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Full text of "Mémoires et documents"

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MÉMOIRES  ET  DOCUMENTS 


PUBLIÉS    PAR    LA 


SOCIÉTÉ  D'HISTOIRE  ET  D'ARCHÉOLOGIE 


DE  GENÈVE 


r.KNÈVF:.  —  IMPRIMERIE   RAMBOZ   ET   SCHUOHARDT 


MÉMOIRES  ET  DOCllMENTS 


'  l'UBLlÉS 


PAR  LA  SOCIÉTÉ 


D  Hrantl  IT  DliiOLOlilE 


DE  GENÈVE 


TOME  QUINZIÈME 


GENÈVE 

CHEZ    JULLIEN    FRÈRES,     LIBRVIRES-ÉDIIEURS 

PARIS 

CHEZ    A.    ALLOUARD,     LIBRAIRE 

Rue  Pavée  St-André  des  Arts,  3 

1865 


IHE  GEïïY  CENIEP 


TABLE   DES    MATIÈRES 

DU  TOME  QUINZIÈME 


PREMIERE  PARTIE 

Pages 

Les  armoiries  des  cantons  suisses,  essai  sur  leurs  origines  et  leur 

signification  ;  par  M.  Adolphe  Gautier i 

Jean  Mestrezat,  par  M.  A.  Archinard,  pasteur 29 

Traité  de  combourgeoisie  conclu  le  12  novembre  1477,  par  Jean- 
Louis  de  Savoie  avec  les  villes  de  Berne  et  de  Fribourg,  par  M. 

Araédée  Roget 73 

Recherches  sur  l'origine  des  Genevez,  village  de  l'ancien  évêché  de 

.Bâle,  par  M.  Louis  Dufour 83 

Notice  sur  quelques  inscriptions  découvertes  récemment  dans  les 

environs  de  Genève,  par  M.  Auguste  Turrettini 113 

Marguerite  de  France,  duchesse  de  Savoie,  ses  rapports  avec  Ge- 
nève, par  M.  Théophile  Heyer 122 

Bulletin,  août  1864 145 

Personnel  de  la  société 145 

Mémoires,  rapports,  etc.,  présentés  à  la  Société 146 

Rôle  de  ceux  qui  furent  tués  à  l'Çscalade 150 

Convention  entre  Isaac  Rousseau  et  Abel  Du  Commun,  à  l'oc- 
casion de  la  fuite  de  Jean-Jacques 151 

Mémoire  de  ce  qui  a  esté  remis  à  Michel  Rilliet  par  Gaspard 

Mestrezat,  sautier 1 53 

Ouvrages  sur  l'histoire  de  Genève  antérieure  à  1798,  publiés 

du!"  janvier  1863  au  30  juin  1864 ,.. .     154 

Ouvrages  reçus  par  la  Société 159 

Les  princesses  de  Portugal  à  Genève,  par  M.  Th.  Heyer 165 

Lettres  de  Théodore  Turquet  de  Mayerne  au  P.  Conseil  de  Genève, 
par  le  même 182 


VI 

Pages 

Documents  inédits  sur  Jacques-Antoine  Artaud,  par  le  même.  ...     213 
Débris  de  l'industrie  humaine  trouvés  dans  la  caverne  de  Bossey, 

par  M.  F.  Thioly 232 

Lettres  de  Pierre  de  la  Baume,  évêque  de  Genève,  à  Bezançon  Hu- 
gues       239 

Mémoire  de  M.  de  Bellegarde,  envoyé  du  duc  de  Savoie  Char- 
les III,  à  l'empereur  Charles  V 250 

Notice  sur  un  feuillet  de  papyrus  récemment  découvert  à  la  Biblio- 
thèque impériale  de  Paris  et  relatif  à  la  basilique  que  Maxime, 
évéque  de  Genève,  substitua  vers  l'année  516  à  un  temple  païen, 

par  M.  Léopold  Delisle,  de  l'Institut  de  France 265 

Bulletin,  mai,  1 865 285 

Personnel  de  la  Société 285 

Mémoires,  rapports,  etc.,  présentés  à  la  Société. 291 

Notes  sur  l'ancien  temple  de  Chancy  et  sur  les  inhumations 

dans  les  églises  de  la  campagne 293 

Bibliothèque 296 

SECONDE  PARTIE 

Supplément  au  Recueil  de  Chartes  inédites  concernant  l'ancien 

diocèse  de  Genève  et  antérieures  à  l'année  1312 i 

Préface m 

Texte  des  chartes 1 

Table 45 

Appendice.  Trois  documents  relatifs  à  l'abbaye  de  Sixt 47 


PREMIÈRE   PARTIE 


LES 

ARMOIRIES  DES  CANTONS  SUISSES 

ESSAI 

SUR 

LEURS    ORIGINES    ET   LEUR   SIGNIFICATION 

PAR 

Adolphe  GAUTIER 


Lu  à  la  Société  d'Histoire  et  d'Archéologie  de  Genève, 
le  H  Janvier  1864. 


Les  armoiries  ont  pour  but  de  servir  d'emblèmes  et  de  signes 
de  reconnaissance.  Si  ce  but  est  atteint  d'une  manière  satis- 
faisante par  les  blasons  des  familles,  il  le  sera  encore  davantage 
par  ceux  des  Etals  et  des  villes,  parce  qu'ils  serviront  à  un  bien 
plus  grand  nombre  de  personnes,  que  chaque  citoyen  les  ai- 
mera, les  vénérera,  qu'ils  seront  pour  lui  le  symbole  saisissant 
de  la  patrie.  Chacun  se  plaira  à  les  voir  représentés  sur  les  dra- 
peaux, sur  les  monuments,  sur  les  publications  officielles,  sur 
les  monnaies.  Et  cela  surtout  si,  comme  pour  toutes  les  ré- 
publiques composant  le  Corps  helvétique,  ces  signes  ne  sont 
pas  les  apanages  particuliers  d'une  famille  souveraine,  mais 
bien  ceux  de  tout  un  peuple.  Si,  en  outre,  ces  emblèmes  sont 
bien  choisis  et  suffisamment  originaux,  ils  caractériseront  l'Etat 
qui  les  porte,  non-seulement  aux  yeux  des  citoyens,  mais  même 
Tome  X  F,  1  '^^  part.  [ 


2 

aux  yeux  des  étrangers,  et  pourront  exercer  une  certaine  in- 
fluence sur  le  caractère  et  sur  l'histoire  d'une  nation  ;  qui  vou- 
drait nier  celle  de  l'Ours  et  du  Taureau  sur  les  peuples  de 
Berne  et  d'Uri? 

Si  chacun  connaît  les  armes  de  sa  patrie  et  y  est  attaché, 
presque  tous  en  ignorent  l'histoire  et  la  signification  ;  cepen- 
dant celte  étude  offrirait  un  grand  intérêt,  si  on  pouvait  la  faire 
d'une  manière  complète;  mais  les  origines  se  perdent  bien  sou- 
vent dans  la  nuit  des  temps,  elles  sont  ordinairement  anté- 
rieures a  l'histoire  écrite  et  rentrent  dans  la  légende  ou  la 
tradition. 

Ayant  recueilli  peu  à  peu  el  depuis  longtemps  un  certain 
nombre  de  traits  se  rapportant  aux  armoiries  des  vingt-deux  Can- 
tons, je  me  suis  appliqué  a  les  coordonner  et  a  les  développer 
dans  cet  Essai  ;  mais  je  me  hâte  de  confesser  que  mon  travail 
est  loin  d'être  complet  et  qu'il  est  destiné  à  rester  toujours 
inachevé,  parce  qu'une  grande  partie  des  détails  sont  des  con- 
jectures et  des  légendes  qu'aucune  charte  et  aucun  document 
authentiques  ne  confirment,  d'autres  sont  contestés  et  donnent 
lieu  a  plusieurs  interprétations.  Toutefois ,  ce  qui  m'a  en- 
couragé, c'est  que  mon  sujet  n'a  pas  encore  été  traité  dans  le 
sein  de  la  Société  d'Histoire  et  d'Archéologie  et  qu'ensuite  je 
me  suis  trouvé  ordinairement  d'accord  avec  les  auteurs  qui  ont 
concouru  à  faire  le  bel  ouvrage  sur  les  Sceaux  des  Cantons 
suisses^  publié  par  la  Société  des  Antiquaires  de  Zurich,  ou- 
vrage plein  de  faits  et  de  résumés  historiques  d'un  grand 
intérêt. 

Les  armoiries  des  villes  el  des  États  ont  plusieurs  ori- 
gines : 

Elles  proviennent  des  blasons  des  familles  souveraines  qui 
les  ont  fondés  ou  gouvernés;  de  concessions  accordées  par  ces 
mêmes  souverains ,  en  particulier  par  les  empereurs  et  les 
papes;  des  bannières  sous  lesquelles  les  citoyens  et  les  guer- 


riers  se  rassemblaient  pour  marcher  au  combat  ou  aux  assem- 
blées pacifiques;  elles  peuvent  même  tirer  leur  origine  de  la 
couleur  des  vêtements  des  habitants  ;  elles  dérivent  souvent 
des  sceaux  de  l'Eial,  de  légendes  relatives  à  leur  fondation,  à 
leurs  patrons  s{)irituels,  à  quelque  trait  de  leur  histoire,  etc. 

Nous  trouverons  dans  l'examen  des  armes  des  Cantons  suis- 
ses des  exemples  d'origines  très-diverses ,  mais  ce  qui  doit 
nous  frapper  et  ce  que  je  signale  d'emblée,  c'est  l'incertitude 
qui  régnait  sur  le  blason  d'un  certain  nombre  d'entre  elles,  et 
cela  non-seulement  pour  des  écussons  modernes,  comme  ceux 
des  cantons  d'Argovie  ou  de  Thurgovie,  mais  même  pour  des 
armoiries  anciennes  comme  celles  des  Ligues  de  la  Haute- 
Rhétie. 

Les  incertitudes  ont  cessé  par  suite  de  la  décision  qui  a  été 
prise  d'orner  la  salle  du  Conseil  des  États,  au  Palais  fédéral, 
de  vitraux  peints  aux  armes  des  Cantons.  Ce  travail  a  été  con- 
fié h  M.  le  D""  Stanz,  de  Berne,  l'habile  et  savant  héraldiste, 
directeur  d'un  atelier  de  peinture  sur  verre.  A  la  suite  d'é- 
tudes raisonnées  et  approfondies,  appuyées  sur  de  volumineux 
renseignements,  il  a  fixé  les  points  indéterminés,  et  les  vitraux 
du  Palais  fédéral  doivent  être  les  types  exacts  et  officiels  que 
nous  devons  suivre  ;  aussi  avons-nous  dessiné  les  figures  de 
notre  Planciie  I  d'une  manière  conforme  à  ces  types.  Néan- 
moins, une  foule  de  monuments,  de  peintures  et  même  de 
sceaux  représentent  des  armoiries  mal  blasonnées,  sans  parler 
des  innombrables  gravures  et  lithographies  livrées  au  com- 
merce et  dont  pas  une  n'est  exempte  d'erreurs. 

Outre  les  armoiries  proprement  dites,  nous  devons  encore 
nous  occuper  des  couleurs^  car  si  elles  sont  ordinairement 
celles  de  Técu,  elles  en  diffèrent  quelquefois;  nous  n'avons 
qu'à  signaler  comme  exemple  la  Savoie,  dont  la  couleur  est  le 
bleu,  tandis  que  les  armes  sont  de  gueules  à  la  croix  d'argent  ; 
la  France,  qui  portail  les  fleurs  de  lys  en  champ  d'azur  et  dont 
le  drapeau  était  blanc.  En  Suisse,  les  couleurs  ont  autant  d'im- 


4 

poriance  que  les  armoiries,  elles  figurent  sur  les  drapeaux,  sur 
les  cocardes  ;  peintes  sur  les  boiseries,  elles  sont  le  signe  de 
la  propriété  de  l'État  ;  enfin  elles  sont  portées  par  les  messa- 
gers d'État  et  les  huissiers,  fonctions  si  importantes  dans  cer- 
tains cantons. 

Nous  commencerons  notre  revue  par  les  armes  de  la  Confé- 
dèralion  Suisse. 

Le  lien  fédéral  était  très-lâche  avant  la  révolution  ;  l'ancienne 
Suisse  ne  formait  point  un  corps  compacte  ;  on  disait  les 
XIII  Cantons  et  non  la  Confédéralion,  il  n'y  avait  pas  de  pou- 
voir central  et  par  conséquent  pas  d'armoiries  communes  à 
tous  les  Cantons,  Quand  la  violence  imposa  à  la  Suisse  un  gou- 
vernement unitaire ,  les  oppresseurs  étrangers  introduisirent 
aussi  un  drapeau  analogue  au  leur,  c'est-à-dire  rouge,  jaune 
et  vert;  les  armoiries  n'étant  pas  en  faveur  parmi  eux,  il  n'en 
fut  pas  question  et  tous  les  sceaux  de  l'époque  sont  gravés  à 
l'image  de  Guillaume  Tell  recevant  dans  ses  bras  son  fils,  le- 
quel tient  la  célèbre  pomme,  tandis  que  les  monnaies  portent 
un  guerrier  agitant  un  drapeau  aux  couleurs  imposées. 

Ces  couleurs  détestées  furent  abolies  avec  la  constitution 
unitaire,  et  sous  l'Acte  de  médiation  le  pouvoir  directeur,  al- 
ternant entre  les  gouvernements  de  plusieurs  cantons,  portait 
le  sceau  et  les  armes  de  son  État.  En  1815,  la  Confédéralion 
restaurée  prit  un  emblème  qui  devait  figurer  sur  les  drapeaux, 
les  sceaux  et  les  actes  du  pouvoir  fédéral.  On  fut  tout  natu- 
rellement conduit  à  choisir  la  croix  d'argent  aiezée  en  champ 
de  gueules.  Le  rouge  était  en  effet  dès  les  temps  les  plus  re- 
culés, à  ce  que  dit  la  légende,  la  couleur  nationale  des  Scan- 
dinaves, premiers  colons  qui  soient  venus  habiter  les  hautes 
vallées  des  Alpes  ;  leurs  bannières  et  leurs  vêtements  étaient 
de  cette  nuance  qui  est  demeurée  populaire  à  travers  les  siècles 
parmi  leurs  descendants,  en  Suisse  aussi  bien  qu'en  Dane-  • 
mark;  l'antique  Danebrog  à  l'ombre  duquel  combattent  encore 


5 

les  Danois,  est  ronge  avec  une  croix  blanche  comme  notre  dra- 
peau fédéral,  el  les  soldats  danois  ont  été  vêtus  de  rouge  jus- 
qu'à nos  jours  comme  les  régiments  suisses  capitules  au  ser- . 
vice  étranger. 

Quant  h  la  croix  blanche,  elle  a  été  très-anciennement  portée 
sur  la  poitrine  et  sur  le  dos  des  guerriers,  ensuite  elle  passa  sur 
les  drapeaux,  lesquels  aux  couleurs  cantonales,  étaient  traver- 
sés par  elle.  Celte  croix  était  donc  le  signe  de  ralliement  des 
Suisses,  le  seul  qui  fût  commun  à  tous  les  cantons;  étant  déjà 
généralement  connu  parmi  nos  pères,  il  est  naturel  qu'ils 
l'aient  adopté  sur  leur  écusson.  Ajoutons  que  ces  belles  armes 
ont  rapidement  conquis  la  faveur  populaire  et  qu'il  en  est  peu 
d'aussi  universellement  aimées  et  respectées. 

Après  l'écusson  de  la  Suisse  viennent  ceux  des  Cantons.  Nous 
commencerons  par  les  trois  Waldstsetten,  Uri,  Schwytz  et  Un- 
terwalden.  Nous  avons  vu  que  le  rouge  était  la  couleur  carac- 
téristique des  premiers  habitants  de  la  Suisse  et  en  particulier 
des  cantons  primitifs.  Des  bannières  et  des  vêlements  il  a 
passé  aux  armoiries;  Schwytz  a  toujours  gardé  sa  bannière 
toute  rouge,  celle  d'Uri  portait  autrefois ,  dit  la  légende,  une 
tête  d'aurochs  blanche  en  champ  rouge,  celle  d'Unlerwalden 
était  rouge  et  blanche.  La  bannière  de  Schwytz  a  été  prise 
sans  modifications  comme  écusson  cantonal,  lequel  fut,  pen- 
dant des  siècles,  de  gueules  plein  (PI.  II,  fig.  2).  L'usage,  con- 
firmé par  des  concessions  impériales  ou  papales,  était  que  les 
bannières  portassent  à  leur  angle  supérieur  une  broderie  ou  une 
peinture  représentant  des  scènes  de  la  passion  ou  des  figures 
de  saints  ;  les  cantons  catlioliques  suivirent  longtemps  cette 
coutume,  et  la  bannière  de  Schwytz  fut  ainsi  ornée  de  la  croix 
el  des  autres  attributs  de  la  crucifixion  par  concession  de 
l'empereur  Rodolphe  de  Habsbourg.  Toutefois,  l'écusson  resta 
sans  aucune  charge  jusqu'à  la  fin  du  XVII^  siècle,  époque  où 
cette  croix  brodée  ou  peinte  passa  dans  les  armoiries  sous  la 


6 

forme  d'une  croiselte  d'argent  à  l'un  des  cantons  du  chef  de 
l'écu.  Aucune  trace  d'un  arrêté  des  Conseils  de  Schwytz  or- 
donnant celte  adjonction  n'a  été  retrouvée,  on  en  ignore  donc 
la  date  précise;  en  outre,  le  côté  où  doit  se  trouver  celte 
croiselte  n'a  pas  non  plus  été  fixé  dans  l'origine,  on  la  voit 
tanlôt  au  canton  dexlre  tantôt  au  canton  senestre  du  chef;  ce 
n'est  que  dans  le  siècle  dernier  que  l'usage,  contrairement  à 
la  règle  héraldique,  l'a  placée  au  canton  senestre,  tandis  que  la 
bannière  la  porte  près  de  la  hampe. 

Les  anciens  sceaux  de  Schwytz  ne  représentent  pas  les  ar- 
mes du  pays,  mais  le  patron  du  bourg,  St.-Martin,  partageant 
son  manteau.  La  couleur  nationale  est  le  rouge. 

Les  armes  iVUri  sont  d'or  a  une  tête  de  taureau,  ou  plutôt 
d'aurochs,  de  sable,  bouclée  et  lampassée  de  gueules.  Les 
sceaux  et  les  bannières  ont  toujours  été  semblables,  seule- 
ment, comme  nous  l'avons  déjà  dit,  la  tradition  prétend  que  les 
couleurs  ont  changé,  qu'autrefois  le  champ  était  rouge  et  la 
tête  d'aurochs  blanche;  ce  serait  par  concession  impériale  que 
les  libres  habitants  d'Uri,  relevant  immédiatement  de  l'empire, 
en  auraient  reçu  les  couleurs.  Sur  tous  les  monuments  la  tête 
de  taureau  est  vue  de  face ,  excepté  sur  un  fort  ancien  sceau 
triangulaire  où  elle  est  posée  en  profil. 

La  signification  de  ces  armoiries  a  été  l'objet  de  plusieurs 
interprétations.  On  les  fait  venir  d'un  ancien  peuple  qui  se  se- 
rait appelé  Taurisci,  ou  du  nom  d'Uri,  qui  est  le  même  mot 
(\u' Aurochs,  Uroclis,  ou  Urus,  ce  qui  rendrait  les  armes  d'Uri 
parlantes.  Nous  ne  repoussons  aucune  de  ces  explications;  mais 
celle  qui  nous  semble  le  mieux  convenir,  c'est  que  nous  avons 
ici  l'emblème  de  la  conquête  opérée  par  les  colons  cimbres, 
Scandinaves  ou  alémanniques,  sur  le  pays  habité  par  des  bêtes 
sauvages  dont  l'aurochs  est  le  représentant  le  plus  caractéristi- 
que. La  boucle  que  l'animal  porte  dans  son  muffle  passe  pour 
être  de  concession  papale:  elle  indique  l'asservissement  de  la 


nature  sauvage  par  la  civilisation  que  les  colons  y  ont  appor- 
tée. La  langue  de  gueules  qui  sort  de  la  bouche  de  l'aurochs 
est  presque  toujours  omise,  c'est  une  faute;  les  anciens  sceaux 
et  drapeaux  se  gardent  bien  de  la  laisser  de  côté. 

L'ancienne  bannière  d't/ji<erimWm  était  rouge  et  blanche, 
comme  nous  l'avons  dit  ;  c'est  encorer  maintenant  celle  d'Ob- 
walden.  On  y  a  ajouté  la  pièce  principale  des  armoiries,  laquelle 
se  retrouve  sur  les  sceaux,  une  clef.  Une  légende  prétend  que 
celle-ci  est  un  présent  du  pape  Anastase  qui  aurait  donné  aux 
Unterwaldois  ses  propres  armes,  en  récompense  de  ce  qu'ils 
auraient  repoussé  les  armées  d'Alaric,  roi  des  Golhs.  Nous  n'a- 
vons pas  besoin  d'insister  sur  le  peu  de  probabilité  de  ce  fait, 
pour  adopter  une  origine  beaucoup  plus  logique.  Le  Canton 
est  sous  l'invocation  de  St.  Pierre  ;  l'Église  de  Stanz,  ancienne 
capitale  de  tout  le  pays,  est  consacrée  à  cet  apôtre,  on  a  donc 
mis  sur  le  sceau  et  ensuite  sur  les  armoiries,  son  emblème, 
c'est-à-dire  la  clef.  Quand  le  Canton  se  divisa  en  deux  por- 
tions, Obwalden  conserva  la  bannière  rouge  et  blanche  et  le 
vieux  sceau  portant  une  clef  ;  souvent  il  prit  pour  écusson  le 
champ  coupé  gueules  et  argent  de  sa  bannière,  sans  aucune 
charge;  plusieurs  monuments  le  portent  ainsi.  La  clef  est 
quelquefois  représentée  ayant  son  paneton  tourné  à  senestre,. 
on  la  voit  ainsi  sur  le  portail  de  l'hôtel  de  ville  de  Sarnen  ; 
sur  les  sceaux  il  est  tourné  à  dextre,  c'est  ce  qui  a  déterminé 
sa  position  sur  les  vitraux  du  palais  fédéral. 

Depuis  que  la  dévotion  à  Nicolas  de  Flue  s'est  popularisée 
dans  le  Canton,  on  a  aussi  peint  sur  les  drapeaux  l'image  de  cet 
homme  de  bien,  mais  elle  n'a  pas  figuré  sur  les  armes. 

Nidwalden  a  pris  la  bannière  toute  rouge  des  anciens  colons 
et  l'a  chargée  des  deux  clefs  de  St.  Pierre  transformées  en  une 
clef  à  double  paneton  et  cela  comme  brisure  des  anciennes  ar- 
mes conservées  par  Obwalden  ;  il  a  fait  figurer  cette  bannière  sur 
son  écusson  et  a  pris  pour  sceau  l'image  de  St.  Pierre.  Chaque 


•  8 

demi-canlon  a  donc  son  blason  particulier  el  c'est  une  faute 
que  de  réunir  les  deux  armoiries  en  une,  comme  cela  se  voit 
même  sur  les  bords  du  lac  desQuatre-Cantons  où  l'on  place  sou- 
vent la  double  clef  de  Nidwalden  sur  le  champ  coupé  d'Ob- 
■vvalden.  Les  armes  du  canton  doivent  se  blasonner  ainsi  : 

Parti  au  1 ,  coupé  gueules  el  argent  à  la  clef  de  l'un  à  l'au- 
tre posée  en  pal,  le  paneton  tourné  h  dextre,  qui  est  d'Obvval- 
den  ;  au  2,  de  gueules  à  la  clef  d'argent  en  pal  à  double  pa- 
neton qui  est  de  Nidwalden. 

Une  tradition  qui  existe  dans  les  Petits  Cantons,  mais  qui 
n'est  confirmée  par  aucun  document,  parle  d'anciennes  armoi- 
ries qui  auraient  été  pour  Scbwjtz  une  vache,  pour  Unterwal- 
den  un  veau,  Uri  portant  toujours  ie  taureau.  Il  est  plus  pro- 
bable que  celte  tradition  repose  sur  quelque  légende  ou  cban* 
son  dans  laquelle  on  se  sera  servi  de  ces  emblèmes  pour  expri- 
mer les  rapports  intimes  qui  existent  entre  les  trois  Éiats  fon- 
dateurs de  la  Confédération. 

Après  avoir  étudié  les  trois  cantons  primitifs,  nous  en  trou- 
vons trois  autres  dont  les  armoiries  azur  el  argent  ont  la  plus 
grande  analogie  entre  elles  ;  ce  sont  Lucerne,  Zurich  et  Zug. 
La  situation  des  trois  chefs-lieux  au  bord  de  leurs  lacs  ayant 
aussi  une  grande  similitude,  c'est  là  qu'il  faut  chercher  la  si- 
gnificaiion  de  leurs  armes ,  où  le  bleu  représente  l'eau  et  le 
blanc  la  terre.  La  partition  de  l'écu  de  Zurich  tranché  argent 
et  azur  est  l'image  du  lac  qui  court  du  Sud-Est  au  Nord-Ouest. 
Pour  Lucerne  l'écu  es>l parti  azur  et  argent,  ce  qui  n'est  pas 
conforme  à  la  situation  respective  de  la  ville  el  du  lac,  mais  en 
revanche  s'accorde  bien  avec  l'ancienne  bannière  de  Lucerne 
coupée  (et  non  partie)  argent  et  azur.  Quant  à  Zug,  d'argent 
à  la  fasce  d'azur,  la  signification  est  la  même,  comme  le 
prouve  l'écusson  de  l'ancienne  commune  souveraine  d'Egeri 
située  dans  le  même  canton  et  aussi  sur  le  bord  d'un  lac;  cet 
écusson  est  le  même  que  celui  de  Zug,  avec  cette  différence 


9 

que  la  fasce  esl  chargée  d'un  bateau,  c'esl  donc  bien  une 
étendue  d'eau  qu'elle  doit  représenter. 

Sur  les  sceaux  de  Zurich  sont  gravées  les  images  des  trois 
saints,  Félix,  Régula  et  Exuperanlius,  ou  seulement  des  deux 
premiers,  portant  leurs  tôles  coupées  dans  leurs  mains;  sur 
ceux  de  Lucerne  on  voit  le  martyre  de  Si.  Leodegarou  Léger, 
patron  de  la  ville;  ceux  de  Zug  portent  la  fasce. 

Les  armes  des  Cantons,  peintes  ou  sculptées,  sont  ordinai- 
rement ornées  de  supports,  et  cela  surtout  si  l'écusson  est 
très-simple.  Les  supports  introduits  plus  tard  que  les  armes 
offrent  rarement  une  particularité  digne  d'être  remarquée  et  ne 
sont  nullement  obligatoires,  presque  toujours  ce  sont  des  lions; 
nous  ne  les  mentionnerons  que  quand  ils  offriront  quelque 
intérêt.  Ceux  de  Zurich,  qui  sont  des  lions,  accompagnent 
presque  toujours  Técu,  et  les  Zuricois  les  prennent  volontiers 
pour  emblèmes  ;  depuis  la  bataille  de  Dàllwyl  ils  portent  des 
j)almes  en  signe  de  courage  victorieux. 

Les  supports  de  Lucerne  méritent  une  mention  particu- 
lière. Anciennement  l'écu  était  tenu  par  un  moine  comme  signe 
des  droits  de  souveraineté  exercés  sur  la  ville  et  le  chapitre 
par  l'abbé  du  couvent  de  Murbach  dans  la  haute  Alsace.  Quand 
l'abbé  Berthold  de  Falkenstein  céda  ses  droits  à  l'empereur 
Rodolphe  de  Habsbourg,  le  moine  fut  remplacé  par  des  lions, 
lesquels  disparurent,  lorsqu'en  1577  on  découvrit,  en  abat- 
tant un  chêne  à  Reiden,  dans  le  canton  de  Lucerne,  des  os- 
sements gigantesques  de  mammifères.  Les  paléontologistes  de 
l'époque  attribuèrent  ces  ossements  à  une  peuplade  de  géants, 
qui  auraient  été  les  habitants  primitifs  de  la  contrée  et  on 
adopta  pour  tenants  de  l'écu  de  la  ville,  des  géants  ou  sau- 
vages. 

Les  armoiries  de  Glaris  représentent  l'image  de  St.  Fridolin, 
premier  missionnaire  du  christianisme  dans  la  vallée.  Venu 
d'Irlande  avec  Gall  et  Colomban,  il  prêcha  l'Évangile  en  beau- 


10 

coup  de  localités,  voyageant  continuellement  et  fondant  partout 
des  églises  et  des  monastères.  Il  reçut  à  cause  de  sa  grande 
activité  le  surnom  du  Pèlerin.  Les  seigneurs  de  Claris,  après 
l'avoir  maltraité  et  chassé  lorsqu'il  était  venu  évangéliser  leur 
contrée,  se  repentirent  et  lui  léguèrent  leurs  droits  de  souverains, 
qu'il  donna  lui-même  à  l'abbaye  de  Sàckingen,  une  de  ses  fon- 
dations. En  mémoire  de  cette  légende,  Glaris  porte  en  champ 
de  gueules,  couleur  des  conquérants  Scandinaves,  la  figure  du 
saini  vêtu  en  pèlerin  avec  son  bâton  blanc  et  la  Bible  h  la  main. 
On  a  quelquefois  transformé  le  bàion  en  crosse  :  c'est  une  er- 
reur, jamais  Fridolin  n'a  revêtu  la  dignité  d'évêque,  il  ne  doit 
donc  pas  en  porter  les  insignes.  On  ne  doit  pas  non  plus  met- 
tre sur  le  collet  du  pèlerin  les  coquilles  traditionnelles  qui  n'é- 
taient portées  que  par  ceux  qui  revenaient  de  la  Ïerre-Sainte. 
L'image  de  Fridolin  se  voit  sur  les  sceaux  et  sur  les  bannières; 
les  couleurs  nationales  sont  le  rouge,  avec  une  raie  ou  écharpe 
noire  et  blanche. 

Après  Glaris  vient  Berne,  dont  chacun  connaît  le  bel  et  ca- 
ractéristique écusson.  La  légende  donne  pour  origine  à  ces  ar- 
moiries l'ours  tué  par  Berlhold  V  de  Zaehringen,  sur  l'emplace- 
ment même  où  il  fit  élever  la  ville.  N'a-t-il  pas  plutôt  pris  pour 
emblème  le  plus  puissant  des  animaux  carnassiers  de  notre 
contrée,  pour  exprimer  ainsi  qu'il  entendait  que  sa  ville  se  ren- 
dît redoutable  a  toute  la  petite  noblesse  des  environs?  L'his- 
toire a  donné  raison  au  choix  de  Berlhold  ;  ils  sont  nombreux, 
ceux  qui,  nobles  ou  vilains,  ont  senti  qu'il  était  dangereux  de 
tomber  sous  la  patte  de  l'ours  de  Berne!  Dans  l'origine,  l'ours 
de  sable  était  passant  dans  un  champ  d'argent,  et  les  couleurs 
le  noir  et  le  blanc  (PI.  il,  fig.  1).  A  la  bataille  de  la  Schoss- 
halde,  en  1288,  la  bannière  blanche  fut  roupie  du  sans;  du 
banneret  Walo  de  Greyerz;  en  commémoration  de  ce  fait,  le 
champ  fut  de  gueules  et  l'ours  passant  dans  une  bande  d'ar- 
gent posée  sur  ce  champ.  En  même  temps  la  république  adopta 


il 

pour  couleurs  le  rouge  et  le  noir.  Peu  de  temps  après  la  bande 
fut  d'or,  probablement  par  concession  impériale,  mais  on  ignore 
l'époque  précise  de  cette  transformation.  Dès  le  principe  l'ours 
a  toujours  été  lampassé,  armé  et  vilené  de  gueules. 

De  toutes  les  armes  h  nous  connues,  aucune  n'est  plus  po- 
pulaire que  l'ours  de  Berne;  les  Bernois  sont  fiers  de  leur  em- 
blème et  s'en  servent  en  toute  occasion.  Ils  l'ont  pris  comme 
support  de  leur  écusson  ;  la  municipalité  entrelient  des  ours 
vivants  dans  les  fossés  de  la  ville  ;  dans  les  rues  on  en  voit  a 
chaque  pas  en  pierre,  en  bronze,  en  bois,  ou  en  plâtre;  chaque 
bourgeois  tient  à  honneur  d'en  orner  sa  demeure. 

L'adjonction  de  la  ville  de  Berthold  V  termina  l'ancienne 
Confédération  des  huit  cantons.  Ce  ne  fut  que  130  ans  après 
que  la  Suisse  s'agrandit  en  recevant  dans  son  sein,  comme  9^ 
et  10®  cantons,  la  ville  de  Berlhold  IV  et  celle  des  saints  Urs 
et  Victor. 

Fribourg  eut  dès  sa  fondation  deux  armoiries  distinctes, 
celle  de  la  bannière  et  celle  du  sceau.  La  bannière  était  noire 
et  blanche  ;  ces  sombres  couleurs  étaient  en  faveur  auprès  des 
Zœhringen,  car  elles  sont  celles  des  bannières  des  trois  villes 
fondées  en  Suisse  par  celle  famille,  savoir  :  Fribourg,  Ber- 
thoud  et  Berne  (anciennes  armes).  Cela  devait  ou  être  un  signe 
de  défi  et  de  deuil  adressé  aux  nobles  des  environs,  ou  indi- 
quer le  contraste  entre  la  terre  cultivée  de  la  plaine,  fréquem- 
ment représentée  par  le  noir,  et  les  neiges  et  glaces  des  Alpes 
au  sud  de  l'Uechiland. 

Le  sceau  représentait  un  château  de  trois  tours  crénelées  ; 
ces  armes  parlantes  étaient  l'image  de  la  forteresse  bâtie  parle 
duc  de  Zgehringen  sur  l'emplacement  où  est  actuellement  le 
collège,  et  qui  a  donné  son  nom  a  la  ville  {Freie  Burg). 

De  là  deux  écussons,  l'un,  militaire,  coupé  sable  et  argent 
(dessiné  sur  la  PI.  I),  a  toujours  figuré  sur  les  peintures,  les 
monuments  et  les  vitraux  représentant  Fribourg,  ville  souve- 


12 

raine  et  membre  du  Corps  helvétique  ;  tandis  que  le  second 
écusson,  d'azur  au  cliâleau  de  trois  tours  crénelées  d'argent 
(PI.  II,  fig.  3)  signifiait  Fribourg  municipale.  Ce  cliâleau  est  ac- 
compagné en  pointe  d'un  anneau  de  même,  mouvant  de  la  base 
de  la  tour  du  milieu;  on  ignore  le  sens  de  cette  pièce,  qui  ne  se 
trouve  pas  sur  les  monuments  les  plus  anciens  et  paraît  intro- 
duite au  ik^  siècle.  En  outre  sur  les  anciens  sceaux  de  Fri- 
bourg, le  château  est  surmonté  d'un  écu  chargé  d'un  aigle  et 
d'une  bordure  sur  laquelle  on  reconnaît  quelques  traits  oudés 
ou  en  zigzag.  Plus  lard  l'aigle  n'a  plus  été  dans  un  écu  bordé. 
On  a  voulu  voir  là  l'aigle  impériale,  mais  alors  pourquoi  cette 
bordure?  M.  le  D*"  Stanz  en  donne  l'explication  en  disant  que 
ce  n'est  pas  l'aigle  de  l'empire  mais  les  anciennes  et  authenti- 
ques armes  de  la  maison  de  Zaehringen  portées  aussi  par  les 
comtes  de  Fribourg  en  Brisgau,  et  représentant  un  aigle  de  sa- 
ble en  champ  d'or  à  la  bordure  nébulée  gueules  et  argent.  Cet 
écu  placé  dans  le  sceau  de  Fribourg  rappelle  ainsi  le  fonda- 
teur de  la  ville. 

Dans  le  17®  siècle  le  gouvernement  réunit  en  un  seul  écus- 
son écartelé  les  deux  armoiries,  cela  a  duré  jusqu'à  la  fin  du 
siècle  dernier;  maintenant  elles  sont  séparées  mais  subsistent 
toutes  deux  ;  le  canton  porte  coupé  sable  et  argent,  la  ville 
porte  d'azur  aux  irois  tours  d'argent. 

Les  couleurs  de  Fribourg  participaient  des  deux  écussons  et 
étaient  auirefois  le  noir  ei  le  bleu,  quoique  le  drapeau  fut  an- 
ciennement noir  et  blanc.  Il  en  est  résulté  que  souvent  on  a 
représenté  à  tort  l'écusson  de  Fribourg  coupé  sable  et  azur. 
Depuis  la  révolution  de  1830  les  couleurs  des  armes  canto- 
nales ont  été  employées  pour  tous  les  usages. 

La  ville  de  Soleure  est  sous  l'invocation  de  St.  Urs,  un  des 
officiers  échappés  au  massacre  de  la  légion  ihébaine.  La  légende 
dit  que,  poursuivi  parles  émissaires  de  Maximin,  il  fui  atteint 
ainsi  que  son  camarade  Victor  et  décapité  sur  l'emplacement 


13 

où  est  bâtie  la  cathédrale  de  Soleure.  Les  reliques  de  ces  mar- 
tyrs étaient  déposées  à  Genève  dans  l'église  du  prieuré  de  St. 
Victor.  Les  anciens  sceaux  de  Soleure  représentent  St.  Urs 
portant  la  bannière  de  la  légion,  sur  laquelle  on  dislingue  la 
croix  Iréflée,  emblème  du  légionnaire  Maurice  ;  le  même  bla- 
son figure  sur  le  bouclier  de  St.  Urs.  Celle  croix  a  disparu  plus 
tard  de  la  bannière  pour  être  remplacée  par  les  couleurs 
seules,  et  cette  bannière  a  forme  les  armoiries  de  Soleure,  qui 
sont  coupées  gueules  et  argent. 

Les  armes  de  Bâle  sont  dérivées  de  celles  de  son  prince- 
évêque,  lequel  portail  en  champ  d'argent  sa  crosse  de  gueules 
tournée  à  senestre  (PI.  II,  fig.  7).  Comme  brisure,  la  ville  prit 
la  crosse  de  sable  et  vers  1380  on  la  tourna  a  dextre.  Une 
autre  opinion ,  qui  est  très-vraisemblable,  veut  que  la  figure 
qui  cbarge  l'écusson  de  la  ville  soit  non  la  crosse  mais 
l'étui  ou  écrin  dans  lequel  on  la  renferme.  Dans  ce  cas 
la  couleur  noire  serait  justifiée,  et  comme  emblème,  rien  ne 
représente  d'une  manière  plus  satisfaisante,  la  ville  et  la  bour- 
geoisie entourant  et  protégeant  sa  cathédrale  et  son  évêque, 
que  l'étui  enveloppant  la  crosse. 

La  terminaison  en  trois  pointes  du  pied  de  la  crosse  a  été 
l'objet  des  études  des  héraldisles  bâiois;  ils  ont  cru  y  voir  un 
croc  de  marinier,  qui  serait  le  symbole  des  droits  que  Bâle 
exerçait  sur  les  pêcheurs  et  bateliers  du  Rhin.  Celle  origine 
peut  être  vraie,  mais  il  est  plus  probable  que  ce  n'est  qu'un 
ornement  qui  termine  la  crosse,  ou  la  douille  qui  l'assujettit  h 
son  manche.  On  est  surtout  disposé  a  admettre  celle  opinion, 
quand  on  examine  les  plus  anciens  monuments  où  l'on  voit  les 
armes  de  Bâle,  et  en  particulier  les  anciens  sceaux  des  bourg- 
mestres. La  figure  de  la  planche  I  est  copiée  sur  l'un  de  ces 
sceaux,  ainsi  que  celle  qui  est  peinte  à  la  salle  du  Conseil  des 
États. 

Ces  sceaux  des  bourgmestres  ne  sont  pas  l'ancien  sceau 


14 

de  l'Élal.  Ce  dernier  porle  une  image  de  la  cathédrale  de 
Bâie  ;  celui  dit  sùjiUum  secrelum,  porte  deux  personnages  cou- 
ronnés qui  sont  un  saint  et  une  sainte,  ou  peut-être  l'empereur 
Henri  II  et  son  épouse. 

L'écnsson  de  Bâle  est  supporté  par  un  animal  fabuleux, 
sorte  de  dragon  ailé  appelé  BasiUsk.  La  présence  de  cet  ani- 
mal rend  les  armes  de  Bâle  parlantes. 

Outre  Bâle  et  son  évèque,  plusieurs  villes  et  bourgs  du 
diocèse  portent  la  même  crosse;  ainsi  Delémont,  LaiifTon, 
Liestal,  Olten,  etc.  Des  armes  de  Liestal,  les  habitants  de 
Bâle-Campagne  ont  fait  l'écusson  de  leur  demi-canton;  la  crosse 
de  gueules  est  tournée  à  senestre,  et  autour  de  la  partie  supé- 
rieure sont  sept  perles  ou  volutes  tenant  à  la  pièce  principale 
par  une  tige  très-courte.  Ces  accessoires  existaient  déjà  sur  les 
armes  de  Liestal,  elles  ont  été  portées  a  sept  pour  rappeler  le 
nombre  des  districts  du  canton  ;  c'est  à  tort  qu'on  les  place 
ordinairement,  même  dans  le  canton  de  Bâle,  sous  forme  de 
sept  tourteaux  isolés  de  la  crosse. 

Les  armoiries  des  deux  demi-cantons  sont  réunies  dans  un 
écu  parti  au  1  de  Bâle-Ville  et  au  2  de  Bâle-Campagne. 

Nous  trouvons  à  Scliaffliouse  la  même  particularité  qu'à 
Fribourg,  savoir  deux  armoiries  ;  seulement  ici  elles  ont  une 
grande  analogie.  L'une  (voir  PI.  l)  est  d'or  au  bélier  ram- 
pant de  sable  armé  et  couronné  d'or,  l'autre  (PI.  II,  fig.  4) 
porte  en  champ  d'or  un  demi-bélier  de  sable  mouvant  d'une 
maison  ou  d'un  château  d'argent  ou  au  naturel,  placé  à  se- 
nestre sur  une  terrasse  de  sinople.  Dans  les  anciens  monu- 
ments le  bélier  mouvant  de  la  maison  était  slationnaire,  plus 
lard  il  est  figuré  s'élançant  ;  celte  modification  doit  avoir  été 
introduite  par  concession  impériale.  De  même  une  autre  con- 
cession a  remplacé  par  un  champ  d'or  l'ancien  champ  qui  de- 
vait être  d'argent. 

Ces  armes  sont  faussement  parlantes,  elles  viennent  d'une 


15 

interprélalion  inexacte  du  mol  Scfmfflwusen  comme  dérivé  de 
Scliaf,  mouton,  et  //aus,  maison.  Un  abbé  du  couvent  de  Tous- 
les-Saints  avait  déjà,  au  12^  siècle,  commis  celte  erreur  d'éty- 
mologie  en  écrivant  Omdomensis  au  lieu  de  Scapliusiensis,  et  il 
parie  du  bélier  sortant  d'une  maison  comme  étant  l'emblème 
de  la  ville.  Il  explique  même  que,  si  on  a  placé  un  bélier  au 
lieu  du  mouton  ou  de  la  brebis  que  le  vrai  sens  du  mot  au- 
rait dû  faire  employer,  cela  tient  à  ce  que  le  couvent  de  Ste- 
Agnès  portait  déjà  une  brebis  dans  ses  armes. 

Le  bélier  immobile  se  trouve  dans  les  sceaux  les  plus  an- 
ciens, et  est  sculpté  en  relief  sur  la  façade  de  l'antique  hôtel  de 
ville.  Le  bélier  sautant  paraît  pour  la  première  fois  sur  un 
sceau  du  15^  siècle,  qui  est  encore  aujourd'hui  le  sceau  de 
l'État. 

L'écusson  cantonal  qui  a  toujours  figuré  sur  toutes  les  pein- 
tures où  Schafîhouse  est  représenté  comme  État  souverain  et 
membre  du  Corps  helvétique,  lire  son  origine  de  la  bannière 
qui  n'a  jamais  porté  que  le  bélier  de  sable  rampant,  sans  mai- 
son ni  château.  Celle  qui  fut  perdue  à  la  bataille  de  Sempach, 
et  qui  est  encore  conservée  à  Lucerne  est  déjà  ainsi.  La  cou- 
ronne et  les  cornes  d'or  sont  une  concession  du  pape  Jules  IL 

Maintenant  les  deux  armoiries  subsistent  comme  a  Fribourg; 
l'écusson  de  la  bannière,  le  bélier  libre  en  champ  d'or  est  em- 
ployé  pour  le  canton,  et  le  demi-bélier  mouvant  d'un  château 
compose  les  armes  de  la  ville. 

Les  couleurs  de  Schaffhouse  seraient  noir  et  or  si  l'on  ob- 
servait toujours  la  loi  qu'elles  doivent  être  conformes  à  celles 
de  l'écu  ;  au  lieu  de  cela  elles  sont  le  noir  et  le  vert.  Cela  vient 
de  ce  que  le  champ  était  autrefois  blanc,  et  qu'on  a  pris  pour 
couleurs  celle  du  bélier  et  celle  de  la  terrasse  sur  laquelle  il  est 
posé  dans  l'écusson  municipal. 

Le  dernier  des  XIII  cantons  de  l'ancienne  Lia^ue  est  celui 
é'Appenzell,  qui  porte  d'argent  à  l'ours  rampant  de  sable.  Ces 


1(5 

armes  sont  les  mêmes  à  peu  de  chose  près  que  celles  de  l'abbé 
de  Sl-Gall,  de  la  ville  de  St-Gall  et  de  beaucoup  de  localités 
du  voisinage  ;  leur  origine  est  commune.  Toutes  ces  villes  et 
bourgs  étaient  en  etlet  autrefois  sous  la  domination  du  prince- 
abbé,  et  l'ours  est  celui  de  la  légende  de  Gall,  qui  comme  on  le 
sait  fut  l'apôlre  du  christianisme  dans  le  pays.  Gall  avait  bâti  sa 
cellule  au  bord  du  torrent  de  la  Sleinach  et  il  y  fut  un  jour  sur- 
pris par  un  ours,  auquel  il  ordonna  d'aller  chercher  du  bois  ; 
l'ours  obéit  et  en  récompense  le  saint  homme  lui  donna  un 
pain.  L'ours  est  donc  l'emblème  de  St.  Gall  comme  la  clef 
celui  de  St.  Pierre  et  le  porc  celui  de  St.  Antoine. 

Sur  les  sceaux  de  l'abbaye  on  voit  l'image  du  saint  accom- 
pagné de  l'ours  qui  porte  la  pièce  de  bois  ou  le  pain,  sur  les 
sceaux  et  armoiries  des  communes  le  saint  est  sous-entendu, 
il  n'y  a  que  l'ours.  Stumpf  prétend  qu'avant  leur  émancipa- 
tion les  Appenzellois  portaient  l'ours  passant,  et  qu'ils  l'ont 
dressé  sur  ses  pattes  de  derrière  en  signe  d'affranchissement  ; 
cette  interprétation  n'est  pas  satisfaisante,  parce  que  le  seul 
monument  où  l'on  trouve  l'ours  passant  est  un  ancien  sceau 
contemporain  ou  même  postérieur  à  d'autres  qui  portent  l'ours 
rampant.  Il  faut  s'en  tenir  à  ce  que  la  position  debout  était 
celle  de  l'ours  obéissant  aux  ordres  du  saint.  L'ours  d'Appenzell 
est  presque  aussi  populaire  que  celui  de  Berne,  seulement  les 
Appenzellois  qui  ont  une  prédilection  pour  les  diminutifs  l'ap- 
pellent volontiers  clas  Bàrli  au  lieu  de  der  Bar. 

Les  deux  demi-cantons  d'Appenzell  ont  conservé  les  mêmes 
armes,  seulement  celui  des  Rhodes-Extérieures  place  dans  le 
champ  de  l'écûsson  des  deux  côtés  de  l'ours  les  deux  lettres 
latines  VR,  initiales  des  mots  Usser  Rlioden^  écrits  ainsi  suivant 
l'ancienne  orthographe  et  la  prononciation  suisse.  Maintenant 
on  tend  à  substituer  l'A  au  V  ou  à  l'U  comme  plus  conforme 
à  la  grammaire  [Àusser  Rhoden).  Les  Rhodes-Intérieures  n'a- 
joutent ordinairement  rien  a  leur  Bârli. 

La  complète  analogie  des  armes   des  deux   Appenzell   fait 


17 

qu'on  ne  les  sépare  pas  clans  un  écn  parti  comme  Unterwalden 
et  Bâie;  il  serait  plus  conforme  aux  lois  de  l'héraldique,  de  le 
faire,  quand  même  on  devrait  répéter  les  mêmes  figures  sur 
chaque  partition. 

Dans  les  nouveaux  cantons  qu'il  nous  reste  à  passer  en  re- 
vue, nous  trouverons  ce  que  nous  n'avons  pas  encore  rencon- 
tré, ce  sont  des  armoiries  modernes.  Elles  ont  cependant  pres- 
que toutes  une  signification  et  une  origine  historiques. 

Le  canton  de  Sainl-Gall  est  le  premier  dont  les  armes  soient 
dans  ce  cas.  Il  fut  formé  en  1802  par  l'agrégation  un  peu 
arbitraire  de  huit  provinces  qui  avaient  entre  elles  peu  de  rap- 
ports; ces  pays  étaient  :  l^la  ville  libre  de  Saint-Gail  alliée  des 
Suisses  ;  2»  le  pays  sujet  du  prince-abbé,  appelé  Furslenland, 
comprenant  aussi  le  Toggenbourg,  comté  libre  sous  la  suzerai- 
neté de  l'abbé  ;  3*^  le  pays  de  Gaster,  sujet  des  cantons  de 
Claris  et  Schwytz;  4"  le  Rheinlhal,  bailliage  commun  aux  huit 
anciens  cantons  et  à  Appenzell;  3"  le  bailliage  de  Sax,  appar- 
tenant à  Zurich;  6°  le  comté  de  Sargans,  bailliage  commun  ; 
7^  le  comté  de  Werdenberg,  appartenant  à  Glaris,  8^  le  comté 
de  Rapperschwyl,  bailliage  libre  sous  la  suzeraineté  de  Zurich, 
Berne  et  Glaris.  Pour  représenter  ces  différents  pays  réunis  en 
un  seul,  le  nouveau  canton  se  donna  pour  écusson,  en  champ 
de  sinople,  un  faisceau  de  licteurs  d'argent  composé  de  8  bâ- 
tons liés  par  un  ruban  de  l'émail  du  champ. 

Les  armes  des  Grisons  paraissent  au  premier  coup  d'œil 
fort  compliquées,  mais  à  l'examen  elles  se  simplifient  considé- 
rablement. Elles  se  composent  des  trois  armes  bien  distinctes 
des  trois  ligues  Rhéliennes  ;  la  ligue  Caddée  ou  de  la  Maison 
Dieu,  la  ligue  Grise  ou  Supérieure,  et  celle  des  Dix  Droitures 
ou  des  Dix  Juridictions.  Leur  prééminence  a  été  l'objet  d'un 
débat  entre  la  ligue  Caddée  et  la  ligue  Crise,  et  tranchée  en 
faveur  de  la  première  par  un  jugement  de  la  troisième  prise 
Tome  XV,  V^  part.  2 


IS 

comme  arbitre,  conformémenl  au  traité  d'union.  Les  raisons  de 
cette  prééminence  furent  d'abord  la  circonstance  que  la  ligue 
Caddée  possède  l'évêché  et  la  principale  ville,  ensuite  celle  que 
ses  députés  étaient  arrivés  les  premiers  au  rendez-vous  de  Va- 
serol,  quand  les  trois  ligues  prêtèrent  le  serment  d'union  entre 
elles.  C'est  pour  cette  raison  que  l'écusson  de  la  ligue  Caddée 
est  au  centre,  celui  de  la  ligue  Grise  a  dextre,  celui  de  la  ligue 
des  Dix  Juridictions  à  séoeslre. 

Quand  on  représente  isolément  les  armes  des  Grisons,  les 
trois  écussons  sont  simplement  rangés  a  côté  l'un  de  l'autre, 
liés  par  un  ruban  que  termine  un  nœud  empoigné  par  trois 
mains  entrelacées,  comme  signe  de  l'union  des  trois  ligues  en 
un  État  fédératif.  Quand  on  fait  un  tableau  des  armoiries  de 
tous  les  cantons,  on  est  conduit  par  analogie  à  réunir  les  trois 
ligues  en  un  seul  écusson,  et  on  le  fait  en  les  plaçant  dans  un 
champ  d'argent,  ou,  ce  qui  est  moins  fréquent,  en  tierçant  le 
champ  en  pal  et  en  introduisant  une  ligue  dans  chaque  parti- 
tion. En  outre  chaque  ligue  avait  un  support  ou  tenant,  qu'on 
peut  mettre  ou  supprimer  à  volonté. 

La  ligue  de  la  Maison  Dieu  porte  d'argent  au  bouquetin  de 
sable.  Cet  animal,  autrefois  si  commun  et  maintenant  si  rare, 
caractérise  parfaitement  le  pays  des  Grisons,  couvert  de  bois, 
de  rochers,  de  glaciers,  de  neiges  éternelles  et  séjour  favori 
du  chamois  et  du  bouquetin.  En  outre  le  bouquetin  est  un 
animal  courageux  et  digne  d'être  pris  pour  emblème  par  les 
montagnards  de  l'Engadine,  il  ne  fuit  pas  devant  l'ennemi 
comme  le  chamois,  mais  l'attend  de  pied  ferme.  C'est  son  cou- 
rage qui  a  occasionné  sa  destruction  presque  complète,  tandis 
que  le  chamois  est  encore  abondant,  malgré  le  grand  nombre 
qu'on  en  tue. 

Le  tenant  de  la  ligue  Caddée  était  une  image  de  la  vierge 
Marie  avec  l'enfant  Jésus,  en  mémoire  de  la  cathédrale  de  Coire, 
chef-lieu  de  la  ligue,  laquelle  est  sous  l'invocation  de  Notre- 


19 

Dame.  Comme  la  |)resque  totalité  des  iiabitanls  embrassa  la 
réforme,  celte  image  fui  supprimée.  C'est  à  lorl  que  l'on  voit 
dans  beaucoup  de  peintures,  le  champ  de  l'écu  gueules  ou  or, 
il  est  d'argent  ;  c'est  en  elï'el  sur  un  fond  de  neige  ou  de 
glace  que  doit  être   représenté  le  bouquetin. 

La  bannière  de  la  ligue  Grise  était  de  la  couleur  de  son  nom, 
ou  blanche  et  grise.  On  prétend  que  l'origine  du  nom  et  de  la 
couleur  vient  des  vêtements  que  portaient  les  fondateurs  de  la 
ligue  au  serment  de  Trons  ;  ces  vêtements  étaient,  dit  la  tra- 
dition, en  fourrure  grise  pour  les  nobles  et  en  laine  grise  pour 
les  bourgeois  el  paysans.  Cette  couleur  ne  figure  pas  parmi  les 
émaux  du  blason,  de  là  vient  que  l'écusson  de  la  ligue,  qui 
n'est  autre  chose  que  la  bannière,  est  parti  de  deux  couleurs 
qui  ont  souvent  varié  jusqu'à  ce  jour.  On  le  voit  parti  tantôt 
argent  et  azur,  tantôt  argent  el  sable,  tantôt  azur  et  sable  ;  ou 
encore  écartelé  des  mômes  émaux.  De  concert  avec  les  autori- 
tés du  canton,  M.  le  D*"  Stanz  a  tixé  ces  émaux  :  l'écu  est  parti 
argent  et  sable.  On  peut  à  cela  faire  une  objection  et  dire  que 
c'est  plutôt  l'azur  que  le  sable  qui  doit  en  blason  représenter  le 
gris;  en  effet  la  fourrure  appelée  en  héraldique  vair,  la  même 
que  les  pelletiers  appellent  le  petit  gris,  provient  d'un  animal 
dont  le  dos  est  gris  et  le  ventre  blanc,  et  la  fourrure  elle-même 
présente  en  conséquence  des  alternatives  de  ces  deux  couleurs; 
or,  en  blason,  chacun  sait  que  le  vair  est  figuré  par  une  sorte 
de  carrelage  dont  les  compartiments,  en  forme  de  cloches,  sont 
argent  el  azur.  Le  gris  devrait  donc  être  peint  de  ce  dernier 
émail. 

Certains  interprètes  ont  voulu  trouver  dans  l'écu  de  la  ligue 
Grise  l'image  du  Rhin  et  du  Glenner,  les  deux  rivières  qui  ar- 
rosent le  pays,  et  qui  se  rencontrent  tout  près  du  chef-lieu 
Ilanz;  mais  nous  ne  saurions  être  de  cet  avis. 

Le  tenant  de  l'écusson  de  la  ligue  Grise  est  le  patron  de  la 
contrée,  St.  George  transperçant  de  sa  lance  le  dragon.  Ordi- 


20 

nairement,  vu  les  exigences  de  la  symétrie,  on  est  obligé  de 
supprimer  le  dragon  couché  sous  l'écu  et  on  se  contente  de 
dessiner  l'image  du  saint  issant  au-dessus  du  chef. 

La  liyue  des  Dix  Juridictions  porte  écartelé  or  et  azur  a  la 
croix  de  l'un  à  l'autre.  Le  tenant  est  un  sauvage  saisissant  dans 
la  main  droite  un  étendard  aux  couleurs  de  l'écu,  et  dans  la 
main  gauche  un  sapin  déraciné.  Cette  croix  est  le  chiffre  ro- 
main Dix  (X)  et  devrait  par  conséquent  être  un  sautoir  et  non 
une  croix,  mais  dans  la  contrée  c'est  ainsi  qu'on  marque  le 
dix  encore  aujourd'hui.  Ce  sont  donc  des  armes  parlantes. 
Quant  au  sauvage  ou  géant,  il  a  la  même  origine  que  celui  de 
Lucerne,  savoir,  une  découverte  d'ossemenls  de  grands  mam- 
mifères trouvés  à  Alveneu  et  attribués  à  des  hommes  primitifs. 
Le  sapin  qu'il  tient  doit  avoir  dix  branches  en  mémoire  des  dix 
juridictions. 

Les  armes  complètes  des  Grisons  sont  donc  composées  des 
écussons  des  trois  ligues,  celui  de  la  ligue  Grise  appuyé  sur  la 
figure  de  saint  George,  celui  de  la  ligue  des  Dix  Juridictions 
sur  le  sauvage,  et  celui  de  la  ligue  Caddée  sans  support  ;  mais 
c'est  à  tort  qu'on  enferme  dans  un  écusson  a  part  les  deux  te- 
nants, de  manière  à  composer  les  armes  d'un  champ  coupé  au 
1  du  tenant ,  au  2  de  l'écu  ;  il  vaut  bien  mieux  supprimer 
complètement  les  supports,  ce  qui  se  fait  souvent  et  n'est  point 
une  erreur.  Du  reste  il  y  a  un  si  grand  nombre  de  variantes 
dans  ces  armes  qu'il  est  fort  difficile  de  les  suivre  dans  les  mo- 
numents historiques,  et  de  distinguer  ce  qui  est  fautif  de  ce  qui 
peut  être  une  modification  ayant  sa  raison  d'être. 

Chacune  des  trois  ligues  porte  comme  couleurs  celles  de 
son  écu  ;  mais  quand  les  Grisons  ont  figuré  comme  Etat  et 
notamment  depuis  qu'ils  forment  un  canton,  ils  ont  réuni  sur 
leurs  drapeaux  leurs  cocardes  et  leurs  livrées,  les  principales 
couleurs  des  trois  ligues,  savoir  :  le  blanc,  le  gris  et  le  bleu. 


21 

Le  canton  à'Argovîe  est  de  nouvelle  formation  ;  ses  armes 
datent  de  1803  et  re|)résentent  d'une  manière  satisfaisante  ses 
éléments  constitutifs.  Elles  sont  parties  au  1  de  sable  à  la  fasce 
ondée  d'argent,  au  2  d'azur  à  trois  étoiles  de  même.  La  moitié  du 
canton,  l'ancienne  basse  Argovie  bernoise,  est  figurée  par  le  1 
du  parti;  la  fasce  ondée  représente  l'Aar  qui  arrose  cette  fertile 
contrée;  la  seconde  moitié  que  désigne  le  2  du  parti,  se  com- 
pose du  Freienamt,  du  comté  de  Baden,  bailliages  communs, 
et  du  Frickllial  détaché  des  possessions  autrichiennes,  chacun 
de  ces  trois  districts  étant  indiqué  par  une  étoile. 

Même  en  Argovie  et  sur  les  monuments  officiels,  les  trois 
étoiles  ne  sont  pas  toujours  blasonnées  semblablemenl  ;  on  les 
voit  tantôt  d'argent,  tantôt  d'or,  posées  2  et  1  ou  comme  sur 
la  figure  de  la  planche  I.  Nous  ado|)tous  la  seconde  ma- 
nière, j)arce  que  c'est  celle  des  vitraux  de  la  salle  du  Conseil 
des  Etats. 

Quand  Thurgovie  était  un  pays  sujet  des  huit  et  ensuite  des 
dix  premiers  cantons,  les  souverains  lui  avaient  conservé  les 
armes  de  ses  anciens  seigneurs,  les  comtes  de  Kyburg,  en  in- 
versant les  émaux.  Le  bailliage  de  Thurgovie  portait  donc  d'ar- 
gent à  la  bande  de  gueules  accompagnée  de  deux  lions  de  même. 
Lors  de  son  émancipation,  le  nouveau  canton  conserva  ses  lions, 
mais  les  posa  sur  un  champ  tranché  argent  et  sinople,  en  mo- 
tivant son  choix  sur  ce  que  ces  armes  doivent  signifier  le  cou- 
rage plein  d'espérance  avec  lequel  Thurgovie  est  déterminé  à 
maintenir  le  lien  fédéral  et  l'indépendance  de  la  Suisse. 

Régulièrement  les  lions  devraient  être  de  Tun  dans  l'autre 
et  c'est  ainsi  qu'on  les  peint  souvent  ;  mais  quoique  ce  soit  une 
grave  infraction  aux  règles  du  blason ,  l'usage  presque  général 
a  attribué  aux  lions  la  couleur  or.  M.  le  D*"  Stanz  a  mis  d'ac- 
cord les  héraldistes  et  l'usage  en  faisant  les  lions  fauves,  ou 
au  naturel.  Les  armes  de  Thurgovie  se  blasonneront  donc 
ainsi  :  Tranché  argent  et  sinople ,  chaque  partition  chargée 
d'un  lion  au  naturel. 


-22 

Le  canton  du  Teasin  a  pris  pour  armoiries  un  écusson 
parti  gueules  et  azur.  Je  n'ai  pas  encore  trouvé  la  signification 
de  ces  couleurs.  Les  bailliages  dits  italiens,  comprenant  le 
Tessin  actuel  et  appartenant  aux  anciens  cantons,  avaient  reçu 
de  leurs  souverains  la  croix  d'argent  en  champ  de  gueules 
comme  signe  de  possession  commune. 

Le  signe  de  reconnaissance  des  habitants  du  pays  de  Vaud 
lorsqu'ils  se  soulevèrent  contre  Berne,  fut  d'abord  une  feuille 
d'arbre  au  chapeau,  puis  une  cocarde  verte  et  urt  drapeau  de 
cette  couleur  qui  est  celle  de  l'espérance. 

La  devise  Liberté,  Egalité,  ta  première  que  prirent  les  Vau- 
dois,  à  l'instar  des  Français,  ayant  été  abolie  très-promptement, 
elle  fut  remplacée  par  Liberté  et  Patrie,  et  il  fut  décidé  d'in- 
troduire celle  devise  dans  le  champ  de  l'écusson  du  nouveau 
canton,  qui  porta  en  conséquence  :  coupé  au  1  d'argent  por- 
tant la  devise,  et  au  2  de  sinople. 

Les  armes  du  Vahiia  ne  sont  pas  très-anciennes;  la  répu- 
blique était  gouvernée  par  l'évêque,  dont  l'écusson  de  famille 
figurait  avec  les  armes  de  l'évéché  sur  les  bannières,  les  sceaux, 
les  monniiies,  etc.  Ce  ne  fut  que  vers  1630  et  par  suite  de  la 
nouvelle  constitution  du  Valais,  laquelle  donnait  au  peuple  des 
droits  plus  étendus,  qu'on  adopta  pour  armoiries  un  écu  parti 
d'argent  et  de  gueules  sur  lequel  on  posa  sept  étoiles,  emblè- 
mes des  sept  dixains  souverains  du  Haut-Yalais  (PI.  II,  fig.  5). 
Quand  le  Bas-Valais  fut  émancipé,  le  nombre  des  dixains  ou 
districts  s'éleva  h  douze,  dont  sept  pour  le  Haut  et  cinq  pour  le 
Bas;  par  suite  l'écu  fut  chargé  de  douze  étoiles  rangées  en  trois 
pals  de  quatre  étoiles  chacun  ;  celles  de  l'un  du  parti  dans 
l'autre  et  celles  du  pal  du  milieu  de  l'un  à  l'autre. 

En  1815  on  changea  les  limites  des  dixains  et  on  en  forma 
un  treizième,  celui  de  Gonthey  ;  la  conséquence  en  fut  une 
treizième  étoile  ajoutée  au  pal  du  milieu  qui  dès  lors  en  compte 
cinq. 


23 

Si  les  armes  du  Valais  sont  peu  anciennes,  il  en  est  tout 
autrement  de  celles  de  Ncuchàlel.  Nous  trouvons  ici  un  fait 
unique  dans  le  blason  des  cantons,  c'est  celui  d'un  pays  por- 
tant les  armes  de  la  famille  qui  régna  autrefois  sur  lui. 

Les  grands  dynastes  du  Jura  burgonde  avaient  une  origine 
commune  et  la  branche  des  comtes  de  Fenis-jNeucbâtel  était 
la  principale  et  la  plus  brillante.  Toutes  ces  maisons  ont  eu 
des  armoiries  semblables,  ne  différant  guère  que  par  les  émaux 
ou  des  brisures.  Celles  des  comtes  de  Neuchâtel,  devenues 
celles  du  comté  et  ensuite  delà  principauté,  étaient  d'or  au  pal 
de  gueules  chargé  de  trois  chevrons  d'argent  (PI.  II,  fig.  6). 
Les  héraldistes  cherchent  dans  ces  belles  armes  une  image  du 
château  de  Neuchâtel;  le  pal  avec  les  chevrons  représenterait 
le  toit  du  corps  de  logis  central  et  les  deux  fragments  du 
champ  d'or  les  deux  tours.  Ils  en  voient  la  preuve  dans  les  an- 
ciens sceaux  sur  lesquels  est  gravé  un  château  de  deux  tours 
séparées  par  un  toit  pointu.  D'autres  voient  dans  les  chevrons 
des  armes  parlantes,  les  images  des  toits  des  maisons  ou  fenih 
du  village  de  Feim  (allemand  Vinelz)^  qui  a  donné  son  nom 
aux  comtes. 

L'écusson  de  la  maison  de  Neuchâtel  demeura  celui  du  pays 
malgré  les  changements  de  dynasties.  Plusieurs  familles  ont  ré- 
gné sur  la  principauté  sans  que  les  armes  fussent  modifiées  ;  le 
prince  écarlelait  parfois  de  son  écusson  particulier,  ou  l'accolait 
en  alliance.  C'est  la  manie  moderne  des  innovations  qui  a  causé 
la  destruction  de  cet  antique  et  vénéré  symbole!  En  184-8  le 
Grand  Conseil  de  la  république  neuchâteloise  décréta  l'abolition 
des  vieilles  armoiries  comme  rappelant  l'ancien  régime,  et  un 
député  des  Montagnes  présenta  à  l'assemblée  un  drapeau  rouge, 
blanc  et  vert  qu'il  proposa  comme  devant  être  celui  du  nouvel 
Etat.  Il  justifia  son  choix  en  disant  que  le  ronge  était  l'image  du 
sang  que  les  Neuchâtelois  étaient  prêts  'a  verser  pour  défendre 
le  nouveau  drapeau,  que  le  blanc  était  le  symbole  de  la  pureté 
de  leurs  intentions  et  que  le  vert  rappelait  les  forêts  et  les 
prairies  des  montagnes  du  Jura. 


24 

Ce  drapeau  fui  adopté  d'enthousiasme;  on  y  ajouta  une  croi- 
selte  blanche  sur  la  portion  rouge  pour  rappeler  le  lien  fédé- 
ral, et  ainsi  fut  arrêté  le  nouvel  écu  neuchâtelois  tel  qu'on  le 
voit  PI.  I. 

Les  anciennes  couleurs,  conformes  aux  armoiries,  étaient  le 
rouge  et  le  jaune.  Après  la  tentative  révolutionnaire  de  1831, 
où  les  insurgés  avaient  des  drapeaux  rouges  et  jaunes,  le  Con- 
seil ne  voulut  plus  conserver  ces  couleurs,  et  en  maintenant 
les  anciennes  armes,  il  adopta  pour  les  cocardes,  les  livrées, 
les  drapeaux,  etc.,  l'orangé,  produit  du  mélange  des  anciennes 
couleurs,  joint  à  celles  de  la  Prusse,  le  blanc  et  le  noir.  Main- 
tenant la  cocarde  est  rouge,  blanche  et  verte  comme  l'écusson. 

Il  nous  reste  encore  Genève  pour  clore  la  série  des  cantons. 
Nos  superbes  armes  doivent  se  blasonner  ainsi  : 

Genève  porte  d'empire,  parti  de  gueules  à  la  clef  d'or  en 
pal,  le  panneton  tourné  à  sénestre.  L'origine  de  cet  écusson 
est  parfaitement  claire.  Genève  portait  l'aigle  éployée  comme 
signe  de  son  caractère  de  ville  impériale  ;  cet  emblème  était 
gravé  sur  les  monnaies  et  sculpté  sur  les  édifices  publics.  En 
outre,  Genève  était  sous  la  dépendance  de  son  prince-évêque, 
lequel  portail  les  armes  du  chapitre  de  sa  cathédrale  vouée  à 
saint  Pierre,  savoir  de  gueules  à  deux  clefs  d'or  en  sautoir  *. 
La  communauté  a  donc  pris  la  moitié  de  l'écusson  de  l'empire 
et  la  moitié  de  celui  du  chapitre,  ce  qui  représentait  très-exac- 
tement sa  situation  politique.  Ce  n'est  qu'au  15*^  siècle  que  la 
clef  et  l'aigle  ont  paru  ;  cependant  M.  Galiffe  possède  un  an- 

*  Nous  signalerons  ici  une  usurpation  héraldique  commise  par  l'évêque 
de  Lausanne  et  Genève  en  résidence  à  Fribourg.  Les  armes  de  ce  prélat  de- 
vraient être  celles  des  deux  évêchés  qu'il  administre,  et  il  porte  bien  en  effet 
celles  du  Chapitre  de  Lausanne,  mais  au  lieu  de  les  joindre  à  celles  du  Cha- 
pitre de  Genève,  il  écartèle  aux  2  et  3  de  la  République  et  Canton  !  Aucun 
des  anciens  princes-évêques  de  notre  ville  n'eût  osé  porter  la  clef  et  l'aigle, 
et  un  fonctionnaire  de  l'ordre  ecclésiastique,  qui  n'exerce  aucun  droit  sou- 
verain, se  permet  de  le  faire.  Il  y  a  là  une  erreur  historique  et  une  grave 
infraction  aux  règles  du  blason. 


25 

cien  sceau  de  Jaques  de  Faucigny,  prévôt  du  chapitre,  sur  le- 
quel on  voit  parti  au  1  des  deux  clefs,  au  là  de  la  demi-aigle; 
ce  monument  est  de  1342.  Avant  cette  époque,  Genève  devait 
déjà  avoir  des  armes;  on  voit  en  elFel  sur  plusieurs  pièces  le 
soleil  figurer  comme  première  trace  d'un  emblème  héraldique. 
Le  culte  que  rendaient  les  anciens  habitants  de  la  ville  au  dieu 
Balder,  a  dû  être  l'origine  de  ce  premier  blason  qui  s'est  per- 
pétué comme  cimier  des  armoiries  de  Genève.  Le  christia- 
nisme l'a  modifié  en  ce  sens  que  le  monogramme  de  Jésus, 
IH2  devenu  IHS,  a  été  inscrit  au  milieu.  Enfin  un  autre  signe 
héraldique  paraît  aussi  avoir  existé  à  Genève  conjointement 
avec  les  autres,  c'est  la  croix  iréflée  de  saint  Maurice.  Cette 
croix  figurait  sur  les  drapeaux,  sur  la  poitrine  des  soldats,  sur 
les  monnaies,  etc.,  elle  était  bleue  ou  violette  sur  fond  blanc 
ou  noir.  Elle  aurait  été  l'écusson  militaire,  tandis  que  le  soleil, 
la  clef  et  l'aigle  servaient  de  symbole  municipal  et  administratif, 
comme  à  Fribourg  l'écu  coupé,  et  les  trois  tours. 

La  croix  a  disparu  dès  le  16''  siècle,  il  n'en  est  resté  que  les 
couleurs.  Genève  a  en  effet  porté  jusqu'à  la  révolution  comme 
couleurs  de  livrée,  le  noir  et  le  gris,  ou  le  noir  et  le  violet,  la 
cocarde  même  était  toute  noire.  Cette  incertitude  dans  la  nature 
des  couleurs  provient  (comme  pour  les  Grisons]  de  ce  que  le 
gris  n'est  pas  un  émail  héraldique  et  qu'il  se  transforme  en  azur 
ou  en  pourpre.  Quant  à  l'origine  delà  croix,  elle  peut  venir  ou 
des  croisades  ou  de  l'ancienne  alliance  avec  la  Savoie  lors  des 
luttes  contre  la  maison  de  Genève,  ou  peut-être  aussi  de  la 
légion  thébaine,  dont  la  croix  tréflée  était  l'emblème.  Les  corps 
de  deux  des  principaux  officiers  de  celte  légion,  Urs  et  Victor, 
étaient  ensevelis  au  prieuré,  comme  nous  l'avons  dit  en  traitant 
de  Soleure.  La  dévotion  de  nos  ancêtres  peut  les  avoir  conduits 
à  rendre  hommage  à  ces  martyrs  légendaires  en  mettant  le 
symbole  de  la  légion  sur  leurs  drapeaux  '. 

*  Ajoutons  que  le  drapeau  genevois  rouge  et  jaune  peut  être  fait  à  vo- 
lonté coupé  ou  parti,  comme  celui  de  Lucarne;  mais  s'il  est  parti,  on  doit 


26 

Plus  heureux  que  la  plupart  des  cantons,  nous  possédons  un 
ouvrage  complet  sur  les  armes  de  Genève,  c'est  celui  de  notre 
collègue  M.  Blaviffnac;  il  est  inséré  dans  les  Mémoires  de  no- 
Ire  société,  j'y  renvoie  toutes  les  personnes  qui  voudraient 
faire  sur  ce  sujet  une  étude  plus  approfondie. 

Après  avoir  étudié  les  armes  des  cantons,  nous  dirons  quel- 
ques mots  de  celles  des  Étals  et  villes  ci-devant  alliés,  ou  plutôt 
associés  des  Suisses  (en  allemand  Zugewandte  Orte).  Quelques- 
uns  de  ces  alliés  devenus  cantons  ont  déjà  été  passés  en  revue, 
ce  sont  les  ligues  des  Grisons,  Valais,  Neuchâtel  et  Genève;  les 
autres,  dont  nous  avons  encore  à  nous  occuper,  sont  l'Evêché 
de  Bâle,  l'abbé  de  Saint-Gall,  la  ville  de  Saint-Gall,  celle  de 
Bienne,  celle  de  Mulhouse  et  celle  de  Bottweil. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  Vévpque  de  Bâle  (PL  II,  fig.  7),  le- 
quel portait  la  crosse  de  gueules  en  champ  d'argent.  Vabbé 
de  Saint-Gall  (PI.  II,  fig.  8)  portait  d'or  à  l'ours  rampant  de 
sable  en  mémoire  de  la  légende  du  fondateur  de  l'abbaye  que 
nous  avons  rappelée  à  propos  d'Â[)penzelL  De  nos  jours  le 
nouvel  évêché  de  Saint-Gall  a  repris  les  armes  de  l'abbé  avec 
celte  différence  que  l'ours  porte  la  pièce  de  bois.  La  ville  de 
Saint-Gall  (PI.  II,  fig.  9),  autrefois  sous  la  suzeraineté  de 
l'abbé,  [lorlait  le  même  ours  en  champ  d'argent.  Primitivement 
l'ours  élait  représenté  recevant  le  pain  que  lui  donna  le  saint 
homme.  Lorsque  la  ville  s'émancipa  du  joug  de  l'abbé,  ce  pain 
fut  supprimé  comme  étant  un  signe  de  dépendance.  Plus  tard, 
en  1477,  l'empereur  Frédéric  III  orna  le  cou  de  l'ours  d'une 
écharpe  ou  d'un  collier  d'or,  en  mémoire  de  la  valeur  déployée 

supposer  que  la  clef  et  l'aigle  y  sont  peints  et  par  conséquent  observer  une 
l'ègle  du  blason  qui  veut  que  les  animaux,  sur  les  enseignes  militaires,  regar- 
dent toujours  l'ennemi,  par  conséquent  soient  tournés  du  côté  de  la  hampe. 
Pour  que  l'aigle  regarde  la  hampe,  il  faut  que  le  parti  jaune  soit  cloué  contre 
elle  et  que  le  rouge  flotte.  Souvent  on  fait  le  contraire,  ce  qui  est  une 
erreur. 


•27 

par  le  contingent  de  Saint-Gall  lors  de  la  guerre  de  Bourgogne. 
Le  même  empereur  donna  à  la  même  occasion  des  anges  pour 
tenant  de  l'écusson. 

La  ville  de  Bienm  (PL  II,  fig.  10)  indépendante  depuis  la 
guerre  de  Bourgogne,  maintenant  incorporée  au  canton  de 
Berne,  porte  de  gueules  aux  deux  haches  d'argent  en  sautoir; 
ces  armes  parlantes  proviennent  de  ce  que  le  nom  allemand 
Biel  est  la  prononciation  suisse  de  Beil^  hache.  On  a  cru  aussi 
voir  une  image  de  la  ville  dans  son  nom  et  ses  armes  en  pré- 
tendant qu'en  plan,  Bienne  a  la  forme  d'une  hache. 

La  ville  de  Mulhouse  (PI.  II,  fig.  il),  maintenant  séparée  de 
la  Confédération,  porte  aussi  des  armes  parlantes  qui  rappel- 
lent soit  le  nom  de  la  ville,  soit  l'industrie  qui  y  a  toujours 
été  florissante  et  fut  la  première  cause  de  son  origine.  Cette 
ville  porte  d'or  a  la  roue  de  moulin  de  sable, 

Roftweil,  en  Souabe,  perdit  sa  qualité  d'alliée  des  Suisses  lors 
delà  guerre  de  Trente  ans,  pour  ne  pas  avoir  maintenu  sa  neu- 
tralité. Ses  armes  sont  d'or  a  l'aigle  éployée  de  sable  chargée 
en  cœur  d'une  croix  d'argent  (PI.  II,  fig.  12).  Comme  beau- 
coup de  villes  impériales  elle  avait  reçu  le  blason  de  l'empire, 
et  la  croix  doit  être  une  brisure  rappelant  son  union  avec  la 
Suisse. 

Sur  les  anciens  monumenis,  peintures  et  vitraux,  on  voit  pres- 
que toujours  les  écussons  des  villes  et  cantons  de  la  Suisse,  sur- 
montés des  armes  de  l'empire.  Beaucoup  de  voyageurs  et  écri- 
vains étrangers  voient  la  un  reste  de  dépendance  et  d'asser- 
vissement ;  ils  oublient  que  l'aigle  à  deux  lêies  n'est  point  le 
signe  de  la  maison  d'Autriche,  que  les  guerres  d'émancipation 
des  Suisses  ont  été  toujours  dirigées  contre  cette  maison  et  non 
contre  l'empire  dont  les  cantons  se  glorifiaient  au  contraire 
d'être  membres,  et  que  c'était  comme  symbole  de  liberté  et 


28 

d'affrancliisseraent  que  l'aigle  figurait  sur  les  portes  des  villes 
et  sur  les  sceaux. 

Pour  lermiuer,  il  me  reste  a  vous  entretenir  des  devises  des 
cantons. 

Quoique  dans  le  moyen  âge  elles  fussent  les  attributs  des 
individus  et  non  des  familles  ou  des  États,  on  comprend  que, 
par  déférence  pour  les  aïeux,  on  ail  eu  la  tendance  a  les  rendre 
héréditaires,  surtout  si  elles  étaient  bien  choisies. 

Nos  ancêtres  ont  ainsi  gratifié  notre  ville  d'une  fort  belle 
devise,  Post  tenebras  spero  hicem,  devenue  a  la  Kéformation 
Posl  tenebras  lux.  Dieu  veuille  que  nous  ne  fassions  jamais  men- 
tir cet  adage  !  Nous  avons  parlé  de  la  devise  de  nos  voisins  du 
canton  de  Yaud;  excepté  celles-ci,  il  n'en  est  guère  qui  aient 
été  d'un  usage  général.  Sur  les  monnaies  on  lit  à  la  vérité  des 
sentences  qui  ont  aspiré  à  prendre  le  rang  de  devises,  mais  elles 
sont  en  général  peu  connues,  et  c'est  dommage,  car  il  en  est  de 
fort  belles.  Ainsi  Berne  inscrivait  autour  de  son  écu  les  mots, 
Dominus  providebit;  Zurich  et  Bàle,  Domine  conserva  nos  in 
pace:  Soleure,  Cuncla  per  Deum:  Saint-Gall,  Soli  Deo  gloria; 
Lucerne,  Dominus  spes  populi  sui,  ou,  E  concordia  res  parvœ 
crescunt^  etc. 

Il  n'y  a  guère  que  Schalîhouse  qui  tienne  à  sa  devise,  sans 
qu'elle  soit  pourtant  aussi  répandue  et  aussi  populaire  que  la 
nôtre;  elle  porte  Deus  spes  nostraest,  et  date  de  la  Réformation. 

Celle  de  la  Confédération,  Un  pour  tous.  Tous  pour  un,  est 
très-bien  choisie;  elle  indique  bien  la  nature  du  lien  qui  unit 
les  cantons  entre  eux,  mais  n'a  rien  d'ofiiciel. 

Me  voici  arrivé  à  la  fin  de  mon  travail.  Comme  je  l'ai  an- 
noncé au  commencement,  il  est  incomplet  et  renferme  bien  des 
points  contestables.  Reconnaître  et  proclamer  ces  deux  faits, 
c'est  dire  que  j'accueillerai  avec  bonheur  tout  ce  qui  pourra 
contribuer  à  le  compléter  et  à  le  rectifier 


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ARMOIRIES  DE  LA  SUISSE 


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Figl  BKR.NE 
anciennes  annes 


hg2.  SCmVTTZ        Fifl  FRIBOURG 
anciennes  armes         armes  municipales 


^i-^  SCMTHOFSE 
amies  luiuiifipales 


iJ/iYALAIS 

aiiriennes  armes 


7?^6MrCHATt:L 
ancienaes  armes 


{A; 


.^^7Eveqiierl,.B.\lE      Fio8mtlt%%^\      /}-^9\lno,l,^S'f;.\L]. 


Jii:IOW^:s^\      /y^y/Mll.HOrSR       TioP.  w  ottwt.il 


Ad  GAUTIER  ot;^ 


iirâ  firuner  NfU-ciLÎtel 


JEAN   MESTREZAT 


Originaire  de  Vérone,  snivani  Aymon  ',  et  transplantée  d'a- 
bord dans  le  pays  de  Gex  au  XIV™^  siècle,  puis  à  Thonon,  en 
Chablais,  dès  le  XV^e^  la  famille  Mestrezat  vint  s'établir  à 
Genève,  au  commencement  du  XVI"^*'  ^,  dans  la  personne  de 
trois  de  ses  membres  :  Denis,  qui  y  fut  mis  en  apprentissage^ 
en  1504,  par  Henri,  son  frère  aîné,  lequel  demeura  pourtant 
à  Tbonon;  Hugues,  en  1517,  recteur  de  la  chapelle  de  Saint- 
Antoine,  dans  l'église  de  la  Madeleine;  et  Léger,  habitant  de 
cette  dernière  paroisse  et  reçu  bourgeois  le  13  octobre 
1524  \ 


*  Aymon,  Synodes  nationaux,  t.  II,  p.  525.  —  Galiffe  (J.-A.),  Notices  gétiéa- 
logiques  sur  les  familles  genevoises;  Genève,  1830,  t,  I,  pp.  477-479,  repré- 
sente les  Mestrezat  comme  sortis  de  Vigone,  bourg  situé  à  2  lieues  E.-S.-E. 
de  Pignerol. 

'  Ibid.  Léger  Mestrezat  quitta  Genève,  à  ce  qu'il  paraît,  au  moment  de  la 
guerre  qu'elle  eut  à  soutenir  en  1534  contre  le  duc  de  Savoie  et,  pour  ce 
motif,  on  ne  lui  permit  pas  d'y  rester  lorsque,  deux  ans  plus  tard,  il  y  re- 
vint (Voir  Regist.  du  Conseil,  3  à9  mars  1536).  Mais,  à  Noël  1535,  il  avait 
de  Lyon,  où  il  séjournait,  prêté  20  écus  d'or  à  la  Seigneurie  (Flournois^ 
Extraits  des  Registres  publics,  29  mars  1536)  et.,  en  raison  des  grands  ser- 
vices qu'il  lui  avait  rendus  à  Lyon  (Voyez  encore  R,  du  Cons.  du  9  avril  e^ 
du  26  mai  m.  a.),  on  lui  permit  de  rentrer,  en  payant  24  écus  d'or;  de  plus, 
il  en  prête  encore  cent  le  19  décembre  de  la  même  année. 

'  Galiffe,  Ubi  suprà. 


30 

Cette  famille  peut  se  comparer  à  l'un  de  ces  arbres  féconds 
qui  portent  des  fruits  savoureux  et  abondants  jusque  dans  leurs 
derniers  rameaux.  Car,  indéjjendamment  des  hommes  de  talent 
auxquels  elle  donna  le  jour,  dans  les  carrières  civiles,  par  ses 
alliances  nombreuses,  indépendamment  des  médecins  \  des 
jurisconsultes  et  des  magistrats  qu'elle  produisit  dès  le  com- 
mencement '^,  elle  produisit  aussi  un  nombre  proportionnelle- 
ment assez  fort  d'ecclésiastiques  distingués. 

Au  premier  rang,  nous  devons  tout  d'abord  mentionner  ce 
Jean  Mestrezat  qui  occupa  dans  l'Église  de  Paris  une  si  émi- 
nente  place.  Petit-lils  de  Léger,  dont  j'ai  parlé  il  y  a  un  ins- 
tant, et  fils  d'Amied  ou  Ami,  qui  était  alors  conseiller  d'État 
et  devint  svndic  en  1608,  1612  et  1617,  Jean  était  né  en 
1592.  Il  commença  ses  études  a  Genève,  où  nous  le  voyons 
inscrit  au  Livre  du  Recleur  en  1606,  comme  entré  en  belles- 
lettres;  mais  il  ne  paraît  pas  qu'il  restât  longtemps  dans  cette 
ville,  car  on  sait  qu'il  alla  continuer  ses  études  a  Saumur. 
Était-ce  que  cette  académie,  tout  récemment  fondée  par  Du 
Plessis-Mornay,  jetât  alors  un  plus  grand  éclat  que  celle  de 
Genève?  Jean  Craig,  en  philosophie,  Harmensen  et  Trocho- 
rège,  en  théologie  ^,  étaient-ils  plus  distingués  qu'Esaïe  Col- 
ladon,  Jean  Diodati  ou  Théodore  Tronchin,  à  Genève?  Nous 
ne  le  pensons  pas;  mais  les  doctrines  calvinistes  étaient  encore 
enseignées  avec  toute  leur  rigueur  dans  la  petite  cité  des  bords 
du  Léman,  et  cet  Harmensen  ou  plutôt  cet  Arminius  que  nous 
venons  de  nommer,  d'ailleurs  élevé  à  Genève  par  Charles  Per- 
rot,  avait  inauguré  à  Saumur  un  enseignement  moins  absolu, 

*  Pierre,  fils  de  Domeine,  dont  nous  parlerons  plus  loin  (Voyez  Galiffè 
u.  s.  p.  483),  et  François. 

^  Ami ,  dont  il  est  question  dans  notre  texte ,  quelques  lignes  plus  bas  ; 
Domeine,  son  fils  aîné  (Galiffe,  p.  482),  Jean-Louis,  fds  du  past.  et  prof.  Phi- 
lippe Mestrezat  ;  Abraham,  fils  de  Simon  et  petit-fils  d'Ami  (Senebier,  His- 
toire littéraire  de  Genève,  t.  II,  p.  31 1  et  s.). 

^  J.  Dumont,  Histoire  de  l'Académie  de  Saumur  depuis  sa  fondation  ew  1600 
jusqu'à  sa  suppression  en  1G85.  Angers,  1862,  broch.  in  8'^,  p.  7. 


31 

des  tendances  |>liis  libérales.  Il  n'en  falliii  peut-être  jias  da- 
vantage pour  que  le  jeune  Mestrezat  se  sentît  alliré  ou 
plutôt  pour  que  son   père  l'engageât  à  se  rendre  dans  cette 

ville. 

L'élève  de  Saumur  se  voua  avec  ardeur  à  Têtu  de  de  la  phi- 
losophie et  sortit  avec  distinction,  en  1610,  de  la  faculté  où  on 
l'enseignait.  En  effet,  dans  une  discussion  qu'il  eut  à  soutenir 
contre  son  professeur,  celui-ci  ayant  dit,  à  propos  d'un  argu- 
ment employé  par  le  jeune  Genevois,  Pas^e  pour  la  majeure^ 
mais  je  nie  la  mineure  \  Mestrezat  lui  répliqua  qu'on  ne  pou- 
vait nier  la  mineure,  après  avoir  laissé  passer  la  majeure,  et  il 
le  soutint  avec  tant  de  force  que  le  professeur  dut  reconnaître 
sa  faute;  victoire  qui  avait  certainement  quelque  valeur  devant 
Du  Plessis-Mornay  présent  a  ce  tournoi  scientifique".  Aussi 
l'académie  où  il  l'avait  remportée  crut-elle  se  fortifier  elle- 
même  en  appelant  Mestrezat  a  occuper  la  chaire  de  philosophie. 
Mais  il  ne  paraît  pas  qu'il  acceptât  cet  emploi  qui  l'aurait  dé- 
tourné de  la  noble  carrière  à  laquelle  il  se  consacrait  ^  ;  il  entra 
en  théologie  et  reçut  de  Pierre  Du  Moulin,  en  1616,  l'imposi- 
tion des  mains,  grâce  à  laquelle  il  pouvait  se  vouer  au  saint 
ministère  *.  Déjà,  en  1614,  ses  services  avaient  été  demandés 
pour  l'Église  de  Paris  ;  mais  il  lui  fallait  encore  deux  ans  pour 
terminer  ses  études  et  il  en  réclama  le  bénéfice  qui  lui  fut  im- 
médiatement accordé.  Aussi  n'est-ce  qu'en  1616  que  nous  le 
voyons  décidément  investi  des  fonctions  pastorales  à  Paris,  ou 

*  Transeat  major,  nego  minorem.  Bayle,  Dictionnaire  historique,  art.  Mes- 
trezat. 

*  Mémoire  d'Alexandre  Mestrezat  ;  Bayle,  ibidem. 

5  Tùm  ad  te  uberiores,  tùra  ad  parentes  literas  dabo,  cùm  prœsertim,  tùm 
ad  eos,  tùm  ad  te  satis  fuse  superiori  tanlùm  hebdomade  de  rerum  mearum 
statu  scripserim,  eosque  de  cathedra  philosophie  seu  Professons  philosophia^ 
raunere  niihi  oblato  ab  Academico  hujus  urbis  senatu,  et  a  me,  tùm  propter 
ignotam  eorum  voluntatem,  tùm  alias  quasdam  ob  causas  lis  in  literis  à  me 
commemoratas,  et  de  quibus  ab  iis  certior  fieri  maxime  cupio,  recusato, 
certiores  fecerim.  —  Salmurii,  5  novembre  1611. 

*  Ath.  Coquerel  fds,  Précis  de  l'hist.  de  l'Égl.ref.  de  Paris,  1862,  p.  180. 


32 

plutôt  à  Charenton,  où  les  protestants  de  Paris  devaient  se 
rendre  depuis  1606  pour  célébrer  le  service  divin  \ 

Avant  de  suivre  Meslrezat  dans  celle  carrière  importante  où 
il  entrait,  à  peine  âgé  de  24-  ans,  nous  devons  toutefois  l'envi- 
sager encore  dans  sa  carrière  d'étudiant,  où  quinze  lettres  iné- 
dites qui  nous  ont  été  confiées  par  ses  arrière-neveux,  MM. 
Roux-Meslrezat  et  le  professeur  Charles  Le  Fort,  et  qui  sont 
imprimées  a  la  fin  de  cette  notice,  nous  initient,  non-seule- 
ment à  sa  vie  intime  et  aux  relations  qu'il  soutenait  avec  sa  fa- 
mille, mais  encore  aux  événements  de  son  temps.  Ces  lettres  ont 
été  écrites  entre  les  derniers  mois  de  1611  et  le  3  avril  1613. 

Nous  y  voyons  tout  d'abord,  ce  que  d'ailleurs  on  sait  d'autre 
part,  et  ce  qu'il  était  facile  d'attendre  d'un  temps  où  les  postes 
n'étaient  pas  organisées  comme  a  présent  et  où  les  lettres 
étaient  souvent  remises  à  des  courriers  ou  a  des  messagers 
peu  soigneux,  nous  y  voyons,  dis-je,  qu'il  y  avait  très-souvent 
des  lettres  perdues  et  des  paquets  en  retard.  C'est  ce  que 
nous  montre  sa  lettre  du  5  novembre  1611,  où  il  parle  de  la 
chaire  de  philosophie  qu'on  lui  a  offerte  et  qu'il  a  refusée,  parce 
qu'il  ignorait  l'avis  de  ses  parents  ;  il  leur  avait,  en  effet,  écrit 
à  cet  égard,  sans  recevoir  d'eux  de  réponse.  Nous  en  avons 
encore  la  preuve  dans  celle  du  18,  où  il  déclare  n'avoir  pas 
reçu  un  paquet  de  livres  et  de  drap  que  son  frère Domeine  lui 
avait  annoncé.  Aussi  demande-t-il,  le  2  décembre,  que,  sur  le 
titre  des  lettres  ou  des  paquets,  on  ne  le  désigne  plus  comme 
étudiant  en  théologie. 

Malgré  ces  retards,  il  n'est  cependant  pas  sans  nouvelles  de 
son  pays.  C'est  par  son  cousin  Luilin,  par  exemple,  demeu- 
rant avec  lui  à  Saumur,  qu'il  a  appris  la  regrettable  mort  du 
conseiller  Dupuis  et  la  prochaine  arrivée  de  ses  parents  Lect 

1  Elle  Benoît,  Hist.  de  ledit  de  Nantes.  Delft,  1693,  t.  I,  p.  434  ;  Emile 
André  (maintenant  pasteur  à  Vuillerens,  dans  le  canton  de  Vaud),  Essai  sur 
les  œuvres  de  Jean  Mestrezat.  Strasbourg,  1847,  p.  8. 


33 

et  Butini  '.  —  Il  a  également  été  instruit,  par  lettres  de  son 
propre  frère  Domeine,  de  la  tenue  d'un  Conseil  général  où 
l'élection  de  MM.  Rilliet  et  Barillet  a  soulevé  des  difficultés  par 
suite  desquelles  il  en  redoute  aussi  pour  la  réélection  de  son 
père  ail  syndicat  ^.  —  Domeine,  qui  l'a  tenu  au  courant  de  ces 
diverses  circonstances,  va  malheureusement  en  Allemagne  ; 
aussi  la  correspondance  fraternelle  est-elle  interrompue  durant 
quelques  mois.  —  Toutefois  Jean  Mestrezat  apprend  enfin 
l'heureux  retour  de  Domeine,  et  il  apprend  simultanément  la 
mort  de  sa  grand'mère  Honorati,  très-douloureuse  pour  lui  ^. 
Il  a,  d'ailleurs,  reçu  de  Simon  Goulart  un  double  conseil  rela- 
tivement a  ses  thèses  :  le  premier,  de  ne  pas  prendre  pour  sujet 
de  ce  travail  rarticle  de  la  justification,  depuis  peu  débattu  parmi 
les  théologiens  réformés  au  grand  scandale  de  l'Eglise  de  Dieu  ^; 
le  second,  de  les  dédier  à  Du  Plessis-Mornay  plutôt  qu'à  Du 
Moulin.  —  Et,  quant  à  Tinstruclion  publique  a  Genève,  il  a 
entendu  parler  de  la  mort  de  M.  David  (le  Boiteux)  auquel 
c'est  M.  Scarron  qui  lui  paraît  le  mieux  qualifié  pour  succéder 
comme  principal  \  Or,  malgré  sa  jeunesse,  il  ne  se  trompe 
pas ,  c'est ,  en  effet,  ce  dernier  qui  est  appelé  à  remplir  cette 
place. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  d'affaires  individuelles  ou  toutes 
locales  que  Mestrezat  parle  dans  ses  lettres,  c'est  encore  d'évé- 

'  Lettre  du  18  novembre  1611. 

*  Lettre  du  9  décembre  1611. 

*  Funestissimum  aviœ  meœ  obitum. 

*  Monet  ne  de  quœstione  super  articule  Justificationis,  inter  Theologos  nos- 
tros  novissime  exortâ,  cum  raagno  Ecclesiœ  Dei  scandalo,  thèses  suscipiam. 
Sahnnrii,  4  mai  1612. 

*  Gymnasiarcha.-M.  Matthieu  Scarron,  né  en  1563,  pasteur  à  3Ioëns  (dans 
la  république  de  Genève)  en  1605,  à  la  ville  en  1607,  principal  en  1612, 
mort  en  1613,  ne  peut  avoir  été  beau-frère  de  Laurent  Meigret,  dit  le  Ma- 
gnifique, qui  florissait  à  Genève  60  ans  auparavant.  Il  y  a  probablement  là 
une  erreur  de  M.  Galiffe  (J.-A.)  Notices  généalogiques,  t.  III,  pp.  435  et 
436. 

T,  AT,  V  pan.  3 


u 

nements  qui  intéressent  la  cause  prolestante  et,  conséquem- 
ment,  Genève,  aussi  bien  que  la  France  et  d'autres  contrées. 

Réunie  a  Sauraur  contre  le  gré  de  la  reine  régente,  Marie 
de  Médicis,  et  du  duc  de  Bouillon  qui  la  servait  alors,  mais  sous 
l'influence  de  Sully,  de  Henri  de  Rohan,  son  gendre,  de  Du 
Plessis-Mornay  et  d'un  ou  deux  autres  chefs,  une  assemblée 
politique  de  huguenots  avait,  dès  le  milieu  de  1611  *,  décidé 
de  faire  parvenir  au  Roi  un  cahier  général,  un  cahier  des  plain- 
tes de  chaque  province  et  divers  autres  cahiers  auxquels  elle 
attendait  réponse  avant  de  satisfaire  aux  vœux  de  la  Reine  tou- 
chant la  nomination  de  délégués  généraux.  L'assemblée  avait 
pour'ant  fini  par  céder  et  avait  alors  obtenu  des  réponses  qui 
ne  l'avaient  point  satisfaite  elle-même  et  qu'elle  avait  envoyées 
aux  assemblées  provinciales  récemment  créées  par  elle.  Ces 
assemblées  de  province  envoyèrent  alors  a  la  Reine,  malgré 
elle,  des  délégués  qu'elle  consentit  pourtant  à  recevoir  le  19 
janvier  161^  et  qui  lui  présentèrent  des  requisita  auxquels,  le 
17  avril,  elle  répondit  assez  favorablement  ". 

Aussi,  mentionnant  cette  bienveillance  toute  provisoire, 
Mestrezat  écrivait-il,  le  4  mai  suivant,  a  son  frère  Domeine  : 
«  Je  t'écrirais  plus  au  long  sur  le  différend  qui  s'est  élevé  en- 
ce  tre  Monsieur  le  prince  de  Rohan  et  la  Reine,  et  qui  est 
«  maintenant  apaisé ,  si  je  n'étais  persuadé  que  vous  devez 
«  très-bien  le  connaître.  Je  dirai  seulement  que  les  Églises 
«  doivent  avoir  reçu  avec  émotion  l'armée  de  la  Reine  et  avoir 
«  certainement  chargé  Monsieur  de  Rohan,  d'autres  grands 
oc  personnages  et  d'autres  chefs  de  notre  religion  de  veiller  sur 
«  celle-ci  et  de  la  protéger  de  toute  manière.  Les  têtes  du 
«  parti  étant  supprimées,  qu'adviendrait-il  effectivement  au 
«    corps  même?  » 

*  Du  27  mai  au  12  septembre. 

*  Eugène  et  Emile  Haag,  La  France  protestante,  t.  VI,  p.  396;  VII,  476; 
Léonce  Anquez ,  Histoire  des  assemblées  politiques  des  réformés  de  France. 
Paris,  1859,  in-S»,  pp.  230-255. 


:^5 

Cel  espoir  de  pacification  dure  quelque  temps  et  le  jeune 
lliéologien  s'en  berce  encore  dans  une  lettre  du  5  juillet  : 
«  Tout,  dit-il,  est  assez  calmé  et  pacifié,  quoique  les  pontifi- 
«  eaux,  dans  les  endroits  même  où  ils  avaient  été  les  plus  hum- 
«  blés,  s'enorgueillissent  à  présent  et  se  rengorgent,  sans  que 
«  je  sache  pourquoi ,  mais  sans  doute  à  l'instigation  de  la 
«  Reine.  » 

Et,  sur  ce  dernier  point,  il  est  loin   de  se   tromper;  car, 
suivant  lui,  on  prétend  la  Reine  mécontente  de  ce  qui  s'est 
passé  au  «  dernier  synode  national  (celui  de  Privas  '),  où  l'on 
«   a  solennellement  refusé  le  pardon  accordé  par  la  Reine  et 
«  par  son  Conseil  aux  Églises  (qui  étaient  fort  loin  de  le  de- 
«  mander)  pour  des  fautes  qu'elles  auraient  commises.  C'est 
«   une  calomnie,  dans  son  genre,  que  de  pardonner  publique- 
«   ment  a  un  innocent.  Car  l'on  fait  ainsi  supposer  de  sa  part 
«   un  délit  dont  il  n'est  aucunement  coupable.  Mais  ce  n'était 
«   la  qu'une  fraude  jésuitique.  On  dit  aussi  que  M.  Chamier, 
«    président  du  susdit  synode,  a  été  assigné  et  qu'il  a  été  posi- 
«   tivement  défendu  de  le  recevoir  à  Montauban,  afin  qu'il  soit 
«  forcé  de  venir  à  Paris  et  de  s'y  présenter  devant  la  Reine  et 
<(  le  Conseil.  Tu  sais  peut-être  en  effet,  »  dit  Jean  Mestrezat 
à  son  frère  Domeine,   «  que,  dans  ce  même  synode,  il  a  été 
«   accordé  h  l'Académie  de  Montauban.  S'il  vient  à  Paris,  on 
«   craint  pour  sa  tôle,  à  cause  de  l'irritation  de  la  Reine  contre 
«   les  Eglises.  Si,  cependant,  il  lui  arrivait  quelque  chose  de  la 
«   part  de  la  Reine,  les  choses  iraient  plus  loin,  et  le  mal  se- 
«  rait  considéré  comme  fait  au  corps  entier  des  Églises.  Que 
«   Dieu  détourne  ce  présage  ".  » 

L'assemblée  de  Saumur  et  bien  des  circonstances  différentes 
ont  révélé  de  profondes  divisions  entre  les  protestants  du 
royaume.  Mestrezat  écrit  à  son  frère,  le  27  octobre,  que  «  l'on 
«  célébrera  le  troisiesme  du  mois  prochain  le  jeusne  de  toutes 

«   12  mai  1612. 

-  Lettre  du  27  juillet  1612, 


36 

«,  les  Églises  de  France.  Il  y  en  a  plusieurs  caiites,  entre  au- 
«  1res  ce  sont  la  désunion  des  noslres  et  le  peu  de  bonne  vo- 
(/  lonlé  du  Roy,  de  la  Roine  et  de  son  Conseil  envers  ks 
«  diltes  Églises  ' .  » 

La  solennité  religieuse  qui  venait  d'être  ainsi  décidée  eut-elle, 
provisoirement  au  moins,  pour  effet  de  calmer  les  divisions  et 
de  rapprocher  les  protestants  séparés?  Le  duc  de  Rohan,  au- 
quel celui  de  Bouillon  avait  en  vain  cherché  à  enlever  le  gou- 
vernement de  St-Jean-d'Angély,  avait-il  réussi  par  l'énergie 
qu'il  déploya  à  intimider  la  Reine-mère,  en  même  temps  que, 
par  sa  déférence  aux  conseils  de  Du  Plessis-Mornay,  à  désar- 
mer cependant  l'irritation  de  Marie  de  Médicis?  Toujours  est-il 
que  «  cette  querelle,  d'où  pouvait  jaillir  la  guerre  civile,  se  fer- 
«  mina  par  un  accommodement  qui  laissa  les  apparences  à  l'au- 
«  torité  royale,  mais  donna  la  réalité  au  duc  de  Rohan  '.  »  Et 
nous  en  surprenons  les  traces  dans  ces  mots  de  Mestrezat  : 
«  On  dit  que  M.  de  Rohan  est  sur  le  point  de  se  réconcilier 
c(  avec  la  Reine  ^.  » 

Les  lettres  que  nous  analysons  donnent  d'ailleurs  des  infor- 
mations précieuses  en  déterminant  la  date  de  certains  événe- 
ments. Ainsi  le  gouvernement  d'Aigues-Mortes,  place  de  sûreté 
des  protestants,  avait  été  successivement  confié  par  Henri  IV 
d'abord  à  un  sieur  de  Bertichères,  ensuite,  en  1597,  à  un  sieur 
de  Gondin,  puis,  dix  ans  plus  tard  environ,  après  la  mort  de 
ce  dernier,  à  un  sieur  D'Ararabure.  Mais,  en  août  1612,  Ber- 
tichères l'ayant  réclamé  du  Roi,  disaii-on,  c'est-à-dire  de  la 
Reine-mère,  ainsi  que  des  réformés  auprès  desquels  il  cherchait 
dès  longtemps  à  faire  valoir  ses  droits,  il  fut  décidé  par  arrêt 
du  Conseil  qu'il  serait  réintégré  dans  son  gouvernement.  D'A- 
rambure,  toutefois,  avait  annoncé  que  les  huguenots  ne  le  ver- 

*  CeUe  lettre-ci  est  la  seule  qui  soit  écrite  en  français  dans  le  Recueil  inédit 
dont  nous  parlons  et  qui  est  publié  ci-après  pour  la  première  fois. 
^  France  protestante,  t.  VIII,  p.  477. 
'  Lettre  du  17  novembre  1612. 


37 

raient  pas  de  bon  œil,  et  comme,  en  effet,  ils  s'opposaient  à  ce 
que  Bertichères  y  fût  rétabli,  la  Reine  ordonna  que  la  place 
serait  remise  en  mains  tierces  jusqu'à  ce  qu'elle  eût  elle-même 
décidé  lequel  des  deux  y  commanderait.  Ce  fut  alors  M.  de 
Châlillon,  Gaspard  de  Coligny,  le  petit-fils  de  l'amiral,  qui  fut 
choisi  pour  en  être  le  dépositaire  \  Or,  dans  une  lettre  du  17 
novembre,  Mestrezat  nous  apprend  que  M.  de  Châtillon  a  reçu 
de  la  Reine  mission  de  se  rendre  à  Aigues-Mortes  pour  gou- 
verner cette  ville  et  la  réduire  jusqu'à  ce  qu'il  ait  été  mis  fin 
aux  difficultés  qui  s'y  sont  élevées. 

D'autre  part,  suivant  ce  que  notre  jeune  écrivain  avait  ouï 
dire,  il  y  avait  «  beaucoup  de  troupes  dans  le  gouvernement 
«  de  Saumur,  parce  que  M.  Du  Plessis,  craignant  pour  lui- 
«  même  et  ayant  dû  prendre  des  précautions,  avait  augmenté 
«  là  sa  garnison  '.  «  La  politique  de  Marie  de  Médicis  était 
donc,  comme  celle  de  beaucoup  de  souverains,  de  se  pro- 
noncer tantôt  pour,  tantôt  contre  les  adversaires  de  Rome. 

D'ailleurs,  outre  ces  nouvelles  de  France,  Mestrezat  en  don- 
nait quelquefois  à  ses  parents  sur  les  pays  étrangers.  Le  prince 
de  Galles,  Henri,  fils  de  Jacques  P>",  s  était  montré,  comme 
son  père,  animé  de  sentiments  favorables  pour  les  protestants 
de  France,  et  avait  promis,  lisons-nous  dans  Pontcharlrain,  de 
venir  à  leur  secours  ^  ;  malheureusement,  il  ne  put  tenir  sa 
promesse,  car  il  mourut  le  6  novembre  1612.  Dix-huit  jours 
après,  Mestrezat  parlait  de  celte  mort  à  son  frère  comme  du 
plus  funeste  événement  *. 

Ce  qui  se  passait  en  Allemagne  attirait  aussi  son  attention. 
Matthias  avait,  le  12  avril  1611,  contraint  son  frère  Léopold  à 

»  Mémoires  de  Pontcharlrain,  t.  II,  pp.  H  et  16,  dans  la  Collect.  des  Mém. 
relatifs  à  l'histoire  de  France. 

*  J.  Mestrezat,  Epist.  24  novembre  1612. 
^  Pontcharlrain,  n.  s.  t.  Il,  p.  16. 

*  Jam  quod  ad  te  scribara  nihil  habeo,  nisi  funestissimam  quam  hic  audi- 
vimus  morlem  principis  de  Gales.  Mestrezat,  u.  s. 


38 

déposer  la  couronne  de  Bohême  et,  l'empereur  Rodolphe  II 
étant  mort  le  20  janvier  1612,  chacun  attendait  avec  impa- 
tience les  événements  qui  pouvaient  résulter  de  là.  Le  5  juillet 
suivant,  l'étudiant  de  Saumur  écrivait  a  son  frère  :  «  Quant  à 
«  la  situation  des  affaires  d'Allemagne,  de  celles,  veux-je  dire 
«  qui  ont  trait  à  l'élection  de  l'empereur  et  du  roi  des  Ro- 
«  mains,  je  désire  eu  être  instruit  par  toi.  »  Il  se  rend,  du 
reste,  quelques  mois  plus  tard,  h  Heidelberg,  où  l'électeur  pa- 
latin revint  lui-même  en  avril  1613  ',  et,  pour  s'y  rendre,  il 
passe  par  Nancy  en  Lorraine.  Or,  il  apprend  dans  celte  der- 
nière ville  que  l'évêque  du  diocèse,  nommé  aussi  Léopold,  est 
sur  le  point  de  résigner  son  évêché  en  faveur  du  neveu  du 
duc  de  Lorraine ,  afin  de  pouvoir  épouser  la  fille  du  duc  de 
Bavière  ". 

Les  vœux  alors  n'étaient  donc  pas  tellement  indélébiles 
qu'ils  ne  permissent  au  moins  aux  évêques  de  se  marier  ;  et, 
d'un  autre  côté,  le  jeune  théologien  prolestant  n'était  pas  tel- 
lement étranger  aux  affaires  de  ce  monde  qu'alors  déjà  il  ne 
s'occupât  point  de  politique.  S'il  avait  besoin  d'en  être  discul- 
pé, il  faut,  du  moins,  observer  que  la  politique  ,  si  l'on  s'en 
lient  à  ce  qui  vient  d'être  dit,  touchait  de  fort  près  a  la  reli- 
gion, et  c'est  encore  dans  ce  sens  que,  le  24  décembre  1612, 
il  parlait  de  la  guerre  que  le  duc  de  Savoie  voulait  faire  à 
Berne  et  à  Genève,  avait-  il  ouï  dire,  quoique  il  ne  le  crût  pas 
lui-même.  D'ailleurs  c'était  bien  des  questions  religieuses  qu'il 
se  préoccupait  avant  tout;  car,  dans  la  lutte  que  Du  Moulin 
eutà  soutenir  contre Tilenius,  s(»it  au  sujet  de  l'union  hyposiati- 
que,  soit  au  sujet  des  doctrines  arminiennes,  l'Église  de  Genève 
ayant  pris  parti  pour  Tilenius  qui  se  rattachait  depuis  peu  à  ces 
dernières,  Mestrezat  reprocha  aux  pasteurs  de  celte  Église  de  se 
prononcer  dans  celte  controverse  et  d'attaquer  Du  Moulin  et, 
en  sa  personne,  plusieurs  pasteurs  et  même  plusieurs  Églises 

•  Voir  sa  lettre  datée  de  Francfort,  3  avril  1613. 
Epist.    24-  décembre  1612. 


39 

avec  plus  d'ardeur  qu'il  n'élail  convenable.  Tel  est,  du  moins, 
le  sens  d'une  phrase  qu'il  adressait  à  son  frère  dans  sa  lettre 
du  17  novembre  1612  '. 

Les  missives  qu'il  avait  écrites  jusqu'au  27  juillet,  inclusi- 
vement, de  cette  année-là,  étaient  datées  de  Saumur.  Elles 
sont  au  nombre  de  huit.  Cinq  autres,  écrites  du  27  octobre 
au  10  décembre,  sont  datées  de  Paris;  une  du  24  décembre, 
de  Heidelberg,  et  la  dernière  du  3  avril  1613,  de  Francfort. 
Elles  nous  font  suivre  de  la  sorte  l'itinéraire  du  jeune  Gene- 
vois pendant  ses  vacances.  Retourna-t-il  a  Saumur  après  ses 
congés?  La  chose  est  probable,  quoique  nous  ne  l'ayons  vu 
affirmer  nulle  part.  Mais,  ce  qui  est  positif,  c'est  que  ce  fut  a 
Charenton  qu'en  1616  il  reçut  l'imposition  des  mains  de  Du 
Moulin  lui-même,  dont  il  avait  pris  le  parti  à  Saumur. 

Dès  ce  moment,  Mestrezat  devint  donc,  comme  pasteur  de 
Charenton,  le  collègue  de  Du  Moulin  ;  comme  pasteur  de  Cha- 
renton, ai-je  dit,  car  depuis  que  le  service  divin  pour  les  pro- 
testants y  avait  été  transféré  en  1606"^,  il  n'était  plus  permis 
aux  pasteurs  de  ce  petit  bourg  de  s'intituler  pasteurs  de  Paris. 
On  le  leur  fit  sentir  en  1633,  a  l'occasion  d'un  ouvrage  d'Au- 
bertin ,  lequel  avait  pris  ce  titre  sur  la  première  page,  et  de 
Mestrezat,  Drelincourt,  Daillé,  qui  en  avaient  fait  autant  dans 
l'approbation  donnée  à  l'ouvrage  même  ^. 

•  Aussi  ce  ne  furent  pas  les  pasteurs  de  Genève  qui  eurent  l'honneur  de 
pacifier  cette  discussion.  Les  registres  de  la  Vénérable  Compagnie  portent,  en 
effet,  ce  qui  suit,  à  la  date  du  7  octobre  1614  :  «  Lettres  de  M.  Du  Plessis 
(Mornay)  de  Saumur  ont  esté  leues  par  lesquelles  il  écrit  que,  suivant  la  com- 
mission à  luy  donnée  par  le  Synode  de  Tonins  (2  mai  161-4)  avec  avis  de 
composer  le  différent  entre  les  sieurs  Du  Moulin  et  Tilenius,  le  susdit 
différent  a  été  terminé  et  assopi.  Et  requiert  en  oultre  que  tous  les  pa- 
piers que  notre  Compagnie  en  a  eu  ci-devant  luy  soyent  rendus  et  ren- 
voyez afin  d'en  abolir  toute  mémoire.  Advisé  que  tous  les  dits  papiers  seront 
rassemblés  et  renvoyés  à  M.  Du  Plessis  avec  lettres  de  congratulation  et  de 
remerciement  de  la  peine  qu'il  a  pris  à  la  dite  pacification  de  la  part  de 
la  Compagnie.  » 

'  Benoit,  Histoire  de  l'èdit  de  Nantes,  t.  I,  p.  434. 

•'  Ibid.  t.  II,  p.  534. 


40 

Durant  les  premières  années  de  son  ministère  pastoral,  Mes- 
irezat  fui  absorbé  tout  entier  par  les  études  nécessaires  pour 
étendre  ses  connaissances  et  par  les  fonctions  pratiques  aux- 
quelles il  était  appelé.  Nous  ne  le  voyons,  en  effet,  pendant 
un  certain  temps,  mettre  au  jour  aucun  autre  ouvrage  qu'une 
Défense  de  la  confession  de  foi  des  Eglises  réformées^  qu'il  publie 
en  1617,  en  collaboration  avec  ses  collègues.  Mais  en  1618, 
l'année  même  du  synode  de  Dordrecht,  un  jésuite  devenu  plus 
tard  célèbre,  le  père  Yéron,  ayant  fait  paraître  V Abrégé  de  l'art 
et  méthode  nouvelle  pour  bâillonner  les  ministres  *,  bientôt  suivi  de 
la  Franche  confession  des  minif,i,res  de  Quevilly  ",  le  jeune  pasteur 
de  Cbarenton,  ému  par  ces  attaques,  dont  le  but  évident  était 
d'imposer  silence  à  la  réforme  et  d'étouffer  la  lumière,  y  répondit 
par  un  livre  intitulé  :  Véron  ou  le  Hibou  des  jésuites  opposé  à 
la  corneille  de  Charenlon  '".  Ce  fut  vraisemblablement  cette 
guerre  de  plume  qui  poussa  les  deux  adversaires  à  se  mesurer 
en  cbamp  clos,  c'est-à-dire  dans  une  conférence,  suivant  les 
usages  (lu  temps ,  et  Du  Moulin ,  qui  peut-être  y  assistait  ei 
qui  était  bon  juge  en  pareille  matière,  nous  dit  que  Mestrezat 
triompha  hautement  du  controversiste  catholique**. 

Le  livre  contre  Véron  et  la  conférence  avaient  attiré  l'atten- 
tion sur  Mestrezat,  et  un  autre  adversaire,  le  père  Regourd, 
de  la  compagnie  de  Jésus,  voulut  aussi  se  mesurer  avec  lui; 
devant  Anne  d'Autriche  même,  ce  dernier  se  fit  fort  de  l'em- 
porter sur  le  huguenot.  Mais,  au  jour  fixé,  Regourd  se  fit  at- 
tendre et  la  salle  se  trouva  bientôt  remplie  d'un  si  grand  nombre 
de  curieux  que  les  portes  même  étaient  encombrées,  et  que 

•  Rouen,  1618. 

^  Ibkl.  1618,  in-8«. 

'  La  première  édition  portait  les  initiales  de  l'auteur  J.-M.  Villefranche 
(sans  millésime),  in-l^».  Elle  fut  réimprimée  avec  le  même  titre;  mais  cette 
fois,  on  n'y  lisait  ni  le  nom  de  Véron,  ni  celui  du  lieu  d'impression.  En  re- 
tour, il  y  avait  la  date  de  16*24,  in-12«. 

*  P.  Du  Moulin,  des  Traditions  et  de  la  suffisance  de  l'Ecritmx  Sainte.  Ge- 
nève, Chouet,  1671,  in-8o,  p.  79. 


41 

l'avocal  de  l'Eglise  romaine  ne  pul  pénétrer  qu'en  passant  par 
une  fenêtre.  Cette  circonstance  ne  pouvait  échapper  à  Mes- 
irezat  et  bientôt,  profilant  avec  bonheur  de  cet  épisode,  il  ap- 
pliqua h  son  adversaire  les  mots  du  Seigneur  :  «  En  vérité,  en 
«  vérité  je  vous  dis,  que  celui  qui  n'entre  point  par  la  porte 
«  a  la  bergerie  des  brebis,  mais  y  monte  par  ailleurs,  est  lar- 
«  ron  et  brigand.  Mais  celui  qui  entre  par  la  porte  est  le  ber- 
«  ger  des  brebis*.  »  Surpris  et  déconcerté  par  cette  attaque 
imprévue,  le  jésuite  put,  dès  ce  moment,  se  considérer  comme 
vaincu,  et  il  le  fut,  en  réalité,  si  bien,  qu'Anne  d'Autriche  ne 
permit  pas  qu'on  imprimât  le  procès-verbal  de  la  conférence^. 

Mais,  si  Meslre/ai  lui-même  dut  respecter  celte  décision, 
rien  ne  l'empêchail  de  rétorquer  par  écrit  son  adversaire,  et 
ce  fut,  en  effet,  le  parti  auquel  il  se  décida  plus  tard  en  publiant, 
en  1632,  un  Traité  de  l' Ecriture-Sainle  conlre  le  jésuite  Re- 
gourd et  le  cardinal  Du  Perron.  Ce  traité  était  dédié  h  Jacques 
Nompar  de  Caumont,  marquis  de  la  Force,  qui  avait  été  l'un 
des  modérateurs  de  la  conférence,  et  il  était  destiné  à  réfuter 
un  ouvrage  que  Regourd  avait  fait  paraître  sous  le  titre  de 
Démonstrations  catholiques,  ouvrage  où  il  attaquait  l'autorité  et 
la  perfection  des  Ecritures.  Meslrezat  divisa  son  irailé  en  cinq 
livres.  Dans  le  F,  il  élablil  la  divinité  des  Ecritures  ;  dans  le 
II'"^,  il  montra  que  les  Apocryphes  ne  peuvent  pas  être  admis 
au  rang  des  livres  inspirés;  dans  le  lïl'"*',  il  traita  de  l'inté- 
grité des  textes  originaux  et  des  traductions;  dans  le  IV™®,  de 
la  suffisante  clarté  des  Ecritures  pour  ce  qui  est  nécessaire  au 
salut;  dans  le  V™®,  de  l'inutilité  des  traditions. 

Mestrezat  était  un  homme  d'esprit;  tel  il  se  montra  dans  sa 
conférence  avec  Regourd,  tel  il  s'était  montré  précédemment 

*  Jean  X,  1  et  2.  Nous  citons  ces  versets  d'après  la  Bible  do  Genève  de 
1605,  dont  Mestrezat  se  servait  probablement. 

*  Du  Moulin,  des  Traditions^  p.  78.  Senebier,  Histoire  littéraire  de  Ge- 
nève, l.  II,  p.  141  ;  André,  Essai  sur  tes  œuvres  de  Jean  Mestrezat.  Stvâs- 
bourg,  1847,  p.  17. 


42 

dans  une  audience  qu'il  avait  sollicitée  de  Louis  XIII,  sur  le 
mandat  que  lui  avait  donné  en  1623  le  synode  de  Charenton. 
Le  cardinal  de  Richelieu  y  assistait,  et  c'était  lui  qui  avait  sug- 
géré au  roi  les  questions  que  celui-ci  adressa  au  pasteur  ré- 
formé et  dont  Meslrezat  se  lira  fort  honorablement. 

1^^  D.   Pourquoi  vous  servez-vous  de  la  liturgie  de  Genève? 

R.  Faisant  profession  d'une  même  religion  avec  Genève,  il 
n'est  pas  surprenant  que  nous  nous  servions  de  la  même  li- 
turgie. 

2me  j)  Pourquoi,  dans  vos  prières,  joignez-vous  les  pa- 
pistes avec  les  turcs  et  les  païens? 

R.  On  ne  doit  pas  être  étonné  que,  dans  le  temps  où  la 
communion  de  Rome  traite  les  Protestants  comme  les  turcs 
et  les  païens  les  traiteraient,  on  ait  joint  les  papistes  avec  ces 
infidèles  ;  mais  on  a  ôté  le  mot  de  Papistes  dans  les  nouvelles 
éditions ,  même  sous  le  règne  de  Henri  IV,  et  si  cela  est  de- 
meuré dans  quelques-unes,  elles  n'ont  pas  été  faites  en  France. 

3"*®  D.   Pourquoi  souffrez-vous  les  ministres  non  français? 

R.  Il  serait  a  souhaiter  que  tant  de  moines  italiens  qui  sont 
en  France  eussent  autant  de  zèle  pour  Sa  Majesté  qu'en  ont 
les  ministres  étrangers  qui  ne  reconnaissent  dans  le  royaume 
aucun  autre  souverain  que  le  roi. 

A  ces  mots,  le  cardinal  de  Richelieu,  lui  touchant  l'épaule, 
s'écria  :  «  Voilà  le  plus  hardi  ministre  de  France  !  »  Eloge  d'au- 
tant plus  précieux  qu'il  sortait  de  la  bouche  d'un  haut  digni- 
taire de  l'Eglise  romaine'. 

Enfin,  nous  trouvons  dans  les  Mémoires  du  cardinal  de  Retz 
le  récit  de  conférences  que  ce  dernier  eut  avec  Mestrezat  vers 
l'an  1639  ou  1640  ,  et  qui  font  bien  apprécier  ce  que  devaient 
être  l'érudition,  la  dialectique  et  la  facilité,  en  même  temps 
que  la  puissance  de  parole  de  ce  dernier. 

«  Je  trouvai  par  hasard  Mestrezat,  fameux  ministre  de  Cha- 
«  renton,  dit  le  cardinal,  chez  M"*^  de  Rambure,  huguenote 

'  Mémoire  communiqué  par  M.  Pictet.  Bayle,  Dict.  hist.  art.  Mestrezat. 


43 

«  précieuse  et  savante.  Elle  me  mil  aux  mains  avec  lui  par  cu- 
«  riosité  :  la  dispute  s'engagea  et  au  point  qu'elle  eut  neuf 
«  conférences  de  suite  en  neuf  jours  diflerents.  M.  le  Maréchal 
«  de  la  Force  et  M.  de  Turenne  se  trouvèrent  a  trois  ou 

«  quatre J'avais  eu  quelques  avantages  surMestrezat  dans 

«  la  cinquième;  la  question  de  la  vocation  y  fui  traitée.  11  m'em- 
«  barrassa  dans  la  sixième,  où  l'on  traitait  de  l'autorité  du 
«  pape,  parce  que,  ne  me  voulant  pas  brouiller  avec  Rome, 
«  je  lui  répondais  sur  des  principes  qui  ne  sont  pas  si  aisés  à 
«  défendre  que  ceux  de  Sorbonne.  Le  ministre  s'aperçut  de 
«  ma  peine;  il  m'épargna  les  endroits  qui  eussent  pu  m'obli- 
«  ger  à  m'expliquer  d'une  manière  qui  eût  pu  choquer  le  nonce. 
«  Je  remarquai  son  procédé,  je  l'en  remerciai  au  sortir  de  la 
a  conférence,  en  présence  de  M.  de  Turenne,  et  il  me  répondit  : 
«  Il  n'est  pas  juste  d'empêcher  M.  l'abbé  de  Retz  d'être  car- 
re dinal.  »  «  Celte  délicatesse,  comme  vous  voyez,  »  ajoute 
l'historien,  devenu  effectivement  cardinal  en  1651,  «  n'est  pas 
«  d'un  pédant  de  Genève  \» 

On  voit  par  ces  paroles,  comme  par  tout  ce  que  nous  venons 
de  raconter,  que  Meslrezat  était  réellement  spirituel,  et  comme 
il  était  en  même  temps  fort  instruit  et  qu'il  avait  eu  des  dis- 
cussions théologiques  avec  des  personnages  célèbres,  on  com- 
prend qu'il  se  fût  fait  un  nom  dans  la  controverse.  11  avait 
d'ailleurs,  outre  les  écrits  destinés  à  réfuter  Véron  et  Regourd, 
publié  aussi  un  Advis  au  Sieur  Gabriel  Martin,  abbé  de  Clausone^ 
par  un  personnage  équitable  et  amateur  de  vérité  ,  ouvrage  connu 
seulement  par  la  réponse  de  Martin  ,  qui  avait  pour  titre  :  La 
poursuite  du  Sieur  Meslrezat,  ministre  de  Charenlon,  depuis  sa 
banqueroute  sur  l' Advis  donné,  etc.,  Paris,  16.32,  in-8°;  et  il 
avait  aussi  fait  paraître,  en  réplique  a  La  Milletière,  un  Dis- 
cours de  la  grâce  contre  les  prétendus  mérites  et  la  justification 
par  les  œuvres  (Charenlon,  1638,  in-1 2).  Comme  nous  n'avons 

'  Mémoires  du  cardinal  de  Retz  (Collection  Petitot),  Paris  1825,  t.  XLIV, 
p.  130  et  s. 


