’un premier œuf venait d’éclore et le 21 mars
1964 où un deuxième était éclos.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
121
Le 20 mars 1964 :
7 h. 30 : début d’observation ;
8 h. 45 : le mâle entre dans le nid que la femelle avait quitté avant mon arrivée ;
9 h. 20 : la femelle relaie le mâle ;
10 h. 15 : le mâle relaie la femelle ;
11 h. 25 : la femelle relaie le mâle ;
12 h. 00 : arrêt des observations.
Le lendemain, 21 mars 1964 : les deux partenaires continuèrent à se relayer, sans respecter exacte¬
ment le même horaire que la veille :
7 h. 30 : début des observations ; le mâle est déjà sur le nid ;
8 h. 30 : relève du mâle ;
9 h. 30 : relève de la femelle par le mâle ;
10 h. 30 : relève du mâle par la femelle ;
12 h. 00 : relève de la femelle par le mâle qui cherchait depuis une demi-heure à entrer dans
son nid, mais en était empêché par la présence inhabituelle d’une Africaine dans la hutte où était
construit son nid.
Un exemple semblable est donné par cette autre observation :
Deux poussins d’Amarante, âgés de deux jours environ, continuaient d’être couvés par leurs
parents qui les nourrirent quatre fois dans l’après-midi du 8 décembre, entre 14 et 18 heures 30, et
quatre fois dans la matinée du lendemain entre 7 heures 30 et 13 heures.
Trois ou quatre jours après l’éclosion du premier œuf, les parents commencent à diminuer dans
la journée le nombres d’heures de présence sur le nid.
=— Séjour de la femelle sur le nid
— Séjour du mâle sur le nid
ACTIVITE DES PARENTS AMARANTES SUR LE NID
PENDANT L'INCUBATION DES ŒUFS ET L'ELEVAGE DES JEUNES
Fig. 16
Source : MNHN, Paris
122
MARIE-YVONNE MOREL
Trois jours après l’éclosion du premier œuf,
28 février, les faits suivants furent notés :
7
h.
30
8
h.
00
8
h.
30
9
h.
50
10
h.
20
11
h.
00
12
h.
00
13
h.
00
15
h.
15
16
h.
30
17
h.
00
17
h.
50
18
h.
20
la femelle a déjà quitté le nid où elle a passé la nuit ;
le mâle arrive et s’en va à 8 h. 25 ;
la femelle hésite à pénétrer dans le nid et s’y décide à 8 h. 35 ;
le mâle est dans le nid et laisse la place à la femelle ;
il n’y a plus de parent sur le nid ;
la femelle reste sur le nid et attend, pour partir, que le mâle arrive à 11 h. 20 ; il
part peu après.
la femelle revient et repart aussitôt ;
elle revient et entre dans le nid ; elle y reste jusqu’à l’arrivée du mâle à 14 h. 35 ;
la femelle revient, puis repart aussitôt ;
le mâle revient ;
la femelle entre dans le nid et repart aussitôt ;
le mâle entre dans le nid et ressort peu après ;
la femelle entre dans le nid et y reste pour la nuit.
Pendant toute la semaine qui suit l'éclosion, les poussins sont couvés la nuit par la femelle. Celle-ci
arrive tard sur le nid pour distribuer la becquée avant de s’installer pour dormir :
[Dans le nid 141 où l’éclosion du premier œuf a eu lieu le 25 février, la femelle a passé les nuits
jusqu’au 4 mars ; de même dans le nid 270, où le premier œuf a éclos le 20 février, la présence de la femelle
la nuit, a été constatée jusqu’au 26 février.]
— Une fous leurs poussins âgés d'une huitaine de jours, les parents viennent les nourrir à tour
de rôle et repartent aussitôt après ; l’examen de leur horaire ne permet toutefois pas d’établir de règle
générale.
Certes, ils cherchent à donner la becquée tôt le matin à leurs poussins qui sont affamés et le soir
le plus tard possible avant la tombée de la nuit ; mais dans la journée, ils se succèdent à une cadence
variable d’un jour à l’autre, et d’un couple à l'autre. Habituellement, le mâle ne vient pas en même
temps que la femelle ; ils ne s’attendent pas davantage pour entrer dans le nid ou en repartir.
Si, d’ordinaire, ce sont les deux parents qui viennent nourrir, il nous est arrivé d’observer le
nourrissage par la seule femelle :
[Le 4 mars 1963, une femelle, curieusement, assura presque seule le nourrissage de deux poussins
de Combassou âgés de 6 joins, et augmenta le rythme de ses visites ; le lendemain, toutefois, le mâle
de nouveau apporta son aide : elle vint 9 fois dans la journée et lui seulement 3.
— Le 28 février 1762, une nichée de 4 Amarantes fut nourrie par la femelle seule 6 fois dans
l’après-midi (14 h. 52 ; 15 h. 31 ; 16 h. 21 ; 17 h. 04 ; 18 h. 04 ; 18 h. 35) et 7 fois dans la matinée du
lendemain (7 h. 40 ; 8 h. 30 ; 8 h. 57 ; 9 h. 22 ; 9 h. 58 ; 10 h. 49 et 12 h. 09), soit 13 fois entre 14 heures
d’un jour et le lendemain 12 h. 30. La femelle assura donc le même rythme de nourrissage que celui
suivi par les deux parents lorsqu’ils nourrissaient. Ces jeunes, bagués, prirent l’envol, et furent capturés
quelques temps après. Il semble qu’ils n’aient pas eu à souffrir de ce mode de nourrissage.
— Le 31 mars 1962, dans un nid bâti dans la toiture d’une case, 2 poussins d’Amarante et 1 de
Combassou furent nourris 4 fois dans la matinée (8 h. 33 ; 9 h. 45 ; 10 h. 45 et 11 h. 45) par la femelle,
tandis que le mâle demeurait au pied du nid picorant à terre. Ces jeunes furent également contrôlés
après l’envol.]
Toutes ces observations limitées ne permettent pas de conclure à la possibilité de l’élevage
par un seul des deux parents ; peut-être s’agissait-il là d’une défection temporaire due à des causes
mal précisées.
En conclusion, la fréquence des visites des parents au nid est faible, comparée à celle d’autres
espèces de poids comparable, mais de régime alimentaire différent. Dès sa naissance, en effet, l’Amarante
est granivore, bien qu’il puisse être nourri accidentellement d’insectes, comme il sera dit dans un pro¬
chain paragraphe. Les Insectes paraissent par contre indispensables aux jeunes nés en volière ; tant
que leur nourriture resta uniquement composée de petites graines, nous ne pûmes en élever aucun.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA A RICHARD-TOLL 123
Du jour où nous nous mîmes à leur donner des Termites ( Trinervitermes sp.), ils eurent une croissance
normale, semblable à celle des Amarantes sauvages.
Précautions prises par les parents : avant d'entrer au nid, le parent scrute attentivement les
alentours ; il se dresse sur les pattes, regarde en haut, en bas, à droite, à gauche, s’attarde, manifestant
sa nervosité par des mouvements répétés de la queue. En même temps, il s’annonce par ses cris de
cohésion et d’excitation et commence à régurgiter : pour cola, il opère chaque fois plusieurs mouvement
de torsion du cou qui font remonter les graines dans le bec... Peu à peu, il se rapproche de son nid, et,
en absence de tout danger, y pénètre. S’il ne reste pas pour couver, il s’en va rapidement, toujours
d’une façon très discrète, et enfin disparaît.
D’ordinaire, le changement de parent, au début de l’élevage des poussins, se fait sans difficulté,
mais il arrive parfois qu’un des partenaires veuille absolument nourrir et bouscule l’autre.
[Le 27 février 1963, à 13 heures 55, le mâle en entrant dans son nid où étaient un poussin de trois
jours et deux d’un jour, dut aussitôt en assurer la police, car une bataille entre deux Amarantes se
déroulait juste au-dessus de lui. Il sortit donc le corps à moitié du nid, puis y rentra tout en restant
aux aguets. Une fois le danger passé, il commença à nourrir, puis s’arrêta un moment, comme font
habituellement les parents au début de l’élevage. Survint alors la femelle qui se percha juste devant
l’entrée du nid ; le mâle, la voyant tira sur lui deux plumes qui le cachèrent complètement à sa vue.
Elle disparut, et lui se remit à donner la becquée. A 14 heures 25, elle revint, s’annonça en criant et
se posa immédiatement à l’entrée du nid où la croisa le mâle qui avait eu à peine le temps de se dresser
pour s’en aller.]
La façon de donner la becquée varie avec l’âge du poussin, comme l’illustrent les observations
suivantes :
Pour nourrir un jeune d’un jour, le parent s’entoure de nombreuses précautions :
[Sur le nid n° 141, par exemple, à 10 heures, arriva la femelle qui commença à donner la becquée,
puis elle se mit à couver ; à 10 heures 30, elle recommença à nourrir et s’en alla peu après. A 12 heures,
elle revint au nid, s’y installa, chercha le bec do son jeune d’abord à droite, puis à gauche où elle le trouva.
Elle le nourrit en s’y reprenant 20 fois. A chaque arrêt, elle jetait un coup d’œil à l’extérieur ; inquiète,
elle sursautait au moindre bruit. A 13 heures 55, de nouveau elle revint : il lui fallut 7 minutes pour
nourrir].
Quand les poussins ont une huitaine de jours, ils ont suffisamment grandi pour qu’on voit appa¬
raître la tête au-dessus du bord de la coupe et qu’on les entende répondre distinctement aux cris lancés
par leurs parents quand ils approchent du nid ; la becquée est donnée rapidement et le parent s’en va
aussitôt après. Enfin, la veille du départ, le nourrissage a lieu sur le bord de la coupe ; les jeunes répondent
avec insistance aux cris de leurs parents, ils les harcèlent, se pendent à leur bec ; c’est déjà l’attitude
d’un jeune demandant la nourriture après le départ du nid.
Les parents ne nourrissent pas toujours tous leurs poussins à chacune de leurs visites. Ce cas
se présente surtout le matin, soit que les parents viennent au nid peu après le lever du soleil sans avoir
eu le temps nécessaire pour ramasser suffisamment de graines, soit que les jeunes qui n’ont pas été
nourris depuis la veille au soir soient si affamés que le premier nourri épuise la provision apportée
par le parent.
Aux exemples donnés dans le tableau 43, on peut ajouter celui-ci :
[A 8 heures du matin, heure à laquelle commencèrent les observations, le 28 février 1962, un des
4 oisillons avait déjà été nourri ; à 8 heures 57, après une troisième visite, trois des quatre oisillons étaient
nourris ; à 9 heures 58, après deux autres visites, le jabot de l’un de ceux précédemment nourris était de
nouveau vide ; les trois autres pleins et l’un d’eux distendu. Ces oisillons pesaient entre 4,5 g et 5,5 g.]
2) Modalités de nourrissage
La posture adoptée par les oisillons pour demander la becquée est typique : les pattes fléchies
l’oisillon s’incline en sorte que la base du cou vienne en contact avec le sol tandis que la queue est
dirigée vers le haut. Tout en maintenant cette posture, le jeune Amarante effectue une torsion du
cou de 180° et présente le bec vers le haut.
Source : MNHN, Paris
124
MARIE-YVONNE MOREL
Dès sa naissance, le jeune appelle : son cri, formé d’une seule note, aigüe et brève, est spéciale¬
ment audible quand le nouveau-né est affamé — par exemple, quand il est le dernier d’une couvée
comprenant déjà un ou plusieurs Combassous. Puis ce cri s’enrichit d’une deuxième note pour devenir
un « zet — tek ». Comme les oisillons d’une même nichée demandant la becquée ne sont jamais à l’unis¬
son, il en résulte une cacophonie d’autant plus bruyante que le parent tarde à nourrir. Nicolaï (1964),
qui en a établi le spectrogramme, conclut que le « zet » est semblable au cri d’excitation et qu’il est immé¬
diatement suivi du « tek » ; que la pause séparant ces deux syllabes de deux autres est habituellement
constante, mais devient évidemment plus courte lors d’une grande excitation.
TABLEAU 43
ETAT DES JABOTS DE QUELQUES POUSSINS DE LAGONOSTICTA SENEGALA
D'UNE MEME NICHEE
26/3/64 à 8 heures
4/1/64 à 9 heures
2ème
3feme
4hme
Même nichée le
30/10/63
à 10 heures du matin
2ème
3ème
2ème
3ème
4feme
4/11/63 à 17 h 30
7/12/63 à 8 heures
Etat des jabots
plein
NB. à 9 h. les 2 jabots seront
pleins
plein
vide
plein
vide
quelques graines
un peu rempli
très rempli
un peu rempli
vide
bien rempli
vide
distendu
distendu
La technique de nourrissage des parents est particulière aux Estrildidés. Le temps qu’un parent
garde son bec dans celui de son jeune est particulièrement long ; un mouvement pompant de l’œso¬
phage lui permet, en effet, de faire passer les graines en une seule fois directement de son jabot à celui
de son jeune, alors que chez les autres Passereaux, les parents nourrissant par régurgitation sont conti¬
nuellement obligés de s’interrompre pour faire remonter d’abord dans le bec les grains qu’ils destinent
à leurs jeunes, (Nicolaï, 1964).
Dans la nature, les Amarantes juvéniles, en attendant leur becquée, se groupent en demi-cercle
devant leur parent : l’un deux s’approche de lui, est longuement nourri, puis est renvoyé ; il doit s’éloi¬
gner légèrement pour laisser la place à un deuxième oisillon qui n’avait cessé de crier pendant le nour¬
rissage du premier ; de nouvelles tournées auront lieu tant que le parent aura quelque chose à donner.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICIIARD-TOLL
125
3) Reconnaissance réciproque des parents et de leurs jeunes.
