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Harvard Collège
Library
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FROM THE LIBRARY OF
PAUL HENRY KELSEY
Clui o< 1902
THB GIFT OF
Mrs. PAUL H. KELSEY
July 2, 1936
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MITHRIDATE
MITHRIDATE
TRAGÉDIE
PAR
JEAN RACINE
EDITED WITH INTRODUCTION, NOTES, AND
VOCABULARY
BY
LEO EICH LEWIS, A.M.
A880CIATE PB0FES80R OF MODERN
LANGUAGE8 IN TUPT8 COLLEGE
BENJ. H. SANBORN & CO.
CHICAGO NEW YORK BOSTON
1921
HARVARD COLLEGE LIBRARY
FROW THE LIBRARY OF
PAUL H. KELSEY
JULY2, 1936
Copyright, 1921,
Bt BENJ. h. SANBORN & CO.
* J. S. Cushing Co. — Berwick & Smith Co.
Norwood, Mass., U.S. A.
PREFATORY
The Editor is not without hope that others may ooncur in
his opinion that Mithridate is by far the best play with which to
begin the study of Racine With American students. Having
many times found, during the past twenty-five years, that this
play enlists, in higher degree than Andromaqy£f BrUannicuSy
Iphigénie, Phèdre, or Athalie, the interest of his classes, he makes
bold to provide what has hitherto been lacking, an édition with
English annotations.
It is perhaps true that Mithridate is, for Frenchmen, less
compelling than any of thèse five other tragédies ; and, as editors
are likely to make their choice of texts in accordance with French
opinion, Mithridate has naturally been neglected. But we mnst
remember that the viewpoint of the French critic is the resuit
of years of expérience and tradition, and that even an apprécia-
tion of that viewpoint — to say nothing of an appréciation of
what Frenchmen find in French tragedy — can be attained only
by long and intimate study, including a period of résidence in
France and steady frequenting of the theater. We may there-
fore frankly disregard French refinements of distinction in pre-
senting Mithridate in an American édition, especially as the
play has a wholly respectable record of "town*' performances
during the two hundred and three years preceding 1870: 472
performances of Mithridate, as against 717, 611, 733, 792, and
398 of the five other plays above named. And, as to this record,
it is ifurther to be observed that, in times of revolutionary activ-
ity, Mithridate has always been neglected, and sometimes even
suppressed.
In reading the play with American students, the Editor has
met only one diffîculty. Mithridates had ambitions as td the
conquest of the world. The great scène which opens Act 3
has seemed so improbable to students that the instructor had to
V
VI PREFATORY
give his best efforts to the justification of that scène — not
always with complète success, of course. But récent e vents
hâve brought universal knowledge of national ambitions. Inci-
dentally, too, the events hâve made generally familiar localities
hitherto little known. The instructor will no longer hâve to
labor on the dramatic or the geographical détails of the career
of Mithridates.
As a possible first Racine play to be read, Mithridate has been
given a "practical" treatment. Scholarship is présent in this
édition only by reflection or refraction of the briUiant hght shed
upon the play by many commentators. The édition of N. M.
Bernardin, published by Delagrave, has been liberally drawn
upon for conmients. Except for the oi spellings, the Grands
Ecrivains édition of Mesnard has been foUowed as to text. That
édition and the commentaries of Labbé, Lanson, Kastan, and
Schûtz hâve been consulted throughout, and other critiques
and annotated éditions hâve been used for référence and cita-
tion. The Editor hopes that he has not so overladen the notes
with "practical" things as to vitiate the édition for use, in
supplementary or review study, by more advanced students
of the poet. In this connection attention is called to the quota-
tions from several critiques which make the substance of the
Introduction.
ConventionaUties of the classic diction are treated in notes,
and référence to the more important is made in the Vocabulary.
The Vocabulary itself is not restricted to the meanings which
are to be used in translation of text and French passages of the
notes. It thus affords opportunity to train the student in mak-
ing a choice of meaning, as practical préparation for the use of a
dictionary, if the instructor finds it impossible to insist on the
use of one at the time when this play is being read.
Other considérations hâve prompted the Editor to give ampli-
tude to the Vocabulary. Translating classic French is always
largely an exercise in diction. As sentences must often be treated
as wholes, the rôle of the individual word must be variable. The
basic idea of a word — which is supposed always to be included in
our Vocabulary — must necessarily be in a good translation ;
PREFATORY VU
but it may happen that no ^spécifie translation of the word itself
will be there. A nonn may be "covered" by an adjective, or
vice versa ; an adjective may appear in adverbial form ; auxil-
iaries may appear as adverbial phrases ; connectives inay become
requisite or superfluous; and so forth. From time to time, in
the notes, the student is reminded of the incidental values of
translation from works like those of Racine. Some instructors
regard such works as nearly équivalent to the Latin classics in
offering material to develop the student's ability to use his mother
tongue.
Studies in diction may become burdensome to the beginner;
but no play excels Mithridate in the vitality of its interest for
the average American youth and, consequently, in the steady
incentive it offers to self-improvement in English style.
There are three English spellings of the name of the chief
personage in Racine's play: Mithridates, Mithredates, Mith-
radates. The first is traditional; the second, occasional; the
third, formai. It happens, however, that the theoretical justi-
fication of the third spelling is incomplète, or possibly even
fanciful. There has seemed to be no cogent reason, in pre-
paring this édition, for throwing an incompletely authorized
English spelling continually into contrast with the only authorized '
French spelling. The traditional English form has therefore
been used throughout the notps.
There may of course be occasion to correct, in later éditions,
errors in text or notes. There certainly would hâve been, but
for the attention given to the page proofs by the Editor's former
coUeague, Philip M. Hayden, of Columbia University.
TuFTs Collège, Massachusetts
December, 1920
CONTENTS
PAGll
Bacinb FrorUispiece
Prefatoby V
Introduction ix
Vie de Racine. Person ix
Théâtre du Marais — Elévation (iU.) . . . . z
Théâtre du Marais — Interior (ill.) .... xi
Summary of the Life of Racine . xvii
Sources of Information conceming Racine and his Plays . xviii
Form and Verse in French Tragedy xx
Sélections from Historians andX^ritics xxvi
Racine, Dramatiste et Poète. Fagiiet .... xxvi
Les Ennemis de Racine au XVII" Siècle. Brunetière . xxvii
Théâtre Français — Elévation (ttt.) xxviii
Théâtre Français — Interior (ill.) xxix
Le Système Dramatique de Racine. LinlUhajc , xxx
Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne {iU.) .... xxxii
Racine et Shakespeare. Brunetière .... xxxiii
Shakespeare and Racine. Strachey .... xxxiv
Le Mithridate de Racine: Conférence Faite au Théâtre
de rOdéon. Bernardin xxxvii
Mithridate : Tragédie en Cinq Actes 1673 .... 1
Mithridates Eupator (iU.) 2
Préface 3
Text and Notes 11
MUe Clairon (Ul.) 30
Baron (iU.) 44
Monime and Mithridates (iU.) 56
Map including Colchis and Rome 70
Phamaces, Mithridates, and Xiphares (ill.) ... 77
Facsimile of a Page of MithridaU 85
Panticapœum (ill.) 94
Rachel (iU.) 108
Rachel as Monime (iU.) 120
The Death of Mithridates (Ul) 132
Appendix : Some Vulnérable Points in Mithridate . .135
VOCABULART 137
Some Proper Nouns and Adjectives 138
Vooabulary 139
• ••
vm
INTKODUCTION
VIE DE RACINE
Jean Racine naquit le 21 décembre 1639, à la Ferté-Milon, d'une
famille appartenant à cette ^bourgeoisie distinguée où se recrutait
alors la noblesse nouvelle. C'était Tannée même où Corneille
dédiait sa tragédie d'Horace à Richelieu; c'était aussi Tannée
de Cinna, Louis XIV avait im an.
Encore enfant, Racine eut le malheur de perdre son père et
sa mère : son père était contrôleur du grenier à sel de la Ferté-
Milon; sa mère était fille d'un procureur du roi aux eaux et
forêts de Villers-Cotterets. Le jeune orphelin grandit sous la
tutelle de son aïeul paternel, et peu après de la veuve de celui-ci.
Le soin de ses études le fit envoyer d'abord à Beauvais, où il
devint élève du collège, puis à Port-Royal des Champs, où il
continua et termina ses études de la façon la plus brillante.
Port-Royal était ime abbaye appartenant à l'ordre de Cîteaux
et dont la fondation remontait au commencement du XIIP siècle.
Mais à cette abbaye était joint un collège justement célèbre,
tant par les maîtres qui y donnèrent l'enseignement, les Lancelot,
les Amauld, les Nicole, que par les illustres élèves qui y reçurent
l'instruction.
Grâce à son intelligence supérieure et à sa remarquable ardeur
pour l'étude. Racine, à l'âge de seize ans, lisait dans leur langue
Sophocle, Euripide, Thucydide, Démosthène, à plus forte raison
les écrivains de Rome, parmi lesquels Cicéron, son auteur favori.
Sa vocation de poète se révéla de bonne heure et s'affermit par
d'heureux essais. A l'occasion du mariage du roi avec l'infante
d'Espagne Marie-Thérèse, il composa ime ode allégorique qui
lui valut les suffrages des arbitres de la littérature, ainsi qu'une
gratification royale de cent louis.
Toutefois la poésie n'était pas im métier, et l'insuffisance de
son patrimoine faisait une obligation à Racine de se procurer
iz
XU INTRODUCTION
de sa jeunesse, dans un pamphlet qui fait plus d'honneur à son
esprit qu'à son cœur.
Deux ans après Alexandre, en 1667, Racine fait paraître son
premier réel chef-d'œuvre, Andromagy^, qu'il dédiait à la jeune
et célèbre Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans.
La même année, hélas! ComeiUe, en pleine décadence,
donnait Attila} La rivalité entre les deux poètes se terminait
par le triomphe complet de Racine: peinture des passions,
connaissance approfondie du cœur humain, science consonunée
de l'art dramatique, enfin style enchanteur, tels sont désormais
les titres de Racine à l'admiration.
La même année 1668 vit paraître les Plaideurs, qui n'eurent
qu'un médiocre succès, et Britannicus, qui fut, selon Voltaire,
la pièce des connaisseurs. Avec Britannicus, Racine atteint
la pleine maturité de son génie : vigueur de la conception fonda-
mentale, régularité infaillible du plan, justesse des caractères,
vérité et profondeur des vues politiques et morales, perfection
suprême de l'exécution, voilà ce qui éclate dans cette pièce.
Après ce tableau historique et dramatique. Racine, pour com-
plaire aux désirs d'Henriette d'Angleterre, exposa sur le théâtre
les adieux et la séparation de Titus et de Bérénice (1670). Le
piquant de la chose est que la princesse, qui voyait dans ce sujet
une allusion à des faits contemporains, l'avait donné à traiter,
simultanément et à l'insu l'un de l'autre, à Corneille et à Racine.
L'avantage resta incontestablement à ce dernier. Le prince
de Condé, juge délicat des ouvrages de l'esprit, avait pour
Bérénice une estime toute particulière.
Avec Bajazet (1672), Racine, par une exception unique,
s'adresse cette fois à l'histoire contemporaine. Il pénètre dans
ce mystérieux sérail de Constantinople, et, à force d'intuition
ingénieuse, en tire une peinture iorte et vraisemblable.
* It was this weak tragedy of Corneîlle's, coming after hisAgésUaa,
that suggested to Boileau the cruel but famous epigram :
Après r « Agésilas » ,
Hélas !
Mais après 1' « Attila » ,
Holà !
INTRODUCTION Xlll
C^est Tépoque vraiment féconde de la carrière dramatique
de Racine et ses chefs-d'œuvre se succèdent sans interruption.
En 1673, Mithridate ; en 1674, Iphigénie,
Des titres si multipliés lui avaient ouvert" depuis quelque
temps les portes de l'Académie. Il y fut admis le même jour
que Fléchier (12 janvier 1673). Son discours ne fut pas im
succès: il prononça, à voix basse, un remerciement des plus
courts et qui fut à peine entendu.
Quatre ans après cette malencontreuse harangue de réception,
Racine, qui n'avait jamais laissé im si grand intervalle entre
ses pièces, donna la dernière de ses tragédies profanes (1677).
Le poète était à l'apogée de sa gloire : depuis Andromaque il
avait marché de succès en succès; Phèdre est encore un de ses
chefs-d'œuvre. Mais il s'était formé contre lui ime cabale
formidable, dont les chefs s'assemblaient à l'hôtel de Bouillon.
Ils s'avisèrent d'ime nouvelle ruse, qui leur coûia, disait Boileau,
quinze mille livres, et qui consista à retenir les premières loges
pour les six premières représentations de l'une et de l'autre
pièce, et par conséquent ces loges étaient vides et remplies quand
on voulait, et de qui l'on voulait.
Le coup était trop rude pour la susceptibilitéMe Racine. Avoir
fait la Phèdre^ la pièce la plus tragique qu'on ait vue au théâtre,
comme le dit Voltaire, et voir cette pièce mal accueillie, tandis
que celle de Pradon était portée aux nues : c'en était trop 1
Depuis quelque temps d'ailleurs, im changement s'était opéré
peu à peu dans les idées de Racine sur le monde et sur le théâtre.
L'éducation religieuse de ses premières années reprenait le
dessus; il s'était réconcilié avec- les solitaires de Port-Royal;
de sorte que l'influence de la religion, secondée encore par l'in-
justice des hommes à l'égard de son dernier chef-d'œuvre, lui
fit prendre la résolution grave, et à jamais regrettable pour la
scène française, de renoncer au théâtre. Racine n'avait que
trente-huit ans !
Dès lors une existence nouvelle commence pour le poète.
Dans la ferveur de son zèle, il avait voulu d'abord se faire char-
treux : par un changement moins radical, il se contenta de se
marier (1* juin 1677), et épousa la fille d'un trésorier de France
XIV mTRODUCTION
d'Amiens, Catherine Romanet, qui fut la meilleure des épouses
et des mères de famille. Détail domestique et qui a son intérêt :
Racine, loin d'avoir acquis l'aisance par ses travaux littéraires,
était absolument sans fortune. Aujourd'hui, on s'enrichit avec
des pièces éphémères et pour la plupart sans valeur: l'auteur
d* Andromaque^ de BritannicuSj de Phèdre et de tant d'autres
chefs-d'œuvre, vivait surtout des libéralités royales. La grati-
fication de 600 livres, qui lui avait été accordée autrefois pour
la pièce la Renommée aux M lises, lui avait été continuée à titre
de pension, puis portée à 1200, puis à 1500, enfin à 2000. En
outre, Colbert avait gratifié Racine d'une charge de trésorier
de France à Moulins. Plus tard, il fut créé historiographe du
Roi, avec Boileau pour collaborateur, et à cette charge était
attachée ime pension de 4000 livrel, distincte des 2000 qu'il
recevait à titfe d'homme de lettres.
Racine prit fort au sérieux ses nouvelles fonctions. Son fils nous
atteste que, toutes les fois qu'il pouvait s'échapper de Versailles,
il venait s'enfermer d'ans son cabinet, où il employait son temps
à travailler à l'histoire du roi, qu'il ne perdait jamais de vue.
Quelle était la valeur de ces compositions historiques ? Racine,
après avoir donné à la France un Euripide, devait-il lui donner
im Tite-Live? Il est difficile de le décider, tous les papiers
de Racine ayant été consumés dans un incendie, à Saint-Cloud,
le 13 janvier 1726, dans la maison de l'historiographe Valincour.
On \ peut douter toutefois qu'il fût possible à un poète de génie,
écrivant une histoire officielle, commandée et payée par le plus
vaniteux des monarques absolus, de faire une œuvre véritable-
ment historique et d'y parier d'avance le langage de la postérité.
Racine trouva le temps encore d'écrire un Abrégé de V histoire
de Port-Royal, dont Boileau a fait un éloge sans réserve, et dont
les traits sont la sincérité du fond, la droiture et l'égalité du
jugement, la> clarté et le naturel.
Tel est aussi le caractère des lettres que l'on a conservées de
Racine et qu'il adressait soit à Boileau, son ami de quarante
années, soit à son fils. C'est là surtout qu'on trouve et qu'on
peut apprécier l'homme, le père de famille^ Racine avait les
goûts simples et bourgeois. Il ne tenait qu'à lui d'être l'orne-
INTRODUCTION XV
ment des plus brillantes fêtes, et de vivre dans la compagnie
des seigneurs et des princes sur le pied de la plus haute faveur ;
il avait tout pour y réussir: taille avantageuse, démarche
noble, extérieur imposant, sans parler des qualités de son esprit.
Louis XIV, suffrage bien flatteur, cita un jour la figure de Racine
comme l'une des plus belles de la cour. Sa voix était nette,
harmonieuse, bien timbrée, et il excellait dans la déclamation.
Il fut, dans cet art, le maître de la Champmeslé et de Baron.
Il possédait un esprit aimable et d'une ressource infinie dans
la conversation. Son entretien était délicat, solide, d'une
politesse «exquise. Mais à toutes les splendeurs du monde il
préféra la simplicité de la vie domestique; aux banquets les
plus splendides, la table de famille où ses nombreux enfants*"^
étaient assis autour de leur mère et de lui.
Son génie dramatique sommeillait depuis douze années, lorsque
Mme de Maintenon lui fit un appel qui valut deux chefs-d'œuvre
,de plus à la littérature française : Esther et Aihalie.
On sent, en comparant ces deux pièces à leurs aînées, quelle
transformation profonde s'est opérée dans l'esprit, dans les
habitudes, dans le génie de l'auteur. L'influence de son évolu-
tion religieuse, de ses lectures, des livres sacrés surtout, s'y
manifeste hautement, non seulement par le choix des sujets,
mais par l'inspiration générale.
EstheTy en 1689, fut représentée à Saint-Cyr, où Mme de
Maintenon, cette femme distinguée, qui n'avait pas oublié sa
propre jeunesse délaissée et pauvre, avait recueilli et élevait
des jeunes filles nobles et sans fortune. Cette éducation, toute
chrétienne, n'excluait pas pour cela les agréments et les talents
du monde. En vue de les former à une prononciation nette
et facile, comme aussi à la grâce et à l'aisance de la démarche,
on avait imaginé de leur faire déclamer des vers et même repré-
senter des pièces profanes. Mais Mme de Maintenon trouva
qu'elles avaient beauœup trop bien joué V Andromaquey et s'adressa
à Racine pour leur composer des pièces inoffensives, c'est-à-dire
des tragédies sacrées. Aihalie est de 1691 ; mais, dans l'inter-
' Il eut sept enfants : deux fils et cinq filles. Le dernier, Louis
Racine, est l'auteur des poèmes de la Religion et de la Grâce.
XVI ^ INTRODUCTION
valle, des scruples religieux étaient venus encore à Mme de
Maintenon sur le danger possible de ces pièces pour la modestie
de ses élèves de Saint-Cyr. Athalie fut donc jouée, non point
dans une fête, à Saint-Cyr, avec appareil théâtral, mais une
fois ou deux, à Versailles, dans une chambre, et par les jeunes
pensionnaires, qui ne changèrent même pas d'habit.
Après Athalie y Racine renonça de plus en plus à la poésie,
pour se confiner dans les pratiques de la plus sévère piété. Il
s'efforçait aussi, comme historiographe, à reconnaître la faveur
marquée et les libéralités du roi. Car, indépendamment des
pensions, dont le chiffre était, pour l'époque, considérable, il
reçut plusieurs fois sur la cassette royale des gratifications im-
portantes, en une seule fois, par exemple (1688), mille louis.
En outre, en 1690, il était pourvu d'une charge de gentilhomme
ordinaire de Sa Majesté, ce qui lui donnait ses entrées et un
appartement au château.
Au comble de la faveur, il eut le malheur, probablement à
la prière de Mme de Maintenon, de composer un mémoire sur
les malheurs du temps causés par les calamités de la guerre,
sur les misères de la France épuisée et aux abois. La pièce
tomba entre les mains de Louis XIV, qui voulut en savoir l'auteur,
et qui ne lui pardonna pas.
Cette disgrâce, toute morale d'ailleurs, affecta péniblement
Racine et ne contribua pas peu à aggraver le mal intérieur, un
abcès du foie, par lequel il était miné depuis quelque ^mps.
Il languit encore quelque temps, et mourut le 21 avril 1699, à
l'âge de cinquante^neuf ans.
Par un pieux sentiment de reconnaissance et d'attachement
d'outre-tombe pour les maîtres qui l'avaient élevé, il voulut
être inhumé à Port-Royal des Champs, auprès des solitaires
pour lesquels il avait conservé un véritable culte.
Après la destruction brutale de Port-Royal par Louis XIV,
le corps de Racine fut transporté à Paris, dans l'église de Saint-
Étienne du Mont, et placé à côté de celui de Pascal. Une
épitaphe latine, composée par Boileau, se lit encore aujourd'hui
sur le tombeau de Racine.
ÉsaLE Perbon : Édition de Britannicus.
SUMMARY OF THE LIFE OF RACINE
Jean Racine, bom 1639, the year in which Ck>meîlle produced
his celebrated tragédies of Horace and Cînna — Of middle-class
f amily — Chief éducation at the f amous school of Port-Royal
des Champs — Brilliant student of the classics, especially Greek
— An ode composed on the occasion of the marriage of Louis
XIV (a year older than Racine) draws attention to the poet's
talent — Family influences lead Racine toward a priestly career ;
chance tums him aside from it — First tragedy, presented by
Molière^s company, La Thébaide ou les Frères ennemis, 1664 —
Second tragedy, Alexandre^ played December 4, 1666, by Molière's
Company, and two weeks later by a rival company, becomes
the cause of an estrangement between Racine and Molière —
Estrangement from Corneille and from his former teachers, due
to comments on Racine's work and choice of career — First
, genuine masterpiece, Andromaqyjef 1667 — Of secondary im-
portance, the farce, Les Plaideurs, 1668, his only non-tragic
play — BritannicuSf 1668 — Bérénice, 1670, marks the éclipse
of Corneille by Racine — Bajazet, 1672 — MUhridate, 1673 —
Member of French Academy, 1673 — Iphigénie, 1674 — Phèdre,
his last secular tragedy, 1677 — Definite public effort to dis-
crédit Racine, by the Hôtel de Bouillon group — Racine's own
ideas are changing — At the âge of thirty-eight he renounces
the théâtre, and renews relations with his religious teachers of
Port-Royal — Marriage, 1677 — Varions govemmental appoint-
ments and émoluments, including that of Historiographer to
the King — A f ew poems on imaginative and religious subjects
— Madame de Maintenon induces Racine to write a sacred
trajgedy {Esiher, 1689) for the young ladies of the Saint-Cyr
School — A second, the renowned Aihcdie, 1691 — Racine falls
into disfavor with the King because of a pamphlet conceming
the disastrous économie results of Louis XIV's campaigns —
Unhappy closing years — Death, 1699.
xvii
SOURCES OF INFORMATION CONCERNING RACINE
AND HIS PLAYS
Every history of French Literature contains, of course, an
account of Racine's works, with an estimate of their absolute
and comparative values ; and also gives, at greater or less length,
biographical facts. One of the "standard" spécimens of lack
of appréciation of Racine will be found in Saintsbury's Short
History of French Literature (Macmillan). Of the French treat-
ises, those of Lintilhac, Brunetière, Faguet, and Lanson may
be mentioned as among the more récent.
There seems to be no volume devoted solely to Racine which
French critics concur in approving unqualifiedly. Larroumet's
book, in the séries of Grands Écrivains français, is perhaps most
generally recommended. For the student who knows several
of Racine's plays, the Monceaux Racine^ in the Collection des
classiques populaires, will be of great service, as it contains illu-
minating analyses of the individual plays and is rich in clarified
statements of comparison, not only of the plays with one another
but also of Racine with other authors. For any student, the
concluding chapters of the Monceaux book contain material of
gênerai value, from which knowledge may be gained without
acquaintance with more than one spécimen of Racine's tragédies.
It would appear that the author who knows most about Ra-
cine's Mithridate is N. M. Bernardin (1856-1915). His research
in the field of classic and pre-classic French drama has yielded
new material in great quantity and of great value. His édition
of Racine, and of the individual plays, published by Delagrave,
may be regarded as authoritative, in that nothing is included
which has not had careful vérification by a specialist who is
directly in touch with the best sources. His volume Devant le
Rideau shows the highest skill in the popularization of the résulta
of académie research in varions fields, and includes two masterly
cmférences on Racine, one of which we print (page xxxvii ff.).
xviii
INTRODUCTION XIX
Several school éditions of Mithridate for French and Grerman
students are mentioned in our Préface. The présent édition
is believed to be the first for English-speaking students.
Brunetière, in his Manuel de V histoire de la littérature française,
gives the f oUowing summary of sources :
La Correspondance de Ro^ney notamment avec Boileau, dans
la plupart des éditions des Œiwres ; — Louis Racine, Mémoires
sur la vie de son père, 1747 ; — Sainte-Beuve, dans son Port
Royal, livre VI, chap. 10 et 11 ; — Paul Mesnard, Notice bio-
graphique, en tête de son édition des Œuvres.
Saint-Évremond, Dissertation sur V Alexandre, 1670 ; — Longe-
pierre, ParaUèle de CorneiUe et de Racine, dans Baillet, Juge-
ments des savants, édition de 1722, t. V, n° 1553 [Le morceau est
de 1686] ; — La Bruyère, dans ses Caractères, 1688 ; — Fontenelle,
ParaUèle de Corneille et de Racine, 1693 ; — abbé Granet, Recueil
de plusieurs dissertations sur les tragédies de Corneille et de Ro/cme,
1740 [contenant entre autres la Dissertation de Saint-Évremond
et la ParaMle de Longepierre] ; les frères Parfaict, Histoire du
théâtre français, 1734-1749, t. IX, X, XI, XII ; — Stendhal,
Racine et Shakespeare, 1823 et 1825 ; — A. Vinet, les Poètes
français du siècle de Louis XIV, cours de 1844r-1845; Paris,
1861 ; — Sainte-Beuve, Portraits littéraires, 1830 ; et Nouveaux
lundis, t. III, 1862, et t. X, 1866 ; — Taine, Essais de critique
et d'histoire, 1858 ; — F. Deltour, les Ennemis de Ra^ne au xmÀfi
siècle, Paris, 1859 ; — P. Robert, la Poétique de Racine, Paris,
1890 ; — F. Brunetière, Histoire et littérature, t. II ; Études
critiquas, t. I ; et les Époques du théâtre français, 1893 ; — J.
Lemaitre, Impressions de théâtre, 1886-1896.
Marty-Laveaux, Lexique de la langue de Racine, Paris, 1873,
au tome VIII de l'édition Mesnard.
FORM AND VERSE IN FRENCH TRAGEDY
The extemal characterîstics of a work of art are not, generally,
of prime importance in determining its worth. Thèse charac-
teristics may, however, delay appréciation by the inexperienced
observer; for he, of course, cannot promptly separate the vital
from the extemal, the umversal from the local, substance from
manner. It is therefore probably désirable to point out certain
features of the French tragedy. For this art-form, though in
its inhérent essence necessanly similar to ail types of tragedy,
is, in that which first engages the attention of reader or spectator,
quite différent from the English tragedy.
French tragedy is of the type known as classic ; English tragedy
is gothic. We offer thèse terms without fiuiiher immédiate
définition, and, indeed, do not expect to define the second. We
take for granted that the student is primarily interested in leam-
îng about French tragedy, and will be better served by a brief
description and the reading of a représentative work. We
refrain, too, from giving reasons for the différences between the
classic and gothic types, as that would présuppose acquaintance
with some médiéval works which influenced English tragedy
but failed to influence French tragedy.
In the first place, French tragedy ils "classic*' because its
authors observe the "three unities" — the imity of time, the
unity of place, the unity of action. Aristotle (384-322 b.c.)
discovered thèse pnnciples to be observed by the Greek 'drama-
tists. The scholars of the Renaissance attributed to the Uteral
observance of thèse principles more importance than did Aris-
totle, and the three imities were accepted by French authors
as cardinal principles of dramatic construction. The imity
of time requires that the supposed time of a play be as nearly
as possible equal to the real time of performance, certainly never
more than one day; the unity of place, that the whole play
XX
INTRODUCTION XXI
take place in the same édifice, or, at any rate, in the same city.
The most important of the unities, that of action, prohibits ail
''side issues" which might draw attention from the main action
or plot. Shakespeare's King Lear, with its several stories driven
abreast, so to speak, through the play, is one of the best spéci-
mens of the gothic drama's disregard of the principle of the unity
of action. We see, in the préface to Miihridate, that Racine
takes occasion to specify what taction of his tragedy is, either
f orestalling or replying to criticism as to the complexity of his
plot.
The observance of thèse unities makes the French tragedy
always the swift présentation of a climax — une crise. In order
that the preliminary incidents and states of mind of the chief
personages may speedily be made known to the audience, every
principal character is provided with a "confidant" or friend,
in conversation with whom he may make the necessary record
or révélation. Ail of Racine's eleven tragédies begin with such
a conversation.
Thèse confidants hâve another raison d^être. It is a principle
of the French tragedy that no scènes or deeds of violent char-
acter shall be enacted on the stage. Such events must therefore
be recounted; and it very frequently happens — as in Act 5,
Scène 4, of MithridaU — that thèse récitals are assigned to one
of the confidants.
French tragedy has many long speeches — Hrades, as they
are called, even when they are not at ail tirades, in the English
sensé of the word. As Mithridate has one of the longest in dra-
màtic literature, it may not be out of place to give one reason —
and probably the most important — why a French audience has
no inhérent aversion to lengthy speeches.
The French language is loved, by those bom to it, with a
wealth and depth of affection which very few individuals of the
English-speaking races seem to hâve for their language. That
affection, doubtless innate in the great majority of cases, is
fostered by intensive training in ail schools, public and private,
through the years of childhood and youth. This training indudes
not only thorough drill in speaking and writing, but also study
XXll INTRODUCTION
of literary works far more extensively and carefully than is
gênerai in English-speaking countries. Frenchmen hâve been,
by nature and cultivation, distinctly provincial as to language,
for many générations. The fact that French has been the inter-
national language has reUeved them of the necessity of studying
foreign tongues. As a resuit of habit and aptitude, then, there
îs, in France, an interest in the spoken word which most English-
speaking persons can never understand and which, let it be
said, the French do not expect other races to understand. But
precisely that interest, with the résultant pure, rich, varied
delight which masterly or charming diction can give a French
listener, is a chief reason for that characteristic of French tragedy
which has given it its réputation for monotony — the long speech.
The same reason has much to do with what seems to the for-
eigner to be the inexpUcable prevalenee and vitality of the Alex-
andrine line, which, in the words of Pope as applied to the Alex-
andrine in English verse, ''like a wounded snake drags its slow
length along.^' If the French language were a stréssed language,
the words of Pope would of course hâve applied to it as well as
to English. But, in French, there is no specified stress on any
syllable of any word, or, indeed, on any word. If there is a
stress, it is likely, in speech, to be on the final syllable ; but one
has merely to sing the Marseillaise to become convinced that
accents are not merely unprescribed, but may even come on
articles, démonstrative adjectives, or prépositions in a manner
which would be monstrous in EngUsh song. For instance :
Que veut cette horde d'esctoves,
De traîtres, de rois conjurés?
Pour qui ces ignobles entraves,
Ces fers dès longtemps préparés?
The Marseillaise may not be very good poetry; but any verse
will serve to show so fundamental a fact.
In a word, French poetry is not made up of feet but of syllables ;
and the unstressed language lends itself to whatever rh3rthmical
treatment may seem fit. There are no dactyls, anapests,
trochées, spondées, iambuses, etc., as there are no prescribed
INTRODUCTION xxiii
accents in the French language out of which to manufacture
them. Otherwise stated, things which présuppose regularly
recurring accents cannot exist where there are no regularly recur-
ring accents.
Under thèse circumstances, it is not difficult to understand
why twelve should be the standard number of syllables in the
most used f orm of French verse ; for twelve is the most variously
divisible of the small numbers. To give only the most regular
arrangements of its components, we can hâve: six 2's; four
3's; three 4's; two 6's; 2, 4, 2, 4; 4, 2, 4, 2; 2, 4, 4, 2; 4, 2, 2,
4 ; 3, 3, 4, 2 ; 4, 2, 3, 3 ; 2, 4, 3, 3 ; 3, 3, 2, 4. Hère are at once
twelve possibilities of grouping syllables in a twelve-syllable
line. With such possibUities of varied grouping, there is perma^
nent freedom from monotony in the French Alexandrine.
It is not our purpose to write at length on this subject, con^
cemgig which, by the way, no non-Frenchman is likely to dare
claim exhaustive knowledge. But one mày readily gather the
basic f acts of versenstructure by observing a f ew Unes.
813 C'est I là I qu'en | ar | ri | vant || plus | qu'en | tout | le | che |
min,
814 Vous I trou | ve | rez j par | tout || Thor | reur | du | nom | ro |
main,
815 Et I la I tris | te I | ta | lie |! en | cor | tou I te | f u | man | te
816 Des I feux | qu'a | rai | lu | mé || sa 1 11 | ber | té | mou | ran |
XiQ ...
827 Que | dis- | je? En | quel | é | tat || croy | ez- | vous | la | sur |
pren j dre?
828 Vi I da I de I lé I gi I ons !| qui | la ! puis | sent | dé | fen | dre ...
483 Sei | gneur, | de | puis | huit | jours || Tim { pa | ti | ent | Phar |
ua I ce
484 A I bor | da | le | pre | mier || au | pied | de | cet | te I pla | ce, . .
445 Les | cris | que | les | ro | chers || ren | voy | aient | plus | af |
freux,
446 En I fin I tou I te I l'hor | reur || d'un | corn | bat | té | né |
breux . . .
We find in 813-816 alternate pairs of lines contaîning respec-
tively 12 and 13 syllables. Thèse are typical for the whole play.
SELECTIONS FROM HISTORIANS AND CRITICS
Racine, Dramatiste et Poète
C'était le plus adroit et le plus sûr des ouvriers dramatiques ;
mais ce travail de disposition et d'ajustage, on ne s'en apercevait
point, on en jouissait sans s'en apercevoir, parce que, secret
qui n'est pas à la portée de beaucoup, Racine le faisait oublier
à mesure, le recouvrait en quelque sorte par le charme du dis-
cours, l'émotion du dialogue, la poésie répandue partout. C'était
un dramatiste uni inséparablement à un poète, sans que l'un
fît jamais tort à l'autre, sans que celui-ci rougît de celui-là,
et sans que celui-là persuadât jamais à l'autre qu'il était inutile.
Car il est incroyable à quel point Racine fut poète . . .
Cet homme étonnant par les dons multipliés du génie, drama-
tiste, moraliste, poète, le tout également, et le tout, sinon sans
application, du moins sans effort, donne l'idée la plus voisine de
l'idée de perfection qu'on puisse avoir.
Si l'on cherche où est sa faiblesse, on croit le trouver et aussitôt
on est réfuté au moment même que l'on l'incrimine. Si l'on
est tenté de trouver que ses personnages d'hommes pâlissent
un peu auprès de ses personnages de femmes, aussitôt l'on songe
à Néron, à Narcisse, à Acomat, à Joad, sans compter Oreste,
sans compter Mithridate. — Si l'on songe que, peut-être, encore
que ses vers soient merveilleux, sa période poétique est im peu
maigre et manque d'ampleur, tout de suite revient à votre
oreille l'admirable phrase oratoire, pittoresque et musicale:
« Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle » ou : « De cette
nuit, Phénice, as-tu vu la splendeur? » — Si l'on se dit que la
tragédie historique et politique de Corneille avait je ne sais
quelle grandeur imposante et solidité monumentale que n'a
peut-être pas la tragédie romanesque de Racine, Britannicua et
Athalie nous reviennent immédiatement en mémoire. Racine
xxvi
INTRODUCTION XXVU
a réponse à tout, excepté au reproche qu'on peut lui faire d'avoir
abandonné trop tôt l'art dramatique pour n'y revenir qu'à la
fin de sa vie.
Emile Fagubt : Histoire de la littérature française.
Les 'Ennemis de Racine att XVIP Siècle
Je ne crois pas que jamais un grand homme ait traîné derrière
soi plus d'ennemis que Racine. De nos jours même, l'espèce
n'en est pas rare, et vous en connaissez plus de vingt qui le
discutent comme ils feraient un contemporain, avec le même
entrain d'animosité personnelle: c'est la preuve, n'en doutez
pas, qu'il est toujours vivant et bien vivant. Grands dieux!
préservez ceux que nous aimons et que nous admirons de la paix
du silence. . . .
ComeiUe s'était formé à l'école du génie latin, Racine se forma
à l'école du génie grec. De là chez Corneille ce penchant à
la déclamation, quelquefois à l'enflure; de là chez Racine au
contraire ce goût de l'extrême noblesse dans l'extrême simplicité.
De là chez Corneille ce goût des actions implexes, où l'épisode
complique l'épisode, où l'intrigue renaît en quelque sorte d'elle-
même au moment que l'on croyait toucher le dénouement; de
là cette respectueuse admiration de Racine pour la simplicité
presque nue de l'antique. Il a plusieurs fois, en termes presque
semblables, insisté sur cette simplicité. . . .
Pénétrons en effet plus avant dans le théâtre de Racine ; voici
bien d'autres différences encore. « J'ai cru, disait Corneille,
que l'amour était une passion chargé de trop de faiblesse pour
être dominante dans une pièce héroïque. J'aime qu'elle y serve
d'ornement et non pas de corps, et que les grandes âmes ne la
laissent agir qu'autant qu'elle est compatible avec de plus nobles
impressions. » Racine a cru précisément le contraire. Il
rompt avec la tradition des « pièces héroïques » ; et, de cette
même passion de l'amour que Corneille subordonnait sévère-
ment à l'honneur, comme dans le Cid, au patriotisme, comme
dans Horace, à la passion politique, comme dans Cinna, Racine
fait le ressort agissant de son théâtre. Puisqu'il n'y a pas une
histoire de la littérature où la remarque n'ait été faite et que
i!
s
INTRODUCTION xxlx
personne jusqu'ici ne s'est avisé de contester à Racine la gloire
d'avoir été, a'il en fut, le peintre des passions de l'amour, il est
inutile d'insiater. Je ferai seulement observer que par là, comme
par la qualité de la langue et ta simplicité de l'action, Racine
se rapprochait de la réalité, c'est-à-dire de la vie
. . . Rares sont les Rodrigue, et rares les Polyeucte. Encore,
n l'on a par hasard cette gloire d'être Polyeucte ou Rodrigue,
ne l'eat-on qu'une fois dans sa vie, par le privilège d'une situation
singulière, dans les conditions qui ne se produisent pas deux fois
les mêmes; mais on est Bérénice, et Roxane, et Phèdre, du jour
que l'on a rencontré Titus, Bajazet, Hippolyte, on l'est pour
toujours, et, si l'on n'en vit pas, on en meurt. Changes les
noms, c'est une histoire vulgaire, c'est notre histoire ^ tous.
XXX INTRODUCTION
Roxane assassinait hier le Bajazet qui la trompait, et s'asphyxiait
sur son cadavre. Phèdre se jettera demain dans la Seine, et,
tous les jours, sous toutes les latitudes, il y a quelque Titus qui
brise €t broie le cœur de quelque Bérénice. . . . Puisse la
mémoire de Racine pardonner ces comparaisons presque irrespec-
tueuses! ... Je crois cependant que dans le temps où nous
sommes c'est montrer, plus clairement que de toute autre manière,
ce qu'il y a, dans^ cette poésie pénétrante et dans ce drame que
l'on ose bien qualifier d'artificiel, de vide et de froidy non seule-
ment d'observation et de connaissance du cœur humain, mais
de réaUté. . . .
Que maintenant Racine, dans les luttes qu'il soutint, n'ait
pas toujours fait preuve de patience et de modération, il peut
être pénible, mais il est loyal de l'avouer. On regrettera tou-
jours, pour la dignité des lettres et l'honneur d'irn grand nom,
qu'il ait si cruellement maltraité Corneille, comme on regrett^era
toujours que, après avoir en quelque façon débuté sous les aus-
pices de MoUère, il se soit brouillé brusquement et sans juste
cause avec lui. Je voudrais pourtant que l'on fût équitable
et que l'on divisât les reproches. . . .
Ferdinand Brunetière : Études critiques sur l'histoire
de la littérature françaisey
première série.
Le Système Dramatique de Racine
Dans le théâtre de Racine nous retrouverons ce personnage
central qui donne le branle à toute l'action, et dont les passions
agissent «avamment sur les autres et sur lui-même, par voie
de réaction bu de suggestion, comme disent les psychologues.
Ce sont : Narcisse, dans Britannicus ; Titus, dans Bérénice ;
Atalide, dans Bajazet ; Mithridate ; Agamemnon, dans Iphi-
génie ; Phèdre ; Mardochée, dans Esther ; Joad, après Dieu,
dans Athalie. La savante simplicité de ce mécanisme passionnel
permet à Racine de donner à l'action une crise, suivant un mot
lumineux, attribué couramment à Goethe ou à Napoléon I®",
mais dont l'honneur revient à Diderot. Cette « violence des
INTRODUCTION XXXI
passions », où Racine voit un élément essentiel de la tragédie,
lui facilite singulièrement cette liaison des scènes à laquelle il
attachait tant de prix qu'après l'avoir obtenue dans son canevas
il s'écriait, au dire de son fils: « Ma tragédie est faite ». Rien
ne lui était plus aisé dès lors que de se conformer à toutes les
règles, chères à son ami Boileau, qui dérivent de l'unité d'action
et de la vraisemblance. Ces règles se trouvaient même si
naturellement adaptées à sa conception de la tragédie qu'il
pouvait prendre à leur endroit le ton détaché de Molière, comme
il fait dans certaines préfaces.