44 

pu  nous  procurer  ces  deux  ouvrages,  nous  devons  nous  borner 
à  en  indiquer  le  litre;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  du  Traité 
de  l'Eglise  que  Mestrezat  publia  à  Genève  et  à  Cbarenton  en 
1639,  avec  l'approbation  des  pasteurs  que  le  synode  de  ia 
province  avait  chargés  de  l'examiner.  Dans  ce  traité,  qui  est 
divisé  en  trois  livres,  l'auteur  examine  successivement  l'Eglise  : 
1^  dans  son  état  intérieur  en  tant  qu'Eglise  invisible,  au  point 
de  vue  de  la  foi  qui  la  constitue  et  des  caractères  qu'elle  doit 
offrir;  2<*  dans  son  état  extérieur  en  tant  qu'Eglise  vinble,  au 
point  de  vue  du  chef  auquel  elle  obéit,  du  caractère  de  ses 
pasteurs,  de  leur  ordination,  de  leur  succession,  de  leur  union 
et  de  la  prospérité  de  l'Eglise;  S*'  dans  l'autorité  qui  lui  ap- 
partient ,  article  où  l'auteur  recherche  si  c'est  l'Eglise  qui  est 
constituée  comme  tribunal  au-dessus  de  l'Ecriture  pour  en 
trancher  les  difficultés,  ou  si  ce  n'est  pas  plutôt  l'Ecriture  qui 
est  le  tribunal  auquel  l'Eglise  même  est  subordonnée.  Il  y  a 
dans  cet  ouvrage  de  700  pages  in-4"  une  grande  érudition, 
une  grande  connaissance  de  l'Ecriture  et  des  Pères  de  l'Eglise, 
et  une  véritable  force  de  raisonnement.  Quelquefois  pourtant 
l'argumentation  devient  moins  serrée  et  la  dialectique  un  peu 
subtile.  Puis,  malheureusement,  avec  le  besoin  de  tout  dire  et 
de  répondre  à  tout,  une  certaine  lourdeur  dans  la  marche,  une 
certaine  pesanteur  d'allure,  qui  ôte  à  la  lecture  de  ces  pages 
toute  espèce  d'attrait.  On  dirait  un  général  qui ,  pour  livrer 
bataille,  ferait  également  porter  l'etfort  de  ses  armes  sur  tous 
les  points  des  corps  ennemis  qu'il  a  devant  lui. 

Un  dernier  ouvrage  de  controverse  reste  a  mentionner,  qui 
prouve  quelles  étaient  d'ailleurs  les  connaissances  scripturaires, 
l'érudition  patristique  et  la  force  d'argumentation  de  Mestrezat. 
Cet  ouvrage  a  pour  titre  :  De  la  communion  à  Jésus-Clinst,  au 
sacrement  de  l' Eucharistie ,  contre  les  cardinaux  Bellarmin  et 
Du  Perron.  Il  est  divisé  en  trois  livres,  dans  le  I*''"  desquels 
l'auteur  établit  la  nécessité  et  la  véritable  nature  de  notre 
communion  avec  Jésus-Christ.    «  La  chose  a  laquelle  nous 


45 

sommes  joincls ,  c'est  Jésus-Christ,  mesme  quant  à  sa  nature 
humaine;  mais  le  hen  qui  nous  joincl  à  cet  object,  c'est  le  Sainct- 
Esprit  et  la  foy  du  pécheur  repentant  (I.  P'^,  ch.  4),  union 
substantielle  et  corporelle  au  regard  des  choses  qui  sont  con- 
joinctes,  et  spirituelle  au  regard  du  lien  qui  conjoinct  ces 
choses.  Sainct  Paul  en  effet  nous  montre  que,  comme  nous 
sommes  incorporez  à  J.-C.  au  baptesme,  pour  ce  que  nous  y 
recevons  son  Esprit,  aussi  nous  recevons  le  corps  de  J.-C.  en 
l'Eucharistie  et  sommes  joincts  a  lui  en  tant  que  nous  sommes 
abbreuvez  de  son  Esprit  »  (1  Cor.  xii,  13).  C'est  par  cette 
thèse,  puis  par  un  long  examen  du  VI™''  chapitre  de  saint  Jean, 
où  notre  controversiste  voit  la  demeure  de  Jésus-Christ  en 
nous  enseignée  sous  la  même  forme  que  notre  demeure  en 
Christ,  c'est-a-dire  sous  une  forme  spirituelle;  c'est  par  là, 
disons-nous,  que  Mestrezat  s'élève  contre  l'introduction  ma- 
térielle de  la  chair  de  Christ  en  nos  corps. 

Dans  son  II'"^  livre,  i!  s'élève  contre  la  transsubstantiation 
et  montre  qu'en  TEucharislie  nous  ne  sommes  unis  que  spiri- 
tuellement au  corps  de  Christ.  Il  le  prouve:  î°  par  la  nature 
des  sacrements  oii  il  ne  saurait  voir  autre  chose  que  des  si- 
gnes, des  mémoriaux,  des  figures  de  certaines  choses;  d'où 
résulte  que,  quand  on  parle  d'un  signe,  on  lui  impose  le  nom 
de  la  chose  signifiée,  et  qu'ainsi  les  sept  épis  et  les  sept  vaches, 
par  métaphore,  des  songes  de  Pharaon  ,  sont  sept  années  ;  la 
pierre  est  Christ,  par  métaphore,  quoique  le  mot  signifie  ne 
soit  pas  employé;  d'où  résulte  encore,  qu'afin  qu'un  attribut 
substantiel  soit  énoncé  relativement  à  un  signe,  il  n'est  pas 
besoin  que  la  substance  de  ce  dernier  soit  convertie  on  qu'à 
celte  substance  une  autre  soit  jointe  par  union  hypostatique  ; 
il  suffit  qu'une  autre  y  soit  jointe  par  union  de  signification. 
Il  le  prouve  :  2°  par  les  textes  où  est  rapportée  l'institution  de 
l'Eucharistie.  Car,  si  la  coupe  y  est  représentée  comme  une  al- 
liance, quoiqu'elle  ne  soit  pas  convertie  en  alliance  ou  testa- 
ment, il  en  est  de  même  du  pain  dont  Jésus  peut  dire  :  Ceci 


46 

est  mon  corps,  sans  que  ce  pain  soii  converli  en  corps  de  Chrisi. 
Si  Jésus,  après  avoir  dil  :    Ceci  est  mon  sang,   nomme  frmt 
de  la  vigne  ce  qui  est  dans  la  coupe,  c'est  donc  encore  du  vin. 
Si  Jésus  dil  :  Ceci  est  mon  sang,  ce  n'est    toutefois   qu'après 
que  les  apôtres  l'ont  bu,  comme  si  ce  que  la  coupe  contenait 
eût  été  jusque-là  pour  eux  du  vin.  Il  le  prouve  :  3"  par  l'ana- 
logie des  articles  de  foi,  et  d'abord  relativement  à  la  vérité  de 
la  nature  bumaine  de  Cbrist.  L'Ecriture  sainte  enseigne  que 
le  corps  de  Jésus-Gbrist  est  né  de  la  bienbeureuse  Vierge  et  a 
esté  formé  de  la  semence;  or,  par  la  transsubstantiation,  dit 
Mestrezat.  on  nous  baille  un  corps  de  Jésus-Christ  formé  de 
pain  par  des  paroles,  qui  est  ce  que  les  articles  de  foy  ne  per- 
mettent point.  Ensuite  il  est  dit  (Hébr.  ii,  17),  qu'il  a  fallu  que 
Jésus-Cbrist  fust  semblable  en   toutes  choses  à  ses  frères; 
comment  est-il  semblable  à  nous,  s'il  a  un  corps  qui  est  tout 
entier  en  une  oublie,  et  tout  entier  en  des  millions  d'oubliés 
en  divers  lieux  (liv.  Il,  chap.  15)?  Enfin,  après  sa  résurrection 
(Luc,  XXIV,  36-39),  Jésus  renvoie  ses  disciples  au  témoignage 
de  leur  sens  pour  s'assurer  de  son  identité  :   Voyez  mes  mains 
et  mes  pieds,  leur  dit-il,  c'est  moi-même.  Touchez-moi  et  regardez- 
moi.  Un  esprit  n'a  ni  chair  ni  os  comme  vous  voyez  que  fai ,  et 
un  corps  se  trouve  toujours  en  un  lieu  déterminé  et  limité.  Or, 
selon  Bellarmin  {De  l'Eucharistie,  I,  ch.  2),  Christ  n'aurait 
pas,  dans  l'Eucharistie,  le  mode  d'existence  des  corps,  mais 
celui  des  esprits,  vu  qu'il  serait  tout  entier  partout  à  la  fois, 
et  de  plus,  nos  sens  ne  nous  font  pourtant  apercevoir  que  du 
pain  et  du  vin  et  nullement  la   nature  du   corps  humain.  Si 
donc,  dans  le  premier  cas,  il  faut  admettre  la  vérité  du  témoi- 
gnage des  sens  et  la  réalité  du  corps  de  Christ,  dans  le  second 
cas,  on  devrait  admettre  la  réaliié  du  corps  de  Christ,  mais 
la  fausseté  du  témoignage  des  sens  ;  ce  qui  est  inadmissible. 
Mestrezat  arrive  à  la  même  conséquence ,  en  consultant  l'ana- 
logie de  la  foi  relativement  a  l'Ascension  de  Christ.  Jésus  a 
dit  (Jean,  xvi,  28 j  :  Maintenant  je  laisse  le  inonde  el  je  m^en 


47 

vais  vers  mon  Père  (voir  encore  Mallh.  xxvi,  11).  Saint  Paul 
dit  (Col.  m,  1)  que  Jésus  est  à  la  droite  de  Dieu.  Saint  Pierre 
dit  enfin  (Actes,  m,  21)  qu'î7  faut  que  le  ciel  le  contienne 
jusqu'au  rétablissement,  de  toutes  choses.  Or,  par  la  doctrine 
de  la  transsubstantiation  ,  Jésus  est  sur  la  terre  plus  qu'il  n'y 
fut  jamais  ,  et  toutes  les  distinctions  entre  corps  visible  et  corps 
invisible  n'y  serviront  à  rien,  puisque  le  propre  d'un  corps  est 
de  tomber  sous  les  sens. 

Les  deux  premiers  livres  dont  nous  venons  de  donner  une 
analyse,  trop  longue  sans  doute,  occupent  à  peine  un  tiers  de 
l'ouvrage,  qui  est  d'ailleurs  considérable,  puisqu'il  a  près  de 
700  pages;  les  deux  derniers  tiers  sont  consacrés  à  un  troi- 
sième et  dernier  livre  où  Mestrezat  examine  la  croyance  des 
Pères  au  sujet  de  l'Eucharistie.  Il  cite  successivement  Justin 
martyr,  Irénée,  Clément  d'Alexandrie,  TertuHien,  Cyprien, 
Athanase,  Théodoret,  Augustin,  Ambroise,  Cyrille  de  Jéru- 
salem, Chrysostome.  Il  discute  leurs  témoignages  et  prouve 
que  ce  n'est  que  dans  un  sens  spirituel  et  mystique  que  doi- 
vent se  prendre  les  déclarations  dans  lesquelles  ils  parlent  de 
la  présence  de  Christ  en  la  Cène.  Encore  une  fois,  nous  di- 
rons que  cette  analyse  est  bien  longue  et  hors  de  proportion 
avec  l'article  que  nous  consacrons  à  Jean  Mestrezat  ;  mais  c'est 
peut-être  la  première  fois  que  cet  ouvrage  est  ainsi  analysé,  et 
il  en  valait  la  peine,  puisque  un  an  après  la  première  édition, 
qui  parut  a  Sedan  en  162i,  l'auteur  en  publia  une  seconde 
en  1625 ,  et  puisque  cet  ouvrage  fut  successivement  traduit  en 
trois  langues:  en  allemand,  dès  l'année  de  sa  première  ap- 
parition, en  anglais,  en  1631,  en  italien,  en  1638. 

Au  bout  de  quinze  ans,  c'est-à-dire  en  1649,  Mestrezat  en 
fit  paraître  un  extrait  a  Orange ,  sous  le  titre  :  Discours  de  la 
manière  dont  Jésus-Christ  nous  est  donnée  tant  en  l'Evangile 
qu'au  sacrement  de  l'Eucharistie.  Il  y  résuma  seulement  la  doc- 
trine de  ses  deux  premiers  livres,  laissant  de  côté  la  presque 
totalité  de  ce  qui  regarde  la  croyance  des  Pères. 


48 

Les  circonstances  de  son  époque  et  la  tendance  des  esprits 
avaient  donc  fait  de  Mestrezat  un  conlroversiste.  Sous  le  ré- 
gime de  l'édit  de  Nantes,  les  guerres  de  religion  et  les  persé- 
cutions avaient  momentanément  pris  fin,  mais  c'était  pour 
ouvrir  a  la  discussion  une  arène  d'autant  plus  libre,  et,  nous 
l'avons  vu  ,  le  théologien  genevois  ne  s'y  était  pas  épargné. 
Des  conférences  multipliées  et  de  nombreux  écrits  sortis  de 
sa  plume  avaient  témoigné,  à  cet  égard,  de  son  aptitude  et  de 
ses  goûts  à  la  fois.  Il  ne  faut  pas  s'étonner  dès  lors  si  sa  pré- 
dication en  offrit  aussi  l'empreinte.  Mestrezat  a  laissé  quinze 
volumes  de  sermons  qui  prouvent  combien  il  prenait  au  sé- 
rieux les  fonctions  de  la  chaire  et  avec  quelle  activité  il  s'y 
consacra.  Mais  ces  discours  présentent  avant  tout  une  tracta- 
tion exégélique  oi!i  la  polémique  anti-catholique  est  fréquem- 
ment abordée ,  et  par  malheur,  ainsi  que  l'ont  fait  remarquer 
tour  à  tour  M.  Emile  André  et  Alexandre  Vinet,  le  cachet 
oratoire  n'y  brille  le  plus  souvent  que  par  son  absence.  Si  le 
but  de  la  prédication,  d'après  saint  Paul,  est  la  charité  qui  vient 
d'un  cœur  pur,  d'une  bonne  conscience  et  d'une  foi  sincère^  on 
peut  dire  que  la  prédication  française  protestante,  à  son  origine, 
s'occupa  moins  du  but  à  atteindre,  la  charité ,  c'est-a-dire 
l'amour  de  Dieu  comme  l'amour  des  hommes,  que  des  moyens 
à  employer  pour  atteindre  ce  but,  et  parmi  ces  moyens  elle 
s'occupa  moins  de  rendre  le  cœur  pur,  la  conscience  attentive 
et  bonne,  que  de  faire  naître  une  foi  sincère;  elle  prit  même 
le  mot  foi  dans  son  sens  intellectuel  et  dogmatique  encore  plus 
que  dans  le  sens  affectif,  et  celte  méthode,  inaugurée  par  Calvin, 
dura  jusqu'en  plein  dix-septième  siècle.  La  science  y  dominait 
plus  que  l'éloquence,  et  le  problème  dont  l'orateur  chrétien 
poursuivait  la  solution  était  de  convaincre  plus  que  de  per- 
suader. Tel  fut  le  caractère  de  Mestrezat.  Il  serait  injuste  de 
lui  dénier  toute  ressource  oratoire,  et  le  morceau  même  que 
nous  allons  emprunter  à  son  discours  de  la  Pàque  chrétienne  *, 

'   Virifjt  sermons  sur  divers  textes  de  l'Ecriture  sainte.  Genève  1658,  page 
243  et  s. 


49 

en  confirmant  noire  prennère  observation,  confirmera  peul-êlre 
aussi  la  seconde  : 

«  Tout  le  temps  de  notre  vie  ici-bas  est  notre  Pâque,  et 
«  tout  TEvangile  ne  consiste  qu'à  nous  faire  faire  le  passage 
«  de  mort  à  vie,  de  péché  a  justice,  de  servitude  en  liberté 
«  spirituelle.  La  foi  en  Jésus-Christ  fait  ce  grand  passage-là  ; 
«  et  comme  le  passage  des  aînés  de  mort  à  vie  se  faisoil  au 
((  moyen  du  sang  de  l'agneau,  dont  étoient  marquées  les  mai- 
ce  sons  où  ils  étoient,  aussi  la  foi  marque  nos  consciences  du 
f(  sang  de  Jésus-Christ,  c'esl-à-dire  nous  en  applique  le  mérite 
«  et  refficace.  Par  elle,  nous  passons  de  la  colère  de  Dieu 
«  en  sa  paix,  selon  que  l'Apôtre  dit  :  Que  Dieu  a  ordonné 
«  Jésus-Christ  pour  propitiatoire  par  la  foi  en  son  sang.  Par 
«  elle  aussi  nous  recevons  l'esprit  de  sanctification,  par  lequel 
«  nous  sommes  vivifiés  de  morts  que  nous  étions  en  nos  fautes 
«  et  péchés.  Les  soupirs  et  les  saintes  douleurs  de  la  repen- 
«  tance  sont  les  premiers  mouvements  de  ce  passage  sacré  ; 
«  la  fiance  aux  promesses  de  grâce  et  le  recours  en  la  miséri- 
«  corde  de  Dieu  en  Jésus-Christ  fait  le  chemin  ;  la  charité  et 
((  les  bonnes  œuvres  en  font  le  progrès  et  avancement. 

«  Venez  donc,  ô  hommes  qui  êtes  travaillés  et  chargés  par 
«  le  sentiment  de  vos  péchés,  et  qui  voyez  que  la  loi  prononce 
«  contre  vous  sentence  de  mort  et  de  malédiction;  passez  par 
«  fiance  au  trône  de  grâce,  où  vous  trouverez  grâce  et  misé- 
«  ricorde  en  rémission  de  vos  péchés.  Venez ,  vous  qui  êtes 
«  morts  au  péché,  passez  à  la  vie  par  le  renouvellement  de  vos 
«  âmes  en  vertus  chrétiennes  et  œuvres  de  piété  et  charité. 
«  L'affection  de  la  chair  étoit  mort  ;  mais  l'affection  de  l'es- 
((  prit  est  vie  et  paix.  Venez,  vous,  serfs  du  péché,  passez  en 
«  liberté  par  obéissance  à  l'Evangile,  car,  qui  fait  péché,  dit 
«  Jésus-Christ,  est  serf  du  péché  ;  mais,  si  le  Fils  vous  affran- 
T.  XV,  V^  part.  4 


50 

«  chit,  vous  serez  vraiment  francs  '  ;  et  la  où  est  l'esprit  de 
«  Dieu,  dit  l'Apôtre,  là  est  la  liberté^.  » 

Certes,  il  y  a  dans  ce  passage  une  élévation  de  pensée,  un 
sentiment,  une  vie,  qui  sont,  ou  je  me  trompe  fort,  des  qua- 
lités oratoires.  Je  n'en  dirai  sûrement  pas  autant  du  passage 
que  je  vais  encore  citer  et  qui  n'offre ,  à  peu  de  chose  près, 
qu'une  simple  argumentation  ;  mais  cette  argumentation  me 
mettra  en  mesure  d'apprécier  en  quelques  mots  les  tendances 
théologiques  de  Mestrezat.  —  Ce  nouveau  fragment  est  tiré 
d'un  sermon  intitulé  :  De  la  victoire  de  Jésus  sur  le  serpent^  : 

«  Comme  Jésus-Christ  nous  a  esté  faict  de  par  Dieu  sapience, 
«  en  croynnt,  et  justice,  en  nous  absolvant  de  la  peine  que  nous 
((  avions  méritée,  il  faut  quW  nous  soit  aussi  fait  sanctifica- 
«  tion ,  en  formant  en  nous  par  son  Esprit  les  habitudes  de 
«  justice  et  sainteté,  et  que,  par  ce  moyen,  il  détruise  la  force 
«  que  l'ancien  serpent  a  dedans  nous  en  vices  et  péchés,  et 
«  en  toutes  convoitises  charnelles;  et  qu'en  combattant  contre 
«  Satan  par  la  foy  en  Jésus-Christ,  nous  combattions  aussi 
«  contre  luy  par  repentance  et  amendement  de  vie.  Ne  séparez 
«  point,  mes  frères,  ces  deux  sortes  de  combat,  car  ils  sont 
«  inséparables.  Au  premier,  le  pécheur  combat  en  recourant 
«  à  la  miséricorde  :  au  second,  il  combat  en  vaquant  au  renon- 
«  cément  de  soy-méme.  Au  premier,  il  employé  le  sang  de 
«  Jésus-Christ;  au  second,  il  employé  l'Esprit  de  Jésus-Christ 
«  pour  mortifier  par  luy  les  faits  du  corps.  Au  premier,  il  se 
«  console  de  ce  que  Jésus-Christ  est  la  fin  de  la  Loy  en  jus- 
«  tice  à  tout  croyant ,  et  au  second  il  s'employe  à  engraver  la 
«  loy  de  Dieu  dedans  son  cœur.  Au  premier,  il  regarde  hors 
«  de  soy,  mais  contre  soy,  l'ire  de  Dieu,  et  tasche  de  s'en  ga- 
«  rantir  ;  au  second ,  il  regarde  les  vices  et  convoitises  char- 
«  nelles  qui  sont  au  dedans  de  soy-mesme  pour  s'en  garder. 

«  Jean,  vin,  35. 
■'  "1  Cor.  III,  17. 
''  Vingt  sermons,  etc.  p.  135-137. 


51 

«  0  homme!  si  lu  sépares  ces  deux  combats,  la  foy  esl  vaine 
«  et  fausse  :  car  elle  prétend  déjoindre  ce  que  Dieu  a  conjoint, 
«  et  séparer  le  sang  de  Jésus-Christ  d'avec  son  Esprit,  et,  par 
«  ce  moyen  ,  changer  la  grâce  de  Dieu  en  dissolution  et  rendre 
«  Jésus-Christ  ministre  de  péché. 

«  C'est  donc  aussi  par  ce  second  combat  qu'il  faut  que  la 
«  teste  de  l'ancien  Serpent  soit  brisée  au  dedans  de  nous  ;  car 
«  n'est-ce  pas  la  teste  de  l'ancien  Serpent  dans  nous  que  la 
<(  ioy  des  membres  qui  bataille  contre  la  loy  de  Dieu,  et  nous 
<-  rend  naturellement  captifs  à  la  loy  de  péché.  » 

On  le  voil,  pour  Mestrezat,  l'expiation,  qui  fait  disparaître 
la  peine  du  péché  ,  et  la  sanctification  qui  en  fait  disparaître  la 
souillure,  sont  deux  faits  connexes  ;  elles  sont  intimement  liées, 
et  Calvin  même  n'en  a  peut-être  pas  exprimé  aussi  bien  l'in- 
dissoluble union.  C'est  que  le  système  de  Mestrezat  diffère 
d'une  manière  sensible  de  celui  du  réformateur.  Sans  contre- 
dit, Mestrezat  esl  orthodoxe.  Il  croit  au  péché  originel,  à  la 
divinité  de  Jésus-Christ  et  à  la  Trinité.  Il  croit  à  l'expiation 
par  le  sang  et  à  la  justification  par  la  foi;  il  professe  la  doc- 
trine du  salut  gratuit.  Mais  déjà  il  y  a  dans  son  système  un  côté 
mystique  par  où  il  se  distingue  profondément  de  celui  de  Cal- 
vin :  il  admet  le  péché  originel ,  parce  qu'il  croit  au  iraducia- 
nisme  et  parce  qu'il  incarne  l'humanité  dans  l'Adam  terrestre; 
il  admet  la  rédemption  par  le  sang  de  Christ ,  parce  qu'il  in- 
carne l'humanité  dans  l'Adam  céleste  ou  dans  la  personne  de 
Christ.  On  s'en  convaincra  par  la  lecture  des  lignes  que  voici  : 

«  Comme  la  justice  de  Dieu  n'eust  pu  nous  imputer  le  péché 
«  d'Adam  si  nous  n'eussions  esté  en  Adam,  et  comme  en  ses 
«  reins,  aussi  ceste  justice  de  Dieu  ne  pourroit  nous  allouer 
«  l'obéissance  de  Jésus-Christ  et  nous  absoudre  par  le  sang 
«  que  Jésus  a  répandu  en  la  croix,  si  nous  n'estions  un  avec 
«  Jésus-Christ  '.  » 

«  De  la  communion  de  J.-C.  au  sacrement  de  l'Eucharistk,  liv.  I,  chap.  il, 
2'"'  édition.  Sedan  1625,  p.  5. 


52 

Ensuite  Mestrezat  ne  saurait  admettre  comme  Calvin  la  pré- 
destination absolue.  Nous  aurions  déjà  pu  nous  en  douter  en 
voyant  quelle  place  occupe  chez  lui  la  sanctification,  qu'il  re- 
présente non  comme  dérivant  de  l'expiation,  mais  comme  mar- 
chant de  pair  avec  elle,  et  en  voyant  quelle  part  il  fait  au  pécheur 
dans  la  lutte  qu'il  a  h  soutenir  contre  le  péché.  Mais  nous  avons 
mieux  que  cette  preuve  indirecte  pour  nous  assurer  des  doc- 
trines de  Mestrezat  sur  cette  matière  importante.  En  1653  ou 
1655-,  il  écrivit  à  quelques  pasteurs  du  bas  Languedoc,  sur  le 
sujet  de  la  grâce  universelle,  une  lettre  que  malheureusement 
nous  n'avons  pu  nous  procurer,  mais  dont  la  réponse  qui  y  fut 
faite  en  1654  et  qui  fut,  d'ailleurs,  publiée  sans  nom  de  lieu, 
nous  fait  assez  connaître  les  principales  assertions.  Mestrezat, 
d'après  les  reproches  qui  lui  sont  adressés,  n'a  fait  que  repro- 
duire l'enseignement  de  Saumur  sur  la  grâce  universelle.  //  y  a, 
dit-il,  de  grands  corps  des  Eglises  réformées,  qui^  en  leur  confes- 
sion de  foi,  faite  il  y  a  peu  d'années  à  Tome  (Thorn),  en  l'as- 
semblée que  le  défunt  roi  de  Pologne  y  convoqua  tant  de  ses  Estais 
que  des  circonvoisins  d'Allemagne,  parlent  de  la  grâce  comme  on 
en  parle  à  Saumur  ' .  —  //  n'y  a  point  de  péril  à  croire  la  grâce 
universelle'^. —  Jésus-Christ  est  mort  pour  tous,  jusques-là  que, 
s'ils  croient,  ils  soient  sauvés^.  —  Quant  à  moi,  je  trouve  une 
grande  consolation  de  considérer  notre  Père  céleste  être  miséri- 
cordieux envers  tous,  car  il  s'ensuit  de  là  qu'il  l'est  beaucoup 
plus  envers  ses  enfants,  et  de  considérer  que  Jésus-Christ  est  le 
Sauveur  de  tous  * . 

Si,  comme  tout  nous  porte  à  le  croire,  Mestrezat  a  bien 
écrit  ces  déclarations  telles  quelles,  il  est  évident  qu'il  appar- 
tenait a  l'école  de  Saumur,  qu'il  était  arminien. 

Mais  alors  quelle  direction  suivait-il  dans  sa  jeunesse,  lors- 

'  liép.  p.  19. 

"-  Ibid.  p.  20. 

3  Ihkl. 

*  P.  27  et  s. 


53 

que  quarante  ans  auparavant  environ,  il  était  lui-même  élève 
de  la  faculté  deSaumur?  Simon  Goulart,  avons-nous  vu  dans 
une  lettre  de  Mestrezat  datée  du  4  mai  1642,  lui  avait  conseillé 
d'abord  de  ne  pas  |irendre  pour  sujet  de  thèse  la  justification, 
question  récemment  soulevée,  au  grand  scandale  de  l'Église  de 
Dieu,  parmi  les  théologiens,  puis  de  dédier  son  œuvre  a  M.  Du 
Plessis  plutôt  qu'à  Du  Moulin.  Dans  quel  but  avait-il  donné  ce 
conseil  au  jeune  candidat?  C'est  ce  que  l'exégèse  la  plus  mi- 
nutieuse du  passage  en  question  ne  nous  fera  peut-être  pas  dé- 
couvrir. Est-ce  Goulart  ou  Mestrezat  qui  a  écrit  les  mots  :  Au 
grand  scandale  des  Eglises  de  Dieu?  Impossible  d'en  rien  sa- 
voir. Goulart  craignait-il  que  Mestrezat  n'abordât  un  point  de 
vue  plus  large  que  celui  qu'avait  soutenu  jusque-là  l'Église  de 
Genève?  Ses  relations  avec  Théodore  de  Bèze,  la  confiance 
que  lui  accordaient  les  pasteurs  et  professeurs  genevois  per- 
mettent de  le  supposer.  11  devait  bien  être  fidèle  aux  doctrines 
calvinistes.  Et  pourtant  alors  dans  quel  but  engage-t-il  Mes- 
trezat à  dédier  sa  thèse  à  Du  Plessis-Mornay  plutôt  qu'à  Du 
Moulin?  Est-ce  uniquement  à  un  point  de  vue  mondain  et 
parce  que.  Du  Plessis  étant  gouverneur  de  Saumur  en  même 
temps  que  fondateur  de  l'Académie,  la  dédicace  que  Mestrezat 
lui  fera  de  sa  thèse  mettra  le  jeune  homme  bien  en  cour? 
Alors  il  n'y  a  aucune  conclusion  théologique  à  tirer  de  là.  Mais, 
si  c'est  parce  que  M.  Du  Plessis  est  avant  tout  un  esprit  con- 
ciliant et  parce  que  Du  Moulin,  au  contraire,  est  un  rigide 
calviniste,  ah  !  il  y  a  là  une  inspiration  arminienne  bien  mar- 
quée, et  il  en  résulte  que  c'est  dans  un  but  de  prudence  que 
tel  sujet  de  thèse  a  été  déconseillé,  mais,  au  contraire,  dans' 
un  but  de  largeur  que  le  nom  de  l'homme  auquel  il  faut  dé- 
dier ce  travail  a  été  conseillé  à  Mestrezat.  C'est  peut-être  aussi 
dans  le  même  but  qu'il  a  été  précédemment  envoyé  à  Saumur. 
Quoi  qu'il  en  soit  de  ses  commencements,  élevé  à  une  école 
plus  libérale  que  bien  d'autres  et  se  développant  par  l'étude, 
le  jeune  Genevois  a  appris  à  penser,  à  travailler  par  lui-même. 


34 

Il  a  eu  beau  devenir  à  Charenton  le  collègue  de  Du  Moulin, 
comme  d'Aubertin,  de  Drelincourt,  de  Daillé,  il  esl  resté  lui. 
Aussi,  grâce  à  celte  indépendance,  Mestrezal  esl  devenu  un 
controversiste  habile,  un  savant  théologien,  un  prédicateur  dis- 
tingué. Il  y  avait  de  l'étoffe  et  une  substance  véritable  dans  sa 
composition.  Ses  discours  pouvaient  n'être  pas  habituellement 
marqués  au  coin  de  l'éloquence,  ils  renfermaient  toujours  des 
idées  saines  et  utiles. 

Aussi  l'estime  que  faisaient  de  lui  ses  coreligionnaires  du 
dedans  et  du  dehors  était-elle  considérable.  Nous  en  avons  la 
preuve  dans  ces  Synodes  nationaux  de  Charenton  (1623)  et  de 
Castres  (1626),  auxquels  il  fut  délégué  par  le  colloque  de  l'Isle 
de  France,  et  dans  celui  de  Charenton  qu'il  présida  en  1631  \ 
Nous  en  avons  encore  la  preuve  dans  le  Journal  d'un  voyage  à 
Paris,  accompli  par  deux  hollandais  en  1657  et  58*. Ces  deux 
voyageurs,  en  pieux  réformés  se  font  un  devoir  de  faire  chaque 
dimanche  leurs  dévolions  et,  quand  ils  le  peuvent,  ils  se  réjouis- 
sent d'entendre  à  Charenton  le  sieur  Mestrezal  :  c'est  ce  qui  a 
lieu,  par  exemple,  le  19  février  1657,  puis  le  12  mars,  où 
ils  disent  qu'il  fit  «  un  fort  beau  sermon  et  capable  de  toucher 
les  âmes  des  vrais  chrétiens.  »  Quand  ils  sont  retenus  chez  eux 
par  un  motif  ou  un  autre,  ils  s'édifient  par  la  lecture  d'un  ser- 
mon du  sieur  Mestrezal;  c'est  ce  qui  arrive  le  31  décembre 
1656.  Lors  même  que,  le  matin,  ils  ont  entendu  prêcher  le 
sieur  Gâche,  de  retour  à  Paris  etl'après-dlner,  ils  lisent  encore 
un  discours  du  même  auteur  (13  février  1657). 

Nous  voyons,  de  plus,  son  mérite  apprécié  dans  une  autre 
Église  que  la  sienne  par  des  juges  éclairés.  Un  jour  qu'il  ren- 
contrait un  ecclésiastique  de  sa  connaissance,  qui  avait  prêché 
un  carême  avec  applaudissement,  et  qu'il  l'en  félicitait,  celui-ci, 
animé  d'autant  de  justice  que  de  sincérité,  lui  répliqua  :  «  J'ai 

*  Aymon,  Synodes  nationaux,  t.  II,  p.  525. 

-  Journal  d'un,  voyage  à  Paris  en  1651  et  1058  (par  deux  Hollandais)  pu- 
blié par  A. -P.  Faugère.  Paris,  1862  ;  in-S". 


«  pris  dans  vos  sermons  tout  ce  que  j'ai  dit  de  meilleur  *.  » 
Et  les  suffrages  qu'avait  obtenus  le  prédicateur  catholique, 
aussi  bien  que  celui  qu'il  donnait  lui-même  à  Mestrezat,  té- 
moignaient assez  du  mérite  oratoire  de  ce  dernier. 

Ses  talents,  ses  connaissances  et  son  caractère  lui  firent  ob- 
tenir dans  l'Eglise  de  Paris  une  haute  position,  grâce  à  laquelle 
sa  mort  acquit  dans  cette  capitale  les  proportions  d'un  événe- 
ment public  ;  c'est  du  moins  ce  que  nous  voyons  dans  le  Jour- 
nal de  voyage  de  nos  deux  Hollandais.  Le  2  mai  1657,  empê- 
chés par  une  contrariété  domestique  de  se  rendre  à  Charenton, 
ils  apprirent  d'un  parent,  le  sieur  Rosaire,  ministre  de  Tours, 
qui  logeait  momentanément  avec  eux  et  qui  revenait  du  Synode, 
que  ce  jour-là  ils  avaient  perdu  l'un  des  plus  habiles  et  plus 
judicieux  ministres  de  cette  Eglise,  le  sieur  Meslrezat  ".  Ce  té- 
moignage fut  confirmé  par  un  neveu  de  ce  dernier,  Philippe 
Mestrezat,  professeur  de  théologie  a  Genève,  auquel  le  pasteur 
de  Paris  avait  confié  l'impression  d'un  volume  de  sermons  '  : 
«  La  bonne  odeur  de  sa  vie  et  de  son  ministère,  dit  le  neveu 
«  en  parlant  de  son  oncle,  est  tellement  espanduë,  qu'il  est  re- 
«  gretté  généralement  comme  un  grand  serviteur  de  Dieu  qui 
«  possédait  des  dons  excellens,  en  un  haut  degré  et  en  très- 
«  grand  nombre,  soit  pour  la  piété  et  pour  la  doctrine,  soit 
«   pour  le  conseil  et  pour  la  conduite.  » 

Enfin,  ce  qui  prouve  quelle  impression  produisit  cette  mort, 
ce  fut  un  petit  poème  qui  parut  l'année  même  où  elle  arriva, 
sous  le  titre  de  :  Stances  funèbres  sur  la  mort  de  M.  Mestrezat, 
pasteur  en  l'Eglise  réformée  de  Paris,  décédé  le  mercredy  2^  jour 
de  mai  1657  à  la  65™^  année  de  son  aage  et  la  43™^   de  son 


'  Bayle,  Dictionn.  hist.  et  crit.  Art.  Mestrezat. 

*  Journal  d'un  voijcnje  à  Paris,  p.  144.. 

'  Ce  volume  de  1024  pages  in-S"  parut  à  Genève,  en  1658,  sous  le  titre  de 
Vingt  sermons  sur  divers  textes  de  l'Ecriture  Sainte  prononcés  en  divers  temps 
a  Charenton  lèi  Paris. 


56 

ministère^  environ  trois  sepmaines  après  monsieur  le  Faucheur, 
pasteur  en  la  mesme  Eglise  de  Paris.  MDGLVlï,  8^  '. 

Quand  un  homme  distingué  s'éteint  après  avoir  honorable- 
ment servi  l'État  ou  l'Eglise,  on  voudrait  savoir  ce  qu'il  fut  non- 
seulement  dans  les  fonctions  publiques  où  il  se  fil  apprécier, 
mais  encore  dans  les  circonstances  intimes  de  sa  vie.  Aussi 
avons-nous  été  heureux  de  pouvoir  emprunter  aux  quinze  let- 
tres inédites  qui  nous  ont  été  prêtées  par  ses  arrière-neveux  les 
détails  relatifs  à  la  jeunesse  de  Jean  Meslrezat  et  aux  événe- 
ments de  cette  époque.  Malheureusement,  c'est,  à  peu  de  chose 
près,  tout  ce  que  nous  savons  de  sa  vie  privée  et  de  ses  cir- 
constances de  famille.  Nous  ne  pouvons  y  ajouter  que  deux 
renseignements  : 

D'après  les  Notices  généalogiques  de  J.-A.  Galiffe  ^,  Do- 
meine  Mestrezat,  frère  consanguin  de  Jean,  avait  épousé  Jeanne 
de  Tudert,  cousine  germaine  de  Marie  de  Tudert,  qu'épousa 
lui-même  Jean  Séguier  et  qui  mit  au  monde,  le  29  mai  1588, 
Pierre  Séguier,  depuis  1635  chancelier  de  France.  Par  ses 
liens  de  parenté ,  Jean  Mestrezat  se  trouvait  donc  naturelle- 
ment mis  en  rapport  avec  celui-ci. 

D'après  le  Registre  des  enterrements  de  Charenton  (  sep- 
tembre 1646-1649)  dont  le  Bulletin  de  la  Société  d'histoire  du 
protestantisme  français'%  a  transcrit  les  renseignements,  Jean 
Mestrezat  avait  épousé  une  demoiselle  Caterine  de  Malapert  ; 
maisil  eut  le  malheur  de  la  perdre  en  1628,  ainsi  que  le  second 
enfant  qu'elle  venait  de  mettre  au  monde  ^.  Il  ne  lui  resta  alors 
qu'une  fdle,  mariée  plus  tard  k  M.  Jacques  de  Maubert,  sieur 
de  Boisgibault  ;  mais  elle  mourut  elle-même  fort  peu  de  temps 

»  Egerton  Brydges,  Res  literariae  for  mai  1821  t"  féljr.  1822.  Genevaj 
1822;  in-8o,  p.  521. 

'^  T.  I,  p.  483. 

=  XII-»  année.  Paris,  1863;  pp.  367-374. 

*  27  juillet  1628  :  Caterine  de  Malapert,  damoyselle,  femme  du  sieur 
Jehan  Mestrezat,  fidèle  ministre  du  saint  Évangile,  et  son  enfant  qui  n'a 
eu  vie. 


57 

après  son  père  '.  C'était  sans  doute  la  mort  de  sa  femme  qui 
avait  engagé  Mestrezal  à  écrire  les  Lettres  de  consolation  qu'il 
publia  en  collaboration  avec  plusieurs  collègues  et  qui  virent  le 
jour  à  Charenton  en  1632  -. 

Celait,  ainsi,  au  milieu  des  luttes  delà  vie  que  s'était  formé 
Mestrezal  :  l'épreuve,  aussi  bien  que  les  querelles  religieuses, 
était  venue  l'assaillir;  elle  l'avait,  de  bonne  heure,  mûri  pour 
sa  tâche,  et  lorsque,  au  milieu  des  difficiles  fonctions  de  son 
ministère  à  Paris,  il  eut  servi  l'Eglise  de  Dieu  «  avec  beaucoup 
«  de  fidélité  et  de  grandes  fatigues,  »  comme  dit  un  histo- 
rien ~\  il  se  trouva  mûr  pour  le  ciel. 

A.  Archinard. 

*  Epître  dèdicatoire  du  10  septembre  1657,  mise  en  tête  des  Vingt  sei- 
mons  que  nous  avons  mentionnés  ci-dessus. 
M  vol.  in-8o. 
^  Aymon,  Synodes  nationaux,  t.  II,  p.  5;25. 


58 


LETTRES  DE  JEAN  MESTREZAT  A  SON  FRERE  DOMEIl 

(1611-1613) 


Saumur,  5  novembre  1611.  —  Il  refuse  à  Saumurune  chaire  de  philosophie.— 
Détails  sur  la  manière  dont  les  lettres  lui  parviennent  :  on  recourt,  soit  pour 
lui,  soit  pour  son  parent  LtiUin,  à  l'intermédiaire  du  fils  de  M.  Micheli. 
Mestrezat,  craignant  de  l'importuner  et  désirant  être  indépendant  de  lui,  de- 
mande que  M.  Gras,  à  Lyon,  puisse  envoyer  à  Paris  les  lettres  pour  Mestrezat 
à  un  homme  sûr  qui  les  lui  expédiera. 

Die  Jovis  superiori  ciim  primas  a  te  easque  iatinas  accepissem  literas 
datas  decimo  octavo  Septembris,  frater  amantissime,  ad  eas  postridie  res- 
ponsiim  paravi  :  hodie  vero  secundas  accepi  datas  9  Octob.  quibus  cura  ad 
binas  priores  a  me  tlbi  responderi  petas ,  tura  tuam  in  scribendis  ad  me 
literis  diligentiam  eoqiie  erga  me  benevolentiam  et  studium  percipio,  tum 
etiam  médias  quasdam  ex  tuis  ad  me  literis ,  sicut  et  ex  meis  ad  vos  non- 
nuUas,  tahellariorum  injuria  intercidisse  colligo ,  siquidem  vel  octavo  vel 
decimoquinto  quoquedie  ad  vos  scribere  non  destiti.  Quod  non  minus  mo- 
lestum  et  grave  mihifuit,  quam  id  gratum  etjucundum  quod  de  totius  fa- 
milise  bonâ,  Dei  bénéficie,  valetudine,  deque  librorum  et  panni  fasciculo 
ad  me  misse  (mihi  tamen  nondum  reddite)  scribis  :  qiiem  cum  in  dies  si- 
raulque  cum  eo  aliquas  Parentum  (a  quibus  jam  pridem  nihil  accepi)  literas, 
expectem  ;  ee  accepte,  tum  ad  te  uberieres,  tum  ad  parentes  literas  dabo, 
cura  praesertim  tum  ad  ees,  tum  ad  te  satis  fusé,  superiori  tantura  heb- 
domade  de  rerum  mearum  statu  scripserim,  eosqtie  de  cathedra  philoso- 
phiœ  sen  Professoris  philosophici  munere  mihi  oblato  ab  academico  hujus 
tirbis  senatu,  et  a  me,  tum  propter  ignotam  eortim  voluntatem,  tum  alias 
quasdam  ob  causas  iis  in  literis  a  me  commemoratas ,  et  de  quibus  ab  iis 


59 

certior  fieri  maxime  cupio,  recusato,  certiores  fecerim  :  iis  ergo  meo  no- 
mine  (quod  donec  scribo  literanim  vicem  suppléât)  tnm  gratias  agas,  tum 
salutem  plurimam  dicas,  velim,  sicut  et  toti  familiœ,  potissimumque  cha- 
rissimae  meae  D.  Sorori,  uxori  tua\  Vale.  Salmiirii  5  noverab.  1611. 

Tui  amantissimus  frater. 

JOHANNES  MeSTREZATUS. 

Quoniam  literae  nostraî  ad  vos  Parisiis  Lugdunum  afferuntur,  maxime 
cuperem  ut  Dominus  Gras  alicui  Parisiis  mandaret  (sicut  ibi  plurimos  ha- 
bet)  qui  nostras  ad  vos  reciperet  literas  easque  Lugdunum  ad  eum  Domi- 
num  Gras  mittendas  curaret.  Vereor  enim  ne  tandem  filio  Doraini  Miche- 
lii  molesti  simus  imo  importuni ,  qui  ejus  fasciculum  nostris  literis  sem- 
per  augeamus  ;  deinde  maxime  nobis  molestum  est,  quod  ad  vos  scribere 
non  possimus,  quin  ipse  ad  sucs  scribat;  alioquin  nisi  perpétue  literae 
nostrae  ipsius  vel  alicujus  alterius  fascicule  includantur,  nemo  erit  qui 
eos  Parisiis  recipiat,  et  Lugdunum  mittendas  curet,  cum  prsecipue  Pari- 
siis tabellario  pro  literis  allatis  satisfaciendum  sit.  Si  ergo  D.  Gras  ad 
aliquem  Parisiis  scripserit  ad  quem  literas  nostras  dirigamus,  illius  et  no- 
men  et  domicilium  rogo  nobis  significetis.  Hac  de  re  scribit  cognatus  LuUi- 
nus  ad  sororium  suura  cognatum  Patacum  :  rogo  te  ut  ejus  hac  de  re 
sententiam  inquiras. 

Rogo  te  etiam  ut  ad  D.  Vildium,  de  quo  superioribuè  literis  ad  te  scripsi, 
epistolam  aliquam  mittas,  qui  tibi  S.  P.  D. 

A  Monsieur  et  frère,  le  S'"  Domeine  Mestrezat,  à  Genève. 


II 

Saumur,  18  novembre  1611. —  11  vient  d'apprendre  (de  Genève)  la  mort 
de  M.  Dupuis  et  la  prochaine  arrivée  à  Saumur  de  ses  parents  Lect  et  Bu- 
tini. 

Quem  ex  libris  et  panno  fasciculum  literse  tu?e  a  quindecim  diebus  a 
me  accepta ,  quibusque  postridie  respondi ,  ad  me  datum  significant, 
adhucexpecto  frater  charissime,  neque  tamen  valde  miror,  ejus  quippe  mo- 
rae  priemonitus  ab  iis  qui  fascicules  ejusmodi  alias  acceperunt.  Heri  cog- 
natus Lullinus  a  suis  literas  accepit,  ex  quibus  non  minus  molestiae,  au- 


60 

dita  D.  Puteani  morte,  quam  voluptatis  audito  cognatorum  Lectii  et  Bu- 
tini  futuro  adventu  (cum  quibus  literas  certissime  nobis  poUicemur)  perce- 
piraus.  Donec  fasciculr.m  accepero,  quod  uberiores  ad  te  dem  literas  non 
habeo  :  quare  quamplurimum  salutata  charissima  sorore  uxore  tua,  nec 
non  fratre  Gasparo,  teque  ut  de  ipsius  statu  me  certiorem  facias,  rogato, 
epistola?  finem  impono.  Vale,  frater  charissime,  meque  ut  soles,  ama. 

Salmurii,  18  Novemb.  16H, 

Tui  amantissimus  frater 

JOHANNES  MeSTREZATUS. 

A  Monsieur  et  frère,  le  S""  Domeine  Mestrezat,  à  Genève. 


III 

Saumur,  2  décembre   1611. —  Lettres  interceptées.  — 11  recommande  qu'on  ne 
le  désigne  pas  sur  l'adresse  comme  étudiant  en  théologie. 

Tuas  simulque  fratris  Gaspari  literas  accepi,  frater  charissime,  datas 
19  Octob.  quibus  tuas  admirationes  non  mirari  non  possum  cura  nullus 
Igmi-.sqjjjgqye  jjgg  etfugiat  quo  literas  ad  te  non  dem.  Quoad  fasciculuni 
quem  ex  literis  tuis  ad  me  9  Octob.  datis,  iam  à  mense  ad  me  missum 
audivi,  eura  nondum  accepi,  me  tamen  accepturum  confido:  Cognatorum 
Lectii  et  Butini  advenlum  frustra  mihi  gratulatus  sum  :  Ob  insperatum 
autem  cognatte  Puteange  cum  D.  Taponnerio  connubium  maxime  sum  ga- 
visus,  cum  prsesertim  eum  ab  ipsa  plane  refriguisse  putarem  :  te  potissi- 
mum  illius  connubii  mediatorem  fuisse  scribit  cognatus  Faber  :  qua  in  eo 
prospéra  usus  es  fortuna,  erga  reliquas  sponsœ  sorores  et  vicinas  jampri- 
dem  nubiles,  viroque  maturas,  utere.  Vale,  etD.  Sorori  uxori  tuae,  meo 
nomine,  S.  P.  D. 

Datum  Salmurii,  2  Decembr.  16H. 

Tui  amantissimus  frater 

JOHANNES  MeSTREZATUS. 

In  literarum  tuarum  inscriptione  noli  me  Theologiœ  studiosum  dicere, 
nam  eo  nomine  litene  in  pontificias  manus  delaps»  sœpissime  amittuntur. 

A  Monsieur  et  frère  Domeine  Mestrezat,  à  Genève. 


Gl 


IV 

Saumur,  9  décembre  1611.  —  Nouvelles  de  Genève  :  Conseil  général  de  novem- 
bre.—  M.  attend  avec  anxiété  celui  des  syndics  parce  que  c'est  le  tour  de  son 
père.  —  La  chaire  de  philosophie  qu'il  a  refusée  à  Saumur  ne  sera  pas  repour- 
vue avant  un  an. 

Cum  Parentiim  literis  tuas  accepi  datas  13  novembris,  frater  aman- 
tissime,  ex  qiiibus  audita  tota  habiti  consilii  Generalis  ratione,  tantum 
voluptatis  percepi  quantum  mihi  superest  solicitudinis  de  syndicis  insti- 
tuendis,  quorum  electionem  (récurrente  scil.  vice  Patris),  anxie  admo- 
dum  expecto  :  Quod  scribis  de  ferendorum  suffragiorum  difficultate  in 
electione  Rilleti  et  Barrilleti  potissimum  exhibita,  antiquam  illam  de  cal- 
culis  disputationem  (cui  Pater,  tum  syndicus,  pro  viribus  sese  opposuit) 
t'orsan  refricabit  :  Eo  quod  oportuno  tempore  nullus  adfuit  qui  Profes- 
sons hujus  Academiae  Philosophici  defuncti  vicem  (quod  recusaveram) 
suppleret,  studiosis  quibus  Professore  opus  erat,  cujus  auspiciis  ad  curri- 
culi  sui  philosophici  metam  contenderent  prospectura  est,  novi  scil.  sub 
altero  Professore  curriculi  inchoatione  :  quo  factum  est  ut  ante  annum 
philosophicaî  cathedrae  non  prospicere  decretum  sit  :  quid  de  literarum 
perferendarum  ratione  a  te  et  cognato  Pataco  prospectum  sit,  avide  expecto  ; 
fasciculum  afutem]  ad  me  jampridem  missum  nondum  accepi  :  De  eo  fi- 
lius  Domini  Gras  ad  patrem  'suum  scribit,  quô  scilicet  delatum  fuerit  : 
Tibi  et  D.  Sorori  uxori  tuae  cognatus  Lulliims  salutem  plurimam  dicit, 
et  ego  in  primis.  Vale. 

Datum  Salmurii,  9  decembris  1611. 

Tui  amantissimus  frater 

JOHANNES   MeSTREZATUS. 

A  mon  frère  Domeine  Mestrezat,  à  Genève. 


V 

Saumur,  4  mai  1612.  —  Il  félicite  son  frère  Domeine  de  son  retour  d'Allemagne. 
—  Mort  de  son  aïeule.  —  A  reçu  une  lettre  de  Goulart  lui  donnant  des  conseils 
sur  le  sujet  de  sa  thèse  et  sa  dédicace  :  quant  au  premier  point,  il  lui  con- 
seille de  ne  pas  traiter  de  la  justification,  question  récemment  controversée 


62 

entre  nos  théologiens,  au  grand  scandale  de  l'Eglise  de  Dieu  —  et,  quant  au  se- 
cond point,  de  les  dédier  à  Du  Plessis  (Mornay)  plutôt  qu'à  Du  Moulin.  — Dispo- 
sitions des  Églises  de  France  en  faveur  du  duc  de  Rohan  et  des  autres  chefs  de 
la  religion,  dans  la  lutte  de  ceux-ci  contre  la  reine-mère.  —  «  Que  devien- 
drait le  corps  de  l'Église,  une  fois  les  têtes  enlevées?  >> 

Tuura  e  Germania  reditum  tibi  gratulor,  frater  amantissime,  dequeipso 
fausto  etprospero  Deo  gratias  ago.  Funestissimura  avise  meae  obitum  sura- 
mo  cum  mœrore  audivi  :  Si  de  litibus  ex  ipsius  bonorum  successione  exo- 
rientibus,  deque  tota  ipsius  testaraenti  et  bonorum  ratione  mihi  aliquid 
significaveris,  pergratum  mihi  feceris  :  Domini  Goulartii  epistoliura  ac- 
cepi,  tum  de  thesium  mearum  materia,  tum  de  earum  dicatione  :  quoad 
materiam,  monet  ne  de  qua?stione  super  articule  Justificationis  inter  Theo- 
logos  nostros  novissime  exorta,  cum  magno  Ecclesise  Dei  scandalo,  thèses 
suscipiani,  eas  autem  Domino  Piessaîo  potiusquam  Molina^o  dicandas  sua- 
det.  lis  nondum  manum  admovebo,  sed  differam  eas  ad  postremum  usque 
meae  in  hac  academia  commorationis  articuhim  ;  nox  itaque  dabit  consi- 
lium. —  De  exorto  inter  Dominum  Principem  à  Pihoan  et  Pteginamdissidio, 
eoquejam  concihato,  uberius  ad  te  scriberem,ni  id  vobis  notissimum  esse 
mihi  persuaderem  ;  hoc  taniùm  dicam  Ecciesias  Regina?  exercitum  animosé 
excepturas  fuisse,  certoque  constituisse  Dominum  de  Rhoan,  similesque 
magnâtes  ac  proceres  religionis  nostra; ,  usquequaque  tueri  et  protegere: 
quid  enim  demptis  capitibus,  tandem  corpori  contingeret?  Vale,  frater 
charissime,  ac  D.  et  charissimae  sorori,  uxorituaî  S.  P.dicito. 

Datum  Salmurii,  4  Maii  1612. 

Tui  amantissimus  frater 

JOHANNES  MeSTREZATUS. 

Domino  et  fratri  charissimo,  Dominico  Mestrezato.  Geneva?. 


VI 


Saumur,  8  juin  1612. 


Johanni  Sageto  literas  ad  te  nuper  dedi,  frater  charissime  ;  ad  eas  dum 
responsum  expecto,  cùm  novum  ad  te  scribendi  argumentum  mihi  non 


63 

suppetat,  tibi  salutem  plurimam  dico,  sicuti  et  D,  sorori  charissimae  uxo- 
ri  tuae.  Vale. 

Salmurio,  8  Junii  1612. 

Tui  frater  amantissimus 

JOANNES   MeSTREZATUS. 

Charissimo  fratri  D.  Dominico  Mestrezato. 


VII 

Saumur,  S  juillet  1612.  —  Mouvement  des  catholiques  probablement  excité  par 
la  Reine,  malgré  la  paix  faite  par  elle  avec  Rohan.  —  Mort  (à  Genève)  du 
principal  David, 

En  tibi  quartas  mearum  ad  te  iiterarum,  ex  quo  nuUas  à  te  accepi,  fra- 
ter charissime,  quas  tamen  maxime  desidero,  quia  (quod  a  te  petii)  testa- 
menti  ab  avia  conditi,  ac  litis  a  Fornereto  suscitatae  rationem  avidissimè 
expecto  :  novi  hic  nihil  est.  Pacata  satis  ac  sedata  sunt  omnia ,  etsi 
Pontificii,  iis  etiam  in  locis  in  quibus  hactenus  humillimi  fuerunt,  nescio 
quà  ratione  jam  turgent,  atque  aniraos  inflant,  quod  procul  dubio  ex  Re- 
ginae  consilio  est.  De  rerum  Germanicarum  statu  (earum  intelligo  quae 
Iraperatoris  ac  Régis  Romanorum  constitutionem  spectant)  a  te  certior 
fieri  cupio.  Doraini  Davidis  obitura  audivi,  cui  quoad  Gymnasiarchatum 
Dominum  Scarronum  aptissirae  successurura  puto.  Vale,  frater  amantis- 
sime,  et  mihi  charissiraae  uxore  tute  S.  P.  dicito. 

Salmurii,  5  Jul.  1612. 

Tui  amantissimus  frater 

JOANNES   MeSTREZATUS. 

Amantissimo  frater  D.  Dominico  Mestrezato.  Genevae 


VIII 

Saumur,  27  juillet  1612.  —  Assemblée  de  Privas.  —  Refus  solennel  du  pardon 
accordé  par  la  Reine.  —  Irritation  de  la  Reine  et  ses  desseins  contre  Cha- 
rnier. 

Tuas  accepi  18  Junii  datas,  frater  charissime,  quam  quoque  commémo- 
ras dehte  inter  D.  Saracenum  et  Morellum  epistolam  acceperam.  Jam  de 


64 

tui  incolumis  é  niindiiiis  reditu  tibi  gratulor  :  et  de  tuo  in  significanda 
mihi  aviae  niea  testanienti  et  litis  inde  subortae  ratione,  studio,  tibi  sum- 
mas  ago  gratias,  etiam  tum  acturiis  qiium  id  adimpleveris.  Fertur  Regina 
cBgré  ferre  quod  in  novissima  nationali  synodo  transactum  est,  maxime 
quantum  attinet  ad  soiemnem  illam  recusationem  venige  illius  a  Regina  et 
consilio  Ecclesiis  (nihil  minus  quam  id  postulantibus)  propter  earum  delicta 
concess»  :  Calumni«?  genus  est  innocent!  palam  ignoscere.  Ita  enim  in 
eo  id  supponitur  delictum  cujus  minime  reus  est.  Verum  hoc  fuit  artis  Je- 
suitiese  commentum.  Dicitur  quoque  Domino  Ghamiero  in  ea  synodo  prae- 
sidi  dies  indicta  fuisse,  ejusque  receptio  Montalbanensibus  diserte  prohi- 
bita  fuisse,  ut  Parisios  venire  cogatur  seque  ibi  coram  Regina  et  consi- 
lio sistere  :  nosti  enim  forsitan  eum  in  illa  ipsa  synodo  Academiae  montal- 
banensi  fuisse  concessum.  Si  Parisios  venerit,  ejus  capiti  metuitur,  prop- 
ter acerbissimum  Reginse,  in  Ecclesias  animum  :  si  quid  tamen  adversi  ei 
contigerit  a  Regina,  res  ulterius  progressura  est,  totique  Ecclesiarum 
corpori  factum  censebitur.  Deus  omen  avertat,  teque  salvum  et  incolu- 
raem  conservet.  D.  uxori  tuœ  meo  nomine  salutem  plurimam  dicasvelim. 
Vale. 

Datum  Salmurii,  27  Julii  1612. 

Tui  amantissimus  frater 

JOHANNES   MeSTREZATUS. 

Carissimo  et  amantissimo  fratri  Domino  Mestrezato.  Genevae. 


IX 

Paris,  27  octobre  1612.  (En  français.)  —  Anjorrant,  député  de  Genève  pour  les 
péages.  —  On  célébrera  le  3  du  mois  prochain  un  Jeûne  général  des  Eglises 
de  France- 
Monsieur  et  frère, 

Je  reçeu  dernièrement  les  agréables  nouvelles  de  la  naissance  d^  vostre 
fils,  lequel  Dieu  veuille  combler  de  ses  meilleures  bénédictions  et  entendi 
quel  avait  esté  le  procès  de  M.  Tronchin  avec  ce  gentilhomme  flamand  : 
J'en  ay  esté  fort  joyeux,  pour  ce  que  le  dict  flamand  en  parloit  à  Sauraur 
avecque  grand  deshonneur  et  desavantage  de  M.  Tronchin.  Monsieur 
Anioran  fait  son  compte  de  départir  d'ici  aussi  tost  que  les  affaires  du 


65 

péage  seront  expédiées.  Ceux  qui  savent  quelque  chose  de  Testât  de 
Messieurs  de  Genève,  et  des  comportemens  des  conseillers  et  gens  d'es- 
tat  de  ce  royaume  envers  eux  tiennent  que  ce  sera  au  grand  préjudice  des 
affaires  de  Messieurs  de  Genève  si  le  dict  Sieur  Anioran  départ;  ou  si 
l'on  ne  renvoyé  en  sa  place  Monsieur  Dauphin.  L'on  célébrera  le  troisième 
du  mois  prochain  le  jeusne  de  toutes  les  Eglises  de  France.  Il  y  en  a  plu- 
sieurs causes,  entre  autres  ce  sont,  la  desunion  des  nostres  et  le  peu  de 
bonne  volonté  du  Roy,  de  la  Roine  et  de  son  Conseil  envers  les  diltes 
Eglises.  Rien  ne  se  dit  qui  soit  digne  de  vous  estre  envoyé.  Continuez 
moy,  je  vous  prie,  l'honneur  de  votre  affection  comme  a  celuy  (jui  sera 
toute  sa  vie. 

Vostre  plus  affectionné  frère, 

Mestrezat. 

Présentes  mes  humbles  recommandations  à  mon  Père  et  à  ma  Mère 
(ausquels  je  n'escri  pas  à  présent  en  attendant  réponse  à  celles  que  ci-de- 
vant je  leur  ay  envoyées)  a  vostre  femme,  et  à  tous  ceux  de  la  maison. 

De  Paris,  ce  27  Octobre  1612. 

A  Monsieur  et  frère  le  S""  Domeine  Mestrezat,  à  Genève. 


X 

Paris,  1 7  noTembre  1612.  —  Le  duc  de  Rohan  réconcilié  avec  la  Reine.  —  M.  de 
Châtillon  à  Aiguemortes.  —  La  Reiue  se  réserve  le  gouvernement  de  la  Nor- 
mandie. —  Participation  de  l'Église  de  Genève  à  la  controverse  entre  Tilenus 
(de  Sedan)  et  DuMoulin. 

Tuas  accepi,  charissime  frater,  datas  7  Octob.  1612.  De  tuos  in  con- 
scribenda  ad  D.  Molinseum  epistola  labore,  tibi  gratias  ago  ;  inerat  tamen 
contradictorii  quiddam  sub  finem,  quod  referre  et  commemorare  jam  piget. 
De  statu  raeo,  quem  ex  literis  meis  ad  Patrem  videre  poteris,  te  non  mo- 
nebo.  Fertur  Dominura  de  Roan  jam  jam  Reginge  reconciliatum  iri.  Domi- 
niis  de  Chastillon  à  Regina  raissus  est  in  urbem  illam  Galliae  Narbonnen- 
sis,  cui  nomen  Aiguemortes,  ipsius  regendse  et  subornandse  causa, 
donec  negotiis  quœ  ibi  sese  offerunt  provisum  fuerit.  Totius  Normannigegu- 
bernationem,  quœ  defuncto  Comiti  de  Soissons  demandata  erat,  sibi  ser- 
vat  Regina.  Genevensis  Ecclesise  Pastores  ulterius  quam  par  est  contro- 
T.  XV.  {'^  part.  5 


66 

versiam  D.  Molingei  et  Tilleni  aggrediuntur,  nec  non  laedunt  D.  MoU- 
naeum,  et  cum  eo  plures  Ecclesiarum  Pastores,  imo  et  Ecclesias  :  Sed 
vale,  frater  amantissime, 

Datum  Parisiis,  i7  Novemb.  1612. 

Rogo  te  ut  meo  nomine  salutem  pluriraam  dicas,  uxori  tua3,  fratri  Gas- 

paro  et  uxori  ipsius. 

Tui  amantissimus  frater, 

JOHANNES   MESTREZA.TUS. 

A  Monsieur  et  frère,  le  S""  Domeine  Mestrezat,  à  Genève. 


XI 

Paris,  24  novembre  1612.  —  Mort  du  prince  de  Galles.  —  Troupes  royales  dans 

le  gouvernement  de  Saumur. 

Ad  te  literas  dedi,  octo  dies  aguntur,  frater  charissime  jam  quod  ad  te 
scribam  nihil  habeo,  nisi  funestissimam  quam  hîc  audivimus  mortem  Prin- 
cipis  de  Gales.  Multae  sunt,  ut  accepimus,  in  ditione  salmuriensi  railituni 
cohortes,  ita  ut  sibi  timeat  et  caveat  Dominus  Plessœus,  eoque  suum 
adauxerit  praesidium.  Fratrem  Gasparum  hùc  (sicuti  ex  ejus  literis  cer- 
tior  factus  sura)  cogitantera  expecto.  Interea  vale,  frater  amantissime, 
meque  ut  soles,  ama. 

Te  etiam  atque  etiam  rogo  ut  uxori  tuae  meo  nomine  salutem  pluri- 
mam  dicas. 

Parisiis,  24  Novembr.  1612. 

Tui  amantissimus  frater, 

JoHANNES   MeSTBEZATUS. 

A  Monsieur  et  frère,  le  S""  Domeine  Mestrezat.  A  Genève. 


XII 

Paris,  ter  déceïQbre  1612.  —  Lettres  perdues.  —  Sarasin  nommé  lieutenant  à  Ge- 
nève, quoique  ce  ne  fût  pas  son  tour. 

Heri  accepi,  frater  charissime,  tuas  a  Domino  Saraceno  literas,  mihi 
nondum  per  tempus  licuit  sciscitari  quid  illud  sit  quod  sinistri  nobis  in  lite 


67 

contigisse  scribis.  Dummodo  famam  non  attingat,  parvi  facio.  Quicquid 
tamen  fuerit,  si  medela  supersit,  te  eam  strenue  et  tbrtiter  adhibiturum 
spero.  Dorainum  Saracenum  pra?torem  esse  factum  miratur  Dominus  Anio- 
ranus,  quod  ipsius  vices  non  essent.  ;Tanta  non  fuit  literarum  mearum  ad 
Patrem  mora,  quantam  ex  literis  tuis  c.onjicio,  nisi  aliqu»  interciderint. 
Bis  à  quindecim  diebus  ad  eum  scripsi  ;  et  ab  octo  semel  ad  Dorainum 
Alexium  :  novi  nihil  habet,  quod  isthic  fiât,  D.  Saracenus  ;  novi  etiam  hic 
nihil  fertur.  Quapropter  huic  finem  imponens,  tibi  uxorique  tu»  salutem 
plurimam  dico.  Yale.  Datum  Luteti;ie,  1  Decemb.  16 1 2. 

Tui  amantissimus  frater, 

JOHANNES  MeSTREZATUS. 

De  statu  rerum  mearum,  meoque  discessu,  te  ante  octo  dies  certio- 
rem  facere  non  possum.  Fratri  Gasparo  salutem  meo  nomine  dicendam 
curarem,  nisi  eum  Genevie  amplius  non  esse  crederem. 

A  Monsieur  et  frère  le  S""  Domeine  Mestrezat,  à  Genève. 


XIII 


Paris,  10  décembre  1612.  —  Lettres  de  l'Église  d'Orléans  à  Genève.  —  Recom- 
mandation d'un  de  ses  condisciples. 

Hoc  raptim  ad  te  do,  frater  charissime,  Lutetiâ  jam  jam  discessurus  : 
non  ut  tibi  statum  rerum  mearum  exponam  ;  hune  enim  luculenter  des- 
criptum  habes  in  literis  heri  à  me  ad  Patrem  missis.  Hoc  tamen  obiter 
dicam,  literas  illas  ab  Aurelianensi  Ecclesia  Genevam  missas  valde  vete- 
res  esse,  et  negligentia  eorum  quibus  crédit»  erant  tam  serô  Genevam 
perlatas,  sicut  me  ea  de  re  certiorem  fecit  qui  mecum  de  iis  agebat,  et 
sicut  percepi  ex  literis  ab  iis  iterum  ad  me  missis.  Sed  hoc  tibi  episto- 
lium  scribo  in  gratiam  ejus  qui  illud  tibi  traditurus  est,  mei  nimirum 
condiscipuli  et  tote  tempore  quo  Parisiis  fui  contubernalis,  ab  optimis 
parentibus  et  ditissirais  oriundi.  S.  Theologi»  Studiosus  est.  Salmurii 
natus,  ubi  tum  ab  ipso  tum  a  Pâtre  ipsius  accepta  bénéficia  même  devin- 
ciunt  ut  iis  quos  in  mei  gratiam  aliquid  facturos  puto  eum  ex  animo  com- 
mendem.  Gonsortiorum  honestorum  amantissimus  est,  eoque  de  tuo  tibique 


68 

similium  gavisurus.  Id  si  ei  contigerit,  me  tibi  magis  ac  magis  devinxe- 
ris:  Vale,  frater  charissime.  Datum  Parisiis,   10  Decemb.   1612. 

Tui  amantissimus  frater, 

JOANNES   MeSTREZATUS 

A  Monsieur  et  frère,  le  S''  Domaine  Mestrezat,  à  Genève. 


XIV 


Heidelberg  ,  24  décembre  1612.  —  Arrivée  à  Heidelberg ,  par  Nancy  et 
Strasbourg.  —  On  parle  d'une  guerre  du  duc  de  Savoie  contre  Berne  et  Ge- 
nève. —  L'évêque  de  Nancy,  Lcopold,  résigne  son  évcché  et  doit  épouser  la 
fille  du  duc  de  Loraine.  —  Le  cousin  Simon  Marin  à  Strasbourg. 

Commensali  meo  Lutetiâ  Genevam  profecturo,  frater  charissime,  lite- 
ras  aliquot  ad  te  praesertim  commendatitias  dederam.  Num  eo  venerit 
nondum  scio.  Dei  beneficio  incolumis  Heidelbergam  perveni.  De  bello 
isthic  gerendo,  et  a  Sabaudo  adversus  Bernenses  nec  non  Genevenses  suo- 
eipiendo,  multa  hic  verba  fiiint.  Ea  in  dubiiim  revoco  quippe  quae  Pari- 
siis mihi  cum  Domino  Aniorrano  de  iis  rébus  sfepe  colloquenti  ignota 
fiierint  ;  sed  magna  locorura  intervalla  quibusvis  rumoribus  suam  conci- 
liant authoritatem.  Nancaei  in  Lotharingia  (qua  Argentinam  veniens  tran- 
sivi)  accepi  Leopoldum  episcopatum  suum  tradere  nepoti  Ducis  Lotha- 
ringiae,  et  filiam  Ducis  Bavariœin  uxorem  ducere.  Hic  idem  diciturPrin- 
cipibus  hélium  iterum  intentaturus.  Argentinae  Cognatus  Simeon  Marinus 
suam  de  literis  meis  ad  vos  perferendis  curam  mihi  pollicitus  est.  Literas 
a  vobis  summo  studio  expecto,  tibi,  uxorique  tuae,  S.  P.  dico,  Vale. 

Heidelbergâ,  24  Décemb.  1612. 

Tui  amantissimus  frater, 

JoANNES   MeSTREZATUS. 

Charissimo  fratri  Domino  Dominico  Mestrezato,  Genevae. 


69 


XV 

Francfort,  3  avril  1613.  —  Nombreux  parents  trouvés  dans  cette  ville.  —  Retour 

prochain  du  prince  Palatin. 

Sive  literas  tuas  10  martii  datas,  sive  eariini  argumentum  spectavero, 
frater  amantissinie,  multiplicem  multiplici  nomine  gratiariim  actionem 
tibi  sum  acturus  :  literas  dico,  quoniam  tempus  tuis  negotiis  debitum  ils 
scribendis  dare  dignatus  es  :  argumentuni  verô,  eo  quod  et  rationem  quâ- 
lis  nostra  composita  est,  et  inita  concordia,  enarras,  et  tuuni  erga  D.  De 
la  Tourette  testatum  mei  causa  studium  exponis  :  Ego  quidem  ubi  gradum 
sistere  mihi  contigerit,  si  verbuluni  a  te  alicujus  commendatitium  accepero, 
patefaciarn  quam  me  tibi  hoc  nomine  devinctum  putem  :  Parens  ejus,  me 
una  vice  in  pago,  altéra  in  urbe  discessurum  convivam  habuerat;  pecu- 
nias,  si  opus  haberem,  obtulerat;  eoque  eum  semel  (hoc  enim  sufficiet) 
à  vobis  invitandum*gaudeo.  De  annonae  abundantia  et  vilipretio,  nec  non 
pacis  securitate  (quae  commémoras)  Deo  gratias  ago.  In  literis  fratris 
Gaspari  ad  me  chartulam  reperi  in  qua  dicis  juniorem  argentifabrum  (sic 
enim  lego)  ita  maie  se  gerere  ut  verearis  ne  ab  eo  molesti  aliquid  audiam  : 
ego  sane  quis  ille  sit  non  percipio,  nihilominus  tamen  ipsius  offensam, 
quisquisillesit,  nihil  metuo  :  nec  est  quod  quicquam  verearis  neque  enim 
si  rationis  aut  officii  sui  limites  excesserit,  ejus  compescendi  mihi  deerim  t 
rationes.  Interea  tamen  commentitios  tuos  characteres  diligenter  servo , 
donec  primis  tuis  literis  eorum  usus  mihi  exhibeatur.  Quod  ut  brevi  fiat 
te  etiam  atque  etiam  rogo.  Ego  multos  hic  vidi  Genevenses  quibus  omni- 
bus, praesertim  vero  Cognatis  Patacco  et  Puteano,  Ravotis,  Trembleto, 
Vignono  et  Humberto,  propter  oblata  officia  gratiam  habeo.  Uxori  tuae 
salutem  plurimam  meo  nomine  dicas  velim.  Vale.  Datum  Francofurti, 
3  April.  1613, 

Novi  nihil  habeo.  Principem  Palatinum,  cujus  comitum  pars  maxima 
jam  rediit,  in  dies  expectamus. 

Tui  amantissimus  frater, 

JOHANNES  MeSTREZATUS. 

A  Monsieur  et  frère,  le  sieur  Domeine  Mestrezat,  à  Genève. 


70 


B 

Liste  des  ouvrages  de  Jean  Mestrezat. 

I.  POLÉMIQUE. 

1.  Véron  ou  le  Hiboudes  Jésuites,  etc.  par  J.-M.  Villefranche  (sans mil- 

lésime) :  in-12.  Réimprimé  sous  le  titre: 
Le  Hibou  des  Jésuites  opposé  à  la  corneille  de  Charentcn,  (s.  1.) 
1624;  in-i2.  Cet  ouvrage  avait  été  vraisemblablement  provoqué 
par  un  livre  de  Véron  intitulé  :  Abrégé  de  l'art  «<  méthode  nouvelle 
de  bâillonner  les  ministres.  Rouen,  1618. 

2.  Advis  donné  au  Sieur  Gabriel  Martin,  abbé  de  Clausone^  par  urt 

personnage  équitable  et  amateur  de  vérité. 

Cet  opuscule  n'est  connu  que  par  la  réponse  de  Martin  : 
La  potirsuite  du  Sieur  Mestrezat^  ministre  de  Charenton,  depuis 
sa  banqueroute,  sur  l'advis  donné,  etc.  Paris,  1632  ;  in-8°. 

3.  Traité  de  V Ecriture-Sainte  contre  le  jésuite  Regourd  et  le  cardinal 

du  Perron.  1632  ;  in-S"  (Genève,  1633  ;  in-8°). 

4.  Discours  de  la  grâce  contre  les  prétendus  mérites  et  la  justification 

par  les  œuvres.  Charenton,  1638;  in-12  (contre  La  Milletière). 

5.  Traité  de  l Eglise.  Genève  et  Charenton,  1649  ;  in-4'J  (traduit  en  alle- 

mand, Cassel,  1649;in-40j  et  en  latin,  Brème,  1676). 

II.  DOGMATIQUE. 

1 .  Défense  de  la  confession  de  foi  des  Eglises  réformées.  Charentou,. 

1617  ;  in-8°  (en  collaboration  avec  ses  collègues). 

2.  De  la  communion  à  Jésus-Christ  au  sacrement  de  l'Eucharistie^ 

contre  les  cardinaux  Bellarmin  et  Du  Perron.  Sedan,  1624;  in-8". 
(2™e  édit.  1625  ;  traduit  en  allemand,  1624  ;  en  anglais,  1631  ; 
en  italien,  1638.) 


71 

3.  Discours  sur  la  manière  dont  Jésus-Christ  est  donné  dans  l'Evangile 
et  dans  l'Eucharistie.  Orange,  1649  ;  in- 8°. 
Jœcher  lui  attribue,  mais  sans  autre  indication  :  Dispute  sur  le  schis- 
me  et  la  séparation  que  Luther  et  Calvin  ont  faite  de  VEglise  ro- 
maine entre  Mestreiat  et  Louis  du  Laurens  (Voy.  Eug.  et  Em.  Haag. 
La  France  protestante,  t.  VII,  p.  401  ,  col.  A.  Paris,  1857). 

III.  HOMILÉTIQUE. 

1.  Sermons  sur  divers  textes.  Sedan,  1625  ;  in-12. 

2.  Trois  sermons  prononcés  un  jour  dejeusne.  Charenton,  1636  ;  'm-S°. 

3.  Sermons  sur  la  justification.  Genève,  1639;  in-12. 

4.  Du  combat  de  la  chair  et  de  l'esprit,  Sermon.  1642  ;  in-12. 

5.  Sermons  sur  la  naissance  de  Jésus- Christ,  Genève,  1649  ;  in-S". 

6.  Sermon  sur  Jean  VI,  55.  Charenton,  1651;  in-8''. 

7.  Sermons  stir  la  P^  épttre  de  St-Jean.  Genève,  1651.  2  vol.  in-8°. 

8.  Du  Conte  de  nos  jours,  Sermon  sur  Ps.  XC,  11  et  12.  Charenton, 

1652  ;  in-8°. 

9.  De  la  mort  des  fidèles  ou  Sermon  sur  2  Cor.  V,  1-4,  Charenton, 

1653. 

10.  Sermons  sur  Hébr.  I  et  IL  Charenton,  1639  ;  in-8° 

1 1 .  Sermons  sur  Hébr.  III-VI.  Genève,  1653  ;  in-8°. 

12.  De  la  sacrificature  de  Jésus-Christ  ou  Sermons  sur  Hébr.  VII-X. 

Charenton,  1640;  in-12  (Genève,  1653  ;  in-8°). 

13.  De  la  vertu  de  la  foy  ou  Sermons  sur  Hébr.  XII.   Genève,  1655; 

in-S»  '. 

14.  Exposition  de  l'épître  aux  Romains  I-VIII,  en  S3  Sermons.  Amster- 

dam, 1702;  2  vol.  in-12  (Amsterdam,  1726;  2  vol.  in-12). 

15.  Vingt  sermons  sur  divers  textes.   Genève,  1658;  in-8°.  (Imprimé 

par  Philippe  Mestrezat,  auquel  son  oncle  en  avait  confié  la  publi- 
cation, ce  volume  renfermait  plusieurs  des  discours  déjà  publiés 
et,  en  particulier,  ceux  que  nous  avons  notés  sous  les  numéros 
4,  8  et  9.) 
—  Sermons  sur  divers  textes.  Amsterdam,  1702-1703  ;  2  vol.  in- 
8°.  (Cette  publication  n'était-elle  qu'une  édition  nouvelle  de  la 

'  Tous  les  sermons  sur  l'épître  aux  Hébreux  ont  été  réimprimés  sous  ce 
titre  :  Exposition  de  l'épître  aux  Hébreux.  Genève,  1655;  5  vol.  in-8. 


72 

précédente  ?  offrait-elle  un  nouveau  choix  fait  entre  les  discours 
déjà  publiés?  ou  comprenait-elle  des  discours  encore  inédits?  C'est 
ce  que  nous  n'avons  pu  éclaircir,  ne  l'ayant  pas  sous  les  yeux.) 

IV.  PARÉNÉTIQUE 

Lettres  de  consolation.  Charenton,  1632  ;  in-8°  (En  collaboration 
avec  plusieurs  collègues) . 


— Mi^^'è'S^^^N- 


^  ^  fi^yy-^  (h\^*^  ^cdhi^ . 


"S 


> 


TRAITÉ  DE   COMBOURGEOISIE 

mm  LE  12  NOVEMBRE  1477  PAR 

JEAN  DE  SAVOIE 

Administrateur  de  l'Évêché  de  Genève,  ponr  lui  et  la  ville  de  Genève,  avec  les  villes  de 

Berne  et  de  Friboiirg. 


Un  traité  de  combourgeoisie  tut-il  conclu,  en  1477,  à  la 
suite  de  la  guerre  de  Bourgogne,  entre  l'évêque  Jean-Louis  de 
Savoie  et  les  villes  de  Berne  et  de  Fribourg?  quel  était  le  ca- 
ractère de  ce  traité?  les  citoyens  y  prirent-ils  part?  C'est  là 
une  des  questions  controversées  de  notre  histoire,  dont  aujour- 
d'hui il  est  facile  de  donner  la  solution,  et  tel  est  le  but  de  ce 
travail. 

Faisons  d'abord  connaître  l'objet  de  la  discussion  ;  elle  a 
pour  point  de  dépari  ces  lignes  de  Bonivard. 

«  J'ai  leu  certain  double  d'une  bourgeoisie  que  l'on  disoil 
le  dit  évesque  (Jean-Louis)  avoir  faict  l'an  1477,  avec  les  deux 
villes  de  Berne  et  de  Fribourg  pour  luy  et  ses  citoyens  de  Ge- 
nève, sa  vie  durant,  presque  en  la  forme  de  celle  que  avons 
avec  eux  maintenant.  Mais  je  n'en  ay  veu  ni  original,  ny  en  ay 
ouï  parler,  pourquoy  ne  le  veux  avancer  pour  vérité  histo- 
rienne »  {Chron.  de  Bonivard ,  p.  84). 

Roset  semble  avoir  purement  et  simplement  suivi  Bonivard 
avec  ce  détail  de  plus  qu'il  donne  la  date  du  traité.  «  On 
trouve  bien  noté  qu'en  celle  même  année  et  le  24  novembre 


74 

l'évêque  fit  bourgeoisie  pour  la  cité  avec  Berne  et  Fribourg, 
sa  vie  durant,  mais  elle  ne  se  trouve  pas.  » 

Savyon  dit  :  «  L'évesque  Jean  Louys,  ayant  veu  les  misères 
que  la  guerre  apporte,  tascha  et  fit  tout  son  effort  de  se  joindre 
luy  et  la  cité  de  Genève  par  alliance  avec  les  Ligues  et  cantons 
desSuisses,  à  quoy  les  Ligues  consentoyent  ;  mais  le  peuple  se 
monstra  alors  si  stupide  qu'il  ne  cognut  point  le  bien  que  luy 
procuroit  l'évesque,  grand  amateur  de  la  liberté  de  la  ville  et 
qui,  combien  qu'il  fust  de  la  maison  de  Savoye,n'eust  voulu  en- 
durer que  la  ville  perdit  ses  francbises.  Luy  donc  voyant  que 
le  peuple  ne  tenoit  conte  d'entrer  en  ceste  alliance,  la  fit  pour 
soy  tant  seulement  sa  vie  durant  '.  » 

Ainsi  Savyon  affirme  sans  réserve  ce  que  Bonivard  avait 
énoncé  sous  forme  dubitative,  et  il  ajoute  que  le  peuple  ne  vou- 
lut pas  entrer  dans  cette  alliance;  cette  dernière  assertion  nous 
paraît  manquer  de  tout  fondement  bistorique. 

Gautier  reproduit  les  allégations  de  Savyon,  en  mentionnant 
la  réserve  faite  par  Bonivard  et  pour  montrer  qu'un  traité  de 
combourgeoisie  fut  effectivement  conclu,  il  cite  l'adresse  d'une 
lettre  envoyée  en  1478  par  Berne  et  Fribourg  aux  ma- 
gistrats de  Genève  et  qui  est  ainsi  conçue.  «  Nobilibus  praes- 
tantissimisque  viris  sindicis  atque  gubernatoribus  civitalis  ge- 
bennensis,  amicis  atque  comhuryensibus  nostris,  longe  omnium 
dilectissimis.  »  Or  ces  expressions  ne  peuvent  être,  suivant 
Gautier  un  titre  de  pure  honnêteté. 

Spon,  Thourel,  Pictet  admettent  aussi  qu'un  traité  de  com- 
bourgeoisie a  été  conclu  entre  Jean-Louis  et  les  deux  villes,  et 
que  les  citoyens  ont  refusé  d'y  être  compris;  seulement  Pictet, 
contrairement  k  l'avis  de  Gautier,  pense  que  le  titre  de  com- 
burgenses  donné  par  Fribourg  et  Berne  aux  Genevois  n'est 
qu'une  simple  formule  de  politesse. 

'  Annales  delà  Cité  de  Genève,  p.  3i. 


75 

Une  seule  autorité  s'élevait  contre  ces  témoignages,  c'est 
celle  de  Flournois  dans  les  notes  explicatives  dont  il  a  accom- 
pagné ses  Extraits  des  Registres  du  Conseil. 

Flournois  transcrit  en  effet  de  nos  Registres,  à  la  date 
du  28  avril  1477,  ce  qui  suit.  «  Fut  arrêté  que  la  ville  ne  se- 
roit  point  comprise  en  l'accord  fait  par  l'évêque  avec  MM.  des 
Ligues  sur  lespilleries  faites  aux  Suisses  a  Genève  et  qu'elle  ne 
sera  nommée  en  aucune  façon  au  dit  accord,  duquel  on  deman- 
dera un  double  au  secrétaire  de  Berne  pour  y  réparer  ce  qui 
fera  mention  de  Genève.  Après  quoy  les  sindics  et  quelques 
conseillers  allèrent  au  logis  des  ambassadeurs  des  Ligues  leur 
déclarer  qu'ils  n'enlendoient  pas  d'être  compris  au  dit  accord; 
à  quoy  les  dits  ambassadeurs  répondirent  qu'ils  n'entendoient 
pas  non  plus  d'y  comprendre  sinon  l'évêque  et  ordonnèrent  au 
secrétaire  de  Berne  de  réparer  l'acte.  »  Sur  quoi  Flournois 
observe  :  «  Spon  dit  que  l'évêque  Jean-Louis  voulut  contracter 
une  alliance  perpétuelle  avec  les  Suisses,  mais  que  le  peuple 
fut  si  stupide  qu'il  ne  le  voulut  pas  accepter,  de  sorte  qu'il  ne  la 
fit  que  pour  soy.  Cela  est  tiré  de  ce  qui  est  dit  cy-dessus  au 
28  avril  1477,  mais  il  ne  semble  pas  que  ce  fût  une  alliance, 
mais  seulement  un  traité  ou  accord  pour  quelque  différend; 
appunctuamentum .  » 

Les  conclusions  de  Flournois  paraissent  fort  naturelles  ;  cet 
auteur  ne  trouve  aucune  mention  dans  les  Registres  d'un  traité 
de  combourgeoisie  ;  en  revanche  il  trouve  un  accord  entre  l'é- 
vêque et  Berne  et  Fribourg  qui  n'est  évidemment  pas  un  traité 
de  bourgeoisie,  et  duquel  il  est  dit  que  les  citoyens  ne  voulu- 
rent pas  y  être  compris  et  il  en  infère  que  le  traité  de  com- 
bourgeoisie mentionné  par  Bonivard  sous  une  forme  dubitative 
n'a  pas  existé  et  que  l'accord  d'avril  a  été  pris  mal  à  propos 
pour  un  traité  de  combourgeoisie.  Ce  raisonnement  m'avait 
paru  si  concluant,  qu'avant  d'en  savoir  davantage,  je  n'aurais 
pas  hésité  à  donner  raison  au  savant  compilateur  de  nos  Re- 
gistres. 


76 

Mais  si  les  Archives  de  Berne  el  de  Fribourg  venaient  a  sup- 
pléer au  silence  des  Archives  de  Genève,  la  question  changerait 
de  face.  Or  tel  est  précisément  le  cas.  Le  D'"Berchtold,  dans 
son  Mémoire  sur  les  relations  entre  Fribourg  et  Genève,  affirme 
l'existence  d'un  traité  de  combourgeoisie  entre  l'évêque  Jean- 
Louis  el  Berne  et  Fribourg,  en  donne  la  date  14  novembre 
1477,  et  en  fait  connaître  les  principales  clauses  ^ 

L'historien  fribourgeois  avait  eu  sous  les  yeux  ou  un  des 
exemplaires  de  l'acte  original  conservé  à  Fribourg  ou  une  copie 
de  cet  acte  qui  se  trouve  dans  la  précieuse  collection  manus- 
crite due  au  chanoine  Fontaine.  Depuis  lors  ce  traité  a  été  in- 
séré en  1863  dans  le  second  volume  du  recueil  des  liecès  fé- 
déraux publié  par  M.  Phil.  Segesser,  d'après  le  texte  conservé 
dans  les  Archives  de  Berne. 

Comme  cet  acte  important,  point  de  départ  de  nos  relations 
politiques  avec  les  cantons  suisses  n'a  point  été  encore  publié 
en  français  nous  avons  pensé  qu'une  traduction  de  ce  traité  de 
combourgeoisie  avait  sa  place  marquée  dans  les  Mémoires  de 
la  Société  d' histoire  et  d' archéologie  de  Genève. 

«  Nous,  Jean-Louis  de  Savoie,  Administrateur  perpétuel  de 
l'évéché  de  Genève  pour  le  spirituel  et  le  temporel,  d'une  part,  et 
nousAvoyers,  consuls  et  communauté  de  Berne  el  de  Fribourg 
du  diocèse  de  Lausanne  de  l'autre  pari,  nous  faisons  connaître  à 
tous  ceux  qui  seront  dans  le  cas  de  voir,  de  lire  et  d'entendre 
ces  lettres,  que  ayant  pris  en  considération  les  périls  multiples 
et  variés  et  les  artifices  par  lesquels  le  genre  humain  est  conti- 
nuellement accablé,  grâce  à  la  fraude  infernale  qui,  par  des  ma- 
nœuvres diaboliques,  sape  les  fondements  de  la  société  humaine 
et  de  l'affection  mutuelle,  maux  contre  lesquels  le  zèle  dévoué 
de  tous  les  esprits  honnêtes  élève  à  bon  droit  le  bouclier  d'une 
résistance  magnanime.  Considérant  aussi  les  faveurs  anciennes 

*  Archives  de  la  Société  d'Histoire  du  canton  de  Fribourg.  V.  Cahier,  p.  10. 


77 

dent  nous  sommes  redevables  à  nos  ancêtres;  car,  mus,  non 
par  une  ambition  vulgaire  et  une  légèreté  efféminée,  mais  ani- 
més d'une  volonté  ferme  et  inflexible,  ils  ont  réprimé  les 
fléaux  de  la  guerre  et  des  séditions,  en  sorte  que  les  afl'aires  et 
le  trafic  de  nos  sujets  ont  prospéré  par  des  progrès  conti- 
nuels. D'autres  motifs  d'ailleurs  nous  conduisant  aux  résolu- 
tions qui  suivent,  nous  avons  trouvé  bon  de  recourir  aux  moyens 
propres  à  produire  la  source  et  le  fondement  inexpugnable  d'a- 
mitiés perpétuelles  qui  constituent  dans  cette  vie  la  ressource 
la  plus  puissante  et  la  plus  efficace  pour  maintenir  la  prospérité 
et  éloigner  les  revers. 

«  Au  nom  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ,  duquel  dérivent 
tout  salut,  tout  honneur  et  toute  bonté,  et  sans  lequel  rien  de 
stable,  ni  d'accompli  ne  peut  être  constitué,  nous  susnommé 
Jean-Louis  de  Savoie,  Administrateur  perpétuel,  en  notre  nom 
et  au  nom  de  notre  cité  de  Genève  et  des  citoyens  sujets 
de  la  dite  cité  (pro  nobis  civitateque  nostra  gebennensi  civi- 
bus  et  subdilis  dictœ  civitatis),  pour  toute  la  durée  de  notre 
vie,  étant  sains  de  corps,  de  jugement  et  d'esprit,  nullement 
entraînés  par  des  artifices  qui  pussent  en  quoi  que  ce  soit  in- 
valider notre  résolution,  mais  de  notre  propre  mouvement  et 
à  la  suite  d'une  mûre  délibération  ,  nous  avons  embrassé  l'al- 
liance des  villes  susnommées  de  Berne  et  de  Fribourg,  nous 
susnommé  Jean-Louis  de  Savoie,  en  notre  nom  et  au  nom  de 
notre  cité,  tant  que  nous  vivrons,  promettant  de  garder  loyale- 
ment cette  bourgeoisie  dans  la  forme  ci-après. 

«  Nous  entendons,  et  sommes  tenus  en  vertu  de  celte  bour- 
geoisie avec  les  susdites  villes  de  Berne  et  de  Fribourg  de  leur 
porter,  sur  leur  demande ,  un  secours  fidèle  et  efficace  contre 
toutes  personnes  non  spécialement  réservées  par  nous,  tant 
spirituelles  que  séculières,  de  quelque  état  ou  condition  qu'elles 
soient,  qui  s'efforceraient  d'attaquer  violemment,  d'endomma- 
ger ou  de  troubler  les  dites  villes  ou  l'une  d'enlr'elles  dans 
leurs  propriétés,  leurs  gens,  biens,  juridictions,  privilèges,  im- 


78 

munilés  ou  bonnes  coutumes,  el  cela  avec  une  puissance  telle 
que  cela  nous  conviendra,  et  de  quelque  nombre  d'hommes  ar- 
més que  nous  les  secourions  ils  devront  s'en  contenter  et  ce 
secours  devra  leur  être  accordé  à  leurs  dépens. 

a  En  outre,  nous  susnommé  Jean-Louis  de  Savoie,  nous  vou- 
lons, en  notre  nom  et  en  celui  de  notre  ville  de  Genève,  qu'un 
libre  accès  soit  ouvert  aux  dites  villes  par  tout  notre  territoire, 
nos  châteaux  et  notre  ville  de  Genève  pour  leur  négoce,  et  que 
leurs  marchands  aient  la  faculté  d'aller,  de  demeurer,  de  s'ar- 
rêter, et  de  revenir,  et  d'apporter  chez  eux  des  vivres  el  toutes 
les  denrées  et  marchandises  qui  leur  plairont. 

«  De  même,  nous  prendrons  des  dispositions,  nous  sus- 
nommé Jean-Louis  de  Savoie,  pour  que  les  marchands  de  ces 
villes  soient  traités  amicalement  et  avec  bienveillance,  sous  le 
rapport  des  péages,  et  à  cet  égard  nous  traiterons  en  tout  les 
Bernois,  aussi  bien  que  les  Fribourgeois,  sans  ruse  et  sans 
fraude. 

«  Et,  en  retour,  nous,  communautés  susnommées  de  Berne 
et  de  Fribourg,  nous  déclarons  et  nous  reconnaissons  avoir 
reçu  comme  notre  vrai  et  légitime  combourgeois  [burgensem  et 
civem)  le  susdit  très-illustre  et  très-révérend  prince,  seigneur 
Jean-Louis  de  Savoie,  Administrateur  perpétuel  de  l'évêché  de 
Genève,  tant  qu'il  vivra,  et  sa  cité  de  Genève  (pour  lui,  ses  ci- 
toyens et  ses  sujets  de  la  dite  cité)  et  que  nous  lui  avons  pro- 
mis, à  teneur  de  nos  serments  et  de  ces  lettres,  de  lui  accorder 
un  secours  fidèle  et  eltieace  sur  sa  requête  et  de  le  défendre 
comme  notre  combourgeois  contre  toutes  personnes  non  spé- 
cialement réservées  par  nous,  tant  spirituelles  que  séculières, 
de  quelque  état  ou  condition  qu'elles  soient  qui  s'efforceraient 
d'attaquer  violemment,  d'endommager  ou  de  troubler  le  très- 
illustre  Seigneur  susdit  et  sa  cité  de  Genève,  dans  sa  domina- 
tion, ses  gens,  ses  biens,  ses  juridictions,  privilèges,  immu- 
nités, ou  bonnes  coutumes.  Et  avec  quelque  nombre  d'hom- 


79 

mes  que  nous  le  secourions,  il  devra  s'en  conlenler,  el  ce 
secours  sera  accordé  à  ses  frais. 

«  El,  dans  celte  bourgeoisie,  nous  Jean- Louis  de  Savoie,  Ad- 
ministrateur perpétuel  de  l'évêché  de  Genève,  nous  réservons 
formellement  le  saint  Siège  Apostolique,  le  saint  Empire  romain, 
le  roi  très-chrétien  de  France  et  la  très-renommée  maison  de 
Savoie.  Et  nous,  Avoyers,  consuls  et  communautés  des  dites 
villes  de  Berne  et  de  Fribourg,  nous  réservons  de  notre  côté 
et  exceptons  formellement  le  saint  Siège  Apostolique,  le  saint 
Empire  romain,  le  roi  très-chrétien  de  France,  la  très-illustre 
maison  de  Savoie,  nos  combourgeois  et  confédérés,  les  Zuri- 
chois, Lucernois,  Soleurois,  Uraniens,  Schwytzois,  Unterwal- 
diens  d'Ob  et  de  Nidwald,  Zug  et  Glaris,  et  tous  les  autres 
États  avec  lesquels  nous  avons  jusqu'ici  contracté  des  traités 
ou  alliances  scellées  de  nos  sceaux.  Et  si  une  des  parties  pour 
son  propre  avantage  requiert  des  ambassadeurs  de  l'autre  par- 
tie, cette  dernière  lui  complaira,  mais  aux  frais  de  la  partie 
requérante. 

«  De  même  aucun  des  sujets  des  deux  parties  ne  devra 
arrêter  des  sujets  de  l'autre  pour  des  dettes  non  avouées,  ni 
leur  imposer  des  gages,  ni  les  inquiéter  par  des  poursuites  ju- 
diciaires {alieno  forensique  vexamine  inquietare).  Si  cela  arrivait, 
l'auteur  de  la  poursuite  sera  tenu  à  restituer  à  l'accusé  toutes 
ses  dépenses  et  à  renoncer  complètement  a  ce  qu'il  en  aurait 
obtenu  ainsi  et  il  y  sera  contraint  par  son  souverain.  Mais  pour 
des  dettes  reconnues  et  dont  il  existe  des  testimoniales,  une  des 
parties  peut  arrêter  l'autre  et  lui  imposer  des  gages.  Quant 
aux  dettes  non  avouées  ou  reconnues,  les  sujets  de  l'une  des 
parties  demanderont  justice  aux  sujets  de  l'autre  partie  dans 
le  lieu  et  auprès  du  juge  duquel  ressort  le  défendeur,  où  jus- 
tice devra  être  rendue  au  poursuivant  sommairement.  Mais  si 
nous  parties  principales,  ensemble  ou  séparément,  ou  quel- 
qu'un de  nos  sujets  réclamait  en  justice  contre  l'autre  ou  l'une 
des  autres  en  commun  ou  séparément,  la  partie  qui  réclamera 


80 

choisira  comme  arbitre  le  révérend  père  en  Christ,  et  seigneur 
Évêque  de  Lausanne ,  si  c'est  nous  Jean-Louis  qui  sommes 
défendeur,  ou  les  magnifiques  seigneurs,  comtes  de  Neuchâtel 
ou  de  Gruyère  au  cas  que  quelque  sujet  séculier  de  Jean-Louis 
de  Savoie,  ou  que  nous,  avoyers  consuls  des  villes  deBerne  et  de 
Fribourg,  ou  quelqu'une  de  nos  villes  ou  de  nos  sujets  soyons 
dans  la  position  de  défendeur.  Et  si  pour  absence  ou  pour 
d'autres  raisons  les  arbitres  étaient  empêchés,  les  deux  parties 
contractantes  choisiront  un  de  leurs  officiers  assermentés  qu'elles 
prieront  d'accepter  ce  mandat.  Et  si  cela  ne  suffisait  pas,  les 
seigneurs  eux-mêmes  devront  les  y  astreindre.  Cela  fait,  l'ar- 
bitre fixera  aux  deux  parties  une  journée  en  un  lieu  de  marche 
commune  dans  la  cité  de  Lausanne,  à  moins  que,  du  consen- 
tement des  parties,  une  autre  désignation  ne  soit  faite.  Et  les 
deux  parties  que  concerne  le  débat  devront  adjoindre  chacune 
deux  hommes  probes  et  honnêtes  à  l'arbitre,  et  ces  cinq  de- 
vront promettre  par  un  serment  solennel  sauf  dispense  des  par- 
ties, de  prononcer  suivant  leur  conscience,  leur  intelligence  et 
à  forme  de  justice.  Et  si  les  arbitres  difteraient  dans  leurs  dé- 
cisions, dans  le  délai  d'un  mois,  après  que  les  questions  avec 
les  réponses  auront  été  rédigées,  les  arbitres  auront  à  produire 
leurs  décisions  devant  un  Surarbitre.  Et  ce  dernier  devra  déci- 
der dans  l'espace  d'un  mois,  et  de  quelque  manière  qu'il  se  soit 
prononcé,  cela  demeurera  décidé,  tout  appel  étantsupprimé.Que 
si  quelqu'un  des  arbitres  ou  des  surarbitres  était  mis  dans  l'im- 
possibilité d'accomplir  sa  lâche,  avant  l'expédition  de  la  cause 
par  la  mort,  ou  par  quelqu'autre  accident,  un  autre  sera  choisi 
à  sa  place,  d'après  le  mode  déterminé  plus  haut,  et  ce  dernier 
s'engagera  de  la  même  manière  que  le  précédent.  Et  les  deux 
parties  devront  payer  en  commun  au  surarbilre,  et  chaque  par- 
lie  séparément  à  ses  propres  arbitres  tous  leurs  dépens,  et  nous, 
les  parties,  devrons  astreindre  les  nôtres  à  acquiescer  au  juge- 
ment prononcé  et  à  acquitter  les  dépens. 

«  Tout  cela,  cependant,  sans  préjudice  des  droits  du  tribu- 


81 

nal  de  nous  Jean-Louis  de  Savoie  et  de  notre  tribunal  spirituel, 
et  en  respectant  toutes  les  libertés,  privilèges,  immunités,  pré- 
éminences ecclésiastiques  que  nous  possédons  par  droit,  privi- 
lège ou  coutume,  dans  cette  notre  ville  et  sur  les  citoyens  et 
sujets  de  la  dite  ville,  auxquelles  nous  ne  voulons  déroger  en 
aucune  façon. 

«  En  outre,  il  a  été  déclaré  par  une  convention  spéciale  que 
nous,  susnommé  Jean-Louis  de  Savoie,  aviserons  à  ce  que  les 
marchands  et  autres  gens  des  cités  susnommées  soient  traités 
suivant  l'ancienne  coutume  pour  les  navires  et  le  prix  de  la 
navigation  sur  le  lac  Léman.  De  même  tous  les  délits  seront 
punis  dans  les  lieux  et  devant  le  Tribunal  où  ils  auront  été 
commis. 

«  Et  afin  que  toutes  ces  choses  soient  observées,  nous,  les  par- 
ties susnommées  nous  nous  engageons  par  notre  nom,  notre  hon- 
neur, nos  serments  et  notre  foi,  et  par  l'hypothèque  expresse, 
de  toutes  nos  propriétés  présentes  et  à  venir,  renonçant  à 
toutes  perceptions,  actions,  défenses,  et  spécialement  à  la  dis- 
position juridique  qui  prévoit  qu'une  renonciation  générale  a 
tout  son  effet  lorsqu'une  renonciation  spéciale  n'intervient  pas 
auparavant. 

«  Toutes  ces  choses  et  chacune  d'elles  en  particulier,  nous 
les  observerons  de  point  en  point  et  nous  les  maintiendrons, 
nous  réservant  expressément  que  si  d'un  commun  accord 
nous  décidions  que  quelque  chose  devait  être  déclaré,  aug- 
menté, restreint  et  changé  dans  ces  conventions,  nous  le  pour- 
rons faire  avec  l'approbation  de  toutes  les  parties  contractantes, 
sans  ruse,  ni  fraude  aucune. 

«  Et  pour  donner  effet  à  la  convention  présente  nous  avons 
apposé  nos  sceaux  à  ces  lettres,  le  14  novembre  de  l'année 
1477.  » 

Reste  maintenant  à  vider  cette  autre  question.  Doit-on  pen- 
ser, ainsi  que  l'affirment  toutes  les  histoires  de  Genève,  que 
2.  XV,  V^  partie.  6 


82 

les  citoyens  ne  voulurent  pas  être  compris  dans  le  traité  que 
conclut  l'évêque  avec  Berne  et  Fribourg. 

Observons  que  Bonivard  est  muet  a  cet  égard  ;  c'est 
Savyon  qui  le  premier  a  avancé  cela  et,  sans  s'appuyer 
sur  aucune  preuve ,  en  a  pris  occasion  de  se  récrier  sur 
la  stupidité  des  citoyens.  N'aurait-il  point  fait  confusion  avec 
l'accord  du  mois  d'avril  dans  lequel  les  citoyens  ne  vou- 
lurent pas  être  compris,  probablement  parce  qu'ils  auraient 
été  entraînés  à  des  déboursés?  Pourquoi  les  registres,  qui 
mentionnent  la  non-adhésion  à  l'accord  d'avril,  ne  diraient-ils 
rien  de  la  résolution  bien  plus  importante  de  ne  pas  accéder 
au  traité  de  combourgeoisie? 

Il  nous  paraît  d'ailleurs  très-improbable  que  Jean  de 
Savoie,  qui  traita  toujours  les  citoyens  avec  beaucoup  de  hau- 
teur et  chercha  toujours  a  se  passer  de  leur  assentiment  (les  re- 
gistres des  conseils  ne  justifient  en  aucune  façon  les  éloges  que 
lui  décernent  Bonivard  et  Savyon),  ait  songé  a  faire  intervenir 
directement  les  représentants  des  citoyens  dans  le  traité  conclu 
avec  Berne  et  Fribourg  ;  c'eût  été  reconnaître  à  ces  derniers 
une  importance  que  tous  ses  antécédents  et  sa  politique  bien 
connue  avaient  constamment  tendu  à  leur  dénier  complète- 
ment. Ce  prélat  entendait  englober  dans  sa  personne  toute  la 
communauté  ;  aussi  stipule-t-il  pro  se  el  civibus  et  subditis  suis. 
C'est  pourquoi,  jusqu'à  ce  qu'on  nous  prouve  le  contraire,  nous 
pensons  que  les  citoyens  ne  furent  nullement  consultés  par 
l'évêque  lorsqu'il  signa  le  traité  de  bourgeoisie,  qu'ils  n'eurent 
point  à  décider  s'ils  voulaient  acquiescer  à  ce  traité  et  par  con- 
séquent ne  firent  point  preuve  de  la  stupidité  que  leur  im- 
pute Savyon. 

Ajwédée  Rogkt. 


«-c--<S»<5S3A5>'^)"é>''^>^ 


RECHERCHES 


SUR 


L'ORIGINE  DES  GENEVEZ 

VILLAGE 

DE 

L'ANCIEN  ÉVÊGHÉ  DE  BALE 


Le  voyageur  qui,  par  une  belle  matinée  d'hiver,  se  rend  de 
Bienne  à  Porreniruy,  ne  tarde  pas  à  suivre  les  contours  d'une 
magnifique  route  moderne  taillée  dans  les  flancs  de  la  mon- 
tagne. A  ses  pieds,  dans  un  ravin  profond,  coule  la  Siiss  dont 
le  cours  accidenté  off"re  à  son  regard  tantôt  un  gracieux  pay- 
sage, tantôt  un  site  agreste,  ici  une  blanche  cascade  aux 
échos  bruyants,  la  les  ondes  d'un  lac  tranquille  et  le  silence 
du  repos.  Aussi  longtemjjs  que  la  route  suit  la  vallée  de  la  Sùss, 
on  jouit  d'un  coup  d'œil  charmant,  mais  au  moment  où, 
non  loin  de  Pierre-Pertuis,  la  rivière  tourne  brusquement  à 
gauche  pour  arroser  le  val  de  Saint-Imier,  le  paysage  change 
peu  à  peu.  Ce  ne  sont  plus  ni  forêts  épaisses,  ni  rochers  sur- 
plombants, ni  collines  aux  pentes  douces  ,  ni  ravins  cachés  et 
solitaires.  Bientôt  le  pays  se  découvre,  l'horizon  s'étend,  de 
longues  plaines  commencent  et  les  accidents  de  terrain  devien- 
nent de  plus  en  plus  rares.  La  aussi  la  neige  est  tombée  en 
plus  grande  quantité  et  le  froid  y  est  plus  vif.  On  se  trouve 
déjà  à  plus  de  3000  pieds  au-dessus  de  la  mer. 


84 

C'est  à  l'exlrémilé  d'une  de  ces  plaines,  bornée  an  couchant 
par  une  petite  colline  boisée,  qu'est  assise  l'antique  abbaye  de 
Bellelay,  dont  le  triste  état  el  les  pauvres  ruines  cadrent  bien 
avec  une  mélancolique  nature.  A  gauche,  sur  le  prolongement 
de  la  colline ,  on  aperçoit  un  village  aux  blanches  maisons 
dont  les  toits  reluisent  au  soleil.  Placé  ainsi  sur  la  hauteur,  il 
semble  défendre  l'entrée  de  son  petit  vallon.  Ce  village  s'ap- 
pelle les  Genevez. 

Il  y  a  déjà  plusieurs  années  que  des  auteurs  neuchâtelois, 
MM.  de  Monlmollin  '  et  de  Chambrier",  entre  autres,  ont  re- 
cherché quelle  pouvait  être  l'origine  de  deux  villages  de  même 
nom,  quoique  d'orthographe  différente,  les  Hauls-Geneveys  elles 
Geneveys-sur-Coffrane  situés  au-dessus  de  Neuchâtel.  Ils  se 
basent  tous  sur  une  tradition  regardée  parles  uns  comme  vraie, 
par  les  autres  comme  apocryphe ,  et  assignent  à  ces  localités 
en  termes  plus  ou  moins  affirmatifs  une  origme  genevoise.  Un 
seul  auteur  genevois,  M.  Pictet  de  Sergy,  a  consacré  aux  Ge- 
neveys  de  Neuchâtel  un  chapitre  dans  lequel  il  n'a  fait  que  re- 
produire les  diverses  données  des  écrivains  cités  plus  haut, 
sans  chercher  davantage  a  élucider  la  question. 

A  l'éstard  des  Genevez  du  Jura  Bernois,  M.  Aususte  Matile 
ajoute  '  :  «  Non  loin  de  Bellelay  est  la  commune  de  Genevez 
«  dont  les  habitants  s'attribuent  la  même  origine.  »  Guidé  par 
cette  indication,  M.  Moratel,  chargé  de  revoir  le  dictionnaire 
de  la  Suisse  de  Liitz  traduit  par  Leresche  *,  a  inséré ,  à  son 
article  les  Genevez^  les  lignes  qui  suivent  :  «  Les  Genevez 
«  [Berne,  Moûtiers]  village  paroissial  au  milieu  d'une  contrée 
«  boisée  et  un  peu  sauvage;  ses  chalets  donnent  cependant 
«  des  produits  qui  rentrent  dans  les  meilleurs  du  Jura,  et  l'on 


'  Mémoires  sur  le  comté  de  Neuchâtel,  II,  p.  143. 

*  Histoire  de  Neuchâtel  et  Valengin ,  p.  65. 

^  Histoire  de  la  seigneurie  de  Valengin,  p.  40. 

*  Dictionnaire  géographique  et  statistique  de  la  Suisse,  par  Marc  Liitz,  tra- 
duit par  Leresche,  revu  par  J.-L.  Moratel.  Lausanne,  1859. 


85 

«  y  fabrique  en  partie  les  savoureux  fromages  de  Bellelay. 
«  Cet  endroit  a  aussi  été  fondé  par  des  colons  genevois  émigrés 
«  en  1291  pour  fuir  la  guerre  et  l'incendie.  —  665  habitanls. 
«   —  AU.  f.  près  de  l'église,:  3550  p.  » 

L'affirmation  est  claire,  et  le  doute  ne  semble  plus  permis. 
Si  donc  nous  avons  là  des  colonies  genevoises,  pourquoi  n'en 
a-t-on  point  étudié  l'établissement  et  le  développement?  Mais 
si  Genève  et  les  localités  précitées  n'ont  d'autre  rapport  que  la 
ressemblance  des  noms,  comment  des  écrivains  sérieux  peu- 
vent-ils avancer  des   faits  aussi  problématiques? 

Il  m'a  paru  intéressant  d'examiner  la  valeur  de  ces  asser- 
tions, et  j'ai  recherché  d'abord  s'il  n'y  aurait  point  dans  le 
Jura,  et  dans  le  reste  de  la  Suisse,  d'autres  lieux  qui  eussent 
un  rapport  de  nom  avec  ceux  qui  nous  occupent.  Il  en  existe, 
en  effet,  un  certain  nombre  que  j'ai  classés  en  deux  catégo- 
ries, bien  distinctes  à  mon  avis  :  dans  la  première,  le  v  est 
avant  l'n,  dans  la  seconde,  \'n  est  avant  le  v.  Voici  le  tableau 
de  ces  noms,  d'après  la  carte  du  général  Dufour. 


JURA  bernois 

PiEUCBATEL 

FRIBOIJRG 

VAllD 

6  villages  du 
nom  de  Cha- 

SAVOIE 

3  villages  du 
nom  de  Cha- 

FRANCE 

1 

Chavanues 
Cheveney 

5  villages  du 
nom  de  Ciia- 

les  Chavan- 
nes 

vaunes 

vanues 
Chavornay 

vanues 
Chavanex 

Chavan 
Chavauaz 
Chevênoz 

Cheviguez 

II 

les  Genevez 

les  Hauls- 

Geneveys 

Geneveys-sur- 

Coffraue 

es  Genièvres 

es  Geneivroz 

au  Genevret 

eu  Geuevrel 

Chenauvaz  ; 

Excéneveï 

Genévriers 

Echénevex 

Chenevrottes 

Dans  la  première  catégorie,  je  crois  que  les  noms  de  Che- 
veney,  Chavanex,  Chavan,  Chavanaz,  Chevênoz  et  Chevignez 


86 

doivent  être  des  modifications  peu  importantes  du  nom  de 
Chavannes,  assez  répandu  dans  la  Suisse.  Or  Chavannes  venant 
de  Chavarma,  qui  dans  le  latin  du  moyen  âge  signifiait  cabanne^ 
tous  ces  noms  ne  peuvent  avoir  de  parenté  avec  la  ville  de  Ge- 
nève. —  Dans  la  seconde  catégorie,  les  hameaux  de  Echénc- 
vex^  près  de  Gex,  Excenevex  (es  cenevex),  près  de  Thonon, 
et  Cfienauvaz,  dans  le  canton  de  Fribourg,  désignent  apparem- 
ment des  lieux  plantés  de  chanvre  (chénevô,  patois  de  Gex,  et 
tzenévo,  patois  de  Fribourg,  signifient  chanvre).  Quant  aux 
noms  de  Genevret,  Genièvres,  Geneivroz  et  Genévriers,  il  est 
probable  qu'on  a  voulu  aussi  indiquer  par  là  des  lieux  plantés 
de  genévriers. 

Il  ne  reste  plus  maintenant  que  les  noms  de  :  Genève,  les 
Hauts-Geneveys,  les  Geneveys-sur-Coffrane  '  et  les  Gene- 
vez.  Ces  noms  ne  diffèrent  entre  eux  que  par  une  minime  va- 
riation d'orthographe  qui  disparaîtra  même  à  l'œil  en  l'exami- 
nant de  plus  près.  En  effet,  les  habitants  de  la  ville  de  Genève 
sont  nommés  dans  la  chanson  de  l'Escalade  de  1602,  écrite 
en  patois',  les  Genevoi,  qu'on  prononçait  les  Genevai.  Or  le 
son  ay  s'écrivait  au  moyen  âge  de  plus  de  vingt  manières  dif- 
férentes, dont  je  ne  donnerai  que  les  principales  :  ai,  ais,  aix, 
ay  ;  ei,  eix,  eiz,  et,  ets,  ex,  eys,  es,  ez  ;  oi,  ois,  oy,  oix;  etc. 
Ainsi  les  trois  noms  de  les  Genevoi,  les  Geneveys  et  les  Genevez 
se  prononçaient  tous  de  la  même  manière,  et  signifiaient  les 
habitants  de  Genève. 

Or,  quelque  étymologie  que  l'on  donne  a  la  ville  de  Genève, 
on  ne  peut  méconnaître  que  sa  position  au  bord  de  l'eau  ait 
dû  concourir  a  la  formation  de  son  nom^  Les  villes  de  Gênes, 
(Genua  ou  Genva),  d'Orléans  (Genabum),  de  Genappe  en  Bel- 
gique, et  autres,  situées  sur  une  côte  de  la  mer  ou  près  d'une 


'  Il  y  avait  autrefois  un  autre  village,  maintenant   disparu,  les  Geneveys 
sur-Saint-iVlartin. 

*  Chansons  de  l'Escalade.  Genève,  1845. 


87 

rivière,  en  sont  des  preuves  '.  Les  Geneveys  de  Neuchâlel  et 
les  Genevez  du  Jura  bernois  n'ont  de  rapport  avec  Genève  que 
leur  situation  commune  sur  une  hauteur.  Ils  n'ont  ni  lac  bleu 
ni  Rhône  limpide.  Ils  ne  furent  point  dès  les  temps  anciens  un 
lieu  de  passage  très-fréquenté.  D'ailleurs,  la  fondation  de  ces 
établissements  est  incontestablement  beaucoup  plus  moderne 
que  celle  de  Genève,  puisqu'elle  ne  doit  pas  remonter  avant  le 
13™®  siècle  de  notre  ère. 

D'autre  part,  notre  histoire  de  Genève  offre  dans  les  12™'', 
13™®  et  14™*'  siècles  des  luttes  sans  cesse  renouvelées  entre  les 
comtes  de  Savoie  et  les  seigneurs  des  contrées  avoisinantes. 
Il  suffit  de  jeter  les  yeux  sur  la  chronique  de  Paradin  pour  se 
convaincre,  par  la  lecture  de  maints  passages,  que  les  habi- 
tants toujours  exposés  à  voir  leurs  récoltes  ruinées,  leurs  fonds 
de  terre  saccagés,  leurs  maisons  rasées,  aimaient  mieux  cou- 
rir les  chances  de  l'exil  que  de  vivre  dans  des  craintes  conti- 
nuelles ^ 

Je  ne  prétends  point,  dans  les  développements  qui  vont  sui- 
vre, résoudre  la  question  et  déclarer  les  Genevez  de  Berne,  co- 
lonie genevoise.  Mon  désir  est  d'attirer  l'attention   sur  cette 

'  Eau  se  dit  en  latin  iujva,  en  romanche  ava,  en  valaque  apa,  dans  quel- 
ques patois  de  la  Savoie,  aw',  ou  eue,  en  patois  de  Fribonig,  ivûe,  en  cel- 
tique, ewe  ou  eve.  Notre  porte  du  lac  s'appelait  porïa  aqvai-kt.  nom  qui,  tra- 
duit en  français,  donna  porte  d'Yvoire.  Nous  avons  près  de  nous,  en  Savoie, 
au  bord  du  lac,  Yvoire  et  Évian  {Aguaria  et  Aguianum),  Evires  et  Mégève 
(Aquaria  et  Media  Aqua). 

*  Je  n'en  citerai  qu'un  exemple,  ch.  xlvi,  p.  229,  après  avoir  décrit  la 
victoire  d'Edouard  de  Savoie,  à  la  Coste  Saint-André,  l'auteur  ajoute  :  «  Les 
«  Savoisiens,  qui  avoient  esté  les  plus  forts  faisoient  maux  et  dommages 
«  innombrables  au  pais  du  Dauphiné  :  et  les  Dauphinois  à  leur  endroit  fai- 
«  soient  courses  incessamment  et  le  pais  exiloient  partout  oii  ils  se  rencon- 
«  troient,  à  l'occasion  de  quoy  fut  en  bien  peu  de  temps  tout  le  pais  des  vus 
«  et  des  autres  rédigé  à  grande  pourcté,  parce  n'estant  des  plus  fertiles, 
«  encores  estoit  perdu  ce  qui  y  pourroit  estre  produit  ou  ensemencé,  à  cause 
«  de  ceste  guerre  continue  qui  empeschoit  les  labourages  des  champs.  Dont 
c  estoient  contrains  grand  nombre  d'habitans  quitter  leurs  maisons,  pour 
«  trouver  autre  demeurance.  » 


88 

partie  de  notre  histoire,  dans  l'espoir  que  quelque  nouveau 
document  ou  des  recherches  ultérieures,  faites  par  une  main 
plus  habile,  pourront  nous  dire  si  nous  devons  aimer,  dans  les 
anciens  colons  de  l'Évêché  de  Bàle,  non  pas  seulement  des 
confédérés,  mais  aussi  des  frères  issus  du  même  sang  *. 


LES  GENEVEZ  DE  L'ANCIEN  ÊVÈCHË  DE  BALE 


Les  Monuments  d'histoire  de  l'ancien  Evêché  de  Bàle  de  M. 
Trouillal  renferment  trois  chartes  relatives  à  l'admission  d'é- 
trangers sur  les  terres  de  l'abbaye  de  Bellelay.  L'une,  de  l'an- 
née 1307,  est  tirée  du  cartulaire  de  Bellelay,  les  deux  autres 
des  années  1284  et  1331  sont  dues  aux  archives  de  l'ancien 
Évêché  de  Bâle. 

Voici  les  principaux  passages  de  la  première  de  ces  chartes, 
datée  du  26  février  1284  (Pièces  justificatives  n**  1): 

a  Nous,  père  Henri,  par  la  miséricorde  divine  évêque  de 
^<  Bâle,  désirons  que  l'on  sache  que  nous....  avons  jugé  bon 
«  d'accorder  à  l'abbé  et  au  monastère  de  Bellelay  la  faveur 
«  suivante  :  nous  maintiendrons  et  protégerons  en  toute  fidé- 
«  lité  les  étrangers  qu'ils  ont  établis  sur  leurs  limites  ou 
«  terres  (homines  alienigenas,  quos  habitatores  terminorum 
ce  seu  locorum  suorum  fecerint,  posuerint,  seu  constituerint). 
«  Nous  les  exemptons  de  toute  espèce  de  servitude  (ipsos 
«  eximimus  ab  omni  génère  servitutis).  Toutefois  chaque  fa- 
«  mille  de  ces  étrangers,  habitant  dans  ces  limites,  nous 
«  sera  redevable,  chaque  année,  en  signe  de  notre  protection, 

'  J'ai  ;i  remercier  tout  particulièrement  MM.  l'archiviste  Kohler,  de  Por- 
rentruy;  A.  Quiquerez,  de  Délémont;  Mandelert,  de  Bellelay;  J.-L.  Gigandet, 
Voirol,  maire,  Voirol,  juge,  des  Geneveys,  pour  l'obligeance  qu'ils  ont  mise 
à  m' envoyer  des  documents.  Feu  M.  Trouillat,  enlevé  à  ses  amis  par  une 
mort  prématurée,  m'avait  également  donné  d'utiles  renseignements. 


89 

«  d'un  chapon  et  d'une  hémine  d'avoine,  mesure  du  monastère 
«  de  Grand  val,  etc.  '  » 

Ladeuxièmecharle,donnéeaBâlele  3juillet  1307  parOlhon, 
évêque  de  Bâie,  renferme  quelques  erreurs  d'orthographe  com- 
mises par  le  copiste,  telles  que  syllabes  oubliées,  mots  estro- 
piés. Elle  ne  diffère  de  la  première  que  par  deux  changements, 
dont  le  premier  me  paraît  insignifiant  et  pourrait  aussi  pro- 
venir d'une  erreur  de  plume  :  1°  au  lieu  de  habitalores  termi- 
norum  seu  locorum  suorum,  on  trouve  écrit  :  habitatores  ter- 
rarum  seu  locorum  suorum  ;  2"  avant  la  signature  de  la  charte, 
cette  phrase  a  été  ajoutée  :  «  les  droits  des  églises  paroissiales 
«  demeurant  toujours  intacts  en  toutes  choses  {ecclesiarum 
«  parrochialium  jure  in  omnibus  semper  salvo  ^  »  (Pièces 
justilicat.  n°  2). 

Dans  la  troisième  charte,  du  16  juillet  1331,  il  est  dit  :  que 
l'abbé  du  monastère  de  Bellelay  a  humblement  prié  l'évéque 
de  BâIe  de  recevoir  sous  sa  protection  quelques  hommes,  sur- 
venant des  pays  étrangers,  et  désirant  prolonger  leur  séjour 
dans  les  terres  et  propriétés  du  couvent  de  Bellelay;  que  l'é- 
véque de  BâIe  a  accédé  à  cette  demande,  aussi  longtemps  que 
ces  hommes  s'arrêteront  dans  les  terres  et  propriétés  de  ce 
monastère  ;  que  chacun  d'eux  est  soumis  au  cens,  et  que  ce 
cens  doit  consister  en  un  sou,  monnaie  de  Bâle,  etc.^  (Pièces 
juslificat.  n"  4). 

En  comparant  ces  trois  chartes,  on  reconnaît  entre  les  deux 
premières  et  la  dernière  de  profondes  différences.  Dans  celles- 
là,  le  monastère  de  Bellelay  reçoit  sur  son  territoire  des  co- 
lons qu'il  déclare  libres  de  toute  espèce  de  servitude.  Dans  la 


•  Trouillat,  Monuments  d'histoire  de  l'ancien  Evêché  de  Bâle,  tome  ^, 
p.  390,  n»  298. 

"  Trouillat,  Munuinents  d'histoire  de  t'ancien  Evêché  de  Bâte,  tome  Ilf, 
p.  115,  n"  GO. 

^  Trouillat,  Monuments  d'histoire  de  l'ancien  Evêché  de  Bâle,  tome  lil, 
p.  418,  no  257. 


90 

dernière,  il  est  bien  spécifié  que  les  nouveaux  habitants  paye- 
ront chaque  année  un  tribut.  En  lâS'i-  et  en  1307,  on  reçoit 
des  familles,  en  1351  on  reçoit  des  individus.  Ces  familles  sont 
établies  sur  le  territoire  de  l'abbaye,  tandis  que  les  colons 
isolés  habitent  sur  les  propriétés  appartenant  à  Bellelay.  La 
simple  indication  de  familles  libres  nous  montre  déjà  que  nous 
devons  rejeter  la  charte  de  1331  comme  ne  pouvant  s'appli- 
quer à  des  habitants  venus  des  terres  de  Genève.  On  sait  en 
effet  que  l'exemption  de  tout  servage  était  le  privilège  du  ci- 
toyen libre,  et  Genève  était  déjà  considérée  comme  une  ville 
libre. 

Au  reste,  si  l'on  examine  de  plus  près  le  document  de  1331 , 
on  reconnaîtra  sans  peine  «  que  ces  hommes  venus  de  con- 
trées étrangères  »  et  qui  ne  reçoivent  l'hospitalité  «  qu'aussi 
longtemps  qu'ils  s'arrêteront  sur  les  terres  et  propriétés  du  mo- 
nastère »  ne  peuvent  concerner  le  cas  qui  nous  occupe.  Cette 
émigration  n'a  pas  le  caractère  d'une  colonie  permanente.  Je 
rapprocherais  plutôt  celte  charte  des  données  de  Paradin, 
transcrites  plus  haut,  qui,  à  la  date  de  l'année  1323,  signale 
le  «  grand  nombre  d'habitants  contrains  quitter  leurs  maisons, 
u  pour  trouver  autre  demeurance.  »  Â.  ces  paroles  semblent 
correspondre  les  termes  de  notre  charte  «  que  l'évêque  daigne 
»'  recevoir  ces  hommes  sous  sa  protection,  pour  leur  paix  et 
«   pour  leur  défense.  » 

Restent  les  chartes  de  1284  et  de  1307.  Nous  avons  vu 
que  cette  dernière  possède  de  plus  que  la  première  la  stipula- 
tion que  «  les  droits  des  églises  paroissiales  demeureront  intacts 
M  en  toutes  choses.  »  Cette  déclaration  me  semble  significative. 
On  pourrait  croire  que  les  premiers  colons  ayant  manifesté 
certaines  intentions  spoliatrices,  cette  clause  a  été  ajoutée  lors 
de  l'arrivée  de  nouveaux  étrangers  pour  maintenir  vis-à-vis 
d'eux,  d'une  manière  définitive,  les  droits  des  églises  paroissia- 
les. Mais  alors  pourquoi  ne  pas  avoir  promulgué  une  autre 
charte  dans  l'intervalle  des  années  1284  à  1307,  aux  fins  de 


91 

déterminer  les  droits  de  chacun?  Avant  de  poursuivre  l'exa- 
men de  ce  point,  il  est  bon  d'avoir  une  idée  exacte  des 
lieux. 

