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MÉMOIRES ET DOCUMENTS
PUBLIÉS PAR LA
SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE
DE GENÈVE
r.KNÈVF:. — IMPRIMERIE RAMBOZ ET SCHUOHARDT
MÉMOIRES ET DOCllMENTS
' l'UBLlÉS
PAR LA SOCIÉTÉ
D Hrantl IT DliiOLOlilE
DE GENÈVE
TOME QUINZIÈME
GENÈVE
CHEZ JULLIEN FRÈRES, LIBRVIRES-ÉDIIEURS
PARIS
CHEZ A. ALLOUARD, LIBRAIRE
Rue Pavée St-André des Arts, 3
1865
IHE GEïïY CENIEP
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME QUINZIÈME
PREMIERE PARTIE
Pages
Les armoiries des cantons suisses, essai sur leurs origines et leur
signification ; par M. Adolphe Gautier i
Jean Mestrezat, par M. A. Archinard, pasteur 29
Traité de combourgeoisie conclu le 12 novembre 1477, par Jean-
Louis de Savoie avec les villes de Berne et de Fribourg, par M.
Araédée Roget 73
Recherches sur l'origine des Genevez, village de l'ancien évêché de
.Bâle, par M. Louis Dufour 83
Notice sur quelques inscriptions découvertes récemment dans les
environs de Genève, par M. Auguste Turrettini 113
Marguerite de France, duchesse de Savoie, ses rapports avec Ge-
nève, par M. Théophile Heyer 122
Bulletin, août 1864 145
Personnel de la société 145
Mémoires, rapports, etc., présentés à la Société 146
Rôle de ceux qui furent tués à l'Çscalade 150
Convention entre Isaac Rousseau et Abel Du Commun, à l'oc-
casion de la fuite de Jean-Jacques 151
Mémoire de ce qui a esté remis à Michel Rilliet par Gaspard
Mestrezat, sautier 1 53
Ouvrages sur l'histoire de Genève antérieure à 1798, publiés
du!" janvier 1863 au 30 juin 1864 ,.. . 154
Ouvrages reçus par la Société 159
Les princesses de Portugal à Genève, par M. Th. Heyer 165
Lettres de Théodore Turquet de Mayerne au P. Conseil de Genève,
par le même 182
VI
Pages
Documents inédits sur Jacques-Antoine Artaud, par le même. ... 213
Débris de l'industrie humaine trouvés dans la caverne de Bossey,
par M. F. Thioly 232
Lettres de Pierre de la Baume, évêque de Genève, à Bezançon Hu-
gues 239
Mémoire de M. de Bellegarde, envoyé du duc de Savoie Char-
les III, à l'empereur Charles V 250
Notice sur un feuillet de papyrus récemment découvert à la Biblio-
thèque impériale de Paris et relatif à la basilique que Maxime,
évéque de Genève, substitua vers l'année 516 à un temple païen,
par M. Léopold Delisle, de l'Institut de France 265
Bulletin, mai, 1 865 285
Personnel de la Société 285
Mémoires, rapports, etc., présentés à la Société. 291
Notes sur l'ancien temple de Chancy et sur les inhumations
dans les églises de la campagne 293
Bibliothèque 296
SECONDE PARTIE
Supplément au Recueil de Chartes inédites concernant l'ancien
diocèse de Genève et antérieures à l'année 1312 i
Préface m
Texte des chartes 1
Table 45
Appendice. Trois documents relatifs à l'abbaye de Sixt 47
PREMIÈRE PARTIE
LES
ARMOIRIES DES CANTONS SUISSES
ESSAI
SUR
LEURS ORIGINES ET LEUR SIGNIFICATION
PAR
Adolphe GAUTIER
Lu à la Société d'Histoire et d'Archéologie de Genève,
le H Janvier 1864.
Les armoiries ont pour but de servir d'emblèmes et de signes
de reconnaissance. Si ce but est atteint d'une manière satis-
faisante par les blasons des familles, il le sera encore davantage
par ceux des Etals et des villes, parce qu'ils serviront à un bien
plus grand nombre de personnes, que chaque citoyen les ai-
mera, les vénérera, qu'ils seront pour lui le symbole saisissant
de la patrie. Chacun se plaira à les voir représentés sur les dra-
peaux, sur les monuments, sur les publications officielles, sur
les monnaies. Et cela surtout si, comme pour toutes les ré-
publiques composant le Corps helvétique, ces signes ne sont
pas les apanages particuliers d'une famille souveraine, mais
bien ceux de tout un peuple. Si, en outre, ces emblèmes sont
bien choisis et suffisamment originaux, ils caractériseront l'Etat
qui les porte, non-seulement aux yeux des citoyens, mais même
Tome X F, 1 '^^ part. [
2
aux yeux des étrangers, et pourront exercer une certaine in-
fluence sur le caractère et sur l'histoire d'une nation ; qui vou-
drait nier celle de l'Ours et du Taureau sur les peuples de
Berne et d'Uri?
Si chacun connaît les armes de sa patrie et y est attaché,
presque tous en ignorent l'histoire et la signification ; cepen-
dant celte étude offrirait un grand intérêt, si on pouvait la faire
d'une manière complète; mais les origines se perdent bien sou-
vent dans la nuit des temps, elles sont ordinairement anté-
rieures a l'histoire écrite et rentrent dans la légende ou la
tradition.
Ayant recueilli peu à peu el depuis longtemps un certain
nombre de traits se rapportant aux armoiries des vingt-deux Can-
tons, je me suis appliqué a les coordonner et a les développer
dans cet Essai ; mais je me hâte de confesser que mon travail
est loin d'être complet et qu'il est destiné à rester toujours
inachevé, parce qu'une grande partie des détails sont des con-
jectures et des légendes qu'aucune charte et aucun document
authentiques ne confirment, d'autres sont contestés et donnent
lieu a plusieurs interprétations. Toutefois , ce qui m'a en-
couragé, c'est que mon sujet n'a pas encore été traité dans le
sein de la Société d'Histoire et d'Archéologie et qu'ensuite je
me suis trouvé ordinairement d'accord avec les auteurs qui ont
concouru à faire le bel ouvrage sur les Sceaux des Cantons
suisses^ publié par la Société des Antiquaires de Zurich, ou-
vrage plein de faits et de résumés historiques d'un grand
intérêt.
Les armoiries des villes el des États ont plusieurs ori-
gines :
Elles proviennent des blasons des familles souveraines qui
les ont fondés ou gouvernés; de concessions accordées par ces
mêmes souverains , en particulier par les empereurs et les
papes; des bannières sous lesquelles les citoyens et les guer-
riers se rassemblaient pour marcher au combat ou aux assem-
blées pacifiques; elles peuvent même tirer leur origine de la
couleur des vêtements des habitants ; elles dérivent souvent
des sceaux de l'Eial, de légendes relatives à leur fondation, à
leurs patrons s{)irituels, à quelque trait de leur histoire, etc.
Nous trouverons dans l'examen des armes des Cantons suis-
ses des exemples d'origines très-diverses , mais ce qui doit
nous frapper et ce que je signale d'emblée, c'est l'incertitude
qui régnait sur le blason d'un certain nombre d'entre elles, et
cela non-seulement pour des écussons modernes, comme ceux
des cantons d'Argovie ou de Thurgovie, mais même pour des
armoiries anciennes comme celles des Ligues de la Haute-
Rhétie.
Les incertitudes ont cessé par suite de la décision qui a été
prise d'orner la salle du Conseil des États, au Palais fédéral,
de vitraux peints aux armes des Cantons. Ce travail a été con-
fié h M. le D"" Stanz, de Berne, l'habile et savant héraldiste,
directeur d'un atelier de peinture sur verre. A la suite d'é-
tudes raisonnées et approfondies, appuyées sur de volumineux
renseignements, il a fixé les points indéterminés, et les vitraux
du Palais fédéral doivent être les types exacts et officiels que
nous devons suivre ; aussi avons-nous dessiné les figures de
notre Planciie I d'une manière conforme à ces types. Néan-
moins, une foule de monuments, de peintures et même de
sceaux représentent des armoiries mal blasonnées, sans parler
des innombrables gravures et lithographies livrées au com-
merce et dont pas une n'est exempte d'erreurs.
Outre les armoiries proprement dites, nous devons encore
nous occuper des couleurs^ car si elles sont ordinairement
celles de Técu, elles en diffèrent quelquefois; nous n'avons
qu'à signaler comme exemple la Savoie, dont la couleur est le
bleu, tandis que les armes sont de gueules à la croix d'argent ;
la France, qui portail les fleurs de lys en champ d'azur et dont
le drapeau était blanc. En Suisse, les couleurs ont autant d'im-
4
poriance que les armoiries, elles figurent sur les drapeaux, sur
les cocardes ; peintes sur les boiseries, elles sont le signe de
la propriété de l'État ; enfin elles sont portées par les messa-
gers d'État et les huissiers, fonctions si importantes dans cer-
tains cantons.
Nous commencerons notre revue par les armes de la Confé-
dèralion Suisse.
Le lien fédéral était très-lâche avant la révolution ; l'ancienne
Suisse ne formait point un corps compacte ; on disait les
XIII Cantons et non la Confédéralion, il n'y avait pas de pou-
voir central et par conséquent pas d'armoiries communes à
tous les Cantons, Quand la violence imposa à la Suisse un gou-
vernement unitaire , les oppresseurs étrangers introduisirent
aussi un drapeau analogue au leur, c'est-à-dire rouge, jaune
et vert; les armoiries n'étant pas en faveur parmi eux, il n'en
fut pas question et tous les sceaux de l'époque sont gravés à
l'image de Guillaume Tell recevant dans ses bras son fils, le-
quel tient la célèbre pomme, tandis que les monnaies portent
un guerrier agitant un drapeau aux couleurs imposées.
Ces couleurs détestées furent abolies avec la constitution
unitaire, et sous l'Acte de médiation le pouvoir directeur, al-
ternant entre les gouvernements de plusieurs cantons, portait
le sceau et les armes de son État. En 1815, la Confédéralion
restaurée prit un emblème qui devait figurer sur les drapeaux,
les sceaux et les actes du pouvoir fédéral. On fut tout natu-
rellement conduit à choisir la croix d'argent aiezée en champ
de gueules. Le rouge était en effet dès les temps les plus re-
culés, à ce que dit la légende, la couleur nationale des Scan-
dinaves, premiers colons qui soient venus habiter les hautes
vallées des Alpes ; leurs bannières et leurs vêtements étaient
de cette nuance qui est demeurée populaire à travers les siècles
parmi leurs descendants, en Suisse aussi bien qu'en Dane- •
mark; l'antique Danebrog à l'ombre duquel combattent encore
5
les Danois, est ronge avec une croix blanche comme notre dra-
peau fédéral, el les soldats danois ont été vêtus de rouge jus-
qu'à nos jours comme les régiments suisses capitules au ser- .
vice étranger.
Quant h la croix blanche, elle a été très-anciennement portée
sur la poitrine et sur le dos des guerriers, ensuite elle passa sur
les drapeaux, lesquels aux couleurs cantonales, étaient traver-
sés par elle. Celte croix était donc le signe de ralliement des
Suisses, le seul qui fût commun à tous les cantons; étant déjà
généralement connu parmi nos pères, il est naturel qu'ils
l'aient adopté sur leur écusson. Ajoutons que ces belles armes
ont rapidement conquis la faveur populaire et qu'il en est peu
d'aussi universellement aimées et respectées.
Après l'écusson de la Suisse viennent ceux des Cantons. Nous
commencerons par les trois Waldstsetten, Uri, Schwytz et Un-
terwalden. Nous avons vu que le rouge était la couleur carac-
téristique des premiers habitants de la Suisse et en particulier
des cantons primitifs. Des bannières et des vêlements il a
passé aux armoiries; Schwytz a toujours gardé sa bannière
toute rouge, celle d'Uri portait autrefois , dit la légende, une
tête d'aurochs blanche en champ rouge, celle d'Unlerwalden
était rouge et blanche. La bannière de Schwytz a été prise
sans modifications comme écusson cantonal, lequel fut, pen-
dant des siècles, de gueules plein (PI. II, fig. 2). L'usage, con-
firmé par des concessions impériales ou papales, était que les
bannières portassent à leur angle supérieur une broderie ou une
peinture représentant des scènes de la passion ou des figures
de saints ; les cantons catlioliques suivirent longtemps cette
coutume, et la bannière de Schwytz fut ainsi ornée de la croix
el des autres attributs de la crucifixion par concession de
l'empereur Rodolphe de Habsbourg. Toutefois, l'écusson resta
sans aucune charge jusqu'à la fin du XVII^ siècle, époque où
cette croix brodée ou peinte passa dans les armoiries sous la
6
forme d'une croiselte d'argent à l'un des cantons du chef de
l'écu. Aucune trace d'un arrêté des Conseils de Schwytz or-
donnant celte adjonction n'a été retrouvée, on en ignore donc
la date précise; en outre, le côté où doit se trouver celte
croiselte n'a pas non plus été fixé dans l'origine, on la voit
tanlôt au canton dexlre tantôt au canton senestre du chef; ce
n'est que dans le siècle dernier que l'usage, contrairement à
la règle héraldique, l'a placée au canton senestre, tandis que la
bannière la porte près de la hampe.
Les anciens sceaux de Schwytz ne représentent pas les ar-
mes du pays, mais le patron du bourg, St.-Martin, partageant
son manteau. La couleur nationale est le rouge.
Les armes iVUri sont d'or a une tête de taureau, ou plutôt
d'aurochs, de sable, bouclée et lampassée de gueules. Les
sceaux et les bannières ont toujours été semblables, seule-
ment, comme nous l'avons déjà dit, la tradition prétend que les
couleurs ont changé, qu'autrefois le champ était rouge et la
tête d'aurochs blanche; ce serait par concession impériale que
les libres habitants d'Uri, relevant immédiatement de l'empire,
en auraient reçu les couleurs. Sur tous les monuments la tête
de taureau est vue de face , excepté sur un fort ancien sceau
triangulaire où elle est posée en profil.
La signification de ces armoiries a été l'objet de plusieurs
interprétations. On les fait venir d'un ancien peuple qui se se-
rait appelé Taurisci, ou du nom d'Uri, qui est le même mot
(\u' Aurochs, Uroclis, ou Urus, ce qui rendrait les armes d'Uri
parlantes. Nous ne repoussons aucune de ces explications; mais
celle qui nous semble le mieux convenir, c'est que nous avons
ici l'emblème de la conquête opérée par les colons cimbres,
Scandinaves ou alémanniques, sur le pays habité par des bêtes
sauvages dont l'aurochs est le représentant le plus caractéristi-
que. La boucle que l'animal porte dans son muffle passe pour
être de concession papale: elle indique l'asservissement de la
nature sauvage par la civilisation que les colons y ont appor-
tée. La langue de gueules qui sort de la bouche de l'aurochs
est presque toujours omise, c'est une faute; les anciens sceaux
et drapeaux se gardent bien de la laisser de côté.
L'ancienne bannière d't/ji<erimWm était rouge et blanche,
comme nous l'avons dit ; c'est encorer maintenant celle d'Ob-
walden. On y a ajouté la pièce principale des armoiries, laquelle
se retrouve sur les sceaux, une clef. Une légende prétend que
celle-ci est un présent du pape Anastase qui aurait donné aux
Unterwaldois ses propres armes, en récompense de ce qu'ils
auraient repoussé les armées d'Alaric, roi des Golhs. Nous n'a-
vons pas besoin d'insister sur le peu de probabilité de ce fait,
pour adopter une origine beaucoup plus logique. Le Canton
est sous l'invocation de St. Pierre ; l'Église de Stanz, ancienne
capitale de tout le pays, est consacrée à cet apôtre, on a donc
mis sur le sceau et ensuite sur les armoiries, son emblème,
c'est-à-dire la clef. Quand le Canton se divisa en deux por-
tions, Obwalden conserva la bannière rouge et blanche et le
vieux sceau portant une clef ; souvent il prit pour écusson le
champ coupé gueules et argent de sa bannière, sans aucune
charge; plusieurs monuments le portent ainsi. La clef est
quelquefois représentée ayant son paneton tourné à senestre,.
on la voit ainsi sur le portail de l'hôtel de ville de Sarnen ;
sur les sceaux il est tourné à dextre, c'est ce qui a déterminé
sa position sur les vitraux du palais fédéral.
Depuis que la dévotion à Nicolas de Flue s'est popularisée
dans le Canton, on a aussi peint sur les drapeaux l'image de cet
homme de bien, mais elle n'a pas figuré sur les armes.
Nidwalden a pris la bannière toute rouge des anciens colons
et l'a chargée des deux clefs de St. Pierre transformées en une
clef à double paneton et cela comme brisure des anciennes ar-
mes conservées par Obwalden ; il a fait figurer cette bannière sur
son écusson et a pris pour sceau l'image de St. Pierre. Chaque
• 8
demi-canlon a donc son blason particulier el c'est une faute
que de réunir les deux armoiries en une, comme cela se voit
même sur les bords du lac desQuatre-Cantons où l'on place sou-
vent la double clef de Nidwalden sur le champ coupé d'Ob-
■vvalden. Les armes du canton doivent se blasonner ainsi :
Parti au 1 , coupé gueules el argent à la clef de l'un à l'au-
tre posée en pal, le paneton tourné h dextre, qui est d'Obvval-
den ; au 2, de gueules à la clef d'argent en pal à double pa-
neton qui est de Nidwalden.
Une tradition qui existe dans les Petits Cantons, mais qui
n'est confirmée par aucun document, parle d'anciennes armoi-
ries qui auraient été pour Scbwjtz une vache, pour Unterwal-
den un veau, Uri portant toujours ie taureau. Il est plus pro-
bable que celte tradition repose sur quelque légende ou cban*
son dans laquelle on se sera servi de ces emblèmes pour expri-
mer les rapports intimes qui existent entre les trois Éiats fon-
dateurs de la Confédération.
Après avoir étudié les trois cantons primitifs, nous en trou-
vons trois autres dont les armoiries azur el argent ont la plus
grande analogie entre elles ; ce sont Lucerne, Zurich et Zug.
La situation des trois chefs-lieux au bord de leurs lacs ayant
aussi une grande similitude, c'est là qu'il faut chercher la si-
gnificaiion de leurs armes , où le bleu représente l'eau et le
blanc la terre. La partition de l'écu de Zurich tranché argent
et azur est l'image du lac qui court du Sud-Est au Nord-Ouest.
Pour Lucerne l'écu es>l parti azur et argent, ce qui n'est pas
conforme à la situation respective de la ville el du lac, mais en
revanche s'accorde bien avec l'ancienne bannière de Lucerne
coupée (et non partie) argent et azur. Quant à Zug, d'argent
à la fasce d'azur, la signification est la même, comme le
prouve l'écusson de l'ancienne commune souveraine d'Egeri
située dans le même canton et aussi sur le bord d'un lac; cet
écusson est le même que celui de Zug, avec cette différence
9
que la fasce esl chargée d'un bateau, c'esl donc bien une
étendue d'eau qu'elle doit représenter.
Sur les sceaux de Zurich sont gravées les images des trois
saints, Félix, Régula et Exuperanlius, ou seulement des deux
premiers, portant leurs tôles coupées dans leurs mains; sur
ceux de Lucerne on voit le martyre de Si. Leodegarou Léger,
patron de la ville; ceux de Zug portent la fasce.
Les armes des Cantons, peintes ou sculptées, sont ordinai-
rement ornées de supports, et cela surtout si l'écusson est
très-simple. Les supports introduits plus tard que les armes
offrent rarement une particularité digne d'être remarquée et ne
sont nullement obligatoires, presque toujours ce sont des lions;
nous ne les mentionnerons que quand ils offriront quelque
intérêt. Ceux de Zurich, qui sont des lions, accompagnent
presque toujours Técu, et les Zuricois les prennent volontiers
pour emblèmes ; depuis la bataille de Dàllwyl ils portent des
j)almes en signe de courage victorieux.
Les supports de Lucerne méritent une mention particu-
lière. Anciennement l'écu était tenu par un moine comme signe
des droits de souveraineté exercés sur la ville et le chapitre
par l'abbé du couvent de Murbach dans la haute Alsace. Quand
l'abbé Berthold de Falkenstein céda ses droits à l'empereur
Rodolphe de Habsbourg, le moine fut remplacé par des lions,
lesquels disparurent, lorsqu'en 1577 on découvrit, en abat-
tant un chêne à Reiden, dans le canton de Lucerne, des os-
sements gigantesques de mammifères. Les paléontologistes de
l'époque attribuèrent ces ossements à une peuplade de géants,
qui auraient été les habitants primitifs de la contrée et on
adopta pour tenants de l'écu de la ville, des géants ou sau-
vages.
Les armoiries de Glaris représentent l'image de St. Fridolin,
premier missionnaire du christianisme dans la vallée. Venu
d'Irlande avec Gall et Colomban, il prêcha l'Évangile en beau-
10
coup de localités, voyageant continuellement et fondant partout
des églises et des monastères. Il reçut à cause de sa grande
activité le surnom du Pèlerin. Les seigneurs de Claris, après
l'avoir maltraité et chassé lorsqu'il était venu évangéliser leur
contrée, se repentirent et lui léguèrent leurs droits de souverains,
qu'il donna lui-même à l'abbaye de Sàckingen, une de ses fon-
dations. En mémoire de cette légende, Glaris porte en champ
de gueules, couleur des conquérants Scandinaves, la figure du
saini vêtu en pèlerin avec son bâton blanc et la Bible h la main.
On a quelquefois transformé le bàion en crosse : c'est une er-
reur, jamais Fridolin n'a revêtu la dignité d'évêque, il ne doit
donc pas en porter les insignes. On ne doit pas non plus met-
tre sur le collet du pèlerin les coquilles traditionnelles qui n'é-
taient portées que par ceux qui revenaient de la Ïerre-Sainte.
L'image de Fridolin se voit sur les sceaux et sur les bannières;
les couleurs nationales sont le rouge, avec une raie ou écharpe
noire et blanche.
Après Glaris vient Berne, dont chacun connaît le bel et ca-
ractéristique écusson. La légende donne pour origine à ces ar-
moiries l'ours tué par Berlhold V de Zaehringen, sur l'emplace-
ment même où il fit élever la ville. N'a-t-il pas plutôt pris pour
emblème le plus puissant des animaux carnassiers de notre
contrée, pour exprimer ainsi qu'il entendait que sa ville se ren-
dît redoutable a toute la petite noblesse des environs? L'his-
toire a donné raison au choix de Berlhold ; ils sont nombreux,
ceux qui, nobles ou vilains, ont senti qu'il était dangereux de
tomber sous la patte de l'ours de Berne! Dans l'origine, l'ours
de sable était passant dans un champ d'argent, et les couleurs
le noir et le blanc (PI. il, fig. 1). A la bataille de la Schoss-
halde, en 1288, la bannière blanche fut roupie du sans; du
banneret Walo de Greyerz; en commémoration de ce fait, le
champ fut de gueules et l'ours passant dans une bande d'ar-
gent posée sur ce champ. En même temps la république adopta
il
pour couleurs le rouge et le noir. Peu de temps après la bande
fut d'or, probablement par concession impériale, mais on ignore
l'époque précise de cette transformation. Dès le principe l'ours
a toujours été lampassé, armé et vilené de gueules.
De toutes les armes h nous connues, aucune n'est plus po-
pulaire que l'ours de Berne; les Bernois sont fiers de leur em-
blème et s'en servent en toute occasion. Ils l'ont pris comme
support de leur écusson ; la municipalité entrelient des ours
vivants dans les fossés de la ville ; dans les rues on en voit a
chaque pas en pierre, en bronze, en bois, ou en plâtre; chaque
bourgeois tient à honneur d'en orner sa demeure.
L'adjonction de la ville de Berthold V termina l'ancienne
Confédération des huit cantons. Ce ne fut que 130 ans après
que la Suisse s'agrandit en recevant dans son sein, comme 9^
et 10® cantons, la ville de Berlhold IV et celle des saints Urs
et Victor.
Fribourg eut dès sa fondation deux armoiries distinctes,
celle de la bannière et celle du sceau. La bannière était noire
et blanche ; ces sombres couleurs étaient en faveur auprès des
Zœhringen, car elles sont celles des bannières des trois villes
fondées en Suisse par celle famille, savoir : Fribourg, Ber-
thoud et Berne (anciennes armes). Cela devait ou être un signe
de défi et de deuil adressé aux nobles des environs, ou indi-
quer le contraste entre la terre cultivée de la plaine, fréquem-
ment représentée par le noir, et les neiges et glaces des Alpes
au sud de l'Uechiland.
Le sceau représentait un château de trois tours crénelées ;
ces armes parlantes étaient l'image de la forteresse bâtie parle
duc de Zgehringen sur l'emplacement où est actuellement le
collège, et qui a donné son nom a la ville {Freie Burg).
De là deux écussons, l'un, militaire, coupé sable et argent
(dessiné sur la PI. I), a toujours figuré sur les peintures, les
monuments et les vitraux représentant Fribourg, ville souve-
12
raine et membre du Corps helvétique ; tandis que le second
écusson, d'azur au cliâleau de trois tours crénelées d'argent
(PI. II, fig. 3) signifiait Fribourg municipale. Ce cliâleau est ac-
compagné en pointe d'un anneau de même, mouvant de la base
de la tour du milieu; on ignore le sens de cette pièce, qui ne se
trouve pas sur les monuments les plus anciens et paraît intro-
duite au ik^ siècle. En outre sur les anciens sceaux de Fri-
bourg, le château est surmonté d'un écu chargé d'un aigle et
d'une bordure sur laquelle on reconnaît quelques traits oudés
ou en zigzag. Plus lard l'aigle n'a plus été dans un écu bordé.
On a voulu voir là l'aigle impériale, mais alors pourquoi cette
bordure? M. le D*" Stanz en donne l'explication en disant que
ce n'est pas l'aigle de l'empire mais les anciennes et authenti-
ques armes de la maison de Zaehringen portées aussi par les
comtes de Fribourg en Brisgau, et représentant un aigle de sa-
ble en champ d'or à la bordure nébulée gueules et argent. Cet
écu placé dans le sceau de Fribourg rappelle ainsi le fonda-
teur de la ville.
Dans le 17® siècle le gouvernement réunit en un seul écus-
son écartelé les deux armoiries, cela a duré jusqu'à la fin du
siècle dernier; maintenant elles sont séparées mais subsistent
toutes deux ; le canton porte coupé sable et argent, la ville
porte d'azur aux irois tours d'argent.
Les couleurs de Fribourg participaient des deux écussons et
étaient auirefois le noir ei le bleu, quoique le drapeau fut an-
ciennement noir et blanc. Il en est résulté que souvent on a
représenté à tort l'écusson de Fribourg coupé sable et azur.
Depuis la révolution de 1830 les couleurs des armes canto-
nales ont été employées pour tous les usages.
La ville de Soleure est sous l'invocation de St. Urs, un des
officiers échappés au massacre de la légion ihébaine. La légende
dit que, poursuivi parles émissaires de Maximin, il fui atteint
ainsi que son camarade Victor et décapité sur l'emplacement
13
où est bâtie la cathédrale de Soleure. Les reliques de ces mar-
tyrs étaient déposées à Genève dans l'église du prieuré de St.
Victor. Les anciens sceaux de Soleure représentent St. Urs
portant la bannière de la légion, sur laquelle on dislingue la
croix Iréflée, emblème du légionnaire Maurice ; le même bla-
son figure sur le bouclier de St. Urs. Celle croix a disparu plus
tard de la bannière pour être remplacée par les couleurs
seules, et cette bannière a forme les armoiries de Soleure, qui
sont coupées gueules et argent.
Les armes de Bâle sont dérivées de celles de son prince-
évêque, lequel portail en champ d'argent sa crosse de gueules
tournée à senestre (PI. II, fig. 7). Comme brisure, la ville prit
la crosse de sable et vers 1380 on la tourna a dextre. Une
autre opinion , qui est très-vraisemblable, veut que la figure
qui cbarge l'écusson de la ville soit non la crosse mais
l'étui ou écrin dans lequel on la renferme. Dans ce cas
la couleur noire serait justifiée, et comme emblème, rien ne
représente d'une manière plus satisfaisante, la ville et la bour-
geoisie entourant et protégeant sa cathédrale et son évêque,
que l'étui enveloppant la crosse.
La terminaison en trois pointes du pied de la crosse a été
l'objet des études des héraldisles bâiois; ils ont cru y voir un
croc de marinier, qui serait le symbole des droits que Bâle
exerçait sur les pêcheurs et bateliers du Rhin. Celle origine
peut être vraie, mais il est plus probable que ce n'est qu'un
ornement qui termine la crosse, ou la douille qui l'assujettit h
son manche. On est surtout disposé a admettre celle opinion,
quand on examine les plus anciens monuments où l'on voit les
armes de Bâle, et en particulier les anciens sceaux des bourg-
mestres. La figure de la planche I est copiée sur l'un de ces
sceaux, ainsi que celle qui est peinte à la salle du Conseil des
États.
Ces sceaux des bourgmestres ne sont pas l'ancien sceau
14
de l'Élal. Ce dernier porle une image de la cathédrale de
Bâie ; celui dit sùjiUum secrelum, porte deux personnages cou-
ronnés qui sont un saint et une sainte, ou peut-être l'empereur
Henri II et son épouse.
L'écnsson de Bâle est supporté par un animal fabuleux,
sorte de dragon ailé appelé BasiUsk. La présence de cet ani-
mal rend les armes de Bâle parlantes.
Outre Bâle et son évèque, plusieurs villes et bourgs du
diocèse portent la même crosse; ainsi Delémont, LaiifTon,
Liestal, Olten, etc. Des armes de Liestal, les habitants de
Bâle-Campagne ont fait l'écusson de leur demi-canton; la crosse
de gueules est tournée à senestre, et autour de la partie supé-
rieure sont sept perles ou volutes tenant à la pièce principale
par une tige très-courte. Ces accessoires existaient déjà sur les
armes de Liestal, elles ont été portées a sept pour rappeler le
nombre des districts du canton ; c'est à tort qu'on les place
ordinairement, même dans le canton de Bâle, sous forme de
sept tourteaux isolés de la crosse.
Les armoiries des deux demi-cantons sont réunies dans un
écu parti au 1 de Bâle-Ville et au 2 de Bâle-Campagne.
Nous trouvons à Scliaffliouse la même particularité qu'à
Fribourg, savoir deux armoiries ; seulement ici elles ont une
grande analogie. L'une (voir PI. l) est d'or au bélier ram-
pant de sable armé et couronné d'or, l'autre (PI. II, fig. 4)
porte en champ d'or un demi-bélier de sable mouvant d'une
maison ou d'un château d'argent ou au naturel, placé à se-
nestre sur une terrasse de sinople. Dans les anciens monu-
ments le bélier mouvant de la maison était slationnaire, plus
lard il est figuré s'élançant ; celte modification doit avoir été
introduite par concession impériale. De même une autre con-
cession a remplacé par un champ d'or l'ancien champ qui de-
vait être d'argent.
Ces armes sont faussement parlantes, elles viennent d'une
15
interprélalion inexacte du mol Scfmfflwusen comme dérivé de
Scliaf, mouton, et //aus, maison. Un abbé du couvent de Tous-
les-Saints avait déjà, au 12^ siècle, commis celte erreur d'éty-
mologie en écrivant Omdomensis au lieu de Scapliusiensis, et il
parie du bélier sortant d'une maison comme étant l'emblème
de la ville. Il explique même que, si on a placé un bélier au
lieu du mouton ou de la brebis que le vrai sens du mot au-
rait dû faire employer, cela tient à ce que le couvent de Ste-
Agnès portait déjà une brebis dans ses armes.
Le bélier immobile se trouve dans les sceaux les plus an-
ciens, et est sculpté en relief sur la façade de l'antique hôtel de
ville. Le bélier sautant paraît pour la première fois sur un
sceau du 15^ siècle, qui est encore aujourd'hui le sceau de
l'État.
L'écusson cantonal qui a toujours figuré sur toutes les pein-
tures où Schafîhouse est représenté comme État souverain et
membre du Corps helvétique, lire son origine de la bannière
qui n'a jamais porté que le bélier de sable rampant, sans mai-
son ni château. Celle qui fut perdue à la bataille de Sempach,
et qui est encore conservée à Lucerne est déjà ainsi. La cou-
ronne et les cornes d'or sont une concession du pape Jules IL
Maintenant les deux armoiries subsistent comme a Fribourg;
l'écusson de la bannière, le bélier libre en champ d'or est em-
ployé pour le canton, et le demi-bélier mouvant d'un château
compose les armes de la ville.
Les couleurs de Schaffhouse seraient noir et or si l'on ob-
servait toujours la loi qu'elles doivent être conformes à celles
de l'écu ; au lieu de cela elles sont le noir et le vert. Cela vient
de ce que le champ était autrefois blanc, et qu'on a pris pour
couleurs celle du bélier et celle de la terrasse sur laquelle il est
posé dans l'écusson municipal.
Le dernier des XIII cantons de l'ancienne Lia^ue est celui
é'Appenzell, qui porte d'argent à l'ours rampant de sable. Ces
1(5
armes sont les mêmes à peu de chose près que celles de l'abbé
de Sl-Gall, de la ville de St-Gall et de beaucoup de localités
du voisinage ; leur origine est commune. Toutes ces villes et
bourgs étaient en etlet autrefois sous la domination du prince-
abbé, et l'ours est celui de la légende de Gall, qui comme on le
sait fut l'apôlre du christianisme dans le pays. Gall avait bâti sa
cellule au bord du torrent de la Sleinach et il y fut un jour sur-
pris par un ours, auquel il ordonna d'aller chercher du bois ;
l'ours obéit et en récompense le saint homme lui donna un
pain. L'ours est donc l'emblème de St. Gall comme la clef
celui de St. Pierre et le porc celui de St. Antoine.
Sur les sceaux de l'abbaye on voit l'image du saint accom-
pagné de l'ours qui porte la pièce de bois ou le pain, sur les
sceaux et armoiries des communes le saint est sous-entendu,
il n'y a que l'ours. Stumpf prétend qu'avant leur émancipa-
tion les Appenzellois portaient l'ours passant, et qu'ils l'ont
dressé sur ses pattes de derrière en signe d'affranchissement ;
cette interprétation n'est pas satisfaisante, parce que le seul
monument où l'on trouve l'ours passant est un ancien sceau
contemporain ou même postérieur à d'autres qui portent l'ours
rampant. Il faut s'en tenir à ce que la position debout était
celle de l'ours obéissant aux ordres du saint. L'ours d'Appenzell
est presque aussi populaire que celui de Berne, seulement les
Appenzellois qui ont une prédilection pour les diminutifs l'ap-
pellent volontiers clas Bàrli au lieu de der Bar.
Les deux demi-cantons d'Appenzell ont conservé les mêmes
armes, seulement celui des Rhodes-Extérieures place dans le
champ de l'écûsson des deux côtés de l'ours les deux lettres
latines VR, initiales des mots Usser Rlioden^ écrits ainsi suivant
l'ancienne orthographe et la prononciation suisse. Maintenant
on tend à substituer l'A au V ou à l'U comme plus conforme
à la grammaire [Àusser Rhoden). Les Rhodes-Intérieures n'a-
joutent ordinairement rien a leur Bârli.
La complète analogie des armes des deux Appenzell fait
17
qu'on ne les sépare pas clans un écn parti comme Unterwalden
et Bâie; il serait plus conforme aux lois de l'héraldique, de le
faire, quand même on devrait répéter les mêmes figures sur
chaque partition.
Dans les nouveaux cantons qu'il nous reste à passer en re-
vue, nous trouverons ce que nous n'avons pas encore rencon-
tré, ce sont des armoiries modernes. Elles ont cependant pres-
que toutes une signification et une origine historiques.
Le canton de Sainl-Gall est le premier dont les armes soient
dans ce cas. Il fut formé en 1802 par l'agrégation un peu
arbitraire de huit provinces qui avaient entre elles peu de rap-
ports; ces pays étaient : l^la ville libre de Saint-Gail alliée des
Suisses ; 2» le pays sujet du prince-abbé, appelé Furslenland,
comprenant aussi le Toggenbourg, comté libre sous la suzerai-
neté de l'abbé ; 3*^ le pays de Gaster, sujet des cantons de
Claris et Schwytz; 4" le Rheinlhal, bailliage commun aux huit
anciens cantons et à Appenzell; 3" le bailliage de Sax, appar-
tenant à Zurich; 6° le comté de Sargans, bailliage commun ;
7^ le comté de Werdenberg, appartenant à Glaris, 8^ le comté
de Rapperschwyl, bailliage libre sous la suzeraineté de Zurich,
Berne et Glaris. Pour représenter ces différents pays réunis en
un seul, le nouveau canton se donna pour écusson, en champ
de sinople, un faisceau de licteurs d'argent composé de 8 bâ-
tons liés par un ruban de l'émail du champ.
Les armes des Grisons paraissent au premier coup d'œil
fort compliquées, mais à l'examen elles se simplifient considé-
rablement. Elles se composent des trois armes bien distinctes
des trois ligues Rhéliennes ; la ligue Caddée ou de la Maison
Dieu, la ligue Grise ou Supérieure, et celle des Dix Droitures
ou des Dix Juridictions. Leur prééminence a été l'objet d'un
débat entre la ligue Caddée et la ligue Crise, et tranchée en
faveur de la première par un jugement de la troisième prise
Tome XV, V^ part. 2
IS
comme arbitre, conformémenl au traité d'union. Les raisons de
cette prééminence furent d'abord la circonstance que la ligue
Caddée possède l'évêché et la principale ville, ensuite celle que
ses députés étaient arrivés les premiers au rendez-vous de Va-
serol, quand les trois ligues prêtèrent le serment d'union entre
elles. C'est pour cette raison que l'écusson de la ligue Caddée
est au centre, celui de la ligue Grise a dextre, celui de la ligue
des Dix Juridictions à séoeslre.
Quand on représente isolément les armes des Grisons, les
trois écussons sont simplement rangés a côté l'un de l'autre,
liés par un ruban que termine un nœud empoigné par trois
mains entrelacées, comme signe de l'union des trois ligues en
un État fédératif. Quand on fait un tableau des armoiries de
tous les cantons, on est conduit par analogie à réunir les trois
ligues en un seul écusson, et on le fait en les plaçant dans un
champ d'argent, ou, ce qui est moins fréquent, en tierçant le
champ en pal et en introduisant une ligue dans chaque parti-
tion. En outre chaque ligue avait un support ou tenant, qu'on
peut mettre ou supprimer à volonté.
La ligue de la Maison Dieu porte d'argent au bouquetin de
sable. Cet animal, autrefois si commun et maintenant si rare,
caractérise parfaitement le pays des Grisons, couvert de bois,
de rochers, de glaciers, de neiges éternelles et séjour favori
du chamois et du bouquetin. En outre le bouquetin est un
animal courageux et digne d'être pris pour emblème par les
montagnards de l'Engadine, il ne fuit pas devant l'ennemi
comme le chamois, mais l'attend de pied ferme. C'est son cou-
rage qui a occasionné sa destruction presque complète, tandis
que le chamois est encore abondant, malgré le grand nombre
qu'on en tue.
Le tenant de la ligue Caddée était une image de la vierge
Marie avec l'enfant Jésus, en mémoire de la cathédrale de Coire,
chef-lieu de la ligue, laquelle est sous l'invocation de Notre-
19
Dame. Comme la |)resque totalité des iiabitanls embrassa la
réforme, celte image fui supprimée. C'est à lorl que l'on voit
dans beaucoup de peintures, le champ de l'écu gueules ou or,
il est d'argent ; c'est en elï'el sur un fond de neige ou de
glace que doit être représenté le bouquetin.
La bannière de la ligue Grise était de la couleur de son nom,
ou blanche et grise. On prétend que l'origine du nom et de la
couleur vient des vêtements que portaient les fondateurs de la
ligue au serment de Trons ; ces vêtements étaient, dit la tra-
dition, en fourrure grise pour les nobles et en laine grise pour
les bourgeois el paysans. Cette couleur ne figure pas parmi les
émaux du blason, de là vient que l'écusson de la ligue, qui
n'est autre chose que la bannière, est parti de deux couleurs
qui ont souvent varié jusqu'à ce jour. On le voit parti tantôt
argent et azur, tantôt argent el sable, tantôt azur et sable ; ou
encore écartelé des mômes émaux. De concert avec les autori-
tés du canton, M. le D*" Stanz a tixé ces émaux : l'écu est parti
argent et sable. On peut à cela faire une objection et dire que
c'est plutôt l'azur que le sable qui doit en blason représenter le
gris; en effet la fourrure appelée en héraldique vair, la même
que les pelletiers appellent le petit gris, provient d'un animal
dont le dos est gris et le ventre blanc, et la fourrure elle-même
présente en conséquence des alternatives de ces deux couleurs;
or, en blason, chacun sait que le vair est figuré par une sorte
de carrelage dont les compartiments, en forme de cloches, sont
argent el azur. Le gris devrait donc être peint de ce dernier
émail.
Certains interprètes ont voulu trouver dans l'écu de la ligue
Grise l'image du Rhin et du Glenner, les deux rivières qui ar-
rosent le pays, et qui se rencontrent tout près du chef-lieu
Ilanz; mais nous ne saurions être de cet avis.
Le tenant de l'écusson de la ligue Grise est le patron de la
contrée, St. George transperçant de sa lance le dragon. Ordi-
20
nairement, vu les exigences de la symétrie, on est obligé de
supprimer le dragon couché sous l'écu et on se contente de
dessiner l'image du saint issant au-dessus du chef.
La liyue des Dix Juridictions porte écartelé or et azur a la
croix de l'un à l'autre. Le tenant est un sauvage saisissant dans
la main droite un étendard aux couleurs de l'écu, et dans la
main gauche un sapin déraciné. Cette croix est le chiffre ro-
main Dix (X) et devrait par conséquent être un sautoir et non
une croix, mais dans la contrée c'est ainsi qu'on marque le
dix encore aujourd'hui. Ce sont donc des armes parlantes.
Quant au sauvage ou géant, il a la même origine que celui de
Lucerne, savoir, une découverte d'ossemenls de grands mam-
mifères trouvés à Alveneu et attribués à des hommes primitifs.
Le sapin qu'il tient doit avoir dix branches en mémoire des dix
juridictions.
Les armes complètes des Grisons sont donc composées des
écussons des trois ligues, celui de la ligue Grise appuyé sur la
figure de saint George, celui de la ligue des Dix Juridictions
sur le sauvage, et celui de la ligue Caddée sans support ; mais
c'est à tort qu'on enferme dans un écusson a part les deux te-
nants, de manière à composer les armes d'un champ coupé au
1 du tenant , au 2 de l'écu ; il vaut bien mieux supprimer
complètement les supports, ce qui se fait souvent et n'est point
une erreur. Du reste il y a un si grand nombre de variantes
dans ces armes qu'il est fort difficile de les suivre dans les mo-
numents historiques, et de distinguer ce qui est fautif de ce qui
peut être une modification ayant sa raison d'être.
Chacune des trois ligues porte comme couleurs celles de
son écu ; mais quand les Grisons ont figuré comme Etat et
notamment depuis qu'ils forment un canton, ils ont réuni sur
leurs drapeaux leurs cocardes et leurs livrées, les principales
couleurs des trois ligues, savoir : le blanc, le gris et le bleu.
21
Le canton à'Argovîe est de nouvelle formation ; ses armes
datent de 1803 et re|)résentent d'une manière satisfaisante ses
éléments constitutifs. Elles sont parties au 1 de sable à la fasce
ondée d'argent, au 2 d'azur à trois étoiles de même. La moitié du
canton, l'ancienne basse Argovie bernoise, est figurée par le 1
du parti; la fasce ondée représente l'Aar qui arrose cette fertile
contrée; la seconde moitié que désigne le 2 du parti, se com-
pose du Freienamt, du comté de Baden, bailliages communs,
et du Frickllial détaché des possessions autrichiennes, chacun
de ces trois districts étant indiqué par une étoile.
Même en Argovie et sur les monuments officiels, les trois
étoiles ne sont pas toujours blasonnées semblablemenl ; on les
voit tantôt d'argent, tantôt d'or, posées 2 et 1 ou comme sur
la figure de la planche I. Nous ado|)tous la seconde ma-
nière, j)arce que c'est celle des vitraux de la salle du Conseil
des Etats.
Quand Thurgovie était un pays sujet des huit et ensuite des
dix premiers cantons, les souverains lui avaient conservé les
armes de ses anciens seigneurs, les comtes de Kyburg, en in-
versant les émaux. Le bailliage de Thurgovie portait donc d'ar-
gent à la bande de gueules accompagnée de deux lions de même.
Lors de son émancipation, le nouveau canton conserva ses lions,
mais les posa sur un champ tranché argent et sinople, en mo-
tivant son choix sur ce que ces armes doivent signifier le cou-
rage plein d'espérance avec lequel Thurgovie est déterminé à
maintenir le lien fédéral et l'indépendance de la Suisse.
Régulièrement les lions devraient être de Tun dans l'autre
et c'est ainsi qu'on les peint souvent ; mais quoique ce soit une
grave infraction aux règles du blason , l'usage presque général
a attribué aux lions la couleur or. M. le D*" Stanz a mis d'ac-
cord les héraldistes et l'usage en faisant les lions fauves, ou
au naturel. Les armes de Thurgovie se blasonneront donc
ainsi : Tranché argent et sinople , chaque partition chargée
d'un lion au naturel.
-22
Le canton du Teasin a pris pour armoiries un écusson
parti gueules et azur. Je n'ai pas encore trouvé la signification
de ces couleurs. Les bailliages dits italiens, comprenant le
Tessin actuel et appartenant aux anciens cantons, avaient reçu
de leurs souverains la croix d'argent en champ de gueules
comme signe de possession commune.
Le signe de reconnaissance des habitants du pays de Vaud
lorsqu'ils se soulevèrent contre Berne, fut d'abord une feuille
d'arbre au chapeau, puis une cocarde verte et urt drapeau de
cette couleur qui est celle de l'espérance.
La devise Liberté, Egalité, ta première que prirent les Vau-
dois, à l'instar des Français, ayant été abolie très-promptement,
elle fut remplacée par Liberté et Patrie, et il fut décidé d'in-
troduire celle devise dans le champ de l'écusson du nouveau
canton, qui porta en conséquence : coupé au 1 d'argent por-
tant la devise, et au 2 de sinople.
Les armes du Vahiia ne sont pas très-anciennes; la répu-
blique était gouvernée par l'évêque, dont l'écusson de famille
figurait avec les armes de l'évéché sur les bannières, les sceaux,
les monniiies, etc. Ce ne fut que vers 1630 et par suite de la
nouvelle constitution du Valais, laquelle donnait au peuple des
droits plus étendus, qu'on adopta pour armoiries un écu parti
d'argent et de gueules sur lequel on posa sept étoiles, emblè-
mes des sept dixains souverains du Haut-Yalais (PI. II, fig. 5).
Quand le Bas-Valais fut émancipé, le nombre des dixains ou
districts s'éleva h douze, dont sept pour le Haut et cinq pour le
Bas; par suite l'écu fut chargé de douze étoiles rangées en trois
pals de quatre étoiles chacun ; celles de l'un du parti dans
l'autre et celles du pal du milieu de l'un à l'autre.
En 1815 on changea les limites des dixains et on en forma
un treizième, celui de Gonthey ; la conséquence en fut une
treizième étoile ajoutée au pal du milieu qui dès lors en compte
cinq.
23
Si les armes du Valais sont peu anciennes, il en est tout
autrement de celles de Ncuchàlel. Nous trouvons ici un fait
unique dans le blason des cantons, c'est celui d'un pays por-
tant les armes de la famille qui régna autrefois sur lui.
Les grands dynastes du Jura burgonde avaient une origine
commune et la branche des comtes de Fenis-jNeucbâtel était
la principale et la plus brillante. Toutes ces maisons ont eu
des armoiries semblables, ne différant guère que par les émaux
ou des brisures. Celles des comtes de Neuchâtel, devenues
celles du comté et ensuite delà principauté, étaient d'or au pal
de gueules chargé de trois chevrons d'argent (PI. II, fig. 6).
Les héraldistes cherchent dans ces belles armes une image du
château de Neuchâtel; le pal avec les chevrons représenterait
le toit du corps de logis central et les deux fragments du
champ d'or les deux tours. Ils en voient la preuve dans les an-
ciens sceaux sur lesquels est gravé un château de deux tours
séparées par un toit pointu. D'autres voient dans les chevrons
des armes parlantes, les images des toits des maisons ou fenih
du village de Feim (allemand Vinelz)^ qui a donné son nom
aux comtes.
L'écusson de la maison de Neuchâtel demeura celui du pays
malgré les changements de dynasties. Plusieurs familles ont ré-
gné sur la principauté sans que les armes fussent modifiées ; le
prince écarlelait parfois de son écusson particulier, ou l'accolait
en alliance. C'est la manie moderne des innovations qui a causé
la destruction de cet antique et vénéré symbole! En 184-8 le
Grand Conseil de la république neuchâteloise décréta l'abolition
des vieilles armoiries comme rappelant l'ancien régime, et un
député des Montagnes présenta à l'assemblée un drapeau rouge,
blanc et vert qu'il proposa comme devant être celui du nouvel
Etat. Il justifia son choix en disant que le ronge était l'image du
sang que les Neuchâtelois étaient prêts 'a verser pour défendre
le nouveau drapeau, que le blanc était le symbole de la pureté
de leurs intentions et que le vert rappelait les forêts et les
prairies des montagnes du Jura.
24
Ce drapeau fui adopté d'enthousiasme; on y ajouta une croi-
selte blanche sur la portion rouge pour rappeler le lien fédé-
ral, et ainsi fut arrêté le nouvel écu neuchâtelois tel qu'on le
voit PI. I.
Les anciennes couleurs, conformes aux armoiries, étaient le
rouge et le jaune. Après la tentative révolutionnaire de 1831,
où les insurgés avaient des drapeaux rouges et jaunes, le Con-
seil ne voulut plus conserver ces couleurs, et en maintenant
les anciennes armes, il adopta pour les cocardes, les livrées,
les drapeaux, etc., l'orangé, produit du mélange des anciennes
couleurs, joint à celles de la Prusse, le blanc et le noir. Main-
tenant la cocarde est rouge, blanche et verte comme l'écusson.
Il nous reste encore Genève pour clore la série des cantons.
Nos superbes armes doivent se blasonner ainsi :
Genève porte d'empire, parti de gueules à la clef d'or en
pal, le panneton tourné à sénestre. L'origine de cet écusson
est parfaitement claire. Genève portait l'aigle éployée comme
signe de son caractère de ville impériale ; cet emblème était
gravé sur les monnaies et sculpté sur les édifices publics. En
outre, Genève était sous la dépendance de son prince-évêque,
lequel portail les armes du chapitre de sa cathédrale vouée à
saint Pierre, savoir de gueules à deux clefs d'or en sautoir *.
La communauté a donc pris la moitié de l'écusson de l'empire
et la moitié de celui du chapitre, ce qui représentait très-exac-
tement sa situation politique. Ce n'est qu'au 15*^ siècle que la
clef et l'aigle ont paru ; cependant M. Galiffe possède un an-
* Nous signalerons ici une usurpation héraldique commise par l'évêque
de Lausanne et Genève en résidence à Fribourg. Les armes de ce prélat de-
vraient être celles des deux évêchés qu'il administre, et il porte bien en effet
celles du Chapitre de Lausanne, mais au lieu de les joindre à celles du Cha-
pitre de Genève, il écartèle aux 2 et 3 de la République et Canton ! Aucun
des anciens princes-évêques de notre ville n'eût osé porter la clef et l'aigle,
et un fonctionnaire de l'ordre ecclésiastique, qui n'exerce aucun droit sou-
verain, se permet de le faire. Il y a là une erreur historique et une grave
infraction aux règles du blason.
25
cien sceau de Jaques de Faucigny, prévôt du chapitre, sur le-
quel on voit parti au 1 des deux clefs, au là de la demi-aigle;
ce monument est de 1342. Avant cette époque, Genève devait
déjà avoir des armes; on voit en elFel sur plusieurs pièces le
soleil figurer comme première trace d'un emblème héraldique.
Le culte que rendaient les anciens habitants de la ville au dieu
Balder, a dû être l'origine de ce premier blason qui s'est per-
pétué comme cimier des armoiries de Genève. Le christia-
nisme l'a modifié en ce sens que le monogramme de Jésus,
IH2 devenu IHS, a été inscrit au milieu. Enfin un autre signe
héraldique paraît aussi avoir existé à Genève conjointement
avec les autres, c'est la croix iréflée de saint Maurice. Cette
croix figurait sur les drapeaux, sur la poitrine des soldats, sur
les monnaies, etc., elle était bleue ou violette sur fond blanc
ou noir. Elle aurait été l'écusson militaire, tandis que le soleil,
la clef et l'aigle servaient de symbole municipal et administratif,
comme à Fribourg l'écu coupé, et les trois tours.
La croix a disparu dès le 16'' siècle, il n'en est resté que les
couleurs. Genève a en effet porté jusqu'à la révolution comme
couleurs de livrée, le noir et le gris, ou le noir et le violet, la
cocarde même était toute noire. Cette incertitude dans la nature
des couleurs provient (comme pour les Grisons] de ce que le
gris n'est pas un émail héraldique et qu'il se transforme en azur
ou en pourpre. Quant à l'origine delà croix, elle peut venir ou
des croisades ou de l'ancienne alliance avec la Savoie lors des
luttes contre la maison de Genève, ou peut-être aussi de la
légion thébaine, dont la croix tréflée était l'emblème. Les corps
de deux des principaux officiers de celte légion, Urs et Victor,
étaient ensevelis au prieuré, comme nous l'avons dit en traitant
de Soleure. La dévotion de nos ancêtres peut les avoir conduits
à rendre hommage à ces martyrs légendaires en mettant le
symbole de la légion sur leurs drapeaux '.
* Ajoutons que le drapeau genevois rouge et jaune peut être fait à vo-
lonté coupé ou parti, comme celui de Lucarne; mais s'il est parti, on doit
26
Plus heureux que la plupart des cantons, nous possédons un
ouvrage complet sur les armes de Genève, c'est celui de notre
collègue M. Blaviffnac; il est inséré dans les Mémoires de no-
Ire société, j'y renvoie toutes les personnes qui voudraient
faire sur ce sujet une étude plus approfondie.
Après avoir étudié les armes des cantons, nous dirons quel-
ques mots de celles des Étals et villes ci-devant alliés, ou plutôt
associés des Suisses (en allemand Zugewandte Orte). Quelques-
uns de ces alliés devenus cantons ont déjà été passés en revue,
ce sont les ligues des Grisons, Valais, Neuchâtel et Genève; les
autres, dont nous avons encore à nous occuper, sont l'Evêché
de Bâle, l'abbé de Saint-Gall, la ville de Saint-Gall, celle de
Bienne, celle de Mulhouse et celle de Bottweil.
Nous avons déjà parlé de Vévpque de Bâle (PL II, fig. 7), le-
quel portait la crosse de gueules en champ d'argent. Vabbé
de Saint-Gall (PI. II, fig. 8) portait d'or à l'ours rampant de
sable en mémoire de la légende du fondateur de l'abbaye que
nous avons rappelée à propos d'Â[)penzelL De nos jours le
nouvel évêché de Saint-Gall a repris les armes de l'abbé avec
celte différence que l'ours porte la pièce de bois. La ville de
Saint-Gall (PI. II, fig. 9), autrefois sous la suzeraineté de
l'abbé, [lorlait le même ours en champ d'argent. Primitivement
l'ours élait représenté recevant le pain que lui donna le saint
homme. Lorsque la ville s'émancipa du joug de l'abbé, ce pain
fut supprimé comme étant un signe de dépendance. Plus tard,
en 1477, l'empereur Frédéric III orna le cou de l'ours d'une
écharpe ou d'un collier d'or, en mémoire de la valeur déployée
supposer que la clef et l'aigle y sont peints et par conséquent observer une
l'ègle du blason qui veut que les animaux, sur les enseignes militaires, regar-
dent toujours l'ennemi, par conséquent soient tournés du côté de la hampe.
Pour que l'aigle regarde la hampe, il faut que le parti jaune soit cloué contre
elle et que le rouge flotte. Souvent on fait le contraire, ce qui est une
erreur.
•27
par le contingent de Saint-Gall lors de la guerre de Bourgogne.
Le même empereur donna à la même occasion des anges pour
tenant de l'écusson.
La ville de Bienm (PL II, fig. 10) indépendante depuis la
guerre de Bourgogne, maintenant incorporée au canton de
Berne, porte de gueules aux deux haches d'argent en sautoir;
ces armes parlantes proviennent de ce que le nom allemand
Biel est la prononciation suisse de Beil^ hache. On a cru aussi
voir une image de la ville dans son nom et ses armes en pré-
tendant qu'en plan, Bienne a la forme d'une hache.
La ville de Mulhouse (PI. II, fig. il), maintenant séparée de
la Confédération, porte aussi des armes parlantes qui rappel-
lent soit le nom de la ville, soit l'industrie qui y a toujours
été florissante et fut la première cause de son origine. Cette
ville porte d'or a la roue de moulin de sable,
Roftweil, en Souabe, perdit sa qualité d'alliée des Suisses lors
delà guerre de Trente ans, pour ne pas avoir maintenu sa neu-
tralité. Ses armes sont d'or a l'aigle éployée de sable chargée
en cœur d'une croix d'argent (PI. II, fig. 12). Comme beau-
coup de villes impériales elle avait reçu le blason de l'empire,
et la croix doit être une brisure rappelant son union avec la
Suisse.
Sur les anciens monumenis, peintures et vitraux, on voit pres-
que toujours les écussons des villes et cantons de la Suisse, sur-
montés des armes de l'empire. Beaucoup de voyageurs et écri-
vains étrangers voient la un reste de dépendance et d'asser-
vissement ; ils oublient que l'aigle à deux lêies n'est point le
signe de la maison d'Autriche, que les guerres d'émancipation
des Suisses ont été toujours dirigées contre cette maison et non
contre l'empire dont les cantons se glorifiaient au contraire
d'être membres, et que c'était comme symbole de liberté et
28
d'affrancliisseraent que l'aigle figurait sur les portes des villes
et sur les sceaux.
Pour lermiuer, il me reste a vous entretenir des devises des
cantons.
Quoique dans le moyen âge elles fussent les attributs des
individus et non des familles ou des États, on comprend que,
par déférence pour les aïeux, on ail eu la tendance a les rendre
héréditaires, surtout si elles étaient bien choisies.
Nos ancêtres ont ainsi gratifié notre ville d'une fort belle
devise, Post tenebras spero hicem, devenue a la Kéformation
Posl tenebras lux. Dieu veuille que nous ne fassions jamais men-
tir cet adage ! Nous avons parlé de la devise de nos voisins du
canton de Yaud; excepté celles-ci, il n'en est guère qui aient
été d'un usage général. Sur les monnaies on lit à la vérité des
sentences qui ont aspiré à prendre le rang de devises, mais elles
sont en général peu connues, et c'est dommage, car il en est de
fort belles. Ainsi Berne inscrivait autour de son écu les mots,
Dominus providebit; Zurich et Bàle, Domine conserva nos in
pace: Soleure, Cuncla per Deum: Saint-Gall, Soli Deo gloria;
Lucerne, Dominus spes populi sui, ou, E concordia res parvœ
crescunt^ etc.
Il n'y a guère que Schalîhouse qui tienne à sa devise, sans
qu'elle soit pourtant aussi répandue et aussi populaire que la
nôtre; elle porte Deus spes nostraest, et date de la Réformation.
Celle de la Confédération, Un pour tous. Tous pour un, est
très-bien choisie; elle indique bien la nature du lien qui unit
les cantons entre eux, mais n'a rien d'ofiiciel.
Me voici arrivé à la fin de mon travail. Comme je l'ai an-
noncé au commencement, il est incomplet et renferme bien des
points contestables. Reconnaître et proclamer ces deux faits,
c'est dire que j'accueillerai avec bonheur tout ce qui pourra
contribuer à le compléter et à le rectifier
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Ad GAUTIER ot;^
iirâ firuner NfU-ciLÎtel
JEAN MESTREZAT
Originaire de Vérone, snivani Aymon ', et transplantée d'a-
bord dans le pays de Gex au XIV™^ siècle, puis à Thonon, en
Chablais, dès le XV^e^ la famille Mestrezat vint s'établir à
Genève, au commencement du XVI"^*' ^, dans la personne de
trois de ses membres : Denis, qui y fut mis en apprentissage^
en 1504, par Henri, son frère aîné, lequel demeura pourtant
à Tbonon; Hugues, en 1517, recteur de la chapelle de Saint-
Antoine, dans l'église de la Madeleine; et Léger, habitant de
cette dernière paroisse et reçu bourgeois le 13 octobre
1524 \
* Aymon, Synodes nationaux, t. II, p. 525. — Galiffe (J.-A.), Notices gétiéa-
logiques sur les familles genevoises; Genève, 1830, t, I, pp. 477-479, repré-
sente les Mestrezat comme sortis de Vigone, bourg situé à 2 lieues E.-S.-E.
de Pignerol.
' Ibid. Léger Mestrezat quitta Genève, à ce qu'il paraît, au moment de la
guerre qu'elle eut à soutenir en 1534 contre le duc de Savoie et, pour ce
motif, on ne lui permit pas d'y rester lorsque, deux ans plus tard, il y re-
vint (Voir Regist. du Conseil, 3 à9 mars 1536). Mais, à Noël 1535, il avait
de Lyon, où il séjournait, prêté 20 écus d'or à la Seigneurie (Flournois^
Extraits des Registres publics, 29 mars 1536) et., en raison des grands ser-
vices qu'il lui avait rendus à Lyon (Voyez encore R, du Cons. du 9 avril e^
du 26 mai m. a.), on lui permit de rentrer, en payant 24 écus d'or; de plus,
il en prête encore cent le 19 décembre de la même année.
' Galiffe, Ubi suprà.
30
Cette famille peut se comparer à l'un de ces arbres féconds
qui portent des fruits savoureux et abondants jusque dans leurs
derniers rameaux. Car, indéjjendamment des hommes de talent
auxquels elle donna le jour, dans les carrières civiles, par ses
alliances nombreuses, indépendamment des médecins \ des
jurisconsultes et des magistrats qu'elle produisit dès le com-
mencement '^, elle produisit aussi un nombre proportionnelle-
ment assez fort d'ecclésiastiques distingués.
Au premier rang, nous devons tout d'abord mentionner ce
Jean Mestrezat qui occupa dans l'Église de Paris une si émi-
nente place. Petit-lils de Léger, dont j'ai parlé il y a un ins-
tant, et fils d'Amied ou Ami, qui était alors conseiller d'État
et devint svndic en 1608, 1612 et 1617, Jean était né en
1592. Il commença ses études a Genève, où nous le voyons
inscrit au Livre du Recleur en 1606, comme entré en belles-
lettres; mais il ne paraît pas qu'il restât longtemps dans cette
ville, car on sait qu'il alla continuer ses études a Saumur.
Était-ce que cette académie, tout récemment fondée par Du
Plessis-Mornay, jetât alors un plus grand éclat que celle de
Genève? Jean Craig, en philosophie, Harmensen et Trocho-
rège, en théologie ^, étaient-ils plus distingués qu'Esaïe Col-
ladon, Jean Diodati ou Théodore Tronchin, à Genève? Nous
ne le pensons pas; mais les doctrines calvinistes étaient encore
enseignées avec toute leur rigueur dans la petite cité des bords
du Léman, et cet Harmensen ou plutôt cet Arminius que nous
venons de nommer, d'ailleurs élevé à Genève par Charles Per-
rot, avait inauguré à Saumur un enseignement moins absolu,
* Pierre, fils de Domeine, dont nous parlerons plus loin (Voyez Galiffè
u. s. p. 483), et François.
^ Ami , dont il est question dans notre texte , quelques lignes plus bas ;
Domeine, son fils aîné (Galiffe, p. 482), Jean-Louis, fds du past. et prof. Phi-
lippe Mestrezat ; Abraham, fils de Simon et petit-fils d'Ami (Senebier, His-
toire littéraire de Genève, t. II, p. 31 1 et s.).
^ J. Dumont, Histoire de l'Académie de Saumur depuis sa fondation ew 1600
jusqu'à sa suppression en 1G85. Angers, 1862, broch. in 8'^, p. 7.
31
des tendances |>liis libérales. Il n'en falliii peut-être jias da-
vantage pour que le jeune Mestrezat se sentît alliré ou
plutôt pour que son père l'engageât à se rendre dans cette
ville.
L'élève de Saumur se voua avec ardeur à Têtu de de la phi-
losophie et sortit avec distinction, en 1610, de la faculté où on
l'enseignait. En effet, dans une discussion qu'il eut à soutenir
contre son professeur, celui-ci ayant dit, à propos d'un argu-
ment employé par le jeune Genevois, Pas^e pour la majeure^
mais je nie la mineure \ Mestrezat lui répliqua qu'on ne pou-
vait nier la mineure, après avoir laissé passer la majeure, et il
le soutint avec tant de force que le professeur dut reconnaître
sa faute; victoire qui avait certainement quelque valeur devant
Du Plessis-Mornay présent a ce tournoi scientifique". Aussi
l'académie où il l'avait remportée crut-elle se fortifier elle-
même en appelant Mestrezat a occuper la chaire de philosophie.
Mais il ne paraît pas qu'il acceptât cet emploi qui l'aurait dé-
tourné de la noble carrière à laquelle il se consacrait ^ ; il entra
en théologie et reçut de Pierre Du Moulin, en 1616, l'imposi-
tion des mains, grâce à laquelle il pouvait se vouer au saint
ministère *. Déjà, en 1614, ses services avaient été demandés
pour l'Église de Paris ; mais il lui fallait encore deux ans pour
terminer ses études et il en réclama le bénéfice qui lui fut im-
médiatement accordé. Aussi n'est-ce qu'en 1616 que nous le
voyons décidément investi des fonctions pastorales à Paris, ou
* Transeat major, nego minorem. Bayle, Dictionnaire historique, art. Mes-
trezat.
* Mémoire d'Alexandre Mestrezat ; Bayle, ibidem.
5 Tùm ad te uberiores, tùra ad parentes literas dabo, cùm prœsertim, tùm
ad eos, tùm ad te satis fuse superiori tanlùm hebdomade de rerum mearum
statu scripserim, eosque de cathedra philosophie seu Professons philosophia^
raunere niihi oblato ab Academico hujus urbis senatu, et a me, tùm propter
ignotam eorum voluntatem, tùm alias quasdam ob causas lis in literis à me
commemoratas, et de quibus ab iis certior fieri maxime cupio, recusato,
certiores fecerim. — Salmurii, 5 novembre 1611.
* Ath. Coquerel fds, Précis de l'hist. de l'Égl.ref. de Paris, 1862, p. 180.
32
plutôt à Charenton, où les protestants de Paris devaient se
rendre depuis 1606 pour célébrer le service divin \
Avant de suivre Meslrezat dans celle carrière importante où
il entrait, à peine âgé de 24- ans, nous devons toutefois l'envi-
sager encore dans sa carrière d'étudiant, où quinze lettres iné-
dites qui nous ont été confiées par ses arrière-neveux, MM.
Roux-Meslrezat et le professeur Charles Le Fort, et qui sont
imprimées a la fin de cette notice, nous initient, non-seule-
ment à sa vie intime et aux relations qu'il soutenait avec sa fa-
mille, mais encore aux événements de son temps. Ces lettres ont
été écrites entre les derniers mois de 1611 et le 3 avril 1613.
Nous y voyons tout d'abord, ce que d'ailleurs on sait d'autre
part, et ce qu'il était facile d'attendre d'un temps où les postes
n'étaient pas organisées comme a présent et où les lettres
étaient souvent remises à des courriers ou a des messagers
peu soigneux, nous y voyons, dis-je, qu'il y avait très-souvent
des lettres perdues et des paquets en retard. C'est ce que
nous montre sa lettre du 5 novembre 1611, où il parle de la
chaire de philosophie qu'on lui a offerte et qu'il a refusée, parce
qu'il ignorait l'avis de ses parents ; il leur avait, en effet, écrit
à cet égard, sans recevoir d'eux de réponse. Nous en avons
encore la preuve dans celle du 18, où il déclare n'avoir pas
reçu un paquet de livres et de drap que son frère Domeine lui
avait annoncé. Aussi demande-t-il, le 2 décembre, que, sur le
titre des lettres ou des paquets, on ne le désigne plus comme
étudiant en théologie.
Malgré ces retards, il n'est cependant pas sans nouvelles de
son pays. C'est par son cousin Luilin, par exemple, demeu-
rant avec lui à Saumur, qu'il a appris la regrettable mort du
conseiller Dupuis et la prochaine arrivée de ses parents Lect
1 Elle Benoît, Hist. de ledit de Nantes. Delft, 1693, t. I, p. 434 ; Emile
André (maintenant pasteur à Vuillerens, dans le canton de Vaud), Essai sur
les œuvres de Jean Mestrezat. Strasbourg, 1847, p. 8.
33
et Butini '. — Il a également été instruit, par lettres de son
propre frère Domeine, de la tenue d'un Conseil général où
l'élection de MM. Rilliet et Barillet a soulevé des difficultés par
suite desquelles il en redoute aussi pour la réélection de son
père ail syndicat ^. — Domeine, qui l'a tenu au courant de ces
diverses circonstances, va malheureusement en Allemagne ;
aussi la correspondance fraternelle est-elle interrompue durant
quelques mois. — Toutefois Jean Mestrezat apprend enfin
l'heureux retour de Domeine, et il apprend simultanément la
mort de sa grand'mère Honorati, très-douloureuse pour lui ^.
Il a, d'ailleurs, reçu de Simon Goulart un double conseil rela-
tivement a ses thèses : le premier, de ne pas prendre pour sujet
de ce travail rarticle de la justification, depuis peu débattu parmi
les théologiens réformés au grand scandale de l'Eglise de Dieu ^;
le second, de les dédier à Du Plessis-Mornay plutôt qu'à Du
Moulin. — Et, quant à Tinstruclion publique a Genève, il a
entendu parler de la mort de M. David (le Boiteux) auquel
c'est M. Scarron qui lui paraît le mieux qualifié pour succéder
comme principal \ Or, malgré sa jeunesse, il ne se trompe
pas , c'est , en effet, ce dernier qui est appelé à remplir cette
place.
Mais ce n'est pas seulement d'affaires individuelles ou toutes
locales que Mestrezat parle dans ses lettres, c'est encore d'évé-
' Lettre du 18 novembre 1611.
* Lettre du 9 décembre 1611.
* Funestissimum aviœ meœ obitum.
* Monet ne de quœstione super articule Justificationis, inter Theologos nos-
tros novissime exortâ, cum raagno Ecclesiœ Dei scandalo, thèses suscipiam.
Sahnnrii, 4 mai 1612.
* Gymnasiarcha.-M. Matthieu Scarron, né en 1563, pasteur à 3Ioëns (dans
la république de Genève) en 1605, à la ville en 1607, principal en 1612,
mort en 1613, ne peut avoir été beau-frère de Laurent Meigret, dit le Ma-
gnifique, qui florissait à Genève 60 ans auparavant. Il y a probablement là
une erreur de M. Galiffe (J.-A.) Notices généalogiques, t. III, pp. 435 et
436.
T, AT, V pan. 3
u
nements qui intéressent la cause prolestante et, conséquem-
ment, Genève, aussi bien que la France et d'autres contrées.
Réunie a Sauraur contre le gré de la reine régente, Marie
de Médicis, et du duc de Bouillon qui la servait alors, mais sous
l'influence de Sully, de Henri de Rohan, son gendre, de Du
Plessis-Mornay et d'un ou deux autres chefs, une assemblée
politique de huguenots avait, dès le milieu de 1611 *, décidé
de faire parvenir au Roi un cahier général, un cahier des plain-
tes de chaque province et divers autres cahiers auxquels elle
attendait réponse avant de satisfaire aux vœux de la Reine tou-
chant la nomination de délégués généraux. L'assemblée avait
pour'ant fini par céder et avait alors obtenu des réponses qui
ne l'avaient point satisfaite elle-même et qu'elle avait envoyées
aux assemblées provinciales récemment créées par elle. Ces
assemblées de province envoyèrent alors a la Reine, malgré
elle, des délégués qu'elle consentit pourtant à recevoir le 19
janvier 161^ et qui lui présentèrent des requisita auxquels, le
17 avril, elle répondit assez favorablement ".
Aussi, mentionnant cette bienveillance toute provisoire,
Mestrezat écrivait-il, le 4 mai suivant, a son frère Domeine :
« Je t'écrirais plus au long sur le différend qui s'est élevé en-
ce tre Monsieur le prince de Rohan et la Reine, et qui est
« maintenant apaisé , si je n'étais persuadé que vous devez
« très-bien le connaître. Je dirai seulement que les Églises
« doivent avoir reçu avec émotion l'armée de la Reine et avoir
« certainement chargé Monsieur de Rohan, d'autres grands
oc personnages et d'autres chefs de notre religion de veiller sur
« celle-ci et de la protéger de toute manière. Les têtes du
« parti étant supprimées, qu'adviendrait-il effectivement au
« corps même? »
* Du 27 mai au 12 septembre.
* Eugène et Emile Haag, La France protestante, t. VI, p. 396; VII, 476;
Léonce Anquez , Histoire des assemblées politiques des réformés de France.
Paris, 1859, in-S», pp. 230-255.
:^5
Cel espoir de pacification dure quelque temps et le jeune
lliéologien s'en berce encore dans une lettre du 5 juillet :
« Tout, dit-il, est assez calmé et pacifié, quoique les pontifi-
« eaux, dans les endroits même où ils avaient été les plus hum-
« blés, s'enorgueillissent à présent et se rengorgent, sans que
« je sache pourquoi , mais sans doute à l'instigation de la
« Reine. »
Et, sur ce dernier point, il est loin de se tromper; car,
suivant lui, on prétend la Reine mécontente de ce qui s'est
passé au « dernier synode national (celui de Privas '), où l'on
« a solennellement refusé le pardon accordé par la Reine et
« par son Conseil aux Églises (qui étaient fort loin de le de-
« mander) pour des fautes qu'elles auraient commises. C'est
« une calomnie, dans son genre, que de pardonner publique-
« ment a un innocent. Car l'on fait ainsi supposer de sa part
« un délit dont il n'est aucunement coupable. Mais ce n'était
« la qu'une fraude jésuitique. On dit aussi que M. Chamier,
« président du susdit synode, a été assigné et qu'il a été posi-
« tivement défendu de le recevoir à Montauban, afin qu'il soit
« forcé de venir à Paris et de s'y présenter devant la Reine et
<( le Conseil. Tu sais peut-être en effet, » dit Jean Mestrezat
à son frère Domeine, « que, dans ce même synode, il a été
« accordé h l'Académie de Montauban. S'il vient à Paris, on
« craint pour sa tôle, à cause de l'irritation de la Reine contre
« les Eglises. Si, cependant, il lui arrivait quelque chose de la
« part de la Reine, les choses iraient plus loin, et le mal se-
« rait considéré comme fait au corps entier des Églises. Que
« Dieu détourne ce présage ". »
L'assemblée de Saumur et bien des circonstances différentes
ont révélé de profondes divisions entre les protestants du
royaume. Mestrezat écrit à son frère, le 27 octobre, que « l'on
« célébrera le troisiesme du mois prochain le jeusne de toutes
« 12 mai 1612.
- Lettre du 27 juillet 1612,
36
«, les Églises de France. Il y en a plusieurs caiites, entre au-
« 1res ce sont la désunion des noslres et le peu de bonne vo-
(/ lonlé du Roy, de la Roine et de son Conseil envers ks
« diltes Églises ' . »
La solennité religieuse qui venait d'être ainsi décidée eut-elle,
provisoirement au moins, pour effet de calmer les divisions et
de rapprocher les protestants séparés? Le duc de Rohan, au-
quel celui de Bouillon avait en vain cherché à enlever le gou-
vernement de St-Jean-d'Angély, avait-il réussi par l'énergie
qu'il déploya à intimider la Reine-mère, en même temps que,
par sa déférence aux conseils de Du Plessis-Mornay, à désar-
mer cependant l'irritation de Marie de Médicis? Toujours est-il
que « cette querelle, d'où pouvait jaillir la guerre civile, se fer-
« mina par un accommodement qui laissa les apparences à l'au-
« torité royale, mais donna la réalité au duc de Rohan '. » Et
nous en surprenons les traces dans ces mots de Mestrezat :
« On dit que M. de Rohan est sur le point de se réconcilier
c( avec la Reine ^. »
Les lettres que nous analysons donnent d'ailleurs des infor-
mations précieuses en déterminant la date de certains événe-
ments. Ainsi le gouvernement d'Aigues-Mortes, place de sûreté
des protestants, avait été successivement confié par Henri IV
d'abord à un sieur de Bertichères, ensuite, en 1597, à un sieur
de Gondin, puis, dix ans plus tard environ, après la mort de
ce dernier, à un sieur D'Ararabure. Mais, en août 1612, Ber-
tichères l'ayant réclamé du Roi, disaii-on, c'est-à-dire de la
Reine-mère, ainsi que des réformés auprès desquels il cherchait
dès longtemps à faire valoir ses droits, il fut décidé par arrêt
du Conseil qu'il serait réintégré dans son gouvernement. D'A-
rambure, toutefois, avait annoncé que les huguenots ne le ver-
* CeUe lettre-ci est la seule qui soit écrite en français dans le Recueil inédit
dont nous parlons et qui est publié ci-après pour la première fois.
^ France protestante, t. VIII, p. 477.
' Lettre du 17 novembre 1612.
37
raient pas de bon œil, et comme, en effet, ils s'opposaient à ce
que Bertichères y fût rétabli, la Reine ordonna que la place
serait remise en mains tierces jusqu'à ce qu'elle eût elle-même
décidé lequel des deux y commanderait. Ce fut alors M. de
Châlillon, Gaspard de Coligny, le petit-fils de l'amiral, qui fut
choisi pour en être le dépositaire \ Or, dans une lettre du 17
novembre, Mestrezat nous apprend que M. de Châtillon a reçu
de la Reine mission de se rendre à Aigues-Mortes pour gou-
verner cette ville et la réduire jusqu'à ce qu'il ait été mis fin
aux difficultés qui s'y sont élevées.
D'autre part, suivant ce que notre jeune écrivain avait ouï
dire, il y avait « beaucoup de troupes dans le gouvernement
« de Saumur, parce que M. Du Plessis, craignant pour lui-
« même et ayant dû prendre des précautions, avait augmenté
« là sa garnison '. « La politique de Marie de Médicis était
donc, comme celle de beaucoup de souverains, de se pro-
noncer tantôt pour, tantôt contre les adversaires de Rome.
D'ailleurs, outre ces nouvelles de France, Mestrezat en don-
nait quelquefois à ses parents sur les pays étrangers. Le prince
de Galles, Henri, fils de Jacques P>", s était montré, comme
son père, animé de sentiments favorables pour les protestants
de France, et avait promis, lisons-nous dans Pontcharlrain, de
venir à leur secours ^ ; malheureusement, il ne put tenir sa
promesse, car il mourut le 6 novembre 1612. Dix-huit jours
après, Mestrezat parlait de celte mort à son frère comme du
plus funeste événement *.
Ce qui se passait en Allemagne attirait aussi son attention.
Matthias avait, le 12 avril 1611, contraint son frère Léopold à
» Mémoires de Pontcharlrain, t. II, pp. H et 16, dans la Collect. des Mém.
relatifs à l'histoire de France.
* J. Mestrezat, Epist. 24 novembre 1612.
^ Pontcharlrain, n. s. t. Il, p. 16.
* Jam quod ad te scribara nihil habeo, nisi funestissimam quam hic audi-
vimus morlem principis de Gales. Mestrezat, u. s.
38
déposer la couronne de Bohême et, l'empereur Rodolphe II
étant mort le 20 janvier 1612, chacun attendait avec impa-
tience les événements qui pouvaient résulter de là. Le 5 juillet
suivant, l'étudiant de Saumur écrivait a son frère : « Quant à
« la situation des affaires d'Allemagne, de celles, veux-je dire
« qui ont trait à l'élection de l'empereur et du roi des Ro-
« mains, je désire eu être instruit par toi. » Il se rend, du
reste, quelques mois plus tard, h Heidelberg, où l'électeur pa-
latin revint lui-même en avril 1613 ', et, pour s'y rendre, il
passe par Nancy en Lorraine. Or, il apprend dans celte der-
nière ville que l'évêque du diocèse, nommé aussi Léopold, est
sur le point de résigner son évêché en faveur du neveu du
duc de Lorraine , afin de pouvoir épouser la fille du duc de
Bavière ".
Les vœux alors n'étaient donc pas tellement indélébiles
qu'ils ne permissent au moins aux évêques de se marier ; et,
d'un autre côté, le jeune théologien prolestant n'était pas tel-
lement étranger aux affaires de ce monde qu'alors déjà il ne
s'occupât point de politique. S'il avait besoin d'en être discul-
pé, il faut, du moins, observer que la politique , si l'on s'en
lient à ce qui vient d'être dit, touchait de fort près a la reli-
gion, et c'est encore dans ce sens que, le 24 décembre 1612,
il parlait de la guerre que le duc de Savoie voulait faire à
Berne et à Genève, avait- il ouï dire, quoique il ne le crût pas
lui-même. D'ailleurs c'était bien des questions religieuses qu'il
se préoccupait avant tout; car, dans la lutte que Du Moulin
eutà soutenir contre Tilenius, s(»it au sujet de l'union hyposiati-
que, soit au sujet des doctrines arminiennes, l'Église de Genève
ayant pris parti pour Tilenius qui se rattachait depuis peu à ces
dernières, Mestrezat reprocha aux pasteurs de celte Église de se
prononcer dans celte controverse et d'attaquer Du Moulin et,
en sa personne, plusieurs pasteurs et même plusieurs Églises
• Voir sa lettre datée de Francfort, 3 avril 1613.
Epist. 24- décembre 1612.
39
avec plus d'ardeur qu'il n'élail convenable. Tel est, du moins,
le sens d'une phrase qu'il adressait à son frère dans sa lettre
du 17 novembre 1612 '.
Les missives qu'il avait écrites jusqu'au 27 juillet, inclusi-
vement, de cette année-là, étaient datées de Saumur. Elles
sont au nombre de huit. Cinq autres, écrites du 27 octobre
au 10 décembre, sont datées de Paris; une du 24 décembre,
de Heidelberg, et la dernière du 3 avril 1613, de Francfort.
Elles nous font suivre de la sorte l'itinéraire du jeune Gene-
vois pendant ses vacances. Retourna-t-il a Saumur après ses
congés? La chose est probable, quoique nous ne l'ayons vu
affirmer nulle part. Mais, ce qui est positif, c'est que ce fut a
Charenton qu'en 1616 il reçut l'imposition des mains de Du
Moulin lui-même, dont il avait pris le parti à Saumur.
Dès ce moment, Mestrezat devint donc, comme pasteur de
Charenton, le collègue de Du Moulin ; comme pasteur de Cha-
renton, ai-je dit, car depuis que le service divin pour les pro-
testants y avait été transféré en 1606"^, il n'était plus permis
aux pasteurs de ce petit bourg de s'intituler pasteurs de Paris.
On le leur fit sentir en 1633, a l'occasion d'un ouvrage d'Au-
bertin , lequel avait pris ce titre sur la première page, et de
Mestrezat, Drelincourt, Daillé, qui en avaient fait autant dans
l'approbation donnée à l'ouvrage même ^.
• Aussi ce ne furent pas les pasteurs de Genève qui eurent l'honneur de
pacifier cette discussion. Les registres de la Vénérable Compagnie portent, en
effet, ce qui suit, à la date du 7 octobre 1614 : « Lettres de M. Du Plessis
(Mornay) de Saumur ont esté leues par lesquelles il écrit que, suivant la com-
mission à luy donnée par le Synode de Tonins (2 mai 161-4) avec avis de
composer le différent entre les sieurs Du Moulin et Tilenius, le susdit
différent a été terminé et assopi. Et requiert en oultre que tous les pa-
piers que notre Compagnie en a eu ci-devant luy soyent rendus et ren-
voyez afin d'en abolir toute mémoire. Advisé que tous les dits papiers seront
rassemblés et renvoyés à M. Du Plessis avec lettres de congratulation et de
remerciement de la peine qu'il a pris à la dite pacification de la part de
la Compagnie. »
' Benoit, Histoire de l'èdit de Nantes, t. I, p. 434.
•' Ibid. t. II, p. 534.
40
Durant les premières années de son ministère pastoral, Mes-
irezat fui absorbé tout entier par les études nécessaires pour
étendre ses connaissances et par les fonctions pratiques aux-
quelles il était appelé. Nous ne le voyons, en effet, pendant
un certain temps, mettre au jour aucun autre ouvrage qu'une
Défense de la confession de foi des Eglises réformées^ qu'il publie
en 1617, en collaboration avec ses collègues. Mais en 1618,
l'année même du synode de Dordrecht, un jésuite devenu plus
tard célèbre, le père Yéron, ayant fait paraître V Abrégé de l'art
et méthode nouvelle pour bâillonner les ministres *, bientôt suivi de
la Franche confession des minif,i,res de Quevilly ", le jeune pasteur
de Cbarenton, ému par ces attaques, dont le but évident était
d'imposer silence à la réforme et d'étouffer la lumière, y répondit
par un livre intitulé : Véron ou le Hibou des jésuites opposé à
la corneille de Charenlon '". Ce fut vraisemblablement cette
guerre de plume qui poussa les deux adversaires à se mesurer
en cbamp clos, c'est-à-dire dans une conférence, suivant les
usages (lu temps , et Du Moulin , qui peut-être y assistait ei
qui était bon juge en pareille matière, nous dit que Mestrezat
triompha hautement du controversiste catholique**.
Le livre contre Véron et la conférence avaient attiré l'atten-
tion sur Mestrezat, et un autre adversaire, le père Regourd,
de la compagnie de Jésus, voulut aussi se mesurer avec lui;
devant Anne d'Autriche même, ce dernier se fit fort de l'em-
porter sur le huguenot. Mais, au jour fixé, Regourd se fit at-
tendre et la salle se trouva bientôt remplie d'un si grand nombre
de curieux que les portes même étaient encombrées, et que
• Rouen, 1618.
^ Ibkl. 1618, in-8«.
' La première édition portait les initiales de l'auteur J.-M. Villefranche
(sans millésime), in-l^». Elle fut réimprimée avec le même titre; mais cette
fois, on n'y lisait ni le nom de Véron, ni celui du lieu d'impression. En re-
tour, il y avait la date de 16*24, in-12«.
* P. Du Moulin, des Traditions et de la suffisance de l'Ecritmx Sainte. Ge-
nève, Chouet, 1671, in-8o, p. 79.
41
l'avocal de l'Eglise romaine ne pul pénétrer qu'en passant par
une fenêtre. Cette circonstance ne pouvait échapper à Mes-
irezat et bientôt, profilant avec bonheur de cet épisode, il ap-
pliqua h son adversaire les mots du Seigneur : « En vérité, en
« vérité je vous dis, que celui qui n'entre point par la porte
« a la bergerie des brebis, mais y monte par ailleurs, est lar-
« ron et brigand. Mais celui qui entre par la porte est le ber-
« ger des brebis*. » Surpris et déconcerté par cette attaque
imprévue, le jésuite put, dès ce moment, se considérer comme
vaincu, et il le fut, en réalité, si bien, qu'Anne d'Autriche ne
permit pas qu'on imprimât le procès-verbal de la conférence^.
Mais, si Meslre/ai lui-même dut respecter celte décision,
rien ne l'empêchail de rétorquer par écrit son adversaire, et
ce fut, en effet, le parti auquel il se décida plus tard en publiant,
en 1632, un Traité de l' Ecriture-Sainle conlre le jésuite Re-
gourd et le cardinal Du Perron. Ce traité était dédié h Jacques
Nompar de Caumont, marquis de la Force, qui avait été l'un
des modérateurs de la conférence, et il était destiné à réfuter
un ouvrage que Regourd avait fait paraître sous le titre de
Démonstrations catholiques, ouvrage où il attaquait l'autorité et
la perfection des Ecritures. Meslrezat divisa son irailé en cinq
livres. Dans le F, il élablil la divinité des Ecritures ; dans le
II'"^, il montra que les Apocryphes ne peuvent pas être admis
au rang des livres inspirés; dans le lïl'"*', il traita de l'inté-
grité des textes originaux et des traductions; dans le IV™®, de
la suffisante clarté des Ecritures pour ce qui est nécessaire au
salut; dans le V™®, de l'inutilité des traditions.
Mestrezat était un homme d'esprit; tel il se montra dans sa
conférence avec Regourd, tel il s'était montré précédemment
* Jean X, 1 et 2. Nous citons ces versets d'après la Bible do Genève de
1605, dont Mestrezat se servait probablement.
* Du Moulin, des Traditions^ p. 78. Senebier, Histoire littéraire de Ge-
nève, l. II, p. 141 ; André, Essai sur tes œuvres de Jean Mestrezat. Stvâs-
bourg, 1847, p. 17.
42
dans une audience qu'il avait sollicitée de Louis XIII, sur le
mandat que lui avait donné en 1623 le synode de Charenton.
Le cardinal de Richelieu y assistait, et c'était lui qui avait sug-
géré au roi les questions que celui-ci adressa au pasteur ré-
formé et dont Meslrezat se lira fort honorablement.
1^^ D. Pourquoi vous servez-vous de la liturgie de Genève?
R. Faisant profession d'une même religion avec Genève, il
n'est pas surprenant que nous nous servions de la même li-
turgie.
2me j) Pourquoi, dans vos prières, joignez-vous les pa-
pistes avec les turcs et les païens?
R. On ne doit pas être étonné que, dans le temps où la
communion de Rome traite les Protestants comme les turcs
et les païens les traiteraient, on ait joint les papistes avec ces
infidèles ; mais on a ôté le mot de Papistes dans les nouvelles
éditions , même sous le règne de Henri IV, et si cela est de-
meuré dans quelques-unes, elles n'ont pas été faites en France.
3"*® D. Pourquoi souffrez-vous les ministres non français?
R. Il serait a souhaiter que tant de moines italiens qui sont
en France eussent autant de zèle pour Sa Majesté qu'en ont
les ministres étrangers qui ne reconnaissent dans le royaume
aucun autre souverain que le roi.
A ces mots, le cardinal de Richelieu, lui touchant l'épaule,
s'écria : « Voilà le plus hardi ministre de France ! » Eloge d'au-
tant plus précieux qu'il sortait de la bouche d'un haut digni-
taire de l'Eglise romaine'.
Enfin, nous trouvons dans les Mémoires du cardinal de Retz
le récit de conférences que ce dernier eut avec Mestrezat vers
l'an 1639 ou 1640 , et qui font bien apprécier ce que devaient
être l'érudition, la dialectique et la facilité, en même temps
que la puissance de parole de ce dernier.
« Je trouvai par hasard Mestrezat, fameux ministre de Cha-
« renton, dit le cardinal, chez M"*^ de Rambure, huguenote
' Mémoire communiqué par M. Pictet. Bayle, Dict. hist. art. Mestrezat.
43
« précieuse et savante. Elle me mil aux mains avec lui par cu-
« riosité : la dispute s'engagea et au point qu'elle eut neuf
« conférences de suite en neuf jours diflerents. M. le Maréchal
« de la Force et M. de Turenne se trouvèrent a trois ou
« quatre J'avais eu quelques avantages surMestrezat dans
« la cinquième; la question de la vocation y fui traitée. 11 m'em-
« barrassa dans la sixième, où l'on traitait de l'autorité du
« pape, parce que, ne me voulant pas brouiller avec Rome,
« je lui répondais sur des principes qui ne sont pas si aisés à
« défendre que ceux de Sorbonne. Le ministre s'aperçut de
« ma peine; il m'épargna les endroits qui eussent pu m'obli-
« ger à m'expliquer d'une manière qui eût pu choquer le nonce.
« Je remarquai son procédé, je l'en remerciai au sortir de la
a conférence, en présence de M. de Turenne, et il me répondit :
« Il n'est pas juste d'empêcher M. l'abbé de Retz d'être car-
re dinal. » « Celte délicatesse, comme vous voyez, » ajoute
l'historien, devenu effectivement cardinal en 1651, « n'est pas
« d'un pédant de Genève \»
On voit par ces paroles, comme par tout ce que nous venons
de raconter, que Meslrezat était réellement spirituel, et comme
il était en même temps fort instruit et qu'il avait eu des dis-
cussions théologiques avec des personnages célèbres, on com-
prend qu'il se fût fait un nom dans la controverse. 11 avait
d'ailleurs, outre les écrits destinés à réfuter Véron et Regourd,
publié aussi un Advis au Sieur Gabriel Martin, abbé de Clausone^
par un personnage équitable et amateur de vérité , ouvrage connu
seulement par la réponse de Martin , qui avait pour titre : La
poursuite du Sieur Meslrezat, ministre de Charenlon, depuis sa
banqueroute sur l' Advis donné, etc., Paris, 16.32, in-8°; et il
avait aussi fait paraître, en réplique a La Milletière, un Dis-
cours de la grâce contre les prétendus mérites et la justification
par les œuvres (Charenlon, 1638, in-1 2). Comme nous n'avons
' Mémoires du cardinal de Retz (Collection Petitot), Paris 1825, t. XLIV,
p. 130 et s.
44
pu nous procurer ces deux ouvrages, nous devons nous borner
à en indiquer le litre; mais il n'en est pas de même du Traité
de l'Eglise que Mestrezat publia à Genève et à Cbarenton en
1639, avec l'approbation des pasteurs que le synode de ia
province avait chargés de l'examiner. Dans ce traité, qui est
divisé en trois livres, l'auteur examine successivement l'Eglise :
1^ dans son état intérieur en tant qu'Eglise invisible, au point
de vue de la foi qui la constitue et des caractères qu'elle doit
offrir; 2<* dans son état extérieur en tant qu'Eglise vinble, au
point de vue du chef auquel elle obéit, du caractère de ses
pasteurs, de leur ordination, de leur succession, de leur union
et de la prospérité de l'Eglise; S*' dans l'autorité qui lui ap-
partient , article où l'auteur recherche si c'est l'Eglise qui est
constituée comme tribunal au-dessus de l'Ecriture pour en
trancher les difficultés, ou si ce n'est pas plutôt l'Ecriture qui
est le tribunal auquel l'Eglise même est subordonnée. Il y a
dans cet ouvrage de 700 pages in-4" une grande érudition,
une grande connaissance de l'Ecriture et des Pères de l'Eglise,
et une véritable force de raisonnement. Quelquefois pourtant
l'argumentation devient moins serrée et la dialectique un peu
subtile. Puis, malheureusement, avec le besoin de tout dire et
de répondre à tout, une certaine lourdeur dans la marche, une
certaine pesanteur d'allure, qui ôte à la lecture de ces pages
toute espèce d'attrait. On dirait un général qui , pour livrer
bataille, ferait également porter l'etfort de ses armes sur tous
les points des corps ennemis qu'il a devant lui.
Un dernier ouvrage de controverse reste a mentionner, qui
prouve quelles étaient d'ailleurs les connaissances scripturaires,
l'érudition patristique et la force d'argumentation de Mestrezat.