L'intérêt étant soutenu jusqu'au bout par ce jeu dés passions,
il n'avait plus à s'embarrasser d'incidents plus ou moins sur-
prenants, de caractères plus ou moins extraordinaires. Il
pouvait s'attacher à réaliser cette simplicité et cette continuité
d'action « qui a été si fort du goût des anciens », de Sophocle
à Klaute, et « faire quelque chose de rien », suivant sa formule
favorite, comme dans Bérénice. Il pouvait peindre les hommes
tels qu'ils sont, et se tenir si près de la vie que toutes ses tragédies
profanes se ramènent au fond,^ le plus aisément du moîide, à
la réalité quotidienne des crim^es passionnels qui défrayent les
faits divers de nos journaux. Aussi certains de ces 'procédés
scéniques se confondent-ils avec ^ ceux de la comédie, comme
lorsque Néron épie l'entretien de Britannicus et de Junie, ou
lorsque Mithridaté fait avouer son amour à Monime par ime
ruse identique à celle dont Harpagon avait usé envers son fils.
Mais quel art il met à transposer ces effets dans le domaine
tragique, à imprégner tout de « cette tristesse majestueuse » :^
où il voit l'essence de la tragédie, qui dispense « même de sang
et de morts », et suffit à nous inspirer, en conformité avec la
Poétique d'Aristote, ces sentiments que son ami et conseiller
Boileau définissait « une douce terreur, une pitié charmante » !
Avec quelle aisance les ornements de l'histoire et de la politique,
comme dans Britannicus et Mithridaté ; ou ceux de la poésie
antique, comme dans Iphigénie ou Phèdre ; ou la sublimité
même des psaumes, dans Esther et Athalie^ viennent s'ajuster aux
sujets sans les masquer, et épurer toutes ces réaUtés dramatiques
«n les reculant dans le temps et en les grandissant dans l'histoire.
INTRODUCTION
.- La Comédie f ronfaise, 6v Ariine Housmye
j WmcB
INTRODUCTION XXxiii
Joignons-y cette « élégance de l'expression )i, dont il fait le
troisième soutien de l'action tragique après « la violence des
passions et la beauté des sentiments ». C'est bien l'élégance
qui est caractéristique de ce style, dont les défauts sont si excu-
sables et consistent uniquement dans l'emploi de cette termino-
logie amoureuse qui était alors de mode et de règle. Cette élé-
gance consiste essentiellement dans im choix harmonieux des
mots, si éloigné du cliquetis des antithèses et du fracas oratoire
qu'il Ta fait accuser en tout temps d'être familier^ bourgeois,
alors qu'il est au contraire un incomparable écrivain, non seule-
ment par l'ingéniosité perpétuelle avec laquelle il allie les mots,
pour créer l'expression, mais par le bonheur de ces alliances.
Et ce bonheur est si grand qu'on en jouit sans les remarquer,
ce qui est le comble de l'art et la dernière caractéristique de cet
harmonieux génie.
Eugène Lintilhac: LiUéraiure françaisey IL
Racine et Shakespeare
Mais faisons un dernier pas, rétrécissons encore le cercle,
enfermons-nous maintenant entre les bornes d'im seul art, d'un
même genre dans cet art, et demandons-nous ce qu'il peut y
avoir de vraiment comparable entre le génie de l'auteur de
Macbeth ou d^HamUt et le génie de l'auteur d* Andromagiie et
de Phèdre? Je réponds tout de suite qu'il n'y a rien, absolu-
ment rien, ce qui s'appelle rien, et — s'il m'est permis de jouer
ainsi sur les mots — que Shakespeare et Racine ne peuvent être
comparés qu'en ce qu'ils ont justement d'incomparable. Car,
ayant reçu l'un et l'autre le don du théâtre, et l'un et l'autre
ayant pratiqué le même art, ils ne sont, celui-là Shakespeare, et
celui-ci Racine, qu'en raison de l'idée très diverse qu'ils se sont
faite chacun de son art, et parce qu'ils ont eu l'im et l'autre du
théâtre une conception tout individuelle, Shakespeare toute
shakespearienne et Racine toute racinienne. Que si donc vous
croyez découvrir entre eux quelque autre chose de commim que
ce qu'ils ont de différent, vous vous tromperez, sans aucun doute ;
et ce quelque chose pourra bien leur appartenir en tant
XXxiv INTRODUCTION
qu'hommes, mais non pas en tant que Shakespeare et Racine,
c'est-à-dire non pas à titre d'hommes de génie. Ce qu'il y a
de plus assurément caractéristique du génie, c'est sa différence
ou, si vous l'aimez mieux, son individuaUté, son originalité, sa
singularité, — ingeniunij — dans le sens primitif du mot, son
idiosyncrasie, les aptitudes congénitales qui le distinguent ou
plutôt qui l'isolent parmi tous ceux qui sembleraient d'abord
posséder les mêmes aptitudes, tout ce qui fait enfin qu'il ne s'est
rencontré qu'im Shakespeare ou qu'im Racine et qu'il ne s'en
rencontrera pas un second. Le propre du génie, c'est d'être
individuel, comme le propre de son œuvre est d'être irrecom-
mençahUy et contre cet individualisme du génie, comme contre
cette singularité de son œuvre, sont venues et viendront toujours
se heurter — pour s 'y briser — toutes les théories que l'on essaiera
d'en donner.
Ferdinand Brunetiêre : Histoire et littératurej II, cha-
pitre sur le Génie dans Vart,
Shakespeare and Racine
Englishmen hâve always loved Molière. It is hardly an
exaggeration to say that they hâve always detested Racine.
English critics, from Dryden to Matthew Arnold, hâve steadily
refused to allow him a place among the great writers of the
world; and the ordinary English reader of to-day probably
thinks of him — if he thinks of him at ail — as a dull, frigid,
conventional writer, who went out of fashion with full-bottomed
wigs and never wrote a line of true poetry. Yet in, France
Racine has been the object of almost universal admiration ; his
plays still hold the stage and draw forth the talents of the great-
est actors; and there can be no doubt that it is the name of
Racine that would first rise to the lips of an educated French-
man if he were asked to sélect the one consummate master from
among ail the writers of his race. . . .
English dramatic literature is, of course, dominated by Shake-
speare ; and it is almost inévitable that an EngUsh reader should
measure the value of other poetic drama by the standards
which Shakespeare has already implanted in his mind. . . .
INTRODUCTION XXXV
Racine's principles were, in fact, the direct op^site of Shake-
speare's. ''Compréhension" ^ might be taken as the watch-
word of the Elizabethans ; Racine's was "concentration." His
great aim was to produce, not an extraordinary nor a complex
work of art, but a flawless one ; he wished to be ail matter and
no impertinency. His conception of a drama was of something
swift, simple, inévitable; an action taken at the crisis, with
no redundancies however interesting, no complications however
suggestive, no irrelevances however beautiful — but plain, in-
tense, vigorous, and splendid with nothing but its own essential
force. Nor can there be any doubt that Racine's view of what
a drama should be has been justified by the subséquent history
of the stage. The Elizabethan tradition has died out — or
rather it has lef t the theater, and become absorbed in the modem
novel ; and it is the drama- of crisis — such as Racine conceived
it — which is now the accepted model of what a stage-play
should be. And, in this connection, we may notice an old
controversy, which stiU occasionally raises its head in the waste
places of criticism — the question of the three unities. In this
controversy both sides hâve been content to repeat arguments
which are in reality irrelevant and futile. It is irrelevant to
consider whether the unities were or were not prescribed by
Âristotle ; and it is futile to ask whether the sensé of probability
is or is not more shocked by the scenic représentation of an action
of thirty-six hours than by one of twenty-four. The value of
the unities does not dépend either upon their traditional au-
thority or — to use the French expression — upon their vrai-
semblance. Their true importance lies simply in their being a
powerful means towards concentration. Thus it is clear that
in an absolute sensé they are neither good nor bad ; their good-
ness or badness dépends upon the kind of resuit which the
dramatist is aiming at. If he wishes to produce a drama of
the Elizabethan type — a drama of compréhension — which
shall include as much as possible of the varied manifestations
of human life, then obviously the observance of the imities
must exercise a restricting and narrowing influence which would
1 In the sensé of " comprehensiveness." — Ed.
XXXVl INTRODUCTION
be quite out of place. On the other hand, in a drama of crisis
they are not only useful but almost inévitable. If a crisis is
to be a real crisiSj^ it must not drag on indefinitely; it must
not last for more than a few hours, or — to put a rough limit
— for more than a single day ; in fact, the unity of time must
be preserved. Again, if the action is to pass quickly, it must
pass in' one place, for there wiU be no time for the movement
of the characters elsewhere; thus the unity of place becomes a
necessity. Finally, if the mind is to be concentrated to the full
upon a particular crisis, it must not be distracted by the side
issues; the event, and nothing but the event, must be dis-
played; in other words, the dramatist will not succeed in his
object unless he employs the imity of action. . . .
Singleness of purpose is the dominating characteristic of the
French classical drama, and of Racine's in particular ; and this
singleness shows itself not only in the action and its accessories,
but in the whole tone of the pièce. Unity of tone is, in fact, a
more important élément in a play than any other imity. To
obtain it Racine and his school avoided both the extrême con-
trasts and the displays of physical action which the Elizabethans
delighted in. The mixture of comedy and tragedy was abhorrent
to Racine, not because it was bad in itself, but because it must
hâve shattered the unity of his tone; and for the same reason
he preferred not to produce before the audience the most excit-
ing and disturbing circimistances of his plots, but to présent
them indirectly, by means of description. Now it is clear that
the great danger lying before a dramatist who employs thèse
methods is the danger of dullness. Unity of tone is an excellent
thîng, but if the tone is a tedious one, it is better to avoid it.
Unfortunately Racine's successors in Classical Tragedy did not
realize this truth. They did not imderstand the difficult art of
keeping interest alive without variety of mood, and consequently
their works are now almost unreadable. The truth is that they
were deluded by the apparent ease with which Racine accom-
plished this difficult task. Having inherited his manner, they
were content ; they f orgot that there was something else which
they had not inherited — his genius. . . .
G. L. Strachey : Landmarks in French Literature,
LE MITHRIDATE DE RACINE
CONFÉRENCE FAITE AU THÉÂTRE DE L'ODÉON
PAR
N. M. Bernardin
Mesdabaes et Messieurs,
En 1693, un neveu de Corneille, Bernard de Fontenelle, de
l'Académie Française, ne craignait pas d'écrire : « Le tendre
et le gracieux de Racine se trouvent quelquefois dans Corneille :
le grand Corneille ne se trouve jamais dans Racine. » Ne voyez
pas. Messieurs, dans ce jugement si dur pour Racine la partialité
intéressée d'un neveu pour im oncle illustre ; Fontenelle n'a fait
là qu'exprimer ime opinion alors courante. Au lendemain
d^Andromaqiiej Racine avait été classé, non sans raisons d'aiUeurs,
parmi les tendres j et, dès lors, en cette qualité de tendre, on s'obs-
tinait injustement à lui refuser la force et la grandeur. Il en
souffrait, le poète au cœur tellement sensible que la moindre
critique lui causait plus de chagrin que toutes les louanges ne
lui faisaient de plaisir; il éprouvait une irritation secrète à
n'entendre jamais vanter que sa douceur et sa grâce, alors qu'il
avait pourtant conscience d'avoir, dans Néron, représenté avec
ime beUe énergie im monstre naissant, d'avoir gravé d'un burin
aussi vigoureux que celui de Tacite le portrait de l'ambitieuse
Agrippine, enfin d'avoir, dans l'admirable personnage du vizir
Acomat, mis. à la scène un politique aussi consommé que pou-
vaient l'être tous ceux de Corneille. Il voulut péremptoire-
ment prouver qu'il était, lui aussi, capable de force et de grandeur ;
et l'on vit alors un spectacle au premier abord surprenant, bien
qu'il n'ait pas, en réalité, lieu d'étonner beaucoup ceux qui con-
naissent la vanité délicate des poètes : ComeiUe, jaloux des succès
du jeime et brillant rival, pour les tendres tragédies duquel le
xxxvii
^^
XXXVUl INTRODUCTION
public délaissait ses drames héroïques, venait d'abandonner sa
manière pour s'essayer dans celle de son émule et d'écrire dans
Psyché une scène exquisement racinienne ; un an après, Racine,
désireux de montrer que, lui aussi, il pouvait peindre des héros
et exciter l'admiration, entreprenait une tragédie purement
cornélienne, et dans tout le feu de la composition, il déclamait
sous les arbres des Tuileries ses couplets belliqueux d'une voix
si claironnante que tous les ouvriers, laissant là leurs outils,
accouraient autour de lui, craignant que ce ne fût encore quelque
fou qui s'allait jeter dans le bassin.
Racine a-t-il réussi aussi complètement dans sa tentative que
Corneille avait fait dans la sienne? Messieurs, la prévention
seule a pu le nier.
Très sagement, le jeune poète avait renoncé à prendre pour
héros ces rudes Romains de la vieille Rome, dont l'âme semblait
être passée dans le grand Corneille, et qu'il eût été par trop
téméraire de vouloir faire parler après lui ; il était allé chercher
ses personnages dans cet Orient cruel et sanguinaire, mais tou-
jours prestigieux, où Corneille avait trouvé déjà sa Rodogune
et son Nicomède ; et, plus heureux même que son illustre de-
vancier, au lieu de princes oubliés ou obscurs, qu'il fallut par
un habile anachronisme éclairer du rayonnement de la gloire
d'Hannibal, il avait rencontré un roi fameux, Mithridate, dont
le nom avait jadis rempli le monde, et dont la mémoire venait
d'être as^z récemment rappelée au public français par deux
œuvres littéraires: en 1635 en effet, grâce à un rôle très beau
et à une situation des plus dramatiques, la Mort de Mithridate
de La Calprenède avait obtenu un succès que n'avait point
fait oublier celui de la Mariamne, ni même celui du Cid ; et,
en 1648, le roman de Mithridate par le jeune Rolland Le Vayer
de Boutigny avait plu assez pour qu'il ait dû être réimprimé
quelques années après. C'est un grand avantage pour un poète
dramatique de mettre à la scène des personnages et des événe-
ments familiers au public: de combien d'explications et de
préparations il se voit du coup dispensé ! Comme ses inten-
tions sont mieux comprises ! Et comme son œuvre gagné en
force en même temps qu'elle gagne en rapidité !
INTRODUCTION XXXIX
Mais ce qui â ^rtout déterminé Racine dans le choix de son
sujet, c'est que, voulant faire grand, il trouvait en Mithridate
un héros gigantesque, colossal jusque dans le crime, nature à
la fois sauvage et généreuse, qui soulève l'horreur et inspire
l'admiration, véritable personnage d'épopée, qui joint à l'in-
domptable courage d'Achille la prudente dissimulation d'Ulysse,
capable d'intéresser par sa valeur, capable d'intéresser par son
malheur, figure bien faite, en vérité, pour éveiller la curiosité
' d'im psychologue et pour tenter un auteur dramatique.
Perses d'origine, puisqu'ils descendaient de l'un des com-
pagnons de Darius, les rois de Cappadoce, ancêtres de Mithri-
date, s'étaient unis souvent à des Macédoniennes, en sorte que
la race avait fini par associer au tempérament asiatique l'esprit
des Hellènes. Le père de notre Mithridate, Mithridate Philo-
pator, semble avoir été déjà hanté de rêves ambitieux, que
voudra réaliser son fils. Il périt assassiné, sans doute sur Tordre
de sa femme et à l'instigation de Rome.
Précisément, à la même époque, Antiochus, roi de Sjrrie, con-
traignait à s'empoisonner sa mère Cléopâtre, qui (vous vous
rappelez la Rodogune de ComeiUe) avait voulu l'empoisonner
lui-même, après avoir déjà tué son mari et son fils aîné. Le
héros de Racine, Mithridate Eupator, alors âgé de douze ans,
songea que sa mère était parente de Cléopâtre, et, se dérobant
prudemment aux baisers et aux caresses de la veuve inconsolable,
•il se retira dans le fond le plus reculé des bois. Il y vécut long-
temps, chassant les bêtes fauves à coups de fièches, ou luttant
avec elles corps à corps et les étouffant dans ses bras herculéens.
Au bout de sept années, il revint à Sinope, embrassa très tendre-
ment sa chère mère, puis, toujoiu*s prudent, l'enferma dans une
forteresse.
Il fut bientôt adoré de tous ses sujets, asiatiques et grecs:
sa taille et sa force frappaient de stupeur les Orientaux ; sa
beauté ravissait les Hellènes, ces Hellènes qui avaient divinisé
rharmonieuse perfection des formes humaines. Les Asiatiques
ne se lassaient pas d'admirer cet adolescent agile et robuste,
qui sautait à cheval tout armé, ce cavaUer infatigable, qui, tel
un centaure, semblait ne faire qu'un avec sa monture, ce cocher
xl INTRODUCTION
habile et fort, capable de conduire un char attelé de seize chevaux ;
ils ouvraient des yeux émerveillés devant son appétit prodigieux,
qu'eût envié Louis XIV lui-même, et c'est peut-être pour s'être
trop extasiée devant son insatiable époux, certain jour où il
remporta le premier prix dans im concours de voracité, que la
reine Laodice mit au monde une fille qui avait, à chaque mâ-
choire, une double rangée de dents. De leur côté, les Grecs
reconnaissaient en Mithridate un des leurs à son esprit délié
et subtil, à son intelligence ouverte, à son goût pour les sciences
et pour les lettres, pour la philosophie et pour la musique, à
sa curiosité pour les œuvres d'art et pour les bibelots historiques,
comme nous dirions aujourd'hui. Aux Asiatiques et aux Grecs
il imposait également par la splendeur de son faste oriental, par
la somptuosité de ses mobiUers, par l'éblouissement des pierres
précieuses qui paraient ses armes et sa tiare. Tous aussi étaient
gagnés par les élans de sa générosité et par sa grandeur d'âme,
et rien ne lui avait conciUé le cœur de ses soldats comme de
l'entendre parler à chacim d'eux la langue de son pays, alors
qu'étaient si nombreux les peuples qui composaient son armée.
Mais tous redoutaient, d'autre part, son orgueil démesuré et
les éclats effrayants de sa colère ; de sorte que, dix fois vaincu,
a pourra longtemps encore maintenu- son autorité par la terreur.
Du jour où il avait senti qu'il obtiendrait tout de ses sujets,
parce qu'il était à la fois admiré, aimé et craint, Mithridate
avait repris les rêves ambitieux de son père. Puisque dans
ses veines coulait le sang des Grecs uni à celui des Perses, pour-
quoi ne pourrait-il pas réussir dans le grand dessein que la mort
avait empêché Alexandre d'accomplir? Pourquoi ne par-
viendrait-il pas à réunir sous le même sceptre la Grèce et l'Asie,
à fondre les deux civiUsations et à fonder une sorte d'empire
d'Orient? Il semble bien que le projet ne fût pas chimérique,
puisque l'empire d'Orient devait naître plus tard du démembre-
ment de la puissance romaine.
Sans retard, Mithridate se mit à l'œuvre, et il travailla si
bien qu'au bout de quelques mois la mer Noire n'était plus
qu'im lac mithridatique, et que le petit roi de la Cappadoce
pontique était devenu le grand roi de Pont, le roi de la mer.
INTRODUCTION xli
De ces agrandissements Rome ne s'était pas d'abord inquiétée :
parmi les sénateurs, les uns n'avaient pas encore ouvert les
yeux ; Mithridate avait su fermer les yeux des autres avec des
pièces d'or. Quand la République Romaine envoya enfin des
légions contre le roi de Pont, il les défit successivement, et,
enhardi par ses victoires, déjà maître de toute l'Asie Mineure,
il résolut de frapper un coup terrible. Considérant comme un
danger permanent pour lui la présence dans ses États de 80.000
Romains, banquiers ou marchands, qui pouvaient devenir des
espions, Mithridate les fit massacrer tous le même jour; puis
il déclara leurs biens confisqués et exempta pour cinq ans de
tout tribut l'Asie reconnaissante.
Ce fut, d'un bout à l'autre de l'Italie, un long cri d'horreur
et d'épouvante. Rome comprenait enfin que, depuis Hannibçd,
elle n'avait pas eu en face d^'elle un ennemi aussi audacieux et
aussi redoutable: si elle voulait 'être sûre de vivre, il fallait
que Mithridate pérît; il fallait que l'aigle romaine rejetât
sanglant et inanimé sur le sol le vautour qui lui osait disputer
sa proie; et, sans hésiter, pour subvenir aux frais d'une lutte
acharnée, la République vendit les terrains sacrés qui dépendaient
du Capitole.
Alors commence une guerre sans trêve, ime guerre inexpiable,
dans laquelle Mithridate déploie ime énergie surhumaine et
ime activité véritablement napoléonienne. Il tient tête à Sylla,
à Lucullus, à Pompée, et dans la rage même de la défaite il
semble puiser des forces nouvelles. Cependant, con^me souvent
il a soudoyé la trahison à Rome, il la craint partout autour de
lui: sur son lit reposent toujours à ses côtés son carquois et
son arc ; et, pour se préserver des poisons de la Colchide, célèbres
depuis l'antique Médée, il a étudié la toxicologie et inventé un
antidote. Qu'il ait été composé, suivant la recette que Pline
l'Ancien prétend avoir vue écrite de la main de Mithridate lui-
mâne, avec deux figues, deux noix sèches et vingt feuilles de
rue, broyées selon l'art et saupoudrées de sel; ou que, comme
d'autres le prétendent, le roi de Pont ait cherché l'immunité
contre tous les poisons dans l'absorption quotidienne de sang
de canards nourris de toutes les herbes vénéneuses: toujours
xlii INTRODUCTION
est-il que l'antiquité a cru tous les poisons réellement sans force
contre Mithridate, et que La Calprenède et Racine ont pu
tirer de cette opinion un effet dramatique au dernier acte de
leurs tragédies. Mais tant de précautions ne suffisent point
encore à Mithridate; il y joint des châtiments impitoyables,
qui seront des exemples : sur de simples soupçons, il fait mettre
à mort sa première femme, Laodice, et plusieurs de ses fils,
Ariarathe, Mithridate, Macharès, Xipharès même, dont le seul
crime est d'avoir pour mère la coupable Stratonice. Le roi de
Pont est la terreur de l'Asie, comme il est la terreur de Rome.
Cependant la Fortune est femme et n'aime pas les vieillards.
Près de l'Euphrate^ dans une surprise de nuit, admirablement
dépeinte par Racine, Pompée a mis en déroute l'armée de Mithri-
date: l'Asie est perdue pour le vieux roi. Il fuit; mais son
cœur jaloux ne peut supporter la pensée que, s'il meurt, les
femmes qu'il a aimées appartiendront à d'autres : comme preuve
suprême de sa tendresse, il fait porter aux reines l'ordre de
mourir; et, tandis qu'il remonte vers le Caucase, la Milésienne
Monime, qui a vainement tenté de se pendre à l'aide de son
trop fragile bandeau royal en gaze de Tarente, partage fraternelle-
ment avec la Grecque Bérénice une coupe empoisonnée.
Une barque a conduit dans la Chersonèse Taurique, aujourd'hui
la Crimée, Mithridate vaincu, mais indomptable. Il rassemble
les derniers débris de son armée, il convoque ses alliés, et leur
expose im projet follement héroïque : comme Hannibal à travers
l'Espagne et la Gaule, il veut à travers l'Orient se ruer sur l'Italie,
et, déUvrant partout sur son passage les peuples qui frémissent
sous le joug romain, fondre avec eux sur Rome par les sommets
des Alpes,
. . . par le chemin des aigles,
comme disait jadis im poète dans un beau drame ici même plus
de cent fois applaudi.^ Mais Mithridate est le seul que les
défaites n'ont pas découragé, le seul dont la haine entretient
Paudace toujours renaissante. Ses soldats sont las d'im demi-
siècle de batailles : ils hésitent à le suivre encore, et Phamace,
* M. François Coppée, dans Severo ToreUi.
INTRODUCTION xliii
le plus cher de ses enfants, conspire contre lui. Ce fut la plus
grande douleur du vieux roi; elle l'atteignit au plus profond
du cœur, car il se flattait de léguer à son fils sa haine de Rome
et de revivre en sa fougueuse jeunesse. Mithridate pleura, et,
pour la première et la dernière fois de sa vie, Mjthridate par-
donna. Quelques jours après, l'ingrat Phamace soulevait contre
im père si généreux son armée révoltée, et l'assiégeait dans la
forteresse de Panticapée. Pour ne pas tomber aux mains du
traître, et qui sait? peut-être poui* lui épargner im parricide,
Mithridate se fit percer le cœur par le Gaulois Bituit. Rome,
par des actions de grâces pubUques, remercia les dieux de cette
mort, comme elle eût fait d'une victoire ; mais Pompée s'honora
en honorant la dépouille de son glorieux ennemi : il voulut que
le corps da Mithridate, du géant qui avait, un moment, disputé
à Rome l'empire de l'univers, reposât à Sinope, auprès de ceux
de ses ancêtres, dans la sépulture des rois. ^
Tel était. Messieurs, le héros que Racine avait trouvé dans 4r
l'histoire. • Comment l'allait-il présenter au théâtre?
Il y a plusieurs manières de concevoir le drame historique.
Le poète peut, suivant pas à pas l'histoire, découper en scènes
les événements divers qui forment comme la trame de la vie de
son héros, et les f^ire passer dans leur succession chronologique
devant les yeux des spectateurs. C'est alors, à vrai dire, de
l'histoire dialoguée plutôt qu'un drame ; et, forcément, il manque .
presque toujours à une œuvre de ce genre l'unité d'action, sans
laquelle risque de rester froide la tragédie la plus éloquente.
C'est le système qu'a suivi Shakespeare dans ses drames his-
toriques ; et il a beau les avoir rendus vivants par l'étonnante
vérité de sa psychologie, ses plus fervents admirateurs eux-
mêmes nous accorderont bien que, s'il eût écrit seulement ses
drames historiques, Shakespeare ne serait pas l'étonnant poète
dramatique qu'il est, c'est-à-dire peut-être le plus grand de tous.
Ce système d'ailleurs ne pouvait convenir à la tragédie fran-
çaise, qui est, comme son aïeule la tragédie grecque, une crise
rapide. I
Un autre système consiste, en découpant une action unique
dans l'histoire, à reconstituer fidèlement par des détails typiques,
xliv INTRODUCTION
par des usages choisis avec habileté, par des décors curieusement
exacts, par des costumes scrupuleusement copiés, enfin par
tous les accessoires, le milieu historique dans lequel doit évoluer
cette action. Effort louable assurément, dont le résultat charme
l'œil, amuse l'esprit, et même aide l'intelligence à comprendre
les sentiments particuliers qui animent une époque. Ce sera
le système romantique, et je ne veux point nier qu'il n'ait du
bon. Le tort de l'école romantique sera de regarder comme le
principal ce qui ne doit être que secondaire, d'abuser de la couleur
locale, d'allonger démesurément ses œuvres par des épisodes
pittoresques, mais inutiles au développement de l'action, et de
créer ainsi un genre qui sera à la tragédie classique à peu près
ce que la comédie de mœurs est à la comédie de caractère. Con-
çue encore dans cet esprit, la Martyre de M. Richepin, vous
vous en souvenez, piqua quelques jours la curiosité des spec-
tateurs par la variété amusante des épisodes et par les ingénieuses
trouvailles de la mise en scène ; je doute qu'on la reprenne, tandis
que sera jouée toujours et toujours touchera les cœurs cette
tragédie de caractère qui s'appelle Polyeucte,
C'est que, dans ce chef-d'œuvre, le grand Corneille a voulu
non pas simplement mettre en dialogue les Actes des SairUs,
ou restituer le mobiHer, le costume et les usages d'une époque,
mais en retrouver l'âme. Concentrant et résumant toutes ses
observations de mœurs en un petit nombre de personnages in-
dispensables à l'action, son art plus élevé a fait de chacim d'eux
le type vivant et dramatique de toute une classe de la société
romaine au temps des persécutions; et du seul conflit de ces
caractères natiu^llement opposés, du seul choc de ces âmes
ennemies, il a su produire les situations et les péripéties.
C'est également une tragédie de caractère que Racine a voulu
faire et a faite dans Mithridate. Ne lui reprochons donc pas,
avec le Mercure galant^ de n'avoir pris à l'histoire que des noms
seulement : narrer les événements n'était point son objet ; parmi
tous ceux que lui présentait l'histoire, il a fait un choix raisonné,
et ceux qu'il a choisis, il les a groupés, usant de la liberté juste-
ment réclamée par les poètes, dans l'ordre répondant le mieux
à son dessein, qui était de nous montrer l'indomptable courage
INTRODUCTION xlv
du vieux roi et sa haine inassouvie contre Rome. De même,
le plus réfléchi des poètes n'a employé la couleur locale qu'avec
une extrême discrétion, parce que pour lui elle était non un but,
mais un moyen, et il n'a peint de quelques touches rapides
l'époque et le milieu que pour mieux faire comprendre la finesse,
la dissimulation et aussi la jalousie terrible du despote oriental.
Ainsi dans Mithridate l'historien et le peintre sont, comme il
convenait, restés subordonnés au psychologue dramatique, et
les faits et la couleur locale n'y servent qu'à mettre dans son
vrai jour l'âme du principal personnage, en laquelle se joue
véritablement la tragédie.
A ce personnage d'épopée Racine a su conserver sa grandeur
plus qu'humaine. L'unité de temps l'obligeant à ne nous
montrer son héros qu'au moment même où il va mourir, c'est
un fugitif qu'il nous présente ; mais quel fugitif que ce glorieux
vaincu ! Si trente diadèmes ne cachent plus ses cheveux blancs,
le malheur l'a sacré, et, devant lui, s'incline le respect du monde
ému. Dans sa défaite irréparable, l'héroïque vieillard épouvante
encore cette Rome à laquelle, seul, il a tenu tête durant quarante
années.
Et je ne sais pas, dans tout le théâtre politique de Corneille,
une scène plus puissante, plus héroïque, plus admirable que
ceUe où Mithridate, rejeté par le naufrage de sa fortune sur les
rochers, perdus aux confins du monde, de la Chersonèsé Taurique,
expose ardemment à ses fils étonnés son dessein d'aller attaquer
son ennemi sur son propre sol :
Marchons ; et dans son sein rejetons cette guerre
Que sa fureur envoie aux deux bouts de la terre . . .
Jamais on ne vaincra les Romains que dans Rome.
D'un bout à l'autre de ce long couplet de cent vers, qui est
une pure merveille de l'art le plus accompli, et dans lequel la
passion a déterminé et réglé non seulement tous les mouvements
oratoires, mais jusqu'aux coupes mêmes des vers, on voit flamber
cette haine, qui brûlait déjà dans la première œuvre dramatique
du tendre Racine, les Frères ennemis. L'aveuglant sur la té-
mérité, sur la folie de son entreprise chimérique, la fureur de
Xlvi INTRODUCTION
Mithridate n'admet pas d'obstacles : elle les nie ou elle les brise.
Plus de deux cents lieues séparent le port de Njonphée des
bouches du Danube: qu'importe? Mithridate commande aux
vents complaisants d'y pousser sa flotte en deux jours. De là
ses soldats exténués n'auront pas, pour gagner Rome, moins
de sept cents lieues à franchir à travers des pays hérissés de
montagnes ou sillonnés de rivières; qu'importe? Mithridate
veut qu'ils fournissent en moins de cent jours cette énorme
marche :
Je vous rends dans trois mois au pied du Capitole ;
et, sa passion s'exaltant à mesure qu'il parle, il voit déjà sur
son chemin, accourant pour grossir les rangs de son armée,
Daces, Pannoniens, Germains, Espagnols, Gaulois; il voit
dans l'Italie même les alliés de Rome -se soulevant contre elle
à son approche ; il se voit lui-même arrivant à la tête du monde
coalisé devant les murs de Rome vide de Romains, et jetant
siu* le Capitole la torche vengeresse de l'univers; et, comme
déjà ce rêve est devenu une réaUté pour sa passion exaspérée,
c'est à Rome qu'il ordonne à son fils de lui faire parvenir la
nouvelle de ses victoires en Asie. En vérité, dans ce morceau
superbe, celui qu'on appelle toujours le Raphaël de notre poésie
dramatique s'en est montré, pour un moment, le Michel-Ange,
et Racine est bien l'égal de Corneille.
Mais, quelque grand que paraisse ici Mithridate, il va se
dresser plus grand encore au dernier acte. Abandonné, trahi,
le héros a songé d'abord au suicide ; il a renoncé bientôt à cette
mort inutile pour chercher
... un trépas plus funeste aux Romains.
Il parle ; et, défiant leurs nombreuses cohortes,
Du palais, à ces mots, il fait ouvrir les portes.
A l'aspect de ce front, dont la noble fureur
Tant de fois dans leurs rangs répandit la terreur,
Vous les eussiez vus tous, retournant en arrière,
Laisser entre eux et nous une large carrière ;
Et déjà quelques-uns couraient épouvantés
Jusque dans les vaisseaux qui les ont apportés.
INTRODUCTION xlvii
Il semble ici vraiment que Racine ait oublié qu'il écrivait une
tragédie; il semble qu'il ait voulu, embouchant la trompette
épique, faire entendre un chant d'Homère: tels fuyaient vers
leur ville les Troyens éperdus à la seule vue d'Achille enfin sorti
de sa tente.
Mais la haine de Rome n'est pas l'unique sentiment qui anime
l'âme de Mithridate; le personnage de Racine est beaucoup
plus complexe. D'ailleurs, pour qu'il y eût drame, il fallait,
de toute nécessité, qu'il y eût lutte entre deux passions opposées.
Or, ime seule passion était capable de balancer, un moment, la
haine dans le cœur du vieux roi, l'amour : non pas, bien entendu,
l'amour calme, l'amour notarié de notre climat tempéré et de
notre civilisation réfrigérante, mais ime de ces passions impé-
tueuses et fougueuses qui, sous le ciel ardent de l'Asie Mineure,
lancent encore sur sa proie comme une bête fauve im homme
robuste et sain; un amour de jeune mâle dans un cœur sénile;
un amour qui enflammerait le despote de tous les désirs et qui
torturerait le vieillard de toutes les jalousies. Et cet amour,
en même temps qu'il créerait le conflit de passions d'où naîtrait
la crise, fournirait au poète l'intrigue que ne lui donnait pas le
sujet, et le personnage de femme qui lui manquait. La tragédie
de Mithridate est donc, d'après un procédé que nous retrouvons
dans presque toutes les tragédies de Racine, composée d'une
partie historique et d'une partie romanesque adroitement et
étroitement soudées l'ime à l'autre.
Expliquer et excuser l'odieuse trahison de Phamace par une
rivalité amoureuse, c'était la première idée qui devait venir à
Racine. Mais, parmi toutes les épouses et toutes les concubines
du vieux roi, laquelle choisir pour qu'elle brûlât d'un égal amour
le cœur du père et celui du fils? Celle qui était présente à
l'agonie de Mithridate, c'était la fidèle Hypsicratée, ime femme
toute virile, que le roi appelait en riant Hypsicratès, et qui avait
bravement suivi partout son maître, dans ses batailles, dans ses
déroutes, jusque dans la barque emportant sa fortune; Hypsi-
cratée^ qu'au dénouement shakespearien de sa tragédie La
Calprenède avait assise morte sur le trône royal à côté de Mithri-
date mort. Mais cette amazone, toute dévouée d'ailleurs à
xlviii ESTTRODUCTION
Mithridate, n'était point pour plaire à Racine, comme elle aurait
plu sans doute à Corneille, et, d'autre part, le contraste lui
paraissait nécessaire d'une douce et blanche figure de jeune
fille avec ces rudes visages, tout^ bronzés par 1^ guerre. Il prit
dQnc la Milésienne Monime, parce qu'elle semblait la plus
vertueuse de toutes les épouses de Mithridate, ayant repoussé
son amour tant qu'il ne lui eut pas envoyé le bandeau royal et
le titre de reine.
Les raisons mêmes qui dictaient à Racine ce choix rendaient
impossible que Monime fût éprise du traître Phamace; et du
reste, dans ce cas, la haine de Mithridate contre Rome et sa
jalousie contre son fils se fussent liguées, au lieu de se combattre.
Il fallait donc donner à Mithridate un autre fils, animé de la
même haine que lui et, comme lui, redouté de Rome, mais égale-
ment amoureux de Monime et aimé, pour sa vertu, de cette
vertueuse princesse. Pour ce faire, Racine a dû imaginer un
petit roman, et j'accorde qu'il n'a pas eu beaucoup de peine à
l'inventer, car il l'a pris tout simplement dans V Avare de Mo^ère,
où Harpagon, Cléante et Mariane se trouvaient exactement
dans la situation où il va mettre Mithridate, Xipharès et
Monime.
Xipharès, dont Racine a prolongé la vie comme il a prolongé
celle de Monime, a rencontré dans Ephèse et aimé la belle
Monime, qui, de son côté, a éprouvé pour le prince une estime
bien voisine de l'amour. Mais Mithridate l'a vue à son tour,
et il lui a envoyé son diadème. La jeune Grecque, remplie
d'admiration pour le héros, s'est inclinée avec respect, et, re-
foulant au fond de son cœur des sentiments d'ailleurs inavoués,
elle est venue à la cour, déjà déclarée reine, mais sans que le
mariage ait été célébré; elle n'est donc encore qu'^accordée au
roi, situation assez fréquente dans les cours européennes aux
XVI® et XVII* siècles. Ce fut, quelque temps, à peu près celle
de'. Marie Stuart à la cour de France; c'est celle où Racine
avait déjà placé Hermione dans Andromaqtiej celle où Pradon
aura la sottise de placer Phèdre dans sa ridicule tragédie. Mais
autant l'idée d'inceste était nécessaire dans Phèdrey autant elle
devait être écartée de MUhridate, et cet ingénieux arrangement
INTRODUCTION xlix
a permis au poète de concilier à Monime et à Xipharès toute
notre sympathie.
Voilà donc trouvés les quatre personnages de la pièce : Mithri-
date, ses deux fils, qui tous deux lui ressemblent, Phamace par
ses brutalités et par ses perfidies, Xipharès, au contraire, par
son courage, par sa fierté, par sa haine de Rome ; enfin la femme
dont ils sont épris tous trois, Monime.
Voyons maintenant comment Racine, qui attachait à ses
plans tant d'importance que, le plan fait, une tragédie dont il
n'avait pas encore écrit un seul vers lui semblait finie, voyons,
dis-je, comment Racine a noué ici les différents fils qui forment
Tintrigue, Qt comment n a conduit Taction.
Les deux premiers actes, qui sont d'exposition, paraissent un
peu froids et valent surtout par la délicatesse des sentiments
et par l'élégance du style.
Au bruit que, pour cacher sa fuite, Mîthridate a fait répandre
de sa mort, ses deux fils sont accourus à Nymphée, où déjà
avait été amenée Monime. Xipharès décla^ à la reine un
amour, qu'il peut maintenant lui déclarer sans crime, et Monime
laisse entrevoir le secret de son cœur. Mais, tatidis que Phamace
et Xipharès se disputent la jeune fille en sa présence, un coup de
théâtre se produit, qui les plonge tous trois dans la stupeur;
la suivante Phasdime accourt :
Princes, toute la mer est de vaisseaux couverte,
Et bientôt, démentant le faux bruit de sa mort,
Mithridate lui-même arrive dans le port.
Monime se retire aussitôt, et Phamace, épouvanté, presse
son frère de s'assurer avec lui de la forteresse pour se mettre
à l'abri des vengeances de Mithridate. Repoussé avec indigna-
tion par Xipharès, il lui demande au moins de lui garder le
secret, comme il taira lui-même le secret de Xipharès et celui
de Monime, qu'il a deviné.
Grâce au gouverneur de la ville, Arbate, auquel Xipharès
vient de sauver la vie, les Soupçons jaloux de Mithridate, con-
firmés par la répugnance manifeste que témoigne Monime à
le suivre à l'autel, se portent d'abord sur le seul Phamace, et,
1 INTRODUCTION
pour les éclaircir, il a recours à cette dissimulation tout orientale,
qui est l'autre face de son caractère que le po^te voulait montrer,
et dont Pharnace a tant raison de redouter les trompeuses
adresses.
Dès lors, la tragédie va marcher d'un pas rapide à la catas-
trophe par une succession de scènes émouvantes et dramatiques.
Pour surprendre le secret de Pharnace, le vieux roi se sert
habilement de son grand projet d'invasion de l'Italie; de sorte
que, au moment même où il semble tout ejitier à l'enthousiasme
de cette héroïque entreprise, le rusé monarque prépare et tend
le piège où va tomber Pharnace: il ordonne à son fils de se
rendre immédiatement auprès du roi des Parthes, pour cimenter,
en épousant sa fille, l'alliance que viennent de conclure les deux
royaumes: et comme l'amoureux Pharnace refuse de s'éloigner
de Monime, Mithridate -en fureur le fait aussitôt arrêter. Se
croyant trahi par son frère, Pharnace trahit à son tour Xipharès,
et se venge par ce vers, qui produit une péripétie^ terrible :
Il aime aussi la reine, et même en est aimé.
En vain, Mithridate veut se persuader qu'une si horrible
trahison est impossible; la jalousie est entrée dans son cœur
et le ronge. Elle lui inspire une nouvelle ruse, que des critiques
solennels, mais d'esprit étroit, ont proclamée jadis indigne de
la tragédie: Mithridate déclare à Monime qu'il la cède à Xi-
pharès, afin de lire par sa réponse jusqu'au fond de son cœur.