Dès le premiers jours de l’élevage, les poussins semblent reconnaître les cris de leurs parents, comme
le suggère l’observation suivante :
[Dans un grand hangar, deux nids étaient construits à une hauteur de trois mètres environ et
une distance d’un mètre : il y avait dans l’un (nid 20) 3 Amarantes prêts à s'envoler et dans l’autre
(nid 22), trois poussins âgés de cinq jours environ. Le matin du 28 novembre 1959, les parents du nid 20
arrivèrent ensemble et pendant deux heures multiplièrent leurs cris pour inciter les jeunes à prendre
l’envol. Ceux-ci leur répondirent en criant eux-mêmes. Les poussins du nid 22 restèrent par contre
sourds à ces bruits, mais se mirent à appeler dès qu'ils entendirent les cris de leurs parents.]
4) Soins de propreté du nid : Les parents ne retirent pas du nid les fèces de leurs poussins qui
s’accumulent au fur et à mesure à l’intérieur et qui, en se desséchant rapidement, se transforment
en petites billes dures et grisâtres : un nid d’Amarante ne sent jamais mauvais et on ne se salit pas
les mains en y touchant. En fin d’élevage, les fèces sont si nombreux qu’ils cachent complètement
les plumes qui capitonnent le fond du nid ; il y en a d’autres dans les parois. Leur présence ne semble
pas gêner la croissance des poussins, ni le comportement des couples reproducteurs. Certains même
nichent dans un nid qui a déjà servi et qui en est par conséquent tapissé. On se souvient à ce propos
que la mortalité des couvées élevées dans ces nids est très inférieure à celle observée dans ceux servant
pour la première fois. Il faut donc en conclure qu’aucune faune dangereuse pour les oisillons ne se
développe à la faveur de ces excrétas.
5) Comportement du couple devant un nid déplacé ou détruit.
[Les parents n abandonnent pas toujours un nid quand sa construction est modifiée :
Dans une hutte traditionnelle était suspendu, à une hauteur de 1,50 environ, le harnais d'un
âne, recouvert d’un tas de chiffons, au milieu desquels était construit un nid. Il contenait une ponte
de quatre œufs d’Amarante que nous surveillions attentivement, car c’était la quatrième déposée par
le même couple depuis le début de la saison de reproduction ! Aussi, le 29 mars 1964, nous fûmes désa¬
gréablement surprise de constater que tous les chiffons avaient été enlevés. Cependant, ni la coupe
du nid, ni les œufs proches de l’éclosion n’avaient été touchés. En dépit de ces bouleversements, les
parents continuèrent de couver ; puis, les œufs une fois éclos, les jeunes furent correctement nourris,
et prirent l’envol.]
Le déplacement, d'un nid ne provoque pas nécessairement son abandon.
Le fait que des parents puissent retrouver leurs poussins tombés à terre ou à plusieurs mètres
de 1 endroit où ils avaient l’habitude de les nourrir montrerait qu'ils savent déjà les reconnaître à leurs
[Le 2 mars 1965, nous fûmes surprise de trouver un nid, construit à 2,50 m de hauteur, vide,
alors qu il aurait dû normalement contenir un poussin de Combassou, né le 20 février, et deux poussins
d’Amarante nés le 21. Toutefois, les cris caractéristiques de jeunes demandant la becquée nous inci¬
tèrent à chercher à terre : nous y découvrîmes, blotti contre le Combassou déjà bien emplumé, un pous¬
sin d’Amarante tandis que l’autre était, caché sous un ht. Le 4 mars, un des Amarantes avait disparu,
mort vraisembablement, mais l’autre et le Combassou, toujours à terre, étaient en parfaite santé
et avaient donc été correctement alimentés.
Dans la deuxième quinzaine de novembre 1960, un couple d’Amarantes établit son nid dans
un pantalon suspendu à un clou à une hauteur de 1,50 m environ. Grâce à la gentillesse de son proprié¬
taire africain, le pantalon ne fut pas déplacé. A la fin de l’élevage, les trois poussins de Combassou
qu’il contenait, glissèrent par une jambe et tombèrent à terre sans se blesser. Réfugiés dans un coin
obscur du garage, ils continuèrent d’être nourris par leurs parents qui avaient réussi à les retrouver,
en se guidant vraisemblablement sur leurs cris.
L’exemple le plus étonnant que nous en ayons observé fut celui d’un nid placé sous le tableau
de bord d’une Jeep en réparation dans un garage. Il contenait quatre œufs pondus entre les 1 er et 4 février
1961. Le jour de leur éclosion, cette voiture fut déplacée de quelques mètres. Après ce changement,
Source : MNHN, Paris
126
MARIE-YVONNE MOREL
les jeunes furent encore nourris, car là aussi les parents étaient parvenus à repérer rapidement le nouvel
emplacement de la voiture... Au milieu de l’élevage, le 26 février, elle fut, de nouveau poussée dans
un autre coin du garage ; les parents réussirent à la découvrir assez vite pour que les jeunes soient
nourris à temps.]
La destruction d'une niché perturbe toujours beaucoup le comportement des parents.
[Le 8 décembre 1963, un nid, construit dans le chaume d’un toit, abritait deux poussins d’Ama¬
rante et un de Combassou âgés d’une dizaine de jours environ. Le lendemain matin, il était vide ;
les corps des oisillons, tombés à terre, étaient inanimés. A 8 heures 15, la femelle arriva, bientôt suivie
du mâle. Leurs cris étaient inhabituels, ils s’approchaient du nid mais n’y entraient pas ; ils retour¬
naient à terre, prenaient en chasse la femelle du nid voisin qui venait nourrir ses jeunes ; ils retournaient
en direction du nid, hésitaient à y entrer, volaient vers d’autres perchoirs ; de nouveau, ils se présen¬
taient à l’entrée du nid, puis disparaissaient. Ils revinrent plus tard et renouvelèrent les mêmes démarches
hésitantes. Enfin, à 9 heures 25, la femelle se décida à pénétrer dans son nid d’où elle ressortit bientôt
après en lançant un cri prolongé, aigu et plaintif qu’elle répéta plusieurs fois... Le mâle prit en chasse
le mâle du nid voisin qui revenait, puis une femelle d’Hypochera chalybeata qui tentait de visiter son
nid ; il s’en approcha, avec sa partenaire, mais n’y entrait toujours pas : tous deux partirent à
10 heures 03. A 10 heures 25, le couple se rapprocha du nid, à 10 heures 40, entra la femelle qui en
ressortit aussitôt. Elle resta dans la hutte jusqu’à 11 heures 17, lança son cri plaintif et s’en alla ; de
retour à 11 heures 20, elle vola à proximité de son nid et cria encore... Son partenaire revint. Elle le
regarda, et, se plaçant face à lui, commença à lui becqueter les plumes de la tête. Elle fit ensuite deux
pas, commença à tourner autour de lui, mais bientôt s’arrêta et tous deux s’envolèrent hors de notre
vue. Avant la fin des observations, à 13 heures, la femelle retournait une nouvelle fois à son nid.
Un nid bâti dans le fût d’un Palmier contenait trois poussins d’Amarante proches de l’envol
qui furent mangés dans la nuit du 23 octobre 1964 par une Genette. Le lendemain matin, les parents
répétèrent devant le nid vide les mêmes vols inquiets, montrèrent les mêmes hésitations à pénétrer
dans le nid que les parents de la nichée précédente. En outre, ils revinrent, à l’heure où devait avoir
heu le premier nourrissage de la journée, les quatre matins qui suivirent la disparition de leurs jeunes.
Un autre nid fut aussi visité le soir à 18 heures par les parents dont les jeunes proches de l’envol
avaient disparu dans la nuit précédente.]
La première manifestation d'inquiétude des parents, quand ils s'approchent du nid, est vraisembla¬
blement provoquée par l’absence de réponse aux cris d’appel qu’ils émettent à ce moment.
Cette habitude de revenir au nid dans les jours qui suivent la disparition des jeunes peut être
bénéfique pour l’Amarante, comme le montre l'observation suivante :
[Dans la matinée du 15 janvier 1966, nous prélevâmes dans une hutte africaine un nid en coupe
contenant 4 Amarantes âgés d’une dizaine de jours et nous les remîmes en place le lendemain à la
même heure.... Trois jours après, nous retournâmes sur les lieux pour constater que les jeunes étaient
toujours vivants et avaient une croissance normale.]
Pendant la période d’élevage des poussins au nid, le comportement de l’Amarante est semblable
à celui de trois espèces vivant en Australie : Bathilda ruficauda, Neochmia phaëlon et Chloebia gouldiae
lesquels ne couvent plus leurs jeunes la nuit passé le neuvième jour, à la différence des autres espèces
où les deux parents couchent dans le nid jusqu’à l’envol de leurs jeunes (Immelmann, 1962). Chez
les espèces africaines appartenant au genre Uraeginthus, U. bengalus, U. angolensis, U. cyanocephalus,
qu’a étudiées en volière Goodwin (1965), la femelle cesse habituellement de passer la nuit dans le nid
à partir du 13 e jour. Il en résulte que les jeunes sont laissés seuls pendant un temps appréciable, pou¬
vant atteindre quatorze heures, car leurs parents doivent les abandonner avant le coucher du soleil
s’ils veulent trouver une place pour dormir (Immelmann, 1962).
6) Croissance et régime de l'oisillon :
A la naissance, le poussin d’Amarante est très petit : il pèse environ la moitié d’un gramme.
Sa peau est jaune orangé, plaquée d’un duvet blanc ; le bec noir est décoré de boules bleues et blanches
aux commissures et le palais porte des marques bleues.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LA G0N0ST1CTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
127
Sa demande de nourriture est malhabile : bien que s’appuyant sur les ailes et les pattes, il ne
peut encore soulever l’abdomen si bien que la base du cou touche encore le nid, le cou lui-mème est
dressé verticalement, agité d’un mouvement pendulaire, mais bientôt, il retombe. On l’entend déjà
pousser quelques cris.
Dans les jours qui suivent, le duvet se décolle et continue à pousser ; peu avant l’envol, les touffes
occipitales atteignent une longueur maximum de 7 millimètres et tombent habituellement avant le
départ du nid.
Le troisième jour qui suit la naissance, le corps de l’oisillon garde encore la position enroulée
qu’il avait dans l’œuf ; sous la peau dont la couleur fonce et vire au mauve, les papilles des rémiges
apparaissent en noir sous l’épiderme, la fente des yeux se dessine.
Le cinquième jour, qui suit la naissance, l’oisillon a pris quelque force : il soulève complètement
le cou sans l’appuyer à un support, mais il s’aide encore des ailes pour garder l’équilibre ; la fente des
yeux et l’orifice auriculaire sont ouverts; il lève et baisse maladroitement les ailes. Les tuyaux des
rémiges et des rectrices commencent à percer la peau ; ceux des primaires mesurent quelques milli¬
mètres ; ceux des rectrices pointent seulement ; la ptcrylose se dessine sous la peau sur tout le corps,
sauf à la tête qui reste nue.
Le septième jour, l’oisillon tient encore mal la tête,
Le neuvième jour, l’oisillon tient bien la tête et il se déplace ; par exemple, il quitte le plateau
de la balance sur lequel nous l’avons posé pour le peser. Les barbes apparaissent aux tuyaux des rémiges
et à la tête sortent les tuyaux.
Le onzième jour, toutes les plumes du corps, à l’exception de celles de la tête, ont des barbes ;
les tuyaux des sus-caudales sont nettement teintés de rouge. Ce caractère a une grande importance, car
c est le seul moyen sûr de distinguer un Amarante d’un Combassou quand tous deux sont élevés ensemble
dans un nid.
Le douzième jour, les premières barbes des plumes de la tête apparaissent, tandis que celles de
toutes les autres plumes poursuivent leur croissance.
Le treizième jour, l’instinct de fuite apparaît, un oisillon que l’on touche risque de quitter son nid
mais il le regagne ordinairement après.
Le quatorzième jour, tout le corps de l’oisillon, à l’exception de la tête, est emplumé ; son compor¬
tement est celui d’un oisillon ayant quitté le nid.
Le dix-septième ou le dix-huitième jour, les oisillons s’envolent, ils pèsent 7 grammes, environ.
Le poids de 1 oisillon augmente régulièrement jusqu’au douzième jour puis reste à peu près
stationnaire jusqu’à l’envol (fig. 17).
Il existe toujours entre les oisillons d’une même nichée qui naissent à quelques heures de dis¬
tance une légère différence de poids et de développement décelable dès les premiers joins :
[Ainsi, vers le 6 e jour, la fente des yeux s’ouvre seulement chez le plus jeune de la nichée alors que
1 œil est parfaitement ouvert chez le plus âgé et que l’on trouve les stades intermédiaires chez les autres
poussins de la nichée. Dans les jours qui précèdent l’envol, les juvéniles sont inégalement emplumés. Il
arrive parfois que les deux plus âgés commencent à voleter, tandis que le troisième éprouve la plus grande
difficulté à le faire. Le plus faible présente un sérieux handicap et risque de mourir en cours d’élevage.]
Le poussin d’Amarante passe au nid le même nombre de jours que les oisillons des autres espèces
africaines d’Estrildidés. L’envol, toutefois, a lieu chez celles-ci un peu plus tôt que chez les espèces
australiennes.