Cet ouvrage a pour titre : De la communion à Jésus-Clinst, au
sacrement de l' Eucharistie , contre les cardinaux Bellarmin et
Du Perron. Il est divisé en trois livres, dans le I*''" desquels
l'auteur établit la nécessité et la véritable nature de notre
communion avec Jésus-Christ. « La chose a laquelle nous
45
sommes joincls , c'est Jésus-Christ, mesme quant à sa nature
humaine; mais le hen qui nous joincl à cet object, c'est le Sainct-
Esprit et la foy du pécheur repentant (I. P'^, ch. 4), union
substantielle et corporelle au regard des choses qui sont con-
joinctes, et spirituelle au regard du lien qui conjoinct ces
choses. Sainct Paul en effet nous montre que, comme nous
sommes incorporez à J.-C. au baptesme, pour ce que nous y
recevons son Esprit, aussi nous recevons le corps de J.-C. en
l'Eucharistie et sommes joincts a lui en tant que nous sommes
abbreuvez de son Esprit » (1 Cor. xii, 13). C'est par cette
thèse, puis par un long examen du VI™'' chapitre de saint Jean,
où notre controversiste voit la demeure de Jésus-Christ en
nous enseignée sous la même forme que notre demeure en
Christ, c'est-a-dire sous une forme spirituelle; c'est par là,
disons-nous, que Mestrezat s'élève contre l'introduction ma-
térielle de la chair de Christ en nos corps.
Dans son II'"^ livre, i! s'élève contre la transsubstantiation
et montre qu'en TEucharislie nous ne sommes unis que spiri-
tuellement au corps de Christ. Il le prouve: î° par la nature
des sacrements oii il ne saurait voir autre chose que des si-
gnes, des mémoriaux, des figures de certaines choses; d'où
résulte que, quand on parle d'un signe, on lui impose le nom
de la chose signifiée, et qu'ainsi les sept épis et les sept vaches,
par métaphore, des songes de Pharaon , sont sept années ; la
pierre est Christ, par métaphore, quoique le mot signifie ne
soit pas employé; d'où résulte encore, qu'afin qu'un attribut
substantiel soit énoncé relativement à un signe, il n'est pas
besoin que la substance de ce dernier soit convertie on qu'à
celte substance une autre soit jointe par union hypostatique ;
il suffit qu'une autre y soit jointe par union de signification.
Il le prouve : 2° par les textes où est rapportée l'institution de
l'Eucharistie. Car, si la coupe y est représentée comme une al-
liance, quoiqu'elle ne soit pas convertie en alliance ou testa-
ment, il en est de même du pain dont Jésus peut dire : Ceci
46
est mon corps, sans que ce pain soii converli en corps de Chrisi.
Si Jésus, après avoir dil : Ceci est mon sang, nomme frmt
de la vigne ce qui est dans la coupe, c'est donc encore du vin.
Si Jésus dil : Ceci est mon sang, ce n'est toutefois qu'après
que les apôtres l'ont bu, comme si ce que la coupe contenait
eût été jusque-là pour eux du vin. Il le prouve : 3" par l'ana-
logie des articles de foi, et d'abord relativement à la vérité de
la nature bumaine de Cbrist. L'Ecriture sainte enseigne que
le corps de Jésus-Gbrist est né de la bienbeureuse Vierge et a
esté formé de la semence; or, par la transsubstantiation, dit
Mestrezat. on nous baille un corps de Jésus-Christ formé de
pain par des paroles, qui est ce que les articles de foy ne per-
mettent point. Ensuite il est dit (Hébr. ii, 17), qu'il a fallu que
Jésus-Cbrist fust semblable en toutes choses à ses frères;
comment est-il semblable à nous, s'il a un corps qui est tout
entier en une oublie, et tout entier en des millions d'oubliés
en divers lieux (liv. Il, chap. 15)? Enfin, après sa résurrection
(Luc, XXIV, 36-39), Jésus renvoie ses disciples au témoignage
de leur sens pour s'assurer de son identité : Voyez mes mains
et mes pieds, leur dit-il, c'est moi-même. Touchez-moi et regardez-
moi. Un esprit n'a ni chair ni os comme vous voyez que fai , et
un corps se trouve toujours en un lieu déterminé et limité. Or,
selon Bellarmin {De l'Eucharistie, I, ch. 2), Christ n'aurait
pas, dans l'Eucharistie, le mode d'existence des corps, mais
celui des esprits, vu qu'il serait tout entier partout à la fois,
et de plus, nos sens ne nous font pourtant apercevoir que du
pain et du vin et nullement la nature du corps humain. Si
donc, dans le premier cas, il faut admettre la vérité du témoi-
gnage des sens et la réalité du corps de Christ, dans le second
cas, on devrait admettre la réaliié du corps de Christ, mais
la fausseté du témoignage des sens ; ce qui est inadmissible.
Mestrezat arrive à la même conséquence , en consultant l'ana-
logie de la foi relativement a l'Ascension de Christ. Jésus a
dit (Jean, xvi, 28 j : Maintenant je laisse le inonde el je m^en
47
vais vers mon Père (voir encore Mallh. xxvi, 11). Saint Paul
dit (Col. m, 1) que Jésus est à la droite de Dieu. Saint Pierre
dit enfin (Actes, m, 21) qu'î7 faut que le ciel le contienne
jusqu'au rétablissement, de toutes choses. Or, par la doctrine
de la transsubstantiation , Jésus est sur la terre plus qu'il n'y
fut jamais , et toutes les distinctions entre corps visible et corps
invisible n'y serviront à rien, puisque le propre d'un corps est
de tomber sous les sens.
Les deux premiers livres dont nous venons de donner une
analyse, trop longue sans doute, occupent à peine un tiers de
l'ouvrage, qui est d'ailleurs considérable, puisqu'il a près de
700 pages; les deux derniers tiers sont consacrés à un troi-
sième et dernier livre où Mestrezat examine la croyance des
Pères au sujet de l'Eucharistie. Il cite successivement Justin
martyr, Irénée, Clément d'Alexandrie, TertuHien, Cyprien,
Athanase, Théodoret, Augustin, Ambroise, Cyrille de Jéru-
salem, Chrysostome. Il discute leurs témoignages et prouve
que ce n'est que dans un sens spirituel et mystique que doi-
vent se prendre les déclarations dans lesquelles ils parlent de
la présence de Christ en la Cène. Encore une fois, nous di-
rons que cette analyse est bien longue et hors de proportion
avec l'article que nous consacrons à Jean Mestrezat ; mais c'est
peut-être la première fois que cet ouvrage est ainsi analysé, et
il en valait la peine, puisque un an après la première édition,
qui parut a Sedan en 162i, l'auteur en publia une seconde
en 1625 , et puisque cet ouvrage fut successivement traduit en
trois langues: en allemand, dès l'année de sa première ap-
parition, en anglais, en 1631, en italien, en 1638.
Au bout de quinze ans, c'est-à-dire en 1649, Mestrezat en
fit paraître un extrait a Orange , sous le titre : Discours de la
manière dont Jésus-Christ nous est donnée tant en l'Evangile
qu'au sacrement de l'Eucharistie. Il y résuma seulement la doc-
trine de ses deux premiers livres, laissant de côté la presque
totalité de ce qui regarde la croyance des Pères.
48
Les circonstances de son époque et la tendance des esprits
avaient donc fait de Mestrezat un conlroversiste. Sous le ré-
gime de l'édit de Nantes, les guerres de religion et les persé-
cutions avaient momentanément pris fin, mais c'était pour
ouvrir a la discussion une arène d'autant plus libre, et, nous
l'avons vu , le théologien genevois ne s'y était pas épargné.
Des conférences multipliées et de nombreux écrits sortis de
sa plume avaient témoigné, à cet égard, de son aptitude et de
ses goûts à la fois. Il ne faut pas s'étonner dès lors si sa pré-
dication en offrit aussi l'empreinte. Mestrezat a laissé quinze
volumes de sermons qui prouvent combien il prenait au sé-
rieux les fonctions de la chaire et avec quelle activité il s'y
consacra. Mais ces discours présentent avant tout une tracta-
tion exégélique oi!i la polémique anti-catholique est fréquem-
ment abordée , et par malheur, ainsi que l'ont fait remarquer
tour à tour M. Emile André et Alexandre Vinet, le cachet
oratoire n'y brille le plus souvent que par son absence. Si le
but de la prédication, d'après saint Paul, est la charité qui vient
d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère^ on
peut dire que la prédication française protestante, à son origine,
s'occupa moins du but à atteindre, la charité , c'est-a-dire
l'amour de Dieu comme l'amour des hommes, que des moyens
à employer pour atteindre ce but, et parmi ces moyens elle
s'occupa moins de rendre le cœur pur, la conscience attentive
et bonne, que de faire naître une foi sincère; elle prit même
le mot foi dans son sens intellectuel et dogmatique encore plus
que dans le sens affectif, et celte méthode, inaugurée par Calvin,
dura jusqu'en plein dix-septième siècle. La science y dominait
plus que l'éloquence, et le problème dont l'orateur chrétien
poursuivait la solution était de convaincre plus que de per-
suader. Tel fut le caractère de Mestrezat. Il serait injuste de
lui dénier toute ressource oratoire, et le morceau même que
nous allons emprunter à son discours de la Pàque chrétienne *,
' Virifjt sermons sur divers textes de l'Ecriture sainte. Genève 1658, page
243 et s.
49
en confirmant noire prennère observation, confirmera peul-êlre
aussi la seconde :
« Tout le temps de notre vie ici-bas est notre Pâque, et
« tout TEvangile ne consiste qu'à nous faire faire le passage
« de mort à vie, de péché a justice, de servitude en liberté
« spirituelle. La foi en Jésus-Christ fait ce grand passage-là ;
« et comme le passage des aînés de mort à vie se faisoil au
(( moyen du sang de l'agneau, dont étoient marquées les mai-
ce sons où ils étoient, aussi la foi marque nos consciences du
f( sang de Jésus-Christ, c'esl-à-dire nous en applique le mérite
« et refficace. Par elle, nous passons de la colère de Dieu
« en sa paix, selon que l'Apôtre dit : Que Dieu a ordonné
« Jésus-Christ pour propitiatoire par la foi en son sang. Par
« elle aussi nous recevons l'esprit de sanctification, par lequel
« nous sommes vivifiés de morts que nous étions en nos fautes
« et péchés. Les soupirs et les saintes douleurs de la repen-
« tance sont les premiers mouvements de ce passage sacré ;
« la fiance aux promesses de grâce et le recours en la miséri-
« corde de Dieu en Jésus-Christ fait le chemin ; la charité et
(( les bonnes œuvres en font le progrès et avancement.
« Venez donc, ô hommes qui êtes travaillés et chargés par
« le sentiment de vos péchés, et qui voyez que la loi prononce
« contre vous sentence de mort et de malédiction; passez par
« fiance au trône de grâce, où vous trouverez grâce et misé-
« ricorde en rémission de vos péchés. Venez , vous qui êtes
« morts au péché, passez à la vie par le renouvellement de vos
« âmes en vertus chrétiennes et œuvres de piété et charité.
« L'affection de la chair étoit mort ; mais l'affection de l'es-
(( prit est vie et paix. Venez, vous, serfs du péché, passez en
« liberté par obéissance à l'Evangile, car, qui fait péché, dit
« Jésus-Christ, est serf du péché ; mais, si le Fils vous affran-
T. XV, V^ part. 4
50
« chit, vous serez vraiment francs ' ; et la où est l'esprit de
« Dieu, dit l'Apôtre, là est la liberté^. »
Certes, il y a dans ce passage une élévation de pensée, un
sentiment, une vie, qui sont, ou je me trompe fort, des qua-
lités oratoires. Je n'en dirai sûrement pas autant du passage
que je vais encore citer et qui n'offre , à peu de chose près,
qu'une simple argumentation ; mais cette argumentation me
mettra en mesure d'apprécier en quelques mots les tendances
théologiques de Mestrezat. — Ce nouveau fragment est tiré
d'un sermon intitulé : De la victoire de Jésus sur le serpent^ :
« Comme Jésus-Christ nous a esté faict de par Dieu sapience,
« en croynnt, et justice, en nous absolvant de la peine que nous
(( avions méritée, il faut quW nous soit aussi fait sanctifica-
« tion , en formant en nous par son Esprit les habitudes de
« justice et sainteté, et que, par ce moyen, il détruise la force
« que l'ancien serpent a dedans nous en vices et péchés, et
« en toutes convoitises charnelles; et qu'en combattant contre
« Satan par la foy en Jésus-Christ, nous combattions aussi
« contre luy par repentance et amendement de vie. Ne séparez
« point, mes frères, ces deux sortes de combat, car ils sont
« inséparables. Au premier, le pécheur combat en recourant
« à la miséricorde : au second, il combat en vaquant au renon-
« cément de soy-méme. Au premier, il employé le sang de
« Jésus-Christ; au second, il employé l'Esprit de Jésus-Christ
« pour mortifier par luy les faits du corps. Au premier, il se
« console de ce que Jésus-Christ est la fin de la Loy en jus-
« tice à tout croyant , et au second il s'employe à engraver la
« loy de Dieu dedans son cœur. Au premier, il regarde hors
« de soy, mais contre soy, l'ire de Dieu, et tasche de s'en ga-
« rantir ; au second , il regarde les vices et convoitises char-
« nelles qui sont au dedans de soy-mesme pour s'en garder.
« Jean, vin, 35.
■' "1 Cor. III, 17.
'' Vingt sermons, etc. p. 135-137.
51
« 0 homme! si lu sépares ces deux combats, la foy esl vaine
« et fausse : car elle prétend déjoindre ce que Dieu a conjoint,
« et séparer le sang de Jésus-Christ d'avec son Esprit, et, par
« ce moyen , changer la grâce de Dieu en dissolution et rendre
« Jésus-Christ ministre de péché.
« C'est donc aussi par ce second combat qu'il faut que la
« teste de l'ancien Serpent soit brisée au dedans de nous ; car
« n'est-ce pas la teste de l'ancien Serpent dans nous que la
<( ioy des membres qui bataille contre la loy de Dieu, et nous
<- rend naturellement captifs à la loy de péché. »
On le voil, pour Mestrezat, l'expiation, qui fait disparaître
la peine du péché , et la sanctification qui en fait disparaître la
souillure, sont deux faits connexes ; elles sont intimement liées,
et Calvin même n'en a peut-être pas exprimé aussi bien l'in-
dissoluble union. C'est que le système de Mestrezat diffère
d'une manière sensible de celui du réformateur. Sans contre-
dit, Mestrezat esl orthodoxe. Il croit au péché originel, à la
divinité de Jésus-Christ et à la Trinité. Il croit à l'expiation
par le sang et à la justification par la foi; il professe la doc-
trine du salut gratuit. Mais déjà il y a dans son système un côté
mystique par où il se distingue profondément de celui de Cal-
vin : il admet le péché originel , parce qu'il croit au iraducia-
nisme et parce qu'il incarne l'humanité dans l'Adam terrestre;
il admet la rédemption par le sang de Christ , parce qu'il in-
carne l'humanité dans l'Adam céleste ou dans la personne de
Christ. On s'en convaincra par la lecture des lignes que voici :
« Comme la justice de Dieu n'eust pu nous imputer le péché
« d'Adam si nous n'eussions esté en Adam, et comme en ses
« reins, aussi ceste justice de Dieu ne pourroit nous allouer
« l'obéissance de Jésus-Christ et nous absoudre par le sang
« que Jésus a répandu en la croix, si nous n'estions un avec
« Jésus-Christ '. »
« De la communion de J.-C. au sacrement de l'Eucharistk, liv. I, chap. il,
2'"' édition. Sedan 1625, p. 5.
52
Ensuite Mestrezat ne saurait admettre comme Calvin la pré-
destination absolue. Nous aurions déjà pu nous en douter en
voyant quelle place occupe chez lui la sanctification, qu'il re-
présente non comme dérivant de l'expiation, mais comme mar-
chant de pair avec elle, et en voyant quelle part il fait au pécheur
dans la lutte qu'il a h soutenir contre le péché. Mais nous avons
mieux que cette preuve indirecte pour nous assurer des doc-
trines de Mestrezat sur cette matière importante. En 1653 ou
1655-, il écrivit à quelques pasteurs du bas Languedoc, sur le
sujet de la grâce universelle, une lettre que malheureusement
nous n'avons pu nous procurer, mais dont la réponse qui y fut
faite en 1654 et qui fut, d'ailleurs, publiée sans nom de lieu,
nous fait assez connaître les principales assertions. Mestrezat,
d'après les reproches qui lui sont adressés, n'a fait que repro-
duire l'enseignement de Saumur sur la grâce universelle. // y a,
dit-il, de grands corps des Eglises réformées, qui^ en leur confes-
sion de foi, faite il y a peu d'années à Tome (Thorn), en l'as-
semblée que le défunt roi de Pologne y convoqua tant de ses Estais
que des circonvoisins d'Allemagne, parlent de la grâce comme on
en parle à Saumur ' . — // n'y a point de péril à croire la grâce
universelle'^. — Jésus-Christ est mort pour tous, jusques-là que,
s'ils croient, ils soient sauvés^. — Quant à moi, je trouve une
grande consolation de considérer notre Père céleste être miséri-
cordieux envers tous, car il s'ensuit de là qu'il l'est beaucoup
plus envers ses enfants, et de considérer que Jésus-Christ est le
Sauveur de tous * .
Si, comme tout nous porte à le croire, Mestrezat a bien
écrit ces déclarations telles quelles, il est évident qu'il appar-
tenait a l'école de Saumur, qu'il était arminien.
Mais alors quelle direction suivait-il dans sa jeunesse, lors-
' liép. p. 19.
"- Ibid. p. 20.
3 Ihkl.
* P. 27 et s.
53
que quarante ans auparavant environ, il était lui-même élève
de la faculté deSaumur? Simon Goulart, avons-nous vu dans
une lettre de Mestrezat datée du 4 mai 1642, lui avait conseillé
d'abord de ne pas |irendre pour sujet de thèse la justification,
question récemment soulevée, au grand scandale de l'Église de
Dieu, parmi les théologiens, puis de dédier son œuvre a M. Du
Plessis plutôt qu'à Du Moulin. Dans quel but avait-il donné ce
conseil au jeune candidat? C'est ce que l'exégèse la plus mi-
nutieuse du passage en question ne nous fera peut-être pas dé-
couvrir. Est-ce Goulart ou Mestrezat qui a écrit les mots : Au
grand scandale des Eglises de Dieu? Impossible d'en rien sa-
voir. Goulart craignait-il que Mestrezat n'abordât un point de
vue plus large que celui qu'avait soutenu jusque-là l'Église de
Genève? Ses relations avec Théodore de Bèze, la confiance
que lui accordaient les pasteurs et professeurs genevois per-
mettent de le supposer. 11 devait bien être fidèle aux doctrines
calvinistes. Et pourtant alors dans quel but engage-t-il Mes-
trezat à dédier sa thèse à Du Plessis-Mornay plutôt qu'à Du
Moulin? Est-ce uniquement à un point de vue mondain et
parce que. Du Plessis étant gouverneur de Saumur en même
temps que fondateur de l'Académie, la dédicace que Mestrezat
lui fera de sa thèse mettra le jeune homme bien en cour?
Alors il n'y a aucune conclusion théologique à tirer de là. Mais,
si c'est parce que M. Du Plessis est avant tout un esprit con-
ciliant et parce que Du Moulin, au contraire, est un rigide
calviniste, ah ! il y a là une inspiration arminienne bien mar-
quée, et il en résulte que c'est dans un but de prudence que
tel sujet de thèse a été déconseillé, mais, au contraire, dans'
un but de largeur que le nom de l'homme auquel il faut dé-
dier ce travail a été conseillé à Mestrezat. C'est peut-être aussi
dans le même but qu'il a été précédemment envoyé à Saumur.
Quoi qu'il en soit de ses commencements, élevé à une école
plus libérale que bien d'autres et se développant par l'étude,
le jeune Genevois a appris à penser, à travailler par lui-même.
34
Il a eu beau devenir à Charenton le collègue de Du Moulin,
comme d'Aubertin, de Drelincourt, de Daillé, il esl resté lui.
Aussi, grâce à celte indépendance, Mestrezal esl devenu un
controversiste habile, un savant théologien, un prédicateur dis-
tingué. Il y avait de l'étoffe et une substance véritable dans sa
composition. Ses discours pouvaient n'être pas habituellement
marqués au coin de l'éloquence, ils renfermaient toujours des
idées saines et utiles.
Aussi l'estime que faisaient de lui ses coreligionnaires du
dedans et du dehors était-elle considérable. Nous en avons la
preuve dans ces Synodes nationaux de Charenton (1623) et de
Castres (1626), auxquels il fut délégué par le colloque de l'Isle
de France, et dans celui de Charenton qu'il présida en 1631 \
Nous en avons encore la preuve dans le Journal d'un voyage à
Paris, accompli par deux hollandais en 1657 et 58*. Ces deux
voyageurs, en pieux réformés se font un devoir de faire chaque
dimanche leurs dévolions et, quand ils le peuvent, ils se réjouis-
sent d'entendre à Charenton le sieur Mestrezal : c'est ce qui a
lieu, par exemple, le 19 février 1657, puis le 12 mars, où
ils disent qu'il fit « un fort beau sermon et capable de toucher
les âmes des vrais chrétiens. » Quand ils sont retenus chez eux
par un motif ou un autre, ils s'édifient par la lecture d'un ser-
mon du sieur Mestrezal; c'est ce qui arrive le 31 décembre
1656. Lors même que, le matin, ils ont entendu prêcher le
sieur Gâche, de retour à Paris etl'après-dlner, ils lisent encore
un discours du même auteur (13 février 1657).
Nous voyons, de plus, son mérite apprécié dans une autre
Église que la sienne par des juges éclairés. Un jour qu'il ren-
contrait un ecclésiastique de sa connaissance, qui avait prêché
un carême avec applaudissement, et qu'il l'en félicitait, celui-ci,
animé d'autant de justice que de sincérité, lui répliqua : « J'ai
* Aymon, Synodes nationaux, t. II, p. 525.
- Journal d'un, voyage à Paris en 1651 et 1058 (par deux Hollandais) pu-
blié par A. -P. Faugère. Paris, 1862 ; in-S".
« pris dans vos sermons tout ce que j'ai dit de meilleur *. »
Et les suffrages qu'avait obtenus le prédicateur catholique,
aussi bien que celui qu'il donnait lui-même à Mestrezat, té-
moignaient assez du mérite oratoire de ce dernier.
Ses talents, ses connaissances et son caractère lui firent ob-
tenir dans l'Eglise de Paris une haute position, grâce à laquelle
sa mort acquit dans cette capitale les proportions d'un événe-
ment public ; c'est du moins ce que nous voyons dans le Jour-
nal de voyage de nos deux Hollandais. Le 2 mai 1657, empê-
chés par une contrariété domestique de se rendre à Charenton,
ils apprirent d'un parent, le sieur Rosaire, ministre de Tours,
qui logeait momentanément avec eux et qui revenait du Synode,
que ce jour-là ils avaient perdu l'un des plus habiles et plus
judicieux ministres de cette Eglise, le sieur Meslrezat ". Ce té-
moignage fut confirmé par un neveu de ce dernier, Philippe
Mestrezat, professeur de théologie a Genève, auquel le pasteur
de Paris avait confié l'impression d'un volume de sermons ' :
« La bonne odeur de sa vie et de son ministère, dit le neveu
« en parlant de son oncle, est tellement espanduë, qu'il est re-
« gretté généralement comme un grand serviteur de Dieu qui
« possédait des dons excellens, en un haut degré et en très-
« grand nombre, soit pour la piété et pour la doctrine, soit
« pour le conseil et pour la conduite. »
Enfin, ce qui prouve quelle impression produisit cette mort,
ce fut un petit poème qui parut l'année même où elle arriva,
sous le titre de : Stances funèbres sur la mort de M. Mestrezat,
pasteur en l'Eglise réformée de Paris, décédé le mercredy 2^ jour
de mai 1657 à la 65™^ année de son aage et la 43™^ de son
' Bayle, Dictionn. hist. et crit. Art. Mestrezat.
* Journal d'un voijcnje à Paris, p. 144..
' Ce volume de 1024 pages in-S" parut à Genève, en 1658, sous le titre de
Vingt sermons sur divers textes de l'Ecriture Sainte prononcés en divers temps
a Charenton lèi Paris.
56
ministère^ environ trois sepmaines après monsieur le Faucheur,
pasteur en la mesme Eglise de Paris. MDGLVlï, 8^ '.
Quand un homme distingué s'éteint après avoir honorable-
ment servi l'État ou l'Eglise, on voudrait savoir ce qu'il fut non-
seulement dans les fonctions publiques où il se fil apprécier,
mais encore dans les circonstances intimes de sa vie. Aussi
avons-nous été heureux de pouvoir emprunter aux quinze let-
tres inédites qui nous ont été prêtées par ses arrière-neveux les
détails relatifs à la jeunesse de Jean Meslrezat et aux événe-
ments de cette époque. Malheureusement, c'est, à peu de chose
près, tout ce que nous savons de sa vie privée et de ses cir-
constances de famille. Nous ne pouvons y ajouter que deux
renseignements :
D'après les Notices généalogiques de J.-A. Galiffe ^, Do-
meine Mestrezat, frère consanguin de Jean, avait épousé Jeanne
de Tudert, cousine germaine de Marie de Tudert, qu'épousa
lui-même Jean Séguier et qui mit au monde, le 29 mai 1588,
Pierre Séguier, depuis 1635 chancelier de France. Par ses
liens de parenté , Jean Mestrezat se trouvait donc naturelle-
ment mis en rapport avec celui-ci.
D'après le Registre des enterrements de Charenton ( sep-
tembre 1646-1649) dont le Bulletin de la Société d'histoire du
protestantisme français'% a transcrit les renseignements, Jean
Mestrezat avait épousé une demoiselle Caterine de Malapert ;
maisil eut le malheur de la perdre en 1628, ainsi que le second
enfant qu'elle venait de mettre au monde ^. Il ne lui resta alors
qu'une fdle, mariée plus tard k M. Jacques de Maubert, sieur
de Boisgibault ; mais elle mourut elle-même fort peu de temps
» Egerton Brydges, Res literariae for mai 1821 t" féljr. 1822. Genevaj
1822; in-8o, p. 521.
'^ T. I, p. 483.
= XII-» année. Paris, 1863; pp. 367-374.
* 27 juillet 1628 : Caterine de Malapert, damoyselle, femme du sieur
Jehan Mestrezat, fidèle ministre du saint Évangile, et son enfant qui n'a
eu vie.
57
après son père '. C'était sans doute la mort de sa femme qui
avait engagé Mestrezal à écrire les Lettres de consolation qu'il
publia en collaboration avec plusieurs collègues et qui virent le
jour à Charenton en 1632 -.
Celait, ainsi, au milieu des luttes delà vie que s'était formé
Mestrezal : l'épreuve, aussi bien que les querelles religieuses,
était venue l'assaillir; elle l'avait, de bonne heure, mûri pour
sa tâche, et lorsque, au milieu des difficiles fonctions de son
ministère à Paris, il eut servi l'Eglise de Dieu « avec beaucoup
« de fidélité et de grandes fatigues, » comme dit un histo-
rien ~\ il se trouva mûr pour le ciel.
A. Archinard.
* Epître dèdicatoire du 10 septembre 1657, mise en tête des Vingt sei-
mons que nous avons mentionnés ci-dessus.
M vol. in-8o.
^ Aymon, Synodes nationaux, t. II, p. 5;25.
58
LETTRES DE JEAN MESTREZAT A SON FRERE DOMEIl
(1611-1613)
Saumur, 5 novembre 1611. — Il refuse à Saumurune chaire de philosophie.—
Détails sur la manière dont les lettres lui parviennent : on recourt, soit pour
lui, soit pour son parent LtiUin, à l'intermédiaire du fils de M. Micheli.
Mestrezat, craignant de l'importuner et désirant être indépendant de lui, de-
mande que M. Gras, à Lyon, puisse envoyer à Paris les lettres pour Mestrezat
à un homme sûr qui les lui expédiera.
Die Jovis superiori ciim primas a te easque iatinas accepissem literas
datas decimo octavo Septembris, frater amantissime, ad eas postridie res-
ponsiim paravi : hodie vero secundas accepi datas 9 Octob. quibus cura ad
binas priores a me tlbi responderi petas , tura tuam in scribendis ad me
literis diligentiam eoqiie erga me benevolentiam et studium percipio, tum
etiam médias quasdam ex tuis ad me literis , sicut et ex meis ad vos non-
nuUas, tahellariorum injuria intercidisse colligo , siquidem vel octavo vel
decimoquinto quoquedie ad vos scribere non destiti. Quod non minus mo-
lestum et grave mihifuit, quam id gratum etjucundum quod de totius fa-
milise bonâ, Dei bénéficie, valetudine, deque librorum et panni fasciculo
ad me misse (mihi tamen nondum reddite) scribis : qiiem cum in dies si-
raulque cum eo aliquas Parentum (a quibus jam pridem nihil accepi) literas,
expectem ; ee accepte, tum ad te uberieres, tum ad parentes literas dabo,
cura praesertim tum ad ees, tum ad te satis fusé, superiori tantura heb-
domade de rerum mearum statu scripserim, eosqtie de cathedra philoso-
phiœ sen Professoris philosophici munere mihi oblato ab academico hujus
tirbis senatu, et a me, tum propter ignotam eortim voluntatem, tum alias
quasdam ob causas iis in literis a me commemoratas , et de quibus ab iis
59
certior fieri maxime cupio, recusato, certiores fecerim : iis ergo meo no-
mine (quod donec scribo literanim vicem suppléât) tnm gratias agas, tum
salutem plurimam dicas, velim, sicut et toti familiœ, potissimumque cha-
rissimae meae D. Sorori, uxori tua\ Vale. Salmiirii 5 noverab. 1611.
Tui amantissimus frater.
JOHANNES MeSTREZATUS.
Quoniam literae nostraî ad vos Parisiis Lugdunum afferuntur, maxime
cuperem ut Dominus Gras alicui Parisiis mandaret (sicut ibi plurimos ha-
bet) qui nostras ad vos reciperet literas easque Lugdunum ad eum Domi-
num Gras mittendas curaret. Vereor enim ne tandem filio Doraini Miche-
lii molesti simus imo importuni , qui ejus fasciculum nostris literis sem-
per augeamus ; deinde maxime nobis molestum est, quod ad vos scribere
non possimus, quin ipse ad sucs scribat; alioquin nisi perpétue literae
nostrae ipsius vel alicujus alterius fascicule includantur, nemo erit qui
eos Parisiis recipiat, et Lugdunum mittendas curet, cum prsecipue Pari-
siis tabellario pro literis allatis satisfaciendum sit. Si ergo D. Gras ad
aliquem Parisiis scripserit ad quem literas nostras dirigamus, illius et no-
men et domicilium rogo nobis significetis. Hac de re scribit cognatus LuUi-
nus ad sororium suura cognatum Patacum : rogo te ut ejus hac de re
sententiam inquiras.
Rogo te etiam ut ad D. Vildium, de quo superioribuè literis ad te scripsi,
epistolam aliquam mittas, qui tibi S. P. D.
A Monsieur et frère, le S'" Domeine Mestrezat, à Genève.
II
Saumur, 18 novembre 1611. — 11 vient d'apprendre (de Genève) la mort
de M. Dupuis et la prochaine arrivée à Saumur de ses parents Lect et Bu-
tini.
Quem ex libris et panno fasciculum literse tu?e a quindecim diebus a
me accepta , quibusque postridie respondi , ad me datum significant,
adhucexpecto frater charissime, neque tamen valde miror, ejus quippe mo-
rae priemonitus ab iis qui fascicules ejusmodi alias acceperunt. Heri cog-
natus Lullinus a suis literas accepit, ex quibus non minus molestiae, au-
60
dita D. Puteani morte, quam voluptatis audito cognatorum Lectii et Bu-
tini futuro adventu (cum quibus literas certissime nobis poUicemur) perce-
piraus. Donec fasciculr.m accepero, quod uberiores ad te dem literas non
habeo : quare quamplurimum salutata charissima sorore uxore tua, nec
non fratre Gasparo, teque ut de ipsius statu me certiorem facias, rogato,
epistola? finem impono. Vale, frater charissime, meque ut soles, ama.
Salmurii, 18 Novemb. 16H,
Tui amantissimus frater
JOHANNES MeSTREZATUS.
A Monsieur et frère, le S"" Domeine Mestrezat, à Genève.
III
Saumur, 2 décembre 1611. — Lettres interceptées. — 11 recommande qu'on ne
le désigne pas sur l'adresse comme étudiant en théologie.
Tuas simulque fratris Gaspari literas accepi, frater charissime, datas
19 Octob. quibus tuas admirationes non mirari non possum cura nullus
Igmi-.sqjjjgqye jjgg etfugiat quo literas ad te non dem. Quoad fasciculuni
quem ex literis tuis ad me 9 Octob. datis, iam à mense ad me missum
audivi, eura nondum accepi, me tamen accepturum confido: Cognatorum
Lectii et Butini advenlum frustra mihi gratulatus sum : Ob insperatum
autem cognatte Puteange cum D. Taponnerio connubium maxime sum ga-
visus, cum prsesertim eum ab ipsa plane refriguisse putarem : te potissi-
mum illius connubii mediatorem fuisse scribit cognatus Faber : qua in eo
prospéra usus es fortuna, erga reliquas sponsœ sorores et vicinas jampri-
dem nubiles, viroque maturas, utere. Vale, etD. Sorori uxori tuae, meo
nomine, S. P. D.
Datum Salmurii, 2 Decembr. 16H.
Tui amantissimus frater
JOHANNES MeSTREZATUS.
In literarum tuarum inscriptione noli me Theologiœ studiosum dicere,
nam eo nomine litene in pontificias manus delaps» sœpissime amittuntur.
A Monsieur et frère Domeine Mestrezat, à Genève.
Gl
IV
Saumur, 9 décembre 1611. — Nouvelles de Genève : Conseil général de novem-
bre.— M. attend avec anxiété celui des syndics parce que c'est le tour de son
père. — La chaire de philosophie qu'il a refusée à Saumur ne sera pas repour-
vue avant un an.
Cum Parentiim literis tuas accepi datas 13 novembris, frater aman-
tissime, ex qiiibus audita tota habiti consilii Generalis ratione, tantum
voluptatis percepi quantum mihi superest solicitudinis de syndicis insti-
tuendis, quorum electionem (récurrente scil. vice Patris), anxie admo-
dum expecto : Quod scribis de ferendorum suffragiorum difficultate in
electione Rilleti et Barrilleti potissimum exhibita, antiquam illam de cal-
culis disputationem (cui Pater, tum syndicus, pro viribus sese opposuit)
t'orsan refricabit : Eo quod oportuno tempore nullus adfuit qui Profes-
sons hujus Academiae Philosophici defuncti vicem (quod recusaveram)
suppleret, studiosis quibus Professore opus erat, cujus auspiciis ad curri-
culi sui philosophici metam contenderent prospectura est, novi scil. sub
altero Professore curriculi inchoatione : quo factum est ut ante annum
philosophicaî cathedrae non prospicere decretum sit : quid de literarum
perferendarum ratione a te et cognato Pataco prospectum sit, avide expecto ;
fasciculum afutem] ad me jampridem missum nondum accepi : De eo fi-
lius Domini Gras ad patrem 'suum scribit, quô scilicet delatum fuerit :
Tibi et D. Sorori uxori tuae cognatus Lulliims salutem plurimam dicit,
et ego in primis. Vale.
Datum Salmurii, 9 decembris 1611.
Tui amantissimus frater
JOHANNES MeSTREZATUS.
A mon frère Domeine Mestrezat, à Genève.
V
Saumur, 4 mai 1612. — Il félicite son frère Domeine de son retour d'Allemagne.
— Mort de son aïeule. — A reçu une lettre de Goulart lui donnant des conseils
sur le sujet de sa thèse et sa dédicace : quant au premier point, il lui con-
seille de ne pas traiter de la justification, question récemment controversée
62
entre nos théologiens, au grand scandale de l'Eglise de Dieu — et, quant au se-
cond point, de les dédier à Du Plessis (Mornay) plutôt qu'à Du Moulin. — Dispo-
sitions des Églises de France en faveur du duc de Rohan et des autres chefs de
la religion, dans la lutte de ceux-ci contre la reine-mère. — « Que devien-
drait le corps de l'Église, une fois les têtes enlevées? >>
Tuura e Germania reditum tibi gratulor, frater amantissime, dequeipso
fausto etprospero Deo gratias ago. Funestissimura avise meae obitum sura-
mo cum mœrore audivi : Si de litibus ex ipsius bonorum successione exo-
rientibus, deque tota ipsius testaraenti et bonorum ratione mihi aliquid
significaveris, pergratum mihi feceris : Domini Goulartii epistoliura ac-
cepi, tum de thesium mearum materia, tum de earum dicatione : quoad
materiam, monet ne de qua?stione super articule Justificationis inter Theo-
logos nostros novissime exorta, cum magno Ecclesise Dei scandalo, thèses
suscipiani, eas autem Domino Piessaîo potiusquam Molina^o dicandas sua-
det. lis nondum manum admovebo, sed differam eas ad postremum usque
meae in hac academia commorationis articuhim ; nox itaque dabit consi-
lium. — De exorto inter Dominum Principem à Pihoan et Pteginamdissidio,
eoquejam concihato, uberius ad te scriberem,ni id vobis notissimum esse
mihi persuaderem ; hoc taniùm dicam Ecciesias Regina? exercitum animosé
excepturas fuisse, certoque constituisse Dominum de Rhoan, similesque
magnâtes ac proceres religionis nostra; , usquequaque tueri et protegere:
quid enim demptis capitibus, tandem corpori contingeret? Vale, frater
charissime, ac D. et charissimae sorori, uxorituaî S. P.dicito.
Datum Salmurii, 4 Maii 1612.
Tui amantissimus frater
JOHANNES MeSTREZATUS.
Domino et fratri charissimo, Dominico Mestrezato. Geneva?.
VI
Saumur, 8 juin 1612.
Johanni Sageto literas ad te nuper dedi, frater charissime ; ad eas dum
responsum expecto, cùm novum ad te scribendi argumentum mihi non
63
suppetat, tibi salutem plurimam dico, sicuti et D, sorori charissimae uxo-
ri tuae. Vale.
Salmurio, 8 Junii 1612.
Tui frater amantissimus
JOANNES MeSTREZATUS.
Charissimo fratri D. Dominico Mestrezato.
VII
Saumur, S juillet 1612. — Mouvement des catholiques probablement excité par
la Reine, malgré la paix faite par elle avec Rohan. — Mort (à Genève) du
principal David,
En tibi quartas mearum ad te iiterarum, ex quo nuUas à te accepi, fra-
ter charissime, quas tamen maxime desidero, quia (quod a te petii) testa-
menti ab avia conditi, ac litis a Fornereto suscitatae rationem avidissimè
expecto : novi hic nihil est. Pacata satis ac sedata sunt omnia , etsi
Pontificii, iis etiam in locis in quibus hactenus humillimi fuerunt, nescio
quà ratione jam turgent, atque aniraos inflant, quod procul dubio ex Re-
ginae consilio est. De rerum Germanicarum statu (earum intelligo quae
Iraperatoris ac Régis Romanorum constitutionem spectant) a te certior
fieri cupio. Doraini Davidis obitura audivi, cui quoad Gymnasiarchatum
Dominum Scarronum aptissirae successurura puto. Vale, frater amantis-
sime, et mihi charissiraae uxore tute S. P. dicito.
Salmurii, 5 Jul. 1612.
Tui amantissimus frater
JOANNES MeSTREZATUS.
Amantissimo frater D. Dominico Mestrezato. Genevae
VIII
Saumur, 27 juillet 1612. — Assemblée de Privas. — Refus solennel du pardon
accordé par la Reine. — Irritation de la Reine et ses desseins contre Cha-
rnier.
Tuas accepi 18 Junii datas, frater charissime, quam quoque commémo-
ras dehte inter D. Saracenum et Morellum epistolam acceperam. Jam de
64
tui incolumis é niindiiiis reditu tibi gratulor : et de tuo in significanda
mihi aviae niea testanienti et litis inde subortae ratione, studio, tibi sum-
mas ago gratias, etiam tum acturiis qiium id adimpleveris. Fertur Regina
cBgré ferre quod in novissima nationali synodo transactum est, maxime
quantum attinet ad soiemnem illam recusationem venige illius a Regina et
consilio Ecclesiis (nihil minus quam id postulantibus) propter earum delicta
concess» : Calumni«? genus est innocent! palam ignoscere. Ita enim in
eo id supponitur delictum cujus minime reus est. Verum hoc fuit artis Je-
suitiese commentum. Dicitur quoque Domino Ghamiero in ea synodo prae-
sidi dies indicta fuisse, ejusque receptio Montalbanensibus diserte prohi-
bita fuisse, ut Parisios venire cogatur seque ibi coram Regina et consi-
lio sistere : nosti enim forsitan eum in illa ipsa synodo Academiae montal-
banensi fuisse concessum. Si Parisios venerit, ejus capiti metuitur, prop-
ter acerbissimum Reginse, in Ecclesias animum : si quid tamen adversi ei
contigerit a Regina, res ulterius progressura est, totique Ecclesiarum
corpori factum censebitur. Deus omen avertat, teque salvum et incolu-
raem conservet. D. uxori tuœ meo nomine salutem plurimam dicasvelim.
Vale.
Datum Salmurii, 27 Julii 1612.
Tui amantissimus frater
JOHANNES MeSTREZATUS.
Carissimo et amantissimo fratri Domino Mestrezato. Genevae.
IX
Paris, 27 octobre 1612. (En français.) — Anjorrant, député de Genève pour les
péages. — On célébrera le 3 du mois prochain un Jeûne général des Eglises
de France-
Monsieur et frère,
Je reçeu dernièrement les agréables nouvelles de la naissance d^ vostre
fils, lequel Dieu veuille combler de ses meilleures bénédictions et entendi
quel avait esté le procès de M. Tronchin avec ce gentilhomme flamand :
J'en ay esté fort joyeux, pour ce que le dict flamand en parloit à Sauraur
avecque grand deshonneur et desavantage de M. Tronchin. Monsieur
Anioran fait son compte de départir d'ici aussi tost que les affaires du
65
péage seront expédiées. Ceux qui savent quelque chose de Testât de
Messieurs de Genève, et des comportemens des conseillers et gens d'es-
tat de ce royaume envers eux tiennent que ce sera au grand préjudice des
affaires de Messieurs de Genève si le dict Sieur Anioran départ; ou si
l'on ne renvoyé en sa place Monsieur Dauphin. L'on célébrera le troisième
du mois prochain le jeusne de toutes les Eglises de France. Il y en a plu-
sieurs causes, entre autres ce sont, la desunion des nostres et le peu de
bonne volonté du Roy, de la Roine et de son Conseil envers les diltes
Eglises. Rien ne se dit qui soit digne de vous estre envoyé. Continuez
moy, je vous prie, l'honneur de votre affection comme a celuy (jui sera
toute sa vie.
Vostre plus affectionné frère,
Mestrezat.
Présentes mes humbles recommandations à mon Père et à ma Mère
(ausquels je n'escri pas à présent en attendant réponse à celles que ci-de-
vant je leur ay envoyées) a vostre femme, et à tous ceux de la maison.
De Paris, ce 27 Octobre 1612.
A Monsieur et frère le S"" Domeine Mestrezat, à Genève.
X
Paris, 1 7 noTembre 1612. — Le duc de Rohan réconcilié avec la Reine. — M. de
Châtillon à Aiguemortes. — La Reiue se réserve le gouvernement de la Nor-
mandie. — Participation de l'Église de Genève à la controverse entre Tilenus
(de Sedan) et DuMoulin.
Tuas accepi, charissime frater, datas 7 Octob. 1612. De tuos in con-
scribenda ad D. Molinseum epistola labore, tibi gratias ago ; inerat tamen
contradictorii quiddam sub finem, quod referre et commemorare jam piget.
De statu raeo, quem ex literis meis ad Patrem videre poteris, te non mo-
nebo. Fertur Dominura de Roan jam jam Reginge reconciliatum iri. Domi-
niis de Chastillon à Regina raissus est in urbem illam Galliae Narbonnen-
sis, cui nomen Aiguemortes, ipsius regendse et subornandse causa,
donec negotiis quœ ibi sese offerunt provisum fuerit. Totius Normannigegu-
bernationem, quœ defuncto Comiti de Soissons demandata erat, sibi ser-
vat Regina. Genevensis Ecclesise Pastores ulterius quam par est contro-
T. XV. {'^ part. 5
66
versiam D. Molingei et Tilleni aggrediuntur, nec non laedunt D. MoU-
naeum, et cum eo plures Ecclesiarum Pastores, imo et Ecclesias : Sed
vale, frater amantissime,
Datum Parisiis, i7 Novemb. 1612.
Rogo te ut meo nomine salutem pluriraam dicas, uxori tua3, fratri Gas-
paro et uxori ipsius.
Tui amantissimus frater,
JOHANNES MESTREZA.TUS.
A Monsieur et frère, le S"" Domeine Mestrezat, à Genève.
XI
Paris, 24 novembre 1612. — Mort du prince de Galles. — Troupes royales dans
le gouvernement de Saumur.
Ad te literas dedi, octo dies aguntur, frater charissime jam quod ad te
scribam nihil habeo, nisi funestissimam quam hîc audivimus mortem Prin-
cipis de Gales. Multae sunt, ut accepimus, in ditione salmuriensi railituni
cohortes, ita ut sibi timeat et caveat Dominus Plessœus, eoque suum
adauxerit praesidium. Fratrem Gasparum hùc (sicuti ex ejus literis cer-
tior factus sura) cogitantera expecto. Interea vale, frater amantissime,
meque ut soles, ama.
Te etiam atque etiam rogo ut uxori tuae meo nomine salutem pluri-
mam dicas.
Parisiis, 24 Novembr. 1612.
Tui amantissimus frater,
JoHANNES MeSTBEZATUS.
A Monsieur et frère, le S"" Domeine Mestrezat. A Genève.
XII
Paris, ter déceïQbre 1612. — Lettres perdues. — Sarasin nommé lieutenant à Ge-
nève, quoique ce ne fût pas son tour.
Heri accepi, frater charissime, tuas a Domino Saraceno literas, mihi
nondum per tempus licuit sciscitari quid illud sit quod sinistri nobis in lite
67
contigisse scribis. Dummodo famam non attingat, parvi facio. Quicquid
tamen fuerit, si medela supersit, te eam strenue et tbrtiter adhibiturum
spero. Dorainum Saracenum pra?torem esse factum miratur Dominus Anio-
ranus, quod ipsius vices non essent. ;Tanta non fuit literarum mearum ad
Patrem mora, quantam ex literis tuis c.onjicio, nisi aliqu» interciderint.
Bis à quindecim diebus ad eum scripsi ; et ab octo semel ad Dorainum
Alexium : novi nihil habet, quod isthic fiât, D. Saracenus ; novi etiam hic
nihil fertur. Quapropter huic finem imponens, tibi uxorique tu» salutem
plurimam dico. Yale. Datum Luteti;ie, 1 Decemb. 16 1 2.
Tui amantissimus frater,
JOHANNES MeSTREZATUS.
De statu rerum mearum, meoque discessu, te ante octo dies certio-
rem facere non possum. Fratri Gasparo salutem meo nomine dicendam
curarem, nisi eum Genevie amplius non esse crederem.
A Monsieur et frère le S"" Domeine Mestrezat, à Genève.
XIII
Paris, 10 décembre 1612. — Lettres de l'Église d'Orléans à Genève. — Recom-
mandation d'un de ses condisciples.
Hoc raptim ad te do, frater charissime, Lutetiâ jam jam discessurus :
non ut tibi statum rerum mearum exponam ; hune enim luculenter des-
criptum habes in literis heri à me ad Patrem missis. Hoc tamen obiter
dicam, literas illas ab Aurelianensi Ecclesia Genevam missas valde vete-
res esse, et negligentia eorum quibus crédit» erant tam serô Genevam
perlatas, sicut me ea de re certiorem fecit qui mecum de iis agebat, et
sicut percepi ex literis ab iis iterum ad me missis. Sed hoc tibi episto-
lium scribo in gratiam ejus qui illud tibi traditurus est, mei nimirum
condiscipuli et tote tempore quo Parisiis fui contubernalis, ab optimis
parentibus et ditissirais oriundi. S. Theologi» Studiosus est. Salmurii
natus, ubi tum ab ipso tum a Pâtre ipsius accepta bénéficia même devin-
ciunt ut iis quos in mei gratiam aliquid facturos puto eum ex animo com-
mendem. Gonsortiorum honestorum amantissimus est, eoque de tuo tibique
68
similium gavisurus. Id si ei contigerit, me tibi magis ac magis devinxe-
ris: Vale, frater charissime. Datum Parisiis, 10 Decemb. 1612.
Tui amantissimus frater,
JOANNES MeSTREZATUS
A Monsieur et frère, le S'' Domaine Mestrezat, à Genève.
XIV
Heidelberg , 24 décembre 1612. — Arrivée à Heidelberg , par Nancy et
Strasbourg. — On parle d'une guerre du duc de Savoie contre Berne et Ge-
nève. — L'évêque de Nancy, Lcopold, résigne son évcché et doit épouser la
fille du duc de Loraine. — Le cousin Simon Marin à Strasbourg.
Commensali meo Lutetiâ Genevam profecturo, frater charissime, lite-
ras aliquot ad te praesertim commendatitias dederam. Num eo venerit
nondum scio. Dei beneficio incolumis Heidelbergam perveni. De bello
isthic gerendo, et a Sabaudo adversus Bernenses nec non Genevenses suo-
eipiendo, multa hic verba fiiint. Ea in dubiiim revoco quippe quae Pari-
siis mihi cum Domino Aniorrano de iis rébus sfepe colloquenti ignota
fiierint ; sed magna locorura intervalla quibusvis rumoribus suam conci-
liant authoritatem. Nancaei in Lotharingia (qua Argentinam veniens tran-
sivi) accepi Leopoldum episcopatum suum tradere nepoti Ducis Lotha-
ringiae, et filiam Ducis Bavariœin uxorem ducere. Hic idem diciturPrin-
cipibus hélium iterum intentaturus. Argentinae Cognatus Simeon Marinus
suam de literis meis ad vos perferendis curam mihi pollicitus est. Literas
a vobis summo studio expecto, tibi, uxorique tuae, S. P. dico, Vale.
Heidelbergâ, 24 Décemb. 1612.
Tui amantissimus frater,
JoANNES MeSTREZATUS.
Charissimo fratri Domino Dominico Mestrezato, Genevae.
69
XV
Francfort, 3 avril 1613. — Nombreux parents trouvés dans cette ville. — Retour
prochain du prince Palatin.
Sive literas tuas 10 martii datas, sive eariini argumentum spectavero,
frater amantissinie, multiplicem multiplici nomine gratiariim actionem
tibi sum acturus : literas dico, quoniam tempus tuis negotiis debitum ils
scribendis dare dignatus es : argumentuni verô, eo quod et rationem quâ-
lis nostra composita est, et inita concordia, enarras, et tuuni erga D. De
la Tourette testatum mei causa studium exponis : Ego quidem ubi gradum
sistere mihi contigerit, si verbuluni a te alicujus commendatitium accepero,
patefaciarn quam me tibi hoc nomine devinctum putem : Parens ejus, me
una vice in pago, altéra in urbe discessurum convivam habuerat; pecu-
nias, si opus haberem, obtulerat; eoque eum semel (hoc enim sufficiet)
à vobis invitandum*gaudeo. De annonae abundantia et vilipretio, nec non
pacis securitate (quae commémoras) Deo gratias ago. In literis fratris
Gaspari ad me chartulam reperi in qua dicis juniorem argentifabrum (sic
enim lego) ita maie se gerere ut verearis ne ab eo molesti aliquid audiam :
ego sane quis ille sit non percipio, nihilominus tamen ipsius offensam,
quisquisillesit, nihil metuo : nec est quod quicquam verearis neque enim
si rationis aut officii sui limites excesserit, ejus compescendi mihi deerim t
rationes. Interea tamen commentitios tuos characteres diligenter servo ,
donec primis tuis literis eorum usus mihi exhibeatur. Quod ut brevi fiat
te etiam atque etiam rogo. Ego multos hic vidi Genevenses quibus omni-
bus, praesertim vero Cognatis Patacco et Puteano, Ravotis, Trembleto,
Vignono et Humberto, propter oblata officia gratiam habeo. Uxori tuae
salutem plurimam meo nomine dicas velim. Vale. Datum Francofurti,
3 April. 1613,
Novi nihil habeo. Principem Palatinum, cujus comitum pars maxima
jam rediit, in dies expectamus.
Tui amantissimus frater,
JOHANNES MeSTREZATUS.
A Monsieur et frère, le sieur Domeine Mestrezat, à Genève.
70
B
Liste des ouvrages de Jean Mestrezat.
I. POLÉMIQUE.
1. Véron ou le Hiboudes Jésuites, etc. par J.-M. Villefranche (sans mil-
lésime) : in-12. Réimprimé sous le titre:
Le Hibou des Jésuites opposé à la corneille de Charentcn, (s. 1.)
1624; in-i2. Cet ouvrage avait été vraisemblablement provoqué
par un livre de Véron intitulé : Abrégé de l'art «< méthode nouvelle
de bâillonner les ministres. Rouen, 1618.
2. Advis donné au Sieur Gabriel Martin, abbé de Clausone^ par urt
personnage équitable et amateur de vérité.
Cet opuscule n'est connu que par la réponse de Martin :
La potirsuite du Sieur Mestrezat^ ministre de Charenton, depuis
sa banqueroute, sur l'advis donné, etc. Paris, 1632 ; in-8°.
3. Traité de V Ecriture-Sainte contre le jésuite Regourd et le cardinal
du Perron. 1632 ; in-S" (Genève, 1633 ; in-8°).
4. Discours de la grâce contre les prétendus mérites et la justification
par les œuvres. Charenton, 1638; in-12 (contre La Milletière).
5. Traité de l Eglise. Genève et Charenton, 1649 ; in-4'J (traduit en alle-
mand, Cassel, 1649;in-40j et en latin, Brème, 1676).
II. DOGMATIQUE.
1 . Défense de la confession de foi des Eglises réformées. Charentou,.
1617 ; in-8° (en collaboration avec ses collègues).
2. De la communion à Jésus-Christ au sacrement de l'Eucharistie^
contre les cardinaux Bellarmin et Du Perron. Sedan, 1624; in-8".
(2™e édit. 1625 ; traduit en allemand, 1624 ; en anglais, 1631 ;
en italien, 1638.)
71
3. Discours sur la manière dont Jésus-Christ est donné dans l'Evangile
et dans l'Eucharistie. Orange, 1649 ; in- 8°.
Jœcher lui attribue, mais sans autre indication : Dispute sur le schis-
me et la séparation que Luther et Calvin ont faite de VEglise ro-
maine entre Mestreiat et Louis du Laurens (Voy. Eug. et Em. Haag.
La France protestante, t. VII, p. 401 , col. A. Paris, 1857).
III. HOMILÉTIQUE.
1. Sermons sur divers textes. Sedan, 1625 ; in-12.
2. Trois sermons prononcés un jour dejeusne. Charenton, 1636 ; 'm-S°.
3. Sermons sur la justification. Genève, 1639; in-12.
4. Du combat de la chair et de l'esprit, Sermon. 1642 ; in-12.
5. Sermons sur la naissance de Jésus- Christ, Genève, 1649 ; in-S".
6. Sermon sur Jean VI, 55. Charenton, 1651; in-8''.
7. Sermons stir la P^ épttre de St-Jean. Genève, 1651. 2 vol. in-8°.
8. Du Conte de nos jours, Sermon sur Ps. XC, 11 et 12. Charenton,
1652 ; in-8°.
9. De la mort des fidèles ou Sermon sur 2 Cor. V, 1-4, Charenton,
1653.
10. Sermons sur Hébr. I et IL Charenton, 1639 ; in-8°
1 1 . Sermons sur Hébr. III-VI. Genève, 1653 ; in-8°.
12. De la sacrificature de Jésus-Christ ou Sermons sur Hébr. VII-X.
Charenton, 1640; in-12 (Genève, 1653 ; in-8°).
13. De la vertu de la foy ou Sermons sur Hébr. XII. Genève, 1655;
in-S» '.
14. Exposition de l'épître aux Romains I-VIII, en S3 Sermons. Amster-
dam, 1702; 2 vol. in-12 (Amsterdam, 1726; 2 vol. in-12).
15. Vingt sermons sur divers textes. Genève, 1658; in-8°. (Imprimé
par Philippe Mestrezat, auquel son oncle en avait confié la publi-
cation, ce volume renfermait plusieurs des discours déjà publiés
et, en particulier, ceux que nous avons notés sous les numéros
4, 8 et 9.)
— Sermons sur divers textes. Amsterdam, 1702-1703 ; 2 vol. in-
8°. (Cette publication n'était-elle qu'une édition nouvelle de la
' Tous les sermons sur l'épître aux Hébreux ont été réimprimés sous ce
titre : Exposition de l'épître aux Hébreux. Genève, 1655; 5 vol. in-8.
72
précédente ? offrait-elle un nouveau choix fait entre les discours
déjà publiés? ou comprenait-elle des discours encore inédits? C'est
ce que nous n'avons pu éclaircir, ne l'ayant pas sous les yeux.)
IV. PARÉNÉTIQUE
Lettres de consolation. Charenton, 1632 ; in-8° (En collaboration
avec plusieurs collègues) .
— Mi^^'è'S^^^N-
^ ^ fi^yy-^ (h\^*^ ^cdhi^ .
"S
>
TRAITÉ DE COMBOURGEOISIE
mm LE 12 NOVEMBRE 1477 PAR
JEAN DE SAVOIE
Administrateur de l'Évêché de Genève, ponr lui et la ville de Genève, avec les villes de
Berne et de Friboiirg.
Un traité de combourgeoisie tut-il conclu, en 1477, à la
suite de la guerre de Bourgogne, entre l'évêque Jean-Louis de
Savoie et les villes de Berne et de Fribourg? quel était le ca-
ractère de ce traité? les citoyens y prirent-ils part? C'est là
une des questions controversées de notre histoire, dont aujour-
d'hui il est facile de donner la solution, et tel est le but de ce
travail.
Faisons d'abord connaître l'objet de la discussion ; elle a
pour point de dépari ces lignes de Bonivard.
« J'ai leu certain double d'une bourgeoisie que l'on disoil
le dit évesque (Jean-Louis) avoir faict l'an 1477, avec les deux
villes de Berne et de Fribourg pour luy et ses citoyens de Ge-
nève, sa vie durant, presque en la forme de celle que avons
avec eux maintenant. Mais je n'en ay veu ni original, ny en ay
ouï parler, pourquoy ne le veux avancer pour vérité histo-
rienne » {Chron. de Bonivard , p. 84).
Roset semble avoir purement et simplement suivi Bonivard
avec ce détail de plus qu'il donne la date du traité. « On
trouve bien noté qu'en celle même année et le 24 novembre
74
l'évêque fit bourgeoisie pour la cité avec Berne et Fribourg,
sa vie durant, mais elle ne se trouve pas. »
Savyon dit : « L'évesque Jean Louys, ayant veu les misères
que la guerre apporte, tascha et fit tout son effort de se joindre
luy et la cité de Genève par alliance avec les Ligues et cantons
desSuisses, à quoy les Ligues consentoyent ; mais le peuple se
monstra alors si stupide qu'il ne cognut point le bien que luy
procuroit l'évesque, grand amateur de la liberté de la ville et
qui, combien qu'il fust de la maison de Savoye,n'eust voulu en-
durer que la ville perdit ses francbises. Luy donc voyant que
le peuple ne tenoit conte d'entrer en ceste alliance, la fit pour
soy tant seulement sa vie durant '. »
Ainsi Savyon affirme sans réserve ce que Bonivard avait
énoncé sous forme dubitative, et il ajoute que le peuple ne vou-
lut pas entrer dans cette alliance; cette dernière assertion nous
paraît manquer de tout fondement bistorique.
Gautier reproduit les allégations de Savyon, en mentionnant
la réserve faite par Bonivard et pour montrer qu'un traité de
combourgeoisie fut effectivement conclu, il cite l'adresse d'une
lettre envoyée en 1478 par Berne et Fribourg aux ma-
gistrats de Genève et qui est ainsi conçue. « Nobilibus praes-
tantissimisque viris sindicis atque gubernatoribus civitalis ge-
bennensis, amicis atque comhuryensibus nostris, longe omnium
dilectissimis. » Or ces expressions ne peuvent être, suivant
Gautier un titre de pure honnêteté.
Spon, Thourel, Pictet admettent aussi qu'un traité de com-
bourgeoisie a été conclu entre Jean-Louis et les deux villes, et
que les citoyens ont refusé d'y être compris; seulement Pictet,
contrairement k l'avis de Gautier, pense que le titre de com-
burgenses donné par Fribourg et Berne aux Genevois n'est
qu'une simple formule de politesse.
' Annales delà Cité de Genève, p. 3i.
75
Une seule autorité s'élevait contre ces témoignages, c'est
celle de Flournois dans les notes explicatives dont il a accom-
pagné ses Extraits des Registres du Conseil.
Flournois transcrit en effet de nos Registres, à la date
du 28 avril 1477, ce qui suit. « Fut arrêté que la ville ne se-
roit point comprise en l'accord fait par l'évêque avec MM. des
Ligues sur lespilleries faites aux Suisses a Genève et qu'elle ne
sera nommée en aucune façon au dit accord, duquel on deman-
dera un double au secrétaire de Berne pour y réparer ce qui
fera mention de Genève. Après quoy les sindics et quelques
conseillers allèrent au logis des ambassadeurs des Ligues leur
déclarer qu'ils n'enlendoient pas d'être compris au dit accord;
à quoy les dits ambassadeurs répondirent qu'ils n'entendoient
pas non plus d'y comprendre sinon l'évêque et ordonnèrent au
secrétaire de Berne de réparer l'acte. » Sur quoi Flournois
observe : « Spon dit que l'évêque Jean-Louis voulut contracter
une alliance perpétuelle avec les Suisses, mais que le peuple
fut si stupide qu'il ne le voulut pas accepter, de sorte qu'il ne la
fit que pour soy. Cela est tiré de ce qui est dit cy-dessus au
28 avril 1477, mais il ne semble pas que ce fût une alliance,
mais seulement un traité ou accord pour quelque différend;
appunctuamentum . »
Les conclusions de Flournois paraissent fort naturelles ; cet
auteur ne trouve aucune mention dans les Registres d'un traité
de combourgeoisie ; en revanche il trouve un accord entre l'é-
vêque et Berne et Fribourg qui n'est évidemment pas un traité
de bourgeoisie, et duquel il est dit que les citoyens ne voulu-
rent pas y être compris et il en infère que le traité de com-
bourgeoisie mentionné par Bonivard sous une forme dubitative
n'a pas existé et que l'accord d'avril a été pris mal à propos
pour un traité de combourgeoisie. Ce raisonnement m'avait
paru si concluant, qu'avant d'en savoir davantage, je n'aurais
pas hésité à donner raison au savant compilateur de nos Re-
gistres.
76
Mais si les Archives de Berne el de Fribourg venaient a sup-
pléer au silence des Archives de Genève, la question changerait
de face. Or tel est précisément le cas. Le D'"Berchtold, dans
son Mémoire sur les relations entre Fribourg et Genève, affirme
l'existence d'un traité de combourgeoisie entre l'évêque Jean-
Louis el Berne et Fribourg, en donne la date 14 novembre
1477, et en fait connaître les principales clauses ^
L'historien fribourgeois avait eu sous les yeux ou un des
exemplaires de l'acte original conservé à Fribourg ou une copie
de cet acte qui se trouve dans la précieuse collection manus-
crite due au chanoine Fontaine. Depuis lors ce traité a été in-
séré en 1863 dans le second volume du recueil des liecès fé-
déraux publié par M. Phil. Segesser, d'après le texte conservé
dans les Archives de Berne.
Comme cet acte important, point de départ de nos relations
politiques avec les cantons suisses n'a point été encore publié
en français nous avons pensé qu'une traduction de ce traité de
combourgeoisie avait sa place marquée dans les Mémoires de
la Société d' histoire et d' archéologie de Genève.
« Nous, Jean-Louis de Savoie, Administrateur perpétuel de
l'évéché de Genève pour le spirituel et le temporel, d'une part, et
nousAvoyers, consuls et communauté de Berne el de Fribourg
du diocèse de Lausanne de l'autre pari, nous faisons connaître à
tous ceux qui seront dans le cas de voir, de lire et d'entendre
ces lettres, que ayant pris en considération les périls multiples
et variés et les artifices par lesquels le genre humain est conti-
nuellement accablé, grâce à la fraude infernale qui, par des ma-
nœuvres diaboliques, sape les fondements de la société humaine
et de l'affection mutuelle, maux contre lesquels le zèle dévoué
de tous les esprits honnêtes élève à bon droit le bouclier d'une
résistance magnanime. Considérant aussi les faveurs anciennes
* Archives de la Société d'Histoire du canton de Fribourg. V. Cahier, p. 10.
77
dent nous sommes redevables à nos ancêtres; car, mus, non
par une ambition vulgaire et une légèreté efféminée, mais ani-
més d'une volonté ferme et inflexible, ils ont réprimé les
fléaux de la guerre et des séditions, en sorte que les afl'aires et
le trafic de nos sujets ont prospéré par des progrès conti-
nuels. D'autres motifs d'ailleurs nous conduisant aux résolu-
tions qui suivent, nous avons trouvé bon de recourir aux moyens
propres à produire la source et le fondement inexpugnable d'a-
mitiés perpétuelles qui constituent dans cette vie la ressource
la plus puissante et la plus efficace pour maintenir la prospérité
et éloigner les revers.
« Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, duquel dérivent
tout salut, tout honneur et toute bonté, et sans lequel rien de
stable, ni d'accompli ne peut être constitué, nous susnommé
Jean-Louis de Savoie, Administrateur perpétuel, en notre nom
et au nom de notre cité de Genève et des citoyens sujets
de la dite cité (pro nobis civitateque nostra gebennensi civi-
bus et subdilis dictœ civitatis), pour toute la durée de notre
vie, étant sains de corps, de jugement et d'esprit, nullement
entraînés par des artifices qui pussent en quoi que ce soit in-
valider notre résolution, mais de notre propre mouvement et
à la suite d'une mûre délibération , nous avons embrassé l'al-
liance des villes susnommées de Berne et de Fribourg, nous
susnommé Jean-Louis de Savoie, en notre nom et au nom de
notre cité, tant que nous vivrons, promettant de garder loyale-
ment cette bourgeoisie dans la forme ci-après.
« Nous entendons, et sommes tenus en vertu de celte bour-
geoisie avec les susdites villes de Berne et de Fribourg de leur
porter, sur leur demande , un secours fidèle et efficace contre
toutes personnes non spécialement réservées par nous, tant
spirituelles que séculières, de quelque état ou condition qu'elles
soient, qui s'efforceraient d'attaquer violemment, d'endomma-
ger ou de troubler les dites villes ou l'une d'enlr'elles dans
leurs propriétés, leurs gens, biens, juridictions, privilèges, im-
78
munilés ou bonnes coutumes, el cela avec une puissance telle
que cela nous conviendra, et de quelque nombre d'hommes ar-
més que nous les secourions ils devront s'en contenter et ce
secours devra leur être accordé à leurs dépens.
a En outre, nous susnommé Jean-Louis de Savoie, nous vou-
lons, en notre nom et en celui de notre ville de Genève, qu'un
libre accès soit ouvert aux dites villes par tout notre territoire,
nos châteaux et notre ville de Genève pour leur négoce, et que
leurs marchands aient la faculté d'aller, de demeurer, de s'ar-
rêter, et de revenir, et d'apporter chez eux des vivres el toutes
les denrées et marchandises qui leur plairont.
« De même, nous prendrons des dispositions, nous sus-
nommé Jean-Louis de Savoie, pour que les marchands de ces
villes soient traités amicalement et avec bienveillance, sous le
rapport des péages, et à cet égard nous traiterons en tout les
Bernois, aussi bien que les Fribourgeois, sans ruse et sans
fraude.
« Et, en retour, nous, communautés susnommées de Berne
et de Fribourg, nous déclarons et nous reconnaissons avoir
reçu comme notre vrai et légitime combourgeois [burgensem et
civem) le susdit très-illustre et très-révérend prince, seigneur
Jean-Louis de Savoie, Administrateur perpétuel de l'évêché de
Genève, tant qu'il vivra, et sa cité de Genève (pour lui, ses ci-
toyens et ses sujets de la dite cité) et que nous lui avons pro-
mis, à teneur de nos serments et de ces lettres, de lui accorder
un secours fidèle et eltieace sur sa requête et de le défendre
comme notre combourgeois contre toutes personnes non spé-
cialement réservées par nous, tant spirituelles que séculières,
de quelque état ou condition qu'elles soient qui s'efforceraient
d'attaquer violemment, d'endommager ou de troubler le très-
illustre Seigneur susdit et sa cité de Genève, dans sa domina-
tion, ses gens, ses biens, ses juridictions, privilèges, immu-
nités, ou bonnes coutumes. Et avec quelque nombre d'hom-
79
mes que nous le secourions, il devra s'en conlenler, el ce
secours sera accordé à ses frais.
« El, dans celte bourgeoisie, nous Jean- Louis de Savoie, Ad-
ministrateur perpétuel de l'évêché de Genève, nous réservons
formellement le saint Siège Apostolique, le saint Empire romain,
le roi très-chrétien de France et la très-renommée maison de
Savoie. Et nous, Avoyers, consuls et communautés des dites
villes de Berne et de Fribourg, nous réservons de notre côté
et exceptons formellement le saint Siège Apostolique, le saint
Empire romain, le roi très-chrétien de France, la très-illustre
maison de Savoie, nos combourgeois et confédérés, les Zuri-
chois, Lucernois, Soleurois, Uraniens, Schwytzois, Unterwal-
diens d'Ob et de Nidwald, Zug et Glaris, et tous les autres
États avec lesquels nous avons jusqu'ici contracté des traités
ou alliances scellées de nos sceaux. Et si une des parties pour
son propre avantage requiert des ambassadeurs de l'autre par-
tie, cette dernière lui complaira, mais aux frais de la partie
requérante.
« De même aucun des sujets des deux parties ne devra
arrêter des sujets de l'autre pour des dettes non avouées, ni
leur imposer des gages, ni les inquiéter par des poursuites ju-
diciaires {alieno forensique vexamine inquietare). Si cela arrivait,
l'auteur de la poursuite sera tenu à restituer à l'accusé toutes
ses dépenses et à renoncer complètement a ce qu'il en aurait
obtenu ainsi et il y sera contraint par son souverain. Mais pour
des dettes reconnues et dont il existe des testimoniales, une des
parties peut arrêter l'autre et lui imposer des gages. Quant
aux dettes non avouées ou reconnues, les sujets de l'une des
parties demanderont justice aux sujets de l'autre partie dans
le lieu et auprès du juge duquel ressort le défendeur, où jus-
tice devra être rendue au poursuivant sommairement. Mais si
nous parties principales, ensemble ou séparément, ou quel-
qu'un de nos sujets réclamait en justice contre l'autre ou l'une
des autres en commun ou séparément, la partie qui réclamera
80
choisira comme arbitre le révérend père en Christ, et seigneur
Évêque de Lausanne , si c'est nous Jean-Louis qui sommes
défendeur, ou les magnifiques seigneurs, comtes de Neuchâtel
ou de Gruyère au cas que quelque sujet séculier de Jean-Louis
de Savoie, ou que nous, avoyers consuls des villes deBerne et de
Fribourg, ou quelqu'une de nos villes ou de nos sujets soyons
dans la position de défendeur. Et si pour absence ou pour
d'autres raisons les arbitres étaient empêchés, les deux parties
contractantes choisiront un de leurs officiers assermentés qu'elles
prieront d'accepter ce mandat. Et si cela ne suffisait pas, les
seigneurs eux-mêmes devront les y astreindre. Cela fait, l'ar-
bitre fixera aux deux parties une journée en un lieu de marche
commune dans la cité de Lausanne, à moins que, du consen-
tement des parties, une autre désignation ne soit faite. Et les
deux parties que concerne le débat devront adjoindre chacune
deux hommes probes et honnêtes à l'arbitre, et ces cinq de-
vront promettre par un serment solennel sauf dispense des par-
ties, de prononcer suivant leur conscience, leur intelligence et
à forme de justice. Et si les arbitres difteraient dans leurs dé-
cisions, dans le délai d'un mois, après que les questions avec
les réponses auront été rédigées, les arbitres auront à produire
leurs décisions devant un Surarbitre. Et ce dernier devra déci-
der dans l'espace d'un mois, et de quelque manière qu'il se soit
prononcé, cela demeurera décidé, tout appel étantsupprimé.Que
si quelqu'un des arbitres ou des surarbitres était mis dans l'im-
possibilité d'accomplir sa lâche, avant l'expédition de la cause
par la mort, ou par quelqu'autre accident, un autre sera choisi
à sa place, d'après le mode déterminé plus haut, et ce dernier
s'engagera de la même manière que le précédent. Et les deux
parties devront payer en commun au surarbilre, et chaque par-
lie séparément à ses propres arbitres tous leurs dépens, et nous,
les parties, devrons astreindre les nôtres à acquiescer au juge-
ment prononcé et à acquitter les dépens.
« Tout cela, cependant, sans préjudice des droits du tribu-
81
nal de nous Jean-Louis de Savoie et de notre tribunal spirituel,
et en respectant toutes les libertés, privilèges, immunités, pré-
éminences ecclésiastiques que nous possédons par droit, privi-
lège ou coutume, dans cette notre ville et sur les citoyens et
sujets de la dite ville, auxquelles nous ne voulons déroger en
aucune façon.
« En outre, il a été déclaré par une convention spéciale que
nous, susnommé Jean-Louis de Savoie, aviserons à ce que les
marchands et autres gens des cités susnommées soient traités
suivant l'ancienne coutume pour les navires et le prix de la
navigation sur le lac Léman. De même tous les délits seront
punis dans les lieux et devant le Tribunal où ils auront été
commis.
« Et afin que toutes ces choses soient observées, nous, les par-
ties susnommées nous nous engageons par notre nom, notre hon-
neur, nos serments et notre foi, et par l'hypothèque expresse,
de toutes nos propriétés présentes et à venir, renonçant à
toutes perceptions, actions, défenses, et spécialement à la dis-
position juridique qui prévoit qu'une renonciation générale a
tout son effet lorsqu'une renonciation spéciale n'intervient pas
auparavant.
« Toutes ces choses et chacune d'elles en particulier, nous
les observerons de point en point et nous les maintiendrons,
nous réservant expressément que si d'un commun accord
nous décidions que quelque chose devait être déclaré, aug-
menté, restreint et changé dans ces conventions, nous le pour-
rons faire avec l'approbation de toutes les parties contractantes,
sans ruse, ni fraude aucune.
« Et pour donner effet à la convention présente nous avons
apposé nos sceaux à ces lettres, le 14 novembre de l'année
1477. »
Reste maintenant à vider cette autre question. Doit-on pen-
ser, ainsi que l'affirment toutes les histoires de Genève, que
2. XV, V^ partie. 6
82
les citoyens ne voulurent pas être compris dans le traité que
conclut l'évêque avec Berne et Fribourg.
Observons que Bonivard est muet a cet égard ; c'est
Savyon qui le premier a avancé cela et, sans s'appuyer
sur aucune preuve , en a pris occasion de se récrier sur
la stupidité des citoyens. N'aurait-il point fait confusion avec
l'accord du mois d'avril dans lequel les citoyens ne vou-
lurent pas être compris, probablement parce qu'ils auraient
été entraînés à des déboursés? Pourquoi les registres, qui
mentionnent la non-adhésion à l'accord d'avril, ne diraient-ils
rien de la résolution bien plus importante de ne pas accéder
au traité de combourgeoisie?
Il nous paraît d'ailleurs très-improbable que Jean de
Savoie, qui traita toujours les citoyens avec beaucoup de hau-
teur et chercha toujours a se passer de leur assentiment (les re-
gistres des conseils ne justifient en aucune façon les éloges que
lui décernent Bonivard et Savyon), ait songé a faire intervenir
directement les représentants des citoyens dans le traité conclu
avec Berne et Fribourg ; c'eût été reconnaître à ces derniers
une importance que tous ses antécédents et sa politique bien
connue avaient constamment tendu à leur dénier complète-
ment. Ce prélat entendait englober dans sa personne toute la
communauté ; aussi stipule-t-il pro se el civibus et subditis suis.
C'est pourquoi, jusqu'à ce qu'on nous prouve le contraire, nous
pensons que les citoyens ne furent nullement consultés par
l'évêque lorsqu'il signa le traité de bourgeoisie, qu'ils n'eurent
point à décider s'ils voulaient acquiescer à ce traité et par con-
séquent ne firent point preuve de la stupidité que leur im-
pute Savyon.
Ajwédée Rogkt.
«-c--<S»<5S3A5>'^)"é>''^>^
RECHERCHES
SUR
L'ORIGINE DES GENEVEZ
VILLAGE
DE
L'ANCIEN ÉVÊGHÉ DE BALE
Le voyageur qui, par une belle matinée d'hiver, se rend de
Bienne à Porreniruy, ne tarde pas à suivre les contours d'une
magnifique route moderne taillée dans les flancs de la mon-
tagne. A ses pieds, dans un ravin profond, coule la Siiss dont
le cours accidenté off"re à son regard tantôt un gracieux pay-
sage, tantôt un site agreste, ici une blanche cascade aux
échos bruyants, la les ondes d'un lac tranquille et le silence
du repos. Aussi longtemjjs que la route suit la vallée de la Sùss,
on jouit d'un coup d'œil charmant, mais au moment où,
non loin de Pierre-Pertuis, la rivière tourne brusquement à
gauche pour arroser le val de Saint-Imier, le paysage change
peu à peu. Ce ne sont plus ni forêts épaisses, ni rochers sur-
plombants, ni collines aux pentes douces , ni ravins cachés et
solitaires. Bientôt le pays se découvre, l'horizon s'étend, de
longues plaines commencent et les accidents de terrain devien-
nent de plus en plus rares. La aussi la neige est tombée en
plus grande quantité et le froid y est plus vif. On se trouve
déjà à plus de 3000 pieds au-dessus de la mer.
84
C'est à l'exlrémilé d'une de ces plaines, bornée an couchant
par une petite colline boisée, qu'est assise l'antique abbaye de
Bellelay, dont le triste état el les pauvres ruines cadrent bien
avec une mélancolique nature. A gauche, sur le prolongement
de la colline , on aperçoit un village aux blanches maisons
dont les toits reluisent au soleil. Placé ainsi sur la hauteur, il
semble défendre l'entrée de son petit vallon. Ce village s'ap-
pelle les Genevez.
Il y a déjà plusieurs années que des auteurs neuchâtelois,
MM. de Monlmollin ' et de Chambrier", entre autres, ont re-
cherché quelle pouvait être l'origine de deux villages de même
nom, quoique d'orthographe différente, les Hauls-Geneveys elles
Geneveys-sur-Coffrane situés au-dessus de Neuchâtel. Ils se
basent tous sur une tradition regardée parles uns comme vraie,
par les autres comme apocryphe , et assignent à ces localités
en termes plus ou moins affirmatifs une origme genevoise. Un
seul auteur genevois, M. Pictet de Sergy, a consacré aux Ge-
neveys de Neuchâtel un chapitre dans lequel il n'a fait que re-
produire les diverses données des écrivains cités plus haut,
sans chercher davantage a élucider la question.
A l'éstard des Genevez du Jura Bernois, M. Aususte Matile
ajoute ' : « Non loin de Bellelay est la commune de Genevez
« dont les habitants s'attribuent la même origine. » Guidé par
cette indication, M. Moratel, chargé de revoir le dictionnaire
de la Suisse de Liitz traduit par Leresche *, a inséré , à son
article les Genevez^ les lignes qui suivent : « Les Genevez
« [Berne, Moûtiers] village paroissial au milieu d'une contrée
« boisée et un peu sauvage; ses chalets donnent cependant
« des produits qui rentrent dans les meilleurs du Jura, et l'on
' Mémoires sur le comté de Neuchâtel, II, p. 143.
* Histoire de Neuchâtel et Valengin , p. 65.
^ Histoire de la seigneurie de Valengin, p. 40.
* Dictionnaire géographique et statistique de la Suisse, par Marc Liitz, tra-
duit par Leresche, revu par J.-L. Moratel. Lausanne, 1859.
85
« y fabrique en partie les savoureux fromages de Bellelay.
« Cet endroit a aussi été fondé par des colons genevois émigrés
« en 1291 pour fuir la guerre et l'incendie. — 665 habitanls.
« — AU. f. près de l'église,: 3550 p. »
L'affirmation est claire, et le doute ne semble plus permis.
Si donc nous avons là des colonies genevoises, pourquoi n'en
a-t-on point étudié l'établissement et le développement? Mais
si Genève et les localités précitées n'ont d'autre rapport que la
ressemblance des noms, comment des écrivains sérieux peu-
vent-ils avancer des faits aussi problématiques?
Il m'a paru intéressant d'examiner la valeur de ces asser-
tions, et j'ai recherché d'abord s'il n'y aurait point dans le
Jura, et dans le reste de la Suisse, d'autres lieux qui eussent
un rapport de nom avec ceux qui nous occupent. Il en existe,
en effet, un certain nombre que j'ai classés en deux catégo-
ries, bien distinctes à mon avis : dans la première, le v est
avant l'n, dans la seconde, \'n est avant le v. Voici le tableau
de ces noms, d'après la carte du général Dufour.
JURA bernois
PiEUCBATEL
FRIBOIJRG
VAllD
6 villages du
nom de Cha-
SAVOIE
3 villages du
nom de Cha-
FRANCE
1
Chavanues
Cheveney
5 villages du
nom de Ciia-
les Chavan-
nes
vaunes
vanues
Chavornay
vanues
Chavanex
Chavan
Chavauaz
Chevênoz
Cheviguez
II
les Genevez
les Hauls-
Geneveys
Geneveys-sur-
Coffraue
es Genièvres
es Geneivroz
au Genevret
eu Geuevrel
Chenauvaz ;
Excéneveï
Genévriers
Echénevex
Chenevrottes
Dans la première catégorie, je crois que les noms de Che-
veney, Chavanex, Chavan, Chavanaz, Chevênoz et Chevignez
86
doivent être des modifications peu importantes du nom de
Chavannes, assez répandu dans la Suisse. Or Chavannes venant
de Chavarma, qui dans le latin du moyen âge signifiait cabanne^
tous ces noms ne peuvent avoir de parenté avec la ville de Ge-
nève. — Dans la seconde catégorie, les hameaux de Echénc-
vex^ près de Gex, Excenevex (es cenevex), près de Thonon,
et Cfienauvaz, dans le canton de Fribourg, désignent apparem-
ment des lieux plantés de chanvre (chénevô, patois de Gex, et
tzenévo, patois de Fribourg, signifient chanvre). Quant aux
noms de Genevret, Genièvres, Geneivroz et Genévriers, il est
probable qu'on a voulu aussi indiquer par là des lieux plantés
de genévriers.
Il ne reste plus maintenant que les noms de : Genève, les
Hauts-Geneveys, les Geneveys-sur-Coffrane ' et les Gene-
vez. Ces noms ne diffèrent entre eux que par une minime va-
riation d'orthographe qui disparaîtra même à l'œil en l'exami-
nant de plus près. En effet, les habitants de la ville de Genève
sont nommés dans la chanson de l'Escalade de 1602, écrite
en patois', les Genevoi, qu'on prononçait les Genevai. Or le
son ay s'écrivait au moyen âge de plus de vingt manières dif-
férentes, dont je ne donnerai que les principales : ai, ais, aix,
ay ; ei, eix, eiz, et, ets, ex, eys, es, ez ; oi, ois, oy, oix; etc.
Ainsi les trois noms de les Genevoi, les Geneveys et les Genevez
se prononçaient tous de la même manière, et signifiaient les
habitants de Genève.
Or, quelque étymologie que l'on donne a la ville de Genève,
on ne peut méconnaître que sa position au bord de l'eau ait
dû concourir a la formation de son nom^ Les villes de Gênes,
(Genua ou Genva), d'Orléans (Genabum), de Genappe en Bel-
gique, et autres, situées sur une côte de la mer ou près d'une
' Il y avait autrefois un autre village, maintenant disparu, les Geneveys
sur-Saint-iVlartin.
* Chansons de l'Escalade. Genève, 1845.
87
rivière, en sont des preuves '. Les Geneveys de Neuchâlel et
les Genevez du Jura bernois n'ont de rapport avec Genève que
leur situation commune sur une hauteur. Ils n'ont ni lac bleu
ni Rhône limpide. Ils ne furent point dès les temps anciens un
lieu de passage très-fréquenté. D'ailleurs, la fondation de ces
établissements est incontestablement beaucoup plus moderne
que celle de Genève, puisqu'elle ne doit pas remonter avant le
13™® siècle de notre ère.
D'autre part, notre histoire de Genève offre dans les 12™'',
13™® et 14™*' siècles des luttes sans cesse renouvelées entre les
comtes de Savoie et les seigneurs des contrées avoisinantes.
Il suffit de jeter les yeux sur la chronique de Paradin pour se
convaincre, par la lecture de maints passages, que les habi-
tants toujours exposés à voir leurs récoltes ruinées, leurs fonds
de terre saccagés, leurs maisons rasées, aimaient mieux cou-
rir les chances de l'exil que de vivre dans des craintes conti-
nuelles ^
Je ne prétends point, dans les développements qui vont sui-
vre, résoudre la question et déclarer les Genevez de Berne, co-
lonie genevoise. Mon désir est d'attirer l'attention sur cette
' Eau se dit en latin iujva, en romanche ava, en valaque apa, dans quel-
ques patois de la Savoie, aw', ou eue, en patois de Fribonig, ivûe, en cel-
tique, ewe ou eve. Notre porte du lac s'appelait porïa aqvai-kt. nom qui, tra-
duit en français, donna porte d'Yvoire. Nous avons près de nous, en Savoie,
au bord du lac, Yvoire et Évian {Aguaria et Aguianum), Evires et Mégève
(Aquaria et Media Aqua).
* Je n'en citerai qu'un exemple, ch. xlvi, p. 229, après avoir décrit la
victoire d'Edouard de Savoie, à la Coste Saint-André, l'auteur ajoute : « Les
« Savoisiens, qui avoient esté les plus forts faisoient maux et dommages
« innombrables au pais du Dauphiné : et les Dauphinois à leur endroit fai-
« soient courses incessamment et le pais exiloient partout oii ils se rencon-
« troient, à l'occasion de quoy fut en bien peu de temps tout le pais des vus
« et des autres rédigé à grande pourcté, parce n'estant des plus fertiles,
« encores estoit perdu ce qui y pourroit estre produit ou ensemencé, à cause
« de ceste guerre continue qui empeschoit les labourages des champs. Dont
c estoient contrains grand nombre d'habitans quitter leurs maisons, pour
« trouver autre demeurance. »
88
partie de notre histoire, dans l'espoir que quelque nouveau
document ou des recherches ultérieures, faites par une main
plus habile, pourront nous dire si nous devons aimer, dans les
anciens colons de l'Évêché de Bàle, non pas seulement des
confédérés, mais aussi des frères issus du même sang *.
LES GENEVEZ DE L'ANCIEN ÊVÈCHË DE BALE
Les Monuments d'histoire de l'ancien Evêché de Bàle de M.
Trouillal renferment trois chartes relatives à l'admission d'é-
trangers sur les terres de l'abbaye de Bellelay. L'une, de l'an-
née 1307, est tirée du cartulaire de Bellelay, les deux autres
des années 1284 et 1331 sont dues aux archives de l'ancien
Évêché de Bâle.
Voici les principaux passages de la première de ces chartes,
datée du 26 février 1284 (Pièces justificatives n** 1):
a Nous, père Henri, par la miséricorde divine évêque de
^< Bâle, désirons que l'on sache que nous.... avons jugé bon
« d'accorder à l'abbé et au monastère de Bellelay la faveur
« suivante : nous maintiendrons et protégerons en toute fidé-
« lité les étrangers qu'ils ont établis sur leurs limites ou
« terres (homines alienigenas, quos habitatores terminorum
ce seu locorum suorum fecerint, posuerint, seu constituerint).
« Nous les exemptons de toute espèce de servitude (ipsos
« eximimus ab omni génère servitutis). Toutefois chaque fa-
« mille de ces étrangers, habitant dans ces limites, nous
« sera redevable, chaque année, en signe de notre protection,
' J'ai ;i remercier tout particulièrement MM. l'archiviste Kohler, de Por-
rentruy; A. Quiquerez, de Délémont; Mandelert, de Bellelay; J.-L. Gigandet,
Voirol, maire, Voirol, juge, des Geneveys, pour l'obligeance qu'ils ont mise
à m' envoyer des documents. Feu M. Trouillat, enlevé à ses amis par une
mort prématurée, m'avait également donné d'utiles renseignements.
89
« d'un chapon et d'une hémine d'avoine, mesure du monastère
« de Grand val, etc. ' »
Ladeuxièmecharle,donnéeaBâlele 3juillet 1307 parOlhon,
évêque de Bâie, renferme quelques erreurs d'orthographe com-
mises par le copiste, telles que syllabes oubliées, mots estro-
piés. Elle ne diffère de la première que par deux changements,
dont le premier me paraît insignifiant et pourrait aussi pro-
venir d'une erreur de plume : 1° au lieu de habitalores termi-
norum seu locorum suorum, on trouve écrit : habitatores ter-
rarum seu locorum suorum ; 2" avant la signature de la charte,
cette phrase a été ajoutée : « les droits des églises paroissiales
« demeurant toujours intacts en toutes choses {ecclesiarum
« parrochialium jure in omnibus semper salvo ^ » (Pièces
justilicat. n° 2).
Dans la troisième charte, du 16 juillet 1331, il est dit : que
l'abbé du monastère de Bellelay a humblement prié l'évéque
de BâIe de recevoir sous sa protection quelques hommes, sur-
venant des pays étrangers, et désirant prolonger leur séjour
dans les terres et propriétés du couvent de Bellelay; que l'é-
véque de BâIe a accédé à cette demande, aussi longtemps que
ces hommes s'arrêteront dans les terres et propriétés de ce
monastère ; que chacun d'eux est soumis au cens, et que ce
cens doit consister en un sou, monnaie de Bâle, etc.^ (Pièces
juslificat. n" 4).
En comparant ces trois chartes, on reconnaît entre les deux
premières et la dernière de profondes différences. Dans celles-
là, le monastère de Bellelay reçoit sur son territoire des co-
lons qu'il déclare libres de toute espèce de servitude. Dans la
• Trouillat, Monuments d'histoire de l'ancien Evêché de Bâle, tome ^,
p. 390, n» 298.
" Trouillat, Munuinents d'histoire de t'ancien Evêché de Bâte, tome Ilf,
p. 115, n" GO.
^ Trouillat, Monuments d'histoire de l'ancien Evêché de Bâle, tome lil,
p. 418, no 257.
90
dernière, il est bien spécifié que les nouveaux habitants paye-
ront chaque année un tribut. En lâS'i- et en 1307, on reçoit
des familles, en 1351 on reçoit des individus. Ces familles sont
établies sur le territoire de l'abbaye, tandis que les colons
isolés habitent sur les propriétés appartenant à Bellelay. La
simple indication de familles libres nous montre déjà que nous
devons rejeter la charte de 1331 comme ne pouvant s'appli-
quer à des habitants venus des terres de Genève. On sait en
effet que l'exemption de tout servage était le privilège du ci-
toyen libre, et Genève était déjà considérée comme une ville
libre.
Au reste, si l'on examine de plus près le document de 1331 ,
on reconnaîtra sans peine « que ces hommes venus de con-
trées étrangères » et qui ne reçoivent l'hospitalité « qu'aussi
longtemps qu'ils s'arrêteront sur les terres et propriétés du mo-
nastère » ne peuvent concerner le cas qui nous occupe. Cette
émigration n'a pas le caractère d'une colonie permanente. Je
rapprocherais plutôt celte charte des données de Paradin,
transcrites plus haut, qui, à la date de l'année 1323, signale
le « grand nombre d'habitants contrains quitter leurs maisons,
u pour trouver autre demeurance. » Â. ces paroles semblent
correspondre les termes de notre charte « que l'évêque daigne
»' recevoir ces hommes sous sa protection, pour leur paix et
« pour leur défense. »
Restent les chartes de 1284 et de 1307. Nous avons vu
que cette dernière possède de plus que la première la stipula-
tion que « les droits des églises paroissiales demeureront intacts
M en toutes choses. » Cette déclaration me semble significative.
On pourrait croire que les premiers colons ayant manifesté
certaines intentions spoliatrices, cette clause a été ajoutée lors
de l'arrivée de nouveaux étrangers pour maintenir vis-à-vis
d'eux, d'une manière définitive, les droits des églises paroissia-
les. Mais alors pourquoi ne pas avoir promulgué une autre
charte dans l'intervalle des années 1284 à 1307, aux fins de
91
déterminer les droits de chacun? Avant de poursuivre l'exa-
men de ce point, il est bon d'avoir une idée exacte des
lieux.
L'abbaye de Bellelay avait été fondée Tan 1156, par Sigi-
nand, prévôt de Moûtiers-Grandval, h la suite d'un vœu qu'il
aurait fait à saint Augustin. « S'étanl égaré dans la forêt, dit
« la chronique, il se trouva soudain en face d'une laie, et
« plein d'admiration pour la grandeur de cet animal , il s'é-
n cria dans l'idiome du pays : 0 la belle laie ' ! » El c'est
ainsi que l'abbaye de Bellelay obtint son nom. Rien n'est plus
fréquent que ces étymologies données dans le moyen âge à
toute localité ou à tout établissement dont l'origine était peu
connue. Elles ont leurs sources dans les temps les plus an-
ciens de Rome et de la Grèce : le merveilleux a toujours été
pour l'imagination de l'homme ce que le pain est pour son
corps. L'an 1141, le pape Innocent lï accorda des privilèges
à la nouvelle abbaye ", et la possession de plusieurs vallées
et paroisses, entre autres la vallée Rouge dans laquelle elle
était située '". Ainsi, dans cette charte, non plus que dans la
suivante de 1 181 '*, il n'est point fait mention du nom de pa-
roisse de la Madeleine, nom plus moderne de la vallée Rouge,
ni des Genevez dont ce village faisait partie. Cela donnerait à
supposer que cette vallée était déserte lors de l'établissement de
Bellelay. Mais la tradition locale déclare positivement que déjà
auparavant il existait dans la combe au-dessus de laquelle s'é-
• Sacri et canonici ordinis Prœmonstratensis unnaks , tome I, p. 269.
iNancy, 1734.
' Trouillat, Monuments, etc., tome l, p. 390. — Sacri et canonici ordinis
Prœmonstratensis annales, tome I, p. 270.
' « Ruscam vallem cum appenditiis suis. » TvowWal, Monnments, etc., I,
p. 390. — Ce nom vient d'un ruisseau, la Rouge-Eau, qui prend sa source
dans les tourbières, près de Bellelay, et va se perdre dans le même voisi-
nage. (Bellelay, par P. Mandelert. Porrenlruy, 1859.)
♦ « Locum ipsum in quo prefata ecclesia sitaest, cum omnibus perlinentiis
suis. » Trouillat, ! , p. 38.5.
92
levèrent les Genevez, une petite église du nomdeSainle-Marie-
Madeleine, ou simplement la Madeleine, dont la collature fut
donnée à Bellelay '.