Et, sans doute, c'est là un moyen de comédie : Molière ne nous
avait-il pas déjà montré Harpagon offrant Mariane à son fils,
afin de découvrir par là ses véritables sentiments pour la jeune
fille? Mais que nous importe, si la vérité des caractères est
conservée, et surtout si l'unité d'impression n'est pas détruite?
Orgon se cache sous la table pour écouter Elmire et Tartuffe :
moyen de comédie, qui fait rire. Néron se cache derrière une
tapisserie pour écouter Junie et Britannicus: qui songe cette
fois à rire dans la salle, où le public sent bien qu'im mot échappé
à Junie peut être l'arrêt de mort de Son amant? De même, ici,
les spectateurs, instruits par avance que le roi ne songe à rien
moins qu'au meurtre de son fils, suivent, d'un cœur palpitant,
INTRODUCTION li
les incertitudes dramatiques de Monime; partagée entre la
crainte de laisser échapper le bonheur qui lui est offert et celle
de faire tomber par une parole imprudente la tête de son cher
Xipharès. Dans cette scène tragique, née d'un moyen de
comédie, la terreur grandit de réplique en réplique jusqu'au
vers célèbre de Monime :
Nous nous aimions . . . Seigneur, vous changez de visage !
Et ceux-là ont bien certainement contribué à discréditer la
tragédie, qui n'ont pas voulu lui permettre de s'humaniser
ainsi et de descendre quelquefois de ses hauteurs de convention
pour se rapprocher de la vérité et de la vie.
Toilà donc l'action nouée, comme il convient, à la fin du
troisième acte; le quatrième va nous montrer la crise pour
laquelle le drame a été composé. Elle est présentée dans un
admirable monologue, qui rappelle, par les indécisions pas-
sionnées de Mithridate, le monologue fameux d'Auguste au
quatrième acte de Cinna. La colère, la pitié, l'amour, la raison
se livrent une lutte éminemment dramatique dans l'âme déchirée
du vieux roi. Il se résout sans peine à condamner Phamace.
Mais tuera-t-il celle qu'il adore? Immolera-t-il l'ingrat Xipha-
rès? Son amour outragé dit: oui; mais sa haine inassouvie
dit: non; car Rome craint Xipharès; Xipharès peut venger
son père ! Douloureux problème, dont son cœur troublé cherche,
en vain, la solution.
Mais voici qu'Arbate pénètre auprès du roi: Phamace a
séduit ses gardes, révolté l'armée, et l'on a vu Xipharès, suivi
d'im gros d'amis, se mêler aux rebelles. Mithridate n'hésite
plus: il frappera de sa propre main ses deux fils coupables au
milieu des mutins consternés. Soudain accourt éperdu un
« domestique », Arcas : une flotte romaine est en train de dé-
barquer une armée sous les murs de la place ! Mithridate se
jette sur son casque avec un cri terrible : « Les Romains ! »
Et, se penchant vers Arcas, tandis que le rideau tombe, il pro-
nonce à voix basse quelques mots par lesquels on devine qu'il
•décide du sort de Monime. Fin d'acte d'une beauté supérieure,
une des plus mouvementées et des plus émouvantes que Racine
lii INTRODUCTION
ait écrites, et dans laquelle, avec un art merveilleux, le poète a
su faire condamner par Mithridate les deux personnages sym-
pathiques, sans détruire l'intérêt et l'admiration que nous devons,
comme ses victimes elles-mêmes, conserver pour le héros.
Le cinquième acte est, jusqu'à la dernière scène, digne du
quatrième, et les coups de théâtre ne s'y succèdent pas moins
rapidement. Monime croit Xipharès mort, et veut mourir.
Tandis qu'elle se lamente au milieu de ses femmes, qui l'oQt
empêchée de se tuer, Arcas lui apporte, au nom du roi, une
coupe de poison. Monime salue la mort comme une délivrance ;
mais, au moment où elle approche le breuvage de ses lèvres
avides, Arbate entre en courant et lui arrache des mains la coupe
mortelle: Xipharès vit; il est toujoiu-s resté fidèle, et Mithri-
date mourant, mais victorieux grâce à son fils, a révoqué l'arrêt
qui condamnait la reine î Et voici que le héros paraît lui-
même, soutenu par des gardes, tout couvert de sang et ne respirant
plus que par un ultime effort de sa haine. Il doit à Xipharès
cette joie suprême que ses derniers regards aient vu fuir les
Romains ; en récompense, il lui donne Monime ; puis il lui
lègue le soin de sa vengeance, et, l'attirant sur son cœur, il
semble vouloir faire passer en lui, dans un baiser, sa haine im-
mortelle :
Venez, et recevez l'âme de Mithridate.
Il faut bien le dire, la scène finale est la moins bonne de la
tragédie, et, malgré la grandeur et la beauté de la dernière idée,
je ne suis pas autrement surpris que ce dénouement ait paru à
quelques personnes « misérable » et que le Mercure galant ait
ironiquement proposé la mort du roi barbare pour exemple
« à nos princes les plus chrétiens. » Sans doute, le pardon de
Mithridate est dans la vérité du caractère tel que Fa conçu
Racine, et même, par quelques détails habilement placés, le
poète a su y préparer les esprits ; mais il a eu le tort grave de
n'y pas prédisposer les cœurs. Les spectateurs ont bien entendu
le politique parler de sa haine contre Rome ; mais ils ont vu et
plaint le vieillard déchiré par la jalousie, de sorte que le héros
du drame historique a été relégué par eux au second plan dès
ESTTRODUCTION liii
l'instant que le héros du drame domestique eut touché leur
sensibilité. Et l'art même avec lequel Racine a peint les vio-
lences de cette passion sémle s'est retourné contre lui. Après
les grands éclats du quatrième acte, le public s'étonne de voir
cet amour si furieux céder devant im sentiment qui peut, en
effet, être plus puissant, mais dans lequel il est moins facile
pour lui d'entrer, parce que cC/sentiment est tout exceptionnel,
et l'impression dernière est im certain désappointement pour
l'auditoire, qui se demande pourquoi Racine a employé un si
grand moyen, puisqu'il devait produire un si petit résultat. La
disproportion entre les moyens et les effets, voilà la plaie secrète
dont souffre cette belle tragédie, et c'est pour s'en être, avec
le temps, mieux rendu compte, que la postérité n'a plus pour
elle l'engouement des contemporains ; « MUhridate est ime
pièce charmante, écrivait la marquise de Sévigné. On y pleure ;
on y est dans une continuelle admiration. On la voit trente
fois, on la trouve plus belle la trentième X[ue la première. » Si
elle l'avait vue trente et une fois, peut-être la spirituelle marquise,
qui d'ailleurs n'aimait tant MUhridate que parce que Racine s'y
est modelé sur son cher Corneille, aurait-elle fini par s'apercevoir
de ce défaut capital, qui, malgré tant de beautés, nous empêche
aujourd'hui de placer MUhridate à côté d^Andromaque, de BrUan^
nicus et de Phèdre, et le laisse au second rang des tragédies de
Racine, avec Iphigénie et Bajazet, malheureusement gâtés aussi
par une faute analogue.
Il faut bien le dire également, la partie romanesque de MUhri-
daie, qui, dans sa fraîcheur première, a séduit et charmé la ville
et la cour, nous parait aujourd'hui par endroits cruellement
démodée. Mais est-ce la faute du poète? Tous les huit ou
dix ans, le jeune premier change d'aspect au théâtre. Combien
ses transformations ont été nombreuses rien que dans notre
siècle! Ce fut d'abord un poète phtisique, la mode voulant
aldrs que cette épithète fût inséparable de ce substantif ; puis,
à l'époque romantique, un bâtard révolté contre la société;
vers la fin du règne bourgeois de Louis-Philippe, je lis sur sa
carte : « ingénieur, ancien élève de l'École Polsrtechnique » ;
pendant le second Empire, il apparaît irrésistible sous l'uni-
liv INTRODUCTION
forme d'un capitaine de dragons ; dans notre république démo-
cratique, les auteurs ont présenté successivement à la sympathie
des jeunes premières et du public l'artiste épris de l'idéal et
l'énergique maître de forges ; je crois bien, — et je n'ai garde
de m'en plaindre, — que nous commençons maintenant la série
des explorateiu's. Eh bien, au siècle de Louis XIV, le type du
jeune premier, c'était le marquis, dont la comédie ridiculisait
la frivolité, mais dont la tragédie exaltait la bravoure héroïque.
C'était d'ailleurs dans un habit de marquis à peine modifié que
les acteiu's jouaient le Bellérophon de Quinault, comme le Mithri-
date de Racine; et le palais, grec ou oriental, dans lequel ils
parlaient, était, tout comme les salons de Saint-Cloud et de
Versailles, décoré de guéridons d'argent, de vases de fleurs et
de girandoles de cristal. Le langage de ces Asiatiques et de
ces Hellènes eût donc juré avec cette décoration, -comme avec
leurs costjmies, s'il n'eût pas été le langage tendre et galant
des soupirants et des « mourants », qui donnaient le ton à Paris
dans les ruelles à la mode. Xipharès, aujourd'hui, nous paraîi
trop souvent un précieux; autre, il eût semblé d'une brutalité
insoutenable aux lecteurs de M"^ de Scudéry et de M°^« de La
Fayette. Que les transformations du goût et de la mode ne
nous rendent donc point injustes en reprochant à Racine d'avoir
été de son temps, et que le vain plaisir de la critique ne nous
ôte pas celui d'être touchés de très belles choses !
Fermons bien plutôt volontairement les yeux sur les petits
défauts de MithridaUj et laissons-nous prendre tout entiers aux
grandes beautés de cette tragédie. Admirons les beautés cor-
néhennes du principal rôle, qui ont fait de cette pièce la pièce
préférée de quelques gens qui, sans doute, s'y connaissaient en
grandeur, car on les nomme Louis le Grand, Catherine la Grande
et le grand Empereur ; mais admirons plus encore peut-être
les beautés exclusivement raciniennes de ce rôle, délicieux et
difficile entre tous à jouer, de Monime, fleur charmante de 'la
Grèce, qui languit et pâlit sous le ciel briuneux de la Tauride.
De moi, je n'hésite point à dire que ce personnage du second
plan suffirait seul pour assurer à la tragédie de Mithridate l'im-
mortalité: car Monime, avec sa résignation mélancoUque, sa
INTRODUCTION
Iv
grâce chaste, sa sensibilité délicate, sa fière pudeur, son senti-
ment profond du devoir et sa fermeté modeste, dans laquelle
on sent ime résolution aussi inébranlable que celle des plus
véhémentes héroïnes de Corneille, Monime est peut-être la
plus adorable, la plus exquise, la plus harmonieuse des prin-
cesses de notre .divin Racine; et, pour symboliser son génie,
c'est elle que je demanderais au statuaire de sculpter dans la
blanche pureté d'un marbre hellénique.
MITHRIDATE
TRAGÉDIE EN CINQ ACTES
1673
Seinac/i, nfler an anoient Jnedallian
MlIHRIDATEa ËUPATOB, SbVBNTU KiNO
OF POMIUB
PREFACE*
Il n'y a guère de nom plus connu que celui de Mithri-
date. Sa vie et sa mort font une partie considérable
de rhistoire romaine. Et sans compter les victoires
qu'il a remportées, on peut dire que ses seules défaites
ont fait presque toute la gloire de trois des plus grands 5
capitaines de la république : c'est à savoir, de Sylla, de
Lucullus, et de Pompée. • Ainsi je ne pense pas qu'il
soit besoin de citer ici mes auteurs. Car, excepté quel-
que événement que j'ai un peu rapproché par le droit
que donne la poésie, tout le monde reconnaîtra aisé- lo
ment que j'ai suivi l'histoire avec beaucoup de fidélité.
En effet, il n'y a guère d'actions éclatantes dans la vie de
Mithridate qui n'aient trouvé place dans ma tragédie.
J'y ai inséré tout ce qui pouvait mettre en jour les
mœurs et les sentiments de ce prince, je veux dire sa 15
haine violente contre les Romains, son grand courage, sa
finesse, sa dissimulation, et enfin cette jalousie qui lui
I . The Mithridate of the play is Mithridates (or Mithradates)
seventh king of Pontus, sumamed Eupator, ** bom of a noble sire."
He reignedfrom 120 to 60 b.c. Cicero, in his Academica II y 1,
calls Mithridates the greatest king since Alexander.
6. c'est à savoir : old expression for à savoir.
10. que donne la poésie : for instance, Monime and Xiphares,
according to history, died earlier than Mithridates.
17. sa dissimulation : Bernardin remarks : '' Ainsi, c'est
bien à dessein . . . que Racine met dans sa bouche ces paroles
perfides qui abusent la fière et loyale Monime."
* Many of the notes to the Préface présuppose the reading of the play.
3
4 PRÉFACE
était si naturelle, et qui a tant de fois coûté la vie à ses
maîtresses. La seule chose qui pourrait n'être pas
20 aussi connue que le reste, c'est le dessein que je lui fais
prendre de passer dans Pltalie. Comme ce dessein
m'a fourni une des scènes qui ont le plus réussi dans ma
tragédie, je crois que le plaisir du lecteur pourra re-
doubler, quand il verra que presque tous les historiens
25 ont dit ce que je fais dire ici à Mithridate.
Florus, Plutarque et Dion Cassius nomment les pays
par où il devait passer. Appien d'Alexandrie entre
plus dans le détail. Et après avoir marqué les faciUtés
et les secours que Mithridate espérait trouver dans sa
30 marche, il ajoute que ce projet fut le prétexte dont
Phamace se servit pour faire révolter toute l'armée,
et que les soldats, effrayés de l'entreprise de son père,
la regardèrent comme le désespoir d'un prince qui ne
cherchait qu'à périr avec éclat.
20. je lui fais prendre : See note on Une 726 of the play.
25. je fais dire à Mithridate : same construction as in Une 20.
26. Florus Uved in the second century, a.d., and was the
author of a résumé of Roman history ; Plutarch, a Greek his-
torian and moralist, Uved from about 45 to 125 a.d., and is the
author of a celebrated séries of Lives ; Dion Cassius, bom at
Nicœa in Bithyuia about 155 a.d., wrote in Greek a Roman
History of great value ; Appian of Alexandria also Uved in the
second century and wrote a Roman History in which he grouped
facts according to nations.
28. les facilités : Note how much nearer to its derivative
meaning this word was than it now is. Apparently th*e only
single-word rendering into English is the rarely used facilitations.
It is better, probably, to render the whole phrase somewhat as
foUows : After having indicaied the things which Miihridates
hoped wovld facilitate or even aid his expédition, . . .
PRÉFACE 5
Ainsi elle fut en partie cause de sa mort, qui est 35
l'action de ma tragédie. J'ai encore lié ce dessein de
plus ptèa à mon sujet. Je m'en suis servi pour faire
connaître à Mithridate les secrets sentiments de ses
deux fils. On ne peut prendre trop de précaution
pour ne rien mettre sur le théâtre qui ne soit très 40
nécessaire. Et les plus belles scènes sont en danger
d'ennuyer, du moment qu'on les peut séparer de
l'action, et qu'elles l'interrompent au lieu de la conduire
vers sa fin.
Voici la réflexion que fait Dion Cassius sur ce dessein 45
de Mithridate: «Cet honmie était véritablement né
pour entreprendre de grandes choses. Comme il avait
souvent éprouvé la bonne et la mauvaise fortune, il
ne croyait rien au-dessus de ses espérances et de son
audace, et mesiu'ait ses desseins bien plus à la grandeur 60
de son courage qu'au mauvais état de ses affaires;
bien résolu, si son entreprise ne réussissait point, de
faire une fin, digne d'un grand roi, et de s'ensevelir
lui-même sous les ruines de son empire, plutôt que de
vivre dans l'obscurité et dans la bassesse. » 65
J'ai choisi Monime entre les femmes que Mithri-
date a aimées. Il paratt que c'est celle de toutes qui
a été la plus vertueuse, et qu'il a aimée le plus tendre-
35. gui est Taction de ma tragédie : We make référence, m
due course, to this remark. Radne is hère arguing for the con-
formity of his play to the " unity of action."
37. pour faire connaitre k Mithridate : same construction as
lines 20 and 25.
44. The préface of the first édition ended hère. Bernardin
thinks that Racine may hâve added the rest in response to certain
criticisms as to his fideUty to history.
6 PRÉFACE
ment. Plutarque semble avoir pris plaisir à décrire
60 le malheur et les sentiments de cette princesse. C'est
lui qui m'a donné Tidée de Monime ; et c'est erf partie
sur la peinture qu'il en a faite que j 'ai fondé un caractère
que je puis dire qui n'a point déplu. Le lecteur trou-
vera bon que je rapporte ses paroles telles qu'Amiot
65 les a traduites. Car elles ont une grâce dans le vieux
style de ce traducteur, que je ne crois point pouvoir
égaler dans notre langue moderne :
«Cette-cy estoit fort renommée entre les Grecs,
pour ce que quelques sollicitations que luy sceust faire
70 le Roy en estant amoureux, jamais ne voulut entendre
à toutes ses poursuites jusqu'à ce qu'il y eust accord
de mariage passé entre eux, et qu'il luy eust envoyé
le diadème ou bandeau royal, et appellée royne. La
pauvre dame, depuis que ce roy l'eust espousée, avoit
75 vécu en grande déplaisance, ne faisant continuellement
autre chose que de plorer la malheureuse beauté de
son corps, laquelle, au lieu d'un mary, luy avoit donné
un maistre, et au lieu de compagnie conjugale, et que
doit avoir une dame d'honneur, luy avoit baillé une
80 garde et garnison d'hommes barbares, qui la tenoient
comme prisonnière loin du doux païs de la Grèce, en
63. que je puis dire qui n'a point déplu : The construction is
. odd, but quite clear. Racine's claim for himself is very safely
modest. Monime is now famous as one of the most exquisite of
dramatic créations.
68-g4. The student will find little diflSculty in the old orthog-
raphy. One of the best principles to foUow is the simple : When
in doubt, pronounce. We give a few helps on modem spellings,
forms, and meanings : 68, cette-cy, ceUe-d; 69, sceust, sût; 73,
rojrne, reine; 76, plorer, pleurer; 80, baillé, donné; 81, pals, paya;
PRÉFACE 7
lieu où elle n'avoit qu'un songe et une ombre de biens ;
et au contraire avoit réellement perdu les véritables,
dont elle jouissoit au pais de sa naissance. Et quand
Bachilides fut arrivé devers elle, et luy eut fait com-85
mandement de par le Roy qu'elle eust à mourir, adonc
elle s'arracha d'alentour de la teste son bandeau royal ;
et se le nouant alentour du col, s'en pendit. Mais le
bandeau ne fut pas assez fort, et se rompit inconti-
' nent. Et lors elle se prit à dire : « maudit et mal- 90
« heureux tissu, ne mfe serviras-tu point au moins à
« ce triste service ? » En disant ces paroles, elle le
jetta contre terre, crachant dessus, et tendit la gorge à
Bachilides.))
Xipharès était fils de Mithridate et d'une de ses 95
femmes qui se nommait Stratonice. Elle livra aux
Romains une place de grande importance, où étaient
les trésors de Mithridate, pour mettre son fils Xipharès
dans les bonnes grâces de Pompée. Il y a des historiens
qui prétendent que Mithridate fit mourir ce jeune loo
prince, pour se venger de la perfidie de sa mère.
Je ne dis rien de Pharnace. Car qui ne sait pas que
ce fut lui qui souleva contre "Mithridate ce qui lui
restait de troupes, et qui força ce prince à se vouloir
86, adonc, donc (alors) ; 89, incontinent, aussUôt. The author
quoted is Jacques Amyot (1513-1593), translater of Plutarch
and other ancient writers, called "one of the creators of the
beautiful language of the sixteenth century."
103. ce qui lui restait de troupes is also the French of today,
and the construction is therefore specially worth noting.
104. vouloir : At varions points in the notes, the meanings of
vouloir will be treated. Hère it means to try. What would be
the place of se in the sentence as written by a modem author?
8 PRÉFACE
•
105 empoisonner, et à se passer son épée au travers du
corps pour ne pas tomber entre les mains de ses ennemis ?
C'est ce même Pharnace qui fut vaincu depuis par Jules
César, et qui fut tué ensuite dans une autre bataille.
io6. pour ne pas tomber : Note the place of the négative, as
in the usage of our own day also.
107. par Jules César : See 1691, n.
MITHRIDATE
ACTEURS
MiTHRiDATE, Foi de Pont et de quantité d'autres royaumes
MoNiME, accordée ^ avec Mithridate, et déjà déclarée reine
Pharnace, 1
^ ^ f fils de Mithridate, mais de différentes mères
X1PHARES3 J
Arbate, confident de Mithridate, et gouverneur de la place de
Nymphée
PHiBDiME, confidente de Monime
Arcas, domestique de Mithridate
Gardes*
La scène est à Nymphée* port de mer sur le Bosphore Cimmérien,
dans la Taurique Chersonèse.*
^ accordée avec : affianced to.
' Gardes : The text also implies the présence of attendants of
Monime in some of the scènes.
• Nymphée : in the Chersonesus, between Theodosia and Pan-
ticapseum. According to Dion Cassius, it was in Panticapseum
that Mithridates died.
* Taurique Chersonèse : The modem order would be the re-
verse. The location is the Crimea of our day, and the Cimmerian
Bosporus is the Strait of Kertch or Yenikale. See the map.
10
ACTE PREMIER
SCÈNE I
XIPHARÊS, ARBATE
XlPHABÈS
On nous faisait, Arbate, un fidèle rapport :
Rome en effet triomphe, et Mithridate est mort.
Les Romains, vers TEuphraté, ont attaqué mon père.
Et trompé dans la nuit sa prudence ordinaire.
Après un long combat, tout son camp dispersé
Dans la foule des morts, en fuyant, Ta laissé;
Et j'ai su qu'un soldat dans les mains de Pompée
Avec son diadème a remis son épée.
Ainsi ce roi, qui seul a durant quarante ans
2. en effet : None of the customary translations wiU fit the
situation. Use : in tnUh, or in very trtUh.
3. vers : près de,
4. ordinaire : customary.
5. camp hère means army.
6. dans . . . laissé : fled and left him, etc. Note that 00-
ordinates with and are good in Eo^Ush and likely to be bad in
French. How does one say : He came and told me thatf
7. su : leamed, Not so, in modem French, except for the
past definite of savoir. Cf. Nous sûmes que vous y étiez.
8. remis : remettre is the regular modem prose word for hand
over or deliver.
9. Historical accuracy would subtract ten years from Racine^s
forty^ but Racine had good contemporary authority.
11
12 MITHRIDATB
10 Lassé tout ce que Rome eut de chefs importants^
Et qui dans TOrient balançant la fortune,
Vengeait de tous lés rois la querelle commune,
Meurt, et laisse après lui, pour venger son trépas,
Deux fils infortunés qui ne s'accordent pas.
Arbatb
15 Vous, Seigneur ! Quoi? l'ardeur de régner en «a place
Rend déjà Xipharès ennemi de Pharnace?
XlPHARÈS
Non, je ne prétends point, cher Arbate, à ce prix
D'un malheureux empire acheter le débris.
10. Note the separableness of de. Cf. II n'a rien dit d'intéres-
sant. Lanson mentions Oppius, Claudius, Valerius Flaccus,
FJmbria, Sylla, Lucullus, ai^d Pompey as among those whom
Mithridates had defeated.
12. It is important that the reader of French verse be always
ready for the transfer of a prepositional phrase. Those with de
are often deceptive.
14. s'accordent: The translator mnst be as ready with the
reciprocal phrase each other, one another^ as with the reflexive
Ûiemselves. Note also that, in translating into French, Vun
Vautre, etc., are rarely necessary.
15. Seigneur : Your Highness or Prince. Discrétion must be
exercised in the translation of Seigneur, and Madame. — en will
often be found in seventeenth century French where modem
usage would call for à or dans.
17. It is well never to use the word prétend for prétendre^
Claim, intend are often good ; the former generally for modem
prose, the latter generally for verse. — prix : A versatile word,
rarely to be translated as literally as price. Prize, premiumy
reward are some of its meanings. Bernardin gives as his interpré-
tation au prix d'une rivaliié fratricide, which makes easier a literal
ACTE I, SCÈNE I 13
Je sais en lui des ans respecter l'avantage ;
Et content des Etats marqués pour mon partage, 20
Je verrai sans regret tomber entre ses mains
Tout ce que lui promet l'amitié des Romains.
Arbate
L'amitié des Romains ! Le fils de Mithridate,
Seigneur ! Est-il bien vrai?
XlPHARÈS
N'en doute point, Arbate.
Phamace, dès longtemps tout Romain dans le cœur, 25
Attend tout maintenant de Rome et du vainqueur.
translation of prix. lines 17-18 give good opportunity for re-
phrasîng. Certainly the débris of an unfartunate empire is undesir-
able. Empire means svxiyj power^ as often as empire,
19. Phamaces is about thirty years old; Xipharès younger.
In this and the foregoing lines, note the transfer of the de phrase.
20. content : The French editor cails spécial attention to the
fact that this means conterUed; conversely, the English reader
must note that content generally means glad, happy. Content de
hère is équivalent to the modem rhe contentant de; and mon par-
tage would now be m>a part^ that is, my share.
22. que : Often lines are deceptive for those who fail to take que
as an accusative. The inversion is in accord with the gênerai
principle of construction of the French sentence : the longer mem-
ber last. In other wonds, this inversion is not because of poetic
style, but is the customary prose construction. Cf. Dites-moi
ce qu'en pense votre ami.
23-24. It is worth noting that thèse exclamations tell us more
about the situation than we might gain from several lines of nar-
rative or argument.
25-26. The appearance of tout in différent sensés has been
criticized. Has great expectations might be a good rendering of
attend tout.
14 MITHRIDATE
Et moi, plus que jamais à mon père fidèle,
Je consenre aux Romains une haine ûnmortelle.
Cependant et ma haine et ses prétentions
30 Sont les moindres sujets de nos divisions.
Arbatb
Et quel autre intérêt contre lui vous anime?
XlPHARÈS
Je m'en vais t'étonner. Cette belle Monime,
Qui du Roi notre père attira tous les vœux,
Dont Phamace, après lui, se déclare amoureux . . .
Arbate
35 Hé bien. Seigneur?
XlPHARÈS
Je l'aime, et ne veux plus m'en taire,
Puisqu'enfin pour rival je n'ai plus que mon frère.
31. intérêt: raison, cause, toute chose touchant à la personne
de , , .
32. je m'en vais t' étonner : s'en aller, as an auxiliary, has no
appréciable significance beyond aller. Some critics hâve said
that oUer would be préférable hère.
33. qui . . . vœux : vœux is one of sevéral words (^ke jours,
courage) which the reader of French verse needs to " standardize "
in his mind. It means frayer {s), désire, affection, love. Note the
transfer of the de phrase.
34* après lui : This " filler " of the line offers a good problem
of rendering into English.
35. m^en taire : préserve silence as to it.
36. plus que : note that ne serves as first half of both of thèse
négatives. One can easily be deceived into trying to make plus
que mean more than.
ACTE I, SCÈNE I 16
Tu ne t'attendais pas sans doute à ce discours ;
Mais ce n'est point, Arbate, un secret de deux jours.
Cet amour s'est longtemps accru dans le silence.
Que n'en puis-je à tes yeux marquer la violence, 40
Et mes premiers soupirs, et mes derniers ennuis?
Mais en l'état funeste où nous sommes réduits,
Ce n'est guère le temps d'occuper ma mémoire
A rappeler le cours d'une amoureuse histoire.
Qu'il te suffise donc, pour me justifier, * 45
Que je vis, que j'aimai la Reine le premier;
Que mon père ignorait jusqu'au nom de Monime,
Quand je conçus pour elle un amour légitime.
37. sans dottte : A literal rendering of this phrase is nearly
always undesirable. It bas two meanings : (1) certainlj/ ;
(2) prohably. One should choose from thèse iûstead of using
the literal but equivocal without dovbt or dovbtless,
40. qtte ... : an exclamatory question ; also a good prob-
lem of rendering (including line 41), probably in affirmative
form.
41. ennuis: tourment, souffrance, affliction. Thewordisnow
much milder in significance than in 1675.
42. In prose en may not be used when there is a definite
article. — où : a clear-cut spécimen of this adverb-pronoun as
the datîvç of the relative.
45. The French language, generally more careful than the
English, has its own very few flagrant carelessnesses. One of
them concems the relation of infinitive (including participial)
clauses to the subject or object of the sentence. In line 45 it is
obvions that *' Let it suffice you, to justify me, that I saw . . "
is not the meaning, if we hold to English principles of expression.
In a word, the reader of French chooses his own subject for the
clause. Occasionally a French sentence of this kind is actually
obscure. In line 45 there is no obscurity, only a good oppor-
timity to be careful as to English phraseology.
16 MITHRIPATE
Il la vit. Mais au lieu d^offrir à ses beautés
60 Un hymen, et des vœux dignes d'être écoutés,
Il crut que, sans prétendre une plus haute gloire,
Ellç lui céderait une indigne victoire.
Tu sais par quels efforts il tenta sa vertu.
Et que lassé d'avoir vainement combattu,
65 Absent, mais toujours plein de son amour extrême.
Il lui fit par tes mains porter son diadème.
Juge de mes douleurs, quand des bruits trop certains
M'annoncèrent du Roi l'amour et les desseins ;
49-56. Xiphares does not follow the adage de mortuis nil
nisi bonum, but the record of Mithridates was perhaps too well
known t(\ make considerate treatment necessary. At any rate,
the French commentators remark that the court of Louis XIV
had no occasion to be shocked.
50. Note the necessity of re-phrasing. See note on line 33.
V0W8 worthy to he listened to would be a group of parallel words,
not a translation.
51. There is opportunity hère to note the force of the past
defînite, but the observation of the point is not so essentîal hère
as in many other connections. — The student should regard as a
curiosity this usage of prétendre with a direct object. Prétendre
à was gênerai, even in Racine's time. Avoiding literalness and
direct paraphrase, we may translate : he thought that she might
renounce cdl claim to hecome hia gueen and consent to beœme his
companion. — See note on Une 45. English usage will not permit
the placing of the subject after the infinitive phrase.
53. il . . . vertu : he tried to make her yield to htm. — History,
or legend, has it that he actually tried to buy Monime as a slave.
54. que ... : The change of construction is old-fashioned
diction.
55. extrême : Literalness is undesirable, especially as the
' Word is, for French readers, somewhat manneristic. Use great.
In other cases, after the Latin dérivation, tUmost may serve.
58. Again the transfer of the de phrase.
ACTE I, SCÈNE I 17
Quand je sus qu'à son lit Monime réservée
Avait pris, avec toi, le chemin de Nymphée ! eo
Hélas ! ce fut encor dans ce temps odieux
Qu'aux offres des Romains ma mère ouvrit les yeux ;
Ou pour venger sa foi par cet hjrmen trompée,
Ou ménageant pour moi la faveur de Pompée, *
Elle trahit mon père, et rendit aux Romains 65
La place et les trésors confiés en ses mains.
Quel devins-je au récit du crime de ma mère !
Je ne regardai plus mon rival dans mon père ;
J'oubliai mon amour par le sien traversé :
Je n'eus devant les yeux que mon père offensé. 70
J'attaquai les Romains ; et ma mère éperdue
Me vit, en reprenant cette place rendue,
59. See note on Une 7. Hère we hâve the modem French
usage, by which je sus means exclusively- / leamedy Ifound ovt, —
à . . . réservée : as his affianced bride; a seventeenth century
mannerîsm met nowadays, in English, only in légal phraseology.
60. de means tOj not only hère, but in modem prose usage,
with chemin, voyage,^etc.
62. ouvrit les yeux : aUowed hersdf to be influenced.
63. That is, Stratonice was arbitrarîly divorced by Mithri-
dates.
63-64. As to versification, the fact that moi of ^64 rhymes
with foi of 63 is, from the French standpoint, a fault.
66. place: place forte; en is old-fashioned for d.
67. quel is an interesting Latinism, and makes a good problem
of re-phrasing. Note that an exclamatory positive in French is
very often to be made an exclamatory négative in EngUsh. See
40, n.
70. mon père ojffensé : V offense faite à mon père.
72. rendue : Lanson calls attention to Racine's skill in the
use of adjectives, which often makes them equal in force to whole
sentences. He cites Unes 5, 28, 48, 77, 86, 126.
18 MITHRIDATB
A mille coups mortels contre eux me dévouer,
Et chercher, en mourant, à la désavouer.
75 L'Euxin, depuis ce temps, fut libre, et Test encore ;
Et des rives de Pont aux rives du Bosphore,
Tout reconnut mon père, et ses heureux vaisseaux
N'eurent plus d'ennemis que les vents et les eaux.
Je voulais faire plus. Je prétendais, Arbate,
80 Moi-même à son secours m'avancer vers TEuphrate.
Je fus soudain frappé du bruit de son trépas.
Au milieu de mes pleurs, je ne le cèle pas,
Monime, qu'en tes mains mon \)ère avait laissée,
Avec tous ses attraits revint en ma pensée.
86 Que dis-je? en ce malheur je tremblai pour ses jours ;
Je redoutai du Roi les cruelles amours.
73. A literal parallel is worthless as a rendering. A French
commentator remarks that m^exposer would be more exact but
less expressive than me dévouer.
74. la : Stratonice.
75. fut : Observe the excellent example of past definite usage,
which, this time, one may recognize by translating pecame, giving
depuis the force of dès.
77. Retaining the force of the past definite, translate : my
father's sway hecame universally reœgnized . . .
78. n'et^ent plus d'ennemis que may be rendered ceased to
hâve any other enemies than . . . This " rendering by reversai "
is again commented on at Une 374. In Une 78 mère grammat-
ical requirements reverse one of the négatives in English.
79. Note the transition to the imperfect, and the retum to
the past definite in Une 81.
85. que dis-je? The student may well adopt nay^ moref
as the staple rendering of this locution. — joiu's : a regular word
for vie in French verse.
86. Can the English be quite forceful without re-phrasing
this Une, and adding, perhaps, the possible resvlt of, or its equiv-
ACTE I, SCÈNE I 19
Tu sais combien de fois ses jalouses tendresses
Ont pris soin d'assurer la mort de ses maîtresses.
Je volai vers Nymphée ; et mes tristes regards
Rencontrèrent Pharnace au pied de ses remparts. 90
J'en conçus, je l'avoue, un présage funeste.
Tu nous reçus tous deux, et tu sais tout le reste.
Pharnace, en ses desseins toujours impétueux,
Ne dissimula point ses vœux présomptueux.
De mon père à la Reine il conta la disgrâce, 95
L'assura de sa mort, et s'offrit en sa place.
Comme il le dit, Arbate, il veut l'exécuter.
aient? Lanson suggests for cruelles amours : la cruelle façon
d^aimer, Ja cruauté que le rai portait dans ses amours.
87. ses jalouses tendresses : The fîrst good spécimen, in
this play, of the commonest conventional metonymy of French
classic verse. One may deal mechanically with it thns : hsj
hecause of his jealous fondness, and then re-phrase into acceptable
style. The principle of translation is : Use a personal subject
and a fitting prepositional phrase. Dramatically, this allusion
prépares for an important incident of Act 5.
89. Following out the principle mentioned in note on Une 87,
one says, mechanically : /, luith sad looks, heheld ... ; then, re-.
phrasing, Iioas saddened hy the sight of Phamaces ... or Ifound,
to my sorrow, Phamaces . . .
90. A good problem of re-phrasing.
94. ne dissimula point : mode no secret of . . vœux : we
see how true it is that this noun may embody any one of several
meanings of the verb vouloir ; hère, plan, intention. Observe the
plural, though the English is singular. Vœu (singular) means vow
or pledge.
95. disgrâce : catastrophe. Labbé interprets mortf and makes
référence to Une 295. The Uteral English is rarely apt in tragedy,
and not very often in prose.
97. le bas no spécifie antécédent, but refers in gênerai to the
plans of Phamaces.
20 MITHRIDATE
Mais enfin, à mon tour, je prétends éclater.
Autant que mon amour respecta la puissance
100 D'im père, à qui je fus dévoué dès Tenfance,
Autant ce même amour, maintenant révolté,
De ce nouveau rival brave l'autorité.
Ou Monime, à ma flamme elle-même contraire,
Condamnera l'aveu que je prétends lui faire ;
105 Ou bien, quelques malheurs qu'il en puisse avenir,
Ce n'est que par ma mort qu'on la peut obtenir.
Voilà tous les secrets que je voulais t'apprendre.
C'est à toi de choisir quel parti tu dois prendre.
Qui des deux te parait plus digne de ta foi,
110 L'esclave des Romains, ou le fils de ton roi.
Fier de leur amitié, Pharnace croit peut-être
Commander dans Nymphée, et me parler en maître.
Mais ici mon pouvoir ne connaît point le sien :
98. éclater : make known what haa thua far been concealed;
literally, to hurst, burstforth.
99-102. Autant que . . . autant ... : As . . , so now . . .
100. Xiphares still kept his admiration for the heroic qualities
bf Mithridates, notwithstanding faults which were only too
obvious.
103-105. Note that bien often intensifies a word or phrase, but
sometimes îb represented in English by an intonation rather than
a word. One may regularly avoid saying indeed for bien unless
the sensé clearly demands it. Cf. Il le fera bien pour vous ....
il se peut bien que votre ami l'ait dit.
105. avenir : advenir, .
109. foi : aUegiance,
iio. Excellent as an argument and as a dramatic Une.
112. en midtre : the regular prose construction, at variance
with the English. As to dans NymphéCy see Une 836, n.
113. BiU hère my power dœs not reœgnize his, first mechanically
ACTE I, SCÈNE I 21
Le Pont est son partage, et Colchos est le mien ;
Et l'on sait que toujours la Çolchide et ses princes 115
Ont compté ce Bosphore au rang de leurs provinces.
ÀRBATE
Commandez-moi, Seigneur. Si j'ai quelque pouvoir,
Mon choix est déjà fait, je ferai mon devoir.
Avec le même zèle, avec la même audace
Que je servais le père et gardais cette place 120
Et contre votre frère, et même contre vous,
Après la mort du Roi, je vous sers contre tous.
Sans vous, ne sais-je pas que ma mort assurée,
De Phamace en ces Ueux allait suivre l'entrée?
Sais-je pas que mon sang, par ses mains répandu, 125
Eût souillé ce rempart contre lui défendu?
re-phrased (/,. in my potoeTf do not at aU recognize his pawer), be-
comes : BiU I am rvler hère, and dedine to recognize his atUhority
in any respect.
114. Colchos : Racine is apparently inaccurate, but merely
repeats the inaccuracy of earlier writers. There never was )&
région or state named Colchos. Çolchide is Colchis. As to pro-
nunciation, Çolchide is regular, with soft ch, Colchos irregular,
with hard ch (that is, kol-koss) .
116. le Bosphore is really a strait ; but Racine makes it mean
a région.
120. que : avec lesqiiels ; a common usage in Racine's time.
— place is not place. Cf. line 66.
123. sans : The translater who regularly says mthmU for
sans is on a par with the one who regularly says alivays for
toujours.
124. Transfer of de phrase.
125. The omission of ne is an unimportant curiosity of style,
but hère, a neat touch of vividness.
22 MITHRIDATE
< Assurez-vous du cœur et du choix de la Reine.
^ Du reste, ou mon crédit n'est plus qu'une ombre vaine,
Ou Pharhace, laissant le Bosphore en vos mains,
130 Ira jouir ailleurs des bontés des Romains.
XlPHARÈS
Que ne devrai-je point à cette ardeur extrême !
Mais on vient. Cours, ami : c'est Monime elle-même.
SCENE II
MONIME, XlPHARÈS
Monime
Seigneur, je viens à vous. Car enfin aujourd'hui.
Si vous m'abandonnez, quel sera mon appui?
135 Sans parents, sans amis, désolée et craintive.
Reine longtemps de nom, mais en effet captive,
Et veuve maintenant sans avoir eu d'époux,
Seigneur, de mes malheurs ce sont là les plus doux.
Je tremble à vous nommer l'ennemi qui m'opprime,
127. la Reine : Monime.
123. du reste : Labbé explains as follows : Que Xipharès
s'assure de Tamour de Monime ; Arbate fait soû affaire du reste,
c'est-à-dire de la garde du Bosphore et de la place de Nymphée.
It is to be observed that plus que is not the équivalent of more
tkan.
130. There is a dash of comedy in the gruff irony of Arbates.
131. See, as to exclamation, 67, n.
134. quel is richer than qui ; but still who.
136. en effet : en realité. See also 2, n.
139. à vous nommer : Observe that this is not de vous nommer,
which would mean / am, afraid to name to you ; but is practically
ACTE I, SCÈNE II 23
J'espère toutefois qu'un cœur si magnanime * 140
Ne sacrifiera point les pleurs des malheureux
Aux intérêts du sang qui vous unit tous deux.
Vous devez à ces mots reconnaître Phamace.
C'est lui, Seigneur, c'est lui dont la coupable audace
Veut, la force à la main, m'attacher à son sort 145
Par un hymen pour moi plus cruel que la mort.
Sous quel astre ennemi faut-il que je sois née?
Au joug d'im autre hymen sans amour destinée,
A peine je suis libre et goûte quelque paix.
Qu'il faut que je me livre à tout ce que je hais. 150
Peut-être je devrais, plus humble en ma misère.
Me souvenir du moins que je parle à son frère.
Mais, soit raison, destin, soit que ma haine en lui
Confonde les Romains dont il cherche l'appui,
Jamais hymen, formé sous le plus noir auspice, 155
De l'hymen que je crains n'égala le supplice.
Et si Monime en pleurs ne vous peut émouvoir.