L'abbaye  de  Bellelay  avait  été  fondée  Tan  1156,  par  Sigi- 
nand,  prévôt  de  Moûtiers-Grandval,  h  la  suite  d'un  vœu  qu'il 
aurait  fait  à  saint  Augustin.  «  S'étanl  égaré  dans  la  forêt,  dit 
«  la  chronique,  il  se  trouva  soudain  en  face  d'une  laie,  et 
«  plein  d'admiration  pour  la  grandeur  de  cet  animal ,  il  s'é- 
n  cria  dans  l'idiome  du  pays  :  0  la  belle  laie  '  !  »  El  c'est 
ainsi  que  l'abbaye  de  Bellelay  obtint  son  nom.  Rien  n'est  plus 
fréquent  que  ces  étymologies  données  dans  le  moyen  âge  à 
toute  localité  ou  à  tout  établissement  dont  l'origine  était  peu 
connue.  Elles  ont  leurs  sources  dans  les  temps  les  plus  an- 
ciens de  Rome  et  de  la  Grèce  :  le  merveilleux  a  toujours  été 
pour  l'imagination  de  l'homme  ce  que  le  pain  est  pour  son 
corps.  L'an  1141,  le  pape  Innocent  lï  accorda  des  privilèges 
à  la  nouvelle  abbaye  ",  et  la  possession  de  plusieurs  vallées 
et  paroisses,  entre  autres  la  vallée  Rouge  dans  laquelle  elle 
était  située  '".  Ainsi,  dans  cette  charte,  non  plus  que  dans  la 
suivante  de  1 181  '*,  il  n'est  point  fait  mention  du  nom  de  pa- 
roisse de  la  Madeleine,  nom  plus  moderne  de  la  vallée  Rouge, 
ni  des  Genevez  dont  ce  village  faisait  partie.  Cela  donnerait  à 
supposer  que  cette  vallée  était  déserte  lors  de  l'établissement  de 
Bellelay.  Mais  la  tradition  locale  déclare  positivement  que  déjà 
auparavant  il  existait  dans  la  combe  au-dessus  de  laquelle  s'é- 

•  Sacri  et  canonici  ordinis  Prœmonstratensis  unnaks ,  tome  I,  p.  269. 
iNancy,  1734. 

'  Trouillat,  Monuments,  etc.,  tome  l,  p.  390.  —  Sacri  et  canonici  ordinis 
Prœmonstratensis  annales,  tome  I,  p.  270. 

'  «  Ruscam  vallem  cum  appenditiis  suis.  »  TvowWal,  Monnments,  etc.,  I, 
p.  390.  —  Ce  nom  vient  d'un  ruisseau,  la  Rouge-Eau,  qui  prend  sa  source 
dans  les  tourbières,  près  de  Bellelay,  et  va  se  perdre  dans  le  même  voisi- 
nage. (Bellelay,  par  P.  Mandelert.  Porrenlruy,  1859.) 

♦  «  Locum  ipsum  in  quo  prefata  ecclesia  sitaest,  cum  omnibus  perlinentiis 
suis.  »  Trouillat,  ! ,  p.  38.5. 


92 

levèrent  les  Genevez,  une  petite  église  du  nomdeSainle-Marie- 
Madeleine,  ou  simplement  la  Madeleine,  dont  la  collature  fut 
donnée  à  Bellelay  '. 

Quoi  qu'il  en  soit,  dans  le  13™^  et  au  commencement  du 
14me  siècle,  cette  église  s'appelait  l'église  paroissiale  de  la 
Madeleine.  Un  petit  village  s'était  formé  autour  d'elle  et  avait 
reçu  le  nom  de  Lajoux.  On  comprend  que  si  les  habitants  de 
cette  petite  paroisse  furent  appelés  à  recevoir  des  familles  du 
dehors,  ils  ne  purent  leur  assigner  des  terres  que  sur  la  hau- 
teur qui  les  dominait,  (^elle  éminence  était  comprise  dans  le 
territoire  de  Bellelay,  inlra  limites  Bellelagiensis  territorii,  et 
c'est  dans  cet  endroit  même  qu'est  assis  le  village  des  Gene- 
vez  ^.  Ces  étrangers  durent  être  considérés  comme  relevant 
du  village  de  Lajoux-Sainte-Marie-Madeleine,  puisqu'ils  n'eu- 
rent pas  d'église  dans  l'origine.  Toutefois ,  comme  garantie 
vis-à-vis  des  nouveaux  venus,  on  comprend  qu'on  ait  eu  soin 
d'ajouter  à  la  charte  de  1307  la  clause  déjà  précitée  au  sujet 
des  droits  des  églises  paroissiales,  dans  la  crainte  qu'ils  ne  fus- 
sent attaqués  par  les  colons. 

Une  nouvelle  charte  du  11  juillet  suivit  presque  immédia- 
tement celle  du  3  juillet  1307  (Pièces  justificat.  n"  5)  : 

«  Nous,  Othon,  par  la  grâce  de  Dieu...  évêque  de  Bâle, 
«  avons  été  requis  par  l'abbé  de  Bellelay —  de  déclarer  à 
«  qui  doit  appartenir  de  droit  la  perception  des  décimes  no- 
te vales.  Après  avoir  reçu  l'avis  des  experts,  nous  disons 
«  et  déclarons  que  la  perception  de  ce  genre  de  décimes  no- 
te vales  appartient  et  doit  appartenir  de  droit  aux  recteurs  des 
«  églises  paroissiales,  seulement  sur  le  territoire  ou  dans  les 
«   limites  desquelles  ces  navales  sont  reconnues  être  établies  ^.  » 

Il  s'agissait  donc  de  terres  nouvellement  défrichées,  puis- 
qu'on appelle  navales  les  dîmes  ecclésiastiques  auxquelles  sont 

'  Voir  aussi  l'rœmoustr.  onlinia  annale}!,  I,  p.  lili). 

-  Prœtn.  nunales,  p.  278. 

^  Trouillal,  Monuments,  etc.,  III,  p.  116,  n"  61. 


93 

soumis  ces  sortes  de  terrains.  Ces  terres  se  trouvaient  sur  le 
territoire  d'une  église  paroissiale,  comme  les  Genevez  sont  dans 
la  paroisse  de  la  Madeleine.  Maintenant  s'agit-il  ici  de  la  Ma- 
deleine, et  n'y  a-t-il  pas  une  autre  paroisse  dans  les  limites  de 
Bellelay  qui  aurait  reçu  des  colons?  Le  territoire  était  petit,  et 
je  ne  crois  pas  qu'une  autre  colonie  s'y  soit  réfugiée.  Toutefois, 
comme  mes  recherches  peuvent  me  tromper,  c'est  aux  explo- 
rateurs de  l'histoire  de  l'ancien  Évéché  de  Bâle  qu'il  appartient 
de  trancher  ici  le  nœud  gordien. 

Supposons  que  la  colonie  dont  il  s'agit  est  bien  celle  des 
Genevez,  d'où  ce  nom  lui  est-il  venu? 

A  Genève,  l'année  1284  marquait  la  fin  d'une  période  re- 
lativement tranquille.  Si  l'orage  grondait  entre  le  comte  de 
Genevois  et  le  comte  de  Savoie,  il  n'y  avait  encore  ni  guerres, 
ni  pillages,  ni  incendies.  Aucun  motif  ne  pouvait  déterminer 
une  partie  des  Genevois  à  chercher  protection  hors  des  murs 
de  leur  ville.  Mais  dès  l'année  1285,  on  voit  se  former  dans 
Genève  les  trois  partis  de  l'évéque,  du  comte  de  Genevois  et 
du  comte  de  Savoie,  qui  devaient  attirer  tant  de  maux  à 
notre  patrie,  et  les  agressions  armées  ne  lardent  pas  à  com- 
mencer. 

En  1307,  on  était  au  fort  des  hostilités  :  «  Les  divers  partis, 
«  dit  M.  Mallet,  dans  ses  études  sur  l'épiscopat  d'Aimon  du 
«  Quart  ',  qui  se  disputaient  le  pouvoir  à  Genève  et  dans  les 
'<  contrées  dont  celte  ville  était  le  centre  naturel  avaient 
((  fini  par  se  réunir  en  deux  principaux,  celui  de  Savoie,  et 
«  celui  de  Genevois.  Au  parti  de  Savoie  se  rattachait  une  par- 
«  lie  notable  de  la  population  de  Genève,  ceux  qui  avaient  ré- 
«  labli  la  commune  et  tout  spécialement  ceux  qui  s'étaient  faits 
«  les  hommes  d'Amédée  V.  Au  parti  de  Genevois  et  de  Fau- 
«   cigny,   appuyé  plus  au  dehors  par  le   dauphin  et  le  sire  de 

'  Mémoires  el  documents  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie,  t.  IX, 
p.  148. 


94 

«  Châlons,  se  ralliaient  au  dedans  Tévêque,  la  majeure  partie 
«  du  clergé,  el  la  partie  de  la  population  laïque  qui  était  de- 
«   meurée  attachée  aux  vieilles  traditions.  » 

«  L'an  1307  de  la  naissance  du  Seigneur,  dit  le  Fasciculus 
«  temporis  *,  le  mardi  G  du  mois  de  juin,  à  la  fête  de  sainl- 
«  Claude,  entrèrent  à  Genève  le  comte  de  Genevois  et  le  sire 
«  Hugues  Dauphin  seigneur  de  Faucigny  avec  leurs  troupes 
«  de  cavaliers  et  de  fantassins,  par  devers  la  porte  d'Yvoire  ', 
«  par  la  trahison  d'Âimon  de  Saint-Germain,  de  iMermel  Be- 
«  noit,  de  Girod  et  Ami  David,  d'Olthonet  Vidonne,  de  Mi- 
c(  chel  de  Duliz,  notaire,  de  Guillermin  Verdin.  de  Jaqueraei 
i«  Medici  et  de  Péronet  Bosselet.  Ce  Jaqueraet  Medici  et  ce 
«  Péronet  Bosselet,  qui  avec  leurs  complices  avaient  causé  la 
«  révolte  de  la  ville,  furent  pendus  sur  le  plateau  de  Champez. 
«  Les  autres  complices  susnommés  s'échappèrent,  leurs  biens 
«  furent  dispersés  et  leurs  maisons  détruites  par  les  citoyens 
«  genevois.  Le  jour  même,  a  6  heures  du  matin,  les  ennemis 
«  furent  repoussés  de  la  ville  par  les  citoyens,  à  savoir,  par 
a  Guy  Tavel,  Guy  de  Saint-Apres,  Vincent  Trombert,  Péris- 
«  sod  de  Bourdigny,  les  de  Prévessin,  les  Berthier,  et  les 
«  de  Postella  avec  d'autres  citoyens.  Et  l'on  tua  d'entre  les 
«  dits  ennemis  près  de  la  porte  d'Yvoire  132  hommes  tant 
«'  nobles  que  roturiers,  et  on  en  prit  environ  300  et  plus  : 
«  quant  aux  autres  ennemis  qui  survécurent,  iis  furent  brave- 
«  ment  chassés  de  la  ville  par  les  dits  citoyens  qui  avaient 
«  garni  par  prudence  les  tours  de  l'église  de  Saint-Pierre,  la 
«  place  qui  est  devant  cette  église,  et  celle  du  Perron  d'un 
«  nombre  de  troupes  suffisant.  » 

Ces  événements  se  passaient  le  6  juin  1307,  et  la  charte  de 
Bellelay,  que  je  rattache  à  cette  période  d'agitation,  est  du  3 
juillet  de  la  même  année. 


*  Mémoires  de  la  Société,  etc.,  t.  IX,  p.  301. 

*  Ancienne  porte  du  lac,  située  à  l'extrémité  de  la  place  de  Longemalie. 


95 

Le  23  octobre  1308,  les  comtes  de  Savoie  et  de  Genevois 
firent  une  amnistie  pour  tous  les  bannis  de  Genève  * ,  mais  cette 
proclamation  venait  plus  d'un  an  après  l'exil,  et  si  quelques 
Genevois  avaient  trouvé  dans  une  vallée  retirée  le  calme,  le 
repos  et  peut-être  le  bien-être,  il  n'est  pas  étonnant  qu'ils  aient 
préféré  conserver  leur  nouvelle  patrie.  Ils  ne  pouvaient  d'ail- 
leurs rentrer  dans  Genève  qu'à  certaines  conditions  assez  hu- 
miliantes * . 

Quoi  qu'il  en  soit  de  l'origine  des  Genevez  et  de  la  date  de 
leur  établissement,  il  est  évident  que  ce  lieu  fut  défriché  dans 
le  14™^  siècle  par  un  certain  nombre  de  familles  ou  d'habi- 
tants. On  leur  donna  le  nom  de  Genevézats  dans  le  patois  du 
pays,  Genevesani  ou  Genevesiani  en  latin  ^. 

Quels  étaient  les  noms  de  ces  familles  ?  Je  n'ai  pu  trouver 
aucun  document  qui  fit  mention  des  Genevézats,  avant  l'année 
1381.  A  cette  date  vivait  aux  Genevez  le  maire  Nijcols. 
En  1432,  on  trouve  aux  Genevez  un  Parusson  ou  Pa- 
russod,  en  1445  un  Henri  Flajeolat^  d'où  le  nom  d'une  terre 
des  Genevez  appelée  pré  Flajeolat  (Flerjeollat,  Ferjeollat, 
ClercjeoUat,  et  enfin  contracté  en  Précéjeollat).  Une  autre 
terre  porte  le  nom  de  pré  Maillard^  du  nom  d'une  ancienne 
famille  des  Genevez,  dont  on  m'a  dit  que  l'acte  d'établissement 
dans  ce  village  est  de  l'an  1300  environ.  Mais  cet  acte  n'est 


*5^ 


•  Nous,  Amédée.  comte  de  Savoie,  et  Guillaume,  comte  de  Genève,  ayant 
conclu  la  paix  entre  nous,  décidons  que  les  citoyens  genevois  bannis  (foris- 
suti)  reprendront  les  biens  qu'ils  possèdent  et  doivent  posséder  auprès  de 
Genève  et  sur  le  territoire  de  Genève.  {Mémoires,  etc.,  IX,  p.  260.) 

2  Ils  ne  rentreront  pas  dans  la  ville  avant  d'avoir  donné  satisfaction  et 
d'avoir  promis  par  serment  qu'ils  ne  feront  du  tort  ni  au  comte  de  Savoie, 
ni  à  ses  gens,  ni  aux  citoyens  et  liabitants  de  Genève.  (Mémoires,  IX,  p.  260.) 
—  Voir  aussi  p.  258  et  259  du  même  volume. 

'  Dans  l'acte  qui  donne  ce  nom  en  latin,  on  avait  d'abord  écrit  Genevesani, 
ce  qui  correspondait  parfaitement  à  l'ancienne  dénomination  de  Geneveysans, 
donnée  en  ces  temps  aux  Genevois.  Postérieurement,  il  a  été  intercalé  un  i 
entre  l's  et  l'a.  Au  reste,  rien  n'est  plus  variable  que  l'orthographe  de  ces 
actes.  (Pièces  justif.,  n"  5.) 


96 

plus  au  Genevez.  Dans  un  acte  de  1531,  il  est  fait  mention  de 
la  «  villa  Maillard  »  depuis  lors  uac/tenes  Maillard.  On  y  parle 
aussi  «  d'une  terre  du  temps  passé  tenue  et  possédée  par  Jean 
«  Burqud  des  Genevez  »  d'une  terre  Jeannena^  d'une  terre 
nommée  d'ancienneté  la  terre  Jean  Monier^  d'une  terre  Mo- 
nicod,  enfin  d'une  terre  Jourdain  ou  plutôt  Jordan. 

La  même  année  les  Vairoulz  ou  Vaurouz  (depuis  Varouz^ 
Varol  et  définitivement  Voirai)  prennent  en  fief  de  l'abbé 
de  Bellelay,  sans  qu'il  y  soit  «  contrainct ,  séduit  ne  barraté 
«  par  aucunement,  par  fraude,  par  annulation  ou  autrement 
((  induement,  mais  étant  bien  avisé  et  cerlioré,  »  une  terre 
assez  considérable  située  aux  Genevez  et  connue  sous  le  nom 
de  terre  à  la  pidance  *.  Cette  vente  prouve  que  les  Voirol  sont 
plus  anciens  aux  Genevez  que  ne  pourraient  le  faire  croire  les 
notes  d'un  Voirol  du  commencement  de  ce  siècle,  qui  dit  :  «  La 
«  famille  des  Voirol  existe  dans  la  commune  des  Genevez  depuis 
(i  1500  et  prend  son  origine,  d'après  la  tradition,  de  la  Savoie, 
«  par  un  Louis  Voirol  ou  Varol  ^.  «En  effet  si  ce  Voirol  est  venu 
en  1500,  il  y  est  venu  en  fugitif,  et  comment  ses  fils  auraient- 
ils  pu,  dès  1531,  prendre  en  fief  une  grande  partie  des  Gene- 
vez «  pour  la  rente  annuelle  et  perpétuelle  de  trante  et  deux 
«  soulx  six  deniers  monnaie  basloise  et  un  chappon  que  les 
«  dits  frères  retenants  ou  leurs  hoirs  sont  et  sçaront  attenus 
«  de  payer  et  supporter  un  chacun  an  ^  ?  »  Il  est  bon  de 
noter  ici  le  lieu  d'origine  qui  leur  est  assigné,  la  Savoie. 

Ainsi  les  plus  anciens  noms  des  familles  des  Genevez  se- 
raient :  Burqud,  Nycols,  Flajeolat,  Maillard,  Parusson,  Jean- 
nena,  Monier,  Monicod,  Jordan,  Vauroulz. 

Dans  la  liste  des  73  citoyens  qui  font  a. Genève,  en  1290,  un 
accord  avec  l'évêque  Guillaume  pour  la  translation  d'un  marché 

*  La  pidance  était  la  portion  de  terre  dont  les  chanoines  se  partageaient 
le  revenu  et  qui  consistait  en  général  en  légumes. 
-  Chronologie  de  la  branche  des  Voirol  dits  Greffiers  (manuscrite). 
5  Lettre  féodale  de  la  pidance  de  Bellelay  (manuscrite). 


97 

ail  Bourg-de-Four  *,  on  cite  un  Farjollel  -,  \m  Jofianmnus  ^el 
un  Johannod,  un  Ferroux,  en  1382  un  Willelmns  Manigot, 
et  dans  une  charte  de  1309,  un  Jordan,  deux  Nycholaus 
et  trois  Mugnier.  En  1364  apparaît  un  Burgu^  maître  des 
monnaies,  en  1365  un  Vaurruz  (qui  se  rapproche  plus  de 
Vauroulz  que  Ferroux  *),  en  1428  un  Mogner.  Enfin  dans  la 
seconde  moitié  du  quinzième  siècle,  les  Maillard  ^  sont  déjà 
nommés  citoyens  de  Genève.  Les  Perussod  sont  déjà  cités  en 
1290  et  plus  tard,  mais  il  est  difficile,  ainsi  que  pour  les  Jor- 
dan etlesNycolas,  de  distinguer  toujours  s'il  s'agit  de  prénoms 
ou  de  noms  de  famille.  Bailleurs  les  Jordan  se  retrouvent  dans 
tout  le  bassin  du  Léman.  Il  n'est  pas  étonnant  que  la  plupart 
de  ces  noms  ne  figurent  point  dans  les  actes  avant  1364,  car 
il  est  à  présumer  que  si  une  émigration  a  eu  lieu  dans  les  con- 
ditions de  pillages  et  de  guerres  que  j'ai  énoncées,  la  classe 
peu  fortunée  devait  y  être  surtout  représentée.  Les  émigrés 
étaient  ou  de  simples  habitants  de  Genève  ou  des  citoyens  non 
marquants,  et  qui  n'étaient  pas  appelés  comme  témoins  dans 
les  transactions  entre  les  comtes  de  Savoie  et  les  évêques. 
Suivant  la  loi  des  choses  humaines ,  telle  famille  qui  ne  joue 
pas  de  rôle  à  un  moment  donné  a  cause  de  la  faiblesse  de  ses 
ressources,  compte  50  ou  400  ans  plus  tard  des  membres 
dans  les  premières  fonctions  de  l'État.  Au  reste,  le  nombre  des 
familles  arrivées  aux  Genevez  à  l'origine  fut  probablement  res- 
treint. La  colonie  en  effet  ne  joue  aucun  rôle  jusqu'en  1381  : 


'  Mém.  et  doc,  l,  2™*  partie,  p.  121. 

-  En  1262,  on  trouve  également  une  Perréte  Fariolet  inscrite  dans  les 
actes  (Mém.  et  doc,  tome  XIV,  p.  56,  n"  69). 

'-  Ce  nom  se  retrouve  déjà  en  1276  (Mém.  XIV,  p.  406,  n»  352). 

^  Peut-être  ces  Vaurruz,  qu'on  retrouve  plus  tard  à  Genève  sous  le  nom 
de  Vuarouz,  avaient-ils  quelque  rapport  avec  la  noble  famille  des  Varro,  qui 
joua  un  grand  rôle  à  Genève. 

*  En  1293,  il  existait  à  Genève  un  Guy  Maniard.  —  Les  Maillard  de  Ge- 
nève étaient  nobles  et  donnèrent  plusieurs  syndics  à  notre  ville,  ainsi  que 
les  Mugnier  et  les  Johannod. 

T,  XV.  V^  part.  1 


98 

nouveaux  venus,  les  habitants  se  sentent  heureux  de  couler 
leurs  jours  en  paix,  retirés  dans  leurs  montagnes  et  vivant  du 
produit  de  leurs  troupeaux. 

Le  18  juin  1381,  les  Genevézats  apparaissent  pour  la  pre- 
mière fois  sur  la  scène  de  l'histoire  :  ils  ont  une  contestation 
avec  l'abbé  de  Bellelay  :  ils  prétendent  qu'ils  peuvent  chasser 
leur  bétail  sur  les  pâturages  de  l'abbaye;  l'abbaye  contestece  droit 
et  soutient  qu'ils  ne  peuvent  faire  pâturer  au  delà  de  certaines 
limites  sans  le  consentement  de  l'abbé  et  du  couvent  de  Bel- 
lelay. Telle  est  la  substance  de  la  charte,  donnée  par  M.  Trouil- 
lat  ' .  J'ai  fait  des  démarches  auprès  de  M.  l'archiviste  de  Porren- 
truy,  dans  le  but  d'obtenir  la  copie  de  cette  charte,  mais  ses 
nombreuses  occupations  l'ont  empêché  jusqu'à  ce  jour  de  sa- 
tisfaire à  ce  désir.  Je  crois  que  la  connaissance  de  ce  docu- 
ment jetterait  du  jour  sur  la  position  respective  de  l'abbé  et 
des  Genevézats,  les  uns  à  l'égard  des  autres. 

M.  Trouillat  leur  donne  déjà  le  nom  de  commune  des  Ge- 
nevez,  ce  qui  est  une  nouvelle  preuve  que  la  colonie  dut  être 
libre  dès  son  établissement.  En  1410,  le  nom  des  Genevez  est 
définitivement  ajouté  à  celui  de  la  Madeleine  "",  et  l'église  s'ap- 
pelle :  Eglise  de  Sainte-Marie- Madeleine  des  Genevez.  ïl  semble 
même  que  déjà  dans  la  seconde  moitié  de  ce  même  siècle,  on 
n'appelle  plus  l'église  que  sous  le  nom  de  :  Eglise  des  Gene- 
vez '.  Ce  fut  vers  ce  temps-là  que  quelques  habitants  de 
Lajoux-Sainte-Marie-Madeleine  allèrent  fonder  un  martinet  de 
l'autre  côté  de  la  colline.  Le  martinet  s'arrondit  et  devint  un 
village  qu'on  appela  Lajoux-Martinet   (en  patois  Mertenat)  *. 

*  Trouillat,  Monuments,  t.  IV,  p.  768. 

*  Acte  communiqué  par  M.  A.  Quiquerez,  de  Délémont. 

'  Cependant,  dans  le  Liber  Marcarum  de  Bâle  de  l'an  1444,  on  y  fait  meu- 
tion  de  la  paroisse  de  la  Madeleine. 

*  M.  A.  Quiquerez  croit  qu'il  y  avait  aussi  à  Lajoux-Madeleine  une  famille 
du  nom  de  Mertenat,  qui  aurait  donné  son  nom  au  nouveau  village.  J'ai 
constaté  aussi  parmi  les  anciens  noms  des  Hauts-Geneveys  de  Neuchâtelque 
m'a  donné  M.  le  maire  de  ce  village,  une  famille  Martenat  ;  cela  m'a  paru  un 


99 

Les  habitants  continuèrent  comme  ceux  des  Genevez  a  se  ren- 
dre le  dimanche  dans  la  vallée,  à  l'église  de  la  Madeleine,  pour 
y  prendre  part  au  culte,  et  à  Bellelay,  lors  des  grandes  so- 
lennités. 

Les  Genevez  voyaient  accroître  leur  population.  Une  famille 
surtout,  les  Voirol,  était  devenue  si  considérable  qu'elle  s'était 
partagée  en  plusieurs  branches  dont  chacune  avait  son  surnom. 
On  comptait  les  Gautier-Yoirol ,  les  Grégoire-Voirol  jeunes, 
les  Grégoire-Voirol  vieux,  les  Voirol-Greffier  et  les  Voirol- 
Pelletier.  Il  semble  que  l'esprit  de  la  chicane  caractérise  quel- 
que peu  cette  gens  genevézate,  a  en  juger  du  moins  par  les 
actes  que  j'ai  pu  consulter.  Les  plaidoyers,  les  discussions,  les 
procès  abondent,  et  une  des  parties  est  presque  toujours  un 
Voirol  ;  quelquefois  même  un  Voirol  plaide  contre  un  Voirol. 
Au  reste  cela  se  comprend,  puisqu'ils  étaient  les  plus  riches  et 
les  plus  influents.  De  nos  jours  sur  613  habitants  que  comp- 
tent les  Genevez,  les  Voirol  sont  au  nombre  de  1 57  :  ils  for- 
ment donc  plus  du  quart  de  la  population. 

Vers  l'an  1600,  la  peste  lit  des  ravages  dans  les  bas-fonds, 
et  les  habitants  de  Lajoux-Madeleine  montèrent  les  uns  aux 
Genevez,  les  autres  à  Lajoux-Martinet.  Seule  l'église  demeura 
debout,  et  le  service  y  fut  continué.  Mais  en  1619  elle  fut 
abandonnée  ou  démolie,  peut-être  par  suite  de  sa  vétusté  ou 
parce  qu'il  n'y  avait  plus  de  motifs  de  la  laisser  au  fond  de  la 
vallée.  Il  y  eut  alors,  au  sujet  de  la  reconstruction  de  l'église, 
de  strandes  discussions  entre  les  habitants  des  Genevez  et  ceux 
de  Lajoux-Martinet  (désormais  appelé  simplement  La  Joux). 
Ce  dernier  village  en  efTet,  comme  descendant  directement  de 
Lajoux-Madeleine,  avait  ses  droits  a  l'église,  droits  plus  réels 
peut-être  que  ceux  des  Genevézats,  dont  une  partie  seulement 
venait  de  l'ancien  village.  Les  habilants  de   La  Joux  deman- 


'o^ 


rapprochement  curieux  :  toutefois,  je  n'ai  pas  remarqué  qu'il  y  ait  eu  à  Ge- 
nève un  nom  de  cette  consonnance. 


100 

daienl  qu'on  bâtit  la  nouvelle  église  à  égale  distance  des  deux 
villages.  Mais  les  Genevézats  n'y  voulurent  point  consentir  :  le 
plus  faible  dut  céder,  et  bientôt  une  belle  église  domina  les 
hauteurs  des  Genevez.  Les  frais  furent  partagés  entre  l'abbé 
de  Beilelay,  La  Joux  et  les  Genevez  :  la  Madeleine  apporta 
aussi  son  contingent  en  donnant  les  vitraux,  le  catafalque  por- 
tant la  dale  de  1562,  et  la  croix  en  bois  doré.  Dans  l'église 
on  remarque  à  droite  et  à  gauche  deux  tableaux  principaux. 
L'un  représente  un  châtelain  et  une  châtelaine  des  environs 
protégés  dans  un  incendie  par  sainte  Claire  entourée  de  ses 
anges.  L'autre  est  destiné  à  conserver  la  mémoiie  du  Concile 
de  Constance  où  l'évêque  de  Beilelay  Henri  III  avait  obtenu  le 
4  mai  1414  de  l'empereur  Sigismond  la  protection  impériale 
pour  l'abbaye,  et  du  pape  la  mitre  et  la  crosse  pour  lui-même. 
Il  est  représenté  sur  le  devant  du  tableau  au  premier  rang  en- 
tre le  pape  et  le  cardinal.  Enfin  on  admire  la  magnifique  châsse 
de  sainte  Claire  envoyée  de  Rome  :  elle  courut  un  grand  dan- 
ger dans  je  ne  sais  quelle  occasion,  et  fut  sauvée  de  sa  des- 
truction par  un  Voirol.  A  droite  de  l'autel  est  une  pierre  en 
molasse  encastrée  dans  le  mur,  avec  l'écusson  de  l'abbé  Da- 
vid Juillerat  sous  le  règne  duquel  l'église  fut  bâtie.  On  y  Ht 
une  inscription  latine  dont  le  sens  est  : 

A  la  gloire  de  Dieu  très-bon,  très-grand  et  en  l'honneur  de  la  bien- 
heureuse Marie-Madeleine,  cet  édifice  sacré  a  été  élevé  par  les  soins, 
le  zèle,  la  vigilance  et  les  dons  en  argent  du  Révérend  Père  et  Seigneur 
David  abbé  de  Beilelay,  l'an  de  grâce  M.DC.XIXV 

Du    village  de  Lajoux-Sainle-Marie-Madeleine  il  ne  reste 
plus  que  le  nom  de  p,n  "-^  de  la  Madeleine  donné  a  son  an- 

'  Hae  Sacrae  Aedes 

Ad  majorem  Deiopt  :  Max  :  gloriam, 

Honorem  vero  B.  Marias  Magdalenae 

Cura,  Studio,  vigilantiâ  ac  magno  expensarum  juvamine 

R.  Patris  ac  Dni  Davidis  abbatis  Bellelagise  extruebantur 
anno  salutis  M.DC.XIX 
'  Fin,  vieux  mot  français,  du  latin  finis,  hmite,  puis  aussi  pays,  territoire. 


101 

cien  territoire,  celui  de  fontaine  de  Lajoux^  qui  désigne  une 
source  presque  tarie,  et  le  cimetière  de  la  Madekine.  Ce  cime- 
tière est  encore  entouré  du  vieux  mur  que  les  habitants  avaient 
élevé  pour  le  préserver  des  profanations  ,  lorsqu'ils  avaient 
abandonné  le  village.  Plus  tard,  les  Genevézats  élevèrent  au 
centre  une  petite  chapelle  :  ce  furent  les  Voirol  qui  en  firent 
les  fonds. 

Les  Genevézats  ne  reçurent  point  la  réforme.  La  tradition 
rapporte  que  Farel  vers  l'an  1530  vint  jusque  dans  l'auberge 
de  Bellelay  prêcher  les  nouvelles  doctrines  au  moment  où  les 
fidèles  sortaient  de  l'église  *,  mais  il  fut  obligé  de  se  retirer. 
Ou  ajoute  qu'il  se  rendit  aux  Genevez,  accompagné  d'un 
certain  nombre  de  nouveaux  convertis  de  Tramelan,  village  du 
val  de  Courlelary,  à  une  lieue  au-dessous.  Mais  aussitôt  que 
le  bruit  de  son  arrivée  fut  répandu,  les  femmes  se  réunirent 
pour  congédier  les  réformés.  La  rencontre  eut  lieu  près  d'un 
gros  hêtre.  Il  y  eut  là  une  fière  bataille  dans  laquelle  les  Ge- 
nevézates  eurent  le  dessus,  et  les  ennemis  furent  «  rudement 
paumés  »  selon  l'énergique  expression  du  temps.  L'arbre  près 
duquel  s'était  passé  ce  remarquable  fait  d'armes  reçut  le  nom 
d'arbre  des  fous  plumés.  Il  n'y  a  pas  longtemps  qu'on  en  voyait 
encore  le  tronc.  Néanmoins  une  branche  des  Voirol  embrassa 
la  réforme  et  alla  s'établir  à  Tavannes  *. 

Ainsi  la  réforme  créa  comme  un  cordon  autour  de  ces  deux 
églises  qui  n'avaient  pas  voulu  d'elle.  L'abbé  de  Bellelay  eut 
des  sujets  réformés  dans  ses  possessions,  et  parmi  eux  les  ha- 
bitants de  ïavannes  dont  il  avait  toujours  nommé  le  curé.  Il 
n'en  continua  pas  moins  à  élire  leurs  pasteurs,   avec  lesquels 

'  Bellelay,  par  P.  Mandelert,  p.  30. 

*  C'est  aussi  vers  cette  époque  que  plusieurs  familles  actuellement  exis- 
tant aux  Genevez,  les  Gigandet,  les  Rebetez,  vinrent  de  l'étranger  y  fixer 
leurs  demeures.  Les  noms  des  autres  familles  du  village  se  retrouvent  dans 
le  reste  de  l'évêché:  les  Saucy,  les  Humair,  les  Villemain,  ainsi  que  les  Sé- 
mon,  les  Riiff,  les  Berdat,  les  Renaud,  qui  se  retrouvent  aussi  à  Genève 
dans  le  seizième  siècle. 


i02 

les  abbés  furent  toujours  en  très-bons  termes.  Le  pasteur  de 
Tavannes  avait  sa  place  marquée  à  la  fable  de  l'abbé,  et  il  s'y 
rendait  de  très-bonne  grâce  *.  Les  abbés  de  Bellelay  ne  se 
départirent  jamais  de  cette  courtoisie  avec  les  adhérents  d'une 
autre  confession,  dans  un  siècle  où  l'on  n'en  avait  guère  de 
part  et  d'autre. 

Ce  refus  des  Genevézats  de  se  convertir  a  la  religion  réfor- 
mée explique  peut-être  la  complète  absence  d'une  tradition 
locale  relativement  à  une  origine  genevoise,  à  supposer  que  les 
Genevez  doivent  se  rattacher  à  l'histoire  de  notre  ville.  Ces 
descendants  d'hommes  «  demeurés  attachés  aux  vieilles  tra- 
ditions "  »  n'auront  point  trouvé  honorable ,  dans  ces  temps 
de  fanatisme  religieux,  de  se  dire  parents  d'hérétiques  aussi 
prononcés.  Toutefois,  il  ne  faut  point  oublier  que  les  Voirol, 
la  seule  famille  qui  puisse  encore  exister  depuis  les  premiers 
temps  de  la  colonie,  ont  conservé  comme  Jnous  l'avons  vu  la 
tradition  qu'elle  venait  de  Savoie,  tradition  qui  pouvait  exister 
aussi  dans  les  autres  familles  actuellement  éteintes  '\ 

Qu'il  me  soit  maintenant  permis  de  comparer  la  ville  de 
Genève  avec  les  Genevez.  Nous  ne  prendrons  point  pour  éta- 
blir notre  parallèle  la  Genève  calviniste.  On  connaît  en  effet  le 
sceau  tout  particulier  que  lui  imprima  la  réforme.  Ce  qui  ca- 
ractérisait notre  ville  dans  le  14*"^  et  le  15™^  siècle,  c'était 
le  goût  de  l'indépendance,  l'intelligence  et  un  penchant  pour 
les  plaisirs  assez  prononcé.  Je  ne  donne  ce  qui  va  suivre  non 
point  comme  une  preuve  nouvelle  dans  mon  sujet,  mais  à  titre 
de  rapprochement  curieux. 

L'inlelligence.  Il  est  avéré  que  le  Genevézat  a  une  réputation 

'  Bellelay,  par  P.  Mandelert,  p.  30. 

*  Mémoires,  IX,  p.  148. 

'  Les  Genevez  ont  aussi  une  tradition  dans  le  genre  de  celle  de  Bellelay, 
mais  les  habitants  eux-mêmes  en  rient.  Jadis,  il  y  aurait  eu  à  Bellelay  un 
boucher  allemand  qui  venait  aux  Genevez  et  qui  disait  :  «  Ché  fous  aborde 
tes  chénefex.  »  (Je  vous  apporte  des  jeunes  veaux). 


103 

de  sagacité  et  de  conception  facile  que  n'ont  pas  au  même  de- 
gré les  villages  environnants.  J'ai  été  surpris  moi-même  de 
leur  physionomie  intelligente,  de  leur  bon  sens,  de  leur  aisance 
dans  l'élocution ,  et  de  leur  instruction  relative  :  j'ai  eu  des 
preuves  de  leur  goût  pour  la  lecture. 

Les  Genevézats  se  sont  distingués  surtout  dans  le  domaine 
de  la  théologie  catholique.  Dans  le  nécroîoge  de  Bellelay  *, 
nous  trouvons:  en  1615  le  très-révérend  père  Gigandet,  cha- 
noine, en  1639  un  autre  Gigandet,  frère  convers,  en  1719 
le  très-révérend  père  en  Christ  Jean-Georges  Voirol ,  proto- 
notaire apostolique  dans  la  Champagne  et  la  Bourgogne,  vi- 
caire-général et  38™^  abbé  de  Bellelay,  en  1776  le  très-révé- 
rend père  Godefried  Jordan,  circalor^  et  juhilaeus  ^,  en  1792 
l'admirable  révérend  père  J.-M.  dit  Jean-Georges  Voirol,  cha- 
noine, docteur  et  professeur  en  théologie,  notaire  apostolique 
du  pape  ,  en  1827  le  très-révérend  père  Grégoire  Voirol,  pro- 
fesseur en  théologie  au  collège  de  Porrentruy,  et  Etienne  Re- 
betez,  chanoine. 

On  le  voit,  les  Voirol  sont  ceux  qui  ont  obtenu  le  plus  de 
distinctions.  Une  de  leurs  branches,  les  Voirol  dits  Greffier, 
possède  un  arbre  généalogique,  dressé  par  un  de  ses  membres. 
On  y  compte  plus  de  douze  Voirol  qui  se  distinguèrent  de  di- 
verses manières. 

Le  premier  est  un  Godefried  Voirol  «  qui,  devenu  maire 


*  Necrologium  Bellelagiense  a  C.  Nicolet  editum.  Brimtrati  MDCCCLIII. 

*  Le  circator  était  une  sorte  d'inspecteur  général  des  couvents.  Sa  charge 
consistait  à  faire  la  ronde  la  nuit  pour  observer  ce  que  faisaient  les  chanoi- 
nes dans  leurs  cellules,  et,  pendant  le  jour,  il  devait  veiller  à  ce  qu'ils  ne 
manquassent  point  leurs  services,  noter  toutes  leurs  négligences,  défendre 
les  rires,  les  conversations  et  enfin  donner  lui-même  l'exemple  d'une  vie  ré- 
gulière et  d'une  justice  égale  pour  tous  (L'ucange). 

*  Le  juhilaeus  était  un  religieux  qui  avait  desservi  une  église  pendant 
cinquante  ans  (espace  d'un  jubilé  de  cinquante  ans  à  un  autre)  ou  qui  avait  as- 
sisté aux  offices  le  temps  porté  par  les  statuts  capitulaires,  en  quelque  sorte 
un  vétéran  au  service  de  l'Église  [Biblioth.  sacrée). 


104 

«  de  la  Haule-Baroche  (paroisse de  la  Madeleine),  voulut  aller 
«  de  pair  avec  les  Grands:  il  fit  mauvais  ménage  et  se  ruina.  Il 
«  possédait  beaucoup  de  terres  sur  la  commune  des  Genevez. 
«  Il  fil  force  dettes  en  élevant  ses  enfants  et  après  sa  mort  il 
«  fallut  vendre  une  grande  partie  de  ses  biens  * .  »  Parmi  ses 
enfants,  au  nombre  de  neuf,  nous  remarquerons  :  «  Jean-Geor- 
«  ges  Voirol,  abbé,  qui  fil  bâlir  l'église  et  les  tours  ac- 
«  tuelles  du  couvent  de  Bellelay  et  le  gratifia  d'un  beau  jeu  de 
«  cloches,  »  et  Jean-Pierre  Voirol  qui  fit  ses  éludes  et  partit 
après  la  liquidation  des  biens  de  son  père.  «  Il  obtint  en  Al- 
«  lemagne  l'élève  de  trois  jeunes  princes  et  il  voyagea  avec  eux 
«  dans  les  divers  pays  de  l'Europe.  Après  quoi,  il  revint  avec 
«  une  jolie  fortune,  fruit  de  ses  économies.  Il  fut  reçu  licencié 
«  en  droit  à  Besançon ,  puis  notaire  impérial  a  Wetziar  (en 
0  Prusse),  ensuite  il  s'établit  à  l'auberge  de  Bellelay;  enfin  il 
«  fut  nommé  avocat  de  cour....  et  finit  par  acheter  des  ter- 
ce  rains  aux  Genevez  pour  800  livres  bâioises  ".  »  Il  fut  le 
père  de  ce  Pierre-Nicolas,  dit  Jean-Georges,  qui  reçut  du  pape 
Clément  XIV  le  titre  de  prolonotaire  apostolique  de  sa  Sain- 
teté et  dont  on  conserve  précieusement  le  magnifique  di- 
plôme. 

Il  y  a  eu  encore  des  Voirol  médecins  et  lieutenants  de  po- 
lice, probablement  au  tribunal  de  Moûliers-Grandval.  On 
compte  aussi  trois  sœurs  qui  moururent  en  grande  odeur  de 
sainteté  dans  le  couvent  des  Visitandines  de  Soleure  et  dans 
celui  des  Ursulines  de  Fribourg.  Enfin,  ai-je  besoin  de  rappe- 
ler ici  les  nombreux  exploits  de  l'illustre  général  Théophile 
Voirol,  issu  de  la  branche  réformée  de  Tavannes?  Né  en  1781 , 
il  s'enrôla  dans  l'armée  française,  gagna  à  Auslerlilz  le  grade 
de  lieutenant,  obtint  la  croix  d'honneur  a  léna,  et  fut  succes- 
sivement nommé  capitaine,  major,  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur et  colonel.  Il  arrêta  quelque  temps  les  alliés  à  Nogent- 

*  Manuscrit  de  M.  le  juge  Voirol. 
'  Manuscrit  de  M.  le  juge  Voirol. 


105 

sur-Seine  et  leur  fit  subir  des  perles  considérables.  En  Algé- 
rie, son  administration  fut  marquée  par  des  services  signalés. 
Ce  fut  lui  enfin  qui  fit  acte  d'un  grand  courage  à  la  rentrée  de 
Napoléon  à  Strasbourg.  De  dignités  en  dignités,  il  parvint  a  celle 
de  pair  de  France  '. 

Mœurs  des  Genevêzats.  De  tout  temps  les  Genevézats  ont 
aimé  les  amusements,  les  fêtes,  la  toilette.  C'est  pour  ce  mo- 
tif qu'ils  étaient  mal  vus  des  villages  environnants.  Au  siècle 
dernier,  les  habitants  se  faisaient  remarquer  par  une  grande 
recherche  dans  leurs  vêlements,  a  Ces  Genevézats,  disait  l'abbé 
«  Monin  de  Bellelay,  quand  ils  viennent  au  couvent,  c'est  en 
«  queues  de  perruque  poudrées,  en  jabots  festonnés,  bandes 
«  de  lards^  et  souliers  à  boucles.  »  Les  femmes  portaient  des 
chaussures  en  velours,  à  hauts  talons  ;  elles  étaient  toujours 
mises  à  la  dernière  mode. 

Les  Genevézats  ont  cependant  des  qualités  plus  solides  :  ils 
sont  hospitaliers,  loyaux,  francs  et  fiers,  comme  il  convient 
a  des  citoyens  libres.  A  l'époque  de  la  révolution  française,  ils 
firent  d'abord  partie  de  la  république  rauracienne.  Mais  lorsque 
ce  pays  fut  transformé  en  département  français,  les  villages  de 
la  Joux  et  des  Genevez ,  et  deux  autres  avec  eux ,  obtinrent 
d'être  admis  dans  la  neutralité  helvétique.  Mais  cette  demande 
faillit  leur  coûter  chei ,  les  troupes  françaises  ayant  fait  irrup- 
tion chez  eux  pour  les  contraindre  à  se  réunir  au  Mont-Terrible. 
Ils  finirent  par  être  incorporés  à  la  France^. 

Langue  des  Genevézats.  Leur  langue  est  le  patois  français, 
mais  il  a  de  grandes  différences  avec  les  autres  vallées  du  Jura. 
Ainsi  les  enfants  de  Tramelan  ne  comprennent  pas  ceux  des 

*  M.  l'ancien  conseiller  d'Etat  Le  Fort  a  l'obligeance  de  me  communiquer 
comme  singulière  coïncidence  que  MM.  Rossi,  citoyen  de  Genève,  et  Voirol 
ont  reçu  à  la  même  date  les  lettres  de  grande  naturalisation  du  roi  Louis- 
Philippe,  le  8  août  1838.  M.  Voirol  avait  été  nommé  pair  de  France  par  or- 
donnance royale  du  1'"'  novembre  1836. 

-  Abréyé  de  l'histoire  et  de  la  statistique  du  ci-devant  évéché  de  Bdle,  par 
Charles-Ferd.  Morel.  Strasbourg,  1813. 


t06 

Genevez.  Dans  l'ancienne  vallée  Rouge,  les  différences  sont 
beaucoup  moins  fortes,  et  la  quantité  des  mots  spéciaux  aux 
Genevez  diminue  en  raison  du  rapprochement  de  celte  localité. 
Ainsi  La  Joux  et  les  Genevez  ont  exactement  le  même  patois, 
ce  qui  n'est  pas  étonnant  puisqu'ils  ont  formé  autrefois  le 
même  village. 

J'ai  cherché  si  les  mots  particuliers  aux  Genevez  se  retrou- 
vent dans  le  patois  des  environs  de  Genève.  Malheureusement, 
il  est  presque  toujours  certain  que  le  mot  genevézat  qui  est  en 
même  temps  genevois ,  est  aussi  vaudois  et  savoyard  :  il  y  a 
en  effet  de  grandes  ressemblances  dans  les  patois  de  la  vallée 
du  Léman.  Toutefois  j'ai  remarqué  que  quelques-uns  des  mots 
genevézats  ne  sont  pas  usités  par  les  paysans  de  notre  canton, 
qui  les  traitent  de  mots  de  la  montagne  (Voirons  et  autres). 
Ainsi  cela  prouverait  ou  bien  qu'il  existe  une  union  plus  intime 
des  Genevézats  avec  les  contrées  savoisiennes,  ou  bien  que  le 
patois  du  canton  de  Genève  s'est  plus  modernisé  que  celui  des 
montagnes  environnantes. 

Voir  à  la  page  ci-contre  quelques-uns  des  mots  particuliers 
aux  Genevez,  d'après  ce  que  m'ont  assuré  les  habitants;  je 
mettrai  en  regard  les  mots  patois  genevézats,  genevois,  vau- 
dois et  savovards. 


Telles  sont  les  notes  que  j'ai  pu  recueillir  sur  l'origine  des 
Genevez.  On  le  voit,  je  n'arrive  point  à  une  conclusion  aussi 
affirmative  que  celle  de  M.  Moratel  dans  le  dictionnaire  de  la 
Suisse.  Mais  si  je  n'ai  pas  à  présenter  une  charte  qui  annonce 
positivement  l'arrivée  et  l'établissement  de  Genevois  dans  le 
val  de  Moûliers-Grandval,  non  loin  de  Bellelay,  il  faut  recon- 
naître qu'il  y  a  des  indices.  L'apparition  de  familles  d'étran- 
gers dans  le  territoire  de  Bellelay,  leur  installation  comme  ci- 
toyens libres,  ceux  de  leurs  noms  que  nous  connaissons  se  re- 
trouvant alors  a  Genève,  et  non,  à  ce  que  je  crois,  dans  le  reste 


107 


MOTS  PATOIS 


DES  GENEVEZ 

DE  GENÈVE 

DE  VAUD 

motschou  ou  pan- 

motschou  —   en  sa- 

motschou 

nou 

voyard  aussi  panne, 

morceau  d'étoflfe  (d'oîi 

notre  panosse) 

pannou-de-cô 

cravatte  —  en  savoyard 

cravatte 

(lat.  pannus) 

aussi  :  panne-de-cô 

bregue 

bregue 

bregou  ou  brego 

pou 

pollet 

pollet 

renne  (lat.  rana) 

renoille 

renoille 

soyé 

sayi 

sayi 

oge 

odge 

odzou 

écoure 

écaure 

écaure 

moirendai 

merendau 

merendai 

etschvonie 

chevougni 

— 

claquai 

claquau 

— 

bona  fenna 

bona  fenna 

— 

boueba 

boueba 

bouebe 

ave  (lat.  aqua) 

egue  —  en  savoyard 
ava  et  ave. 

edie 

pouche 

poué 

— 

lai 

lai 

lai 

tschiatte 

tschouaite 

— 

fare  lai  bue 

fare  la  buia 

fare  la  buia 

écouve  (vieux 

écové,  mais  avec  un 

écové  (même 

mot  français  et 

sens  plus  restreint,  dé- 

sens que  le  mot 

provençal) 

signe  le  balai  qui  sert 
à  nettoyer  un  four 

genevois) 

corbeion 

croubellion 

croubellion,  quer- 
bellion 

galotsche 

galoche 

galoche 

sa 

chà 

de  la  sau 

grai  des  tschembes 

grai  des  tschembes 

— 

molate 

moleta 

moleta 

raiche 

resse  (plutôt  savoyard) 

resse 

trabin 

trèben 

trében 

récriai 

criau 

. 

bossa 

bossa 

bossa 

fô 

fo 

fo 

tieurti(lat.hortus) 

court! 

courti 

etsevau 

etschevau 

etschevau 

FRANÇAIS 


mouchoir 


cravatte 

rouet 

coq 

grenouille 

faucher 

auge 

battre  le  grain 

souper  ou  goûter 

tirer  les  cheveux 

fouetter 

sage-femme 

jeune  garçon 

eau 

puits  à  eau 

lac 

hibou 

faire  la  lessive 

balai 


corbeille 

guêtre 

sel 

mollet 

pierre  à  aiguiser 

grande  scie 
très- bien,  beau- 
coup 
appeler 
tonneau 

fou 

jardin 

écheveau 


Par  contre  il  se  trouve  quelques  mots  spéciaux  aux  Genevez  que  je  n'ai  pas 
su  retrouver  dans  nos  patois  ;  ainsi  :  Setrics,  aiguille  servant  à  orner  la  che- 
velure des  femmes  ;  fiale,  sapin  ;  bura,  mantelet;  diairda,  gilet,  etc. 


108 

de  l'évêché  de  Bâle ,  le  nom  de  leur  village  signifiant  les  Ge- 
nevois, d'après  le  palois  de  Genève,  leur  intelligence,  leur  goût 
pour  l'instruction,  leur  amour  pour  la  liberté,  les  plaisirs,  la 
richesse  des  vêtements,  quelques  mots  du  patois  genevois,  voilà 
bien  quelques  rapprochements  qui  valent  la  peine  qu'on  les 
prenne  en  considération.  Peut-être  ces  indices  deviendront-ils 
encore  plus  évidents  par  la  comparaison  des  Genevez  de  Berne 
avec  les  Geneveys  de  Neuchâtel. 

Je  regrette  que  cette  partie  de  l'histoire  de  Genève,  les  Ge- 
nevois à  Vétranger^  n'ait  pas  fait  l'objet  des  recherches  d'his- 
toriens sérieux.  Il  serait  d'un  grand  intérêt  pour  Genève  de 
savoir  ce  que  sont  devenus  beaucoup  de  ses  enfants,  que  la 
guerre,  les  calamités  publiques,  et  surtout  l'esprit  de  commerce 
et  d'industrie  ont  arrachés  à  leur  ville  natale.  Il  est  remarqua- 
ble en  eiïet  que  nos  compatriotes,  une  fois  sortis  de  l'étroite 
enceinte  de  notre  ville,  et  débarrassés  par  conséquent  des  pe- 
tits préjugés  qui  s'y  abritent,  parviennent  souvent  aux  plus 
hautes  positions  sociales  dans  les  différents  pays  qu'ils  ont 
adoptés.  C'est  à  cet  esprit,  qui  a  donné  un  Le  Fort  a  la  Russie 
et  un  Necker  a  la  France,  que  nous  pourrions  donner  par  ex- 
cellence le  nom  à'cspiit  genevois  :  ce  ne  serait  point  l'esprit 
mesquin,  étroit,  difficile,  qu'on  nous  prête,  mais  bien  celui  que 
nous  portons  au  dehors,  et  qui,  en  s'exerçant  sur  un  plus 
vaste  théâtre,  fait  bien  penser  de  notre  patrie. 

Si  les  Genevézats  sont  venus  de  Genève,  ou  du  diocèse 
de  Genève,  nous  aimons  à  prendre  acte  de  leur  modeste  et  in- 
téressante histoire,  comme  étant  un  des  premiers  liens  qui 
nous  ont  rattachés  à  notre  bien-aimée  Suisse.  C'est  ainsi  que 
la  Providence,  dans  ses  mystérieuses  voies,  rapprochait  deux 
peuples  placés  dans  les  mêmes  montagnes  et  respirant  le  même 
air.  La  petite  république  s'habituait  à  tourner  ses  regards  vers 
les  fils  de  la  libre  Helvétie  jusqu'au  jour  à  jamais  mémora- 
ble où  elle  devait  consommer  cette  union  indissoluble. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


Monuments  d'Histoire  de  l'ancien  Evèclié  de  Bàle,  par  M.  Trouillat. 

Tome  II,  n"  298  (d'une  copie  vidimée  des  Archives  de  VEvêché  de  Baie), 

du  26  févrierl28i. 

Nos  frater  Henricus  miseratione  divina  Basiliensis  episcopus  ad 
universorum  quos  oportunum  nosce  fuerit,  notitiam  publicam  cupimus 
pervenire,  quod  nos,  ob  devotionis  mérita  quibus  religiosi  viri  abbas 
et  conventus  monasterii  Bellalagiœ ,  nostrae  diocesis,  ordinis  prae- 
monstratensis,  dilecti  nobis  in  Cliristo,  Deo  ethorainibus  sereddimt  ama- 
biles,  ex  singulari  prserogativa  amoris,  qua  ipsos  amplectimiir,  banc  gra- 
tiam  diiximus  faciendara  :  quod  horaines  alienigenas,  quos  habitatores 
terrainorura  seu  locorum  suorum  fecerint,  posuerint,  seu  constituerint, 
manutenebimus  et  fovebimus  bona  fide,  ac  ipsos  eximimus  ab  omni  génère 
servitutis  ;  ita  taraen,  quod  una  quaeque  familia  de  dictis  alienigenis  su- 
pradictorum  abbatis  et  conventus  terrainis  habitans,  in  signum  nostri  do- 
ininii  seu  advocatiae,  in  uno  capone  et  una  ymina  avenae,  mensurae  Mo- 
nasterii Grandisvaîlis,  sit  nobis  seu  nostris  officiatis,  qui  loco  et  nomine 
nostro  pro  tempore  fuerint,  annis  singulis  obligata,  et  in  defensionem  ho- 
noris nostri  et  patriae  faciant,  sicut  et  cseteri  incolae  illiusterrae.  In  testi- 
monium  praemissorum  et  evidentiam  pleniorem,  sigillum  nostrum  prsesen- 
tibus  est  appensum.  Datum  Columbariœ  ,  anno  Domini  raillesimo  ducen- 
tesimo  octogesirao  quarto,  quarto  calendas  raartii. 


110 

N«  2 

Tome  m,  n"  60  (eartulaire  de  Bellelay,  fol.  375),  3  juillet  1307. 

Nos  Ottho  Dei  gracia  Basiliensis  episcopus,  ad  vniversorum  quos  opor- 
tunum  nosse  fuerit,  noticiam  publicara  cupimus  pervenire.  Quod  nos  ob 
deuotionis  mérita  quibus  religiosi  viri  abbas  et  conuentus  monasterii  Bel- 
lelagie,  nostre  diocesis,  ordinis  prenions  tratensis,  dilecti  nobis  in  Christo, 
Deo  et  horainibus  se  reddunt  araabiles,  ex   singulari  prerogatiua  amoris 
qua  ipsos  complectimur,  banc  gratiam  duximus  faciendam.  Quod  homines 
alienigenas,  quos  habitatores  terrarum  seu  locorum  suorum  fecerint,  po- 
suerint  seu  constituerint,  manutenebiraus  et  fouebimus  bona  fide,  ac  ipsos 
eximimus  ab  oinni  génère  seruitutis.  Ita  tamen,  quod  vnaque  familia  de 
dictis  alienigenis  super  dictorum  abbatis  et  conventus  terrainis  habitans, 
in  signum  nostri  dorainii  seu  aduocacie,  in  vno  capone  et  vna  ymina  avene, 
mensure  monasterii  Grandisvallis,  sit  nobis  seu  nostris  officialis,  qui 
loco  et  nomine  nostro  protempore  fuerint,  annis  singulis  obligata,  et  in 
defensionem  honoris  nostri  et  patrie  faciant  sicut  et  ceteri  incole  illius  terre; 
ecclesiarum  parrochialium  jure  in  omnibus  semper  saluo.  In  testimonium 
premissorum  et  evidentiam  pleniorem,  sigillum  nostrum  presentibus  est 
appensum.  Datum  Basilee,  anno  Domini  millesimo.  CCC°.  septirao,  feria 
secunda  proxima  post  festum  beatorum  Pétri  et  Pauli  apostolorum. 


Tome  III,  n»  61  (Protocole  du  notaire  Jean  Des  Bois,  D.  fol.  34=7), 

11  juillet  1307. 

Nos  Olho  Dei  gratia  Basiliensis  episcopus,  notum  facimus  vniversis 
présentes  litteras  inspecturis,  quod  cum  requisiti  essemus  ex  parte  reli- 
giosorum  virorum  abbatis  et  conventus  monasterii  Bellelagie,  premonstra- 
tensis  ordinis,  nostre  diocesis,  quod  dicere  et  declarare  vellemus,  ad 
quos  perceptio  decimarum  novaliura  debeat  spectare  de  jure  :  Nos,  prout 
tenemur  ex  oificio,  precum  ipsorum  instantie  satisfacere  in  bac  parte  vo- 


Ht 

lentes,  juris  peritorum  communicato  consilio,  dicimus  et  declaramus  sicut 
et  jura  déclarant,  quod  perceptio  hujusmodi  decimarum  novalium  de  jure 
communi  spectatet  spectare  débet  ad  rectores  ecclesiarum  parrochialium, 
tantum  infra  quarum  fines  seu  limites  hujusmodi  novalia  consistere  dignos- 
cuntur.  In  cujus  declarationis  nostre  testimonium,  sigillum  nostrum  pre- 
sentibus  est  appensum.  Datum  BasUiee,  anno  Domini  M^XCG".  septimo, 
feriatertia  postoctavas  beatorum  Pétri  et  Pauli  apostoloruni. 


NO  4 

Tome  III,  «"  257  (de  T original  aux  Archives  de  l'ancien  Evêché  de  Bâle), 

16  juillet  1331. 

Nos  Johannes  prier  monasterii  Sancti  Albani  Basiliensis,  idemque  vi- 
carius  episcopatus  Basiliensis  in  spiritualibus  et  temporalibus  generalis. 
Notura  esse  volumus  presentium  inspectoribus  seu  auditoribus  universis, 
quod  cum  venerabilis  et  religiosus  vir  dominus  Petrus  abbas  monasterii 
in  Belile,  dyocesis  Basiliensis,  ordinis  preraonstratensis,  amicus  noster 
specialis,  et  conventus  monasterii  ejusdem  Reverendo  in  Ghristo  domino 
Johanni  Dei  gratia  episcopo  Lingonensi  et  araministratori  episcopatus 
Basiliensis  predicti,  domino  nostro  gratioso,  devotis  suis  precibus 
cum  instantia  humiliter  supplicarint,  ut  ob  respectum  et  suffragiura  devo- 
tissimarura  suarura  orationum  et  servicii  eorumdem ,  nonnuUi  horaines 
adversis  partibus  supervenientes,  moram  in  locis  et  proprietatibus  ad 
dictum  ipsorum  monasterium  in  Belile  pertimentibus  trahere  et  facere 
cupientes,  sub  protectione  sua  recipere  dignaretur,  ad  bonum  pacis  et 
dictorum  hominura  validam  tuitionem.  Nosque,  de  speciali  mandato  pre- 
fati  domini  nostri  episcopi,  devotivis  precibus  dominorum  abbatis  et  con- 
ventus in  Belile  predictorum  favorabiliter  annuentes,  utilitate  et  honore 
ecclesie  Basiliensis  in  hoc  inspectis  principaliter  et  consideratis,  homines 
quoscuraque  ab  extraneis  partibus  supervenientes,  moram  in  locis  et  pro- 
prietatibus monasterio  in  Belile  supradicto  pertinentibus  trahentes  et  in 
eisdem  residentiam  facientes,  sub  tuitione,  protectione  et  defensione  pre- 
fati  domini  nostri  episcopi  et  nostra  recepimus  et  recipimus.  In  hiis  scriptis 
promittentes,  homines  eosdem  bona  fide,  noraine  et  vice  dicli  domini 


112 

nostri  episcopi,  defendere  et  defensare,  secunduni  ritum  et  consuetudinem 
episcopatus  Basiliensis  predicti,  quamdiu  tralientes  moram  et  facientes  in 
locis  et  proprietatibus  monasterio  supradicto  pertinentibus.  Preterea  est 
sciendum,  quod  unusquisque  singulariter  hominum  predictorum,  singulis 
annis,  censualis  est  et  esse  débet  in  uno  solido  denariorum  Basiliensium, 
dicto  domino  nostro  episcopo,  seu  alteri  episcopo  qui  protempore  fuerit 
episcopus  Basiliensis.  Quem  quidem  solidum  singulariter  quilibet  homi- 
num prescriptorum  assignare  et  tradere  débet  procuratori  seu  villico  in 
Telsberg  qui  pro  tempore  fuerit,  noraine  doraini  nostri  episcopati  prefati, 
in  festo  beati  Martini  yemalis,  ratione  tuitionis,  defensionis  et  protectionis 
supradicte.  In  cujus  rei  testimonium  et  robur  predidorum,  sigillum  vica- 
rie  nostre  predicte  presentibus  est  appensum.  Datum  anno  Domini  M**. 
CGC*'.  XXXI°.  feriatertia  ante  festum  béate  Margarate  virginis. 


]\«  5 

Exlraclus  ex  libro  morlaaii  Ecclesiae  Parrochialis  S.  Maria;  Magdalen»  in 

Genevez,  diocesis  Basileeusis. 

Die  9"=*  januarii  4  747  mortua,  et  die  10™^  sepulta  est  in  cœmeterio 
Ecclesi»  parochialis  Agatha,  uxor  Joan.  Bapt.  Voirol  ex  communitate 
genevesiana,  duodecira  infantium  actu  viventium  fœcunda  parens  :  ftiit 
ante  raortem  optime  administrata 

testatur  F.  Bernardus  pallam 
parochus  in  Genevez. 


NOTICE 


SDB, 


QUELQUES   INSCRIPTIONS 


DÉCOUVERTES  RÉCEMMENT 


DANS  LES   ENVIRONS   DE  GENÈVE 


On  a  découvert  il  y  a  quelque  temps  dans  la  campagne  de  M. 
Baumgarlner,  à  Colovray  près  de  Nyon,  un  certain  nombre  de 
pierres  taillées  d'origine  romaine.  L'inspection  de  ces  pierres, 
dont  deux  portent  une  inscription,  ne  laisse  aucun  doute  sur 
leur  destination  primitive.  Ce  sont  évidemment  des  colonnes 
milliaires  qui  servaient  autrefois  à  marquer  les  distances  sur  les 
voies  romaines.  Lorsqu'elles  ont  été  découvertes,  ces  pierres 
étaient  à  quelques  pas  de  la  grève  du  lac,  couchées  sur  l'argile 
glaciaire  et  sous  une  couche  de  gravier  de  près  de  deux  mètres 
de  hauteur. 

Il  est  probable  qu'elles  avaient  été  réunies  ainsi  au  bord 
du  lac  pour  être  transportées,  suivant  les  besoins,  dans  diffé- 
rentes localités.  On  sait  en  effet  qu'au  moyen  âge  on  a  sou- 
vent utilisé  ces  pierres  pour  des  constructions  et  l'on  retrouve 
T.  XV,  V^  part.  8 


114 

parfois  des  colonnes  milliaires  à  une  assez  grande  distance  de 
leur  lieu  d'origine  *. 

Une  de  ces  colonnes  (en  pierre  calcaire,  haute  d'un  mètre 
80  c.  y  compris  une  base  carrée  de  ^0  centimètres)  porte  l'in- 
scription suivante  : 

t  5IPMI  VLPHILIPPO 

P  1  0  F  E  L  I  G  A.  V  G  E  T 

MIVLIOPHILIPPO 

N  0  B  I L  I  S  S  I  M  O 

GAESARIMPI 

C'est-à-dire  :  Iraperatori  Marco  Julio  Philippe 
Pio  Felici  Augusto  et 
Marco  Julio  Philippo 
Nobilissimo 
Csesari  Mille  Passuum  I 

La  forme  de  la  colonne,  la  nature  de  l'inscription  et  surtout 
les  trois  dernières  lettres  ne  laissent  aucun  doute  sur  son  ca- 
ractère. C'est  une  pierre  milliaire  dédiée  h  l'empereur  Marcus 
Julius  Philippus  et  k  son  fils  désigné  comme  César.  L'empe- 

'  Il  existe  à  Prevessin  près  de  Fernex,  deux  colonnes  milliaires  qui  sou- 
tiennent le  porche  de  l'église.  Elles  proviennent  toutes  deux  de  la  route  en- 
tre Nyon  et  Genève  ;  l'une  de  ces  colonnes  porte  une  inscription  illisible  ; 
sur  l'autre  colonne  se  lit  l'inscription  citée  par  iMomrasen,  sous  le  n»  324  de 
la  collection  des  inscriptions  latines  de  la  Confédération  helvétique.  Nous  la 
reproduisons  ici  avec  de  légères  différences  que  nous  avons  constatées. 

I  M  P  C  A  E 

M  A  X  I M I 

V  G  E  T  C I  V I 

A  X I  i\I  V  S  N  0  II  I 

AESPONTESET 

VIASVETVSTAT 

CONLABSREST 

G  0  L  E  0  M  P 1 1 1 


115 

reiir  Philippe,  dil  l'Arabe,  a  régné  de  l'an  244  h  l'an  249,  cl 
son  fils  qui  esl  désigné  sous  le  nom  de  César  fui  déclaré  Au- 
guste en  247.  Il  en  résulte  que,  selon  toute  vraisemblance,  la 
pierre  dont  nous  parlons  esl  de  l'année  246.  Elle  marquait  le 
premier  mille  entre  Nyon  et  Genève  *. 

Une  inscription  a  peu  près  identique  se  trouve  rapportée 
parmi  les  inscriptions  de  la  Gaule,  dans  le  3™®  volume  des 
Inscriptions  latines  d'Orelli,  publié  par  Henzen,  sous  le  nu- 
méro 5220. 

Outre  l'intérêt  qui  s'attache  toujours  à  un  monument  ancien 
d'une  date  certaine,  il  est  à  noter  que  c'est  la  première  fois 
que  le  nom  de  l'empereur  Philippe  apparaît  sur  les  inscriptions 
romaines  de  l'Helvétie. 

A  côté  de  cette  pierre  se  trouvait  un  fragment  ou,  pour 
mieux  dire,  plusieurs  fragments  d'une  colonne  en  dolomie, 
portant  des  lettres  d'un  très-beau  caractère.  Avec  un  peu  de 
patience  il  a  été  possible  de  rapprocher  ces  morceaux,  et  de  ré- 
tablir l'inscription  suivante  : 

i  MPGAE^Mvl  A  V 
hELANTONIN  VS  A  VG 


P  ivri  B  IBPOTESTXV 
i:.OSm\l  T  IM  PC  AES  A  H 
L  A  VtW'L    V  E  R  VS  aT^: 
TR  I  B  PO  TESTCOS  I  I 

Imperator  Csesar  Marcus  Aurelius 

Anloninus  Augustus 
Pontifex  MaximusTribunicise  Polestalis  XV 
Gos  ÏIl  Et  Imperator  Cœsar 
Lucius  Aurelius  Verus  Ausustus 
Tribuniciae  Potestatis  Gos  II 

*  La  découverte  de  ceUe  colonne  montre  qu'il  laut  placer  entre  Nyon  et 
Lausanne  le  milliaire  cité  par  Mommsen  sous  le  numéro  327. 


116 

c'est-à-dire  ;  l'empereur  César  Marc-Aurèle  Âotonin  Auguste, 
souverain  pontife,  tribun  du  peuple  pour  la  quinzième  fois, 
consul  pour  la  troisième  fois,  et  l'empereur  César  Lucius  Au- 
rélius  Vérus  Augustus,  tribun  du  peuple,  consul  pour  la  se- 
conde fois. 

Les  lettres  visibles  sur  l'inscription  sont  imprimées  en  ca- 
ractères gras. 

On  sait  que  les  empereurs  romains  étaient  toujours  revêtus 
de  la  charge  de  tribun  du  peuple  ;  aussi  l'année  de  leur  règne 
est-elle  généralement  indiquée  par  le  chiffre  de  l'année  de 
leur  puissance  tribunitienne.  La  répétition  des  mots  trihuniciœ 
potestatis  dans  notre  inscription  prouvait  donc  que  nous  avions 
ici  les  noms  de  deux  empereurs  dont  l'un  était  un  Antonin.  Or 
comme  il  résulte  du  chiffre  XV,  ligne  3,  et  de  l'absence  de 
chiffre  après  le  mot  potest^  ligne  6,  que  le  premier  empereur 
était  dans  la  quinzième  année  de  son  règne  et  le  second  dans 
la  première  année,  l'inscription  ne  pouvait  s'appliquer  qu'à 
Marc-Aurèle  qui  était  dans  la  quinzième  année  de  sa  puis- 
sance tribunitienne  lorsqu'il  associa  à  l'empire  L.  Aurélius 
Vérus,  fils  adoptif  comme  lui  d'Antonin  le  Pieux. 

Il  est  facile,  avec  cette  donnée,  de  rétablir  toute  l'inscrip- 
tion qui  est  de  l'année  161  après  jJésus-Christ. 

Il  reste  suffisamment  d'espace  vide  sur  la  colonne  au-des- 
sous de  la  dernière  ligne  pour  que  l'on  puisse  être  certain  que 
l'inscription  se  terminait  là.  Nous  aurions  donc  ici  une  nou- 
velle pierre  milliaire  du  même  genre  que  celle  qui,  dans  Momm- 
sen.  Recueil  des  inscriptions  latines  de  la  Confédération,  porte 
le  N°  311.  Peut-être  cette  colonne,  sur  laquelle  on  ne  voit 
aucun  chiffre  indiquant  le  nombre  des  milles,  était-elle  ori- 
ginairement placée  à  la  porte  de  Nyon  (Colonia  Eques- 
Iris)  comme  point  de  départ  pour  la  numération  des  milles. 
La  forme  nominative  des  noms  des  empereurs  indique  que  les 
pierres  milliaires  ont  été  placées  aux  frais  du  trésor  de  l'em- 
pire. Ces  pierres  sont  plus  rares  que  celles  où  le  nom  de  l'em- 


117 

pereur  est  au  datif.  —  Notre  inscription  est  du  reste  la  seule 
en  Suisse  qui  perle  le  nom  de  Marc-Aurèle  le  philosophe  et 
celui  de  L.  Vérus;  du  moins  on  ne  trouve  aucun  de  ces  deux 
noms  dans  le  Recueil  de  Mommsen.  —  Une  inscription,  dont 
le  commencement  est  identique  à  la  nôtre,  a  été  trouvée  à 
Rome,  et  se  lit  dans  le  3®  volume  du  Recueil  d'Orelli,  publié 
parHenzen,  N»  5472. 

On  sait  que  les  pierres  miiliaires  partaient  de  Nyon  (Colonia 
Equestris)  comme  d'un  centre  dans  les  deux  sens,  soit  du 
côté  de  Genève,  soit  du  côlé  de  Lausanne.  Genève  était  à  quinze 
mille  pas  de  Nyon. 

Mommsen,  dans  son  Recueil  des  inscriptions  latines  de  la 
Confédération  helvétique,  cite  quatre  pierres  miiliaires  qu'il 
place  entre  la  Colonia  Equestris  et  Genève.  Sur  ces  quatre, 
une  indique  le  troisième  mille,  une  autre  le  huitième,  les  deux 
autres  n'ont  aucun  chiffre.  —  La  première  porte  les  noms 
de  Maxirain  et  de  Maxime  (235)  ;  elle  est  en  assez  mauvais  état 
et  se  voit  encore  à  la  porte  de  l'église  de  Prevessin,  près  de 
Fernex  (Mommsen,  N**  324).  Voyez  plus  haut,  note,  page  11 't. 

La  seconde,  qui  est  aujourd'hui  perdue,  portait  le  nom  de 
l'empereur  Trajan  (99  ap.  J.-C.)  ;  elle  avait  élé  trouvée  à  Ver- 
soix  et  amenée  à  Genève  sous  l'horloge  du  Molard  (Mommsen, 
N°  321),  Elle  marquait  le  huitième  mille. 

La  troisième  (Mommsen,  N<*  323)  porte  le  nom  d'Alexan- 
dre Sévère  (222),  et  se  trouve  actuellement  au  Musée  canto- 
nal '  ;  elle  est  dans  un  très-mauvais  état  et  ne  présente  au- 
cun chiffre,  pas  plus  que  la  quatrième,  avec  le  nom  de  l'em- 
pereur Gallus,  qui  se  trouvait  autrefois  à  la  Péhsserie  (Momm- 
sen, N"  328). 

*  Le  Musée  cantonal  d'archéologie  possède  trois  pierres  miiliaires,  N"*  28, 
29  et  30  du  catalogue,  dont  une  sans  inscription  ;  la  seconde  (Mommsen 
N"  323)  n'a  que  quelques  lettres,  et  la  troisième,  qui  a  été  trouvée  à  Her- 
mance,  porte  le  nom  de  Constance  Chlore  (305  après  J.-C). 


118 

Les  deux  inscriptions  trouvées  à  Colovray  ajoutent  deux 
pierres  milliaires  a  celles  déjà  connues  qui  marquaient  ancien- 
nement les  dislances  entre  Nyon  et  Genève.  Il  est,  d'un  autre 
côté,  plus  que  probable  qu'il  faut  rapporter  h  celte  route  deux 
autres  colonnes  qui  ont  été  trouvées  sur  la  rive  gauche  du  lac, 
savoir  :  1»  une  colonne  déposée  actuellement  au  Musée  can- 
tonal de  Genève,  découverte  à  Hermance,  et  portant  le  nom 
de  l'empereur  Constance  Cblore  et  le  chiffre  VII  (v.  Mommsen, 
Inscriptiones  Confederationis  helveticœ,  N**  320)  ;  2"  une  co- 
lonne milliaire,  qui  placée  autrefois  h  l'église  de  Messeri  a  été 
retrouvée  dernièrement  près  de  ce  village,  et  est  aujourd'hui  à 
Genève.  L'inscription  de  cette  colonne,  donnée  très-inexac- 
tement par  Guiclienon  {Histoire  de  la  maison  de  Savoie),  qui 
avait  cru  y  reconnaître  le  nom  de  Sabadia,  se  trouve  reproduite 
plus  exactement,  mais  d'une  manière  encore  incomplète,  dans 
VHisloire  de  Genève,  de  Spon,  éd.  1730,  vol.  II,  p.  343, 
et  dans  Orelli,  N«  279.  Voici  l'inscription  telle  qu'elle  se  voit 
encore  sur  cette  pierre  : 

■  I  M  P  G  A  E  S  S  E  P  T  .1  Yl  8  E  V  E  R'^ 
PIOPERTINAVGA  u  ABADIA'^ 
r  A  R  T  H  I  C  IVI  A  X  P  M  1\  I  B  P  O  T  I  X 
i  1^  P  X  i  C  O  S 1 1 D  E  S I G ÏÎTp  P  P  R 

Ë  i  M  A  V  R  E  LAN T  O  N I N  0 
A  V"  G  1\  I B  P  0  TIIIIG  0  S  D  E  S I  G 


IIII 


G'est-à-dire  :  Imperatori  Gaesari  Septimio  Severo 
Pio  Pertinaci  Augusto  Arabico  Adiabenico 
Parlhico  Maximo  Pontifici  Maximo  Tribuniciae  Poteslatis  IX 
Imperatori  XI  Consuli  II  Designalo  III  Patri  Patriœ  Pro- 

consuli 
Et  Marco  Aurelio  Ântonino 
Augusto  Tribunicia  Poteslatis  IIII  Gonsuli  Designato 

un 


119 

C'est  une  pierre  milliaire  dont  l'inscription  est  dédiée  aux 
empereurs  Septime  Sévère  et  Caracalla  (201  ap.  J.-C). 

Le  chiffre  un  qui  se  trouve  à  la  (in  de  cette  inscription,  el 
qui  indique  le  nombre  des  milles,  est  important,  parce  qu'il 
prouve  que  cette  colonne,  pas  plus  que  celle  découverte  à 
Hermance,  n'était  sur  son  ancien  emplacement.  En  effet,  Her- 
mance  est  à  9  milles  de  Genève  et  Messeri  à  14  milles.  La 
pierre  la  plus  éloignée  de  Genève  (celle  de  Messeri)  porte  le 
chiffre  le  plus  faible. 

Il  faut  donc  reconnaître  que  la  présence  de  ces  deux  pierres 
sur  la  rive  gauche  du  lac  ne  suffit  pas  pour  prouver  qu'il  y  eut 
anciennement  une  voie  romaine  de  ce  côté,  et  qu'il  est  très- 
probable  que  ces  deux  pierres  se  trouvaient  autrefois  entre 
Nyon  el  Genève,  et  qu'elles  ont  été  transportées  par  le  lac  sur 
la  rive  gauche  pour  servir  a  quelques  constructions.  La  pierre 
de  Messeri  marquait  le  quatrième  mille  el  se  trouvait  originaire- 
ment entre  Céligny  et  Founez,  et  celle  d'Hermance,  qui  mar- 
quait le  septième  mille,  devait  être  entre  Coppel  et  Mies.  — 
En  consultant  la  carte,  on  verra  que  les  emplacements  anciens 
étaient  à  peu  près  en  face  de  l'endroit  où  ces  pierres  ont  été 
retrouvées.  C'est  donc  h  tort,  semble- l-il,  queMommsen,  pa- 
ges 63  et  68,  admet,  malgré  le  silence  des  itinéraires  anciens, 
l'existence  d'une  voie  romaine  sur  la  rive  méridionale  du  lac, 
et  s'il  eût  eu  connaissance  de  l'inscription  exacte  de  la  pierre 
de  Messeri,  il  aurait  sans  doute  modifié  son  opinion. 

Si,  comme  cela  paraît  vraisemblable,  on  doit  reporter  sur 
la  rive  droite,  entre  Nyon  et  Genève,  les  deux  colonnes  trou- 
vées sur  la  rive  gauche  du  lac,  on  devrait,  outre  les  quatre  mil- 
liaires  indiqués  par  Mommsen  (voir  plus  haut),  attribuer  h  celle 
voie  romaine  qualre  nouvelles  pierres  avec  inscriptions,  sa- 
voir :  les  deux  trouvées  a  Colovray,  celle  de  Messeri  et  celle 
d'Hermance.  Il  faut  très-probablemenl  y  ajouter  celle  des  deux 
colonnes  de  Prevessin,  dont  l'inscription  est  illisible,  et  une 
colonne  sans  inscription  qui  se  trouve  au-dessous  de  Crans, 


120 

au  bord  de  la  roule,  et  enfin  une  pierre  du  Musée  cantonal, 
dont  l'inscription  est  effacée.  De  cette  façon,  nous  connaîtrions 
onze  des  pierres  milliaires  qui  étaient  autrefois  sur  la  route 
de  Nyon  à  Genève. 

Bien  qu'il  n'y  eut  pas  de  grande  voie  romaine  sur  la  rive 
méridionale  du  lac,  il  n'en  existait  pas  moins,  probablement, 
des  établissements  romains  de  ce  côté.  C'est  ce  que  témoignent 
plusieurs  restes  d'antiquités,  et  en  particulier  deux  inscriptions 
qui  ont  été  retrouvées  dernièrement  à  Bons,  au  pied  des  Voi- 
rons, non  loin  de  Thonon,  et  qui  viennent  d'être  transportées 
à  Genève. 

La  première,  qui  est  d'une  conservation  remarquable  et  de 
la  meilleure  époque,  est  ainsi  conçue  : 

t.  ricgiotfilvol 
froinToniiiviraer 

ETTRlGClOFROrsTON 
PATRIETQRIGGIO 
FIDO     FR ATRI 
HEREDEXTSTAW    * 

Tito  Riccio  Titi  tilio  Voltinia 
Frontoni  Duumviro  ^rarii 
Et  T.  Riccio  Frontoni 
Patri  et  Quinto  Riccio 
Fido  Fralri 
Heredes  ex  Testamento 

c'est-à-dire  :  A  Titus  Riccius,  fils  de  Titus  (de  la  tribu  Volti- 
nia), Fronton,  duumvir  du  trésor  et  à  Titus  Riccius  Fronton 
leur  père,  et  à  Quintus  Riccius  leur  frère  fidèle. 
«  Leurs  héritiers  d'après  le  testament.  » 

'  Cette  inscription  avait  été  découverte  il  y  a  plus  de  60  ans  au  château 
de  Chignans,  près  de  Thonon,  puis  transportée  au  village  de  Bons,  où  elle 
a  été  retrouvée  dans  un  fenil. 


121 

C'est  une  pierre  funéraire  en  l'honneur  de  trois  membres  de 
la  même  famille  (Riccius  Fronton),  placée  par  les  héritiers 
conformément  au  testament. 

Cette  inscription  est  intéressante  par  le  fait  qu'elle  complète 
une  inscription  mutilée  que  l'on  voit  encore  dans  le  mur  de  la 
cathédrale  de  Sl-Pierre,  du  côté  de  l'Évêché,  et  qui  se  trouve 
citée  par  Mommsen,  N<*  89,  en  ces  termes  : 

i]GCIO  T.  FIL 

OL  FRONTONI 

VIR  AERARI 

^     EXTESTAMEN 

Le  nom  de  Riccius,  qui  n'était  qu'une  conjecture,  devient 
ainsi  une  certitude,  de  même  que  le  rétablissement  d'un  V 
avant  OL  à  la  seconde  ligne,  ce  qui  signifie  que  Riccius  Fron- 
ton appartenait  à  la  tribu  Yoltinia. 

L'autre  pierre  est  un  fragment  d'inscription  trouvé  en  dé- 
molissant la  voûte  de  l'église  de  Bons.  Il  ne  contient  que  les 
mots  suivants  : 

BINIAN  VS 
C.  G  V  R  A 

c'est-à-dire  probablement  :  Sabinianus  faciendum  curavit. 
C'est  la  fin  d'une  inscription  d'un  monument  élevé  par  un 
personnage  inconnu  nommé  Sabinianus. 

Aug.    TURRETTINI. 


— ^=os>>ag:4<g«( 


MARGUERITE  DE  FRANCE 

DUCHESSE  DE  SAVOIE 
SES  RAPPORTS  AVEC  GENÈVE 

(1563  — 1S67) 


Le  duc  de  Savoie,  Charles  III,  dit  le  Bon,  qui  mourut  en 
1553,  ne  laissa  guère  qu'un  litre  à  son  fils  Emmanuel-Phili- 
bert, puisque  ses  Étais,  des  deux  côtés  des  Alpes,  avaient  été 
pris  par  des  troupes  de  François  I^""  et  de  Charles-Quint. 

Le  nouveau  duc  avait  secondé  l'Empereur  avec  éclat  dans 
les  guerres  d'Allemagne  ;  plus  lard,  il  montra  le  même  zèle  et 
la  même  valeur  au  service  de  Philippe  H,  el  il  gagna  en  1557, 
contre  les  Français,  la  bataille  de  Sainl-Quentin.  Aussi  profita- 
t-il  largement  du  traité  de  Câteau-Cambrésis  (1559).  En  effet, 
c'est  alors  que  la  plupart  de  ses  États  lui  furent  rendus  et  qu'il 
obtint  la  main  de  Marguerite  duchesse  de  Berry,  sœur  du  roi 
de  France  Henri  II. 

Celte  princesse  avait  alors  36  ans,  puisqu'elle  était  née 
en  1523.  Tous  les  historiens  s'accordent  a  la  représenter 
comme  une  personne  accomplie.  Belle,  affable,  versée  dans  la 
connaissance  des  langues  latine  et  grecque,  protectrice  des  sa- 
vants, généreuse  envers  les  malheureux;  de  plus,  au  milieu 
d'une  cour  où  les  mœurs  étaient  dépravées,  elle  avait  su  se 
faire  et  se  conserver  une  réputation  sans  tache. 


123 

Elle  a  été  louée,  chantée  en  diverses  langues.  Bien  des  poè- 
tes lui  dédièrent  leurs  vers.  C'était  la  dixième  des  muses, 
la  quatrième  des  grâces,  la  Pallas  de  la  France,  etc.,  etc. 
Brantôme  dans  ses  Vies  des  Dames  illustres  *  dit  «  qu'elle  avoit 
le  cœur  grand  et  haut.  »  Puis,  après  avoir  signalé  sa  charité, 
surtout  envers  les  pauvres  français,  il  ajoute  :  «  Bref,  c'était 
la  bonté  du  monde.  Au  reste,  comme  j'ay  dit  charitable,  ma- 
gnifique, libérale,  sage  et  vertueuse;  si  accostable  et  douce 
que  rien  plus,  principalement  à  ceux  de  sa  nation.  » 

Le  mariage  d'Emmanuel-Philibert  et  de  Marguerite  fut  cé- 
lébré à  Paris  le  9  juillet  1559,  peu  de  jours  avant  la  mort  de 
Henri  II. 

Le  duc  ne  recouvra  pas  immédiatement  toutes  les  posses- 
sions et  tous  les  droits  de  ses  ancêtres,  et  le  pays  de  Vaud  con- 
quis par  les  Bernois  lui  échappa  pour  toujours. 

D'ailleurs,  suivant  Guichenon -,  «  comme  ce  prince  éioil 
extrêmement  pieux,  deux  choses  le  travaillèrent  le  plus  à  son 
advénemenl  :  l'une,  le  changement  qui  étoit  arrivé  a  Genève, 
sous  le  duc  Charles  le  Bon;  et  l'autre,  la  nouvelle  religion.... 
Son  Altesse  résolut  donc  de  chercher  les  moyens  de  ramener 
Genève  en  son  obéissance  et  de  faire  retourner  ses  sujets  des 
vallées  d'Angrogne  et  de  Luzerne  au  giron  de  l'Eglise.  » 

Sous  ce  dernier  rapport,  on  peut  dire  qu'Emmanuel-Phi- 
libert n'épargna  pas  les  persécutions;  mais  il  fut  bien  forcé 
de  tolérer  enfin,  chez  ses  hérétiques  sujets  des  vallées  du  Pié- 
mont, la  religion  réformée. 

Pour  ce  qui  regarde  Genève,  s'il  n'attaqua  jamais  ouverte- 
ment notre  république,  on  eut  souvent  lieu  d'y  craindre  quel- 
que violence  et,  en  maintes  circonstances,  il  chercha  à  lui  ten- 
dre des  pièges,  qu'elle  sut  heureusement  éviter.  C'est  ainsi 
par  exemple,  qu'en  1559  et  1560  l'ancien  instituteur  du  duc. 


'  Œuvres  du  seigneur  de  Brantôme,  t.  II,  p.  463.  Paris  1787.  8  vol.  in-8. 
'  Histoire  généalogique  de  la  royale  maison  de  Savoie,  p.  680. 


124 

Louis  Âlardet,  échoua  dans  sa  tentative,  malgré  beaucoup  de 
finesse,  devant  la  fermeté  de  nos  magistrats.  Cet  épisode  nous 
a  été  raconté  par  M.  Gaberel  *. 

Parmi  d'autres  tentatives  du  même  genre,  j'en  choisis  deux 
sur  lesquelles  je  me  propose  d'attirer  l'attention.  Une  seule  a 
été  brièvement  mentionnée  par  M.  Picot  ^  et  tous  nos  autres 
historiens  les  ont  passées  sous  silence,  à  l'exct^ption  de  J.-A. 
Gautier  qui,  dans  son  histoire  manuscrite,  les  rapporte  avec 
beaucoup  de  détails  \  Au  reste,  elles  n'ont  peut-être  pas  d'au- 
tre intérêt  que  celui  d'avoir  été  sinon  imaginées,  du  moins 
soutenues  parla  duchesse  Marguerite.  Cette  princesse  se  trou- 
vait dans  une  position  singulière.  Elle  était  animée  d'un  certain 
penchant  pour  la  doctrine  réformée,  mais  aussi  elle  devait  na- 
turellement désirer  que  la  domination  de  son  mari  s'étendît  et 
se  consolidât.  Elle  pensait  que  si  une  ville,  foyer  du  protes- 
tantisme, se  soumettait  aux  ducs  de  Savoie,  ce  ne  pouvait  être 
qu'avec  la  condition  expresse  que  la  religion  ne  serait  pas  sacri- 
fiée et  elle  espérait,  par  cela  même,  donner  plus  de  sûretés 
aux  protestants  des  vallées  vaudoises. 

Le  dimanche  4  juillet  1563,  le  Petit  Conseil  fut  assemblé 
extraordinairement  sur  un  avis  donné  aux  syndics  par  Calvin. 

Celui-ci,  étant  aussitôt  appelé,  déclara  que  la  veille,  un  of- 
ficier de  iMadame  la  duchesse  de  Savoie,  lui  dit  être  porteur  de 
deux  lettres  adressées  à  M.  Dorsanne,  lieutenant  général  en 
Berry,  qu'il  croyait  trouver  encore  à  Genève  et  qui  en  était 
parti.  L'officier  avait  montré  ces  lettres  à  Calvin,  en  le  priant 
d'en  faire  connaître  le  contenu  à  Messeigneurs. 

La  première,  datée  de  Turin  le  dernier  juin  1563,  était  si- 
gnée par  la  duchesse,  qui  annonçait  à  M.   Dorsanne  qu'elle 

*  Bibliothèque  universelle,  décembre  1858.  Une  escalade  diplomatique. 

*  Histoire  de  Genève,  t.  II,  p.  136.  I 
•'•  Histoire  de  Genève  (Manuscrit  des  Archives),  t.  V  et  VI.  ' 


125 

avait  chargé  les  sieurs  Bâtisse,  son  maître  d'hôtel  et  Forgel 
son  secrétaire  de  lui  communiquer  ses  intentions. 

La  seconde  était  des  dits  sieurs  Bâtisse  et  Forget.  Ils 
expliquaient  que,  à  l'occasion  des  négociations  alors  entamées 
pour  faire  rendre  à  Emmanuel-Philibert  les  terres  conquises 
par  les  Bernois,  la  duchesse  avait  prié  son  mari  de  ne  point  gê- 
ner  pour  la  religion  ceux  de  ses  sujets  qui  rentreraient  dans 
son  obéissance;  et  elle  l'avait  si  bien  persuadé  «  que  si  Mes- 
sieurs de  Genève  trouvoient  bon  de  se  mettre  en  sa  protection 
en  vivant  selon  leur  façon  accoustumée,  en  recognoissant  en- 
vers luy  les  droictz  que  ses  prédécesseurs  avoient  en  ladite 
ville,  il  leur  accorderoit  et  en  bailleroil  telle  seurté  qu'ilz  au- 
roient  de  quoy  se  contenter,  et  que  ceste  réduction  et  amytié 
seroit  profitable  à  l'ung  et  a  l'aultre.  »  Ils  ajoutaient  que  la  du- 
chesse priait  M.  Dorsanne  de  faire  entendre  à  MM.  Calvin,  de 
Bèze  et  autres  les  offres,  promesses  et  sûretés  qu'elle  met  en 
avant,  et  s'ils  sont  d'avis  qu'on  puisse  poursuivre  l'affaire,  on 
enverra  des  gens  capables  d'amener  à  bonne  fin  ce  qu'il  aura 
commencé.  Ils  protestaient  de  leur  sincérité  et,  quant  à  la  du- 
chesse «  pour  le  bien  que  le  duc  son  mary  en  pourroit  rece- 
voir, elle  ne  vouldroit  commettre  une  seule  fraude  ne  rien  qui 
fust  au  désadvantage  de  l'Evangile  ne  des  habitants  de  ceste 
ville.  »  Enfin  ils  demandaient  que  ces  propositions  ne  fussent 
point  divulguées  prématurément,  afin  de  ne  pas  nuire  aux 
autres  négociations  du  duc. 

Après  délibération,  le  Conseil  décida  que,  puisque  les  let- 
tres ne  lui  avaient  pas  été  adressées,  il  n'y  avait  pas  lieu  à  ré- 
pondre par  écrit,  mais  que  Calvin  ferait  au  porteur  une  ré- 
ponse verbale. 

Celte  réponse  devait  d'abord  contenir  des  remerciements 
pour  la  duchesse,  de  ce  qu'elle  avait  bien  voulu  s'employer  à 
cette  affaire,  avec  prière  de  persévérer  dans  la  bonne  affection 
qu'elle  assure  nous  porter.  Quant  au  fait  principal,  étant  liés 
avec  MM.  de  Berne  par  une  combourgeoisie,  nous  ne  pour- 


126 

rions  entrer  en  traité  sans  le  leur  communiquer,  et  cela  sous 
peine  de  nous  rendre  répréhensibles  devant  Dieu  et  devant  les 
hommes.  Enfin,  nos  ambassadeurs  auprès  des  seigneurs  des 
Ligues  qui  n'avaient  pas  encore  prononcé  sur  nos  différends, 
étaient  chargés  «  de  nous  offrir  envers  son  Altesse  très-liura- 
bles  serviteurs  et  voysins  selon  nostre  petitesse  et  de  déclarer 
si  rien  ne  s'en  faict  que  ce  sera  à  nostre  regret  *.  » 

Voila  tout  ce  que  les  sources  officielles  nous  apprennent  sur 
la  première  tentative  de  la  duchesse  Marguerite. 

Cette  princesse  avait-elle  eu,  précédemment  des  rapports 
avec  Calvin?  c'est  ce  que  je  ne  saurais  dire,  ne  la  trouvant 
mentionnée  qu'une  seule  fois  dans  ce  que  je  connais  de  la  cor- 
respondance du  réformateur.  Sept  ou  huit  semaines  avant  sa 
mort,  écrivant  à  Renée  de  France  fille  de  Louis  Xïï  et  femme 
de  Hercule  II,  duc  de  Ferrare,  il  lui  disait  : 

«  J'ay  entendu  que  Madame  la  duchesse  de  Savoie,  vostre 
niepce  est  en  assez  bon  train,  jusques  à  eslre  délibérée  de  se  dé- 
clairer  franchement.  Mais  vous  sçavez  combien  il  y  a  de  des- 
tourbiers  pour  la  reculer  ou  refroidir,  et  d'aullre  coslé  elle  a 
tousjours  esté  timide,  tellement  qu'il  est  a  craindre  que  cesle 
bonne  affection  ne  demeure  là  comme  pendue  au  croc,  sinon 
qu'on  la  sollicite.  Or,  Madame,  j'estime  qu'il  n'y  a  créature  en 
ce  monde  qui  ail  plus  d'authorité  envers  elle  que  vous  ;  pour- 
quoy  je  vous  voudrois  bien  prier  au  nom  de  Dieu  de  ne  point 
espargner  une  bonne  exhortation  et  vive,  pour  luy  donner  cou- 
rage à  la  faire  passer  plus  outre;  en  quoy  je  me  liens  asseuré 
que  vous  ferez  tout  debvoir,  selon  le  zèle  que  vous  avez  que 
Dieu  soit  honoré  et  servi  de  plus  en  plus  ".  » 

Avant  de  passer  au  récit  de  la  seconde  tentative  de  la  du- 
chesse, il  convient  de  rappeler  quelques  faits  se  rapportant 
aux  dix-huit  mois  qui  la  séparèrent  de  la  première. 

'  Registres  du  Conseil,  vol.  de  15G3,  loi.  73,  séance  du  4  juillet. 
-  Lettres  françaises  recueillies  par  M.  Jules  Bonnet,  t.  II,  p.  559.  Lettre 
datée  de  Genève,  le  4  avril  1564 


127 

Dans  cet  intervalle,  la  population  genevoise  eut  bien  des 
alerles  :  plusieurs  fois  des  avis,  vrais  on  faux,  forcèrent  nos 
magistrats  à  redoubler  de  vigilance;  il  fallut  s'assurer  des  se- 
cours, soit  auprès  des  églises  de  France,  soit  auprès  de  nos  al- 
liés de  Berne. 

D'autres  soins  occupaient  encore  noire  Petit  Conseil.  Il  avait 
fréquemment  à  envoyer  des  dépulalions  en  Suisse  h  l'occasion 
des  diètes,  pour  solliciter  un  appui  ou  pour  se  défendre  con- 
tre les  prétentions  du  duc.  Ce  prince,  en  effet  ne  cessait  d'a- 
gir auprès  des  cantons,  pour  se  faire  rendre  les  territoires  que 
les  Bernois  occupaient  depuis  les  guerres  contre  Charles  III; 
il  demandait  aussi  a  être  rétabli  dans  les  droits  de  ses  prédéces- 
seurs sur  Genève.  On  craignait  que  dans  les  tractations  entre 
les  Savoyards  et  les  Bernois,  ces  derniers  ne  sacrifiassent  la 
combourgeoisie  qui  nous  unissait  avec  eux.  A  la  journée  de 
Nyon,  qui  eut  lieu  au  printemps  de  1564,  nos  députés  s'é- 
taient empressés  de  demander  à  ceux  de  Berne  de  nous  faire 
obtenir,  sur  le  territoire  cédé  au  duc,  les  mêmes  facilités 
qu'eux-mêmes  nous  accorderaient  dans  la  partie  du  pays  con- 
quis qu'ils  comptaient  garder;  que  l'entrée  des  vivres  dans 
notre  ville  fut  entièrement  libre,  ainsi  que  le  commerce  des  mar- 
chandises ;  que  nous  puissions  jouir  paisiblement  de  tout  ce  que 
nous  possédions  ;  que  le  duc  ne  fît  ni  ne  soulïrît  aucune  trahison 
ou  conspiration  contre  notre  ville,  et  que,  s'il  lui  plaisait  de 
terminer  les  difficultés  pour  le  vidomnat,  etc.,  les  seigneurs  de 
Berne  voulussent  bien  avoir  égard  aux  perles  que  nous  avions 
éprouvées  pendant  la  guerre  et  aux  grandes  dépenses  qu'elle 
nous  avait  occasionnées;  enfin  ils  demandaient  quelques  échan- 
ges de  terres.  Les  Bernois  ne  terminèrent  pas  à  ce  moment  el, 
pour  ce  qui  concernait  plus  spécialement  Genève,  ils  ajournè- 
rent leur  décision. 

Pendant  que  ces  affaires  étaient  en  suspens,  les  Savoyards 
essayèrent  encore  des  sollicitations  particulières.  Le  comte  pa- 
latin du  Rhin  fit  faire  des  propositions  dans  le  genre  de  celles 


128 

qui  avaient  été  souvent  présentées,  et  elles  eurent  (juillet  à 
octobre  1564)  le  même  résultat  que  les  autres. 

Ce  fut  à  la  journée  de  Lausanne  que  les  Bernois  et  le  duc 
conclurent  un  traité  (octobre  1564)  par  lequel  Emmanuel-Phi- 
libert rentrait  en  possession  du  Chablais  ainsi  que  des  baillia- 
ges de  Gex,  de  Ternier  et  de  Gaillard.  Ce  traité  ne  pouvait 
plaire  aux  Genevois  qui  voyaient  avec  peine  le  duc  entourer 
leur  ville  et  q-ui  redoutaient  de  nouvelles  vexations  ;  au  reste 
il  ne  fut  complètement  mis  à  exécution  qu'en  août  1567. 

A  la  journée  de  Lausanne,  il  avait  aussi  été  convenu  que  le 
duc  et  Genève  choisiraient  des  arbitres  parmi  les  seigneurs  des 
Ligues,  pour  régler  leurs  difficultés.  Cette  résolution  fut  ac- 
ceptée à  Genève  par  les  Conseils  le  30  novembre,  sous  la  ré- 
serve qu'ils  aviseraient  après  le  prononcé  des  arbitres.  Mais  à 
la  fin  de  Tannée  le  duc  n'avait  pas  encore  annoncé  s'il  accep- 
tait la  conférence  proposée. 

Aux  derniers  jours  de  l'année  1564,  deux  Piémontais  arri- 
vèrent dans  nos  murs  et  avertirent  le  Petit  Conseil  qu'ils 
avaient  une  communication  à  lui  faire.  C'étaient  François  Gua- 
rin,  ministre  de  l'Evangile  à  Angrogne  et  Bastian  Castrocaro, 
capitaine  ordinaire  de  Son  Altesse  le  duc  de  Savoie. 

Le  jour  de  Noël,  on  accorda  d'abord  une  audience  au  pre- 
mier, qui  ne  se  donnait  pas  proprement  pour  ambassadeur, 
mais  comme  chargé  de  présenter  et  de  recommander  le  capi- 
taine, et  qui  avait  demandé  d'être  entendu  seul.  Il  commença 
par  s'excuser  de  ce  que,  faisant  profession  du  ministère,  il  avait 
accepté  cette  commission  de  la  part  de  la  duchesse,  mais  il  ne 
s'y  était  pas  décidé  sans  avoir  pris  l'avis  de  ses  collègues.  Cette 
princesse  lui  a  protesté  vouloir  l'avancement  de  la  gloire  de  Dieu 
et  le  bien  de  cette  ville,  et  il  la  croit  parce  qu'elle  s'en  est  ex- 
pliquée avec  lui  familièrement  et  aussi  parce  que,  dans  les  val- 
lées du  Piémont,  on  a  bien  eu  lieu  de  reconnaître  son  atta- 
chement à  la  religion.  Elle  lui  a  déclaré  que  le  duc,  il  y  a 


129 

longtemps,  avait  remarqué  «  que  le  Roy  et  plusieurs  autres 
grands  seigneurs  luy  avoient  fait  raison,  mais  que  Genève  n'a- 
voyt  dit  mol,  et  que  voilà  une  belle  religion  qu'ils  tiennent.  » 
Au  bout  d'un  certain  temps,  elle  offrit  au  due  de  s'en  mêler,  ce 
qu'il  accepta;  alors  elle  fît  parler  à  lui  Guarin  par  Castrocaro. 
Ce  dernier  est  un  capitaine  u  ayant  grands  gages,  »  fort  ex- 
périmenté à  la  guerre,  mais  qui  s'est  réservé  de  vivre  en  liberté 
et  de  ne  souffrir  ni  endurer  rien  qui  se  fasse  ou  machine 
contre  la  parole  de  Dieu.  Enfin,  ajoutail-il  en  secret,  ce  gen- 
tilhomme est  envoyé  du  duc,  mais  il  ne  veut  pas  qu'on  le  sa- 
che ^ 

Castrocaro  fut  entendu  le  lendemain,  et  comme  il  s'exprimait 
en  langue  italienne,  on  lui  demanda  de  rédiger  ses  propositions 
par  écrit.  Il  le  promit  et  sortit  de  la  salle  du  Conseil. 

Le  ministre  étant  resté,  ajouta  un  détail  important  qu'il 
avait  oublié  la  veille.  Sur  les  premières  ouvertures  faites  à  lui 
et  aux  pasteurs  ses  collègues,  il  s'était  rendu  à  Quiers  auprès  de 
la  duchesse,  avec  laquelle  il  était  resté  plus  d'une  heure.  Elle 
l'avait  chargé  «  de  dire  a  Messieurs  que  si  elle  voioit  qu'en 
tout  cest  affaire  y  eust  quelque  chose  pour  les  endomager,  elle 
ne  s'en  voudroil  point  mesler,  car  elle  leur  voudroit  plustost 
complaire  qu'à  son  mary,  ayant  esgard  à  ce  que  Dieu  s'est 
grandement  servy  de  ceste  ville  comme  d'une  Jérusalem  pour 
espandre  son  évangile  ;  et  qu'en  cecy  elle  cherche  deux  biens, 
l'un  est  celuy  de  la  ville  dont  elle  désire  le  repos  et  tranquillité, 
l'autre  est  qu'elle  pense  que,  par  le  moyen  d'un  bon  acord,  on 
pourra  aquérir  quelque  liberté  pour  la  religion  au  pays  de  son 
Altesse,  priant  à  ceste  cause  Messieurs  bien  affectueusement  de 
la  croire,  et  bailler  à  Monseigneur  le  duc  ce  peu  qu'il  demande 
en  ceste  ville,  qu'elle  ne  sçait,  s'asseurant  que  ce  sera  leur 
grand  bien  et  de  plusieurs  fidelles,  et  qu'ils  ne  considèrent  pas 
tant  leur  profit  particulier....  Cependant  elle  ne  conseille  point 

*  Reg.  du  Conseil,  vol.  de  1564,  fol.  162,  séance  du  25  décembre. 
r.  XV,  V  paru  9 


130 

à  Messieurs  de  se  préjiidicier  en  fasson  quelconque  n'y  d'a- 
cheter la  paix  par  or  ny  argent,  ains  par  amitié.  »  Elle  lui  a 
aussi  rapporté  que  s'entretenant  un  jour  avec  le  duc  de  ces  af- 
faires, «  elle  luy  disoit  que  Messieurs  se  pourraient  doubler  de 
luy  pour  la  diversité  de  la  religion,  et  qu'il  respondit  que  pour- 
tant il  ne  laissoit  pas  d'estre  homme  de  bien  et  qu'il  tiendroit  ce 
qu'il  prometloit,  comme  aussi  il  estime  Messieurs  gens  de  bien  * .  » 

Le  capitaine  présenta  ensuite  sa  proposition  rédigée.  Il  avait 
probablement  emprunté  la  plume  du  ministre,  car  on  retrouve 
ici  le  développement  des  mêmes  idées  sur  les  bonnes  intentions 
de  la  duchesse  qui,  par  son  intervention,  avait  arrêté  l'emploi 
de  moyens  rigoureux,  et  sur  les  avantages  qui  résulteraient 
pour  Genève  de  contenter  le  duc  :  notre  ville  serait  assurée  de 
n'avoir  plus  de  ce  côté  aucune  fâcherie,  et  elle  serait  agrandie, 
ce  que  Marguerite  promettait  «  en  princesse  »  et  comme  le 
duc,  rentré  en  ses  droits,  serait  bon  voisin  et  allié,  il  désirerait 
pour  plus  de  sûreté  que  le  Conseil  acceptât  certaines  condi- 
tions qui  seraient  exposées  plus  tard  ^. 

Au  reste,  le  capitaine  avait  déjà  déclaré  que  son  maître 
réclamait  le  vidomnat,  mais  qu'il  se  contenterait  de  nommer, 
pour  remplir  cet  office,  l'un  des  trois  citoyens  choisis  par  le 
Conseil;  qu'il  serait  bon  d'avoir  dans  la  ville  une  garnison  de 
deux  à  trois  mille  hommes  dont  il  ferait  les  frais  ;  et  enfin  que, 
si  l'on  accédait  aux  désirs  du  duc,  il  rendrait  les  foires  à  Ge- 
nève et  empêcherait  ses  sujets  d'aller  trafiquer  ailleurs  qu'ici. 

Le  27,  le  Conseil  délibéra  sur  ces  propositions.  Le  syndic 
Roseï  et  le  lieutenant  Bernard  furent  chargés  d'aller  dire  aux 
deux  ambassadeurs,  d'abord,  qu'ils  n'étaient  pas  arrivés  avec 
des  pouvoirs  en  règle,  puis,  qu'ils  n'avaient  pas  expliqué  quels 
sont  les  droits  que  Monsieur  de  Savoie  prétend  sur  cette  ville 
et  quelles  sont  les  conditions  de  paix  dont  ils  entendent  parler. 

Le  28,  les  ambassadeurs  donnèrent  leur  réponse  par  écrit. 

'  Registres  du  Conseil,  séance  du  26  décembre. 

•  Portefeuilles  des    pièces   historiques,  dossier  n»  1787.  Proposite  des 
Sieurs  ambassadeurs  de  M°»«  la  duchesse  de  Savoye. 


131 

Ils  avaient  cru  suflisanl  d'apporter  un  passeport  de  la  duchesse 
témoignant  qu'ils  sont  venus  pour  son  service,  avec  des  let- 
tres des  pasteurs  d'Angrogne  pour  ceux  de  Genève  et  pour 
le  ministre  italien.  Ils  ne  connaissaient  pas  exactement  les 
droits  du  duc  et  avaient  besoin  de  temps  pour  s'en  informer. 
Enfin,  ils  regardaient  comme  superflu  de  parler  des  conditions 
de  la  paix,  ne  pouvant  satisfaire  aux  deux  premiers  points; 
mais  ces  conditions  sont  telles  qu'on  reconnaîtra  que  Madame 
veut  le  bien  de  Genève. 

Après  une  nouvelle  délibération,  on  résolut  de  faire  remer- 
cier la  duchesse  par  ses  députés  pour  les  sentiments  affectueux 
qu'elle  disait  avoir  à  notre  égard,  en  la  priant  de  s'expliquer 
plus  nettement  sur  les  droits  du  duc  et  sur  les  conditions  de- 
mandées. 

Le  29,  Roset  et  Bernard,  qui  avaient  encore  été  chargés  de 
parler  aux  ambassadeurs,  firent  un  nouveau  rapport.  En-  sou- 
pant,  les  deux  Piémonlais  s'étaient  montrés  plus  communica- 
tifs.  Le  duc,  disaient-ils,  demande  le  droit  de  faire  grâce, 
qu'avait  l'évêque,  et,  comme  vicaire  de  l'empire,  qu'on  aille 
au-devant  de  lui  lorsqu'il  lui  plaira  de  venir  à  Genève  ;  pour  la 
sûreté  de  la  ville  et  celle  de  ses  États,  il  offre  de  pa)'er  une 
garnison  de  5,000  hommes,  se  réservant  d'en  nommer  le  co- 
lonel, sur  «  trois  que  Messieurs  choisiraient  en  son  pays.  » 

Le  ministre  Guarin  étant  de  nouveau  admis  en  séance,  fit 
preuve  d'une  parfaite  bonne  foi.  Il  annonça  qu'ayant  appris 
ce  qu'on  pouvait  opposer  aux  prétentions  du  duc,  ils  avaient 
jugé,  son  collègue  et  lui,  qu'il  leur  convenait  de  retourner  au- 
près de  Madame  la  duchesse  pour  lui  faire  connaître  la  vérité, 
espérant  qu'elle  trouverait  une  autre  voie  pour  acheminer  mieux 
les  affaires. 

Après  une  absence  de  cinq  semaines,  Castrocaro  et  Guarin 
se  présentèrent  de  nouveau  devant  notre  Petit  Conseil  auquel 
ils  remirent,  le  3  février  15(35,  une  lettre  signée  par  Marguerite 
ei  ainsi  conçue  : 


132 

«  Messieurs!  Ces  jours  passez  le  cappitaine  Castrocaro  et 
autres  de  sa  confipaignye  ont  esté  par  devers  vous,  ausquelz  à 
leur  parlement  j'avoys  donné  charge  vous  tenir  quelques  pro- 
poz  de  ma  part,  sans  loutesfoys  aucune  lettre,  parce  que  jevon- 
loys  savoir  auparavant  comme  vous  trouveriez  à  propoz  telle 
forme  de  procéder.  Ce  que  depuys  ayant  entendu  à  leur  rap- 
port, j'ay  advisé  tost  après  leur  retour  les  dépescher  avec  la 
présente,  qui  sera  pour  tesmoignage  du  désir  que  j'ay  de  vous 
veoir  bien  d'accord  et  entièrement  en  la  bonne  grâce  de  Mon- 
sieur mon  mary,  lequel  pour  ne  laisser,  en  dernier,  chose  au- 
cune qui  en  puisse  facilliler  le  succez,  s'est  contante  d'eslire 
et  delléguer  aucuns  de  ses  conseillers  et  officiers  avec  lesquelz 
ceulx  que  vous  nommerez  de  vostre  part  puissent  trailler  et 
amyablement  terminer  tous  diférenlz,  au  lieu  et  temps  qui  sera 
surce  convenu.  En  quoy  s'il  survient  (comme  il  advient  cous- 
tumièrement  en  semblables  affaires)  quelque  difficulté,  je  vous 
prie  (sans  pource  rompre  le  traicté)  la  me  faire  entendre  par  la 
voye  desdits  Castrocaro  et  sa  compaignye,  ausquelz  à  cest  effect 
j'ay  donné  cliarge  de  ne  se  partir  cependant  de  là,  ains  m'ad- 
vertir  en  dilli^ence  de  toutes  occurrances  selon  les  occasions 
qui  s'en  présenteront  et  aussi  de  vous  faire  entendre  quelques 
autres  particullariléz  concernans  les  prélensions  de  mondit 
sieur  et  mary,  qui  me  gardera  vous  en  dire  autre  chose,  sinon 
que  de  ce  qui  vous  sera  accordé  ou  promys  de  la  part  de  mon- 
dit sieur  et  mary,  vous  ne  devez  douter  que  le  tout  ne  vous 
soit  entièrement  gardé  et  observé,  à  quoy  de  ma  part  je  lien- 
dray  la  main  de  telle  façon  que  vous  aurez  occasion  de  vous 
en  conlanter.  Priant  Dieu,  Messieurs,  vous  avoir  en  sa  saincte 
garde.  De  Quiers,  ce  XXIII®  jour  de  Janvyer.  Votre  bonne 
amie  Marguerite  de  France. 

{Siiscription)  A  Messieurs  les  Conseillers  et  Syndics  de 
Genève  '. 

*  Dossier  n"  1787.  Avec  cette  lettre  iJ  s'en  trouve  une  autre  adressée 
à  Théodore  de  Bèze  (^voyez  Appendice,  n°  i). 


133 

Pour  l'inlelligence  de  celle  lellre  il  faut  ajouter  qu'Em ma- 
nuel-Philibert s'était  enfin  décidé  a  nommer  des  députés  qui 
devaient  conférer  avec  ceux  de  Genève  et  suivre  ainsi  aux 
intentions  du  traité  de  Lausanne  :  la  journée  de  St. -Julien  s'é- 
îait  ouverte  tout  récemment.  L'intervention  de  la  duchesse  ne 
faisait  qu'embrouiller  encore  plus  les  affaires.  On  nomma  tout 
de  suite  quelques  conseillers  pour  entendre  le  capitaine  et  le 
ministre,  et  l'on  décida  de  faire  connaître  leurs  nouvelles  pro- 
positions à  nos  envoyés  à  St. -Julien  *. 

Les  jours  suivants  furent  occupés  aux  discussions  relatives  à 
la  journée  de  St. -Julien.  Mais  comme  le  dit  l'historien  Gautier: 
«    Les  Savoyards,    n'avoient  aucun   dessein  sérieux  de  rien 

finir;  ils  ne  cherchoient  qu'à  amuser   le  tapis Les  parties 

éloienttrop  loin  de  compte  pour  qu'on  pût  espérer  qu'elles  en 
vinssent  à  aucun  accommodement,  outre  que  les  Savoyards 
étoient  bien  aise  de  tirer  de  longue,  en  attendant  de  voir  quelle 
seroit  la  suite  des  négociations  que  la  duchesse  avoit  entre- 
prises ' .  » 

On  eut  d'abord  beaucoup  de  peine  à  tomber  d'accord  sur  le 
nombre  des  arbitres.  Ensuite  les  députés  d'Emmanuel-Phili- 
bert mirent  en  avant  ses  prétentions.  Les  députés  genevois  ré- 
pondirent comme  on  avait  déjà  répondu  à  Bâle  et  à  Lausanne. 
Ils  firent  voir,  quant  aux  vidomnat,  que  Genève  le  possédait  à 
juste  titre  en  vertu  même  de  la  sentence  de  Payerne  (15  30), 
parce  que  le  duc  n'avait  pas  satisfait  aux  conditions  imposées 
parla  dite  sentence;  pour  quelques  terres  du  Ghablais  que 
le  prince  réclamait,  ils  s'appuyèrent  sur  le  traité  qui  venait 
d'être  conclu  avec  les  Bernois;  enfin,  relativement  à  la  souve- 
raineté sur  la  ville  à  cause  du  vicariat,  ils  montrèrent  que  le 
duc  n'y  avait  aucun  droit. 


♦  Registre  du  Conseil,  vol.  de  1564,  dernière  page,  séance  du  3  février 
1565. 

•  Histoire  de  Genève  (Manuscrit  des  Archives),  t.  VI,  p.  14. 


134 

Les  deux  députés  piémontais  étaient  tenus  au  courant  de  ce 
qui  se  faisait  à  St. -Julien.  Le  capitaine  parlant  un  jour  de  la 
garnison,  dit  qu'il  pensait  que  maintenant  son  maître  pourrait 
se  contenter  d'en  choisir  le  colonel  sur  trois  citoyens  de  Ge- 
nève désignés  par  le  Conseil,  auquel  il  laisserait  le  soin  de 
lever  k  volonté  soldats  et  officiers,  et,  moyennant  cela,  il  aban- 
donnerait ses  autres  demandes  «  ne  requérant  que  tant  seule- 
ment une  fumée.  »  Puis  il  ajoutait  que  si  la  journée  était  rom- 
pue, il  avait  charge  de  traiter  au  nom  de  Son  Altesse,  et  que 
Madame  a  offert  d'intercéder  pour  nous  *. 

A  St. -Julien,  on  ne  résolut  qu'une  chose,  c'est  qu'il  y  aurait 
une  nouvelle  journée  à  Rolle,  et  elle  n'eut  pas  lieu  par  la  faute 
des  Savoyards. 

L'activité  déployée  alors  par  les  chefs  de  notre  petit  État 
est  vraiment  remarquable.  Non-seulement  ils  avaient,  comme 
toujours,  à  régler  une  foule  de  minimes  affaires  d'admini- 
stration ,  on  pourrait  presque  dire  de  ménage ,  mais  en- 
core, poursuivis  par  le  désir  de  procurer  des  appuis  à  leur 
patrie,  ils  s'efforçaient  de  resserrer  les  liens  qui  l'unissaient 
avec  les  cantons  et  sollicitaient  d'être  compris  dans  l'alliance 
que  les  Suisses  négociaient  avec  la  France.  Ce  n'est  pas  tout: 
pendant  que  le  duc  et  la  duchesse  faisaient  présenter  leurs  pro- 
positions d'accommodement,  des  avis  arrivaient  annonçant  qu'une 
entreprise  contre  notre  ville  se  préparait  en  Savoie,  et  il  fallait 
prendre  de  nouvelles  précautions  pour  la  sûreté  de  la  ville  qui 
avait  à  redouter  une  attaque  du  duc  de  Nemours  ^. 

Revenons  aux  deux  Piémontais.  Arrivés  avec  l'idée,  chez 
eux  bien  naturelle,  que  les  réclamations  de  leur  maître  étaient 
parfaitement  justes,  ils  voyaient  qu'on  avait  de  bonnes  raisons  à 
y  opposer  et  ils  pressaient  sans  doute  pour  qu'on  leur  envoyât 
des  instructions  claires  et  précises.  Ils  écrivirent  au  Conseil  le 


'  Registres  du  Conseil,  vol.  de  1565,  f»  5,  7  février. 
*  Ibid.  1565,  18  février. 


135 

21  février,  avouant  qu'ils  ne  recevaient  aucune  réponse  et  in- 
terprétaient ce  silence  comme  un  ordre  de  retourner  dans 
leur  pays.  «  Au  reste,  disaient-ils,  il  ne  faut  point  Messieurs 
que  vous  vous  esmerveilliés  de  telles  manières  de  faire  accous- 
tumées  aux  princes,  lesquelz  souventes  fois,  encores  qu'ils 
ayent  bien  bon  désir  de  faire  une  chose,  toutesfois  par  ou- 
bliance  et  par  aultres  empescliemens  sont  retardés  de  leurs 
poursuites  *.  » 

Le  22  février,  de  Bèze  donna  communication  d'une  lettre 
qu'il  venait  de  recevoir  de  la  duchesse  ;  on  y  voit  qu'elle  com- 
mence à  n'avoir  plus  guère  de  confiance  en  sa  tentative  d'ar- 
rangement. 

«  Monsieur  de  Beze.  La  diversité  des  oppinions  que  je  voy 
au  faict  des  prétensions  de  Monsieur  et  mary  sur  la  ville  de  Ge- 
nève, entre  les  delléguez  et  aultres  conseillers  d'une  et  d'aul- 
tre  part,  me  feroit  doubter  grandement  du  succès  par  la  voye 
amyablement  commencée,  n'estoit  l'espoir  que  vous  m'en 
donnez  par  vostre  lettre  du  huictiesme  de  ce  mois,  comme  font 
aussi  de  vostre  part  plus  particulièrement  ceulx  que  a  cest 
effect  je  vous  avois  adressez  dès  le  commencement  de  la  Jour- 
née tenue  à  St  Gellou  (c'est-a-dire  à  St. -Julien)  ausquelz  j'es- 
criptz  de  rechef  tant  amplement,  et  avecq  charge  de  vous  com- 
muniquer le  tout,  que  par  ceste  je  ne  vous  en  replicqueray 
aullre,  sinon  que  à  quelque  bonne  conclusion  et  à  l'observa- 
tion d'icelle  mondit  sieur  et  mary  ne  deffaudra  aulcuneraent, 
pourveu  qu'il  trouve  la  deue  correspondance  à  ceulx  à  qui 
elle  est  aultant  nécessaire  qu'à  luy.  Priant  Dieu  en  cest  en- 
droict.  Monsieur  de  Beze,  vous  avoir  en  sa  saincle  et  digne 
garde.  De  Quiers  ceXVP  jour  de  febvrier.  Votre  bonne  amye 
Marguerite  de  France  ^ .  » 

(Suscription)  :  Monsieur  de  Bèze. 

'  Dossier  no  i  787. 
2  Dossier  n">  i  787. 


136 

On  décida  le  même  jour  d'inviter  les  deux  Piémontais  au 
festin  qui  devait  être  donné  le  lendemain  aux  députés  de  la 
journée  de  Sl-Julien. 

Le  24  février  le  Conseil  fut  encore  assemblé  pour  délibérer 
à  l'occasion  d'un  nouvel  écrit  des  ambassadeurs  de  la  du- 
chesse. 

Ils  semblent  ici  parler  sans  instructions  positives,  mais  se 
montrent  animés  du  désir  de  procurer  la  paix  entre  leur  maître 
et  une  ville  à  laquelle  ils  sont  affectionnés. 

Ils  considèrent  d'abord  leur  prince  comme  duc  de  Savoie 
et  comme  vicaire  de  l'empereur.  Ils  pensent  que  sous  le  pre- 
mier rapport  on  pourra  obtenir  l'abandon  de  toute  préten- 
tion. Mais  il  faut  qu'on  lui  rende  hommage  en  tant  que  vicaire 
de  l'empire  et  comme  a  l'empereur  :  d'une  part,  il  confirmera 
tous  nos  privilèges  ;  d'autre  part  nous  serons  tenus  de  le  visiter 
une  fois  l'an  et  de  lui  faire  quelque  présent.  Ensuite  il  faut  que 
nous  soyons  tellement  liés  avec  le  duc  qu'il  y  ait  obligation  de 
s'aider  mutuellement  :  à  cet  effet,  il  tiendrait  dans  notre  ville 
une  garnison  choisie  par  nous  dont  nous  serions  les  maî- 
tres et  dont  il  pourrait  se  servir  au  besoin.  Enfin,  tout  ce  qui 
aurait  été  convenu  entre  S.  A.  et  nous  devrait  être  homologué 
par  l'empereur. 

Cette  communication  paraissant  importante ,  le  Conseil  en 
remit  l'examen  h  une  commission  dont  de  Bèze  faisait  partie. 

Le  26  les  commissaires  firent  leur  rapport.  Ils  commen- 
cèrent par*  déclarer  «  la  chose  fort  fâcheuse  à  déterminer.  » 
D'un  côté  ils  trouveraient  un  grand  avantage  à  obtenir  de  l'em- 
pereur la  confirmation  de  notre  état  actuel  et  à  en  finir  avec 
les  querelles  que  la  maison  de  Savoie  pourrait  nous  faire  ;  de 
l'autre,  accorder  au  duc,  sur  notre  ville,  quelque  prérogative 
tant  petite  soit-elle,  ce  serait  s'exposer  à  des  dangers  qui  ris- 
queraient fort  d'amener  notre  ruine.  En  conséquence  ils  sont 
d'avis  de  répondre  que  nous  ne  reconnaissons  pas  le  duc  de 
Savoie  comme  vicaire  d'empire  sur  cette  ville,  ses  prédécesseurs 


137 

ayant  été  déboulés  par  les  empereurs.  Pour  ce  qui  est  de  faire 
alliance  et  amitié,  il  ne  faut  point  repousser  cette  idée,  mais 
plutôt  annoncer  aux  députés  que  nous  sommes  prêts  a  écouter 
leurs  propositions,  pourvu  qu'elle  ne  contiennent  rien  de  con- 
traire aux  traités  qui  nous  lient  avec  les  Suisses. 

Cet  avis  ayant  été  approuvé  par  le  Conseil,  Roset  et  Cheva- 
lier furent  chargés  de  répondre  dans  le  même  sens  aux  dé|)Utés 
piémonlais,  qui  ne  parurent  nullement  étonnés  :  ils  dirent  seu- 
lement qu'ils  n'étaient  point  autorisés  à  séparer,  dans  leurs 
propositions,  ce  qui  tenait  à  une  alliance;  mais  qu'ils  com- 
prenaient les  raisons  qu'on  leur  avait  alléguées  et  qu'ils  les 
feraient  valoir  auprès  de  S,  A.  Guarin  prit  a  part  le  syndic 
Roset  et  lui  dit  que  le  duc  craignait  que  Genève  ne  se  donnât 
à  la  France,  et  que  lorsqu'il  saura  noire  ferme  intention  de 
nous  maintenir  dans  l'état  actuel,  il  pourra  peut-être  êlre  plus 
coulant. 

Les  députés  emportèrent  deux  lettres  adressées  à  la  du- 
chesse, l'une  du  Conseil,  l'autre  de  Théodore  de  Rèze. 

Lettre  du  Conseil. 
«  Madame, 

«  Nous  avons  receu  les  lettres  qu'il  a  pieu  a  Votre  Excellence 
nous  envoier,  et  entendu  ce  qui  nous  a  esté  proposé  par  vos 
embassadeurs.  En  quoy  nous  avons  cogneu  la  bonne  et  sin- 
cère affection  qu'il  vous  plaist  porter  a  notre  petit  Estât,  dont 
nous  louons  Dieu  qui  nous  a  donné  faveur  en  si  hault  lieu  et 
en  demeurerons  à  jamais  grandement  obligés  à  Votre  Excel- 
lence, vous  suplians  très  humblement.  Madame,  de  continuer 
en  ceste  bonne  volonté  et  nous  avoir  tousjours  pour  recoraan- 
dés  suyvant  ceste  vostre  intention,  laquelle  Dieu  aydant  nous 
ne  décevrons  jamais,  comme  de  fait  vous  le  pourrés  entendre 
amplement  de  voz  embassadeurs,  ausquelz  nous  nous  sommes 


138 

déclarés  simplement  et  ouvertement,  et  espérons  bien  que  Vo- 
tre Excellence,  ayant  considérées  toutes  noz  raisons,  trouvera 
qu'elles  sont  équitables,  et  que  nous  ne  désirons  rien  plus, 
après  la  conservation  de  noz  consciences  et  Estai,  que  de  faire 
très  humble  service  à  Son  Altesse,  et  de  si  bon  cueur  que 
nous  espérons  luy  en  donner  occasion  de  contentement,  selon 
nostre  petit  pouvoir,  et  à  Vostre  Excellence  aussi,  à  laquelle 
nous  suplions  humblement  d'estre  recomandés. 

«  Madame,  nous  prions  l'Eternel  pour  votre  prospérité  et 
grandeur,  à  ce  qu'il  luy  plaise  la  conserver  et  maintenir  en  sa 
saincte  garde  et  protection.  Donné  ce  27®  février  1565.» 