Quoi qu'il en soit, dans le 13™^ et au commencement du
14me siècle, cette église s'appelait l'église paroissiale de la
Madeleine. Un petit village s'était formé autour d'elle et avait
reçu le nom de Lajoux. On comprend que si les habitants de
cette petite paroisse furent appelés à recevoir des familles du
dehors, ils ne purent leur assigner des terres que sur la hau-
teur qui les dominait, (^elle éminence était comprise dans le
territoire de Bellelay, inlra limites Bellelagiensis territorii, et
c'est dans cet endroit même qu'est assis le village des Gene-
vez ^. Ces étrangers durent être considérés comme relevant
du village de Lajoux-Sainte-Marie-Madeleine, puisqu'ils n'eu-
rent pas d'église dans l'origine. Toutefois , comme garantie
vis-à-vis des nouveaux venus, on comprend qu'on ait eu soin
d'ajouter à la charte de 1307 la clause déjà précitée au sujet
des droits des églises paroissiales, dans la crainte qu'ils ne fus-
sent attaqués par les colons.
Une nouvelle charte du 11 juillet suivit presque immédia-
tement celle du 3 juillet 1307 (Pièces justificat. n" 5) :
« Nous, Othon, par la grâce de Dieu... évêque de Bâle,
« avons été requis par l'abbé de Bellelay — de déclarer à
« qui doit appartenir de droit la perception des décimes no-
te vales. Après avoir reçu l'avis des experts, nous disons
« et déclarons que la perception de ce genre de décimes no-
te vales appartient et doit appartenir de droit aux recteurs des
« églises paroissiales, seulement sur le territoire ou dans les
« limites desquelles ces navales sont reconnues être établies ^. »
Il s'agissait donc de terres nouvellement défrichées, puis-
qu'on appelle navales les dîmes ecclésiastiques auxquelles sont
' Voir aussi l'rœmoustr. onlinia annale}!, I, p. lili).
- Prœtn. nunales, p. 278.
^ Trouillal, Monuments, etc., III, p. 116, n" 61.
93
soumis ces sortes de terrains. Ces terres se trouvaient sur le
territoire d'une église paroissiale, comme les Genevez sont dans
la paroisse de la Madeleine. Maintenant s'agit-il ici de la Ma-
deleine, et n'y a-t-il pas une autre paroisse dans les limites de
Bellelay qui aurait reçu des colons? Le territoire était petit, et
je ne crois pas qu'une autre colonie s'y soit réfugiée. Toutefois,
comme mes recherches peuvent me tromper, c'est aux explo-
rateurs de l'histoire de l'ancien Évéché de Bâle qu'il appartient
de trancher ici le nœud gordien.
Supposons que la colonie dont il s'agit est bien celle des
Genevez, d'où ce nom lui est-il venu?
A Genève, l'année 1284 marquait la fin d'une période re-
lativement tranquille. Si l'orage grondait entre le comte de
Genevois et le comte de Savoie, il n'y avait encore ni guerres,
ni pillages, ni incendies. Aucun motif ne pouvait déterminer
une partie des Genevois à chercher protection hors des murs
de leur ville. Mais dès l'année 1285, on voit se former dans
Genève les trois partis de l'évéque, du comte de Genevois et
du comte de Savoie, qui devaient attirer tant de maux à
notre patrie, et les agressions armées ne lardent pas à com-
mencer.
En 1307, on était au fort des hostilités : « Les divers partis,
« dit M. Mallet, dans ses études sur l'épiscopat d'Aimon du
« Quart ', qui se disputaient le pouvoir à Genève et dans les
'< contrées dont celte ville était le centre naturel avaient
(( fini par se réunir en deux principaux, celui de Savoie, et
« celui de Genevois. Au parti de Savoie se rattachait une par-
« lie notable de la population de Genève, ceux qui avaient ré-
« labli la commune et tout spécialement ceux qui s'étaient faits
« les hommes d'Amédée V. Au parti de Genevois et de Fau-
« cigny, appuyé plus au dehors par le dauphin et le sire de
' Mémoires el documents de la Société d'histoire et d'archéologie, t. IX,
p. 148.
94
« Châlons, se ralliaient au dedans Tévêque, la majeure partie
« du clergé, el la partie de la population laïque qui était de-
« meurée attachée aux vieilles traditions. »
« L'an 1307 de la naissance du Seigneur, dit le Fasciculus
« temporis *, le mardi G du mois de juin, à la fête de sainl-
« Claude, entrèrent à Genève le comte de Genevois et le sire
« Hugues Dauphin seigneur de Faucigny avec leurs troupes
« de cavaliers et de fantassins, par devers la porte d'Yvoire ',
« par la trahison d'Âimon de Saint-Germain, de iMermel Be-
« noit, de Girod et Ami David, d'Olthonet Vidonne, de Mi-
c( chel de Duliz, notaire, de Guillermin Verdin. de Jaqueraei
i« Medici et de Péronet Bosselet. Ce Jaqueraet Medici et ce
« Péronet Bosselet, qui avec leurs complices avaient causé la
« révolte de la ville, furent pendus sur le plateau de Champez.
« Les autres complices susnommés s'échappèrent, leurs biens
« furent dispersés et leurs maisons détruites par les citoyens
« genevois. Le jour même, a 6 heures du matin, les ennemis
« furent repoussés de la ville par les citoyens, à savoir, par
a Guy Tavel, Guy de Saint-Apres, Vincent Trombert, Péris-
« sod de Bourdigny, les de Prévessin, les Berthier, et les
« de Postella avec d'autres citoyens. Et l'on tua d'entre les
« dits ennemis près de la porte d'Yvoire 132 hommes tant
«' nobles que roturiers, et on en prit environ 300 et plus :
« quant aux autres ennemis qui survécurent, iis furent brave-
« ment chassés de la ville par les dits citoyens qui avaient
« garni par prudence les tours de l'église de Saint-Pierre, la
« place qui est devant cette église, et celle du Perron d'un
« nombre de troupes suffisant. »
Ces événements se passaient le 6 juin 1307, et la charte de
Bellelay, que je rattache à cette période d'agitation, est du 3
juillet de la même année.
* Mémoires de la Société, etc., t. IX, p. 301.
* Ancienne porte du lac, située à l'extrémité de la place de Longemalie.
95
Le 23 octobre 1308, les comtes de Savoie et de Genevois
firent une amnistie pour tous les bannis de Genève * , mais cette
proclamation venait plus d'un an après l'exil, et si quelques
Genevois avaient trouvé dans une vallée retirée le calme, le
repos et peut-être le bien-être, il n'est pas étonnant qu'ils aient
préféré conserver leur nouvelle patrie. Ils ne pouvaient d'ail-
leurs rentrer dans Genève qu'à certaines conditions assez hu-
miliantes * .
Quoi qu'il en soit de l'origine des Genevez et de la date de
leur établissement, il est évident que ce lieu fut défriché dans
le 14™^ siècle par un certain nombre de familles ou d'habi-
tants. On leur donna le nom de Genevézats dans le patois du
pays, Genevesani ou Genevesiani en latin ^.
Quels étaient les noms de ces familles ? Je n'ai pu trouver
aucun document qui fit mention des Genevézats, avant l'année
1381. A cette date vivait aux Genevez le maire Nijcols.
En 1432, on trouve aux Genevez un Parusson ou Pa-
russod, en 1445 un Henri Flajeolat^ d'où le nom d'une terre
des Genevez appelée pré Flajeolat (Flerjeollat, Ferjeollat,
ClercjeoUat, et enfin contracté en Précéjeollat). Une autre
terre porte le nom de pré Maillard^ du nom d'une ancienne
famille des Genevez, dont on m'a dit que l'acte d'établissement
dans ce village est de l'an 1300 environ. Mais cet acte n'est
*5^
• Nous, Amédée. comte de Savoie, et Guillaume, comte de Genève, ayant
conclu la paix entre nous, décidons que les citoyens genevois bannis (foris-
suti) reprendront les biens qu'ils possèdent et doivent posséder auprès de
Genève et sur le territoire de Genève. {Mémoires, etc., IX, p. 260.)
2 Ils ne rentreront pas dans la ville avant d'avoir donné satisfaction et
d'avoir promis par serment qu'ils ne feront du tort ni au comte de Savoie,
ni à ses gens, ni aux citoyens et liabitants de Genève. (Mémoires, IX, p. 260.)
— Voir aussi p. 258 et 259 du même volume.
' Dans l'acte qui donne ce nom en latin, on avait d'abord écrit Genevesani,
ce qui correspondait parfaitement à l'ancienne dénomination de Geneveysans,
donnée en ces temps aux Genevois. Postérieurement, il a été intercalé un i
entre l's et l'a. Au reste, rien n'est plus variable que l'orthographe de ces
actes. (Pièces justif., n" 5.)
96
plus au Genevez. Dans un acte de 1531, il est fait mention de
la « villa Maillard » depuis lors uac/tenes Maillard. On y parle
aussi « d'une terre du temps passé tenue et possédée par Jean
« Burqud des Genevez » d'une terre Jeannena^ d'une terre
nommée d'ancienneté la terre Jean Monier^ d'une terre Mo-
nicod, enfin d'une terre Jourdain ou plutôt Jordan.
La même année les Vairoulz ou Vaurouz (depuis Varouz^
Varol et définitivement Voirai) prennent en fief de l'abbé
de Bellelay, sans qu'il y soit « contrainct , séduit ne barraté
« par aucunement, par fraude, par annulation ou autrement
(( induement, mais étant bien avisé et cerlioré, » une terre
assez considérable située aux Genevez et connue sous le nom
de terre à la pidance *. Cette vente prouve que les Voirol sont
plus anciens aux Genevez que ne pourraient le faire croire les
notes d'un Voirol du commencement de ce siècle, qui dit : « La
« famille des Voirol existe dans la commune des Genevez depuis
(i 1500 et prend son origine, d'après la tradition, de la Savoie,
« par un Louis Voirol ou Varol ^. «En effet si ce Voirol est venu
en 1500, il y est venu en fugitif, et comment ses fils auraient-
ils pu, dès 1531, prendre en fief une grande partie des Gene-
vez « pour la rente annuelle et perpétuelle de trante et deux
« soulx six deniers monnaie basloise et un chappon que les
« dits frères retenants ou leurs hoirs sont et sçaront attenus
« de payer et supporter un chacun an ^ ? » Il est bon de
noter ici le lieu d'origine qui leur est assigné, la Savoie.
Ainsi les plus anciens noms des familles des Genevez se-
raient : Burqud, Nycols, Flajeolat, Maillard, Parusson, Jean-
nena, Monier, Monicod, Jordan, Vauroulz.
Dans la liste des 73 citoyens qui font a. Genève, en 1290, un
accord avec l'évêque Guillaume pour la translation d'un marché
* La pidance était la portion de terre dont les chanoines se partageaient
le revenu et qui consistait en général en légumes.
- Chronologie de la branche des Voirol dits Greffiers (manuscrite).
5 Lettre féodale de la pidance de Bellelay (manuscrite).
97
ail Bourg-de-Four *, on cite un Farjollel -, \m Jofianmnus ^el
un Johannod, un Ferroux, en 1382 un Willelmns Manigot,
et dans une charte de 1309, un Jordan, deux Nycholaus
et trois Mugnier. En 1364 apparaît un Burgu^ maître des
monnaies, en 1365 un Vaurruz (qui se rapproche plus de
Vauroulz que Ferroux *), en 1428 un Mogner. Enfin dans la
seconde moitié du quinzième siècle, les Maillard ^ sont déjà
nommés citoyens de Genève. Les Perussod sont déjà cités en
1290 et plus tard, mais il est difficile, ainsi que pour les Jor-
dan etlesNycolas, de distinguer toujours s'il s'agit de prénoms
ou de noms de famille. Bailleurs les Jordan se retrouvent dans
tout le bassin du Léman. Il n'est pas étonnant que la plupart
de ces noms ne figurent point dans les actes avant 1364, car
il est à présumer que si une émigration a eu lieu dans les con-
ditions de pillages et de guerres que j'ai énoncées, la classe
peu fortunée devait y être surtout représentée. Les émigrés
étaient ou de simples habitants de Genève ou des citoyens non
marquants, et qui n'étaient pas appelés comme témoins dans
les transactions entre les comtes de Savoie et les évêques.
Suivant la loi des choses humaines , telle famille qui ne joue
pas de rôle à un moment donné a cause de la faiblesse de ses
ressources, compte 50 ou 400 ans plus tard des membres
dans les premières fonctions de l'État. Au reste, le nombre des
familles arrivées aux Genevez à l'origine fut probablement res-
treint. La colonie en effet ne joue aucun rôle jusqu'en 1381 :
' Mém. et doc, l, 2™* partie, p. 121.
- En 1262, on trouve également une Perréte Fariolet inscrite dans les
actes (Mém. et doc, tome XIV, p. 56, n" 69).
'- Ce nom se retrouve déjà en 1276 (Mém. XIV, p. 406, n» 352).
^ Peut-être ces Vaurruz, qu'on retrouve plus tard à Genève sous le nom
de Vuarouz, avaient-ils quelque rapport avec la noble famille des Varro, qui
joua un grand rôle à Genève.
* En 1293, il existait à Genève un Guy Maniard. — Les Maillard de Ge-
nève étaient nobles et donnèrent plusieurs syndics à notre ville, ainsi que
les Mugnier et les Johannod.
T, XV. V^ part. 1
98
nouveaux venus, les habitants se sentent heureux de couler
leurs jours en paix, retirés dans leurs montagnes et vivant du
produit de leurs troupeaux.
Le 18 juin 1381, les Genevézats apparaissent pour la pre-
mière fois sur la scène de l'histoire : ils ont une contestation
avec l'abbé de Bellelay : ils prétendent qu'ils peuvent chasser
leur bétail sur les pâturages de l'abbaye; l'abbaye contestece droit
et soutient qu'ils ne peuvent faire pâturer au delà de certaines
limites sans le consentement de l'abbé et du couvent de Bel-
lelay. Telle est la substance de la charte, donnée par M. Trouil-
lat ' . J'ai fait des démarches auprès de M. l'archiviste de Porren-
truy, dans le but d'obtenir la copie de cette charte, mais ses
nombreuses occupations l'ont empêché jusqu'à ce jour de sa-
tisfaire à ce désir. Je crois que la connaissance de ce docu-
ment jetterait du jour sur la position respective de l'abbé et
des Genevézats, les uns à l'égard des autres.
M. Trouillat leur donne déjà le nom de commune des Ge-
nevez, ce qui est une nouvelle preuve que la colonie dut être
libre dès son établissement. En 1410, le nom des Genevez est
définitivement ajouté à celui de la Madeleine "", et l'église s'ap-
pelle : Eglise de Sainte-Marie- Madeleine des Genevez. ïl semble
même que déjà dans la seconde moitié de ce même siècle, on
n'appelle plus l'église que sous le nom de : Eglise des Gene-
vez '. Ce fut vers ce temps-là que quelques habitants de
Lajoux-Sainte-Marie-Madeleine allèrent fonder un martinet de
l'autre côté de la colline. Le martinet s'arrondit et devint un
village qu'on appela Lajoux-Martinet (en patois Mertenat) *.
* Trouillat, Monuments, t. IV, p. 768.
* Acte communiqué par M. A. Quiquerez, de Délémont.
' Cependant, dans le Liber Marcarum de Bâle de l'an 1444, on y fait meu-
tion de la paroisse de la Madeleine.
* M. A. Quiquerez croit qu'il y avait aussi à Lajoux-Madeleine une famille
du nom de Mertenat, qui aurait donné son nom au nouveau village. J'ai
constaté aussi parmi les anciens noms des Hauts-Geneveys de Neuchâtelque
m'a donné M. le maire de ce village, une famille Martenat ; cela m'a paru un
99
Les habitants continuèrent comme ceux des Genevez a se ren-
dre le dimanche dans la vallée, à l'église de la Madeleine, pour
y prendre part au culte, et à Bellelay, lors des grandes so-
lennités.
Les Genevez voyaient accroître leur population. Une famille
surtout, les Voirol, était devenue si considérable qu'elle s'était
partagée en plusieurs branches dont chacune avait son surnom.
On comptait les Gautier-Yoirol , les Grégoire-Voirol jeunes,
les Grégoire-Voirol vieux, les Voirol-Greffier et les Voirol-
Pelletier. Il semble que l'esprit de la chicane caractérise quel-
que peu cette gens genevézate, a en juger du moins par les
actes que j'ai pu consulter. Les plaidoyers, les discussions, les
procès abondent, et une des parties est presque toujours un
Voirol ; quelquefois même un Voirol plaide contre un Voirol.
Au reste cela se comprend, puisqu'ils étaient les plus riches et
les plus influents. De nos jours sur 613 habitants que comp-
tent les Genevez, les Voirol sont au nombre de 1 57 : ils for-
ment donc plus du quart de la population.
Vers l'an 1600, la peste lit des ravages dans les bas-fonds,
et les habitants de Lajoux-Madeleine montèrent les uns aux
Genevez, les autres à Lajoux-Martinet. Seule l'église demeura
debout, et le service y fut continué. Mais en 1619 elle fut
abandonnée ou démolie, peut-être par suite de sa vétusté ou
parce qu'il n'y avait plus de motifs de la laisser au fond de la
vallée. Il y eut alors, au sujet de la reconstruction de l'église,
de strandes discussions entre les habitants des Genevez et ceux
de Lajoux-Martinet (désormais appelé simplement La Joux).
Ce dernier village en efTet, comme descendant directement de
Lajoux-Madeleine, avait ses droits a l'église, droits plus réels
peut-être que ceux des Genevézats, dont une partie seulement
venait de l'ancien village. Les habilants de La Joux deman-
'o^
rapprochement curieux : toutefois, je n'ai pas remarqué qu'il y ait eu à Ge-
nève un nom de cette consonnance.
100
daienl qu'on bâtit la nouvelle église à égale distance des deux
villages. Mais les Genevézats n'y voulurent point consentir : le
plus faible dut céder, et bientôt une belle église domina les
hauteurs des Genevez. Les frais furent partagés entre l'abbé
de Beilelay, La Joux et les Genevez : la Madeleine apporta
aussi son contingent en donnant les vitraux, le catafalque por-
tant la dale de 1562, et la croix en bois doré. Dans l'église
on remarque à droite et à gauche deux tableaux principaux.
L'un représente un châtelain et une châtelaine des environs
protégés dans un incendie par sainte Claire entourée de ses
anges. L'autre est destiné à conserver la mémoiie du Concile
de Constance où l'évêque de Beilelay Henri III avait obtenu le
4 mai 1414 de l'empereur Sigismond la protection impériale
pour l'abbaye, et du pape la mitre et la crosse pour lui-même.
Il est représenté sur le devant du tableau au premier rang en-
tre le pape et le cardinal. Enfin on admire la magnifique châsse
de sainte Claire envoyée de Rome : elle courut un grand dan-
ger dans je ne sais quelle occasion, et fut sauvée de sa des-
truction par un Voirol. A droite de l'autel est une pierre en
molasse encastrée dans le mur, avec l'écusson de l'abbé Da-
vid Juillerat sous le règne duquel l'église fut bâtie. On y Ht
une inscription latine dont le sens est :
A la gloire de Dieu très-bon, très-grand et en l'honneur de la bien-
heureuse Marie-Madeleine, cet édifice sacré a été élevé par les soins,
le zèle, la vigilance et les dons en argent du Révérend Père et Seigneur
David abbé de Beilelay, l'an de grâce M.DC.XIXV
Du village de Lajoux-Sainle-Marie-Madeleine il ne reste
plus que le nom de p,n "-^ de la Madeleine donné a son an-
' Hae Sacrae Aedes
Ad majorem Deiopt : Max : gloriam,
Honorem vero B. Marias Magdalenae
Cura, Studio, vigilantiâ ac magno expensarum juvamine
R. Patris ac Dni Davidis abbatis Bellelagise extruebantur
anno salutis M.DC.XIX
' Fin, vieux mot français, du latin finis, hmite, puis aussi pays, territoire.
101
cien territoire, celui de fontaine de Lajoux^ qui désigne une
source presque tarie, et le cimetière de la Madekine. Ce cime-
tière est encore entouré du vieux mur que les habitants avaient
élevé pour le préserver des profanations , lorsqu'ils avaient
abandonné le village. Plus tard, les Genevézats élevèrent au
centre une petite chapelle : ce furent les Voirol qui en firent
les fonds.
Les Genevézats ne reçurent point la réforme. La tradition
rapporte que Farel vers l'an 1530 vint jusque dans l'auberge
de Bellelay prêcher les nouvelles doctrines au moment où les
fidèles sortaient de l'église *, mais il fut obligé de se retirer.
Ou ajoute qu'il se rendit aux Genevez, accompagné d'un
certain nombre de nouveaux convertis de Tramelan, village du
val de Courlelary, à une lieue au-dessous. Mais aussitôt que
le bruit de son arrivée fut répandu, les femmes se réunirent
pour congédier les réformés. La rencontre eut lieu près d'un
gros hêtre. Il y eut là une fière bataille dans laquelle les Ge-
nevézates eurent le dessus, et les ennemis furent « rudement
paumés » selon l'énergique expression du temps. L'arbre près
duquel s'était passé ce remarquable fait d'armes reçut le nom
d'arbre des fous plumés. Il n'y a pas longtemps qu'on en voyait
encore le tronc. Néanmoins une branche des Voirol embrassa
la réforme et alla s'établir à Tavannes *.
Ainsi la réforme créa comme un cordon autour de ces deux
églises qui n'avaient pas voulu d'elle. L'abbé de Bellelay eut
des sujets réformés dans ses possessions, et parmi eux les ha-
bitants de ïavannes dont il avait toujours nommé le curé. Il
n'en continua pas moins à élire leurs pasteurs, avec lesquels
' Bellelay, par P. Mandelert, p. 30.
* C'est aussi vers cette époque que plusieurs familles actuellement exis-
tant aux Genevez, les Gigandet, les Rebetez, vinrent de l'étranger y fixer
leurs demeures. Les noms des autres familles du village se retrouvent dans
le reste de l'évêché: les Saucy, les Humair, les Villemain, ainsi que les Sé-
mon, les Riiff, les Berdat, les Renaud, qui se retrouvent aussi à Genève
dans le seizième siècle.
i02
les abbés furent toujours en très-bons termes. Le pasteur de
Tavannes avait sa place marquée à la fable de l'abbé, et il s'y
rendait de très-bonne grâce *. Les abbés de Bellelay ne se
départirent jamais de cette courtoisie avec les adhérents d'une
autre confession, dans un siècle où l'on n'en avait guère de
part et d'autre.
Ce refus des Genevézats de se convertir a la religion réfor-
mée explique peut-être la complète absence d'une tradition
locale relativement à une origine genevoise, à supposer que les
Genevez doivent se rattacher à l'histoire de notre ville. Ces
descendants d'hommes « demeurés attachés aux vieilles tra-
ditions " » n'auront point trouvé honorable , dans ces temps
de fanatisme religieux, de se dire parents d'hérétiques aussi
prononcés. Toutefois, il ne faut point oublier que les Voirol,
la seule famille qui puisse encore exister depuis les premiers
temps de la colonie, ont conservé comme Jnous l'avons vu la
tradition qu'elle venait de Savoie, tradition qui pouvait exister
aussi dans les autres familles actuellement éteintes '\
Qu'il me soit maintenant permis de comparer la ville de
Genève avec les Genevez. Nous ne prendrons point pour éta-
blir notre parallèle la Genève calviniste. On connaît en effet le
sceau tout particulier que lui imprima la réforme. Ce qui ca-
ractérisait notre ville dans le 14*"^ et le 15™^ siècle, c'était
le goût de l'indépendance, l'intelligence et un penchant pour
les plaisirs assez prononcé. Je ne donne ce qui va suivre non
point comme une preuve nouvelle dans mon sujet, mais à titre
de rapprochement curieux.
L'inlelligence. Il est avéré que le Genevézat a une réputation
' Bellelay, par P. Mandelert, p. 30.
* Mémoires, IX, p. 148.
' Les Genevez ont aussi une tradition dans le genre de celle de Bellelay,
mais les habitants eux-mêmes en rient. Jadis, il y aurait eu à Bellelay un
boucher allemand qui venait aux Genevez et qui disait : « Ché fous aborde
tes chénefex. » (Je vous apporte des jeunes veaux).
103
de sagacité et de conception facile que n'ont pas au même de-
gré les villages environnants. J'ai été surpris moi-même de
leur physionomie intelligente, de leur bon sens, de leur aisance
dans l'élocution , et de leur instruction relative : j'ai eu des
preuves de leur goût pour la lecture.
Les Genevézats se sont distingués surtout dans le domaine
de la théologie catholique. Dans le nécroîoge de Bellelay *,
nous trouvons: en 1615 le très-révérend père Gigandet, cha-
noine, en 1639 un autre Gigandet, frère convers, en 1719
le très-révérend père en Christ Jean-Georges Voirol , proto-
notaire apostolique dans la Champagne et la Bourgogne, vi-
caire-général et 38™^ abbé de Bellelay, en 1776 le très-révé-
rend père Godefried Jordan, circalor^ et juhilaeus ^, en 1792
l'admirable révérend père J.-M. dit Jean-Georges Voirol, cha-
noine, docteur et professeur en théologie, notaire apostolique
du pape , en 1827 le très-révérend père Grégoire Voirol, pro-
fesseur en théologie au collège de Porrentruy, et Etienne Re-
betez, chanoine.
On le voit, les Voirol sont ceux qui ont obtenu le plus de
distinctions. Une de leurs branches, les Voirol dits Greffier,
possède un arbre généalogique, dressé par un de ses membres.
On y compte plus de douze Voirol qui se distinguèrent de di-
verses manières.
Le premier est un Godefried Voirol « qui, devenu maire
* Necrologium Bellelagiense a C. Nicolet editum. Brimtrati MDCCCLIII.
* Le circator était une sorte d'inspecteur général des couvents. Sa charge
consistait à faire la ronde la nuit pour observer ce que faisaient les chanoi-
nes dans leurs cellules, et, pendant le jour, il devait veiller à ce qu'ils ne
manquassent point leurs services, noter toutes leurs négligences, défendre
les rires, les conversations et enfin donner lui-même l'exemple d'une vie ré-
gulière et d'une justice égale pour tous (L'ucange).
* Le juhilaeus était un religieux qui avait desservi une église pendant
cinquante ans (espace d'un jubilé de cinquante ans à un autre) ou qui avait as-
sisté aux offices le temps porté par les statuts capitulaires, en quelque sorte
un vétéran au service de l'Église [Biblioth. sacrée).
104
« de la Haule-Baroche (paroisse de la Madeleine), voulut aller
« de pair avec les Grands: il fit mauvais ménage et se ruina. Il
« possédait beaucoup de terres sur la commune des Genevez.
« Il fil force dettes en élevant ses enfants et après sa mort il
« fallut vendre une grande partie de ses biens * . » Parmi ses
enfants, au nombre de neuf, nous remarquerons : « Jean-Geor-
« ges Voirol, abbé, qui fil bâlir l'église et les tours ac-
« tuelles du couvent de Bellelay et le gratifia d'un beau jeu de
« cloches, » et Jean-Pierre Voirol qui fit ses éludes et partit
après la liquidation des biens de son père. « Il obtint en Al-
« lemagne l'élève de trois jeunes princes et il voyagea avec eux
« dans les divers pays de l'Europe. Après quoi, il revint avec
« une jolie fortune, fruit de ses économies. Il fut reçu licencié
« en droit à Besançon , puis notaire impérial a Wetziar (en
0 Prusse), ensuite il s'établit à l'auberge de Bellelay; enfin il
« fut nommé avocat de cour.... et finit par acheter des ter-
ce rains aux Genevez pour 800 livres bâioises ". » Il fut le
père de ce Pierre-Nicolas, dit Jean-Georges, qui reçut du pape
Clément XIV le titre de prolonotaire apostolique de sa Sain-
teté et dont on conserve précieusement le magnifique di-
plôme.
Il y a eu encore des Voirol médecins et lieutenants de po-
lice, probablement au tribunal de Moûliers-Grandval. On
compte aussi trois sœurs qui moururent en grande odeur de
sainteté dans le couvent des Visitandines de Soleure et dans
celui des Ursulines de Fribourg. Enfin, ai-je besoin de rappe-
ler ici les nombreux exploits de l'illustre général Théophile
Voirol, issu de la branche réformée de Tavannes? Né en 1781 ,
il s'enrôla dans l'armée française, gagna à Auslerlilz le grade
de lieutenant, obtint la croix d'honneur a léna, et fut succes-
sivement nommé capitaine, major, officier de la Légion d'hon-
neur et colonel. Il arrêta quelque temps les alliés à Nogent-
* Manuscrit de M. le juge Voirol.
' Manuscrit de M. le juge Voirol.
105
sur-Seine et leur fit subir des perles considérables. En Algé-
rie, son administration fut marquée par des services signalés.
Ce fut lui enfin qui fit acte d'un grand courage à la rentrée de
Napoléon à Strasbourg. De dignités en dignités, il parvint a celle
de pair de France '.
Mœurs des Genevêzats. De tout temps les Genevézats ont
aimé les amusements, les fêtes, la toilette. C'est pour ce mo-
tif qu'ils étaient mal vus des villages environnants. Au siècle
dernier, les habitants se faisaient remarquer par une grande
recherche dans leurs vêlements, a Ces Genevézats, disait l'abbé
« Monin de Bellelay, quand ils viennent au couvent, c'est en
« queues de perruque poudrées, en jabots festonnés, bandes
« de lards^ et souliers à boucles. » Les femmes portaient des
chaussures en velours, à hauts talons ; elles étaient toujours
mises à la dernière mode.
Les Genevézats ont cependant des qualités plus solides : ils
sont hospitaliers, loyaux, francs et fiers, comme il convient
a des citoyens libres. A l'époque de la révolution française, ils
firent d'abord partie de la république rauracienne. Mais lorsque
ce pays fut transformé en département français, les villages de
la Joux et des Genevez , et deux autres avec eux , obtinrent
d'être admis dans la neutralité helvétique. Mais cette demande
faillit leur coûter chei , les troupes françaises ayant fait irrup-
tion chez eux pour les contraindre à se réunir au Mont-Terrible.
Ils finirent par être incorporés à la France^.
Langue des Genevézats. Leur langue est le patois français,
mais il a de grandes différences avec les autres vallées du Jura.
Ainsi les enfants de Tramelan ne comprennent pas ceux des
* M. l'ancien conseiller d'Etat Le Fort a l'obligeance de me communiquer
comme singulière coïncidence que MM. Rossi, citoyen de Genève, et Voirol
ont reçu à la même date les lettres de grande naturalisation du roi Louis-
Philippe, le 8 août 1838. M. Voirol avait été nommé pair de France par or-
donnance royale du 1'"' novembre 1836.
- Abréyé de l'histoire et de la statistique du ci-devant évéché de Bdle, par
Charles-Ferd. Morel. Strasbourg, 1813.
t06
Genevez. Dans l'ancienne vallée Rouge, les différences sont
beaucoup moins fortes, et la quantité des mots spéciaux aux
Genevez diminue en raison du rapprochement de celte localité.
Ainsi La Joux et les Genevez ont exactement le même patois,
ce qui n'est pas étonnant puisqu'ils ont formé autrefois le
même village.
J'ai cherché si les mots particuliers aux Genevez se retrou-
vent dans le patois des environs de Genève. Malheureusement,
il est presque toujours certain que le mot genevézat qui est en
même temps genevois , est aussi vaudois et savoyard : il y a
en effet de grandes ressemblances dans les patois de la vallée
du Léman. Toutefois j'ai remarqué que quelques-uns des mots
genevézats ne sont pas usités par les paysans de notre canton,
qui les traitent de mots de la montagne (Voirons et autres).
Ainsi cela prouverait ou bien qu'il existe une union plus intime
des Genevézats avec les contrées savoisiennes, ou bien que le
patois du canton de Genève s'est plus modernisé que celui des
montagnes environnantes.
Voir à la page ci-contre quelques-uns des mots particuliers
aux Genevez, d'après ce que m'ont assuré les habitants; je
mettrai en regard les mots patois genevézats, genevois, vau-
dois et savovards.
Telles sont les notes que j'ai pu recueillir sur l'origine des
Genevez. On le voit, je n'arrive point à une conclusion aussi
affirmative que celle de M. Moratel dans le dictionnaire de la
Suisse. Mais si je n'ai pas à présenter une charte qui annonce
positivement l'arrivée et l'établissement de Genevois dans le
val de Moûliers-Grandval, non loin de Bellelay, il faut recon-
naître qu'il y a des indices. L'apparition de familles d'étran-
gers dans le territoire de Bellelay, leur installation comme ci-
toyens libres, ceux de leurs noms que nous connaissons se re-
trouvant alors a Genève, et non, à ce que je crois, dans le reste
107
MOTS PATOIS
DES GENEVEZ
DE GENÈVE
DE VAUD
motschou ou pan-
motschou — en sa-
motschou
nou
voyard aussi panne,
morceau d'étoflfe (d'oîi
notre panosse)
pannou-de-cô
cravatte — en savoyard
cravatte
(lat. pannus)
aussi : panne-de-cô
bregue
bregue
bregou ou brego
pou
pollet
pollet
renne (lat. rana)
renoille
renoille
soyé
sayi
sayi
oge
odge
odzou
écoure
écaure
écaure
moirendai
merendau
merendai
etschvonie
chevougni
—
claquai
claquau
—
bona fenna
bona fenna
—
boueba
boueba
bouebe
ave (lat. aqua)
egue — en savoyard
ava et ave.
edie
pouche
poué
—
lai
lai
lai
tschiatte
tschouaite
—
fare lai bue
fare la buia
fare la buia
écouve (vieux
écové, mais avec un
écové (même
mot français et
sens plus restreint, dé-
sens que le mot
provençal)
signe le balai qui sert
à nettoyer un four
genevois)
corbeion
croubellion
croubellion, quer-
bellion
galotsche
galoche
galoche
sa
chà
de la sau
grai des tschembes
grai des tschembes
—
molate
moleta
moleta
raiche
resse (plutôt savoyard)
resse
trabin
trèben
trében
récriai
criau
.
bossa
bossa
bossa
fô
fo
fo
tieurti(lat.hortus)
court!
courti
etsevau
etschevau
etschevau
FRANÇAIS
mouchoir
cravatte
rouet
coq
grenouille
faucher
auge
battre le grain
souper ou goûter
tirer les cheveux
fouetter
sage-femme
jeune garçon
eau
puits à eau
lac
hibou
faire la lessive
balai
corbeille
guêtre
sel
mollet
pierre à aiguiser
grande scie
très- bien, beau-
coup
appeler
tonneau
fou
jardin
écheveau
Par contre il se trouve quelques mots spéciaux aux Genevez que je n'ai pas
su retrouver dans nos patois ; ainsi : Setrics, aiguille servant à orner la che-
velure des femmes ; fiale, sapin ; bura, mantelet; diairda, gilet, etc.
108
de l'évêché de Bâle , le nom de leur village signifiant les Ge-
nevois, d'après le palois de Genève, leur intelligence, leur goût
pour l'instruction, leur amour pour la liberté, les plaisirs, la
richesse des vêtements, quelques mots du patois genevois, voilà
bien quelques rapprochements qui valent la peine qu'on les
prenne en considération. Peut-être ces indices deviendront-ils
encore plus évidents par la comparaison des Genevez de Berne
avec les Geneveys de Neuchâtel.
Je regrette que cette partie de l'histoire de Genève, les Ge-
nevois à Vétranger^ n'ait pas fait l'objet des recherches d'his-
toriens sérieux. Il serait d'un grand intérêt pour Genève de
savoir ce que sont devenus beaucoup de ses enfants, que la
guerre, les calamités publiques, et surtout l'esprit de commerce
et d'industrie ont arrachés à leur ville natale. Il est remarqua-
ble en eiïet que nos compatriotes, une fois sortis de l'étroite
enceinte de notre ville, et débarrassés par conséquent des pe-
tits préjugés qui s'y abritent, parviennent souvent aux plus
hautes positions sociales dans les différents pays qu'ils ont
adoptés. C'est à cet esprit, qui a donné un Le Fort a la Russie
et un Necker a la France, que nous pourrions donner par ex-
cellence le nom à'cspiit genevois : ce ne serait point l'esprit
mesquin, étroit, difficile, qu'on nous prête, mais bien celui que
nous portons au dehors, et qui, en s'exerçant sur un plus
vaste théâtre, fait bien penser de notre patrie.
Si les Genevézats sont venus de Genève, ou du diocèse
de Genève, nous aimons à prendre acte de leur modeste et in-
téressante histoire, comme étant un des premiers liens qui
nous ont rattachés à notre bien-aimée Suisse. C'est ainsi que
la Providence, dans ses mystérieuses voies, rapprochait deux
peuples placés dans les mêmes montagnes et respirant le même
air. La petite république s'habituait à tourner ses regards vers
les fils de la libre Helvétie jusqu'au jour à jamais mémora-
ble où elle devait consommer cette union indissoluble.
PIÈCES JUSTIFICATIVES
Monuments d'Histoire de l'ancien Evèclié de Bàle, par M. Trouillat.
Tome II, n" 298 (d'une copie vidimée des Archives de VEvêché de Baie),
du 26 févrierl28i.
Nos frater Henricus miseratione divina Basiliensis episcopus ad
universorum quos oportunum nosce fuerit, notitiam publicam cupimus
pervenire, quod nos, ob devotionis mérita quibus religiosi viri abbas
et conventus monasterii Bellalagiœ , nostrae diocesis, ordinis prae-
monstratensis, dilecti nobis in Cliristo, Deo ethorainibus sereddimt ama-
biles, ex singulari prserogativa amoris, qua ipsos amplectimiir, banc gra-
tiam diiximus faciendara : quod horaines alienigenas, quos habitatores
terrainorura seu locorum suorum fecerint, posuerint, seu constituerint,
manutenebimus et fovebimus bona fide, ac ipsos eximimus ab omni génère
servitutis ; ita taraen, quod una quaeque familia de dictis alienigenis su-
pradictorum abbatis et conventus terrainis habitans, in signum nostri do-
ininii seu advocatiae, in uno capone et una ymina avenae, mensurae Mo-
nasterii Grandisvaîlis, sit nobis seu nostris officiatis, qui loco et nomine
nostro pro tempore fuerint, annis singulis obligata, et in defensionem ho-
noris nostri et patriae faciant, sicut et cseteri incolae illiusterrae. In testi-
monium praemissorum et evidentiam pleniorem, sigillum nostrum prsesen-
tibus est appensum. Datum Columbariœ , anno Domini raillesimo ducen-
tesimo octogesirao quarto, quarto calendas raartii.
110
N« 2
Tome m, n" 60 (eartulaire de Bellelay, fol. 375), 3 juillet 1307.
Nos Ottho Dei gracia Basiliensis episcopus, ad vniversorum quos opor-
tunum nosse fuerit, noticiam publicara cupimus pervenire. Quod nos ob
deuotionis mérita quibus religiosi viri abbas et conuentus monasterii Bel-
lelagie, nostre diocesis, ordinis prenions tratensis, dilecti nobis in Christo,
Deo et horainibus se reddunt araabiles, ex singulari prerogatiua amoris
qua ipsos complectimur, banc gratiam duximus faciendam. Quod homines
alienigenas, quos habitatores terrarum seu locorum suorum fecerint, po-
suerint seu constituerint, manutenebiraus et fouebimus bona fide, ac ipsos
eximimus ab oinni génère seruitutis. Ita tamen, quod vnaque familia de
dictis alienigenis super dictorum abbatis et conventus terrainis habitans,
in signum nostri dorainii seu aduocacie, in vno capone et vna ymina avene,
mensure monasterii Grandisvallis, sit nobis seu nostris officialis, qui
loco et nomine nostro protempore fuerint, annis singulis obligata, et in
defensionem honoris nostri et patrie faciant sicut et ceteri incole illius terre;
ecclesiarum parrochialium jure in omnibus semper saluo. In testimonium
premissorum et evidentiam pleniorem, sigillum nostrum presentibus est
appensum. Datum Basilee, anno Domini millesimo. CCC°. septirao, feria
secunda proxima post festum beatorum Pétri et Pauli apostolorum.
Tome III, n» 61 (Protocole du notaire Jean Des Bois, D. fol. 34=7),
11 juillet 1307.
Nos Olho Dei gratia Basiliensis episcopus, notum facimus vniversis
présentes litteras inspecturis, quod cum requisiti essemus ex parte reli-
giosorum virorum abbatis et conventus monasterii Bellelagie, premonstra-
tensis ordinis, nostre diocesis, quod dicere et declarare vellemus, ad
quos perceptio decimarum novaliura debeat spectare de jure : Nos, prout
tenemur ex oificio, precum ipsorum instantie satisfacere in bac parte vo-
Ht
lentes, juris peritorum communicato consilio, dicimus et declaramus sicut
et jura déclarant, quod perceptio hujusmodi decimarum novalium de jure
communi spectatet spectare débet ad rectores ecclesiarum parrochialium,
tantum infra quarum fines seu limites hujusmodi novalia consistere dignos-
cuntur. In cujus declarationis nostre testimonium, sigillum nostrum pre-
sentibus est appensum. Datum BasUiee, anno Domini M^XCG". septimo,
feriatertia postoctavas beatorum Pétri et Pauli apostoloruni.
NO 4
Tome III, «" 257 (de T original aux Archives de l'ancien Evêché de Bâle),
16 juillet 1331.
Nos Johannes prier monasterii Sancti Albani Basiliensis, idemque vi-
carius episcopatus Basiliensis in spiritualibus et temporalibus generalis.
Notura esse volumus presentium inspectoribus seu auditoribus universis,
quod cum venerabilis et religiosus vir dominus Petrus abbas monasterii
in Belile, dyocesis Basiliensis, ordinis preraonstratensis, amicus noster
specialis, et conventus monasterii ejusdem Reverendo in Ghristo domino
Johanni Dei gratia episcopo Lingonensi et araministratori episcopatus
Basiliensis predicti, domino nostro gratioso, devotis suis precibus
cum instantia humiliter supplicarint, ut ob respectum et suffragiura devo-
tissimarura suarura orationum et servicii eorumdem , nonnuUi horaines
adversis partibus supervenientes, moram in locis et proprietatibus ad
dictum ipsorum monasterium in Belile pertimentibus trahere et facere
cupientes, sub protectione sua recipere dignaretur, ad bonum pacis et
dictorum hominura validam tuitionem. Nosque, de speciali mandato pre-
fati domini nostri episcopi, devotivis precibus dominorum abbatis et con-
ventus in Belile predictorum favorabiliter annuentes, utilitate et honore
ecclesie Basiliensis in hoc inspectis principaliter et consideratis, homines
quoscuraque ab extraneis partibus supervenientes, moram in locis et pro-
prietatibus monasterio in Belile supradicto pertinentibus trahentes et in
eisdem residentiam facientes, sub tuitione, protectione et defensione pre-
fati domini nostri episcopi et nostra recepimus et recipimus. In hiis scriptis
promittentes, homines eosdem bona fide, noraine et vice dicli domini
112
nostri episcopi, defendere et defensare, secunduni ritum et consuetudinem
episcopatus Basiliensis predicti, quamdiu tralientes moram et facientes in
locis et proprietatibus monasterio supradicto pertinentibus. Preterea est
sciendum, quod unusquisque singulariter hominum predictorum, singulis
annis, censualis est et esse débet in uno solido denariorum Basiliensium,
dicto domino nostro episcopo, seu alteri episcopo qui protempore fuerit
episcopus Basiliensis. Quem quidem solidum singulariter quilibet homi-
num prescriptorum assignare et tradere débet procuratori seu villico in
Telsberg qui pro tempore fuerit, noraine doraini nostri episcopati prefati,
in festo beati Martini yemalis, ratione tuitionis, defensionis et protectionis
supradicte. In cujus rei testimonium et robur predidorum, sigillum vica-
rie nostre predicte presentibus est appensum. Datum anno Domini M**.
CGC*'. XXXI°. feriatertia ante festum béate Margarate virginis.
]\« 5
Exlraclus ex libro morlaaii Ecclesiae Parrochialis S. Maria; Magdalen» in
Genevez, diocesis Basileeusis.
Die 9"=* januarii 4 747 mortua, et die 10™^ sepulta est in cœmeterio
Ecclesi» parochialis Agatha, uxor Joan. Bapt. Voirol ex communitate
genevesiana, duodecira infantium actu viventium fœcunda parens : ftiit
ante raortem optime administrata
testatur F. Bernardus pallam
parochus in Genevez.
NOTICE
SDB,
QUELQUES INSCRIPTIONS
DÉCOUVERTES RÉCEMMENT
DANS LES ENVIRONS DE GENÈVE
On a découvert il y a quelque temps dans la campagne de M.
Baumgarlner, à Colovray près de Nyon, un certain nombre de
pierres taillées d'origine romaine. L'inspection de ces pierres,
dont deux portent une inscription, ne laisse aucun doute sur
leur destination primitive. Ce sont évidemment des colonnes
milliaires qui servaient autrefois à marquer les distances sur les
voies romaines. Lorsqu'elles ont été découvertes, ces pierres
étaient à quelques pas de la grève du lac, couchées sur l'argile
glaciaire et sous une couche de gravier de près de deux mètres
de hauteur.
Il est probable qu'elles avaient été réunies ainsi au bord
du lac pour être transportées, suivant les besoins, dans diffé-
rentes localités. On sait en effet qu'au moyen âge on a sou-
vent utilisé ces pierres pour des constructions et l'on retrouve
T. XV, V^ part. 8
114
parfois des colonnes milliaires à une assez grande distance de
leur lieu d'origine *.
Une de ces colonnes (en pierre calcaire, haute d'un mètre
80 c. y compris une base carrée de ^0 centimètres) porte l'in-
scription suivante :
t 5IPMI VLPHILIPPO
P 1 0 F E L I G A. V G E T
MIVLIOPHILIPPO
N 0 B I L I S S I M O
GAESARIMPI
C'est-à-dire : Iraperatori Marco Julio Philippe
Pio Felici Augusto et
Marco Julio Philippo
Nobilissimo
Csesari Mille Passuum I
La forme de la colonne, la nature de l'inscription et surtout
les trois dernières lettres ne laissent aucun doute sur son ca-
ractère. C'est une pierre milliaire dédiée h l'empereur Marcus
Julius Philippus et k son fils désigné comme César. L'empe-
' Il existe à Prevessin près de Fernex, deux colonnes milliaires qui sou-
tiennent le porche de l'église. Elles proviennent toutes deux de la route en-
tre Nyon et Genève ; l'une de ces colonnes porte une inscription illisible ;
sur l'autre colonne se lit l'inscription citée par iMomrasen, sous le n» 324 de
la collection des inscriptions latines de la Confédération helvétique. Nous la
reproduisons ici avec de légères différences que nous avons constatées.
I M P C A E
M A X I M I
V G E T C I V I
A X I i\I V S N 0 II I
AESPONTESET
VIASVETVSTAT
CONLABSREST
G 0 L E 0 M P 1 1 1
115
reiir Philippe, dil l'Arabe, a régné de l'an 244 h l'an 249, cl
son fils qui esl désigné sous le nom de César fui déclaré Au-
guste en 247. Il en résulte que, selon toute vraisemblance, la
pierre dont nous parlons esl de l'année 246. Elle marquait le
premier mille entre Nyon et Genève *.
Une inscription a peu près identique se trouve rapportée
parmi les inscriptions de la Gaule, dans le 3™® volume des
Inscriptions latines d'Orelli, publié par Henzen, sous le nu-
méro 5220.
Outre l'intérêt qui s'attache toujours à un monument ancien
d'une date certaine, il est à noter que c'est la première fois
que le nom de l'empereur Philippe apparaît sur les inscriptions
romaines de l'Helvétie.
A côté de cette pierre se trouvait un fragment ou, pour
mieux dire, plusieurs fragments d'une colonne en dolomie,
portant des lettres d'un très-beau caractère. Avec un peu de
patience il a été possible de rapprocher ces morceaux, et de ré-
tablir l'inscription suivante :
i MPGAE^Mvl A V
hELANTONIN VS A VG
P ivri B IBPOTESTXV
i:.OSm\l T IM PC AES A H
L A VtW'L V E R VS aT^:
TR I B PO TESTCOS I I
Imperator Csesar Marcus Aurelius
Anloninus Augustus
Pontifex MaximusTribunicise Polestalis XV
Gos ÏIl Et Imperator Cœsar
Lucius Aurelius Verus Ausustus
Tribuniciae Potestatis Gos II
* La découverte de ceUe colonne montre qu'il laut placer entre Nyon et
Lausanne le milliaire cité par Mommsen sous le numéro 327.
116
c'est-à-dire ; l'empereur César Marc-Aurèle Âotonin Auguste,
souverain pontife, tribun du peuple pour la quinzième fois,
consul pour la troisième fois, et l'empereur César Lucius Au-
rélius Vérus Augustus, tribun du peuple, consul pour la se-
conde fois.
Les lettres visibles sur l'inscription sont imprimées en ca-
ractères gras.
On sait que les empereurs romains étaient toujours revêtus
de la charge de tribun du peuple ; aussi l'année de leur règne
est-elle généralement indiquée par le chiffre de l'année de
leur puissance tribunitienne. La répétition des mots trihuniciœ
potestatis dans notre inscription prouvait donc que nous avions
ici les noms de deux empereurs dont l'un était un Antonin. Or
comme il résulte du chiffre XV, ligne 3, et de l'absence de
chiffre après le mot potest^ ligne 6, que le premier empereur
était dans la quinzième année de son règne et le second dans
la première année, l'inscription ne pouvait s'appliquer qu'à
Marc-Aurèle qui était dans la quinzième année de sa puis-
sance tribunitienne lorsqu'il associa à l'empire L. Aurélius
Vérus, fils adoptif comme lui d'Antonin le Pieux.
Il est facile, avec cette donnée, de rétablir toute l'inscrip-
tion qui est de l'année 161 après jJésus-Christ.
Il reste suffisamment d'espace vide sur la colonne au-des-
sous de la dernière ligne pour que l'on puisse être certain que
l'inscription se terminait là. Nous aurions donc ici une nou-
velle pierre milliaire du même genre que celle qui, dans Momm-
sen. Recueil des inscriptions latines de la Confédération, porte
le N° 311. Peut-être cette colonne, sur laquelle on ne voit
aucun chiffre indiquant le nombre des milles, était-elle ori-
ginairement placée à la porte de Nyon (Colonia Eques-
Iris) comme point de départ pour la numération des milles.
La forme nominative des noms des empereurs indique que les
pierres milliaires ont été placées aux frais du trésor de l'em-
pire. Ces pierres sont plus rares que celles où le nom de l'em-
117
pereur est au datif. — Notre inscription est du reste la seule
en Suisse qui perle le nom de Marc-Aurèle le philosophe et
celui de L. Vérus; du moins on ne trouve aucun de ces deux
noms dans le Recueil de Mommsen. — Une inscription, dont
le commencement est identique à la nôtre, a été trouvée à
Rome, et se lit dans le 3® volume du Recueil d'Orelli, publié
parHenzen, N» 5472.
On sait que les pierres miiliaires partaient de Nyon (Colonia
Equestris) comme d'un centre dans les deux sens, soit du
côté de Genève, soit du côlé de Lausanne. Genève était à quinze
mille pas de Nyon.
Mommsen, dans son Recueil des inscriptions latines de la
Confédération helvétique, cite quatre pierres miiliaires qu'il
place entre la Colonia Equestris et Genève. Sur ces quatre,
une indique le troisième mille, une autre le huitième, les deux
autres n'ont aucun chiffre. — La première porte les noms
de Maxirain et de Maxime (235) ; elle est en assez mauvais état
et se voit encore à la porte de l'église de Prevessin, près de
Fernex (Mommsen, N** 324). Voyez plus haut, note, page 11 't.
La seconde, qui est aujourd'hui perdue, portait le nom de
l'empereur Trajan (99 ap. J.-C.) ; elle avait élé trouvée à Ver-
soix et amenée à Genève sous l'horloge du Molard (Mommsen,
N° 321), Elle marquait le huitième mille.
La troisième (Mommsen, N<* 323) porte le nom d'Alexan-
dre Sévère (222), et se trouve actuellement au Musée canto-
nal ' ; elle est dans un très-mauvais état et ne présente au-
cun chiffre, pas plus que la quatrième, avec le nom de l'em-
pereur Gallus, qui se trouvait autrefois à la Péhsserie (Momm-
sen, N" 328).
* Le Musée cantonal d'archéologie possède trois pierres miiliaires, N"* 28,
29 et 30 du catalogue, dont une sans inscription ; la seconde (Mommsen
N" 323) n'a que quelques lettres, et la troisième, qui a été trouvée à Her-
mance, porte le nom de Constance Chlore (305 après J.-C).
118
Les deux inscriptions trouvées à Colovray ajoutent deux
pierres milliaires a celles déjà connues qui marquaient ancien-
nement les dislances entre Nyon et Genève. Il est, d'un autre
côté, plus que probable qu'il faut rapporter h celte route deux
autres colonnes qui ont été trouvées sur la rive gauche du lac,
savoir : 1» une colonne déposée actuellement au Musée can-
tonal de Genève, découverte à Hermance, et portant le nom
de l'empereur Constance Cblore et le chiffre VII (v. Mommsen,
Inscriptiones Confederationis helveticœ, N** 320) ; 2" une co-
lonne milliaire, qui placée autrefois h l'église de Messeri a été
retrouvée dernièrement près de ce village, et est aujourd'hui à
Genève. L'inscription de cette colonne, donnée très-inexac-
tement par Guiclienon {Histoire de la maison de Savoie), qui
avait cru y reconnaître le nom de Sabadia, se trouve reproduite
plus exactement, mais d'une manière encore incomplète, dans
VHisloire de Genève, de Spon, éd. 1730, vol. II, p. 343,
et dans Orelli, N« 279. Voici l'inscription telle qu'elle se voit
encore sur cette pierre :
■ I M P G A E S S E P T .1 Yl 8 E V E R'^
PIOPERTINAVGA u ABADIA'^
r A R T H I C IVI A X P M 1\ I B P O T I X
i 1^ P X i C O S 1 1 D E S I G ÏÎTp P P R
Ë i M A V R E LAN T O N I N 0
A V" G 1\ I B P 0 TIIIIG 0 S D E S I G
IIII
G'est-à-dire : Imperatori Gaesari Septimio Severo
Pio Pertinaci Augusto Arabico Adiabenico
Parlhico Maximo Pontifici Maximo Tribuniciae Poteslatis IX
Imperatori XI Consuli II Designalo III Patri Patriœ Pro-
consuli
Et Marco Aurelio Ântonino
Augusto Tribunicia Poteslatis IIII Gonsuli Designato
un
119
C'est une pierre milliaire dont l'inscription est dédiée aux
empereurs Septime Sévère et Caracalla (201 ap. J.-C).
Le chiffre un qui se trouve à la (in de cette inscription, el
qui indique le nombre des milles, est important, parce qu'il
prouve que cette colonne, pas plus que celle découverte à
Hermance, n'était sur son ancien emplacement. En effet, Her-
mance est à 9 milles de Genève et Messeri à 14 milles. La
pierre la plus éloignée de Genève (celle de Messeri) porte le
chiffre le plus faible.
Il faut donc reconnaître que la présence de ces deux pierres
sur la rive gauche du lac ne suffit pas pour prouver qu'il y eut
anciennement une voie romaine de ce côté, et qu'il est très-
probable que ces deux pierres se trouvaient autrefois entre
Nyon el Genève, et qu'elles ont été transportées par le lac sur
la rive gauche pour servir a quelques constructions. La pierre
de Messeri marquait le quatrième mille el se trouvait originaire-
ment entre Céligny et Founez, et celle d'Hermance, qui mar-
quait le septième mille, devait être entre Coppel et Mies. —
En consultant la carte, on verra que les emplacements anciens
étaient à peu près en face de l'endroit où ces pierres ont été
retrouvées. C'est donc h tort, semble- l-il, queMommsen, pa-
ges 63 et 68, admet, malgré le silence des itinéraires anciens,
l'existence d'une voie romaine sur la rive méridionale du lac,
et s'il eût eu connaissance de l'inscription exacte de la pierre
de Messeri, il aurait sans doute modifié son opinion.
Si, comme cela paraît vraisemblable, on doit reporter sur
la rive droite, entre Nyon et Genève, les deux colonnes trou-
vées sur la rive gauche du lac, on devrait, outre les quatre mil-
liaires indiqués par Mommsen (voir plus haut), attribuer h celle
voie romaine qualre nouvelles pierres avec inscriptions, sa-
voir : les deux trouvées a Colovray, celle de Messeri et celle
d'Hermance. Il faut très-probablemenl y ajouter celle des deux
colonnes de Prevessin, dont l'inscription est illisible, et une
colonne sans inscription qui se trouve au-dessous de Crans,
120
au bord de la roule, et enfin une pierre du Musée cantonal,
dont l'inscription est effacée. De cette façon, nous connaîtrions
onze des pierres milliaires qui étaient autrefois sur la route
de Nyon à Genève.
Bien qu'il n'y eut pas de grande voie romaine sur la rive
méridionale du lac, il n'en existait pas moins, probablement,
des établissements romains de ce côté. C'est ce que témoignent
plusieurs restes d'antiquités, et en particulier deux inscriptions
qui ont été retrouvées dernièrement à Bons, au pied des Voi-
rons, non loin de Thonon, et qui viennent d'être transportées
à Genève.
La première, qui est d'une conservation remarquable et de
la meilleure époque, est ainsi conçue :
t. ricgiotfilvol
froinToniiiviraer
ETTRlGClOFROrsTON
PATRIETQRIGGIO
FIDO FR ATRI
HEREDEXTSTAW *
Tito Riccio Titi tilio Voltinia
Frontoni Duumviro ^rarii
Et T. Riccio Frontoni
Patri et Quinto Riccio
Fido Fralri
Heredes ex Testamento
c'est-à-dire : A Titus Riccius, fils de Titus (de la tribu Volti-
nia), Fronton, duumvir du trésor et à Titus Riccius Fronton
leur père, et à Quintus Riccius leur frère fidèle.
« Leurs héritiers d'après le testament. »
' Cette inscription avait été découverte il y a plus de 60 ans au château
de Chignans, près de Thonon, puis transportée au village de Bons, où elle
a été retrouvée dans un fenil.
121
C'est une pierre funéraire en l'honneur de trois membres de
la même famille (Riccius Fronton), placée par les héritiers
conformément au testament.
Cette inscription est intéressante par le fait qu'elle complète
une inscription mutilée que l'on voit encore dans le mur de la
cathédrale de Sl-Pierre, du côté de l'Évêché, et qui se trouve
citée par Mommsen, N<* 89, en ces termes :
i]GCIO T. FIL
OL FRONTONI
VIR AERARI
^ EXTESTAMEN
Le nom de Riccius, qui n'était qu'une conjecture, devient
ainsi une certitude, de même que le rétablissement d'un V
avant OL à la seconde ligne, ce qui signifie que Riccius Fron-
ton appartenait à la tribu Yoltinia.
L'autre pierre est un fragment d'inscription trouvé en dé-
molissant la voûte de l'église de Bons. Il ne contient que les
mots suivants :
BINIAN VS
C. G V R A
c'est-à-dire probablement : Sabinianus faciendum curavit.
C'est la fin d'une inscription d'un monument élevé par un
personnage inconnu nommé Sabinianus.
Aug. TURRETTINI.
— ^=os>>ag:4<g«(
MARGUERITE DE FRANCE
DUCHESSE DE SAVOIE
SES RAPPORTS AVEC GENÈVE
(1563 — 1S67)
Le duc de Savoie, Charles III, dit le Bon, qui mourut en
1553, ne laissa guère qu'un litre à son fils Emmanuel-Phili-
bert, puisque ses Étais, des deux côtés des Alpes, avaient été
pris par des troupes de François I^"" et de Charles-Quint.
Le nouveau duc avait secondé l'Empereur avec éclat dans
les guerres d'Allemagne ; plus lard, il montra le même zèle et
la même valeur au service de Philippe H, el il gagna en 1557,
contre les Français, la bataille de Sainl-Quentin. Aussi profita-
t-il largement du traité de Câteau-Cambrésis (1559). En effet,
c'est alors que la plupart de ses États lui furent rendus et qu'il
obtint la main de Marguerite duchesse de Berry, sœur du roi
de France Henri II.
Celte princesse avait alors 36 ans, puisqu'elle était née
en 1523. Tous les historiens s'accordent a la représenter
comme une personne accomplie. Belle, affable, versée dans la
connaissance des langues latine et grecque, protectrice des sa-
vants, généreuse envers les malheureux; de plus, au milieu
d'une cour où les mœurs étaient dépravées, elle avait su se
faire et se conserver une réputation sans tache.
123
Elle a été louée, chantée en diverses langues. Bien des poè-
tes lui dédièrent leurs vers. C'était la dixième des muses,
la quatrième des grâces, la Pallas de la France, etc., etc.
Brantôme dans ses Vies des Dames illustres * dit « qu'elle avoit
le cœur grand et haut. » Puis, après avoir signalé sa charité,
surtout envers les pauvres français, il ajoute : « Bref, c'était
la bonté du monde. Au reste, comme j'ay dit charitable, ma-
gnifique, libérale, sage et vertueuse; si accostable et douce
que rien plus, principalement à ceux de sa nation. »
Le mariage d'Emmanuel-Philibert et de Marguerite fut cé-
lébré à Paris le 9 juillet 1559, peu de jours avant la mort de
Henri II.
Le duc ne recouvra pas immédiatement toutes les posses-
sions et tous les droits de ses ancêtres, et le pays de Vaud con-
quis par les Bernois lui échappa pour toujours.
D'ailleurs, suivant Guichenon -, « comme ce prince éioil
extrêmement pieux, deux choses le travaillèrent le plus à son
advénemenl : l'une, le changement qui étoit arrivé a Genève,
sous le duc Charles le Bon; et l'autre, la nouvelle religion....
Son Altesse résolut donc de chercher les moyens de ramener
Genève en son obéissance et de faire retourner ses sujets des
vallées d'Angrogne et de Luzerne au giron de l'Eglise. »
Sous ce dernier rapport, on peut dire qu'Emmanuel-Phi-
libert n'épargna pas les persécutions; mais il fut bien forcé
de tolérer enfin, chez ses hérétiques sujets des vallées du Pié-
mont, la religion réformée.
Pour ce qui regarde Genève, s'il n'attaqua jamais ouverte-
ment notre république, on eut souvent lieu d'y craindre quel-
que violence et, en maintes circonstances, il chercha à lui ten-
dre des pièges, qu'elle sut heureusement éviter. C'est ainsi
par exemple, qu'en 1559 et 1560 l'ancien instituteur du duc.
' Œuvres du seigneur de Brantôme, t. II, p. 463. Paris 1787. 8 vol. in-8.
' Histoire généalogique de la royale maison de Savoie, p. 680.
124
Louis Âlardet, échoua dans sa tentative, malgré beaucoup de
finesse, devant la fermeté de nos magistrats. Cet épisode nous
a été raconté par M. Gaberel *.
Parmi d'autres tentatives du même genre, j'en choisis deux
sur lesquelles je me propose d'attirer l'attention. Une seule a
été brièvement mentionnée par M. Picot ^ et tous nos autres
historiens les ont passées sous silence, à l'exct^ption de J.-A.
Gautier qui, dans son histoire manuscrite, les rapporte avec
beaucoup de détails \ Au reste, elles n'ont peut-être pas d'au-
tre intérêt que celui d'avoir été sinon imaginées, du moins
soutenues parla duchesse Marguerite. Cette princesse se trou-
vait dans une position singulière. Elle était animée d'un certain
penchant pour la doctrine réformée, mais aussi elle devait na-
turellement désirer que la domination de son mari s'étendît et
se consolidât. Elle pensait que si une ville, foyer du protes-
tantisme, se soumettait aux ducs de Savoie, ce ne pouvait être
qu'avec la condition expresse que la religion ne serait pas sacri-
fiée et elle espérait, par cela même, donner plus de sûretés
aux protestants des vallées vaudoises.
Le dimanche 4 juillet 1563, le Petit Conseil fut assemblé
extraordinairement sur un avis donné aux syndics par Calvin.
Celui-ci, étant aussitôt appelé, déclara que la veille, un of-
ficier de iMadame la duchesse de Savoie, lui dit être porteur de
deux lettres adressées à M. Dorsanne, lieutenant général en
Berry, qu'il croyait trouver encore à Genève et qui en était
parti. L'officier avait montré ces lettres à Calvin, en le priant
d'en faire connaître le contenu à Messeigneurs.
La première, datée de Turin le dernier juin 1563, était si-
gnée par la duchesse, qui annonçait à M. Dorsanne qu'elle
* Bibliothèque universelle, décembre 1858. Une escalade diplomatique.
* Histoire de Genève, t. II, p. 136. I
•'• Histoire de Genève (Manuscrit des Archives), t. V et VI. '
125
avait chargé les sieurs Bâtisse, son maître d'hôtel et Forgel
son secrétaire de lui communiquer ses intentions.
La seconde était des dits sieurs Bâtisse et Forget. Ils
expliquaient que, à l'occasion des négociations alors entamées
pour faire rendre à Emmanuel-Philibert les terres conquises
par les Bernois, la duchesse avait prié son mari de ne point gê-
ner pour la religion ceux de ses sujets qui rentreraient dans
son obéissance; et elle l'avait si bien persuadé « que si Mes-
sieurs de Genève trouvoient bon de se mettre en sa protection
en vivant selon leur façon accoustumée, en recognoissant en-
vers luy les droictz que ses prédécesseurs avoient en ladite
ville, il leur accorderoit et en bailleroil telle seurté qu'ilz au-
roient de quoy se contenter, et que ceste réduction et amytié
seroit profitable à l'ung et a l'aultre. » Ils ajoutaient que la du-
chesse priait M. Dorsanne de faire entendre à MM. Calvin, de
Bèze et autres les offres, promesses et sûretés qu'elle met en
avant, et s'ils sont d'avis qu'on puisse poursuivre l'affaire, on
enverra des gens capables d'amener à bonne fin ce qu'il aura
commencé. Ils protestaient de leur sincérité et, quant à la du-
chesse « pour le bien que le duc son mary en pourroit rece-
voir, elle ne vouldroit commettre une seule fraude ne rien qui
fust au désadvantage de l'Evangile ne des habitants de ceste
ville. » Enfin ils demandaient que ces propositions ne fussent
point divulguées prématurément, afin de ne pas nuire aux
autres négociations du duc.
Après délibération, le Conseil décida que, puisque les let-
tres ne lui avaient pas été adressées, il n'y avait pas lieu à ré-
pondre par écrit, mais que Calvin ferait au porteur une ré-
ponse verbale.
Celte réponse devait d'abord contenir des remerciements
pour la duchesse, de ce qu'elle avait bien voulu s'employer à
cette affaire, avec prière de persévérer dans la bonne affection
qu'elle assure nous porter. Quant au fait principal, étant liés
avec MM. de Berne par une combourgeoisie, nous ne pour-
126
rions entrer en traité sans le leur communiquer, et cela sous
peine de nous rendre répréhensibles devant Dieu et devant les
hommes. Enfin, nos ambassadeurs auprès des seigneurs des
Ligues qui n'avaient pas encore prononcé sur nos différends,
étaient chargés « de nous offrir envers son Altesse très-liura-
bles serviteurs et voysins selon nostre petitesse et de déclarer
si rien ne s'en faict que ce sera à nostre regret *. »
Voila tout ce que les sources officielles nous apprennent sur
la première tentative de la duchesse Marguerite.
Cette princesse avait-elle eu, précédemment des rapports
avec Calvin? c'est ce que je ne saurais dire, ne la trouvant
mentionnée qu'une seule fois dans ce que je connais de la cor-
respondance du réformateur. Sept ou huit semaines avant sa
mort, écrivant à Renée de France fille de Louis Xïï et femme
de Hercule II, duc de Ferrare, il lui disait :
« J'ay entendu que Madame la duchesse de Savoie, vostre
niepce est en assez bon train, jusques à eslre délibérée de se dé-
clairer franchement. Mais vous sçavez combien il y a de des-
tourbiers pour la reculer ou refroidir, et d'aullre coslé elle a
tousjours esté timide, tellement qu'il est a craindre que cesle
bonne affection ne demeure là comme pendue au croc, sinon
qu'on la sollicite. Or, Madame, j'estime qu'il n'y a créature en
ce monde qui ail plus d'authorité envers elle que vous ; pour-
quoy je vous voudrois bien prier au nom de Dieu de ne point
espargner une bonne exhortation et vive, pour luy donner cou-
rage à la faire passer plus outre; en quoy je me liens asseuré
que vous ferez tout debvoir, selon le zèle que vous avez que
Dieu soit honoré et servi de plus en plus ". »
Avant de passer au récit de la seconde tentative de la du-
chesse, il convient de rappeler quelques faits se rapportant
aux dix-huit mois qui la séparèrent de la première.
' Registres du Conseil, vol. de 15G3, loi. 73, séance du 4 juillet.
- Lettres françaises recueillies par M. Jules Bonnet, t. II, p. 559. Lettre
datée de Genève, le 4 avril 1564
127
Dans cet intervalle, la population genevoise eut bien des
alerles : plusieurs fois des avis, vrais on faux, forcèrent nos
magistrats à redoubler de vigilance; il fallut s'assurer des se-
cours, soit auprès des églises de France, soit auprès de nos al-
liés de Berne.
D'autres soins occupaient encore noire Petit Conseil. Il avait
fréquemment à envoyer des dépulalions en Suisse h l'occasion
des diètes, pour solliciter un appui ou pour se défendre con-
tre les prétentions du duc. Ce prince, en effet ne cessait d'a-
gir auprès des cantons, pour se faire rendre les territoires que
les Bernois occupaient depuis les guerres contre Charles III;
il demandait aussi a être rétabli dans les droits de ses prédéces-
seurs sur Genève. On craignait que dans les tractations entre
les Savoyards et les Bernois, ces derniers ne sacrifiassent la
combourgeoisie qui nous unissait avec eux. A la journée de
Nyon, qui eut lieu au printemps de 1564, nos députés s'é-
taient empressés de demander à ceux de Berne de nous faire
obtenir, sur le territoire cédé au duc, les mêmes facilités
qu'eux-mêmes nous accorderaient dans la partie du pays con-
quis qu'ils comptaient garder; que l'entrée des vivres dans
notre ville fut entièrement libre, ainsi que le commerce des mar-
chandises ; que nous puissions jouir paisiblement de tout ce que
nous possédions ; que le duc ne fît ni ne soulïrît aucune trahison
ou conspiration contre notre ville, et que, s'il lui plaisait de
terminer les difficultés pour le vidomnat, etc., les seigneurs de
Berne voulussent bien avoir égard aux perles que nous avions
éprouvées pendant la guerre et aux grandes dépenses qu'elle
nous avait occasionnées; enfin ils demandaient quelques échan-
ges de terres. Les Bernois ne terminèrent pas à ce moment el,
pour ce qui concernait plus spécialement Genève, ils ajournè-
rent leur décision.
Pendant que ces affaires étaient en suspens, les Savoyards
essayèrent encore des sollicitations particulières. Le comte pa-
latin du Rhin fit faire des propositions dans le genre de celles
128
qui avaient été souvent présentées, et elles eurent (juillet à
octobre 1564) le même résultat que les autres.
Ce fut à la journée de Lausanne que les Bernois et le duc
conclurent un traité (octobre 1564) par lequel Emmanuel-Phi-
libert rentrait en possession du Chablais ainsi que des baillia-
ges de Gex, de Ternier et de Gaillard. Ce traité ne pouvait
plaire aux Genevois qui voyaient avec peine le duc entourer
leur ville et q-ui redoutaient de nouvelles vexations ; au reste
il ne fut complètement mis à exécution qu'en août 1567.
A la journée de Lausanne, il avait aussi été convenu que le
duc et Genève choisiraient des arbitres parmi les seigneurs des
Ligues, pour régler leurs difficultés. Cette résolution fut ac-
ceptée à Genève par les Conseils le 30 novembre, sous la ré-
serve qu'ils aviseraient après le prononcé des arbitres. Mais à
la fin de Tannée le duc n'avait pas encore annoncé s'il accep-
tait la conférence proposée.
Aux derniers jours de l'année 1564, deux Piémontais arri-
vèrent dans nos murs et avertirent le Petit Conseil qu'ils
avaient une communication à lui faire. C'étaient François Gua-
rin, ministre de l'Evangile à Angrogne et Bastian Castrocaro,
capitaine ordinaire de Son Altesse le duc de Savoie.
Le jour de Noël, on accorda d'abord une audience au pre-
mier, qui ne se donnait pas proprement pour ambassadeur,
mais comme chargé de présenter et de recommander le capi-
taine, et qui avait demandé d'être entendu seul. Il commença
par s'excuser de ce que, faisant profession du ministère, il avait
accepté cette commission de la part de la duchesse, mais il ne
s'y était pas décidé sans avoir pris l'avis de ses collègues. Cette
princesse lui a protesté vouloir l'avancement de la gloire de Dieu
et le bien de cette ville, et il la croit parce qu'elle s'en est ex-
pliquée avec lui familièrement et aussi parce que, dans les val-
lées du Piémont, on a bien eu lieu de reconnaître son atta-
chement à la religion. Elle lui a déclaré que le duc, il y a
129
longtemps, avait remarqué « que le Roy et plusieurs autres
grands seigneurs luy avoient fait raison, mais que Genève n'a-
voyt dit mol, et que voilà une belle religion qu'ils tiennent. »
Au bout d'un certain temps, elle offrit au due de s'en mêler, ce
qu'il accepta; alors elle fît parler à lui Guarin par Castrocaro.
Ce dernier est un capitaine u ayant grands gages, » fort ex-
périmenté à la guerre, mais qui s'est réservé de vivre en liberté
et de ne souffrir ni endurer rien qui se fasse ou machine
contre la parole de Dieu. Enfin, ajoutail-il en secret, ce gen-
tilhomme est envoyé du duc, mais il ne veut pas qu'on le sa-
che ^
Castrocaro fut entendu le lendemain, et comme il s'exprimait
en langue italienne, on lui demanda de rédiger ses propositions
par écrit. Il le promit et sortit de la salle du Conseil.
Le ministre étant resté, ajouta un détail important qu'il
avait oublié la veille. Sur les premières ouvertures faites à lui
et aux pasteurs ses collègues, il s'était rendu à Quiers auprès de
la duchesse, avec laquelle il était resté plus d'une heure. Elle
l'avait chargé « de dire a Messieurs que si elle voioit qu'en
tout cest affaire y eust quelque chose pour les endomager, elle
ne s'en voudroil point mesler, car elle leur voudroit plustost
complaire qu'à son mary, ayant esgard à ce que Dieu s'est
grandement servy de ceste ville comme d'une Jérusalem pour
espandre son évangile ; et qu'en cecy elle cherche deux biens,
l'un est celuy de la ville dont elle désire le repos et tranquillité,
l'autre est qu'elle pense que, par le moyen d'un bon acord, on
pourra aquérir quelque liberté pour la religion au pays de son
Altesse, priant à ceste cause Messieurs bien affectueusement de
la croire, et bailler à Monseigneur le duc ce peu qu'il demande
en ceste ville, qu'elle ne sçait, s'asseurant que ce sera leur
grand bien et de plusieurs fidelles, et qu'ils ne considèrent pas
tant leur profit particulier.... Cependant elle ne conseille point
* Reg. du Conseil, vol. de 1564, fol. 162, séance du 25 décembre.
r. XV, V paru 9
130
à Messieurs de se préjiidicier en fasson quelconque n'y d'a-
cheter la paix par or ny argent, ains par amitié. » Elle lui a
aussi rapporté que s'entretenant un jour avec le duc de ces af-
faires, « elle luy disoit que Messieurs se pourraient doubler de
luy pour la diversité de la religion, et qu'il respondit que pour-
tant il ne laissoit pas d'estre homme de bien et qu'il tiendroit ce
qu'il prometloit, comme aussi il estime Messieurs gens de bien * . »
Le capitaine présenta ensuite sa proposition rédigée. Il avait
probablement emprunté la plume du ministre, car on retrouve
ici le développement des mêmes idées sur les bonnes intentions
de la duchesse qui, par son intervention, avait arrêté l'emploi
de moyens rigoureux, et sur les avantages qui résulteraient
pour Genève de contenter le duc : notre ville serait assurée de
n'avoir plus de ce côté aucune fâcherie, et elle serait agrandie,
ce que Marguerite promettait « en princesse » et comme le
duc, rentré en ses droits, serait bon voisin et allié, il désirerait
pour plus de sûreté que le Conseil acceptât certaines condi-
tions qui seraient exposées plus tard ^.
Au reste, le capitaine avait déjà déclaré que son maître
réclamait le vidomnat, mais qu'il se contenterait de nommer,
pour remplir cet office, l'un des trois citoyens choisis par le
Conseil; qu'il serait bon d'avoir dans la ville une garnison de
deux à trois mille hommes dont il ferait les frais ; et enfin que,
si l'on accédait aux désirs du duc, il rendrait les foires à Ge-
nève et empêcherait ses sujets d'aller trafiquer ailleurs qu'ici.
Le 27, le Conseil délibéra sur ces propositions. Le syndic
Roseï et le lieutenant Bernard furent chargés d'aller dire aux
deux ambassadeurs, d'abord, qu'ils n'étaient pas arrivés avec
des pouvoirs en règle, puis, qu'ils n'avaient pas expliqué quels
sont les droits que Monsieur de Savoie prétend sur cette ville
et quelles sont les conditions de paix dont ils entendent parler.
Le 28, les ambassadeurs donnèrent leur réponse par écrit.
' Registres du Conseil, séance du 26 décembre.
• Portefeuilles des pièces historiques, dossier n» 1787. Proposite des
Sieurs ambassadeurs de M°»« la duchesse de Savoye.
131
Ils avaient cru suflisanl d'apporter un passeport de la duchesse
témoignant qu'ils sont venus pour son service, avec des let-
tres des pasteurs d'Angrogne pour ceux de Genève et pour
le ministre italien. Ils ne connaissaient pas exactement les
droits du duc et avaient besoin de temps pour s'en informer.
Enfin, ils regardaient comme superflu de parler des conditions
de la paix, ne pouvant satisfaire aux deux premiers points;
mais ces conditions sont telles qu'on reconnaîtra que Madame
veut le bien de Genève.
Après une nouvelle délibération, on résolut de faire remer-
cier la duchesse par ses députés pour les sentiments affectueux
qu'elle disait avoir à notre égard, en la priant de s'expliquer
plus nettement sur les droits du duc et sur les conditions de-
mandées.
Le 29, Roset et Bernard, qui avaient encore été chargés de
parler aux ambassadeurs, firent un nouveau rapport. En- sou-
pant, les deux Piémonlais s'étaient montrés plus communica-
tifs. Le duc, disaient-ils, demande le droit de faire grâce,
qu'avait l'évêque, et, comme vicaire de l'empire, qu'on aille
au-devant de lui lorsqu'il lui plaira de venir à Genève ; pour la
sûreté de la ville et celle de ses États, il offre de pa)'er une
garnison de 5,000 hommes, se réservant d'en nommer le co-
lonel, sur « trois que Messieurs choisiraient en son pays. »
Le ministre Guarin étant de nouveau admis en séance, fit
preuve d'une parfaite bonne foi. Il annonça qu'ayant appris
ce qu'on pouvait opposer aux prétentions du duc, ils avaient
jugé, son collègue et lui, qu'il leur convenait de retourner au-
près de Madame la duchesse pour lui faire connaître la vérité,
espérant qu'elle trouverait une autre voie pour acheminer mieux
les affaires.
Après une absence de cinq semaines, Castrocaro et Guarin
se présentèrent de nouveau devant notre Petit Conseil auquel
ils remirent, le 3 février 15(35, une lettre signée par Marguerite
ei ainsi conçue :
132
« Messieurs! Ces jours passez le cappitaine Castrocaro et
autres de sa confipaignye ont esté par devers vous, ausquelz à
leur parlement j'avoys donné charge vous tenir quelques pro-
poz de ma part, sans loutesfoys aucune lettre, parce que jevon-
loys savoir auparavant comme vous trouveriez à propoz telle
forme de procéder. Ce que depuys ayant entendu à leur rap-
port, j'ay advisé tost après leur retour les dépescher avec la
présente, qui sera pour tesmoignage du désir que j'ay de vous
veoir bien d'accord et entièrement en la bonne grâce de Mon-
sieur mon mary, lequel pour ne laisser, en dernier, chose au-
cune qui en puisse facilliler le succez, s'est contante d'eslire
et delléguer aucuns de ses conseillers et officiers avec lesquelz
ceulx que vous nommerez de vostre part puissent trailler et
amyablement terminer tous diférenlz, au lieu et temps qui sera
surce convenu. En quoy s'il survient (comme il advient cous-
tumièrement en semblables affaires) quelque difficulté, je vous
prie (sans pource rompre le traicté) la me faire entendre par la
voye desdits Castrocaro et sa compaignye, ausquelz à cest effect
j'ay donné cliarge de ne se partir cependant de là, ains m'ad-
vertir en dilli^ence de toutes occurrances selon les occasions
qui s'en présenteront et aussi de vous faire entendre quelques
autres particullariléz concernans les prélensions de mondit
sieur et mary, qui me gardera vous en dire autre chose, sinon
que de ce qui vous sera accordé ou promys de la part de mon-
dit sieur et mary, vous ne devez douter que le tout ne vous
soit entièrement gardé et observé, à quoy de ma part je lien-
dray la main de telle façon que vous aurez occasion de vous
en conlanter. Priant Dieu, Messieurs, vous avoir en sa saincte
garde. De Quiers, ce XXIII® jour de Janvyer. Votre bonne
amie Marguerite de France.
{Siiscription) A Messieurs les Conseillers et Syndics de
Genève '.
* Dossier n" 1787. Avec cette lettre iJ s'en trouve une autre adressée
à Théodore de Bèze (^voyez Appendice, n° i).
133
Pour l'inlelligence de celle lellre il faut ajouter qu'Em ma-
nuel-Philibert s'était enfin décidé a nommer des députés qui
devaient conférer avec ceux de Genève et suivre ainsi aux
intentions du traité de Lausanne : la journée de St. -Julien s'é-
îait ouverte tout récemment. L'intervention de la duchesse ne
faisait qu'embrouiller encore plus les affaires. On nomma tout
de suite quelques conseillers pour entendre le capitaine et le
ministre, et l'on décida de faire connaître leurs nouvelles pro-
positions à nos envoyés à St. -Julien *.
Les jours suivants furent occupés aux discussions relatives à
la journée de St. -Julien. Mais comme le dit l'historien Gautier:
« Les Savoyards, n'avoient aucun dessein sérieux de rien
finir; ils ne cherchoient qu'à amuser le tapis Les parties
éloienttrop loin de compte pour qu'on pût espérer qu'elles en
vinssent à aucun accommodement, outre que les Savoyards
étoient bien aise de tirer de longue, en attendant de voir quelle
seroit la suite des négociations que la duchesse avoit entre-
prises ' . »
On eut d'abord beaucoup de peine à tomber d'accord sur le
nombre des arbitres. Ensuite les députés d'Emmanuel-Phili-
bert mirent en avant ses prétentions. Les députés genevois ré-
pondirent comme on avait déjà répondu à Bâle et à Lausanne.
Ils firent voir, quant aux vidomnat, que Genève le possédait à
juste titre en vertu même de la sentence de Payerne (15 30),
parce que le duc n'avait pas satisfait aux conditions imposées
parla dite sentence; pour quelques terres du Ghablais que
le prince réclamait, ils s'appuyèrent sur le traité qui venait
d'être conclu avec les Bernois; enfin, relativement à la souve-
raineté sur la ville à cause du vicariat, ils montrèrent que le
duc n'y avait aucun droit.
♦ Registre du Conseil, vol. de 1564, dernière page, séance du 3 février
1565.
• Histoire de Genève (Manuscrit des Archives), t. VI, p. 14.
134
Les deux députés piémontais étaient tenus au courant de ce
qui se faisait à St. -Julien. Le capitaine parlant un jour de la
garnison, dit qu'il pensait que maintenant son maître pourrait
se contenter d'en choisir le colonel sur trois citoyens de Ge-
nève désignés par le Conseil, auquel il laisserait le soin de
lever k volonté soldats et officiers, et, moyennant cela, il aban-
donnerait ses autres demandes « ne requérant que tant seule-
ment une fumée. » Puis il ajoutait que si la journée était rom-
pue, il avait charge de traiter au nom de Son Altesse, et que
Madame a offert d'intercéder pour nous *.
A St. -Julien, on ne résolut qu'une chose, c'est qu'il y aurait
une nouvelle journée à Rolle, et elle n'eut pas lieu par la faute
des Savoyards.
L'activité déployée alors par les chefs de notre petit État
est vraiment remarquable. Non-seulement ils avaient, comme
toujours, à régler une foule de minimes affaires d'admini-
stration , on pourrait presque dire de ménage , mais en-
core, poursuivis par le désir de procurer des appuis à leur
patrie, ils s'efforçaient de resserrer les liens qui l'unissaient
avec les cantons et sollicitaient d'être compris dans l'alliance
que les Suisses négociaient avec la France. Ce n'est pas tout:
pendant que le duc et la duchesse faisaient présenter leurs pro-
positions d'accommodement, des avis arrivaient annonçant qu'une
entreprise contre notre ville se préparait en Savoie, et il fallait
prendre de nouvelles précautions pour la sûreté de la ville qui
avait à redouter une attaque du duc de Nemours ^.
Revenons aux deux Piémontais. Arrivés avec l'idée, chez
eux bien naturelle, que les réclamations de leur maître étaient
parfaitement justes, ils voyaient qu'on avait de bonnes raisons à
y opposer et ils pressaient sans doute pour qu'on leur envoyât
des instructions claires et précises. Ils écrivirent au Conseil le
' Registres du Conseil, vol. de 1565, f» 5, 7 février.
* Ibid. 1565, 18 février.
135
21 février, avouant qu'ils ne recevaient aucune réponse et in-
terprétaient ce silence comme un ordre de retourner dans
leur pays. « Au reste, disaient-ils, il ne faut point Messieurs
que vous vous esmerveilliés de telles manières de faire accous-
tumées aux princes, lesquelz souventes fois, encores qu'ils
ayent bien bon désir de faire une chose, toutesfois par ou-
bliance et par aultres empescliemens sont retardés de leurs
poursuites *. »
Le 22 février, de Bèze donna communication d'une lettre
qu'il venait de recevoir de la duchesse ; on y voit qu'elle com-
mence à n'avoir plus guère de confiance en sa tentative d'ar-
rangement.
« Monsieur de Beze. La diversité des oppinions que je voy
au faict des prétensions de Monsieur et mary sur la ville de Ge-
nève, entre les delléguez et aultres conseillers d'une et d'aul-
tre part, me feroit doubter grandement du succès par la voye
amyablement commencée, n'estoit l'espoir que vous m'en
donnez par vostre lettre du huictiesme de ce mois, comme font
aussi de vostre part plus particulièrement ceulx que a cest
effect je vous avois adressez dès le commencement de la Jour-
née tenue à St Gellou (c'est-a-dire à St. -Julien) ausquelz j'es-
criptz de rechef tant amplement, et avecq charge de vous com-
muniquer le tout, que par ceste je ne vous en replicqueray
aullre, sinon que à quelque bonne conclusion et à l'observa-
tion d'icelle mondit sieur et mary ne deffaudra aulcuneraent,
pourveu qu'il trouve la deue correspondance à ceulx à qui
elle est aultant nécessaire qu'à luy. Priant Dieu en cest en-
droict. Monsieur de Beze, vous avoir en sa saincle et digne
garde. De Quiers ceXVP jour de febvrier. Votre bonne amye
Marguerite de France ^ . »
(Suscription) : Monsieur de Bèze.
' Dossier no i 787.
2 Dossier n"> i 787.
136
On décida le même jour d'inviter les deux Piémontais au
festin qui devait être donné le lendemain aux députés de la
journée de Sl-Julien.
Le 24 février le Conseil fut encore assemblé pour délibérer
à l'occasion d'un nouvel écrit des ambassadeurs de la du-
chesse.
Ils semblent ici parler sans instructions positives, mais se
montrent animés du désir de procurer la paix entre leur maître
et une ville à laquelle ils sont affectionnés.
Ils considèrent d'abord leur prince comme duc de Savoie
et comme vicaire de l'empereur. Ils pensent que sous le pre-
mier rapport on pourra obtenir l'abandon de toute préten-
tion. Mais il faut qu'on lui rende hommage en tant que vicaire
de l'empire et comme a l'empereur : d'une part, il confirmera
tous nos privilèges ; d'autre part nous serons tenus de le visiter
une fois l'an et de lui faire quelque présent. Ensuite il faut que
nous soyons tellement liés avec le duc qu'il y ait obligation de
s'aider mutuellement : à cet effet, il tiendrait dans notre ville
une garnison choisie par nous dont nous serions les maî-
tres et dont il pourrait se servir au besoin. Enfin, tout ce qui
aurait été convenu entre S. A. et nous devrait être homologué
par l'empereur.
Cette communication paraissant importante , le Conseil en
remit l'examen h une commission dont de Bèze faisait partie.
Le 26 les commissaires firent leur rapport. Ils commen-
cèrent par* déclarer « la chose fort fâcheuse à déterminer. »
D'un côté ils trouveraient un grand avantage à obtenir de l'em-
pereur la confirmation de notre état actuel et à en finir avec
les querelles que la maison de Savoie pourrait nous faire ; de
l'autre, accorder au duc, sur notre ville, quelque prérogative
tant petite soit-elle, ce serait s'exposer à des dangers qui ris-
queraient fort d'amener notre ruine. En conséquence ils sont
d'avis de répondre que nous ne reconnaissons pas le duc de
Savoie comme vicaire d'empire sur cette ville, ses prédécesseurs
137
ayant été déboulés par les empereurs. Pour ce qui est de faire
alliance et amitié, il ne faut point repousser cette idée, mais
plutôt annoncer aux députés que nous sommes prêts a écouter
leurs propositions, pourvu qu'elle ne contiennent rien de con-
traire aux traités qui nous lient avec les Suisses.
Cet avis ayant été approuvé par le Conseil, Roset et Cheva-
lier furent chargés de répondre dans le même sens aux dé|)Utés
piémonlais, qui ne parurent nullement étonnés : ils dirent seu-
lement qu'ils n'étaient point autorisés à séparer, dans leurs
propositions, ce qui tenait à une alliance; mais qu'ils com-
prenaient les raisons qu'on leur avait alléguées et qu'ils les
feraient valoir auprès de S, A. Guarin prit a part le syndic
Roset et lui dit que le duc craignait que Genève ne se donnât
à la France, et que lorsqu'il saura noire ferme intention de
nous maintenir dans l'état actuel, il pourra peut-être êlre plus
coulant.
Les députés emportèrent deux lettres adressées à la du-
chesse, l'une du Conseil, l'autre de Théodore de Rèze.
Lettre du Conseil.
« Madame,
« Nous avons receu les lettres qu'il a pieu a Votre Excellence
nous envoier, et entendu ce qui nous a esté proposé par vos
embassadeurs. En quoy nous avons cogneu la bonne et sin-
cère affection qu'il vous plaist porter a notre petit Estât, dont
nous louons Dieu qui nous a donné faveur en si hault lieu et
en demeurerons à jamais grandement obligés à Votre Excel-
lence, vous suplians très humblement. Madame, de continuer
en ceste bonne volonté et nous avoir tousjours pour recoraan-
dés suyvant ceste vostre intention, laquelle Dieu aydant nous
ne décevrons jamais, comme de fait vous le pourrés entendre
amplement de voz embassadeurs, ausquelz nous nous sommes
138
déclarés simplement et ouvertement, et espérons bien que Vo-
tre Excellence, ayant considérées toutes noz raisons, trouvera
qu'elles sont équitables, et que nous ne désirons rien plus,
après la conservation de noz consciences et Estai, que de faire
très humble service à Son Altesse, et de si bon cueur que
nous espérons luy en donner occasion de contentement, selon
nostre petit pouvoir, et à Vostre Excellence aussi, à laquelle
nous suplions humblement d'estre recomandés.
« Madame, nous prions l'Eternel pour votre prospérité et
grandeur, à ce qu'il luy plaise la conserver et maintenir en sa
saincte garde et protection. Donné ce 27® février 1565.»
(t Les Sindics et Conseillers de Genève»
Lettre de Théodore de Bèze.
i< Madame,
« La longue demeure de vos Ambassadeurs par deçà n'est ad-
venue d'ailleurs que de ce qu'ils ont voulu attendre la résolu-
tion qui serait prinse avec Messieurs les Délégués par Son Al-
tesse, laquelle je pense que maintenant vous aurez entendue
assez propre, comme il me semble, pour parvenir à quelques
bons acords, pourveu que d'une part et d'autre on se déli-
bère de s'accommoder à toute bonne et équitable modération,
comme j'espère qu'il sera fait pour le moins du coslé de deçà.
Car peut estre mêmes que nostre Dieu a dressé ce moyen ex-
pressément, affin qu'un tiers mette en avant quelque expédient
que les parties ne peuvent veoir. Cependant vos Ambassadeurs
ont mis deux poincts en avant, desquels le premier ne semble
se pouvoir accepter aulcunement, pour plusieurs raisons si
grandes et si pertinentes selon mon petit jugement, qu'à mon
advis quand vostre Altesse mesme les auroit entendues, elle
139
s'en tiendroit satisfaite. Mais quant au second poinct par eux
proposé, il y a ce me semble grand' apparence d'entrer en
quelque bon accord par ceste ouverture, par laquelle Son Al-
tesse reçoive trop plus de service volontaire et soit trop plus
honorée selon sa grandeur par une ville de Genève avec quel-
que commodité pour ses subjects voisins d'icelle, que s'il l'avoit
réduicteà quelque extrémité; c'est à savoir quand il luy plaira
favoriser la liberté d'icelle et s'y faire plustost aimer et hono-
rer voluntairement, que révérer et craindre. Et de faict, aussy,
ce n'est point chose nouvelle ni dérogante à la grandeur d'un
prince, d'avoir des villes impériales et franches, voire quelque-
foys au milieu de leurs pays, comme il se peull veoir estre pra-
ticqué en toutes les principaullez d'Allemagne. Il ne reste donc
qu'à trouver ces moyens, lesquels je prie notre Seigneur vouloir
nous enseigner, ainsi que nous en avons conceu l'espérance
par la bonté de Dieu et moyennant l'affection sincère qu'il
plaira a Vostre Altesse portera ceste République, delaquelle je
vous puis derechef asseurer. Madame, que tout ce qu'il se
trouvera pouvoir estre moyenne, sauf la conscience et Testât
auquel il a pieu à Dieu les establir, ne sera jamais refusé par
eulx mais accepté de très-bon cueur, pour le désir qu'ils ont
de vivre en paix en leur petit Estât et pour le respect qu'ils ont
à Vos Altesses desquelles ils n'ignorent combien de biens et
faveur ils peuvent recevoir, et de ma part je m'esiimeray tous-
jours heureux de memployer selon mon petit pouvoir et la
charge qui m'est commise de Dieu à une si bonne et saincte
chose.
«Madame, je prie noslre Seigneur vous continuer ses sainc-
tes grâces et vous maintenir en sa saincte et digne garde. De
Genève 26^ de février 1565.
« Vostre très humble et obéissant serviteur
Th. de Bèze \ «
* Archives. Brouillons de lettres.