Si je n'ai plus pour mdi que mon seul désespoir,
identical with the English at naming to you, Lanson speaks of it
as less " heavy " than en vous nommant.
148. sans amour : Uwdess.
149-1 5 1 . In prose today à peine and peut-être, at the beginning
of the sentence, would necessitate interrogative order, — suis-je
and devraiS'je.
150. qu' : when. Tout ce que je hais is a simple problem in
re-phrasing. Lanson paraphrases : ce qy/e je hais le plus au
monde.
I53~i54- Racine is hère strikingly cogent in language and
idea. The English rendering will require more words.
156. For the last time, attention is called to the tranafer of
the de phrase. Even the novice will now be familiar with this
oft-used device of French verse style.
24 MITHRIDATE
Au pied du même autel où je suis attendue,
160 Seigneur, vous me verrez, à moi-même rendue,
Percer ce triste cœur qu'on yeut tyranniser.
Et dont jamais encor je n'ai pu disposer.
XlPHARÈS
Madame, assurez-vous de mon obéissance ;
Vous avez dans ces lieux une entière puissance.
i65Phamace ira, s'il veut, se faire craindre ailleurs.
Mais vous ne savez pas encor tous vos malheurs.
MONIME
Hé ! quel nouveau malheur peut affliger Monime,
Seigneur?
XlPHARÈS
Si vous aimer c'est faire im si grand crime,
Phamace n'en est pas seul coupable aujourd'hui ;
170 Et je suis mille fois plus criminel que lui.
Monime
Vous !
XlPHARÈS
Mettez ce malheur au rang des plus f unesjbes ;
Attestez, s'il le faut, les puissances célestes
i6o. rendue : surrendered ; but re-phrasing is of course
necessary.
163. Madame : Princess, — assurez-vous : soyez assurée,
165. Xiphares talks after the manner of Arbates in line 130.
171. The vous of Monime is a fine dramatic stroke of Racine
and is a problem for the actress. She must show her joy to the
spectator, yet conceal it f rom Xiphares. — mettez au rang de :
count among.
172. attestez : prenez à témoin.
ACTE I, SCÈNE II
25
Contre un sang malheureux, né pour vous tourmenter,
Père, enfants animés à vous persécuter.
Mais avec quelque ennui que vous puissiez apprendre 175
Cet amour criminel qui vient de vous surprendre.
Jamais tous vos malheurs ne sauraient approcher
Des maux que j'ai sou&erts en le voulant cacher.
Ne croyez point pourtant que, semblable à Pharnace,
Je vous serve aujourd'hui pour me mettre en sa place, iso
Vous vqulez être à vous, j'en ai donné ma foi.
Et vous ne dépendrez ni de lui ni de moi.
Mais, quand je vous aurai pleinement satisfaite,
En quels lieux avez-vous éhoisi votre retraite?
Sera-ce loin. Madame, ou près de mes États? 185
Me sera-t-il permis d'y conduire vos pas?
Verrez-vous d'un même œil le crime et l'innocence?
En fuyant mon rival, fuirez-vous ma présence?
Pour prix d'avoir si bien secondé vos souhaits,
Faudra-t-il me résoudre à ne vous voir jamais? 190
MONIMB
Ah! que m'apprenez-vous?
173. tourmenter : donner la torture. Sang sometimes means
sorij sometimes racej sometimes rdationahip, as well as other
similar words.
175. ennui : douLewr — an earlier meaning. Cf. 41, n.
178. voulant : attempt to is one of the commonest meanings
of vouloir,
181. j'en ai donné ma foi : je Vax promis.
187. But, as Labbé remarks, line 170 reads : Et je suis mille
fois plus criminel que lui. A topic for class discussion : Is
Xiphares inconsistent in Unes 170 and 187?
26 MITHRIDATE
XlPHARES
Hé quoi ? belle Monime,
Si le temps peut donner quelque droit légitime,
Faut-il vous dire ici que le prèmier de tous
Je vous vis, je formai le dessein d^être à vous,
195 Quand vos charmes naissants, inconnus à mon père,
N'avaieYit encor paru qu^aux yeux de votre mère?
.Ah ! si par mon devoir forcé de vous quitter.
Tout mon amour alors ne put pas éclater.
Ne vous souvient-il plus, sans compter tout le reste,
200 Combien je me plaignis de ce devoir funeste?
Ne vous souvient-il plus, en quittant vos beaux yeux,
Quelle vive douleur attendrit mes adieux?
Je m'en souviens tout seul. Avouez-le, Madame,
Je vous rappelle un songe effacé de votre âme.
206 Tandis que loin de vous, sans espoir de retour,
Je nourrissais encore un malheureux amour.
Contente, et résolue à Thymen de mon père.
Tous les malheurs du fils ne vous affligeaient guère.
Monime
Hélas!
198. éclater : se manifester évidemment.
,201. vos beaux yeux is a bit of the affected diction of the
period of Louis XIV. This affectation (called préciosité) is
satirized in Molière's Les Précieuses Ridicules and Les Femmes
Savantes. It is not unlike the euphi^sm of the Elizabethan
Age. Beaux yeux means f>eauty or beavMful woman. In the
présent passage your heautijui self or you^ fait Princess, may be
used.
203. Monime seems to hâve turned away and to be giving no
sign of interest in the avowal of Xiphares.
ACTE I, SCÈNE II 27
XlPHARÈS
Avez-vous plaint un moment mes ennuis?
MONIME
Prince . . . n'abusez point de Tétat où je suis. 210
XlPHARÈS
En abuser, 6 ciel ! quand je cours vous défendre,
Sans vous demander rien,, sans oser rien prétendre ;
Que vous dirai-je enfin? lorsque je vous promets
De vous mettre en état de ne me voir jamais !
MONIME
C'est me promettre plus que vous ne sauriez faire. 215
XlPHARÈS
Quoi? malgré mes serments, vous croyez le contraire?
Vous croyez qu'abusant dç mon autorité.
Je prétends attenter à votre liberté?
213. que vous dirai-je enfin? îs only a more intensive que
dia-je? Cf. Une 85.
215-222. Line 215 seems to hâve a bit of coquetry in it. At
any rate, it provokes a storm. ThB covert yet clear avowal of
lines 220-222 is charming, but not unique. In Racine's Phèdre j
Act 2, Scène 3, Aricia says to Hippolytus : v
J'accepte tous les dons que vous voulez me faire.
Mais cet empire enfin si grand, si glorieux,
N'est pas de vos présents le plus cher à mes yeux.
As to translation of line 215, note that sentences beginning with
c*e8t plus infinitive should be made personal ; thus : you are
promising fne more than . . .
28 MITHRIDATE
On vient, Madame,, on vient. Expliquez-vous, de
grâce.
Un mot.
MONIME
220 Défendez-moi des fureurs de Pharnaee.
Pour me faire. Seigneur, consentir à vous voir
Vous n'aurez pas besoin d'un injuste pouvoir.
Ah! Madame . . .
XlPHARÈS
MoNIME
Seigneur, vous voyez votre frère.
SCÈNE III
MONIME, PHARNACE, XlPHARÈS
Pharnace
Jusques à quand. Madame, attendrez-vous moh père?
226 Des témoins de sa mort viennent à tous moments
Condamner votre doute et vos retardements.
Venez, fuyez l'aspect de ce climat sauvage.
Qui ne parle à vos yeux^que d'un triste esclavage.
Un peuple obéissant vous attend à genoux,
230 Sous im ciel plus heureux et plus digne de vous.
Le Pont vous reconnaît dès longtemps pour sa reine :
Vous en portez encor la marque souveraine ;
Et ce bandeau royal fut mis sur votre front
219. de grâce : I beg you,
232. en : de reine.
ACTE I, SCÈNE III 29
Comme \m gage assuré de l'empire de Pont.
Maître de cet État que mon père me laisse, 235
Madame, c'est à moi d^accomplir sa promesse.
Mais il faut, croyez-moi, sans attendre plus tard.
Ainsi que notre hymen presser notre départ.
Nos intérêts communs et mon cœur le demandent.
Prêts à vous recevoir, mes vaisseaux vous attendent, 240
Et du pied de Tautel vous y pouvez monter.
Souveraine des mers qui vous doivent porter.
MONIME
Seigneur, taiit de bontés ont lieu de me confondre.
Mais, puisque le temps presse,, et qu'il faut vous
répondre,
Puis-je, laissant la feinte et les déguisements, 245
Vous découvrir ici mes secrets sentiments?
Vous pouvez tout.
Pharnacb
MONIME
Je crois que je vous suis connue.
Êphèse est mon pays ; mais je suis descendue
D'aïeux, ou rois. Seigneur, ou héros, qu'autrefois
Leur vertu, chez les Grecs, mit au-dessus des rois. 26O
Mithridate me vit. Êphèse, et l'Ionie,
A son heureux empire était alors unie.
243. ont lieu de : may wéll»
247. The Unes 247-266 make a good memory sélection ; also,
in quite différent style, Unes 831-842.
250. vertu : qualities of heart and mind, not moral goodness.
MITHRIDATB
Ftom: La Comédie Françiiite. (-a Ldite
Mlle Clairon (1724-1803)
Reputed to bave beeo the beat iaterpretor of the r&le of Mouiine.
ACTE I, SCÈNE III 31
Il daigna m^envoyer ce gage de sa foi.
Ce fut pour ma famille une suprême loi :
Il fallut obéir. Esclave couronnée, 255
Je partis pour l'hymen où j'étais destinée.
Le Roi, qui m'attendait au sein de ses États,
Vit emporter ailleurs ses desseins et ses pas.
Et tandis que la guerre occupait son courage.
M'envoya dans ces lieux éloignés de l'orage. 26O
J'y vins : j'y suis encor. Mais cependant. Seigneur,
Mon père paya cher ce dangereux honneur.
Et les Romains vainqueurs, pour première victime.
Prirent Philopœmen, le père de Monime.
Sous ce titre funeste il se vit immoler ; 265
Et c'est de quoi. Seigneur, j'ai voulu vous parler.
Quelque juste fureur dont je sois animée.
Je ne puis point à Rome opposer une armée ;
Inutile témoin de tous ses attentats.
Je n'ai pour ùie venger ni sceptre ni soldats ; 270
Enfin, je n'ai qu'un coeur. Tout ce que je puis faire,
256. où : only avquél would be possible in prose.
258. emporter is reflexive (passive) in meaning ; but, in seven-
teenth century usage, when dépendent on. a verb of causation or
perception, the active form served.
259. Just as ses heaiLx yeux means, in classic verse, the heautiJuL
wornarij so son courage means the brave man ; or, indeed, one
may say the woman and the man. In the présent instance, the
pronoun him is nearly, if not quite, a sufficient translation.
262. l'honneur de voir sa fiMe reine.
264. History belies Racine as to Philopœmen.
265. sous : à cause de.
266. This line is in response to a gesture ôf impatience on the
part of Pharnaces.
269. inutile témoin : témoin impuissant.
32 MITHRIDATE
C'est de garder la foi que je dois à mon père,
De ne point dans son sang aller tremper mes mains
En épousant en vous Tallié des Romains.
Pharnace
275 Que parlez-vous de Rome et de son alliance?
Pourquoi tout ce discom^ et cette déJËance?
Qui vous dit qu'avec eux je prétends m'allier?
MONIMB
Mais vous-même, Seigneur, pouvez-vous le nier?
Conament m'offririez-vous l'entrée et la couronne
280 D'un pays que partout leur armée environne,
Si le traité secret qui vous lie aux Romains
Ne vous en assurait l'empire et les chemins?
Pharnace
De mes intentions je pourrais vous instruire,
Et je sais les raisons que j'aurais à vous dire,
285 Si, laissant en effet les vains déguisements.
Vous m'aviez expliqué vos secrets sentiments.
Mais enfin je commence, après tant de traverses,
275. Note that que parlez-vous? does not mean what are
you sayingf Cf. Une 40.
276. One of the commonest mistakes made by EngUsh readers
is to translate défiance as défiance,
282. Note the omission of the second négation in the si clause.
As to empire, see note on Une 17. Princess Monime argues ably.
Labbé calls attention to the beautiful balance of the long sentence,
and the symmetry of entrée and couronne with empire and chemins.
287. traverses : tumings, torttumanesses, Said to be the only
case of the use of the word, in this sensé, an3rwhere in French
Uterature. Traverse ordinarily means obstadCi untoward incident.
ACTE I, SCÈNE III 33
Madame, à rassembler vos excuses diverse^ ;
Je croîs voir Vintérêt que vous voulez celer,
Et qu'un autre qu'un père ici vous fait parler. 290
XlPHARÈS
Quel que soit l'intérêt qui fait parler la Reine,
La réponse. Seigneur, doit-elle être incertaine?
Et contre les Romains votre ressentiment
Doit-il pour éclater balancer un moment.
Quoi? nous aurons d'un père entendu la disgrâce, 295
Et lents à le venger, prompts à remplir sa place.
Nous mettrons notre honneur et son sang en oubli ?
Il est mort : savons-nous s'il est enseveli?
Qui sait si dans le temps que votre âme empressée
Forme d'un doux hymen l'agréable pensée, 300
Ce roi, que l'Orient tout plein de ses exploits .
Peut nonuner justement le dernier de ses rois.
Dans ses propres États privé de sépulture.
Ou couché sans honneur dans une foule obscure.
N'accuse point le ciel qui le laisse outrager, 305
Et des indignes fils qui n'osent le venger?
288. rassembler : to coôrdinatej to get the hearing (or per-
spective) of.
295. entendu : appris, — disgrâce : cf. line 95.
297. nous mettrons ... en oubli : we skall forget.
304. couché : lying. Note that this past participle is the
regular usage in French ; as, for instance, in such phrases as
appuyé au mur, penché à la fenêtre.
306.. There has been much discussion about the deà, irregular
for d^ in this partitive. Some hâve thought the reading should
be ses; others, deux. The best authority seems to support the
présent reading as irregular but forceful.
34 MITHRIDATE
Ah ! ne languissons plus dans un coin du Bosphore.
Si dans tout Tunivers quelque roi Ubre encore,
Parthe, Scythe ou Sarmate, aime sa Uberté,
310 Voilà nos aUiés : marchons de ce côté.
Vivons, ou périssons dignes de Mithridate ;
Et songeons bien plutôt, quelque amour qui nous
flatte,
A défendre du joug et nous et nos États,
Qu'à contraindre des cœurs qui ne se donnent pas.
Pharnace
31511 sait vos sentiments. Me trompais-je. Madame?
Voilà cet intérêt si puissant sur votre âme.
Ce père, ces Romains que vous me reprochez.
^ XlPHARÈS
J'ignore de son cœur les sentiments cachés ;
Mais je m'y soumettrais sans vouloir rien prétendre,
320 Si, comme vous. Seigneur, je croyais les entendre.
Pharnace
Vous feriez bien ; et moi, je fais ce que je doi :
Votre exemple n'est pas une règle pour moi.
XlPHARÈS
Toutefois en ces lieux je ne connais personne
Qui ne doive imiter l'exemple que je donne.
315. Phamaces doesn't even answer Xiphares.
321. doi : dois. A " rhyme for the eye " with moi ; how-
ever, not a poetic license, but a return to the original form.
324. doive : subjunctive in relative clause with restricted
antécédent.
ACTE I, SCÈNE IV 36
Pharnace
Vous pourriez à Colchos vous expliquer ainsi. 325
XlPHARÈS
Je le puis à Colchos, et je la puis ici.
Pharnace
Ici? Vous y pourriez rencontrer votre perte ...
SCÈNE IV
MONIME, PHARNACE, XlPHARÈS, PH^EDlME
PHiEDIME
Princes, toute la mer est de vaisseaux couverte ;
Et bientôt, démentant le faux bruit de sa mort,
Mithridate lui-même arrive dans le port. 330
MONIME
Mithridate !
XlPHARÈS
Mon père !
• —
Pharnace
Ah ! que viens-je d'entendre?
PHiEDIME
Quelques vaisseaux légers sont venus nous l'apprendre :
C'est lui-même ; et déjà, pressé de son devoir,
Arbate loin du bord l'est allé recevoir.
327. y does not mean Ûvere, bût &2/ doing that.
333. pressé : not merely hastened but urged on.
334. What would be the prose order of this Une?
y
36 . MITHRIDATE
XlPHARÈS, à Monime
336 Qu'avons-nous fait ?
Monime, à Xiphaxès
Adieu, PHnce. Quelle nouvelle !
SCÈNE V
PHARNACE, XIPHARÈS
Pharnace
Mithridate revient? Ah ! fortune cruelle !
Ma vie et mon amour tous deux courent hasard.
Les Romains que j'attends arriveront trop tard.
(A Xipharès)
Comment faire? J'entends que votre cœur soupire,
340 Et j'ai conçu l'adieu qu'elle vient de vous dire.
Prince ; mais ce discours demande un autre temps :
335. This brief scène bas often been praised for its fitness,
effectiveness, and exécution. Tbat its climax should be a pair
of BotU) voce exclamations is one of its most striking features.
Labbé remarks that Monime does not meet XipHares again
except at the summons of Mithridates. The Grands Écrivains
édition bas the stage direction à Xipharès, but not the à Monime.
337. courent hasard : sont en péril. A rare usage.
339. j'entends is not / hear, but what?
340. conçu : compris. So in Racine's BritanniciLS (Une 1026) :
Je conçois vos bontés par ses remercîments^
Madame: . . .,
where the situation is not dissimilar.
■
341. ce discours : le discours sur ce sujet. In earlier éditions
Racine had, for line 341 :
Mais nous en parlerons peut-être en d'autres temps. ,
ACTE I, SCÈNE V 37
Nous avons aujourd'hui des soins plus importants.
Mithridate revient, peut-être inexorable :
Plus il est malheureux, plus il est redoutable.
Le péril est pressant plus que vous ne pensez. 346
Nous sommes criminels, et vous le connaissez.
Rarement Tamitié désarme sa colère ;
Ses propres fils n'ont point de juge plus sévère ;
Et nous Tavons vu même à ses cruels soupçons
Sacrifier deux fils pour de moindres raisons. 360
Craignons pour vous, pour moi, pour la Reine elle-même :
Je la plains d'autant plus que Mithridate l'aime.
Amant avec transport, mais jaloux sans retour,
Sa haine va toujours plus loin que son amour.
Ne vous assurez point sur l'amour qu'il vous porte : 366
Sa jalouse fureur n'en sera que plus forte.
Songez-y. Vous avez la faveur des soldats.
Et j'aurai des secours que je n'explique pas.
342. soins : scmcis.
345. Pleonastic ne in the secoiid half of a statement of com-
parison.
347. Tamitié : affection. — sa : d Mithridate.
350. Vérification of this is not complète. But Racine ac-
cepted history current in his own day ; and Mithridates did
other deeds of cruel anger, if not precisely the double tragedy
hère mentiohed.
353. Several editors prefer aimant; but Racine's text is not
doubted. Jaloux sans retour is a problem of re-phrasing.
355. ne vous assurez point sur : ne prenez point confiance dans.
356. en : on that account — a common meaning, in prose or
verse.
357. songez-y : consider well.
358. He does not need to explain ; Xiphares knows, and
Phamaces knows that Xiphares knows. '
38 MITHRIDATE
M'en croirez-vous? Courons assurer notre grâce :
360 Rendons-nous, vous et moi, maîtres de cette place ;
Et faisons qu'à ses fils il ne puisse dicter
. Que les conditions qu'ils voudront accepter.
XlPHARÈS
Je sais quel est mon crime, et je connais mon père ;
Et j'ai par-dessus vous le crime de ma mère ;
366 Mais, quelque amour encor qui me pût éblouir.
Quand mon père paraît, je ne sais qu'obéir.
Pharnacb
Soyons-nous donc au moins fidèles l'un à l'autre :
Vous savez mon secret, j'ai pénétré le vôtre.
Le Roi, toujours fertile en dangereux détours,
370 S'armera contre nous de nos moindres discours.
Vous savez sa coutume, et sous quelles tendresses
Sa haine sait cacher ses trompeuses adresses.
359. m'en croirez-vous? literally, wHX y ou not bdieve me in
ihe matterf Translate : tuUl you not take my advicef
361. The carelessness as to the référence of il reminds one
of Corneille; but perhaps there is a dramatic refinement in
Phamaces' avoidance of naming Mithridates.
. 364. par-dessus vous : de plus que vous, outre ce que vous
avez, Par-des8iL8 is not ordinarily used with persons.
365. pût : subjunctive in concessive clause.
367. Worthy of careful observation as to construction. The
nous is a reciprocal pronoun, though there is no reflexive verb
' s'être,
372. sa haine : mechanically, he^ in his hatred. This Une
is a préparation for certain incidents in Act 3. — adresses : the
plural is old-fashioned.
JlCTE I, SCÎXÏ T 39
ATlfiTiR. PiiîaqiiT Jt iam. jf marjûie sor vot pis.
•en obâasKin ne ncns xmiusgians pas.
ctf tiie ** <ararfc^ * xosùuMs^ uf 3^?vBiiie SE. unàesaJoât TTmwàtrmBi
î« te* IBE fliitazryiB&. «nHriif' or suinjainiiii: iieesi7ve&. is liit csat
TTitrr. •• TÎifia »> çxinc " : *' 1 dr nnr aern- ' msy bt
tiiXE. *' I difier.' in oTL xzficr i: cDftr«a: »f ovwtafl: ]f^ si fEBod
tamnslKtimi.. Of « m w »- ode- hiëj revenu: ^àiE- jsroceaB : bm siixh-
taooiF of *HffMTi>npK sK* î^iBL. ioimc in '«îis ** imÀEZing i:nr 3¥^
ACTE SECOND
SCÈNE I
MONIME, PHiEDIME
PHiEDIMB
376 Quoi? VOUS êtes ici quand Mithridate arrive,
Quand, pour le recevoir, chacun court sur la rive?
Que faites-vous. Madame? et quel ressouvenir
Tout à coup vous arrête, et vous fait revenir ?
N'offenserez-vous point un roi qui vous adore,
380 Qui presque votre époux . . .
MONIME
Il ne Test pas encore,
Phœdime ; et jusque-là je crois que mon devoir
Est de l'attendre ici, sans l'aller recevoir.
PHjEDIME
Mais ce n'est point, Madame, un amant ordinaire.
Songez qu'à ce grand roi promise par un père,
386 Vous avez de ses feux un gage solennel,
Qu'il peut, quand il voudra, confirmer à l'autel.
Croyez-moi, montrez-vous, venez à sa rencontre.
377. ressouvenir is an old word, now wholly in disnse. It
means more than souvenir. Translate : inward prompUng,
382. sans : not to.
385. feux : love.
40
ACTE II, SCÈNE I 41
MONIME
Regarde en quel état tu veux que je me montre.
Vois ce visage en pleurs ; et loin de le chercher,
Dis-moi plutôt, dis-moi que je m'aille cacher. 390
PHiGDIME
Que dites-vous? Dieux !
MoNIME
Ah ! retour qui me tue !
Malheureuse ! comment paraîtrai-je à sa vue,
Son diadème au front, et dans le fond du cœur,
Phœdime ... Tu m'entends, et tu vois ma rougeur.
Ph-edime
Ainsi vous retombez dans les mêmes alarmes 396
Qui vous ont dans la Grèce arraché tant de larmes?
' Et toujours Xipharès revient vous traverser? ^
MONIME
Mon malheur est plus grand que tu ne peux penser.
Xipharès ne s'offrait alors à ma mémoire
Que tout plein de vertus, que tout brillant de gloire ; 400
Et je ne savais pas que pour moi plein de feux,
Xipharès des mortels fût le plus amoureux.
389. The le is careless ; yet îts référence is of course unmis-
takable.
391. retour qui me tue must be completely re-phrased. One
might say How can I live^ and meet himf
397. traverser is exceptional, meaning, hère, diaturh.
398. Same construction as Une 345.
402. fût : subjunctive after verb of saying or thinking used
negatively.
42 MITHRIDATE
Ph^dime
Il vous aime, Madame? et ce héros aimable ...
MONIME
Est aussi malheureux que je suis misérable.
405 II m'adore, Phaedime ; et les mêmes douleurs
Qui m'affigeaient ici le tourmentaient ailleurs.
Ph.«dime
Sait-il en sa faveur jusqu'où va votre estime?
Sait-il que vous Taimez ?
MONIME
Il l'ignore, Phsedime.
Les Dieux m'ont secourue ; et mon cœur affermi
410 N'a rien dit, ou du moins n'a parlé qu'à demi.
Hélas ! si tu savais, pour garder le silence,
Combien ce triste cœur s'est fait de violence !
Quels assauts, quels combats j'ai tantôt soutenus !
404 if. The French editors note the weakness of this scène.
Some call it pur remplissage. Lanson remarks that misérable
and malheureux are identical in meaning.
407. estime : We shall be approximatîng the mannerism of
the seventeenth century as to estime for amour by usîng the Eng-
lish regard, (rften suggestive of a deeper feeling.
408-4x2. This attempt at self-deceptîon has been called a
blemish ; but is it not pardonable, since Monime is summoning
courage to act as though what she is now saying were true, and
as though she had not said (Une 335) : Qu'avons-nous fait?
413. tantôt ! Like tout à Vheure, tantôt covers a brief period
of the past and of the future. Hence jv>st now or very soon are
translations for it.
ACTE II, SCÈNE II 43
Phsedime, si je puis, je ne le verrai plus.
Malgré tous les efforts que je pourrais lîie faire, 416
Je verrais ses douleurs, je ne pourrais me taire..
Il viendra^ malgré moi, m'arracher cet aveu.
Mais n'importe, s'il m'aime, il ëïi jouira peu ;
Je lui vendrai si cher ce bonheur qu'il ignore,
Qu'il vaudrait mieux pour lui qu'il l'ignorât encore. 420
V
Phsedime
On vient. Que faites-vous. Madame?
; ,, MONIMB
-^' ' Je ne puis.
Je ne paraîtrai poiîit dans le trouble où je suis.
SCÈNE II
mithridAte, pharnace, xipharès, arbate,
Gardes
MiTHRIDATE
Princes, quelques raisons que vous me puissiez dire,
Votre devoir ici n'a point dû vous conduire,
Ni vous faire quitter, en de si grands besoins, 426
Vous le Pont, vous Colchos, confiés à vos soins.
Mais vous avez pour juge un père qui vous aime.
Vous avez cru des bruits que j'ai semés moi-même;
Je vous crois innocents, puisque vous le voulez,
415. me for sur moi.
423. Note construction, cf. Vocabulary and Pr^ace, 1. 69.
424. n'a point dû : n* aurait point dû. *
429. voulez : will hâve it so. Ungracious, but not un-
characteristic Another phase of meaning of the versatile vouUnr,
MITHRIDATE
. From: La Camidit Pranfaite. bu Loties
Baron
Pupil of Molière ; also trained by Radue for the r&le of Mitbridato.
ACTE II, SCÈNE III 45
Et je rends grâce au ciel qui nous a rassemblés. 430
Tout vaincu que je suis, et voisin du naufrage,
Je médite un dessein digne de mon courage.
Vous en serez tantôt instruits plus amplement.
Allez, et laissez-moi reposer un moment.
SCÈNE III
MITHRIDATE, ARBATE
MiTHRIDATE
Enfin, après un an, tu me revois, Arbate, 436
Non plus, comme autrefois, cet heureux Mithridate
Qui de Rome toujours balançant le destin,
Tenais entre elle et moi l'univers incertain.
Je suis vaincu. Pompée a saisi l'avantage
D'une nuit qui laissait peu de place au courage. 440
Mes soldats presque nus, dans l'ombre intimidés.
Les rangs de toutes parts mal pris et mal gardés,
•Le désordre partout redoublant les alarmes.
Nous-mêmes contre nous tournant nos propres armes,
431. tout vaincu que je suis : The tout is a particle rather
than a genuine adverb in this locution, as it is in toict en plus the
gerundive. Hence it may be represented by a tone of voice rather
than a word.
432. digne de mon courage : worthy of me — a complète
renderin^ of this phrase. See note on lihe 259.
437. balançant : pesant dans la balance d'un poids égal d . . .
441-446. Note that there is no indepencfent predicate verb
in this enumeration of détails.
442. les rangs . . . gardés : wUh Unes everywhere iU fonned
and unsteadUy maintained.
1
46 MITHRIDATE
446 Les cris que les rochers renvoyaient plus affreux,
Enfin toute l'horreur d'un combat ténébreux :
Que pouvait la valeur dans ce trouble funeste ?
Les uns sont morts, la fuite a sauvé tout le reste ;
Et je ne dois la vie, en ce commun effroi,
450 Qu'au bruit de mon trépas que je laisse après moi.
Quelque temps inconnu, j'ai traversé le Phase ;
Et de là, pénétrant jusqu'au pied du Caucase,
Bientôt 'dans des vaisseaux sur l'Euxin préparés,
J'ai rejoint de mon camp les restes séparés.
465 Vçilà par quels malheurs poussé dans le Bosphore,
J'y trouvé des malheurs qui m'attendaient encore.
Toujours du même amour tu me vois enflammé :
Ce cœur nourri de sang, et de guerre affamé.
Malgré le faix des ans et du sort qui m'opprime,
460 Traîne partout l'amour qui l'attache à Monime,
Et n'a point d'ennemis qui lui soient odieux
Plus que deux fils ingrats que je trouve en ces Ueux.
Arbate
Deux fils. Seigneur?
MiTHRIDATE
Écoute. A travers ma colère.
Je veux bien distinguer Xipharès de son frère.
465 Je sais que de tout temps à mes ordres soumis,
Il hait autant que moi nos communs ennemis ;
446. combat ténébreiix : a fight in the dark.
451. le Phase : See List of Proper Names.
459. faix : hurden — antiquated ; but porte-faix still lives.
462. plusque : this time more . . . than . . ., though after
ne. See Une 128.
ACTE II, SCÈNE III 47
Et j'ai vu sa valeur, à me plaire attachée,
Justifier pour lui ma tendresse cachée.
Je sais même, je sais avec quel désespoir,
A tout autre intérêt préférant son devoir, 470
Il courut démentir ime mère infidèle.
Et tira de son crime une gloire nouvelle ;
Et' je ne puis encor ni n'oserais penser
Que ce fils si fidèle ait voulu m'ofifenser.
Mais tous deux en ces lieux que pouvaient-ils attendre? 476
L'un et Tautre à la Reine ont-ils osé prét€indre?
Avec qui semble-t-elle en secret s'accorder?
Moi-même de quel œil dois-je ici l'aborder?
^ Parle. Quelque désir qiii m'entraîne auprès d'elle.
Il me faut de leurs cœurs rendre un compte fidèle. 480
Qu'est-ce qui s'est passé? Qu'as-tu vu? Que sais-tu?
Depuis quel temps, pourquoi, comment t'es-tu rendu?
467. attachée : uniquement occupée de.
468. ma tendresse cachée bas, according to Bernardin, not
its literal meaning, but equals ma préférence secrète.
472. son : à sa mJère.
474. ait : same construction as Une 402.
476. à la Reine . . . prétendre : Hère we bave prétendre in
tbe phase wbicb gave tbe Englisb prétention its meaning. Aspire
to the harid of^ or a similar phrase, may be tbe key to a translation.
478. œil frequently offers difficulty as to Englisb renderiiig,
thougb its meaning is rarely obscure. In what spirit ought I to
greet herf would be a good rendering, since dois bad, at the time,
the force now expressed only by devrais. On what terms ought I
to mset her f or What shovld he my attitude of mind in greeting her f
may serve as alternative suggestions.
479. entraine is subjunctive, thougb the form does not show it,
482. commenta es-tu rendu? comment as-tu ouvert aux princes
les portes de Nymphéeî
48 MITHRIDATE
Arbate
Seigneur, depuis huit jours Timpatient Phamace
Aborda le premier au pied de cette place,
485 Et de votre trépas autorisant le briiit,
Dans ces murs aussitôt voulut être introduit.
Je ne m'arrêtai point à ce bruit téméraire ;
Et je n'écoutais rien, si le prince son frère,
Bien moins par ses discours. Seigneur, que par ses
pleurs,
490 Ne m'eût, en arrivant, confirmé vos malheurs.
MiTHRIDATE
Enfin que firent-ils?
Arbate
Phamace entrait à peine
Qu'il courut de ses feux entretenir la Reine,
Et s'offrir d'assurer par un hymen prochain
Le bandeau qu'elle avait reçu de votre main.
485. autorisant : not avihorizing, but giving avthoriiaJtwe
veHficaiion io, Labbé paraphrases : donnant du crédit' au bruU
de votre mort.
487. bruit téméraire : rumeur douteuse, répandue et crue trop
légèrement. Téméraire signifies hère not hold, but rash.
488. Vivid imperfect, to be translated by the compound of
the conditional.
492. Phâmaces later thinks that Xiphares has given this in-
formation to Mithridates.
493. s'offrir was sometimes followed by d, sometimes by de. —
assurer : to place forever on her forehead.
ACTE II, SCÈNE III 49
MiTHRIDATE
Traître ! sans lui donner le loisir de répandre 495
Les pleurs que son amour aurait dus à ma cendre !
Et son frère?
Arbate
Son frère, au moins jusqu'à Ce jour,
Seigneur, dans ses desseins n'a point marqué d'amour ;
Et toujours avec vous son cœur d'intelligence
N'a semblé respirer que guerre et que vengeance. 600
MiTHRIDATE
Mais encor quel dessein le conduisait ici?
Arbate
Seigneur, vous en serez tôt ou tard éclaircî.
MiTHRIDATE
Parle, je te l'ordonne, et je veux tout apprendre.
Arbate
Seigneur, jusqu'à ce jour, ce que j'ai pu comprendre,
496. dus à ma cendre : Ail commentators agrée that Racine's
discrimination was dull at this point. The idea is ridiculous.
Luckily lines 493-496 may be eut without breaking the continuity
of the scène.
497. au moins jusqu'à ce jour : Arbates, or rather Racine is
clever hère. Arbates protects Xiphares without lying.
499. d'intelligence : in sympathyf in accord.
501-508. The clevemess continues. In telling, apparently
under compulsibn, what might offend Mithridates, the more im-
portant matter is quite lost sight of .
50 MITHRIDATE
605 Ce prince a cru pouvoir, après votre trépas,
Compter cette province au rang de ses États;
Et, sans connaître ici de lois que son courage.
Il venait par la force appuyer son partage.
MiTHRIDATE
Ah ! c'est le moindre prix qu'il se doit proposer,
610 Si le ciel de mon sort me laisse disposer.
Oui, je respire, Arbate, et ma joie est extrême.
Je tremblais, je Tavoue, et pour un fils que j'aime.
Et pour moi qui craignais de perdre un tel appui.
Et d'avoir à co^lbatt^e im rival tel que lui.
615 Que Phamace m'offense, il .offre à ma colère
Un rival dès longtemps soigneux de me déplaire.
Qui toujours des Romains admirateur secret.
Ne s'est jamais contre eux déclaré qu'à regret.
Et s'il faut que pour lui Monime prévenue
620 Ait pu porter ailleurs une amour qui m'est due.
Malheur au criminel qui vient me la ravir.
Et qui m'ose offenser et n'ose me servir !
L'aime-t-elle?
505. The line should hâve c^est que at the beginnhig to be
perfectly grammatical. The ellipsis is admired by some editors.
507. Another ellipsis, and a common one, for d'autres lois
que.
508. appuyer son partage : défendre, protéger sa part, son lot.
509. se proposer : avoir en mie.
515. que with the subjonctive equals si with the indicative.
519. pour lui . . . prévenue : kindly disposed toward Mm,
520. .amour as a singular is regularly masculine.
522. n'ose me servir : Labbé paraphrases : assez lÂche pour
n^oser s'unir à moi contre les Romains.
ACTE II, SCÈNE IV 51
Arbate
Seigneur, je vois venir la Reine.
MiTHRIDATE
Dieux, qui voyez ici mon amour et ma haine,
Épargnez mes lïialheurs, et daignez empêcher 525
Que je ne trouve encor c^ux que je vais chercher.
Arbate, c'est assez : qu'on me laisse avec elle.
SCÈNE IV
MITHRIDATE, MONIME
MiTHRIDATE
Madame, enfin le ciel près de vou^ me rappelle,
Et, secondant du moins mes plus tendres souhaits.
Vous rend à mon amour plus belle que jamais. 530
Je ne m'attendais pas que de notre hyménée
Je dusse voir si tard arriver la journée.
Ni qu'en vous retrouvant, mon funeste retour
Fît voir mon infortune, et non pas mon' amour.
C'est pourtant ^et amour, qui de tant de retraites 535
Ne me laisse choisir que les lieux où vous êtes ;
Et les plus grands malheurs pourront me sembler doux.
Si ma présence ici n'en est point un pour vous.
525. épargnez mes malheurs : syare me y in my misfortunes ; *
apare my unhappy self.
526. empêcher, whether positive or négative, requires pleonas-
tic ne in the dépendent clause.
530. This Une does not mean renders you m^ore heaiUifiU to
me, your lover ^ ihan ever. What does it mean?
52 MITHRIDATE
C'est vous en dire assez, si vous voulez m'entendre.
540 Vous devez à ce jour dès longtemps vous attendre ;•
Et vous portez, Madame, un gage de ma foi
Qui vous dit tous les jours que vous êtes à moi.
Allons donc assurer cette foi mutuelle.
Ma gloire loin d'ici vous et moi nous appelle ;
545 Et sans perdre un moment pour ce noble dessein,
Aujourd'hui votre époux, il faut partir demain.
^ • MONIME
Seigneur, vous pouvez tout. Ceux par qui je respire
Vous ont cédé sur moi leur souverain empire ;
Et, quand vous userez de ce droit tout-puissant,
550 Je ne vous répondrai qu'en vous obéissant.
MiTHRIDATE
Ainsi, prête à subir un joug qui vous opprime.
Vous n'allez à l'autel que comme une victime ;
r 539. c'est vous en dire assez : c^est with an infinitive as
predicate nominative, should always be given a personal form
in translation. / need say no more, if you are not unvnlling ta
gel my meaning. See Une 215.
543. assurer : render inviolable.
544. ma gloire is a common phrase in French classic verse.
Its exact me,aning is : considération for my réputation. Such a
prosaic phrase will rarely or ne ver fit the style. ' Hère glory calla
ttë far from hère would do, but would disregard the ma. By add-
ing not only m£ but also youj the missing élément would be sup-
plied. But, in continuing the passage, the phrase pour ce noble
dessein would offer difficulty. The whole passage might hâve
to be recast to secure a good English version.
546. Lanson, commenting on the strongly elliptical construc-
tion, paraphrases : je vous épouse aujourd'hui^ nous partons demain,
547. par qui je respire : who gave me life.
ACTE II. SCÈNE IV 53
Et moii tjo-an d'un cœur qui se refuse au mien,
Même en vous possédant je ne vous devrai rien.
Ah ! Madame, est-ce là de quoi me satisfaire? 666
Faut-il que désormais, renonçant à vous plaire,
Je ne prétende plus qu'à vous tyranniser? ^
Mes malheurs, en un mot, me font-ils mépriser?
Ah! pour tenter encor de' nouvelles conquêtes,
Quand je ne verrais pas des routes toutes prêtes, 660
Quand le sort ennemi m'aurait jeté plus bas,
Vaincu, persécuté, sans /secours, sans États,
Errant de mers en mers, et moins roi que pirate.
Conservant pour tous biens le nom de Mithridate,
Apprenez que, suivi d'un nom si glorieux, 565
Partout de l'univers j'attacherais les yeux ;
Et qu'il n'est point de rois, s'ils sont dignes de l'être,
Qui, sur le trône assis, n'enviassent peut-être
Au-dessus de leur gloire un naufrage élevé,
557. je ne prétende plus qu'à vous tyranniser : / can hope
to he henceforth only your master.
558. The Une serves as a genuinely touching transition to a
fine passage (55^570) conceming which Geoffroy has written :
Ici commence une magnifique période de douze vers enchaînés
l'un à l'autre avec un art admirable : période presque unique
dans notre poésie, chef-d'œuvre d'harmonie et d'éloquence, qui
montre ce que peut la langue française entre les mains d'un homme
de génie.
560. quand with conditional is merely a more intensive protasis
than «i^ with the imperf ect — even if , . .
569. au-dessus de leur gloire un naufrage élevé ... : No
superlative of praise can be too strong in admiration of this Une.
Geoffroy's enthusiasm is outdone by that of du Cerceau : Ces
expressions figurées ont d'abord quelque chose qui éblouit, et
l'on ne se donne pas la peine de les examiner, parce qu'on les
'A
MITHRIDATB
54
570 Que Rome, et quarante ans ont à peine achevé.
Vous-même, d^un autre œil me verriez-vous, Madame,
Si ces Grecs vos aïeux revivaient dans votre âme?
Et puisqu^il faut enfin que je sois votre époux.
N'était-il pas plus noble, et plus digne de vous,
675 De joindre à ce devoir votre propre suffrage.
D'opposer votre estime au destin qui m'outrage,
Et de me rassurer, en flattant ma douleur.
Contre la défiance attachée au malheur?
Hé quoi? n'avez-vous rien, Madame, à me répondre?
580 Tout mon empressement ne sert qu'à vous confondre.
Vous demeurez muette ; et loin de me parler.
Je vois, malgré vos soins, vos pleurs prêts à couler.
devine plutôt qu'on ne les entend. Mais, quand on y regarde
de près, on s'aperçoit qu'il serait assez difficile d'en faire une
analyse logique. — The fact is that line 569 stretches the French
language beyond the limit of clarity which is its idéal. The
English reader might say that Racine becomes temporarily
Shakespearean in diction. A modemist might find in the Mithri-
dates of Racine a prototype of the Superman. AU will recognize
the dazzling dramatic splendor of this tirade. •
574. n'était-il pas . . .: n^auraitril pas été . . ., as in line 488.