(t  Les  Sindics  et  Conseillers  de  Genève» 


Lettre  de  Théodore  de  Bèze. 

i<  Madame, 

«  La  longue  demeure  de  vos  Ambassadeurs  par  deçà  n'est  ad- 
venue d'ailleurs  que  de  ce  qu'ils  ont  voulu  attendre  la  résolu- 
tion qui  serait  prinse  avec  Messieurs  les  Délégués  par  Son  Al- 
tesse, laquelle  je  pense  que  maintenant  vous  aurez  entendue 
assez  propre,  comme  il  me  semble,  pour  parvenir  à  quelques 
bons  acords,  pourveu  que  d'une  part  et  d'autre  on  se  déli- 
bère de  s'accommoder  à  toute  bonne  et  équitable  modération, 
comme  j'espère  qu'il  sera  fait  pour  le  moins  du  coslé  de  deçà. 
Car  peut  estre  mêmes  que  nostre  Dieu  a  dressé  ce  moyen  ex- 
pressément, affin  qu'un  tiers  mette  en  avant  quelque  expédient 
que  les  parties  ne  peuvent  veoir.  Cependant  vos  Ambassadeurs 
ont  mis  deux  poincts  en  avant,  desquels  le  premier  ne  semble 
se  pouvoir  accepter  aulcunement,  pour  plusieurs  raisons  si 
grandes  et  si  pertinentes  selon  mon  petit  jugement,  qu'à  mon 
advis  quand  vostre  Altesse  mesme  les  auroit  entendues,  elle 


139 

s'en  tiendroit  satisfaite.  Mais  quant  au  second  poinct  par  eux 
proposé,  il  y  a  ce  me  semble  grand'  apparence  d'entrer  en 
quelque  bon  accord  par  ceste  ouverture,  par  laquelle  Son  Al- 
tesse reçoive  trop  plus  de  service  volontaire  et  soit  trop  plus 
honorée  selon  sa  grandeur  par  une  ville  de  Genève  avec  quel- 
que commodité  pour  ses  subjects  voisins  d'icelle,  que  s'il  l'avoit 
réduicteà  quelque  extrémité;  c'est  à  savoir  quand  il  luy  plaira 
favoriser  la  liberté  d'icelle  et  s'y  faire  plustost  aimer  et  hono- 
rer voluntairement,  que  révérer  et  craindre.  Et  de  faict,  aussy, 
ce  n'est  point  chose  nouvelle  ni  dérogante  à  la  grandeur  d'un 
prince,  d'avoir  des  villes  impériales  et  franches,  voire  quelque- 
foys  au  milieu  de  leurs  pays,  comme  il  se  peull  veoir  estre  pra- 
ticqué  en  toutes  les  principaullez  d'Allemagne.  Il  ne  reste  donc 
qu'à  trouver  ces  moyens,  lesquels  je  prie  notre  Seigneur  vouloir 
nous  enseigner,  ainsi  que  nous  en  avons  conceu  l'espérance 
par  la  bonté  de  Dieu  et  moyennant  l'affection  sincère  qu'il 
plaira  a  Vostre  Altesse  portera  ceste  République,  delaquelle  je 
vous  puis  derechef  asseurer.  Madame,  que  tout  ce  qu'il  se 
trouvera  pouvoir  estre  moyenne,  sauf  la  conscience  et  Testât 
auquel  il  a  pieu  à  Dieu  les  establir,  ne  sera  jamais  refusé  par 
eulx  mais  accepté  de  très-bon  cueur,  pour  le  désir  qu'ils  ont 
de  vivre  en  paix  en  leur  petit  Estât  et  pour  le  respect  qu'ils  ont 
à  Vos  Altesses  desquelles  ils  n'ignorent  combien  de  biens  et 
faveur  ils  peuvent  recevoir,  et  de  ma  part  je  m'esiimeray  tous- 
jours  heureux  de  memployer  selon  mon  petit  pouvoir  et  la 
charge  qui  m'est  commise  de  Dieu  à  une  si  bonne  et  saincte 
chose. 

«Madame,  je  prie  noslre Seigneur  vous  continuer  ses  sainc- 
tes  grâces  et  vous  maintenir  en  sa  saincte  et  digne  garde.  De 
Genève  26^  de  février  1565. 

«  Vostre  très  humble  et  obéissant  serviteur 

Th.  de  Bèze  \  « 

*  Archives.  Brouillons  de  lettres. 


140 

Telle  fui  l'issue  de  la  seconde  tentative  de  Marguerite. 

On  possède  aux  archives  deux  autres  lettres  '  de  la  même 
princesse.  L'une  avait  pour  but  de  demander  l'appui  de  notre 
église  auprès  de  celle  de  Grenoble  pour  qu'on  lui  laissât  un 
pasteur  dont  les  services  étaient  fort  utiles  dans  les  vallées  vau- 
doises.  L'autre  était  une  recommandation  en  faveur  d'un  per- 
sonnage nommé  Ch.  Pascal,  qui  avait  hérité  de  son  oncle  J.-L. 
Paschal.  Ce  dernier,  aussi  nommé  Pascal  et  Pasqual,  natif  de 
Coni,  avait  été  reçu  bourgeois  de  Genève  en  1555  ;  zélé  pour  la 
foi  prolestante  dont  il  était  un  ministre,  il  périt  martyr  en  Cala- 
bre.  Un  autre  zélé  protestant,  le  marquis  de  Vico ,  qui  s'é- 
tait retiré  à  Genève  depuis  quelques  années  avait  été  nommé 
exécuteur  testamentaire  par  J.-L.  Paschal  et  tuteur  du  jeune 
homme.  Guichenon  nous  apprend  qu'après  la  mort  de  Margue- 
rite, Ch.  Paschal  prononça  son  oraison  funèbre  en  latin. 

Nous  ne  connaissons  pas  d'autres  traces  officielles  des  rela- 
tions entretenues  par  cette  princesse  avec  Genève.  Mais  Sca- 
liger,  qui  occupa,  de  157!2  à  1574,  une  place  de  professeur 
dans  notre  Académie,  nous  assure  que  la  duchesse  de  Savoie 
envoyait  alors  à  Genève,  chaque  année,  4000  florins  pour  les 
réfugiés  français.  Ce  fait,  qui  n'était  connu  que  du  Petit  Con- 
seil et  de  Th.  de  Bèze,  ne  fut  divulgué  qu'après  la  mort  de 
Marguerite  -. 

Dans  l'année  1574,  lorsque  Charles  IX  mourut  bien  jeune 
encore,  son  frère  le  duc  d'Anjou,  qui  avait  été  élu  depuis  peu 
roi  de  Pologne,  s'échappa  furtivement  de  ses  Etats,  pour  se 
rendre  en  France  où  il  régna  sous  le  nom  de  Henri  IIL  S'étant 
d'abord  rendu  a  Vienne,  il  passa  en  Italie  et  s'arrêta  dans  di- 
verses villes.  Sa  tante,  la  duchesse  de  Savoie,  le  reçut  avec  em- 
pressement à  Turin  et  chercha  à  lui  faire  entendre  quelques  bons 


'  Voyez  Appendice,  n"»  2  et  3. 
*  Scaligeriana,  article  Genève. 


Ul 

conseils.  On  dit  que  les  fatigues  des  fêtesqu'elle  lui  donna,  oc- 
casionnèrent une  maladie  dont  elle  mourut  le  14  septembre 
1574,  âgée  de  51  ans. 

Ce  dut  être  une  grande  perte  pour  les  sujets  du  duc  qui 
étaient  attachés  aux  principes  de  la  Réforme.  Mais  la  princesse, 
par  son  inépuisable  bonté,  avait  su  gagner  le  cœur  de  toutes 
sortes  de  personnes,  sans  distinction  de  religion.  Car,  comme 
le  dit  un  auteur  qui  avait  eu  l'honneur  de  la  connaître  :  «  Elle 
se  fit  tellement  aimer  aux  terres  et  pays  de  son  mary,  que, 
lorsqu'elle  mourut,  les  pleurs  et  les  larmes  eurent  tel  cours 
parmy  tout  le  peuple,  depuis  le  plus  grand  jusques  au  plus  pe- 
tit, qu'elles  ne  purent  jamais  assécher  ny  prendre  fin.  Aussi 
parlait-elle  pour  tous  à  Monsieur  son  mary  lorsqu'ils  étoient 
en  nécessité  ou  adversité,  ou  en  peine,  ou  en  faute,  et  luy  en 
requéroit  grâce  ou  pardon  pour  ceux  qui  bien  souvent  sans 
elle  ny  ses  intercessions  ne  l'eussent  eu.  Aussi  l'appelloient- 
ils  tous  leur  Palrone  '.  » 

Marguerite  ne  laissa  qu'un  fils,  qui  fut  plus  tard  Charles- 
Emmanuel  I^"",  ce  rude  ennemi  de  Genève.  Au  mois  de  sep- 
tembre 1576,  le  duc  Emmanuel-Philibert  ayant  passé  les 
monts  pour  visiter  ses  provinces  de  Savoie,  le  P.  Conseil  se 
décida  à  l'envoyer  complimenter.  La  députation,  arrivée  à 
Chambéry,  ne  put  être  reçue  par  le  duc  qui  était  malade,  mais 
le  prince  de  Piémont  fut  chargé  de  représenter  son  père  et 
s'en  tira  convenablement.  Il  répondit  en  peu  de  mots  au  dis- 
cours du  principal  député  genevois  :  «  Je  feray  toujours  play- 
sir  de  bien  bon  cœur  à  Messieurs  de  Genève  vos  supérieurs.  » 
La  députation  fut  ensuite  invitée  a  dîner  par  le  président  Mil- 
liet,  qui  rapporta  au  syndic  Roset  que  Monsieur  le  prince  l'a- 
vait expressément  chargé  de  leur  dire  «  que  sa  mère  portoit 
grande  affection  à  ceste  ville,  de  laquelle  affection  il  vouloit 

»  Brantôme,  t.  II,  p.  469. 


142 

estre  héritier  de  sa  mère,  et  le  feroii  paroistre   quanti  l'occa- 
sion s'en  offrira  ' ,  » 

Le  prince  était  alors  bien  jeune  (il  n'avait  pas  15  ans  ac- 
complis) ;  on  aime  à  croire  qu'il  ne  pensait  pas  encore  à  l'Es- 
calade. 

Tb.  H. 

*  Registres  du  Conseil,  1576,  foi.  134,  29  septembre . 


APPENDICE 


N»  1 

Lettre  de  la  duchesse  Marguerite  à  Théodore  de  Bèze. 
De  Quiers,  23  janvier  1565. 

Portefeuille  des  pièces  historiques,  dossier  n»  1787. 

Monsieur  de  Bèze.  Envoyant  ces  porteurs  par  delà  pour  les  affaires  que 
vous  entendrez  par  eulx  et  par  les  lettres  qu'ils  portent  à  Messieurs  du 
Conseil  et  Scindicqz  de  Genève,  j'ay  bien  voullu  les  accompaigner  de  la 
présente  pour  vous  prier  particulliéreraent  de  meurement  considérer  le 
bien  et  repoz  que  l'on  peut  espérer  de  la  détermination  de  cest  affaire  et 
croyre  qu'il  n'y  aura  aucune  faute  ne  contrevention  des  choses  qui  seront 
promises.  Car  autrement  je  ne  vous  en  vouldroys  asseurer,  et  sur  ce  je 


143 

prieray  Dieu,  Monsieur  de  Béze,  vous  avoir  en  sa  saincte  garde.  De 
Quiers,  ce  XX!!!"*»  jour  de  Janvyer. 

Vostre  bonne  amie, 
Marguerite  de  France. 

(Suscription)  :  A  Monsieur  de  Béze. 


N^  2 

Au  Conseil  de  Genève.  —  De  Turin,  24  juin  1566. 

Portefeuille  des  pièces  historiques,  dossier  n"  1680. 

Messieurs.  Les  troubles  et  dissensions  que  j'ay  veu  ordineirement  entre 
les  pauvres  peuples  des  vallées  d'Angroigne,  Luserne  et  Saint-Martin  de- 
puis que  Maistre  Estienne  Enoel  en  est  party  sont  cause  que  je  l'ay  envoyé 
quérir  à  Grenoble,  pour  résider  quelque  temps  avecques  eulx,  parce  qu'il 
ne  se  peult  trouver  personne  qui  puisse  mieux  moyenner  ung  repoz  entre 
ces  pauvres  gens  que  luy,  pour  la  longue  connoissance  qu'il  a  aux  affaires 
desdites  vallées.  J'ay  prié  aussi  l'église  de  Grenoble  de  me  le  prester 
pour  trois  mois.  Leur  responce  est  qu'ilz  ne  le  peuvent  laisser  que  jusques 
au  XXIIII'"^  de  Juing.  Et  pour  ce  que  ledit  Enoel  est  fort  utile  et  néces- 
saire en  ces  pays  icy  et  que  sa  résidence  ne  sert  pas  seulement  aux  Val- 
lées, mais  en  beaucoup  d'autres  lieux,  je  vous  prie,  Messieurs,  estre 
moyen  pour  moy  envers  ladite  église  de  Grenoble  qu'il  me  soit  laissé 
pour  tousjours  ou  à  tout  le  moings  pour  ung  an,  et  leur  envoyer  ung  autre 
ministre  affm  qu'ilz  ayent  plus  de  moyens  de  demeurer  contans.  Si  vous 
sçaviez  le  fruict  qu'il  a  desjà  faict  par  deçà,  je  m'asseure  que  vous  mesmes 
auriez  requis  et  me  voudriez  proumettre  qu'il  en  partist.  Et  oultre  l'obli- 
gation que  vous  aura  une  infinité  de  pauvres  personnes,  vous  me  ferez 
ung  singulier  plaisir  que  je  recognoistray  où  j'auray  le  moyen  de  ce  faire, 
d'aussy  bon  cueur  que  je  prie  Dieu,  Messieurs,  vous  avoir  en  sa  saincte 
et  digne  garde. 

De  Thurin  ce  premierjour  de  juing  1566. 

Vostre  bonne  amye, 
Marguerite  de  France. 

{Suscription)  :  Messieurs  les  Conseilliers  et  Scindiez  de  la  ville  de 
Genève. 


144 

N^  3 

Aux  Syndics  de  Genève.  —  De  Turin,  12  novembre  1567. 

Dossier  n"  1825. 

Messieurs.  Charles  Paschal,  l'un  de  noz  subjectz,  m'a  faict  entendre 
comme  il  y  a  longtemps  qu'ung  sien  oncle  luy  auroit  laissé  par  testament 
quelque  somme  de  deniers  dépositée  entre  les  mains  du  sieur  Galeaz  Car- 
raciol,  marquis  de  Vice,  à  condition  qu'il  n'en  pourroit  jouir  que  premier 
il  n'eust  attainct  l'aage  compétant  pour  en  disposer,  et  pource  qu'il  a  ung 
procès  de  deçà  que  luy  est  d'importance  et  qu'il  n'a  moyen  d'en  solliciter 
l'expédition  sans  l'ayde  et  secours  desdits  deniers,  il  m'a  faict  suplyer  de 
vous  escrire  sur  ce  faict  en  sa  recommandation,  ce  que  je  luy  ay  bien  voulu 
accorder  et  vous  prier  par  ce  mot,  comme  je  fais,  de  vous  contanter  que 
ledit  sieur  marquis  remette  lesdits  deniers  entre  les  mains  dudit  Paschal, 
affm  qu'il  ayt  moyen  de  poursuyvre  plus  commodément  ces  affaires,  le- 
quel à  ce  que  je  peux  entendre  est  désormais  de  si  bon  aage  pour  manyer 
ce  que  luy  appartient,  qu'à  mon  opinion  vousy  aurez  esgard,  combien  que, 
si  vous  estes  délibéré  d'observer  la  condition  contenue  au  testament  si  non 
faicte,  je  men  remettray  tousjours  sur  vostre  disposition,  et  en  cest  endroit 
pour  ne  vous  en  faire  autre  instance  je  feray  fm,  priant  Dieu,  Messieurs, 
vous  avoir  en  sa  saincte  garde. 

De  Thurin  ce  Xll™«  de  novembre  i567. 

Vostre  bonne  amie, 
Marguerite  de  France. 


BULLETIN 


DE   LA 


(SOCIÉTÉ  D'HISTOIRE  ET  D'ARCHÉOLOGIE 


AOUT  1864 


Personnel  <le  la  Société* 

Notre  dernier  Bulletin  est  daté  de  février  1863  (t.  XIII,  p.  126).  Dés 
lors,  la  Société  a  perdu  deux  de  ses  membres  ordinaires,  savoir  :  M.  Ri- 
GOT-FiNGUERLiN  (mort  le  21  février  1863),  et  M.  J.-Fr.  Demole,  doc- 
teur en  droit  et  notaire  (mort  le  18  mars  1864). 

Elle  a  eu  connaissance  du  décès  de  trois  de  ses  membres  correspon- 
dants :  MM.  le  duc  Serra  di  Falco,  deGingins-La-Sarraz  etTROUiL- 

LAT. 

D'autre  part,  elle  a  reçu  au  nombre  de  ses  membres  ordinaires  : 

1863.  MM.  Roux,  Domaine. 

»     Pascalis,  Etienne. 
»     DuFOUR,  Théophile. 

1864.  »     RiGOT,  Eugène. 

T>     N^F,  Fr.,  pasteur. 
D     Peyrot,  David. 
»     DE  PouRTALÈs,  Alexandre. 
T.  XV,  V'  part.  10 


146 

1864.     MM.  Thioly,  François. 

»  DupiN,  J.-P.,  docteur-chirurgien. 

»  Du  Bois,  Charles. 

»  KuNDiG,  Guillaume. 

»  Gas,  Fr.,  bibliothécaire. 

Et  au  nombre  de  ses  correspondants  : 

1863.  MM.  Daguet,  Alexandre,  professeur,  à  Fribourg. 

»  Gremaud  (l'abbé),  professeur,  à  Fribourg. 

»  Ducis  (l'abbé),  archiviste  à  Annecy. 

»  Lecoy  de  la  Marche,  archiviste,  à  Chambéry. 

»  Secrétan,  Edouard,  professeur,  à  Lausanne. 

1864.  ï)  Baum,  Guillaume,  professeur,  à  Strasbourg. 
»  CuNiTZ,  Edouard,  professeur,  à  Strasbourg. 
»  Reuss,  Edouard,  professeur,  à  Strasbourg. 

Ifléinoires,  Rapport»,  etc. 

Présentés  à  la  Société  depuis  le  commencement  de  Vannée  186S. 

Séance  du  29  janvier  i863.  —  Compte  rendu  du  président,  M.  Ch. 
Lt;  Fort,  sur  les  travaux  de  la  Société  pendant  l'année  écoulée. 

L'Abbaye  de  Bonmont,  mémoire  de  M.  Al.  Van  Berchem,  l""»  partie. 

Antiquités  trouvées  aux  environs  de  Veirier,  communication  de  M.  le 
docteur  Gosse. 

Communication  de  M.  Chaïx  sur  les  inscriptions  funéraires  près  de 
Constantine. 

Séance  du  12  février  1863. — Compte  rendu  par  M.  Amédée  RoGEt  de 
l'ouvrage  intitulé  :  Commentaires  de  Charles  V,  publiés  pour  la  première 
fois  par  M.  Kervyn  de  Lettenhove.  (Imprimé  dans  la  Bibliothèque  Uni- 
verselle de  mars  1863.) 

Visites  de  missionnaires  jésuites  dans  le  Pays  de  Gex,  par  M.  Th. 
Claparède. 

Communications  de  M.  Briquet  sur  le  Taschenhuch  de  Berne  pour 
1864;  de  M.  Ch.  Le  Fort  sur  l'Album  de  Claude  de  Senarclens  ;  de 
M.  Malan-Sillem,  sur  un  ouvrage  intitulé  :  Le  Pauvre  homme  du  Tog- 
genhourg. 


147 

Séance  du  26  février  18G3.  — L'Abbaye  de  Bonmont,  par  M.  Al.  Van 
Berchem,  2""  partie. 

Sur  un  procès  de  taillabilité  jugé  en  1538  à  Gex  par  les  tribunaux  ber- 
nois, par  M.  Ch.  Le  Fort. 

Séance  du  12  mars  i863.—\oysLge  de  Jean  Diodati.à  Venise  en  1608, 
notice  par  M.  Eug.  de  Budé. 

Compte  rendu  de  la  correspondance  de  Maximilien  et  de  Marguerite 
d'Autriche,  1507-1518,  par  M.  Am.  Roget. 

Règlements  et  Ordonnances  sur  les  jeux  à  Genève,  de  1490  à  1793, 
par  M.  Th.  Heyer. 

Séance  du  26  mars  1863.— 'Notice  biographique  sur  Martin  Crusius, 
philologue  allemand  (1526-1607),  par  M.  Louis  Dufour, 

Communications  de  M.  H.  Fazy  sur  une  mosaïque  à  sujets  mytho- 
logiques découverte  à  Orbe  et  sur  divers  objets  antiques  récemment  trou- 
vés dans  la  même  localité. 

Lettres  adressées  à  Jean-Alph.  Turrettini  par  le  professeur  Wéren- 
fels  de  Bâle,  de  1699  à  1712,  communiquées  par  M.  Eug.  de  Budé. 

Lettres  de  M.  Naville  Rilliet,  1798,  communiquées  par  M.  de  Can- 
dolle. 

Séance  du  30  avril  1863.  —  Monnaies  émises  par  Kossuth  en  1848, 
notice  par  M.  Fr.  Seguin. 

Relations  de  la  famille  Turquet  de  Mayerne  avec  Genève,  par  M.  Th. 
Heyer. 

Fragments  du  catalogue  de  la  collection  épigraphique  du  Musée  ar- 
chéologique de  Genève,  par  M.  H.  Fazy. 

Articles  des  registres  du  Conseil  relatifs  à  l'attitude  des  Bernois  à 
l'égard  de  Genève  en  1474,  communiqués  par  M.  Am.  Roget. 

Séance  du  29  octobre  1863.  —  Acte  de  combourgeoisie  entre  Berne  et 
Fribourg  d'une  part  et  l'évéque  Jean-Louis  de  Savoie  d'autre  part.  (Voyez 
ci-dessus,  p.  73.) 

Notice  sur  la  Tour-Maîtresse,  par  M.  Henri  Bordier. 

Rapport  de  M.  H.  Bordier  sur  les  matériaux  pour  l'histoire  de  Genève 
qui  se  trouvent  dans  les  bibliothèques  publiques  de  Paris,  sur  la  corres- 
pondance de  Guichenon,  etc. 

Renseignements  sur  Philib.  Hamelin,  imprimeur  et  libraire  à  Genève 
dés  1549,  martyr  en  France  en  1557,  par  M.  Th.  Heyer.  (Bulletin  de 
la  Société  de  l'histoire  du  protestantisme  français,  XH,  p.  469.) 


148 

Article  de  Léonard  Baiilacre  sur  la  vie  de  Marie  Alacoque  (Bibl. 
germ.,  t.  XXIII,  1732),  communiqué  par  M.  Th.  Heyer. 

Mémoires  de  l'Institut  vénitien,  archives  notariées,  compte  rendu  par 
M.  Chaix. 

Séance  du  36  novembre  1863.  —  Jacques  Saurin,  sa  jeunesse  et  son  sé- 
jour à  Genève,  par  M.  Gaberel. 

Notes  sur  l'ancien  temple  de  Chancy  et  sur  les  inhumations  dans 
les  églises  de  campagne,  par  M.  Th.  CLAPARÈnE. 

Liste  des  personnes  tuées  à  l'Escalade  d'après  le  registre  des  décès 
(voir  p.  150),  communiquée  par  M.  Ch.  Le  Fort. 

De  la  forme  des  chiffres  arabes  au  quinzième  et  au  seizième  siècle, 
par  M.  Hammann. 

Communications  de  M.  Gosse  sur  les  haches  de  pierre  trouvées  ré- 
cemment à  Moillesulaz,  et  sur  l'arrangement  du  Musée  arcliéologique  de 
la  ville. 

Séance  du  10  décembre  1863.  —  La  Suisse  et  les  Suisses  dans  les 
ouvrages  de  M.  Thiers,  par  M.  A.  Morin,  1'°  partie. 

Rectification  du  récit  traditionnel  relatif  à  la  mort  du  prince  Louis- 
Ferdinand  de  Prusse  avant  la  bataille  de  léna,  communication  de  M.  Ga- 
berel. 

Description  de  divers  objets  d'antiquités  donnés  au  Musée  de  la  ville, 
par  M.  Gosse, 

Séance  du  1â  janvier  1864.  —  Rapport  de  M.  Ch.  Le  Fort^  président, 
sur  les  travaux  de  la  Société  pendant  l'année  i863. 

Essai  sur  l'origine  et  la  signification  des  armoiries  des  cantons  suisses, 
par  M.  Adolphe  Gautier.  (Voyez  ci-dessus,  p.  1  à  28.) 

Notes  sur  le  peintre  Jacques-Antoine  Arlaud,  par  M.  Th.  Heyer. 

Séance  du  28  janvier  1864. — Notice  sur  Jean  Mestrezat,  par  M.  le 
pasteur  Archinard.  (Voyez  p.  29.) 

Notice  sur  H.  Zschokke,  par  M.  Gust.  Reyilliod.  {Bibliothèque  Uni- 
verselle^ mars  1864.) 

Acte  relatif  à  l'apprentissage  de  J,-J.  Rousseau,  communiqué  par 
M.  Théophile  Dufour.  (Voyez  p.  151.) 

Séance  du  11  février  1864.  — ■  La  Suisse  et  les  Suisses  dans  les  ou- 
vrages de  M.  Thiers,  par  M.  A.  Morin,  2""^  partie. 

Renseignements  et  observations  sur  la  manière  dont  le  Conseil  gé- 
néral de  Genève  fonctionnait  dans  le  quinzième  siècle,  par  M.  A.  Roget. 


149 

Règles  suivies  par  les  anciens  architectes  dans  la  construction  des 
églises,  par  M.  Archinard. 

Séatice  du  25  février  1804.  —  Note  sur  les  carreaux  de  faïence  pour 
poêles,  par  M.  Hammann. 

Notice  biographique  sur  Adolphe  Lullin,  par  M.  Ch.  Eynard. 

Communications  de  M.  Hammann  sur  les  marques  de  maisons;  de 
M.  A.  RoGET  sur  la  chronique  de  Valerius  Anshelm  ;  et  de  M.  Gosse  sur 
les  antiquités  données  au  Musée. 

Séance  du  10  mars  186i. — Lettres  de  Pierre  de  la  Baume  à  Besançon 
Hugues,  extraites  des  Archives  de  Turin  et  communiquées  par  M.  Merle 
d'Aubigné. 

Fragments  extraits  du  régeste  genevois,  par  MM.  Lullin-Dunant 
et  Ch.  Le  Fort. 

Analyse  de  la  chronique  de  Geoffroi  de  Villehardouin,  par  M.  Chaix. 

Fouilles  à  la  Croix-de-Rozon,  rapport  de  M.  L.  Micheli. 

Demandes  de  pasteurs  faites  au  gouvernement  bernois  dans  le  sei- 
zième siècle,  par  des  Églises  françaises,  notice  de  M,  Th.  Claparède. 
(Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  du  protestantisme  français,  XIII,  126.) 

Séance  du  24  mars  1864. —  Les  Genevez,  par  M.  Louis  Dufour. 
(Voy.  p.  83.) 

Mémoire  de  M.  de  Bellegarde,  ambassadeur  du  duc  de  Savoie 
Charles  III,  à  l'empereur  Charles  V,  en  1530,  communication  de  M. 
Merle  d'Aubigné. 

Deux  visites  à  Nicolas  de  Flue,  relations  de  Jean  de  Waldheim  et 
d'Albert  de  Bonstetten,  traduites  par  M.  Ed.  Fick, 

Note  sur  les  fouilles  de  Piobenhausen,  par  M.  Thioly. 

Communications  de  M.  Gosse  sur  les  fouilles  des  Eaux-Vives,  et 
sur  les  objets  donnés  au  Musée. 

Les  cachets  de  Calvin,  par  M.  Hammann. 

Séance  du  28  avril  1864.  —  Coup  d'œil  sur  les  types  des  monnaies 
russes  au  moyen  âge,  par  M.  Fr.  Seguin. 

Etudes  archéologiques  sur  la  Rhétie,  par  M.  Hammann. 

Note  sur  un  évêché  dont  le  siège  aurait  été  à  Nyon,  par  M.  Ch. 
Le  Fort. 

Communications  de  M.  Gosse  sur  les  habitations  lacustres  des  Eaux- 
Vives  et  sur  les  nouvelles  acquisitions  du  Musée. 

Inventaire  des  meubles  de  la  Seigneurie  laissés  en  1630  par  le  sau- 


150 

tier  Mestrezat  à  son  successeur,  communiqué  par  M.  Th.  Heyer.  (Voyez 
p.  153.) 

Lettre  de  François  I*^'"  aux  syndics  de  Genève,  en  1534,  communi- 
quée par  M.  RoGET. 

Séance  du  12  mai  1864.  —  Extraits  de  la  correspondance  des  députés 
genevois  à  Berne  en  t53S,  d'après  des  manuscrits  appartenant  à  M.  le 
professeur  Galiffe,  par  M.  Am.  Roget. 

Les  princesses  de  Portugal  cà  Genève  (dix-septième  siècle) ,  par  M. 
Th.  Heyer. 

Notice  sur  des  pierres  milliaires  récemment  découvertes,  par  M.  Aug. 
TuRRETTiNi.  (Voyez  p.  113.) 

Renseignements  sur  la  mort  de  Calvin,  communiqués  par  M.  Ch. 
Le  Fort. 


Rôle  «le  ceux  que  furent  taiés  à  l'Escalade ,  extrait 
des  registres  mortuaires*. 

Nob.  Jean  Canal,  seigneur  conseiller,  âgé  de  60  ans  ;  mort  des 
playes  reçues  de  nos  ennemis  en  l'assaut  qu'ils  nous  firent  par  surprise, 
près  la  Porte-Neuve,  sur  les  4  heures  du  matin. 

Nob.  Jean  Vandel,  citoyen,  âgé  de  60  ans,  du  200,  mort  de  même 
cause  et  à  la  même  heure,  près  de  la  muraille  de  la  dite  porte. 

Nob.  Louis  Bandière,  citoyen,  du  200  en  1590  et  du  LX.àgé  de  45 
ans,  mort  près  de  l'Horloge  de  la  Monnoye. 

Hon.  Nicolas  Bogueret,  maître  architecte,  bourgeois,  âgé  de  65 
ans,  mort  vers  le  milieu  de  la  montée  de  la  Porte-Neuve  à  la  Treille. 

Hon.  Pierre  Cabriol,  marchand,  citoyen,  âgé  de  36  ans,  mort  près 
de  la  Corraterie  (du  200  en  1594). 

^  On  connaît  les  noms  des  victimes  de  Ja  nuit  de  TEscalade  :  ils  sont  ins- 
crits sur  le  petit  monument  placé  dans  l'ancien  cimetière  de  St-Gervais. 
Mais  le  registre  des  décès  renferme  sm'  leur  âge,  leur  profession,  etc.,  des 
renseignements  dignes  d'intérêt.  Le  volume  original  des  registres  mor- 
tuaires pour  l'année  1602  étant  actuellement  égaré,  nous  reproduisons  une 
copie  contenue  dans  un  recueil  manuscrit  qui  appartenait  à  M.  Rocca  et  qui 
a  été  donné  à  la  Société  d'Histoire  par  M.  le  D'  Butini.  Cette  copie  date  de 
1813. 


151 

Maître  Michel  Monard,  tailleur  d'habits,  habitant,  âgé  de  40  ans, 
mort  près  de  la  Corraterie. 

Maître  Jean  Guignet,  cordouannier,  habitant,  âgé  de  55  ans,  mort  en 
la  descente  Tartasse. 

Nob.  Marc  Cambiago,  citoyen,  âgé  de  25  ans,  près  de  la  Porte- 
Neuve. 

Hon.  Daniel  Humbert,  marchand  drapier,  citoyen,  âgé  de  22  ans, 
mort  près  de  la  Corraterie. 

Nob.  Louis  Gallatin,  citoyen,  marchand,  âgé  de  28  ans. 

Hon.  Abraham  de  Baptista,  citoyen,  serviteur  chez  le  citoyen  Peaget, 
âgé  de  25  ans,  mort  en  la  maison  de  son  dit  maître,  près  la  Corraterie, 
en  même  temps. 

Jean -Jaques  Mercier,  marchand  passementier,  bourgeois,  âgé 
de  30  ans,  mort  de  même  cause,  sur  les  7  heures  du  matin,  chez  Sire 
André  Charnier,  rue  de  la  Grande-Boucherie,  où  il  avait  été  porté. 

Hon.  Philippe  Poteau,  confisseur,  habitant,  âgé  de  35  ans,  mort 
sous  l'arcade  de  la  Monnoye. 

Hon.  Martin  de  Bolo,  habitant,  imprimeur,  âgé  de  36  ans,  mort 
près  la  Porte-Neuve. 

Hon.  Jaques  Petit,  habitant,  âgé  de  41  ans,  mort  à  la  Corraterie. 

Hon.  François  de  Bossard-Gex,  dit  le  Grand-François,  veloutier, 
habitant,  âgé  de  40  ans.  mort  entre  les  murailles  et  jardins,  lieu  du  combat 
et  grand  effort  de  l'ennemi. 

Hon.  GÉRARD  Mousi ,  habitant,  masson,  âgé  de  25  ans,  mort  des 
blessures  reçues  des  ennemis,  le  12  de  ce  mois. 

{Rôle  des  magistrats  de  Genève  et  autres  pièces  transcnles  en  1813^ 
in-4,  n"  XHI.) 


Convention   entre    Isaac  Rousseau  et  Abel  Dw 
Commun,  à  l'occasion  «le  la  fuite  de  Jean- Jacques  • 

M.  Théophile  Dufour  a  trouvé  aux  Archives  l'acte  suivant  passé  entre 
le  père  de  Piousseau  et  son  patron  Du  Com.mun,  et  destiné  à  fixer  les  obli- 
gations des  deux  contractants  dans  le  cas  où  le  jeune  déserteur  ne  revien- 
drait pas  à  Genève  terminer  son  apprentissage. 

«  Du  30  mars  1728,  après  midi.  Personnellement  se  sont  établis  les 


/ 


152 

«  Sieurs  Isaac  Rousseau,  d'une  part,  et  le  Sieur  Abel  Du  Commun,  tous 
«  deux  citoyens,  d'autre,  lesquels  de  gré,  toutes  mutuelles  stipulations 
«  et  acceptations  à  ce  intervenant,  ont  dit  et  déclaré  avoir  traité  en  la 
«  manière  suivante  à  l'occasion  de  la  désertion  du  Sieur  Jean-Jaques 
a  Rousseau,  fils  du  dit  Sieur  Isaac,  qui  était  en  apprentissage  chez  le 
<i  dit  Sieur  Du  Commun,  sous  le  cautionnement  du  Sieur  Gabriel  Bernard 
«  comme  porteur  de  procure  du  dit  Sieur  Rousseau,  savoir,  que  si  le  dit 
«  apprenti  revient  dans  le  terme  de  quatre  mois  à  commencer  dés  ce- 
«  jourd'huy,  qu'il  retournera  chez  le  dit  Sieur,  son  maître,  pour  y  finir 
«  son  dit  apprentissage,  suivant  l'acte  *  qui  en  a  été  passé  par-devant  Maître 
«  Choisy,  notaire,  et  au  cas  que  le  dit  apprenti  ne  vienne  pas  dans  le 
«  susdit  temps,  le  dit  Sieur  Rousseau  devra  payer,  ainsi  qu'il  s'oblige 
'.:  de  faire,  au  dit  Sieur  Du  Commun  la  somme  de  vingt-cinq  écus  blancs  * 
«  pour  tous  dépens,  dommages  et  intérêts;  ce  étant  réglé  entre  les  par- 
ti ties,  moyennant  quoi  le  dit  acte  d'apprentissage  restera  nul  et  comme 
î  non  avenu,  et  le  dit  Sieur  Bernard,  aussi  bien  que  les  dits  Sieurs 
a  Rousseau  père  et  fils,  demeureront  entièrement  quittes  et  déchargés  de 
«  toutes  recherches,  ce  que  les  dites  parties  ont  promis  d'observer  par 
<i  serment,  à  peine  de  tous  dépens,  aux  obligations  de  leurs  biens  présents 
ï  et  à  venir,  soumissions  à  toutes  cours,  constitutions  des  dits  biens, 
«  renonciations  à  tous  droits  contraires  et  autres  clauses  requises.  Fait 
«  et  prononcé  au  dit  Genève,  en  mon  Etude,  à  ce  présents  Sieurs  David 
«  PiivaP  et  Etienne  Bertrand,  natifs,  témoins  requis  qui  ont  signé  avec 
«  les  parties.  »  (Signé)  Isaac  Rousseau ,  Abel  Du  Commun,  D.  Rival, 
E.  Bertrand,  Rilliet,  notaire. 

(Minutes  de  J.-A.  Rilliet,  vol'  de  1725  à  1728,  fol.  439  et  440.) 

'  M.  de  Grenus  a  publié  cet  acte  dans  ses  Glanures,  n"  5,  pages  H7-H9. 

-  Soit  florins  162  6  ^  ou  un  peu  plus  de  121  francs. 

"  Peu  de  temps  après,  le  même  David  Rival  accompagna  Isaac  Rousseau 
qui  se  mettait  à  la  recherche  de  son  lils.  «  Le  lendemain  de  mou  départ 
«  d'Annecy,  »  dit  Jean-Jacques,  «  mon  père  y  arriva  courant  à  ma  piste  avec 
«  un  31.  Rival,  son  ami,  horloger  comme  lui,  homme  d'esprit,  bel  esprit 
«  même,  qui  faisait  des  vers  mieux  que  La  Motte  et  parlait  presque  aussi 
«  bien  que  lui,  de  plus  parfaitement  honnête  liomme,  mais  dont  la  littéra- 
«  ture  déplacée  n'aboutit  qu'à  faire  un  de  ses  fils  comédien,  r-  Confessiotis, 
hvre  II. 


153 


mémoire  de  ce  f|ui  a  esté  remis  à  IVob.  Iflicliel 
Killiet,  par  ]\ob.  Gasiiard  Mestrezat,  sautier,  de 
ee  «lui  appartient  à  la  Seignetirie. 

Premièrement  deux  cussinets  de  velours  violet,  figurés. 

Item  quatre  cussinets  de  velours  rouge,  figurés. 

Item  un  grand  tapis,  façon  de  turquie,  avec  les  armes  de  la  Sei- 
gneurie. 

Item  un  autre  grand  tapis  de  Turquie. 

Item  un  autre  beau  tapis  de  Turquie  pour  une  table  ronde. 

Item  les  tapisseries  lorsque  l'on  tait  justice. 

Item  le  grand  escritoire  d'or  qui  se  porte  en  général  '. 

Item  luy  ont  esté  remis  les  deux  bibles  qui  sont  en  la  salle  du  Conseil. 

Item  le  tapis  qui  est  ordinairement  sur  la  table  de  Messieurs  les  Sin- 
dicques. 

Item  six  grandes  semaizes. 

Item  quatre  semaizes  moyennes. 

Item  deux  tables  de  noyer,  assavoir  l'une  en  la  chambre  des  Appella- 
tions et  l'autre  qui  estoyt  autrefois  en  la  chambre  des  Appellations, 
marquettée  dessus. 

Item  la  boitte  du  seau  avec  le  seau  d'argent  qui  sert  pour  seller  au 
sautier. 

Item  un  escusson  d'argent  avec  les  armoiries  de  la  Seigneurie  pour  bail- 
ler aux  officiers  qui  sont  envoyez  en  Suisse  et  ailleurs. 

Item  une  seringue  ^  de  Lotton  marquée  de  la  marque  de  la  Seigneurie . 

Item  un  tappis  de  fleuret  servant  au  poile  des  Appellations. 

Je  soussigné,  confesse  avoir  receu  de  M.  Gaspard  Mestrezat  les  meu- 
bles ci  dessus  mentionnez,  ce  premier  Janvier  1630.     (Signé)  Rilliet. 
(Extrait  du  Registre  de  la  Chambre  des  Comptes,  n°  2,  /""  2'/8.) 

*  C'est-à-dire  au  Conseil  généra!,  qui  se  réunissait  alors  dans  la  cathédrale. 
-  II  s'agit  probablement  d'une  petite  pompe  à  incendie  que  Ton  gardait 
dans  l'hôtel  de  ville. 


154 


Ouvrages  sur  l'Histoire  de  Genève  antérieure 

à  1999. 

Fubliés  du  l^'' janvier  1863  au  30  juin  1864  '. 
I.  OUVRAGES  GÉNÉRAUX. 

F.  Frogerays.  Genève  ancienne  et  moderne.  Indicateur  genevois  et 
guide  des  étrangers,  Genève,  1864  ;  167  p.  in-12.  Châteauvieux. 

PiGTET  DE  Sergy,  Genève  ancienne  et  nouvelle.  Etude  d'histoire  na- 
tionale. Genève,  Bonnant,  1864  ;  SO  p.  in-8. 

H.  Fazy.  Catalogue  du  Musée  cantonal  d'archéologie  de  Genève.  — 
Genève  1863,  in-8. 

A.  Archinard.  Les  Édifices  religieux  de  la  vieille  de  Genève.  1  vol. 
in-8,  356  p.  Genève,  1864. 

Th.  Heyer.  Notice  sur  les  médaillons  de  l'Athénée.  (Extrait  du  bulle- 
tin de  la  Classe  d'industrie.)  Br.  in-8. —  Courtes  notices  biographiques. 

John  Jullien.  Histoire  de  Genève  racontée  aux  jeunes  Genevois.  Troi- 
sième et  dernière  partie.  Genève,  1863. 

II.  MOYEN  AGE. 

Recueil  des  Franchises  et  Lois  municipales  des  principales  villes  de 
l'ancien  diocèse  de  Genève,  avec  introduction,  par  MM.  P.  Lullin  et 
Ch.  Le  Fort.  (M.  D.  G.  XIII,  2«  partie,  xxviii  et  248  p.) 

Jules  Vuy.  Chartes  inédites,  avec  un  avant-propos  et  des  notes. 
(Ces  documents  sont  au  nombre  de  douze.)  Mém.  de  l'Institut  national 
genevois,  tome  IX.  Genève,  1864. 

Recueil  diplomatique  du  canton  de  Fribourg.  VII^  cahier.  Fribourg, 
1863. —  Renferme  quatre  documents  de  l'année  1429,  concernant  les 
relations  commerciales  entre  Genève  et  Fribourg,  constatant  en  particu- 
lier l'existence,  dans  cette  dernière  ville,  d'une  halle  de  Genève. 

Sammlungder  ailtern  eidgenôssischen  Abschiede.  2''Band,  von  Segesser, 
1421  à  1477.  —  Ce  volume,  comprenant  toute  la  période  des  guerres  de 
Bourgogne,  renferme  un  grand  nombre  de  documents  sur  la  position  de 
Genève  à  cette  époque  et  ses  relations  avec  les  Suisses. 

•  Nous  continuons  ici,  en  cherchant  à  le  rendre  plus  complet,  l'essai  de 
bibliographie  historique  genevoise  commencé  dans  un  précédent  volume. 
Voy.  t.  XIII,  partie  I'%  p.  139,  pour  les  ouvrages  publiés  de  1860  à  1862. 


155 


lïl.  SEIZIEME  SIECLE. 

(On  a  compris,  sous  cette  rubrique,  les  ouvrages,  discours,  etc.,  pu- 
bliés à  l'occasion  du  300°  anniversaire  de  la  mort  de  Calvin.) 

Amédée  Roget.  Les  Suisses  et  Genève  ou  l'émancipation  de  la  com- 
munauté genevoise  au  seizième  siècle.  Tome  I.  Genève,  1864;  in-12. 
Jullien  frères. 

La  chronique  du  marchand  de  Genève,  avec  Notice  préliminaire,  par 
Gustave  Revilliod.  (M.  D.  G.  XIII,  I''"  part.,  p.  23  à  29.) 

G.  GoGUEL.  Le  réformateur  de  la  France  et  de  Genève,  Jean  Calvin, 
sa  famille,  son  caractère,  etc.  Toulouse,  1863.  Un  vol.  in-12. 

Gaberel.  Les  grands  jours  de  l'Eglise  réformée.  Quatre  conférences, 
br.  in-18  ;  101  p.  Genève,  1863. 

Baum.  Calvini  opéra  quœ  supersunt  omnia.  Ad  fidem  edit.  principum  et 
authent.  ex  parte  etiam  codicum  manuscriptorum,  additis  Prolegomenis 
litterariis,  annotationibus  criticis,  annalibus  calvinianis  indicihusque  novis 
et  copiossisimis  ediderunt  G.  Baum,  F.  Ciinitz,  E.  Reiiss.  Vol.  I,  cum 
Calvini  effigie;  in-i»;  1863.  Vol.  II,  1864. 

M.EHLY  (Jakob).  Sébastian  Castallio.  Ein  biographischer  Versuch  nach 
den  Quellen.  In-8;  151  p.  Basel,  1863.  Ce  volume  renferme  deux  cha- 
pitres sur  le  séjour  de  Castellion  à  Genève  et  ses  discussions  avec  Calvin, 

E.  St^helin.  Johannes  Calvin,  Leben  und  ausgewahlte  Schriften. 
2  vol.  in-8.  Elberfeld,  1863. 

Galiffe.  Neuestes  ûber  Calvin.  Brochure  in-8,  43  pages.  Frankfurt, 
1863.  (Extrait  et  traduit  de  :  Quelques  pages  d'histoire  exacte,  etc., 
par  M.  Thudichum.) 

Merle  d'Aubigné.  Histoire  de  la  Réformation  en  Europe  aux  temps 
de  Calvin.  Tome  III.  France,  Suisse,  Genève.  —  Paris,  1864  ;  in-8. 

Galiffe.  Nouvelles  pages  d'histoire  exacte,  soit  le  procès  de  Pierre 
Ameaux  et  ses  incidents,  etc.,  1346.  Genève;  116  pages  in-4,  dans  Mé- 
moires de  l'Institut  national  genevois,  tome  IX.  —  Tiré  h  part  en  petit 
nombre. 

Mœrikofer  (J.-C).  Bilder  aus  dem  kirchlichen  Leben  derSchweiz. 
Petit  in-8.  Leipzig,  1864.  Contient  les  articles  suivants  sur  Genève  :  Ge- 
nève à  l'époque  romaine.  —  Le  christianisme  chez  les  Burgondes.  —  Les 
Églises  de  la  Suisse  romande.  —  Genève  et  Calvin.  —  Viret,  Bèze,  Fa- 
rel.  — •  Les  réfugiés  français  en  Suisse. 


156 

Fleury  (l'abbé).  Le  clergé  catholique  et  les  ministres  pendant  les  pestes 
à  Genève.  Paris,  1864,  in-8. 

Fleury  (l'abbé).  Saint-François  de  Sales,  le  Père  Chérubin  et  les  mi- 
nistres de  Genève.  Paris,  1864,  in-8. 

Klemme  (F.)  Das  Leben  Johann  Calvin's.  în-8  ;  50  pages.  Kassel, 
1864. 

Zahn  (Âdolph).  Die  Zœglinge  Calvin's  in  Flalle  an  der  Saale.  In-8  ; 
172  pages;  un  portrait  et  deux  vues.  Halle,  1864. 

Pressel  (P.)  Johann  Calvin.  Ein  evangelisches  Lebensbild.  In-8  ; 
263  pages;  portrait.  Elberfeld,  1864. 

Vie  de  Jean  Calvin,  par  Th.  de  Béze.  Nouvelle  édition,  publiée  et  an- 
notée, par  A.  Franklin.  1  vol.  in-18.  Paris,  1864.  —  Voyez  sur  cet  ou- 
vrage :  A.  RiLLiET.  Bibliographie  de  la  vie  de  Calvin  par  Théodore  de 
Bèze.  Correspondance  littéraire,  25  mars  ^864,  p.  138.  — Lettre  au 
sujet  de  la  vie  de  Calvin,  par  Théodore  de  Bèze,  par  M.  Chauffour- 
Kestner.  Même  recueil,  p.  178. 

Jules  Bonnet.  Récits  du  seizième  siècle,  contenant  :  Derniers  jours  de 
Lefèvres  d'Etaples,  —  Calvin  au  Val  d'Aoste,  —  Les  Amitiés  de  Calvin, 
—  Juan  Diaz,  —  La  famille  de  Curione,  —  Lettres  familières  de  Calvin. 
1  vol.  in-18.  Paris,  1864;  359  pages. 

G.  DE  FÉLiCE.  Histoire  des  Synodes  nationaux  des  Églises  réformées 
de  France.  —  Fait  connaître  les  rapports  de  ces  Églises  avec  celle  de 
Genève , 

C.-O.  ViGUET  et  D.  TissoT.  Calvin  d'après  Calvin.  Fragments  ex- 
traits des  Œuvres  françaises  du  Réformateur.  In-8,  comprenant  :  des 
Autobiographies  (I-V)  ;  des  Exégèses  (I-VI)  ;  des  Sujets  dogmatiques 
(1-X)  ;  des  Sermons  (I-XVHI),  dont  3  inédits  ;  un  choix  de  Pensées  ;  des 
fragments  apologétiques  et  polémiques,  et  des  Prières.  Orné  d'un  fac-si- 
milé et  de  deux  sceaux.  Genève,  1864. 

F.  PuAux.  Vie  de  Calvin.  Avec  seize  portraits.  Paris  et  Genève,  1864  ; 
in-12. 

F.  BuNGENER.  Calvin.  Quelques  pages  pour  la  jeunesse  à  l'occasion  du 
27  mai  1864.  In-18.  Genève,  1864. 

Récit  de  la  dernière  maladie  et  de  la  mort  de  M.  Jean  Calvin,  ministre 
de  la  parole;  de  Dieu  en  l'Église  de  Genève,  par  un  témoin  oculaire  ;  re- 
mis au  jour  dans  un  style  intelligible  à  tous  et  publié  pour  le  27  mai 
1864.  Brochure  in-12;  39  pages.  Genève,  Georg,  éditeur.  —  Extrait  de 
la  vie  de  Calvin,  par  Théodore  de  Béze. 


157 

Procès-verbal  de  la  séance  tenue  par  la  Compaignie  des  Pasteurs  et 
Professeurs  de  l'Église  de  Genève  après  la  mort  de  M.  I.  Calvin,  le  Ven- 
dredy  S»"  iour  de  Juing  1561.  —  Brochure  in-4,  imprimé  par  J.-G. 
Fick  et  publié  par  M.  Sués-Ducommun  à  l'occasion  du  troisième  Jubilé 
séculaire  de  la  mort  de  Jean  Calvin,  27  mai  1564. 

Caluin.  Trailté  des  Reliqves.  —  Autre  traitté  des  reliqves  contre  le 
décret  du  Concile  de  Trente,  traduit  du  latin  de  M.  Chemnicius.  —  In- 
ventaire des  Reliqves  de  Rome,  mis  d'italien  en  françois.  —  Response  aux 
allégations  de  R.  Bellarmin  pour  les  Reliques.  In-12-,  24  et  232  pages 
(Genève,  1863).  (Réimpression  fidèle  de  l'édition  de  1599,  par  les  soins 
de  G.  Revilliod.) 

Frœhlich  (A.-E.).  Joliannes  Calvin.  Zehn  Gesânge  zu  dessen  300 
jahriger  Todesfeier.  In-12  ;  255  pages.  Zurich,  1864. 

Calvin  (Pensées  de).  In-8  ;  35  pages.  Genève,  1864. 

Calvin  et  les  Genevois,  ou  la  vérité  sur  Calvin.  1864;  55  pages  in-8. 

[L'abbé  Fleury].  Calvin  à  Genève.  Quelques  pages  de  sa  vie  à  l'occa- 
sion du  300"»*'  anniversaire  de  sa  mort.  Par  un  Genevois.  Genève, 
1864;  128  pages  in-8. 

Grœn  van  Prinsterer.  La  Hollande  et  l'influence  de  Calvin.  27  mai 
1864;  in-8;  35  pages.  Amsterdam,  1864. 

Correspondance  des  réformateurs  dans  les  pays  de  langue  française,  re- 
cueillie et  publiée  avec  d'autres  lettres  relatives  à  la  Réforme  et  des  notes 
historiques  et  biographiques,  par  A.-L.  Hermirijard,  Prospectus  et  Spé- 
cimen. In-8.  Genève,  1864. 

A.  RiLLiET.  Lettre  à  M.  Merle  d'Aubigné  sur  deux  points  obscurs  de 
la  vie  de  Calvin  :  1°  De  la  première  édition  de  l'Institution  chrétienne; 
2°  du  voyage  de  Calvin  en  Italie  et  de  son  arrivée  à  Genève.  Brochure 
in-8.  Genève,  1864. 

Fleury  (l'abbé).  Courte  réponse  aux  dernières  attaques  contre  la  bro- 
chure :  Calvin  à  Genève. 

C.-O.  Viguet.  Etude  sur  le  caractère  distinctif  de  Jean  Calvin.  Bro- 
chure in-8.  Genève,  1864. 

Fritzsche  (Prof.  0. -F.).  Calvin. GedaechtnissredeimNamendertheolog. 
Facultset  in  Zurich  bei  der  Feier  des  300joehrigcn  Todestages  J.  G., 
27  mai  1864.  In-8  ;  28  pages.  Zurich,  1864. 

Merle  d'Aubigné.  Enseignement  de  Calvin  pour  le  temps  actuel,  ou 
glorifier  Christ,  pensée  souveraine  du  Réformateur.  Discours  prononcé  le 
27  mai  1864.  In-8;  31  pages.  Genève,  1864. 


158 

Calvin.  Cinq  discours  prêches  à  Genève  le  29  mai  1864,  par  MM.  01- 
tramare,  Coulin,  Tournier,  Bungener  et  Gaberel.  In-12;  127  pages.  Ge- 
nève, 1864. 

Le  300*^  anniversaire  de  la  mort  de  Calvin  célébré  à  l'église  de  l'Ora- 
toire, à  Paris,  les  27  et  28  mai  1864.  Deux  conférences,  par  G.  de 
Félice. 

IV.  DlX-SEPTlÉME  ET  DIX-HUITIÉME  SIÈCLES. 

Th.  Heyer.  Souvenirs  historiques  de  la  famille  Godefroy,  spécialement 
sur  Denis  Godefroy,  professeur  de  droit.  (M.  D.  G.,  Xlll,  l'"<=  partie,  pages 
132  à  137.) 

Relation  du  voyage  de  Jean  Diodati  à  Venise  en  1706,  publiée  avec  in- 
troduction par  Eug.  DE  BuDÉ.  (Extrait  de  la  Semaine  religieuse.)  Genève, 
brochure  in-8. 

Lettres  trouvées.  Pages  historiques  sur  un  épisode  de  la  vie  de  Jean 
Diodati.  —  Publiées  par  Ph.  Plan.  Brochure  in-18,  imp.  par  J.-G.  Fick. 
Genève,  1864. 

Th.  Heyer.  Deux  députations  genevoises  auprès  des  provinces  unies 
des  Pays-Bas  durant  le  dix-septième  siècle,  avec  pièces  justificatives. 
(M.D.  G.,  XIII,  1«  partie,  p.  40  à  113.) 

Fréd.  SoRET.  La  plus  ancienne  monnaie  décimale  de  Genève.  (Mém. 
Doc.  Gen.,  XIII,  p.  1  à  22.) 

Fontaine  (Claudius).  Recherches  historiques  sur  Versoix.  —  40  pages 
in-4.  Genève,  1863. 

D"'  A.-J.  DuvAL.  Compte  rendu  des  travaux  de  la  Société  médi- 
cale de  Genève  pendant  l'année  1862,  précédé  d'une  Notice  hiographique 
sur  les  sociétés  de  médecine  à  Genève,  de  1713  à  nos  jours.  Genève,  im- 
primerie Ramboz  et  Schuchardt,  1863;  brochure  in-8. 

Archinard.  Genève  ecclésiastique,  etc.  —  Supplément  renfermant  en- 
tre autres  la  liste  des  pasteurs  des  Églises  étrangères  établies  à  Genève, 

Lutscher  (L.).  Notice  sur  la  destruction  de  l'Église  allemande  réfor- 
mée de  Genève  et  sur  les  moyens  de  la  rétablir.  In-8,  58  pages.  Genève, 
1864.  —  Contient  des  données  sur  l'origine  et  le  développement  de  cette 
Église  aux  dix-septième  et  dix-huitième  siècles. 

B.  Studer  Geschichte  der  physischen  Géographie  der  Schv^^eiz  bis 
1815.  Berne  et  Zurich,  1863  ;  in-8.  —  Renferme  des  notices  ou  rensei- 
gnements biographiques  sur  un  grand  nombre  de  naturalistes  genevois, 
ainsi  que  l'appréciation  de  leurs  travaux. 


159 


Ouvrages  re^us  par  la  Société. 

A 

Publications  des  Sociétés  historiques  et  recueils  périodiques. 

Mittheilungen  der  antiquarischen  Gesellschaft  in  Zurich.  Band  XIV, 
3te8  und  4'es  Heft.  B.  XV,  l^es  Heft. 

Archiv  des  historischen  Vereins  des  Kantons  Bern.  V,  3'«»,  h,^'^^  und 
b*"  Heft. 

Actes  de  la  Société  jurassienne  d'Emulation.  —  XII«  et  XIII"  années. 
1861  et  1862.  8°. 

Der  Geschichtsfreund.  XIX'"  und  XX^^r  Band.  Einsiedeln,  1863  et 
1864.  8°. 

Beitrâge  zur  vaterlandischen  Geschiclite.  Herausgegeben  vom  histo- 
risch-antiquarischen  Verein  des  Kantons  Schaffhausen.  1863.  8'*. 

Argovia.  Jahresschrift  der  historischen  Gesellschaft  des  Kantons  Aargau. 
Jahrgang  1862—1863.  9,\ 

Thurgauische  Beitrâge  zur  vaterlandischen  Geschichte.  4^"^^  und  5'*» 
Heft. 

Beitrâge  zur  vaterlandischen  Geschichte.  Herausgegeben  vom  histori- 
schen Vereine  in  St.  Gallen.  8°. 

Neujahrsblatt  fur  1864.  Das  Kloster  in  St.  Gallen.  2t«>-  Theil.  (Publié 
par  la  même  société.) 

Rœlia.  Mittheilungen  der  geschichtsforschenden  Gesellschaft  von  Grau- 
biinden.  Herausgegeben  von  Conradin  von  Moor  und  Chr.  Kind.  Chur, 
1863. 

Mémoires  et  Documents  publiés  par  la  Société  d'histoire  de  la  Suisse 
romande.  Tome  XVIII,  2^  livraison;  tome  XIX,  2^  livraison. 

Mémoires  de  l'Institut  national  genevois.  Tomes  I  à  IX;  in-4o. 

Bulletin  de  l'Institut  national  genevois.  Tomes  1  à  X,  soit  n"»!  à  19  ; 
tome  XI,  n°s  20  et  21  ;  in-8. 

Annuaire-Bulletin  de  la  Société  pour  l'histoire  de  France,  r®  partie, 
1863  à  1864.  Feuilles  1  à  6. 

L'Institut.  Section  des  sciences  historiques=  1863  et  1864,  janvier  à 
juin. 

Bulletin  de  la  Société  des  antiquaires  de  Picardie.  1863,  n'^'  i,  2,  3 
et  4;  1864,  n»  1. 

Mémoires  de  la  Société  des  antiquaires  de  l'Ouest.  Année  1862  ;  in-S». 


160 

Bulletin  des  sciences  historiques  et  naturelles  de  l'Yonne.  16^  vol.,  3® 
et  A"  trimestres  ;  17°  vol.,  l^''  à  4«  trimestres  ;  18<=  vol.,  l^""  trimestre. 

Société  des  sciences  de  l'Yonne.  —  Rapport  sur  le  concours  pour  le 
prix  Crochot. 

Mémoires  de  la  Commission  des  antiquités  du  département  de  la  Côte- 
d'or.  Tome  VI,  K^  livraison. 

Bulletin  de  la  Société  pour  la  conservation  des  monuments  historiques 
d'Alsace.  Première  série,  tomes  I^"",  II  (l'^  2'' et  3°  livraison),  III  et  IV. 
Seconde  série,  tomes  I  (1''^,  2»  et  3^  livraisons),  H  (l"  livraison). 

Bulletin  de  la  Société  d' émulation  du  département  de  l'Allier.  Tomes 
I^i-  à  VII.  Moulins. 

Fragments  du  cartulaire  de  la  Chapelle-Aude,  recueillis  et  publiés  par 
M.  Chazaud.  (Publication  de  la  Société  d'émulation  de  l'Allier.) 

Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  l'Orléanais.  Tome  VI. 

Bulletin  de  la  même  société.  N^^  42  à  44. 

Publications  de  la  Société  archéologique  de  Montpellier.  N^^  27,  28, 
29  et  30. 

Revue  savoisienne.  N^^  dn  15  mars  1863  au  15  août  1864. 

Mémoires  et  Documents  publiés  par  la  Société  savoisiemie  d'histoire  et 
d'archéologie.  Tome  VII. 

Mémoires  de  l'Académie  impériale  de  Savoie.  2^  série,  tomes  l^""  à  V. 
Documents,  tomes  I  et  H. 

Procès  de  François  Anneessens ,  doyen  du  corps  des  métiers  de  Bru- 
xelles, publié  par  Galeesloot.  Tome  II.  1863.  (Publication  de  la  Société 
d'histoire  de  Belgique.) 

Mémoires  sur  Emmanuel  deLalaing,  baron  de  Montigny;  avec  notices 
et  annotations  par  feu  J.-B.  Blaes.  Bruxelles,  1862.  {Idem.) 

Mémoires  de  Francisco  de  Enzinas,  publiés  avec  avec  notices  et  anno- 
tations par  Ch.-Al.  Carapan.  2«  vol.  Bruxelles,  1863.  {Idem.) 

Mémoires  de  la  Société  libre  d'émulation  de  Liège.  Nouvelle  série. 
Tomes  I"  et  II. 

Annuaire  de  la  Société  libre  d'émulation  de  Liège  pour  l'année  1864. 

Revue  de  la  numismatique  belge.  4«  série.  Tomes  I*^""  et  II  (1'°  et  2« 
livraisons). 

Publications  de  la  Société  d'histoire  à  Utrecht  :  Berigten  VII ,  feuilles 
22  à  33.  Kronijk.  1862,  fl.  22  à  33  ;  1863,  fl.  1  à  18.  —  Verbaal 
van  de  Buitengewone,   ambassade  van  Jacob  von  Wassenaar-Duinen- 


161 

voonle,  Arnoiit  van  Citters  en  Everard  van  Veede,    Yan  Dijkveld  naar 
Kngeland  in  1685. 

De  Wiquefort.  Histoire  des  provinces  unies  des  Pays-Bas  depuis  le 
parfait  établissement  de  cet  Etat  jusqu'à  la  paix  de  Miinster.  (Publié  au 
nom  de  la  Société  d'histoire  à  Utrecht  par  Lenting,  D""  en  d.  Tome^'\) 

Anzeiger  fôr  Kunde  der  deutschen  Vorzeit.  Organ  des  germanischen 
Muséums.  Février  1863  à  juin  1864. 

Verhandlnngen  des  historischen  Vereins  von  Oberpfalz  und  Regensburg. 
21»er  und  22'cr  Band.  Regensburg,  1862  und  1863. 

Archiv  fur  Kunde  der  ôsterreichischen  Gescbichtsquellen  T.  XXVIII, 
2«;  XXIX,  1e'•et2^ 

Mittheilungen  des  historischen  Vereins  fïir  Steiermark.  i'i^'^^lMt. 

Zeitschrift  des  Ferdinandeums  fur  Tyrol  und  Voralberg.  IIP*^  Folge, 
lis*  Ijgft_  —  Ferdinandeum.  —  Rechnungsausweis  und  Personalstand 
am  1.  Januar  1863, 

Sitzungsberichte  der  kônigl.  bôhraischen  Gesellschaft  der  Wissenschaf- 
ten  in  Prag.  Jahrcang  1863.  2br.  in-S". 

Transactions  of  the  historié  Society  of  Lancashire  and  Cheshire.  Années 
1859—1862,  vol.  XII.  XIII  et  XIV. 

Annual  report  of  the  Sraithsonian  Institution  for  1862.  Washington, 
1863. 

First  and  second  Report  of  a  geological  reconnaissance  of  the  northern 
countries  of  Arkansas,  made  during  the  years  1857 — 1860.  Philadel- 
phia.  2  vol.  in-S".  (Envoi  de  l'Institut  Smifhsonien.) 

Compte  rendu  de  la  Commission  impériale  archéologique  pour  les  an- 
nées 1859  à  1862.  St-Petersburg.  in-fol. 

B 

Oiwrages  et  Brochures  '. 
Histoire. 

Description  de  la  Franche-Comté,  par  Gilbert,  Cousin  de  Nozeroy  (an- 
née 1550),  traduite  pour  la  première  fois  et  accompagnée  de  notes  par 
M.Achille  Chéreau.  Lons-le-Saunier,  1863.  Un  vol.  in-12o. 

*  Tous  ceux  de  ces  ouvrages  qui  ne  portent  pas  d'indication  spéciale  ont 
été  donnés  à  la  Société  par  leurs  auteurs. 

T.  XV,  r^  part.  il 


162 

Jules  Philippe.  Les  Gloires  de  la  Savoie.  Paris,  1863.  Un  vol. 
in-8». 

Ducis  (l'abbé).  La  vallée  de  Beaiifort  en  Savoie.  1864.  Br.  in-8°. 

KoRTUM.  Kônigthum,  Dienstinannschaft,  Landestlieilung.  Erster  Bei- 
trag  zur  alt-germanisclien  Verfassuiigs-Geschiclite.  Basel,  1822.  (Don 
de  M.  G.  Kùndig.) 

Arnold.  Das  Aiifkommen  des  Handwerckerstandes  ira  Mittelalter. 
Basel,  1861.  In-8°.  (Idem.) 

Die  Lieder  des  dreissigjâlirigen  Krieges,  nach  dem  Originale  abge- 
druckt.  Znm  ersten  Maie  gesammelt  von  Emil  Wellcr.  Mit  einer  Einlei- 
tiing  von  W.  Wackernagel.  (Idem.) 

Passard.  Le  Panslavisme  :  confédération  gallo-latine  et  celto-gauloise. 

L'Angleterre  avant  les  hommes,  par  Esquiros.  Notes  par  F.-L.  Pas- 
sard. 

Passard.  Culture  supposée  possible  de  l'or. 


Amtliche  Samralung  der  âltern  eidgenossischen  Âbschiede.  Zweiter 
Ban d,  von  Segesser. —  De  U21  à  1477.  4°  (Don  du  Département 
Fédéral  de  l'intérieur.) 

F.  BRœMMEL.  Ueber  die  Helvetier  und  ihr  Verhaltniss  zu  einer  âltern 
Bevolkerung  der  Schweiz,  nebst  einigen  Worten  ûber  Volkerwanderung 
und  iiber  die  Suewen.  —  Basel,  1836.  In-8°.  (Don  de  M.  Kilndig.) 

W.  Wackernagel.  Die  Verdienste  der  Schweizer  um  die  deutsche 
Litteratur.  —  Academische  Antrittsrede.  —  Basel,  1833.  In-S".  (Idem.) 

W.  ViscHER.  Lucas  Legrand.  Ein  Gelehrtenbild  aus  dem  18'^''"  Jahr- 
hundert.  Basel,  1862.  (Idem.) 

Berner  Taschenbuch  fïir  1864.  {Donné  par  M.  Ch.  Le  Fort.) 

QuiQUEREz.  Essai  sur  l'histoire  des  comtes  de  Sogren.  Berne,  1863. 
In-80. 

Recueil  diplomatique  du  canton  de  Fribourg.  Septième  année.  Fribourg. 
1863.  {Don  de  M.  Daguet.) 

Daguet.  Histoire  de  la  Société  économique  de  Fribourg.  Fribourg, 
1863. 

Fechter.  Basler  Taschenbuch  aufdas  Jalir  1864.  In-12°. 

Lausanne  dans  les  temps  anciens,  par  Piod.  Blancliet.  —  Compte  rendu 
de  M.  Freeman  (extrait  du  Salurday  Rivieiu),  broch   in-12. 


163 

L.  VuLLiEMiN.  Aimé  Steinlen.  (Don  de  M.  Ch.  Le  Fort.) 

Hio^raphie  neuchâteloise.  2  vol.  grand  in-8°.  (Donné  par  M.  Hïllïet- 
(le  Candolle.) 

Les  Suisses  et  Genève  ou  l'émancipation  de  la  communauté  genevoise 
au  XVI"'"*'  siècle,  par  Amédée  Roget.  Un  vol.  in-8. 

Le  clergé  catholique  et  les  ministres  pendant  les  pestes  à  Genève,  par 
M.  l'abbé  Fleury.  Br.  in-8°. 

S.  François  de  Sales,  le  P.  Chérubin  et  les  ministres  de  Genève,  par 
le  même.  Paris,  1864.  In-8''. 

Récit  de  la  dernière  maladie  et  de  la  mort  de  M.  Jean  Calvin.  ln-18°. 
(Don  de  M.  Kiindig.) 

D''  A.-.I.  DuvAL.  Compte  rendu  des  travaux  de  la  Société  médicale  de 
Genève  pendant  l'année  1862.  Genève,  1863.  Broch.  in-S". 

John  Jullien.  Histoire  de  Genève  racontée  aux  jeunes  Genevois.  Troi- 
sième partie.  Un  vol.  in-18'». 

A.  RiLLiET.  Lettre  à  M.  Merle  d'Aubigné  sur  deux  points  obscurs  de 
la  vie  de  Calvin. 

Ch.  Eynard.  Notice  sur  J.-G.  Eynard.  —  Genève,  1863.  Broch. 
in-80. 

Discours  prononcé  par  M.  le  colonel  Linck,  inspecteur  des  milices,  le 
31  décembre  1863,  à  l'occasion  du  50"  anniversaire  de  la  Restauration 
genevoise.  In-S».  (Don  de  M.  H.  Gosse.) 


Archéologie  et  Numismatique. 

Alex.  Bertrand.  Les  voies  romaines  en  Gaule.  Voies  des  itinéraires. 
Résumé  du  travail  de  la  Commission  de  la  topographie  des  Gaules.  Paris, 
1864. 

GÉNÉRAL  Creuly.  Carte  de  la  Gaule  sous  le  proconsulat  de  César. 
Examen  des  observations  critiques  auxquelles  cette  carte  a  donné  lieu  en 
Belgique  et  en  Allemagne.  Paris,  1864. 

Chalon,  R.  Curiosités  numismatiques.  Sixième  article.  Br.  in-S". 

Cointreau.  Dissertation  sur  le  vase  d'or  trouvé  à  Rennes  le  26  mars 
1774.  Paris,  1802.  Broch.  in-i.».  (Don  de  M.  Atig.  Serre.) 

Raccolta  de  antiche  monete,  ordinate  e  descritta  da  Francesco  Lando- 
lina  Paterno   Palermo,  1863.  ïn-8°.  (Don  de  M.  Ad.  Gantier.) 

Ducis.  Mémoire  sur  les  Voies  romaines.  Annecy,  1863.  in-S". 


164 

-  Les  Fins,  Bautas  et  Annecy,  étude  archéologique.  Annecy   ISOI^. 
In-S". 

Van  Hende.  Numismatique  lilloise.  Note  sur  quelques  jetons  de  la 
chambre  des  comptes.  Br.  in-8°. 

HouzÉ.   Etudes  sur  la  signification  des  noms  de  lieux  en  France 
Paris,  1864. 

F.  Keller.  Bemarques  sur  le  livre  intitulé  «  Habitations  lacustres 
des  temps  anciens  et  modernes,  par  Frédéric  Troijon.)->  In-i". 

Protat.  Note  explicative  de  l'inscription  découverte  dans  les  fouilles 
du  bourg  de  Vertaut. 

QuiQUEREZ.  Monuments  de  l'ancien  évêché  de  Bàlc.  (Don  de  M.  Se- 
guin.)   ■ 

SïAUB.  Die  Pfahlbauten  in  den  Schweizerseen.  Fluntern,  bei  Ziirich. 


<:-<x&<5Ngj3cOyc>«s>'^î^^ 


LES 


PRINCESSES  DE  PORTUGAL 


A  GENÈVE 


Plus  (l'une  fois,  déjà,  j'ai  entretenu  la  Société  des  relalions 
qui  existèrent  entre  les  Provinces-Unies  des  Pays-Bas  et  la 
république  de  Genève  '.  J'y  reviens  encore,  me  proposant  de 
faire  connaître  les  documents  relatifs  au  séjour  que  fît  dans  no- 
tre pays  Emilie  de  Nassau,  épouse  d'un  prince  portugais.  Les 
renseignements,  en  petit  nombre,  dont  je  puis  disposer,  mon- 
treront qu'une  suite  d'événements  assez  extraordinaires  ne  trou- 
bla en  aucune  façon  la  bonne  entente  entre  les  deux  Etats. 

Guillaume  le  Taciturne  laissa  une  nombreuse  postérité. 
Anne  d'Egmont,  sa  première  femme,  lui  avait  donné  Frédéric- 
Guillaume,  qui  resta  catholique  et  dans  le  parti  espagnol,  et 
Marie,  qui  épousa  le  comte  de  Hohenlohe.  De  la  deuxième, 
Anne  de  Saxe,  il  eut  Maurice,  qui  succéda  à  son  père,  Anne, 
qui  épousa  son  cousin  Guillaume-Louis  de  Nassau,  et  Emilie 
qui  va  nous  occuper,  La  troisième  femme  de  Guillaume,  Char- 

'  Voir  Mém.  de  la  Soc.  d'Hist.  de  Genève,  t.  XI  et  XIII. 

T.  XV,  V^part.  12 


166 

lotie  de  Bourbon,  lui  donna  six  filles,  ei  la  quatrième,  Louise 
de  Coligny,  fut  mère  de  Frédéric-Henri. 

Emilie,  née  vers  1569,  avait  déjà  vu  plusieurs  de  ses  soeurs 
recherchées  en  mariage,  lorsqu'elle  fil  connaissance  avec  dom 
Emmanuel,  fils  de  dom  Antonio,  prieur  de  Cralo,  qui  avait  été 
proclamé  roi  de  Portugal  à  Lisbonne,  lorsque  Philippe  II  en- 
voya le  duc  dWlbe  conquérir  ce  royaume  en  1580.  Dom  An- 
tonio mourut  a  Paris  en  1595.  Son  fils,  qui  pouvait  faire  valoir 
des  droits  a  un  trône,  s'était  rendu  en  Angleterre  puis  à  La 
Haye.  Il  intéressait  par  ses  malheurs,  il  plaisait  par  sa  jeunesse 
et  les  charmes  de  sa  personne.  Il  sut  se  faire  aimer  d'Emilie 
qui  consentit  à  lui  donner  son  cœur  et  sa  main.  Maurice,  prince 
d'Orange,  aurait  voulu  détourner  sa  sœur  de  cette  union  ;  il 
lui  représenta  la  différence  des  religions,  l'indigence  d'Emma- 
nuel et  les  doutes  qu'on  répandait  sur  la  légitimité  de  la  nais- 
sance du  jeune  prince.  Ces  objections  n'arrêtèrent  point  Emilie: 
le  mariage  fut  secrètement  célébré  par  un  prêtre  catholique,  le 
7  novembre  1597.  Les  Etats-Généraux,  qui  n'approuvaient  pas 
une  telle  alliance,  ordonnèrent  à  Emmanuel  de  quitter  La  Haye. 
La  malheureuse  princesse  tomba  dans  un  tel  désespoir,  que  sa 
raison  en  fut  altérée;  elle  refusa  pendant  plusieurs  jours  touie 
espèce  de  nourriture.  A  force  de  soins,  on  parvint  à  dissiper  le 
trouble  de  l'esprit,  mais  non  à  guérir  le  cœur.  Emilie  rede- 
manda hautement  son  mari,  réclamant  les  droits  d'un  pays 
libre  et  ceux  que  lui  donnait  sa  majorité.  Maurice  la  menaça 
d'une  complète  disgrâce;  mais  ayant  découvert  la  retraite  de 
son  époux,  elle  le  rejoignit  et  le  ramena  publiquement.  Elle 
dut  se  résoudre  à  vivre  avec  beaucoup  plus  de  simplicité  que 
ses  sœurs,  qui  avaient  été  mariées  d'une  manière  brillante  et 
richement  dotées  par  les  Etats  *. 

Ici,  les  détails  me  manquent  et  bien  des  renseignements  pa- 
raissent fautifs.  Des  historiens  prétendent  que  le   prince  dei 

•  Cerisier.  Tableau  de  l'hist.  fjén.  des  Provinces -Unies,  t.  IV,  p.  353-357. 


167 

Portugal  s'établit  à  Genève  avec  sa  femme  et  qu'ils  y  eurent 
de  nombreux  enfants.  D'autres  disent  que  la  princesse  s'y  rendit 
étant  veuve.  Je  ne  crois  pas  qu'elle  y  arrivât  avant  l'année  1626; 
elle  n'était  pas  veuve,  mais  elle  vint  sans  son  mari  et  accom- 
pagnée de  six  filles. 

C'est  dans  la  séance  du  30  juin  1626,  que  les  registres  de 
notre  Petit  Conseil  mentionnent  pour  la  première  fois  la  prin- 
cesse de  Portugal,  et  l'on  peut  présumer  que  son  arrivée  à 
Genève  était  fort  récente.  Quatre  conseillers  rapportent  qu'ils 
ont  été  lui  faire  une  visite.  «Elle  a,  disent-ils,  prié  Messeigneurs 
de  l'excuser  de  ce  qu'elle  estoit  entrée  dans  ceste  ville  sans  de- 
mander congé,  et  leur  a  tesmoigné  beaucoup  de  bonne  volonté 
et  affection  envers  cest  Etat;  »  puis  ils  ajoutent  «  qu'ils  lui  ont 
aussi  offert,  de  la  part  de  la  Seigneurie,  tous  honneurs  et  ser- 
vices '.  » 

Les  mêmes  registres  s'occupent  encore  de  cette  princesse, 
d'abord  à  l'occasion  d'une  somme  d'argent  qu'elle  avait  l'intention 
de  prêtera  l'Etat,  à  raison  de  5°/o  par  année^  mais  on  ne  voit  pas 
que  la  proposition  ail  eu  un  résultat.  Ensuite,  il  y  eut  quelques 
discussions  de  peu  d'importance  avec  le  sieur  Demont,  maître 
d'hôtel  de  la  princesse  "'  ;  et  comme  on  avait  craint  d'avoir  in- 
disposé cette  dernière,  on  lui  envoya  des  membres  du  Conseil, 
auxquels  elle  répondit  «  qu'elle  n'avoit  aucun  subjet  de  mes- 
contentement,  sinon  de  ne  pouvoir  pas  tesmoigner  à  cest  Estât 
sa  bonne  volonté  et  affection  comme  elle  désireroit,  veu  qu'elle 
n'y  reçoit  que  toute  courtoisie  et  honneur  de  la  part  du  général 
et  des  particuliers  *.  » 

La  tradition  rapporte  que  la  femme  de  dom  Emmanuel,  à  son 
arrivée  à  Genève,  se  logea  au  haut  de  la  rue  de  Coulance,  dans 


«  Heijislreu  du  Conseil,  année  1626,  f»'  88. 

'  Wid.  fû  109,  16  août. 

■  Ibid.  {'>  185,  25  déc,  et  année  1627,  l'  27,  21  févr. 

'  Und.  1627,  fo  29,  27  févr. 


168 

une  maison  apparlenani  alors  à  la  famille  Gallatin  et  qui  a  pris 
et  conservé  depuis  le  nom  de  Château- Roy  al.  Ce  qu'il  y  a  de 
certain,  c'esl  que  la  princesse  fit,  peu  après,  l'acquisition  d'une 
maison  située  dans  un  autre  quartier,  c'est-a-dire  à  la  rue 
Verdaine,  là  où  dans  le  siècle  actuel  ont  longtemps  logé  les 
consuls  sardes.  Emilie  devint  aussi  propriétaire  du  château  de 
Frangins,  et  elle  eut  ainsi  deux  résidences  à  quelques  lieues 
lune  de  l'autre. 

Les  chefs  de  notre  Etat  et  de  notre  Eglise  furent  peut-être, 
;iu  premier  moment,  embarrassés  sur  la  conduite  qu'ils  devaient 
tenir  envers  la  princesse.  Elle  appartenait,  par  sa  naissance,  à 
une  république  et  à  une  famille  qui  s'étaient  acquis  toute  leur 
gratitude,  mais  on  devait  savoir  aussi  que,  par  son  mariage, 
elle  avait  indisposé  la  maison  de  Nassau  ainsi  que  les  Etats. 
Cependant,  on  eut  d'emblée  beaucoup  d'égards  pour  la  sœur 
du  prince  d'Orange,  et  sa  conduite,  comme  ses  sentiments,  lui 
gagnèrent  l'estime  des  personnes  les  plus  respectables  de  la 
ville.  Nous  apprenons,  en  effet,  qu'elle  se  vit  entourée  d'hom- 
mes tels  que  les  professeurs  Jean  Diodati,  Théodore  Tronchin 
et  Bénédict  Turrettini,  qui  reportèrent  ensuite  leurs  bonnes 
intentions  sur  ses  filles.  Les  magistrats,  également,  eurent 
pour  elles  des  soins  presque  paternels. 

La  princesse  Emilie  était  depuis  deux  ans  et  neuf  mois  dans 
nos  contrées,  où  elle  était  venue,  semble-t-il,  chercher  le  calme 
et  la  tranquillité,  lorsqu'elle  succomba  a  la  maladie.  Les  re- 
gistres de  décès  contiennent  sur  ce  fait  l'article  suivant,  à  la 
date  du  lundi  46  mars  1629  : 

«  Très-illustre  et  sérénissime  princesse  Emilia  de  Nassau, h 
née  princesse  d'Orange,  femme  de  puissant  et  sérénissime  prince  ; 
Emmanuel  de  Portugal,  aagée  de  60  ans,  morte  de  longue  i 
maladie  comme  febvre  hectique  et  comme  d'hydropisie,  à  neul 
heures  du  matin  ;  sa  demeure  en  son  hôtel  rue  Verdaine  *.  » 

'  F!eg.  lies  décès  (chancellerie). 


169 

Ce  décès  fui  officiellement  annoncé  par  le  Petit  Conseil  au 
prince  d'Orange,  Frédéric-Henri  et  aux  Etals-Généraux  : 

Lettre  adressée  à  Monsieur  le  Prince  d'Orange. 

Genève  ,  19  mars  1029. 

Très  haut  et  sérénissime  Prince.  Comme  nous  avons  receu  un  singulier 
contentement  pendant  le  séjour  que  Madame  la  Princesse  de  Portugal, 
sœur  de  Votre  Altesse,  a  fait  dans  nostre  ville,  aussi  avons  nous  esté 
touchés  d'un  indiscible  regret  lorsqu'il  a  pieu  à  Dieu  nous  en  priver, 
l'ayant  retirée  et  appelée  à  soy  le  16  de  ce  mois,  après  avoir  démonstré 
jusques  au  dernier  soupir  des  marques  et  signes  de  vraye  piété  et  de 
toutes  vertus  chrestiennes.  Nostre  desplaisir  a  esté  d'autant  plus  grand, 
que  nous  ne  luy  avons  peu  rendre  les  devoirs  auxquels  nous  luy  estions 
obligé,  tant  à  cause  de  sa  personne  que  pour  la  considération  des  bienfaits 
que  nous  avons  receus  de  V.  A.  Nous  avons  veu  par  l'ouverture  de  son 
testament,  qui  était  clos  et  secret,  le  désir  qu'elle  a  d'estre  ensevelie  avec 
honneur  :  nous  luy  en  rendrons  selon  nostre  portée  les  plus  grands  qu'il 
nous  sera  possible,  non  pas  à  l'égal  de  nostre  affection  et  bonne  volonté. 
Nous  attendrons  l'ordre  qu'il  plaira  à  V.  A.  de  donner  au  regard  de 
Mesdemoiselles  les  Princesses  ses  filles,  pendant  qu'elles  demeureront  icy  ; 
nous  leur  départirons  toutes  sortes  de  faveurs  et  les  assisterons  de  con- 
seils et  advis  en  tout  ce  qu''elles  auront  de  besoin,  priant  Dieu  qu'il  les 
consolle  en  leurs  afflictions  et  qu'il  maintienne  V.  A.  en  sa  sainte  garde, 
comme  ceux  qui  n'ont  d'autre  dessein  que  d'estre  réputés,  Très  haut  et 
sérénissime vos  très  humbles  serviteurs'. 

Une  lettre  analogue  fut  adressée  aux  États.  Voici  les  répon- 
ses envoyées  au  Conseil  : 

Lettre  du  Prince  d'Orange. 

Archives  de  Genève.  Portefeuilles  des  pièces  historiques,  dossier  n" "2859. 

Messieurs.  Dans  le  regret  que  m'a  donné  la  soudaine  nouvelle  du  très- 
pas  de  feu  Madame  la  Princesse  de  Portugal,  ma  sœur,  dont  je  viens  d'estre 
adverti  par  vos  lettres  du  17  de  mars,  ce  m'a  esté  un  contentement  sin- 

•  Brouillards  de  lettres  du  Petit  Conseil. 


170 

gulier  d'entendre  et  l'heureuse  issue  que  Dieu  luy  a  donné  de  cette  vie 
et  le  favorable  accueil  qu'il  vous  a  pieu  luy  continuer  dans  vostre  ville 
jusqu'à  l'heure  de  sa  mort,  et  vous  recognoy-je  une  obligation  si  parti- 
culière de  ces  faveurs,  que  je  tascheray  de  m'enrevencher  à  tousjours  aux 
occasions  du  bien  de  vostre  service.  Comme  d'ailleurs  je  vous  prieray  de 
persévérer  en  cette  bienveillance  qu'avez  voulu  tesmoigner  à  la  mère  dé- 
functe  à  l'endroict  de  Mesdemoiselles  ses  fdles  mes  niepces,  pour  autant 
qu'elles  pourront  encor  avoir  à  séjourner  en  voz  quartiers,  vous  asseurant 
que  cela  mesme  sera  capable  de  me  faire  désirer  le  bien  de  vous  pouvoir 
faire  paroistre  que  je  suis,  Messieurs,  vostre  bien  humble  à  vous  faire 
service.  Fr.  Henry. 

A  La  Haye  ce  20"  d'Apvril  1629. 

(A  Messieiim  les  Syjidir.fjiies  et  Conseil  à  Genève.) 


Lettre  des  États-Généraux. 

Ibidem. 

Messieurs.  Nous  avons  entendu  avec  indicible  regret  le  déceds  de  Madame 
la  Princesse  de  Portugal,  mais  en  ceste affliction,  il  nous  sert  de  consolation 
qu'elle  est  décédée  en  bon  chrestien  et  en  vostre  ville,  y  ayant  esté  assistée 
en  sa  maladie  soigneusement,  et  par  là  eue  l'asseurance  de  l'accomplisse- 
ment de  ce  qu'elle  a  disposé  de  ses  affaires  particulières,  lesquelles  vos 
seigneuries  ayant  prinses  à  ceur,  nous  y  ont  grandement  obligé,  dont 
vous  remercions  affectueusement  et  prions  aussi  d'y  vouloir  continuer 
jusques  à  ce  que  les  Princesses  ses  filles  seront  remises  soubs  nostre  pro- 
tection, vous  requérant  de  vouloir  prendre  garde  qu'elles  n'en  soyent 
diverties  par  qui  que  ce  soit  et  qu'elles  puissent  demeurer  constantes  en 
la  religion  en  laquelle  ont  esté  élevées  et  en  on  faict  profession  estants 
avec  nous,  et  touchant  l'achèvement  de  l'enterrement  de  madicte  feue 
dame,  nous  doubtons  nullement  que  Son  Exe.  le  prince  d'Orange  n'en 
ayt  donné  ordre,  auquel  nous  nous  rapportons,  et  sur  ce  prions  Dieu, 
Messieurs,  vous  avoir  en  sa  sainte  garde,  etc. 

Escript  à  La  Haye  le  27^  d'Avril  1629. 

Le  lendemain  du  décès,  le  17  mars,  le  sieur  Demont  fit  de- 
mander au  Conseil  la  permission  d'enterrer  les  entrailles  de  la 


171 

défunte  dans  le  temple  de  Saint-Pierre,  annonçant  que  l'on 
se  proposait  d'embaumer  le  corps  pour  l'envoyer  en  Hollande. 
Quelques  conseillers  furent  désignés  «  pour  aller  se  condouloir 
avec  mesdemoiselles  les  princesses  ses  filles,  et  en  après  con- 
férer avec  elles  de  la  forme  dudil  enterrement  '.  »  Le  18,  on 
prit  l'arrêté  suivant:  «  Que  le  jourd'huy  ses  entrailles  soyent 
ensevelies  en  la  chapelle  de  Saint-Pierre  où  son  corps  sera 
aussi  porté  et  que  Messeigneurs  facent  honneur  en  corps.  Au 
regard  du  corps  de  ladite  princesse,  qu'on  surçoye  de  l'en- 
terrer jusques  à  ce  qu'on  sçache  la  volonlé  du  prince  d'Orenges, 
si  on  la  portera  en  Hollande  ou  bien  s'il  sera  enseveli  en  ceste 
ville  '^.  » 

Nous  avons  vu  que  Frédéric-Henri,  au  moins  dans  la  lettre 
officielle  transcrite  plus  haut,  n'avait  donné  aucune  instruction 
sur  ce  qu'il  fallait  faire  de  la  dépouille  mortelle  de  sa  sœur. 
L'historien  Gautier  nous  raconte,  et  son  récit  se  retrouve  dans 
d'autres  auteurs  genevois,  que  «  le  magistrat  en  corps,  avec  les 
pasteurs  et  les  professeurs,  furent  a  son  convoi  funèbre.  La  no- 
blesse étrangère  suivait  après.  Ensuite  vint  tout  ce  qu'il  y 
avait  de  gens  de  distinction  dans  la  ville,  de  l'un  et  l'autre 
sexe.  Le  cercueil  était  couvert  d'un  drap  de  velours  sur  lequel 
on  voyait  de  chaque  côté  les  armoiries  de  Portugal  et  de 
Nassau  \  »  11  ajoute  que  la  cérémonie  eut  lieu  le  16  mars,  à 
quatre  heures  après  midi,  mais  cette  date  n'est  pas  d'accord 
avec  le  registre  du  Conseil. 

Les  jeunes  princesses,  privées  de  leur  mère,  sentirent  le  be- 
soin d'être  dirigées  dans  le  règlement  de  leurs  affaires  ;  elles 
firent  demander  au  Petit  Conseil  de  vouloir  bien  désigner,  dans 
son  sein  et  parmi  les  membres  de  la  Vénérable  Compagnie  des 
pasteurs,  quelques  personnes  qui  consentiraient  à  leur  venir 


'  Reg.  du  Conseil,  année  1629,  f"  47. 

*  Ibid.  f»  48. 

^  Hist.  de  Genève  (rase,  des  Archives),  t.  IX,  p.  151. 


172 

en  aide.  On  acquiesça  à  ce  désir,  en  répondant  qu'elles  de- 
vaient elles-mêmes  faire  leur  choix  *;  puis  dans  la  séance  sui- 
vante nous  lisons  :  «  Ont  été  choisis  pour  conseillers  aux  prin- 
cesses de  Portugal  les  seigneurs  Guaictet  DuPuys,  syndiques, 
Anjorranl  et  Bitri,  conseillers,  et  spectables  Jehan  Deodati, 
Théodore  Tronchin  et  Bénédict  ïurretin,  pasteurs  en  cesle 
Eglise,  lesquels  ont  preste  serment  de  leur  donner  de  bons  et 
fidèles  advis  et  conseils,  tout  de  même  qu'ils  feroyent  en  leurs 
propres  affaires  ^  » 

Elles  avaient  pourtant  encore  leur  père,  mais  je  ne  saurais 
dire  où  il  vivait.  Elles  avaient  aussi  pour  le  moins  un  frère, 
dom  Guillaume-Louis  de  Portugal,  qui  est  mentionné  dans  nos 
registres  à  diverses  reprises,  dès  le  26  mai  de  la  même  année 
1829  ;  mais  il  sut  indisposer  contre  lui  les  magistrats,  le  Con- 
sistoire et  le  peuple,  tant  par  une  vie  scandaleuse  que  par  des 
penchants  trop  peu  dissimulés  en  faveur  du  duc  de  Savoie: 
au  bout  de  quelques  semaines  on  le  força  à  s'éloigner  ^ 

La  princesse  Emilie  avait  laissé  des  dettes  ;  le  règlement  de 
son  hoirie  présentait  des  difficultés,  qu'un  événement  bizarre 
accrut  encore.  L'aînée  des  fdles,  Maria-Belgia,  avait,  semble-l- 
il,  un  cœur  aisément  inflammable.  Si,  à  une  autre  époque,  la 
mère  s'était  laissé  captiver  par  un  prince  étranger  sans  États  et 
sans  fortune,  si  malgré  de  graves  oppositions  elle  avait  persisté 
dans  son  désir  de  s'unir  à  Thomme  de  son  choix,  pour  Maria- 
Belgia,  les  choses  marchèrent  plus  brusquement  :  elle  fut 
enlevée.  Le  ravisseur  était  un  simple  gentilhomme  attaché 
à  la  maison  du  marquis  de  Baden-Durlach.  Ce  dernier 
avait  résidé  à  Genève  en  1625,  mais  ayant  eu  des  démêlés 
désagréables  avec  notre  gouvernement,  il  quitta  la  ville,  de  fort 


'  Reg.  du  Conseil,  1629,  1«  51,  2!  mars. 
«  Ibid.  f»  52,  22  mars. 

'•  Ibid.  1629,  P  75  et  76,  2G  mai  et  1-^'  juin,  f»  86,  4  juillet.  —  Cramer, 
extrait  des  Reg.  du  Consistoire,  p.  296,  2  juillet  1629. 


173 

mauvaise  liumeur,  au  commencement  de  l'année  suivante;  et 
deux  ou  trois  semaines  seulement  avant  l'époque  où  notre  récit 
nous  a  conduits,  il  avait  annoncé  l'intention  de  revenir*. 

Gaudy,  dans  ses  Promenades  historiques  -,  en  parlant  de  cette 
aventure,  nous  dit  que  parmi  les  six  fdles  d'Emilie  «  brillait 
particulièrement  l'aînée,  jeune  personne  d'une  rare  beauté.  » 
Je  ne  saurais  être  juge  de  la  beauté  de  Maria-Belgia,  mais  je 
ferai  observer  que  cette  jeune  personne  toucbait  à  la  trentaine  ; 
on  en  peut  déjà  conclure  qu'elle  était  parfaitement  consentante, 
et  c'est  ce  qui  sera  d'ailleurs  pleinement  confirmé.  Voici  d'a- 
bord l'article  de  nos  registres  dans  lequel  le  fait  de  l'enlève- 
ment est  rapporté.  «  S*^  Groll,  domestique  de  M.  le  marquis  de 
ïurlacli,  ayant  été  trouver  Mademoiselle  la  princesse  aisnée  de 
Portugal  au  lieu  de  Prangin  où  il  l'a  enlevée,  ainsi  qu'a  esté 
rapporté  par  M.  le  syndique,  contre  la  promesse  par  luy  donnée 
aux  seigneurs  conseillers  des  princesses  ses  sœurs,  de  ne  l'allei' 
point  visiter,  arresté  de  le  retenir  s'il  veut  sortir  ou  j)ar  les  portes 
ou  par  le  port,  et  s'il  peut  estre  appréhendé  dans  la  ville,  qu'on 
l'amène  vers  M.  le  premier  syndique,  lequel  le  face  mettre  aux 


arresis  '.  » 


D'ailleurs,  on  ne  perdit  pas  de  temps;  on  écrivit  à  Berne, 
parce  que  l'enlèvement  s'était  opéré  sur  les  terres  de  cette  ré- 
publique. Nous  avons  deux  lettres  du  gouvernement  bernois, 
qui  montrent  qu'on  fit  d'abord  des  tentatives  pour  séparer  les 
fugitifs;  mais  on  comprit  bientôt  que,  puisqu'ils  étaient  d'ac- 
cord, il  valait  mieux  légitimer  par  les  cérémonies  religieuses  une 
union  commencée  d'une  manière  peu  édifiante. 


'  LeUres  du  marquis  de  Baden,  Nuis,  1  mai  et  Carolpurg,  12  mai  1629. 
Portef.  des  Pièces  hist.  dossier  n"  2861. 

'  Gaudy-Le  Fort.  Promenades  historiques  dans  le  canton  de  Genève,  2«  éd. 
I,  36 

'  %.  du  Conseil,  1629,  f"  77,  1  juin. 


174 

Lettres  de  Messieurs  de  Berne. 

(Traduction  jointe  à  roriginal).  Dossier  n»  '2848. 

T.  A.  et  G.  Ayant  apprins  de  vous,  comme  aussi  du  Prince  de  Por- 
tugal et  de  Mesdemoiselles  les  Princesses  et  Sœurs  de  Portugal,  l'inégal 
et  dangereux  traicté  de  mariage  arrivé  entre  l'aisnée  Princesse  Marie 
Belgique  et  certain  gentilhomme  allemand,  dont  sa  dicte  Excellence, 
comme  aussi  les  Hauts  et  Illustres  Princes,  de  Portugal  et  Orange  se 
sentiroient  fort  offensés  et  grevés,  nous  avons  à  l'instant  commandé  à 
nostre  Baillif  de  Chillon,  d'en  parler  sérieusement  avec  ladite  princesse, 
aux  tins  qu'elle  se  desparte  de  ce  sien  dessein,  pour  plusieurs  et  consi- 
dérables causes  et  raisons,  et  par  ce  moyen  elle  aille  audevant  du  mal- 
heur et  de  la  fâcherie  qui  lui  pourroient  arriver  et  à  son  espoux.  Nous 
espérons  qu'elle  prendra  à  cœur  les  sérieuses  remonstrances  qui  hiy  se- 
ront faictes,  etc. 

Du  7  juin  1629. 


Ibidem. 

Très  cliers  amis  et  confédérés,  l!  pleust  voirement  il  y  a  quelque 
temps  non  seulement  au  Princes  et  autres  Princesses  de  Portugal,  mais 
aussi  à  vous  T.  A.  et  G.  nous  rechercher  amiablement  de  vouloir  em- 
pescher  que  le  prétendu  mariage  entre  le  colonel  Jean  Dietricht  Groll  et 
la  Princesse  de  Portugal  ne  s'effectuast  en  nos  terres  :  ce  que  nous  au- 
rions représenté  aux  parties,  et  toutefois  nous  n'aurions  eu  tant  de  pou- 
voir sur  eux  à  les  dissuader,  qu'au  contraire  finalement  en  considération 
de  leur  ferme  et  unanime  résolution,  nous  aurions  consenti  que  les  sus- 
dictes  promesses  de  mariage  fussent  accomplies  en  l'Eglise  chrestienne,  et 
d'autant  que  nous  aurions  prins  en  nostre  protection  et  défense  les  susdictes 
parties  à  leur  instante  prière,  et  que  par  forme  de  plainte  ils  nous  auroient 
représenté  que  l'on  auroit  distraict  à  leur  insceu  et  clandestinement  cer- 
tains meubles  du  chasteau  de  Prangin ,  que  l'on  auroit  retiré  en  vostre 
ville,  avec  prière  de  leur  vouloir  prester  la  main  à  ce  que  les  susdits 
meubles  à  nostre  intercession  puissent  estre  restitués  et    restablis  en 


175 

leur  lieu.  C'est  pouiquoy  nous  vous  prions,  T.  A.  et  C,  d'amitié  voi- 
sinalle,  d'y  vouloir  apporter  vostre  authorité  souveraine  et  faire  en  sorte 
que  si  quelque  chose  de  semblable  se  trouvoit  en  vostre  ville,  le  tout  soit 
renvoyé  lulèlement  et  convenablement,  et  soit  restabli  au  dict  lieu.   Et 

sur  ce,  etc 

Du  27  juin  1629. 


Il  fallait  aussi,  nalurellemenl,  l'aire  part  de  cos  désagréables 
nouvelles  en  Hollande,  et  l'on  peut  juger  par  tous  les  rensei- 
gnemenls  à  notre  connaissance,  qu'on  n'eût,  dans  les  Pro- 
vinces-Unies, aucun  sentiment  pénible  contre  Genève;  c'est  ce 
que  montrent,  entre  autres,  deux  lettres  écrites  après  le  retour 
des  cinq  jeunes  princesses  dans  la  patrie  de  leurs  ancêtres  ma- 
ternels. 


Lettre  des  États-Généraux. 

Dossier  n»  2873. 

Messieurs.  Nous  ne  sçaurions  passer  soubs  silence  le  plaisir  et  faveurs 
qu'avez  fait  à  feue  Madame  la  Princesse  de  Portugal  durant  sa  vie,  et 
dans  son  lict  de  mort,  et  après  elle  à  Mesdemoiselles  ses  cinq  filles  durant 
leur  demeure  en  vostre  Ville,  en  ayant  eu  un  si  grand  soin  de  leurs  affaires 
et  de  leur  maison  mortuaire,  car  encores  que  par  celles  que  nous  avez 
escrites  du  !«''  de  septembre  ',  vous  leur  rendez  le  tesmoignage  que  par 
leur  honeste  maintien  elles  aient  mérité  toute  sorte  de  faveur,  comme  de 
fait  leur  naissance  et  éducation  que  leur  a  donnée  Madame  feue  dame  leur 
mère,  nous  aient  promis  qu'elles  s'en  rendroient  dignes,  si  est  ce  que 
nous  les  vous  aiants  recommandez,  c'est  aussi  ;\  nous  à  vous  en  remercier 
très  affectieusement,  comme  de  chose  qui  nous  a  esté  très  aggréable  et 
dont  vous  en  demeurons  redevables,  comme  aussi  de  la  grande  réjouis- 
sance qu'avons  recognue  en  vostre  lettre  du  dernier  d'Octobre  ^  au  regard 

«  Cette  lettre  du  1  septembre  ne  se  trouve  pas. 

'  On  les  avait  félicités  à  roccasion  de  la  prise  de  possession  do  Bois- 
le-Duc. 


176 

des  prospéritez  que  Dieu  a  eslargies  ceste  année  à  cest  Estât,  lequel  ne 
sçauroit  par  sa  divine  grâce  (à  laquelle  seule  nous  devons  tout)  accroistre 
en  puissance,  et  vigeur,  qu'il  n'accroisse  aussi  en  affection  envers  voz 
Seigneuries,  pour  leur  faire  paroistre  en  toute  occasion  que  nous  sommes. 
Messieurs,  vos  très  affectionnez  amiz  à  vous  taire  service,  etc. 
De  La  Haye  le  20^  de  Janvier  1630. 


Lettre  des  princesses. 

Ibidevt. 

Messieurs.  Après  estre  par  la  grâce  de  Dieu  heureusement  arrivées  au 
lieu  tant  désiré  de  nous  pour  divers  respects,  c'est  nostre  devoir  de  vous 
tesmoigner  les  ressentimens  que  nous  avons  de  l'infinité  des  biens  et  hon- 
neurs que  tant  Madame  nostre  mère  de  haute  mémoire  que  nous,  avons 
receus  de  vos  grâces  et  faveurs,  lesquelles,  comme  la  vérité  est,  nous  con- 
fessons avoir  esté  telles  qu'il  nous  sera  à  tout  jamais  impossible  de  nous 
deuement  acquitter  de  l'obligation  que  nous  vous  en  avons  ;  ce  qui  en  aug- 
mente infiniement  le  mérite  estant  l'entière,  intime  et  cordiale  affection 
d'où  nous  les  avons  tousjours  veu  et  recogneu  procéder,  sans  que  les  en- 
nuyés, peines  et  fâcherie  que  vous  et  les  prinsipaux  de  vostre  république 
ont  si  long  temps  enduré  pour  nostre  suject,  vous  aient  jamais  détournés 
des  solicitudes  etsoing  paternel  qu'avésen  tout  temps,  lieu  et  saison  tes- 
moigné  avoir  de  nous,  impuissantes  de  vous  en  remercier  deuement  et 
encor  plus  de  le  recognoistre  comme  il  faut.  C'est  pour  quoy  nous  avons 
recours  à  vostre  bénignité  pour  vous  en  rendre  les  grâces  à  nous  posibles, 
voulans  espérer  que  vous  prendrés,  comme  de  vos  enfens,  ces  foibles  tes- 
moignages  de  nostre  recognoissance  autant  à  gré  que  nous  avons  d'inten- 
tion de  vous  faire  entendre  ce  que  nous  en  ressentons,  et  croire  que  ja- 
mais il  ne  se  passera  occasion  où  nous  aions  quelque  pouvoir,  que  nous 
ne  vous  facions  voir  et  à  touts  les  membres  de  vostre  Estât  de  quel  zelle 
nous  sommes,  Messieurs,  vos  biens  humbles  et  très  affectionnes  amyes  à 
vous  faire  service,  Emilia  Louise,  Anne  Loise,  Julianne  Catrine,  Elionore 
Maurice,  Sabine  Delfhigua,  nées  princesses  de  Portugal. 

De  Delà  ce  I2«demars  1630. 


177 

Les  cinq  princesses  écrivirent  encore  plusieurs  lettres,  de 
1632  h  1643,  relativement  à  l'hoirie  de  leur  mère  et  aux 
difficultés  qu'elles  avaient  avec  leur  sœur  aînée.  Dans  toutes 
ces  lettres,  elles  témoignent  de  la  reconnaissance  pour  la  ma- 
nière dont  on  les  a  traitées  à  Genève  ;  elles  se  montrent  affec- 
tueuses et  expriment  des  regrets  pour  toutes  les  peines  qu'elles 
occasionnent. 

Dans  l'une  de  ces  lettres  ^  ,  elles  parlent  de  leurs  meubles 
saisis,  de  la  vaisselle  engagée,  du  partage  des  joyaux;  elles  se 
[daignent  de  ce  qu'on  a  eu  foi  à  la  déclaration  de  l'aînée  contre 
elles  cinq  et  les  domestiques,  à  l'égard  des  meubles  et  effets 
provenant  delà  maison  deBuren;  de  ce  que  cette  sœur  a  fouillé 
dans  tout  ce  qui  leur  était  échu  et  même  dans  les  hardes  des 
servantes;  de  ce  que  l'on  retient  encore  ces  effets  et  hardes,  et 
pourtant,  d'après  l'inventaire,  tout  ce  qui  est  séquestré  ne  se 
monte  qu'à  la  somme  de  1 00  francs. 

Dans  une  autre  lettre  -,  fort  longue,  les  princesses  parlent  de 
MM.  deCoudrée  et  de  Vilars  comme  se  mêlant  de  leurs  affaires, 
ainsi  que  de  MM.  Diodati  et  Tronchin.  Elles  ont  appris  le  décès 
du  seigneur  des  Bergeries  qui  soignait  leurs  intérêts.  Elles  dé- 
plorent la  mort  du  professeur  Turrettini  ^  Elles  avaient  laissé 
dans  la  famille  de  ce  dernier  ce  qui  leur  appartenait  après  le 
partage,  lorsqu'il  leur  «  fallut  partir  h  petit  bruit,  »  et  l'on  a 
saisi  tout  cela.  La  sœur  aînée  a  été  favorisée  par  leur  mère  ; 
elle  a  des  prétentions  ridicules  sur  la  succession  de  la  comtesse 
de  Hohenlohe,  leur  tante;  elle  a  empêché  la  vente  de  la  maison, 
de  laquelle  on  aurait  tiré  une  bonne  somme  pour  subvenir  aux 
j)ayements.  «  L'arrest,  disent  les  cadettes,  l'arrest  que  depuis 
peu  nous  avons  faici  faire  sur  ses  biens,  n'estant  à  autre  inten- 


»  Lettre  datée  de  Delft,  le  16  févr.  1632.  Portef.  des  pièces  historiques, 
dossier  a"  2908. 
'  De  Delft,  15  mai  1632,  ihid. 
''  Elle  avait  eu  lieu  le  4  mars  1631.  Voir  Mémoires,  XIII,  p.  70. 


178 

lion  que  pour  avoir  satisfacliou  de  ce  qu'elle  joiiist  et  s'esl  em- 
parée (lu  nostre^  recouvrer  les  petits  dommages  et  inlérests 
qu'elle  nous  a  causés  et  nous  prémunir  contre  ceux  dont  nous 
sommes  encor  en  danger  par  sa  faule.  Car  ce  que  Monseigneur 
le  prince  d'Orange,  a  l'instante  requesle  de  noire  seigneur  et 
père,  a  résolu  de  la  laisser  ainsi  en  Testai  où  elle  s'est  préci- 
pitée, n'est  point  de  noslre  fait.  »  Enfin  elles  demandent 
«  qu'aucune  chose  luy  soit  délivrée,  entre  autres  cesle  tapisse- 
rie et  garniture  de  lict  de  velours,  à  quoi  elle  aspire  lant.  » 

Dans  une  autre  missive  \  les  cinq  sœurs  assurent  pouvoir 
prouver  qu'à  elles  seules  et  sans  assistance  d'aucun  des  pré- 
tendants à  la  succession,  elles  ont  payé  plus  de  60,000  franco 
pour  acquitter  les  dettes  de  leur  mère  et  sans  avoir  pu  jouir  des 
deniers  comptants  de  la  dite  succession  ;  s'il  y  a  eu  du  retard, 
ce  n'est  donc  pas  leur  faute.  Il  y  va  de  l'honneur  de  toute  leur 
maison.  Elles  pensent  que  leur  sœur  aînée  fournira  son  con- 
tingent. Elles  envoient  le  sieur  de  la  Primaye  pour  tout  li- 
quider. 

Il  serait  parfaitement  inutile  de  s'étendre  davantage  sur  ces 
débats.  Quoique,  en  dehors  de  ces  lettres,  j'aie  sous  les  yeux 
quelques  antres  documents  *,  ils  ne  suftiraient  pas  pour  se  faire 
une  idée  nette  de  la  justice  des  prétentions  de  chacun.  Seule- 
ment, on  en  voit  assez  pour  comprendre  que,  dans  les  discus- 
sions d'intérêt,  les  grandes  gens  descendent  souvent  à  des  peti- 
tesses. 

La  dernière  lettre  des  cinq  princesses  est  datée  de  La  Haye, 
le  14  décembre  1643.  Elle  n'a  pour  but  que  de  former  oppo- 
sition à  la  vente  de  la  maison  de  la  rue  Verdaine,  a  laquelle  la 


'  De  iJeil't,  le  23  août  1631.  PorWf.  dt's  pièces  liisL,  dossier  n*^  WbQ. 

-  Arrêté  )30ur  taire  procéder  à  un  inventaire  des  l)iens  laissés  par  la  prin- 
cesse (Reg.  des  Particuliers,  30  mai  1629 1.  Sentence  du  12  mars  1632  re- 
lative à  l'ouverture  des  coffres  provenant  de  l'hoirie  ,Reg.  des  Appellations 
suprêmes).  Lettres  de  Berne,  12  avril  1636  (dossier  n"  2983  ,  1  mai  1637 
(n»  3017),  19  mars  1638  (no3029),  11  lévr.  1639  (n"  3052). 


179 

sœur  aînée  voulait  faire  procéder.  Le  colonel  de  Croll  avaii 
écrit  de  Venise  dix  jours  plus  tôt  '  pour  le  même  motil  et  dans 
l'intérêt  de  ses  enfants  ^. 

Ceci  peut  déjà  faire  présumer  que  l'accord  n'était  plus  com- 
plet entre  le  S"^  Croll  el  sa  femme.  On  le  voit,  au  reste,  plei- 
nement, dans  une  intéressante  notice  due  à  feu  le  professeur 
Dan. -Alex.  Chavannes  '\  On  y  apprend  que  Croll  joua,  pendant 
quelques  années,  un  certain  rôle  dans  le  Pays  de  Vaud,  qu'il 
obtint  la  bourgeoisie  de  Berne,  et  que  son  mariage,  qui  avait 
débuté  sous  les  auspices  d'un  violent  amour,  finit  par  un  di- 
vorce. 

Nos  registres  nous  instruisent  encore  à  cet  éi;ard.  Le  1~' 
juin  1644,  Croll  écrivit  de  Prangins  au  Petit  Consed.  Il  de- 
mandait aux  magistrats  de  vouloir  bien  prendre  sous  leur  pro- 
tection ses  enfants  qu'il  savait  être  à  Genève  et  de  ne  pas 
permettre  qu'ds  en  sortissent  avant  le  jour  où  il  pourrait  s'ex- 
pliquer plus  amplement.  On  fit  venir  Maria-Belgia,  on  lui  lut  la 
lettre  de  son  mari  el  elle  demanda  pareillement  «  qu'il  pleust  a 
Messeigneurs  la  prendre  en  leur  protection  avec  ses  enfants, 
l'éducation  et  nourriture  desquels  luy  ayant  esté  commise  par 
les  lettres  de  divorce  par  elle  obtenues  du  Vénérable  Consistoire 
de  Berne,  le  S"^  Croll  n'a  que  faire  de  s'en  mettre  en  peine  ni 
de  s'en  mes  1er  *.  » 

On  ajoute,  il  est  vrai,  que  les  deux  époux  s'accusaient  mu- 
tuellement de  torts  qui  ne  purent  être  prouvés  el  que  le  di- 
vorce ne  fut  pas  confirmé  par  le  gouvernement  bernois.  La 
séparation  définitive  fut  opérée  par  un  coup  de  poignard  que 
Croll  reçut  en  Italie. 

*  Porte f.  des  pièces  liist.,  dossier  ii»  3134. 

*  Cet  immeuble  fut  vendu  publiquement  le  "27  avril  1044,  pour  la  somme 
de  11.  20,700  (env.  9555  fr.)  ;  l'acquéreur,  Nob.  et  Spect.  Fr.  Rigaud,  était 
créancier  de  Maria-Belgia  pour  10,300  fl. 

'  Journal  de  la  Société  vaudoise  d' Utilité  publique ,  l.  VI,  p.  338  et  t.  Vil, 
p.  124. 

*  Rey.  du  Conseil,  1644,  1»  59,  3  juin. 


180 

De  ce  mariage  étaient  nés  un  fils  dont  Berne  fui  marraine 
et  qui  ne  laissa  pas  de  postérité,  plus  quatre  filles  qui  toutes 
épousèrent  des  hommes  du  Pays  de  Vaud,  en  sorte  que  bien 
des  familles  vaudoises  ont  dans  leurs  veines  du  sang  des  anciens 
rois  de  Portugal  et  de  l'illustre  maison  de  Nassau-Orange. 

La  veuve  du  colonel  Groll  vint  terminer  ses  jours  a  Genève, 
où  elle  décéda  le  29  juillet  1647,  élant  âgée  de  47  ans.  Elle 
demeurait  alors  «  en  la  maison  de  noble  et  honoré  seigneur 
Timolhée  Perrot,  à  Clébergue  ' .  »  Elle  fut  enterrée  dans  une  cha- 
pelle de  Saint-Pierre,  à  droite  du  chœur,  laquelle  porte  encore 
le  nom  de  chapelle  des  princesses  de  Portugal.  Aucune  inscrip- 
tion ne  consacre  le  souvenir  de  ces  événements  étranges,  dont 
le  récit,  même  tout  prosaïque,  rappelle  un  mot  de  M.  Guizot  : 
«  On  veut  des  romans.  Que  ne  regarde-t-on  de  près  à  l'histoire?» 

Th.  H. 


On  a  joint  ici  deux  lettres  du  prince  d'Orange  Frédéric- 
Henri,  parce  qu'elles  se  rapportent  aux  faits  qui  précèdent. 

La  Haye,  18  avril  1632. 

Portefeuilles  des  pièces  historiques,  dossier  n"  2908. 

Messieurs.  J'ay  si  bonne  souvenance  des  courtoisies  qu'à  ma  considé- 
ration il  vous  a  tousjours  pieu  départir  à  Mesdemoiselles  de  Portugal  mes 
Niepces,  et  aussi  à  leur  arrivée  par  deçà  m'en  ont  elles  rendu  tant  de 
tesmoignage,  qu'après  les  obligations  que  je  vous  en  recognoy,  il  me 
desplaist  d'entendre  qu'encor  tous  les  jours  vous  vous  trouviez  importunez 
de  leurs  affaires,  au  moyen  des  fâcheries  que  leur  laict  naistre  leur  sœur 
aisnée,  sur  le  subject  de  quelques  points  illiquidés  à  vuider  entre  elles, 

*  Reg.  des  Décès  (chancellerie). 


[Si 

jiisques  à  inquiéter  les  personnes  d'honneur  qui  ontprins  la  peine  de  sous- 
tenir  le  droict  de  leur  cause  en  leur  absence.  Et  m'induisent  ces  consi- 
dérations à  vous  proposer,  qu'afin  de  vous  descharcher  de  ces  minutez,  la 
dispute  qui  est  restée  entre  mesdiles  Niepces  pourroyt  à  mon  advis  estre 
renvoyée  par  deçà,  où  la  plus  grande  part  d'icelles  réside,  et  où  j'auray 
moyen  de  faire  terminer  le  tout  en  bref  et  à  fort  peu  de  façon.  Pendant 
quoy  je  vous  supplieray  de  ne  permettre  au  moins  que  les  dites  gens  de 
bien,  qui  se  sont  interposées  de  bonne  volonté  en  la  défense  des  absentes, 
en  reçoivent  un  loyer  si  inique  que  de  s'en  trouver  outragées  et  molestées 
sans  subject,  les  affaires  ne  les  touchant  pas,  qu'en  tant  qu'ilz  sont  en- 
clins à  gratifier  mesdites  Niepces  de  ce  qui  est  de  leur  entremise  en  jus- 
tice et  équité.  De  quoy  ra'attendant  comme  de  ce  que  dessus  à  vostre 
discrétion  et  prudence  coutumière,  je  demeureray  tout  prest  de  mesme  à 
vous  tesmoigner  que  je  suis.  Messieurs,  vostre  très  affectionné  à  vous 
faire  service. 


Nimégue,  12  juillet  1634. 

Dossier  n«  2956. 

Messieurs.  Mesdemoiselles  de  Portugal,  mes  Niepces,  résidentes  en  ces 
pays,  m'ont  tant  rendu  de  tesmoignage  des  obligations  qu'il  vous  a  pieu 
vous  acquérir  sur  elles  par  le  passé,  que  comme  la  nécessité  de  leurs 
affaires  les  a  portées  à  renvoyer  encor  par  delà  le  S""  de  la  Primaye, 
Ouartiermaistre  sous  ma  permission ,  j'ay  presques  jugé  superflues  les 
addresses  qu'elles  m'ont  demandées  pour  luy  en  vostre  endroict,  en  ce 
qui  est  de  la  bienvueillance  qu'elles  s'estiment  encor  nécessaire  de  vostre 
part,  au  rapport  de  leurs  susdites  affaires,  dont  vous  me  permettrez,  s'il  vous 
plaist,  de  vous  asseurer  seulement  par  cestes,  que  les  bons  offices  qu'elles 
s'osent  indubitablement  promettre  de  la  suite  de  voz  faveurs  aux  occasions 
qu'aura  ledit  de  la  Primaye  de  vous  en  requérir  en  leur  nom,  me  tien- 
dront lieu  d'un  bénéfice  très  particulier,  et  le  ressentiment  duquel  me 
portera  tousjours  à  vous  faire  veoir  en  ce  qui  concernera  le  bien  de  vostre 
service,  que  je  suis  de  faict,  Messieurs,  vostre  très  affectionné  à  vous 
faire  service. 

T.  XV,  V^  part.  13 


IiGTTRC:§ 


DE 


THÉODORE   TURQUET 

DE  MAYERNE 

AU  PETIT  CONSEIL  DE  GENÈVE 


Notre  république,  avant  de  faire  partie  intégrante  de  la  Con- 
fédération suisse,  était  un  Etat  si  petit  et  si  faible,  que  son 
gouvernement  se  trouvait  nécessairement  forcé  d'avoir  recours 
à  toutes  sortes  de  moyens  pour  se  soutenir.  Lorsque  des  dangers 
menaçaient  Genève,  lorsque  la  conduite  du  duc  de  Savoie  don- 
nait des  craintes  pour  !a  sûreté  de  la  ville,  le  Petit  Conseil  s'a- 
dressait d'abord  aua;  bons  et  fidèles  alliés  et  confédérés;  puis,  selon 
les  circonstances,  il  envoyait  des  députés  à  la  cour  de  France, 
aux  Etats-Généraux  des  Pays-Bas,  en  Allemagne,  en  Angle- 
terre, pour  solliciter  appui  et  secours.  Mais  il  s'efforçait  aussi 
d'avoir,  dans  ces  diverses  directions,  des  amis  qui  s'employas- 
sent en  notre  faveur  auprès  des  puissants  de  ce  monde. 

Des  hommes  qui,  dans  leur  jeunesse,  avaient  fait  des  études 
à  G(!nève,  et  qui,  arrivés  à  l'âge  mûr,  se  trouvaient  placés  de 
manière  à  nous  rendre  quelques  services,  s'acquittaient  souvent 
de  ce  soin  avec  plaisir  ;  et  le  Conseil,  de  son  côté,  ne  ména- 
geait pas,  dans  l'occasion,  les  égards,  les  attentions,  même  les 


183 

flatteries.  Quelquefois,  c'étaient  des  Genevois  qui,  établis  plus 
ou  moins  longuement  hors  de  la  patrie,  profitaient  avec  bon- 
heur, pour  lui  être  utiles,  de  relations  avantageuses  qu'ils  de- 
vaient à  leur  mérite  ou  à  d'heureuses  circonstances. 

En  étudiant  notre  histoire  dans  les  diHails,  on  rencontre  les 
noms  de  plusieurs  personnages  étrangers,  grands  seigneurs,  mi- 
litaires ou  savants,  qui  jouèrent  ainsi  en  faveur  de  Genève,  le 
rôle  de  diplomates  ofticieux.  La  famille  dont  je  me  propose  de 
parler  aujourd'hui,  en  offre  un  exemple  dans  l'un  de  ses  mem- 
bres, qui  s'est  acquis  à  divers  égards  une  grande  réputation. 

Louis  Turquet,  natif  de  Lyon,  connu  par  la  publication  de 
nombreux  ouvrages,  et  entre  autres  par  une  Histoire  générale 
d'Espaijne,  qui  a  eu  plusieurs  éditions,  ayant  été  persécuté  pour 
ses  opinions  religieuses  et  politiques,  se  réfugia  à  Genève,  où  il 
fut  reçu  habitant  le  16  mars  1573.  La  même  année,  il  lui' 
naquit  un  fils  qui  est  inscrit,  à  la  date  du  l*''"  octobre,  dans  le 
registre  des  baptêmes  de  l'église  de  Sainl-Pierre,  en  ces  ter- 
mes: «  Ce  jeudy  l*^^  a  été  baptizé  Théodore,  fils  de  Louis 
Turquet  et  de  Louise  sa  femme,  présenté  par  M.  Théodore  de 
Besze  après  sa  prédication.  » 

Cet  enfant  devint  plus  tard  célèbre,  sous  le  nom  de  Turquet 
de  Mayerne.  L'éditeur  de  la  collection  complète  de  ses  œuvres 
médicales  \  J.  Brown,  dit  que  Théodore  Turquet  naquit  dans 
une  maison  de  campagne,  située  près  de  Genève  et  dont  cette 
famille  prit  le  nom.  Baulacre  '  a  déjà  fait  observer  qu  on  ne 
connaît  aucune  localité  ainsi  nommée  dans  nos  environs,  et  il 
fixe  la  naissance  de  Théodore  au  28  septembre,  d'après  Bayle  ^ 
qui  tenait  lui-même  ses  renseignements  de  Vincent  Minutoli. 

On  raconte  généralement  que  le  jeune  Turquet  de  Mayerne 

'  Tiieod.  Turquet. Mayernii, Opéra  medica,  etc.  Londini,  1701,  fol.  Prœ- 
fatio. 

-  Œuvres  histor.  el  liUér.  T.  I,  p.  163. 
*  Dict.  Itistor.  et  critiq.,  art.  Mayerne. 


184 

fit  ses  humanilés  à  Genève  ;  cependant  on  ne  trouve  pas  son 
nom  dans  le  Livre  du  recteur.  Il  commença  du  moins  ses  études 
dans  noire  ville  et  les  continua  à  Heidelberg  ;  puis  il  se  rendit 
à  Montpellier,  où  il  prit  le  grade  de  docteur  en  médecine,  en 
1597.  Il  alla  ensuite  à  Paris,  où  il  fit  des  cours  d'analomie  et 
de  pharmacie;  il  obtint  la  charge  de  l'un  des  médecins  ordi- 
naires de  Henri  IV.  et  cela,  à  la  recommandation  du  premier 
médecin  du  roi.  Dans  l'année  1600,  il  fui  appelé  à  accompagner 
le  duc  de  Rohan,  el  voyagea  avec  lui  en  Allemagne  et  en  Ilalie. 
De  retour  à  Paris,  en  1602,  il  ouvrit  un  cours  de  médecine 
et  de  chirurgie  qui  irrita  la  Faculté  ;  mais  il  avait  acquis  une 
grande  renommée  et  l'on  croit  que,  s'il  avait  voulu  changer  de 
rehgion,  il  aurait  obtenu  le  tilre  de  premier  médecin  du  roi. 

Mais  revenons  a  son  père,  Louis  Turquet.  Il  résida  longtemps 
à  Genève,  car  on  le  voit  assez  fréquemment  mentionné  dans 
nos  registres. 

C'est  ainsi  que  ceux  des  baptêmes  de  l'église  de  Sl-Pierre, 
contiennent  encore  l'indication  du  baptême  d'un  autre  fils, 
Philippe,  sous  la  date  du  14  décembre  1591  \  Un  autre  fils 
encore,  Henri,  dut  naître  aussi  dans  notre  ville  vers  1587, 
comme  nous  le  verrons  bientôt. 

Les  registres  du  Conseil  parlent  de  Louis  Turquet  pour  des 
affaires  de  peu  d'importance.  Mais  j'y  trouve  l'article  suivant, 
duquel  on  peut  inférer  qu'on  regardait  cet  écrivain  comme  placé 
de  manière  à  être  utile  à  la  répubhque  :  «  M.  Turquet.  Estant 
proposé  qu'il  s'en  va  en  France  et  offre  de  faire  service  à  Mes- 
sieurs, a  esté  arresté  qu'on  luy  recommande  les  afaires  de  la 
seigneurie  en  court,  et  h  ces  fins  qu'on  l'en  instruise  *.  j> 

Pour  retrouver  de  nouvelles  mentions  de  cette  famille  dans 
nos  registres  publics,  il  faut  franchir  une  vingtaine  d'années. 

L'assassinai  de  Henri  IV  (14  mai  1610)  causa  une  grande 

'  «  Le  jeufly  14  (décemlDre  1591)  a  esté  Ijaptizé  Philippe  filz  de  Lois  Tur- 
quet et  de  Loise  sa  femme,  né  le  sixiesme  et  présenté  par  Joseph  du  Chesne.  * 
^  Refi.  du  Cons.  Vol.  de  1591,  fol.  153,  19  août. 


185 

conslernaiion  dans  Genève.  On  craignait  que  Charles-Emma- 
nuel, le  constant  ennemi  qui  nous  convoitait,  ne  fût  enhardi  par 
cet  événement  à  renouveler  quelque  tentative  contre  noire  indé- 
pendance. Ces  alarmes  n'étaient  pas  sans  fondement.  Vers  la 
fin  de  la  même  année  ei  au  commencement  de  la  suivante,  on 
annonçait  de  toutes  parts  que  la  ville  allait  être  assiégée.  Les 
troupes  du  duc  approchaient,  et  l'on  avait  tout  lieu  de  croire 
qu'elles  menaçaient  le  Pays  de  Yaud  aussi  bien  que  Genève. 
Les  Bernois  firent  garder  leurs  possessions  et  envoyèrent  600 
hommes  dans  noire  ville.  La  France  se  montra  toute  disposée  à 
nous  soutenir.  La  reine  régente  fit  partir  M.  de  La  Noue, 
qui  vint  assurer  le  Petit  Conseil  de  l'intérêt  qu'elle  prenait  à 
notre  conservation  ;  elle  remit  à  Jacob  Anjorrant,  qui  avait  été 
député  à  Paris,  outre  la  subvention  ordinaire  de  71,000  liv., 
«ne  somme  de  18,000  liv,,  pour  être  employée  à  l'entretien  des 
gens  de  guerre,  et  elle  envoya  au  duc  le  S""  d.^  Barraut,  pour 
l'engager  h  renoncer  aux  desseins  qu'il  pouvait  avoir  contre 
nous.  Plusieurs  gentilshommes  français,  attachés  h  la  Rét'orma- 
tion,  vinrent  offrir  leurs  services  à  la  République  :  parmi  eux, 
je  citerai  comme  portant  d.a  noms  illustres,  M,  de  Soubise,  de 
la  maison  de  Rohan,  et  M.  Cyrus  de  Béthune,  neveu  de  Sully. 
Les  Eglises  de  Montpellier  et  de  Nîmes  fournirent  aussi  des 
secours.  En  comptant  les  Suisses  et  les  Français,  il  se  trouva 
dans  nos  murs  2000  soldats.  On  comprend  que,  pour  une  ville 
dont  la  population  ordinaire  ne  s'élevait  guère  qu  à  14,000 
âmes,  c'était  lit  une  augmentation  sensible.  Chaque  jour,  600 
hommes  travaillaient  aux  fortifications,  sous  la  direction  de  di- 
vers ingénieurs  distingués. 