140
Telle fui l'issue de la seconde tentative de Marguerite.
On possède aux archives deux autres lettres ' de la même
princesse. L'une avait pour but de demander l'appui de notre
église auprès de celle de Grenoble pour qu'on lui laissât un
pasteur dont les services étaient fort utiles dans les vallées vau-
doises. L'autre était une recommandation en faveur d'un per-
sonnage nommé Ch. Pascal, qui avait hérité de son oncle J.-L.
Paschal. Ce dernier, aussi nommé Pascal et Pasqual, natif de
Coni, avait été reçu bourgeois de Genève en 1555 ; zélé pour la
foi prolestante dont il était un ministre, il périt martyr en Cala-
bre. Un autre zélé protestant, le marquis de Vico , qui s'é-
tait retiré à Genève depuis quelques années avait été nommé
exécuteur testamentaire par J.-L. Paschal et tuteur du jeune
homme. Guichenon nous apprend qu'après la mort de Margue-
rite, Ch. Paschal prononça son oraison funèbre en latin.
Nous ne connaissons pas d'autres traces officielles des rela-
tions entretenues par cette princesse avec Genève. Mais Sca-
liger, qui occupa, de 157!2 à 1574, une place de professeur
dans notre Académie, nous assure que la duchesse de Savoie
envoyait alors à Genève, chaque année, 4000 florins pour les
réfugiés français. Ce fait, qui n'était connu que du Petit Con-
seil et de Th. de Bèze, ne fut divulgué qu'après la mort de
Marguerite -.
Dans l'année 1574, lorsque Charles IX mourut bien jeune
encore, son frère le duc d'Anjou, qui avait été élu depuis peu
roi de Pologne, s'échappa furtivement de ses Etats, pour se
rendre en France où il régna sous le nom de Henri IIL S'étant
d'abord rendu a Vienne, il passa en Italie et s'arrêta dans di-
verses villes. Sa tante, la duchesse de Savoie, le reçut avec em-
pressement à Turin et chercha à lui faire entendre quelques bons
' Voyez Appendice, n"» 2 et 3.
* Scaligeriana, article Genève.
Ul
conseils. On dit que les fatigues des fêtesqu'elle lui donna, oc-
casionnèrent une maladie dont elle mourut le 14 septembre
1574, âgée de 51 ans.
Ce dut être une grande perte pour les sujets du duc qui
étaient attachés aux principes de la Réforme. Mais la princesse,
par son inépuisable bonté, avait su gagner le cœur de toutes
sortes de personnes, sans distinction de religion. Car, comme
le dit un auteur qui avait eu l'honneur de la connaître : « Elle
se fit tellement aimer aux terres et pays de son mary, que,
lorsqu'elle mourut, les pleurs et les larmes eurent tel cours
parmy tout le peuple, depuis le plus grand jusques au plus pe-
tit, qu'elles ne purent jamais assécher ny prendre fin. Aussi
parlait-elle pour tous à Monsieur son mary lorsqu'ils étoient
en nécessité ou adversité, ou en peine, ou en faute, et luy en
requéroit grâce ou pardon pour ceux qui bien souvent sans
elle ny ses intercessions ne l'eussent eu. Aussi l'appelloient-
ils tous leur Palrone '. »
Marguerite ne laissa qu'un fils, qui fut plus tard Charles-
Emmanuel I^"", ce rude ennemi de Genève. Au mois de sep-
tembre 1576, le duc Emmanuel-Philibert ayant passé les
monts pour visiter ses provinces de Savoie, le P. Conseil se
décida à l'envoyer complimenter. La députation, arrivée à
Chambéry, ne put être reçue par le duc qui était malade, mais
le prince de Piémont fut chargé de représenter son père et
s'en tira convenablement. Il répondit en peu de mots au dis-
cours du principal député genevois : « Je feray toujours play-
sir de bien bon cœur à Messieurs de Genève vos supérieurs. »
La députation fut ensuite invitée a dîner par le président Mil-
liet, qui rapporta au syndic Roset que Monsieur le prince l'a-
vait expressément chargé de leur dire « que sa mère portoit
grande affection à ceste ville, de laquelle affection il vouloit
» Brantôme, t. II, p. 469.
142
estre héritier de sa mère, et le feroii paroistre quanti l'occa-
sion s'en offrira ' , »
Le prince était alors bien jeune (il n'avait pas 15 ans ac-
complis) ; on aime à croire qu'il ne pensait pas encore à l'Es-
calade.
Tb. H.
* Registres du Conseil, 1576, foi. 134, 29 septembre .
APPENDICE
N» 1
Lettre de la duchesse Marguerite à Théodore de Bèze.
De Quiers, 23 janvier 1565.
Portefeuille des pièces historiques, dossier n» 1787.
Monsieur de Bèze. Envoyant ces porteurs par delà pour les affaires que
vous entendrez par eulx et par les lettres qu'ils portent à Messieurs du
Conseil et Scindicqz de Genève, j'ay bien voullu les accompaigner de la
présente pour vous prier particulliéreraent de meurement considérer le
bien et repoz que l'on peut espérer de la détermination de cest affaire et
croyre qu'il n'y aura aucune faute ne contrevention des choses qui seront
promises. Car autrement je ne vous en vouldroys asseurer, et sur ce je
143
prieray Dieu, Monsieur de Béze, vous avoir en sa saincte garde. De
Quiers, ce XX!!!"*» jour de Janvyer.
Vostre bonne amie,
Marguerite de France.
(Suscription) : A Monsieur de Béze.
N^ 2
Au Conseil de Genève. — De Turin, 24 juin 1566.
Portefeuille des pièces historiques, dossier n" 1680.
Messieurs. Les troubles et dissensions que j'ay veu ordineirement entre
les pauvres peuples des vallées d'Angroigne, Luserne et Saint-Martin de-
puis que Maistre Estienne Enoel en est party sont cause que je l'ay envoyé
quérir à Grenoble, pour résider quelque temps avecques eulx, parce qu'il
ne se peult trouver personne qui puisse mieux moyenner ung repoz entre
ces pauvres gens que luy, pour la longue connoissance qu'il a aux affaires
desdites vallées. J'ay prié aussi l'église de Grenoble de me le prester
pour trois mois. Leur responce est qu'ilz ne le peuvent laisser que jusques
au XXIIII'"^ de Juing. Et pour ce que ledit Enoel est fort utile et néces-
saire en ces pays icy et que sa résidence ne sert pas seulement aux Val-
lées, mais en beaucoup d'autres lieux, je vous prie, Messieurs, estre
moyen pour moy envers ladite église de Grenoble qu'il me soit laissé
pour tousjours ou à tout le moings pour ung an, et leur envoyer ung autre
ministre affm qu'ilz ayent plus de moyens de demeurer contans. Si vous
sçaviez le fruict qu'il a desjà faict par deçà, je m'asseure que vous mesmes
auriez requis et me voudriez proumettre qu'il en partist. Et oultre l'obli-
gation que vous aura une infinité de pauvres personnes, vous me ferez
ung singulier plaisir que je recognoistray où j'auray le moyen de ce faire,
d'aussy bon cueur que je prie Dieu, Messieurs, vous avoir en sa saincte
et digne garde.
De Thurin ce premierjour de juing 1566.
Vostre bonne amye,
Marguerite de France.
{Suscription) : Messieurs les Conseilliers et Scindiez de la ville de
Genève.
144
N^ 3
Aux Syndics de Genève. — De Turin, 12 novembre 1567.
Dossier n" 1825.
Messieurs. Charles Paschal, l'un de noz subjectz, m'a faict entendre
comme il y a longtemps qu'ung sien oncle luy auroit laissé par testament
quelque somme de deniers dépositée entre les mains du sieur Galeaz Car-
raciol, marquis de Vice, à condition qu'il n'en pourroit jouir que premier
il n'eust attainct l'aage compétant pour en disposer, et pource qu'il a ung
procès de deçà que luy est d'importance et qu'il n'a moyen d'en solliciter
l'expédition sans l'ayde et secours desdits deniers, il m'a faict suplyer de
vous escrire sur ce faict en sa recommandation, ce que je luy ay bien voulu
accorder et vous prier par ce mot, comme je fais, de vous contanter que
ledit sieur marquis remette lesdits deniers entre les mains dudit Paschal,
affm qu'il ayt moyen de poursuyvre plus commodément ces affaires, le-
quel à ce que je peux entendre est désormais de si bon aage pour manyer
ce que luy appartient, qu'à mon opinion vousy aurez esgard, combien que,
si vous estes délibéré d'observer la condition contenue au testament si non
faicte, je men remettray tousjours sur vostre disposition, et en cest endroit
pour ne vous en faire autre instance je feray fm, priant Dieu, Messieurs,
vous avoir en sa saincte garde.
De Thurin ce Xll™« de novembre i567.
Vostre bonne amie,
Marguerite de France.
BULLETIN
DE LA
(SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE
AOUT 1864
Personnel <le la Société*
Notre dernier Bulletin est daté de février 1863 (t. XIII, p. 126). Dés
lors, la Société a perdu deux de ses membres ordinaires, savoir : M. Ri-
GOT-FiNGUERLiN (mort le 21 février 1863), et M. J.-Fr. Demole, doc-
teur en droit et notaire (mort le 18 mars 1864).
Elle a eu connaissance du décès de trois de ses membres correspon-
dants : MM. le duc Serra di Falco, deGingins-La-Sarraz etTROUiL-
LAT.
D'autre part, elle a reçu au nombre de ses membres ordinaires :
1863. MM. Roux, Domaine.
» Pascalis, Etienne.
» DuFOUR, Théophile.
1864. » RiGOT, Eugène.
T> N^F, Fr., pasteur.
D Peyrot, David.
» DE PouRTALÈs, Alexandre.
T. XV, V' part. 10
146
1864. MM. Thioly, François.
» DupiN, J.-P., docteur-chirurgien.
» Du Bois, Charles.
» KuNDiG, Guillaume.
» Gas, Fr., bibliothécaire.
Et au nombre de ses correspondants :
1863. MM. Daguet, Alexandre, professeur, à Fribourg.
» Gremaud (l'abbé), professeur, à Fribourg.
» Ducis (l'abbé), archiviste à Annecy.
» Lecoy de la Marche, archiviste, à Chambéry.
» Secrétan, Edouard, professeur, à Lausanne.
1864. ï) Baum, Guillaume, professeur, à Strasbourg.
» CuNiTZ, Edouard, professeur, à Strasbourg.
» Reuss, Edouard, professeur, à Strasbourg.
Ifléinoires, Rapport», etc.
Présentés à la Société depuis le commencement de Vannée 186S.
Séance du 29 janvier i863. — Compte rendu du président, M. Ch.
Lt; Fort, sur les travaux de la Société pendant l'année écoulée.
L'Abbaye de Bonmont, mémoire de M. Al. Van Berchem, l""» partie.
Antiquités trouvées aux environs de Veirier, communication de M. le
docteur Gosse.
Communication de M. Chaïx sur les inscriptions funéraires près de
Constantine.
Séance du 12 février 1863. — Compte rendu par M. Amédée RoGEt de
l'ouvrage intitulé : Commentaires de Charles V, publiés pour la première
fois par M. Kervyn de Lettenhove. (Imprimé dans la Bibliothèque Uni-
verselle de mars 1863.)
Visites de missionnaires jésuites dans le Pays de Gex, par M. Th.
Claparède.
Communications de M. Briquet sur le Taschenhuch de Berne pour
1864; de M. Ch. Le Fort sur l'Album de Claude de Senarclens ; de
M. Malan-Sillem, sur un ouvrage intitulé : Le Pauvre homme du Tog-
genhourg.
147
Séance du 26 février 18G3. — L'Abbaye de Bonmont, par M. Al. Van
Berchem, 2"" partie.
Sur un procès de taillabilité jugé en 1538 à Gex par les tribunaux ber-
nois, par M. Ch. Le Fort.
Séance du 12 mars i863.—\oysLge de Jean Diodati.à Venise en 1608,
notice par M. Eug. de Budé.
Compte rendu de la correspondance de Maximilien et de Marguerite
d'Autriche, 1507-1518, par M. Am. Roget.
Règlements et Ordonnances sur les jeux à Genève, de 1490 à 1793,
par M. Th. Heyer.
Séance du 26 mars 1863.— 'Notice biographique sur Martin Crusius,
philologue allemand (1526-1607), par M. Louis Dufour,
Communications de M. H. Fazy sur une mosaïque à sujets mytho-
logiques découverte à Orbe et sur divers objets antiques récemment trou-
vés dans la même localité.
Lettres adressées à Jean-Alph. Turrettini par le professeur Wéren-
fels de Bâle, de 1699 à 1712, communiquées par M. Eug. de Budé.
Lettres de M. Naville Rilliet, 1798, communiquées par M. de Can-
dolle.
Séance du 30 avril 1863. — Monnaies émises par Kossuth en 1848,
notice par M. Fr. Seguin.
Relations de la famille Turquet de Mayerne avec Genève, par M. Th.
Heyer.
Fragments du catalogue de la collection épigraphique du Musée ar-
chéologique de Genève, par M. H. Fazy.
Articles des registres du Conseil relatifs à l'attitude des Bernois à
l'égard de Genève en 1474, communiqués par M. Am. Roget.
Séance du 29 octobre 1863. — Acte de combourgeoisie entre Berne et
Fribourg d'une part et l'évéque Jean-Louis de Savoie d'autre part. (Voyez
ci-dessus, p. 73.)
Notice sur la Tour-Maîtresse, par M. Henri Bordier.
Rapport de M. H. Bordier sur les matériaux pour l'histoire de Genève
qui se trouvent dans les bibliothèques publiques de Paris, sur la corres-
pondance de Guichenon, etc.
Renseignements sur Philib. Hamelin, imprimeur et libraire à Genève
dés 1549, martyr en France en 1557, par M. Th. Heyer. (Bulletin de
la Société de l'histoire du protestantisme français, XH, p. 469.)
148
Article de Léonard Baiilacre sur la vie de Marie Alacoque (Bibl.
germ., t. XXIII, 1732), communiqué par M. Th. Heyer.
Mémoires de l'Institut vénitien, archives notariées, compte rendu par
M. Chaix.
Séance du 36 novembre 1863. — Jacques Saurin, sa jeunesse et son sé-
jour à Genève, par M. Gaberel.
Notes sur l'ancien temple de Chancy et sur les inhumations dans
les églises de campagne, par M. Th. CLAPARÈnE.
Liste des personnes tuées à l'Escalade d'après le registre des décès
(voir p. 150), communiquée par M. Ch. Le Fort.
De la forme des chiffres arabes au quinzième et au seizième siècle,
par M. Hammann.
Communications de M. Gosse sur les haches de pierre trouvées ré-
cemment à Moillesulaz, et sur l'arrangement du Musée arcliéologique de
la ville.
Séance du 10 décembre 1863. — La Suisse et les Suisses dans les
ouvrages de M. Thiers, par M. A. Morin, 1'° partie.
Rectification du récit traditionnel relatif à la mort du prince Louis-
Ferdinand de Prusse avant la bataille de léna, communication de M. Ga-
berel.
Description de divers objets d'antiquités donnés au Musée de la ville,
par M. Gosse,
Séance du 1â janvier 1864. — Rapport de M. Ch. Le Fort^ président,
sur les travaux de la Société pendant l'année i863.
Essai sur l'origine et la signification des armoiries des cantons suisses,
par M. Adolphe Gautier. (Voyez ci-dessus, p. 1 à 28.)
Notes sur le peintre Jacques-Antoine Arlaud, par M. Th. Heyer.
Séance du 28 janvier 1864. — Notice sur Jean Mestrezat, par M. le
pasteur Archinard. (Voyez p. 29.)
Notice sur H. Zschokke, par M. Gust. Reyilliod. {Bibliothèque Uni-
verselle^ mars 1864.)
Acte relatif à l'apprentissage de J,-J. Rousseau, communiqué par
M. Théophile Dufour. (Voyez p. 151.)
Séance du 11 février 1864. — ■ La Suisse et les Suisses dans les ou-
vrages de M. Thiers, par M. A. Morin, 2""^ partie.
Renseignements et observations sur la manière dont le Conseil gé-
néral de Genève fonctionnait dans le quinzième siècle, par M. A. Roget.
149
Règles suivies par les anciens architectes dans la construction des
églises, par M. Archinard.
Séatice du 25 février 1804. — Note sur les carreaux de faïence pour
poêles, par M. Hammann.
Notice biographique sur Adolphe Lullin, par M. Ch. Eynard.
Communications de M. Hammann sur les marques de maisons; de
M. A. RoGET sur la chronique de Valerius Anshelm ; et de M. Gosse sur
les antiquités données au Musée.
Séance du 10 mars 186i. — Lettres de Pierre de la Baume à Besançon
Hugues, extraites des Archives de Turin et communiquées par M. Merle
d'Aubigné.
Fragments extraits du régeste genevois, par MM. Lullin-Dunant
et Ch. Le Fort.
Analyse de la chronique de Geoffroi de Villehardouin, par M. Chaix.
Fouilles à la Croix-de-Rozon, rapport de M. L. Micheli.
Demandes de pasteurs faites au gouvernement bernois dans le sei-
zième siècle, par des Églises françaises, notice de M, Th. Claparède.
(Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français, XIII, 126.)
Séance du 24 mars 1864. — Les Genevez, par M. Louis Dufour.
(Voy. p. 83.)
Mémoire de M. de Bellegarde, ambassadeur du duc de Savoie
Charles III, à l'empereur Charles V, en 1530, communication de M.
Merle d'Aubigné.
Deux visites à Nicolas de Flue, relations de Jean de Waldheim et
d'Albert de Bonstetten, traduites par M. Ed. Fick,
Note sur les fouilles de Piobenhausen, par M. Thioly.
Communications de M. Gosse sur les fouilles des Eaux-Vives, et
sur les objets donnés au Musée.
Les cachets de Calvin, par M. Hammann.
Séance du 28 avril 1864. — Coup d'œil sur les types des monnaies
russes au moyen âge, par M. Fr. Seguin.
Etudes archéologiques sur la Rhétie, par M. Hammann.
Note sur un évêché dont le siège aurait été à Nyon, par M. Ch.
Le Fort.
Communications de M. Gosse sur les habitations lacustres des Eaux-
Vives et sur les nouvelles acquisitions du Musée.
Inventaire des meubles de la Seigneurie laissés en 1630 par le sau-
150
tier Mestrezat à son successeur, communiqué par M. Th. Heyer. (Voyez
p. 153.)
Lettre de François I*^'" aux syndics de Genève, en 1534, communi-
quée par M. RoGET.
Séance du 12 mai 1864. — Extraits de la correspondance des députés
genevois à Berne en t53S, d'après des manuscrits appartenant à M. le
professeur Galiffe, par M. Am. Roget.
Les princesses de Portugal cà Genève (dix-septième siècle) , par M.
Th. Heyer.
Notice sur des pierres milliaires récemment découvertes, par M. Aug.
TuRRETTiNi. (Voyez p. 113.)
Renseignements sur la mort de Calvin, communiqués par M. Ch.
Le Fort.
Rôle «le ceux que furent taiés à l'Escalade , extrait
des registres mortuaires*.
Nob. Jean Canal, seigneur conseiller, âgé de 60 ans ; mort des
playes reçues de nos ennemis en l'assaut qu'ils nous firent par surprise,
près la Porte-Neuve, sur les 4 heures du matin.
Nob. Jean Vandel, citoyen, âgé de 60 ans, du 200, mort de même
cause et à la même heure, près de la muraille de la dite porte.
Nob. Louis Bandière, citoyen, du 200 en 1590 et du LX.àgé de 45
ans, mort près de l'Horloge de la Monnoye.
Hon. Nicolas Bogueret, maître architecte, bourgeois, âgé de 65
ans, mort vers le milieu de la montée de la Porte-Neuve à la Treille.
Hon. Pierre Cabriol, marchand, citoyen, âgé de 36 ans, mort près
de la Corraterie (du 200 en 1594).
^ On connaît les noms des victimes de Ja nuit de TEscalade : ils sont ins-
crits sur le petit monument placé dans l'ancien cimetière de St-Gervais.
Mais le registre des décès renferme sm' leur âge, leur profession, etc., des
renseignements dignes d'intérêt. Le volume original des registres mor-
tuaires pour l'année 1602 étant actuellement égaré, nous reproduisons une
copie contenue dans un recueil manuscrit qui appartenait à M. Rocca et qui
a été donné à la Société d'Histoire par M. le D' Butini. Cette copie date de
1813.
151
Maître Michel Monard, tailleur d'habits, habitant, âgé de 40 ans,
mort près de la Corraterie.
Maître Jean Guignet, cordouannier, habitant, âgé de 55 ans, mort en
la descente Tartasse.
Nob. Marc Cambiago, citoyen, âgé de 25 ans, près de la Porte-
Neuve.
Hon. Daniel Humbert, marchand drapier, citoyen, âgé de 22 ans,
mort près de la Corraterie.
Nob. Louis Gallatin, citoyen, marchand, âgé de 28 ans.
Hon. Abraham de Baptista, citoyen, serviteur chez le citoyen Peaget,
âgé de 25 ans, mort en la maison de son dit maître, près la Corraterie,
en même temps.
Jean -Jaques Mercier, marchand passementier, bourgeois, âgé
de 30 ans, mort de même cause, sur les 7 heures du matin, chez Sire
André Charnier, rue de la Grande-Boucherie, où il avait été porté.
Hon. Philippe Poteau, confisseur, habitant, âgé de 35 ans, mort
sous l'arcade de la Monnoye.
Hon. Martin de Bolo, habitant, imprimeur, âgé de 36 ans, mort
près la Porte-Neuve.
Hon. Jaques Petit, habitant, âgé de 41 ans, mort à la Corraterie.
Hon. François de Bossard-Gex, dit le Grand-François, veloutier,
habitant, âgé de 40 ans. mort entre les murailles et jardins, lieu du combat
et grand effort de l'ennemi.
Hon. GÉRARD Mousi , habitant, masson, âgé de 25 ans, mort des
blessures reçues des ennemis, le 12 de ce mois.
{Rôle des magistrats de Genève et autres pièces transcnles en 1813^
in-4, n" XHI.)
Convention entre Isaac Rousseau et Abel Dw
Commun, à l'occasion «le la fuite de Jean- Jacques •
M. Théophile Dufour a trouvé aux Archives l'acte suivant passé entre
le père de Piousseau et son patron Du Com.mun, et destiné à fixer les obli-
gations des deux contractants dans le cas où le jeune déserteur ne revien-
drait pas à Genève terminer son apprentissage.
« Du 30 mars 1728, après midi. Personnellement se sont établis les
/
152
« Sieurs Isaac Rousseau, d'une part, et le Sieur Abel Du Commun, tous
« deux citoyens, d'autre, lesquels de gré, toutes mutuelles stipulations
« et acceptations à ce intervenant, ont dit et déclaré avoir traité en la
« manière suivante à l'occasion de la désertion du Sieur Jean-Jaques
a Rousseau, fils du dit Sieur Isaac, qui était en apprentissage chez le
<i dit Sieur Du Commun, sous le cautionnement du Sieur Gabriel Bernard
« comme porteur de procure du dit Sieur Rousseau, savoir, que si le dit
« apprenti revient dans le terme de quatre mois à commencer dés ce-
« jourd'huy, qu'il retournera chez le dit Sieur, son maître, pour y finir
« son dit apprentissage, suivant l'acte * qui en a été passé par-devant Maître
« Choisy, notaire, et au cas que le dit apprenti ne vienne pas dans le
« susdit temps, le dit Sieur Rousseau devra payer, ainsi qu'il s'oblige
'.: de faire, au dit Sieur Du Commun la somme de vingt-cinq écus blancs *
« pour tous dépens, dommages et intérêts; ce étant réglé entre les par-
ti ties, moyennant quoi le dit acte d'apprentissage restera nul et comme
î non avenu, et le dit Sieur Bernard, aussi bien que les dits Sieurs
a Rousseau père et fils, demeureront entièrement quittes et déchargés de
« toutes recherches, ce que les dites parties ont promis d'observer par
<i serment, à peine de tous dépens, aux obligations de leurs biens présents
ï et à venir, soumissions à toutes cours, constitutions des dits biens,
« renonciations à tous droits contraires et autres clauses requises. Fait
« et prononcé au dit Genève, en mon Etude, à ce présents Sieurs David
« PiivaP et Etienne Bertrand, natifs, témoins requis qui ont signé avec
« les parties. » (Signé) Isaac Rousseau , Abel Du Commun, D. Rival,
E. Bertrand, Rilliet, notaire.
(Minutes de J.-A. Rilliet, vol' de 1725 à 1728, fol. 439 et 440.)
' M. de Grenus a publié cet acte dans ses Glanures, n" 5, pages H7-H9.
- Soit florins 162 6 ^ ou un peu plus de 121 francs.
" Peu de temps après, le même David Rival accompagna Isaac Rousseau
qui se mettait à la recherche de son lils. « Le lendemain de mou départ
« d'Annecy, » dit Jean-Jacques, « mon père y arriva courant à ma piste avec
« un 31. Rival, son ami, horloger comme lui, homme d'esprit, bel esprit
« même, qui faisait des vers mieux que La Motte et parlait presque aussi
« bien que lui, de plus parfaitement honnête liomme, mais dont la littéra-
« ture déplacée n'aboutit qu'à faire un de ses fils comédien, r- Confessiotis,
hvre II.
153
mémoire de ce f|ui a esté remis à IVob. Iflicliel
Killiet, par ]\ob. Gasiiard Mestrezat, sautier, de
ee «lui appartient à la Seignetirie.
Premièrement deux cussinets de velours violet, figurés.
Item quatre cussinets de velours rouge, figurés.
Item un grand tapis, façon de turquie, avec les armes de la Sei-
gneurie.
Item un autre grand tapis de Turquie.
Item un autre beau tapis de Turquie pour une table ronde.
Item les tapisseries lorsque l'on tait justice.
Item le grand escritoire d'or qui se porte en général '.
Item luy ont esté remis les deux bibles qui sont en la salle du Conseil.
Item le tapis qui est ordinairement sur la table de Messieurs les Sin-
dicques.
Item six grandes semaizes.
Item quatre semaizes moyennes.
Item deux tables de noyer, assavoir l'une en la chambre des Appella-
tions et l'autre qui estoyt autrefois en la chambre des Appellations,
marquettée dessus.
Item la boitte du seau avec le seau d'argent qui sert pour seller au
sautier.
Item un escusson d'argent avec les armoiries de la Seigneurie pour bail-
ler aux officiers qui sont envoyez en Suisse et ailleurs.
Item une seringue ^ de Lotton marquée de la marque de la Seigneurie .
Item un tappis de fleuret servant au poile des Appellations.
Je soussigné, confesse avoir receu de M. Gaspard Mestrezat les meu-
bles ci dessus mentionnez, ce premier Janvier 1630. (Signé) Rilliet.
(Extrait du Registre de la Chambre des Comptes, n° 2, /"" 2'/8.)
* C'est-à-dire au Conseil généra!, qui se réunissait alors dans la cathédrale.
- II s'agit probablement d'une petite pompe à incendie que Ton gardait
dans l'hôtel de ville.
154
Ouvrages sur l'Histoire de Genève antérieure
à 1999.
Fubliés du l^'' janvier 1863 au 30 juin 1864 '.
I. OUVRAGES GÉNÉRAUX.
F. Frogerays. Genève ancienne et moderne. Indicateur genevois et
guide des étrangers, Genève, 1864 ; 167 p. in-12. Châteauvieux.
PiGTET DE Sergy, Genève ancienne et nouvelle. Etude d'histoire na-
tionale. Genève, Bonnant, 1864 ; SO p. in-8.
H. Fazy. Catalogue du Musée cantonal d'archéologie de Genève. —
Genève 1863, in-8.
A. Archinard. Les Édifices religieux de la vieille de Genève. 1 vol.
in-8, 356 p. Genève, 1864.
Th. Heyer. Notice sur les médaillons de l'Athénée. (Extrait du bulle-
tin de la Classe d'industrie.) Br. in-8. — Courtes notices biographiques.
John Jullien. Histoire de Genève racontée aux jeunes Genevois. Troi-
sième et dernière partie. Genève, 1863.
II. MOYEN AGE.
Recueil des Franchises et Lois municipales des principales villes de
l'ancien diocèse de Genève, avec introduction, par MM. P. Lullin et
Ch. Le Fort. (M. D. G. XIII, 2« partie, xxviii et 248 p.)
Jules Vuy. Chartes inédites, avec un avant-propos et des notes.
(Ces documents sont au nombre de douze.) Mém. de l'Institut national
genevois, tome IX. Genève, 1864.
Recueil diplomatique du canton de Fribourg. VII^ cahier. Fribourg,
1863. — Renferme quatre documents de l'année 1429, concernant les
relations commerciales entre Genève et Fribourg, constatant en particu-
lier l'existence, dans cette dernière ville, d'une halle de Genève.
Sammlungder ailtern eidgenôssischen Abschiede. 2''Band, von Segesser,
1421 à 1477. — Ce volume, comprenant toute la période des guerres de
Bourgogne, renferme un grand nombre de documents sur la position de
Genève à cette époque et ses relations avec les Suisses.
• Nous continuons ici, en cherchant à le rendre plus complet, l'essai de
bibliographie historique genevoise commencé dans un précédent volume.
Voy. t. XIII, partie I'% p. 139, pour les ouvrages publiés de 1860 à 1862.
155
lïl. SEIZIEME SIECLE.
(On a compris, sous cette rubrique, les ouvrages, discours, etc., pu-
bliés à l'occasion du 300° anniversaire de la mort de Calvin.)
Amédée Roget. Les Suisses et Genève ou l'émancipation de la com-
munauté genevoise au seizième siècle. Tome I. Genève, 1864; in-12.
Jullien frères.
La chronique du marchand de Genève, avec Notice préliminaire, par
Gustave Revilliod. (M. D. G. XIII, I''" part., p. 23 à 29.)
G. GoGUEL. Le réformateur de la France et de Genève, Jean Calvin,
sa famille, son caractère, etc. Toulouse, 1863. Un vol. in-12.
Gaberel. Les grands jours de l'Eglise réformée. Quatre conférences,
br. in-18 ; 101 p. Genève, 1863.
Baum. Calvini opéra quœ supersunt omnia. Ad fidem edit. principum et
authent. ex parte etiam codicum manuscriptorum, additis Prolegomenis
litterariis, annotationibus criticis, annalibus calvinianis indicihusque novis
et copiossisimis ediderunt G. Baum, F. Ciinitz, E. Reiiss. Vol. I, cum
Calvini effigie; in-i»; 1863. Vol. II, 1864.
M.EHLY (Jakob). Sébastian Castallio. Ein biographischer Versuch nach
den Quellen. In-8; 151 p. Basel, 1863. Ce volume renferme deux cha-
pitres sur le séjour de Castellion à Genève et ses discussions avec Calvin,
E. St^helin. Johannes Calvin, Leben und ausgewahlte Schriften.
2 vol. in-8. Elberfeld, 1863.
Galiffe. Neuestes ûber Calvin. Brochure in-8, 43 pages. Frankfurt,
1863. (Extrait et traduit de : Quelques pages d'histoire exacte, etc.,
par M. Thudichum.)
Merle d'Aubigné. Histoire de la Réformation en Europe aux temps
de Calvin. Tome III. France, Suisse, Genève. — Paris, 1864 ; in-8.
Galiffe. Nouvelles pages d'histoire exacte, soit le procès de Pierre
Ameaux et ses incidents, etc., 1346. Genève; 116 pages in-4, dans Mé-
moires de l'Institut national genevois, tome IX. — Tiré h part en petit
nombre.
Mœrikofer (J.-C). Bilder aus dem kirchlichen Leben derSchweiz.
Petit in-8. Leipzig, 1864. Contient les articles suivants sur Genève : Ge-
nève à l'époque romaine. — Le christianisme chez les Burgondes. — Les
Églises de la Suisse romande. — Genève et Calvin. — Viret, Bèze, Fa-
rel. — • Les réfugiés français en Suisse.
156
Fleury (l'abbé). Le clergé catholique et les ministres pendant les pestes
à Genève. Paris, 1864, in-8.
Fleury (l'abbé). Saint-François de Sales, le Père Chérubin et les mi-
nistres de Genève. Paris, 1864, in-8.
Klemme (F.) Das Leben Johann Calvin's. în-8 ; 50 pages. Kassel,
1864.
Zahn (Âdolph). Die Zœglinge Calvin's in Flalle an der Saale. In-8 ;
172 pages; un portrait et deux vues. Halle, 1864.
Pressel (P.) Johann Calvin. Ein evangelisches Lebensbild. In-8 ;
263 pages; portrait. Elberfeld, 1864.
Vie de Jean Calvin, par Th. de Béze. Nouvelle édition, publiée et an-
notée, par A. Franklin. 1 vol. in-18. Paris, 1864. — Voyez sur cet ou-
vrage : A. RiLLiET. Bibliographie de la vie de Calvin par Théodore de
Bèze. Correspondance littéraire, 25 mars ^864, p. 138. — Lettre au
sujet de la vie de Calvin, par Théodore de Bèze, par M. Chauffour-
Kestner. Même recueil, p. 178.
Jules Bonnet. Récits du seizième siècle, contenant : Derniers jours de
Lefèvres d'Etaples, — Calvin au Val d'Aoste, — Les Amitiés de Calvin,
— Juan Diaz, — La famille de Curione, — Lettres familières de Calvin.
1 vol. in-18. Paris, 1864; 359 pages.
G. DE FÉLiCE. Histoire des Synodes nationaux des Églises réformées
de France. — Fait connaître les rapports de ces Églises avec celle de
Genève ,
C.-O. ViGUET et D. TissoT. Calvin d'après Calvin. Fragments ex-
traits des Œuvres françaises du Réformateur. In-8, comprenant : des
Autobiographies (I-V) ; des Exégèses (I-VI) ; des Sujets dogmatiques
(1-X) ; des Sermons (I-XVHI), dont 3 inédits ; un choix de Pensées ; des
fragments apologétiques et polémiques, et des Prières. Orné d'un fac-si-
milé et de deux sceaux. Genève, 1864.
F. PuAux. Vie de Calvin. Avec seize portraits. Paris et Genève, 1864 ;
in-12.
F. BuNGENER. Calvin. Quelques pages pour la jeunesse à l'occasion du
27 mai 1864. In-18. Genève, 1864.
Récit de la dernière maladie et de la mort de M. Jean Calvin, ministre
de la parole; de Dieu en l'Église de Genève, par un témoin oculaire ; re-
mis au jour dans un style intelligible à tous et publié pour le 27 mai
1864. Brochure in-12; 39 pages. Genève, Georg, éditeur. — Extrait de
la vie de Calvin, par Théodore de Béze.
157
Procès-verbal de la séance tenue par la Compaignie des Pasteurs et
Professeurs de l'Église de Genève après la mort de M. I. Calvin, le Ven-
dredy S»" iour de Juing 1561. — Brochure in-4, imprimé par J.-G.
Fick et publié par M. Sués-Ducommun à l'occasion du troisième Jubilé
séculaire de la mort de Jean Calvin, 27 mai 1564.
Caluin. Trailté des Reliqves. — Autre traitté des reliqves contre le
décret du Concile de Trente, traduit du latin de M. Chemnicius. — In-
ventaire des Reliqves de Rome, mis d'italien en françois. — Response aux
allégations de R. Bellarmin pour les Reliques. In-12-, 24 et 232 pages
(Genève, 1863). (Réimpression fidèle de l'édition de 1599, par les soins
de G. Revilliod.)
Frœhlich (A.-E.). Joliannes Calvin. Zehn Gesânge zu dessen 300
jahriger Todesfeier. In-12 ; 255 pages. Zurich, 1864.
Calvin (Pensées de). In-8 ; 35 pages. Genève, 1864.
Calvin et les Genevois, ou la vérité sur Calvin. 1864; 55 pages in-8.
[L'abbé Fleury]. Calvin à Genève. Quelques pages de sa vie à l'occa-
sion du 300"»*' anniversaire de sa mort. Par un Genevois. Genève,
1864; 128 pages in-8.
Grœn van Prinsterer. La Hollande et l'influence de Calvin. 27 mai
1864; in-8; 35 pages. Amsterdam, 1864.
Correspondance des réformateurs dans les pays de langue française, re-
cueillie et publiée avec d'autres lettres relatives à la Réforme et des notes
historiques et biographiques, par A.-L. Hermirijard, Prospectus et Spé-
cimen. In-8. Genève, 1864.
A. RiLLiET. Lettre à M. Merle d'Aubigné sur deux points obscurs de
la vie de Calvin : 1° De la première édition de l'Institution chrétienne;
2° du voyage de Calvin en Italie et de son arrivée à Genève. Brochure
in-8. Genève, 1864.
Fleury (l'abbé). Courte réponse aux dernières attaques contre la bro-
chure : Calvin à Genève.
C.-O. Viguet. Etude sur le caractère distinctif de Jean Calvin. Bro-
chure in-8. Genève, 1864.
Fritzsche (Prof. 0. -F.). Calvin. GedaechtnissredeimNamendertheolog.
Facultset in Zurich bei der Feier des 300joehrigcn Todestages J. G.,
27 mai 1864. In-8 ; 28 pages. Zurich, 1864.
Merle d'Aubigné. Enseignement de Calvin pour le temps actuel, ou
glorifier Christ, pensée souveraine du Réformateur. Discours prononcé le
27 mai 1864. In-8; 31 pages. Genève, 1864.
158
Calvin. Cinq discours prêches à Genève le 29 mai 1864, par MM. 01-
tramare, Coulin, Tournier, Bungener et Gaberel. In-12; 127 pages. Ge-
nève, 1864.
Le 300*^ anniversaire de la mort de Calvin célébré à l'église de l'Ora-
toire, à Paris, les 27 et 28 mai 1864. Deux conférences, par G. de
Félice.
IV. DlX-SEPTlÉME ET DIX-HUITIÉME SIÈCLES.
Th. Heyer. Souvenirs historiques de la famille Godefroy, spécialement
sur Denis Godefroy, professeur de droit. (M. D. G., Xlll, l'"<= partie, pages
132 à 137.)
Relation du voyage de Jean Diodati à Venise en 1706, publiée avec in-
troduction par Eug. DE BuDÉ. (Extrait de la Semaine religieuse.) Genève,
brochure in-8.
Lettres trouvées. Pages historiques sur un épisode de la vie de Jean
Diodati. — Publiées par Ph. Plan. Brochure in-18, imp. par J.-G. Fick.
Genève, 1864.
Th. Heyer. Deux députations genevoises auprès des provinces unies
des Pays-Bas durant le dix-septième siècle, avec pièces justificatives.
(M.D. G., XIII, 1« partie, p. 40 à 113.)
Fréd. SoRET. La plus ancienne monnaie décimale de Genève. (Mém.
Doc. Gen., XIII, p. 1 à 22.)
Fontaine (Claudius). Recherches historiques sur Versoix. — 40 pages
in-4. Genève, 1863.
D"' A.-J. DuvAL. Compte rendu des travaux de la Société médi-
cale de Genève pendant l'année 1862, précédé d'une Notice hiographique
sur les sociétés de médecine à Genève, de 1713 à nos jours. Genève, im-
primerie Ramboz et Schuchardt, 1863; brochure in-8.
Archinard. Genève ecclésiastique, etc. — Supplément renfermant en-
tre autres la liste des pasteurs des Églises étrangères établies à Genève,
Lutscher (L.). Notice sur la destruction de l'Église allemande réfor-
mée de Genève et sur les moyens de la rétablir. In-8, 58 pages. Genève,
1864. — Contient des données sur l'origine et le développement de cette
Église aux dix-septième et dix-huitième siècles.
B. Studer Geschichte der physischen Géographie der Schv^^eiz bis
1815. Berne et Zurich, 1863 ; in-8. — Renferme des notices ou rensei-
gnements biographiques sur un grand nombre de naturalistes genevois,
ainsi que l'appréciation de leurs travaux.
159
Ouvrages re^us par la Société.
A
Publications des Sociétés historiques et recueils périodiques.
Mittheilungen der antiquarischen Gesellschaft in Zurich. Band XIV,
3te8 und 4'es Heft. B. XV, l^es Heft.
Archiv des historischen Vereins des Kantons Bern. V, 3'«», h,^'^^ und
b*" Heft.
Actes de la Société jurassienne d'Emulation. — XII« et XIII" années.
1861 et 1862. 8°.
Der Geschichtsfreund. XIX'" und XX^^r Band. Einsiedeln, 1863 et
1864. 8°.
Beitrâge zur vaterlandischen Geschiclite. Herausgegeben vom histo-
risch-antiquarischen Verein des Kantons Schaffhausen. 1863. 8'*.
Argovia. Jahresschrift der historischen Gesellschaft des Kantons Aargau.
Jahrgang 1862—1863. 9,\
Thurgauische Beitrâge zur vaterlandischen Geschichte. 4^"^^ und 5'*»
Heft.
Beitrâge zur vaterlandischen Geschichte. Herausgegeben vom histori-
schen Vereine in St. Gallen. 8°.
Neujahrsblatt fur 1864. Das Kloster in St. Gallen. 2t«>- Theil. (Publié
par la même société.)
Rœlia. Mittheilungen der geschichtsforschenden Gesellschaft von Grau-
biinden. Herausgegeben von Conradin von Moor und Chr. Kind. Chur,
1863.
Mémoires et Documents publiés par la Société d'histoire de la Suisse
romande. Tome XVIII, 2^ livraison; tome XIX, 2^ livraison.
Mémoires de l'Institut national genevois. Tomes I à IX; in-4o.
Bulletin de l'Institut national genevois. Tomes 1 à X, soit n"»! à 19 ;
tome XI, n°s 20 et 21 ; in-8.
Annuaire-Bulletin de la Société pour l'histoire de France, r® partie,
1863 à 1864. Feuilles 1 à 6.
L'Institut. Section des sciences historiques= 1863 et 1864, janvier à
juin.
Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. 1863, n'^' i, 2, 3
et 4; 1864, n» 1.
Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest. Année 1862 ; in-S».
160
Bulletin des sciences historiques et naturelles de l'Yonne. 16^ vol., 3®
et A" trimestres ; 17° vol., l^'' à 4« trimestres ; 18<= vol., l^"" trimestre.
Société des sciences de l'Yonne. — Rapport sur le concours pour le
prix Crochot.
Mémoires de la Commission des antiquités du département de la Côte-
d'or. Tome VI, K^ livraison.
Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques
d'Alsace. Première série, tomes I^"", II (l'^ 2'' et 3° livraison), III et IV.
Seconde série, tomes I (1''^, 2» et 3^ livraisons), H (l" livraison).
Bulletin de la Société d' émulation du département de l'Allier. Tomes
I^i- à VII. Moulins.
Fragments du cartulaire de la Chapelle-Aude, recueillis et publiés par
M. Chazaud. (Publication de la Société d'émulation de l'Allier.)
Mémoires de la Société archéologique de l'Orléanais. Tome VI.
Bulletin de la même société. N^^ 42 à 44.
Publications de la Société archéologique de Montpellier. N^^ 27, 28,
29 et 30.
Revue savoisienne. N^^ dn 15 mars 1863 au 15 août 1864.
Mémoires et Documents publiés par la Société savoisiemie d'histoire et
d'archéologie. Tome VII.
Mémoires de l'Académie impériale de Savoie. 2^ série, tomes l^"" à V.
Documents, tomes I et H.
Procès de François Anneessens , doyen du corps des métiers de Bru-
xelles, publié par Galeesloot. Tome II. 1863. (Publication de la Société
d'histoire de Belgique.)
Mémoires sur Emmanuel deLalaing, baron de Montigny; avec notices
et annotations par feu J.-B. Blaes. Bruxelles, 1862. {Idem.)
Mémoires de Francisco de Enzinas, publiés avec avec notices et anno-
tations par Ch.-Al. Carapan. 2« vol. Bruxelles, 1863. {Idem.)
Mémoires de la Société libre d'émulation de Liège. Nouvelle série.
Tomes I" et II.
Annuaire de la Société libre d'émulation de Liège pour l'année 1864.
Revue de la numismatique belge. 4« série. Tomes I*^"" et II (1'° et 2«
livraisons).
Publications de la Société d'histoire à Utrecht : Berigten VII , feuilles
22 à 33. Kronijk. 1862, fl. 22 à 33 ; 1863, fl. 1 à 18. — Verbaal
van de Buitengewone, ambassade van Jacob von Wassenaar-Duinen-
161
voonle, Arnoiit van Citters en Everard van Veede, Yan Dijkveld naar
Kngeland in 1685.
De Wiquefort. Histoire des provinces unies des Pays-Bas depuis le
parfait établissement de cet Etat jusqu'à la paix de Miinster. (Publié au
nom de la Société d'histoire à Utrecht par Lenting, D"" en d. Tome^'\)
Anzeiger fôr Kunde der deutschen Vorzeit. Organ des germanischen
Muséums. Février 1863 à juin 1864.
Verhandlnngen des historischen Vereins von Oberpfalz und Regensburg.
21»er und 22'cr Band. Regensburg, 1862 und 1863.
Archiv fur Kunde der ôsterreichischen Gescbichtsquellen T. XXVIII,
2«; XXIX, 1e'•et2^
Mittheilungen des historischen Vereins fïir Steiermark. i'i^'^^lMt.
Zeitschrift des Ferdinandeums fur Tyrol und Voralberg. IIP*^ Folge,
lis* Ijgft_ — Ferdinandeum. — Rechnungsausweis und Personalstand
am 1. Januar 1863,
Sitzungsberichte der kônigl. bôhraischen Gesellschaft der Wissenschaf-
ten in Prag. Jahrcang 1863. 2br. in-S".
Transactions of the historié Society of Lancashire and Cheshire. Années
1859—1862, vol. XII. XIII et XIV.
Annual report of the Sraithsonian Institution for 1862. Washington,
1863.
First and second Report of a geological reconnaissance of the northern
countries of Arkansas, made during the years 1857 — 1860. Philadel-
phia. 2 vol. in-S". (Envoi de l'Institut Smifhsonien.)
Compte rendu de la Commission impériale archéologique pour les an-
nées 1859 à 1862. St-Petersburg. in-fol.
B
Oiwrages et Brochures '.
Histoire.
Description de la Franche-Comté, par Gilbert, Cousin de Nozeroy (an-
née 1550), traduite pour la première fois et accompagnée de notes par
M.Achille Chéreau. Lons-le-Saunier, 1863. Un vol. in-12o.
* Tous ceux de ces ouvrages qui ne portent pas d'indication spéciale ont
été donnés à la Société par leurs auteurs.
T. XV, r^ part. il
162
Jules Philippe. Les Gloires de la Savoie. Paris, 1863. Un vol.
in-8».
Ducis (l'abbé). La vallée de Beaiifort en Savoie. 1864. Br. in-8°.
KoRTUM. Kônigthum, Dienstinannschaft, Landestlieilung. Erster Bei-
trag zur alt-germanisclien Verfassuiigs-Geschiclite. Basel, 1822. (Don
de M. G. Kùndig.)
Arnold. Das Aiifkommen des Handwerckerstandes ira Mittelalter.
Basel, 1861. In-8°. (Idem.)
Die Lieder des dreissigjâlirigen Krieges, nach dem Originale abge-
druckt. Znm ersten Maie gesammelt von Emil Wellcr. Mit einer Einlei-
tiing von W. Wackernagel. (Idem.)
Passard. Le Panslavisme : confédération gallo-latine et celto-gauloise.
L'Angleterre avant les hommes, par Esquiros. Notes par F.-L. Pas-
sard.
Passard. Culture supposée possible de l'or.
Amtliche Samralung der âltern eidgenossischen Âbschiede. Zweiter
Ban d, von Segesser. — De U21 à 1477. 4° (Don du Département
Fédéral de l'intérieur.)
F. BRœMMEL. Ueber die Helvetier und ihr Verhaltniss zu einer âltern
Bevolkerung der Schweiz, nebst einigen Worten ûber Volkerwanderung
und iiber die Suewen. — Basel, 1836. In-8°. (Don de M. Kilndig.)
W. Wackernagel. Die Verdienste der Schweizer um die deutsche
Litteratur. — Academische Antrittsrede. — Basel, 1833. In-S". (Idem.)
W. ViscHER. Lucas Legrand. Ein Gelehrtenbild aus dem 18'^''" Jahr-
hundert. Basel, 1862. (Idem.)
Berner Taschenbuch fïir 1864. {Donné par M. Ch. Le Fort.)
QuiQUEREz. Essai sur l'histoire des comtes de Sogren. Berne, 1863.
In-80.
Recueil diplomatique du canton de Fribourg. Septième année. Fribourg.
1863. {Don de M. Daguet.)
Daguet. Histoire de la Société économique de Fribourg. Fribourg,
1863.
Fechter. Basler Taschenbuch aufdas Jalir 1864. In-12°.
Lausanne dans les temps anciens, par Piod. Blancliet. — Compte rendu
de M. Freeman (extrait du Salurday Rivieiu), broch in-12.
163
L. VuLLiEMiN. Aimé Steinlen. (Don de M. Ch. Le Fort.)
Hio^raphie neuchâteloise. 2 vol. grand in-8°. (Donné par M. Hïllïet-
(le Candolle.)
Les Suisses et Genève ou l'émancipation de la communauté genevoise
au XVI"'"*' siècle, par Amédée Roget. Un vol. in-8.
Le clergé catholique et les ministres pendant les pestes à Genève, par
M. l'abbé Fleury. Br. in-8°.
S. François de Sales, le P. Chérubin et les ministres de Genève, par
le même. Paris, 1864. In-8''.
Récit de la dernière maladie et de la mort de M. Jean Calvin. ln-18°.
(Don de M. Kiindig.)
D'' A.-.I. DuvAL. Compte rendu des travaux de la Société médicale de
Genève pendant l'année 1862. Genève, 1863. Broch. in-S".
John Jullien. Histoire de Genève racontée aux jeunes Genevois. Troi-
sième partie. Un vol. in-18'».
A. RiLLiET. Lettre à M. Merle d'Aubigné sur deux points obscurs de
la vie de Calvin.
Ch. Eynard. Notice sur J.-G. Eynard. — Genève, 1863. Broch.
in-80.
Discours prononcé par M. le colonel Linck, inspecteur des milices, le
31 décembre 1863, à l'occasion du 50" anniversaire de la Restauration
genevoise. In-S». (Don de M. H. Gosse.)
Archéologie et Numismatique.
Alex. Bertrand. Les voies romaines en Gaule. Voies des itinéraires.
Résumé du travail de la Commission de la topographie des Gaules. Paris,
1864.
GÉNÉRAL Creuly. Carte de la Gaule sous le proconsulat de César.
Examen des observations critiques auxquelles cette carte a donné lieu en
Belgique et en Allemagne. Paris, 1864.
Chalon, R. Curiosités numismatiques. Sixième article. Br. in-S".
Cointreau. Dissertation sur le vase d'or trouvé à Rennes le 26 mars
1774. Paris, 1802. Broch. in-i.». (Don de M. Atig. Serre.)
Raccolta de antiche monete, ordinate e descritta da Francesco Lando-
lina Paterno Palermo, 1863. ïn-8°. (Don de M. Ad. Gantier.)
Ducis. Mémoire sur les Voies romaines. Annecy, 1863. in-S".
164
- Les Fins, Bautas et Annecy, étude archéologique. Annecy ISOI^.
In-S".
Van Hende. Numismatique lilloise. Note sur quelques jetons de la
chambre des comptes. Br. in-8°.
HouzÉ. Etudes sur la signification des noms de lieux en France
Paris, 1864.
F. Keller. Bemarques sur le livre intitulé « Habitations lacustres
des temps anciens et modernes, par Frédéric Troijon.)-> In-i".
Protat. Note explicative de l'inscription découverte dans les fouilles
du bourg de Vertaut.
QuiQUEREZ. Monuments de l'ancien évêché de Bàlc. (Don de M. Se-
guin.) ■
SïAUB. Die Pfahlbauten in den Schweizerseen. Fluntern, bei Ziirich.
<:-<x&<5Ngj3cOyc>«s>'^î^^
LES
PRINCESSES DE PORTUGAL
A GENÈVE
Plus (l'une fois, déjà, j'ai entretenu la Société des relalions
qui existèrent entre les Provinces-Unies des Pays-Bas et la
république de Genève '. J'y reviens encore, me proposant de
faire connaître les documents relatifs au séjour que fît dans no-
tre pays Emilie de Nassau, épouse d'un prince portugais. Les
renseignements, en petit nombre, dont je puis disposer, mon-
treront qu'une suite d'événements assez extraordinaires ne trou-
bla en aucune façon la bonne entente entre les deux Etats.
Guillaume le Taciturne laissa une nombreuse postérité.
Anne d'Egmont, sa première femme, lui avait donné Frédéric-
Guillaume, qui resta catholique et dans le parti espagnol, et
Marie, qui épousa le comte de Hohenlohe. De la deuxième,
Anne de Saxe, il eut Maurice, qui succéda à son père, Anne,
qui épousa son cousin Guillaume-Louis de Nassau, et Emilie
qui va nous occuper, La troisième femme de Guillaume, Char-
' Voir Mém. de la Soc. d'Hist. de Genève, t. XI et XIII.
T. XV, V^part. 12
166
lotie de Bourbon, lui donna six filles, ei la quatrième, Louise
de Coligny, fut mère de Frédéric-Henri.
Emilie, née vers 1569, avait déjà vu plusieurs de ses soeurs
recherchées en mariage, lorsqu'elle fil connaissance avec dom
Emmanuel, fils de dom Antonio, prieur de Cralo, qui avait été
proclamé roi de Portugal à Lisbonne, lorsque Philippe II en-
voya le duc dWlbe conquérir ce royaume en 1580. Dom An-
tonio mourut a Paris en 1595. Son fils, qui pouvait faire valoir
des droits a un trône, s'était rendu en Angleterre puis à La
Haye. Il intéressait par ses malheurs, il plaisait par sa jeunesse
et les charmes de sa personne. Il sut se faire aimer d'Emilie
qui consentit à lui donner son cœur et sa main. Maurice, prince
d'Orange, aurait voulu détourner sa sœur de cette union ; il
lui représenta la différence des religions, l'indigence d'Emma-
nuel et les doutes qu'on répandait sur la légitimité de la nais-
sance du jeune prince. Ces objections n'arrêtèrent point Emilie:
le mariage fut secrètement célébré par un prêtre catholique, le
7 novembre 1597. Les Etats-Généraux, qui n'approuvaient pas
une telle alliance, ordonnèrent à Emmanuel de quitter La Haye.
La malheureuse princesse tomba dans un tel désespoir, que sa
raison en fut altérée; elle refusa pendant plusieurs jours touie
espèce de nourriture. A force de soins, on parvint à dissiper le
trouble de l'esprit, mais non à guérir le cœur. Emilie rede-
manda hautement son mari, réclamant les droits d'un pays
libre et ceux que lui donnait sa majorité. Maurice la menaça
d'une complète disgrâce; mais ayant découvert la retraite de
son époux, elle le rejoignit et le ramena publiquement. Elle
dut se résoudre à vivre avec beaucoup plus de simplicité que
ses sœurs, qui avaient été mariées d'une manière brillante et
richement dotées par les Etats *.
Ici, les détails me manquent et bien des renseignements pa-
raissent fautifs. Des historiens prétendent que le prince dei
• Cerisier. Tableau de l'hist. fjén. des Provinces -Unies, t. IV, p. 353-357.
167
Portugal s'établit à Genève avec sa femme et qu'ils y eurent
de nombreux enfants. D'autres disent que la princesse s'y rendit
étant veuve. Je ne crois pas qu'elle y arrivât avant l'année 1626;
elle n'était pas veuve, mais elle vint sans son mari et accom-
pagnée de six filles.
C'est dans la séance du 30 juin 1626, que les registres de
notre Petit Conseil mentionnent pour la première fois la prin-
cesse de Portugal, et l'on peut présumer que son arrivée à
Genève était fort récente. Quatre conseillers rapportent qu'ils
ont été lui faire une visite. «Elle a, disent-ils, prié Messeigneurs
de l'excuser de ce qu'elle estoit entrée dans ceste ville sans de-
mander congé, et leur a tesmoigné beaucoup de bonne volonté
et affection envers cest Etat; » puis ils ajoutent « qu'ils lui ont
aussi offert, de la part de la Seigneurie, tous honneurs et ser-
vices '. »
Les mêmes registres s'occupent encore de cette princesse,
d'abord à l'occasion d'une somme d'argent qu'elle avait l'intention
de prêtera l'Etat, à raison de 5°/o par année^ mais on ne voit pas
que la proposition ail eu un résultat. Ensuite, il y eut quelques
discussions de peu d'importance avec le sieur Demont, maître
d'hôtel de la princesse "' ; et comme on avait craint d'avoir in-
disposé cette dernière, on lui envoya des membres du Conseil,
auxquels elle répondit « qu'elle n'avoit aucun subjet de mes-
contentement, sinon de ne pouvoir pas tesmoigner à cest Estât
sa bonne volonté et affection comme elle désireroit, veu qu'elle
n'y reçoit que toute courtoisie et honneur de la part du général
et des particuliers *. »
La tradition rapporte que la femme de dom Emmanuel, à son
arrivée à Genève, se logea au haut de la rue de Coulance, dans
« Heijislreu du Conseil, année 1626, f»' 88.
' Wid. fû 109, 16 août.
■ Ibid. {'> 185, 25 déc, et année 1627, l' 27, 21 févr.
' Und. 1627, fo 29, 27 févr.
168
une maison apparlenani alors à la famille Gallatin et qui a pris
et conservé depuis le nom de Château- Roy al. Ce qu'il y a de
certain, c'esl que la princesse fit, peu après, l'acquisition d'une
maison située dans un autre quartier, c'est-a-dire à la rue
Verdaine, là où dans le siècle actuel ont longtemps logé les
consuls sardes. Emilie devint aussi propriétaire du château de
Frangins, et elle eut ainsi deux résidences à quelques lieues
lune de l'autre.
Les chefs de notre Etat et de notre Eglise furent peut-être,
;iu premier moment, embarrassés sur la conduite qu'ils devaient
tenir envers la princesse. Elle appartenait, par sa naissance, à
une république et à une famille qui s'étaient acquis toute leur
gratitude, mais on devait savoir aussi que, par son mariage,
elle avait indisposé la maison de Nassau ainsi que les Etats.
Cependant, on eut d'emblée beaucoup d'égards pour la sœur
du prince d'Orange, et sa conduite, comme ses sentiments, lui
gagnèrent l'estime des personnes les plus respectables de la
ville. Nous apprenons, en effet, qu'elle se vit entourée d'hom-
mes tels que les professeurs Jean Diodati, Théodore Tronchin
et Bénédict Turrettini, qui reportèrent ensuite leurs bonnes
intentions sur ses filles. Les magistrats, également, eurent
pour elles des soins presque paternels.
La princesse Emilie était depuis deux ans et neuf mois dans
nos contrées, où elle était venue, semble-t-il, chercher le calme
et la tranquillité, lorsqu'elle succomba a la maladie. Les re-
gistres de décès contiennent sur ce fait l'article suivant, à la
date du lundi 46 mars 1629 :
« Très-illustre et sérénissime princesse Emilia de Nassau, h
née princesse d'Orange, femme de puissant et sérénissime prince ;
Emmanuel de Portugal, aagée de 60 ans, morte de longue i
maladie comme febvre hectique et comme d'hydropisie, à neul
heures du matin ; sa demeure en son hôtel rue Verdaine *. »
' F!eg. lies décès (chancellerie).
169
Ce décès fui officiellement annoncé par le Petit Conseil au
prince d'Orange, Frédéric-Henri et aux Etals-Généraux :
Lettre adressée à Monsieur le Prince d'Orange.
Genève , 19 mars 1029.
Très haut et sérénissime Prince. Comme nous avons receu un singulier
contentement pendant le séjour que Madame la Princesse de Portugal,
sœur de Votre Altesse, a fait dans nostre ville, aussi avons nous esté
touchés d'un indiscible regret lorsqu'il a pieu à Dieu nous en priver,
l'ayant retirée et appelée à soy le 16 de ce mois, après avoir démonstré
jusques au dernier soupir des marques et signes de vraye piété et de
toutes vertus chrestiennes. Nostre desplaisir a esté d'autant plus grand,
que nous ne luy avons peu rendre les devoirs auxquels nous luy estions
obligé, tant à cause de sa personne que pour la considération des bienfaits
que nous avons receus de V. A. Nous avons veu par l'ouverture de son
testament, qui était clos et secret, le désir qu'elle a d'estre ensevelie avec
honneur : nous luy en rendrons selon nostre portée les plus grands qu'il
nous sera possible, non pas à l'égal de nostre affection et bonne volonté.
Nous attendrons l'ordre qu'il plaira à V. A. de donner au regard de
Mesdemoiselles les Princesses ses filles, pendant qu'elles demeureront icy ;
nous leur départirons toutes sortes de faveurs et les assisterons de con-
seils et advis en tout ce qu''elles auront de besoin, priant Dieu qu'il les
consolle en leurs afflictions et qu'il maintienne V. A. en sa sainte garde,
comme ceux qui n'ont d'autre dessein que d'estre réputés, Très haut et
sérénissime vos très humbles serviteurs'.
Une lettre analogue fut adressée aux États. Voici les répon-
ses envoyées au Conseil :
Lettre du Prince d'Orange.
Archives de Genève. Portefeuilles des pièces historiques, dossier n" "2859.
Messieurs. Dans le regret que m'a donné la soudaine nouvelle du très-
pas de feu Madame la Princesse de Portugal, ma sœur, dont je viens d'estre
adverti par vos lettres du 17 de mars, ce m'a esté un contentement sin-
• Brouillards de lettres du Petit Conseil.
170
gulier d'entendre et l'heureuse issue que Dieu luy a donné de cette vie
et le favorable accueil qu'il vous a pieu luy continuer dans vostre ville
jusqu'à l'heure de sa mort, et vous recognoy-je une obligation si parti-
culière de ces faveurs, que je tascheray de m'enrevencher à tousjours aux
occasions du bien de vostre service. Comme d'ailleurs je vous prieray de
persévérer en cette bienveillance qu'avez voulu tesmoigner à la mère dé-
functe à l'endroict de Mesdemoiselles ses fdles mes niepces, pour autant
qu'elles pourront encor avoir à séjourner en voz quartiers, vous asseurant
que cela mesme sera capable de me faire désirer le bien de vous pouvoir
faire paroistre que je suis, Messieurs, vostre bien humble à vous faire
service. Fr. Henry.
A La Haye ce 20" d'Apvril 1629.
(A Messieiim les Syjidir.fjiies et Conseil à Genève.)
Lettre des États-Généraux.
Ibidem.
Messieurs. Nous avons entendu avec indicible regret le déceds de Madame
la Princesse de Portugal, mais en ceste affliction, il nous sert de consolation
qu'elle est décédée en bon chrestien et en vostre ville, y ayant esté assistée
en sa maladie soigneusement, et par là eue l'asseurance de l'accomplisse-
ment de ce qu'elle a disposé de ses affaires particulières, lesquelles vos
seigneuries ayant prinses à ceur, nous y ont grandement obligé, dont
vous remercions affectueusement et prions aussi d'y vouloir continuer
jusques à ce que les Princesses ses filles seront remises soubs nostre pro-
tection, vous requérant de vouloir prendre garde qu'elles n'en soyent
diverties par qui que ce soit et qu'elles puissent demeurer constantes en
la religion en laquelle ont esté élevées et en on faict profession estants
avec nous, et touchant l'achèvement de l'enterrement de madicte feue
dame, nous doubtons nullement que Son Exe. le prince d'Orange n'en
ayt donné ordre, auquel nous nous rapportons, et sur ce prions Dieu,
Messieurs, vous avoir en sa sainte garde, etc.
Escript à La Haye le 27^ d'Avril 1629.
Le lendemain du décès, le 17 mars, le sieur Demont fit de-
mander au Conseil la permission d'enterrer les entrailles de la
171
défunte dans le temple de Saint-Pierre, annonçant que l'on
se proposait d'embaumer le corps pour l'envoyer en Hollande.
Quelques conseillers furent désignés « pour aller se condouloir
avec mesdemoiselles les princesses ses filles, et en après con-
férer avec elles de la forme dudil enterrement '. » Le 18, on
prit l'arrêté suivant: « Que le jourd'huy ses entrailles soyent
ensevelies en la chapelle de Saint-Pierre où son corps sera
aussi porté et que Messeigneurs facent honneur en corps. Au
regard du corps de ladite princesse, qu'on surçoye de l'en-
terrer jusques à ce qu'on sçache la volonlé du prince d'Orenges,
si on la portera en Hollande ou bien s'il sera enseveli en ceste
ville '^. »
Nous avons vu que Frédéric-Henri, au moins dans la lettre
officielle transcrite plus haut, n'avait donné aucune instruction
sur ce qu'il fallait faire de la dépouille mortelle de sa sœur.
L'historien Gautier nous raconte, et son récit se retrouve dans
d'autres auteurs genevois, que « le magistrat en corps, avec les
pasteurs et les professeurs, furent a son convoi funèbre. La no-
blesse étrangère suivait après. Ensuite vint tout ce qu'il y
avait de gens de distinction dans la ville, de l'un et l'autre
sexe. Le cercueil était couvert d'un drap de velours sur lequel
on voyait de chaque côté les armoiries de Portugal et de
Nassau \ » 11 ajoute que la cérémonie eut lieu le 16 mars, à
quatre heures après midi, mais cette date n'est pas d'accord
avec le registre du Conseil.
Les jeunes princesses, privées de leur mère, sentirent le be-
soin d'être dirigées dans le règlement de leurs affaires ; elles
firent demander au Petit Conseil de vouloir bien désigner, dans
son sein et parmi les membres de la Vénérable Compagnie des
pasteurs, quelques personnes qui consentiraient à leur venir
' Reg. du Conseil, année 1629, f" 47.
* Ibid. f» 48.
^ Hist. de Genève (rase, des Archives), t. IX, p. 151.
172
en aide. On acquiesça à ce désir, en répondant qu'elles de-
vaient elles-mêmes faire leur choix *; puis dans la séance sui-
vante nous lisons : « Ont été choisis pour conseillers aux prin-
cesses de Portugal les seigneurs Guaictet DuPuys, syndiques,
Anjorranl et Bitri, conseillers, et spectables Jehan Deodati,
Théodore Tronchin et Bénédict ïurretin, pasteurs en cesle
Eglise, lesquels ont preste serment de leur donner de bons et
fidèles advis et conseils, tout de même qu'ils feroyent en leurs
propres affaires ^ »
Elles avaient pourtant encore leur père, mais je ne saurais
dire où il vivait. Elles avaient aussi pour le moins un frère,
dom Guillaume-Louis de Portugal, qui est mentionné dans nos
registres à diverses reprises, dès le 26 mai de la même année
1829 ; mais il sut indisposer contre lui les magistrats, le Con-
sistoire et le peuple, tant par une vie scandaleuse que par des
penchants trop peu dissimulés en faveur du duc de Savoie:
au bout de quelques semaines on le força à s'éloigner ^
La princesse Emilie avait laissé des dettes ; le règlement de
son hoirie présentait des difficultés, qu'un événement bizarre
accrut encore. L'aînée des fdles, Maria-Belgia, avait, semble-l-
il, un cœur aisément inflammable. Si, à une autre époque, la
mère s'était laissé captiver par un prince étranger sans États et
sans fortune, si malgré de graves oppositions elle avait persisté
dans son désir de s'unir à Thomme de son choix, pour Maria-
Belgia, les choses marchèrent plus brusquement : elle fut
enlevée. Le ravisseur était un simple gentilhomme attaché
à la maison du marquis de Baden-Durlach. Ce dernier
avait résidé à Genève en 1625, mais ayant eu des démêlés
désagréables avec notre gouvernement, il quitta la ville, de fort
' Reg. du Conseil, 1629, 1« 51, 2! mars.
« Ibid. f» 52, 22 mars.
'• Ibid. 1629, P 75 et 76, 2G mai et 1-^' juin, f» 86, 4 juillet. — Cramer,
extrait des Reg. du Consistoire, p. 296, 2 juillet 1629.
173
mauvaise liumeur, au commencement de l'année suivante; et
deux ou trois semaines seulement avant l'époque où notre récit
nous a conduits, il avait annoncé l'intention de revenir*.
Gaudy, dans ses Promenades historiques -, en parlant de cette
aventure, nous dit que parmi les six fdles d'Emilie « brillait
particulièrement l'aînée, jeune personne d'une rare beauté. »
Je ne saurais être juge de la beauté de Maria-Belgia, mais je
ferai observer que cette jeune personne toucbait à la trentaine ;
on en peut déjà conclure qu'elle était parfaitement consentante,
et c'est ce qui sera d'ailleurs pleinement confirmé. Voici d'a-
bord l'article de nos registres dans lequel le fait de l'enlève-
ment est rapporté. « S*^ Groll, domestique de M. le marquis de
ïurlacli, ayant été trouver Mademoiselle la princesse aisnée de
Portugal au lieu de Prangin où il l'a enlevée, ainsi qu'a esté
rapporté par M. le syndique, contre la promesse par luy donnée
aux seigneurs conseillers des princesses ses sœurs, de ne l'allei'
point visiter, arresté de le retenir s'il veut sortir ou j)ar les portes
ou par le port, et s'il peut estre appréhendé dans la ville, qu'on
l'amène vers M. le premier syndique, lequel le face mettre aux
arresis '. »
D'ailleurs, on ne perdit pas de temps; on écrivit à Berne,
parce que l'enlèvement s'était opéré sur les terres de cette ré-
publique. Nous avons deux lettres du gouvernement bernois,
qui montrent qu'on fit d'abord des tentatives pour séparer les
fugitifs; mais on comprit bientôt que, puisqu'ils étaient d'ac-
cord, il valait mieux légitimer par les cérémonies religieuses une
union commencée d'une manière peu édifiante.
' LeUres du marquis de Baden, Nuis, 1 mai et Carolpurg, 12 mai 1629.
Portef. des Pièces hist. dossier n" 2861.
' Gaudy-Le Fort. Promenades historiques dans le canton de Genève, 2« éd.
I, 36
' %. du Conseil, 1629, f" 77, 1 juin.
174
Lettres de Messieurs de Berne.
(Traduction jointe à roriginal). Dossier n» '2848.
T. A. et G. Ayant apprins de vous, comme aussi du Prince de Por-
tugal et de Mesdemoiselles les Princesses et Sœurs de Portugal, l'inégal
et dangereux traicté de mariage arrivé entre l'aisnée Princesse Marie
Belgique et certain gentilhomme allemand, dont sa dicte Excellence,
comme aussi les Hauts et Illustres Princes, de Portugal et Orange se
sentiroient fort offensés et grevés, nous avons à l'instant commandé à
nostre Baillif de Chillon, d'en parler sérieusement avec ladite princesse,
aux tins qu'elle se desparte de ce sien dessein, pour plusieurs et consi-
dérables causes et raisons, et par ce moyen elle aille audevant du mal-
heur et de la fâcherie qui lui pourroient arriver et à son espoux. Nous
espérons qu'elle prendra à cœur les sérieuses remonstrances qui hiy se-
ront faictes, etc.
Du 7 juin 1629.
Ibidem.
Très cliers amis et confédérés, l! pleust voirement il y a quelque
temps non seulement au Princes et autres Princesses de Portugal, mais
aussi à vous T. A. et G. nous rechercher amiablement de vouloir em-
pescher que le prétendu mariage entre le colonel Jean Dietricht Groll et
la Princesse de Portugal ne s'effectuast en nos terres : ce que nous au-
rions représenté aux parties, et toutefois nous n'aurions eu tant de pou-
voir sur eux à les dissuader, qu'au contraire finalement en considération
de leur ferme et unanime résolution, nous aurions consenti que les sus-
dictes promesses de mariage fussent accomplies en l'Eglise chrestienne, et
d'autant que nous aurions prins en nostre protection et défense les susdictes
parties à leur instante prière, et que par forme de plainte ils nous auroient
représenté que l'on auroit distraict à leur insceu et clandestinement cer-
tains meubles du chasteau de Prangin , que l'on auroit retiré en vostre
ville, avec prière de leur vouloir prester la main à ce que les susdits
meubles à nostre intercession puissent estre restitués et restablis en
175
leur lieu. C'est pouiquoy nous vous prions, T. A. et C, d'amitié voi-
sinalle, d'y vouloir apporter vostre authorité souveraine et faire en sorte
que si quelque chose de semblable se trouvoit en vostre ville, le tout soit
renvoyé lulèlement et convenablement, et soit restabli au dict lieu. Et
sur ce, etc
Du 27 juin 1629.
Il fallait aussi, nalurellemenl, l'aire part de cos désagréables
nouvelles en Hollande, et l'on peut juger par tous les rensei-
gnemenls à notre connaissance, qu'on n'eût, dans les Pro-
vinces-Unies, aucun sentiment pénible contre Genève; c'est ce
que montrent, entre autres, deux lettres écrites après le retour
des cinq jeunes princesses dans la patrie de leurs ancêtres ma-
ternels.
Lettre des États-Généraux.
Dossier n» 2873.
Messieurs. Nous ne sçaurions passer soubs silence le plaisir et faveurs
qu'avez fait à feue Madame la Princesse de Portugal durant sa vie, et
dans son lict de mort, et après elle à Mesdemoiselles ses cinq filles durant
leur demeure en vostre Ville, en ayant eu un si grand soin de leurs affaires
et de leur maison mortuaire, car encores que par celles que nous avez
escrites du !«'' de septembre ', vous leur rendez le tesmoignage que par
leur honeste maintien elles aient mérité toute sorte de faveur, comme de
fait leur naissance et éducation que leur a donnée Madame feue dame leur
mère, nous aient promis qu'elles s'en rendroient dignes, si est ce que
nous les vous aiants recommandez, c'est aussi ;\ nous à vous en remercier
très affectieusement, comme de chose qui nous a esté très aggréable et
dont vous en demeurons redevables, comme aussi de la grande réjouis-
sance qu'avons recognue en vostre lettre du dernier d'Octobre ^ au regard
« Cette lettre du 1 septembre ne se trouve pas.
' On les avait félicités à roccasion de la prise de possession do Bois-
le-Duc.
176
des prospéritez que Dieu a eslargies ceste année à cest Estât, lequel ne
sçauroit par sa divine grâce (à laquelle seule nous devons tout) accroistre
en puissance, et vigeur, qu'il n'accroisse aussi en affection envers voz
Seigneuries, pour leur faire paroistre en toute occasion que nous sommes.
Messieurs, vos très affectionnez amiz à vous taire service, etc.
De La Haye le 20^ de Janvier 1630.
Lettre des princesses.
Ibidevt.
Messieurs. Après estre par la grâce de Dieu heureusement arrivées au
lieu tant désiré de nous pour divers respects, c'est nostre devoir de vous
tesmoigner les ressentimens que nous avons de l'infinité des biens et hon-
neurs que tant Madame nostre mère de haute mémoire que nous, avons
receus de vos grâces et faveurs, lesquelles, comme la vérité est, nous con-
fessons avoir esté telles qu'il nous sera à tout jamais impossible de nous
deuement acquitter de l'obligation que nous vous en avons ; ce qui en aug-
mente infiniement le mérite estant l'entière, intime et cordiale affection
d'où nous les avons tousjours veu et recogneu procéder, sans que les en-
nuyés, peines et fâcherie que vous et les prinsipaux de vostre république
ont si long temps enduré pour nostre suject, vous aient jamais détournés
des solicitudes etsoing paternel qu'avésen tout temps, lieu et saison tes-
moigné avoir de nous, impuissantes de vous en remercier deuement et
encor plus de le recognoistre comme il faut. C'est pour quoy nous avons
recours à vostre bénignité pour vous en rendre les grâces à nous posibles,
voulans espérer que vous prendrés, comme de vos enfens, ces foibles tes-
moignages de nostre recognoissance autant à gré que nous avons d'inten-
tion de vous faire entendre ce que nous en ressentons, et croire que ja-
mais il ne se passera occasion où nous aions quelque pouvoir, que nous
ne vous facions voir et à touts les membres de vostre Estât de quel zelle
nous sommes, Messieurs, vos biens humbles et très affectionnes amyes à
vous faire service, Emilia Louise, Anne Loise, Julianne Catrine, Elionore
Maurice, Sabine Delfhigua, nées princesses de Portugal.
De Delà ce I2«demars 1630.
177
Les cinq princesses écrivirent encore plusieurs lettres, de
1632 h 1643, relativement à l'hoirie de leur mère et aux
difficultés qu'elles avaient avec leur sœur aînée. Dans toutes
ces lettres, elles témoignent de la reconnaissance pour la ma-
nière dont on les a traitées à Genève ; elles se montrent affec-
tueuses et expriment des regrets pour toutes les peines qu'elles
occasionnent.
Dans l'une de ces lettres ^ , elles parlent de leurs meubles
saisis, de la vaisselle engagée, du partage des joyaux; elles se
[daignent de ce qu'on a eu foi à la déclaration de l'aînée contre
elles cinq et les domestiques, à l'égard des meubles et effets
provenant delà maison deBuren; de ce que cette sœur a fouillé
dans tout ce qui leur était échu et même dans les hardes des
servantes; de ce que l'on retient encore ces effets et hardes, et
pourtant, d'après l'inventaire, tout ce qui est séquestré ne se
monte qu'à la somme de 1 00 francs.
Dans une autre lettre -, fort longue, les princesses parlent de
MM. deCoudrée et de Vilars comme se mêlant de leurs affaires,
ainsi que de MM. Diodati et Tronchin. Elles ont appris le décès
du seigneur des Bergeries qui soignait leurs intérêts. Elles dé-
plorent la mort du professeur Turrettini ^ Elles avaient laissé
dans la famille de ce dernier ce qui leur appartenait après le
partage, lorsqu'il leur « fallut partir h petit bruit, » et l'on a
saisi tout cela. La sœur aînée a été favorisée par leur mère ;
elle a des prétentions ridicules sur la succession de la comtesse
de Hohenlohe, leur tante; elle a empêché la vente de la maison,
de laquelle on aurait tiré une bonne somme pour subvenir aux
j)ayements. « L'arrest, disent les cadettes, l'arrest que depuis
peu nous avons faici faire sur ses biens, n'estant à autre inten-
» Lettre datée de Delft, le 16 févr. 1632. Portef. des pièces historiques,
dossier a" 2908.
' De Delft, 15 mai 1632, ihid.
'' Elle avait eu lieu le 4 mars 1631. Voir Mémoires, XIII, p. 70.
178
lion que pour avoir satisfacliou de ce qu'elle joiiist et s'esl em-
parée (lu nostre^ recouvrer les petits dommages et inlérests
qu'elle nous a causés et nous prémunir contre ceux dont nous
sommes encor en danger par sa faule. Car ce que Monseigneur
le prince d'Orange, a l'instante requesle de noire seigneur et
père, a résolu de la laisser ainsi en Testai où elle s'est préci-
pitée, n'est point de noslre fait. » Enfin elles demandent
« qu'aucune chose luy soit délivrée, entre autres cesle tapisse-
rie et garniture de lict de velours, à quoi elle aspire lant. »
Dans une autre missive \ les cinq sœurs assurent pouvoir
prouver qu'à elles seules et sans assistance d'aucun des pré-
tendants à la succession, elles ont payé plus de 60,000 franco
pour acquitter les dettes de leur mère et sans avoir pu jouir des
deniers comptants de la dite succession ; s'il y a eu du retard,
ce n'est donc pas leur faute. Il y va de l'honneur de toute leur
maison. Elles pensent que leur sœur aînée fournira son con-
tingent. Elles envoient le sieur de la Primaye pour tout li-
quider.
Il serait parfaitement inutile de s'étendre davantage sur ces
débats. Quoique, en dehors de ces lettres, j'aie sous les yeux
quelques antres documents *, ils ne suftiraient pas pour se faire
une idée nette de la justice des prétentions de chacun. Seule-
ment, on en voit assez pour comprendre que, dans les discus-
sions d'intérêt, les grandes gens descendent souvent à des peti-
tesses.
La dernière lettre des cinq princesses est datée de La Haye,
le 14 décembre 1643. Elle n'a pour but que de former oppo-
sition à la vente de la maison de la rue Verdaine, a laquelle la
' De iJeil't, le 23 août 1631. PorWf. dt's pièces liisL, dossier n*^ WbQ.
- Arrêté )30ur taire procéder à un inventaire des l)iens laissés par la prin-
cesse (Reg. des Particuliers, 30 mai 1629 1. Sentence du 12 mars 1632 re-
lative à l'ouverture des coffres provenant de l'hoirie ,Reg. des Appellations
suprêmes). Lettres de Berne, 12 avril 1636 (dossier n" 2983 , 1 mai 1637
(n» 3017), 19 mars 1638 (no3029), 11 lévr. 1639 (n" 3052).
179
sœur aînée voulait faire procéder. Le colonel de Croll avaii
écrit de Venise dix jours plus tôt ' pour le même motil et dans
l'intérêt de ses enfants ^.
Ceci peut déjà faire présumer que l'accord n'était plus com-
plet entre le S"^ Croll el sa femme. On le voit, au reste, plei-
nement, dans une intéressante notice due à feu le professeur
Dan. -Alex. Chavannes '\ On y apprend que Croll joua, pendant
quelques années, un certain rôle dans le Pays de Vaud, qu'il
obtint la bourgeoisie de Berne, et que son mariage, qui avait
débuté sous les auspices d'un violent amour, finit par un di-
vorce.
Nos registres nous instruisent encore à cet éi;ard. Le 1~'
juin 1644, Croll écrivit de Prangins au Petit Consed. Il de-
mandait aux magistrats de vouloir bien prendre sous leur pro-
tection ses enfants qu'il savait être à Genève et de ne pas
permettre qu'ds en sortissent avant le jour où il pourrait s'ex-
pliquer plus amplement. On fit venir Maria-Belgia, on lui lut la
lettre de son mari el elle demanda pareillement « qu'il pleust a
Messeigneurs la prendre en leur protection avec ses enfants,
l'éducation et nourriture desquels luy ayant esté commise par
les lettres de divorce par elle obtenues du Vénérable Consistoire
de Berne, le S"^ Croll n'a que faire de s'en mettre en peine ni
de s'en mes 1er *. »
On ajoute, il est vrai, que les deux époux s'accusaient mu-
tuellement de torts qui ne purent être prouvés el que le di-
vorce ne fut pas confirmé par le gouvernement bernois. La
séparation définitive fut opérée par un coup de poignard que
Croll reçut en Italie.
* Porte f. des pièces liist., dossier ii» 3134.
* Cet immeuble fut vendu publiquement le "27 avril 1044, pour la somme
de 11. 20,700 (env. 9555 fr.) ; l'acquéreur, Nob. et Spect. Fr. Rigaud, était
créancier de Maria-Belgia pour 10,300 fl.
' Journal de la Société vaudoise d' Utilité publique , l. VI, p. 338 et t. Vil,
p. 124.
* Rey. du Conseil, 1644, 1» 59, 3 juin.
180
De ce mariage étaient nés un fils dont Berne fui marraine
et qui ne laissa pas de postérité, plus quatre filles qui toutes
épousèrent des hommes du Pays de Vaud, en sorte que bien
des familles vaudoises ont dans leurs veines du sang des anciens
rois de Portugal et de l'illustre maison de Nassau-Orange.
La veuve du colonel Groll vint terminer ses jours a Genève,
où elle décéda le 29 juillet 1647, élant âgée de 47 ans. Elle
demeurait alors « en la maison de noble et honoré seigneur
Timolhée Perrot, à Clébergue ' . » Elle fut enterrée dans une cha-
pelle de Saint-Pierre, à droite du chœur, laquelle porte encore
le nom de chapelle des princesses de Portugal. Aucune inscrip-
tion ne consacre le souvenir de ces événements étranges, dont
le récit, même tout prosaïque, rappelle un mot de M. Guizot :
« On veut des romans. Que ne regarde-t-on de près à l'histoire?»
Th. H.
On a joint ici deux lettres du prince d'Orange Frédéric-
Henri, parce qu'elles se rapportent aux faits qui précèdent.
La Haye, 18 avril 1632.
Portefeuilles des pièces historiques, dossier n" 2908.
Messieurs. J'ay si bonne souvenance des courtoisies qu'à ma considé-
ration il vous a tousjours pieu départir à Mesdemoiselles de Portugal mes
Niepces, et aussi à leur arrivée par deçà m'en ont elles rendu tant de
tesmoignage, qu'après les obligations que je vous en recognoy, il me
desplaist d'entendre qu'encor tous les jours vous vous trouviez importunez
de leurs affaires, au moyen des fâcheries que leur laict naistre leur sœur
aisnée, sur le subject de quelques points illiquidés à vuider entre elles,
* Reg. des Décès (chancellerie).
[Si
jiisques à inquiéter les personnes d'honneur qui ontprins la peine de sous-
tenir le droict de leur cause en leur absence. Et m'induisent ces consi-
dérations à vous proposer, qu'afin de vous descharcher de ces minutez, la
dispute qui est restée entre mesdiles Niepces pourroyt à mon advis estre
renvoyée par deçà, où la plus grande part d'icelles réside, et où j'auray
moyen de faire terminer le tout en bref et à fort peu de façon. Pendant
quoy je vous supplieray de ne permettre au moins que les dites gens de
bien, qui se sont interposées de bonne volonté en la défense des absentes,
en reçoivent un loyer si inique que de s'en trouver outragées et molestées
sans subject, les affaires ne les touchant pas, qu'en tant qu'ilz sont en-
clins à gratifier mesdites Niepces de ce qui est de leur entremise en jus-
tice et équité. De quoy ra'attendant comme de ce que dessus à vostre
discrétion et prudence coutumière, je demeureray tout prest de mesme à
vous tesmoigner que je suis. Messieurs, vostre très affectionné à vous
faire service.
Nimégue, 12 juillet 1634.
Dossier n« 2956.
Messieurs. Mesdemoiselles de Portugal, mes Niepces, résidentes en ces
pays, m'ont tant rendu de tesmoignage des obligations qu'il vous a pieu
vous acquérir sur elles par le passé, que comme la nécessité de leurs
affaires les a portées à renvoyer encor par delà le S"" de la Primaye,
Ouartiermaistre sous ma permission , j'ay presques jugé superflues les
addresses qu'elles m'ont demandées pour luy en vostre endroict, en ce
qui est de la bienvueillance qu'elles s'estiment encor nécessaire de vostre
part, au rapport de leurs susdites affaires, dont vous me permettrez, s'il vous
plaist, de vous asseurer seulement par cestes, que les bons offices qu'elles
s'osent indubitablement promettre de la suite de voz faveurs aux occasions
qu'aura ledit de la Primaye de vous en requérir en leur nom, me tien-
dront lieu d'un bénéfice très particulier, et le ressentiment duquel me
portera tousjours à vous faire veoir en ce qui concernera le bien de vostre
service, que je suis de faict, Messieurs, vostre très affectionné à vous
faire service.
T. XV, V^ part. 13
IiGTTRC:§
DE
THÉODORE TURQUET
DE MAYERNE
AU PETIT CONSEIL DE GENÈVE
Notre république, avant de faire partie intégrante de la Con-
fédération suisse, était un Etat si petit et si faible, que son
gouvernement se trouvait nécessairement forcé d'avoir recours
à toutes sortes de moyens pour se soutenir. Lorsque des dangers
menaçaient Genève, lorsque la conduite du duc de Savoie don-
nait des craintes pour !a sûreté de la ville, le Petit Conseil s'a-
dressait d'abord aua; bons et fidèles alliés et confédérés; puis, selon
les circonstances, il envoyait des députés à la cour de France,
aux Etats-Généraux des Pays-Bas, en Allemagne, en Angle-
terre, pour solliciter appui et secours. Mais il s'efforçait aussi
d'avoir, dans ces diverses directions, des amis qui s'employas-
sent en notre faveur auprès des puissants de ce monde.
Des hommes qui, dans leur jeunesse, avaient fait des études
à G(!nève, et qui, arrivés à l'âge mûr, se trouvaient placés de
manière à nous rendre quelques services, s'acquittaient souvent
de ce soin avec plaisir ; et le Conseil, de son côté, ne ména-
geait pas, dans l'occasion, les égards, les attentions, même les
183
flatteries. Quelquefois, c'étaient des Genevois qui, établis plus
ou moins longuement hors de la patrie, profitaient avec bon-
heur, pour lui être utiles, de relations avantageuses qu'ils de-
vaient à leur mérite ou à d'heureuses circonstances.
En étudiant notre histoire dans les diHails, on rencontre les
noms de plusieurs personnages étrangers, grands seigneurs, mi-
litaires ou savants, qui jouèrent ainsi en faveur de Genève, le
rôle de diplomates ofticieux. La famille dont je me propose de
parler aujourd'hui, en offre un exemple dans l'un de ses mem-
bres, qui s'est acquis à divers égards une grande réputation.
Louis Turquet, natif de Lyon, connu par la publication de
nombreux ouvrages, et entre autres par une Histoire générale
d'Espaijne, qui a eu plusieurs éditions, ayant été persécuté pour
ses opinions religieuses et politiques, se réfugia à Genève, où il
fut reçu habitant le 16 mars 1573. La même année, il lui'
naquit un fils qui est inscrit, à la date du l*''" octobre, dans le
registre des baptêmes de l'église de Sainl-Pierre, en ces ter-
mes: « Ce jeudy l*^^ a été baptizé Théodore, fils de Louis
Turquet et de Louise sa femme, présenté par M. Théodore de
Besze après sa prédication. »
Cet enfant devint plus tard célèbre, sous le nom de Turquet
de Mayerne. L'éditeur de la collection complète de ses œuvres
médicales \ J. Brown, dit que Théodore Turquet naquit dans
une maison de campagne, située près de Genève et dont cette
famille prit le nom. Baulacre ' a déjà fait observer qu on ne
connaît aucune localité ainsi nommée dans nos environs, et il
fixe la naissance de Théodore au 28 septembre, d'après Bayle ^
qui tenait lui-même ses renseignements de Vincent Minutoli.
On raconte généralement que le jeune Turquet de Mayerne
' Tiieod. Turquet. Mayernii, Opéra medica, etc. Londini, 1701, fol. Prœ-
fatio.
- Œuvres histor. el liUér. T. I, p. 163.
* Dict. Itistor. et critiq., art. Mayerne.
184
fit ses humanilés à Genève ; cependant on ne trouve pas son
nom dans le Livre du recteur. Il commença du moins ses études
dans noire ville et les continua à Heidelberg ; puis il se rendit
à Montpellier, où il prit le grade de docteur en médecine, en
1597. Il alla ensuite à Paris, où il fit des cours d'analomie et
de pharmacie; il obtint la charge de l'un des médecins ordi-
naires de Henri IV. et cela, à la recommandation du premier
médecin du roi. Dans l'année 1600, il fui appelé à accompagner
le duc de Rohan, el voyagea avec lui en Allemagne et en Ilalie.
De retour à Paris, en 1602, il ouvrit un cours de médecine
et de chirurgie qui irrita la Faculté ; mais il avait acquis une
grande renommée et l'on croit que, s'il avait voulu changer de
rehgion, il aurait obtenu le tilre de premier médecin du roi.
Mais revenons a son père, Louis Turquet. Il résida longtemps
à Genève, car on le voit assez fréquemment mentionné dans
nos registres.
C'est ainsi que ceux des baptêmes de l'église de Sl-Pierre,
contiennent encore l'indication du baptême d'un autre fils,
Philippe, sous la date du 14 décembre 1591 \ Un autre fils
encore, Henri, dut naître aussi dans notre ville vers 1587,
comme nous le verrons bientôt.
Les registres du Conseil parlent de Louis Turquet pour des
affaires de peu d'importance. Mais j'y trouve l'article suivant,
duquel on peut inférer qu'on regardait cet écrivain comme placé
de manière à être utile à la répubhque : « M. Turquet. Estant
proposé qu'il s'en va en France et offre de faire service à Mes-
sieurs, a esté arresté qu'on luy recommande les afaires de la
seigneurie en court, et h ces fins qu'on l'en instruise *. j>
Pour retrouver de nouvelles mentions de cette famille dans
nos registres publics, il faut franchir une vingtaine d'années.
L'assassinai de Henri IV (14 mai 1610) causa une grande
' « Le jeufly 14 (décemlDre 1591) a esté Ijaptizé Philippe filz de Lois Tur-
quet et de Loise sa femme, né le sixiesme et présenté par Joseph du Chesne. *
^ Refi. du Cons. Vol. de 1591, fol. 153, 19 août.
185
conslernaiion dans Genève. On craignait que Charles-Emma-
nuel, le constant ennemi qui nous convoitait, ne fût enhardi par
cet événement à renouveler quelque tentative contre noire indé-
pendance. Ces alarmes n'étaient pas sans fondement. Vers la
fin de la même année ei au commencement de la suivante, on
annonçait de toutes parts que la ville allait être assiégée. Les
troupes du duc approchaient, et l'on avait tout lieu de croire
qu'elles menaçaient le Pays de Yaud aussi bien que Genève.
Les Bernois firent garder leurs possessions et envoyèrent 600
hommes dans noire ville. La France se montra toute disposée à
nous soutenir. La reine régente fit partir M. de La Noue,
qui vint assurer le Petit Conseil de l'intérêt qu'elle prenait à
notre conservation ; elle remit à Jacob Anjorrant, qui avait été
député à Paris, outre la subvention ordinaire de 71,000 liv.,
«ne somme de 18,000 liv,, pour être employée à l'entretien des
gens de guerre, et elle envoya au duc le S"" d.^ Barraut, pour
l'engager h renoncer aux desseins qu'il pouvait avoir contre
nous. Plusieurs gentilshommes français, attachés h la Rét'orma-
tion, vinrent offrir leurs services à la République : parmi eux,
je citerai comme portant d.a noms illustres, M, de Soubise, de
la maison de Rohan, et M. Cyrus de Béthune, neveu de Sully.
Les Eglises de Montpellier et de Nîmes fournirent aussi des
secours. En comptant les Suisses et les Français, il se trouva
dans nos murs 2000 soldats. On comprend que, pour une ville
dont la population ordinaire ne s'élevait guère qu à 14,000
âmes, c'était lit une augmentation sensible. Chaque jour, 600
hommes travaillaient aux fortifications, sous la direction de di-
vers ingénieurs distingués.
Cependant il est facile de supposer que cette brillante jeu-
nesse française, que ces amis si dévoués, occasionnaient quelque-
fois des embarras au gouvernement. Ces militaires étaient de
zélés protestants, je veux le croire ; mais étaient-ils tous disposés
à vivre selon les lois austères établies par Calvin ? il est permis
d'en douter. Le fait que je vais raconter semble du moins dé-
186
noter des mœurs bien différenles de celles que nous avons
l'habitude <le nous représenter a celle époque, et s'il s'éloigne
du but principal que je me suis proposé, il me paraît de nature
à faire mieux connaître la vie de Genève au commencement du
XVIP siècle.
Le dimanche 14 avril 1611, dans une nnuson de la rue des
Chanoines, qui avait appartenu à l'un des plus fidèles disciples
du réformateur, chez la veuve d'un ancien syndic, dans la
chambre même de cette dame qui était au lit, quelques-uns de
ces jeunes gentilshommes étaient réunis , ii neuf heures du
soir. Une dispute s'éleva entre Henri de Mayerne et Samuel
de la Chapelle, baron de la Rochegiffart. On en vint bientôt à
tirer l'épée et le premier reçut un coup dont il mourut pres-
que immédiatement.