Régime alimentaire : Le régime alimentaire du poussin au nid est essentiellement granivore :
si on examine le jabot d’un oisillon vivant, on y voit, grâce à la transparence de la peau, un grand
nombre de petites graines. Ce premier examen ne permet toutefois pas d’affirmer qu’il n’y a aucune
proie animale. C’est pourquoi plusieurs nichées furent sacrifiées, le soir, après le dernier nourrissage
des parents, au moment où les jabots sont remplis au maximum.
Leur analyse montre qu’il n’y a d’ordinaire que de petites graines de graminées, même chez
les poussins élevés dans les villages africains où il semblerait pourtant que des brisures de riz seraient
plus à la portée des parents, surtout au mois de mai où les graines se raréfient. Il arriva pourtant de
trouver quelques jabots contenant des insectes. Ils constituent des exceptions.
Source : MNHN, Paris
128
MARIE-YVONNE MOREL
COURBE PONDERALE D'UNE NICHEE DE 4 POUSSINS
Poids
[Ainsi, une nichée tuée le 22 septembre, avait reçu uniquement des graines, tandis que celle
tuée le 30 septembre avait reçu, en poids frais, autant de graines que d’insectes. Ceux-ci étaient tous
très petits à l’exception de quelques Chenilles.
Dans les jabots d’une autre nichée, celle du 27 novembre, il y avait aussi des insectes, mais
si petits et au nombre de 2 seulement qu’ils avaient été vraisemblablement picorés en même temps
que les graines par un pur hasard.]
La différence essentielle qui existe au cours de la saison de reproduction dans le régime alimen¬
taire des poussins réside dans l'état d’hydratation des graines qui est évidemment plus important à la
fin de la saison des pluies que plus tard. Il ne semble pas que les modifications d’abmentation qui résultent
de la maturation plus ou moins parfaite des graines affectent la croissance du poussin.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENBGALA À RICHARD-TOLL 129
La quantité de nourriture apportée quotidiennement par les parents à leurs jeunes est un autre
aspect du problème de l’alimentation des jeunes. Il est assez difficile à résoudre chez l’Amarante, car
le nourrissage s’y fait par régurgitation et la taille des poussins est si petite dans les jours qui suivent
la naissance que leur manipulation est des plus délicates et rend inapplicables les techniques habituelle¬
ment employées.
Nous avons donc cherché à tourner la difficulté en mesurant le poids de nourriture apporté
par les parents à chacune de leurs visites au nid, puisque le nombre de visites qu’ils rendent par jour
est connu par les observations faites pendant l’élevage au nid. Or, quand un parent arrive au nid, son
jabot est plein et son contenu sera entièrement distribué aux jeunes. Il faut donc tuer quelques indi¬
vidus se trouvant dans cet état : deux femelles remplirent ces conditions, l’une tuée à 9 heures le 1 er sep¬
tembre et l’autre, à 18 heures le 12 octobre, mêmes dates à quelques jours près que nous choisissions
pour sacrifier les poussins au nid. Les jabots des femelles contiennent respectivement 369 et 371 graines.
Ces dernières, fraîches, pèsent au total 0,5 gramme, soit le quatorzième environ du poids de l'oiseau.
Le poids moyen sec de l’une d'elles est de 0,74 mg et il est semblable à celui trouvé pour les graines
contenues dans les jabots des poussins à la même date.
Si l’on retient le chiffre moyen de 370 graines et si l'on adopte une moyenne de 14 voyages au
nid par jour, les parents distribuent dans la journée un total de 4 880 graines ; si le poids sec de l’une
d’elles est de 0,74 mg, leur poids total est égal à 3,6 grammes. Quand la nichée est composée de 3 jeunes,
chacun d’eux recevra 1,3 grammes de nourriture en poids sec par joui 1 . Les résultats donnés par cette
méthode restent toutefois très contestables et viennent d’être critiqués par Royama (1966).
En dépit de l’approximation de ces chiffres, ceux-ci révèlent l’activité déployée par les parents
pour nourrir leurs jeunes. On comprend pourquoi ils doivent installer leur nid à proximité de terrains
riches en graines.
b) Comportement à l’envol et après
1) Modalités du départ
L’envol a lieu habituellement 17 à 18 jours après la naissance du premier poussin d’Amarante,
mais il peut être avancé de vingt-quatre heures et davantage ou s’échelonner sur plusieurs jours si
la nichée comprend des poussins de Combassou.
Deux jours avant l'envol, les parents commencent à rationner la nourriture de leurs jeunes en
diminuant le nombre de leurs visites, et le soir qui le précède, ils ne leur apportent plus rien.
[Le 4 février 1965, 2 poussins d’Amarante pris sur leur nid à 18 heures et tués aussitôt, avaient
un jabot vide, alors que tous les jabots prélevés à la même heure sur des oisillons plus jeunes étaient
pleins. La mensuration de leur aile (4 cm) et l’état de leur plumage indiquaient qu’ils étaient prêts à
quitter le nid.]
Le jour de l’envol, les deux parents, arrivés ensemble près du nid, vont et viennent continuelle¬
ment entre le sol et l’entrée, tout en multipliant leurs cris auxquels leurs poussins répondent en criant
aussi.
[Le 28 novembre 1959, une nichée de 3 Amarantes était prête à s'envoler : les parents s’appro¬
chèrent de leur nid, et, sans y pénétrer, commencèrent à appeler leurs jeunes qui leur répondirent ;
ils multiplièrent leurs vols de l’entrée du nid au sol. Enfin, au bout de deux heures, les oisillons s’envo¬
lèrent.
Le 12 février 1963, c’était le départ de deux Combassous d’un nid placé dans une haie de Prosopis.
Déjà, la veille, les parents et les poussins avaient échangé davantage de cris que les joins pré¬
cédents. A proximité de leur nid, les adultes tardaient à entrer, s’arrêtant sur un perchoir, puis un
autre en criant continuellement. Dès qu’ils entendaient les appels, les jeunes se mettaient à crier et
ne cessaient qu’une fois nourris. Après avoir reçu la becquée, ils s’agitaient, se dressaient sur leurs pattes,
essayaient leurs ailes et passaient la tête à l’extérieur.
Le 12 février, les parents entraient au nid de temps en temps pour nourrir, mais leur principale
activité consistait à rester dans son voisinage et à répéter les mêmes cris auquels répondaient les pous-
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Source : MNHN, Paris
130
MARIE-YVONNE MOREL
sins. A 10 heures 40, l’aîné des Combassous sortit à demi le corps du nid, agita les ailes, mais ne se
risqua pas encore à voler. Il se lança au début de l’après-midi et son cadet, peu avant le coucher du
soleil. Leurs parents adoptifs les conduisirent à quelques mètres de là, dans une épaisse haie de Prosopis,
pour y passer la nuit.
Le 10 mars 1965, quatre Amarantes quittèrent simultanément leur nid construit à une hauteur
de 2,50 m environ sur la poutre d’une charpente. Peu après le lever du soleil, à 7 heures 20, leurs parents
arrivèrent ensemble alors qu’ils venaient précédemment l’un après l’autre : ils étaient très agités,
appelaient, volaient du sol à l’entrée du nid ; leurs jeunes répondaient sur une cadence de plus en plus
rapide ... Puis, l’un d’eux se hasarda, quitta le nid et se posa à terre. Aussitôt, il fut entouré par ses
parents qui, tout en continuant de crier, le conduisirent à quelques mètres de là pour le cacher dans
l’herbe. Lui sautillait plus qu’il ne volait et suivait difficilement. Les autres oisillons, à peu d’intervalle,
en firent autant. A 8 heures 45, le nid était vide et la nichée rassemblée était à l’abri des regards.]
Les jours qui suivent l’envol, les juvéniles sont difficiles à trouver.
[Dans une volière où deux jeunes avaient quitté leur nid le matin à 8 heures, nous eûmes toutes
les peines du monde l’après-midi pour les retrouver sur la branche d’un arbrisseau planté là. Dans les
huttes, les oisillons se cachent dans les chaumes des toits ou bien se blotissent dans les coins qui y sont
toujours obscurs.]
Les modalités de l’envol des Amarantes juvéniles sont semblables à celles d’autres Estrildidés
et de plusieurs Passereaux. Par leurs cris et leurs vols répétés, les parents cherchent, semble-t-il, à
attirer les jeunes à l’extérieur.
L'envol peut être avancé d’un ou de plusieurs jours si on touche un nid en fin d’élevage sans prendre
assez de précautions.
[Le 4 janvier 1965, en visitant un nid placé dans la toiture d’un préau, nous fîmes se sauver
le seul Combassou qui y était élevé. A peine eut-il le temps de sortir qu’un chat sauta sur lui pour n’en
faire qu’une bouchée!....]
Mais le sort des nichées dérangées est habituellement plus heureux. Souvent les parents, qui
ne sont pas loin, arrivent immédiatement sur les lieux, regroupent leurs jeunes, les appelant, voletant
au-dessus d’eux ou se posant à côté d’eux, les entraînant dans un endroit sûr.
Les modalités du départ sont souvent perturbées par la présence, dans la nichée, de Combassous :
— le départ du nid peut être avancé de plusieurs jours si les poussins du Combassou, naissant
avant l’éclosion des œufs d’Amarante, restent seuls en fin d’élevage.
Nous observâmes ce cas en 1963 : un poussin de Combassou naquit le 25 février, deux jours
avant le premier poussin d’Amarante ; l’envol fut avancé de quatre jours.
Si la nichée est mixte et si les jeunes, au lieu d’être tous au même stade de développement,
comme cela se fait habituellement, présentent de grandes différences entre eux, dues à l’étalement des
naissances et à la croissance plus rapide du parasite, leur départ n’est plus simultané, mais échelonné :
— Le 9 octobre 1961, dans un nid, 4 jeunes d’Amarante et 1 de Combassou ; le 12 octobre
un seul d’Amarante.
— Le 18 octobre 1961, 2 jeunes de Combassou et 1 d’Amarante dans le même nid ; le 19 octobre
1 Combassou s’envola ; le 21 octobre, l’autre et enfin, le 23, l’Amarante.
— Le 22 janvier 1962, une nichée de 3 jeunes d’Amarante et 1 de Combassou. Le lendemain
il restait au nid 1 Amarante et le Combassou.
— Le 18 novembre 1964, 4 jeunes d’Amarante et 1 de Combassou ; ce dernier s’envola le premier
si bien que le 20 novembre, les Amarante et le 23 novembre, tous les oisillons étaient partis.
— 3 Combassous s’envolèrent le 10 décembre 1964 d’un nid que quittera le lendemain seulement
l’Amarante.
Ces cas demeurent rares et aucune observation ne permet de savoir comment les parents se
répartissent les tâches de nourrissage des poussins déjà envolés et de ceux encore au nid.
Chez les espèces australiennes, à la différence des espèces africaines, le départ des jeunes est
échelonné sur plusieurs jours : généralement, deux ou trois jeunes quittent le nid le premier jour, et
les autres, le lendemain. Seul, Taenopygia castanotis fait exception (Immelmann, 1962) et ressemble,
à cet égard, comme à bien d’autres, à Lagonosticta senegala.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOST1CTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
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2) Reconnaissance auditive et visuelle
— Reconnaissance auditive : parents et jeunes semblent être capables de se reconnaître à leurs
cris.
Un parent, guidé par les cris de ses jeunes, parvient à les retrouver, même après plusieurs heures
de séparation.
[Plusieurs fois, il nous est arrivé de ne pas baguer immédiatement des juvéniles d’Amarante
encore dépendants, capturés dans le jardin de la Station et de les laisser sur notre bureau dans le sac
de toile utilisé pour leur transport. Nous insistons tout de suite sur le fait qu’ils étaient invisibles.
La pièce où nous nous tenions avait habituellement la porte ouverte sur l’extérieur et recevait fort
rarement la visite des Amarantes.
Le 26 mars 1964, deux jeunes, cachés dans le sac, commencèrent à crier. Peu après, un mâle
en plumage adulte s’approcha de la pièce, en chercha l’entrée, y pénétra et vint voleter exactement
au-dessus du sac. Nous relâchâmes d’abord le premier qui demanda la becquée qui lui fut aussitôt
donné dans la pièce même, puis le second qui agit de la même façon. Ensuite, la famille reconstituée
alla se percher sur un arbre voisin.
Le 19 septembre 1964, un jeune, toujours dépendant, fut bagué dans la matinée, puis relâché
dans le laboratoire, et, comme il n’en trouva pas l’issue, il alla se cacher, silencieux, dans un coin. A
A 15 heures, nous fûmes intriguée par les mouvements d’approche d’une Amarante femelle vers cette
pièce dont la porte avait été fermée à 12 heures. De l’extérieur, on entendait alors parfaitement bien
les cris de famine du jeune captif. Dès que nous ouvrîmes, la femelle, après quelques hésitations, pénétra
et fut immédiatement sollicitée par le jeune.]
Les oisillons retrouveraient leurs parents à leurs cris.
[Le 2 mars 1964, à 18 heures 30, donc peu avant l’heure du coucher, deux jeunes encore dépendants
picoraient à terre au milieu de nombreux autres Amarantes absorbés par la même occupation. Soudain,
ils entendirent un cri auquel ils répondirent immédiatement en prenant le vol dans sa direction. Ils
se posèrent auprès d’un mâle en plumage adulte qui les nourrit aussitôt. Nous reconnûmes alors que
c’était le père de ces oisillons, car il portait, comme eux, une même bague de couleur à la patte. Or,
ils étaient séparés les uns des autres par une haie de Prosopis, haute de deux mètres et par une distance
de trente mètres environ.]
Les parents sauraient reconnaître à son cri leur jeune au milieu de plusieurs autres.