576. outrage and its derivatives connoted, in Racine's time,
exce8§ of violence or injustice. Nowadays the maximum meaning
is insuU.
577. flattant : The English literal équivalent is rarely dé-
sirable. A basic meaning is to deal gently loith, which fits hère
well. Mechanically, ma douleur is me, in my grief.
578. défiance is not défiance. Cf. line 276. — attachée : qui
s^attaxihe.
579. hé quoi I how nowf
581. A literal translation will obviously not do. Note that
the construction, from the English standpoint — and, indeed,
from the French standpoint of today — is loose.
ACTE 11, SCÈNE IV 55
MONIME
v/
Moi, Seigneur? Je n'ai point de lannes à répandre.
J'obéis. N'est-ce pas assez me faire entendre?
Et ne suffit-il pas . . .
MiTHRIDATE
Non, ce n'est pas assez. 535
Je vous entends ici mieux que vous ne pensez.
Je vois qu'on m^a dit vrai. Ma juste jalousie
Par vos propres discours est trop bien éclaircie.
Je vois qu'un fils perfide, épris de vos beautés.
Vous a parlé d'amour, et que vous l'écoutez. 590
Je vous jette pour lui dans des craintes nouvelles.
Mais il jouira peu de vos pleurs infidèles,
Madame ; et désormais tout est sourd à mes lois,
Ou bien vous l'avez vu pour la dernière fois.
Appelez Xipharès.
584. See no,te to line 539. Translate : Am I not making my-
self dearly understoodf
585. The outburst of Mîthridates (Non, ce n'est pas assez)
and the tense and rapid development to the climax (Appelez
Xipharès) ; the frenzied anxiety of Monime's rejoinder ; the
crashing release àt the line Xipharès n'a point trahi son père —
thèse things display dramatic strength, resourcefulness^ and in-
ventiveness which no reader should fail to observe. The student
who seeks to establish distinctions between the genius of the
dramatist and that of the novelist may well ponder this
passage.
593. tout est sourd à mes lois : Labbé paraphrases : à moins
que tous mes soldais ne me refusent Vohéissancef je punirai ce fils
perfide.
MITHRIDATE
ACTE II, SCÈNE V 57
MONIME
. Ah! que voulez-vbus faire? 595
Xipharès . . .
MiTHRIDATE
Xipharès n'a point trahi son père.
Vous vous pressez en vain de le désavouer ;
Et ma tendre amitié ne peut que s'en louer.
Ma honte en serait moindre, ainsi que votre crime,
Si ce fils en effet digne de votre estime 600
A quelque amour encore avait pu vous forcer.
Mais qu'un traître, qui n'est hardi qu'à m'offense^*.
De qui nulle vertu n'accompagne l'audace,
Que Pharnace, en un mot, ait pu prendre ma place?
Qu'il soit aimé. Madame, et que je sois haï? 606 -^
SCÈNE V
MltHRIDATE, MONIME, XIPHARÈS
^ MiTHRIDATE
Venez, mon fils, venez, votre père est trahi.
Un fils audacieux insulte à ma ruine,
598. Andy as I am so fond of him^ I am only too glad to find
his conduct praiseworthy:
60a. qui n'est hardi, qu'à m'ôffenser : perhaps, whose only
hravery ia hraving his father.
604-5. l'he question marks at the end of thèse Unes hâve been
discarded in later éditions. Labbé and others hâve a comma
after Une 604 and dots after 605. Elsewhere in this play we find
question marks where exclamation marks might seem more fitting.
607. Note, the différence between insulter {to insuit) and
58 MITHRIDATE
Traverse mes desseins, m'outrage, m'assassine,
Aime la Reine enfi^i, lui plaît, et me ravit
610 Un cœur que son devoir à moi seul asservit.
Heureux pourtant, heureux que dans cette disgrâce
Je ne puisse accuser que la main de Pharnace ;
Qu'une mère infidèle, un frère audacieux
Vous présentent en vain leur exemple odieux !
615 Oui, naon fils, c'est vous seul sur qui je me repose.
Vous seul qu'aux grands desseins que mon cœur se
propose
J'ai choisi dès longtemps pour digne compagnon,
L'héritier de mon sceptre, et surtout de mon nom.
Pharnace, en ce moment, et ma flamme offensée
620 Ne peuvent pas tout seuls occuper ma pensée.
D'un voyage important les soins et les apprêts"
Mes vaisseaux qu'à partir il faut tenir tout prêts,
Mes soldats dont je veux tenter la complaisance.
Dans ce même moment demandent ma présence.
625 Vous cependant ici veillez pour mon repos;
D'un rival insolent arrêtez les complots.
Ne quittez point la Reine ; et s'il se peut, vous-même
Rendez-la moins contraire aux vœux d'un roi qui l'aime.
Détournez-la, mon fils, d'un choix injurieux.
insulter à {to déride) . Translate : heaps infamy on me in my
wretchedness.
608. m'assassine : deals me a mortal hlow.
609. lui plaît : wina her heart.
611. See Une 95.
619. ma flamme offensée : Voffense faite à ma flamme.- Cf.
Une 70.
623. complaisance : obédience, wiUingness,
629. injurieux : déshonorant.
ACTE II, SCÈNE VI 59
Juge sans intérêt, vous la convaincrez mieux. 630
En un mot, c'est assez éprouver ma faiblesse :
Qu'elle ne pousse point cette même tendresse.
Que sais-je? à des fureurs dont mon cœur outragé
Ne se repentirait qu'après s'être vengé.
SCÈNE VI
MONIME, XIPHARÈS ^
XlPHARÈS
Que dirai-je, Madame? et comment dois-je entendre 635
Cet ordre, ce discours que je ne puis comprendre?
Serait-il vrai, grands Dieux ! que trop aimé de vous,
Pharnace eût en effet mérité ce courroux?
Phamace aurait-il part à ce désordre extrême? .
MoNIME
Pharnace? O ciel! Pharnace? Ah! qu'entends-je
moi-même? 64C
Ce n'est donc pas assez que ce funeste jour
A tout ce que j'aimais m'arrache sans retour,
6bo. Of course juge is not a verb.
631. éprouver : meUre à V épreuve. Remember the point
made at Unes 215, 539, and 584.
633. que sais-je? is not que dis-je? A good translation is
generally " what shall I say? '' But that rendering will be
needed in 635. Hence translate who knows f
637. serait-il vrai? is the conditional of surprised question,
with regular présent translation, can it he true?
639. aurait-il part : aeraiUil pour quelque chose dans , , ,?
Tbk is the ordinary raeaning of this phrase with Racine.
60 MITHEIDATE
Et que de mon devoir esclave infortunée,
A d'éternels ennuis je me voie enchaînée?
646 II faut qu'on joigne encor Toutrage à mes douleurs I
A l'amour de Pharnace on impute mes pleurs !
Malgré toute ma haine, on veut qu'il m'ait su plaire !
Je le pardonne au Roi, qu'aveugle sa colère,
Et qui de mes secrets ne peut être éclairci.
660 Mais vous. Seigneur, .mais vous, me traitez-vous ainsi?
XlPHARÈS
Ah ! Madame, excusez un amant qui s'égare.
Qui lui-même, lié par un devoir barbare.
Se voit prêt de tout perdre, et n'ose se venger.
Mais des fureurs du Roi que puis-je enfin juger?
665 II se plaint qu'à ses vœux un autre amour s'oppose.
Quel heureux criminel en peut être la cause?
Qui? Parlez.
MONIME
Vous cherchez. Prince, à vous tourmenter.
Plaignez votre malheur, sans vouloir l'augmenter.
646. de : /or.
647. on veut qu' : people insist on beUeving^ people mU hâve
U that . . . This is the same vouloir as in line 429.
648. Observe the case of qu'. ,
650. traitez-vous : The mental phase is regularly dominant
in traiter. Translate : la this your opinion of met
651. s'égare : ia seeking light,
652. barbare : crud.
653. prêt de : sur le point de,
656. The line has been called vapid. It is certainly hard to
tum it into English which does not sound vapid.
658. sans vouloir : withovi trying ; or perhaps it is better to
make a new sentence : Do not try , , ,
ACTE II, SCÈNE VI
61
XlPHARÈS
Je sais trop quel tourment je m'apprête moi-même.
C'est peu de voir un père épouser ce que j'aime : 660
Voir encore im rival honoré de vos pleurs,
Sans doute c'est pour moi le comble des malheurs ;
Mais dans mon désespoir je cherche à les accroître.
Madame, par pitié, faites-le-moi connaître.
Quel est-il, cet amant? Qui dois-je soupçonner? 666
MONIME
Avez-vous tant de peine à vous l'imaginer?
Tantôt, quand je fuyais ime injuste contraint^,
A qui contre Pharnace ai-je adressé ma plainte?
Sous quel appui tantôt mon cœur s'est-il jeté?
Quel amour ai-je enfin sans colère écouté? 670
XlPHARÈS
ciel ! Quoi? je serais ce bienheureux coupable
Que vous avez pu voir d'un regard favorable?
Vos pleurs pour Xipharès auraient daigné couler?
66o. c'est peu de ... : Sentences beginning thus are often
difficult to transfer to English. The French construction is
particularly effective. Following is a sketch of this sentence :
To see my fcUher marry the ohject of my love is but a slight mis-
fortune ; to see, in addition, a rival honored by your tender affection
is indeed the dimax of misfortunes for me ; but, plunged in despair,
1 perversely seek to make my unhappiness stiU greater.
664. le : him. The spelling of the last word was, in Racine's
time, connaître. Modem actors use the modem pronunciation,
disregardîng oral rhyme.
670. enfin : to speak plainly, to sum up.
671. je serais : This is the '^ conditional of surprîsed ques-
tion " in déclarative form. Cf. Unes 637, 639 ; also 673.
>
\
\
62 MITHRIDATB
MONIME
Oui, Prince, il n'est plus temps de le dissimuler :
675 Ma douleur pour se taire a trop de violence.
Un rigoureux devoir me condamne au silence ;
Mais il faut bien enfin, malgré ses dures lois.
Parier pour la première et la dernière fois.
Vous m'aimez dès longtemps. Une égale tendresse
680 Pour vous, depuis longtemps, m'afflige et m'intéresse.
Songez depuis quel jour ces funestes appas
Firent naître un amour qu'ils ne méritaient pas ;
Rappelez un espoir qui ne vous dura guère.
Le trouble où vous jeta l'amour de votre père,
685 Le tourment de me perdre et de le voir hem'eux.
Les rigueurs d'un devoir contraire à tous nos vœux :
Vous n'en sauriez. Seigneur, retracer la mémoire.
Ni conter vos malheurs, sans conter mon histoire ;
Et lorsque ce matin j'en écoutais le com's,
690 Mon cœur vous répondait tous vos mêmes discours.
Inutile, ou plutôt funeste sympathie !
674. The final direct, simple avowal is of overwhelming effect,
even though so surely coming. This scène is said to hâve been
one of the greatest of the celebrated actress Rachel (1820-
1858).
683. rappelez : rappelez à votre souvenir.
684. This time de is not for but of.
687. Hold rigoronsly to the translation cannot for the con-
ditional of savoir without second négation. If the second néga-
tion is used, translate in full and literaUy. For instance, je ne
sawnais vous le dire means / cannot tell you.
687. This tirade of Monime is one of the most famous in
French dramatic literature for its beauty of sentiment, as that
of Mithridates (551-582) is for its elemental force and pathos.
ACTE II. SCÈNE VI
63
Trop parfaite union par le sort démentie !
Ah ! par quel soin cruel le ciel avait-il joint
Deux cœurs que Tun pour l'autre il ne destinait point?
Car quel que soit vers vous le penchant qui m'attire, 695
Je vous le dis, Seigneur, pour ne plus vous le dire,
Ma gloire me rappelle et m'entraîne à l'autel,
Où je vais vous jurer un silence éternel.
J'entends, vous gémissez; mais telle est ma misère.
Je ne suis point à vous, je' suis à votre père. 700
Dans ce dessein, vous-même, il faut me soutenir,
Et de mon faible cœur m'aider à vous bannir.
J'attends du moins, j'attends de votre complaisance
Que désormais partout vous fuirez ma présence.
J'en viens de dire assez pour vous persuader 705
Que j'ai trop de raisons de vous le commander.
Mais après ce moment, si ce cœur magnanime
D'un véritable amour a brûlé pour Monime,
Je ne reconnais plus la foi de vos discours
Qu'au soin que vous prendrez de m'éviter toujours. 710
y
j
692. démentie : annuUed.
697. ma gloire : As rema^ked at Une 544, this staple phrase
of French classic verse is difficult to set in English. Translate :
/ shaU heed duiy's imperious caU and shaU go to the oZtor — or
some similar paraphrase.
700. Racine's son insisted that" the reading should be Je ne
8ui8 point à moi, even though Racine himself failed to correct
the vous in the earliest éditions. Editors agrée that the change
may be désirable, but none are inclined to make it.
703. de votre complaisance : Phrase it : that y ou wiU he
considerate enough to . . .
705. j'en viens de dire : What would be the modem prose
order of words?
709. la foi : la smcérité. — vos discours : whai you hâve said.
64 MITHRIDATE
XlPHARÊS
Quelle marque, grands Dieux ! d'un amour déplorable !
Combien en un moment heureux et misérable !
De quel comble de gloire et de félicités
Dans quel abîme affreux vous me précipitez !
715 Quoi? j'aurai pu toucher un cœur comme le vôtre?
Vous aurez pu m'aimer? et cependant uii autre
Possédera ce cœur dont j'attirais les vœux?
Père injuste, cruel, mais d'ailleurs malheureux ! . . . ,
* Vous voulez que je fuie et que je vous évite?
720 Et cependant le Roi m'attache à votre suite.
Que dira-t-il?
MONIME
N'importe, il me faut obéir.
Inventez des raisons qui puissent l'éblouir.
D'un héros tel que vous c'est là l'effort suprême :
Cherchez, Prince, cherchez, pour vous trahir vous-
même, '
7x3. comble : pinnaclef height,
715. The j'aurai is a form of the future of probability. Cf.
U sera malade {h^ is prohahly ill) . But in the présent instance,
the word prohahly is not pertinent. Translate by the présent.
718. mais d'ailleurs malheureux is obviously weak.
721. This interview has striking similarities with that between
Severus and Pauline in Act II, Scène 4, of Comeille's Polyeuctey
produced thirty years earlier.
722. rébloidr : le rendre aveugle.
723. One commentator with a sensé of humor has remarked
that this Une, unless separated by a pause from the preceding,
will make Monime seem to regard clevemess in prévarication as
the suprême achievement of a hero such as Xiphares.
ACTE II, SCÈNE VI 65
■ •
Tout ce que, pour jouir de leurs contentements, 725
L'amour fait inventer aux vulgaires amants.
Enfin je me connais, il y va de ma vie.
De mes faibles eflforts ma vertu se défie.
Je sais qu'en vous voyant, un tendre souvenir
Peut m'arracher du cœiir quelque indigne soupir ; . 730
Que je verrai mon âme, en secret déchirée,
Revoler vers le bien dont elle est séparée.
Mais je sais bien aussi que s'il dépend de vous
De me faire chérir un souvenir si doux,
Vous n'empêcherez pas que ma gloire ofifensée 735
N'en pimisse aussitôt la coupable pensée ;
Que ma main dans mon cœur ne vous aille chercher,
Pour y laver ma honte, et vous en arracher.
Que dis-je? En ce moment, le dernier qui nous reste,
Je me sens arrêter par un plaisir funeste. , 740
725. pour jouir de leurs tontentexnents : to attain their happi-
ness, • m
726. With a verb denoting causation or perception, of two
substantive éléments which would naturally be in the accusative,
the one which is the subject of the infinitive is put in the dative ;
hence, everything which love makes ordinary lovera invent,
727. enfin : and then, then too.
732. le bien : the trea^surey the joy^ the dear one.
735. ma gloire o£fensée : /, shaMered in my sélf-reapectf or
some similar rendering.
736-737. Cf. Hiie 526 as to ne.
739. que dis-j®? The customary Nay, more! (cf. Une 85)
will not quite serve hère. Some other phrase of self-interruption
like But stay ! might replace it.
740. funeste : haneful, rather than fatal^ is a goôd staple
translation of this adjective, which is of fréquent occurrence in
French classic verse. FatefiU, ominovsy sinister, hoding iU are
66 MITHRIDATE
Plus je vous parle, et plus, trop faible que je suis,
Je cherche à prolonger le péril que je fuis.
Il faut pourtant, il faut se faire violence ;
Et sans perdre en adieux un reste de constance,
746 Je fuis. Souvenez-vous, Prince, de m'éviter,
Et méritez les pleurs que vous m'allez coûter.
XlPHARÈS ^
Ah, Madame . . . Elle fuit, et ne veut plus m'entendre.
Malheureux Xipharès, quel parti dois-tu prendre?
On t'aime, on te bannit : toi-même tu vois bien
760 Que ton propre devoir s'accorde avec le sien.
Cours par un prompt trépas abréger ton supplice.
Toutefois attendons que son sort s'éclaircisse ;
Et s'il faut qu'un rival la ravisse à ma foi,
Du moins, en expirant, ne la cédons qu'au Roi. ^
other possibilities. The parallel line in the Corneille scène
is :
Un je ne sais quel charme encor vers vous m'emporte.
741. The et is archaic : the longer I speak to y ou, the more do
1 seetv ...
744. constance : fortitude.
748. quel parti dois-tu pi^ndfe? where Iws dutyf what ought
you to do? The phraseology of this scène is curiously like that
of Corneille's Polyeucte, Act 2, Scène 2.
ACTE TROISIÈME ^
SCÈNE I
MITHRIDATE, PHARNACE, XIPHARÊS
MlTHBIDATE
Approchez, mes enfants. Enfin Theure est venue 756
Qu'il faut que mon secret éclate à votre vue.
A mes nobles projets je vois tout conspirer ;
Il ne me reste plus qu'à vous les déclarer.
Je fuis : ainsi le veut la fortune ennemie.
Mais vous savez trop bien Thistoire de ma vie 760
Pour croire que longtemps soigneux de me cacher,
J'attende en ces déserts qu'on me vienne chercher.
La guerre a ses faveurs, ainsi que ses disgrâces.
Déjà plus d'une fois, retournant sur mes traces,
Tandis que l'ennemi, par ma fuite trompé, 765
Tenait après son char un vain peuple occupé,
Et gravant en airain ses frêles avantages,
762. attende: in the subjunctive because the form of state-
ment makes croire, in meaning, a négative "verb of saying or
thinking."
763. faveurs ; disgrâces : victories ; defeata,
765. The allusion is true to history.
766. char : triiimphal chariot. A translation will not be easy
to phrase even though the meaning is clear.
767. The référence is to the brazen tablets on the Capitol at
Rome. — frêles : peu durables.
67
68 MITHRIDATE
De mes Ëtats conquis enchaînait les images,
Le Bosphore m'a vu, par de nouveaux apprêts,
770 Ramener la terreur du fond de ses marais,
Et chassant les Romains de PAsie étonnée.
Renverser en un jour l'ouvrage d'une année.
D'autres temps, d'autres soins. L'Orient accablé
Ne peut plus soutenir leur effort redoublé.
776 II voit plus que jamais ses campagnes couvertes
De Romains que la guerre enrichit de nos pertes.
Des biens des nations ravisseurs altérés.
Le bruit de nos trésors les a tous attirés :
Us y courent en foule ; et, jaloux l'un de l'autre,
780 Désertent leur pays pour inonder le nôtre.
Moi seul je leur résiste. Ou lassés, ou soumis,
Ma fimeste amitié pèse à tous mes amis :
Chacim à ce fardeau veut dérober sa tête.
Le grand nom de Pompée assure sa conquête :
786 C'est l'effroi de l'Asie ; et loin de l'y chercher,
C'est à Rome, mes jSls, que je prétends marcher.
Ce dessein vous surprend ; et vous croyez peut-être
Que le seul désespoir aujourd'hui le fait naître.
768. On days of triumph, statues representing subjugated
countries and rivers of conquered lands were carried through
the streets of Rome.
771. étonnée : épcmvantée,
773. The modem form {avives temps y avives soins) sounds
more old-fashioned than that of Racine. — This speech is one of
the longest in French dramatic literature, and, says Bernardin,
perhaps the richest in matter.
782. pèse à : est un fardeau pour.
785. C does not mean it. If in doubt as to why, review the
syntax of the démonstratives.
ACTE III, SCÈNE I 69
J'excuse votre erreur ; et, pour être approuvés,
De semblables projets veulent être achevés. 790
Ne vous figurez point que de cette contrée
Par d'éternels remparts Rome soit séparée.
Je sais tous les chemins par où je dois passer ;
Et si la mort bientôt ne mç vient traverser,
Sans reculer plus loin Teffet de ma parole, 795
Je vous rends dans trois mois au pied* du Capitole.
Doutez-vous que TEuxin ne me porte en deux jours
Aux Ueux où le Danube y vient finir son cours?
Que du Scythe avec moi l'alliance jurée
De l'Europe en ces lieux ne me livre l'entrée? 800
Recueilli dans leurs ports, accru de leurs soldats.
Nous verrons notre camp grossir à chaque pas.
Daces, Pannoniens, la fière Germanie,
Tous n'attendent qu'un chef contre la tyrannie.
Vous avez vu l'Espagne, et surtout les Gaulois, 805
Contre ces mêmes murs qu'ils ont pris autrefois
Exciter ma vengeance, et jusque dans la Grèce,
Par des ambassadeurs accuser ma paresse.
795. l'effet : la réalisatiorif l'accomplissement.
796. je vous rends dans trois mois : je v(ms aurai conduits
dans trois mois.
797. The plan of Mithrîdates was physically impossible. It
would take him ten days to reach the mouth of the Danube f rom
the Bay of Kaffa, and at least six months to reach Rome. ' Racine's
son stated, with rather doubtful cogency, that the poet intended
to show that Mithridates was blinded by passion, hence full of
rash hopes.
803. fière : farouche j qui ne se laisse pas apprivoiser f ni
dompter. The Dacians and Pannonians occupied what is now
Roumania, Transylvania, and Hungary.
70
MITHRIDATE
ACTE III, SCÈNE l 71
Ils savent que sur eux prêt à se déborder,
Ce torrent, s'il m'entraîne, ira tout inonder ; sio
Et vous les verrez tous, prévenant son ravage,
Guider dans l'Italie et suivre mon passage.
C'est là qu'en arrivant, plus qu'en tout le chemin,
Vous trouverez partout l'horreur du nom romain.
Et la triste ItaUe encor toute fumante 815
Des feux qu'a rallumés sa liberté mourante.
Non, Princes, ce n'est point au bout de l'univers
Que Rome fait sentir tout le poids de ses fers ;
Et de près inspirant les haines les plus fortes.
Tes plus grands ennemis, Rome, sont à tes portes. 820
Ah ! s'ils ont pu choisir pour leur libérateur
Spartacus, un esclave, un vil gladiateur.
S'ils suivent au combat des brigands qui les vengent,
De quelle noble ardeur pensez-vous qu'ils se rangent
Sous les drapeaux d'un roi longtemps victorieux, 825
Qui voit jusqu'à Cyrus remonter ses aïeux?
Que dis-je? En quel état croyez-vous la surprendre?
Vide de légions qui la puissent défendre.
Tandis que tout s'occupe à me persécuter.
Leurs femmes, leurs enfants pourront-ils m'arrêter? 830
Marchons ; et dans son sein rejetons cette guerre
Que sa fureur envoie aux deux bouts de la terre.
Attaquons dans leurs murs ces conquérants si fiers ;
Qu'ils tremblent, à leur tour, pour leurs propres foyers. ^
Sog. se déborder is old-fashioned, in the reflexive form.
8i2. The overweening pride of Mithridates is remarked upon
by Bernardin. The allied races are io come to meet him and
guide him to Italy ; but, in Italy, his army will be in the lead.
822. The vil gladiateur, Spartacus, was active about 70 b.c.
833-834. The rhyme is not good.
72 MITHRIDATE
835 Annibal Ta prédit, croyonsnen ce grand homme,
<r Jamais on ne vaincra les Romains que dans Rome.
V Noyons-la dans son sang justement répandu.
Brûlons ce Capitole où j'étais attendu.
Détruisons ses honneurs, et faisons disparaître
840 La honte de cent rois, et la mienne peut-être ;
Et la flamme à la main effaçons tous ces noms
Que Rome y consacrait à d'étemels affronts.
Voilà Tambition dont mon âme est saisie.
Ne croyez point pourtant qu'éloigné de l'Asie
845 J'en laisse les Romains tranquilles possesseurs.
Je sais où je lui dois trouver des défenseurs
Je veux que d'ennemis partout enveloppée,
Rome rappelle en vain le secours de Pompée.
Le Parthe, des Romains comme moi la terreur,
860 Consent de succéder à ma juste fureur";
Près d'imir avec moi sa haine et sa famille,
835. en : in the maUer; but thèse exact words need not be in
the rendering.
836. Note that it is dans Rome for the ancient city, but à
Rome for the modem. See also dans Nymphée^ Une 112.
838. attendu : that is, as a captive.
839. honneurs : omementSy titres de gUnrey trophées.
840. It is quite possible that, at the report of the death of
Mithridates, Rome had aiready inscribed his name on the airain
' orgueUleux of which the poet speaks.
843. saisie : occupée, possédée.
849. le Parthe : le roi des Parthes.
850. The Une is not quite clear. Succéder, in its conmion
meaning, would seem to imply that the plan conceming Phamaces
is not to be carried out. Bernardin proposes : Consent d* entrer
dans (de s'unir à) ma juste fureur. In modem diction it would
be consent à.
ACTE III, SCÈNE I 73
n me demande un fils pour époux à sa fille.
Cet honneur vous regarde, et j'ai fait choix de vous,
Pharnace : allez, soyez ce bienheureux époux.
Demain, sans différer, je prétends que TAurore 855
Découvre mes vaisseaux déjà loin du Bosphore.
Vous que rien n'y retient, partez dès ce moment.
Et méritez mon choix par votre empressement.
Achevez cet hymen ; et repassant TEuphrate,
Faites voir à l'Asie un autre Mithridate. seo
Que nos tyrans communs en pâlissent d'effroi.
Et que le bruit à Rome en vienne jusqu'à moi.
Pharnace
Seigneur, je ne vous puis déguiser ma surprise.
J'écoute avec transport cette grande entreprise ;
Je l'admire ; et jamais un plus hardi dessein 865
Ne mit à des vaincus les armes à la main.
Siutout j'admire en vous ce cœur infatigable
Qui semble s'affermir sous le faix qui l'accable.
Mais si j'ose parler avec sincérité,
r
En êtes-vous réduit à cette extrémité? 870
Pourquoi tenter si loin des courses inutiles,
Quand vos États encor vous offrent tant d'asiles.
Et vouloir affronter des travaux infinis,
Dignes plutôt d'un chef de malheureux bannis
Que d'un roi qui naguère, avec quelque apparence, 875
De Faurore au couchant portait son espérance,
Fondait sur trente États son trône florissant,
866. vaincus : Phamaces does not hesitate to use terms that
make Mithridates wince.
873. travaux : foHgtieSf dangers.
74 MITHRIDATE
Dont le débris est même un empire puissant?
Vous seul, Seigneur, vous seul, après quarante années,
880 Pouvez encor lutter contre les destinées.
Implacable ennemi de Rome et du repos,
Comptez-vous vos soldats pour autant de héros?
Pensez-vous que ces cœurs, tremblants de leur défaite,
Fatigués d'une longue et pénible retraite,
886 Cherchent avidement sous un ciel étranger
La mort, et le travail pire que le danger?
Vaincus plus d'une fois aux yeux de la patrie,
Soutiendrdht-ils ailleurs un vainqueur en furie?
Sera-t-il moins terrible, et le vaincront-ils mieux
890 Dans le sein de sa ville, à Paspect de ses dieux?
Le Parthe vous recherche et vous demande un
' gendre.
Mais ce Parthe, Seigneur, ardent à nous défendre
Lorsque tout Tunivers semblait nous protéger,
D'un gejidre sans appui voudra-t-il se charger? u^.1^
896 M'en irai-je moi seul, rebut de la fortune, ^
Essuyer l'inconstance au rarthe si conmiune ;
Et peut-être, pour fruit d'un téméraire amour,
Exposer votre nom au mépris de sa cour?
Du moins, s'il faut céder, si contre notre usage
900 II faut d'un suppUant emprunter le visage,
Sans m'envoyer du Parthe embrasser les genoux.
Sans vous-même implorer des rois moindres que
vous.
Ne pourrions-nous pas prendre une plus sûre voie?
883. de : par suite de.
886. travail : peine, fatigue.
896. si commune : si accoutumée, si habituéUe.
ACTE III, SCÈNE I 75
Jetons-nous dans les bras qu'on nous tend avec joie.
Rome en votre faveur, facile à s'apaiser ... 906
XlPHARÈS T~
V
Rome, mon frère ! ciel ! qu'osez-vous proposer?
Vous voulez que le Roi s'abaisse et s'hiunilie?
Qu'il démente en un jour tout le cours de sa vie?
Qu'il se fie aux Romains, et subisse des lois
Dont il a quarante ans défendu tous les Rois? 9io
Continuez, Seigneur : tout vaincu que vpus êtes,
La guerre, les périls sont vos seules retraites.
Rome poursuit en vous im ennemi fatal.
Plus conjuré contre elle et plus craint qu'Annibal.
Tout couvert de son sang, quoi que vous puissiez faire, 915
N'en attendez jamais qu'une paix sanguinaire.
Telle qu'en un seul jour un ordre de vos mains
La donna dans l'Asie à cent mille Romains.
Toutefois épargnez votre tête sacrée.
Vous-même n'allez point, de contrée en contrée, 920
Montrer aux nations Mithridate détruit,
Et de votre grand nom diminuer le bruit. .,
905. facile à s'apaiser : qui a' apaisera facilement,
913. un ennemi fatal : un ennemi que le destin lui impose, un
ennemi qui ne peui-^tre qu* ennemi,
9x4. conjuré has been criticized as inept hère. Apparently
it means : dangerous a^ a ploUer,
918. Mithridates gave secret orders that on a certain day ail
Italians in hk kingdom, including women and children, should
be slaugHtered : some say 80,000 ; others 150,000.
919. Lanson paraphrases : Épargnez votre tête, car elle est
sacrée.
9aa. bruit : écUU, retentissement, gloire, renommée.
78 mithridat;e
MiTHRIDATB
Ma volonté, Prince, vous doit suffire.
960 Obéissez. C'est trop vous le faire redire.
Pharnace
Seigneur, si pour vous plaire il ne faut que périr,
Plus ardent qu'aucun autre on m'y verra courir.
Combattant à vos yeux, permettez que je meure.
MiTHRIDATE
Je/ vous ai commandé de partir tout à l'heure ;
965 Mais après ce moment . . . Prince, vous lïi'entendez,
Et vous êtes perdu si vous me répondez.
Pharnace
Dussiez-vous présenter mille morts à ma vue,
Je ne saurais chercher une fille inconnue.
Ma vie est en vos mains.
MiTHRIDATE
Ah ! c'est où je t'attends.
960. Make it persônal. Cf. Une 539.
964. tout à rheure : sur V heure, aussitôt. See Une 413, n.;
and note that this Umt à Vheure îs old-fashioned in that it means
<U once instead of very soon.
965. entendez : comprenez.
969. Ahl c'est où je t'attends : Note the change to the
singular, the electric effect of which is not even mentîoned by
the French annotators, so obvions is it to the French reader.
The wrathful Mithridates uses everyday speech : ThaVs vShai
ACTE III, SCÈNE I 79
Tu ne saurais partir, perfide, et je t^entends. 970
Je sais pourquoi tu fuis Thymen où je t'envoie :
Il te fâche en ces lieux d'abandonner ta proie ;
Monime te retient. Ton amour criminel
Prétendait Farracher à Thymen paternel.
Ni l'ardeur dont tu sais que je l'ai recherchée, 975
Ni déjà sur son front ma couronne attachée,
Ni cet asile même où je la fais garder.
Ni mon juste courroux n'ont pu t'intimider.
Traître, pour les Romains tes lâches complaisances
N'étaient pas à mes yeux d'assez noires offenses : ^ ggo
Il te manquait encor ces perfides amours
Pour être le supplice et l'horreur de mes jours.
Loin de t'en repentir, je vois sur ton visage
Que ta confusion ne part que de ta rage :
Il te tarde déjà qu'échappé de mes mains 985
Tu ne coures me perdre, et me vendre aux Romains.
Mais avant que partir, je me ferai justice :
Je te l'ai dit. Holà ! gardes.
/ tlumght y ou were coming to. Geoffroy says : C'est ce choc
des trois caractères qui distingue cet entretien de Mithridate
avec ses enfants des autres grandes scènes connues au théâtre, et
qui lui assure le premier rang comme conception théâtral.
970. entends : see Une 965.
973. Phamaces thinks that Xiphares has betrayed him.
978. ont : excellent example of the use of a plural verb with
ni . . . ni . . .
982. le supplice : le cruel tourment.
987. avant que partir is old-fashioned for avant de -partir y
whîch latter construction dates, however, from about 1725. As
to je me ferai justice, see Une 1035 and Vocabulary.
988. In the Grands Écrivains édition, the Holà I gardes is a
part of Scène II.
80 MITHRIDATE
SCÈNE II
<\ MITHRIDATE, PHARNACE, XIPHARÊS, Gardes
MiTHRIDATE
Qu'on le saississe.
Oui, lui-même, Pharnace. Allez, et de ce pas
990 Qu'enfermé dans la tour on ne le quitte pas.
Pharnace
Hé bien ! sans me parer d'une innocence vaine
Il est vrai, mon amour mérite votre haine.
J'aime : l'on vous a fait un fidèle récit.
Mais Xipharès, Seigneur, ne vous a pas tout dit.
995 C'est le moindre secret qu'il pouvait vous apprendre ;
Et ce fils fidèle a dû vous faire entendre
Que des mêmes ardeurs dès longtemps enflanmié.
Il aime aussi la Reine, et même en est aimé.
SCÈNE III
MITHRIDATE, XIPHARES
Xipharès
Seigneur, le croirez-vous qu'un dessein si coupable . . .
989. The guards hesitate to lay hands on the heir apparent.
995. One would say, in prose, le moindre deè secrets,
998. The last five words of Phamaces are aimed with deadly
effectiveness at the insanely jealous heart of Mithridates. Line
1000 shows how fully the crafty old king has command of himself .
999. The le is redundant, but is commonly used for rhetorical
intensity by Racine.
ACTE III, SCÈNE IV 81
MiTHRIDATB
Mon fils, je sais de quoi votre frère est capable. looô
Me préserve le ciel de soupçonner jamais
Que d'un prix si cruel vous payez mes bienfaits,
Qu'un filç qui fut toujours le bonheur de ma vie
Ait pu percer ce cœur qu'un père lui confie !
Je ne le croirai point. Allez : loia d'y songer, loos
Je ne vais désormais penser qu'à nous venger.
SCENE IV
MITHRIDATE
Je ne le croirai point? Vain espoir qui me flatte !
Tu ne le crois que trop, malheureux Mithridate.
' Xipharès mon rival? et d'accord avec lui
La Reine aurait osé me tromper aujourd'hui? loio
Quoi? de quelque côté que je tourne la vue,
1002-04. payez . . ., ait pu percer ... : The possibilities of
gharp distinction between indicative and subjimctive are probably
no better éxemplified anywhere than hère. The student must
not forget that the hortatory subjimctive préserve has no in-
fluence as to the later subjimctive. There is no such thing as
" subjimctive by attraction " in French ; nor does indirect dis-
course ever hâve any other manifestation in French than in
the order of words. Some think that payez should be payiez,
1005. le : U,
1007. qui me flatte : in full, which spares my feelings. Com-
pare : " Lay the flattering unction to my soûl." If we use Eliaa-
bethan diction, empty^ flattering hope .' is a possible rendering.
loio. Cf., as to mode usage, Une 671.
82 MITHRIDATE
La foi de tous les cœurs est pour moi disparue ?
Tout m'abandonne ailleurs? tout me trahit ici?
Phamace, amis, maîtresse ; et toi, mon fils, aussi?
1015 Toi de qui la vertu consolant ma disgrâce . .
Mais ne connais-je pas le perfide Pharnace?
Quelle faiblesse à moi d'en croire un furieux
Qu'arme contre son frère un courroux envieux.
Ou dont le désespoir me troublant par des fables,
1020 Grossit, pour se sauver, le nombre des coupables !
Non, ne Ten croyons point ; et, sans trop nous presser,
I0I2. foi : fidélité, bonne foi. The inversion of the de plirase
is hère so violent that one French editor thinks it wise to wam
Freiyîh collegians of it. Disparaître may take avoir or être as an .
auxiliary. There is a distinction, however, in that the être usage
records the resnlt of action, while the avoir usage records action.
1014. maîtresse : affianced bride. — et toi, mon fils, aussi?
How like Et tu. Brute ! the original of which, by the way, was ■
Tu quoque, fili ! as current in Racine's day !
1015. de qui could be only dont in modem prose. — disgrâce :
See note on Une 95.
1017. en : See line 835, n.
1018. The reader who is deceived, for the fraction of a second,
by the order of words in this line, should strenuously review the
subject of relative pronouns.
1019. troublant : confusing, stirring up. It is good policy
never to translate trouble or troubler by the English parallel. Cf.
the proverb : Eau trouble, pêche claire, and observe that trouble
is the opposite of claire — hence roily, not choppy. — dont le
désespoir : who, in his despair.
102 1. le : him. Cf. Une 1005. Hère the en settles the
question. Above, usage only détermines the meaning ; though
Unes 1008 and 1009 make évidence for the non-French reader. —
sans trop nous presser : The order is correct also for modem
prose ; trop is a semi-conjunctive.
ACTE III, SCÈNE IV 83
Voyons, examinons. Mais par où commencer?
Qui m'en éclaircira? quels témoins? quel indice? . . ,.
Le ciel en ce moment m'inspire un artifice.
Qu'on appelle la Reine. Oui, sans aller plus loin, 1025
Je veux Touïr. Mon choix s'arrête à ce témoin.
L'amour avidement croit tout ce qui le flatte.
Qui peut de son vainqueur mieux parler que l'ingrate?
Voyons qui son amour accusera des deux.
S'il n'est digne de moi, le piège est digne d'eux. 1030
Trompons qui nous trahit ; et pour connaître un traître,
Il n'est point de moyens . . . Mais je la vois paraître :
Feignons ; et de son cœur, d'un^ vain espoir flatté.
Par un mensonge adroit tirons la vérité.
1022. par où commencer is good modem French usage also.
1023. en : inthe maUer.
1025. qu'on appelle la Reine is spoken to a slave or guard
who is in attendance.
1026. mon choix s'arrête à ce témoin: la Reine est le témoin
que je me décide à interroger.
1027. ' flatte : wanle to believe.
1029. Interesting violation of the " longer member last "
principle of order.
1030. Clever self-exculpation ; quite worthy of Mithridatea,
and a product of Racine's virile dramatic imagination.
103 1. The omission of the antécédent démonstrative (hère,
cdui) is many times more common in French than in English.
Cf. " Who runs may read."
1034. A comment of the ceiebrated playgoer Sarcey fat the
âge of fifty-two) in Le Temps of February 14, 1879 : Mithridate
se rencontre avec Harpagon dans le choix de la ruse. £h ! mais,
c'est que tous les deux ont soixante ans. L'un est un usurier, et
l'autre un grand roi ; la différence est grande, la distance énorme ;
mais tous deux sont des vieillards amoureux, et c'est pour cela
qu'ils s'avisent du même stratagème.
y
84 MITHRIDATE
SCÈNE V
MITHRIDATE, MONIME
MiTHRIDATE
1036 Enfin j'ouvre les yeux, et je me fais justice.
•C'est faire à vos beautés un triste sacrifice,
Que de vous présenter. Madame, avec ma foi,
Tout l'âge et le malheur que je traîne avec moi.
Jusqu'ici la fortune et la victoire mêmes
1040 Cachaient mes cheveux blancs sous trente diadèmes.
Mais ce temps-là n'est plus. Je régnais, et je fuis.
Mes ans se sont accrus ; mes honneurs sont détruits ;
1035. j'ouvre les yeux : je me rends à V évidence. — je me fais
Justice : je me rends justice. See Une 987 and Vocabulary.
1036. Change the impersonal construction to personal. Cf.
Unes 539 and 960.
1037. que îs the ^' sign-post " que^ pointing out the subject ;
de is the concomitant of the infinitive. For additional examples
of.the sign-post que^ see the note on Une 1048. — foi : Urne. In
Ënglish we say to présent a persan with something — which is faire
cadeau de quelque chose à quelqu'un. Hence avec in this Une must
be rendered together withj or the sentence must be recast as to
order of phrases.
1039. mêmes appUes to victoire only. It is an adverb, with
an s added by conventionality of verse orthography.
1041. The power of tenses is great in French. Je régnais, et
je fuis : / was a hing ; naw I am a fugitive. The historian
Mignet fumished an idéal spécimen of richness of tense effect
in his chapter on La chute de Robespierre : On observait encore
quelques formes ; on les supprima . . Les accusés avaient
des défenseurs ; ils n'en eurent plus ... On les jugeait in-
dividueUement ; on les jugea en masse.
Facsimilb or a page of Mitbhidatb pbom thb last
EDITION PUBLISHED DURINO THB LIFE or BaCINE
86 , MITHRIDATE
Et mon front, dépouillé d'un si noble avantage,
Du temps, qui Ta flétri, laisse voir tout Toutrage.