Le Petit Conseil eut une séance le même soir, à onze heures :
« Le Conseil a esté appelé pour adviser du meurtre commis
en la persomne du sieur de Mayerne par le baron de la Roche-
giffart, lequel on dit s'eslre retiré dans le logis de Monsieur de
Souhise. Ârresié qu'on aille quérir ceux qui esloyent pré-
sents audit meurtre. Lesquels estant ouys en Conseil et leurs
dépositions rédigées par escrit, a esté arresté que M. le lieute-
nant aille tout présentement faire tout debvoir d'appréhender
le meurtrier, et en parler à M. de la Noue et à M. de Béthune,
et que les portes de la ville demeurent fermées jusqu'à ce qu'il
soit appréhendé '. »
Le lendemain, M. Dauphin, c'est-à-dire François de Cha-
peaurouge, lieutenant, « rapporte avoir, avec les sieurs Dela-
maisonneuve (conseiller) et [le] Sautier. remontré à M. de la
Noue le desplaisir que Messieurs ont du meurtre advenu la nuit
passée et prié d'aller exhorter M, de Souhise à rendre le meur-
trier. Ce que M. de la Noue a recogneu estre raisonnable et a
promis d'y aller. Ledit sieur Dauphin en a aussy parlé à M. de
* Herj. du Cons. Vol. de I6i 1-1612, fol. 140.
187
Soubise, luy remonstrant que Messieurs ont usé de respect
envers luy et n'ont voulu faire ouvrir son logis, parce qu'ils
croyoyent qu'il représenteroil voionloirement le meurtrier, le-
quel aussy il ne sçaurait faire évader, parce qu'on a donné ordre
aux portes, et qu'on est presi de faire des proclamations contre
les récélateurs. Ledit seigneur a respondu, pleurant, que le meur-
trier avait bien esté en son logis, mais n'y estoit plus ; et plu-
sieurs autres seigneurs françois qui pleuroient aussi et prioyent
qu'on dissimulast aflfm de le laisser évader, qu'autrement on les
chassera tous et désobligera deux milles gentilshommes leurs
parentz et amis qui se rendroyent nos ennemis. De là il est allé
voir M. de Bélhune qui, au contraire, a demandé justice et dist
que si Messieurs ne la font, d'autres la feront, qu'il a desjà esté
chez M. de Soubise et que, s'il eust trouvé le meurtrier, peut-
estre que la justice en seroit desjà faite ; qu'il oublie son particu-
li(-r et ce que le mort estoit à luy, mais remonstre le scandale et
deshonneur que s'acquièrent les François. — Ârresté que les
sieurs Dauphin, Fabri et Maisonneuve en aillent derechef parler
à M. de la Noue et luy dient que Messieurs ne veulent point
sortir du Conseil que ledit baron ne leur soit rendu. Enfin, après
plusieurs allées et venues, ledit baron a esté amené céans et M.
Rillet commis pour informer *. »
C'était quelque chose, au point de vue de la justice, que d'a-
voir obtenu la remise du meurtrier à l'Hôtel de Ville. Mais il
fallait encore que le Conseil prît une décision, et cela présentait
bien des difficultés.
On alla d'abord au plus pressé. On refusa à M. de Béthune
de faire à Henri de Mayerne des funérailles avec les honneurs
militaires. Ou interrogea le prisonnier et l'on sursit au juge-
ment, en chargeant les syndics de chercher à apaiser M. de
Béthune.
Pendant l'intervalle, les amis du baron de la Rochegiffàrt
* Ibid., fol. m.
188
ne se lassaient pas de solliciter en sa faveur. MM. de Lux et
Le Grand, le premier, lieutenant-général, le second, gouver-
neur de Bourgogne, écrivirent dans le même sens au Conseil ;
M. de la Varenne, envoyé de France à Turin dans notre intérêt,
assura, en passant à Genève, que la reine verrait avec plaisir
qu'on fît grâce \
D'autre part, il y avait des lois formelles, et la population
ne paraissait pas disposée à ce qu'elles fussent mises de côté
en cette circonstance. Le 18 avril, à une première séance du
Petit Conseil, je lis: « M. le premier syndique rapporte que
M. Goulart (modérateur de la Compagnie des pasteurs) le vinst
trouver hier au soir et luy dist qu'il voyoit les jugements de Dieu
sur nous, parce que nous ne faisions la justice que nous deb-
vrions du baron de la Rochegiffarl, et qu'il a ouy dire qu'on le
veut libérer. Mais qu'il ne faloit pas croire que les seigneurs
françois qui sont icy veuillent empescher la justice ; que Dieu
nous oslera les bastons [syndicaux]; que nous en rendrons
[compte] devant Dieu ; que quant à luy, il ne s'en taira point
en chaire ; que l'origine de ceci vient de ce que les femmes et
fdles vont aux terreaux (c'est-à-dire voir les travaux des forti-
fications). » A la deuxième séance du même jour, je lis encore :
« M. de Bélhune a fait présenter un billet par lequel il
prie Messieurs de faire justice de l'homicide du sieur de
Mayerne, etpourcest effect ne procéder pas au jugement qu'au
préalable ils n'aient jugé si les tesmoins sont reprochahles ou
non, parce qu'ils sont la plupart intimes amis et camarades du
sieur de la Rochegitfart ^. »
Le Petit Conseil résolut de ne pas assumer toute la respon-
sabilité de cette affaire. Il fit engager le prisonnier a présenter
une requête en grâce et convoqua le Conseil des Deux Cents
pour le lendemain 19 avril:
« Après la prière faite, M. le premier syndique a représenté
• Reg. du Cous. Vol. de 1611-1612, fol. U2, 143, 146.
* Ihid.Jol. 145.
4 89
que.... il y a un aifaire imporlant et qui regarde l'Eiai, lequel
comme il est extraordinaire, aussy Messieurs y ont voulu pro-
céder exlraordinairement. C'est assavoir l'homicide commis di-
manche dernier sur les neul heures du soir, en la chambre de
madame de Vérace, par nob. Samuel de la Chapelle, baron de la
Rochegiffart, lequel, après leraeuilre, s'esioit retiré dans le logis
de M. de Soid)ise, et néanlmoins, par la prudence de Messieurs
et de M. de la Noue, avoit esté remis entre les mains de la
Justice et amené prisonnier céans, où il est à présent, confes-
sant son crime et en demandant grâce a ce magnifique Conseil ;
que M. le Grand et M. le baron de Lux ont escrit en sa faveur et
prient fort instamment Messieurs de luy ottroyer ladite grâce ;
que MM. de Soubise, de La Noue, de Chamberet, et presque
toute la noblesse françoise qui est en cesle ville pour nostrc
secours, intercèdent pour luy; que pour ces considérations
Messieurs n'ont voulu passer outre à doimer leur jugement
sur ce procez criminel, mais ont voulu pour la conséquence du
fait le rapporter à ceste Compagnie. — Après cela, MM. de
Soubise, de la Noue et Chamberet ayantz reijnis d'estre ouys,
sont entrez et ayantz pris place prez de M. le premier syndique,
M. de la Noue a dit qu ayantz entendu qu on vouloit ce matin
iraitter le fait dudit prisonnier, ils ont voulu supplier ce Conseil
de n'y user pas de la sévérité des loix; qu'il se trouvera que ce
n'est point un guet à pens, mais une querelle subite; qu'il est
de grand'maison, alïectionné de tous les seigneurs qui sont ve-
nus ici pour nostre secours; que ce fait ne touche point l'Esiat;
que si la briefveté du temps l'eust porté, la Reyne en eusi
escrit en sa faveur ; prie particulièrement de considérer ce que
luy a apporté pour retirer ledit prisonnier du lieu où il s'estoit
jeté, affin de luy faire subir la jurisdiction de Messieurs soubz
espérance de leur douceur. — Cela fait, lesdils seigneurs sont
sortis et ont esté leues la requeste présentée par le criminel
pour obtenir grâce de ce magnifique Conseil, de luy signée, et
les lettres de MM. le drand et de Lux, outre lesquelles M. le
190
premier syndique a rapporté que ce malin M. de la Varanne,
allant trouver le Duc de la part de la Reyne, a fort prié pour
ce gentilhomme, bln après a esté opiné, et finalemeut arresté
que Messeigneurs pour bonnes considérations à ce les mou-
vants, ont oliroyé et ottroyent audit de la Chapelle pleine et
entière grâce et rémission dudit homicide *. »
On renvoya promptement hors du territoire genevois le sieur
de la Rochegiffarl, pour éviter quelque acte de vengeance contre
lui ; on chercha à calmer M, de Bélhune qui montrait du mé-
contentement, et, à sa recommandation, on fit grâce pareille-
ment à un individu qui en avait tué un autre en duel *.
Au reste, les Français qui étaient venus au secours de Ge-
nève ne prolongèrent pas beaucoup leur séjour ici, le duc ayant
signé au commencement de mai un iraité de désarmement.
Le père du jeune Henri de Mayerne écrivit deux lettres à nos
magistrats: l'une, annoncée dans la séance du 7 mai, demandait
justice contre le meurtrier; l'autre, indiquée dans la séance du
21 mai, réclamait une déclaration par laquelle la grâce octroyée
à de la Rochegiffart n'empêcherait point un recours en dom-
mages et intérêts. Cette déclaration fut immédiatement accor-
dée, ainsi qu'une copie de toute la procédure. Quelques mois
plus tard, on reçut aussi communication d'une pièce par la-
quelle S. M. Louis XIII étendait à son royaume le bénéfice
de la grâce accordée par notre Grand Conseil.
On n'a pas conservé les deux lettres de Louis Turquet, mais
nous en avons une écrite par sou fils aîné, Théodore, à l'oc-
casion du même événement \ Je remarquerai ici l*' que dans
cette lettre , mais dans cette lettre seulement , Turquet de
Mayerne parle de Genève comme étant sa patrie, et cependant
ni son père ni lui ne furent reçus bourgeois ; 2** qu'il indique
son frère comme étant né dans notre ville, ce qui est conforme
' Refj. du Cons. Vol. de 1611-1612, fol. 146.
* Ibid., fol. 159, séance du 3 mai.
^ Voir plus loin Lettres, n" \ .
191
au registre des décès, lequel déclare Henri de Mayerne natif de
Genève et âgé de 24 ans *. La naissance de ce dernier devrait
donc remonier h l'année 1587, mais on ne la trouve pas ins-
crite dans nos registres.
La réputation de Théodore Turquei de Mayerne avait grandi.
Appelé dès 1611 en Angleterre par le roi Jacques I°\ il fut
nommé son premier médecin, son conseiller, et devint son fa-
vori. Dans cette position, la pratique de la médecine lui fit
acquérir de grandes richesses. En 1621, il avait acheté la
baronnie d'Àubonne, et étant venu y passer quehjue temps, il
retrouva bientôt à Genève d'anciens amis.
A cette époque, les inquiétudes causées par le duc de Sa-
voie étaient très-vives, puisqu'on se décida à envoyer Bénédict
Turrettini dans les Provinces-Unies, pour demander des se-
cours pécuniaires : et comme on cherchait à s'appuyer de tous
côtés, ce fut avec empressement qu'on reçut les avances du
médecin du roi d'Angleterre, qui offrait de nous servir auprès
de son maître.
« M. le syndique Larchevêque, dit le registre du Conseil, a
rapporté que M. de iMayerne luy a dit qu'il avait charge du Roy
de la Grande-Bretagne, son maistre, de nous asseurer de sa
bienveillance, et s'offre de s'employer envers S. M. pour ceste
République, en tout ce qui luy sera possible, tesmoignanl d'estre
porté d'une sincère et cordiale affection. Arresté de le remercier
et le prier de continuer en ceste bonne volonté et affection, et
de luy donner demain à disner '. »
Dans les séances suivantes, il est souvent question du même
personnage. On voit que les magistrats lui parlaient de toutes
leurs affaires; ils le consultent sur deux officiers de la république
• (15 avril 1611.) « Noble Henri Turquet ou fie Majerne natif en ceste
cité, aagé de 24 ans, mort d'un coup d'espée ou dague qu'il receut hyer au
soir en la maison de feu noble J. Budé, rue ditte des C'anoines.
* %. duCons Vol. de 1621, fol. 161, 18 juin.
192
de Venise, l'un Genevois, l'autre Anglais, qui avaienl offert
leurs services à Genève*. On discuta aussi la convenance d'en-
voyer un député en Angleterre et on résolut d'adresser au roi
Jacques une lettre qui serait confiée à son médecin.
Ce dernier étant parti pour retourn ^r à Londres, écrivit de
Sedan une lettre au Conseil, laquelle n'a pas été conservée;
mais nous en avons six de l'année 1622.
Il y eut encore une correspondance entre le Conseil et de
Mayerne en 1624, puis en 1625, à l'occasion de la mort de
Jacques et de l'avénemenl de Charles l®^ et aussi eu 1637. On
eu peut retrouver les principaux traits dans les registres ^.
Après l'exécution de Charles en 1649, de Mayerne se retira
à Clielsea, où il mourut le 15 mars 1655, âgé de 81 ans. On
apprit bientôt à Genève que le riche médecin s'était souvenu,
dans ses dis|)Ositions testamentaires, de la ville où il avait reçu
le jour et passé ses premières années. Il avait donné, pour ré-
parer le bâtiment de l'Hôpital, tout ce que, au moment de son
décès, on trouverait dans sa boite des pauvres. Cette somme
s'éleva à 200 liv. sterling. Le Conseil reçut à cette occasion
une lettre de sa fille Adriana, et l'argent arriva à Genève au
bout de quelque temps, par l'entremise du célèbre peintre Pe-
tilot, qui avait eu en Angleterre de précieux rapports avec de
Mayerne.
Baulacre nous raconte qu'une nièce de Turquet de Mayerne,
jyjme j]g Windsor, remarquable par son esprit et son instruction,
vint lermiiier sa vie à Genève; elle avait apporté avec elle le
portrait de son oncle peint par Rubens, que possède notre bi-
bliothèque publique.
On sait que le célèbre médecin des rois Jacques P*" et
Charles P"" s'occupait beaucoup de chimie. Il a découvert la
belle couleur pourpre nécessaire pour les carnations dans la
' Voir la lettre n» 3.
2 fie//, dti Cons. Vol. de 1624, fol. 30; vol. de 1625, fol. 90, 97, 101,
152; vol. de 1637, fol. 61.
193
peinture sur émail ei trouvé une préparation de cuivre plus
propre a l'application de ce métal sur l'émail. Il composa
aussi une liqueur qui jouit pendant longtemps de beaucoup de
vogue. Elle se fabriquait à Genève, M™" de Windsor en ayant
communiqué la composition a la famille Colladon. Nos magis-
trats firent pendant de longues années une grande consommation
de celle eau cordiale pour des cadeaux. M. de Mayerne en au-
rait certainement reçu des mains de nos magnifiques seigneura,
si elle avait été inventée avant lui, car il était au nombre des
hommes à qui ce genre de politesse était réservé.
Th. H.
LETTRES
Les lettres de Th. Turquet de Mayerne, adressées au Petit
Conseil de Genève, sont au nombre de dix. La première est
relative à l'homicide commis en 1611 sur le jeune Henri de
Mayerne ; les autres se rapportent généralement aux circon-
stances qui, en 1621 , nécessitèrent l'envoi du professeur Béné-
dict Turretlini dans les Provinces-Unies des Pays-Bas. (Voyez
présents Mémoires, t. Xïll, V^ partie, p. 40.) On y a joint :
r une lettre fn^ 8) du Petit Conseil à Th. deMaverne; 2« deux
lettres du roi Jacques i^"" d'Angleterre, l'une (n" 11) adressée
à notre Petit Conseil ; l'autre (n° 12) au duc de Savoie; 3" la
lettre (no 14) d'Adriana de Mayerne concernant le legs fait par
son père a l'Hôpital de Genève.
No 1
{Portefeuilles des pièces historiques, dossier n" 2452.)
Magnifiques et trés-honorés Seigneurs.— Le funeste accident arrivé en
la personne de mon frère, que le désir d'exposer sa vie pour la deffense
i '..'4
de nostre commune patrie, avoit porté par de là, fait que j'ai recours à
vostre justice, et n'eusse pas tant tardé d'implorer celle qui habile toute
pure et sans acception de personnes dans vostre sacré Conseil, sans l'es-
tonnement incroyable que m'a donné l'horreur d'une si triste nouvelle.
L'espérance que j'ay que ce qui est rendu par vous à tout le monde ne
me sera point dénié, à moy dis-je qui suis né dans vos murailles, et qui
interviens pour un mort qui m estoit si proche et dont la mesme nais-
sance doibt entrer en quelque considération. Geste asseurance, dis-je, me
porte à vous supplier très-humblement que justice me soit faitte, et que le
délinquant que vous tenés dans vos prisons, souffre les peines deues à un
acte si téméraire, si cruel et si contraire aux loi.K divines et humaines. Je
scay que les grands amis qu'il a, l'authorité de la Reine qui vous a escrit
pour son eslargissement. la face présente de vos affaires, et possible aul-
tres causes qui me sont cachées pourront tenir vos esprits en suspends ;
mais au fonds je ne m'attends pas que de la source vive de la justice
mesme, puisse sortir aulcune action qui soit à mon préjudice. Le crime
est atroce, la circonstance du lieu l'aggrave, et quoy qu'il soit subject du
Roy, il me semble et vous supplie de trouver raisonnable qu'il vive selon
les loix et ordonnances du lieu où il est, et qu'il subisse les peines im-
posées à ceulx qui présument de les violer. Recevés mes justes plaintes,
Messeigneurs, et ne permettes s'il vous plaist qu'on vous face force, et
qu'on foule aux pieds vostre authorité à mon préjudice. Dieu requiert de
vous que vous rendiés à chasquun le sien, et ne me puis persuader que
vous alliés jamais au contraire.
L'homme du sieur de la Roche Giffart, meurtrier de mon frère, a
donné à entendre le faict en ceste court à l'advantage de son maistre; sur
ce rapport on minute desja sa grâce : mais je le tiens en seure garde,
puis qu'il est en vos justes mains. G'est à moy à vous supplier que l'é-
quité qui vous est ordinaire soit apportée aux informations, dont je pro-
cureray la poursuite, afin que la vérité recogneue, justice soit rendue aux
cendres du mort, et à sa désolée famille Pour cet effaict je vous demande
en toute humilité que quelque recommandation qui vienne de par deçà,
vous veuilliés suspendre vostre jugement sur ce dont la Reine vous re-
querra, jusques à tant que le faict soit deuemenl avéré. Il est raisonnable
d'ouïr les deux parties, et Dieu veult que ceux à qui il a donné la ba-
lance et l'espée, après avoir bien pesé les moindres particularités, ab-
solvent l'innocent et punissent le coulpable. Je vous ay veu mille fois
bander les veulx et boucher les aureilles à toutes sortes de faveurs et de
19.)
recommandations injustes; je n'en attends pas moings en ce faict-cy,
pour un homme qui avait l'honneur d'estre vostre bourgeois, et qui mé-
ritoit de mourir en meilleure occasion pour vostre service. Mon père ne
faudra point de joindre ses très humbles supplications aux miennes, ce qu'il
n'a peu faire pour le présent, estant loing- de ceste court, indisposé, et
possible, non encore adverty du malheur qui, en traversant la tranquillité
de sa vieillesse, accablera du tout sa vie, si Dieu n'a pitié des siens.
Pardonnes à mon importunité, et en accusés ma douleur ; faites justice
au nom du Dieu vivant, et obligés de plus en plus à prier pour vostre
prospérité et pour la conservation de vostre Estât, celuy qui vous debvant
sa vie et son instruction, est et sera à jamais, magnifiques et très-
honorés Seigneurs, vostre très-humble et très-obéissant serviteur.
A Fontainebelleau, ce â may 1611. [Signé) Demayernk.
No 2
(Dossier n» 268S.)
Magnifiques et très-honorés Seigneurs. — Il n'est point de besoing de
me remercier des debvoirs auxquels la cause commune, la condition de ma
naissance et le droit de vovsinage m'obliçrent. Pleust à Dieu seulement
que les effects poussent correspondre au degré de l'affection que j'ay
pour la conservation de vostre Estât. Asseurés-vous qu'estant de retour
auprès du Ptoy de la Grande-Bretaigne, mon maistre, je ne laisseray rien à
remuer, pour tascher à vous faire sentir des fruits de sa bienveuillance
conformes à la nécessité de vos affaires. Pour le moings ne tiendra il pas
à ma diligence ny à mes persuasions. Vous m'honores trop de vouloir
dépendre de mes conseils en ce point. Dieu me les suggère profitables
pour vous, et vous rende mes poursuites efficacieuses. Vous aurés de mes
nouvelles au plustost qu'il me sera possible. Les périls imminents me
serviront assés d'aiguillon, et je préféreray tousjours le bien public à la
considération des miens, lesquels pourtant je vous envoyé pour participer
à vos biens et à vos maulx. Obligés moy d'en avoir un seing particulier
tandis que je travailleray pour vous. Conseillez leur ce qu^ils auront à
196
faire si les affaires s'eschauffent. Par les faveurs que ma femme et mes
enfants recevront de vous, je jugeray de la bonne volonté que vous portés
à celuy qui est et sera à jamais, magnifiques, etc.
A Aubonne, ce 31™^ octobre 1821 .
No 3
Magnifiques et trés-honorés Seigneurs. — Ma santé qui a esté affligée
ces jours passés, m'a retenu icy jusques à ceste heure, et a d'autant re-
tardé la diligence que je me suis proposé de faire pour le bien de nos
affaires. Toutesfois, ce sera assés tost si Dieu nous faict la grâce que ce
soit assés bien comme je l'espère et le désire. Vous continués à me trop
honorer et me comblés d'obligation en me demandant mon advis sur la
lettre que vous escrit M. Durand. Le zèle qu'il porte à la conservation de
sa patrie est louable, et la volonté qu'il tesmoigne d'y employer sa vie
doibt estre mise à profit.
Toute la maison dont il est sorty est pleine de générosité et de courage.
Mais notés que devant que de rechercher et obtenir avec peine son congé
de la sérénissime Piépublique qu'il sert, il désire d'avoir une nouvelle
asseurée, à quoy je suis certain que vous pourvoirés, en lui donnant l'a-
vertissement solide, mais en temps, afin que ny vous ny luy ne soyés
désapointés. Quant à ce qu'il vous mande du chevalier Henri Peyton,
Colonel des Anglois qui sont par de là, je tiens que c'est une bonne ou-
verture, quand ce ne seroit que pour sonder plus profondément la dispo-
sition du Roy mon maistre, que je ne puis concevoir aultre que très-bonne
et portée avec ardeur à vostre secours. S'il n'a pas refusé des hommes à
Venise pour la ValtoUine et aultres affaires que la République a sur les bras,
je ra'asseure qu'en la cause commune dont il faict la plus grande part, il
ne s'espargnera pas. Ce qui neantmoings gist en expérience.
Une difficulté est considérable, qui est l'impossibilité d'amener des
trouppes d'Angleterre, ayant à les passer par tant de pais ennemis, si ce n'est
qu'Espagne nous voulut amadoiier jusques laque de permettre quelque lé-
gère apparence de retardement à son desseing, pour, en reculant faire après
un plus grand sault: chose qui ne peult tomber en l'entendement, veu que
nos ennemis ont aujourd'huy pour eux vent et marée. A tout événement ce
197
ne sera que bien faict de remercier le dit sieur Chevalier de l'affection qu'il
vous tesmoigne, le priant de la vous conserver, et le tenant en haleine jus-
ques à tant que vous sçachiez qu'elle est la volonté de S. M. en vostre
endroit. Quant à luy, de quitter sa station et partir de Venise à vostre
sollicitation pour aller demander secours, il ne feroit chose convenable
en sa qualité de Colonel, et je suis très asseuré qu'il n'en seroit pas
advoué: mais si vous escrivés ou faittes remonstrer à S. M. que sur vos
nécessités ayant eu advis de Monsieur Durand un de vos concitoyens, et
de la qualité qu'il possède que sir Henry Peyton colonel et son subject est
plein de désir de recevoir les commandements de S. M. pour se porter à
vostre secours avec les trouppes que S. M. vous voudra ottroyer, de
ipioy vous la suppliés très humblement pour le bon rapport que vous
[ivés du dit sieur ; je croy que ce sera le chemin qu'il fault prendre. Quoy
:jue pour vous dire la vérité, vous avés plus besoing d'argent que d'hom-
nes, qui devant que d'estre arrivés vers vous seront fort esclaircis, et par
ùnsi la bourse des capitaines remplie et le secours diminué. De peur d'y
aillir, si les advis du siège ou aultres entreprises continuent avec certi-
ude, demandés les touts deux : Iniqunm pete ut œqmim feras, dit-on
)rdinairement. Employés h tout cecy Monsieur Wake ', quand ce ne seroit
jue pour tesmoigner à S. M. le danger proche qui vous menace. On
rouvera moyen de pousser à la roue pour le reste, quoy que j'en demeure
à, qu'un homme de vostre part eut esté extrêmement nécessaire. Mais
)uisque le conseil en est pris, il fault attendre vostre bon point. Quant
i la personne du Colonel, je ne vous en sçaurois que dire. Le tesraoignage
le Monsieur Durand est valable, et Hollande est une bonne eschole pour
aire des capitaines. Enquérés-vous du chevalier Ashfield s'il le cognoit ;
oudain après mon arrivée près du Roy, je vous en escriray ce que j'en
lourray apprendre, comme aussi de toute aultre chose qui pourra vous
stre utile venant à ma congnoissance. Dieu vous veuille conserver comme
lar le passé, et continuer ses miracles à vostre bien, à la confusion de vos
nnemis. Pour ce qui est de raoy, disposés librement de celuy qui se
lortera toute sa vie avec fidélité et passion à vous tesmoigner que véri-
îible il est, magnifiques et très-honorés seigneurs, vostre trés-humble, etc.
Je pensois partir demain, toutesfois, pour vous donner le loisir d'adviser
i sur ce que je vous mande vous avés quelque chose à me commander,
e remettray mon voyage d'un jour. — A Lavigny, ce 13 novembre 1 621 .
' Ambassadeur du roi de la Grande-Bretagne à la cour de Turin,
T. XV, \'^ partie. 14
198
No 4
(Dossier n» 2695.)
Magnifiques et trés-hoiiorés Seigneurs. — Les retardements que j'ay esté
contraint de faire par chemin ayant allongé mon voyage, il m'a esté im-
possible de satisfaire jusques à ceste heure aux commissions dont je me
suis très-volontairement chargé pour ce qui comierne le bien de vostre
Estât. Et encor estant arrivé par de çà n'ay je peu rencontrer opportunité
pour verser commodément dans le sein de S. M. vos plaintes, ny pourluy
représenter vos nécessités, à quoy je ne faudray aussitost qu'il luy plaira
de me donner audience, du succès de laquelle vous serés incontinent advertis.
Mais d'advance, vous veux-je bien représenter qu'à mon arrivée j'ay trouvé
le Parlement rompu, et plus de mésintelligence que je n'eusse désiré, de
sorte que j'appréhende que les affaires domestiques ne nous distrayent de
penser aux foraines, veu principalement que vous avés des bons amis
qui asseurent et escrivent par de çà que vos terreurs sont paniques, que
les alarmes vous ont esté données faulses, mais à bonne intention, dont
vous sentirés et desjà ressentes de bons effects par la prévoyance que vous
avés apporté à vos seuretés, et que vous n'avés rien plus à craindre. Si
ainsi est j'en lotie Dieu : mais ce n'est pas ma croyance, voyant les pro-
grès qui se font par toute l'Europe pour l'advancement du desseing général,
tendant à nostre subvertissement. D'ailleurs sçachés que ce peuple a cha-
ritablement donné des grandes et libérales contributions pour les pauvres
estrangers réfugiés en ce pais, de sorte que je crain que nouvelles propo-
sitions pour mesme subject ne soyent ennuyeuses, hors de saison et tota-
lement infructueuses. Je vous dis cecy de moy mesme, et ne laisseray
pourtant pas de sonder le gué et de vous en donner advis. Cependant tenés
moy adverty de ce qui se passe par delà, afin que je le représente en temps
et lieu. On parle icy de quelque trahison descouverte en votre ville. Si
cela est, voylà la solution des arguments de ceulx qui appellent vos justes
défiances des appréhensions frivoles et sans fondement. Dieu veuille con-
server vostre Estât, pour lequel j'exposeroye mille vies si je les avoye, et
ne laisseray passer aulcune occasion de vous tesmoigner, etc.
A Londres, ce 12 janvier 1622.
199
N° 5
Mag-nifiques et trés-lionorés Seigneurs. — J'ay receu vos lettres qui
me tesmoignent le désir que vous avés d'entendre de moy le succès de
mon abouchement avec le Roy mon maistre sur ce qui concerne le bien
de vos aflaires. Croyés moy que c'est avec une extrême impatience que
j'ay esté obligé à un retardement si ennuyeux pour moy qui suis plein du
désir de bien faire, et pour vous qui avés besoing de promptes résolu-
tions. La santé de S. M. a esté alîligée ; ses affaires sont si nombreuses
et si pressantes, que jusques à ceste heure il m'a remis de jour en jour.
Enfin pour tout délay, j'ay commandement de me trouver dans lasepmaine
prochaine à la Court, qui maintenant à l'accoustumée, tient la campagne,
avec asseurance d'avoir audience et d'estrepromptement expédié. Gela fait,
par le premier ordinaire, je vous feray entendre ce que vous pouvés es-
pérer, et puis qu'il vous plaist d'estimer mon advis, je vous diray fran-
chement ce qui me semblera faisable, laissant les conclusions et les exé-
cutions d'icelles à vostre prudence, qui dans les nécessités urgentes sçaura
bien peser et se gouverner selon les possibilités du temps présent. Vous
debvés avoir receu de mes lettres, et veu par icelles en quel estât nous
sommes par deçà, d'où vous pouvez conjecturer les événements de nostre
négociation : toutesfois, bien souvent les effects succèdent au rebours de
nos pensées, et puisque l'essay ne coustera rien, il faudra sonder le gué
à bon escient. Vous avez bien faict de n'avoir envoyé icy aulcun député ; le
temps n'en est pas encor, et ne s'y faudra résoudre sinon quand les affaires
viendront à estre telles que vos justes demandes ne puissent souffrir un
refus. Aultrement, dans l'incommodité, la réputation pâtirait une flétris-
sure dangereuse en ce temps auquel la mine vault pour le raoings autant
que le jeu. Rien ne vous nuira tant icy que les advis qu'on donne que vos
ennemis ne pensent pas à vous ; que la jalousie des princes vos voysins
est votre conservation ; et que vous estes sujects à prendre des faulses
alarmes. Jedeffends tant que peux là dessus, mais la qualité que j'ay par
deçà me donne des bornes que je ne peux ny ne doibs oultrepasser. Il seroit
bon que de temps en temps vous me tinssiés adverty de ce qui se passe,
afin que selon les occasions je vous puisse servir. Soyés certains que je
n'en laisseray passer aulcune, ains qu'au contraire je prendray peine et
200
plaisir en les rencontrant et recherchant de vous tesmoigner que je chéri?
l'honneur que vous me faittes de vous servir de moy, etc.
A Londres, ce 26 janvier 1622.
N° 6
Magnifiques et trés-honorés Seigneurs. — Enfin, après une longue
attente et beaucoup de remises, j'ay eu le moyen d'aboucher le Roy mon
raaistre sur ce qui concerne vos affaires et les nécessités où vous jettent
dans le temps présent les desseins formés contre vostre Estât, desquels
puis que vous recevés des advis de touts costés, et que mesme dans vostre
ville se sont trouvées des lettres confirmant le péril imminent, jusques à
en déclarer les tenants et aboutissants, j'ay représenté que c'est se cre-
ver les yeulx que d'en vouloir seulement doubler. Là dessus j'ay passé
plus oultre que je ne vous ay promis, et pour vous espargner la peine et
la despence d'un député, j'ay voulu sonder l'affection de S. M. envers
vostre République, et les moyens de l'assistance que vous en pouvés es-
pérer. Pour ma relation, je trouve que vos dangers sont creus, fondés sur
des appréhensions, plus tost que sur des réalités. S. M. reçoit tous les
jours des asseurances que les intentions de S. A. (dont les conseils sont
comme on dit sincèrement communiqués à son agent) ne visent pas à
vous, ny à vos voysins ains vont beaucoup plus loing. Le prétexte des
alarmes qu'on vous a données bien chaudes lorsque j'estois parmy vous,
est de vous tenir à l'erte, et de vous faire penser à vos seuretés en for-
tifiant vostre ville et la pourvoyant de toutes choses nécessaires en touts
événements, et de plus de procurer le retour de Monsieur de Lesdi-
guiéres en Daulphiné. Voylà des fraudes pies et des prévoyances très-
officieuses, dignes d'estre contées parmy les œuvres de supérérogation .
Nonobstant, S. M. appréhendant que nulle fumée ne paroist sans feu,
vous conseille de vous tenir sur vos gardes comme vous faittes, vivre en
soupeçon de toutes choses, sans toutesfois faire paroistre vos justes def-
fiances, ny vous alarmer mal à propos, apelant vos amis à secours hors
de nécessité, de peur que criants au loup, trop souvent et sans cause ap-
parente, vous ne soyés actuellement délaissés quand il en seroit besoing.
Et pour pouvoir asseurément descouvrir Testât des affaires, S. M. escrit
à Monsieur Wake, son agent, luy commandant d'avoir l'œil ouvert h
201
vostre conservation, et de sommer S. A. de sa foy jurée avec vous et
avec vos voysins, dont la rupture ne peult estre que honteuse et préju-
diciable à un prince de sa qualité et de son mérite, qui dans les événe-
ments doubteux de telles entreprises injustes et abominables à Dieu et
aux hommes, ne doibt attendre sinon perte, malédiction et naufrage de sa
réputation, chose qui ne pouvant estre creue par S. M., elle attend de
S. A. des effects conformes aux asseurances qu'il luy a données plusieurs
fois à vostre profit et conservation. Si nous estions au siècle d'or, et si la
veille de Noël ' ne repassoit souvent par ma mémoire, je me laisserois faci-
lement aller aux protestations d'un si grand prince que S. A. ; mais no-
nobstant toutes asseurances, une lettre que je vien de recevoir de Pied-
mont assés ambiguë, me faict vous dire qu'il n'est que de se préparer au
pis, et que ceulx qui se mettent en posture résolue de se bien deffendre
ne sont pas ordinairement attaqués. Si j'en aprens davantage vous en
serés advertis.
Sur toutes choses, S. M. vous ramentoit de vous unir de volontés dans
vostre ville, et estouffer toutes semences de discordes intestines, qui sont
les chancres destructeurs des Estats populaires, comme les Grisons vous
peuvent faire foy. S'il y a des faulx frères biens cogneus, qu'ils soyent
rasclés du milieu de vous ; mais aussi par des deffiances fondées sur des
nues imaginations, gardés vous de dessouder les chaisnons en l'assemblage
desquels vostre subsistence consiste. Entretenés vous de vos plus proches
et meilleurs voysins. Messieurs de Berne, et montrés de la gratitude en
rocognoissant la volonté et la promptitude qu'ils ont à vous secourir à
touts moments. Commandés que vos subjects vivent bien avec les leurs,
couppés chemin à touts différents à leur naissance, et vous entrevisités
souvent. Ainsi vos ennemis voyant vostre concorde, penseront trois fois
avant que de vous attaquer. Prenés guarde à vos portes, scachant exacte-
ment qui va et vient, ce que je vous dis sur un bruit qui court icy que le
prince Thomas'^ est entré dans vostre ville desguisé, avec un marchand.
Prenés cet advis pour le prix que je l'ay receu.
Sur les occurences présentes, S. M. vous conseille d'envoyer au Roy
de France demander le payement de vos assignations, et requérir les effects
de vostre protection, dont S. M. est chargée de père en fils ; le remerciant
de ce que, par ses ambassadeurs, il a mandé à S. A., et le priant de con-
• Entreprise de l'Escalade, le 13 décembre 1602 (ancien style).
* Le gouverneur de Savoie.
202
tinuer sa bienveuillance envers vostre Estât ; et en cas qu'on vous assaille,
de prendre comme il a promis vostre cause en main.
Quant à l'affection du Roy mon maistre envers vous, tenés la entière-
ment portée à vostre bien, et croyés que la manutention de vostre Répu-
blique luy est chère, et que si Testât présent de ses affaires luy per-
mettoit de .vous accommoder de quelque subvention digne de sa qualité
et conforme à vos nécessités, il n'attendroit pas que vous l'en requissiés.
Mais ayant à faire chés soy, et les siens propres ayant besoing de
toutes ses pièces, au recouvrement du Palatinat, auquel S. M. est réso-
lue, et pour cet effect souldoye dès le dixiesme du mois de mars pro-
chain des troupes tant de pied que de cheval ; il n'y a nulle apparence
de désirer n'y d'attendre maintenant des sommes de deniers, ny de luy
ny de son peuple desjà surchargé par -diverses subventions. Ainsi ne
pressés pas S. M., si la nécessité certaine et le mal présent et inévi-
table ne vous presse ; laquelle advenant, et S. M. estant véritablement
informée d'icelle spécialement par ses ministres {que vous devés ren-
dre fidelles et sincères expositeurs de vos dangers certains), vous ne
serez point délaissés, et alors le Roy et son peuple feront pour vous
assister ce qui sera en leur pouvoir, selon la nécessité des occurences
praignantes et dans les limites de leur commodité. Ainsi, pour le mo-
ment, vous n'avés que faire d'envoyer icy personne, et, quand vous le
voudrés faire, advertissés m'en, afin que je sonde le gué, s'il y sera bien
venu.
Donnés moi souvent de vos nouvelles et vous asseurés que là où je
seray vous n'aurés nul besoin d'agent ny de solliciteur. Pour ceste heure,
je ne sçaurois dire que ce que j'ay receu de la bouche de mon maistre ;
en quoy vous accepterés ma bonne volonté. Je vous recommande les
miens qui sont dans l'enceinte de vos murailles. Par ce moyen vous me
possédés tout entier, puisque tenant la meilleure partie de raoy, selon
mon debvoir je vous voue mon cœur, et contribueray toute ma vie mes
prières et mes actions à vostre service, etc.
A Londres, ce 17 février 1622.
N° 7
Magnifiques et très-honorés Seigneurs. — La présente sera pour vous
advertir du pacquet que j'ay envoyé par le dernier ordinaire de la sep-
203
maine passée, contenant dans une lettre adressante à V. S. tout ce que
j'ay pu effectuer par deçà pour vous, et ce que vous pouvés attendre d'icy
à l'advenir, dont les répétitions n'estant que superflues, j'attendray advis
de vous de la réception de mes lettres et nouveaux commandements où
vous me jugerés propre à vous servir. J'entends que vous avés envoyés
un agent vers S. M. de France, tant pour solliciter le payement des de-
niers annuels que vous avés accoustumés de recevoir, que pour recher-
cher dans la bonne volonté du Roy des moyens puissants de vostre con-
servation et des oppositions fortes aux desseings qui sont formés contre
vostre Estât. Et de vray, vous en avés bonne raison : car (quoyque je ne
vous tienne pas si mal advertis que d'ignorer cecy), je vous advise que
l'ambassadeur de S. A. vostre voysin, résidant en France, a par deux fois
depuis peu, avec très grande instance, pressé S. M. d'abandonner la pro-
tection de vostre ville, l'exposant ainsi aux prétentions de ce prince qui
ne vous laissera jamais en paix. La response a esté favorable pour vous
et telle que la foy publique impose à un grand Roy, fils de Henry le
Grand, qui n'avoit guarde de laisser ses alliés au besoing, beaucoup
moins ceulx qui s'estoient mis à l'abry de ses aisles. Ces poursuites,
quoyque différées par des rebuts, ne sont pas rompues, et n'est-on pas
hors d'espérance pour vaincre par opportunité. Je tien cecy de nos am-
bassadeurs, tesmoings certains de toutes ces procédeures, et partant
quelques promesses, serments et compliments qu'on vous donne, ne cessés
jamais de sommer S. M. d'interposer son authorité pour dissiper les ma-
chinations de vos ennemis, à quoy je ne fay nul doute que le Roy et son
conseil ne se portent entièrement, puisque oullre l'honneur de S. M.,
engagé dans la conservation de ses alliés, l'intérest particulier de la
France entre dans la conjomcture de vostre protection.
Le Roy mon maistre escrit d'icy à Monsieur Wake son Résident au-
près de S. A., pour employer auprès d'elle tout le crédit et pouvoir qu'y
a S. M , afin de faire ressouvenir ce prince que les plus grands sont les
plus obligés à tenir ce que non seulement ils ont promis, mais solennelle-
ment juré. L'authorité de S. M. n'est pas petite auprès de S. A., qui l'a
esprouvé bon amy et secourable en ses nécessités. Ainsi je croy que cela
frappera coup ; mais beaucoup plus quand on vous verra inaccessibles aux
surprises, et vostre ville bien munie, achevée de fortifier, et guarnie de
bons soldats unanimement avec tout le peuple portés aux extrêmes réso-
lutions. Vohis totidem unimœqtie manusque. De temps en temps faittes
mov l'honneur de me tenir adverty de tout ce qui se passera, et là où vous
204
croirés que mon soing et ma fidélité pourront advancer ou faciliter le bien
de vos affaires, ne m'espargnés pas, ains en m'erapioyant, faites asseuré
estât que je me monstreray tousjours, etc.
A Londres, ce 25 fébvrier 1622.
No 8
Lettre du Petit Conseil à M. de Mayerne.
{Brouillons de lettres.)
Monsieur. — Nous voyons par les vostres du 17'^ et 25^ de février la
continuation des tesmoignages de vostre affection envers nostre Estât par
la peine qu'il vous a pieu de prendre de représenter au Roy les nécessitez
où nous jettent les desseings qui se forment contre nous. Et d'aultre costé
nous y voyons les asseurances de la bienveillance de S. M. en celle qu'il
a escrit cà M.Wak, son ambassadeur, pour destourner S. A. de Savoye de
ses entreprises contre Messieurs nos alliez de Berne et nous, de quoy nous
vous prions rendre de nostre part les très humbles remerciements à S. M.
Nous ne doutons point que les grands affaires et charges que S. M. a
aujourd'huy sur les bras n'empeschent ou retardent les effects de sa bé-
néficence envers nostre Estât, et néantmoings nous espérons tousjours que
considérant nos nécessitez présentes, toutes ces difificultéz n'empescheront
point que nous ne recevions quelque fruict de sa libéralité, nonobstant
que S.A. tasche de persuader à S. M. que ses intentions ne nous re-
gardent pas ni nos voisins. Mais les préparatifs continuels de guerre qui
se font dans ses pays, les troupes qu'il tient tousjours cà quatre lieues de
nous, les instances continuelles qu'il fait faire par son ambassadeur en-
vers S. M. de France, tesmoignent évidemment du contraire. A cela
nous joindrons encore les advis asseurez que nous en avons de divers
lieux, de sorte que nous sommes contraints d'entrer en une despense du
tout extraordinaire, tant à faire nos provisions nécessaires qu'aussi à nos
fortifications, lesquelles, contraints par la nécessité, nous avons entrepri-
205
ses de nouveau sur St. Jean, du costé de St. Gervaix. Ce que nous vous
prions de vouloir représenter à S. M. et la supplier très humblement en
nostre nom qu'il luy plaise, ensuite de ses bienfaits précédents dont nous
conserverons à jamais la mémoire, ouvrir en nostre endroit les entrailles
de sa charité par l'ottroy de quelque somme de deniers pour nous ayder
et subvenir aux difficultez où nous nous trouvons k présent. La conliance
que nous avons en vostre bonne volonté fait que nous nous dispensons
de vous donner ceste peine, mais eu contre eschange nous vous en de-
meurerons à jamais obligez et en toutes occasions qui se présenteront
nous vous tesmoignerons que nous sommes, Monsieur, vos très affec-
tionnés à vous faire service.
Genève. 20 mars iC)22.
No 9
Lettres de M. de Mayerne
(Dossier no2695..
Magnifiques et très-honorés Seigneurs. -- J'ay non seulement pré-
senté mais aussi leu vos lettres à S. M. et luy ay représenté vos appré-
hensions, et les justes apparances de craindre ce dont tout le monde vous
menace depuis un an et dont vous voyés les préparatifs trop manifestes à
trois pas de vos murailles. Je vous peulx asseurer que l'affection de ce
grand Roy envers vostre Estât n'est en rien diminuée, et qu'en cas de
certaine nécessité, vous n'en sériés pas abandonnés, comme S. M. m'a
tesmoigné quand je luy ay offert vos remerciements du soing qu'il a
monstre en vous recommandant à S. A. de Savoye, et obtenant que les
deffenses du transport des bleds ayent esté levées. Mais aux nouvelles
plaintes sur nouvelles deffenses en raesmes cas, et sur la conséquence
d'icelles, S. M. m'a respondu que si cela vous apporte quelque incom-
modité, il ne croit pas que vous ayez subject de crainte sur les advis qui
luy sont donnés par M. Wake, son agent en Savoye, qui sont tels que le
conte de Scarnafiggi, ambassadeur pour S. A. vers le Pape (sollicité de
206
porter son maistre pour entrer en ligue avec tous les princes d'Italie,
pour s'opposer aux invasions que les estrangers et spécialement les héré-
tiques ont desseing de faire dans le pais, luy promettant que dans ce cas
il l'assistera pour assiéger vostre ville), a respondu que ce n'est pas l'in-
tention de S. A., quia d'aultres entreprises, et veult entretenir avec
vous ses traittés. De cecy, croyés en ce que les apparances bien fondées,
vous pourront suggérer, puisque vous êtes sur les lieux. De plus, le
dit sieur Wake mande que le Pape ayant demandé à S. A. la traitte de
cent mille sacs de bled hors de Piedmont, pour subvenir à la cherté ex-
trême de vivres qui est en Ferrarois, a esté premièrement refusé tout à
plat; depuis, par importunité, en a obtenu le quart. D'où possible
vous pouvés conclure que la deffense faitte pour vous, est pour plus
commodément fournir le Pape et pour subvenir à la nourriturre des gents
de guerre que S. A. entretient dans ses Estais. En vous envoyant plaindre
à S. A. de la contravention au traitté de St. Julien, sa response vous
désabusera et verres clair en ce que vous pourrés craindre ou espérer.
Sur le voyage du Roy à Lyon, S. A. a pris résolution de s'y transpor-
ter avec le prince major et Madame Chrestienne, et à ce qu'on escrit, est
délibéré de supplier le Roy de donner la paix à son peuple, et de tourner
ses armes vers laValtoUine, pour le recouvrement de laquelle, et possible
pour aultres desseings par de là les monts, S. A. pourra offrir les troup-
pes qui vous font mal aux yeulx. Si ainsi est, vous serés hors d'alarme :
mais après tout cela ne laissés pas de vous guarder.
En ce voyage (s'il se fait) se trouvera Monseigneur le visconte de Don, .,
ambassadeur du Roy de la Grande Bretaigne en France, qui est party d'icy
depuis deux jours. Il a emporté quant et soy lettres de croyance et pouvoir
de traitter avec S. A. de quelque affaire que ce soit. Ne laissés pas passer
ceste occasion de vous bien faire, et l'employés hardiment pour entremetteur
vigoureux et zélé à nostre religion. Il pourra tirer en présence, par l'au-
thorité du Roy, une promesse de S. A. de vivre en bon amy avec vous,
maintenir ses traittés, et vous oster toutes les occasions d'ombrage. Aussi
bien croy-je que vous avés quelque agent en court qui ne sçauroit vous
servir plus utilement. J'ay donné des mémoires au dit seigneur ambas-
sadeur là-dessus pour vostre bien. Il m'a promis de s'employer, et le Roy
nostre maistre le luy a aussi recommandé. Si le voyage ne succède, et
que vous croyés avoir à faire de son intervention près du Roy, vers lequel
il est en très bonne odeur, et qu'en cela me croyés utile, mandés le moy.
207
oiiltre la charge publique qui l'oblige, j'ay l'honneur d'eslre aimé de luy,
et je pourray vous y servir.
Hier est arrivé icy un ambas sadeur de l'Empereur, nous ne sçavons encore
pourquoy. On s'imagine quelque commencement de traitté pour la red-
dition du Palatinatet Electorat, qui se conclura à Bruxelles. Dieu le veuille.
J'ay si grande peur du contraire, que je ne m'ose promettre de la facilité
de gents qui tiennent si bien. Le temps nous rendra sages. Plaignons
les misères d'aultruy et prévenons les nostres. Dieu vous en préserve et
vous donne autant de seureté et d'heur que vous en souhaite, Magnifi-
ques et très-honorés Seigneurs, etc.
A Londres, ce 4 apvril, Stil. vet. 1622.
No 10
Magnifiques et très-honorés Seigneurs. — La commodité de Monsieur
Turretini qui a pris sa route par icy avant que de retourner au pais, ne
m'a pas permis de le laisser partir sans vous ramentevoir tant par ces
lignes que parce que vous pourrés entendre de luy, les vœux de mon
humble service. Je me resjouy de ce que son voyage a esté aulcunement
fructueux. Et combien que ce qu'il a obtenu ne soit pas selon le degré
de vos nécessités, si est que pendant ce temps les moindres aides frap-
pent coup, et les apparances mesmes servent d'estançons à la réputation
par laquelle seule les plus grands Estats subsistent. J'adjousteray que ce
n'est pas peu que d'avoir sondé le gué de l'affection de vos amis, et avoir
en dépost leurs promesses infaillibles pour l'advenir, au cas que vous
soyés pressés. Que pleust à Dieu que nous en eussions peu faire autant
par deçà pour le premier, car quant au dernier nous n'en manquons
point, voire par delà ce que nous pourrions attendre, avec asseurance
que là où il sera de besoing les paroUes sont secondées par les effects. Au
moings ne tiendra il pas à moy de les solliciter, mesmes sans attendre
que vous me le recommandiés. Par l'occasion présente, j'ay creu vous deb-
voir faire part d'un advisqueje vien de recepvoirde l'homme auquel vous
avés envoyé de mes lettres lorsque j'estais parmy vous. En me respondant
sur une lettre que je luy avois escrite sur les affaires de nostre pais, me
208
plaignant d'un costé pour touts, et l'exhortant à la vigilance de l'aultre,
voy-cy ce qu'il me couche en termes exprés; (dît 2 may stile nouveau.)
« Jusques à présent il n'y a point en Piedmont la moindre chose du
« monde qui tende à aulcune innovation du costé des traittés avec Berne
« et Genève ; toutesfois non seulement Genève, mais aussi Messieurs de
« Berne et touts les cantons protestants sont menacés d'un grand et pé-
« rilleux orage ; mais Genève n'est que le moindre symptôme du grand
« mal, et ne fault faire estât de deux mille fantassins et trois cents che-
« vaulx logés en Savoye, car c'est un accident de nulle considération,
« au prix du principal but où visent nos adversaires. Et nonobstant
« qu'on faict tout le possible pour engaiger le duc de Savoye en une
« guerre contre Genève, il ne s'embarquera point sans biscuict, et ne
« veult estre le premier à franchir le sault. Mais si le cercle du Rhin
« tombe entre les mains des Princes catholiques, alors on parlera aux
« Cantons évangéliques qui seront attaqués par ceulx d'Autriche et par
« les Cantons catholiques. Et cela advenant, il faut croire (jue le duc de
« Savoye voudroit avoir sa part au gasteau. Voil<à le fonds de ce mys-
« tère. Et pourtant il fault que ceulx à qui il appartient ayent l'œil à la
« conservation du Cercle du Rhin: cai' quand cela sera perdu tout le
« reste y va. » Aclmn est.
Voilà nostre procès faict; pour éviter l'exécution duquel il nous fault,
remuer toute pierre. On travaille puissamment avec des succès journal-
liers à sauver ce Cercle du Pihin, ainsi que vous peuvent apprendre les
nouvelles que, comme plus proches, vous recevés plus certaines des
combats qui se font h chasque bout de champ au Palatinat. Je vien d'avoir
advis d'une brave retraitte que le comte de Mansfeld et le marquis de.
Baden ont faict à la barbe de 30 ou 35 raille hommes, après avoir ra-
vagé le pais de Darmstadt et emmené le Landgrave prisonnier. En se
retirant, l'escarmouche a duré deux jours, au bout desquels ils ont pré-
senté bataille à l'ennemy qui n'en a pas voulu manger. Un petit d'aide
leur feroit grand bien : mais nous voulons la suspension d'armes ; je ne
sçay si elle nous sera salutaire. Nos pronostiqueurs le nient, mais pour
moyje n'en dis mot. Monsieur de Soubise a passé la mer, et est icy de-
puis quatre jours. Il voudroit bien pouvoir trouver un fondement d'as-
siette pour rallier le débris de ces jours passés. Mais en ces temps
tout est difficile, et le soing des nostres nous distrait de celui de
nos voysins. Nous verrous ce que c'en sera. Nous avons conclu, M. Tur-
retini et moy, qu'il n'estoit pas expédient qu'il le vist, de peur d'irriter
209
les Dieux tutélaiies sous la protection desquels vous vives, puisqu'ils
sont en cliolère contre luy. 11 nous faut éviter toutes pierres d'achoppe-
ment, veu mesmes que les plus saines actions sont subjettes à estre mal
interprétées, et que la semence des prétextes ne prend racine que trop
tost. Il me reste que de luy souhaitter tout heur en son voyage, afin que
recevant la satisfaction que vous donnera le rapport de sa négociation,
il vous asseure aussi pour mon reguard, que vous avés en moy un homme
qui compatit à vos biens et h vos maulx, et qui s'estimera tousjours honoré
lorsqu'en l'employant librement, etc.
A Londres, ce 10 juing 1622.
No 11
Lettres de Jacques P', roi d'Angleterre.
AU PETIT CONSEIL DE GENÈVE
(Dossier no 2749.)
Messieurs. — Suivant la réquisition que vous nous avez faite par vos
lettres du 28 de septembre dernier, nous avons escrist à nostre cousin
le duc de Savoye pour l'induire à pourvoir tant pour le passé que pour
l'advenir aux griefs dont vous vous plaignez par vos dites lettres, selon
que requièrent les traitez que vous avez avec luy ; en quoy nous avons
tasché de satisfaire pleinement à vostre désir, ainsy que pourrez
voir par la copie que nous vous envoyons de la lettre que luy avons
escriste à ceste fin, pour vous tesmoigner le bien que nous souhaitons à
vos affaires, et la constance de l'affection que nous avons tousjours portée
à vostre République, de laquelle vous pourrez demeurer entièrement as-
seurez. Et ainsy nous prierons Dieu qu'il vous ait tousjours en sa sainte
garde. A nostre palais de Westmestre, ce... de janvier 1624. (Signé)
Jaques P''.
A Messieurs nos bons amis le Conseil et sijndics de la République de
Genève.
210
No 12
AU DUC DE SAVOIE
Monsieur mon cousin. — Il y a quelques années que nous inter-
vinmes envers vous en faveur de ceux de Genève, à ce que vous leurvou-
lassiez laisser libre la traite des bleds de vos pais, en conformité du traité
de paix que vous avez avec eux ; à quoy sur nostre réquisition vous feistes
pourvoir alors, et nous receusmes cela pour un tesmoingnage parliculier
de vostre bienvueillance en nostre endroit. Mais ilz nous ont fait enten-
dre que depuis, et tout nouvellement encore, vous auriez fait deffenses
très expresses de mener aucuns bleds ny autres grains en ladite ville et
que vos otïïciers ne permettroient pas seulement à ceux de leurs ci-
toyens ou habitants qui ont du bien dans vos Estais d'en amener chez
eux les grains de leur propre creu, sinon sous des conditions et astric-
tions rigoureuses ; se plaignans aussi que leurs droits seroient violez par
vos dits officiers, en aucunes terres de leur propre jurisdiction, et en la
levée des tailles et péages dont les leurs sont exempts, comme pareille-
ment des excès qu'ils disent estre commis tans es persones qu'es biens
d'aucuns d'eux, sans qu'ilz en puissent tirer aucune justice des vostres,
nonobstant toutes les plaintes et instances qu'ilz vous auroient adressées
pour ce regard, et la contravention directe que cela fait à leur traité:
joint à cela l'ombrage que leur donnent les troupes que vous tenez sur
pied depuis quelques années assez près de la dite ville, ce qui leur fait
craindre que toutes ces procédures ne tendent qu'à la rupture de leur
paix ; de laquelle, en général, comme ainsi soit que nous ayons toute
nostre vie désiré et procuré en tant qu'en nous a esté l'entreténernent
public par tout la chrestienté, nous avons bien voulu, en suite des pre-
mières instances que nous vous avons cy devant faites pour ceux de la
dite ville et Estât, vous prier derechef bien affectueusement de faire
pourvoir au plustost à tous ces griefs dont ilz se deulent, selon que
la raison et justice le requerra, et de faire cesser à l'advenir les causes
de telles plaintes par la deue observation des traités qui sont entre vous
et eux. En quoy nous recevrons une confirmation bien expresse de la
considération que vous faites de notre entremise et amitié et seront prests
d'en recognoitre l'obligation en toutes occasions qui se présenteront pour
vostre contentement, deraeurans sur ce, etc. etc. A nostre palais deWest-
mestre, le 6 de janvier 1624.
211
N° 13
Lettre de M. de Mayerne au Petit Conseil.
(Dossier n'' 2749.)
Magnifiques et trés-honorés Seigneurs. — Encor que vous ne ni'ayés
pas faict l'honneur de me recommander l'affaire de l'entremise du
Roy de la Grande Bretaigne mon maistre envers S. A. de Savoye, en
vostre considération, si est-ce qu'il m'en a fallu faire la sollicitation,
l'effect de laquelle a produit les lettres de S. M. que je vous envoyé, pour
en disposer ainsi que trouvères estre bon. Vostre Estât a de l'obligation à
ce monarque, qui parmi ses plus grandes affaires, dans la ferveur mesrae
de la conclusion proche d'icelles, jette l'œil dessus vous, avec un extrême
désir de vous procurer toutes sortes de biens et de seuretés. Ma croyance
est que vos requestes opportunes et capables d'estre effectuées, seront
tousjours bien receues de S. M. qui estant très désireuse de vostre con-
servation, en procurera fort volontiers les moyens dans les limites de sa
possibilité. Asseurés vous d'ailleurs que vous avés icy en moy un sollici-
teur infatigable, lequel oultre l'obligation naturelle qu'il a au pais, pren-
dra toujours plaisir d'estre employé de vous, et tiendra à honneur vos
commandements. Pour les affaires du monde, prenés ce mot en passant,
qui est tout ce que le cours du marché présent me permet de dire, que tout
prend un bon biais et que j'espère qu'en amandant vigoureusement et promp-
tementle passé, comme nous en sommes sur les termes, tout ira au con-
tentement des gens de bien. J'espère que les événements nous appren-
dront que les affaires d'importance le plus longuement concertées ne sont
pas celles qui succèdent le plus tost. Vous en sçaurez davantage quand il
sera temps, et possible en entendrés vous parler de plus près. Cepen-
dant Dieu conserve et veille pour vostre Estât, comme il a toujours faict,
à la confusion de vos ennemis. 11 se pourra faire que l'esté prochain mes
affaires domestiques m'appelleront par de là. Si ainsi est, je serai très
aise et très heureux de vous porter quelques bonnes nouvelles. Entre cy
et là, et tousjours. je vous recommande les miens dont l'éloignement
m'est moings insupportable, puisqu'ils vivent dans vostre sein. Par le
traitement qu'ils recevront de vous, tesraoignés moy à quel karat vous
mettes la dévotion que j'ay à vostre service, et en tirant les fruicts de
ceste mesnie inclination, faites moy paroistre que véritablement vous me
croyés, etc.
A Londres, ce 13 janvier 1624.
212
No 14
Lettre de M"« de Mayerne.
(Dossier n" 3305.)
Magnifiques et trés-honorés Seigneurs. — Il a pieu à l'Etemel d'ad-
jouster affliction sur affliction à nostre famille, ayant retiré au commen-
cement de l'année précédente feu Monsieur de Mayerne, mon trés-honoré
père d'heureuse mémoire, et avant la fin d'icelle feu Madame de Mayerne,
ma très-honorée mère. Elle et moy avions donné ordre à un de nos ser-
viteurs domestiques de rendre à vos Seigneuries nos lettres qui les as-
seuroynt de nos très-humbles services, et leur donnoyent à cognoistre
l'intention que feu mon père avoit eu de donner quelque somme de de-
niers pour le bastiment que vos Seigneuries font pour les pauvres de
vostre ville de Genève, qui est le lieu de sa naissance. Mais le décès
subit de ma dicte dame et mère, ayant retardé l'effectuation de nos dé-
sirs, je suis contrainte de réitérer par les présentes les offres de mes
très-humbles services à vos Seigneuries, lesquelles je supplie d'accepter
en bonne part la somme de deux cent livres sterling, qui vous seront
rendues selon le cours du change en monnoye de France, qui est ce que
feu mon père a légué pour l'usage susdit. Je n'entretiendray pas de plus
longs discours, vos Seigneuries. Je les prieray seulement de me vouloir
continuer la bienvueillance qu'elles avoyent pour feu mon père, et de
croire qu'en toutes occasions je tascheray tousjours d'estre, Magnifiques
et très-honorez Seigneurs, la très-humble et très-aff'ectionnée servante de
vos Seigneuries. (Signé) Adriana de Mayerne.
De Chelsey lés Londres, 31 janvier 1656.
DOCUMENTS INÉDITS
SUR
JACQUES-ANTOINE ARLAUD
Ce peinlre, fort célèbre dans la première moitié du siècle
dernier, a occupé plusieurs biographes ; en particulier, il n'a
point été oublié dans nos Mémoires, alors qu'un ancien magis-
trat consacrait à l'histoire des beaux-arts les dernières années
d'une vie longtemps vouée au service de sa patrie'. Il serait
donc superflu de s'en occuper encore, si l'on n'avait pas à pro-
duire des renseignements nouveaux. Mais je m'empresse de
le dire, ces renseignements, en petit nombre, ne sont nulle-
ment de nature à éclaircir des points restés obscurs dans la vie
de l'artiste : ils ont trait à son caractère comme citoyen et,
tout en fournissant quelques détails de mœurs, ils nous le repré-
sentent comme l'un de ces diplomates officieux dont il est ques-
tion dans la notice précédente.
Avant de produire les pièces auxquelles je faisais allusion, je
suis naturellement forcé de retracer au moins brièvement des
* J.-J. Rigaud. Recueil de renseUjnemenls relatifs à la culture des beaux-
arts à Genève. 2" partie (présents Mémoires, t. V, p. 47).
T. XV. i'' part. 15
214
faits connus, et je m'appuierai soit sur le travail déjà rappelé
de feu M. le syndic Rigaud, soit sur celui de Baulacre'. Cet
aimable bibliothécaire était contemporain d'Arlaud; il avait eu
avec lui de fréquentes relations, et c'est peu de jours après la
mort du peintre qu'il écrivit son éloge historique
Jacques-Antoine Arlaud, l'un des uombreux enfants de Henri
Arlaud et de Jeanne Dassier, naquit à Genève le 6 mai 1668
(ancien style). Il suivit avec succès les études littéraires du col-
lège et de l'académie. Il aurait probablement embrassé la car-
rière ecclésiastique, s'il n'avait pas dû penser de bonne heure à
se tirer d'affaire par lui-même. Vers l'âge de 16 ou 17 ans il
décida de se vouer à la peinture, pour laquelle il se sentait des
dispositions. On dit qu'il ne prit que deux mois de leçons de
dessin; mais il travailla avec beaucoup de zèle et d'assiduité.
En 1688, il se rendit a Paris, où il continua d'étudier son
art, tout en cherchant à gagner sa vie par des travaux à sa
portée. Il s'attacha surtout à la miniature, et fil beaucoup de
portraits; il y employait la journée, et consacrait une partie de
la nuit à se perfectionner dans le dessin. Son talent pour la
ressemblance, le fini de ses ouvrages, l'éclat de son coloris, lui
obtinrent de prompts et honorables succès. D'ailleurs, une con-
versation aimable, nourrie, enjouée charmait les personnes qui
posaient devant lui, et il arriva bientôt à une grande renommée.
L'exercice de son an lui donnait accès auprès des person-
nages du plus haut rang. Il était surtout bien reçu par le duc
d'Orléans, neveu du roi Louis XIV et plus tard Régent. Ce
prince, qui était un excellent connaisseur, le prit pour « son
maître en peinture, » et lui donna un logement dans son châ-
teau de Saint-Cloud. « Avant vous, disait-il à notre artiste,
les peintres en miniature faisaient des images ; c'est vous qui
leur avez appris a faire des portraits. Votre miniature a toute la
' Œuvres histor. et littér., t. I, p. 463.
215
force (le la peinture à l'huile. » Il lui faisait souvent des cadeaux.
Madame', raère du duc, eut aussi beaucoup de bonté pour le
peintre, dont elle se déclara la protectrice; en 1718, elle lui
donna son portrait peint par Largilière.
Ce qui plaisait surtout au duc d'Orléans, c'est qu'Arlaud, qui
avait étudié avec intiniment de soin les règles de la peinture,
connaissait son art à fond et était en état d'en exposer les
véritables principes. Lorsque le prince voulut acquérir une col-
lection considérable de tableaux provenant de la galerie de
Christine, reine de Suède, il se servit d'Arlaud; et celui-ci,
(lès que ses gains le lui permirent, se lit aussi une collection
très-remarquée et souvent visitée par les étrangers.
Arlaud resta a Paris une quarantaine d'années. Il se permit
seulement deux voyages : l'un h Genève, en 1715, l'autre en
Angleterre, en 1721. Un de ses frères, également peintre en
miniature, s'était établi a Londres ; il y mourut, laissant une
veuve et des enfants. Arlaud voulut aller voir sa belle-sœur.
Mais il ne se rendit point en Angleterre sans être pourvu de
bonnes recommandations. Madame, mère du Régent, lui en
fournil. Aussi fut-il fort bien accueilli à la cour, où il eut plu-
sieurs portraits à faire. Le roi, le prince et la princesse de Galles
lui donnèrent des médailles d'or, il se lia avec le célèbre New-
ton, à qui il rendit, l'année suivante, quelques services pour la
publication française de X Optique; l'illustre physicien en fit re-
mettre à notre peintre un exemplaire qui a passé à la biblio-
thèque publique de Genève, et il lui écrivit en latin une lettre
fort sjracieuse".
J'ai dit qu'en 1715 Arlaud avait voulu revoir la terre natale
qu'il était loin d'avoir oubliée, et sa famille dont il était séparé
lepuis 27 ans. Son père, habile horloger, était mort déjà en
1689; mais il avait encore sa mère.
' Charlotte-Elisabeth de Bavière, secondi^ femme de Philippe I"' d'Orléans.
■ Présents Mémoires, t. V, p. 366.
216
L'année 1715, comme tant d'autres dans l'histoire de Ge-
nève, fut une époque d'inquiétudes. On croyait que les États
catholiques voulaient attaquer notre république et la livrer,
ainsi que le Pays de Vaud, au duc de Savoie. On avait remar-
qué des mouvements de troupes en Bourgogne, en Dauphiné
et dans le Chablais. Mais la mort de Louis XIV, arrivée le
1*"^ septembre, dérangea tous ces plans s'ils existaient.
Ce fut sans doute peu après ce grand événement qu'Arlaud
interrompit ses occupations ordinaires, pour venir passer
quelques semaines vers sa famille et ses anciens amis. Nous
trouvons dans le Registre du Conseil, à la date du 7 octobre,
la preuve de son bon souvenir et de ses sentiments patrioti-
ques :
« M. le Premier a raporté que sieur Jacques-Antoine Ar-
laud, citoyen, peintre fameux établi à Paris étoit allé l'assurer de
ses respects et de sa joye de se voir dans sa patrie, pour la-
quelle il a toujours un attachement inviolable et sans réserve, et
qu'il avoit ajouté que Milord Stairs, ambassadeur de la Grande
Bretagne à la cour de France, l'avoit chargé expressément d'as-
surer le magistrat de cette ville de son envie de nous rendre ses
offices, sachant l'intérêt que nous prenons à tout ce qui regarde
l'Angleterre, et qu'il honoroit le magistrat et l'estimoit particu-
lièrement pour sa sage conduite en toute occasion \ »
Le premier syndic, qui était alors l'ancien professeur Jean-
Robert Chouet, fut probablement chargé de parler à Arlaudi
avant son départ pour Paris ; mais le nom du peintre ne se re-
trouve mentionné que le 4 décembre suivant, lorsque le secré-
taire d'État, Jean-Conrad Trembley , annonça avoir reçu deux
lettres contenant des nouvelles intéressantes : l'une du sieur
Martine, notre résident à Paris, l'autre du sieur Arlaud. Voici
cette dernière :
' %. du Cons. Vol. de 1715, p. 434.
217
Monsieur.
J'ay exécuté d'abord en arrivant l'ordre que j'ay eu l'honneur de rece-
voir de nostre Conseil par Monsieur le Premier Syndicq de faire des re-
merciemens à Mylord Comte de Stair, lequel y a répondu très gratieuse-
ment en me disant qu'il auroit toujours pour nostre Conseil et pour nostre
République les mesmes sentimens qu'il m'avoit témoignés avant mon départ
de Paris. Ensuite il m'invila à dîner avec Monsieur Saladin. J'ay eu
l'honneur de le voir depuis qu'il a receu la lettre de remerciemens dont
j'ay vu la copie entre les mains de Monsieur Martine qui la luy a envoyée,
parce qu'il ne peut pas encor sortir de sa chambre à cause de son rhu-
matisme.
Je manquerois. Monsieur, à l'amitié dont vous m'honores depuis long-
temps, si je ne vous iniormois pas de l'agrément que j'ay eu à mon arri-
vée k Paris auprès des personnes du premier rang. Sans entrer dans aucun
détail je vous diray que je fus receu très agréablement chés Monseigneur
le duc d'Orléans, à qui je pris mon temps de dire que j'estois de retour
d'un Pays où l'on faisoit bien des vœux pour sa santé et pour la prospérité
de son Gouvernement ; à quoy il répondit d'abord d'un ton naturel et affec-
tueux, « tant mieux que je leur suis bien obligé. »
J'allay aussy chés Madame, qui eut la bonté de me demander si j'avois
laissé ma mère en bonne santé, et qui me demanda si je n'avois pas trouvé
un grand plaisir à revoir ma patrie et les lieux où j'avois passé mon en-
fance. Ensuite elle me fit un éloge de ce qu'elle sçavoit de la situation de
Oenève. J'eus l'honneur de luy dire que le Prince Maurice, Landgrave de
Cassel, avoit, en 1602, laissé à Genève une description avantageuse de
nostre ville en vers latins. Elle me répondit qu'elle croyoit que c'estoit
son grand'père.
Il y a une foule extraordinaire de courtisans au Palais Royal, et je ne
l'ay jamais vu si grande à Versailles auprès du feu Roy. Ce qui peut don-
ner lieu à cela est que Monseigneur le Duc d'Orléans veut voir les choses
par luy mesme, nonobstant l'establissement des Conseils. J'ay trouvé de-
puis mon départ beaucoup de gens de mes amis en place, ce qui me fait
plaisir k cause de l'usage qu'on en peut tirer dans l'occasion. Je vous en
dirois bien davantage, mais le temps me manque, je renvoyé cela à une
autre fois.
218
Je finis par vous remercier très humblement et de tout mon cœur des
marques que vous m'avés fait l'honneur de me donner de vostre amitié
pendant mon séjour à Genève, vous priant d'estre persuadé du respectueux
et tendre attachement avec lequel je suis, Monsieur, vostre très humble et
très obéissant serviteur. (Signé) Arlaud.
Je prends la liberté d'assurer Madame Trembley de mes très humbles
respects. Je salue aussy très humblement et de tout mon cœur vostre ai-
mable famille.
Je vous prie. Monsieur, de faire mes très humbles complimens à nostre
illustre et cher amy Monsieur Jean Trembley' ; je conserve fidèlement
dans mon cœur le souvenir de toutes ses amitiés. J'auray l'honneur de luy
écrire au premier jour.
A Paris ce 29""^ novembre 1715.
Je ne dois pas oublier de vous dire que dans la longueur ennuyeuse de
mon voyage de Genève icy, j'ay eu une récréation à Besançon, où Monsieur
l'Archevesque ^ m'a fait l'honneur de me donner à souper avec des per-
sonnes de distinction, me comblant de toute sorte d'amitiés^.
Trois jours après, le secrétaire lut au Conseil une deuxième
lettre d'Arlaud. On la jugea assez importante pour en envoyer
copie aux gouvernements de Zurich et de Berne :
Monsieur,
Depuis la lettre que j'ay eu l'honneur de vous écrire, je dois vous infor-
mer qu'ayant, il y a longtemps, l'honneur de la bienveillance de Monsieur
le Marquis De la Vrillère*, jejugeay à propos de l'aller voir à mon retour
à Paris. Ce Ministre, après plusieurs honnestetés, me prit en particulier
pour m'entretenir sur bien des choses qui regardent la Suisse. Il me de-
manda si les Cantons populaires ne faisoyent pas des plaintes de ce qu'il
leur estoit dû de l'argent. A quoy je répondis que je n'en avois pas de
' Jean Trembley, cousin du secrétaire d'État, s'était distingué à la bataille
de Wilmergue; il devint syndic, et fut déposé en 1734.
'^ Fr.-Joseph de Grammont.
^ Reg. du Cons. Vol. de 1715, p. 495.
* Louis Phélippeaux, marquis de la Vrillière, ancien ministre de Louis XIV,
était secrétaire de la Régence.
219
cognoissance. Ensuite il me parla des bruits qui s'estoient répandus d'une
prétendue entreprise contre les Cantons Protestans et contre nostre ville,
m'assurant que rien au monde n'estoit plus faux, que l'on n'a jamais pensé
dans le précédent ministère à quoy que ce soit de semblable, et que si on
voulait croire un tel projet chimérique et supposé, la Cour tiendroit cela
à injure. Après cela il me dit qu'estant Secrétaire d'Estat il estoit en droit
d'affirmer ce qu'il me disoit, et qu'il souhaittoit que j'en écrivisse sur ce
pied là pour désabuser les esprits prévenus.
Le lendemain il m'envoya chercher pour me faire sçavoir de la part de
Monseigneur le Duc d'Orléans que S. A. R. vouloit me donner une au-
diance sur ces choses. Je trouvay au Palais Royal la Cour fort grosse et
composée des personnes les plus distinguées de l' Estât qui l'attendoyent,
dans le temps que je fus introduit dans le Cabinet par le Prince mesme
qui m'appela, et qui estoit seul. Dabord il me dit : « J'ay appris qu'on s'es-
toit allarmé en Suisse sur un certain projet qui est absolument faux ; il
ne suffit pas que Monsieur De la Vrillère vous ait parlé là dessus, j'ay
voulu vous dire moy mesme que de tels bruits n'avoyent point de véritable
fondement ; j'ay visité tous les papiers les plus secrets du feu Roy et ceux
qui estoient entre les mains des ministres, et je n'ay rien trouvé qui fut
capable de faire soupsçonner des choses semblables ; les autheurs de ces
faux bruits sont des gens malintentionnés qui voudroyent empêcher le re-
nouvellement de l'Alliance. » Alors il ajouta, en mettant les mains sur la
poitrine : «A mon égard, on peut aisément se persuader que jamais rien de
pareil ne me seroit venu dans l'esprit.» J'eus l'honneur de luy dire qu'on
en estoit'pleinement persuadé. Là dessus il eut la bonté de me dire: «Je
vous prie d'en écrire en vostre pays, afin que la vérité puisse parvenir
à ceux qui ont intérest de la sçavoir. » J'eus encor l'honneur de luy dire
que nostre Conseil avoit suspendu son jugement jnsques à la députation
qu'il avoit faite en Suisse sur des lettres qu'il avoit receues du canton de
Berne ;j'adjoutay mesme qu'ayant pris un jour la liberté d'en demander des
nouvelles à Monsieur nostre Premier Syndicq, il m'avoit répondu qu'il
estoit de la sagesse de nos citoyens de suspendre leurs jugemens jusques
à ce que l'on eut de iJus grands éclaircissemens. Je pris mon temps pour
luy dire combien nostre République s'intéressoit à la conservation de sa
personne et au bonheur de la Régence, ce qu'il écouta avec plaisir et avec
sensibilité, et il me dit : «Je leur en suis tout à fait obligé.» Je luy avois
dit en substance la mesme chose quand j'eus l'honneur de luy faire la ré-
vérence d'abord à mon retour, mais c'estoit en passant dans ses apparte-
220
mens quand il alloit à Nostre Dame pour l'Oraison funèbre du feu Roy
Je dois encor vous dire, Monsieur, que je pris la liberté de l'assurer de
la parfaite confiance que nostre Estât avoit en sa Régence, et que nous
espérions beaucoup de l'honneur de sa bienveillance. Il accompagna ses
paroles d'un air bon et fort honneste. En un mot il m'a semblé avoir en-
trevu dans ce Prince des dispositions très favorables pour nostre Répu-
blique.
Voilà, Monsieur, un détail qui me paraissoit trop important pour ne
vous en pas donner avis. Je laisse le reste à vostre prudence, et je suis
avec un respectueux attachement, Monsieur, vostre très humble et très
obéissant serviteur. (Signé) Jaques- Antoine Arlaud.
A Paris, ce P"" Décembre 1715.
Je seray fort sensible à l'honneur de recevoir des nouvelles de vostre
santé ' .
Enfin le 24 décembre, il fut donné connaissance d'une troi-
sième lettre ainsi conçue :
« Monsieur
J'ay receu en son temps la lettre que vous m'avés fait l'honneur de
m'escrire ; j'y ay vu avec beaucoup de sensibilité l'approbation que nostre
Conseil a bien voulu donner à mes démarches et à ce que j'ai eu l'honneur
de dire à S. A. R. Monseigneur le Duc d'Orléans. Vous m'avés marqué.
Monsieur, les sentimens de nostre République sur les avantages qui résul-
tent de l'union du Louable Corps Helvétique, et de sa bonne intelligence
avec la France, et comme vous m'avés écrit dans vostre lettre d'en assurer
icy le Ministère dans toutes les occasions, j'ay cru que le plus tost seroit
le mieux, parce que cela pourroit estre reçu comme une respoiise natu-
relle aux témoignages que Monseigneur le Duc d'Orléans m'avoit chargé
de vous faire parvenir. Je cognois d'ailleurs depuis trop longtemps cette
Cour pour ne pas sçavoir qu'il faut saisir l'occasion en se prévalant da-
bord de toutes les conjonctures. J'ay donc jugé à propos, Monsieur, d'aller
chés Monsieur le Marquis De la Vrillére pour luy communiquer le contenu
de vostre lettre dans laquelle il voulut voir ce qui regarde les affaires de
Suisse. 11 me demanda, qui est-ce qui vous écrit. Je lui répondis : Nostre
» %. du Cons. 1715, p. 500.
221
Secrétaire d'Estat. Ensuite après la lecture il me dit : « Cela est bon, il con-
vient que Monseigneur le Duc d'Orléans voye luy mesme cette lettre et
je veux vous laisser l'honneur de la luy présenter, venés demain au Palais
Royal.» Je n'y manquay pas, etquoy que j'y fusse dès les huit heures dans
un cabinet avec plusieurs personnes de considération jusques à onze heures
et demy, Monsieur De la Vrillère ayant averty S. A, R. que j'y estois, je
fus cependant renvoyé par ses ordres au lendemain matin qui estoit hier.
Je n'y fus pas plustot entré que je fus appelle par son valet de chambre
dans la petite galerie et ensuite par le Prince mesme dans un petit cabinet
où il estoit seul. Il commença par me dire d'un ton affable et riant : « Bon-
jour Monsieur Arlaud, vous avés une lettre à me montrer, voyons. > J'eus
l'honneur de luy dire que cette prompte response estoit une preuve de
l'exactitude avec laquelle j'avois exécuté les ordres dont il avoit bien voulu
m'honorer. il voulut lire luy mesme, et quand il trouva le mot de piquets
dont on se sert pour envoyer les lettres, il me dit ce Je sçay que ce sont des
hommes qui courent de lieu en lieu. » Ensuite quand il trouva vostre pé-
riode conçue en ces termes : Novs souhaitions mesme avec passion que
toute deffiance cesse entre les Estais Evangéliques et les Catholiques de
Suisse et noiis faisons tout ce que nous pouvons dans nostre petite sphère
pour contribuer à une sincère réunion et bonne intelliqence entre tous lex
membres du Louable Corps Helvétique, il me dit d'un ton vif : « C'est
mon esprit. » Enfin après avoir lu tout ce qui regardoit les affaires en
question, il me dit : « Je suis fort content de cette lettre, elle renferme
précisément ce que je deraandois. » Ensuite il me dit en badinant et
d'un ton gratieux . « Vous êtes à présent un petit ministre. > J'eus l'hon-
neur de luy répondre que pourestre Suisse, je n'en avois pas moins d'in-
clination pour la France. Il me répondit en riant : « Suisse François ; je
croy que l'amitié que vous avés pour nous depuis longtemps n'y gâte rien. »
Ce sont ses propres termes auxquels je répondis comme vous pouvés
croire le plus respectueusement qu'il me fut possible. Après cela il me
demanda : « N'avés-vous rien dans vos tablettes pour me réjouir les yeux. »
Je luy répondis que les jours avoient esté si sombres depuis mon retour
que je n'avois pas pu travailler. II voulut bien encor un moment me mar-
quer un retour favorable vers la Peinture, quoy qu'il n'ait plus le temps
de s'y amuser, car il me décrocha un petit tableau prétieux qui donna
lieu à un court entretien sur les beautés de l'art. Après quoy il me dit :
t Adieu, M. Arlaud, je suis très content de vostre lettre. »
Comme Monsieur De la Vrillère m'avoit recommandé de le voir après
222
cette audiance, je suis allé pour l'en informer, dont il m'a sçu très bon
gré.
Il y a quelques jours qu'ayant demandé à Monseigneur le Duc d'Or-
léans de me prêter le portrait original que j'ay fait de S. A. R. pour en
faire une copie plus exacte, il me répondit que Madame la Duchesse
d'Orléans l'avoit, et hier de son mouvement il eut la bonté de me l'en-
voyer par un officier de ses gardes du corps.
Je vous ay marqué les petits articles qui me regardent, comme parlant
à une personne qui m'honore de son amitié et en laquelle je me confie.
Au reste, je vous prie, Monsieur, d'assurer nostre Conseil de mon pro-
fond respect, de mon exactitude à exécuter ses ordres, et du zèle que
j'auray toute ma vie comme bon Citoyen pour le service de ma patrie. Ce
sont là mes véritables sentimens. Je suis avec un respectueux attachement,
Monsieur, vostre très humble et très obéissant serviteur (signé) Jaques
Antoine Arlaud.
A Paris ce 18 Décembre 1713.
Je fais par avance, Monsieur, bien des vœux pour vostre santé et pour
celle de Madame Trerabley au renouvellement de cette année.
Je ne dois pas oublier de vous dire. Monsieur, que j'ay reçu une lettre
de Monsieur De la Closure ' par laquelle il me paroit estre très content
de ce qui s'est passé à la Cour, et à Genève ; j'ay trouvé un moment à
placer auprès de S. A. R. le témoignage qui est du à son mérite, lequel
a esté bien reçu. Je luy en ay écrit.
Je ne dois pas non plus manquer de vous dire qu'ayant trouvé Monsieur
l'Ambassadeur d'Hollande^ au Palais Royal, il me fit plusieurs caresses
sur mon bon retour et qu'il me pria de l'aller voir à cinq heures du soir.
Il m'entretint sur plusieurs choses intéressantes, et entr'autres estant
tombé sur les affaires des Suisses, il me dit : « Je veux bien vous faire
part de deux conversations que j'ay eues à leur sujet avec Monsieur le
Maréchal d'Uxelles^ et avec Monsieur le Marquis de Torcy*. Le premier
m'a dit nettement et affirmativement dans le temps de ces bruits de projet,
qu'ils n'avoyent pas de fondement véritable et qu'il ne luy parloit pas
' Hésident de France à Genève.
» W. Buys.
' Président du Conseil des affaires étrangères et membre du Conseil de
de régence.
•* J.-B. Colbert, marquis de Torcy, neveu du grand Colbert.
223
comme ministre, mais comme amy, protestant toujours que cela estoit ab-
solument faux. » A l'éiiard de M, de Torcy qui avoit aussy fortement nié
ces prétendus articles, il ajouta qu'il luy avoit dit que le feu Roy souhait-
tant le renouvellement de l'alliance avec les Suisses, avoit à la vérité
commencé pour engager et gagner les petits Cantons dans la pensée qu'il
auroit ensuite les autres, et que c'estoit tout de mesme que s'il s' estoit
d'abord addressé plustost à quelque petite ville d'Hollande qu'à celle d'Ams-
terdam, mais qu'il n'y avoit eu aucun traité secret contre les Cantons Pro-
testans. J'ay cru devoir vous dire ces choses, on en peut faire usage sui-
vant la prudence de nostre Conseil.
J'ay eu l'honneur de voir Madame pour lui faire part de l'entretien que
j'ay eu avec S. A. R. Monseigneur le Duc d'Orléans. Elle en a esté très
aise, aussy bien que de la disposition favorable au renouvellement de
l'alliance, et sur ce que je luy ay dit que Monseigneur le Duc d'Orléans
m'avoit fait l'honneur de me dire que l'amitié que j'avois pour luy n'y
gatoit rien, elle m'a répondu : « Il a raison mon fils, il va au but'.»
On conserve aux Archives de Genève cinq autres lettres
d'Arlaud, mais elles n'offrent pas assez d'intérêt pour être re-
produites. Elles sont de deux époques différentes.
Les premières^ sont datées de Paris, 3, 6 et 12 janvier
1716. Le secrétaire d'État lui avait écrit pour lui témoigner de
l'étonnement de ce que le Petit Conseil n'avait reçu aucune ré-
ponse aux missives qu'il avait expédiées à l'occasion de la mort
de Louis XIV. Il y avait eu peut-être simplement un oubli qui
fut réparé ; mais on doit aussi s'étonner de ce que le résident,
M. Martine, ne fût pas suffisaiit pour ces réclamations.
Les deux au^res^ du 8 juin et 8 septembre 1724, sont re-
latives a la bourgeoisie dont le Conseil avait gratifié les princes
Charles et Guillaume de Hesse.
» Ren.dn Cons. 1715, p. 527.
' Portefeuilles des pièces historiques, dossier n" 4241 . — Reg. du Cons.
Vol. de 1716, p. 39 et 55.
^ Portef. des pièces histor , dossier n° 449 i — Re;]. du Cons. Vol de 1724 ,
p. 262 et 390.
22i
Ce fut peu d'années après ces dernières lettres qu'Arlaud
revint se fixer dans sa patrie. Un coup qu'il avait reçu à la
tempe avnil afl'aibli sa vue; il ne pouvait plus guère travailler, et
le temps du repos était arrivé pour lui. D'ailleurs, il avait labo-
rieusement acquis une honorable fortune, et il voulaii rejoindre
sa vieille mère, qu'il conserva jusqu'en 173^, époque où elle
mourut ayant atteint l'âge de 96 ans.
En 1729, il fit l'acquisiiion d'une jolie campagne * fort rap-
prochée de Genève; il y jouissait d'une vue cliarmanie sur le
lac et les collines qui l'eniourent. Dès lors, demeurant tantôt
dans celte propriété, tantôt à la ville, il ne s'éloigna plus que
pour UD voyage dans l'intérieur de la Suisse, et sa vie s'écoula
doucement au sein de l'amitié.
Arlaud avait toujours conservé le goût de l'instruoiion ; il
avait beaucoup lu, et était doué d'une excellente mémoire; il
avait fréquenté plusieurs savants à Paris; enfin il avait eu l'oc-
casion d'observer toutes sortes de caractères, « depuis le sceptre
jusqu'à la houlette, » comme il le disait lui-même. Il devait
donc être le bienvenu dans les réunions d'hommes de lettres,
composées d'ecclésiastiques et de laïques, qui exisiaient alors
dans notre république. Il était lié avec des savants tels qu'Âbau-
zit et J.-J. Burlamaqui, avec des artistes tels que les célèbres
graveurs Dassier, ses parents, avec Léonard Baulacre, avec plu-
sieurs pasteurs de notre Église.
Il ne reprit ses pinceaux que l'année qui précéda sa mort, et
cela pour terminer des ouvrages qu'il destinait à la bibliothèque
publique. Mais il se plaisait à montrer son cabinet qui conte-
nait plusieurs oeuvres importantes, et qui était souvent visité
|)ar des étrangers.
On a vu dans les lettres citées plus haut comment Arlaud
' Minutes de Fornet, notaire. 2« vol. de 1729, p. 397, acte du 5 décem-
bre. Il s'agit d'une campagne située à Malagnou et appartenant aujourd'hui
à la famille De Roches-Lombard ; Arlaud la paya 55,736 fl. 3 s. sans compter
6 louis liépuKjks, ce qui fait pour le tout environ 25,866 fr.
225
se comportait avec les grands de la terre. Mais une anecdote
rapportée par Baulacre montre que le peintre genevois avait
conservé un remarquable esprit d'indépendance. Louis XIV
l'ayant invité à lui montrer quelques-unes de ses œuvres, et
lui ayant fixé une audience, il s'y rendit et fut reçu tout seul.
Le monarque lui témoigna sa satisfaction et répéta ses éloges à
des seigneurs de sa cour. L'un d'eux rencontrant Arlaud dans
Versailles, lui fit un compliment à cette occasion. « Sa Majesté,
répondit le peintre, me fait bien de l'honneur, mais elle me
permettra de dire que l'Académie s'y connaît encore mieux. »
Sur quoi ce seigneur répliqua : « Voyez donc ce républicain
qui ne semble presque pas sensible aux éloges d'un grand roi! »
H ne craignait pourtant pas les louanges, loin de là; il ai-
mail qu'on lui rendit justice, et se montrait parfois sévère en-
vers ses confrères. Mais, bienfaisant et charitable, il s'empres-
sait d'aider de conseils ou de secours les jeunes gens chez qui
il remarquait des dispositions.
Arlaud, qui avait longtemps vécu au milieu d'un monde où
la corruption était grande, sut conserver des mœurs austères.
Chrétien convaincu, il remplissait avec exactitude les devoirs
de la religion, et ce fut par un scrupule religieux qu'il détruisit,
en 1738, un de ses ouvrages qui lui avait attiré le plus d'éloges,
sa Lèda. Ce tableau, de deux pieds de largeur, était la repré-
sentation d'un bas-rehef de Michel-Ange; l'exécution en était
admirable ; mais le peintre, devenu septuagénaire, regretta d'of-
frir aux regards du public une peinture voluptueuse, et la coupa
en morceaux. Cette exécution, qui n'avait nullement été con-
seillée par ses amis les pasteurs, excita le blâme et les regrets
de tous les amateurs.
Arlaud mourut subitement le 25 mai 174-3, dans sa cam-
pagne de Malagnou, à l'âge de 75 ans. Resté célibataire, il avait
pleine liberté pour disposer de ses biens : c'est ce qu'il fit de la
manière qui me reste a indiquer.
226
Son lestament', daté du 6 avril 17i0, est suivi de deux
petits codicilles en date du 30 août de la même année et du
15 mars 1743. Le tout forme 14 grandes pages écrites de la
main d'Arlaud.
Après l'expression de ses sentiments chré liens, il dit : « Je
rends mes très-humbles grâces à Dieu de toutes ses faveurs....
et de ce qu'il m'a donné un talent qui m'a procuré la douce sa-
tisfaction (le faire du bien âmes parents »
11 fait des dons en argent à l'hôpital général, à la Bourse
française et aux pauvres honteux. Il donne des bijoux, des livres
ou des estampes aux pasieins J. Sarrasin, F. De Roches et
Jean Dentand, à MM. J.-J. Buriamaqiii, Abauzit et J.-F. Revil-
liod, et a son filleul J.-Ant. Dassier. 11 mentionne plusieurs ne-
veux et nièces, petits-neveux et petites-nièces à qui il donne
des preuves de son affection ; il nomme entre autres un neveu,
André Arlaud, maître chirurgien, fds de feu Jaques Arlaud et
une nièce, Elisabeth Arlaud, « actuellement en Irlande, » fille
de feu Benjamin, h laquelle il donne un portrait en miniature
qu'il fit à Londres en 1721 représentant la mère de cette nièce\
Il institue pour son héritier universel son frère Antoine Ar-
laud. à charge de continuer de faire ce que le testateur lui-même
faisait en faveur de ses divers parents. Antoine Arlaud ne sur-
vécut guère qu'tme année à son frère aîné. Sa fortune passa
principalement ji leurs neveux ou petiis-nevenx Baccnei. Dans
l'inventaire de ses biens, on trouve encore quelques tableaux
de peintres célèbres^.
Mais j'arrive à la partie du testament de Jacques-Antoine Ar-
laud qu'il peut être intéressant de citer textuellement, c'est-à-
' Rcg. des Testaments olorjraphes. Vol. 43, p. 55.
'^ M. Rigaud (présents Mémoires, V, p. 51) parle d'un peintre nommé Be-
noit Arlaud, frère de Jacques-Antoine, qui mourut à Londres en 1719; mais
Henri Arlaud ne laissa aucun enfant de ce nom. (\'uir Tutelles et curatelles.
Vol. de 1688-97. fol. 54. 8 iëvriei' 1689.)
' Inventaires après décès. Vol. A, n'^ 16.
227
dire à celle qui concerne la Bibliothèque publique donl il était
un des directeurs :
i . Je donne et lègue à la Bibliothèque de Genève un médailler couvert
de chagrin noir contenant cinq médailles d'or et une d'argent, sçavoir une
grande médaille d'or représentant le feu Georges premier, roy d'Angle-
terre, dont Sa Majesté m'a honoré à Kinsington en l'année 1721. Cette
médaille a été frappée avant son couronnement.
2. Item une grande médaille d'or dont Sa Majesté Britannique Georges
second, pour lors prince de Galles, m'a honoré à Richement en 1721.
3. Item une médaille d'or de la raesme grandeur, dont S. M. feue la
Reine de la Grande-Bretagne, pour lors princesse de Galles, m'a honoré
à Richement en 17-21.
4. Item une médaille d'or représentant d'un costé Louys quinze Roy de
France dans le temps de sa minorité et de l'autre costé feu S. A. R.
Philippe Duc d'Orléans, Régent du Royaume, qui me fit l'honneur dj me
la donner en 1722.
5. Item une plus petite médaille d'or frappée pour le couronnement de
feu Georges premier Roy d'Angleterre et que j'ay receue de feu M. le
comte de Bothmer.
6. Item une grande médaille d'argent représentant la feue Reine Anne
d'Angleterre, qui m'a esté donnée par feu l'illustre chevalier Isaac New-
ton, président de la Société Royale d'Angleterre et Directeur général des
monnoyes de ce Royaume. — Toutes ces susdites médailles sont contenues
dans le susdit médailler couvert de chagrin noir.
7. Item une très-grande médaille d'orV entourée d'une bordure du
mesme métal, représentant d'un costé feu S. A. R. Jean Gaston Grand
Duc de Toscane et au revers un laurier et un olivier avec ces paroles
protefjit timbra; la médaille est enfermée dans une boëte à charnière et
crochets d'or, couverte d'une peau couleur de serpent. Ce Prince m'a ho-
* DdiUs Y Inventaire après décès, vol. A, n" 15, on voit qu'Arlaud possédait
28 médailles en bronze représentant les hommes illustres, gravées par Das-
sier, plus 4 médailles dont deux représentant le roi de Sardaigne, le cardinal
de Fleury, et les deux autres, le retour de la paix dans Genève. — Quant aux
médailles léguées à la Bibliothèque, on déclare 2S onces 19 '/a deniers d'or
à 52 L. l'once, ce qui fait 5243 fl. 10 s. 6 d. (2420 fr. 25 c.) et 3 ', , on-
ces d'argent à 1 bajoire l'once, soit 42 fl 8 s (19 fr. 70 c.)