[Le 8 avril 1964, trois jeunes Amarantes dépendants, mais ne provenant pas de la même nichée,
qui étaient enfermés dans un sac, sur notre bureau, appelaient ; de nouveau, un mâle adulte ne tarda
pas à entrer et à voler au-dessus d’eux. Cette fois, pour mieux voir quelle serait la réaction de cet
adulte en face des oisillons, nous relâchâmes les jeunes captifs l’un après l'autre, tout en gardant le
parent prisonnier. A notre étonnement, celui-ci répondit seulement à l’appel du premier oisillon libéré
et resta sourd aux cris des deux autres ; puis, dès que nous l’autorisâmes à sortir à son tour, il rejoignit
le jeune avec lequel il avait échangé des cris. Les deux autres jeunes, qui leur étaient étrangers, s’étaient
perchés plus loin.]
Il existerait donc dans ces cris quelques particularités qui permettraient aux nichées de se recon¬
naître. Ceci est plausible comme le suggère un ensemble de fait rapportés par Marier et Hamilton (1967).
— Reconnaissance visuelle : elle joue seulement à très faible distance et dans les jours qui pré¬
cèdent l’émancipation.
Dès qu’un poussin, qui a quitté le nid depuis quelques jours, voit dans la nature un Amarante
se poser près de lui, il commence à faire entendre une série de cris de demande de nourriture. Si ce cri
lui est inconnu, l’Amarante continue son chemin et, devant cette indifférence, le poussin cesse peu à
peu de crier. Si, au contraire, l’adulte reconnaît le cri d’un des siens, il s’avance un peu vers ce jeune,
puis s’arrête et fait quelques mouvements de régurgitation en même temps qu’il change d’attitude :
il abaisse la tête et le cou. Ces gestes constituent, sans nul doute, pour le poussin, le déclencheur de la
posture de demande, car dès qu’il les voit, il commence à agiter vivement la tête et à ouvrir largement
le bec. Le jabot vidé, le parent se redresse. Souvent, ce changement d’attitude, position inverse de celle
précédemment tenue, suffit pour que les poussins espacent leurs cris et leurs gestes.
Source : MNHN, Paris
132
MARIE-YVONNE MOREL
A la fin de l’élevage, peu avant leur émancipation, il est probable que les poussais ont appris
à reconnaître visuellement leurs parents, car dès qu’ils les voient s’approcher d’eux et, bien que les
adultes ne fassent plus que très rarement le geste de baisser la tête, ils prennent aussitôt la posture de
demande.
Rien n’interdit de penser que cette identification à l’aide d’un stimulus visuel (ou d’un ensemble)
puisse avoir lieu à l’intérieur d'une famille puisqu’elle semble bien se faire chez les partenaires d’un
même couple.
En volière, Goodwin (1964) a observé un comportement très voisin chez les poussins d’Uraegin-
thus angolensis, U. bengalus et U. cyanocephalus.
3) Evolution des comportements après l'envol.
Pendant les deux à trois semaines qui s'écoulent entre leur envol et leur indépendance, les oisillons
gardent des liens étroits avec leurs parents qui continuent de les nourrir. Brusquement la situation se
renverse quand cesse le nourrissage : les parents les ignorent, et les repoussent à coup de bec appliqués
sur la nuque et le dos dès qu’il cherchent à s'approcher d’eux.
Les premiers jours qui suivent l’envol, les jeunes sont difficiles à voir car ils se déplacent peu
et se camouflent aisément sur le sol, dans les arbustes ou les toits des huttes traditionnelles, grâce à
la couleur de leur plumage.
[En volière, le 7 avril, deux oisillons qui avaient quitté leur nid deux jours auparavant se tenaient
malhabiles, serrés l’un contre l’autre, sur le toit du nichoir où ils étaient nés. Dans le jardin de la station
où une partie, laissée en prairie naturelle, est très appréciée des Amarantes, les oisillons qui venaient
de quitter le nid étaient nombreux ; ils se reconnaissaient à leur queue courte et parfois à la présence
d’un peu de duvet occipital. Entre les allés et venues de leurs parents, ils demeuraient sur place, cher¬
chant déjà, d’un geste maladroit du bec, à explorer la terre. Leur attitude les faisait aisément distinguer
des individus plus âgés, car ils se tenaient encore mal sur leur pattes le plus souvent repliées sous leur
ventre qui touchait alors le sol ; ils n’avaient de ce fait guère d’effort à fournir pour baisser la tête.]
Vers le huitième jour qui suit l’envol, c’est-à-dire quand ils sont âgés de 25 jours environ, les
oisillons ont pris de la force ; ils se sont éloignés des abords immédiats du nid où ils avaient passé leurs
premières journées, car ils volètent de branche en branche et passent ainsi d’un arbre à l’autre.
[Au jardin de la Station, distant d’une cinquantaine de mètres des huttes où étaient situés leurs
nids, nous vîmes pour la première fois une semaine après leur envol deux nichées que nous identifiâmes
aisément grâce aux bagues de couleur qu’elles portaient aux pattes ; mais déjà la mort avait frappé
quelques-uns de leurs membres comme nous l’apprit leur comptage. La première nichée, que nous
appellerons dans la suite du chapitre nichée 1, ne possédait plus que 3 oisillons le 5 septembre alors
que nous avions bagué 4 oisillons au nid qu’ils avaient quitté le 28 août. L’autre nichée, que nous
nommerons nichée 2, ne comprenait plus le 21 février que deux oisillons vivants sur les quatre que
nous avions marqués au nid, et qui s’étaient envolés le 14 février.]
En février où les nuits sont encore fraîches, les oisillons recherchent le soleil le matin.
[Le 21 février à 8 heures du matin, les deux oisillons de la nichée 2 étaient serrés l’un contre l’autre
sur une branche d 'Acacia exposée au soleil. Ils formaient deux petites taches brunâtres qui seraient
demeurées invisibles si leurs boules commissurales, assez comparables à de minuscules perles blanches,
ne tranchaient sur leur plumage. Pattes repliées sous le ventre, plumes ébouriffées, ailes légèrement
pendantes dégageant un peu de croupion, ils restaient immobiles et parfois s’assoupissaient.]
Déjà, ils mordillent le bout des feuilles quoique les parents continuent de les nourrir et de les
protéger.
[Un des oisillons s’éloigna de son frère ; il avança sur la branche, s’arrêta, se pencha pour tirer
à lui une feuille dont il pinça l’extrémité. Bientôt après, il reprit sa place contre son frère. Le père arriva,
s’installa sur une branche voisine exposée au soleil, fit sa toilette tout en assurant la protection de ses
jeunes : il ne tolérait dans leur voisinage aucun autre Amarante. La femelle, à son tour, vint se percher
dans cet arbre, toujours à quelque distance de ses jeunes ; elle y fut rejointe par le mâle qui s’était
momentanément absenté ; tous deux firent leur toilette. A 9 heures, la femelle s’approcha do ses jeunes
pour leur donner une rapide becquée. Depuis le début des observations commencées à 8 heures, c’était
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
133
lo premier nourrissage auquel nous assistâmes. Aussitôt après, les deux parents s’éloignèrent, abandon¬
nant leurs jeunes à eux-mêmes. A la chaleur qui montait, les oisillons devenaient plus actifs, circulant
dans 1 arbre ; ils s envolèrent à 10 heures pour un jardin voisin dont l’accès nous était interdit. Nous
ne pûmes donc les observer plus longuement.]
Tant qu’ils sont incapables de suivre leurs parents, les oisillons passent la journée dans les buis¬
sons ou à terre à la recherche de graines. Ceux d’une même nichée ne se séparent pas les uns des autres
et demeurent plusieurs jours de suite dans les mêmes lieux où les ont conduits leurs parents et où ils
effectuent de petits déplacements dans un rayon restreint. De cette façon, les adultes et leurs jeunes
se retrouvent aisément au moment des becquées et du coucher.
[En volière, les deux oisillons qui avaient pris leur envol le 5 avril étaient eux aussi blottis l’un
contre l’autre le matin du 13 avril ; dans la journée, entre les becquées données par leurs parents, ils
restaient à terre où ils commençaient à picorer. Peut-être ramassaient-ils quelques graines, mais l'essen¬
tiel de leur nourriture était encore fourni par les parents.]
Le soir, les parents et les jeunes se rassemblent sur un arbre ou un arbuste où le mâle donne
une dernière fois la becquée avant l’installation du groupe pour la nuit ; les jeunes se serrent alors
sur une branche, les uns contre les autres, souvent tête-bêche ; les parents, eux, se perchent sur une
autre.
[Le 5 septembre, la nichée 1 se groupa dans un Cassia, le lendemain et les jours suivants dans un
Balanites planté à quelques mètres du Cassia, pour y passer la nuit. Une dernière becquée fut donnée
par le mâle vers 18 heures 50, alors que le jour baissait. Dans le jardin de la Station, une autre nichée,
composée de 3 Amarantes, se préparait à se coucher. Deux oisillons étaient perchés sur la branche
d’un Cassia dont l’épais feuillage les dissimulaient à notre vue ; bientôt, le troisième oisillon les y rejoignit ;
ils s’agitaient, ils firent leur toilette, se serrèrent enfin les uns contre les autres ; les parents étaient
perchés dans le même arbre, sur une branche un peu plus haute.
Dans les jours qui suivirent, les oisillons devinrent plus actifs : le 25 février, soit 11 jours après
leur envol, les deux oisillons de la nichée 2 s’esquivèrent dès qu’ils nous virent approcher, à 8 heures,
de Y Acacia où ils se tenaient depuis plusieurs jours et où nous les avions observés sans difficulté les
matins précédents. Le 28 février, à 8 heures du matin, ces mêmes oisillons se chauffaient au soleil sur
le toit en terrasse d’un bâtiment éloigné d’une dizaine de mètres de cet Acacia.
Une autre nichée se comporta de la même façon :
Passant le 24 octobre, à 18 heures, près d’un gros Acacia, nous levâmes la tète au bruit que
faisaient de jeunes oisillons demandant la becquée ; les bagues qu’ils portaient nous permirent de les
identifier comme étant ceux que nous avions marqués dans un nid construit à proximité dans un
hangar, et qui s’étaient envolés le 12 octobre. La nichée était alors composée de 4 Amarantes et d’1 Com¬
bassou ; tous cinq étaient encore vivants et se tenaient maintenant dans cet arbre. Ces oisillons pas¬
saient d’une branche à l’autre, poursuivant le mâle pour qu’il leur donne à manger. Une fois la becquée
terminée, ils voletèrent à l’intérieur de l’arbre, frottant de temps à autre leur bec contre son écorce,
puis bientôt se couchèrent, les jeunes groupés d’un côté et serrés les uns contre les autres ; les parents,
dans le voisinage.
Le 25 octobre, soit 13 jours après l’envol, à 17 heures 30, 2 des 4 Amarantes étaient rassemblés
sur une branche ; l’autre Amarante et le Combassou, pas loin, sur une autre. Tous lissaient leurs plumes.
Nous assistâmes au spectacle remarquable du jeune Combassou becquetant les plumes de la tête de
l’Amarante qui se tenait contre lui et qui acceptait volontiers les soins de cet oisillon. A 17 heures 45,
le mâle vint nourrir comme les jours précédents. Le 26 octobre, ces jeunes oisillons circulaient avec
une telle aisance dans l’arbre que si nous voulions les suivre aux jumelles, nous devions continuellement
nous déplacer. Le lendemain, toujours à la même heure, nous observâmes dans cet arbre un seul Ama¬
rante ; les autres Amarantes et le Combassou étaient perchés sur les fils électriques, à peu de distance ;
ils furent bientôt rejoints par le premier Amarante ; peu après, toute la nichée vola de nouveau vers
1 Acacia dans lequel le père les retrouva. Quand il s’envola, les jeunes ne semblèrent avoir aucun mal
à prendre eux aussi leur vol et à le suivre.]
Il s ensuit que, les derniers jours qui précèdent l’indépendance, les jeimes partagent plus étroi¬
tement la vie de leurs parents avec lesquels ils achèvent leur apprentissage. Ils les accompagnent dans
Source : MNHN, Paris
134
MARIE-YVONNE MOREL
leurs déplacements, formant avec eux de petits vols à la tête desquels se trouve toujours un adulte ;
les jeunes qui se déplacent derrière lui reproduisent tous ses gestes.
Les oisillons cherchent leur nourriture pour leur propre compte, tout en acceptant encore la
nourriture offerte par leurs parents.
[Le 2 mars, soit 16 jours après leur envol, les deux jeunes de la nichée 2 exploraient le terrain
où ils picoraient des graines ; ils avançaient lentement, l’un à côté de l’autre, sans s’occuper de leurs
congénères qui étaient à peu de distance d’eux ; toutefois, quand leur père s’approcha d’eux, ils ces¬
sèrent leurs recherches et lui demandèrent la becquée, qu’il leur donna d’ailleurs.]
Pour obtenir la becquée, les jeunes harcèlent leurs parents et multiplient leurs cris. Qu’un danger
survienne, les adultes interrompent le nourrissage et se réfugient dans un coin sûr. Les oisillons, qui
ne cessent de crier leur faim vont les rejoindre.
Cette demande impérative s’avère nécessaire, car, à partir du 15 e jour qui suit l’envol, les parents
auraient tendance à négliger de nourrir leurs jeunes.