Cependant  il  est  facile  de  supposer  que  cette  brillante  jeu- 
nesse française,  que  ces  amis  si  dévoués,  occasionnaient  quelque- 
fois des  embarras  au  gouvernement.  Ces  militaires  étaient  de 
zélés  protestants,  je  veux  le  croire  ;  mais  étaient-ils  tous  disposés 
à  vivre  selon  les  lois  austères  établies  par  Calvin  ?  il  est  permis 
d'en  douter.  Le  fait  que  je  vais  raconter  semble  du  moins  dé- 


186 

noter  des  mœurs  bien  différenles  de  celles  que  nous  avons 
l'habitude  <le  nous  représenter  a  celle  époque,  et  s'il  s'éloigne 
du  but  principal  que  je  me  suis  proposé,  il  me  paraît  de  nature 
à  faire  mieux  connaître  la  vie  de  Genève  au  commencement  du 
XVIP  siècle. 

Le  dimanche  14  avril  1611,  dans  une  nnuson  de  la  rue  des 
Chanoines,  qui  avait  appartenu  à  l'un  des  plus  fidèles  disciples 
du  réformateur,  chez  la  veuve  d'un  ancien  syndic,  dans  la 
chambre  même  de  cette  dame  qui  était  au  lit,  quelques-uns  de 
ces  jeunes  gentilshommes  étaient  réunis ,  ii  neuf  heures  du 
soir.  Une  dispute  s'éleva  entre  Henri  de  Mayerne  et  Samuel 
de  la  Chapelle,  baron  de  la  Rochegiffart.  On  en  vint  bientôt  à 
tirer  l'épée  et  le  premier  reçut  un  coup  dont  il  mourut  pres- 
que immédiatement. 

Le  Petit  Conseil  eut  une  séance  le  même  soir,  à  onze  heures  : 
«  Le  Conseil  a  esté  appelé  pour  adviser  du  meurtre  commis 
en  la  persomne  du  sieur  de  Mayerne  par  le  baron  de  la  Roche- 
giffart, lequel  on  dit  s'eslre  retiré  dans  le  logis  de  Monsieur  de 
Souhise.  Ârresié  qu'on  aille  quérir  ceux  qui  esloyent  pré- 
sents audit  meurtre.  Lesquels  estant  ouys  en  Conseil  et  leurs 
dépositions  rédigées  par  escrit,  a  esté  arresté  que  M.  le  lieute- 
nant aille  tout  présentement  faire  tout  debvoir  d'appréhender 
le  meurtrier,  et  en  parler  à  M.  de  la  Noue  et  à  M.  de  Béthune, 
et  que  les  portes  de  la  ville  demeurent  fermées  jusqu'à  ce  qu'il 
soit  appréhendé  '.  » 

Le  lendemain,  M.  Dauphin,  c'est-à-dire  François  de  Cha- 
peaurouge,  lieutenant,  «  rapporte  avoir,  avec  les  sieurs  Dela- 
maisonneuve  (conseiller)  et  [le]  Sautier.  remontré  à  M.  de  la 
Noue  le  desplaisir  que  Messieurs  ont  du  meurtre  advenu  la  nuit 
passée  et  prié  d'aller  exhorter  M,  de  Souhise  à  rendre  le  meur- 
trier. Ce  que  M.  de  la  Noue  a  recogneu  estre  raisonnable  et  a 
promis  d'y  aller.  Ledit  sieur  Dauphin  en  a  aussy  parlé  à  M.  de 

*  Herj.  du  Cons.  Vol.  de  I6i  1-1612,  fol.  140. 


187 

Soubise,  luy  remonstrant  que  Messieurs  ont  usé  de  respect 
envers  luy  et  n'ont  voulu  faire  ouvrir  son  logis,  parce  qu'ils 
croyoyent  qu'il  représenteroil  voionloirement  le  meurtrier,  le- 
quel aussy  il  ne  sçaurait  faire  évader,  parce  qu'on  a  donné  ordre 
aux  portes,  et  qu'on  est  presi  de  faire  des  proclamations  contre 
les  récélateurs.  Ledit  seigneur  a  respondu,  pleurant,  que  le  meur- 
trier avait  bien  esté  en  son  logis,  mais  n'y  estoit  plus  ;  et  plu- 
sieurs autres  seigneurs  françois  qui  pleuroient  aussi  et  prioyent 
qu'on  dissimulast  aflfm  de  le  laisser  évader,  qu'autrement  on  les 
chassera  tous  et  désobligera  deux  milles  gentilshommes  leurs 
parentz  et  amis  qui  se  rendroyent  nos  ennemis.  De  là  il  est  allé 
voir  M.  de  Bélhune  qui,  au  contraire,  a  demandé  justice  et  dist 
que  si  Messieurs  ne  la  font,  d'autres  la  feront,  qu'il  a  desjà  esté 
chez  M.  de  Soubise  et  que,  s'il  eust  trouvé  le  meurtrier,  peut- 
estre  que  la  justice  en  seroit  desjà  faite  ;  qu'il  oublie  son  particu- 
li(-r  et  ce  que  le  mort  estoit  à  luy,  mais  remonstre  le  scandale  et 
deshonneur  que  s'acquièrent  les  François.  —  Ârresté  que  les 
sieurs  Dauphin,  Fabri  et  Maisonneuve  en  aillent  derechef  parler 
à  M.  de  la  Noue  et  luy  dient  que  Messieurs  ne  veulent  point 
sortir  du  Conseil  que  ledit  baron  ne  leur  soit  rendu.  Enfin,  après 
plusieurs  allées  et  venues,  ledit  baron  a  esté  amené  céans  et  M. 
Rillet  commis  pour  informer  *.  » 

C'était  quelque  chose,  au  point  de  vue  de  la  justice,  que  d'a- 
voir obtenu  la  remise  du  meurtrier  à  l'Hôtel  de  Ville.  Mais  il 
fallait  encore  que  le  Conseil  prît  une  décision,  et  cela  présentait 
bien  des  difficultés. 

On  alla  d'abord  au  plus  pressé.  On  refusa  à  M.  de  Béthune 
de  faire  à  Henri  de  Mayerne  des  funérailles  avec  les  honneurs 
militaires.  Ou  interrogea  le  prisonnier  et  l'on  sursit  au  juge- 
ment, en  chargeant  les  syndics  de  chercher  à  apaiser  M.  de 
Béthune. 

Pendant  l'intervalle,  les  amis  du  baron  de  la  Rochegiffàrt 

*  Ibid.,  fol.  m. 


188 

ne  se  lassaient  pas  de  solliciter  en  sa  faveur.  MM.  de  Lux  et 
Le  Grand,  le  premier,  lieutenant-général,  le  second,  gouver- 
neur de  Bourgogne,  écrivirent  dans  le  même  sens  au  Conseil  ; 
M.  de  la  Varenne,  envoyé  de  France  à  Turin  dans  notre  intérêt, 
assura,  en  passant  à  Genève,  que  la  reine  verrait  avec  plaisir 
qu'on  fît  grâce  \ 

D'autre  part,  il  y  avait  des  lois  formelles,  et  la  population 
ne  paraissait  pas  disposée  à  ce  qu'elles  fussent  mises  de  côté 
en  cette  circonstance.  Le  18  avril,  à  une  première  séance  du 
Petit  Conseil,  je  lis:  «  M.  le  premier  syndique  rapporte  que 
M.  Goulart  (modérateur  de  la  Compagnie  des  pasteurs)  le  vinst 
trouver  hier  au  soir  et  luy  dist  qu'il  voyoit  les  jugements  de  Dieu 
sur  nous,  parce  que  nous  ne  faisions  la  justice  que  nous  deb- 
vrions  du  baron  de  la  Rochegiffarl,  et  qu'il  a  ouy  dire  qu'on  le 
veut  libérer.  Mais  qu'il  ne  faloit  pas  croire  que  les  seigneurs 
françois  qui  sont  icy  veuillent  empescher  la  justice  ;  que  Dieu 
nous  oslera  les  bastons  [syndicaux];  que  nous  en  rendrons 
[compte]  devant  Dieu  ;  que  quant  à  luy,  il  ne  s'en  taira  point 
en  chaire  ;  que  l'origine  de  ceci  vient  de  ce  que  les  femmes  et 
fdles  vont  aux  terreaux  (c'est-à-dire  voir  les  travaux  des  forti- 
fications). »  A  la  deuxième  séance  du  même  jour,  je  lis  encore  : 

«  M.  de  Bélhune  a  fait  présenter  un  billet par  lequel  il 

prie  Messieurs  de  faire  justice  de  l'homicide  du  sieur  de 
Mayerne,  etpourcest  effect  ne  procéder  pas  au  jugement  qu'au 
préalable  ils  n'aient  jugé  si  les  tesmoins  sont  reprochahles  ou 
non,  parce  qu'ils  sont  la  plupart  intimes  amis  et  camarades  du 
sieur  de  la  Rochegitfart  ^.  » 

Le  Petit  Conseil  résolut  de  ne  pas  assumer  toute  la  respon- 
sabilité de  cette  affaire.  Il  fit  engager  le  prisonnier  a  présenter 
une  requête  en  grâce  et  convoqua  le  Conseil  des  Deux  Cents 
pour  le  lendemain  19  avril: 

«  Après  la  prière  faite,  M.  le  premier  syndique  a  représenté 

•  Reg.  du  Cous.  Vol.  de  1611-1612,  fol.  U2,  143,  146. 

*  Ihid.Jol.  145. 


4  89 

que....  il  y  a  un  aifaire  imporlant  et  qui  regarde  l'Eiai,  lequel 
comme  il  est  extraordinaire,  aussy  Messieurs  y  ont  voulu  pro- 
céder exlraordinairement.  C'est  assavoir  l'homicide  commis  di- 
manche dernier  sur  les  neul  heures  du  soir,  en  la  chambre  de 
madame  de  Vérace,  par  nob.  Samuel  de  la  Chapelle,  baron  de  la 
Rochegiffart,  lequel,  après  leraeuilre,  s'esioit  retiré  dans  le  logis 
de  M.  de  Soid)ise,  et  néanlmoins,  par  la  prudence  de  Messieurs 
et  de  M.  de  la  Noue,  avoit  esté  remis  entre  les  mains  de  la 
Justice  et  amené  prisonnier  céans,  où  il  est  à  présent,  confes- 
sant son  crime  et  en  demandant  grâce  a  ce  magnifique  Conseil  ; 
que  M.  le  Grand  et  M.  le  baron  de  Lux  ont  escrit  en  sa  faveur  et 
prient  fort  instamment  Messieurs  de  luy  ottroyer  ladite  grâce  ; 
que  MM.  de  Soubise,  de  La  Noue,  de  Chamberet,  et  presque 
toute  la  noblesse  françoise  qui  est  en  cesle  ville  pour  nostrc 
secours,  intercèdent  pour  luy;  que  pour  ces  considérations 
Messieurs  n'ont  voulu  passer  outre  à  doimer  leur  jugement 
sur  ce  procez  criminel,  mais  ont  voulu  pour  la  conséquence  du 
fait  le  rapporter  à  ceste  Compagnie.  —  Après  cela,  MM.  de 
Soubise,  de  la  Noue  et  Chamberet  ayantz  reijnis  d'estre  ouys, 
sont  entrez  et  ayantz  pris  place  prez  de  M.  le  premier  syndique, 
M.  de  la  Noue  a  dit  qu  ayantz  entendu  qu  on  vouloit  ce  matin 
iraitter  le  fait  dudit  prisonnier,  ils  ont  voulu  supplier  ce  Conseil 
de  n'y  user  pas  de  la  sévérité  des  loix;  qu'il  se  trouvera  que  ce 
n'est  point  un  guet  à  pens,  mais  une  querelle  subite;  qu'il  est 
de  grand'maison,  alïectionné  de  tous  les  seigneurs  qui  sont  ve- 
nus ici  pour  nostre  secours;  que  ce  fait  ne  touche  point  l'Esiat; 
que  si  la  briefveté  du  temps  l'eust  porté,  la  Reyne  en  eusi 
escrit  en  sa  faveur  ;  prie  particulièrement  de  considérer  ce  que 
luy  a  apporté  pour  retirer  ledit  prisonnier  du  lieu  où  il  s'estoit 
jeté,  affin  de  luy  faire  subir  la  jurisdiction  de  Messieurs  soubz 
espérance  de  leur  douceur.  —  Cela  fait,  lesdils  seigneurs  sont 
sortis  et  ont  esté  leues  la  requeste  présentée  par  le  criminel 
pour  obtenir  grâce  de  ce  magnifique  Conseil,  de  luy  signée,  et 
les  lettres  de  MM.  le  drand  et  de  Lux,  outre  lesquelles  M.  le 


190 

premier  syndique  a  rapporté  que  ce  malin  M.  de  la  Varanne, 
allant  trouver  le  Duc  de  la  part  de  la  Reyne,  a  fort  prié  pour 
ce  gentilhomme,  bln  après  a  esté  opiné,  et  finalemeut  arresté 
que  Messeigneurs  pour  bonnes  considérations  à  ce  les  mou- 
vants, ont  oliroyé  et  ottroyent  audit  de  la  Chapelle  pleine  et 
entière  grâce  et  rémission  dudit  homicide  *.  » 

On  renvoya  promptement  hors  du  territoire  genevois  le  sieur 
de  la  Rochegiffarl,  pour  éviter  quelque  acte  de  vengeance  contre 
lui  ;  on  chercha  à  calmer  M,  de  Bélhune  qui  montrait  du  mé- 
contentement, et,  à  sa  recommandation,  on  fit  grâce  pareille- 
ment à  un  individu  qui  en  avait  tué  un  autre  en  duel  *. 

Au  reste,  les  Français  qui  étaient  venus  au  secours  de  Ge- 
nève ne  prolongèrent  pas  beaucoup  leur  séjour  ici,  le  duc  ayant 
signé  au  commencement  de  mai  un  iraité  de  désarmement. 

Le  père  du  jeune  Henri  de  Mayerne  écrivit  deux  lettres  à  nos 
magistrats:  l'une,  annoncée  dans  la  séance  du 7  mai,  demandait 
justice  contre  le  meurtrier;  l'autre,  indiquée  dans  la  séance  du 
21  mai,  réclamait  une  déclaration  par  laquelle  la  grâce  octroyée 
à  de  la  Rochegiffart  n'empêcherait  point  un  recours  en  dom- 
mages et  intérêts.  Cette  déclaration  fut  immédiatement  accor- 
dée, ainsi  qu'une  copie  de  toute  la  procédure.  Quelques  mois 
plus  tard,  on  reçut  aussi  communication  d'une  pièce  par  la- 
quelle S.  M.  Louis  XIII  étendait  à  son  royaume  le  bénéfice 
de  la  grâce  accordée  par  notre  Grand  Conseil. 

On  n'a  pas  conservé  les  deux  lettres  de  Louis  Turquet,  mais 
nous  en  avons  une  écrite  par  sou  fils  aîné,  Théodore,  à  l'oc- 
casion du  même  événement  \  Je  remarquerai  ici  l*'  que  dans 
cette  lettre ,  mais  dans  cette  lettre  seulement ,  Turquet  de 
Mayerne  parle  de  Genève  comme  étant  sa  patrie,  et  cependant 
ni  son  père  ni  lui  ne  furent  reçus  bourgeois  ;  2**  qu'il  indique 
son  frère  comme  étant  né  dans  notre  ville,  ce  qui  est  conforme 

'  Refj.  du  Cons.  Vol.  de  1611-1612,  fol.  146. 
*  Ibid.,  fol.  159,  séance  du  3  mai. 
^  Voir  plus  loin  Lettres,  n"  \ . 


191 

au  registre  des  décès,  lequel  déclare  Henri  de  Mayerne  natif  de 
Genève  et  âgé  de  24  ans  *.  La  naissance  de  ce  dernier  devrait 
donc  remonier  h  l'année  1587,  mais  on  ne  la  trouve  pas  ins- 
crite dans  nos  registres. 

La  réputation  de  Théodore  Turquei  de  Mayerne  avait  grandi. 
Appelé  dès  1611  en  Angleterre  par  le  roi  Jacques  I°\  il  fut 
nommé  son  premier  médecin,  son  conseiller,  et  devint  son  fa- 
vori. Dans  cette  position,  la  pratique  de  la  médecine  lui  fit 
acquérir  de  grandes  richesses.  En  1621,  il  avait  acheté  la 
baronnie  d'Àubonne,  et  étant  venu  y  passer  quehjue  temps,  il 
retrouva  bientôt  à  Genève  d'anciens  amis. 

A  cette  époque,  les  inquiétudes  causées  par  le  duc  de  Sa- 
voie étaient  très-vives,  puisqu'on  se  décida  à  envoyer  Bénédict 
Turrettini  dans  les  Provinces-Unies,  pour  demander  des  se- 
cours pécuniaires  :  et  comme  on  cherchait  à  s'appuyer  de  tous 
côtés,  ce  fut  avec  empressement  qu'on  reçut  les  avances  du 
médecin  du  roi  d'Angleterre,  qui  offrait  de  nous  servir  auprès 
de  son  maître. 

«  M.  le  syndique  Larchevêque,  dit  le  registre  du  Conseil,  a 
rapporté  que  M.  de  iMayerne  luy  a  dit  qu'il  avait  charge  du  Roy 
de  la  Grande-Bretagne,  son  maistre,  de  nous  asseurer  de  sa 
bienveillance,  et  s'offre  de  s'employer  envers  S.  M.  pour  ceste 
République,  en  tout  ce  qui  luy  sera  possible,  tesmoignanl  d'estre 
porté  d'une  sincère  et  cordiale  affection.  Arresté  de  le  remercier 
et  le  prier  de  continuer  en  ceste  bonne  volonté  et  affection,  et 
de  luy  donner  demain  à  disner  '.  » 

Dans  les  séances  suivantes,  il  est  souvent  question  du  même 
personnage.  On  voit  que  les  magistrats  lui  parlaient  de  toutes 
leurs  affaires;  ils  le  consultent  sur  deux  officiers  de  la  république 

•  (15  avril  1611.)  «  Noble  Henri  Turquet  ou  fie  Majerne  natif  en  ceste 
cité,  aagé  de  24  ans,  mort  d'un  coup  d'espée  ou  dague  qu'il  receut  hyer  au 
soir  en  la  maison  de  feu  noble  J.  Budé,  rue  ditte  des  C'anoines. 

*  %.  duCons  Vol.  de  1621,  fol.  161,  18  juin. 


192 

de  Venise,  l'un  Genevois,  l'autre  Anglais,  qui  avaienl  offert 
leurs  services  à  Genève*.  On  discuta  aussi  la  convenance  d'en- 
voyer un  député  en  Angleterre  et  on  résolut  d'adresser  au  roi 
Jacques  une  lettre  qui  serait  confiée  à  son  médecin. 

Ce  dernier  étant  parti  pour  retourn  ^r  à  Londres,  écrivit  de 
Sedan  une  lettre  au  Conseil,  laquelle  n'a  pas  été  conservée; 
mais  nous  en  avons  six  de  l'année  1622. 

Il  y  eut  encore  une  correspondance  entre  le  Conseil  et  de 
Mayerne  en  1624,  puis  en  1625,  à  l'occasion  de  la  mort  de 
Jacques  et  de  l'avénemenl  de  Charles  l®^  et  aussi  eu  1637.  On 
eu  peut  retrouver  les  principaux  traits  dans  les  registres  ^. 

Après  l'exécution  de  Charles  en  1649,  de  Mayerne  se  retira 
à  Clielsea,  où  il  mourut  le  15  mars  1655,  âgé  de  81  ans.  On 
apprit  bientôt  à  Genève  que  le  riche  médecin  s'était  souvenu, 
dans  ses  dis|)Ositions  testamentaires,  de  la  ville  où  il  avait  reçu 
le  jour  et  passé  ses  premières  années.  Il  avait  donné,  pour  ré- 
parer le  bâtiment  de  l'Hôpital,  tout  ce  que,  au  moment  de  son 
décès,  on  trouverait  dans  sa  boite  des  pauvres.  Cette  somme 
s'éleva  à  200  liv.  sterling.  Le  Conseil  reçut  à  cette  occasion 
une  lettre  de  sa  fille  Adriana,  et  l'argent  arriva  à  Genève  au 
bout  de  quelque  temps,  par  l'entremise  du  célèbre  peintre  Pe- 
tilot,  qui  avait  eu  en  Angleterre  de  précieux  rapports  avec  de 
Mayerne. 

Baulacre  nous  raconte  qu'une  nièce  de  Turquet  de  Mayerne, 
jyjme  j]g  Windsor,  remarquable  par  son  esprit  et  son  instruction, 
vint  lermiiier  sa  vie  à  Genève;  elle  avait  apporté  avec  elle  le 
portrait  de  son  oncle  peint  par  Rubens,  que  possède  notre  bi- 
bliothèque publique. 

On  sait  que  le  célèbre  médecin  des  rois  Jacques  P*"  et 
Charles  P""  s'occupait  beaucoup  de  chimie.  Il  a  découvert  la 
belle  couleur  pourpre  nécessaire   pour  les  carnations  dans  la 

'  Voir  la  lettre  n»  3. 

2  fie//,  dti  Cons.  Vol.  de  1624,  fol.  30;  vol.  de  1625,  fol.  90,  97,  101, 
152;  vol.  de  1637,  fol.  61. 


193 

peinture  sur  émail  ei  trouvé  une  préparation  de  cuivre  plus 
propre  a  l'application  de  ce  métal  sur  l'émail.  Il  composa 
aussi  une  liqueur  qui  jouit  pendant  longtemps  de  beaucoup  de 
vogue.  Elle  se  fabriquait  à  Genève,  M™"  de  Windsor  en  ayant 
communiqué  la  composition  a  la  famille  Colladon.  Nos  magis- 
trats firent  pendant  de  longues  années  une  grande  consommation 
de  celle  eau  cordiale  pour  des  cadeaux.  M.  de  Mayerne  en  au- 
rait certainement  reçu  des  mains  de  nos  magnifiques  seigneura, 
si  elle  avait  été  inventée  avant  lui,  car  il  était  au  nombre  des 
hommes  à  qui  ce  genre  de  politesse  était  réservé. 

Th.  H. 


LETTRES 

Les  lettres  de  Th.  Turquet  de  Mayerne,  adressées  au  Petit 
Conseil  de  Genève,  sont  au  nombre  de  dix.  La  première  est 
relative  à  l'homicide  commis  en  1611  sur  le  jeune  Henri  de 
Mayerne  ;  les  autres  se  rapportent  généralement  aux  circon- 
stances qui,  en  1621 ,  nécessitèrent  l'envoi  du  professeur  Béné- 
dict  Turretlini  dans  les  Provinces-Unies  des  Pays-Bas.  (Voyez 
présents  Mémoires,  t.  Xïll,  V^  partie,  p.  40.)  On  y  a  joint  : 
r  une  lettre  fn^  8)  du  Petit  Conseil  à  Th.  deMaverne;  2«  deux 
lettres  du  roi  Jacques  i^""  d'Angleterre,  l'une  (n"  11)  adressée 
à  notre  Petit  Conseil  ;  l'autre  (n°  12)  au  duc  de  Savoie;  3"  la 
lettre  (no  14)  d'Adriana  de  Mayerne  concernant  le  legs  fait  par 
son  père  a  l'Hôpital  de  Genève. 


No  1 

{Portefeuilles  des  pièces  historiques,  dossier  n"  2452.) 

Magnifiques  et  trés-honorés  Seigneurs.—  Le  funeste  accident  arrivé  en 
la  personne  de  mon  frère,  que  le  désir  d'exposer  sa  vie  pour  la  deffense 


i  '..'4 

de  nostre  commune  patrie,  avoit  porté  par  de  là,  fait  que  j'ai  recours  à 
vostre  justice,  et  n'eusse  pas  tant  tardé  d'implorer  celle  qui  habile  toute 
pure  et  sans  acception  de  personnes  dans  vostre  sacré  Conseil,  sans  l'es- 
tonnement  incroyable  que  m'a  donné  l'horreur  d'une  si  triste  nouvelle. 

L'espérance  que  j'ay  que  ce  qui  est  rendu  par  vous  à  tout  le  monde  ne 
me  sera  point  dénié,  à  moy  dis-je  qui  suis  né  dans  vos  murailles,  et  qui 
interviens  pour  un  mort  qui  m  estoit  si  proche  et  dont  la  mesme  nais- 
sance doibt  entrer  en  quelque  considération.  Geste  asseurance,  dis-je,  me 
porte  à  vous  supplier  très-humblement  que  justice  me  soit  faitte,  et  que  le 
délinquant  que  vous  tenés  dans  vos  prisons,  souffre  les  peines  deues  à  un 
acte  si  téméraire,  si  cruel  et  si  contraire  aux  loi.K  divines  et  humaines.  Je 
scay  que  les  grands  amis  qu'il  a,  l'authorité  de  la  Reine  qui  vous  a  escrit 
pour  son  eslargissement.  la  face  présente  de  vos  affaires,  et  possible  aul- 
tres  causes  qui  me  sont  cachées  pourront  tenir  vos  esprits  en  suspends  ; 
mais  au  fonds  je  ne  m'attends  pas  que  de  la  source  vive  de  la  justice 
mesme,  puisse  sortir  aulcune  action  qui  soit  à  mon  préjudice.  Le  crime 
est  atroce,  la  circonstance  du  lieu  l'aggrave,  et  quoy  qu'il  soit  subject  du 
Roy,  il  me  semble  et  vous  supplie  de  trouver  raisonnable  qu'il  vive  selon 
les  loix  et  ordonnances  du  lieu  où  il  est,  et  qu'il  subisse  les  peines  im- 
posées à  ceulx  qui  présument  de  les  violer.  Recevés  mes  justes  plaintes, 
Messeigneurs,  et  ne  permettes  s'il  vous  plaist  qu'on  vous  face  force,  et 
qu'on  foule  aux  pieds  vostre  authorité  à  mon  préjudice.  Dieu  requiert  de 
vous  que  vous  rendiés  à  chasquun  le  sien,  et  ne  me  puis  persuader  que 
vous  alliés  jamais  au  contraire. 

L'homme  du  sieur  de  la  Roche  Giffart,  meurtrier  de  mon  frère,  a 
donné  à  entendre  le  faict  en  ceste  court  à  l'advantage  de  son  maistre;  sur 
ce  rapport  on  minute  desja  sa  grâce  :  mais  je  le  tiens  en  seure  garde, 
puis  qu'il  est  en  vos  justes  mains.  G'est  à  moy  à  vous  supplier  que  l'é- 
quité qui  vous  est  ordinaire  soit  apportée  aux  informations,  dont  je  pro- 
cureray  la  poursuite,  afin  que  la  vérité  recogneue,  justice  soit  rendue  aux 
cendres  du  mort,  et  à  sa  désolée  famille  Pour  cet  effaict  je  vous  demande 
en  toute  humilité  que  quelque  recommandation  qui  vienne  de  par  deçà, 
vous  veuilliés  suspendre  vostre  jugement  sur  ce  dont  la  Reine  vous  re- 
querra, jusques  à  tant  que  le  faict  soit  deuemenl  avéré.  Il  est  raisonnable 
d'ouïr  les  deux  parties,  et  Dieu  veult  que  ceux  à  qui  il  a  donné  la  ba- 
lance et  l'espée,  après  avoir  bien  pesé  les  moindres  particularités,  ab- 
solvent l'innocent  et  punissent  le  coulpable.  Je  vous  ay  veu  mille  fois 
bander  les  veulx  et  boucher  les  aureilles  à  toutes  sortes  de  faveurs  et  de 


19.) 

recommandations  injustes;  je  n'en  attends  pas  moings  en  ce  faict-cy, 
pour  un  homme  qui  avait  l'honneur  d'estre  vostre  bourgeois,  et  qui  mé- 
ritoit  de  mourir  en  meilleure  occasion  pour  vostre  service.  Mon  père  ne 
faudra  point  de  joindre  ses  très  humbles  supplications  aux  miennes,  ce  qu'il 
n'a  peu  faire  pour  le  présent,  estant  loing-  de  ceste  court,  indisposé,  et 
possible,  non  encore  adverty  du  malheur  qui,  en  traversant  la  tranquillité 
de  sa  vieillesse,  accablera  du  tout  sa  vie,  si  Dieu  n'a  pitié  des  siens. 

Pardonnes  à  mon  importunité,  et  en  accusés  ma  douleur  ;  faites  justice 
au  nom  du  Dieu  vivant,  et  obligés  de  plus  en  plus  à  prier  pour  vostre 
prospérité  et  pour  la  conservation  de  vostre  Estât,  celuy  qui  vous  debvant 
sa  vie  et  son  instruction,  est  et  sera  à  jamais,  magnifiques  et  très- 
honorés  Seigneurs,  vostre  très-humble  et  très-obéissant  serviteur. 

A  Fontainebelleau,  ce  â  may  1611.  [Signé)  Demayernk. 


No  2 

(Dossier  n»  268S.) 

Magnifiques  et  très-honorés  Seigneurs.  —  Il  n'est  point  de  besoing  de 
me  remercier  des  debvoirs  auxquels  la  cause  commune,  la  condition  de  ma 
naissance  et  le  droit  de  vovsinage  m'obliçrent.  Pleust  à  Dieu  seulement 
que  les  effects  poussent  correspondre  au  degré  de  l'affection  que  j'ay 
pour  la  conservation  de  vostre  Estât.  Asseurés-vous  qu'estant  de  retour 
auprès  du  Ptoy  de  la  Grande-Bretaigne,  mon  maistre,  je  ne  laisseray  rien  à 
remuer,  pour  tascher  à  vous  faire  sentir  des  fruits  de  sa  bienveuillance 
conformes  à  la  nécessité  de  vos  affaires.  Pour  le  moings  ne  tiendra  il  pas 
à  ma  diligence  ny  à  mes  persuasions.  Vous  m'honores  trop  de  vouloir 
dépendre  de  mes  conseils  en  ce  point.  Dieu  me  les  suggère  profitables 
pour  vous,  et  vous  rende  mes  poursuites  efficacieuses.  Vous  aurés  de  mes 
nouvelles  au  plustost  qu'il  me  sera  possible.  Les  périls  imminents  me 
serviront  assés  d'aiguillon,  et  je  préféreray  tousjours  le  bien  public  à  la 
considération  des  miens,  lesquels  pourtant  je  vous  envoyé  pour  participer 
à  vos  biens  et  à  vos  maulx.  Obligés  moy  d'en  avoir  un  seing  particulier 
tandis  que  je  travailleray  pour  vous.  Conseillez  leur  ce  qu^ils  auront  à 


196 

faire  si  les  affaires  s'eschauffent.  Par  les  faveurs  que  ma  femme  et  mes 
enfants  recevront  de  vous,  je  jugeray  de  la  bonne  volonté  que  vous  portés 
à  celuy  qui  est  et  sera  à  jamais,  magnifiques,  etc. 
A  Aubonne,  ce  31™^  octobre  1821 . 


No  3 

Magnifiques  et  trés-honorés  Seigneurs.  —  Ma  santé  qui  a  esté  affligée 
ces  jours  passés,  m'a  retenu  icy  jusques  à  ceste  heure,  et  a  d'autant  re- 
tardé la  diligence  que  je  me  suis  proposé  de  faire  pour  le  bien  de  nos 
affaires.  Toutesfois,  ce  sera  assés  tost  si  Dieu  nous  faict  la  grâce  que  ce 
soit  assés  bien  comme  je  l'espère  et  le  désire.  Vous  continués  à  me  trop 
honorer  et  me  comblés  d'obligation  en  me  demandant  mon  advis  sur  la 
lettre  que  vous  escrit  M.  Durand.  Le  zèle  qu'il  porte  à  la  conservation  de 
sa  patrie  est  louable,  et  la  volonté  qu'il  tesmoigne  d'y  employer  sa  vie 
doibt  estre  mise  à  profit. 

Toute  la  maison  dont  il  est  sorty  est  pleine  de  générosité  et  de  courage. 
Mais  notés  que  devant  que  de  rechercher  et  obtenir  avec  peine  son  congé 
de  la  sérénissime  Piépublique  qu'il  sert,  il  désire  d'avoir  une  nouvelle 
asseurée,  à  quoy  je  suis  certain  que  vous  pourvoirés,  en  lui  donnant  l'a- 
vertissement solide,  mais  en  temps,  afin  que  ny  vous  ny  luy  ne  soyés 
désapointés.  Quant  à  ce  qu'il  vous  mande  du  chevalier  Henri  Peyton, 
Colonel  des  Anglois  qui  sont  par  de  là,  je  tiens  que  c'est  une  bonne  ou- 
verture, quand  ce  ne  seroit  que  pour  sonder  plus  profondément  la  dispo- 
sition du  Roy  mon  maistre,  que  je  ne  puis  concevoir  aultre  que  très-bonne 
et  portée  avec  ardeur  à  vostre  secours.  S'il  n'a  pas  refusé  des  hommes  à 
Venise  pour  la  ValtoUine  et  aultres  affaires  que  la  République  a  sur  les  bras, 
je  ra'asseure  qu'en  la  cause  commune  dont  il  faict  la  plus  grande  part,  il 
ne  s'espargnera  pas.  Ce  qui  neantmoings  gist  en  expérience. 

Une  difficulté  est  considérable,  qui  est  l'impossibilité  d'amener  des 
trouppes  d'Angleterre,  ayant  à  les  passer  par  tant  de  pais  ennemis,  si  ce  n'est 
qu'Espagne  nous  voulut  amadoiier  jusques  laque  de  permettre  quelque  lé- 
gère apparence  de  retardement  à  son  desseing,  pour,  en  reculant  faire  après 
un  plus  grand  sault:  chose  qui  ne  peult  tomber  en  l'entendement,  veu  que 
nos  ennemis  ont  aujourd'huy  pour  eux  vent  et  marée.  A  tout  événement  ce 


197 

ne  sera  que  bien  faict  de  remercier  le  dit  sieur  Chevalier  de  l'affection  qu'il 
vous  tesmoigne,  le  priant  de  la  vous  conserver,  et  le  tenant  en  haleine  jus- 
ques  à  tant  que  vous  sçachiez  qu'elle  est  la  volonté  de  S.  M.  en  vostre 
endroit.  Quant  à  luy,  de  quitter  sa  station  et  partir  de  Venise  à  vostre 
sollicitation  pour  aller  demander  secours,   il  ne  feroit  chose  convenable 
en  sa  qualité  de  Colonel,  et  je  suis  très  asseuré  qu'il  n'en  seroit  pas 
advoué:  mais  si  vous  escrivés  ou  faittes  remonstrer  à  S.  M.  que  sur  vos 
nécessités  ayant  eu  advis  de  Monsieur  Durand  un  de  vos  concitoyens,  et 
de  la  qualité  qu'il  possède  que  sir  Henry  Peyton  colonel  et  son  subject  est 
plein  de  désir  de  recevoir  les  commandements  de  S.  M.  pour  se  porter  à 
vostre  secours  avec  les  trouppes  que  S.  M.  vous  voudra  ottroyer,  de 
ipioy  vous  la  suppliés  très  humblement  pour  le  bon  rapport  que  vous 
[ivés  du  dit  sieur  ;  je  croy  que  ce  sera  le  chemin  qu'il  fault  prendre.  Quoy 
:jue  pour  vous  dire  la  vérité,  vous  avés  plus  besoing  d'argent  que  d'hom- 
nes,  qui  devant  que  d'estre  arrivés  vers  vous  seront  fort  esclaircis,  et  par 
ùnsi  la  bourse  des  capitaines  remplie  et  le  secours  diminué.  De  peur  d'y 
aillir,  si  les  advis  du  siège  ou  aultres  entreprises  continuent  avec  certi- 
ude,  demandés  les  touts  deux  :    Iniqunm  pete  ut  œqmim  feras,  dit-on 
)rdinairement.  Employés  h  tout  cecy  Monsieur  Wake  ',  quand  ce  ne  seroit 
jue  pour  tesmoigner  à  S.  M.   le  danger  proche  qui  vous  menace.  On 
rouvera  moyen  de  pousser  à  la  roue  pour  le  reste,  quoy  que  j'en  demeure 
à,  qu'un  homme  de  vostre  part  eut  esté  extrêmement  nécessaire.  Mais 
)uisque  le  conseil  en  est  pris,  il  fault  attendre  vostre  bon  point.  Quant 
i  la  personne  du  Colonel,  je  ne  vous  en  sçaurois  que  dire.  Le  tesraoignage 
le  Monsieur  Durand  est  valable,  et  Hollande  est  une  bonne  eschole  pour 
aire  des  capitaines.  Enquérés-vous  du  chevalier  Ashfield  s'il  le  cognoit  ; 
oudain  après  mon  arrivée  près  du  Roy,  je  vous  en  escriray  ce  que  j'en 
lourray  apprendre,  comme  aussi  de  toute  aultre  chose  qui  pourra  vous 
stre  utile  venant  à  ma  congnoissance.  Dieu  vous  veuille  conserver  comme 
lar  le  passé,  et  continuer  ses  miracles  à  vostre  bien,  à  la  confusion  de  vos 
nnemis.  Pour  ce  qui  est  de  raoy,  disposés  librement  de  celuy  qui  se 
lortera  toute  sa  vie  avec  fidélité  et  passion  à  vous  tesmoigner  que  véri- 
îible  il  est,  magnifiques  et  très-honorés  seigneurs,  vostre  trés-humble,  etc. 
Je  pensois  partir  demain,  toutesfois,  pour  vous  donner  le  loisir  d'adviser 
i  sur  ce  que  je  vous  mande  vous  avés  quelque  chose  à  me  commander, 
e  remettray  mon  voyage  d'un  jour.  —  A  Lavigny,  ce  13  novembre  1 621 . 

'  Ambassadeur  du  roi  de  la  Grande-Bretagne  à  la  cour  de  Turin, 
T.  XV,  \'^  partie.  14 


198 
No  4 

(Dossier  n»  2695.) 

Magnifiques  et  trés-hoiiorés  Seigneurs.  —  Les  retardements  que  j'ay  esté 
contraint  de  faire  par  chemin  ayant  allongé  mon  voyage,  il  m'a  esté  im- 
possible de  satisfaire  jusques  à  ceste  heure  aux  commissions  dont  je  me 
suis  très-volontairement  chargé  pour  ce  qui  comierne  le  bien  de  vostre 
Estât.  Et  encor  estant  arrivé  par  de  çà  n'ay  je  peu  rencontrer  opportunité 
pour  verser  commodément  dans  le  sein  de  S.  M.  vos  plaintes,  ny  pourluy 
représenter  vos  nécessités,  à  quoy  je  ne  faudray  aussitost  qu'il  luy  plaira 
de  me  donner  audience,  du  succès  de  laquelle  vous  serés  incontinent  advertis. 
Mais  d'advance,  vous  veux-je  bien  représenter  qu'à  mon  arrivée  j'ay  trouvé 
le  Parlement  rompu,  et  plus  de  mésintelligence  que  je  n'eusse  désiré,  de 
sorte  que  j'appréhende  que  les  affaires  domestiques  ne  nous  distrayent  de 
penser  aux  foraines,  veu  principalement  que  vous  avés  des  bons  amis 
qui  asseurent  et  escrivent  par  de  çà  que  vos  terreurs  sont  paniques,  que 
les  alarmes  vous  ont  esté  données  faulses,  mais  à  bonne  intention,  dont 
vous  sentirés  et  desjà  ressentes  de  bons  effects  par  la  prévoyance  que  vous 
avés  apporté  à  vos  seuretés,  et  que  vous  n'avés  rien  plus  à  craindre.  Si 
ainsi  est  j'en  lotie  Dieu  :  mais  ce  n'est  pas  ma  croyance,  voyant  les  pro- 
grès qui  se  font  par  toute  l'Europe  pour  l'advancement  du  desseing  général, 
tendant  à  nostre  subvertissement.  D'ailleurs  sçachés  que  ce  peuple  a  cha- 
ritablement donné  des  grandes  et  libérales  contributions  pour  les  pauvres 
estrangers  réfugiés  en  ce  pais,  de  sorte  que  je  crain  que  nouvelles  propo- 
sitions pour  mesme  subject  ne  soyent  ennuyeuses,  hors  de  saison  et  tota- 
lement infructueuses.  Je  vous  dis  cecy  de  moy  mesme,  et  ne  laisseray 
pourtant  pas  de  sonder  le  gué  et  de  vous  en  donner  advis.  Cependant  tenés 
moy  adverty  de  ce  qui  se  passe  par  delà,  afin  que  je  le  représente  en  temps 
et  lieu.  On  parle  icy  de  quelque  trahison  descouverte  en  votre  ville.  Si 
cela  est,  voylà  la  solution  des  arguments  de  ceulx  qui  appellent  vos  justes 
défiances  des  appréhensions  frivoles  et  sans  fondement.  Dieu  veuille  con- 
server vostre  Estât,  pour  lequel  j'exposeroye  mille  vies  si  je  les  avoye,  et 
ne  laisseray  passer  aulcune  occasion  de  vous  tesmoigner,  etc. 

A  Londres,  ce  12  janvier  1622. 


199 


N°  5 

Mag-nifiques  et  trés-lionorés  Seigneurs.  —  J'ay  receu  vos  lettres  qui 
me  tesmoignent  le  désir  que  vous  avés  d'entendre  de  moy  le  succès  de 
mon  abouchement  avec  le  Roy  mon  maistre  sur  ce  qui  concerne  le  bien 
de  vos  aflaires.  Croyés  moy  que  c'est  avec  une  extrême  impatience  que 
j'ay  esté  obligé  à  un  retardement  si  ennuyeux  pour  moy  qui  suis  plein  du 
désir  de  bien  faire,  et  pour  vous  qui  avés  besoing  de  promptes  résolu- 
tions. La  santé  de  S.  M.  a  esté  alîligée  ;  ses  affaires  sont  si  nombreuses 
et  si  pressantes,  que  jusques  à  ceste  heure  il  m'a  remis  de  jour  en  jour. 
Enfin  pour  tout  délay,  j'ay  commandement  de  me  trouver  dans  lasepmaine 
prochaine  à  la  Court,  qui  maintenant  à  l'accoustumée,  tient  la  campagne, 
avec  asseurance  d'avoir  audience  et  d'estrepromptement  expédié.  Gela  fait, 
par  le  premier  ordinaire,  je  vous  feray  entendre  ce  que  vous  pouvés  es- 
pérer, et  puis  qu'il  vous  plaist  d'estimer  mon  advis,  je  vous  diray  fran- 
chement ce  qui  me  semblera  faisable,  laissant  les  conclusions  et  les  exé- 
cutions d'icelles  à  vostre  prudence,  qui  dans  les  nécessités  urgentes  sçaura 
bien  peser  et  se  gouverner  selon  les  possibilités  du  temps  présent.  Vous 
debvés  avoir  receu  de  mes  lettres,  et  veu  par  icelles  en  quel  estât  nous 
sommes  par  deçà,  d'où  vous  pouvez  conjecturer  les  événements  de  nostre 
négociation  :  toutesfois,  bien  souvent  les  effects  succèdent  au  rebours  de 
nos  pensées,  et  puisque  l'essay  ne  coustera  rien,  il  faudra  sonder  le  gué 
à  bon  escient.  Vous  avez  bien  faict  de  n'avoir  envoyé  icy  aulcun  député  ;  le 
temps  n'en  est  pas  encor,  et  ne  s'y  faudra  résoudre  sinon  quand  les  affaires 
viendront  à  estre  telles  que  vos  justes  demandes  ne  puissent  souffrir  un 
refus.  Aultrement,  dans  l'incommodité,  la  réputation  pâtirait  une  flétris- 
sure dangereuse  en  ce  temps  auquel  la  mine  vault  pour  le  raoings  autant 
que  le  jeu.  Rien  ne  vous  nuira  tant  icy  que  les  advis  qu'on  donne  que  vos 
ennemis  ne  pensent  pas  à  vous  ;  que  la  jalousie  des  princes  vos  voysins 
est  votre  conservation  ;  et  que  vous  estes  sujects  à  prendre  des  faulses 
alarmes.  Jedeffends  tant  que  peux  là  dessus,  mais  la  qualité  que  j'ay  par 
deçà  me  donne  des  bornes  que  je  ne  peux  ny  ne  doibs  oultrepasser.  Il  seroit 
bon  que  de  temps  en  temps  vous  me  tinssiés  adverty  de  ce  qui  se  passe, 
afin  que  selon  les  occasions  je  vous  puisse  servir.  Soyés  certains  que  je 
n'en  laisseray  passer  aulcune,  ains  qu'au  contraire  je  prendray  peine  et 


200 

plaisir  en  les  rencontrant  et  recherchant  de  vous  tesmoigner  que  je  chéri? 
l'honneur  que  vous  me  faittes  de  vous  servir  de  moy,  etc. 
A  Londres,  ce  26  janvier  1622. 


N°  6 


Magnifiques  et  trés-honorés  Seigneurs.  —  Enfin,  après  une  longue 
attente  et  beaucoup  de  remises,  j'ay  eu  le  moyen  d'aboucher  le  Roy  mon 
raaistre  sur  ce  qui  concerne  vos  affaires  et  les  nécessités  où  vous  jettent 
dans  le  temps  présent  les  desseins  formés  contre  vostre  Estât,  desquels 
puis  que  vous  recevés  des  advis  de  touts  costés,  et  que  mesme  dans  vostre 
ville  se  sont  trouvées  des  lettres  confirmant  le  péril  imminent,  jusques  à 
en  déclarer  les  tenants  et  aboutissants,  j'ay  représenté  que  c'est  se  cre- 
ver les  yeulx  que  d'en  vouloir  seulement  doubler.  Là  dessus  j'ay  passé 
plus  oultre  que  je  ne  vous  ay  promis,  et  pour  vous  espargner  la  peine  et 
la  despence  d'un  député,  j'ay  voulu  sonder  l'affection  de  S.  M.  envers 
vostre  République,  et  les  moyens  de  l'assistance  que  vous  en  pouvés  es- 
pérer. Pour  ma  relation,  je  trouve  que  vos  dangers  sont  creus,  fondés  sur 
des  appréhensions,  plus  tost  que  sur  des  réalités.  S.  M.  reçoit  tous  les 
jours  des  asseurances  que  les  intentions  de  S.  A.  (dont  les  conseils  sont 
comme  on  dit  sincèrement  communiqués  à  son  agent)  ne  visent  pas  à 
vous,  ny  à  vos  voysins  ains  vont  beaucoup  plus  loing.  Le  prétexte  des 
alarmes  qu'on  vous  a  données  bien  chaudes  lorsque  j'estois  parmy  vous, 
est  de  vous  tenir  à  l'erte,  et  de  vous  faire  penser  à  vos  seuretés  en  for- 
tifiant vostre  ville  et  la  pourvoyant  de  toutes  choses  nécessaires  en  touts 
événements,  et  de  plus  de  procurer  le  retour  de  Monsieur  de  Lesdi- 
guiéres  en  Daulphiné.  Voylà  des  fraudes  pies  et  des  prévoyances  très- 
officieuses,  dignes  d'estre  contées  parmy  les  œuvres  de  supérérogation . 
Nonobstant,  S.  M.  appréhendant  que  nulle  fumée  ne  paroist  sans  feu, 
vous  conseille  de  vous  tenir  sur  vos  gardes  comme  vous  faittes,  vivre  en 
soupeçon  de  toutes  choses,  sans  toutesfois  faire  paroistre  vos  justes  def- 
fiances,  ny  vous  alarmer  mal  à  propos,  apelant  vos  amis  à  secours  hors 
de  nécessité,  de  peur  que  criants  au  loup,  trop  souvent  et  sans  cause  ap- 
parente, vous  ne  soyés  actuellement  délaissés  quand  il  en  seroit  besoing. 
Et  pour  pouvoir  asseurément  descouvrir  Testât  des  affaires,  S.  M.  escrit 
à  Monsieur  Wake,  son  agent,  luy  commandant  d'avoir  l'œil  ouvert  h 


201 

vostre  conservation,  et  de  sommer  S.  A.  de  sa  foy  jurée  avec  vous  et 
avec  vos  voysins,  dont  la  rupture  ne  peult  estre  que  honteuse  et  préju- 
diciable à  un  prince  de  sa  qualité  et  de  son  mérite,  qui  dans  les  événe- 
ments doubteux  de  telles  entreprises  injustes  et  abominables  à  Dieu  et 
aux  hommes,  ne  doibt  attendre  sinon  perte,  malédiction  et  naufrage  de  sa 
réputation,  chose  qui  ne  pouvant  estre  creue  par  S.  M.,  elle  attend  de 
S.  A.  des  effects  conformes  aux  asseurances  qu'il  luy  a  données  plusieurs 
fois  à  vostre  profit  et  conservation.  Si  nous  estions  au  siècle  d'or,  et  si  la 
veille  de  Noël  '  ne  repassoit  souvent  par  ma  mémoire,  je  me  laisserois  faci- 
lement aller  aux  protestations  d'un  si  grand  prince  que  S.  A.  ;  mais  no- 
nobstant toutes  asseurances,  une  lettre  que  je  vien  de  recevoir  de  Pied- 
mont  assés  ambiguë,  me  faict  vous  dire  qu'il  n'est  que  de  se  préparer  au 
pis,  et  que  ceulx  qui  se  mettent  en  posture  résolue  de  se  bien  deffendre 
ne  sont  pas  ordinairement  attaqués.  Si  j'en  aprens  davantage  vous  en 
serés  advertis. 

Sur  toutes  choses,  S.  M.  vous  ramentoit  de  vous  unir  de  volontés  dans 
vostre  ville,  et  estouffer  toutes  semences  de  discordes  intestines,  qui  sont 
les  chancres  destructeurs  des  Estats  populaires,  comme  les  Grisons  vous 
peuvent  faire  foy.  S'il  y  a  des  faulx  frères  biens  cogneus,  qu'ils  soyent 
rasclés  du  milieu  de  vous  ;  mais  aussi  par  des  deffiances  fondées  sur  des 
nues  imaginations,  gardés  vous  de  dessouder  les  chaisnons  en  l'assemblage 
desquels  vostre  subsistence  consiste.  Entretenés  vous  de  vos  plus  proches 
et  meilleurs  voysins.  Messieurs  de  Berne,  et  montrés  de  la  gratitude  en 
rocognoissant  la  volonté  et  la  promptitude  qu'ils  ont  à  vous  secourir  à 
touts  moments.  Commandés  que  vos  subjects  vivent  bien  avec  les  leurs, 
couppés  chemin  à  touts  différents  à  leur  naissance,  et  vous  entrevisités 
souvent.  Ainsi  vos  ennemis  voyant  vostre  concorde,  penseront  trois  fois 
avant  que  de  vous  attaquer.  Prenés  guarde  à  vos  portes,  scachant  exacte- 
ment qui  va  et  vient,  ce  que  je  vous  dis  sur  un  bruit  qui  court  icy  que  le 
prince  Thomas'^  est  entré  dans  vostre  ville  desguisé,  avec  un  marchand. 
Prenés  cet  advis  pour  le  prix  que  je  l'ay  receu. 

Sur  les  occurences  présentes,  S.  M.  vous  conseille  d'envoyer  au  Roy 
de  France  demander  le  payement  de  vos  assignations,  et  requérir  les  effects 
de  vostre  protection,  dont  S.  M.  est  chargée  de  père  en  fils  ;  le  remerciant 
de  ce  que,  par  ses  ambassadeurs,  il  a  mandé  à  S.  A.,  et  le  priant  de  con- 


•  Entreprise  de  l'Escalade,  le  13  décembre  1602  (ancien  style). 

*  Le  gouverneur  de  Savoie. 


202 

tinuer  sa  bienveuillance  envers  vostre  Estât  ;  et  en  cas  qu'on  vous  assaille, 
de  prendre  comme  il  a  promis  vostre  cause  en  main. 

Quant  à  l'affection  du  Roy  mon  maistre  envers  vous,  tenés  la  entière- 
ment portée  à  vostre  bien,  et  croyés  que  la  manutention  de  vostre  Répu- 
blique luy  est  chère,  et  que  si  Testât  présent  de  ses  affaires  luy  per- 
mettoit  de  .vous  accommoder  de  quelque  subvention  digne  de  sa  qualité 
et  conforme  à  vos  nécessités,  il  n'attendroit  pas  que  vous  l'en  requissiés. 
Mais  ayant  à  faire  chés  soy,  et  les  siens  propres  ayant  besoing  de 
toutes  ses  pièces,  au  recouvrement  du  Palatinat,  auquel  S.  M.  est  réso- 
lue, et  pour  cet  effect  souldoye  dès  le  dixiesme  du  mois  de  mars  pro- 
chain des  troupes  tant  de  pied  que  de  cheval  ;  il  n'y  a  nulle  apparence 
de  désirer  n'y  d'attendre  maintenant  des  sommes  de  deniers,  ny  de  luy 
ny  de  son  peuple  desjà  surchargé  par -diverses  subventions.  Ainsi  ne 
pressés  pas  S.  M.,  si  la  nécessité  certaine  et  le  mal  présent  et  inévi- 
table ne  vous  presse  ;  laquelle  advenant,  et  S.  M.  estant  véritablement 
informée  d'icelle  spécialement  par  ses  ministres  {que  vous  devés  ren- 
dre fidelles  et  sincères  expositeurs  de  vos  dangers  certains),  vous  ne 
serez  point  délaissés,  et  alors  le  Roy  et  son  peuple  feront  pour  vous 
assister  ce  qui  sera  en  leur  pouvoir,  selon  la  nécessité  des  occurences 
praignantes  et  dans  les  limites  de  leur  commodité.  Ainsi,  pour  le  mo- 
ment, vous  n'avés  que  faire  d'envoyer  icy  personne,  et,  quand  vous  le 
voudrés  faire,  advertissés  m'en,  afin  que  je  sonde  le  gué,  s'il  y  sera  bien 
venu. 

Donnés  moi  souvent  de  vos  nouvelles  et  vous  asseurés  que  là  où  je 
seray  vous  n'aurés  nul  besoin  d'agent  ny  de  solliciteur.  Pour  ceste  heure, 
je  ne  sçaurois  dire  que  ce  que  j'ay  receu  de  la  bouche  de  mon  maistre  ; 
en  quoy  vous  accepterés  ma  bonne  volonté.  Je  vous  recommande  les 
miens  qui  sont  dans  l'enceinte  de  vos  murailles.  Par  ce  moyen  vous  me 
possédés  tout  entier,  puisque  tenant  la  meilleure  partie  de  raoy,  selon 
mon  debvoir  je  vous  voue  mon  cœur,  et  contribueray  toute  ma  vie  mes 
prières  et  mes  actions  à  vostre  service,  etc. 

A  Londres,  ce  17  février  1622. 


N°  7 


Magnifiques  et  très-honorés  Seigneurs.  —  La  présente  sera  pour  vous 
advertir  du  pacquet  que  j'ay  envoyé  par  le  dernier  ordinaire  de  la  sep- 


203 

maine  passée,  contenant  dans  une  lettre  adressante  à  V.  S.  tout  ce  que 
j'ay  pu  effectuer  par  deçà  pour  vous,  et  ce  que  vous  pouvés  attendre  d'icy 
à  l'advenir,  dont  les  répétitions  n'estant  que  superflues,  j'attendray  advis 
de  vous  de  la  réception  de  mes  lettres  et  nouveaux  commandements  où 
vous  me  jugerés  propre  à  vous  servir.  J'entends  que  vous  avés  envoyés 
un  agent  vers  S.  M.  de  France,  tant  pour  solliciter  le  payement  des  de- 
niers annuels  que  vous  avés  accoustumés  de  recevoir,  que  pour  recher- 
cher dans  la  bonne  volonté  du  Roy  des  moyens  puissants  de  vostre  con- 
servation et  des  oppositions  fortes  aux  desseings  qui  sont  formés  contre 
vostre  Estât.  Et  de  vray,  vous  en  avés  bonne  raison  :  car  (quoyque  je  ne 
vous  tienne  pas  si  mal  advertis  que  d'ignorer  cecy),  je  vous  advise  que 
l'ambassadeur  de  S.  A.  vostre  voysin,  résidant  en  France,  a  par  deux  fois 
depuis  peu,  avec  très  grande  instance,  pressé  S.  M.  d'abandonner  la  pro- 
tection de  vostre  ville,  l'exposant  ainsi  aux  prétentions  de  ce  prince  qui 
ne  vous  laissera  jamais  en  paix.  La  response  a  esté  favorable  pour  vous 
et  telle  que  la  foy  publique  impose  à  un  grand  Roy,  fils  de  Henry  le 
Grand,  qui  n'avoit  guarde  de  laisser  ses  alliés  au  besoing,  beaucoup 
moins  ceulx  qui  s'estoient  mis  à  l'abry  de  ses  aisles.  Ces  poursuites, 
quoyque  différées  par  des  rebuts,  ne  sont  pas  rompues,  et  n'est-on  pas 
hors  d'espérance  pour  vaincre  par  opportunité.  Je  tien  cecy  de  nos  am- 
bassadeurs, tesmoings  certains  de  toutes  ces  procédeures,  et  partant 
quelques  promesses,  serments  et  compliments  qu'on  vous  donne,  ne  cessés 
jamais  de  sommer  S.  M.  d'interposer  son  authorité  pour  dissiper  les  ma- 
chinations de  vos  ennemis,  à  quoy  je  ne  fay  nul  doute  que  le  Roy  et  son 
conseil  ne  se  portent  entièrement,  puisque  oullre  l'honneur  de  S.  M., 
engagé  dans  la  conservation  de  ses  alliés,  l'intérest  particulier  de  la 
France  entre  dans  la  conjomcture  de  vostre  protection. 

Le  Roy  mon  maistre  escrit  d'icy  à  Monsieur  Wake  son  Résident  au- 
près de  S.  A.,  pour  employer  auprès  d'elle  tout  le  crédit  et  pouvoir  qu'y 
a  S.  M  ,  afin  de  faire  ressouvenir  ce  prince  que  les  plus  grands  sont  les 
plus  obligés  à  tenir  ce  que  non  seulement  ils  ont  promis,  mais  solennelle- 
ment juré.  L'authorité  de  S.  M.  n'est  pas  petite  auprès  de  S.  A.,  qui  l'a 
esprouvé  bon  amy  et  secourable  en  ses  nécessités.  Ainsi  je  croy  que  cela 
frappera  coup  ;  mais  beaucoup  plus  quand  on  vous  verra  inaccessibles  aux 
surprises,  et  vostre  ville  bien  munie,  achevée  de  fortifier,  et  guarnie  de 
bons  soldats  unanimement  avec  tout  le  peuple  portés  aux  extrêmes  réso- 
lutions. Vohis  totidem  unimœqtie  manusque.  De  temps  en  temps  faittes 
mov  l'honneur  de  me  tenir  adverty  de  tout  ce  qui  se  passera,  et  là  où  vous 


204 

croirés  que  mon  soing  et  ma  fidélité  pourront  advancer  ou  faciliter  le  bien 
de  vos  affaires,  ne  m'espargnés  pas,  ains  en  m'erapioyant,  faites  asseuré 
estât  que  je  me  monstreray  tousjours,  etc. 
A  Londres,  ce  25  fébvrier  1622. 


No  8 

Lettre  du  Petit  Conseil  à  M.  de  Mayerne. 

{Brouillons  de  lettres.) 

Monsieur.  —  Nous  voyons  par  les  vostres  du  17'^  et  25^  de  février  la 
continuation  des  tesmoignages  de  vostre  affection  envers  nostre  Estât  par 
la  peine  qu'il  vous  a  pieu  de  prendre  de  représenter  au  Roy  les  nécessitez 
où  nous  jettent  les  desseings  qui  se  forment  contre  nous.  Et  d'aultre  costé 
nous  y  voyons  les  asseurances  de  la  bienveillance  de  S.  M.  en  celle  qu'il 
a  escrit  cà  M.Wak,  son  ambassadeur,  pour  destourner  S.  A.  de  Savoye  de 
ses  entreprises  contre  Messieurs  nos  alliez  de  Berne  et  nous,  de  quoy  nous 
vous  prions  rendre  de  nostre  part  les  très  humbles  remerciements  à  S.  M. 
Nous  ne  doutons  point  que  les  grands  affaires  et  charges  que  S.  M.  a 
aujourd'huy  sur  les  bras  n'empeschent  ou  retardent  les  effects  de  sa  bé- 
néficence  envers  nostre  Estât,  et  néantmoings  nous  espérons  tousjours  que 
considérant  nos  nécessitez  présentes,  toutes  ces  difificultéz  n'empescheront 
point  que  nous  ne  recevions  quelque  fruict  de  sa  libéralité,  nonobstant 
que  S.A.  tasche  de  persuader  à  S.  M.  que  ses  intentions  ne  nous  re- 
gardent pas  ni  nos  voisins.  Mais  les  préparatifs  continuels  de  guerre  qui 
se  font  dans  ses  pays,  les  troupes  qu'il  tient  tousjours  cà  quatre  lieues  de 
nous,  les  instances  continuelles  qu'il  fait  faire  par  son  ambassadeur  en- 
vers S.  M.  de  France,  tesmoignent  évidemment  du  contraire.  A  cela 
nous  joindrons  encore  les  advis  asseurez  que  nous  en  avons  de  divers 
lieux,  de  sorte  que  nous  sommes  contraints  d'entrer  en  une  despense  du 
tout  extraordinaire,  tant  à  faire  nos  provisions  nécessaires  qu'aussi  à  nos 
fortifications,  lesquelles,  contraints  par  la  nécessité,  nous  avons  entrepri- 


205 

ses  de  nouveau  sur  St.  Jean,  du  costé  de  St.  Gervaix.  Ce  que  nous  vous 
prions  de  vouloir  représenter  à  S.  M.  et  la  supplier  très  humblement  en 
nostre  nom  qu'il  luy  plaise,  ensuite  de  ses  bienfaits  précédents  dont  nous 
conserverons  à  jamais  la  mémoire,  ouvrir  en  nostre  endroit  les  entrailles 
de  sa  charité  par  l'ottroy  de  quelque  somme  de  deniers  pour  nous  ayder 
et  subvenir  aux  difficultez  où  nous  nous  trouvons  k  présent.  La  conliance 
que  nous  avons  en  vostre  bonne  volonté  fait  que  nous  nous  dispensons 
de  vous  donner  ceste  peine,  mais  eu  contre  eschange  nous  vous  en  de- 
meurerons à  jamais  obligez  et  en  toutes  occasions  qui  se  présenteront 
nous  vous  tesmoignerons  que  nous  sommes,  Monsieur,  vos  très  affec- 
tionnés à  vous  faire  service. 
Genève.  20  mars  iC)22. 


No  9 

Lettres  de  M.  de  Mayerne 

(Dossier  no2695.. 

Magnifiques  et  très-honorés  Seigneurs.  --  J'ay  non  seulement  pré- 
senté mais  aussi  leu  vos  lettres  à  S.  M.  et  luy  ay  représenté  vos  appré- 
hensions, et  les  justes  apparances  de  craindre  ce  dont  tout  le  monde  vous 
menace  depuis  un  an  et  dont  vous  voyés  les  préparatifs  trop  manifestes  à 
trois  pas  de  vos  murailles.  Je  vous  peulx  asseurer  que  l'affection  de  ce 
grand  Roy  envers  vostre  Estât  n'est  en  rien  diminuée,  et  qu'en  cas  de 
certaine  nécessité,  vous  n'en  sériés  pas  abandonnés,  comme  S.  M.  m'a 
tesmoigné  quand  je  luy  ay  offert  vos  remerciements  du  soing  qu'il  a 
monstre  en  vous  recommandant  à  S.  A.  de  Savoye,  et  obtenant  que  les 
deffenses  du  transport  des  bleds  ayent  esté  levées.  Mais  aux  nouvelles 
plaintes  sur  nouvelles  deffenses  en  raesmes  cas,  et  sur  la  conséquence 
d'icelles,  S.  M.  m'a  respondu  que  si  cela  vous  apporte  quelque  incom- 
modité, il  ne  croit  pas  que  vous  ayez  subject  de  crainte  sur  les  advis  qui 
luy  sont  donnés  par  M.  Wake,  son  agent  en  Savoye,  qui  sont  tels  que  le 
conte  de  Scarnafiggi,  ambassadeur  pour  S.  A.  vers  le  Pape  (sollicité  de 


206 

porter  son  maistre  pour  entrer  en  ligue  avec  tous  les  princes  d'Italie, 
pour  s'opposer  aux  invasions  que  les  estrangers  et  spécialement  les  héré- 
tiques ont  desseing  de  faire  dans  le  pais,  luy  promettant  que  dans  ce  cas 
il  l'assistera  pour  assiéger  vostre  ville),  a  respondu  que  ce  n'est  pas  l'in- 
tention de  S.  A.,  quia  d'aultres  entreprises,  et  veult  entretenir  avec 
vous  ses  traittés.  De  cecy,  croyés  en  ce  que  les  apparances  bien  fondées, 
vous  pourront  suggérer,  puisque  vous  êtes  sur  les  lieux.  De  plus,  le 
dit  sieur  Wake  mande  que  le  Pape  ayant  demandé  à  S.  A.  la  traitte  de 
cent  mille  sacs  de  bled  hors  de  Piedmont,  pour  subvenir  à  la  cherté  ex- 
trême de  vivres  qui  est  en  Ferrarois,  a  esté  premièrement  refusé  tout  à 
plat;  depuis,  par  importunité,  en  a  obtenu  le  quart.  D'où  possible 
vous  pouvés  conclure  que  la  deffense  faitte  pour  vous,  est  pour  plus 
commodément  fournir  le  Pape  et  pour  subvenir  à  la  nourriturre  des  gents 
de  guerre  que  S.  A.  entretient  dans  ses  Estais.  En  vous  envoyant  plaindre 
à  S.  A.  de  la  contravention  au  traitté  de  St.  Julien,  sa  response  vous 
désabusera  et  verres  clair  en  ce  que  vous  pourrés  craindre  ou  espérer. 

Sur  le  voyage  du  Roy  à  Lyon,  S.  A.  a  pris  résolution  de  s'y  transpor- 
ter avec  le  prince  major  et  Madame  Chrestienne,  et  à  ce  qu'on  escrit,  est 
délibéré  de  supplier  le  Roy  de  donner  la  paix  à  son  peuple,  et  de  tourner 
ses  armes  vers  laValtoUine,  pour  le  recouvrement  de  laquelle,  et  possible 
pour  aultres  desseings  par  de  là  les  monts,  S.  A.  pourra  offrir  les  troup- 
pes  qui  vous  font  mal  aux  yeulx.  Si  ainsi  est,  vous  serés  hors  d'alarme  : 
mais  après  tout  cela  ne  laissés  pas  de  vous  guarder. 

En  ce  voyage  (s'il  se  fait)  se  trouvera  Monseigneur  le  visconte  de  Don, ., 
ambassadeur  du  Roy  de  la  Grande  Bretaigne  en  France,  qui  est  party  d'icy 
depuis  deux  jours.  Il  a  emporté  quant  et  soy  lettres  de  croyance  et  pouvoir 
de  traitter  avec  S.  A.  de  quelque  affaire  que  ce  soit.  Ne  laissés  pas  passer 
ceste  occasion  de  vous  bien  faire,  et  l'employés  hardiment  pour  entremetteur 
vigoureux  et  zélé  à  nostre  religion.  Il  pourra  tirer  en  présence,  par  l'au- 
thorité  du  Roy,  une  promesse  de  S.  A.  de  vivre  en  bon  amy  avec  vous, 
maintenir  ses  traittés,  et  vous  oster  toutes  les  occasions  d'ombrage.  Aussi 
bien  croy-je  que  vous  avés  quelque  agent  en  court  qui  ne  sçauroit  vous 
servir  plus  utilement.  J'ay  donné  des  mémoires  au  dit  seigneur  ambas- 
sadeur là-dessus  pour  vostre  bien.  Il  m'a  promis  de  s'employer,  et  le  Roy 
nostre  maistre  le  luy  a  aussi  recommandé.  Si  le  voyage  ne  succède,  et 
que  vous  croyés  avoir  à  faire  de  son  intervention  près  du  Roy,  vers  lequel 
il  est  en  très  bonne  odeur,  et  qu'en  cela  me  croyés  utile,  mandés  le  moy. 


207 

oiiltre  la  charge  publique  qui  l'oblige,  j'ay  l'honneur  d'eslre  aimé  de  luy, 
et  je  pourray  vous  y  servir. 

Hier  est  arrivé  icy  un  ambas  sadeur  de  l'Empereur,  nous  ne  sçavons  encore 
pourquoy.  On  s'imagine  quelque  commencement  de  traitté  pour  la  red- 
dition du  Palatinatet  Electorat,  qui  se  conclura  à  Bruxelles.  Dieu  le  veuille. 
J'ay  si  grande  peur  du  contraire,  que  je  ne  m'ose  promettre  de  la  facilité 
de  gents  qui  tiennent  si  bien.  Le  temps  nous  rendra  sages.  Plaignons 
les  misères  d'aultruy  et  prévenons  les  nostres.  Dieu  vous  en  préserve  et 
vous  donne  autant  de  seureté  et  d'heur  que  vous  en  souhaite,  Magnifi- 
ques et  très-honorés  Seigneurs,  etc. 

A  Londres,  ce  4  apvril,  Stil.  vet.  1622. 


No  10 

Magnifiques  et  très-honorés  Seigneurs.  —  La  commodité  de  Monsieur 
Turretini  qui  a  pris  sa  route  par  icy  avant  que  de  retourner  au  pais,  ne 
m'a  pas  permis  de  le  laisser  partir  sans  vous  ramentevoir  tant  par  ces 
lignes  que  parce  que  vous  pourrés  entendre  de  luy,  les  vœux  de  mon 
humble  service.  Je  me  resjouy  de  ce  que  son  voyage  a  esté  aulcunement 
fructueux.  Et  combien  que  ce  qu'il  a  obtenu  ne  soit  pas  selon  le  degré 
de  vos  nécessités,  si  est  que  pendant  ce  temps  les  moindres  aides  frap- 
pent coup,  et  les  apparances  mesmes  servent  d'estançons  à  la  réputation 
par  laquelle  seule  les  plus  grands  Estats  subsistent.  J'adjousteray  que  ce 
n'est  pas  peu  que  d'avoir  sondé  le  gué  de  l'affection  de  vos  amis,  et  avoir 
en  dépost  leurs  promesses  infaillibles  pour  l'advenir,  au  cas  que  vous 
soyés  pressés.  Que  pleust  à  Dieu  que  nous  en  eussions  peu  faire  autant 
par  deçà  pour  le  premier,  car  quant  au  dernier  nous  n'en  manquons 
point,  voire  par  delà  ce  que  nous  pourrions  attendre,  avec  asseurance 
que  là  où  il  sera  de  besoing  les  paroUes  sont  secondées  par  les  effects.  Au 
moings  ne  tiendra  il  pas  à  moy  de  les  solliciter,  mesmes  sans  attendre 
que  vous  me  le  recommandiés.  Par  l'occasion  présente,  j'ay  creu  vous  deb- 
voir  faire  part  d'un  advisqueje  vien  de  recepvoirde  l'homme  auquel  vous 
avés  envoyé  de  mes  lettres  lorsque  j'estais  parmy  vous.  En  me  respondant 
sur  une  lettre  que  je  luy  avois  escrite  sur  les  affaires  de  nostre  pais,  me 


208 

plaignant  d'un  costé  pour  touts,  et  l'exhortant  à  la  vigilance  de  l'aultre, 
voy-cy  ce  qu'il  me  couche  en  termes  exprés;  (dît  2  may  stile  nouveau.) 
«  Jusques  à  présent  il  n'y  a  point  en  Piedmont  la  moindre  chose  du 
«  monde  qui  tende  à  aulcune  innovation  du  costé  des  traittés  avec  Berne 
«  et  Genève  ;  toutesfois  non  seulement  Genève,  mais  aussi  Messieurs  de 
«  Berne  et  touts  les  cantons  protestants  sont  menacés  d'un  grand  et  pé- 
«  rilleux  orage  ;  mais  Genève  n'est  que  le  moindre  symptôme  du  grand 
«  mal,  et  ne  fault  faire  estât  de  deux  mille  fantassins  et  trois  cents  che- 
«  vaulx  logés  en  Savoye,  car  c'est  un  accident  de  nulle  considération, 
«  au  prix  du  principal  but  où  visent  nos  adversaires.  Et  nonobstant 
«  qu'on  faict  tout  le  possible  pour  engaiger  le  duc  de  Savoye  en  une 
«  guerre  contre  Genève,  il  ne  s'embarquera  point  sans  biscuict,  et  ne 
«  veult  estre  le  premier  à  franchir  le  sault.  Mais  si  le  cercle  du  Rhin 
«  tombe  entre  les  mains  des  Princes  catholiques,  alors  on  parlera  aux 
«  Cantons  évangéliques  qui  seront  attaqués  par  ceulx  d'Autriche  et  par 
«  les  Cantons  catholiques.  Et  cela  advenant,  il  faut  croire  (jue  le  duc  de 
«  Savoye  voudroit  avoir  sa  part  au  gasteau.  Voil<à  le  fonds  de  ce  mys- 
«  tère.  Et  pourtant  il  fault  que  ceulx  à  qui  il  appartient  ayent  l'œil  à  la 
«  conservation  du  Cercle  du  Rhin:  cai'  quand  cela  sera  perdu  tout  le 
«  reste  y  va.  »  Aclmn  est. 

Voilà  nostre  procès  faict;  pour  éviter  l'exécution  duquel  il  nous  fault, 
remuer  toute  pierre.  On  travaille  puissamment  avec  des  succès  journal- 
liers  à  sauver  ce  Cercle  du  Pihin,  ainsi  que  vous  peuvent  apprendre  les 
nouvelles  que,  comme  plus  proches,  vous  recevés  plus  certaines  des 
combats  qui  se  font  h  chasque  bout  de  champ  au  Palatinat.  Je  vien  d'avoir 
advis  d'une  brave  retraitte  que  le  comte  de  Mansfeld  et  le  marquis  de. 
Baden  ont  faict  à  la  barbe  de  30  ou  35  raille  hommes,  après  avoir  ra- 
vagé le  pais  de  Darmstadt  et  emmené  le  Landgrave  prisonnier.  En  se 
retirant,  l'escarmouche  a  duré  deux  jours,  au  bout  desquels  ils  ont  pré- 
senté bataille  à  l'ennemy  qui  n'en  a  pas  voulu  manger.  Un  petit  d'aide 
leur  feroit  grand  bien  :  mais  nous  voulons  la  suspension  d'armes  ;  je  ne 
sçay  si  elle  nous  sera  salutaire.  Nos  pronostiqueurs  le  nient,  mais  pour 
moyje  n'en  dis  mot.  Monsieur  de  Soubise  a  passé  la  mer,  et  est  icy  de- 
puis quatre  jours.  Il  voudroit  bien  pouvoir  trouver  un  fondement  d'as- 
siette pour  rallier  le  débris  de  ces  jours  passés.  Mais  en  ces  temps 
tout  est  difficile,  et  le  soing  des  nostres  nous  distrait  de  celui  de 
nos  voysins.  Nous  verrous  ce  que  c'en  sera.  Nous  avons  conclu,  M.  Tur- 
retini  et  moy,  qu'il  n'estoit  pas  expédient  qu'il  le  vist,  de  peur  d'irriter 


209 

les  Dieux  tutélaiies  sous  la  protection  desquels  vous  vives,  puisqu'ils 
sont  en  cliolère  contre  luy.  11  nous  faut  éviter  toutes  pierres  d'achoppe- 
ment, veu  mesmes  que  les  plus  saines  actions  sont  subjettes  à  estre  mal 
interprétées,  et  que  la  semence  des  prétextes  ne  prend  racine  que  trop 
tost.  Il  me  reste  que  de  luy  souhaitter  tout  heur  en  son  voyage,  afin  que 
recevant  la  satisfaction  que  vous  donnera  le  rapport  de  sa  négociation, 
il  vous  asseure  aussi  pour  mon  reguard,  que  vous  avés  en  moy  un  homme 
qui  compatit  à  vos  biens  et  h  vos  maulx,  et  qui  s'estimera  tousjours  honoré 
lorsqu'en  l'employant  librement,  etc. 
A  Londres,  ce  10  juing  1622. 


No  11 

Lettres  de  Jacques  P',  roi  d'Angleterre. 

AU  PETIT  CONSEIL  DE  GENÈVE 

(Dossier  no  2749.) 

Messieurs.  —  Suivant  la  réquisition  que  vous  nous  avez  faite  par  vos 
lettres  du  28  de  septembre  dernier,  nous  avons  escrist  à  nostre  cousin 
le  duc  de  Savoye  pour  l'induire  à  pourvoir  tant  pour  le  passé  que  pour 
l'advenir  aux  griefs  dont  vous  vous  plaignez  par  vos  dites  lettres,  selon 
que  requièrent  les  traitez  que  vous  avez  avec  luy  ;  en  quoy  nous  avons 
tasché  de  satisfaire  pleinement  à  vostre  désir,  ainsy  que  pourrez 
voir  par  la  copie  que  nous  vous  envoyons  de  la  lettre  que  luy  avons 
escriste  à  ceste  fin,  pour  vous  tesmoigner  le  bien  que  nous  souhaitons  à 
vos  affaires,  et  la  constance  de  l'affection  que  nous  avons  tousjours  portée 
à  vostre  République,  de  laquelle  vous  pourrez  demeurer  entièrement  as- 
seurez.  Et  ainsy  nous  prierons  Dieu  qu'il  vous  ait  tousjours  en  sa  sainte 
garde.  A  nostre  palais  de  Westmestre,  ce...  de  janvier  1624.  (Signé) 
Jaques  P''. 

A  Messieurs  nos  bons  amis  le  Conseil  et  sijndics  de  la  République  de 
Genève. 


210 
No  12 

AU   DUC    DE   SAVOIE 

Monsieur  mon  cousin.  —  Il  y  a  quelques  années  que  nous  inter- 
vinmes  envers  vous  en  faveur  de  ceux  de  Genève,  à  ce  que  vous  leurvou- 
lassiez  laisser  libre  la  traite  des  bleds  de  vos  pais,  en  conformité  du  traité 
de  paix  que  vous  avez  avec  eux  ;  à  quoy  sur  nostre  réquisition  vous  feistes 
pourvoir  alors,  et  nous  receusmes  cela  pour  un  tesmoingnage  parliculier 
de  vostre  bienvueillance  en  nostre  endroit.  Mais  ilz  nous  ont  fait  enten- 
dre que  depuis,  et  tout  nouvellement  encore,  vous  auriez  fait  deffenses 
très  expresses  de  mener  aucuns  bleds  ny  autres  grains  en  ladite  ville  et 
que  vos  otïïciers  ne  permettroient  pas  seulement  à  ceux  de  leurs  ci- 
toyens ou  habitants  qui  ont  du  bien  dans  vos  Estais  d'en  amener  chez 
eux  les  grains  de  leur  propre  creu,  sinon  sous  des  conditions  et  astric- 
tions  rigoureuses  ;  se  plaignans  aussi  que  leurs  droits  seroient  violez  par 
vos  dits  officiers,  en  aucunes  terres  de  leur  propre  jurisdiction,  et  en  la 
levée  des  tailles  et  péages  dont  les  leurs  sont  exempts,  comme  pareille- 
ment des  excès  qu'ils  disent  estre  commis  tans  es  persones  qu'es  biens 
d'aucuns  d'eux,  sans  qu'ilz  en  puissent  tirer  aucune  justice  des  vostres, 
nonobstant  toutes  les  plaintes  et  instances  qu'ilz  vous  auroient  adressées 
pour  ce  regard,  et  la  contravention  directe  que  cela  fait  à  leur  traité: 
joint  à  cela  l'ombrage  que  leur  donnent  les  troupes  que  vous  tenez  sur 
pied  depuis  quelques  années  assez  près  de  la  dite  ville,  ce  qui  leur  fait 
craindre  que  toutes  ces  procédures  ne  tendent  qu'à  la  rupture  de  leur 
paix  ;  de  laquelle,  en  général,  comme  ainsi  soit  que  nous  ayons  toute 
nostre  vie  désiré  et  procuré  en  tant  qu'en  nous  a  esté  l'entreténernent 
public  par  tout  la  chrestienté,  nous  avons  bien  voulu,  en  suite  des  pre- 
mières instances  que  nous  vous  avons  cy  devant  faites  pour  ceux  de  la 
dite  ville  et  Estât,  vous  prier  derechef  bien  affectueusement  de  faire 
pourvoir  au  plustost  à  tous  ces  griefs  dont  ilz  se  deulent,  selon  que 
la  raison  et  justice  le  requerra,  et  de  faire  cesser  à  l'advenir  les  causes 
de  telles  plaintes  par  la  deue  observation  des  traités  qui  sont  entre  vous 
et  eux.  En  quoy  nous  recevrons  une  confirmation  bien  expresse  de  la 
considération  que  vous  faites  de  notre  entremise  et  amitié  et  seront  prests 
d'en  recognoitre  l'obligation  en  toutes  occasions  qui  se  présenteront  pour 
vostre  contentement,  deraeurans  sur  ce,  etc.  etc.  A  nostre  palais  deWest- 
mestre,  le  6  de  janvier  1624. 


211 

N°  13 

Lettre  de  M.  de  Mayerne  au  Petit  Conseil. 

(Dossier  n''  2749.) 

Magnifiques  et  trés-honorés  Seigneurs.  —  Encor  que  vous  ne  ni'ayés 
pas  faict  l'honneur  de  me  recommander  l'affaire  de  l'entremise  du 
Roy  de  la  Grande  Bretaigne  mon  maistre  envers  S.  A.  de  Savoye,  en 
vostre  considération,  si  est-ce  qu'il  m'en  a  fallu  faire  la  sollicitation, 
l'effect  de  laquelle  a  produit  les  lettres  de  S.  M.  que  je  vous  envoyé,  pour 
en  disposer  ainsi  que  trouvères  estre  bon.  Vostre  Estât  a  de  l'obligation  à 
ce  monarque,  qui  parmi  ses  plus  grandes  affaires,  dans  la  ferveur  mesrae 
de  la  conclusion  proche  d'icelles,  jette  l'œil  dessus  vous,  avec  un  extrême 
désir  de  vous  procurer  toutes  sortes  de  biens  et  de  seuretés.  Ma  croyance 
est  que  vos  requestes  opportunes  et  capables  d'estre  effectuées,  seront 
tousjours  bien  receues  de  S.  M.  qui  estant  très  désireuse  de  vostre  con- 
servation, en  procurera  fort  volontiers  les  moyens  dans  les  limites  de  sa 
possibilité.  Asseurés  vous  d'ailleurs  que  vous  avés  icy  en  moy  un  sollici- 
teur infatigable,  lequel  oultre  l'obligation  naturelle  qu'il  a  au  pais,  pren- 
dra toujours  plaisir  d'estre  employé  de  vous,  et  tiendra  à  honneur  vos 
commandements.  Pour  les  affaires  du  monde,  prenés  ce  mot  en  passant, 
qui  est  tout  ce  que  le  cours  du  marché  présent  me  permet  de  dire,  que  tout 
prend  un  bon  biais  et  que  j'espère  qu'en  amandant  vigoureusement  et  promp- 
tementle  passé,  comme  nous  en  sommes  sur  les  termes,  tout  ira  au  con- 
tentement des  gens  de  bien.  J'espère  que  les  événements  nous  appren- 
dront que  les  affaires  d'importance  le  plus  longuement  concertées  ne  sont 
pas  celles  qui  succèdent  le  plus  tost.  Vous  en  sçaurez  davantage  quand  il 
sera  temps,  et  possible  en  entendrés  vous  parler  de  plus  près.  Cepen- 
dant Dieu  conserve  et  veille  pour  vostre  Estât,  comme  il  a  toujours  faict, 
à  la  confusion  de  vos  ennemis.  11  se  pourra  faire  que  l'esté  prochain  mes 
affaires  domestiques  m'appelleront  par  de  là.  Si  ainsi  est,  je  serai  très 
aise  et  très  heureux  de  vous  porter  quelques  bonnes  nouvelles.  Entre  cy 
et  là,  et  tousjours.  je  vous  recommande  les  miens  dont  l'éloignement 
m'est  moings  insupportable,  puisqu'ils  vivent  dans  vostre  sein.  Par  le 
traitement  qu'ils  recevront  de  vous,  tesraoignés  moy  à  quel  karat  vous 
mettes  la  dévotion  que  j'ay  à  vostre  service,  et  en  tirant  les  fruicts  de 
ceste  mesnie  inclination,  faites  moy  paroistre  que  véritablement  vous  me 
croyés,  etc. 

A  Londres,  ce  13  janvier  1624. 


212 

No  14 

Lettre  de  M"«  de  Mayerne. 
(Dossier  n"  3305.) 

Magnifiques  et  trés-honorés  Seigneurs.  —  Il  a  pieu  à  l'Etemel  d'ad- 
jouster  affliction  sur  affliction  à  nostre  famille,  ayant  retiré  au  commen- 
cement de  l'année  précédente  feu  Monsieur  de  Mayerne,  mon  trés-honoré 
père  d'heureuse  mémoire,  et  avant  la  fin  d'icelle  feu  Madame  de  Mayerne, 
ma  très-honorée  mère.  Elle  et  moy  avions  donné  ordre  à  un  de  nos  ser- 
viteurs domestiques  de  rendre  à  vos  Seigneuries  nos  lettres  qui  les  as- 
seuroynt  de  nos  très-humbles  services,  et  leur  donnoyent  à  cognoistre 
l'intention  que  feu  mon  père  avoit  eu  de  donner  quelque  somme  de  de- 
niers pour  le  bastiment  que  vos  Seigneuries  font  pour  les  pauvres  de 
vostre  ville  de  Genève,  qui  est  le  lieu  de  sa  naissance.  Mais  le  décès 
subit  de  ma  dicte  dame  et  mère,  ayant  retardé  l'effectuation  de  nos  dé- 
sirs, je  suis  contrainte  de  réitérer  par  les  présentes  les  offres  de  mes 
très-humbles  services  à  vos  Seigneuries,  lesquelles  je  supplie  d'accepter 
en  bonne  part  la  somme  de  deux  cent  livres  sterling,  qui  vous  seront 
rendues  selon  le  cours  du  change  en  monnoye  de  France,  qui  est  ce  que 
feu  mon  père  a  légué  pour  l'usage  susdit.  Je  n'entretiendray  pas  de  plus 
longs  discours,  vos  Seigneuries.  Je  les  prieray  seulement  de  me  vouloir 
continuer  la  bienvueillance  qu'elles  avoyent  pour  feu  mon  père,  et  de 
croire  qu'en  toutes  occasions  je  tascheray  tousjours  d'estre,  Magnifiques 
et  très-honorez  Seigneurs,  la  très-humble  et  très-aff'ectionnée  servante  de 
vos  Seigneuries.  (Signé)  Adriana  de  Mayerne. 

De  Chelsey  lés  Londres,  31  janvier  1656. 


DOCUMENTS  INÉDITS 


SUR 


JACQUES-ANTOINE  ARLAUD 


Ce  peinlre,  fort  célèbre  dans  la  première  moitié  du  siècle 
dernier,  a  occupé  plusieurs  biographes  ;  en  particulier,  il  n'a 
point  été  oublié  dans  nos  Mémoires,  alors  qu'un  ancien  magis- 
trat consacrait  à  l'histoire  des  beaux-arts  les  dernières  années 
d'une  vie  longtemps  vouée  au  service  de  sa  patrie'.  Il  serait 
donc  superflu  de  s'en  occuper  encore,  si  l'on  n'avait  pas  à  pro- 
duire des  renseignements  nouveaux.  Mais  je  m'empresse  de 
le  dire,  ces  renseignements,  en  petit  nombre,  ne  sont  nulle- 
ment de  nature  à  éclaircir  des  points  restés  obscurs  dans  la  vie 
de  l'artiste  :  ils  ont  trait  à  son  caractère  comme  citoyen  et, 
tout  en  fournissant  quelques  détails  de  mœurs,  ils  nous  le  repré- 
sentent comme  l'un  de  ces  diplomates  officieux  dont  il  est  ques- 
tion dans  la  notice  précédente. 

Avant  de  produire  les  pièces  auxquelles  je  faisais  allusion,  je 
suis  naturellement  forcé  de  retracer  au  moins  brièvement  des 

*  J.-J.  Rigaud.  Recueil  de  renseUjnemenls  relatifs  à  la  culture  des  beaux- 
arts  à  Genève.  2"  partie  (présents  Mémoires,  t.  V,  p.  47). 

T.  XV.  i''  part.  15 


214 

faits  connus,  et  je  m'appuierai  soit  sur  le  travail  déjà  rappelé 
de  feu  M.  le  syndic  Rigaud,  soit  sur  celui  de  Baulacre'.  Cet 
aimable  bibliothécaire  était  contemporain  d'Arlaud;  il  avait  eu 
avec  lui  de  fréquentes  relations,  et  c'est  peu  de  jours  après  la 
mort  du  peintre  qu'il  écrivit  son  éloge  historique 

Jacques-Antoine  Arlaud,  l'un  des  uombreux  enfants  de  Henri 
Arlaud  et  de  Jeanne  Dassier,  naquit  à  Genève  le  6  mai  1668 
(ancien  style).  Il  suivit  avec  succès  les  études  littéraires  du  col- 
lège et  de  l'académie.  Il  aurait  probablement  embrassé  la  car- 
rière ecclésiastique,  s'il  n'avait  pas  dû  penser  de  bonne  heure  à 
se  tirer  d'affaire  par  lui-même.  Vers  l'âge  de  16  ou  17  ans  il 
décida  de  se  vouer  à  la  peinture,  pour  laquelle  il  se  sentait  des 
dispositions.  On  dit  qu'il  ne  prit  que  deux  mois  de  leçons  de 
dessin;  mais  il  travailla  avec  beaucoup  de  zèle  et  d'assiduité. 

En  1688,  il  se  rendit  a  Paris,  où  il  continua  d'étudier  son 
art,  tout  en  cherchant  à  gagner  sa  vie  par  des  travaux  à  sa 
portée.  Il  s'attacha  surtout  à  la  miniature,  et  fil  beaucoup  de 
portraits;  il  y  employait  la  journée,  et  consacrait  une  partie  de 
la  nuit  à  se  perfectionner  dans  le  dessin.  Son  talent  pour  la 
ressemblance,  le  fini  de  ses  ouvrages,  l'éclat  de  son  coloris,  lui 
obtinrent  de  prompts  et  honorables  succès.  D'ailleurs,  une  con- 
versation aimable,  nourrie,  enjouée  charmait  les  personnes  qui 
posaient  devant  lui,  et  il  arriva  bientôt  à  une  grande  renommée. 

L'exercice  de  son  an  lui  donnait  accès  auprès  des  person- 
nages du  plus  haut  rang.  Il  était  surtout  bien  reçu  par  le  duc 
d'Orléans,  neveu  du  roi  Louis  XIV  et  plus  tard  Régent.  Ce 
prince,  qui  était  un  excellent  connaisseur,  le  prit  pour  «  son 
maître  en  peinture,  »  et  lui  donna  un  logement  dans  son  châ- 
teau de  Saint-Cloud.  «  Avant  vous,  disait-il  à  notre  artiste, 
les  peintres  en  miniature  faisaient  des  images  ;  c'est  vous  qui 
leur  avez  appris  a  faire  des  portraits.  Votre  miniature  a  toute  la 

'  Œuvres  histor.  et  littér.,  t.  I,  p.  463. 


215 

force  (le  la  peinture  à  l'huile.  »  Il  lui  faisait  souvent  des  cadeaux. 
Madame',  raère  du  duc,  eut  aussi  beaucoup  de  bonté  pour  le 
peintre,  dont  elle  se  déclara  la  protectrice;  en  1718,  elle  lui 
donna  son  portrait  peint  par  Largilière. 

Ce  qui  plaisait  surtout  au  duc  d'Orléans,  c'est  qu'Arlaud,  qui 
avait  étudié  avec  intiniment  de  soin  les  règles  de  la  peinture, 
connaissait  son  art  à  fond  et  était  en  état  d'en  exposer  les 
véritables  principes.  Lorsque  le  prince  voulut  acquérir  une  col- 
lection considérable  de  tableaux  provenant  de  la  galerie  de 
Christine,  reine  de  Suède,  il  se  servit  d'Arlaud;  et  celui-ci, 
(lès  que  ses  gains  le  lui  permirent,  se  lit  aussi  une  collection 
très-remarquée  et  souvent  visitée  par  les  étrangers. 

Arlaud  resta  a  Paris  une  quarantaine  d'années.  Il  se  permit 
seulement  deux  voyages  :  l'un  h  Genève,  en  1715,  l'autre  en 
Angleterre,  en  1721.  Un  de  ses  frères,  également  peintre  en 
miniature,  s'était  établi  a  Londres  ;  il  y  mourut,  laissant  une 
veuve  et  des  enfants.  Arlaud  voulut  aller  voir  sa  belle-sœur. 
Mais  il  ne  se  rendit  point  en  Angleterre  sans  être  pourvu  de 
bonnes  recommandations.  Madame,  mère  du  Régent,  lui  en 
fournil.  Aussi  fut-il  fort  bien  accueilli  à  la  cour,  où  il  eut  plu- 
sieurs portraits  à  faire.  Le  roi,  le  prince  et  la  princesse  de  Galles 
lui  donnèrent  des  médailles  d'or,  il  se  lia  avec  le  célèbre  New- 
ton, à  qui  il  rendit,  l'année  suivante,  quelques  services  pour  la 
publication  française  de  X Optique;  l'illustre  physicien  en  fit  re- 
mettre à  notre  peintre  un  exemplaire  qui  a  passé  à  la  biblio- 
thèque publique  de  Genève,  et  il  lui  écrivit  en  latin  une  lettre 
fort  sjracieuse". 

J'ai  dit  qu'en  1715  Arlaud  avait  voulu  revoir  la  terre  natale 
qu'il  était  loin  d'avoir  oubliée,  et  sa  famille  dont  il  était  séparé 
lepuis  27  ans.  Son  père,  habile  horloger,  était  mort  déjà  en 
1689;  mais  il  avait  encore  sa  mère. 


'  Charlotte-Elisabeth  de  Bavière,  secondi^  femme  de  Philippe  I"'  d'Orléans. 
■  Présents  Mémoires,  t.  V,  p.  366. 


216 


L'année  1715,  comme  tant  d'autres  dans  l'histoire  de  Ge- 
nève, fut  une  époque  d'inquiétudes.  On  croyait  que  les  États 
catholiques  voulaient  attaquer  notre  république  et  la  livrer, 
ainsi  que  le  Pays  de  Vaud,  au  duc  de  Savoie.  On  avait  remar- 
qué des  mouvements  de  troupes  en  Bourgogne,  en  Dauphiné 
et  dans  le  Chablais.  Mais  la  mort  de  Louis  XIV,  arrivée  le 
1*"^  septembre,  dérangea  tous  ces  plans  s'ils  existaient. 

Ce  fut  sans  doute  peu  après  ce  grand  événement  qu'Arlaud 
interrompit  ses  occupations  ordinaires,  pour  venir  passer 
quelques  semaines  vers  sa  famille  et  ses  anciens  amis.  Nous 
trouvons  dans  le  Registre  du  Conseil,  à  la  date  du  7  octobre, 
la  preuve  de  son  bon  souvenir  et  de  ses  sentiments  patrioti- 
ques : 

«  M.  le  Premier  a  raporté  que  sieur  Jacques-Antoine  Ar- 
laud,  citoyen,  peintre  fameux  établi  à  Paris  étoit  allé  l'assurer  de 
ses  respects  et  de  sa  joye  de  se  voir  dans  sa  patrie,  pour  la- 
quelle il  a  toujours  un  attachement  inviolable  et  sans  réserve,  et 
qu'il  avoit  ajouté  que  Milord  Stairs,  ambassadeur  de  la  Grande 
Bretagne  à  la  cour  de  France,  l'avoit  chargé  expressément  d'as- 
surer le  magistrat  de  cette  ville  de  son  envie  de  nous  rendre  ses 
offices,  sachant  l'intérêt  que  nous  prenons  à  tout  ce  qui  regarde 
l'Angleterre,  et  qu'il  honoroit  le  magistrat  et  l'estimoit  particu- 
lièrement pour  sa  sage  conduite  en  toute  occasion  \  » 

Le  premier  syndic,  qui  était  alors  l'ancien  professeur  Jean- 
Robert  Chouet,  fut  probablement  chargé  de  parler  à  Arlaudi 
avant  son  départ  pour  Paris  ;  mais  le  nom  du  peintre  ne  se  re- 
trouve mentionné  que  le  4  décembre  suivant,  lorsque  le  secré- 
taire d'État,  Jean-Conrad  Trembley ,  annonça  avoir  reçu  deux 
lettres  contenant  des  nouvelles  intéressantes  :  l'une  du  sieur 
Martine,  notre  résident  à  Paris,  l'autre  du  sieur  Arlaud.  Voici 
cette  dernière  : 


'  %.  du  Cons.  Vol.  de  1715,  p.  434. 


217 


Monsieur. 

J'ay  exécuté  d'abord  en  arrivant  l'ordre  que  j'ay  eu  l'honneur  de  rece- 
voir de  nostre  Conseil  par  Monsieur  le  Premier  Syndicq  de  faire  des  re- 
merciemens  à  Mylord  Comte  de  Stair,  lequel  y  a  répondu  très  gratieuse- 
ment  en  me  disant  qu'il  auroit  toujours  pour  nostre  Conseil  et  pour  nostre 
République  les  mesmes  sentimens  qu'il  m'avoit  témoignés  avant  mon  départ 
de  Paris.  Ensuite  il  m'invila  à  dîner  avec  Monsieur  Saladin.  J'ay  eu 
l'honneur  de  le  voir  depuis  qu'il  a  receu  la  lettre  de  remerciemens  dont 
j'ay  vu  la  copie  entre  les  mains  de  Monsieur  Martine  qui  la  luy  a  envoyée, 
parce  qu'il  ne  peut  pas  encor  sortir  de  sa  chambre  à  cause  de  son  rhu- 
matisme. 

Je  manquerois.  Monsieur,  à  l'amitié  dont  vous  m'honores  depuis  long- 
temps, si  je  ne  vous  iniormois  pas  de  l'agrément  que  j'ay  eu  à  mon  arri- 
vée k  Paris  auprès  des  personnes  du  premier  rang.  Sans  entrer  dans  aucun 
détail  je  vous  diray  que  je  fus  receu  très  agréablement  chés  Monseigneur 
le  duc  d'Orléans,  à  qui  je  pris  mon  temps  de  dire  que  j'estois  de  retour 
d'un  Pays  où  l'on  faisoit  bien  des  vœux  pour  sa  santé  et  pour  la  prospérité 
de  son  Gouvernement  ;  à  quoy  il  répondit  d'abord  d'un  ton  naturel  et  affec- 
tueux, «  tant  mieux  que  je  leur  suis  bien  obligé.  » 

J'allay  aussy  chés  Madame,  qui  eut  la  bonté  de  me  demander  si  j'avois 
laissé  ma  mère  en  bonne  santé,  et  qui  me  demanda  si  je  n'avois  pas  trouvé 
un  grand  plaisir  à  revoir  ma  patrie  et  les  lieux  où  j'avois  passé  mon  en- 
fance. Ensuite  elle  me  fit  un  éloge  de  ce  qu'elle  sçavoit  de  la  situation  de 
Oenève.  J'eus  l'honneur  de  luy  dire  que  le  Prince  Maurice,  Landgrave  de 
Cassel,  avoit,  en  1602,  laissé  à  Genève  une  description  avantageuse  de 
nostre  ville  en  vers  latins.  Elle  me  répondit  qu'elle  croyoit  que  c'estoit 
son  grand'père. 

Il  y  a  une  foule  extraordinaire  de  courtisans  au  Palais  Royal,  et  je  ne 
l'ay  jamais  vu  si  grande  à  Versailles  auprès  du  feu  Roy.  Ce  qui  peut  don- 
ner lieu  à  cela  est  que  Monseigneur  le  Duc  d'Orléans  veut  voir  les  choses 
par  luy  mesme,  nonobstant  l'establissement  des  Conseils.  J'ay  trouvé  de- 
puis mon  départ  beaucoup  de  gens  de  mes  amis  en  place,  ce  qui  me  fait 
plaisir  k  cause  de  l'usage  qu'on  en  peut  tirer  dans  l'occasion.  Je  vous  en 
dirois  bien  davantage,  mais  le  temps  me  manque,  je  renvoyé  cela  à  une 
autre  fois. 


218 

Je  finis  par  vous  remercier  très  humblement  et  de  tout  mon  cœur  des 
marques  que  vous  m'avés  fait  l'honneur  de  me  donner  de  vostre  amitié 
pendant  mon  séjour  à  Genève,  vous  priant  d'estre  persuadé  du  respectueux 
et  tendre  attachement  avec  lequel  je  suis,  Monsieur,  vostre  très  humble  et 
très  obéissant  serviteur.  (Signé)  Arlaud. 

Je  prends  la  liberté  d'assurer  Madame  Trembley  de  mes  très  humbles 
respects.  Je  salue  aussy  très  humblement  et  de  tout  mon  cœur  vostre  ai- 
mable famille. 

Je  vous  prie.  Monsieur,  de  faire  mes  très  humbles  complimens  à  nostre 
illustre  et  cher  amy  Monsieur  Jean  Trembley'  ;  je  conserve  fidèlement 
dans  mon  cœur  le  souvenir  de  toutes  ses  amitiés.  J'auray  l'honneur  de  luy 
écrire  au  premier  jour. 

A  Paris  ce  29""^  novembre  1715. 

Je  ne  dois  pas  oublier  de  vous  dire  que  dans  la  longueur  ennuyeuse  de 
mon  voyage  de  Genève  icy,  j'ay  eu  une  récréation  à  Besançon,  où  Monsieur 
l'Archevesque  ^  m'a  fait  l'honneur  de  me  donner  à  souper  avec  des  per- 
sonnes de  distinction,  me  comblant  de  toute  sorte  d'amitiés^. 

Trois  jours  après,  le  secrétaire  lut  au  Conseil  une  deuxième 
lettre  d'Arlaud.  On  la  jugea  assez  importante  pour  en  envoyer 
copie  aux  gouvernements  de  Zurich  et  de  Berne  : 

Monsieur, 

Depuis  la  lettre  que  j'ay  eu  l'honneur  de  vous  écrire,  je  dois  vous  infor- 
mer qu'ayant,  il  y  a  longtemps,  l'honneur  de  la  bienveillance  de  Monsieur 
le  Marquis  De  la  Vrillère*,  jejugeay  à  propos  de  l'aller  voir  à  mon  retour 
à  Paris.  Ce  Ministre,  après  plusieurs  honnestetés,  me  prit  en  particulier 
pour  m'entretenir  sur  bien  des  choses  qui  regardent  la  Suisse.  Il  me  de- 
manda si  les  Cantons  populaires  ne  faisoyent  pas  des  plaintes  de  ce  qu'il 
leur  estoit  dû  de  l'argent.  A  quoy  je  répondis  que  je  n'en  avois  pas  de 

'  Jean  Trembley,  cousin  du  secrétaire  d'État,  s'était  distingué  à  la  bataille 
de  Wilmergue;  il  devint  syndic,  et  fut  déposé  en  1734. 

'^  Fr.-Joseph  de  Grammont. 

^  Reg.  du  Cons.  Vol.  de  1715,  p.  495. 

*  Louis  Phélippeaux,  marquis  de  la  Vrillière,  ancien  ministre  de  Louis  XIV, 
était  secrétaire  de  la  Régence. 


219 

cognoissance.  Ensuite  il  me  parla  des  bruits  qui  s'estoient  répandus  d'une 
prétendue  entreprise  contre  les  Cantons  Protestans  et  contre  nostre  ville, 
m'assurant  que  rien  au  monde  n'estoit  plus  faux,  que  l'on  n'a  jamais  pensé 
dans  le  précédent  ministère  à  quoy  que  ce  soit  de  semblable,  et  que  si  on 
voulait  croire  un  tel  projet  chimérique  et  supposé,  la  Cour  tiendroit  cela 
à  injure.  Après  cela  il  me  dit  qu'estant  Secrétaire  d'Estat  il  estoit  en  droit 
d'affirmer  ce  qu'il  me  disoit,  et  qu'il  souhaittoit  que  j'en  écrivisse  sur  ce 
pied  là  pour  désabuser  les  esprits  prévenus. 

Le  lendemain  il  m'envoya  chercher  pour  me  faire  sçavoir  de  la  part  de 
Monseigneur  le  Duc  d'Orléans  que  S.  A.  R.  vouloit  me  donner  une  au- 
diance  sur  ces  choses.  Je  trouvay  au  Palais  Royal  la  Cour  fort  grosse  et 
composée  des  personnes  les  plus  distinguées  de  l' Estât  qui  l'attendoyent, 
dans  le  temps  que  je  fus  introduit  dans  le  Cabinet  par  le  Prince  mesme 
qui  m'appela,  et  qui  estoit  seul.  Dabord  il  me  dit  :  «  J'ay  appris  qu'on  s'es- 
toit  allarmé  en  Suisse  sur  un  certain  projet  qui  est  absolument  faux  ;  il 
ne  suffit  pas  que  Monsieur  De  la  Vrillère  vous  ait  parlé  là  dessus,  j'ay 
voulu  vous  dire  moy  mesme  que  de  tels  bruits  n'avoyent  point  de  véritable 
fondement  ;  j'ay  visité  tous  les  papiers  les  plus  secrets  du  feu  Roy  et  ceux 
qui  estoient  entre  les  mains  des  ministres,  et  je  n'ay  rien  trouvé  qui  fut 
capable  de  faire  soupsçonner  des  choses  semblables  ;  les  autheurs  de  ces 
faux  bruits  sont  des  gens  malintentionnés  qui  voudroyent  empêcher  le  re- 
nouvellement de  l'Alliance.  »  Alors  il  ajouta,  en  mettant  les  mains  sur  la 
poitrine  :  «A  mon  égard,  on  peut  aisément  se  persuader  que  jamais  rien  de 
pareil  ne  me  seroit  venu  dans  l'esprit.»  J'eus  l'honneur  de  luy  dire  qu'on 
en  estoit'pleinement  persuadé.  Là  dessus  il  eut  la  bonté  de  me  dire:  «Je 
vous  prie  d'en  écrire  en  vostre  pays,  afin  que  la  vérité  puisse  parvenir 
à  ceux  qui  ont  intérest  de  la  sçavoir.  »  J'eus  encor  l'honneur  de  luy  dire 
que  nostre  Conseil  avoit  suspendu  son  jugement  jnsques  à  la  députation 
qu'il  avoit  faite  en  Suisse  sur  des  lettres  qu'il  avoit  receues  du  canton  de 
Berne  ;j'adjoutay  mesme  qu'ayant  pris  un  jour  la  liberté  d'en  demander  des 
nouvelles  à  Monsieur  nostre  Premier  Syndicq,  il  m'avoit  répondu  qu'il 
estoit  de  la  sagesse  de  nos  citoyens  de  suspendre  leurs  jugemens  jusques 
à  ce  que  l'on  eut  de  iJus  grands  éclaircissemens.  Je  pris  mon  temps  pour 
luy  dire  combien  nostre  République  s'intéressoit  à  la  conservation  de  sa 
personne  et  au  bonheur  de  la  Régence,  ce  qu'il  écouta  avec  plaisir  et  avec 
sensibilité,  et  il  me  dit  :  «Je  leur  en  suis  tout  à  fait  obligé.»  Je  luy  avois 
dit  en  substance  la  mesme  chose  quand  j'eus  l'honneur  de  luy  faire  la  ré- 
vérence d'abord  à  mon  retour,  mais  c'estoit  en  passant  dans  ses  apparte- 


220 

mens  quand  il  alloit  à  Nostre  Dame  pour  l'Oraison  funèbre  du  feu  Roy 
Je  dois  encor  vous  dire,  Monsieur,  que  je  pris  la  liberté  de  l'assurer  de 
la  parfaite  confiance  que  nostre  Estât  avoit  en  sa  Régence,  et  que  nous 
espérions  beaucoup  de  l'honneur  de  sa  bienveillance.  Il  accompagna  ses 
paroles  d'un  air  bon  et  fort  honneste.  En  un  mot  il  m'a  semblé  avoir  en- 
trevu dans  ce  Prince  des  dispositions  très  favorables  pour  nostre  Répu- 
blique. 

Voilà,  Monsieur,  un  détail  qui  me  paraissoit  trop  important  pour  ne 
vous  en  pas  donner  avis.  Je  laisse  le  reste  à  vostre  prudence,  et  je  suis 
avec  un  respectueux  attachement,  Monsieur,  vostre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur.  (Signé)  Jaques- Antoine  Arlaud. 

A  Paris,  ce  P""  Décembre  1715. 

Je  seray  fort  sensible  à  l'honneur  de  recevoir  des  nouvelles  de  vostre 
santé  ' . 

Enfin  le  24  décembre,  il  fut  donné  connaissance  d'une  troi- 
sième lettre  ainsi  conçue  : 

«  Monsieur 

J'ay  receu  en  son  temps  la  lettre  que  vous  m'avés  fait  l'honneur  de 
m'escrire  ;  j'y  ay  vu  avec  beaucoup  de  sensibilité  l'approbation  que  nostre 
Conseil  a  bien  voulu  donner  à  mes  démarches  et  à  ce  que  j'ai  eu  l'honneur 
de  dire  à  S.  A.  R.  Monseigneur  le  Duc  d'Orléans.  Vous  m'avés  marqué. 
Monsieur,  les  sentimens  de  nostre  République  sur  les  avantages  qui  résul- 
tent de  l'union  du  Louable  Corps  Helvétique,  et  de  sa  bonne  intelligence 
avec  la  France,  et  comme  vous  m'avés  écrit  dans  vostre  lettre  d'en  assurer 
icy  le  Ministère  dans  toutes  les  occasions,  j'ay  cru  que  le  plus  tost  seroit 
le  mieux,  parce  que  cela  pourroit  estre  reçu  comme  une  respoiise  natu- 
relle aux  témoignages  que  Monseigneur  le  Duc  d'Orléans  m'avoit  chargé 
de  vous  faire  parvenir.  Je  cognois  d'ailleurs  depuis  trop  longtemps  cette 
Cour  pour  ne  pas  sçavoir  qu'il  faut  saisir  l'occasion  en  se  prévalant  da- 
bord  de  toutes  les  conjonctures.  J'ay  donc  jugé  à  propos,  Monsieur,  d'aller 
chés  Monsieur  le  Marquis  De  la  Vrillére  pour  luy  communiquer  le  contenu 
de  vostre  lettre  dans  laquelle  il  voulut  voir  ce  qui  regarde  les  affaires  de 
Suisse.  11  me  demanda,  qui  est-ce  qui  vous  écrit.  Je  lui  répondis  :  Nostre 

»  %.  du  Cons.  1715,  p.  500. 


221 

Secrétaire  d'Estat.  Ensuite  après  la  lecture  il  me  dit  :  «  Cela  est  bon,  il  con- 
vient que  Monseigneur  le  Duc  d'Orléans  voye  luy  mesme  cette  lettre  et 
je  veux  vous  laisser  l'honneur  de  la  luy  présenter,  venés  demain  au  Palais 
Royal.»  Je  n'y  manquay  pas,  etquoy  que  j'y  fusse  dès  les  huit  heures  dans 
un  cabinet  avec  plusieurs  personnes  de  considération  jusques  à  onze  heures 
et  demy,  Monsieur  De  la  Vrillère  ayant  averty  S.  A,  R.  que  j'y  estois,  je 
fus  cependant  renvoyé  par  ses  ordres  au  lendemain  matin  qui  estoit  hier. 
Je  n'y  fus  pas  plustot  entré  que  je  fus  appelle  par  son  valet  de  chambre 
dans  la  petite  galerie  et  ensuite  par  le  Prince  mesme  dans  un  petit  cabinet 
où  il  estoit  seul.  Il  commença  par  me  dire  d'un  ton  affable  et  riant  :  «  Bon- 
jour Monsieur  Arlaud,  vous  avés  une  lettre  à  me  montrer,  voyons.  >  J'eus 
l'honneur  de  luy  dire  que  cette  prompte  response  estoit  une  preuve  de 
l'exactitude  avec  laquelle  j'avois  exécuté  les  ordres  dont  il  avoit  bien  voulu 
m'honorer.  il  voulut  lire  luy  mesme,  et  quand  il  trouva  le  mot  de  piquets 
dont  on  se  sert  pour  envoyer  les  lettres,  il  me  dit  ce  Je  sçay  que  ce  sont  des 
hommes  qui  courent  de  lieu  en  lieu.  »  Ensuite  quand  il  trouva  vostre  pé- 
riode conçue  en  ces  termes  :  Novs  souhaitions  mesme  avec  passion  que 
toute  deffiance  cesse  entre  les  Estais  Evangéliques  et  les  Catholiques  de 
Suisse  et  noiis  faisons  tout  ce  que  nous  pouvons  dans  nostre  petite  sphère 
pour  contribuer  à  une  sincère  réunion  et  bonne  intelliqence  entre  tous  lex 
membres  du  Louable  Corps  Helvétique,  il  me  dit  d'un  ton  vif  :  «  C'est 
mon  esprit.  »  Enfin  après  avoir  lu  tout  ce  qui  regardoit  les  affaires  en 
question,  il  me  dit  :  «  Je  suis  fort  content  de  cette  lettre,  elle  renferme 
précisément  ce  que  je  deraandois.  »  Ensuite  il  me  dit  en  badinant  et 
d'un  ton  gratieux  .  «  Vous  êtes  à  présent  un  petit  ministre.  >  J'eus  l'hon- 
neur de  luy  répondre  que  pourestre  Suisse,  je  n'en  avois  pas  moins  d'in- 
clination pour  la  France.  Il  me  répondit  en  riant  :  «  Suisse  François  ;  je 
croy  que  l'amitié  que  vous  avés  pour  nous  depuis  longtemps  n'y  gâte  rien.  » 
Ce  sont  ses  propres  termes  auxquels  je  répondis  comme  vous  pouvés 
croire  le  plus  respectueusement  qu'il  me  fut  possible.  Après  cela  il  me 
demanda  :  «  N'avés-vous  rien  dans  vos  tablettes  pour  me  réjouir  les  yeux.  » 
Je  luy  répondis  que  les  jours  avoient  esté  si  sombres  depuis  mon  retour 
que  je  n'avois  pas  pu  travailler.  II  voulut  bien  encor  un  moment  me  mar- 
quer un  retour  favorable  vers  la  Peinture,  quoy  qu'il  n'ait  plus  le  temps 
de  s'y  amuser,  car  il  me  décrocha  un  petit  tableau  prétieux  qui  donna 
lieu  à  un  court  entretien  sur  les  beautés  de  l'art.  Après  quoy  il  me  dit  : 
t  Adieu,  M.  Arlaud,  je  suis  très  content  de  vostre  lettre.  » 
Comme  Monsieur  De  la  Vrillère  m'avoit  recommandé  de  le  voir  après 


222 

cette  audiance,  je  suis  allé  pour  l'en  informer,  dont  il  m'a  sçu  très  bon 
gré. 

Il  y  a  quelques  jours  qu'ayant  demandé  à  Monseigneur  le  Duc  d'Or- 
léans de  me  prêter  le  portrait  original  que  j'ay  fait  de  S.  A.  R.  pour  en 
faire  une  copie  plus  exacte,  il  me  répondit  que  Madame  la  Duchesse 
d'Orléans  l'avoit,  et  hier  de  son  mouvement  il  eut  la  bonté  de  me  l'en- 
voyer par  un  officier  de  ses  gardes  du  corps. 

Je  vous  ay  marqué  les  petits  articles  qui  me  regardent,  comme  parlant 
à  une  personne  qui  m'honore  de  son  amitié  et  en  laquelle  je  me  confie. 
Au  reste,  je  vous  prie,  Monsieur,  d'assurer  nostre  Conseil  de  mon  pro- 
fond respect,  de  mon  exactitude  à  exécuter  ses  ordres,  et  du  zèle  que 
j'auray  toute  ma  vie  comme  bon  Citoyen  pour  le  service  de  ma  patrie.  Ce 
sont  là  mes  véritables  sentimens.  Je  suis  avec  un  respectueux  attachement, 
Monsieur,  vostre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur  (signé)  Jaques 
Antoine  Arlaud. 

A  Paris  ce  18  Décembre  1713. 

Je  fais  par  avance,  Monsieur,  bien  des  vœux  pour  vostre  santé  et  pour 
celle  de  Madame  Trerabley  au  renouvellement  de  cette  année. 

Je  ne  dois  pas  oublier  de  vous  dire.  Monsieur,  que  j'ay  reçu  une  lettre 
de  Monsieur  De  la  Closure  '  par  laquelle  il  me  paroit  estre  très  content 
de  ce  qui  s'est  passé  à  la  Cour,  et  à  Genève  ;  j'ay  trouvé  un  moment  à 
placer  auprès  de  S.  A.  R.  le  témoignage  qui  est  du  à  son  mérite,  lequel 
a  esté  bien  reçu.  Je  luy  en  ay  écrit. 

Je  ne  dois  pas  non  plus  manquer  de  vous  dire  qu'ayant  trouvé  Monsieur 
l'Ambassadeur  d'Hollande^  au  Palais  Royal,  il  me  fit  plusieurs  caresses 
sur  mon  bon  retour  et  qu'il  me  pria  de  l'aller  voir  à  cinq  heures  du  soir. 
Il  m'entretint  sur  plusieurs  choses  intéressantes,  et  entr'autres  estant 
tombé  sur  les  affaires  des  Suisses,  il  me  dit  :  «  Je  veux  bien  vous  faire 
part  de  deux  conversations  que  j'ay  eues  à  leur  sujet  avec  Monsieur  le 
Maréchal  d'Uxelles^  et  avec  Monsieur  le  Marquis  de  Torcy*.  Le  premier 
m'a  dit  nettement  et  affirmativement  dans  le  temps  de  ces  bruits  de  projet, 
qu'ils  n'avoyent  pas  de  fondement  véritable  et  qu'il  ne  luy  parloit  pas 


'  Hésident  de  France  à  Genève. 
»  W.  Buys. 

'  Président  du  Conseil  des  affaires  étrangères  et  membre  du  Conseil  de 
de  régence. 
•*  J.-B.  Colbert,  marquis  de  Torcy,  neveu  du  grand  Colbert. 


223 

comme  ministre,  mais  comme  amy,  protestant  toujours  que  cela  estoit  ab- 
solument faux.  »  A  l'éiiard  de  M,  de  Torcy  qui  avoit  aussy  fortement  nié 
ces  prétendus  articles,  il  ajouta  qu'il  luy  avoit  dit  que  le  feu  Roy  souhait- 
tant  le  renouvellement  de  l'alliance  avec  les  Suisses,  avoit  à  la  vérité 
commencé  pour  engager  et  gagner  les  petits  Cantons  dans  la  pensée  qu'il 
auroit  ensuite  les  autres,  et  que  c'estoit  tout  de  mesme  que  s'il  s' estoit 
d'abord  addressé  plustost  à  quelque  petite  ville  d'Hollande  qu'à  celle  d'Ams- 
terdam, mais  qu'il  n'y  avoit  eu  aucun  traité  secret  contre  les  Cantons  Pro- 
testans.  J'ay  cru  devoir  vous  dire  ces  choses,  on  en  peut  faire  usage  sui- 
vant la  prudence  de  nostre  Conseil. 

J'ay  eu  l'honneur  de  voir  Madame  pour  lui  faire  part  de  l'entretien  que 
j'ay  eu  avec  S.  A.  R.  Monseigneur  le  Duc  d'Orléans.  Elle  en  a  esté  très 
aise,  aussy  bien  que  de  la  disposition  favorable  au  renouvellement  de 
l'alliance,  et  sur  ce  que  je  luy  ay  dit  que  Monseigneur  le  Duc  d'Orléans 
m'avoit  fait  l'honneur  de  me  dire  que  l'amitié  que  j'avois  pour  luy  n'y 
gatoit  rien,  elle  m'a  répondu  :  «  Il  a  raison  mon  fils,  il  va  au  but'.» 


On  conserve  aux  Archives  de  Genève  cinq  autres  lettres 
d'Arlaud,  mais  elles  n'offrent  pas  assez  d'intérêt  pour  être  re- 
produites. Elles  sont  de  deux  époques  différentes. 

Les  premières^  sont  datées  de  Paris,  3,  6  et  12  janvier 
1716.  Le  secrétaire  d'État  lui  avait  écrit  pour  lui  témoigner  de 
l'étonnement  de  ce  que  le  Petit  Conseil  n'avait  reçu  aucune  ré- 
ponse aux  missives  qu'il  avait  expédiées  à  l'occasion  de  la  mort 
de  Louis  XIV.  Il  y  avait  eu  peut-être  simplement  un  oubli  qui 
fut  réparé  ;  mais  on  doit  aussi  s'étonner  de  ce  que  le  résident, 
M.  Martine,  ne  fût  pas  suffisaiit  pour  ces  réclamations. 

Les  deux  au^res^  du  8  juin  et  8  septembre  1724,  sont  re- 
latives a  la  bourgeoisie  dont  le  Conseil  avait  gratifié  les  princes 
Charles  et  Guillaume  de  Hesse. 


»  Ren.dn  Cons.  1715,  p.  527. 

'  Portefeuilles  des  pièces  historiques,  dossier  n"  4241 .  —  Reg.  du  Cons. 
Vol.  de  1716,  p.  39  et  55. 

^  Portef.  des  pièces  histor  ,  dossier  n°  449  i  —  Re;].  du  Cons.  Vol  de  1724 , 
p.  262  et  390. 


22i 

Ce  fut  peu  d'années  après  ces  dernières  lettres  qu'Arlaud 
revint  se  fixer  dans  sa  patrie.  Un  coup  qu'il  avait  reçu  à  la 
tempe  avnil  afl'aibli  sa  vue;  il  ne  pouvait  plus  guère  travailler,  et 
le  temps  du  repos  était  arrivé  pour  lui.  D'ailleurs,  il  avait  labo- 
rieusement acquis  une  honorable  fortune,  et  il  voulaii  rejoindre 
sa  vieille  mère,  qu'il  conserva  jusqu'en  173^,  époque  où  elle 
mourut  ayant  atteint  l'âge  de  96  ans. 

En  1729,  il  fit  l'acquisiiion  d'une  jolie  campagne  *  fort  rap- 
prochée de  Genève;  il  y  jouissait  d'une  vue  cliarmanie  sur  le 
lac  et  les  collines  qui  l'eniourent.  Dès  lors,  demeurant  tantôt 
dans  celte  propriété,  tantôt  à  la  ville,  il  ne  s'éloigna  plus  que 
pour  UD  voyage  dans  l'intérieur  de  la  Suisse,  et  sa  vie  s'écoula 
doucement  au  sein  de  l'amitié. 

Arlaud  avait  toujours  conservé  le  goût  de  l'instruoiion  ;  il 
avait  beaucoup  lu,  et  était  doué  d'une  excellente  mémoire;  il 
avait  fréquenté  plusieurs  savants  à  Paris;  enfin  il  avait  eu  l'oc- 
casion d'observer  toutes  sortes  de  caractères,  «  depuis  le  sceptre 
jusqu'à  la  houlette,  »  comme  il  le  disait  lui-même.  Il  devait 
donc  être  le  bienvenu  dans  les  réunions  d'hommes  de  lettres, 
composées  d'ecclésiastiques  et  de  laïques,  qui  exisiaient  alors 
dans  notre  république.  Il  était  lié  avec  des  savants  tels  qu'Âbau- 
zit  et  J.-J.  Burlamaqui,  avec  des  artistes  tels  que  les  célèbres 
graveurs  Dassier,  ses  parents,  avec  Léonard  Baulacre,  avec  plu- 
sieurs pasteurs  de  notre  Église. 

Il  ne  reprit  ses  pinceaux  que  l'année  qui  précéda  sa  mort,  et 
cela  pour  terminer  des  ouvrages  qu'il  destinait  à  la  bibliothèque 
publique.  Mais  il  se  plaisait  à  montrer  son  cabinet  qui  conte- 
nait plusieurs  oeuvres  importantes,  et  qui  était  souvent  visité 
|)ar  des  étrangers. 

On  a  vu  dans  les  lettres  citées  plus  haut  comment  Arlaud 

'  Minutes  de  Fornet,  notaire.  2«  vol.  de  1729,  p.  397,  acte  du  5  décem- 
bre. Il  s'agit  d'une  campagne  située  à  Malagnou  et  appartenant  aujourd'hui 
à  la  famille  De  Roches-Lombard  ;  Arlaud  la  paya  55,736  fl.  3  s.  sans  compter 
6  louis  liépuKjks,  ce  qui  fait  pour  le  tout  environ  25,866  fr. 


225 

se  comportait  avec  les  grands  de  la  terre.  Mais  une  anecdote 
rapportée  par  Baulacre  montre  que  le  peintre  genevois  avait 
conservé  un  remarquable  esprit  d'indépendance.  Louis  XIV 
l'ayant  invité  à  lui  montrer  quelques-unes  de  ses  œuvres,  et 
lui  ayant  fixé  une  audience,  il  s'y  rendit  et  fut  reçu  tout  seul. 
Le  monarque  lui  témoigna  sa  satisfaction  et  répéta  ses  éloges  à 
des  seigneurs  de  sa  cour.  L'un  d'eux  rencontrant  Arlaud  dans 
Versailles,  lui  fit  un  compliment  à  cette  occasion.  «  Sa  Majesté, 
répondit  le  peintre,  me  fait  bien  de  l'honneur,  mais  elle  me 
permettra  de  dire  que  l'Académie  s'y  connaît  encore  mieux.  » 
Sur  quoi  ce  seigneur  répliqua  :  «  Voyez  donc  ce  républicain 
qui  ne  semble  presque  pas  sensible  aux  éloges  d'un  grand  roi!  » 

H  ne  craignait  pourtant  pas  les  louanges,  loin  de  là;  il  ai- 
mail  qu'on  lui  rendit  justice,  et  se  montrait  parfois  sévère  en- 
vers ses  confrères.  Mais,  bienfaisant  et  charitable,  il  s'empres- 
sait d'aider  de  conseils  ou  de  secours  les  jeunes  gens  chez  qui 
il  remarquait  des  dispositions. 

Arlaud,  qui  avait  longtemps  vécu  au  milieu  d'un  monde  où 
la  corruption  était  grande,  sut  conserver  des  mœurs  austères. 
Chrétien  convaincu,  il  remplissait  avec  exactitude  les  devoirs 
de  la  religion,  et  ce  fut  par  un  scrupule  religieux  qu'il  détruisit, 
en  1738,  un  de  ses  ouvrages  qui  lui  avait  attiré  le  plus  d'éloges, 
sa  Lèda.  Ce  tableau,  de  deux  pieds  de  largeur,  était  la  repré- 
sentation d'un  bas-rehef  de  Michel-Ange;  l'exécution  en  était 
admirable  ;  mais  le  peintre,  devenu  septuagénaire,  regretta  d'of- 
frir aux  regards  du  public  une  peinture  voluptueuse,  et  la  coupa 
en  morceaux.  Cette  exécution,  qui  n'avait  nullement  été  con- 
seillée par  ses  amis  les  pasteurs,  excita  le  blâme  et  les  regrets 
de  tous  les  amateurs. 

Arlaud  mourut  subitement  le  25  mai  174-3,  dans  sa  cam- 
pagne de  Malagnou,  à  l'âge  de  75  ans.  Resté  célibataire,  il  avait 
pleine  liberté  pour  disposer  de  ses  biens  :  c'est  ce  qu'il  fit  de  la 
manière  qui  me  reste  a  indiquer. 


226 

Son  lestament',  daté  du  6  avril  17i0,  est  suivi  de  deux 
petits  codicilles  en  date  du  30  août  de  la  même  année  et  du 
15  mars  1743.  Le  tout  forme  14  grandes  pages  écrites  de  la 
main  d'Arlaud. 

Après  l'expression  de  ses  sentiments  chré liens,  il  dit  :  «  Je 
rends  mes  très-humbles  grâces  à  Dieu  de  toutes  ses  faveurs.... 
et  de  ce  qu'il  m'a  donné  un  talent  qui  m'a  procuré  la  douce  sa- 
tisfaction (le  faire  du  bien  âmes  parents » 

11  fait  des  dons  en  argent  à  l'hôpital  général,  à  la  Bourse 
française  et  aux  pauvres  honteux.  Il  donne  des  bijoux,  des  livres 
ou  des  estampes  aux  pasieins  J.  Sarrasin,  F.  De  Roches  et 
Jean  Dentand,  à  MM.  J.-J.  Buriamaqiii,  Abauzit  et  J.-F.  Revil- 
liod,  et  a  son  filleul  J.-Ant.  Dassier.  11  mentionne  plusieurs  ne- 
veux et  nièces,  petits-neveux  et  petites-nièces  à  qui  il  donne 
des  preuves  de  son  affection  ;  il  nomme  entre  autres  un  neveu, 
André  Arlaud,  maître  chirurgien,  fds  de  feu  Jaques  Arlaud  et 
une  nièce,  Elisabeth  Arlaud,  «  actuellement  en  Irlande,  »  fille 
de  feu  Benjamin,  h  laquelle  il  donne  un  portrait  en  miniature 
qu'il  fit  à  Londres  en  1721  représentant  la  mère  de  cette  nièce\ 

Il  institue  pour  son  héritier  universel  son  frère  Antoine  Ar- 
laud. à  charge  de  continuer  de  faire  ce  que  le  testateur  lui-même 
faisait  en  faveur  de  ses  divers  parents.  Antoine  Arlaud  ne  sur- 
vécut guère  qu'tme  année  à  son  frère  aîné.  Sa  fortune  passa 
principalement  ji  leurs  neveux  ou  petiis-nevenx  Baccnei.  Dans 
l'inventaire  de  ses  biens,  on  trouve  encore  quelques  tableaux 
de  peintres  célèbres^. 