1045 D'ailleurs mille desseins partagent mes esprits :
D'un camp prêt à partir vous entendez les cris ;
Sortant de mes vaisseaux, il faut que j'y remonte.
Quel temps pour un hymen qu'une fuite si prompte.
Madame ! Et de quel front vous unir à mon sort,
1060 Quand je ne cherche plus que la guerre et la mort?
Cessez pourtant, cessez de prétendre à Pharnace.
Quand je me fais justice, il faut qu'on se la fasse.
1043. avantage is a weak word, eay the French commentators.
Translate: distinction.
1044. There never was a finer statement about baldness or
grayness. Racine came to it again in AthaliSj Act 2, Scène 5 :
Pour réparer des ans l'irréparable outrage.
1045. esprks : The plural is poetic usage. Lanson in-
terprets : V attention j V effort ou V activité de Vintdligence.
1047. The French is vivid ; but a literal translation will not
be. Revise so as to give vividness.
1048. qu'une fuite : the sign-post que^ placed before the
subject when it is not in the subject's place, or is next another
substantive, or is complicated. The translation of the sign-post
que, if there is any translation, is namely. Cf. Qu'est-ce que
c'est que cela? C'est une belle chose que de garder le secret.
C'est une chose sérieuse que la mort. C'est un excellent meuble
qu'un fauteuil.
1049. de quel front : avec quelle impudence oser. — mon sort :
after canvassing the various meanings of this word, will not me
or myself turn out to be the best translation, unless we make
vous, on the other hand, equal to votre sort.
1052. Detaching justice from fais justice and giving it a strict
pronominal représentative in la, is forced usage. Literalness will
hardly do hère ; but something like m,ake concessions to prindple
will serve.
ACTE III, SCÈNE V 87
Je ne souffrirai point que ce fils odieux,
Que je viens pour jamais de bannir de mes yeux,
Possédant une amour qui me fut déniée, 1055
Vous fasse des Romains devenir Talliée.
Mon trône vous est dû. Loin de m'en repentir,
Je vous y place même, avant que de partir,
Pourvu que vous vouliez qu'ime main qui m*est chère.
Un fils, le digne objet de Tamour de son père, 106O
Xipharès, en un mot, devenant votre époux,
Me venge de Pharnace, et m'acquitte envers vous.
MONIME
Xipharès ! lui. Seigneur?
MiTHRIDATB
Oui, lui-même. Madame.
D'où peut naître à ce nom le trouble de votre âme?
Contre un si juste choix qui peut vous révolter? 1065
Est-ce quelque mépris qu'on ne puisse dompter?
Je le répète encor : c'est un autre moi-même,
1055. déniée is old-fashioned ; refusée should be mentally
substituted by the English speaker.
1057. mo^ trône vous est dû is a little problem in non-literal-
ness.
1058. avant que de partir is old-fashioned for avant de 'partir.
See another archaic usage in line 987. Most éditions hâve no
comma after même.
1059. main : A case of metônymy, unacceptable to French
critics, and obviously calling, in translation, for substitution of
the possessor. ^
1064. trouble : Cf. line 1019.
1065. qui is old-fashioned for gtCestrce qui,
X066. mépris : répidaion, dégoût.
90 - MITHRIDATE
MONIME
En quelle extrémité, Seigneur, suis-je réduite?
Mais enfin je vous crois, et je ne puis penser
Qu'à feindre si longtemps vpus puissiez vous forcer.
Les Dieux me sont témoins qu'à vous plaire bornée
1100 Mon âme à tout son sort s'était abandonnée.
Mais si quelque faiblesse avait pu m'alarmer,
Si de tous ses efforts mon cœur a dû s'armer,
Ne croyez point. Seigneur, qu'auteur de mes alarmes,
Pharnace m'ait jamais coûté les moindres larmes.
1105 Ce fils victorieux que vous favorisez,
Cette vivante image en qui vous vous plaisez,
Cet ennemi de Rome, et cet autre vous-même.
Enfin ce Xipharès que vous voulez que j'aime . . .
MiTHRIDATE
Vous l'aimez ?
MoNIME
Si le sort ne m'eût donnée à vous,
1110 Mon bonhieur dépendait de l'avoir pour époux. .
1096. It is réduire à in Une 870 ; daTis was aiso used in Racine's
time. .
1099. bornée : ne s' écartant pas du sain de.
1104. Tears are, throughout French poetry, the sign or em-
bodiment of deep émotion. The corresponding English word
should rarely be tears.
1 105-7. Rereadlines 1067-70.
II 10. dépendre de with an infinitive is rare.
ACTE III, SCÈNE VI 91
Avant que votre amour m'eût envoyé ce gage,
Nous nous- aimions. . . . Seigneur, vous changez de
visage.
MiTHRIDATB
Non, Madame. . Il suffit. Je vais vous Tenvoyer.
Allez. Le temps est cher. Il le faut employer.
Je vois qu'à m'obéir vous êtes disposée. iii5
Je suis content.
A^
MoNlME, en s'en allant
O ciel ! me serais-je abusée?
SCÈNE VI
MITHRIDATE
Ils s'aiment. C'est ainsi qu'on se jouait de nous.
Ah ! fils ingrat. Tu vas me répondre pour tous.
iiii. votre amour: mechanically, y ou in your love; re-
phrased, the translation may be: hefore your affection had prompted
you ta send . . . — ce gage is le bandeau royal.
II 12. vous changez de visage : you change color. Thereisan
anecdote about this Une which is so amusing that it bas been
assîgned to more than one occasion. Beaubourg, whose histrionic
career extended from 1691 io 1718, was extremely homely. He
played Mithridates " opposite " the celebrated Adrienne Le-
couvreur (1692-1730). At on^ performance, after the words
Vous changez de visage, there was a cry from the pit : Laissez^
faire !
III 3-1 6. Note the brief, trenchant utterances of Mithri-
dates as he tries to conceal the most violent of bis émotions.
11 17. ils s'aiment : Bernardin says : C'est moins un cri
qu'un rugissement.
11 18. me répondre pour : pay the debt of.
92 MITHRIDATE
Tu périrai. Je sais combien ta renommée
1120 Et tes fausses vertus ont séduit mon armée.
Perfide, je te veux porter des coups certains :
Il faut, pour te mieux perdre, écarter les mutins,
Et faisant à mes yeux partir les plus rebelles.
Ne garder près de moi que des troupes fidèles.
1125 Allons. Mais, sans montrer un visage offensé,
' Dissimulons encor, comme j'ai commencé.
1125. Deal with sans carefully, perhaps to the extent of
making a sentence out of the dépendent clause.
ACTE QUATRIÈME
SCÈNE I
I
MONIME, PHiEDIME
MONIME
Phsedime, au nom des Dieux, fais ce que je désire :
Va voir ce qui se passe, et reviens me le dire.
Je ne sais ; mais mon cœur ne se peut rassurer.
Mille soupçons affreux viennent me déchirer. 1130
Que tarde Xipharès? et d'où vient qu'il diffère
A seconder des vœux qu'autorise son père?
Son père, en me quittant, me Fallait envoyer.
Mais il feignait peut-être : il fallait tout nier.
Le Roi feignait? Et moi, découvrant ma pensée ... 1135
O Dieux, en ce péril m'auriez- vous délaissée?
Et se pourrait-il bien qu'à son ressentiment
Mon amour indiscret eût livré mon amant?
Quoi, Prince? quand, tout plein de ton amour extrême,
Pour savoir mon secret tu me pressais toi-même, 1140
1x31. que : pourquoi. — diffère : with this verb either à or de
could be uaed in Racine's time. Racine preferred différer à.
X132. seconder : servir de second à une personne ^ d* appui à
une chose. See Vocabulary.
1 134. il fallait tout nier : Cf. Unes 488 and 574. Labbé takes
pains to wam French collegians that this means f aurais dû tout
nier.
X137. pourrait-il : Cf. Une 637.
1x39. See Une 55 and note.
93
MITHRIDATE
IsJ
''11
Il .
f -i-3
ACTE IV, SCÈNE I 95
Mes refus trop cruels vingt fois te Font caché ;
Je t'ai même pimi de Tavoir arraché ;
Et quand de toi peut-être un père se défie,
Que dis-je? quand peut-être il y va de ta vie,
Je parle ; et trop facile à me laisser tromper, 1145
Je lui marque le cœur où sa main doit frapper.
I ...
Ph^dime
Ah ! traitez-le, Madame, avec plus de justice :
Un grand roi descend-il jusqu'à cet artifice?
A prendre ce détour qui Taurait pu forcer?
Sans murmure, à l'autel vous l'alliez devancer. ngo
Voulait-il perdre un fils qu'il aime avec tendresse?
Jusqu'ici les effets secondent sa promesse :
Madame, il^vous disait qu'un important dessein.
Malgré lui, le forçait à vous quitter demain ;
Ce seul dessein l'occupe ; et hâtant son voyage, 1155
Lui-même ordonne tout, présent sur le rivage.
Ses vaisseaux en tous lieux se chargent de soldats,
Et partout Xipharès accompagne ses pas.
D'un rival en fureur est-ce là la conduite?
Et voit-on ses discours démentis par la suite? neo
1142. How had she " punished " him?
1144. que dis-je : Cf. line 85.
1148. Labbé says : Mithridate est grand par sa haine des
Romains et misérable par son amour pour Monime. — What
does he mean by misérable f
1153. secondent : hère in the old-fashioned sensé of suivre ;
les effets is, hère, almost facts, Labbé shows the value of " ren-
dering by reversai '' by paraphrasing : Les effets ne 'démentent
'point sa promesse. Lanson suggests : sont d'accord avec.
1160. la suite : the event.
98 MITHRIDATE
MONIME
Qu'entends-je? On me disait . . . Hélas! ils m'ont
trahie.
XlPHARÈS
1185 Madame, je ne sais quel ennemi couvert,
Révélant nos secrets, vous trahit, et nie perd.
JViais le Roi, qui tantôt n'en croyait point Pharnace,
Maintenant dans nos cœurs sait tout ce qui se passe.
Il feint, il me caresse, et cache son dessein ;
1190 Mais moi, qui dès Tenfance élevé dans son sein,
De tous ses mouvements ai trop d'intelligence.
J'ai lu dans ses regards sa prochaine vengeance.
Il presse, il fait partir tous ceux dont mon malheur
Pourrait à la révolte exciter la douleur.
1195 De ges fausses bontés j'ai connu la contrainte.
Un mot même d'Arbate a confirmé ma crainte,
Il a su m'aborder ; et les larmes aux yeux :
(( On sait tout, m'a-t-il dit : sauvez-vous de ces lieux.»
Ce mot m'a fait frémir du péril de ma reine,
11 84. A note of Louis Racine : Quelle peinture de passion!
Tous mots entre-coupés ; et, par un reste de respect, elle ne
nomme pas le traître. Elle dit au pluriel : Ils m'ont trahie!
11 85. couvert : poetic for caché ; but the English covert will
do.
11 90. dans son sein : in close intimacy with him.
1191. mouvements means motions or emo^toTis. Which hère?
— trop ... : ordy too much ...
1195. Tai deviné h. violence qu'il se faisait à lui-même pour
me m>ontrer des bontés.
1197. il a su : il a, sans éveiUer de soupçons j trouvé le moyen
de , . .
ACTE IV, SCÈNE II 99
Et ce cher intérêt est le seul qui m'amène, 1200
Je vous crains pour vous-même ; et je viens à genoux
Vous prier, ma Princesse, et vous fléchir pour vous.
Vous dépendez ici d'une main violente,
Que le sang le plus cher rarement épouvante ;
Et je n'ose vous dire à quelle cruauté 1205
Mithridate jaloux s'est souvent emporté.
Peut-être c'est moi seul que sa fureur menace ;
Peut-êtrç, en me perdant, il veut vous faire grâce.
Daignez, au nom des Dieux, daignez en profiter ;
Par de nouveaux refus n'allez point l'irriter. 1210
Moins vous l'aimez, et plus tâchez de lui complaire ;
Feignez, efforcez-vous : songez qu'il est mon père.
Vivez ; et permettez que dans tous mes malheurs
Je puisse à votre amour ne coûter que des pleurs.
MONIME
Ah ! je vous ai perdu I
XlPHARÈS
Généreuse Monime, 1215
Ne vous imputez point le malheur qui m'opprime.
1200. ce cher intérêt is a geniiine problem in re-phrasing.
1201. je vous crains pour vous-même : He fears that Monime
will bring death to herself by refusing to marry Mithridates.
1202. ma Princesse : Labbé makes thèse words the occasion
for a protest against the dictum that princesse in Trench tragedy
suggests the langage de la galanterie of the seventeenth century.
121 1. moins ... et plus ... : Cf. Une 741.
1212. songez qu'il est mon père : It is the faithfnl son, rather
than the lover, who speaks. Songez has hère, as sb generally in
everyday modem French, the meaning bear in mindf hâve in mind.
1215. -^1 j® vo}ï& ai perdu : Note of Bernardin : Monime
100 ( MITHRIDATE
Votre seule bonté n'est point ce qui me nuit :
Je suis un malheureux que le destin poursuit ;
C'est lui qui m'a ravi l'amitié de mon père,
1220 Qui le fit mon rival, qui révolta ma mère,
Et vient de susciter, dans ce moment affreux.
Un secret ennemi pour nous trahir tous deux.
MONIME
Hé quoi? cet ennemi, vous l'ignorez encore?
XlPHARÈS
Pour surcroît de douleur, Madame, je l'ignore.
1225 Heureux si je pouvais, avant que m'immoler,
Percer le traître cœur qui m'a pu déceler !
MoNIME
Hé bien ! Seigneur, il faut vous le faire connaître.
Ne cherchez point ailleurs cet ennemi, ce traître ;
n'a pas la force d'en dire plus long ; c'est une explosion de
douleur ; et la Reine s'arrête, suffoquée par l'émotion. — The
English reader must bear in mind that perdu does not mean,
hère, lost. — Labbé exclaims : Comme ce cri est naturel ! et
quelle perfection dans le rôle de Monime !
12x8. poursuit: persécutes. Both words corne from the Latin
perseqiuyr.
1219. c^est lui : c'est le destin,
1221. dans ce moment affreux is a good spécimen of pure
filling. Such a phrase (known in the critic's jargon as une
cheville) is occasionally met in the French Alexandrine, when a
one-and-a-half-Une thought must fill a couplet. Racine has
not many such cases. The second half of Une 199 is another
good example of a cheville.
.1226. déceler : découvrir, dénoncer.
ACTE IV, SCÈNE II 101
Frappez : aucun respect ne vous doit retenir.
J'ai tout fait ; et c'est moi que vous devez punir. 1230
X1PHARÈ8
Vous !
MONIME
Ah ! si vous saviez, Prince, avec quelle adresse
Le cruel est venu surprendre ma tendresse !
Quelle amitié sincère il affectait pour vous !
Content, s'il vous voyait devenir mon époux !
Qui n'aurait cru . . .? Mais non, mon amour plus
timide 1235
Devait moins vous livrer à sa bonté perfide.
Les Dieux qui m'inspiraient, et que j'ai mal suivis,
M'ont fait taire trois fois par de secrets avis.
J'ai dû continuer; j'ai dû dans tout le reste . . .
Que sais-je enfin? j'ai dû vous être moins funeste ; 1240
laag. respect : égards considération^
lasa. surprendre : découvrir le secret de.
ia33. amitié is not friendship. Cf. Une 347.
lass. plus timide : moins confiant. Rendering by reversai.
lajô. devait : aurait dû ; but still the English phrasing of
the passage will not be easy.
1338. trois fois : The're are, at the utmost, only two réticences,
said Mlle Clairon, famous in the rôle of Monime. Racine shows
unmistakably only one, at Une 1073. Line 1083 could probably
be counted as another. Mlle Clairon made a third with a jeu
de visage at Unes 1087-1088.
ia39. j'ai dû : f aurais dûy this time in the non>continuous '
sensé. At this definite tirnsy in this particular case, I ov^fU to hâve,
etc. The development of devoir in its ougfU phases has taken
away some possibiUties of tense distinction which existed in
Racine's time.
102 MITHRIDATE
J^ai dû craindre du Roi les dons empoisonnés,
Et je m'en punirai, si vous me pardonnez.
XlPHARÈS
Quoi? Madame, c'est vous, c'est Tamour qui m'expose?
Mon malheur est parti d'une si belle cause ?
1245 Trop d'amour a trahi nos secrets amoureux ?
Et vous vous excusez de m'avoir fait heureux?
Que voudrais-je de plus? glorieux et fidèle.
Je meurs. Un autre sort au trône vous appelle.
Consentez-y, Madame ; et, sans plus résister
1250 Achevez un hymen qui vous y fait monter.
• »
MONIME
Quoi? vous me demandez que j'épouse un barbare
Dont l'odieux amour pour jamais nous sépare?
XlPHARÊS
Songez que ce matin, soumise à ses souhaits.
Vous deviez l'épouser, et ne me voir jamais.
MoNIME
1256 Et connaissais-je alors toute sa barbarie?
Ne voudriez-vous point qu'approuvant sa furie, '
Après vous avoir vu tout percé de ses coups,
Je suivisse à l'autel un tyrannique époux,
Et que dans une main de votre sang fumante
1260 J'allasse mettre, hélas ! la main de votre amante?
1243- expose : note that the literal équivalent will not do.
1247. glorieux : fier. A trifle, perhaps more than a trifle,
vapid.
1248. sort : destin.
ACTE IV, SCÈNE IV 103
Allez : de ses fureurs songez à vous garder,
Sans perdre ici le temps à me persuader ;
Le ciel m'inspirera quel parti je dois prendre.
Que serait-ce, grands Dieux! s'il venait vous sur-
prendre?
Que dis-je? On vient. Allez. Courez. Vivez enfin ; 1265
Et du moins attendez quel sera mon destin. A^
SCÈNE III
MONIME, PHiEDIME
Ph.«dime
Madame, à quels périls il exposait sa vie !
C'est le Roi.
MONIME
Cours Taider à cacher sa sortie.
Va, ne le quitte point ; et qu'il se garde bien
^'ordonner de son sort, sans être instruit du mien. 1270
SCÈNE TV
MITHRIDATE, MONIME
MiTHRIDATE
Allons, Madame, allons. Une raison secrète
1262. à would be de nowadays.
1265. Bernardin remarks that the conclusion of this scène
redeems it of its languor.
1271. An amusing anecdote about Scène 4 : La scène
dramatique qui commence ici fut un jour égayée à Lille de la
façon la plus bizarre. Ducormier, qui jouait le roi de Pont,
104 MITHRIDATE
Me fait quitter ces lieux et hâter ma retraite.
Tandis que mes soldats, prêts à suivre leur roi,
Rentrent dans mes vaisseaux pour partir avec moi,
1275 Venez, et qu'à Tautel ma promesse accomplie
Par des nœuds éternels Tun à Tautre nous lie.
MONIME
Nous, Seigneur?
MiTHRIDATB
Quoi? Madame, osez-vous balancer?
MONIME
Et ne m'avez-vous pas défendu d'y penser?
était très gros, et il faisait très chaud. En quittant la scèney
il déposait sa large perruque, pour revêtir un petit bonnet blanc,
qui étanchait sa sueur. Il entra, par distraction, au IV® acte,
dans ce costume peu tragique. L'hilarité de la salle fut partagée
par Monime, qui dut se couvrir le visage du mouchoir dont elle
s'était armée pour un plus dramatique usage. — Mademoiselle,
s'écrie Ducormier, cela est de la dernière indécence ! — Ce qui
est de la dernière indécence, répondit la princesse, c'est le bonnet
de nuit avec lequel vous venez me conduire à l'autel. Mithri-
date, qui tenait de la main droite un gigantesque chapeau, porte
à sa tête la main gauche, et «Pardon, Messieurs, dit-il au par-
terre, je vois maintenant que c'est moi qui suis un sot.»
1272. ma retraite : mon départ.
1273. prêts à suivre leur roi : A French student would perhaps
not hesitate to use the verb bluffer in commenting on this passage,
since Yankee slang is sometimes less shocking when taken over
into the French language. (See the Larousse Cyclopedias.)
Mithridates talks quite otherwise (1120-1124) when speaking to
himself.
1278. d'y penser : de penser à nCunir à voua.
ACTE IV, SCÈNE IV 105
MiTHRIDATE
J'eus mes raisons alors : oublions-les, Madame.
Ne songez maintenant qu'à répondre à ma flamme. 128O
Songez que votre cœur est un bien qui m'est dû.
MONIME
r
Hé !. pourquoi donc, Seigneur, me l'avez-vous rendu?
MiTHRIDATE
Quoi? pour un fils ingrat toujours préoccupée,
Vous croiriez . . .
MONIME
Quoi? Seigneur, vous m'auriez donc trcnnpée!
MiTHRIDATE
Perfide ! il vous sied bien de tenir ce discours, i285
Vous qui gardant au cœur d'infidèles amours,
Quand je vous élevais au comble de la gloire,
M'avez des trahisons préparé la plus noire !
Ne vous souvient-il plus, cœur ingrat et sans foi.
Plus que tous les Romains conjuré contre moi, 1290
De quel rang glorieux j'ai bien voulu descendre,
Pour vous porter au trône où vous n'osiez prétendre?
Ne me regardez point vaincu, persécuté :
1280. répondre à ma flamme must be considerately dealt
with.
1282. rendu : Cf. Byron : Give, O give me back my heart!
1283. préoccupée pour . . .: V esprit prévenu en faveur de . . .
1284. croiriez . . . auriez ... : Cf. Une 671.
X290. conjuré : See line 914 and note.
106 MITHRIDATE
^ Revoyez-moi vainqueur, et partout redouté.
^ 1295 Songez de quelle ardeur dans Éphèse adorée,
Aux filles de cent rois je vous ai préférée ;
Et négligeant pour vous tant d'heureux alliés,
Quelle foule d'États je mettais à vos pieds.
Ah ! si d'un autre amour le penchant invincible
1300 Dès lors à mes bontés vous rendait insensible,
Pourquoi chercher si loin un odieux époux?
Avant que de partir, pourquoi vous taisiez-vous?
Attendiez-vous, pour faire im aveu si funeste,
Que le sort ennemi m'eût ravi tout le reste,
1305 Et que de toutes parts me voyant accabler.
J'eusse en vous le seul bien qui me pût consoler?
Cependant, quand je veux oubUer cet outrage.
Et cacher à mon cœur cette funeste image.
Vous osez à mes yeux rappeler le passé,
1310 Vous m'accusez encor, quand je suis offense.
Je vois que pour un traître un fol espoir vous flatte.
A quelle épreuve, ô ciel, réduis- tu Mithridate ?
Par quel charme secret laissé-je retenir
Ce courroux si sévère et si prompt à punir?
1316 Profitez du moment que mon amour vous donne :
Pour la dernière fois, venez, je vous l'ordonne.
1297. négligeant : That is to say, ne cherchant pas une reine
chez eux, — heureux : ^i eussent été heureux d* allier leur maison
à la mienne.
1310. offensé is not ojBfended.
131 X. flatte : Some French commentators remark that this
Word is hère for rhjrme's sake. If it is forced in French, we may
expect trouble in the English version.
13 13. par quel charme : par quel effet surnaturel^ qui tient du
sortilège.
ACTE IV, SCÈNE IV 107
N'attirez point sur vous des périls superflus,
Pour un fils insolent que vous ne verrez plus.
Sans vous parer pour lui d'une foi qui m'est due,
Perdez-en la mémoire, aussi bien que la vue ; 1320
Et désormais sensible à ma seule bonté,
Méritez le pardon qui vous est présenté.
MONIME
Je n'ai point oublié quelle reconnaissance,
Seigneur, m'a dû ranger sous votre obéissance.
Quelque rang où jadis soient montés mes aïeux, 1326
Leur gloire de si loin n'éblouit point mes yeux. ,
Je songe avec respect de combien je suis née
Au-dessous des grandeurs d'un si noble hyménée ;
Et malgré mon penchant et mes premiers desseins
Pour im fils, après vous le plus grand des himiains, 1330
Du jour que sur mon front on mit ce diadème.
Je renonçai. Seigneur, à ce prince, à moi-même.
Tous deux d'intelligence à nous sacrifier,
13 19. sans vous parer : sans faire parade. Translate : Do
not . . ., btU ...
1320. Racine stretched the French language when he wrote
perdre la vue as a corrélative of perdre la mémoire. Labbé para-
phrases the Une : perdez de souvenir le Xipharès que vous ne
verrez plus.
1321. sensible à : émue dey touchée par.
1326. Monime exécutes a discreet counter-boast which wholly
invalidâtes Mithridates' original (1291-1292).
1327. de of degree of différence ; literally, hy. Of course the
passage must be re-phrased.
1330. après vous is so neat and so French that it does,not
seem petty.
1333. A genuine " ablative absolute."
T
110 MITHRIDATE
Qui s'est acquis sur moi ce cruel avantage,
Et qui me préparant un éternel ennui,
M'a fait rougir d'un feu qui n'était pas pour lui..
MiTHRIDATE
1355 C'est donc votre réponses? et sans plus me complaire.
Vous refusez l'honneur que je voulais vous faire ?
Pensez-y bien. J'attends, pour me déterminer.
MONIME
Non, Seigneur, vainement vous croyez m'étonner.
Je vous connais : je sais tout ce que je m'apprête,
1360 Et je vois quels malheurs j'assemble sur ma tête ;
Mais le dessein est pris : rien ne peut m'ébranler.
Jugez-en, puisque ainsi je vous ose parler,
Et m'emporte au delà de cette modestie
Dont jusqu'à ce moment je n'étais point sortie. ; A^o
1365 Vous vous êtes servi de ma funeste main jV^'^ \\
Pour mettre à votre fils un poi^ard dans le sein.
De ses feux innocents j'ai trahi le mystère ;
1358. m'étonner : me faire peur, me glacer d'effroi.
1361. Lanson says, concerning this scène : Ce que Monime
a d'original, c'est cette obstination douce et fière, sans éclat, sans
tapage, sans révolte, mais aussi sans défaillance et sans peur. Ce
n'est pas ime héroine ; c'est l'honnête femme qui suit son devoir
simplement et modestement, sans dire une parole plus haut que
l'autre, et qui ne craint pas moins le bruit que le mal ... Il
n'y a pas de scène, dans tout le théâtre de Racine, qui prouve
d'une plus sensible façon quelle connaissance fine et profonde
il avait du cœur féminin.
1365. funeste : Labbé offers the foUowing : Dans son sens
exact, funeste signifie qui cause la mort ou qui présage la mort.
ACTE IV, SCÈNE V 111
Et quand il n'en perdrait que Tamour de son père,
n en mourra, Seigneur. Ma foi ni mon amour
Ne seront point le prix d'un si cruel détour. • 1370
Après cela, jugez. Perdez une rebelle ;
Armez-vous du pouvoir qu'on vous donna sur elle :
J'attendrai mon arrêt ; vous pouvez commander.
Tout ce qu'en vous quittant j'ose vous demander,
Croyez (à la vertu je dois cette justice) 1376
Que je vous trahis seule, et n'ai point de complice ;
Et que d'un plein succès vos vœux seraient suivis
Si j'en croyais. Seigneur, les vœux de votre fils.
SCÈNE V
MITHRIDATE
Elle me quitte ! Et moi, dans un lâche silence.
Je semble de sa fuite approuver l'insolence? laso
Peu s'en faut que mon cœur, penchant de son côté,
Ne me condamne encor de trop de cruauté?
Qui suis-je? Est-ce Monime? Et suis-je Mithridate?
Non, non, plus de pardon, plus d'amour pour l'ingrate.
1368. quand il n'en perdrait : Cf. Une 560. — The en hère an4
the en in the following Une count for something, each in its way.
1370. seront is another striking case of plural verb with ni.
1371. perdez : Jaitea périr,
1381. peu s'en faut que : The fuU prose form is il s'en faut
de peu que. A curious '* high " idiom. Literally, there is litUe
lacking to itaelf in the maUer ; practically, one embodies an almost
in the sentence.
1382. Some editors put an exclamation mark at the end.
1384. How would one say in French, ** more pardon, more
love " ?
112 MITHRIDATE
1385 Ma colère revient, et je me reconnais.
Immolons, en partant, trois ingrats à la fois.
Je vais à Ronle, et c^est par de tels sacrifices
Qu'il faut à ma fureur rendre les Dieux propices.
Je le dois, je le puis ; ils n'ont plus de support :
1390 Les plus séditieux sont déjà loin du bord.
Sans distinguer entre eux qui je hais ou qui j'aime,
Allons, et commençons par Xipharès lui-même.
Mais quelle est ma fureur? et qu'est-ce que je dis?
Tu vas sacrifier . . . qui? malheureux! Ton fils?
1395 Un fils que Rome craint? qui peut venger son père?
Pourquoi répandre un sang qui m'est si nécessaire?
Ah ! dans l'état funeste où ma chute m'a mis.
Est-ce que mon malheur m'a laissé trop d'amiô?
Songeons plutôt, songeons à gagner sa tendresse :
1400 J^ai besoin d'un vengeur, et non d'une maîtresse.
Quoi? ne vaut-il pas mieux, puisqu'il faut m'en priver,
La céder à ce fils que je veux conserver?
Cédons-la. Vains efforts, qui ne font que m'instruire
Des faiblesses d'un cœur qui cherche à se séduire !
1405 Je brûle, je l'adore ; et loin de la bannir . . .
Ah ! c'est un crime encor dont je la veux punir.
Quelle pitié retient mes sentiments timides?
N'en ai-je pas déjà puni de moins perfides?
O Monime ! ô mon fils ! Inutile courroux !
1410 Et vous, heureux Romains, quel triomphe pour vous,
1385. As to rhyme, cf. 664, n.
1389. support is poetic for appui j soutien.
1395. This line foreshadows the dénouement.
1400. maîtresse : wije.
1404. se séduire : se tromper^ s'égarer luir^même.
ACTE IV, SCÈNE VI 113
Si vous saviez ma honte, et qu^un avis fidèle
De mes lâches combats vous portât la nouvelle
Quoi ? des phis chères mains craignant les trahisons,
J'ai pris soin de m'armer contre tous les poisons ;
J'ai su, par une longue et pénible industrie, 1415
Des plus mortels venins prévenir la furie.
Ah ! qu'il eût mieux valu, plus sage et plus heureux,
Et repoussant les traits d'un amour dangereux.
Ne pas laisser rempUr d'ardeurs empoisonnées
Un cœur déjà glacé par le froid des années ! 1420
De ce trouble fatal par où dois-je sortir?
SCÈNE VI
MITHRIDATE, ARBATE
Arbatb
Seigneur, tous vos soldats refusent de partir.
Phamace les retient, Pharnace leur révèle
Que vous cherchez à Rome une guerre nouvelle.
MiTHRIDATE
Phamace?
141 1. The conjunction qtie (sometimes called the '' blanket
conjunction " of the French language) is used to maintain in
force many conjunctions and conjunctional adverbs, and takes
the respective mode ; except that, when it représenta «t, it takes
the subjunctive.
1414. So say the ancient historians.
1421. Labbé remarks : Le flux et reflux de pensées, qui
constitue ce monologue, véritable tempête sous un crâne, le
laisse à la fin aussi flottant et aussi indécis qu'au début.
114 MITHRIDATE
Arbate
1425 II a séduit ses gardes les premiers ;
Et le seul nom de Rome étonne les plus fiers.
De mille affreux périls ils se forment l'image.
Les uns avec transport embrassent le rivage ;
Les autres, qui partaient, s^'élancent dans les flots,
1430 Ou présentent leurs dards aux yeux des matelots.
Le désordre est partout ; et loin de nous entendre,
Ils demandent la paix, et parlent de se rendre.
Pharnaee est à leur tête ; et flattant leurs souhaits,
De la part des Romains il leur promet la paix.
MiTHRIDATE
1435 Ah ! le traître ! Courez. Qu'on appelle son frère ;
Qu'il me suive, qu'il vienne au secours de son père.
Arbate
J'ignore son dessein ; mais un soudain transport
L'a déjà fait descendre et courir vers le port ;
1425-26. Another case of imperfect rhyming, like 833-834.
1426. le seul nom de Rome : the mère name Rome, The de
is the quotation mark de ; also known as the de of apposition.
1428. embrassent le rivage is traditional for refusent de
partir,
1430. présentent leurs dards pour les forcer à revenir au
rivage.
1435-36. . . . son frère . . . son père : besides making good
rhjHDoies, thèse words give a human touch which bas the dramatic
eflfectiveness of other cases of avoidance of names elsewhere in
the play.
1437. transport : impulse.
ACTE IV, SCÈNE VII 115
Et Ton dit que suivi d'un gros d'amis fidèles,
On Ta vu se mêler au milieu des rebelles. 1440
C'est tout ce que j'en sais.
MiTHRIDATE
Ah ! qu'est-ce que j'entends?
Perfides, ma vengeance a tardé trop longtenîps.
Mais je ne vous crains point. Malgré leur insolence.
Les mutins n'oseraient soutenir ma présence.
Je ne Veux que les voir ; je ne veux qu'à leurs yeux 1445
Inmaoler de ma main deux fils audacieux.
SCÈNE VII
MITHRIDATE, ARBATE, ARCAS
Arcas
Seigneur, tout est perdu. Les rebelles, Pharnace,
Les Romains sont en foule autour de cette place.
MiTHRIDATE
Les Romains !
Arcas
De Romains le rivage est chargé,
Et bientôt dans ces murs vous êtes assiégé. 1450
1439. un gros : une troupe.
1440-41. Arbates probably thinks that Xiphares also has
deserted ; but he restricts his statements to uncolored informa-
tion. Mithridates promptly attributes a motive to Xiphares.
1444. ma présence : ma vue^ mon aspect.
1449. Les Romains I Among the stage traditions of Mithri-
118 MITHRIDATE
Dans la confusion que nous venons^d^entendre,
Les yeux peuvent-ils pas aisément se méprendre?
D'abord, vous le savez, un bruit injurieux
1470 Le rangeait, du 'parti d'un camp séditieux ;
Maintenant on vous dit que ces mêmes rebelles
Ont tourné contre lui leurs armes criminelles.
Jugez de Tun par Tautre, et daignez écouter . . .
MONIMB
Xipharès ne vit plus, il n'en faut point douter.
1475 L'événement n'a point démenti mon attente.
Quand je n'en aurais pas la nouvelle sanglante,
Il est mort ; et j'en ai pour garants trop certains
Son courage et son nom trop suspects aux Romains.
Ah ! que d'un si beau sang dès longtemps altérée
1480 Rome tient maintenant sa victoire assurée !
Quel ennemi son bras leur allait opposer !
Mais sur qui, malheureuse, oses-tu t'excuser?
Quoi? tu ne veux pas voir que c'est toi qui l'opprimes,
Et dans tous ses malheurs reconnaître tes crimes?
1485 De combien d'assassins l'avais-je enveloppé !
1467. Lanson paraphrases : Dans la confusion des événements
dont nous venons d'entendre le récit
1468. Another case of the suppression of ne, very common in
the seventeenth century.
1473. jugez de l'un par l'autre : jugez de Vun de ces bruits
par Vautre.
1475. n'a point démenti : a été conforme à.
1476. quand with the conditional equaling si with imperfect
indicative or subjunctive.
1482. Monime npbraids herself.
1483. l'opprimes : V accables j le perds, le fais périr.
ACTE V, SCÈNE I 119
Comment à tant de coups serait-il échappé?
Il évitait en vain les Romains et son frère :
Ne le livrais-je pas aux fureurs de son père?
C'est moi qui les rendant Tun de l'autre jaloux,
Vins allimier le feu qui les embrase tous, 1490
Tison de la discorde, et fatale furie,
Que le démon de Rome a formée et nourrie.
Et je vis? Et j'attends que de leur sang baigné,
Pharnace des Romains revienne accompagné?
Qu'il étale à mes yeux sa parricide joie? * 1495
La mort au désespoir ouvre plus d'une voie :
Oui, \;ruelles, en vain vos injustes secours
Me ferment du tombeau les chemins les plus courts.
Je trouverai la mort jusque dans vos bras même.
Et toi, fatal tissu, malheureux diadème, isoo
1487. il évitait : There is more in this than a plain imperfect.
What?
1491. A Une worthy, in its thought and expression, of an epic
or tragedy of the ancient classic period.
1492. le démon de Rome : Another appositional de — the
démon Rome,
1497. cruelles : Apparently Phœdime is not the only at-
tendant.
1499. même.: The omission of the s is fréquent in poetry, to
meet requirements of versification and of rhyme for the eye. A
similar omission is occasionally met in prose. Cf. lines 1039-40.
1500. Monime is at the height of tragic frenzy, the develop-
ment of which is a characteristic feature of the closing scènes of
a tragedy. A great tragedy may be said always to lead to a
situation in which the tragic passion is so absorbing {hat the
personage becomes embodied passion ; when the passion is so
closely knit that it is incapable of being " tom to tatters " —
except by a bungling actor. — malheureux diadème : the ex-
pression is Plutarch's, cited by Racine in his préface.
MITHRIDATE
Racubl as MoNiUK
ACTE V, SCÈNE II 121
Instrument et témoin de toutes mes douleurs,
Bandeau, que mille fois j'ai trempé de mes pleurs,
Au moins, en terminant ma vie et mon supplice.
Ne pouvais-tu me rendre un funeste service?
A mes tristes regards, va, cesse de t'offrir : 150S^
D'autres armes sans toi sauront me secourir ;
Et périsse le jour et la main meurtrière
Qui jadis sur mon front t'attacha la première !
PHiEDIME
On vient, Madame, on vient ; et j'espère qu'Arcas,
Pour bannir vos frayeurs porte vers vous ses pas. 1510
SCENE II
MONIME, PHiEDIME, ARCAS
MONIME
En est-ce fait, Arcas? et le cruel Phamace . . .
Arcas
Ne me demandez rien de tout ce qui se passe,
Madame : on m'a chargé d'un plus funeste emploi ;
Et ce poison vous dit la volonté du Rot
1503. ma vie et mon supplice : la vie qui est pour moi un
supplice.
151 1. En est-ce fait? Isitallover?
1513. funeste : See Une 1365, n. ; also the gênerai comment
in line 740, n.
122 MITHRIDATE .
PHiEDIME
Malheureuse princesse !
MONIME
• ^
1515 Ah ! quel comble de joie !
Donnez. Dites, Arcas, au Roi qui me Tenvoie
Que de tous les présents que m*a faits sa bonté,
Je reçois le plus cher et le plus, souhaité.
A la fin je respire ; et le ciel me délivre
1520 Des secours importuns qui me forçaient de vivre.
Maîtresse de moi-même, il veut bien qu'une fois
Je puisse de mon sort disposer à mon choix.
?H.«DIME
Hélas !
MoNIME
Retiens tes cris ; et par d'indignes larmes,
De cet heureux moment ne trouble point les charmes.
1525 Si tu m'aimais, Phaedime, il fallait me pleurer
Quand d'im titre funeste on me vint honorer.
Et lorsque m'arrachant du doux sein de la Grèce,
Dans ce climat barbare on traîna ta maîtresse.
Retourne maintenant chez ces peuples heureux ;
1530 Et si mon nom encor s'est conservé chez eux,
1520. Either /orcer à or forcer de was possible in Racine's day.
152^32. Cf. Othello's thought, at a similar moment ;
... I pray you, in your letters,
When you shall thèse milucky deeds relate,
Speak of me as I am ; nothing extenuate,
Nor set down aught in malice ; then must you speak
Of one that loved not wisely but too well.
ACTE V. SCÈXE «II 123
DîsJeur ce que tu vois ; et de, toute ma gloire,
Phaedime, conte-leur la malheureuse histxHie.
Et tCM, qui de ce cceur, dont tu fus adoré.
Par un jidoux destin fus toujours séparé.
Héros, avec qui, même en terminant ma vie, 1535
Je n'ose en un tombeau demander d*étre unie,
Reçois ce sacrifice ; et puisse en ce moment
Ce poison expier le sang de mon amant !
SCENE III
MONIAfE, ARBATE, PH^DIME, ARCAS
A^ffiATE
Arrêtez! arrêtez!
Abcas
Que faites-vous, Arbate?
Arbate
Arrêtez ! j'accomplis Tordre de Mithridate. 1540
MONIME
Ah? laissez-moi ...
Arbate, jetant le poison
Cessez, vous dis-jej et laissez-moi,
Madame, exécuter les volontés du Roi.
153 1. ma gloire : perhaps my career, or dU aboui me. But
the pathos of this simple utterance défies embodiment in a trans-
lation.
'$33* ^^ ^If • • • • ^^^ thinks of Xiphares as dead.
124 MITHRIDATE
Vivez. Et vous, Arcas, du succès de mon zèle
Courez à Mithridate apprendre la nouvelle.
SCÈNE IV
MONIME, ARBATE, PHiEDIME
MONIME
1545 Ah! trop cruel Arbate, à quoi m'exposez-vous?
Est-ce qu'on croit encor mon supplice trop doux?
Et le Roi, m*enviant une mort si soudaine,
Veut-il plus d'un trépas pour contenter sa haine?
Arbate
Vous l'allez voir paraître ; et j*ose m'assurer
1550 Que vous-même avec moi vous allez le pleiu^r.
MoNIME
Quoi? le Roi . . .
Arbate
Le Roi touche à son heure dernière,
Madame, et ne voit plus qu'un reste de lumière.
Je l'ai laissé sanglant, porté par des soldats ;
Et Xipharès en pleurs accompagne leurs pas.
1544. Racine «abandons history from hère on.
1547. m'enviant : hère, me refusant.
1548. plus d'un trépas is a bold thought — as if to die onoe
were not enough. Was it a Frenchman who said,. during the
Worid War of 1914-18 : ^* What a pity a man has only one life
to give for his country !"? Compare also the dying words of
Nathan Haie.