[La nichée 1, 17 jours après l’envol, était encore nourrie le soir à 18 heures 25 par le mâle, tandis
que la femelle, harcelée, s’y refusait. Pendant toute la matinée du 16 septembre, soit 19 jours après
l’envol, les parents, tout en restant à proximité de leurs jeunes, les repoussaient toutes les fois qu’ils
leur demandaient la becquée ; mais, le soir, la femelle à 17 heures et le mâle à 18 heures 50 la leur don¬
nèrent. Les deux jours suivants furent les derniers où le mâle continua à nourrir ses jeunes à 18 heures 30.
Le matin du 19 septembre, les parents restaient sourds aux cris de leurs jeunes, les rouant de coups
et refusant de leur donner quoi que ce fût ; encore une fois, le soir, un des jeunes de cette nichée multi¬
plia ses cris de demande au même endroit que les jours précédents. Son père était absent au rendez-
vous auquel il avait toujours été exact depuis le 5 septembre ; sa mère qui était perchée dans le Bala¬
nites du jardin d’où elle pouvait très bien voir son petit, ne prêta aucune attention à ses cris. Il chercha
alors à se faire adopter par une autre famille qui se trouvait sur ces lieux mais n’eut pas davantage
de chance, car le mâle qu’il harcelait le repoussa rudement. Le lendemain, nous revîmes encore une
fois un jeune de cette nichée seul et apparemment désemparé.]
Les parents donnent à manger à leurs jeunes, mais sans doute leur procurent-ils à boire, les
premiers jours du moins.
[Pendant la saison des pluies, dans le jardin de la Station, des adultes après avoir bu aux flaques
d’eau s’approchaient aussitôt après de leurs jeunes pour leur donner la becquée. Plusieurs fois aussi,
il nous est arrivé de capturer des adultes dont les jabots étaient pleins d’eau.]
Les parents conduisent également près des flaques leurs jeunes, proches de l’indépendance, pour
leurs premiers bains ; mais, arrivés devant l’eau, les oisillons hésitent souvent longtemps avant d’y entrer.
Une autre fonction qui incombe aux parents est la défense de leurs jeunes. Il est même vraisem¬
blable que les jours qui précèdent l’indépendance, ce soit leur rôle le plus important, car ils demeurent
souvent à proximité d’eux, sans leur donner beaucoup à manger.
Les jeunes d’une même nichée qui restent toujours les uns près des autres sont entourés par
leurs parents qui délimitent de la sorte une espèce de « territoire mobile » d’où ils chassent les intrus.
Devant un ennemi d’une taille supérieure à la leur, les parents s’esquivent toujours, et la réaction
de leurs jeunes dépend de leur âge.
[Le matin du 18 mars, un jeune et ses parents se lissaient tranquillement les plumes au soleil
quand nous apparûmes. Aussitôt, les parents s’envolèrent vers la haie voisine ; le jeune, qui avait
quitté le nid depuis peu s’immobilisa, puis essaya de fuir, mais son vol maladroit le fit se poser à quelques
mètres près de là. Il appela alors : les parents revinrent près de lui et lui donnèrent la becquée.]
Quand les jeunes sont plus âgés, ils fuient le danger en s’envolant en même temps que les parents.
Le jeune Amarante mâle (que rien ne permet encore de distinguer des femelles), commence,
quand il est âgé d’un mois, à saisir les plumes et à les manipuler comme le font les adultes ; il s’essaie
au cérémonial de la plume devant des femelles de même âge, déjà attentives à son manège.
[Le 10 septembre, un des jeunes oisillons de la nichée 1, après avoir été nourri par ses parents,
s’intéressa aux plumes qu'il ramassa à terre et qu’il présenta à un autre jeune, une femelle probable
ment, qui était elle-même très attentive, il avait quitté le nid depuis 13 jours, et était donc âgé d’un
mois environ.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LA GONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
135
Le 25 janvier, après avoir reçu la becquée de ses parents, un des trois Amarantes d’une nichée
née le 20 décembre, agit de la même façon ; il avait 36 jours. Enfin, un des jeunes de la nichée 2 ramassa
une plume à terre le 4 mars, peut avant d’aller se coucher : il n’avait quitté le nid que depuis 18 jours.]
Quoique les comportements des jeunes Amarantes de l’envol à l’indépendance et ceux de leurs
parents soient semblables à ceux des Estrildidés en général, quelques points méritent d'être soulignés.
D’abord, le rôle du nid qui reste, pour certaines espèces, le lieu où les parents continuent de
nourrir leurs oisillons les premiers jours qui suivent l’envol et où ils les conduisent tous les soirs pour
passer la nuit jusqu’à leur indépendance. Pour d'autres espèces, les jeunes ne retournent jamais dans
leur nid une fois qu’ils l’ont quitté : c’est le cas en Australie de Neochmia phaêton, d'Emblema picla
et de Chloebia gouldiae. Ceux-ci, vivant dans des régions où la température demeure élevée, n’auraient
plus besoin, selon Immelmann (1962), de l’abri procuré par le nid. Cet auteur s’appuie sur les résultats
d’une expérience de Ziegler : les nichées de Chloebia gouldiae, élevées en volière, retournaient à leur nid
quand la température descendait en-dessous de 18°C. L’Amarante appartient à cette catégorie, puisque
à Richard-Toll, une nichée de ces oiseaux en liberté ne retourne jamais à son nid une fois quelle l'a quitté ;
mi nouveau couple peut s’y installer souvent aussitôt après son départ pour y commencer une nidi¬
fication. En volière, les oisillons retournent parfois à leur nid après l’envol.
D’autres Estrildidés africains, Uraginthus angolensis, U. bengalus, et U. cyanocephalus, élevés
aussi en volière par Goodwin (1965), ne retournent jamais au nid après l’envol. Une fois seulement,
un jeune U. angolensis qui avait quitté le nid trois jours avant le reste de la nichée, s’y rendait de
nouveau jusqu'à ce que celle-ci s'envole. Les parents, de leur côté, ne faisaient aucun effort pour con¬
duire au nid leurs jeunes après qu’ils se soient envolés.
Un autre point intéressant concerne les comportements inter-individuels : en volière, selon
Goodwin (1965), les mâles d'Uraeginthus bengalus montent parfois leurs jeunes pour une tentative
d’accouplement, et ceux-ci cherchent à séparer leurs parents, quand leur père effectue la parade de la
plume devant la femelle. Dans la nature, nous n’avons jamais rien vu de tel. La seule observation qui
puisse se rapprocher de celle de Goodwin est celle que nous avons faite en volière où un mâle Amarante
adulte cherchait vainement à donner la becquée à un jeune Estrilda troglodytes encore dépendant et
finalement monta sur lui.
Goodwin (1965) note encore que différentes espèces d’Estrildidés élevées ensemble en volière
acceptent que la toilette mutuelle soit faite par l’une ou l’autre de ces espèces. Nous avons indiqué
plus haut qu’un jeune Amarante était, un soir en contact physique étroit avec un jeune Combassou,
et qu’ils faisaient mutuellement leur toilette.
Source : MNHN, Paris
136
MARIE-YVONNE MOREL
CONCLUSION
Actuellement, on ne peut conclure une étude de population animale sans faire état des théories
évolutionnistes do Lack (1954, 1966, 1968) et de Wynne-Edwards (1962). Constatant l’existence d’un
certain nombre d’adaptations liées au milieu où les espèces animales vivent, ces deux auteurs s'opposent
l’un à l’autre par l’interprétation qu’ils donnent de ces adaptations : Lack est tenant de la théorie
de la « reproduction maximum », tandis que Wynne-Edwards, partisan de la sélection par le groupe,
avance la théorie de la « reproduction ajustée ».
C’est la théorie de Wynne-Edwards qui donne, semble-t-il, la meilleure intelligence
des caractères de la population d’Amarante a RicnARD-ToLL. Les facteurs régissant la stabilité
de cette population dans son milieu sont simples du fait de sa sédentarité : elle ne peut répondre aux
variations climatiques et trophiques qu’en agissant sur son taux de natalité et de mortalité, puisque
tout apport (immigration) ou tout départ (émigration) d’individus est impossible du fait de son isole¬
ment écologique.
1° Pour Lack lui-même (1966), Wynne-Edwards aurait apporté une seule preuve sérieuse à
son hypothèse, en établissant une relation entre le poids d’une espèce, son taux de mortalité, l’âge des
géniteurs et la taille de la ponte. A la grande taille d’ime espèce, spécialement chez les oiseaux marins,
sont généralement associés : une grande longévité, une faible ponte et un âge élevé des géniteurs.
L’Amarante pourrait, offrir l’exemple opposé, car il ressort de notre étude les points suivants :
faible poids de l’oiseau (7 grammes environ), mortalité très élevée des adultes (70 %), âge des géniteurs
pouvant descendre à 4 mois, pontes annuelles allant parfois jusqu’à 24 œufs pour une seule femelle.
Il semblerait donc que, pour cette espèce, ce serait la relation inverse de la précédente qui est démon¬
trée : à une forte mortalité, conséquence d'une faible taille, sont liés une productivité élevée en même temps
que le jeune âge des géniteurs. Cela est également vrai chez les Mammifères.
2° Les procédés adaptatifs homéostatiques, mis en évidence dans ces populations à grande longé¬
vité, se retrouvent, mais inversés, dans la population d'Amarante : longueur de la saison de reproduction
(10 mois environ entre les dates de la première et de la dernière ponte), multiplicité des nidifications
(jusqu’à 5 pour un même couple), existence de deux castes de mâles en âge de se reproduire et se dis¬
tinguant par leur plumage (juvénile ou adulte), durée de la mue juvénile en relation avec la date de
naissance des individus (d’autant plus longue que les individus sont nés plus tôt dans la saison de repro¬
duction) et les besoins de la population.
La longueur même de la saison de reproduction permet un étalement des naissances qui favorise
l'utilisation des ressources ambiantes (en évitant une surpopulation momentanée qui ne manquerait
pas de survenir dans le cas de naissances simultanées) et un continuel ajustement de la natalité aux besoins
de la population. Cet ajustement est rendu possible grâce à un double jeu de mécanismes :
a) par la haute fécondité des couples en même temps que par la possibilité qu’ils ont de nicher
dès que cela devient nécessaire grâce à leur stabilité ;
b) par la structure sociale de la population apte à se reproduire (en particulier les mâles). Elle
est liée à la possession du plumage adulte. Or, chez l’Amarante, les individus sexuellement mûrs ne
portent pas nécessairement le plumage adulte et l’acquisition de ce plumage est beaucoup plus rapide
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOU.
137
pour les individus nés tardivement. Au début d’une nouvelle saison de reproduction, quand la popu¬
lation « demande » un grand nombre de géniteurs, l’accélération de la mue chez les oiseaux nés en fin
de saison de reproduction a pour effet que tous les oiseaux nés lors de la précédente saison de repro¬
duction, en dépit de la variabilité de leurs dates de naissance (entre août d’une année et mai de l’année
suivante), sont revêtus de la même livrée adulte. Celle-ci confère un statut social identique pour tous, ce
qui donne le maximum de chances à chacun de nicher. Ensuite, au fur et à mesure de l’augmentation
numérique de la population et de la diminution constante des ressources alimentaires, on assiste à la
fois à la mort d’un certain nombre de géniteurs en plumage adulte et à la constitution d’une « réserve »
de mâles en plumage juvénile, nés par conséquent dans cette même saison, et qui, quoique aptes à se
reproduire, ne le font habituellement pas.
On retrouve exactement le même modèle que celui proposé par Wynne-Edwards pour les oiseaux
à grande longévité, à la différence près que ce sont les individus de moins d’un an qui forment ici la
réserve de géniteurs.
Le cycle annuel de l’Amarante pose de difficiles questions.
1) Son déroulement est largement indépendant des conditions du milieu, malgré les alternances
marquées des saisons et des variations importantes dans les réserves alimentaires (graines dans le
cas qui nous intéresse). La saison de reproduction de l’Amarante déborde largement la période où les
graines sont redevenues pléthoriques à la suite des pluies (« automne », d’octobre à décembre), tandis
que la mue a principalement lieu à une période difficile (« printemps », de mars à juin), juste avant
la saison des pluies : ces données s’opposent aux vues de Lack (1968) sur les adaptations écologiques
des oiseaux pour se reproduire ; elles peuvent toutefois recevoir un début d’explication si on tient
compte d’un ensemble de facteurs : température, ensoleillement, etc.
2) Les modes de dispersion des Estrildidés, lorsqu’ils se nourri sent en dehors de la période de
reproduction et lorsqu’ils nichent, échappent à la relation mise en évidence d'abord par Crook (1964)
sur les Plocéidés et étendue à d’autres famille par Lack (1968) : les Estrildidés se nourrissent en bandes
et nichent solitaires, ou en colonies très lâches, alors que, pour ces auteurs un mode de nourrissage
collectif devrait s’accompagner d’une nidification coloniale. Cette relation ne se vérifie pas davantage
pour d’autres familles tropicales granivores : les Columbidés et les Ptéroclidés (Lack, 1968). Ces diffé¬
rences seraient peut-être attribuables aux comportements nourricier et reproducteur de ces familles.
Dans la Sahel sénégalais, où ces familles comptent une population importante, leur saison de repro¬
duction est également longue et leur régime alimentaire ne se modifie pas au moment de la nidification.
Chez les Plocéidés, la saison de reproduction est courte et bien adaptée aux conditions extérieures :
le régime alimentaire, strictement granivore en dehors de la saison de reproduction, devient mixte
ou même totalement insectivore pendant la saison de nidification.