Mais  j'arrive  à  la  partie  du  testament  de  Jacques-Antoine  Ar- 
laud qu'il  peut  être  intéressant  de  citer  textuellement,  c'est-à- 


'  Rcg.  des  Testaments  olorjraphes.  Vol.  43,  p.  55. 

'^  M.  Rigaud  (présents  Mémoires,  V,  p.  51)  parle  d'un  peintre  nommé  Be- 
noit Arlaud,  frère  de  Jacques-Antoine,  qui  mourut  à  Londres  en  1719;  mais 
Henri  Arlaud  ne  laissa  aucun  enfant  de  ce  nom.  (\'uir  Tutelles  et  curatelles. 
Vol.  de  1688-97.  fol.  54.  8  iëvriei'  1689.) 

'  Inventaires  après  décès.  Vol.  A,  n'^  16. 


227 

dire  à  celle  qui  concerne  la  Bibliothèque  publique  donl  il  était 
un  des  directeurs  : 


i .  Je  donne  et  lègue  à  la  Bibliothèque  de  Genève  un  médailler  couvert 
de  chagrin  noir  contenant  cinq  médailles  d'or  et  une  d'argent,  sçavoir  une 
grande  médaille  d'or  représentant  le  feu  Georges  premier,  roy  d'Angle- 
terre, dont  Sa  Majesté  m'a  honoré  à  Kinsington  en  l'année  1721.  Cette 
médaille  a  été  frappée  avant  son  couronnement. 

2.  Item  une  grande  médaille  d'or  dont  Sa  Majesté  Britannique  Georges 
second,  pour  lors  prince  de  Galles,  m'a  honoré  à  Richement  en  1721. 

3.  Item  une  médaille  d'or  de  la  raesme  grandeur,  dont  S.  M.  feue  la 
Reine  de  la  Grande-Bretagne,  pour  lors  princesse  de  Galles,  m'a  honoré 
à  Richement  en  17-21. 

4.  Item  une  médaille  d'or  représentant  d'un  costé  Louys  quinze  Roy  de 
France  dans  le  temps  de  sa  minorité  et  de  l'autre  costé  feu  S.  A.  R. 
Philippe  Duc  d'Orléans,  Régent  du  Royaume,  qui  me  fit  l'honneur  dj  me 
la  donner  en  1722. 

5.  Item  une  plus  petite  médaille  d'or  frappée  pour  le  couronnement  de 
feu  Georges  premier  Roy  d'Angleterre  et  que  j'ay  receue  de  feu  M.  le 
comte  de  Bothmer. 

6.  Item  une  grande  médaille  d'argent  représentant  la  feue  Reine  Anne 
d'Angleterre,  qui  m'a  esté  donnée  par  feu  l'illustre  chevalier  Isaac  New- 
ton, président  de  la  Société  Royale  d'Angleterre  et  Directeur  général  des 
monnoyes  de  ce  Royaume.  —  Toutes  ces  susdites  médailles  sont  contenues 
dans  le  susdit  médailler  couvert  de  chagrin  noir. 

7.  Item  une  très-grande  médaille  d'orV  entourée  d'une  bordure  du 
mesme  métal,  représentant  d'un  costé  feu  S.  A.  R.  Jean  Gaston  Grand 
Duc  de  Toscane  et  au  revers  un  laurier  et  un  olivier  avec  ces  paroles 
protefjit  timbra;  la  médaille  est  enfermée  dans  une  boëte  à  charnière  et 
crochets  d'or,  couverte  d'une  peau  couleur  de  serpent.  Ce  Prince  m'a  ho- 


*  DdiUs  Y  Inventaire  après  décès,  vol.  A,  n"  15,  on  voit  qu'Arlaud  possédait 
28  médailles  en  bronze  représentant  les  hommes  illustres,  gravées  par  Das- 
sier,  plus  4  médailles  dont  deux  représentant  le  roi  de  Sardaigne,  le  cardinal 
de  Fleury,  et  les  deux  autres,  le  retour  de  la  paix  dans  Genève. — Quant  aux 
médailles  léguées  à  la  Bibliothèque,  on  déclare  2S  onces  19  '/a  deniers  d'or 
à  52  L.  l'once,  ce  qui  fait  5243  fl.  10  s.  6  d.  (2420  fr.  25  c.)  et  3  ', ,  on- 
ces d'argent  à  1  bajoire  l'once,  soit  42  fl  8  s  (19  fr.  70  c.) 


228 

noré  en  1736  de  sa  médaille  en  témoignage  de  la  satisfaction  qu'il  a  eu 
de  mon  propre  portrait  en  mignature  peint  de  ma  main,  lequel  il  m'avoit 
fait  l'honneur  de  me  faire  demander  pour  le  mettre  en  rang  dans  sa  ga- 
lerie Royale,  avec  les  portraits  des  peintres  choisis  anciens  et  modernes. 

8.  Item  le  grand  portrait  peint  à  huyle,  avec  sa  bordure  dorée,  de  feue 
S.  A.  R.  Madame  Elizabeth  Charlotte  Palatine  du  Rhin,  Duchesse  d'Or- 
léans, qui  m'en  honora  le  4^  Aoust  1718*. 

9.  Item  le  portrait  peint  à  huyle,  avec  sa  bordure  dorée,  de  feu  S.  A. 
Sérénissime  Louys  Henry  Duc  de  Bourbon,  qui  m'en  honora  en  1720. 

10.  Item  le  portrait  peint  à  huyle  de  S.  A.  Sér.  le  prince  Guillaume 
Landgrave  de  Hesse  Cassel,  avec  sa  bordure  dorée,  lequel  portrait  m'a  esté 
donné  et  envoyé  en  1736  par  ordre  de  sa  dite  Altesse  Sérénissime  ^ 

1 1 .  Item  un  petit  tableau  où  il  y  a  plusieurs  figures  peintes  par  le  fa- 
meux Titien,  peintre  de  l'Empereur  Charles-Quint,  sur  la  bordure  dorée 
duquel  sont  sculptées  les  armes  de  S.  A.  R.  Philippe  d'Orléans,  qui  me 
le  remit  entre  les  mains  le  6°  May  1713. 

12.  Item  une  teste  peinte  en  pastel,  avec  sa  bordure  dorée,  de  l'ouvrage 
du  mesme  susdit  Prince  qui  m'en  fit  un  don  le  6*=  Novembre  1713^. 

13.  Item  un  livre  rare  in-douze  des  pastorales  de  Daphnis  et  de  Chloé, 
dont  les  estampes  qui  y  sont  ont  esté  gravées  d'après  les  tableaux  inventés 
et  peints  par  le  mesme  susdit  Prince,  qui  m'en  fit  un  don  le  22  février 
1719. 

14.  Item  quatre  grands  tableaux  en  largeur,  avec  leur  bordure  dorée, 
représentant  quatre  vues  différentes  de  la  ville  de  Genève  ;  la  disposition 
des  objets  en  a  esté  faite  sur  les  lieux,  et  tout  l'ouvrage  retouché  et  achevé 
par  des  peintres  paysagistes  à  Paris  *. 

15.  Item  un  tableau  que  j'ai  peint  en  mignature  représentant  l'Enfant 
Jésus,  la  Sainte  Vierge  et  Joseph  ;  il  est  sous  une  glace  et  dans  sa  bor- 
dure dorée. 

16.  Item  un  plus  petit  tableau  que  j'ay  peint  en  mignature,  représentant 
une  Magdelaine  dans  le  commencement  de  sa  conversion  ;  il  est  sous  une 
ûflace  et  dans  sa  bordure  dorée  ^. 


& 


»  Ce  portrait  est  taxé  dans  l'inventaire  210  fl.  (.96  fr.  92  c.) 

^  Taxée  52  fl.  6  s.  (24  fr.  23  c.) 

■'  Taxé  3  fl.  6  s.  (1  fr.  62  c.) 

»  Les  nos  13  et  14  sont  taxés  chacun  à  210  fl.  (96  fr.  92  c.) 

■"'  Les  n<'«  15  et  16  sont  taxés  chacun  à  78  fl.  9  s.  (36  fr.  35 


229 

17.  Item  une  teste  d'une  belle  personne  dans  un  air  de  recueillement 
intérieur,  que  j'ay  peinte  en  mignature;  sa  draperie  est  rouge;  la  bor- 
dure ovale  est  de  bronze  doré  ;  il  y  a  une  glace  dessus  la  peinture. 

18.  Item  une  autre  teste  d'une  jeune  personne  qui  se  regarde  l'épaule, 
elle  est  de  mon  ouvrage  en  mignature  ;  la  bordure  en  est  quarrée  et  de 
bronze  doré,  il  y  a  aussy  une  glace 

19.  Item  le  portrait  que  j'ay  peint  en  mignature  de  feu  Louys  quatorze 
Roy  de  France  ;  il  est  sous  une  glace  dans  une  boëte  de  chagrin  noir. 

20.  Item  le  portrait  en  mignature  d'Olivier  Cromwel,  Protecteur  d'An- 
gleterre, que  j'ay  peint  d'après  une  teste  qui  de  son  vivant  fut  moulée 
sur  luy  mcsme  ;  il  est  couvert  d'une  glace  dans  sa  boëte  de  chagrin  noir'. 

21.  Item  le  portrait  à  l'encre  de  la  Chine  du  feu  Tzar  Pierre  premier 
Empereur  des  Russies,  que  j'avois  fait  pour  moi  sur  celuy  que  j'ay  peint 
en  couleur  naturelle  d'après  ce  Prince  à  Paris  en  Juin  1717. 

22.  Item  une  grande  estampe  qui  représente  le  feu  Roy  de  France 
Louys  quatorze  dans  son  habit  Royal,  jusques  aux  pieds ,  elle  est  sous  un 
verre  blanc  dans  une  bordure  dorée. 

23.  Item  une  autre  estampe  sous  un  verre  blanc  dans  une  bordure  do- 
rée ;  elle  représente  feue  S.A.  R.  Madame  Elizabeth  Charlotte  Palatine  du 
Rhin,  Duchesse  d'Orléans  qui  m'en  fit  présent  le  24  juin  1716  ;  la  gravure 
3n  est  de  l'habile  Simonneau. 

24.  Item  le  grand  livre  in-folio  des  médailles  sur  les  principaux  événe- 
nents  du  règne  entier  de  feu  Louys  quatorze  Roy  de  France,  qui  me  fut 
ionné  le  23  septembre  en  1723  par  feu  S.  A.  R.  Philippe  Duc  d'Or- 
léans Régent  de  France  :  il  est  relié  en  maroquin  rouge  avec  les  armes 
le  France  et  doré  sur  tranche. 

25.  Item  le  grand  livre  in-folio  contenant  toutes  les  estampes  qui  re- 
jrésentent  les  sièges,  campemens  et  villes  conquises  par  feu  Louys  quatorze 
Roy  de  France  ;  elles  sont  gravées  d'après  les  tableaux  de  feu  l'habile 
Vandermeulen. 

Item  le  grand  livre  relié  dont  les  estampes  représentent  l'histoire  de 
Marie  de  Médicis,  Reine  de  France,  peinte  dans  la  galerie  du  Palais  du 
Luxembourg  à  Paris  par  le  très  illustre  Rubens. 

26.  Item  un  livre  in-folio  intitulé  Veteres  Arcus  Àugustorum  ex  reli- 
luiis  quœ  Romae  adhuc  supersunt  etc.  ;  il  a  esté  imprimé  à  Rome,  avec 
plusieurs  estampes. 

'  Lesno8l7,  18, 19  et20  sont  taxés  chacun  à  39  fl.  4s.  6  d.  (18  fr.  18c.) 
T.  XV,  V'  part.  16 


230 

27.  Item  un  livre  couvert  de  parchemin  contenant  plusieurs  estampes 
qui  représentent  les  Antiquités,  les  Eglises,  les  Palais,  les  fontaines  ornées 
de  Rome,  les  statues,  et  les  pierres  gravées  antiques. 

28.  Item  toutes  celles  de  mes  estampes  qui  représentent  les  portraits 
de  ressemblance  de  Roix,  Princes,  Généraux  d'armées,  Cardinaux,  Ar- 
chevêques, Evêques,  Abbés,  Ministres  d'Estat,  Ambassadeurs,  Envoyés  et 
autres  personnes  de  distinction,  gravés  d'après  les  plus  habiles  peintres 
par  les  meilleurs  graveurs. 

29.  Item  une  grande  carte  de  Paris  en  plusieurs  feuilles  réunies,  col- 
lées sur  toile,  de  mesme  mesure  avec  le  rouleau  noir  et  la  gorge  noire. 

30.  Item  une  grande  vue  de  Londres  en  plusieurs  feuilles  réunies, 
collées  aussi  sur  toile,  de  mesme  avec  le  rouleau  noir  et  la  gorge  noire. 

31.  Item  une  grande  carte  de  l'Isle  de  Malthe  et  du  Goze,  colorée  et 
dessinée  par  un  sçavant  ingénieur,  où  sont  marquées  toutes  les  batteries 
pour  la  défense  de  la  dite  Isle. 

32.  Item  un  plan  très  exact  de  la  ville  et  des  ports  de  Malthe,  aussy 
dessiné  par  un  sçavant  ingénieur  ;  il  est  collé  comme  la  précédente  carte 
et  il  a  une  bordure  noire. 

33.  Item  deux  grandes  vues  de  la  fameuse  Tour  de  Cordoiian  sur  la 
mer  à  l'embouchure  de  la  Garonne,  dont  l'une  représente  l'extérieur  et 
l'autre  l'intérieur  de  cet  édifice  ;  elles  sont  dessinées  et  colorées ,  et  elles 
m'ont  esté  données  par  Monsieur  de  Beauharnois,  Intendant  de  marine  à 
Rochefort  ;  elles  sont  collées  sur  toile  avec  leur  rouleau  noir  et  leur  gorge 
noire. 

34.  Item  un  traité  d'optique  in  quarto  sur  les  réflexions,  réfractions, 
inflections  et  les  couleurs  de  la  lumière,  par  l'illustre  Chevalier  Isaac  New- 
ton, Président  de  la  Société  Royale  de  Londres,  qui  me  le  fit  remettre  de 
sa  part  le  14  septembre  1722  par  feu  Monsieur  Yarignon,  Professeur  en 
mathématique  au  Collège  Royal  de  Paris  ;  ce  livre  est  couvert  de  mar- 
roquin  rouge  doré  sur  tranche.  J'y  joins  la  lettre  latine  que  le  susdit  Isaac 
Newton  me  fit  l'honneur  de  m' écrire  le  22  octobre  1722. 

35.  Item  deux  traités  de  la  théorie  de  la  manœuvre  des  vaisseaux  dont 
l'aulheur,  feu  Monsieur  le  Chevalier  Renau,  de  l'académie  Royale  des 
sciences  et  Lieutenant  Général  des  armées  de  France,  me  fit  présent  le 
IS  avril  1717. 

36.  Item  un  livre  in  quarto  intitulé  Coutume  générale  d'Artois,  avec; 
des  nottes  historiques  par  le  sçavant  Monsieur  Maillart,  avocat  au  Parle- 
ment de  Paris,  qui  m'en  fit  un  don  le  15  may  1715. 


231 

37.  Item  un  volume  in  quarto  intitulé  histoire  des  démêlés  de  la  Cour 
de  France  avec  la  Cour  de  Rome  au  sujet  de  l'affaire  des  Corses.  Ce  livre 
est  rare  et  a  esté  imprimé  sans  nom  de  libraire  ni  de  lieu  en  1708. 

39  (sic).  Item  un  livre  in  folio  intitulé  Tables  généalogiques  et  histo- 
riques des  Patriarches,  Roix.  Empereurs  et  autres  Princes  depuis  la 
création  du  monde  jusqu'à  présent,  par  Claude  de  l'isle,  géographe  et  his- 
toriographe ;  ce  livre  a  esté  gravé  en  1718  et  non  imprimé. 

40.  Item  un  livre  relié  dont  les  estampes  représentent  tous  les  collèges 
de  l'université  d'Oxford  que  j'ay  achepté  en  Angleterre. 

41.  Item  le  portrait  peint  à  huyle,  avec  sa  bordure  dorée,  de  l'illustre 
Monsieur  le  Maistre,  avocat  au  Parlement  de  Paris;  il  est  de  la  main  du 
fameux  peintre  Le  Févre. 

42.  Item  mon  portrait  peint  à  huyle  à  Paris  en  1714  par  l'habile  Mon- 
sieur de  LargiUière,  Directeur  de  l'Académie  royale  de  peinture  et  de  sculp- 
ture ;  les  deux  mains  y  sont  représentées  scavamment.  Il  est  dans  sa 
bordure  sculptée  et  dorée. 

43.  Je  donne  et  lègue  encor  à  la  susdite  Bibliothèque  de  Genève  un  livre 
in  quarto  imprimé  à  Naples  1733,  intitulé  Abecedario  Pittorico,  où  il  est 
traité  des  noms  des  plus  fameux  peintres  anciens  et  modernes  et  de  leurs 
ouvrages  par  ordre  alphabétique. 

Je  supplie  très  respectueusement  nos  Seigneurs  du  Conseil  de  la  Répu- 
blique de  Genève,  ma  patrie,  de  vouloir  faire  attention  à  ce  que  tous  les  legs 
susdits  que  j'ay  l'honneur  de  faire  icy  à  la  dite  Bibliothèque  de  cette  ville 
■ne  reçoivent  aucune  altération  à  quelque  titre  que  ce  soit,  d'aliénation  ou 
de  subrogation. 

Les  faits  que  j'ai  rappelés  el  les  pièces  inédiles  qui  les  accom- 
pagnent montrent  suffisamment  que  Jacques -Antoine  Arlaud 
fut  un  homme  de  bien,  un  citoyen  dévoué.  Genève  se  souvien- 
dra d'un  de  ses  enfants  qui,  après  une  vie  laborieuse,  après 
s'élre  acquis  une  grande  réputation  comme  artiste,  s'est  plu  à 
orner  l'un  des  établissements  publics  de  sa  patrie,  en  lui  léguant 
quelques-unes  de  ses  œuvres,  en  lui  faisant  part  des  biens  qu'il 
devait  à  son  honorable  caractère  non  moins  qu'à  son  beau  talent. 

Th.  H. 

'  Taxé  39  fl  4  s.  6  d.  (18  fr.  18  c.^ 


DÉBRIS  DE  L'INDUSTRIE  HUMAINE 


TROUVÉS 


DANS     LA    CAVERNE     DE     BOSSEY 

FOUILLES  DE  18G4 


Je  venais  de  lire  le  travail  si  remarquable  qu'a  publié  M.Lartet 
sur  les  cavernes  du  Périgord  ',  lorsque,  par  une  belle  matinée 
de  l'été  dernier,  je  visitai  avec  quelques  amis  les  cavernes  et  les 
grottes  du  Salève,  situées  au-dessus  de  Bossey,  entre  la  Grande 
Gorge  et  le  Com.  Encore  sous  l'impression  de  cette  lecture,  je 
creusai  à  l'aide  d'un  marteau  et  de  mes  mains  un  trou  à  l'ou- 
verture de  l'un  de  ces  antres  obscurs.  La  terre  en  était  noire  el 
présentait  des  traces  de  charbon  et  de  cendres.  Bientôt  je  dé- 
couvris des  os  brisés  d'animaux  ;  enfin  je  retirai  des  tessons  de 
poterie  grossière  avec  grains  de  quartz.  Il  n'y  avait  pas  à  s'y 
tromper,  j'avais  sous  les  yeux  des  traces  bien  évidentes  de  l'exis- 
tence des  populalions  primitives  de  nos  contrées;  je  venais  de 
loucher  le  seuil  d'une  de  ces  demeures  occupées  par  les  pre- 
miers habitants  de  la  Savoie:  une  page  importante  de  l'histoire 
du  passé  était  imprimée  devant  moi  en  caractères  ineffaçables  ; 
tout  un  monde  inconnu  se  déroulait  devant  mes  yeux. 

Pour  atteindre  cette  caverne,  située  à  environ  200  mèlres 
au-dessus  de  la  plaine,  il  faut  monter  par  un  petit  sentier  en 
zigzag  au  travers  d'un  bois  de  noisetiers  et,  en  se  rapprochant 
des  rochers  abruptes  du  Mont-Salève,  on  gravit  une  moraine  de 

•  Voir  la  Revue  archéologique  de  1864. 


233 

rocailles  où  le  sentier  se  perd.  Après  avoir  opéré  une  véritable 
escalade  sur  une  pente  de  40  à  45  degrés,  on  se  trouve  à  l'en- 
trée d'une  caviié  naturelle  ouverte  dans  la  paroi  calcaire  de  la 
montagne  (planche  ï).  Celte  cavité  forme  un  arc  mesurant  11 
mètres  25  centimètres  de  largeur  sur  1  mètre  95  centimètres 
de  hauteur,  la  profondeur  en  est  de  7  mètres  50  centimètres; 
dans  un  des  côtés  s'ouvre  un  large  couloir  qui  s'élève  dans  les 
profondeurs  de  la  montagne;  une  énorme  pierre  détachée  de 
la  voûte  intercepte  une  partie  de  l'entrée  et  l'ouverture  est 
tournée  vers  le  nord-ouest  :  tel  esi  l'aspect  de  la  caverne  de 
Bossey,  appelée  par  les  gens  des  environs  la  caverne  deVOurs. 

Depuis  le  jour  où  j'ai  découvert  ces  vestiges  humains, 
j'ai  continué  mes  fouilles.  Ne  pouvant  y  consacrer  que  le  di- 
manche, mon  travail  a  marché  lentement;  mais  par  contre  j'ai 
fait  là  une  abondante  récolte  de  fragments  de  poteries  ornées  de 
moulures  variées;  des  monceaux  d'ossements  d'animaux  ont  été 
mis  au  jour,  et  enfin  des  instruments  tout  à  fait  primitifs  sont 
venus  enrichir  mes  collections. 

D'après  la  couche  des  objets  recueillis,  il  est  facile  de  re- 
connaître que  cette  caverne  a  été  habitée  à  trois  époques  diffé- 
rentes, ou  tout  au  moins  pendant  l'époque  lacustre  ou  celtique 
et  l'époque  romaine,  puis  visitée  dans  ces  derniers  temps  par  des 
renards  ou  autres  carnassiers. 

L'époque  lacustre  est  représentée  par  les  fragments  de  plus 
ie  40  vases  de  formes  différentes,  ayant  la  plupart  des  bords 
îrtistemeni  ornementés,  à  l'aide,  soit  de  petits  poinçons,  soit 
ies  doigts  (planches  n,  figures  1,  2,  3,  4,  5  et  6;  planche 
[II,  figures  1  et  2;  planche  IV,  figure  1,  et  planche  V,  figures 
1,2  et  3).  Nombre  de  débris  portent  encore  l'empreinte  des  on- 
cles (planche  III,  figure  4,  et  planche  IV,  figures  2  et  3)  ;  un 
fragment  est  sillonné  de  petites  raies  faites  avec  un  instrument 
î  pointe  effilée  (planche  V,  figure  4) .  On  peut  encore  voir  dans 
les  moulures  d'un  bord  de  grand  vase  l'empreinte  des  nervures 
i'une  feuille  de  noisetier  (planche  III,  figure  2)  ;  parmi  ces 


234 

débris,  il  a  été  trouvé  plusieurs  anses  de  vases  d'assez  bonnes 
formes  (planche  V,  figures  5  et  6).  Ces  poteries,  toutes  faites  à 
la  main,  sont  pétries  avec  de  petits  cailloux  brisés  exactement 
de  la  même  manière  que  celles  que  j'ai  déjà  recueillies  sur  l'em- 
placement lacustre  des  Eaux-Vives  et  de  la  Belolte,  en  un  mot, 
comme  toutes  les  poteries  grossières  de  nos  lacs. 

On  peut  encore  regarder  comme  faisant  partie  de  l'époque 
lacustre,  cinq  instruments,  dont  le  plus  remarquable,  de  15 
centimètres  de  longueur,  est  fait  d'un  péroné  d'ours  brun 
(planche  VI,  figure  1).  La  plupart  de  ces  instruments  sont 
amincis  a  Tune  de  leurs  extrémités,  figures  1  et  2,  probable- 
ment pour  percer  les  peaux  des  animaux  tués  à  la  chasse,  dont 
ces  populations  devaient  se  vêtir,  et  les  autres  sont  taillés 
en  forme  de  poinçons  et  destinés  a  ornementer  les  vases  fa- 
briqués sur  les  lieux  mêmes,  figures  3  et  4.  Connaissant  l'éco- 
nomie du  temps,  ces  troglodytes  ont  choisi  avec  un  soin  tout 
particulier  les  os  que  leur  forme  naturelle  adaptait  le  mieux  à 
l'usage  des  outils  qu'ils  avaient  en  vue,  comme  il  est  facile  de 
s'en  convaincre  d'après  l'inspection  de  chacun  d'eux. 

On  peut  pareillement  classer  dans  celte  époque  un  marteau  en 
pierre  (planche  IV,  figure  4),  un  peson  de  fuseau  enterre  cuite 
(planche  VI,  figure  5)  et  une  coquille,  Cardiam  luberculalum  de 
la  Méditerranée,  figure  6.  Cette  coquille  marine,  sillonnée  de 
profondes  cannelures,  est  percée  d'un  trou  rond  à  l'une  de  ses 
extrémités;  elle  doit  avoir  servi  d'amulette.  Il  y  a  une  trentaine 
d'années  qu'on  avait  déjà  découvert  dans  une  grotte  du  Salève, 
avec  d'autres  objets  travaillés,  une  coquille  a  peu  près  sembla- 
ble (voir  la  description  qu'en  a  donnée  M.  Troyon  dans  V Indica- 
teur d'antiquités  suisses,  1855,  page  51). 

Tous  ces  objets  ont  été  recueillis  à  peu  de  distance  les  uns 
des  autres,  au  milieu  de  charbons,  de  cendres  et  d'ossements 
concassés,  gisant  sous  une  couche  épaisse  de  terre  excessive- 
ment noire. 

Les  débris  de  la  table  et  les  tessons  de  poterie  sont  en  plus 


235 

grande  quantité  à  l'ouverture  de  la  caverne  ;  là  aussi  la  couche 
de  charbons  et  de  cendres  est  la  plus  compacte  et  la  trace  d'an- 
ciens foyers  plus  apparente. 

Les  instruments  ont  été  recueillis  en  arrière  et  près  du  mi- 
lieu de  la  caverne,  la  où  les  ossements  et  les  tessons  de  poterie 
devenaient  plus  rares,  mais  aussi  mieux  conservés  ;  tandis  que 
ceux  trouvés  autour  des  foyers  étaient  brisés  en  si  petits  frag- 
ments, qu'il  m'a  été  impossible  de  reconstruire  en  enlier  un 
vase  quelconque.  Cependant  beaucoup  de  débris  sont  suffi- 
samment grands  pour  qu'on  puisse  juger  de  la  capacité  des  us- 
tensiles de  ces  peuplades  primitives. 

La  couche  dans  laquelle  se  rencontrent  des  traces  d'hommes, 
est  d'une  épaisseur  de  95  centimètres,  et  plus  les  poteries  sont 
profondément  enfouies,  plus  elles  sont  grossièrement  travaillées 
et  se  brisent  avec  facilité:  aussi,  voulant  en  conserver  des 
échantillons,  ai-je  dû  les  faire  sécher  au  soleil  pour  pouvoir  les 
emporter  avec  quelque  chance  de  succès. 

Dans  la  caverne  de  Bossey,  l'époque  romaine  est  aussi  re- 
présentée par  quelques  fragments  de  poterie  et  d'autres  objets 
dont  je  vais  donner  un  court  aperçu.  La  plupart  des  poteries 
de  cette  époque  sont  noires  et  faites  à  l'aide  du  tour  ;  les  or- 
nements en  sont  peu  variés:  deux  ou  trois  lignes  en  creux  à 
des  distances  inégales  sont  tracées  sur  les  bords  des  vases;  les 
fonds  ne  portent  aucune  marque  de  fabrique,  aucun  nom  qui 
puisse  révéler  leur  provenance.  Je  crois  pouvoir  ranger  a  la 
même  époque  :  une  épingle  à  cheveux,  en  bronze,  de  12  cen- 
timètres de  longueur  (planche  VI,  figure  7),  de  la  meilleure 
conservation;  une  épingle  en  os  avec  tête  aplatie,  percée  d'un 
petit  trou  et  terminée  par  deux  ailerons  dont  l'un  a  été  brisé 
(figure  8);  une  aiguille  en  os  avec  trou  rond  et  pointe  effilée 
(figure  9);  deux  petites  pierres  à  aiguiser  (figures  10  et  41); 
deux  monnaies  romaines,  dont  l'une  est  un  grand  bronze  de 
l'empereur  Alexandre  et  l'autre  est  fruste. 

La  pièce  la  plus  remarquable  de  ces  fouilles  est  un  noyau 


236 

d'abricot  pétrifié.  L'abricotier  était-il  connu  des  Romains  ?  Je 
laisse  résoudre  cette  question  à  de  [dus  doctes  que  moi.  Outre 
ces  objets,  j'ai  trouvé  une  petite  cliaînelte  en  cuivre,  mais  la 
forme  de  ses  maillons  a  un  cachet  si  moderne,  que  je  ne  sais 
vraimeni  pas,  lors  même  qu'elle  a  été  trouvée  dans  la  couche 
romaine,  si  elle  peut  appartenir  à  cet  âge. 

Tous  ces  derniers  objets  ont  été  recueillis  au-dessus  de  la 
couche  lacustre  et  a  15  ou  20  centimètres  au-dessous  du  sol 
actuel  de  la  caverne;  et  tandis  que  les  instruments  de  l'épo- 
que lacustre  étaient  enfouis  a  partir  du  bord  de  la  caverne  jus- 
qu'au milieu,  les  autres,  au  contraire,  l'étaient  du  milieu  au 
fond:  telle  est  la  différence  marquée  entre  les  deux  gisements. 
Celte  régularité  même  rend  difficile  toute  possibilité  d'erreur 
sur  leur  âge  respectif. 

A  côté  de  ces  deux  couches  bien  établies,  il  s'en  trouve  une 
troisième  représentée  par  un  certain  nombre  d'ossements  d'a- 
nimaux ;  c'est  le  sol  actuel  de  la  caverne.  Ces  débris  ont  été 
apportés  par  les  renards  et  autres  carnassiers  qui  venaient,  loin 
des  regards  des  humains,  ronger  dans  cet  antre  obscur  le  fruit 
de  leurs  rapines. 

Après  avoir  recueilli  dans  ces  fouilles  tous  les  ossements  que 
je  venais  de  mettre  au  jour,  je  priai  M.  le  professeur  Ruti- 
meyer,  de  Bâle,  de  bien  vouloir  me  les  classer;  voici,  après  un 
examen  scrupuleux,  les  résultats  de  son  travail.  Il  y  a  reconnu  : 

Le  bceuf,  la  brebis,  la  chèvre,  le  cochon,  le  renard,  le  chat, 
le  lièvre,  la  loutre,  la  poule,  l'oie,  la  corneille. 

Le  iiœuf  ordinaire  est  en  plus  grande  quantité  ;  après  vient 
la  chèvre,  la  brebis,  le  cochon.  Quant  à  la  loutre,  il  n'en  a  été 
trouvé  qu'un  seul  fragment,  une  vertèbre,  et  du  renard  une 
seule  dent. 

Le  cochon,  au  rapport  de  M.  Hulimeyer,  est  sans  doute  un 
animal  domestique,  dont  il  est  impossible  de  dire  s'il  a  plus  de 
rapport  avec  le  cochon  sauvage  qu'avec  le  cochon  des  tour- 
bières, les  mâchoires  en  étant  trop  incomplètes.  Cinq  longues 


237 

dents  recourbées,  que  je  n'avais  pas  cru  devoir  joindre  au  pre- 
mier envoi,  remis  par  l'intermédiaire  de  M.  Forel  lîls,  de 
Morges,  me  font  supposer  que  c'est  le  sanglier  et  non  un  ani- 
mal domestique  dont  il  doit  être  ici  question. 

Il  s'est  trouvé  dans  ces  ossements  des  vertèbres  d'homme  ; 
mais  ces  débris  ayant  été  recueillis  au  milieu  des  décombres  ei 
des  pierres  détachées  de  la  voûte  dans  les  derniers  temps,  on 
peut  supposer  qu'ils  ont  été  apportés  en  ces  lieux  par  quelque 
carnassier. 

Les  ossements  de  races  animales  sont  en  si  grande  quantité, 
qu'il  m'a  été  impossible  de  les  séparer  en  couches  lacustre, 
romaine  et  moderne  ;  d'ailleurs  la  classification  n'aurail  pas  pu 
être  bien  complète.  En  effet,  tous  ces  débris  étant  répandus 
avec  une  grande  profusion,  il  m'aurait  fttllu,  pour  noter  le  gise- 
ment des  principaux  spécimens,  beaucoup  plus  de  temps  que  je 
n'en  avais  à  consacrer  à  ces  fouilles. 

Tous  ces  os  ont  été  fendus  ou  brisés  par  la  main  de  l'homme 
pour  en  extraire  la  moelle.  On  comj)rend  que  ce  fait,  également 
reconnu  dans  les  ossements  des  cavernes  de  Menton  \  occasion- 
nent de  grandes  difficultés  lorsqu'on  veut  s'occuper  d'une  clas- 
sification; aussi  ne  saurait-on  assez  marquer  de  reconnaissance 
aux  savants  qui,  comme  M.  le  professeur  Rutimeyer,  veulent  bien 
se  dévouer  pour  agrandir  la  sphère  des  connaissances  humaines. 

Ayant  appris  depuis  peu  que,  dans  des  fouilles  opérées  avec 
soin,  il  faut  tenir  compte  des  objets  même  les  plus  insignifiants, 
je  ne  terminerai  pas  sans  dire  encore  quelques  mots  de  deux 
fragments  que  mon  inexpérience  des  premiers  jours  m'avait  fait 
repousser  comme  peu  dignes  d'intérêt. 

Le  premier  objet  que  j'ai  trouvé  dans  la  caverne  de  Bossey, 
est  une  pierre  de  la  forme  d'un  œuf  de  poule.  Cette  pierre 
n'ayant  rien,  au  premier  abord,  qui  annonçât  un  produit  de 
l'industrie  humaine,  je  l'ai  cassée  pour  en  reconnaître  la  na- 
ture et  j'en  ai  jeté  les  fragments. 

'  Voir  sur  ce  sujet  T intéressante  brocliure  de  M.  Forel. 


238 

Dans  ia  couche  de  l'époque  lacustre,  j'ai  encore  ramassé  un 
fragment  de  galet  ferrifère,  auquel  il  a  été  enlevé  des  éclats;  en 
l'absence,  dans  notre  contrée,  du  silex,  ces  populations  ont  dû 
se  servir  de  ces  éclats  comme  instrument  tranchant.  Celui  qui 
a  tenu  ces  débris  dans  ses  mains,  a-t-il  songé  qu'un  jour  des 
morceaux  semblables  jetés  dans  une  fournaise  ardente,  allaient 
fournir  un  métal  qui  devait  changer  la  face  du  monde  ?  A-l-il 
été  donné  a  l'un  de  ces  hommes  des  temps  primitifs  d'entre- 
voir au  travers  des  siècles  cette  révolution  métallurgique?  Ce 
n'est  pas  probable  et  n'était  guère  à  prévoir  à  cette  époque  re- 
culée. Concluons  donc  que  la  présence  de  ce  galet  au  milieu  de 
ces  débris  est  un  fait  sans  précédent  dans  les  habitations  de 
cette  époque  primitive. 

Tels  sont  les  résultats  de  mes  fouilles  pendant  l'année  der- 
nière; maintenant  il  me  reste  une  question  à  résoudre.  Cette 
caverne  était-elle  une  habitation  permanente  ou  un  lieu  de  re- 
fuge? Je  n'ose  me  prononcer  d'une  manière  positive;  cepen- 
dant, si  l'on  en  juge  par  la  quantité  de  poteries  et  d'ossements 
d'animaux  recueillis,  d'après  les  instruments  en  os,  le  marteau 
en  pierre  et  le  peson  de  fuseau,  je  ne  suis  pas  loin  de  croire 
que  la  caverne  de  Bossey  a  été  habitée  d'une  manière  perma- 
nente pendant  une  partie  de  l'époque  lacustre  et  aurait  servi  de 
refuge  à  quelque  vagabond  de  l'époque  romaine. 

Ce  serait  aussi  l'opinion  de  plusieurs  savants  auxquels  j'ai 
communiqué  le  fruit  de  mes  recherches, 

F.  Thioly. 


LETTRES 


DE 


PIERRE  DE  LA  BAUME 

Evêque  de  Genève 

A  BEZANSON  HUGUES 


Les  lettres  que  nous  publions,  au  nombre  de  onze,  adressées  par  le 
dernier  évêque  de  Genève,  Pierre  de  la  Baume,  h  Bezanson  Hugues, 
ont  été  transcrites  en  1863  dans  les  Archives  de  Turin  par  les  soins  de 
M.  le  professeur  Merle  d'Aubigné.  La  plupart  de  ces  lettres  sont  sans  in- 
dication d'année  ;  nous  avons  cherché  à  en  établir  la  date  probable  en  nous 
aidant  des  lumières  de  notre  collègue,  M.  le  professeur  Galiffe.  Le  contenu 
de  la  plupart  de  ces  lettres  est  assez  insignifiant;  deux  cependant  sont 
fort  piquantes.  Ces  pièces  confirment  en  même  temps  qu'elles  complètent 
tout  ce  que  nous  avait  appris,  au  sujet  du  caractère  et  des  dispositions  de 
Pierre  de  la  Baume,  la  partie  de  sa  correspondance  publiée  par  MM.  Ga- 
liffe père'  et  Louis  Sordet*. 

•  Matériaux  pour  l'Histoire  de  Genève.  Tome  second. 
®  Mémoire  sur  les  lettres  de  Pierre  de  la  Baume  inséré  dans  le  tome  II 
des  Mémoires  de  la  Société  d'Histoire  et  d'Archéolorjie. 


240 


A  Besancon  Hugues,  citoyen  de  Genève. 

Besancon.  J'ay  receii  vosire  lectre.  L'on  m'a  adverii  que  le 
prebstre  *  en  faveur  duquel  m'escripves  depuis  la  dernière  ah- 
solucion  que  je  luy  fis  est  retourné  a  son  péché  et  a  fait  certains 
aullres  cas  de  reprehension.  Touiesfois  à  vostre  requeste  je 
mande  qu'il  soit  relâché  jusques  je  soye  mieulx  informé  de  son 
aflere,  et  si  se  treuve  innocent  je  le  feray  entièrement  tenir  à 
repoz,  et  si  d'aveniure  il  estoit  cheu  en  quelque  faulte  il  coignois- 
tra  que  vostre  faveur  est  bien  de  (elle  vertu  vers  moy  qu  elle 
sera  cause  de  le  faire  iraicter  doulcement.  Sur  quoy  me  vous 
recommande  à  vous  de  bon  cueur  du  quel  je  [jrie  Nostre  Sei- 
gneur vous  donner,  Besancon,  tout  ce  que  desires. 

D'Arbois  ce  XX™«  de  Mars. 

L'Evesque  de  Genève  tout  Vostre. 


A  Besancon  Hugues,  citoyen  de  Genève. 

Besancon.  J'ay  receu  vostre  lectre  et  à  vostre  faveur  j'ay 
traicté  ce  porteur  ^  comme  il  vous  dira.  Et  me  semble  que  c'a 
esté  en  sorte  que  vous  et  luy  vous  debvez  contenter.  J'ay  tous- 


•  Le  prêtre  dont  il  est  ici  question  paraît  devoir  être  le  curé  Curtion  (dit 
aussi  Boulard),  grand  ami  de  Bezanson  Hugues,  et  dont  il  est  encore  question 
dans  les  lettres  suivantes. 

Dans  ce  cas,  la  lettre  serait  de  1 528. 

-  Il  s'agit  peut-être  encore  ici  du  curé  Curtion,  qui  s'était  rendu,  en  effet, 
auprès  de  Févêque  en  janvier  1528. 


241 

jours  fait  pour  vous  toul  ce  quo  m'a  esté  possible,  vous  l'avez 
bien  cogneu  par  efi'ect,  je  n'en  parle  pas  en  reproche,  mais 
comme  toutesbais  que  vous  le  recoignoisses  mal.  Si  vous  heus- 
sies  aussy  bonne  aireclion  à  raoy  que  je  vous  en  ay  donné  l'oc- 
casion, vous  heussiez  bien  obvié  que  mon  auctorilé  ne  fut  pas 
cheute  en  l'inconvénient  qu'elle  est,  et  fusse  hors  de  la  peyne 
qu'il  me  fault  avoir  pour  la  remectre  en  nature.  Je  scay  bien 
les  excuses  que  vous  scaves  sur  ce  fere  et  ne  scay  que  en  dire 
sinon  qu'il  n'est  si  maulvais  sourd  que  qui  neveuli  ouyr.  Toutes- 
fois  je  me  suis  fié  en  vous  et  fie  encoures  de  présent.  Je  vous  prie 
uses-en  de  sorte  que  j'aye  occasion  de  continuer.  Dans  peu  de 
temps  j'envoyeray  l'ung  de  mes  gens  à  Genève  pour  aulcungs  mes 
afferes,  du  quel  entendres  le  surplus  et  ne  vous  feray  plus  longue 
lectre  sinon  pour  prier  Dieu  qu'il  vous  done,Besancon,  toul  ce 
que  desirez. 

Des  Arbois  ce  XI  d'Abril. 

L'Evesque  de  Genève  Vostre. 


A  Besancon  Hugues,  marchant  à  Genève. 

Besancon.  J'anvoye  Machard  mon  secrétaire,  porteur  de  ceste 
à  Genefve  pour  aulcungs  afferes  que  l'an  ay  chargé,  premier 
qu'à  nul  aultre  vous  communiquer  et  declairer  vous  adjoteres 
créance  à  ce  qu'il  vous  dira  de  ma  part  comme  h  moy  mesmes, 
et  pour  ce  que  désire  la  matere  sortir  a  bon  effect  pour  gratif- 
fier  aux  princes  dont  elle  procède  \  à  quoy  je  ne  fais  doubte 
vous  y  vueillant  employer  de  la  bonne  main.  A  ceste  cause  vous 
prie  me  monstrer  en  cest  endroit  le  service  qu'estes  en  voulante 

»  Il  s'agit  probablement  ici  de  la  main  levée  du  séquestre  ou  de  la  saisie 
des  abbayes  de  Suze  et  de  Pignerol  par  le  duc  de  Savoie. 
La  lettre  serait  donc  de  1528. 


242 

de  me  fere  aftin  que  bon  rapport  se  puisse  ensuyvre  de  raoj  el 
de  mes  subgecls  envers  lesdits  princes,  que  n'est  pas  cas  de  pe- 
tite conséquence  à  bien  le  peser  avec  ce  que  c'est  chouse  necces- 
sayremenl  convenante  pour  loule  la  république,  que  sera  pour 
fin  en  me  recommandant  à  vous  de  bon  cueur  priant  nostre  Sei- 
gneur vous  donner,  Besancon,  ce  que  desires. 
D'Arbois  ce  XX™<^  d'Avril. 

Le  tout  Voslre 
L'Evesque  de  Genève. 


A  Besancon  Hugues,  Sindique  de  Nostre  Cité  de  Genève'. 

Besancon.  J'ay  receu  vostre  lectre  par  mon  homme  que 
avez  mené  à  Berne  dont  suis  esté  marry,  car  je  ne  veulx  que  mes 
serviteurs  domestiques  ce  ingénent  de  fere  chose  que  je  ne  leur 
commande  ^.  Vous  m'avez  faicl  plaisir  de  scavoir  des  nouvelles 
et  mesme  de  la  journée  pour  parfier  les  insolences  el  mauvaises 
costumes  que  vous  aultres  mes  subgecls  prenes  envers  mes  of- 
ficiers et  usurpes  ma  jurisdiclion  soubs  umbre  de  certaine  pa- 
roUe  ^  que  vous  Besancon  dictes  en  Conseil  gênerai  la  quelle 
ne  fust  iamais  ainsi  entendue;  elne  fault  que  vous  ny  mesdicls 
subgetz  doivrés  estre  marry  si  je  veulx  maintenir  ma  dicte  juris- 


>  Le  litre  de  syndic  donné  à  Bezanson  Hugues  ne  permet  pas  de  douter 
que  celte  lettre  ne  soit  de  l'année  1528. 

^  Pierre  de  la  Baume  avait,  en  1527,  rerais  une  partie  de  sa  juridiction 
civile  aux  syndics  et  à  la  communauté,  el  chercha  vainement,  l'année  sui- 
vante, à  rentrer  dans  les  droits  qu'il  leur  avait  concédés  en  Conseil  général. 

^  Cette  cession  de  Pierre  de  la  Baume  avait  extrêmement  indisposé  le  duc 
à  cause  du  vidomnat,  qui  devint  dès  lors  une  véritable  sinécure  ;  l'évêque  te- 
nait à  lui  faire  croire  que  cela  s'était  passé  malgré  lui,  el  même  contre  ses 
ordres. 


243 

diction  contre  de  vous,  car  contre  plus  grand  l'ay  je  faict.  J'es- 
père... vous  vous  reduyeres  à  vostre  debvoir  et  vous  randrez 
vous  subgecls  et  cella  me  donnera  occasion  de  vous  estre  bon 
seigneur,  aultremenl  ne  vous  en  fiez  point  en  moy.  Ce  que  m'es- 
cripvez  que  désirez  de  me  parler  eslre  mesdicls  subjecls  plus 
obéissants  qu'ils  ne  sont,  vous  ouyeres  voulentiers  et  y  penses 
hardiement,  car  les  choses  ne  demeureront  point  ainsi  que  les 
avez  mises.  Je  vous  escriplz  voulentiers  cestes  affîn  que  vous  la 
communiques  à  mes  dicts  subgetz  si  besoign  est  et  si  ce  vous 
semble.  Et  à  tant  je  prie  h  Nostre  Seigneur  que  vous  ait  en  sa 
saincle  garde. 

Des  Arbois  ce  IIP  de  May. 

L'Evesque  de  Genève. 


A  Besancon  Hugues,  à  Genève. 

Besancon  je  me  donne  merveilles  de  veoir  les  façons  qui 
sont  tenues  eis  afiferes  qui  concernent  ma  jurisdiclion  de  Genève, 
les  quelzje  treuve  contraires  aux  propoz  que  m'avez  tenuz  sou- 
ventesfois  et  encoures  quand  fustes  dernièrement  devers  moy'. 
Je  me  fie  de  mon  secretayre  présent  porteur  et  luy  ay  donné 
charge  vous  en  declairer  ma  voulenté  plus  avant  affîn  de,  au 
semblable,  entendre  par  luy  la  vostre.  Je  suys  sehur  qu'il  ne  tient 
à  moy  que  les  chouses  ne  voisent  au  devoir.  Le  curé  Curtyon 
se  vouldroyt  essaier  me  donner  fâcherie  de  ce  dont  il  est  plus 
que  satisfait.  Je  scay  bien  qu'il  est  vostre  amys  et  ce  que  j'en  ay 
fait  a  esté  en  vostre  faveur,  car  de  luy  il  ne  me  fist  onques  ser- 
vice, et  pour  ce  me  semble  qu'il  est  bien  à  vous  de  le  fere  dé- 

'  Cette  lettre  est  probablement  de  l'an  1528. 


244 

porter  de  son  entreprinse,  ce  que  debvez  fere  à  mon  advis  pour 
bien  user  Je  cognoissance,  et  sur  ce  je  me  vais  recommander  à 
vous  priant  nostre  Seigneur  vous  donner  vos  désirs. 
D'Arboys  ce  î  3""^  de  May. 

Le  tout  Vostre 
L'Evesque  de  Genève. 


A  Besancon  Hugues,  Sindique  de  Nostre  Cité  de  Genève. 

Besancon,  j'ay  receu  vostre  lectre  par  Monsieur  de  Uster  * 
et  ay  entendu  du  besougner  qu'il  a  fait  et  treuve  fort  estrange 
la  response  que  mes  subgetz  m'ont  faict  seur  sa  charge.  Je  ne 
puis  penser  qu'il  les  meult  h  ce  fere,  car  je  n'ay  point  de  vou- 
loir de  contrevenir  à  mon  serment,  ny  perdre  aucun  par  chose 
de  mon  auctorité,  pourquoy  vous  ay  bien  vouisu  escripre  cestes, 
afïin  de  les  exhorter  à  y  pourveoir  car  il  me  despleroit  que  je 
tombasse  en  fâcherie  avec  q'eulx  et  me  semble  que  ce  ne  seroit 
le  prouffict  ni  de  l'ung  ny  de  l'aultre.  Faictes  moy  response  car 
cestes  sont  de  importance  et  sont  sans  nulle  dissimulaJ:ion  ny 
d'ung  coslé  ny  d'aultre.  Si  vous  ne  me  pouvez  escripre  ce  que 
entendriez  de  me  dire,  je  vous  prie  ne  manquez  à  me  venir  trou- 
ver, car  vous  pourrez  estre  cause  de  éviter  inconvénient.  Et  sur 
ce  je  prie  à  nostre  Seigneur  vous  donner,  Besancon,  vos  désirs. 

Des  Arbois  ce  veille  de  Pentecostes  de  la  main  de 

L'Evesque  de  Genève. 

'  Celte  lettre  est  de  1528. 


245 


A  Besancon  Hugues,  Sindique  de  Nostre  Cité  de  Genève. 

Besancon  *.  Jay  receu  vostre  leclre  par  mon  advocal  et  suis 
esté  fort  esbays  de  son  besougner  envers  mes  siibgects.  Et  me 
semble  qu'ils  entendent  mal  à  leurs  afferes,  et  si  ne  se  emen- 
dent  je  seray  contraint  de  y  procéder  par  aullre  voye  la  quelle 
me  desplaira,  et  ne  sont  point  le  propos  semblable  à  ceulx  que 
me  avez  tenus  dernièrement  que  je  treuve  estrange.  Il  me  semble 
qu'ils  feront  bien  de  obeyr  à  leurs  seigneurs  sans  fere  les  princes, 
car  cella  ne  peult  durer.  Et  sur  ce  je  prie  à  Nostre  Seigneur 
qui  vous  ait  en  sa  saincle  garde.  De  la  Tour  de  May  ce  premier 
de  juillet. 

L'Evesque  de  Genève. 

A  Besancon  Hugues,  Sindique  de  Genève. 

Besancon.  J'ey  vehu  ce  que  m'avez  escript  touchant  la  façon 
de  fere  que  l'on  a  tenu  contre  mon  auctoricte  et  au  détriment 
de  mon  esglise.  Je  ne  scey  dont  cella  procède,  synon  que  l'on  me 
a  tousjours  faicl  entendre  par  la  commune  oppinion  d'ung  cha- 
cun que  mes  subgels  ce  fussent  beaucopt  mieulx  guydez  et 
obeys  à  moy  qui  n'ont  faict,  si  vous  eussiez  volsu  y  mecire  la 
main  comme  m'aviez  promictz  de  procurer  la  paix  et  transquilile 
de  la  cite,  dont  j'en  suis  le  plus  intéressé  et  qui  en  souffre  en 
mon  endroit  le  plus  de  perte.  Et  quant  à  ce  que  m'escripvez  que 
vous  pensies  estre  en  mon  indignation,  je  ney  point  heu  aultre 

'  Cette  lettre  est  de  1528. 

T.  XV,  U'  partie.  IT 


246 

regret  a  vous,  synon  que  ne  avez  voisu  tenir  a  ce  que  dessus 
comme  le  m'aviez  [jromicts,  et  que  la  récompense  que  je  vous  en 
ay  faicte  estoit  pour  entretenir  mon  bien  en  paix,  et  il  est  plus 

en  guerre  que  jamais faut  penser  que  il  ne  tient  une 

partie  que  à  vous  que  ma  jurisdiction  ne  soit  en  son  estre,  vehu 
que  les  propos  faict  en  conseil  gênerai  sont  venus  de  vous  et  de 
nul  aullre  et  la  poursuyte  de  mesmes.  Je  vous  en  escriptz  am- 
plement pour  ce  qui  touche  mon  bien  et  mon  honneur  affin  de 
vous  y  acquiter,  en  sorte  que  le  m'avez  promiz,  et  vous  me  ferez 
plaisir,  car  je  ne  vouidroye  pas  tant  de  parollessans  effect.  Vous 
m'avez  faicl  plaisir  de  scauoir  de  nouvelles  de  vos  afferes  de  la 
cite  ot  serey  bien  joyieulx  quant  elles  prandroni  bonne  fin.  Je 
m'esbays  du  curé  de  Curlion  qui  me  pense  outrager  et  avoir  le 
myen  à  force  ;  par  doulceur  icy  acoustumer  de  fere  quelque 
chose,  par  vigueur  je  verrey  que  ce  sera.  Et  seur  ce  je  vais  prier 
à  Notre  Seigneur  qui  vous  ait  en  sa  saincte  garde.  De  la  tour 
de  May  ce  vingthuitieme  de  novembre,  de  la  main  de 

L'Evesque  de  Genève  votre 

Il  n'est  ja  besoing  de  tant  me  piquer  et  de  chasser  ce  que  l'on 
ne  vouidroit  trouver. 


9 

A  Besancon  Hugues,  citoyen  de  Genève. 

Besancon.  Jay  esté  adverli  du  bon  vouloir  que  vous  avez  à 
declairer  en  toutes  places  le  ton  que  mes  subgets  tiennent  de 
moy,  je  n'ay  pas  desliberé  de  plus  ainsi  laisser  les  chouses,  et 
me  confie  tant  du  deveoir  que  vous  avés  à  moy  que  vous  de- 
meurerez lousjours  en  ce  bon  propoz  et  monstrerez  par  bon  ef- 
fect quand  je  vous  vouldray  de  ce  requérir  que  vous  n'estes  pas 
homme  de  deux  paroles.  L'on  m'a  tenu  propoz  de  quelque  fâche- 
rie que  vous  avez  dressée  à  Messeigneurs  Jehan,  Chappelain  de 


247 

mon  cousin  Monsieur  de  Boninont  '  que  je  trouve  fort  eslrange  ; 
je  vous  prie  de  vous  en  déporter.  Car  si  vous  le  picquez  plus 
avant  vous  ne  me  ferez  pas  plaisir  [)our  les  raisons  qu'ay  donnée 
cliarge  de  Monseigneur  l'oflicial  prissent  porteur  de  vous  dire  de 
ma  part,  avec  quelque  aullre  chouse  dont  le  croirés  comme  raoy 
mesmes.  Et  sur  ce  je  me  vais  recommander  bien  fort  à  vous  et 
prier  Dieu  vous  donner,  Besancon,  ce  que  desires.  Dez  Arbois 
XIII  de  May. 

L'Evesque  de  Genève  Vostre, 

lO 

L'Évêque  de  Genève  à  Besancon  Hugues,  de  la  Tour  de  May. 

Me  déplais  de  la  sorte  de  quoy  mes  sujets  usent  envers  moy 
et  de  jour  en  jour  se  déclarent  de  plus  en  plus  à  se  vouloir 
élever  contre  moy  et  monaulhorité.  Gela  durera  tant  qu'il  pourra. 
Je  suis  toujours  été  des  endurants,  mais  il  me  conviendra  plus  à 
fâcher,  et  si  j'essaye  de  faire  quelque  chose  qu'ils  n'ayent  à  plai- 
sir ni  profit,  ils  ne  devront  point  ébahir,  car  l'on  m'en  donne 
les  occasions.  G'est  beaucoup  continuer  à  ces  mauvaises  volon- 
tés; il  ne  me  souloit  donner  guère  de  récompenses  à  mes  servi- 
teurs et  amis  pour  si  mal  me  servir.  Je  pense  que  de  votre  côté 
vous  desires  le  bien;  si,  voudrais-je  bien  en  voir  l'effet.  L'on 
s'excuse  toujours  sur  vous  et  l'on  me  dit  que  je  vous  ai  dit  ce 
qu'ils  doivent  faire Je  n'entends  point  cette  danse,  ni  ne  pré- 
tend avoir  rien  dit  à  cette  intention  à  quoi  ils  prétendent  de 
laquelle  Dieu  les  veuille  garder,  et  à  vous,  Besançon,  vous  avoir 
en  sa  sainte  garde.  De  la  Tour  de  May,  ce  3  décembre  1532. 

L'Evêque  de  Genève. 

'  La  fin  de  la  lettre  d'Ami  Porral  à  Rol)ert  Vandel,  publiée  dans  les  pièces 
justificatives  du  Bezanson  Hugues  de  M.  le  professeur  Galiife,  n°  11,  prouve 
que  ceUe  lettre  est  de  1532.  A.  Porral  écrit  le  llG  mars  :  «  Bezanson  fait  les 
diables  contre  M.  de  Bonmont  et  contre  M.  Jean.» 


248 

II 

L'Évêque  de  Genève  à  Besancon  Hugues. 

Besîincon,  je  suis  averiy  que  à  votre  pourchas  avez  fait  tour- 
menter la  Jaquema  Pellin  ^  indiiement,  je  ne  sais  à  quel  propos  ; 
sinon  que  l'on  dit  que  vous  êtes  à  Genève  avec  vos  complices 
pour  tourmenter  tous  mes  sujets;  et  croyez  que  aussi  en  aurez 
votre  part;  c'est  mal  aviser  k  faire  votre  devoir.  Je  pense  que 
croirez  être  les  princes;  suffisez-vous  d'être  à  la  mode  accoutu- 
mée, et  de  vivre  selon  vos  prédécesseurs,  qui  étaient  de  bons 
marchands  et  non  plus,  sapere  quam  oportet.  Vous  aures  bien 
à  faire  h  détourner  le  Rhône  de  sa  voie  ;  je  crois  que  aussi  aves 
vous  autant  a  faire  de  vouloir  détruire  l't  glise.  Ceux  de  mauvaise 
volonté  ne  peuvent  durer  en  ce  monde.  Je  n'ai  pas  voulu  ou- 
blier de  vous  écrire  ces  durs  mots,  pourceque  aves  récompenses 
comme  save s  de  moy  pour  me  vouloir  faire  perdre  mon  autorité. 
Je  vous  laisse  à  pencersi  cela  durera je  les  mettrai  en  jus- 
tice, fût-il  devant  Lucifer Je  prie  Notre  Stigneur  qu'il  vous 

daigne  mieux  inspirer  que  vous  ne  besognez.  De  la  Tour  de 

May. 

L'Evesque  et  prince  de  Genève. 

^  Ce  fut  le  29  octobre  de  l'année  1532  ({ue  le  Conseil  mit  son  parati  obedire 
sur  la  grâce  que  Pierre  de  la  Baume  avait  accordée  à  cette  Jaquema  Pellis, 
et  qui  était  datée  du  19  octobre  1532. 

La  lettre  d'Ami  Porral  à  Robert  Vandel  prouve  que  Bezanson  Hugues  avait 
été  mêlé  à  cette  affaire. 

(Voy.  Bezanson  Hugues,  pièces  justificatives,  n°  11.) 


249 

Nous  croyons  devoir  faire  suivre  ces  lettres  de  Pierre  de  la  Baume 
d'une  lettre  adressée  par  ce  même  prélat,  en  1526,  aux  députés  des  Ligues 
suisses,  assemblés  pour  statuer  sur  le  droit  qu'avaient  les  villes  de  Berne 
et  de  Fribourg  de  contracter  une  alliance  avec  Genève.  L'original  de  cette 
lettre  se  trouve  dans  les  Archives  de  Lucerne,  et  une  copie  nous  a  été 
transmise  par  M,  Bell,  archiviste  cantonal,  sur  la  demande  d'un  des 
membres  de  notre  Société. 


Illustres  :  et  mes  très  honores  Sieurs  et  Mess"'  des  Ligues. 

Illustres  et  mes  1res  honores  Sieurs.  Si  1res  humbleraenl  que 
faire  puys  à  vos  bonnes  grâces  me  recommande. 

Messieurs,  je  suis  esté  adverti  de  la  journée  remise  à  Berne 
au  cinq  d'avril  ^  touchant  les  afïeres  de  ma  cite  de  Genève  et  con- 

*  Balard  nous  apprend  {Journal,  p.  hi)  que  l'évêque  s'était  rendu  le 
12  mars  de  Genève  à  Annecy,  et  de  là  à  Chambéry,  auprès  du  duc,  et  que, 
vers  la  fin  du  mois,  il  quitta  Gliambéry  pour  gagner  Saint-Claude. 

D'après  Balard,  la  Journée  de  Berne  eut  lieu  le  7  avril.  Voici  en  quels 
termes  ce  contempoi-ain  rend  compte  de  ce  qui  s'y  passa  : 

«  M^  les  ambasseurs  de  Mons»"  le  duc  et  de  Jlons''  de  Genève  firent  leurs 
parlement  et  requestes  ainsi  que  avoyent  acoustumés  pour  faire  révocquer  la 
bourgeoisie,  t 

«  Aussi  firent  les  dits  particuliers  citoiens  et  bourgoys  de  Genève  lesquelz 
estoient  allés  à  la  dicte  journée  par  la  prière  de  Mons''  le  duc  et  commande- 
ment de  Mons""  de  Genève  lesquelz  s'efforcèrent  de  leur  pouvoyr  par  paroUes 
et  prières  de  fayre  révocquer  la  dicte  bourgoysie,  ausquelz  ne  fut  point  donné 
de  responce,  mais  furent  laydement  vitupérez  par  aucuns  des  Allemans  et  de 
Bezanson  Hugues.  La  conclusion  et  résolution  de  la  dite  journée  fust  faicte  et 
dicte  à  M*  les  ambassadeurs  de  M""  le  duc  que  pour  rien  du  monde  ne  revoc- 
queront  ce  qu'ilz  ont  promis  et  juré,  et  que  sy  M""  le  duc  ne  se  veult  conten- 
ter de  la  dite  bourgoysie  qu'il  se  contente  de  la  forme  du  droict,  sinon  qu'ils 
luy  rendront  sa  lettre  des  alliances  qu'il  a  avec  eux,  et  puis  que  chacun  fasse 
du  mieulx  qu'il  pourra.  » 

Comme  les  registres  du  Conseil  manquent  depuis  le  29  mars  jusqu'au 
3  août  1526,  nous  ne  pouvons  pas  connaître  le  rapport  que  firent  les  am- 
bassadeurs de  notre  cité  sur  cette  journée  dans  laquelle  fut  produite  la  lettre 
de  Pierre  de  la  Baume,  que  nous  avons  publiée.  Bonivard  rapporte  en  détail 
les  doléances  des  Wammelus,  ainsi  que  la  réponse  énergique  que  leur  fit  Be- 
zanson Hugues,  et  il  termine  ainsi  : 

«  Lors  fust  arresté  que,  si  plus  gros  nombre  de  gens  ne  s'y  opposoit,  on 


250 

gnoys  qu'aves  bonne  affection  à  protéger  et  maintenir  les  drois 
(le  mon  esglise,  de  quoi  je  vous  mercye  très  humblement.  Toute 
foys  aulcuns  de  mes  subgects  de  Genève  se  conspirent  par  la 
bourgeoisie  qu'ils  ont  faitte  sans  moi  d'estre  portes  en  vous 
contre  moy  et  ma  jurisdiclion  connue.  Ils  m'ont  desja  donné  à 
congniaistre  en  effect  ainsi  que  vos  sieurs  peuveni  estre  infor- 
mées. Mais  je  vous  congnoys  si  très  raisonables  que  ne  voudries 
maintenir  ny  soutenir  contre  lesglise  et  moy  telles  gens  dequels 
je  n'ay  donné  occasion  aulcune  de  ce  faire.  Par  quoy  vous  sup- 
plie faire  telle  conclusion  h  cesle  journée  que  la  révocation  de 
ceste  bourgeoisie  se  face  comme  j'en  ay  ferme  esperence  en  vos 
Seigneurs  et  que  plus  aplain  entendus  par  monseigneur  l'abbé 
de  saintt  Maur  mon  solliciteur  et  le  porteur  mon  serviteur.  Et 
attant  prie  à  Dieu  vous  donner  bonnes  vies  et  longues.  A  Cham- 
Dery  le  26  jour  de  Mars  1526. 

Votre  très  humble  serviteur 
L'eveque  de  Genève. 


ne  feroit  rien  pour  ceux-ci  fies  Mammelus),  et  on  renvoia  les  deux  parties.  » 

{Manuscrit  des  Archives.) 
Du  reste,  tous  les  historiens  sont  d'accord  pour  attribuer  à  l'évêque  un 
rôle  double  dans  les  négociations  et  les  démarches  provoquées  par  le  traité 
de  combourgeoisie  ;  il  voulait  à  la  fois  ménager  les  citoyens  et  ne  pas  indis- 
poser le  duc.  Balard  et  Bonivard  affirment  positivement  que  les  Eidguenots  qui 
signèrent  la  combourgeoisie  avaient  présenté  aux  deux  villes  des  lettres  de 
l'évêque  les  aulorisant  à  contracter  alliance. 


<î--o<^<i/(9V$N€>'5S^>-^ 


251 


MÉMOIRE 


DE 


M.  DE  BELLEGARDE 

Envoyé  du  duc  de  Savoie,  Charles  111 

Relatif  à.  l'audience  qu'il  a  obtenue  de  Temperenr  Charles  \ 
à  Augsbonrg,  au  sujet  des  différends  du  duc  avec  la  ville 
de  Genève. 


La  plupart  des  historiens  de  Genève  font  mention  d'une  lettre  de  l'em- 
pereur Charles  V,  datée  d'Augsbourg,  1 8  novembre  i  530,  et  remise  aux 
magistrats  de  Genève  le  30  novembre  par  l'entremise  de  l'évêque  Pierre 
de  la  Baume,  lettre  par  laquelle  l'empereur  offrait  ses  bons  offices  pour 
pacifier  les  différends  entre  Genève  et  le  duc  Charles  III.  Le  9  décembre, 
le  Conseil  des  Deux  Cents  approuva  une  réponse  à  la  lettre  impériale,  qui 
devait  être  envoyée  au  nom  de  la  communauté. 

Cette  correspondance  dut  être  précédée  de  démarches  du  duc  auprès  de 
l'empereur.  Mais  jusqu'ici,  rien  n'était  venu  nous  instruire  sur  la  nature  de 
ces  démarches.  Aujourd'hui,  nous  savons  parfaitement  à  quoi  nous  en  tenir 
à  cet  égard.  M.  le  professeur  Merle  d'Aubigné,  notre  collègue,  en  recher- 
chant dans  les  Archives  de  Turin  les  pièces  qui  peuvent  intéresser  l'his- 
toire de  Genève  à  l'époque  de  la  Réformation,  a  obtenu  communication  du 
mémoire  adressé  au  duc  de  Savoie  par  le  seigneur  de  Bellegarde,  que  ce 
prince  avait  chargé  de  requérir  l'intervention  de  l'empereur  dans  ses  dé- 
bats avec  Genève.  C'est  ce  mémoire  que  nous  reproduisons  aujourd'hui, 
en  retranchant  seulement  quelques  paragraphes  concernant  diverses  af- 
faires rentrant  dans  la  mission  de  l'envoyé  ducal,  mais  ne  touchant  ni  de 
près  ni  de  loin  aux  intérêts  de  Genève. 


252 


«  Monseigneur  le  IX®  de  septembre  aryvay  en  ceste  ville  de 
Augspurg  et  de  ce  jour  mesme  parley  à  monsieur  de  Monfal- 
conet  pour  entendre  l'heure  qu'il  playroyt  à  l'empereur  de  luy 
povoyr  fere  la  révérence,  et  par  le  dit  seigneur  de  Monfalconel 
me  fit  dyre,  obstante  la  grande  occupation  en  quoi  il  estoyt,  que 
atendisse  deux  jours,  et  le  jour  suyvant  des  dicts  deux  jours  me 
trouvant  en  sa  chambre  pour  luy  fere  la  révérence,  me  fit  aussi 
dyre,  par  le  dict  seigneur  de  Montfalconet,  que  pour  alhors  ne 
fisse  que  luy  bailler  vous  lettres  et  quelles  de  ma  très  redoublée 
dame  et  que  incontenant  après  me  dorroyt  audiance,  vous  asseu- 
rant  qu  il  l'estoyten  tel  estre  pour  non  povoyr  reduyre  les  afferes 
de  par  deçà  à  ce  quesloyt  plus  que  raysonnable  qu'il  l'avuoyt 
layse  et  habondone  le  conseil  et  advis  des  hommes  pour  soy 
recourrir  à  nosire  seigneur  et  ce  dict  mattyn  il  se  confessât  et 
repceut  notre  seigneur  en  l'oratoyre  de  sa  riere  chambre,  disant 
que  puys  que  le  scens  des  hommes  et  du  monde  luy  failloyt,  qu'il 
i'esperoyt  que  la  divine  prudence  luy  sceroyt  en  aide  et  tousjours 
dempuys  que  je  suis  en  ceste  ville  et  pour  advanl  le  faysoyt.  Il 
faysoyt  fere  ausi  les  dites  prestations  publiques  et  secrètes  partout, 
l'ayant  mande  aynsi  le  fere  en  tous  les  lyeux  qu'il  savoyt  per- 
sonnes dévotes,  et  au  sortir  de  sa  riere  chambre  aynsi  quil  avoyt 
repceu  nosire  seigneur  je  luy  fis  la  révérence,  et  luy  ayant  fayt 
vous  1res  humbles  recommandations  et  de  ma  dicte  dame  pré- 
sentant vous  lettres  me  dist  que  vinsse  lendemayn  à  son  lever, 
quil  moy  dorroyt  audiance;  a  quoy  ne  faillis,  et  incontenant  au 
mesmes  lyeu  du  jour,  devant  que  luy  avoys  fait  la  révérence  me 
demanda  de  vostre  bon  pourtemant  et  de  celluy  de  ma  dame 
sa  bonne  seur  et  son  nepveu  monsieur  vostre  fils,  et  luy  ayant 
expose  le  tout  de  ce  que  vous  avoyt  pieu  moy  charger  et  com- 
mander mesmant  sus  la  comparessance  de  la  dyete,  respondit 


253 

que  je  fusse  le  bien  venu,  bien  ayse  qu'il  estoyt  d'entendre  de 
vous  bonnes  novelles  et  de  ce  que  avyes  mande  vers  luy  ;  et  pour 
ce  quil  estoyt  en  si  grandes  occupations  et  le  ramenant  [reste]  de 
tout  son  conseil  et  serviteurs,  me  commandât  fayre  ung  memoyre 
de  ce  que  verroys  eslre  le  plus  expédiant  pour  despescher  et  que 
le  bailliasse  au  seigneur  de  Grandvelles,  ce  que  fis  aynsi  qu'il 
vous  playra  voyr  par  ung  double  que  vous  envoyé.  Et  plus  tost  que 
du  VP  de  ce  moys  présent  nay  peuz  avoyr  response,  tant  par  les 
grands  afferes  que  le  dit  seigneur  avoyl  que  ausi  pour  la  grande 
retardation  de  despeches  que  ce  fait  en  ceste  court,  comme  bien 
scavues  despuys  Bolongne  la  ou  vous  esties  vous  mesmes,  com- 
bien aye  sept  foys  puys  que  suis  yci  parle  à  sa  mayeste,  luy  don- 
nant à  chesque  foys  entendre  de  peus  a  peus  vous  afferes  ei 
mesmant  ceulx  concernant  au  dit  memoyre  hors  celluy  que  con- 
cerne à  Ryda  du  quel  h  la  seconde  foys  me  dist  que  myeulx  et 
plus  à  playn  en  deviserions  au  lyeu  la  ou  le  dit  Rida  est  espérant 
de  il  aller  en  brief.  Quant  à  la  dyete,  sa  mayeste  ne  entendoyt 
point  que  fussies  juy  demys  ny  dejecte  et  que  toulefoys  elle  es- 
toyt toute  brolie  et  rompue  ny  ayant  pas  grand  espoyr,  et  long 
temps  il  avoyt  que  les  princes  de  la  Germanie  l'avoyent  mené  per 
temps  et  longueurs,  le  remettant  de  terme  à  terme  quil  en  estoyt 
hors  despoyr  estant  en  tel  estre  quil  l'avoyt  le  cerveaux  tout 
trouble  combien  que  si  playsoyt  à  Dieu  que  le  remennani  des 
princes  fussent  de  son  opinion  mesmant  la,  que  à  layde  de  Dieu 
qud  ne  serroyt  poynt  la  crestiente  en  telle  trouble  combien  qu'il 
heust  pluseurs  avertissemens  de  tous  costes  et  sont  les  mesmes 
mots  quil  luy  pleut  me  user.  Et  quant  à  l'avoyr  adverti  que  aves 
bien  vouisu  envoyé  en  France,  ayant  entendu  la  confirmation  des 
trette  fait  entre  sa  mayeste  et  le  Roy  trescretien,  la  rendition  et 
delyvrance  de  messieurs  ses  enfans,  ausi  la  venue  de  la  Reyne  en 
France  pour  ce  rejoyr  et  congratuler  espoyr  en  Dieu  du  ranfort 
de  l'amylie  dentre  eulx  tant  à  conservation  cresiienne  que  con- 
fusion des  infidèles,  me  respondit  qu'il  en  estoyt  1res  aise  ayant 
bien  fait.  Je  luy  ai  ausi  parletochanlledictet  statut  qu'il  porroyt 


254 

fayre  pour  ia  conservation  du  saynt  empire  et  princes  dycelluy 
pour  entrerompre  les  coligaiions  et  bourgoixsies  tant  passes  que 
advenir  faictes  h  trop  grand  préjudice  et  conséquence  dange- 
reuse tant  du  saynt  empire  que  de  susdits  seigneurs  princes.  A 
quoy  me  respondit  que  pour  le  présent  il  n'estoyt  pas  temps, 
considéré  qu'il  ne  povoyt  reduyre  les  princes  et  aultres  de  la 
Germanie  quil  sont  contre  la  foy,  mays  yceulx  remis,  quil  lespe- 
royt  en  quelle  sort  que  ce  fusl  les  reduyre  estant  en  propos  de- 
lybere  de  non  habandoner  ceste  heuvre  et  ne  la  layser  inper- 
faicte,  que  après,  luy  en  donnant  advis,  il  pourvoyroit  cognoisant 
bien  estre  requis  quealhors  ne  séries  mis  en  obly.  Je  luy  fis  ausi 
entendre  vostre  allée  en  Savoye  et  l'occasion  dicelle  estant  bien 
de  cest  advis  que  le  plustost  que  pourries  vous  en  degetter  se- 
royt  pour  le  myeulx. 

Sen  suyvent  les  responses  que  me  sont  estes  faictes  du  sus- 
dict  VP  de  ce  moys  tant  pour  l'empereur  propre  que  pour  le 
commendadeur  mayurs  Cosmes  et  le  seigneur  de  Granvelle  de 
la  part  de  sa  mayeste  sus  le  memoyre  dont  envoy  susdict  double. 

Premièrement  en  ce  que  concerne  ceulx  de  Genesve  et  leurs 
privilieges,  les  dits  seigneurs  Cosmes  et  Granvelle  m'ont  res- 
pondu  que  pour  non  tumber  aux  dangiers  quavies  tous  temps 
évite  et  craynt  que  nulle  partie  ny  pièce  de  vostre  estai  se  fit  et 
rendit  suysse,  considéré  ausi  leur  nature  quesl  de  se  grandir 
tousjours  et  selargir,  voyant  ausi  la  rébellion  en  ferme  obstina- 
tion des  dicts  de  Genesve,  et  que  les  désespérant  tumberoynt  à 
ceste  mauldicte  erreur  la,  dont  oultre  votre  dopmage  et  perde  se 
luy  seroyt  petite  repuiacion  veuz  que  le  dit  Genesve  est  de  lem- 
pire  aveq  vostre  eslat  semblablement;  quil  ne  vouldroyt  plus 
voyr  agrandir  les  dicls  Suysses,  et  le  faysanl  aynsi  quay  supplie 
pour  vous  seroyt  le  tout  mis  en  desespoyr,  veuz  que  ong  les 
remettroyt  entre  vous  mayns  quil  estes  celluy  contre  quil  il  ont 
fait  le  tout,  mays  a  trouve  aultre  expédiant  et  de  ce  vous  en 
envoys  le  despesche  pour  aynsi  sil  vous  playt  le  suyvre  que  le 
dict  seigneur  empereur  leur  escript  et  commande  par  mande- 


255 

mant  que  voyant  trop  durer  et  de  si  long  temps  les  différences 
que  sont  entre  vous  et  les  dicls  de  Genesve,  considère  le  tout 
estre  du  saynt  empire,  comme  celluy  qnil  le  veult  bien  guyder  et 
conduyre  en  toute  tranquilite  vous  mandei  que  ayes  a  envoyr 
dans  deux  moys  par  devant  liiy  en  quel  lyeu  quil  soyt  les  titres, 
droytures,  originauk  et  preminances  qu'aves  et  prétendes  avoyr 
sus  et  yceulx  du  dit  Genesve.  aveq  déclarations  comme  vous  et 
vous  ancestres  aves  este  joysans  à  la  dicte  Cite,  aveq  procures 
suffisantes  et  plein  pouoyr  à  ceulx  quil  vous  playra  desleguer 
pour  vous,  mandant  ausi  au  dicls  de  Genesve  quils  ayent  à  apor- 
ler  leurs  droyls  et  previlieges  par  lesquels  il  prétendent  vous 
contrarier  aveq  bonne  procure  suffisante  et  originaulx  de  leur 
litres,  à  ce  quil  voyet  et  cognoyse  par  droyt  et  équité  le  droyt  et 
tort  quil  porroyt  estre. 

Et  quant  à  ce  qu'a  touche  les  prélats,  veu  et  considère  leurs 
conspirations,  il  vous  mandet  et  a  eulx  que  mandes  les  droytures 
et  previlieges  qu'aves  de  une  part  et  d'aultre  a  ce  que  il  mettet 
finale  conclusion,  vous  exhortant  le  dicl  seigneur  aynsi  en  vol- 
loyt  user  tant  pour  vous  oster  ung  bon  coup  de  troubles  qu'aves 
du  dit  Genesve,  et  de  l'aultre  en  conséquence  que  ausi  pour 
avoyr  les  prélats  myeulx  à  votre  devocion  et  obeyssance,  vous 
povant  asslieurer  de  luy  quil  fera  en  sorte  que  aures  cause  vous 
en  louer  et  contenter;  et  que  cest  le  vray  moyen  sans  tants  de 
gros  fraix  que  faictes  journellement,  en  danger  de  votre  estât 
pour  vous  en  sortir  et  abolyr  les  bourgoyxsies,  car  eulx  estant 
yci  ycelles  à  eulx  fera  asses  renuncer. 

Le  mesme  jour  que  filz  la  révérence  à  l'empereur  l'allai  fere 
au  Roy  d'Hongrie  (Ferdinand)  lequel  fust  très  ayse  davoyr  de 
vous  bonnes  novelles  comprins  ma  dame  et  monseigneur  le 
prince,  s'enquerant  de  vous  bons  pourtemants  et  estre.  Je  luy  dicl 
le  tout  de  ma  charge  luy  faysant  bien  entendre;  ausi  a  fait  mon- 
sieur le  secretayre  dempuis  le  tout  de  vous  charges  ;  et  dernière- 
ment que  suys  este  vers  luy  pour  l'advertir  du  départ  du  dit 
secretayre  il  mercmantua  laleedu  doyen  de  Colombiez  vers  vous 


256 

lant  sus  la  croysade  que  dayleurs  comme  celliiy  que  à  presenl 
cy  a  bien  affere  soffrant  enliermant  à  vous  usant  des  bons  propos 
lesquels  remet  vous  dire  au  dit  seigneur  secretayre  présent 
pourteur.  Les  Roynes  ausi  furent  très  ayses  entendre  de  vous 
bonnes  novelles  et  de  ma  dicte  dame,  les  quelles  s'offrant  entie- 
remant  à  vous,  vous  présentant  leurs  recommandations  de  bon 
cueur  et  quant  aux  princes  et  aullres  aulx  quels  escripvies  le 
remet  ausi  sus  le  dict  secretayre. 

Les  ambassadeurs  du  duc  de  Lorrayne  ne  peuvent  entrer  à  la 
dyete  sans  avoyr  povoyr  de  leur  seigneur  de  |)romelire  et  soy 
soubmettre  à  pourler  les  fraix  et  charges  des  contributions  de 
lempire  tant  passes,  presant  que  advenir  et  si  ont  fait  fere  cries 
par  trompetes  et  tabornes  devant  la  mayson  de  la  ville  que  nul 
entrait  en  la  dyete  quil  ne  fust  coniribuaul  comme  desus,  dont 
considère  que  ne  avoys  nul  comandemant  de  vous,  voyant  ausi 
les  charges  de  l'empire  journellement  acroyire  tant  contre  le  lurs 
et  ceste  secte  et  particulliers  afîeres  et  charges  de  lempire  au 
quel  devant  hyer  fust  accorde  quarante  mille  homme  de  pies  et 
61  bon  gros  nombre  de  chevaulx  que  long  dist  douze  mille  par 
tant  de  temps  quil  luy  playra  et  en  auroyt  affere  sans  il  mettre 
nul  terme;  voyant  ausi  ce  consillie  advenir  que  sont  toutes 
charges  du  dit  empire,  ne  me  suis  pas  trop  advance  à  la  dicte 
dyete  veu  aussi  que  les  princes  dicts  evangélistes  sen  sont  ailes 
sans  conclusion  aveq  dicte  entrerompue.  De  ce  que  se  conclura 
sceres  adverti  combien  que  à  peu  près  le  presenl  pourteur  vous 
porra  le  tout  dyre.  Le  maréchal  et  aultres  officiers  de  lempire 
m'ont  presse  de  troys  cent  et  cinquante  florins  dor  que  debues 
pour  la  fidélité  faicte  pour  vous  par  monseigneur  votre  frère. 
Le  dict  pourleur  vous  dyra  les  responses  quen  ay  fait,  sus  ce 
il  vous  playra  il  pourvoyr  et  me  mande  vostre  bon  plaisyr,  car 
il  sont  gents  pour  exequuter  contre  vous  et  fayre  quelque 
deshonneur.  Le  dit  maréchal  quil  est  baron  de  bonne  eslouffe 
et  de  service  vous  suppliei  de  voloyr  ung  scien  fils  quil  parle 
bon  latyn  à  monseigneur  le  prince  entendant  quil  ne  soit  louge 


257 

nulle  aullre  pari  car  il  a  entendu  que  mon  dit  seigneur  voire 
fils  dobyl  estre  plus  grand  que  pyece  que  fust  a  voire  mayson 
el  leut  bien  peu  bailler  a  lempereur  ou  au  Roy  d'Hongrie  sil 
heut  voulsu.  Je  vous  advertis  que  par  ladvis  des  lescuyr  passier 
qui!  est  bien  veu  et  ayme  en  cesie  court,  rendant  bien  son 
devuoyr  vers  vous  aynsi  quil  luy  dicls.  Ay  scheu  que  levesque  de 
Tharantayse  a  mande  yci  et  son  officiai  comprins  levesque  de 
Belley  pour  avoyr  tous  lels  privilieges  que  ont  les  evesques  de 
Genesve  et  de  Lausanne  el  pour  ce  exempter  de  rendre  leurs 
devuoyr  et  fidélité  h  vous  el  le  fere  a  lempereur  seul  et  jusque 
a  ce  quen  ayes  chaslie  ung  ou  deux  jusque  a  changement  de 
leur  estât  ne  vous  lerront  en  repos;  jay  toutes  foys  obvye  à  tout  et 
rien  ne  se  fayra  que  ne  le  sache,  a  quoy  pense  bien  asses  remédier, 
loules  foys  ne  vous  il  en  dormes  pas  et  il  advises  pour  ladvenir. 

Le  seigneur  de  Grandvelles  vous  supplie  pour  l'amour  de  luy 
avoyr  pour  recommandé  le  chastelleyn  Léger  d'Yverdoy  son  pa- 
rant en  quelque  plan  qu'il  a,  de  sorte  qu'il  cognoysse  sa  requesle 
avoyr  pourlé  fruyt,  vous  assheurant  que  ne  luy  fayra  quelque 
honeste  presant  quelques  bonnes  parolles  qu'il  dyse  et  ungaultre 
à  Vakleys  ne  porroys  sil  bien  menner  vous  afferes.  Car  sen  poynl 
de  faulte  il  en  veullent  avoyr  el  le  dit  seigneur  de  Grandvelles 
aveq  Cosmes  sont  le  tout  de  l'empereur  quil  ne  fait  riens  que 
par  eulx  ;  vous  pourres  entretenir  Grandvelleset  ma  dame  Cosmes 
et  ayant  ceulx  pour  vous  ne  faictes  nulle  double  de  obtenir  tout 
ce  qu'il  vous  playra  en  cesie  cour. 

Quant  au  seigneur  de  Monfalconel  je  vous  assheure  ausi  qu'il 
a  bien  gros  crédit  vers  l'empereur  et  riens  ne  luy  est  serre  ny 
escondu  la  dedans,  et  c'est  ung  cas  lye  aveq  les  aultres  deux,  el 
dempuys  la  mort  du  grand  escuyr  trespasse,  illa  lousjours  cxerse 
lofïice  de  lescuyrie  et  tien  bien  de  près  le  dict  seigneur  et  ha- 
bandonanl  le  dil  office  ill  est  assheure  de  une  maysirise  d'hosiel 
et  de  une  melleur  commanderie  que  la  scienne. 

Il  rend  très  bien  son  devuoyr  vers  vous  faysant  le  tout  de  ce 
que  luy  scay  dire  avec  bonne  poyne  affection.  Il  ne  fauldroyt 


258 

pas  luy  faillir  de  sa  pension  de  iroys  cents  escnz  ne  luy  en  fayre 
aullre  excuse  comme  plus  à  plein  entendres  par  le  dit  secrelayre 
tant  des  susdits  monsieur  de  Monfalconei  que  Grandvelles  to- 
cbant  les  ennemys  qu'aves  heu  en  ceste  couri  ayanl  donne  très 
maulvesse  impression  de  vous. 

Levesqiie  de  Vienne  prescliet  yci  en  la  grand  esglise,  ausi 
font  les  aultres  prélats  par  tout  el  l'ong  est  résolu  que  aynsi  le 
fassent  ordonayremanl  ei  ceulx  qu'il  ne  auront  le  scabvoyr  com- 
mettent les  suffragants  scientefiques  jiour  il  satisfayre.  L'ong  les 
lerra  aynsi  à  leur  vivant  et  yceulx  irospasses  h  ladvenir  l'ong 
pourvoyra  des  genls  aulx  bénéfices  ei  non  pas  les  genis  des 
bénéfices  ei  ne  dorraton  nui  bénéfice  à  nul  qu'il  ne  soyt  scavani 
et  de  bonne  vie  et  yceiilx  pourveux,  si  s;ingents  l'ong  changera 
ausi  et  trovet  long  qu'il  gits  aux  consciances  des  princes  plus 
que  à  ycelle  de  notre  saynt  père  quil  ne  scayt  ny  cognoyl  pas 
les  gents  comme  le  seigneur  dyceulx  el  dhors  en  avant  la  vertu 
précédera  le  tout  et  aynsi  se  doyt  fcre  pour  satistacion  de  tout 
debvoyr. 

Le  présent  pourleur  a  beaucoup  prins  de  la  poyne  aveq  plu- 
sours  fraix  et  costes  pour  trouver  et  vous  menner  des  maystres 
des  mynes.  Illa  tant  fait  quil  en  a  retrouve  ung  des  principaulx 
du  Roy  d'Hongrie  qu'il  est  de  ceste  ville  et  bien  riclie  le  quel  il 
vous  mayne  qu'il  na  pas  este  sans  grand  poyne,  les  parant  dicel- 
luybien  contrarie.  Il  maynet  ausi  pour  la  saulnerie  de  Cballyn 
en  Tharantayse  et  au  dict  de  ung  chescun  si  ce?luy  ne  vous 
illustre!  vous  mynes  a  ce  coup  je  double  fort  quil  ne  faille 
mettre  le  piez  desus  et  non  le  bien  trecter.  Il  ne  fault  plus  james 
venir  en  ses  parties  car  jay  ouy  dyre  |)lusours  cboses  a  quoy  ay 
respondu.  III  en  mayne  ausi  ung  aultre  sus  les  mynes  d'or;  par 
ma  dame  telles  gents  veullent  estre  bien  recognues  comme  il 
sont  de  par  deçà  el  leur  tenir  bonne  rayson  aynsi  quil  les  en  ay 
asslieure. 

Ses  deux  jours  passes  me  sont  venus  trouver  deux  desputes 
de  cesle  ville  et  de  Nuramberi  (?)  maportant  lettres  venues  de 


259 

Strasbourg  dans  lesquelles  avoyenl  mandes  ung  double  de  lettres 
à  eulx  mandes  de  ceulx  de  Berne.  Je  fis  escripre  ung  aultre 
double  par  le  dit  secrelayre  lequel  je  vous  envoyé,  ycelluy  rep- 
ceu,  allay  trouver  l'empereur  el  le  luy  monlray  lequel  sen  es- 
bayssant  me  demandât  s'il  m'en  advyes  fait  riens  entendre  ne  le 
croyant  combien  quil  en  fust  en  suspens  dicl  qui!  sceroyt  mal 
fait  au  maréchal  de  Bourgongne  l'avoyrenlreprinssans  son  sceu, 
et  que  sil  aynsi  estoyt  dans  deux  ou  iroys  jours  l'ong  le  scaroyt 
bien  el  luy  en  donneroit  advis  sceu  de  votre  pal  regarderoit  ce 
quil  scaroyl  requis  el  après  luy  avoyr  recommande  le  dit  affere 
et  mercier;  je  luy  dist  en  response  ce  que  ceulx  de  Genesve 
avoynt  acustume  de  fere  semblablement  ceulx  de  Berne,  bien 
vous  dis  je  que  les  afferes  de  pardeca  sont  asses  grands  sans 
panser  allyeurs  <les  occurans  et  novelles  de  par  deçà  ;  le  dit 
présent  pourteur  vous  adveriira  de  tout  et  pour  fin  de  ce  rae- 
moyre  vous  assbeure  que  l'empereur  pourte  affectionne  amyiie 
à  ma  1res  redouble  dame  estant  en  grosse  réputation  par  toute 
ceste  court. 


A  cette  relation,  l'ambassadeur  du  duc  avait  joint  le  mémoire  que  voici 
par  lequel  il  énonçait  son  avis  personnel  sur  l'attitude  que  son  maître  de- 
vait prendre  vis-à-vis  de  Genève. 

Monseigneur  considère  la  grosse  costaynge  et  grands  fraix 
que  aves  supporté  pour  ses  afferes  de  (ienesve  et  Lausanne,  aveq 
dangier  de  la  dangereuxse  consequance  des  circonvoysins,  les 
quels  sont  si  près  loups  ravyssants  aveq  la  petite  foy  que  le 
monde  présent  lient  en  touies  qualités  el  que  quelque  bon  droyct 
ny  rayson  que  saches  avoyr  estes  tousjours  a  recommence  pour 
vous  desjecter  de  tels  et  que  asses  myeulx  entendes  que  moy 
facberies  perdes  et  enuyts  veuz  raesmant  le  désir  que  l'ong  a 
de  vous  tenir  allègre  pour  tousjours  myeulx  jouyr  de  vous  oulire 
la  convoylise  de  s'élargir  soyl  de  ça  ou  de  là  les  monts  et  tous 


260 

coustès;  la  suis  dadvis  que  uses  du  consed  de  l'empereur  lequel 
an  ces  ne  vouidroyt  ny  seroyt  vous  fayre  tort.  Car  estanl  yci 
ceulx  de  Genesve  il  ne  leur  prendra  pas  comme  en  Suysse  la  ou 
des  fables  en  faisoynl  liysloyres  quest  ce  ils  sceront  de  rayson 
monslrer  pourquoy  il  ont  faycl  et  contracté  la  bonrgoxsie  que 
est  tant  préjudiciable  à  vous  cest  asses  au  saynt  empire  et  eulx 
allegant  la  mort  des  justicies  parcq  devant  n'aurons  par  les  pro- 
cès tout  prestz  pour  vous  en  descbarger  tant  causant  du  feu 
seigneur  evesque   que  de  lomycide  perpètre  par  Lévrier  etc. 
veullent  dyre  que  usies  leans  aultre  rayson  et  droyclure.  Vous 
aves  en  votre  chambre  des  Comptes  comme  il  poyent  tailles  et 
subsides  dons  aydoynl  à  marier  les  fdies  de  votre  mayson  do- 
noynt  ayde  en  temps  de  guerre  à  vous  prédécesseurs  recognes- 
soynt  la  supériorité  et  appelloynt  à  eulx  de  leurs  procès  et 
playts  etc.  Et  quest  ce  quil  sceroynt  dyre  par  quelle  rayson 
vous  ont  oste  le  vidompnat,  la  mayson  de  lille  causant  dempuys 
la  bourgoixsie  tant  de  injustices  faictes  préjudiciables  à  vous 
droyctures  et  possessoyres,  tant  de  meurtres  et  maulx  impunis 
et  intollerables  de  leurs  conmis,  ryere  vous  terres  et  davantayge 
se  mettre  a  ceste  perverse  secte  pour  les  achever  de  peyndre, 
ceulx  de  Lausanne  semblablemant  compris  les  appellations  du 
chatellyn  et  practiques  pour  tourner  vous  subjels  et  estai  contre 
vous.  Estant  yci  la  ou  vous  aves  ung  empereur  à  voire  devocion 
du  quel  tout  dépend  quest  ce  quils  sceront  dyre  ny  contrarier 
désire  rebelles  et  méchants  et  le  tout  ayant  bien  desmeure  par 
rayson  et  declerez  l'empereur  premièrement  pourra  de  noveau 
les  vous  remettre  aynsi  que  vous  et  messieurs  vous  prédéces- 
seurs les  avyes,  et  pour  la  rébellion  et  maulx  perpètres  les  pourra 
condampner  a  quelque  privation  de  quelque  priviliege  quil  vous 
scera  plus  nuysible  et  à  fayre  pour  vous  et  votre  diète  ung  chatel 
el  forteresse  dans  la  ville  la  où  il  vous  playra  et  pour  la  gar- 
nison d'ycelluy  à  jamays  toutes  les  années  quelque  tribut  el 
somme  de  deniers  tant  pour  tenir  en  subgection  la  dicte  ville 
que  pour  fortifier  la  justice;  et  si  vous  doubles  quelque  conse- 


261 

qiiance  que  vous  suhgets  recourent  yci,  vous  ne  la  devuez  doub- 
ler tant  que  ausi  tout  votre  estât  despend  du  saynt  empire  du 
quel  aves  tant  de  dignités,  que  ansi  vous  dicts  subgects  voyant  en 
(]uel  eslre  ceulx  de  Genesve  sceront  este  nnennes  il  prendront 
bon  exemple  que  aynsi  l'ong  feroyt  deul.v  avec  ce  que  croys  ne 
vouidries  pas  fayre  tort  a  nul;  semblablemant  des  jtrelats  se 
pourra  fayre  et  quels  privilieges  et  droycts  sceront  monstres  pour 
non  vous  estre  obeyssanls;  à  tout  le  meyns  par  ce  moyen  scayres 
vous  ce  quils  ont  pour  a  ladvenir  il  remédier  et  estant  yci  lem- 
pereur  ne  pourratil  pas  leur  ordonner  et  commander  vous  rendre 
le  debuoyr  quil  ont  au  saynt  empire  comme  a  son  vicayre  re- 
presanlant  sa  personne  en  leur  commandant  vous  obeyr  comme 
à  luy  et  les  vous  remettre  en  toute  obeyssance,  considère  ansi 
que  l'heure  saprocliet  de  leur  generalle  reformalion  comme  la 
rayson  veut  et  pour  la  conservation  de  vostre  estât  en  ce  quils 
auront  de  préjudiciable  contre  vous,  le  dict  seigneur  empereur 
il  pourra  bien  fayre  quelque  metigation  leur  commandant  vous 
fere  la  fidélité,  etc. 

Et  cas  venant  que  les  dits  de  Genesve  ne  veullent  venir  ny 
obeyr  comme  je  croys,  veu  que  en  eulx  sont  de  desraysons  exor- 
rables  le  dict  seigneur  le  mettra  au  ban  de  l'empire  comme  re- 
belles et  vous  les  prendres  et  en  fayres  vous  subgects  entière- 
ment que  vous  scera  a  jamays  stabilité  de  bon  droy  et  oultre 
celluy  qu'aves  en  confiscant  le  tout  de  leur  povoyr  et  avoyr 
touteffoys  le  tout  gist  à  vous  bons  playsirs  lesquels  moy  man- 
dant ensuyvrai,  Aynsi  qu'il  vous  playra  et  si  sceroyt  le  moyen 
de  lever  tant  de  recourses  que  vous  subgects  ont  à  vous  enne- 
mys  et  me  semble  que  trop  plus  devues  avoyr  de  foy  yci  que  à 
vous  dicts  ennemys  entre  les  mayns  des  quels  vous  submeltes 
journellement  et  que  ma  1res  redoubte  dame  escripuet  bonnes 
lettres  et  non  de  créance  que  sus  la  fin  dyeeiies  au  dit  seigneur 
empereur  Conmes  ei  Grandvelles. 


r.  XV,  V^  paru  18 


262 

La  lettre  de  l'empereur  dont  il  est  fait  mention  dans  ce  document  fut 
remise  aux  magistrats  de  Genève,  par  l'entremise  de  l'évêque,  le  30  no- 
vembre. Nous  la  transcrivons  ici  en  l'accompagnant  de  la  réponse  du 
Conseil. 


A  noz  chers  et  bien  amez  les  Sindicques,  Conseil 
et  Communaulté  de  nostre  cité  Impériale  de  Genesve. 

Exordium  dicte  litière. 

De  par  l'Empereur 

Chers  et  féaux,  nous  sommes  adverlis  que  vous  estes  sus 
quelque  iraicté  et  appoinlemanl  avecque  noslre  cousin  le  duc  de 
Savoye,  et  pour  ce  que  comme  entendons  illest  question  entre 
vous  et  ledict  duc  noslre  cousin  des  choses  concernantes  les  ju- 
ridictions et  droitures  de  très  révérend  père  en  Dieu  noslre  très 
cher  et  féal  cousin  et  conseillier  l'évesque  du  dict  Genesve,  aus- 
quelles  ne  vouldrions  estres  desroguee  ne  préjudicié,  ains  comme 
provenans  et  dépendans  de  fondacion  et  dotacion  impériales  les 
soubtenir,  deifendres  et  faire  entretenir,  vous  avons  bien  voulsu 
sur  ce  escripre,  requérant  et  enjogniant  très  expressémant,  selon 
la  coufidance  qu'avons  de  vous,  de  envoyer  vers  nous  et  nostre 
auclorité  impériale,  que  ayés  le  regart  que  a  ce  par  raison  debvés 
havoier,  et  en  envoyant  devers  nous  personnages  instruyctz  de  ce 
que  peult  estre  en  controverse  entre  ledict  évesque  et  vous,  comme 
desjaz  vous  avons  escript,  et  semblahlemeiit,  ausdits  seigneurs 
duc  et  évesque  noz  cousins,  ferons  entendre  à  l'amyabilité  d'entre 
vous  et  l'apointemant  des  devant  dictz  dillerents,  de  manière 
que  ce  seraz  au  bien  et  repos  de  toutes  parties,  et  cognoistrés 
le  désir  et  affection  que  avons  que  noz  vassaux  et  subjectz  vi- 
vent et  demeurent  en  paix,  amitié  et  concorde.  Et  nous  faictes 


263 

sur  ce  réponse.  A  tant  chers  et  féaux,  Noslre  Soigneur  soil  garde 
de  vous. 

Datte  d'Auspbourg,  le  18  de  novembre  anno  XXX. 

Charles, 

Suhscriplum 

Perrenin. 


A  Séréuissime  el  inviclissime  très  hault  et  très  puyssant 
Cliarles  tousjours  César  Auguste, 

Sérénissime,  Invictissime,  très  haull  el  très  puyssant 
prince,  à  vostre  très  sacrée  Majesté  très  humble- 
ment nous  recommandons. 

Sérénissime,  vostre  sacrée  Majesté  de  sa  grâce  nous  az,  ces 
jours,  envoies  des  lettres  pour  debvoir  céder  aulcuns  différent 
estantz  entre  illustrissime  et  redoubté  Seigneur  Monseigneur  le 
duc  de  Savoje  et  nous,  et  mectre  aussi  en  ordre  ce  que  peult 
eslre  en  controverse  entre  illustre,  très  révérend  et  redoubté 
Seigneur  nostre  prince  et  évesque  de  Genève  et  nous;  sembla- 
blement  envoier  par  devers  vostre  Majesté  des  nostres  gens 
instruyctz  et  ayans  charge  correspondente. 

Sérénissime,  il  y  az  bone  pièce  que  pour  l'entreténemant  et 
deffence  du  bien,  auctorilé,  jurisdiction  et  franchises  de  nostre 
redoublé  prince  el  cité  de  Genesve,  avons  supportés  par  beau- 
coup de  molestes  revenant  du  costé  du  dicl  illustricissime  duc, 
grandes  charges,  frais  el  dangiers  de  personnes.  El  comme  na- 
gueyres  fussions  circuys  de  gens  d'armes  ses  subjectz  et  oul- 
trageusemanl  assallis,  el  toutesfoys  par  le  vouloir  de  Dieu,  le 
bon  et  honneste  secours  de  magniffiques  Seigneurs  de  Berne 
et  de  Fribourg,  préservés  de  celle  entreprinse  que  plustoul  seroit 
attédieuse  à  vostre  Excellence  la  réciter.  Pourchassant  illus- 
irissirae  duc  fusmes  accordaiis,  selon  que  nous  sembloit  louable 


264 

demeurer  des  diclz  différends  et  oultrages  a  la  cognoissance  des 
escellcns  seigneurs  des  Ligues.  Et  pour  ce  que  la  journée  selon 
l'arrest  commung  az  esté  prinse  au  jonr  Sainct  Andrien,  auquel 
et  non  avant  avons  voz  dictes  lectres  recepues  en  révérence,  les- 
quelles sont  relatives  à  d'aultres  concernans  la  dicte  controverse 
que  n'entendons  estre  entre  nostre  dict  redoublé  prince  et 
nous,  et  que  n'avons  icelles  lettres  heues,  ne  sçavons  bonne- 
mant  le  moien  comme  pour  à  présent  pourrions  vostre  com- 
mandement accomplir.  Dont  toulesfoys  désireux  de  complaire 
à  vostre  très  haute  sacrée  Majesté,  la  supplions  si  très  hum- 
blemant  que  à  nous  est  possible,  nous  voloir  par  sa  clémence 
excuser  et  comme  est  costumière  advoier  en  souvenance  la  cité 
de  Genesve,  laquelle  sans  la  grâce  de  Dieu  pour  seulement  suyvre 
vrai  debvoir  piéça  fust  destruycte  et  desfaicte.  Si  supplions  Dieu 
très  humblement,  qu'il,  Sérénissime,  très  hault,  invictissime  et 
très  excellent  prince,  veuille  par  sa  miséricorde  et  grâce,  vostre 
majesté  sacrée  deffendre,  maintenir  et  entièrement  garder  dans 
ses  félicités  et  triumphes, 

De  Genesve,  ce  jour  9*'"''  de  décembre  1 530. 

Voz  très  humbles  et  très  obéissans,  les  Sindicques 
Petit  et  Grandz  Conseil  de  la  Cité  de  Genesve. 


(Ces  (Jeux  lettres  se  trouvent  copiées  dans  le  Rerj.  du  Cons.  vol.  de 
1530  à  1532.  fol.  81  à  83.) 


NOTICE 


SUE 


UN  FEUILLET  DE  PAPYRUS 

Récemiuenl  découverl  à  la  Biblioliièque  Impériale  de  Paris 

ET 

Relatif  à  la  basilique  que  maxime,  évêque  de  Genève,  substitua 
wers  l'année  516  à  un  temple  payen 

Par  LÉOPOLD  DELISLE 


Les  anciens  manuscrits  ont  quelquefois  passé  par  de  bien 
étranges  vicissitudes.  On  se  rappelle  cet  exemplaire  de  Virgile, 
écrit  en  lettres  capitales,  dont  M.  Pertz  a  récemment  suivi 
les  destinées  avec  tant  de  sagacité  ^  :  le  Vatican  en  possède 
plusieurs  feuillets  que  Claude  Dupuy  offrit  à  Fulvio  Orsini, 
vers  la  fin  du  seizième  siècle;  Mabillon  en  examina  un  deu- 
xième fragment  dans  les  restes  de  la  bibliothèque  de  Pilhou, 
qui,  du  temps  de  Louis  XIV,  appartenaient  au  ministre  Le 
Peletier  ;  un  troisième  fragment,  composé  de  trois  feuillets, 
s'est  rencontré  en  1862  dans  le  cabinet  d'un  savant  hollandais 
et  a  été  acquis  par  M.  Pertz  pour  la  bibliothèque  de  Berlin. 

L'histoire  du  manuscrit  dont  je  m'occuperai  dans  cette  no- 

«  Ueber  die  Bcrliner  und  die  Vaticanischen  Blàtter  der  àîtesten  Handscltrift 
des  Virgil;  Berlin,  1863,  in-4°.  C'est  un  extrait  des  Wémoires  de  l'Académie 
de  Berlin,  année  1863  ;  un  supplément  a  paru  dans  le  compte  rendu  mensuel 
des  travaux  de  celte  Académie,  séance  du  21  avril  1864. 


266 

tice  n'est  guère  moins  exlraoïillnaire,  11  s'agit  du  recueil  des 
œuvres  de  saint  Avit,  écrit  sur  papyrus,  au  sixième  siècle. 

Jusqu'à  ces  derniers  temps,  la  Bibliothèque  impériale  en 
possédait:  1°  sous  le  n.  8913  du  fonds  latin,  quatorze  feuillets 
plus  ou  moins  mutilés;  2°  sous  le  n.  8914  du  même  fonds, 
une  trentaine  de  lambeaux  qui  ont  jadis  appartenu  à  des  feuil- 
lets dont  le  sort  nous  est  inconnu. 

Tous  ces  fragments  sont  depuis  longtemps  a  la  Bibliothèque, 
quoiqu'ils  ne  figurent  pas  sur  h  s  anciens  catalogues.  Ils  sont  cités 
comme  conservés  à  la  bibliothèque  du  roi,  par  D.  Ruinart  en 
1689  ',  par  Mabillon  en  1704  '^  et  par  les  auteurs  du  Nouveau 
traité  de  diplomatique  en  1754  ^.  Ils  avaient  précédemment 
fait  partie  de  la  bibliothèque  du  président  de  Thou.  C'est  là 
qu'ils  furent  étudiés  par  le  P.  Sirmond,  qui  en  donna  de  courts 
extraits  dans  son  édition  de  saint  Avit,  imprimée  en  1643  et 
reproduite  en  1696  dans  le  second  volume  desOEuvres  du  sa- 
vant jésuite.  C'est  également  chez  de  Thou  que  Jérôme  Bignon 
dit  avoir  trouvé  ces  curieux  débris,  dont  il  fit  une  copie,  qui 
fut  revisée  par  Bigot,  et  qui,  tombée  dans  les  mains  de  Baluze, 
entra  à  la  bibliothèque  du  roi  en  1719  \ 

Les  travaux  de  Sirmojid  et  de  Bignon  ne  prouvent  pas  seu- 
lement que  les  fragments  de  saint  Avit  appartenaient  à  la  fa- 
mille de  Thou  dans  la  première  moilié  du  XVIP  siècle;  ils 

'  «  Has  aiUem  sctiedas  quœ  in  bibiiotheca  regia  modo  asservantur,  vivente 
adtiuc  Avito,  aut  saltem  paullo  post  ipsius  obitum  scriptas  fuisse  affirmant 
qui  eas  inspexenmt  viri  peritissimi.  »  Acta  sincera,  éd.  de  1731,  p.  238, 
col.  2. 

*  «  Duo  codices,  unus  bibliothecœ  regias,  Avili  homilias  continens...»  Li- 
brorum  de  re  diplom.  supplementum,  p.  10. 

'  «  La  première  espèce  (d'écriture  gallicane  cursive)  peut  être  appelée 
romano-gallicane,  tant  elle  approche  de  la  cursive  romaine  la  plus  élégante, 
la  plus  hardie  et  la  plus  majestueuse  !  Le  modèle  que  nous  en  donnons  d'a- 
près D.  Mabillon  est  tiré  du  célèbre  manuscrit  de  saint  Avit,  en  papier  d'E- 
gypte, de  la  bibliothèque  du  roi.  »  Nouveau  traité  de  diplom.,  III,  422. 

■*  La  copie  de  Bignon  occupe  les  feuillets  71  à  78  du  volume  297  de  la 
collection  de  Bahize. 


267 

montrent  encore  que  dès  cette  époque  le  manuscrit  ne  se  com- 
posait que  de  quatorze  feuillets. 

Rien  ne  pouvait  faire  espérer  la  découverte  de  nouveaux 
morceaux  de  ce  manuscrit  quand,  au  mois  de  janvier  dernier, 
un  des  hommes  de  service,  attachés  au  déparlement  des  ma- 
nuscrits, Emile  Dambreville,  m'annonça  tout  joyeux  qu'il  ve- 
nait de  trouver  «  quelque  chose  de  bon  »  :  en  même  temps  il 
me  montrait  un  feuillet  de  papyrus,  admirablement  conservé, 
que  je  reconnus  sur  le  champ  pour  appartenir  à  notre  manus- 
crit de  saint  Avii.  Ce  nouveau  feuillet  a  été  aussitôt  rapproché 
des  quatorze  feuillets  que  la  Bibliothèque  impériale  possédait 
anciennement;  il  forme  aujourd'hui  la  feuille  15  du  manuscrit 
latin  8913. 

Le  volume  dans  lequel  Emile  Dambreville  avait  fait  cette 
importante  trouvaille,  est  le  manuscrit  latin  11859,  jadis  n** 
113  du  fonds  français  de  Saint-Germain.  C'est  un  grand  in- 
folio, rempli  des  travaux  d'un  savant  médecin  du  seizième  siècle, 
Jacques  Daleschamps,  sur  l'ornithologie.  Il  est  entré  a  la  Bi- 
bliothèque nationale  en  1795,  et  il  n'est  pas  admissible  que  ce 
soit  depuis  cette  époque  qu'on  y  ait  placé  un  feuillet  de  papyrus, 
dont  aucune  note  d'ailleurs  n'atteste  l'entrée  ou  la  présence  à 
la  Bibliothèque. 

Le  manuscrit  de  Daleschamps  fut  conservé  à  l'abbaye  de 
Saint-Germain-des-Prés,  depuis  1715  jusqu'à  la  Révolution. 
Ce  n'est  pas  non  plus  à  cette  période  que  l'on  peut  rapporter 
l'insertion  du  feuillet  de  papyrus  dans  le  manuscrit.  Les  Béné- 
dictins, qui  faisaient  un  si  grand  cas  des  fragments  de  saint  Avit, 
conservés  à  la  bibliothèque  du  roi,  auraient  été  trop  fiers  d'en 
posséder  un  feuillet  dans  leurs  collections  pour  ne  pas  le  men- 
tionner sur  leurs  catalogues  et  pour  ne  pas  le  citer  de  préfé- 
rence aux  fragments  de  la  bibliothèque  du  roi. 

Avant  d'arriver  à  Saint-Germain,  le  manuscrit  de  Dales- 
champs faisait  partie  de  la  bibliothèque  de  Se^uier.  Je  croirais 
encore  difficilement  que  les  bibliothécaires  du  chancelier  n'eus- 


268 

sent  pas  apprécié  la  valeur  d'un  antique  feuillet  de  papyrus  s'ils 
en  avaient  eu  connaissance,  et  je  doute  fort  qu'on  doive  leur  en 
attribuer  l'introduction  dans  le  volume  de  l'Ornilholos^ie  de 
Daleschamps.  Nous  sommes  donc  amenés  a  supposer  que  le 
feuillet  dont  il  est  ici  question  s'y  trouvait  déjà  quand  Seguier 
en  devint  propriétaire. 

Il  importe  de  faire  observer  que  le  manuscrit  de  Daleschamps 
venait  de  Lyon.  Sur  le  premier  feuillet  on  a  tracé  une  note  qui 
est  aujourd'hui  eu  partie  déchirée,  mais  dont  les  mots  suivants 
sont  encore  parfaitement  lisibles:  «  AcheptéàLyon  des  héritiers 

de  Rouille  q cinq  livres  Tan  1626,  revenant  d'Italie.  DE 

SAINT  BASILE  ».  D'autre  part,  il  est  certain  que  les  fragments 
de  saint  Avit  recueillis  par  le  président  de  Thou  appartenaient 
primitivement  à  l'église  Saint-Jean  de  Lyon.  A  cet  égard,  le  té- 
moignage de  Guillaume  Paradin  ne  laisse  aucune  espèce  de 
doute.  «  Je  ne  veux  omettre,  écrivait  cet  historien  en  1573  *, 
qu'en  l'église  de  Sainct  Jean  se  trouvent  certains  livres  fort  an- 
tiens,  escrits  en  escorce  d'arbre,  dont  l'un  est  lisable  et  contient 
un  commentaire  sur  les  psalmes:  l'autre  qui  n'est  relié,  ains 
lacéré  et  imperfait,  est  escrit  en  caractères  antiques,  et  qui  bon- 
nement ne  se  peuvent  lire,  combien  que  la  lettre  soit  belle  et 
nette,  et  semble  à  plusieurs  qui  ne  sont  stilez  à  tels  caractères 
que  ce  soit  lettre  grecque,  mais  véritablement  ce  sont  lettres 
latines,  dont  la  forme  est  dissemblable  aux  nostres,  pour  la  di- 
versité des  caractères,  qui  fait  que,  quelque  bon  esprit  que  ce 
soit,  il  luy  seroit  mal  aisé  d'en  lire  une  page  en  huict  jours.  A 
la  vérité,  ce  sont  des  œuvres  d'Aviius,  archevesque  de  Vienne, 
qui  florissoit  environ  l'an  cinq  cens  et  vingt.  Car  il  y  a  une 
homélie  de  la  conversion  de  Lenteildis,  sœur  germaine  du  roy 
Clovis,  laquelle  fut  lors  convertie  de  l'hérésie  arrienne  a  la  vraye 
et  catholique  chrestienne.  Il  y  a  plusieurs  autres  traictez,  mons- 
Irans  manifestement  que  ce  sont  des  œuvres  d'Alciraus  Avitus, 

'  Mém.  de  l'hist.  de  Lyon,  p.  103. 


269 

insigne  iliéologien  el  excellent  poêle,  lequel  est  nommé  en  l'un 
d'iceux  livres,  en  une  épislre,  de  laquelle  le  litre  est  kl  :  Avilus 
episcopus  papœ  ConstantinopoUtano.  Il  y  a  aussi  une  omélie  pro- 
noncée quand  un  grand  seigneur  de  Lyon,  nommé  Sigislriciis, 
el  sa  sœur  furent  convertis  de  l'hérésie  arrienne.  Aucuns  onl 
estimé  que  ces  livres  sont  de  toille,  les  autres  de  joncs  du  Nil, 
parce  qu'il  semble  qu'il  y  a  des  filamens;  il  y  en  a  qui  onl  opi- 
nion que  ce  sont  petites  pièces  de  bois,  collées  el  rapportées 
l'une  à  l'autre,  car  il  y  en  a  aucunes  qui  semblent  se  décoller, 
el  ne  peut  on  bonnement  deviner  ce  que  c'est.  Tant  il  y  a  que 
c'est  chose  vénérable  et  digne  d'être  conservée  pour  la  révé- 
rence de  l'antiquité.  » 

N'y  a-l-il  pas  lieu  de  conjecturer  que  le  manuscrit  de  saint 
Avit,  sorti  de  la  bibliothèque  de  Saint-Jean  de  Lyon,  vers  la  fin 
du  XVP  siècle,  aura  été  dépecé  dans  cette  ville,  que  le  prési- 
dent de  Tliou  en  aura  acquis  le  fragment  le  plus  considérable, 
composé  de  quatorze  feuillets  et  d'une  trentaine  de  lambeaux; 
qu'un  amateur  lyonnais  s'en  sera  procuré  un  feuillet,  dont  il 
aura  cru  mieux  assurer  la  conservation  en  le  plaçant  dans  un 
volume  de  grand  format,  tel  que  l'Ornithologie  de  Daleschamps; 
el  que  le  reste,  c'est-a-dire  trente  feuillets  au  moins,  aura  été 
dispersé  ou  détruit? 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  savants  pourront  désormais  étudier  h 
la  Bibliothèque  impériale  un  quinzième  feuillet  de  saint  Avit, 
dont  l'intérêt  est  pour  le  moins  égal  à  celui  des  quatorze  feuillets 
anciennemeni  connus. 

Le  recto  du  nouveau  feuillet  est  à  peu  j)rès  eniièrement  oc- 
cupé par  la  fin  d'une  homélie  qui  dut  être  prononcée  à  la  fon- 
dation d'un  établissement  religieu.x  et  charitable.  Vient  ensuite 
un  titre  ainsi  conçu  : 

'  DICTA  IN  DEDICATIONE  BASILIGAE  QUAM  MAXI- 

'  Dans  la  marge,  en  regard  de  ce  titre,  est  tracée  uue  croix  aux  bras  de 
laquelle  sont  suspendus  l'alpha  et  loméga.  Ce  signe  se  rencontre  plusieurs 


270 

MUS  EPISCOPUS   IN   JANAVIN[SISJ    URBIS  OPPIDO 
CONDEDIT '  DISTRUCTO  INiBI  FANO. 

Nous  avons  donc  sous  les  yen:;  le  discours  prononcé  par  saint 
Avit  à  la  dédicace  d'une  basdique  que  l'évêque  Maxime  avait 
fondée  à  Genève,  en  remplacement  d'un  lemple  païen  qui  venait 
d'être  supprimé.  Le  prélat  commence  par  rappeler  une  fête  qui 
avait  eu  un  grand  retentissement  dans  le  royaume  des  Bour- 
guignons, la  consécration  du  monastère  d'Agaune^;  puis  il  se 
félicite  des  progrès  de  la  vraie  religion  et  de  l'affaiblissement  de 
l'hérésie  arienne.  La  cérémonie  à  laquelle  il  assiste  lui  cause  un 
surcroit  de  bonheur.  Quoi  de  |)lus  heureux  que  la  transformation 
d'un  temple  païen  en  une  basilique  chrétienne?  Au  culte  des  idoles 
va  succéder  la  vénération  des  martyrs.  D'une  semence  de  mort 
vont  sortir  des  Truits  de  vie.  C'est  déjà  beaucoup  de  détruire  un 
poison  :  qu'est-ce  donc  de  le  changer  en  un  remède?  Los  épines 
sauvages  vont  se  métamorphoser  en  fleurs  aux  plus  belles  cou- 
leurs et  aux  plus  suaves  parfums.  Qu'importe  s'il  y  avait  là  un 
affreux  buisson  dont  personne  ne  pouvait  s'approcher  sans  être 
blessé?  Désormais  on  n'y  apercevra  plus  que  les  roses  les  plus 
délicates. 

La  page  se  termine  par  les  premiers  mots  d'une  comparaison 
empruntée  au  voyage  d'Israël  vers  la  terre  promise:  Sic  quon- 
dam  clumpriscus  Hisrahilila  terram  repromissionis  expeterit^  are- 
fois  dans  les  fragments  du  manuscrit  de  saint  Avit,  et  notamment  sur  le 
lambeau  qui  est  coté  16  dans  le  n^  8914  du  fonds  latin. 

'  Ici,  deux  ou  trois  mots  ont  disparu;  on  distingue  encore  la  partie  supé- 
rieure de  plusieurs  lettres  dont  ces  mots  étaient  composés.  On  pourrait  à  la 
rigueur  proposer  de  lire  :  IN  ag...  ad  senestrum. 

-  Le  sens  des  mots  inslitiiiio  Acaunenshim  est  parfaitement  clair;  mais  je 
ne  sais  comment  expliquer  les  mots  Namasce  dedccalio;  je  ferai  cependant 
remarquer  que  Namasce  rappelle  tout  naturellement  le  nom  d'un  des  suc- 
cesseurs de  saint  Avit,  Namatius,  dont  répitaphe  nous  est  parvenue  (Du- 
chesne,  Scriptores,  1,516)  et  dont  il  est  question  dans  les  poésies  de  Fortunat 
(IV,  xxvii). 


271 

dam  squalentemqiie  herimi —  J'ai  constaté  que  la  suite  de  cette 
phrase  se  trouvait  sur  un  des  feuillets  anciennemeot  connus, 
celui  qui  est  coté  6,  et  qui  a  été  monté  à  l'envers,  c'est-h-dire 
que  le  relieur  en  a  pris  le  verso  pour  en  faire  un  recto,  et  réci- 
proquement. Ce  feuillet  commence  par  les  mots  faciem  cœlestis 
cihi  candor  aspersit,  qui  sont  le  complément  naturel  de  la  phrase 
restée  inachevée  au  bas  du  feuillet  nouvellement  découvert: 
c'est  ainsi  qu'autrefois,  quand  le  vieil  Israël  se  dirigeait  vers  la 
terre  promise,  la  blancheur  d'une  nourriture  céleste  couvrit  la 
face  aride  et  hideuse  du  désert.  C'est  ainsi  que  du  rocher  jaillit 
une  eau  vivifiante.  Mais  à  quoi  bon  vanter  les  miracles  de  Moïse 
et  ceux  d'Elysée.^  Votre  pontife,  s'écrie  saint  Avit,  en  montrant 
aux  Genevois  l'évèque  Maxime,  votre  pontife  vient  d'accomplir 
d'aussi  grandes  merveilles.  En  effet,  y  a-t-il  plus  de  mérite  à 
convertir  des  créatures  par  la  prière  qu'à  introduire  le  Créateur 
dans  un  édifice  d'oii  son  ennemi  vient  d'être  chassé.^  A  la  vé- 
rité, les  Ariens  qui  noiss  entourent  vont  désormais  se  substituer 
aux  Gentils.  S'il  liy  a  plus  de  païens  pour  adorer  plusieurs  dieux, 
nous  verrons  la  désolation  de  l'hérétique  qui  ne  veut  pas  qu'on 
prie  un  Dieu  un.  Lui  qui  divise  la  Trinité  aime  la  multiplicité 
des  dieux  et  fait  cause  commune  avec  ceux  qui  se  créent  une 
foule  de  divinités.  Mais  pourquoi  se  plaindrait-il?  Personne  n'est 
écarté.  Que  ceux  qui  sont  encore  engagés  dans  la  voie  de  la 
perdition  prennent  leur  part  aux  biens  des  fidèles  qui  marchent 
dans  la  voie  du  snlut.  Nous  condamnons  les  édifices  des  cultes 
profanes,  mais  nous  livrons  des  temples  aux  fauteurs  de  ces 
cultes  qui  se  convertiront.  Que  ceux  donc  qui  aimaient  la  di- 
vinité divisée,  viennent  l'adorer  ici  dans  son  unité  !  Que  ceux 
qui  vénéraient  des  pierres,  reconnaissent  maintenant  le  Christ 
pour  le  fondement  de  leurs  croyances!  L'autel  des  sacrilèges  est 
tombé  ;  un  autel  s'élève  pour  les  sacrifices.  Le  nom  est  le  mê- 
me, mais  l'objet  est  bien  différent.  Le  serpent  d'airain  a  guéri 
les  morsures  du  serpent  de  feu.  Nos  adversaires  ont  cédé.  Ils 
ont  dû,  malgré  eux,  souffrir  un  bonheur  qu'ils  ne  méritaient  pas 


272 

d'offrir.  On  dirait  qu'ils  jouent  le  rôle  des  corbeaux  du  pro- 
phète Hélie.  L'orateur  termine  son  discours  par  une  péroraison 
dans  laquelle  il  résume  les  motifs  que  toute  l'assistance  a  de 
s'abandonner  à  des  transports  d'allégresse  *. 

La  date  de  l'homélie  qui  vient  d'être  analysée,  et  dont  le 
texte  est  reproduit  plus  bas  ^  peut  être  aproximativement  fixée 
à  l'année  516,  c'est-à-dire  à  l'époque  de  la  consécration  du 
monastère  d'Agaune,  mentionnée  dans  les  premiers  mois  du 
discours.  L'évêque  Maxime  qui,  dans  cette  circonstance,  reçut 
les  félicitations  de  saint  Avit,  figure  dans  plusieurs  documents 
authentiques,  depuis  516  jusqu'en  533  %  dates  qui  sont  bien 
en  rapport  avec  la  durée  de  l'épiscopat  de  saint  Avit  (de  490 
à  525). 

Ce  fut,  selon  toute  apparence,  sous  le  pontificat  du  même 
évêque,  que  fut  célébrée  à  Genève  une  autre  dédicace,  à  la- 
quelle saint  Avit  prit  également  pari.  Il  y  prononça  une 
homélie,  dont  quelques  passages  ont  été  publiés,  mais  dont 
l'ensemble  n'a  pas  encore  été  mis  au  jour.  C'est  une  lacune 
qu'on  peut  essayer  de  combler  à  l'aide  des  feuillets  recueillis 
par  de  Thou.  Au  haut  du  feuillet  4,  on  lit  ce  titre,  qui  a  été 
incomplètement  donné  par  Sirmond,  mais  que  les  principaux 
historiens  de  Genève  *  ont  connu  d'après  une  note  de  Gode- 

*  La  fin  du  feuillet  6  est  remplie  par  le  commencement  d'une  homélie  in- 
tulée  :  DICTA  IN  BASILIGA  SANGTI  PETRI  QUAM  SANGTUS  EPISGOPUS 
TARANTASIA  CONDEDIT. 

°-  Appendice,  n''  I. 

^  Voy.  les  textes  rapportés  dans  le  Hégeste  genevois,  p.  18  à  22. 

■*  On  lit  dans  Y  Histoire  de  Genève  par  Spon  (éd.  de  1730,  t,  I,  p.  24, 
note  h)  :  «  L'armée  de  Clovis  courut  tout  le  royaume  de  Bourgogne,  où  elle 
fit  des  ravages  épouvantables.  Genève  fut  envelopée  dans  cette  commune 
disgrâce.  Les  François  saccagèrent  cette  ville  et  y  brûlèrent  une  église.  C'est 
ce  qui  paroit  par  le  titre  d'une  homélie  d'Avitus,  archevêque  de  Vienne,  que 
ce  prélat  prononça  en  la  dédicace  de  cette  même  église  quand  elle  fut  réparée. 
Ce  titre  étoit  conçu  en  ces  termes  :  Dicta,  etc.  Godefroi,  dans  ses  mémoires, 
cite  ce  titre  de  cette  manière,  qu'il  a  tiré,  comme  il  dit,  d'un  manuscrit  en 


273 

!Voi  '  :  DICTA  IN   DEDICÂTIONE   BASHJCE  GENOVA 
QUAM  HOSTIS  INCENDERAT. 

A  celte  homélie  npparticnt  incontesiablenient  une  page  du 
i'eiiillet  4,  peut-être  aussi  la  seconde  page  du  même  feuillet,  et 
selon  tonte  vraisemblance,  les  denx  pages  du  feuillet  12.  J'ai 
ilonc  cru  devoir  ajouter  à  la  fin  de  cetie  notice  "  la  transcription 
(le  ce  qui  peut  êîre  lu  sur  les  feuillets  4  et  12.  C'est  an  feuillet 
12  que  le  P.  Sirmond  a  emprunté  les  lignes  qui  forment  les 
n.  III  et  IV  de  ses  fragments  des  homélies  de  saint  Avit,  et  les 
historiens  de  Genève  avaient  déjà  soupçonné  que  le  quairième 
fragment  se  rapportait  à  la  dédicace  de  leur  église;  mais  ils 
n'ont  élevé  aucune  prétention  sur  le  troisième.  Ce  dernier  ne 
peut  cependant  pas  être  séparé  du  quatrième  :  il  suftit,  pour 
s'en  convaincre,  de  voir  comment  les  deux  morceaux  se  font 
suite  dans  le  manuscrit  original. 