228
noré en 1736 de sa médaille en témoignage de la satisfaction qu'il a eu
de mon propre portrait en mignature peint de ma main, lequel il m'avoit
fait l'honneur de me faire demander pour le mettre en rang dans sa ga-
lerie Royale, avec les portraits des peintres choisis anciens et modernes.
8. Item le grand portrait peint à huyle, avec sa bordure dorée, de feue
S. A. R. Madame Elizabeth Charlotte Palatine du Rhin, Duchesse d'Or-
léans, qui m'en honora le 4^ Aoust 1718*.
9. Item le portrait peint à huyle, avec sa bordure dorée, de feu S. A.
Sérénissime Louys Henry Duc de Bourbon, qui m'en honora en 1720.
10. Item le portrait peint à huyle de S. A. Sér. le prince Guillaume
Landgrave de Hesse Cassel, avec sa bordure dorée, lequel portrait m'a esté
donné et envoyé en 1736 par ordre de sa dite Altesse Sérénissime ^
1 1 . Item un petit tableau où il y a plusieurs figures peintes par le fa-
meux Titien, peintre de l'Empereur Charles-Quint, sur la bordure dorée
duquel sont sculptées les armes de S. A. R. Philippe d'Orléans, qui me
le remit entre les mains le 6° May 1713.
12. Item une teste peinte en pastel, avec sa bordure dorée, de l'ouvrage
du mesme susdit Prince qui m'en fit un don le 6*= Novembre 1713^.
13. Item un livre rare in-douze des pastorales de Daphnis et de Chloé,
dont les estampes qui y sont ont esté gravées d'après les tableaux inventés
et peints par le mesme susdit Prince, qui m'en fit un don le 22 février
1719.
14. Item quatre grands tableaux en largeur, avec leur bordure dorée,
représentant quatre vues différentes de la ville de Genève ; la disposition
des objets en a esté faite sur les lieux, et tout l'ouvrage retouché et achevé
par des peintres paysagistes à Paris *.
15. Item un tableau que j'ai peint en mignature représentant l'Enfant
Jésus, la Sainte Vierge et Joseph ; il est sous une glace et dans sa bor-
dure dorée.
16. Item un plus petit tableau que j'ay peint en mignature, représentant
une Magdelaine dans le commencement de sa conversion ; il est sous une
ûflace et dans sa bordure dorée ^.
&
» Ce portrait est taxé dans l'inventaire 210 fl. (.96 fr. 92 c.)
^ Taxée 52 fl. 6 s. (24 fr. 23 c.)
■' Taxé 3 fl. 6 s. (1 fr. 62 c.)
» Les nos 13 et 14 sont taxés chacun à 210 fl. (96 fr. 92 c.)
■"' Les n<'« 15 et 16 sont taxés chacun à 78 fl. 9 s. (36 fr. 35
229
17. Item une teste d'une belle personne dans un air de recueillement
intérieur, que j'ay peinte en mignature; sa draperie est rouge; la bor-
dure ovale est de bronze doré ; il y a une glace dessus la peinture.
18. Item une autre teste d'une jeune personne qui se regarde l'épaule,
elle est de mon ouvrage en mignature ; la bordure en est quarrée et de
bronze doré, il y a aussy une glace
19. Item le portrait que j'ay peint en mignature de feu Louys quatorze
Roy de France ; il est sous une glace dans une boëte de chagrin noir.
20. Item le portrait en mignature d'Olivier Cromwel, Protecteur d'An-
gleterre, que j'ay peint d'après une teste qui de son vivant fut moulée
sur luy mcsme ; il est couvert d'une glace dans sa boëte de chagrin noir'.
21. Item le portrait à l'encre de la Chine du feu Tzar Pierre premier
Empereur des Russies, que j'avois fait pour moi sur celuy que j'ay peint
en couleur naturelle d'après ce Prince à Paris en Juin 1717.
22. Item une grande estampe qui représente le feu Roy de France
Louys quatorze dans son habit Royal, jusques aux pieds , elle est sous un
verre blanc dans une bordure dorée.
23. Item une autre estampe sous un verre blanc dans une bordure do-
rée ; elle représente feue S.A. R. Madame Elizabeth Charlotte Palatine du
Rhin, Duchesse d'Orléans qui m'en fit présent le 24 juin 1716 ; la gravure
3n est de l'habile Simonneau.
24. Item le grand livre in-folio des médailles sur les principaux événe-
nents du règne entier de feu Louys quatorze Roy de France, qui me fut
ionné le 23 septembre en 1723 par feu S. A. R. Philippe Duc d'Or-
léans Régent de France : il est relié en maroquin rouge avec les armes
le France et doré sur tranche.
25. Item le grand livre in-folio contenant toutes les estampes qui re-
jrésentent les sièges, campemens et villes conquises par feu Louys quatorze
Roy de France ; elles sont gravées d'après les tableaux de feu l'habile
Vandermeulen.
Item le grand livre relié dont les estampes représentent l'histoire de
Marie de Médicis, Reine de France, peinte dans la galerie du Palais du
Luxembourg à Paris par le très illustre Rubens.
26. Item un livre in-folio intitulé Veteres Arcus Àugustorum ex reli-
luiis quœ Romae adhuc supersunt etc. ; il a esté imprimé à Rome, avec
plusieurs estampes.
' Lesno8l7, 18, 19 et20 sont taxés chacun à 39 fl. 4s. 6 d. (18 fr. 18c.)
T. XV, V' part. 16
230
27. Item un livre couvert de parchemin contenant plusieurs estampes
qui représentent les Antiquités, les Eglises, les Palais, les fontaines ornées
de Rome, les statues, et les pierres gravées antiques.
28. Item toutes celles de mes estampes qui représentent les portraits
de ressemblance de Roix, Princes, Généraux d'armées, Cardinaux, Ar-
chevêques, Evêques, Abbés, Ministres d'Estat, Ambassadeurs, Envoyés et
autres personnes de distinction, gravés d'après les plus habiles peintres
par les meilleurs graveurs.
29. Item une grande carte de Paris en plusieurs feuilles réunies, col-
lées sur toile, de mesme mesure avec le rouleau noir et la gorge noire.
30. Item une grande vue de Londres en plusieurs feuilles réunies,
collées aussi sur toile, de mesme avec le rouleau noir et la gorge noire.
31. Item une grande carte de l'Isle de Malthe et du Goze, colorée et
dessinée par un sçavant ingénieur, où sont marquées toutes les batteries
pour la défense de la dite Isle.
32. Item un plan très exact de la ville et des ports de Malthe, aussy
dessiné par un sçavant ingénieur ; il est collé comme la précédente carte
et il a une bordure noire.
33. Item deux grandes vues de la fameuse Tour de Cordoiian sur la
mer à l'embouchure de la Garonne, dont l'une représente l'extérieur et
l'autre l'intérieur de cet édifice ; elles sont dessinées et colorées , et elles
m'ont esté données par Monsieur de Beauharnois, Intendant de marine à
Rochefort ; elles sont collées sur toile avec leur rouleau noir et leur gorge
noire.
34. Item un traité d'optique in quarto sur les réflexions, réfractions,
inflections et les couleurs de la lumière, par l'illustre Chevalier Isaac New-
ton, Président de la Société Royale de Londres, qui me le fit remettre de
sa part le 14 septembre 1722 par feu Monsieur Yarignon, Professeur en
mathématique au Collège Royal de Paris ; ce livre est couvert de mar-
roquin rouge doré sur tranche. J'y joins la lettre latine que le susdit Isaac
Newton me fit l'honneur de m' écrire le 22 octobre 1722.
35. Item deux traités de la théorie de la manœuvre des vaisseaux dont
l'aulheur, feu Monsieur le Chevalier Renau, de l'académie Royale des
sciences et Lieutenant Général des armées de France, me fit présent le
IS avril 1717.
36. Item un livre in quarto intitulé Coutume générale d'Artois, avec;
des nottes historiques par le sçavant Monsieur Maillart, avocat au Parle-
ment de Paris, qui m'en fit un don le 15 may 1715.
231
37. Item un volume in quarto intitulé histoire des démêlés de la Cour
de France avec la Cour de Rome au sujet de l'affaire des Corses. Ce livre
est rare et a esté imprimé sans nom de libraire ni de lieu en 1708.
39 (sic). Item un livre in folio intitulé Tables généalogiques et histo-
riques des Patriarches, Roix. Empereurs et autres Princes depuis la
création du monde jusqu'à présent, par Claude de l'isle, géographe et his-
toriographe ; ce livre a esté gravé en 1718 et non imprimé.
40. Item un livre relié dont les estampes représentent tous les collèges
de l'université d'Oxford que j'ay achepté en Angleterre.
41. Item le portrait peint à huyle, avec sa bordure dorée, de l'illustre
Monsieur le Maistre, avocat au Parlement de Paris; il est de la main du
fameux peintre Le Févre.
42. Item mon portrait peint à huyle à Paris en 1714 par l'habile Mon-
sieur de LargiUière, Directeur de l'Académie royale de peinture et de sculp-
ture ; les deux mains y sont représentées scavamment. Il est dans sa
bordure sculptée et dorée.
43. Je donne et lègue encor à la susdite Bibliothèque de Genève un livre
in quarto imprimé à Naples 1733, intitulé Abecedario Pittorico, où il est
traité des noms des plus fameux peintres anciens et modernes et de leurs
ouvrages par ordre alphabétique.
Je supplie très respectueusement nos Seigneurs du Conseil de la Répu-
blique de Genève, ma patrie, de vouloir faire attention à ce que tous les legs
susdits que j'ay l'honneur de faire icy à la dite Bibliothèque de cette ville
■ne reçoivent aucune altération à quelque titre que ce soit, d'aliénation ou
de subrogation.
Les faits que j'ai rappelés el les pièces inédiles qui les accom-
pagnent montrent suffisamment que Jacques -Antoine Arlaud
fut un homme de bien, un citoyen dévoué. Genève se souvien-
dra d'un de ses enfants qui, après une vie laborieuse, après
s'élre acquis une grande réputation comme artiste, s'est plu à
orner l'un des établissements publics de sa patrie, en lui léguant
quelques-unes de ses œuvres, en lui faisant part des biens qu'il
devait à son honorable caractère non moins qu'à son beau talent.
Th. H.
' Taxé 39 fl 4 s. 6 d. (18 fr. 18 c.^
DÉBRIS DE L'INDUSTRIE HUMAINE
TROUVÉS
DANS LA CAVERNE DE BOSSEY
FOUILLES DE 18G4
Je venais de lire le travail si remarquable qu'a publié M.Lartet
sur les cavernes du Périgord ', lorsque, par une belle matinée
de l'été dernier, je visitai avec quelques amis les cavernes et les
grottes du Salève, situées au-dessus de Bossey, entre la Grande
Gorge et le Com. Encore sous l'impression de cette lecture, je
creusai à l'aide d'un marteau et de mes mains un trou à l'ou-
verture de l'un de ces antres obscurs. La terre en était noire el
présentait des traces de charbon et de cendres. Bientôt je dé-
couvris des os brisés d'animaux ; enfin je retirai des tessons de
poterie grossière avec grains de quartz. Il n'y avait pas à s'y
tromper, j'avais sous les yeux des traces bien évidentes de l'exis-
tence des populalions primitives de nos contrées; je venais de
loucher le seuil d'une de ces demeures occupées par les pre-
miers habitants de la Savoie: une page importante de l'histoire
du passé était imprimée devant moi en caractères ineffaçables ;
tout un monde inconnu se déroulait devant mes yeux.
Pour atteindre cette caverne, située à environ 200 mèlres
au-dessus de la plaine, il faut monter par un petit sentier en
zigzag au travers d'un bois de noisetiers et, en se rapprochant
des rochers abruptes du Mont-Salève, on gravit une moraine de
• Voir la Revue archéologique de 1864.
233
rocailles où le sentier se perd. Après avoir opéré une véritable
escalade sur une pente de 40 à 45 degrés, on se trouve à l'en-
trée d'une caviié naturelle ouverte dans la paroi calcaire de la
montagne (planche ï). Celte cavité forme un arc mesurant 11
mètres 25 centimètres de largeur sur 1 mètre 95 centimètres
de hauteur, la profondeur en est de 7 mètres 50 centimètres;
dans un des côtés s'ouvre un large couloir qui s'élève dans les
profondeurs de la montagne; une énorme pierre détachée de
la voûte intercepte une partie de l'entrée et l'ouverture est
tournée vers le nord-ouest : tel esi l'aspect de la caverne de
Bossey, appelée par les gens des environs la caverne deVOurs.
Depuis le jour où j'ai découvert ces vestiges humains,
j'ai continué mes fouilles. Ne pouvant y consacrer que le di-
manche, mon travail a marché lentement; mais par contre j'ai
fait là une abondante récolte de fragments de poteries ornées de
moulures variées; des monceaux d'ossements d'animaux ont été
mis au jour, et enfin des instruments tout à fait primitifs sont
venus enrichir mes collections.
D'après la couche des objets recueillis, il est facile de re-
connaître que cette caverne a été habitée à trois époques diffé-
rentes, ou tout au moins pendant l'époque lacustre ou celtique
et l'époque romaine, puis visitée dans ces derniers temps par des
renards ou autres carnassiers.
L'époque lacustre est représentée par les fragments de plus
ie 40 vases de formes différentes, ayant la plupart des bords
îrtistemeni ornementés, à l'aide, soit de petits poinçons, soit
ies doigts (planches n, figures 1, 2, 3, 4, 5 et 6; planche
[II, figures 1 et 2; planche IV, figure 1, et planche V, figures
1,2 et 3). Nombre de débris portent encore l'empreinte des on-
cles (planche III, figure 4, et planche IV, figures 2 et 3) ; un
fragment est sillonné de petites raies faites avec un instrument
î pointe effilée (planche V, figure 4) . On peut encore voir dans
les moulures d'un bord de grand vase l'empreinte des nervures
i'une feuille de noisetier (planche III, figure 2) ; parmi ces
234
débris, il a été trouvé plusieurs anses de vases d'assez bonnes
formes (planche V, figures 5 et 6). Ces poteries, toutes faites à
la main, sont pétries avec de petits cailloux brisés exactement
de la même manière que celles que j'ai déjà recueillies sur l'em-
placement lacustre des Eaux-Vives et de la Belolte, en un mot,
comme toutes les poteries grossières de nos lacs.
On peut encore regarder comme faisant partie de l'époque
lacustre, cinq instruments, dont le plus remarquable, de 15
centimètres de longueur, est fait d'un péroné d'ours brun
(planche VI, figure 1). La plupart de ces instruments sont
amincis a Tune de leurs extrémités, figures 1 et 2, probable-
ment pour percer les peaux des animaux tués à la chasse, dont
ces populations devaient se vêtir, et les autres sont taillés
en forme de poinçons et destinés a ornementer les vases fa-
briqués sur les lieux mêmes, figures 3 et 4. Connaissant l'éco-
nomie du temps, ces troglodytes ont choisi avec un soin tout
particulier les os que leur forme naturelle adaptait le mieux à
l'usage des outils qu'ils avaient en vue, comme il est facile de
s'en convaincre d'après l'inspection de chacun d'eux.
On peut pareillement classer dans celte époque un marteau en
pierre (planche IV, figure 4), un peson de fuseau enterre cuite
(planche VI, figure 5) et une coquille, Cardiam luberculalum de
la Méditerranée, figure 6. Cette coquille marine, sillonnée de
profondes cannelures, est percée d'un trou rond à l'une de ses
extrémités; elle doit avoir servi d'amulette. Il y a une trentaine
d'années qu'on avait déjà découvert dans une grotte du Salève,
avec d'autres objets travaillés, une coquille a peu près sembla-
ble (voir la description qu'en a donnée M. Troyon dans V Indica-
teur d'antiquités suisses, 1855, page 51).
Tous ces objets ont été recueillis à peu de distance les uns
des autres, au milieu de charbons, de cendres et d'ossements
concassés, gisant sous une couche épaisse de terre excessive-
ment noire.
Les débris de la table et les tessons de poterie sont en plus
235
grande quantité à l'ouverture de la caverne ; là aussi la couche
de charbons et de cendres est la plus compacte et la trace d'an-
ciens foyers plus apparente.
Les instruments ont été recueillis en arrière et près du mi-
lieu de la caverne, la où les ossements et les tessons de poterie
devenaient plus rares, mais aussi mieux conservés ; tandis que
ceux trouvés autour des foyers étaient brisés en si petits frag-
ments, qu'il m'a été impossible de reconstruire en enlier un
vase quelconque. Cependant beaucoup de débris sont suffi-
samment grands pour qu'on puisse juger de la capacité des us-
tensiles de ces peuplades primitives.
La couche dans laquelle se rencontrent des traces d'hommes,
est d'une épaisseur de 95 centimètres, et plus les poteries sont
profondément enfouies, plus elles sont grossièrement travaillées
et se brisent avec facilité: aussi, voulant en conserver des
échantillons, ai-je dû les faire sécher au soleil pour pouvoir les
emporter avec quelque chance de succès.
Dans la caverne de Bossey, l'époque romaine est aussi re-
présentée par quelques fragments de poterie et d'autres objets
dont je vais donner un court aperçu. La plupart des poteries
de cette époque sont noires et faites à l'aide du tour ; les or-
nements en sont peu variés: deux ou trois lignes en creux à
des distances inégales sont tracées sur les bords des vases; les
fonds ne portent aucune marque de fabrique, aucun nom qui
puisse révéler leur provenance. Je crois pouvoir ranger a la
même époque : une épingle à cheveux, en bronze, de 12 cen-
timètres de longueur (planche VI, figure 7), de la meilleure
conservation; une épingle en os avec tête aplatie, percée d'un
petit trou et terminée par deux ailerons dont l'un a été brisé
(figure 8); une aiguille en os avec trou rond et pointe effilée
(figure 9); deux petites pierres à aiguiser (figures 10 et 41);
deux monnaies romaines, dont l'une est un grand bronze de
l'empereur Alexandre et l'autre est fruste.
La pièce la plus remarquable de ces fouilles est un noyau
236
d'abricot pétrifié. L'abricotier était-il connu des Romains ? Je
laisse résoudre cette question à de [dus doctes que moi. Outre
ces objets, j'ai trouvé une petite cliaînelte en cuivre, mais la
forme de ses maillons a un cachet si moderne, que je ne sais
vraimeni pas, lors même qu'elle a été trouvée dans la couche
romaine, si elle peut appartenir à cet âge.
Tous ces derniers objets ont été recueillis au-dessus de la
couche lacustre et a 15 ou 20 centimètres au-dessous du sol
actuel de la caverne; et tandis que les instruments de l'épo-
que lacustre étaient enfouis a partir du bord de la caverne jus-
qu'au milieu, les autres, au contraire, l'étaient du milieu au
fond: telle est la différence marquée entre les deux gisements.
Celte régularité même rend difficile toute possibilité d'erreur
sur leur âge respectif.
A côté de ces deux couches bien établies, il s'en trouve une
troisième représentée par un certain nombre d'ossements d'a-
nimaux ; c'est le sol actuel de la caverne. Ces débris ont été
apportés par les renards et autres carnassiers qui venaient, loin
des regards des humains, ronger dans cet antre obscur le fruit
de leurs rapines.
Après avoir recueilli dans ces fouilles tous les ossements que
je venais de mettre au jour, je priai M. le professeur Ruti-
meyer, de Bâle, de bien vouloir me les classer; voici, après un
examen scrupuleux, les résultats de son travail. Il y a reconnu :
Le bceuf, la brebis, la chèvre, le cochon, le renard, le chat,
le lièvre, la loutre, la poule, l'oie, la corneille.
Le iiœuf ordinaire est en plus grande quantité ; après vient
la chèvre, la brebis, le cochon. Quant à la loutre, il n'en a été
trouvé qu'un seul fragment, une vertèbre, et du renard une
seule dent.
Le cochon, au rapport de M. Hulimeyer, est sans doute un
animal domestique, dont il est impossible de dire s'il a plus de
rapport avec le cochon sauvage qu'avec le cochon des tour-
bières, les mâchoires en étant trop incomplètes. Cinq longues
237
dents recourbées, que je n'avais pas cru devoir joindre au pre-
mier envoi, remis par l'intermédiaire de M. Forel lîls, de
Morges, me font supposer que c'est le sanglier et non un ani-
mal domestique dont il doit être ici question.
Il s'est trouvé dans ces ossements des vertèbres d'homme ;
mais ces débris ayant été recueillis au milieu des décombres ei
des pierres détachées de la voûte dans les derniers temps, on
peut supposer qu'ils ont été apportés en ces lieux par quelque
carnassier.
Les ossements de races animales sont en si grande quantité,
qu'il m'a été impossible de les séparer en couches lacustre,
romaine et moderne ; d'ailleurs la classification n'aurail pas pu
être bien complète. En effet, tous ces débris étant répandus
avec une grande profusion, il m'aurait fttllu, pour noter le gise-
ment des principaux spécimens, beaucoup plus de temps que je
n'en avais à consacrer à ces fouilles.
Tous ces os ont été fendus ou brisés par la main de l'homme
pour en extraire la moelle. On comj)rend que ce fait, également
reconnu dans les ossements des cavernes de Menton \ occasion-
nent de grandes difficultés lorsqu'on veut s'occuper d'une clas-
sification; aussi ne saurait-on assez marquer de reconnaissance
aux savants qui, comme M. le professeur Rutimeyer, veulent bien
se dévouer pour agrandir la sphère des connaissances humaines.
Ayant appris depuis peu que, dans des fouilles opérées avec
soin, il faut tenir compte des objets même les plus insignifiants,
je ne terminerai pas sans dire encore quelques mots de deux
fragments que mon inexpérience des premiers jours m'avait fait
repousser comme peu dignes d'intérêt.
Le premier objet que j'ai trouvé dans la caverne de Bossey,
est une pierre de la forme d'un œuf de poule. Cette pierre
n'ayant rien, au premier abord, qui annonçât un produit de
l'industrie humaine, je l'ai cassée pour en reconnaître la na-
ture et j'en ai jeté les fragments.
' Voir sur ce sujet T intéressante brocliure de M. Forel.
238
Dans ia couche de l'époque lacustre, j'ai encore ramassé un
fragment de galet ferrifère, auquel il a été enlevé des éclats; en
l'absence, dans notre contrée, du silex, ces populations ont dû
se servir de ces éclats comme instrument tranchant. Celui qui
a tenu ces débris dans ses mains, a-t-il songé qu'un jour des
morceaux semblables jetés dans une fournaise ardente, allaient
fournir un métal qui devait changer la face du monde ? A-l-il
été donné a l'un de ces hommes des temps primitifs d'entre-
voir au travers des siècles cette révolution métallurgique? Ce
n'est pas probable et n'était guère à prévoir à cette époque re-
culée. Concluons donc que la présence de ce galet au milieu de
ces débris est un fait sans précédent dans les habitations de
cette époque primitive.
Tels sont les résultats de mes fouilles pendant l'année der-
nière; maintenant il me reste une question à résoudre. Cette
caverne était-elle une habitation permanente ou un lieu de re-
fuge? Je n'ose me prononcer d'une manière positive; cepen-
dant, si l'on en juge par la quantité de poteries et d'ossements
d'animaux recueillis, d'après les instruments en os, le marteau
en pierre et le peson de fuseau, je ne suis pas loin de croire
que la caverne de Bossey a été habitée d'une manière perma-
nente pendant une partie de l'époque lacustre et aurait servi de
refuge à quelque vagabond de l'époque romaine.
Ce serait aussi l'opinion de plusieurs savants auxquels j'ai
communiqué le fruit de mes recherches,
F. Thioly.
LETTRES
DE
PIERRE DE LA BAUME
Evêque de Genève
A BEZANSON HUGUES
Les lettres que nous publions, au nombre de onze, adressées par le
dernier évêque de Genève, Pierre de la Baume, h Bezanson Hugues,
ont été transcrites en 1863 dans les Archives de Turin par les soins de
M. le professeur Merle d'Aubigné. La plupart de ces lettres sont sans in-
dication d'année ; nous avons cherché à en établir la date probable en nous
aidant des lumières de notre collègue, M. le professeur Galiffe. Le contenu
de la plupart de ces lettres est assez insignifiant; deux cependant sont
fort piquantes. Ces pièces confirment en même temps qu'elles complètent
tout ce que nous avait appris, au sujet du caractère et des dispositions de
Pierre de la Baume, la partie de sa correspondance publiée par MM. Ga-
liffe père' et Louis Sordet*.
• Matériaux pour l'Histoire de Genève. Tome second.
® Mémoire sur les lettres de Pierre de la Baume inséré dans le tome II
des Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéolorjie.
240
A Besancon Hugues, citoyen de Genève.
Besancon. J'ay receii vosire lectre. L'on m'a adverii que le
prebstre * en faveur duquel m'escripves depuis la dernière ah-
solucion que je luy fis est retourné a son péché et a fait certains
aullres cas de reprehension. Touiesfois à vostre requeste je
mande qu'il soit relâché jusques je soye mieulx informé de son
aflere, et si se treuve innocent je le feray entièrement tenir à
repoz, et si d'aveniure il estoit cheu en quelque faulte il coignois-
tra que vostre faveur est bien de (elle vertu vers moy qu elle
sera cause de le faire iraicter doulcement. Sur quoy me vous
recommande à vous de bon cueur du quel je [jrie Nostre Sei-
gneur vous donner, Besancon, tout ce que desires.
D'Arbois ce XX™« de Mars.
L'Evesque de Genève tout Vostre.
A Besancon Hugues, citoyen de Genève.
Besancon. J'ay receu vostre lectre et à vostre faveur j'ay
traicté ce porteur ^ comme il vous dira. Et me semble que c'a
esté en sorte que vous et luy vous debvez contenter. J'ay tous-
• Le prêtre dont il est ici question paraît devoir être le curé Curtion (dit
aussi Boulard), grand ami de Bezanson Hugues, et dont il est encore question
dans les lettres suivantes.
Dans ce cas, la lettre serait de 1 528.
- Il s'agit peut-être encore ici du curé Curtion, qui s'était rendu, en effet,
auprès de Févêque en janvier 1528.
241
jours fait pour vous toul ce quo m'a esté possible, vous l'avez
bien cogneu par efi'ect, je n'en parle pas en reproche, mais
comme toutesbais que vous le recoignoisses mal. Si vous heus-
sies aussy bonne aireclion à raoy que je vous en ay donné l'oc-
casion, vous heussiez bien obvié que mon auctorilé ne fut pas
cheute en l'inconvénient qu'elle est, et fusse hors de la peyne
qu'il me fault avoir pour la remectre en nature. Je scay bien
les excuses que vous scaves sur ce fere et ne scay que en dire
sinon qu'il n'est si maulvais sourd que qui neveuli ouyr. Toutes-
fois je me suis fié en vous et fie encoures de présent. Je vous prie
uses-en de sorte que j'aye occasion de continuer. Dans peu de
temps j'envoyeray l'ung de mes gens à Genève pour aulcungs mes
afferes, du quel entendres le surplus et ne vous feray plus longue
lectre sinon pour prier Dieu qu'il vous done,Besancon, toul ce
que desirez.
Des Arbois ce XI d'Abril.
L'Evesque de Genève Vostre.
A Besancon Hugues, marchant à Genève.
Besancon. J'anvoye Machard mon secrétaire, porteur de ceste
à Genefve pour aulcungs afferes que l'an ay chargé, premier
qu'à nul aultre vous communiquer et declairer vous adjoteres
créance à ce qu'il vous dira de ma part comme h moy mesmes,
et pour ce que désire la matere sortir a bon effect pour gratif-
fier aux princes dont elle procède \ à quoy je ne fais doubte
vous y vueillant employer de la bonne main. A ceste cause vous
prie me monstrer en cest endroit le service qu'estes en voulante
» Il s'agit probablement ici de la main levée du séquestre ou de la saisie
des abbayes de Suze et de Pignerol par le duc de Savoie.
La lettre serait donc de 1528.
242
de me fere aftin que bon rapport se puisse ensuyvre de raoj el
de mes subgecls envers lesdits princes, que n'est pas cas de pe-
tite conséquence à bien le peser avec ce que c'est chouse necces-
sayremenl convenante pour loule la république, que sera pour
fin en me recommandant à vous de bon cueur priant nostre Sei-
gneur vous donner, Besancon, ce que desires.
D'Arbois ce XX™<^ d'Avril.
Le tout Voslre
L'Evesque de Genève.
A Besancon Hugues, Sindique de Nostre Cité de Genève'.
Besancon. J'ay receu vostre lectre par mon homme que
avez mené à Berne dont suis esté marry, car je ne veulx que mes
serviteurs domestiques ce ingénent de fere chose que je ne leur
commande ^. Vous m'avez faicl plaisir de scavoir des nouvelles
et mesme de la journée pour parfier les insolences el mauvaises
costumes que vous aultres mes subgecls prenes envers mes of-
ficiers et usurpes ma jurisdiclion soubs umbre de certaine pa-
roUe ^ que vous Besancon dictes en Conseil gênerai la quelle
ne fust iamais ainsi entendue; elne fault que vous ny mesdicls
subgetz doivrés estre marry si je veulx maintenir ma dicte juris-
> Le litre de syndic donné à Bezanson Hugues ne permet pas de douter
que celte lettre ne soit de l'année 1528.
^ Pierre de la Baume avait, en 1527, rerais une partie de sa juridiction
civile aux syndics et à la communauté, el chercha vainement, l'année sui-
vante, à rentrer dans les droits qu'il leur avait concédés en Conseil général.
^ Cette cession de Pierre de la Baume avait extrêmement indisposé le duc
à cause du vidomnat, qui devint dès lors une véritable sinécure ; l'évêque te-
nait à lui faire croire que cela s'était passé malgré lui, el même contre ses
ordres.
243
diction contre de vous, car contre plus grand l'ay je faict. J'es-
père... vous vous reduyeres à vostre debvoir et vous randrez
vous subgecls et cella me donnera occasion de vous estre bon
seigneur, aultremenl ne vous en fiez point en moy. Ce que m'es-
cripvez que désirez de me parler eslre mesdicls subjecls plus
obéissants qu'ils ne sont, vous ouyeres voulentiers et y penses
hardiement, car les choses ne demeureront point ainsi que les
avez mises. Je vous escriplz voulentiers cestes affîn que vous la
communiques à mes dicts subgetz si besoign est et si ce vous
semble. Et à tant je prie h Nostre Seigneur que vous ait en sa
saincle garde.
Des Arbois ce IIP de May.
L'Evesque de Genève.
A Besancon Hugues, à Genève.
Besancon je me donne merveilles de veoir les façons qui
sont tenues eis afiferes qui concernent ma jurisdiclion de Genève,
les quelzje treuve contraires aux propoz que m'avez tenuz sou-
ventesfois et encoures quand fustes dernièrement devers moy'.
Je me fie de mon secretayre présent porteur et luy ay donné
charge vous en declairer ma voulenté plus avant affîn de, au
semblable, entendre par luy la vostre. Je suys sehur qu'il ne tient
à moy que les chouses ne voisent au devoir. Le curé Curtyon
se vouldroyt essaier me donner fâcherie de ce dont il est plus
que satisfait. Je scay bien qu'il est vostre amys et ce que j'en ay
fait a esté en vostre faveur, car de luy il ne me fist onques ser-
vice, et pour ce me semble qu'il est bien à vous de le fere dé-
' Cette lettre est probablement de l'an 1528.
244
porter de son entreprinse, ce que debvez fere à mon advis pour
bien user Je cognoissance, et sur ce je me vais recommander à
vous priant nostre Seigneur vous donner vos désirs.
D'Arboys ce î 3""^ de May.
Le tout Vostre
L'Evesque de Genève.
A Besancon Hugues, Sindique de Nostre Cité de Genève.
Besancon, j'ay receu vostre lectre par Monsieur de Uster *
et ay entendu du besougner qu'il a fait et treuve fort estrange
la response que mes subgetz m'ont faict seur sa charge. Je ne
puis penser qu'il les meult h ce fere, car je n'ay point de vou-
loir de contrevenir à mon serment, ny perdre aucun par chose
de mon auctorité, pourquoy vous ay bien vouisu escripre cestes,
afïin de les exhorter à y pourveoir car il me despleroit que je
tombasse en fâcherie avec q'eulx et me semble que ce ne seroit
le prouffict ni de l'ung ny de l'aultre. Faictes moy response car
cestes sont de importance et sont sans nulle dissimulaJ:ion ny
d'ung coslé ny d'aultre. Si vous ne me pouvez escripre ce que
entendriez de me dire, je vous prie ne manquez à me venir trou-
ver, car vous pourrez estre cause de éviter inconvénient. Et sur
ce je prie à nostre Seigneur vous donner, Besancon, vos désirs.
Des Arbois ce veille de Pentecostes de la main de
L'Evesque de Genève.
' Celte lettre est de 1528.
245
A Besancon Hugues, Sindique de Nostre Cité de Genève.
Besancon *. Jay receu vostre leclre par mon advocal et suis
esté fort esbays de son besougner envers mes siibgects. Et me
semble qu'ils entendent mal à leurs afferes, et si ne se emen-
dent je seray contraint de y procéder par aullre voye la quelle
me desplaira, et ne sont point le propos semblable à ceulx que
me avez tenus dernièrement que je treuve estrange. Il me semble
qu'ils feront bien de obeyr à leurs seigneurs sans fere les princes,
car cella ne peult durer. Et sur ce je prie à Nostre Seigneur
qui vous ait en sa saincle garde. De la Tour de May ce premier
de juillet.
L'Evesque de Genève.
A Besancon Hugues, Sindique de Genève.
Besancon. J'ey vehu ce que m'avez escript touchant la façon
de fere que l'on a tenu contre mon auctoricte et au détriment
de mon esglise. Je ne scey dont cella procède, synon que l'on me
a tousjours faicl entendre par la commune oppinion d'ung cha-
cun que mes subgels ce fussent beaucopt mieulx guydez et
obeys à moy qui n'ont faict, si vous eussiez volsu y mecire la
main comme m'aviez promictz de procurer la paix et transquilile
de la cite, dont j'en suis le plus intéressé et qui en souffre en
mon endroit le plus de perte. Et quant à ce que m'escripvez que
vous pensies estre en mon indignation, je ney point heu aultre
' Cette lettre est de 1528.
T. XV, U' partie. IT
246
regret a vous, synon que ne avez voisu tenir a ce que dessus
comme le m'aviez [jromicts, et que la récompense que je vous en
ay faicte estoit pour entretenir mon bien en paix, et il est plus
en guerre que jamais faut penser que il ne tient une
partie que à vous que ma jurisdiction ne soit en son estre, vehu
que les propos faict en conseil gênerai sont venus de vous et de
nul aullre et la poursuyte de mesmes. Je vous en escriptz am-
plement pour ce qui touche mon bien et mon honneur affin de
vous y acquiter, en sorte que le m'avez promiz, et vous me ferez
plaisir, car je ne vouidroye pas tant de parollessans effect. Vous
m'avez faicl plaisir de scauoir de nouvelles de vos afferes de la
cite ot serey bien joyieulx quant elles prandroni bonne fin. Je
m'esbays du curé de Curlion qui me pense outrager et avoir le
myen à force ; par doulceur icy acoustumer de fere quelque
chose, par vigueur je verrey que ce sera. Et seur ce je vais prier
à Notre Seigneur qui vous ait en sa saincte garde. De la tour
de May ce vingthuitieme de novembre, de la main de
L'Evesque de Genève votre
Il n'est ja besoing de tant me piquer et de chasser ce que l'on
ne vouidroit trouver.
9
A Besancon Hugues, citoyen de Genève.
Besancon. Jay esté adverli du bon vouloir que vous avez à
declairer en toutes places le ton que mes subgets tiennent de
moy, je n'ay pas desliberé de plus ainsi laisser les chouses, et
me confie tant du deveoir que vous avés à moy que vous de-
meurerez lousjours en ce bon propoz et monstrerez par bon ef-
fect quand je vous vouldray de ce requérir que vous n'estes pas
homme de deux paroles. L'on m'a tenu propoz de quelque fâche-
rie que vous avez dressée à Messeigneurs Jehan, Chappelain de
247
mon cousin Monsieur de Boninont ' que je trouve fort eslrange ;
je vous prie de vous en déporter. Car si vous le picquez plus
avant vous ne me ferez pas plaisir [)our les raisons qu'ay donnée
cliarge de Monseigneur l'oflicial prissent porteur de vous dire de
ma part, avec quelque aullre chouse dont le croirés comme raoy
mesmes. Et sur ce je me vais recommander bien fort à vous et
prier Dieu vous donner, Besancon, ce que desires. Dez Arbois
XIII de May.
L'Evesque de Genève Vostre,
lO
L'Évêque de Genève à Besancon Hugues, de la Tour de May.
Me déplais de la sorte de quoy mes sujets usent envers moy
et de jour en jour se déclarent de plus en plus à se vouloir
élever contre moy et monaulhorité. Gela durera tant qu'il pourra.
Je suis toujours été des endurants, mais il me conviendra plus à
fâcher, et si j'essaye de faire quelque chose qu'ils n'ayent à plai-
sir ni profit, ils ne devront point ébahir, car l'on m'en donne
les occasions. G'est beaucoup continuer à ces mauvaises volon-
tés; il ne me souloit donner guère de récompenses à mes servi-
teurs et amis pour si mal me servir. Je pense que de votre côté
vous desires le bien; si, voudrais-je bien en voir l'effet. L'on
s'excuse toujours sur vous et l'on me dit que je vous ai dit ce
qu'ils doivent faire Je n'entends point cette danse, ni ne pré-
tend avoir rien dit à cette intention à quoi ils prétendent de
laquelle Dieu les veuille garder, et à vous, Besançon, vous avoir
en sa sainte garde. De la Tour de May, ce 3 décembre 1532.
L'Evêque de Genève.
' La fin de la lettre d'Ami Porral à Rol)ert Vandel, publiée dans les pièces
justificatives du Bezanson Hugues de M. le professeur Galiife, n° 11, prouve
que ceUe lettre est de 1532. A. Porral écrit le llG mars : « Bezanson fait les
diables contre M. de Bonmont et contre M. Jean.»
248
II
L'Évêque de Genève à Besancon Hugues.
Besîincon, je suis averiy que à votre pourchas avez fait tour-
menter la Jaquema Pellin ^ indiiement, je ne sais à quel propos ;
sinon que l'on dit que vous êtes à Genève avec vos complices
pour tourmenter tous mes sujets; et croyez que aussi en aurez
votre part; c'est mal aviser k faire votre devoir. Je pense que
croirez être les princes; suffisez-vous d'être à la mode accoutu-
mée, et de vivre selon vos prédécesseurs, qui étaient de bons
marchands et non plus, sapere quam oportet. Vous aures bien
à faire h détourner le Rhône de sa voie ; je crois que aussi aves
vous autant a faire de vouloir détruire l't glise. Ceux de mauvaise
volonté ne peuvent durer en ce monde. Je n'ai pas voulu ou-
blier de vous écrire ces durs mots, pourceque aves récompenses
comme save s de moy pour me vouloir faire perdre mon autorité.
Je vous laisse à pencersi cela durera je les mettrai en jus-
tice, fût-il devant Lucifer Je prie Notre Stigneur qu'il vous
daigne mieux inspirer que vous ne besognez. De la Tour de
May.
L'Evesque et prince de Genève.
^ Ce fut le 29 octobre de l'année 1532 ({ue le Conseil mit son parati obedire
sur la grâce que Pierre de la Baume avait accordée à cette Jaquema Pellis,
et qui était datée du 19 octobre 1532.
La lettre d'Ami Porral à Robert Vandel prouve que Bezanson Hugues avait
été mêlé à cette affaire.
(Voy. Bezanson Hugues, pièces justificatives, n° 11.)
249
Nous croyons devoir faire suivre ces lettres de Pierre de la Baume
d'une lettre adressée par ce même prélat, en 1526, aux députés des Ligues
suisses, assemblés pour statuer sur le droit qu'avaient les villes de Berne
et de Fribourg de contracter une alliance avec Genève. L'original de cette
lettre se trouve dans les Archives de Lucerne, et une copie nous a été
transmise par M, Bell, archiviste cantonal, sur la demande d'un des
membres de notre Société.
Illustres : et mes très honores Sieurs et Mess"' des Ligues.
Illustres et mes 1res honores Sieurs. Si 1res humbleraenl que
faire puys à vos bonnes grâces me recommande.
Messieurs, je suis esté adverti de la journée remise à Berne
au cinq d'avril ^ touchant les afïeres de ma cite de Genève et con-
* Balard nous apprend {Journal, p. hi) que l'évêque s'était rendu le
12 mars de Genève à Annecy, et de là à Chambéry, auprès du duc, et que,
vers la fin du mois, il quitta Gliambéry pour gagner Saint-Claude.
D'après Balard, la Journée de Berne eut lieu le 7 avril. Voici en quels
termes ce contempoi-ain rend compte de ce qui s'y passa :
« M^ les ambasseurs de Mons»" le duc et de Jlons'' de Genève firent leurs
parlement et requestes ainsi que avoyent acoustumés pour faire révocquer la
bourgeoisie, t
« Aussi firent les dits particuliers citoiens et bourgoys de Genève lesquelz
estoient allés à la dicte journée par la prière de Mons'' le duc et commande-
ment de Mons"" de Genève lesquelz s'efforcèrent de leur pouvoyr par paroUes
et prières de fayre révocquer la dicte bourgoysie, ausquelz ne fut point donné
de responce, mais furent laydement vitupérez par aucuns des Allemans et de
Bezanson Hugues. La conclusion et résolution de la dite journée fust faicte et
dicte à M* les ambassadeurs de M"" le duc que pour rien du monde ne revoc-
queront ce qu'ilz ont promis et juré, et que sy M"" le duc ne se veult conten-
ter de la dite bourgoysie qu'il se contente de la forme du droict, sinon qu'ils
luy rendront sa lettre des alliances qu'il a avec eux, et puis que chacun fasse
du mieulx qu'il pourra. »
Comme les registres du Conseil manquent depuis le 29 mars jusqu'au
3 août 1526, nous ne pouvons pas connaître le rapport que firent les am-
bassadeurs de notre cité sur cette journée dans laquelle fut produite la lettre
de Pierre de la Baume, que nous avons publiée. Bonivard rapporte en détail
les doléances des Wammelus, ainsi que la réponse énergique que leur fit Be-
zanson Hugues, et il termine ainsi :
« Lors fust arresté que, si plus gros nombre de gens ne s'y opposoit, on
250
gnoys qu'aves bonne affection à protéger et maintenir les drois
(le mon esglise, de quoi je vous mercye très humblement. Toute
foys aulcuns de mes subgects de Genève se conspirent par la
bourgeoisie qu'ils ont faitte sans moi d'estre portes en vous
contre moy et ma jurisdiclion connue. Ils m'ont desja donné à
congniaistre en effect ainsi que vos sieurs peuveni estre infor-
mées. Mais je vous congnoys si très raisonables que ne voudries
maintenir ny soutenir contre lesglise et moy telles gens dequels
je n'ay donné occasion aulcune de ce faire. Par quoy vous sup-
plie faire telle conclusion h cesle journée que la révocation de
ceste bourgeoisie se face comme j'en ay ferme esperence en vos
Seigneurs et que plus aplain entendus par monseigneur l'abbé
de saintt Maur mon solliciteur et le porteur mon serviteur. Et
attant prie à Dieu vous donner bonnes vies et longues. A Cham-
Dery le 26 jour de Mars 1526.
Votre très humble serviteur
L'eveque de Genève.
ne feroit rien pour ceux-ci fies Mammelus), et on renvoia les deux parties. »
{Manuscrit des Archives.)
Du reste, tous les historiens sont d'accord pour attribuer à l'évêque un
rôle double dans les négociations et les démarches provoquées par le traité
de combourgeoisie ; il voulait à la fois ménager les citoyens et ne pas indis-
poser le duc. Balard et Bonivard affirment positivement que les Eidguenots qui
signèrent la combourgeoisie avaient présenté aux deux villes des lettres de
l'évêque les aulorisant à contracter alliance.
<î--o<^<i/(9V$N€>'5S^>-^
251
MÉMOIRE
DE
M. DE BELLEGARDE
Envoyé du duc de Savoie, Charles 111
Relatif à. l'audience qu'il a obtenue de Temperenr Charles \
à Augsbonrg, au sujet des différends du duc avec la ville
de Genève.
La plupart des historiens de Genève font mention d'une lettre de l'em-
pereur Charles V, datée d'Augsbourg, 1 8 novembre i 530, et remise aux
magistrats de Genève le 30 novembre par l'entremise de l'évêque Pierre
de la Baume, lettre par laquelle l'empereur offrait ses bons offices pour
pacifier les différends entre Genève et le duc Charles III. Le 9 décembre,
le Conseil des Deux Cents approuva une réponse à la lettre impériale, qui
devait être envoyée au nom de la communauté.
Cette correspondance dut être précédée de démarches du duc auprès de
l'empereur. Mais jusqu'ici, rien n'était venu nous instruire sur la nature de
ces démarches. Aujourd'hui, nous savons parfaitement à quoi nous en tenir
à cet égard. M. le professeur Merle d'Aubigné, notre collègue, en recher-
chant dans les Archives de Turin les pièces qui peuvent intéresser l'his-
toire de Genève à l'époque de la Réformation, a obtenu communication du
mémoire adressé au duc de Savoie par le seigneur de Bellegarde, que ce
prince avait chargé de requérir l'intervention de l'empereur dans ses dé-
bats avec Genève. C'est ce mémoire que nous reproduisons aujourd'hui,
en retranchant seulement quelques paragraphes concernant diverses af-
faires rentrant dans la mission de l'envoyé ducal, mais ne touchant ni de
près ni de loin aux intérêts de Genève.
252
« Monseigneur le IX® de septembre aryvay en ceste ville de
Augspurg et de ce jour mesme parley à monsieur de Monfal-
conet pour entendre l'heure qu'il playroyt à l'empereur de luy
povoyr fere la révérence, et par le dit seigneur de Monfalconel
me fit dyre, obstante la grande occupation en quoi il estoyt, que
atendisse deux jours, et le jour suyvant des dicts deux jours me
trouvant en sa chambre pour luy fere la révérence, me fit aussi
dyre, par le dict seigneur de Montfalconet, que pour alhors ne
fisse que luy bailler vous lettres et quelles de ma très redoublée
dame et que incontenant après me dorroyt audiance, vous asseu-
rant qu il l'estoyten tel estre pour non povoyr reduyre les afferes
de par deçà à ce quesloyt plus que raysonnable qu'il l'avuoyt
layse et habondone le conseil et advis des hommes pour soy
recourrir à nosire seigneur et ce dict mattyn il se confessât et
repceut notre seigneur en l'oratoyre de sa riere chambre, disant
que puys que le scens des hommes et du monde luy failloyt, qu'il
i'esperoyt que la divine prudence luy sceroyt en aide et tousjours
dempuys que je suis en ceste ville et pour advanl le faysoyt. Il
faysoyt fere ausi les dites prestations publiques et secrètes partout,
l'ayant mande aynsi le fere en tous les lyeux qu'il savoyt per-
sonnes dévotes, et au sortir de sa riere chambre aynsi quil avoyt
repceu nosire seigneur je luy fis la révérence, et luy ayant fayt
vous 1res humbles recommandations et de ma dicte dame pré-
sentant vous lettres me dist que vinsse lendemayn à son lever,
quil moy dorroyt audiance; a quoy ne faillis, et incontenant au
mesmes lyeu du jour, devant que luy avoys fait la révérence me
demanda de vostre bon pourtemant et de celluy de ma dame
sa bonne seur et son nepveu monsieur vostre fils, et luy ayant
expose le tout de ce que vous avoyt pieu moy charger et com-
mander mesmant sus la comparessance de la dyete, respondit
253
que je fusse le bien venu, bien ayse qu'il estoyt d'entendre de
vous bonnes novelles et de ce que avyes mande vers luy ; et pour
ce quil estoyt en si grandes occupations et le ramenant [reste] de
tout son conseil et serviteurs, me commandât fayre ung memoyre
de ce que verroys eslre le plus expédiant pour despescher et que
le bailliasse au seigneur de Grandvelles, ce que fis aynsi qu'il
vous playra voyr par ung double que vous envoyé. Et plus tost que
du VP de ce moys présent nay peuz avoyr response, tant par les
grands afferes que le dit seigneur avoyl que ausi pour la grande
retardation de despeches que ce fait en ceste court, comme bien
scavues despuys Bolongne la ou vous esties vous mesmes, com-
bien aye sept foys puys que suis yci parle à sa mayeste, luy don-
nant à chesque foys entendre de peus a peus vous afferes ei
mesmant ceulx concernant au dit memoyre hors celluy que con-
cerne à Ryda du quel h la seconde foys me dist que myeulx et
plus à playn en deviserions au lyeu la ou le dit Rida est espérant
de il aller en brief. Quant à la dyete, sa mayeste ne entendoyt
point que fussies juy demys ny dejecte et que toulefoys elle es-
toyt toute brolie et rompue ny ayant pas grand espoyr, et long
temps il avoyt que les princes de la Germanie l'avoyent mené per
temps et longueurs, le remettant de terme à terme quil en estoyt
hors despoyr estant en tel estre quil l'avoyt le cerveaux tout
trouble combien que si playsoyt à Dieu que le remennani des
princes fussent de son opinion mesmant la, que à layde de Dieu
qud ne serroyt poynt la crestiente en telle trouble combien qu'il
heust pluseurs avertissemens de tous costes et sont les mesmes
mots quil luy pleut me user. Et quant à l'avoyr adverti que aves
bien vouisu envoyé en France, ayant entendu la confirmation des
trette fait entre sa mayeste et le Roy trescretien, la rendition et
delyvrance de messieurs ses enfans, ausi la venue de la Reyne en
France pour ce rejoyr et congratuler espoyr en Dieu du ranfort
de l'amylie dentre eulx tant à conservation cresiienne que con-
fusion des infidèles, me respondit qu'il en estoyt 1res aise ayant
bien fait. Je luy ai ausi parletochanlledictet statut qu'il porroyt
254
fayre pour ia conservation du saynt empire et princes dycelluy
pour entrerompre les coligaiions et bourgoixsies tant passes que
advenir faictes h trop grand préjudice et conséquence dange-
reuse tant du saynt empire que de susdits seigneurs princes. A
quoy me respondit que pour le présent il n'estoyt pas temps,
considéré qu'il ne povoyt reduyre les princes et aultres de la
Germanie quil sont contre la foy, mays yceulx remis, quil lespe-
royt en quelle sort que ce fusl les reduyre estant en propos de-
lybere de non habandoner ceste heuvre et ne la layser inper-
faicte, que après, luy en donnant advis, il pourvoyroit cognoisant
bien estre requis quealhors ne séries mis en obly. Je luy fis ausi
entendre vostre allée en Savoye et l'occasion dicelle estant bien
de cest advis que le plustost que pourries vous en degetter se-
royt pour le myeulx.
Sen suyvent les responses que me sont estes faictes du sus-
dict VP de ce moys tant pour l'empereur propre que pour le
commendadeur mayurs Cosmes et le seigneur de Granvelle de
la part de sa mayeste sus le memoyre dont envoy susdict double.
Premièrement en ce que concerne ceulx de Genesve et leurs
privilieges, les dits seigneurs Cosmes et Granvelle m'ont res-
pondu que pour non tumber aux dangiers quavies tous temps
évite et craynt que nulle partie ny pièce de vostre estai se fit et
rendit suysse, considéré ausi leur nature quesl de se grandir
tousjours et selargir, voyant ausi la rébellion en ferme obstina-
tion des dicts de Genesve, et que les désespérant tumberoynt à
ceste mauldicte erreur la, dont oultre votre dopmage et perde se
luy seroyt petite repuiacion veuz que le dit Genesve est de lem-
pire aveq vostre eslat semblablement; quil ne vouldroyt plus
voyr agrandir les dicls Suysses, et le faysanl aynsi quay supplie
pour vous seroyt le tout mis en desespoyr, veuz que ong les
remettroyt entre vous mayns quil estes celluy contre quil il ont
fait le tout, mays a trouve aultre expédiant et de ce vous en
envoys le despesche pour aynsi sil vous playt le suyvre que le
dict seigneur empereur leur escript et commande par mande-
255
mant que voyant trop durer et de si long temps les différences
que sont entre vous et les dicls de Genesve, considère le tout
estre du saynt empire, comme celluy qnil le veult bien guyder et
conduyre en toute tranquilite vous mandei que ayes a envoyr
dans deux moys par devant liiy en quel lyeu quil soyt les titres,
droytures, originauk et preminances qu'aves et prétendes avoyr
sus et yceulx du dit Genesve. aveq déclarations comme vous et
vous ancestres aves este joysans à la dicte Cite, aveq procures
suffisantes et plein pouoyr à ceulx quil vous playra desleguer
pour vous, mandant ausi au dicls de Genesve quils ayent à apor-
ler leurs droyls et previlieges par lesquels il prétendent vous
contrarier aveq bonne procure suffisante et originaulx de leur
litres, à ce quil voyet et cognoyse par droyt et équité le droyt et
tort quil porroyt estre.
Et quant à ce qu'a touche les prélats, veu et considère leurs
conspirations, il vous mandet et a eulx que mandes les droytures
et previlieges qu'aves de une part et d'aultre a ce que il mettet
finale conclusion, vous exhortant le dicl seigneur aynsi en vol-
loyt user tant pour vous oster ung bon coup de troubles qu'aves
du dit Genesve, et de l'aultre en conséquence que ausi pour
avoyr les prélats myeulx à votre devocion et obeyssance, vous
povant asslieurer de luy quil fera en sorte que aures cause vous
en louer et contenter; et que cest le vray moyen sans tants de
gros fraix que faictes journellement, en danger de votre estât
pour vous en sortir et abolyr les bourgoyxsies, car eulx estant
yci ycelles à eulx fera asses renuncer.
Le mesme jour que filz la révérence à l'empereur l'allai fere
au Roy d'Hongrie (Ferdinand) lequel fust très ayse davoyr de
vous bonnes novelles comprins ma dame et monseigneur le
prince, s'enquerant de vous bons pourtemants et estre. Je luy dicl
le tout de ma charge luy faysant bien entendre; ausi a fait mon-
sieur le secretayre dempuis le tout de vous charges ; et dernière-
ment que suys este vers luy pour l'advertir du départ du dit
secretayre il mercmantua laleedu doyen de Colombiez vers vous
256
lant sus la croysade que dayleurs comme celliiy que à presenl
cy a bien affere soffrant enliermant à vous usant des bons propos
lesquels remet vous dire au dit seigneur secretayre présent
pourteur. Les Roynes ausi furent très ayses entendre de vous
bonnes novelles et de ma dicte dame, les quelles s'offrant entie-
remant à vous, vous présentant leurs recommandations de bon
cueur et quant aux princes et aullres aulx quels escripvies le
remet ausi sus le dict secretayre.
Les ambassadeurs du duc de Lorrayne ne peuvent entrer à la
dyete sans avoyr povoyr de leur seigneur de |)romelire et soy
soubmettre à pourler les fraix et charges des contributions de
lempire tant passes, presant que advenir et si ont fait fere cries
par trompetes et tabornes devant la mayson de la ville que nul
entrait en la dyete quil ne fust coniribuaul comme desus, dont
considère que ne avoys nul comandemant de vous, voyant ausi
les charges de l'empire journellement acroyire tant contre le lurs
et ceste secte et particulliers afîeres et charges de lempire au
quel devant hyer fust accorde quarante mille homme de pies et
61 bon gros nombre de chevaulx que long dist douze mille par
tant de temps quil luy playra et en auroyt affere sans il mettre
nul terme; voyant ausi ce consillie advenir que sont toutes
charges du dit empire, ne me suis pas trop advance à la dicte
dyete veu aussi que les princes dicts evangélistes sen sont ailes
sans conclusion aveq dicte entrerompue. De ce que se conclura
sceres adverti combien que à peu près le presenl pourteur vous
porra le tout dyre. Le maréchal et aultres officiers de lempire
m'ont presse de troys cent et cinquante florins dor que debues
pour la fidélité faicte pour vous par monseigneur votre frère.
Le dict pourleur vous dyra les responses quen ay fait, sus ce
il vous playra il pourvoyr et me mande vostre bon plaisyr, car
il sont gents pour exequuter contre vous et fayre quelque
deshonneur. Le dit maréchal quil est baron de bonne eslouffe
et de service vous suppliei de voloyr ung scien fils quil parle
bon latyn à monseigneur le prince entendant quil ne soit louge
257
nulle aullre pari car il a entendu que mon dit seigneur voire
fils dobyl estre plus grand que pyece que fust a voire mayson
el leut bien peu bailler a lempereur ou au Roy d'Hongrie sil
heut voulsu. Je vous advertis que par ladvis des lescuyr passier
qui! est bien veu et ayme en cesie court, rendant bien son
devuoyr vers vous aynsi quil luy dicls. Ay scheu que levesque de
Tharantayse a mande yci et son officiai comprins levesque de
Belley pour avoyr tous lels privilieges que ont les evesques de
Genesve et de Lausanne el pour ce exempter de rendre leurs
devuoyr et fidélité h vous el le fere a lempereur seul et jusque
a ce quen ayes chaslie ung ou deux jusque a changement de
leur estât ne vous lerront en repos; jay toutes foys obvye à tout et
rien ne se fayra que ne le sache, a quoy pense bien asses remédier,
loules foys ne vous il en dormes pas et il advises pour ladvenir.
Le seigneur de Grandvelles vous supplie pour l'amour de luy
avoyr pour recommandé le chastelleyn Léger d'Yverdoy son pa-
rant en quelque plan qu'il a, de sorte qu'il cognoysse sa requesle
avoyr pourlé fruyt, vous assheurant que ne luy fayra quelque
honeste presant quelques bonnes parolles qu'il dyse et ungaultre
à Vakleys ne porroys sil bien menner vous afferes. Car sen poynl
de faulte il en veullent avoyr el le dit seigneur de Grandvelles
aveq Cosmes sont le tout de l'empereur quil ne fait riens que
par eulx ; vous pourres entretenir Grandvelleset ma dame Cosmes
et ayant ceulx pour vous ne faictes nulle double de obtenir tout
ce qu'il vous playra en cesie cour.
Quant au seigneur de Monfalconel je vous assheure ausi qu'il
a bien gros crédit vers l'empereur et riens ne luy est serre ny
escondu la dedans, et c'est ung cas lye aveq les aultres deux, el
dempuys la mort du grand escuyr trespasse, illa lousjours cxerse
lofïice de lescuyrie et tien bien de près le dict seigneur et ha-
bandonanl le dil office ill est assheure de une maysirise d'hosiel
et de une melleur commanderie que la scienne.
Il rend très bien son devuoyr vers vous faysant le tout de ce
que luy scay dire avec bonne poyne affection. Il ne fauldroyt
258
pas luy faillir de sa pension de iroys cents escnz ne luy en fayre
aullre excuse comme plus à plein entendres par le dit secrelayre
tant des susdits monsieur de Monfalconei que Grandvelles to-
cbant les ennemys qu'aves heu en ceste couri ayanl donne très
maulvesse impression de vous.
Levesqiie de Vienne prescliet yci en la grand esglise, ausi
font les aultres prélats par tout el l'ong est résolu que aynsi le
fassent ordonayremanl ei ceulx qu'il ne auront le scabvoyr com-
mettent les suffragants scientefiques jiour il satisfayre. L'ong les
lerra aynsi à leur vivant et yceulx irospasses h ladvenir l'ong
pourvoyra des genls aulx bénéfices ei non pas les genis des
bénéfices ei ne dorraton nui bénéfice à nul qu'il ne soyt scavani
et de bonne vie et yceiilx pourveux, si s;ingents l'ong changera
ausi et trovet long qu'il gits aux consciances des princes plus
que à ycelle de notre saynt père quil ne scayt ny cognoyl pas
les gents comme le seigneur dyceulx el dhors en avant la vertu
précédera le tout et aynsi se doyt fcre pour satistacion de tout
debvoyr.
Le présent pourleur a beaucoup prins de la poyne aveq plu-
sours fraix et costes pour trouver et vous menner des maystres
des mynes. Illa tant fait quil en a retrouve ung des principaulx
du Roy d'Hongrie qu'il est de ceste ville et bien riclie le quel il
vous mayne qu'il na pas este sans grand poyne, les parant dicel-
luybien contrarie. Il maynet ausi pour la saulnerie de Cballyn
en Tharantayse et au dict de ung chescun si ce?luy ne vous
illustre! vous mynes a ce coup je double fort quil ne faille
mettre le piez desus et non le bien trecter. Il ne fault plus james
venir en ses parties car jay ouy dyre |)lusours cboses a quoy ay
respondu. III en mayne ausi ung aultre sus les mynes d'or; par
ma dame telles gents veullent estre bien recognues comme il
sont de par deçà el leur tenir bonne rayson aynsi quil les en ay
asslieure.
Ses deux jours passes me sont venus trouver deux desputes
de cesle ville et de Nuramberi (?) maportant lettres venues de
259
Strasbourg dans lesquelles avoyenl mandes ung double de lettres
à eulx mandes de ceulx de Berne. Je fis escripre ung aultre
double par le dit secrelayre lequel je vous envoyé, ycelluy rep-
ceu, allay trouver l'empereur el le luy monlray lequel sen es-
bayssant me demandât s'il m'en advyes fait riens entendre ne le
croyant combien quil en fust en suspens dicl qui! sceroyt mal
fait au maréchal de Bourgongne l'avoyrenlreprinssans son sceu,
et que sil aynsi estoyt dans deux ou iroys jours l'ong le scaroyt
bien el luy en donneroit advis sceu de votre pal regarderoit ce
quil scaroyl requis el après luy avoyr recommande le dit affere
et mercier; je luy dist en response ce que ceulx de Genesve
avoynt acustume de fere semblablement ceulx de Berne, bien
vous dis je que les afferes de pardeca sont asses grands sans
panser allyeurs <les occurans et novelles de par deçà ; le dit
présent pourteur vous adveriira de tout et pour fin de ce rae-
moyre vous assbeure que l'empereur pourte affectionne amyiie
à ma 1res redouble dame estant en grosse réputation par toute
ceste court.
A cette relation, l'ambassadeur du duc avait joint le mémoire que voici
par lequel il énonçait son avis personnel sur l'attitude que son maître de-
vait prendre vis-à-vis de Genève.
Monseigneur considère la grosse costaynge et grands fraix
que aves supporté pour ses afferes de (ienesve et Lausanne, aveq
dangier de la dangereuxse consequance des circonvoysins, les
quels sont si près loups ravyssants aveq la petite foy que le
monde présent lient en touies qualités el que quelque bon droyct
ny rayson que saches avoyr estes tousjours a recommence pour
vous desjecter de tels et que asses myeulx entendes que moy
facberies perdes et enuyts veuz raesmant le désir que l'ong a
de vous tenir allègre pour tousjours myeulx jouyr de vous oulire
la convoylise de s'élargir soyl de ça ou de là les monts et tous
260
coustès; la suis dadvis que uses du consed de l'empereur lequel
an ces ne vouidroyt ny seroyt vous fayre tort. Car estanl yci
ceulx de Genesve il ne leur prendra pas comme en Suysse la ou
des fables en faisoynl liysloyres quest ce ils sceront de rayson
monslrer pourquoy il ont faycl et contracté la bonrgoxsie que
est tant préjudiciable à vous cest asses au saynt empire et eulx
allegant la mort des justicies parcq devant n'aurons par les pro-
cès tout prestz pour vous en descbarger tant causant du feu
seigneur evesque que de lomycide perpètre par Lévrier etc.
veullent dyre que usies leans aultre rayson et droyclure. Vous
aves en votre chambre des Comptes comme il poyent tailles et
subsides dons aydoynl à marier les fdies de votre mayson do-
noynt ayde en temps de guerre à vous prédécesseurs recognes-
soynt la supériorité et appelloynt à eulx de leurs procès et
playts etc. Et quest ce quil sceroynt dyre par quelle rayson
vous ont oste le vidompnat, la mayson de lille causant dempuys
la bourgoixsie tant de injustices faictes préjudiciables à vous
droyctures et possessoyres, tant de meurtres et maulx impunis
et intollerables de leurs conmis, ryere vous terres et davantayge
se mettre a ceste perverse secte pour les achever de peyndre,
ceulx de Lausanne semblablemant compris les appellations du
chatellyn et practiques pour tourner vous subjels et estai contre
vous. Estant yci la ou vous aves ung empereur à voire devocion
du quel tout dépend quest ce quils sceront dyre ny contrarier
désire rebelles et méchants et le tout ayant bien desmeure par
rayson et declerez l'empereur premièrement pourra de noveau
les vous remettre aynsi que vous et messieurs vous prédéces-
seurs les avyes, et pour la rébellion et maulx perpètres les pourra
condampner a quelque privation de quelque priviliege quil vous
scera plus nuysible et à fayre pour vous et votre diète ung chatel
el forteresse dans la ville la où il vous playra et pour la gar-
nison d'ycelluy à jamays toutes les années quelque tribut el
somme de deniers tant pour tenir en subgection la dicte ville
que pour fortifier la justice; et si vous doubles quelque conse-
261
qiiance que vous suhgets recourent yci, vous ne la devuez doub-
ler tant que ausi tout votre estât despend du saynt empire du
quel aves tant de dignités, que ansi vous dicts subgects voyant en
(]uel eslre ceulx de Genesve sceront este nnennes il prendront
bon exemple que aynsi l'ong feroyt deul.v avec ce que croys ne
vouidries pas fayre tort a nul; semblablemant des jtrelats se
pourra fayre et quels privilieges et droycts sceront monstres pour
non vous estre obeyssanls; à tout le meyns par ce moyen scayres
vous ce quils ont pour a ladvenir il remédier et estant yci lem-
pereur ne pourratil pas leur ordonner et commander vous rendre
le debuoyr quil ont au saynt empire comme a son vicayre re-
presanlant sa personne en leur commandant vous obeyr comme
à luy et les vous remettre en toute obeyssance, considère ansi
que l'heure saprocliet de leur generalle reformalion comme la
rayson veut et pour la conservation de vostre estât en ce quils
auront de préjudiciable contre vous, le dict seigneur empereur
il pourra bien fayre quelque metigation leur commandant vous
fere la fidélité, etc.
Et cas venant que les dits de Genesve ne veullent venir ny
obeyr comme je croys, veu que en eulx sont de desraysons exor-
rables le dict seigneur le mettra au ban de l'empire comme re-
belles et vous les prendres et en fayres vous subgects entière-
ment que vous scera a jamays stabilité de bon droy et oultre
celluy qu'aves en confiscant le tout de leur povoyr et avoyr
touteffoys le tout gist à vous bons playsirs lesquels moy man-
dant ensuyvrai, Aynsi qu'il vous playra et si sceroyt le moyen
de lever tant de recourses que vous subgects ont à vous enne-
mys et me semble que trop plus devues avoyr de foy yci que à
vous dicts ennemys entre les mayns des quels vous submeltes
journellement et que ma 1res redoubte dame escripuet bonnes
lettres et non de créance que sus la fin dyeeiies au dit seigneur
empereur Conmes ei Grandvelles.
r. XV, V^ paru 18
262
La lettre de l'empereur dont il est fait mention dans ce document fut
remise aux magistrats de Genève, par l'entremise de l'évêque, le 30 no-
vembre. Nous la transcrivons ici en l'accompagnant de la réponse du
Conseil.
A noz chers et bien amez les Sindicques, Conseil
et Communaulté de nostre cité Impériale de Genesve.
Exordium dicte litière.
De par l'Empereur
Chers et féaux, nous sommes adverlis que vous estes sus
quelque iraicté et appoinlemanl avecque noslre cousin le duc de
Savoye, et pour ce que comme entendons illest question entre
vous et ledict duc noslre cousin des choses concernantes les ju-
ridictions et droitures de très révérend père en Dieu noslre très
cher et féal cousin et conseillier l'évesque du dict Genesve, aus-
quelles ne vouldrions estres desroguee ne préjudicié, ains comme
provenans et dépendans de fondacion et dotacion impériales les
soubtenir, deifendres et faire entretenir, vous avons bien voulsu
sur ce escripre, requérant et enjogniant très expressémant, selon
la coufidance qu'avons de vous, de envoyer vers nous et nostre
auclorité impériale, que ayés le regart que a ce par raison debvés
havoier, et en envoyant devers nous personnages instruyctz de ce
que peult estre en controverse entre ledict évesque et vous, comme
desjaz vous avons escript, et semblahlemeiit, ausdits seigneurs
duc et évesque noz cousins, ferons entendre à l'amyabilité d'entre
vous et l'apointemant des devant dictz dillerents, de manière
que ce seraz au bien et repos de toutes parties, et cognoistrés
le désir et affection que avons que noz vassaux et subjectz vi-
vent et demeurent en paix, amitié et concorde. Et nous faictes
263
sur ce réponse. A tant chers et féaux, Noslre Soigneur soil garde
de vous.
Datte d'Auspbourg, le 18 de novembre anno XXX.
Charles,
Suhscriplum
Perrenin.
A Séréuissime el inviclissime très hault et très puyssant
Cliarles tousjours César Auguste,
Sérénissime, Invictissime, très haull el très puyssant
prince, à vostre très sacrée Majesté très humble-
ment nous recommandons.
Sérénissime, vostre sacrée Majesté de sa grâce nous az, ces
jours, envoies des lettres pour debvoir céder aulcuns différent
estantz entre illustrissime et redoubté Seigneur Monseigneur le
duc de Savoje et nous, et mectre aussi en ordre ce que peult
eslre en controverse entre illustre, très révérend et redoubté
Seigneur nostre prince et évesque de Genève et nous; sembla-
blement envoier par devers vostre Majesté des nostres gens
instruyctz et ayans charge correspondente.
Sérénissime, il y az bone pièce que pour l'entreténemant et
deffence du bien, auctorilé, jurisdiction et franchises de nostre
redoublé prince el cité de Genesve, avons supportés par beau-
coup de molestes revenant du costé du dicl illustricissime duc,
grandes charges, frais el dangiers de personnes. El comme na-
gueyres fussions circuys de gens d'armes ses subjectz et oul-
trageusemanl assallis, el toutesfoys par le vouloir de Dieu, le
bon et honneste secours de magniffiques Seigneurs de Berne
et de Fribourg, préservés de celle entreprinse que plustoul seroit
attédieuse à vostre Excellence la réciter. Pourchassant illus-
irissirae duc fusmes accordaiis, selon que nous sembloit louable
264
demeurer des diclz différends et oultrages a la cognoissance des
escellcns seigneurs des Ligues. Et pour ce que la journée selon
l'arrest commung az esté prinse au jonr Sainct Andrien, auquel
et non avant avons voz dictes lectres recepues en révérence, les-
quelles sont relatives à d'aultres concernans la dicte controverse
que n'entendons estre entre nostre dict redoublé prince et
nous, et que n'avons icelles lettres heues, ne sçavons bonne-
mant le moien comme pour à présent pourrions vostre com-
mandement accomplir. Dont toulesfoys désireux de complaire
à vostre très haute sacrée Majesté, la supplions si très hum-
blemant que à nous est possible, nous voloir par sa clémence
excuser et comme est costumière advoier en souvenance la cité
de Genesve, laquelle sans la grâce de Dieu pour seulement suyvre
vrai debvoir piéça fust destruycte et desfaicte. Si supplions Dieu
très humblement, qu'il, Sérénissime, très hault, invictissime et
très excellent prince, veuille par sa miséricorde et grâce, vostre
majesté sacrée deffendre, maintenir et entièrement garder dans
ses félicités et triumphes,
De Genesve, ce jour 9*'"'' de décembre 1 530.
Voz très humbles et très obéissans, les Sindicques
Petit et Grandz Conseil de la Cité de Genesve.
(Ces (Jeux lettres se trouvent copiées dans le Rerj. du Cons. vol. de
1530 à 1532. fol. 81 à 83.)
NOTICE
SUE
UN FEUILLET DE PAPYRUS
Récemiuenl découverl à la Biblioliièque Impériale de Paris
ET
Relatif à la basilique que maxime, évêque de Genève, substitua
wers l'année 516 à un temple payen
Par LÉOPOLD DELISLE
Les anciens manuscrits ont quelquefois passé par de bien
étranges vicissitudes. On se rappelle cet exemplaire de Virgile,
écrit en lettres capitales, dont M. Pertz a récemment suivi
les destinées avec tant de sagacité ^ : le Vatican en possède
plusieurs feuillets que Claude Dupuy offrit à Fulvio Orsini,
vers la fin du seizième siècle; Mabillon en examina un deu-
xième fragment dans les restes de la bibliothèque de Pilhou,
qui, du temps de Louis XIV, appartenaient au ministre Le
Peletier ; un troisième fragment, composé de trois feuillets,
s'est rencontré en 1862 dans le cabinet d'un savant hollandais
et a été acquis par M. Pertz pour la bibliothèque de Berlin.
L'histoire du manuscrit dont je m'occuperai dans cette no-
« Ueber die Bcrliner und die Vaticanischen Blàtter der àîtesten Handscltrift
des Virgil; Berlin, 1863, in-4°. C'est un extrait des Wémoires de l'Académie
de Berlin, année 1863 ; un supplément a paru dans le compte rendu mensuel
des travaux de celte Académie, séance du 21 avril 1864.
266
tice n'est guère moins exlraoïillnaire, 11 s'agit du recueil des
œuvres de saint Avit, écrit sur papyrus, au sixième siècle.
Jusqu'à ces derniers temps, la Bibliothèque impériale en
possédait: 1° sous le n. 8913 du fonds latin, quatorze feuillets
plus ou moins mutilés; 2° sous le n. 8914 du même fonds,
une trentaine de lambeaux qui ont jadis appartenu à des feuil-
lets dont le sort nous est inconnu.
Tous ces fragments sont depuis longtemps a la Bibliothèque,
quoiqu'ils ne figurent pas sur h s anciens catalogues. Ils sont cités
comme conservés à la bibliothèque du roi, par D. Ruinart en
1689 ', par Mabillon en 1704 '^ et par les auteurs du Nouveau
traité de diplomatique en 1754 ^. Ils avaient précédemment
fait partie de la bibliothèque du président de Thou. C'est là
qu'ils furent étudiés par le P. Sirmond, qui en donna de courts
extraits dans son édition de saint Avit, imprimée en 1643 et
reproduite en 1696 dans le second volume desOEuvres du sa-
vant jésuite. C'est également chez de Thou que Jérôme Bignon
dit avoir trouvé ces curieux débris, dont il fit une copie, qui
fut revisée par Bigot, et qui, tombée dans les mains de Baluze,
entra à la bibliothèque du roi en 1719 \
Les travaux de Sirmojid et de Bignon ne prouvent pas seu-
lement que les fragments de saint Avit appartenaient à la fa-
mille de Thou dans la première moilié du XVIP siècle; ils
' « Has aiUem sctiedas quœ in bibiiotheca regia modo asservantur, vivente
adtiuc Avito, aut saltem paullo post ipsius obitum scriptas fuisse affirmant
qui eas inspexenmt viri peritissimi. » Acta sincera, éd. de 1731, p. 238,
col. 2.
* « Duo codices, unus bibliothecœ regias, Avili homilias continens...» Li-
brorum de re diplom. supplementum, p. 10.
' « La première espèce (d'écriture gallicane cursive) peut être appelée
romano-gallicane, tant elle approche de la cursive romaine la plus élégante,
la plus hardie et la plus majestueuse ! Le modèle que nous en donnons d'a-
près D. Mabillon est tiré du célèbre manuscrit de saint Avit, en papier d'E-
gypte, de la bibliothèque du roi. » Nouveau traité de diplom., III, 422.
■* La copie de Bignon occupe les feuillets 71 à 78 du volume 297 de la
collection de Bahize.
267
montrent encore que dès cette époque le manuscrit ne se com-
posait que de quatorze feuillets.
Rien ne pouvait faire espérer la découverte de nouveaux
morceaux de ce manuscrit quand, au mois de janvier dernier,
un des hommes de service, attachés au déparlement des ma-
nuscrits, Emile Dambreville, m'annonça tout joyeux qu'il ve-
nait de trouver « quelque chose de bon » : en même temps il
me montrait un feuillet de papyrus, admirablement conservé,
que je reconnus sur le champ pour appartenir à notre manus-
crit de saint Avii. Ce nouveau feuillet a été aussitôt rapproché
des quatorze feuillets que la Bibliothèque impériale possédait
anciennement; il forme aujourd'hui la feuille 15 du manuscrit
latin 8913.
Le volume dans lequel Emile Dambreville avait fait cette
importante trouvaille, est le manuscrit latin 11859, jadis n**
113 du fonds français de Saint-Germain. C'est un grand in-
folio, rempli des travaux d'un savant médecin du seizième siècle,
Jacques Daleschamps, sur l'ornithologie. Il est entré a la Bi-
bliothèque nationale en 1795, et il n'est pas admissible que ce
soit depuis cette époque qu'on y ait placé un feuillet de papyrus,
dont aucune note d'ailleurs n'atteste l'entrée ou la présence à
la Bibliothèque.
Le manuscrit de Daleschamps fut conservé à l'abbaye de
Saint-Germain-des-Prés, depuis 1715 jusqu'à la Révolution.
Ce n'est pas non plus à cette période que l'on peut rapporter
l'insertion du feuillet de papyrus dans le manuscrit. Les Béné-
dictins, qui faisaient un si grand cas des fragments de saint Avit,
conservés à la bibliothèque du roi, auraient été trop fiers d'en
posséder un feuillet dans leurs collections pour ne pas le men-
tionner sur leurs catalogues et pour ne pas le citer de préfé-
rence aux fragments de la bibliothèque du roi.
Avant d'arriver à Saint-Germain, le manuscrit de Dales-
champs faisait partie de la bibliothèque de Se^uier. Je croirais
encore difficilement que les bibliothécaires du chancelier n'eus-
268
sent pas apprécié la valeur d'un antique feuillet de papyrus s'ils
en avaient eu connaissance, et je doute fort qu'on doive leur en
attribuer l'introduction dans le volume de l'Ornilholos^ie de
Daleschamps. Nous sommes donc amenés a supposer que le
feuillet dont il est ici question s'y trouvait déjà quand Seguier
en devint propriétaire.
Il importe de faire observer que le manuscrit de Daleschamps
venait de Lyon. Sur le premier feuillet on a tracé une note qui
est aujourd'hui eu partie déchirée, mais dont les mots suivants
sont encore parfaitement lisibles: « AcheptéàLyon des héritiers
de Rouille q cinq livres Tan 1626, revenant d'Italie. DE
SAINT BASILE ». D'autre part, il est certain que les fragments
de saint Avit recueillis par le président de Thou appartenaient
primitivement à l'église Saint-Jean de Lyon. A cet égard, le té-
moignage de Guillaume Paradin ne laisse aucune espèce de
doute. « Je ne veux omettre, écrivait cet historien en 1573 *,
qu'en l'église de Sainct Jean se trouvent certains livres fort an-
tiens, escrits en escorce d'arbre, dont l'un est lisable et contient
un commentaire sur les psalmes: l'autre qui n'est relié, ains
lacéré et imperfait, est escrit en caractères antiques, et qui bon-
nement ne se peuvent lire, combien que la lettre soit belle et
nette, et semble à plusieurs qui ne sont stilez à tels caractères
que ce soit lettre grecque, mais véritablement ce sont lettres
latines, dont la forme est dissemblable aux nostres, pour la di-
versité des caractères, qui fait que, quelque bon esprit que ce
soit, il luy seroit mal aisé d'en lire une page en huict jours. A
la vérité, ce sont des œuvres d'Aviius, archevesque de Vienne,
qui florissoit environ l'an cinq cens et vingt. Car il y a une
homélie de la conversion de Lenteildis, sœur germaine du roy
Clovis, laquelle fut lors convertie de l'hérésie arrienne a la vraye
et catholique chrestienne. Il y a plusieurs autres traictez, mons-
Irans manifestement que ce sont des œuvres d'Alciraus Avitus,
' Mém. de l'hist. de Lyon, p. 103.
269
insigne iliéologien el excellent poêle, lequel est nommé en l'un
d'iceux livres, en une épislre, de laquelle le litre est kl : Avilus
episcopus papœ ConstantinopoUtano. Il y a aussi une omélie pro-
noncée quand un grand seigneur de Lyon, nommé Sigislriciis,
el sa sœur furent convertis de l'hérésie arrienne. Aucuns onl
estimé que ces livres sont de toille, les autres de joncs du Nil,
parce qu'il semble qu'il y a des filamens; il y en a qui onl opi-
nion que ce sont petites pièces de bois, collées el rapportées
l'une à l'autre, car il y en a aucunes qui semblent se décoller,
el ne peut on bonnement deviner ce que c'est. Tant il y a que
c'est chose vénérable et digne d'être conservée pour la révé-
rence de l'antiquité. »
N'y a-l-il pas lieu de conjecturer que le manuscrit de saint
Avit, sorti de la bibliothèque de Saint-Jean de Lyon, vers la fin
du XVP siècle, aura été dépecé dans cette ville, que le prési-
dent de Tliou en aura acquis le fragment le plus considérable,
composé de quatorze feuillets et d'une trentaine de lambeaux;
qu'un amateur lyonnais s'en sera procuré un feuillet, dont il
aura cru mieux assurer la conservation en le plaçant dans un
volume de grand format, tel que l'Ornithologie de Daleschamps;
el que le reste, c'est-a-dire trente feuillets au moins, aura été
dispersé ou détruit?
Quoi qu'il en soit, les savants pourront désormais étudier h
la Bibliothèque impériale un quinzième feuillet de saint Avit,
dont l'intérêt est pour le moins égal à celui des quatorze feuillets
anciennemeni connus.
Le recto du nouveau feuillet est à peu j)rès eniièrement oc-
cupé par la fin d'une homélie qui dut être prononcée à la fon-
dation d'un établissement religieu.x et charitable. Vient ensuite
un titre ainsi conçu :
' DICTA IN DEDICATIONE BASILIGAE QUAM MAXI-
' Dans la marge, en regard de ce titre, est tracée uue croix aux bras de
laquelle sont suspendus l'alpha et loméga. Ce signe se rencontre plusieurs
270
MUS EPISCOPUS IN JANAVIN[SISJ URBIS OPPIDO
CONDEDIT ' DISTRUCTO INiBI FANO.
Nous avons donc sous les yen:; le discours prononcé par saint
Avit à la dédicace d'une basdique que l'évêque Maxime avait
fondée à Genève, en remplacement d'un lemple païen qui venait
d'être supprimé. Le prélat commence par rappeler une fête qui
avait eu un grand retentissement dans le royaume des Bour-
guignons, la consécration du monastère d'Agaune^; puis il se
félicite des progrès de la vraie religion et de l'affaiblissement de
l'hérésie arienne. La cérémonie à laquelle il assiste lui cause un
surcroit de bonheur. Quoi de |)lus heureux que la transformation
d'un temple païen en une basilique chrétienne? Au culte des idoles
va succéder la vénération des martyrs. D'une semence de mort
vont sortir des Truits de vie. C'est déjà beaucoup de détruire un
poison : qu'est-ce donc de le changer en un remède? Los épines
sauvages vont se métamorphoser en fleurs aux plus belles cou-
leurs et aux plus suaves parfums. Qu'importe s'il y avait là un
affreux buisson dont personne ne pouvait s'approcher sans être
blessé? Désormais on n'y apercevra plus que les roses les plus
délicates.
La page se termine par les premiers mots d'une comparaison
empruntée au voyage d'Israël vers la terre promise: Sic quon-
dam clumpriscus Hisrahilila terram repromissionis expeterit^ are-
fois dans les fragments du manuscrit de saint Avit, et notamment sur le
lambeau qui est coté 16 dans le n^ 8914 du fonds latin.
' Ici, deux ou trois mots ont disparu; on distingue encore la partie supé-
rieure de plusieurs lettres dont ces mots étaient composés. On pourrait à la
rigueur proposer de lire : IN ag... ad senestrum.
- Le sens des mots inslitiiiio Acaunenshim est parfaitement clair; mais je
ne sais comment expliquer les mots Namasce dedccalio; je ferai cependant
remarquer que Namasce rappelle tout naturellement le nom d'un des suc-
cesseurs de saint Avit, Namatius, dont répitaphe nous est parvenue (Du-
chesne, Scriptores, 1,516) et dont il est question dans les poésies de Fortunat
(IV, xxvii).
271
dam squalentemqiie herimi — J'ai constaté que la suite de cette
phrase se trouvait sur un des feuillets anciennemeot connus,
celui qui est coté 6, et qui a été monté à l'envers, c'est-h-dire
que le relieur en a pris le verso pour en faire un recto, et réci-
proquement. Ce feuillet commence par les mots faciem cœlestis
cihi candor aspersit, qui sont le complément naturel de la phrase
restée inachevée au bas du feuillet nouvellement découvert:
c'est ainsi qu'autrefois, quand le vieil Israël se dirigeait vers la
terre promise, la blancheur d'une nourriture céleste couvrit la
face aride et hideuse du désert. C'est ainsi que du rocher jaillit
une eau vivifiante. Mais à quoi bon vanter les miracles de Moïse
et ceux d'Elysée.^ Votre pontife, s'écrie saint Avit, en montrant
aux Genevois l'évèque Maxime, votre pontife vient d'accomplir
d'aussi grandes merveilles. En effet, y a-t-il plus de mérite à
convertir des créatures par la prière qu'à introduire le Créateur
dans un édifice d'oii son ennemi vient d'être chassé.^ A la vé-
rité, les Ariens qui noiss entourent vont désormais se substituer
aux Gentils. S'il liy a plus de païens pour adorer plusieurs dieux,
nous verrons la désolation de l'hérétique qui ne veut pas qu'on
prie un Dieu un. Lui qui divise la Trinité aime la multiplicité
des dieux et fait cause commune avec ceux qui se créent une
foule de divinités. Mais pourquoi se plaindrait-il? Personne n'est
écarté. Que ceux qui sont encore engagés dans la voie de la
perdition prennent leur part aux biens des fidèles qui marchent
dans la voie du snlut. Nous condamnons les édifices des cultes
profanes, mais nous livrons des temples aux fauteurs de ces
cultes qui se convertiront. Que ceux donc qui aimaient la di-
vinité divisée, viennent l'adorer ici dans son unité ! Que ceux
qui vénéraient des pierres, reconnaissent maintenant le Christ
pour le fondement de leurs croyances! L'autel des sacrilèges est
tombé ; un autel s'élève pour les sacrifices. Le nom est le mê-
me, mais l'objet est bien différent. Le serpent d'airain a guéri
les morsures du serpent de feu. Nos adversaires ont cédé. Ils
ont dû, malgré eux, souffrir un bonheur qu'ils ne méritaient pas
272
d'offrir. On dirait qu'ils jouent le rôle des corbeaux du pro-
phète Hélie. L'orateur termine son discours par une péroraison
dans laquelle il résume les motifs que toute l'assistance a de
s'abandonner à des transports d'allégresse *.
La date de l'homélie qui vient d'être analysée, et dont le
texte est reproduit plus bas ^ peut être aproximativement fixée
à l'année 516, c'est-à-dire à l'époque de la consécration du
monastère d'Agaune, mentionnée dans les premiers mois du
discours. L'évêque Maxime qui, dans cette circonstance, reçut
les félicitations de saint Avit, figure dans plusieurs documents
authentiques, depuis 516 jusqu'en 533 % dates qui sont bien
en rapport avec la durée de l'épiscopat de saint Avit (de 490
à 525).
Ce fut, selon toute apparence, sous le pontificat du même
évêque, que fut célébrée à Genève une autre dédicace, à la-
quelle saint Avit prit également pari. Il y prononça une
homélie, dont quelques passages ont été publiés, mais dont
l'ensemble n'a pas encore été mis au jour. C'est une lacune
qu'on peut essayer de combler à l'aide des feuillets recueillis
par de Thou. Au haut du feuillet 4, on lit ce titre, qui a été
incomplètement donné par Sirmond, mais que les principaux
historiens de Genève * ont connu d'après une note de Gode-
* La fin du feuillet 6 est remplie par le commencement d'une homélie in-
tulée : DICTA IN BASILIGA SANGTI PETRI QUAM SANGTUS EPISGOPUS
TARANTASIA CONDEDIT.
°- Appendice, n'' I.
^ Voy. les textes rapportés dans le Hégeste genevois, p. 18 à 22.
■* On lit dans Y Histoire de Genève par Spon (éd. de 1730, t, I, p. 24,
note h) : « L'armée de Clovis courut tout le royaume de Bourgogne, où elle
fit des ravages épouvantables. Genève fut envelopée dans cette commune
disgrâce. Les François saccagèrent cette ville et y brûlèrent une église. C'est
ce qui paroit par le titre d'une homélie d'Avitus, archevêque de Vienne, que
ce prélat prononça en la dédicace de cette même église quand elle fut réparée.
Ce titre étoit conçu en ces termes : Dicta, etc. Godefroi, dans ses mémoires,
cite ce titre de cette manière, qu'il a tiré, comme il dit, d'un manuscrit en
273
!Voi ' : DICTA IN DEDICÂTIONE BASHJCE GENOVA
QUAM HOSTIS INCENDERAT.
A celte homélie npparticnt incontesiablenient une page du
i'eiiillet 4, peut-être aussi la seconde page du même feuillet, et
selon tonte vraisemblance, les denx pages du feuillet 12. J'ai
ilonc cru devoir ajouter à la fin de cetie notice " la transcription
(le ce qui peut êîre lu sur les feuillets 4 et 12. C'est an feuillet
12 que le P. Sirmond a emprunté les lignes qui forment les
n. III et IV de ses fragments des homélies de saint Avit, et les
historiens de Genève avaient déjà soupçonné que le quairième
fragment se rapportait à la dédicace de leur église; mais ils
n'ont élevé aucune prétention sur le troisième. Ce dernier ne
peut cependant pas être séparé du quatrième : il suftit, pour
s'en convaincre, de voir comment les deux morceaux se font
suite dans le manuscrit original.
On a encore voulu attribuer à l'église de Genève la seconde
partie du premier fragment de Sirmond ; mais celte attribution
est fort incertaine, puisque le feuillet 14, d'où le savant jésuite
a tiré les deux parties de son premier fr?gaient, ne porte au-
cune trace de titre et qu'il n'y a guère moyen d'y voir la
suite d'une des homélies dont les sujets sont incontestablement
connus.
Encore bien que j'élève des doutes sur l'attribution faite à
écorce d'arbre, qui étoit dans la bibliothèque du président de Thou et que
ce magistrat lui avoit communiqué. » Conf. les auteurs cités dans le Réjeste
f/enevois, p. 19.
' Voici le texte même de la note de Godefroi, qui est conservée aux Ar-
chives de Genève et dont je dois la communication à M. Bordier : « Je trouve
en mesme temps que Genève fut brûlée par une incursion des François sur
les Bourguignons, ce que j'apprends d'une homélie d'Avitus, archevêque de
Vienne, qu'il prononça en la dédicace d'une église de Genève, et que j'ai
descripte d'un manuscrit en escorce d'arbre de la bibliothèque de feu M. le
président de Thou, mon cousin : Dicta in (ledkationr hnsilkœ Geneva guam.
hostis incenclerat. »
' Appendice, n" 11.
274
l'église de Genève de la seconde partie du premier fragment
de Sirmond, on me permettra d'appeler l'attention des archéo-
logues sur ce texte, qui n'a point encore été publié dans son
intégrité *, et qui, malgré les mutilations qu'il a subies, n'est
peut-être pas a dédaigner pour l'histoire de l'archiieclure au
sixième siècle. On y voit que les basiliques voûtées étaient alors
un sujet d'admiration.
Du passage relatif aux voûtes, le P. Sirmond n'a donné que
dix-neuf mots, pris un peu au hasard et ne formant point un
sens complet. C'est un exemple qui, joint aux précédents,
montre que nos fragments de papyrus ont encore été fort im»
parfaitement explorés ^ Heureusement, nous ne tarderons sans
doute pas a jouir de l'édition qu'en a préparée le docteur Nolté,
et dans laquelle pourra trouver place le morceau dont le ha-
sard vient de nous révéler l'existence.
* Voy. plus bas, Appendice, n" III.
^ Ces fragments n'ont pas été mis à profit par les auteurs des trois mono-
graphies dont saint Avit a été l'objet dans ces dernières années et dont voici
les titres : Suint Avite, évéqiie de Vienne, sa vie et ses écrits, dissertation pré-
sentée à la Faculté de philosophie et lettres de l'Université catholique de Louvain,
par M. l'abbé P. Parizel (Louvain, 1859, in-S" de 328 pages); — De sancli
Avili Viennœ episcopi operibus commentariuni ; thesim facultati litierarum
Parisiensi proponebat Victor Cucheval (Paris, 1863, in-8*^ de 112 pages); —
Notice sur saint Avite. évêque de Vienne, lue à l' Académie des sciences, belles-
lettres et arts de Lyon dans la séance du 12 mai 1863, par iM. A. de Lagre-
vol (Lyon, 1863, in-8° de 31 pages). — Le fac-similé et la lecture des feuil-
lets 3 et 9 des fragments ont été publiés en 1840 dans le fascicule in-folio
intitulé : Chartes et manuscrits sur papyrus de la bibliothèque royale, collection
de fac-similé accompagnés de notices historiques et paléographiques, et publiés
pour l'école royale des chartes, par M. Champollion-Figeac; planches XIII et
XVI.
275
I
Fol. 15, recto, ligne 17.
f DICTA IN DEDICATIONE BASILICAE QUAM
MAXIMUS EPISCOPUS IN JANAVIN[SÏS]
l'^UPiBIS OPPIDO CONDEDIT ")
DISTRUC[TO]P INIBI FANO. Dicta omilia
cum de iiistitutioiie|'°Acaunensium revertentis Na-
masce dedecatio caelebrata est,
Fol. 15, verso, ligne 1.
[af) geiitebus nobis viarum cursu gratulationis pro-
cursum, fit continu] "^atione sollemni quodam modo una
fistivitas, et dum ambolatur de virtujHebus in virtutis,
quod fatigat deffecultas itenerum, consolatur alacritas
|*gaudiorum; princepis studio sacerdotis, anni sucriscunt,
animae Deo,|^orationebus loca, premia construentebus
templa mart} rébus. Heretico raris|^ceute, profectus religio-
nis adicetur ; dispendiis perfidiae fidis ricta ditatur.|Taene
est ut in praesentebus jam subradiit quod promittetur in
futuris : | ®insertum tritico lolium dograatis arriani proventu
adseduae separatiol'nis ariscit; servantur manipoli vincolis
a) Sans rien affirmer, je crois distinguer ici les restes des lettres IN AG..
AD SENESTRUM.
b) Les lettres italiques placées entre crochets sont restituées par conjec-
ture. Les lettres ordinaires placées entre crochets m'ont été fournies par la
copie de Bignon, qui a étudié les quatorze premiers feuillets du manuscrit
à une époque où ils étaient un peu moins mutilés que de nos jours.