1554. leurs pas : thenu.
ACTE V, SCÈNE IV 125
MONIME
Xipharès ! Ah ! grands Dieux ! Je doute si je veille, 1665
Et n'ose qu'en tremblant en croire mon oreille.
Xipharès vit encor? Xipharès, que mes pleurs . . .
Arbate
Il vit chargé de gloire, accablé de douleurs.
De sa mort en ces lieux la nouvelle semée
Ne vous a pas vous seule et sans cause alarmée. i5ôO
Les Romains, qui partout Tappuyaient par des cris,
Ont par ce bruit fatal glacé tous les esprits.
Le Roi, trompé lui-même, en a versé des larmes ;
Et désormais certain du malheur de ses armes,
Par un rebelle fils de toutes parts pressa, 1666
Sans espoir de secours tout prêt d'être forcé.
Et voyant pour surcroît de douleur et de haine.
Parmi ses étendards porter Taigle romaine.
Il n'a plus aspiré qu'à s'ouvrir des chemins
Pour éviter l'affront de tomber dans leurs mains. 1570
D'abord il a tenté les atteintes mortelles
Des poisons que lui-même a crus les plus fidèles ;
Il les a trouvés tous sans force et sans vertu.
•
1561. Tappuyaient : appuyaient la nouvelle de la mort de
Xipharès.
1566. forcé : pris de force. Notice that it is prêt and not
près; and yet the résultant meaning is the same.
1569. des chemins : Labbé interpréta as des chemins vers la
mort,
1571. atteintes : coups.
1573. Cf. the légal phrase, doubtless hailing from Norman
Prench : "... it shall remain in full force and virtue." — vertu:
force, énergie^ propriété.
126 MITHRIDATE
« Vain secours, a-t-il dit, que j'ai trop combattu !
1576 Contre tous les poisons soigneux de me défendre,
J'ai perdu tout le fruit que j'en pouvais attendre.
Essayons maintenant des secours plus certains^
Et cherchons un trépas plus funeste aux Romains.»
Il parle ; et défiant leurs nombreuses cohortes,
1580 Du palais, à ces mots, il fait ouvrir les portes.
A Taspect de ce front dont la noble fureur
Tant de fois dans leurs rangs répandit la terreur, -
Vous les eussiez vus tous, retournant en arrière.
Laisser entre eux et nous une large carrière ;
1585 Et déjà quelques-uns couraient épouvantés
Jusque dans les vaisseaux qui les ont apportés.
Mais, le dirai-je! ô ciel ! rassurés par Pharnace,
Et la honte en leurs cœurs réveillant leur audace,
Ils reprennent courage, ils attaquent le Roi,
1590 Qu'un reste de soldats défendait avec moi.
^ Qui pourrait exprimer par quels faits incroyables.
Quels coups, accompagnés de regards effroyables.
Son bras, se signalant poiir la dernière fois,
A de ce grand héros terminé les exploits?
1595 Enfin las, et couvert de sang et de poussière,.
Il s'était fait de morts une noble barrière.
Un autre bataillon s'est avancé vers nous ;
Les Romains, pour le joindre, ont suspendu leurs coups.
Ils voulaient tous ensemble accabler Mithridate.
I57Q« il parle : This is not the only epic touch in this récital.
1588. An " ablative absolute."
1591. Labbé remarks : Faits a ici le sens de gestes dans Tex-
pression les chansons de gestes. Il signifie donc exploits ^ haïUs
faits f faits d'arnies.
1597. It is probably Xiphares who was approaching.
ACTE V, SCÈNE IV 127 '
Mais lui : « C'en est assez, m'a-t-il dit, cher Arbate ; " leoo
Le sang et la fureur m'emportent trop avant.
Ne livrons pas surtout Mithridate vivant.»
Aussitôt dans son sein il plonge son épée.
Mais la mort fuit encor sa grande âme trompée.
Ce héros dans mes bras est tombé tout sanglant, I605
Faible, et qui s'irritait contre un trépas si lent ;
Et se plaignant à moi de ce reste de vie.
Il soulevait encor sa main appesantie ;
Et marquant à mon bras la place de son cœur,
Semblait d'un coup plus sûr implorer la faveur. I610
Tandis que possédé de ma douleur extrême.
Je songe bien plutôt à me percer moi-même,
De grands cris ont soudain attiré mes regards.
J'ai vu, qui l'aurait cru? j'ai vu de toutes parts
Vaincus et renversés les Romains et Pharnace, I615
Fuyant vers leurs vaisseaux abandonner la place ;
Et le vainqueur vers nous s'avançant de plus près,
A mes yeux éperdus a montré Xipharès.
MONIMB
Juste ciel !
Arbate
Xipharès, toujours resté fidèle,
Et qu'au fort du combat ifne troupe rebelle, I620
1609. Appian relates an incident on which Racine improves
somewhat in making the appeal a mute one.
161 1. possédé : occupé totU entier de. .
1618. montré : The force of the statement dépends partly
on the plain active meaning of montré, which can hardly be kept
in an English version. — éperdus : troublés par V émotion.
1620. au fort : au milieu, au cœur même.
128 MITHRIDATE
Par ordre de son frère, avait enveloppé,
Mais qui d'entre leurs bras à la fin échappé,
Forçant les plus mutins, et regagnant le reste,
Heureux et plein de joie en ce moment funeste,
1625 A travers mille morts, ardent, victorieux,
S'était fait vers son père \m chemin glorieux.
Jugez de quelle horreur cette joie est suivie.
Son bras aux pieds du Roi Fallait jeter sans vie :
Mais on court, on s'oppose à son emportement.
1630 Le Roi m'a regardé dans ce triste moment,
Et m'a dit, d'une voix qu'il poussait avec peine :
« S'il en est temps encor, cours, et sauve la Reiùe.n
Ces mots m'ont fait trembler pour vous, pour Xipharès :
J'ai craint, j'ai soup)çonné quelques .ordres secrets.
1635 Tout lassé que j'étais, ma frayeur et mon zèle
M'ont donné pour courir une force nouvelle ;
Et malgré nos malheurs, je me tiens trop heureux
D'avoir paré le coup qui vous perdait tous deux.
MONIME
Ah ! que de tant d'horreurs justement étonnée',^
1640 Je plains de ce grand roi la triste destinée !
1623. regagnant : ramenant àda bonne cause, au parti du roi.
1624. en' ce moment funeste : Another cheville , as in line
1221 ; see also line 1630.
163 1. poussait is net a common expression in this connection.
1638. Too often long récitals are addressed to actors who hâve
no vital interest in the events. The présent case is idéal as to
the direct bearing of the recounted f acts upon the f ate of the chief
listener. — qui vous perdait : qui vous aurait perdus — as in
several previous cases of imperfect for compound of conditional.
ACTE V, SCÈNE V 129
Hélas ! et plût aux Dieux qu'à son sort inhumain
Moi-même j'eusse pu ne point prêter la main,
Et que simple témoin du malheur qui l'accable,
Je le pusse pleurer sans en être coupable !
Il vient. Quel nouveau trouble excite en mes esprits 1645
' Le sang du père, ô ciel ! et les larmes du fils !
SCENE V
MITHRIDATE, MONIME, XIPHARÈS, ARBATE,
ARCAS, Gardes, qui soutiennent Mithridate
MoNlME
Ah ! que vois-je, Seigneur, et quel sort est le vôtre !
Mithridate
Cessez et retenez vos larmes l'un et l'autre.
(En montrant Xipharès)
Mon sort de sa tendresse et de Votre amitié
Veut d'autres sentiments que ceux de la pitié ; leso
Et ma gloire, plutôt digne d'être admirée,
Ne doit point par des pleurs être déshonorée.
1641. îtiliitmaiii : cmel. ^
^ 1642. Labbé regards prêter la main as an inept expression.
He says ; Monime ne peut s'accuser d'avoir prêté la main à
la mort de Mithridate. Elle n'y a contribué que malgré elle,
par Tamour qu'elle a inspiré à Pharnace, amour qui lui a toujours
fait horreur. Prêter la main indique une compUcité volontaire,
qui n'existe pas ici.
1645. excite : The singular verb is not uncommon when
there is an enumeration of subjects. — esprits : The plural use
is poetic.
13Cr MITHRIDATE
J'ai vengé Tunivers autant que je Tai pu :
La mort djans ce projet m'a seule interrompu.
1656 Ennemi des Romains et de la tyrannie,
Je n'ai point de leur joug subi l'ignominie ;
Et j'ose me flatter qu'entre les noms fameux
Qu'une pareille haine a signalés contre eux,
Nul ne leur a plus fait acheter la victoire,
1660 Ni de jours malheureux plus rempli leur histoire.;
Le ciel n'a pas voulu qu'achevant mon dessein,
Rome en cendre me vît expirer dans son sein.
Mais au moins quelque joie en mourant me console :
J'expire environné d'ennemis que j'immole ;
1665 Dans leur sang odieux j'ai pu tremper mes mains,
Et mes derniers regards ont vu fuir les Romains.
A mon fils Xipharès je dois cette fortune :
Il épargne à ma mort leur présence importune.
, Que ne puis-je payer ce service important
1670 De tout ce que mon trône eut de plus éclatant !
Mais vous me tenez lieu d'empire, de couronne ;
Vous seule me restez : souffrez que je vous donne,
Madame ; et tous ces voeux que j'exigeais de vous,
Mon cœur pour Xipharès vous les demande tous.
1653. The simple yet s^lendid virility of this Une has few
parallels in literature. Let us remember that world is generally
an all-sufficient rendering of univers. Conceming Unes 1653 to
1668 Labbé says : Mais les seize vers qui suivent égalent tout
ce que l'épopée ou la tragédie ont produit de plus vigoureux.
1658. sigAalés : rendus illustrerai.
1660. The dies nef asti of the Roman calendar included tbose
on which great defeats had occurred.
1670. Cf. Une 10.
ACTE V, SCÈNE V 131
MONIME
Vivez, Seigneur, vivez, pour le bonheur du monde, 1675
Et pour sa liberté, qui sur vous seul se fonde ;
Vivez pour triompher d'un ennemi vaincu,
Pour venger . . .
MiTHRIDATB
C'en est fait, Madame, et j'ai vécu.
Mon fils, songez à vous. Gardez-vous dé prétendre
Que de tant d'ennemis vous puissiez vous défendre. 168O
Bientôt tous les Romains,, de leur honte irrités.
Viendront ici sur vous fondre de tous côtés.
Ne perdez point le temps que vous laisse leiu* fuite
A rendre à mon tombeau de§ soins dont je vous quitte.
Tant de Romains sans vie,, en cent Ueux dispersés, 1685
SuflBsent à ma cendre et l'honorent assez.
Cachez-leur pour un temps vos noms et votre vie.
Allez, réservez-vous . . .
XlPHARÈS
Moi, Seigneur, que je fuie?
Que Phamace impuni, les Romains triomphants,
N'éprouvent pas bientôt . . .
MiTHRIDATE
Non, je vous le défends. 1690
Tôt ou tard il faudra que Pharnace périsse.^
Fiez-vous aux Romains du soin de son suppUce.
1684. dont je vous quitte is old-fashîoned for dont je vous tiens
quittes.
1691. Phamaces was defeated by Csesar, who reported the
event in the celebrated despatch : Veni, vidi, vici, but the death
of Pharnaces came in a later battle.
APPENDIX
SOME VULNERABLE POINTS IN MITHRIDATE
It bas been said that every truly great work bas the power
to inake us forget ail else while we are pa3ring attention to it.
Tested on this basis, MithrideUe is, in a few not imimportant
détails, vulnérable — in the eyes of a Frenchman who knows
bis classics. And we may perhaps find, in the observation of
thèse points, a tangible reason why the play is not universally
ranked among the greatest of French tragédies.
In the tragedy of Phèdre, the father's unexpected retum, after
there is reason to be jealous of his son, makes a parallel with
the situation in Mithridate. The Hippolyte of Phèdre and
Xipharès are similar characters, and Hippolyte, certainly some-
what superior as a dramatic création, is made unique as a dramatic
figure by — the récit de Théramène, which every schoolboy in
France knows by heart. Thus Xipharès cannot quite make us
forget Hippolyte.
The sixth scène of the second act ,of Mithridate bas some
parallehsms with the fourth scène of the second act of Comeille's
Polyeucte. The Corneille scène is superb both in novelty and
in poignancy. Racine makes us remember it rather than for-
get it.
The brutal demand of Mithridate that Monime accompany
him to the altar cannot fail to bring to mind the richly motivated
demand of Pyrrhus upon Andromaque in Racine 's earUest mas-
terpieqe; and Andromaque offers the unforgettable personality
of Hermione.
Monime's défiance of Mithridate, splendid as it is, can never
whoUy blot from the memory that wonderful scène in which
Junie braves Néron in Britannicus.
If we add to thèse things the fact that the quasi-melodramatic
ending clouds the purity of the tragic essence of Mithridate,
135
136 APPENDIX
we hâve probably ennmerated ail its weaknesses that claim
notice. At various points in the notes we bave called attention
to some of tbe features which give it exalted rank as a dramatic
masterpiece. Even granting that there are vital points of supe-
riority in a few other tragédies, there still remains the possibiUty
of argmng that Miihridate is uniquely great in as many respects
as any play in the French classic repertory.
VOCABULARY
/'
SOME OF THE ,PROPER NOUNS AND ADJECTIVES
USED IN THE PLAY, WITH THEIR ORDINARY
ENGLISH EQUIVALENTS
Annibal
=Hannibal
lonie
»Ionia
Arbate
=Arbates
Mithridate
— Mithridates
Arcas
= Arcas
Monime
= Monime or Monima
Bosphore
«Bosporus
Nymphéa
«Njrmphœa
Capitole
«Capitol
Paiinonien
=Pannonian
Chersonèsc
)=Chersonesu8
Parthe
= Parthian
[pr. kèr-siMièz] ^
Phœdinie
«PhflRdime or Phanlima
Cimmérien
«Cimmerian
Phamace
«Phamaces
Colchide
=ColohiR«
Phase
«Phasis* (River)
Cyrus
= Cyrus
Pompée
=Pompey
Daces
= Dacians
Pont
=Pontus
éphèse
«Ephesus
Sarmate
=Sarmatian
Espagne
=Spain
Scythe
=Scythian
Euphrate
=Euphrates
Spartacus
== Spartacus
Eiudn
sEuxine
Taurique
=Tauric
[pr. euh^n (nasal) ] ^
Xipharès
= Xipharès
Gaulois
=Gaiil(s)
The pronunciation of every French word but two in the list
foUows the regular rules, except that a final s in the name of a
peraon is sharply soimded. As to the pronunciation of the English
forms, the instructor will perhaps hâve a préférence as to the
use of the English or the Continental pronimciation of the names
which hâve not been thoroughly anglicized by gênerai use. If
an English pronimciation is adopted, probably the latinized f orms
Monima and Phœdima will be preferred, as the long e, parallel
with the Greek 17, makes a not exactly euphonious ending.
* In interpreting the indications of pronunciation, apply French, not Einglish,
rules as to individual letters. Thus the eu of Euxin has the sonnd of eu in eux,
* The Modem Mingrelia, at the extrême eastem tip of the Black Sea.
> The modem Rion, which rises in the Caucaaus and empties into the Blaok
Sea.
138
VOCABULARY
(PRÉFACE, TEXT, AND NOTES)
à to, at, in, by, for, f rom, of
abaisser to humble, bring down,
lower
abandonner ta abandon, for-
sake, giv# up; s' — to give
oneself Vp, yield
abime m* abyss
aborder to approach, accost,
address, land
abfiger to abridge, shorten, eut
off, eut short
absent absent
abuser to doceiye, delude; —
de to take (unfaii) advantage
of
accabler to overwhebn, erush,
overpower, affliet
accent m. aecent
accepter to aceept
accompagner to aceompany, go
with
accomplir to aceomplish, fulfil
accomplissement m. aeeom-
plishment
accord m. accord, agreement,
concord, keeping; d' — in
agreement, agreed
accordé affianced
accorder to accord, grant, af
fiance; s' — to exist in
harmony, be friendly or in
agreement, hâve an under-
standing
accoutumé aceustomed
accroître to increase; s' — to
grow (in size or number)
accuser to accuse, give definite
outline to
acheter to buy, purchase
achever to finish, complète,
hâve done with
acquérir to acquire, gain
acquitter to acquit, fulfil ; s^en
— to fulfil an obligation
action /. action {See note to
l. 35 of Pr^ace)
activité/, activity
adieu f arewell
admirable admirable
admirateur m. admirer
admirer to admire, wonder at
adorer to adore
adresse /. skiU, clevemess, ad-
dress, adroitness
adresser to address, direct;
s' — à to tum to, apply to,
communicate with
adroit élever, skilful, adroit
139
140
VOCABULARY
advenir to happen
s'affaiblir to become weaker,
weaken, lessen
affaire /. business, enterprise;
faire son — de to take
charge of
affamé de eager for, hungry for,
thirsting for
affecter to affect, show osten-
tatiously, appear to hâve
affermir to strengthen, make
firm ; s' — to become stronger
or firmer
affliction/, affliction, wo^
affliger to afflict, distress, make
sorrowful
affreux frightful, terrifying,
atrocious, awful
affront m. affront, insuit
affronter to affront, face, defy
ftge m. âge
agréable agreeable, pleasing,
full of grâce or grâces
ah ! oh !
aider to aid, assist
aïeul m. {}, aïeule ; yl. aïeux)
ancestor, forefather
aigle m. eagle
ailleurs elsewhere; d' — be-
sides, moreover
aimable amiable, worthy of
being loved
aimer to love, care for, be glad
ainsi thus, so, like this; —
que as well as
airain m. bronze
aisé easy, ready
ajouter to add
alarme /. alarm, trouble, di»-
turbance, uprising ; also
plural restlessness, anxiety
alarmer to alarm
alentour around, about
aller to go; il y va de . . .,
. . . is at stake, . . . is in
the balance; s'en — to go
away, go, be going
alliance/, alliance
allié ally
allier to ally
allumer to kindle, light, arouse,
stir up, cause
alors then
altéré de eager for, thirsty for
amant m. lover, suitor
ambassadeur m. ambassador
ambition/, ambition
àmef. soûl, mind, heart
amener to bring in, on, hither,
thither ; to bring, lead in
ami m. friend
amitié /. affection, fondness,
love, friendship (See 347)
amour m. (pi. also /.) love, affec-
tion, passion
amoureux (/. -euse) in love
(.See 1034)
amplement fully, in détail
an m. year
analyse/, analysis
animer to inspire, animate, ex-
cite, make eager
année/, year
annoncer to announce, proclaim
VOCABUIARY
141
to api)ea8e, make
fnendly^ soothe, calm (See
905)
apercevoir {modem s'apercevoir
de) to peroeive
appareil m. display, préparation,
equipment, fumishings {See
954)
apparence/, appearanoe, reason-
ableness {See 875)
appas m. pi. channs
appeler to call, appeal, summon
appesantir to make heavy, make
dull, impair
apporter to bnng
apprendre to leam, teach, in-
fonn, tell, let know
apprêter to prépare, make
ready; s' — to be prepared,
be made ready, be in course
of préparation
apprêts m. pi. préparations
apprivoiser to tame
approcher to bring near, move
near, be like, resemble
approuver to approve
apptd m. support, prop, protec-
tion, protector, aid
appuyer to support, assist, lay
stress upon, emphasize
après after, second to, after-
wards; d' — according tp;
— que after
ardent ardent, fiery, fervid,
fervent, eager, earnest, vé-
hément, violent, intense,
vivid, sanguine, spirited
ardeur /. ardor, fire, fervor,
eai^emess, véhémence, spiiit,
leal, courage, k>ve, passion
arme m. arm, weapon
armée/, army
armer to arm, equip
arracher (à) to pluck out or
away, tear out or away,
wrest, wring, extort, rescue,
snatch
arrêt m. decree, judgment,
sentence, décision
arrêter to stop, stay, delay,
obstruct, prevent, decree,
décide ; s' — à to confine one-
self to, stop at
arrière : en — backward
arriver to arrive, take place,
happen
art m. art
artifice m. artifice, craft, deoeit,
trickery, cunning, guile
Asie/. Asia
asile m. asylum, refuge, shelter,
home, retreat
aspect m. aspect, sight, view
aspirer to long, yearn, aim
assassin m. murderer, assassin
assassiner to assassinate; to
worry, plague
assaut m. assault, storm, shock,
attack, onset, struggle
assembler to assemble, gather
asservir to subject, subdue,
master, hold in subjection
assez enough, sufficiently,
rather, very, well enough
142
VOCABULARY
assiéger to besiege, beset
assis (Jrom asseoir) seated,
confirmed, settled
assuré assured, steady, firm,
certain, secure, confident,
bold, confirmed, guaranteed,
sure {See 163)
assurer, to make certain, make
confident, assure, make sure,
insure, fortify, strengthen ;
s' — to assure oneself, make
sure, beUeve with oertainty,
maintain; s' — sur to rely
upon, count upon
astre m. star, fate, fortime
attacher to attach, join; to
fasten, tie, bind, absorb,
attract, fix, make fond of;
s' — to apply oneself, en-
deavor
attaquer to attack, assault
atteinte/, attack, injury, hann,
effect
attendre to wait, wait for,
await, delay, expect, look
for; s* — à (ce que) to ex-
pect, be prepared for (See
26)
attendrir to affect, move
attentat m. attack, crime, mis-
deed, outrage
attente/, hope, expectation
attenter à to make an attempt
upon, attack
attention/, attention
attester to attest, call upon,
call to witness
attirer to attract, draw, bring
down, win over, entice, excite
attrait m. charm, attraction,
attractiveness
aucun no, none, any; ne . . .
— , — . . . ne . . . no, none
audace /. boldness, audadty,
daring
audacieux au^acious, bold, dar-
ing
au-dessous de below, inferior
to, beneath
au-dessus de above, superior
to ; élevé — far above
augmenter to augment, in-
crease, heighten; s' — to
increase, grow
aujourd'hui today, now .
auprès de beside, compared
with, with
aurore/, dawn, east
auspice m. augury, foreboding ;
prophet; pi, auspices
aussi also, as, so, thus, therefore
aussitôt inmiediately, there-
upon, directly
autant as much, so much, so
many, as many; d' — plus
so much the more, ail the
more so
autel m. altar, temple, sacred
place
auteur m. author, source, cause,
Creator
autoriser to strengthen, give
authority to, warrant, sanc-
tion
VX:iîSL~"~.\ST
î*3^
jinumcL jCiiss
: Iii^àl— ^c
s — ÎO
gain, siqKiîonty
crée with, akngvîth
avenir to happen, resoh
avenir m. future
aveu avowal, oonfessioii, al-
legianœ
aveus^e blind; en — blindly,
like a blind man
aveus^er to blind, daule
avide (de) eager (for)
avidement eagerly
avis m. waming, news, oounsel,
opinion
s^aviser to hâve an idea, hâve
it occur to one
avoir to hâve; — beau . . .
to . . . in vain ; il y a there
is, there are ; ago
avouer to admit, confess, ac-
knowledge
B
baigner to bathe, drench, welter
balancer to waver, hesitate,
runpMf
bass es s » /^ K>>^UiMxïis^ hui^ut^^
bataille/, biittli^
bataillon m. hAtta)h\i\
beau, bel (/. baUt) l>«^^utif\il^
fine, noMo ; a^rt^ . . . h^
... in \*)ùn
beaucoup muoh, n\M\Y
beauté /, iHHmiy
besoin m. ntHni, t>xi)xt^)u\v, mum"»
gency; avoir dt U\ nt^otti
hâve n(H>d of
bien woU, very, vory imiohi
vory groai, far, cl^^wrly,
suroly, at loaNi, iiultnul, \WV'
haps, «von, iiIho ; hé wt^ll ;
ou — or oIhc
bien m. good, ihing, poHNtiNMiotii
bleflfling, irciMiirn, propnrty
bienfait m. kitMlnciNn, fnvur, gift<
bientôt Hoon, at otum
bizarre odd, Hirangn, pmHiliac,
capriciou»
144
VOCABULARY
blanc (/. blanche) white
bon good, virtuous, goodly
bonheur m. happiness
bonnet m. cap
bonté /. favor, kindness, good-
ness, merit
bord m. shore, strand, border
borner to restrict, restrain, con-
fine
bouche/, mouth, lips
bout m. end, extremity ; pousser
à — to drive to extremities
bras m. arm
braver to brave, defy
brigand m. brigand
briller to shine, sparkle, flash
bruit m. report, renown, famé,
noise, stir, sensation
brûler to bum, consume, glow,
be on fire, be ardently in love
cacher to conceal, hide; se —
to prétend, dissimulate, deny,
conceal
cadeau m. gift
calmer to calm, quiet, still
camp m. camp, army
campagne /. country, région,
field
capable capable
capitaine m. captain
captif m. (/. captive) captive
car for, because
caractère m. character
caresser to caress, fondle, fawn
upon, make much of
carrière /. career, scope, free
space
casque m. helmet
Caucase m. Caucasus
cause /. cause ; à — de because
of
causer to cause
ce this, that, it, he, she, thèse,
those, they; — qui, — que
that which, what, which
céder to 3âeld, give up, give in,
grant, resign, give way
cela that, this, it
celer to conceal, hide
céleste celestial, divine
celui (/. celle) that, the one,
he, she ; ci this one, the
latter; ;là that one, the
former; ceux (/. celles)
those, etc.
cendre m. ashes, inemory (of a
deceased person)
cent hundred, a himdred
cependant however, yet, still,
nevertheless, meanwhile
certain certain, assured, sure
cesser to cease, stop
chacun each, each one, everyone
changer to change; — de
face to change, take on a new
aspect
chapeau m. hat
char m. chariot
charger to charge, biu*den, load,
conmiission, instruct; se —
de to take upon oneself,
undertake
VOCABULARY
145
charme m. cbarm, spell, en-
chantment
chasser to drive away, hunt
chaud warm
chef m. chief
chef-d'œuvre m. masterpiece
chemin m. way, road (de to)
(SeeGO)
cher dear, precious
chercher to seek, look for, seek
out, try
chérir to chensh, love
cheveu m. haïr
cheville /. plug, pin
chez at the house of, in, among,
with, in the land of
choc m. clash, shock
choisir to choose, sélect
choix m. choice, sélection, will
chose /. thing, matter ; Quelque
— something ; quelque — de
grand something great
chute/, fall, downfall, failure
ciel (pi. cieux) m. heaven, sky,
gods
citer to cite, quote from, name
climat m. climate, région
cœur m. heart, courage
cohorte/, cohort, troop, band
coin tn. corner, nook
col, cou m. neck
colère /. wrath, ire, rage, anger
combat m. combat, fight, battle
combattre to combat, fight
against, oppose, contest
combien (de) how much, how
many
comble m. top, height, smnmit,
acme, climax, consummation
commandement m. command
commander to order, command,
bid, enjoin upon, control
comme as, as it were, as well
as, how
commencer to commence, begin
comment how
commun common, ordinary,
well-known, mutual
compagnie /. company, com-
-panionship
compagnon m. companion,
friend, fellow
complaire to please, gratify,
humor
complaisance /. complaisance,
goodness, kindness, conde-
scension, courtesy, com-
pliance
compléter to complète, fill out
the détails of
complice m. /. accomplioe, con-
federate
complicité/, complicity
complot' m. plot, plotting, con-
spiracy
comprendre to understand, com-
prehend, comprise, take in
compte m. account, reckpning;
se rendre — to grasp, under-
staiid
conception/, conception
concevoir to conceive, imagine,
think, feel, understand, com-
prehend
146
VOCABULARY
condamner to condemn, dis-
approve, censure, blâme, pro-
nounce the doom of
condition/, condition
conduire to conduct, guide,
lead, take, bringj convey
conduite /. care, charge, direc-
tion, disposition, arrange-
ment, plan
confesser to confess, avow
confiance/, confidence
confiant confiding
confident m. (/. confidente) con-
fidant
confier to confide, trust, entrust
confirmer to confirm, strengthen,
ratify, sanction, prove
confondre to confound, blend,
make a confusion of , mingle,
mix, overpower, amaze,
abash, perplex, confuse
se conformer à to conform to,
follow
confusion /. embarrassment,
mortification, confusion
conjugal conjugal
conjuré conspiring, leagued,
inimical, sworn ; as noun m.
conspirator
conjurer to conspire, beseech
connaissance /. knowledge, ac-
quaintance ; pi. acquire-
ments, accomplishments
connaître ' to know, be ac-
quainted with, recognize
conquérant m. conqueror
conquête/, conquest
consacrer to consecrate, dedi-
cate, appropriate
consentir to consent, approve
conserver to préserve, save
considérable worthy of con-
sidération, important
considération /. considération,
respect
consoler to console
conspirer to conspire, plot,
concur
constance /. constancy, fideUty
constituer to constitute
content content, happy, satis-
fied (See20)
contentement m. pleasure,
happiness, gratification
contenter to satisfy, content^
please
conter to relate, recount
continuellement continuaUy
continuer to continue
contraindre to constrain, force,
hold in restreint, restrain
contrainte /. constraint, com-
pulsion, forcedness, restraint
contraire contrary, opposed,
différent ; au — on the con-
trary
contre against, opposed to
contrée/, country, land, région,
district
contribuer to contribute
convaincre to convince, con-
vict, win over
convenir to befit, be fitting
corps m. body ,
VOCABULARY
147
cortège m. procession, parade
côté m. side, direction; du —
de toward; de tous les -—rs
in every direction
couchant m, evening, west
coucher to lay, couch ; couché
lying
couler to flow, be shed
coup m. blow, stroke, thrust,
deed, trick, act, accident,
time ; tout à — suddenly
coupable guilty, criminal
cour /. court; faire la — to
pay court
courage m. courage, heart,
man, person, self (See 33
and 259)
courir to run, hasten, go about
couronne/, crown
couronner to crown
courroux m. anger, wrath, ire,
rage, fury, indignation
cours m. course, récital
course /. course, joumey, er-
rand, incursion
coûter to cost
coutume/, custom, habit
couvert covered, covert, con-
cealed ; à — secure, safe
couvrir to cover
cracher to spit
craindre to fear, be afraid,
dread
crainte /. fear, dread
craintif timid, fearful
crflne m. cranium
crédit m. influence, réputation.
esteem, standing, crédit,
credence
cri m. cry, outcry
crime m. crime
criminel m. criminal
croire to beliéve, think, expect,
take the advice of ; en — à
to take the word of
croître to grow, increase
cruauté/, cruelty, harshness
daigner to deign, grant, conde-
scend
dame/, lady
danger m. danger
dangereux dangerous
dans in, into, to, at (See 15)
Danube m. the Danube (River)
dard m. dart, spear, arrow
de of, from, to, by, with, for,
in, than, some, any
se déborder to overflow, over-
run, pour forth, break out
débris m. (generaUy pi.) ruins,
remuants
début m. beginning
déceler to reveal, betray, be
f aise to
déchirer to tear, rend, mangle,
mutilate, torture, harrow,
tear in pièces (See 1458)
décider to décide, persuade, con-
vince; se — to résolve, décide
déclarer to déclare, proclaim,
reveal; se — to make a
déclaration, take sides
148
VOCABULARY
découvrir to uncover, disclose,
reveal, discover
décrire to describè
dédain m. disdain, scom, dis-
regard
défaillance/, weakening
défaite /. defeat, disaster, rout,
overthrow, destruction
défendre to défend, forbid; se
— , to resist, draw back
défenseur m. defender, advo-
cate, counsel
défiance /. distrust, suspicion,
jealousy, caution
défier to defy, brave, challenge ;
se — de to distrust, suspect
dégoût m. disgust
déguisement m. disguise, de-
ceit, concealment
déguiser to disguise, deceive,
conceal
déjà already
delà: au — de beyond, in
excess of
délaisser to forsake, désert,
abandon
délivrer to deliver, free, rescue,
release
demain tomorrow
demander to ask for, demand
démentir to contradict, belie,
disown, deny, baffle, annul
demeurer to remain, réside,
live, be
demi : à — half , by halves
démon m. démon, devil, fiend
dénier to refuse
dénoncer to denounce, accuse
openly, name as culprit
départ m. departiu-e
dépendre to be dépendent upon,
be subject to, be controlled by
dépens : aux — de at the ex-
pense of, giving up, renounc-
ing
déplaire to displease, offend
déplaisance /. unhappiness, dis-
gust with Uf e
déplorable déplorable, lament-
able, sad
déposer to. set down
dépouiller to despoil, rob, plun-
der, deprive
depuis since; — quel temps
howlong; — que since (See
75)
dernier last
dérober to steal, divest, pro-
tect, shelter, shield, conceal
dès from, even from, from the
very, at the very
désarmer to disarm, appease
désavouer to disavow, disown,
repudiate
descendre to descend, corne or
go down, enter, make a
descent
désert m. désert, waste place
déserter to désert, leave
désespoir m. despair
déshonorant insulting, humiliat-
ing
déshonorer to dishonor
désir m. désire
VOCABULARY
149
désirer to désire, wish
désolé desolate, disconsolate,
distressed, grieved
désordre m. disorder, perturba-
tion, agitation
désormais henoeforth, hereafter
dessein m. plan, design, purpose
dessous below
dessus above ; la thereupon,
then ; par above, beyond
destin m. destiny, fate, lot,
doom, career, course, life
destinée /. destiny, fate
destiner to destine, doom, in-
tend, design, appoint, assign,
reserve, prépare, dévote
détail m. détail
se déterminer to décide, make
a décision
détour m. évasion, subterfuge,
trick, tum
détourner to divert, deter, dis-
suade
détruire to destroy, strike down,
demolish, overthrow
deux two ; tous — both
devancer to précède, anticipate,
forestall
devant before, in the sight of ;
— que before
devenir to become, be, prove;
ce qu'il devient what becomes
of him
devers toward
deviner to guess at, divine
devoir m. duty, obligation, re-
spect
devoir to o^e, be due, be des-
tined to, belong, cdso various
renderings vnth must, ought,
should
dévorer to devour, consume
dévoué devoted, faithful
dévouer to dévote, sacrifice
diadème m. diadem
dicter to dictate
dies nefasti {Latin m. pZ.) evil
dajrs, days of suspended civic
life
dieu m. god
différence/, différence
différent différent
différer to postpone, delay, put
off
difficile difficult, hard to please
digne worthy, dignified, deserv-
ing
diminuer to diminish, lessen
dire to say, tell, mean ; vouloir
' — to mean; on le dit it is
said, they say
discours m. what one says,
words
disgrâce /. defeat, misfortune,
reverse, affliction
disparaître to disappear
disperser to disperse, scatter
disposé disposed, ready, willing,
arranged in proper disposition
disposer de to hâve at com-
mand, shape, control
dissimuler to dissemble, con-
ceal, feign not to notice,
pass over (See 94)
150
VOCABULARY
distance/. cUëtance
distinguer to distinguish, sepa-
rate
distraction /. inadvertence,
absent-mindedness
divers différent
division /. disagreement, dis-
pute, quarrel, division
dix ten
domestique domestic
dompter to conquer, overcome,
subdue
don m. gift, présent
donc then, theref ore, pray , please
donner to give, fumish
dont whose, from which, with
which, in which
douceur /. gentleness, modéra-
tion
douleur/, grief, sorrow
doute m. doubt; sans — cer-
tainly, indeed, probably
douter to doubt, hâve doubt,
question
douteux doubtf ul
doux (/. douce) pleasing, agree-
able, welcome, sweet, gentle
douze twelve
dramatique dramatic
drapeau m. flag, banner, stand-
ard
droit m. right, claim
dur hard, harsh, difBcult
durable durable, lasting
durant during
durer to last
dureté /. harshneas
E
eau/, water
éblouir to dazzle, daze, confuse,
charm
ébranler to shake, disturb,
imsettle, agitate, move
écarter to put aside, drive
away, dismiss, get rid of,
divert, exclude; s' — to
go aside, diverge, départ
échapper to escape, make one^s
escape, get away; s* — to
escape
éclaircir to lighten up, en-
light^n, inform, brighten, ex-
plain, clear up, clear away
éclat m, outburst, ^plendor,
glory, Ught, flash, glitter
éclatant brilliant, dazzling, vivid
éclater to burst forth, break
out, speak plainly, become
évident, shine forth, be re-
vealed, be illustrious, appear,
be displayed, corne to Mfjbt,
show; faire — to disclose,
discover
écouter to halen, listen to
s'écrier to exclaim
écrivain m. writer
effacer to efface, blot out,
obliterate, forget, remove,
outshine, éclipse
effet m. effect, resuit, réalisation,
carrying out; en — indeed,
really, in fact, to be sure
s'efforcer to make efforts, strive,
exert oneself
VOCABOART
KM
■t. £i|g|il, Icnor,
êgÊÏ eqn&l, aîmilu-; — à tfae
égaler to eqoal, be od a par
with
^^■rd m. regard, cs fa s c m
égarer to lead astray; s' — to
lose one's way, wander
égayer to make amusing, make
gay, piovoke to langht>ftr
s'élancer to rush, i^unge, launch
oneself
élevé elevated, lofty, subliine
élever to raiae, exalt, elevate,
erect, rear, bring up, nur-
ture ; s' — to ariae, rise
elle she, it ; ^même heraelf,
itself
éloigné apart, far
éloigner to remove, banish, put
far (from)
éloquence/, éloquence
embraser to enkindle, inflame,
set on fire
embrassement m. embraoe, kiss
embrasser to embraoe, take in,
encompass, include, take up
émotion /. émotion
émouvoir to move, touch, stir
up, arouse; s' — to be
aroused, be moved
empêcher to prevent, impede
■
I
. empoisonaer lo pobon, <MM^
I nipl> envmoiu
e mp ot t emeat ai. outbursi^ p«i»»
sion, frenty, vkileiife^ wiMK
ness, transport
emporter to canry awxy, re«
move, transport, b^ar away»
sweep away, tum, niaste^r,
take possession of; t' — to
beoome angry; V — to pro-
vail, wtn, be master
empressé eager, sealoua, ardent
empressement m. eagernesa»
aeal, ardor
emprunter to borrow, take from
en prep. in, into, by, whilo,
on, as a, like a
en pron, of it, of them, from it,
from them, eic,; by it, by
him, etc, ; some, any, in the
matter, therefor, thereby
enchainer to enohain, f et ter,
shackle, bind, connoct closely
encore still, more, again, too,
then, yet; — un coup onoe
more, yet again
endroit m. place, passage
énergie /. enorgy
enfance/, childhood, infanoy
enfant m. /. child
152
VOCABULARY
enfermer to lock up; s' — to
be shut up, be locked up,
withdraw, seclude oneself
enfin finally, at last, then, after
ail, in a word, in short, at ail
events
enflammé on fire, glowing,
f ervid, fervent
ennemi m. enemy; as adjec-
tive inimical, unfriendly
ennui m. sadness, grief, suffer-
ing, vexation, distress, sorrow,
woe, trouble (See 41 and
175)
ennuyer to weary, bore
énorme enormous
enrichir to enrich
ensemble together
ensevelir to bury, plunge, ab-
sorb
ensuite afterward, then
entendre to hear, understand,
see the significance of , listen
to; faire — to give to
understand, let know . (See
295)
entier entire, whole; tout —
entire, entirely, altogether
entrailles/, pi. entrails; feeling
entraîner to çarry away, impel,
captivate, lead away, allure
entre between, among, into
entre-coupé interrupted
entrée/, entrance, admittance
entreprendre to undertake
entreprise /. enterprise, under-
taking
entrer to enter, corne, go or
come into
entretenir to sustain, préserve;
s' — to hold converse, talk
together
entretien m. interview, dis-
course, talk, conversation,
subject of conversation, main-
tenance, support
envelopper to envelop, sur-
round, hem in, enclose
envers toward, over against
envier to envy, covet, grudge,
wish for " (See 1547)
envieux envions
environner to sm-round
envoyer to send, address
épargner to spare, hâve con-
sidération for
épée/. sword
éperdu distracted, bewildered,
dismayed, desperate, dis-
traught
épopée /. epic poem, epic
poetry
épouser to marry, wed, espouse
épouvanter to terrify, frighten,
horrify
époux m. husband
épreuve /, test, proof , trial
épris captivated, fascinated,
smitten, enamored
éprouver to test, try, undergo,
leam (by expérience) ^ ex-
périence
errant wandering, rambling,
without purpose
VOCABULâRY
153
esdaTe ot. /. slave ; as
tite slavîsh, servfle, ^oo-
tspérmMMcef. hape, expectatâon
e^érer tohope
e^oir m. hope
e^rit m. mîml, attentioii, ^writ.
intdligenœ, wit, aaœs (See
1645)
essayer to tiy, attoiipt; s* —
to try aoé's ddll, put one's
strength to the.test
essayer to undeiigp, expensace,
enoounto*, put up wîth, en-
dure, dry, wipe away
estime /. esteem, ocHisideration
et and; — ... — • • -i both
. . . and . . .
et tu. Brute ! (Latin) thou too,
Brutus!