On  a  encore  voulu  attribuer  à  l'église  de  Genève  la  seconde 
partie  du  premier  fragment  de  Sirmond  ;  mais  celte  attribution 
est  fort  incertaine,  puisque  le  feuillet  14,  d'où  le  savant  jésuite 
a  tiré  les  deux  parties  de  son  premier  fr?gaient,  ne  porte  au- 
cune trace  de  titre  et  qu'il  n'y  a  guère  moyen  d'y  voir  la 
suite  d'une  des  homélies  dont  les  sujets  sont  incontestablement 
connus. 

Encore  bien  que  j'élève  des  doutes  sur  l'attribution  faite  à 


écorce  d'arbre,  qui  étoit  dans  la  bibliothèque  du  président  de  Thou  et  que 
ce  magistrat  lui  avoit  communiqué.  »  Conf.  les  auteurs  cités  dans  le  Réjeste 
f/enevois,  p.  19. 

'  Voici  le  texte  même  de  la  note  de  Godefroi,  qui  est  conservée  aux  Ar- 
chives de  Genève  et  dont  je  dois  la  communication  à  M.  Bordier  :  «  Je  trouve 
en  mesme  temps  que  Genève  fut  brûlée  par  une  incursion  des  François  sur 
les  Bourguignons,  ce  que  j'apprends  d'une  homélie  d'Avitus,  archevêque  de 
Vienne,  qu'il  prononça  en  la  dédicace  d'une  église  de  Genève,  et  que  j'ai 
descripte  d'un  manuscrit  en  escorce  d'arbre  de  la  bibliothèque  de  feu  M.  le 
président  de  Thou,  mon  cousin  :  Dicta  in  (ledkationr  hnsilkœ  Geneva  guam. 
hostis  incenclerat.  » 

'  Appendice,  n"  11. 


274 

l'église  de  Genève  de  la  seconde  partie  du  premier  fragment 
de  Sirmond,  on  me  permettra  d'appeler  l'attention  des  archéo- 
logues sur  ce  texte,  qui  n'a  point  encore  été  publié  dans  son 
intégrité  *,  et  qui,  malgré  les  mutilations  qu'il  a  subies,  n'est 
peut-être  pas  a  dédaigner  pour  l'histoire  de  l'archiieclure  au 
sixième  siècle.  On  y  voit  que  les  basiliques  voûtées  étaient  alors 
un  sujet  d'admiration. 

Du  passage  relatif  aux  voûtes,  le  P.  Sirmond  n'a  donné  que 
dix-neuf  mots,  pris  un  peu  au  hasard  et  ne  formant  point  un 
sens  complet.  C'est  un  exemple  qui,  joint  aux  précédents, 
montre  que  nos  fragments  de  papyrus  ont  encore  été  fort  im» 
parfaitement  explorés  ^  Heureusement,  nous  ne  tarderons  sans 
doute  pas  a  jouir  de  l'édition  qu'en  a  préparée  le  docteur  Nolté, 
et  dans  laquelle  pourra  trouver  place  le  morceau  dont  le  ha- 
sard vient  de  nous  révéler  l'existence. 


*  Voy.  plus  bas,  Appendice,  n"  III. 

^  Ces  fragments  n'ont  pas  été  mis  à  profit  par  les  auteurs  des  trois  mono- 
graphies dont  saint  Avit  a  été  l'objet  dans  ces  dernières  années  et  dont  voici 
les  titres  :  Suint  Avite,  évéqiie  de  Vienne,  sa  vie  et  ses  écrits,  dissertation  pré- 
sentée à  la  Faculté  de  philosophie  et  lettres  de  l'Université  catholique  de  Louvain, 
par  M.  l'abbé  P.  Parizel  (Louvain,  1859,  in-S"  de  328  pages);  —  De  sancli 
Avili  Viennœ  episcopi  operibus  commentariuni ;  thesim  facultati  litierarum 
Parisiensi  proponebat  Victor  Cucheval  (Paris,  1863,  in-8*^  de  112  pages);  — 
Notice  sur  saint  Avite.  évêque  de  Vienne,  lue  à  l' Académie  des  sciences,  belles- 
lettres  et  arts  de  Lyon  dans  la  séance  du  12  mai  1863,  par  iM.  A.  de  Lagre- 
vol  (Lyon,  1863,  in-8°  de  31  pages).  —  Le  fac-similé  et  la  lecture  des  feuil- 
lets 3  et  9  des  fragments  ont  été  publiés  en  1840  dans  le  fascicule  in-folio 
intitulé  :  Chartes  et  manuscrits  sur  papyrus  de  la  bibliothèque  royale,  collection 
de  fac-similé  accompagnés  de  notices  historiques  et  paléographiques,  et  publiés 
pour  l'école  royale  des  chartes,  par  M.  Champollion-Figeac;  planches  XIII  et 
XVI. 


275 


I 


Fol.  15,  recto,  ligne  17. 

f  DICTA  IN  DEDICATIONE  BASILICAE  QUAM 
MAXIMUS    EPISCOPUS    IN    JANAVIN[SÏS] 

l'^UPiBIS    OPPIDO    CONDEDIT ") 

DISTRUC[TO]P  INIBI  FANO.  Dicta  omilia 
cum  de  iiistitutioiie|'°Acaunensium  revertentis  Na- 
masce  dedecatio  caelebrata  est, 

Fol.  15,  verso,  ligne  1. 

[af)  geiitebus  nobis  viarum  cursu  gratulationis  pro- 
cursum,  fit  continu]  "^atione  sollemni  quodam  modo  una 
fistivitas,  et  dum  ambolatur  de  virtujHebus  in  virtutis, 
quod  fatigat  deffecultas  itenerum,  consolatur  alacritas 
|*gaudiorum;  princepis  studio  sacerdotis,  anni  sucriscunt, 
animae  Deo,|^orationebus  loca,  premia  construentebus 
templa  mart} rébus.  Heretico  raris|^ceute,  profectus  religio- 
nis  adicetur  ;  dispendiis  perfidiae  fidis  ricta  ditatur.|Taene 
est  ut  in  praesentebus  jam  subradiit  quod  promittetur  in 
futuris  :  |  ®insertum  tritico  lolium  dograatis  arriani  proventu 
adseduae  separatiol'nis  ariscit;  servantur  manipoli  vincolis 

a)  Sans  rien  affirmer,  je  crois  distinguer  ici  les  restes  des  lettres  IN  AG.. 
AD  SENESTRUM. 

b)  Les  lettres  italiques  placées  entre  crochets  sont  restituées  par  conjec- 
ture. Les  lettres  ordinaires  placées  entre  crochets  m'ont  été  fournies  par  la 
copie  de  Bignon,  qui  a  étudié  les  quatorze  premiers  feuillets  du  manuscrit 
à  une  époque  où  ils  étaient  un  peu  moins  mutilés  que  de  nos  jours. 


276 

nllegati,  quos  poena  in  perenni|"'saeculo,  in  praesenti  con- 
burat  in^^idia.  Addit  hanc  etiam  aedis  hujus  commu|**tatione 
felici  de  sacrilegio  sanctitas,  de  vetustate  novitas,  de  eon- 
fusionej'^nobilitas.  Fructificat  locus  martyrum  quo  fluruit 
cultus  idolorum;  seraen|'^te  mortefera,  reditus  vitalis  ex- 
crevi t.  Magnum  erat  si  périssent  venena  :|**quanto  majus  est 
successisse  medicamina.  Regnavit  actinus  velut|*^in  campo 
maledictionis  incultae  spinarum  dinsa  concritio,  de  qua  ecce 
I  '  ''terrinis  pariter  satisfaciens  supernis ,  dilictabelis  tam 
odore  quam|  '^speciae  florum  décor  efflagrat,  nec  refert  acti- 
nus horrentem  rubum|"tactu  aspero  vicina  puncxisse,  de 
quo  tandem  rosae  blandeter  mollis|*"'centis  sero  pudore  qui- 
tus inrubuit.  Sic  quondam,  dum  priscus  Hisrahilip°ta  terram 
repromissionis  expeterit,  aredam  squalentemque  herimi 

Fol.  6,  verso,  1. 1 . 

faciem  caelestis  cibi  candor  aspersit.  Sic  lupis  eatinus 
cuictis  vitat[a  et  (?)]pinexperta  largum  sicientebus  pu- 
tum,  mullitum  duricia  naturalis  regore,|^profudit.  Quid**) 
mihi  laudet  antiquus  Moysen  suum  aquas  ab  aevo  aspe- 
|*ras  ligno  castigante  dulcasse?  Quid  Aelyseum  \irte 
non  inparem  agrestis^cibi  amaritudine  plénum  libetera 
medici  farris  infusione  condisse?  Haecl'^quidemgesta  exem- 
pli  aclmirabilis  fuisse  quis  nesciat?  Sed  non  menus  hodiae 
jVestro  datum  est  sacerdoti  quem  par  diversitas  felices 
éventas  parin  p[arJib[us]^)|*adprobabit,  cum  menoris  paene 
virtutis  sit  creaturas  orando  converterefquam  hoste  de- 
pulso  creatorem  hedebus  invitasse.  Inplet  hic  porro  genti- 
lùimp vices  vicinantium  arrianornm  tabedus")  libor,  et  si 

a)  Ici  commence  le  deuxième  fragment  de  Sirmond. 

b)  Parem  paribus,  Sirmond. 

c)  Titrhidiis.  Sirmond. 


277 

paganus  hic  forte  jam  deest|*'qui  pliires  Deos")  vcllit  ex- 
coli,  gemet  hereticus  qui  uniim  conspecit  exorari.  Dili|"git 
quippe  Trinitatis  diviso^)  nummerositatem  Deoruni,  et  con- 
sanguene[o  se]|"parationis  affectu,  pariter  soliditate  per- 
rupta,  miiltos  Deos  fieri  [a  consenta]  |  '  *iieis  adquiescit,  sub 
quorum  fabore  quasi  excusabileter  ipse  tris  n[unie]|"ri[t]. 
Quid  ingemiscat  Christi  vacuus  nominatur  locum  uominebus 
interclu[sum]"^patuisse  virtutebus?  Nullus  a  salutis  con- 
sortio  prohebetur.  Sit  eis  pare[ter]j  "commune  cum  salvis 
quod  actinus  nostrum  noluemus  esse  cum  perd[itis].|"*  Pro- 
fanis  cultibus  claustra  damnamus  ;  conversuris  cultorebus 
templ[a  pate]|'''facimus.  Expetat  ergo  hic  solidum  quis- 
quis  amaverat  ante  divisum.  Recogp"nuscat  [nun]c  Chris- 
tum  petram  quisquis  hic  dudura  saxa  veneratus  est. 

Fol.  6,  recto,  1. 1. 

[Sajcrilegiis  ara  périt,  venit  ara  sacrificiis.  Nomen  unum, 
causa  diversa  est^Medetur  serpens  hereus  quo  raomordit 
ignitus'').  Cessit  constrictioiii  locum.  |'[Re  cogijtur  in- 
gratus,  et  indicta  sibi  necessitate  beneficii  quod  olïerre 
non  meruit|*[sed  sufjferre  quoactus  est.  Potes  corvos  Hel- 

sae  uostri  depulsus  frenato  guttore^ um  portitotis  cebo 

quem  concupierant  aliéna  magis  pavisse  jejunia.p[Lïet] 
imur  ergo  exultatione  concordi,  effectu  conditur,  concursor 

adsensu,  po|'[pulus]  lucro,  tellus  obs '^),  fedelis  ut  per- 

maneat,   ne  remaneat  infedelis,|** utilior  conversione 

dum  caedit,  quam  intentione  si  vincerit  agens|'"'[ver]itatis 

a)  Le  manuscrit  porte  ds  avec  un  signe  d'abréviation,  ce  qui  devrait  peut- 
être  se  lire  Deits  plutôt  que  Deos. 

b)  Pour  divisor,  leçon  que  Sirmond  a  adoptée. 

c)  Fin  du  deuxième  fragment  de  Sirmond. 

d)  Peut-être  faut-il  suppléer  obsequio. 

Tome  XV,  V' part.  19 


278 

capud  salutis  vinctum  beatitudiiiis  subjogatum  quaestuosa 
|*"[clel]ubri  sui  amissione  inultatus,  tum  se  antiqua  sede 
gaudeat  potuisse  de|"[pel]li,  cum  intellexerit  meliorebus 
Disi  pulsum  non  posse  restetui.  Finit. 


II 


Fol.  4,  ligne  1. 

t  DICTA   IN    DEDIGATIONE    BASILICAE    GE- 
NOVA«)  QUAM  H0SÏ[ÏS] 
MNC[ENDERAT]. 

''')Noviraus  et  miramiir  ex  evangelica  lictione  divitem^) 
*Zaclieum  quo  repentina  salus  domui  suae  fieri  nihil 
^beatitudinis  titulis  opinanti  in  sanctam  Christian 
*revocationis  adscitum  cum  videre  cupiens 
'corporis  exiguus  sed  arboris  edito  sublima 
Horum  tuentibus  humilis  celsus  imitan 
^habeo  melius  redimptorem  posse  cognusci  qu 
'"levassit  ascensus  huic  scilecit  dicetur  quod  in 
"  ut  ex  divite  mundi  spiritu  pauper  adcurrat  et  p 

a)  Les  cinq  premiers  mots  de  ce  titre  ont  été  publiés  par  Sirmond,  t.  il, 
col.  141. 

b)  Je  reproduis  ce  fragment  ligne  pour  ligne,  en  faisant  observer  que  dans 
le  manuscrit  de  saint  Avit  les  lignes,  quand  elles  sont  complètes,  renferment 
une  soixantaine  de  lettres.  On  peut,  d'après  cette  donnée,  calculer  ce  qui 
manque  au  bout  de  chaque  ligne. 

c)  Sirmond  a  reproduit  cette  première  ligne. 


îû 


279 

'^pauperuni  sensu  ditatus  oxcipiat.  Non  ergo  sp 
"pontefex  vester  nec  pro  similitudine  dispicia 
'  *emitatur  in  dispinsatione  substantiam  quin 
"i,'avisurus  exemple  non  detïiteatur  sequi  cuni 
"siquidem  nesciens  adsutnptus  est  iste  non  amb 
"elictus  est  iste  quia  nieruit  ille  provanda 
'"am  obtulit  hic  integram  voluntatem  magn 
*^tio  maximum  nostra  ibi  tune  quadroplum  p 
bat  hic  hodiae  centeplecatum  reddetur  quod 
'singol facta  percurram  hiudari  breviter 


Fol.  4,  verso  *. 

'  hic  cuhninebus  diversa  virtutis  mole  surgentebus 

^  [vejterum,  institutio  novitatum.  Sileantur  loca 

°  errori,  adjecta  veritati,  viduata  idulis,  disponsata 

*  diem  pertinet  presenti  gaudio  materia 

*  satistien  per  semet  ipse  se  satians  noo 
'  men  hic  mihi  quantum  reor  t....i 
'  tior  instemando  inmani  opère  par 

[imjperfectionem  sollicitudo  antestitis 
■'  [di]ri  per  unum  i*es  caelo  tam  digna  non 

[dijstribuco  et  transmissor  refulgit  et 


10 


a)  11  n'est  pas  certain  que  le  fi'aginent  consigné  sur  le  foi.  i  verso  fasse 
suite  au  fragment  qu'on  lit  au  fol.  4  recto.  11  est  permis  de  supposer  que  le 
relieur  a  renversé  le  feuillet  4,  comme  il  l'a  fait  pour  le  feuillet  6  ;  dans  cette 
hypothèse,  le  fol.  4  verso  contiendrait  la  tin  dune  homélie.  On  serait  tenté 
de  s'arrêter  à  celte  hypothèse,  en  considérant  que  la  dernière  ligne  n'a  pas 
été  achevée;  mais  c'est  une  particularité  qui  se  présente  dans  le  manuscrit 
de  saint  Avit  au  bas  de  pages  remplies  par  un  texte  dont  la  continuation  se 
trouve  à  la  page  suivante;  voyez,  par  e.vemple,  le  fol.  9. 


i>80 

[praejsul  iiiclete,  religionis  columen,  capud 

[sa]crificia  instruis  et  sacerdotia  nutris 

oblationum  premia  criscunt  mérita 

faecundum  mercedis  tuae  germen 

s  pridem  cum  coiisiusu  fidiliiim  populo 

efistis  antestetem  poscereris  nutabat 

[sojlatii  que  jacturam  conscientiam 

inpediret 


Fol.  12,  ligne  1. 

c  cum  quod  verba  non  expl[icant] — 

i^cofn]  generali'^)  exultatione  gaudendum 

est  quod  . .  j^florentibus  scyptris  catholicae  potestatis  oratio- 

num  loca,  martyrum  teml^pla,  liminum  sacra,  oruatur  oppida 

non  menus  aedibus  quam  patronis.piramo  potius  inlustratae 

patrociniis  fiunt  urbis  ex  oppidiis.  Quod  si  et  [^spéciales  fisti 

gaudium  praecunio  currente  tangamus.  Est  quidem'')  fapbrica 

praesens  jocunda  loco ,  iminens'')  fluvio    et  confragosum 

vicino  torl^rentis  tumultu'')  velut  inpendentis  reverentiae 

terrore  castigat.  Cohibetur|%'enerabilebus  ripis  amnis  arta- 

tus,  et  pendolam  interjecti  pontis  semi[tam]|'"ad  altrinsecus 

expetenda  sacrarum  culmenum  loca  substernit.  Aedis  s[uf] 

|'*ficiens  diffusioni  facta  est  angusta  conventui,  quaequae  sic 

jocundetate  li[a]|*^bitacoli  tam   terrestria  quam  superna 

sollicetans  cum  populo  suo  \ix|*'sufficiat,  suffecit  de  fabrica 

multifurmi.  Opeficium^)  ingenio  nitens   expoli[t]pnoctem, 

n)  Avec  le  mot  generali  commence  le  troisième  fragment  de  Sirmond, 

b)  Eijiiidem.  Sirmond. 

c)  Imminens.  Sirmond. —  Iminens  est  probablement  pour  eminens. 

d)  Vieilli  torrentis  tumiilttim.  Sirmond. 

e)  Siifficit  (le  fabrica.  Multiformi  opificvtn.  Sirmond. 


281 

adpolit  lucera.  Quicl  diu'')  tristibus  tenehris  arteficio  protur- 
batis  lae|'Hior  intra  quondam'')  claretatis  ergastolum  felici 
custudia  clausus  e[st]|"dies.  Sic  quondam  carcer  retificis 
Peti'i  pretiosum  legamenum  radio  inlu[s]  |  ' 'trante  resplen- 
duit,  cum  ferro  suppliciis  coaptatif  )  metallis  pretiosiorebus 
|**plus  lucerit,  |seiTae  fugereiit  patente  adetu,  catene  cade- 
rent  perstrepen[te]|*Henîietu'').  Sic  cum  vas  elictionis  lictione 
fidiliura  sensus  iiistruer[et]l 
Fol.  12,  verso,  1.  1. 

P sunt  quorum  hic  patrocinia  conlocam[u] 

|'[sat]ur  accepit  clavis,  adponat  hic  potestatem  lega 

....  commis|*sam  soluturus  exerceat.  Hic  Paulus  arrianam 
heresem  torpidam  frigore|'pericolosam  venenovelut  viperam 
mtjrdecus  dependentem  ignebus  praepdicationes  amburat 
adque  quantorum  libet  reliquias.  Constructor  eximiae  |  \gemi- 
nis  princepebus  cunctos  sanctorum  nummerus  coiitenetur. 
Gaude^]  igetur,|^invicte  mercatur,  dispensatione  commissa. 
Profer  de  thesauro  tuo  nova|''et  vetera,  institutor  rudium, 
labentium  restitutor.  Situna  in  multipHcip  [conjsecratione 
sollemnitas.  Erexisti  lacrimarum  machinis  quod  hostis  alli- 
P*[serat].  Rediitquae  perierat  furma templorum  ;  recurratet 
sanctitas.  Non  tu  traditam|*^[tib]i  minam  damnante  sudario 
terrinis  scrovibus  suffodisti,  nec  hoc  tantuni|"[co]ntentus 
reddere  quod  dudum  fuerat  consignatum,  illa  referens,  oife- 
rens  ista,|'*[u]t  frugem  primitiarum  melius  porregas,  prius 

a)  Qui  diu.  Sirmond. 

b)  Quoddam.  Sirmond. 

c)  Fernim  suppliciis  coaptatum.  Sirm. 

d)  Fin  du  troisième  fragment  de  Sirmond. 

e)  Le  mot  Gaude  commence  le  quatrième  fragment  de  Sirmond. 


282 

studiiisti  solvere  quod  clebebas.|*^Quocirca,  dilictissimi,  orate 
quod  superestut  si  quid  sacrum  furatur  adversitasl'^[Deo] 
ulciscente  sic  redeat;  in  miiltiplecis  fructiis  granum  tritici 
quod  mortuuni'')j''[pu]tabatnr  excriscat;  velnt  Job  nostri 
opes  inter  prilia  temptacionis  amissasj'^[v]ictnriae  merifum 
patientia  duplecante  restituât,  et  ut  breviter  cuucta|'^[co]n- 
cludam,  agnuscat  praesentibus  preteretisque  successibus 
tam  perpetransp"[quam]  tolerans  quam  in  aeternis  sabibris 
lacrimae  nostrae  erunt  tribuere  quas  videmus|*'[fide]lebus 
etiam  in  temporaneis  non  perii-e'').  [Finit.] 


m 


Fol.  14,  recto. 

'  magnitudinem  locis  quam  superi 
'gas  sollicitatum  arte  fulgorem  sursura 
'nescierat  expetisse.  Sic  alterne  temporum 
*gua  mundo  etiam  certa  domicilio  jocund 
''patiens  non  expectatur  aurora,  sed  sapitur 
"supernorum  dispendio  mittetur  dies  ut  non  m 
^tit  quam  hic  origenalia  plenus  inlustrit  no 
^reproductum  de  se  lumen  tenebris  fiamma  c   • 
'aedeficantis  inventio  arte  caelesti  nec  me 

'"contra  naturam  loca  refulsisse  quam  tempo 

..  [ut  in  cunctis]|"fabra  lignorum  lapis  saxis  unitus  admi- 

fl)  Matunun.  Sirmond. 

b)  Le  quatrième  fragment  de  Sirmond  s'arrête  ici. 


283 

nicolum  [ptibile  non]  ....  |"Vos  porro  conicete 

quantum  debeat  ad  pastus 

|"etiara  ex  his  quae  desunt  causam  venire  praecu[n] 

[absistente  aedif] p  *materiae  materiam  crevisse  dicendi. 

Soliditas")  [quae  faciendis  fabricis  in]|'^pnncipiis  quaeretur 
liic  et  culmen  obtenuit.  Fir[missimo  aliarum  aedium"]  |  '  "fun- 
damene  cacumina  nostra  tutiora  sunt,  sinu[atis  e  regione 
fornacibus]  I  '  Muni  se  per  totum  scripturae  arquatilis  nisus 
ob[jectu  mutuo  propellit]|**ac  sustenit,  absque  abitantum 

terrore,  pend[olae  libramine] |*^jacens  conpage  pon- 

deris  proprii,  quo  inagis  pr[emitur,  plus] j*"  Taceo 

hic  urbanam  dispositionem  part 


Fol.  14,  verso. 
'  ribus  margaritis  faciès  venustissime 

'  [b]us  facta  solacio  viantem  diligenssimo 

'  [r   nihil  praecor  invidias  saeculo  meo 

*  [q]uens  aetas  quod  veteriscere  non  potest  tu 
'  [tu]s  ad  comniendandum  perennitati  aedis  Imjus 
"  [ob]tutebus  totum  suffecit  tam  casibus  niliil  lice 
'  [q]uoque  tempora  quod  geratio  successura  mire 

*  conatibus  rudia  operum  sed  e  diverso  vincemus 
[mi]nus  est  nos  laborante  mundo  aliquanta  conce 

'  "  [ma]xema  peperisse.  Sic'')  quondam  Petrus 

apostolorum  ca|"[pud,  idest  pnncepumpnnc]eps  quamlibet 

a)  Le  bout  de  la  phrase  qui  commence  à  Soliditas  et  finit  à  tutiora  sunt 
forme  la  seconde  partie  du  fragment  de  Sirmond. 

b)  Commencement  de  la  première  partie  du   premier  fragment  de  Sir- 
mond. 


284 

commotum  ventis  pelagus  forraidaretp^[adreptum  tamenflu- 
vidi  t]enens'')  callein  victur  explecuit  adque  uudis  ponti 
luren|*Ttis  velut  hostiliuni  turbinum]  mollibus  eluctatis 
flatum  timptationis  adversae|'^[priusquam  sede  continger]it 
fede  coiitrivit;  secuta  est  illic  serenitas  iter  per|*'[actum. 
Hic  quoque  non  min] us  ad  liabitationem  quam  ad  imageiiem 
Pétri  aedem  lide|'"[fundatum  securitas  quaje  non  praeces- 
serat  insequetur.  Innovet  autem  idem  nunc|"[apostolus 
dignam  sui  nomi]nis  sedem!  Hisdem  clavibus  pandat  hic 
iocmn  quibus| '  '[aperit  regiium !  Solvat  nun]c  quae  sibi  osten- 

sae  fuerent  conpedes  criminum''j,  cum|  '  ' [prius  erga  j 

stolarium  reliquias  vincolorum  quorum  ferro  tacp" [loci 

congesta"!  sunt  regalis  auri  talenta  viluerunt  cum  inposita 

['-' crarentur]  instrumenta  supplicii,  cum  exclusum  ab 

hominibusi"'" rébus  manc  [ipat]. 


a)  Fluvidi  tenens.  Sirniond.  —  Flitvi  d'il  tenens.  Bignon. 

b)  Fin  de  la  première  partie  du  premier  fragment  de  Sirmond. 


BULLETIN 


DE    LA 


^ ^ 


SOCIETE  D'HISTOIRE  ET  D'ARCHÉOLOGIE 


MAI  1865 


PersonsteS  de  la  Société. 

Depuis  notre  dernier  Bulletin  (voyez  p.  145),  la  Société  a  perdu  deux 
I  de  ses  fondateurs  :  MM.  Jean  Picot  et  George  Mallet.  Chacun  d'eux  a 
été  l'objet  d'une  notice  lue  dans  nos  séances,  et  ces  notices  ont  été  im- 
primées. Nous  en  extrairons  ci-après  quelques  détails  en  les  complétant 
lau  point  de  vue  bibliographique. 

La  Société  a  eu  connaissance  du  décès  de  deux  de  ses  membres  cor- 
respondants :  MM.  le  comte  Costa  de  Beauregard   et  Charles  Mo^- 
NARD,  professeur. 
Elle  a  reçu  au  nombre  de  ses  membres  ordinaires  : 

18B4.     MM.  Grivel,  Adolphe. 

)i  Naville,  Albert,  licencié  es  lettres. 

'•  Paris,  Moïse. 

»  Odier,  Charles. 

«  Brocher-Duvillard,  Etienne. 

"  Reverdlx,  Ferdinand. 

1865.        )'  RiGAUD,  Charles, 

»  BizoT,  docteur-chirurgien. 

»  BoissiER,  .\génor. 


286 
186S.     MM.  MoTTU,  Charles. 

)i       OuiBLIER,  Louis. 

»     TuRRETTiM,  François. 

Elle  a  élu  membre  honoraire  M.  Louis  Sordet,  aucien  archiviste  à 
Genève,  et  membres  correspondants  : 

1864.  MM.  Herminjard,  Aimé. 

1865.  «     Delisle,  Léopold,  membre  de  l'institut,  à  Paris. 

"  PossELT ,  Maurice,  docteur  en  philosophie,  à  Saint- 
Pétersbourg. 

"  Wartmann,  h.  docteur  en  philosophie,  président  de  la 
Société  d'histoire  de  Saint-Gall. 


JEAIV  PICOT,  professeur. 

Jean  Picot,  né  le  6  avril  1777,  était  fils  de  Pierre  Picot,  pasteur  et 
professeur  de  théologie  à  Genève.  Il  fit  ses  études  dans  le  collège  et  dans 
l'académie  de  cette  ville,  et  fut  reçu  avocat  en  1798.  Bieniôt  après,  notre 
ancienne  république  étant  incorporée  à  la  France,  il  devint  l'un  des  admi- 
nistrateurs de  l'Hôpital  et  adjoint  du  maire.  En  1802,  il  fut  nommé  pro- 
fesseur d'histoire  générale  et  de  statistique,  et  donna  dès  lors  en  cettte 
qualité,  puis  plus  tard  comme  professeur  honoraire,  quelques  cours  sur 
diverses  branches  des  sciences  historiques.  Dès  1805  et  jusqu'à  la  Res- 
tauration, il  remplit  les  fonctions  de  conseiller  de  préfecture.  Lorsque 
Genève  eut  recouvré  son  indépendance,  M.  Picot  servit  encore  son  pays  : 
il  fit  partie  du  Conseil  représentatif  de  1814  à  1 837  ;  il  fut  juge  au  tribu- 
nal civil  et  à  celui  de  l'audience,  membre  de  la  Chambre  des  tutelles,  de 
la  direction  de  la  Bibliothèque  publique,  de  l'administration  du  Musée 
académique,  du  Consistoire  et  du  Comité  de  la  Société  pour  l'instruction 
religieuse  de  la  jeunesse.  Il  montra  dans  ces  différentes  fonctions  un  zèle 
intelligent  pour  tout  ce  qui  pouvait  contribuer  au  bien  public. 

M.  Picot  consacrait  ses  loisirs  aux  lettres,  à  l'histoire,  à  la  statistique, 
à  la  numismatique.  L'habitude  de  prendre  des  notes  sur  toutes  sortes  de 
sujets,  une  excellente  mémoire,  une  santé  qui  ne  fut  jamais  atteinte  par 
aucun  genre  d'excès,  une  sage  distribution  de  son  temps,  lui  avaient 


287 

permis  d'acqiK^iir  une  vaste  érudition,  rlont  il  no  faisait  aucnn  étalasse  et 
paraissait  à  peine  se  douter.  Sa  modestie  et  sa  simplicité  en  doublaient  le 
prix. 

Il  conserva  toutes  ses  facultés  jusqu'à  la  fin  de  sa  longue  et  studieuse 
carrière.  Il  est  mort  paisiblement  le  matin  du  8  décembre  dernier,  au 
moment  où  il  venait  de  prononcer  une  bénédiction  sur  ses  enl'ants  et  pe- 
tits-enfants réunis  autour  de  lui.  Il  était  dans  sa  quatre-vingt-huitième 
année. 

On  doit  à  M.  Picot: 

Quelques  considérai  ions  sur  la  cause  de  Vélaslicité  des  fluides  et  des 
solides.  Genève,  1795;  br.  in-i».  — Thèses  soutenues  publiquement  par 
l'auteur,  encore  étudiant. 

Histoire  des  Gaulois,  depuis  leur  origine  jusqu'à  leur  mélange  avec  les 
Francs  et  jusqu'au  commencement  de  la  monarchie  française.  Genève, 
1804-,  3  vol.  in-8«.  —  Le  Journal  des  Débats  rendit,  en  avril  1804, 
un  compte  rendu  favorable  de  cet  ouvrage. 

Tablettes  chroîiologiques  de  l'histoire  universelle,  sacrée  et  profane, 
ecclésiastique  et  civile,  depuis  la  création  du  monde  jusqu'à  l'année  1808, 
ouvrage  rédigé  d'après  celui  de  l'abbé  Lenglet  du  Fresnoy.  Genève,  1808, 
3  vol.  in-8<'.  —  M.  Picot  s'est  livré  à  un  travail  considérable  pour  cor- 
riger et  compléter  celui  de  Lenglet,  et  il  a  réussi  à  faire  un  ouvrage  utile 
et  très-commode  à  consulter. 

Histoire  de  ''encve,  depuis  les  temps  anciens  jusqu'à  nos  jours,  accom- 
pagnée de  détails  sur  les  antiquités  de  la  ville  et  de  son  territoire,  sur  les 
mœurs,  les  usages,  le  gouvernement,  les  lois,  les  monnaies,  les  progrés 
des  sciences  et  des  arts.  Genève,  1811  ;  3  vol.  in-8  .  —  Il  était  piquant 
de  voir  un  conseiller  de  préfecture  du  département  du  Léman  retracer 
l'histoire  de  l'ancienne  république  de  Genève.  L'auteur  sut  se  tirer  avec 
honneur  de  cette  entreprise,  sans  sacrifier  des  sentiments  qui  lui  étaient 
chers  et  sans  susciter  de  réclamations  de  la  part  du  gouvernement  fran- 
çais M.  Picot  s'est  appliqué  à  extraire  l'œuvre  manuscrite  de  Gautier  ; 
puis,  dès  le  moment  où  ce  guide  précieux  lui  a  manqué,  il  s'est  servi  des 
registres  ou  d'extraits  de  registres  du  Conseil.  On  peut  regretter  quil 
n'ait  pas  eu  plus  souvent  recours  aux  sources  originales  ;  mais  il  ne  faut 
pas  oublier  qu'à  celte  époque  elles  n'étaient  nullement  appréciées  et  étu- 
diées comme  elles  le  sont  aujourd'hui,  et  son  Histoire  de  Genève  est  restée 
un  travail  méritoire  et  intéressant. 

Essai  de  statistique  du  canton  de  Genève.  Zurich,  1817  ;  1  vol.  in-12. 


28S 

—  Ce  joli  petit  volume,  accompagné  de  carte,  vues,  etc.,  tut  publié  par 
les  libraires  Orell,  Fussli  et  G°  sous  le  titre  de  :  Etrennes  pour  le  canton 
de  Genève,  et  suscita,  de  la  part  du  clergé  catholique,  beaucoup  de  désa- 
gréments k  son  auteur,  bien  connu  cependant  par  sa  grande  modération. 

Statutifjiie  de  la  Suisse,  ou  état  de  ce  pays  et  des  22  cantons  dont  il  se 
compose,  sous  le  rapjiort  de  leur  situation,  de  leur  étendue,  de  leur  cli- 
mat, de  leur  population,  de  la  nature  de  leur  sol,  de  leurs  montagnes,  de 
leurs  lacs  et  rivières,  de  leurs  eaux  minérales,  de  leurs  produits,  de  leur 
histoire,  de  leurs  antiquités,  des  mœurs  et  du  langage  de  leurs  habitants, 
de  leurs  constitutions  politiques,  de  leurs  impôts,  de  leurs  revenus,  de 
leur  industrie  et  de  leur  commerce,  de  leurs  monnaies,  poids  et  mesures, 
du  culte  et  de  l'instruction,  de  leurs  établissements  publics  et  particu- 
liers, de  leurs  hommes  célèbres,  des  ouvrages  qui  les  concernent,  etc . 
Genève,  1819  ;  1  vol.  in-lâ".  --  2*^  édition,  1830,  in-lâ". 

Histoire  de  la  gravure  à  Genève.  —  Cet  ouvrage,  demeuré  manuscrit, 
est  souvent  mentionné  dans  le  Recueil  de  renseignements  sur  les  beaux- 
aits  à  Genève  de  M.  Rigaud.  (Voyez  notamment  Mémoires,  tomes  IV, 
l-epart.,  p.  65;  V,  id.,p.  S2,  71;  VI,  id.,  p.  4i,  91,  93.) 

Enfin  M.  Picot,  suivant  l'exemple  de  son  père,  a  consigné  dans 
un  journal  embrassant  une  période  de  70  années,  tous  les  faits  intéres- 
sants qui  se  sont  passés  sous  ses  yeux.  Peut-être  la  famille  de  MM.  Picot 
consentira-t-elle  à  déposer  dans  quelque  dépôt  accessible  au  public  un 
extrait  de  ces  précieuses  annales,  qui  comprennent  un  siècle.  Notre  véné- 
rable collègue  a  lui-même  fait  cet  extrait,  pour  la  période  de  la  domi- 
nation française,  et  en  avait  lu  plusieurs  fragments  dans  la  séance  du 
29  mars  1860.  Le  travail  de  M.  Picot  comprenant  un  cahier  in-l",  a  été, 
conformément  à  ses  instructions,  déposé  par  sa  famille  dans  la  bibliothèque 
de  la  Société  d'histoire. 


Né  à  Genève  en  juin  1787,  Jean-George  Mallet  suivit  dans  cette  ville 
le  collège  et  l'académie.  De  1810  à  1814,  il  fut  adjoint  du  maire  de  Ge- 
nève, M.  Maurice,  et  devint,  en  1816,  un  des  Auditeurs  nommés  par  la 
république  restaurée.  Mais  sa  carrière  publique  se  borna  à  ces  modestes 


2S9 

emplois,  et  il' ne  tarda  [)as  à  se  consacrer  complètement  aux  lettres  et  aux 
œuvres  philanlhropi(iues. 

Sa  première  publication  date  du  régime  français,  et  il  ne  posa  la  plume 
i|ue  peu  de  semaines  avant  sa  mort.  Une  de  ses  constantes  préoccupations 
lïitdefaireapprécier  et  aimer  son  pays,  de  peindre  les  mœurs  de  ses  habi- 
tants. Aussi  l'histoire  nationale  attira  de  bonne  heure  son  attention.  Dans 
Genève  et  les  Genevois,  publié  en  1814,  on  trouve  un  aperçu  de  l'histoire 
de  Genève,  principalement  extrait  de  l'ouvrage  publié  par  M.  le  professeur 
Picot,  son  beau-frère.  Dans  ses  récits  de  voyages,  les  souvenirs  histori- 
ques s'unissent  à  la  description  des  pays  qu'il  parcourt.  Plus  tard,  la 
forme  à  laquelle  il  donna  la  préférence  fut  celle  des  scènes  historiques, 
qui  lui  permettaient  de  dérouler  sous  les  yeux  du  lecteur  les  événements 
accomplis  durant  quelques  époques  décisives  de  notre  histoire,  et  surtout 
de  peindre  la  vie  intime  de  la  nation,  les  mœurs,  les  idées  dominantes. 
Un  procédé  analogue  fut  appliqué  à  divers  épisodes  de  la  Révolution 
française. 

Membre  de  notre  Société,  dès  son  origine,  George  Mallet ,  tout 
en  sympathisant  avec  les  travaux  de  ses  collègues  sur  l'histoire  poli- 
tique de  Genève,  s'attacha  surtout  à  relever  les  droits  de  l'histoire  anec- 
dotique  et  l'intérêt  des  travaux  biographiques.  Il  recommandait  à  ce  double 
point  de  vue  l'investigation  des  mémoires  de  famille  et  des  correspon- 
dances intimes.  Quelques  pages  insérées  dans  les  Mémoires  de  la  Société, 
renferment  le  programme  d'une  histoire  de  Genève  conçue  au  point  de 
vue  des  développements  religieux,  moraux  et  intellectuels.  Il  a  souvent 
en  outre  communiqué  à  la  Société  des  morceaux  qui  n'ont  point  été  li- 
vrés à  l'impression,  en  particulier  des  fragments  empruntés  à  ses  souve- 
nirs personnels. 

Le  patriotisme  élevé  de  M.  Mallet,  l'aménité  de  son  caractère,  sa  cor- 
diale bonhomie,  l'avaient  entouré  chez  tous  ses  concitoyens  d'une  grande 
considération,  et  lui  ont  permis,  dans  diverses  circonstances,  d'exercer 
une  influence  salutaire.  Il  concourut,  même  dans  un  âge  avancé,  à  fonder 
ou  à  diriger  plusieurs  institutions  philanthropiques  ou  religieuses.  Mais, 
depuis  quelques  années,  la  maladie  le  retenait  de  plus  en  plus  au  sein  de 
sa  famille  et  de  ses  amis,  et  il  s'est  éteint  le  H  février  186S. 

Les  ouvrages  et  opuscules  publiés  par  George  Mallet  sont  : 

Lettres  sur  la  route  de  Genève  à  Milan  par  le  Simplon,  écrites  en 
1H09  et  en  1810.  Genève,  1  vol.  in-12  ;  2«  édit.  1816. 

Genève  et  les  Genevois.  Genève,  18  U.  ln-12. 


2-30 

Voyage  en  Italie  dans  l'année  1815.  Genève,  1817  ;  in-S». 

Le  tour  du  lac  de  Genève.  Genève,  182i  ;  in-8°. 

La  lecture.  Bibliothèque  universelle.  Mai  1X33. 

Les  bains  de  Saint-Gervais.  Bibliothèque  univ.  Septembre  1833. 

Le  bateau  à  vapeur  du  lac  de  Genève.  Bibliothèque  univ.  Mai  1834. 

Bonivard  à  Ghillon,  scènes  de  l'histoire  de  Genève  en  1535  et  1536. 
Genève  1833;  in-12. 

Le  chfiteau  de  Brandis.  Genève,  1837  ;  2  vol.  in-12. 

Madelaine  Odermatl  ou  le  canton  d'Uri.  Genève,  1838  ;  in-12. 

Compte  rendu  du  premier  volume  des  Mémoires  et  documents  publiés 
par  la  Société  d'histoire  de  Genève.  Bibl.  univ.  1842.  —  Compte  rendu 
du  second  volume,  ibid.  1844. 

Aperçu  sur  l'histoire  de  Genève.  Mém.  de  la  Soc.  d'hist.  de  Genève, 
II.  1843. 

Le  château  de  Habsburg.  Album  de  la  Suisse  romande.  2^  année,  p.  103. 

Notice  sur  le  duc  Henri  de  Bohan.  Ibidem.  3*^  année,  p.  145  et  164. 

Le  capitaine  David.  Toulouse,  1S43;  in-18. 

La  nuit  du  12  décembre  1602  à  Genève.  Genève,  1846;  in-12. 

L'historien,  le  faiseur  de  mémoires  et  le  couleur.  Bibl.  univ.  Avril 
1847. 

Une  séance  de  la  Convention   Bibl,  univ.  Mai  1847. 

L'Abendberg.  Bibl.  univ.  .Juin  1847. 

Un  nuage.  Revue  suisse,  1850. 

M^n^  Elisabeth  Fry  et  M™«  de  Krûdner.  Revue  suisse,  1851. 

L'aumône  et  la  charité.  Étrennes  religieuses.  1833. 

Le  Conteur  genevois;  nouvelles,  souvenirs,  épisodes.  Paris.  1831  ; 
1  vol.  in-12.  (Cet  ouvrage  se  compose  d'articles  historiques  et  littéraires 
insérés  dans  la  Bibliothèque  universelle,  l'Album  de  la  Suisse  romande  et 
la  Revue  suisse,  de  1833  à  1830.  Ces  articles  n'ont  pas  été  indiqués  dans 
la  présente  liste.) 

La  restauration  de  Genève  en  1814.  Genève,  1854  ;  in-12. 

Souvenirs  des  séjours  de  M'"'^  de  Staèl  à  Genève.  Bibl.  univ.  Décembre 
1860. 

La  tille  du  syndic.  Souvenirs  de  l'ancienne  Genève.  Genève,  1862  ;  in-12. 

Un  dimanche  à  Genève.  Décembre  1864  ;  in-12. 


291 

iVIciuoiret^,  itappuias,  etc. 

Présentés  à  la  Société. 

Séance  du  29  septembre  1864.  —  Les  martyrs  de  Galabre,  par 
M.  Alexandre  Lombard  .  (Imprimé  dans  Choses  nouvelles  et  choses  vieilles. 
Lausanne,  1865.) 

Documents  divers  sur  Genève,  tirés  des  Archives  de  Lucerne,  par  M. 
Gh.  Le  Fort.  (Voyez  ci-dessus  p.  249.) 

Extrait  des  registres  duGonseil  privé  de  la  reine  Elisabeth  relativement 
à  un  secours  demandé  par  Genève,  en  1389,  communiqué  par  M.  Al. 
Lombard. 

Séance  du  27  octobre  1804.  —  Poésies  inédites  de  d'Aubigné,  com- 
muniquées par  M.  Gharles  PiEAD. 

Glassification  des  partis  politiques  à  Genève  dans  le  XVI"  siècle,  par 

M.  A.  ROGET. 

Note  sur  la  généalogie  de  la  famille  Rousseau,  par  M.  Th.  Heyer. 
{Journal  de  Genève  du  5  décembre  1864.) 

Fragments  du  Régeste  genevois,  relatifs  à  l'évêque  Aimon  de  Grand- 
son  et  h  l'enquête  dirigée  contre  lui  en  1227. 

Séance  du  24  novembre  1864.  —  Constitution  politique  de  Genève 
avant  la  Réforme,  par  iM.  Archinard. 

De  la  qualification  de  héros  décernée  par  l'histoire  ou  par  la  tradition, 
par  M.  le  D""  Du  Pin. 

Séance  du  8  décembre  1864.  —  Notices  biographiques  sur  Jean  Lui- 
lin  et  Girardin  de  la  Rive,  par  M.  Am.  Roget. 

Problème  relatif  à  la  famille  de  Faucigny,  par  M.  P.  Lullin.  {Indica- 
teur d'hist.  et  d'antiq.  suisses,  n°  4  de  1864,  et  Revue  suvoisienne  du 
1d  février  1865.) 

Récit  de  l'arrestation  de  Maret,  duc  de  Rassano,  à  AUaman,  en  1815, 
par  le  lieutenant  Etienne  Rordier;  communiqué  par  M.  Thioly. 

Rapport  de  M.  Gosse  sur  les  nouvelles  acquisitions  du  Musée  muni- 
cipal d'antiquités. 

Séance  du  12  janvier  1805.  —  Gom.pte  rendu  du  Président,  M.  Gh. 
Eynard,  sur  les  travaux  de  la  Société  pendant  l'année  1864,  renfermant 
une  notice  sur  M.  le  professeur  Jean  Picot.  (Cette  notice  a  été  imprimée 
par  l'auteur;  brocli.  in-8°.) 


^29-2 

Notices  biographiques  sur  Jean  et  Claude  Baud,  Guillaume  Hugues  et 
Jean-Louis  Ramel,  par  M.  Am.  Roget. 

Note  de  M.  Albert  Pictet  sur  des  antiquités  trouvées  à  Perly-Certoux 
en  18S6. 

Observations  sur  l'hiver  de  1 684  à  Lausanne,  par  le  professeur  Ré- 
becque;  communiquées  par  M.  Gaberel. 

Séance  du  26  janvier  1865.  —  Supplément  au  recueil  des  chartes 
inédites  relatives  au  diocèse  de  Genève  et  antérieures  à  1312,  par  MM.  P. 
LuLLiN  et  Ch.  Le  Fort.  (Voir  seconde  partie,  Préface.) 

Débris  de  l'industrie  humaine  trouvés  dans  la  caverne  de  Bossey,  par 
M.  F.  Thioly  (Voyez  ci-dessus  page  232). 

Notes  de  M.  Archinard  sur  une  comédie  qui  fut  jouée  à  Genève  avec 
le  consentement  de  Calvin. 

Extraits  des  registres  du  Conseil  sur  les  représentations  scéniques  à 
Genève,  depuis  le  milieu  du  XVl*^  siècle  jusqu'à  l'arrivée  de  Voltaire,  par 
M.  Th.  Heyer. 

Plan  d'attaque  contre  Genève  en  1782,  dessin  communiqué  et  donné  à 
la  Société  par  M.  de  Candolle. 

Importance  des  archives  judiciaires  de  Chambéry  pour  l'histoire  de  la 
Réformation,  par  M.  Gaberel. 

Séance  du  23  février  1865.  --  Notice  sur  George  Mallet,  par  M.  Ch. 
Lk  Fort.  (Imprimée  dans  le  Journal  de  Genève  du  5  mars  1865.) 

Épisode  de  l'histoire  de  Genève  en  1534,  par  M.  Merle  d'Aubigné. 

Récit  d'une  promenade  de  la  musique  militaire  de  Genève  à  Nyon,  en 
1814,  par  M.  Suès-Matthieu  ;  communiqué  par  M.  Roget. 

Séance  du  9  mars  1865.  —  Notices  biographiques  sur  Claude  Richar- 
det  et  Ami  de  Chapeaurouge,  par  M.  Am.  Roget. 

François  Le  Fort  avant  son  départ  pour  la  Hollande,  en  1674,  par 
MM.  PossELT  et  Ch.  Le  Fort. 

Note  sur  des  amulettes  que  portaient  les  habitants  de  Babylone  et  de 
Ninive,  par  F.  Thioly. 

Séance  du  30  murs  1865.  —  Notice  sur  un  feuillet  de  papyrus  ré- 
cemment découvert  à  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris,  et  relatif  à  la 
basilique  que  Maxime,  évêque  de  Genève,  substitua,  vers  l'an  516,  à  un 
temple  païen,  par  M.  Léopold  Delisle,  de  l'Institut  de  France.  (Voyez 

p.  265. 

Antiquités  romaines  trouvées  aux  Tranchées  et  au  haut  de  la  rue  des 
Belles-Filles,  par  M.  Gosse. 


293 

Sémi'-e  du  27  avril  1865.  ■—  Rapports  entiT  les  traditions  poétiques 
du  moyen  âfi:e  et  l'histoire  des  Burgondes  au  V«  siècle,  par  M.  Edouard 
Secrétan. 

Médailles  et  jetons  des  numismates,  préface  d'un  ouvrage  actuellement 
sous  presse,  par  M.  A.  Durand. 

Communication  de  M.  Cli.  Eynard  relative  à  quelques  faits  signalés 
dans  sa  notice  sur  Jean  Picot. 


iVotes    sur    l'anciexfi  temple   de    Cliancy   et   sur   les 
inliiinftatiosBS  lians  le»  églises  «le  eanipagne. 

L'ancien  temple  de  Chancy,  où  la  célébration  du  culte  a  cessé  en  1842, 
a  été  démoli,  du  moins  en  grande  partie,  trois  ans  plus  tard.  Antérieur  à 
l'époque  de  la  Réforme,  cet  édifice  se  trouvait  placé,  au  commencement 
du  seizième  siècle,  comme  nous  l'apprennent  les  procès-verbaux  de  la 
visite  épiscopale  des  églises  du  diocèse  de  Genève,  faite  de  1S16  à  151^, 
sous  le  vocable  de  saint  Genis  (Sanctus  Ginisius).  Le  curé  de  Chancy 
était  à  la  présentation  du  prieuré  de  Saint- Victor  ' . 

L'église  paroissiale  renfermait  alors  trois  chapelles,  dont  l'une,  possédée 
par  la  famille  des  seigneurs  de  la  Grave,  qui  résidaient  à  Avusy,  était, 
en  i  517,  de  fondation  récente  ;  elle  avait  pour  patrons  nobles  François  et 
Louis  de  la  Grave,  et  se  trouvait  placée  sous  l'invocation  de  saint  Sym- 
phorien  et  de  saint  Juste,  lia  seconde,  dédiée  à  saint  Michel,  avait  pour 
patrons  Pierre  Fabri  et  les  héritiers  d'Anserme  Berthet.  La  troisième  se 
trouvait  sous  le  vocable  de  sainte  Marie  Vierge ,  et  ses  patrons  se  nom- 
maient Claude  Cochon  et  Louis  Excoflier^ 

'  27  Novembre  1517.  VisilavitR.  D.  (Reverendus  Dominus)  Vjsitans  par- 
rocliialem  Ecclesiam  Chanciaci,  siib  vocabulo  Sancli  Ginisii,  ad  praesenta- 
tionem  Pi'ioratûs  Sancti  Victoris  pi'Ope  Gebennas.  Cujus  Cuialus  est  venerabili» 
Dominus  Ludovicus  de  Lonnaco  et  sunt  ejus  vicarii  Domini  Petrus  Recodi  et 
Jacobus  de  Juria.  Habentem  focos  cum  liilioia  sua  de  Avusier  quater  viginti 
vel  circà,  et  valet  in  porlatis  sex  viginti  llorenis.  i^Visilet.  éjjisc.  du  diocèse 
de.  Genève.,  kjI.  n"  4.) 

'  Visitavit  cappellam  noviter  erectam  sub  vocabulo  Sanctorum  Sinipboriaui 
ft  Jusli.  cujus  patroni  sunt  iXobiles  Franciscus  et  Ludovicus  de  Grava,  sub 
?'.  AT,  i''  pari.  20 


294 

L'une  de  ces  dernières  chapelles  paraît  avoir  afipartenu  plus  tard  à 
une  famille  Vigniez,  et  l'autre  fut  démolie  à  une  date  qui  nous  est  in- 
connue. On  peut  supposer  qu'elle  n'existait  plus  en  1580,  année  où  la 
chapelle  des  de  la  Grave  et  celle  des  Vigniez  sont  mentionnées  dans  les 
registres  du  Conseil,  sans  qu'il  y  soit  fait  aucune  allusion  à  la  troisième. 

On  lit,  en  effet,  dans  ces  registres,  à  la  date  du  31  octobre  1580; 
4  Sur  ce  que  fut  proposé  de  rebastir  la  chapelle  des  Vigniez  au  temple 
'(  de  Chanci,  a  estéarresté,  d'autant  qu'elle  ne  sert  de  rien  à  l'endroit  où 
«  elle  est,  qu'on  l'abatte  du  tout.  »  -  -  Et  à  celle  du  1 4  novembre  :  «  Le 
«  Chastelain  a  remonstré  que  si  on  suit  l'arrest  qui  a  esté  fait  d'abattre  la 
«  dite  chapelle,  il  y  aura  incommodité  en  ce  que  le  temple  sera  estressy, 
«  au  lieu  qu'il  le  faudroit  agrandir  pour  la  multitude  des  personnes.  Item 
«  la  dite  chapelle  est  voûtée  et  est  conjointe  à  celle  de  la  Grave  qui  s'en 
t  pourroit  ressentir  et  tomber  après.  A  esté  arresté  qu'on  la  fasse  re- 
«  couvrir.  » 

Conformément  à  cette  dernière  résolution,  les  deux  chapelles  furent 
conservées,  et  elles  ont  subsisté  jusqu'en  1845.  L'une  d'elles,  probable- 
ment celle  des  de  la  Grave,  séparée  par  une  cloison  du  reste  de  l'édifice, 
a  servi  de  salle  d'école  jusqu'en  1837  ;  elle  était  éclairée  par  deux  grandes 
fenêtres  ogivales,  et  on  y  remarquait  une  voûte  assez  élégante,  dont  les 
nervures  se  rattachaient  à  un  gros  pilier  central.  Une  portion  de  cette 
chapelle,  transformée  en  maison  communale,  existe  encore  aujourd'hui.  La 
seconde  chapelle,  beaucoup  plus  petite,  avait  une  voûte  cintrée  ;  elle  était 
évidemment  plus  ancienne  que  la  nef  du  temple,  qui,  reconstruite  ou  res- 
taurée depuis  la  Réforme,  ne  présentait  aucun  caractère  architectural  inté- 
ressant. 

Selon  une  tradition  répandue  à  Chancy,  des  inhumations  avaient  été 
faites  plus  d'une  fois  dans  l'intérieur  de  l'église.  Lors  de  la  démolition 
de  celle-ci,  il  a  été  effectivement  découvert  un  certain  nombre  d'ossements 

onere  trium  missarum  ebdomadalium,  et  est  Rector  Dominus  Nycodus  Chal- 

lonis  eidem  deserviens,  benè   munitam  el  consecratam Item   cappellam 

sub  vocabulo  Sancti  Michaëlis,  cujus  patroni  sunt  Petrus  Fabri  et  heredes 
Ansermi  Bertheli  sub  onere  quatuor  missarum  ebdomadalium,  et  est  Reclor 
Dominus  Jacobus  Bertheti  deserviri  faciens  per  Dominos  Petrum  Recodi 
et  Jacobum  de  Juria  vicarios....  Item  cappellam  sub  vocabulo  beatae  Mariae 
Virginis,  cujus  patroni  sunt  Glaudius  Cochonis  pro  una  parte  et  Ludovicus 
Excofferii  pro  alia  parte  sub  onere  duarum  missarum  ebdomadalium,  et  esl 
Rector  Dominus  Petrus  Fabri  de  Chivrier  in  Vuachio {Id.) 


295 

humains.  On  peut  même  fixer  la  date  de  quelques-unes  de  ces  sépultures; 
car,  en  compulsant  quelques  vieux  livres  de  comptes  de  paroisse,  j'ai  eu 
l'occasion  de  retrouver  les  noms  de  six  personnes  inhumées  dans  le 
temple.  Trois  de  ces  inhumations  eurent  lieu  dans  les  années  17.i8, 
1749  et  1750,  sous  le  pastoral  de  M.  Paul  Gallatin;  les  trois  autres 
dans  les  années  1764  et  1765,  sous  celui  de  M.  Jacob  P>ancillon.  Elles 
sont  mentionnées  comme  suit  dans  les  comptes  de  paroisse,  à  l'occasion 
de  dons  faits  pour  les  pauvres  par  les  parents  ou  les  héritiers  des  person- 
nes décédées  : 

1748.  Reçu  de  M.  Fatio,  trésorier  de  l'Hôpital,  «  pour  avoir  enterré 
c(  feu  M.  Théophile  Mussard  dans  l'église  de  Chancy  .     .     fl.  52.  6.  n 

1 749.  «  De  M.  De  Bon,  dont  on  a  enterré  la  mère  au  temple  de  Chancy, 
«  deux  écus  neufs fl.  26.  » 

1750.  «  Des  héritiers  de  feu  M.  Alexandre  Dufour,  qui  a  été  enterré 
«  dans  le  temple  de  Chancy fl.  39.  4.  6.  » 

1764.  <i  Reçu  des  héritiers  de  feu  Madame  Won  derStrassen,  et  spé- 
«  cifié  que  c'est  pour  avoir  été  inhumée  dans  le  temple  de  Chancy.  L,  12, 

soit  42  florins,  i 

Même  année.  •«  Reçu  de  Messieurs  de  Bons  au  sujet  de  la  sépulture  de 

'1  Mademoiselle  leur  sœur  dans  le  temple  de  Chancy,  deux  écus  neufs. 

(fl.  25.  1.6).  » 

1765.  î  Reçu  de  Messieurs  de  Bons  au  sujet  de  la  sépulture  de  Mon- 
«  sieur  de  Bons  de  Farges,  leur  frère,  dans  le  temple  de  Chancy,  25  florins 
«  et  6  sols,  en  deux  écus  neufs.  » 

Ces  sépultures  dans  l'intérieur  d'un  temple  semblent,  lors  même  que 
la  chose  se  passait  à  la  campagne,  un  fait  assez  étrange  à  une  époque 
aussi  peu  éloignée  de  nous  ;  mais  cet  usage  ne  devait  pas  tarder  à  dispa- 
raître. Les  registres  du  Conseil  nous  apprennent  que,  le  14  août  1764,  à 
l'occasion  de  l'inhumation  de  M"^°  de  la  Maisonneuve  dans  le  temple  de 
Genthod,  inhumation  que  l'on  reconnut  avoir  présenté  des  inconvénients 
au  point  de  vue  de  la  salubrité  publique,  le  gouvernement  arrêta  «  d'ordon- 
"  ner  par  forme  de  règlement,  qu'à  l'avenir  on  ne  devra  enterrer  aucun 
«  corps  dans  les  églises  de  campagne.  »  On  se  conforma  assez  mal  à  cette 
sage  mesure,  puisque  ce  fut  précisément  l'année  suivante  qu'eut  lieu  dans 
le  temple  de  Chancy  l'inhumation  de  M.  de  Bons,  que  nous  venons  de 
signaler  en  dernier  lieu;  aussi,  au  bout  de  dix  ans,  le  Conseil  dut-il  re- 
nouveler ses  prescriptions  à  cet  égard.  Voici  dans  quelle  circonstance  il 


•29G 

jugea  convenable  de  le  t'aiie  :  Il  existait  jadis  près  du  lemple  de  S;;iiit- 
Gervais,  un  cimetière  qui  fut  fermé  en  1 703,  mais  dont  on  continua  néan- 
moins à  se  servir  de  temps  à  autre,  dans  le  cours  du  dix-huitième  siècle, 
pour  y  enterrer  des  personnes  de  distinction.  Un  comte  Livonien,  mort  à 
Genève,  y  fut  encore  inhumé  en  1773;  mais,  dès  l'année  suivante,  on 
l'efusa  à  la  famille  Pictet,  qui  prétendait  posséder  de  temps  immémorial 
le  privilège  d'ensevelir  dans  ce  cimetière  ceux  de  ses  membres  qu'elle 
venait  à  perdre,  la  permission  de  faire  valoir  ses  droits,  et  le  Conseil  ren- 
dit à  ce  sujet  l'ordonnance  suivante,  le  20  septembre  1774  :  «  Arrêté 
«  de  demeurer  à  la  résolution  prise  et  exécutée  de  ne  plus  permettre 
«  d'enterrer  qui  que  ce  soit  dans  la  ville,  ni  dans  les  églises  de  campagne.  » 
C'est  donc  à  l'année  1774  qu'il  faudrait  rapporter  l'interdiction  défini- 
tive des  sépultures  dans  le  cimetière  de  Saint-Gervais,  ainsi  que  dans  les 
temples  de  nos  villages. 

Th.  Claparède. 


Bibliotlièf|ue. 

La  bibliothèque  de  la  Société  s'est  enrichie,  dans  le  courant  de  l'été 
dernier,  d'une  partie  notable  de  celle  de  son  ancien  Président,  feu  Ed. 
Mallet,  notamment  d'ouvrages  relatifs  à  l'histoire  de  la  Suisse,  de  la  Sa- 
voie et  des  provinces  limitrophes  de  la  France.  Il  était  à  désirer  que  ces 
ouvrages,  qui  ont  servi  aux  travaux  imprimés  ou  manuscrits  d'Ed.  Mallet 
fussent  mis  à  la  disposition  de  ceux  qui  s'efforcent  de  suivre  ses  traces. 
Ce  vœu  a  pu  être  accompli  grâces  à  l'extrême  bienveillance  de  la  famille 
de  M.  Mallet,  qui  a  consenti c\  cette  cession  moyennant  un  prix  défaveur, 
et  au  concours  de  quelques-uns  de  nos  collègues  qui  se  sont  chargés  de 
l'indemnité  convenue. 

Les  héritiers  de  M.  l'ancien  conseiller  d'Etat  De  Roches-Lombard  nous 
ont  remis  une  collection  de  brochures  genevoises  et  un  grand  nombre 
d'ouvrages  traitant  de  diverses  branches  des  sciences  historiques. 

Ces  acquisitions,  jointes  à  l'accroissement  habituel  de  la  bibliothèque, 
ont  engagé  à  transporter  celle-ci  dans  une  salle  située  au  rez-de-chaussée 
du  Casino,  plus  vaste  que  celle  qu'elle  occupait  auparavant.  Le  change- 
ment de  local,  ainsi  que  divers  arrangements  pris  à  cette  occasion  en  vue 
de  rendre  nos  collections  plus  accessibles,  ont  encouragé  plusieurs  des 


297 

nioinbi'cs  de  la  Sncii^té  à  se  dessaisir  en  sa  tavoiir  de  riiielquos-nnes  de 
leurs  richesses  :  des  ouvrages  ou  brochures  historiques  et  archéologiques, 
et  plus  spécialement  relatifs  à  la  Suisse,  des  documents  ou  mémoires 
concernant  notre  ancienne  république  ont  été  ainsi  accueillis  avec  empres- 
sement sur  nos  rayons,  et  ces  généreuses  dispositions  trouveront  sans 
doute  encore  l'occasion  de  se  manifester. 

Les  donateurs  de  manuscrits  sont  :  MM.  Prevost-Cayla ,  Rilliet-de 
Candolle,  et  l'ancien  pasteur  Gaberel  ;  les  dons  de  livres  proviennent  de 
MM.  Rilliet-de  Candolle,  Le  Fort-Mestrezat,  Moïse  Paris,  F.  Seguin, 
Thioly,  Gustave  Revilliod,  G.  Streckeisen-Moultou,  Th.  Claparède  et  Ch. 
Le  Fort.  Dans  l'espérance  que  des  inventaires  de  ces  diverses  collections 
pourront  être  prochainement  dressés,  nous  nous  contenterons  d'indi- 
quer ici  les  ouvrages  reçus  à  titre  d'échange  ou  envoyés  par  d'autres 
personnes  que  par  les  membres  effectifs  de  la  Société. 


Ouvrages  reçus  par  la  Société. 


Publications  des  Sociétés  historiques  et  recueils  périodiques. 

Archiv  fiir  Schvveizerische  Geschichte.  Band  XIV.  Zurich,  1864.  1  vol. 
in-Ro. 

Schweizerisches  Urkundenregister,  herausgegeben  von  der  allgemeinen 
geschichtsforschenden  Gesellschaft.  Zweites  Heft.  1865.  ln-8°. 

Râtia.  Mittheilungen  der  geschichtsforschenden  Gesellschaft  von  Grau- 
bûnden.  II.  Jahr.  Chur,  1864. 

Jahrbuch  des  historischen  Vereins  des  Kantons  Glarus.  Erstes  Ileft. 
Zurich  und  Glarus,  1865.  8°. 

Thurgauische  Beitrâge  ziir  vaterlândischen  Geschichte,  herausgegeben 
vom  historischen  Verein  des  Kantons  Thurgau.  Erstes  Heft.  Frauenfeld, 
1861.  1  vol.  in-b'*. 

Mittheilungen  zur  vaterlândischen  Geschichte.  Herausgegeben  vom  his- 
torischen Verein  von  S.  Gallen.  Viertes  Heft.  1865,  Br.  in-8''. 

Die  Grafen  von  Toggenburg.  Neujahrsblatt  fiir  die  S.  Gallische  Jugend. 
S.  Gallen,  1865.  4°. 


298 

Bulleliri  de  l'Institut  national  genevois.  N»»  22,  23  et  24. 

Annuaire- Bulletin  de  la  Société  pour  l'histoire  de  France.  1864  et 
1865.  Fin  du  t.  II  et  t.  111,  V  feuille. 

L'Institut.  Section  des  sciences  historiques.  1864,  juillet  à  décembre  ; 
1865,  janvier  à  avril , 

Bulletin  de  la  Société  des  antiquaires  de  Picardie.  Fin  du  t.  VIII. 
Amiens,  1864. 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  historiques  et  naturelles  de  l'Yonne. 
18«  vol.  2®,  36  et  4'=  trimestres. 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  l'Orléanais.  iN°  46. 

Mémoires  de  la  Société  d'émulation  du  département  du  Douhs.  1"^  sé- 
rie, 3  vol.  gr.  in-80.  1841-1849:  2'"e  série,  8  vol  gr.  in-S».  1850-57: 
3'°«  série,  t.  I  à      .  1856  à  1864. 

Annuaire  de  l'Institut  des  provinces,  des  sociétés  savantes  et  des  con- 
grès scientifiques.  2^  série.  6«  vol.  Paris,  1864.  1  vol.  in-8''. 

Congrès  archéologique  de  France.  30™«  session.  Paris,  1864.  1  vol. 
in-80. 

Bulletin  de  la  Société  pour  la  conservation  des  monuments  historiques 
d'Alsace. 

Revue  savoisenne.  N^^  du  16  septembre  1864  au  15  mai  1865. 

Mémoires  de  l'Académie  impériale  de  Savoie.  T.  Vil.  Chambéry,  1865. 
1  vol.  in-S" 

Revue  de  la  numismatique  belge.  4ra«  série.  T.  II,  liv.  2,  3,  4.  T.  III, 
liv.  1. 

Collection  des  mémoires  de  l'histoire  de  Belgique.  Anonymes.  T.  IV. 
Mémoires  sur  les  troubles  des  Pays-Bas  (1565-80),  avec  préface  et  anno- 
tations, par  Al.  Ilenne.  T.  IV.  Bruxelles,  1864.  8°.  —  Histoire  des 
troubles  de  Valenciennes  (■1562-79),  par  P.-J.  Le  Boucq  ;  publiée  avec 
notice  et  annotations  par  A.-P.-L.  de  Robaulp  de  Soumoy.  Bruxelles, 
5  864.   1  vol.  in-80. 

Publications  de  la  Société  d'histoire  d'Utrecht  :  Kronijk.  1863,  19-37. 
Mémoires  de  Rogers  Williams.  —  Annales  Egraundani.  —  .\braham  de 
WiCQUEFORT.  Histoire  de- Provinces-Unies  des  Pays-Bas.  T.  II. 

.\rchiv  fur   Kunde  ôsterreichi-icher  Geschichtsquellen,  Wien,   1864. 

Anzeiger  fiir  Kunde  der  deutschen  Vorzeit.  Organ  des  germanischen 
Muséums.  Juillet  1864  à  mars  1865. 

MoNE,  F,-J.  Zeitschrift  fiir  die  Geschichte  des  Oberrheins.  Karlsruhe, 
1850-64.  Vn!.  à  xvi  et  xvn.   1.  2.  3.  (manque  l  v.  1.) 


^299 

—  Queilensammliing  der  badischen  Landesgeschichte.  Kaii^rulie, 
1848-63.  3  vol.  in-4o. 

Zeitschrift  des  Ferdinandeums  fiir  Tyrol  iind  Voraiiberg.  Dritte 
Folge,  zweites  Ileft. 

Ferdinandeura.  Dreisigster  Bericht. 

Transactions  ot' the  histor.  Society  of  Lancashire  and  Cheshir,  N.  S. 
Vol.  m. 

Compte  rendu  de  la  Commission  impériale  d'archéologie  pour  l'année 
1863.  Saint-Pétersbourg,  1864.  1  vol.  in-l"  et  alas  in-folio. 

B 

Ouvrages  et  hrochures. 

Mémoires  de  Dumont  de  Bostaquet,  publiés  par  MM.  Ch.  Read  et  F. 
Waddington.  1  vol.  in-8°.  (Don  de  M.  Read.) 

V.  Ceresole.  La  république  de  Venise  et  les  Suisses.  Venise,  1864. 
Br.  in-8°.  (Don  de  M.  G.  de  Wyss.) 

L.  DE  Gh.\rrière.  Recherches  sur  les  dynastes  de  Cossonay.  Lausanne, 
1865;  in-4^  (Don  de  l'auteur.) 

R.  Chalon.  Curiosités  numismatiques. 

Adolphe  Pictet.  Etudes  sur  les  noms  d'hommes  gaulois  empruntés  aux 
animaux.  Ext.  de  la  Revue  archéol.  Paris  1863,  br.  in-S".  (Don  de  l'au- 
teur.) 


SECONDE   PARTIE 


SUPPLÉMENT 


AU 


RECUEIL  DE  CHARTES  INÉDITES 


CONCERNANT 


vmm  DIOCÈSE  de  geneve 


ET 


A.2VrÉREEXJFtES     A     I.ATVIViÎK     13f» 


PRÉFACE 


En  publiant  dans  le  précédent  volume  de  ces  Mémoires 
quatre  cents  cliarles  inédiles  relatives  à  l'histoire  de  la  ville 
et  du  diocèse  de  Genève,  antérieures  à  l'année  1312,  nous 
avons  fait  observer  que  ce  recueil  était  loin  d'être  complet  et 
qu'un  grand  nombre  d'autres  pièces  analogues  méiiteraient  sans 
doute  d'être  mises  au  jour.  Nous  avions  annoncé  en  même 
temps,  que  la  Société  d'histoire  de  Genève  serait  heureuse  de 
recevoir  la  communication  de  documents  de  ce  genre,  afin  de  les 
mettre  a  la  portée  du  public. 

Cet  appel  a  été  entendu  ,  et  nous  devons  à  l'obligeance  de 
quelques  amis  de  riiisloire  la  possibilité  de  livrer  aujourd'hui  à 
l'impression  plus  de  trente  chartes  inédites,  dont  aucune,  il  est 
vrai,  ne  procure  des  données  nouvelles  sur  la  ville  ou  la  com- 
mune de  Genève,  mais  qui  reiiiplissent  certaines  lacunes  pour 
d'autres  parties  du  diocèse  «  t  dont  plusieurs  présentent,  par  leur 
date  ou  leur  contenu,  une  réelle  imporiance.  Un  court  exposé 
des  sources  où  nous  avons  puisé  permettra  d'apprécier  la  valeur 
de  quelques-unes  de  ces  pièces. 

Dans  une  notice  sur  l'évêque  Guy  de  Faucigny  et  sur  sa  pa- 
renté, M.  de  Gingins  avait  signalé  comme  se  trouvant  dans  les 
archives  cantonales  de  Lausanne ,  un  acte  de  donation  remon- 
tant au  milieu  du  onzième  siècle  et  oii  figurait  Louis  de  Fau- 


IV 

cigny  ,  père  de  notre  évêque.  D'après  celle  indicalion  ,  nous 
avons  pris  copie  de  cet  acte,  qui  méi  ile  à  divers  points  de  vue 
d'atiirer  rattention  des  investigateurs  (N**  î). 

M.  Adrien  Bonnefoy,  notaire  à  Sallanclies,  nous  a  transrais 
avec  sa  complaisance  accoutumée,  plusieurs  pièces  importantes 
relatives  au  Faacigny  ,  entre  autres  des  actes  de  donation  à 
l'abbaye  d'Aulps  (N®  5)  émanés  de  quelques  membres  de  l'an- 
cionne  famille  seigneuriale  de  ce  pays,  deux  pièces  concernant 
l'abbaye  de  Sixt  (N°*  6  et  7)  et  plusieurs  actes  constatant  des 
relations  entre  la  dauphine  Béatrix  et  le  prieur  de  Cliamonix. 
Ces  derniers  servent  à  compléter,  pour  l'époque  dont  nous  nous 
occupons,  la  série  considérable  de  documents  sur  la  même  vallée 
dont  noire  aimable  el  studieux  correspondant  avait  déjà  enrichi 
les  précédenls  volumes  de  ces  Mémoires. 

D'autres  communications  précieuses  pour  l'histoire  du  Fau- 
cigny  sont  dues  a  l'un  des  représentants  actuels  de  la  famdle  de 
ce  nom.  Amateur  zélé  des  antiquités  de  son  pays,  se  livrant 
avec  intelligence  à  l'investigation  personnelle  des  monuments  et 
des  chartes,  M.  Charles  de  Faucigny-Lucinge,  prince  deCystria^ 
a  recueilli  depuis  plusieurs  années  sur  les  dynasles  et  les  insii- 
tuiions  du  Faucigny  des  matériaux  considérables  qu'il  se  pro- 
pose de  mettre  lui-mêm.e  en  œuvre  ;  néanmoins  il  a  consenti 
avec  un  gracieux  empressement,  à  détacher  en  notre  faveur  de 
sa  riche  collection  ,  les  pièces  inédiles  antérieures  à  l'année 
1312.  Elles  font  connaître  la  situation  respective  des  diverses 
branches  de  la  maison  de  Faucigny,  éclairent  la  condition  ter- 
ritoriale et  juridique  de  la  contrée,  et  l'une  d'elles  (N°  30)  inté- 
resse directement  l'église  de  Genève  dans  la  personne  de  son 
prévôt,  François  de  Lucinge. 

Une  autre  portion  du  diocèse  de  Genève,  à  laquelle  se  rap- 
portent plusieurs  des  pièces  de  la  présente  livraison  ,  est  le 
décanat  d'Âubonne  comprenant  le  territoire  de  l'ancien  comté 
Equestre.  M.  le  professeur  Hisely ,  qui  avait  si  largement  con- 
tribué à  la  composition  de  notre  précédent  recueil,  a  eu  l'obli- 


geance  de  transcrire  pour  nous  diverses  chartes  des  archives  de 
Lausanne,  relatives  à  1  abbaye  de  Bonmont  et  aux  sir.s  d'Au- 
bonne  el  de  Mont.  Un  des  plus  anciens  documents  de  cette  ca- 
tégorie offre  un  intérêt  lout  spécial  (N°  4),  car  on  y  trouve 
réunis  les  noms  de  trois  ecclésiasliques  éminents  du  douzième 
siècle  :  Pierre  le  V(hiérable,  abbé  de  Cluny,  Bernard,  abbé  de 
Clairvaux,  et  Anlucius,  évêque  de  Genève. 

D'autre  part,  les  membres  du  Comilé  de  la  Société  d'histoire 
de  la  Suisse  romande,  en  préparant  linipiession  d'un  Mémoire 
inédit  de  ft.u  M.  de  Gingins  sur  le  comlé  Equestre,  ont  trouvé 
parmi  les  pièces  justificatives  dont  le  manuscrit  était  accom- 
pagné, deux  actes  en  langue  française  qui  dépassaient  l'époque 
à  laquelle  l'historien  s'était  arrêté  ;  ils  nous  ont  autorisés  à  les 
comprendre  dans  le  présent  recueil  (N°=*  15  et  22).  Nous  avons 
été  sensibles  à  cette  marque  de  confiance  :  elle  nous  permet  de 
rattacher  à  notre  publication  le  nom  d'un  savant  justement  re- 
gretté et  qui  avait  accueilli  avec  sympathie  nos  travaux  anté- 
rieurs. 

Cet  avanl-propos  ne  doit  pas  dégénérer  en  catalogue,  aussi 
nous  nous  bornerons  à  signaler  encore  deux  pièces  présentant 
l'une  et  l'autre  un  véritable  intérêt  historique.  —  La  première 
(N"  2)  est  un  acte  par  lequel  un  membre  de  la  maison  de  Ge- 
nève, Conon  fils  du  comte  Gérold ,  donne  l'église  de  Saint- 
Marcel  à  l'abbaye  d'Ainay;  cette  donation  est  rappelée  dans  une 
charte  postérieure  émanée  du  comte  Aimon  et  que  Guichenon 
a  publiée;  mais  ce  dernier  acte  ne  saurait  être  bien  compris 
que  par  sa  comparaison  avec  le  premier  document.  Celui-ci  a 
été,  grâce  à  l'obligeance  de  M.  l'abbé  Gremaud,  transcrit  d'après 
la  Diplomatique  de  Bourgogne  de  Pierre  de  Rivaz.  Mentioimons 
en  second  lieu  une  bulle  du  pape  Honorius  IV  en  faveur  de 
l'hospice  du  grand  Saint-Bernard  (N°  23).  Celte  bulle,  dont 
l'existence  nous  avait  été  révélée  par  un  livre  assez  rare  du 
siècle  dernier,  nous  a  été  généreusement  communiquée  par  M. 
le   chanoine  Dallèves,  prieur  à  Marligny;  elle  énunière  toutes 


VI 

les  possessions  du  couvonl  du  Saint-Bernard  en  1286  :  sa 
publication  intéresse  donc  l'iiisloire  ecclésiastique  et  locale  du 
diocèse  de  Genève,  comme  celle  des  diocèses  de  Sion,  de 
Lausanne,  de  Bâle,  etc. 

Notre  intention  n'esl  point,  au  reste,  d'insister  ici  sur  la  va- 
leur des  documents  renfermés  dans  ce  supplément,  mais  plutôt 
d'attirer  l'attention  de  ceux  qui  les  parcourront  et  qui  sont 
amateurs  du  passé  ,  sur  les  lacunes  nombreuses  que  présente 
encore  Tliisloire  du  moyen  âge  dans  nos  contrées.  Combien  de 
points  restent  obscurs  pour  tout  ce  qui  concerne  l'ancienne 
topograpbie  de  Genève,  la  vie  intérieure,  les  coutumes  et  les 
relations  civiles  ou  juridiques  de  ses  habitants;  pour  l'organi- 
sation et  les  vicissitudes  des  établissements  religieux  qui  étaient 
les  plus  rapprochés  du  centre  :  S'-Victor,  les  Frères  mineurs, 
Pomier,  etc.;  pour  les  origines  et  les  alliances  des  comtes  de 
Genevois;  enfin,  pour  la  généalogie  de  celles  des  familles  nobles 
qui  dépendaient  d'eux  et  qui  ont ,  en  cette  f|ualité  ,  rempli  un 
rôle  important  dans  notre  |)ropre  histoire,  telles  que  les  Ternier, 
les  Viry,  les  Montfort,  les  Ponlverre.  etc.  Quelques-unes  de  ces 
lacunes  pourront  sans  doute  être  comblées  par  une  exploratioQ 
plus  comjilète  de  certaines  archives  de  famille  où  la  lumière  fait 
encore  défaut,  par  l'étude  des  manuscrits  d'anciens  auteurs,  tels 
que  ceux  attribués  à  Besson,  enfin  par  la  recherche  des  titres 
de  quelques  abbayes,  disséminés,  ainsi  que  nous  l'avons  con- 
staté nous-mêiues,  chez  les  habitants  des  contrées  qui  nous 
entourent.  Espérons  que  Timporlance  histori(|ue  de  ces  vieux 
documents  sera  de  mieux  en  mieux  comprise,  et  que  leur  pu- 
bhcalion  trouvera  toujours  l'appui  des  amis  de  la  science. 

Genève,  8  février  1865. 

Paul  LULLIN.  Ch.  LE  FORT. 


Sans  date  (vers  1059).  —  Louis  de  Faucif/ny  est  témoin  dans  un  acte  portant 
une  donation  de  biens  situés  en  deçà  et  au  delà  du  lac. 

Notum  sit  omnibus  christi  fidelibus  quod  Ego  Hebermus,  per  manum 
Guillelmi  huius  rei  aduoeati,  dono  postobitum  meum  Anselmo  fratri  meo 
omnes  seruos  et  ancillas  meas  et  totum  alodium  meum  quale  habeo  vel 
peruenire  débet  in  biens  et  in  margencel,  siue  in  quocumque  loco  citra 
uel  ultra  lacum,  cum  conquestibus  omnibus.  Ad  presens  pro  legali  uesti- 
tura  reddo  tibi  unum  campum  in  biens  iuxta  uiam  publicam  et  unum 
seruum  nom.  hoclo.  Me  autem  mortuo  de  supra  memoratis  rébus  ha- 
beas  potestatem  tenendi  uendendi  donandi  uel  quidquid  uolueris  faciendi 
sane  {sic)  nuUo  contradicente.  Excepta  una  uinea  quam  ego  retineo  in 
biens  que  cheit.  ad  petram  baconis.  Dono  etiam  tibi  in  bussi  mansum 
unum  quem  dédit  mihi  Gilelmus  de  uenopia  pro  morte  patris  mei.  S. 
Ebermus  et  Guilelmus  testes  qui  banc  cartam  de  terra  leuauerunt  et  scri- 
bere  et  firmare  rogauerunt.  S.  Engizo.  S.  Luduicus  de  fulciniaco.  S. 
Burcardus.  S.  Lietfredus.  et  multi  alii  qui  viderunt  et  audierunt.  Ego 
Guilelmus  rogatus  loco  et  manu  cancellarii  scripsi  die  ueneris. 

(Arrli.  (le  Lausmme,  Invent,  rert,  Roniainmotier,  n°  98.) 


Sans  date  (vers  1061,  suivant  de  Rivaz).  —  Conon,  fils  du  comte  Gérold, 
donne  à  l'abbaye  d'Ainay  l'éfjlisede  Saint-Marcel,  située  en  Albanais,  dans 
le  pagus  genevois. 

Notum  sit  omnibus   catbolicae   fidei  cultoribus,  quod  Cono,  Geraldi 
coraitis  filius,  pro  animae  suae  sainte  et  pro  patris  sui  et  parentum  suo- 


rum  redemptione ,  sancto  Martino  Athanacensi  ecclesiam  sancti  Marcelli 
in  pago  gebennensi  vocato  albanensi  cura  diiobus  mansis  tradidit,  unà  cura 
silvis,  pratis,  campis,  aquis  vivis,  aquarumque  decursibus,  omnia  usque 
in  exquisitura,  spontaneum,  consensu  Geraldi  coraitis  patris  sui,  iniraô 
unum  servum  nomine  Constantinura  cura  filiis  et  filiabus,  et,  si  quis,  de 
alodio  coraitis  in  albanensi,  aliquid  in  feudo  habebat,  potestatera  haberet 
ut  sancto  Marcello,  laudatu  supradicti  comitis,  concederet,  ac  aliquis  de 
heredibus  suis  hoc  laudet  et  teneat,  nec  aliquid  de  bis  infringere  présu- 
mât. Hujus  assertionis  perpétua  testes  sunt,  Manerius  de  bona  vuaita, 
Yualterius,  Hermanus,  Lancio  cujus  hortatu  hoc  actum  est,  Arablardus, 
Albericus,  Cuono,  Engelbertus. 

(Copiée  d'après  la  Dqilomatique  de  P.  de  Rivaz  (t.  Il,  an.  1061), 
q%d  dit  avoir  tiré  cette  charte  dea  Archives  de  Lémenc.) 


S 


Sans  date  (vers  1130).  —  Landric  de  Joux  et  son  fils  Amaldric  abandonnenf. 
au  couvent  de  Romainmotier  leurs  prétentions  sur  les  terres  et  les  hommes 
de  Bursins  et  de  Bouyel. 

Nouerint  omnes  fidèles  tara  présentes  quara  futuri,  quod  Landricus  de 
Jure  et  filius  eius  Amaldricus  dimiserunl  Deo  et  sancto  Petro  Roraani- 
monasterii  omnem  calumpniara  quara  exercebant  in  possessionibus  quas 
habemus  in  Brucino  et  Balgeello,  in  terris  et  horainibus.  Et  laudaverunt 
per  raanum  Philippi  de  Grancione  et  Pétri  de  Ponte  de  cetero  cuncta  in 
pace  tenenda.  De  his  omnibus  in  pace  tenendis  habuit  Araaldricus  unum 
equum  et  Ludouicus  frater  eius  decera  solidos.  Actum  sub  priore  Lam- 
berto.  Hec  orania  laudauerunt  et  proraiserunt  in  raanu  prioris  Landricus 
et  Araaldricus  et  Ludouicus,  testibus  Philippo  de  Grancione  et  Petro  de 
Ponte. 

(Pièce  des  Arch.  canton,  de  Vaud.  communiquée  par  M.  le  prof. 
J.-J.  Hisely.) 


Sans  date  (entre  1135  et  1153).  —  Pierre  le  Vénérable,  abbé  de  Cltiny,  an- 
nonce à  Moïse,  abbé  de  Bonmonl,  qu'il  a  cédé  à  Bernard,  abbé  de  Clairvaux, 
l'église  et  la  villa  de  Cliésercx,  (jiii  éiaie.nl  sous  la  tjardc  et  en  la  possession 
des  moines  de  !Saint-Viclor,  de  Genève,  qu'en  retour  il  a  reçu  d'Arducius, 
évêque  de  Genève,  les  églises  de  Veaux  et  de  Hauleville  [en  Genevois). 

Venerabli  et  dilecto  fr(atr)i  Moysi  abbati  de  Bono  monte  eiusque  suc- 
cessoribus  FR(ater)  P(etrus)  liumilis  Cluniac(ensis)  abbas,  in  perpeluum. 
Quantum  nos  diligamus  ea  que  ad  carissiraum  nostrum  Bernardum  Cla- 
reuallensem  abbatem  et  Clareuall(ensem)  pertinent  abbatiam,  nouit  Dorai- 
nus.  Ea  propter,  dilecte  in  Domino  IVater,  illius  precibus  cui  nicbil  ne- 
gare  volumus  inclinati,  donamus  tam  ecclesiam  et  uillam  de  Chysirai, 
cum  omnibus  pertinenciis  suis,  uidelicet  quidquid  in  illa  in  omnibus  et 
per  omnia  habebamus,  et  quidquid  alii  ibidem  a  nobis  habebant,  que  per- 
tinebat  ad  custodiam  et  possessionem  monacborura  nostrorum  sancti 
Vittoris  de  Gebenna,  laudantibus  eisd^m  monachis  sancti  Victoris  et  con- 
cedentibus.  Dominus  quoque  Ardutius  Gebenncnsis  episcopus,  ad  pacem 
inter  nostros  et  vestros  reformandam,  dédit  nobis  libère  ecclesiam  de 
Vallibus  et  ecclesiam  de  Altavilla.  Ne  autem  hoc  superuenturi  temporis 
vetustate,  vel  alicuius  hominis  peruersitate  aut  mutaretur  aut  deperiret, 
lilteris  nostris  et  sigillo  nostro  firraauimus  tibi  et  successoribus  tuis. 

(Sceau  de  Pierre  le  Vénérable,  buste  de  face  autour  duquel  ou  lit: 
f  PETRVS  CLViN...SlS  ABBAS.  —Pièce  des  Arcli.  canton,  de  Vaud, 
cunununiquée  par  M.  le  prof.  J.-J.  Hisely.) 


5 

Actes  sans  date,  constatant  des  donations  faites  à  l'abbaye  d'Aulps  pur  divers 
membres  des  familles  de  Faucigny  et  de  Ravorée. 

A  (vers  1140)  —  Aymo,  Dominus  Fucignii,  laudantibus  fratribus 
suis  Rodulpho  et  Guillermo,  generose  dédit  Ecclesie  abbatie  monasterii 
de  Alpibus  in  perpetuum  Alpera  qui  vocatur  Evorea,  cum  omnibus  ap- 
pendenciis,  usuariis  suis  cujuscuraque  adjacentibus,  agris,  pratis,  pas- 


cuis,  silvis,  montibiis  et  vallibus,  aquis,  aquarum  deciirsibus,  et  omnium 
rerum  usibus,  et  omnem  terram  que  infra  terminos  infrascriptos  dicti 
Alpis  continetur  ibidem,  ab  arberiura  (sic)  per  Las  Sya  usque  en  La  Sya 
de  Nancrues,  et  per  La  Sya  de  Nancrues  usque  ad  terminos  de  Néon,  e* 
A  terminis  de  Néon  usque  ad  Bordel,  et  inde  usque  ad  alpem  qui  vocatur 
Lans,  et  quidquid  inter  Lans  et  Evorea,  ita  quod  in  perpetuum  ipsa  ab- 
batia  libère  haberet  et  uteretur,  sine  omnium  hominum  inareratione  vel 
cujuslibet  debiti  exactione  servicii. 

B  (1135 — 1185)  —  Reymondus  de  Fucignii  et  Petroniila  ejus  uxor, 
laudantibus  nepotibus  suis  Ardusio  episcopo  (iebennensi,  Aymone,  Ro- 
dulpho  et  Guiilermeto,  militibus,  dederunt  Deo  et  Béate  Marie,  acecclesie 
Alpensi  et  fratribus  ibidem  existentibus  per  manum  Domni  Guillermi 
ejusdem  loci  abbatis,  duas  alpes,  videlicet  Néon  et  Embel  nuncupatas, 
perpetuo  possidendas,  nihil  in  eisdem  retinendo. 

G  (vers  1188)  —  Henricus  de  Fucignii,  laudante  uxore  sua  Comi- 
tissa,  dédit  Deo  et  Béate  Marie  ejus  genitrici,  eorumque  servitoribus  in 
Alpensi  ecclesia  quibuscumque,  procurante  Donine  Isardo,  sexto  abbate 
Alpensi,  alpem  que  vocatur  Freyterola,  cuni  pascuis,  silvis,  aquis, 
aquarum  decursibus,  in  summitate  montis  illius  qui  dicitur  Gol,  per  pla- 
neas  et  precipicium  de  Gherdoneis  et  subtus  incedit  aqua  que  nominatur 

Dranciola,  et  infra  usque  in  Embel,  ex  alia  a  majori ruina  usque  ad 

saxum  juxta  alpem  qui  Borceta  nuncupatur  et  alpem  qui  dicitur  Embel. 

D  (vers  1200)  —  Amedeus  de  Ravorea,  laudantibus  filiis  suis  Aymone 
et  Petro,  donavit  Deo  et  Béate  Marie  Alpensi  et  Vuillelmo  ejusdem  ec- 
clesie  abbati  et  monachis  eorumque  successoribus  in  perpetuum,  partem 
Alpis  que  Evorea  nuncupatur,  unacum  appendentibus  et  usitantibus  suis 
circumquamque  adjacentibus ,  et  insuper  quidquid  juris  patrimonii  vel 
dominii  possidebat  a  domo  Raynaudi,  alpensis  communii,  usque  ad  sum- 
mum de  Artanens,  et  ab  Artanens  usque  ad  Gol,  et  a  Gol  usque  ad  ter- 
minum  de  Runtines,  et  a  Runtines  usque  ad  aquam  que  vocatur  Nan- 
crues, et  quidquid  continet  inter  Lans  et  Evorea. 

E  (vers  1209)  —  Aymo  Dominus  Fucignii  dédit  domui  Alpensi  et 
fratribus  domus  Beatissime  Marie  Virginis  ibidem  servientibus,  alpes  de 
Freyterola  et  de  Ghardoneyra,  cum  omnibus  appendentibus  et  usuariis 


suis,  et  pascua  communia  absque  ulla  contradictione  per  terminos  infra- 
scriptos,  videiicet  a  summitate  montis  de  Cul,  et  extenditur  ad  latum  us- 
que  ad  rupem  Rutfara,  et  per  les  tasses  de  Cherdoneas  usque  ad  Draii- 
ciam,  et  per  antiques  terminos  a  Drancia  videiicet  usque  ad  Angoleris, 
et  per  la  Sya  de  Bellagarda  et  Permorant  usque  ad  aquam  de  Valentina, 
et  per  la  Sya  des  Geyts. 

(Les  (loiiiiUons  ci-dessHs  sont  tcitucUcnient  inséfèes  duHs  au  acte 
du  26  juin  1381,  dont  cojjie  est  aux  archives  de  Veirhey,  près  Sa- 
moëus.  Cet  acte,  reçu  par  Jeau  Gaillard,  notaire,  contient  une  trans- 
action entre  François  Des  Balmes,  abhé  d'Aulps,  et  les  habitants 
des  villages  de  Vercliey,  Matonnai/,  Scoin,  Vigny ,  les  Turches  et  les 
Bochards. —  Comntuniq.  par  M.  Bonnefoi/.  notaire  à  Sallanches.) 


6 


Sans  date  (vers  1170).  —  Arduciiis,  évêque  de  Genève,  termine  un  différend 
entre  l'abbaye  de  Sixt  et  Pierre,  chevalier  de  Boëfje. 

Notum  sit  omnibus  fidelibus  ciiristianis,  quod  Dominus  Arducius  Ge- 
benn.  episcopus  de  quadam  querimonia  que  erat  inter  domum  ecclesie  de 
Siz  et  Pétri  (sic)  militis  de  Buatio,  quara  terrara  exsolvit  et  Pentium  ab- 
batem  et  domum  ejus  oranino  in  pace  dimisit  deista  definitione,  predictus 
Episcopus  testimonium  perhibuit  et  viva  voce  testatus  est  ante  altare 
Beati  Pétri  apostoli  quando  ita  factura  fuit.  Hujus  rei  testes  sunt  multi 
venerabiles  clerici  qui  ibi  présentes  cunifuerunt,  Joannes  prier  de  Siz  et 
Stephanus  canonicus  et  Vullielmus,  Jospertus,  Joannes  Galo  magister, 
Witbertus  magister  et  canonicus,  Freduardus  canonicus,  Lambertus  ca- 
pellanus  Episcopi,  Josephus  sacerdos. 

(Pièce  communiquée  par  M.  Bonne f oij .  notaire  à  Sallanclies, 
d'après  une  ancienne  copie  en  mains  de  M.  Reij.  Jurje  de  paix  à 
Bonne  oille.) 


Sans  date  (après  1178).  —  Accord  entre  iabbaye  de  Sixl  et  les  hériliers  de 

Borcard  de  Villetle. 

In  nomine  Domini.  Notum  sit  omnibus  fidelibus  tani  futuris  quara  pre- 
sentibus,  quod  Borcardus  de  Villeta  reddidit  se  Deo  et  Béate  Marie  et  ec- 
clesie  de  Siz  in  manibus  Domini  Pontii  abbatis,  et  ipse  recepit  eum,  et 
conversus  effectus  habitum  religionis  accepit  et  super  altare  seipsuni  ob- 
tulit  in  conversum,  et  omnem  terram  quam  habebat  in  alodnm  dédit  Dec 
et  Béate  Marie  ecclesie  de  Siz  et  servitoribus  ejus  pro  anima  sua  et  pro 
animabus  antecessorum  suorum  in  perpetuum.  Post  mortem  ipsius  Bor- 
cardi,  Dompnus  Vullielmus  de  Villeta  vicedompnus  et  Dominus  Petrus 
frater  ejus  imiserunt  in  querimoniam  abbalem  Vullielmum  et  domum  de 
Siz  pro  dicta  eleemosina  quam  in  pace...  (mot  douteux)...  XV  annos  te- 
nentes  fuimus.  Hec  querimonia  deducta  fuit  ante  presentiam  Borcardi  ab- 
batis et  Vullelmi  abbatis  et  Pétri  de  Terniaco  et  Aymonis  de  LuUie  et 
multorum  aliorum.  Hi  concordiam  inter  nos  et  ilios  fecerunt  tali  condi- 
cione  ut  omnis  eleemosina  et  omnis  nostra  possessio  nobis  et  predicte 
ecclesie  in  pace  remaneat  in  perpetuum,  et  de  bonis  ecclesie  XL  solidos 
receperunt  hac  concessione  Vullielmus  et  Petrus  frater  ejus  et  filii  Vul- 
lielmi  bona  fide  et  firma  pace.  Hujus  rei  testes  sunt  Borcardus  abbas  et 
Vullielmus  abbas,  Joannes  prior,  Petrus  canonicus  Abundancie,  Torren- 
cius  canonicus  noster,  Petrus  miles  de  Terniaco,  Pontius  Benedictus  et 
Vullielmus  nepos  ejus,  Aymo  de  Lullie,  Vullielmus  Cherbonez,  Ugo  mi- 
nister. 

(Piéee  commuiiiquée  imr  M.  Boniiefoij ,  notaire  à  Sallimches. 
d'après  une  ancienne  copie  en  mains  de  M.  Rey.  juge  de  paix  à 
Bonneville.) 


1202.  -—  Pierre  et  Hugues  de  Gingins,  ainsi  que  leurs  enfants,  confirment  au 
couvent  de  Bonmoul  les  possessions  provenant  d'eux  et  acquises  par  les 
moines,  soit  par  achat,  soit  à  titre  de  donation. 

(A)nno  dominici  natalis  M^CG".!!».  Petrus  et  Hu.  de  Gingins,  Ste- 
phanus,  Nicholaus,  Petrus,  Jordanus  filii  eorum,  Hugonis  quoque  conjux 


cum  filia  confirmaverunt  fratribus  Bonimontis  possessiones  quas  ab  eis 
usque  ad  tempus  illiitl  acquisierant  sive  per  emplionem  sive  pcr  donatio- 
nem.  In  his  nominamus  prata  et  alnetura  de..,,  et  quantum  ad  illos  pcr- 
tinebat.  et  tria  iugera  in  Chiblins  super  stratam  publicam  usque  in  conual- 
lem  de  Balenda  et  usque  in  excelsam  iurem,  in  decimationem  de  Chise- 
ray,  décimas  noualium  quas  esse  suas  asserebant.  Pecunias  autem  de 
quibus  inter  eos  cause  agebantur  mutuo  remiserunt.  Testes  sunt  Guido 
capellanus  de  Chiseray  et  Borcardus  de  Grens,  Humbertus  miles  de 
G(ra)ley  et  Hugo  de  Dualey,  Giroldus  de  Osins  et  Petrus  filius  eius,  et 
Petrus  de  Quercu,  Petrus  Prouincialîs,  Guiliermus  et  Guillermus  de 
Grens,  Vldricus  prior,  Borcardus,  Narduinus,  Radulfus,  Petrus,  Guido, 
monachi,  Johannes  de  Glans  et  Petrus  de  Osins. 

(Pièce  (les  Arcli.  cantonales  de  Vauil,  communiqvêe  par  M.  le  prof. 
J.-J.  Hisely.) 


9 


Sans  date  (vers  1210).  —  Donatvns  faites  à  l'abbaye  de  Sixt  par  Turumbevt 
de  Lucinge,  confirmées  par  ses  héritiers,  et  en  dernier  lieu  par  Rodolphe  de 
Grésy. 

Quoniam  labilis  est  hominura  memoria  et  omnia  que  sub  sole  fiunt 
more  fluentis  aque  pretereunt,  que  memorie  digna  esse  novimus  scripto 
commendare  dignum  duximus.  Innotescat  igitur  fidelium  universitati, 
quod  Turumbertus  de  Lncingio,  Domini  Fulciniacensis  dapifer,  solo  divine 
pietalis  intuitu,  Ecclesie  de  Siz,  apud  qiiam  sepultura  patris  eius  erat,  et 
servitoribus  eius  in  perpetuum,  iampridem  de  consilio  Domini  Arducii 
Gebennensis  Episcopi,  et  de  consensu  fratris  sui  Aimonis,  adhuc  viventi- 
bus,  dédit  et  consensit  quidquid  apud  Turrem  possidebat,  et  eamdem 
protenus  investivit,  que  postea  possidere  non  desiit.  Deinde  longo  teni- 
pore  po?t,  apud  Fulciniacum  egrotans ,  assistente  Domino  Nantellino 
(Nantelmo)  Gebennensi  Episcopo,  de  consensu  etiam  Wullielmi  Fulci- 
niacensis, Domini  Rodulphi  de  Greisier,  Wullielmi  de  Sallancliia  nepoti> 
sui  qui  dicebatur  francigena,  neptis  suc  Kebergie,  et  fdiorum  eiusdem 
Anguisonis  et  Rodulphi,  hanc  eamdem  elemosinam  Ecclesie  de  Siz  com- 
raemoravit  et  confirmavit.  Ibidem  etiam  eidem  Ecclesie  de  Siz  dédit  Bur- 
cardum  in  eadem  nutritum  et  Turumbertum  apud  Vallonem  manentem. 


s 


8 

Demum  ad  exitum  festinans  apud  Sallanchiam  in  lecto  suprême  egritu- 
dinis,  liis  et  multis  aliis  assistentibus  et  audientibus,  prescriptam  elemo- 
sinam  sepe  et  sepissime,  nemine  contradicente,  commemoravit  et  confir- 
mavit  Tandem  Rodulphus  de  Greisier  asserens  quod  non  de  consensu  suo 
hanc  fecisset  elemosinam  ad  queni  jus  Turumberti  pertinebat  propter  af- 
finitatem  fdii  (sui)  quem  de  nepte  eiusdem  Turumberti  Kebergia  suscepe- 
rat,  de  bonis  Ecclesie  de  Siz  quatuor  libras  recepit,  et  hanc  eamdem  ele- 
mosinam dédit  et  concessit  bona  fide  et  sana  intentione  Ecclesie  de  Siz 
eidem.  Hoc  idem  fecit  Rodulphus  filius  eius  et  ab  abbate  decem  et  octo 
nummos  recepit.  Huius  extrême  donationis  testes  sunt  Amaidricus  abbas 
de  Siz,  Johannes  sacerdos  et  canonicus  de  Siz,  Wullielmus  capellanus 
Rodulphi  de  Greisier,  Alodius  sacerdos,  Rodulphus  miles  de  Turre, 
Wullielmus  miles  de  Castellione,  Wullielmus  de  B....  Alisia  uxor  eius- 
dem Rodulphi  et  Gauderata  pedisequa  eiusdem  Alisie  filie  Humberti  Ge- 
bennensis  Comitis. 

(Manmcrits  de  Besson,  t.  I,  (V après  les  Archives  de  Sîxt.  —  Cette 
pièce  a  été  insérée  par  le  P.  Hilaire  Lëi/at  dans  son  histoire  manus- 
crite des  Sires  de  Fauciyny.  Copie  communiquée  par  M.  Cli.  de  Fau- 
cignij'Lucinye.^  prince  de  Cijstria.) 


fil 


1222,  Janvier.  —  Rodolphe  de  Lucinge,  sénècliai  de  Faiicujny,  donne  sa 
vifjne  de  Grêle  à  la  chartreuse  du  Reposoir. 

In  nomine  sancte  Trinitatis  sciant  omnes  qui  hanc  cartam  legerint  vel 
audierint,  quod  ego  Dominus  Rodulphus  de  Lucingio  senescalus  de  Ful- 
cinie,  dono  et  concedo  prout  melius  possum  vineam  meam  de  la  Cresta 
domui  Repausatorii  et  habitatoribus  ejus  pro  remedio  anime  mee  et  an- 
tecessorum  meorum  in  perpetuum  pacifice  possidendam.  Hec  donatio 
facta  fuit  super  Altare  inferioris  Ecclesie  ejusdem  domus,  présente  Wul- 
lielmo  priore  cum  testibus  infra  scriptis.  Et  ut  hec  donatio  perpetuam 
firmitatem  haberet,  volui  et  precepi  ut  Dominus  Aymo  de  Fulciniaco  huic 
carte  sigillum  suum  apponeret  et  ego  meum  apposui.  Hujus  rei  testes 
sunt  Aymo  miles  de  Rumillier,  Martinus  villicus  de  Valura,  Bertos  et 
Vullielmus  de  Ghastellum,  Aymo  procurator,  Michael,  Acco,  Boso,  Vul- 


9 

lielmus  et  W.  conversi  Repausatorii.  Actum  Ânno  ab  incarnatione  Domini 
millesimo  ducentesimo  vigesimo  primo,  raense  Januario. 

(Orij/inal  à  ht  (/raiidc  Ckarlnmse.  Les  sceaux  de  Fnur/yuy  et  de 
Lucinge  pendent  à  l'acte.  —  Copie  ridimêe  cnnnnuniquce  par  le 
prince  de  Cystria.) 


It 


1233,  Avril.  —  L'évéquc  Aiinon  de  Grandsou  nolifi*''  '"  donutwii  de  toute  la 
terre  de  Crête,  pai'oisse  de  Tliiez,  faite  à  la  cliurlreuse  du  lieposoir,  par 
Rodolphe  de  Grésy,  fils  de  Rodolphe  de  Faucvjnij,  dit  Alamant,  du  consen- 
tement de  ses  fils,  Rodolphe  de  Lucinge  et  Guillaume  de  Chouis. 

Aymo,  Dei  permissione  Gebenensis  Episcopus,  notum  tacinms  universis 
présentes  litteras  inspecturis,  quod  vir  nobilis  Dominus  Rodulphiis  de 
Greysier,  filius  nobilis  viri  Domini  Rodulphi  de  Fuciniaco  qui  dicebatur 
Alamant,  pro  timoré  et  amore  Domini  nostri  Jesu-Christi,  et  pro  salute 
animai  suse  et  parentum  suorum,  donavit  et  concessit  bona  fide  prout  me- 
lius  intellegi  potest  in  perpetuam  eleemosinara  Deo  et  Domui  Repausatorii 
ordinis  Garthusiensis  et  fratribus  ibidem  Deo  servienlibus  presentibus  et 
futuris  omnibus,  de  consensu  et  laude  et  assensu  filiorum  suorum  Do- 
mini Rodulphi  qui  dicitur  de  Lucingio  et  Domini  Vullielmi  qui  dicitur  de 
Chouis  et  uxoris  suai,  et  filiorum  dicti  Rodulphi  de  Lucingio  et  uxoris 
su»,  totam  vineam  et  terram  sine  aliqua  diminutione  quem  habeat  in  loco 
qui  dicitur  Cresta  in  parochia  de  Thiez,  qu*  vinea  et  terra  sita  est  juxta 
vineam  et  terram  quam  ibidem  habebat  nobilis  vir  Dominus  Rodulplius 
de  Greysier  Dominus  de  Garaera,  pro  omni  voluntate  dictorum  IVatrum 
semper  facienda.  Et  de  ipsa  tota  vinea  et  terra  se  devesliens  dictam  Do- 
mum  et  fratres  de  ipsa  tota  vinea  et  terra  corporaliter  investivit,  et  voluit 
et  concessit  quod  ista  donatio,  concessio,  eleemosina  et  investitura  nun- 
quam  per  aliquod  testaraentum  aut  per  aliquam  contrariam  voluntateni 
aut  occasionem  possit  ab  aliquo  immulari,  sed  semper  dicta  domus  Re- 
pausatorii et  fratres  présentes  et  futur!  dictam  totam  vineam  et  terram 
habeant,  teneant,  possideant  libère,  quiète  et  pacifiée,  et  absque  omni  con- 
tradictione.  Praeterea  promisit  dictus  Rodulphus  dicta;  domui  et  fratribus 
super  praemissis  omnibus  semper  quietam  et  pacificam  procurare  garen- 


10 

tiam.  Et  in  horiim  omnium  perpetiuim  testimonium  et  munimen,  ad  pre- 
ces  et  instantiam  siipradicti  nobilis  viri  Rodulplii,  et  filiorum  ejiis  Rodul- 
phi  de  Lucingio  et  Vullielmi  de  Chouys,  Nos,  contradictores  omnes  et 
eos  qui  contra  hoc  faclum  venire  présumèrent  et  qui  super  hoc  unquara 
dictam  domum  Repausatorii  et  fratres  inquietarent,  auctoritate  Pontificali 
excommunicamus,  et  promittimus  dictis  fratribus  Repausatorii  quod,  si 
quis  unquara  super  praemissis  eos  molestare  aut  inquietare  praesumpserit, 
quod  nos  eum  per  censuram  ecclesiasticam  ad  resipiscendam  cogeremus, 
et  in  horum  testimonium  sigillum  nostrum  apposuinius  huiccartae.  Datum 
Anno  Domini  millesimo  ducentesimo  trigesimo  tertio,  mense  Aprili. 

(Original  à  la  grande  Chartreuse  :  grand  sceau  elliptique  d'Aimon 
de  Grandson,  arec  petit  contre-scel  de  même.  —  Copie  vidimée  com- 
muniquée par  le  prince  de  Cystria.) 


19 


1235,  Mars.  —  Guerrir.,  seigneur  d'Aubonne,  notifie  et  confirme  des  donations 
faites  à  Bonmont,  par  son  vassal  Gérard,  chevalier  de  Sottens. 

Ego  Guerricus   dominus  de  Albona  notum  facio quod  Gerardus 

miles  de  Sotens,  homo  meus,  laudantibus  uxore  sua  Johanna  et  filiis  suis 
Willermo  scilicet  et  Stephano,  guerpivit  memet  ipso  laudante  domui  Bo- 
nimontis  omnem  querelam  uel  calumpniam  quam  movebat  de  terra  de 
Alamant,  que  terra  uulgariter  appellatur  Condemina  et  sita  est  interduas 
uineas,  uidelicet  inter  uineam  Martini  de  Alamant  et  uineam  Alayz  uxoris 
Nantelmi  de  Albona  quondam  defuncti,  et  tendit  hec  terra  a  prato  quod 
subtus  eam  est  ad  locum  qui  uulgariter  Bonez  dicitur,  qui  locus  super 
eam  terram  positus  est,  quam  terram  domus  Bonimontis  iuste  et  canonice 
in  elemosinam  possidet,  et  hec  terra  ad  feodum  meum  uidebatur  pertinere. 
Etquicquid  iuris  in  eahabebat...  in  puram  elemosinam  dédit  ..  in  per- 
petuum  supra  dicte  domui...  et  de  ipsa  terra  sepedictam  domum  per  ma- 
num  domni  Michaelis  eiusdem  domus  abbatis  inuestiuit.  In  cuius  rei  testi- 
monium tam  ego  quam  sepedictus  Girardus  maius  altare  domus  Boni- 
montis tetigimns  et  osculati  sumus.  Abbas  vero  et  fratres  ipsius  domus 
concesservnt  ipsi  Girardo,  uxori  et  filiis  eorum....  participationem  omnium 
bonorum  que  fuuit  in  ipsa  domo,  tam  in  vigiliis  quam  in  missis,  oratio- 


H 

nibus,  elemosinis....  Postea  hoc  donuni  contirmatum  est  apud  Albonam 
aiite  domum  nieam  in  presentia  mea  etdomini  Jacobi  cognati  mei.  Affue- 
runt  eliam  tune  présentes  Humbertus  abbas  de  Lacu,  G.  prier  et  W.  cel- 
lerarius  eius  canonici,  R.  prier  de  Estui,  W.  prier  de  Aliène,  Aymo  de 
Rritinue,  Amaldricus  de  Trivilynz,  sacerdotes,  P.  de  Altavilla  et  G. 
tilius  eius,  Anselmus  de  Trivilynz,  W.  de  sancto  Protasio,  Savaricus, 
milites,  et  plures  alii  qui  ibi  conuenerunt  ad  pacificandam  discordiam  que 
versabatur  inter  me  et  dominum  Jacobum  cognatum  meura,  que  lune  fuit 
pacificata.  Sepe  dictus  vero  Girardus  pro  hoc  dono...,  habuit  a  domo 
Bonimontis  XLV  solidos.  Présentera  cartam  sigilli  mei  munimine  studui 
roborari.  Actum  primum  apud  Bonummontem  ante  maius  altare  in  anun- 
ciatione  béate  Marie,  présente  conuentu.  Affuerunt  etiam  présentes  testes 
hii  uidelicet  Willermus  de  Hyenz  capellanus  fratris  mei  domini  Jacobi, 
Curnotenus  canonici  et  Droconensis  archidiaconi,  Falco  de  Tresley,  Ri- 
chardus  de  Communie,  milites.  Postea  vero  sicut  supra  taxavimus  con- 
(irmalum  est  hoc  donum  et  roboratum  coram  supra  dietis  testibus  apud 
Albonam,  Actum  anno  verbi  incarnati  M°.CC».XXX<».IIII°.  mense  Marcio. 
(Pièce  (les  Arrli.  aint,  à  Lausanne,  coiumunù/uée  par  M.  le  prof. 
J.-J.  Hisely.) 


13 


Sans  date  f  1206- 1236'.  — Quittance  donnée  par  Aimon  de  Faucigny  pour  un 
anneau  qu'il  avait  prêté  à  Landric,  évéque  de  Sion. 

Ego  Ay.  dorainus  Fucigniaci  notifico  omnibus  litteras  istas  inspecturis 
quod  dominus  L.(andricus)  Sedun.  episeopus  reddidit  michi  anulum  quod 
sibi  adcomodaueram,  pro  quo  capitulum  Sedunense  dederat  michi  litteras 
fideiussorias  in  L'«.  marchis  argenti,  et  quod  liltere  iste  non  ualent  inue- 
niri,  omnino  iubeo  quod  si  forte  inueste  fuerint,  nullius  sint  ualoris. 

(Grand  scean  rond:  cavalier  hrandissant  son  épée^  •]♦  SI(ilLl.,VM 
AYMONIS  UOMI....  VI.GINIACl.  Au  rerers,  les  armes  de  Faucigny. 
—  Pièce  des  Archires  de  Valère  à  Sion.  —■  Copie  communiquée  par 
M.  l'abbé  Gremaud.) 


Tome  M\  â"^**  partie.  2 


42 
f  4 


1^235,  janvier.  —  Ebal,  seujneur  de  Mont,  donne  a  i abbaye  de  Bonmont  la 
censé  annuelle  d'une  coupe  d'huile. 

Ego  Ebalus  dominus  de  Monte  iiotum  facio  qiiod  ego  de  laude  et 
concessu  filiorum  meoriim  iïenrici  militis,  Rodulpbi  clerici  et  Ebali  mi- 
litis,  cedi  et  concedi  Deo  et  ecclesie  béate  l\Iarie  Bonimontis  et  fra- 
tribiis  ibidem  Deo  servientibus  et  servituris  vnam  cuppam  olei  ad  meii- 
suram  Albone  singulis  annis  imperpeluum  libère  et  intègre  percipien- 
dam.  Primo  siquidem  in  emendam  rerum  ...  (effacé)  ...  eiiisdem  domus 
Boninvintis.  Postea  uero  in  helemosinam  pro  remedio  anime  mee  et  pro 
animabns  filiorum  antecessoriimqiie  meoriim.  Quam  cuppam  olei  débet 
persoluere  tenementum  Amaldrici  de  Furno  de  Altacort  et  filii  eiusdem 
Amaldricl,  Humbertus  et  Benedictus.  Vt  autem  donum  istiid  ratum  et 
inconcussum  permaneat  in  posterum ,  ego  dictus  Ebalus  doniinus  de 
Monte  dedi  predictis  fratribus  Bonimontis  présentes  litteras  sigilli  mei 
appositione  roboratas,  in  buius  doni  perpetuum  testimonium  et  munimen- 
tum.  Actum  anno  Domini  millesimo  ducentesimo  quadragesimo  quarto, 
mense  januarii. 

(]kau  aceiiu  éi^uestre  il' Ebal  ilc  Mont.  -  Pièce  dea  Arcli.  can- 
tonales à  Lausanne.  -  Copie  coinmunitiuée  par  M.  le  prof.  J.-J. 
Hisely.) 


15 


1256,  mai.  —  Accord  entre  Simon  de  Joinville  el.  Hugues,   comte  palatin  de 

Bourgogne. 

Je  Simon  de  Joinville  Sire  de  Marnay  savoir  faisons....  que  nos  somes 
remis  en  bonne  paix  et  en  bon  accord  de  totes  querelles  lesquelles  étaient 
entre  nos  et  le  noble  baron  Hugues  Comte  Palatin  de  Bourgogne  et  Alix 


13 

comtesse  Palatine  sa  feinnie;  en  telle  manière  qu'il  nous  ont  donne  dous- 
cent  livres  Estevenans  desiiuelles  nos  nos  tenons  por  payés,  et  nos  leur 
avons  quitté  le  fiel' de  Jais  et  l'Etang  de  Lamier  et  totes  autres  entre- 
prises lesquelles  étaient  entre  nous  et  lours,  fors  qtie  le  bois  (jui  est  de 
lés  le  marchais  de  cul,  de  quoi  li  contens  a  été  entre  nos  et  lor....  nos 
avons  fait  mettre  à  notre  requeste  lo  seel  à  notre  chier  oncle  Jean  Comte 
de  Bourt;ogne  et  Seig""  de  Salins  ensemble  notre  Sceal  e  fait  au  mois  de 
may  per  M.CC.  et  cinquante  et  six. 

(Archives  de  ht  Chambre  des  comptes  de  Dôle.  h-lUe  .1.  n"  4. 
Pièce  reçue ilUe  par  M.  F.  de  Ginr/iiis-La-Snrraz ,  et  communi'/utr 
par  le  Comité  de  la  Société  d'histoire  de  la  Snissi'  romande.) 


16 


1258,  mars,  31.   —  Ve.nle  au  cuuvciU  de  Filly  par  Jean  de  Ruvérée  H  Girod 
son  frère,  des  terres  qu'ils  pusmlmt  dans  la  puroisse  de  Sinez. 

Nouerint  uniuersi  présentes  litteras  inspecturi  quod  Ego  Joliannes 
dictas  de  Rouerea  confiteor  me  récépissé  ab  abbate  et  conuentu  de  Fillie 
VIII.  XX  llbras  gebennenses  in  pecunia  numerata  pro  terris  et  pratis  et 
rébus  aliis  de  albergamento  de  Marriniens  quas  ego  habebam  in  parrocliia 
de  Sye  et  Girodus  frater  meus,  que  omnia  vendidimus  dictis  abbati  et 
conuentui  de  Fillie.  In  cuius  lei  memoria  ego  présentes  litteras  dedi  iam 
dictis  abbati  et  conuentui  de  Fillie  sigillo  nobilissime  mulieris  .\gnetis 
Domine  de  Fucign.  sigillatas.  Datum  apud  Rduerea  anno  Domini  m". ce". 
Iviij,  pridie  Kal.  aprilis. 

(Arch.  canton,  à  Lausanne.  —  La  charte  a  conserré  une  partie 
du  sceau  d'Agnès  de  Faucii/nt/,  sur  cire  Idnnche.  — Copie  communi<i. 
par  M.  le  prof .  J.-J.  Hisehj.) 


u 


19 

1263,  février,  23.  —  (iuillaiiwe  de  Lucinge,  chevnlkr.  vend  à  Pierre  de 
Savoie  et  à  Agnès,  dame  de  Faucigny,  son  casai  dit  du  Frêne,  situé  à 
Faucigny. 

Ego  Vullielnius  de  Lucingio,  miles,  notum  facio  universis  prsesentes 
iitteras  inspecturis,  quod  ego  vendo  et  titulo  purœ  et  perlectaB  venditionis 
trado  illustribiis  Domino  Petro  de  Sabaudia  et  Dorainse  Agneti  Dominai 
Pucigniaci  uxori  ejus,  pro  se,  hœredibus  et  assignatis  eorum,  casale 
meum  de  Fucigniaco,  cum  edificiis  ibi  contentis,  quod  vocatur  de  Fra- 
xino  et  est  contiguum  domui  de  Festerna  ;  vendo  inquam  pro  triginta 
libris  Gebennensibus  a  praidictis  emptoribiis  mihi  soiutis  et  intègre  nu- 
meratis.  Promittoqiie  quod  si  super  praedicto  casali  vendito  eisdem  emp- 
toribus  vel  eorum  successoribus,  evictionis  vel  alia  qusestio  moveatur  pro 
eis  quibuscumque  impetentibus  me  opponam  et  ad  justitiam  respondebo, 
ipsos  indemnes  penitus  observando,  et  in  vacuam  possessionem  praedictr 
casalis  ipsos  induco.  Renuncians  in  hac  parte  exceptioni  doli  et  in  factum, 
juri  dicenti  rescindendum  esse  contractunv  vel  justum  prsetium  fore  sup- 
plendum  si  venditor  ultra  dimidiam  justi  praetii  sit  deceptus,   et  juri 
dicenti  generalem  renunciationem  non  valere,  et  omni  juris  beneficio 
per  quod  dicta  possit  venditio  aliquatenus  retractari.   In  cujus  rei  testi- 
monium  sigillum  meum  duxi  praesentibus   apponendum.  Datum  apud 
Fucigniacum  in  crastino  festi  Cathedrae  sancti  Pétri,  Anno  millesimo  du- 
centesimo  sexagesimo  secundo. 

(Arch.  roij.  de  Turin.  —  Copie  vidimée  coninmniquée  />ar  M.  Ch. 
de  Faurigun-Luringe,  prince  de  Cyslrin.) 


flS 


1270,  oclobre,  15. —  IJabbé  et  te  couvent  d  Abondance  reconnaissent  tenir  du 
chapitre  de  Genève  la  maison  qu'ils  possèdent  dans  cette  ville. 

Nos  abbas  et  conventus  Habundancie  notum  faciraus  universis  quod  nos 
domum  que  vocatur  de  clasus  quam  babemus  Gebennis,  quam  inhabitabat 


15 

G.  quondam  decanus  Alingii,  a  viris  veiierabilibus  Gebenn.  Capittili  tene- 
mus  sub  annuo  censu  XII  den.  gebenn.  Quos  XII  den.  gebenn.  dicto  Ca- 
pitule vel  ejus  mandalo  annualim  solvere  promiltirnus  bona  fide.  In  cuius 
rei  testimonium  sigilla  nostra  presentibus  duximus  apponenda.  Daluui  in 
vigilia  P..  Galli  confessons,  A.  D.  Mo.CC«.LXX<'. 

(Arek.  lie  Genève.  Inr.  imalytiq.  des  litres  il  h  Clinp.  île  1334. 
fat  17 0  r.  --  Co})ie  pur  Ed.  Malkt.) 


19 


i273,  août,  5.  —  Lettre  de  (jarde  et  protection  accordée  par  Uéatrix  de  Fau- 
cigny  (tu  prieuré  de  Cliamonix,  noyennanl  une  n'devance  annuelle  de  deux 
oboles  d'or,  soit  dix  sous  viennois. 

Nos  B.  Viann.  et  Albon.  Comitissa  et  Domina  Foue.  Nolum  facinius 
universis  presentibus  litteram  inspecturis  quod  nos  scientes  recepimus. 
pro  nobis  ac  nostris  heredibus,  in  nostra  guardia,  guidagio  et  conductu, 
Priorem  de  Campo  munito  et  ipsum  prioratiim  Gebenn.  dioc,  cum  omnibus 
bonis  mobilibus  et  immobilibus,  rébus,  juribus  et  hominibus  eorumdem 
per  totam  terram  nostram,  districturn  et  posse  nostrum.  Mandantes  et 
precipientes  universis  dilectis  fidelibus  Castellanis  nostris,  mistralibus  et 
hallivis  et  specialiter  Ballivo  nostro  terre  Fouc.  qui  nunc  est  et  aliis  qui 
ibidem  fuerint  pro  futuris  temporibus,  quatenus  priorem  et  prioratura  cum 
omnibus  bonis  mobilibus  et  immobilibus,  rébus,  juribus  et  hominibus 
eorum  ubique  gardent,  salvent,  defïendant  et  manuteneant  ab  omnibus 
tanquam  nos  specialiter  atque  nostra.  Si  quis  vero  temerarius  violatoi' 
hujusmodi  gardani  nostram  presumpserit  violare,  iram  et  indignationem 
nostram  se  noverit  incursurum  et  illud  perinde  vindicaremus  ac  si  nobi>- 
vel  rébus  nostris  factum  esset  vel  illatum.  Promittentes  hec  omnia  pre- 
missa  nomine  nostri  et  heredum  nostrorum  atiendcro  bona  (ide.  Pro  qua- 
quidem  guardia  débet  nobis  dare  quicumque  Prior  dicti  prioratus  fuerit 
duos  obolos  aureos  vel  decem  solidos  Viann.  singulis  annis,  in  festo  Beat! 
Michaelis  Archangeli,  persolvendos.  flanc  autem  gardam  nostram  valere 
intelligimus  dum  priores  dicti  prioratus  parati  fuerint  ubi  debuerint  pro 


16 

se  et  puis  farere  et  recipere  quod  justum  fuerit  Caciendnm  et  recipiendiim.- 
In  ciiius  rel  testimoniuni  presenti  littere  sigillum  serreti  nnstri  duTcimus 
apponenduni.  Datnm  apiid  Rellnm  visiim,  Anno  DnminiM^.CCo.LXXo.III®. 
non.  angiisti. 

(Arch.  de  SalUmches.  —  f'ojrif  rommmiiqtiêe  pur  M.  Bnnnefoy, 
notnirp  dans  la  dite  rille.) 