276
nllegati, quos poena in perenni|"'saeculo, in praesenti con-
burat in^^idia. Addit hanc etiam aedis hujus commu|**tatione
felici de sacrilegio sanctitas, de vetustate novitas, de eon-
fusionej'^nobilitas. Fructificat locus martyrum quo fluruit
cultus idolorum; seraen|'^te mortefera, reditus vitalis ex-
crevi t. Magnum erat si périssent venena :|**quanto majus est
successisse medicamina. Regnavit actinus velut|*^in campo
maledictionis incultae spinarum dinsa concritio, de qua ecce
I ' ''terrinis pariter satisfaciens supernis , dilictabelis tam
odore quam| '^speciae florum décor efflagrat, nec refert acti-
nus horrentem rubum|"tactu aspero vicina puncxisse, de
quo tandem rosae blandeter mollis|*"'centis sero pudore qui-
tus inrubuit. Sic quondam, dum priscus Hisrahilip°ta terram
repromissionis expeterit, aredam squalentemque herimi
Fol. 6, verso, 1. 1 .
faciem caelestis cibi candor aspersit. Sic lupis eatinus
cuictis vitat[a et (?)]pinexperta largum sicientebus pu-
tum, mullitum duricia naturalis regore,|^profudit. Quid**)
mihi laudet antiquus Moysen suum aquas ab aevo aspe-
|*ras ligno castigante dulcasse? Quid Aelyseum \irte
non inparem agrestis^cibi amaritudine plénum libetera
medici farris infusione condisse? Haecl'^quidemgesta exem-
pli aclmirabilis fuisse quis nesciat? Sed non menus hodiae
jVestro datum est sacerdoti quem par diversitas felices
éventas parin p[arJib[us]^)|*adprobabit, cum menoris paene
virtutis sit creaturas orando converterefquam hoste de-
pulso creatorem hedebus invitasse. Inplet hic porro genti-
lùimp vices vicinantium arrianornm tabedus") libor, et si
a) Ici commence le deuxième fragment de Sirmond.
b) Parem paribus, Sirmond.
c) Titrhidiis. Sirmond.
277
paganus hic forte jam deest|*'qui pliires Deos") vcllit ex-
coli, gemet hereticus qui uniim conspecit exorari. Dili|"git
quippe Trinitatis diviso^) nummerositatem Deoruni, et con-
sanguene[o se]|"parationis affectu, pariter soliditate per-
rupta, miiltos Deos fieri [a consenta] | ' *iieis adquiescit, sub
quorum fabore quasi excusabileter ipse tris n[unie]|"ri[t].
Quid ingemiscat Christi vacuus nominatur locum uominebus
interclu[sum]"^patuisse virtutebus? Nullus a salutis con-
sortio prohebetur. Sit eis pare[ter]j "commune cum salvis
quod actinus nostrum noluemus esse cum perd[itis].|"* Pro-
fanis cultibus claustra damnamus ; conversuris cultorebus
templ[a pate]|'''facimus. Expetat ergo hic solidum quis-
quis amaverat ante divisum. Recogp"nuscat [nun]c Chris-
tum petram quisquis hic dudura saxa veneratus est.
Fol. 6, recto, 1. 1.
[Sajcrilegiis ara périt, venit ara sacrificiis. Nomen unum,
causa diversa est^Medetur serpens hereus quo raomordit
ignitus''). Cessit constrictioiii locum. |'[Re cogijtur in-
gratus, et indicta sibi necessitate beneficii quod olïerre
non meruit|*[sed sufjferre quoactus est. Potes corvos Hel-
sae uostri depulsus frenato guttore^ um portitotis cebo
quem concupierant aliéna magis pavisse jejunia.p[Lïet]
imur ergo exultatione concordi, effectu conditur, concursor
adsensu, po|'[pulus] lucro, tellus obs '^), fedelis ut per-
maneat, ne remaneat infedelis,|** utilior conversione
dum caedit, quam intentione si vincerit agens|'"'[ver]itatis
a) Le manuscrit porte ds avec un signe d'abréviation, ce qui devrait peut-
être se lire Deits plutôt que Deos.
b) Pour divisor, leçon que Sirmond a adoptée.
c) Fin du deuxième fragment de Sirmond.
d) Peut-être faut-il suppléer obsequio.
Tome XV, V' part. 19
278
capud salutis vinctum beatitudiiiis subjogatum quaestuosa
|*"[clel]ubri sui amissione inultatus, tum se antiqua sede
gaudeat potuisse de|"[pel]li, cum intellexerit meliorebus
Disi pulsum non posse restetui. Finit.
II
Fol. 4, ligne 1.
t DICTA IN DEDIGATIONE BASILICAE GE-
NOVA«) QUAM H0SÏ[ÏS]
MNC[ENDERAT].
''')Noviraus et miramiir ex evangelica lictione divitem^)
*Zaclieum quo repentina salus domui suae fieri nihil
^beatitudinis titulis opinanti in sanctam Christian
*revocationis adscitum cum videre cupiens
'corporis exiguus sed arboris edito sublima
Horum tuentibus humilis celsus imitan
^habeo melius redimptorem posse cognusci qu
'"levassit ascensus huic scilecit dicetur quod in
" ut ex divite mundi spiritu pauper adcurrat et p
a) Les cinq premiers mots de ce titre ont été publiés par Sirmond, t. il,
col. 141.
b) Je reproduis ce fragment ligne pour ligne, en faisant observer que dans
le manuscrit de saint Avit les lignes, quand elles sont complètes, renferment
une soixantaine de lettres. On peut, d'après cette donnée, calculer ce qui
manque au bout de chaque ligne.
c) Sirmond a reproduit cette première ligne.
îû
279
'^pauperuni sensu ditatus oxcipiat. Non ergo sp
"pontefex vester nec pro similitudine dispicia
' *emitatur in dispinsatione substantiam quin
"i,'avisurus exemple non detïiteatur sequi cuni
"siquidem nesciens adsutnptus est iste non amb
"elictus est iste quia nieruit ille provanda
'"am obtulit hic integram voluntatem magn
*^tio maximum nostra ibi tune quadroplum p
bat hic hodiae centeplecatum reddetur quod
'singol facta percurram hiudari breviter
Fol. 4, verso *.
' hic cuhninebus diversa virtutis mole surgentebus
^ [vejterum, institutio novitatum. Sileantur loca
° errori, adjecta veritati, viduata idulis, disponsata
* diem pertinet presenti gaudio materia
* satistien per semet ipse se satians noo
' men hic mihi quantum reor t....i
' tior instemando inmani opère par
[imjperfectionem sollicitudo antestitis
■' [di]ri per unum i*es caelo tam digna non
[dijstribuco et transmissor refulgit et
10
a) 11 n'est pas certain que le fi'aginent consigné sur le foi. i verso fasse
suite au fragment qu'on lit au fol. 4 recto. 11 est permis de supposer que le
relieur a renversé le feuillet 4, comme il l'a fait pour le feuillet 6 ; dans cette
hypothèse, le fol. 4 verso contiendrait la tin dune homélie. On serait tenté
de s'arrêter à celte hypothèse, en considérant que la dernière ligne n'a pas
été achevée; mais c'est une particularité qui se présente dans le manuscrit
de saint Avit au bas de pages remplies par un texte dont la continuation se
trouve à la page suivante; voyez, par e.vemple, le fol. 9.
i>80
[praejsul iiiclete, religionis columen, capud
[sa]crificia instruis et sacerdotia nutris
oblationum premia criscunt mérita
faecundum mercedis tuae germen
s pridem cum coiisiusu fidiliiim populo
efistis antestetem poscereris nutabat
[sojlatii que jacturam conscientiam
inpediret
Fol. 12, ligne 1.
c cum quod verba non expl[icant] —
i^cofn] generali'^) exultatione gaudendum
est quod . . j^florentibus scyptris catholicae potestatis oratio-
num loca, martyrum teml^pla, liminum sacra, oruatur oppida
non menus aedibus quam patronis.piramo potius inlustratae
patrociniis fiunt urbis ex oppidiis. Quod si et [^spéciales fisti
gaudium praecunio currente tangamus. Est quidem'') fapbrica
praesens jocunda loco , iminens'') fluvio et confragosum
vicino torl^rentis tumultu'') velut inpendentis reverentiae
terrore castigat. Cohibetur|%'enerabilebus ripis amnis arta-
tus, et pendolam interjecti pontis semi[tam]|'"ad altrinsecus
expetenda sacrarum culmenum loca substernit. Aedis s[uf]
|'*ficiens diffusioni facta est angusta conventui, quaequae sic
jocundetate li[a]|*^bitacoli tam terrestria quam superna
sollicetans cum populo suo \ix|*'sufficiat, suffecit de fabrica
multifurmi. Opeficium^) ingenio nitens expoli[t]pnoctem,
n) Avec le mot generali commence le troisième fragment de Sirmond,
b) Eijiiidem. Sirmond.
c) Imminens. Sirmond. — Iminens est probablement pour eminens.
d) Vieilli torrentis tumiilttim. Sirmond.
e) Siifficit (le fabrica. Multiformi opificvtn. Sirmond.
281
adpolit lucera. Quicl diu'') tristibus tenehris arteficio protur-
batis lae|'Hior intra quondam'') claretatis ergastolum felici
custudia clausus e[st]|"dies. Sic quondam carcer retificis
Peti'i pretiosum legamenum radio inlu[s] | ' 'trante resplen-
duit, cum ferro suppliciis coaptatif ) metallis pretiosiorebus
|**plus lucerit, |seiTae fugereiit patente adetu, catene cade-
rent perstrepen[te]|*Henîietu''). Sic cum vas elictionis lictione
fidiliura sensus iiistruer[et]l
Fol. 12, verso, 1. 1.
P sunt quorum hic patrocinia conlocam[u]
|'[sat]ur accepit clavis, adponat hic potestatem lega
.... commis|*sam soluturus exerceat. Hic Paulus arrianam
heresem torpidam frigore|'pericolosam venenovelut viperam
mtjrdecus dependentem ignebus praepdicationes amburat
adque quantorum libet reliquias. Constructor eximiae | \gemi-
nis princepebus cunctos sanctorum nummerus coiitenetur.
Gaude^] igetur,|^invicte mercatur, dispensatione commissa.
Profer de thesauro tuo nova|''et vetera, institutor rudium,
labentium restitutor. Situna in multipHcip [conjsecratione
sollemnitas. Erexisti lacrimarum machinis quod hostis alli-
P*[serat]. Rediitquae perierat furma templorum ; recurratet
sanctitas. Non tu traditam|*^[tib]i minam damnante sudario
terrinis scrovibus suffodisti, nec hoc tantuni|"[co]ntentus
reddere quod dudum fuerat consignatum, illa referens, oife-
rens ista,|'*[u]t frugem primitiarum melius porregas, prius
a) Qui diu. Sirmond.
b) Quoddam. Sirmond.
c) Fernim suppliciis coaptatum. Sirm.
d) Fin du troisième fragment de Sirmond.
e) Le mot Gaude commence le quatrième fragment de Sirmond.
282
studiiisti solvere quod clebebas.|*^Quocirca, dilictissimi, orate
quod superestut si quid sacrum furatur adversitasl'^[Deo]
ulciscente sic redeat; in miiltiplecis fructiis granum tritici
quod mortuuni'')j''[pu]tabatnr excriscat; velnt Job nostri
opes inter prilia temptacionis amissasj'^[v]ictnriae merifum
patientia duplecante restituât, et ut breviter cuucta|'^[co]n-
cludam, agnuscat praesentibus preteretisque successibus
tam perpetransp"[quam] tolerans quam in aeternis sabibris
lacrimae nostrae erunt tribuere quas videmus|*'[fide]lebus
etiam in temporaneis non perii-e''). [Finit.]
m
Fol. 14, recto.
' magnitudinem locis quam superi
'gas sollicitatum arte fulgorem sursura
'nescierat expetisse. Sic alterne temporum
*gua mundo etiam certa domicilio jocund
''patiens non expectatur aurora, sed sapitur
"supernorum dispendio mittetur dies ut non m
^tit quam hic origenalia plenus inlustrit no
^reproductum de se lumen tenebris fiamma c •
'aedeficantis inventio arte caelesti nec me
'"contra naturam loca refulsisse quam tempo
.. [ut in cunctis]|"fabra lignorum lapis saxis unitus admi-
fl) Matunun. Sirmond.
b) Le quatrième fragment de Sirmond s'arrête ici.
283
nicolum [ptibile non] .... |"Vos porro conicete
quantum debeat ad pastus
|"etiara ex his quae desunt causam venire praecu[n]
[absistente aedif] p *materiae materiam crevisse dicendi.
Soliditas") [quae faciendis fabricis in]|'^pnncipiis quaeretur
liic et culmen obtenuit. Fir[missimo aliarum aedium"] | ' "fun-
damene cacumina nostra tutiora sunt, sinu[atis e regione
fornacibus] I ' Muni se per totum scripturae arquatilis nisus
ob[jectu mutuo propellit]|**ac sustenit, absque abitantum
terrore, pend[olae libramine] |*^jacens conpage pon-
deris proprii, quo inagis pr[emitur, plus] j*" Taceo
hic urbanam dispositionem part
Fol. 14, verso.
' ribus margaritis faciès venustissime
' [b]us facta solacio viantem diligenssimo
' [r nihil praecor invidias saeculo meo
* [q]uens aetas quod veteriscere non potest tu
' [tu]s ad comniendandum perennitati aedis Imjus
" [ob]tutebus totum suffecit tam casibus niliil lice
' [q]uoque tempora quod geratio successura mire
* conatibus rudia operum sed e diverso vincemus
[mi]nus est nos laborante mundo aliquanta conce
' " [ma]xema peperisse. Sic'') quondam Petrus
apostolorum ca|"[pud, idest pnncepumpnnc]eps quamlibet
a) Le bout de la phrase qui commence à Soliditas et finit à tutiora sunt
forme la seconde partie du fragment de Sirmond.
b) Commencement de la première partie du premier fragment de Sir-
mond.
284
commotum ventis pelagus forraidaretp^[adreptum tamenflu-
vidi t]enens'') callein victur explecuit adque uudis ponti
luren|*Ttis velut hostiliuni turbinum] mollibus eluctatis
flatum timptationis adversae|'^[priusquam sede continger]it
fede coiitrivit; secuta est illic serenitas iter per|*'[actum.
Hic quoque non min] us ad liabitationem quam ad imageiiem
Pétri aedem lide|'"[fundatum securitas quaje non praeces-
serat insequetur. Innovet autem idem nunc|"[apostolus
dignam sui nomi]nis sedem! Hisdem clavibus pandat hic
iocmn quibus| ' '[aperit regiium ! Solvat nun]c quae sibi osten-
sae fuerent conpedes criminum''j, cum| ' ' [prius erga j
stolarium reliquias vincolorum quorum ferro tacp" [loci
congesta"! sunt regalis auri talenta viluerunt cum inposita
['-' crarentur] instrumenta supplicii, cum exclusum ab
hominibusi"'" rébus manc [ipat].
a) Fluvidi tenens. Sirniond. — Flitvi d'il tenens. Bignon.
b) Fin de la première partie du premier fragment de Sirmond.
BULLETIN
DE LA
^ ^
SOCIETE D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE
MAI 1865
PersonsteS de la Société.
Depuis notre dernier Bulletin (voyez p. 145), la Société a perdu deux
I de ses fondateurs : MM. Jean Picot et George Mallet. Chacun d'eux a
été l'objet d'une notice lue dans nos séances, et ces notices ont été im-
primées. Nous en extrairons ci-après quelques détails en les complétant
lau point de vue bibliographique.
La Société a eu connaissance du décès de deux de ses membres cor-
respondants : MM. le comte Costa de Beauregard et Charles Mo^-
NARD, professeur.
Elle a reçu au nombre de ses membres ordinaires :
18B4. MM. Grivel, Adolphe.
)i Naville, Albert, licencié es lettres.
'• Paris, Moïse.
» Odier, Charles.
« Brocher-Duvillard, Etienne.
" Reverdlx, Ferdinand.
1865. )' RiGAUD, Charles,
» BizoT, docteur-chirurgien.
» BoissiER, .\génor.
286
186S. MM. MoTTU, Charles.
)i OuiBLIER, Louis.
» TuRRETTiM, François.
Elle a élu membre honoraire M. Louis Sordet, aucien archiviste à
Genève, et membres correspondants :
1864. MM. Herminjard, Aimé.
1865. « Delisle, Léopold, membre de l'institut, à Paris.
" PossELT , Maurice, docteur en philosophie, à Saint-
Pétersbourg.
" Wartmann, h. docteur en philosophie, président de la
Société d'histoire de Saint-Gall.
JEAIV PICOT, professeur.
Jean Picot, né le 6 avril 1777, était fils de Pierre Picot, pasteur et
professeur de théologie à Genève. Il fit ses études dans le collège et dans
l'académie de cette ville, et fut reçu avocat en 1798. Bieniôt après, notre
ancienne république étant incorporée à la France, il devint l'un des admi-
nistrateurs de l'Hôpital et adjoint du maire. En 1802, il fut nommé pro-
fesseur d'histoire générale et de statistique, et donna dès lors en cettte
qualité, puis plus tard comme professeur honoraire, quelques cours sur
diverses branches des sciences historiques. Dès 1805 et jusqu'à la Res-
tauration, il remplit les fonctions de conseiller de préfecture. Lorsque
Genève eut recouvré son indépendance, M. Picot servit encore son pays :
il fit partie du Conseil représentatif de 1814 à 1 837 ; il fut juge au tribu-
nal civil et à celui de l'audience, membre de la Chambre des tutelles, de
la direction de la Bibliothèque publique, de l'administration du Musée
académique, du Consistoire et du Comité de la Société pour l'instruction
religieuse de la jeunesse. Il montra dans ces différentes fonctions un zèle
intelligent pour tout ce qui pouvait contribuer au bien public.
M. Picot consacrait ses loisirs aux lettres, à l'histoire, à la statistique,
à la numismatique. L'habitude de prendre des notes sur toutes sortes de
sujets, une excellente mémoire, une santé qui ne fut jamais atteinte par
aucun genre d'excès, une sage distribution de son temps, lui avaient
287
permis d'acqiK^iir une vaste érudition, rlont il no faisait aucnn étalasse et
paraissait à peine se douter. Sa modestie et sa simplicité en doublaient le
prix.
Il conserva toutes ses facultés jusqu'à la fin de sa longue et studieuse
carrière. Il est mort paisiblement le matin du 8 décembre dernier, au
moment où il venait de prononcer une bénédiction sur ses enl'ants et pe-
tits-enfants réunis autour de lui. Il était dans sa quatre-vingt-huitième
année.
On doit à M. Picot:
Quelques considérai ions sur la cause de Vélaslicité des fluides et des
solides. Genève, 1795; br. in-i». — Thèses soutenues publiquement par
l'auteur, encore étudiant.
Histoire des Gaulois, depuis leur origine jusqu'à leur mélange avec les
Francs et jusqu'au commencement de la monarchie française. Genève,
1804-, 3 vol. in-8«. — Le Journal des Débats rendit, en avril 1804,
un compte rendu favorable de cet ouvrage.
Tablettes chroîiologiques de l'histoire universelle, sacrée et profane,
ecclésiastique et civile, depuis la création du monde jusqu'à l'année 1808,
ouvrage rédigé d'après celui de l'abbé Lenglet du Fresnoy. Genève, 1808,
3 vol. in-8<'. — M. Picot s'est livré à un travail considérable pour cor-
riger et compléter celui de Lenglet, et il a réussi à faire un ouvrage utile
et très-commode à consulter.
Histoire de ''encve, depuis les temps anciens jusqu'à nos jours, accom-
pagnée de détails sur les antiquités de la ville et de son territoire, sur les
mœurs, les usages, le gouvernement, les lois, les monnaies, les progrés
des sciences et des arts. Genève, 1811 ; 3 vol. in-8 . — Il était piquant
de voir un conseiller de préfecture du département du Léman retracer
l'histoire de l'ancienne république de Genève. L'auteur sut se tirer avec
honneur de cette entreprise, sans sacrifier des sentiments qui lui étaient
chers et sans susciter de réclamations de la part du gouvernement fran-
çais M. Picot s'est appliqué à extraire l'œuvre manuscrite de Gautier ;
puis, dès le moment où ce guide précieux lui a manqué, il s'est servi des
registres ou d'extraits de registres du Conseil. On peut regretter quil
n'ait pas eu plus souvent recours aux sources originales ; mais il ne faut
pas oublier qu'à celte époque elles n'étaient nullement appréciées et étu-
diées comme elles le sont aujourd'hui, et son Histoire de Genève est restée
un travail méritoire et intéressant.
Essai de statistique du canton de Genève. Zurich, 1817 ; 1 vol. in-12.
28S
— Ce joli petit volume, accompagné de carte, vues, etc., tut publié par
les libraires Orell, Fussli et G° sous le titre de : Etrennes pour le canton
de Genève, et suscita, de la part du clergé catholique, beaucoup de désa-
gréments k son auteur, bien connu cependant par sa grande modération.
Statutifjiie de la Suisse, ou état de ce pays et des 22 cantons dont il se
compose, sous le rapjiort de leur situation, de leur étendue, de leur cli-
mat, de leur population, de la nature de leur sol, de leurs montagnes, de
leurs lacs et rivières, de leurs eaux minérales, de leurs produits, de leur
histoire, de leurs antiquités, des mœurs et du langage de leurs habitants,
de leurs constitutions politiques, de leurs impôts, de leurs revenus, de
leur industrie et de leur commerce, de leurs monnaies, poids et mesures,
du culte et de l'instruction, de leurs établissements publics et particu-
liers, de leurs hommes célèbres, des ouvrages qui les concernent, etc .
Genève, 1819 ; 1 vol. in-lâ". -- 2*^ édition, 1830, in-lâ".
Histoire de la gravure à Genève. — Cet ouvrage, demeuré manuscrit,
est souvent mentionné dans le Recueil de renseignements sur les beaux-
aits à Genève de M. Rigaud. (Voyez notamment Mémoires, tomes IV,
l-epart., p. 65; V, id.,p. S2, 71; VI, id., p. 4i, 91, 93.)
Enfin M. Picot, suivant l'exemple de son père, a consigné dans
un journal embrassant une période de 70 années, tous les faits intéres-
sants qui se sont passés sous ses yeux. Peut-être la famille de MM. Picot
consentira-t-elle à déposer dans quelque dépôt accessible au public un
extrait de ces précieuses annales, qui comprennent un siècle. Notre véné-
rable collègue a lui-même fait cet extrait, pour la période de la domi-
nation française, et en avait lu plusieurs fragments dans la séance du
29 mars 1860. Le travail de M. Picot comprenant un cahier in-l", a été,
conformément à ses instructions, déposé par sa famille dans la bibliothèque
de la Société d'histoire.
Né à Genève en juin 1787, Jean-George Mallet suivit dans cette ville
le collège et l'académie. De 1810 à 1814, il fut adjoint du maire de Ge-
nève, M. Maurice, et devint, en 1816, un des Auditeurs nommés par la
république restaurée. Mais sa carrière publique se borna à ces modestes
2S9
emplois, et il' ne tarda [)as à se consacrer complètement aux lettres et aux
œuvres philanlhropi(iues.
Sa première publication date du régime français, et il ne posa la plume
i|ue peu de semaines avant sa mort. Une de ses constantes préoccupations
lïitdefaireapprécier et aimer son pays, de peindre les mœurs de ses habi-
tants. Aussi l'histoire nationale attira de bonne heure son attention. Dans
Genève et les Genevois, publié en 1814, on trouve un aperçu de l'histoire
de Genève, principalement extrait de l'ouvrage publié par M. le professeur
Picot, son beau-frère. Dans ses récits de voyages, les souvenirs histori-
ques s'unissent à la description des pays qu'il parcourt. Plus tard, la
forme à laquelle il donna la préférence fut celle des scènes historiques,
qui lui permettaient de dérouler sous les yeux du lecteur les événements
accomplis durant quelques époques décisives de notre histoire, et surtout
de peindre la vie intime de la nation, les mœurs, les idées dominantes.
Un procédé analogue fut appliqué à divers épisodes de la Révolution
française.
Membre de notre Société, dès son origine, George Mallet , tout
en sympathisant avec les travaux de ses collègues sur l'histoire poli-
tique de Genève, s'attacha surtout à relever les droits de l'histoire anec-
dotique et l'intérêt des travaux biographiques. Il recommandait à ce double
point de vue l'investigation des mémoires de famille et des correspon-
dances intimes. Quelques pages insérées dans les Mémoires de la Société,
renferment le programme d'une histoire de Genève conçue au point de
vue des développements religieux, moraux et intellectuels. Il a souvent
en outre communiqué à la Société des morceaux qui n'ont point été li-
vrés à l'impression, en particulier des fragments empruntés à ses souve-
nirs personnels.
Le patriotisme élevé de M. Mallet, l'aménité de son caractère, sa cor-
diale bonhomie, l'avaient entouré chez tous ses concitoyens d'une grande
considération, et lui ont permis, dans diverses circonstances, d'exercer
une influence salutaire. Il concourut, même dans un âge avancé, à fonder
ou à diriger plusieurs institutions philanthropiques ou religieuses. Mais,
depuis quelques années, la maladie le retenait de plus en plus au sein de
sa famille et de ses amis, et il s'est éteint le H février 186S.
Les ouvrages et opuscules publiés par George Mallet sont :
Lettres sur la route de Genève à Milan par le Simplon, écrites en
1H09 et en 1810. Genève, 1 vol. in-12 ; 2« édit. 1816.
Genève et les Genevois. Genève, 18 U. ln-12.
2-30
Voyage en Italie dans l'année 1815. Genève, 1817 ; in-S».
Le tour du lac de Genève. Genève, 182i ; in-8°.
La lecture. Bibliothèque universelle. Mai 1X33.
Les bains de Saint-Gervais. Bibliothèque univ. Septembre 1833.
Le bateau à vapeur du lac de Genève. Bibliothèque univ. Mai 1834.
Bonivard à Ghillon, scènes de l'histoire de Genève en 1535 et 1536.
Genève 1833; in-12.
Le chfiteau de Brandis. Genève, 1837 ; 2 vol. in-12.
Madelaine Odermatl ou le canton d'Uri. Genève, 1838 ; in-12.
Compte rendu du premier volume des Mémoires et documents publiés
par la Société d'histoire de Genève. Bibl. univ. 1842. — Compte rendu
du second volume, ibid. 1844.
Aperçu sur l'histoire de Genève. Mém. de la Soc. d'hist. de Genève,
II. 1843.
Le château de Habsburg. Album de la Suisse romande. 2^ année, p. 103.
Notice sur le duc Henri de Bohan. Ibidem. 3*^ année, p. 145 et 164.
Le capitaine David. Toulouse, 1S43; in-18.
La nuit du 12 décembre 1602 à Genève. Genève, 1846; in-12.
L'historien, le faiseur de mémoires et le couleur. Bibl. univ. Avril
1847.
Une séance de la Convention Bibl, univ. Mai 1847.
L'Abendberg. Bibl. univ. .Juin 1847.
Un nuage. Revue suisse, 1850.
M^n^ Elisabeth Fry et M™« de Krûdner. Revue suisse, 1851.
L'aumône et la charité. Étrennes religieuses. 1833.
Le Conteur genevois; nouvelles, souvenirs, épisodes. Paris. 1831 ;
1 vol. in-12. (Cet ouvrage se compose d'articles historiques et littéraires
insérés dans la Bibliothèque universelle, l'Album de la Suisse romande et
la Revue suisse, de 1833 à 1830. Ces articles n'ont pas été indiqués dans
la présente liste.)
La restauration de Genève en 1814. Genève, 1854 ; in-12.
Souvenirs des séjours de M'"'^ de Staèl à Genève. Bibl. univ. Décembre
1860.
La tille du syndic. Souvenirs de l'ancienne Genève. Genève, 1862 ; in-12.
Un dimanche à Genève. Décembre 1864 ; in-12.
291
iVIciuoiret^, itappuias, etc.
Présentés à la Société.
Séance du 29 septembre 1864. — Les martyrs de Galabre, par
M. Alexandre Lombard . (Imprimé dans Choses nouvelles et choses vieilles.
Lausanne, 1865.)
Documents divers sur Genève, tirés des Archives de Lucerne, par M.
Gh. Le Fort. (Voyez ci-dessus p. 249.)
Extrait des registres duGonseil privé de la reine Elisabeth relativement
à un secours demandé par Genève, en 1389, communiqué par M. Al.
Lombard.
Séance du 27 octobre 1804. — Poésies inédites de d'Aubigné, com-
muniquées par M. Gharles PiEAD.
Glassification des partis politiques à Genève dans le XVI" siècle, par
M. A. ROGET.
Note sur la généalogie de la famille Rousseau, par M. Th. Heyer.
{Journal de Genève du 5 décembre 1864.)
Fragments du Régeste genevois, relatifs à l'évêque Aimon de Grand-
son et h l'enquête dirigée contre lui en 1227.
Séance du 24 novembre 1864. — Constitution politique de Genève
avant la Réforme, par iM. Archinard.
De la qualification de héros décernée par l'histoire ou par la tradition,
par M. le D"" Du Pin.
Séance du 8 décembre 1864. — Notices biographiques sur Jean Lui-
lin et Girardin de la Rive, par M. Am. Roget.
Problème relatif à la famille de Faucigny, par M. P. Lullin. {Indica-
teur d'hist. et d'antiq. suisses, n° 4 de 1864, et Revue suvoisienne du
1d février 1865.)
Récit de l'arrestation de Maret, duc de Rassano, à AUaman, en 1815,
par le lieutenant Etienne Rordier; communiqué par M. Thioly.
Rapport de M. Gosse sur les nouvelles acquisitions du Musée muni-
cipal d'antiquités.
Séance du 12 janvier 1805. — Gom.pte rendu du Président, M. Gh.
Eynard, sur les travaux de la Société pendant l'année 1864, renfermant
une notice sur M. le professeur Jean Picot. (Cette notice a été imprimée
par l'auteur; brocli. in-8°.)
^29-2
Notices biographiques sur Jean et Claude Baud, Guillaume Hugues et
Jean-Louis Ramel, par M. Am. Roget.
Note de M. Albert Pictet sur des antiquités trouvées à Perly-Certoux
en 18S6.
Observations sur l'hiver de 1 684 à Lausanne, par le professeur Ré-
becque; communiquées par M. Gaberel.
Séance du 26 janvier 1865. — Supplément au recueil des chartes
inédites relatives au diocèse de Genève et antérieures à 1312, par MM. P.
LuLLiN et Ch. Le Fort. (Voir seconde partie, Préface.)
Débris de l'industrie humaine trouvés dans la caverne de Bossey, par
M. F. Thioly (Voyez ci-dessus page 232).
Notes de M. Archinard sur une comédie qui fut jouée à Genève avec
le consentement de Calvin.
Extraits des registres du Conseil sur les représentations scéniques à
Genève, depuis le milieu du XVl*^ siècle jusqu'à l'arrivée de Voltaire, par
M. Th. Heyer.
Plan d'attaque contre Genève en 1782, dessin communiqué et donné à
la Société par M. de Candolle.
Importance des archives judiciaires de Chambéry pour l'histoire de la
Réformation, par M. Gaberel.
Séance du 23 février 1865. -- Notice sur George Mallet, par M. Ch.
Lk Fort. (Imprimée dans le Journal de Genève du 5 mars 1865.)
Épisode de l'histoire de Genève en 1534, par M. Merle d'Aubigné.
Récit d'une promenade de la musique militaire de Genève à Nyon, en
1814, par M. Suès-Matthieu ; communiqué par M. Roget.
Séance du 9 mars 1865. — Notices biographiques sur Claude Richar-
det et Ami de Chapeaurouge, par M. Am. Roget.
François Le Fort avant son départ pour la Hollande, en 1674, par
MM. PossELT et Ch. Le Fort.
Note sur des amulettes que portaient les habitants de Babylone et de
Ninive, par F. Thioly.
Séance du 30 murs 1865. — Notice sur un feuillet de papyrus ré-
cemment découvert à la Bibliothèque impériale de Paris, et relatif à la
basilique que Maxime, évêque de Genève, substitua, vers l'an 516, à un
temple païen, par M. Léopold Delisle, de l'Institut de France. (Voyez
p. 265.
Antiquités romaines trouvées aux Tranchées et au haut de la rue des
Belles-Filles, par M. Gosse.
293
Sémi'-e du 27 avril 1865. ■— Rapports entiT les traditions poétiques
du moyen âfi:e et l'histoire des Burgondes au V« siècle, par M. Edouard
Secrétan.
Médailles et jetons des numismates, préface d'un ouvrage actuellement
sous presse, par M. A. Durand.
Communication de M. Cli. Eynard relative à quelques faits signalés
dans sa notice sur Jean Picot.
iVotes sur l'anciexfi temple de Cliancy et sur les
inliiinftatiosBS lians le» églises «le eanipagne.
L'ancien temple de Chancy, où la célébration du culte a cessé en 1842,
a été démoli, du moins en grande partie, trois ans plus tard. Antérieur à
l'époque de la Réforme, cet édifice se trouvait placé, au commencement
du seizième siècle, comme nous l'apprennent les procès-verbaux de la
visite épiscopale des églises du diocèse de Genève, faite de 1S16 à 151^,
sous le vocable de saint Genis (Sanctus Ginisius). Le curé de Chancy
était à la présentation du prieuré de Saint- Victor ' .
L'église paroissiale renfermait alors trois chapelles, dont l'une, possédée
par la famille des seigneurs de la Grave, qui résidaient à Avusy, était,
en i 517, de fondation récente ; elle avait pour patrons nobles François et
Louis de la Grave, et se trouvait placée sous l'invocation de saint Sym-
phorien et de saint Juste, lia seconde, dédiée à saint Michel, avait pour
patrons Pierre Fabri et les héritiers d'Anserme Berthet. La troisième se
trouvait sous le vocable de sainte Marie Vierge , et ses patrons se nom-
maient Claude Cochon et Louis Excoflier^
' 27 Novembre 1517. VisilavitR. D. (Reverendus Dominus) Vjsitans par-
rocliialem Ecclesiam Chanciaci, siib vocabulo Sancli Ginisii, ad praesenta-
tionem Pi'ioratûs Sancti Victoris pi'Ope Gebennas. Cujus Cuialus est venerabili»
Dominus Ludovicus de Lonnaco et sunt ejus vicarii Domini Petrus Recodi et
Jacobus de Juria. Habentem focos cum liilioia sua de Avusier quater viginti
vel circà, et valet in porlatis sex viginti llorenis. i^Visilet. éjjisc. du diocèse
de. Genève., kjI. n" 4.)
' Visitavit cappellam noviter erectam sub vocabulo Sanctorum Sinipboriaui
ft Jusli. cujus patroni sunt iXobiles Franciscus et Ludovicus de Grava, sub
?'. AT, i'' pari. 20
294
L'une de ces dernières chapelles paraît avoir afipartenu plus tard à
une famille Vigniez, et l'autre fut démolie à une date qui nous est in-
connue. On peut supposer qu'elle n'existait plus en 1580, année où la
chapelle des de la Grave et celle des Vigniez sont mentionnées dans les
registres du Conseil, sans qu'il y soit fait aucune allusion à la troisième.
On lit, en effet, dans ces registres, à la date du 31 octobre 1580;
4 Sur ce que fut proposé de rebastir la chapelle des Vigniez au temple
'( de Chanci, a estéarresté, d'autant qu'elle ne sert de rien à l'endroit où
« elle est, qu'on l'abatte du tout. » - - Et à celle du 1 4 novembre : « Le
« Chastelain a remonstré que si on suit l'arrest qui a esté fait d'abattre la
« dite chapelle, il y aura incommodité en ce que le temple sera estressy,
« au lieu qu'il le faudroit agrandir pour la multitude des personnes. Item
« la dite chapelle est voûtée et est conjointe à celle de la Grave qui s'en
t pourroit ressentir et tomber après. A esté arresté qu'on la fasse re-
« couvrir. »
Conformément à cette dernière résolution, les deux chapelles furent
conservées, et elles ont subsisté jusqu'en 1845. L'une d'elles, probable-
ment celle des de la Grave, séparée par une cloison du reste de l'édifice,
a servi de salle d'école jusqu'en 1837 ; elle était éclairée par deux grandes
fenêtres ogivales, et on y remarquait une voûte assez élégante, dont les
nervures se rattachaient à un gros pilier central. Une portion de cette
chapelle, transformée en maison communale, existe encore aujourd'hui. La
seconde chapelle, beaucoup plus petite, avait une voûte cintrée ; elle était
évidemment plus ancienne que la nef du temple, qui, reconstruite ou res-
taurée depuis la Réforme, ne présentait aucun caractère architectural inté-
ressant.
Selon une tradition répandue à Chancy, des inhumations avaient été
faites plus d'une fois dans l'intérieur de l'église. Lors de la démolition
de celle-ci, il a été effectivement découvert un certain nombre d'ossements
onere trium missarum ebdomadalium, et est Rector Dominus Nycodus Chal-
lonis eidem deserviens, benè munitam el consecratam Item cappellam
sub vocabulo Sancti Michaëlis, cujus patroni sunt Petrus Fabri et heredes
Ansermi Bertheli sub onere quatuor missarum ebdomadalium, et est Reclor
Dominus Jacobus Bertheti deserviri faciens per Dominos Petrum Recodi
et Jacobum de Juria vicarios.... Item cappellam sub vocabulo beatae Mariae
Virginis, cujus patroni sunt Glaudius Cochonis pro una parte et Ludovicus
Excofferii pro alia parte sub onere duarum missarum ebdomadalium, et esl
Rector Dominus Petrus Fabri de Chivrier in Vuachio {Id.)
295
humains. On peut même fixer la date de quelques-unes de ces sépultures;
car, en compulsant quelques vieux livres de comptes de paroisse, j'ai eu
l'occasion de retrouver les noms de six personnes inhumées dans le
temple. Trois de ces inhumations eurent lieu dans les années 17.i8,
1749 et 1750, sous le pastoral de M. Paul Gallatin; les trois autres
dans les années 1764 et 1765, sous celui de M. Jacob P>ancillon. Elles
sont mentionnées comme suit dans les comptes de paroisse, à l'occasion
de dons faits pour les pauvres par les parents ou les héritiers des person-
nes décédées :
1748. Reçu de M. Fatio, trésorier de l'Hôpital, « pour avoir enterré
c( feu M. Théophile Mussard dans l'église de Chancy . . fl. 52. 6. n
1 749. « De M. De Bon, dont on a enterré la mère au temple de Chancy,
« deux écus neufs fl. 26. »
1750. « Des héritiers de feu M. Alexandre Dufour, qui a été enterré
« dans le temple de Chancy fl. 39. 4. 6. »
1764. <i Reçu des héritiers de feu Madame Won derStrassen, et spé-
« cifié que c'est pour avoir été inhumée dans le temple de Chancy. L, 12,
soit 42 florins, i
Même année. •« Reçu de Messieurs de Bons au sujet de la sépulture de
'1 Mademoiselle leur sœur dans le temple de Chancy, deux écus neufs.
(fl. 25. 1.6). »
1765. î Reçu de Messieurs de Bons au sujet de la sépulture de Mon-
« sieur de Bons de Farges, leur frère, dans le temple de Chancy, 25 florins
« et 6 sols, en deux écus neufs. »
Ces sépultures dans l'intérieur d'un temple semblent, lors même que
la chose se passait à la campagne, un fait assez étrange à une époque
aussi peu éloignée de nous ; mais cet usage ne devait pas tarder à dispa-
raître. Les registres du Conseil nous apprennent que, le 14 août 1764, à
l'occasion de l'inhumation de M"^° de la Maisonneuve dans le temple de
Genthod, inhumation que l'on reconnut avoir présenté des inconvénients
au point de vue de la salubrité publique, le gouvernement arrêta « d'ordon-
" ner par forme de règlement, qu'à l'avenir on ne devra enterrer aucun
« corps dans les églises de campagne. » On se conforma assez mal à cette
sage mesure, puisque ce fut précisément l'année suivante qu'eut lieu dans
le temple de Chancy l'inhumation de M. de Bons, que nous venons de
signaler en dernier lieu; aussi, au bout de dix ans, le Conseil dut-il re-
nouveler ses prescriptions à cet égard. Voici dans quelle circonstance il
•29G
jugea convenable de le t'aiie : Il existait jadis près du lemple de S;;iiit-
Gervais, un cimetière qui fut fermé en 1 703, mais dont on continua néan-
moins à se servir de temps à autre, dans le cours du dix-huitième siècle,
pour y enterrer des personnes de distinction. Un comte Livonien, mort à
Genève, y fut encore inhumé en 1773; mais, dès l'année suivante, on
l'efusa à la famille Pictet, qui prétendait posséder de temps immémorial
le privilège d'ensevelir dans ce cimetière ceux de ses membres qu'elle
venait à perdre, la permission de faire valoir ses droits, et le Conseil ren-
dit à ce sujet l'ordonnance suivante, le 20 septembre 1774 : « Arrêté
« de demeurer à la résolution prise et exécutée de ne plus permettre
« d'enterrer qui que ce soit dans la ville, ni dans les églises de campagne. »
C'est donc à l'année 1774 qu'il faudrait rapporter l'interdiction défini-
tive des sépultures dans le cimetière de Saint-Gervais, ainsi que dans les
temples de nos villages.
Th. Claparède.
Bibliotlièf|ue.
La bibliothèque de la Société s'est enrichie, dans le courant de l'été
dernier, d'une partie notable de celle de son ancien Président, feu Ed.
Mallet, notamment d'ouvrages relatifs à l'histoire de la Suisse, de la Sa-
voie et des provinces limitrophes de la France. Il était à désirer que ces
ouvrages, qui ont servi aux travaux imprimés ou manuscrits d'Ed. Mallet
fussent mis à la disposition de ceux qui s'efforcent de suivre ses traces.
Ce vœu a pu être accompli grâces à l'extrême bienveillance de la famille
de M. Mallet, qui a consenti c\ cette cession moyennant un prix défaveur,
et au concours de quelques-uns de nos collègues qui se sont chargés de
l'indemnité convenue.
Les héritiers de M. l'ancien conseiller d'Etat De Roches-Lombard nous
ont remis une collection de brochures genevoises et un grand nombre
d'ouvrages traitant de diverses branches des sciences historiques.
Ces acquisitions, jointes à l'accroissement habituel de la bibliothèque,
ont engagé à transporter celle-ci dans une salle située au rez-de-chaussée
du Casino, plus vaste que celle qu'elle occupait auparavant. Le change-
ment de local, ainsi que divers arrangements pris à cette occasion en vue
de rendre nos collections plus accessibles, ont encouragé plusieurs des
297
nioinbi'cs de la Sncii^té à se dessaisir en sa tavoiir de riiielquos-nnes de
leurs richesses : des ouvrages ou brochures historiques et archéologiques,
et plus spécialement relatifs à la Suisse, des documents ou mémoires
concernant notre ancienne république ont été ainsi accueillis avec empres-
sement sur nos rayons, et ces généreuses dispositions trouveront sans
doute encore l'occasion de se manifester.
Les donateurs de manuscrits sont : MM. Prevost-Cayla , Rilliet-de
Candolle, et l'ancien pasteur Gaberel ; les dons de livres proviennent de
MM. Rilliet-de Candolle, Le Fort-Mestrezat, Moïse Paris, F. Seguin,
Thioly, Gustave Revilliod, G. Streckeisen-Moultou, Th. Claparède et Ch.
Le Fort. Dans l'espérance que des inventaires de ces diverses collections
pourront être prochainement dressés, nous nous contenterons d'indi-
quer ici les ouvrages reçus à titre d'échange ou envoyés par d'autres
personnes que par les membres effectifs de la Société.
Ouvrages reçus par la Société.
Publications des Sociétés historiques et recueils périodiques.
Archiv fiir Schvveizerische Geschichte. Band XIV. Zurich, 1864. 1 vol.
in-Ro.
Schweizerisches Urkundenregister, herausgegeben von der allgemeinen
geschichtsforschenden Gesellschaft. Zweites Heft. 1865. ln-8°.
Râtia. Mittheilungen der geschichtsforschenden Gesellschaft von Grau-
bûnden. II. Jahr. Chur, 1864.
Jahrbuch des historischen Vereins des Kantons Glarus. Erstes Ileft.
Zurich und Glarus, 1865. 8°.
Thurgauische Beitrâge ziir vaterlândischen Geschichte, herausgegeben
vom historischen Verein des Kantons Thurgau. Erstes Heft. Frauenfeld,
1861. 1 vol. in-b'*.
Mittheilungen zur vaterlândischen Geschichte. Herausgegeben vom his-
torischen Verein von S. Gallen. Viertes Heft. 1865, Br. in-8''.
Die Grafen von Toggenburg. Neujahrsblatt fiir die S. Gallische Jugend.
S. Gallen, 1865. 4°.
298
Bulleliri de l'Institut national genevois. N»» 22, 23 et 24.
Annuaire- Bulletin de la Société pour l'histoire de France. 1864 et
1865. Fin du t. II et t. 111, V feuille.
L'Institut. Section des sciences historiques. 1864, juillet à décembre ;
1865, janvier à avril ,
Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Fin du t. VIII.
Amiens, 1864.
Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne.
18« vol. 2®, 36 et 4'= trimestres.
Bulletin de la Société archéologique de l'Orléanais. iN° 46.
Mémoires de la Société d'émulation du département du Douhs. 1"^ sé-
rie, 3 vol. gr. in-80. 1841-1849: 2'"e série, 8 vol gr. in-S». 1850-57:
3'°« série, t. I à . 1856 à 1864.
Annuaire de l'Institut des provinces, des sociétés savantes et des con-
grès scientifiques. 2^ série. 6« vol. Paris, 1864. 1 vol. in-8''.
Congrès archéologique de France. 30™« session. Paris, 1864. 1 vol.
in-80.
Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques
d'Alsace.
Revue savoisenne. N^^ du 16 septembre 1864 au 15 mai 1865.
Mémoires de l'Académie impériale de Savoie. T. Vil. Chambéry, 1865.
1 vol. in-S"
Revue de la numismatique belge. 4ra« série. T. II, liv. 2, 3, 4. T. III,
liv. 1.
Collection des mémoires de l'histoire de Belgique. Anonymes. T. IV.
Mémoires sur les troubles des Pays-Bas (1565-80), avec préface et anno-
tations, par Al. Ilenne. T. IV. Bruxelles, 1864. 8°. — Histoire des
troubles de Valenciennes (■1562-79), par P.-J. Le Boucq ; publiée avec
notice et annotations par A.-P.-L. de Robaulp de Soumoy. Bruxelles,
5 864. 1 vol. in-80.
Publications de la Société d'histoire d'Utrecht : Kronijk. 1863, 19-37.
Mémoires de Rogers Williams. — Annales Egraundani. — .\braham de
WiCQUEFORT. Histoire de- Provinces-Unies des Pays-Bas. T. II.
.\rchiv fur Kunde ôsterreichi-icher Geschichtsquellen, Wien, 1864.
Anzeiger fiir Kunde der deutschen Vorzeit. Organ des germanischen
Muséums. Juillet 1864 à mars 1865.
MoNE, F,-J. Zeitschrift fiir die Geschichte des Oberrheins. Karlsruhe,
1850-64. Vn!. à xvi et xvn. 1. 2. 3. (manque l v. 1.)
^299
— Queilensammliing der badischen Landesgeschichte. Kaii^rulie,
1848-63. 3 vol. in-4o.
Zeitschrift des Ferdinandeums fiir Tyrol iind Voraiiberg. Dritte
Folge, zweites Ileft.
Ferdinandeura. Dreisigster Bericht.
Transactions ot' the histor. Society of Lancashire and Cheshir, N. S.
Vol. m.
Compte rendu de la Commission impériale d'archéologie pour l'année
1863. Saint-Pétersbourg, 1864. 1 vol. in-l" et alas in-folio.
B
Ouvrages et hrochures.
Mémoires de Dumont de Bostaquet, publiés par MM. Ch. Read et F.
Waddington. 1 vol. in-8°. (Don de M. Read.)
V. Ceresole. La république de Venise et les Suisses. Venise, 1864.
Br. in-8°. (Don de M. G. de Wyss.)
L. DE Gh.\rrière. Recherches sur les dynastes de Cossonay. Lausanne,
1865; in-4^ (Don de l'auteur.)
R. Chalon. Curiosités numismatiques.
Adolphe Pictet. Etudes sur les noms d'hommes gaulois empruntés aux
animaux. Ext. de la Revue archéol. Paris 1863, br. in-S". (Don de l'au-
teur.)
SECONDE PARTIE
SUPPLÉMENT
AU
RECUEIL DE CHARTES INÉDITES
CONCERNANT
vmm DIOCÈSE de geneve
ET
A.2VrÉREEXJFtES A I.ATVIViÎK 13f»
PRÉFACE
En publiant dans le précédent volume de ces Mémoires
quatre cents cliarles inédiles relatives à l'histoire de la ville
et du diocèse de Genève, antérieures à l'année 1312, nous
avons fait observer que ce recueil était loin d'être complet et
qu'un grand nombre d'autres pièces analogues méiiteraient sans
doute d'être mises au jour. Nous avions annoncé en même
temps, que la Société d'histoire de Genève serait heureuse de
recevoir la communication de documents de ce genre, afin de les
mettre a la portée du public.
Cet appel a été entendu , et nous devons à l'obligeance de
quelques amis de riiisloire la possibilité de livrer aujourd'hui à
l'impression plus de trente chartes inédites, dont aucune, il est
vrai, ne procure des données nouvelles sur la ville ou la com-
mune de Genève, mais qui reiiiplissent certaines lacunes pour
d'autres parties du diocèse « t dont plusieurs présentent, par leur
date ou leur contenu, une réelle imporiance. Un court exposé
des sources où nous avons puisé permettra d'apprécier la valeur
de quelques-unes de ces pièces.
Dans une notice sur l'évêque Guy de Faucigny et sur sa pa-
renté, M. de Gingins avait signalé comme se trouvant dans les
archives cantonales de Lausanne , un acte de donation remon-
tant au milieu du onzième siècle et oii figurait Louis de Fau-
IV
cigny , père de notre évêque. D'après celle indicalion , nous
avons pris copie de cet acte, qui méi ile à divers points de vue
d'atiirer rattention des investigateurs (N** î).
M. Adrien Bonnefoy, notaire à Sallanclies, nous a transrais
avec sa complaisance accoutumée, plusieurs pièces importantes
relatives au Faacigny , entre autres des actes de donation à
l'abbaye d'Aulps (N® 5) émanés de quelques membres de l'an-
cionne famille seigneuriale de ce pays, deux pièces concernant
l'abbaye de Sixt (N°* 6 et 7) et plusieurs actes constatant des
relations entre la dauphine Béatrix et le prieur de Cliamonix.
Ces derniers servent à compléter, pour l'époque dont nous nous
occupons, la série considérable de documents sur la même vallée
dont noire aimable el studieux correspondant avait déjà enrichi
les précédenls volumes de ces Mémoires.
D'autres communications précieuses pour l'histoire du Fau-
cigny sont dues a l'un des représentants actuels de la famdle de
ce nom. Amateur zélé des antiquités de son pays, se livrant
avec intelligence à l'investigation personnelle des monuments et
des chartes, M. Charles de Faucigny-Lucinge, prince deCystria^
a recueilli depuis plusieurs années sur les dynasles et les insii-
tuiions du Faucigny des matériaux considérables qu'il se pro-
pose de mettre lui-mêm.e en œuvre ; néanmoins il a consenti
avec un gracieux empressement, à détacher en notre faveur de
sa riche collection , les pièces inédiles antérieures à l'année
1312. Elles font connaître la situation respective des diverses
branches de la maison de Faucigny, éclairent la condition ter-
ritoriale et juridique de la contrée, et l'une d'elles (N° 30) inté-
resse directement l'église de Genève dans la personne de son
prévôt, François de Lucinge.
Une autre portion du diocèse de Genève, à laquelle se rap-
portent plusieurs des pièces de la présente livraison , est le
décanat d'Âubonne comprenant le territoire de l'ancien comté
Equestre. M. le professeur Hisely , qui avait si largement con-
tribué à la composition de notre précédent recueil, a eu l'obli-
geance de transcrire pour nous diverses chartes des archives de
Lausanne, relatives à 1 abbaye de Bonmont et aux sir.s d'Au-
bonne el de Mont. Un des plus anciens documents de cette ca-
tégorie offre un intérêt lout spécial (N° 4), car on y trouve
réunis les noms de trois ecclésiasliques éminents du douzième
siècle : Pierre le V(hiérable, abbé de Cluny, Bernard, abbé de
Clairvaux, et Anlucius, évêque de Genève.
D'autre part, les membres du Comilé de la Société d'histoire
de la Suisse romande, en préparant linipiession d'un Mémoire
inédit de ft.u M. de Gingins sur le comlé Equestre, ont trouvé
parmi les pièces justificatives dont le manuscrit était accom-
pagné, deux actes en langue française qui dépassaient l'époque
à laquelle l'historien s'était arrêté ; ils nous ont autorisés à les
comprendre dans le présent recueil (N°=* 15 et 22). Nous avons
été sensibles à cette marque de confiance : elle nous permet de
rattacher à notre publication le nom d'un savant justement re-
gretté et qui avait accueilli avec sympathie nos travaux anté-
rieurs.
Cet avanl-propos ne doit pas dégénérer en catalogue, aussi
nous nous bornerons à signaler encore deux pièces présentant
l'une et l'autre un véritable intérêt historique. — La première
(N" 2) est un acte par lequel un membre de la maison de Ge-
nève, Conon fils du comte Gérold , donne l'église de Saint-
Marcel à l'abbaye d'Ainay; cette donation est rappelée dans une
charte postérieure émanée du comte Aimon et que Guichenon
a publiée; mais ce dernier acte ne saurait être bien compris
que par sa comparaison avec le premier document. Celui-ci a
été, grâce à l'obligeance de M. l'abbé Gremaud, transcrit d'après
la Diplomatique de Bourgogne de Pierre de Rivaz. Mentioimons
en second lieu une bulle du pape Honorius IV en faveur de
l'hospice du grand Saint-Bernard (N° 23). Celte bulle, dont
l'existence nous avait été révélée par un livre assez rare du
siècle dernier, nous a été généreusement communiquée par M.
le chanoine Dallèves, prieur à Marligny; elle énunière toutes
VI
les possessions du couvonl du Saint-Bernard en 1286 : sa
publication intéresse donc l'iiisloire ecclésiastique et locale du
diocèse de Genève, comme celle des diocèses de Sion, de
Lausanne, de Bâle, etc.
Notre intention n'esl point, au reste, d'insister ici sur la va-
leur des documents renfermés dans ce supplément, mais plutôt
d'attirer l'attention de ceux qui les parcourront et qui sont
amateurs du passé , sur les lacunes nombreuses que présente
encore Tliisloire du moyen âge dans nos contrées. Combien de
points restent obscurs pour tout ce qui concerne l'ancienne
topograpbie de Genève, la vie intérieure, les coutumes et les
relations civiles ou juridiques de ses habitants; pour l'organi-
sation et les vicissitudes des établissements religieux qui étaient
les plus rapprochés du centre : S'-Victor, les Frères mineurs,
Pomier, etc.; pour les origines et les alliances des comtes de
Genevois; enfin, pour la généalogie de celles des familles nobles
qui dépendaient d'eux et qui ont , en cette f|ualité , rempli un
rôle important dans notre |)ropre histoire, telles que les Ternier,
les Viry, les Montfort, les Ponlverre. etc. Quelques-unes de ces
lacunes pourront sans doute être comblées par une exploratioQ
plus comjilète de certaines archives de famille où la lumière fait
encore défaut, par l'étude des manuscrits d'anciens auteurs, tels
que ceux attribués à Besson, enfin par la recherche des titres
de quelques abbayes, disséminés, ainsi que nous l'avons con-
staté nous-mêiues, chez les habitants des contrées qui nous
entourent. Espérons que Timporlance histori(|ue de ces vieux
documents sera de mieux en mieux comprise, et que leur pu-
bhcalion trouvera toujours l'appui des amis de la science.
Genève, 8 février 1865.
Paul LULLIN. Ch. LE FORT.
Sans date (vers 1059). — Louis de Faucif/ny est témoin dans un acte portant
une donation de biens situés en deçà et au delà du lac.
Notum sit omnibus christi fidelibus quod Ego Hebermus, per manum
Guillelmi huius rei aduoeati, dono postobitum meum Anselmo fratri meo
omnes seruos et ancillas meas et totum alodium meum quale habeo vel
peruenire débet in biens et in margencel, siue in quocumque loco citra
uel ultra lacum, cum conquestibus omnibus. Ad presens pro legali uesti-
tura reddo tibi unum campum in biens iuxta uiam publicam et unum
seruum nom. hoclo. Me autem mortuo de supra memoratis rébus ha-
beas potestatem tenendi uendendi donandi uel quidquid uolueris faciendi
sane {sic) nuUo contradicente. Excepta una uinea quam ego retineo in
biens que cheit. ad petram baconis. Dono etiam tibi in bussi mansum
unum quem dédit mihi Gilelmus de uenopia pro morte patris mei. S.
Ebermus et Guilelmus testes qui banc cartam de terra leuauerunt et scri-
bere et firmare rogauerunt. S. Engizo. S. Luduicus de fulciniaco. S.
Burcardus. S. Lietfredus. et multi alii qui viderunt et audierunt. Ego
Guilelmus rogatus loco et manu cancellarii scripsi die ueneris.
(Arrli. (le Lausmme, Invent, rert, Roniainmotier, n° 98.)
Sans date (vers 1061, suivant de Rivaz). — Conon, fils du comte Gérold,
donne à l'abbaye d'Ainay l'éfjlisede Saint-Marcel, située en Albanais, dans
le pagus genevois.
Notum sit omnibus catbolicae fidei cultoribus, quod Cono, Geraldi
coraitis filius, pro animae suae sainte et pro patris sui et parentum suo-
rum redemptione , sancto Martino Athanacensi ecclesiam sancti Marcelli
in pago gebennensi vocato albanensi cura diiobus mansis tradidit, unà cura
silvis, pratis, campis, aquis vivis, aquarumque decursibus, omnia usque
in exquisitura, spontaneum, consensu Geraldi coraitis patris sui, iniraô
unum servum nomine Constantinura cura filiis et filiabus, et, si quis, de
alodio coraitis in albanensi, aliquid in feudo habebat, potestatera haberet
ut sancto Marcello, laudatu supradicti comitis, concederet, ac aliquis de
heredibus suis hoc laudet et teneat, nec aliquid de bis infringere présu-
mât. Hujus assertionis perpétua testes sunt, Manerius de bona vuaita,
Yualterius, Hermanus, Lancio cujus hortatu hoc actum est, Arablardus,
Albericus, Cuono, Engelbertus.
(Copiée d'après la Dqilomatique de P. de Rivaz (t. Il, an. 1061),
q%d dit avoir tiré cette charte dea Archives de Lémenc.)
S
Sans date (vers 1130). — Landric de Joux et son fils Amaldric abandonnenf.
au couvent de Romainmotier leurs prétentions sur les terres et les hommes
de Bursins et de Bouyel.
Nouerint omnes fidèles tara présentes quara futuri, quod Landricus de
Jure et filius eius Amaldricus dimiserunl Deo et sancto Petro Roraani-
monasterii omnem calumpniara quara exercebant in possessionibus quas
habemus in Brucino et Balgeello, in terris et horainibus. Et laudaverunt
per raanum Philippi de Grancione et Pétri de Ponte de cetero cuncta in
pace tenenda. De his omnibus in pace tenendis habuit Araaldricus unum
equum et Ludouicus frater eius decera solidos. Actum sub priore Lam-
berto. Hec orania laudauerunt et proraiserunt in raanu prioris Landricus
et Araaldricus et Ludouicus, testibus Philippo de Grancione et Petro de
Ponte.
(Pièce des Arch. canton, de Vaud. communiquée par M. le prof.
J.-J. Hisely.)
Sans date (entre 1135 et 1153). — Pierre le Vénérable, abbé de Cltiny, an-
nonce à Moïse, abbé de Bonmonl, qu'il a cédé à Bernard, abbé de Clairvaux,
l'église et la villa de Cliésercx, (jiii éiaie.nl sous la tjardc et en la possession
des moines de !Saint-Viclor, de Genève, qu'en retour il a reçu d'Arducius,
évêque de Genève, les églises de Veaux et de Hauleville [en Genevois).
Venerabli et dilecto fr(atr)i Moysi abbati de Bono monte eiusque suc-
cessoribus FR(ater) P(etrus) liumilis Cluniac(ensis) abbas, in perpeluum.
Quantum nos diligamus ea que ad carissiraum nostrum Bernardum Cla-
reuallensem abbatem et Clareuall(ensem) pertinent abbatiam, nouit Dorai-
nus. Ea propter, dilecte in Domino IVater, illius precibus cui nicbil ne-
gare volumus inclinati, donamus tam ecclesiam et uillam de Chysirai,
cum omnibus pertinenciis suis, uidelicet quidquid in illa in omnibus et
per omnia habebamus, et quidquid alii ibidem a nobis habebant, que per-
tinebat ad custodiam et possessionem monacborura nostrorum sancti
Vittoris de Gebenna, laudantibus eisd^m monachis sancti Victoris et con-
cedentibus. Dominus quoque Ardutius Gebenncnsis episcopus, ad pacem
inter nostros et vestros reformandam, dédit nobis libère ecclesiam de
Vallibus et ecclesiam de Altavilla. Ne autem hoc superuenturi temporis
vetustate, vel alicuius hominis peruersitate aut mutaretur aut deperiret,
lilteris nostris et sigillo nostro firraauimus tibi et successoribus tuis.
(Sceau de Pierre le Vénérable, buste de face autour duquel ou lit:
f PETRVS CLViN...SlS ABBAS. —Pièce des Arcli. canton, de Vaud,
cunununiquée par M. le prof. J.-J. Hisely.)
5
Actes sans date, constatant des donations faites à l'abbaye d'Aulps pur divers
membres des familles de Faucigny et de Ravorée.
A (vers 1140) — Aymo, Dominus Fucignii, laudantibus fratribus
suis Rodulpho et Guillermo, generose dédit Ecclesie abbatie monasterii
de Alpibus in perpetuum Alpera qui vocatur Evorea, cum omnibus ap-
pendenciis, usuariis suis cujuscuraque adjacentibus, agris, pratis, pas-
cuis, silvis, montibiis et vallibus, aquis, aquarum deciirsibus, et omnium
rerum usibus, et omnem terram que infra terminos infrascriptos dicti
Alpis continetur ibidem, ab arberiura (sic) per Las Sya usque en La Sya
de Nancrues, et per La Sya de Nancrues usque ad terminos de Néon, e*
A terminis de Néon usque ad Bordel, et inde usque ad alpem qui vocatur
Lans, et quidquid inter Lans et Evorea, ita quod in perpetuum ipsa ab-
batia libère haberet et uteretur, sine omnium hominum inareratione vel
cujuslibet debiti exactione servicii.
B (1135 — 1185) — Reymondus de Fucignii et Petroniila ejus uxor,
laudantibus nepotibus suis Ardusio episcopo (iebennensi, Aymone, Ro-
dulpho et Guiilermeto, militibus, dederunt Deo et Béate Marie, acecclesie
Alpensi et fratribus ibidem existentibus per manum Domni Guillermi
ejusdem loci abbatis, duas alpes, videlicet Néon et Embel nuncupatas,
perpetuo possidendas, nihil in eisdem retinendo.
G (vers 1188) — Henricus de Fucignii, laudante uxore sua Comi-
tissa, dédit Deo et Béate Marie ejus genitrici, eorumque servitoribus in
Alpensi ecclesia quibuscumque, procurante Donine Isardo, sexto abbate
Alpensi, alpem que vocatur Freyterola, cuni pascuis, silvis, aquis,
aquarum decursibus, in summitate montis illius qui dicitur Gol, per pla-
neas et precipicium de Gherdoneis et subtus incedit aqua que nominatur
Dranciola, et infra usque in Embel, ex alia a majori ruina usque ad
saxum juxta alpem qui Borceta nuncupatur et alpem qui dicitur Embel.
D (vers 1200) — Amedeus de Ravorea, laudantibus filiis suis Aymone
et Petro, donavit Deo et Béate Marie Alpensi et Vuillelmo ejusdem ec-
clesie abbati et monachis eorumque successoribus in perpetuum, partem
Alpis que Evorea nuncupatur, unacum appendentibus et usitantibus suis
circumquamque adjacentibus , et insuper quidquid juris patrimonii vel
dominii possidebat a domo Raynaudi, alpensis communii, usque ad sum-
mum de Artanens, et ab Artanens usque ad Gol, et a Gol usque ad ter-
minum de Runtines, et a Runtines usque ad aquam que vocatur Nan-
crues, et quidquid continet inter Lans et Evorea.
E (vers 1209) — Aymo Dominus Fucignii dédit domui Alpensi et
fratribus domus Beatissime Marie Virginis ibidem servientibus, alpes de
Freyterola et de Ghardoneyra, cum omnibus appendentibus et usuariis
suis, et pascua communia absque ulla contradictione per terminos infra-
scriptos, videiicet a summitate montis de Cul, et extenditur ad latum us-
que ad rupem Rutfara, et per les tasses de Cherdoneas usque ad Draii-
ciam, et per antiques terminos a Drancia videiicet usque ad Angoleris,
et per la Sya de Bellagarda et Permorant usque ad aquam de Valentina,
et per la Sya des Geyts.
(Les (loiiiiUons ci-dessHs sont tcitucUcnient inséfèes duHs au acte
du 26 juin 1381, dont cojjie est aux archives de Veirhey, près Sa-
moëus. Cet acte, reçu par Jeau Gaillard, notaire, contient une trans-
action entre François Des Balmes, abhé d'Aulps, et les habitants
des villages de Vercliey, Matonnai/, Scoin, Vigny , les Turches et les
Bochards. — Comntuniq. par M. Bonnefoi/. notaire à Sallanches.)
6
Sans date (vers 1170). — Arduciiis, évêque de Genève, termine un différend
entre l'abbaye de Sixt et Pierre, chevalier de Boëfje.
Notum sit omnibus fidelibus ciiristianis, quod Dominus Arducius Ge-
benn. episcopus de quadam querimonia que erat inter domum ecclesie de
Siz et Pétri (sic) militis de Buatio, quara terrara exsolvit et Pentium ab-
batem et domum ejus oranino in pace dimisit deista definitione, predictus
Episcopus testimonium perhibuit et viva voce testatus est ante altare
Beati Pétri apostoli quando ita factura fuit. Hujus rei testes sunt multi
venerabiles clerici qui ibi présentes cunifuerunt, Joannes prier de Siz et
Stephanus canonicus et Vullielmus, Jospertus, Joannes Galo magister,
Witbertus magister et canonicus, Freduardus canonicus, Lambertus ca-
pellanus Episcopi, Josephus sacerdos.
(Pièce communiquée par M. Bonne f oij . notaire à Sallanclies,
d'après une ancienne copie en mains de M. Reij. Jurje de paix à
Bonne oille.)
Sans date (après 1178). — Accord entre iabbaye de Sixl et les hériliers de
Borcard de Villetle.
In nomine Domini. Notum sit omnibus fidelibus tani futuris quara pre-
sentibus, quod Borcardus de Villeta reddidit se Deo et Béate Marie et ec-
clesie de Siz in manibus Domini Pontii abbatis, et ipse recepit eum, et
conversus effectus habitum religionis accepit et super altare seipsuni ob-
tulit in conversum, et omnem terram quam habebat in alodnm dédit Dec
et Béate Marie ecclesie de Siz et servitoribus ejus pro anima sua et pro
animabus antecessorum suorum in perpetuum. Post mortem ipsius Bor-
cardi, Dompnus Vullielmus de Villeta vicedompnus et Dominus Petrus
frater ejus imiserunt in querimoniam abbalem Vullielmum et domum de
Siz pro dicta eleemosina quam in pace... (mot douteux)... XV annos te-
nentes fuimus. Hec querimonia deducta fuit ante presentiam Borcardi ab-
batis et Vullelmi abbatis et Pétri de Terniaco et Aymonis de LuUie et
multorum aliorum. Hi concordiam inter nos et ilios fecerunt tali condi-
cione ut omnis eleemosina et omnis nostra possessio nobis et predicte
ecclesie in pace remaneat in perpetuum, et de bonis ecclesie XL solidos
receperunt hac concessione Vullielmus et Petrus frater ejus et filii Vul-
lielmi bona fide et firma pace. Hujus rei testes sunt Borcardus abbas et
Vullielmus abbas, Joannes prior, Petrus canonicus Abundancie, Torren-
cius canonicus noster, Petrus miles de Terniaco, Pontius Benedictus et
Vullielmus nepos ejus, Aymo de Lullie, Vullielmus Cherbonez, Ugo mi-
nister.
(Piéee commuiiiquée imr M. Boniiefoij , notaire à Sallimches.
d'après une ancienne copie en mains de M. Rey. juge de paix à
Bonneville.)
1202. -— Pierre et Hugues de Gingins, ainsi que leurs enfants, confirment au
couvent de Bonmoul les possessions provenant d'eux et acquises par les
moines, soit par achat, soit à titre de donation.
(A)nno dominici natalis M^CG".!!». Petrus et Hu. de Gingins, Ste-
phanus, Nicholaus, Petrus, Jordanus filii eorum, Hugonis quoque conjux
cum filia confirmaverunt fratribus Bonimontis possessiones quas ab eis
usque ad tempus illiitl acquisierant sive per emplionem sive pcr donatio-
nem. In his nominamus prata et alnetura de..,, et quantum ad illos pcr-
tinebat. et tria iugera in Chiblins super stratam publicam usque in conual-
lem de Balenda et usque in excelsam iurem, in decimationem de Chise-
ray, décimas noualium quas esse suas asserebant. Pecunias autem de
quibus inter eos cause agebantur mutuo remiserunt. Testes sunt Guido
capellanus de Chiseray et Borcardus de Grens, Humbertus miles de
G(ra)ley et Hugo de Dualey, Giroldus de Osins et Petrus filius eius, et
Petrus de Quercu, Petrus Prouincialîs, Guiliermus et Guillermus de
Grens, Vldricus prior, Borcardus, Narduinus, Radulfus, Petrus, Guido,
monachi, Johannes de Glans et Petrus de Osins.
(Pièce (les Arcli. cantonales de Vauil, communiqvêe par M. le prof.
J.-J. Hisely.)
9
Sans date (vers 1210). — Donatvns faites à l'abbaye de Sixt par Turumbevt
de Lucinge, confirmées par ses héritiers, et en dernier lieu par Rodolphe de
Grésy.
Quoniam labilis est hominura memoria et omnia que sub sole fiunt
more fluentis aque pretereunt, que memorie digna esse novimus scripto
commendare dignum duximus. Innotescat igitur fidelium universitati,
quod Turumbertus de Lncingio, Domini Fulciniacensis dapifer, solo divine
pietalis intuitu, Ecclesie de Siz, apud qiiam sepultura patris eius erat, et
servitoribus eius in perpetuum, iampridem de consilio Domini Arducii
Gebennensis Episcopi, et de consensu fratris sui Aimonis, adhuc viventi-
bus, dédit et consensit quidquid apud Turrem possidebat, et eamdem
protenus investivit, que postea possidere non desiit. Deinde longo teni-
pore po?t, apud Fulciniacum egrotans , assistente Domino Nantellino
(Nantelmo) Gebennensi Episcopo, de consensu etiam Wullielmi Fulci-
niacensis, Domini Rodulphi de Greisier, Wullielmi de Sallancliia nepoti>
sui qui dicebatur francigena, neptis suc Kebergie, et fdiorum eiusdem
Anguisonis et Rodulphi, hanc eamdem elemosinam Ecclesie de Siz com-
raemoravit et confirmavit. Ibidem etiam eidem Ecclesie de Siz dédit Bur-
cardum in eadem nutritum et Turumbertum apud Vallonem manentem.
s
8
Demum ad exitum festinans apud Sallanchiam in lecto suprême egritu-
dinis, liis et multis aliis assistentibus et audientibus, prescriptam elemo-
sinam sepe et sepissime, nemine contradicente, commemoravit et confir-
mavit Tandem Rodulphus de Greisier asserens quod non de consensu suo
hanc fecisset elemosinam ad queni jus Turumberti pertinebat propter af-
finitatem fdii (sui) quem de nepte eiusdem Turumberti Kebergia suscepe-
rat, de bonis Ecclesie de Siz quatuor libras recepit, et hanc eamdem ele-
mosinam dédit et concessit bona fide et sana intentione Ecclesie de Siz
eidem. Hoc idem fecit Rodulphus filius eius et ab abbate decem et octo
nummos recepit. Huius extrême donationis testes sunt Amaidricus abbas
de Siz, Johannes sacerdos et canonicus de Siz, Wullielmus capellanus
Rodulphi de Greisier, Alodius sacerdos, Rodulphus miles de Turre,
Wullielmus miles de Castellione, Wullielmus de B.... Alisia uxor eius-
dem Rodulphi et Gauderata pedisequa eiusdem Alisie filie Humberti Ge-
bennensis Comitis.
(Manmcrits de Besson, t. I, (V après les Archives de Sîxt. — Cette
pièce a été insérée par le P. Hilaire Lëi/at dans son histoire manus-
crite des Sires de Fauciyny. Copie communiquée par M. Cli. de Fau-
cignij'Lucinye.^ prince de Cijstria.)
fil
1222, Janvier. — Rodolphe de Lucinge, sénècliai de Faiicujny, donne sa
vifjne de Grêle à la chartreuse du Reposoir.
In nomine sancte Trinitatis sciant omnes qui hanc cartam legerint vel
audierint, quod ego Dominus Rodulphus de Lucingio senescalus de Ful-
cinie, dono et concedo prout melius possum vineam meam de la Cresta
domui Repausatorii et habitatoribus ejus pro remedio anime mee et an-
tecessorum meorum in perpetuum pacifice possidendam. Hec donatio
facta fuit super Altare inferioris Ecclesie ejusdem domus, présente Wul-
lielmo priore cum testibus infra scriptis. Et ut hec donatio perpetuam
firmitatem haberet, volui et precepi ut Dominus Aymo de Fulciniaco huic
carte sigillum suum apponeret et ego meum apposui. Hujus rei testes
sunt Aymo miles de Rumillier, Martinus villicus de Valura, Bertos et
Vullielmus de Ghastellum, Aymo procurator, Michael, Acco, Boso, Vul-
9
lielmus et W. conversi Repausatorii. Actum Ânno ab incarnatione Domini
millesimo ducentesimo vigesimo primo, raense Januario.
(Orij/inal à ht (/raiidc Ckarlnmse. Les sceaux de Fnur/yuy et de
Lucinge pendent à l'acte. — Copie ridimêe cnnnnuniquce par le
prince de Cystria.)
It
1233, Avril. — L'évéquc Aiinon de Grandsou nolifi*'' '" donutwii de toute la
terre de Crête, pai'oisse de Tliiez, faite à la cliurlreuse du lieposoir, par
Rodolphe de Grésy, fils de Rodolphe de Faucvjnij, dit Alamant, du consen-
tement de ses fils, Rodolphe de Lucinge et Guillaume de Chouis.
Aymo, Dei permissione Gebenensis Episcopus, notum tacinms universis
présentes litteras inspecturis, quod vir nobilis Dominus Rodulphiis de
Greysier, filius nobilis viri Domini Rodulphi de Fuciniaco qui dicebatur
Alamant, pro timoré et amore Domini nostri Jesu-Christi, et pro salute
animai suse et parentum suorum, donavit et concessit bona fide prout me-
lius intellegi potest in perpetuam eleemosinara Deo et Domui Repausatorii
ordinis Garthusiensis et fratribus ibidem Deo servienlibus presentibus et
futuris omnibus, de consensu et laude et assensu filiorum suorum Do-
mini Rodulphi qui dicitur de Lucingio et Domini Vullielmi qui dicitur de
Chouis et uxoris suai, et filiorum dicti Rodulphi de Lucingio et uxoris
su», totam vineam et terram sine aliqua diminutione quem habeat in loco
qui dicitur Cresta in parochia de Thiez, qu* vinea et terra sita est juxta
vineam et terram quam ibidem habebat nobilis vir Dominus Rodulplius
de Greysier Dominus de Garaera, pro omni voluntate dictorum IVatrum
semper facienda. Et de ipsa tota vinea et terra se devesliens dictam Do-
mum et fratres de ipsa tota vinea et terra corporaliter investivit, et voluit
et concessit quod ista donatio, concessio, eleemosina et investitura nun-
quam per aliquod testaraentum aut per aliquam contrariam voluntateni
aut occasionem possit ab aliquo immulari, sed semper dicta domus Re-
pausatorii et fratres présentes et futur! dictam totam vineam et terram
habeant, teneant, possideant libère, quiète et pacifiée, et absque omni con-
tradictione. Praeterea promisit dictus Rodulphus dicta; domui et fratribus
super praemissis omnibus semper quietam et pacificam procurare garen-
10
tiam. Et in horiim omnium perpetiuim testimonium et munimen, ad pre-
ces et instantiam siipradicti nobilis viri Rodulplii, et filiorum ejiis Rodul-
phi de Lucingio et Vullielmi de Chouys, Nos, contradictores omnes et
eos qui contra hoc faclum venire présumèrent et qui super hoc unquara
dictam domum Repausatorii et fratres inquietarent, auctoritate Pontificali
excommunicamus, et promittimus dictis fratribus Repausatorii quod, si
quis unquara super praemissis eos molestare aut inquietare praesumpserit,
quod nos eum per censuram ecclesiasticam ad resipiscendam cogeremus,
et in horum testimonium sigillum nostrum apposuinius huiccartae. Datum
Anno Domini millesimo ducentesimo trigesimo tertio, mense Aprili.
(Original à la grande Chartreuse : grand sceau elliptique d'Aimon
de Grandson, arec petit contre-scel de même. — Copie vidimée com-
muniquée par le prince de Cystria.)
19
1235, Mars. — Guerrir., seigneur d'Aubonne, notifie et confirme des donations
faites à Bonmont, par son vassal Gérard, chevalier de Sottens.
Ego Guerricus dominus de Albona notum facio quod Gerardus
miles de Sotens, homo meus, laudantibus uxore sua Johanna et filiis suis
Willermo scilicet et Stephano, guerpivit memet ipso laudante domui Bo-
nimontis omnem querelam uel calumpniam quam movebat de terra de
Alamant, que terra uulgariter appellatur Condemina et sita est interduas
uineas, uidelicet inter uineam Martini de Alamant et uineam Alayz uxoris
Nantelmi de Albona quondam defuncti, et tendit hec terra a prato quod
subtus eam est ad locum qui uulgariter Bonez dicitur, qui locus super
eam terram positus est, quam terram domus Bonimontis iuste et canonice
in elemosinam possidet, et hec terra ad feodum meum uidebatur pertinere.
Etquicquid iuris in eahabebat... in puram elemosinam dédit .. in per-
petuum supra dicte domui... et de ipsa terra sepedictam domum per ma-
num domni Michaelis eiusdem domus abbatis inuestiuit. In cuius rei testi-
monium tam ego quam sepedictus Girardus maius altare domus Boni-
montis tetigimns et osculati sumus. Abbas vero et fratres ipsius domus
concesservnt ipsi Girardo, uxori et filiis eorum.... participationem omnium
bonorum que fuuit in ipsa domo, tam in vigiliis quam in missis, oratio-
H
nibus, elemosinis.... Postea hoc donuni contirmatum est apud Albonam
aiite domum nieam in presentia mea etdomini Jacobi cognati mei. Affue-
runt eliam tune présentes Humbertus abbas de Lacu, G. prier et W. cel-
lerarius eius canonici, R. prier de Estui, W. prier de Aliène, Aymo de
Rritinue, Amaldricus de Trivilynz, sacerdotes, P. de Altavilla et G.
tilius eius, Anselmus de Trivilynz, W. de sancto Protasio, Savaricus,
milites, et plures alii qui ibi conuenerunt ad pacificandam discordiam que
versabatur inter me et dominum Jacobum cognatum meura, que lune fuit
pacificata. Sepe dictus vero Girardus pro hoc dono..., habuit a domo
Bonimontis XLV solidos. Présentera cartam sigilli mei munimine studui
roborari. Actum primum apud Bonummontem ante maius altare in anun-
ciatione béate Marie, présente conuentu. Affuerunt etiam présentes testes
hii uidelicet Willermus de Hyenz capellanus fratris mei domini Jacobi,
Curnotenus canonici et Droconensis archidiaconi, Falco de Tresley, Ri-
chardus de Communie, milites. Postea vero sicut supra taxavimus con-
(irmalum est hoc donum et roboratum coram supra dietis testibus apud
Albonam, Actum anno verbi incarnati M°.CC».XXX<».IIII°. mense Marcio.
(Pièce (les Arrli. aint, à Lausanne, coiumunù/uée par M. le prof.
J.-J. Hisely.)
13
Sans date f 1206- 1236'. — Quittance donnée par Aimon de Faucigny pour un
anneau qu'il avait prêté à Landric, évéque de Sion.
Ego Ay. dorainus Fucigniaci notifico omnibus litteras istas inspecturis
quod dominus L.(andricus) Sedun. episeopus reddidit michi anulum quod
sibi adcomodaueram, pro quo capitulum Sedunense dederat michi litteras
fideiussorias in L'«. marchis argenti, et quod liltere iste non ualent inue-
niri, omnino iubeo quod si forte inueste fuerint, nullius sint ualoris.
(Grand scean rond: cavalier hrandissant son épée^ •]♦ SI(ilLl.,VM
AYMONIS UOMI.... VI.GINIACl. Au rerers, les armes de Faucigny.
— Pièce des Archires de Valère à Sion. —■ Copie communiquée par
M. l'abbé Gremaud.)
Tome M\ â"^** partie. 2
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1^235, janvier. — Ebal, seujneur de Mont, donne a i abbaye de Bonmont la
censé annuelle d'une coupe d'huile.
Ego Ebalus dominus de Monte iiotum facio qiiod ego de laude et
concessu filiorum meoriim iïenrici militis, Rodulpbi clerici et Ebali mi-
litis, cedi et concedi Deo et ecclesie béate l\Iarie Bonimontis et fra-
tribiis ibidem Deo servientibus et servituris vnam cuppam olei ad meii-
suram Albone singulis annis imperpeluum libère et intègre percipien-
dam. Primo siquidem in emendam rerum ... (effacé) ... eiiisdem domus
Boninvintis. Postea uero in helemosinam pro remedio anime mee et pro
animabns filiorum antecessoriimqiie meoriim. Quam cuppam olei débet
persoluere tenementum Amaldrici de Furno de Altacort et filii eiusdem
Amaldricl, Humbertus et Benedictus. Vt autem donum istiid ratum et
inconcussum permaneat in posterum , ego dictus Ebalus doniinus de
Monte dedi predictis fratribus Bonimontis présentes litteras sigilli mei
appositione roboratas, in buius doni perpetuum testimonium et munimen-
tum. Actum anno Domini millesimo ducentesimo quadragesimo quarto,
mense januarii.
(]kau aceiiu éi^uestre il' Ebal ilc Mont. - Pièce dea Arcli. can-
tonales à Lausanne. - Copie coinmunitiuée par M. le prof. J.-J.
Hisely.)
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1256, mai. — Accord entre Simon de Joinville el. Hugues, comte palatin de
Bourgogne.
Je Simon de Joinville Sire de Marnay savoir faisons.... que nos somes
remis en bonne paix et en bon accord de totes querelles lesquelles étaient
entre nos et le noble baron Hugues Comte Palatin de Bourgogne et Alix
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comtesse Palatine sa feinnie; en telle manière qu'il nous ont donne dous-
cent livres Estevenans desiiuelles nos nos tenons por payés, et nos leur
avons quitté le fiel' de Jais et l'Etang de Lamier et totes autres entre-
prises lesquelles étaient entre nous et lours, fors qtie le bois (jui est de
lés le marchais de cul, de quoi li contens a été entre nos et lor.... nos
avons fait mettre à notre requeste lo seel à notre chier oncle Jean Comte
de Bourt;ogne et Seig"" de Salins ensemble notre Sceal e fait au mois de
may per M.CC. et cinquante et six.
(Archives de ht Chambre des comptes de Dôle. h-lUe .1. n" 4.
Pièce reçue ilUe par M. F. de Ginr/iiis-La-Snrraz , et communi'/utr
par le Comité de la Société d'histoire de la Snissi' romande.)
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1258, mars, 31. — Ve.nle au cuuvciU de Filly par Jean de Ruvérée H Girod
son frère, des terres qu'ils pusmlmt dans la puroisse de Sinez.
Nouerint uniuersi présentes litteras inspecturi quod Ego Joliannes
dictas de Rouerea confiteor me récépissé ab abbate et conuentu de Fillie
VIII. XX llbras gebennenses in pecunia numerata pro terris et pratis et
rébus aliis de albergamento de Marriniens quas ego habebam in parrocliia
de Sye et Girodus frater meus, que omnia vendidimus dictis abbati et
conuentui de Fillie. In cuius lei memoria ego présentes litteras dedi iam
dictis abbati et conuentui de Fillie sigillo nobilissime mulieris .\gnetis
Domine de Fucign. sigillatas. Datum apud Rduerea anno Domini m". ce".
Iviij, pridie Kal. aprilis.
(Arch. canton, à Lausanne. — La charte a conserré une partie
du sceau d'Agnès de Faucii/nt/, sur cire Idnnche. — Copie communi<i.
par M. le prof . J.-J. Hisehj.)
u
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1263, février, 23. — (iuillaiiwe de Lucinge, chevnlkr. vend à Pierre de
Savoie et à Agnès, dame de Faucigny, son casai dit du Frêne, situé à
Faucigny.
Ego Vullielnius de Lucingio, miles, notum facio universis prsesentes
iitteras inspecturis, quod ego vendo et titulo purœ et perlectaB venditionis
trado illustribiis Domino Petro de Sabaudia et Dorainse Agneti Dominai
Pucigniaci uxori ejus, pro se, hœredibus et assignatis eorum, casale
meum de Fucigniaco, cum edificiis ibi contentis, quod vocatur de Fra-
xino et est contiguum domui de Festerna ; vendo inquam pro triginta
libris Gebennensibus a praidictis emptoribiis mihi soiutis et intègre nu-
meratis. Promittoqiie quod si super praedicto casali vendito eisdem emp-
toribus vel eorum successoribus, evictionis vel alia qusestio moveatur pro
eis quibuscumque impetentibus me opponam et ad justitiam respondebo,
ipsos indemnes penitus observando, et in vacuam possessionem praedictr
casalis ipsos induco. Renuncians in hac parte exceptioni doli et in factum,
juri dicenti rescindendum esse contractunv vel justum prsetium fore sup-
plendum si venditor ultra dimidiam justi praetii sit deceptus, et juri
dicenti generalem renunciationem non valere, et omni juris beneficio
per quod dicta possit venditio aliquatenus retractari. In cujus rei testi-
monium sigillum meum duxi praesentibus apponendum. Datum apud
Fucigniacum in crastino festi Cathedrae sancti Pétri, Anno millesimo du-
centesimo sexagesimo secundo.
(Arch. roij. de Turin. — Copie vidimée coninmniquée />ar M. Ch.
de Faurigun-Luringe, prince de Cyslrin.)
flS
1270, oclobre, 15. — IJabbé et te couvent d Abondance reconnaissent tenir du
chapitre de Genève la maison qu'ils possèdent dans cette ville.
Nos abbas et conventus Habundancie notum faciraus universis quod nos
domum que vocatur de clasus quam babemus Gebennis, quam inhabitabat
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G. quondam decanus Alingii, a viris veiierabilibus Gebenn. Capittili tene-
mus sub annuo censu XII den. gebenn. Quos XII den. gebenn. dicto Ca-
pitule vel ejus mandalo annualim solvere promiltirnus bona fide. In cuius
rei testimonium sigilla nostra presentibus duximus apponenda. Daluui in
vigilia P.. Galli confessons, A. D. Mo.CC«.LXX<'.
(Arek. lie Genève. Inr. imalytiq. des litres il h Clinp. île 1334.
fat 17 0 r. -- Co})ie pur Ed. Malkt.)
19
i273, août, 5. — Lettre de (jarde et protection accordée par Uéatrix de Fau-
cigny (tu prieuré de Cliamonix, noyennanl une n'devance annuelle de deux
oboles d'or, soit dix sous viennois.
Nos B. Viann. et Albon. Comitissa et Domina Foue. Nolum facinius
universis presentibus litteram inspecturis quod nos scientes recepimus.
pro nobis ac nostris heredibus, in nostra guardia, guidagio et conductu,
Priorem de Campo munito et ipsum prioratiim Gebenn. dioc, cum omnibus
bonis mobilibus et immobilibus, rébus, juribus et hominibus eorumdem
per totam terram nostram, districturn et posse nostrum. Mandantes et
precipientes universis dilectis fidelibus Castellanis nostris, mistralibus et
hallivis et specialiter Ballivo nostro terre Fouc. qui nunc est et aliis qui
ibidem fuerint pro futuris temporibus, quatenus priorem et prioratura cum
omnibus bonis mobilibus et immobilibus, rébus, juribus et hominibus
eorum ubique gardent, salvent, defïendant et manuteneant ab omnibus
tanquam nos specialiter atque nostra. Si quis vero temerarius violatoi'
hujusmodi gardani nostram presumpserit violare, iram et indignationem
nostram se noverit incursurum et illud perinde vindicaremus ac si nobi>-
vel rébus nostris factum esset vel illatum. Promittentes hec omnia pre-
missa nomine nostri et heredum nostrorum atiendcro bona (ide. Pro qua-
quidem guardia débet nobis dare quicumque Prior dicti prioratus fuerit
duos obolos aureos vel decem solidos Viann. singulis annis, in festo Beat!
Michaelis Archangeli, persolvendos. flanc autem gardam nostram valere
intelligimus dum priores dicti prioratus parati fuerint ubi debuerint pro
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se et puis farere et recipere quod justum fuerit Caciendnm et recipiendiim.-
In ciiius rel testimoniuni presenti littere sigillum serreti nnstri duTcimus
apponenduni. Datnm apiid Rellnm visiim, Anno DnminiM^.CCo.LXXo.III®.
non. angiisti.
(Arch. de SalUmches. — f'ojrif rommmiiqtiêe pur M. Bnnnefoy,
notnirp dans la dite rille.)
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i276, mais, S. — Transaiiion enlre Beatrix, dame rie Fuwigujj, et la vmvf
ainsi que les enfants de Guillaume de bieinr/e, jadis sénéchal de Faucigny
et seigneur d'Arentlion,
Notiim sit omnibus et i^ingiilis praesentes litteras inspecturis, quod cum
illustris Domina Beatrix, Viennensis et Albonensis Comitissa et Domina
Fuciniaci, haberet quœsliones contra Dominum Guillelraum de Lucingio,
super eo videlicet: quod idem D. Guillelmus de Lucingio submerxerat et
submerxi fecerat in aqua juxta Arenthonem quandam mulierem in prae-
judicium ipsius Domina*, cum solum merum imperium spectet ad ipsam
tantum in tota terra etbaronia Fuciniaci, juxta quani baroniam estcastrum
et mandamentum seu territorium de Arenthon ; item super eo quod dictus
D. Gulielraus de Lucingio interfecerat Gulieimum La Testa infra terram
dictae baroniae Fucigniaci; et super eoquod dismentiveratbaiiiivum ipsius
Dominse Comitissae in terra Fuciniaci; et super eod quod dictus D. Gu-
iielmus dixit quod dicta Domina Comitissa contra Deum et justiciam ex-
torserat ab hominibus Domini Gulielmi de Greysiaco centum libras Ge-
bennenses, quod erat in injuriam dict;» Domina) Comitissas; item super
eo quod dictus D. Gulielmus tenuerat Bayuliam in dicta baronia Fucigniaci,
et fructus, redditus et obventiones dictés terrse Fucigniaci occasione dictae
Bayuiiae perciperat, de quibus dicebat ralionem sibi debere reddi et reli-
qua sibi pra3stari per dictum D. Gulieimum; qui redditus, exitus et ob-
venliones ascendebant et ascendere poterant usque ad summam quatuor
mille libiarum Gebennensium ; et super eo quod dictus D. Gulielmus
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construxerat seu construi fecerat fortalichim de Lucingio contra prohibi-
tionem factam per nominum Aymoncm de Fuciniaco, et successive per
illustrem virum Dominum Petruni, coniitem Sabaudi.v , patrem dictae
DominiB Cornitissaî, vel per alios noniine ipsorimi ; et super eo quod
diclus D, (Tiilielmus tenebat castrnni de Rovorea, et quasdam alias res et
possessiones et bona, qiias et qiia; dicta Domina (^iOmitissa dicebat ad se
jure dominii pertinere ; item super eo quod dictns D. Gulielmus, tempore
(luo administrabat seu gerebat Bayuliam terrse Fucigniaci , ob ipsius ne-
gligentiam dicta Domina Comitissa perdidit villam de Ceuron et villam de
ijoytrosa, pro quibus dampnificata erat in ducentis marchis argenti et plus.