Pour Kunkel (1966), qui s’est heurté aux mêmes difficultés que nous quand il a tenté d’expli¬
quer les cycles des espèces aviennes vivant dans la région de Lwiro (Congo), le milieu équatorial aurait
provoqué, dans plusieurs familles ne représentant entre elles aucun lien phylétique, des adaptations
éthologiques similaires. La plus remarquable serait la stabilité du couple pendant plusieurs saisons de
reproduction, sinon pour la vie. Celle-ci aurait entraîné le développement d’autres comportements :
le chant, de territorial chez les espèces des zones tempérées, prend une signification sexuelle chez les
espèces tropicales et s’accompagne de diverses manifestations, inconnues des espèces des zones tem¬
pérées : parade de la plume des Estrildidés, coloration voyante de l’intérieur et de l’extérieur du bec.
La toilette mutuelle servirait également au maintien du couple.
Il est intéressant de noter l’existence d’espèces, tel l’Amarante, présentant ce même type de
comportement dans une région où les saisons sont nettement tranchées. Il faut souligner que nous avons,
comme Kunkel, attribué un rôle important (jusqu’ici dévolu au plumage) aux dessins de l’intérieur
du bec de l’Amarante lors de la parade de la plume.
La valeur adaptive de ce comportement tiendrait pour Kunkel dans la synchronisation des rythmes
Source : MNHN, Paris
138
MARIE-YVONNE MOREL
internes des partenaires rendue difficile par absence de facteurs externes assez puissants, comme ceux
connus pour les régions tempérées. Si cette synchronisation se maintient entre partenaires, les cycles
de reproduction se succéderaient avec de plus grandes chances de réussite que si le couple devait se
former à chaque cycle, compte tenu de l’anarchie des cycles internes des individus dans ces espèces.
Les espèces tropicales se diviseraient en plusieurs groupes suivant les mécanismes de synchro¬
nisation des partenaires : elles peuvent se comporter comme les espèces des zones tempérées, soumises
à la régulation des facteurs externes ou bien avoir un cycle interne prépondérant plus ou moins accordé
sur des « synchroniseurs » externes variés. La synchronisation des partenaires serait assurée, soit par
les nidifications massives des Plocéidés qui s’accompagnent d’un grand déploiement de parades syn¬
chronisant l’ensemble de la population, soit par la formation de couples stables chez lesquels la synchro¬
nisation se ferait à l'échelon individuel (Estrildidés). Ces trois types de comportement reproducteur
s’observent dans la région de Richard-Toll.
Le parasitisme de l’Amarante par le Combassou constitue un type très particulier
d’association entre deux espèces.
D’origine inconnue, malgré les hypothèses qu’il a suscitées, et en dernier lieu, celles de Fried-
mann (1950) et de Hamilton et Orians (1965), il se caractérise par un certain nombre d’adaptations :
l’ctonnante ressemblance des poussins d’Amarante et de Combassou, le plumage de la femelle de Com¬
bassou dont la neutralité ne provoque aucune agressivité de la part des parents — hôtes sont souvent
cités en exemple ; il en est d’autres que nous avons mises en évidence.
1) L'adaptation de la population-hôte à la présence de son parasite se traduit par un succès iden¬
tique à l’envol des œufs d’Amaranto, que les couvées aient été ou non parasitées. Comme le pense
Wynne-Edwards, une population animale ne souffrirait pas de la charge imposée par la présence du
prédateur ou du parasite, grâce à une adaptation dans le temps de la population-hôte à sa nouvelle
situation.
2) Le rôle des super-stimulus, soupçonné par Friedmann ( op. cit.) et Hamilton et Orians ( op. cit.),
est démontré. Chez les Viduinés, à la différence des Cuculidés parasites, la ponte d’un ou plusieurs
œufs ne s’accompagne pas de la destruction concomitante des œufs de l’hôte déjà présents dans le
nid. De son côté, l’Amarante accepte ces œufs étrangers, mais à peine différents des siens, sans mon¬
trer d’hostilité. Bien plus, son comportement incubateur est stimulé, puisque le pourcentage de réussite
à l’éclosion des pontes parasitées est supérieur à celui des pontes non parasitées.
A l’éclosion, les poussins des deux espèces se tolèrent parfaitement les uns les autres, tandis
que les parents ne manifestent aucune agressivité envers les poussins du parasite. De la date de l’éclo¬
sion des œufs dépendent le sort et la composition de la nichée : dans la compétition qui joue entre
les poussins, ce sont les premiers-nés ou les plus gros (donc ceux du parasite) qui ont le plus de chance
de survivre : dans 75 % des cas, les nichées sont mixtes à l’envol ; le nombre moyen de jeunes est alors
plus grand pour ces nichées que pour celles provenant des couvées non parasitées. Les parents, soumis
aux super-stimulus donnés par les jeunes de ces nichées, ont donc accru leur effort nourricier. Dans
les autres cas, les familles sont composées des poussins d’une seule espèce : Amarante ou Combassou.
Les parents-hôtes se montrent donc capables d’élever uniquement des jeunes du parasite,
La taille moyenne des nichées mixtes, supérieure à celle des nichées normales d'Amarante, pose
la question capitale de la taille de la ponte en rapport avec les capacités nourricières des
parents : pour Lack, le nombre de jeunes que les parents nourrissent est aussi grand que les parents
le peuvent ; Skutch (1949), au contraire, pense que les oiseaux tropicaux élèvent moins de jeunes qu’ils
ne le peuvent. Il est difficile de le prouver dans le cas de l’Amarante, car la taille moyenne de sa ponte
a pu être modifiée par la présence du parasite, mais on serait porté à le croire si on considère que la
taille moyenne d’une ponte d’Amarante (3,5) est non seulement inférieure à la ponte moyenne des
pontes d’Estrildidés vivant en savane (4,3), mais aussi à celle des Estrildidés vivant en forêt (3 7)
(Lack, 1968). ’
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
139
Aussi parfaite que soit cette adaptation, il semble bien que plusieurs mécanismes limitent le succès
du parasite. S’il n’en était pas ainsi, il arriverait un moment où la population d’Amarante ne pourrait
plus supporter celle du Combassou. On a déjà noté le cas où la totalité de la nichée, devenue trop nom¬
breuse par suite de la naissance simultanée des poussins d’Amarante et de Combassou, meurt en début
d’élevage.
Pour la femelle du Combassou, la difficulté de trouver un nid est augmentée par la façon dont
l’Amarante le construit, homochrome avec son milieu, et bien caché. Certes, le Combassou tourne par¬
tiellement ces difficultés : la durée d’incubation de ses œufs est inférieure de trois jours à celle de son
hôte ; son absence de territoire (ou bien le territoire limité au « harem » d’un mâle) autorise une même
femelle à pondre plusieurs fois dans un même nid ou à plusieurs d’y pondre à tour de rôle. Les chances
de trouver un nid et de synchroniser les pontes en sont augmentées ; toutefois, le succès à l’envol est
identique pour toutes les pontes, car si, pour les pontes multiples, les chances d’éclosion sont
accrues, les risques de mortalité pendant l’élevage deviennent plus grands du fait de la formation de
nichées mixtes trop nombreuses pour être correctement nourries.
De leur côté, les Amarantes assurent une présence continue sur leur nid pendant l’incubation et
dans les premiers jours de l’élevage ; ils assistent donc aux visites de la femelle du Combassou et à
sa ponte (sur le dos de l’oiseau couveur, comme on sait !). De cette façon, les œufs contenus dans le
nid sont inaccessibles au Combassou, lequel ne peut commettre sur eux aucune déprédation. Il se
pourrait que la présence des parents-hôtes au début de l’élevage ait un même rôle envers les poussins
du parasite en l’empêchant de tuer les autres poussins vivants. Si la taille de la ponte de l’Amarante
se maintient à son quota actuel, on pourrait penser que la solution idéale serait dans une limitation
du nombre d'œufs du parasite à un ou deux par ponte de l'hôte : le succès à l’envol serait identique pour
le parasite et meilleur pour l’espèce-hôte.
Source : MNHN, Paris
Source : MNHN, Paris
RÉSUMÉS
ET
BIBLIOGRAPHIE
Source : MNHN, Paris
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LA GONOST1CTA SENEGALA À RICHARD-TOLL
143
RÉSUMÉ
Cette étude est le résultat d’une dizaine d’années d’observations faites sur deux Passereaux
tropicaux (Estrildidés et Yiduinés) : Lagonosticta s. senegala (L.) ou Amarante et Hypochera c. chalybeata
(Müller) ou Veuve Combassou. La connaissance du milieu de vie de ces espèces et de leur éthologie
ainsi que l’importance de leur reproduction à Richard-Toll (374 nids trouvés en deux saisons de repro¬
duction, dont 1/3 parasité) nous ont permis de tirer des conclusions sur la dynamique de leur popula¬
tion : accession à la reproduction d’oiseaux en plumage juvénile, rapports complexes entre mue et
reproduction, forte mortalité de l’Amarante en même temps que relations entre hôte et parasite.
CHAPITRE 1 : MILIEU ET POSITION SYSTÉMATIQUE DES DEUX ESPÈCES
A Richard-Toll, (République du Sénégal), (16°27 , N-15°42 , W), sur le fleuve Sénégal, à une cin¬
quantaine de kilomètres de l’Océan Atlantique, à 3 mètres au-dessus du niveau de la mer, le climat,
de type sahélien, se caractérise par une alternance de deux saisons bien marquées : 1) une seule
saison des pluies (entre juin et octobre) avec une moyenne annuelle de 317 mm ; 2) des écarts impor¬
tants de température : le maximum des températures diurnes, toujours supérieur à 30°C, peut atteindre
40°C et plus entre avril et juin ; les températures nocturnes, descendant parfois à 7°C en janvier,
remontent ensuite à 25°C entre juin et octobre ; 3) des variations dans la durée de l'éclairement jour¬
nalier allant de 11 heures 15 en décembre jusqu’à 13 heures en juin.
L’Amarante occupe des biotopes ombragés à proximité des points d’eau et d’un riche tapis
graminéen (forêts riveraines, abords des mares) et aussi les villages et les petites agglomérations. 11
présente un net dimorphisme sexuel, mais pas de dimorphisme saisonnier. Il est parasité par le Com¬
bassou, de taille à peine plus grande, qui est sexuellement dimorphique, et chez le mâle, dimorphique
saisonnier.
CHAPITRE 2 :
DYNAMIQUE DE LA POPULATION D’AMARANTE A RICHARD-TOLL
a) Évolution annuelle de la population.
Comme les Amarantes sont sédentaires, les changements survenant au cours d’une année dans
leur population sont liés à la production pendant la saison de reproduction (de juillet à mai) et à la
mortalité. La population en plumage juvénile augmente à partir de la mi-août jusqu’en février, reste
stationnaire jusqu’en mai, et enfin décroît pour devenir à peu près nulle à la fin juillet. La population
en plumage adulte, qui a atteint son plus bas niveau en mai, remonte ensuite rapidement jusqu’en août
par suite de la prise du plumage d’adulte par l’ensemble de la population en plumage juvénile, puis
diminue régulièrement pendant les neuf autres mois de l’année.
Source : MNHN, Paris
144
MARIE-YVONNE MOREL
b) Mue de VAmarante.
Pour les adultes, il faut distinguer entre durée de la mue pour l’ensemble de la population (6 mois
entre février et août) et durée de la mue pour un individu (3 mois et demi au moins). La mue commence
au même âge pour tous les juvéniles (approximativement 6 semaines) et montre ensuite des variations
importantes dans son déroulement (plus de 270 jours pour la cohorte d’août et moins de 170 pour
celle de février). Au début d’une nouvelle saison de reproduction (août), la quasi-totalité des juvéniles
ont achevé leur mue. La période privilégiée de la mue se situe entre février et août lorsque la nourriture
se raréfie, tandis que la durée d’éclairement journalier et les températures augmentent.
c) Dynamique de la reproduction de l'Amarante.
Succession des nidifications. L’Amarante est capable de se reproduire à 4 mois ; les mêmes couples
peuvent réussir 4 à 5 nidifications en une saison de reproduction. La nidification ne commence pas à
la même date pour tous, mais les limites saisonnières sont fixées, bien qu’elles ne semblent pas dépendre
des conditions extérieures. Un meilleur succès à l’envol est assuré pour les couples qui réutilisent d’an¬
ciens nids.
Taille de la ponte. La moyenne annuelle est de 3,5 œufs. Pendant la saison 1964/65, la moyenne
mensuelle passa de 3 œufs en août à 3,9 en novembre pour tomber à 2,9 en avril. Les pontes de 3 et
4 œufs représentent 75 % de la totalité des pontes et celles de 4 œufs, un peu moins de la moitié.
Succès à l'éclosion et à l'envol. Il est un des plus faibles connus pour les petits Passereaux. Succès
à l’éclosion de la moitié environ des œufs pondus et à l’envol d’un quart des œufs pondus.
Taux de natalité et de productivité (12,0 œufs et 3,3 jeunes) sont comparables à ceux déjà calculés
pour les espèces de zone tempérée de poids voisin.
d) Discussion.
Mue et reproduction. Pour les juvéniles nés au début de la saison de reproduction et pour les
adultes, mue et reproduction peuvent avoir lieu simultanément.
Causes de mortalité. Le rôle joué par la nourriture n’a pu être déterminé avec toute la précision
désirable. La prédation par les Mammifères et les Oiseaux intervient certainement d’une façon non
négligeable. Un autre facteur de mortalité serait peut-être lié au mode même de reproduction : à cause
de la grande jeunesse de la population nicheuse, beaucoup de femelles déposeraient des pontes trop
faibles pour procurer le stimulus nécessaire à l’établissement et au maintien du comportement incu¬
bateur, ce qui expliquerait l’échec d’un grand nombre de couvées.