90 


i276,  mais,  S.  —  Transaiiion  enlre  Beatrix,  dame  rie  Fuwigujj,  et  la  vmvf 
ainsi  que  les  enfants  de  Guillaume  de  bieinr/e,  jadis  sénéchal  de  Faucigny 
et  seigneur  d'Arentlion, 

Notiim  sit  omnibus  et  i^ingiilis  praesentes  litteras  inspecturis,  quod  cum 
illustris  Domina  Beatrix,  Viennensis  et  Albonensis  Comitissa  et  Domina 
Fuciniaci,  haberet  quœsliones  contra  Dominum  Guillelraum  de  Lucingio, 
super  eo  videlicet:  quod  idem  D.  Guillelmus  de  Lucingio  submerxerat  et 
submerxi  fecerat  in  aqua  juxta  Arenthonem  quandam  mulierem  in  prae- 
judicium  ipsius  Domina*,  cum  solum  merum  imperium  spectet  ad  ipsam 
tantum  in  tota  terra  etbaronia  Fuciniaci,  juxta  quani  baroniam  estcastrum 
et  mandamentum  seu  territorium  de  Arenthon  ;  item  super  eo  quod  dictus 
D.  Gulielraus  de  Lucingio  interfecerat  Gulieimum  La  Testa  infra  terram 
dictae  baroniae  Fucigniaci;  et  super  eoquod  dismentiveratbaiiiivum  ipsius 
Dominse  Comitissae  in  terra  Fuciniaci;  et  super  eod  quod  dictus  D.  Gu- 
iielmus  dixit  quod  dicta  Domina  Comitissa  contra  Deum  et  justiciam  ex- 
torserat  ab  hominibus  Domini  Gulielmi  de  Greysiaco  centum  libras  Ge- 
bennenses,  quod  erat  in  injuriam  dict;»  Domina)  Comitissas;  item  super 
eo  quod  dictus  D.  Gulielmus  tenuerat  Bayuliam  in  dicta  baronia  Fucigniaci, 
et  fructus,  redditus  et  obventiones  dictés  terrse  Fucigniaci  occasione  dictae 
Bayuiiae  perciperat,  de  quibus  dicebat  ralionem  sibi  debere  reddi  et  reli- 
qua  sibi  pra3stari  per  dictum  D.  Gulieimum;  qui  redditus,  exitus  et  ob- 
venliones  ascendebant  et  ascendere  poterant  usque  ad  summam  quatuor 
mille  libiarum  Gebennensium  ;   et  super  eo  quod  dictus  D.  Gulielmus 


17 

construxerat  seu  construi  fecerat  fortalichim  de  Lucingio  contra  prohibi- 
tionem  factam  per  nominum  Aymoncm  de  Fuciniaco,  et  successive  per 
illustrem  virum  Dominum  Petruni,  coniitem  Sabaudi.v ,  patrem  dictae 
DominiB  Cornitissaî,  vel  per  alios  noniine  ipsorimi  ;  et  super  eo  quod 
diclus  D,  (Tiilielmus  tenebat  castrnni  de  Rovorea,  et  quasdam  alias  res  et 
possessiones  et  bona,  qiias  et  qiia;  dicta  Domina  (^iOmitissa  dicebat  ad  se 
jure  dominii  pertinere  ;  item  super  eo  quod  dictns  D.  Gulielmus,  tempore 
(luo  administrabat  seu  gerebat  Bayuliam  terrse  Fucigniaci ,  ob  ipsius  ne- 
gligentiam  dicta  Domina  Comitissa  perdidit  villam  de  Ceuron  et  villam  de 
ijoytrosa,  pro  quibus  dampnificata  erat  in  ducentis  marchis  argenti  et  plus. 
Et  super  quflestionibus  quas  dictus  Dominus  (iulielmus  movebat  contra 
dictam  Dominam  Coraitissam,  super  eo  videlicet  :  ([uod  dictus  D.  Guliel- 
mus dicebat  se  esse  spoliatum  per  dictam  Dominam  Comitissam  de  Ses- 
calleria  Fucigniaci,  cujus  possessionem  sibi  restitni  petebat;  et  super  «'o 
quod  dictus  D.  Gulielmus  dicebat  se  spoliatum  per  dictam  Dominam  Co- 
mitissam  possessione  seu  quasi,  juris  quod  dicebat  se  habere  in  piscaria 
vennarum  de  Aravi  ;  et  super  aliis  qu;estionibus  quas  dictus  D.  (iulieimus 
taciebat  contra  dictam  Dominam  Comitissam.  — Tandem  post  litem  super 
pniîdictis  inter  dictam  Dominam  Comitissam  et  dictum  Dominum  Guliel- 
mum,  coram  Curia,  ipsi  Domino  Gulielmo  data  per  dictam  Dominam  Co- 
mitissam et  acceptata  per  ipsum  Dominum  Gulielmum,  dintius  agitatam, 
ipso  Domino  Gulielmo  viam  universa  carnis  ingresso,  accesserunt  ad 
ipsam  Dominam  Comitissam  Domina  Elyenor  iixor  quondam  Domini  Gu- 
lielmi  de  Lucingio,  Humbertus  et  Aymo,  filii  et  hieredes  ipsius  Domini 
Gulielmi,  nomine  suo  et  aliorum  liberorum  et  hspredum  prœdicti  D.  Gu- 
lielmi,  et  petierunt  ab  ipsa  Domina  Comitissa  humiliter  et  instanter,  no- 
mine suo  et  quibus  supra,  velle  concordiam  et  transactionem  fieri  super 
qufestionibus  antedictis.  Ad  quorum  instantiam,  preces  et  requisitionem, 
super  dictis  quœstionibus  conventum  fuit,  transactum  et  compositum  ut 
inferius  continetur,  priPsente  Domino  Aymone  de  Lucingio  et  infrascrip- 
tam  transactionem,  compositionem  et  concordiam  acceptante.  —  In  primis 
videlicet  quod  pnedicta  Domina  Elyenor  et  praedicti  Humbertus  et  Aymo, 
nomine  suo  et  nominibus  quibus  supra,  volunt  et  consentiunt,  non  coacti 
nec  ad  hoc  dolo  vel  metu  inducti.  sed  motu  proprio  et  ex  certa  scientia, 
quod  dicta  Domina  Comitissa  habeat  castrum  deRavorea  pleno  jure,  cuin 
omnibus  pertinentiis  et  appenditiis  suis,  et  cum  omnibus  acquisitis  in 
dicto  loco  per  ipsum  Dominum  Gulielmum  usque  ad  hodiernam  diem.  Et 
dictum  castrum  cum  hominibus  et  omnibus  juribus,  pertinentiis  et  ap- 


i8 

penditiis  suis  et  cuni  omnibus  acquisitis  per  ipsuiii  D.  Gulielmuni  usque 
ad  hodiernam  diem,  ut  dictiim  est,  quittant,  oedunt  et  concedunt  ex 
causa  transaclionis  praedictae  Dominai  Comitiss*  et  ejus  lia;redibus  in 
perpetuum,  cedentes  ex  causa  pnedicta,  pio  se  et  nominibus  quibus  su- 
pra, prœdictae  Dominai  Comitissae  oninia  jura,  omnesque  actiones  reaies 
et  personales,  mixtas  et  rei  persecutnrias,  qu.T  et  quas  ante  hanc  cessio- 
nem  habebant  seu  habere  poterant  in  pra^dicto  Castro  et  ejus  pertinentiis, 
appenditiis  et  acquisitis  per  dictum  D.  Gulieimuni.  (^onstituentcs  dictam 
Dominant  (lomitissam  procuratricem  ut  in  rem  suani  in  praîdiclis  de  cae- 
tero  possit  agere,  experiri,  opponere,  excipere  et  replicare,  et  omnia 
facerequse  ipsi  facere  poterant  ante  hanc  compositionem.  Et  constituerunt 
se  nomine  ipsius  Domina^  Comitissie  possidere  donec  de  prœdictis  cor- 
poralem  possessionem  appréhendent  vel  quasi,  volentes  quod  ipsam  pos- 
sessioneni,  seu  quasi,  possit  apprehendere  et  habere  auctoritate  propria 
per  se  vel  per  alium  quandocuuque  sibi  placuerit  et  voluerit.  —  Item 
recognoverunt  praedicti,  pro  se  et  nominibus  ijuibus  supra,  quod  quidquid 
dictus  Dominus  Gulielmus  habebat,  tenebat  et  possidebat  seu  quasi,  in 
Lucingio  et  ejus  pertinentiis,  et  in  villa  de  Arenthon  et  ejus  pertinentiis, 
et  in  valle  de  Certons  et  ejus  pertinentiis,  et  in  totabaronia  Fuciniaci,  et 
generaliler  a  Drancia  inferius  usque  ad  Puipeni  et  a  Versoya  usque  ad 
Flumetum,  est  de  feodo  dicta?  Doniinie  Comitiss<e,  et  eidem  Domina^ 
tenentur  praestare  fidelitatem  ligiam  sicul  ejus  horaines  et  vassali.  — 
Item  volunt  et  concedunt,  nomine  suo  et  quibus  supra ,  quod  praedicta 
Domina  Comitissa  habeat  imperium  merum,  mixlura,  et  jurisdictionera  in 
omnibus  et  super  omnibus  qu;e  tenent  vel  tenere  debent  infra  terminos 
memoratos,  et  quae  dictus  Dominus  Gulielmus  habebat,  percipiebat,  et 
habere  et  percipere  poterat,  vel  visus  erat  posse  percipere  vel  habere  in 
prsedictis  locis,  et  generaliter  in  personis  praedictorum  et  eorum  homini- 
bus  ;  et  dicta  Domina  Comitissa  ejusque  haeredes,  siveassignati,  praedicta 
perpeluo  possideant  pleno  jure,  sine  contradictione  aliqua  praedictorum 
vel  eorum  ha^redum.  —  Finierunt  insuper  praidicti  Elyenor,  Humbertus 
et  Aymo,  nomine  suo  et  quibus  supra,  Senescalciam  quam  genus  de  Lu- 
cingio habet  et  habere  débet,  seu  asserebat  se  habere  in  albergo  seu  ba- 
ronia  Fucigniaci,  et  appellalur  Senescalcia  Fucigniaci,  quam  dictus  Do- 
minus Gulielmus  de  Lucingio  dicebat  ad  se  pleno  jure  pertinere,  et  re- 
miserunt  eidem  Dominiie  Comitissae,  nomine  suo  et  quibus  supra,  omne 
jus  omnemque  actionemquod  et  quam  priedicti  liberi  et  haîredes  habebant, 
seu  habere  poterant,  in  Senescalcia  memorata  ;  lacientes  praedicta'  Domin* 


19 

Comitissye  remirsionem  omnimodam  de  Senescalcia  pr«dicta  el  pactum 
de  ulterius  non  petendo.  Et  si  leperiretnr  quod  aliquis  liabcrel  jus  ali- 
quod  in  Senescalcia  puRdicta,  promiseriint  t'acere  et  curare  t|uod  illiid 
remiltetur  praedictai  Doniinie  Coniitissie,  et  quod  eam  delTendciil  in  jii- 
dicio  et  extra,  eidem  Doraiii*;  ComitissaB  vel  cui  dare  volueril,  seu  eliarn 
assit^nare.  —  Pro  quarum  omnium  prœdictarum  rerum  concessione,  le- 
missione  et  pacto  se  non  petendo,  piwdicta  Domina  Comitissa  viceversa 
remisit  piaîdictis  Domina3  Klyonor,  Uumberto  et  Aymoni,  nomine  suo  et 
quorum  supra,  qua'stiones  prjedictas  quas  eidem  Domino  (înlieimo  nid- 
verat,  et  fecit  remissionera  omnimodam  eisdem  et  pactum  de  alterin> 
aliquid  non  petendo,  proul  melius  et  ulilius  inlelligi  potest.  Hoc  acto  in- 
super et  expresse,  quod  pra^dicti  Rlyonor,  Humhertus  et  Aymo,  nomine 
suo  et  quo  supra,  debent  solvere  predictie  Domina  Comitissae  vel  ejus 
mandato,  pro  debitis  quie  contraxit  D.  Gulielmus  pater  eorum,  tempore 
quo  administrabat  Bayuliam  terrai  Fucigniaci,  centum  librasGebennenses. 
Item  pro  expensis  quas  tecil  occasione  prsedictarum  (juaestionnm  ducentas 
libras  Gebennenses,  de  quibus  dicta  Domina  Coniitissa  remisit  inconti- 
nenti  dict*  Domina^  Eiyonor  ob  gratiam  et  amorem,  et  dédit  et  concessit 
centum  libras  Gebennense>.  Quas  quidem  ducentas  libras,  videlicet  cen- 
tum  libras  pro  debitis  memoralis,  et  centum  libras  pro  expensis  pnedicti^, 
praidicti  debent  solvere  pra^dictae  Dominœ  Comitissae  terminis  int'rascrip- 
tis  :  videlicet  centum  libras  in  testo  Omnium  Sanctorum.  et  alias  centum 
libras  in  subsequenti  testo  Beati  Johannis  Baptist»  proxime  venturo.  — 
Postque  fuit  actum  incontinenti  quod  prsedicta  Domina  Eiyonor  et  dicti 
Humbertus  et  Aymo,  nomine  suo  et  nominibus  quibus  supra,  (inierunt  et 
quittaverunt  prsedictae  Dominae  t^omitiss»  octo  libras  Gebennenses,  quas 
praedictus  D.  Gulielmus  de  Eucingio  percipiebat  in  taliis  de  Corman,  pro 
praedictis  ducentum  libris  quas  dicta  Domina  Comitissa  remisit  eisdcni, 
et  promiserunt  reddere  pnedictae  Dorainte  Comitiss*  litteram  vel  instru- 
mentum  quara  vel  quod  habent  de  accensamento  dictarum  octo  libraruni 
super  taliis  pra?dictis.  —  Fuit  insuper  actum  quod  si  praedicti  liberi  et 
hieredes  dicti  Doraini  Gulielmi  habent  aliquas  litteras,  vel  instrumentuni 
de  aliqua  donatione  seu  concessione  vel  confirmatione  t'acla  ipsi  Domino 
Gulielmo  per  illustrem  Dominam  Agnetem,  matrem  dicta»  Dominae  Comi- 
tissae, ea  debent  reddere  dicta?  Dominae  Comitissae,  reraittendo  eidem 
omne  jus  competens  eisdem  occasione  praedictarum  litterarum,  seu  instru- 
raentorum.  Et  remiserunt  dictae  Dominae  Comitissae  omne  jus  quod  ha- 
bent in  vennis,  araris  et  piscationibus  earumdem.  Volentes  et  concedentes 


20 

(juod  dicta  Domina  (^,oniitissa  illntl  jus  i\e  c*tero  habeat,  leneat  et  possi- 
deat  pleno  jure.--  Pnedictas  autem  cessionem,  (  oncessionem,  remissionem, 
|iactum  de  non  petendo,  transactionem,  et  omnia  alla  supradicta,  cnm 
universis  renunciationibus  et  universis  et  singulis  aliis  quae  sequuntur  in 
hoc  instruniento,  memorati  I).  Elyonor,  Humbertiis  et  Aymo,  nominesuo 
et  quorum  supra,  certilicati  de  omnibus  praedictis  materna  lingua.  motu 
proprio  et  ex  certa  scientia  asserentes  prsedictam  Doniinam  Comitissam- 
in  remissione  quam  eis  facit  multo  majorera  ipsis  gratiam  et  liberalitatem 
r.ontulisse,  quam  sint  ea  quse  per  ipsos  concessa  et  remissa  sunt  ut  supra 
prœdictiK  DominseComitissse,  rata  etfirmapromiserunt  juramento  pnestito 
corporaliter,  et  per  stipulationem  solemniter  factam,  dictae  Domina  Comi- 
tissae  stipulant!,  habere  et  tenere  perpétue,  et  non  contra  venire  de  jure 
vel  de  facto,  per  se  vel  per  interpositam  personam,  et  omnia  et  singula 
prtedicta  deffendere  in  judicio  et  extra  propriis  expensis  eidem  Dominae 
Comitissie,  vel  cui  dare  voluerit.  Renunciantes  omnes  praîdicti  et  quilibet 
eorumdem,    nomine  siio  et  quorum  supra,  exception!  doli,  in  factura 
actioni,  conditioni  sine  causa,  beneficio  restitutionis  in  integrum,  consue- 
tudini,  privilegiis  et  litteris  impetratis  et  impetrandis,  et  omni  juri  et  ra- 
tioni  et  auxilio  promulgato   et  promulgando,   per  quai  praedicti  contra 
prfedicta  venire  possent,  vel  aliquid  infringere  de  praedictis,  vel  in  aliquo 
revocare.  Volentes  quod  sub  hac  gênerai!  renunciatione,  qua?libetspecialis 
renunciatio  intelligatur  quae  ab  aliquo  jurisperito  dici  vel  excogitari  posset 
ad  commodum  Domina  Comitissae    prœdict*.    Obligantes    nihilominus 
oranes  et  quilibet  eorumdem,  nomine  suo  et  quorum  supra,  eidem  Do- 
minfe  Comitiss»,  pro  praedictis  omnibus  et  singulis  attendendis  et  cora- 
plendis  et  fideliter  observandis,  omnia  bona  sua,  et  specialiter  praedicti 
Humbertus  et  Aymo,  quod  si  contingeret  ipsos  vel  aliquem  de  ipsis  venire 
vel  facere  contra  praedicta  vel  aliquid  de  praedictis,  praîdicta  Domina  Co- 
mitissa  bona  ipsorum  possit  auctoritate  propria  accipere  et  habere  et 
tenere,  vendere  et  alienare  tanquam  sua,  et  de  ipsis  facere  pro  suo  libito 
voluntatis.  —  Et  promiserunt  pniedicti  Domina  Elyenor,  Humbertus  et 
Aymo,  quod  Franciscus,  Raymondus,  Gulielmns,  Agnes,  Beatrix,  Ânfe- 
ligia,  Margarita  et  Ysabel,  filii  et  filiae  quondam  memorati  Domini  (Julielmi 
et  alii  heredes  dicti  D.  Gulielmi  si  forte  haberet  alios,  confirmabunt  et 
approbabunt,  corporali  prœstito  juramento,  omnia  et  singula  suprascripta, 
et  de  praedictis  facient  vel  fieri  praecipient  publicum  instriimentum  sive 
litteram,  sigillatum  sigillo  autenticato  ad  opus  dicta?,  Domina  Comitiss*. 
—  Et  renunciavit  dicta  Domina  Elyenor  certiorata  primo  Senatus  Con- 


21 

sulto  Velleyano,  et  jiiri  hipotecarum,  si  qiiod  habot  vel  liabere  pote^t  in 
pnvîdictis  rébus.  Et  volentes  pra.Hlicti,  pro  se  et  nominibus  quibus  supra, 
quofi  omnia  etsinsiilasuprascripta  plenam  et  perfectam  habent  firmitatcm. 
ea  omnia  et  singiila,  nt  supra  dictum  est.  juraverunt  attcndere  inviolabi- 
liter  et  perpctuo  observare  et  in  nullo  rontravenire  aliquo  modo  per  se 
vel  per  interpnsitam  persniiam ,  sacro  sariclis  Evangeliis  corporaliler 
manu  tactis.  Et  versa  vice  privdicta  Domina  Comitissa  promisit,  per  jura- 
mentuni  ad  sancta  Dei  Evani^elia  corporaliter  pnçstitum,  ipsis  quibus 
supra  stipulantibus.  priedictam  remissionem  ratam  et  firmam  habere  pcr- 
petuo  et  in  niiila  contra  pra^dicla  venire,  vel  in  aliquo  revocare.  Ad  b^c 
voiuerunt  quod  ex  hoc  contractu  duo  fiant  instrumenta  ejusdem  tenoris, 
unum  pro  dicta  Domina  Comitissa,  et  aliud  pro  Domina  Elycnor,  Hum- 
berto  et  Aymone  superius  nominatis.  —  Acîum  anno  ab  incarnatione  Do- 
mini  millesimo  ducentesimo  septuagesimo  sexto,  indictione  quarta,  die 
lunae,  octavo  Idus  Martii.  Actnm  apud  Visiliani  in  castro,  praesentibus 
Domino  Jacobo  de  Ravennis  jurisperito,  Marlino  de  Sancto  Georgio  cle- 
rico.  Domino  GugHelmo  Bertrandi  milite,  fratre  Humberto  de  Aliavardo 
guardiano  Fratrum  minorum  Mnyrenci,  Petro  Barralis  castagno  de  Bollo- 
visu,  Hugoneto  Falconerio,  Jaquetto  de  Bellagarda,  Robino  cordoverio. 
Domino  Petro  de  Corvo  sacerdote,  Domino  Humberto  de  Rossilione, 
Ponceto  Marescalco,  fratre  Johanne  converso  domus  Pratimollis,  Stephano 
Ros  de  Brez,  Guilloto  clerico  de  Bresciaco,  Gulielmo  de  Voseriaco,  et 
pluribus  aliis  testibus  ad  bsec  vocatis  et  rogatis.  Ego  Henriguetus  fdius 
Sinibaldi  de  Fiorencia,  imperiali  auctoritate  Judex  atque  Notarius  praî- 
dictis  omnibus  interfui  et  rogatus  scripsi  ea  fideliter  et  publicavi. 

fArchirea  tle  Turin.  Cof)ie  d'après  un  ridfntus  commun iqui- 
pur  M.  Ch.  (le  Fuuciifnij-Luctnrff'.  prince  de  CijKtriu.  —  //  résulte 
en  outre  d'untres  pièces  transcrites  dans  le  même  ridinnts,  quo  la 
frunsurtion  ci-dessus  du  S  mars  127 1!  fut  renourelée  et  confirmée 
le  9  décembre  1280  au  château  de  Chdtillon  en  Faueii/ni/,  puis  le 
17  août  1302  à  Montfleuri.  diocèse  de  Grenoble,  par  la  comtesse 
Béatrix.  dame  de  Faucignij,  et  par  les'enfants  de  défunts  Guillaume 
et  Elèonore  de  Lucinge.  Ceux  des  dits  enfants  qui  figurent  dans 
re  dernier  acte  sont  :  François,  fils  dp  ff>i  Humbert.  Aiïuuu  et  son 
fils  Pierre.) 


22 


91 


1278,  janvier,  13. — Accord  entre  l'abbuye:  d'Aulps  et  Aimon,  damoiseau  de 
Lully,  au  sujet  de  terres  situées  sous  la  grange  de  Rovérée. 

Nouerint  imiuersi  présentes  litteras  inspecluri  quod  cum  ego  Aymo 
«ionzez  de  Lnllie  inouerem  qnestiones  contra  abbateni  et  conuentuni  de 
Alpibus  super  tribus  posis  terre  sitis  subtus  grangia  de  la  Rouerea  et 
occasione  Rodulphi  fratris  mei.  Tandem  mediantibus  domno  Trnmberto 
capellano  de  Luilie  et  Girodo  de  Rouerea  domicello,  dicti  abbas  et  con- 
uentus  dederunt  et  soluerunl  mihi  octo  solidos  Gebenn.  pro  bono  Karitatis 
et  ego  quitaui  et  quito  dictis  abbati  et  conuentui  in  perpetuum  omne  jus 
et  omnem  actionem  si  quid  aut  quam  babebam  aut  babeo  seu  habere  debeo 
contra  ipsos  super  preniissis  et  ex  quacumque  causa,  promittens  per  jura- 
mentuni  super  sancta  dei  euangelia  prestitum  me  contra  dictam  quitta- 
tionem  non  venturum  nec  alicui  contra  venire  volenti  consensurum.  Re- 
nuncians  etiam  in  hoc  facto  sub  vi  prestiti  juramenti  exceptioni  doli 
raetus  et  in  factura  et  omni  auxilio  et  beneficio  juris  et  consuetudinis  per 
quem  posscm  venire  contra  predicta  aut  aliqua  de  predictis,  et  juri 
dicenti  generalem  renunciationem  non  valere.  In  cujus  rei  testimonium 
logaui  sigilla  venerabilis  domni  Pétri  abbatis  de  Fillie  et  dicti  capellani 
presentibus  apponi.  Et  nos  dicti  abbas  de  Fillie  et  capellanus  de 
Luilie  ad  preces  dicti  Aymonis  sigilla  nostra  presentibus  apposuimus  in 
testimonium  veritalis.  Aclum  apud  la  Rouerea  in  octaba  epiphanie  Do- 
mini  anno  eiusdem  millesimo  ducentesimo  septuagesimo  septimo. 

(D'ufnt's  ron'gitml  nrqids  ilaus  In  loinuiuuc  de  Sniut -Ji'iiii 
il'Aulps.j 


99 


1284,  janvier.  —  Hommage-lige  de  Jean  de  Mont  à  Jean  de  CMlons-Arlay. 

Je  Jeans  de  Mons  Escuyer  fils  cayenars  Helet  Signour  de  mont,  fair 
savoir,  que  je  suis  homs  liges  de  Noble  Baron  Jean  de  Châlon  Signour 


23 

(J'Arlay,  sauve  la  féauté  monseigiv  Perron  de  Joinville  sitçnoiir  de  .lais  »!t 
Sauve  la  féauté  mous  Perron  Signour  de  Champvens  et  tien  doudit  Jehan 
Mons"" en  fié  ma  maison  de  Mont  enlaquelle  je  le  dois  recepter  àgrant  force 
et  a  petite  contre  toutes  gens.  —  Et  tien  encore  de  lui  cinc  charges  de  sel 
(|ue  je  ay  de  Rente  au  puis  de  Salins.  ~  En  tesmoignage  de  ceste  chose 
j'ai  fait  sceller  ces  lettres  don  sel  à  l'honnorable  père  en  Jésus  Christ 
Willaume  par  la  grâce  de  Deus,  Evéque  de  Losanne,  et  don  Seal  à  noble 
Baron  et  saige  Henry  Signer  de  Jour.  — Et  nous  li  devant  diz  Wuillerme 
Evesque  de  Losanne  et  Henris  Sire  de  Joux  à  la  prière  et  à  la  requeste 
...  qui  furent  faites  en  l'an  notre  Seigneur  corrant  per  M.  CC.LXXXUI, 
au  mois  de  Janvier. 

Cartuluire  de  CIkUohs,  foh.  22.  —  Pièce  recueillie  par  M.  F.  de 
(rimpm-La  Sarraz .  et  commaniquêe  par  le  comité  de  la  Société 
d' histoire  de  la  Suiase  roniande.) 


93 


1286,  juin,  11.  —   Bulle  d'Honorius  IV,  confirmant  les  droits  et  privilèges  de 
riiospice  de  Saint-Bernard  du  Mont  Jou,  au  diocèse  de  Sion. 

Honorius  Episcopus,  servus  servorum  Dei,  dilectis  filiis  Preposito  hos- 
pitalis  Sancti  Bernardi  de  Monte  Jovis,  ejusque  Fratribus  tam  presentibus 
quam  futuris  regularem  vitam  professis  in  perpetuuni.  Religiosam  vitam 
eligentibus  Apostolicum  convenit  adesse  presidium,  ne  forte  cujuslibet 
temeritatis  incursus,  aut  eos  a  proposito  revocat,  aut  robur,  quod  absit, 
sacre  Rehgionis  infringat.  Ea  propter,  dilecti  in  Domino  filii,  vestris  justis 
postulationibus  clementer  annuimus,  et  hospitale  sancti  Bernardi  do  Monte 
Jovis,  Sedunensis  Diocesis,  in  quo  divine  estis  obsequio  mancipati,  sub 
beati  Pétri  et  nostra  protectione  suscipimus,  et  presentis  scripti  privilégie 
communimus.— In  primis  siquidem  statuentes  ut  ordo  canonicus  qui  secun- 
dum  Deum  et  beati  Augustini  regulam  in  eodem  liospitali  institutus  esse 
dignoscitur,  perpetuis  ibidem  temporibus  inviolabiliter  observetur.  Prete- 
rea  quascumque  possessiones,  quecumque  bona,  idem  hospitale  in  pre- 
sentiarum  juste  et  canonice  possidet,  aut  in  futurum  concessione  Ponti- 


24 

fjcuin,  lart^itione  Regiim  vel  Principum,  oblatioue  fidelium,  .-eu  aliis  justis 
modis  preï^tante  Domino  poteril  adipisci,  firrna  vobis  vestrisque  successo- 
ribus  et  illibata  permancant.  In  quibus  hec  propriis  exprimenda  vocabulis  : 
locum  ipsum  in  quo  prefatum  hospitale  ^itum  est  cum  omnibus  peitinentiis 
suis.  —  In  predicta  Diocesi,  ecclebiam  S.   Pétri  de  Burgo  montis  jovis 
cum  omnibus  pertinentiis  suis  ;  ecclesiam  S.  Gcorgii  de  Ledes  cum  per- 
tinentiis  suis;  S.  Nicolai  de  Orseres,  S.  Stepliani  de  S.  Brancherio,  et 
S.  Marie  de  Martigniaco  ecclesias  cum  omnibus  pertinentiis  earumdem  ; 
domum  montis  jovis  de  Seduno  cum  pertinentiis  >uis,  ecclesiam  S.  Mi- 
chaelis  de  Turre  Seduni  cum  pertinentiis  suis;  S.  Pétri  de  Lenz,  de  Alyo 
et  de  Rupe  ecclesias  cum  omnibus  pertinentiis  earumdem  ;  grangiam  de 
Rupe  cum  terris,  possessionibus  et  omnibus  pertinentiis  suis ,  ecclesiam 
de  Novavilla  cum  pertinentiis  suis  ;  ecclesiam  de  Cors  cum  peitinentiis 
suis  ;  ecclesiam  S,  Hipoliti  de  Yuvriacu  cum  pertinentiis  suis  ;  ecclesiam 
S.  Marie  de  Bellomonte  cum  pertinentiis  suis;  jurisdictionem  temporalera 
et  quidquid  juris  habetis  in  predicto  monte  S.  Bernardi  hospitale  vestrum 
noscilur  obtinere.  —  In  diocesi  Lausanensi ,  hospitale  de  Viviaco  cum 
terris,  possessionibus  ei  omnibus  pertinentiis  suis  ;  ecclesiam  de  Septera 
Salis  cum  pertinentiis  suis  ;  villara  de  Montepresbitero  cum  ec.  lesia  et 
capella  dependente  ab  ea,  ac  jurisdlctione  temporali,  hominibus,  redditibus 
et  omnibus  pertinentiis  suis  ;  de  Verduno  et  de  Friburgo  ho-pitalia  cum 
terris,  possessionibus  et  omnibus  pertinentiis  eorumdem  ,  de  Faveiniaco  et 
Aprili  ecclesias  cum  pertinentiis  earumiera;  Cellam  de  Betens  et  ccllam 
de  Silva  lum  omnibus  peitinentiis  earumdem;  villam  de  Estue  cum  homi- 
nibus, jurisdictione  temporali,  redditibus,  terris,  possessionibus  et  omni- 
bus pertinentiis  suis  ;  ecclesiam  S.  Nicolai  quara  habetis  ibidem  cum 
capellis  dependibus  ab  eadem  et  omnibus  aliis  pertinentiis  suis  ;  ecclesiam 
de   Beria  cum   pertinentiis  suis  ;   cellam   de    Serra  cura   pertinentiis 
suis;  hospitale  de  Lator  situm  juxta  castrum  de  Jogne  cum  pertinentiis 
suis;  et  jurisdictionem  teniporalem  et  quidquid  juris  habetis  in  eadem 
diocesi  Lausanensi.  —   In  diocesi  Basileensii,  ecclesiam  de  Ferretes 
cum  capellis  dependentibus  ab  eadem,  ac  lerris,  possessionibus  et  perti- 
nentiis eaiumdem.  -  In  diocesi  Gebennensi,  ecclesiam  S.  Marie  de  Mel- 
lerea  cum  villa  ejusdem  loci,  homines,  juridictionem  temporalem  et  quid- 
quid juris  habetis  ibidem  ;  ecclesiam  de  Marins  cum  pertinentiis  suis  ; 
grangiam  de  Yigniaco  cum  pertinentiis  suis;  ju>  patronatus  et  quidquid 
juris  habetis  in  ecclesiis  sancti  Michaelis  de  Tholons,   de  Germaniaco, 
et  sancte   Marie  de  Novel  ;  homines  quos   habetis   in  loco  qui  Cou- 


25 

cisa  viilgariler  nominatur  ;  cellam  que  dicitui'  Kleinosina  de  lluniiliaro  in 
Albaiies  cuni  perlinentiis  suis  ;  ecclesiam  S.  Lupi  de  Versoya  cum  perti- 
nentiis  suis  ;  nec  non  terras,  possessiones  et  redditus,  ac  alla  jura  et  bona 
que  liabetis  in  eadem  Diocesi  Gebennensi.  —  Prebendam  quam  babetis 
in  majori  cf^clesia  Augustensi;  S.  Benigni  et  S.  Jacobi  de  Augusla  eccle- 
siascum  terris,  possessionibus,  reddilibus,  vineis  et  omnibus  aliis,  perti- 
nentiis  earumdem.  In  diocesi  Augustensi,  ecclesiam  S  Georgii  cum  perti- 
nenliis  suis;  vineam  de  Bibiano  cum  pertinentiis  suis;  vineam  de  Reppo 
cum  pertinentiis  suis  ;  villam  et  grangiam  de  S.  Kugendo  cum  hominibus 
et  pertinentiis  suis;  hospitale  de  Gastellione  cum  pertinentiis  suis;  eccle- 
siam S.  Pétri  de  Donatio  cum  pertinentiis  suis;  jus  patronatus  quod  ba- 
betis in  ecclesiis  de  S.  Remigio  et  de  S.  Kugendo  et  de  Stipulis.  —  In 
civitate  et  diocesi  Yporiensi,  ecclesiam  S.  Micbïelis  de  Gursoria  cum  per- 
tinentiis sms;  S.  Martini  de  piano,  S.  Stephani  de  monte  de  Grimoldens 
de  Favria,  et  S.  Salvatoris  de  Burgaro  Masino  ecclesias  cum  pertinentiis 
earumdem.  —  In  civitate  Vercellensi,  ecclesiam  S.  Bernardi  de  Vercellis 
cum  pertinentiis  suis.  In  diocesi  Vercellensi,  ecclesiam  S.  Secundi  cum 
pertinentiis  suis  ;  annuum  redditum  sex  librarum  Viennensium  quam 
percipitis  ab  abbate  et  conventu  S.  Andrée  Vercellensis,  pro  capella  de 
S.  Germano.  —  In  diocesi  Novariensi,  ecclesiam  SS.  Philippi  et  Jacobi 
cum  pertinentiis  suis.  —  In  diocesi  Taurinensi,  ecclesiam  S.  Bernardi 
cum  pertinentiis  suis,  et  annuum  redditum  duodecim  librarum  Papiensium 
quem  percipitis  a  Fratribus  ordinis  humiliatorum  de  Glivasio  pro  occlesia 
quam  liabetis  ibidem.  —  In  diocesi  Messanensi,  ecclesiam  S.  Pelri  de 
Capiz  cum  capellis  dependentibus  ab  eadem  et  aliis  pertinentiis  suis.  — 
In  civitate  et  diocesi  Bisuntinensi  cellam  de  Bisuntio  cum  omnibus  perti- 
nentiis suis,  cellam  de  Asclens  cum  pertinentiis  suis  ;  grangiam  de  S. 
Chracel  cum  pertinentiis  suis  ;  cellam  de  Bella  aqua  cum  pertinentiis  suis  ; 
hospitale  de  Salins  cura  pertinentiis  suis.  —  In  diocesi  Lingonensi,  hos- 
pitale de  valle  de  Seuson  cum  pertinentiis  suis  ;  grangiam  et  vineas  quas 
habetis  in  loco  qui  dicitur  Pratet  cum  omnibus  pertinentiis  earumdem  ; 
hospitale  de  Voisey  cum  pertinentiis  suis  ;  cellam  quam  habetis  apud  Bar- 
rum  snper  Secanam  cum  pertinentiis  suis  —  In  diocesi  Eduensi,  cellam 
S.  Bernardi  sub  monte  Begali  cum  |iertinentiis  suis,  et  unam  prebendam 
quam  habetis  in  ecclesia  de  Espesses.  —  In  civitate  Trecensi,  hospitale 
S.  Bernardi  cum  grangiis,  redditibus,  et  omnibus  pertinentiis  suis.  In 
diocesi  Trecensi,  hospitale  quod  dicitur  Domus  Dei  de  Secana  cum  gran- 
giis, possessionibus  et  omnibus  pertinentiis  suis.  —  Juxta  Remis,  hospitale 


26 

(juod  dicitiir  Dei  merilum,  cura  pertinenliis  !?uis.  In  diocesi  Kemensi, 
grangiam  que  dicitur  Lafolia  cuni  pertinenliis  suis.  —  In  diocesi  Metensi, 
cellam  de  Ponte  S.  Vincentii  cum  pertinentiis  suis.  —  In  diocesi  Antissio- 
(lorensi,  hospitale  S.  Bernardi  de  Apagniaco  cum  pertinentiis  suis;  eccle- 
siam  et  villam  de  Branches,  ac  homines  et  jurisdictionem  temporalem 
i|uas  habetis  ibidem.  —  In  Anglia  :  In  diocesi  Londinensi,  ecclesiam  de 
Haveringes  que  dicitur  Monasterium  Cornutum,  cum  capellis  dependenti- 
bus  ad  eadem,  nec  non  décimas,  homines,  possessiones  et  quidquid  juris 
habetis  ibidem  ;  et  manerium  de  Sothona  cum  pertinentiis  suis.  —  Item 
décimas,  redditus,  proventus  et  quidquid  juris  habetis  in  ecclesiis,  capel- 
hs,  cellis,  grangiis  et  hospitalibus  supradictis,  cum  terris,  pratis,  vineis, 
nemoribus,  usagiis  et  pascuis  in  bosco  et  piano,  in  aquis  et  molendinis,  in 
viis  et  semitis  et  omnibus  aliis  libertatibus  et  immunitatibus  suis.  Sane 
novalium  vestrornm  que  propriis  raanibus  aut  sumptibus  culitis,  de  quibus 
aliquis  hactenus  non  percepit,  sive  de  vestrorum  animalium  nutrimentis, 
nulhis  a  vobis  décimas  exigere  vel  extorquere  présumât.  Liceat  quoque 
vobis  clericos  vel  laicos  liberos  et  absolutos  e  seculo  tugientes  ad  conver- 
sionem  recipere,  et  eos  absque  contradictione  aliqua  retinere.  Prohibemus 
insuper  ut  nulli  fratrum  vestrorum,  post  factam  in  hospitali  vestro  pro- 
lessionem,  fas  sit  sine  Prepositi  sui  licentia  de  eodem  loco,  nisi  arctioris 
religionis  obtentu,  discedere;  discedentem  vero  absque  communium  litte- 
rarum  vestrarum  cautione,  nullus  audeat  retinere.  Cum  autem  générale 
interdictum  terre  fuerit,  liceat  vobis,  clausis  januis,  exclusis  excommuni- 
catis  et  interdictis,  non  pulsatis  campanis,  suppressa  voce,  divina  officia 
celebrare,  dummodo  causam  non  dederitis  interdicto  ;  crisma  vero  oleum 
sanctum.  consecrationes  Altarium  seu  Basilicarum,  ordinationes  clerico- 
rum  qui  ad  ordines  fuerint  promovendi,  a  diocesano  suscipietis  Episcopo, 
siquidem  catholicus  fuerit  et  gratiam  et  communionem  sacrosancte  Romane 
sedis  habuerit,  et  ea  vobis  voluerit  sine  pravitate  aliqua  exhibere.  Prohi- 
bemus insuper  ne  infra  fines  Parochie  vestre,  si  eam  habetis,  nullus  sine 
assensu  diocesani  Episcopi  et  nostro,  capellam  sive  oratorium  de  novo 
cimstruere  audeat,  salvis  privilegiis  Romanorum  Pontiticum.  Adhec  novas 
et  indebitas  exactiones  ab  Archiepiscopis,  Episcopis,  et  Archidiaconis  seu 
Decanis,  aliisque  omnibus  ecclesiasticis  secularibusve  personis  a  vobis 
omnino  fieri  prohibemus.   Sepulturam  quoque  ipsius  loci  liberam  esse 
decernimus,  ut  eorum  devotioni  et  extrême  voluntati  qui  se  illic  sepeliri 
deliberaverint,  nisi  forte  excommunicati  vel  interdicti  sint,  aut  etiam  pu- 
bliée usurarii,  nullus  obsistat,  salva  tamen  justifia  illarura  ecclesiarum 


27 

a  quibus  corpora  mortuorura  absuraiintur.  Décimas  preterea  et  possessiones 
ad  jus  ecclesiarum  vestrarum  spectantes  et  que  ab  aliis  detinentur,  redi- 
mendi  et  légitime  liberandi  de  manibus  eorum,  et  ad  ecclesias  ad  quas 
pertinent  restituendi,  sit  vobis  libéra  de  nostra  auctoritate  facultas.  Obeunte 
vero  te  ejusdem  loci  Preposito,  vel  tuorum  quolibet  successorum,  iiullus 
ibi  quavis  subreptionis  astutia  seu  violentia  preponatur,  nisi  quem  Fratres 
comrauni  consensu  vel  Fratrum  major  pars  consensusque  sanioris,  secun- 
dum  Deuni  et  beati  Augustin!  regulam  providerint  eligendum.  Paci  quoque 
et  tranquiilitati  vestre  paterna  imposterum  soUicitudine  providere  volentes, 
auctoritate  apostolica  prohibemus  ut  infra  clausuras  locorum  seu  grangia- 
rum  vestrarum  nuUus  rapinam  seu  furtum  facere,  ignem  apponere,  san- 
guinem  fundere,  hominem  temere  capere  vel  interficere,  seu  violentiam 
audeat  exercere.  Preterea  oranes  libertates  et  iramunitates  a  predecessori- 
busnostris  Romanis  Pontificibus  hospitali  vestro  concessas,  iiec  non  liber- 
tates et  exemptiones  secularium  exaction um,  a  Regibus  et  Principibus  vel 
aliis  fidelibus  rationabiliter  vobis  indultas,  auctoritate  Apostolica  confir- 
maraus  et  presentis  scripti  privilegio  confirmamus,  Decernimus  ergo  ut 
nulli  omnino  hominum  liceat  prefatum  hospitale  perturbare  temere,  aut 
ejus  possessiones  auferre,  vel  ablatas  retinere,  minuere,  seu  quibuslibet 
vexationibus  fatigare,  sed  omnia  intégra  conserventur  eorum  pro  quorum 
conservatione  ac  sustentatione  concessa  sunt  usibus  omnimodis  profutura, 
salva  Sedis  Apostolice  auctoritate  et  diocesanorum  Episcoporum  canonica 
justitia  et  in  predictis  decimis  moderatione  Concilii  generalis.  Si  qua 
igitur  in  tuturura  ecclesiastica  secularisve  persona  hanc  nostre  constitutio- 
nis  paginara  sciens  contra  eam  temere  venire  templaverit,  secundo  ter- 
tiove  commonita,  nisi  reatum  suum  congrua  satisfactione  correxerit,  po- 
testatis  honorisque  sui  careat  dignitate,  iramque  se  divine  judicio  existere 
de  perpetrata  iniquitate  cognoscat,  et  a  sacratissimo  corpore  ac  sanguine 
Dei  etDomini  Redemptoris  nostri  Jesu  Christi  aliéna  fiât,  atque  in  extremo 
examine  districte  subjaceat  ultioni.  Cunctis  autem  eidem  loco  sua  jura 
servantibus  sit  pax  Domini  nostri  Jesu  Christi,  quatenus  et  hic  fructum 
bone  actionis  percipiant  et  apud  districtum  judicem  premia  eterne  pacis 
inveniant  :  Amen. 
(Sceau)  Honorius  catholice  Ecclesie  Episcopus. 

f.  Ego  Franc.  Bethvenga  Albanensis  Episcopus. 
f.  Ego  Fr.  latan.  Ostiensis  et  Velletren.  Episcopus. 
-f.  Ego  Fr.  Jeronimus  Penestrin.  Episcopus. 

T.  X\\  2"'  partie.  ■      ^ 


28 

■{-.  Ego  Hugo  tit.  S.  Laurentii  iii  Lucina  presbiter  Cardinalis. 

f .  Ego  Cornes  tit.  Sanct.  Marcelli  et  Pot.  presbiter  Cardinalis. 

f.  Ego  Gund.  tit.  S.  Susanne  presbiter  Cardinalis. 

f.  Ego  Matheus  S.  Marie  in  portion  diaconus  Cardinalis. 

f .  Ego  Jordanus  S.  Eustachii  diaconus  Cardinalis, 

f.  Ego  Jacobus  S.  Marie  in  via  lata  diaconus  Cardinalis. 

Datum  Rome  apud  Sanctam  Sabinam,  per  manum  Magistri  Pétri  de 
Mediolano  S.  Romane  ecclesie  vicecancellarii,  tertio  idus  junii,  indictione 
XIIII,  incarnationis  dominice  anno  M".  CC".  LXXXVI",  pontificatus  vero 
Domini  Honorii  Pape  IIIl,  anno  secundo.  (Sceau  pendant.) 

(Bulle  originale  dans  les  archives  du  Grand  Saint-Bernard. —  La 
transcription  ci-dessus  est  faite  d'après  une  copie  authentique  appar- 
tenant à  l'Hospice  et  communiquée  par  M.  le  chanoine  Ant.  Dalléves, 
prieur  à  Marti rjmj.) 


94 


1288,  avril,  2.  —  BénU-ix,  fille  de.  feu  F'ierre  de  Savoie,  ordonne  à  son 
châtelain  de  Mont-Joie  de  faire  délivrer  sans  trouble  ni  retenue,  au  prieure 
de  CÂamonix,  le  muid  et  demi  de  froment  qui  a  été  assigné  à  cette  église  par 
feu  Aiinon  de  Faucigny. 

Beatrixfilia  inclite  recordationis  Domini  P.  comitis  Sabaudie,  dilecto 
fideli  suo  Enudoni,  castellano  Montis  Gaudii  et  illi  qui  pro  tempore  fuerit 
castellanus  dicti  loci,  salutem  et  dilectionem  sinceram.  Cum  inclite  recor- 
dationis Dominus  Aymo,  Dominus  Faucignaci  quondam  assignaverit 
ecclesie  de  Cham.  et  ejus  servitoribus  unum  modiura  et  dimidium  fru- 
menti  annuatim  percipiendum  in  villa  de  Syervoz,  mandamus  tibi  quatenus 
dictum  frumentum  dicte  ecclesie  seu  ejus  servitori  deliberari  facias  et 
reddi,  nec  eidem  de  cetero  ipsum  in  perceptione  dicti  frumenti  aliquo 
perturbes,  nec  perturbari  permittas,  taliter  super  hoc  te  habens  ne  propter 
defectum  tuum  dictam  servicionem  ad  nos  reverti  non  oporteat.  Datum 
Boneville  die  veneris  post  pascha,  anno  Domini  Mo.CC.LXXXVIII». 

(Arch.  de  Sallanches ,  d'après  un  vidinuis  de  1364.  —  Copie 
communiquée  par  M.  le  notaire  Bonnefoy.) 


29 


95 


1288,  mai,  19.  —  Aulorisalion  donnée  par  Béalrix  à  Vauterel,  son  homtnc- 
lige,  de  faire  rendre  hommage  par  un  de  ses  fils  au  prieur  de  Chamonu, 
pour  un  albergemeut  dépendant  du  dit  prieuré. 

Nos  B.  filia  inclite  recordationis  Domini  P.  comitis  Sabaudie  et  Do- 
mina Fucign.  Notiim  facimus  universis  présentes  litteras  inspecturis 
quod  nos  volumus  et  concedinius  quod  Vouteielus  de  Monte  Vouterio, 
homo  noster  ligius  et  talliabilis,  reddat  unum  de  suis  filiis  in  hominem 
ligium  priori  et  prioratui  de  Camponiunito  pro  albergo  seu  teneniento 
quod  idem  Vouteretus  tenet  ex  parte  uxoris  sue  a  priore  et  prioratu  su- 
pradictis.  Volentesque  et  concedentes  quod  dictus  Vouteretus  possit  et 
debeat  usagiare  in  manu  dicti  prions  pro  dicto  suo  filio  quantum  ad  dic- 
tum  tenementum,  salva  fidelitate,  homagio  nostro  et  jure ,  donec  dictum 
lilium  suum  ad  etatem  legitimam  contigeret  pervenire.  In  cujus  rei  testi- 
monium  présentes  litteras  sigilli  nostro  tradimus  sigiilatas.  Dat.  Montis 
Gaudii,  die  mercurii  post  penthecostes,  anno  Domini  M'.GC".LXXX°. 
octavo. 

(Arcli.  de  Sallanclies.  Pièce  à  InqiœHe  pend  le  sceau  tinnuldire  de 
Béatrix,  reprêsenlnnt  une  tète  de  femme  coiffée  en  ckeren.c  à  In 
(ivecque.  —  Copie  conmmniquèe  pur  M.  le  not.  Bonnefojj.) 


96 


1289,  février,  9.  —  Amédée,  comte  de  Genevois,  donne  en  précaire  a  l'éijliie 
de  Saint-Maire  son  casai,  situé  à  Lausanne,  près  la  porte  du  même  nom. 
Il  se  réserve  le  droit  de  révoquer  cette  donation. 

Amedeus  cornes  gebennensis  dédit  priori  et  conventui  sancti  Marii 
precario  possidendum  casale  suum  situm  in  ciuitate  Lausan.  prope  porlam 
sancti  Marii,  donec  dictam  donationem  voluerit  reuocare.  Datum  die  mar- 


30 

tis  post  f'estum  Purificationis  b.  Marie  virg.  anno  Domini  millesimo  CC'' 
octuagesimo  nono. 

(Arch.  de  Lausanne.  Ancien  inv.  des  arcfi.  du  prieuré  de  Saint- 
Maire.  —  Communiq.  par  M.  fabbè  Gremaud.) 


«^ 


i289,  octobre,  21.  —  Amédée,  comte  de  Genevois,  révoque  toutes  les  con- 
ventions (ju'il  a  passées  avec  les  hommes  de  Chamonix. 

Nos  Amedeus,  cornes  Gebenn.  notum  facimus  iiniversis  presentem  pa- 
ginam  inspecturis,  quod  nos  scientes  et  spontanea  voluntate  omnino  solvi- 
mus  et  quittavimus  prout  melius  possumus  111.  Domine  Beatrici,  filie  in- 
cite recordationis  Domini  Pétri  comitis  Sabaudie,  Domine  Faucigniaci  et 
Iratri  Richardo,  priori  prioratus  de  Compomunito,    omnia  juramenta, 
conventiones  sive  pacta,  conditiones  et  ordinationes  quas  nobis  fecerunt 
homines  de  Campomunito,  qualiterque  ipsa  et  ipsas  nobis  fecerunt  et 
pacta  revocamus.  Volentes  et  concedentes  quod  de  predictis  juramentis, 
conventionibus,  pactis,  conditionibus  et  ordinationibus,    Nos  de  cetero 
juvare  in  aliquo  non  possimus,  imo  cassa  et  irrita  perpétue  remaneant, 
nulliusque  valons  et  momenti  existant.  Predictosque  homines  de  Campo- 
munito de  juramentis,  conventionibus,  pactis,  conditionibus  et  ordinatio- 
nibus, si  quas  nobiscum  fecerunt,  solvimus  irrevocabiliter  penitus  et  quit- 
tamus,  ita  quod  ad  ipsas  nobis  de  cetero  minime  tenerentur,  et  etiam  si 
aliqua  alla  in  valle  Campimuniti  de  novo  fecimus  a  die  dominica  ante 
festum  beati  Luce  evangeliste  citra  contra  dictum  Priorem  et  prioratum, 
ipsa  penitus  revocamus  et  dicto  prioratui  restituimus,  et  ipsum  in  statu 
pristino  volumus  permanere,  salvo  jure  quod  ibidem  prius  habebamus. 
In  cujus  rei  testimonium,  sigillum  nostrum  presentibus  duximus  appo- 
nendum.   Datum  die  veneris  post  festum  beati  Luce,  anno  Domini  M". 
(X«.LXXX«.  nono. 

(Arcli.  de  Sallanches.  Vidimus  de  1737.  —  Copie  communiquée 
par  M.  le  notaire  Bonnefoij.) 


31 


^f^ 


1290,  janvier,  12.  —  Emjagment  réciproque  de  Ridiard,  prieur  de  Cliamonix, 
et  de  la  comtesse  Héatrix,  de  maintenir  le  dit  prieuré  sous  ta  fjarde  des  sei- 
gneurs de  Faucignij. 

Nos  frater  Richardus  prior  prioratus  sive  domus  Campimiiniti  Gebenii. 
(iyoc.  universis  presentibus  et  fiitiiris,  tenore  presentium  facimus  mani- 
festum,  quod  recognoscimus  et  recognovimus  Illustri  Domine  B.  filie 
inclite  recordationis  Domini  P.  comitis  Sabaudie,  Domine  Fucigniaci, 
quod  dictus  prioratus  sive  domus  de  Chamonis  extitit  et  permansit  in 
custodia,  garda,  tutione  Domini  F'ucigniaci  cum  omnibus  suis  pertinen- 
ciis,  appendiciis,  per  quinquagintaquinque  annos,  et  volumus  quod  dictus 
prioratus  sive  domus  cum  suis  pertinenciis  et  appendenciis  semper  sit  et 
maneat  in  dicta  custodia.  garda  et  tutione.  Rogamusque  prefatam  illustreni 
Dominam  quod  dictum  prioratum  seu  domum  cum  suis  juribus  sempei' 
velit  habere  et  tenere  in  sua  custodia  sive  garda.  Nos  vero  predicta  Do- 
mina recognoscimus  et  recognovimus  nomine  nostri  et  successorum  nos- 
trorum  prefato  priori  de  Chamonis  presenti  et  recipienti,  dictum  priora- 
tum sive  domum  Campimuniti  cum  suis  juribus,  pertinenciis  et  appen- 
denciis et  possessionibus,  fuisse  et  extitisse  spacio  quinquaginta  quinque 
annorum  in  custodia,  garda,  tutione  Domini  Fucigniaci,  tani  tempore 
nostro  quam  predecessorum  nostrorum ,  prout  nobis  constitit  legitimis 
documentis.  Unde  promittimus  et  promisimus  bona  fide,  nomine  nostri  et 
successorum  nostrorum,  prefato  priori  stipulanti  et  recipienti,  nomine 
suo  et  successorum  suorum,  prefatam  domum  sive  prioratum  de  Chamo- 
nis, cum  omnibus  suis  pertinenciis,  appendiciis,  rébus  et  possessionibus, 
contra  omnia  in  suo  jure  perpetuo  et  fideliter  manutenere,  defendere  et 
servare  et  in  nostra  custodia  et  garda  tenere  et  habere.  In  cujus  rei  tesli- 
monium  et  majoris  roboris  tirmitatem,  nos  prefata  Domina  sigillo  nostro 
raajori  et  nos  prefatus  prior  sigillo  nostro  prioratus  de  Chamonis,  presen- 
tem  litteram  tradidimus  sigillatam.  Datum  apud  Bonam  Villam  die  jovis 
post  festum  Epiphanie  Domini,  anno  ejusdem  millesimo  ducentesimo  oc- 
togesimo  nono. 

(Arcfi.  de  Sallancltes.  Le  sceau  du  prieur  est  rompu  ;  celui  de 
Béatrix  existe  en  entier  en  cire  blanche,  du  diamètre  de  46  millim. 


32 

et  porte  d'or  à  la  croix  de  sable,  avec  un  besan  au  quatrième  canton. 

Légende  :  S.  BEATRICI  FILIA  PETRI  COM DIE.  —  Copie 

comrinmiquée  \mr  M.  le  notaire  Bonnefotj.) 


99 


1291,  avril,  26.  — Déclarations  de  Bèatrix,  dame  de  Faucirjny,  de  sa  fille 
Anne  et  de  son  gendre  Hiaubcrt  Dauphin,  relatives  aux  droits  darouerie  et 
de  mère  et  mixte  empire  sur  le  prieuré  de  Chamonix. 

Nos  Beatrix  filia  inclite  recordationis  Domini  Pétri  comitis  Sabaudie, 
Domina  Faucigniati,  universis  presentibus  et  futiiris,  tenore  presentium 
t'acimus  manifestum,  qiiod  nobilis  vir  Dominus  Amedeus,  noster  consan- 
guineus,  cornes  Gebennensis,  scienter  et  spontanea  voluntate,  pro  se  et 
heredibus,  coheredibus,  ac  successonbus  suis  universis,  nobis  dicte  Bea- 
trici  presenti  et  recipienti  nomine  nostri  et  heredum  et  successorum 
nostrorum  omnium  solverit,  cesserit  et  quittaverit,  prout  melius  potuit 
in  perpetuum ,  quidquid  juris ,  actionis ,  rationis  et  requisitionis 
habebat,  seu  habere  poterat  vel  debebat,  in  valle  Ursina  et  in  valle 
Campimuniti,  et  pertinentiis  coherentiis  earumdem,  exceptis  orationibus 
sancte  Ecclesie,  nichil  dominii  utilis  vel  directi,  seu  advoyerie,  aut  im- 
perii  meri  vel  mixti,  seu  simplicis  jurisdictionis,  vel  alterius  pelvicherie 
cujuscumque,  sibi  ac  suis  retinens  in  predictis  vallibus  ac  supra  dictis 
rébus,  precio  quingentarum  librarum  viennensium,  quam  pecuniam  dicto 
Domino  Comiti  dedimus  et  solvimus  nomine  supradicte  quittationis  pro 
bonopacis,  amore  et  nomine  dicti  prioratusdeCampomunito,  Gebenn.  dyo- 
cesis,  licet  dictum  Dominum  Comitem  non  crederemus  habere  jus  aliquod 
in  predictis,  sed  omnia  supradicta  esse  plenarie  dicti  prioratus  de  Campo- 
raunito,  prout  in  litteris  sive  instrumentis  ipsius  prioratus  vidimus  con- 
tineri.  —  Nos  vero  dicta  Domina  volentes  habere  bonum  respectum  ad 
Deum  et  ad  dictum  prioratum  de  Campomunito  in  nostra  custodia  exis- 
tentem  cum  omnibus  rébus  suis,  prefatam  et  eanidem  quittationem,  so- 
lutionem,  cessionem  quam  dictus  Dominus  Comes  fecit  perpetuo  nobis  ac 
successoribus  nostris,  heredibus  ac  coheredibus  universis,  de  rébus  uni- 


33 

versis  et  singulis  supradictis  ilimisimus,  dedimus,  concessimus,  fecimus 
prout  meliiis  scienter  et  spontanea  voluntate  in  perpetiium,  nominc  nostri 
ac  heredum  et  successorum  nostrorum  omnium,  religioso  viro  l'ratri 
Richardo,  priori  dicti  prioratus  de  Campomunito  presenti  et  recipienti 
nomine  sui  et  dicti  prioratus,  eadem  quantitate  pecunie  supradicte,  vide- 
licet  pretio  quingentarum  librarum  viennensium ,  quam  pecuniam  reco- 
gnoscimus  et  confitemur  nos  habuisse  et  récépissé  a  dicto  priore  in  bona 
pecunia  numerata,  nomine  supradicte  donationis  et  cessionis,  quittationis 
quam  fecimus  dicto  priori  ac  ejus  successoribus  universis,  de  rébus  uni- 
versis  et  singulis  supradictis,  tenendam  et  possidendam  et  fruendam  per- 
pétue per  dictum  priorem  et  successores  suos,  nomine  dicti  prioratus 
Campimuniti.  Renunciantes  ex  certa  scientia  pro  nobis  et  nostris  succes- 
soribus universis,  exceptioni  non  numerate  pecunie,  non  habite,  non  tra- 
dite,  non  soluté  et  omni  spei  future  numerationis  et  omni  exceptioni  doli 
mali,  metus  et  in  factum,  et  exceptioni  competenti  deceptis  ultra  dimi- 
dium  justi  precii,  et  omni  restitulioni,  et  breviter  omni  juri  canonico  et 
civil!  per  quod  nos  vel  nostri  heredes,  sive  successores,  possemus  sive 
possent  contra  dictam  quittacionem  factam  per  nos  in  aliquo  se  tueri. 
Promisimusque  bona  fide  dicto  priori  presenti  et  slipulanti  modo  quo 
supra,  quod  contra  supradictam  donationem,  quittacionem,  cessionem  fac- 
tam per  nos  de  rébus  universis  et  singulis  supradictis,  priori  et  prioratui 
supradictis,  non  veniemus  in  perpetuum  per  nos  vel  per  alium  modo  ali- 
quo, in  parte  vel  in  toto,  sed  dictam  quittacionem,  sive  donationem,  ces- 
sionem factam  per  nos  dicto  jtriori  et  prioratui,  faciemus  plenarie  obser- 
vari.  —  Preterea  fuit  dictum  et  actum  inter  nos  et  dictum  priorem,  quod 
pacta  et  conventiones  habita  inter  nos,  ex  una  parte,  et  dictum  priorem, 
nomine  suo  et  predicti  prioratus,  ex  altéra,  prout  continentur  et  sunt  ex- 
pressa  vel  expresse  in  quodani  instrumento  publico  confecto  per  manum 
Vullielmi  Depretis,  publicii  notarii,  sigillato  sigillo  nostro  et  sigillo  dicti 
prions,  quod  incipit  in  secunda  linea  Beatrix  et  finit  in  penultiraa  hic 
{Présents  Méînoires  XIV,  p.  426,  n'>  364\,  in  suo  semper  robore  re- 
maneant  et  vigore.  Retinentes  nobis  gardam  dicti  prioratus  cum  suis 
pertinentiis  prout  predecessores  nostri  et  nos  a  tempore  Vuillelmi  Domini 
Fauciniaci  citra  habuerunt  et  in  possessione  vel  quasi  extiterunt.  —  Ce- 
terum,  nos  Humbertus  Dalphinus,  Viennensis  et  Albonensis  comes  ac 
Dominus  de  Turre,  et  nos  Anna,  Dalphina,  uxor  ejus,  dictorum  comita- 
tum  comitissa,  prefatam  quittationem  seu  donationem,  cessionem,  solu- 
tionem  factam  per  dictam  lllustrem  Dominam  Beatricem  Dalphinam,  ca- 


34 

rissimam  dominam  et  malreni  nostram,  prefalo  priori  ejusque  successori- 
bus,  de  universis  rébus  et  singulis  supradictis  habentes  gratam  et  ratani 
et  firmam  in  perpetuum  nomirie  nostri  ac  omnium  heredum  nostrorum. 
Promisimus  bona  fide  dicto  priori  presenti  et  stipulanti,  nomine  suo  et 
dicti  prioratus,  quod  contra  predictam  quittationem,  donationem,  cessio- 
nem  factam  per  predictam  illustrem  dominam  nostram  prioratui  et  priori 
supradictis  per  nos  vel  per  alium  in  perpetuum  nullatenus  veniemus.  — 
In  quorum  testimonium  et  ad  majorem  roboris  tirmitatem,  Nos  prefati 
Domina  Beatrix,  Domina  Anna  et  Humbertus  Dalphinus,  présentes  litte- 
ras  sigillis  nostris  tradidimus  sigillatas.  Dat,  apud  Salanchiam  die  jovis 
post  pascba,  anno  Domini  miiiesimo  ducentesimo  nonagesimo  primo. 

(Arcli.  (le  Salkmches.  Vi&imus  rie  1787.  —  Copie  commum'quéi' 
par  M.  le  notaire  Bonnefoy.) 


30 


1296,  mars,  27.  —  Amédée,  comte  de  Genevois,  inféode  à  François  de  Lucinge, 
prévôt  de  Genève,  la  maison  forte  d'Ardue,  ainsi  que  les  habitants  et  les 
terres  du  même  district . 

Anno  Domini  miiiesimo  ducentesimo  nonagesimo  sexto,  indictione  nona, 
sexto  Kalendas  Aprilis,  coram  me  notarié  et  testibus  infrascriptis,  illus- 
tris  vir  Dominus  Amedeus,  comes  Gebennensis,  pro  se  et  suis  haeredibus 
sive  successoribus  in  futurum,  dédit,  concessit  penitus  et  remisit  discreto 
viro  Domino  Francisco  de  Lucingio,  Praeposito  Gebennensi,  et  suis  haere- 
dibus et  successoribus  in  futurum,  merum  et  mixtum  imperiura  et  om- 
nimodara  jurisdictionem,  messeleriam  et  pilucheriam,  quod  et  quam  idem 
Comes  habet  et  habere  potest,  seu  débet  seu  habere  videtur  quoquo  modo 
in  hominibus  ipsius  Domini  Francisci  existentibus  in  villa  et  territorio  et 
districlu  de  Arsina,  et  hoc  infra  villam  et  territorium  et  districtum  dicti 
loci,  excepta  tameii  pœna  et  animaversione  corporali  quam  sibi  et  suis 
successoribus  retinuit  in  futurum,  ita  tamen  quod  ad  bona  damnatorum 
manus  non  extendat,  nec  aliquid  percipiat  seu  percipere  debeat  in  eisdem. 
Et  e  converso  praedictus  Dominus  Franciscus  pro  se  et  suis  beredibus  et 


35 

successoribus  in  futuruni,  ob  prœdictam  causani,  donationem,  concessio- 
neni  sive  remissionem,  accepit  in  leoduni  et  de  feodo  ipsius  Domini  Co- 
mitis  et  successorum  suoruin  quidquid  ipse  habet  vel  habere  polest,  seii 
débet  per  se  vel  per  alium  in  villa  et  territorio  et  districlii  dicti  loci. 
Confitens  idem  Dominus  Franciscus,  ad  interrogationem  dicti  Domini  Go- 
mitis,  se  tenereet  velle  et  debere  tenere  in  t'eodum  et  de  l'eodo  ipsius  Do 
mini  Comilis  et  successorum  suorum  domum  suam  tbrtem  de  Arsina  et 
prsedictam  jurisdictionem  et  quidquid  ipse  liabet  et  habere  débet,  possidet 
seu  possidere  videtur,  sive  sint  homines,  feoda  sive  retrofeoda,  vel  allae 
res  quocumque  nominecenseantur  infra  loca  superius  nominata.  Confitens 
etiam  ut  supra  se  debere  praedicto  Domino  Comiti  pro  praedictis  homa- 
giuni  ligium  salva  fidelitate  Domini  Fucigniaci,  et  se  debere  ipsum  juvan^ 
de  feodo  et  rébus  prœdictis  contra  omnes.  Promittentes  dictas  partes  ad 
invicera  una  alteri  solemnibus  stipulationibus  hinc  inde  mutuo  interve- 
nientibus  juramentis,  etc.  Promittens  etiam  praedictus  D.  Franciscus  so- 
lemni  juramento  vallata  se  facturum  et  curaturum  quod  quicumque  erit 
haeres,  sive  successor  suus  in  rébus  praedictis,  ipse  ratificabit,  approbabil 
et  emologabit  omnia  quae  superius  sunt  expressa.  Et  pro  prœdictis  firmi- 
ter  adimplendis  et  attendendis  obligavit  et  hypothecavit  expresse  prœfato 
Domino  Comiti  res  et  boria  superius  declarata.  Actum  in  cimisterio  de 
Dovenos,  praesentibus  Domino  Emyone  decano  de  VuUinay,  Jacobo  Escha- 
queti,  Richardo  Alberti,  Jacobo  de  Lucingio,  Hugone  de  Droysie,  clericis, 
Petro  de  Cossimay  et  pluribus  aliis  testibus  ad  haec  specialiter  vocatis  et 
rogatis.  Ego  Clemens  de  Juria,  clericus,  auctoritate  imperiali  notarius 
publicus  et  juratus  Curiarum  Domini  Officialis  et  Domini  Comitis  Geben- 
nensis  hiis  omnibus  interfui  et  dictis  partibus  rogatus  scripsi,  in  Ibrmani 
publicam  redegi  et  signo  meo  consuelo  signavi  praesens  publicum  instru- 
mentum. 

(Arch.  de  Turin.  —  Copà'  d'après  un  ridiimis  commnniqui'  par 
M.  Ch.  de  Faacigmj-Lucinf/e,  prince  de  Cijstria.  —  Un  second  acte 
daté  du  21  octobre  1307  et  rédigé  par  le  ntéme  notaire,  renferme 
le  renonrelletnent  de  Vinféodation  ci-dessus,  consenti  par  le  même 
comte  Amédée,  en  faveur  du  même  François  de  Liicinge,  prérôt  de 
Genève.  Ce  renouvellement  a  lieu  moyennant  300  livres  genevoises. 
L'acte  est  passé  à  la  Balme  de  Sillingg.j 


M 


31 


1296,  juillet,  15.  —  Humbert  et  Aimm,  ///«  de  Guillaume  de  Luciufie,  cèdent 
pour  cent  livres  genevoises  à  Béatrix,  dame  de  Faucifjntj,  toutes  leurs  pré- 
tentions sur  la  succession  d'Aimon  de  Ravorée. 

Anno   Domini  millesimo  ducentesimo  nonagesimo   sexto,  indictione 
nona,  Idus  Julii,  apud  Bonam  Villam,  in  aula  nova  castri  Bon»  Vill«, 
coram  me  nolario  et  testibus  infrascriptis,  videlicet  Domino  Francesco 
de  Lucingio,  prœposito  Gebennensi,  Johanne  de  Ravorea  domicello,  Jo- 
hanne  de  Triato  de  Floyrie,  Petro  de  Lucingo  domicello,  et  pluribus  aliis, 
Dominus  Humbertus  de  Lucingio  miles  et  Dominus  Ajmo  ejus  frater, 
lilii  quondam  Domini  Vullielmi  de  Lucingio  militis,  pro  se  suisque  here- 
dibus  atque  successoribus,  ad  requisitionem  et  interrogationem  discreti 
viri  Domini  Richardi  de  Chasla,  judicis  in  terra  Fucigniaci,  requirentis 
et  interrogantis  nomine  et  vice  illustris  Dominse  Beatricis,  Dominae  Fuci- 
gniaci, et  haîredum  atque  successorum  suorum  et  omnium  aliorum  quorum 
interest,  inlererit  vel  interesse  poterit  aut  debebit,  et  sine  spe  de  csetero 
revocandi,  solvunt,  quictant  et  remittunt  prœdictse  Dominae  quidquid  juris, 
rationis,  requisitionis,  reclamationis  et  dreyturœ  habebant,  seu  habere  de- 
bebant,  vel  habuerunt  seu  habere  consueverunt  temporibus  retroactis, 
fam  ratione  gageriir,  obligationis,  alienationis,  vel  alioquoque  modo,  in 
liereditate,  feudis,  seu  juribus  aliis  quibuscumque,  ubicumque  sint  et 
(juocumquo  nomine  censeantur,  Aymonis  de  Ravorea  patris  quondam 
.loannis  de  MoUia,  lam  in   fidelitate  hominum,   homagiis  et  aliis  rébus 
(juibuscumque  tam  in  monte  quam  in  piano.  Promittentes  dicti  fratres 
per  juramenta  sua  super  sancta  Dei  Evangelia  corporaliter  praestita,  so- 
iemni  et  valida  stipulatione  aquiliana  mediante ,  acceptilatione  subsecuta 
el  sub  obligatione  omnium  bonorum  suorum,  mobilium  et  immobilium, 
pr^sentium  et  futurorum,  se  esse  deffensores  erga  pniedictam  Dominam 
et  haeredes  et  successores  suos,  et  erga  omnes  illos  quorum  interesse 
poterit,  et  de  Raymondo,  Francisco  et  Guillelmo  fratribus  eorumdem  ra- 
tione quittationis  supradictae,  etc.  Confitentes  et  recognoscentes  dicti  mi- 
lites publiée  se  habuisse  et  récépissé  a  dicta  Domina,  ratione  quittationis 
supradict*>,  centum  libras  Gebennenses  in  bona  pecunia  numeratas  et  in 


37 

utilitatem  suam  et  suum  commodiim  fore  versas,  Renunciantes,  etc.  Et 
ego  Stephanus  de  Dessye,  piiblicus  notarius  auctoritate  imjteriali,  requi- 
situs,  hoc  instrumentum  scripsi,  subscripsi  et  in  formam  publicam  redegi 
fideliter  et  signavi.  Âctum  anno  et  die  superius  memoralis. 

(Arcli.  de  Turin.  —  Coiià'  d'iiinès  un  ridiinu^  roniiininiqui'  iiar 
h>  prince  de  Cystria.) 


39 


1306,  mai,  30.  —  Acte  de  partage  entre  Pierre,  Jacques  et  Mcrmet,  fils  d'Ai- 
mon  de  Lucinf/e,  chevalier  et  seigneur  d'Arcnthon. 

In  nomine  Domini  nostri  Jhesu  Christi,  Amen.  Anno  ab  incarnatione 
ejusdem  M".  CCC».  Vl",  indictione  IIII'',  IIl"  Kalendas  Junii.  Coram  me 
notario  et  testibus  infrascriptis,  constitutis  Petro,  Jacobo  et  Mermeto,  filiis 
quondam  Aymonis  de  Lucingio  militis.  Dicti  fratres  scientes,  prudentes 
et  spontané!,  non  seducti  nec  ab  aliquo,  utasserunt,  circumventi,  de  juri- 
bus  suis  lingua  materna  cerciorati,  asserentes  se  et  quemlibet  ipsorum 
esse  maiorem  quatuor  decim  annis,  deveneruntad  divisionem  et  ad  partes, 
partesque  et  divisiones  inter  se  fccerunt  de  bonis  suis  immobilibus  coni- 
munibus  inter  eos,  in  modum  qui  sequitur  et  qui  inferius  declaratur,  et 
generaliter  de  omni  hereditate,  aibergo,  alberganientoque  dicti  domini 
Aymonis  quondam  patris  dictorum  fratrum,  et  que  tenebat  et  possidebat 
vel  quasi,  per  se  vel  per  alium,  aut  alius  pro  ipso  et  ab  ipso,  vel  que  tem- 
père mortis  sue  ad  eum  pertinebant,  pertinereque  poterant  et  debebant  jure 
seu  titulo  qualicumque.  —  Et  primo  de  communi  consilio ,  communique 
tractatu,  ac  etiam  voluntate  expressa  cujuslibet  dictorum  fratrum  devene- 
runt  in  partem  portionemque  dicti  Pétri  de  bonis,  hereditateque  et  alber- 
gamento  predictis,  ea  que  secuntur  :  Primo,  domus  fortis  de  Arenthons 
cum  omnibus  suis  juribus  et  periinentiis  ;  item  homines  taliabiles  et  cen- 
siti  de  Arenthon  et  parochie  dicti  loci,  et  generaliter  quidquid  idem  do- 
rainus  Aymo  quondam  tenebat  et  possidebat  per  se  vel  per  alium,  vel  quasi, 
aut  alius  pro  ipso  vel  ab  ipso,  vel  que  habere  et  percipere  consuevit  in 
toto  territorio  de  Arenthons,  et  a  ponte  de  Buringio  usque  ad  aquam  de 


38 

Borna,  et  ab  aqua  de  Araiis  usijue  ad  summitaleni  de  Bornis,  in  quibiis- 
ciimque  rébus  predicta  sint  et  consistant,  in  terris,  pratis,   arboribus, 
nemoribus,  domibus,  hominibiis,  taliis,  serviciis,  censis,  usagiis,  missi- 
laria,  dominiis,  niolendinis,  baptitoriis,  aquagiis,  pascuis,  servitutibus. 
seu  in  rébus  aliis  quecumque  sint  et  future  sint  et  quocumque  nomine 
censeantur,  exceptit  viginti  quinque  solidis  censualibus  quos  dictus  Mer- 
metus  débet  percipere  et  habere  in  tribus  hominibus  et  super  très  homines 
dicti  Pétri,  de  servitute  et  super  eorum  tenernenta,  donec  eidem  per  dictum 
Petrum  fuerint  alibi  assetati,  et  excepto  usu  perpetuo  retento  per  dictum 
Mermetum  in  nemoribus  de  Arenthons,  pro  suis  edificiis  propriis  perpétue 
faciendis.   Item  homines  franchi  de  Arenthons,  ita  tamen  quod  de  ipsis 
hominibus  franchis  teneatur  dare  excambium  aliis  fralribus  suis  ad  dicta- 
men  domini  Jacobi  curati  de  Cranves  et  Hugonis  Dardelli.  Item  vinea  de 
Fucigny  cum  omnibus  suis  pertinentiis  et  feodo  suo.  Item  quidquid  juri> 
dicti  fratres  habent  et  habere  debent  in  navigio  Araris  subtus  Arenthons. 
Hoc  acto  et  in  pactis  deducto  inter  predictos  fratres  quod  dictus  Petrus 
teneatur  facere  commune  omagium  ligium  Domino  Fucignii  pro  se  et  alii> 
fratribus  suis,  et  de  illo  omagio  eisdem  sit  gayrenz  erga  dictum  Dominum, 
et  ipsi  fratres  ejus  Jacobus  et  Mermetus  in  recompensatione  servitutis 
dicti  omagii  eidem  Petro  quadraginta  solides  Gebennenses  annuales  dare 
et  assetare  teneantur,  si  ita  est  quod  ipsi  fratres  erga  dictum  Dominum 
pro  uno  omagio  valeant  esse  quicti.  Et  pro  predictis  rébus  superius  de- 
claratis,  modo  et  forma  quibus  superius  est  expressum,  idem  Petrus  solvit 
et  quictat  pro  se  et  heredibus,  successoribusque  suis  in  futurum,  predictis 
suis  fratribus  Jacquemeto  et  Mermeto  stipulantibus  et  recipientibus,  quid- 
quid juris,  actionis  et  racionis  ipse  habere  potest  et  débet  in  omnibus  et 
singulis  bonis  immobilibus,    hereditateque  ac  tenemento   dicti  Domini 
Aymonis  quondam  patris  communis  eorumdem,  inde  habendo  et  tenendo 
se  plenarie  pro  pagato.  —  De  communi  consilio  et  tractatu,  expressaque 
voluntate  dictorum  trium  fratrum  devenerunt  in  partem  dicti  Jacobi  hec 
que  secuntur  :  Primo,  omnes  homines  de  Gulous  et  de  Certous  et  de 
valle  Castellionis  taillabiles  et  censiti,  montes,  nemora,  alpagia,  pascua, 
décime  et  censé,  et  generaliter  quidquid  dictus  dominus  Aymo  quondam 
habebat  et  possidebat,  habereque  et  percipere  consuevit  per  se  vel  per 
alium,  vel  alius  pro  ipso  vel  ab  ipso,  vel  quasi,  apud  Valons  et  in  terri- 
torio,  circaque  territorium  dicti  loci  et  in  valle  de  Certous.  Item  quidquid 
habebat  et  possidebat  dictus  dominus  Aymo  a  ponte  de  Bonevilla  usque 
ad  abbatiam  de  Siz   et   in  monte  Dautart  usque  ad  dictam  abbatiam; 


39 

exceptis  centiim  solidis  Gebennensibus  annualibus  assetandis  per  ipsum 
Jacquernetnm  (sic)  Alesie  sorori  sue  racione  (lotis  ejiis  ad  dictamen  et 
arbitriuni  Domini  Jacobi  curati  de  Cranves  et  Pétri  Davidis  curati  de 
Arenthons,  et  exceptis  rébus  que  devenerunt  dicti  Mermeti  apud  Sanctum 
Sigismundum  et  apud  Miribellum.  (tem  devenerunt  in  partem  dicti  Jacobi, 
modo  et  forma  quibus  supra,  vinea  de  Naursans  et  quid(|uid  dictus  dominus 
Aymo  quondam  habebat  et  tenebat  per  se  vel  per  alium,  vel  quasi,  tem- 
père mortis  sue  apud  Aysiam  et  apud  Arsinam  et  in  tota  casteliania  et 
territorio  dicti   ioci,  et  apud  Arbanays.  Item   qnidquid   habebat  dictus 
dominus  Aymo   apud  Vourey  et  in  territorio  dicti  Ioci  et  circa  territo- 
rium,  in  quibuscumque   rébus  predicta  sint  et  consistant,   in   terris, 
pratis,   arboribus,    nemoribus,   domibus,   hominibus,   censis,   serviciis, 
servitutibus,  pascuis,  dominiis  et  vineis,  seu  in  rébus  aliis  quecumque 
sint   et   quocumque   nomine   censeantur.    Item   pedagium   de  Gebiuns 
(  des  Çe/s?)  cum  omni  jure  suo.  Item  doraus  de  Bona,  cum   casali  et 
pertinentiis   ejus,   salvis  viginti   quinque  solidis  gebennensibus  anima- 
libus  pro  quibus  dictus  Mermetus  dictam  domura  supra  teneat  obliga- 
tam  quousque  per  dictum  Jacobum  supra  fuerint  alibi  assetati.  Hoc  ado 
et  in  pactis  deducto  inter  predictos  fratres  quod  dictus  Jacobus  tenea- 
tur  facere  unum  omagium,  salva  fidelitate  unius  Domini,  Domino  C4omiti 
Gebennensi,  et  de  ipso  omagio  sit  gayrenz  aliis  suis  fratribus  erga  Comi- 
tem  supradictum.  Item  quod  homines  franchi  et  feoda  francha  qui  et  que 
sunt  in  parte  dicti  Jacobi  et  infra  partes  ejus,  communes  et  communia 
sint  dictorum  fratrum,  exceptis  feodis  franchis  et  hominibus  franchis  de 
Arsina  qui  et  que  proprii  et  propria  sunt  et  remaneant  predicto  Jacque- 
meto  (se).  Et  pro  predictis  superius  declaratis  et  in  parte  predicti  Jacobi 
constitutis  ac  etiam  ordinatis  modo  et  forma  quibus  supra,  idem  Jacobus 
solvit  et  quictat  pro  se  et  heredibus  successoribusque  suis  in  futurum 
predictis  suis  fratribus  Petro  et  Mermeto  stipulantibus  et  recipientibus 
quidquid  juris  et  actionis  ac  racionis  ipse  habet,  habere  potest  et  débet  in 
omnibus  bonis  immobilibus,  hereditateque  ac  tenemento  dicti  domini  Ay- 
monis  quondam  patris  communis  eorumdem,  inde  habendo  et  tenendo  se 
plenarie  pro  pagato.  —  Item  de  communi  consilio  et  tractatu,  voluntate 
que  expressa  dictorum  fratrum  devenerunt  in  parte  dicti  Mermeti  hec 
iiue  secuntur  :  Primo,  omnes  res,  terre  et  possessiones,  redditus,  homines 
taillabiles  et  censici,  vinee,  prata,  arbores,  nemora,  décime,  domus,  usa- 
gia,  dominia  et  servitutes,  censé,  servicia,  quos,  quas  et  que  dictus  domi- 
nus Aymo  quondam,  tempore  mortis  sue,  habebat,  tenebat  et  possidebal 


40 

per  se  vel  per  alium,  vel  quasi,  vel  alius  pro  ipso  vel  ab  ipso,  habereque 
et  percipere  consuevit  cum  omni  pleno  jure,  et  que  ad  jipsos  fratres  per- 
tinere  possunt  et  debent  in  loco  et  territorio  de  Lucingio  et  in  parochia 
dicti  loci  ;  item  in  parochiis  de  Sales  et  de  Cranves  et  apud  sanctuni  Sigis- 
inundum  et  apud  Miribelluni  et  apud  Bruson  {Briaon?),  et  apud  montem 
de  Sersonay,  et  in  totis  territoriis  et  circa  territoria  predictoruni  locorura. 
Item  apud  Chanoginë  et  apud  Terreray  et  apud  Cranves  et  in  terra  de 
Salaz  et  circumstanciis  et  pertinenciis  predictorum  locorum.  Item  duode- 
cim  denarii  censuaies  quos  eisdem  débet,  ut  asserunt,  Petrus  Minius  de 
Tiolaz.  Item  quinque  solidi  ceusuales  quos  eisdem  débet  assetare  apud 
Bueringium  dominus  Jacobus  de  Lucingio,  curatus  de  Cranves.  Item  vi- 
ginti  quinque  solidi  Gebennenses  annuales  habendi  et  percipiendi  pe! 
dictum  Mermetum,  per  se  vel  per  alium,  supra  très  homines  quos  habet 
frater  suus  apud  Sintrier,  quousque  idem  fuerunl  alibi  assetati,  unacum 
usu  suo  perpetuo  quod  habeat  et  percipiat  ipse  et  heredes  ejus  in  ne- 
moribus  de  Arenthons  pro  suis  propriis  edificiis  faciendis.  Item  vinea  de 
Malens  et  generaliter  quidquid  habent  in  territorio  dicti  loci.  Item  viginti 
quinque  solidi  Gebennenses  annuales  pro  quibus  supra  teneat  pignori 
obligatam  domum  de  Bona,  donec  eidem  per  predictum  Jacobum  alibi 
fuerunt  assetate,  quo  facto  dicta  domus  in  partem  dicti  Jacobi  disvolvatur. 
Hoc  acto  et  in  pactis  deducto  inter  predictos  fratres  quod  omnes  liomines 
franchi  et  feoda  francha  qui  et  que  continentur  et  que  sunt  infra  limita- 
tiones  et  infra  res  que  devenerunt  in  partem  dicti  Mermeti  communes  et 
communia  remaneant  inter  eos.  —  Item  fuit  actum  et  in  pactis  deductum 
inter  predictos  fratres  quod  si  contingent  aliquem  eorum  per  futurum  ami- 
tere  aliquid  de  predictis  rébus  de  quibus  inter  se  fecerunt  divisiones  ut 

supra  continetur,  aliquidque  evinci quod  aiii  duo  fratres  ipsi  illam 

evincionem  seu  illud resarcire  et  restituere  tenerentur,  videlicet  qui- 

libet  pro  rata  sua  habita  ante  divisiones  et  partes  supradictas.  Universaquc 
et  singula  supradicta  dicti  fratres  promittunt  per  stipulationem  a  parle 
pacti  solempniter  stipulatam  et  per  eorum  juramenta  ad  sancta  Dei  Evaii- 
gelia  corporaliter  prestita,  ratas  rata,  gratas  grata,  firmas  firma,  habere 
in  perpetuum  et  tenere,  et  in  contrarium  per  se  vel  per  alium,  in  judicio 
vel  extra  judicium,  de  cetero  non  venire,  nec  alicui  contra  venire  volenti 
in  aliquo  consentire.  — •  Renunciantes  in  hoc  facto  dicti  fratres  et  certi^ 
scientiis  et  per  juramenta  suaantedicta  omni  actioni,  etc  — Et  fuit  actum 
inter  predictas  partes  quod  super  hiis  fièrent  tria  publica  instrumenta 
unius  tenoris,  cuilibel  dictorum  fratrum  unum,  et  que  possint  corrigi. 


il 

dictari,  emendari  semel  vel  pliiries  de  consilio  peritorum,  l'acti  suhstantia 
non  mutata  non  obstante  postquani  in  judicio  producta  fuerunt  vel  obs- 
tensa.  —  Actum  fuit  hoc  publiée  apud  Arenthons  ante  domum  dictoruin 
fratrum  presentibus  testibus  ad  hec  vocatis  et  rogatis,  videlicet,  Aynione 
dicte  Nerco  de  Arenthons,  Girodo  de  Arenthons,  Laurencio  et  Rachesio 
de  eodem  loco.  —  Et  ego  Johannes  de  Bornaiido,  clerico,  auctoritate  im- 
periali  notarius  publions  presens  fui  qui  rogatus  hanc  cortam  inde  feci, 
scripsi,  fideliterque  tradidi  et  notavi  et  signo  meo  michi  solito  superius 
signavi. 

(Oriyiml  en  mainsde  M.  Cli.  tir  Faucif/rifi.  —  Liici'nfn'.  pr/ntr  ilr 
Cystria.) 


3S 


1309,    février,    25.  —  Parluffe   arbitral  entre.    Jean,    seifjneuv  <!e  Huvoréi' 
et  son  frère  Raivumd,  des  fiens  hérités  de  leur  père. 

Nos  frater  Petrus  humilis  abbas  de  Alpibus  notum  facimus  universis 
présentes  litteras  inspecturis  quod  nos  vidimus  et  de  verbo  ad  verbum 
leginQus  quoddam  publicum  instrumentum  confectum  manu  Johannis  de 
Columpna  publici  notarii,  non  rasum  non  cancellatum  nec  aliqua  parte  sui 
viciatum,  inmo  sanum  et  integrura,  sigillatum  veris  sigillis  et  integris 
religiosorum  viroruni  fratris  Ansermi  de  Lulino  canonici  Abundancie, 
fratris  Henrici  Sucheti,  et  fratris  Pétri  Farsiti,  monachis  de  Alpibus,  cuius 
ténor  sequitur  in  hune  modum.  — •  Anno  domini  millesimo  tercentesirao 
nono  sumpto  a  natiuitate  domini,  indictione  septima,  die  martis  post  festuni 
beati  Pétri  in  Kathedra,  coram  me  notario  et  testibus  infrascriptis,  frater 
Ansermus  de  Lulino  eanonicus  Abundancie  et  frater  henricus  Sucheti  et 
frater  petrus  Farsiti,  monachi  de  Alpibus,  arbitri  seu  amicabiles  composi- 
tores,  ut  asserunt,  electi  a  domino  Johanne  domino  de  Rouerea  milite  et 
Raymondo  eius  fratre,  super  hereditate  patris  ipsorum  inter  ipsos  divi- 
denda  seu  super  diuisione  hereditatis  patris  ipsorum  facienda,  non  rece- 
dendo  a  compromisse  facto  per  dictos  fratres  in  Vullelmum  mistralem  de 
Aquiano  et  Petrum  de  Alpibus  domicellos,  sed  potius  tenendo  ea  que  per 
dictos  domicellos  virtute  dicti  compromissi  pernuneiata  fuerunt,  et  difli- 
niendo  et  percipiendo  aliqua  que  per  ipsos  nimis  fuerunt  diffinita,  prout 


42 

in  compromisso  inde  confecto  plenius  continetiir,  prout  asserunt  dicti  ar- 
bitri.  Predicti  frater  Ansermus  frater  Henricus  et  frater  Petrus  super  dicta 
(jiuisione  pronunciauerunt  in  hune  modum  qui  sequitur.  Videlicet  quod 
cum  census  et  redditus  dictorum  fratrum  a  monte  de  Armona  inferius 
usque  ad  lacum  estimati  sint  ad  valorem  quadraginta  quatuor  librarum 
Gebenn.  exceptis  nemoribus  de  territorii  de  Rauorea,  de  hiis  percipiat 
dictus  dominus  Johannes  de  auantagio  sibi  facto  in  primo  compromisso 
triginta  quinque  libras  Gebenn.  annuales  magis  contiguas  castre  de  Rauo- 
rea. Pro  medietate  vero  nouem   librarum    residuarum  percipiat  dictus 
Raymondus  grangiam  damarez  cum  suis  pertinentiis  universis,  item  ste- 
)thanuni  de  torssier  hominem  talliabilem  cum  toto  tenemento  suo,  item 
pro  nemore  de  vuardis  viginti  duos  denarios,  item  sex  denarios  censuales 
quos  débet  dictus  ly  piez,  item  unam  cupam  auene  censualem  quam  débet 
nichodus  don  pallui  de  Alingio,  item  duodecim  denarios  censuales  quos 
débet  petrus  de  porta,  item  sex  denarios  censuales  quos  débet  Jacobus 
niicliael  de  thonon,  item  quatuor  ferros  equi  magni  censuales  quos  débet 
filius  Johannis  mistralis  de  thonon  et  camlia  (?)  Alingii  noui.  Residuum 
vero  dictarum  nouem  librarum  debent  reraanere  dicto  domino  Johanni 
videlicet  ab  Armona  inferius.  Item  pronunciauerunt  quod  homines  quos 
habent  dicti  fratres  a  Verna  usque  ad  montera  de  Armona,  et  a  Drancia 
usque  ad  parochiam  de  Valier,  tenementaeorum,  census  et  redditus  eorum, 
cum  sint  de  feodo  domini  comitis  Sabaudie,  virtute  dicti  primi  corapro- 
missi  pro  viginti  tribus  libris  duobus  solidis  octo  denariis  annualibus  dicto 
Raymondo  debeant  remanere  ut  tantumdem  alibi  dicto  domino  Johanni 
assignetur.  Unacum  dicti  arbitri  canonicus  et  monachi  pro  viginti  tribus 
libris  duobus  solidis  octo  denariis  assignauerunt  eidem  domino  Johanni 
homines  quos  habent  dicti  fratres  et  habere  consueureunt  unacum  tenemen- 
tis  censibus  et  redditibus  eorumdem  a  villa  que  vocatur  saxum  ascendendo 
superius  usque  ad  sunimitatem  montis  rotondi  et  descendendo  per  pugniam 
usque  ad  vessenteriam,  inplicando  cum  hoc  valterum    filium  udrici  de 
dicto  saxo  cum  toto  tenemento  ipsius  valteri,  item  alii  homines  de  saxo 
cum  suis  tenementis  dicto  Raymondo  debeant  remanere.  Et  propter  hoc 
alii  homines  de  coualonz  et  gageria  et  terra  bertrandi  et  homines  de  Urma 
cum  suis  tenementis  dicto  domino  Johanni  debeant  remanere.  Item  pro- 
nunciauerunt ut  supra  quecunque  predicti  fratres  habent  et  habere  con- 
sueuerunt  ab  ecclesia  de  RioUa  descendendo  inferius  usque  ad  pontem  de 
liiez  exceptis  pitodo  de  molendino  eum  tenemento  suo  et  molendino  mis- 
traleti  de  Giez  et  feudo  de  Compesio  quod  tenet  Ansermus  de  Syer  dorai- 


43 

cellus  et  exceptis  nemoribus,  dicto  Uaymondo  remancat.  El  proptcr  hoc 
quidquid  habent  dicti  (Vatres  et  liabere  consueurunt  a  ecclesia  de  biollo 
superius  usque  ad  crucem  de  tes,  una  cum  prato  de  monte  mollie  et  al- 
bergo  quodara  pétri  de  coualonz  et  girodo  de  Gisterio  et  pelro  fratre  eius 
cujîi  tenementis  eorumdem,  dicto  domino  Johanni  remaneant  exceptis  ne- 
moribus. Item  pronunciaiierunt  dicti  arbitri  quod  dictus  dominusJohannes 
in  duas  partes  diuidat  quidquid  dicti  tratres  habent  et  habere  consueuerunl 
in  parochiam  de  Lullin  et  dictus  Raymondus  accipiat  parteni  quam  duxerit 
acceptandam.  Item  pronunciauerunt  quod  dictus  dominusJohannes  diuidat 
in  duas  partes  omnia  nemora  sua  territorii  de  rouerea  et  dictus  Raymon- 
dus accipiat  partem  quam  maiuerit  capere,  et  similiter  dictus  Raymondus 
diuidat  in  duas  partes  omnia  nemora  que  dicti  tratres  habent  et  liabere 
consueuerunt  in  valle  alpensi  et  dictus  dominus  -lohannes  capiat  partem 
quam  capere  maiuerit.  Item  pronunciauerunt  quod  dictus  dominus  Johannes 
det  et  soluat  semel  dicto  Raymondo  sexaginta  solidos  gebenn.  et  dictus 
Raymondus  in  duas  partes  diuidat  hornagia  que  debent  eisdem  fratribus 
nobiles  et  clientes  et  dictus  dominus  Johannes  capiat  partem  quam  maiuerit, 
vel  si  diclus  Raymondus  maiuerit  dare  semel  dicto  domino  Johanni  dictos 
sexaginta  solidos,  dictus  dominus  Johannes  dicta  homagia  diuidere  tenea- 
tur  et  dictus  Raymondus  capiat  partem  quam  maiuerit  acceptandam.  Item 
pronunciauerunt  quod  dictus  Raymondus  faciat  et  procuret  quod  dominus 
cornes  sabaudie,  infra  proximum  t'estum  pentliecostes  si  t'uerit  in  patrie, 
vel  si  absens  fuerit  intVa  très  epdomadas  post  aduentum  suum,  quittet  et 
soluat  dictum  dominum  Johasnem  de  homagio  in  quo  sibi  tenetur,  alioquin 
ex  tune  in  antea  dictus  dominus  Johannes  mediatatem  ceusuum  reddituum 
et  talliorum  dicti  feodi  dicti  domini  comitis  sabaudie  sua  auctoritate  appré- 
hendât percipiat  etteneat  quousque  dictur  Raymondus  adimpleuerit  supra- 
dicta.  Item  pronunciauerunt  quod  si  que  litigiosa  seu  liti  tradenda  alicui 
dictorum  fratrum  attributa  fuerint  alter  allerum  in  causa  seu  euictione 
pro  parte  média  teneatur  releuare  et  si  qua  infra  limitationes  partium 
dictorum  t'ratrum  vel  extra  remanserunt  iudiuisa  usque  ad  decem  annos 
post  contectionem  presenlium,  possint  diuidi  et  cuilibet  légitima  portio 
assignari.  Et  hec  predicta  in  presentia  partium  per  dictos  arbitros  tuerunt 
pronunciata,  et  super  hiis  predictis  predicti  arbitri  preceperunt  mihi 
nolario  lleri  duo  publica  instrumenta  eiusdem  tenoris  videlicet  cuilibet 
parti  unum.  Actum  infra  castrum  gallardi  presentibus  testibus  vocatis  et 
rogatis  domino  Jacobo  de  Lucingio,  curato  de  cranves,  Girodo  de  Necin- 

Tome  XV,  2™®  partie.  4 


4i 

day  nolario,  pctro  polley  desser,  nichodo  de  naues,  peroneto  de  veracort, 
hugoni  salterii  de  mornay,  jaquemeto  de  mornay  diclo  clery ,  Johanodo 
Leura,  et  me  Jolianiie  de  columpna  publico  notario  auctoritate  imperiali, 
qui  rogatus  presens  instrumentum  scripsi  et  in  tbrmam  publicam  redigi 
et  signis  meis  signaui.  Datum  ut  supra. 

(D'après  l' original  acquis  dans  la  ralUr  /le  Saint-Jean  (VAidps.) 


— — =£:S^^Sz»SSfc=.— — 


TABLE  DES  CHARTES 


N"  Pages. 

1.  (vers  1059).  —  Louis  de  Fauciguy  est  témoin  dans  uu  acte  portant  une 
dotation  de  biens  situés  en  deçà  et  au  delà  du  lac i 

2.  (vers  U)61).  —  Conon,  fils  du  comte  Gérold,  donne  à  l'abbaye  d'Ainay 
l'église  de  Saint-Marcel,  située  en  Albanais,  dans  le  paipts  genevois.    .      1 

3.  (vers  1 130  ).  —  Landric  de  Joux  et  son  fils  Amaldric  abandonnent  au  cou- 
vent de  Romainmotier  leurs  prétentions  sur  les  terres  et  les  hommes  de 
Bursins  et  de  Bougel 2 

4.  (entre  1135  et  1153).  —  Pierre  le  Vénérable,  abbé  de  Cluny,  annonce  à 
Moïse,  abbé  de  Boumont,  qu'il  a  cédé  à  Bernard,  abbé  de  Clairvaux,  l'é- 
glise et  la  villa  de  Chéserex,  qui  étaient  sous  la  garde  et  en  la  possession 
des  moines  de  Saint-Victor  de  Genève,  qu'en  retour  il  a  reçu  d'Arducius, 
évêque  de  Genève,  les  églises  de  Veaux  et  d'Hauteville 3 

5.  (de  1140  à  1209  env.).  —  Cinq  actes  sans  date  constatant  des  donations 
faites  à  l'abbaye  d'Aulps  par  divers  membres  des  familles  de  Faucigny  et 

de  Ravorée 3 

6.  (vers  1170).  —  Arducius,  évêque  de  Genève,  termine  un  dififiérend  entre 
l'abbaye  de  Sixt  et  Pierre,  chevalier  de  boëge 5 

7.  (après  1178).  —  Accord  entre  l'abbaye  de  Sixt  et  les  héritiers  de  Borcard 

de  Villette 6 

8  1202.  —  Pierre  et  Hugues  de  Gingins,  ainsi  que  leurs  enfants,  confir- 
ment au  couvent  de  Bonmont  les  possessions  provenant  d'eux  et  acquises 

par  les  moines,  soit  par  achat,  soit  à  titre  de  donation 6 

9.  (vers  1210). —  Donations  faites  à  l'abbaye  de  Sixt  par  Turumbert  de  Lu- 
cinge,  confirmées  par  ses  héritiers,  et  en  dernier  lieu  par  Rodolphe  de 
Grésy 7 

10.  1222,  Janvier.  —  Rodolphe  de  Lucinge,  sénéchal  de  Faucigny,  donne  sa 
vigne  de  Crète  à  la  chartreuse  du  Reposoir 8 

11.  1233,  Avril.  —  L'évèque  Aimon  de  Grandson  notifie  la  donation  de  toute 
la  terre  de  Crête,  paroisse  de  Thiez,  faite  à  la  chartreuse  du  Reposoir,  par 
Rodolphe  de  Grésy,  fils  de  Rodolphe  de  Faucigny,  dit  Alamant,  du  con- 
sentement de  ses  fils,  Rodolphe  de  Lucinge  et  Guillaume  de  Chouis  ...     9 

12.  1235,  Mars.  —  Guerric,  seigneur  d'Aubonne,  notifie  et  confirme  des  do- 
nations faites  à  Bonmont,  par  son  vassal  Gérard,  chevalier  de  Sottens.    .    10 

13.  (1206-1236).  — Quittance  donnée  par  Aimon  de  Faucigny  pour  uu  an 
neau  qu'il  avait  prêté  à  Landric,  évêque  de  Sion H 

14.  12.35,  Janvier.  —  Ebal,  seigneur  de  Mont,  donne  à  l'abbaye  de  Bonmont 

la  censé  annuelle  d'une  coupe  d'huile .  12 

15.  1256,  Mai.  —  Accord  entre  Simon  de  Joinville  et  Hugues,  comte  palatin 

de  Bourgogne         12 

16.  1258,  Mars,  31.  —  Vente  au  couvent  de  Filly  par  Jean  de  Rovérée  et 
Girod,  son  frère,  des  terres  qu'ils  possèdent  dans  la  paroisse  de  Sciez.    .    13 


46 

N"  Pages 

17.  1263,  Février,  23.  —  Guillaume  de  Lucinge,  chevalier,  vend  à  Pierre  de 
Savoie  et  à  Agnès,  dame  de  Faueigny,  son  casai  dit  du  Frêne,  situé  à 
Faucigny.  14 

18.  1270,  Octobre,  15.  —  L'abbé  et  le  couvent  dAbondance  reconnaissent 
tenir  du  Chapitre  de  Genève  la  maison  qu'ils  possèdent  dans  cette  ville  .    1-4 

19.  1273,  Août,  o.  —  Lettre  de  garde  et  protection  accordée  par  Béatrix  de 
Faucigny  au  prieuré  de  Chamouix,  moyennant  une  redevance  annuelle  de 
deux  oboles  d'or,  soit  dix  sous  viennois 15 

20  1276,  Mars,  8.  — Transaction  entre  Béatrix,  dame  de  Faucigny,  et  la 
veuve  ainsi  que  les  enfants  de  (îuillaume  de  Lucinge,  jadis  sénéchal  de 
Faucigny  et  seigneur  d'Arenthon 16 

21.  1278,  .lanvier,  13.  —  Accord  entre  l'abbaye  d'Aulps,  et  Aimon,  damoiseau 

de  Lully,  au  sujet  des  terres  situées  sous  la  grange  de  Rovérée 22 

22.  128'4,  Janvier.  —  Hommage-lige  de  .lean  de  Mont  à  Jean  de  Châlons- 
Arlay 22 

23.  1286,  Juin,  11.  —  Bulle  d'Honorius  IV,  confirmant  les  droits  et  privilèges 

de  l'hospice  de  Saint-Bernard  du  Mont-Jou,  au  diocèse  de  Sion        .  23 

24.  1288,  Avril,  2.  —  Béatrix,  fille  de  feu  Pierre  de  Savoie,  ordonne  à  son 
châtelain  de  Mont-Joie  de  faire  délivrer  sans  trouble  ni  retenue,  au  prieuré 
de  Chamonix,  le  muid  et  demi  de  froment  qui  a  été  assigné  à  cette  église 
par  feu  Aimon  de  Faucigny       .    .        ,  .  28 

20.  1288,  Mai,  19.—  .\utorisatiou  donnée  par  Béatrix  à  Vauteret,  son  homme- 
lige,  de  faire  rendre  hommage  par  un  de  ses  fils  au  prieur  de  Chamonix, 
pour  un  albergement  dépendant  du  dit  prieuré  29 

26.  1289,  Février,  9. —  Amédée,  comte  de  Genevois,  donne  en  précaire  à 
l'église  de  Saint-Maire,  son  casai,  situé  à  Lausanne,  près  la  porte  du  même 
nom.  Il  se  réserve  le  droit  de  révoquer  cette  donation 29 

27. 1289,  Octobre,  21.  —  Amédée,  comte  de  Genevois,  révoque  toutes  les 
conventions  qu'il  a  passées  avec  les  hommes  de  Chamonix 30 

28.  1290,  Janvier,  12.  —  Engagement  réciproque  de  Ricnard,  prieur  de  Cha- 
monix, et  de  la  comtesse  Béatrix,  de  maintenir  ce  dit  prieuré  sous  la  garde 
des  seigneurs  de  Faucigny 31 

29.  1291,  Avril,  26. —  Déclarations  de  Béatrix,  dame  de  Faucigny,  de  sa  fille 
Anne  et  de  son  gendre  Humbert  Dauphin.,  relatives  aux  droits  d'avouerie 

et  de  mère  et  mixte  empire  sur  le  prieuré  de  Chamonix 32 

30.  1296,  Mars,  27.  —  .\médée,  comte  de  Genevois,  inféode  à  François  de 
Lucinge,  prévôt  de  Genève,  la  maison  forte  d'Arcine,  ainsi  que  les  habi- 
tants et  les  terres  du  même  district 31 

31.  1296,  Juillet,  15.  —  Humbert  et  Aimon,  fils  de  Guillaume  de  Lucinge, 
cèdent  pour  cent  livres  genevoises  à  Béatrix,  dame  de  Faucigny,  toutes 
leurs  prétentions  sur  la  succession  d' Aimon  de  Ravorée .3(5 

;^2. 1306,  Mai,  30.  —  Acte  de  partage  entre  Pierre,  Jacques  et  Mermet.  fils 
d' Aimon  de  Lucinge,  chevalier  et  seigneur  d'Arenthon 37 

33.  1309,  Février,  2.^.  —  Partage  arbitral  entre  Jean  ,  seigneur  de  Ravorée, 
et  sou  frère  Raimond,  des  biens  hérités  de  leur  père 41 


M 


APPENDICE. 

TROIS  DOCUiVIENTS  RELATIFS  A  L'ABBAYE  DE  SIXT. 


1156,  Février  7.  —  Bulle  du  pape  Adrien  IV,  qui  confirme  à  l'ubbaye  de 

Sixt  ses  droits  et  possessions. 

Adrianus  episcopus  servus  servorum  Dei,  dileclis  tiliis  Pontio  abbati 
ecclesie  S.  Marie  de  Siz,  ejusqiie  fratribus  tara  preseiitibus  quam  futuris 
regularem  vitam  professis  in  perpetuani  memoriam.  Religiosam  vitam 
eligentibus,  Apostolicum  convenit  adesse  presidium,  ne  forte  cujusiibel 
temeritatis  incursus  aut  eos  a  proposito  revocet,  aut  robur,  quod  absit, 
sacre  Religionis  infringat.  Ea  propter,  dilecti  in  Domino  filii,  vestris 
juslis  postulationibus  annuimus  et  prefatara  ecclesiara  in  qua  divino  man- 
cipati  estis  obsequio,  sub  beati  Pétri  et  nostra  protectione  suscipimus  et 
presentis  scripti  privilégie  coraraunimus.  Statuentes  ut  quascumque  pos- 
sessiones,  quacumque  bona  eadem  ecclesia  inpresentiarum  juste  et  canu- 
nice  possidel,  aut  in  futuruni  concessione  Pontiiicuni,  largitione  Reguni 
vel  Principum,  oblatione  fidelium,  seu  aliis  justis  modis  prestante  Domino 
polerit  adipisci,  firma  vobis  vestrisque  successoribus  et  illibata,  perma- 
neant,  in  quibus  hec  propriis  duxiraus  exprimenda  vocabulis.  Quidquid 
canonice  possidetis  a  ioco  Vallonis  usque  ad  alpes  Passiaci,  in  terris,  aquis, 
pratis,  nemoribus,  venationibus  et  alpibus,  grangiam  de  Filiingio,  gran- 
giara  de  Romblatis,  grangiam  de  valle  Gaslellionis,  cum  omnibus  posses- 
sionibus  earum.  Sancimus  autera  ut  nemini  inter  vos  professione  exliibita 
sine  tua  dilecte  tili  Ponti,  nunc  ejusdera  loci  abbas,  vel  eorum  qui  post 
Tome  XV,  '2"^°  partie.  5 


48 

te  in  codem  regimine  successerint,  aut  sine  corarauni  congregationis  li- 
centia,  de  claustro  discedere  liberum  sit.  Qiiod  si  discesserit  et  comraonitus 
redire  conterapserit,  tibi  et  tuis  successoribus  facilitas  sit  ejus  modi,  ibi- 
libet  a  divinis  officiis  interdicere,  interdictum  vero  nullus  episcoporum 
abbatumve  suscipiat.  Cbrisma  vero,  oleum  sanctum,  consecrationes  alta- 
rium  seu  Basilicarura,  ordinationes  clericorum  qui  ad  sacros  ordines  fue- 
rint  promovendi  a  dyocesano  suscipietis  episcopo  siquidera  catholicus 
fuerit  et  gratiam  atque  communionem  apostolice  sedis  habuerit  et  ea  gratis 
sine  uUa  pravitate  vobis  voluerit  exhibere  ;  alioquin  licet  vobis  quemcunque 
raalueritis  adiré  antistitem  qui  nostra  fultus  auctoritate,  quod  postulatur 
indulgeat.  Obeunte  autem  te  nunc  ejusdem  loci  abbate  vel  tuorum  quorum- 
libet  successorum,  nullus  ibi  qualibet  subreptionis  astucia  seu  violentia 
preponatur,  nisi  quera  fratres  vel  fratrum  pars  consilii  senioris  de  com- 
muni  consensu  capituli  ejusdem  loci  vel  canonicorum  de  Habundantia  ad 
quorum  jus  ipsa  ecclesia  dicitur  pertinere,  secundum  Dei  timorem  et 
beati  Augustin!  regulam  provideant  eligendum.  Decernimus  ergo  ut  nulli 
omnino  liominum  liceat  supradictam  ecclesiam  perturbare  temere,  aut  ejus 
possessiones  auferre,  vel  ablatas  retinere,  minuere  seu  quibuslibet  vexa- 
tionibus  fatigare,  sed  illibata  orania  et  intégra  conserventur  eorura  et  pro 
quorum  gubernatione  et  sustentatione  concessa  sunt,  usibus  omnimodis 
profutura,  salva  sedis  apostolice  auctoritate.  Si  qua  igitur  in  futurum  ec- 
clesiastica  secularisve  persona  liane  nostre  constitutionis  paginam,  sciens, 
contra  eara  temere  agere  tentaverit,  secundo  tertiove  commonita,  nisi  pre- 
suraptionem  suam  congiiia  satisfactione  correxerit,  potestatis  honorisque 
sui  dignitate  careat,  reamque  divino  judicio  existere  de  iniquitate  perpe- 
trata  cognoscat,  et  a  sacratissimo  corpore  et  sanguine  Dei  et  Domini  nostri 
Redemptoris  Jesu  Christi  aliéna  fiât  atque  in  extremo  examine  districte 
ultionis  subjaceat.  Cunctis  autem  eidem  loco  sua  jura  servantibus  sit  pax 
Domini  nostri  Jesu  Christi,  quatenus  hic  et  fructum  bone  actionis  perci- 
piant  et  apud  districtura  judicem  premia  eterna  pacis  inveniant.  Amen. 

Ego  Adrianus  catholice  ecclesie  episcopus. 

Ego  Imarus  Tusculanus  episcopus. 

Ego  Guido  presbiter^^ardinalis  tituli  sancti  Grisogoni . 

Ego  Hubaldus  presbiter  cardinalis  tituli  sancte  Praxadis. 

Ego  Manfredus  presbiter  cardinalis  tituli  sancte  Sabine. 

Ego  Jullius  presbiter  cardinalis  tituli  sancti  Marcelli. 

Ego  Grimadus  presbiter  cardinalis  tituli  sancti  Stephani  in  celio  monte . 

Ego  Henricus  presbiter  cardinalis  tituli  sanctorum  Nerei  et  Achillei. 


49 

Ego  Joannes  presbiter  cardinalis  tituli  sancloriim  Silvcstris  et  Martini. 

Ego  Oddo  diaconus  cardinalis  sancti  Gcorgii  ad  vcliim  aureum. 

Ego  Hjacintus  diaconus  cardinalis  sancte  Marie  in  porlicu. 

Datum  Beneventi  per  manum  Rolandi  S.  Rom.  ecc.  presbit.  cardinalem 
et  cancellarium,  septimo  idus  februarii,  indict.  IV,  inc.  Domini  noslri 
Jesu  Christi  mill".  cent°.  quingent".  quinto,  pontif.  vero  Adriani  pape 
IV"  anno  secundo. 

(Fragments  de  l'original  en  mains  de  M.  le  prince  de  Cystria, 
complétés  par  deux  anciennes  copies.) 


9 


1204,  Février  6.  —  Bulle  du  pape  Innocent  111,  qui  confirme  à  l'ahbatje  de 
Sixl  ses  droits  et  ses  possessions. 

Innocentius  episcopus  servus  servoruni  Del  dilectis  filiis  Anialrico  abbatti 
ecclesie  S.  Marie  de  Six,  ejusque  fratribus  tara  presentibus  quam  futuris 
regularem  vitam  professis  in  perpetuam  memoriam.  Religiosam  eligenlibus 
vitam,  Apostolicura  convenit  adesse  presidium,  ne  forte  cujuslibet  temeri- 
tatis  incursus  aut  eos  a  proposito  revocet,  aut  robur  quod  absit  sacre  Reli- 
gionis  infringat.  Ea  propter  dilecti  in  Domino  filii  vestris  justis  postulatio- 
nibus  clementer  amiuiraus  et  prefatam  ecclesiam  Sancte  Marie  in  qua  divino 
mancipati  estis  obsequio,  ad  exemplar  felicis  recordationis  Adriani  pape 
predecessoris  nostri  sub  beati  Pétri  et  nostra  protectione  suscipimus  et 
presentis  scripti  privilegio  communimus.  ,lii  primis  siquidem  statuentes 
ut  ordo  canonicus  qui  secundum  Deum  et  beati  Augustini  Regulam  atque 
institutionem  fratrum  raonasterii  Abundantini,  in  eodam  loco  institutum 
esse  dignoscitur,  perpetuis  ibidem  teraporibus  inviolabiliter  observetur. 
Preterea  quascuraque  possessiones,  quacuraque  bona  eadem  ecclesia  in 
presentiarum  juste  et  canonice  possidet  aut  in  futurura  concessione  Ponti- 
ficum,  largitione  Regum  vel  Principura,  oblatione  fidelium  seu  aliis  justis 
modis  prestanti  Domino  poterit  adipisci,  firma  vobis  vestrisque  successo- 
ribus  et  illibata  permaneant,  in  quibus  bec  propriis  duximus  exprimenda 


50 

Yocabulis  :  lociim  ipsum  in  quo  prefata  ecclesia  sita  est  cum  omnibus 
pertineiitiis  suis  a  loco  Valionis  citra  aquam  a  loco  piveti  ultra  arjuam  usque 
ad  alpes  Passiaci  ex  una  parte,  ex  altéra  parte  usque  ad  alpes  Agaunen- 
sium,  Alpem  de  Sales,  ecclesiam  de  Sersonnex  cum  décima  et  omnibus 
pertinentiis  suis,  decimam  de  Âloz,  decimam  de  casalibus  in  territorio 
Melciaci,  decimam  de  Grannues  tam  vini  quam  grani  et  pecudum,  et  ea 
que  nobiles  viri  Domini  Fulciniassenses  et  Turumbertus  dapifer  de  Lu- 
cingio  vobis  in  eleemosinam  concesserunt,  tenementum  Nantelmi  militis 
de  Sunziace,  decimam  de  Arachia,  decera  scxtarios  vini  in  valle  Castilio- 
nis,  grangiara  de  submonte,  grangiam  de  Vignin,  grangiam  de  Verde- 
nens,  grangiam  de  Maruel  cum  décima,  tenementum  Uberti  cum  habitato- 
ribus  in  loco  qui  dicitur  Casalis  cum  casamentis  et  habitatoribus,  quindecim 
solidos  apud  Cuperinum  cum  tribus  mensuris  fabe,  duos  sextarios  annone 
apud  Rubetum,  grangiam  de  Sulciaco,  grangiam  de  Jugo,  grangiam  de 
Rumblatis,  grangiam  de  bono  attractu,  grangiam  de  Bregniaco,  grangiam 
de  Fillingio,  grangiam  de  Giffliaco,  grangiam  de  Grammes,  grangiam  de 
Biolleto,  grangiam  de  Villari,  grangiam  de  Balleyson,  grangiam  de  Vil- 
leta,  cum  omnibus  earum  pertinentiis.  Sane  novalium  vestrorumque  pro- 
priis  manibus  aut  sumptibus  colitis,  sive  de  vestrorum  animalium  nutri- 
mentis  nuUus  a  vobis  décimas  exigere  vel  extorquere  présumât;  liceat 
quoque  vobis  clericos  vel  laicos  liberos  et  absolûtes  a  seculo  fugientes  ad 
conversionera  recipere  et  eos  absque  contradictione  aliqua  retinere.  Pro- 
hiberaus  insuper  ut  nuUi  fratrum  vestrorum  post  factam  in  eodem  loco 
professionem  fas  sit  absque  abbatis  sui  licentia  de  eodem  discedere,  disce- 
dentem  vcro  absque  communium  litterarum  vestrarum  cautione  nuUus 
audeat  retinere.  Chrisma  vero,  oleum  sanctum,  consecrationes  altarium 
seu  basilicarum ,  ordinationes  clericorum  qui  ad  sacros  ordines  fuerint 
promovendi  a  diocesaoo  suscipietis  Episcopo,  si  quidem  catholicus  fuerit 
et  gratiam  atque  communionera  Apostolice  sedis  habuerit,  et  ea  grata 
et  sine  pravitate  aliqua  vobis  voluerit  exhibere,  alioquin  liceat  vobis  quem- 
cunque  malueritis  catholicum  adiré  antistitera  gratiam  atque  communionem 
Apostolice  sedis  habentem  qui  nostra  fultus  authoritate  quod  postulatur 
impendat.  Interdicimus  etiam  ne  quis  in  vos  excommunicationis  vel  sus- 
pensionis  aut  interdicti  sententiam  sine  manifesta  et  rationabili  causa  pro- 
mulgare  présumât.  Cum  autem  générale  interdictum  terre  fuerit,  liceat 
vobis,  excluais  excommunicatis  et  interdictis,  clausis  januis,  non  pulsatis 
campanis,  suppressa  voce,  divina  officia  celebrare.  Sepulturam  quoque 
ipsius  loci  liberara  esse  decrevimus  ut  eorum  devotioni  ot  extrême  volun- 


51 

tati  qui  illic  sepeliri  Helibcraverunt  modo  non  causa  interdicti  sint,  nullus 
obsistat,  salva  tamcn  justitia  earum  ecclesiarum  a  quibus  mortuorum  cor- 
pora  assumuntur  ;  obscrvationes  quoquc  et  immunitatcs  antiquas  et  ratio- 
nabilcs  consuetudincs  concessas  et  hactemus  observatas  ratas  babemus  et 
bas  perpetuis  temporibus  illibatas  maneresancimus.  Obeuntevero  te  mine 
cjusdem  loci  abbatc  vel  tuorum  quolibet  successorum  nulhis  ibi  vis  aut 
subreptionis  astutia  seu  violeritia  preponatur  nisi  quem  fratres  communi 
consensu  vel  eorum  pars  consilii  senioris  et  canonicorum  de  Abundaiitia 
ad  quorum  jus  ipsa  Ecclesia  noscitur  pertinere  secundum  Dei  timorem  et 
beati  Augustini  regulam  provideunt  eligendum.  Paci  quoque  et  tranquil- 
litati  vestre  paterna  in  posterum  sollicitudine  providere  volentes,  authori- 
tate  Apostolica  prohibemus  ut  infra  clausuras  locorum  seu  grangiarum 
vestrarum  nullus  rapinam  seu  furtum  facere,  ignem  apponere,  sanguinem 
fundere,  hominem  temere  capere  vel  interficere  seu  violentiam  aliquam 
audeat  exercere.  Ceterum  si  qua  clericalis  vel  secularis  persona  de  bonis 
suis  aliqua  pietatis  intuitu  vobis  conferre  voluerit,  nullus  audeat  prohibere. 
Decernimus  ergo  ut  nuUi  omnino  horainum  liceat  supradictam  Ecclesiam 
temere  perturbare  aut  ejus  possessiones  auferre,  vel  ablatas  retinere, 
minuere  seu  quibuslibet  vexationibus  fatigare,  sed  omnia  intégra  conser- 
ventur  eorum  pro  quorum  gubernatione  ac  sustentatione  concessa  sunt 
usibus  omnimodis  profutura,  salva  sedis  Apostolice  authoritate  etdiocesaiii 
Episcopi  canonica  justitia.  Si  qua  igitur  in  futurum  ecclesiastica  secula- 
risve  persona  banc  nostre  constitutionis  paginam,  sciens,  contra  eam  te- 
mere venire  tentaverit,  secundo  tertiove  commonita,  nisi  reatum  suum 
congrua  satisfactione  correxerit  potestatis  honorisque  sui  dignitate  careat, 
reamque  se  divine  judicio  existere  de  perpetrata  iniquitate  cognoscat,  et 
a  sacratissimo  corpore  et  sanguine  Dei  redemptoris  nostri  Jesu  Christi 
aliéna  fiât,  atque  in  extrême  examine  districte  ultionis  subjaceat.  Cunctis 
autem  eidem  loco  sua  jura  servantibus  sit  pax  Domini  nostri  Jesu  Christi, 
quatenus  et  his  fructum  bone  actionis  percipiant  ut  apud  districtum  Jndi- 
cem  premia  eterne  pacis  inveniant.  Amen.  Sanctus  Petrus,  Sanctus  Paulus 
Innocentius  papa  tertius  tac  nutum  Domini  signum  in  bonum. 

Ego  Innocentius  catholice  ecclesie  episcopus. 

Ego  Joannes  Albanensis  episcopus. 

Ego  Hugo  presbiter  cardinalis  sancti  Martini  tituli  equitii. 

Ego  Joannes  presb.  card.  tituli  sancti  Stephani  in  Celio  monte. 

Ego  Joannes  presb.  card.  tituli  sancte  Prisce. 

Ego  Gregorius  presb.  card.  tituli  sanli  Yitalis. 


52 

Ego  Léo,  presb.  card.  tituli  sancte  crucis  in  Hierusalem. 

Ego  Gratus,  diaconus  çardinalis  tituli  sanctorum  Cosme  et  Damiani. 

Ego  Gerardus,  diac.  card.  tituli  sancti  Adriani. 

Ego  Gregorius,  diac.  card.  tituli  sancti  Georgii  ad  vélum  aureum. 

Ego  Hugo,  diac.  card.  tituli  sancti  Eustachii. 

Ego  Joannes,  diac.  card.  tituli  sancte  Marie  in  cosmedin. 

Datum  Anagnie  per  manum  Joannis  S.  Romane  ecclesie  subdiaconi  et 
notarii,  VIII"  Idus  februarii,  indictione  septima,  Incarnationis  Dominice 
anno  MCCIll,  pontificatus  vero  Domini  Innocentii  pape  III  anno  sexto. 

(D'après  un  Vidimus,  Joenoz,  notaire.) 


3 


1234,  Septembre.  —  Aimon,  sdfjneur  de  Faucignij,  confirme  à  l'abbaye  de 
Sixt  les  donations  de  son  aïeul  Aimon  et  celles  de  son  père  Hetiri  ;  il  ènu- 
mère  toutes  les  propriétés  du  couvent,  et  lui  fait  une  nouvelle  concession  qui 
est  approuvée  pur  ses  fiUes  Béatrix  et  Agnès. 

Ego  Aymo,  Dominus  de  Fuciniaco,  notum  facio  présentes  litteras  in- 
specturis,  quod  felicis  memorie  Aymo,  Dominus  de  Fuciniaco,  avus  meus, 
qui  domum  de  Syz  ordinis  Abundantie  fundavit  pro  timoré  et  amore  Do- 
mini nostri  Jesu  Christi  et  pro  sainte  anime  sue  et  parentum  suorum  in 
perpetuam  elemosinam  donavit  Deo  et  béate  Marie  et  prefate  domui  de 
Syz  et  fratribus  in  perpetuum  ibidem  Deo  servientibus,  in  manu  Domini 
Poncii  ejusdem  loci  tune  abbatis,  sicut  mihi  constitit  evidenter,  quidquid 
continetur  a  loco  Vallonis  citra  aquam  usque  ad  Alpes  Agaunum  ex  una 
parte,  ex  altéra  parte  a  loco  Pineti  usque  ad  Alpes  Passiaci,  tam  in  mon- 
tibus  quam  in  vallibus,  aquis,  terris,  pratis  et  nemoribus,  cunctaruraque 
bestiarum  et  avium  generibus.  Statuit  etiam  quod  nullus  hominum  ex 
tune  auderet  vel  presumeret  venatione  vel  aliquo  modo  feras  autaves  infra 
dictes  termines  capere.  Si  cui  vero  pro  aliqua  causa  infra  présentes  ter- 
mines vel  etiam  pro  aliquo  metu  contigerit  commorari,  nullus  eum,  vel 
eos  si  plures  essent  presumeret  perturbare  vel  quibuslibet  vexationibus 


53 

fatigare,  ncc  etiam  infra  iam  dictos  terminos  rapinam  aliquam  facerc,  spu 
violentiam  aliquam  audeat  exercere.  Quas  donationes  omnes  Dominus  llen- 
ricus  pater  meus  libère,  sicut  possesserunt  predicti  fratres,  conlirmavit  et 
omnes  possessiones  et  investi turas  quas  tempore  suo  nominata  domus  de 
Six  tenebat  ratione  eleeraosine,  vel  alia  obventione  vcl  donationc  vel  ac- 
quisitione,  tam  de  feudo  suo  vel  hominum  suorum,  quam  de  omnibus  aiiis 
rébus,  quiète  et  pacifiée  perpétue  habere,  concessit.  Quorum  patrum  meo- 
rum  sequens  vestigia  quiète  et  pacifiée  nominate  domui  volcns  intendere, 
omnia  supra  dicta  prout  melius  intelligi  potest  dicte  domui  et  fratribus 
quiète  et  pacifiée  bona  fide  habere,  in  perpetuo  possidere,  concède,  et  omnia 
illa  que  usque  in  hodiernum  diem  dicta  domus  donatione  vel  alio  quocum- 
que  modo,  acquisivit  tam  de  feudis  meis  quam  hominum  meorum  nec  non 
et  omnium  aliorum,  de  quibus  est  investita,  vel  alius  nomine  suo,  simi- 
liter  habere  in  perpetuum  concède.  De  quibus  aliqua  dignum  duxi  nomi- 
nare,  scilicet  :  quidquid  est  a  loco  Vallonis  citra  aquam  usque  ad  Alpes 
Agaunum  ex  una  parte  ;  ex  altéra  parte  a  loco  Pineti  usque  ad  Alpes  Pas- 
siaci,  tam  in  montibus  quam  in  vallibus,  pratis  et  nemoribus,  terris  et 
aquis,  cunctarura  bestiarum  et  avium  generibus,  excepta  venatione  quam 
habeo  in  gesinam  in  loco  qui  dicitur  Terrauz  quam  mihi  retinui,  et  quod 
nullus  hominum  deinceps  audeat  vel  présumât  venatione  vel  aliquo  modo 
feras  aut  aves  capere  inter  dictos  terminos,  exceptis  dictis  fratribus,  vel 
ipsorum  mandate,  et  si  quem  vel  quos  pro  aliquo  metu  vel  alia  causa  infra 
predictos  terminos  contigerit  commorari,  nullus  eos  ibi  perturbare  présu- 
mât, vel  quibuslibet  vexationibus  fatigare,  nec  etiam  infra  dictos  terminos 
aliquis  rapinam  vel  violentiam  audeat  exercere.  Grangiam  de  Samoen, 
grangiamdeVingnis,  grangiam  de  Verdenens,  grangiam  de  Maruel,  gran- 
giam de  Sancy,  grangiam  de  Jugo,  grangiam  de  Chunzier,  grangiam  de 
Bonatrate,  grangiam  de  Rumblaz,  grangiam  de  Brenuiez,  grangiam  du 
Villard,  grangiam  de  Filiingio,  grangiam  de  Grannuet,  grangiam  de  Suffles, 
grangiam  de  Bioleto,  cum  omnibus  aliis  grangiis  et  appendiciis  carum.  Et 
in  molendino  de  Samoen  unum  modium  frumenti  et  duos  hordei  ;  et  me- 
dietatem  décime  Deleni  et  in  medietate  mea  eiusdem  loci  unum  modium 
bladii  ;  tertiam  partem  frumenti  et  duas  partes  avene,  quod  modium  dedi 
pro  anima  Guidonis  de  Camberiaco  nepotis  mei  ;  et  omnem  dccimam  fru- 
menti de  labore  ipsorum  in  valle  Castellionis  ;  et  decem  sextaria  vini 
annuatim  solvenda  tempore  vindemie  in  décima  de  Castellione  ;  et  omnes 
vineas  quas  tenent  in  valle  dicti  Castellionensis  et  quas  habent  in  parochia 
de  Filiingio  ;  et  quinque  caballatas  vini  in  vinea  quam  tenot  Rodulphus 


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Marchis  prout  in  alla  carta  mea  continetur;  et  viginti  solidos  in  servicio 
meo  de  Ans  in  festo  sancti  Andrée  solvendos  ;  et  decimam  quam  habent  in 
Arachia  ;  et  decimam  qiiam  habent  in  Biens  ;  et  decimam  quam  habent  in 
Christorai  ;  et  decimam  quam  habent  in  Chatellard  ;  et  decimam  quam  ha- 
bent in  monte  Robet;  et  décimas  quas  habent  in  parochia  de  Miusiaco; 
et  decimam  quam  habent  apud  Granues  ;  et  bladum  et  denarios  quos  ha- 
bent in  villa  Vallonis  juxta  Samoen  ;  et  homines  quos  habent  in  parochia  de 
Mynsiaco  et  infra  Glusas,  scilicet  apud  Blancam  villam  et  in  villa  que  dicitur 
Lo  et  in  casalibus  ;  et  quos  habent  in  parochia  de  Fleyrie  et  de  Samoen  ; 
et  quos  habent  in  parochia  de  Chyonsiaco  ;  et  quos  habent  in  parocliia  de 
Turre  ;  et  quos  habent  in  parochia  de  Filingio  ;  et  viginti  solidos  apud 
Corman  reddendos  annuatim  in  festo  sancti  Andrée  ;  et  omnia  alia  que 
nunc  possidet  dicta  domus  de  Six  in  decimis,  redditibus,  hominibus, 
terris,  pascuis,  aquis,  pratis,  nemoribus  et  quibuslibet  aliis  rébus  que 
nimior  longum  esset  per  singula  nominare.  Preterea  de  decimis  quas  dicta 
domus  tenuerat  longo  tempore  de  Baudetis,  militibus,  ratione  eleemosine 
apud  Vingins  et  apud  Maruel  dimisi  eis  quiète,  libère  et  pacifice  perpetuo 
habere  et  possidere  quinque  modios  quos  récipient  apud  Vingins  annua- 
tim. Et  bec  omnia  laudaverunt  et  concesserunt  Domine  filie  mee  Beatrix 
et  Agnes.  Et  ut  hec  mea  donatio,  concessio  et  confirmatio  rata  et  firma 
maneat  in  eternum  presentem  cartam  sigilli  mei  Juxi  munimine  roboran- 
dam.  Actuni  anno  gratie  millesimo  ducentesimo  trigesimo  quarto,  mense  . 
septembri,  apud  Fauciniacum. 

(D'après  deux  anciennes  copies.) 


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