Et super quflestionibus quas dictus Dominus (iulielmus movebat contra
dictam Dominam Coraitissam, super eo videlicet : ([uod dictus D. Guliel-
mus dicebat se esse spoliatum per dictam Dominam Comitissam de Ses-
calleria Fucigniaci, cujus possessionem sibi restitni petebat; et super «'o
quod dictus D. Gulielmus dicebat se spoliatum per dictam Dominam Co-
mitissam possessione seu quasi, juris quod dicebat se habere in piscaria
vennarum de Aravi ; et super aliis qu;estionibus quas dictus D. (iulieimus
taciebat contra dictam Dominam Comitissam. — Tandem post litem super
pniîdictis inter dictam Dominam Comitissam et dictum Dominum Guliel-
mum, coram Curia, ipsi Domino Gulielmo data per dictam Dominam Co-
mitissam et acceptata per ipsum Dominum Gulielmum, dintius agitatam,
ipso Domino Gulielmo viam universa carnis ingresso, accesserunt ad
ipsam Dominam Comitissam Domina Elyenor iixor quondam Domini Gu-
lielmi de Lucingio, Humbertus et Aymo, filii et hieredes ipsius Domini
Gulielmi, nomine suo et aliorum liberorum et hspredum prœdicti D. Gu-
lielmi, et petierunt ab ipsa Domina Comitissa humiliter et instanter, no-
mine suo et quibus supra, velle concordiam et transactionem fieri super
qufestionibus antedictis. Ad quorum instantiam, preces et requisitionem,
super dictis quœstionibus conventum fuit, transactum et compositum ut
inferius continetur, priPsente Domino Aymone de Lucingio et infrascrip-
tam transactionem, compositionem et concordiam acceptante. — In primis
videlicet quod pnedicta Domina Elyenor et praedicti Humbertus et Aymo,
nomine suo et nominibus quibus supra, volunt et consentiunt, non coacti
nec ad hoc dolo vel metu inducti. sed motu proprio et ex certa scientia,
quod dicta Domina Comitissa habeat castrum deRavorea pleno jure, cuin
omnibus pertinentiis et appenditiis suis, et cum omnibus acquisitis in
dicto loco per ipsum Dominum Gulielmum usque ad hodiernam diem. Et
dictum castrum cum hominibus et omnibus juribus, pertinentiis et ap-
i8
penditiis suis et cuni omnibus acquisitis per ipsuiii D. Gulielmuni usque
ad hodiernam diem, ut dictiim est, quittant, oedunt et concedunt ex
causa transaclionis praedictae Dominai Comitiss* et ejus lia;redibus in
perpetuum, cedentes ex causa pnedicta, pio se et nominibus quibus su-
pra, prœdictae Dominai Comitissae oninia jura, omnesque actiones reaies
et personales, mixtas et rei persecutnrias, qu.T et quas ante hanc cessio-
nem habebant seu habere poterant in pra^dicto Castro et ejus pertinentiis,
appenditiis et acquisitis per dictum D. Gulieimuni. (^onstituentcs dictam
Dominant (lomitissam procuratricem ut in rem suani in praîdiclis de cae-
tero possit agere, experiri, opponere, excipere et replicare, et omnia
facerequse ipsi facere poterant ante hanc compositionem. Et constituerunt
se nomine ipsius Domina^ Comitissie possidere donec de prœdictis cor-
poralem possessionem appréhendent vel quasi, volentes quod ipsam pos-
sessioneni, seu quasi, possit apprehendere et habere auctoritate propria
per se vel per alium quandocuuque sibi placuerit et voluerit. — Item
recognoverunt praedicti, pro se et nominibus ijuibus supra, quod quidquid
dictus Dominus Gulielmus habebat, tenebat et possidebat seu quasi, in
Lucingio et ejus pertinentiis, et in villa de Arenthon et ejus pertinentiis,
et in valle de Certons et ejus pertinentiis, et in totabaronia Fuciniaci, et
generaliler a Drancia inferius usque ad Puipeni et a Versoya usque ad
Flumetum, est de feodo dicta? Doniinie Comitiss<e, et eidem Domina^
tenentur praestare fidelitatem ligiam sicul ejus horaines et vassali. —
Item volunt et concedunt, nomine suo et quibus supra , quod praedicta
Domina Comitissa habeat imperium merum, mixlura, et jurisdictionera in
omnibus et super omnibus qu;e tenent vel tenere debent infra terminos
memoratos, et quae dictus Dominus Gulielmus habebat, percipiebat, et
habere et percipere poterat, vel visus erat posse percipere vel habere in
prsedictis locis, et generaliter in personis praedictorum et eorum homini-
bus ; et dicta Domina Comitissa ejusque haeredes, siveassignati, praedicta
perpeluo possideant pleno jure, sine contradictione aliqua praedictorum
vel eorum ha^redum. — Finierunt insuper praidicti Elyenor, Humbertus
et Aymo, nomine suo et quibus supra, Senescalciam quam genus de Lu-
cingio habet et habere débet, seu asserebat se habere in albergo seu ba-
ronia Fucigniaci, et appellalur Senescalcia Fucigniaci, quam dictus Do-
minus Gulielmus de Lucingio dicebat ad se pleno jure pertinere, et re-
miserunt eidem Dominiie Comitissae, nomine suo et quibus supra, omne
jus omnemque actionemquod et quam priedicti liberi et haîredes habebant,
seu habere poterant, in Senescalcia memorata ; lacientes praedicta' Domin*
19
Comitissye remirsionem omnimodam de Senescalcia pr«dicta el pactum
de ulterius non petendo. Et si leperiretnr quod aliquis liabcrel jus ali-
quod in Senescalcia puRdicta, promiseriint t'acere et curare t|uod illiid
remiltetur praedictai Doniinie Coniitissie, et quod eam delTendciil in jii-
dicio et extra, eidem Doraiii*; ComitissaB vel cui dare volueril, seu eliarn
assit^nare. — Pro quarum omnium prœdictarum rerum concessione, le-
missione et pacto se non petendo, piwdicta Domina Comitissa viceversa
remisit piaîdictis Domina3 Klyonor, Uumberto et Aymoni, nomine suo et
quorum supra, qua'stiones prjedictas quas eidem Domino (înlieimo nid-
verat, et fecit remissionera omnimodam eisdem et pactum de alterin>
aliquid non petendo, proul melius et ulilius inlelligi potest. Hoc acto in-
super et expresse, quod pra^dicti Rlyonor, Humhertus et Aymo, nomine
suo et quo supra, debent solvere predictie Domina Comitissae vel ejus
mandato, pro debitis quie contraxit D. Gulielmus pater eorum, tempore
quo administrabat Bayuliam terrai Fucigniaci, centum librasGebennenses.
Item pro expensis quas tecil occasione prsedictarum (juaestionnm ducentas
libras Gebennenses, de quibus dicta Domina Coniitissa remisit inconti-
nenti dict* Domina^ Eiyonor ob gratiam et amorem, et dédit et concessit
centum libras Gebennense>. Quas quidem ducentas libras, videlicet cen-
tum libras pro debitis memoralis, et centum libras pro expensis pnedicti^,
praidicti debent solvere pra^dictae Dominœ Comitissae terminis int'rascrip-
tis : videlicet centum libras in testo Omnium Sanctorum. et alias centum
libras in subsequenti testo Beati Johannis Baptist» proxime venturo. —
Postque fuit actum incontinenti quod prsedicta Domina Eiyonor et dicti
Humbertus et Aymo, nomine suo et nominibus quibus supra, (inierunt et
quittaverunt prsedictae Dominae t^omitiss» octo libras Gebennenses, quas
praedictus D. Gulielmus de Eucingio percipiebat in taliis de Corman, pro
praedictis ducentum libris quas dicta Domina Comitissa remisit eisdcni,
et promiserunt reddere pnedictae Dorainte Comitiss* litteram vel instru-
mentum quara vel quod habent de accensamento dictarum octo libraruni
super taliis pra?dictis. — Fuit insuper actum quod si praedicti liberi et
hieredes dicti Doraini Gulielmi habent aliquas litteras, vel instrumentuni
de aliqua donatione seu concessione vel confirmatione t'acla ipsi Domino
Gulielmo per illustrem Dominam Agnetem, matrem dicta» Dominae Comi-
tissae, ea debent reddere dicta? Dominae Comitissae, reraittendo eidem
omne jus competens eisdem occasione praedictarum litterarum, seu instru-
raentorum. Et remiserunt dictae Dominae Comitissae omne jus quod ha-
bent in vennis, araris et piscationibus earumdem. Volentes et concedentes
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(juod dicta Domina (^,oniitissa illntl jus i\e c*tero habeat, leneat et possi-
deat pleno jure.-- Pnedictas autem cessionem, ( oncessionem, remissionem,
|iactum de non petendo, transactionem, et omnia alla supradicta, cnm
universis renunciationibus et universis et singulis aliis quae sequuntur in
hoc instruniento, memorati I). Elyonor, Humbertiis et Aymo, nominesuo
et quorum supra, certilicati de omnibus praedictis materna lingua. motu
proprio et ex certa scientia asserentes prsedictam Doniinam Comitissam-
in remissione quam eis facit multo majorera ipsis gratiam et liberalitatem
r.ontulisse, quam sint ea quse per ipsos concessa et remissa sunt ut supra
prœdictiK DominseComitissse, rata etfirmapromiserunt juramento pnestito
corporaliter, et per stipulationem solemniter factam, dictae Domina Comi-
tissae stipulant!, habere et tenere perpétue, et non contra venire de jure
vel de facto, per se vel per interpositam personam, et omnia et singula
prtedicta deffendere in judicio et extra propriis expensis eidem Dominae
Comitissie, vel cui dare voluerit. Renunciantes omnes praîdicti et quilibet
eorumdem, nomine siio et quorum supra, exception! doli, in factura
actioni, conditioni sine causa, beneficio restitutionis in integrum, consue-
tudini, privilegiis et litteris impetratis et impetrandis, et omni juri et ra-
tioni et auxilio promulgato et promulgando, per quai praedicti contra
prfedicta venire possent, vel aliquid infringere de praedictis, vel in aliquo
revocare. Volentes quod sub hac gênerai! renunciatione, qua?libetspecialis
renunciatio intelligatur quae ab aliquo jurisperito dici vel excogitari posset
ad commodum Domina Comitissae prœdict*. Obligantes nihilominus
oranes et quilibet eorumdem, nomine suo et quorum supra, eidem Do-
minfe Comitiss», pro praedictis omnibus et singulis attendendis et cora-
plendis et fideliter observandis, omnia bona sua, et specialiter praedicti
Humbertus et Aymo, quod si contingeret ipsos vel aliquem de ipsis venire
vel facere contra praedicta vel aliquid de praedictis, praîdicta Domina Co-
mitissa bona ipsorum possit auctoritate propria accipere et habere et
tenere, vendere et alienare tanquam sua, et de ipsis facere pro suo libito
voluntatis. — Et promiserunt pniedicti Domina Elyenor, Humbertus et
Aymo, quod Franciscus, Raymondus, Gulielmns, Agnes, Beatrix, Ânfe-
ligia, Margarita et Ysabel, filii et filiae quondam memorati Domini (Julielmi
et alii heredes dicti D. Gulielmi si forte haberet alios, confirmabunt et
approbabunt, corporali prœstito juramento, omnia et singula suprascripta,
et de praedictis facient vel fieri praecipient publicum instriimentum sive
litteram, sigillatum sigillo autenticato ad opus dicta?, Domina Comitiss*.
— Et renunciavit dicta Domina Elyenor certiorata primo Senatus Con-
21
sulto Velleyano, et jiiri hipotecarum, si qiiod habot vel liabere pote^t in
pnvîdictis rébus. Et volentes pra.Hlicti, pro se et nominibus quibus supra,
quofi omnia etsinsiilasuprascripta plenam et perfectam habent firmitatcm.
ea omnia et singiila, nt supra dictum est. juraverunt attcndere inviolabi-
liter et perpctuo observare et in nullo rontravenire aliquo modo per se
vel per interpnsitam persniiam , sacro sariclis Evangeliis corporaliler
manu tactis. Et versa vice privdicta Domina Comitissa promisit, per jura-
mentuni ad sancta Dei Evani^elia corporaliter pnçstitum, ipsis quibus
supra stipulantibus. priedictam remissionem ratam et firmam habere pcr-
petuo et in niiila contra pra^dicla venire, vel in aliquo revocare. Ad b^c
voiuerunt quod ex hoc contractu duo fiant instrumenta ejusdem tenoris,
unum pro dicta Domina Comitissa, et aliud pro Domina Elycnor, Hum-
berto et Aymone superius nominatis. — Acîum anno ab incarnatione Do-
mini millesimo ducentesimo septuagesimo sexto, indictione quarta, die
lunae, octavo Idus Martii. Actnm apud Visiliani in castro, praesentibus
Domino Jacobo de Ravennis jurisperito, Marlino de Sancto Georgio cle-
rico. Domino GugHelmo Bertrandi milite, fratre Humberto de Aliavardo
guardiano Fratrum minorum Mnyrenci, Petro Barralis castagno de Bollo-
visu, Hugoneto Falconerio, Jaquetto de Bellagarda, Robino cordoverio.
Domino Petro de Corvo sacerdote, Domino Humberto de Rossilione,
Ponceto Marescalco, fratre Johanne converso domus Pratimollis, Stephano
Ros de Brez, Guilloto clerico de Bresciaco, Gulielmo de Voseriaco, et
pluribus aliis testibus ad bsec vocatis et rogatis. Ego Henriguetus fdius
Sinibaldi de Fiorencia, imperiali auctoritate Judex atque Notarius praî-
dictis omnibus interfui et rogatus scripsi ea fideliter et publicavi.
fArchirea tle Turin. Cof)ie d'après un ridfntus commun iqui-
pur M. Ch. (le Fuuciifnij-Luctnrff'. prince de CijKtriu. — // résulte
en outre d'untres pièces transcrites dans le même ridinnts, quo la
frunsurtion ci-dessus du S mars 127 1! fut renourelée et confirmée
le 9 décembre 1280 au château de Chdtillon en Faueii/ni/, puis le
17 août 1302 à Montfleuri. diocèse de Grenoble, par la comtesse
Béatrix. dame de Faucignij, et par les'enfants de défunts Guillaume
et Elèonore de Lucinge. Ceux des dits enfants qui figurent dans
re dernier acte sont : François, fils dp ff>i Humbert. Aiïuuu et son
fils Pierre.)
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91
1278, janvier, 13. — Accord entre l'abbuye: d'Aulps et Aimon, damoiseau de
Lully, au sujet de terres situées sous la grange de Rovérée.
Nouerint imiuersi présentes litteras inspecluri quod cum ego Aymo
«ionzez de Lnllie inouerem qnestiones contra abbateni et conuentuni de
Alpibus super tribus posis terre sitis subtus grangia de la Rouerea et
occasione Rodulphi fratris mei. Tandem mediantibus domno Trnmberto
capellano de Luilie et Girodo de Rouerea domicello, dicti abbas et con-
uentus dederunt et soluerunl mihi octo solidos Gebenn. pro bono Karitatis
et ego quitaui et quito dictis abbati et conuentui in perpetuum omne jus
et omnem actionem si quid aut quam babebam aut babeo seu habere debeo
contra ipsos super preniissis et ex quacumque causa, promittens per jura-
mentuni super sancta dei euangelia prestitum me contra dictam quitta-
tionem non venturum nec alicui contra venire volenti consensurum. Re-
nuncians etiam in hoc facto sub vi prestiti juramenti exceptioni doli
raetus et in factura et omni auxilio et beneficio juris et consuetudinis per
quem posscm venire contra predicta aut aliqua de predictis, et juri
dicenti generalem renunciationem non valere. In cujus rei testimonium
logaui sigilla venerabilis domni Pétri abbatis de Fillie et dicti capellani
presentibus apponi. Et nos dicti abbas de Fillie et capellanus de
Luilie ad preces dicti Aymonis sigilla nostra presentibus apposuimus in
testimonium veritalis. Aclum apud la Rouerea in octaba epiphanie Do-
mini anno eiusdem millesimo ducentesimo septuagesimo septimo.
(D'ufnt's ron'gitml nrqids ilaus In loinuiuuc de Sniut -Ji'iiii
il'Aulps.j
99
1284, janvier. — Hommage-lige de Jean de Mont à Jean de CMlons-Arlay.
Je Jeans de Mons Escuyer fils cayenars Helet Signour de mont, fair
savoir, que je suis homs liges de Noble Baron Jean de Châlon Signour
23
(J'Arlay, sauve la féauté monseigiv Perron de Joinville sitçnoiir de .lais »!t
Sauve la féauté mous Perron Signour de Champvens et tien doudit Jehan
Mons"" en fié ma maison de Mont enlaquelle je le dois recepter àgrant force
et a petite contre toutes gens. — Et tien encore de lui cinc charges de sel
(|ue je ay de Rente au puis de Salins. ~ En tesmoignage de ceste chose
j'ai fait sceller ces lettres don sel à l'honnorable père en Jésus Christ
Willaume par la grâce de Deus, Evéque de Losanne, et don Seal à noble
Baron et saige Henry Signer de Jour. — Et nous li devant diz Wuillerme
Evesque de Losanne et Henris Sire de Joux à la prière et à la requeste
... qui furent faites en l'an notre Seigneur corrant per M. CC.LXXXUI,
au mois de Janvier.
Cartuluire de CIkUohs, foh. 22. — Pièce recueillie par M. F. de
(rimpm-La Sarraz . et commaniquêe par le comité de la Société
d' histoire de la Suiase roniande.)
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1286, juin, 11. — Bulle d'Honorius IV, confirmant les droits et privilèges de
riiospice de Saint-Bernard du Mont Jou, au diocèse de Sion.
Honorius Episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis Preposito hos-
pitalis Sancti Bernardi de Monte Jovis, ejusque Fratribus tam presentibus
quam futuris regularem vitam professis in perpetuuni. Religiosam vitam
eligentibus Apostolicum convenit adesse presidium, ne forte cujuslibet
temeritatis incursus, aut eos a proposito revocat, aut robur, quod absit,
sacre Rehgionis infringat. Ea propter, dilecti in Domino filii, vestris justis
postulationibus clementer annuimus, et hospitale sancti Bernardi do Monte
Jovis, Sedunensis Diocesis, in quo divine estis obsequio mancipati, sub
beati Pétri et nostra protectione suscipimus, et presentis scripti privilégie
communimus.— In primis siquidem statuentes ut ordo canonicus qui secun-
dum Deum et beati Augustini regulam in eodem liospitali institutus esse
dignoscitur, perpetuis ibidem temporibus inviolabiliter observetur. Prete-
rea quascumque possessiones, quecumque bona, idem hospitale in pre-
sentiarum juste et canonice possidet, aut in futurum concessione Ponti-
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fjcuin, lart^itione Regiim vel Principum, oblatioue fidelium, .-eu aliis justis
modis preï^tante Domino poteril adipisci, firrna vobis vestrisque successo-
ribus et illibata permancant. In quibus hec propriis exprimenda vocabulis :
locum ipsum in quo prefatum hospitale ^itum est cum omnibus peitinentiis
suis. — In predicta Diocesi, ecclebiam S. Pétri de Burgo montis jovis
cum omnibus pertinentiis suis ; ecclesiam S. Gcorgii de Ledes cum per-
tinentiis suis; S. Nicolai de Orseres, S. Stepliani de S. Brancherio, et
S. Marie de Martigniaco ecclesias cum omnibus pertinentiis earumdem ;
domum montis jovis de Seduno cum pertinentiis >uis, ecclesiam S. Mi-
chaelis de Turre Seduni cum pertinentiis suis; S. Pétri de Lenz, de Alyo
et de Rupe ecclesias cum omnibus pertinentiis earumdem ; grangiam de
Rupe cum terris, possessionibus et omnibus pertinentiis suis , ecclesiam
de Novavilla cum pertinentiis suis ; ecclesiam de Cors cum peitinentiis
suis ; ecclesiam S, Hipoliti de Yuvriacu cum pertinentiis suis ; ecclesiam
S. Marie de Bellomonte cum pertinentiis suis; jurisdictionem temporalera
et quidquid juris habetis in predicto monte S. Bernardi hospitale vestrum
noscilur obtinere. — In diocesi Lausanensi , hospitale de Viviaco cum
terris, possessionibus ei omnibus pertinentiis suis ; ecclesiam de Septera
Salis cum pertinentiis suis ; villara de Montepresbitero cum ec. lesia et
capella dependente ab ea, ac jurisdlctione temporali, hominibus, redditibus
et omnibus pertinentiis suis ; de Verduno et de Friburgo ho-pitalia cum
terris, possessionibus et omnibus pertinentiis eorumdem , de Faveiniaco et
Aprili ecclesias cum pertinentiis earumiera; Cellam de Betens et ccllam
de Silva lum omnibus peitinentiis earumdem; villam de Estue cum homi-
nibus, jurisdictione temporali, redditibus, terris, possessionibus et omni-
bus pertinentiis suis ; ecclesiam S. Nicolai quara habetis ibidem cum
capellis dependibus ab eadem et omnibus aliis pertinentiis suis ; ecclesiam
de Beria cum pertinentiis suis ; cellam de Serra cura pertinentiis
suis; hospitale de Lator situm juxta castrum de Jogne cum pertinentiis
suis; et jurisdictionem teniporalem et quidquid juris habetis in eadem
diocesi Lausanensi. — In diocesi Basileensii, ecclesiam de Ferretes
cum capellis dependentibus ab eadem, ac lerris, possessionibus et perti-
nentiis eaiumdem. - In diocesi Gebennensi, ecclesiam S. Marie de Mel-
lerea cum villa ejusdem loci, homines, juridictionem temporalem et quid-
quid juris habetis ibidem ; ecclesiam de Marins cum pertinentiis suis ;
grangiam de Yigniaco cum pertinentiis suis; ju> patronatus et quidquid
juris habetis in ecclesiis sancti Michaelis de Tholons, de Germaniaco,
et sancte Marie de Novel ; homines quos habetis in loco qui Cou-
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cisa viilgariler nominatur ; cellam que dicitui' Kleinosina de lluniiliaro in
Albaiies cuni perlinentiis suis ; ecclesiam S. Lupi de Versoya cum perti-
nentiis suis ; nec non terras, possessiones et redditus, ac alla jura et bona
que liabetis in eadem Diocesi Gebennensi. — Prebendam quam babetis
in majori cf^clesia Augustensi; S. Benigni et S. Jacobi de Augusla eccle-
siascum terris, possessionibus, reddilibus, vineis et omnibus aliis, perti-
nentiis earumdem. In diocesi Augustensi, ecclesiam S Georgii cum perti-
nenliis suis; vineam de Bibiano cum pertinentiis suis; vineam de Reppo
cum pertinentiis suis ; villam et grangiam de S. Kugendo cum hominibus
et pertinentiis suis; hospitale de Gastellione cum pertinentiis suis; eccle-
siam S. Pétri de Donatio cum pertinentiis suis; jus patronatus quod ba-
betis in ecclesiis de S. Remigio et de S. Kugendo et de Stipulis. — In
civitate et diocesi Yporiensi, ecclesiam S. Micbïelis de Gursoria cum per-
tinentiis sms; S. Martini de piano, S. Stephani de monte de Grimoldens
de Favria, et S. Salvatoris de Burgaro Masino ecclesias cum pertinentiis
earumdem. — In civitate Vercellensi, ecclesiam S. Bernardi de Vercellis
cum pertinentiis suis. In diocesi Vercellensi, ecclesiam S. Secundi cum
pertinentiis suis ; annuum redditum sex librarum Viennensium quam
percipitis ab abbate et conventu S. Andrée Vercellensis, pro capella de
S. Germano. — In diocesi Novariensi, ecclesiam SS. Philippi et Jacobi
cum pertinentiis suis. — In diocesi Taurinensi, ecclesiam S. Bernardi
cum pertinentiis suis, et annuum redditum duodecim librarum Papiensium
quem percipitis a Fratribus ordinis humiliatorum de Glivasio pro occlesia
quam liabetis ibidem. — In diocesi Messanensi, ecclesiam S. Pelri de
Capiz cum capellis dependentibus ab eadem et aliis pertinentiis suis. —
In civitate et diocesi Bisuntinensi cellam de Bisuntio cum omnibus perti-
nentiis suis, cellam de Asclens cum pertinentiis suis ; grangiam de S.
Chracel cum pertinentiis suis ; cellam de Bella aqua cum pertinentiis suis ;
hospitale de Salins cura pertinentiis suis. — In diocesi Lingonensi, hos-
pitale de valle de Seuson cum pertinentiis suis ; grangiam et vineas quas
habetis in loco qui dicitur Pratet cum omnibus pertinentiis earumdem ;
hospitale de Voisey cum pertinentiis suis ; cellam quam habetis apud Bar-
rum snper Secanam cum pertinentiis suis — In diocesi Eduensi, cellam
S. Bernardi sub monte Begali cum |iertinentiis suis, et unam prebendam
quam habetis in ecclesia de Espesses. — In civitate Trecensi, hospitale
S. Bernardi cum grangiis, redditibus, et omnibus pertinentiis suis. In
diocesi Trecensi, hospitale quod dicitur Domus Dei de Secana cum gran-
giis, possessionibus et omnibus pertinentiis suis. — Juxta Remis, hospitale
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(juod dicitiir Dei merilum, cura pertinenliis !?uis. In diocesi Kemensi,
grangiam que dicitur Lafolia cuni pertinenliis suis. — In diocesi Metensi,
cellam de Ponte S. Vincentii cum pertinentiis suis. — In diocesi Antissio-
(lorensi, hospitale S. Bernardi de Apagniaco cum pertinentiis suis; eccle-
siam et villam de Branches, ac homines et jurisdictionem temporalem
i|uas habetis ibidem. — In Anglia : In diocesi Londinensi, ecclesiam de
Haveringes que dicitur Monasterium Cornutum, cum capellis dependenti-
bus ad eadem, nec non décimas, homines, possessiones et quidquid juris
habetis ibidem ; et manerium de Sothona cum pertinentiis suis. — Item
décimas, redditus, proventus et quidquid juris habetis in ecclesiis, capel-
hs, cellis, grangiis et hospitalibus supradictis, cum terris, pratis, vineis,
nemoribus, usagiis et pascuis in bosco et piano, in aquis et molendinis, in
viis et semitis et omnibus aliis libertatibus et immunitatibus suis. Sane
novalium vestrornm que propriis raanibus aut sumptibus culitis, de quibus
aliquis hactenus non percepit, sive de vestrorum animalium nutrimentis,
nulhis a vobis décimas exigere vel extorquere présumât. Liceat quoque
vobis clericos vel laicos liberos et absolutos e seculo tugientes ad conver-
sionem recipere, et eos absque contradictione aliqua retinere. Prohibemus
insuper ut nulli fratrum vestrorum, post factam in hospitali vestro pro-
lessionem, fas sit sine Prepositi sui licentia de eodem loco, nisi arctioris
religionis obtentu, discedere; discedentem vero absque communium litte-
rarum vestrarum cautione, nullus audeat retinere. Cum autem générale
interdictum terre fuerit, liceat vobis, clausis januis, exclusis excommuni-
catis et interdictis, non pulsatis campanis, suppressa voce, divina officia
celebrare, dummodo causam non dederitis interdicto ; crisma vero oleum
sanctum. consecrationes Altarium seu Basilicarum, ordinationes clerico-
rum qui ad ordines fuerint promovendi, a diocesano suscipietis Episcopo,
siquidem catholicus fuerit et gratiam et communionem sacrosancte Romane
sedis habuerit, et ea vobis voluerit sine pravitate aliqua exhibere. Prohi-
bemus insuper ne infra fines Parochie vestre, si eam habetis, nullus sine
assensu diocesani Episcopi et nostro, capellam sive oratorium de novo
cimstruere audeat, salvis privilegiis Romanorum Pontiticum. Adhec novas
et indebitas exactiones ab Archiepiscopis, Episcopis, et Archidiaconis seu
Decanis, aliisque omnibus ecclesiasticis secularibusve personis a vobis
omnino fieri prohibemus. Sepulturam quoque ipsius loci liberam esse
decernimus, ut eorum devotioni et extrême voluntati qui se illic sepeliri
deliberaverint, nisi forte excommunicati vel interdicti sint, aut etiam pu-
bliée usurarii, nullus obsistat, salva tamen justifia illarura ecclesiarum
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a quibus corpora mortuorura absuraiintur. Décimas preterea et possessiones
ad jus ecclesiarum vestrarum spectantes et que ab aliis detinentur, redi-
mendi et légitime liberandi de manibus eorum, et ad ecclesias ad quas
pertinent restituendi, sit vobis libéra de nostra auctoritate facultas. Obeunte
vero te ejusdem loci Preposito, vel tuorum quolibet successorum, iiullus
ibi quavis subreptionis astutia seu violentia preponatur, nisi quem Fratres
comrauni consensu vel Fratrum major pars consensusque sanioris, secun-
dum Deuni et beati Augustin! regulam providerint eligendum. Paci quoque
et tranquiilitati vestre paterna imposterum soUicitudine providere volentes,
auctoritate apostolica prohibemus ut infra clausuras locorum seu grangia-
rum vestrarum nuUus rapinam seu furtum facere, ignem apponere, san-
guinem fundere, hominem temere capere vel interficere, seu violentiam
audeat exercere. Preterea oranes libertates et iramunitates a predecessori-
busnostris Romanis Pontificibus hospitali vestro concessas, iiec non liber-
tates et exemptiones secularium exaction um, a Regibus et Principibus vel
aliis fidelibus rationabiliter vobis indultas, auctoritate Apostolica confir-
maraus et presentis scripti privilegio confirmamus, Decernimus ergo ut
nulli omnino hominum liceat prefatum hospitale perturbare temere, aut
ejus possessiones auferre, vel ablatas retinere, minuere, seu quibuslibet
vexationibus fatigare, sed omnia intégra conserventur eorum pro quorum
conservatione ac sustentatione concessa sunt usibus omnimodis profutura,
salva Sedis Apostolice auctoritate et diocesanorum Episcoporum canonica
justitia et in predictis decimis moderatione Concilii generalis. Si qua
igitur in tuturura ecclesiastica secularisve persona hanc nostre constitutio-
nis paginara sciens contra eam temere venire templaverit, secundo ter-
tiove commonita, nisi reatum suum congrua satisfactione correxerit, po-
testatis honorisque sui careat dignitate, iramque se divine judicio existere
de perpetrata iniquitate cognoscat, et a sacratissimo corpore ac sanguine
Dei etDomini Redemptoris nostri Jesu Christi aliéna fiât, atque in extremo
examine districte subjaceat ultioni. Cunctis autem eidem loco sua jura
servantibus sit pax Domini nostri Jesu Christi, quatenus et hic fructum
bone actionis percipiant et apud districtum judicem premia eterne pacis
inveniant : Amen.
(Sceau) Honorius catholice Ecclesie Episcopus.
f. Ego Franc. Bethvenga Albanensis Episcopus.
f. Ego Fr. latan. Ostiensis et Velletren. Episcopus.
-f. Ego Fr. Jeronimus Penestrin. Episcopus.
T. X\\ 2"' partie. ■ ^
28
■{-. Ego Hugo tit. S. Laurentii iii Lucina presbiter Cardinalis.
f . Ego Cornes tit. Sanct. Marcelli et Pot. presbiter Cardinalis.
f. Ego Gund. tit. S. Susanne presbiter Cardinalis.
f. Ego Matheus S. Marie in portion diaconus Cardinalis.
f . Ego Jordanus S. Eustachii diaconus Cardinalis,
f. Ego Jacobus S. Marie in via lata diaconus Cardinalis.
Datum Rome apud Sanctam Sabinam, per manum Magistri Pétri de
Mediolano S. Romane ecclesie vicecancellarii, tertio idus junii, indictione
XIIII, incarnationis dominice anno M". CC". LXXXVI", pontificatus vero
Domini Honorii Pape IIIl, anno secundo. (Sceau pendant.)
(Bulle originale dans les archives du Grand Saint-Bernard. — La
transcription ci-dessus est faite d'après une copie authentique appar-
tenant à l'Hospice et communiquée par M. le chanoine Ant. Dalléves,
prieur à Marti rjmj.)
94
1288, avril, 2. — BénU-ix, fille de. feu F'ierre de Savoie, ordonne à son
châtelain de Mont-Joie de faire délivrer sans trouble ni retenue, au prieure
de CÂamonix, le muid et demi de froment qui a été assigné à cette église par
feu Aiinon de Faucigny.
Beatrixfilia inclite recordationis Domini P. comitis Sabaudie, dilecto
fideli suo Enudoni, castellano Montis Gaudii et illi qui pro tempore fuerit
castellanus dicti loci, salutem et dilectionem sinceram. Cum inclite recor-
dationis Dominus Aymo, Dominus Faucignaci quondam assignaverit
ecclesie de Cham. et ejus servitoribus unum modiura et dimidium fru-
menti annuatim percipiendum in villa de Syervoz, mandamus tibi quatenus
dictum frumentum dicte ecclesie seu ejus servitori deliberari facias et
reddi, nec eidem de cetero ipsum in perceptione dicti frumenti aliquo
perturbes, nec perturbari permittas, taliter super hoc te habens ne propter
defectum tuum dictam servicionem ad nos reverti non oporteat. Datum
Boneville die veneris post pascha, anno Domini Mo.CC.LXXXVIII».
(Arch. de Sallanches , d'après un vidinuis de 1364. — Copie
communiquée par M. le notaire Bonnefoy.)
29
95
1288, mai, 19. — Aulorisalion donnée par Béalrix à Vauterel, son homtnc-
lige, de faire rendre hommage par un de ses fils au prieur de Chamonu,
pour un albergemeut dépendant du dit prieuré.
Nos B. filia inclite recordationis Domini P. comitis Sabaudie et Do-
mina Fucign. Notiim facimus universis présentes litteras inspecturis
quod nos volumus et concedinius quod Vouteielus de Monte Vouterio,
homo noster ligius et talliabilis, reddat unum de suis filiis in hominem
ligium priori et prioratui de Camponiunito pro albergo seu teneniento
quod idem Vouteretus tenet ex parte uxoris sue a priore et prioratu su-
pradictis. Volentesque et concedentes quod dictus Vouteretus possit et
debeat usagiare in manu dicti prions pro dicto suo filio quantum ad dic-
tum tenementum, salva fidelitate, homagio nostro et jure , donec dictum
lilium suum ad etatem legitimam contigeret pervenire. In cujus rei testi-
monium présentes litteras sigilli nostro tradimus sigiilatas. Dat. Montis
Gaudii, die mercurii post penthecostes, anno Domini M'.GC".LXXX°.
octavo.
(Arcli. de Sallanclies. Pièce à InqiœHe pend le sceau tinnuldire de
Béatrix, reprêsenlnnt une tète de femme coiffée en ckeren.c à In
(ivecque. — Copie conmmniquèe pur M. le not. Bonnefojj.)
96
1289, février, 9. — Amédée, comte de Genevois, donne en précaire a l'éijliie
de Saint-Maire son casai, situé à Lausanne, près la porte du même nom.
Il se réserve le droit de révoquer cette donation.
Amedeus cornes gebennensis dédit priori et conventui sancti Marii
precario possidendum casale suum situm in ciuitate Lausan. prope porlam
sancti Marii, donec dictam donationem voluerit reuocare. Datum die mar-
30
tis post f'estum Purificationis b. Marie virg. anno Domini millesimo CC''
octuagesimo nono.
(Arch. de Lausanne. Ancien inv. des arcfi. du prieuré de Saint-
Maire. — Communiq. par M. fabbè Gremaud.)
«^
i289, octobre, 21. — Amédée, comte de Genevois, révoque toutes les con-
ventions (ju'il a passées avec les hommes de Chamonix.
Nos Amedeus, cornes Gebenn. notum facimus iiniversis presentem pa-
ginam inspecturis, quod nos scientes et spontanea voluntate omnino solvi-
mus et quittavimus prout melius possumus 111. Domine Beatrici, filie in-
cite recordationis Domini Pétri comitis Sabaudie, Domine Faucigniaci et
Iratri Richardo, priori prioratus de Compomunito, omnia juramenta,
conventiones sive pacta, conditiones et ordinationes quas nobis fecerunt
homines de Campomunito, qualiterque ipsa et ipsas nobis fecerunt et
pacta revocamus. Volentes et concedentes quod de predictis juramentis,
conventionibus, pactis, conditionibus et ordinationibus, Nos de cetero
juvare in aliquo non possimus, imo cassa et irrita perpétue remaneant,
nulliusque valons et momenti existant. Predictosque homines de Campo-
munito de juramentis, conventionibus, pactis, conditionibus et ordinatio-
nibus, si quas nobiscum fecerunt, solvimus irrevocabiliter penitus et quit-
tamus, ita quod ad ipsas nobis de cetero minime tenerentur, et etiam si
aliqua alla in valle Campimuniti de novo fecimus a die dominica ante
festum beati Luce evangeliste citra contra dictum Priorem et prioratum,
ipsa penitus revocamus et dicto prioratui restituimus, et ipsum in statu
pristino volumus permanere, salvo jure quod ibidem prius habebamus.
In cujus rei testimonium, sigillum nostrum presentibus duximus appo-
nendum. Datum die veneris post festum beati Luce, anno Domini M".
(X«.LXXX«. nono.
(Arcli. de Sallanches. Vidimus de 1737. — Copie communiquée
par M. le notaire Bonnefoij.)
31
^f^
1290, janvier, 12. — Emjagment réciproque de Ridiard, prieur de Cliamonix,
et de la comtesse Héatrix, de maintenir le dit prieuré sous ta fjarde des sei-
gneurs de Faucignij.
Nos frater Richardus prior prioratus sive domus Campimiiniti Gebenii.
(iyoc. universis presentibus et fiitiiris, tenore presentium facimus mani-
festum, quod recognoscimus et recognovimus Illustri Domine B. filie
inclite recordationis Domini P. comitis Sabaudie, Domine Fucigniaci,
quod dictus prioratus sive domus de Chamonis extitit et permansit in
custodia, garda, tutione Domini F'ucigniaci cum omnibus suis pertinen-
ciis, appendiciis, per quinquagintaquinque annos, et volumus quod dictus
prioratus sive domus cum suis pertinenciis et appendenciis semper sit et
maneat in dicta custodia. garda et tutione. Rogamusque prefatam illustreni
Dominam quod dictum prioratum seu domum cum suis juribus sempei'
velit habere et tenere in sua custodia sive garda. Nos vero predicta Do-
mina recognoscimus et recognovimus nomine nostri et successorum nos-
trorum prefato priori de Chamonis presenti et recipienti, dictum priora-
tum sive domum Campimuniti cum suis juribus, pertinenciis et appen-
denciis et possessionibus, fuisse et extitisse spacio quinquaginta quinque
annorum in custodia, garda, tutione Domini Fucigniaci, tani tempore
nostro quam predecessorum nostrorum , prout nobis constitit legitimis
documentis. Unde promittimus et promisimus bona fide, nomine nostri et
successorum nostrorum, prefato priori stipulanti et recipienti, nomine
suo et successorum suorum, prefatam domum sive prioratum de Chamo-
nis, cum omnibus suis pertinenciis, appendiciis, rébus et possessionibus,
contra omnia in suo jure perpetuo et fideliter manutenere, defendere et
servare et in nostra custodia et garda tenere et habere. In cujus rei tesli-
monium et majoris roboris tirmitatem, nos prefata Domina sigillo nostro
raajori et nos prefatus prior sigillo nostro prioratus de Chamonis, presen-
tem litteram tradidimus sigillatam. Datum apud Bonam Villam die jovis
post festum Epiphanie Domini, anno ejusdem millesimo ducentesimo oc-
togesimo nono.
(Arcfi. de Sallancltes. Le sceau du prieur est rompu ; celui de
Béatrix existe en entier en cire blanche, du diamètre de 46 millim.
32
et porte d'or à la croix de sable, avec un besan au quatrième canton.
Légende : S. BEATRICI FILIA PETRI COM DIE. — Copie
comrinmiquée \mr M. le notaire Bonnefotj.)
99
1291, avril, 26. — Déclarations de Bèatrix, dame de Faucirjny, de sa fille
Anne et de son gendre Hiaubcrt Dauphin, relatives aux droits darouerie et
de mère et mixte empire sur le prieuré de Chamonix.
Nos Beatrix filia inclite recordationis Domini Pétri comitis Sabaudie,
Domina Faucigniati, universis presentibus et futiiris, tenore presentium
t'acimus manifestum, qiiod nobilis vir Dominus Amedeus, noster consan-
guineus, cornes Gebennensis, scienter et spontanea voluntate, pro se et
heredibus, coheredibus, ac successonbus suis universis, nobis dicte Bea-
trici presenti et recipienti nomine nostri et heredum et successorum
nostrorum omnium solverit, cesserit et quittaverit, prout melius potuit
in perpetuum , quidquid juris , actionis , rationis et requisitionis
habebat, seu habere poterat vel debebat, in valle Ursina et in valle
Campimuniti, et pertinentiis coherentiis earumdem, exceptis orationibus
sancte Ecclesie, nichil dominii utilis vel directi, seu advoyerie, aut im-
perii meri vel mixti, seu simplicis jurisdictionis, vel alterius pelvicherie
cujuscumque, sibi ac suis retinens in predictis vallibus ac supra dictis
rébus, precio quingentarum librarum viennensium, quam pecuniam dicto
Domino Comiti dedimus et solvimus nomine supradicte quittationis pro
bonopacis, amore et nomine dicti prioratusdeCampomunito, Gebenn. dyo-
cesis, licet dictum Dominum Comitem non crederemus habere jus aliquod
in predictis, sed omnia supradicta esse plenarie dicti prioratus de Campo-
raunito, prout in litteris sive instrumentis ipsius prioratus vidimus con-
tineri. — Nos vero dicta Domina volentes habere bonum respectum ad
Deum et ad dictum prioratum de Campomunito in nostra custodia exis-
tentem cum omnibus rébus suis, prefatam et eanidem quittationem, so-
lutionem, cessionem quam dictus Dominus Comes fecit perpetuo nobis ac
successoribus nostris, heredibus ac coheredibus universis, de rébus uni-
33
versis et singulis supradictis ilimisimus, dedimus, concessimus, fecimus
prout meliiis scienter et spontanea voluntate in perpetiium, nominc nostri
ac heredum et successorum nostrorum omnium, religioso viro l'ratri
Richardo, priori dicti prioratus de Campomunito presenti et recipienti
nomine sui et dicti prioratus, eadem quantitate pecunie supradicte, vide-
licet pretio quingentarum librarum viennensium , quam pecuniam reco-
gnoscimus et confitemur nos habuisse et récépissé a dicto priore in bona
pecunia numerata, nomine supradicte donationis et cessionis, quittationis
quam fecimus dicto priori ac ejus successoribus universis, de rébus uni-
versis et singulis supradictis, tenendam et possidendam et fruendam per-
pétue per dictum priorem et successores suos, nomine dicti prioratus
Campimuniti. Renunciantes ex certa scientia pro nobis et nostris succes-
soribus universis, exceptioni non numerate pecunie, non habite, non tra-
dite, non soluté et omni spei future numerationis et omni exceptioni doli
mali, metus et in factum, et exceptioni competenti deceptis ultra dimi-
dium justi precii, et omni restitulioni, et breviter omni juri canonico et
civil! per quod nos vel nostri heredes, sive successores, possemus sive
possent contra dictam quittacionem factam per nos in aliquo se tueri.
Promisimusque bona fide dicto priori presenti et slipulanti modo quo
supra, quod contra supradictam donationem, quittacionem, cessionem fac-
tam per nos de rébus universis et singulis supradictis, priori et prioratui
supradictis, non veniemus in perpetuum per nos vel per alium modo ali-
quo, in parte vel in toto, sed dictam quittacionem, sive donationem, ces-
sionem factam per nos dicto jtriori et prioratui, faciemus plenarie obser-
vari. — Preterea fuit dictum et actum inter nos et dictum priorem, quod
pacta et conventiones habita inter nos, ex una parte, et dictum priorem,
nomine suo et predicti prioratus, ex altéra, prout continentur et sunt ex-
pressa vel expresse in quodani instrumento publico confecto per manum
Vullielmi Depretis, publicii notarii, sigillato sigillo nostro et sigillo dicti
prions, quod incipit in secunda linea Beatrix et finit in penultiraa hic
{Présents Méînoires XIV, p. 426, n'> 364\, in suo semper robore re-
maneant et vigore. Retinentes nobis gardam dicti prioratus cum suis
pertinentiis prout predecessores nostri et nos a tempore Vuillelmi Domini
Fauciniaci citra habuerunt et in possessione vel quasi extiterunt. — Ce-
terum, nos Humbertus Dalphinus, Viennensis et Albonensis comes ac
Dominus de Turre, et nos Anna, Dalphina, uxor ejus, dictorum comita-
tum comitissa, prefatam quittationem seu donationem, cessionem, solu-
tionem factam per dictam lllustrem Dominam Beatricem Dalphinam, ca-
34
rissimam dominam et malreni nostram, prefalo priori ejusque successori-
bus, de universis rébus et singulis supradictis habentes gratam et ratani
et firmam in perpetuum nomirie nostri ac omnium heredum nostrorum.
Promisimus bona fide dicto priori presenti et stipulanti, nomine suo et
dicti prioratus, quod contra predictam quittationem, donationem, cessio-
nem factam per predictam illustrem dominam nostram prioratui et priori
supradictis per nos vel per alium in perpetuum nullatenus veniemus. —
In quorum testimonium et ad majorem roboris tirmitatem, Nos prefati
Domina Beatrix, Domina Anna et Humbertus Dalphinus, présentes litte-
ras sigillis nostris tradidimus sigillatas. Dat, apud Salanchiam die jovis
post pascba, anno Domini miiiesimo ducentesimo nonagesimo primo.
(Arcli. (le Salkmches. Vi&imus rie 1787. — Copie commum'quéi'
par M. le notaire Bonnefoy.)
30
1296, mars, 27. — Amédée, comte de Genevois, inféode à François de Lucinge,
prévôt de Genève, la maison forte d'Ardue, ainsi que les habitants et les
terres du même district .
Anno Domini miiiesimo ducentesimo nonagesimo sexto, indictione nona,
sexto Kalendas Aprilis, coram me notarié et testibus infrascriptis, illus-
tris vir Dominus Amedeus, comes Gebennensis, pro se et suis haeredibus
sive successoribus in futurum, dédit, concessit penitus et remisit discreto
viro Domino Francisco de Lucingio, Praeposito Gebennensi, et suis haere-
dibus et successoribus in futurum, merum et mixtum imperiura et om-
nimodara jurisdictionem, messeleriam et pilucheriam, quod et quam idem
Comes habet et habere potest, seu débet seu habere videtur quoquo modo
in hominibus ipsius Domini Francisci existentibus in villa et territorio et
districlu de Arsina, et hoc infra villam et territorium et districtum dicti
loci, excepta tameii pœna et animaversione corporali quam sibi et suis
successoribus retinuit in futurum, ita tamen quod ad bona damnatorum
manus non extendat, nec aliquid percipiat seu percipere debeat in eisdem.
Et e converso praedictus Dominus Franciscus pro se et suis beredibus et
35
successoribus in futuruni, ob prœdictam causani, donationem, concessio-
neni sive remissionem, accepit in leoduni et de feodo ipsius Domini Co-
mitis et successorum suoruin quidquid ipse habet vel habere polest, seii
débet per se vel per alium in villa et territorio et districlii dicti loci.
Confitens idem Dominus Franciscus, ad interrogationem dicti Domini Go-
mitis, se tenereet velle et debere tenere in t'eodum et de l'eodo ipsius Do
mini Comilis et successorum suorum domum suam tbrtem de Arsina et
prsedictam jurisdictionem et quidquid ipse liabet et habere débet, possidet
seu possidere videtur, sive sint homines, feoda sive retrofeoda, vel allae
res quocumque nominecenseantur infra loca superius nominata. Confitens
etiam ut supra se debere praedicto Domino Comiti pro praedictis homa-
giuni ligium salva fidelitate Domini Fucigniaci, et se debere ipsum juvan^
de feodo et rébus prœdictis contra omnes. Promittentes dictas partes ad
invicera una alteri solemnibus stipulationibus hinc inde mutuo interve-
nientibus juramentis, etc. Promittens etiam praedictus D. Franciscus so-
lemni juramento vallata se facturum et curaturum quod quicumque erit
haeres, sive successor suus in rébus praedictis, ipse ratificabit, approbabil
et emologabit omnia quae superius sunt expressa. Et pro prœdictis firmi-
ter adimplendis et attendendis obligavit et hypothecavit expresse prœfato
Domino Comiti res et boria superius declarata. Actum in cimisterio de
Dovenos, praesentibus Domino Emyone decano de VuUinay, Jacobo Escha-
queti, Richardo Alberti, Jacobo de Lucingio, Hugone de Droysie, clericis,
Petro de Cossimay et pluribus aliis testibus ad haec specialiter vocatis et
rogatis. Ego Clemens de Juria, clericus, auctoritate imperiali notarius
publicus et juratus Curiarum Domini Officialis et Domini Comitis Geben-
nensis hiis omnibus interfui et dictis partibus rogatus scripsi, in Ibrmani
publicam redegi et signo meo consuelo signavi praesens publicum instru-
mentum.
(Arch. de Turin. — Copà' d'après un ridiimis commnniqui' par
M. Ch. de Faacigmj-Lucinf/e, prince de Cijstria. — Un second acte
daté du 21 octobre 1307 et rédigé par le ntéme notaire, renferme
le renonrelletnent de Vinféodation ci-dessus, consenti par le même
comte Amédée, en faveur du même François de Liicinge, prérôt de
Genève. Ce renouvellement a lieu moyennant 300 livres genevoises.
L'acte est passé à la Balme de Sillingg.j
M
31
1296, juillet, 15. — Humbert et Aimm, ///« de Guillaume de Luciufie, cèdent
pour cent livres genevoises à Béatrix, dame de Faucifjntj, toutes leurs pré-
tentions sur la succession d'Aimon de Ravorée.
Anno Domini millesimo ducentesimo nonagesimo sexto, indictione
nona, Idus Julii, apud Bonam Villam, in aula nova castri Bon» Vill«,
coram me nolario et testibus infrascriptis, videlicet Domino Francesco
de Lucingio, prœposito Gebennensi, Johanne de Ravorea domicello, Jo-
hanne de Triato de Floyrie, Petro de Lucingo domicello, et pluribus aliis,
Dominus Humbertus de Lucingio miles et Dominus Ajmo ejus frater,
lilii quondam Domini Vullielmi de Lucingio militis, pro se suisque here-
dibus atque successoribus, ad requisitionem et interrogationem discreti
viri Domini Richardi de Chasla, judicis in terra Fucigniaci, requirentis
et interrogantis nomine et vice illustris Dominse Beatricis, Dominae Fuci-
gniaci, et haîredum atque successorum suorum et omnium aliorum quorum
interest, inlererit vel interesse poterit aut debebit, et sine spe de csetero
revocandi, solvunt, quictant et remittunt prœdictse Dominae quidquid juris,
rationis, requisitionis, reclamationis et dreyturœ habebant, seu habere de-
bebant, vel habuerunt seu habere consueverunt temporibus retroactis,
fam ratione gageriir, obligationis, alienationis, vel alioquoque modo, in
liereditate, feudis, seu juribus aliis quibuscumque, ubicumque sint et
(juocumquo nomine censeantur, Aymonis de Ravorea patris quondam
.loannis de MoUia, lam in fidelitate hominum, homagiis et aliis rébus
(juibuscumque tam in monte quam in piano. Promittentes dicti fratres
per juramenta sua super sancta Dei Evangelia corporaliter praestita, so-
iemni et valida stipulatione aquiliana mediante , acceptilatione subsecuta
el sub obligatione omnium bonorum suorum, mobilium et immobilium,
pr^sentium et futurorum, se esse deffensores erga pniedictam Dominam
et haeredes et successores suos, et erga omnes illos quorum interesse
poterit, et de Raymondo, Francisco et Guillelmo fratribus eorumdem ra-
tione quittationis supradictae, etc. Confitentes et recognoscentes dicti mi-
lites publiée se habuisse et récépissé a dicta Domina, ratione quittationis
supradict*>, centum libras Gebennenses in bona pecunia numeratas et in
37
utilitatem suam et suum commodiim fore versas, Renunciantes, etc. Et
ego Stephanus de Dessye, piiblicus notarius auctoritate imjteriali, requi-
situs, hoc instrumentum scripsi, subscripsi et in formam publicam redegi
fideliter et signavi. Âctum anno et die superius memoralis.
(Arcli. de Turin. — Coiià' d'iiinès un ridiinu^ roniiininiqui' iiar
h> prince de Cystria.)
39
1306, mai, 30. — Acte de partage entre Pierre, Jacques et Mcrmet, fils d'Ai-
mon de Lucinf/e, chevalier et seigneur d'Arcnthon.
In nomine Domini nostri Jhesu Christi, Amen. Anno ab incarnatione
ejusdem M". CCC». Vl", indictione IIII'', IIl" Kalendas Junii. Coram me
notario et testibus infrascriptis, constitutis Petro, Jacobo et Mermeto, filiis
quondam Aymonis de Lucingio militis. Dicti fratres scientes, prudentes
et spontané!, non seducti nec ab aliquo, utasserunt, circumventi, de juri-
bus suis lingua materna cerciorati, asserentes se et quemlibet ipsorum
esse maiorem quatuor decim annis, deveneruntad divisionem et ad partes,
partesque et divisiones inter se fccerunt de bonis suis immobilibus coni-
munibus inter eos, in modum qui sequitur et qui inferius declaratur, et
generaliter de omni hereditate, aibergo, alberganientoque dicti domini
Aymonis quondam patris dictorum fratrum, et que tenebat et possidebat
vel quasi, per se vel per alium, aut alius pro ipso et ab ipso, vel que tem-
père mortis sue ad eum pertinebant, pertinereque poterant et debebant jure
seu titulo qualicumque. — Et primo de communi consilio , communique
tractatu, ac etiam voluntate expressa cujuslibet dictorum fratrum devene-
runt in partem portionemque dicti Pétri de bonis, hereditateque et alber-
gamento predictis, ea que secuntur : Primo, domus fortis de Arenthons
cum omnibus suis juribus et periinentiis ; item homines taliabiles et cen-
siti de Arenthon et parochie dicti loci, et generaliter quidquid idem do-
rainus Aymo quondam tenebat et possidebat per se vel per alium, vel quasi,
aut alius pro ipso vel ab ipso, vel que habere et percipere consuevit in
toto territorio de Arenthons, et a ponte de Buringio usque ad aquam de
38
Borna, et ab aqua de Araiis usijue ad summitaleni de Bornis, in quibiis-
ciimque rébus predicta sint et consistant, in terris, pratis, arboribus,
nemoribus, domibus, hominibiis, taliis, serviciis, censis, usagiis, missi-
laria, dominiis, niolendinis, baptitoriis, aquagiis, pascuis, servitutibus.
seu in rébus aliis quecumque sint et future sint et quocumque nomine
censeantur, exceptit viginti quinque solidis censualibus quos dictus Mer-
metus débet percipere et habere in tribus hominibus et super très homines
dicti Pétri, de servitute et super eorum tenernenta, donec eidem per dictum
Petrum fuerint alibi assetati, et excepto usu perpetuo retento per dictum
Mermetum in nemoribus de Arenthons, pro suis edificiis propriis perpétue
faciendis. Item homines franchi de Arenthons, ita tamen quod de ipsis
hominibus franchis teneatur dare excambium aliis fralribus suis ad dicta-
men domini Jacobi curati de Cranves et Hugonis Dardelli. Item vinea de
Fucigny cum omnibus suis pertinentiis et feodo suo. Item quidquid juri>
dicti fratres habent et habere debent in navigio Araris subtus Arenthons.
Hoc acto et in pactis deducto inter predictos fratres quod dictus Petrus
teneatur facere commune omagium ligium Domino Fucignii pro se et alii>
fratribus suis, et de illo omagio eisdem sit gayrenz erga dictum Dominum,
et ipsi fratres ejus Jacobus et Mermetus in recompensatione servitutis
dicti omagii eidem Petro quadraginta solides Gebennenses annuales dare
et assetare teneantur, si ita est quod ipsi fratres erga dictum Dominum
pro uno omagio valeant esse quicti. Et pro predictis rébus superius de-
claratis, modo et forma quibus superius est expressum, idem Petrus solvit
et quictat pro se et heredibus, successoribusque suis in futurum, predictis
suis fratribus Jacquemeto et Mermeto stipulantibus et recipientibus, quid-
quid juris, actionis et racionis ipse habere potest et débet in omnibus et
singulis bonis immobilibus, hereditateque ac tenemento dicti Domini
Aymonis quondam patris communis eorumdem, inde habendo et tenendo
se plenarie pro pagato. — De communi consilio et tractatu, expressaque
voluntate dictorum trium fratrum devenerunt in partem dicti Jacobi hec
que secuntur : Primo, omnes homines de Gulous et de Certous et de
valle Castellionis taillabiles et censiti, montes, nemora, alpagia, pascua,
décime et censé, et generaliter quidquid dictus dominus Aymo quondam
habebat et possidebat, habereque et percipere consuevit per se vel per
alium, vel alius pro ipso vel ab ipso, vel quasi, apud Valons et in terri-
torio, circaque territorium dicti loci et in valle de Certous. Item quidquid
habebat et possidebat dictus dominus Aymo a ponte de Bonevilla usque
ad abbatiam de Siz et in monte Dautart usque ad dictam abbatiam;
39
exceptis centiim solidis Gebennensibus annualibus assetandis per ipsum
Jacquernetnm (sic) Alesie sorori sue racione (lotis ejiis ad dictamen et
arbitriuni Domini Jacobi curati de Cranves et Pétri Davidis curati de
Arenthons, et exceptis rébus que devenerunt dicti Mermeti apud Sanctum
Sigismundum et apud Miribellum. (tem devenerunt in partem dicti Jacobi,
modo et forma quibus supra, vinea de Naursans et quid(|uid dictus dominus
Aymo quondam habebat et tenebat per se vel per alium, vel quasi, tem-
père mortis sue apud Aysiam et apud Arsinam et in tota casteliania et
territorio dicti ioci, et apud Arbanays. Item qnidquid habebat dictus
dominus Aymo apud Vourey et in territorio dicti Ioci et circa territo-
rium, in quibuscumque rébus predicta sint et consistant, in terris,
pratis, arboribus, nemoribus, domibus, hominibus, censis, serviciis,
servitutibus, pascuis, dominiis et vineis, seu in rébus aliis quecumque
sint et quocumque nomine censeantur. Item pedagium de Gebiuns
( des Çe/s?) cum omni jure suo. Item doraus de Bona, cum casali et
pertinentiis ejus, salvis viginti quinque solidis gebennensibus anima-
libus pro quibus dictus Mermetus dictam domura supra teneat obliga-
tam quousque per dictum Jacobum supra fuerint alibi assetati. Hoc ado
et in pactis deducto inter predictos fratres quod dictus Jacobus tenea-
tur facere unum omagium, salva fidelitate unius Domini, Domino C4omiti
Gebennensi, et de ipso omagio sit gayrenz aliis suis fratribus erga Comi-
tem supradictum. Item quod homines franchi et feoda francha qui et que
sunt in parte dicti Jacobi et infra partes ejus, communes et communia
sint dictorum fratrum, exceptis feodis franchis et hominibus franchis de
Arsina qui et que proprii et propria sunt et remaneant predicto Jacque-
meto (se). Et pro predictis superius declaratis et in parte predicti Jacobi
constitutis ac etiam ordinatis modo et forma quibus supra, idem Jacobus
solvit et quictat pro se et heredibus successoribusque suis in futurum
predictis suis fratribus Petro et Mermeto stipulantibus et recipientibus
quidquid juris et actionis ac racionis ipse habet, habere potest et débet in
omnibus bonis immobilibus, hereditateque ac tenemento dicti domini Ay-
monis quondam patris communis eorumdem, inde habendo et tenendo se
plenarie pro pagato. — Item de communi consilio et tractatu, voluntate
que expressa dictorum fratrum devenerunt in parte dicti Mermeti hec
iiue secuntur : Primo, omnes res, terre et possessiones, redditus, homines
taillabiles et censici, vinee, prata, arbores, nemora, décime, domus, usa-
gia, dominia et servitutes, censé, servicia, quos, quas et que dictus domi-
nus Aymo quondam, tempore mortis sue, habebat, tenebat et possidebal
40
per se vel per alium, vel quasi, vel alius pro ipso vel ab ipso, habereque
et percipere consuevit cum omni pleno jure, et que ad jipsos fratres per-
tinere possunt et debent in loco et territorio de Lucingio et in parochia
dicti loci ; item in parochiis de Sales et de Cranves et apud sanctuni Sigis-
inundum et apud Miribelluni et apud Bruson {Briaon?), et apud montem
de Sersonay, et in totis territoriis et circa territoria predictoruni locorura.
Item apud Chanoginë et apud Terreray et apud Cranves et in terra de
Salaz et circumstanciis et pertinenciis predictorum locorum. Item duode-
cim denarii censuaies quos eisdem débet, ut asserunt, Petrus Minius de
Tiolaz. Item quinque solidi ceusuales quos eisdem débet assetare apud
Bueringium dominus Jacobus de Lucingio, curatus de Cranves. Item vi-
ginti quinque solidi Gebennenses annuales habendi et percipiendi pe!
dictum Mermetum, per se vel per alium, supra très homines quos habet
frater suus apud Sintrier, quousque idem fuerunl alibi assetati, unacum
usu suo perpetuo quod habeat et percipiat ipse et heredes ejus in ne-
moribus de Arenthons pro suis propriis edificiis faciendis. Item vinea de
Malens et generaliter quidquid habent in territorio dicti loci. Item viginti
quinque solidi Gebennenses annuales pro quibus supra teneat pignori
obligatam domum de Bona, donec eidem per predictum Jacobum alibi
fuerunt assetate, quo facto dicta domus in partem dicti Jacobi disvolvatur.
Hoc acto et in pactis deducto inter predictos fratres quod omnes liomines
franchi et feoda francha qui et que continentur et que sunt infra limita-
tiones et infra res que devenerunt in partem dicti Mermeti communes et
communia remaneant inter eos. — Item fuit actum et in pactis deductum
inter predictos fratres quod si contingent aliquem eorum per futurum ami-
tere aliquid de predictis rébus de quibus inter se fecerunt divisiones ut
supra continetur, aliquidque evinci quod aiii duo fratres ipsi illam
evincionem seu illud resarcire et restituere tenerentur, videlicet qui-
libet pro rata sua habita ante divisiones et partes supradictas. Universaquc
et singula supradicta dicti fratres promittunt per stipulationem a parle
pacti solempniter stipulatam et per eorum juramenta ad sancta Dei Evaii-
gelia corporaliter prestita, ratas rata, gratas grata, firmas firma, habere
in perpetuum et tenere, et in contrarium per se vel per alium, in judicio
vel extra judicium, de cetero non venire, nec alicui contra venire volenti
in aliquo consentire. — • Renunciantes in hoc facto dicti fratres et certi^
scientiis et per juramenta suaantedicta omni actioni, etc — Et fuit actum
inter predictas partes quod super hiis fièrent tria publica instrumenta
unius tenoris, cuilibel dictorum fratrum unum, et que possint corrigi.
il
dictari, emendari semel vel pliiries de consilio peritorum, l'acti suhstantia
non mutata non obstante postquani in judicio producta fuerunt vel obs-
tensa. — Actum fuit hoc publiée apud Arenthons ante domum dictoruin
fratrum presentibus testibus ad hec vocatis et rogatis, videlicet, Aynione
dicte Nerco de Arenthons, Girodo de Arenthons, Laurencio et Rachesio
de eodem loco. — Et ego Johannes de Bornaiido, clerico, auctoritate im-
periali notarius publions presens fui qui rogatus hanc cortam inde feci,
scripsi, fideliterque tradidi et notavi et signo meo michi solito superius
signavi.
(Oriyiml en mainsde M. Cli. tir Faucif/rifi. — Liici'nfn'. pr/ntr ilr
Cystria.)
3S
1309, février, 25. — Parluffe arbitral entre. Jean, seifjneuv <!e Huvoréi'
et son frère Raivumd, des fiens hérités de leur père.
Nos frater Petrus humilis abbas de Alpibus notum facimus universis
présentes litteras inspecturis quod nos vidimus et de verbo ad verbum
leginQus quoddam publicum instrumentum confectum manu Johannis de
Columpna publici notarii, non rasum non cancellatum nec aliqua parte sui
viciatum, inmo sanum et integrura, sigillatum veris sigillis et integris
religiosorum viroruni fratris Ansermi de Lulino canonici Abundancie,
fratris Henrici Sucheti, et fratris Pétri Farsiti, monachis de Alpibus, cuius
ténor sequitur in hune modum. — • Anno domini millesimo tercentesirao
nono sumpto a natiuitate domini, indictione septima, die martis post festuni
beati Pétri in Kathedra, coram me notario et testibus infrascriptis, frater
Ansermus de Lulino eanonicus Abundancie et frater henricus Sucheti et
frater petrus Farsiti, monachi de Alpibus, arbitri seu amicabiles composi-
tores, ut asserunt, electi a domino Johanne domino de Rouerea milite et
Raymondo eius fratre, super hereditate patris ipsorum inter ipsos divi-
denda seu super diuisione hereditatis patris ipsorum facienda, non rece-
dendo a compromisse facto per dictos fratres in Vullelmum mistralem de
Aquiano et Petrum de Alpibus domicellos, sed potius tenendo ea que per
dictos domicellos virtute dicti compromissi pernuneiata fuerunt, et difli-
niendo et percipiendo aliqua que per ipsos nimis fuerunt diffinita, prout
42
in compromisso inde confecto plenius continetiir, prout asserunt dicti ar-
bitri. Predicti frater Ansermus frater Henricus et frater Petrus super dicta
(jiuisione pronunciauerunt in hune modum qui sequitur. Videlicet quod
cum census et redditus dictorum fratrum a monte de Armona inferius
usque ad lacum estimati sint ad valorem quadraginta quatuor librarum
Gebenn. exceptis nemoribus de territorii de Rauorea, de hiis percipiat
dictus dominus Johannes de auantagio sibi facto in primo compromisso
triginta quinque libras Gebenn. annuales magis contiguas castre de Rauo-
rea. Pro medietate vero nouem librarum residuarum percipiat dictus
Raymondus grangiam damarez cum suis pertinentiis universis, item ste-
)thanuni de torssier hominem talliabilem cum toto tenemento suo, item
pro nemore de vuardis viginti duos denarios, item sex denarios censuales
quos débet dictus ly piez, item unam cupam auene censualem quam débet
nichodus don pallui de Alingio, item duodecim denarios censuales quos
débet petrus de porta, item sex denarios censuales quos débet Jacobus
niicliael de thonon, item quatuor ferros equi magni censuales quos débet
filius Johannis mistralis de thonon et camlia (?) Alingii noui. Residuum
vero dictarum nouem librarum debent reraanere dicto domino Johanni
videlicet ab Armona inferius. Item pronunciauerunt quod homines quos
habent dicti fratres a Verna usque ad montera de Armona, et a Drancia
usque ad parochiam de Valier, tenementaeorum, census et redditus eorum,
cum sint de feodo domini comitis Sabaudie, virtute dicti primi corapro-
missi pro viginti tribus libris duobus solidis octo denariis annualibus dicto
Raymondo debeant remanere ut tantumdem alibi dicto domino Johanni
assignetur. Unacum dicti arbitri canonicus et monachi pro viginti tribus
libris duobus solidis octo denariis assignauerunt eidem domino Johanni
homines quos habent dicti fratres et habere consueureunt unacum tenemen-
tis censibus et redditibus eorumdem a villa que vocatur saxum ascendendo
superius usque ad sunimitatem montis rotondi et descendendo per pugniam
usque ad vessenteriam, inplicando cum hoc valterum filium udrici de
dicto saxo cum toto tenemento ipsius valteri, item alii homines de saxo
cum suis tenementis dicto Raymondo debeant remanere. Et propter hoc
alii homines de coualonz et gageria et terra bertrandi et homines de Urma
cum suis tenementis dicto domino Johanni debeant remanere. Item pro-
nunciauerunt ut supra quecunque predicti fratres habent et habere con-
sueuerunt ab ecclesia de RioUa descendendo inferius usque ad pontem de
liiez exceptis pitodo de molendino eum tenemento suo et molendino mis-
traleti de Giez et feudo de Compesio quod tenet Ansermus de Syer dorai-
43
cellus et exceptis nemoribus, dicto Uaymondo remancat. El proptcr hoc
quidquid habent dicti (Vatres et liabere consueurunt a ecclesia de biollo
superius usque ad crucem de tes, una cum prato de monte mollie et al-
bergo quodara pétri de coualonz et girodo de Gisterio et pelro fratre eius
cujîi tenementis eorumdem, dicto domino Johanni remaneant exceptis ne-
moribus. Item pronunciaiierunt dicti arbitri quod dictus dominusJohannes
in duas partes diuidat quidquid dicti tratres habent et habere consueuerunl
in parochiam de Lullin et dictus Raymondus accipiat parteni quam duxerit
acceptandam. Item pronunciauerunt quod dictus dominusJohannes diuidat
in duas partes omnia nemora sua territorii de rouerea et dictus Raymon-
dus accipiat partem quam maiuerit capere, et similiter dictus Raymondus
diuidat in duas partes omnia nemora que dicti tratres habent et liabere
consueuerunt in valle alpensi et dictus dominus -lohannes capiat partem
quam capere maiuerit. Item pronunciauerunt quod dictus dominus Johannes
det et soluat semel dicto Raymondo sexaginta solidos gebenn. et dictus
Raymondus in duas partes diuidat hornagia que debent eisdem fratribus
nobiles et clientes et dictus dominus Johannes capiat partem quam maiuerit,
vel si diclus Raymondus maiuerit dare semel dicto domino Johanni dictos
sexaginta solidos, dictus dominus Johannes dicta homagia diuidere tenea-
tur et dictus Raymondus capiat partem quam maiuerit acceptandam. Item
pronunciauerunt quod dictus Raymondus faciat et procuret quod dominus
cornes sabaudie, infra proximum t'estum pentliecostes si t'uerit in patrie,
vel si absens fuerit intVa très epdomadas post aduentum suum, quittet et
soluat dictum dominum Johasnem de homagio in quo sibi tenetur, alioquin
ex tune in antea dictus dominus Johannes mediatatem ceusuum reddituum
et talliorum dicti feodi dicti domini comitis sabaudie sua auctoritate appré-
hendât percipiat etteneat quousque dictur Raymondus adimpleuerit supra-
dicta. Item pronunciauerunt quod si que litigiosa seu liti tradenda alicui
dictorum fratrum attributa fuerint alter allerum in causa seu euictione
pro parte média teneatur releuare et si qua infra limitationes partium
dictorum t'ratrum vel extra remanserunt iudiuisa usque ad decem annos
post contectionem presenlium, possint diuidi et cuilibet légitima portio
assignari. Et hec predicta in presentia partium per dictos arbitros tuerunt
pronunciata, et super hiis predictis predicti arbitri preceperunt mihi
nolario lleri duo publica instrumenta eiusdem tenoris videlicet cuilibet
parti unum. Actum infra castrum gallardi presentibus testibus vocatis et
rogatis domino Jacobo de Lucingio, curato de cranves, Girodo de Necin-
Tome XV, 2™® partie. 4
4i
day nolario, pctro polley desser, nichodo de naues, peroneto de veracort,
hugoni salterii de mornay, jaquemeto de mornay diclo clery , Johanodo
Leura, et me Jolianiie de columpna publico notario auctoritate imperiali,
qui rogatus presens instrumentum scripsi et in tbrmam publicam redigi
et signis meis signaui. Datum ut supra.
(D'après l' original acquis dans la ralUr /le Saint-Jean (VAidps.)
— — =£:S^^Sz»SSfc=.— —
TABLE DES CHARTES
N" Pages.
1. (vers 1059). — Louis de Fauciguy est témoin dans uu acte portant une
dotation de biens situés en deçà et au delà du lac i
2. (vers U)61). — Conon, fils du comte Gérold, donne à l'abbaye d'Ainay
l'église de Saint-Marcel, située en Albanais, dans le paipts genevois. . 1
3. (vers 1 130 ). — Landric de Joux et son fils Amaldric abandonnent au cou-
vent de Romainmotier leurs prétentions sur les terres et les hommes de
Bursins et de Bougel 2
4. (entre 1135 et 1153). — Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, annonce à
Moïse, abbé de Boumont, qu'il a cédé à Bernard, abbé de Clairvaux, l'é-
glise et la villa de Chéserex, qui étaient sous la garde et en la possession
des moines de Saint-Victor de Genève, qu'en retour il a reçu d'Arducius,
évêque de Genève, les églises de Veaux et d'Hauteville 3
5. (de 1140 à 1209 env.). — Cinq actes sans date constatant des donations
faites à l'abbaye d'Aulps par divers membres des familles de Faucigny et
de Ravorée 3
6. (vers 1170). — Arducius, évêque de Genève, termine un dififiérend entre
l'abbaye de Sixt et Pierre, chevalier de boëge 5
7. (après 1178). — Accord entre l'abbaye de Sixt et les héritiers de Borcard
de Villette 6
8 1202. — Pierre et Hugues de Gingins, ainsi que leurs enfants, confir-
ment au couvent de Bonmont les possessions provenant d'eux et acquises
par les moines, soit par achat, soit à titre de donation 6
9. (vers 1210). — Donations faites à l'abbaye de Sixt par Turumbert de Lu-
cinge, confirmées par ses héritiers, et en dernier lieu par Rodolphe de
Grésy 7
10. 1222, Janvier. — Rodolphe de Lucinge, sénéchal de Faucigny, donne sa
vigne de Crète à la chartreuse du Reposoir 8
11. 1233, Avril. — L'évèque Aimon de Grandson notifie la donation de toute
la terre de Crête, paroisse de Thiez, faite à la chartreuse du Reposoir, par
Rodolphe de Grésy, fils de Rodolphe de Faucigny, dit Alamant, du con-
sentement de ses fils, Rodolphe de Lucinge et Guillaume de Chouis ... 9
12. 1235, Mars. — Guerric, seigneur d'Aubonne, notifie et confirme des do-
nations faites à Bonmont, par son vassal Gérard, chevalier de Sottens. . 10
13. (1206-1236). — Quittance donnée par Aimon de Faucigny pour uu an
neau qu'il avait prêté à Landric, évêque de Sion H
14. 12.35, Janvier. — Ebal, seigneur de Mont, donne à l'abbaye de Bonmont
la censé annuelle d'une coupe d'huile . 12
15. 1256, Mai. — Accord entre Simon de Joinville et Hugues, comte palatin
de Bourgogne 12
16. 1258, Mars, 31. — Vente au couvent de Filly par Jean de Rovérée et
Girod, son frère, des terres qu'ils possèdent dans la paroisse de Sciez. . 13
46
N" Pages
17. 1263, Février, 23. — Guillaume de Lucinge, chevalier, vend à Pierre de
Savoie et à Agnès, dame de Faueigny, son casai dit du Frêne, situé à
Faucigny. 14
18. 1270, Octobre, 15. — L'abbé et le couvent dAbondance reconnaissent
tenir du Chapitre de Genève la maison qu'ils possèdent dans cette ville . 1-4
19. 1273, Août, o. — Lettre de garde et protection accordée par Béatrix de
Faucigny au prieuré de Chamouix, moyennant une redevance annuelle de
deux oboles d'or, soit dix sous viennois 15
20 1276, Mars, 8. — Transaction entre Béatrix, dame de Faucigny, et la
veuve ainsi que les enfants de (îuillaume de Lucinge, jadis sénéchal de
Faucigny et seigneur d'Arenthon 16
21. 1278, .lanvier, 13. — Accord entre l'abbaye d'Aulps, et Aimon, damoiseau
de Lully, au sujet des terres situées sous la grange de Rovérée 22
22. 128'4, Janvier. — Hommage-lige de .lean de Mont à Jean de Châlons-
Arlay 22
23. 1286, Juin, 11. — Bulle d'Honorius IV, confirmant les droits et privilèges
de l'hospice de Saint-Bernard du Mont-Jou, au diocèse de Sion . 23
24. 1288, Avril, 2. — Béatrix, fille de feu Pierre de Savoie, ordonne à son
châtelain de Mont-Joie de faire délivrer sans trouble ni retenue, au prieuré
de Chamonix, le muid et demi de froment qui a été assigné à cette église
par feu Aimon de Faucigny . . , . 28
20. 1288, Mai, 19.— .\utorisatiou donnée par Béatrix à Vauteret, son homme-
lige, de faire rendre hommage par un de ses fils au prieur de Chamonix,
pour un albergement dépendant du dit prieuré 29
26. 1289, Février, 9. — Amédée, comte de Genevois, donne en précaire à
l'église de Saint-Maire, son casai, situé à Lausanne, près la porte du même
nom. Il se réserve le droit de révoquer cette donation 29
27. 1289, Octobre, 21. — Amédée, comte de Genevois, révoque toutes les
conventions qu'il a passées avec les hommes de Chamonix 30
28. 1290, Janvier, 12. — Engagement réciproque de Ricnard, prieur de Cha-
monix, et de la comtesse Béatrix, de maintenir ce dit prieuré sous la garde
des seigneurs de Faucigny 31
29. 1291, Avril, 26. — Déclarations de Béatrix, dame de Faucigny, de sa fille
Anne et de son gendre Humbert Dauphin., relatives aux droits d'avouerie
et de mère et mixte empire sur le prieuré de Chamonix 32
30. 1296, Mars, 27. — .\médée, comte de Genevois, inféode à François de
Lucinge, prévôt de Genève, la maison forte d'Arcine, ainsi que les habi-
tants et les terres du même district 31
31. 1296, Juillet, 15. — Humbert et Aimon, fils de Guillaume de Lucinge,
cèdent pour cent livres genevoises à Béatrix, dame de Faucigny, toutes
leurs prétentions sur la succession d' Aimon de Ravorée .3(5
;^2. 1306, Mai, 30. — Acte de partage entre Pierre, Jacques et Mermet. fils
d' Aimon de Lucinge, chevalier et seigneur d'Arenthon 37
33. 1309, Février, 2.^. — Partage arbitral entre Jean , seigneur de Ravorée,
et sou frère Raimond, des biens hérités de leur père 41
M
APPENDICE.
TROIS DOCUiVIENTS RELATIFS A L'ABBAYE DE SIXT.
1156, Février 7. — Bulle du pape Adrien IV, qui confirme à l'ubbaye de
Sixt ses droits et possessions.
Adrianus episcopus servus servorum Dei, dileclis tiliis Pontio abbati
ecclesie S. Marie de Siz, ejusqiie fratribus tara preseiitibus quam futuris
regularem vitam professis in perpetuani memoriam. Religiosam vitam
eligentibus, Apostolicum convenit adesse presidium, ne forte cujusiibel
temeritatis incursus aut eos a proposito revocet, aut robur, quod absit,
sacre Religionis infringat. Ea propter, dilecti in Domino filii, vestris
juslis postulationibus annuimus et prefatara ecclesiara in qua divino man-
cipati estis obsequio, sub beati Pétri et nostra protectione suscipimus et
presentis scripti privilégie coraraunimus. Statuentes ut quascumque pos-
sessiones, quacumque bona eadem ecclesia inpresentiarum juste et canu-
nice possidel, aut in futuruni concessione Pontiiicuni, largitione Reguni
vel Principum, oblatione fidelium, seu aliis justis modis prestante Domino
polerit adipisci, firma vobis vestrisque successoribus et illibata, perma-
neant, in quibus hec propriis duxiraus exprimenda vocabulis. Quidquid
canonice possidetis a ioco Vallonis usque ad alpes Passiaci, in terris, aquis,
pratis, nemoribus, venationibus et alpibus, grangiam de Filiingio, gran-
giara de Romblatis, grangiam de valle Gaslellionis, cum omnibus posses-
sionibus earum. Sancimus autera ut nemini inter vos professione exliibita
sine tua dilecte tili Ponti, nunc ejusdera loci abbas, vel eorum qui post
Tome XV, '2"^° partie. 5
48
te in codem regimine successerint, aut sine corarauni congregationis li-
centia, de claustro discedere liberum sit. Qiiod si discesserit et comraonitus
redire conterapserit, tibi et tuis successoribus facilitas sit ejus modi, ibi-
libet a divinis officiis interdicere, interdictum vero nullus episcoporum
abbatumve suscipiat. Cbrisma vero, oleum sanctum, consecrationes alta-
rium seu Basilicarura, ordinationes clericorum qui ad sacros ordines fue-
rint promovendi a dyocesano suscipietis episcopo siquidera catholicus
fuerit et gratiam atque communionem apostolice sedis habuerit et ea gratis
sine uUa pravitate vobis voluerit exhibere ; alioquin licet vobis quemcunque
raalueritis adiré antistitem qui nostra fultus auctoritate, quod postulatur
indulgeat. Obeunte autem te nunc ejusdem loci abbate vel tuorum quorum-
libet successorum, nullus ibi qualibet subreptionis astucia seu violentia
preponatur, nisi quera fratres vel fratrum pars consilii senioris de com-
muni consensu capituli ejusdem loci vel canonicorum de Habundantia ad
quorum jus ipsa ecclesia dicitur pertinere, secundum Dei timorem et
beati Augustin! regulam provideant eligendum. Decernimus ergo ut nulli
omnino liominum liceat supradictam ecclesiam perturbare temere, aut ejus
possessiones auferre, vel ablatas retinere, minuere seu quibuslibet vexa-
tionibus fatigare, sed illibata orania et intégra conserventur eorura et pro
quorum gubernatione et sustentatione concessa sunt, usibus omnimodis
profutura, salva sedis apostolice auctoritate. Si qua igitur in futurum ec-
clesiastica secularisve persona liane nostre constitutionis paginam, sciens,
contra eara temere agere tentaverit, secundo tertiove commonita, nisi pre-
suraptionem suam congiiia satisfactione correxerit, potestatis honorisque
sui dignitate careat, reamque divino judicio existere de iniquitate perpe-
trata cognoscat, et a sacratissimo corpore et sanguine Dei et Domini nostri
Redemptoris Jesu Christi aliéna fiât atque in extremo examine districte
ultionis subjaceat. Cunctis autem eidem loco sua jura servantibus sit pax
Domini nostri Jesu Christi, quatenus hic et fructum bone actionis perci-
piant et apud districtura judicem premia eterna pacis inveniant. Amen.
Ego Adrianus catholice ecclesie episcopus.
Ego Imarus Tusculanus episcopus.
Ego Guido presbiter^^ardinalis tituli sancti Grisogoni .
Ego Hubaldus presbiter cardinalis tituli sancte Praxadis.
Ego Manfredus presbiter cardinalis tituli sancte Sabine.
Ego Jullius presbiter cardinalis tituli sancti Marcelli.
Ego Grimadus presbiter cardinalis tituli sancti Stephani in celio monte .
Ego Henricus presbiter cardinalis tituli sanctorum Nerei et Achillei.
49
Ego Joannes presbiter cardinalis tituli sancloriim Silvcstris et Martini.
Ego Oddo diaconus cardinalis sancti Gcorgii ad vcliim aureum.
Ego Hjacintus diaconus cardinalis sancte Marie in porlicu.
Datum Beneventi per manum Rolandi S. Rom. ecc. presbit. cardinalem
et cancellarium, septimo idus februarii, indict. IV, inc. Domini noslri
Jesu Christi mill". cent°. quingent". quinto, pontif. vero Adriani pape
IV" anno secundo.
(Fragments de l'original en mains de M. le prince de Cystria,
complétés par deux anciennes copies.)
9
1204, Février 6. — Bulle du pape Innocent 111, qui confirme à l'ahbatje de
Sixl ses droits et ses possessions.
Innocentius episcopus servus servoruni Del dilectis filiis Anialrico abbatti
ecclesie S. Marie de Six, ejusque fratribus tara presentibus quam futuris
regularem vitam professis in perpetuam memoriam. Religiosam eligenlibus
vitam, Apostolicura convenit adesse presidium, ne forte cujuslibet temeri-
tatis incursus aut eos a proposito revocet, aut robur quod absit sacre Reli-
gionis infringat. Ea propter dilecti in Domino filii vestris justis postulatio-
nibus clementer amiuiraus et prefatam ecclesiam Sancte Marie in qua divino
mancipati estis obsequio, ad exemplar felicis recordationis Adriani pape
predecessoris nostri sub beati Pétri et nostra protectione suscipimus et
presentis scripti privilegio communimus. ,lii primis siquidem statuentes
ut ordo canonicus qui secundum Deum et beati Augustini Regulam atque
institutionem fratrum raonasterii Abundantini, in eodam loco institutum
esse dignoscitur, perpetuis ibidem teraporibus inviolabiliter observetur.
Preterea quascuraque possessiones, quacuraque bona eadem ecclesia in
presentiarum juste et canonice possidet aut in futurura concessione Ponti-
ficum, largitione Regum vel Principura, oblatione fidelium seu aliis justis
modis prestanti Domino poterit adipisci, firma vobis vestrisque successo-
ribus et illibata permaneant, in quibus bec propriis duximus exprimenda
50
Yocabulis : lociim ipsum in quo prefata ecclesia sita est cum omnibus
pertineiitiis suis a loco Valionis citra aquam a loco piveti ultra arjuam usque
ad alpes Passiaci ex una parte, ex altéra parte usque ad alpes Agaunen-
sium, Alpem de Sales, ecclesiam de Sersonnex cum décima et omnibus
pertinentiis suis, decimam de Âloz, decimam de casalibus in territorio
Melciaci, decimam de Grannues tam vini quam grani et pecudum, et ea
que nobiles viri Domini Fulciniassenses et Turumbertus dapifer de Lu-
cingio vobis in eleemosinam concesserunt, tenementum Nantelmi militis
de Sunziace, decimam de Arachia, decera scxtarios vini in valle Castilio-
nis, grangiara de submonte, grangiam de Vignin, grangiam de Verde-
nens, grangiam de Maruel cum décima, tenementum Uberti cum habitato-
ribus in loco qui dicitur Casalis cum casamentis et habitatoribus, quindecim
solidos apud Cuperinum cum tribus mensuris fabe, duos sextarios annone
apud Rubetum, grangiam de Sulciaco, grangiam de Jugo, grangiam de
Rumblatis, grangiam de bono attractu, grangiam de Bregniaco, grangiam
de Fillingio, grangiam de Giffliaco, grangiam de Grammes, grangiam de
Biolleto, grangiam de Villari, grangiam de Balleyson, grangiam de Vil-
leta, cum omnibus earum pertinentiis. Sane novalium vestrorumque pro-
priis manibus aut sumptibus colitis, sive de vestrorum animalium nutri-
mentis nuUus a vobis décimas exigere vel extorquere présumât; liceat
quoque vobis clericos vel laicos liberos et absolûtes a seculo fugientes ad
conversionera recipere et eos absque contradictione aliqua retinere. Pro-
hiberaus insuper ut nuUi fratrum vestrorum post factam in eodem loco
professionem fas sit absque abbatis sui licentia de eodem discedere, disce-
dentem vcro absque communium litterarum vestrarum cautione nuUus
audeat retinere. Chrisma vero, oleum sanctum, consecrationes altarium
seu basilicarum , ordinationes clericorum qui ad sacros ordines fuerint
promovendi a diocesaoo suscipietis Episcopo, si quidem catholicus fuerit
et gratiam atque communionera Apostolice sedis habuerit, et ea grata
et sine pravitate aliqua vobis voluerit exhibere, alioquin liceat vobis quem-
cunque malueritis catholicum adiré antistitera gratiam atque communionem
Apostolice sedis habentem qui nostra fultus authoritate quod postulatur
impendat. Interdicimus etiam ne quis in vos excommunicationis vel sus-
pensionis aut interdicti sententiam sine manifesta et rationabili causa pro-
mulgare présumât. Cum autem générale interdictum terre fuerit, liceat
vobis, excluais excommunicatis et interdictis, clausis januis, non pulsatis
campanis, suppressa voce, divina officia celebrare. Sepulturam quoque
ipsius loci liberara esse decrevimus ut eorum devotioni ot extrême volun-
51
tati qui illic sepeliri Helibcraverunt modo non causa interdicti sint, nullus
obsistat, salva tamcn justitia earum ecclesiarum a quibus mortuorum cor-
pora assumuntur ; obscrvationes quoquc et immunitatcs antiquas et ratio-
nabilcs consuetudincs concessas et hactemus observatas ratas babemus et
bas perpetuis temporibus illibatas maneresancimus. Obeuntevero te mine
cjusdem loci abbatc vel tuorum quolibet successorum nulhis ibi vis aut
subreptionis astutia seu violeritia preponatur nisi quem fratres communi
consensu vel eorum pars consilii senioris et canonicorum de Abundaiitia
ad quorum jus ipsa Ecclesia noscitur pertinere secundum Dei timorem et
beati Augustini regulam provideunt eligendum. Paci quoque et tranquil-
litati vestre paterna in posterum sollicitudine providere volentes, authori-
tate Apostolica prohibemus ut infra clausuras locorum seu grangiarum
vestrarum nullus rapinam seu furtum facere, ignem apponere, sanguinem
fundere, hominem temere capere vel interficere seu violentiam aliquam
audeat exercere. Ceterum si qua clericalis vel secularis persona de bonis
suis aliqua pietatis intuitu vobis conferre voluerit, nullus audeat prohibere.
Decernimus ergo ut nuUi omnino horainum liceat supradictam Ecclesiam
temere perturbare aut ejus possessiones auferre, vel ablatas retinere,
minuere seu quibuslibet vexationibus fatigare, sed omnia intégra conser-
ventur eorum pro quorum gubernatione ac sustentatione concessa sunt
usibus omnimodis profutura, salva sedis Apostolice authoritate etdiocesaiii
Episcopi canonica justitia. Si qua igitur in futurum ecclesiastica secula-
risve persona banc nostre constitutionis paginam, sciens, contra eam te-
mere venire tentaverit, secundo tertiove commonita, nisi reatum suum
congrua satisfactione correxerit potestatis honorisque sui dignitate careat,
reamque se divine judicio existere de perpetrata iniquitate cognoscat, et
a sacratissimo corpore et sanguine Dei redemptoris nostri Jesu Christi
aliéna fiât, atque in extrême examine districte ultionis subjaceat. Cunctis
autem eidem loco sua jura servantibus sit pax Domini nostri Jesu Christi,
quatenus et his fructum bone actionis percipiant ut apud districtum Jndi-
cem premia eterne pacis inveniant. Amen. Sanctus Petrus, Sanctus Paulus
Innocentius papa tertius tac nutum Domini signum in bonum.
Ego Innocentius catholice ecclesie episcopus.
Ego Joannes Albanensis episcopus.
Ego Hugo presbiter cardinalis sancti Martini tituli equitii.
Ego Joannes presb. card. tituli sancti Stephani in Celio monte.
Ego Joannes presb. card. tituli sancte Prisce.
Ego Gregorius presb. card. tituli sanli Yitalis.
52
Ego Léo, presb. card. tituli sancte crucis in Hierusalem.
Ego Gratus, diaconus çardinalis tituli sanctorum Cosme et Damiani.
Ego Gerardus, diac. card. tituli sancti Adriani.
Ego Gregorius, diac. card. tituli sancti Georgii ad vélum aureum.
Ego Hugo, diac. card. tituli sancti Eustachii.
Ego Joannes, diac. card. tituli sancte Marie in cosmedin.
Datum Anagnie per manum Joannis S. Romane ecclesie subdiaconi et
notarii, VIII" Idus februarii, indictione septima, Incarnationis Dominice
anno MCCIll, pontificatus vero Domini Innocentii pape III anno sexto.
(D'après un Vidimus, Joenoz, notaire.)
3
1234, Septembre. — Aimon, sdfjneur de Faucignij, confirme à l'abbaye de
Sixt les donations de son aïeul Aimon et celles de son père Hetiri ; il ènu-
mère toutes les propriétés du couvent, et lui fait une nouvelle concession qui
est approuvée pur ses fiUes Béatrix et Agnès.
Ego Aymo, Dominus de Fuciniaco, notum facio présentes litteras in-
specturis, quod felicis memorie Aymo, Dominus de Fuciniaco, avus meus,
qui domum de Syz ordinis Abundantie fundavit pro timoré et amore Do-
mini nostri Jesu Christi et pro sainte anime sue et parentum suorum in
perpetuam elemosinam donavit Deo et béate Marie et prefate domui de
Syz et fratribus in perpetuum ibidem Deo servientibus, in manu Domini
Poncii ejusdem loci tune abbatis, sicut mihi constitit evidenter, quidquid
continetur a loco Vallonis citra aquam usque ad Alpes Agaunum ex una
parte, ex altéra parte a loco Pineti usque ad Alpes Passiaci, tam in mon-
tibus quam in vallibus, aquis, terris, pratis et nemoribus, cunctaruraque
bestiarum et avium generibus. Statuit etiam quod nullus hominum ex
tune auderet vel presumeret venatione vel aliquo modo feras autaves infra
dictes termines capere. Si cui vero pro aliqua causa infra présentes ter-
mines vel etiam pro aliquo metu contigerit commorari, nullus eum, vel
eos si plures essent presumeret perturbare vel quibuslibet vexationibus
53
fatigare, ncc etiam infra iam dictos terminos rapinam aliquam facerc, spu
violentiam aliquam audeat exercere. Quas donationes omnes Dominus llen-
ricus pater meus libère, sicut possesserunt predicti fratres, conlirmavit et
omnes possessiones et investi turas quas tempore suo nominata domus de
Six tenebat ratione eleeraosine, vel alia obventione vcl donationc vel ac-
quisitione, tam de feudo suo vel hominum suorum, quam de omnibus aiiis
rébus, quiète et pacifiée perpétue habere, concessit. Quorum patrum meo-
rum sequens vestigia quiète et pacifiée nominate domui volcns intendere,
omnia supra dicta prout melius intelligi potest dicte domui et fratribus
quiète et pacifiée bona fide habere, in perpetuo possidere, concède, et omnia
illa que usque in hodiernum diem dicta domus donatione vel alio quocum-
que modo, acquisivit tam de feudis meis quam hominum meorum nec non
et omnium aliorum, de quibus est investita, vel alius nomine suo, simi-
liter habere in perpetuum concède. De quibus aliqua dignum duxi nomi-
nare, scilicet : quidquid est a loco Vallonis citra aquam usque ad Alpes
Agaunum ex una parte ; ex altéra parte a loco Pineti usque ad Alpes Pas-
siaci, tam in montibus quam in vallibus, pratis et nemoribus, terris et
aquis, cunctarura bestiarum et avium generibus, excepta venatione quam
habeo in gesinam in loco qui dicitur Terrauz quam mihi retinui, et quod
nullus hominum deinceps audeat vel présumât venatione vel aliquo modo
feras aut aves capere inter dictos terminos, exceptis dictis fratribus, vel
ipsorum mandate, et si quem vel quos pro aliquo metu vel alia causa infra
predictos terminos contigerit commorari, nullus eos ibi perturbare présu-
mât, vel quibuslibet vexationibus fatigare, nec etiam infra dictos terminos
aliquis rapinam vel violentiam audeat exercere. Grangiam de Samoen,
grangiamdeVingnis, grangiam de Verdenens, grangiam de Maruel, gran-
giam de Sancy, grangiam de Jugo, grangiam de Chunzier, grangiam de
Bonatrate, grangiam de Rumblaz, grangiam de Brenuiez, grangiam du
Villard, grangiam de Filiingio, grangiam de Grannuet, grangiam de Suffles,
grangiam de Bioleto, cum omnibus aliis grangiis et appendiciis carum. Et
in molendino de Samoen unum modium frumenti et duos hordei ; et me-
dietatem décime Deleni et in medietate mea eiusdem loci unum modium
bladii ; tertiam partem frumenti et duas partes avene, quod modium dedi
pro anima Guidonis de Camberiaco nepotis mei ; et omnem dccimam fru-
menti de labore ipsorum in valle Castellionis ; et decem sextaria vini
annuatim solvenda tempore vindemie in décima de Castellione ; et omnes
vineas quas tenent in valle dicti Castellionensis et quas habent in parochia
de Filiingio ; et quinque caballatas vini in vinea quam tenot Rodulphus
54
Marchis prout in alla carta mea continetur; et viginti solidos in servicio
meo de Ans in festo sancti Andrée solvendos ; et decimam quam habent in
Arachia ; et decimam qiiam habent in Biens ; et decimam quam habent in
Christorai ; et decimam quam habent in Chatellard ; et decimam quam ha-
bent in monte Robet; et décimas quas habent in parochia de Miusiaco;
et decimam quam habent apud Granues ; et bladum et denarios quos ha-
bent in villa Vallonis juxta Samoen ; et homines quos habent in parochia de
Mynsiaco et infra Glusas, scilicet apud Blancam villam et in villa que dicitur
Lo et in casalibus ; et quos habent in parochia de Fleyrie et de Samoen ;
et quos habent in parochia de Chyonsiaco ; et quos habent in parocliia de
Turre ; et quos habent in parochia de Filingio ; et viginti solidos apud
Corman reddendos annuatim in festo sancti Andrée ; et omnia alia que
nunc possidet dicta domus de Six in decimis, redditibus, hominibus,
terris, pascuis, aquis, pratis, nemoribus et quibuslibet aliis rébus que
nimior longum esset per singula nominare. Preterea de decimis quas dicta
domus tenuerat longo tempore de Baudetis, militibus, ratione eleemosine
apud Vingins et apud Maruel dimisi eis quiète, libère et pacifice perpetuo
habere et possidere quinque modios quos récipient apud Vingins annua-
tim. Et bec omnia laudaverunt et concesserunt Domine filie mee Beatrix
et Agnes. Et ut hec mea donatio, concessio et confirmatio rata et firma
maneat in eternum presentem cartam sigilli mei Juxi munimine roboran-
dam. Actuni anno gratie millesimo ducentesimo trigesimo quarto, mense .
septembri, apud Fauciniacum.
(D'après deux anciennes copies.)
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