Déterminisme de la mue et de la reproduction. Bien que le cycle interne joue un rôle prépondérant
dans le déroulement du cycle annuel de l’Amarante, les périodes de mue et de reproduction ne sont
pas totalement indifférentes aux conditions extérieures. La place tenue par la nourriture dans les
régions tempérées perd une partie de son importance en région sahélienne où la température diurne
est pendant plusieurs mois (avril à juin) voisine de la température interne de l’oiseau. Le bénéfice
ainsi réalisé par l’Amarante pour son métabolisme lui permet de muer à une époque où la nourriture
se fait plus difficile à trouver. Par ailleurs, l’exploitation des ressources alimentaires est meilleure
pendant les mois aux jours courts (moins de 12 heures d’éclairement), car à ce moment-là, la tempé¬
rature et l’ensoleillement sont à leur minimum, ce qui autorise l’oiseau à circuler à peu près toute la
journée. C’est pourquoi la période la plus favorable à la reproduction coïncide avec ces mois (octobre,
novembre, décembre) où les graines sont, de surcroît, pléthoriques.
Concurrence avec les autres oiseaux granivores de la savane sahélienne. L’Amarante évite partielle¬
ment la concurrence avec les autres oiseaux granivores de la savane par son habitat et son mode de
reproduction. En effet, la saison de nidification est limitée à la période des pluies pour les Plocéidés
locaux qui changent alors de régime alimentaire (mixte ou totalement insectivore) tandis que les autres
familles se nourrissant presque exclusivement de graines se reproduisent, soit pendant 10 mois (Estril-
didés), soit d’une façon presque ininterrompue (Columbidés) ou encore pendant la deuxième partie
de la saison sèche (Ptéroclididés).
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
145
CHAPITRE 3 : PARASITISME
I.'importance de la reproduction de l’Amarante à Richard-Toll a permis de comparer les deux
populations, pure et parasitée, pendant la nidification. La population d’Amarante ne souffre pas de
la présence du parasite, car le pourcentage d’œufs donnant des jeunes Amarantes à l’envol est identique
dans les deux cas (28 %).
a) Nombre d’œufs du parasite par nid d’Amarante.
La distribution semblable des couvées pures et parasitées d’Amarante en fonction du nombre
d'oeufs d'Amarante qu’elles contiennent montre que la femelle de Combassou pond au hasard des
nids qu’elle trouve. Les couvées peuvent compter d’un œuf (50 % environ des nids d’Amarante) à
cinq (1,5 %).
La recherche des nids est rendue difficile à la femelle de Combassou par l’habitude qu'a l'Ama¬
rante de cacher son nid. La poursuite de la construction du nid bien après la fin de la période de la
ponte chez l’Amarante prive le Combassou de tout indice lui permettant de synchroniser avec certi¬
tude sa ponte avec celle de son hôte. Il semble que le signal visuel qui déclencherait la ponte de la
femelle de Combassou dans un nid serait la vue d'un oiseau couveur dans ce nid, car l’Amarante couve
continuellement. De la sorte, les œufs sont invisibles, en même temps qu’inaccessibles au parasite,
ce qui interdit tout acte de déprédation de sa part. (On sait que la femelle parasite pond le plus souvent
sur le dos de l’oiseau couveur). Quand une ponte d’Amarante contient plus d’un œuf de Combassou,
ceux-ci sont pondus soit par la même femelle, soit par plusieurs. On peut se demander si le mâle de
Combassou en plumage sexuel ne défendrait pas un territoire à l’intérieur duquel seules ses femelles
auraient le droit de pondre dans les nids qu’elles rencontrent. L’existence d’un poste de chant et une
forte agressivité envers les autres mâles (qui conduit à la mort des plus faibles en captivité) viennent
à 1 appui de cette hypothèse. L’hôte montre une parfaite tolérance envers son parasite.
b) Incubation.
La comparaison du succès à 1 éclosion des pontes pures et des pontes parasitées démontre le
rôle joué par le super-stimulus (en l’occurence la présence des œufs surnuméraires du parasite, par
ailleurs semblables à ceux de son hôte) sur le comportement incubateur des parents : le pourcentage
de nichées réussies â l’éclosion est inférieur de 10 % pour les couvées non parasitées (45,7 contre 56,3).
Le succès identique à l’éclosion des œufs d’Amarante dans ces deux sortes de couvées montre que la
présence de ces œufs surnuméraires, responsable d’une augmentation de volume de la couvée, ne modifie
en rien 1 incubation des œufs. La réussite à l’éclosion des œufs de Combassou tient d’abord à la syn¬
chronisation de sa ponte avec celle de son hôte, puis à la réussite de la couvée d’Amarante où ces œufs
furent pondus. Plus une ponte compte d'œufs du parasite (ce qui augmente à la fois les chances de
synchronisation de leur ponte et de la réussite des couvées par création d’un super-stimulus plus puis¬
sant), plus elle a de chance de réussir à l’éclosion. Le défaut d’éclosion des œufs du parasite dans les
couvées parasitées a pour conséquence la formation de nichées non parasitées à l’éclosion (44 % des
nichées réussies à l'éclosion provenant de couvées parasitées). Celles-ci seront élevées avec le même
succès que les nichées issues de pontes non parasitées. A l’éclosion, la taille moyenne d’une nichée
non parasitée est de 3,3 poussins et celle d’une nichée parasitée do 4,8.
c) Elevage.
Le succès à l’envol des nichées est le même, qu’elles soient ou non issues de pontes parasitées
(75 % environ des nichées réussies à l’éclosion). Seule, la composition des nichées à l’envol montre
les perturbations apportées par la présence de poussins surnuméraires. Dans 75 % des nichées réussies
à l’envol, la taille moyenne est supérieure à celles des nichées issues de nichées non parasitées à l’éclosion
(3,5 poussins contre 2,8) ; dans les 25 autres %, la mortalité est beaucoup plus importante si bien que
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Source : MNHN, Paris
146
MARIE-YVONNE MOREL
les nichées peuvent être composées seulement d’une seule espèce de jeunes (hôte ou parasite). Ces résul¬
tats prouvent que les parents, soumis à un super-stimulus, nourrissent davantage de jeunes qu'ils ne
le font habituellement et qu’une fois une certaine limite franchie (plus de 5,3 poussins à l’éclosion),
la mortalité devient excessive pendant l’élevage par suite d’une compétition pour la nourriture entre
poussins. Les survivants seront les poussins les plus forts au moment de la naissance des autres, soit
parce qu’ils seront nés les premiers, soit parce qu’il sont les plus vigoureux (le poussin du parasite
pèse 1/3 de plus que celui de son hôte). Les pontes d’Amarante qui souffrent le plus de la présence
du parasite sont celles de 4 œufs et plus. Celle de 3 œufs, au contraire, réussissent mieux que les pontes
homologues non parasitées, grâce à un meilleur succès à l’éclosion et à un élevage satisfaisant des pous¬
sins, car l’augmentation de la taille de la nichée n’est pas suffisante pour créer de gêne aux parents.
Le succès à l’envol des pontes de Combassou est indépendant de leur taille car le meilleur succès à
l’éclosion des couvées contenant 3 et 4 œufs de Combassou est compensé par leur plus faible succès
à l’envol. A l’envol, une nichée non parasitée compte une moyenne de 2,6 L.s. et une nichée parasitée
2,1 L.s. et 1,3 H.c.
CHAPITRE 4 : DOCUMENTS ETHOLOGIQUES SUR LAGONOSTICTA SENEGALA
a) Activités individuelles.
L’Amarante est modérément grégaire sans pour autant nicher en colonies. Il se déplace en sau¬
tant et se nourrit presque exclusivement de petites graines ramassées sur le sol. Il doit boire tous les
jours, se baigne et prend des bains de soleil. Il dort dans les arbustes, mais jamais dans les nids.
b) Comportement interindividuel.
Combats et réflexe d’immobilisation. Sa posture d’attaque consiste ordinairement à pointer le
bec sur l’assaillant et plus rarement à le poursuivre ou même à le tuer. La vue d’un ennemi peut pro¬
voquer chez lui un réflexe d’immobilisation.
Distance interindividuelle et toilette mutuelle. Les jeunes d’une même nichée, entre son envol et
son indépendance, et les partenaires d’un couple, tout au cours de l’année et spécialement pendant
la mue, se tiennent souvent les uns contre les autres en même temps qu’ils se lissent réciproquement
leurs plumes.
Emissions sonores. Six sont communes aux deux sexes (cohésion, alarme ou excitation, bataille
détresse, nid, chant solitaire) et une, au seul mâle : le chant sexuel.
Parade de la plume. Exécutée par le mâle tantôt sous sa forme complète, tantôt sous sa forme
incomplète, elle est qualifiée suivant les circonstances où elle est employée de parade précopulatoire
(mating courtship) ou de parade solitaire (general display).
c) Comportement reproducteur.
Le nid. L’Amarante construit dans des lieux divers, aussi bien dans des sites naturels que dans
des habitations humaines, à terre qu’en hauteur (jusqu’à 5 mètres), des nids de formes différentes :
en coupe, fermé ou intermédiaire. Les matériaux utilisés sont constitués essentiellement d’herbes
sèches et de plumes en proportion très variable d’un nid à l’autre.
Le site du nid est choisi et sa construction exécutée par le mâle, mais toujours en présence de
la femelle. Dans un faible nombre de cas, le même nid sert plusieurs fois de suite, soit à un même couple,
soit à des couples différents avec un taux de succès à l’envol augmenté.
Les couples demeurent généralement stables pendant la durée d’une saison de reproduction et
souvent pendant plusieurs années, comme l’ont montré les captures répétées des mêmes parents sur
leurs nids successifs.
L’accouplement a lieu à terre ou sur une branche, à n’importe quelle heure de la journée, sans
que la parade de la plume précédant l’accouplement paraisse indispensable.
La ponte a toujours lieu le matin, souvent dans un nid en cours de construction ou qui a déjà
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL
147
servi. Une fois la ponte achevée, l'incubation devient continue. Elle est assurée par les deux sexes.
L adulte qui peut couver jusqu à trois heures d’affilée reste encore, même aux heures les plus chaudes
de certaines journées, sur son nid dont la structure est aérée et la structure ombragée. (Durée : 13 jours).
Les œufs éclosent en moins de 24 heures.
L'élevage des poussins dure approximativement 18 jours au nid et se poursuit après l’envol
pendant deux à trois semaines. Les deux parents s’en acquittent, en même temps qu’ils continuent
de couver leurs poussins pendant la semaine qui suit leur naissance. Une fois le nid quitté, les oisillons
n’y retourneront jamais pour dormir ou être nourris.
3 564
6
10 *
Source : MNHN, Paris
148
MARIE-YVONNE MOREL
ENGLISH SUMMARY
This study is the resuit of about ten years of observations carried on two tropical Passerines,
Estrildidae and Siduinae Lagonosticla s. senegala (L.), Sénégal Fire-finch, and its parasite, Hypochera
c. chalybeata (Millier), Sénégal Combassou. Knowledge of the biotope of the species and of their ethology,
as well as their abondant breeding at Richard-Toll (374 nests found, one third of them parasitized
in two seasons) enabled us to draw conclusions about their population dynamics : the breeding while
still in juvénile plumage, the complex relationships between moult and reproduction, the very high
mortality of adults of the Fire-finch, as well as the impact of the parasite on the host.
CHAPTER 1 : BIOTOPE AND SYSTEMATIC STATUS OF BOTH SPECIES
At Richard-Toll (Republic of Sénégal), (16°27'N-15°42'W), on the Sénégal river, about thirty
miles from the Atlantic, at 3 m. above sea level, the climate, of sahelian type, is distinguished by :
1) a single rainy season (June-October) with an annual average of 317 mm ; 2) important changes in
diurnal température, maximum always over 30°C and reaching 40°C in April, May and June ; nocturnal
températures sometimes as lowas 7°C in January,butreaching25°C between June and October ;3) changes
in daylength from 11 1/4 hours in December to 13 hours in June.
The Fire-finch lives in shady spots, gardens, near water and rich patches of Gramineac (in
gallery forests, near ponds) and also in villages and small towns. Sexual dimorphism is marked
but not seasonal. It is parasitized by Hypochera chalybeata, hardly larger, which exhibits sexual dimor¬
phism and, in the male, seasonal.
CHAPTER 2 : POPULATION DYNAMICS OF FIRE-FINCH AT RICHARD-TOLL
a) Annual évolution of the population.
As Fire-finches are sedentary, population changes over a year are related to production during
the breeding season (July to May) and to mortality. The population in juvénile plumage increases
from mid-August to February, remains unchanged until May, then decreases to vanish in late July.
The population in adult dress is lowest in May, then speedily improvos till August as a resuit of ail
juvénile birds moulting into adult dress ; thereafter it is steadily reduced for the other nine months.
b) Moulting by Fire-finch.
Among adult birds, the moult of the population as a whole lasts 6 months from February to August,
that of the individual at least three and half months. Juvéniles begin to moult at the ageof approxi-
mately 6 weeks, then important discrepancies are observed while it is achieved (over 270 days for
the August cohort and less than 170 for those of February and March). At the onset of a new breeding
season (August) nearly ail juvéniles hâve completed their moult. A favoured moulting period is from
February to August, a period during which food is getting scarce, but daylength and températures
are increasing.
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENEGALA A RICHARD-TOLL
149
c) Reproduction dynamics of the Fire-finch.
Successive broods. The Fire-finch is able to breed at 4 months ; 4 or 5 broods can successfully
be raised by the same pair during one breeding cycle ; reproduction does not start at the same date
for ail pairs, but the seasonal limits are fixed, though they appear to be unrelated to environmental
conditions. A higher breeding-success is obtained by pairs which use an old nest.