étaler to display
étancher to stanch, stop, quench
état m. state, condition, case,
way; en — de able, in a
position to
État m. state, country, lealm
s'éteindre to be extinguished,
die out, become extinct
étendard m. standard, flag,
banner
étemel etemal, everlasting, un-
ceasing
étonner to astonish, daiint,
confuse, frighten, startle,
stun
to suffocaite,
extinguish,
put an end to
é ti aggc t forcMsn; os
être to be ; — à to bekmg to ;
c'est-è-dire that is; il est
tbeie is, th»e are
Europe/. Eun^pe
éTeOlcr to avaken, aroose
éTénement m. e^mt, oecur-
rmce, issue, &kd, lesuh, oom-
I^ticHi, outoome
é^denmient (pnmounce tke
siflable dem as da, uUkovi
nasaUty) evidently, deariy,
with deamess
é^dence/. évidence
éviter to avoid, shun, évade,
élude, escape
exact exact
examiner to examine, scruti-
nixe
exciter to excite, incite, uige,
inspirit, arouse, stimulate,
cause, provoke
excusiè/. excuse
excuser to excuse, forgive;
s' — to exculpate oneself,
throw the blâme, etc.
exécuter to exécute, carry into
effect
exécution /. exécution
exemple m. example
exiger to exact, demand, re-
quire
exister to exîst
154
VOCABULARY
expier to expiate, atone for,
pay the penalty of
expirer to expire, die, die out,
run out
expliquer to explain, account
for; s' — to explain one's
• intentions, speak out clearly
exploit exploit, deed of valor,
feat
explosion /. explosion
exposer to expose, lay before;
s* — to expose oneself
expression /. expression
exprimer to express
extrême extrême, great, exces-
sive, utmost (See 55)
extrémité /. extremity, last re-
sort
fable /. fiction, untruth, fable,
story, taie, plot, talk, laugh-
ing-stock
fftcher to anger, irritate
facile easy
facilement with ease, easily
facilités /. pL helps, aids (See
Pr^ace 28)
façon fashion, way
faible weak, little, slight
faiblesse /. weakness, foible,
failing
faire to make, do, let, cause,
hâve, create, form, act, ac-
complish^ show, play (a part) ;
se — to make (for) oneself,
be; — croire to persuade,
prétend, give; se — jour
to see hght, break through,
find a way ; c'en est fait it is
ail over, 'tis done
fait m. fact, deed; tout à —
altogether, completely, per^
fectlv
faix m. biu-den, weight, load
falloir to be necessary, be essen-
tial; various renderings with
must, hâve to, be obliged to,
need
famille /. f amily
fardeau m. biu-den, charge, en-
cumbrance
farouche wild, stem, intract-
able, unbending, savage,
severe, fierce, timid
fatal fatal, fateful, ominous,
unfortunate, unlucky, sub-
ject to fate
fatigue /. fatigue
fauteuil m. armchair
faux (/. fausse) false
faux-fuyant m. shift, évasion
faveur /. favor, good fortune,
behalf
favorable favorable, happy
favoriser to favor, be favorable
to
feindre to feign, dissemble, pré-
tend
feinte /. feint, pretence, sham,
dissimulation
félicité /. happiness, felicily
féminin féminine
femme /. woman, wife
TOCABCLàBT
ISS
fctmerto
fers ai. pL
nwR on^ font*
fetlas. flétrir to blîslht^ vitlnr
capthrîty, bond?
fertile, fertile, frmftful
f eit ai. fire, love, affedmi.
iwl n, wsve»
flottiBt: floftln^
dUo Mùk ' wm^enng
piwral
fidèle faîtIifDl, eouBUnt; as
noun fahhfiil oœ
fidélité/, fiddity, constançy
fier Cf. fière) {Moiid, fasuglity,
hi^b-spîrited, bcdd, deter-
mined, intr^nd
se fier à to trust, hâve oqd-
fidenoe in
figuré figurative
se figurer to imagine, fancy,
suppose, picture to oneself
fille/, dau^ter, girl
fils m. son
fin fine, refined
fin /. end; à la — at last,
finally
finesse/, clevemess, adroitness,
subtlety, keenness, cunning
finir to finish, end, bring to an
end
flamme /. flame, love, affection,
passion, torch
flatter to flatter, delight, soothe,
delude, charm, beguile, hold
out hopes; se — to pride
oneself, congratulate oneself
fléchir to bend, subdue, move,
finx et t^Êba m. ebb and flow
foi/, faith, love, vow, promise,
honor, faithfulness» rdia-^
bility, tnith, nwl (Sfit 109
and 181)
fois /. time; deux — twke;
à la — at tbe same lime
fond m. depth, essnice, botiom»
background
fonder to f ound, base
fondre to melt, f ail away, faU»
pounce, rush, descend
force /. force, power
forcer to force, break into, <a^
tuie, oompd, oblige
forme/, form
fort m. height, dimax, fort
fort strong, very
fortune /. fortune, sucœss,
happiness
fou, fol (/. folle) foolish, insane
foule/, crowd, mob, multitude,
host
fournir to f umish
foyer m. hearth, home
français French
frapper to strike, smitOi. im«
press, afflict
fratricide f ratricidal
156
VOCABULARY
frayeur/, terror, frîght
frêle frail, weak, inconâiderable
frémir to shudder, quiver,
tremble
frère m, brother
froid cold, cool, iinfriendiy, un-
impassioned, indiffèrent
front m. forehead, brow, counte-
nancei daring, self-justifîca-
tien
fruit m. fruit, reward, benefit,
resuit
fuir to flee, désert, évade, avoid,
leave
fuite/, flight, subterfuge
fumer to smoke, reek
funeste fatal, baneful, blight-
ing, disastrous, melancholy,
sad, hopeless, tragic
fureur /. fury, rage, passion,
madness
furie /. fury, mad rage
furieux furious, raging, in a
fury
gage m. pledge, sign, token,
mark, proof, promise, as-
surance, security
gagner to gain, win, obtain,
win over, attain to, overtake,
take possession of
galanterie /. gallantry, affected
politeness
garant m. guaranty, authority,
proof
garde/, guard
garder to guard, protect, dé-
fend, watch over, keep, pré-
serve, maintain, reserve ;
se — de to take care not to,
beware of
garnison/, garrison
gauche left
gémir to sigh, groan, moan,
lament, repine
gendre m. son-in-law
généreux magnanimous, noble,
generous, great-hearted
génie m. genius
genou m. knee
Germanie /. Germany
gigantesque gigantic
glacer to freeze, ehill, paralyze,
dampen the ardor of
gladiateur m. gladiator
gloire /. glory, career, réputa-
tion, famé, pride, name, self-
respect
glorieux proud, blest, blessed,
rejoicing, glorious
gorge/, throajb
goûter to enjoy, hâve delight
in, taste, expérience
gouverneur m. govemor, tutor,
preceptor
grftce /. pardon, favor, indul-
gence, forgiveness, mercy,
thanks be; rendre — s to
give thanks; de — pray,
I beg you
grand great
graver to engrave, carve, im-
press, eut, stamp
157
vint koiiMw!
STOS M. maâs, mob, group
not verr mucfa or many,
not TOT Ions, bsai^dly
gnecre/. war
guider to guide
(tli=aspîrateh)
luantnâ (/. habitndle) habituai
f haine/, hatred, hâte
thair to hâte, detest, not to
care for
fhardi bold, daring
harmonie/, harmony
fhasard m. chance, danger, risk
fhâter to hasten, hurry, force
fhé (modem eh) an intensire of
other exdamatary words tchich
it précèdes
fhélas I alas !
héritier m. heir
héroïne/, heroine
fhéros m. hero
heure /. hour, time; tout à
r — immediately (modem re-
cently, soon)
heureux happy, glad, favorable,
fortimate, lucky, pleasing,
successful
hilarité /. hilarity, loud laughter
histoire /. history, story, matter
brrdL vonlky, uiw^t
konear ^^W $S9'
milîatioii
tkoateiiz v/ , koaliMse^ Kuwàl-'
îating^ shameful^ huniilnlvdii
adiamed
hamm / hotror; Èiin — lo
fiU with honmr
thuit eîght
humain human
humain m. human being, mm
humble humble, meek
humilier to humiliate, humhl»
hymen m. màniag^, wedlock
hyménée / 9a9he as hymrai
ici hère ; jusqu* — till now
idée/ idea, notion, conception
ignominie/ ignominy, humilia-
tion
ignorer not to know, to be un«
aware of , be ignorant of
illustre illustrions, famous
image / image, picture, idea,
likeness, imagination
imaginer to imagine, contrive
imiter to imitate
immoler to immolate, saorifioe,
slay, put to death
immortel immortal, everlasting
impatient impatient
158
VOCABULARY
impétueux (/. -ueuse) impetu-
ous, violent
impétuosité/, impetuousness
implacable implacable, inex-
orable, stem, unforgiving
implorer to implore, ask favors
of
importance/, importance
important important
importer to matter ; n'importe
it matters not; qu'importe
what matters it?
importun burdensome, trouble-
some, obtrusive, unwelcome
impuissant impotent, powerless
(>Sec269)
impuni unpunished
imposer to impose, be impos-
ing
impudence /. impudence
imputer to impute, attribute,
ascribe
incertain uncertain, ^constant
Inconnu unknown
Inconstance /. infidelity, fickle-
ness, untrustworthiness
incontinent immediately {ar-
choie; see note to Préface
68 Jf)
incroyable incredible
indécence /. indecency, impro-
priety
indécis undecided
indice m. indication, évidence
indigne unworthy, undeserved,
base
indiquer to indicate
indiscret indiscreet
individuellement individually
industrie /. industry
inexorable inexorable, implac-
able, merciless
infatigable indefatigable, tire-
less
infidèle faithless ; as noun m, /.
f aithless one
infini infinité
infortune/, misfortune
infortuné grief-stricken, imfor-
tunate
ingrat ungratef ul ; as noun un-
grateful one, ingrate
inhumain inhuman, cruel, hard-
hearted; as noun heartless
one
injure /. insuit, wrong, injury,
outrage, taunt
injurieux insulting, humiliating,
slanderous
injuste unjust
innocence /. innocence, sim-
plicity
innocent innocent
inonder to inundate, overflow
insensible indiffèrent, unmoved
insérer to insert
insolence /. insolence, boldness,
hardihood
insolent insolent
inspirer to inspire, prompt,
arouse, cause
instruire to instruct, teach
instrument m. instrument
insulter à (See 607)
VOCABULARY
159
Intelligence /. intelligence,
knowledge ; understanding ;
d* — in agreement {See 499)
intention/, intention
s'intéresser à to take an in-
terest in, pléad for
intérêt m. self-interest, bias,
considération, love, care
interroger to question, interro-
gâte
interrompre to interrupt, break
intimider to intimidate
introduire to admit, bring in,
permit to enter
inutile useless, superfluous,
fruitless, idle (See 269)
inventer to invent
invincible invincible
*
irréparable irréparable
irriter to stir up, excite, anger,
irritate, incense, aggravate
ItaKe /. Italy
jadis once, formerly, long ago,
of old
jalousie/, jealousy
jaloux jeaJous
jamais, ever, never ; à — , pour
— for ever ; ne . . . — never
jeter to throw, cast, let fall,
launch
jeu m. play
jeune young
joie /. joy, pleasure
joindre to join, miite, bring
together
jouer to play; se — de to
trick, deceive
joug m. yoke, burden, oppression
jouir de to enjoy, hâve the use
or enjoyment of,. possess,
reap the benefits of
jour m. day; pi. life; un —
some day; se faire — to
break through, find a way
(See 85)
journée /. day
juge m. judge
juger de to judge, imagine,
think, deem, be sure, imagine
jurer to swear, résolve, protest
jusque (s) even; jusqu'à as
far as, imtil, to; jusqu'où
how far
juste just, apt
justement justly, with reason
justice /. justice ; se faire —
to take the law unto one's
own hands, atone for earlier
errors, recognize one's mis-
takes (also se rendre — )
justificatif docmnentary, formai
justifier justify (See 930)
là there, in that; dessus
thereup'on, then
lâche cowardly, dastardly; as
noun coward, dastard
laisser to leave, let, allow, hâve,
cause
langage m. language, manner
of speech
160
VOCABULARY
langue /. language, tongue
languir to languish
large broad, spacious
larmes/, pi. tears
las (/. lasse) tired, weary,
fatigued
lassé sated, wearied, languid,
tired
lasser to tire, weary, fatigue
laver to wash, wash away
le article the, his, her, their, etc. ;
pron. it, so
lecteur m. reader
léger light, swif t
légèrement lightly, readily
légion /. légion
légitime legitimate, honorable,
righteous
lent slow, sluggish
leur to them, them, their; le
— theirs
libérateur m. liberator ; as adj.
liberating, redeeming
liberté /. Uberty
libre f ree
lien m. bond, tie
lier to bind, tie, associate,
unité
lieu m. place ; au — de instead
of
lire read
lit m. bed, marriage
livrer to give up, give over,
betray, deliver, abandon ; se
— to yield, surrender
logique logical
loi /. law (See 507)
loin far
loisir m. leisure
long long
longtemps long, a long time
lors then
lorsque when
lot m. lot, share, portion
se louer de to be satisfied with,
be gratified at, congratulate
oneself upon
loyal true-hearted, unsuspicious
lueur /. hght, gleam, glimmer ;
à la — by the Hght
lui he, him, to him, to her
lumière /. Ught ; information ;
pi. inteUigence
lutter to strive, struggle, fight
M
Madame (See 15 and 163)
magnanime magnanimous, con-
siderate
magnifique magnificent
main /. hand ; à — forte ^ith
violence
maintenant now
mais but, why, corne
maison /. house, f amily
maître m. master
maîtresse /. mistress, loved one,
sweetheart
mal badly, amiss, with diffîculty
mal m. evil, woe, grievance
malgré in spite of , despite
malheur m. misfortune (See
525)
malheureux unfortunate, un-
VOCABULA.RT
161
happy ; as noun unfortunate
one, wretch
manifester to manifest
manquer to be lacking, lack,
miss, faîl
marais m. marah
marche /. march, progress
marcher to go, go on, prooeed
înari m. husband
mariage m. marriage
marque/, sign, indication, mark,
stamp, token
marquer to show, mark, indi-
cate, designate
masse : en — in the maas, in a
body
matelot m. sailor
matin m. moming
méditer to meditate
se mêler to mingle
même even, same, -self, very
mémoire /. memory, recollec-
tion
menacer to threaten, menace
ménager to temper, procure,
bring about, spare, make the
most of, treat with regard,
humor
mensonge m. he, falsehood
se méprendre to make a mi»-
take, err
mépris m. scom, despite, con-
tempt, slight, disregard
mépriser to scom, despise, con-
temn, disregard
mer/, sea
mère /. mother
, mériter to merit, de6eiire« eam
Imessieangentleium
[mesurer to measure, make
graduai
mettre to put, set, bring, lay,
thrust ; — en Jour to make
prominent, bring out
meuble m. pièce of fumiture
meurtrier murderous, fatal,
deadly
mien mine
mieux better ; le — best
milieu m. middle ; au — in the
midst, among
mille thousand, a thousand,
many
misérable misérable, wretched,
unhappy
misère/, misery
moderne modem
modestement modestly
modestie/, modesty
mœurs /. pi. morals, mannerSi
characteristics, character •
moi me, I
moindre less, smaller ; le — the
lesser, the least
moins less ; au — at least ; du
— at least ; à — que unless
mois m. month
moment m. moment
monde m. world, earth, people,
Society, crowd; tout le —
everybody
monologue m. monologue
monter to go up, get into, go •
aboard, ascend, attatn
162
VOCABULARY
montrer to show; se — to
appear
mort/, death
mort dead ; also as noun
mortel mortal
mortuis : de — nil nisi bonimi
{Latin) of the dead nothing
but good, speak only good of
the dead
mot m. Word
mouchoir m. handkerchief
mourant âying ; also as noun
mourir to die; faire — to put
to death
mouvement m. motion, émo-
tion, impulse, movement, mo-
tive
moyen ni. means
muet mute, dumb, silent
mur m. wall
murmure m, murmur, com-
plaint
mutin m. mutinous
mutuel mutual, conunon
mystère m. mystery, secret,
secrecy
N
naguère not long ago, lately,
formerly
naissance /. birth, beginning
naissant nascent, budding
naître to be bom, come to life,
spring up, begin, arise ; faire
— to bring into being, cause
nation/, nation
naturel, natural; as noun m.
naturalness, nature, disposi-
tion, character
naufrage m, shipwreck, disafiter,
hulk
ne: — ... pas not; — . . .
aucun no, not any; — . . .
guère scarcely, hardly; —
. . . jamais never; — . . .
que only, except; — . . .
rien nothing; — ... plus
no longer, no more
nécessaire necessary
négliger to neglect, overlook,
f orget, delay, put off
ni neither, nor; — ... —
neither . . . nor
nier to deny
noble noble
nœud m. bond, knot, tie
noir black, ominous, dark
nom m. name
nombre m. number
nombreux numerous, many
nommer to name, elect
non no, not ; — pas not
notre our
nôtre: le — ours; des — s
of our party or group
nouer to tie, knot
nourrir to nourish, cherish,
feed, supply, fill
nous we, us, ourselves, each
other
nouveau, nouvel (/. nouvelle)
new, fresh, additional, dif-
férent ; de — again
nouvelle /. news
VOCABULARY
163
noyer to drown, bathe ; se . —
to plungBi drown, be plunged
nu naked, bare, unvamished
nuire to injure, harm
nuit/, night
nul no; . . . ne . . . — , —
. . . ne ... — no
nullement not at ail, by no
means (also toith a preceding
ne) .
6 0! oh!
obéir à to obey
obéissance/, obédience
objet m. object
obscur obscure, dark, unknown,
lowly
obscurité /. obscurity
observer to observe, consider,
oontemplate
obstacle m. obstacle, impedi-
ment, hindranoe
obstination/, obstinacy
obstiné obstinate, persistent
occuper to occupy, busy, fill,
engage attention
odieux hateful, hated, odious
œil m. eye, look (As to plural
yeux see 62 and 201)
offense /. insuit, anger, wrong
offenser to insuit, anger, offend
offre f. ofiFer
offrir to oflFer; s' — to présent
oneself , appear, offer oneself
ombre /. shadow, shade, sem-
blance
on one, we, they, people
opposer to oppose; s* — to
' interpose, stand in the way
opprimer to oppress, bring sad-
ness to, grieve, overcome, do
away with
orage m. storm, tempest, strife
ordinaire ordinary
ordonner to order, prescribe,
decree, dispose, command ;
— de to décide upon, make
a décision conceming
ordre. m. order, orders, com-
mand, regularity
oreille /. ear
orgueilleux proud, haughty ;
as noun proud one, proud man
Orient m. Orient, the East
original original
ornement m. omament
oser to dare, be so bold. as to
ou or ; — ... — • • •» either
... or ... ; — bien or else
où where, to or at or in which,
when; jusqu' — how far;
par — which way, through
which
oubli m. obUvion, forgetfulness
oublier to forget
oui yes
ouïr to hear (archaic)
outrage m. insuit, outrage,
abuse, offence, ravages
outrager to insuit, outrage,
offend, abuse, shock, hu-
miliate
outre beyond, in addition to
164
VOCABULARY
ouvrage m. work
ouvrir to open, disclose; s' —
to open, make révélations
paix/, peace
palais m. palace
pfllir to grow pale, blench
par through, by, with; de —
in the name of
parade /. parade, show, display
paraître to appear, seem
parce que because
par-dessus above, beyond, in
addition to
pardon m. pardon, forgiveness
pardonner à to pardon, forgive
parent m, parent, relative
parer to adom, make display;
to parry, ward off
paresse /. idleness, sloth, slug-
gishness
parfait perfect, finished
parler to speak; entendre —
to hear, hear of , hear about
parmi among, amidst
parole /. word
parricide parricidal, murderous ;
as noun parricide, murderer,
murder
part /. share, direction, side,
part
partage m. share, lot, portion,
inheritance
partager to hâve a share in,
divide into shares, divide
between
parterre pit (of a théâtre)
parti m. part, décision, side(s),
cause, party
partie /. part
partir to leave, départ, go
away, go
partout everywhere, on ail sides
pas : ne ... — , — ... ne . . .,
not
pas m. step, action; de ce —
at once
passage m. passage, way
passé m. past
passer to pass, go on, surpass;
se — to go on, take place;
se — de to get along with-
out
passion/, passion
paternel paternal, fatherly
patrie /. country, f atherland
pauvre poor
payer to pay, reward
pays m. country
péché m. sin, fault
pêche /. fishing
peindre to paint, depict, por-
tray, picture
peine /. trouble, suffering, pun-
ishment, pain, tonnent, dis-
tress, penalty, diflSculty; à
— scarcely
peinture /. picture, dépicting,
portrayal
penchant m. fondness, inclina-
tion, propensity
pencher to incline, lean, vergei
be indined
VOCABULART
165
pendre to hang
pénétrer to penetrate, see
through, discover, fathom
pénible painful, difficulté la-
borious
pensée /. thought
penser to think, believe
percer to pierce, stab, corne
through, corne to view
perdre to lose, destroy, be the
ruin of, waste, spoil, throw
away, cause the death of , put
to death
père m. father
perfection/, perfection
. perfide perfidious; as noun
traitor, tràitress, perfidious
one
péril m. péril, danger
période /. period, passage
périr to perish, die
permettre to permit, allow
perruque /. wig, periwig
persécuter to persécute, tor-
ment
personne /. person, individual ;
nobody
persuader to persuade
perte /. loss, destruction, death,
ruin
peser to weigh, press, hang
heavy, burden
petit little
peu little, few; pour — que
. . ., if . . . onlyaUttle . . .
peuple m, people, tribe, race
peur/, fear
peut-être perhaps, mayhap
pièce/, pièce
pied m. foot
piège m. snare, trap, net
pirate m. pirate
pire worse ; le — the worst
pitié /. pity
place /. fort, place, stead,
stronghold, room, oppor-
tunity, space
plaindre to pity, commiserate ;
se — de to complain of, find
fault with
plainte/, complaint
plaire to please, be pleasing,
win the affection of; se —
à to take pleasure in
plaisir m. pleasure
plein full, filled with
pleur m. tear
pleurer to weep, weep for, be-
wail
plonger to plunge, dive, thrust,
immerse
pluriel m. pliu-al
plus more; — ... — . . .,
the more . . . the more ... ;
d'autant — ... que . . .,
so much the more ... in
that ... ; de — moreover ;
ne . . . — no more, no
longer ; non — neither
plutôt rather, sooner
poésie/, poetry
poids m. weight, heaviness,
oppressiveness
166
VOCABULARY
poignard m. dagger, poniard
point m. point, degree; ne
... — not at ail
poison m. poison
pompe /. pomp, magnificence,
solenmity
port m. port, harbor, refuge
porte/, door, gâte
porter to carry, bring, bear,
direct, tum, move, prompt;
— des coups to deal blows
portrait m. portrait
posséder to possess, be a master
of , be conversant with
possesseur m. possessor
pour for, to, in order to, as,
as a ^
pourquoi why
poursuivre to pursue, go on,
persécute, oppress, follow,
proceed with
pourtant however, still, yet
pousser to urge, drive, incite,
impel, utter, push, carry,
extend, crowd, deal
poussière/, dust
pouvoir to be able ; various
renderings with can, may,
possible, possibly, perhaps
pouvoir m. power
précaution/, précaution
précieux precious, artificial, af-
fected
préciosité /. affectation, euphu-
ism
précipiter to precipitate, hurl,
dash, plunge
prédire to predict, foretell
préférence/, préférence
préférer to prefer
premier first, early
prendre to take, assmne, take
on, capture, seize ; à tout —
on the whole,* taken as a
whole; se — à to begin to,
to . . . forthwith
préoccuper to preoocupy, en-
gage, engross
préparer to prépare, make
ready, hâve in store
près : de — from near at hand ;
— de near, near to, almost
présage m. présage, omen
présager to présage, foreshadow
présence/, présence
présomptueux (f. -ueuse) pre-
simiptuous, presuming, over-
weening
présent at hand, présent, before
me, you, etc.
présent m. présent, gift
présenter to présent
presque almost, nearly
pressant urgent, pressing
presser to press, hasten, urge,
drive, incite, press, quicken,
impel, oppress, be insistent
prêt ready
prétendre to claim, intend, pré-
sume, assert, contend, main-
tain, expect, inspire, think,
seek, demand, wish, mean
prétention /. claim, intention,
aspiration, ambition
x^
to profit
profood prof ound, deep
proie/, prey, booty
pfo jet Project, pinpoee, plin
pfoloogcr prokMig, drag out
promesse/, promise
pramettfe to promise
prompt prompt, lesdy
proposer to propose ; se — to
think of doing, plan, intend,
hope for, hope
propre own, calculated, adapted,
proper
propriété /. property, fitness
protéger to protect
prouver to prove
province /. province
prudence/, prudence, caution
puisque since
puissance/, power, might, force,
weight
»"
■nmsKvty
ntutok ^irwK^ Vw^\v ^^i^l%
s^ InUt» VwNUs W>>iis ^^N
. . . — t>«ily
OtMlqae sMue» any» a tw^r^aii^i
everj —»..%«! wUh'U«
evw, wKat«ver
qadquefois smnHimMi
qadqu*tta soine tm<^ ; pi. qusl«
ques uns some, a f «»w
querelle/, quarrf^, caum^
qui who, whom, which; {»lm
rare or arcHnit) what
qidtter to loave, ahaïuion, ft>r«
sake, deaert, diM|HM)NO with
quoi what, which ; ds wliortw
with, wherewithal, oooanioi) ;
— quewhatevfr (no/ quoique,
which see) ; • - qu'il stl soit
however that iiiay hti
quoique although, though
168
VOCABULARY
race /. race, kindred
rage /. rage, f ury
raison /. reason, motive, argu-
ment
rallumer to kindle, rekindle,
revive; se — to revive,
break out again
ramener to bring on, bring
back
rang m. rank, row, station;
au — de among
ranger to range, set, place,
bring, array, rank, draw up;
se — to submit, affiliatè
rappeler to recall, call back;
se — to recall, remember
rapport m. report, récital
rapporter to bring back
rapprocher to bring near, bring
together
rarement rarely
rassembler to assemble, imite,
bring together again, mass,
mnster, gather, group
rassurer to encourage, reassure,
comfort, cheer, tranquiUize
ravage m. ravage, ravages,
bUght
ravhr to rob, rescue, charm,
delight, enrapture, wrest,
take, snatch
ravisseur ravisher, spoiler, spo-
liator, abductor
réalisation/. reaUzation
réalité /. reality
rebelle rebeUious, refractory,
indiffèrent
rebut m. outcast, rejected one
recevoir to receive, take, admit,
accept
rechercher to seek, seek the
love or friendship of , woo
récit m. récital, report, story
reconnaissance /. gratitude,
récognition
reconnaître to recognize, iden-
tify, reconnoiter, repay, re-
ward ; se — to repent, to ac-
knowledge, get one's bearings
recueillir to gather, reap, shelter
reculer to defer, delay, retard,
recoil, shrink from, draw
back; se — to withdraw,
recoil
redire to repeat, rehearse
redoubler to increase, redouble
redoutable redoubtable, dread-
ful
redouter to fear, dread
réduire to reduce, destroy,
force, ovemile, bring
réellement really
réflection/. reflection
refus m. refusai
refuser to refuse
regagner to regain, win back,
win over
regard m. aspect, glance
regarder to look at, hâve to do
with, look, consider, examine,
contemplate, regard, look
upon, concem
TOCABUIARY
i«d
f€^é regolated
régner to ragzi^ mie, hold
siray
regret m- regret ; â — regret-
fully, witli regret
r^retter to regret
rente/, queen
rejeter to reject, cast out, dé-
cline
rejoindre to îoîn, oTertake,
unité, biing together, rejoin
remarquable remarkable
remerrîmoits m. pi. thanks
remettre to give back, restore,
trust to, leave it to
remonter to gp back, remount,
reêmbark, reascend, rise agaiu
rempart m. rampart, wall
remplir to fîll, fulfil, complète
remplissage m. filling, padding
remporter une victoire to win a
victory
renaître to be bom again, rise
again, come to life again,
spring up again "
rencontre /. meeting; venir à
sa — to come to meet him '
or her
rencontrer to meet, come upon, ,
find; se — to meet one
another, be of the same mind
rendre to give back, render,
bring, restore, betake, make,
give up, hand over, pay, de-
liver; se — to surrender,
yield
/. waiown. }vrs)o«wd
gjory, famé, repatation
reDoaccr à to re»ouiwi^ gixy
up
rentier to go back hoin^^ retum
alxiaid ship, retuïti> go b*ck>
conïe back, be restowd^ <x>itt^
again
renverser to *o\x^rtum, o\Tr*
thiow, defeat> imhu^ W;îi%
down
renvoyer to s»end back, ^^kI
:iway, disnùss
répandre to spread, shcd, sscat-
ter, ix>ur forth, pix>(>agHt^,
distribute, spill, diffuse
réparer to repair
repasser to re(>a;^, cro^s i\giùn
se repentir to rejwnt
répéter to roiH\it
répondre à to ans\\Tr, conform
to ; répondre de to ans^w^r for»
warrant, guaraiiteo, stand
security for
réponse/. ros{X)iise, anst^Tr
repos m. repose, peaco, quiet
reposer to repose, rost; se —
sur to rely upon
repousser to repulso, spiirii, n»-
joct
reprendre to tako back, ro-
simie, regain, blâme
reprocher to reproach, bliuno;
— quelque chose à quelqu'un
to reproach someono witli
something
république /. republic
170
VOCABULARY
répulsion /. repulsion, répug-
nance
réserver to reserve, keep back
résister to resist
se résoudre to résolve, décide,
intend, be resolved, make up
one's mind
respect m. respect, révérence,
esteem
respecter to respect, révérence,
hâve respect for, esteem
respirer to breathe, be re-
iieved, hâve the breath of
life, live
ressentiment m. resentment,
animosity, feeling, memory
ressouvenir m. recollection,
memory {See 377)
reste m. remainder, rest, rem-
nant, last, relie, what is
left
rester to remain, be left ; il me
reste I hâve left
retardement m. delay, postpone-
ment
retenir to retain, detain, re-
strain
retentissement m. resounding,
notability, notoriety
retomber to fall back, meet
disaster again, fall
retour m. return, change ; sans
— irrevocably, irretrievably,
incurably
retotimer to return, gô back
retracer to retrace, remind of
retraite/, retreat, refuge
retrouver to find, meet again,
recover
réussir to succeed, be successful
réveiller to reawaken, awaken
révéler to reveal
revenir to return, come back,
corne again
revêtir to put on, don
revivre to revive, come to life
again, live again
revoir to see, see again, see once
more
revoler to hasten back, fly
back, return
révolte /. open rébellion, revolt,
disgust
révolter to drive to revolt, re-
volt, excite, arouse, disgust
ridicule ridiculous
nen nothing, anything; ne
. . . — , — . . . ne . . ., noth-
ing
rigoureux rigorous, strong, sé-
vère
rigueur /. severity, rigor, ci*u-
elty, repuise, disfavor
rivage m. shore, strand
rival rival ; also as noun
rivalité/, rivalry
rive /. bank, shore
rocher m. rock
roi m. king
rôle m. rôle, part
romain Roman; also as noun;
les Romains m. the Romans
Rome/. Rome
rougeur/, redness, blushes
VOCABULARY
171
rougir to blush, redden, be
ashamed
route /. road, way
royal royal
royaume m. realm, kingdom
rugissement m. bellowing
ruine /. disaster, humiliation,
min, downfall
rumeur/, rumor
ruse /. ruse, trick
sacré sacred, consecrated
sacrifice m. sacrifice
sacrifier to sacrifice
sage wise
saisir to seize, lay hold of,
impress
salle /. hall, meeting-place,
audience
sang m. blood, race, family
sanglant bloody, bleeding,
blood-stained, stained with
blood, reeking
sanguinaire sanguinary, mur-
derous
sans without, but for ; — que
without
satisfaire to satisfy, comply
with the wishes of
sauvage savage, wild, un-
civilized
sauver to save; se — to es-
cape, be ofï, fiy, hasten away
savant wise; — m. scholar,
leamed man
savoir to know, know how, be
able, succeed in, contrive,
manage ; à — to wit, namely
scène/, scène, stage
sceptre m. sceptre
second (pronounce cas g)
second
seconder {pronounce c os g) to
support, aid, follow up, fur-
ther, act according to, not
to belie
secours m. aid, assistance, rehef
secret m. secret, secrecy
séditieux séditions, mutinous,
rebellions
séduire to seduce, lead astray,
deceive, delude, beguile
seigneur m. lord ; Seigneur my
lord, Your Highness, Yoiu*
Majesty
sein m. bosom, midst
seize sixteen
semblable à similar, like
sembler to seem
semer to sow, strew, give out,
spread
sens m. sensé, direction
sensation/, sensation
sensible appréciative, sensi-
tive, susceptible, tender, af-
fected, impressed
sentiment m. sentiment, con-
sciousness
sentir to f eel, know, sensé, savor
of
séparer to separate; se — to
separate, part
sépulture/, burial
172
VOCABULARY
serment m., oath, pledge, vow,
promise
service m. service
servile servile, subject
servir to serve, be subservient
seul only, sole, alonë, mère,
single; tout — quite alone, by
oneself ; un — a single one
sévère severe, strict, stern
si if, so, whether, such
il sied it befits (front the archaic
verb seoir)
sien his, hers; les — s his
family dr party or soldiers
signaler to signalize, emphasize,
make prominent, cUstinguish
signifier to signify, show, mean
silence m. silence
simple simple
simplement simply
sincère sincère
sincérité/, sincerity
soigneux careful, considerate
soin m. care, zeal, eagemess,
effort, task, considération,
honor, attention, solicitude
soixante sixty
soldat m. soldier
solennel (pronounce so-la-nel)
solemn, formai, sacred
sollicitation /. solicitation
songe m. dreàm, vision
songer to bear in mind, not for-
get, try to find a way, think
sort m. fate, lot, life, career,
fortmie, existence
sortilège m. witchcraft
sortir to go out, corne ont,
leave, départ, escape, go on,
émerge, fall, rise
sot m. fool, idiot
sotto voce (Italian) in an under-
tone, under one's breath
souci m. care
soudain immediately, suddenly
souffrance /. suffering
souffrir to snffer, endure,
undergo, grant, permit
souhait m. wish, désire, hope
souiller to sully
soulever to raise, arouse, raise
up, stir up, call up, excite to
revolt ; se — to rise in revolt
souihettre to submit, be sub-
missive
soumis obedient, submissive,
hmnble
soupçon m. suspicion
soupçonner to suspect, be sus-
picions of
soupir m. sigh, sighing, love
sourd dull, imresponsive, slug-
gish ^
sous under, beneath, subordi-
nate to
soutenir to sustain, bear, sup-
port, hold upright, maintain,
(re)afl5rm, uphold, endure,
keep up
soutien m. support
souvenir m. memory, recollec-
tion, mémento, reminder
se souvenir de to remember;
il me souvient I remember
VOCABULARY
173
souvent often
souverain m. sovereign, most
important, controlling
stratagème m. stratagem, trick,
device
style m. style
subir to undergo, not object,
accept submissively, suffer,
bear
succès m. success, resuit, out-
come, effect
sueur/, perspiration
su&e to suffice, be enough
suffoquer to suffocate
suffrage m. support, acceptance,
concurrence, voice, approba-
tion, vote(s)
suite /. séquence, suite, event,
resuit, retinue, attendants ;
par — de as a resuit of
suivre to follow, come after,
go after
sujet m. subject, cause, matter,
thème, reason, subject matter
superflu superfluous, useless,
fruitlçss
supplice m. pain, punishment,
torture, exécution, death
support m. support, coopération,
backing
supprimer to suppress, lea^.'e
out
suprême suprême ^
sur on, upon, above, over,
about, from, in, against
sûr sure, certain, assured
surcroît m. increase, overplus
stimaturel supernatural
surprendre to surprise, take
unawares, outmanœuvre
surprise /. surprise
surtout above ail, especially
susciter to arouse, raise up,
excite
suspect {pronounce sus-pek) sus-
picious, suspected
suspendre to suspend, inter-
rupt, stop
sympathie /. sympathy, inclina^
tion
tache/, stain, dishonor
tâcher to try, attempt, endeavor
se taire to be silent, not to
object, hold one's peace, be
still, remain silent
tandis que whilst, whereas
tant so much, so many, such, as
much, so often ; — soit peu
(be it) ever so little
tantôt just now (See 413)
tapage m. noise, fuss, racket
tard late, long
tarder, to delay, be slow ; il me
tarde de I am eager to, I
long to
tel such
téméraire bold, daring, rash,
brazen
témoin m. witness
tempête/, tempest, storm
temps m. time ; depuis quel —
how long
174
VOCABULARY
tendre tender, affectionate, af-
fecting
tendre to stretch, tend, bend
tendresse /. tendemess, affec-
tion, love
ténébreux dark, in the dark
tenu* to hold, hâve, take, con-
sider, owe
tenter to try, test, (at)tempt
terminer to terminate, end
terre /. land, earth, world
terreur/, terror, fright
terrible terrible
tête/, head, beginning
théâtral dramatic, theatrîcal
théâtre m. théâtre, dramatic
work(s), stage '
timide timid
tirer to draw, elicit, dérive
tison m. firebrand
tissu m. tifisue, fabric, texture,
cloth, gauze
titre m. title, right ; à quel —
by what right
tombeau m. tomb, grave,
sepulchre
tomber to fall, drop
ton thy, thine, your
torrent m. torrent
torture/, torture
tôt soon
touchant touching, affecting ;
— à concerning, about
toucher to touch, move, affect,
concem, arouse
toujours ever, forever, con-
tinually, still, always
tour m. tum; à mon — in
my turn, mjrself; — à —
altemating, each in his or
its tum, one after another
tour/, tower
tourment m. torment, torture,
distress
tourmenter to torment, torture,
pain, distress
tout ail, quite; tous deux
both ; puissant ail power-
ful; — à l'heure soon. just
now ; — m. the whole, ail
toutefois nevertheless, however
trace /. trace, mark, sign ; sur
leur — in their footsteps
traducteur m. translator
traduire to translate
tragédie/, tragedy
tragique tragic, dramatic
trahir to betray, be false to,
abandon, behe, go contrary
to, frustrate, reveal
trahison/, treason
traîner to drag, bear, carry
about, draw, draw along,
draw in, trail
trait m. arrow, dart, boit,
touch, characteristic, feature,
trait, flash
traité m. treaty
traiter to treat, regard, hold in
disesteem
traître m. traitor
tranquille tranquil, unmoved,
without anxiety, at ease,
undisturbed
VOCABULARY
175
transport m. rapture, delight,
émotion, transport, outbreak,
outburst, passion, ecstasy,
frenzy
travail m. work, effort, achieve-
ment
travailler to^work, toil
travers: a — amidst, across;
au — through, across
traverse /. (See 287)
traverser to go counter to,
thwart, trouble, cross, tra-
verse, go through
trembler to tremble, be anxious
tremper to dip, wet, moisten,
temper
trente thirty
trépas m. death
très very, much
trésor m. treasure
triomphant triimiphant
triomphe m. triimiph
triompher to triimiph
triste sad, melancholy, gloomy,
dreary
trois three
tromper to deceive, betray ; se
— to be mistaken
trompeur deceptive, tricky, de-
lusive, beguiling, deceiving
trône m. throne
trop too, too much, too many,
too well, full well, too great,
only too Well; c'en est —
this is too much, you go too
far
trophée m. trophy
trouble m. confusion, embarrass-
ment, émotion, excitement,
turmoil, trouble, agitation
troubler to disturb, confuse,
agitate, trouble
troupe /. troop ; pZ. troops
trouver to find, consider, think ;
se — to be
tu quoque, fili ! {Latin) thou
also, my son !
tuer to kill, slay, blast
tyran m. tyrant
tyrannie/, tyranny
tyrannique tyrannical
tyranniser to tyrannize
U
un a, one, some j V — et l'autre
both; r — à l'autre to each
other f also les uns, etc.
union/, union
unique sole, single, only, unique
uniquement solely, exclusively
unir to unité, bring together,
join
univers m. world, earth, imi-
verse
usage m. usage, use, custom
usurier m. usurer
utile useful
vain idle, empty, frivolous,
foolish, in vain
vaincre to conquer, overcome,
vanquish, subdue
vainement vainly, in vain
176
VOCABULARY
vainqueur m. conqueror
vaisseau m. ship, vessel, war-
ship
valeur/, valor,. strength, worth
veiller to watch, be watchful
vendre to sell
vengeance/, vengeance
venger to avenge
vengeur m. avenger
veni, vidi, vici (Latin) I came,
I saw, I conquered
venin m. poison, venom
venir to corne ; — à to happen
to; — de to hâve just;
faire — to summon, send for
vent m. wind
véritable true, real
véritablement truly, in truth,
as a matter of fact, really
vérité/, truth
vers toward, towards
vers m. verse. Une
verser to pour out, shed, spill
vertu virtue, effect, honor
vertueux virtuous, strong
veuve/, widow
victime /. victim
victoire/, victory
victorieux victorious
vide empty
vie /. hfe {See 85)
vieillard m. old man
vif lively, keen
vigoureux vigorous
ville /. city, town
vingt twenty
violence /. violence
violent violent
visage m. face, countenance
vivre to live
vœu m. wish, vow, prayer, de-
sire; pi. vœux love, heart,
affection
voici hère is, hère are
voie/, way
voilà there is, there are, that
is, those are, ago
voir to see, look upon
voisin near by, close to, near
to, neighboring, near
voix/, voice
voler to fly, hasten
volontaire voluntary
volonté/, will, wish, désire
votre your ; le vôtre yours
vouloir to wish, will, insist,
try to, begin to, be willing,
like, ask, admit, consent,
mean, be resolved, require;
— dire to mean; en — à
to be vexed with, hâve a,
grudge against
voyage m. voyage, journey, trip
vrai true, real
vue/, sight, view, eyes
vulgaire vulgar, ordinary, com-
mon, imdistinguished
y to it, in it, there, hère, at it,
upon it, thither
zèle m. zeal
This book should be retumed to
the Iiibrary on or before the last date
stamped below.
A fine of five cents a day is incurred
by retaining it beyond the speoified
time.
Please retum promptly.