Clulch-size. The annual average is 3,5 eggs, varying from 3 in August to 3,9 in November,
just after the rains, and to 2,9 in April. Clutches of 3 and 4 eggs account for 75 % of ail clutches ;
those of 4 eggs to slightly less than one half.
Hatching-success and fledging-success. Poorer ones are hardly known among small passerines :
about 50 % of the eggs can hatch and 28 % produce a fledgeling. Monthly figures reach a peak as
seeds are ripe (October-November).
Natality rate (12,0 eggs) and productivité/ (3,3 youngs) can be compared with figures for tempe-
rate-zone species of comparable weight.
d) Discussion.
Moult and reproduction. May occur simultaneously in juvéniles and adults.
Mortality factors. To what extent food is concerned could not be surely assessed ; prédation by
inammals and other birds is not negligible ; another factor of mortality in the nest is possibly related
to reproduction itself, because most of the breeding population is very young, many females produce
clutches too small to induce proper stimulus for brooding behaviour ; this could account for the failure
of many clutches.
Timing of moult and reproduction. Although the internai rythm plays a prédominant part in
the annual cycle of the Fire-finch, the periods of moult and reproduction are not wholy unaffected
by external conditions. The place taken by food in the temperate zones loses some of its importance in
the Sahel where the diurnal températures during the months April to June inclusive approache the internai
température of the bird. The advantage to its metabolism thus shown by the Fire-finch enables
it to moult at a time when food is more diflicult to find. Moreover, the food resources can be better
exploited during the short days (around 12 hours of light) because then the température and insola¬
tion are at their lowest, so that the bird can be constantly active. This is why the period most favou-
rable for breeding coincides with the months (October to December inclusive) when seeds are very
plentiful in addition.
Compétition with otlier granivorous birds in the sahelian savanna. Their biotope and type of
reproduction help the Fire-finch to avoid compétition with other savanna seed-eaters to some extent.
The breeding season of the local Ploceidae is confined to the rains and they turn to a mixed or insect
diet at that time. But the three families, whose staple food consists of seeds the whole year, breed
in the second part of the dry season (Pteroclididae), for 10 months (Estrildidae) and almost uninterrup-
ted (Columbidae).
CHAPTER 3 : PARASITISM
Because of the important breeding and parasitized population of the Fire-finch in Richard-
Toll, two types of population can be compared : the parasite-free population and the parasitized. It
appeared that the Fire-finch population is not hindered by parasilism since fledging success (number
of flcdgings/number of eggs) is similar in both situations (28 %).
a) Eggs laid by the parasite in a nest.
As the distribution of parasite-free and parasitized clutches (related to the number of Fire-
finch eggs) is similar, there is evidence that female Combassou lay their eggs at random. The number
of eggs laid by the parasite in a nest varies from one to five (one egg in 50 % of Fire-finch nests and
5 eggs in 1,5 % for those).
Source : MNHN, Paris
150
MARIE-YVONNE MOREL
Finding a nest is hard for the Combassou female because Fire-finches conceal thoir nests. As
the Fire-finch continues to build long after the laying period is over, the Combassou gets no stimulus
to synchronise its laying with that of the host. It seems that the visual stimidus responsible for
the Combassou’s laying must be the sight of a sitting bird, since the Fire- finches brood continuously (Female
parasite lays upon the back of the sitting bird). Therefore, as the eggs are invisible and out of the
parasite’s reach, it cannot injure them. When more than one Combassou’s eggs are in a nest thev
may laid either by one female or by several. One may wonder whether the male Combassou in bree-
ding dress is likely to hold a territory within the limits of which only its females alone are permitted
to lay in the nests they happen to find. The use of song-post and strong aggression of other males
(which proves fatal to the weaker in captivity) support this view. The host displays a complété tolé¬
rance for the parasite.
b) Incubation.
Comparison of hatcliing-success for parasite-free and other clutches emphasizes the rôle of the
super-stimulus (the actual presence of parasite’s eggs) upon the brooding behaviour of the parents :
the percentage of nest losses during incubation (45,7 versus 56,3) is 10 % lower amongst parasitized
clutches. A similar hatching-success of Fire-finch eggs in both types of clutches points to the fact
that extra-eggs which increase the volume of clutch, do not alter brooding. The hatching-success
of the Combassou is first correlated with proper timing with its host’s laying date and secondly with
the Fire-finch’s own eventual success. The more a clutch is supplied with parasite’s eggs (which increase
the ability of synchronization for the parasite and hatching-success through super-stimulus), the more
it is likely to hatch successfully. When the parasite’s eggs fail to hatch in parasitized clutches, parasite-
free broods can be observed (44 % of ail successfull) and they will be raised as successfully as prima-
rily parasite-free broods. At hatching, the mean size of a non-parasitized brood is 3,3 and that for
parasitized brood 3,1 Fire-finches and 1,7 Combassous.
c) Afler-hatchnig.
The influence of extra nestlings is only évident at fledging time. 75 % of broods leaving the
nest are heavier when they hâve been parasitized (3,5 fledgings versus 2,8) ; 25 % sullered a higher
mortality resulting in mono-specific families (host or parasite). Those results show that the parents,
through super-stimulus, nourish more youngs than normal ; but beyond a certain limit (5,3 youngs)
the mortality raises because nestlings compete for food : nestlings which are stronger when they hatch
will survive, either because they hatched first or because they are more energetic (the parasite’s chick
weighs at hatching 1/3 more than host’s). The detrimental influence of the parasite chick is highest
in clutches of 4 or more, while 3-egg clutches hâve a better hatching-success and because feeding is
not disturbed. In that case, the family is not so large as to create a problem. Fledging success of the
Combassou is indépendant of the brood size, because the better hatching success of 3 and 4 Combassou
eggs is balanced by a poorer fledging success. The mean number of fledgings from a non-parasitized
brood is 2,6 ; from a parasitized brood 2,1 Fire-finches and 1,3 Combassous.
CHAPTER 4 : ETHOLOGICAL DATAS ON LAGONOSTICTA SENEGALA
a) Individual activities.
Fire-finches are moderately gregarious but are not colonial breeders. They hop about and
feed almost exclusively on tiny seeds on the ground. They must drink daily, they also bathe and
sun-bathe. They roost in bushes but never in their nest.
b) Social activities.
Fighting and « freezing » postures. The agonistic posture is usually expressed by directing the
Source : MNHN, Paris
POPULATION DE LAGONOSTICTA SENE GALA À RICHARD-TOLL 151
bill towards the enemy, more rarely by pursuing and even by killing. The sight of an enemy inay
elicit a « freezing » posture.
Individual distance and mutual preening. Fledgings of the samo famüy (from departure from
the nest to independence) and both members of a pair ail the year round, but especially whilo moulting,
often remain side by side and preen each other.
Vocalization. Six calls are shared by both sexes (flocking, alarm, excitation, flight, distress,
nest, solitary song) but the male alone has a sexual song.
Displays. Performed by the male, either completely or incompletely. As males are able to
perform it when they hâve only just become indépendant, the rôle of their plumage as a visual stimulus
may be questioned. Mouth-markings, conspicuous when the bill is opened at the end of the display,
could take over this function.
c) Reproductive behaviour.
Fire-finches build in very varied situations, in wild sites as well as in human dwellings, from ground
level to 5 meters. Nests may consist of a saucer, a bail or an intermediary structure. Dry grasses
and feathers makc the bulk of materials. The nest site is chosen and the nest built by the male, but
always in the presence of the female. A few nests may be re-used, either by the saine pair, or by a
different one and nesting success is then enhanced. That pairs are stable for a breeding season and
otfen for several years has been shown by capture and recapture of the parents on their nest.
Mating takes place on the ground or on a branch, but the display does not necessarily précédé
mating.
Laying always occurs in the morning, quite often while as the nest is still being built or in an
old nest.
As the clutch is completed, brooding starts by both sexes.
The parents wh>ch are able to sit as long as three hours without a break brood even at the
hottest time of the day. Nest structure is pretty loose and the nest site is always shady.
l\estlings are fed by both parents for 18 days in the nest and also for a fortnight after their
departure. Nostlings are brooded for a week after hatching. Once the nest is left by the fledgings,
they do not enterit again.
Que Messieurs R. E. Moreau et G. Morel * veuillent bien trouver l'expression de nos remercie¬
ments pour l’aide apportée à la rédaction de ce résumé et sa traduction en anglais.
* Station d'Ornithologie, O.R.S.T.O.M., Richard-Toll (Sénégal).
Source : MNHN, Paris
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PLANCHES
Source : MNHN, Paris
PLANCHE I
1. Un mâle Amarante apporte une feuille à son nid en construction dans un nichoir placé dans la
d’Omithologie (les ponctuations latérales sont bien visibles sur le corps de I oiseau).
cour de la Station
(Cl. M.-Y. Morel)
Source : MNHN, Paris
PLANCHE II
2. Un Amarante arrive devant son nid (nid fermé construit dans une haie de Prosopis).
(Cl. M.-Y. Morel)
Source : MNHN, Paris
PLANCHE III
(Cl. M.-Y. Morel)
Source : MNHN, Paris
PLANCHE IV
4. Habitations traditionnelles où les Amarantes nichent volontiers.
Les nids construits dans les toitures de ces maisons furent réoccupés plusieurs années de suite.
(Cl. M.-Y. Morel)
Source : MNHN, Paris
PLANCHE V
5. Nid en coupe d'Amarante construit dans un hangar.
Le nid contient 4 poussins aux marques buccales bien visibles. Sur les bords de la coupe, les fdcès.
(Cl. M.-Y. Morel)
Source : MNHN, Paris
PLANCHE VI
6. Nid fermé construit dans un nichoir. Noter I
forme du nid, fermé bien qu’il y ait au-dessi
l’entrée du nichoir et la
(Cl. M.-Y. Morel)
Source : MNHN, Paris
FLANCHE VII
(C/. JW.-K Morel)
Source : MNHN, Paris
PLANCHE VIII
8. Quelques Amarantes picorant à terre.
(Cl. M.-Y. Morel)
Source : MNHN, Paris
PLANCHE IX
9. Posture de demande de nourriture chez deux poussins Amarantes âgés de quatre jours.
(Cl. M.-Y. Morel)
Source : MNHN, Paris
PLANCHE X
10. Marques buccales d'un jeune poussin Amarante âgé d’une douzaine de jours. (CI. M.-Y. Morel)
Source : MNHN, Paris
IMPRIMERIE NATIONALE
3 364 010 6
Source : MNHN, Paris
Source : MNHN, Paris
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NOV . 1973
ÉDITIONS DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE
En vente à la Bibliothèque centrale du Muséum,
38, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris (5 e )
C.G.P. : Paris 9062-62
Annuaire du Muséum national d’Histoire naturelle (paraît depuis 1939).
Archives du Muséum national d'Histoire naturelle (depuis 1802. In-4°, sans périodicité).
Bulletin du Muséum national d’Histoire naturelle (depuis 1895 ; 6 numéros par an).
Grands naturalistes français (depuis 1952. Sans périodicité).
Mémoires du Muséum national d’Histoire naturelle (depuis 1936. Depuis 1950, nouvelle série en 3
(puis 4) parties : A. Zoologie ; B. Botanique ; C. Sciences de la terre ; D. Sciences physico-chi¬
miques. Sans périodicité).
Notes et Mémoires sur le Moyen-Orient (depuis 1933. In-4°, sans périodicité).
Publications du Muséum national d'Histoire naturelle (depuis 1933. Sans périodicité).
PUBLICATIONS DES LABORATOIRES DU MUSÉUM
En vente à l’adresse de chaque laboratoire
Bulletin du Laboratoire maritime de Dinard (Ille-et-Vilaine). Depuis 1928.
Objets et Mondes. La revue du Musée de l’Homme. Directeur : M. J. Millot, Palais de Chaillot, Paris (16 e ) ;
depuis 1961 ; trimestriel.
Mammalia. Morphologie, Biologie, Systématique des Mammifères. Directeur : M. J. Dorst, Labora¬
toire de Zoologie des Mammifères, 55, rue BulTon, Paris (5 e ) ; depuis 1936 ; trimestriel.
Index Seminum Horti parisiensis. Service des Cultures, 61, rue BulTon, Paris (5 e ) ; depuis 1882 ;
échange.
Journal d’Agriculture tropicale et de Botanique appliquée, suite de Revue internationale de Botanique
appliquée et d’Agriculture coloniale, depuis 1954. Laboratoire d’ethnobotanique, 57, rue Cuvier,
Paris (5 e ).
Adansonia (suite aux A otulae Systematicae). Directeur : M. A. Aubréville, Laboratoire de Phanéro-
gamie, 16, rue Buffon, Paris (5 e ) ; sans périodicité.
Revue Algologique. Directeur : M. R. Lami, Laboratoire de Cryptogamie, 12, rue Buffon, Paris (5 e ) ;
depuis 1924.
Revue Bryologique et Lichénologique. Directeur : M me V. Allorge, Laboratoire de Cryptogamie ; depuis
1874.
Revue de Mycologie. Directeur : M. Roger Heim, Laboratoire de Cryptogamie ; depuis 1928.
Cahiers de La Maboké. Directeur : M. Roger Heim, Laboratoire de Cryptogamie, 12, rue Buffon,
Paris (5 e ) ; depuis 1963.
Pollen et Spores. Directeur : M me Van Campo, Laboratoire de Palynologie, 61, rue Buffon, Paris (5 e ) ;
depuis 1959 ; semestriel.
Source : MNHN, Paris